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MERCURE
GALANT.
NOVEMBRE
1713
wwww
UNI
NOV
IN
AN
NIN
A PARIS ,
M. DCCXIII
Avec Privilege du Roy.
BIBL
AFE
LYON
1/293
MERCURE
DE
LA
LYON
GALANT.
Par le Sieur Du F ***
Mois
de Novembre
1713.
Le prix eft 30. fols relié en veau , &
25. fols , broché.
A PARIS ,
Chez DANIEL JOLLET , au Livre
Royal, au bout du Pont S. Michel
du côté du Palais.
é du
PIERRE RIBOU , à l'Image S. Louis,
fur le Quay des Auguftins.
GILLES LAMESLE, à l'entrée de la ruë
du Foin , du côté de la ruë
Saint Jacques.
AvecAprobation, & Privilege du Roi,
MERCURE
GALANA
LYON
*7893*
VILLE
Differtation fur la Mufique
Italienne Françoiſe.
Par M. de L. T.
'EST
apparemment,
Monfieur,
pour m'éprouver
& pour connoître ce que
Nov.
1713. A ij
4 MERCURE
1
je puis ſçavoir en mufique
, que vous me demandez
mon fentiment
fur le goût Italien qui
y regne à prefent plus
que jamais . Il n'y a perfonne
qui puiffe decider
avec plus de juſteſſe ſur
cet art que vous , qui le
poffedez parfaitement
,
& qui joignez au beau
naturel une fcience profonde
dans l'harmonie.
Je vous obeï's donc . Ce
ne fera point comme
GALANT
S
Muficien prevenu en faveur
de l'une ou de l'au
tre que je vous dirai
mon fentiment
; je parlerai
fuivant le goût naturel
qui m'eft échû en
naiffant pour cette fcience
,
& qui doit peu
chofes à l'art : & laiffant
de
là les termes dont les
Muficiens font obligez
de charger leurs traitez
de mufique , & qui loin
d'inftruire , ne ſervent
fouvent qu'à embroüil-
A iij
6 MERCURE
ler les idées des lecteurs ,
je tâcheray de me rendre
fenfible à ceux qui me
liront , en forte qu'ils me
pourront comprendre
fans fçavoir la mufique .
J'effayerai donc de vous
faire une peinture de l'une
& de l'autre , ainfi
qu'elles m'ont frapé aprés
les avoir pratiquées
Toutes les deux.
y a prefentement
ici deux partis formez
dans la Mufique : l'un
GALANT . 7
admirateur
outré de la
Mufique Italienne , profcrit
abfolument la Mu
fique Françoiſe, comme
fade & fans goût; l'autre,
fidele au goût de fa patrie
, ne peut fouffrir fans
indignation
que l'on mé
prife le bon goût François
, & traite la Mufe
Italienne de bizarre &
de capricieufe. Il y a à
tout cela un milieu plus
raiſonnable
, qui eft de
rendre juſtice à l'une & à
A iiij
8 MERCURE
l'autre , & de les prendre
chacune dans leur caractere.
Il faudroit être dépourvû
de goût & de
connoiffance, pour ne pas
avouer que la bonne Mufique
Italienne renferme
en general ce qu'il y a de
plus fçavant & de plus
recherché dans cet art i
que nous lui devons une
grande partie des agrémens
de la nôtre ; que les
Italiens font nos maîtres
GALANT.
୨
pour les Catates & pour
les Sonnattes . J'admire
dans ces pieces les deffeins
nouveaux de leurs
figures , fi bien imaginez
& ficheureufement conduits
, la vivacité petillante
de leurs imitations
redoublées , la varieté de
leurs chants , la diverfité
de leurs tons & de leurs
modes fi bien enchaînez
leur
les uns aux autres ,
harmonie recherchée
&
fçavante : mais fi nous
10 MERCURE
1
leur cedons la fcience &
l'invention , ne doiventils
pas nous ceder le bon
goût naturel dont nous
fonmes en poffeffion , &
l'execution tendre & nos
ble où nous excellons ? les
enrichiffemens
que nous
y avons ajoutez de nôtre
propre fond ne doiventils
pas prévaloir
? & ne
fommes - nous pas de ces
écoliers
qui ayant bien
profité des leçons de nos
maîtres , fommes à la fin
GALANT. $11
devenus plus fçavans
qu'eux ? Ne pourroit- on
pas dire, fans offenfer les
fectateurs de la Mufique
Italienne , que leurs ornemens
trop frequens &
déplacez en étouffent
l'expreffion , qu'ils ne caracteriſent
point affez
leurs ouvrages ? femblables
en cela à cette architecture
gothique , qui
trop chargée d'ornemens
en eſt obſcurcie , & où
l'on ne démêle plus le
12 MERCURE
corps de l'ouvrage . Quel
la Mufique Italienne ref
femble encore à une coquette
aimable pleine de
-rouge & de mouches ,
toujours vive , toujours
le pied en l'air, qui cherche
à briller partout fans
raifon & fans fçavoir
-pourquoy , toujours emportée
dans quelques fu
jets qu'elle traitesque l'amour
tendre y danſe le
plus fouvent la gavotte
du la gigue. Ne diroitGALANT.
" 13
on pas que le ferieux devient
comique entre ſes
mains , & qu'elle eft plus
propre aux arietes & aux
chanfonnettes qu'à traiter
de grands fujets ? femblable
en cela à ces Comediens
qui n'ayant que
du talent pour le comique
, reüffiffent fort mak
& tournent le tragique
en ridicule quand
ils veulent s'en mêler.
Il faut avouer que la
majefté de la Mufique
14 MERCURE
Françoiſetraite les fujets
heroïques avec plus de
nobleffe , & convient
bien mieux au cothurne.
Dans la Mufique Italienne
tout y paroît uniforme
, la joye , la colere,
la douleur , l'amour heureux
, l'amant qui craint
ou quiefpere: tout y femble
peint avec les mêmes
traits & du même caractere
; c'est une gigue continuelle
, toujours petillante
, toujours bondifGALANT
is
fante ; la voix
commence
feule ,
l'inftrument repete
ce chant en écho. Ce
deffein fouvent d un chất
bizarre fe promene nonfeulement
fur toutes les
cordes du mode , mais encore
fur toutes les étrangeres
où ils peuvent s'accrocher
bien ou mal, tellement
quee
leurs pieces
roulent fur tous les tons ,
& changent de mode à
chaque inſtant , en forte
que l'on ne sçauroit dire
16 MERCURE
à la fin duquel ils font.
Après avoir fait cette
longue promenade , où
l'on
on
repete
vingt
fois
le
même
chant
, tant
la voix
que
l'inftrument
, il faut
encore
retourner
da
capo.
Ce paffage eft quelquefois
trés rude à l'oreille
, étant fouvent de
deux cordes , voifines :
mais il arrive fouvent
que l'on paffe outre , pour
éviter à prolixité & pour
en diminuer l'ennui.
C'eſt
GALANT. 17
C'eſt un grand défaut
dans tous les ouvrages
d'efprit , & principalement
en muſique , de ne
pouvoir finir : il faut fça
voir fe moderer. Un bon
ouvrage
perd la moitié
de fon merite quand
il
eſt trop diffus.
#
Nous avons peine encore
à nous accoutumer
aux intervales bizarres
des chants de leurs recits
qui paffent quelquefois
Fétendue de l'octave , &
Nov.
1713.
B
18 MERCURE
que les plus habiles ont
peine à entonner jufte; les
tenues fur tout y impatientent
l'auditeur, pour
eftre déplacées. Ces tenuës,
que nous ne faifons
& qui ne conviennent
gueres que fur les mots
de repos & quelques autres
, s'y font indifferemment
fur tous les mots
qui finiffent
par des
voyelles . Je ne dis pas
qu'il n'y ait beaucoup
d'art à faire badiner un
GALANT . 19
violon & une baffe fous
une de ces longues tenuës
: mais quel rapport
a la liberté avec ce fon
qui dure un quart- d'heure
?où eft le goût & l'expreffion
de tout cela ? Il
arrive même fouvet que
la Mufique Italienne exprime
toute autre choſe
que ce que les paroles
fignifient ; j'entens un
prelude vif & emporté.
Je crois que quelque amant
rebuté des rigueurs
Bij
20 MERCURE
de fa belle va fe livrer au
dépit & chanter poüille
à l'amour, point du tout.
C'eſt un amant tendre
qui vante le prix de fa
conftance , qui appelle
l'efperance à fon fecours,
ou qui fait une declaration
à la bien- aimée . a
Paffe encore à ceux
qui travaillent pour le
violon , de fe livrer tout
entiers dans leurs Sonnates
au feu de leur imagination
, & de promeGALANT.
11
ner leurs fugues & leurs
imitations par tous les
2
modes yeux qui ne font
point gamez par l'expreffion
des paroles ,
qui doit faire la regle
des compofiteurs . Nous
fommes redevables à l'Italie
de ces fortes de pieces
; les Corelli , les Albinoni
, les Miquels , &
plufieurs autres ont produit
dans ce caractere
des picces qui feront immortelles
, & où peu
de
22 MERCURE
gens peuvent
atteindre
.
Cependant
mille autres
veulent
les imiter
. J'ai
vû de ces pieces
d'un
chant fi bizarre & d'une
compofition fi extraordinaire
, qu'on auroit dit
qu'on cuft jetté au ha
zard des pâtez d'encre
fur du papier reglé , qu'-
on y cuft enfuite ajouté
des queues & divifé par
mefures.
La mufique de leurs
Cantates paroît plutôt
GALANT . 23
convenir aux concerts
de chambre qu'à nos fpe
tacles ; leurs Sonnates
à deux parties ne doivent
être joüées qu'à violon
feul , qui frife & qui
pretintaille autant qu'il
luy plaît , & deviendroient
trés - confuſes fi
la même partie étoit executée
par plufieurs inftrumens
qui feroient
des diminutions differentes
, & ainfi doit être
bannie d'une grande orcheftre.
24 MERCURE
L'on n'entend en general
dans la mufique
qu'une baffe - continuë
toujours
doublée
, qui
ſouvent
eft une espece
de batterie d'accord , &
un harpegnement qui
jette de la poudre aux
yeux de ceux qui ne s'y
connoiffent pas , & qui
reduites au fimple reviendroient
aux nôtres.
Ces B. C. ne font bonnes
qu'à faire briller la
viteffe de la main de
ceux
GALANT.
25
ceux qui accompagnent ou
du clavecin ou de la viole ;
encore pour rencherir ſur
ces baffes déja trop dou
blées d'elles - mêmes , ils les
doublent encore , & c'eſt
ce qui doublera le plus , de
forte qu'on n'entend plus
le fujet qui paroît trop nud
auprés de ce grand brillant,
& demeure enfeveli fous un
cahos de fons tricotez &
petillans , qui paffant trop
legerement , ne peuvent
faire d'harmonie contre le
fujet . Il faudroit donc que
des deuk inftruméns lib ỳ
Nov. 1713.
C
26 MERCURE
en eût un qui jouât le fimple
de la baffe , & l'autre le
double ; ces B. C. pafferoient
plûtôt pour des pieces
de viole que pour un
accompagnement, qui doit
être foûmis au fujets & ne
point prévaloir. Il faut que
la voix domine & attire la
principale atttention . Tout
le contraire arrive ici , l'on
n'entend
que la B. C. qui
petille toûjours , la voix en
eft étouffée. Il fe trouve un
inconvenient dans les baf
fes en batteries & doublées
fur le champ , c'eft qu'il eft
GALANT.
27.
difficile qu'un clavecin,une
viole & une theorbe ſe puif.
fent rencontrer jufte dans
la même maniere de doubler
, l'un prend un tour &
l'autre un autre ce qui
caufe une cacophonie extraordinaire.
Un compofiteur
ne reconnoît point au
milieu de tout cela fon pauvre
ouvrage tout défiguré ,
& fe contente d'admirer la
vîteffe de la main de ceux
qui l'executent. Voila cependant
le goût de l'execution
de la Mufique Italienne,
Cij
28 MERCURE
Cé n'étoit point celui de
Lully , fectateur du beau &
du vrai , qui auroit banni
de fon orcheſtre un violon
qui eût gâté fon harmonie
par quelque diminution &
quelque miaulement mal placé.
Ne peut- on pas s'affujettir
à jouer la muſique
comme elle eft eft- ce le ?
goût Italien de faire de faux
accords à tout bout de
champ
? J'ai vû des Muſi
ciens fi amoureux des vîteffes
& de ces baffes figu
rées , qu'ils ne pouvoient
fouffrir les adagio , c'eſt à
GALANT. 29
dire les endroits de recitatifs
lents , & paffoient ces
morceaux comme unennuyeux.
C'eft cependant
dans ces endroits où l'harmonie
peut fe faire mieux
fentir que dans ces vivacioù,
comme je viens de
dire , la baffe paffant trop
legerement , & ne faiſant
que frifer le deffus , ne peut
tez ,
faire d'harmonie.
Mais fi cette mufique figurée
convient aux paroles
Italiennes & Latines , pourquoy
y veut- on aſſujettir la
Langue Françoiſe ? Un Ita-
C iij
30
MERCURE
lien ſe gouverne
-t- il com-
Leurs me un François
goûts , leurs habits , leurs
moeurs , leurs manieres >
leurs plaifirs ne font- ils pas
differens
? Pourquoy
ne
veut on pas qu'ils le foient .
auffi dans leurs chants ? Un
Italien chante-t - il comme
le François Pourquoy veuton
que le François chante
comme l'Italien ? Chaque
pays , chaque guiſe , * il faut
que chacun demeure chez
foy. Pourquoy veut- on ha-
* Quando eris Roma , more tu vivito Roma ;
Quando eris alibi , vivitoficut ibi,
GALANT
biller la Muſe Françoiſe en
mafque , & la rendre ex
travagante
, elle dont la
langue eft fi fage & fi naïve
, & ne peut ſouffrir la
moindre violence , eft ennemie
des frequentes repetitions
, de ces grands rou
lemens , de ces longues te
nuës que l'on fupporte dans
la Mufique Italienne Lou
Latine ?
On peut ici comparer la
Mufique Françoife à une
belle femme dont la beauté
fimple naturelle & fans art ,
attire les coeurs de tous ceux
C iiij
32
MERCURE
qui la regardent , qui n'a
qu'à fe montrer pour plaire
fans craindre d'être défaite
par les minauderies affec
tées d'une coquette outrée
qui cherche à mettre les
gens dans fon parti à quelque
prix que ce foit , à qui
nous avons comparé “ la
Mufique Italienne.
Je pourrois encore içi
rapporter l'autorité du beau
fexe , auprés de qui la Mufe
Italienne a peine à trouver
grace , qui s'ennuye
d'un quart- d'heure de fonnates
& qui aime mieux
GALANT.
393
entendre chanter Sangaride
ce jour , & jouer les fonges
agreables , que toutes les
batteries & les harpegnemens
d'un violon touché
fçavamment auquel elles
$ ne connoiffent rien , & ne
fentent rien qui les attire :
on a beau lui dire que cela
eft fçavant , beau , fublime,
que c'est un tel auteur Italien
qui les a faits , cela eft
fort beau, difent les Dames,
mais nous n'en voulons:
plus , ce font pourtant elles
qui decident du merite &
du deftin des ouvrages , &
34
MERCURE
aà qui nous devons chercher
à plaire , & fur- tout
dans cet art qui femble être,
pour elles. fait
Il faut cependant avouer
que quelques- uns de nos
habiles Maîtres ont trouvé
le fecret d'allier fort fçavamment
le goût naturel
du François avec le brillant
& le fçavant de l'Italien ,,
dans des cantates qui font
entre les mains de tout le
monde , & qui font des
chef- d'oeuvres en cette efpece
, & pour la Mufique
& pour la Poëfic ; qu'il leur
GALANT.
33
fuffife donc d'avoir montré
aux Italiens que les François
pouvoient porter auffi loin
qu'eux le genie & le fçavoir
tant dans les cantates
que dans les fonnates : mais
pour cela le bon goût fim
ple & naturel du François
doit- il être méprifé , quand
les Italiens pour le perfe
ctionner commencent euxmêmes
à l'imiter ?
>>Ces fortes d'ouvrages en
one produit une infinité
d'autres les cantares & les
fonnares naiffent ici fous
les pas , un Muficien n'ar
36 MERCURE
rive plus que la fonnate où
la cantate en poche , il n'y
en a point qui ne veuillefaire
fon livre , être burine , &
ne pretende faire affaut
contre les Italiens , & leur
damer le pion , à peine le
Poëte y peut-il fuffire ; it y
a même telles paroles qui
ont fouffert plus d'une fois
la torture de la Mufique
Italienne , enfin les cantates
nous étouffent ici : j'en ai
entendu qui duroient une
heure , montre fur la table,
enforte qu'on étoit obligé
de demander quartier
, ou
GALANT
37
de quitter la place. Qu'eft
donc devenu le bon goût 2
faudra- t- il qu'il expire ainfi
fous le fatras de toutes ces
cantates ? que diroient les
Lambert , les Boëffet , les
le Camus , les Babtiſtes , s'ils
revenoient au monde , de
voir le chant françois fi
changé , fi avili & fi défiguré?
Je fuis perfuadé que
nos illuftres Maiſtres ont
trop de goût & trop de
l'abandonner
ſcience pour
comme
il paroift
par leurs
propres
ouvrages
, dont les
endroits
les plus
gracieux
,
38
MERCURE
& qui plaifent le plus , font
traitez dans le gouft françois
, où ils ont fçû mélanger
le bon des Italiens ,
& en ont laiffé là le mauvais
, qu'ils rendent juſtice
au heros & au Ciceron de
la Mufique francoiſe , je
veux dire à Lully * , qu'ils
admirent
la grandeur
&
l'élevation
de fon genie
au milieu de cette naïve
fimplicité dépourvûë de
tous ornemens étrangers ,
& qui femble devoir tomber
fous les fens de tout le
** Eloge de Lully.
BROTURY
GALANT.
039
monde. At il voulu peindre
l'amour tendre , quel
coeur ne s'attendrit- il pas ,
quel chant , quel naturel ,
quelle harmonie dans fes
duo ? ne devineroit- on pas
les paroles de fes recits à
en entendre feulement les
chants ? & n'est- ce pas une
veritable declamation que
fon recitatif ? A- t - il voulu
exprimer la douleur , les
rochers ne gemiffent ils pas
avec lui : a- t-il voulu peindre
la fureur , la vengeancey
quel coeurene reffent
pas de fecrets fremiffe40
MERCURE
mens ? quel feu & quelle
vivacité dans les airs de violon
, quand il a voulu exprimer
la viteffe des fougueux
aquilons ou des
tranfports des furies ? Si la
joye s'empare de la ſcene ,
tous les peuples , tous les
bergers fautent & danſent
au fon de fes mufettes ,l'horreur
& l'effroy s'empare de
nôtre ame , s'il veut faire
quelque enchantement ou
évoquer les manes des enfers
; quelle tranquilité affoupiffante
ne fd répand
pas dans l'ame s'il veut endormir
GALANT.
41
dormir ou calmer fes heros
agitez s'il fait fonner la
trompette l'humeur martialle
ne faifit-elle pas fes
auditeurs , & n'eft- on pas
prêt de courir aux armes.
& de monter à l'affaut s'il
veut préparer ou annoncer
quelque oracle, quelle gravité
ou quelle nobleffe dans
fes fimphonies on diroit
que comme un fcavant
Peintre il a fcû avec fes
fons peindre pour ainfi dire
les mouvemens de toutes
les paffions du coeur de
l'homme. A t- il eu recours
D
Nov.
1713.
42 MERCURE
pour cela à tous ces faux
brillans & les ornemens deplacez
de la Mufique Italienne
? rien n'eft il plus
fimple & plus naturel que
fa compofition qui eſt à la
portée de tout le monde, &
en même temps rien de fi
élevé , de fi noble , & de fi
fpirituelle pour l'expreffion
? Quoy qu'il foit fort
fcavant , le goût feul & le
genie femblent avoir été
fes guides , & capable de
préfcrire des regles nouvelles
à ceux qui les fuivroient
; il femble quelqueGALANT.
43
fois avoir negligé les anciennes
, & s'être mis audeffus
d'elles. Il faut avouer
auffi que c'est ce qui fait la
meilleure partie du Muficien
que le genie , c'eſt lui
qui fait auffi les Peintres
& les Poëtes ; car on peut
dire que ces trois fciences
fe donnent la main , &
peuvent paffer pour trois
foeurs on voit peu de Peintres
qui ne foient auffi un
peu Muficiens , & qui
n'ayent du goût pour ces
deux arts , la Mufique n'eftelle
pas une poëfie & une
Dij
44
MERCURE
peinture fonore & harmonieufe
? la peinture & la poëfie
ne font- elles pas compofées
d'une aimable harmonie
, d'un mélange &
d'un contraſte de couleurs ,
& de penſées melodieuſement
enchaînées ?
Il ne fuffit donc pas fenlement
de regles dans les
arts ; il faut être encore infpiré
& animé de ce beau
feu que la nature ne donne
pas à tout le monde , & qui
a fait les Titiens & les Lebrun
, les Corneilles & les
Racines , les Cariffimi &
GALANT. 45
"
haiter
que
les Babtiftes , & tant d'autres.
Il faut dans ces arts
fçavoir inventer & créer ,
outre qu'il faut qu'un compofiteur
poffede parfaitement
la langue dans laquelle
il travaille , connoiffe
les fyllabes rudes fur lef
quelles il faut paffer legerement
, & celles qui font
harmonieuſes & amies du
chant. Il feroit même à fouque
le Muficien fût
auffi Poëte pour ajuſter les
paroles à fon chant , & que
tout l'ouvrage coulât de
fource.
46 MERCURE
Ce n'eft point affez de
fçavoir preparer ou fauver
des diffonances , il faut encore
fçavoir les placer à
propos où elles conviennent
pour l'expreffion , les
mettre dans leur jour pour
qu'elles faffent leur effet ,
& qu'elles fervent comme
d'ombres au tableau , en
faifant valoir les confonances
par oppofition , n'en pas
diminuer la force par le
trop frequent ufage , comme
font les Italiens , dont
la mufique trop remplie de
diffonances
revolte quelGALANT.
47
quefois les oreilles : mais
fe garder de tomber dans
la monotomie , qui eſt le
vice contraire
, & que
Italiens pourroient plûtôt
nous reprocher.
les
Les regles de l'harmonie
ne montrent pas à faire un
beau chant , qui en eſt l'ame
, à imaginer un deffein ,
à bien rendre l'expreffion
des paroles , à fçavoir pla
cer les cadences aux fens
finis , comme les points &
les virgules dans le difcours
; à fçavoir changer de
mode quand les paroles
a
48
MERCURE
changent de caractere &
de fentiment . Un bon Matematicien
poffede à fonds
les regles de la compoſi .
tion , & eft un fort mauvais
compofiteur. J'ai compofé
jadis fans regle & fans ſcience
, & ayant acquis depuis
quelques connoiffances, j'ai
revû mes premiers ouvra
ges , & j'ai trouvé que j'aurois
peine à mieux faire
avec des regles. Il y en a
cependant d'effentielles , &
dont la connoiffance
eft neceffaire
: mais les veritables
& les meilleures font celles
A
que
GALANT .
49
que le goût & l'oreille vous
infpire. Vous trouvez dans
ces regles beaucoup de contradictions
, & les Italiens
n'en paroiffent pas de fort
rigides obfervateurs : elles
ne font la plupart fondées
que fur le caprice. J'ai vû
quelques - uns de ces traitez
de mufique , & quoique
fort profonds & fçavans ,
je n'en fuis pas devenu plus
habile en les lifant ; au contraire
j'en fuis forti plus embaraffé.
Ils vous apprennent
bien ce qu'il faut éviter
, qui font des inconve
Nov.
1713.
E
so
MERCURE
niens où l'oreille feule
nous défend de tomber :
mais ils ne nous inftruiſent
point comment il faut s'y
prendre pour faire une
compofition
gracieuſe &
de bon goût C'eſt donc le
genie naturel feul qui fait
le Muficien.
Si l'on reproche à Lully
d'avoir employé rarement
les tons tranfpofez , ce n'eſt
pas qu'il en ignorât l'ufage :
mais c'eft qu'il s'accommodoit
aux fujets qu'il avoit
& au goût du temps ; qu'il
fentoit qu'un chant n'en
GALANT.
SI
étoit pas plus beau pour être
tranfpofé d'un demi- ton
plus haut ou plus bas ; &
qu'une mufique difficile ou
recherchée , quoique belle,
ne laiffe pas que d'avoir un
défaut , qui eft que rarement
elle est bien execu
tée , parce que le nombre
des fçavans eft rare , & ainſi
rejettée ; au lieu qu'une
bonne mufique en eſt encore
meilleure quand elle
eft facile , puis qu'elle eft
fufceptible d'une meilleure
execution , qui eft l'ame de
la mufique ; qu'elle invite
E ij
52
MERCURE
d'elle-même à être chantée ;
qu'elle eft plus de commerce
dans le monde , étant
plus à la portée des honnêtes
gens qui l'executent : ce
qui doit être fon but & fa
recompenſe ; au lieu que
la mufique difficile effarouche
& dégoûte , & n'eſt
bonne que pour les Muficiens
de profeffion .
Peut - être auroit - il fuivi
une autre route , maintenant
que tous les Muficiens
font autant d'illuftres compofiteurs
, & que tous les
écoliers font autant de maî
tres.
GALANT.
53
•
Cependant ceux qui font
aujourd'hui entêtez de la
Mufique Italienne ne peuvent
fouffrir la Mufique
Françoife , & la regardent
comme une mufique fade
& fans goût : les Opera anciens
les endorment , ils n'y
fentent rien qui les rappelle
, ils n'y trouvent que des
tons naturels , des mouvemens
faciles ; ils veulent
que la clef foit ſurchargée
de diefes ou de b mols ; que
la B. C. foit brodée & remplie
de tous les chiffres d'arithmetique
, qu'on invente
E iij
54
MERCURE
pour eux des tons tranſpofez
& nouveaux , & des
mouvemens extraordinaires
; que
d'harpègnemés
& d'acords
coure toûjours
la poſte ; enfin
ne trouvent
pas une mufique
bonne qu'elle
ne foit
difficile. A peine
peuventils
fe refoudre à la regarder
quand il n'y a que des blanches
ou des noires , & des
mouvemens
à 2 & à 3 temps,
comme
fi toutes les mefures
Italiennes
ne revenoient
pas à ces deux mefures
. Ne
va -t- on pas reduire
la mela
baffe heriffée
GALANT. 55
à
,
fure à deux temps à celle de
quatre, en renfermant deux
meſures en une feule ? Le 4
pour 8 ne revient- il pas
nos deux temps legers ? &
les mesures de 6 pour 8
de 3 pour 8 & de 12 pour
8 ne reviennent- elles pas
toutes à la mefure de trois
temps , battuë plus ou moins
vite , quoy qu'elles fe bat
tent à 2 & à 4 temps , dont
chaque temps renferme.
une de nos meſures à trois
temps ? Ce n'eft donc qu'une
maniere differente de
s'exprimer , qui eft bonne
E iiij
56
MERCURE
en foy & donne le caractere
de la piece pour la lenteur
ou la legereté , & a plus
de facilité pour être battuë ;
car comme il n'y a en general
que 2. modes differens ,
le mineur & le majeur, il n'y
a auffi en general que 2.me.
fures , celle à 2. temps &
celle à 3. En vain voudroiton
en imaginer d'autres. Il
feroit ailé , pour contenter
ceux qui aiment le ragoût
des tons tranfpofez , les me
fures extraordinaires & les
baffes doublées , de tranf
pofer un de nos Opera un
GALANT.
57
demi- ton plus bas ou plus
haut , doubler leurs baffes
continues , & en reduire les
mefures à la maniere Italienne
. Ils deviendroient
alors de plus difficile execution
, mais perdroient la
moitié de leur beauté. Un
compofiteur n'eft - il pas
bien glorieux d'avoir fait
une piece fitranfpofée, plei
ne de fi & de mi b quarre ,
& d'une fi grande vîteffe ,
que perfonne ne fçauroit y
mordre , qu'il déchiffre à
peine lui- même. Voila une
piece , dit- il , que je défie à
58
MERCURE
tous les violons d'executer ,
& à tous les clavecins d'en
trouver les accords fur le
champ ; gardez - la donc
pour vous , mon ami : ces
fortes de pieces ne font bonnes
qu'à renfermer dans le
cabinet
pour la rareté , &
pour montrer qu'on en peut
faire : mais ne peuvent être
d'aucun ufage que parmi
les maîtres de l'art.
Les chants en deviennent
-ils plus beaux & plus
harmonieux pour être fur
des tons tranfpofez : l'harmonie
en eft- elle meilleuGALANT.
59
re ? Au contraire , on peut
dire qu'elle eft forcée , que
ces tons ont peu de jufteffe
fur les inftrumens , & principalement
fur le clavecin ,
où les feintes devroient être
coupées pour y donner le
veritable
car quelle apparence qu'u
ne touche ſerve de b mol &
de b quarre dans l'autre
fans perdre de fa jufteffe ?
Paffe encore fur les autres
inftrumens comme fur le
violon , où avançant plus
ou moins le doigt fur la
corde, on peut modifier ces
temperament ;
60 MERCURE
fortes de demi- tons & les
rendre plus juftes. J'ai entendu
un de nos illuftres
preluder fur fon violon , de
quelque maniere qu'il fût
accordé , & ne fuivre , pour
tirer fes fons , d'autre regle
que fon oreille, & non celle
du manche qui fe trouvoit
alors
dérangé .
Enfin de ces deux partis
differens il en refulte un
troifiéme plus raiſonnable ,
& moins entêté que ces
deux autres , qui eft celui
des gens fages & des
de goût , qui ne fe laiffant
gens
GALANT. 61
point prévenir ni pour l'un
ni pour l'autre , vrais ama-
.teurs de la mufique , goûtent
l'une & l'autre compofition
, quandelle eft bonne
& bien executée , & fans
donner dans le goût pedant
& fçavant , ne vont point
épiloguer fur deux octaves
de fuite , fur une feptiéme
ou une neuviéme bien ou
mal preparée ou fauvée ; ne
mépriſent point une muſi
que , parce qu'elle eſt trop
aifée , ou parce qu'elle eſt
trop difficile ; ne la condamnent
point comme pil62
MERCURE
lée , parce qu'il y aura quelques
bouts de chant qui
reffembleront : mais rendent
juſtice à la Mufique
Françoiſe dans fon caractere
& à la Mufique Italienne
dans le fien , & conviennent
que l'on pourroit
faire un genre de mufique
parfait , fi l'on pouvoit joindre
le goût fçavant & ingenieux
de l'Italien au bon
goût naturel & fimple du
François mais cependant
qu'un Italien doit chanter
en Italien , & le François
en François. Je fuis , & c.
GALANT. 63
Hiftoire abregée des derniers
tremblemens arriveZà Manofque
en Provence.
Le premier de ces tremblemens
fe fit fentir le 14
du mois de
**
à fix heures
& demie du matin , &
l'on entendit en quelques
endroits comme des falves
de plufieurs coups de ca
non repetées , en d'autres
comme des mugiffemens
épouvantables , & en d'au
tres encore , comme des
roulemens de tonnerre
64
MERCURE
fourds & affreux. La ville
de Manofque parut à quelques
perfonnes qui étoient
à la campagne, comme foûlevée
en l'air , & enfuite entierement
renversée . Tout
fon terroir a été tellement
fecoué par ce tremblement,
qu'il n'y a pas une maiſon
dans la ville & autour qui
n'en foit endommagée , les
unes étant renverfées à demi
, d'autres fenduës depuis
les fondemens jufques à la
couverture . Le château de
Manofque entr'autres me
nace ruïne de tous côtez.
GALANT. 65
Il en eft de même des Eglifes
de faint Sauveur , de
Nôtre-Dame , & du Convent
des Obfervantins. Les
murailles de la ville font
renversées en quantité d'endroits.
La terre s'eft ouverte
en plufieurs lieux , les
rochers fe font fendus , &
entr'autres, à demi quart
de lieuë de la ville , a jetté
plufieurs fources d'eau douce
& d'eau foufrée. Les
nourrices du lieu ont perdu
leur lait , la frayeur a
fait plufieurs malades , &
rendu quelques-uns hebê,
un
Nov.
1713.
F
66 MERCURE
tez ; d'autres en ont perdu
l'efprit tout à fait. Les bê
tes même s'en font fenties ,
& les oifeaux du ciel fe font
enfuis.
Depuis le 14. jufques au
20. on a fenti tous les jours
plufieurs fecouffes fort legeres
mais le 20. il fe fit
trois tremblemens , dont le
premier fut accompagné
de bruits plus épouvanta
bles que ceux du 14. ce qui
fit deferter la ville aux habitans
en moins d'un demi
quart d'heure au nombre
de fept à huit mille perGALANT..
67
fonnes. Ces tremblemens
ont continué tous les jours
depuis le 20. juſques au 30 .
& même quelques - uns ont
été affez violens. Il n'y a
cependant eu perfonne de
tué fous les ruïnes. On a reffenti
ces tremblemens jufques
à fept à huit lieuës à
la ronde ; les villages de
Corbiere , de fainte Tulle
& de Monfuron , qui font
à deux lieues de Manof
que , ont fouffert quelque
dommage , & celui de Peyrevert
, qui n'en eft qu'à
une petite lieuë , a été preſ-
Fij
68 MERCURE
que autant endommagé
que Manofque
même , &
le château de Forcalquier
,
qui eft à quatre lieuës au
nort de Manofque , menace
ruïne de tous côtez .
"
MEMOIRE.
On a oublié dans les Mercures
precedens d'avertir le
l'on vient d'im
public que
primer
un petit Divertiſ
fement
paftoral
en mufique
, intitulé , La Mufette ,
ou les Bergers de Surêne. C'eſt
une petite fête champêtre
,
GALANTA 69
où le caractere de la mufi
que paftorale eft parfaitement
obfervé , & dont la
fimplicité étudiée ne dé
plaît point aux connoif
feurs . Il fe vend chez Chrif
tophe Ballard , feul Imprimeur
du Roy pour la Mu
fique , rue faint Jean de
Beauvais , au Mont Parnaffe.
MORT
Le Marquis de Broffes ,
Colonel d'un vieux regi
ment d'infanterie , eft mort
70
MERCURE
devant Fribourg le feptiéme
du mois de Novembre
& de fa maladie , âgé
de vingt-huit à vingt- neuf
ans. Il y avoit onze ans
qu'il étoit Colonel , & s'étoit
diſtingué à l'attaque de
Denain & aux fieges de
Marchienne , le Quesnoy ,
Doüay Landau & Fribourg.
Il étoit de la maifon
de Tiercelin de Brof
fes , de pere & de mere ,
laquelle defcend des Comtes
de Toulouſe ; dont l'un
des defcendans ſe fit furnommer
Tiercelin , l'un
GALANT. 71
des enfans duquel épouſa
une fille de Broffes , avec
ftipulation de prendre les
nom & armes de cette
maiſon. De ce mariage
font iffus plufieurs enfans
dont l'on voit des filles
mariées avec un Duc de
Savoye , un Comte de Geneve
, une autre avec un
Prince du Sang de France
: & des mâles , dont
l'un , fils aîné du Maréchal
de Broffes , autrement
de Bonffac , époufa Nicole
heritiere de Bretagne
, le droit de laquelle
72
MERCURE
fut tranfmis dans la Maifon
de France , par des
tranſactions paffées avec
les Rois Louis XII. &
yea
François Premier. Il y a
plufieurs autres dignitez
& grandes alliances dans
cette maifon.
NonGALANT
73
Nouvelles
d'Espagne.
Les lettres de Madrid
portent que le Clergé , la
Nobleffe & les peuples
s'empreffent volontairement
à contribuer au don
gratuit que le Roy leur a
fait demander pour les dépenfes
de la guerre de Catalogne
, entr'autres le Duc
de Veraguas & Don Carlos
Carafa , Gouverneur de
la côte d'Andaloufie ,
voient envoyé à la Monnoye
toute leur vaiffelle
Νου .
1713.
G
at
74 MERCURE
d'argent , que les fommes
amaffées à Cadix étoient
employées
à l'armement
des vaiffeaux
qui font en
état de partir pour faire
voile vers les côtes de Catalogne
, que le Comte de
Lexington
, Ambaſſadeur
d'Angleterre
, avoit fait
partir les bagages & fait fes
vifites de congé pour partir
inceffamment
pour Londres
; que le Marquis de
Brancas , Ambaffadeur de
France , y étoit arrivé , &
le Marquis de Touy , Licutenant
general , qui doit
..
1
GALANT. 175
fervir dans les armées du
Roy en qualité de Capitaine
general, On écrit du
camp devant Barcelonne ,
quela nuit du 6. au 7. d'Octobre
cinquante volontaires
tenterent d'entrer dans
la ville par la droite de l'armée
mais qu'ayant été reconnus
, vingt- cinq furent
pris , & les autres fe fauverent
à la faveur de la nuit ;
qu'un detachement commandé
par Don Juan de
Zerezeda avoit prix dixneuf
cavaliers rebeles ; que
les troupes que comman
Gij
76 MERCURE
doit Nebot étoient défaites
ou diffipées ; que craignant
d'être pris ou livré par fes
propres gens , il les avoit
engagez à attaquer les lignes
de l'armée du Roy. Il
leur dit qu'il étoit neceffaire
qu'il allât à Barcelone
pour faire une fortie , afin
de leur faciliter le paſſage
pendant qu'ils attaqueroient
les lignes ; qu'il s'étoir
embarqué avec cinq
ou fix de fes confidens , entr'autres
le deputé Dalmau ;
qu'il avoit été arrêté & conduit
en prifon avec DalGALANT.
77
mau par ordre du Gouver
nement , qui vouloit faire
leur procés à cauſe de leur
mauvaiſe conduite & de
leurs concuffions ; que fes
troupes avoient attaqué les
lignes , ſuivant l'ordre qu'il
leur avoit donné : mais qu'
elles avoient été répouffées,
qu'on en avoit tué plus de
trois cent , fait plufieurs
prifonniers, & le reste pourfuivi
; que le Duc de Popoli
faifoit travailler à faire
des lignes plus prés de la
ville , afin de la refferrer
plus étroitement , & que
G iij
78
MERCURE
les troupes du Lampourdan
fe preparoient à aller prendre
leurs quartiers d'hyver
le long de la mer , pour empêcher
que les peuples de
la côte ne portent aucuns
vivres ni autres provifions
à Barcelone , & que les bâ
timens de cette ville n'y
puiffent aborder . Les der
nieres lettres du camp devant
Barcelone portent que
les pluyes y étoient tombées
en ſi grande abondance ,
qu'elles avoient fait debor
der la riviere de Llobre
gat ; que les affiegez vou
GALANT.
79
le
lant profiter de cette occafion
, étoient fortis par
château de Montjouy au
nombre de quatre ou cinq
mille , à deffein de s'empa
rer d'une maifon où il y
avoit garniſony pour affu
rer la communication
du
camp avec la mer : mais les
piquets y étant venus en
diligence , obligerent les
rebeles à prendre la fuite
avec precipitation. Ils les
pourſuivirent juſqu'au chemin
couvert du château de
Montjouy , & en tuerent un
grand nombre , fans autre
en
G
iiij
80 MERCURE
perte que du Capitaine qui
commandoit dans la mai ..
fon d'un Lieutenant des
Gardes Espagnoles , & de
quelques foldats . Don Francifco
de Ebuli , Brigadier
d'armée , y fut bleffé au
bras d'un coup de mouf
quet ; que le Duc de Popoli
avoit fait arrêter le Commandant
de Mataro, à caufe
qu'il permettoit que quelques
bâtimens portaffent
des grains à Barcelone , &
qu'un Commandant Eſpagnol
avoit été mis en fa place
; qu'un navire étranger
GALANT. 81
voulant entrer au port de
Barcelone , deux vaiffeaux
Efpagnols avoient été à fa
rencontre pour l'empêcher,
tirerent fur luy , & l'obli
gerent à fe rendre.
Les lettres de Palerme du
y
11
Octobre portent que le
Roy & la Reine de Sicile
étoient
arrivez
heureuſement
le to, & que les bâtimens
fur lefquels
étoient
embarquées
les troupes y
étoient auffi arrivez que
fitôt que l'efcadre , eut
mouillé à l'entrée du Mole,
le Marquis
los Balbazez
,
;
Sz MERCURE
Viceroy de Sicile, vint avec
les galeres , & les compli
menta à bord de leur vaif- i
feau , que l'Archevêque
de
Palerme les complimenta
au nom du Clergé. La mer
étoit couverte de barques
remplies de perfonnes de
qualité , & le peuple étoit
en foule fur le Mole ,
τέ
moignant une joye extraordinaire
de voir leur nou .
veau Roy , qui demeura fur
fon bord jufqu'au lendemain,
afin de donner le
temps aux preparatifs neceffaires
au debarquement
,
GALANT
pour lequel on avoit conftruit
un pont magnifiquement
orné , qui s'eft fait le
11. au matin au bruit de l'artillerie
de la ville , du mole,
des vaiſſeaux & des galeres ,
parmi les acclamations du
peuple. Le Roy & la Reine
étant débarquez , accompagnez
de toute la Cour ,
& d'un trés- grand nombre
de Seigneurs Siciliens , tous
vêtus magnifiquement
, &
fuivis d'une foule infinie de
peuple , allerent d'abord à
l'Eglife Metropolitaine ren
dre graces à Dieu de l'heu84
MERCURE
reux fuccés de leur voyage
; puis ils fe rendirent au
Palais , où ils ont été com ,
plimentez
par tous les
Corps .
Les troupes arrivées fur
l'efcadre qui a conduit leurs
Majeftez font prefque toutes
debarquées
, & à mefure
qu'elles entreront dans
la place, celles du Roy d'Ef
pagne qui font icy en garniſon
, à Meffine & en d'autres
villes de ce Royaume
,
fe rendront
à Palerme
, pour
être embarquées
fur les mêmes
vaiffeaux & être tranf
1
GALANT.
85
portées en Espagne..
Nouvelles d'Angleterre.
La Reine a donné le regiment
de cavalerie du
Marquis d'Harvvich , fils
du Duc de Schomberg ,
mort en Irlande , au Sieur
Sybourg ; le regiment de
dragons du Chevalier Richard
Temple au General
Evens ; & le regiment d'in
fanterie du Major general
Sybourg , qui a été fait Colonel
du regiment de cavalerie
du feu Marquis
86 MERCURE
d'Harvvich , a été donné au
Major general Corbet . On
mande de Londres que le
16. Octobre le Sieur Grimani
, ambaffadeur de la
République de Veniſe , eur
à Vvindfor audience de
congé de la Reine , & que
Sa Majefté , fuivant la coû
tume , le fit Chevalier ; que
le 25. le Duc d'Aumont ,
ambaffadeur extraordinai
re de France , avoit traité
magnifiquement le Duc
d'Ormond , Milord Albur
nham fon gendre , Capitaine
des Gardes du Corps
GALANT.
87
་ ་
de la Reine , & plufieurs
autres Seigneurs ; que le 27.
le Capitaine du Yacht qui
doit paffer le Duc d'Aumót
à Calais étoit venu recevoir
fes ordres , & qu'il étoit
parti pour aller l'attendre à
Douvres ; qu'outre les prefens
que la Reine a fairs aux
Secretaires de l'ambaffade
de France, elle avoit encore
envoyé une medaille d'or
à l'Abbé Nadal par le
Chevalier Cotterel , Maître
des Ceremonies . Quelques
Ingenieurs fe font cmbarquez
fur un bâtiment
*
MERCURE 88€
chargé de provifions & de
munitions pour le Port Mahon
, afin d'aller travailler
aux fortifications de cette
place. Les dernieres lettres
de Londres portent que le
Comte de Peterborough a
été nommé Envoyé extraordinaire
pour aller
complimenter le Duc de
Savoye fur fon avenement
à la Couronne de Sicile , &
aller enfuite en la même
qualité vers la République
de Venife , & vers les autres
Princes & Etats d'Italie.
Le 30. Octobre le regiment
GALANT.
89
ment de marine de Milord
Shannon fut caffé à Rochef.:
ter. Le 2. Novembre on
commença à payer au Bu
reau de la marine les Offi
ciers qui ont fervi cette année
fur la flote , qui en mê
me temps furent congediez
& mis à la demi paye.
On paya auffi ceux qui ont
fervi dans l'artillerie à Port
Mahon jufqu'au f . Juillet
de la preſente année. On
équipe en diligence un vaiffeau
de guerre , qui fera
charge de provifions & de
diverfes machines , pour
Nov. 1713.
H
go MERCURE
aller à la pêche de l'argent
de quelques gallions d'Ef
pagne qui depuis pluſieurs
années ont fait naufrage en
divers endroits de l'Ame
rique , fuivant la patente
que la Reine a accordée à
Milord Harley , fils du
grand Treforier. Les Anglois
de la Jamaïque font
un grand commerce avec
les Espagnols en Amerique
,
d'où ils rapportent beaucoup
de pia de piaftres
.
•
Les lettres de Hollande
Portent que les Officiers
qui étoient à la campagne
GALANT.
91
avoient été payez & licentiez
; que les Officiers du
Roy de Pruffe faifoient de
groffes levées dans fes Etats
. Celles de Cologne portent
que le Sieur Archinto,
Nonce du Pape vers les
Princes & Etats du Rhin ,
y étoit arrivé le premier
Novembre ; & que le regiment
du Prince Maximilien
de Heffe Caffel venant
des Pays- Bas avoit fejourné
deux jours au voisinage
de la même ville , & avoit
enfuite continué fa route
vers la Heffe.
>
Hij
92 MERCURE
On écrit de Vienne que
le Comte de Tierheim a
apporté le projet de la repartition
des quartiers d'hyver
, l'état de l'armée du
Rhin , & les avis du Prince
Eugene pour la continuation
de la guerre qu'il a
été renvoyé avec le reglement
fait pour les quartiers
d'hyver , & d'autres
dont on n'a point la connoiffance
, que le General,
Mercy étoit parti le 22. Octobre
pour ſe rendre à l'armée
du haut Rhin.
**
GALANT 93
Nouvelles de Varsovie.
On mande de Varfovie ,
que dans la conference que
les deux Envoyez ont euë
avec plufieurs Senateurs &
les Miniftres du Roy Au
gufte , on avoit fait cinq
propofitions fçavoir.
ونم
Qu'une amniftie generale
feroit accordée au Roy
Staniflas & à tous les Polonois
fes adherans.
Que le Grand Seigneur
employeroit fa mediation
pour faire la paix entre les
94 MERCURE
Polonois & le Roy de Suc
de..
Que les Cofaques d'Orlik
, qui font au nombre de
quatre - vingt mille , ob
tinffent la permiffion de demeurer
dans l'Ukraine Poz"
lonoiſe , comme ſujets de la
République , vodo je ofing
Que l'on conferve aux
Tartares établis en Pologne
& en Lituanie les privile
ges dont ils jouiffoient cidevant
, & que le Palatinat
de Pofnanie foit reftitué au
Roy Stanillas , ons vol, ma
Le rapport de cette conGALANT.
95
ference ayant été fait au
Roy Augufte , il répondit
que cherchant à rétablir la
tranquilité en Pologne , il
confentoit au premier &
au dernier article : mais
que les trois autres devoient
être examinez plus particu
lierement. Neanmoins les
deux Envoyez étoient rel
galez & traitez avec beau
coup de diſtinction . Ils af
furent qu'auffitôt qu'ils feroient
retournez à Andri
nople , & qu'ils auroient
rendu compte de leur com
miffion , le traité de paix
(
96 MERCURE
feroit renouvellé , & que
les ambaffadeurs du Roy
& de la République fe
roient renvoyez avec toute
forte de fatisfaction . Malgré
toutes ces affurances ,
on craint toûjours que le
deffein des Turcs ne foit
toutes ces dé- d'amuſer par
marches le Roy Auguſte ,
afin de gagner du temps &
de penetrer les fentimens
des Polonois , & même de
former des intrigues. Ils
continuent leurs preparapour
la guerre , & tra
vaillent avec empreffement
tifs
aux
GALANT .
97
aux fortifications de Choczin
: on a même appris qué
leur armée groffiffoit par
des nouvelles troupes , qui
prenoient leurs quartiers
d'hyver le long du Niefter
& de la frontiere de Podolie
, & que le nombre des
Tartares s'augmentoit . On
mande d'Andrinople que
les ambaffadeurs du Czar
avoient eu le 13. Septembre
audiance du Grand Vizir
& qu'on lui avoit preſenté
la ratification du traité de
paix , qu'il les avoit exhort
tez à faire tout ce qui dél
Νου.
1713.
I
98
MERCURE
pendroit d'eux pour parve .
nir à la conclufion de la
paix , en terminant l'article
qui étoit demeuré indecis
touchant les fommes pretendues
par le Kan des Tar
tares . Les lettres de Ham ,
bourg portent que la mortalité
y diminuoit fort ; que
les troupes du Duc de Hanover
étoient entrées dans
les 4. Bailliages qui dépen
dent de cetteville , fous pretexte
de garder les paffages
& d'empêcher toute communicationavecles
Etarsde
leur Maître , que le Ray de
LYON
༈ག
..
DELed
TILLE
GALANT.
Prufſe avoit offert la petten
miffion de porter de cette
ville dans fes Etats toute
forte de meraux & d'épiceries
, du bois de teinture,
& même de la foye ; que la
ville de Tonningen étoit
toûjours étroitement bloquée
par les troupes Danoifes
: mais qu'on n'y manquoit
pas encore de pain ,
de biere ni de fel , mais de
bois , de chandelle & d'huile
à brûler , que la garniſon
étoit encore de quatre cent
foixante hommes , en y
comprenant les malades ,
I ij
100
MERCURE
dont le Commandant prenoit
grand foin. On mande
de Coppenhague que le
Colonel Viereg avoit levé
& prefenté au Roy de Danemark
une compagnie de
cent Cadets , tous fils de
Colonels , de Lieutenans-
Colonels , de Majors , de
Capitaines
ou de Confeillers
, qui feront
la garde
dans les appartemens
du
Palais , & feront
inftruits
dans l'art militaire
, pour
être enfuite
avancez
felon
leur merite.
GALANT. ΙΟΥ
Rentrée de l'Academie.
Le Mercredi 15. Novembre
l'Academie Royale des
Sciences reprit fes exercices
ordinaires , dont elle fit
l'ouverture par une affemblée
publique , où Monfieur
de Fontenelles , Secretaire
de ladite Academie
,fit avec fon éloquence
ordinaire l'éloge de Monfieur
Blondin , éleve Boranifte
, qui étoit mort pendant
l'année. Aprés luy le
Sieur Martino Poli , Ro-
I iij
102 MERCURE
de main , affocié
étranger
l'Academie
, & qui fe trouvoit
pour
lors à Paris
, donna
une
maniere
de faire
une poudre
qui imitoit
par
fa couleur
& fon éclat
les
-plus
belles
perlesOrientales
.
En voici
le procedé.Il
prend
égales
parties
de bilmuth
où étain
de glace
, & de fublimé
corrofif
, pulverifez
chacun
à part. Il les mêle
enſemble
dans
une
cornuë
de verre
, puis
les diftille
comme
les Chymiſtes
ont
'coûtume
de diſtiller
le beurre
d'antimoine
. Il en fort
GALANT. 103
en effet , avec du mercure
coulant , une liqueur faline
qui fe fige en confiftance
de beurre. Il prend ce beurre
, qu'il diſtille de nouveau.
Il luy refte dans la
cornue une poudre fort fine
, talqueuſe ou compoſée
de plufieurs parcelles plattes
, argentine ou de couleur
de perle , que le feu ni
rien ne peut alterer. Il continue
à diſtiller de nouveau
ce beurre , jufqu'à ce qu'il
ne laiffe plus de poudre à
la fin de la diftillation , &
la derniere poudre eft plus
I iiij
104 MERCURE
belle que la premiere.
Il rendit enfuite raiſon
de ce qui fe paffoit dans
cette operation , dont il expliqua
fort bien toutes les
circonftances. Il y joignit
quelques reflexions generales
, & il dit entr'autres ,
que toutes , ou la plupart
des volatiliſations ou des fixations
qu'on faifoit en
Chymie n'étoient point de
veritables volatiliſations &
fixations ; que nonobſtant
toutes les pretenduës fixa
tions du mercure , ce mineral
reftoit toûjours vola
GALANT.
IOS
&
til , & que nonobftant toutes
les pretenduës volatilifations
des metaux & du
fel de tartre , ils reftoient
toûjours fixes . Il dit qu'il
ne pretendoit pas cependant
qu'ells fuffent impoffibles
, au contraire ;
qu'il donneroit quelque
jour un memoire touchant
la maniere d'en venir à
bout . Enfin il paffa aux uſages
de fa poudre , dont il
dit qu'on pouvoit faire de
fort belles perles , qu'on
pouvoit l'employer dans la
peinture ou avec le vernis ,
"
106 MERCURE
pour peindre des évantails ,
des tabatieres , des boëtes
de toilette , & c.
•
Enfuite M. de Reaumur
lut un memoire fur la divifibilité
& l'extenfibilité
de la matiere , qu'il demontra
dans les feuilles d'or
battu , dans le fil d'or , ou
plûtôt le fil d'argent doré,
& dans les filets des araignées.
Ce difcours , quoyque
long , ne fut point du
tout ennuyeux , tant à cauſe
de la varieté des chofes
curieufes dont il étoit rempli
,, que par rapport à l'éGALANT
. 109
&
legance du ftyle . Outre les
calculs de l'extenfibilité de
l'or dans les feuilles & dans
For trait , il dit que le verre
pouvoit le tirer en un fil
affez fin pour ſe plier ,
par confequent pour fe travailler
, ce qui eft auffi beau
& auffi curieux que la malleabilité
du verre que les
Chymiftes cherchent avec
tant d'empreffement . A
cette occafion je dirai ici
ce qui m'a été afſuré par
un Chymifte qui étoit auprés
de moy , que cette
malleabilité du verre n'é108
MERCURE
toit pas impoffible ; qu'elle
étoit decrite dans un livre
de Becher , intitulé , Phyfica
fubterranea , où il decrivoit
la maniere de forger
le verre . Je donne cet avis
en paffant , afin que les curieux
en puiffent profiter.
Mais revenons au diſcours
de M. de Reaumur . Il donna
de plus l'anatomie des
parties de l'araignée qui
fervent à preparer la matiere
de fes fils & à les filer
qui eft d'autant plus curieufe
, que ces organes font
fort petits , que perfonne
GALANT. 109
ne les avoit encore decrits ,
& qu'on a naturellement
de l'horreur de travailler
fur un ſi vilain animal .
Monfieur Homberg lut
enfuite un memoire fur la
facilité qu'ont les metaux
de fe laiffer penetrer par
certaines ſubſtances. Il en
apporta beaucoup d'exeme
ples ; comme la matière
magnetique qui penetre
ous les corps & même
les metaux au travers def
quels l'aiman attire le fer.
L'encre de fympathie faite
avec la chaux & l'orpiment,
110 MERCURE
qui laiffe échaper de petites
particules , qui paffe au
travers des bois , des pierres
& des lames de metal ,
pour aller colorer l'écriture
faite avec l'impregnation
de faturne , autrement dite
vinaigre de plomb. Les
émanations qui partent de
la pierre de Boulogne , &
qu'on apperçoit ailément à
Fodeur , qui penetrent de
même la plupart des corps,
& apportent quelques petits
changemens aux me.
taux. Il dit qu'ayant tenudans
un tiroir une pierres
GALANT . III
de Boulogne nouvellement
calcinée , avec une montre
à boëte d'argent , quelque
temps aprés il trouva la
boëte d'argent dorée par
cette vapeur , & toutes les
roues de ladite boëte , qui
étoient de cuivre jaune ,
argentées. Il ajoûta qu'un
morceau de foufre mis fur
une plaque de fer rouge fe
fond
promptement , penetre
la plaque , fond les
parties du fer qu'il touche,
qu'il entraîne , & laiffe un
trou à la plaque. " Qu'un
morceau de fublimé cor112
MERCURE
fe raprofif
fait la même choſe
fur l'argent , avec cette
difference que l'argent dif
fous par le fublime ſe.
proche & laiffe un trou à
la plaque , bordé tout autour
d'une éminence ou
bourlet d'argent.
Il donna enfuite la maniere
de faire un fel qui
paffe au travers d'un fer
rouge , comme l'eau au travers
d'un drap , fans l'alte.
rer. Ce fel fe fait ainsi .
Il prend une livre de
chaud vive & quatre livres
de vinaigre diffillé. Il laiſſe
digerer
GALANT.
113
digerer le tout enſemble
dans un matras pendant
deux jours , aprés quoy il
verfe la liqueur par inclination
, & il la garde.
Enfuite il prend une partie
de foufre , deux parties
de falpêtre , & trois parties
de fel commun decrepité ,
dont il fait un mélange
exact , qu'il jette par cüeillerée
dans un creufet rougi
entre les charbons ardens ,
où il pouffe le feu juſqu'à
le tout foit fondu .
ce
que
Il jette
la matiere
fonduë
dans
une
baffine
où elle
fe
K
Nov.
1713.
114 MERCURE
durcit bientôt en une maſſe
faline . On prend une par
tie de ce fel on le fait fondre
dans fix parties de vinaigre
distillé , preparé
-comme nous avons dit ci-
1
deffus. On fait évaporer la
diffolution juſques à pellicule
, & on la laiffe criſtallifer
en un lieu frais. C'eft
le fel dont il eft queſtion ;
qui étant fondu dans une
cuilliere de fer ou autre
vaiffeau de fer à grand feu ,
paffe au travers des pores
de la cuilliere , fans alterer
en aucune maniere la fub.
GALANT.
15
M
ftance du metal . Si on laiffe
ce même fel dans la cuilliere
de fer dans un lieu
humide , il fe fond peu à
peu , & coule au bout d'un
certain temps au travers du
même fer , qu'on apperçoit
mouillé au dehors à mefure
que la liqueur qui eft au
dedans diminuë : mais cette
filtration ſe fait bien plus
lentement à froid qu'au
grand feu.
a
Il decrivit encore une
autre operation , qui n'eſt
gueres moins curieufe que
la precedente. C'eſt une ef-
K ij
116 MERCURE
.
1
pece de bitume metallique
ou de cinabre d'argent ,
dont on met un morceau
de la groffeur d'un pois fur
une lame d'argent medio.
crement épaiffe & placée
entre les charbons . Cette
matiere metallique fe fond
& paffe au travers de la lame
, de même que l'eau au
travers du papier gris. Elle
ne perce point la lame ,
mais elle la laiffe tachée des
deux côtez d'une couleur
livide comme du plomb ,
& cette couleur n'occupe
pas feulement les deux furGALANT.
117
faces
exterieures : mais elle
1.
penetre encore toute la ſubſtance
de l'argent
, qu'on
prendroit pour du plomb ,
fans qu'il foit pour cela ni
plus aigre ni plus caſſant.
Cette experience donna
occafion au R. P.
Gouyer ,
qui préfidoit à
l'affemblée ,
& qui
refumoit en peu de
mots ce que chacun
avoit
dit , de
reprocher aux Chymiftes
en la
perfonne de
M.
Homberg
, qu'au lieu
des
richeffes
qu'ils
nous
promettent
, il ne nous avoit
encore
appris qu'à
conver118
MERCURE
tir l'or en verre dans quelques
experiences des années
precedentes , & l'ar
gent en plomb dans cel
le- ci.
M. Imbert termina l'af.
femblée par une obfervation
d'un homme qui a été
pendant quatre mois endormi
à la Charité des hommes.
Cet homme , qui étoit
garçon Charpentier , ayant
cu querelle avec un de fes
camarades , apprend peu
de temps aprés que fon ennemi
vient de tomber du
haut d'un bâtiment & de
GALANT.
119
fe tuer tout roide. Un mé
lange de differentes paffions
de joye , de furpriſe ,
de frayeur , de compaffion ,
le rendent immobile , il
tombe par terre & y refle
comme endormi. On le
releve ja on le tourmente ,
rien ne le réveille. On le
porte à la Charité des hommes
, on le livre aux Mel
decins , qui le font faigner ,
vomir , purger , fuer , ventoufer
, &c . & le tout inu
tilement. Il dort toûjours ,
& dort d'un profond ſommeil.
On lui fait prendre
120 MERCURE
cependant un peu de nourriture
, en luy paffant le
doigt mouillé de vin & de
bouillon fur le bord des le,
vres , il ouvre les levres &
la bouche pour laiffer paffer
la nourriture , fans fe reveiller.
Il dort ainfi depuis
quatre mois , à la verité
depuis quelque temps le
fommeil eft moins profond,
& il commence à donner
quelques fignes de ſentiment
& de connoiffance,
M. Imbert rapporta en même
temps une autre obfervation
d'un homme en Hol
lande
GALANT 121
pen lande qui avoit dormi
dant plus d'un an . Il accompagna
ces obfervations de
beaucoup de belles refle
xions , & d'explications phy
fiques d'effets fi extraordinaires.
·
Defcription abregée de la fameufe
Balme appellée Ģlaciere
de Besançon.
t
Au milieu d'un bois appartenant
au Prince de
Montbeliard , fitué à quatre
lieues de Besançon , eſt
un petit tertre couvert de
Νου . 1713.
L
122
MERCURE
bois trés touffu , au deffous
duquel eſt la caverne , autrement
la glaciere,
L'ouverture exterieure
eft à peu prés ronde , &
peut avoir environ foixante
eſt
pieds de circuit & dix- huit
pieds de largeur. On defcend
de cette ouverture
par une defcente profonde
de deux cent pieds ou environ
, terminée en bas par
une autre ouverture comme
cintrée d'environ trente
pieds en tous fens , qui
donne entrée à un falon
prefque quarré d'environ
2
GALANT 123
trente pieds de hauteur fur
autant de largeur de la
voûte duquel falon tombent
des gouttes d'eau qui
forment en efté differeny
tes pyramides de glace ,
ede
huit
à
dix
pieds
& 3 de
de circonference
douze pieds de hauteur ,
& quelquefois plus.
6
- Le plancher du falon
eft auffi couvert de glace ,
quoy qu'il y ait quelques
petites fources d'eau qui
coulent continuellement ,
& qui fe perdent en dedans
au deffous de la glace.
Lij
124 MERCURE
En hyver il n'y a point
de glace mais il regne
dans tout le falon & dans
toute la deſcente une épaiffe
vapeur continuelle.
Parodie de l'Enigme
dont le mot eft la
quenouille.
L'oifiveté de ma majtreffe
Conferve ma coiffure &
repofe mon corpss
Car , pour ainfi dire , je
bundors, achubis
GALANT .
125
Quand on ne file point
Roma treffe . rel
Lorfque dela quenoüille
on met la jambe en
Lased and preffe
Sa tête est tournée en
dehors ;
C'est alors qu'elle a bonne
grace
.
Fufeau fait à fes pieds
cent tours de paffepaffe
.
Telle fileute au minois
foucieux,
En détournant de moy
L iij
126 MERCURE
les
yeux
yeusi
Quoy qu'à filer toûjours
fa main foit occu
pée ,
Regarde le fufeau mon
petit compagnon , /..
Qu'aux dépens de ma
tete elle garnit
, rem-
South Seplumes
Si que j'en gagnerois le
rhume ,
Quand il m'arrache mon
Sestignon ,
Si ma tête de bois étoit
plus flegmatique D
GALANT
127
Mais duferainje m'in-
•
2
quiete pens
Quenouille d'arbre fec ,
que la mortfit étique,
Ne craint que le fer 5
Le feu.
Parodie de la feconde
Enigme , dont le mot
eft un verre à boire.
Fe fuis d'abord un premier
element ,
Car c'eft de terre
26
Liiij
J28 MERCURE
Qu'on fait le verre ;
Puis engendré d'un ſecond
element :
Car le feu détruiſant la
terre ,
Engendre un verre.
Ennaillant je crainsfort
un troifiéme eletoresd)
ment, olla
L'air en fortant du four
fait éclater le verre
Comme un petit coup
de tonnerre.
Je crains enfuite auffi ce
fecond element.d
AGALANT.
129
C'eſt le feu qui briſe le
verre,
Mais un quatriéme element
C'est l'eau dont on remplit
le verre , E
Pour le défendre un peu
du fecond element.
Une énigme toujours ritot
mant en elementi
De la rime n'a pas le
premier element :
Mais l'obfcurité fait le
premier element.
Des Enigmes infimal
130 MERCURE
gré tant d'element
,
Les devineurs
ici font
·´¯dans
leur element
,
Et n'ont point deviné
en soqu'un verre
Eft de ces mauvais vers
5 l'ame l'element.
'l'e
ENIGM E.
En agitant une de mes
oreilles
Contre le chaud je puis
faire merveilles ,
Contre le froid je fuis
GALANT.
(131
utile auffi.ee
D'un fleau des humains
je donne en racourci
Une idée aßez naturelle
,
Et ce qui de mon nom
Anyere's'appelle
-A maint brave a causé
la mort.
Si dans certain metal je
fais unjufte effort ,
C'eft quelquefois pour
jouer piece
A Notre - Dame de
Lieffes C
832
MERCURE
Afaint Eustache, àfaint
Gervais ,
Et Dieu fçait le bruit
que j'y fais.
gon Autre Enigme .
"Dans une espece de cercueil
,
Mais qui n'eft point
pourtant defagreable
va l'oeil,
Je fuis le plus fouvent.
couchée
Mais
ordinairement ,
GALANT. 133
quand j'en fuis dén
tachée ,
Mes bras croife , en
s'étendant ,
Et tot aprés en ſe joignant,
Al'obscuritéfontlaguerre
Je pince , je mords
je ferre ;
Etquoique ce ne foitpref
que qu'enbadinant h
Ma morfure en noirceur
fe tourne inconti
nent.
balah end to you quo
134 MERCURE
BODDS*XIXX
Traduction d'un Poëme
Anglois ,
Sur le Bal que M. le D*** d *
a donné à Londres le 17.
Août 1713
.
POur conoître les moeurs ,
les goûts , les habitudes
De cent & cent peuples di-
Produto overs,
Au gré de leurs inquietu-
20vion des
Les mortels inconftans parcourent
l'univers :
Pour moy , libre des foins
!
GALANTIA 135
qu'entraînent les voya. I
ges
Loin de vouloir braver les
Alots capricieux , i
Et fans m'expofer aux orages
,
Ici je fatisfais mes defirs
curieux. 3
Daumont dans fon Palais
repreſente à nos yeux
Les Heros & les mêmes
1 Dieux
Dont autrefois dans leurs
gnojól shouvrages) nofulA
Les Poëtes ingenieux
Ne tracerent que les ima
snier arabosges dimsida
136 MERCURE
Par tout vous y voyez errans
Les habitans du ciel , de la
terre & de l'onde ,
Et tous les hommes differens
Dont les Dieux ont peuplé
tous les climats du
zinis mimonde. onontrad
Suivi de fa brillante cour
Jupiter pour s'y rendre a
241 quitté l'empirée 3004
Alecton fort du noir féjour
Avec fa cohorte effarée ;
Des humides Tritons Amphitrite
entourée
Reçoit
GALANT. 137
Reçoit les voeux du Dieu
dont elle eft adorée
,
Et l'on voit errer à l'entour
Les jeunes filles de Nerée .
Mars aux genoux de Citerée
Se laiffe dérober fes armes
par l'Amour ,
Dans le fein de Thetis le
brillant Dieu du
jour
Fixe fa courfe mefurée.
Là Diane paroît artiſte
Je
Nov. 1713.
M
18 MERCURE
moment
⠀ mênt parée , sisust
L'Amour n'eſt plus ſon ennemi
;
Et fi j'en crois les foins où
je la vois livrée ,
Sa fiere vertu moderée
Cherche un Endimion qui
foit moins endormi.
A chaque beauté qui s'avance
Mercure
offre à l'inftant
des fecours
feduc-
&teurs
,
Par des traits galans & flateurs
I fignale fon éloquence.
GALANT .
139
De toutes parts font répandus
Princes , Dieux , Rois , mêlez
& confondus
Avec
Demons , Bergers ,
Nymphes , Geans ,
Pigmées .
L'implacable Nocher des
ondes enflamées
Soûrit à des objets & plus
- doux & plus beaux ;
Les Morts fuivent ſes pas ,
couverts de leurs
lambeaux .
Ici c'eft le Hibou , là c'eft
l'Aigle immortelle
;
M ij
140
MERCURE
On voit le Corbeau trop
fidele ,
D'un noir plumage revêtu
,
Et les oifeaux par leur ramage
fro
Pour les belles font un préfagedarkan
T
De la chûte de leur vertu.
On y voit folâtrer des Nones
peu feveres ,
Sans reliques & fans rofaires.
Le grave Senateur prend
un air gracieux ,
De l'auftere Themis ouGALANT.
$141
bliant le
langage ,
De fon art deformais il ne
veut faire ufage
Qu'au tribunal de deux
beaux yeux
.
Le trifte Medecin déguiſe
Lofa preſence bran
Sous un appareil affecté
.
Le luxe avec la volupté
Empruntent un habit de
pieufe apparence
.
, Ici cette jeune beauté
Qui de mille galans tour
à tour eft maî
treffe ,
142 MERCURE
Affecte la fimplicité
D'une vertueufe Koacref
On voit dans le Palais chacun
fe transfor
mer,
Daumont feul n'y prend
point une forme em-
. pruntée .
Quelle autre lui ſeroit prêtée
,
Qui fi bien que la fienne
eût le don de charmer
?
Ainfi dans un feſtin quand
la- Troupe immorételle
GALANT . 143
Autour de Jupiter fe range
avec fplen .
deur ,
Il ne déguife point fa forme
naturelle ;
Ce Dieu s'offre dans fa
grandeur
:
Mais lorfque fous le tendre
empire
De quelque mortelle beau-
の
té
Ce Souverain des Dieux
foûpire ,
Il voile fa Divinité.
144 MERCURE
ANNONCE.
On va renouveller
le Mercure au jour de
l'an , & l'on commencera
par y mettre toute
l'exactitude dont feront
capables des perfonnes
qui n'auront que
cette occupation , à la
quelle je n'ai pas pû
me donner depuis longtemps.
GALANI 149
+++++++++
LA DEFAITÈ
des Hannetons
ME POEM
en deux Chants .
DEs Hannetons vaincusje
chante la défaite,
Et du brave Licas la victoire
complette 3
Mufe , raconte-nous quel-
• le bouillante ardeur
D'un vif reffentiment ef
Novembre 1713. N
14 MERCURE
chauffe fon grand cour
Comment dans fes projets.
la valeur affermie
Triompha fierement d'une
troupe ennemie.
Licas vivoit heureux , &
tranquille à Paris ,
Son repos fuft troublé fi-toft
qu'il euft appris
Que d'infectes aillées un
parti formidable
Caufoit dans fes vergers
un ravage effroyable.
Sur le haut d'un charmant
5fertile cofteau
GALANT. 147
S'efleve un magnifique &
moderne chasteau,
Dont l'art ingenieux , ri-
Oval dela nature ,
Par divers ornemens embellit
la ftructure.
L'édifice eft conftruit entre
deux verds bofquets ,
Où l'ardeur du Soleil ne
penetre jamais.
Du jardin fpacieux on dé
couvre la Seine
Qui par de longs détours
ferpentent dans la plaines
Des ruiffeaux, des Dalons,
Nij
ras MERCURE
"des prex, & desforefts ,
Les prefens de Bacchus ,
les dons de Gerés,
Les champeftrès beautez
-dont la terre fe pare ; I
Et mille objets où l'oeil
avec plaifir s'égare
C'eft dans ce beaufejour,
c'eft dans ces lieux char
damans,
Que Licas aves foin re
veille tous les ans
Favori fortuné de Flore
& de Pomonne ,
Erdesfleurs du Printems,
ji И
GALANT. 149
& lesfruits de l'Automne.
De quel trait de douleur
dans l'abfynthe trempé ,
Au rapport qu'on luy fift ,
fon coeur fuft-il frappé.
Deux courfiers attelez, à
efon char le plus lefte ,
Ilpart , il arrive , & voit
• quet spectacle funefte
Ses arbres dépouillez de
verdure & defleurs , I
Il pouffe des fanglots accompagnez
de pleurs ;
Ilfremit , il friffonne , il
Niij
50 MERCURE
recule , il chancelle ,
Dansfes yeux enflamme
fa colere eftincelle :
Il detefte cent fois un attentat
fi noir ,
Et dans l'emportement
qu'aigrit fon defefpoir,
Il s'addreffe à Pomone
& luy tient ce langage :
O vous qui partagez avec
moy cet outrage ,
Déeffe puniffez des infectes
volans ,
Dont vous voyez icy les
tranfports infolents.
GALANT . KI
La Déefle auffitoft à fes
yeuxfe prefente ,
Et luy dit: mon pouvoir
remplira ton attente ,
Nos ennemis communs de
ton bonheurjaloux ,
Sentiront en ce jour ce que
peut mon courroux ;
Je deftine ton bras à punir
leur audace ,
Il faut exterminer cette
coupable race.
Dés que l'aftre du jour
dans l'empire des flots ,
Aura precipitéfonchar &
Niiij
152 MERCURE
2
fes chevaux, a s
Arme toy de courage , &
cours à la vengeance ,
De ces audacieux reprime
oh unmedinfolencega
w
Je conduiray
tes coups ,
j'animeray ton coeur ,
Et de ce grand combat tu
fortiras vainqueur
.
Fin du premier Chant.
GALANT ts3 153
to abagged mipl
SECOND CHANT.
Et le
LIcas
impatient at
tend
l'heure
marquée
Où la troupe
par luy dois
Se voir attaquées
temps
luy
paroist
couler
trop lentement
:
L'aftre
fecond
des Cieux
qui donne
la lumiere
,
A peine
eut dans
les eaux
terminé
fa carriere ,
Que l'empreffé Licas cours
5 vole a l'inftant ,
154 MERCURE
Ou le deftin l'appelle , où
lagloire l'attend.
A l'aspect de ces lieux il
Sent croiftrefa rage :
Surprenons l'ennemy fans
tarder davantage ,
Frappons , dit-il,frappons,
fignalóns nos efforis ,
Que ces champs foient
couverts de mourans
de morts
L'offenfe qu'on mefait juf
tement me courrouce :
Il efbranle à ces mots par
plus d'une fecouffe
GALANT. $55
Des Frenes, des Ormeaux,
où l'ennemy caché ,
Saifi d'effroy, tremblant ,
eft en vain retranché
Des arbres les plus hauts
la cime en eft emue :
La Déeffe fe montre au
travers de la nuë
Augmente de Licas l'heroïque
valeur,
Et de fon bras laffé ranime
la vigueur ,
A ces coups redoublez, tout
cede , tout fuccombe >
De moment en momentun
156 MERCURE
gros d'ennemy tombe's
Ainfi le Laboureur
d'une
robuſte main ,
De la gerbe qu'il batfait
fortir tout le grain.
3
Pour eux contre la mort il
n'eft aucun azyle,
A chaque pas qu'il fait il
en écrase mille so
Ainfi le Vendangeur pour
avoir plus de vin ,
Aaravoir
Sous le pefant preffoir é-
さい
the crafe le raifin.
Les coups portent par tout
des atteintes mortelles ,
GALANT 17
C'eft envain qu'emploiant
le fecours de leurs aifles
Pour éviter leur perte ils
Lestraverſent les airs
Des cadavres épars tous
les champs font couverts ,
Les vents font moins tomber
de feuilles en Automne
volous
La Faucille abbat moins
d'épis quand on moif
Licas dede toutes parts vainqueurimpetueux,
Maſſacre en un moment
158 MERCURE
des bataillons nombreux ;
Tel un Lion de fang &
de carnage avide,
Exerce fa fureur fur un
troupeau timide.
Tel on vit autrefois dans
les champs Phrygiens
Achille afon courroux immoler
les Troyens.
Par la paix, cettegrande
terrible journée
Au gré des deux partis
fuft enfin terminée.
1
Les Hannetons vaincus
Signerent un traité, "
GALANT . 159
Promirent à Licas ce
vainqueur indompté
De ne plus ravager de-.
formais fon domaine.
Mufes , qui m'infpirez
laiffez-moy prendre
baleine,
Préparez d'autres vers
shantons une autrepaix,
Que le Ciel favorable ac-
Corde à nosfouhaits.
Puiffe eurole
e par fon retour cette
Paix defirée
,
2110 %
RamenerPheureux temps
de Saturne £5 de Rhee,
160 MERCURE
Et finiffant les maux que
nous avonsfoufferts ,
Enchaifner pour jamais.
La Difcorde aux Enfers.
Fin du fecond & dernier
Chant
treu? Boylan's tomadorI
Extrait d'une Lettre de Fribourg
du 7. Novembre.
Nous fommes maitres
du Chafteau & des trois
Forts de Fribourg , parmi
lefquels eft celuy de faint.
Pierre comme imprenable.
On
GALANT: 161
On a trouvé dans tous ces
Forts une quantité prodigieufe
d'artillerie & de mu
nitions de guerre & de vivres
pour fix femaines!
Cette conquefte tres- im-
>
portante , qui n'a couſté ni
hommes ni dépenſes eft
deue à la fermeté du Marefchal
de Villars qui
ayant mis dans fon Armée
beaucoup de fourages a
tousjours menacé la Garnifon
d'eftre Prifonniere
de Guerres, & de mettre
derriere les Batteries les
Prifonniers ennemis , cette
Novembre 1713. O
18
162 MERCURE
crainte les a obligez à nous
laiffer travailler fans tirer,
On ne pouvoit faire nos
Batteries dans la Ville fans
beaucoup perdre de monde.
La Ville & les Forts
eftoient deffendus par dixneuf
Bataillons & plufieurs
Compagnies
detachées.
On affure que les Ennemis
ont perdu 6000. hommes
, gtant tudz , bleſſez
que deferteurs.
La Garnifon eft fortie
avec armes & bagages , &
fel retire à RotweilLe
Maréchal de Villars a act
1 .
GALANT.
163
I
3
cordé au
Gouverneur , qui
n'a pû obtenir la liberté de
la Garniſon de Landau , &
encore moins décharger
Fribourg , quatre Pieces de
Canon & deux Mortiers .
I
Obfervations fur les change
ments du Barometre par rapport
au temps , tirées des
Memoires de M **
Par M. Parent.
Quelques exactes Obfervateurs
ayant bien voulu
me communiquer leursMemoires
touchant les tempe-
O ij
164 MERCURE
ratures , j'ay prís 148. obfervations
faires fur le Barometre
dans les lunaifons
des années 21696, 1697.8
1698. dont j'ay , fait une
fomme , que j'ay divisée
par 148. pour avoir une
hauteur moyenne de Baro
metre qui s'eft trouvée de
27. poulces 6 lignes ou
de 27. poulces 7. lignès.
J'ay enfuite pris les obfervations
marquées
(pluye , neige , brouillard ,
humide , couvert , trouble, y
& j'en ay trouvé audefi
fous de la moyenne , & ru/
GALANT . 165
audeffus. Ayant pris encore
les obfervations mar
quées , ( pluye , brouillard ,
neige feulement j'en ay
trouvé 18 , au deffous , & 13.
au deffus. Ayant continué
de prendre les obfervations
marquées , ( playe, neige, y
feulement fer ay trouvé
15 au deffous & 7. au deffus.
Et ayant pris feulement
les obfervations marquées ,
(pluye yfeulement , j'en ay
trouvé 12. au deffous , &
Gaudeffusid os Tub
say pris aum [les obfervations
marquées , (beau-, -
166 MERCURE
hauteur
ferain , ) j'en ay trouvé au
deffous de la
moyenne 7. ſeulement , &
11. au deffus , ce qui fuffic
pour convaincre que le Barometre
eft bas dans le
temps humide , & haut
dans le ferain.
Quoyqu'on ait parlé dans
le Mercure precedent des
Abbayes que le Roy a donné
la veille de la Touffaints;
comme on eftoit fur la fin
de l'impreffion , on n'a pû
donner au Public les remarques
qu'on a couſtume
de faire.
*
1
GALANT. 167
Dons du Roy.
Le Roy a donné l'Ab
baye de S. André de Vienne
, Ordre de Cifteaux
Dioceſe de Vienne , à l'Evefque
de Synope Suffra-
黧
gant de Lyon.
L'Abbaye de Preaux ;
Ordre de S. Benoifts, Dio.
cefe de Lifieux , à la Dame
de Montbazon .
Cette Abbaye fut fondée
par la femme de Onfroy
de Vieilles , Baron de
Preaux , Seigneur de Pon,
168 MERCURE
ger.
tau de mer, Comte de Meu
lan & de Beaumont- le- Roger
, fous le titre de S. Le-
. Leur Eglife eft affez
grande , & a fon Autelifolé
, beau , & fort degagé ;
fix colomnes de marbre y
portent une demie Couronne
Imperiale , dont les
branches ouvertes font dorées
& accompagnées
de
plufieurs ouvrages de Scul
pture. L'Abbeffe prefente
aux trois portions de la Cure
de 9. Michel de Preaux ,
& ces trois Curez font les
fonctions Curiales par fe-
2
maine
GALANT . 169
maine alternative .
Preaux eft le nom de
deux Paroiffes & de deux
Abbayes ; l'une de Benedictins
, & l'autre de Benedictines
fituées dans le Diocefe
de Lifieux à une gran
de lieuë de Ponteau de - mer )
dans un vallon . L'Abbaye
de S. Pierre de Preaux eft
poffedée par les Benedictins
de la Congregation de
S. Maur , & fut baſtie vers
l'an 1oss . Elle reconnoi
pour fondateur Onfroy de
Vieilles , Baron de Preaux ,
Comte de Meulan , &c.
Novembre 1713. P
170 MERCURE
L'Abbaye de Montolieu,»
Ordre de S Benoiſt , Diocefel
de Carcaffonne , à
l'Abbé du Lordat .
L'Abbaye de Thouars ,
Ordre de S. Auguftin , Diocefe
de Poitiers , à l'Abbé
Gould.
Thouars eft une des prin .
cipales villes du Poitou ; elle
eft fituée à fix lieuës de
Saumur fur une colline au
bord de la riviere de la
Toue. Cette ville eft une
ancienneVicomté que polfedoit
la famille des Sei
gneurs de Thouars confiGALANT.
171
>
dérable dés le temps du
Roy Raoul . Elle a paffé
par mariage de filles dans
la Maifon d'Amboife , &
Marguerite
d'Amboife fille
unique de Louis d'Amboiſe
Vicomte de Thouars , la
porta en dot à Louis de la
Tremoille. Ce fut en faveur
de cette derniere Maifon
que Charles IX . érigea
la Vicomté de Thouars en
Duché l'an 1563. & Henry
IV. en Pairie l'an 1995. Dixfept
cens Vaffaux relevent
de cette Terre , dont la Ju -`
rifdiction s'eftend jufques
Pij
172 MERCURE
aux confins de la Bretagne.
L'Abbaye de Bonlieu
Ordre de Cifteaux , à la
Dame de Saillans . Il ya
quatre Abbayes de filles du
nom de Bonlieu , toutes de
l'Ordre de Cifteaux , mais
de differens Diocefes.
L'Abbaye de S. Honoré
de Tarafcon , à la Dame de
Breffieu .
GALANT 173
• A •$$• • H &• • 8 ?• • AB+
LE
VERLUISANT ,
L'ABEILLE
ET LE VER- A-S OY E.
FABL E.
ON ne voit point de fi
petite Befte ,
Qui dans fa jeune , ou fa
vieille faifon ,
Ne fe mette l'amour en
testë ,
Et qui ne croye encor le
-faire avec raiſon .
Ce que je dis eft veritable ,
P iij
174 MERCURE
La
preuve
en eft dans cette
Fable .
Sous le pied d'une Ruche
un certain Verluifant
Logeoit ; & ce Logis eftoit
affez plaifant.
Noftre bonne Mere Na
ture ,
Soit à deffein , foit par hazard
,
De fes faveurs au Vers avoit
fait bonne part.
Il trouvoit pour fa nourriture
A
quatre pas dequoy manger
avec plaifir
GALANT. 175
Herbe feche , Herbe fraîche
, il n'avoit qu'à
choifir ,
}
S'il en vouloit faire pâture ,
Tout alloit felon fon defir.
Mais helas du moment
qu'on aime ,
!
A moins que ce ne foit
par
un bonheur extrême ,
Il faut fe réfoudre à fouffrir.
L'Amour est un vray trouble-
fefte ,
Des Hommes en ont pû
mourir ;
Voyons comme il traite
une beſte.
P iiij
176 MERCURE
Dans la Ruche ,lieu propre
& tres- bien habité ,
Entre plufieurs , logeoit
certaine jeune Abeille ,
Dont le coeur à l'amour ef
toit affez porté.
Ce n'eftoit pas grande merveille
A cette paffion le Sexe féminin
Eft
enclin ,
Autant
& plus que n'eft le
mafculin .
Ajoûtez que le voisinage
Donnant les moyens de fe
voir
Matin & foir ,
GALANT. 177
Infenfiblement on s'engage.
Venons au Ver. Il avoit de
l'efprit ,
Il n'eftoit rien de beau , ny
de bon , qu'il n'apprît ;
Auffi jamais n'avoit on veu
Reptile
En belles qualitez autant
que luy fertile.
11 dançoit & chantoit fort
agreablement ;
Mais ce que l'on trouvoit
de
rare ,
Et dans un Ver qui l'eſt af,
furément ,
198 MERCURE
C'eft qu'il joüoit de la Guitare
Paffablement .
Enfin pour la galanterie
Il avoit un fi beau talent ,
Qu'en Profe comme en
Poëfre
C'eftoit un Autheur excellent
.
Ouvrage en Vers , Biller ,
& Lettre ,
Le tout eftant de fa façon ,
On n'y trouvoit plus rien
à
mettre , a
Et Voiture en comparaiſon
Auroit auprés de luy paffé
pour un Oyfon.
GALANT .
199
Voila le Ver . Quant à
l'Abeille ,
Et pour l'efprit , & pour le
corps ,
De la Nature elle eut les
plus riches tréfors .
Du Monde elle paffoit pour
huitiéme Merveille ,
Elle joüoit du Clavellin ,
Elle avoit appris la Mufique
,
Parloit Italien , & meſme
un peu Latin.
Ša mémoire eſtoit angélique.
Auffi l'exerçoit - elle avec
juſte raiſon.
180 MERCURE
Elle lifoit la Fable , elle li-
'foit l'Hiftoire ,
Elle lifoit , cela fe peut il
croire ?
Jufques aux Livres de Blazon
.
S'il faut parler de fa
fonne ,
さ
per-
Quoyqu'elle
cuſt aſſez
d'embonpoint
,
Sa taille eftoit grande &
C
mignonne ,
Et le bon air n'y manquoit
point.
Aurefte, c'étoit une Blonde,
Dont le teint blanc , frais ,
& poly
GALANT. 181.
L'euft fait feul paffer dans
le monde
Pour l'Objet le plus accomply.
Cependant malgré tous
ces charmes ,
L'Hiftoire dit que noftre
Verluifant
Euft bravé fon pouvoir , s'il
n'euft rendu les armes
Au regard tendre & languiffant
,
Dont (quand il plaifoit à la
Dame )
Le coeur le plus glacé fe
fentoit tout en flâme.
182 MERCURE
C'eft en vain qu'on voudroit
refifter à l'Amour.
Toft ou tard , quoyqu'on
fafle , il eft Maiftre à fon
42.3
tour
,
flanque
Ce petit Dieu , de toute
choſe
En ce monde à fon gré difpoſe.
L'Abeille eft amoureuſe , &
le Ver amoureux ,
Sans que cependant tous
les deuxi
De leur trouble fecret fçachent
d'abord la caufe ;
Mais comme en eux ce
trouble eſt tous les jours
plus grand ,
GALANT. 183
L'un & l'autre bientoft l'apprend.
Le Ver eft en humeur chagrine
,
Quand il ne voit pas faVoifine
;
Et de l'Abeille le chagrin
C'eſt de ne point voir fon
Voifin.
Que fi quelque doux tefteàtelte
.
Se rencontre pour nos Aabravo
mans
,
Ils ne font que trop voir
dans ces heureux momens
Que l'un de l'autre eft la
diconquefte
.
184 MERCURE
En mille & mille occa
fions
Que leur donnoit la folitude
,
Sans foucy , fans inquiétude
,
Satisfaisant leurs paffions ,
Is pafferent deux ans dans
ce doux badinage.
Mais à la fin eftant furpris ,
Il fallut que le Ver fortift
du voisinage, or £2
C'eftoit le feul moyen de
diffiper l'ombrage
Que les Parens de l'Abeille
avoient pris .
Tout d'un coup il plia bagage
,
Er
GALANT . 185.
Et crut à
franchement par-
·ler ,
Qu'afin de fauter mieux ,
alloit reculer.
il
C'eftoit agir en Ver tresfage
;
Mais par malheur , le pauyre
Diable alla
Pis que de Caribde enSylla .
Comme il ne voyoit plus
qu'une fois la femaine ,
Encor incognito , tousjours
mefme avec peine ,
L'Objet de fes tendres amours.
Luy qui pouvoit le voir au-
Novembre 1713. Q
186 MERCURE
trefois tous les jours ,
Par un revers en tel cas ordinaire
,
A mesure qu'il fut moins
veu ,
( Qui de l'Abeille l'auroit
crû? )
A méfure il ceffa de plaire.
De plus , Dame Avarice
y vint mettre du fien ,
Elle qui tous les jours de
tant de maux eſt cauſe .
Les Parens de l'Abeille avoient
beaucoup de Bien , !
Et ceux du Galant n'avoient
rien ;
GALANT. 187
S
Ou tout au plus fi peu de
chofes,
Que je n'ofe
Là- deffus feulement fouf .
Aler
Et de vouloir les accoupler ,
Le coup paroiffoit impof
fible.
Al'Abeille on dit bien &
beau ,
Qu'on donneroit fur le mu
lolllod ſeau ,aelinouds
Si plus au Ver luifant on la
voyoit fenfible; vol II
Qu'enfin elle devoit avoir
Sur la richeffe un autre ef-
80 ta poirson to fal
Qij
188 MERUGRE
Puifque le Miel pouvoit la
mettre en l'alliance'
Du plus riche Animal de
France .
Fy d'un Ver, difoit- on , qui
n'a pour tout vaillant
Qu'une étincelle de brillant.
Or donc par heureuſe
rencontre ,
A noftre Verluifantun jour
L'inconftante
Abeille fe
no se montre .
Il luy parla d'abord de fon
amour.
Elle l'écoute fans répondre.
Qu'est ce donc qui peut vous
confondre
GALANT . 189
Luy dit ce Ver , luy- mefme
confondu
De ce qu'à fes propos elle
n'a répondu ?
Ay je quelque Rival à craindre
?
Non de cela , dit elle , il ne
faut pas vous plaindre ;
Si l'air froid dont j'agis fait
voftre eftonnement ,
Je m'en vais vous conter fans
feindre
Ce qui caufe ce changement.
Tous mes Parens , ne vous
déplaife ,
Sont Gens qui font fort à leur
aiſe.
190. MERCURE
Et les voftres , en vain vous
enferiez le fin ,
N'ont pas un femblable deſtin."
Il est vray que vous Ver , &
moy chétive Abeille ,
Noftre condition fe trouve affez
pareille!
Mais on ne compte point fur
cette égalité
Dans la plupart des Mariages
; you ex
Et ce qui les fait chez les Sages,
Ce n'est que la réalitémoins
Ergo . Par mes Biens feuls eftant
recommandable ,
Je dois faire choix d'un Party
Qui plus que vous me foit for-2.
table.
GALANT
191
Mes Parens à nos feux n'ont
jaman confenty.
Ainfi cherchez une Maiftreffe
Qui veuille bien recevoir en
payement
Vos douceurs & vostre tendreffe..
Fy renonce , & des ce moment
Fe laiffe à vos defirs liberté toute
entiere
De fe donner ailleurs carriere.
L'Abeille difparoift ; le Ver
au defeſpoir
A tout cela qu'euft - il pû
dire ?
Si vous defirez le fçavoir ,
Il eft dans ce Rondeau , vous
n'avez qu'à le lire.
192 MERCURE
Un tendre coeur fait tout
mon bien ;
Et pour n'avoir que cefouftien
Je feray tousjours miferable ;
Car dans ce temps abominable
On regarde un Gueux comme
un Chien .
Des amitiez le feul lien ?
Argent , bel argent , c'eſt le
tien ;
Et fans toy l'on envoye au
Diable
Un tendre coeur.
Fay mon fort , chacun a le
fien
Mais
GALANT . 193
Mais en eft- il comme le mien ?
En eft-il d'auffi deplorable ?
Non , non , jefuis inconfolable ,
Si l' Abeille compte pour rien
Un tendre coeur.b
Pendant qu'ainfi noſtre
Ver moralife ,
L'Abeille fans s'en foucier ,
Prend fon effor jufque fur
un Meurier ,
Où ſi - toft qu'elle ſe fut
mife
Ses yeux d'un Ver - à- foye
attaquent la franchife.
( Sur ces Arbres tousjours
Ver à foye eft errant.
Novembre 1713.
R
194 MERCURE
Ce Ver la voit , l'aborde ,
& dit en fon langage ,
Aprés l'humble falut que
l'Abeille luy rend ;
A venir en ces lieux quel fujet
vous engage ?
Vous n'y trouverez point de
Fleur
Mais en récompenſe mon coeur
Vient s'offrir à voftre pillage.
Pour vous il eft fans aucun
fiel ,
Vous en pourriez faire du
Miel
3
Belle Abeille , daignez le pren-
2100 Odre.
Nóftre Abeille fans plus attendre
,
GALANT. 195
Aprés un regard des plus
doux ,
Luy dit , Tout de bon , m'ailemez-
vous ?
A peine encor m'avez - vous
vene' ;
Et cependant , fi vous quittez
a ces lieux ;
Répond le Ver , voſtre abfence
me tue ,
Je ne puis vivre efloigné de
vos yeux .
Fe ne sçaurois auffi fans défiance
,
Croire un amour fi prompt , fi
plein de violence
Repart l'Abeille au Ver.
Rij
196 MERGURE
1
A Maisen casis que
demain
A
Vous reffentiez pareille martyre.
Vous viendrez chez moy me le
altour -gandiregunto safet
Et vous n'y viendrez pás en
vain.
Adieu , beau Verje me retire .
brockd
Quand l'Abeille eft en fa
Maifon ;
Elle fonge à fon avanture
a
Et par le Siecle d'or en foy
mefme elle jure
Qu'elle fera tres prompte
guérifoni
De la bleffuren
GALANT . 197
Qu'au coeur du Ver- à foye
ont fait fes doux appas ,
Si l'Animal porte les pas
Le lendemain du cofté de
la Ruche.
Quey , j'aimerois un gueux de
Verluifant ,
Difoit elle en réflechiffant ?
Ilfaudroit que je fuffeCruche .
Vivent mes nouvelles amours i
Ab , quelle joye !
Je vais couler le reste de mes
2 11.01 1 jours the
Et dans le miel , & dans la
Love.
*
Elle paſſa la nuit à raiſon-
Riij
198 MERCURE
ner ainfi ;
Et dés le grand matin elle
n'eut de foucy
Que de demeurer fur fa
Porte ,
Croyant de moment en
moment
Qu'il faut que le bon vent
y porte
Le beau Ver , fon nouvel
Amant
,
Il en arriva d'autre forte ,
Pour elle c'eftoit temps
perdu .
Son Ver-à -foye étoit dodu ,
Et marchoit lentement,fuivy
de l'équipage
GALANT
TELA
TILLE
Qu'un Ver femblableluy
méne à fon Maria
Le Rendez-vous eftoit un
Rendez-vous d'amour ;
Mais pour faire un pareil
voyage ,
Au pefant Ver -à-foye il falloit
plus d'un jour.
Quoyqu'il en fuft , voicy la
trifte deftinée
Qu'autour de la Ruche traînoit
Le pauvre Verluifant . Son
ame abandonnée
Au plus mortel chagrin
fans ceffe examinoit
Riiij
200 MERCURE
Par où pouvoir adoucir
l'Inhumaine .
Sur le feuil de la Ruche il
la furprit le foir.
Elle n'eftoit pas là fans
doute pour le voir.
N'aurez- vous point pitié, luydit
il , de ma peine ?
Je vous aime tousjours , &
vous ne m'aimez plus ?
Ingrate , infenfible , infidelle ,
Que dites- vous d'une flâme fi
belle ?
Mes foupirs fi conftans ferontilsfuperflus
?
Enfin , tout de bon , dois -je
croire
GALANT. 201
Que contre moy vous foyez en
courroux ,
Et que vous perdiez la mé-
4
moire
De tout ce que l'Amour m'a
faitfaire pour vous ?
Vil Animal , Infecte teméraire,
Qu'avez vous fait qu'en vous
trompant ,
Répond l'Abeille ,
&ع ق و ت
que
pouviez vous faire ?
Ce que j'ay fait , dit le Ver
en rampant ?
Je m'en vay vous l'apprendre ,
Abeille trop légere.
Fay fait , nonfans de grands
travaux ,
202 MERCURE
Pour vous conter mes doleances
>
Mes foins, mes foucis , mesfouffrances
,
Tous les jours mille Vers nouveaux.
Fayfait cent & cent Madrigaux
Sur la moindre de vos abfences
;
Fay fait des Odes & des
Stances ,
Chanfons , Triolets , & Rondeaux.
Fay fait pour vous des Epigrammes
,
GALANT. 203
Et mefme quelques Anagram.
mes
Le tout d'unftile pur & net.
Et s'il euft efté neceffaire ,
Favois elle ardeur de vous
plaire ,
Que j'euffe efté jusqu'au Son
net.
De tout cela je vous tiens
peu de compte ,
Répond l'Abeille , & je
mourrois de bonte ,
Si j'avois de l'attachement
Pour un Amant
Dont le plus folide merite
204 MERCURE
Confifte en beaux difcours ; dés
mės plus jeunes ans
On m'offufquoit de cet Encens.
J'aime aujourd'huy celuy de la
Marmite.
Elle rentre en fa Ruche , en
difant ce beau mot .
Auffi le Verluifant eftoit- il
un grand for ,
D'ofer afpirer à la proye ,
Que fuivant les regles du
temps
Doit attraper le riche Verà
foye.
Qu'il foit donc fage à fes
dépens ,
Et fe contente d'une Mouche
,
GALANT 205
Qui n'aura comme luy
que l'efprit & la bouche ,
Il paffera par là pour un
Ver de bon fens.
J'ay prétendu qu'en cette
Fable ,
Pour quelque Amant peuteftre
Hiftoire veritable ,
Et les Filles , & les Garçons,
Trouveroient
de bonnes
leçons.
Les unes fur l'obéïffance
Que rend l'Abeille aux
droits de la naiffance ,
Profiteront en la lifant ;
Et les autres fujets à l'aveu206
MERCURE
gle tendreffe ,
Quand ils voudront choiſir
une Maiftreffe ,
Confulteront
le Verluifant;
Ilfçait dans l'amoureuſe afroup
faire 7 ; 7
Comme eft punile Teme-
373 300traire .
9 dasmav onion fb .
Ye
23
い
GALANT. 207
IN JRIL TAK A Friz
4
HISTORIETTE.
L'Amour n'eft point à
couvert
de la deftinée , &
les changemens
qui arrivent
tous les jours dans
les liaiſons
les mieux eftablies
font affez connoiftrè
que les mouvements
dè
noftre coeur ne font pas fixez
par le premier
choix
que nous faifons. Un certain
je ne fçay quoy qui
208 MERCURE
nous entraifne en dépit de
nous
,
nous determine à
eſtre inconſtans ; & quand
mille exemples ne ferviroient
pas à juftifier ce que
je dis ,l'avanture dontje vais
vous faire part en feroit la
preuve . Une Demoiſelle
fort bien faite , eftimable
par fa beauté , & plus encore
par fon efprit qu'elle
avoit vif & tres penetrant ,
eftant venue depuis peu de
mois prendre foin de quelques
affaires dans une pe
tite Ville peu efloignée de
Paris , y fut connue en fort
peu
GALANT. 209
peu de tems de tout ce
qu'elle y trouva de perſonnes
de naiffance .. Son pere
& fa mère qui eftoient de
qualité , mais qui avoient
peu de biens , luy connoiſ
fant du talent pour venir à
bout de mille chicannes
qui leur eftoient faites , &
par lesquelles on tafchoit
de renverfer leurs prétentions
, quoyque juſtement
fondées , s'etoient repofez
fur elle de la confervation
de leurs interefts , &
elle s'appliquoit à les maintenir
avec tant d'exactitu
Novembre 1713 . S
210 MERCURE
de & de conduite , qu'elle
eut bientoft demefle les
difficultez qui empefchoient
qu'on ne luy rendit
juftice. Son habileté fit
bruit , & tout le monde
marquant de l'empreffement
pour la fervir auprés
de fes Juges , un Gentilhomme
, maiftre de fon
bien , & des plus riches de
tout le Pays , n'épargna ni
fon credit , ni fes foins pour
luy faire voir combien il
prenoit de
tages . Angelique
receut
agréablement
le fecours
part à fes avanGALANT.
qu'il luy donna ; & comme
dans le befoin qu'elle avoit
de luy les vifites affidues
luy eſtoient permiſes , infenfiblement
le Cavalier
prit pour elle un attachement
plus fort qu'il ne l'avoit
cru . Il connut bien
que ce qu'on luy donneroit
en la mariant n'approche.
roit pas de ce qu'il pouvoit
prétendre , mais l'amour
commençant à l'ef
bloüir , il confidera que les
grands biens qu'il avoit lui
attireroient beaucoup d'affaires
, & dans cette veuë ,
Sij
212 MERCURE
il crut qu'il luy feroit plus
avantageux d'avoir une
femme qui y mettroit ordre
, que d'époufer une fille
qui luy apportant une
dote confiderable , ne fe
mefleroit de rien , & n'auroit
l'efprit porté qu'à faire
de la dépenfe . La belle qui
s'apperceut de la conquête
que fon merite luy avoit
fait faire , la menagea fi
adroitement , que le Cavalier
fut enfin contraint de
luy declarer fa paffion . On
ne doute point qu'il ne fut
écouté avec plaifir. Elle lui
GALANT. 23
marqua une eftime p'eine
de reconnoiffance ; & en
l'affurant que les parens ne
luy feroient point contraires
, elle cut pour luy des
égards d'honnefteté & de
complaifance qui luy firent
connoiftre qu'il eftoit aimé.
Comme elle avoit de
l'ambition , elle voulut s'af
furer un rang , & fe fervir
fa
pailion du
pouvoir que
luy donnoit fur fon efprit ,
pour luy marquer
qu'il y alloit
de fa gloire de prendre
une Charge
avant que de
l'époufer
. Le Cavalier
avoit
214 MERCURE
ce deffein depuis quelque
temps , & ainfi en luy promettant
de la fatisfaire , il
ne faifoit que ce qu'il avoit
desja refolu. Les affaires
d'Angelique s'eftant terminées
de la maniere la plus
avantageufe qu'elle eût pû
le fouhaiter , elle retourna
à Paris , où fon Amant la
fuivic deux jours aprés. Son
pere & fa mere qu'elle ayoit
inftruit de l'eftat des
chofes , luy firent un accuëil
tres - obligeant , & pour eftre
moins en peril de le
laiſſer échapper , ils luy of
GALANT. 219
frirent un
Appartement
chez eux . L'offre eftoit trop
favorable à l'amour duCa
valier pour n'eftre pas accepté.
Il logea chez le pere
de la Belle ; & ne fongeant
qu'à avancer les affaires , il
prit fon avis fur la Charge
qu'ilvouloit achepter . Tandis
qu'on travailloit à lever
des difficultez affez legeres
qui empefchoient
de conclurre
le marché de cette
Charge , l'amour fit paroif.
tre fa bizarrerie par les fentimens
qu'il inſpira au Cavalier
pour une foeur d'An116
MERCURE
gelique. Cette cadette avoit
dans les yeux un fort grand
deffaut , dont beaucoup de
gens ne fe feroient pas accommodez
; & ce deffaut ,
tout grand qu'il eftoit , ne
put détourner le Cavalier
da deffein qu'il prit de ne
vivre que pour elle . Il eſt
vray , qu'excepté ce deffaut
, il n'y avoit rien de
plus aimible . Elle avoit un
tein qui éblouiffoit , des
traits reguliers dans tout
fon vilage , des mains &
des bras d'une beauté fans
pareille , une taille aifée &
fine ;
GALANT. 247
酱
A
fine ; & ce qui engageoit
encore plus , elle eftoit d'u
ne humeur fi douce & fi
agreable que par cette feu-,
le qualité elle eftoit digne,
du plus fort amour. Plus
le Cavalier la vit , plus il la
trouva charmante. Il luy
contoit cent folies , & l'enjouement
avec lequel elle
y répondoit , eftoit tout
plein de feu & d'eſprit.
Rien ne devenoit fufpect
dans leurs converfations ,
parce qu'elles fe faifoient
fans aucun myftere , &
que l'occafion qu'ils a-
Novembre 1713. T
218 MERCURE
}
voient de fe parler à toute
heure les rendant fort familiers
, ne laiffoit rien voir
quifût recherché . En effet,
il n'y avoit que des fentimens
d'honnefteté du côté
de cette aimable cadette ,
qui ne doutant point que
le Cavalier n'époufaft fa
four , eftoit incapable d'al
ler pour luy plus loin que
l'eftime. Il n'en eftoir pas
ainfi du Cavalier . Le penchant
qui l'entraifnoit vers
Julie , c'eftoit ainfi qu'on
nommoit la cadette , eut
tant de force , qu'après lui
GALANT 119
avoit dit plufieurs fois en
badinant qu'il eftoit charmé
de les manieres , il s'ex
pliqua enfin ferieufement
fur l'ardent amour qu'elle
luy avoit donné. Julie tournant
la chofe en plaifante- '
rie , luy dit qu'il perdoir
l'efprit ; & toutes les declarations
qu'il luy fit enfuite
loy attirant la meſme réponfe
, il luy demanda un
jour quel défagrément ou
dans fon humeur , ou dans
fa perfonne , luy faifoit .
croire qu'il ne meritoit que
fes mépris. Jalie , que ce
Tij
220 MERCURE
reproche furprit , fe crut
obligée de lay répondre
d'un ton un peu ferieux .
qu'il le faifoit tort auffi
bien qu'à elle quand
l'accufoit de le mépriſer ,
& que s'il lui eût marqué
de l'eftime avant que de
s'engager avec fa four
peut-eftre ne lui cuft -elle,
pas donné fujet de fe plaindre
du peu de reconnoif
fance qu'elle auroit cu cu de
fes fentimens , mais qu'en
l'eftat où eftoient les chofes
, elle ne devoit agir
qu'avec les referves qu'il
GALANT . 221
trouvoit injuftes : Cette réponſe
anima fa paffion Ce
fut affez qu'il cruft ne deplaire
pas pour l'engager
à aimer avec plus de viofence
. I abandonna fon
coeur à tout fon penchant ,
& ne fongea plus qu'à perfuader
Julie de fon verira
ble attachement Comme
elle eftoit fage , elle voulut
de guérir en lui donnant
moins d'occafions de Tentretenir
de fon amour
mais plus elle avoit foin
de les éviter , plus il les recherchoir.
Cet empreffe-
T iij
222 MERUGRE
ment fut remarqué ,
fe trahit bientoft , & par
fon inquiétude , lorfque .
pour le fuir cette cadette
senfermoit exprés dans fa
chambre , & par les regards
pleins d'amour qu'il
jettoir fur elle quand il la
voyoit devant des témoins,
L'aifnée qui trouva quel
que refroidiffement dans
les manieres du Cavalier ,
en foupçonna auffitoft la
caufe. Elle prit garde qu'il
n'avoit plus auprés de fa
four ces airs enjoüez & li
bres qu'il avoir pris tant de
DFT
GALANT. 223
fois. Elle les voyoit embaraffés
fitot que leurs yeux fe
rencontroient , & la contrainte
qu'ils s'impofoient ,
Fun & l'autre felon les diverfes
veues qui les obli
geoient de s'obferver , luy
fut enfin une indice de la
trahison qui luy eftoir faite.
Comme elle eftoit fiere,
elle s'en ferait volontiers
vengée en le prévenant par
fon changement; mais el
le avoit de l'ambition &
fort peu de biens , & en renonçant
au Cavalier elle
n'étoit pas fure de trouver
Tiiij
224 MERCURE
un autre Parti qui Feuſt
confolée des avantages
qu'elle auroit perdus . Elle
refolut de diffimuler , & ſe
contenta de foulager fes
chagrins par quelques
plaintes qui deconcerterent
le Cavalier. Le trou
ble qu'il fit paroiftre fut
un aveu de fon crime , &
elle en tira des confequen
ces qui lui firent examiner
de plus prés tous les fujers
qu'elle avoit de fe deffier
de fon amour . Leur ma
1
riage ne fe devant faire
qu'aprés les difficultez
les
GALANT. 225
vées touchant la charge
qu'il vouloit avoir , elle
découvrit qu'il ne tenoit
qu'à luy de les voir finies
& que les obftacles qu'il y
faifoit naiftre ne pouvoient
avoir aucun autre fondement
que le deffein de ga
gner du tems. Remplie de
tous ces foupçons , & vous
lant eftre éclaircie de ce
qu'elle apprehendoit , elle
pria fon pere & fa mere
de vouloir preffer les cho
fes , leur faifant connoif
tre , fans leur parler de fa
foeur ce qu'il y avoit à
226 MERCURE
craindre du retardement.
L'obftination du Gavalier
fur les prétendues difficultez
de la Charge avoit déja
commencé à leur devenir
fufpecte. Ils l'entretinrent
en particulier , & luy
dirent , que comme ils l'àvoient
logé chez eux , on
murmuroir dans tout le
quartier de voir fi longtemps
differer le mariage
dont on eftoit convenu ,
que pour empefcher , les
fafcheux difcours , il falloir
fonger à terminer cette affaire
, & qu'il n'eftoit point
GALANT 227
befoin d'attendre qu'il cuft
fini fon autre traité. Le Cavalier
ne balança point fur
le parti qu'il avoit à prendre.
Il leur répondit qu'il
fe fouvenoit de la parole
qu'il avoir donnée &
qu'il l'a tiendroit avec joïe
en tel tems qu'il leur plai
roit qu'ilavoit promis d'ef
tre leur Gendre , & qu'il fe
feroit un bonheur de le de.
venir , mais que ce feroip
en époufant la cadette pour
qui il fentoit la plus vio
lente paffion ; qu'il trouvoit
en elle tout ce qui
228 MERCURE
pouvoit le fatisfaire ; que
l'humeur de fon aifnée étoit
fi peu compatiffante
avec la fienne , qu'elle ne
pourroit que le rendre malheureux
, & que s'ils refu
foient ce qu'il demandoit
avec les plus inftantes prieres
, il feroit contraint de fe
retirer . A leur fit cette réponfe
avec tant de fermeté
, & tout ce qu'ils purenc
dire pour le détourner de
ce deffein cut fi peu d'ef
fet , que ne voulant pas rifquer
une fi bonne fortune
ils ſe virent obligèz de conGALANT
229
fentir à ce qu'il voulut. La
feule condition qu'ils exigerent
fut que la chofe fe
fit au pluftoft & en fecret ,,
l'aînée fit moins
afin
que 1
éclater
fon
reffentiment
quand
elle
apprendroit
une
injnftice
qui
n'auroit
plus
de
remede
. Le
tranfport
qui
l'obligea
de
fe jetter
à leurs
pieds
pour
leurs
rendre
grace
ode
ce
qu'ils
faifoient
pour
luy
,
leur
fut
une
preuve
de
la
violence
avec
laquelle
il
aimoit
. Ils
dirent
à
Angelique
, que
quelques
raifons
230 MERCURE
qu'ils euſſent pû apporter,
le Cavalier s'eftoit fi bien
mis en tefte de ne fe point
marier qu'il n'eut traité de
la Charge , qu'il leur avoit
efté impoffible d'en rien
obtenir. Elle comprit ce
que vouloit dire un refus
fi obſtine , & en fui piquée
au dernier point . Cependant
tout fe concerroit fe
cretement pour le mariage
du Cavalier & de la cadette
, & il ne manquoit pour
l'achever qu'ane occafion
d'en faire la ceremonie
fans que l'aifnée en puſt
GALANT. 231
rien fçavoir. Elle s'offric
favorable peu de jours a
prés . Une Dame dont elle
eftoit tendrement aiméd
la pria de lui tenir compagnie
dans une partie de
promenade
qui l'enga
geoit à aller paffer quel
ques jours à la campagnes
Angelique
y alla , & eut
affez de force d'efprit pour
fe mettre au deffus de fes
chagrins , & paroiftre
d'une humeur route char
mante. On luy dit qu'on
voyoit bien que la joye
d'un mariage preft à fe fai232
MERCURE
re donnoit aux belles de
grands fujets d'enjouement
; & pour affoiblir la
bonte où elle craignoit d'être
expofée , elle sépondit
qu'on jugeoit mal d'elles
qu'il falloit pour la toucher
de certaines complaifances
& des tours d'efprit
qu'elle n'avoit point trouvé
dans le Cavalier
; & que
les chofes n'avoient juf
quês là traîné en lon .
gueur , que parce qu'elle
vouloit l'engager
à époufer
fa cadette. Un vieux
garçon fort riche , & reveltu
GALANT 233
*
veftu d'une Charge plus
confiderable
2
que
celle
dont le Cavalier traitoit
lui dit en riant , que quoiqu'il
eût cousjours efté indifferent
pour le mariage ,
il youdroit avoir ces tours
d'efprit qui lui plaifoient
tant , afin de luy offrir les
fervices , & que pour les
complaifances il luy foroit
aifé d'en répondre Anger
que luy repartit auffé
fiant qu'elle avoit crun der
couvrir enluy ce qui eſtoir
fi fort de fon goût , & qu'à
tout prendre , ils feroient
Novembre 1713. V
234 MERCURE
affez le fait l'un de l'autre.
Sur ce pied là , le vieil Of,
ficier lui dit des douceurs
pendant deux jours , comme
un Amant declaré en
dit à une maiſtreffe ; il goû
ta fi bien fon efprit , que
malgré toutes les refolu
tions prifes de demeurer
tousjours libre , il parla enfin
de mariage . Certe propoſition
fut bien receue
d'Angelique. Elle trouvoit
un nang qui contentoit lon
ambition & fer vangeoit
d'un Amant perfide. LaDa
me à qui elle ouvrit for
GALANT 235
eoeur entra dans la confidence
du vieil Officier , &
luy fit promettre que puif,
qu'il s'estoit declaré avec
fon amie , il en iroit faire
la demande dans les for ,
mes apres fon retour. Angelique
cftant, revenuë
conta à fon pere l'engaget
ment où l'on s'eftoit mis
pour elle, Le mariage de
la cadente eftoit fait ; ce fus
pour luy une joye fenfible
de voir finir pluftoft qu'il
ne l'avoit cru l'embarras
de le cacher. Cette adroite
fille diffimulant
fon reflen
Vij
26 MERCURE
iment , tacha de ſe rendre
toute aimable pour le Cavalier
, afin de reveiller fon
amour , & de luy donner
par là plus de regret de la
perdre. Le lendemain elle
remarqua fans eftre veuë ,
que le Cavalier s'eftoit coule
dans la chambre de fa
foeur , & que la porte en
avoit cfté auffitoft fermée.
Si elle eut de la douleur, elle
cur de la joyê en meſme
temps de ce que fa focur
faifant des avances fi indignes
d'elle , mettoit le Cavalier
hors d'eftat de la vouGALANT
237
J loir pour fa femme. Certe
pentée lui remplit l'efprit.
2.Elle cru qu'il refuferoir de
l'époufer aprés les faveurs
qu'il en avoit obtenuës , &
qu'ainfi elle feroit vengée
& d'elles & de luy , quand
fon mariage avec l'Officier
neo laifferoit pluso aucun
prétexte à fon pere de gate
der le Cavalier, Cet Offi
cier tine parole. On avoir
efté averti de fa vifite , & le
Cavalier qui la fçavoit alla
tout exprés fouper en villo
& ne revint quefort tard
L'Officier charmé de l'ac
238 MERGURE
cueil qui lui fut fait , ne for
tit point qu'on n'euft figné
des articles . Angelique qui
n'afpiroit qu'à jouir de fa
vengeance
, attendit à fe
coucher que leCavalier fult
revenu . Aprés lui avoir fait
quelques plaintes de la ma
niere dont il en ufoit pour
elle dépuis quelque tems ,
elle ajoufta qu'elle› Favois
trouvéfi peu digne des fen ,
timens favorables qu'elle
luy avoit marqué d'abord,
qu'elle venoic de s'engager
a un autre , & qu'un Contrat
de mariage figné les
GALANT . 239
feparoit pour jamais. Il feign e
eftre vivement touché de cette
nouvelle, Angelique pleine de
fon triompheen levoyant ainfi
accablé , le quitta fans lui donner
le tems de répondre ; c'étoit
qu'il avoit fouhaité . Il fe
coucha fort tranquillement , &
le, lendemain comme il l'avoit
concerté avec ton beaupere &
avec fa femme , il alla chez un
ami dans un quartier éloigné ,
où il demeura jufqu'à ce qu'on,
eût fait le mariage, Angelique
qui imputa cette retraite à fon
defefpoir , en fentit fa vanité
agréablement flatée. Elle époufa
l'Officier, & deux jours aprés
le Cavalier revint auprés de fa
femme. La nouvelle mariée ne
l'eût pas pluftoft appris,qu'elle
240 MERGURE
alla trouver fon pere , & luy fit
connoiftre le peril our Julie ef
toit expofée s'il gardoit chez s'ilg
luy le Cavalier. Son pere luy
dit , que puifqu'elle avoit tout
fujet d'eftre contente , il eftoit
perfuadé qu'elle aimoit fa foeur
pour prendre part à les avanta
ges ; aprés quoy il lav expliqua
ce qui eftoit arrivé. Le dépit
qu'elle eur de s'eftre promis
une vengeance , qui ne tournoit
qu'à fa honte , la mit dans
un defordre d'efprit incroya
ble. Elle fortit brufquement?,
& depuis trois mois qu'elle eſt
mariée , elle n'a point encore
voulu voir fa focuro
GALANT 241
MORT SKY
Meffire Armand- Charles
de la Porte , Duc de Rethelois
Mazarin , de la Melleraye , &
de Mayenne , Pair de France,
Chevalier des Ordres du Roy
the
Lieutenant General de fes
Armées , Prince de Chafteau-
Porcien , Marquis de Montcornet
, Comte de la Fere , de
Marle , &c.bGrand Bailly de
Haguenau , Gouverneur d'Alface
, & de Bretagne , des Villes
, Chafteau & Citadelle de
Brifac, Vitré & de Port -Louis,
Novembre
1713
. X
242 MERCURE
Capitaine du Chateau de
Vincennes , & Grand Maiſtre
de l'Artillerie
de France, mourut
en fon Chaſteau de la
Mefleraye le 9 Novembre
1713 âgés de 82 ans ; il
s'eftoit demis de la Charge de
Grand Maiftre de l'Artillerie
an a66b.en faveur du Duc
du Lude , & de plufieuts
de fes Gouvernetnens
, & fe
retira on les terres .
a
Roo
létoinfils de Charles de
-la Porter, Duodè la Meſleraye
-grand Maiftre de l'Artillerie
& Maréchal de France , & de
Marie Ruzé Defiar , fa pre-
X EIMA STOKUVA
GALANT . 243
4.
miere femme. Il époufa có
1661. Hortenfe Mancini ,
fille de Laurent Mancini Che
valier Romain , & de Hieronime
Mazarin , foeur de Jules
Mazarin , Cardinal , Miniftre
d'Etat en France , en faveur
duquel mariage de fa Niece
ill'inftitua fon heritier univer
fel à charge de fubftitution
de porter le nom & les Armes
pleines de Mazarin , ce
qui fut confirmé par Lettres ,
verifiées au Parlement le s .
Aouſt 1661. & pour lors il
quitta fon nom & les Armes
de la Porte , & prit celles de
&
X ij
244 MERCURE
Mazarin , qu'ila tranfmis à fa
pofterité comme on voic
qu'ils les portentaujourd'huy.
Et de fon mariage , il eut
Charles Jules Mazarin Duc
de la Mefleraye , Pair de
France , Marie- Charlotte
Mazarin , femme du Marquis
de Richelieu , Marie Olimpe
Mazarin , épouſe du Marquis
de Bellefonds.
Charles Jules Mazarin , Duc
de la Melleraye a époufé en
1681; Felice Armande Charlotte
de du Fort Duras , fille
aînée du Maréchal de Duras
dont il a des enfans, inima
GALANT. 249
Monfieur le Duc Mazarin
eftoit arriere petit- fils de
François de la Porte , Seigneur
de la Lunardiere , qui fut marié
deux fois , 19. A Claude
Rochar , fille d'Antoine , Seigneur
de Carinvilliers , Confeiller
au Parlement , 2 A
Magdelaine Charles , fille de
О
Nicolas , Seigneur du Pleffis-
Piquer . Du premier lit , il cur
Sufanne de la Porte ,femme de
François du Pleffis , Seigneur
de Richelieu , Grand Prevolt
de France , & fut mere des
Cardinaux de Richelieu , l'un
Miniftre d'Etat , & l'autre Ar
X iij
246 MERCURE
chevefque de Lyon , & de la
feconde femme il eut Charles
de la Porte , Seigneur de la
Mefleraye, la Lunardiere, & c.
Gentil- homme ordinaire de la
Chambre du Roy , qui époufa
Claude de Champlois , &
il en eut plufieurs enfans , entr'autres,
Charles de la Porte,
Duc de la Melleraye , Pair
& Maréchal de France , pere
de Mr le Duc Mazarin .
Meffite Jean , Comte de
Gaffion , Lieutenant des Gardés
du Corps du Roy, Lieurenant
General de fes Armées
Gouverneur de Mezieres ,
GALANT. 247
Chevalier de l'Ordre de S.
Louis ,mourutle 26. Novem
bre a fervi avec beaucoup de
diftinction , en Allemagne
& en Flandres . 12
Heftoit fils de Jean de Gaf
fion , Prefident à Mortier au
Parlement de Pau , & de Marie
Befrade , & neveu de Jean
de Gaffion Maréchal de France
qui mourut à . Arras de 2 .
Octobre 1641 , d'un coup
de moufquet qu'il receur à la
tefte le 28. Septembre precedent.
La famille de Gaffion eft
tres confiderable en Bearn ,
X iiij
248 MERCURE
qui defcend de Guillaume de
Gaffion , qui vivoit en 1499.
& qui étoit Senéchal du Païs
d'Olleran & de Sauvefere, pere
de Jean de Gaffion , qui fur
employé pour traiter de la
rançon de Henry II . Roy de
Navarre , auprés de l'Empereur
Charles quint en 1525.
le traité fut fait pour 30000.
écus d'or. Mais les Agens de
l'Empereur voulans augmenter
cette convention , il employa
l'argent pour gagner
fes Gardes , & lui procura la
liberté par ftratagême . Jean
Gaffionfon fils fut Procureur
GALANT. 249
General au Confeil Souve
rain de Bearn , puis Maiftre
des Requestes & Prefident à
Morrier audit Confeil , &
Chef de la Reine Jeanne de
Navarre , mere du Roy Henry
IV. Roy de France & de
Navarre ; c'eftoit le bifaycul
de Mr de Gaffion , qui vient
de mourir. Cette famille a
des perfonnes produit
qui fe font diftinguées
,
tant dans la Robe que dans
l'Epée , Pierre Marquis de
Gallion , frere de celui qui
vient de mourir , a cfté Confeiller
d'Etat , premier Prefi250
MERCURE
dent à Mortie au Parlement
de Bearn , qui de Magdelaine
Colbert du Terron a cu plufieurs
enfans , l'aîné , Charles
Marquis de Gaffion , Capiraine
- Lieutenant des Gendarmes
de Mr le Duc de
Bourgogne,fut tué à Hochtet
en 1704. & Pierre Armand
Marquis de Gaffion , fon frere
a épousé en 1708. la fille
de Mr Darmenonville .
Meffire Jacques Lynch ,
Archevefque de Tune , Metropolitain
de la Province de
Conaught en Irlande , ci devant
Aumônier honnoraire
GALANT. 25 * 3
de feu Charles II . Roy d'Efpagne
, mourut à Paris le 29.)
Octobre , âgé d'environ cent
ans.
Le Prince de Tofcane , fils
aîné du Grand Duc de Tof
cane , mourut à Florence le
3. Octobre , âgé de 51. ans ,
aprés une longue maladies Il
n'a point eu d'enfans de fon
mariage avec la Princeffe , fon
époufe , foeur des Electeurs .
de Baviere & de Cologne.
1 Meffire Leon de Mazoyer ,
Seigneur de Verneüil , Moud
linon , &c. Gentil- homme ordinaire
, & Ecuyer de Madame
252 MERCURE
la Dauphine , mourut en fon
Chaittaude Moulignon le
Novembre 19133
Mr Marc Antoine Goder ,
Marquis de Soudé , Chevalier
de l'Ordre Militaire de Saint
Louis , cy - devant Capitaine-
Lieutenant des Chevaux Legers
d'Anjou , mourut fans
alliance le 18. Novembre âgé
de 42. ans.
Nicolas Chupin , Confeiller-
Secretaire du Roy , & cydevant
Treforier general du
Marc d'or des Ordres du Roy,
mourut le 21. Novembre.
M Nicolas le Grain , CheGALANT.
25-3
valier , mourut le même jour
21. Novembre , âgé de 81 , an ,
laiffant pour fille unique de
feuë Dame Anne Guyer , Dame
N. la Grain , mariée à M'
Boucher d'Orçay, Maiſtre des
Requeftes , fils du Confeiller
d'Erat .
MaAntoine.de- Brouilly ,
Marquis d'Herleville , dy devant
Lieutenant general pour
leRoy, Gouverneur des Province
, Ville & Citadelle de
Pignerol , mourut auffi le 21.
Novembre.
R
C
254 MERCURE
善
Extrait de la Capitulation du
Chafteau des Forts de la
Ville de Fribourg, accordée
le 16. Novembre par Mr le
Maréchal , Duc de Villars ,
commandant l'Armées du
·Roy liv
tibel 2
O
Uc le 20. Novembre
fortiront des deux Châ .
teaux & des Forts les deux
Garniſons , avec toutes les
marques d'honneur , fous le
Lieutenant general de Bataille
GALANT. 255
Baron de Wachtendonck , les
deux Commandans de Hanftem
& de Dominique , tous
les Officiers , avec leurs Domeftiques
& équipages qui fe
ront conduits juſqu'au Camp
Imperial de Rotweil en Suabe,
dans quatre ou cinq
39 201
jours, 20
Que
fix pieces
de Canon
marcheront
à la teſte, fçavoir
;
trois
de douze
, & trois
de fix
livres de balle, de plys
quatre
Mortiers
de cent , & trois
de
, &
foixante
livres , avec
lala
pou
dre , boulets
, bombes
& attirails
neceſſaires
pour
tirer
cin156
MERGURE
quante coups , auffi bien que
pour toute l'Infanterie & les
Dragons ; & pour chaque
Grenadier
cinq grenades
.
Que cette marche commencera
par les équipages
fuffisamment eſcortez , qu'on
rendra le jour d'auparavant
tous les équipages pris dans la
Ville , meubles & hardes , &
autres ; qu'on rendra de bonne
foy tous les chevaux pris
& tout ce qui appartient à cette
garnifon , & que la quantité
de chevaux & chariots
dont on a befoin fera fournie
gratis pour le tranſpoft juſGALANT.
257
*
qu'audit Rotweil.
Qu'on emmenera librement
tous les Documents &
Ecrits qui font dans les deux
Châteaux concernant les Ar-
"
chives , & d'y pouvoir joindre
ce qui pourroit eftre de
plus dans la Ville appartenant
à cela .
Que tous ceux qui voudront
fortir de Fribourg foit . prefentement
ou dans l'efpace de
trois mois , comme cela fe
comprend dans toutes les Capitulations
. d'honneur , il
leur foit permis de vendre
feurs biens & d'emmener leurs
Novembre 1713 . Y
258 MERCURE
bagages , avec les Paffeports
neceffaires , & que dans cer
article puiffent eftre compris
Mrs de la Regence , &c .
Que les Officiers & foldats
malades & bleffez puiffent
refter à Fribourg , logez gra
tis chez les Bourgeois , avec
les Chirurgiens & autres pour
les fervir , recevant leur pain
de la farine laiffée pour ce
fujer , & les medicamens de
même , jufqu'à ce qu'ils
foient en état de partir avec
Paffeports pour fe rendre à
leurs Corps.
•
Que tous prifonniers, tant
GALANT. (259
ceux qui ont efte faits aux
lignes , que pendant le ſiege ,
& tous ceux qui font reftez
dans la Ville , feront rendus ,
avec leurs habits & armes. II
ne fera point permis en fortant
de tirer aucun foldat
hors de fon rang ou de le debaucher
, excepté les defertours.
Qu'on montrera de bonne
foy toutes les mines , Loure
l'artillerie & tous les vivres
-qui font dans les deux Chaf-
>teaux , mot
Qui Que la garnifon fera
pourveuë de pain pour cinq
Yij
260 MERCURE
jours jufqu'à Rotweil : &
comme les fours des Chaf
teaux ne fuffilent pas pour ceon
les fera cuire dans la
2 A
4.76
la
,
Ville.
Que les dettes contractées
" par les Officiers ou autres ,
dont on excepte le vin , la
viande , le bois & ce qu'il a
fallu prendre pour la nourriture
du foldat , & l'ufage du
"frege & ce qui ne paye pas , on
laiffera pour les deux premieres
claffes le fieur Dalberdoff
, premier Commiffaire
dos guerres en oſtage , jufqu'à
ce qu'on aura fatisfait ,
GALANT. 261
& on n'éxigera point d'autres
oftages parmi les Officiers,
Qu'aufli toft la preſente
Capitulation fignée , on envoyera
un courier au Prince
Eugene de Savoye , & autre,
pour avertir de la marche
de cette garniſon , à
Rotweil.
Qu'on cedera en attendant
la fortie , le petit Ouvrage
qui eft devant la porte de
ce Chateau à la moitié de la
contrefcarpe vers la Ville : au
Fort S. Pierre , l'Ouvrage à
corne & la Redoute attaquée ,
attendant en même temps
262 MERCURE
deux ôtages pour M' le Lieutenant
Colonel Iberaker , &
Mole Lieutenant Colonel
d'Erps. , magê con large
La Garnifon n'eft fortie
que le 22. à caufe du mauvais
temps . Elle eftoit compofée
de prés de fept mille hommes,
& étoit de treize mille au
commencement du Siege .
Le 31 Octobre Mrte Comte
d'Artagnan Lieutenant
general dos Armées du Roy ,
eſtant de jour à la tranchée
deFribourg , fit attaquer par
Fordre de Monfieur le Maréchal
de Villars la demie-lune,
GALANT 263
laquelle fut emportée dans
Pinftant par la valeur des
Troupes, quoy que deffenduë
par cent cinquante hommes
des ennemis qui futent tous
tuez ou pris .
Le lendemain matin on vit
un Drapeau fur la bréche &
dans le moment Mr le Comté
d'Artagnan l'eftant alléreconnoiftte
, s'en faifit , & des
autres poſtes . Il entra enfuite
dans la ville avec quatre Com
pagnies de Grenadiers , & donna
de fi bons ordres qu'il
fauva le pillage, ¿Le Baron
d'Arfch , Gouverneur de Erie
264 MERCURE
bourg , envoya le fieur de
Wlinkforon au Prince Eugene
en fon Camp de Mulberg
, il revint le 16 Novembre
au foir. Le lendemain ,
le Baron d'Arfch l'envoya au
Maréchal de Villars , auquel il
propofa les conditions pour
la Capitulation du Chateau
& des Forts , dont une partie
fut refusée. Surquoy le Baron
Arfch ayant fait çavoir
qu'il n'avoit pas un Pouvoir
affez grand du Prince Eugene
pour conclurre à d'autres
conditions , demanda permiffion
de renvoyer le même Officier
GALANT. 265
ficiers au Prince Eugene , ce
qu'onluy accorda . La fufpenfon
d'armes fut prolongée
jufqu'au 15. à condition que
les Affiegez mettroient toutes
chofes en état pour l'attaque
du Chasteau & des Forts . On
mit en batterie vingt - huic
mortiers & foixante pieces de
canon , & on pouſſa des
boyaux de communication
aux endroits neceffaires. Les
Affiegez voyoient faire tous
ces travaux fans s'y oppoſer.
Ils envoyoient du Chateau
des provifions aux malades
& bleflez , aux foldats , aux
Novembre 1713 . Z
166 MERCURE
femmes & aux enfans & aux
valets qu'ils avoient abandonnez
dans la Ville. Le 13.
Novembre le feu fe mit par
accident à l'Arfenal de la Ville
, lequel a efté brûlé.
- Supplement aux Nouvelles.
On mande de Vienne que
les maladies diminuënt de
jour en jour , que l'Archiduc
a fait écrire aux Seigneurs
quis eftoient retirez à la campagne
, de revenir à Vienne ;
que le Regiment de Bareith
qui campoit aux environs de
GALANT. 267
cette Ville , s'eftoit mis en
marche pour aller prendre des
quartiers d'hyver en Bavicre.
Les Lettres d'Andrinople
du 3. Octobre portent que
les Ambaffadeurs du Czar
avoient demandé leur Audience
de congé ? qu'ils avoient
eſté envoyez au Reis
Effendi , ou Chancelier , qui
leur demanda s'ils n'avoient
reçu aucune réponse de leur
Maiftro fur diveries demandes
qu'on leur avoit faites ,
entr'autres du payement du
tribut au Kam des Tartares
que les Mofcovites avoient
Zij F
268 MERCURE
autrefois accoûtumé de luy
payer , & de la ceffion d'une
partie de l'Ukraine ; que les
Ambaffadeurs Mofcovites avoient
répondu qu'il n'avoient
reçu aucun ordre fur
-
cc fujer , mais qu'ils s'enga-
-geoient d'envoyer un Courrier
au Czar pour fçavoir ſa
refolution ; que fur cette ré-
• ponſe les Turcs avoient fait
Femener les Ambaſſadeurs à
C
Conftantinople pour eſtre de
nouveau enfermez dans le
Chateau des Sept- Tours , &
que le Palatin de Malovi
Ambaffadeur de Pologne &
GALANT. 269
F'Envoyé du Roy Augufte
eſtoient gardez chez eux fort
éttroitement . Ces mêmes Let
tres portent que le Reïs Ef
fendi eftoit allé deux fois rendre
vifite au Roy de Suede à
Demir Tocca , qu'il luy avoit
offert de l'argent & toute forte
d'affiſtance de la part du
Sultan . On écrit de Hambourg
que les Troupes Danoifes
qui gardoient les ave
nuës de cette Ville , s'eftoient
retirées à Ottenfen ; de forte
que la communication eft prefentement
libre avec la Ville
d'Alrena ; que la marche des
Z iij
270 MERCURE
4
Troupes Pruffiennes qui devoient
venir en ces quartiers
a efté differée : ce qui donne
fujet de croire que les differends
touchant la reftitution
des Etats de Holftein- Gottorp
feront bien-toft terminez.
Les Lettres de Coppenhague
portent que le Roy de
Dannemarck eftoit fort mécontent
du Traité conclu
pour mettre en fequeftre les
Places de Pomeranie , qu'il en
avoit écrit au Czar , qui luy
avoit répondu qu'il ne fe fépareroit
jamais de fon allian
GALANT . 271
ce ; & qu'il renvoyeroit fes
Troupes en cas qu'il en cut
befoin , que la Flotte Danoife,
ayant efté informée que
neuf gros Vaiffeaux Suedois
paroiffoient en mer , avoit
voulu lever l'anchre pour les
aller combattre ; mais qu'elle
en avoit cfté empêchée par
les vents contraires , & qu'un
Baftiment chargé de vivres
pour la Flotte eftoit péri avec
treize hommes par le mauvais
temps, lovevailed
Celles de Berlin du 8. Noe
vembre , portent que le Roy
-de Prufle dans un Confcil de
Z iiij
272 MERCURE
Guerre avoit refolu d'envoyer
dans le Holstein pour
faire le Blocus de Tonningen
,
une Armée de vingt mille
hommes , composée de douze
mille Fantaflins , de cinq
mille chevaux & de trois mille
Dragons de fes meilleures
Troupes , commandées par
le Prince d'Anhalt Deffau ,
ayant fous luy pour Genereux
de la Cavalerie , les Lieuranans
Generaux Gatzmer &
Dorfling , avec les Majors
generaux Hakkeborn , Pannewitz
, Grotte & Sibourg ;
& pour Generaux de l'Infan-
8.
GALANT•
2730
terie , les Lieutenans Generaux
, Arnheime , Finch , avec
les Majors generaux Lilien ,
Gerftorf, Leben & Cameke ;
que le Roy de Pruffe eftoit
venu à Brandebourg pour
voir paffer en revûëles Troupes
qui devoient fe mettre en
marche le 24. avec trente pieces
de Canon .
éta-
On écrit de Madrid que
Don Franciſco Tinajero a
prefenté un Projet pour
blir une fabrique de Vaiffeaux
de guerre à la Havane , dans
l'Ile de Cuba , où en quatre
ans il en fera conſtruit dix de
274 MERCURE
foixante pieces de Canon chacury;
que ce Projer a efté approuvé
par le Roy , qui a affigné
pour commencer cent
quatre- vingt mille piaftres de
revenu de la Nouvelle Eſpa-,
gne , & ila donné la direction
de cette Fabrique à Don Manuel
Lopez Pintado , Commandant
l'Escadre qui doit
cftre à preſent fortie de Cadiz
pour bloquer le Port de Barcelone.
Toutes les Lettres de
Catalogue confirment que
Nebor & fes Compagnons
avoient efté empriſonnez
à
Barcelone , & que les VolonGALANT
. 275-
taires & les Miquelets échapez
aprés la défaite , s'eftoient,
fauvez , partie dans le Château
de Cardonne , & le refte
vars les Frontieres d'Arragon,
où un de leur parti avoit
efté défait par les Troupes,
du Roy. On mande de Naples
, qu'on ramaffoit plufieurs
Tartanes & Bastimens,
de tranſport fur lesquelles
doivent eftre embarquez,
leurs Regimens Eſpagnols ,
qui eftoient dans cette Ville
, & cftre conduits d'abord
à Manfredonia , & de
la tranfportez fur les Côtes
磐
276 MERCURE
de l'obéïffance de la Maiſon
d'Autriche.
Les Lettres d'Angleterre
portent pue Mylord Dunmore
a efté fait Colonel du troifiéme
Regiment des Gardes
de la Reine , à la place du
Comte de Lothian , & le Colonel
Liconier , Gouverneur
du Fort S Philippé dans l'Ifle
de Minorque ; que les équipages
de trente Vaiffeaux de
guerre avoienr efté payées &
congediées , & les trente Capitaines
mis à la demi paye ,
aprés avoir eſté payez &
congediez que le Comte de
GALANT 277
Straford , Plenipotentiaire de
la Reine à Utrecht arriva de
Hollande à Londres avec la
Comteffe , fon époufe , qu'il
avoit rendu compte à la Reine
de les Negotiaroins , particulierement
en ce qui regarde
les Pays- Bas Catoliques , dont
Sa Majesté prétend avoir l'adminiftration
conjointement
avec les Etats Generaux , jufqu'à
ce qu'ils forent remis à
Archiduc aprés la conclufion
de la Paix generale. Que depuis
la démolition d'une partie
des Fortifications de Dunkerque
, on a envoyé ordre à
278 MERCURE
la plufpart des Troupes qui
y cftoient d'aller joindre celles
qui font en garniſon à
Bruges & à Gand.
On mande de la Haye que
le traité de Paix entre l'Efpagne
& cet Etat eft fort avancé
qu'on attend que le cou-
"rier envoyé & qui doit arriver
dans peu , pour le conclure.
Que le Marquis de
Chatteau - Neuf & les autres
Miniftres Etrangers ont fou-
"vent des conferences
avec les
Deputez des Etats Generaux ;
que le fieur Bruys nommé à
Ambaffade de France fe preGALANT
279
paroit à partir , qu'il n'attendoit
que le retour du fieur
Goflinga fon Collegue , qui
eft allé en Frife , d'où il doit
revenir inceffamment.
Lès Lettres de Cologne du
17.Novembre portent que le
14. le Major de Vefel avoit
paffé à Kempen avec trois
cent hommes pour aller à
Liege , recevoir & escorter dix
huit mille fufils & huit mille
paires de piftolets que le Roy
de Pruffely a fait fabriquer.
ya
Nouvelles de Paris.
Le Roy a donné la Goù280
MERCURE
vernement d'Allace , vacant
par la mort du Duc de Mazarin
, au Maréchal de Huxelles.
Le 3. Novembre l'ouverture
du Parlement fe fit avec
les ceremonies ordinaires. La
Meffe fut célébrée par l'Evê
que de Lavaur , qui fir enfuire
un compliment
, auquel
le fieur de Mefmes
, premier
Prefident répondit fott éloquemment,
you Le Duc d'Aumont eft arrivé
de fon Ambaffade d'Angleterre
. & il a falué Sa Majefté
qui l'a reçû tres favora
blement.
£ vol sk
GALANT. 281
Le 30. on chanta le Te
Deum dans l'Eglife Metropolitaine
en Action de Graces
de la Prife de la Ville &
des Forts de Fribourg. Le
Cardinal de Noailles , Arche-
• vefque de Paris y officia.
THRAKE
WIBLIO
DE
LYON
*
1293*
୧୪
٤٣
I
Novembre 1713. Аз
TABLE.
********N*.
BAGATHA BIL E.
Jerrod High mot ab
3
Differtation fur la Mufique Ita-
Lienne Françoife.
Hiftoire Abregée des derniers
tremblemens arrivez à Manofque
en Provence.
Memoire,
Mort.
63
68
69
Nouvelles d'Espagne .
Nouvelles d'Angleterre.
Nouvelles de Warsovie,
Rentrée de l'A ademie.
Article des
Enigmes,
73
85
93
101
121
& A
TABLE.
Traduction du Poëme Anglois
~ fur le Bal que Mr le D **
** D ** a donné à Londres le
$ £ 17 . Aoust 1713 .
Annonce.
133
144
La défaite des Hannetons, Poëme
en deux Chants. 145
Second Chant.
153
Extrait d'une Lettre de Fribourg.
160
Obfervationsfur les changemens
du
Barometre , par rapport au
temps , é.
Dons du Roy.
163
167
Le Ver luifant , l'Abeille , & le
Ver àfoje , Fable.
Hiftoriette,
173
207
Aa ij
TABLE.
Morts. 241
Extrait de la Capitulation du
Chafteau des Forts de la
Ville de Fribourg
254
Suplément aux Nouvelles , 266
Nouvelles de Paris .
279
GALANT.
NOVEMBRE
1713
wwww
UNI
NOV
IN
AN
NIN
A PARIS ,
M. DCCXIII
Avec Privilege du Roy.
BIBL
AFE
LYON
1/293
MERCURE
DE
LA
LYON
GALANT.
Par le Sieur Du F ***
Mois
de Novembre
1713.
Le prix eft 30. fols relié en veau , &
25. fols , broché.
A PARIS ,
Chez DANIEL JOLLET , au Livre
Royal, au bout du Pont S. Michel
du côté du Palais.
é du
PIERRE RIBOU , à l'Image S. Louis,
fur le Quay des Auguftins.
GILLES LAMESLE, à l'entrée de la ruë
du Foin , du côté de la ruë
Saint Jacques.
AvecAprobation, & Privilege du Roi,
MERCURE
GALANA
LYON
*7893*
VILLE
Differtation fur la Mufique
Italienne Françoiſe.
Par M. de L. T.
'EST
apparemment,
Monfieur,
pour m'éprouver
& pour connoître ce que
Nov.
1713. A ij
4 MERCURE
1
je puis ſçavoir en mufique
, que vous me demandez
mon fentiment
fur le goût Italien qui
y regne à prefent plus
que jamais . Il n'y a perfonne
qui puiffe decider
avec plus de juſteſſe ſur
cet art que vous , qui le
poffedez parfaitement
,
& qui joignez au beau
naturel une fcience profonde
dans l'harmonie.
Je vous obeï's donc . Ce
ne fera point comme
GALANT
S
Muficien prevenu en faveur
de l'une ou de l'au
tre que je vous dirai
mon fentiment
; je parlerai
fuivant le goût naturel
qui m'eft échû en
naiffant pour cette fcience
,
& qui doit peu
chofes à l'art : & laiffant
de
là les termes dont les
Muficiens font obligez
de charger leurs traitez
de mufique , & qui loin
d'inftruire , ne ſervent
fouvent qu'à embroüil-
A iij
6 MERCURE
ler les idées des lecteurs ,
je tâcheray de me rendre
fenfible à ceux qui me
liront , en forte qu'ils me
pourront comprendre
fans fçavoir la mufique .
J'effayerai donc de vous
faire une peinture de l'une
& de l'autre , ainfi
qu'elles m'ont frapé aprés
les avoir pratiquées
Toutes les deux.
y a prefentement
ici deux partis formez
dans la Mufique : l'un
GALANT . 7
admirateur
outré de la
Mufique Italienne , profcrit
abfolument la Mu
fique Françoiſe, comme
fade & fans goût; l'autre,
fidele au goût de fa patrie
, ne peut fouffrir fans
indignation
que l'on mé
prife le bon goût François
, & traite la Mufe
Italienne de bizarre &
de capricieufe. Il y a à
tout cela un milieu plus
raiſonnable
, qui eft de
rendre juſtice à l'une & à
A iiij
8 MERCURE
l'autre , & de les prendre
chacune dans leur caractere.
Il faudroit être dépourvû
de goût & de
connoiffance, pour ne pas
avouer que la bonne Mufique
Italienne renferme
en general ce qu'il y a de
plus fçavant & de plus
recherché dans cet art i
que nous lui devons une
grande partie des agrémens
de la nôtre ; que les
Italiens font nos maîtres
GALANT.
୨
pour les Catates & pour
les Sonnattes . J'admire
dans ces pieces les deffeins
nouveaux de leurs
figures , fi bien imaginez
& ficheureufement conduits
, la vivacité petillante
de leurs imitations
redoublées , la varieté de
leurs chants , la diverfité
de leurs tons & de leurs
modes fi bien enchaînez
leur
les uns aux autres ,
harmonie recherchée
&
fçavante : mais fi nous
10 MERCURE
1
leur cedons la fcience &
l'invention , ne doiventils
pas nous ceder le bon
goût naturel dont nous
fonmes en poffeffion , &
l'execution tendre & nos
ble où nous excellons ? les
enrichiffemens
que nous
y avons ajoutez de nôtre
propre fond ne doiventils
pas prévaloir
? & ne
fommes - nous pas de ces
écoliers
qui ayant bien
profité des leçons de nos
maîtres , fommes à la fin
GALANT. $11
devenus plus fçavans
qu'eux ? Ne pourroit- on
pas dire, fans offenfer les
fectateurs de la Mufique
Italienne , que leurs ornemens
trop frequens &
déplacez en étouffent
l'expreffion , qu'ils ne caracteriſent
point affez
leurs ouvrages ? femblables
en cela à cette architecture
gothique , qui
trop chargée d'ornemens
en eſt obſcurcie , & où
l'on ne démêle plus le
12 MERCURE
corps de l'ouvrage . Quel
la Mufique Italienne ref
femble encore à une coquette
aimable pleine de
-rouge & de mouches ,
toujours vive , toujours
le pied en l'air, qui cherche
à briller partout fans
raifon & fans fçavoir
-pourquoy , toujours emportée
dans quelques fu
jets qu'elle traitesque l'amour
tendre y danſe le
plus fouvent la gavotte
du la gigue. Ne diroitGALANT.
" 13
on pas que le ferieux devient
comique entre ſes
mains , & qu'elle eft plus
propre aux arietes & aux
chanfonnettes qu'à traiter
de grands fujets ? femblable
en cela à ces Comediens
qui n'ayant que
du talent pour le comique
, reüffiffent fort mak
& tournent le tragique
en ridicule quand
ils veulent s'en mêler.
Il faut avouer que la
majefté de la Mufique
14 MERCURE
Françoiſetraite les fujets
heroïques avec plus de
nobleffe , & convient
bien mieux au cothurne.
Dans la Mufique Italienne
tout y paroît uniforme
, la joye , la colere,
la douleur , l'amour heureux
, l'amant qui craint
ou quiefpere: tout y femble
peint avec les mêmes
traits & du même caractere
; c'est une gigue continuelle
, toujours petillante
, toujours bondifGALANT
is
fante ; la voix
commence
feule ,
l'inftrument repete
ce chant en écho. Ce
deffein fouvent d un chất
bizarre fe promene nonfeulement
fur toutes les
cordes du mode , mais encore
fur toutes les étrangeres
où ils peuvent s'accrocher
bien ou mal, tellement
quee
leurs pieces
roulent fur tous les tons ,
& changent de mode à
chaque inſtant , en forte
que l'on ne sçauroit dire
16 MERCURE
à la fin duquel ils font.
Après avoir fait cette
longue promenade , où
l'on
on
repete
vingt
fois
le
même
chant
, tant
la voix
que
l'inftrument
, il faut
encore
retourner
da
capo.
Ce paffage eft quelquefois
trés rude à l'oreille
, étant fouvent de
deux cordes , voifines :
mais il arrive fouvent
que l'on paffe outre , pour
éviter à prolixité & pour
en diminuer l'ennui.
C'eſt
GALANT. 17
C'eſt un grand défaut
dans tous les ouvrages
d'efprit , & principalement
en muſique , de ne
pouvoir finir : il faut fça
voir fe moderer. Un bon
ouvrage
perd la moitié
de fon merite quand
il
eſt trop diffus.
#
Nous avons peine encore
à nous accoutumer
aux intervales bizarres
des chants de leurs recits
qui paffent quelquefois
Fétendue de l'octave , &
Nov.
1713.
B
18 MERCURE
que les plus habiles ont
peine à entonner jufte; les
tenues fur tout y impatientent
l'auditeur, pour
eftre déplacées. Ces tenuës,
que nous ne faifons
& qui ne conviennent
gueres que fur les mots
de repos & quelques autres
, s'y font indifferemment
fur tous les mots
qui finiffent
par des
voyelles . Je ne dis pas
qu'il n'y ait beaucoup
d'art à faire badiner un
GALANT . 19
violon & une baffe fous
une de ces longues tenuës
: mais quel rapport
a la liberté avec ce fon
qui dure un quart- d'heure
?où eft le goût & l'expreffion
de tout cela ? Il
arrive même fouvet que
la Mufique Italienne exprime
toute autre choſe
que ce que les paroles
fignifient ; j'entens un
prelude vif & emporté.
Je crois que quelque amant
rebuté des rigueurs
Bij
20 MERCURE
de fa belle va fe livrer au
dépit & chanter poüille
à l'amour, point du tout.
C'eſt un amant tendre
qui vante le prix de fa
conftance , qui appelle
l'efperance à fon fecours,
ou qui fait une declaration
à la bien- aimée . a
Paffe encore à ceux
qui travaillent pour le
violon , de fe livrer tout
entiers dans leurs Sonnates
au feu de leur imagination
, & de promeGALANT.
11
ner leurs fugues & leurs
imitations par tous les
2
modes yeux qui ne font
point gamez par l'expreffion
des paroles ,
qui doit faire la regle
des compofiteurs . Nous
fommes redevables à l'Italie
de ces fortes de pieces
; les Corelli , les Albinoni
, les Miquels , &
plufieurs autres ont produit
dans ce caractere
des picces qui feront immortelles
, & où peu
de
22 MERCURE
gens peuvent
atteindre
.
Cependant
mille autres
veulent
les imiter
. J'ai
vû de ces pieces
d'un
chant fi bizarre & d'une
compofition fi extraordinaire
, qu'on auroit dit
qu'on cuft jetté au ha
zard des pâtez d'encre
fur du papier reglé , qu'-
on y cuft enfuite ajouté
des queues & divifé par
mefures.
La mufique de leurs
Cantates paroît plutôt
GALANT . 23
convenir aux concerts
de chambre qu'à nos fpe
tacles ; leurs Sonnates
à deux parties ne doivent
être joüées qu'à violon
feul , qui frife & qui
pretintaille autant qu'il
luy plaît , & deviendroient
trés - confuſes fi
la même partie étoit executée
par plufieurs inftrumens
qui feroient
des diminutions differentes
, & ainfi doit être
bannie d'une grande orcheftre.
24 MERCURE
L'on n'entend en general
dans la mufique
qu'une baffe - continuë
toujours
doublée
, qui
ſouvent
eft une espece
de batterie d'accord , &
un harpegnement qui
jette de la poudre aux
yeux de ceux qui ne s'y
connoiffent pas , & qui
reduites au fimple reviendroient
aux nôtres.
Ces B. C. ne font bonnes
qu'à faire briller la
viteffe de la main de
ceux
GALANT.
25
ceux qui accompagnent ou
du clavecin ou de la viole ;
encore pour rencherir ſur
ces baffes déja trop dou
blées d'elles - mêmes , ils les
doublent encore , & c'eſt
ce qui doublera le plus , de
forte qu'on n'entend plus
le fujet qui paroît trop nud
auprés de ce grand brillant,
& demeure enfeveli fous un
cahos de fons tricotez &
petillans , qui paffant trop
legerement , ne peuvent
faire d'harmonie contre le
fujet . Il faudroit donc que
des deuk inftruméns lib ỳ
Nov. 1713.
C
26 MERCURE
en eût un qui jouât le fimple
de la baffe , & l'autre le
double ; ces B. C. pafferoient
plûtôt pour des pieces
de viole que pour un
accompagnement, qui doit
être foûmis au fujets & ne
point prévaloir. Il faut que
la voix domine & attire la
principale atttention . Tout
le contraire arrive ici , l'on
n'entend
que la B. C. qui
petille toûjours , la voix en
eft étouffée. Il fe trouve un
inconvenient dans les baf
fes en batteries & doublées
fur le champ , c'eft qu'il eft
GALANT.
27.
difficile qu'un clavecin,une
viole & une theorbe ſe puif.
fent rencontrer jufte dans
la même maniere de doubler
, l'un prend un tour &
l'autre un autre ce qui
caufe une cacophonie extraordinaire.
Un compofiteur
ne reconnoît point au
milieu de tout cela fon pauvre
ouvrage tout défiguré ,
& fe contente d'admirer la
vîteffe de la main de ceux
qui l'executent. Voila cependant
le goût de l'execution
de la Mufique Italienne,
Cij
28 MERCURE
Cé n'étoit point celui de
Lully , fectateur du beau &
du vrai , qui auroit banni
de fon orcheſtre un violon
qui eût gâté fon harmonie
par quelque diminution &
quelque miaulement mal placé.
Ne peut- on pas s'affujettir
à jouer la muſique
comme elle eft eft- ce le ?
goût Italien de faire de faux
accords à tout bout de
champ
? J'ai vû des Muſi
ciens fi amoureux des vîteffes
& de ces baffes figu
rées , qu'ils ne pouvoient
fouffrir les adagio , c'eſt à
GALANT. 29
dire les endroits de recitatifs
lents , & paffoient ces
morceaux comme unennuyeux.
C'eft cependant
dans ces endroits où l'harmonie
peut fe faire mieux
fentir que dans ces vivacioù,
comme je viens de
dire , la baffe paffant trop
legerement , & ne faiſant
que frifer le deffus , ne peut
tez ,
faire d'harmonie.
Mais fi cette mufique figurée
convient aux paroles
Italiennes & Latines , pourquoy
y veut- on aſſujettir la
Langue Françoiſe ? Un Ita-
C iij
30
MERCURE
lien ſe gouverne
-t- il com-
Leurs me un François
goûts , leurs habits , leurs
moeurs , leurs manieres >
leurs plaifirs ne font- ils pas
differens
? Pourquoy
ne
veut on pas qu'ils le foient .
auffi dans leurs chants ? Un
Italien chante-t - il comme
le François Pourquoy veuton
que le François chante
comme l'Italien ? Chaque
pays , chaque guiſe , * il faut
que chacun demeure chez
foy. Pourquoy veut- on ha-
* Quando eris Roma , more tu vivito Roma ;
Quando eris alibi , vivitoficut ibi,
GALANT
biller la Muſe Françoiſe en
mafque , & la rendre ex
travagante
, elle dont la
langue eft fi fage & fi naïve
, & ne peut ſouffrir la
moindre violence , eft ennemie
des frequentes repetitions
, de ces grands rou
lemens , de ces longues te
nuës que l'on fupporte dans
la Mufique Italienne Lou
Latine ?
On peut ici comparer la
Mufique Françoife à une
belle femme dont la beauté
fimple naturelle & fans art ,
attire les coeurs de tous ceux
C iiij
32
MERCURE
qui la regardent , qui n'a
qu'à fe montrer pour plaire
fans craindre d'être défaite
par les minauderies affec
tées d'une coquette outrée
qui cherche à mettre les
gens dans fon parti à quelque
prix que ce foit , à qui
nous avons comparé “ la
Mufique Italienne.
Je pourrois encore içi
rapporter l'autorité du beau
fexe , auprés de qui la Mufe
Italienne a peine à trouver
grace , qui s'ennuye
d'un quart- d'heure de fonnates
& qui aime mieux
GALANT.
393
entendre chanter Sangaride
ce jour , & jouer les fonges
agreables , que toutes les
batteries & les harpegnemens
d'un violon touché
fçavamment auquel elles
$ ne connoiffent rien , & ne
fentent rien qui les attire :
on a beau lui dire que cela
eft fçavant , beau , fublime,
que c'est un tel auteur Italien
qui les a faits , cela eft
fort beau, difent les Dames,
mais nous n'en voulons:
plus , ce font pourtant elles
qui decident du merite &
du deftin des ouvrages , &
34
MERCURE
aà qui nous devons chercher
à plaire , & fur- tout
dans cet art qui femble être,
pour elles. fait
Il faut cependant avouer
que quelques- uns de nos
habiles Maîtres ont trouvé
le fecret d'allier fort fçavamment
le goût naturel
du François avec le brillant
& le fçavant de l'Italien ,,
dans des cantates qui font
entre les mains de tout le
monde , & qui font des
chef- d'oeuvres en cette efpece
, & pour la Mufique
& pour la Poëfic ; qu'il leur
GALANT.
33
fuffife donc d'avoir montré
aux Italiens que les François
pouvoient porter auffi loin
qu'eux le genie & le fçavoir
tant dans les cantates
que dans les fonnates : mais
pour cela le bon goût fim
ple & naturel du François
doit- il être méprifé , quand
les Italiens pour le perfe
ctionner commencent euxmêmes
à l'imiter ?
>>Ces fortes d'ouvrages en
one produit une infinité
d'autres les cantares & les
fonnares naiffent ici fous
les pas , un Muficien n'ar
36 MERCURE
rive plus que la fonnate où
la cantate en poche , il n'y
en a point qui ne veuillefaire
fon livre , être burine , &
ne pretende faire affaut
contre les Italiens , & leur
damer le pion , à peine le
Poëte y peut-il fuffire ; it y
a même telles paroles qui
ont fouffert plus d'une fois
la torture de la Mufique
Italienne , enfin les cantates
nous étouffent ici : j'en ai
entendu qui duroient une
heure , montre fur la table,
enforte qu'on étoit obligé
de demander quartier
, ou
GALANT
37
de quitter la place. Qu'eft
donc devenu le bon goût 2
faudra- t- il qu'il expire ainfi
fous le fatras de toutes ces
cantates ? que diroient les
Lambert , les Boëffet , les
le Camus , les Babtiſtes , s'ils
revenoient au monde , de
voir le chant françois fi
changé , fi avili & fi défiguré?
Je fuis perfuadé que
nos illuftres Maiſtres ont
trop de goût & trop de
l'abandonner
ſcience pour
comme
il paroift
par leurs
propres
ouvrages
, dont les
endroits
les plus
gracieux
,
38
MERCURE
& qui plaifent le plus , font
traitez dans le gouft françois
, où ils ont fçû mélanger
le bon des Italiens ,
& en ont laiffé là le mauvais
, qu'ils rendent juſtice
au heros & au Ciceron de
la Mufique francoiſe , je
veux dire à Lully * , qu'ils
admirent
la grandeur
&
l'élevation
de fon genie
au milieu de cette naïve
fimplicité dépourvûë de
tous ornemens étrangers ,
& qui femble devoir tomber
fous les fens de tout le
** Eloge de Lully.
BROTURY
GALANT.
039
monde. At il voulu peindre
l'amour tendre , quel
coeur ne s'attendrit- il pas ,
quel chant , quel naturel ,
quelle harmonie dans fes
duo ? ne devineroit- on pas
les paroles de fes recits à
en entendre feulement les
chants ? & n'est- ce pas une
veritable declamation que
fon recitatif ? A- t - il voulu
exprimer la douleur , les
rochers ne gemiffent ils pas
avec lui : a- t-il voulu peindre
la fureur , la vengeancey
quel coeurene reffent
pas de fecrets fremiffe40
MERCURE
mens ? quel feu & quelle
vivacité dans les airs de violon
, quand il a voulu exprimer
la viteffe des fougueux
aquilons ou des
tranfports des furies ? Si la
joye s'empare de la ſcene ,
tous les peuples , tous les
bergers fautent & danſent
au fon de fes mufettes ,l'horreur
& l'effroy s'empare de
nôtre ame , s'il veut faire
quelque enchantement ou
évoquer les manes des enfers
; quelle tranquilité affoupiffante
ne fd répand
pas dans l'ame s'il veut endormir
GALANT.
41
dormir ou calmer fes heros
agitez s'il fait fonner la
trompette l'humeur martialle
ne faifit-elle pas fes
auditeurs , & n'eft- on pas
prêt de courir aux armes.
& de monter à l'affaut s'il
veut préparer ou annoncer
quelque oracle, quelle gravité
ou quelle nobleffe dans
fes fimphonies on diroit
que comme un fcavant
Peintre il a fcû avec fes
fons peindre pour ainfi dire
les mouvemens de toutes
les paffions du coeur de
l'homme. A t- il eu recours
D
Nov.
1713.
42 MERCURE
pour cela à tous ces faux
brillans & les ornemens deplacez
de la Mufique Italienne
? rien n'eft il plus
fimple & plus naturel que
fa compofition qui eſt à la
portée de tout le monde, &
en même temps rien de fi
élevé , de fi noble , & de fi
fpirituelle pour l'expreffion
? Quoy qu'il foit fort
fcavant , le goût feul & le
genie femblent avoir été
fes guides , & capable de
préfcrire des regles nouvelles
à ceux qui les fuivroient
; il femble quelqueGALANT.
43
fois avoir negligé les anciennes
, & s'être mis audeffus
d'elles. Il faut avouer
auffi que c'est ce qui fait la
meilleure partie du Muficien
que le genie , c'eſt lui
qui fait auffi les Peintres
& les Poëtes ; car on peut
dire que ces trois fciences
fe donnent la main , &
peuvent paffer pour trois
foeurs on voit peu de Peintres
qui ne foient auffi un
peu Muficiens , & qui
n'ayent du goût pour ces
deux arts , la Mufique n'eftelle
pas une poëfie & une
Dij
44
MERCURE
peinture fonore & harmonieufe
? la peinture & la poëfie
ne font- elles pas compofées
d'une aimable harmonie
, d'un mélange &
d'un contraſte de couleurs ,
& de penſées melodieuſement
enchaînées ?
Il ne fuffit donc pas fenlement
de regles dans les
arts ; il faut être encore infpiré
& animé de ce beau
feu que la nature ne donne
pas à tout le monde , & qui
a fait les Titiens & les Lebrun
, les Corneilles & les
Racines , les Cariffimi &
GALANT. 45
"
haiter
que
les Babtiftes , & tant d'autres.
Il faut dans ces arts
fçavoir inventer & créer ,
outre qu'il faut qu'un compofiteur
poffede parfaitement
la langue dans laquelle
il travaille , connoiffe
les fyllabes rudes fur lef
quelles il faut paffer legerement
, & celles qui font
harmonieuſes & amies du
chant. Il feroit même à fouque
le Muficien fût
auffi Poëte pour ajuſter les
paroles à fon chant , & que
tout l'ouvrage coulât de
fource.
46 MERCURE
Ce n'eft point affez de
fçavoir preparer ou fauver
des diffonances , il faut encore
fçavoir les placer à
propos où elles conviennent
pour l'expreffion , les
mettre dans leur jour pour
qu'elles faffent leur effet ,
& qu'elles fervent comme
d'ombres au tableau , en
faifant valoir les confonances
par oppofition , n'en pas
diminuer la force par le
trop frequent ufage , comme
font les Italiens , dont
la mufique trop remplie de
diffonances
revolte quelGALANT.
47
quefois les oreilles : mais
fe garder de tomber dans
la monotomie , qui eſt le
vice contraire
, & que
Italiens pourroient plûtôt
nous reprocher.
les
Les regles de l'harmonie
ne montrent pas à faire un
beau chant , qui en eſt l'ame
, à imaginer un deffein ,
à bien rendre l'expreffion
des paroles , à fçavoir pla
cer les cadences aux fens
finis , comme les points &
les virgules dans le difcours
; à fçavoir changer de
mode quand les paroles
a
48
MERCURE
changent de caractere &
de fentiment . Un bon Matematicien
poffede à fonds
les regles de la compoſi .
tion , & eft un fort mauvais
compofiteur. J'ai compofé
jadis fans regle & fans ſcience
, & ayant acquis depuis
quelques connoiffances, j'ai
revû mes premiers ouvra
ges , & j'ai trouvé que j'aurois
peine à mieux faire
avec des regles. Il y en a
cependant d'effentielles , &
dont la connoiffance
eft neceffaire
: mais les veritables
& les meilleures font celles
A
que
GALANT .
49
que le goût & l'oreille vous
infpire. Vous trouvez dans
ces regles beaucoup de contradictions
, & les Italiens
n'en paroiffent pas de fort
rigides obfervateurs : elles
ne font la plupart fondées
que fur le caprice. J'ai vû
quelques - uns de ces traitez
de mufique , & quoique
fort profonds & fçavans ,
je n'en fuis pas devenu plus
habile en les lifant ; au contraire
j'en fuis forti plus embaraffé.
Ils vous apprennent
bien ce qu'il faut éviter
, qui font des inconve
Nov.
1713.
E
so
MERCURE
niens où l'oreille feule
nous défend de tomber :
mais ils ne nous inftruiſent
point comment il faut s'y
prendre pour faire une
compofition
gracieuſe &
de bon goût C'eſt donc le
genie naturel feul qui fait
le Muficien.
Si l'on reproche à Lully
d'avoir employé rarement
les tons tranfpofez , ce n'eſt
pas qu'il en ignorât l'ufage :
mais c'eft qu'il s'accommodoit
aux fujets qu'il avoit
& au goût du temps ; qu'il
fentoit qu'un chant n'en
GALANT.
SI
étoit pas plus beau pour être
tranfpofé d'un demi- ton
plus haut ou plus bas ; &
qu'une mufique difficile ou
recherchée , quoique belle,
ne laiffe pas que d'avoir un
défaut , qui eft que rarement
elle est bien execu
tée , parce que le nombre
des fçavans eft rare , & ainſi
rejettée ; au lieu qu'une
bonne mufique en eſt encore
meilleure quand elle
eft facile , puis qu'elle eft
fufceptible d'une meilleure
execution , qui eft l'ame de
la mufique ; qu'elle invite
E ij
52
MERCURE
d'elle-même à être chantée ;
qu'elle eft plus de commerce
dans le monde , étant
plus à la portée des honnêtes
gens qui l'executent : ce
qui doit être fon but & fa
recompenſe ; au lieu que
la mufique difficile effarouche
& dégoûte , & n'eſt
bonne que pour les Muficiens
de profeffion .
Peut - être auroit - il fuivi
une autre route , maintenant
que tous les Muficiens
font autant d'illuftres compofiteurs
, & que tous les
écoliers font autant de maî
tres.
GALANT.
53
•
Cependant ceux qui font
aujourd'hui entêtez de la
Mufique Italienne ne peuvent
fouffrir la Mufique
Françoife , & la regardent
comme une mufique fade
& fans goût : les Opera anciens
les endorment , ils n'y
fentent rien qui les rappelle
, ils n'y trouvent que des
tons naturels , des mouvemens
faciles ; ils veulent
que la clef foit ſurchargée
de diefes ou de b mols ; que
la B. C. foit brodée & remplie
de tous les chiffres d'arithmetique
, qu'on invente
E iij
54
MERCURE
pour eux des tons tranſpofez
& nouveaux , & des
mouvemens extraordinaires
; que
d'harpègnemés
& d'acords
coure toûjours
la poſte ; enfin
ne trouvent
pas une mufique
bonne qu'elle
ne foit
difficile. A peine
peuventils
fe refoudre à la regarder
quand il n'y a que des blanches
ou des noires , & des
mouvemens
à 2 & à 3 temps,
comme
fi toutes les mefures
Italiennes
ne revenoient
pas à ces deux mefures
. Ne
va -t- on pas reduire
la mela
baffe heriffée
GALANT. 55
à
,
fure à deux temps à celle de
quatre, en renfermant deux
meſures en une feule ? Le 4
pour 8 ne revient- il pas
nos deux temps legers ? &
les mesures de 6 pour 8
de 3 pour 8 & de 12 pour
8 ne reviennent- elles pas
toutes à la mefure de trois
temps , battuë plus ou moins
vite , quoy qu'elles fe bat
tent à 2 & à 4 temps , dont
chaque temps renferme.
une de nos meſures à trois
temps ? Ce n'eft donc qu'une
maniere differente de
s'exprimer , qui eft bonne
E iiij
56
MERCURE
en foy & donne le caractere
de la piece pour la lenteur
ou la legereté , & a plus
de facilité pour être battuë ;
car comme il n'y a en general
que 2. modes differens ,
le mineur & le majeur, il n'y
a auffi en general que 2.me.
fures , celle à 2. temps &
celle à 3. En vain voudroiton
en imaginer d'autres. Il
feroit ailé , pour contenter
ceux qui aiment le ragoût
des tons tranfpofez , les me
fures extraordinaires & les
baffes doublées , de tranf
pofer un de nos Opera un
GALANT.
57
demi- ton plus bas ou plus
haut , doubler leurs baffes
continues , & en reduire les
mefures à la maniere Italienne
. Ils deviendroient
alors de plus difficile execution
, mais perdroient la
moitié de leur beauté. Un
compofiteur n'eft - il pas
bien glorieux d'avoir fait
une piece fitranfpofée, plei
ne de fi & de mi b quarre ,
& d'une fi grande vîteffe ,
que perfonne ne fçauroit y
mordre , qu'il déchiffre à
peine lui- même. Voila une
piece , dit- il , que je défie à
58
MERCURE
tous les violons d'executer ,
& à tous les clavecins d'en
trouver les accords fur le
champ ; gardez - la donc
pour vous , mon ami : ces
fortes de pieces ne font bonnes
qu'à renfermer dans le
cabinet
pour la rareté , &
pour montrer qu'on en peut
faire : mais ne peuvent être
d'aucun ufage que parmi
les maîtres de l'art.
Les chants en deviennent
-ils plus beaux & plus
harmonieux pour être fur
des tons tranfpofez : l'harmonie
en eft- elle meilleuGALANT.
59
re ? Au contraire , on peut
dire qu'elle eft forcée , que
ces tons ont peu de jufteffe
fur les inftrumens , & principalement
fur le clavecin ,
où les feintes devroient être
coupées pour y donner le
veritable
car quelle apparence qu'u
ne touche ſerve de b mol &
de b quarre dans l'autre
fans perdre de fa jufteffe ?
Paffe encore fur les autres
inftrumens comme fur le
violon , où avançant plus
ou moins le doigt fur la
corde, on peut modifier ces
temperament ;
60 MERCURE
fortes de demi- tons & les
rendre plus juftes. J'ai entendu
un de nos illuftres
preluder fur fon violon , de
quelque maniere qu'il fût
accordé , & ne fuivre , pour
tirer fes fons , d'autre regle
que fon oreille, & non celle
du manche qui fe trouvoit
alors
dérangé .
Enfin de ces deux partis
differens il en refulte un
troifiéme plus raiſonnable ,
& moins entêté que ces
deux autres , qui eft celui
des gens fages & des
de goût , qui ne fe laiffant
gens
GALANT. 61
point prévenir ni pour l'un
ni pour l'autre , vrais ama-
.teurs de la mufique , goûtent
l'une & l'autre compofition
, quandelle eft bonne
& bien executée , & fans
donner dans le goût pedant
& fçavant , ne vont point
épiloguer fur deux octaves
de fuite , fur une feptiéme
ou une neuviéme bien ou
mal preparée ou fauvée ; ne
mépriſent point une muſi
que , parce qu'elle eſt trop
aifée , ou parce qu'elle eſt
trop difficile ; ne la condamnent
point comme pil62
MERCURE
lée , parce qu'il y aura quelques
bouts de chant qui
reffembleront : mais rendent
juſtice à la Mufique
Françoiſe dans fon caractere
& à la Mufique Italienne
dans le fien , & conviennent
que l'on pourroit
faire un genre de mufique
parfait , fi l'on pouvoit joindre
le goût fçavant & ingenieux
de l'Italien au bon
goût naturel & fimple du
François mais cependant
qu'un Italien doit chanter
en Italien , & le François
en François. Je fuis , & c.
GALANT. 63
Hiftoire abregée des derniers
tremblemens arriveZà Manofque
en Provence.
Le premier de ces tremblemens
fe fit fentir le 14
du mois de
**
à fix heures
& demie du matin , &
l'on entendit en quelques
endroits comme des falves
de plufieurs coups de ca
non repetées , en d'autres
comme des mugiffemens
épouvantables , & en d'au
tres encore , comme des
roulemens de tonnerre
64
MERCURE
fourds & affreux. La ville
de Manofque parut à quelques
perfonnes qui étoient
à la campagne, comme foûlevée
en l'air , & enfuite entierement
renversée . Tout
fon terroir a été tellement
fecoué par ce tremblement,
qu'il n'y a pas une maiſon
dans la ville & autour qui
n'en foit endommagée , les
unes étant renverfées à demi
, d'autres fenduës depuis
les fondemens jufques à la
couverture . Le château de
Manofque entr'autres me
nace ruïne de tous côtez.
GALANT. 65
Il en eft de même des Eglifes
de faint Sauveur , de
Nôtre-Dame , & du Convent
des Obfervantins. Les
murailles de la ville font
renversées en quantité d'endroits.
La terre s'eft ouverte
en plufieurs lieux , les
rochers fe font fendus , &
entr'autres, à demi quart
de lieuë de la ville , a jetté
plufieurs fources d'eau douce
& d'eau foufrée. Les
nourrices du lieu ont perdu
leur lait , la frayeur a
fait plufieurs malades , &
rendu quelques-uns hebê,
un
Nov.
1713.
F
66 MERCURE
tez ; d'autres en ont perdu
l'efprit tout à fait. Les bê
tes même s'en font fenties ,
& les oifeaux du ciel fe font
enfuis.
Depuis le 14. jufques au
20. on a fenti tous les jours
plufieurs fecouffes fort legeres
mais le 20. il fe fit
trois tremblemens , dont le
premier fut accompagné
de bruits plus épouvanta
bles que ceux du 14. ce qui
fit deferter la ville aux habitans
en moins d'un demi
quart d'heure au nombre
de fept à huit mille perGALANT..
67
fonnes. Ces tremblemens
ont continué tous les jours
depuis le 20. juſques au 30 .
& même quelques - uns ont
été affez violens. Il n'y a
cependant eu perfonne de
tué fous les ruïnes. On a reffenti
ces tremblemens jufques
à fept à huit lieuës à
la ronde ; les villages de
Corbiere , de fainte Tulle
& de Monfuron , qui font
à deux lieues de Manof
que , ont fouffert quelque
dommage , & celui de Peyrevert
, qui n'en eft qu'à
une petite lieuë , a été preſ-
Fij
68 MERCURE
que autant endommagé
que Manofque
même , &
le château de Forcalquier
,
qui eft à quatre lieuës au
nort de Manofque , menace
ruïne de tous côtez .
"
MEMOIRE.
On a oublié dans les Mercures
precedens d'avertir le
l'on vient d'im
public que
primer
un petit Divertiſ
fement
paftoral
en mufique
, intitulé , La Mufette ,
ou les Bergers de Surêne. C'eſt
une petite fête champêtre
,
GALANTA 69
où le caractere de la mufi
que paftorale eft parfaitement
obfervé , & dont la
fimplicité étudiée ne dé
plaît point aux connoif
feurs . Il fe vend chez Chrif
tophe Ballard , feul Imprimeur
du Roy pour la Mu
fique , rue faint Jean de
Beauvais , au Mont Parnaffe.
MORT
Le Marquis de Broffes ,
Colonel d'un vieux regi
ment d'infanterie , eft mort
70
MERCURE
devant Fribourg le feptiéme
du mois de Novembre
& de fa maladie , âgé
de vingt-huit à vingt- neuf
ans. Il y avoit onze ans
qu'il étoit Colonel , & s'étoit
diſtingué à l'attaque de
Denain & aux fieges de
Marchienne , le Quesnoy ,
Doüay Landau & Fribourg.
Il étoit de la maifon
de Tiercelin de Brof
fes , de pere & de mere ,
laquelle defcend des Comtes
de Toulouſe ; dont l'un
des defcendans ſe fit furnommer
Tiercelin , l'un
GALANT. 71
des enfans duquel épouſa
une fille de Broffes , avec
ftipulation de prendre les
nom & armes de cette
maiſon. De ce mariage
font iffus plufieurs enfans
dont l'on voit des filles
mariées avec un Duc de
Savoye , un Comte de Geneve
, une autre avec un
Prince du Sang de France
: & des mâles , dont
l'un , fils aîné du Maréchal
de Broffes , autrement
de Bonffac , époufa Nicole
heritiere de Bretagne
, le droit de laquelle
72
MERCURE
fut tranfmis dans la Maifon
de France , par des
tranſactions paffées avec
les Rois Louis XII. &
yea
François Premier. Il y a
plufieurs autres dignitez
& grandes alliances dans
cette maifon.
NonGALANT
73
Nouvelles
d'Espagne.
Les lettres de Madrid
portent que le Clergé , la
Nobleffe & les peuples
s'empreffent volontairement
à contribuer au don
gratuit que le Roy leur a
fait demander pour les dépenfes
de la guerre de Catalogne
, entr'autres le Duc
de Veraguas & Don Carlos
Carafa , Gouverneur de
la côte d'Andaloufie ,
voient envoyé à la Monnoye
toute leur vaiffelle
Νου .
1713.
G
at
74 MERCURE
d'argent , que les fommes
amaffées à Cadix étoient
employées
à l'armement
des vaiffeaux
qui font en
état de partir pour faire
voile vers les côtes de Catalogne
, que le Comte de
Lexington
, Ambaſſadeur
d'Angleterre
, avoit fait
partir les bagages & fait fes
vifites de congé pour partir
inceffamment
pour Londres
; que le Marquis de
Brancas , Ambaffadeur de
France , y étoit arrivé , &
le Marquis de Touy , Licutenant
general , qui doit
..
1
GALANT. 175
fervir dans les armées du
Roy en qualité de Capitaine
general, On écrit du
camp devant Barcelonne ,
quela nuit du 6. au 7. d'Octobre
cinquante volontaires
tenterent d'entrer dans
la ville par la droite de l'armée
mais qu'ayant été reconnus
, vingt- cinq furent
pris , & les autres fe fauverent
à la faveur de la nuit ;
qu'un detachement commandé
par Don Juan de
Zerezeda avoit prix dixneuf
cavaliers rebeles ; que
les troupes que comman
Gij
76 MERCURE
doit Nebot étoient défaites
ou diffipées ; que craignant
d'être pris ou livré par fes
propres gens , il les avoit
engagez à attaquer les lignes
de l'armée du Roy. Il
leur dit qu'il étoit neceffaire
qu'il allât à Barcelone
pour faire une fortie , afin
de leur faciliter le paſſage
pendant qu'ils attaqueroient
les lignes ; qu'il s'étoir
embarqué avec cinq
ou fix de fes confidens , entr'autres
le deputé Dalmau ;
qu'il avoit été arrêté & conduit
en prifon avec DalGALANT.
77
mau par ordre du Gouver
nement , qui vouloit faire
leur procés à cauſe de leur
mauvaiſe conduite & de
leurs concuffions ; que fes
troupes avoient attaqué les
lignes , ſuivant l'ordre qu'il
leur avoit donné : mais qu'
elles avoient été répouffées,
qu'on en avoit tué plus de
trois cent , fait plufieurs
prifonniers, & le reste pourfuivi
; que le Duc de Popoli
faifoit travailler à faire
des lignes plus prés de la
ville , afin de la refferrer
plus étroitement , & que
G iij
78
MERCURE
les troupes du Lampourdan
fe preparoient à aller prendre
leurs quartiers d'hyver
le long de la mer , pour empêcher
que les peuples de
la côte ne portent aucuns
vivres ni autres provifions
à Barcelone , & que les bâ
timens de cette ville n'y
puiffent aborder . Les der
nieres lettres du camp devant
Barcelone portent que
les pluyes y étoient tombées
en ſi grande abondance ,
qu'elles avoient fait debor
der la riviere de Llobre
gat ; que les affiegez vou
GALANT.
79
le
lant profiter de cette occafion
, étoient fortis par
château de Montjouy au
nombre de quatre ou cinq
mille , à deffein de s'empa
rer d'une maifon où il y
avoit garniſony pour affu
rer la communication
du
camp avec la mer : mais les
piquets y étant venus en
diligence , obligerent les
rebeles à prendre la fuite
avec precipitation. Ils les
pourſuivirent juſqu'au chemin
couvert du château de
Montjouy , & en tuerent un
grand nombre , fans autre
en
G
iiij
80 MERCURE
perte que du Capitaine qui
commandoit dans la mai ..
fon d'un Lieutenant des
Gardes Espagnoles , & de
quelques foldats . Don Francifco
de Ebuli , Brigadier
d'armée , y fut bleffé au
bras d'un coup de mouf
quet ; que le Duc de Popoli
avoit fait arrêter le Commandant
de Mataro, à caufe
qu'il permettoit que quelques
bâtimens portaffent
des grains à Barcelone , &
qu'un Commandant Eſpagnol
avoit été mis en fa place
; qu'un navire étranger
GALANT. 81
voulant entrer au port de
Barcelone , deux vaiffeaux
Efpagnols avoient été à fa
rencontre pour l'empêcher,
tirerent fur luy , & l'obli
gerent à fe rendre.
Les lettres de Palerme du
y
11
Octobre portent que le
Roy & la Reine de Sicile
étoient
arrivez
heureuſement
le to, & que les bâtimens
fur lefquels
étoient
embarquées
les troupes y
étoient auffi arrivez que
fitôt que l'efcadre , eut
mouillé à l'entrée du Mole,
le Marquis
los Balbazez
,
;
Sz MERCURE
Viceroy de Sicile, vint avec
les galeres , & les compli
menta à bord de leur vaif- i
feau , que l'Archevêque
de
Palerme les complimenta
au nom du Clergé. La mer
étoit couverte de barques
remplies de perfonnes de
qualité , & le peuple étoit
en foule fur le Mole ,
τέ
moignant une joye extraordinaire
de voir leur nou .
veau Roy , qui demeura fur
fon bord jufqu'au lendemain,
afin de donner le
temps aux preparatifs neceffaires
au debarquement
,
GALANT
pour lequel on avoit conftruit
un pont magnifiquement
orné , qui s'eft fait le
11. au matin au bruit de l'artillerie
de la ville , du mole,
des vaiſſeaux & des galeres ,
parmi les acclamations du
peuple. Le Roy & la Reine
étant débarquez , accompagnez
de toute la Cour ,
& d'un trés- grand nombre
de Seigneurs Siciliens , tous
vêtus magnifiquement
, &
fuivis d'une foule infinie de
peuple , allerent d'abord à
l'Eglife Metropolitaine ren
dre graces à Dieu de l'heu84
MERCURE
reux fuccés de leur voyage
; puis ils fe rendirent au
Palais , où ils ont été com ,
plimentez
par tous les
Corps .
Les troupes arrivées fur
l'efcadre qui a conduit leurs
Majeftez font prefque toutes
debarquées
, & à mefure
qu'elles entreront dans
la place, celles du Roy d'Ef
pagne qui font icy en garniſon
, à Meffine & en d'autres
villes de ce Royaume
,
fe rendront
à Palerme
, pour
être embarquées
fur les mêmes
vaiffeaux & être tranf
1
GALANT.
85
portées en Espagne..
Nouvelles d'Angleterre.
La Reine a donné le regiment
de cavalerie du
Marquis d'Harvvich , fils
du Duc de Schomberg ,
mort en Irlande , au Sieur
Sybourg ; le regiment de
dragons du Chevalier Richard
Temple au General
Evens ; & le regiment d'in
fanterie du Major general
Sybourg , qui a été fait Colonel
du regiment de cavalerie
du feu Marquis
86 MERCURE
d'Harvvich , a été donné au
Major general Corbet . On
mande de Londres que le
16. Octobre le Sieur Grimani
, ambaffadeur de la
République de Veniſe , eur
à Vvindfor audience de
congé de la Reine , & que
Sa Majefté , fuivant la coû
tume , le fit Chevalier ; que
le 25. le Duc d'Aumont ,
ambaffadeur extraordinai
re de France , avoit traité
magnifiquement le Duc
d'Ormond , Milord Albur
nham fon gendre , Capitaine
des Gardes du Corps
GALANT.
87
་ ་
de la Reine , & plufieurs
autres Seigneurs ; que le 27.
le Capitaine du Yacht qui
doit paffer le Duc d'Aumót
à Calais étoit venu recevoir
fes ordres , & qu'il étoit
parti pour aller l'attendre à
Douvres ; qu'outre les prefens
que la Reine a fairs aux
Secretaires de l'ambaffade
de France, elle avoit encore
envoyé une medaille d'or
à l'Abbé Nadal par le
Chevalier Cotterel , Maître
des Ceremonies . Quelques
Ingenieurs fe font cmbarquez
fur un bâtiment
*
MERCURE 88€
chargé de provifions & de
munitions pour le Port Mahon
, afin d'aller travailler
aux fortifications de cette
place. Les dernieres lettres
de Londres portent que le
Comte de Peterborough a
été nommé Envoyé extraordinaire
pour aller
complimenter le Duc de
Savoye fur fon avenement
à la Couronne de Sicile , &
aller enfuite en la même
qualité vers la République
de Venife , & vers les autres
Princes & Etats d'Italie.
Le 30. Octobre le regiment
GALANT.
89
ment de marine de Milord
Shannon fut caffé à Rochef.:
ter. Le 2. Novembre on
commença à payer au Bu
reau de la marine les Offi
ciers qui ont fervi cette année
fur la flote , qui en mê
me temps furent congediez
& mis à la demi paye.
On paya auffi ceux qui ont
fervi dans l'artillerie à Port
Mahon jufqu'au f . Juillet
de la preſente année. On
équipe en diligence un vaiffeau
de guerre , qui fera
charge de provifions & de
diverfes machines , pour
Nov. 1713.
H
go MERCURE
aller à la pêche de l'argent
de quelques gallions d'Ef
pagne qui depuis pluſieurs
années ont fait naufrage en
divers endroits de l'Ame
rique , fuivant la patente
que la Reine a accordée à
Milord Harley , fils du
grand Treforier. Les Anglois
de la Jamaïque font
un grand commerce avec
les Espagnols en Amerique
,
d'où ils rapportent beaucoup
de pia de piaftres
.
•
Les lettres de Hollande
Portent que les Officiers
qui étoient à la campagne
GALANT.
91
avoient été payez & licentiez
; que les Officiers du
Roy de Pruffe faifoient de
groffes levées dans fes Etats
. Celles de Cologne portent
que le Sieur Archinto,
Nonce du Pape vers les
Princes & Etats du Rhin ,
y étoit arrivé le premier
Novembre ; & que le regiment
du Prince Maximilien
de Heffe Caffel venant
des Pays- Bas avoit fejourné
deux jours au voisinage
de la même ville , & avoit
enfuite continué fa route
vers la Heffe.
>
Hij
92 MERCURE
On écrit de Vienne que
le Comte de Tierheim a
apporté le projet de la repartition
des quartiers d'hyver
, l'état de l'armée du
Rhin , & les avis du Prince
Eugene pour la continuation
de la guerre qu'il a
été renvoyé avec le reglement
fait pour les quartiers
d'hyver , & d'autres
dont on n'a point la connoiffance
, que le General,
Mercy étoit parti le 22. Octobre
pour ſe rendre à l'armée
du haut Rhin.
**
GALANT 93
Nouvelles de Varsovie.
On mande de Varfovie ,
que dans la conference que
les deux Envoyez ont euë
avec plufieurs Senateurs &
les Miniftres du Roy Au
gufte , on avoit fait cinq
propofitions fçavoir.
ونم
Qu'une amniftie generale
feroit accordée au Roy
Staniflas & à tous les Polonois
fes adherans.
Que le Grand Seigneur
employeroit fa mediation
pour faire la paix entre les
94 MERCURE
Polonois & le Roy de Suc
de..
Que les Cofaques d'Orlik
, qui font au nombre de
quatre - vingt mille , ob
tinffent la permiffion de demeurer
dans l'Ukraine Poz"
lonoiſe , comme ſujets de la
République , vodo je ofing
Que l'on conferve aux
Tartares établis en Pologne
& en Lituanie les privile
ges dont ils jouiffoient cidevant
, & que le Palatinat
de Pofnanie foit reftitué au
Roy Stanillas , ons vol, ma
Le rapport de cette conGALANT.
95
ference ayant été fait au
Roy Augufte , il répondit
que cherchant à rétablir la
tranquilité en Pologne , il
confentoit au premier &
au dernier article : mais
que les trois autres devoient
être examinez plus particu
lierement. Neanmoins les
deux Envoyez étoient rel
galez & traitez avec beau
coup de diſtinction . Ils af
furent qu'auffitôt qu'ils feroient
retournez à Andri
nople , & qu'ils auroient
rendu compte de leur com
miffion , le traité de paix
(
96 MERCURE
feroit renouvellé , & que
les ambaffadeurs du Roy
& de la République fe
roient renvoyez avec toute
forte de fatisfaction . Malgré
toutes ces affurances ,
on craint toûjours que le
deffein des Turcs ne foit
toutes ces dé- d'amuſer par
marches le Roy Auguſte ,
afin de gagner du temps &
de penetrer les fentimens
des Polonois , & même de
former des intrigues. Ils
continuent leurs preparapour
la guerre , & tra
vaillent avec empreffement
tifs
aux
GALANT .
97
aux fortifications de Choczin
: on a même appris qué
leur armée groffiffoit par
des nouvelles troupes , qui
prenoient leurs quartiers
d'hyver le long du Niefter
& de la frontiere de Podolie
, & que le nombre des
Tartares s'augmentoit . On
mande d'Andrinople que
les ambaffadeurs du Czar
avoient eu le 13. Septembre
audiance du Grand Vizir
& qu'on lui avoit preſenté
la ratification du traité de
paix , qu'il les avoit exhort
tez à faire tout ce qui dél
Νου.
1713.
I
98
MERCURE
pendroit d'eux pour parve .
nir à la conclufion de la
paix , en terminant l'article
qui étoit demeuré indecis
touchant les fommes pretendues
par le Kan des Tar
tares . Les lettres de Ham ,
bourg portent que la mortalité
y diminuoit fort ; que
les troupes du Duc de Hanover
étoient entrées dans
les 4. Bailliages qui dépen
dent de cetteville , fous pretexte
de garder les paffages
& d'empêcher toute communicationavecles
Etarsde
leur Maître , que le Ray de
LYON
༈ག
..
DELed
TILLE
GALANT.
Prufſe avoit offert la petten
miffion de porter de cette
ville dans fes Etats toute
forte de meraux & d'épiceries
, du bois de teinture,
& même de la foye ; que la
ville de Tonningen étoit
toûjours étroitement bloquée
par les troupes Danoifes
: mais qu'on n'y manquoit
pas encore de pain ,
de biere ni de fel , mais de
bois , de chandelle & d'huile
à brûler , que la garniſon
étoit encore de quatre cent
foixante hommes , en y
comprenant les malades ,
I ij
100
MERCURE
dont le Commandant prenoit
grand foin. On mande
de Coppenhague que le
Colonel Viereg avoit levé
& prefenté au Roy de Danemark
une compagnie de
cent Cadets , tous fils de
Colonels , de Lieutenans-
Colonels , de Majors , de
Capitaines
ou de Confeillers
, qui feront
la garde
dans les appartemens
du
Palais , & feront
inftruits
dans l'art militaire
, pour
être enfuite
avancez
felon
leur merite.
GALANT. ΙΟΥ
Rentrée de l'Academie.
Le Mercredi 15. Novembre
l'Academie Royale des
Sciences reprit fes exercices
ordinaires , dont elle fit
l'ouverture par une affemblée
publique , où Monfieur
de Fontenelles , Secretaire
de ladite Academie
,fit avec fon éloquence
ordinaire l'éloge de Monfieur
Blondin , éleve Boranifte
, qui étoit mort pendant
l'année. Aprés luy le
Sieur Martino Poli , Ro-
I iij
102 MERCURE
de main , affocié
étranger
l'Academie
, & qui fe trouvoit
pour
lors à Paris
, donna
une
maniere
de faire
une poudre
qui imitoit
par
fa couleur
& fon éclat
les
-plus
belles
perlesOrientales
.
En voici
le procedé.Il
prend
égales
parties
de bilmuth
où étain
de glace
, & de fublimé
corrofif
, pulverifez
chacun
à part. Il les mêle
enſemble
dans
une
cornuë
de verre
, puis
les diftille
comme
les Chymiſtes
ont
'coûtume
de diſtiller
le beurre
d'antimoine
. Il en fort
GALANT. 103
en effet , avec du mercure
coulant , une liqueur faline
qui fe fige en confiftance
de beurre. Il prend ce beurre
, qu'il diſtille de nouveau.
Il luy refte dans la
cornue une poudre fort fine
, talqueuſe ou compoſée
de plufieurs parcelles plattes
, argentine ou de couleur
de perle , que le feu ni
rien ne peut alterer. Il continue
à diſtiller de nouveau
ce beurre , jufqu'à ce qu'il
ne laiffe plus de poudre à
la fin de la diftillation , &
la derniere poudre eft plus
I iiij
104 MERCURE
belle que la premiere.
Il rendit enfuite raiſon
de ce qui fe paffoit dans
cette operation , dont il expliqua
fort bien toutes les
circonftances. Il y joignit
quelques reflexions generales
, & il dit entr'autres ,
que toutes , ou la plupart
des volatiliſations ou des fixations
qu'on faifoit en
Chymie n'étoient point de
veritables volatiliſations &
fixations ; que nonobſtant
toutes les pretenduës fixa
tions du mercure , ce mineral
reftoit toûjours vola
GALANT.
IOS
&
til , & que nonobftant toutes
les pretenduës volatilifations
des metaux & du
fel de tartre , ils reftoient
toûjours fixes . Il dit qu'il
ne pretendoit pas cependant
qu'ells fuffent impoffibles
, au contraire ;
qu'il donneroit quelque
jour un memoire touchant
la maniere d'en venir à
bout . Enfin il paffa aux uſages
de fa poudre , dont il
dit qu'on pouvoit faire de
fort belles perles , qu'on
pouvoit l'employer dans la
peinture ou avec le vernis ,
"
106 MERCURE
pour peindre des évantails ,
des tabatieres , des boëtes
de toilette , & c.
•
Enfuite M. de Reaumur
lut un memoire fur la divifibilité
& l'extenfibilité
de la matiere , qu'il demontra
dans les feuilles d'or
battu , dans le fil d'or , ou
plûtôt le fil d'argent doré,
& dans les filets des araignées.
Ce difcours , quoyque
long , ne fut point du
tout ennuyeux , tant à cauſe
de la varieté des chofes
curieufes dont il étoit rempli
,, que par rapport à l'éGALANT
. 109
&
legance du ftyle . Outre les
calculs de l'extenfibilité de
l'or dans les feuilles & dans
For trait , il dit que le verre
pouvoit le tirer en un fil
affez fin pour ſe plier ,
par confequent pour fe travailler
, ce qui eft auffi beau
& auffi curieux que la malleabilité
du verre que les
Chymiftes cherchent avec
tant d'empreffement . A
cette occafion je dirai ici
ce qui m'a été afſuré par
un Chymifte qui étoit auprés
de moy , que cette
malleabilité du verre n'é108
MERCURE
toit pas impoffible ; qu'elle
étoit decrite dans un livre
de Becher , intitulé , Phyfica
fubterranea , où il decrivoit
la maniere de forger
le verre . Je donne cet avis
en paffant , afin que les curieux
en puiffent profiter.
Mais revenons au diſcours
de M. de Reaumur . Il donna
de plus l'anatomie des
parties de l'araignée qui
fervent à preparer la matiere
de fes fils & à les filer
qui eft d'autant plus curieufe
, que ces organes font
fort petits , que perfonne
GALANT. 109
ne les avoit encore decrits ,
& qu'on a naturellement
de l'horreur de travailler
fur un ſi vilain animal .
Monfieur Homberg lut
enfuite un memoire fur la
facilité qu'ont les metaux
de fe laiffer penetrer par
certaines ſubſtances. Il en
apporta beaucoup d'exeme
ples ; comme la matière
magnetique qui penetre
ous les corps & même
les metaux au travers def
quels l'aiman attire le fer.
L'encre de fympathie faite
avec la chaux & l'orpiment,
110 MERCURE
qui laiffe échaper de petites
particules , qui paffe au
travers des bois , des pierres
& des lames de metal ,
pour aller colorer l'écriture
faite avec l'impregnation
de faturne , autrement dite
vinaigre de plomb. Les
émanations qui partent de
la pierre de Boulogne , &
qu'on apperçoit ailément à
Fodeur , qui penetrent de
même la plupart des corps,
& apportent quelques petits
changemens aux me.
taux. Il dit qu'ayant tenudans
un tiroir une pierres
GALANT . III
de Boulogne nouvellement
calcinée , avec une montre
à boëte d'argent , quelque
temps aprés il trouva la
boëte d'argent dorée par
cette vapeur , & toutes les
roues de ladite boëte , qui
étoient de cuivre jaune ,
argentées. Il ajoûta qu'un
morceau de foufre mis fur
une plaque de fer rouge fe
fond
promptement , penetre
la plaque , fond les
parties du fer qu'il touche,
qu'il entraîne , & laiffe un
trou à la plaque. " Qu'un
morceau de fublimé cor112
MERCURE
fe raprofif
fait la même choſe
fur l'argent , avec cette
difference que l'argent dif
fous par le fublime ſe.
proche & laiffe un trou à
la plaque , bordé tout autour
d'une éminence ou
bourlet d'argent.
Il donna enfuite la maniere
de faire un fel qui
paffe au travers d'un fer
rouge , comme l'eau au travers
d'un drap , fans l'alte.
rer. Ce fel fe fait ainsi .
Il prend une livre de
chaud vive & quatre livres
de vinaigre diffillé. Il laiſſe
digerer
GALANT.
113
digerer le tout enſemble
dans un matras pendant
deux jours , aprés quoy il
verfe la liqueur par inclination
, & il la garde.
Enfuite il prend une partie
de foufre , deux parties
de falpêtre , & trois parties
de fel commun decrepité ,
dont il fait un mélange
exact , qu'il jette par cüeillerée
dans un creufet rougi
entre les charbons ardens ,
où il pouffe le feu juſqu'à
le tout foit fondu .
ce
que
Il jette
la matiere
fonduë
dans
une
baffine
où elle
fe
K
Nov.
1713.
114 MERCURE
durcit bientôt en une maſſe
faline . On prend une par
tie de ce fel on le fait fondre
dans fix parties de vinaigre
distillé , preparé
-comme nous avons dit ci-
1
deffus. On fait évaporer la
diffolution juſques à pellicule
, & on la laiffe criſtallifer
en un lieu frais. C'eft
le fel dont il eft queſtion ;
qui étant fondu dans une
cuilliere de fer ou autre
vaiffeau de fer à grand feu ,
paffe au travers des pores
de la cuilliere , fans alterer
en aucune maniere la fub.
GALANT.
15
M
ftance du metal . Si on laiffe
ce même fel dans la cuilliere
de fer dans un lieu
humide , il fe fond peu à
peu , & coule au bout d'un
certain temps au travers du
même fer , qu'on apperçoit
mouillé au dehors à mefure
que la liqueur qui eft au
dedans diminuë : mais cette
filtration ſe fait bien plus
lentement à froid qu'au
grand feu.
a
Il decrivit encore une
autre operation , qui n'eſt
gueres moins curieufe que
la precedente. C'eſt une ef-
K ij
116 MERCURE
.
1
pece de bitume metallique
ou de cinabre d'argent ,
dont on met un morceau
de la groffeur d'un pois fur
une lame d'argent medio.
crement épaiffe & placée
entre les charbons . Cette
matiere metallique fe fond
& paffe au travers de la lame
, de même que l'eau au
travers du papier gris. Elle
ne perce point la lame ,
mais elle la laiffe tachée des
deux côtez d'une couleur
livide comme du plomb ,
& cette couleur n'occupe
pas feulement les deux furGALANT.
117
faces
exterieures : mais elle
1.
penetre encore toute la ſubſtance
de l'argent
, qu'on
prendroit pour du plomb ,
fans qu'il foit pour cela ni
plus aigre ni plus caſſant.
Cette experience donna
occafion au R. P.
Gouyer ,
qui préfidoit à
l'affemblée ,
& qui
refumoit en peu de
mots ce que chacun
avoit
dit , de
reprocher aux Chymiftes
en la
perfonne de
M.
Homberg
, qu'au lieu
des
richeffes
qu'ils
nous
promettent
, il ne nous avoit
encore
appris qu'à
conver118
MERCURE
tir l'or en verre dans quelques
experiences des années
precedentes , & l'ar
gent en plomb dans cel
le- ci.
M. Imbert termina l'af.
femblée par une obfervation
d'un homme qui a été
pendant quatre mois endormi
à la Charité des hommes.
Cet homme , qui étoit
garçon Charpentier , ayant
cu querelle avec un de fes
camarades , apprend peu
de temps aprés que fon ennemi
vient de tomber du
haut d'un bâtiment & de
GALANT.
119
fe tuer tout roide. Un mé
lange de differentes paffions
de joye , de furpriſe ,
de frayeur , de compaffion ,
le rendent immobile , il
tombe par terre & y refle
comme endormi. On le
releve ja on le tourmente ,
rien ne le réveille. On le
porte à la Charité des hommes
, on le livre aux Mel
decins , qui le font faigner ,
vomir , purger , fuer , ventoufer
, &c . & le tout inu
tilement. Il dort toûjours ,
& dort d'un profond ſommeil.
On lui fait prendre
120 MERCURE
cependant un peu de nourriture
, en luy paffant le
doigt mouillé de vin & de
bouillon fur le bord des le,
vres , il ouvre les levres &
la bouche pour laiffer paffer
la nourriture , fans fe reveiller.
Il dort ainfi depuis
quatre mois , à la verité
depuis quelque temps le
fommeil eft moins profond,
& il commence à donner
quelques fignes de ſentiment
& de connoiffance,
M. Imbert rapporta en même
temps une autre obfervation
d'un homme en Hol
lande
GALANT 121
pen lande qui avoit dormi
dant plus d'un an . Il accompagna
ces obfervations de
beaucoup de belles refle
xions , & d'explications phy
fiques d'effets fi extraordinaires.
·
Defcription abregée de la fameufe
Balme appellée Ģlaciere
de Besançon.
t
Au milieu d'un bois appartenant
au Prince de
Montbeliard , fitué à quatre
lieues de Besançon , eſt
un petit tertre couvert de
Νου . 1713.
L
122
MERCURE
bois trés touffu , au deffous
duquel eſt la caverne , autrement
la glaciere,
L'ouverture exterieure
eft à peu prés ronde , &
peut avoir environ foixante
eſt
pieds de circuit & dix- huit
pieds de largeur. On defcend
de cette ouverture
par une defcente profonde
de deux cent pieds ou environ
, terminée en bas par
une autre ouverture comme
cintrée d'environ trente
pieds en tous fens , qui
donne entrée à un falon
prefque quarré d'environ
2
GALANT 123
trente pieds de hauteur fur
autant de largeur de la
voûte duquel falon tombent
des gouttes d'eau qui
forment en efté differeny
tes pyramides de glace ,
ede
huit
à
dix
pieds
& 3 de
de circonference
douze pieds de hauteur ,
& quelquefois plus.
6
- Le plancher du falon
eft auffi couvert de glace ,
quoy qu'il y ait quelques
petites fources d'eau qui
coulent continuellement ,
& qui fe perdent en dedans
au deffous de la glace.
Lij
124 MERCURE
En hyver il n'y a point
de glace mais il regne
dans tout le falon & dans
toute la deſcente une épaiffe
vapeur continuelle.
Parodie de l'Enigme
dont le mot eft la
quenouille.
L'oifiveté de ma majtreffe
Conferve ma coiffure &
repofe mon corpss
Car , pour ainfi dire , je
bundors, achubis
GALANT .
125
Quand on ne file point
Roma treffe . rel
Lorfque dela quenoüille
on met la jambe en
Lased and preffe
Sa tête est tournée en
dehors ;
C'est alors qu'elle a bonne
grace
.
Fufeau fait à fes pieds
cent tours de paffepaffe
.
Telle fileute au minois
foucieux,
En détournant de moy
L iij
126 MERCURE
les
yeux
yeusi
Quoy qu'à filer toûjours
fa main foit occu
pée ,
Regarde le fufeau mon
petit compagnon , /..
Qu'aux dépens de ma
tete elle garnit
, rem-
South Seplumes
Si que j'en gagnerois le
rhume ,
Quand il m'arrache mon
Sestignon ,
Si ma tête de bois étoit
plus flegmatique D
GALANT
127
Mais duferainje m'in-
•
2
quiete pens
Quenouille d'arbre fec ,
que la mortfit étique,
Ne craint que le fer 5
Le feu.
Parodie de la feconde
Enigme , dont le mot
eft un verre à boire.
Fe fuis d'abord un premier
element ,
Car c'eft de terre
26
Liiij
J28 MERCURE
Qu'on fait le verre ;
Puis engendré d'un ſecond
element :
Car le feu détruiſant la
terre ,
Engendre un verre.
Ennaillant je crainsfort
un troifiéme eletoresd)
ment, olla
L'air en fortant du four
fait éclater le verre
Comme un petit coup
de tonnerre.
Je crains enfuite auffi ce
fecond element.d
AGALANT.
129
C'eſt le feu qui briſe le
verre,
Mais un quatriéme element
C'est l'eau dont on remplit
le verre , E
Pour le défendre un peu
du fecond element.
Une énigme toujours ritot
mant en elementi
De la rime n'a pas le
premier element :
Mais l'obfcurité fait le
premier element.
Des Enigmes infimal
130 MERCURE
gré tant d'element
,
Les devineurs
ici font
·´¯dans
leur element
,
Et n'ont point deviné
en soqu'un verre
Eft de ces mauvais vers
5 l'ame l'element.
'l'e
ENIGM E.
En agitant une de mes
oreilles
Contre le chaud je puis
faire merveilles ,
Contre le froid je fuis
GALANT.
(131
utile auffi.ee
D'un fleau des humains
je donne en racourci
Une idée aßez naturelle
,
Et ce qui de mon nom
Anyere's'appelle
-A maint brave a causé
la mort.
Si dans certain metal je
fais unjufte effort ,
C'eft quelquefois pour
jouer piece
A Notre - Dame de
Lieffes C
832
MERCURE
Afaint Eustache, àfaint
Gervais ,
Et Dieu fçait le bruit
que j'y fais.
gon Autre Enigme .
"Dans une espece de cercueil
,
Mais qui n'eft point
pourtant defagreable
va l'oeil,
Je fuis le plus fouvent.
couchée
Mais
ordinairement ,
GALANT. 133
quand j'en fuis dén
tachée ,
Mes bras croife , en
s'étendant ,
Et tot aprés en ſe joignant,
Al'obscuritéfontlaguerre
Je pince , je mords
je ferre ;
Etquoique ce ne foitpref
que qu'enbadinant h
Ma morfure en noirceur
fe tourne inconti
nent.
balah end to you quo
134 MERCURE
BODDS*XIXX
Traduction d'un Poëme
Anglois ,
Sur le Bal que M. le D*** d *
a donné à Londres le 17.
Août 1713
.
POur conoître les moeurs ,
les goûts , les habitudes
De cent & cent peuples di-
Produto overs,
Au gré de leurs inquietu-
20vion des
Les mortels inconftans parcourent
l'univers :
Pour moy , libre des foins
!
GALANTIA 135
qu'entraînent les voya. I
ges
Loin de vouloir braver les
Alots capricieux , i
Et fans m'expofer aux orages
,
Ici je fatisfais mes defirs
curieux. 3
Daumont dans fon Palais
repreſente à nos yeux
Les Heros & les mêmes
1 Dieux
Dont autrefois dans leurs
gnojól shouvrages) nofulA
Les Poëtes ingenieux
Ne tracerent que les ima
snier arabosges dimsida
136 MERCURE
Par tout vous y voyez errans
Les habitans du ciel , de la
terre & de l'onde ,
Et tous les hommes differens
Dont les Dieux ont peuplé
tous les climats du
zinis mimonde. onontrad
Suivi de fa brillante cour
Jupiter pour s'y rendre a
241 quitté l'empirée 3004
Alecton fort du noir féjour
Avec fa cohorte effarée ;
Des humides Tritons Amphitrite
entourée
Reçoit
GALANT. 137
Reçoit les voeux du Dieu
dont elle eft adorée
,
Et l'on voit errer à l'entour
Les jeunes filles de Nerée .
Mars aux genoux de Citerée
Se laiffe dérober fes armes
par l'Amour ,
Dans le fein de Thetis le
brillant Dieu du
jour
Fixe fa courfe mefurée.
Là Diane paroît artiſte
Je
Nov. 1713.
M
18 MERCURE
moment
⠀ mênt parée , sisust
L'Amour n'eſt plus ſon ennemi
;
Et fi j'en crois les foins où
je la vois livrée ,
Sa fiere vertu moderée
Cherche un Endimion qui
foit moins endormi.
A chaque beauté qui s'avance
Mercure
offre à l'inftant
des fecours
feduc-
&teurs
,
Par des traits galans & flateurs
I fignale fon éloquence.
GALANT .
139
De toutes parts font répandus
Princes , Dieux , Rois , mêlez
& confondus
Avec
Demons , Bergers ,
Nymphes , Geans ,
Pigmées .
L'implacable Nocher des
ondes enflamées
Soûrit à des objets & plus
- doux & plus beaux ;
Les Morts fuivent ſes pas ,
couverts de leurs
lambeaux .
Ici c'eft le Hibou , là c'eft
l'Aigle immortelle
;
M ij
140
MERCURE
On voit le Corbeau trop
fidele ,
D'un noir plumage revêtu
,
Et les oifeaux par leur ramage
fro
Pour les belles font un préfagedarkan
T
De la chûte de leur vertu.
On y voit folâtrer des Nones
peu feveres ,
Sans reliques & fans rofaires.
Le grave Senateur prend
un air gracieux ,
De l'auftere Themis ouGALANT.
$141
bliant le
langage ,
De fon art deformais il ne
veut faire ufage
Qu'au tribunal de deux
beaux yeux
.
Le trifte Medecin déguiſe
Lofa preſence bran
Sous un appareil affecté
.
Le luxe avec la volupté
Empruntent un habit de
pieufe apparence
.
, Ici cette jeune beauté
Qui de mille galans tour
à tour eft maî
treffe ,
142 MERCURE
Affecte la fimplicité
D'une vertueufe Koacref
On voit dans le Palais chacun
fe transfor
mer,
Daumont feul n'y prend
point une forme em-
. pruntée .
Quelle autre lui ſeroit prêtée
,
Qui fi bien que la fienne
eût le don de charmer
?
Ainfi dans un feſtin quand
la- Troupe immorételle
GALANT . 143
Autour de Jupiter fe range
avec fplen .
deur ,
Il ne déguife point fa forme
naturelle ;
Ce Dieu s'offre dans fa
grandeur
:
Mais lorfque fous le tendre
empire
De quelque mortelle beau-
の
té
Ce Souverain des Dieux
foûpire ,
Il voile fa Divinité.
144 MERCURE
ANNONCE.
On va renouveller
le Mercure au jour de
l'an , & l'on commencera
par y mettre toute
l'exactitude dont feront
capables des perfonnes
qui n'auront que
cette occupation , à la
quelle je n'ai pas pû
me donner depuis longtemps.
GALANI 149
+++++++++
LA DEFAITÈ
des Hannetons
ME POEM
en deux Chants .
DEs Hannetons vaincusje
chante la défaite,
Et du brave Licas la victoire
complette 3
Mufe , raconte-nous quel-
• le bouillante ardeur
D'un vif reffentiment ef
Novembre 1713. N
14 MERCURE
chauffe fon grand cour
Comment dans fes projets.
la valeur affermie
Triompha fierement d'une
troupe ennemie.
Licas vivoit heureux , &
tranquille à Paris ,
Son repos fuft troublé fi-toft
qu'il euft appris
Que d'infectes aillées un
parti formidable
Caufoit dans fes vergers
un ravage effroyable.
Sur le haut d'un charmant
5fertile cofteau
GALANT. 147
S'efleve un magnifique &
moderne chasteau,
Dont l'art ingenieux , ri-
Oval dela nature ,
Par divers ornemens embellit
la ftructure.
L'édifice eft conftruit entre
deux verds bofquets ,
Où l'ardeur du Soleil ne
penetre jamais.
Du jardin fpacieux on dé
couvre la Seine
Qui par de longs détours
ferpentent dans la plaines
Des ruiffeaux, des Dalons,
Nij
ras MERCURE
"des prex, & desforefts ,
Les prefens de Bacchus ,
les dons de Gerés,
Les champeftrès beautez
-dont la terre fe pare ; I
Et mille objets où l'oeil
avec plaifir s'égare
C'eft dans ce beaufejour,
c'eft dans ces lieux char
damans,
Que Licas aves foin re
veille tous les ans
Favori fortuné de Flore
& de Pomonne ,
Erdesfleurs du Printems,
ji И
GALANT. 149
& lesfruits de l'Automne.
De quel trait de douleur
dans l'abfynthe trempé ,
Au rapport qu'on luy fift ,
fon coeur fuft-il frappé.
Deux courfiers attelez, à
efon char le plus lefte ,
Ilpart , il arrive , & voit
• quet spectacle funefte
Ses arbres dépouillez de
verdure & defleurs , I
Il pouffe des fanglots accompagnez
de pleurs ;
Ilfremit , il friffonne , il
Niij
50 MERCURE
recule , il chancelle ,
Dansfes yeux enflamme
fa colere eftincelle :
Il detefte cent fois un attentat
fi noir ,
Et dans l'emportement
qu'aigrit fon defefpoir,
Il s'addreffe à Pomone
& luy tient ce langage :
O vous qui partagez avec
moy cet outrage ,
Déeffe puniffez des infectes
volans ,
Dont vous voyez icy les
tranfports infolents.
GALANT . KI
La Déefle auffitoft à fes
yeuxfe prefente ,
Et luy dit: mon pouvoir
remplira ton attente ,
Nos ennemis communs de
ton bonheurjaloux ,
Sentiront en ce jour ce que
peut mon courroux ;
Je deftine ton bras à punir
leur audace ,
Il faut exterminer cette
coupable race.
Dés que l'aftre du jour
dans l'empire des flots ,
Aura precipitéfonchar &
Niiij
152 MERCURE
2
fes chevaux, a s
Arme toy de courage , &
cours à la vengeance ,
De ces audacieux reprime
oh unmedinfolencega
w
Je conduiray
tes coups ,
j'animeray ton coeur ,
Et de ce grand combat tu
fortiras vainqueur
.
Fin du premier Chant.
GALANT ts3 153
to abagged mipl
SECOND CHANT.
Et le
LIcas
impatient at
tend
l'heure
marquée
Où la troupe
par luy dois
Se voir attaquées
temps
luy
paroist
couler
trop lentement
:
L'aftre
fecond
des Cieux
qui donne
la lumiere
,
A peine
eut dans
les eaux
terminé
fa carriere ,
Que l'empreffé Licas cours
5 vole a l'inftant ,
154 MERCURE
Ou le deftin l'appelle , où
lagloire l'attend.
A l'aspect de ces lieux il
Sent croiftrefa rage :
Surprenons l'ennemy fans
tarder davantage ,
Frappons , dit-il,frappons,
fignalóns nos efforis ,
Que ces champs foient
couverts de mourans
de morts
L'offenfe qu'on mefait juf
tement me courrouce :
Il efbranle à ces mots par
plus d'une fecouffe
GALANT. $55
Des Frenes, des Ormeaux,
où l'ennemy caché ,
Saifi d'effroy, tremblant ,
eft en vain retranché
Des arbres les plus hauts
la cime en eft emue :
La Déeffe fe montre au
travers de la nuë
Augmente de Licas l'heroïque
valeur,
Et de fon bras laffé ranime
la vigueur ,
A ces coups redoublez, tout
cede , tout fuccombe >
De moment en momentun
156 MERCURE
gros d'ennemy tombe's
Ainfi le Laboureur
d'une
robuſte main ,
De la gerbe qu'il batfait
fortir tout le grain.
3
Pour eux contre la mort il
n'eft aucun azyle,
A chaque pas qu'il fait il
en écrase mille so
Ainfi le Vendangeur pour
avoir plus de vin ,
Aaravoir
Sous le pefant preffoir é-
さい
the crafe le raifin.
Les coups portent par tout
des atteintes mortelles ,
GALANT 17
C'eft envain qu'emploiant
le fecours de leurs aifles
Pour éviter leur perte ils
Lestraverſent les airs
Des cadavres épars tous
les champs font couverts ,
Les vents font moins tomber
de feuilles en Automne
volous
La Faucille abbat moins
d'épis quand on moif
Licas dede toutes parts vainqueurimpetueux,
Maſſacre en un moment
158 MERCURE
des bataillons nombreux ;
Tel un Lion de fang &
de carnage avide,
Exerce fa fureur fur un
troupeau timide.
Tel on vit autrefois dans
les champs Phrygiens
Achille afon courroux immoler
les Troyens.
Par la paix, cettegrande
terrible journée
Au gré des deux partis
fuft enfin terminée.
1
Les Hannetons vaincus
Signerent un traité, "
GALANT . 159
Promirent à Licas ce
vainqueur indompté
De ne plus ravager de-.
formais fon domaine.
Mufes , qui m'infpirez
laiffez-moy prendre
baleine,
Préparez d'autres vers
shantons une autrepaix,
Que le Ciel favorable ac-
Corde à nosfouhaits.
Puiffe eurole
e par fon retour cette
Paix defirée
,
2110 %
RamenerPheureux temps
de Saturne £5 de Rhee,
160 MERCURE
Et finiffant les maux que
nous avonsfoufferts ,
Enchaifner pour jamais.
La Difcorde aux Enfers.
Fin du fecond & dernier
Chant
treu? Boylan's tomadorI
Extrait d'une Lettre de Fribourg
du 7. Novembre.
Nous fommes maitres
du Chafteau & des trois
Forts de Fribourg , parmi
lefquels eft celuy de faint.
Pierre comme imprenable.
On
GALANT: 161
On a trouvé dans tous ces
Forts une quantité prodigieufe
d'artillerie & de mu
nitions de guerre & de vivres
pour fix femaines!
Cette conquefte tres- im-
>
portante , qui n'a couſté ni
hommes ni dépenſes eft
deue à la fermeté du Marefchal
de Villars qui
ayant mis dans fon Armée
beaucoup de fourages a
tousjours menacé la Garnifon
d'eftre Prifonniere
de Guerres, & de mettre
derriere les Batteries les
Prifonniers ennemis , cette
Novembre 1713. O
18
162 MERCURE
crainte les a obligez à nous
laiffer travailler fans tirer,
On ne pouvoit faire nos
Batteries dans la Ville fans
beaucoup perdre de monde.
La Ville & les Forts
eftoient deffendus par dixneuf
Bataillons & plufieurs
Compagnies
detachées.
On affure que les Ennemis
ont perdu 6000. hommes
, gtant tudz , bleſſez
que deferteurs.
La Garnifon eft fortie
avec armes & bagages , &
fel retire à RotweilLe
Maréchal de Villars a act
1 .
GALANT.
163
I
3
cordé au
Gouverneur , qui
n'a pû obtenir la liberté de
la Garniſon de Landau , &
encore moins décharger
Fribourg , quatre Pieces de
Canon & deux Mortiers .
I
Obfervations fur les change
ments du Barometre par rapport
au temps , tirées des
Memoires de M **
Par M. Parent.
Quelques exactes Obfervateurs
ayant bien voulu
me communiquer leursMemoires
touchant les tempe-
O ij
164 MERCURE
ratures , j'ay prís 148. obfervations
faires fur le Barometre
dans les lunaifons
des années 21696, 1697.8
1698. dont j'ay , fait une
fomme , que j'ay divisée
par 148. pour avoir une
hauteur moyenne de Baro
metre qui s'eft trouvée de
27. poulces 6 lignes ou
de 27. poulces 7. lignès.
J'ay enfuite pris les obfervations
marquées
(pluye , neige , brouillard ,
humide , couvert , trouble, y
& j'en ay trouvé audefi
fous de la moyenne , & ru/
GALANT . 165
audeffus. Ayant pris encore
les obfervations mar
quées , ( pluye , brouillard ,
neige feulement j'en ay
trouvé 18 , au deffous , & 13.
au deffus. Ayant continué
de prendre les obfervations
marquées , ( playe, neige, y
feulement fer ay trouvé
15 au deffous & 7. au deffus.
Et ayant pris feulement
les obfervations marquées ,
(pluye yfeulement , j'en ay
trouvé 12. au deffous , &
Gaudeffusid os Tub
say pris aum [les obfervations
marquées , (beau-, -
166 MERCURE
hauteur
ferain , ) j'en ay trouvé au
deffous de la
moyenne 7. ſeulement , &
11. au deffus , ce qui fuffic
pour convaincre que le Barometre
eft bas dans le
temps humide , & haut
dans le ferain.
Quoyqu'on ait parlé dans
le Mercure precedent des
Abbayes que le Roy a donné
la veille de la Touffaints;
comme on eftoit fur la fin
de l'impreffion , on n'a pû
donner au Public les remarques
qu'on a couſtume
de faire.
*
1
GALANT. 167
Dons du Roy.
Le Roy a donné l'Ab
baye de S. André de Vienne
, Ordre de Cifteaux
Dioceſe de Vienne , à l'Evefque
de Synope Suffra-
黧
gant de Lyon.
L'Abbaye de Preaux ;
Ordre de S. Benoifts, Dio.
cefe de Lifieux , à la Dame
de Montbazon .
Cette Abbaye fut fondée
par la femme de Onfroy
de Vieilles , Baron de
Preaux , Seigneur de Pon,
168 MERCURE
ger.
tau de mer, Comte de Meu
lan & de Beaumont- le- Roger
, fous le titre de S. Le-
. Leur Eglife eft affez
grande , & a fon Autelifolé
, beau , & fort degagé ;
fix colomnes de marbre y
portent une demie Couronne
Imperiale , dont les
branches ouvertes font dorées
& accompagnées
de
plufieurs ouvrages de Scul
pture. L'Abbeffe prefente
aux trois portions de la Cure
de 9. Michel de Preaux ,
& ces trois Curez font les
fonctions Curiales par fe-
2
maine
GALANT . 169
maine alternative .
Preaux eft le nom de
deux Paroiffes & de deux
Abbayes ; l'une de Benedictins
, & l'autre de Benedictines
fituées dans le Diocefe
de Lifieux à une gran
de lieuë de Ponteau de - mer )
dans un vallon . L'Abbaye
de S. Pierre de Preaux eft
poffedée par les Benedictins
de la Congregation de
S. Maur , & fut baſtie vers
l'an 1oss . Elle reconnoi
pour fondateur Onfroy de
Vieilles , Baron de Preaux ,
Comte de Meulan , &c.
Novembre 1713. P
170 MERCURE
L'Abbaye de Montolieu,»
Ordre de S Benoiſt , Diocefel
de Carcaffonne , à
l'Abbé du Lordat .
L'Abbaye de Thouars ,
Ordre de S. Auguftin , Diocefe
de Poitiers , à l'Abbé
Gould.
Thouars eft une des prin .
cipales villes du Poitou ; elle
eft fituée à fix lieuës de
Saumur fur une colline au
bord de la riviere de la
Toue. Cette ville eft une
ancienneVicomté que polfedoit
la famille des Sei
gneurs de Thouars confiGALANT.
171
>
dérable dés le temps du
Roy Raoul . Elle a paffé
par mariage de filles dans
la Maifon d'Amboife , &
Marguerite
d'Amboife fille
unique de Louis d'Amboiſe
Vicomte de Thouars , la
porta en dot à Louis de la
Tremoille. Ce fut en faveur
de cette derniere Maifon
que Charles IX . érigea
la Vicomté de Thouars en
Duché l'an 1563. & Henry
IV. en Pairie l'an 1995. Dixfept
cens Vaffaux relevent
de cette Terre , dont la Ju -`
rifdiction s'eftend jufques
Pij
172 MERCURE
aux confins de la Bretagne.
L'Abbaye de Bonlieu
Ordre de Cifteaux , à la
Dame de Saillans . Il ya
quatre Abbayes de filles du
nom de Bonlieu , toutes de
l'Ordre de Cifteaux , mais
de differens Diocefes.
L'Abbaye de S. Honoré
de Tarafcon , à la Dame de
Breffieu .
GALANT 173
• A •$$• • H &• • 8 ?• • AB+
LE
VERLUISANT ,
L'ABEILLE
ET LE VER- A-S OY E.
FABL E.
ON ne voit point de fi
petite Befte ,
Qui dans fa jeune , ou fa
vieille faifon ,
Ne fe mette l'amour en
testë ,
Et qui ne croye encor le
-faire avec raiſon .
Ce que je dis eft veritable ,
P iij
174 MERCURE
La
preuve
en eft dans cette
Fable .
Sous le pied d'une Ruche
un certain Verluifant
Logeoit ; & ce Logis eftoit
affez plaifant.
Noftre bonne Mere Na
ture ,
Soit à deffein , foit par hazard
,
De fes faveurs au Vers avoit
fait bonne part.
Il trouvoit pour fa nourriture
A
quatre pas dequoy manger
avec plaifir
GALANT. 175
Herbe feche , Herbe fraîche
, il n'avoit qu'à
choifir ,
}
S'il en vouloit faire pâture ,
Tout alloit felon fon defir.
Mais helas du moment
qu'on aime ,
!
A moins que ce ne foit
par
un bonheur extrême ,
Il faut fe réfoudre à fouffrir.
L'Amour est un vray trouble-
fefte ,
Des Hommes en ont pû
mourir ;
Voyons comme il traite
une beſte.
P iiij
176 MERCURE
Dans la Ruche ,lieu propre
& tres- bien habité ,
Entre plufieurs , logeoit
certaine jeune Abeille ,
Dont le coeur à l'amour ef
toit affez porté.
Ce n'eftoit pas grande merveille
A cette paffion le Sexe féminin
Eft
enclin ,
Autant
& plus que n'eft le
mafculin .
Ajoûtez que le voisinage
Donnant les moyens de fe
voir
Matin & foir ,
GALANT. 177
Infenfiblement on s'engage.
Venons au Ver. Il avoit de
l'efprit ,
Il n'eftoit rien de beau , ny
de bon , qu'il n'apprît ;
Auffi jamais n'avoit on veu
Reptile
En belles qualitez autant
que luy fertile.
11 dançoit & chantoit fort
agreablement ;
Mais ce que l'on trouvoit
de
rare ,
Et dans un Ver qui l'eſt af,
furément ,
198 MERCURE
C'eft qu'il joüoit de la Guitare
Paffablement .
Enfin pour la galanterie
Il avoit un fi beau talent ,
Qu'en Profe comme en
Poëfre
C'eftoit un Autheur excellent
.
Ouvrage en Vers , Biller ,
& Lettre ,
Le tout eftant de fa façon ,
On n'y trouvoit plus rien
à
mettre , a
Et Voiture en comparaiſon
Auroit auprés de luy paffé
pour un Oyfon.
GALANT .
199
Voila le Ver . Quant à
l'Abeille ,
Et pour l'efprit , & pour le
corps ,
De la Nature elle eut les
plus riches tréfors .
Du Monde elle paffoit pour
huitiéme Merveille ,
Elle joüoit du Clavellin ,
Elle avoit appris la Mufique
,
Parloit Italien , & meſme
un peu Latin.
Ša mémoire eſtoit angélique.
Auffi l'exerçoit - elle avec
juſte raiſon.
180 MERCURE
Elle lifoit la Fable , elle li-
'foit l'Hiftoire ,
Elle lifoit , cela fe peut il
croire ?
Jufques aux Livres de Blazon
.
S'il faut parler de fa
fonne ,
さ
per-
Quoyqu'elle
cuſt aſſez
d'embonpoint
,
Sa taille eftoit grande &
C
mignonne ,
Et le bon air n'y manquoit
point.
Aurefte, c'étoit une Blonde,
Dont le teint blanc , frais ,
& poly
GALANT. 181.
L'euft fait feul paffer dans
le monde
Pour l'Objet le plus accomply.
Cependant malgré tous
ces charmes ,
L'Hiftoire dit que noftre
Verluifant
Euft bravé fon pouvoir , s'il
n'euft rendu les armes
Au regard tendre & languiffant
,
Dont (quand il plaifoit à la
Dame )
Le coeur le plus glacé fe
fentoit tout en flâme.
182 MERCURE
C'eft en vain qu'on voudroit
refifter à l'Amour.
Toft ou tard , quoyqu'on
fafle , il eft Maiftre à fon
42.3
tour
,
flanque
Ce petit Dieu , de toute
choſe
En ce monde à fon gré difpoſe.
L'Abeille eft amoureuſe , &
le Ver amoureux ,
Sans que cependant tous
les deuxi
De leur trouble fecret fçachent
d'abord la caufe ;
Mais comme en eux ce
trouble eſt tous les jours
plus grand ,
GALANT. 183
L'un & l'autre bientoft l'apprend.
Le Ver eft en humeur chagrine
,
Quand il ne voit pas faVoifine
;
Et de l'Abeille le chagrin
C'eſt de ne point voir fon
Voifin.
Que fi quelque doux tefteàtelte
.
Se rencontre pour nos Aabravo
mans
,
Ils ne font que trop voir
dans ces heureux momens
Que l'un de l'autre eft la
diconquefte
.
184 MERCURE
En mille & mille occa
fions
Que leur donnoit la folitude
,
Sans foucy , fans inquiétude
,
Satisfaisant leurs paffions ,
Is pafferent deux ans dans
ce doux badinage.
Mais à la fin eftant furpris ,
Il fallut que le Ver fortift
du voisinage, or £2
C'eftoit le feul moyen de
diffiper l'ombrage
Que les Parens de l'Abeille
avoient pris .
Tout d'un coup il plia bagage
,
Er
GALANT . 185.
Et crut à
franchement par-
·ler ,
Qu'afin de fauter mieux ,
alloit reculer.
il
C'eftoit agir en Ver tresfage
;
Mais par malheur , le pauyre
Diable alla
Pis que de Caribde enSylla .
Comme il ne voyoit plus
qu'une fois la femaine ,
Encor incognito , tousjours
mefme avec peine ,
L'Objet de fes tendres amours.
Luy qui pouvoit le voir au-
Novembre 1713. Q
186 MERCURE
trefois tous les jours ,
Par un revers en tel cas ordinaire
,
A mesure qu'il fut moins
veu ,
( Qui de l'Abeille l'auroit
crû? )
A méfure il ceffa de plaire.
De plus , Dame Avarice
y vint mettre du fien ,
Elle qui tous les jours de
tant de maux eſt cauſe .
Les Parens de l'Abeille avoient
beaucoup de Bien , !
Et ceux du Galant n'avoient
rien ;
GALANT. 187
S
Ou tout au plus fi peu de
chofes,
Que je n'ofe
Là- deffus feulement fouf .
Aler
Et de vouloir les accoupler ,
Le coup paroiffoit impof
fible.
Al'Abeille on dit bien &
beau ,
Qu'on donneroit fur le mu
lolllod ſeau ,aelinouds
Si plus au Ver luifant on la
voyoit fenfible; vol II
Qu'enfin elle devoit avoir
Sur la richeffe un autre ef-
80 ta poirson to fal
Qij
188 MERUGRE
Puifque le Miel pouvoit la
mettre en l'alliance'
Du plus riche Animal de
France .
Fy d'un Ver, difoit- on , qui
n'a pour tout vaillant
Qu'une étincelle de brillant.
Or donc par heureuſe
rencontre ,
A noftre Verluifantun jour
L'inconftante
Abeille fe
no se montre .
Il luy parla d'abord de fon
amour.
Elle l'écoute fans répondre.
Qu'est ce donc qui peut vous
confondre
GALANT . 189
Luy dit ce Ver , luy- mefme
confondu
De ce qu'à fes propos elle
n'a répondu ?
Ay je quelque Rival à craindre
?
Non de cela , dit elle , il ne
faut pas vous plaindre ;
Si l'air froid dont j'agis fait
voftre eftonnement ,
Je m'en vais vous conter fans
feindre
Ce qui caufe ce changement.
Tous mes Parens , ne vous
déplaife ,
Sont Gens qui font fort à leur
aiſe.
190. MERCURE
Et les voftres , en vain vous
enferiez le fin ,
N'ont pas un femblable deſtin."
Il est vray que vous Ver , &
moy chétive Abeille ,
Noftre condition fe trouve affez
pareille!
Mais on ne compte point fur
cette égalité
Dans la plupart des Mariages
; you ex
Et ce qui les fait chez les Sages,
Ce n'est que la réalitémoins
Ergo . Par mes Biens feuls eftant
recommandable ,
Je dois faire choix d'un Party
Qui plus que vous me foit for-2.
table.
GALANT
191
Mes Parens à nos feux n'ont
jaman confenty.
Ainfi cherchez une Maiftreffe
Qui veuille bien recevoir en
payement
Vos douceurs & vostre tendreffe..
Fy renonce , & des ce moment
Fe laiffe à vos defirs liberté toute
entiere
De fe donner ailleurs carriere.
L'Abeille difparoift ; le Ver
au defeſpoir
A tout cela qu'euft - il pû
dire ?
Si vous defirez le fçavoir ,
Il eft dans ce Rondeau , vous
n'avez qu'à le lire.
192 MERCURE
Un tendre coeur fait tout
mon bien ;
Et pour n'avoir que cefouftien
Je feray tousjours miferable ;
Car dans ce temps abominable
On regarde un Gueux comme
un Chien .
Des amitiez le feul lien ?
Argent , bel argent , c'eſt le
tien ;
Et fans toy l'on envoye au
Diable
Un tendre coeur.
Fay mon fort , chacun a le
fien
Mais
GALANT . 193
Mais en eft- il comme le mien ?
En eft-il d'auffi deplorable ?
Non , non , jefuis inconfolable ,
Si l' Abeille compte pour rien
Un tendre coeur.b
Pendant qu'ainfi noſtre
Ver moralife ,
L'Abeille fans s'en foucier ,
Prend fon effor jufque fur
un Meurier ,
Où ſi - toft qu'elle ſe fut
mife
Ses yeux d'un Ver - à- foye
attaquent la franchife.
( Sur ces Arbres tousjours
Ver à foye eft errant.
Novembre 1713.
R
194 MERCURE
Ce Ver la voit , l'aborde ,
& dit en fon langage ,
Aprés l'humble falut que
l'Abeille luy rend ;
A venir en ces lieux quel fujet
vous engage ?
Vous n'y trouverez point de
Fleur
Mais en récompenſe mon coeur
Vient s'offrir à voftre pillage.
Pour vous il eft fans aucun
fiel ,
Vous en pourriez faire du
Miel
3
Belle Abeille , daignez le pren-
2100 Odre.
Nóftre Abeille fans plus attendre
,
GALANT. 195
Aprés un regard des plus
doux ,
Luy dit , Tout de bon , m'ailemez-
vous ?
A peine encor m'avez - vous
vene' ;
Et cependant , fi vous quittez
a ces lieux ;
Répond le Ver , voſtre abfence
me tue ,
Je ne puis vivre efloigné de
vos yeux .
Fe ne sçaurois auffi fans défiance
,
Croire un amour fi prompt , fi
plein de violence
Repart l'Abeille au Ver.
Rij
196 MERGURE
1
A Maisen casis que
demain
A
Vous reffentiez pareille martyre.
Vous viendrez chez moy me le
altour -gandiregunto safet
Et vous n'y viendrez pás en
vain.
Adieu , beau Verje me retire .
brockd
Quand l'Abeille eft en fa
Maifon ;
Elle fonge à fon avanture
a
Et par le Siecle d'or en foy
mefme elle jure
Qu'elle fera tres prompte
guérifoni
De la bleffuren
GALANT . 197
Qu'au coeur du Ver- à foye
ont fait fes doux appas ,
Si l'Animal porte les pas
Le lendemain du cofté de
la Ruche.
Quey , j'aimerois un gueux de
Verluifant ,
Difoit elle en réflechiffant ?
Ilfaudroit que je fuffeCruche .
Vivent mes nouvelles amours i
Ab , quelle joye !
Je vais couler le reste de mes
2 11.01 1 jours the
Et dans le miel , & dans la
Love.
*
Elle paſſa la nuit à raiſon-
Riij
198 MERCURE
ner ainfi ;
Et dés le grand matin elle
n'eut de foucy
Que de demeurer fur fa
Porte ,
Croyant de moment en
moment
Qu'il faut que le bon vent
y porte
Le beau Ver , fon nouvel
Amant
,
Il en arriva d'autre forte ,
Pour elle c'eftoit temps
perdu .
Son Ver-à -foye étoit dodu ,
Et marchoit lentement,fuivy
de l'équipage
GALANT
TELA
TILLE
Qu'un Ver femblableluy
méne à fon Maria
Le Rendez-vous eftoit un
Rendez-vous d'amour ;
Mais pour faire un pareil
voyage ,
Au pefant Ver -à-foye il falloit
plus d'un jour.
Quoyqu'il en fuft , voicy la
trifte deftinée
Qu'autour de la Ruche traînoit
Le pauvre Verluifant . Son
ame abandonnée
Au plus mortel chagrin
fans ceffe examinoit
Riiij
200 MERCURE
Par où pouvoir adoucir
l'Inhumaine .
Sur le feuil de la Ruche il
la furprit le foir.
Elle n'eftoit pas là fans
doute pour le voir.
N'aurez- vous point pitié, luydit
il , de ma peine ?
Je vous aime tousjours , &
vous ne m'aimez plus ?
Ingrate , infenfible , infidelle ,
Que dites- vous d'une flâme fi
belle ?
Mes foupirs fi conftans ferontilsfuperflus
?
Enfin , tout de bon , dois -je
croire
GALANT. 201
Que contre moy vous foyez en
courroux ,
Et que vous perdiez la mé-
4
moire
De tout ce que l'Amour m'a
faitfaire pour vous ?
Vil Animal , Infecte teméraire,
Qu'avez vous fait qu'en vous
trompant ,
Répond l'Abeille ,
&ع ق و ت
que
pouviez vous faire ?
Ce que j'ay fait , dit le Ver
en rampant ?
Je m'en vay vous l'apprendre ,
Abeille trop légere.
Fay fait , nonfans de grands
travaux ,
202 MERCURE
Pour vous conter mes doleances
>
Mes foins, mes foucis , mesfouffrances
,
Tous les jours mille Vers nouveaux.
Fayfait cent & cent Madrigaux
Sur la moindre de vos abfences
;
Fay fait des Odes & des
Stances ,
Chanfons , Triolets , & Rondeaux.
Fay fait pour vous des Epigrammes
,
GALANT. 203
Et mefme quelques Anagram.
mes
Le tout d'unftile pur & net.
Et s'il euft efté neceffaire ,
Favois elle ardeur de vous
plaire ,
Que j'euffe efté jusqu'au Son
net.
De tout cela je vous tiens
peu de compte ,
Répond l'Abeille , & je
mourrois de bonte ,
Si j'avois de l'attachement
Pour un Amant
Dont le plus folide merite
204 MERCURE
Confifte en beaux difcours ; dés
mės plus jeunes ans
On m'offufquoit de cet Encens.
J'aime aujourd'huy celuy de la
Marmite.
Elle rentre en fa Ruche , en
difant ce beau mot .
Auffi le Verluifant eftoit- il
un grand for ,
D'ofer afpirer à la proye ,
Que fuivant les regles du
temps
Doit attraper le riche Verà
foye.
Qu'il foit donc fage à fes
dépens ,
Et fe contente d'une Mouche
,
GALANT 205
Qui n'aura comme luy
que l'efprit & la bouche ,
Il paffera par là pour un
Ver de bon fens.
J'ay prétendu qu'en cette
Fable ,
Pour quelque Amant peuteftre
Hiftoire veritable ,
Et les Filles , & les Garçons,
Trouveroient
de bonnes
leçons.
Les unes fur l'obéïffance
Que rend l'Abeille aux
droits de la naiffance ,
Profiteront en la lifant ;
Et les autres fujets à l'aveu206
MERCURE
gle tendreffe ,
Quand ils voudront choiſir
une Maiftreffe ,
Confulteront
le Verluifant;
Ilfçait dans l'amoureuſe afroup
faire 7 ; 7
Comme eft punile Teme-
373 300traire .
9 dasmav onion fb .
Ye
23
い
GALANT. 207
IN JRIL TAK A Friz
4
HISTORIETTE.
L'Amour n'eft point à
couvert
de la deftinée , &
les changemens
qui arrivent
tous les jours dans
les liaiſons
les mieux eftablies
font affez connoiftrè
que les mouvements
dè
noftre coeur ne font pas fixez
par le premier
choix
que nous faifons. Un certain
je ne fçay quoy qui
208 MERCURE
nous entraifne en dépit de
nous
,
nous determine à
eſtre inconſtans ; & quand
mille exemples ne ferviroient
pas à juftifier ce que
je dis ,l'avanture dontje vais
vous faire part en feroit la
preuve . Une Demoiſelle
fort bien faite , eftimable
par fa beauté , & plus encore
par fon efprit qu'elle
avoit vif & tres penetrant ,
eftant venue depuis peu de
mois prendre foin de quelques
affaires dans une pe
tite Ville peu efloignée de
Paris , y fut connue en fort
peu
GALANT. 209
peu de tems de tout ce
qu'elle y trouva de perſonnes
de naiffance .. Son pere
& fa mère qui eftoient de
qualité , mais qui avoient
peu de biens , luy connoiſ
fant du talent pour venir à
bout de mille chicannes
qui leur eftoient faites , &
par lesquelles on tafchoit
de renverfer leurs prétentions
, quoyque juſtement
fondées , s'etoient repofez
fur elle de la confervation
de leurs interefts , &
elle s'appliquoit à les maintenir
avec tant d'exactitu
Novembre 1713 . S
210 MERCURE
de & de conduite , qu'elle
eut bientoft demefle les
difficultez qui empefchoient
qu'on ne luy rendit
juftice. Son habileté fit
bruit , & tout le monde
marquant de l'empreffement
pour la fervir auprés
de fes Juges , un Gentilhomme
, maiftre de fon
bien , & des plus riches de
tout le Pays , n'épargna ni
fon credit , ni fes foins pour
luy faire voir combien il
prenoit de
tages . Angelique
receut
agréablement
le fecours
part à fes avanGALANT.
qu'il luy donna ; & comme
dans le befoin qu'elle avoit
de luy les vifites affidues
luy eſtoient permiſes , infenfiblement
le Cavalier
prit pour elle un attachement
plus fort qu'il ne l'avoit
cru . Il connut bien
que ce qu'on luy donneroit
en la mariant n'approche.
roit pas de ce qu'il pouvoit
prétendre , mais l'amour
commençant à l'ef
bloüir , il confidera que les
grands biens qu'il avoit lui
attireroient beaucoup d'affaires
, & dans cette veuë ,
Sij
212 MERCURE
il crut qu'il luy feroit plus
avantageux d'avoir une
femme qui y mettroit ordre
, que d'époufer une fille
qui luy apportant une
dote confiderable , ne fe
mefleroit de rien , & n'auroit
l'efprit porté qu'à faire
de la dépenfe . La belle qui
s'apperceut de la conquête
que fon merite luy avoit
fait faire , la menagea fi
adroitement , que le Cavalier
fut enfin contraint de
luy declarer fa paffion . On
ne doute point qu'il ne fut
écouté avec plaifir. Elle lui
GALANT. 23
marqua une eftime p'eine
de reconnoiffance ; & en
l'affurant que les parens ne
luy feroient point contraires
, elle cut pour luy des
égards d'honnefteté & de
complaifance qui luy firent
connoiftre qu'il eftoit aimé.
Comme elle avoit de
l'ambition , elle voulut s'af
furer un rang , & fe fervir
fa
pailion du
pouvoir que
luy donnoit fur fon efprit ,
pour luy marquer
qu'il y alloit
de fa gloire de prendre
une Charge
avant que de
l'époufer
. Le Cavalier
avoit
214 MERCURE
ce deffein depuis quelque
temps , & ainfi en luy promettant
de la fatisfaire , il
ne faifoit que ce qu'il avoit
desja refolu. Les affaires
d'Angelique s'eftant terminées
de la maniere la plus
avantageufe qu'elle eût pû
le fouhaiter , elle retourna
à Paris , où fon Amant la
fuivic deux jours aprés. Son
pere & fa mere qu'elle ayoit
inftruit de l'eftat des
chofes , luy firent un accuëil
tres - obligeant , & pour eftre
moins en peril de le
laiſſer échapper , ils luy of
GALANT. 219
frirent un
Appartement
chez eux . L'offre eftoit trop
favorable à l'amour duCa
valier pour n'eftre pas accepté.
Il logea chez le pere
de la Belle ; & ne fongeant
qu'à avancer les affaires , il
prit fon avis fur la Charge
qu'ilvouloit achepter . Tandis
qu'on travailloit à lever
des difficultez affez legeres
qui empefchoient
de conclurre
le marché de cette
Charge , l'amour fit paroif.
tre fa bizarrerie par les fentimens
qu'il inſpira au Cavalier
pour une foeur d'An116
MERCURE
gelique. Cette cadette avoit
dans les yeux un fort grand
deffaut , dont beaucoup de
gens ne fe feroient pas accommodez
; & ce deffaut ,
tout grand qu'il eftoit , ne
put détourner le Cavalier
da deffein qu'il prit de ne
vivre que pour elle . Il eſt
vray , qu'excepté ce deffaut
, il n'y avoit rien de
plus aimible . Elle avoit un
tein qui éblouiffoit , des
traits reguliers dans tout
fon vilage , des mains &
des bras d'une beauté fans
pareille , une taille aifée &
fine ;
GALANT. 247
酱
A
fine ; & ce qui engageoit
encore plus , elle eftoit d'u
ne humeur fi douce & fi
agreable que par cette feu-,
le qualité elle eftoit digne,
du plus fort amour. Plus
le Cavalier la vit , plus il la
trouva charmante. Il luy
contoit cent folies , & l'enjouement
avec lequel elle
y répondoit , eftoit tout
plein de feu & d'eſprit.
Rien ne devenoit fufpect
dans leurs converfations ,
parce qu'elles fe faifoient
fans aucun myftere , &
que l'occafion qu'ils a-
Novembre 1713. T
218 MERCURE
}
voient de fe parler à toute
heure les rendant fort familiers
, ne laiffoit rien voir
quifût recherché . En effet,
il n'y avoit que des fentimens
d'honnefteté du côté
de cette aimable cadette ,
qui ne doutant point que
le Cavalier n'époufaft fa
four , eftoit incapable d'al
ler pour luy plus loin que
l'eftime. Il n'en eftoir pas
ainfi du Cavalier . Le penchant
qui l'entraifnoit vers
Julie , c'eftoit ainfi qu'on
nommoit la cadette , eut
tant de force , qu'après lui
GALANT 119
avoit dit plufieurs fois en
badinant qu'il eftoit charmé
de les manieres , il s'ex
pliqua enfin ferieufement
fur l'ardent amour qu'elle
luy avoit donné. Julie tournant
la chofe en plaifante- '
rie , luy dit qu'il perdoir
l'efprit ; & toutes les declarations
qu'il luy fit enfuite
loy attirant la meſme réponfe
, il luy demanda un
jour quel défagrément ou
dans fon humeur , ou dans
fa perfonne , luy faifoit .
croire qu'il ne meritoit que
fes mépris. Jalie , que ce
Tij
220 MERCURE
reproche furprit , fe crut
obligée de lay répondre
d'un ton un peu ferieux .
qu'il le faifoit tort auffi
bien qu'à elle quand
l'accufoit de le mépriſer ,
& que s'il lui eût marqué
de l'eftime avant que de
s'engager avec fa four
peut-eftre ne lui cuft -elle,
pas donné fujet de fe plaindre
du peu de reconnoif
fance qu'elle auroit cu cu de
fes fentimens , mais qu'en
l'eftat où eftoient les chofes
, elle ne devoit agir
qu'avec les referves qu'il
GALANT . 221
trouvoit injuftes : Cette réponſe
anima fa paffion Ce
fut affez qu'il cruft ne deplaire
pas pour l'engager
à aimer avec plus de viofence
. I abandonna fon
coeur à tout fon penchant ,
& ne fongea plus qu'à perfuader
Julie de fon verira
ble attachement Comme
elle eftoit fage , elle voulut
de guérir en lui donnant
moins d'occafions de Tentretenir
de fon amour
mais plus elle avoit foin
de les éviter , plus il les recherchoir.
Cet empreffe-
T iij
222 MERUGRE
ment fut remarqué ,
fe trahit bientoft , & par
fon inquiétude , lorfque .
pour le fuir cette cadette
senfermoit exprés dans fa
chambre , & par les regards
pleins d'amour qu'il
jettoir fur elle quand il la
voyoit devant des témoins,
L'aifnée qui trouva quel
que refroidiffement dans
les manieres du Cavalier ,
en foupçonna auffitoft la
caufe. Elle prit garde qu'il
n'avoit plus auprés de fa
four ces airs enjoüez & li
bres qu'il avoir pris tant de
DFT
GALANT. 223
fois. Elle les voyoit embaraffés
fitot que leurs yeux fe
rencontroient , & la contrainte
qu'ils s'impofoient ,
Fun & l'autre felon les diverfes
veues qui les obli
geoient de s'obferver , luy
fut enfin une indice de la
trahison qui luy eftoir faite.
Comme elle eftoit fiere,
elle s'en ferait volontiers
vengée en le prévenant par
fon changement; mais el
le avoit de l'ambition &
fort peu de biens , & en renonçant
au Cavalier elle
n'étoit pas fure de trouver
Tiiij
224 MERCURE
un autre Parti qui Feuſt
confolée des avantages
qu'elle auroit perdus . Elle
refolut de diffimuler , & ſe
contenta de foulager fes
chagrins par quelques
plaintes qui deconcerterent
le Cavalier. Le trou
ble qu'il fit paroiftre fut
un aveu de fon crime , &
elle en tira des confequen
ces qui lui firent examiner
de plus prés tous les fujers
qu'elle avoit de fe deffier
de fon amour . Leur ma
1
riage ne fe devant faire
qu'aprés les difficultez
les
GALANT. 225
vées touchant la charge
qu'il vouloit avoir , elle
découvrit qu'il ne tenoit
qu'à luy de les voir finies
& que les obftacles qu'il y
faifoit naiftre ne pouvoient
avoir aucun autre fondement
que le deffein de ga
gner du tems. Remplie de
tous ces foupçons , & vous
lant eftre éclaircie de ce
qu'elle apprehendoit , elle
pria fon pere & fa mere
de vouloir preffer les cho
fes , leur faifant connoif
tre , fans leur parler de fa
foeur ce qu'il y avoit à
226 MERCURE
craindre du retardement.
L'obftination du Gavalier
fur les prétendues difficultez
de la Charge avoit déja
commencé à leur devenir
fufpecte. Ils l'entretinrent
en particulier , & luy
dirent , que comme ils l'àvoient
logé chez eux , on
murmuroir dans tout le
quartier de voir fi longtemps
differer le mariage
dont on eftoit convenu ,
que pour empefcher , les
fafcheux difcours , il falloir
fonger à terminer cette affaire
, & qu'il n'eftoit point
GALANT 227
befoin d'attendre qu'il cuft
fini fon autre traité. Le Cavalier
ne balança point fur
le parti qu'il avoit à prendre.
Il leur répondit qu'il
fe fouvenoit de la parole
qu'il avoir donnée &
qu'il l'a tiendroit avec joïe
en tel tems qu'il leur plai
roit qu'ilavoit promis d'ef
tre leur Gendre , & qu'il fe
feroit un bonheur de le de.
venir , mais que ce feroip
en époufant la cadette pour
qui il fentoit la plus vio
lente paffion ; qu'il trouvoit
en elle tout ce qui
228 MERCURE
pouvoit le fatisfaire ; que
l'humeur de fon aifnée étoit
fi peu compatiffante
avec la fienne , qu'elle ne
pourroit que le rendre malheureux
, & que s'ils refu
foient ce qu'il demandoit
avec les plus inftantes prieres
, il feroit contraint de fe
retirer . A leur fit cette réponfe
avec tant de fermeté
, & tout ce qu'ils purenc
dire pour le détourner de
ce deffein cut fi peu d'ef
fet , que ne voulant pas rifquer
une fi bonne fortune
ils ſe virent obligèz de conGALANT
229
fentir à ce qu'il voulut. La
feule condition qu'ils exigerent
fut que la chofe fe
fit au pluftoft & en fecret ,,
l'aînée fit moins
afin
que 1
éclater
fon
reffentiment
quand
elle
apprendroit
une
injnftice
qui
n'auroit
plus
de
remede
. Le
tranfport
qui
l'obligea
de
fe jetter
à leurs
pieds
pour
leurs
rendre
grace
ode
ce
qu'ils
faifoient
pour
luy
,
leur
fut
une
preuve
de
la
violence
avec
laquelle
il
aimoit
. Ils
dirent
à
Angelique
, que
quelques
raifons
230 MERCURE
qu'ils euſſent pû apporter,
le Cavalier s'eftoit fi bien
mis en tefte de ne fe point
marier qu'il n'eut traité de
la Charge , qu'il leur avoit
efté impoffible d'en rien
obtenir. Elle comprit ce
que vouloit dire un refus
fi obſtine , & en fui piquée
au dernier point . Cependant
tout fe concerroit fe
cretement pour le mariage
du Cavalier & de la cadette
, & il ne manquoit pour
l'achever qu'ane occafion
d'en faire la ceremonie
fans que l'aifnée en puſt
GALANT. 231
rien fçavoir. Elle s'offric
favorable peu de jours a
prés . Une Dame dont elle
eftoit tendrement aiméd
la pria de lui tenir compagnie
dans une partie de
promenade
qui l'enga
geoit à aller paffer quel
ques jours à la campagnes
Angelique
y alla , & eut
affez de force d'efprit pour
fe mettre au deffus de fes
chagrins , & paroiftre
d'une humeur route char
mante. On luy dit qu'on
voyoit bien que la joye
d'un mariage preft à fe fai232
MERCURE
re donnoit aux belles de
grands fujets d'enjouement
; & pour affoiblir la
bonte où elle craignoit d'être
expofée , elle sépondit
qu'on jugeoit mal d'elles
qu'il falloit pour la toucher
de certaines complaifances
& des tours d'efprit
qu'elle n'avoit point trouvé
dans le Cavalier
; & que
les chofes n'avoient juf
quês là traîné en lon .
gueur , que parce qu'elle
vouloit l'engager
à époufer
fa cadette. Un vieux
garçon fort riche , & reveltu
GALANT 233
*
veftu d'une Charge plus
confiderable
2
que
celle
dont le Cavalier traitoit
lui dit en riant , que quoiqu'il
eût cousjours efté indifferent
pour le mariage ,
il youdroit avoir ces tours
d'efprit qui lui plaifoient
tant , afin de luy offrir les
fervices , & que pour les
complaifances il luy foroit
aifé d'en répondre Anger
que luy repartit auffé
fiant qu'elle avoit crun der
couvrir enluy ce qui eſtoir
fi fort de fon goût , & qu'à
tout prendre , ils feroient
Novembre 1713. V
234 MERCURE
affez le fait l'un de l'autre.
Sur ce pied là , le vieil Of,
ficier lui dit des douceurs
pendant deux jours , comme
un Amant declaré en
dit à une maiſtreffe ; il goû
ta fi bien fon efprit , que
malgré toutes les refolu
tions prifes de demeurer
tousjours libre , il parla enfin
de mariage . Certe propoſition
fut bien receue
d'Angelique. Elle trouvoit
un nang qui contentoit lon
ambition & fer vangeoit
d'un Amant perfide. LaDa
me à qui elle ouvrit for
GALANT 235
eoeur entra dans la confidence
du vieil Officier , &
luy fit promettre que puif,
qu'il s'estoit declaré avec
fon amie , il en iroit faire
la demande dans les for ,
mes apres fon retour. Angelique
cftant, revenuë
conta à fon pere l'engaget
ment où l'on s'eftoit mis
pour elle, Le mariage de
la cadente eftoit fait ; ce fus
pour luy une joye fenfible
de voir finir pluftoft qu'il
ne l'avoit cru l'embarras
de le cacher. Cette adroite
fille diffimulant
fon reflen
Vij
26 MERCURE
iment , tacha de ſe rendre
toute aimable pour le Cavalier
, afin de reveiller fon
amour , & de luy donner
par là plus de regret de la
perdre. Le lendemain elle
remarqua fans eftre veuë ,
que le Cavalier s'eftoit coule
dans la chambre de fa
foeur , & que la porte en
avoit cfté auffitoft fermée.
Si elle eut de la douleur, elle
cur de la joyê en meſme
temps de ce que fa focur
faifant des avances fi indignes
d'elle , mettoit le Cavalier
hors d'eftat de la vouGALANT
237
J loir pour fa femme. Certe
pentée lui remplit l'efprit.
2.Elle cru qu'il refuferoir de
l'époufer aprés les faveurs
qu'il en avoit obtenuës , &
qu'ainfi elle feroit vengée
& d'elles & de luy , quand
fon mariage avec l'Officier
neo laifferoit pluso aucun
prétexte à fon pere de gate
der le Cavalier, Cet Offi
cier tine parole. On avoir
efté averti de fa vifite , & le
Cavalier qui la fçavoit alla
tout exprés fouper en villo
& ne revint quefort tard
L'Officier charmé de l'ac
238 MERGURE
cueil qui lui fut fait , ne for
tit point qu'on n'euft figné
des articles . Angelique qui
n'afpiroit qu'à jouir de fa
vengeance
, attendit à fe
coucher que leCavalier fult
revenu . Aprés lui avoir fait
quelques plaintes de la ma
niere dont il en ufoit pour
elle dépuis quelque tems ,
elle ajoufta qu'elle› Favois
trouvéfi peu digne des fen ,
timens favorables qu'elle
luy avoit marqué d'abord,
qu'elle venoic de s'engager
a un autre , & qu'un Contrat
de mariage figné les
GALANT . 239
feparoit pour jamais. Il feign e
eftre vivement touché de cette
nouvelle, Angelique pleine de
fon triompheen levoyant ainfi
accablé , le quitta fans lui donner
le tems de répondre ; c'étoit
qu'il avoit fouhaité . Il fe
coucha fort tranquillement , &
le, lendemain comme il l'avoit
concerté avec ton beaupere &
avec fa femme , il alla chez un
ami dans un quartier éloigné ,
où il demeura jufqu'à ce qu'on,
eût fait le mariage, Angelique
qui imputa cette retraite à fon
defefpoir , en fentit fa vanité
agréablement flatée. Elle époufa
l'Officier, & deux jours aprés
le Cavalier revint auprés de fa
femme. La nouvelle mariée ne
l'eût pas pluftoft appris,qu'elle
240 MERGURE
alla trouver fon pere , & luy fit
connoiftre le peril our Julie ef
toit expofée s'il gardoit chez s'ilg
luy le Cavalier. Son pere luy
dit , que puifqu'elle avoit tout
fujet d'eftre contente , il eftoit
perfuadé qu'elle aimoit fa foeur
pour prendre part à les avanta
ges ; aprés quoy il lav expliqua
ce qui eftoit arrivé. Le dépit
qu'elle eur de s'eftre promis
une vengeance , qui ne tournoit
qu'à fa honte , la mit dans
un defordre d'efprit incroya
ble. Elle fortit brufquement?,
& depuis trois mois qu'elle eſt
mariée , elle n'a point encore
voulu voir fa focuro
GALANT 241
MORT SKY
Meffire Armand- Charles
de la Porte , Duc de Rethelois
Mazarin , de la Melleraye , &
de Mayenne , Pair de France,
Chevalier des Ordres du Roy
the
Lieutenant General de fes
Armées , Prince de Chafteau-
Porcien , Marquis de Montcornet
, Comte de la Fere , de
Marle , &c.bGrand Bailly de
Haguenau , Gouverneur d'Alface
, & de Bretagne , des Villes
, Chafteau & Citadelle de
Brifac, Vitré & de Port -Louis,
Novembre
1713
. X
242 MERCURE
Capitaine du Chateau de
Vincennes , & Grand Maiſtre
de l'Artillerie
de France, mourut
en fon Chaſteau de la
Mefleraye le 9 Novembre
1713 âgés de 82 ans ; il
s'eftoit demis de la Charge de
Grand Maiftre de l'Artillerie
an a66b.en faveur du Duc
du Lude , & de plufieuts
de fes Gouvernetnens
, & fe
retira on les terres .
a
Roo
létoinfils de Charles de
-la Porter, Duodè la Meſleraye
-grand Maiftre de l'Artillerie
& Maréchal de France , & de
Marie Ruzé Defiar , fa pre-
X EIMA STOKUVA
GALANT . 243
4.
miere femme. Il époufa có
1661. Hortenfe Mancini ,
fille de Laurent Mancini Che
valier Romain , & de Hieronime
Mazarin , foeur de Jules
Mazarin , Cardinal , Miniftre
d'Etat en France , en faveur
duquel mariage de fa Niece
ill'inftitua fon heritier univer
fel à charge de fubftitution
de porter le nom & les Armes
pleines de Mazarin , ce
qui fut confirmé par Lettres ,
verifiées au Parlement le s .
Aouſt 1661. & pour lors il
quitta fon nom & les Armes
de la Porte , & prit celles de
&
X ij
244 MERCURE
Mazarin , qu'ila tranfmis à fa
pofterité comme on voic
qu'ils les portentaujourd'huy.
Et de fon mariage , il eut
Charles Jules Mazarin Duc
de la Mefleraye , Pair de
France , Marie- Charlotte
Mazarin , femme du Marquis
de Richelieu , Marie Olimpe
Mazarin , épouſe du Marquis
de Bellefonds.
Charles Jules Mazarin , Duc
de la Melleraye a époufé en
1681; Felice Armande Charlotte
de du Fort Duras , fille
aînée du Maréchal de Duras
dont il a des enfans, inima
GALANT. 249
Monfieur le Duc Mazarin
eftoit arriere petit- fils de
François de la Porte , Seigneur
de la Lunardiere , qui fut marié
deux fois , 19. A Claude
Rochar , fille d'Antoine , Seigneur
de Carinvilliers , Confeiller
au Parlement , 2 A
Magdelaine Charles , fille de
О
Nicolas , Seigneur du Pleffis-
Piquer . Du premier lit , il cur
Sufanne de la Porte ,femme de
François du Pleffis , Seigneur
de Richelieu , Grand Prevolt
de France , & fut mere des
Cardinaux de Richelieu , l'un
Miniftre d'Etat , & l'autre Ar
X iij
246 MERCURE
chevefque de Lyon , & de la
feconde femme il eut Charles
de la Porte , Seigneur de la
Mefleraye, la Lunardiere, & c.
Gentil- homme ordinaire de la
Chambre du Roy , qui époufa
Claude de Champlois , &
il en eut plufieurs enfans , entr'autres,
Charles de la Porte,
Duc de la Melleraye , Pair
& Maréchal de France , pere
de Mr le Duc Mazarin .
Meffite Jean , Comte de
Gaffion , Lieutenant des Gardés
du Corps du Roy, Lieurenant
General de fes Armées
Gouverneur de Mezieres ,
GALANT. 247
Chevalier de l'Ordre de S.
Louis ,mourutle 26. Novem
bre a fervi avec beaucoup de
diftinction , en Allemagne
& en Flandres . 12
Heftoit fils de Jean de Gaf
fion , Prefident à Mortier au
Parlement de Pau , & de Marie
Befrade , & neveu de Jean
de Gaffion Maréchal de France
qui mourut à . Arras de 2 .
Octobre 1641 , d'un coup
de moufquet qu'il receur à la
tefte le 28. Septembre precedent.
La famille de Gaffion eft
tres confiderable en Bearn ,
X iiij
248 MERCURE
qui defcend de Guillaume de
Gaffion , qui vivoit en 1499.
& qui étoit Senéchal du Païs
d'Olleran & de Sauvefere, pere
de Jean de Gaffion , qui fur
employé pour traiter de la
rançon de Henry II . Roy de
Navarre , auprés de l'Empereur
Charles quint en 1525.
le traité fut fait pour 30000.
écus d'or. Mais les Agens de
l'Empereur voulans augmenter
cette convention , il employa
l'argent pour gagner
fes Gardes , & lui procura la
liberté par ftratagême . Jean
Gaffionfon fils fut Procureur
GALANT. 249
General au Confeil Souve
rain de Bearn , puis Maiftre
des Requestes & Prefident à
Morrier audit Confeil , &
Chef de la Reine Jeanne de
Navarre , mere du Roy Henry
IV. Roy de France & de
Navarre ; c'eftoit le bifaycul
de Mr de Gaffion , qui vient
de mourir. Cette famille a
des perfonnes produit
qui fe font diftinguées
,
tant dans la Robe que dans
l'Epée , Pierre Marquis de
Gallion , frere de celui qui
vient de mourir , a cfté Confeiller
d'Etat , premier Prefi250
MERCURE
dent à Mortie au Parlement
de Bearn , qui de Magdelaine
Colbert du Terron a cu plufieurs
enfans , l'aîné , Charles
Marquis de Gaffion , Capiraine
- Lieutenant des Gendarmes
de Mr le Duc de
Bourgogne,fut tué à Hochtet
en 1704. & Pierre Armand
Marquis de Gaffion , fon frere
a épousé en 1708. la fille
de Mr Darmenonville .
Meffire Jacques Lynch ,
Archevefque de Tune , Metropolitain
de la Province de
Conaught en Irlande , ci devant
Aumônier honnoraire
GALANT. 25 * 3
de feu Charles II . Roy d'Efpagne
, mourut à Paris le 29.)
Octobre , âgé d'environ cent
ans.
Le Prince de Tofcane , fils
aîné du Grand Duc de Tof
cane , mourut à Florence le
3. Octobre , âgé de 51. ans ,
aprés une longue maladies Il
n'a point eu d'enfans de fon
mariage avec la Princeffe , fon
époufe , foeur des Electeurs .
de Baviere & de Cologne.
1 Meffire Leon de Mazoyer ,
Seigneur de Verneüil , Moud
linon , &c. Gentil- homme ordinaire
, & Ecuyer de Madame
252 MERCURE
la Dauphine , mourut en fon
Chaittaude Moulignon le
Novembre 19133
Mr Marc Antoine Goder ,
Marquis de Soudé , Chevalier
de l'Ordre Militaire de Saint
Louis , cy - devant Capitaine-
Lieutenant des Chevaux Legers
d'Anjou , mourut fans
alliance le 18. Novembre âgé
de 42. ans.
Nicolas Chupin , Confeiller-
Secretaire du Roy , & cydevant
Treforier general du
Marc d'or des Ordres du Roy,
mourut le 21. Novembre.
M Nicolas le Grain , CheGALANT.
25-3
valier , mourut le même jour
21. Novembre , âgé de 81 , an ,
laiffant pour fille unique de
feuë Dame Anne Guyer , Dame
N. la Grain , mariée à M'
Boucher d'Orçay, Maiſtre des
Requeftes , fils du Confeiller
d'Erat .
MaAntoine.de- Brouilly ,
Marquis d'Herleville , dy devant
Lieutenant general pour
leRoy, Gouverneur des Province
, Ville & Citadelle de
Pignerol , mourut auffi le 21.
Novembre.
R
C
254 MERCURE
善
Extrait de la Capitulation du
Chafteau des Forts de la
Ville de Fribourg, accordée
le 16. Novembre par Mr le
Maréchal , Duc de Villars ,
commandant l'Armées du
·Roy liv
tibel 2
O
Uc le 20. Novembre
fortiront des deux Châ .
teaux & des Forts les deux
Garniſons , avec toutes les
marques d'honneur , fous le
Lieutenant general de Bataille
GALANT. 255
Baron de Wachtendonck , les
deux Commandans de Hanftem
& de Dominique , tous
les Officiers , avec leurs Domeftiques
& équipages qui fe
ront conduits juſqu'au Camp
Imperial de Rotweil en Suabe,
dans quatre ou cinq
39 201
jours, 20
Que
fix pieces
de Canon
marcheront
à la teſte, fçavoir
;
trois
de douze
, & trois
de fix
livres de balle, de plys
quatre
Mortiers
de cent , & trois
de
, &
foixante
livres , avec
lala
pou
dre , boulets
, bombes
& attirails
neceſſaires
pour
tirer
cin156
MERGURE
quante coups , auffi bien que
pour toute l'Infanterie & les
Dragons ; & pour chaque
Grenadier
cinq grenades
.
Que cette marche commencera
par les équipages
fuffisamment eſcortez , qu'on
rendra le jour d'auparavant
tous les équipages pris dans la
Ville , meubles & hardes , &
autres ; qu'on rendra de bonne
foy tous les chevaux pris
& tout ce qui appartient à cette
garnifon , & que la quantité
de chevaux & chariots
dont on a befoin fera fournie
gratis pour le tranſpoft juſGALANT.
257
*
qu'audit Rotweil.
Qu'on emmenera librement
tous les Documents &
Ecrits qui font dans les deux
Châteaux concernant les Ar-
"
chives , & d'y pouvoir joindre
ce qui pourroit eftre de
plus dans la Ville appartenant
à cela .
Que tous ceux qui voudront
fortir de Fribourg foit . prefentement
ou dans l'efpace de
trois mois , comme cela fe
comprend dans toutes les Capitulations
. d'honneur , il
leur foit permis de vendre
feurs biens & d'emmener leurs
Novembre 1713 . Y
258 MERCURE
bagages , avec les Paffeports
neceffaires , & que dans cer
article puiffent eftre compris
Mrs de la Regence , &c .
Que les Officiers & foldats
malades & bleffez puiffent
refter à Fribourg , logez gra
tis chez les Bourgeois , avec
les Chirurgiens & autres pour
les fervir , recevant leur pain
de la farine laiffée pour ce
fujer , & les medicamens de
même , jufqu'à ce qu'ils
foient en état de partir avec
Paffeports pour fe rendre à
leurs Corps.
•
Que tous prifonniers, tant
GALANT. (259
ceux qui ont efte faits aux
lignes , que pendant le ſiege ,
& tous ceux qui font reftez
dans la Ville , feront rendus ,
avec leurs habits & armes. II
ne fera point permis en fortant
de tirer aucun foldat
hors de fon rang ou de le debaucher
, excepté les defertours.
Qu'on montrera de bonne
foy toutes les mines , Loure
l'artillerie & tous les vivres
-qui font dans les deux Chaf-
>teaux , mot
Qui Que la garnifon fera
pourveuë de pain pour cinq
Yij
260 MERCURE
jours jufqu'à Rotweil : &
comme les fours des Chaf
teaux ne fuffilent pas pour ceon
les fera cuire dans la
2 A
4.76
la
,
Ville.
Que les dettes contractées
" par les Officiers ou autres ,
dont on excepte le vin , la
viande , le bois & ce qu'il a
fallu prendre pour la nourriture
du foldat , & l'ufage du
"frege & ce qui ne paye pas , on
laiffera pour les deux premieres
claffes le fieur Dalberdoff
, premier Commiffaire
dos guerres en oſtage , jufqu'à
ce qu'on aura fatisfait ,
GALANT. 261
& on n'éxigera point d'autres
oftages parmi les Officiers,
Qu'aufli toft la preſente
Capitulation fignée , on envoyera
un courier au Prince
Eugene de Savoye , & autre,
pour avertir de la marche
de cette garniſon , à
Rotweil.
Qu'on cedera en attendant
la fortie , le petit Ouvrage
qui eft devant la porte de
ce Chateau à la moitié de la
contrefcarpe vers la Ville : au
Fort S. Pierre , l'Ouvrage à
corne & la Redoute attaquée ,
attendant en même temps
262 MERCURE
deux ôtages pour M' le Lieutenant
Colonel Iberaker , &
Mole Lieutenant Colonel
d'Erps. , magê con large
La Garnifon n'eft fortie
que le 22. à caufe du mauvais
temps . Elle eftoit compofée
de prés de fept mille hommes,
& étoit de treize mille au
commencement du Siege .
Le 31 Octobre Mrte Comte
d'Artagnan Lieutenant
general dos Armées du Roy ,
eſtant de jour à la tranchée
deFribourg , fit attaquer par
Fordre de Monfieur le Maréchal
de Villars la demie-lune,
GALANT 263
laquelle fut emportée dans
Pinftant par la valeur des
Troupes, quoy que deffenduë
par cent cinquante hommes
des ennemis qui futent tous
tuez ou pris .
Le lendemain matin on vit
un Drapeau fur la bréche &
dans le moment Mr le Comté
d'Artagnan l'eftant alléreconnoiftte
, s'en faifit , & des
autres poſtes . Il entra enfuite
dans la ville avec quatre Com
pagnies de Grenadiers , & donna
de fi bons ordres qu'il
fauva le pillage, ¿Le Baron
d'Arfch , Gouverneur de Erie
264 MERCURE
bourg , envoya le fieur de
Wlinkforon au Prince Eugene
en fon Camp de Mulberg
, il revint le 16 Novembre
au foir. Le lendemain ,
le Baron d'Arfch l'envoya au
Maréchal de Villars , auquel il
propofa les conditions pour
la Capitulation du Chateau
& des Forts , dont une partie
fut refusée. Surquoy le Baron
Arfch ayant fait çavoir
qu'il n'avoit pas un Pouvoir
affez grand du Prince Eugene
pour conclurre à d'autres
conditions , demanda permiffion
de renvoyer le même Officier
GALANT. 265
ficiers au Prince Eugene , ce
qu'onluy accorda . La fufpenfon
d'armes fut prolongée
jufqu'au 15. à condition que
les Affiegez mettroient toutes
chofes en état pour l'attaque
du Chasteau & des Forts . On
mit en batterie vingt - huic
mortiers & foixante pieces de
canon , & on pouſſa des
boyaux de communication
aux endroits neceffaires. Les
Affiegez voyoient faire tous
ces travaux fans s'y oppoſer.
Ils envoyoient du Chateau
des provifions aux malades
& bleflez , aux foldats , aux
Novembre 1713 . Z
166 MERCURE
femmes & aux enfans & aux
valets qu'ils avoient abandonnez
dans la Ville. Le 13.
Novembre le feu fe mit par
accident à l'Arfenal de la Ville
, lequel a efté brûlé.
- Supplement aux Nouvelles.
On mande de Vienne que
les maladies diminuënt de
jour en jour , que l'Archiduc
a fait écrire aux Seigneurs
quis eftoient retirez à la campagne
, de revenir à Vienne ;
que le Regiment de Bareith
qui campoit aux environs de
GALANT. 267
cette Ville , s'eftoit mis en
marche pour aller prendre des
quartiers d'hyver en Bavicre.
Les Lettres d'Andrinople
du 3. Octobre portent que
les Ambaffadeurs du Czar
avoient demandé leur Audience
de congé ? qu'ils avoient
eſté envoyez au Reis
Effendi , ou Chancelier , qui
leur demanda s'ils n'avoient
reçu aucune réponse de leur
Maiftro fur diveries demandes
qu'on leur avoit faites ,
entr'autres du payement du
tribut au Kam des Tartares
que les Mofcovites avoient
Zij F
268 MERCURE
autrefois accoûtumé de luy
payer , & de la ceffion d'une
partie de l'Ukraine ; que les
Ambaffadeurs Mofcovites avoient
répondu qu'il n'avoient
reçu aucun ordre fur
-
cc fujer , mais qu'ils s'enga-
-geoient d'envoyer un Courrier
au Czar pour fçavoir ſa
refolution ; que fur cette ré-
• ponſe les Turcs avoient fait
Femener les Ambaſſadeurs à
C
Conftantinople pour eſtre de
nouveau enfermez dans le
Chateau des Sept- Tours , &
que le Palatin de Malovi
Ambaffadeur de Pologne &
GALANT. 269
F'Envoyé du Roy Augufte
eſtoient gardez chez eux fort
éttroitement . Ces mêmes Let
tres portent que le Reïs Ef
fendi eftoit allé deux fois rendre
vifite au Roy de Suede à
Demir Tocca , qu'il luy avoit
offert de l'argent & toute forte
d'affiſtance de la part du
Sultan . On écrit de Hambourg
que les Troupes Danoifes
qui gardoient les ave
nuës de cette Ville , s'eftoient
retirées à Ottenfen ; de forte
que la communication eft prefentement
libre avec la Ville
d'Alrena ; que la marche des
Z iij
270 MERCURE
4
Troupes Pruffiennes qui devoient
venir en ces quartiers
a efté differée : ce qui donne
fujet de croire que les differends
touchant la reftitution
des Etats de Holftein- Gottorp
feront bien-toft terminez.
Les Lettres de Coppenhague
portent que le Roy de
Dannemarck eftoit fort mécontent
du Traité conclu
pour mettre en fequeftre les
Places de Pomeranie , qu'il en
avoit écrit au Czar , qui luy
avoit répondu qu'il ne fe fépareroit
jamais de fon allian
GALANT . 271
ce ; & qu'il renvoyeroit fes
Troupes en cas qu'il en cut
befoin , que la Flotte Danoife,
ayant efté informée que
neuf gros Vaiffeaux Suedois
paroiffoient en mer , avoit
voulu lever l'anchre pour les
aller combattre ; mais qu'elle
en avoit cfté empêchée par
les vents contraires , & qu'un
Baftiment chargé de vivres
pour la Flotte eftoit péri avec
treize hommes par le mauvais
temps, lovevailed
Celles de Berlin du 8. Noe
vembre , portent que le Roy
-de Prufle dans un Confcil de
Z iiij
272 MERCURE
Guerre avoit refolu d'envoyer
dans le Holstein pour
faire le Blocus de Tonningen
,
une Armée de vingt mille
hommes , composée de douze
mille Fantaflins , de cinq
mille chevaux & de trois mille
Dragons de fes meilleures
Troupes , commandées par
le Prince d'Anhalt Deffau ,
ayant fous luy pour Genereux
de la Cavalerie , les Lieuranans
Generaux Gatzmer &
Dorfling , avec les Majors
generaux Hakkeborn , Pannewitz
, Grotte & Sibourg ;
& pour Generaux de l'Infan-
8.
GALANT•
2730
terie , les Lieutenans Generaux
, Arnheime , Finch , avec
les Majors generaux Lilien ,
Gerftorf, Leben & Cameke ;
que le Roy de Pruffe eftoit
venu à Brandebourg pour
voir paffer en revûëles Troupes
qui devoient fe mettre en
marche le 24. avec trente pieces
de Canon .
éta-
On écrit de Madrid que
Don Franciſco Tinajero a
prefenté un Projet pour
blir une fabrique de Vaiffeaux
de guerre à la Havane , dans
l'Ile de Cuba , où en quatre
ans il en fera conſtruit dix de
274 MERCURE
foixante pieces de Canon chacury;
que ce Projer a efté approuvé
par le Roy , qui a affigné
pour commencer cent
quatre- vingt mille piaftres de
revenu de la Nouvelle Eſpa-,
gne , & ila donné la direction
de cette Fabrique à Don Manuel
Lopez Pintado , Commandant
l'Escadre qui doit
cftre à preſent fortie de Cadiz
pour bloquer le Port de Barcelone.
Toutes les Lettres de
Catalogue confirment que
Nebor & fes Compagnons
avoient efté empriſonnez
à
Barcelone , & que les VolonGALANT
. 275-
taires & les Miquelets échapez
aprés la défaite , s'eftoient,
fauvez , partie dans le Château
de Cardonne , & le refte
vars les Frontieres d'Arragon,
où un de leur parti avoit
efté défait par les Troupes,
du Roy. On mande de Naples
, qu'on ramaffoit plufieurs
Tartanes & Bastimens,
de tranſport fur lesquelles
doivent eftre embarquez,
leurs Regimens Eſpagnols ,
qui eftoient dans cette Ville
, & cftre conduits d'abord
à Manfredonia , & de
la tranfportez fur les Côtes
磐
276 MERCURE
de l'obéïffance de la Maiſon
d'Autriche.
Les Lettres d'Angleterre
portent pue Mylord Dunmore
a efté fait Colonel du troifiéme
Regiment des Gardes
de la Reine , à la place du
Comte de Lothian , & le Colonel
Liconier , Gouverneur
du Fort S Philippé dans l'Ifle
de Minorque ; que les équipages
de trente Vaiffeaux de
guerre avoienr efté payées &
congediées , & les trente Capitaines
mis à la demi paye ,
aprés avoir eſté payez &
congediez que le Comte de
GALANT 277
Straford , Plenipotentiaire de
la Reine à Utrecht arriva de
Hollande à Londres avec la
Comteffe , fon époufe , qu'il
avoit rendu compte à la Reine
de les Negotiaroins , particulierement
en ce qui regarde
les Pays- Bas Catoliques , dont
Sa Majesté prétend avoir l'adminiftration
conjointement
avec les Etats Generaux , jufqu'à
ce qu'ils forent remis à
Archiduc aprés la conclufion
de la Paix generale. Que depuis
la démolition d'une partie
des Fortifications de Dunkerque
, on a envoyé ordre à
278 MERCURE
la plufpart des Troupes qui
y cftoient d'aller joindre celles
qui font en garniſon à
Bruges & à Gand.
On mande de la Haye que
le traité de Paix entre l'Efpagne
& cet Etat eft fort avancé
qu'on attend que le cou-
"rier envoyé & qui doit arriver
dans peu , pour le conclure.
Que le Marquis de
Chatteau - Neuf & les autres
Miniftres Etrangers ont fou-
"vent des conferences
avec les
Deputez des Etats Generaux ;
que le fieur Bruys nommé à
Ambaffade de France fe preGALANT
279
paroit à partir , qu'il n'attendoit
que le retour du fieur
Goflinga fon Collegue , qui
eft allé en Frife , d'où il doit
revenir inceffamment.
Lès Lettres de Cologne du
17.Novembre portent que le
14. le Major de Vefel avoit
paffé à Kempen avec trois
cent hommes pour aller à
Liege , recevoir & escorter dix
huit mille fufils & huit mille
paires de piftolets que le Roy
de Pruffely a fait fabriquer.
ya
Nouvelles de Paris.
Le Roy a donné la Goù280
MERCURE
vernement d'Allace , vacant
par la mort du Duc de Mazarin
, au Maréchal de Huxelles.
Le 3. Novembre l'ouverture
du Parlement fe fit avec
les ceremonies ordinaires. La
Meffe fut célébrée par l'Evê
que de Lavaur , qui fir enfuire
un compliment
, auquel
le fieur de Mefmes
, premier
Prefident répondit fott éloquemment,
you Le Duc d'Aumont eft arrivé
de fon Ambaffade d'Angleterre
. & il a falué Sa Majefté
qui l'a reçû tres favora
blement.
£ vol sk
GALANT. 281
Le 30. on chanta le Te
Deum dans l'Eglife Metropolitaine
en Action de Graces
de la Prife de la Ville &
des Forts de Fribourg. Le
Cardinal de Noailles , Arche-
• vefque de Paris y officia.
THRAKE
WIBLIO
DE
LYON
*
1293*
୧୪
٤٣
I
Novembre 1713. Аз
TABLE.
********N*.
BAGATHA BIL E.
Jerrod High mot ab
3
Differtation fur la Mufique Ita-
Lienne Françoife.
Hiftoire Abregée des derniers
tremblemens arrivez à Manofque
en Provence.
Memoire,
Mort.
63
68
69
Nouvelles d'Espagne .
Nouvelles d'Angleterre.
Nouvelles de Warsovie,
Rentrée de l'A ademie.
Article des
Enigmes,
73
85
93
101
121
& A
TABLE.
Traduction du Poëme Anglois
~ fur le Bal que Mr le D **
** D ** a donné à Londres le
$ £ 17 . Aoust 1713 .
Annonce.
133
144
La défaite des Hannetons, Poëme
en deux Chants. 145
Second Chant.
153
Extrait d'une Lettre de Fribourg.
160
Obfervationsfur les changemens
du
Barometre , par rapport au
temps , é.
Dons du Roy.
163
167
Le Ver luifant , l'Abeille , & le
Ver àfoje , Fable.
Hiftoriette,
173
207
Aa ij
TABLE.
Morts. 241
Extrait de la Capitulation du
Chafteau des Forts de la
Ville de Fribourg
254
Suplément aux Nouvelles , 266
Nouvelles de Paris .
279
Qualité de la reconnaissance optique de caractères