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1712, 10
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Texte
BIB . DOM.
I
LAVAL. S. J.
Zugua
!
BIBLIOTHÈQUE
"
Les
fenisinee
30 .
S
J
CHANTI
LY

MERCURE
GALANT..
*********************
AVANTURE
nouvelle.
Le Mariage par dépit.
UN homme de condition
, entre deux
âges , homme d'un cſ-
Octob. 1712.
A ij
4 MERCURE
prit enjoüé , mais un peu
vain , avoit été fi heureux
dans fes amours
jufqu'à l'âge de quarante
ans , qu'il s'imaginoit
devoir l'être encore à
foixante . Il étoit garçon ,
& difoit quelquefois , en
plaifantant , qu'il fe marieroit
quand il auroit
enfin trouvé une cruela
le ; car pour lors , diſoitil
, je commencerai
à juger
par fes mépris que
je ne fuis plus affez jeuGALANT
5
ne pour briller dans la
galanterie : & c'eft alors
qu'un homme fait comme
moy doit penſer au
mariage .
Cet homme , que nous
appellerons Damis , vir
chez un Preſident , qu'il
alloit folliciter , une jeune
& belle perfonne avec
fa mere ; elles follicitoient
auffi de leur côté .
Appellons cette jeune
perfonne Lucile.
Damis fut fi frapé de
A iij
6 MERCURE
la beauté de Lucile , qu'il
ne voulut point faire ſa
follicitation ce jour- là ,
pour avoir occafion de
revoir le
lendemain cette
beauté , parce qu'il entendit
dire à fa mere
qu'elle reviendroit lę
lendemain aporter quelques
papiers qu'elle avoit
oubliez ce jour- là .
Le lendemain
Damiş
Fut affez heureux
pour
retrouver
Lucile & fa
mere chez le Prefident
,,
GALANT
7
qui revint fort tard du
Palais , enforte qu'il eut
tout le loifir , en l'attendant
, de lier converfation
avec la mere , que
l'envie de parler de fon
procés rendit fort acceffible.
Il fçut qu'elle étoit
Bretonne , & qu'elle
pourfuivoit à Paris une
affaire où il s'agiffoit de
tout fon bien . Il faifit
l'occafion , il offre de la
protection & des amis ,
que la mere eût accepté
A iiij
8 MERCURE
d'abord : mais Lucile refufoit
tout avec une po
liteffe fi froide , que Damis
defefpera de pouvoir
jamais s'en faire écouter ;
& comme il n'étoit pas .
d'humeur à foûpirer en
vain , il refolut d'en demeurer
là : mais fa refo
lution ne l'empêcha pas
de s'informer plus à fond
qui elles étoient . En fortant
il apprit de leur laquais
leur nom , leur famille,
leur logis, & leurs
GALANT.
و
, &
moyens. Quand il fçut
que Lucile avoit à peine
de quoy fubfifter
qu'elle étoit logée tréspetitement
, il s'étonna
de l'avoir trouvée ſi fiere
: mais il efpera que s'il
pouvoit faire naître l'oc
cafion de lui offrir des
fecours confiderables , il
pourroit enfuite parler
de fon amour.
Il ufa de cent détours
polis & delicats pour
-faire connoître qu'il é--
Do MERCURE
toit liberal, & qu'il avoit
le moyen de l'être : mais
fitôt qu'il touchoit cette
corde , il voyoit redou--
bler les mépris de Luci-
Te ; & l'on lui eût. Tans
doute défendu la maifon
, fila mere , que fon
procés tenoit fort au
coeur , & qui avoit déja
reçû des fervices de Damis
, cuſt pu fe refoudre
à perdre un ami qui lui
étoit fi neceffaire.
Les choſes en étoient
GALANT:
là , lors qu'un des amis.
de Damis revint d'un .
voyage qu'il avoit fait
en Bretagne. Cet ami
lui ayant rendu viſite ,
il lui fit une ample confidence
du malheureux
fuccés de fon avanture ,
& c'étoit la premiere
qu'il lui euft faite de cette
espece ; car depuis dix
ans qu'ils étoient amis .
il l'importunoit fans.
ceffe des détails de fes .
bonnes fortunes. Au tri--
12 MERCURE
fte recit qu'il lui fit de là
maniere méprifante dont
Lucile l'avoit receu , aux
plaintes & aux ſoupirs
dont il accompagna ce
recit , l'ami lui répondit,,
pour toute confolation ::
Le Ciel fout loué ; je te fe--
licite d'avoir enfin rencon
tré la cruelle que tu attendois
pour dire fage : fes
mépris l'avertiffent que tu
dt viens moins aimable .
Tu m'as promis de te
marier quand tu ne ferois
いき
GALANT. 13
plus bon qu'à cela , il eſt
temps d'y penfer ; on te
méprife , c'est le fignal de
la retraite , penfes - y feruufement.
A plufieurs plaifanteries
pareilles , que Damis
écouta avec douleur,
il ne put répondre que
par un foupir. Helas !
dit - il , je n'ai pourtant
encore que quarante ans,
Hé morbleu , reprit brufquement
l'ami , un homme
à la mode eft vieux à
14 MERCURE

trente . Mais quittons cet
entretien , continua-t-il ,
il n'eft pas agreable pour
toy . C'à , mon ami , il
s'agit de me rendre un
ſervice important. Tu
fçais qu'avant mon
voyage mon pere vouloit
me marier à une perfonne
qui ne me convient
point ; j'apprens à
mon retour que ma famille
eft d'accord avec la
fienne : il faut que tu
m'aides à rompre ce mas
GALANT. I
riage ; & pour y parvenir
, je fuis convenu avec
elle , qui a auſſi ſes raifons
pour
le rompre ,
qu'elle feindra d'avoir
de
l'inclination pour toy .
Ses parens font intereffez
, ils te croyent trésriche
; en un mot il faut
que tu fecondes nôtre
projet , & que tu viennes
avec moy chez elle
dés aujourd'hui. Damis
convint de faire tout ce
qu'il faudroit pour fer16
MERCURE
vir ſon ami , dont le vrai
deffein étoit de marier
Damis à celle qu'on lui
vouloit donner. Elle avoit
tout le merite poffible
, & beaucoup d'inclination
pour Damis
qu'elle avoit veu plufieurs
fois. La liaifon qui
fe forma entre Damis &
cette aimable perſonne ,
donna infenfiblement à
Damis beaucoup d'eſtime
pour elle : mais il é
toit piqué au jeu pour
Luci,
GALANT. 17
Lucile. Un jour que fon
ami lui propofa trés ſerieuſement
de penſer au
mariage , il lui répondit
qu'il ne defeſperoit
:
pas
encore de fe faire aimer
de Lucile mais que du
moins s'il ne reüffiffoit
pas auprés d'elle , il étoit
feur que perfonne n'y
reüffiroit. O c'est trop fe
flater , lui dit fon ami ,
& je veux attaquer ta
vanité jufques dans fes
derniers retranchemens ,
Octobre
1712. B
18 MERCURE
en te faiſant voir que :
Lucile n'a de la fierté que
pour toy ; & la raiſon en
eft toute naturelle , c'eft
que de tous les amans
que je lui connois , tu es
le moins jeune, & qu'en,
fin , mon cher ami , il eft
temps que tu te rendes
juſtice , puifque les Dames
te la rendent.
que
Damis crut d'abord
fon ami plaifantoit.
Tout ce qu'il lui put dire
de Lucile lui parut in
&
privebo
GALANT. 19
croyable ; il la voyoit
tous les jours , elle ne
recevoit perfonne chez
elle , ne fortoit que rarement
& avec fa mere
, qui l'accompagnoit
prefque toujours dans
fes follicitations . Enfin
il défia fon ami de lui
donner la moindre preuvé
de tout ce qu'il lui
avançoit. Par exemple ,
lui difoit-il , je l'ai mife
à toute épreuve fur les
prefens , & il m'a été im
Bij
20 MERCURE
1
poſſible de lui faire ſeulement
écouter mes offres.
Je fuis ravi , répondit
l'ami , d'avoir juftement
occafion de te convaincre
fur cet article ;;
car je fuis le confident
d'un cavalier de qui elle
doit recevoir une bague
dés demain. Nous la vîmes
enſemble hier , nous
la marchandons , & fitu
yeux venir avec moy
tantôt, je te la ferai voir.
Damis accepta le parti ;
GALANT.. 211
& fon ami , aprés lui
avoir fait examiner la
bague à loifir chez le
Joüailler ; lui dit en fortant,
qu'apparemment ib
la verroit dans quelques
jours au doigt de Lucile
, & que celui qui lui
en vouloit faire prefent
ne fe tenoit qu'à peu de
choſe.

Quelle fut la furpriſe
de Damis , dorfque dés
le lendemain il recon--
nut la bague au doigt de
22: MERCURE
Lucile ! Il en pâlit , ik
fut troublé mais il n'ofa
éclater ; car il avoit promis
à fon ami une difcretion
inviolable furi
les chofes qu'il lui confioit.
Ilne put pourtant
s'empêcher de faire compliment
à la mere fur la
beauté de la bague de fa
fille.
A quoy la mere ré--
pondit froidement , que
c'étoit une ancienne pier--
se à elle qu'elle avoit fait
GALANT . 232;
remonter. Ce menfonge
ne fit que confirmer les
foupçons de Damis , qui
fortit dans le moment ,. ,
pour aller témoigner à
fon ami combien il étoit
piqué : mais il n'eut de
lui , , pour toute confolation
, que le confeil qu'ib
en avoit déja receu . Ma-.
rie-toy , lui dit - il , marie-
toy au plus vîte , &
renonce de bonne grace.
à la vanité de donner de
Famour , puifque tu n'es
24 MERCURE
plus affez jeune même
pour faire accepter tes
prefens . Je ne fuis point
bien convaincu fur la
bague , répondit Damis ,
& il faut qu'il y ait là--
deffous quelque mal en--
tendu ; car , felon tout
ce qu'on m'a dit de Lucile
,& felon tout ce que
j'en ai vû , c'eſt la plus
vertueufe perfonne du
monde , & je l'ai bien
éprouvé par moy - même.
Fort bien , repliqua
}
Tami ,
GALANT. 23
T'ami , dans ta jeuneffe ,
lorfque quelques femmes
avoient de la foibleffe
pour toy , tu t'imaginois
que toutes étoient
foibles ; & tu vas
croire à prefent qu'elles
font toutes des femmes
fortes , parce qu'elles te
refifteront toutes . Cà ,
mon ami , que diras- tu
fi dans un certain temps ,
que je prendrai pour
faire connoiffance avec
Lucile , je puis parvenir
Octob. 1712. C
16 MERCURE
m'en faire aimer : Oh
pour lors , repliqua l'ami
, je croirai que je ne
fois plus fait pour être
aimé. Damis donna un
mois de temps à fon ami:
mais en moins de quinze
jours il fut bien receu
dans la maifon , & ſe van
ta même à fon ami d'avoir
déja fait quelques
progrés dans le coeur de
Lucile. Mais quel fut
l'étonnement
& le dépit
de nôtre amant mépriGALANT
27
fe , quand l'autre lui affura
,
quelque temps a
prés , que Lucile lui avoit
promis de ſe dérober
de fa mere pour l'aller
voir chez lui ! Il ne
put le croire d'abord :
mais fon ami l'ayant caché
dans fon cabinet le
jour du rendez - vous , il
fut témoin de l'entrevue
; & la
converfation
fut fi
paffionnée
, que
Damis ne fe
poffedant
plus fortit brufque-
Cij
28 MERCURE
ment du cabinet . Lu
cile fe fauva dans la
chambre prochaine . L'ami
parut fi irrité de cette
indifcretion , que Damis
lui en demanda pardon ,
& comprit , pour la premiere
fois de fave , qu'i
Le pouvoit faire qu'ung
femme trés - fufceptible
d'amour pour un autre
eût du mépris pour lui.
Son ami profita de fon
dépit ; & pour le determinerà
conclure fon
GALANT. 29
mariage , il lui declará
qu'il étoit marié lui- mê-
The fecretement
depuis
trois mois. Dés le lendemain
, le contrát de
Damis étant figné , fon
ami voulut abfolument
lui donner à fouper chez
fuit Comme les nouveaux
mariez étoient
prefts à le mettre à table
, it leur dit que fa
femme vouloit eftre du
fouper. Quelle fut la furprife
de Damis , quand il
C.iij
30 MERCURE
vit fortir d'un cabinet
Lucile avec fa mere ,
qui vinrent le plaiſanter
fur ce qu'il avoit voulu
fe faire aimer de la
femme de fon ami. Vous
ne ſcaviez pas , lui dit-
Lucile , qu'en follicitant
nôtre procés vous rendiez
fervice à vâtre ami ;
en recompenfe il vous a
bien marié, & vous n'euffiez
jamais pû vous y
refoudre , s'il ne vous eût
fait comprendre , par les
GALANT. .31
mépris affectez qu'il
m'a ordonné d'avoir
pour vous , qu'il faloit
en éviter de réels , que
vous euffiez peut - eftre
pû vous attirer dans
quelques années , yous
cuffiez arrendu plus long
temps à vous marier. Tu
n'es plus étonné , lui dit
l'ami , ni du diamant , ni
du rendez- vous que je
donnai ici à mon époufe
? Apprens que le voyage
que j'ai fait en Bre
C. iiij
32 MERCURE
tagne a donné occafion à
mon mariage ; & que ma
femme étant ' arrivée la
premiere à Paris , elle a
profité de cette avantu
re , pour te refoudre à ce
qu'elle fcavoit que je
fouhaitois fi fort , c'eft à.
dire à te voir marié auffi
heureuſement que je le
fuis.
鳖鳖:
GALANT 133
CBRIFIXX
DIVERTISSEMENT
donné depuis peu à une node
d'un Officier general.
Les paroles font de M. P...
mifes en mufique par M.
de la E.......
SCENE L
BELONNE , fuivie des:
Guerriers & L'HYMEN
acccompagné des Amours:
O
BELONNE..
Ui rend l'Hymen fi
teméraire ?
H vient mêler aux cris de
341 MERCURE
guerre
& de fureur
De fes chants amoureux :
l'importune langueur .
Ne craint- il point de me
déplaire ?
L'HYMEN .
Sima douceur déplaît à Belonne
en colere ,
Ses fureurs ne plaifent gueress
Aux paifibles Amours , I
Qui viennent pour toujours
Diffiper tes horreurs par des
chants d'allegreffe.
BELONNE.
Ne fçais- tu pas que la fierté
D'une impitoyable Déeſſe
GALANT.
35%
S'irrite par la tendreffe ?
Je fens déja mon coeur de
colere agité :
Mais je fais grace à ta temerité
En faveur de ta foibleffe.
L'HYMEN.
L'Hymen & les Amours
Sont plus forts qu'on ne
penſe ;
Une heureufe alliance.
Vient d'unir pour toûjours
L'Hymen & les Amours .
Er la Difcorde a bien peu
de puiffance
Lorfque l'on voit d'intelli
gence
MERCURE
L'Hymen & les Amours:
L'HYMEN aux Amours.
Invoquons le Deftin , lui feul
par fa prefence
Peut de Belonne arrêter la
puiffance.
BELONNE.
Guerriers , par vos fieres cla
meurs:
Venez au Deftin même inſpirer
mes fureurs.
CHOEURS des Guerriers »
accompagnez de trompettes
.
Deftin , foyez inexorable ,
Que la guerre dure à jamais.
GALANT. 37
CHOEURS des Amours
accompagnez de Autes
douces..
Deltin , ſoyez- nous favorable
,
LHymen vous demande la
paix.
SCENE 11.
LE DESTIN.
JE fais le malheur extrême
De'a plûpart des h'ima'ns :
Mais leur bonheur fupr ne
Eft auffi dans mes mains.
38
MERCURE
Pour les punir je defole la
terre
Par Belonne & par ſon tonnerre
;
Et quand je veux leur donner
d'heureux jours ,
J'éteins le flambeau de la
guerre
Par le flambeau des Amours.
A l'arrêt du Deftin que Belonne
obeiffe ,
Et qu'Hymen à jamais de
ces lieux la banniſſe.
BELONNE.
Si tout languit dans un pròfond
repos ,
1
GALANT.
3.9
Que deviendra la valeur
des Heros ?
LE DESTIN avec un accompagnement.
La valeur des Heros triomphera
du vice ,
La force des Guerriers fervira
deformais
A faire trembler l'injuſtice ,
La force des Guerriers fervira
deformais
A maintenir la juftice &
la paix .
LE DESTIN feul.
Fuis donc , va porter la
guerre
Et les horreurs du trépas
40
MERCURE
En quelque coin de la terre
Que le Soleil n'éclaire pas .
Belonne les Guerriers
prennent la fuite, & le Deftin
ordonne aux peuples d'invoquer
le Soleil, & de de
mander l'abondance le bon .
heur
que
la guerre
avoit
in
terrompus.
SCENE IH
LE DESTIN,
APrés avoir chaffé Belonne
,
Peuples , le Deftin vous or-
སྙབག བརྡ ལྟ D'aGALANT.
41
D'avoir recours au Dieu qui
doir combler nos voeux ;
C'eſt le Soleil , dont la prèfence
Peut feule conferver dans
ces climats heureux
L'ordre, le calme & l'abon-
2 dance i
Ce Dieu quiparfa prudense
Sçait moderer la courfe en
parcourant les airs ;
• Ce Dieu qui par luiſeulfçait
regler fa puiffance ,
Merite feul auffi de regler
2715
Funivers
. e
* Le Deftin rentre dans-la
Grotte profonde d'où il étoit
Octobre 17125
D
42 MERCURE
forti, & on voit paroître les
Soleil accompagné des Heures.
SCENE IV.
LE SOLEIL & LES
HEURES.
T Ant que le demon de
la
guerre
Par fes fureurs a defolé la
terre ,
Le Deſtin a permis que le
demon des airs ,
Le cruel Aquilon fit regner
les hyvers
GALANT.
Dans l'excés de fa rage
Il a voulu confondre les faifons
,
Renverfer les moiffons.
Enfin j'ai diffipé l'orage ,
Je ramene en ces lieux ,pour
combler vos defirs
Et l'abondance & les plaifirs.
Une NYMPHE.
Sans l'abondance
Tous les plaiſirs font languiffans
,
2.1
On languiroit dans l'abondance
Sans les plaifirs & les jeux
innocens.
Dij
44 MERCURE.
Une autre NYMPHE
Le Soleil qui donne
Une riche autonne
Donne auffi de doux printemps
;.
La même ardeur qui rend
nos moiffons abondantes
,
Parent nos champs .
De mille fleurs naiffantes
Qui charment les fens.
LE SOLEIL parlant
aux Heures.
Vous qui fuivez les loix que
j'ai ſçû vous preſcrire ,
Vous , Heures , dont les pas.
égaux
GALANT.
Marquent mes glorieux tra
vaux ,
Faites qu'on admire
Jufques dans vos jeux
Cet ordre merveilleux
Que ma juſteſſe inſpire.
DIVERTISSEMENT
des Heures..
Les douze Heures forment
une entrée de Baller , fur plufieurs
airs dont la méfure &
les chauts imitent au naturel
toutes les differentes manieres
dont les Horloges & les Pendules
fonuent les Heures.
464 MERGURE
Toute la Scene ſuivante ~
marque la jufteffe des heures ,
& l'égalité du cours du So--
leil.
SCENE V..
Une des HEURES
QUel bruit nouveau ſe
fait
entendre ?
Une autre Ce font HEURE..
les Plaifirs turbu
lens
,
Qui malgré nous viennent
ici fe rendre
Leurs chants impetueux
GALANT 47
leurs tranfports violens
Vont troubler nos jeux innocens
.
Entrée de Plaifirs turbulens.
L'ETOURDI
Nous cherchions en ces
lieux une Fête éclatante.
Mais rien n'y flate nôtre attente.
Quelle tranquilité le cal
bat me regne icis , wing
Eft- ce done ainfi
260231
Qu'un divertiffement
s'aps
prête ?
Le defardre , le bruit , le
trouble & le fracas
Ne font-ils pas benq-294
48 MERCURE
Les charmes d'une Fête?
L'ordre pour nous n'apomt
d'appas.
Quittez , Heures , quittez
l'importune jufteffe ,
Et n'exprimez que la vîteffe :
Du temps , dont vous marquez
les pas.
Une des Heures tranquilles .
chante ce qui fuit , accompa
gnée d'une fymphonie douce.
Les pas des Heures char
TODA antes nuo
I
mantes
Ne font jamais affez lents.
Un petit Choeur d'Heures.
reprend.
Les pas des Heures charmantes
Ne
GALANT.
49
Ne font jamais affez lents.
L'ETOURDI.
Les Heures font toûjours
trop lentes
Pour les plaiſirs impatiens.
Courons , agitons - nous , le
repos nous ennuye.
LES ETOURDIS.
Courons , agitons- nous , le
repos nous ennuye ,
Brufquons le temps, paffons
la vie.
Une des HEURES tranquilles.
Vous cherchez à paffer la
vie ,
Octobre 1712 .
E
SP %.
MERCURE
Et nous cherchons à la goûtter
La courfe du temps vous
ennuye
Vous voulez la precipiter,
Que ne pouvons nous l'ar
rêter ?
Vous cherchez à paffer la
vie ,
Et nous cherchons à la goû
ter..
L'ETOURDI.
Le temps qui fuit , & que
je fuis ,
Tout rapide qu'il eft, m'ennuye
& m inquieter,
Toûjours je le regrette ,
GALANT.
ST
Jamais je n'en joüis.
Une des HEURES tranquilles.
Sans regret . du paffé , la
tranquille innocence
Joüit d'un jour qui contente
fes
voeux ,
Elle attend fans
impatience
Des jours encore plus heu
reux.
L'ETOUR DI.
Suivons le temps & ſa vìteffe
extrême
,
Il faut courir auffi vîte que
lui ,
s'é¿ ·
S'agiter , s'étourdir , & s'é
viter foy- même
Eij
MERCURE
Pour éviter l'ennui.
L'ETOURDI.
Tout eft chagrin dans la
30་ ིན་ vie.
Une des HEURES tran...
quilles.
Tout eft plaifir dans la vie.
? L'ETOURDI.
1:20
Tout eſt chagrin dans la
vie :
t
Mais ce qui tient lieu de
plaifirs ,
C'eft de voler de defirs en
defirs .
Hors l'inconftance tout en
nuye.
GALANT.
53
DUO.
L'ETOURDI.
Tout eft chagrin dans la
.niv
vie.
L'HEURE tranquille.
Tout eft plaifir dans la vie.
L'HEURE tranquille ſeule.
Quand on fçait avec peu
contenter fon envie ,
Lorique des tranquiles plaifirs
L'innocence nous defennuye
,
Tout eft plaifir dans la vie.
L'ETOURDI.
Tout eft chagrin.
E iij
$4
MERCURE
L'HEURE
Tout eft plaifir.
TOUS DEUX enfemble.
Tout eft chagrin dans la
vie.
Tout eft plaifir dans la vie,
DIVERTISSEMENT
des Plaiſirs innocens
& des Heures.
Un petit Choeur formé par
les Heures reprend les paroles.
dis Duo.
Tout eft plaifir.....
GALANT.
55
Un Plaifir innocent chante
ce qui fuit.
Tout eft plaifir dans la vie ,
Qui fçait dans un heureux
féjour
Profiter d'un beau jour ,
Jamais ne s'ennuye.
Le chant des oifeaux ,
Le murmure des eaux
Une fleur fraîchement .
.
cueillie ,
Tout eft plaifir dans la vie.
On finit par un Chaur
d'Ecos , qui repetent en differentes
manieres les paroles
fuivantes.
Tout eft plaifir dans la vie ;
E
iiij
56 MERCURE
Quand on s'eft fait un fort
au -deffus de l'envie ;
Quand on fçait mêler à
propos
Aux travaux glorieux les
charmes du repos ,
Tout eft plaifir dans la vie.
CHOEUR.
Faifons redire aux Echos :
Tout eft plaifir dans la vie.
GALANT.
$7
Extrait de plufieurs lettres du
camp devant le Quesnoy.
Le 29. Septembre M. le
Maréchal de Villars fit attaquer
les deux lunettes ,
& les deux chemins couverts
depuis la droite juf
qu'à la gauche ; il ſe ſervir
des troupes de la tranchée
commandées par le Marquis
de Coigny Lieutenant
general , par le Sieur
de Marnay Maréchal de
Camp , & par le sieur de
Boufflers de Remiencourt
7
38 MERCURE
!
Brigadier , & par celles qui
devoient être relevées , commandées
par Milord Gal.
moy Lieutenant general ,
par le Sieur de Savines Maréchal
de Camp , par le
Marquis de Maillebois Brigadier.
Le Marquis de Coigny
& le Sieur de Savine étoient
à la droite avec huit
compagnies de grenadiers ;
le Marquis de Maillebois &
le Sieur de Boufflers étoient
à la gauche avec fix compagnies
de grenadiers , & Mi
ford Galmoy & le Sieur de
Marnay au centre avec ſept
GALANT .
59
compagnies
ils étoient
foûtenus
par les piquets
des
bataillons
. Le Maréchal
de
Villars avoit fon pofte en
tre la gauche & le centre ,
ayant avec lui les Sieurs de
Valory & de Valiere , plufieurs
Ingenieurs & Officiers
generaux , & plufieurs
perfonnes de diſtinction qui
étoient venues en qualité de
volontaires. On tira une
bombe du centre , qui fervit
de fignal. On fit joüer
fur le champ deux fourneaux
, qui firent des merveilles
, & enleverent plu60
MERCURE
fieurs ennemis , on entra de
tous côtez dans les ouvrages
& dans les deux chemins
couverts , tuant ou faifant
prifonnier tout ce qui s'y
rencontra d'ennemis , qui
firent peu de refiftance. Les
ennemis plierent d'abord à
la droite , & ne parurent
fur le rempart qu'aprés que
le logement fut achevé , ils
firent plus de refiftance à la
gauche , où étoit le Marquis
de Maillebois , qui s'y
conduifit avec toute la valeur
& la prudence poffible.
Onne fçauroit trop louer la
GALANT. 61
valeur des Officiers generaux
, celle du Sieur Con .
tade Major general , & de
tous ceux qui fe font trouvez
à l'action , dans laquelle
nous n'avons eu qu'un Capitaine
de grenadiers de
Greder tué , & un de Piémont
bleffé , dix ou douze
Subalternes tuez ou bleffez ,
& un petit nombre de foldats.
M. le Maréchal de Villars
ne fe retira point que
les logemens ne fuffent
en fûreté ; il eut une manche
de fa chemife emportée
d'un éclat de bombe. Sitôt
662
MERCURE
1
que
les dehors du Quesnoy
furent pris , le Maréchal de
Villars fit dreffer des batteries
fur le chemin couvert
pour battre en breche le
corps de la place , qui tirerent
le 3. d'octobre avec
tant de fuccés , que le lendemain,
à deux heures aprés
midi , peu s'en faloit que la
breche ne fût
pratiquable ,
& que le pont fur le foffé ne
fût achevé. Les affiegez ,
qui ne pouvoient pas foûtenir
un affaut à caufe du
grand nombre de troupes
qu'ils avoient perduës , batGALANT.
63
tirent la chamade , & envoyerent
des deputez pour
demander une capitulation
honorable. Le Maréchal de
Villars leur fit réponſe qu'il
le vouloit à difcretion , &
qu'on lui rendît, réponſei
dans une heure ; ce qui fut
exccuté. Il accorda enfuite
aux foldats leurs habits , &
aux Officiers leurs épées &
leurs équipages , & donna
congé à plufieurs Officiers
fur. leur parole pour l'eſpace
de fix mois , afin d'aller vaquer
à leurs affaires.
Le même jour les batail64
MERCURE
lons des Gardes Françoiſes ,
qui étoient de tranchée ,
prirent poffeffion d'une porte.
Le 5. la garniſon fortit
au nombre de quinze cens
hommes en état de porter
les armes , & environ cinq
cent bleffez ou malades.
Du camp de Prefau le 6.
Octobre.
Lettre de M. le Marquis de
Broffe , écrite à ... au ſujet
de la prise du Quesnoy.
Le Quefnoy s'eft rendu
trois heures aprés qu'il a
batzu
8
GALANT.
65
battu la chamade. M. le
Maréchal de Villars , qui fe
trouva à la tranchée , parla
aux ôtages avec une prefence
d'efprit que peu de gens
ont comme lui. Il fe dif
pofoit à faire donner l'affaut
dans le moment qu'ils
fe rendirent. La breche n'étoit
pas encore tout à fait
pratiquable , & le pont fur
le foffé alloit être achevé.
Nos grenadiers, qui étoient
au nombre de trente - fix
compagnies , devoient faire
Fattaque , foûtenuës par
douze bataillons , ceux de
Octobre
17.120 F
66 MERCURE
2
tranchée du jour precedent
n'ayant point été relevez .
Dans les grenadiers il y en
avoit dix de fupplément ,
qu'on avoit fait venir , du
nombre defquels étoient
ceux de mon regiment. On .
les fit mettre tous fur le revers
de la tranchée , dans ,
la difpofition où ils devoient
faire l'attaque. Les ôtages .
demanderent à M. le Maréchal
les honneurs de la
guerre , qui ne leur répondit
jamais que , Prifonniers
dans
de guerre , &une porte
une heure. Ils répondirent
GALANT 67
que la place n'étoit rien
moins qu'en cet état, & que
la façon dont ils s'étoient
défendus
, jointe à 154. pieces
d'artillerie , meritoit
qu'on les traitât differem .
ment de Douay. M. le Ma
réchal leur répondit , fans
hefiter , que cette même ar
tillerie étoit ce qui l'avoit
determiné à faire ce fiege ,
fans quoy il auroit fait celui
de Mons ; & il leur en lâcha
de cette nature beaucoup
d'autres trés à propos , &
avec une prefence d'efprit
merveilleufe...
Fij
68 MERCURE
On a trouvé dans la place
cent feize groffes pieces de
canon , beaucoup d'autres
moyennes & petites , quarante
mortiers , cinq, cent
milliers de poudre , de
grands amas de boulets ,
de bombes , de grenades
grandes & petites , d'outils,
& de toutes fortes de próvifions
, qu'on eftime en
tout plus de trois millions.
On a tranſporté une partie
de l'artillerie gagnée fur les.
ennemis devant Bouchain ,
pour en faire le fiege ; l'autre
partie doit être conduite :
GALANT. öğ
1.
à Valenciennes. On a fait
venir deux mille bombes
d'Arras, pour fervir au ſiege
de Bouchain. Comme les
fafcines font fort rares aux
environs de cette place ,
M. le Maréchal de Villars
en a fait voiturer par les
caiffons & par tous les chariots
: il a eu foin ,ppoouurrfou
lager les troupes , de tirer
quarante bataillons des places
voifines , qui n'ont point
fervi aux fieges de Douay
& du Quefnoy , pour faire
celui de Bouchain , auquel
M. le Marquis d'Alegre
70 MERCURE
commande , & en a envoyé
d'autres pour les remplacer.
On affure que la gar
nifon n'eft compofée que
d'environ mille hommes
en quatre bataillons. L'ar
mée pendant le fiége de
meurera en ce camp , où
elle ne manquera pas de
fourrages , ayant été pour
vûe durant la campagne:
de toutes fortes de provi
frons.
歐灣
I
GALANT.
7
MORT.
>
Dame Marie de Bailleul
, foeur de Monfieur le
Prefident de Bailleul
Douairiere de Franquetot ,
âgé de foixante & un an,
mourut le vingt- deux Août
dans fa maifon de Paris ,
avec une pieté exemplaire.
Elle étoit née le neuf Juillet
mil fix cent cinquante
& un. Elle a fondé des prieres
& un Chapelain à Soiffy
fous Etioles , pour le redes
ames du Surinten.
pos
72
MERCURE
dant de Bailleul & de fom
époufe , & de ceux de la
Maifon de Bailleul. Elle eſt
univerfellement regrettée.
Dame Marie de Paris
veuve de Meffire Claude
Forget , Capitaine general
de la Fauconnerie du Cabi
net du Roy , mourut le 18.
Octobre..
GALANT. 73
fait
REMPLACEMENT
par le Roy dans la
Marine , à Rambouillet
le 6.
Octobre 1712 .
Lieutenant General.
Mr le Commandeur de
Belle Fontaine
Chefs d'Efcadre.
Mr le Marquis de
Rouvroy.
Octobre.
1712
G
74 MERCURE
Mr le Marquis de Sainte
Maure
Mr le Chevalier de
Chafteau -Morant.
Mr le Comte d'Hautefort.
Penfions fur l'Ordre de
S. Louis .
Mr Du Guay Trouin
“ ooo
livres
.
Mr de Rochalarc l'aîné
Soo livres.
Penfions fur la Marine de
1500 livres.
Mr de FervilleGALANT
75
Mr de Motheux.
Mr de Combes , Commiffaire
General d'Artillerie.
Mr le Comte de la
Luzenne.
Mr le Comte de Bethune.
De 1000 livres.
Mr de Saint Clair.
Mr le Commandeur de
Beaujeu.
Mr Colbert de Turgis.
Mr Hercule de la Roche.
Mr le Marquis de Blenac.
Mr Defcartes.
Mr Truler
Gij
MERCURE
Capitaines de Vaiffeaux ,
mis à la haute paye.
jon.
Mr le Chevalier de Sau-
Mr Beauffier
Mr - Lauthier.
Mr Languiller.
Mr de Cogolin.
Mr de Corbon Saint
Leger.
Mr Moiffet.
A Londres ce 15. Septembre
17.12 .
Quatres Vaiffeaux Mars
GALANT 17
chands , venant des Iles de
Nevis & S. Chriſtophe ,
dont ils eftoient partis le 19 .
Juillet dernier , V. S. avec
beaucoup de précipitation ,
n'ayant pas cu le temps
prendre leur entiere Cargaifon
, fur l'avis que le fieur
Coffart avec fon Eſcadre
avoit débarqué dans l'Ile de
Monferrat environ 3500 .
hommes dont ils ' cftoit rendu
Maiſtre, excepté du Fort
Dodan , qui eft fur une
Montagne fort eſcarpée ,
& où la plupart des habitans
s'estoient retirez ; que
de
Giij
78 MERCURE
l'ennemi avoit brûlé tous
les Vaiffeaux qu'il avoit
trouvé dans la Baye de
Carrs excepté le Specdurel
dont le Capitaine ayant
coupé le cable cut le temps
de fe retirer à Nevis , c'eft
par fon canal , que les
fufdits Vaiffeaux Marchands
ont eû cet avis.
Ils ajoûtent que les François
ont efté en poffeffion de
cette Iſle pendant dix jours ,
& que lors de leur départ
le fieur Coffart faifoit mine
de vouloir attaquer les
autres Illes , Antilles , Saron ,
GALANT. 79
Antegoa , Nevis & Saint
Chriſtophe , donr les habitans
avoient déja mis à couvert
leurs meilleurs effets ,
& fe mettoient en état de
deffenſe .
A Rofes le 11. Septembre 1712 .
MONSEIGNEUR ,
J'ai l'honneur de vous
informer que les Generaux
Wetzel & Humada font
venus cette nuit à minuit
avec deux mille hommes
de Troupes choifies ou
G iiij
80 MERCURE
Grenadiers , pour furprendre
cette Place par le moyen
de deux petards qu'ils prétendoient
accrocher à chacune
de nos deux portes,
Ces deux mille hommes ,
ont efté partagez également
à portée de cette Place pour
venir chacun aux portes.
Ceux qui eftoient deftinez
pour la porte de la Mer ,
n'ont trouvé qu'un petit
pofte à la barriere de Caftiglion
où un Sergent de
Labadie a cfté tué & cinq
foldats de onze qu'ils
cftoient ; en mefme temps
GALANT. 81
que les ennemis rompoient
cette barriere à coups de
hache , ils debarquoient
avec un bateau de l'Efcalle
les deux petards , des écheles,
quantité de crochets atta
chez à de longues perches ;
& tout a efté pofté jufques
dans le Redant qui couvre
la porte. La diligence que
les Troupes des deux Nations
ont faite , leur valeur
& l'exemple de Dom Franco
, Lieutenant de Roy pour
S. M. C. & de Meffieurs
les Colonels & de tous les
Officiers , ont forcé les en
82 MERCURE
nemis à fe retirer avec perte
d'environ deux cens hommes
tant tuez fur la place
que bleffez . Nous avons
pris leurs petards de fonte
bien conditionnez , & tout
l'attirail qu'ils avoient apporté
pour cette expedition ,
que j'ay crû devoir faire
mettre dans les Magafins de
l'Artillerie . Nous avons
perdu feulement huit à dix
foldats du Regiment de
Labadie ; un Capitaine du
Regiment de Charleroy à
efté bleffé au bras. Enfin ,
Monfeigneur , je crois tous
GALANT . 83
les grands deffeins que les
ennemis avoient formé fur
cette place échouez & finis .
J'ofe efperer que cette nouvelle
fera tres - agreables
au Roy & à Voftre Grandeur
à laquelle je puis certifier
qu'il n'y a pas un Of
ficier de cette place qui
n'ait fait fon devoir. Le
fieur de Preftefillier Ingenicur
, quoyque
malade
d'une
groffe
fievre
, nous
a efté
d'un
tres
- grand
fecours
, &
quand
meſme
les
petards
cuffent
efté
accrochez
& fait
leur
effet
84 MERCURE
nous prenions par les avis
des mefures à chicaner
long temps , pluſtoſt refolus
de perir tous enfemble
que de voir prendre
cette Place. Je ne fçaurois ,
Monfeigneur , vous dire
trop de bien de tous less
Officiers & fur tout de Mr
de Labadie Colonel. On
nous affure que le General
Wetzel qui eft bleſſe , eſt
fort piqué , & dans la refolution
de prendre fa revanche.
S'il y revient , il
faut efperer que nous ferons
encore mieux ; j'ai
GALANT . 85
l'honneur d'eftre avec un
profond respect.
MONSEIGNEUR ,
Voftre tres - humble &
tres-obeiffant ferviteur
DU REVEST.
Relation de l'Audiance de Mr
d'Agatopolis , au Sophi de
Perfe.
C
Le 19. Janvier tous les
Religieux & les François
vinrent à cheval chez Mr
86 MERCURE
d'Agatopolis , qu'on avoit
logé dans une magnifique
maifon d'un ancien Attemadoulet
, ou grand Vifir;
le Sophi luy envoya trois
beaux chevaux richement
enharnachez
; Mr d'Agatopolis
monta le premier ; le
Pere Pierre d'Iſſoudun Capucin
, qui portoit la Lettre
du Roy dans un fac de drap
d'or , & une Requeſte ou
plainte fur toutes les entreprifes
faites contre la Religion
dans un autre , montoit
le fecond ; & un Gentilhomme
montoit le troiGALANT.
87
fiéme ; un Cavalier précedoit
portant l'Etendard où
eftoient les Armes du Roy ,
enfuite cinq chevaux de
main & la maiſon de Mr
d'Agatopolis , aprés quelques
difficultez Mr d'Agatoplis
obtint que tous ceux de fa
fuite affifteroient à l'Audience
; il fut placé fur un fiége
à la Françoife , vis - à - vis
du Sophi , ayant les deux
perfonnes cy - deffus nommées
affifes à fes costez , le
Capucin à la droite &
l'autre à la gauche. Le
Sophi fit beaucoup de de88
MERCURE
mandes touchant la perfonne
du Roy ; enfuite on fut au
repas ; & on plaça Mr d'Agatopolis
vis à vis du Sophi,
dans le mefme ordre cydeffus
, ayant le Capucin à ſa
droite , & l'autre à fa gauche
; il y avoit un Ambaffa
deur des Tartares ; la Cour
eftoit fuperbe , car c'eftoit
la fefte du Grand Corban ,
le facrifice du Chameau ,
on fervit à Mr d'Agatopolis
quantité de confitures , &
enfuite plufieurs grands
plats d'or remplis de viandes
à la maniere du Pays ; le
GALANT: 89
Patriarche des Armeniens
qui avoit tant perfecuté les
Catholiques avoit obtenu
à force d'argent qu'il affif
teroit au repas , mais s'étant
prefenté on le fit retirer , le
Sophi a fair prier Mr d'Agatopolis
à un autre repas
dans huit jours .
ORDRE DE BATAILLE
de l'Armée du Rhin 1712.
Mr le Maréchal Duc
d'Harcourt.
Mr le Maréchal de Bezons
Oftobre
1712.
$712
.
H
90 MERCURE
Lieutenants Generaux.
Mr de Sezanne.
Mr. le Comte Dubourg-
Maréchal de Camp .
Mr le Chevalier d'Hautefort.
PREMIERE LIGNE.
DRAGONS.
Mr Berville , Brigadier.
Colonel General , 3 Efc.
Rouvroy,
GALANT: 91
CAVALERIE.
Mrs Dupuy & Dubourg ;
Brigadiers.
Royal ,
Roye ,
MNNN
3
2
Dupuy ,
Renncpont ,
15
INFANTERIE.
Lieutenants Generauxa
Mr de Pery.
M de Surville.
Hij
92 MERCURE
Maréchaux de Camp.
Mr de Raffetot.
Mr Joul.
Mr Treceßon , Brigadier.
Leville , 2 Bat.
Menoc ,
Beaujollois ,
2
G
Mr Monbaftier , Brigadier.
Orleans ,
Berry
Bric
allivm2 ob)
2
GALANT. 93
Mr Guitau , Brigadier.
Roüergue ,
Pery ,
Turbilly,
Mt Du Vivier , Brigadier.
Auxerois ,
Chartres ,
Tallart ,
C
21
2
I
27OSA
CAVALERI E.
Lieutenant Generals gal
Mr de Cheyladet.
94 MERCURE
Maréchaux de Camp.
Mr de Quadt.
Mr de Rozen . !
Mr Fontaines , Brigadier.
Saint Germain ,
Fontaines ,
Montrevel ,
Cuiraffiers ,
DRAGONS.
9
Mr Boudeville , Brigadier.
3 Belocifle ,
Meftre de Camp General , 3
15
GALANT. 9 *
Bataillons ,
Escadrons ,
38.
64
SECONDE LIGNE.
Lieutenants General.
Mr de Levy.
Marechal de Camp
Mr de Belleport.
DRAGONS.
Lautrec,
Languedoc ,
3 Efc.
96 MERCURE
CAVALERIE .
Dauphin ,
Biron ,
Gramont ,
Saint
Poüanges ,
IS.
-9
Lieutenants Generaux.
Mr de Monffereau.
Mr de la Chatre ,
Maréchaux de Camp.
Mr de Maupeon.
Mr de Chamillart.
2
Infanterie
GALANT. 97
INFANTERIE.
Dauphin ,
Sourches ,
Tavannes ,
Condé ,
Xaintonge ,
Orleannois ,
Royal Baviere ,
Toulouſe ,
3 Bat
.
2
2
1
S
I
2
Saillants ,
Royal Artillerie ,
I
17..
Octobre
1712.
I
98 MERCURE
Lieutenant General.
Mrle Prince de Talmont .
Maréchal de Camp.
Mr de Mimeurs .
CAVALERIE .
2 Efc.
44
Bouzols ,
Clefmont ,
2
Vaudemont ,
2
6
Bamotte ,
Eftagnol ,
Aubuffon ,
I
Houffards ,
6
Zed
2
CALANT. "
A Strasbourg , Biffy ,
A Huningue , Duluc ,
Plus , deux Bacaillons de
Brie , aux Abbatis.
Deux d'Orleannois , à
T'Ifle de Neubourg.
Anguien un Bataillon ,
à Haguenau , Bruſenheim
& Saverne .
Deux Bataillons Daulnay,
à Strasbourg.
Total d'Infanterie , 42
Bataillons.
Iij
100 MERCURE
ORDRE DE BATAILLE
de l'Armée de l'Empire ,
commandée par Monfieur le
Duc de Wirtemberg.
Mr le Marquis de
Vaubonne , General de
Cavalerie.
S. A. le Prince Alexandre
F. M.
Mr.le Baron de Neubourg
, General F. M.
Mr le Comte de la Tour,
General d'Artillerie.
Mr de Bitra , Lieutenant
General.
GALANT . 101
Mr le Baron d'Arvan ,
Lieutenant General .
Mr le Baron Bennebourg,
Lieutenant General .
M. Leb de Reifchac ,
Lieutenant General.
Mr le Comte Zolleren ,
Lieutenant General.
Mr Fager , Lieutenant
General.
PREMIERE LIGNE.
CAVALERIE.
Haube, Brigadier.
Efc.
Schennebom Dragons , 6
Iiij
102 MERCURE
Gardes de Wirtemberg ,
Neubourg,
Rhlefeldt ,
6
6.
19
INFANTERIE .
Weitenheim, Brigadier.
Grana Wurtburg, 1 Bat.
Gutenftein ,
I
Devend , I
Leye,
5
Prince de Bauren , Brigadier.
Hartfal,
Els
Erffa ,
S
1
I
GALANT . 103
Helmfteff, Brigadier
Zolleren , a
Benebourg
,
2
3.
S
Seiboth ,
Brigadier.
Roth ,
Reifchouh ,
Bewend,
Brigadier.
Plifchau ,
Darnan ,
Franck Grana ,
2
24
2
I
Liiij
194 MERCURE
CAVALERIE. -
Hacberg, Brigadier.
Naffaw ,
Darmstatt , 4
Hanover 6
Bibrå :
17
SECONDE LIGNE.
Mr le Baron d'Enfberq,
Lieutenant General.
GALANT. 105
Mr le Baron de Roth ,
Lieutenant General. -
CAVALERIE.
Pfuhl, Brigadier.
4
d'Etingen Dragons , 4 Eſc.
Fugger ,
Erb. Prince Wirt.
I
12 .
4
4
Bretlach,
Brigadier.
Nagel ,
Holſtein ,
4
2
106 MERGURE
INFANTERIE,
Taxheim, Brigadier.
Helmftett , 13 Bat.
Taxheim , 2
S
Schelling , Brigadier.
2
Hrem ,
Darmftat ,
Simiere ,
A
I
GALANT 107
ARTILLERIE.
Mrs Berzety , Vauchan, I
Brigadiers.
Durlach ,
Baden ,
Enfberg,
6
2
2
2
CAVALERIE.
Feminger, Brigadier.
Mekembourg , 2 Efca..
Bernefau ,
2
4
108 MERCURE
Nagel, Brigadier
Beraifth ,
Saxen Gotha ,
Feminger ,
Efterhazy ,
Balbozehay ,
8
Total , Efcadrons ,
و
4
Houff
4
76.
"
Total , Bataillons , 39.
GALANT. 109
IXXX AI
Le Pere , rival de fon
Fils .
PH
Hilis
mes beaux
jours fent paffez ,
Et mon Fils n'est qu'à
fon
aurore ,
Pour vous il eſt trop
jeune encore
Et je ne le fuis pas
affez .
10 MERCURE
7
Une maligne deftinée ,
Sauve nos jours de vôtre
Loy ,
Vous naquites trop tard
pour moi ,
Pour lui vous cftes trop
toft née ,
Ni moi ni ce jeune
écolier ,
Ne fçaurions comment
nous y prendre ,
A peine il commence
d'apprendre ,
Et je commence d'oublier.
GALANT . II
t
Que vostre deftin &
le noftre
Seroient charmants &
merveilleux ,
Si ce qui manque à l'un
des deux
Pouvoit fe retrancher à
l'autre
Si de mon âge joint
au fien
On faifoit un égal partage
Et qu'on ajoûta à fon âge
Ce que l'on ofteroit du
mien.
112 MERCURE
Par là vous pourriez
voir éclore
Pour vous deux Amans
à la fois ;
Je
deviendrois ce que
j'étois ,
Et luy ce qu'il n'eft pas
encore.
Mais pourquoy for
mer ce defir ,
Si noftre âge approchoit
du. voftre
Nous ferions rivaux l'un
de l'autre ,
Et vous auriez peine à
choifir.
1
1
GALANT. 113
Que mon Fils donc
feul y pretende
,
Que pour jouir de vos
apas .
L'Amour en lui double le
pas ,
Et que voftre beauté
l'attende .
Que fera- t-il en attendant
,
Voftre coeur avant qu'il
s'engage ,
Octobre 1712. K
114 MERGURE
Voudra-t-il fe mettre
en
otage ,
Entre les mains d'un
confident .
Mais Dieux quelle affurance
prendre .
Sur un jeune coeur en
depoft,
Tel qui l'auroit mourroit
pluftoft
Que de fe refoudre à le
rendre,
GALANT 115
Voftre coeur , s'il veut
prendre avis
Sur un fi delicat miftere ,
Pourroit effayer fur le
Pere
Comment il aimera le
Fils.
CEANSCELÝ CEO)
FABLE
addreffée à Mercure .
Les bons Rois font des Dieux
les vivantes images ,
•Kij
116 MERCURE
Et puifque fur la terre ils font
Jes Lieutenans ,
Etats , Villes , Sujets en rendant
leurs hommages .
Comme aux Divinitez leur
doivent des prefens.
Sur ce fujet , Seigneur
Mercure ,
Si vous voulez par avanture
Inftruire la Pofterité ;
J'ay reduit dans ces vers , dont
vous prendrez lecture ,
Un Journal Espagnol plein
de fincerité.
Quand par l'ordre du Ciel
Philippe dans l'Efpagne
GALANT. 117
Reçeut les honneurs fouverains
,
Un Lion qu'en tous lieux fon
grand coeur accompagne ,
Lion apprivoife , Lion des
plus humains ,
Autrefois amené des deferts
Affriquains ,
Député de Léon en quitta la
Campagne
Pour offrir au Monarque une
Couronne d'or ,
Que l'on porta dans le
Trefor,
D'Afie originaire, & d'antique
famille
Vint un fage Elephant, Spectacle
tout nouveau,
18 MERCURE
Qui pour l'hommage de
Caftille
Sur fon dos élevé préſentoit
un Chaft au.
Ainfi pouffé de vive & noble
jaloufic
Unfier cheval d'Andaloufie
Apportoit un riche harnois
Qui fervit , comme on croit , à
Xerxes autrefois.
}
Pour une pareille Ambaffade
& Sortit des Forefts de
Grenade
Un Cerf, dont chaque cor de
grenades orné
Eit voir pompeufement , Panis
mal couronnés alana
GALANT. 119
Du fidel Pays des Nobles
Afturies
En vain l'homme croyoit a
river des premiers.
( Pouvoit- il devancer de fi
legers Courriers ? )
Pour orner du Palais les
longues Galleries
Par tout il voit mefl : r les lys
& les lauriers.
Il présente une toile , où la
Gloire découvre
Des Augufte Bourbons mille
& mille neveux
,
Que dans Madrid er dans
le Louvre
Adoreront un jour tant de
peuples heureux
120 MERCURE
Reünis par lafoy d'une illuſtre
alliance
Qui fera triompher & l'Ef
pagne & la France.
Le Monarque content de leur
foumiffion ,
Et des prefens offerts pour leur
reconnoiẞance ,
Leur promit fa protection ;
Sa liberté marqua fa bienveillance
.
De la Catalogne à l'inftant
A tortueux replis arrive un
long Serpent,
Qui tient entre fes dents une
rofe incarnate,
Teinte
+
GALANT. 126
Teinte du beau fang de
Venus
D'une Courfine & delicate
Alors d'un vain plaifir les
yeux font pre-venus
Mais , fuis loin , dit le Roys
c'eft en vain qu'on meflate:
Tu caches ton venin qui peut
faire mourir..
De charbons enflamez on de-
Koit te couvrir.
Retourne à Barcelonne
, &
rentré en ta mafure.
Là tous font tes pareils , amis
de
l'imposture , 2003
Gens plus méchants que tog
qui te feront perir.
Octobre 1712. L
122 MERCURE
Fragment d'une Lettre fur l'ancienneté
de l'ufage de boire à
la fanté les uns des autres.
Chez les anciens Hebreux
le pere de femille , ou une
autre perfonne honorable
de la table , levere à la
main difoit la priere Benedictus
fit Dominus , c. puis
beuvoit & donnoit enfuite
le meſme vere à boire à
la ronde.
Les anciens Princes Grecs
faifoient la mefme ceremonie
de boire & de preſenter
GALANT. 123
eufuite leur verre à qui il
leur plaifoit , ce qu'ils appelloient
Propinien aux jours
folelmnels qu'ils qu'ils nom ,
moient Filolium . Ils invo
quoient d'abord les Dieux ,
puis verfoient un peu de vin
& beuvoient à chaque nom
de Dieu qu'ils proferoient ;
enfuite ils nommoient leurs
amis & beuvoient auffi à
chaque 'nom .
Les Romains imitoient
O
cette coûtume & l'appelloient
Greco-more bibere. x .
Ils beuvoient en nombre
impair ou à l'honneur des
Lij
114 MERCURE
neuf Mufes ou à celuy des
rrois Graces. 2º . I's beuvoient
autant de verres de
vín qu'ils avoient de doigts
à la main , ou qu'il y avoit
dě lettres au nom de leur
Maitreffe .
3. Voici les paroles &
la formule dont ils s'attaquoient.
Bene vos, bené vos ;
bene te heneme , bene noftrum
precor ut bene fit , ou bene vos
Vivere precor.mola 61
4Hs beuvoient à la fanté
des, abfents , & d'abort de
PEmpereur asiamed di
abƑ • Le Maire du feſtin 23D.
>
7
GALANT. 129
fait
par
le fort ordonnoit
cc que chacun devoit boire ,
& l'on faifoit mille impre
cations contre ceux qui
refufoient de boire.
16. Ils
commençoient par
de petits verres & faniffoient
par de grands.
Selon hom .... on donnoit
à chacun fon pannier ,
fa table & fon verre , on
donnoit toûjours le verre
plain , & il devoit toûjours
l'eftre pour eftre dans la
bonne grace ; Cependant
chez la plupart des Anciens
on demandoit à boire
Liij
126 MERCURE
comme chez les François .
On beuvoit à la ronde
& l'on commençoit
par la
droite. Le vafe où l'on
beuvoit ainfi à la ronde ,
s'apelloit Patera quod pateret
latius ; on l'appelloit auffi
Filotefiam , comme étant le
fimbole de l'amitié . 10
On appelloit certain autre
vere Ondos , parce qu'il
n'eftoit permis ny de le prefenter
ny de le recevoir fans
chanter . Lorfque quelqu'un
beuvoit les autres chan-
1º.
roient pour l'animer , &
l'on crioit vivas , vivas ;
GALANT 127
quand il avoit bû tout tout
d'un trait & fans refpirer ,
ils le
congratuloient comme
d'unechofe qu'ils eftimoient
fort & qu'ils croioient
mefine fort faine , parce
que de cette maniere le vin
paffant plus vites enivre
moins.
Celuy qui ne refoudoit
point l'égnime proposée
ou manquoit aux yeux ,
étoit condamné à boire ,
tout cela fe paffoit pendant
le deffert ou mefme aprés.
12°. On terminoit le repas
par un grand coup de vin
oliLiiij
118 MERCURE
pur qu'ils appelloient
Poculum.
PEUR DE CUPIDON.
Fable Anacreontique
par Mr F **
L
A jeune Iris qui par
fon
enjoüment
Et fes attraits brouille
mainte cervelle
Par fois s'amufe à parler
Allemand :
Un jour je vis Amour en
fentinelle 266
Tâchant d'oüir ce que difoir
la belle ,
GALANT. 019
Tous ces mots durs l'ef
fraioient grandement
Si que peureux n'ofant
approcher d'elle
Le petit Dieu fe cachoit
doucement
Comme un moineau fe
couvrant de fon aile.
Lors je luy crie , Amour , je
le voy bien ,
Tel Idiome eft pour toy
trop fauvages:
Jamais Venus n'en fit fon
entretien ,
Iris auffi n'en fait pas grand
ufage
Sinon quand veut fâcher
fon petit chien .
130 MERCURE
A ce difcours , Cupidon
moins timide
Se raffurant vole de mon
cofté ;
Ecoute encore dis - je à
l'enfant perfide , >>
Ceffe de craindre une jeune
- beauté ,. :
J'écoute en vain & c'eft
langue étrangere ,
Me répond- il , quel eft donc
ce miftere ?
Sans mon bandeau j'éclaircirois
cecy ,
Je n'entens rien à ce langage
cy ,
Le fon de voix eft
pourtant
de Cithere.
GALANT. 1.31
MORT.
>
Meffire Euftache Titus
Marquis de Saint Simon
mourut le premier Septembre
en fa maifon dans fa
fa 58 année , il étoit Capi-,
taine aux Gardes Françoifes
& Brigadier des Armées du
Roy , en l'année 1673. il
fut fait Lieutenant dans le
Regiment de Picardie ,
commandé par Mr le
Comte de la March. L'an.,
née fuivante , il entra dans ,
le Regiment aux Gardes
132 MERCURE
if
Françoifes & en 1689. il
fut fait Aide Major dans le
mefme Regiment , trois ans
aprés il monta à la Compa .
gnie. En 1704. pendant la
Campagne d'Hochefter
commanda dans Wolfach
qui étoit un poſte de confiance
& des plus expoſez ,
il fe conduifit dans cette
place avec tant de fageffe
& de prudence qu'il merita
l'eftime & l'approbation de
Mr le Maréchal de Villeroy
& de tous les Officiers Generaux
de l'armée . A la fin
de la Campagne il fut fait
GALANT. 135
Brigadier des Armées du
Roy. Pendant le quartier
d'Hyver , l'Infanterie de
Tournay & des autres Garnifons
voisines .
Le Marquis de Saint Simon
étoit l'aîné de cette
Illuftre & ancienne Maiſon

de Saint Simon qui tire fon
origine des Comtes de Vermandois
. On peut voir le
Pere Anfelme fur cette
Maifon dans fon Hiftoire
Genealogique des grands
Officiers de la Couronne au
Chapitre des grands Louve .
tiers de France . Le Marquis
134 MERCURE
de Saint Simon laiſſe neuf
enfans. Le Roy en confi.
deration de fes grands fervices
vient de donner au Marquis
de Saint Simon fon fils
âgé de 19. ans , une Lieutenance
dans le Regiment
de fes Gardes Françoifes.
GALANT 135
f
ENIGM E.
par l'Arch ... Turpin.
DEux Bataillons de
filles non vêtues
L'un contre l'autre efcriment
à couvert ;
Et tel eft le combat de ces
Guerrieres nuës ·
Qu'il leur nuit moins
qu'il ne leur fert.
136 MERGURE
Chacun de ces deux
corps en fon rang
Se tient fermes
Même en fe combattant
itfe prête fecours ,
Et fous le toit qui les
enferme
L'un n'attaque jamais ,
l'autre attaque toùjours
1
On ne voit aux deux
Camps
ni laches
ni
fuyardes
;
Nulle nefe trouve en
defaut ;
GALANTL 137
Et c'est presque toujours
aux quatre arriere-
Gardes
Que fe livre le grand
affaut.
Cette guerre en un jour
plus d'une fois s'allume
Un moment la voit
naître , un quartd'heure
l'éteint :
Mais quay que par la
bouche elles jettent
l'écume
Octobre
1712. M
138 MERCURE
La chaleur du combat
n'altere point leur
teint.
Elles n'en ont jamais
plus de rouge au
vifage ,
Mais ellesfont par fois
•Sujetes à la rage.
GALANT.439
DONS DU ROY.
Le Roy a donné lo
Gouvernement de la Province
à Mr le Maréchal de
Villars , qui doit douner
Soooo écus à Madame la
Ducheffe de Vendome , fur
le Gouvernemeut
de cette
Province.
La Charge General des
Galeres à Mr le Maréchal
de Teffé , à condition de
payer à Madame la Ducheſſe
de Vandome quatre cent
cinquante quatre mille livres
Mij
140 MERCURE
de retenuë fur cette
Charge que le Roy luy a
donné fans qu'il l'ait
demandé , pour le dedommager
de plus de quatrevingt
mille livres de rente
qu'il a perdu à la mort de
Monfeigneur le Dauphin &
de Madame la Dauphine .
Le Gouvernement des
Evefchez qu'avoit Mr le
Maréchal de Villars à Mr
de Sailllant qui commandoit
à Namur
Celuy de Namur à Mr
de Geofreville.
Celuy de Charlemont
GALANT . 141
à Mr le Marquis de
Vieux-pont.
Celuy de Nifmes à Mr
de Vierue.
Celuy de Gravelines au
Comte de Broglio , Gendre
de Mr Voifin avec une penfion
de onze mille livres
que le Roy a ajoûté au
Gouvernement qui en vaut
quatorze mille. Celuy du
Quefnoy à Mr de Valory.
Au Camp d'Hafpres le
18. Octobre.
Mr le Maréchal de Vib
Jars fir attaquer la nuit du
142 MERCURE
17 l'ouvrage 54. & les
ennemis abandonnerent celuy
qui eft marqué 57. la
journée fut employée à pla
cer nos batteries qui voyent
le pied du Baftillon .
Le matin le Maréchal
de Villars ayant eu quelques
avis que les ennemis avoient
fait marcher un gros Corps
de Cavalerie entre Tournay
& Saint Amant à deffein
d'attaquer un fourage que
noftre aile gauche faifoit ,
il y alla en diligence , les
'ennemis ne fongerent pas
à l'attaque hier à fept heures
GALANT. 143
Mr le
Maréchal fit attaquer
le chemin couvert de la
droite & de la gauche , en
plein jour & la lunette 51 .
fut emportée
dans le moment
, tout ce qu'il y avoit
d'ennemis
dans les dehors
ont efté tuez ou pris avec
un Lieutenant
, on coupa les
Sauciffons
qui alloient
à
plufieurs
mines , deux fauterent
fans que nous fimes
aucune perte , l'on en a de .
couvert treize des chemins
couvert defquelles
on a ofté
la poudre , nous avons eu
cent cinquante
foldats tucz
144 MERCURE
ou bleffez , & les trois Com
pagnies de Grenadiers du
Regiment de Cambrefis , de
Hefly bleffé, & fept ou huit
Subalternes , les bleffures
des trois Capitaines ne font
pas dangereuſes , Mr d'Alcgre
& prefque tous les Offi
ciers Generaux du Siege
étoient aupres de Mr le
Maréchal , Mrs d'Albergotty
, de Silly & de Nangis
étoient venus de la grande
armée.
GALANT 145
PARAPHRASE
on Explication du Tableau
de la Vie humaine de Cebés
Tébain de Grece , difciple
de Socrate ,
moral.
Philofophe
Où l'on a fuivi le fens de l'Autheur
le plus exactement
qu'il a efté poffible , fans
s'éloigner de l'efprit general
de tous les peuples.
CEbés nous reprefente
d'abord la vie humaine fous
la figure d'un grand parc
qui renferme plufieurs reduits
, avec des perfonnes
1712. Octobre. N
146 MERCURE
de toutes efpeces , tant à
l'entrée qu'au dedans de
chacun . Mais avant que de
propofer fon embléme , de
l'intelligence duquel il prétend
que dépend noftre
bonheur ou noftre malheur
; il prend foin de nous
avertir
, que noftre ignorance
eft une espece de
Sphinx à noftre égard , par
la connoiffance obfcure &
ambiguë qu'elle nous propoſe
du bien & du mal , ou
de ce qui peut eftre regardé
comme de foy - mefme
indifferent. Car cette conGALANT
. 147
noiffance
devient pour
nous une énigme , laquelle
faute de pouvoir eftre penetrée
, nous rend malheureux
le reste de nos jours.
Au lieu que fi nous nous
appliquons
à en découvrir
le fecret , nous pouvons efperer
une vie exempte de
& veritable tous maux
ment heureuſe.
Noftre Philofophe nous
fait voir enſuite une grande
multitude d'hommes &
de femmes à la porte de de
parc , qui fe preſentent
pour y entrer , & qui nous
Nij
148 MERCURE
marquent
les enfans avant
qu'ils fortent
du ventre
de
leur mere pour venir au
monde. Au milieu
de cet- :
te multitude
on voit le Genie
ou l'Intelligence
, à qui
l'Autheur
de la nature
a
commis
( felon Cebés ) le
foin de noftre
naiſſance
,
fous la figure
d'un fagevieillard
, qui enfeigne
aux
uns & aux autres la maniere
dont ils doivent
fe
comporter
lorfqu'ils
feront
entrez
dans la vie , & le
chemin
qu'ils doivent
teir
pour y eftre heureux
,
3
GALANT. 149
Mais à peine ces nouveaux
nez ont-ils paffé la porte
du parc , qu'ils oublient en
peu de temps les bonnes
leçons qu'ils ont receuës de
leur Genie ; car la convoitife
qu'ils rencontrent
l'entrée de ce lieu , dont
elle eft comme la Reine , &
où elle préfide comme
dans fon throfne , les feduit
bien toft en leur fai- -
fant avaler dans une coupe
qu'elle leur prefente ,
l'erreur & Pignorance . Les
nouveaux nez munis de ces
deux paffeports , s'avancent
N iij
150 MERCURE
**
dans le parc comme des
hommes enchantez les uns
plus les autres moins , à
proportion qu'ils en ont
beu. Mais ils ne vont pas
fort loin , que voicy une
troupe de femmes agreables
de toutes fortes de figures
qui les environnent ,
& les embraffent avec empreffement
; & ce font les
opinions , les defirs , & les
delices , par lesquelles ils
fe laiffent tous entraifner.
Les unes les emmennent
dans le chemin de la felicité
, les autres dans celuy
GALANT . II
du malheur & de la perdition
après les avoir feduites.
Car les unes & les autres
leur promettent à la
verité une vie heureuſe &
tranquille ; mais parce qu'
ils ont avalé le poiſon de
l'ignorance & de l'erreur ,
ceux qui ont efté feduits
paffent leur vie à errer ça
& là comme des perfonnes
yvres , fans pouvoir jamais
trouver le chemin qui
devroit les conduire au vrai
bonheur.
Cebés nous fait voir enfuite
au milieu du Parc une
N iiij
152 MERCURE
eſpece de Divinité ſous la
figure d'une femme , que
l'aveuglement des hommes
a dépeinte fans yeux , &
comme fourde , & mefme
capricieuſe , parce qu'elle
enrichit les uns des biens
de ce monde , & qu'elle
ofte aux autres ceux mefme
qu'elle leur avoit donnez
& cela felon fa volonté
, & fuivant des decrets
impenetrables. Ils l'ont
nommée la Fortune , & ont
figuré l'inconftance de fes
faveurs par une boule fur
laquelle ils la font marGALANT
. 153
cher à caufe des difgraces
qu'éprouvent tous les jours
ceux qui mettent leur efperance
dans les biens de la
vie . Il nous reprefente donc
cette fortune comme environnée
d'une grande multitude
de ces hommes enyvrez
du poiſon de la convoitife,
qu'il nomme les ambitieux
. Tous luy preſentent
leurs requeſtes , mais
elle écoute les uns & rejette
les autres , ce qui rend
leurs vifages tous differens ;
les uns paroiffants tres - joyeux
, & les autres fort
154 MERCURE
triftes . Les premiers ſont
ceux dont les demandes
ont efté receuës favorablement
, & ceux - cy
la nomment
bonne fortune . Les
derniers au contraire levent
leurs mains vers elle
tout éplorez , parce qu'elle
leur a mefme ofté ce
qu'elle leur avoit autrefois
accordé , pour le donner à
d'autres , & à caufe de cela
ils l'appellent mauvaiſe fortune.
Or noftre Philoſophe
nous fait remarquer que
ces biens qui attriſtent fi
fort les uns & réjoüiſſent
1
GALANT. ISS
4
tant les autres , font les richeffes
, les honneurs , la
qualité , les defcendants ,
les commandements , les
Couronnes , & generalement
tous les biens temporels
ou du corps , qu'il
prétend n'eftre pas de veritables
biens ; parce qu'ils
ne nous rendent en rien
plus parfaits , comme il effaye
de le démontrer fur
la fin de fon emblême .
༣.
De là il nous conduit à
un premier reduit , & nous
fait voir plufieurs femmes
à la porte , parées comme
156 MERCURE,
des courtisannes , l'une fe
nomme l'intemperance ,
l'autre la luxure , une autre
l'avarice , une autre l'ambition
, & c . Elles font toutes
là comme en ſentinelle ,
pour remarquer ceux à qui
la Fortune a efté favorable ,
& qu'elle a enrichis de fes
dons. Dès qu'elles en apperçoivent
quelqu'un , elles
courent à luy , elles le careffent
& l'embraffent , &
font tant par leurs flatteries
, qu'elles l'engagent à
entrer dans leur azile , en lui
promettant une vie tranGALANT.
157
quille , exempte de tout ennuy
, & remplie de delices.
Ceux qui font affez inconfiderez
pour fe laiffer aller
No
aux promeffes de ces Sirenes
, gouftent à la verité
les plaifirs de la vie pendant
un temps , ou du moins
croyent les goufter ; mais
quand par la fuite du temps
ils réfléchiffent ferieufe-'
ment fur cette maniere de
vivre , ils s'apperçoivent
qu'ils ont efté feduits ; que
ce qu'ils ont creu de folides
plaiſirs , n'en avoient
tout au plus que l'apparen158
MERCURE
ce ; & qu'en un mot ils en
font la dupe , par la honte
qu'ils leur ont attirée , & les
malheurs où ils les ont précipitez
. Car aprés avoir
confommé avec ces Courtiſannes
tous les biens qu'ils
avoient receuës de la Fortune
, ils fe trouvent malheureuſement
reduits à devenir
leurs efclaves , & à
commettre toutes les baf
feffes, & tous les crimes auf
quels ces cruelles maiftreffes
les engagent. Ainfi ils
deviennent des affronteurs,
des facrileges
, des parjures
,
GALANT. 159
des traiftres , des larrons
& tout ce qu'on peut imaginer
de plus mauvais ,
A
#
>
Enfin cette vie mifera
ble n'a qu'un temps , mefme
fouvent fort court
après lequel ( dit Cébés ) la
vengeance du Ciel éclate
fur eux ; alors il les livre à
la punition , que ce Philofophe
nous reprefente fous
la figure d'une femme couverte
de haillons , & fort
défigurée , tenant un foüet
en la main. Elle paroift
dans ce premier reduit à la
porte d'une efpece de ca-
>
160 MERCURE
chot , ou lieu ténebreux ,
dont l'afpect fait horreur ,
ayant pour compagnes la,
trifteffe , & l'angoiffe. I '
nous dépeint la premiere
la tefte panchée jufques fur
fes genoux , & la derniere
s'arrachant les cheveux.
Elle a encore pour, voiſins
les pleurs & le defefpoir
qui font des perfonnages
difformes , extenuez , tous
nuds , & horribles à voir.
C'eft entre les mains de
ces derniers qu'ils font li
vrez en dernier reffort ,
après avoir effuyé toute la
fureur
GALANT. 161
fureur des premieres . Alors
ils fe voyent accablez de
tourments & de maux , &
reduits à paffer le refte de
leurs jours dans ce cachot
affreux de la maniere la
plus miferable ; c'eſt pour
cela qu'il nomme cette pri
fon le fejour du malheur
Dans ce funefte eftat no
ftre Philofophe ne leur laiffe
qu'une feule reſſource
fçavoir qu'enfin le Ciel ait
pitié d'eux , & leur envoye
le repentir pour les retirer
du gouffre de malheur où
ils font plongez. Or le pre-
Octobre
. 1712. O
162 MERCURE
mier effet que cet heureux
repentir produit en eux , eft
de chaffer ces mauvaiſes
préventions dont ils s'eftoient
laiffez préoccuper
dans leur jeuneffe , & de
leur fuggerer de plus juftes
opinions , & des defirs plus
raifonnables . Alors ils fe
trouvent avoir de l'eftime
& de l'inclination pour les
ſciences ; heureux s'ils font
affez aviſez pour choiſir la
veritable , je veux dire celle
qui enfeigne aux hommes
à regler leurs moeurs , &
qu'on appelle pour cette
GALANT . 163
raifon la Morale ! car cette
morale les purifie infailliblement
de toutes leurs ha
bitudes vicieuſes , & les met
en eftat de paffer le reſte
de leur vie dans le repos &
dans la felicité , à l'abry de
tous leurs maux paffez .
Mais s'ils font au contraire
affez imprudens pour
fe laiffer efbloüir par l'éclat
de la vaine ſcience , & de
la fauffe reputation , noſtre
Philofophe nous fait voir
un fecond reduit , à l'entrée.
duquel paroift une femme
fort parée , & tres- enga
O ij
164 MERCURE
geante, que les petits efprits
& le commun des hommes
nomment
la ſcience , quoyque
ce ne foit que la vaine
fcience. Car la plupart de
ceux qui dès l'entrée de la
vie ont fuivi la bonne route
, ou ceux que le repentir
a retirez de la maifon du
malheur , defirant s'occuper
le refte de leur vie aux
ſciences , donnent ordinai .
rement dans cette fauffe
ſcience . Auffi cet afile eftil
rempli de Poëtes , d'Orateurs
, de Dialecticiens ,
de Muficiens , d'Arithme
GALANT. 165
ticiens,de Géometres, d'Af
trologues, d'Epicuriens , de
Peripateticiens , de Critiques
, & de quantité de
gens de cette nature , par-.
mi lefquels on voit encore
de ces Courtifannes du premier
reduit , comme l'incontinence
, l'intemperance
, & leurs autres compagnes.
Car ces fortes de
Sçavants en font auffi fouvént
les esclaves , quoyque
plus rarement , parce qu'ils
ont plus de foin de s'occuper
que les autres . Les préventions
ou fauffes opi166
MERCURE
nions s'y meſlent auſſi , à
caufe du poifon que la convoitife
leur a fait avaler en
entrant dans la vie , qui les
empefche de connoiſtre
leur ignorance , pour ne pas
dire leur erreur. Et il n'y a
point pour eux , ſelon noftre
Philofophe , d'autre
moyen
de s'arracher
des
pieges de ces mauvaiſes
amies , que de renoncer
pour jamais à la vaine ſcience
; car avec fon feul fe-.
cours ils ne doivent pas efperer
de s'affranchir
jamais
de leur joug , ny d'éviter les
GALANT. 167
malheurs de la vie .
Mais s'ils font affez heureux
de rentrer dans le chemin
de la verité , elle leur
fera ( dit - il ) goufter d'un
breuvage qui les purgera de
tous leurs vices , & de toutes
leurs erreurs , & qui enfin
les mettra dans un eſtat
de fecurité. C'eft pour cela
que noftre Philofophe nous
fait enviſager dans fon tableau
un troifiéme reduit
plus élevé que les précedents
, mais defert , & habité
d'un tres- petit nombre
d'hommes ; la porte en eft
168 MERCURE
*
eftroite , & le chemin pour
y arriver fort ferré , & peu
frequenté ; il paroiſt de
plus difficile & efcarpé.
C'eft le chemin de la veritable
ſcience , duquel l'af
pect a quelque chofe de
rude & d'effrayant . Il nous
reprefente à l'entrée de ce
lieu deux femmes d'une
fantéparfaite , pleines d'embonpoint
& de vigueur
affifes fur une roche élevée ,
& escarpée de tous coſtez ,
qui tendent la main aux
paffants d'un air affable , &
avec un viſage plein de ſerenité
:
f
GALANT . 169
renité ; l'une d'elle fe nomme
la conftance , & l'autre
la continence . Ce font deux
foeurs toutes aimables , qui
invitent les paſſants à s'approcher
d'elles , à s'armer
de courage , & à ne ſe laiffer
pas vaincre par une laſche
timidité , leur promettant
de les faire entrer dans un
chemin de delices , aprés
qu'ils auront furmonté
quelques legeres difficultez
, qui feront bien toft
diffipées . Et pour leur en
faciliter le moyen , elles
veulent bien defcendre
Octobre.
1712. Р
170 MERCURE
quelques marches de ce
précipice où elles font , afin
de leur donner la main , &
de les attirer au deffus .
Là elles les font reſpirer
en leur donnant pour compagnes
la force & l'efperance
, & leur promettant
de les faire bien- toft arri- :
ver à la veritable ſcience .
Et pour les encourager davantage
, elles leur font enviſager
combien le chemin
en eft agréable , aisé , &
exempt de tous dangers.
Ce chemin conduit à un
quatriéme & dernier reGALANT
. 171
*
duit renfermé dans le précedent
; c'eft un fejour char-
'mant femblable à une grande
prairie , & fort éclairée
des rayons
du Soleil ; on le
nomme le fejour des hom
mes heureux , parce que
toutes les vertus y habitent ,
& que c'est la demeure de
la felicité. Il paroiſt à l'entrée
une Dame fort gra
cieuſe avec un viſage égal ,
& dans un âge peu avancé ;
fon habit eft fimple & fans
ornemens eftrangers ; elle
eft affife fur une pierre ferme
& d'une large affiette ;
Pij
172 MERCURE
c'efl la veritableſcience qui
eft accompagnée de ces
deux filles , dont une s'ap-:
pelle la verité , & l'autre la
perfuafion. Son fiege tefmoigne
affez qu'il eft feur
de le fier à elle , & que fes
biens font conftants . Mais
qui font ces biens ( dit Cebés
) ce font la confiance ,
la privation d'ennuis , la
conviction que rien ne peut
deformais leur nuire . Or
cette honnefte mere eft à
l'entrée de cet afile pour
guerir les hoftes qui luy arrivent
, en leur faifant prenGALANT
. 173
-dre une potion cordiale qui
les purifie de toutes les imperfections
qu'ils avoient
contractées en paſſant par
les premiers reduits , telles
que l'ignorance , l'erreur ,
la prévention , l'arrogance,
l'incontinence , la colere ,
l'avarice , & les autres vices
: après quoy elle les
fait entrer dans le fejour
des vertus.
Or noftre Philofophe
nous reprefente ces vertus
fous la forme de Dames fages
& belles , fans aucun
fard ny ajuftemens , en un
P iij
174 MERCURE
mot fort differentes des premieres
; on les nomme la
pieté , la juftice , l'integrité
, la temperance , la modeftie
, la liberalité , la clemence
, & c . Après donc
que les vertus ont admis
ces nouveaux hoftes dans
leur focieté , elles n'en demeurent
pas là ; mais Cebés
nous fait enviſager une
eſpece de donjon en forme
de citadelle au milieu de
ce dernier reduit , & fur
l'endroit le plus eflevé ; c'eſt
le palais de la felicité , la
mere de toutes les vertus ;
GALANT . 175
c'eft dans ce fejour heureux
qu'elles les introduifent
pour les prefenter à
leur mere. Au refte il dépeint
cette mere comme
une Reine affife fur un
throfne à l'entrée de fon
palais , qui eftant parfaitement
belle , & dans un âge
de confiſtance , eſt ornée
d'une manière honnefte ;
& fans fafte , ayant la tefte
ceinte d'une couronne de
fleurs , avec un air plein de
majefté. Cette Dame &
fes filles les vertus couronnent
ceux qui s'élevent juf
P
iiij
176 MERCURE
ques à elles , comme des
Héros qui ont remporté de
grandes victoires fur diffe .
rens monftres qui leur faifoient
la guerre ; & elles
leur adjouftent de nouvelles
forces pour domptér
des ennemis
, qui auparavant
les reduifoient en fervitude
, & les dévoroient
aprés leur avoir fait fouffrir
plufieurs divers tourments.
Ces monftres font l'ignorance
& l'erreur , la douleur
, & la trifteffe , l'avarice
, l'intemperance
, & en
general tous les vices. Ce
GALANT . 177
font là les ennemis aufquels
ils commandent
dorefnavant
; bien loin de leur obeir
& de leur eftre foumis comme
autrefois. Mais ce n'eft
pas tout cette couronne
que nos Héros ont receuë ,
outre la force qu'elle leur
donne , les rend encore
bienheureux , & les affran
chit de tous les maux de la
vie , en leur apprenant à ne
plus mettre leur felicité
dans les biens paffagers ,
mais uniquement dans la
poffeffion de la vertu , &
dans la joye de la bonne
confcience.
178 MERCURE
Apres que ces hommes
vertueux ont efté ainfi couronnez
, Cebés les fait revenir
accompagnez
de toutes
les vertus dans les lieux
par où ils ont paffé autrefois
. Là ces fages guides
leur font voir tous ceux qui
menent une vie miſerable,
errants çà là , tousjours
prefts à faire nauffrage , &
tousjours esclaves de leurs
ennemis , les uns de l'incontinence
, d'autres de la
fuperbe , les autres de l'avarice
, ou du defir de la
vaine gloire , d'autres enfin
GALANT . 179
"
par d'autres vices fans
pouvoir jamais d'eux- meſmes
s'affranchir de leur fervitude
, ny parvenir au ſejour
des vertus , & au palais
de la felicité.. La caufe
de ce malheur , ( dit noſtre
Philofophe ) vient de
ce qu'ils ont oublié le chemin
que leur Génie tuter
laire leur avoit enfeigné, &
les préceptes qu'il leur avoit
donnez avant qu'ils entraf
fent dans le monde. C'eſt
alors que ces nouveaux éleves
prennent une veritable
connoiffance
du bien
180 MERCURE
& du mal ; au lieu de l'ignorance
& de l'erreur où
ils avoient vefcu pendant
leur aveuglement , qui leur
faifoit eftimer un bien ce
qui veritablement eftoit un
mal , & prendre pour un
mal ce qui eftoit un bien ,
& les engageoit par là dans
une vie déreglée & perverfe
, & cette connoiffance
regle leurs moeurs , & les
fait profiter des folies des
autres. Aprés quoy , dit
Cebés , ils peuvent aller
fans crainte où ils veulent ,
parce qu'ils font par tout
GALANT. 181
,
à l'abri de leurs ennemis ,
& qu'en quelque lieu qu'ils
aillent ils font affeurez d'y
vivre dans la droiture de
coeur & dans l'amour de
la vertu , exempts de tout
peril & de toutes fortes de
maux. De plus chacun fe
fait un plaifir , de les recevoir
, comme un malade en
reffent lorfque fon medecin
le vient voir . Outre qu'ils
n'ont plus à craindre ces
beftes fauvages qui leur faifoient
auparavant une guerre
fi cruelle ; puifque ny
la douleur , ny les chagrins ,
182 MERCURE
ny
l'incontinence , ny l'avarice,
ny la pauvreté n'ont
plus aucun pouvoir fur leur
efprit pour luy faire perdre
l'amour de la verité.
Cebés nous fait remarquer
enfuite une autre ef
pece d'hommes qui defcendent
auffi de l'afile des vertus
fans aucunes couronnes
, mais au contraire avec
des vifages de defefperez ,
des cheveux arrachez , &
qui font enchaifnez par des
femmes. Ce font ou ceux
qui eftant arrivez à la veritable
ſcience , en ont efté
GALANT. 18 ;
mal receus , comme en eftant
indignes ; ou ceux qui
ont manqué de courage
lorfqu'ils ont voulu s'eflever
fur la roche , où la conf
tance les invitoit de monter
, & qui ayant lafché le
pied honteufement , demeurent
vagabonds , fans
fçavoir où ils doivent aller .
Les uns & les autres de-.
viennent la proye des chagrins
, des angoiffes , dul
deſeſpoir, de la honte & de
l'ignorance ; & pour furcroift
de malheur ils retournent
au parc de la lu184
MERCURE
xure & de l'intemperance ,
où ces infenfez maudiffent
le refte de leurs jours la
veritable ſcience , & les ve
ritables fçavants, regardant
ces derniers comme des
malheureux , qui ne fçavent
pas goufter les plaifirs , &
joüir de la vie comme eux ,
bien loin de fentir euxmefmes
l'eftat déplorable
où ils fe font plongez , Car
la brutalité dont ils font
aveuglez , fait qu'ils mettent
leur fouverain bien
dans la gourmandiſe , dans
le luxe & dans l'inconti-
Enfin nence.
GALANT. 185
Enfin noftre Philofophe
entre dans un plus grand
détail fur ce qu'il prétend
que le Génie de chaque
homme luy infinuë avant
fa naiffance. Premieremenp
il leur donne avis ( dit-il
de s'armer de courage , &
de conftance , comme ayant
plufieurs combats à fouftenir
dans le monde lorfqu'ils
y
feront entrez : feconde -l
ment il les exhorte à né
point mettre leur efperance
dans les biens temporels
& paffagers , que la
fortune donne & ofte à fon
Octobre. 1712,
C
i
186 MERCURE
gré , & parconfequent de
ne s'abandonner point à la
joye , quand elle nous les
envoye , ou à la trifteffe
quand elle les retire , parce
qu'elle en ufe comme d'un
bien qui eft à elle , & non
pas à nous . C'eſt pourquoy
il nous avertit de ne reffembler
pas ces mauvais Banquiers
qui ayant receu.
Fargent d'autruy , le regardent
comme leur appartenant
, & en ont la meſme
joye que s'il eftoid à eux en
propre , & qui quand on
le repete s'en trouvent auſſi
GALANT . 187
offenfez , & en conçoivent
autant de chagrin que fi
on le leur raviffoit mais
de recevoir au contraire
avec reconnoiffance les
biens temporels qu'il luy
plaiſt de nous départir , &
de nous en fervir pour ar
river en hafte à la fource
feconde & certaine de tous
les biens, qui eft la veritable
fcience , c'est - à - dire , la
fcience qui peut nous rendre
heureux. Ainfi nous
devons ( dit il ) éviter d'abord
foigneusement les
courtiſannes done on a par-
-
Q ij
188 MERCURE
lé , fçavoir l'intemperance ,
la luxure , & les autres vi-
& prendre garde de
ces
nous laiffer enchanter de
leurs attraits. ។
A l'égard de la vaine
ſcience nous pouvons luy
donner , felon luy , quelques
années de notre vie ,
& prendre quelques - unes
de fes leçons pour nous aider
à paffer outre , car nous
devons nous hafter d'arriver
à la veritable ſcience ,
& à la pratique des vertus
le pluftoft que nous pourrons
, & regarder tout le
GALANT . 189
temps que nous employons
à autre chofe , comme autant
de rabbatu fur la durée
de noftre felicité.
Tous les emblefmes eftant
finis , Cebés examine
quelles font les leçons qu'-
on peut tirer de la vaine
fcience , & conclud que ce
font les Lettres & les autres
difciplines , que Platon dit
eftre le frein des fougues
de la jeuneffe . Il prétend
au refte que ces leçons ne
font point abfolument neceffaires
pour acquerir la
morale , & qu'on doit les
190 MERCURE
regarder ſeulement comme
des moyens pour y arriver
plus communément , mais
qui ne nous fervent de rien
pour augmenter en nous la
vertu : &la raiſon qu'il en ap
porte, c'eſt qu'on peut eftre
vertueux fans elles , comme
l'experience journaliere le
confi me. On ne doit pas
cependant, felon luy , les re
garder comme inutiles . Car
(dit il ) quoy qu'on puiſſe
abſolument entendre une
langue estrangere avec le
fecours feul d'un Interpre
te , on ne laiſſe pas de trouGALANT
. 191
ver quelque foulagement
& quelque ſatisfaction lors
qu'on peut encore y joindre
fa propre connoiffan
ce. Il en eft de mefme de
la vaine fcience qu'on ne
doit regarder que comme
un fecours pour arriver plus
aisément à la veritable .
De là noſtre Philoſophe
tire cette fafcheufe confequence
contre les faux fçavants
, qui prétendent s'attribuer
quelque préference
fur les autres hommes , fçavoir
qu'ils n'ont là aucun
avantage pour devenir
par
192 MERCURE
plus parfaits qu'eux ; puifqu'il
eft conftant qu'ils ne
jugent pas plus fainement
du bien & du mal que le
refte des hommes , & qu'ils
font fujets aux meſmes vices
; car qui empefche ( ditil
) d'eftre lettré , de poffe
der toutes les fciences vaines
, & d'eftre cependant
toujours un yvrogne , un
intemperant , un avaricieux
, un calomniateur, un
traiftre , & en un mot un
infensé , puifque ces fortes
de fciences ne s'occupent
point à la connoiffance des
vertus ,
GALANT. 193
7
vertus & des vices La cau
fe de ce malheur , dit noftre
Philofophe , vient de
ce que ces fortes de fça
vants ont la vanité de croi
re fçavoir ce qu'effectivement
ils ignorent : c'eft ce
qui les rend indociles &
pareffeux à fe faire inftruire
de la veritable ſcience,
D'un autre cofté ils font
fujets comme le reſte des
hommes à fe laiffer emporter
par leurs fauffes préventions
qui les rendent
opiniaftres & intraitables.
De forte qu'ils ne ſçau-
Octobre
1712.
R
194 MERCURE
roient fe flatter d'avoir aucun
avantage ſur eux ,
que le Ciel ne leur moins
à
envoye quelque rayon de
lumiere qui leur faffe connoiftre
la vanité de leur
fcience , & les porte à rechercher
la verité.
Enfin Cebés prouve la
propofition qu'il a avancée
au commencement de
fon difcours , fçavoir que
les dons de lafortune, com +
me la vie , la fanté , les richeffes
, la nobleſſe , les
honneurs , les victoires , &
les autres biens temporels
GALANT . 195
ne font pas de veritables
biens ; ny par confequent
les maux qui leur font oppofez,
comme les maladies ,
la mort mefme , & c. ne
font pas de veritables maux;
mais il prétend au contraire
que toutes ces chofes d'elles
-mefmes font indifferentes
pour noftre perfection .
La vie , dit - il , eft un bien
à celuy qui vit bien , & c'eſt
fans doute un mal à l'égard
de celuy qui fe comporte
mal , par les maux aufquels
elle l'expofe toft ou tard.
D'un autre cofté la vie eft
R ij
196 MERCURE
commune aux meſchants
comme aux bons , aux malheureux
comme à ceux qui
font heureux , d'où il conclud
que la vie en elle meſme
eft une chofe indifferente
. De mefme que de
couper un bras à un hom-
-me qui fe porte bien , eft
pour luy un mal ; & c'eſt
rau contraire un bien à celuy
qui a la gangrenne , d'où il
fuit que l'amputation d'un
bras eft une chofe qui n'eft
abfolument
parlant , ou en
foy , ny bonne n'y mauvaiſe .
Il rafonne de melme des
GALANT . 197
richeffes , de la fanté, & des
autres biens du corps : car
il feroit , dit il , tres- louvent
à defirer pour celuy qui a
fait un mauvais coup , qu'il
euft efté malade pendant le
temps qu'il l'a fait ; c'eft
pourquoy la fanté eft en
ce cas un vray mal pour
luy , quoyque ce foit d'ailleurs
un bien pour les honneftes
gens. A l'égard des
richeffes on voit fouvent.
que ceux qui les poffedent
ne font pas les plus heureux
ny les plus honneftes.
gens ; d'où il faut conclure
Riij.
198 MERCURE
&
qu'elles ne fervent de rien
pour noftre felicité
qu'ainfi par elles mefmes
elles ne font pas un bien
pluftoft qu'un mal , puifqu'il
feroit à fouhaitter pour
ceux qui n'en fçavent pas
ufer , qu'ils en fuffent privez
à caufe des miferes qu'-
elles leur attirent.
Noftre Philofophe conclud
en difant qu'on peut
appeller les biens temporels
, des biens pour ceux qui
fçavent s'en bien fervir , &
des maux à l'égard de ceux
qui en font un mauvais ufaGALANT.
199
ge , & finit en remarquant
que ce qui nous trouble &
nous agite en cette vie c'eft
le faux jugement que nous
portons fur les biens & fur
les maux temporels , fur lequelfauxjugement
nous reglons
enfuite toute la conduite
de noftre vie pour le
bien ou pour le mal ; & cela
parce que nous ne travaillons
pas affez à connoiſtre
l'un & l'aure .
On connoift affez au
refte par cet exposé que les
mefmes inclinations & les
mefmes vices qui dominent
R iiij
200 MERCURE
aujourd'huy , regnoient dès
ces premiers temps , & que
la Providence a toujours eu
foin de faire naiftre des
hommes , qui au milieu de
la corruption de leur fiecle
rendiſſent teſmoignage à
la vertu & aux veritez morales
, afin qu'elles n'en
fuffent pas entierement étouffées
, & afin que les
hommes dépravez n'euffent
pas à fe plaindre d'avoir
manqué d'inftructions,
& mefme d'exemples pour
les mettre en pratique , &
d'avertiffements
pour conGALANT
. 201
noiftre les fuites fafcheufes
des paffions & des vices ,
& pour en concevoir de
l'horreur. Mais ce que nous
devions , ce me femble , admirer
icy le plus , ce font
ces repentirs & ces rayons
de lumiere que Cebés reconnoift
eftre envoyez du
Ciel pour retirer les hommes
de l'esclavage de leurs
paffions , & les faire rentrer
dans le fein des vertus
. Certes fila chofe eftoit
telle dans ces temps du pai
ganisme , plus de trois cens
ans avant la venue du Mef202
MERCURE
fie , comme il femble qu'on
n'en puiffe douter , par le
recit de cet autheur , je ne
crois pas qu'on puiſſe douter
auffi que le Ciel n'exerçaft
fes mifericordes fur
ces peuples corrompus , de
mefme que fur le peuple
Juif: car effectivement que
peut il y avoir qu'une lumiere
divine qui faffe connoiftre
à l'efprit de l'homme
la vanité des voluptez ,
& qui luy faffe diftinguer
la vaine ſcience de la veri
table , & les vicès des vertus
? L
GALANT . 203
A l'égard du Génie que
Cebés a creu préfider à noftre
conception , & nous
inftruire dès le ventre de
noftre mere de nos devoirs
pour la vie à laquelle nous
fommes deftinez , on ne
fçauroit , ce me femble ,
penfer que ce foit autre
que la lumiere de la
raifon où l'ame raiſonnable
que Dieu met dans le
corps dés qu'elle peut y
exercer fes fonctions , la
quelle lumiere feroit fuffifante
pour nous faire éviter
tous les écueils des paffions
chofe
204 MERCURE
& des vices , fans les fauffes
préventions aufquelles nous
nous abandonnons pendant
la jeuneffe , au lieu de
confulter la lumiere de noftre
raison. Quand à la fortune
qui , felon luy , difpenfe
les biens temporels & les
maux à fon gré , on voit
affez qu'on ne peut entendre
par là , que la Provi
dence qui a créé toutes chofes
, à qui par confequent
toutes chofes appartiennent
en propre , & qui ef
tant la maiftrelle du fort
des hommes
, en peut dif-
C
GALANT. 203
poſer felon fa volonté . De
plus lorsqu'il nous dit que
la douleur , les chagrins , la
pauvreté , &c. n'ont plus
d'empire fur l'homme devenu
vertueux , il nous fait
connoiftre combien eftoit
grande la fecurité , la confiance
, la conſtance , & là
tranquillité de l'efprit de
l'honnefte homme , & que
les hommes vertueux de ce
temps là participoient dès
ce monde aux recompenfes
des
veritablesChrêtiens,
parce qu'ils pratiquoient les
-mefmes bonnes oeuvres.
206 MERCURE
Car quoy qu'ils ne conneuffent
pas Dieu auffi clairement
, & qu'ils ne le creuffent
peut- eftre pas auffi prefent
à toutes leurs démarches
que nous , ils ne laiffoient
pas d'envisager la
vertu comme la loy de l'Autheur
de la nature , gravée
dans le coeur des hommes ,
& d'eftre perfuadez que
ceux- là offenfoient Dieu
qui trahiſſoient la vertu
ainfi ils pratiquoient la ver.
tu dans la veuë de plaire à
Dieu , d'où naiflóit dès ce
monde la joye & la ferenité
de leur conſcience.
GALANT. 207
CAPRICE
amoureuxfait inpromptu
par Mr... dans le
moment où commença
La derniere tempeftequi
fit tant de ravages
dans le mois de Decembre
dernier.
Vents mutinez qui nous
faires la guerre ,
Et dont les tranſports fu
· rieux
Effrayent la nature , & font
paflir les Cieux j
Redoublez vos efforts , &
208 MERCURE
replongez
la Terre
Dans le premier cahos dont
l'ont tirée les Dieux.
N'offrez
à mes regards que
des objets funeftes :
Montagnes
à mes yeux
abilmez dans les mers ;
Precipitez - vous Corps celeftes
:
Soleil , embrafez l'Univers ,
De ces vaines fureurs je
n'ay plus rien à craindre ,
Je perds l'objet de mon
amour :
Defefpoir , à qui feul je me
livre en ce jour ,
Eclatez , c'est trop vous
contraindre ,
GALANT . 209
contraindre ,
Tout tremble , tout perit ,
Dieux , quels mugiffements
!
Je ne fuis pas feul miſerable
,
Tout partage mon trifte
fort ;
Dans l'eftat où je fuis quel
fpectacle agreable !
Qu'il m'eft doux de mourir ,
mais quoy l'affreuſe mort
Loin de moy fuit , inexora
ble ,
Et me refufe fon fecours.
Ah , fans pouvoir mourir ,
à tout moment j'expire !
Octobre
. 1712.
S
210 MERCURE
Ne reſpectes tu donc mes
jours
Que pour prolonger mon
martyre ,
C'est trop , c'eſt trop languir
, precipices affreux
Ouvrez -vous , recevez un
amant malheureux .
Mortels infortunez ! je vous
fuis.... qui m'arreſte ?
Mais quel calme desja vient
regner dans les airs :
Où font donc ces horreurs
qu'excitoit la tempefte ?
Quevois je , le Soleil éclai
re l'Univers ,
Les vents ont fufpendu
GALANT. 211
leur
rage ,
Et ferme fur fes fondements
La Terre ne craint plus
l'orage
Qui confondoit les Elements
;
La nature eftonnée a diffi .
pé fon trouble
Et reprend la tranquillité ?
Et ma feule douleur redouble
op
Quand tout ceffe d'eftre
agité.
Sij
212 MERCURE
HISTOIRE
de Zaczer & de
Bouladabas.
ZAczer fils de Sam
Prince Perſan , ayant fait
If
une partie de chaffe , c'eſtde
à - dire un petit
voyage
quelques
femaines
, pour
chaffer
dans le Kalleſtan
,
qui eft la Province
de Kabul
aux Indes , qui confine
avec la Perfe du cofé
du Nord. Mecherab
Gouverneur
de cette ProGALANT
213
vince alla au devant du
fils de Sam pour luy faire
honneur , & fut tellement
charmé des belles
& grandes qualitez de ce
jeune Prince , que retournant
dans fa famille il ne
pouvoit ceffer d'en parler
, & fur ce recit une
de fes filles nommée Bouladabas
en devint amou-,
reufe ; elle envoya quel-
-unes de fes filles
ſous prétexte de cueillir
des fleurs autour d'une
ques
214 MERCURE
fontaine où elle fceut que
Zaczer alloit fe rafraif
chir pendant la chaffe.
Zaczer ayant apperceu
ces filles , ne manqua pas
de les aborder , de s'informer
qui elles eftoient.
Elles prirent occaſion de
luy dire tant de bien de
leur jeune maiſtreſſe ,
qu'il conceut dès ce jourlà
beaucoup d'eftime
pour elle , & fut impatient
de retourner le lendemain
pour voir files
GALANT . 215
cueilleufes de fleurs ne
reviendroient point à la
fontaine : elles ne manquerent
pas d'y revenir ,
& Zaczel paffa avec elles
tout le temps de la chaſſe ,
& devint amoureux de
Bouladabas
fur l'idée que
ces filles luy en donnerent
, comme elle eftoit
devenue amoureufe de
luy fur les recits que fon
pere en faifoit tous les
jours.
Il faut remarquer que
216 MERCURE
Zaczer avoit une de ces
phifionomies qui ne plaifent
pas d'abord , mais
qui fe font aimer dans la
fuite par l'efprit & par les
fentiments qui les animent
; cependant les filles
de Bouladabas luy en
avoient fait un Adonis ;
& d'un autre coſté en
faifant à Zaczer le por
trait de leur maiftreffe ,
chacune d'elles y adjouſ
toit tousjours quelque
trait de beauté pour éncherir
GALANT . 217
3
cherir fur fa
compagne ,
& cela formoit
dans l'imagination
de Zaczer
une beauté
, finon
plus
grande
au moins
toute
differente de celle de Bouladabas.
Ces deux Amants
furent quelque
temps fans pouvoir trouyer
les moyens de ſe voir,
& ne pouvant appuyer
leur amour que fur l'idée
qu'ils s'eſtoient formée
l'un de l'autre , ils auroient
juré que ce qu'ils ai-
Octobre
. 1712.
T
218 MERCURE
moient
reffembloit parfaitement
à l'image où
leur amour les avoit accouſtumeż
. ‹ Un jour
Bouladabas ayant trouvé
moyen de fe dérober
aux foins de ceux qui la
gardoient , vintà la fontaine
, & y arriva quelques
heures avant Zaczer.
Pendant que fes filles
l'entretenoient à l'or- a
dinaire des charmes de
celuy qu'elle alloit voir ,
elle fut long - temps réGALANT
. 219
veuſe , & rompit enfuite
le filence pour leur dire
qu'elle craignoit deux
chofes dans cette entre
veuë : la premiere de ne
pas paroistre aux yeux de
Zaczer digne du portrait
qu'elles luy avoient fait
d'elle; & la feconde , de ne
pas trouver Zaczer fi aimable
qu'elle fe l'eftoit
imaginé : Et fi l'un de ces
deux malheurs m'arrive ,
leur difoit- eller, que deviendray
- je après toutes
Tij
220 MERCURE
ces avances que nous nous
fommes faites indifcretement
fans nous efire veus.
Une de fes filles luy dit
qu'en effet il eftoit fouvent
dangereux de prévenir
trop avantageufement,
& que c'eſtoit mefme
une politique des fem- .
mes jaloufes de profner
exceffivement les beautez
qu'on annonçoit dans
le monde , afin qu'on les
trouvaſt moins belles : je
ne crains point cela pour
GALANT . 221
vous , Madame , continua
- elle , moy je le
crains , interrompt Bouladabas
, mais , Madame
, reprit la fille qui eftoit
vive &
ingenieuſe ,
faites une chofe , je nefuis
point encore venue à la
fontaine avec mes compagnes
, ainfi Zaczer ne m'a
point encore veuë , je fuis
"brune comme vous , & je
puis reffembler àpeu près
en laid au portrait qu'on
luy a fait , je vais me
Tiij
222 MERCURE
parer de vos pierreries , &
faire icy vofire perfonnage
, cela produira plufleurs
bons effets. Premierement
ma vene détruira
dans fon imagination ce
phantofme de beauté qu'il
s'est fait ,
craignez la comparaifon ,
ce ne fera plus qu'à moy
dont vous
comparera qu'il vous
quand vous vous ferez
connoiftre à luy dans la
fuite , comme jefuis infiniment
moins belle que
.
GALANT. 223
vous , & que l'idée qu'il
s'eft faite , cette premiere
furprife le difpofera à une
feconde tres- avantageuſe
pour vous.
Une autre raifon encore
que cette fille réprefenta
à Bouladabas , fut
que cette fuppofition lụy
donneroit lieu d'exaininer
incognito & à loifir , fi
Zaczer eftoit digne de
l'idée qu'elle avoit de luy
Bouladabas accepta le
parti pour une troifiéme
Tiiij
224 MERCURE
raifon encore : j'éprouveray
par là , dit - elle , s'il
m'auroit aimée naturellement
fans la prévention.
>
qu'on luy a donnée pour
moy , ma delicateſſe fe-·
roit bien plus touchée de cet
amour & s'il venoit à
t'aimerparhazardje n'en
ferois point jaloufe , cela
me prouveroit que nous
n'eftions pas deftinez l'un
pour l'autre. A peine
cette converfation fut- elle
finié , qu'on entendit de
GALANT. 225
loin le bruit de la chaffe ,
la fauffe Bouladabas eut
à peine le temps de ſe parer
, que Zaczer parut
feul , percer le bois avec
impatience pour venir
joindre les filles . Elles
coururent toutes au devant
de luy , & la fauſſe
Bouladabas reſta ſur un
fiege de verdure & de
fleurs , accompagnée de
la veritable , qu'on annonça
à Zaczer comme
une parente de Boulada226
MERCURE
bas dont elle s'eftoit fait
accompagner. La fauffe
Bouladabas fe leva à l'arrivée
de Zaczer , qui tout
plein de fa beauté divine
& imaginaire , accouroit
avec ardeur ; mais cette
ardeur fut bien rallentie
quand il vit une perfonne
qui n'eftoit en effet que
mediocrement belle , &
qui luy parut encore fort
au deffous de ce qu'elle
eftoit ; il refta immobile
& prefque muet , l'amour
GALANT. 227
de Bouladabas fut encore
plus refroidi que
le fien ,
car Zaczer , comme nous
avons dit . ,
n'avoit pas
pour luy le premier abord
; toutes les graces
qui euffent pû animer fon
vilage eftoient effacées
par la froideur & la furprife
dont il avoit eſté
frappé : en un mot Bouladabas
, bien loin de le
trouver aimable , ne fongea
qu'à abbreger l'entreveue
, & fit fouvenir la
228 MERCURE
fauſſe Bouladabas qu'il
falloit retourner au plus
viſte , de peur qu'on ne
s'apperceuſt au Palais de
fon Pere qu'elle en eſtoit
fortie ; on parla de ſe ſeparer
, & Zaczer ne s'en
plaignit que par politeſſe.
Dans ce moment les filles
de Bouladabas connurent
le tort qu'ils avoient eu
de prévenir ces Amants
trop
P'un
avantageuſement
pour l'autre ; car felon
toutes les apparences
GALANT . 229
fi Zaczer avoit veu Bouladabas
naturellement
d'abord en Princeſſe, leur
amour ſe fuſt peut - eſtre
efteint tout -à - fait , au
lieu que comme vous allez
voir , la froideur de
cette premiere entreveuë
ne fervit qu'à rallumer
plus vivement un fond
d'amour qu'ils avoient
réellement pour le merite
l'un de l'autre .
Dans le temps que les
compliments de ſepara230
MERCURE
tion fe faifoient , Zaczer
qui avoit eu preſque tousjours
les yeux baiffez ,
les jetta fur Bouladabas ;
& fon imagination n'eſtant
plus occupée d'aucune
fauffe image , la
beauté de Bouladabas s'en
empara , le premier coup
d'oeil le frappa fi vive
ment, que fa phifionomie
en fut ranimée , & Bou
ladabas qui s'apperçut
qu'elle plaifoit , commença
à le trouver moins
GALANT 231
4
1
choquant , elle cuft bien
voulu refter encore , mais
Zaczer partit bruſquement
,"& Bouladabas s'en
retourna avec fes filles .
La raiſon qui fit partir
Zaczer fi brufquement
,
fut une raifon de delicateffe
& de conftance .
orientale
, il craignit que
celle qu'il ne croyoit qu'
une parente de Bouladabas
, ne luy pluſt trop ,
& ne s'eftant pas encore
apperceu qu'il l'aimoit
232 MERCURE
désja , il vouloit conferver
l'amour qui luy ref
toit pour le merite de
Bouladabas , dont il ne
pouvoit douter , parce
qu'il eftoit conneu dans
toute la Perfe , & ce
>
jeune Prince qui s'eſtoit
dévoué hautement à cette
Princeffe
, avant que
de l'avoir veuë , voulant
fouftenir par honneur
le party qu'il avoit prit
revint le lendemain à
la fontaine , où la Princeffe
GALANT. 233
ceffe devoit revenir , il
s'imaginoit craindre d'y
retrouver fa parente
mais dans le fond du
coeur il n'y venoit que
pour elle , & il eut une
joye fecrette , lorſque
Bouladabas fous le nom
de parente parut fans
la Princeffe , qui l'avoit
chargée luy difoit- elle de :
venir luy témoigner
la
douleur qu'elle avoit de
n'avoir pu s'y trouver
ce jour- là , Zaczer luy
Octobre . 1712
Y
234 MERCURE
répondit d'un air tres
content , qu'il en eftoit
fafché , & elle luy dit
que Bouladabas l'avoit
chargée de venir luy
le
plus parler
d'elle
long- temps
qu'elle
pourroit
cette converfation
fut longue , & Zaczer
ne la pouvoit finir ; elle
roula toute fur la conftance
, & Bouladabas le
mettoit exprés fur ce fujet
, pour connoître s'il
en eftoit capable . ZacGALANT
. 235
zer eut , tant de pouvoir,
fur luy- mefme dans cette
entreveuë , que jamais il
ne luy eſchapa aucun
mot qui luy marquaft fon
amour , au contraire , il
juroit qu'il feroit toufjours
fidelle à Bouladabas
, mais en jurant fidelité
à celle qu'il croyoit ne
pas voir, il foupiroit pour
celle qu'il voyoit : quel
plaifir pour Bouladabas
de fe voir ainfi doublement
aimée . Celjeu
L3
V ij
236 MERCURE
continua quelques jours ,
& la Princeffe ne paroiffant
point , Bouladabas
pouffa l'épreuve de la conftance
de Zaczer jufqu'à
luy declarer qu'elle l'aimoit
; & qu'eftant auffi
grande Princeffe que fa
parente , & beaucoup plus
riche , il auroit dû penſer
à l'époufer. Que ne ſouffrit
point Zaczer dans cet
te épreuve , il alloit peut-
}
eftre fuccomber : mais
Bouladabas craignant de
"
GALANT. 237
pour
tousle
voir infidelle , le prévint
par un dépit & un adieu
qu'elle luy dit
jours ; & fans luy donner
le temps de luy répondre,
elle luy dit ſeulement que
Bouladabas viendroit elle-
mefme le lendemain
pour le recompenfer de fa
conſtance .
Zaczer refta au mefme
endroit où on l'avoit laiffé
, fans avoir la force ni
de parler ni de ſe ſouſtenir
, & fe laiffa tomber
238 MERCURE
fur un gazon où il feroit
refté long-temps , fi fes
gens ne fuſſent venus le
joindre : il fe trouva mal
& on l'emporta chez luy,
où il paſſa la nuit dans un
eftat fi violent qu'il prit
le party de ne fe jamais
marier , ne voulant pas
3
donner à Bouladabas un
coeur fi rempli d'amour
pour une autre , ni épou¬
fer cette autre en manquant
de fidelité à Boula
dabas min 51 38
GALANT . 239
Le lendemain , Zaczer.
feur de trouver Boulada--
bas au rendez- vous , y retourna
à deffein de luy
avoüer de bonne foy les
raifon's qu'il avoit de ne
jamais voir ni elle ni fa
parente. Quel fpectacles
pour luy ! lorfque le lendomain
la Princeffe parut
de loin
magnifiquement
parée, avec plufieurs Maures
qui la portoient ſur un
Palanquin de fleurs , entourée
d'un grand nom
240 MERCURE
bre de filles tenant des
guirlandes , & de quantité
de petits enfants repreſentants
les Amours ;
en un mot avec tout l'appareil
d'uneFeſte galante,
qui a pour but le mariage.
Plufieurs
Cavaliers parez
comme pour un Tournoy
fe détacherent de la
Troupe; & le pere de Bouladabas
à leur tefte vint
offrir fa fille à Zaczer , qui
eftoit preſt à la refuſer &
à fuir . Lorfque voyant de
plus
GALANT . 241
plus près la Princeffe qui
s'avançoit , il vit à ſa place
celle dont il eftoit fi
amoureux. Quelle fut fa
furpriſe je croy qu'une
peinture de tout ce qui fe
paſſa en ce moment , ne
feroit qu'affoiblir celle
que chacun s'en peut faire.
Bouladabas dit à Zaccer
que fon pere avoit eſté
touché de fa conſtance ,
& avoit voulu venir la
couronner luy - meſme ,
les noces fe celebrerent
Octobre
.
1712.
X
242 MERCURE
peu après , & au bout
de neuf mois fortit de ce
mariage le fameux Roftam
furnommé
Oaſtam
le plus vaillant guerrier
que les Perfans ayent jamais
eu , & qui fert encore
aujourd'huy de modelle
à tous les grands
hommes de l'Orient.
GALANT . 243
PARODIE
de l'Enigme , dont le
mot eft les Dez.
Par Madame de L ....
Pour entendre une Enigme
ilfaut la mettre
au net ,
*
Deux dez en fortant du
cornet ,
Allument une viveguerre
Entre les dames d'un Tric
trac ,
Qui comme nous fouvent
X ij
244 MERCURE
font ab hoc & ab hac
Un bruit moins fupportable
encor que le tonnerre
,
Allant
, venant
, tombant
dans un double parterre
Dont elles font tout l'ornement.
Les Joueurs , qui des dez
dependent
,
De leur bifarrerie attendent
Souvent leur fubfiftance ,
ou leur deftruction .
Bigearres dans noftre action
GALANT . 245
Nous eftonnons fouvent
nos guides ,
Ils nous nomment traiftres,
perfides ,
Et parfois nous les conduifons
Bienprès des petites Maifons.
ENV Or
par Jerico le Brutal , fur
l'Enigme dontle mot eft
Le jour de l'An .
Votre
premier
Enig-
X iij .
246 MERCURE
me eft faite il y a trente
ans.
Refponſe , je n'en fçavois
rien.
Elle eft non feulement
mauvaiſe mais deteftable,
Refponfe , je le fçavois
bien.
Il ne faut pas mettre
ainfi les mauvaiſes chofes
qu'on vous envoye .
Refponfe , je le croyrois
bien.
Cela fait tort à l'auGALANT..
247.
theur d'un Mercure qui.
doit garantir pour bon
tout ce qu'il y admet.
Refponfe , je n'en croyois
rien.
Pour celle- cy on peut
la garantir
paffable
au
ftile près .
ENIGM E.
EN robe de Satin quelque
peu déchirée ,
En bottes , à cheval , jay
doncfait mon entrée
X iiij
248 MERCURE
Dans Paris où l'on m'attendoit
:
Sur Que m'en arrive-til ,
moy le pauvre a droit ,
Le ricke m'admet à fa
table ;
Pour luy quand on m'achette
eftant infupportable
,
Je luy plais feulement
quandje fuis derobés
Mais avant qu'il me
voye , helasfouvent
tombe
Dans les barbares mains
GALANT . 249
d'unegent tres-brutale ,
De mes douces prifons voulant
me delivrer ,
Tel me coupe la tefte , ou
me brufle, ou m'empale,
Qui ne fçauroit parfois
s'empefcher d'enpleurer.
MARIAGE.
Monfieur Feydeau de
Brou Maiſtre des Requeftes
, époufa le 28 Septembre
, Mademoiſelle de la
Bourdonnaye ,fille du Maiftre
des Requeſtes qui vient
d'eftre nommé Confeiller
d'Eftat.
250 MERCURE
MORT S.
Meffire Jean Baptifte de
Machault , Chevalier fei- >
d'Arnouville , & augneur
tres lieux, Confeiller au Par
lement , & Doyen des Requeftes
du Palais , mourut
le 26. Septembre 1712. laiffant
un fils unique Maiſtre
des Requeftes .
Dame Françoiſe le Ragois
de Bretonvilliers , veu
ve de Meffire Anne Hervart
, Chevalier ſeigneur de
Bois -le - Vicomte , Mitry ,
&c. Maistre des Requeſtes,
GALANT. 251
mourut fans pofterité le

30. Septembre 1712. âgée
de quarante - cinq ans. Elle
eftoit foeur de Mr de Bretonvilliers,
feigneur de faine
Dié , dont je vous appris la
mort le mois dernier..
Meffire Antoine Comtede
Longaunay mourut le
premier Octobre en fa qua
fante neuvième année.
Meffire Antoine de Ribeyre
, Chevalier feigneur
d'Homme , Confeiller d'Efi
tat ordinaire , mourut lev..
Octobre , âgé de quatrevingt
& un an ..!
252 MERCURE
Dame Perpetue Françoi
fe de Vaffé , Prieure perpe
tuelle du Monaftere & Hof
pital de faint Gervais à Pa-›
ris , y mourut le 10. Octobre
,âgée de foixante & quatorze
ans , aprés en avoir
paffé cinquante neuf dans
la Religion , ayant efté Coadjutrice
treize ans , & gouverné
ce Monaftere prés
de dix huit ans .
Meffire Jean Baudouyn
Préfident en la Cour des
Aydes , mourut le 16. Octobre.
Dame Iſabelle de HarGALANT.
253
ville de Palloiſeau , veuve
de François de Montmorency
Foffeufe , premier Baron
Chreftien , Chef de cette
illuftre Maiſon , mourut
le 21. Octobre âgée de quatre
vingt trois ans.
PROMOTION
de Confeillers d'Eftat.
Monfieur Bechameil ,
Marquis de Nointel , Confeiller
d'Eftat femeftre , a
efté nommé Confeiller
d'Eftat ordinaire , &
Mr. de la Bourdonnaye
Maiftre des Requeftes &
234 MERCURE
Intendant d'Orleans , qui
avoit épousé la fille de Mr
de Ribeyre , a efté nommé
Confeiller d'Eftat de femeftre.
NOUVELLES
d'Espagne
.
Le Roy a donné le Regiment
d'Infanterie de Piémont
à Dom Pedre de Vargas
Maldonado de Grenade
: la Clef de Gentilhom
me de fa Chambre à Dom
Carlos Uffel de Guimbarda
, Chevalier de l'Ordre
de faint Jacques , & l'un des
GALANT. 255
vinge quatre Regidors de
Cordoue , en recompenfe
de fes fervices .
1
On attend à Madrid Milord
Lexington Ambaffadeur
d'Angleterre. Le Roy
a chargé le Duc de Popoli ,
l'un des quatre Capitaines
des Gardes du Corps , du
foin de le recevoir , & de le
faire traiter & défrayer aux
defpens de Sa Majeſté. On
luy prépare le Palais du
Marquis de Manfera. Le
Roy aenvoyé ordre auMar.
quis de Monteleon d'aller
en Angleterre, & au Com256
MERCURE
te de Bergeik de retourner
à Madrid.
On efcrit d'Eftremadure
du 20. Septembre que le
Marquis de Bay ayant appris
que les Portugais envoyoient
un convoy à Elvas
, fit partir un détachement
de cavalerie qui en
enleva une partie & fit quelques
pritonniers , entre Ef
tremos & la Fuente de los
Zapateros.
Les Lettres d'Eftremadure
portent que le Marquis
de Bay , après avoir fait un
detachement de quatre
mille
GALANT . 257

mille chevaux jufqu'à la
Fuente de los Zapateros ,
s'eftoit mis en marche avec
l'armée , paffa la Caya & la
Cayola , & fut camper le
22. Septembre aux environs
d'Elvas , ce qui fit croire
aux Portugais qu'il avoit
deſſein d'aſſieger cette place
, il fut mefme la reconnoistre
avec quelques Officiers
& Ingenieurs . Les Portugais
travaillerent à reparer
les fortifications , & y
firent entrer deux bataillons
qu'ils tirerent de la
garnifon deCampo Mayor.
Octobre. 1712. Y
258 MERCURE
Le 28. le Marquis de Bay
fit avancer l'armée vers cette
derniere place , qui fut
inveftie ayant la nuit . Les
Portugais dans le deffein de
faire diverfion , allerent attaquer
Carvajalez dans le
Royaume de Leon , la garnifon
fe défendit avec tant
de vigueur qu'elle les repouffa
, & leur tua plus de
quatre cents hommes. On
mande d'Estremadure du
7. Octobre que le fiege de
Campo Mayor continuë
avec vigueur , que les Portugais
affembloient leurs
GALANT. 259
troupes aux environs d'Ef
tremos ; mais ne pouvant
pas former une armée affez
forte pour faire lever le
fiege , brufloient les fourrages
de leur propre pays
afin d'incommoder les af
fiegeans , qui neanmoins
en recevoient une quantité
luffifante d'ailleurs . Les
lettres de Catalogne portent
que l'armée du Roy
eftoit allée camper au delà
de la Segre , & que le
General Staremberg avoit
abandonné Cervera. Le
26. Septembre la Flote def-
Y ij
260 MERCURE
tinée pour la nouvelle Ef
pagne , qui avoit relaſché
trois fois a Cadiz , à cauſe
des Vaiffeaux Anglois &
Algeriens qui croifoient
de ce coſté là , mit à la
voile avec un vent favorable.
Le Comte d'Atalaya
a receu ordre de Liſbonne
de retourner en Portugal
avec les troupes Portugaifes
qui restent en Catalogne
, & les Anglois ont
receu ordre de la Reine
de la grande Bretagne de
s'embarquer.
GALANT. 261
NOUVELLES
d'
Allemagne.
On ne parle plus à la
Cour de Vienne du départ
de l'Archiducheffe
Marie Elizabeth
3
, ny
du temps
auquel
l'Archiducheffe
doit
partir
de
Bar- celonne
. L'Archiduc
a efté
indifposé pendant quelques
jours , mais ſa fanté
paroiſt eſtre bien reſtablie .
Le General Zumzungen
& le Comte Beryer
envoyés d'Italie par
Comte de Thaun arri
>
le
262 MERCURE
verent le premier Octobre
à Vienne pour rendre
compte de ce qui s'eſt paffé
enen ce pays- là , & affifter
au reglement des quartiers
d'hyver . Un Officier
Suedois a apporté de Bender
à l'Archiduc des Lettres
du Roy fon Maistre ,
par lesquelles il le remercie
des offres qu'il lui a
faites de lui donner paffage
pour retourner dans fes
Eftats , mais il ajoute qu'il
les accepter dans
ne
peut
la conjoncture
préfente
;
il luy
mande
qu'il
ne peut
GALANT . 263.
le
reconnoistre pour Roy
d'Espagne , parce qu'il a
reconnu
en cette qualité
le Roy Philippe V: & qu'il
s'étonne de la lenteur avec
laquelle on procede
entre
les Princes , qui au mépris
du traité de Weftphalie
envahiffent
fes Eftats dans
l'Empire .
2
On écrit de Bender qu'il
y avoit apparence que fa
Majefté Suedoife y pafferoit
l'hyver , efperant que
les Turcs déclareront de
nouveau la guerre aux
Mofcovites .
264 MERCURE
SUPLEMENT
à l'article des Morts.
Dame Marie Bruneau ,
veuve de Meffire Eftienne
Guerin Confeiller au Parlement
, mourut le 22 .
Octobre , agée de 90. ans ,
aprés 61. ans de viduité.
Elle avoit eu pour fille
unique Dame Marie Guerin
, Epouſe de Meffire Michelle
Pelletier , Confeiller
d'Eftat ordinaire & au
Confeil Royal ' , morte en
Septembre 1691 .
T
GALANT 265.
*******
ETAT DES TROUPES
Allemandes qui font
Campagne avec celles
de M. le Duc de Savoye
en Juillet 1712 .
INFANTERIE
Imperiale.
Regimens.
Hommes
I Herbeitein.
1140 .
2 Thaun.
1140 .
3 Bareith . 1140.
Octobre
1712. Z
VACALANT. 166
Regimens.
4.Virtemberg.
Hommes,
1140,
5 Maxftaremberg. 1140 .
7 Konigleek.
6 Gripan.
&
Regal.
10. Barach
.
Zumicmghen.
1140 .
1140 .
1140 .
I 140.
1140.
IT Vachtendonck , cy- devant
Volfenbutel . 1140,
HEIDUQUE S..
12. Guilay.
Canonniers & Bombardiers.
Total.
400.
300.
13240.
GALANT. 267
CAVALERIE.
Imperiale.
Regimens.
Hommes
Viſconty.
660.
Martiny.
900,
Duhautoy. 900
HOUSSARD S.
Erbergheny.
200.
Total- 2660.
INFANTERIE
de l'Electeur de Brandebourg.
Zij
168 MERCURE
Regimens.
Hommes.
1 Orange . 1050.
2 Prince Philippe 1050,
3
5 Prince Danhalt. 1050.
4 Prince
Chriſtian
Louis.
1050 .
5 Holſtein . 600 .
6 Valdebourg.
600 .
7 Onau
. 600 .
Total. 6000.
TROUPES DE SAXE
Gotha,
Prince George. 400.
Prince Frederic.
400 .
GALANT 269
DRAGONS.
Regimens.
Hommes
Prince de Saxe.
300.
Greffenderff.
300.
Total. 1400
RECAPITULATION,
Infanterie Imperiale. 13240
Cavalerie Imperiale. 2660
Infanterie de l'Electeur de
Brandebourg.
6000.
Infanterie de Saxe Gotha.
800.
Z iij
270 MERCURE
Regimens.
Hommes .
Dragons de Saxe Gotha .
Total.
600%
23300.
ETAT DES TROUPES
de M. le Duc de Savoye,
en entrant en
campagne
en Juillet 1712 .
-Reg.
Bat. Hom .
I
Gardes,
I 1320.
GALANT. 278
Reg. Bat.
Savoye.c 3
Hom
4
1620.
Montferat. 2 13208
Piemont. 1320.
Fufilliers . 2 13201
Saluffes. 2
1320 .
Nice.
1 660 .
Schiullembourg. 1. 900.
Maffey. IA
Chamonet cy - devant .
Cortance. I 660 .
Sevantes cy- devant .
La Trinité I 660
Déportes.
2 1200 .
Arpretz Suiffe. 3.1.1800 !
Rhebinder . I 5oo.
Z
iiij
272 MERCURE
S. A. R. a encore un
Bataillon d'Artillerie de 4 .
Compagnies de 100. hommes
chacune , de Canonniers
, Bombardiers , Mineurs
, Charpentiers.
400
Total. Bat. 25. 15660.
RECAPITULATION
Regimens.
Hommes
Infanteric & Artillerie-
15660 '
Cavaleric.
Dragons .
1400 ,
1800.
18860.
GALANT. 273
CAVALERIE.
Les Regimens de Cavalerie
& de Dragons font
de 10. Compagnies
& de
60. Maiftres chacune.
Reg. Comp. Hom.
Gardes du corps . 2 200.
Birague
autrefois
.
Pertauge.
10 600.
Cavailla .
10 600.
Total. 1 22. 1400%
374 MERCURE
DRAGONS.
Dragons
d'Altene .
ou Rouges. 10
Dragons
verds
600,
ou Genevois. 10 6000
Dragons jaunes.
ou Piemont. 10 600.
Total.
30 1800.
Nouvelles d'Angleterre.
La Reine a donné un Regiment
au General Stanhope
qui a prêté les fermens .
Le Comte de Lexincton
GALANT 275
partit le 24. Septembre de
Londres pour aller s'embarquer
à Porfmouth , fur un
Vaiffeau de guerre qui le
doit tranſporter à la Corogne
, d'où il fe rendra à
Madrid.
3 On prepare à Londres
l'Hôtel de Leiceſter pour le
Duc d'Aumont
, qu'on y
attend dans peu.
Il eſt arrivé de France un
grand nombre de paffeports
pour les Vaiffeaux Mat
chands , & on en a envoyé
un pareil nombre en France.
Les Vaiffeaux François vien
276 MERCURE
nent librement dans les
ports d'Angleterre.
Les lettres de Jerſey por
tent que les habitans de cette
Ifle recommençoient
à negocier
avec ceux de Saint
Malo. Il y a fur la Tamife
un fort grand nombre de
Navires chargez de blé pour
aller negocier en France , il
y en a trente prêtes à faire
voile vers Bordeanx pour y
acheter des vins & des eaux
de vie.
Les lettres d'Edimbourg
la fufpenfion aflurent
que
d'armes par mer & par terre
GALANT. 277
pour quatre mois avec la
France & l'Espagne , avoit
été publiée en Ecoffe , que
les Cameroniens
qui s'étoient
aſſemblez
en grand
nombre dans les champs
fous pretexte de prier Dieu
à leur maniere fanatique
,
s'étoient difperfez , fitôt
qu'ils eurent appris qu'on
venoit à eux dans le deffein
de les attaquer
.
On mande de Porfmouth
que le Comte de Lexincton
avoit fait voile le 26. Septembre
avec un vent favo
rable , comme il continue
278 MERCURE
# longtemps , on ne doute
point qu'il ne foit arrivé
prefentement en Eſpagne.
Le Comte de Portmore
qui commandoit les troupes
Angloifes en Portugal ,
eft arrivé à Londres avec
plufieurs Officiers , Les Chevaliers
Lake & Willaker y
font auffi revenus des Dunes
ils ont laiffé le Commandement
de leurs Efcadres au
Chevalier Wagger, on croit
que ces Vaiffeaux feront
defarmez dans peu ; plufieurs
Officiers
des troupes
de terre ont obtenu la perGALANT.
279
miffion de fe demettre de
deurs charges qui ont été
remplies par des perfonnes
affectionnées
nement prefent.
au Gouver-
On a appris par quatre
Vaiffeaux
Marchands venans
des Ifles de S. Chrif
tophle , que le fieur Caffare
avec fon Efcadre avoit debarqué
trois mille hommes
dans l'ifle de Montferat ,
s'en étoit emparé , à la réferve
d'un Fort fitué fur le
haut d'une montagne
efcarpée.
qu'il avoit brulé tous
les Vaiffeaux qu'il y avoit
1
280 MERGURE
tronvé , & qu'il avoit demeuré
plufieurs jours dans
I'lle , qu'il paroiffoit avoir
deffein d'attaquer les Ifles
de Nieves , de S. Chrofto
phle & d'Antigoa Ổn avoit
envoyé plufieurs Corvettes
au devant de la Flote du
Brefil , qui font revenues
du Cap faint Vincent parce
que plufieurs Armatenrs
François & dix ou douze
Vaiffeaux Algeriens croifoient
fur les côtes du Royaume
d'Algarve.
On mande de Lisbone
que toutes les lettres de Gi
GALANT. 281
braltar portent que les
Troupes Hollandoiſes qui
y eftoient en garniſon , étoient
embarquées , & qu'-
elles n'attendoient qu'un
vent favorable pour retourner
en Hollande ; La Reine
de la grande Brergane a
fait fçavoir au Roy de Portugalla
fufpenfion d'armes.
qu'elle avoit conclue avec
la France & l'Espagne ; ce
Prince luy a repondu que
comme il ne s'étoit engagé
dans cette guerre qu'à fa
confideration il luy remet
toit fes interefts entre les
A a
282 MERCURE
mains & qu'il confentoit a
la fufpenfion d'armes .
Milord Godolfin , cy devant
grand Treforier d'Angleterte
qui avoit efté nommé
en 1678. par le Roy
Charles II . l'un des Seigneurs
de la Treforerie ,
principal Secretaire d'Etat
en 1684. & enfuite premier
Commiſſaire de la Treforeric
, fut créé Baron d'Angleterre
la même année fous
le titre de Baron de Godolfin
Rialton fous le Regne
du Roy Jacques II. il fut
Chambellan de la Reine &
GALANT 283
refta l'un des Commiffaires
de la Treforerie lorfque
le Prince d'Orange debarqua
en 1688. il fut l'un des
Commlffaires pour aller
traiter avec ce Prince
lors qu'il fut clevé fur la
Trône , ce Seigneur fut
&
continué dans la place de
Commiffaire de la Treforerie
& fait Confeiller du
Confeil privé , aprés avoir
efté quatre fois un des Seigneurs
Jufticiers d'Angle
terre fous le Regne du Roy
Guillaume & de la Reine
Anne , il fut fait grand
a
284 MERCURE
Chancelier
d'Angleterre ,
puis Chevalier de la Jartiere
en 1704. il fut l'un des
Commiffaires
nommez en
1706. pour traiter de l'union
entre l'Angleterre
&
Ecoffe , & la mefme année
fut crée Vicomte de Rialton
& Comte de Godolfin ; il
mourut de la pierre le 26.
Septembre 1712. dans la
maifon du Duc de Marlebouroug
à S. Albans , agé
d'environ 67. ans. Milord
Rialton fon fils , Gendre de
Milord Marlebouroug luy
fuccede dans fest titres &
dans fes biens.
GALANT. 285
Nouvelles de Paris.
Le 2 3. Octobre on chanta
le Te Deum dans l'Eglife
Metropolitaine en action
de graces de la prife du
Quefnoy . Le Cardinal de
Noailles , Archevefque de
Paris officia , & les Prelats
qui eftoient à Paris s'y trou
verent , le Chancelier de
France y affifta , de mefme
que les Cours fuperieures
qui y avoient efté invitées
par le fieur des Granges
Maistre des ceremonies le
>
286 MERGURE
27 on fit la mefme ceremonie
en action de graces de
la prife de Bouchain .
*
Le fieur Cornelio Bentivoglio
, Archeveſque de
Carthage, Nonce ordinaire
du Pape , fit fon entrée pu
blique en cette Ville Di,
manche 23 Octobre.
Le Comte d'Harcourt &
le Chevalier de Sainctor ,
Introducteur des Ambaffadeurs
allerent le prendre
dans le Caroffe du Roy au
Monaftere de Picpus , la
marche fe fit en cet ordre.
Le Caroffe de l'Introducteur.
GALANT 287
Celuy du Comte d'Har-
Court.
La Livrée du Nonce à
pied , fon Ecuyer & fes
Pages à Cheval.
Le Caroffe du Roy.
Celuy de Monfeigneur
le Duc de Berry.
Celuy de Madame la
Ducheffe de Berry.
Celuy de Madame..
Celuy de Monfieur le
Duc d'Orleans .
Celuy de Madame la
Ducheffe d'Orleans.
Ceux de la Princeffe de
Condé , de la Ducheffe de
288 MERCURE
Bourbon , de la Princeffe
Douairiere de Conty , de la
Princeffe de Conty & du
Prince de Conty.
Ceux de Monfieur le
Duc du Maine , de Madame
la Ducheffe du Maine , de
Madame la Ducheffe de
Vendofme , de Monfieur le
Comte de Touloufe , &
celuy du Marquis de Torcy,
Miniftre & Secretaire d'Etat ;
enfuite ceux du Nonce.
Le 25. il fut conduit à
Verfailles par Mr. Sainctor,
où l'on fit à fon arrivée les
ceremonies accoutumées ,
GALANT. 289
Nouvelles de Hollande.
Le 26. Septembre le
Comte d'Albemarle arriva
à la Haye de Tournay . Il y
eut le même jour une Conference
à Utrecht entre les
Miniftres des Alliez . M.
l'Evêque de Briſtol traita ce
jour- là magnifiquement les
Plenipotentiaires de France,
le Comte de Tarouca Plenipotentiaire
de Portugal ,
& les
Plenipotentiaires de
Savoye. Le 29. le Maréchal
de Huxelles a auffi donné
Bb Octobre
1712 .
190 MERCURE
un repas trés- magnifique
aux Plenipotentiaires d'Angleterre
, de Portugal & de
Savoye.
I
Le premier Octobre le
Comte Maffei Plenipoten
tiaire du Duc de Savoye ar
riva de Londres à la Haye ,
& le lendemain il fe rendit
à Utrecht, où le Sieur Har
ley Envoyé de la Reine de
la Grande Bretagne arri-
5.
ya le
nover. Les . negociations
font toûjours au même état,
On ne parle point encore
d'une Conference genede
la Cour d'Ha.
GALANT . 291
rale entre les Plenipoten
tiaires des deux partis : On
efpere pourtant qu'on en
conviendra bientôt . Le ro.
de ce mois les Plenipotentiaires
des Alliez eurent entr'eux
une Conference ; le
même jour les Plenipotentiaires
de France confererent
avec ceux d'Angleterre
. L'armée des Alliez eft
toûjours campée au- deçà de
la Trouille où elle fouffre
beaucoup faute de fourrage
, qu'elle eft obligée d'aller
chercher aux environs
de Bruxelles , enforte qu'il
B bij
292 MERCURE
faudra lui faire voiturer du
fourrage fec jufqu'à ce que
l'armée Françoiſe decampe.
Le Prince Eugene a été contraint
de faire des détachemens
de temps en temps
pour renforcer les garniſons
des places les plus expolées.
Le 4 Octobreles Regimens
de Cavalerie & de Dragons
de Tilly , de Dopf, d'Er
bach , & de Honderbecn
arriverent à Bruxelles , ils
doivent continuer leur
route vers Mastricht. Le
mille hommes arrive,
rent à Hall prés de Bruxel-
5.
GALANT.
293
les pour renforcer les garnifons
des places du Brabant.
Le Comte de Tilly
qui commande les troupes
de cet Etat eft tombé malade
, il devoit partir pour
aller aux bains d'Aix la Chapelle
; fa maladie eft tellement
augmentée, qu'il n'eſt
point en état de partir. Le .
Prince Hereditaire de Hef
fe Caffel conimande en fa
place les troupes de l'Etat.
Bb iij
294
MERCURE
Difpofition des troupes de l'armée
de Dauphiné.
Infanterie.
En Queras , aux ordres de
M. le Chevalier de Miro
2. bataillons. menil ,
Montaifon , 2. bataillons.
A Chanla du Col , la
Bour , 2. bataillons.
A Rouillé , Sommery
dragons , 3.efcadrons.
A Sezannes , Seve , 1. bat.
Sur le Mont Geneve, Bellafaire
, 1. bataillon
GALANT... 295
Au col de l'Echelle , Vivarés
, 1. bataillon.
En Barcelonette , aux ordres
de M. le Guerchois , la
Chennelaye , 2. bataillons .
Olleron , 2. bataillons .
A Colmar , aux ordres de
M. d'Asfeld , Caftellas Suiffes
, 3.
bataillons .
Caylus dragons , 3. efcad .
S. Martin d'Arc , aux ordres
de M. de Maulevrier ,
Vermandois ,. 2. bat
.
Thierache ,
2. bat.
gon's ,
Afaint Jean , Foix dra-
3. eſcadrons.
A la tête de la Taren-
Bb iiij.
296 MERCURE
taife , aux ordres de M. de
Prades ,
Damas ,
La Lande dragons , 3 efcad.
Brie ,
2. bac
3. efcad
. A Conflans
, aux
ordres
.
de
M.
de Mauroy
, du
Troncq , 3. efcad.
Heudicourt ,
2. efcad.
Mallau ,
2. efcad
.
Germinon ,
2. efcad.
Marcillac ,
2. eſcad.
A Nice,
d'Egrigny, 2.bat.
A
Villefranche ,
-Payfac
,
1. bat.
A Monaco , Royal Rouf
fillon , 1. bat
A
Briançon , Royal ArGALANT
297
tillerie , 1 bataillon.
Bataillons 27.
Eſcadrons 26 .
Ordre de bataille des troupes
campées au Saulx Donx..
Droite.
Mignons ,
I1. bataillon.
Anjou ,
Baffigny ,
Blaifois ,
2. bat.
2. bat
.
2. bat
,
Beauvoifis ,
2. bat
.
Angonnois , 1. bati
L'Ile de France , 2. bat.
Boillieux ,
1. bat
.
1.3. bataillons
..
298 MERCURE
Flandres ,
Gauche.
Soiffonnois ,
La
Marine ,
Ponthieu ,
2. bataillons
2. bat
..
3.
bat
.
2. bat.
Sanzey , 2. bat..
Dillon ,
1.bat
.
Boucke , 1.bat..
Beuvick ,
2. bat
.
Provence , 2.bat.
Perigord ,
1. bat..
Forêt , 2. bat..
Gâtinois
2. bat
.
22. bataillons..
GALANT. 299
Referve.
Briouze ,
1. bat
.
Rouffille ,
1. bat.
2. bataillons..
Dragons.
Dauphin ,
Droite ,
Gauche ,
Referve ,
3. efcadrons.
Totaux.
Infanterie.
37.
De
l'autre part ,
1-3
bat.
22 bat.
2. bat
.
bataillons
.
27.
bat.
64.
bataillons
.
3.00
MERCURE
Cavalerie & Dragons.
Dé l'autre part , - 26. efcad .
Referve , 3. efcad.
29. cfcadrons
.
Les lettres d'Utrecht du
15. portent que les Plenipotentiaires
des Provinces
Unies alltrent chez l'Evêque
de Briftol , où étoit le
Comte de Strafford , & qu'-
aprés avoir conferé enfemble
, les deux Plenipotentiaires
d'Angleterre confererent
avec les Plenipoten
GALANT . 301
tiaires de France ; que le
Comte de Strafford fut le
16. à la Haye , où il eut une
conference avec le Penfionnaire
Heinfius & les
Deputez des Etats Generaux
, & avec le Comte de
Zinzendorf. Il eft parti pour
Londres furunYacht arrivé
à la Brille. On parle fort
d'augmenter la garnifon da
fort de la Kenoque entre:
Ypres & Nicuport , que les
ennemis ont furpris , & d'y
faire entrer des munitions
& des vivres avec le Lieutenant
Colonel Carpenter
302 MERCURE
ce qui a mis en mouvement
durant pluſieurs jours les
garnifons de Lille , de Varneton
, de Menin , & de
Courtray. Les bagages des
Officiers generaux de l'armée
des alliez étoient en
marche , quelques troupes
commençoient à défiler , &
l'armée devoit marcher le
22. vers Soignies , pour s'y
feparer & entrer en quartier
d'hyver .
Les Anglois , qui étoient
campez à Drongen prés de
Gand , font feparez ; ſeize
bataillons
& cinq regimens
GALANT 303
de cavalerie font entrez
dans Gand , & le reſte dans
Bruges.

Nouvelles de Flandres.
Du
camp
devant Bouchain ce
19. Octobre
.
a
Le 18. fut employé à s'el
tendre le long du chemin
couvert , à perfectionner la
breche, & à combler le foffé
, lequel à la gauche n'a
voit que deux pieds & demi
d'eau. Le 19. à onze heures
du matin , les affiegez bartirent
la chamade , & en304
MERCURE
voyerent des ôtages pour
capituler. M. le Maréchal
leur declara qu'il pretendoit
qu'ils fe rendiſſent à
difcretion , & qu'ils livraffent
une porte le même
jour ; ce qu'ils accepterent.
La garnifon fortit le lendemain
au nombre de cinq
cens hommes en état de
combattre.
La ville de Bouchain ,
dont les ennemis avoient
augmenté les fortifications
de plufieurs nouveaux ouvrages
, a été prife en dix
jours de tranchée ouverte.
On
GALANT.
On a trouvé dans cette pla
ce dix- neuf pieces de canón
de bronze , & douze de fer,
avec plufieurs
mortiers, Jus
Au camp d'Hafpres ce 19 .
Octobre 1712 .
$
Copie d'une Lettre de M.N.
au Comte de Lyonne ,
premier Ecuyer, alta
O LI & TO
Le General
Grovveftin ,
Gouverneur de
Bouchain ,
a arboré le drapeau blanc
à onze heures du matin ,
aprés dix jours de tranchée.
Cc
Octobre
1712.
306 MERCURE .
M: le Maréchal de Villars,
na voulu le recevoir qu'à
diſcretion , ni lui promettre
aucune grace qu'aprés avoir
livré les portes
; après quoy
ila bien voulu ne point fairedépouiller
les foldars , &
accorder les équipages aux
Officiers. Il les fait conduire
à Rheims : ainfi ce
même General qui a fait
peur à la Champagne
, y
fera conduit prifonnier avec
fa garniſon.
鮮鮮鮮
TABLE.
Vanture nouvelle ,
A
Divertiſſement donné
depuis peu à une noce d'un
33 Officier general ,
Extrait de plufieurs lettres du
-camp devant le Quesnoy ,
$7
Lettre de Monſieur le Marquis
de Broße à... amSujet
de lapriſe du Quesnoy,
64
Morts , 71
Remplacement fait par le Ray
Caij
TABLE.
Idans la Marine , à Ram
boüillet , 73
Relation de ce qui s'eft paßé à:
Roſes , 799
Relation de l'Audiance de M.
d'Agatopolis au Sophi de
S.
Perfe 85 :
Qrdre de bataille de l'armée du
Rhin , 89
Le pere rival de fon fils ,
109
Fable adreffée à Mercure ,
Peur de Cupidon,
128-
Mort ,
: 131
Enigme , 135
Dons du
Roy, ∙139
TABLE
Paraphrafe , ou Explication
du Tableau de la Vie hu
maine , de Cebes Thebain
de Grece , difciple de So
crate , & Philofophe moral
,
P45
Caprice amoureux 207
Hiftoire de Zacker & de
Bouladabas ,
212
Parodie de l'Enigme , dont le
mot eft les dez ,
243
Envoy par Jerico le brutal ,
82545€
Enigme,
247
Mariage ,
249
Morts ,
250
Promotion de ConfeillersTABLE..
d'Etat , 253
Nouvelles d'Espagne , 254
Nouvelles d'Allemagne , 259
Etat des troupes Allemandes
qui font campagne avec
celles de M. le Duc de Sa- .
voye en Juillet 1712 265
Etat des troupes de M. le Duc
de Savoye en entrant en
campagne en Juillet 1.712 .
3270
Nouvelles d'Angleterre , 274
Nouvelles de Paris ,
€285
Nouvelles de Hollande , 289
Ordre de bataille de l'armée
21294
du Dauphiné,
Nouvelles de Flandres , 393 :
TABLE.
Copie d'une Lettre de M. N..
à M. le Comte de Lyonne,,
premier Ecuyer, 305i
Fin de la Table..
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le