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1711, 03 (2)
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Texte
MERCURE
GALANT
WELL
*
188308
www
UN
ANC
NIN
A
PARIS ,
M. DCCXI.
Avec Privilege du Roy.
MERCURE
PHBAJS
CALANT.
Par le Sieur Du F
Mois
de Mars
1711.
Le prix eft 30. fols relié en veau , &£
25.fols, br ochz
A PARIS ,
Chez DANIEL JOLLET , au Livre
Royal, au bout du Pont S.Michel
du côté du Palais.
PIERRE RIBOU , à l'Image S. Louis,
fur le Quay des Auguſtins.
GILLES LAMESLE, à l'entrée de la
du Foin , du côté de la suë
Saint Jacques,
ruë
PREFACE.
'Auteur de Rada-
L'miffe&
Zenobie ,
Tragedie
nouvelle
, m’en
avoit promis la critique
,
& l'avoit en
effet com
mencéede
bonne foi fans
fe ménager
lui -même ;
mais n'ayant
pas le loific
de la finir pour ce moisci
, il a trouvé bon qu'on
mit dans le Mercure
les
A ij
PREFACE
plus vives critiques qu'on
pourroit m'envoyer contre
fa piece ; j'admire ſon
courage , il en faut encore
plus pour vouloir bien
s'expoſer à la cenſure des
autres que pour fe cenfurer
foi- même , les coups
qu'on le porte à foi- même
font toûjours flattez
, noſtre main mollit
malgré noſtre reſolution
l'on craint de fe bleſſer ,
ou du moins l'on ne
choifit point les enPREFACE.
droits mortels , il n'y a
que les defefperez qui fe
frappent de toutes leurs
forces.bomto al
Quelqu'un dira que
l'Auteur ne rifque pas
beaucoup en s'expofant ,
& qu'au milieu des applaudiffemens
publics on
eft peufenfible aux traits
d'une Critique particuliere
, je crois au contrai
re que la profperité rend
les hommes plus ſenſibles
à la correction , en
A iij
PREFACE.
les rendant plus orgueilleux.
Un Auteur humilié
par la chute de fa Piece ,
paffera condamnation
fur tout ce qu'on voudra,
pourveu qu'on ait la
bonté de louer quelque
chofe dans fon malheureux
Ouvrage ; mais un
Auteur enflé d'un grand
fuccés , croit d'abord
qu'Apollon l'a couronné
Roy des autres Auteurs ,
& brûleroit de bon coeur
PREFACE.
la main
facrilege qui
oferoit toucher à fes lauviers
.
Monfieur de Crebillon
eft d'un caractere fort oppofé
à celui-là, & dans l'ébauche
qu'ilm'a fait voir
non - feulement il convient
de tous les deffautsqu'on
trouve dans ſa Pie
ce ; mais il en fait remar
quer aufquels perfonne
n'avoit penfé. Profitons
doncde l'occafion
, pour
mettre dans mon Mercu-
A iiij
PREFACE.
quons
-
re la premiere Critique
de Theatre que j'aye ofé
haſarder ; on ne trouve
pas ſouvent des Auteurs
qui fe prefentent de bonnegrace
; profitons , abufons
même du bon efprit
de celuy - cy , attale
fans quartier
; portons le fer & le
feu dans fa Tragedie : il
ne faut point épargner
un Ouvrage dont les dé.
fauts ne fçauroient diminuer
la reputation
:
PREFACE.
il restera toujours dans
´celuy-cy affez de beautez
hors d'atteinte , pour
faire avouer au plus
grand nombre que Rhadamiſte
eft une excellente
Piece de Theatre.on
Vous allez voir non
pas une Critique dans les
regles , mais quelques reflexions
que M ....
a faites en galant homme
, fans flatterie & fans
aigreur ; elles font trescenfées
, tres- fines, & no-
W
PREFACE.
blement écrites ; il feroit
à fouhaiter qu'il euſt
voulu faire une Critique
à fond de la Fable , de la
-conſtitution & de la conduite
de cette Tragedie ;
il nous en viendra peuteftre
quelqu'une.
. ت
REFLEXIONS
DE M #
*
1893€
Sur la Tragedie de Rha
damifte & de Zenobie.
Vous me demandez
Monfieur une Critique
exacte de la Tragedie de
Rhadamifte ; j'ay fait en la
lifant quelques Reflexions
dont j'espere que vous voudrez
bien vous contenter. 2
L'expofition du fujer
me paroift tres fimple
REFLEXIONS
pour la quantité de faits
dont elle eft neceffairement
chargée , le recit
de Zenobic ne la renferme
pas toute entiere
Rhadamifte
vient l'achever
au fecond Acte dans le
recit qu'il fait à Hieron
de quelques circonstances
que Zenobie
ne peut pas
fçavoir il eftoit bien
difficile d'éviter l'inconvenient
des répetitions
,
en introduifant
fur la
Scene deux perfonnes
qui
racontent les mêmes faits :
l'Auteur y a merveilleufe-
2
7
DE M.
ment réüff . Rhadamiſte
ne parle qu'en paffant de
ceux dont Zenobie a déja
inftruit la Confidente , &
feulement pour entrer avec
netteté dans ce que le Spec
tateur ne fçait pas encore s'il
a donné dans cette occafion
une marque de fon habileté,
fa délicateffe ne me paroiſt
pas moins grande dans le
récit qu'il fait faire à Zenobie
des cruautez de Rhadamiſte
; cette Princeffe garde
tous les ménagemens qu'elle
doit aux manes de fon
époux , & quand l'ordre de
REFLEXIONS
fon Difcours la conduit à ce
moment horrible de fa vie,
où aprés avoir efté poignar
dée , elle fut jettée dans
PAraxes on diroit qu'elle
l'interrompt exprés pour
laiffer ignorer à la Confiden
te que fon époux eft l'Auteur
du couple plus barbare
que Hiftoire ait jamais
raporté; je ne fçay fi ces fineffes
de l'art ont également
réüffi dans tous les efprits
mais j'ay cru y trouver la
main de mailtre .
A peine Zenobies a fini
fonrecit , qu'Arfame paroift
DE M. S.AT
fur le Theatre : ce Prince
amoureux de Zenobic ne
peut plus fupporter ſan
abſence & fans l'ordre
de Pharafmane fon pere il
arrive dans fa Cour, Phal
rafmane également charmé
de la Princeffe la furprend
avec fon fils : c'eft-là que
fon caractere commence à
Le découvrir , peu attaché à
fes enfans par les fentimens
de la nature , rival pour eux
aaf dangereux que le plas
cruel ennemy , grand d'ail
leurs par fon courage , par
fon ambition , & par fer
REFLEXIONS
fuccés contre les Romains ,
dont il n'eſt pas moins ennemy
que Mithridate , c'eſt ce
me femble un fort beau
caractere, j'aurois voulu feulement
, le trouver dans fon
intrigue aufli fourbe , &:
autli perfide qu'il l'eft dans
l'Hiftoire ; en effet l'artifice.
n'eſt pas un des moindres
traits qui y caracteriſent ,
& c'eſt à ce trait fi négligé
dans la piece que Pharaſmane
devoit la couronne d'Armenic.
to wor leath
Le fecond Acte eft ouvert
par Ṛhadamiſte qui
}
DE M.
arrive à la Cour de fon
pere dont il fe flate qu'il
ne fera pàs reconnu ; chargé
des volontez du Senat il
vient de fa part deffendre à
Pharafmane d'afpirer à la
Couronne d'Armenien , il
expofe en fort beaux termes
les motifs qui ont engagé
les Romains à le nommer
leur Ambaſſadeur , &
les raifons qui l'ont porté à
demander cet honneur :
on y voit cette haine fi violente
contre fon pere pere , cet
amour furieux pour un
objet qu'il defefpere de
Mars 1711.
B
REFLEXIONS
revoir jamais ; c'eſt - là que
paroiffent ces projets affreux
de vangeance , ces remords
pour des crimes paffez ,
l'ardeur qui l'entraine à des
crimes nouveaux en un
Imotion y trouve déja tout
fon caractere qui doit fe
développer par les circonftances
ou l'Auteur le place
dans le cours de la Tragedie.
Ceft fur ce caractere que
je doit infifter davantage ,
c'eft dans le contrafte qu'il
fait avec celuy de Zenobie ,
que l'Auteur a pris les plus
grandes beautez de fa Piece,
DE M.
& fij'y trouve quelque deffaut
, c'eft fur tout dans ce
caractere que je les auray
cherchez : il merite done
une attention particuliere
que je luy donneray aprés
des reflexions plus generales
.
Me voicy maintenant à la
Scene de l'Ambaffade , elle
eft bien digne d'un Ambaffadeur
Romain , & Corneille
n'a pas ce me femble
fait parler Flaminius à Nicomede
avec plus de noblef
ſe & de dignité ; la maniere
dont Pharafmane reçoit cet
Bij
REFLEXIONS
Ambaffadeur ne céde en
rien à celle dont Nicomede
reçoit Flaminius : il est beau
de voir Pharafmane reprimer
l'orgueil des Romains ,
jufqu'à traiter de fanfarons
ces Maiftres du monde ;
quel domage que l'Ambaffadeur
d'Armenie rompe un
Difcours qui ne finit
l'honneur du Senat on
attend une Scene où la grandeur
des Romains & celle
de Pharafmane foit foutenuc
par les differens traits
qui les caracteriſent , & le
Spectateur ne peut fouffrir
pas à
DE M.
qu'un homme tel qu'Hicron
, luy ofte le plaifir d'entendre
deux Heros qui conteftent
de la grandeur , &
qui l'établiffent fur l'oppofition
de leurs interefts , & de
leurs maximes : c'eft en cela
fur tout que la Scene entre
Nicomede & Flaminius eft
admirable en tâchant à
l'envy de diminuer la grandeur
l'un de l'autre ils
fe montrent tous deux fi
grands que la Scene finit
fans que le Spectateur puiffe
decider lequel l'emporte , fi
l'Ambaffadeur d'Armenic
REFLEXIONS
eftoit neceffaire icy comme
on le prétend , c'eft une
neceffité bien fatale à cette
Scene fi digne d'une plus
belle fin .
Dans le troifiéme Acte
Arfame qui ne connoiſt pas
Rhadamifte pour fon frere ,
vient luy demander fon fecours
pour Zenobie contre
les fureurs de Pharafmane
l'amour qu'il a pour cette
Princelle fait faire à ce
Prince vertueux & fidelle ,
une démarche qui paroiſt
eftre un peu contre fon de,
voir, le plaifir que RhadaDE
M
mifte fe propofe de renverfer
les projets d'amour d'un'
pere qu'il derefte , & lans
doute fon penchant à prendre
des partis extrêmes , lui
font accepter avec tranfport
les propofitions de fon frere ;
la haine qu'il a conçcue contre
Pharafmane , va jufqu'à
vouloir fouftraire à fon autorité
Arfame que les fentimens
de la nature & de laprobité
ornent aux dépens de
toute la famille, Un projet fi
dénaturé révolte cette ame
fi bien née , & l'exemple de
Vertu que donne Arfame en
REFLEXIONS
cette occafion , réveille des
remords dans le coeur du
plus grand des fcelerats
c'eft ainfi qu'en déteſtant
l'horrible caractere de Rhadamifte
, on admire celuy
d'Arfame qui feroit de plus
vives impreffions dans le
coeur des Spectateurs , s'ils
n'eftoient pas accoutûmez
par les horreurs de fon frere
à des mouvemens d'un autre
ordre.
Je paffe à la Scene de la
reconnoiffance
, c'eſt à mon
avis la fituation du monde
a plus intereffante , ces deux
perfonnes
CDE MADA
perfonnes autrefois fi cheres
T'une à l'autre , & que l'action
la plus affreuſe avoit
féparez , font par leur réüpion
un Spectacle bien
touchant à toute l'Affemblée.
Zenobie à qui la vertu
ne permet pas de méconnoiltre
fon époux , & dont
le bon coeur fent même du
plaifir à le retrouver , excite
les tranfports de Rhadamiſte'
; il luy promet d'effacer
tous les forfaits à force
de vertus ; les promeffes.
accompagnées
de larmés
Mars 1711 . C
REFLEXIONS
& de transports trouvent
grace devant le Spectateur
qui croit aux fermens de
Rhadumifte , & qui fouhaite
de les luy voir obferver ;
parce que ceux enquisit
place fon intereft ne doivent
ny ne peuvent lay eft fufpects
; file Spectateur cft
dans la faire la dupe de
ces fermens d'eft qu'en effer
il n'y a perfonne qui ne fut
trompé aux fentimens tendres
, & délicats que Rhada
miftesy fait paroiſtre 3: en
s'intereffant pour lay on
n'a fait que fuivre le coeur
·
DE M.
de Zenobie qui s'attendrit
au Diſcours de fon époux
tout barbare qu'elle le con ,
noift : je ne içaurois trop
dire combien cette Scene
m'a paru belle. Lorfque
Rhadamifte exagere l'hor
reur de fes crimes à Zenobie
qui les luy pardonne , il
marque qu'il fent bien vivement
une generofité ſi he,
roïque , il ne fe trouve dans
ce moment fi coupable que
parce qu'il eſt plus ſenſible à
la vertu de Zenobie , lorfqu'il
prétend en diminuer
l'horreur en les rapportant
Cij
REFLEXIONS
tous à fon amour exceffif,
les difpofitions font dans
cet inftant fi contraires à
celles d'un fcelerat qu'il ne
croit même pas qu'on ait
pu l'eftre autant qu'il l'a efté ,
le Spectateur touché de
tant de délicateffe , ceffe de
luy imputer fes fortfaits , &
commence à les regarder
comme des circonstances
malheureufes qui ferviront
à fon Heroîme : voilà l'effet
de cet efpece de délicateffe
raiſonée : elle eſt d'autant
plus audeffus de la finple
vivacité , que l'efprit &
$
DE M.
le coeur en partagent égale
ment le plaifir. el
Dans le quartiéme Acte ,
Arfame vient chercher
Zenobie, allarmé de fa froi
deur il s'en plaint à elle en
en amant respecteux , Zenobie
qui croit devoir du
moins payer fon amour par
un aveu neceffaireàfon repos
lui aprend qu'elle eſt Zenobie
, & que l'Ambaffadeur
Romain eft fon époux
c'eſt un trait de generofité ,
bien digne de cette Princeffe
mais fi mal reçû de Rhadamiste
qu'il eft preft d'éclater
Cij
REFLEXIONS
contre elle , & contre fon
frere ; le Spectateur fe repent'
alors de s'eftre interef.
fé pour luy , il enviſage de
continuels malheurs pour
Zenobié ; & fâché de voir
tant de vertus livrées à des
fureurs qu'il n'efpere plus
de voir finir , il retracte
pour ainfi dire la joye que
luy a donné fa reconnoiffance
, & fouhaite que quelque
heureuſe circonftance les fepare
pour toujours , la vertu
de Zenobie tire un merveilleux
luftre d'une circonftance
fi défagrable d'ailleurs
VADE MAS
pour ella ; fa fermeté , fon
courage & l'amourdu devoir
éclate dans des parci qu'elle
prefid defuiordifon époux)
Ils partent enfin , & Phas
rafmans bien-toft averti de
leur fuite , coutt & sien vam
ge dans le fang de Radar
miſte , qui vient rendre ſon
dernier foupir entre les bras
de Zenobie au milieu de tog
te la famille , Phasalinand
qui le reconnoift fremit du
coup qu'il luy al porté ; l'i-l
gnorance ne diminuë point
affez à fon gré l'horreur de
fon crime , & il paroift ce
C iiij
REFLEXIONS
me femble bien touché d'u
ne mort qu'il avoit autrefois
ordonnée avec bant de
barbaries, il eft bien Pere
en ce moment pour ne l'avoir
encore jamais efté , &
cet homme fur qui la natu!
relavoit eu juſques là fipeu
de pouvoir me paroift du
moins fe démentir un peu
Quant à Rhadamiſte il
meurt comme il a vêcu , d'abord
il craint de répandre
le fang de fon pere , & prcfere
la mort à l'horreur du
parricide , c'eftoit fon¸ bon
intervalle qui ne dure pas
1
V DE M.MAX
long - temps , un moment
aprés il accable la douleur
de fon Pere loin de la ref
pecter on ne devineroid. g
pas qu'un Fils qui craint
moins la mort que le parri
cide , deuſt outrager un Pere
qui le montre tel pour la
premiere fois , dans ces derniers
momens où la nature
& la vertu fe produisent
plus que dans tous les au
tres.
Un pareil caractere eft
bien plein de bizarrerie , c'eſt
icy le lieu d'examiner s'il
convient au Theatre , RhaREFLEXIONS
damiste fait luy - même fon
portrait en ces termes :
Et que fçay - je Hieron , furieux
, incertain , p #q
Criminelfans penchant ver
3 tueuxfans deffein, Labio
Foüet înfortuné de ma douleur
extrême ,
Dans l'état où je fuis meconnois-
ję moy même !
Mon coeur de foins diversfans
ceffe combatu ,
Ennemi du forfait fans aimer
la vertu ,
D'un amour malheureux déplorable
victime ,
DE M.
S'abandonne au remord fan's
renoncer au crime ;
Je cede au repentir , mais fans
·en profiter
Et je ne me connois que pour
me detefter , a
S'il eft vray que Rhadas
miſte eft criminel fans penchant
, Zenobie le connoift
mal, ou ne lui rend pas juſtice
quand elle dit.
Je l'avoueray , fenfible à fa
tendreffe extrême ,
Te me fis un devoir d'y répon
dre de même ,!
REFLEXIONS
Ignorant qu'en effetfous des debors
heureux
et
On peut cacher au crime un
penchant dangereux.
D'ailleurs fes crimes font
trop noirs & en trop grand
nombre pour les rapporter
tous à fa jaloufie ou aux circonftances
où il s'eft trouvé;
il me femble que la fureur
qui l'anime contre fon pere,
& qui peut le conduire juſ
qu'au parricide , marque
un fcelerat bien déterminé.
Quoy qu'il en foit la continuité
& l'uniformité de fes
DE M.
remords m'étonnent ; je ne
puis comprendre qu'il foir
fi peu fait au crime , aprés
en avoir fait de fi noirs.
Que les plus fameux criminels
ayant eu quelquefois
des retours je n'en fuis pas
furpris , ils ne franchiffent
point de certaines bornes
fans quelque effort qu'ils
doivent fentir ; mais qu'ils
deteftent uniformement les
crimes dont ils ont une longue
habitude , de telle forte
que les remords les caracte
rifent; c'eft ce qui me paroift
incroyable.
7
REFLEXIONS
J'avoue que les remords
que l'Auteur donne à ſon
Heros, fondent l'intereft
que nous prenons à la Scene
de la reconnoiffance
; mais
celle de la jaloufie qui la
fuir de prés n'apprent elle
pas au Spectateur que Rha +
damifte eft un phrenetique
dangereux qui à fucceffivement
de bons & de mauvais
intervalles avec lequel il
faut perpetuellement de
compter , qui ne mérite ny
attention ny creance ny
intereft , cftoit- ce la peine
de baftir pour détruire fi
UY.DE M.
promptement
; & ne valoitil
pas mieux réduire le meri
te de la reconnoiffance
au
merveilleux
de la furprife
que fait naître la rencontre
impreveue de deux perſon .
nes que de grands intereſts
uniffent où feparent , il faloie
donc ou faire voir les fruits
de tant de remords , ou en
retrancher
le principe
, on
auroit fçeu à quoy s'en tenir
avec Rhadamifte
& , nous
l'aurions aimé ou har fans
rifquer d'en eftre un mo
ment la dupe : Cleopatre
ne s'eftoit pas fignalée
par
REFLEXIONS
plus de forfaits que Rhadamifte
, leur reffamblance eft
affez grande en ce point ,
Corneille n'a cu garde de
luy donner des remords qui
ne pouvant eftre le fruit
d'une vertu qu'elle avoit
abfolument étouffée , n'auroit
efté que foibleffe dans
fon efprit & qu'inconſtance
dans fon coeur ; loin qu'ils
euffent adouci fon caractere
par raport au Spectateur , ils
luy auroient ofté le meryeilleux
attaché aux grands
crimes ; cette déteftable
conftance qui brave les loix
DE M.
eft d'autant plus grande au
Theatre qu'elle infpire plus
d'horreur.
C'eftpour cela que les remords
infructueux de Rhadamifte
rendent fon caractere
petit & peu digne du
Theatre , un homme qu'on
me reprefente le jouet des
plus noires fureurs , & des
plus beaux fentimens , qui
n'a pas la force de fecouër
l'un ou l'autre joug , un
pareil caractere eft- il digne
de l'attention publique , &
n'eſt il pas auffi mépriſable
dans fes remords , qu'il eft
"P
Mars
1711.
D
REFLEXIONS
<
deteftable dans fes crimes .
Jugez , Monfieur , par
ce que je viens de vous dire ,
combien le caractere de
Zenobie doit briller par
oppofition à celuy de Rhadamiste
: on ne peut mettre
fur le Theatre plus de generofité
, plus de conftance ,
& plus de toutes ces qualitez
qui forment une Heroïne
j'aurois feulement fouhaité
que fon amour pour
Arfame
cut efté plus vif , fa gloire
auroit efté plus grande à
le furmonter , ce caractere
eft d'ailleurs plein des plus
MODE MAN
grandes beautez : j'admire
fur tout l'aveu qu'elle fait
de fon amour pour Arfame
en prefence de fon époux :
j'aime avoir un Auteur de
noftre fiecle faire revivre la
fage hardieffe du grand
Corneille , & fij'eftime beaucoup
ce qu'il a fait , j'admire
encore plus ce qu'il eft capable
de faire,
Dij
REFLEXIONS
Autres Reflexions fur la
même Tragedie.
En voyant rèuffir une
piece les Critiques malins
s'attachent à chercher
dans les regles établies
, des raifons pour
prouver
qu'elle n'a dû
plaire ; & moy je chercherois
volontiers dans
ce qui a plû des regles
nouvelles pour corriger
les anciennes : car ce qui
plaift contre les regles
DE M.
connues , plaiſt fans dou
te par d'autres regles qui
n'en font pas moins bonnes
, quoy qu'on ne les
connoiffent point , ce
font celles que je voudrois
chercher , plutoft
que de condamner tout
ce qui n'eft pas conforme
aux anciennes .
Il eft fûr , par exemple
, que la fimplicité
du
fujet eft une regle effentielle
au Poëme. Celuy
de Rhadamifte
& ZenoREFLEXIONS
bie eft pourtant trescompofé
: il n'a pas laiffé
de réuffir.
Faifons voir d'abord
que jamais fujet de Tra
gedie ne fut plus chargé
de faits & d'interefts ,
nous tâcherons enfuite
dé trouver quelques raifons
pour juftifier le public
de ce qu'elle luy a
plû malgré ce deffaut.
Pour expofer fon fujet
l'Autheur fait voir que
Zenobiefous le nom d'IfDE
M.
de
menie , eft Efclave de
Pharafmane
en Iberie ;
que Pharafmane
eftoit
frere de Mithridate ; que
Mithridate eftoit pere
Zenobie ; que
Pharafmane
voulant tromper Mithridate
luy avoit remis
fon fils Rhadamifte
dés
l'enfance , pour l'élever
auprés de luycomme deſtiné
à épouser Zenobie ; que
Pharafmane
redoutant
dans le coeur une pareille
alliance , avoit promis
REFLEXIONS
;
·Zenobie à Tiridates qu'il
avoit engagé dans fon
parti , qu'ils eftoient entrez
enfemble dans les
Etats de Mithridate
que Mithridate indigné
c ntre fon frere , avoit
fait retomberfur le fils le
crime du pere ; que Mithridate
voulant détacher
Tiridate du parti de
Pharafmane , avoit offert
à ce Parthe fa fille deja
promife à Rhadamifte ;
"que cet Amant indigné
DE M.
a
àfon tour avoit achevé
de défoler les Etats de
Mithridate
qu'il en avoit
chaffe , qu'enfuite
ayant forcé Pollion
luy liorer le malheureux
Mithridate , il l'avoit
fait mourir dans le temps
qu'ilpromettoit à Zenobie
de la rétablir fur fon
Throne pourvu qu'elle
voulut l'époufer , qu'elle
y avoitconfentidans cette
efperance , n'eftantpoint
inftruite de ce meurtre
Mars 17.11.
E
REFLEXIONS
qu'enfuite Rhadamifte
poursuivi de Pharafmane
avoit poignardé Zenobie
& l'avoit jettée dans
l'Araxe , & avoit enfuite
luy - même esté immolé
à la fureur de fon pere
ce n'eft pas tout
falu encore que l'Auteur
apriɛ comment Zenobie
& Rhadamiftefe retrouil
a
vent en vie chacun de
leur cofté & comment
Zenobie prife fur les
Medes par Arfame a
este amenée en Iberie,
DE M.
Voilà les faits qui
fondent la Fable ; voyons
à prefent les intereſt qui
doivent faire agir les
Perfonnages
, Zenobie
aime Arfame , elle hait
Pharafmane , elle a un
refte depitiépour Rhadamifte
, elle a la mort de
à la
vanger ,
a
fon
pere
memoire
d'un
époux
qui
l'a poignardée
à respecter
ou à detefter
, ilfaut

qu'elle
épouse
Pharamane
, où qu'elle
s'expoſe
à
Eij
REFLEXIONS
fon couroux , elle craint
que Pharafmane ne fe
venge d'ellefurfon amant
elle à deplus des pretentions
fur l'Armenie , voilà
bien des
affaires pour
cette Princeffe & pour le
fpectateur , cependant à
peine Rhadamiſte paroit-
il fur la Scene qu'il
faut encore s'intereffer à
la reconnoiffance du mary
de la femme , à celle
du pere & du fils , &
celle des deux freres. Il
n'y a point de fçavant
DE M.
Critique qui tenant ſon
Ariftote en main n'euft
prédit la chute d'un Poëmefi
compliqué; c'eft cependant
cette multiplicité
d'interefts qui fournit
tant de belles fituations
aufquelles l'Aureur
doit fuccés extraordinaire
de fa Piece.
J'admire avec quel art
il a débrouillé fon cahos ,
en jettant tout l'embaras
de fonfujet prefque dans
un feul recit ; mais le coup
Fiij
REFLEXIONS
de Maiſtre , c'eſt d'avoir
rendu fes plus belles Scenes
prefque indépendan
tes de tous ces faits neceffaires
feulement pour
fönder laPiece,maisdont
le Spectateur n'a pas befoin
pour en goûter les
beautés :parexemple dans
la Scene de la reconnoiffance
, dés qu'on fçait
que Rhad... a poignardé
fa femme
& qu'ils fe
croyent morts reciproquement
; cela fuffit pour
goûter la beauté de ce
UM DE MATT M.
moment de furpriſe qui
fait un fi grand plaifir :
c'eft ainfi que par la fimplicité
de chaque Scene
en particulier , il a garanti
la piece du tort que
luy pouvoit faire un fujet
trop compofé.
L'Auteur qui s'eft bien
douté qu'on ne trouveroit
pas vrai - femblable
que Rhadamifte fut inconnu
à Pharafınane &
à Arfame , n'a pas épargné
l'art pour fonder cet
E iiij
REFLEXIONS
te vrai- ſemblance ; mais
elle ne s'apperçoit pas du
premier coup d'oeil , &
c'eſt un deffaut .
Rhadamifte , Arfame,
& Hieron , arrivent de
trois Provinces differentes
prefque à la même
heure , dans le Palais de
Pharafmane où eſt Zenobie.
Cette rencontre
tient un peu du Roman .
Il y manque une eſpece
de vrai -femblance , mais
fi-toft qu'on voit tous
ces perfonnages en acDE
M.
tion ; il font tant de plaifir
qu'ils nous tranſportent
au - deffus des Reflexions
, & quand on fe
fent entraîner par le merveilleux
on
regrette peu
le vrai-femblable.
L'Auteur fait jouer à
merveille les quatre principaux
caracteres de ſa
piece ; car quoy que celuy
de Rhadamiſte ait
quelque affinité avec celui
de Pharafinane , en ce
qu'ils font tous deux vicieux.
La difference des
REFLEXIONS
leurs vices eft auffi fenfible
, que celle qu'on remarque
entre la vertu de
Zenobie & celle d'Arfame,&
quand il oppofe les
vices de Rhadamiſte à la
vertu de Zenobie , & la
barbarie du pere à la vertu
du fils , c'eſt un contrafte
nouveau prefque à
chaque Scene.
Jepenfe fur l'excellent
caractere de Zenobie tout
ce qu'en a dit M ** dans
fes reflexions
. Quelques
perfonnes ont trouvé fa
DE M.
vertu trop outrée , mais
comment en juger ? Perfonne
n'a pû regler encore
le point d'élevation
des vertus de Theatte ; -
youdroit - on une vertu
ordinaire qui , pour ainſi
dire , tenant encore à la
nature , fuft toûjours aux
priſes avec la foibleſſe humaine
? Cette forte de
vertu eft plus touchante ;
mais une vertu furnaturelle
eſt plus admirable ,
choififfez entre Racine
& Corneille.
REFLEXIONS
M ** a parfaitement
prouvé que le caractere
de Rhadamifte n'eſt
point propre auTheatre,
parcequ'il eft bizarement
compofe de grands remords
& de grands crimes
; j'avoue qu'on ne
peut s'intereffer
à un
tel homme
; mais peuteftre
que fans fes remords
,Rhadamiſte
euft
efté trop odieux
pour
le Theatre
, l'Autheur
fans doute
, luy en a
donné
, pour fufpendre
DE M.
de temps en temps la
haine & l'horreur que
fon caractere infpire ;mais
ces remords ne nous doivent
point intereffer pour
luy , puifque la plupart
font moins des retours de
vertu que les effets de fon
amour pour Zenobie , &
loin de tenir compte à un
fcelerat de ces fortes de
remords , on ne devroit
pasmême luy fçavoir gré
d'une belle action que
l'amour feul luy feroit
entreprendre , comme on
REFLEXIONS
ne doit point excufer
dans un grand homme
un crime que l'amour
feul lui fait commettre.
Suppofons que l'Autheur
foit blâmable d'avoir
mis fur la ſcene un
caractere auſſi bizare que
celuy de Rhadamiſte , il
eft louable d'avoir ſi bien
foûtenu cette bizarerie ,
de l'avoir rendue fi étonnante
, ſi terrible , fi merveilleuſe
enfin , qu'elle a
reüffi : il a fallu de la hardieffe
pour hazarder un
DE M.
tel coup au Theatre :
quelqu'Autheur ajoûtera
qu'il a fallu du bonheur
pour l'y faire reüffir ;
mais quand les grands.
coups reüffiffent, il faut
croire qu'il y a dans ceux
qui les hazardent quelque
chofe de plus que du
bonheur.
Le caractere de Pharafmane
me paroît grand
& bien foûtenu , à la derniere
fcene prés , il s'y
attendrit trop ; il femble
REFLEXIONS
que l'Autheur moins har
dy qu'à fon ordinaire ,
n'ait ofé franchir la bienfeance
des moeurs paternelles
, pour achever
ce
fier caractere comme il
l'avoit commencé
.
Le caractere d'Arfame
ne paroift pas ſi beau
dans fa premiere ſcene
que dans la fuite , l'amour
ne sçauroit l'excufer
d'avoir , abandonné
les lieux commis à fon
devoir.Dans la démarche
qu'il fait enfuite contre
DE M.
fon pere , l'amour affoiblit
encore fa veru , mais
elle reprend vigueur dans.
fon entrevûe
avec Rhadamiſte
, il en fort plus
vertueux qu'il n'y étoit
entré .
Je fuis charmé comme
M ** de la Scene de
l'Ambaſſade , & fâché
comme luy qu'Hieron
l'interrompe , d'autant
plus que Pharaſmane
grand politique ne doit
pas donner Audience à
Mars
1711 .
F
REFLEXIONS
deux Ambaffadeurs en
prefence l'un de l'autre.
La Scene de la Jaloufie
qui eft encore plus belle
à mon gré , finit au contraire
mieux qu'elle ne
commence , car Rhadamifte
ne doit point être
fi étonné de trouver Arfame
avec Zenobie , il
ne doit être jaloux qu'au
moment qu'il voit fon
fecret revelé par fa femme.
Tout ce qu'elle dit
dans cette Scene me paroit
admirable d'un bout
DE M.
à l'autre , & fur tout cet
endroit Vous ne connoif
fez pas l'Epoux de Zenobie.
Quelle fait bien
fentir en ce moment ! que
Rhadamifte eft capable
de la poignarder une feconde
fois , qu'elle le
connoiſt pour tel , &
qu'envisageant tout le
peril , elle s'y expoſe par
devoir & par vertu; c'eft
ce qui prepareparfa itement
ce beau Vers par
où elle finit : Mais jay
mazd il fon bɔƑijo
REFLEXIONS
trop
de
vertu
pour crain
dre
mon
Epoux
.
Quelques
-uns
de ceux
même
qui
ont
admiré
ce
grand
trait
, ont
entendu
par
le mot
de vertu
, Sageffe
, Fidelité
conjugale
;
peut
-être
parceque
le mot
de vertu
dans
la bouche
d'une
femme
nous
porte
d'abord
à cette
idée
, mais
il eft
clair
que
le mot
de
Vertu
fignifie
en cet
en
droit
, courage
&
refolution
, & que
le Vers

il eſt placé
n'eſt
ſi beau
REFLEXIONS
que parce qu'il renferme
toute l'idée que l'Auteur
nous a donné du caractere
de Zenobie .
Lorſque
dans le V.
Acte on vient avertir
Pharafiane
qu'on enleve
fa Maîtreffe
. Il ne devroit
point s'arreſter à
parler à Arſame , il doit
courir aprés le raviſſeur :
c'eſt le premier mouvement
qu'il doit avoir
comme celuy d'Arfame.
doit être de l'avertir qu'il
ya tuer fon fils.
REFLEXIONS
ment ,
A l'égard du dénoüeil
doit faire plaifir
en délivrant
Zenobie
d'un jaloux furieux , & en
nous laiffant entrevoir
qu'Arfame fera quelque
jour heureux
.
Comme je ne me fuis
poinr engagé à faire une
Differtation complette ,
je paffe encore plufieurs
beautez & peut - eſtre
quelques deffauts.
On en doit
beaucoup
pardonner
en faveur des
Leaux vers , des penſées
DE M.
vives , & des grands fentimens
, & fur tout en
faveur de la difficulté des
Pieces de Theatre , dont
la plus parfaite eft toû
jours tres- defectueufe ,
c'eft dans ce genre d'écrire
qu'on ne doit point
chicaner un Auteur qui
a bien fait , fur ce qu'il
auroit pû mieux faire.
Je rapporte icy , non
comme une louange ,
mais comme un fimple
fait hiſtorique , à mettre
DE M.
dans les regiſtres du Parnaffe
, qu'il y a eu deux
éditions de cette Tragedie
en huit jours , & que
fes
repreſentations ayant
commencé long- temps
avant le Carnaval , elle
a franchi avec vigueur le
Carême entier ,
aparemment
qu'aprés Pâques ,
nous ne la verrons expirer
que par le départ des
Officiers.
BLIO
TEL
GALANT: 250
LIVRES NOUVEAU
Traduction en Vers François
des Georgiques de
Virgille
Ouvrage
pofthume deMonfieur
DE SEGRA I S.
Feu Mr de
Segrais , fi
connu par fa belle traduction
de l'Encïde
, avoit aufſi
traduit les Georgiques
du
mefme Poëte , & n'ayant
pas eu le temps de les donner
au Public , il chargea
un de fes amis du foin de
C
Mars 1711 .
26 MERCURE
les faire imprimer , & d'y
joindre une Preface dont
apparemment il avoit dreffé
le projet. Le Public attendoit
avec impatience ,
que cet amy rendit ce
devoir à la memoire de cet
illuftre deffunt ; & on avoit
d'autant plus de fujet de
l'efperer , que feu Mr de
Segrais regardoit ſa traduction
des Georgiques comme
fon meilleur Ouvrage.
Cependant celuy qu'il avoit
chargé du foin de l'impreffion
l'a refusée au Public
par des raifons qu'on
* ,
GALANT. 27
T
ne fçait point , & il y a
apparence qu'on en auroit
efté privé encore longtemps
, fi un autre amy à
qui Mr de Segrais avoit
permis qu'il prit une copie
de fa traduction ne l'euſt
donnée aujourd'huy. Chacun
fçait quel eft le fujet
des Georgiques de Virgile.
Il y traite des occupations
dela vie paftorale.
Je chante les beautez de la
blonde Cerés ;
Sous quel aftre , Mecene , on
tourne lesguerets ;
Cij
28 MERCURE
Par quels accords la vigne¸ à
l'ormeau fe marie;
Le foin qu'on a des boeufs ,
de la bergerie ;
L'épargne de l'abeille
l'artiſte travail
و ن م
Qui change en miel les fleurs
fans ternir leur émail.
C'eft ainfi que Virgile
commence , & que l'habile
Traducteur rend la pensée.
Aprés que le Poëte a invoqué
toutes les Divinitez
champeftres , il invoque
ainfi d'une maniere fine &
delicate , l'Empereur AuGALANT.
29
gufte qui eftoit fa grande
Divinité .
Et toy , car il n'eft pas encor
permis dedire
Quelrang t'eft deftiné dans le
celefte Empire ,
Cefar , foit qu'au falut de ta
noble Cité
Tu renfermes les foins de ta
Divinité ,
Ou que le front orné du myrthe
de ta mere ,
Arbitre des faifons , la terre
te revere ,
Soit que maistre de l'Iſle où.
finit l'Univers
C iij
30 MERCURE
Seul tu fois des Nauchers invoquéfur
les mers ,
Et que vainqueur des flots ,
pour tefairefongendre ,
Thetis vienne à tes pieds tous
Ses threfors répandre ;
Soit qu'enfin préferant la demeure
des Dieux
Nouveau figne des mois , tu
regne dans les Cieux , &c.
Victorieux Cefar , feconde
mon ardeur ,
Soulage d'un regard les foins
du laboureurs
Entre dans ma carriere , &
fouffrant qu'on t'imploré :
GALANT. 31
Sois Dieu dés maintenant
pour quiconque
t'adore.
Quoyque
tout le Poëme
des Georgiques
foit remply
de beautez
, il faut .
pourtant
avouer
que rien
n'approche
de l'excellent
Epiſode
que le Poëte a coufu
à fon quatrième
Livre :
c'eft celuy du Paſteur
Ariftée
qui voyant
perir toutes
fes Abeilles
, eut recours
à fa mere Cyrene pour fçavoir
d'où venoit la cauſe
de cette defolation
, & pour
apprendre
les moyens
reparer. Là, deſſus la Nymde
la
32 MERCURË
phe luy confeilla d'aller
trouver Prothée , & luy
apprit que pour éluder de
luy répondre , le Dieu fe
changeroit en plufieurs figures
, & que pour l'épouventer
, il prendroit ſucceſfivement
la forme d'un
Lion , d'un Serpent , &c.
mais qu'il ne falloit point
le laiffer échapper jufques à
ce qu'il fut revenu en fon
premier eſtat , & qu'alors
il luy apprendront ce qui
caufoit fon malheur , elle
l'envoya à ce Dieu marin ,
qui aprés avoir joüé tout
GALANT. 33
le manege dont elle luy
avoit parlé , luy apprit que
la caufe de fon malheur
eftoit la mort d'Euridice
que
sée..
fon amour avoit cau-
Un grand crime des Dieux
t'attire la colere ,
Du malheureux Orphée ayant
causé les pleurs ,
Le fort de fon Epouſe a fait
tes grands malheurs.
Irrité de fa mort , il pourfuit
ton fupplice ,
310
C'étoit en tefuyant quefa chere
Euridice ,
34 MERCURE
Preffoit l herbe des Prez , &
ne découvritpas ,
Le venimeux Serpent autheur
defon trépas.
Le Poëte raconte enfuite
comment Orphée tenta la
defcente des enfers pour
obtenir de Pluton le retour
de fa chere Euridice , & de
quelle forte il charma les
ombres de ce trifte séjour ,
qui dançoient au fon de fa
Lyre.
Dans le fonds du tartare on
vit jufques aux Furies
Avec tous leurs Serpens par
Orphée attendris.
GALANT. 33
Ixion vitfa rouë arrefter à ſa
voix ;
Cerbere donna treve àfes trifter
aboix.
Déja s'en revenant avec
prifonniere ,
fa
Euridice avec luy marchoit
vers la lumiere.
( Telle de Proferpine eftoit la
dure loy)
Quand'fon amour amour trop vif
luyfit manquer de foy.
Unregard imprudent (offenfe
pardonnable
Si jamais pardonnoit l'Enfer
inexorable )
Luyfit voir Euridice abiſmée
36 MERCURE
en la nuit ,
Et de fes vains travaux
remporter lefruit.
Tout le refte de l'Epifode
, le deuil d'Orphée , fa
retraite fur les montagues
où il charmoit les Tigres
& les Ours ; fa fin tragique ;
tout cela est traduit avec
beaucoup de force & d'exactitude
.
Feu Mr de Segrais eftoit
de Caën , & il y avoit fait
fes eftudes au College des
Jefuites . Il s'exerça dans fa
jeuneffe à faire des Vers
lyriques , des Chanſons
GALANT. 37 .
& quelques petites Hiſto̟-
riettes pour le divertir avec
fes amis.Pendant ce tempslà
Mr le Comte de Fiefque
ayant été éloigné de la
Cour , fe retira à Caën , &
ayant connu là le jeune Segrais
qui n'avoit alors que
dix - neuf ans , il le goufta
fi fort qu'il le mena avec
luy lorfqu'il fut rappellé .
Ce fut alors qu'il acheva
de fe former , & qu'il prit
le bon gouft & la politeffe
qui ont paru depuis dans
fes Ouvrages . Eftant entré
auprés de Mademoiſelle ,
}
38 MERCURE
le loifir de S. Fargeau où
elle fut releguée luy donna
le temps de travailler à fa
traduction de l'Eneïde.Mademoiſelle
ayant eu quelque
fujet d'eftre mécontente
de luy , il fe retira chez
Me de la Fayette , & ce
fut là où il compofa laPrinceffe
de Cleves , Ouvrage
tant loüé & tant critiqué :
& Zaïde , Hiſtoire Efpagnole
qui peut paffer pour
le chef- d'oeuvre des Romans
qui font écrits dans
ce genre. Comme Me de
la Fayette & Mr de la RoGALANT
. 39
chefoucault eftoient en
grande relation , chacun
fçait la part que ces deux
illuftres perfonnes eurent à
la compofition de ces deux
Romans , fur- tout de celuy
de la Princeffe de Cleves
. L'année 1662. il fur
reçu à l'Academie Françoiſe
: mais s'ennuyant du
fejour de Paris qui le diffipoit
trop , il fe retira en
Normandie où il épo: fa
une riche heritiere fa parente
, & trouvant l'Academie
de Caën fans proteteur
depuis la mort de Mr
40 MERCURE
de Matignon , il en receüillit
les membres chez
luy où il fit un appartement
fort propre pour y
tenir les Affemblées . Il eut
un differend avec le fameux
Bochart qui eftoit
du mefine pays , au fujet
de l'Encïde . Celuy cy ayant
dit qu'il n'eftoit pas
difficile de prouver qu'Enée
n'avoit jamais eſté en
Italie , ils fe firent une efpece
de défy : mais le fçavant
Proteftant fit fur ce
fujet une Differtation ſi
remplie d'érudition &
allegua
GALANT. 41
allegua tant d'Auteurs inconnus
à Mr de Segrais
qu'elle demeura fans réponſe.
On peut avoir tout
>
l'efprit du monde , & ce
qu'on appelle une aimable
érudition , fans avoir approfondi
les matieres anciennes
comme Bochart ,
& ce n'eſt pas meſme cette.
forte de fcience qui compoſe
les talents Academiques.
La traduction de l'Eneide
quoyque l'original ait perdu
beaucoup defes graces entre fes
mains , furpaffe de bien loin
Mars
1711,
D
42 MERCURE
tous les Poëmes que nos Au-.
teurs ont mis aujour avec plus
de confiance que de fuccès , &
il fe doit contenter d'avoir
mieux trouvé le genie de Virgile
que pas un de nos Auteurs.
Fe loue l'application de Mr
de Segrais à connoiftre l'esprit
du Poëte dans fa Preface autant
que dans la verfion , &
il me femble qu'il a bien réuſſi
àjuger de tout excepté des caracteres
. Ainfi parloit feu
Mr de S. Evremond dans
fes reflexions fur nos Traducteurs
, & vous fçavez
quel juge c'eftoit dans ces
GALANT. 43
matieres que M. de Saint
Evremond. On pourroit
pourtant dire que
fon jugement
fe reffent un peu
du chagrin qu'il avoit contre
le peu de merite du bon
Enée , dont il fait dans la
fuite une critique impi
toyable. C'eftoit , felon luy ,
un pauvre Heros dans le Paganisme
, qui pourroit eftre un
grand Saint chez les Chretiens
, & plus digne Fondateur
d'un Ordre que d'un Eftat.
Quoyqu'il en foit Mr
de Segrais avoit fait plu-
Lieurs autres Ouvrages qu'il
Dij
44 MERCURE
pour
a laiffez à un de fes amis
les faire imprimer. Il
mourut le 25.de Mars 1701 .
âgé de 76. ans , & regretté
de tous les honneftes gens
dont il faifoit les delices .
Ce Livre ſe vend à Paris
chez Jacques le Febvre
dans la Grande - Salle du
Palais.Jean Mufier à la defcente
du Pont- Neufà l'Olivier,
& Eftienne Ganeau ,
ruë S. Jacques , aux Armes:
de Dombes ,
EXTRA I T.
Monfieur Coufin , Prefident
en la Cour des MonGALANT.
49
noyes , & l'un des quarante
de l'Academie Françoife
, a laiffé en mourant à
l'Abbaye S. Victor , ſa Bibliotheque
qui eftoit nom!
breuſe , choifie , & dont il
avoit fait un excellent ufage
durant fa vie. Il a fondé
dans la mefme Abbaye un
Difcours Latin qui fe fait
tous les ans par un Chanoine
de cette Abbaye. Mr
l'Abbé de Longuëil acquita
cette Fondation le 24.
Février jour de faint Matthias
, & fit un Difcours
tres- éloquent , & qui fut
46 MERCURE
prononcé avec beaucoup
de grace. Après avoir fait
un Exorde fur l'utilité des
Bibliotheques dans lequel
il fit entrer l'éloge des perfonnes
qui ont augmenté
celle de S. Victor , & en
particulier celuy de Mr le
Prefident Coufin. Il divifa
fon Difcours en deux propofitions
. Il prouva dans la
premiere que pour tirer un
veritable fruit de fes eftudes
, il ne falloit effentiellement
embraffer qu'un feul
genre de fcience dans lequel
il eftoit plus à propos
1
GALANT . 47
d'exceller que d'eftre mediocre
& fuperficiel en tout
genre , & il ajouſta que
pour le choix on devoit
confulter fa vocation & fes
talents , fans tenter de forcer
la nature & fans fe
rendre efclave du nom , du
rang & de la profeffion de
fes peres
.
Dans la 2 partie de fon
Difcours il donna des regles
particulieres pour l'e
ftude , & prefcrivit l'ordre
, la méthode , l'arange
ment & les gradations , &
mefme les relaſchements
48 MERCURE
qu'il falloit obferver en
travaillant. Il finit en exhortant
ceux qui fe deſtinoient
à l'eftude d'en confacrer
l'ufage , & de s'appliquer
par preference aux
fujets qui pouvoient inftruire
& édifier .
L'élegance du Latin , les
graces de l'Orateur
, & la
maniere ingenieuſe avec
laquelle Mr l'Abbé deLonguëil
traita fon fujet contribuerent
également au
fuccez de fon Difcours .
II.
GALANT. 49
II.
PARTIE.
NOUVELLES.
Nouvelles
d'Hollande.
TRADUCTION
d'un
Memoire
prefenté
aux Eftats Generaux
par le Comte
Zinzendorf Ambaſſadeur
&
Plenipotentiaire
de
l'Empereur
à la Haye , le 18 : Decembre
1710.
Mars
1711 .
E
so MERCURĖ
HAUTS ET PUISSANTS
SEIGNEURS ,
Nous n'avons plus lieu
de douter de la malheureufe
fatalité arrivée à l'Armée
du Roy Catholique , nonfeulement
après tout ce que
les Ennemis en ont publié ,
mais encore aprés les avis
que j'en viens de recevoir
d'Italie & d'ailleurs . Il y a
plus de trois mois que les
Miniftres de vos Hautes
Puiffances tant à Vienne
qu'en Efpagne ont dû vous
.II
GALANT.
SI
informer de ce que j'eus
l'honneur de vous dire à
mon arrivée par ordre de
Sa Sacrée Majefté Imperiale,
que frFon n'envoyoit
un puiffant fecours en Catalogne
& en Portugal ,
pour d'un coſté faire tefte
aux Ennemis , & de l'autre
cofté leur faire faire une
puiſſante diverſion en Eſtramadoure
, il étoit impoffible
à Sa Majesté Catholique
de fe maintenir
en Caftille , où les mal- intentionnez
ont toûjours ,
eſté en plus grand nombre.
E
ij
52 MERGURE
Ce feroit maintenant
perdre temps que de l'em,
ployer en reflexions ſur le
paffé lorsqu'il ne s'agit que
de mettre tout en ufage.
pour reparer le mal , s'il eſt
poffible . Cependant je ne
fçaurois me difpenfer de
vous faire obſerver trois
chofes . La premiere eft que
le Roy de Portugal a pris
prétexte d'empêcher la jonction
de fon Armée avec
celle du Roy d'Eſpagne ,
fur ce que depuis deux ans
on ne luy a pas envoyé
d'Hollande & d'AngleterGALANT.
53
re les fecours qu'on luy avoit
fait efperer , que le
peu de troupes qu'il avoit
luy eftoient neceffaires
pour la deffenfe de fon
Royaume , & qu'on ne
luy avoit pas mefme payé
les arrerages des fubfides
qui luy font dûs.
Vos H. P. & la Reine
d'Angleterre favent mieux
que moy fi les excuſes &
les plaintes de la Cour de
Portugal font juftes : du
moins il eſt certain que la
conduite qu'elle a tenuë a
eſté tres -prejudiciable à la
E
iij
$4 MERCURE
caufe commune.
La feconde chofe que
vous devez obferver , eſt .
qu'au mois d'Octobre Sa
M. I. ayant donné ſes ordres
pour faire marcher
trois Regiments de fa Cavalerie
ou Huffars vers les
coftes d'Italie où ils devoient
eftre embarquez
pour Barcelone , leur trajet
n'a efté retardé que faute
de Baftiments d'efcorte &
de tranfports , quoyque
Miniftres d'Angleterre &
les
d Hollande cuffent affuré
Sa M. I. que tout feroit

GALANT.
55
prefts avant que les Troupes
fuffent arrivées au lieu
deſtiné à leur embarque
ment.
La troifiéme obfervation
eft que le Duc de Savoye
paroift fe rebuter du
retardement qu'on a aps
porté à luy payer les ſubſides
, & que fur ce fondement
au lieu d'augmenter
fes Troupes , il a même
commencé à les diminuer,
Je laifle à la fageffe de vos
H. P. à faire les reflexions
qui conviennent à la remontrance
que j'ay l'hon-
E iiij
56 MERCURE
neur de leur faire aujourdhuy
.
·Mais H. & P. S. ne fongeons
au paffé que pour remedier
promptement à de
plus grands maux qui menacent
la caufe commune.
pour l'avenir. Vous fçavez
mieux que moy de quelle
confequence il eſt pour
vôtre Republique en particulier
de continuer la guerre
en Eſpagne , & de l'y
pouffer avec plus de vi
gueur que par le paffé . C'eſt
de la reduction de cette Mcnarchie
à l'obéïflance de
GALANT. 57
la Maifon d'Auftriche que
dépend la confervation de
voftre chere liberté & le
repos de toute l'Europe . Les
conqueftes faites fur l'Ennemy
dans les dernieres
campagnes feront pour
vous de foibles barrieres ,
fi vous laiffez le Duc d'Anjou
fur le trofne d'Eſpagne
.
L'objet principal de vos
H. P. de mefme que celuy
de tous les Hauts Alliez
doit eftre prefentement
d'envoyer inceffamment
en Catalogne les fecours.
58 MERCURE
neceffaires pour conferver
Barcelone & Girone . Le
fecours ne fçauroit arriver
trop toft , & ma crainte eſt
qu'il ne parte trop tard par
la negligence qu'on a cue
d'en faire la difpofition .
Vous eftes pour ainfi dire,
P. S. l'ame de la grande
alliance : l'Empereur convient
des grandes obliga .
tions que fon augufte Maifon
vous a , vous n'avez jamais
dû douter de fa parfaite
reconnoiffance
, & ce
n'eft que par les heureux
fuccez de cette guerre que
GALANT.
vos H. P. doivent en attendre
les effets qui n'ont efté
retardez que par les troubles
d'Hongrie : mais comme
les rebelles font fur le
point d'eftre foumis par la
force victorieufe Imperiale
, l'Empereur mon augufte
Maitre fera alors en
eftat d'employer toutes ſes
forces contre l'Ennemy
commun , & de feconder
vivement les bonnes intentions
de fes chers Alliez
mieux qu'il n'a fait
par
le
paflé .
C'eft de voftre feul e60
MERCURE
xemple H. & P. S. que dépendent
les refolutions du
Parlement de la Grande-
Bretagne pour les intereſts
de la caufe commune , &
les efforts qu'on doit attendre
des Princes de l'Empi-
Fe intereffez & engagez
dans la grande alliance.
Vos H. P. ne fçauroient
leur en donner un meil
leur , qu'en faifant embarquer
dés aujourd'huy fr
cela fe pouvoit fept à huit
mille de leur meilleur Infanterie
pour aller à Barce
lone , lefquels joints à la .
GALANT . 61
Cavalerie Imperiale qui
n'attend que des Vaiffeaux
de tranfport fur les coftes
d'Italie pourront conſerver
les Places qui restent au
Roy Catholique en attendant
que de plus grands
fecours foient arrivez en
Portugal.
Je fuis perfuadé que la
Reine d'Angleterre n'apprendra
pas pluftoft que
vous avez pris cette prompte
& efficace refolution que
de fon cofté elle donnera
auffi des ordres pour envoyer
en Eſpagne un nom62
MERCURE
bre fuffifant de Troupes &
de.Vaiffeaux capables de
reftablir les affaires de la
caufe commune & renverfer
les efperances de l'Ennemy.
Čela ranimera le
coeur prefque abattu du
Roy de Portugal , affermira
le Duc de Savoye dans
les interefts de la grande
alliance , & donnera de
l'émulation à tous les autres
Alliez .
J'efpere H. & P. S. que
par vos promptes & efficaces
refolutions vous me
mettrez en eſtat en peu de
GALANT . 63
jours de depefcher des
Courriers à l'Empereur &
au Roy d'Espagne pour
confirmer ces deux auguftes
Souverains dans l'idée
qu'ils ont toûjours euë de
la puiffance de voſtre Republique
, & de l'avantage
qu'il y a d'eftre comme ils
font vos bons & fidels Alliez.
Sur ce je prie Dieu
& c.
".
64 MERCURE
Nouvelles du Nord.
EXTRAIT
d'un Journal de Mr
Neuge-Baver , Envoyé
du Roy de Suede
à la Cour Ottomane.
A
Conftantinople çe 18 .
Decembre 1710.
Le 4.
Novembre le
Cham des Tartares arriva
dâns cette Ville .
Le 10. il eut audiance
du
GALANT. GS
du Grand-
Seigneur.
Le . on donna la
1. paye
aux Troupes pour fix mois .
Le 18. & le 19.le Grand-
Vifit tint Confeil par ordre
du Sultan , auquel les principaux
Miniftres de faHauteffe
affifterent. On y propofa
la demande du Roy
de Suede au fujet de fon
eſcorte & de la rupture
avec le Czar. Les fentimens
unanimes furent qu'il falloit
envoyer fa Majefté
Suedoife dans les Etats ,
& déclarer la guerre en
mefme temps aux Mofco-
Mars 1711 . F
66 MERCURE
vites , vû qu'ils avoient
exercé plufieurs hoftilitez
contre la Porte.
Le Grand Vifir ayant
fait fon rapport au Sultan,
Sa Hauteffe
fit affembler
le
lendemain un grand Confeil
au Divan. Elley fit ap
peller les mefmesMiniftres
que le Grand Vifir avoit
convoqué le jour préce
dent , fçavoir le Muftr ,
Sclictitar , Ali- Bacha , So
liman- Bacha , ou Kaimakan
, l'Agà des Janiffaires ,
Topei-Bacha , Capigi- Ba
chi , le Tefterdar , le ReisGALANT
. 67
Effendi , le Mufti que le ·
Grand Vilir Numan - Bacha
avoit déposé , & vingt
Effendi , Cadis & Ulema ,
c'est -à- dire , les Gens de
le
Lettres & de Loy. Ceux - cy
ayant réïteré ce qu'ils
avoient déclarés auConfeil
du Grand-Vifir , le Sultan
y foufcrivit , fur quoy
22 la Guerre contre les
Mofcovites fut publiée
dans toutes les Moſquées
ou Eglifes , avec une joye
& des acclamations incroyables
de tout le peuple.
Le 20. l'Admiral Gia-

Fij
68 MERCURE
rum Hadgia fut démis de
fa charge , & l'on nomma
Atei Mehemet Bacha pour
remplir fa place .
Le 21. le Grand- Vifir
tint Confeil de Marine
affifté du Capitan- Bacha
& du nouvel Amiral. Si
l'on en doit croire des gens
graves & bien fenfez , la
Flotte Turque fera composée
de 80. Voiles , fçavoir
des Vaiffeaux de Li- I
gne , des Fregates , des Galeres
, & des petits Baſtimens
; & l'on a ordonné
d'en faire encore conftruire
GALANT . 69
3
un grand nombre de cette
derniere forte . Pour -monter
cette Flotte on doit enrôller
37000. mil hommes.
Le nombre des Janiffaires
Arnaates & Spahis fera de
120000. effectifs . Le Topei
- Bacha a ordre d'enmener
14000. hommes
pour fervir l'Artillerie . On
fait monter le nombre des
Tartares à200000.combartans
. Enfin le Moscovite
fera attaqué avec d'auffi
grandes forces que la Porte
ait jamais mis fur pied , &
l'on dit mefme que les .
70 MERCURE
Ottomans ne fe font point
encore preparés à aucune
guerre avec autant d'efforts
qu'à celle - cy .
Tout cftant reglé &
difposé de la maniere fufdite
, la guerre contre le
Mofcovite en faveur du
Roy de Suede fut publiée
dans cette Ville , & enfuite
dans toutes les autres de
l'Empire Ottoman .
Le 24. le Palatin de
Kiovie partit d'icy pour
Bender.
Le
15
. le Prince de Mol
davie fut depofé de mefme
GALANT . 71
qu'Ifuf Bacha , Serafquier
de Bender ; c'eftoient des
creatures du Grand- Vifir
Ali -Bacha qui vient d'eſtre
deposé. A la place du Prince
on a élevé Demetrius
Cantemir , adherant des
Tartares , & bon Suedois .
Le 26. le fufdit Cham
des Tartares eut audiance
privée du Grand Seigneur,
aprés quoy il prit congé de
Sa Hauteffe .
Le 27. il partit conduit
jufques hors la Ville par le
premier Vifir , & les principaux
Miniftres , aux ae72
MERCURE
clamations de tout le peu
ple .
Le 28. l'Ambaffadeur
Mofcovite ayant efté arrefté
, on le mena aux Indiculis
ou les fept Tours
avec tous les domeftiques,
à l'exception de quatre valets
qui eftoient des Livoniens
.
Les meubles qu'on a
trouvé dans fon Hoſtel ont
tous efté inventoriez &
fcellez .
Le fieur Bonkourſky ,
Gentilhomme Polonois ,
Envoyé du Roy Augufte ,
devoit
GALANT.75
devoit eſtre auffi mené prifonnier
dans les fept Tours ,
mais comme il s'eft mis
fous noftre
protection , j'ay
intercedé pour luy , conjointement
avec le General
Ponjatourski
.
D'autres Lettres beaucoup
plus recentes affurent
que les Tartares foutenus
par le Palatin de Kiovie ,
font déja des
mouvements
en Podolie ; que fix Bataillons
Saxons avoient repaffé
le Rhin pour retourner
dans leurs pays , & que les
Danois , & les Pruffiens en
G
e
Mars
1711.
74 MERCURE
devoient faire autant.
Le Roy Augufte partit
de Leipfik le 1. Février
pour Drefden où la Diete
de fes Eftats qu'il avoit
convoquée pour le 6. devoit
eſtre aſſemblée ce jourlà.
On y a refolu de prendres
toutes les précautions
neceffaires pour ſe mettre à
couvert de l'irruption des
Suedois.
Le 27. Janvier le Czar
partit en pofte de Peterſ,
bourg pour fe rendre à
Mofcou, & enfuite à Azaf.
Avant fon départ il avoit
GALANT . 75
dépeſché pluſieurs Courriers
porter les ordres pour:
faire affembler des Troupes:
fur la frontiere de l'Ukrai
ne , au-deçà & au- delà du
Borifthene , & pour faire
travailler en grande diligence
à l'armement de fa
Flote.
L'Electeur de Brande.
bourg a fait publier une
Ordonnance , par laquelle
il deffend à tous fes fujets ,
fous peine de la vie ,
fortir de fes Eftats pour
aller s'eftablir ailleurs.
de
Voicy la Lifte des Trou- ·
Gij
76 MERCURE
pes qui doivent compofer
l'Armée deſtinée à maintenir
la neutralité dans la
Baffe-Allemagne.
Deux Regiments de Cavalerie
de l'Empereur .
Deux Bataillons & un
Efcadron de l'Electeur Palatin.
Deux Bataillons & trois
Efcadrons de l'Electeur de
Brandebourg.
ce.
Un Bataillon de Mayen-
Un Bataillon du Landgrave
de Heffe Caſſel .
Un Regiment de CavaGALANT.
77
ferie du Duc de Mekelbourg
Swerin .
Deux Bataillons du Duc
d'Hanovre.
Un Bataillon du Duc
de Wolfembutel .
Un Bataillon de l'Evêque
de Munſter
.
Six
Bataillons Anglois.
Et fix Bataillons
Hollandois
, ce qui fera en tout
environ quinze mille hommes.
L'Armée du General
Craffaw fera composée de
fon Regiment de Dragons ;
des Regiments de Marde-
Giij
78 MERCURE
feldt , de Marschal , de
quinze cent hommes chacun
, de deux autres Regiments
de Cavalerie de milde
hommes chacun des
Regiments d'Infanterie
de
Schultz & de Stuart , de
douze cents hommes chacun
; du Regiment de
Horne de dix - huit cents
hommes de celuy d'Eckeblat
, de neufcents homce
qui fait plus de
treize mille hommes , fans
y comprendre
les Troupes
deftinées
à la garde des
Places ni les huit à dix milmes
GALANT. 79
le hommes qui doivent
venir le joindre de Suede.
Le Comte Sieniawski ,
Grand General de la Couronne
de Pologne a refusé
aux Princes Dolhorouki &
Galiczen de faire entrer des
Troupes Mofcovites
dans
Kaminierz , Dubno , Brodi
, Leopol , & le Fort de
la Trinité. J
Il y a des Lettres du 10 .
Février , qui affurent que
l'Armée du General Craffaw
eftoit de plus de dixhuit
mille hommes , fans
y comprendre les Troupes
G iiij
80 MERCURE
qui devoient l'aller joindre
de Suede , & qu'il n'attendoit
que les ordres pour
agir.
La nuit du 14. au 15.
Février , trois Compagnies
des Gardes à pied du Duc
d'Hanover
, efcaladerent
la
Ville & le Chasteau
de
Pein. Le Chapitre
de la Cathedrale
d'Hildesheim
dont cette Place dépend ,
dépefcha un Courrier
pour
en porter fes plaintes
à
l'Empereur
.
LeDuc de Wolfembutel
s'eft auffi emparé de BraGALANT.
81
kel, d'Alefeld , & de Grou ,
de la dépendance du même
Chapitre ; & d'autres
Troupes du Duc d'Hanover
fe font faifies de la Ville
même d'Hildesheim
fous prétexte que le Chapitre
n'avoit pas executé
une convention qu'il avoit
faite avec ce Duc , depuis
la mort du dernier Evêque
d'Hildesheim .
Les Lettres de Conftantinople
du 8. Janvier , portent
qu'on n'y a jamais veu
de fi grands préparatifs de
guerre ; que les Turcs met
82 MERCURE
2
troient en mer une Flote
de deux cens cinquante
voiles , fur laquelle on embarqueroit
vingt mille
hommes que le Grand-
Vizir alloit tous les jours
vifiter les Magazins , l'Arcenal
, & les Chantiers ;
que tous les Bachas avoient
ordre de fe rendre incef
famment au quartier d'affemblée
, à peine de la vie ,
& qu'il y en aura plus de
quatre-vingt qui ameneront
des Troupes nombreuſes
; qu'on avoit conftruit
quatre Ponts fur le
GALANT . 83
Danube, & que les Hofpodars
deValaquie & deMoldavie
avoient ordre d'af
fembler un grand nombre
de Chevaux & de Boeufs
pour voiturer les vivres &
l'artillerie.
Nouvelles
d'Espagne.
Lettre de Girone du to .
Février.
La
a terreur qui regne icy
depuis la bataille de Villaviciofa
a été changée en joye par
l' Amnistie que le Roy d'Eſpagne
a eu la bonté d'accorder
84 MERCURE
aux habitants , ainfi qu'à ceux
de tous les lieux qui rentreront
fousfon obéiffance. Les Ennemis
pour exciter les Bourgeois
à prendre les armes , leur avoientfait
entendre qu'ils
devoient efperer aucun pardon,
&que fi nous nous rendions
maiftres de la Place , ils feroient
tous punis feverement.
Ils ont efté trompez agréablement
dans leur attente , & la
douceur avec laquelle on les a
traitez produit de bons effets .
Ceux que la crainte avoit obligez
de fe refugier ailleurs reviennent
avec leurs familles
GALANT. 85
leurs meilleurs effets qu'ils
avoient
emportez ; & les habitants
de la
plupart des
Bourgs & Villages de la Viguerie
de Girone qui eft fort
eftenduë , & qui estoientprefque
deferts , retournent auffi
de la
chez eux , ainsi que ceux
Plaine de Vich & des Montagnes
, qui viennent prefter
ferment de fidelité.
86 MERCURE
SUR LA PRISE
de Girone.
Par Mr le D. de N.
O D E.
Mufes , fur la lyre éclatante ,
Où vous celebrez les vainqueurs,
Chantez la valeur triomphante
D'un heros ami des neuf Soeurs .
Mèlez vos fleurs tousjours nouvelles
,
A ces couronnes immortelles >
Dont Mars ceint fon front glorieux.
Noaille iffu d'unfang illuftre
Vient d'ajouter un nouveau
Luftre
A la gloiredefes Ayeux.
GALANT. 87
Impatient du jourcelebre
Qui doit affermirungrand Roy,
Je le vois prés des bords de l'Ebre
Où fa valeurfeme l'effroy.
Il marche il attaque Girone,
Et déja fa foudre qui tonne ,
Frappe ces orgueilleux remparts,
Pourle falut de l'Iberie ,
Prodigue de fa belle vie >
Il vole au milieu des hazards.
En vain des rochers formidables
,
Qui fembloient braverJupiter , *
Surfes bataillons indomptables
Font pleuvoir la flame & lefer.
En vainfous cent formes tèrribles
,.
Ces boulevars inacceffibles
* Il y a des Autheurs qui croyent que c'eft
dans cette partie de l'Espagne , que les
Geants furent foudroyez.
88 MERCURE
Prefentent le trouble & la mort.
Jeune beros , quelle barriere
Pourroit de ton ardeurguerriere
Arrefter le noble transport ?
Girone fans eftre effrayec
Voit tomberfes fuperbes Tours ,
Prefque abatue & foudroyée
Elle efpere & combat tousjours .
A te refifter obstinée
Elle croit de fa destinée
Reculer les momens preferits.
Elle ofe de fes mains rebelles
Former des barrieres nouvelles ,
Et faire un murdefes débris .
Mais qu'apperçoy -je ? lavictoire
Prête à voler fous tes Drapeaux
Voit le fort jaloux de ta gloire ,
Liguer & les vents & les eaux.
Le
GALANT . 89
Ze Ter débordé dans la plaine¸
Oppofe à l'ardeur qui t'entraine
Des monts liquides & flottans.
Mais animé par les obftacles ,
Tu fais par de nouveaux miracles
,
Triompher du fort & du tems.
Tu commandes, & tes cohortes
Promptes à marcher fur tes pas ,
Franchiffent ces murs & ces portes
,
Que viens defoudroyer ton bras.
Victime de fa refiftance ,
Girone , qui craint ta vengeance,
Reconnoift fa temerité.
Arrefte vainqueur magnanime ;;
Elle cede au feu qui t'anime
N'écoute plus que ta bonté.
Elle a diffipé les alarmes
Mars 17.11 .
H
. MERCURE
Où s'abandonnoient les vaincus,
Surpris du pouvoir de tes armes ,
De tes bontezils font confus.
Tel on vit ton illuftre Pere ,
Defarmantfajufte colere ,
Charmerceux qu'il avoitfoumis .
Là mefme , où tu cours à lagloire
,
Le plus douxfruit de fa victoire
Fut d'épargnerfes ennemis.
Filsgenereux que l'on admire ,
Et dans la Guerre & dans la
Paix .
Souftien de l'Iberique Empire ,
Quels feront un jour tes hauts
faits !
Forme fur defages maximes ,
De fes connoiffances fublimes ,
Minerve inftruifit ta valeur.
En naiffant fameux Capitaine ,
GALANT. 91
Une entrepriſefi hautaine
Eft leffayde tonjeune coeur.
Remplis tes grandes destinées
Qui feront pallir le Germain
Le prélude de tes années
En eft le préfage certain.
Nous te verrons avec Vendofme
>
Dans l'un & dans l'autreRoyau
me ,
Rappeller la Paix & les Jeux.
Girone à Philippe foumife ,
Garantit la haute entrepriſe ,
Qui nous promet des jours heureux
.
L. MAUMENET.
Nos Troupes ont effe mifes
dans de bons Quartiers de ra-
Hij
92 MERCURE
T
fraichiffement qui s'eftendent
fort avant dans la Plaine. On
travaille icy avec beaucoup de
diligence à remplir de grands
Magazins , Girone devant
nous fervir de Place d'Armes
pour aller en avant ; mais ce
a
les Troune
fera qu'après que
pesfe feront repofees , & que
tous les Magazinsferont bien
fournis.
D'autres Lettres portent
qu'on avoit trouvé dans
cette Place cinquante
pieces
de canon de bronze >
plufieurs de fer , foixante
GALANT. 93
& dix milliers de poudre ,
& une grande quantité de
provifions
; que les Troupes
Efpagnoles
ont pris
difcretion la Ville & le
Chafteau de Morella , fur
les confins du Royaume de
Valence & de la Catalogne
, Graus , Benavari , &
le Chafteau de Miravet ;
& qu'elles avoient reduit à
F'obéïffance tout le Pays de
Ribagorça
; qu'on avoit
trouvé dans Morella fept
pieces de canon , quatre
Mortiers , cent barils de
poudre , quatre cent bou94
MERCURË
lets , vingt-cinq caiffes de
balles de fufils , trois cent
cinquante Fufils ou Mouſ
quets des Bombes , &
plufieurs autres attirails de
guerre ; que Mr le Marquis
de Valdecanas , aprés
avoir chaffé les Ennemis
de tout le Pays de Ribagorça
, avoit paffé la Ribagorçana
& défait dans la Conca
de Trems quinze cent
Miquelets qui vouloient
s'opposer à fon paſſage .
Que Mr de Vendofme
avoit donné les ordres pour
préparer toutes les chofes
GALANT.
95
neceffaires à un fiege , &
qu'il devoit partir au pluftoft
pour aller joindre l'armée
où les recruës arrivoient
de toutes parts ;
qu'on levoit plufieurs Regiments
nouveaux dont
l'un portera le nom de Picmont
& l'autre celuy de
Sicile ; que Mr le Comte
d'Aguilar avoit donné les
ordres pour faire faire ſoixante
mille habits , un pareil
nombre de paires de
Souliers , autant de Bas & .
de Chapeaux , & le double
de Chemiſes & de Crava96
MERCURE
tes ; & que les Eglifes
, les
Communautez
>
& les
Grands , faifoient à l'envi
des dons gratuits à fa Majefté
Catholique.
Du Camp de Villalva
le 1. Février .
Les deux tiers de noftre
Armée doit paffer la Segre le
15.au Pont de Leridafous les
ordres de Mr le Marquis de
Valdecanas
& de Mr le Com-
ح و ن
te Mahoni & Mr le Che- ;
valier de Croix paffera cette
mefme Riviere , l'Ebro , &
la
GALANT .
97
la Cincaproche de
Mequinença
pour aller camper à la Granca
; le 16. à Torre de Segre ,
d'où il continuera fa marche
jufqu'à
Montblanc
où il eftablira
fa droite ;fagauche joindra
la droite de Mr de Valdecanas
dont la gauche qui fera
à Igualadafera à portée defe
joindre à la droite de Mr le
Duc de Noailles . Dans cette
fituation nous ferons maistres
des deux tiers de la
Catalogne,
& nous refferrerons
beaucoup
l'Ennemy
dans Barcelone
.
Mars
1711 .
I
2 & IMERGURJE
Fragment
d'une autre
Lettre.
Les Troupes du Roy en
s'approchant de Balaguere ont
déterminé la garnifon à l'abandonnerfur
les quatre heures.
On a trouvé dans Balaguere
quelques munitions¸
huit Canons avec deux Mortiers.
On a pris de cette Garnifon
environ deux cent hommes
qui ſe répandoient dans le
pays. Ily a quelques Lettres
l'Archiduchef-
GROUPS
portent
que
Te embarquée.
YON
*1893*
GALANT.
THEQUE
HOLIO
THE
LYON
Dons du
Royd'
Espagne.
Le
Roy
d'Espagne a
a
DELIVILLE
donné la Toifon à Mr le
Comte d'Eftaire , de l'illuftre
Maiſon de Montmo .
rency , & à Mr de Beaufremont
de l'illuftre
Maiſon
de ce nom . Il est frere de
feu Mr le Marquis de Liftenoy
, tué dans Aire au
dernier fiege.
Le Roy d'Efpagne a fait
le Prince de San Buono ,
qui eft depuis huit ans fon
Ambaſſadeur à Venife ,
I ij
100 MERCURE
Grand d'Espagne de la
premiere claffe , en confideration
de fa fidelité &
de fes fervices,
ARTIC.LE
des Morts.
Don Diego MefiaPhilippe
de Gufman , Marquis
de Leganez , Grand
d'Efpagne , & c . eft mort à
Paris le 28. Février 1711 .
Don Jofeph de Linas ,
Archevêque de Taragone ,
cy- devant General de l'Ordre
de la Mercy , eft mort
GALANT . 101
à Barcelone. L'Archiduc l'y
avoit fait conduire , & confifquer
tous les biens à caufe
de fa perfeverance de fidelité
pour Philippe V. Il
a donné des marques de
zele pour fon Roy legitime
jufqu'au dernier jour
de fa vie. Il a ordonné que
fon corps feroit tranſporté
à Saragoffe , où il avoit fait
baftir un magnifique Mo ,
naftere & fondé une Bi.
bliotheque publique.
REMARQUES.
Tarragone , Ville d'Ef
I iij
102 MERCURE
pagne , dans la Principauté
de Catalogne , en Latin
Tarraco. Elle eft à 15. lieuës
de Tortofe , à 18. de Barcelone
, entre l'une & l'autre.
Ville , & fituée fur le penchant
d'une colline jufqu'au
bord de la mer , où
eft fon port , qui n'eſt bon
que pour les Barques , à
caufe de quelques rochers
où de plus gros Baftiments
pourroient fe brifer. Les
Efpagnols l'appellent Pucelle
, & difent qu'elle n'a
jamais efté prife. On tient
que cette Ville a efté baſtie
GALANT. 103
par les Scipions , qui y firent
faire divers ouvrages
fa défenfe .
pour
Le Duc de Medina Celi
eft mort dans le Chasteau
de Navarins. Il avoit efté
Ambaffadeur
à Rome , &
Viceroy de Naples.
1
Louis , Marquis d'Eftrade
, fils du feu Maréchal
d'Eftrade , Commandeur
des Ordres du Roy , mourut
le &la
Mairie de Bordeaux a esté
donnée au Comte d'Eftrade
, fon fils , Lieutenant
General des Armées du
Roy.
I iiij
104 MERCURE
Le Prince François - Marie
de Medicis , frere du
Grand Duc de Tofcarie ,
15.
né le Novembre 1660 .
qui avoit efté nommé Cardinal
le 2. Septembre 1686.
s'eftoit trouvé à l'entrée du
Roy d'Efpagne à Naples ,
avoit accompagnéSaMajeftéCatholiquejufqu'à
Final
avec les Galeres de Tofcane
en 1702. avoit efté nommé
Protecteur des Affaires
de France & d'Espagne à
Rome en 1703. avoit remis
le Chapeau de Cardinal ,
le 19. Juin 1709. & avoit
GALANT . 10;
épousé le Juillet fuivant
d'une
la Princeffe Eleonore de
Gonzague- Guaftalle mourut
le 3. Février
hydropifie de poulmon ,
fans laiffer de pofterité .
1711 .
Le Baron de Smettau ,
Envoyé & Plenipotentiaire
de l'Electeur de Brandebourg
auprés des Eftats
Generaux , mourut à la
Haye le 5. Février . Il y avoit
dix - neuf ans qu'il eftoit
en Hollande
avec
la qualité d'Envoyé , & il
avoit efté nommé Plenipotentiaire
il y a quelques.
années.
د
106 MERCURE
*
Mr le Comte Gentilé ,
cy - devant Envoyé de la
Republique de Genes à la
Cour de France , mourut à
Genes le 2. Février. Il eftoit
d'une des plus anciennes
Maifons de la Republique.
Pierre Kanfotte , General
des Chanoines Reguliers
de Sainte Croix , eft
mort à Huy en Flandres ,
le IS. de Février dernier.
REMARQUES.
Ce fut le bienheureux
Theodore de Celles , ChaGALANT.
107
noine de la grande Eglife
deLiége qui renouvella cet
Ordre en Allemagne. Il
choifit pour ce fujet un
endroit fort élevé dans un
Fauxbourg d'Huy , appellé
Clair-lien , où il y avoit autrefois
une Chapelle de S.
Thibaut. Cet Ordre dont
le premier Inſtituteur eft
faint Gutriace , qui trouva
la fainte Croix par le commandement
de fainte Helene
mere du Grand Conftantin
, ayant été renouvellé
& approuvé ſous Innocent
III. au Concile de
108 MERCURE
Latran , fut confirmé en
1248. fous la Régle de S.
Auguſtin , par le Pape Innocent
IV . au Concile de
Lyon en France . Sainte
Odile eft laPatrone de tout
l'Ordre. Le Chef & le premier
Convent eſt à Huy
& le General a couftume
d'y faire ordinairement fa
réfidence .
Frederic- Guillaume Ketler
, Duc de Curlande &
de Semigall , & c. ayant
eſté attaqué d'un fievre
chaude en retournant dans
fes Eftats mourut le 20. de
GALANT. 109
Février de cette année 17 11.
Il avoit épousé le 13. Novembre
1710. la Princeffe
Anne, fille unique du Czar
Jean , Grand Duc de Mofcovie
, & niece du Czar
Pierre aujourd'huy regnant.
Le Prince Ferdinand
de Curlande , fon oncle ,
qui a embraſſé la Religion
Catholique depuis quelques
années , a pris poffeffion
de fes Eftats , à quoy
le Czar ne veut pas confentir,
ne luy voulant accorder
que la qualité d'Adminiftrateur
jufqu'à ce que l'on
110 MERCURE
fçache fi la Ducheffe de
Curlande , fa niece , eft enceinte.
REMARQUES.
La Curlande ou Courlande
, eft une Province de
Pologne dans la Livonie.
Elle appartenoit autrefois
aux Chevaliers de Livonie,
qui l'avoient conquiſe fur
les Idolatres : mais Gottar
de Ketler , dernier Grand-
Maistre de cet Ordre , ayant
embraffé l'herefie de
Luther, s'empara de ce Pays
GALANT. 111
dont il fit hommage à Sigifmond-
Augufte, Roy de
Pologne , auquel il ceda
tous les droits qu'avoit eu
fon Ordre , à condition
qu'il porteroit le titre de
Duc de Curlande , & que
fes defcendants luy fuccederoient
, aprés en avoir
reçu l'inveftiture des Rois
de Pologne , ce qui a duré
jufqu'à prefent. Les Villes
principales de ce Duché
font Goldingen , & Windau
, qui eft le lieu ordinai
re de la refidence des Ducs .
Le P. N. Fraffen , Car112
MERCURE
delier , fi connu par plufieurs
Ouvrages de pieté &
d'érudition , eft mort dans
le Grand Couvent deParis ,
âgé de 91. ans , aprés avoir
paffé par toutes les dignitez
de fon Ordre. Le Pere
Fraſſen avoit une grande
connoiffance des affaires
Ecclefiaftiques , fur tout
pour ce qui regarde les Ordres
Religieux ; auffi Son
E. Monfeigneur le Cardinal
de Noailles l'avoit fouvent
employé à ces fortes
d'affaires , dont il s'eftoit
toûjours acquitté au contentement
GALANT . 113
tcntement de tout le mon
de. Il étoit d'une fimplicite
& d'une modeftie admirable
, affable , doux , honnefte
, ce qui luy attiroit l'eftime
& l'amitié de tous
ceux qui le connoiffoient.
Euſtache le Noble , Earon
de S. Georges , ancien
Procureur General au Parlement
de Metz , mourut
à Paris le
Février 1711.
3 .
âgé de 68. ans. Le grand
nombre de fes Ouvrages
fait voir l'eftenduë de fon
efprit & fa grande facilité
à écrire.
Mars 1711.
K
114 MERCURE
REMARQUES.
Il a fait une traduction
des Pfeaumes avec de peti-.
tes reflexions fur chaque
verfet, &il joignit à cetouvrage
un autre de meſme
gouft ; c'est l'efprit de David
, & le dégouft du monde
: mais fon talent eftoit
d'écrire des Nouvelles , &
de petites Hiftoires particulieres
; il a fait auffi plufieurs
Pafquinades pendant
le temps de la derniere
guerre & les commenceGALANT
. 115
ments de celle-cy. On a de
luy encore plufieurs autres
Ouvrages , la Grote des
Fables, fesContes & Fables,
fes Voyages de Chaudray ,
& de Falaife , le Gage touché
, Ildegerte, Zulima,Abramulé
, la fauffeComteffe
d'Ifambert , Mylord Courtenay
ou les amours d'Elifabeth
, Reine d'Angleterre
; le Chevalier Balthazar,
l'histoire d'Hollande , la
conjuration des Pazzi , Efope,
les deux Arlequins , le
Sceau enlevé , & plufieurs
Nouvelles Afriquaines
Kij
116 MERCURE
ainſi que plufieurs autres
Entretiens politiques & Satyriques
mais fon meilleur
Ouvrage dans ce genre
eft fon Ecole du Monde.
Son ſtile eftoit vif, hardy ,
& figuré , mais dur & negligé.
MARIAGES.
François -
Armand-
Louis de Vignerod
du Pleffis
, Duc de Fronfac , fils
d'Armand -Jean de Vignerod
du Pleffis , Duc de Richelieu
, Pair de France ,
GALANT. 117
Chevalier des Ordres du
Roy , &c. & d'Anne Marguerite
d'Acigné, a épousé
le 12. de ce mois Anne-
Catherine de Noailles , fille
de feu Jean-François ,
Marquis de Noailles , Lieutenant
General au Gouvernement
d'Auvergne , & de
MargueriteTherefe Roüillé
de Meflay , aujourd'huỷ
troifiéme femme du Duc
de Richelieu .
118 MERCURE
Remarques
fur le Duché
·de Fronfac
.
Fronfac , appellé par
les Latins Fronciacum Francum
ou Franciacum , eſt un
Bourg avec un vieux Chafleau
en Guienne fitué fur
une Montagne fort eſcarpée
, affez prés de la Dordogne
, à cent lieuës de
Bourdeaux . Aimoin &
Eghinart parlent de Fronfac
, & difent que Charlemagne
y fit baſtir une Fortereffe.
Il fut érigé en DuGALANT
. 119
ché par Henry IV. en Janvier
1598. Ce Duché paſſa
dans la Maifon de Louis
II . Prince de Condé par
fon mariage avec Claude
de Maillé , Ducheffe de
Fronfac , Marquife de Brezé
, & depuis il eft venu au
Duc de Richelieu dont fon
fils unique porte le nom .
Marc- Antoine Front de
Beaupoil de Saint Aulaire
, Comte de Lanmaric ,
Grand- Echanfon de France
fils de feu Loüis de
Beaupoil de Saint Aulaire ,
Grand- Echanfon de Fran120
MERCURE
ce , & Lieutenant des Gendarmes
de la Reine , mort
à Cazal- major le 22. Juillet
1702. fervant fous Mr
de Vendofme en Italie
époufa le 12. Mars 171г.
Neret , fille de feu Jean-
Pierre Neret de la Ravoire,
Seigneur de Beaurepaire ,
& c. Grand-Audiancier de
France , & Treforier - General
de la Marine . Louis
de Beaupoil avoit épousé.
Jeanne -Marie Perrault
Dame de Milly en Gaſtinois
, & c . Feu Monfieur
de la Ravoire avoit épousé
GALANT . 121
sé Anne de Valicres .
François Foucault , Marquis
de S. Germain Beau-
Gouverneur de la
pré
Haute & Baffe Marche ,
époufa le 11. Mars 1711 .
Anne- Bonne Doublet de
Perfan , fille de Nicolas
Doublet , Seigneur de Perfan
, Confeiller au Parlement
, & de Bonne-Urfule
Garnier de Salins . Mr le
Marquis de Saint Germain
Beaupré , pere de l'Epoux,
avoit le
Gouvernement de
la Marche .Le Roy l'a don-*
né au fils , & a donné la
Mars 1711 . L
122 MERGURE
furvivance au pere,
Gilles Marie Maupeou
d'Ablege , Maiſtre des Requeftes,
fils de Gilles Maupeou
, Seigneur
d'Ablege
,
Maiftre des Requeſtes Honoraire
, & de
Guillemain de Courchamps
, a épousé
fille d'André Jubert ,
Seigneur de Bouviles , Confeiller
d'Eftat ordinaire , &
de la fæcur de Mr Deſmarets
, Controlleur General
des Finances .
Gilles Huet , d'une ancienne
Famille de la Ville
de Brie , a épousé le 9. de
GALANT . £ 23
Février, Anne-Magdelaine
Richelet , fille unique de
feu Pierre Cefar Richelet ,
Avocat en Parlement , fi
connu parmy les Sçavants
par un grand nombre
d'Ouvrages qu'il a donnez
au Public.
REMARQUES.
Il eft Auteur de la vie
des Poëtes François , Ouvrage
que Mr L.... a donné
au Public depuis quelques
années , d'une maniere
plus complete que celuy
de Mr Richelet . Nous a-
Lij
124 MERGURE
1
vons du même Autheur
un nouveau
Dictionnaire
de Rimes ; un Livre intitulé
la Florine ; un Recuëil
de Lettres de differents
Auteurs , qu'il fit imprimer
en 1689. pour fervir de
modeles dans les differents
genres Epiftolaires
. C'eſt
dans les remarques
fur ces
Lettres qu'il porta fon jugement
fur celles de Buffy,
de feu Mr Arnauld
d'Andilly
, du Chevalier
d'Herbelot
, de Conrart , & c.
Celui de fes Ouvrages
qui
luy a attiré plus de reputation
c'eft fon Dictionnaire
GALANT . 125
de la Langue Françoiſe où
ila mellé beaucoup de litterature
& plufieurs étymologies.
Il a fait d'autres
Ouvrages qui ne font pas
imprimez , comme un Di-
&tionnaire burlefque & fatyrique
, & une Grammaire
Françoife & Poëtique
que Mr Huct fon gendre
fe prepare de donner au
Public.
Feu Mr Richelet eftoit
fils de Jean Richelet , Seigneur
de Signi , & petit- fils
de Nicolas Richelet , celebre
parmi les Autheurs de
Lij
126 MERCURE
fon temps , par quantité de
bons Ouvrages : c'eft luy
qui a commenté les Oeuvres
de Ronfard.
INONDATIONS.
Inondation de Geneve.
>
Le degel & la fonte
des neiges firent enfler de
forte la petite riviere d'Aire
& luy donnerent un
cours fi rapide , que le 12 .
du mois de Février elle fit
retrograder le Rhone dans
le Lac , & fit tourner à contre
fens , pendant tout un
jour , les rouës des MouGALANT.
127
lins & des machines qui
fervent aux Fontaines publiques
, ce qu'on n'avoit
jamais vû .
Le Rhone devint fi enflé
par le concours de plufieurs
rivieres qui s'y jet .
tent , qu'à l'endroit où il
fe joint avec la Saone , il
tenoit une demi-lieuë : mais
ce qui eft de plus remar
quable , c'eft qu'il traver .
foit le Lac de Geneve dans
toute fa longueur , ſans ſe
mefler à fes eaux , tant l'impetuofité
avec laquelle il y
entroit étoit grande . Un
Liiij
128 MERCURE
pareil évenement n'auroitil
pas donné lieu à la Fable
du Fleuve Acis qui eftant
devenu amoureux de la
Nymphe Galatée , alla la
chercher jufques dans la
Sicile , fans mefler fes eaux
celles de la mer .
De
Lyon.
Fonction
du Rhone
5 de
la Saone à
Lyon le 23 .
Fevrier , veille de S.
Matthias , dans la
Place appellée Confort.
La veille de la Feſte
GALANT . 129
de S. Matthieu , aprés minuit,
le Rhone avec la Saone
furent entièrement débordez
, contre les effets ordinaires
de ce fleuve & de
cette riviere qui ne groffiffent
que dans l'intervalle
de quelques jours . Le lit du
premier , qui termine la
Ville de Lyon du coſté de
la Province de Dauphiné ,
& celuy de la Saone qui
coule au milieu de la Ville,
fe joignirent dans la Place
de Bellecour & celle de
Confort , avec une fi grande
abondance d'eau , que
toute la partie de cette Vil130
MERCURE
le qui fe trouve entre ces
deux Places jufques dans la
ruë Merciere , fut fi fort
inondée que toutes les maifons
ne purent plus fe communiquer
que par bateaux.
On n'a pas de peine à concevoir
le defordre que cela
a causé dans tout ce quartier
par l'interruption du
commerce , & le demenagement
des boutiques où
plufieurs marchandiſes furent
mouillez Les Eglifes
des Jacobins , des Celeſtins,
& de la Charité en ont le
plus fouffert. Le vieux Arfenal
qui eft voifin de la
GALANT. 131
Saone a efté preſque tout
inondé.Heureuſement toute
l'Artillerie & les munitions
deguerre avoient efté
tranfportées depuis peu
d'années dans le nouvel
Arfenal bafty par les foins
de Mr le Maréchal de Villeroy
, noftre Gouverneur.
Le Pont de bois de Bellecour
a efté prefque tout
emporté , ainfi que quantité
de maifons du Fauxbourg
de la Guillotiere.
Ce qu'il y a de remarqua
ble , c'eſt qu'on a obſervé
par une Inſcription gravée
fur une Pyramide , baſtie
132 MERCURE
detemps immemorial dans
le milieu de la Place de
Confort , que le Rhone &
la Saone ne s'eftoient pas
joints dans cette Place depuis
l'an I554. & que par
les mesures de la hauteur
où l'eau monta alors , on a
verifié que cette derniere
inondation a ſurpaſſé l'autre
d'un pied & demy.
A l'égard de Paris , il
n'y a pas eu d'effets fort
extraordinaires . L'inondation
& l'eau n'a eſté qu'à
trois pieds & demi prés du
marbre qu'on a mis dans le
Cloitre des Celeſtins
,pour
GALANT. 133
marquer
la hauteur de l'eau
en Février 1658 J'attendois
des remarque
fur les ravages
qu'a fait la Loire , je ne
les auray que pour le mois
prochain
.
Ceremonie faite par l'Electeur
de Cologne.
Le Sereniffime Electeur
du S.Empire Romain,
Jofeph- Clement , Archevefque
de Cologne , Legat
né du S. Siege Apoſtolique
, & c. celebra à Paris
pontificalement le 9 .
vrier 1711. fa milliéme
Fé434
MERCURE
Meffe , fuivant un uſage
pieux obfervé parmy les
Prelats d'Allemagne . Pour
cet effet ayant envoyé un
de fes Officiers prier de fa
part Mgr le Cardinal de
Noailles d'avoir agreable
que pour cette celebration .
ce Prince put officier
pontificalement
dans fon Diocefe
, fon Eminence répondit
que Son A. S. pouvoit
difpofer de toute fon autorité
qu'elle luy remettoit
avec un extrême plaifir .
L'Eglife du Val de Grace
ayant efté choifie , Son A.
S.s'y renditle 9.de Février,
GALANT. 15
& aprés avoir ſalué l'Abbeffe
à fon parloir , il entra
dans l'Eglife fuivi d'un
grand nombre d'Ecclefiaftiques
, & de fes Officiers ,
& eftant monté fur un
throne preparé du cofté de
l'Evangile , il fut reveſtu
de fes habits Pontificaux ,
& celebra la Meffe chantée
par la Mufique fous la conduite
du Sieur Beauregard ,
Maistre de la Mufique de
la Chapelle de ce Prince.
On remarqua trois choſes
fingulieres dans cette Meffe
; la premiere c'eſt qu'aprés
la Communion , Son
136 MERCURE
A. S. entonna le Te Deum
qui fut continué par la
Mufique ; la feconde que
pendant que l'Electeur donnoit
les benedictions , l'Af
fiftant cria à haute voix ,
humiliate vos ad benedictionêm
; la troiſiéme & la plus
remarquable
croyoit ne s'obſerver qu'à
l'exaltation du Saint Pere ,
c'eſt qu'aprés la Meffe les
Prince eftant remonté fur
le throne reveſtu pontificalement
, le Preftre affiſtant
placé du cofté de l'Epiſtre
luy dit à haute voix , ad
> &
qu'on
multos
GALANT . 137
multos annos , & s'eſtant avancé
à trois repriſes , il
alla luy baiſer la main , &
recevoir fa benediction , ce
que firent auffi tous ceux
de fa Cour. Aprés la Meffe
Son A, S. alla du coſté de
la grille où repofent les
coeurs de la Reine & de Me
la Dauphine , fa foeur , où
il fit fa priere pour le repos
de leurs ames.
Hiftoire generale de la Fonderie
des Lettres & de l'Imprimerie
, par PIERRE COT,
Fondeur, & Imprimeur- Libraire
ordinaire de l'Academie
Mars
1711 .
M
138 MERCURE
Royale des Infcriptions &
Médailles . Volume in 4° . que
l'on doit mettre inceffamment
fous la Preffe , à Paris.
L'Ouvrage eft divifé
en trois Parties.
I.
1. ON traite dans la premiere
de l'origine de l'Ecriture
, & de fes & de les progrez
.
Aprés avoir parlé des Caracteres
dont les hommes
fe font fervis dans les premiers
temps , on en donne
des Tables expliquées ,
tant des Caracteres fymboliques
de quelques Peuples
, que des alphabeti
?
GALANT . 139
ques des autres Nations.
En traitant de l'établiffement
de plus anciennes
Bibliotheques , & des Manufcrits
dont elles étoient
compofées , on examine
ce qui peut fervir à juger
de ancienneté
de ces
Manufcrits . Cela conduit
à ce qui regarde la méchanique
de l'ancienne
Librairie des Grecs , & des
Romains , les Ecrivains
ou Copiſtes des Livres
aufquels les Imprimeurs
ont fuccedé .
2. La feconde Partie a
Mij
140 MERCURE
pour objet la Méchanique
de la Fonderie des Cara-
&teres , & celle de l'Imprimerie.
L'on y décrit de
quelle maniere , & quand
ces deux Arts ont été inventez
. L'on y parle de la
Gravûre ou taille des Poinçons
de Lettres en acier ,
des Matrices en cuivre , &
des Moules pour fondre
les Lettres. Les differens
Caracteres que l'on a employé
, & que l'on employe
actuellement dans l'impreffion
des Livres , s'y
trouvent placez chacun
dans leur ordre, avec les
*
GALANT. 141
Hiſtoire. On explique en
paffant la maniere de graver
fur le cuivre , à l'Eauforte
, au Burin ; d'imprimer
en Taille douce. Celle
graver fur
de
1
fur le Bois , ou
de buriner fur les Métaux
n'y est pas oubliée non
plus que la maniere d'imprimer
des Chinois. Enfin
l'on y joint des remarques
fur la Compofition du
Métal des Lettres fonduës
: fur les Caracteres de
Plainchant & de Muſique:
fur les figures d'Aftronomie;
les Signes de Chymie,
& de Medecine : fur les
+
142 MERCURE
Notes des Jurifconfultes ,
& fur les Abbreviations
anciennes .
3. La troifiéme Partie
regarde uniquement le travail
de l'Imprimerie , c'eſtà-
dire , les difpofitions neceffaires
pour l'ornement
des Ouvrages : La figure des
differentes Impofitions :
Les Marques dont les Auteurs
fe fervent pour corriger
les Epreuves : La maniere
de compofer l'Encre
. La defcription de la
Preffe , des Caffes , & de
plufieurs autres Uftanciles
qui concernent le fait de
GALANT . 143
de Caractel'Imprimerie.
L'on donne
une idée de ce que les plus
habiles Fondeurs en Lettres
, & Imprimeurs ont
fait de plus excellent en
chaque genre
re. L'on y fait connoître
ceux qui fe font diftinguez
par la beauté ou la corretion
de leurs Ouvrages
,
par leurs fçavoir dans les
belles Lettres , & dans les
recherches
d'Antiquité.
L'on y voit avec quel foin
les Papes , les Empereurs,
& les Rois ont foûtenu
l'Imprimerie , & les dépenfes
qu'ils y ont faites. L'on
144 MERCURE
y traite de l'Approbation
des Livres , des Marques
des Libraires , des Privileges
, & de tout ce qui y a
rapport. L'on donne une
Lifte generale de toutes les
Villes où il y a eû des
Livres imprimez ; & l'on
finit par un Dictionnaire
des Termes propres aux
Arts de la Fonderie des
Lettres , de l'Imprimerie ,
& de la Librairie , & aux
autres Arts qui en dépendent.
Cet Ouvrage eft
preft à metre fous la Pref
fe,& il y aura plus de 100 .
Planches.
ནོ་
GALANT. 125
********************E
III PARTIE
DU MERCURE .
HISTORIETTES
& autres Amuſemens.
JUGEMENT d
Procés de la petite fille
à deux meres
dont
j'aiparlédans le Mer
cure de Novembre.
2
De Lion ce 20 Fevrier.
Ilferoit inutile de vous
envoyer un difpofitif en-
Mars 17 1 1.
N
126 MERCURE
nuïeux de la Sentence rendue
au fujet de la petite
fille à deux meres , fuffit
de vous dire que
mariée a efté recenë à
.
la mere
prouver
les faits par elle
articule,z au procés ;fçavoir
qu'elle avoit efte
groffe
, qu'elle
avoit
à
laité l'enfant , &c. mais
par proviſion
l'enfant
a
efter mis entre les mains
de la merefille , qui le reclamoit,
& cela termine
Le procés ; parce que la
GALANT. 127
mere mariée dit qu'elle n'a
pas le moyen de pourſuivre,
& l'on fçait dans
la Ville , qu'outre qu'el
le n'a pas de preuves fuffifantes
, le pere qui estoit
fi curieux d'avoir lignée ,
n'a plus de gouft pour un
enfant équivoque ain
fi l'on croit que les chofes
en demeureront là : au
refte , vous m'avez demandé
avec inftance les
particularitez
fecrettes de
Nij
128 MERCURE
ce que vous appellez
, dans
voftre
Mercure
. La circonſtance
la plus étonante
de toute l'Hiftoire
l'on a vu la timi
de Angelique
cacher
en tremblant
les fuites de
fon mariage
fecret , & on
la voit à preſent
reclamer
publiquement
le témoin
de fa faute . Elle ne craint
plus de publier
fa honte;
ce changement
ne paroît
pas vrai-ſemblable
, & c.
Je vous envoye
, MonGALANT.
129
fieur , les raifons fecrettes
quircndent cet éclat vraifemblable
, vous ajufterez
ces verite,z aus refte de
l'Hiftoire. Jefuis , &c.
FIN
De l'Hiftoire de Cleonte
& d'Angelique.
Angelique n'avoit eu
aucunes nouvelles de fon
cher Cleonte , depuis qu'el
le l'avoit vû partir pour
aller obtenir de fon pere
Niij
130 MERCURE
la permiffion d'achever
ce mariage dont le commencement
avoit eſté
trop précipité ; Cleonte
en partant de Lion eftoit
rempli d'amour & de
reconnoiffance
;
mais
tout cela fe refroidit un
y
peu ſur les chemins
; il
a cent lieues de Lion à
Paris › peu de jeunes
Cleontes
peuvent
porter
fi loin un violent
amour
fans en rien perdre
, & fur tout un aGALANT.
131
mour heureux ; celui- ci
aimoit pourtant encore
Angelique en arrivant à
Paris , mais il y trouva
fon pere
mort , il falut
heriter
de cent mil écus ;
il fut fi occupé
du plaifir
& de foins de cette groffe
fucceffion
, qu'il n'eut pas
le loifit
de penfer
davantage
à Angelique
.
Aprés
un oubli de quelques
années
Cleonte
tomba
malade
de la maladie
dont
il mourut
, &
N iiij
132 MERGURE
avant ſa mort un de fesamis
lui aprit qu'il eftoit
refté à la pauvre Angelique
un gage vivant de
l'amour qu'elle avoit eu
pour lui ; il eſtoit honnefte
homme à l'inconfcontance
prés , & de plus
il alloit mourir , il écrivit
de fa main une espece
de Teftament,par lequel
il époufoit Angelique
en laiffant vingt mille
livres , dont la merejouira
jufqu'à la majorité de
,
GALANT. 133
l'enfant , & de plus une
forte penfion à la mere
fa vie durant.
Cleonte mourut enfuite
, & fur cette nouvelle,
Angelique fut agitée de
divers mouvemens
, elle
apprend que fon cher
Cleonte eft mort ; mais
elle l'avoit cru inconftant
; c'eft encore pis
pour une femme; joignez
à cela le mariage pofthume
qui repare fon
honneur , elle doit eſtre
34 MERCURE
un peu confolée ; quoi
qu'il en foit , ces raiſons
l'ont obligée à reclamer
la petite fille , & à faire
cet éclat qui ne paroiffoit
pas vrai- feinblable dans
une fille fage & modeſte .
GALANT 135
CHANSON
contre le Caffé.
Sur le même Air des
Bourgeois de Chaftres
& de Mont- l'hery .
Quelle
bizarre verve
M'avoit donc échauffé?
En dépit de Minerve
Fay chanté le Caffé:
Les Dieux ont rebute
Cette boißon brûlante
;
36 MERCURE
L'amertume qu'elle a
la , la ,
Nepeut que chez Pluton
don , don ,
Meriter qu'on la chante.
Dans les enfers Orfée
Entrantfort alteré,
Grogonne mal coëfée ,
Apporta le Caffé;
Le Chantre s'écria ,
Voyant la liqueur noire
,
Que me donnez - vous là ?
la , la ,
GALANT 137
Pour chanter la chanson ,
don , don ,
C'eft du vin qu'il faut
boire.
Vive le feu bachique.
Qui nous rend tous
joyeux';
Caffé mélancolique !
Le tien eft dangereux,
C'eft unfeu tenebreux
Feunoir, &feufansflame
,
Sournois il nous rendra
la , la ,
138 MERCURE
C'eftunfumeuxcharbon ,
don , don ,
Qui nous noircira l'ame.
Ilprend fur la nature.
Plus d'un Docteur l'a
dit ,
On paye avec ufure
Ce qu'il donne à credit ,
On croit qu'il nous fournit
Efprits en abondance ;
Mais dans ces moments
là ,
la , la ,
GALANT . 139
C'eft noftre proprefond,
don , don ,
Que le traiftre dépenfe.
Le fçavant Hipocrate
Dit que cette liqueur
En refferrant la rate
Ofte la belle humeur,
Aux environs du coeur
Diffipant la tendreffe
De tous ces quartiers là
la , la,
En chaffant Cupidon ,
don , den ,
Il bannit l'allegreffe,
140 MERCURE
Lorfque Bachuspropice
M'a troublé le cerveau,
Le Caffé par malice
Vient tirer le rideau ;
Fevoyois tout en beau
Cette liqueur cruelle ,
Par la vertu qu'elle a
la , la ,
Réveillant maraifon ,
don , don ,
Mafait pefter contr'elle.
Celuy qui s'habitue
Au breuvage enfumé,
Quand fon heure eft venuë
GALANT. 141
Ceffe d'eftre animé
D'un imbecile il a
Le langage && la mine
Le Caffe feul pourra ,
·la , la ,
De ce ſtupide oifon
don , don ,
Remonter la machine .
Il excite la bile
Etfon activités
Rend la femme indocile
Avec malignité
:
Le Demon du Caffé ,
S'établiſſant en France ,
Mars
1711.
142 MERCURE
Femelles raffembla
la , la ,
Entrelles ce Demon
don , don ,
Souffla la médifance.
Il eft de ce breuvage
Ainfi que des amours ,
Toujours on en dit rage
Et l'on enprend toujours,
Tel tout haut les blâma
Qui tout bas leur fitgrace.
Pour vous prouver cela,
la , la,
GALANT 143
De ce Caffé Demon ,
don , don ,
Je vaisprendre une taffe.
Je
demande encor quartier
aux Anonimes
juſqu'au
mois prochain
, en
faveur du Recueil de
Poëfies qui occupe la place
des Articles burlefques,
Bouts- rimez , Quel
tions , & autres badinages
, dont je tâcheray de
varier les efpeces , quand
je n'auray point de pie-
Oij
144 MERCURE
ces plus férieuſes pour
remplir ma tâche.
Article des Enigmes .
Les trois Enigmes du
mois paflé font toutes
trois fur le même mot :
ce mot eft le Sang.
Explication de la premiere
Enigme , par Me la
M. de ***
Dans le coeur des jeunes
Amans
GALANT. 145
Unfangbouillant & vif
caufe l'amourextrême ,
C'eft cette vivacité même
Qui rend les Amans in-
We conftans.
Les Explications des
deux fuivantes font de
M & Roch......
Fagite les vaiffeaux &
furmer &furterre,
Ici vaiffeau veut dire ar
tere
146 MERCURE
ENVOY.
Dans les Heros le fang
fait lafranche valeur,
Dans l'Heroine il fait
l'honneur
Du Poëte rampant ainsi
qu'une Tortuë ,
C'est le fang qui fait la
froideur ;
C'est auffi par le fangque
le fublime Autheur
Comme un Aigle perce la
nuë.
GALANT 147
Explication de la troifiéme
Enigme
.
C'est pour faire du fang
que lepainfe pétrit,
Cefangagit avec l'efprit ';
C'est le fang qui fait une
befte ,
Et s'il n'eft pas l'amour ,
il le met dans la tefte .
A propos de cette Enigil
me fouvient d'ame
,
voir entendu raconter
un fait peu plaifant , mais
148 MERGURE
tres - veritable.
Un jeune Anglois qui
logeoit dans une Auberge
du Fauxbourg Saint
Germain , devint éperduëment
amoureux de la
fille de fon Hofte. Elle
eftoit tres-belle , & l'Anglois
luy fit des offres à
proportion de fa beauté ;
mais cette fiere hofteffe ,
foit par vertu , foit par
ambition , ne voulut
entendre parler que de
mariage ; le pere de
ce
jeune
GALANT , 149
jeune Anglois , eftoit
homme à le desheriter
s'il eut voulu contenter
fa paffion à ce prix , l'Hôtelle
n'en vouloit pourtant
rien rabattre , noftre
Amant defefperé tomba
dangereufement malade.
On fit plufieurs confultations
, où Monfieur
Guenaut fameux Medeea
cin de ce temps- là , n'eut
pas de peine à prouver à
fes Confreres , qu'il faloit
d'abord feigner & ra-
Mars
1711. P
150 MERCURE
fraîchir , & qu'il faudroit
enfuite rafraîchir & feigner
; car , difoit- il , je
connois les deux maladies
de mon malade , elle
font toutes deux dans le
fang. C'eſt l'amour & la
fiéyre ; enfin noftre Amant
fut livré à l'opinion
de Monfieur Guenaut
qui par dix ou douze feignées
confecutives , ofta
de fes veines non - feulement
l'amour & la fiévre
, mais encore la vie ,
GALANT. 1 : 1
ou peu s'en falut , car on
le crut mort ; cependant
il en revint , parce que
les Medecins & le Chirurgienl'abandonnerent
.
Pendant
ce temps là, on
avoit écrit au pere la caufe
de cette maladie , & il
arriva de Londres dans
la refolution de confentir
à ce mariage extravagant
,pluftoft que de perdre
fon fils unique
.
Ille trouva mourant
& la premiere chofe qu'il
Pij
152 MERCURE
fit pour le rappeller à la
vie , ce fut de lui prometre
la belle Hofteffe
en mariage ; mais comme
la paſſion du jeune
homme n'eftoit fondée
que fur la beauté , les
idées vives des charines
de l'Hofteffe s'eſtoient
diffipées avec fon fang
elles revinrent pourtant
avec le fang nouveau
qu'il faifoit , mais à me,
fure que fa fanté ſe fortifioit
le pere voyoit
GALANT. 153
moins de neceffité à ce
mariage , enfin il ne craignit
plus de s'y oppoſer
entierement .
Si la paffion de ce fils
eut efté auffi violente
qu'avant fa maladie , il
eut fallu rappeller Monfieur
Guenaut pour la lui
ofter par de nouvelles fai
gnées , ou le marier pour
l'empêcher de retomber
malade ; mais cette paffion
n'eftant prefque plus
qu'un fimple fouvenir ,
P iij
154 MERCURE
la raifon & le pere furent
les plus forts ; il renonça
à la belle Hofteffe , &
cela fait voirque l'amour,
fur tout celui qui n'eſt
fondé que fur la beauté ,
eft entierement dans le
fi la transfang
, & que
fufion que quelques Medecins
ont cru poffible
ne peut guerir de la vieilleffe
, au moins elle peut
guerit de l'amour
GALANT. 1ss
CAPRICE
d'une femme jaloufe fur
l'Enigme.
Torrens impetueux qui
cours aprés toi- même ,
Et qui te fuis toi même aufſi.
Tatant le poux
Afon Epoux,
La jeune Aminte.
Fit cette plainte
Ton fang fe fuit
Et fepourfuit ,
Son cours l'entraîne
Piiij
156 MERCURE
De veine en veine ;
Ainfi le cours
De tes amours
Cher infidelle ,
De belle en belle
T'entrainera ,
Quellefera
Pour lors ma rage
Nonje
fuisfage.
Tremble
pourtant
En un
inftant ,
La vertu change ,
Femme fe
vange
Mais non,jamais
Pourtantfi
...
mais
GALANT. 157
Tu
m'aime
encore ,
Moi je t'adore ;
Pourquoi
vouloir
Déja
prévoir
Et
l'inconftance
Et la
vengeance.
Arivera
Ce
qu'il
pourra.
NOMS
de ceux qui ont deviné
lés Enigmes.
L'oedipe latin ruë de
l'Univerfité
; l'inconnu
#58 MERCURE
de voſtre connoiffance ,
Ginguifcan, je les devine
toutes , je ne m'en corrigerai
jamais
la belle
blonde aimée du beau
brun , je les aurois devinées
toutes trois , s'il y
en avoit eu qu'une fang
premier , fang fecond
fang troifiéme
; faites
faigner le Mercure
il a
trop de fang , routine me
tient lieu d'efprit
, le penetrant
badaud , Alcidalis
& Zelide , franc oi
GALANT. 159
fon , l'Hemoragifte, trois
fois le fang deviné par
Monfieur Sanguin , la
Lanternifte , la pucelle
Enigmatique , le decifif
de la rue des Boucheries,
Colofte la claire voyante
de la rue des Boucheries ,
Thamirifte.
Quoique
Thamiriſte
devine
toutes les Enigmes
, il n'a pas deviné
celles- ci : l'Imprimeur
n'a
pas laiffé de mettre Tha .
miriſte ; il m'a dit pour
160 MERCURE
raiſon , je le mets toû
jours depuis trente ans ,
j'ai cru que vous l'aviez
oublié , car il faut bien
qu'il y foit.
********************
ENIGME
du mois .
Naturelle dans ma pårure
,
Et bizare dans ma coëffure;
GALANT. 161
J'ai la peau douce & le
tein brun ,
Voici ce quej'ai de commun
Avec une belle perfonnes
Sijenefuis point tendre ,
helas on m'abandonne;
Mais pour tel qui defire
ardemment de m'avoir,
Je commence à devenir
bonne
Lorfqueje me difpofe à
ne plus rien valoir
162 MERCURE
Quoi que j'eufle refolu
de ne parler encore
dans ce mois- ci , ni de
Queſtions , ni d'Anonimes
, ni d'autres Amuſemens
, & de les remettre
au mois prochain , je n'ai
pû refufer à une Dame
d'une grande diftinction ,
d'ungoût infini , & d'un
merite extraordinaire , de
placer ici des queſtions
qu'elles m'a envoyées :
ne croyez pas que cette
Dame foit la mefme, qui
GALANT 163
a efté la Dulcinée de
mon Prédeceffeur , pendant
quarante ans , &
pour laquelle il avoit
écrit trois ou quatre
cens Volumes
fans l'avoir
jamais vûë ; celleci
eft plus vifible & plus
abfolue ; je n'ofe luy def
obéir .
I. QUESTION.
S'il vaudroit mieux ne
point voir celle qu'on
164 MERCURE
aime , que de la voir indifferente
à noftre Amour,
II. QUESTION.
Jufqu'à quel âge l'Amour
doit l'emporter ſur
la Raifon ; c'eft - à- dire à
quel âge on doit commencer
d'aimer fagement.
III. QUESTION.
S'il eft raisonnable
GALANT 165
de hair celle qui nous a
charmé , quand elle nous
mépriſe .
IV. QUESTION.
Lequel eft le moins fâcheux
d'aimer une perfonne
dont le coeur eft
déja touché d'une autre
paffion , ou une dont le
coeur eft incapable d'en
avoir.
V. QUESTION.
S'il vaut mieux eſtre
Mars 1711,
166 MERGURE
aimé , que d'eſtre aima
ble.
CHANSON
fur le Caffe.
Sur l'Air , Réveillez -vous ,
belle endormie.
Di
ivin Caffé , tous les Poëtes,
Chaque jour goûtent tes
bienfaits s
Mais pourquoi par des Chanfonnettes
Nevantent-ils point tes at-
Fe
traits ?
25
veux rompre l'ingrat filence
Des hoftes du Sacré Vallon ;
Fais parler ma reconnaiſſance,
Et vient me fervir d'Apollon.
GALANT. 167,
Sa
Fu fçais animer l'éloquence ,
Tu fçais reveiller les efprits
Et fouvent ta vive influence
Produit le feu de nos écrits.
25
Par tonfecours eft foulagée ,
La memoire de l'Orateur ;
Par fon jus la voix corrigée
Ne bleffe plus un Auditeur.
25
Si la migraine ofe paroiftre
Avec fon funefte bandeau ;
C'est par toi que je vois renaiftre
L'heureufe paix dans mon cerveau.
S &
Tout dans toi jufqu'à la fumée,
Produit des effets merveilleux
Fe fens cette nue embaumée ;
Fortifier mes foibles yeux.
Qij
168 MERCURE
SS
Loin d'ici le jus que Pomone ,
Et Bachus vient nous préfenters
La raifon que le Caffé donne ,
Ils ne peuvent que nous l'ofter.
Difparoiffez Liqueurs bruflantes
Qui portez l'incendie au coeur :
Du Caffé les forces plus lentes
N'ont qu'une benigne chaleur.
25
Tous les jours l'Aurore nouvelle
Me verra cette coupe en main ,
Par ce jus la Parque cruelle
Scaura respecter mon deſſein.
L'on m'a envoyé des
Chanfons fur le Café ,
GALANT . 169
dequoi occuper la moitié
d'un Mercure , je
crains d'en avoir déja
trop mis ; mais c'eſt la
mode à preſent de chanter
le Café , & à Paris la
mode juftifie tous les
excés, encore fi l'on m'en
avoit envoyé quelqu'une
fur le Thé , ou fur le
Chocolat , jaurois pû diverfifier
; mais il en eft
des liqueurs comme des
hommes , quand quel
qu'un eft à la mode on
10 MERCURE
ne parle point de tous
les autres :
A propos on m'envoye
un Sonnet
pour remplir
un vuide; je n'ay pas le loifir
de m'informer
s'il eft
ancien ou nouveau
. Il me
paroift joly. Qu'importe
,
la date n'y fait rien .
SONNET
d'un Solitaire
.
Paßer
quelques
heures
à
live ,
GALANT 17
Eft mon plus doux amu-
Je
Sement
me fais un plaifir d'écrire
,
Et non pas un attachement.

Fe perds le gouft de la Sa
tire ,
L'Art de louer maligne
ment
Cede aufecret de pouvoir
dire
Des veritez obligeam
ment
172 MERCURE
Je vis aux confins de la
France
Sansbefoin &fans abon
dance
,
Content d'un vulgaire
deftin :
J'aime la vertu fans rudeffe;
J'aime le plaifirfans mol-
Leffe ;
J'aime la vie & n'en
crains pas lafin.
GALANT. 193
HISTORIETTE
•prefque toute veritable.
Dans une
Ville de
Province , deux Dames
voifines fe haïffoient
parce que leurs caracteres
eftoient oppofez
. L'une
que j'appelleray Cephife
, eftoit jeune , enjouée
, tres-vertueuſe
mais trop vive pour s'af
fujettir aux bienſeances
qui doivent accompa-
Mars
1711.
R
194 MERCURE
gner la vertu.
L'autre Dame avoit
au contraire tant de delicateffe
fur ces bienfeances
, qu'elle eut , en un
befoin , facrifié la vertu
même à la vanité de paroiſtre
plus fcrupuleufe
fes voifines. C'eftoit
que
en médifant de leur conduite
qu'elle donnoit de
l'éclat a la fienne , &
Cephife eftoit celle de fes
voifines qu'elle attaquoit
le plus cruellement par
GALANT. 195
fes medifances.
Cephiſe avoit épousé
depuis peu de temps un
fort galant homme , qui
charmé de fon enjoüement
, & perfuadé de ſa
vertu, ne la contraignoit
en rien : mais Dorimene
qui dominoit dans tou
tes les maifons où l'on
vouloit bien la fouffrir ,
faifoit des
remontrances
feveres non-feulement
à la femme fur les petites
imprudences
qui luy é-
Rij
196 MERCURE
chappoient , mais encore
au maryfur ce qu'il donnoit
trop de liberté à fa
femme.
-Les
remontrances que
Dorimene faifoit à cette
jeune perfonne la piquoient
encore plus que
tout le mal qu'elle pouvoit
dire d'elle. Un jour
elle penfoit à s'en venger
, lorfqu'une Couturierequi
les habilloittoutes
deux vint luy conter
pour la réjouir une nouGALANT
. 197
velle intrigue d'un Cavalier
arrivé dans la Ville
depuis quelques jours.
Lifette , c'eftoit le nom
de la Couturiere , né
manquoit pas d'efprit ,
& elle eftoit à peu prés
de l'humeur de Cephife.
Celle de Dorimene luy
déplaifoit fort. Dorimene
payoit avec chagrin ,
& quereloit volontiers
fes ouvrieres de plus ,
elle avoit fouvent ennuyé
Liſette du recit de
1
Riij
19 MERCURE
fès bonnes actions , elle
en faifoit l'élogeà fes domeftiques
mefme, quand
elle ne fçavoit plus à qui
les
conter.
Dorimene eftoit veuve
depuis unan , & aſſez
riche pour avoir plû à un
jeune Avanturier , qui
avoit feint pour elle une
belle paffion . Cette fevere
veuve l'avoit rebuté
pendant quelques jours,
mais enfin le trouvant à
fon gré elle luy avoit fait
YO
893
THO
FREAUE
LYON
29
GALANT.
efperer qu'elle l'épour
DE
LA
VILLE
roit quand les deux années
de fon veuvage
feroient
accomplies : cependant
elle ne vouloit
paspermettre qu'il la vit
avant ce temps - là à
moins que ce ne fut
tres -ſecretement . 91
-19Ce fut à peu près ce
que Lifette raconta
àCephife
, elle venoit de l'ap
prendre
d'une femme
qui avoit menagé
chez
elle à la campagne
cette
R
iiij
200 MERCURE
avanture au Cavalier.
Cephife mena promener
Lifette avec elle
pour avoir le loifir de fe
faire redire vingt fois la
mefme chofe ; elle ne
pouvoit fe laffer de l'entendre,
nicroire ce qu'elle
entendoit. Mais lorfqu'elle
en fut bien perfuadée
, elle ne refpira
plus que le plaifir de fe
yenger en fe réjouiſſant.
Cette jeune folatre imagine
cent plaifanteries à
GALANT . 201
faire fur l'intrigue de la
yeuve, il falloit en fçavoir
des
circonſtances plus
particulieres
, & Lifette
à qui Cephife fit eſperer
recompenfe , promit
de fuivre de prés cette
affaire. Elles étoient dans
un jardin ouvert pour
les
honneftes gens de la
Ville , elles fe
promenoient
dans une allée dé
tournée , Cephife eftoit
veltue tres- negligemment
, &
enveloppée
202 MERCURE
dans une écharpe noire
; Lifette qui eftoit
ce jour-là fort ajuſtée ,
luy dit en riant , Madame
, fi tout le mon
de ne fe connoiffoit pas
dans une petite Ville ' ,
l'on me feroit peut-eftre
l'honneur de me pren
dre pour voftreMaiſtreſ
fe. Cephife ne fit point
d'attention à ce difcours,
parce qu'elle examinoit
un jeune homme fort
bien fait qu'elle ne conGALANT.
203
noiffoit point pour eſtre
de la Ville . Liſette eftoit
trés -jolie. Ce Cavalier
qui cherchoit avanture ,
avoit envie de l'aborder.
Dés que Cephife l'eut
fait remarquer à Lifette ,
elle le reconnut pour
l'Amant de Dorimene ,
car elle l'avoit vû entrer
un jour chez cette Dame
, comme elle en fortoit.
Cephife qui avoit
l'imagination vive , forma
fon projet dans le
204 MERCURE
moment , elle le communique
à Lifette qui
encherit encore fur l'idée
de Cephife : enfin
aprés avoir fait quelques
tours d'allée tousjours
fuivies de
l'Avanturier ,
elles fe placerent fur un
banc , où il vint auffitoft
s'affeoir à cofté de Lifette.
Aprés quelques regards
de part & d'au
tre,leCavalier luy adref
fa la parole : la fortune ,
luy dit-il , m'eft bien faGALANT
. 20 ,
vorable ! quel bonheur à
un homme eftranger
dans cette Ville , d'y
trouver d'abord ce qu'il
y a de plus aimable. Lifette
répondit à cette galanterie
d'une maniere à
s'en attirer une feconde ,
& la converſation dura
autant qu'il fallut
pour
faire confentir Lifette
avec bienfeance à l'offre
qu'il luy fit de la remener
à fon logis , ce qu'elle
n'auroit pas fouffert ,
106 MERCURE
difoit-elle , fi fon mary
n'euft efté abſent :
pas
elle luy fit enfuite le portrait
d'un mary haïffable.
Elle prit enfin avec
luy le nom & le rôlle de
Cephife , pendant que
Cephife la fuivoit refpe-
Queufementcomme une
fille de chambre , & ils
arriverent ainſi au logis
deCephife. Le Cavalier
tout occupé des charmes
de celle qu'il conduiſoit,
arriva à la porte fans s'eGALANT.
207
ftre encor apperçu qu'il
eftoit dans la rue de Dorimene;
il fut eftonné de
fe trouver à portée d'en
eftre vû, mais heureufe
ment il eftoit fort tart.
Il avoit demandé permiffion
à Liſette de la
venir voir le lendemain :
elle luy permit , à condition
qu'il y viendroit
à la mefine heure fur la
brune , car , difoit- elle ,
j'ay une voiſine trés- médifante
, & je ferois per208
MERCURE
due fi elle voyoit entrer
un jeune homme chez
moy en l'abſence demon
mary. Vous jugez bien
que cette précaution
de
Lifette pluſt fort au Cavalier.
Il eftoit ravi de
faire connoiffance avec
cette jeune beauté pour
fe dédommager de fa
complaifance intereffée
pour la veuve
eftoit dangereux de la
rendre jalouſe . Il fut
donc charméde l'air myfterieux
mais il
GALANT. 209
Y
fterieux dont Liſette
commençoit à lier commerce
; il la trouvoit
charmante , il en avoit
efté bien reçu . Elle pouvoit
à la verité luy parroiſtre
ſuſpecte du coſté
de la regularité , mais
celle de Dorimene eftoit
fi trifte , qu'un tel contrafte
leréjoüiffoit ; il aimoit
la varieté. Enfin il
ſe retira chez luy fort
fe
content de fa foirée.
Dés qu'il fut parti ,
Mars
1711.
S
2to MERCURE
Cephife
éclata de rire.
N'ay-je pas bien joué
mon rôle , luy dit Lifette
; à merveille
repartit
Cephife . Tu coucheras
icy ce foir , il ne manquera
pas demain
de revenir
; tu prendras mon
plus bel habit , & moy
qui fuis pour luy ta fille
de chambre , je l'introduiray
dans mon appartement
oùtu le recevras.
Mon mary ne reviendra
que dans deux jours , &
GALANT. fr
pour lors noftre projet
fera en eftat de pouvoir
luy eftre
communiquée.
Cephife avoit fa vengeance
en tefte , & de
plus ces fortes d'amuſements
eftoient du gouft
d'une jeune folaftre
qui fans faire aucune reflexion
fur la confequence
des chofes , fe repofoit
fur l'innocence de fes intentions
.
31.0103
Noftre Galand ne man-
5 qua pas de revenir le len-
Sij
212 MERCURE
demain, enveloppé dans
un manteau, de peurque
Dorimene ne put le reconnoiftre
en cas qu'elle
l'apperçeuft , & il ne
pouvoit pas manquer
d'eftre apperçu de celle
dont la plus agreable occupation
eftoit d'expier
les actions de fa voifine.
L'heure de la vifite ,
la
circonftance
du mary
abfent , & l'air myfterieux
dont on introdui
fit fans lumiere noftre
GALANT 213
homme à bonne fortune
luy firent croire que ce
Galand eſtoit pour Cephife.
Elle en eut autant
de joye que fi c'eut eſté
pour elle.Quel plaifir de
e.
&
pouvoir perdre de répu
tation fa voifine , quand
il luy en prendroit fantaific.
ooo Tango as nov
A l'égard de noftre
Amant , il fut furpris de
voir Lifette fi richement
veftue , & dans un appartement
magnifique.
214 MERGURE
Elle ajoufta à cela une
fierté fi adroitement me
nagée , qu'elle le rendit
dés ce foir-là veritablement
amoureux , & c'eft
ce qu'on vouloit pour
tirer de luy des particu
laritez qui puffent prouver
la galanterie de la
veuve . Toute l'entrevue
du lendemain fut employée
par Lifette à faire
efperer des faveurs au
Galant s'il vouloit facrifier
Dorimene. On luy
GALANT. 2r5
permettoit
bien de feindre
de l'aimer , & de
donner fes foins à celle
qui pouvoit faire fa fortune
, mais on vouloit
avoir le coeur & la confiance
. En un mot Lifette
fit tant que le Cavalier
promit d'apporter le lendemain
des Lettres paffionnées
de Dorimene;
c'eſt tout ce qu'on fouhaitoit.
On ne vouloit ,
difoit-on , que les lire &
les luy rendre dans le
moment.
26 MERCURE
Les chofes en eſtoient
là lorfqu'un contre-tems
fafcheux penfa tout gafter.
Le mary en arrivant
de la campagne eftoit
defcendu de caroffechez
un amy qui l'y avoit mené.
Il revenoit feul chez
luy lorfqu'il vit un jeune
homme entrer fous une
porte , prendre dans le
plus beau tems du monde
un manteau
que luy
apportoit
un Laquais
& ofter un plumet
qui
eftoit
GALANT. 217
j eftoit à fon chapeau .
Cet air de myftere à
l'heure qu'il eftoit , donna
de la curiofité au
mary ; il fuit de loin ;
il obferve ; & voyant
qu'on entre dans fa rue ,
qui eftoit auffi celle de
-Dorimene , il penfe
d'abord à elle ; ce fe-
J
roit une plaifante avanture
, difoit- il en luymefine
, fi ce Galand-cy
eftoit fur le conte de noftre
voifine . Quelle fur-
Mars 1711 .
T
218 MERCURE
prife, quand il voit qu'il
eft fur le fien. On entre
chez fa femme ; ilapperçoit,
malgré l'obscurité,
une efpece de fille de
chambre qui introduit
le Cavalier & referme la
porte. Il l'ouvre doucement
avecſon paſſe-partout
; le Galand a déja
gagné un petit degré ; il
le fuit au bruit ; monte
aprés luy juſqu'à une
garderobe de l'appar
tement de fa femme.
1
GALANT. 219
Il a
avoué
depuis que
malgré
la confiance
qu'il
avoit en elle , il fut fi vivement
frappé de jaloufie
qu'il ne fe poffedoit
plus. Cephife en habit
de fille de chambre aprés
avoir fait entrer le Cavalier
dans le cabinet
où l'attendoit Liſette
entendit marcher derriere
elle . Elle court au
bruit & repouffe rudement
ſon mary fans fçavoirqui
c'eftoit.Il voyoit
Tij
220 MERCURE
à la lueur des bougies
qui étoient dans ce cabinet
dont la porte eftoit
reftée entrouverte : que
voyoit-il , juftecicl , celle
qu'il croyoit fa femme
par l'habit, fe laiſſoit baifer
lamain par ce Cavalier.
Il eftoit fi troublé
qu'il crut encore voir
plus qu'il ne voyoit. Il
refta immobile d'eftonnement
& de douleur ,
car ce n'eftoit pas ún
mary emporté. Ŝa femme
qui le reconnut dans
GALANT . 221
ce moment , fit un éclat
de rire comme une petite
fole qu'elle eftoit ;
elle l'embraffe en luy difant
tout bas de ne pas
faire de bruit . Il commence
à la reconnoiſtre ,
& cela redouble fon
embarras. Sa femme
l'embraffe d'un cofté ; il
croit la voir de l'autre
avec celuy qui le deshonore
: enfin elle l'entraifne
dehors en achevant
de le détromper ,
Tiij
222 MERCURE
& folaftrant tousjours
avec luy , ne fçauriezvous
, luy dit-elle , voir
tranquillement
voſtre
femme avec fon Galand?
je vous ay pris en flagrant
delit de jaloufie ,
je ne vous pardonneray
qu'à une condition , c'eſt
que vous m'aiderez à me
venger des aigres remontrances
que Dorimene
me fait tous les
jours , je veux luy en faire
de mieux fondées .
GALANT : 223
Elle luy explique fon
projet où le mary charmé
de s'eftre trompé ,
entra de tout fon coeur.
que Lifette
Elle luy dit
devoit tirer ce mefme
foir du Cavalier des
Lettres de la veuve , &
qu'ellealloit voir à quoy
en eftoient les chofes .
Pendant ce temps - là ,
continua-t-elle , allez
diſpoſer Dorimene à venir
tantoft fouper avec
nous. Allez , je vous en-
T
iiij
224 MERCURE
voyeray avertir quand
noftre Avanturier fera
parti : mais gardez - vous.
de rien témoigner
encore
à Dorimene , c'eſt à
table que je veux me réjoüir,
en bûvant à fesinclinations
, & nous la
confondrons au deffert ,
en preſence de quelques.
amies qui depuis voſtre
départ viennent tous les
foirs
fouper avec moy
pour me confoler de voftre
abfence .
GALANT. 225
Le mary alla dans ce
moment
chez Dorimene
qui fut ravie de le
voir de retour . Aprés les
premiers
compliments
,
la converſation
devint
agreable
; raillerie fine
de part & d'autre , chacun
avoit fon point de
yeuë ; l'un eftoit fort par
tout ce qu'il fçavoit , &
l'autre forte auffi par les
chofes qu'elle croyoit
fçavoir . elle attaque le
mary fur la confiance
226 MERCURE
aveugle qu'il avoit en fa
femme ; effectivement ,
luy difoit-elle d'un ton
doucereux & malin , il
eft des vertus fi folides
qu'elles fe confervent
mefme au milieu de la
coquetterie la plus enjouée
; comme il en eft ,
repliqua-t-il , de ſi fragiles
qu'elles ne peuvent fe
conferver à l'abri de la
prudence la plus auſtere .
Aprés plufieurs traits.
dont les derniers eftoient
tousjours les plus vifs, il
GALANT. 227
en échapa au mary quelqu'un
fi piquant , que la
veuve pour s'en venger
lafcha un mot fur ce
qu'elle avoit vû en ſon
abfence.Le mary feignit
d'en eftre allarmé , & la
conjura
trés-ferieuſement
de s'expliquer
. La
prude
feignant
de fon
cofté d'eftre fafchée d'en
avoir trop dit , je vous
tairois le refte , continuat-
elle , fi je pouvois en
confcience vous cacher
228 MERCURE
un defordre que vous
pourrez empefcher. Plus
la charitable veuve tafchoit
de prouver aumary
fon deshonneur , plus.
il feignoit d'entrer en fureur
contre fa femme
il imagina fur l'heure
ce que vous allez voir ,
& commença ainſi ſon
jeu. Ah Madame ! s'écria-
t-il tout -à-coup
comme s'il euſt eſté penetré
de douleur ne ,
,
m'abandonnez pas em
GALANT. 229
cette occafion , vous venez
de merendre un fervice
de veritable amie ,
en m'apprenant que je
fuis le plus malheureux
hommedu monde, achevez
la bonne oeuvre que
vous avez commencé , il
s'agit de corriger ma
femme , de la convertir
& non pas de la perdre ,
je ne veux point éclater,
je ne me poffederois pas
affez fi j'allois ſeul luy
parler , fuivez-moy Ma30
MERCURE
dame , ayez la charité de
me fuivre , & de luy
faire
pour moy une correction
fi terrible
, que
la honte & le dépit qu'elle
en aura la rende ſage
à l'avenir, il eſt fûr qu'elle
vous craint plus que
moy , vous la verrez foumife
& confondue
par la
haute idée qu'elle a de
voftre caractere.
La veuve charmée de
fe voir tant d'autorité fur
fon ennemie triomphoit
GALANT. 231
par avance
& fuivit
noftre faux jaloux
qui
>
l'amena chez luy dans le
moment. Il entra le premier
, la priant de reſter
dans une falle baſſe , &
courut avertir ſa femme
du nouveau deffein qu'il
avoit conceu.Deux mots
la mirent au fait , & il
revint auffi-toft vers Dorimene
, comme troublé
, comme agité d'une
rage qu'il vouloit moderer
par raiſon . Ah ma
22 MERCURE
>
chere Dame s'écriat-
il en l'embraffant pref
que , ayez pitié de moy,
le Galand eft là haut avec
ma femme. Il refte
un moment comme eftourdy
du coup , & feignant
enfuite de reprendre
courage : mais , luy
dit-il , le Ciel fait tout
pour le mieux ; c'eft
-peut-eſtre un bien pour
moyde pouvoir furpren
dre ainfi ma femme ,
pour l'humilier davantage
,
GALANT . 233
tage , pour la convaincre
, pour la confondre
;
montons
par ce petit degré.
Ils monterent
enfemble
dans la garderobe
dont nous avons parlé
, & d'où la bonne Dame
apperçut
d'abord fon
Amant. Elle crut fe
tromper
; le mary la tenant
par le bras l'entrainoit
tousjours
vers la
chambre
où eftoit la lumiere.
Elle reconnoift
le
traiftre ; un friffon la
Mars 1711.
V
234 MERCURE
prend ; elle refte immobile
. Le hazard fit
encore pour l'accabler
davantage
, que le Cavalier
voulant
enfin tirer
de Lifette les faveurs
qu'elle luy laiffoit efperer
, redoubloit
à haute
voix fes ferments
d'amour
pour elle , & de
mépris pour fa veuve.
Oüy , difoit-il d'un ton
paſſionné , oüy , charmante
Cephife , je mépriſe
affez Dorimene
GALANT. 255

pour ne la jamais voir fi
elle ne me faifoit
pas ma
fortune
. Cependant
le
mary malin luy difoit: il
و
n'aime que ma femme
vous l'entendez : ne fuisje
pas le plus malheureux
de tous les maris . Il
l'entrainoit
tousjours
vers la chambre , Dorimene
malgré fa doune
laiffoit d'epas
leur ,
ftre un peu comblée par
1 celle du mary , & par la
confufion qu'alloit avoir
Vij
236 MERCURE
fon ennemie : mais cette
petite confolation s'évanouit
dés qu'elle eut apperçu
la Couturiere dans
les habits de Cephiſe, &
Cephife elle-mefme entrer
avec deux ou trois
amies. Le Cavalier gagne
la porte , & la veuve
refte accablée de honte
& de douleur à peine
a-t-elle la force de fuir; le
mary , la femme & les
amies la reconduisirent
chez elle avec les railleGALANT.
237
ries les plus
piquantes ,
luy
confeillant
de ne fe
mefler jamais de faire
des
reprimandes à plus
fage qu'elle.
On dit que la veuve
n'en fut pas quitte pour
cette avanie, & que l'Avanturier
tousjours aimable,
quoyqu'infidele,
trouva le moyen de ſe
raccommoder. Elle euft
la foibleffe de l'épouſer
dansune autre Ville , où
elle fut contrainte d'al248
MERCURE
ler habiter , parce que
les railleries & les vaudevilles
la chafferent de
celle où cette Hiftoire
s'eft paffé. On dit mefme
que ce jeune ingrat
F'ayant fort maltraitée
aprés quelques mois de
mariage , elle plaide encore
à prefent pour parvenir
à séparation.
GALANT. 249
SUPPLEMENT.
On ajoute un Supplement
à la fin de tous
les Mercures pour y pla
cer les Nouvelles qui
viennent aprés l'impref
fion on mettra feulement
deux mots de ces
Nouvelles dont on fera
le détail dans le mois fuivant.
240 MERCURE
Le Roy d'Espagne a fait
une promotion de Maréchaux
de Camp & de
Brigadiers.
MARE CHAUX de Camp.
M. le Marquis de Villafuerte.
Don Antonio Marin .
D. Antonio del Caftillo .
D. Pedro Ariés de Ofores
D. Patricio Laules .
M. le Vicomte d'Autrefal .
M. le Comte de Rivieres.
Don Jofeph de Chaves .
D
GALANT . 241
D. Louis de Cordoua.
D. Fabricio Rufo .
M. le Marquis de Palavicini
Mr le Baron de Huart.
Mrle Chevalier du Bas.
Don Marcos d'Araziel .
D. Francifco Ribadeo .
D. Francifco Ybañes.
D. Antonio Piñatelli.
BRIGADIERS .
Don Diego Gonfales.
Mr le Comte de Gomiecourt.
D. Juan de Zereçeda .
Mars 1711 . X
242
MERCURE
D. Liberato Efpinofa.
D. Felix d'Aragon .
D. Lope de Ofes .
D. Nicolas San Severino.
D. Joſeph Vallejo.
Mr le Comte de Melun.
Don Franciſco de Evoli,
D. Fernando Costanzo,
D. Antonio de Gufman.
D. Carlos de Arizaga .
Mr le Marquis de Torre-
Mayor.
Don Juan d'Aranda .
D. Louis d'Apante .
D. Pedro Rubio .
Mr le Comte de Salvatierra.
GALANT . 243
Nouvelles
d'Espagne.
1
La
nuit du 23. au 24.
de Février
, la Garniſon
de
Balaguer
confiftant
en
deux
Bataillons
, abandonna
cette
place
aprés
avoir
fait
fauter
une
partie
des
fortifications
. M. le Marquis
de Valdecañas
qui
cftoit
campé
aux
environs
& qui ſe diſpoſoit
à l'attaquer
, envoya
incontinent
un
détachement
pour
ſe
faifir
des portes
, & plufieurs
partis
à la pourfuite
de la
X ij
244 MERCURE
Garnifon
. Le lendemain
fes Troupes entrerent
dans
la Ville , où l'on trouva
heit pieces de Canon , deux
Mortiers
,& des munitions
,
& les Troupes
qui avoient
pourfuivi
la Garniſon
ont
ramené deux cens Prifonniers.
a
Il y a des Lettres qui
portent qu'il y a de grandes
divifions à Barcelone
;
que l'Archiduc
ne s'y trouvant
point en feureté, cherchoit
les moyens de pouvoir
en fortir
pour
le retirer
en Italie ; mais que les
GALANT. 245
Espagnols rebelles s'oppofoient
à fon deffein .
NOUVELLES
de
Conftantinople.
Les Lettres de Conftantinople
du 4 .
Février
portent
qu'on y avoit publié
l'ordre du Grand Seigneur
en forme de Manifefte ,
pour juftifier la déclara
tion de guerre contre les
Mofcovites ; que l'Armée
qui fera commandée par
le Grand- Vifir fera de plus
de deux cens mille hom
mes, fans y comprendre les
X
iij
246 MERCURE
Tartares , dont le Kan ef
toit forti de la Crimée , &
avoit paffé le Borifthene
.
MORT
S.
Nicolas Boileau fieur
Defpreaux , l'un des quarante
de l'Académie Françoiſe
, eft mort fans alliance
le 13. Mars 1711 âgé de
73. ans 4. mois. On en parlera
plus au long dans le
mois prochain.
Meffire Claude de Choifeul
, premier Maréchal de
France , Chevalier des OrGALANT.
247
dres du Roy , Gouverneur
de la Ville & Citadelle de
Valenciennes , mourut le
15. Mars. Il eftoit dans fa
foixante & dixhuitiéme
année. On en parlera au
mois prochain.
Renée Bouthillier de
Chavigny , veuve de Jean
de Beuzelin , Chevalier
Seigneur de Bofmelet , Baron
d'Aufray , Seigneur de
Tofte , & c. Préfident à
Mortier au Parlement de
Normandie , eft morte le
20. Mars 1711. âgée de 70 .
ans , laiſſant pour fille uni-
X iiij
248 MERCURE
que Anne-Marie de Beuzelin
, qui a épousé le 18.Juin
1698. Henry Jacques du
Caumont , Duc de la Force
, Pair de France , & c .
Antoine Charles - Louis
Comte de Boufflers , Gouverneur
General de Flandres
, Colonel d'un Regiment
d'Infanterie , fils aifné
de Louis François Duc
de Boufflers , Pair & Maréchal
de France , Chevalier
des Ordres du Roy & de la
Toifon d'Or , Capitaine
des Gardes du Corps de Sa
Majefté , eft mort le 22 .
GALANT. 249
Mars 1711. âgé de 14. ans
3. mois
.
Marguerite Angelique
de Bethune , Abbeffe de S.
Pierre de Rheims, eft morte
âgée de 85. ans . Elle
eftoit fille de feu Mr le Duc
d'Orval , premier Ecuyer
de la Reine Mere , & il y
avoit foixante ans qu'elle
cftoit Abbeffe.
Donsfaitspar le Roy.
Sa Majefté a donné le
Gouvernement de Valenciennes
, vacant par la mort
de Mr le Maréchal deChoifeul
, à Mr le Chevalier de
250 MERCURE
1
Luxembourg ; & celuy de
Langres à Mr le Chevalier
de Pezeux .
Le Roy a donné l'Abbaye
du Port- Royal de Paris
à Me de Montperoux
,
Abbeffe du Paraclet d'Amiens
; & cette derniere à
Me le Vergeur de Saint
Souplet , Religieufe du
mefme Ordre.
A Peronne ce 25. Mars
17II.
MONSIEUK ,
Vous ferez bien aife defçavoir
le détail de la nouvelle
GALANT. 257
trahifon découverte à Peronne.
Un nommé Jourdain dit
la Mothe vint à Peronne en
qualité de garde ; ily demeura
quelque temps : enfin ily épou
fa une fille. Cet homme fust
revoqué de fa Commiſſion peu
de temps aprés fon mariage :
ne fçachant plus que faire , il
propofa à Mrle Major de Peronne
de le faire Partifant ,
& promit de faire des captures.
Il enfit faire une effecti
vement depuis peu
L'on apprit par un Courier
dépeſché de Mr de Berniere
qu'ily avoitun partyforti de
de
jours:
252 MERCURE
Douayfous le commandement
de Mrle Colonel Baptifte . Ce
Baptifte eftoit arcompagné de
trois perfonnes des environs de
Peronne , qui luy avoient promis
de leur faire brufler les
magafins de fourrages qui font
icy. Une heure aprés l'on a reçeu
un autre Courier de Mr
de Vieuxpont qui commande
dans Cambray qui apportoit le
mefme avis , & ajouftoit qu'il
alloit faire fortir des Partys
de Cambray pour taſcher de
tomberfur ces gens- là.Dans le
temps que l'on a reçu ces avis ,
ce Lamothe eftoit à Peronne
GALANT. 253
où il devoit re-
&y avoit introduit des eftran .
gers pour examiner l'estat de la
Place , prendre les mefu
res convenables pour leur def
fein. Le lendemain ce la Mothe
parti de Peronne à la pointe
du jour pour fe rendre au
rendez- vous qui luy avoit
efté donné,
cevoir un Cheval que
verneurde Douay lui envoyoit.
Il fe rendit du cofté Darlen
où iltrouva le nommé le Suif-
Se païfan qui luy amena le
Cheval qu'on luy avoit promis
, & luy dit que Mr Baptifte
avecfa Trouppe lefuivoit
le Gou254
MERCURE
de prés. Dans ce temps il ap
perçu un de nos Partis qui
eftoient tous Grenadiers deGreder
Allemand ; croyant que c'é
toit le Party de Baptifte ilfe
jetta dans noftre Party , &
demanda d'abord où eftoit Mr
Baptifte : le Commandant luy
répondit il eft derriere , il va
arriver , entrons dans ce bois.
Quant il y fuft on l'arresta
le Suiffe , &
auffi-bien que
d'abord il dit je fuis un homme
perdu. On le conduisit
à
Cambray
& le lendemain
à
Arras , ou le 21. de ce mois il
fuft déclaré
atteint & conGALANT
. 255
vaincu de haute trahison pour
avoir voulu livrer la Ville de
Peronne aux Ennemis , &y
avoir introduit des perfonnes
ennemies pour examiner l'eftat
de la Place pour reparation
dequoy ilfuſt condamné à eſtre
rompu vif, un quart d'heure
aprés eftranglé , &Son corps
porté à Peronne pour eftre coupé
en 4. piéces & exposéfur
les
portes de la Ville , ce qui
vient d'eftre executé. On luy
a auffi donné la question ordinaire
& extraordinaire pour
connoiftre fes complices . L'intention
de ce malheureux eftoit
256 MERCURE
1
d'introduire dans Peronne une
trentaine de Perſonnes & les
faire loger dans trente Cabarets
differents , qui devoient
tous mettre le feu dans leurs
Cabarets la mefme nuit à une
mefme heure ,
qu'on auroit efté occupé aux
feux , introduire du monde
dans la Ville
pendant
s'en emparer.
Il ne luy auroit point efté facile
de livrer la Ville , parce
que nous avons icy unegroffe
Garnifon , mais ils auroient
bruflé toute la Ville , ou du
moins nos magaſins.
OEUVRES
257
E
OEUVRES
DE Mr P **
Pour Me Peliffary , à
qui on fit payer trois
Millions de taxe en
1681 .
Ne
regrettez point , Uranie
,
L'état où vous avez efté ,
Ce n'eft pas la profperité
274
OEUVRES
Qui fait tousjours le bonheur
de la vie ,
Et bien fouvent l'adverfité
Dont toft ou tard elle eft
fuivie ,
N'enlève aux malheureux:
qu'elle a perfecutez ,
Que ce qui fourniſſoit de
matiere à l'envie
Et met le refte en fureté .
La fortune à nos voeux a la
fin exorable ,
Au rang de fes mignons à
peine nous a mis ,
Qu'un traitement fi favo
rable ,
DE Mr P. 275
Du refte des mortels nous
fait des ennemis ,
Chacun d'eux contre nous
s'irrite ,
Et cette foule Ne for
jaloux
qu'à vanger ſur
nous
L'affront que cette aveugle
analfait à leur merite ;
Ainfi , loin de nous réjouir
Des faveurs que fur nous il
luy plaift de répandre ,
Nous commençons
lors à
comprendre , ( dre
Que la peine de les déffen-
Paffe le plaifir d'en joüir.
276
OEUVRES
Il faut du bien dans la jeu-
C
ain oneffe sha
Pour fournir à tous les plaifirs
,
Mais l'âge qui la fuit & fait
noftre fageffe,aul skí
Fait auffi qu'on fe paffe aisément
de richeffent
En affoibtiffant nos defirs
soprano diol , AniA
Peu de chofe fait l'opulence
De cette tranquille ſaiſon
Quand la nature & lasaifon
moo
Reglent feules noftie decupenſer
Mulund
DE Mr P. 277
On ne voit jamais l'indigence
Troubler la paix de la maifon.
C
Oubliez pour tousjours vôtre
trifte avanture ,
Au lieu de tous ces biens
qu'on vient de vous ôter
Faites vous deformais une
richeffe sûre ,
Et vous accouftumez à ne
rien fouhaiter.
Vous croiriez , dites vous
voftre fort fupportable ,
Si vos feuls interefts fai-
>> foient voltre douleur.
9gal som snu'up
278 OEUVRES
Et vous n'eftes inconfolable
Qu'à caufe que voftre malheur
,
Fait perdre à vos enfans un
deftin agréable913
Ne permettez jamais que
cette illufion ,
D'un nouveau chagrin
vous accable ,
Cette innocente affection ,
N'eft rien qu'un prétexte
honorable
Dont pour nous tourmenrer
fe fert l'ambition ..
20v i.
Donnez à vos enfans ce
qu'une mere fage
DE Mr P. 279
Peut encor leur donner
quand elle a tout perdu ..
En leur laiffant pour heritage
L'exemple de voſtre vertu
Apprenez- leur qu'un gros
partage
N'eft pas ce qui fournit de
folides plaifirs
Il eft fi mal-aisé d'en faire
un bon ufage
Qu'un fr dangereux avan
tage
Ne doit eftre jamais l'objet
de leurs defirs..
280 OEUVRES
KukukunukununuDUKURUKUKU
AVISO
à une jeune perſonne entrant
dans le monde.
Jay des confeils à vous
donner ;
Ce n'eft pas lee moyen
de
plaire ,
Iris on ne divertit guere
Quand on ne fait que raifonner
:
Auffi j'aurois gardé fagement
le filence ,
$
Où vous n'auriez de moi
que de vaines chanſons ,
Si
DE Mr P. 281
Si je n'avois connu qu'une
heureufe naiffance.
Avoit dans voſtre coeur prévenu
mes leçons ,
Souffrez donc que ces vers
aident à vous conduire
Dans cet âge charmant
dont vous allez joüir ;
Affez d'autres fans moi voudront
vous réjouit ;
Mais peu fe chargeront du
foin de vous inftruirc.
2
ཝཱ ༧༧༤
Commencez aujourd'hui le
cours
D'une longue fuite d'années
,
Mars
1711.
A a
282 OEUVRES
Efperez en croiffant d'heu
reufes deſtinées
,
Et qu'une belle humeur anime
vos beaux jours ,
Il fied mal à quinze ans d'ê
tre trifte & révcufel
Mais n'acordez à vos defirs,.
Si vous avez deffein d'eftre
long temps heureuſe ,
Que ce que la nature a d'innocens
plaifirs ;
Vous n'avez pas befoin Iris
que je m'arreſte
A vous montrer quelle eft
cette fevere Loi
Qui vous ordonne d'eftic :
honnefte
;
DE Mr P. 283
Le fang dont vons fortez
le fera mieux que moi ,
Cet ordre fouverain n'admet
point de diſpenſes ,
Et l'honneur en eft fi jaloux,
Que fur les moindres apas
rences Ain
Ce Juge rigoureux prononce
contre nous.nl!
21 1 201
Fuyez dans vos difcours l'enflure
& la baffeffe ;
Qu'ainſi qu'en vos habits
rien n'y foit affecté ,
Qu'une noble fimplicité
En faſſe l'ornement , la grace
& la richeffe ,
A a iji
284 OEUVRES
Celles dont la temerité
De ces termes fçavans pare
leur éloquence
,
Au lieu de montrer leur
fcience ,
Ne font voir que leur va
nité.
Evitez la plaifanterie ,
Dont les traits médifans
percent jufques au coeur ,
Et pour réjouir l'Auditeur
Ne faites point de raillerie,
Aux dépens de voſtre pudeur
,
Si les paroles prononcées
Sont les images des pensées,
DE Mr P. 285
Voyez fans vous flater d'un
traitement trop doux.
Ce que des teftes bien fenfées
,
Sur de pareils difcours peuvent
juger de vous.
Qu'une fevere contenance ,
Ne condamne jamais la mo
defte licence ,
Des propos que vous entendrez
,
Aux bons mots que l'on dit
joignez plûtoft les voftres ;
Mais faites quand vous en
direz ,
Que les gens dont vous raillerez
286 OEUVRES
Puiffent rire comme les au
tres.
Qui fouffre l'affiduité ,
De l'amant que fait fa beauté,
En vain auprés de lui veut
paffer pour cruelle ;
Unhomme qui fe void d'une
femme écouté
Adroit de tout efperer d'elle .
N'acoutumez point voſtre
coeur
Seduit par la vertu de l'objet
qui le tente
A's'atendrir par la douceur
Même d'une amitié qui peut
eftre innocente.
DE Mr P. 287
-L'honneur dans ce commerce
cft fort mal affuré,
Ne vous y laiffez pas fur
prendre ,
Un ami fi fage & fi tendre
Eft bien plus dangereux qu'un
amant declaré,
Un
Je ne deffends
pas à la prude
De prendre
peu de foin de
ce qu'elle
a d'atraits
; :-
Ce feroit
une ingratitude
De negliger
les dons
Cicl nous áa faits ;
que
le
Mais fi vous prétendez qu'on
vous cftime ſage ,
Aprenez que le trop de foin
288 OEUVRES
De conferver cet avantage ,
Eft un infaillible témoin,
Qui montre qu'on en fait
quelque galant ufage .
2
Il ne faut point chercher à
voir
Les interefts cachez d'une intrigue
fecrette ;
Quand on eft curieuſe , &
qu'on veut tout fçavoir ,
On eft fcurement indifcrette
,
Si le fecret vous eft malgré
vous revelé ,
Cachez le,s'il fe peut,avec un
tel filence ,
Même
DE Mr P. 289
Même à celui dont l'impru
dence
Vous en a fait la confidence ,
Qu'il doute quelquefois s'il
vous en a parlé.
2
La mode eft un tiran dont
rien ne nous délivre
A fon bizare goût il faut s'acommoder
; •
Mais fous les folles Loix étant
forcé de vivre ,
Le fage n'eft jamais le premier
acades fuivre , aak met
Ni le dernier à les garder.
Fourie 1711. B
290 OEUVRES
POUR une Dame qui
avoit demandé des
Vers à l'Auteur,
Ceffe charmante Iris , ceffe
de fouhaiter
Des vers qu'Apollon me
refuſe ,
Et n'efpere pas que ma Muſe
Puiffe à preſent te contenter
; im
Je ne fuis plus , quoi que cu
falle
,
Ce que j'eftois dans mes
beaux jours ;
DEMI PO
291
Quand à la fuite des Amours
Jo badinois avec les Graces!

C'eft alors que j'aurois chanté
,
Tous les charmes de ta beau-
32 oldėgis aniq singo
Sur un ton fi doux & fi
Extendre

*
Que ton coeur par tes fens
cafe laiffant émouvoir
Auroit prefque autant pris
de plaifir à m'entendre ,
Que mes yeux en ont à tc
voir .

Cet heureux temps n'eft plus
Bbij
492 OEUVRES
ے ہ
excufe ma foibleffe ;
Tout ce que je puis faire en
l'eftat où je fuis ,
C'eft de combatre les ennuis
Que traîne avecfoi la vieilheffe
comero ad
Mon efprit plus timide &
mon corps plus pefant
Me font voir toute ma mifere
Bencooms
i
Je pleure le paffé , je me
plains du prefent ,
Et l'avenir me defefpere.
Non ,non , puifque les cheveux
gris
One fait füir les jeux & les
ris ;
DE MrP.SO
293
Il ne faut pas que je t'en
nuye ,
Quel agrément trouveroistu
A m'entendre précher d'un
ton de Jeremie ,
Qu'il n'eft aucun plaifir fur
kg tolla fin de la vie ; 10 I
Que celui d'avoir bien vécu .
Cependant , c'est ce que je
penfe ,
Ce
que chacun penſe à ſon
tour
Ce que tot même enfin tu
penſeras un jour ;
Bb
iij
294 OEUVRES
Heureuſe fi tu peut m'en
croire par avance ,
9
Et fidés aujourd'huy faifant
quelques efforts ;
Un fentiment fr falutaire
T'arrache àdes plaifirs qui ne
dureront guerelig
Pour t'épargner Dde longs
remords.
mine
1
J
DE Mr P
295
粉椒椒果椒椒椒椒椒椒椒生糖
SUR le
recouvrement
de la fanté du Roy.
7
Nous n'avons qu'à nous
réjoüir ,
La fanté de Louis eft enfin
rétablic ;
Nous pouvons feurement
joüir
Des plaifirs innocents d'une
tranquile vie.
Contre noftre repos on a
beau
confpirer ,
Bb iiij
196 OEUVRES
Obferver la paix ou l'enfraindre
,
Lui vivant , que pouvons
nous craindre ?
Ou que nos Ennemis peu
vent ils efperer.
the vent
Malgré leur politique &
malgré leur puiffance
Nous verrons leurs deffeins
fans danger & fans peur,
Ou prévenus par la pru
dence ,
Ou confondus par fa valeur.
En vain contre Louis l'Aigle
fe fera fuivre ;
DE Mr P.
297
De tous les Partfans armez,
pour l'infulter ,
Nous n'avons rien à redou
ter
Que le malheur de lui furvivre.
1
Aujourd'hui que le Ciel a
voulu nous cüir
Et délivrer nos jours d'une
telle difgrace ;
C'eft à tort que l'on s'embaraffe
De tous ces vains projets qui
vont s'évanouir ,
Quoi que toute l'Europe
falle
,
298 OEUVRES
Nous n'avons qu'à nous réjoüir
.
$$$2525 :2552 -SZSZ
Sur la retraite de Mr de
Heu

eureux qui fe trouvant
trop foible & trop tenté .
Du monde , enfin fe débaraffe
;
Heureux qui plein de cha-
Mrité
Pour ſervir ſon prochain y
conferve fa place ,
Differens dans leur veuë égaux
en pieté ,
L'un efpere tout de la grace ,
DE Mr P.C
د و و
L'autre apréhende tout de
La fragilité.
Ce monde que Dieu même
exclud
de fon partage
,
N'eft le monde qu'il a
pas
fait ;
C'eft ce que l'homme impic
ajoute à cet ouvrage ,
Qui fait que fon auteur le
condamne & le hair ;
Obfervez feulement le peu
qu'il vous ordonne ,
Et fans ceffe le béniffant ,
Ufez de fon préfent , mais
tel qu'il vous le donne ,
360
OEUVRES
Etvous n'aurez plus rien qui
ne foit innocent .
Crois tu que le plaifir qu'en
toute la nature
Le
premier Eftre a répandu,
Soit un piege qu'il a tendu
Pour furprendre fa créature,
Non non , tous ces biens
que tu vois ,
Te viennent d'une main &
trop bonne & trop fage ,
Et s'il en eft quelqu'un dont
les divines Loix
Ne te permettent pas l'u
fage , nordtylis
HOT
Examine le bien , ce plaifir
prétendu ,
DE MrP
301
Dontl'appas tâche à te fedui,
re
Et tu verras ingrat qu'il ne
t'eft deffendu ,
Que parce qu'il te pourroit
nuire .
Sans les Loix & l'heureux
fecours
) 1
Qu'elles te fourniſſent fans
Shreefferso
Comment avec tant de foibleffen
Pourrois-tu conſerver, & tes
biens & tes jours ,
Expofé chaque inftant à mille
& mille injures ;
302
OEUVRES
Rien ne raffureroit con coeur
épouvanté ,
1

Et ces juftes decrets contre
quitu murmures
Font ta plus grande feureté?
Voudrois tu que la Providence'
Eut reglé l'Univers au gré
detes fouhaits
Et qu'en le comblant de
bienfaits ,
Dieu t'eut encor fouftrait à
à fon obéiffance ?
Quelle étrange focieté
Formeroient entre nous l'erreur
& l'injuſtice ,
DE Mr P. !
joz
Si
l'homme
indépendant
n'avoit que fon captice ,
Pour conduire favolonté.
***************
POUR Mademoiselle
C **
La Beauté mittout en ufage
,
Et fa main liberale épuifa
Les trélors
Quand elle forma voſtre
corps
Et les traits de voſtre viſage,
Le Printemps lui prefta fes
rofes & fes lys ;
304 OEUVRES
La jeuneffe fournit & les
Jeux & les Ris,
Et les Graces croyant faire
encor davantage
de s'en délaifir
Avant que
Voulurent
avoir
le plaifir
D'animer
un fi bel
ouvrage.
On diroit que l'Amour pour
regner dans vos yeux
Quitte le fejour d'Amathonte
,
Cent beautez dont Baris
cftoit fi glorieux
N'y paroiffent plus qu'à
leur honte
DE Mr P.O
305
Et c'est vous ſeule enfin que
l'on fuit en tous lieux ,
Telle Vénus fortant de
l'onde
Parut autrefois dans le monde
,
Et fe fit adorer des Hommes
& des Dieux .?
Mais répondez moi, je vous
2007 2príe , 44 20
Cette beauté , l'objet de
tant de jaloufie ,
Qu'on ne peut voir fans
T'admirer ,pbanluqati
Où les yeux même de l'envie
Mars
1711.
306 OE U VRES
Ne trouvent rien à cenfus
rer ,
Croyez - vous que ce ſoit un
bien fi defirable ,
Et ne craignez-vous point
de ne l'avoir receu ,
Que pour voir un heureux
coupable
Triompher de votre vertu ?
Non , les folles Amours vous
trouveront cruelle.
Un Epoux feul tendre & fidelle
Difpofera de voftre coeur ,
Vous aimez encor plus
l'honneur ,
DE Mr P.
307
Que vous ne cheriffez la
gloire d'eftre belle ;
Jeune Iris ne fçavez vous
pas ,
Que malgré toute fa fageffe
Il en coûta cher à Lucrece
D'eftre née avec tant d'ap
pas.
De pareilles faveurs font
fouvent dangereufes
Le Ciel dans les prefents
qu'il fait ,
Ne donne pas tout à fouhait
,
Et lesgrandes beautez font
rarement heureufes , !!
Ccij
308

OEUVRES
1
Leurs charmes inconftans
paffent comme les fleurs,
Et vous trouverez que l'Hiftoire
,
Qui nous vante tant leur
mémoire ,
Finit prefque toûjours en
pleurant leurs malheurs.
Vous verrez à vos pieds fe
rendre
Uné foulle d'Amans cmpreffez
& foumis ,
Qu'on a de peine à fe deffendre
De tant d'aimables ennemis,
Il cft des momens de foibleffe
DE Mr P.
306
Où la nature peut tomber,
On court rifque de fuccom
ber
Quand on eft obligé de com
batre fans ceffe.
Malgré tous les plaiſirs on
vous peut engager ,
Une beauté qui charme , &
la Cour & la Ville
Fen connois plus de mille
Preftes avec vous de changers
Qui quel que foit enfin le
fort qui vous menace
Prendroient volontiers lo
danger ,
310
OEUVRES
Et voudroient estre à votre
place.
********************
Sur le chagrin d'une
Dame.
D'où peut venir voſtre
trifteffe ,
On voit encor fur voftre
teint
Le même fard dont la jeuneffe
,
Dans vos plus beaux jours
sa l'avoit peint ,
DE Mr P. 317
Avec affez d'égards la fortune
vous traite
Tout le monde vous fait la
cour :
S'il eft quelqu'autre bien
que voftre coeur fouhaite,
On vous l'a dit cent fois, &
je vous le répete ,
Il ne tiendra pas à l'Amour
Que vous ne foyez fatisfaite
.
Joüiffez enpaix desdouceurs,
Que vous promettent tous
vos charmes,9
Et laiffez la plainte & les
larmes
312
OEUVRES
A ceux qui fouffrent vos ri
gueurs.
*
Un jour viendra que la vieilleffe
Enlevera tous nos plaifirs ,
Sans laiffer à noftre foibleffe,
Que la honte de nos defirs;
Quand nous aurons vieilly
fans faire aucun ufage
Des biens mis fur noftre
paffage :
Ce fera vainement que pour
nous fouftenir ,
Nous voudrons appeller la
-raifon à noftre aide ,
Contre
DE Mr P.
313
Contre tous les chagrins
d'un fi trifte avenir ;
Iris il n'eft point de remede
Qu'un agréable fouvenir.
Banniffez donc cet humeur
noire ,
Et gouftant les plaifirs préfens
,
Faites quelque galante Hiftoire
,
Dont quelque jour voltre
mémoire
,
Puiffe réjouir vos vieux
ans .
Mars 1711 .
Dd
314 MERCURE
*****
EPITHALAME
nouvelle
POUR Monfieur le
Comte de Chaftillon ,
& Mademoiselle Voyfin.
Quelle merveille on voit
dans ce féjour :
On y confond Hymen avec
l'Amour .
Jadis rivaux , ces Dieux en
mainte plage
GALANT. 315
Se moleftoient par fourbes
& combats ;
Oncques ne fut entre Rome
& Carthage
Tant de difcord ; mais enfin
leurs débats
Sont terminez accommún
avantage, k
Plus d'un Epoux me dénira
le cas : A
Tout Mécreant fe taira s'il
and elt fage ,
Secrets chagrins en fait de
Mariagean
A Confidens ne ferévelent
pas ;
Car Confidens en font fouvent
ufage, Dd ij
316 MERCURE
Qui des Conjoints augmen
te l'Altercas . $
Sous plus d'un toit les Amours
font fracas ;
On n'entend pas crier à chaque
étage
Quelle merveille on voit
dans ce féjour !
Ony confond Hymen avec
Amour.
Ces Dieux d'accord ont
broüllé leur bagage
Les deux enfans de ladite
Cypris
Ne feront plus coMTUS à
l'équipage.
Quand guerroyoient enGALANT
317
femble au temps jadis ,
Non moins divers en leurs
faits qu'en leurs dits ,
L'un ferieux & quelquefois
fauvage ,
Cherchant fon aife & n'ufant
que de Lis ;
Bien emplumez , l'autre
efcorté des Ris ,
Peu façonnier , aimant le
badinage ,
A fin Duvet préferant verd
Tapis ,
Qui les cut cru gens de
même lignage
Mais à prefent que ces nouveaux
amis
Dd ij
318 MERCURE
1
Chez Chaſtillon ne font plus
2 qu'un Ménage ,
Quelle merveille on voit
dans ce féjour ?
On y confond Hymen avec
Amour . }
Le jeune objet que ces Rivaux
engage
A
s'entr'aimer , porte coups
fi
cheris
Que Scythe n'eft qui ne s'en
trouve épris ,
Toft ne devint un tendre
Abencerrage.i
Dieux : quelle Fefte ! ô nôces
de Thetis ,
ELI
GALANT . 319
Vous n'en eftiez qu'une imparfaite
Image ;
Difcorde ici n'excitera d'orage
Si pomme d'or s'y jette comme
prix on
De la Beauté : befoin n'eft
de Paris ;
Amour , Hymen , vous en
ferez hommage
Aux yeux charmans qui
vous ont réunis ,
Et cet Arreſt approuvé par
Thetis ,
Cenfé fera ftatut d'Arcopage.
Que de beaux jours cet
Dd iiij
320 MERCURE
heureux jour préfage !
Voftreunion confole maints
Maris ,
Qui toutes fois n'y trouveront
je gage ,
Profit aucun enchantez &
5 furpris ,:
Ils vont par tour redire au
voifinage
,
Quelle merveille on voit en
ce féjour !
On y confond Hymen avec
Amour .
Qu'en s'acordant ces Dieux
font digne ouvrage ?
Guerrier aimable autant que
genereux,
GALANT . 121
De leur Traité Chaſtillon
eft le
gage ;
Pas ne pouvoient avoir plus
noble ôtage ,
Il eft iffu de ces Princes fameux
,
Que Loire vit jadis fur fon
rivage ,
Regner dans Blois leur feal
pour heritage ,
Comtes puiffants dont Cas
dets valeureux ,
Gueldre & Bretagne curent
pour appanage ,
Seul rejetton du fang de
tant de Preux ; ;
Aux Souverains de la Seine
& du Tage,
322 MERGURE
Il est lié par cent illuftres
noeuds.
Bien foûtiendra par faits
chevalureux
De ces grands noms le brillant
affemblage ,
Et bien fçaura laiffer dignes
Neveux.
Or donc Epoux ne tardez
davantage,
Plus ne vous faut de cortege
facheux ,
Cupidon feul vous fervira
de Page ;
Allez d'Hymen vanger l'antique
outrage
Rétabliffez la gloire de fes
feux
,

GALANT 323
Et raffurcz qui craint fon
efclavage ,
Si que Mortels préconifant
entr'eux ,
C
Vos coeurs conftans , bien
que toûjours heureux ,
Cent & cent fois repetent
ce langage ,
Quelle merveille on voit
dans ce fejour !
On y confond Hymen avec
Amour.
Charles Chaſtillon , Duc
de Bretagne l'an 1341. I1°
fils de Guy , 1° . du nom
Comte de Blois , & de Mar-
>
324 MERCURE
guerite de Valois , foeur du
Roy Philippe de Valois.
Jean de Chaſtillon Due de
Gueldre , l'an 1372. I 1º .
fils de Louis 1. du nom ,
Comte de Blois , & de Jeanne
de Hainaut.
Par Gaucher de Chaftillon
, V. du nom
Comre
de Porceau , & Conneftable
de France fous fix Rois.
DELA
VILLE
THEATE
LYON
*
1893
S2222252-52SE JES
TABLE
P
Reface
•Livres
nouveaux ,
Traduction en versfrançois , 2 5.
Nouvelles d'Hollande
Nouvelles du Nord ,
Nouvelles d'Espagne ,
49.
64:
83.
Ode fur la prife de Gironne, §6.
·Du Camp de Villalua, le xx . Fevrier
,
96 .
~Fragment d'une autre Lettre ,
Dons du Roy d'Espagne ,
Article des Morts ,
98.
99.
100.
Remarques , 101 , 106 , II &
Mariages ,
TI-4 .
116,
TABLE.
Remarques,
Remarques ,
Inondations
118.
123.
126 .
Ceremonie faite par l'Electeur
de Cologne , 132 .
Hiftoire generale de la Fonderie
des Lettres & de l'Imprimerie ,
par Pierre Cot ,
Hiftoriettes & autres Amuſemens
,
Chanfon contre le Caffé .
137.
125.
135
Hiftorietteprefque toute veritable"
Suplément ,
Poëfies de Mr P.
193 .
242 .
Pour une Dame qui avoit demandé
des Vers à l'Auteur > ICI .
Sur le recouvrement de la fanté
du
Roy ,
295.
Sur la retraite de M. de $98.
303. Pour Mademoiſelle de
C
APPROBATION.
JA
AI lâu par ordre de Monfeigneur
le Chancellier le
Mercure Galant du prefent mois
de Mars , ce 30 Mars 1711,
CAPON
,
7
PRIVILEGE DU ROY.

QUIS
LOUI
par la grace de Dieu , Roy de
France & de Navarre : A nos amez
& feaux Confeillers les gens tenants nos
Cours de Parlements , Maîtres des Requêtes
ordinaires de nôtre Hôtel , Grand Confeil,
Prevôt de Paris , Baillifs , Sénéchaux , leurs
Lieutenants Civils , & autres pos Jufticiers
& Officiers qu'il appartiendra , SALUT.
Ayant choifi Nôtre tres-cher , & bien amé
CHARLES DU FRESNY , Sieur de
Riviere , Nôtre Valet de Chambre ordinaire
; pour continuer de faire le Recueil
de plufieurs nouvelles , Relations , & Hiftoires
; & le faire imprimer fous le titre
de Mercure Galant ; il Nous a trés-humblement
fait fupplier de lui vouloir accor
der nosLettres de Privilege fur ce néceffaires.
A CES CAUSES Nous lui avons permis & permettons
, par ces Prefentes , de faire Imprimer
le Livre intitulé LE MERCURE
GALANT , Contenant plufieurs Nlouvelles
, Relations , Hiftoires , & genera ement
tout ce qui dépend dudit Livre , & qu'on
a coutume d'y mettre depuis trente ans
en telle forme , marge , caractere , & autant
de fois que bon lui femblera , par tel Immeur
& Libraire qu'il voudra choiſir >
?
de Paris , page 63. num. 36. conformément
aux Reglements , & notamment à l'Arreft
du 13. Août 1703. A Paris , ce 2. Septembre
1710. Signé , P. DE LAUNAY,
Syndic.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le