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BIBLIOTHÈQUE
60
" Las Fends
2'
S
CHANTILLY
MERCURE
GALANT
DEDIE' A MONSEIGNEUK "
LE
DAUPHIN
AVRIL , 1709 .
A PARIS ,
Chez MICHEL BRUNET , grande Salle du
Palais , au Mercure Galant.
Con
Omme il eft impoffible dans la conjoncture
preſente de ne pas groffir
le Mercure, ce qui en augmente confiderablement
les frais , on ne peut fe difpenfer
d'en augmenter auffi le prix. Ainfi les
volumes qui feront reliez en veau ſe vendront
dorefnavant 38. fols. Quant
aux volumes qui feront reliez en parchemin
, on n'en payera que trente-cinq .
Les Relations fe vendront autant que
Ies Mercures.
Chez MICHEL BRUNET , grande
Salle du Palais , au Mercure
Galant.
M. DC CIX ,
Avec Privilege du Roy:
AULECTEUR.
ILy a lieu de croire qu'on
ne lit plus l'Avis qui a
efté mis depuis tant d'années
au commencement de chaque
Volume du Mercure , puif
que malgré les prieres réiterées
qu'on afaites d'écrire en
caracteres lifibles les Noms
propres quife trouvent dans
les
Memoires qu'on envoye
pour eftre employez , on néglige
de le faire , ce qui eft
caufe qu'il y en a quantité
AULECTEUR
.
de défigurez , étant impoffible
de deviner le nom d'une Terre
, ou d'une Famille , s'il
eft bien écrit. On prie de
nouveau ceux qui en envoyent
d'y prendre garde ,
s'ils veulent que les noms
propres foient corrects. On
$
a
avertit encore qu'on neprend
aucun argent pour ces Memoires,&
quel'on employera
tous les bons Ouvrages à leur
tour , pourvû qu'ils ne def
obligent perfonne , & que
ceux qui les envoyeront en
affranchiffent le port.
5
MERCYRE
GALANT
AVRIL,
1709.
V
OUS me demandez fi
la fanté du Roy eſt parfaitement
rétablie , d'une maniere
à faire croire que vos
allarmes & vos inquietudes
durent encore. Cependant
A iij
6 MERCURE
elles devroient eftre entierement
ceffeés , puifque je vous
ay déja mandé que les attaques
de collique que S. M. eut le
jour de Pâques & le lendemain
, ne venoient que des
fatigues qu'Elle effuye dans
les fonctions qu'elle eft obligée
de faire pendant prefque
quatre jours entiers de la femaine
Sainte. Et comme elle
>
remplit toutes les choſes aufquelles
fon devoir l'engage
ou que fa picté luy fait entreprendre
avec une exactitude
fur laquelle Elle ne ſe pardonne
rien , il eft plus furprenant
1
GALANT
7
que
de voir qu'Elle refiſte à toutes
les peines qu'Elle fe donne
de l'en voir quelques fois incommodée.
Cependant quoy
que fon indifpofition " fuft
tres - peu confiderable , à peine
auroit- on fçu que ce Prince
incommodé , fi aprés eut efté
avoir efté faigné , il ne fe fut
levé pour tenir Confeil ; &
comme il eft l'ame de ce Confeil
; qu'il y propoſe tout ;
qu'il fait attention à tout ;
qu'il v répond à tous fes
Miniftres , & qu'il donne des
raifons pour autorifer fes
decifions on ne doit pas
A iiij
8 MERCURE
s'étonner fi cette grande apli
cation & ce furcroift de fatigues,
auffi toft aprés en avoir
cfluyé tant d'autres luy
avoient fait fentir une feconde
atteinte de colique ; mais la
bonté de fon temperamment
fit auffi - toft évanouir le refte
de ce mal. En effet , ce Prince
n'eft point valetudinaire ; on
n'entend jamais dire qu'il ait
d'accés de fiévre , & il n'a efté
attaqué d'aucune maladie confiderable
depuis la grande maladie
qu'il eut à Calais , en 1658
& dont il fut gueri par le vin
emetique. Enfin il y a lieu d'efGALANT
9
perer qu'avec la bonté de fon
temperament
, les fages precautions
qu'il prend , & l'habileté
de Mr Fagon , il verra
plus de Generations qu'aucun
Souverain , & même qu'aucun
Particulier , n'en ont vû jufqu'à
prefent. Je ne dois pas
oublier de dire à l'occafion de
la derniere indifpofition de
ce Monarque , qu'elle a donné
lieu de faire remarquer le
grand attachement & le grand
amour que toute la Cour fit
paroître dans l'apprehenfion
qu'elle eut que le mal de S. M.
n'augmentaft . Ceux qui fe
10 MERCURE
trouverent à Versailles , &
qui étoient fur le point d'en
partir pour ſe rendre à Paris
y demeurerent , & ceux qui
étoient à Paris coururent à
Verſailles ; de maniere qu'en
de
peu temps
la
Cour
parut
fort nombreuſe. On ne doit
pas s'étonner de fon attachement
& de fon amour pour ce
Monarque , puifque tous les
Souverains enfemble qui ont
regné en France , n'ont jamais
donné tant de récompenfes
& tant de Penfions à ceux qui
en ont merité. Il n'a jamais
rien eu que pour donner ; il
1
GALANT 11
n'a jamais thefaurifé
, & l'on
peut dire que fon plus grand
plaifir eft de récompenſer
la
vertu , les fervices & le merite.
Ses largeffes
font fleurir les
beaux Arts dans fon Royaume
, aufli bien que les Sciences
& l'efprit , & cinq grandes Academies
, qui tiennent
tout de
fes liberalitez
, font des preuves
bien convaincantes
de tout
ce que je viens de dire ; & comme
j'enay ſouvent parlé amplement
, je dois finir cet Article
, que j'ay cru devoir feulement
rapporter
icy , pour
donner avec ce qui le precede ,
12 MERCURE
une idée generale de toutes les
bontez de S. M. envers tous
fes Sujets , felon la diftinction
qu'ils meritent , & les chofes
dont ils font profeffion .
La Lettre qui fuit eft remplie
de faits tres- curieux , &
qui feront beaucoup de plaifir
à ceux qui fouhaitent de vivre
long- temps .
4
GALANT 13
LETTRE
De M Begons , Docteur en
Medecine de la Faculté de
Montpellier , & qui exerce
la Medecine au Puy en Velay
; à M' l'Abbé Ferrus le
Cadet , du 28. Decembre
1708 .
Ayant obfervé , mon cher
Monfieur , dans la pratique de
la Medecine , qu'il arrive fouvent
à certains Vieillards , des
changemens heureux qui femblent
les faire rajeúnir , ainfi
que l'on remarque quelques -fois
14 MERCURE
la
voit
une espece de Printemps au milieu
de l'Hiver , lors que par
temperature de l'air l'on y
fleurir des arbres. Il m'eſt venu
enpenſée d'examiner fi la vieilleffe
, qui eft comme l'abregé de
toutes les maladies , pourroit
quelque façon eftre curable ou
(ce qui revient au mefme ) fi le
temperament d'un vieillard ne
pourroit point fe transformer
celuy d'un jeune homme , foit
par un effort de la feule nature
foit par le moyen de l'art. Ce fera
mon cher Abbé , le fujet d'une
curieufe Difertation que je vous
adrefferai bien-toft ; mais en atGALANT
IS
tendant , comme cette question
pourroitfurprendre les efpritspar
Ja nouveauté , je dois prevenir
ces inconveniens , &commencer
dans cette Lettre que je feray bien
aife que vous rendiez puplique,
à montrer que ceci n'eſt pas un
feu d'imagination , mais que
cette verité eft fondée fur plufieursObfervations
tres-réelles
toutes recentes. Je n'en raporteray
que quelques- unes dont les
fujets fontpleins de vie &feront
pourmoy des témoins irreprochables.
Fe me difpenferay de les
nommer pour certaines raisons
de bien-feance. Ils font tous dans
16 MERCURE
le Velay. Une Femme âgée
de 77 ans qui avoitperduprefque
toutes fes dents en a pouffe deux
bonnes molaires . Un homme de
Robbe de diftinction vient de fe
marier parprincipe de confcience,
( c'eft une verité eftabliepar decifion
de la Faculté de Medecine )
dansfafeptante cinquième année,
aprés avoir refté fort tranquile
dans le celibat plus de 2 5. ans qui
fe font écoulezfans orage & fans
trouble caufe parle vent des tentations
, depuis la mort de fa premiere
femme. Une autre femme
âgée de 80. ans afenti tout d'un
coup fa vûë fortifiée & a quitté
GALANT 2017
l'ufage des Lunettes : en un mot
Lesyeux fe font éclaircis , & les
humeurs répurées. Un Abbé de
la premiere qualité ayant fouffert
jufques à l'âge de 60 ans de
grandes indigeftions , digere
dans fa quatre- vingt- quatrième
année parfaitement bien , éprouque
fon eftomach fe fortifie
vant
en vieilliffant. Un Armurier de
Mont - Faucon à 8. lieuës du
Puy, ' à l'age de 96 ans a repris la
force de fes jambes qui s'estoient
affoiblies avec l'âge & vient àpié
de Mont- Faucon au Puy dans un
jour d'hyver tres rude & fort
pluvieux , & s'eftant remarié
Avril 1708 . B
18 MERCURE
<
dans fa quatre- vingt – fixiéme
année , il a eu de fort beaux enfans.
Mais ce qui m'a paru
plus étonnant , c'eſt d'avoir vú
Me la Marquife de S... V....
avoir repris fes regles dans fa
centiéme année après so ans de
fuppreffion , lefquelles regles luy
reviennent aujourd'huy qu'elle
court facent-quatrième année, de
dans la fleur de fa
même
Se
que
jeuneffe , & depuis ce retour elle
fe porte tres-bien ; le corps &
Tefprit faifant également bien
leurs fonctions. Sa Maiſon qui
eft une des principales du Velay
nefe conduit que par fes ordres .
1
1
GALANT 19
Elle mange indifferemment de
~tout ce qui paroift le plus difficile
à digerer , comme falade , lait ,
fruit crud, falé , patiſferie , &
cela fans incommodité & fans
que fon eftomach en souffre. Je
prétens , mon cher Abbé , dans la
Differtation que je vous promets,
vous faire voir que cette femme
ou telle autre à qui il arrivera de
fi heureux changemens peut devenir
feconde & propre aux
ufages du mariage. Vous n'en
dourerez pas lors queje vous auray
détaillé mes principes , vous
qui faites gloire de vous rendre
à la verité.
Bij
20 MERCURE
On nous fait efperer une
Traduction Latine de vostre façon
de l'Ouvrage que le Pere
Touzart vient de donner au Public
fur l'Hiftoire du Cardinal
Ximenes. Je répons par avance.
du fuccés de cet Ouvrage , connoiffant
comme je le fais la delicateffe
de voftreplume. Jefuis ,
& c.
Je crois que vous n'avez
jamais entendu parler d'aucun
fait plus extraordinaire ,
que celuy que vous trouverez
dans l'Article qui fuit.
On écrit de Leipfic , qu'il
s'eft fait depuis peu dans le
i
GALANT
21
Nord , une Cure finguliere
auprés de Stockolm . Un Muficien
, d'une grande habileté
dans fon Art , eftant tombé
dans une fiévre continue ,
acompagnée d'un délire violent
de cris , de larmes , de
terreurs , & d'une infomnie
continuelle , un fecret instinct
luy fit demander le 3º . jour
de fon délire , à entendre un
petit Concert dans ſa Chambre.
Le Medecin eut peine
à y confentir craignant que
les fons des Inftrumens n'augmentaffent
la frenefic .
Enfin les defirs du Malade
22 MERCURE
redoublant un Muficien
François qui fe trouva là , luy
chanta les Cantades de Mr
Bernier. Chofe furprenante ;
aux premiers accords que le
Malade entendit , fon vifage
prit un air ferein , ſes yeux
devinrent tranquiles , & fes
couvulfions cefferent entierement.
Enfin il verfa des larmes
de plaifir ; il eut même
tout d'un coup une fenfibilité
pour la Mufique qu'il n'avoit
jamais fentie, quoy qu'il s'attachaft
à cet Art , & il perdit
cette fenfibilité dés qu'il fut
guery. Il ne le fut pas par le
GALANT 23
premier Concert '; la fièvre ,
comme fufpendue , revint
dés que l'on cut fini de chanter
; mais on ne manqua pas
de continuer l'ufage d'un remede
dont le fuccés avoit
efté auffi heureux qu'imprevu
. La Mufique ne manqua
pas de produire le même effet
une 2. & 3. fois qu'elle avoit
fait la premiere , & elle fufpendoit
toujours tous les fâcheux
fymptômes de la Maladie
. Le Malade faifoit chanter
la nuit & même danſer ,
une vieille parente qui le veilloit
& qui ne pouvoit fe re24
MERCURE
foudre qu'avec peine , à un
exercice peu convenable à
fon âge , & à la difpofition
du malade , qu'elle croyoit
d'autant plus fâcheufe qu'elle
luy voyoit plus d'enjouement.
Une nuit qu'il avoit
une Garde auprés de luy qui
ne fçavoit qu'un méchant
Vaudeville , il l'obligea de le
chanter , & il fut foulagé
fur le champ. Enfin dix
jours de Mufique & de danfes
le mirent dans un eftat
parfait de guerifon fans aucun
autre fecours que celuy
d'une faignée au pied , qui
fut
GALANT
25
fut la feconde qu'on luy fit
pendant fa maladie , & qui
fut fuivie d'une grande évacuation
. Cette avanture furprenante
à efté écrite par plufieurs
perfonnes dignes de
foy , & plufieurs Phyficiens
font des reflexions fur co
fujet.
•
Aprés vous avoir rapporté
plufieurs faits extraordinaires
& la guerifon produite par
le pouvoir de la Mufique ,
je paffe à des Articles qui
regardent plufieurs perfonnes
que rien n'a pu garentir
de la mort , & je commence
Avril 1799
. C
26 MERCURE
par un Article que je vous
ay promis dans ma derniere
Lettre , dans lequel vous trouverrez
des choſes fi fingulieres
qu'elles n'ont peut eftre
jamais eu de femblables . Voila
beaucoup de fingularitez de
fuite .
ге
Dame Jeanne de Goury
veuve de Mr Claude de Luffon
, Chevalier , Seigneur de
Chennevieres en France , Confeiller
du Roy en fes Confeils
d'Etat , Privé & de fes Finances
& Ancien Auditeur en
fa Chambre des Comptes , eft
morte avec de tres grands fenGALANT
27
timens de pieté , âgée de 93 .
ans. Mr de Luffon étoit mort
dés l'an 1701. âgé de 8 3. ans.
Il y a lieu de croire que leurs
jours ont efté prolongez fur
la terre , en confideration
de
l'étroite union , dans laquelle
ils ont vêcu enſemble pendant
$ 6 . ans de Mariage.
Certe Dame eftoit fille de
Jacques de Goury , Seigneur
du Mazurier & de la Cailleterie
, & Auditeur des Comptes ,
qu'elle a furvécu de 83. ans ,
n'étant âgée que de dix ans ,
lors qu'il mourut en 1626.
La Maifon de Goury , qui
Cij
28 MERCURE
蹶
vient originairement de Touraine
, eft noble & ancienne ,
puifque Jacques de Goury I.
du nom Ecuier , y poffédoit
dés l'an 1499. la Terre de
Chaiz qu'il avoit achetée de
Thomas le Brun , Brigandinier
du Roy. Je ne puis vous expliquer
les fonctions de cette
Charge ; mais elle fe trouve
dans les Titres de cette Maifon
; on voit en plufieurs endroits
de la Chapelle où les
Seigneurs de Chaiz font enterrez
, les Armes de Goury ,
qui font d'Azur à trois bandes
d'or . Me de Luffon à laiffe
GALANT 29
un fils unique feul heriter ,
nommé Pierre de Luffon Chevalier
Seigneur de Chennevieres
en France , de la Vallée
& de Belloy ; mais fi elle n'a
laiffé aprés fa morr qu'un feul
fils , du moins elle à cu la confolation
de voir pendant fa
vie cinquante tant de fes
neveux , que petits - neveux ,
dont ilfe trouve encore trentefix
de vivans . Elle avoit eu
trois freres & trois foeurs , l'aîné
avoit efté honoré par le
Roy de l'Intendance des Province
& Armées de Sa Majefté
en Catalogne ; le fecond de
24
30 MERCURE
*
I'Intendance de Juſtice , Police
, & Finances en Alface; &
le troifiéme eftoit Abbé de
Blazimon. Sa four aînée avoit
époufé Mr le Meunier de
Mauroy, Maître d'Hoftel de
Sa Majefté , & Treforier des
Ligues Suiffes ; la feconde
avoit époufé Mr Meraut
Auditeur des Comptes ; & la
troifiéme eftoit Religieufe à
Gomerfontaine. Me de Luf
fon eftoit niéce à la mode de
Bretagne de feuë Me la Chanceliere
le Tellier , & coufine
iffuë de germain de feu Mr le
Marquis de Louvois , Miniſtre
GALANT 31
& Secretaire d'Etat. La Maifon
de Goury eft alliée à plufieurs
Maifons confiderables ,
entre autres à celles de le Tellier
, Daumont , du Gué - de-
Coulanges , de Pontac , de
Bretonvilliers , de Bailleul , de
Lerebours , de Chamillart
de Leftrade , de Neubourg de
Sarcele , de Lecour , de Richelieu
, de Surville , de Guilleragues
, Dufay , de Larche , de
Marillac , de Novion , de Lamoignon
, de Néreſtan , de
Martin , de Verthamon , de
Jarzé , Defcars , de Chanevele
, & Debonaire .
C iiij
32 MERCURE
La Maifon de Luffon ,
n'eft pas moins ancienne &
moins confiderable que celle
de Goury. Elle eftoit fort
connue des le commencement
du 16. fiecle , & tous ceux
qui en font defcendus fe font
toujours diftinguez dans les
Charges & Emplois dont ils
ont efté honorez . Mr de Luf
fon eftoit fils de Renaut de
Luffon , Contrôleur General
de la Grande Chancellerie
Secretaire ordinaire de la
Chambre de Sa Majeſté , &
Tréforier General de la Marine
du Couchant , & de Da-
>
GALANT 33
me Anne ale Tonnelier de
Breteuil , tante de feu Mr de
Breteuil , Confeiller au Confeil
Royal & Contrôleur General
des Finances , d'où font
defcendus Mrs de Breteuil ,
d'à préfent . Cette Dame a efté
veuve pendant so. ans , & à
vû dans fes defcendans jufqu'à
la quatriéme Géneration . Le
Roy Henry IV. avoit beaucoup
d'eftime pour Renaut
de Luffon , & il l'employa
dans plufieurs Commiffions
honorables , entre autres dans
la Réforme Generale
Chancelleries de tous les Parledes
34 MERCURE
mens & Préfidiaux du Royaume
, où il fe commettoit plu
fieurs abus. Le Roy Louis
XIII. ne le confidéra , pas
moins , & l'employa dans plufieurs
affaires &
négotiations
fecretes ,
principalement lors
qu'il le nomma Comiffaire
General de fes Armées en Italie
& en Piémont , où il s'aquit
en peu de temps la bienveillance
du Coneftable de Lefdigueres
qui les commandoit ,
& où il eut l'avantage de réüf.
fir en beaucoup de chofes
qui furent agréables au Roy
& utiles à l'Etat , auquel il eût
GALANT 35
encore rendu de plus grands
fervices , s'il n'eût cfté preve
nu par la mort , qui l'enleva
avant l'âge de 40. ans l'an
1618. Il y a prefentement 81 .
ans. Claude de Luffon fon fils
avoit un frere & trois foeurs.
Son frere eftoit Prieur Commendataire
de Saint Benoift ,
en Talmondois , Ancien Con .
feiller au Chaftelet & Sous-
Doyen de la Compagnie
& enfuite Prefident , & Lieutenant
General de Senlis . Sa
foeur aînée avoit épousé Mr
de Bernage , Sieur de Bourbiffon
, frere de feu Mr de Ber36
MERCURE
nage , Evêque de Graffe ; &
les deux autres ont efté Religieufes
dans l'Abbaye Royale
de Poiffy. Il eftoit neveu à la
mode de Bretagne de Guillau
me de Luffon , Confeiller
d'Etat , Premier Prefident de
la Cour des
Monnoyes
, &
Seigneur de Chennevieres . Il
faifoit profeffion des belles
Lettres , & il avoit un agréa
ble
commerce avec tous les
Sçavans , & tous les Curieux ,
de fon temps. Mr de Luffon ,
a vû
pendant fa vie
quarante
tant de fes neveux que petits.
neveux , dont trente - quatre
GALANT 37
font encore vivans ; de maniere
que le mary , & la femme
, ont eu quatre - vingt - dix
neveux ou petits neveux . La
Maifon de Luffon , cft alliée
à plufieurs Maiſons confidérables
, & entr'autres à celles
de Breteuil , de Noailles , de
Harlay , de le Charon , Daubrai
, de Bailli de Sanguin
de Fraguier , de Coufinet
de Charpentier , de Portail , de
Par is , de Boiffi , de Salo ,de
le Viole , de le Picart , de Pinon
, de Here , de Brigalier ,
de le Boffu , de Valiere , de
Belin , de la Fons , de Chevri
•
38 MERCURE
des Bordes , de la Marck Ef- ,
chalart , & de Wignacour.
Le Pere Herault , Jefuite ,
eft mort dans la Maiſon Profeffe
, âgé de 92. ans . Il paffoit
pour un faint homme , & il a
donné des marques bien édi
fiantes de fa foumiffion aux
ordres de Dieu dans les derniers
momens de fa vie . Sa
mort a édifié toute la Communauté
, à laquelle il a laiſſé
de cuifans regrets de fa perte.
Il avoit Profeffé avec fuccés
dans plufieurs Colleges de fa
Compagnie , & il avoit trouvé
le temps , malgré des exerci
GALANT 39
ces fi laborieux , de s'appliquer
à la Predication , & de cultiver
le talent qu'il avoit pour la
Chaire. Il fçavoit parfaitement
l'Ecriture , & il en avoit fait
fa principale étude dés les premieres
années de fa vie. Il y
avoit peu d'Interpretes fur ce
divin Livre qu'il n'eut lûs exac
tement , & fouvent plus d'une
fois.Il excelloit principalement
dans l'explication des fens mo
raux & allegoriques . Ce Pere
a confervé juſqu'au dernier
foupir une grande prefence
d'efprit , & fa raifon n'a pas
paru affoiblie un feul inſtant.
40 MERCURE
Sa mort a cfté picufe & touchante
, & les fentimens de religion
dont il paroiffoit penetré
pendant favic , ont édifié
tous ceux qui l'ont vû mourir.
Il avoit eu autrefois la conduite
de la confcience de plufieurs
perfonnes de diftinction , & il
avoit efté à l'égard de plufieurs
pécheurs l'inftrument falutaire
dont Dieu s'eftoit fervi pour
les rappeller à luy.
Le Pere d'Ozenne de la même
Compagnie , cft auffi mort
dans la Maifon Profeffe. Il
eftoit des plus attachez à la
Regle de la Compagnie. I
GALANT 41
y eftoit entré fort jeune,& il y
avoit d'abord rempli avec fuccés
les premiers emplois. Il
avoit Profeffé la Rhetorique
avec éclat, & l'exercice des Humanitez
ne l'avoit pas empêché
de s'attacher à la conduite
des ames. Perfonne ne connoiffoit
mieux que luy les
voyes interieures , & il s'eftoit
toujours fait une étude particuliere
de connoiftre le fond
des coeurs , perfuadé que fans
cette connoiſſance , on ne pou
voit faire aucun progrés dans
l'inftruction & dans la fanctification
du prochain . Ce Pere
Avril 1709
. D
42 MERCURE
eftoit un grand Theologien ,
& il avoit donné une application
particuliere à la partie de
la Theologie qui regarde la
conduite des moeurs ; il développoit
fur le champ toutes les
dificultez delaMorale avec une
facilité merveilleufe . Le Pere
d'Ozenne eftoit allié aux meilleures
maifons de Normandie,
dont la fienne eftoit originaire.
Il est mort âgé d'environ
80. ans.
Sixième fuite de l'Ouvrage
de Mr de Woolhoufe.
GALANT 43
Mais venons enfin aux diffi
dultez & embaras infurmontables
que Mr A. s'eftformé mal
à-propos , en faisant une feule
membrane de la tunique vitrée
& de l'aranée ,fuivant l'erreur
de plufieurs anciens Anatomiftes
.
25
د ز
ر د
Voicy comment noftre Autheur
s'énonce
à cet égard pag. 37 .
Le corps vitré eft recouvert
entierement d'une membrane ;
cette membrane à l'endroit
du cercle ciliaire , s'y trouve
„, attachée , à la retine par le
moyen des procez ou fibres ciliaires
, en ce même endroit elle
و د
Dij
44 MERCURE
femblefe divifer en deux mem
,, branes , dont l'unecontinue à
environner la partie anterieuré
du corps vitré ,fur laquelle eſt
enfoncé le cristallin,
د ر
و ر
ی و
در
و ر
و د
l'autre
» paffe par deffus le cristallin ,l'em
braffe entierement , & letient
fortementattaché au corps vitré
vidpagg 40. & 45.la membrane
du corps vitré qui fe di-
,, vife en 2. membranes & c. [
fans la reftriction precedente de
femble fe divifer ] quand
on fend cette membrane le
cristallins'en échape fans aucune
voilence.
ور
و د
و ر
دو
Or Mr A.pretend en pluſieurs
GALANT 45
+
در
une
endroits defon livre qué dans la
vraye cataracté
ferofité acide agitfur la membrance
qui recouvre le criſtal-
,, lin ( pagg. 127. 128. 129.
›› 13 3. &c. ) &la detruitle plus
fouvent & la confomme ,finon
entierement , du moins enfa plus
grande partie & pag. 130. il
dit la caracte eft meure
quand la membrane
و ر
و د
و ر
د ر
و ر
و ر
دو
qui couvre le cristallin eſt en
55partie ou entierement confommée ", &c.
Ainfi fi cette membrane ( que
Mr A. veut eftre une feule en
continuité) eft entierement detruite
46 MERCURE
&confommée , l'humeur vitrée
s'écouleroit & fe mefleroit avec
l'humeur aqueufe de l'oeil felon
les principes cy- deffus alleguez du
livre de Mr A. & quand cette
tunique ne feroitgâtée qu'en partie
, il faudroit abfolument que
l'autre partiefe corrompit(tres-peu
de temps aprés) par la même caufe,
& qu'elle communiquât la contagion
au corps vitré , cependant
on voit des Cataractes abbatuës
aprés 14. & 20. & même aprés
25. années de durée avec rétabliffement
de la vûë, ce quinefeferoit
pas fi l'humeur vitrée n'eftoit
pas dans fon entiere confiftence,&
GALANT 47
transparence.
De plus n'eft- il pas bien raifonnable
de demander fi felon la
fuppofition d'une feule memla
brane reveftant les deux humeurs
vitrée & criſtalline)la cataracte
puiffe jamais avoir affez
de maturité poureftre abbatuë ,
fans laiffer aucuns filaments ny
parcelles de la membrane qui recouvre
le criſtallin, car on nesçauroit
fe perfuader que cette ferofité
acide de Mr A. fut douée de
raifon , & qu'elle pûtfirégulierement
faire la ronde , & ronger
( avec la derniere délicateſſe & jufteffe
) cette feule partie anterieure
48 MARCURE
re de la tunique ( qui eft inceffa
ment baignée & arrofée de l'humeur
aqueuse de l'oeil) deforte qu'il
n'y en reftepas la moindre aparence.
quoy qu'il enfoit nous abatons
tous les jours des cataractes où on
n'aperçoit pas la moindre particule
ny freluche ; tout y paroift clair
&net comme àl'oeilfain, d'où on
peut morallement conclure que
la Cataracte n'eftpas le Criſtallin
alteré, comme Mr A. le prétend
démontrer.
Encore quand il il n'y a qu'une
partie de cette membrane corom
puën'eft-il pas plus que poffible
qu'on entraîne avec elle ( en abbatant
GALANT 49
tant le Criſtallin ) toute la bour-
Le au moins ( pour ſe fervir des
propres termes de Mr A. pag. 57 )
qui enferme le Cristallin de deux
coftez par ce moyen de donner
iffuë à l'humeur vitrée ( privée
anterieurement de fon envelope
naturelle ) dans la Partie qui
Se pouffe en avant en eftendantfes
fibrespour remplir la capacité du
Criftallin deplacez felon lefifteme
de Mr A.
Et quand même la membrane
aranée feroit rongée par devant
trés reguliererement , &fubtilement
( au fouhait de Mr A. )
qui eft- ce qui oferoit rifquer de laif-
Avril 1709
. E
50 MERCURE
ferles Cataractesjufqu'à la parfaite
maturitéfelon la methode
de Mr A. & des autres Oculif
tes ordinaires, puifque l'acide qui
auroit rongé la partie anterieure
de cette bourse Cristaline , & qui
auroitalteré diminué leCriſtallin
même, pûtfort bien s'infinuer
&fe communiquer à la partiepofterieure
de cette bourfe membraneufe
, & l'infecter , de
forte que quoyque le Cristallinfut
bien abbatu , le malade ne feroit
pas plus avancé en fa guerifon
, cette membrane opaque
couvrant le nouveau Criſtallin
comme une taye ; ſi l'on vouloit
détacher cette taye , on ne
GALANT SI
1
pouroit éviter de picquer fouvent
& ainfi de detruire entierement le
vitré quieft ( ditMr A. pagg.43 .
35. , ) un compofé des membranes
de fibres tranſparentes
qui contient une humeur à peu
présfemblable àl'humeur aqueu-
Le. Mr A. à la pag. 230. tâche
fin ment à prévenir cette derniere
objection , & impute cet accident
commun comme propre & infeparable
de l'abces on ulceration du
Criſtallin à laquelle il dit
l'operation eft abfolument
inutile ,parce que la membrane
qui recouvre corps vitré contracte
le même vice.
د ر
د و
"
ور
que
Ilimpute auffi cet accident aux
52 MERCURE
و د
"
glaucomes qu'il appelle cataractes
mixtes , pag. 234.
Mais ce qui refte , dit- il
„ aprés que cette cataracte eſt abbaiffée
, eft un nuage par delà
la pupille caufée par la membrane
qui recouvroit le Criftal-
», lin qui n'eftant pas dechiré reſte
appliqué fur la boffe du corps
vitré en maniere d'un cannepin
blancheâtre & extreme,.
,, ment delié, &c.
و د
و د
د ر
و ر
39
و ر
à la
a
Mr A continue cetteperiode
pag. 235. & s'efforce là à
tordre à fon Sisteme l'accident
qui arrive quand la partie laplus
groffiere laplus pefante de la
GAL,
INTRA53
లో
cataracte tombe en bas ( aprés
qu'elle eft detachée d'avec l'uvée ) ,
laiffe nageant dans l'humeur
aqueufe de l'oeil , tantoft une concretion
tres- mince , en forme de
pellicule , tantoft une matiere
blancheaftre coagulée au travers
defquels l'éguille auroit fait
breche paffage en operant.
Pour mieux s'affurer ( dit
Mr A.) que ce nuage n'eftproqueparla
membrane qui
recouvroit le Cristallin , on
doit regarder l'oeil avec de bonnes
lunettes ou avec une loupe
de verre , & on connoistra que
ce n'est que cette membrane ,
و د
و د
و ر
duit
و ر
و د
te
د ر
54 MERCURE
و د
د و
د ر
فر
و ر
و ر
ود
د و
que
on verra même la déchirure ou
,, fente par laquelle le Criſtallin
s'eft échapé, qui eft en longue ou
d'une autre figure ; & comme
dans l'endroit de cette fente la
prunellefe trouve noire,au lieu
dans les autres endroits que
cette membrane occupe, elle eft
, unpeu blancheaftre,&c.
Il eft àpropos de remarquer icy
que quoy que le pretexte de la dechirure
ou fente , ( dont Mr Ant.
fait mention , ) paroiffe d'abord
fort fpecieux à des gens peu ver-
Jez dans l'operation de la Catarate,
cependant quand on lit la
fuite du raifonnement , & qu'on
1
GALANT 55
y voit que Mr A. affeure tout
de bon que la Prunelle fe trouve
noire dans l'endroit de cette
fente , au lieu que dans les autres
endroits elle eft blancheaftre ,
Alors on apperçoit le Sophifme ;
& on connoift qu'il eft impoffible
que cettefente puiffe eftre dans la
Membrane Arachnoïde qui eft
bien avant dans l'oeilfur le creux
oufinus du vitré,ayant le noir tout
devant elle , & reftant toujours
fixe au même centre : mais la concretion
où fe trouve cette fente )
eft bien proche laprunelle même ,
flottant dans l'humeur aqueufe
& comme elle eft entourée de pa- :
E iiij
56 RCURE
rois noirs de l'uvée , & qu'elle
laiffe paffer les rayons de la lu
miereau travers de faditefiffure ;
elle fait ainfi paroiftre au delà ,
cette noirceur interne de la Chambre
optique de l'oeil , ce que la
pretenduë fente de la tunique
Cryſtalline ne sçauroit faire
voir , puis qu'elle n'a que
le vitré
par derrierre qui y borne la
veuë. Et quant aux endroits
qui paroiſſent blancheaftres, comment
veut Mr Ant. qu'ils paroiffent
autrement , puis que la
prunelley est voilée & couverte
par une membrane
opaque de ladite
couleur ?
GALANT 57
Enfin , felon le Syfteme pretendu
nouveau de Mrs A. & B. il
faut neceffairement que toutes les
parties du globe de l'oeil fubiffent
quelque alteration , quelque violence
& quelque derangement
des parties dans l'abbatement de
la Cataracte , fans pourtant
fouffrir aucune douleur , ni abolition
de la veuë. Et Aquapendans
luy-même , qui ( de tous les
Sçavans ) avoit laplus mauvaise
idée de l'operation de la Catarate
vid : Aquapendens , auvres
Chirurgiques liv. 2.cap. 1 6.
de la Suffufion ou Cataracte.
Aquapendens , dif-je , ne s'eſt
58 MERCURE
point figuré là dedans , la moitié
du ravage que Mrs Ant. & B.
pretendent réellement & effectivement
arriver , quoy que à la
bonne heure même pour ceux qui
fe la veulentlaifferfaire . Qu'auroit
dit ce bon Profeffeur de Padouë
, s'il avoit lu le fyfteme
eftrange de ces nouveaux Écrivains
? certainement il auroit demontré
bien autrement que je ne
fçaurois faire , qu'il eft abfolu-.
ment & infailliblement impoffi
ble de fauver la veuë par une telle
Operation , qu'on appelleroit
defolation & deftruction à bien
meilleur titre.
CALANT
59
la
Fobmets ( pour le prefent ) une
infinité d'autres remarques confiderables
que j'ay faites en lifant
le Livre de Mr A. qui entaffe
difficultéfur difficulté & mystere
fur myftere dans la chofe du monde
la plus fimple & la moins embarraffée.
Car fuppofe que
Cataracte foit le Cryſtallin alteré
, & devenu opaque , on n'a
que faire d'un galimatias de regles
, d'exceptions , & d'obſervations
, desfuites des Precedens
pour apprendre comment il la faut
abattre , puis que le Cryſtallin
defeché fort de fon châton au
moindre toucher de l'efguille : car
60
MERCURE
il n'eſtadherant à aucune partie ,
Selon les propres paroles de Mr
Ant. pag. 47. & ,, il fe precipite
en basparfon propre poids,
,, comme feroit une pierre. A ce
,, que Mr A. avonë auſſi, ibid.
pag. 47. Rien n'est plus jufte ni
plus
veritable que ce qu'a dit làdeffus
Gaffendi aux termes fuivans.
و ر
» Sed Ipfum effe Cryftallilinum
, qui temporis tractu
flaccefcat , & ab ipfis pro-
,, ceffibus ciliarib . fic fecerna-
„, tur, ut ficuti matura glans à
fuo calice fpontè dimovea-
,, tur , fic ipfe , nullo penè
و د
GALANT 61
,, negotio, emoveatur , de pri-
,, maturque in ipſum vitrei
humoris fundum .
و د
Ce que nos deux Meffieurs
ont tres - mal interpreté. Car par
lesparoles de vitreihumoris fundum
, le Philofophe entendoit
feulement au bas du vitré ( ou
de la prunelle ) & non pas au
fonds de l'humeur vitrée par
derriere & vis- à - vis de la
prunelle
, comme Mr B. l'a entendu ,
ny d'un enfoncement fait au
vitré , à cofté ( entre l'uvée &
cette humeur ) comme l'entend
Mr A. avec laceration féparation
du ligament ciliaire ,
62 MERCURE
de fes fibres.
Enfin , Mr A. auroit beaucoup
mieux fait de ſe tenir au
Philofophe en toutes autres choſes
auffi bien que dans le principal
point de fon hypothefe ; fa
fincerité auroit efté bien moins
fufpecte qu'elle n'est à prefent ;
puifqu'on voit clairement que l'apprehenfion
de paßerpour Plagiaire
l'a fait recourir à des détours
& aux fubterfuges fi extravagans
, que Mr B. luy - même ne
fçauroit luy pardonner ( tout intereffe
qu'il eft dans la difpute. )
Il me semble là - deffus que
Phraſcologie de Plaute ( in mila
GALANT 62
a
lite gloriofo : Act. 2. fect. 1. )
n'a jamais efté prononcée plus
propos qu'elle ne fera par la bouche
deMrA. en s'adressant à Mr
B. pendant que quelque bon Lecteur
eft embaraffe à lire leurs nouveaux
livres. Voicy verbatim
cette Phraſcologic.
Ei nos , factitiis fabricis ac
doctis dolis, glaucoma ob oculos
objiciemus.
On verra dans la fuitefi Mr
A. eft plus exact & plus heureux
dans les faits dans fes experiences
, qu'il n'a efté en ce que
nous venons d'exposer au Public.
Mais il faut premierement exa64
MERCURE
miner les raifons particulieres que
Mr B. a alleguées en faveur de
fon hypothefe prétendue nouvelle
: cela achevera la feconde
partie de noftre Difcours , felon
la tâche que je me fuis propofee.
au commencement.
APOSTILLE.
A la requifition de quelques
Sçavans de mes Amis , qui ( quoy
que tout-à -fait convaincus de la
fauffeté des fyftemes de Mrs A.
B. )font difpofez à croire qu'on
peut voir diftinctement fans l'humeur
crystalline , à cause d'un
GALANT 65
mal entendu d'une certaine experience
équivoque , faite ( ily
a environ un an ,) à l'endroit d'un
bon Preftre de Bretagne , dont on
prétend avoir tiré le cryſtallin de
l'oeil , c. ce que je rapporteray
plus amplement à la fin de la Reponſe
que je doisfaire auxOuvrages
de Mr Briffeau : à la requifition,
dis-je,de ces Mrs ( dont je fuis
bienaife de contenterla curiofité &
l'empreffement j'ajouteray icypar
avance un Corollaire auxprece
dentes Reflexions, pour expliquer
comment la vûë peut fe paffer
(peut- eftre) du cryftallin abbatu
fans préjudicier à l'hypotheſe ir-
Avril 1709 . F
66 MERCURE
refragable des Cataractes Galeniques
dont on a des exemples
bien averez
.
Si donc il arrive jamais qu'on ·
voye aprés le déplacement
du
cryſtallin , il faut que le devoir
du cryftallin foit rempli fans aucune
confufion ny dérangement
departies internes de l'oeil
& cela fe peut faire.
Quand le crystal:deffeché s'eft
prefque détaché & qu'il quitte de
foy -même le finus du vitré , &
qu'il s'avance dans l'humeur
aqueuſe juſtement où la veritable
cataracte íe forme : car alor
il fe peut faire que la prunelle
4
GALANT 67
retient quelque peu de reffort qui
fera augmenté par le frottement
accoutumé de l'oeil avec le pouce
(en examinant l'oeil, ) le cryftallin
eftant alors repouffé vers fon centre,
le mufcle de l'iris reprenant
fa liberté , de forte que l'Oculifte
foit trompé à l'afpect du
cryftallin en prenant fon orbite
pour une veritable cataracte.
Or on abbat ce cryftallin dans
l'endroit même où on couche
les cataractes flegmatiques fans
aucune ruption ny féparation
des fibres ny du ligament ciliaire,
fansfaire la moindre enfon
ceure , bréche ny entameure à
Fij
68 MERCURE
l'humeur vitrée , comme Mrs A.
& B.prétendent ( tres- mal à propos
) arriver , contre l'experience
journaliere qu'on a en pratiquant
Poperation de la cataracte
de l'abbaiffement des glaucomes
, pour la guerifon palliative.
En ces cas onpeut appercevoir.
affez fouvent les bords fuperieurs
defdites cataractes glaucomes
abbatus au bas de l'iris entre
l'uvée & le ligament ciliaire
qui refrenent & retiennent là
en bas ces cataractes glaucomes
embaraffez accollez entre
les deux parties qui abondentçà
GALANT 69
là , foit en fibres branchuës ,
mollecules gluantes , foit en
fibres attaches nerveufes ,
foit en venules & arterioles
circulairement difpofées , foit
en glandules & aqueducs delicats
qui entrelaffent , environnent
, arreftent & y tiennent ces
corps engagez en differens fens.
En ces cas l'humeur aqueufe
peut ( problablement ) faire les
fonctions du cryftallin dans l'inf
tant même du déplacement du
cryſtallin. Car l'humeur aqueu-
Le ( que les Anciens appelloient à
bon titre , albugineufe , parce
qu'elle reffemble à un blanc d'oeuf
70 MERCURE
frais ) n'eft pas dans l'animal viwant
& fain , ce qu'elle paroiſt
eftre dans l'animal malade ou
mort , & qu'on croit communement
aujourd'huy eftre comme une
eau claire & pure : mais l'humeur
aqueufe eft comme une liqueur
gommeufe vifqueu-
و ر
و ر
fc , ( vid. Hippocr. de Principiis
aut carnibus:)
Humidum vero oculi glutinofum
exiftit , & c. vid. le
Livre de Mr A. chap. 12- pages
48. 49. Si on recueille une
» quantité fuffifante d'humeur
,, aqueufe , & qu'on la faffe
évaporer à feu doux , il ref-
"
GALANT 71
و ر
tera une gelée , &c. )
Ce que j'ay reconnu fort fouvent
tant par l'ouverture desyeux
d'homme en vie ( neceſſaire en certaines
occafions ) que par l'operation
de la cataracte , où fortuitementplus
ou moins de l'humeur
aqueufe feroit fortie par le trou
qu'auroit fait la ponction de
l'éguille : Mais l'humeur vitrée
( toute figée & ramaffée dans
un corps qu'elle paroift ) n'eft pas
à beaucoup prés auffi épaiffe qu'est
veritablement
cette humeur albugineufe
ou aqueufe ( ce qui
eft évidentparfon analyfe même)
car quand on picque on bleffe le
72 MERCURE
vitré,pendant la vie de l'animal,
il en diftile une cau fort fluide
fort limpide. On doit donc
rectifier la méprife inveterée
l'erreur vulgaire , qui qualifie
l'humeur albugineufe
( aux
yeux d'animaux vivans , ) du.
nom d'humeur aqueuſe , ce que
l'on ne peut gueres dire qu'aprés
la mort de l'animal quand la
plus grande partie des fels
fouffres en est diffipée & éventée.
Cela nous conduira infenfiblement
à l'intelligence du Theoreme
qui propofe la récuperation
de la vuepar l'abbatement
des cryftallins opaques
.
On
GALANT 73
On ne sçauroit donc faire aucun
fondfur les experiences dont
Jean Riolan fait mention lib.
pag. 423. de fon anthropographie
, où il dit. 13
و د
و د
ر د
4 .
Denficas autem humorum
ad vifionem admodum ne-
,, ceflaria iis experimentis explo-
,, ratur , aqua in ampulam fphericam
inclufa , & merfa in
eandem fpecie aquam , rem
fundo vafis infidentem ampullæque
fubjectam non
,, amplificar , fed vel æqualem
vel potius minorem exhibet
idem pæltat humor aqueus
د ر
و د
و د
in oculo .
Avril 1709. G
74 MERCURE
Humor vitreus ampullæ
,,fphæricæinclufus , & in aquam
و د
""
totus immerfus,una cum ampullâ
æqualem videtur
rem fubjectam relinquere ,
faltem majorem oftendit
», quam eidem ampullæ indita
& immerfa , unde patet vitreum
humorem non nihil
denfiorem effe , &c .
و د
و د
"
La boffe du vitré que
Mrs A.
&
B. pretendent
( aprés
Galfendus
&
Plempius
) fucceder au
déplacement
du
Criſtallin
n'est
qu'une
chimere
à l'égard
des
yeux
d'une
perfonne
vivante
elle
eft même
purement
, acciGALANT
75
د و م
dentelle aux yeux que ces Mrs
auroient tourmentez à l'animal
pendant fa vie , & farfouillez
chifonnez par leur recherches
anatomiques aprés la mort
du même animal ( comme je demonſtreray
dansmes remarques ,fur
les experiences & obfervations
de Mrs A. B. ) car l'humeur
albugineuſe s'eſtant avancée ( à
l'inftant de l'operation ) dans le
creux du vitré y eftant preffée
ferrée par l'intruſion du Criftallin
en fa place
pas naturellement comprimér , &
Suffifament repeller l'humeur vitrée,
qui d'ailleurs eft retenuë en
, ne doit- elle
Gij
76 MERCURE
arriere tant parfa tunique propre
quepar la difpofition differente
en tout fens de fes fibres membrancufes
qui les traverſent en
Ainfi
fait une infinité d'alveoles & refervoirs
lymphatiques.
dans la place où eftoit le Criſtallin ,
il reste toujours une enfonceure ou
fubfidence creufe plûtôt qu'une
boffe ou élevation du vitré, &
tout au plus le vitré fe fait feulement
de niveau en fon milieu par
la fubfidence de fes environs :
de cette maniere la retine peut
garder fa fcituation ordinaire ,
en s'accomodant aux differents befoins
de la veue par la foupleſſe
GALANT 77
de fa tiffure nerveufe en allongeant
& racourciffant fes fibres
molaffes , plus ou moins felon la
distance & la groffeur des objets ;
& quand il s'agit de lire & d'écrire
, la loupe fe trouve fort neceffaire
pour fuppléer au deffaut de
la lentille criftalline , excepté aux
perfonnes qui ont la cornée extremement
voutée.
Comme ce Théoreme n'est
pas chargé de defauts inextricables
contenus dans les Syſtemes
des Mrs AB. & qu'il
convient parfaitement à l'uniformité
& à la fimplicité de la nature
, qu'il répond bien aux regles
G iij
78 MERCURE
de l'optique raisonnée , auxprincipes
de la bonne Phyfique Mechanique
, aux operations con-
•ftantes de la Chirurgie , au bon
fens à la verité. J'efpere
qu'elle donnera fatisfaction à ces
Meffieurs qui ontfouhaité de voir
de mafaçon une explication raifonnable
du Syfteme
Probleme , qui eft fur le tapis ,
de la reddition de la veuë par
l'abbattement du Cryſtallin , dont
je n'ay encore jamais vú un
feul exemple , Quoy quej'ay abbaiffe
moy- même une infinité de
glaucomes ( en veuë d'une guerifon
palliative ,) que j'en ay
du
GALANT 79
vúabbatrepar d'autres Oculiftes ;
qui les ons effectivement pris
pour de veritables Cataractes .
Si cette ébauche plaift à ceux qui
me l'ont demandé , j'en fuis bien
recompenfe ; car cela ne m'a coûté
que la peine de mettre par écrit
des penfees aifees & naturelles
quifeprefentent d'elles- mêmes à
un homme qui entend un peu le
fujet en question , & qui garde
en même temps une neutralité
parfaite , eftant entierement difpofe
à recevoir la verité à bras
ouverts quand elle s'offrira à fes
recherches.
Comme ily a des perfonnes de
G iiij
80 MERCURE
mes amis qui fouhaitent de voir
ouvrir un oeil à cataracte , on
s'engage à donner un Louis d'or
de recompenfe pour chaque oeil
à Cataracte qu'on nous apportera
, foit d'un homme , foit d'une
beſte. Je loge toujours au
Faubourg faint Germain , ruë
Saint Benoist à l'Hoftel Noftre-
Dame, prés les murs de l'Abbaye
de faint Germain des Prez
Il reste une feconde partie
de l'ouvrage de Mr de Woolhoufe
; mais comme il faudroit
qu'elle fuft encore partagée
dans fix ou fept de mes Lettres ;
GALANT 81
&
que
c'cft
que l'on fouhaite de voir un
Ouvrage de fuite , & comme
d'un coup d'oeil ,
une trop grande fujétion que
d'avoir une Table remplie de
mes Lettres qui font auffi grof.
fcs
que
des Volumes , pour en
chercher un morceau dans l'une
, & d'autres morceaux dans
les autres , Mr de Woolhouſe
a pris fagement le party , pour
fatisfaire à l'impatience du Public
, de faire imprimer la feconde
Partie de fon Ouvrage.
Je vous en parleray lorfqu'elle
fera imprimée.
82 MERCURE
Il y a quelque temps que
Mr Daniel Wieland , foutint à
Tubinge , une Theſe publique
qui luy fit beaucoup
d'honneur. Le fujet en eftoit
tiré de la 1 Epitre de Saint
Pierre ( Chap. 2. v . 9. ) & regardoit
la dignité des Chretiens
à quoy ces paroles de l'Apôtre
, vos autemgenus electum ,
regale facerdotium , gensfanéta ,
populi acquifitionis : ut virtutes
annuntietis ejus , qui de tenebris
vos vocavit inadmirabile lumen
fuum , ont raport . Mr Chrif
tophe Reuchlin , Profeffeur
en Theologie , Doyen de l'EGALANT
83
glife de Tubinge , Prefidoit
cette Thefe. Le nom de
Reuchlin eft fort celebre dans
la Literature , le Profeffeur de
Tubinge , qui le porte aujourd'huy
, fair beaucoup d'honneur
à fa Compagnie , il eſt
en réputation d'un des plus
Sçavans hommes de tout le
Nord.Il fçait à fond l'antiquité
& perfonne ne réüffit mieux
que luy à former de fçavans
Difciples . Mr Wieland eſt un
de ceux qui luy font le plus
d'honneur. Toutes les perfonnes
de qualité de la Ville y
affifterent , & même quelques
84 MERCURE
grands Seigneurs des Etats
hereditaires
de l'Empereur
.
>
Mr Frederic Stoer foutint
y a quelque temps , une Thefes
à Altdorf , contre l'excés
de la Boiffon , de frugalitare infumendo
potus , five de fobrietate.
Mr Magnus Daniel Omeïs
l'un des plus celebres Poëtes
Allemans de ce temps , y a préfidé
. On cite dans cette Thefe
un Diftique du celebre
Maurice Landgrave de Heffe ,
qui eft affez fingulier pour un
Prince Allemand.
Qui vult alterius cyathis haurire
falutem
GALANT 85
Tale lucrum refert , perdat ut
ipfefuum.
L'Auditoire fut tres- nombreux
à cette Theſe . Il eftoit
compofé de toute la Nobleſſe
Allemande du voifinage , que
la fingularité du fujet de la
Thefe , y avoit attirez. Ily eut
même plufieurs Princes qui fe
firent un plaifir de propofer
quelques difficultez au Soutenant
, qui y donna toujours
d'ingenieufes folutions . On y
cita fort lesPoëtes fomptueux
qui avoient favorifé l'excés
de la Boiffon , que ceux qui
s'eftoient élevez dans leurs
86 MERCURE
ouvrages contre l'intemperance.
Anacreon , Horace , Martial
, Ovide , furent des premiers
; on en cita même plufieurs
d'entre les Modernes ;
cette oppofition qu'on fir des
uns aux autres intereffa l'Af
femblée. Mr Stoer reçût de
grands applaudiffemens dans
cette occafion ; la fubtilité &
la folidité de fes réponſes fur
cette matiere luy firent beaucoup
d'honneur ; mais toutes
les fois que Mr Omeis parla ,
on admira dans tout ce qu'il
dit , une connoiffance parfaite
de l'Antiquité & une faine criGALANT
87
>
tique des Auteurs qui ont traité
de la matiere qui faifoit le
fujet de la Theſe . Les ouvrages
de Mr Omeis & fur tout fes
Poëfies , l'ont fait connoiftre
dans toute l'Europe. Il eftoit
fort lié avec feu Mr Racine
& il fe confultoient l'un &
l'autre fur tous leurs ouvrages.
Mr Waldschmid , Docteur
& Profeffeur en Medecine à
Marfpurg , vient de publier en
Allemagne un Livre latin qui
a pour titre Diverfes difputes de
Medecine , parmi lesquelles
j'ay choifi le fujet de cette
Article . Elle regarde une Boif88
MERCURE
fon dont on ufe fort à préfent;
je parle du Thé que cet Auteur
appelle une deffence contre
les ennemis de la fanté , & le
remede univerfel , qui a esté ſt
longtemps cherché. Il dit d'abord
qu'il raffermit les dents lors
qu'elles branlent , & qu'il les
blanchit lors qu'elles noirciffent
; ce qui prouve qu'il
eft l'ennemi de l'acide fcorbutique
, d'où derivent preſque
toutes les maladies , auffi continue
Mr Waldfchmid , dés
qu'il eft entré dans l'eſtomach ,
il en corrige fi bien l'acide
vifqueux , qu'il n'y à point
GALANY 89
>
de maladies chroniques qu'il
ne déracine. Le Thé procure
la coction des alimens ; il ouvre
les pores ; il excite l'appetit
; il perfectionne
le chyle ; il
ofte les naufées , & guerit toutes
les maladies caufées par la
repletion ; il adoucit l'acide
du Pancreas ; il diffipe les vents ,
il réfout les glaires , lâche le
ventre d'une maniere prefqu'-
imperceptible
, & donne dans
les coliques un prompt foulagement
; il procure l'entrée du
chyle dans les veines lactées ;
il en augmente la vertu balfamique
, & empêche qu'elle ne
Avril 1709. H
90 MERCURE
fe coagule , ce qui eſt tres -important
pour la fanté , par ce
que le fang ne circule plus
aifement qu'autant que le
chyle , dont il eft formé fe
conferve dans fa fluidité. Pour
verifier fi le Thé empêche le
chyle de fe cogauler , on a
qu'à voir, dit cet Auteur l'effet
qu'il produit fur le lait , il
l'empeche de fe cailler , malgré
tous les acides qu'on y peut
mêler. Le Thé guerit indubitablement
les obftructions des
Hipocondres , cette maladie
qui eft naiffante , il produit
de plus , les mêmes effets que
l'exercice du corps ; mais avec
GALANT 91
cette difference que le Thé ,
agit dans le corps fans caufer
aucune peine , & que l'exercice
abbat & fatigue. Le Thé fert
à diffiper des parties groffieres
que le fang laiffe dans les poulmons
en y paffant & qui les
embaraffent en nuifant à la refpiration.
Les Pthyfiques , s'ils
veulent eftre foulagez , doivent
boire le Thé avec le lait ,
pour adoucir plus furement ,
les âcretez de leur fang. Le
Thé foulage , dit encore l'Au- .
teur , toutes les maladies de
cerveau , comme les vertiges ,
l'epiléptic , l'apoplextie , &
Hij
92 MERCURE
les catharres . Le Thé fait
alors dans la tefte , dit- il ,
ce que fait le Soleil dans le
monde ; il diffipe les nuages ,
& donne à toutes les creatures
l'agilité & la vigueur ; il
ofte la pefanteur de l'efprit
[ ficet effet eftoit fur le débit
de cette plante, il feroit encore
bien plus confiderable : ] il
rend la memoire heureufe
en un mot il recüeille toutes
les facultez de l'ame. Auffi
les Chinois , qui vantent le
Thé & qui en font un fi grand
ufage , fe glorifient - ils d'eftre
les peuples du monde les plus
>
GALANT 93
ingenieux , & d'avoir deux
yeux pendant que les Européens
n'en ont qu'un & que les
autres nations n'en ont point
du tout . Le Thé fait uriner
& par là empêche l'yvreffe ;
il guerit ou foulage la goutte
parce qu'il repare les efprits
diffipez qui ont caufé la crudité
du fang , dont les ferofitez
par le défaut d'une coction
fuffifante fe font feparezdu refte
de la maffe , & fe font jettez
fur les acides , ce qui fait la
goutte, Le Thé , guerit encore
les fiévres , fur tout les
intermitentes , qui viennent
94 MERCURE
de l'obftruction du Pancreas ,
d'où les humeurs qui ont contracté
une acidité confiderable
regorgent dans les inteſtins ,
& de là s'infinuent dans le
fang par
Or le Thé , affure
cet Auteur
,
pris une heure
ou deux
avant
l'accès
de la fiévre
, leve
ces
obftructions
& corrige.ces
acides.
On doit
compter
fur cet
effet
du Thé par l'aveu
fincere
que Mr Waldfchmid
fait de
l'impuiffance
de fon herbe
à
l'égard
des fiévres
continuës
,
impuiffance
cependant
qu'on
pouvoir
détruire
par l'expeles
voyes du chyle.
GALANT 95
rience qu'on feroit de la vertu
diaphoretique de cette herbe.
On reproche au Thé de rendre
les femmes fteriles , cet
Auteur s'éleve avec force contre
l'injuſtice de ce reproche ,
& il appelle en témoignage les
femmes Chinoiſes qui en boivent
tous les jours , & qui font
pourtant fort fecondes , & il
s'éleve encore plus fortement
en cet endroit contre les Medecins
, qui ne font courir ces
bruits , felon luy que pour leur
intereft particulier , & non pour
celuy du genre humain.
On n'avoit pas encore vû
967 MERCURE
d'Apologie fidétaillée du The
& s'il eft vray que les effets de
cette boiffon foient fi merveilleux
, on ne doit plus douter
que cette Plante ne foit le dif
folvant univerfel.
Vous attendez , fans doute,"
que je vous parle de l'Oraifont
Funebre de feu Mr le Maréchal
Duc de Noailles , prononcée
dans l'Eglife des Feuillans ,
par le Pere de la Rue. Ce feroit
icy le lieu de donner à ce
Pere , les louanges qui luy font
dûes ; mais comme il eft audeffus
de tous les Eloges ; que
fa vive & brillante éloquence ,
&
GALANT 97
& la fainte onction de tous les
Difcours qu'il prononce , ne
font ignorées de perfonne , &
que ce Pere ne monte jamais
en Chaire , fans que la foule de
fes Auditeurs foit des plus
nombreuſes , je ne vous en
pourrois rien dire qui ne fuft
ge neralement connu . C'eſt
pourquoy je me contenteray
de vous rapporter icy deux endroits
de fa derniere Oraifon
Funebre ; c'eſt- à- dire , de celle
qu'il vient de prononcer pour
éternifer la memoire deffeu Mr
le Maréchal Duc de Noailles.
Voici le premier. Après avoir
Avril 1709.
I
98 MERCURE
donné beaucoup de louanges à
ce Maréchal à l'occafion de
plufieurs actions qu'il rapporte,
il continuë de la forte .
Quelles occafions n'eut - il pas
dans les Campagnesfuivantes , à
la Conquefte de la Franche- Comté
, à la réduction de la Lorraine ,
àla guerre contre la Hollande , où
tantoft en qualité d'Aide de Camp
de Sa Majefté ; tantoft dans les
fonctions de fa Charge , il fe trouvoit
fouvent feul des quatre Capitaines
à la garde du Conquerant.
Les trois autres occupez ailleurs
par le merite de leurs anciens fervices
avoient l'honneur des GouGALANT
99
&
les
vernemens, du Commandement
des Armées. Noailles , outre l'honneur
d'eftre toujours fous lesyeux
de fon maistre , avoit l'avantage
moyens de s'attacher
à fon
coeur , par fon courage & parfon
affiduité ; fur tout par la tendre
affection qui paroiffoit animer tous
fes fervices. Ilfembloit qu'il fut
deftiné à marcher toute sa vie devant
l'Oingt du Seigneur , honneur
que Dieu promit autrefois
pour récompenfe à un homme felon
fon coeur. Cet homme , difoit-
il , agira felon mon coeur ,
JUXTA COR MEUM FACIET
, & pour cela ,
il
mar-
I
ij
100 MERCURE
chera toûjours devant celuy qui
feraOingt enmon nom . ET AMBULAVIT
CORAM CHRISTO
MEO CUNCTIS DIEBUS.
ment à
Noailles y marcha , Mrs,&
la Providence qui nous combloit
alors de profperitez , conduifoit
heureusement fes pas lorsqu'au
Siege de Valenciennes , un coup
fatal ne manqua que d'un monous
enlever l'Oingt du
Seigneur , avec luy tout le bonheur
& toute lagloire de la France.
Ce Prince,qui par fa préfence
&parfon activitéfaifoit lafor
tune de fes Armées , eftoit lafelon
fa couftume , appliqué à remarquer
GALANT 101
les défenfes de la Place & à vifter
les travaux. Noailles , l'oeil tou
jours ouvert à la feureté de fon
maiftre , alarmé de le voir expofe
au feu du canon ennemi luy reprefenta
le peril , & dans le mouvement
que le Royfit pour l'écouter,
on vit le bouletfendre l'airprés de
fa tefte , & porter ailleurs la mort.
Vous nous le conferviez , Seigneur,&
qu'à jamais graces vous
en foient renduës ; mais nous ofons
vousprierde nous prolonger voftte
bienfait ; tandis que nous poffederons
ce Prince , qui vous eft fi
cher , objet de tant defaveurs
de mifericordes, les temps ont beau
I iij
102 MERCURE
changer , nous ne croirons point que
voftre coeur ait changé pour luy ni
pour nous , éprouvez nous s'il le
faut, enfufpendant le cours
cours de nos
victoires : ôtez nous en l'orgueuil
ce fera noftre falut , mais laiffez
nous en fa perfonne , un gage du
retour de vos anciennes bontez ,
&fipar nos pechez ce retour eft
plus lent que nous ne le fouhaitons
laiffez nous le temps d'aprendre de
luy, la foumiffion qui vous est dûë,
le filence que l'orgueil humain doit
garderfur vos decrets , & le fincere
repentir des pechez qui nous
ont attiré voftre colere.
GALANT 103
Voicy l'autre endroit que
j'ay cru devoir ajouter à celuy
que vous venez de lire.
Entre les avantages dela vie ce
luy deplaire aux Rois n'eft pas un
des moindres dons que Dieufaffe à
fes ferviteurs. Ce fut une des récompenfes
dont il luy plût de gratifier
la fidelité de Tobie. Il fe
fouvint de Dieu de tout fon
coeur , dit l'Ecriture , & pour
cela Dieu luy fit trouver grace
aux yeux du Roy ; Quo-
NIAM MEMOR FUIT DOMINI
IN TOTO CORDE SUO :
DEDIT ILLI DEUS GRATIAM
IN CONSPECTU REGIS .
I iiij
104 MERCURE
de
Si la vertu de Tobie , étranger
& captif, tel qu'il eftoit , eut le
bonheur de trouver grace auprés
Salmanafar , un Prince idolâtre
& crucl ; quelle impreffion
la pieté d'un fujer fidelle
du , n'a- telle pas dû faire fur un
Prince rempli de foy ; qui fe regarde
tellement comme Souve
rainfur fonPeuple,qu'il eft encore
convaincu , que tout eft Peuple
devant Dieu.
affi-
Ce fut cette conformité de
fentimens religieux entre le
Prince & le Sujet , quifit répandre
fur celuy - ci cette longue fuite
de bienfaits degraces d'honGALANT
105
neurs finguliers ; ces diftinctions
de confiance & de familiarités
ces expreffions même d'amitié &
de fenfibilité , dont le Roy vou
loit bien fe fervir dans les Lettres
dont il l'honoroit. Expreffions
qui n'échapent à la Majefté
des Souverains , que quand
leur coeur eft touché d'une veritable
eftime & d'une fincere affec
tion.
Cette affection avoit éclaté
dés la jeuneffe de Noailles au fameux
Siege de Maftrik. On attaquoit
un Ouvrage important ,
qui faifoit laforce de la Ville,
pincipale confiance de l'enne- la
106 MERCURE
en
my, Comme l'attaque fe faifoit
fous lesyeux du Roy , l'opiniâtreté
de l'action l'obligea d'envoyer
de nouveaux ordres. Il e
chargea Noailles. Ily courut.
Ilyfut fuivi defes deuxfreres.
A peine eftoient- ils arrivez , que
l'ouvrage ayant esté emporté l'épée
à lamain , tout ce qui s'y logea
fut d'abord emporté par
fourneaux , l'éclat du feu dans
l'horreur de la nuit , augmenta
l'horreur du spectacle . On ne
douta point que Noailles n'y eut
péry.SonPere alors à cofté duRoy
par le devoir de fa Charge , en
reffentit le coup au fond du coeur.
V K
des
GALANT 107
Mais , s'il eut la force defe tai-"
re , & defacrifier fa douleur au
respect de la Majefté , la Majefté
ne rougit point de laiffer re
marquer lafienne. Elle parut plus
tendre à la perte d'un tel fujet ,
que le pere à celle d'un telfils.
Il fut cependant protegé par
Providence. Mais l'avantage.
d'avoir connu l'affection de fon
Souverain luy fut un bien , plus
glorieux que la vie.
la
Toute la fuite de cette vie
fut ornée des mêmes faveurs .
Nen fut-ce pas un témoignage
bien public, que de confier les
Princes à fa conduite & à fes
108 MERCURE
foins , lors qu'ayant accompagné
Le Roy leur frere aux frontieres
de l'Espagne , ils allerent par
courir lesplus belles Provinces de
France. On fçavoit que mettant
le Maréchal auprés d'eux , c'étoit
y mettre la probité , l'honneur
, la magnificence , la liberalité,
lapiete qui font les Gardes
les plusfidelles
les plus feurs qui puiffent environner
les Princes. C'eftoit éloigner
d'autour d'eux l'arrogance ,
la dureté, la violence , la terteur,
tout cet appareil odieux, qui loin
de rehauffer l'éclat de la Majefté
, la degrade , la defigure,
les Guides
1
GALANT 109
luy dérobe les coeurs. Auffi
les coeurs voloient au devant
d'eux du fond des Provinces
, & leur portoient l'hom
mage de leur tendreſſe avec celuy
de leur refpect. Ils trouvoient
Noailles à cofté de leurs jeunes
Princes , qui leurfaifoit connoiftre
leprix des coeurs & de l'affection
des Peuples qui leur aprenoit
à diftinguer le merite ,
porteroù ilfaut leurs regards
leursfaveurs. Pouvoit-il mieux
répondre à la confiance de fon
Maistre & mieux fervir les
Princes fes Enfans , que de les
inftruire en l'art de regner en les
110 MERCUR E
accouftumant à fe faire aimer ?
Vous pouvez juger qu'un ou
vrage rempli d'une auffi grande
quantité d'auffibeaux Morceaux,
doit cftre unChef d'oeu-
Vrc.
M Philippe Antoine Charpentier
a efté receu Confeiller
au Parlement
. Il eft le quatriéme
de ce nom , qui de pere
en fils , qui a efté receu Confeiller
dans le même corps ; il
a plaidé dans la Grand' Chambre
plufieurs caufes de confequence
avec un aplaudiffement
univerfel, ce qui luy a fait meriter
d'eftre receu à l'âge de 23 .
ans. Mr le Premier Prefident
GALANT III
luy avoit donné en pleine Audiance
, aprés la derniere cauſe
qu'il avoit plaidée , les loüanges
que fon éloquence & fon
fçavoir méritoient.
re
Il eft fils de M Philipe
Charpentier Confeiller au Parlement
mort en 1694. dans le
temps que par fon habileté &
par fon application à remplir
les devoirs d'un parfait Magiſtrat,
il s'eftoit fait une tres grande
reputation ; & de Marie
Magdeleine Portail fon époufe
, fille de Mr Portail , Confeiller
en la Grand Chambre &
de N .... le Nain , Soeur de M
112 MERCURE
Jean le Nain , auffi Confeiller
de la Grand' Chambre, pere
de Mr le Nain , aujourd'huy
Premier Avocat General.
Philipe Charpentier eftoit
fils de M Thierry Charpentier
auffi Conſeiller de la Cour
mort en 1651. & de Marguerite
le Tonnellier Breteuil
morte au mois de Fevrier dernier.
Thierry Charpentier eſtoie
fils de Mr. Michel Charpentier
, qui eftoit Confeiller au
Parlement au commencement
du Siecle paffé , & qui aprés
la Conquefte de la Lorraine
GALANT 113
& de l'Alface,par le Roy Louis
XIII . avoit eſté nommé par Sa
Majefté Chef du Confeil Souverain
qui fut alors étably pour
ces deux Provinces & qui fubfifta
jufqu'à l'érection du Parlement
de Metz,dont ce Magiftrat
fit l'établiſſement, & dont
il fut nommé Prefident à Mortier;
fon nom eft encore en veneration
à Metz où l'on
?
voit fes Armes dans le Palais ,
dans la grande Place & en plufieurs
endroits de la Ville.
M N. Feydeau du Pleffis ,
Confeiller au Parlement a époufé
Damoiſelle N. de Mon-
Avril
1709 .
K
114 MERCURE
thelon ; ils font tous deux des
meilleures & des plus anciennes
Familles de la Robbe.
Mademoiſelle de Monthelon
eft fille de Mr de Monthelon ,
cy-devant Premier Prefident
du Parlement de Roüen ; on
fçait qu'il y a cû un celebre
Garde des Sceaux de ce nom
dans le feizéme Siècle .
Mr Feydeau du Pleffis eft fils
deN. Feydeau, Maiſtre des Requeftes
& Intendant à Pau ; &
de N. d'Ormeffon coufine germaine
deMonfieurd'Ormeffon
d'Amboille , pere de Madame
d'Agueffeau épouſe de
GALANT 115
Mr. le Procureur General. Ce
nouvel époux eft frero de
Mr Feydeau aujourd'huy Prefident
en la Quatrième des En
queftes il y a preſentement
dans le Parlement fix ou fept
Confeillers du même nom &
de la même famille tous freres.
ou coufins germains : certe Famille
eft alliée à un grand nom
bre de Familles confiderables
de la Robe & à plufieurs autres
des meilleurs maifons du
Royaume.sevedadanos d
Mr Moreau de Mautour a
fait les vers fuivants fur la naiffance
d'un fils qu'un Magiftrat
Kij
116 MERCURE
du premier rang a cu de fon
fecond mariage avec une perfonne
d'un nom trés diftingué
dans la Robe , de laquelle
il avoit déja eu deux filles .
Nos voeuxfont éxaucés , favorable
Lucine
Par tesfoins Vranie , enfin a mis
aujour,
Un ouvrage formé par l'Hymen
&l'Amour,
Cet enfant illuftré par fa double
origine,
Ce nouvel heritier d'un nom cher
à l'Etat,
Flate le doux eſpoird'unfameux
Magiftrat,
GALANT 117
Par la pofterité que le Ciel luy
deftine.
Ovous qui tenez dans vos mains
La vie & lefortdes humains ,
Confervez aux Epoux cet objet
de leurjoyes
ོ་
D'une tendre union le gage fi
charmant ;
Parques , filez pour luy des jours
d'or defoye
Filez des jours heureux , longtemps
& lentement.
Les paroles fuivantes ayant
cſté jugées dignes d'eſtre miſes
en chant , je vous les envoye.
118 MERCURE
AIR NOUVEAU.
Mesfeux qu'ont trop long- temps
renfermé la contrainte,
Veulent en vainparoistre au jour.
Auprésde ma Bergere animé par
l'amour,
Je fuis retenu par la crainte.
Un tendre aveu doit-il exciterfon
couroux?
Philis , jugez- en par vous même
Comme elle vous brillez des attrais
lesplus doux.
Sije difois que je vous aime ,
Vous en offenferiez vous ?
Vous fçavez que l'AcadeGALANT
119
mie Royale des Sciences , &
& celle des Infcriptions font
tous les ans deux ouvertures
publiques ; l'une fe fait aprés
le Dimanche de la Quafimodo,
& l'autre aprés la faint Martin
. Les jours des Affemblées
de l'Academie des Infcriptions
font pendant le cours de l'année
le Mardy & leVendredy ,
& ceux de l'Academie des
Sciences , le Mercredy & le Samedy
.
On doit
remarquer que fi
le premier jour d'aprés la faint
Martin fe trouve un Mardy ,
l'Academie des Infcriptions
120 MERCURE
fait fon ouverture la premiere ,
& que fi c'eſt un Mercredy ,
cette ouverture apartient à l'Academie
des Sciences . Quant
à la premiere ouverture de ces
Academies , qui fe fait aprés
le Dimanche de la Quafimodo,
comme le premier jour d'Af
femblée d'Academie fe trouve
toujours un Mardy , qui
eft l'un des jours aufquels
l'Academie des Medailles &
Inſcriptions s'affemble , c'eſt
toujours ce jour - là qu'elle
tient fa premiere Affemblée ,
publique d'aprés Paſques .
On doit auffi fçavoir que
fi
GALANT 121
fi
de
une
feance
à
l'autre
,
ileft
\
decedé quelque Academicien ,
le Secretaire de l'Academie
ouvre toujours l'Affemblée
par l'Eloge du défunt , & que
s'il eft mort plus d'un Academicien
pendant cet efpace de
temps , il lit les Eloges de
tous ceux qui font decedez. Je
dis , il lit , parce que felon les
regles des Academies on en
ufe de la forte.
Je dois ajouter icy un Article
qui pouroit fervir de
Prelude à tout ce que je raporteray
deux fois l'année de
ces deux Academies Royales ,
Avril 1709. L
122 MERCURE
& que je ne repeteray point
lors que je vous parleray à
l'avenir de ce qui fe fera paffé
aux deux Affemblées publiques
que tiennent chaque
années ces deux Academies.
Mr l'Abbé Bignon , qui prefide
dans l'une & dans l'autre ,
parle toujours à la fin de
chaque Difcours , ce que l'on
apelle dans ces Academies
refumer les Difcours. Ce que
dir ce fçavant Abbé , fait voir
quatre chofes dans le plus
haut degré , fçavoir , fa me.
moire , fon érudition , fon
eſprit , & ſa modeſtic .
CALANT
123
Sa memoire paroift en ce
qu'il raporte en abregé les
Difcours qui ont efté prononcez
, & ces abregez font
connoiftre qu'il doit les avoir
entiers dans fa memoire , &
qu'il pouroit même les raporter
entierement , fi cela ne demandoit
point trop de temps.
L'érudition de cet Abbé fe
manifeſte à mesure qu'il ou
vre la bouche , puis qu'il
fait connoiftre qu'il fçait à
fond les matieres dont on
vient de parler ; qu'il fçait où
on les a puifées , quoy que
la même matiere ait fouvent
Lij
124 MERCURE
efté tirée de differens Auteurs ;
qu'il en connoift le fort & le
foible ; de quelle utilité elle
peut eftre , & ce que l'on auroit
pû en retrancher ou y
ajouter.
Son efprit fe fait admirer
dans les louanges qu'il donne
à ceux qui ont compofé les
Difcours aufquels il répond ,
quoy que fouvent il faffe
connoiftre les chofes que l'on
pouroit reprendre dans ces
Difcours , & ce qu'on auroit
pû faire pour faire mieux ;
mais tout ce qu'il dit eſt tourné
fi fpirituellement , & paroist
GALANT 125
fi obligeant pour ceux à qui
il parle , que quoy qu'il puiffe
dire , on luy a toujours obligation
de tout ce qu'il dit ;
c'eft un talent qui luy eft particulier
, & qui fe trouve en
peu d'autres. Auffi eft il rare
de trouver un homme fi univerfel
& qui ait autant d'amour
& autant de gouft enfemble
pour les Sciences , &
pour les belles Lettres , qu'en
a cet Abbé.
Je paffe à ce qui regarde fa
modeltie. Il eſt à
remarquer
que tous ceux qui font de ces
Difcours Academiques , ne
Liij
126 MERCURE
manquent
jamais de fe faifir
des endroits
par lesquels
ils
luy peuvent donner de finceres
louanges , & qui ne paroiffent
ni forcées
ni fufpectes
. Cet
Abbé a un air merveilleux
pour y répondre en s'en défendant
; mais plus il trouve de
raifons pour s'en défendre
,
plus il fait briller fon Efprit ,
fa Sageffe & fa Modeſtie .
Suivant l'uſage ordinaire ,
Mr de Boze , Secretaire de l'Academie
des Medailles
& Infcriptions
, en fit l'ouverture
le Mardy d'aprés le Dimanche
de la Quafimodo
, par l'éGALANT
127
loge de Mr Vaillant , & par
celuy du Pere de la Chaife . Et
comme Mr Vaillant le pere
n'eftoit decedé que depuis environ
deux ans , & que les emplois
du pere & du fils avoient
eú une grande liaiſon , il fut
obligé de parler beaucoup du
pere en faifant l'éloge du fils .
Mr. de Boze fit connoiftre
dés le commencement de fon
Difcours , que Mr Vaillant
dont il faifoit l'Eloge eftoit
né à Rome en 1665. où feu
Mr Vaillant fon Pere exerçoit
la Medecine , & s'apliquoit
en même temps à la re-
Liiij
128 MERCURE
cherche des Monumens Antiques
par une violente inclination
; de maniere que le fils
fût dés lors comme deſtiné à
êtreunjour Medecin & Antiquaire
, il y ajouta que beaucoup
de grands hommes avoient
allié depuis prés de
deux Siecles , ces deux Profeffions.
Il fit voir que Mr
Vaillant le fils , aprés avoir fait
fes humanitez à Paris , & avoir
fait fon cours de Philofophie
aux Jefuites, il en fit un fecond
cours au College de la Marche
, parce qu'il falloit de la
Philofophic de l'Univerfité
GALANT 129
pour cftre reçû Maistre és
Arts. Il fit enfuite connoître,
que ce Cours eſtant achevé,
Mr Vaillant fon Pere , qui tenoit
déja le premier rang entre
les Antiquaires
, crut qu'il
eftoit temps d'initier fon fils
dans la connoiffance
des Me
dailles , connoiffance
qui ne
paffoit plus comme autrefois
pour une espece de Grimoire,
de Science fans regles ,
fans principes , où l'on ne pouvoit
eftre attiré que par un
gouft bizare , & guidé par un
genie extraordinaire . En effet
, ainfi que le dit Mr de Bo130
MERCURE
ze, les Ouvrages de Mr Vaillant
le Pere n'avoient pas peu
contribué , à détruire ce prejugé
, perfonne n'ayant fait
de plus penibles recherches ,
entrepris de plus longs voyages,
vû plus de Cabinets , conferé
avec plus de Curieux , &
confulté plus de Sçavans fur
ces matieres. Mr de Boze fit
voir auffi que Mr Vaillant le
Pere , ayant efté chargé , de
mettre en ordre les Medailles
du Cabinet du Roy , & d'en
faire le Catalogue , ce fut un
furcroift de bonheur pour fon
fils , qui fur
par là tout d'un
GALANT 131
coup introduit dans le fance
Atuaire de l'Antiquité
, puis
qu'il n'y avoit point d'homme
plus capable que fon Pere , de
luy en devoiler les Myfteres,
& qu'il le mena enfuite en Angleterre
, où le Roy luy avoit
ordonné d'aller pour tâcher
d'avoir des Medailles qui étoient
entre les mains de quelques
Curieux de ce Royaume ,
d'où il raporta entre autres Antiquitez
, un Monument de Pefennius
Niger , qui feul vaut en
ce genre un Cabinet entier.
Mr de Boze dit enfuite , que
Mr Vaillant
le fils commença
132 MERCURE
fon Cours de Medecine aprés
fon retour d'Angleterre ; qu'aprés
avoir foutenu les Thefes
ordinaires , & pris fucceffivement
les differens degrez , il
avoit cfté reçû Docteur Regent
de la Faculté de Paris , au mois
de Fevrier 1691. âgé de 25 ans ;
que pendant qu'il étoit fur les
Bancs , il avoit compofé un
Traité de la nature & de l'ufage
du Caffé , & que nonobftant
le temps que luy prenoit
fon nouvel employ de Medecin
, il fçavoit encore trouver
des momens , pour l'étude de
la bonne Antiquité . Aufſil'HiGALANT:
133
ftorien fidelle de la vie de Mr
Vaillant , ajouta qu'il avoit
donné à l'Academie, où il eftoit
entré en 1702. des Differtations
en differens temps, & qu'à
la premiere Affemblée Publique
qui s'eftoit faite aprés fa reception,
il avoit juſtifié le choix
de la Compagnie par un Difcours
tres fingulier,dont le fujet
avoit efté tiré de la Medaille
d'Achée , Prince Syrien , & peu
connu dans l'Ancienne Hiſtoire
, qui devint enfuite Roy , &
dont il fit une tres curieufe , &
tres belle Peinture de l'Hiftoire .
Il parla enfuite de l'explica134
MERCURE
tion du Revers d'une Medaille:
de Septime Severe , faite par
Mr Vaillant , & qui avoit occupé
agreablement une partic
d'une autre fceance publique ,
aprés avoir donné une grande
idée de ce fçavant Medaillifte ,
par le rapport qu'il fit de tout
ce qu'il avoit dit dans cette
fceance , à l'égard du Revers
de cette Medaille ; il finit en
difant pour faire connoiſtre
avec quelle jufteffe il en avoit
expliqué le Revers , que le doute
qui pouvoit refter touchant
cette explication , eftoit de ſçavoir
fi la Medaille n'avoit
GALANT 135
point efté faite pour l'explica→
tion .
Mr de Boze fit voir auffi que
le talent de Mr Vaillant n'eftoit
pas borné à ces éclairciffemens
particuliers ; qu'il entroit avec
la même facilité dans de grands
deffeins , & que ce qu'il avoit
lû d'un Traité , fur les voeux
des Anciens , perfuadoit qu'il
avoit naturellement l'efprit
de Systême , fi neceffaire à
ceux qui entreprennent des
Ouvrages de quelque étenduë.
Il ajoûta que Mr Vaillant le
pere , ayant promis avant fa
mort , une explication de cer
136 MERCURE
tains mots abregez , ou Let
tres initiales qui fe trouvent à
l'Exergue de prefque toutes
les Medailles d'or du bas Empire
, au moins depuis les enfans
du grand Conſtantin
jufqu'à Leon Ifaurien , Me
Vaillant le fils aprés la mort de
fon pere , avoit tiré cette explication
de fon propre fond ,
en donnant toutes les preuves
de ce qu'il avançoit , & il pourfuivit
en difant , qu'en attendant
le Public euft decidé à qui
que
dans ces cas finguliers appartenoit
la gloire d'un ouvrage , il ne defaprouveroit
pas qu'on l'abandonGALANT
137
naft également à deux perfonnes
qui ne fe la feroient jamais diſputée.
Mr Vaillant le fils ayant
mené une vie fort languiſſante
pendant deux ans qu'il avoit
furvécu fon pere , Mr de Boze
pourfuivit en difant , qu'il n'avoit
donné pendant ce tempslà
qu'une fort curieuſe Differtation
fur les Dieux Cabires
où l'on trouve dans un détail
tres- exact tout ce qui regarde
leur origine , leur nombre , &
leur dénomination ; les chofes
aufquelles ils préfidoient , leurs
Temples les plus celebres , &
les ceremonies de leur culte. Il
Avril 1709. M
138 MERCURE
fit remarquer que cet ouvrage
n'ayant pas efté du propre
choix de Mr Vaillant , & luy
eftant tombé en partage dans
une diftribution d'ouvrages ,
faite par l'Academie , le fuccés
luy en eftoit plus glorieux que
s'il l'avoit choifi luy - même ,
& que pour furcroift de gloire
deux Sçavans Etrangers
ayant traité la même matiere ,
à peu prés dans le même temps,
il s'eftoit , fans en avoir eu aucune
connoiffance , rencontré
avec eux dans les points de
convenance , & qu'il avoit pris
un jufte milieu dans ceux où
GALANT 139
ilseftoient formellement oppofez,
Ce fut là le dernier ou
vrage de Mr Vaillant , puiſque
fon Hiftorien rapporta qu'il
cftoit mort quelque temps
aprés , en ajoûtant la caufe de
fa maladic ; qu'il eftoit bon ,
humain , d'une franchiſe fans
égale , veritablement attaché
à fes amis ; qu'il ne négligeoit
aucune occafion de les affembler
, & qu'il eftoit éloigné de
toute vûë d'intereft de fortune
ou d'ambition , au point
qu'aprés la mort de fon pere ,
il en rechercha quelques emplois
avec fi peu d'empreffe-
Mij
140 MERCURE
ment qu'il parut moins les
vouloir obtenir , qu'éviter le
reproche de les avoir méprifcz.
Mr de Boze paffa enſuite
à l'éloge du feu Perc de la
Chaife. Il dit qu'il cftoit né
dans le Chafteau d'Aix en Forez
le 25. d'Aouſt 1624. que
Mre Georges d'Aix fon
peres
Seigneur de la Chaife , Cheva
lier de l'Ordre de S. Michel .
eftoit un Gentilhomme diftingué
par fes fervices , que
Renée de Rochefort
fa mere ,
iffuë d'une des meilleures maifons
de la Province , eftoit unc
GALANT 14i
femme pleine de merite & de
vertu ; que de douze enfans nez
de leur mariage , François de
la Chaife eftoit le deuxième ,
& que dés qu'il eut atteint l'âge
de dix ans ,
ans , il avoit efté envoyé
à Rome pour y faire fes
études au College des Jefuites ,
qu'un de fes parens avoit fondé.
Mr de Boze fit enfuite une
peinture du defir que ce jeune
Ecolier , petit neveu du Pere
Cotton , Confeffeur du Roy
Henry IV. avoit fait voir
aprés avoir fini fa Rhetorique ,
d'entrer dans les Jefuites , où
il avoit un oncle celebre par fa
142 MERCURE
ſcience , & par l'aufterité de fes
moeurs ; mais qu'on avoit eu
moins d'égard aux avantages
de fa naiffance , qu'aux marques
de fa vocation . Il fit voir
enfuite les progrés qu'il fit
dans fes études ; qu'ils eftoient
moins propres à inſpirer de
l'émulation qu'à décourager
ceux qui n'avoient que les talens
ordinaires ; de maniere
qu'afin de faire une diverſion
confiderable , on luy fit faire
pendant qu'il étudioit en Philofophie
, un Cours de Mathematique
& de belles Lettres ,
fous le Pere d'Aix fon oncle.
GALANT 143
Il fit voir enfuite que ce Pere ,
fuivant l'ufage des Jefuites ,
avoit enfeigné les Humanitez ,
ce qu'il avoit fait avec fuccés ;
qu'il fit enfuite fa Theologic ,
& qu'il avoit enfeigné la Philofophie
dans le College de
Lyon , où l'on n'avoit pas en- pas.encore
vû de Profeffeur fi confommé
, ce qui luy avoit attiré
en peu de temps beaucoup de
Difciples étrangers. Il ajoûta à
tout cela une Peinture de fa
maniere d'enſeigner , qui parut
auffi nouvelle que bonne &
curieufe , & il dit que le College
de Lyon poffedoit alors des
144 MERCURE
Jefuites d'une grande capacité,
fçavoir les Peres de S. Rigaud ,
TheophileRainaud, de Chales,
Giballin & Fabry , & que leur
eftime pour le Pere de la Chaife
s'eſtant jointe aux applaudiffemens
du public , ils n'avoient
rien oublié pour l'engager
à faire imprimer ſa Philofophie
; mais qu'il avoit confenti
à peine d'en donner un
Abregé en maniere de Thefe ,
qu'on avoit imprimé en deux
petits volumes in folio , où la
Logique & la Morale renferment
tout ce que l'on peut
imaginer de plus propre à former
GALANT 145
mer l'efprit ou le coeur , & où
l'on ne trouve prefque aucunes
de ces Queſtions infruc
tueufes qu'un long uſage femble
avoir confacrées au bruitde
l'école &au plaifir de la difpute.
Mr de Boze ajoûta beaucoup
de chofes curieufes à l'avantage
de ces deux volumes , & dit
que le Pere de la Chaife auroit
peut êtrefait imprimer un abregé
de la Theologie qu'il avoit
enfeignée avec la même diltintion
, s'il n'avoit preſque aufſitoft
cfté deſtiné à un employ
qui le demandoit tout entier ,
& qu'il fut nommé Recteur de
Avril 1709
. N
146 MERCURE
la Maifon de Grenoble , où il
fut oblige de fe rendre , mais
qu'il n'y refta que quelques
mois , Mr de Villeroy , Archevêque
de Lyon , dont il fit
un trés beau Portrait , qui ne
pouvoit foûtenir l'éloignement
d'un homme qui luy êtoit
fi cher , ayant trouvé le
moyen de le faire revenir ; &
qu'aprés fon retour , il avoit
gouverné fucceffivement les
deux Colleges , & entrepris d'y
faire fleurir les Lettres de plufieur
manieres diferentes, de
forte que dans des lieux prefque
incultes on vit naiftre à la
GALANT 147
fois une ample Biblioteque
une espece d'Obfervatoire
des Cabinets de Mathematique
& d'Anquititez . Mr de
Boze pourfuivit enfaifant connoiftre
que le Pere de la Chaize
avoit paffé enfuite à l'adminiftration
entiere de la Societé
dans la Province , & qu'il s'y
apliquoit uniquement à en
connoiftre les fujets & les befoins
lorfque le Roy le choifit
pour fon Confeffeur à la place
du feu Pere Ferrier , & que
quoyque le choix d'un Prince
fage & éclairé format un affez
grand éloge du pere de la Chai.
Nij
148 MERCURE
ze , ce choix luy eftoit d'autant
plus glorieux , qu'il n'eſtoit jamais
aproché de la Cour plus
prés que de cent lieuës ; cet endroit
fut fuivi d'une tres- belle
Peinture de toutes les grandes
qualitez du Pere de la Chaize ,
qui luy attirerent en peu de
temps le réfpect des Courti fans
& la confiace du Roy. Mr de
Boze joignit à cette peinture ,
celle du gouft que le Pere de la
Chaize continua d'avoir pour
les Monumens antiques , & fit
voir que ce n'eftoit point à
caufe de la fituation ou il fe
trouvoit à la Cour, que les SçaGALANY
149
vans avoient continué d'avoir
commerce avec luy , & luy
avoient dedié plufieurs Ouvrages,
& il raporta à cet occafion,
que Mr Vaillant qui luy avoit
dedié fon Livre de l'Hiftoire
des Rois de Syrie par Médailles,
avouë dans l'Epitre , dans la
Préface , & dans plufieurs endroits
de l'ouvrage même
qu'il luy en doit l'idée & la perfection
, & que Mr Spon, quoy
qu'engagé dans les erreurs
d'une Secte qui n'avoit jamais
pû compter le Pere de la Chaize
au nombre de fes Protecteurs
ou de fes amis , luy avoit
Niij
150 MERCURE
adreffé la Relationde ſes Voyages
, en faifant fentir que c'è (
toit au merite perfonnel qu'il
rendoit hommage en adreffant
un ouvrage rempli d'Infcrip
tions , de Médailles , & d'autres
Monumens au plus jufte efti
mateur qu'il connut fur ces
matieres , & que fi la bienfeance
ne luy permettoit pas de fe
taire abfolument fur l'importance
& fur la dignité du pofte
qu'il rempliffoir , il fe contentoit
de luy dire que fon amour
pour les Cezars & pour les Heros
de l'Antiquité avoit eſté
depuis long- temps l'heureux
GALANT 151
préfage de fon élevation & de
fon attachement
à la perfonne
du plus grand des Rois ; il pourfuivit
en faifant connoiftre que
le Pere de la Chaize avoit porté
fort loin le gouft de l'Antiquité
; qu'il l'infpiroit à tous
ceux qu'il croyoit capables de
l'éclaircir ou de l'orner par leurs
recherches ; que la connoiffance
des Médailles luy doit une
partie du progrez qu'elle a fait
dans le dernier Siecle ; que ce
fut fur le témoignage qu'il rendit
au Roy de l'utilité & des
agrémens de cette occupation,
que ce Prince l'a jugea digne
Niiij
152 MERCURE
d'entrer dans les delaffemens
de la Royauté , & que ce fut
par cette raiſon que Sa Majefté
le nomma entre les premiers
Sujets dont il luy plût d'augmenter
cette Academic en l'an-
∙née 1701 .
Comme dans cct Extrait,j'ay
peu raporté de morceaux entiers
du difcours deMr deBoze,
& que je me fuis contenté de
dire en plufieurs endroits qu'il
avoit fait de ttes belles peintutures
de telles & telles chofes ,
je croy devoir finir par un endroit
que je raporteray preſque
dans les mêmes termes , ceux
GALANT 153
dont je le tiens , ayant fait un
grand effort de memoire pour
le retenir, voicy donc de quelle
maniere il finit fon difcours
Son affiduité eftoit trés grande
par raport àfon âge , & au peu de
tempsdont ilpouvoit naturellement
difpofer ; elle eftoit remarquable &
utile en ce qu'il avoit toûjours
quelque découverte à annoncer
la Compagnie ou quelque Monumentfingulier
à luy communiquer,
Médailles , Pierres gravées , Figures
antiques , Inftrumens defacrifices,
Urnes , Infcriptions de tout
genre. C'eft icy qu'il répandoit
avecjoye toutce qui luy venoit des
154 MERCURE
Païs Etrangers ou des differentes
Provinces du Royaume qu'il avoit
en quelque forte renduës tributaires
defa curiofité ; il nous aportoit
auffifortfouvent des Differtations
fur les matieres qui luy paroiffoient
eftre du reffort de l'Academie , &
'il avoit foin de n'en prendre que
de bonne main; enfin il nous aimoit,
par un jufte retour nous craignions
pour luy jufqu'au changement
des faifons:il mourut le vingtiéme
de Fanvier dernier lorſque
le froid fe faifoitfentir avec leplus
de violence ; mais rien ne fut capable
de diferer les pieux devoirs
que nous avions à luy rendre , &
GALANT 155
la
l'Hiver de 1709. que les Natu
raliſtes viennent de marquer pour
long-temps dans leurs Annales, le
fera de même dans nos Regiftres.
Le Pere de la Chaize eftoit dans
quatre- vingt cinquième année
de fon âge , la foixante- dixiéme
depuis fon entrée dans la Compagnie
de Jefus , & la trente qua
triéme depuis fa nomination à la
place de Confeffeur du Roy. Il
avoit toûjours jouy d'une bonne
fanté ; la vielleffe même , qui ne
luy avoit jamais fervi de pretexte
pourfe difpenferdaucun de fes devoirs
, fembloit avoir renouvellé
en luy quelques agréments exte156
MERCURE
rieurs. Il eftoit né bienfaisant &
fon inclination à obliger étoit fi
grande qu'elle luy préfentoit d'a
bord les chofes qu'on luy demandoit
dans toute l'étendue de leur
poffibilité.
Le Public attend peut- eftre encore
que nous luy repréfentions
le Pere de la Chaize rempliffant
les delicates & facrées fonctions
de fon Miniftere ; les uns voudroient
qu'on leur dit tout ce quefa
pieté fon zelepour la Religion
luyont fait entreprendre ; combien
il a contribué à la deftruction de
l'Herefie en France, ce que luy
doivent les Miffions Apoftoliques
GALANT 157
dans les Pays les plus éloignez.
D'autres fouhaiteroient qu'on le
leurpeignit au deſſus du travail &
des contrarietez , toujours ocupé
fans le paroiftre jamais ; toûjours
affable tranquile,jufte & exact
dans la decifion des affaires qui luy
eftoient renvoyées , perfuafif, pref
fant , actifdans celles qui dépendoient
de la negociation ou du mou
vement & toujours incapable
d'une fauffe démarche.
و
L'Illuftre Societé qui vit cegrand
homme fe former dans fon fein
& qui en partage aujourd'huy la
perte avec nous ne
manque ni
d'Hiftoriens ni d'Orateurs pour
tranfmettre à la pofterité un détail
158 MERCURE
fi intereffant ; nous done , les élo
ges font moinsdes Hiftoires & des
Panegyriques , que de fimples memoires
fur la vie des Academi
ciens , nous croyons qu'il fufit pref
que d'y raporter ce qu'ils ont fait
pour les Lettres , & ce que
Lettres ontfait pour eux.
Les
Il n'eft pas neceffaire de
que le difcours de
vous dire
Mr de Boze fut écouté avec
plaifir, & qu'il receut de grands
applaudiffemens de toute l'affemblée
, puiſqu'il eſt aifé de ſe
l'imaginer , & que l'on ne pouvoit
fe défendre de luy donner
les louanges qu'il meritoit.
GALANT
159
Mr. l'Abbé de Mongault lût
enfuite une Differtation fur les
honneurs Divins qui ont esté rendus
aux Gouverneurs des Provinces
Romaines pendant que la
Republique fubfiftoit. La maticre
des Apotheofes des Empereurs
a efté fouvent traitée ;
mais celle- cy eft route neuve ,
& peu connue. L'Auteur prouva
d'abord par des autoritez
autentiques & par des paffages
formels , que Marcellus celuy
qui prit Siracufe ;
Scevola le grand Pontife , &
Lucullus le vainqueur de Mithridate
, avoient vû établir de
Lucius
160 MERCURE
leur vivant des Sectes en leur
honneur femblables à celles
des Dieux;il fit voir que Quintius
Flaminius avoit un Prêtre
à Calcide en Etholie, & qu'on
luy faifoit des Sacrifices . Il parla
enfuite des Temples qu'on
avoit dediez à des Gouverneurs
Romains , conjointement
avec les Dieux , & de
ceux qu'on leur avoit batis
exprés. Il remarqua que cet
ufage eftoit non feulement toleré
, mais même autorifé par
les loix ; c'étoient , continuat'il
, comme des monumens
Publics de l'affujetiffement des
GALANT 161
Provinces conquifes ; car les
Romains favoient qu'il n'y a
point de plus grande marque
de fervitude que l'excéz de la
flaterie ; que l'eftime , l'admiration
, & la reconnoiffance avoient
d'abord decerné ces
honneurs , ce qui fe tourna
enfin en coutume;que lorfque
lesPeuples fe font une fois trop
livrés à la flatterie , elle devient
comme un Tribut neceffaire ;
& que ceux qui ont l'autorité ,
Le mettant fouvent peu en pei- ſe
ne de meriter les mêmes titres
que leurs predeceffeurs fe font
un point d'honneur de fe les
Avril 1709 . O
162 MERCURE
faire donner ; qu'auffi arrivoitil
quelquefois que les Peuples
aprés avoir gemi de s'eftre vûs
reduis à flater d'une maniere fi
outrée des Gouverneurs qui
les opprimoient , portoient
leurs plaintes àRome dés qu'ils
en avoient changé , & faifoient
faire le procez à ceux à
qui ils avoient rendu des honneurs
Divins ; que d'un autre
cofté , il s'en trouvoit qui , peu
touchez des honneurs que les
Provinces accordoient trop liberalement
plutoft à leur place
qu'à leur perfonne, ne penfoient
qu'a detourner à leur
GALANT 163
profit une partie des fonds
qu'on impofoit pour leur bâtir
des Temples , & pour les
frais des Feltes & des Jeux.
Mr. l'Abbé Mongault remonta
enfuite jufqu'à l'origine
de ce culte que les hommes
ont rendu à d'autres hommes,
que l'on trouve chez tous les
Anciens Peuples , chez les Affyriens
, les Perfes & les Egiptiens
, auffi bien que chez les
Grecs. Il dit que les hommes
ayant perdu infenfiblement
les veritables idées de la Religion
qui leur avoient eſté tranfmifes
par les Patriarches , leur
O ij
164 MERCURE
efprit au lieu de s'élever jufques
au Souverain Etre & à
la premiere caufe de tous les
biens , s'arrefta aux caufes inferieures
& fenfibles ; qu'ils en
firent l'objet de leur culte qui
fut reglé par leur differens befoins
,
que l'on
peut
reduire
â
ceux
de la nature
, & à ceux
de
la focieté
; que
les
befoins
de
la nature
firent
naitre
le culte
des
creatures
inanimées
,
& les befoins
de
la focieté
le
culte
des
hommes
qui
luy
furent
utiles
, en
inventant
l'Agriculture
, les
Sciences
, & les
Arts
, qui
donnerent
des
Loix
GALANT 165
aux peuples, qui furent les deffendre
contre les infultes de
leurs voifins
, & qui purgerent
la terre de brigands
; que ce
fut dans des temps moins reculez
qu'on rendit les honneurs
Divins à des hommes
vivans , & qu'enfin les Grecs
en eftoient venus jufques à
honorer d'un culte Religieux
,
même avant leur mort ,de fimples
Ateletes , qui ne s'eſtoient
diftinguez que par la force ou
l'adreffe qui les avoit fait couronner
aux jeux Olimpiques
.
Il y a beaucoup d'aparence
,
pourfuivoit- il , que dans les
166 MERCURE
commencemens, le culte qu'on
rendoit aux hommes aprés
leur mort n'eftoit qu'un culte
civile , qui degenera enfuite en
fuperftition. L'Auteur , dans
la troifiéme partie de fa Difertation
, fit voir que les honneurs
Divins qu'on avoit rendus
aux Gouverneurs des Provinces
dans les terres de la Republique
, avoient eſté la fource
& le modele de ceux que
l'on avoit rendus depuis aux
Empereurs ; ce qu'il montra
en comparant les honneurs
Divins que le Senat decerna à
Cefar & à Auguſte pendant
GALANT 167
leur vie , avec ceux avec ceux que les
Provinces avoient rendus à
deurs Gouverneurs. La principale
difference qu'il y remar
qua , c'eft que le Senat n'avoit
jamais fait batir de Temple à
Rome à aucun Empereur pendant
fa vie ; ce qu'il prouva
contre quelques Auteurs Anciens
qui femblent dire le contraire.
L'Auteur de cette Differtation
a donné au Public il y a
dix ans , une Traduction Françoife
de l'Hiftoire Grecque ,
d'Herodien , dont il doit donner
dans peu une feconde Edition
.
168 MERCURE
Il a auffi prefque achevé
celle des Lettres de Ciceron à
Atticus , avec des remarques.
Il en a déja donné un Volume,
& on commencera inceffament
à en imprimer la fuité.
M' Couture finit la Séance
par la lecture de la feconde
partie de fa Differtation fur la
vie privée des Romains . Dans
la premiere il avoit fuivi le Citoyen
depuis le matin jufqu'à
midy aux Temples des Dieux ,
aux Palais des Grands , dans
les Places publiques , & dans
tous les endroits où la Religion
,l'Ambition , l'Intereft ,
&
GALANT 169.
& les liaifons du fang & de
l'Amitié l'appelloient. Dans
celle - cy il l'accompagne par
tout où le foin de fa fanté &.
l'amour d'un honneſte plaifir
le conduifoient. Ainfi il fit faire
deux perfonnages dans le
même jour aux Romains qui,
n'eftoient point engagez dans.
les emplois publics : celuy des
fix premieres heures eftoit
fier & hautain ,férieux & compofé
; celuy des fix dernieres
cftoit doux & gracieux , humain
& naturel. Les affaires
eftant pour la matinée , les
amuſemens eftoient pour l'a-
Avril
1709.
P
170 MERCURE
:
prefdinée de maniere que
tout le difcours de Mr Couture
roula fur la promenade ,
fur les exercices du corps , &
fur les bains des Romains ; ce
qui merita le plus d'attention ,
fut la difference de toutes ces
choſes , par rapport aux divers
temps de la Republique
Romaine ; dans laquelle comme
par tout ailleurs les occupations
ont ordinairement fuivi
les moeurs , & les moeurs ont
fuivi la fortune . Cet Academicien
en demeura au fouper des
Romains , & promit qu'il le
donneroit dans une autre
Séance.
GALANT 171
Le lendemain Mercredy 17 .
du mois l'Academie Royale
des Sciences s'eftant aſſemblée ,
l'ouverture en fut faite par Mr
de Fontenelles , Secretaire perpetuel
de cette Academie , de
même que celle de l'Acade
mie Royale des Medailles &
Intcriptions avoit eſté faite la
veille par Mr de Boze, qui en eft
auffi Secretaire perpetuel ; &
comme depuis l'Affemblée pu
blique d'aprés la Saint Martin
il n'eftoit mort qu'un feul Academicien
de l'Academie des
Sciences , Mr de Fontenelles
n'eut qu'un éloge à faire. C'é
Pij
172 MERCURE
toit celuy de Mr de Tournefort
l'un des plus grands Botaniftes
qui ayent jamais efté , &
dont la réputation eſt des plus
étenduës , eftant connu dans
plufieurs parties du monde à
caufe des voyages qu'il y a faits .
Comme je vous ay déja envoyé
un Article qui contient
à peu de chofe prés toute l'Hif
toire de fa vie , je ne vous repeteray
point icy ce qu'en a
rapporté Mr de Fontenelles ,
puifque ce ne feroit que vous
dire en d'autres termes ce que
vous fçavez déja prefque. Toute
la difference qu'il peut y
GALANT 173
avoir entre ce que Mr de Fontenelles
a dit , & ce que je vous
le ftile de ay envoyé , cft que
mes Lettres , doit eftre feulement
narratif , fimple , naturel
, & tel qu'il eft naturellement
dans une converſation
qui s'engage fur le champ , &
dans laquelle on ne doit rien
dire d'étudié , & qui approche
même de l'Eloquence
, ce qui
eft caufe que je rejette , lors que
je vous écris , tout ce qui devroit
paroiftre trop recherché
& trop travaillé fi je le laiffois
dans mes Lettres , où la fimple
P iij
174 MERCUR
E
nature doit feulement paroif
tre. Il n'en doit pas eftre de
même des Difcours qui font
prononcez publiquement &
ils doivent eftre regardez comme
des pieces d'Eloquence
& particulierement lors qu'ils
font raportez dans des Academies
, le nom feul d'Academie
faifant connoiftre que
ce ne peut cftre qu'un Affemblage
de perfonnes dont l'efprit
eft du premier ordre pour
les chofes dont elles fe mêlent
, & fur tout lors qu'elles
font dites dans des Affemblées
publiques qui font toujours
GALANT 175
remplies d'Auditeurs dont les
plufpart font auffi Eloquents
que Sçavants , & même d'habiles
Etrangers , puifque s'ils
n'eftoient pas de ce caractere ,
la curiofité ne les porteroit
pas à aller écouter des Difcours
médiocres.
Tous les faits de l'hiftoire
de la vie de Mr de Tournefort
, que Mr de Fontenelles ,
a raportez , & ceux que vous
avez lûs dans ma Lettre du
mois de Février , font a peu
prés femblables. Il en à neanmoins
paru un ou deux differens
dans ceux qu'à raportez
Piiij
176 MERCURE
Mr de Fontenelles . Je fuis perfuadé
qu'il a eu de bonnes raifons
pour le faire , où qu'il les
a crus de même qu'il les a raportez
. Je ne blame point ce
qu'a dit un fi fçavant homme,
& que je ne puis même imiter
de fort loin, mais je puis affurer
que les faits que je vous ay raportez
font veritables , & même
dans toutes les circonftances
qui les acompagnent ,
les ayant cuës d'une perfonne
même qui y a eu part.
Mr de
Fontenelles ayant
ceffé de parler ; c'eſt à dire de
fe faire admirer , Mr Saurin ,
GALANT 177
dont l'etendue du genie eft
connue , qui travaille au Journal
des Sçavans qui eft aujour
d'huy fi eftimé , & qui n'a jamais
parlé publiquement à
l'Academic fans s'attirer de
grands aplaudiffe mens , prit
la parole , & lut le Difcours
dont voicy l'Extrait ; il avoit
pour titre.
Examen d'une difficulté confiderable
propofé par Mr Hughens
contre le Syſteme Cartefien
fur la caufe de la pefanteur.
Mr Saurin dit d'abord que
les effets de la nature les plus
178 MERCURE
ordinaires , & qui frapoient le
moins le commun des hommes
n'eftoient pas ceux qui donnoient
le moins d'exercice aux
Philofophes , tel qu'eftoit le
Phenomene de la pefanteur ;
qu'une pierre jettée en l'air retombant
àplomb fur la ſurface
de la terre, on ne s'avifoit guere
d'en eftre furpris ; que cependant
trouver la caufe de cette
chute , eftoit un des plus difficiles
Problemes que la Phifique
cut à refoudre, & que l'on n'étoit
point encore parvenu à en
donner une folution fuffifamnt
demontrée, & qui répanment
1
GALANT 179
dit unepleine lumiere fur toutes
les difficultez. Il dit enfuite
qu'il avoit entrepris fur cette
matiere un petit Traité qu'il avoit
commencé à lire dans les
affemblées particulieres , & rapella
ce qu'il avoit déja lû de ce
Traité,aprés quoy il dir qu'il alloit
expofer fimplement l'objection
; ce qu'il croyoit qu'on
pouroit y répondre , & ce qui
luy paroiffoit refter de difficultez
, & qu'il attendroit des lumieres
des Philofophes qui alloient
l'écouter , & de celles de
l'Academie ce qui manquoit
aux fiennes . Il ajouta , en repre180
MERCURE
nant les chofes de plus haut
qu'on n'aperçoit dans les corps
pefants , que deux chofes
l'une,qu'eftant lachée en l'air,
ils fe mouvoient fuivant une
direction qui tendoit à peu prés
au centre de la Terre , & l'autre
, qu'ils faifoient effort pour
fe mouvoir fuivant la même
ligne , lorsqu'ils eftoient retenus
, & que c'eftoit préciſement
cet effort avec lequel ils
preffoient ou pouffoient ce qui
les retenoit , qu'on apelloit pefanteur
, il donna enfuite des
raifons de ce qu'il venoit d'avancer.
Il pourfuivit en expli
GALANT 181
quant la matiere dont il philofophoit
fur la pefanteur , avec
Mr Hughens. Il dit que les
corps pefants fe mouvant vers
le centre de la Terre , ils y êtoient
donc pouffez ; que ces
corps ne pouvoient eftre pouffez
que par d'autres corps qui
les chocquoient ; qu'il y avoit
donc d'autres corps en mouvement
qui heurtoient contre
ceux qu'on apelloit pefants , &
qui par ce choc les pouffoient
où l'on les voyoit tendre ; que
ces autres corps n'eftant point
aperçûs, c'eſtoit donc une matiere
fubtile que la delicateſſe
182 MERCURE
de fes Parties déroboit
à noftre
vûë , & que comme l'on ſçavoit
d'aillleurs
par mille autres
effets que la Terrenâgeoit
dans
unfluide d'une fubtilité inconcevable
qui l'environnoit
de
toutes parts , il n'y avoit pas
lieu de douter que ce ne fut à
cette matiere fluide qu'il falloit
attribuer
l'impulfion
qui produifoit
le mouvement
des
corps pefants ; ce qu'il expliqua
.
Il pourſuivit en diſant que
jufque là il avoit marché de concert
avec Mr Hughens;mais qu'il
alloit s'en feparer. Mr Hughens,
GALANT 183
continua t-ilfait mouvoir circu
lairement la matiere celefte en tous
fens autour du centre de la Terrez
c'eft à - dire que dans fon Syfteme,
le centre de la Terre eft le centre
commun de tous les cercles que décrit
la matiere celeſte ; au lieu que
felon Defcartes , elle fe meut tout
en même fens autour de l'Axe
d'Occident en Orient & décrit
des Cercles dont les Plans fontpa
ralelles à celuy de l'Equateur; c'eft
cette opinion que je defends contre
les deux objections de Mr Hughens
dont il s'agit. Mr Saurin
prouva enfuite fort clairement
fon opinion par un grand nom
>
184 MERCURE
bre de raiſons auffi curieuſes
que folides, & qui luy attirerent
de grands aplaudiffemens
, &
l'on fut furpris de l'immensité
des calculs qu'il avoit cfté obligé
de faire pour foutenir
fon
opinion
d'une maniere
inconteſtable
, ou du moins qui luy
pût eftre conteftée
, peu de gens
eftant auffi profonds
que luy
dans la matiere qu'il traitoit ,
& qu'on ne peut aprofondir
fans y employer
un temps infini.
Il dit enfuite que feu Mr Mariote
, l'un des plus habiles &
des plus exactsObfervateurs
en
1
GALANT 185
Phyfique qu'ait eu l'Academie
avoit fait quantité d'experiences
fur la force du choc des fluides
, & en particulier de l'eau
& de l'air. Il expliqua les experiences
queMr Mariote avoit
faires , dont il combatir la plus
grande partie par plufieurs
bonnes raifons , & dont les
Auditeurs furent frapez . Mr-
Saurin fit enfuite de folides &
curieufes reflections fur les
chofes qu'il avoit cruës luy
même , & cet endroit ne fut
pas un des moindres morceaux
de fon Difcours , dans lefquels
il ferendit juftice fans ſe flater,
Avril 1709
.
е
186 MERCURE
& en effet il traitoit une matiere
bien dificile à expliquer
& encore plus dificile à bien
faire concevoir ; & aprés avoir
dit beaucoup de choſes touchant
la pefanteur , que l'on
pouvoit prendre pour des paradoxes
, il dit que les fens ni
l'imagination ne devant pas
eftre écoutez fur ce point , &
que la raifon ne devant y fixer
aucunes bornes , il eftoit permis
de donner à la tiffure des
corps toute la rareté , comme
à la matiere celefte toute la
fubtilité dont on avoit befoin,
pourveu feulement que la fu-
J
GALANT 187
pofition quel'on fit pour l'effet
que l'on voudroit expliquer
ne fe trouvaft pas combatu
par d'autres effets : il dit qu'il
ajoutoit encore un Article
qu'on ne pouvoit trop appuyer,
& qui fe raportoit àcelui
des Figures plus ou moins embaraffantes
dont il avoit parlé;
c'eftoit que les particules de la
matiere celefte n'avoient ni figure
ni groffeur determinée ;
que chaque particule pouvant
fe divifer , & fe divifant à l'infini
felon les befoins , & avec
la derniere facilité , elles s'accomodoient
fans peine à toutes
Qij
188 MERCURE
fortes de places , ce qui diminuoit
infiniment dans le fluide
la reſiſtance au déplacement
,
& ce qui affoibliffoit d'autant
fon effort.
Mr Saurin parla enfuite de
quelques Experiences faites
par M. Newton , & dont quoy
qu'elles paruffent d'abord en
quelque façon favorables à fon
fujer , il fit voir qu'on ne pouvoit
tirer d'affez fortes confequences
, non plus que des Experiences
qu'il pourroit faire.
Il ajoûta que quand aprés toutes
les confiderations qui venoient
d'eftre faites, on ne fe
CALANT 189
roit pas moins frappé comme
d'une abfurdité , de cette ra
pidité prodigieufe que l'on
donnoit à la Matiere celefte
proche de la terre , quoy qu'elle
ne s'y fift pas fentir , & qu'il
fembloit qu'il n'y avoit pas
d'autre parti à prendre pour
diriger cette abfurdité , comme
on eftoit obligé d'en diriger
tant d'autres dans la pluf
part des fujets de Phyfique ,
& generalement prefque dans
tous les objets connus , puifqu'enfin
cette abfurdité prérenduë
ou vraye , où conduifoit
le fentiment qu'il deffen190
MERCURE
:
doit , fe trouvoit une fuite neceffaire
des plus certaines Obfervations
des Aftronomes ,
ainfi qu'il alloit le démontrer ,
ce qu'il fit en effet d'une maniere
tres fenfible & tres - fçavante
& dont il eft impoffible
de donner une idée par extrait ,
à caufe de la quantité de chofes
curieufes qu'il rapporta en approfondiffant
la matiere ; de
forte que l'on fut étonné du
grand nombre de recherches
qu'il avoit faites ; de fa grande
attention à examiner jufques
aux moindres circonftances de
la matiere qu'il venoit de trai-
A
GALANT 191
ter , & de la profondeur de fon
imagination , & de fon ſçayoir.
Mr l'Abbé Bignon , ayant
refumé le Difcours de Mr
Saurin , Mr de Vieuffens , le
fils , habile Medecin , prit la
parole , & lut un Diſcours
qui regardoit les conjectures
fur la caufe prochaine ou immediate
du Delire Melancolique.
Il dit que la Maladie
qu'on nomme Melancolic
eft
un Delire fans fiévre fur un ou
deux objets feulement , à l'égard
defquels il affervit &
obfcurcit
entierement la rai192
MERCURE
la
fon , dans le temps qu'il la
laiffe jouir d'ailleurs librement
de tous fes privileges ; que
joye y eft quelques fois attachée
; mais que la trifteffe & la
crainte l'acompagnent pref
que toujours ; que ceux qui
font atteints de cette Maladie ,
ont chacun leur delire particulier
; que les uns s'imaginent
eftre compofez de fel , les autres
de verre ; qu'il y en a
qui fe croyent Prophetes , les
autres Rois ; que quelques-uns
fe figurent avoir cfté changez
en Cerf, & quelques autres en
Serpent. Et il ajouta qu'il ne
finiroit
GALANT 193
finiroit point s'il s'arreftoit à
raporter tout ce que cette
Matiere fournit d'extravagant
& de fingulier.
Il fit enfuite connoiftre d'où
provenoit le nom de Melancolic
, & pourquoy les anciens
Medecins , l'avoient ainfi
nommée, en ajoutant qu'il luy
feroit facile de refurer leur
opinion . Il parla auffi de celle
des nouveaux Medecins fur
la caufe de la même Maladie ,
qu'il combatit par un grand
nombre de raifons fpecicules ;
enfuite dequoy il donna fur
cette maladie , une Hypotheſe
Avril 1709 . R
194 MERCURE
nouvelle qui s'accorde avec
l'Anatomie ; qui fait concevoir
clairement la diftribution des
cfprits animaux dans le centre
ovale ; qui favorife la Mechanique
avec laquelle les Cartefiens
prétendent que nos Juge
mens fe forment , & qui fournit
une explication vrai femblable
du Delire Melancolique
; ce qu'il juſtifia · par un
grand nombre de raifons qui
furent aplaudies . Il fit voir enfuite
, comment , par le moyen
des remedes aperitifs , il avoir
guerit le Delire d'une fille , où
la Melancolic l'avoit faittom#
GALNTM1 195
ber , en luy faifant prendre les
forces impreffions, que ce Delire
a coutume de donner , &
fur tout fur ce qu'il luy avoit
fait croire qu'elle eftoit devenuë
Serpent , & il ajouta un
détail des raifons qui avoient
donné lieu à cette jeune fille
de croire qu'elle eftoit devenuë
Serpent.
Mr de Vieuffens fit voir
auffique l'on ne doit pas croire
que toutes les efpeces de
Délire qui font connuësdépen
dent de la même cauſe , & que
les choles fe paffent bien differemment
dans la Phrenefie,
Rij
196 MERCURE
..
où le mouvement impetueux
& dereglé des efprits animaux ,
produit tous les étranges accidens
qui accompagnent cette
violente maladie. Il parla enſuite
du Delire maniaque , dont
il fit auffi une Defcription ,
Il paffa de là au Delire des
Letargiques qu'il expliqua.
le Delire où tous
par
les hommes font plus ou
moins fujets en dormant , &
il conclut de là , que toutes
les efpeces de Delire , dont il
avoit parlé en dernier lieu ,
avoient pour caufe prochaine
le cours irregulier & impé-
Il finit
33
GALANTM 197
où tueux des efprits animaux ,
l'interruption & l'irregularité
de leur mouvement , au lieu
que le Delire melancolique
dépend d'une obftruction qui
fe forme dans un des tuyaux
du centre övale; que c'est cette
obſtruction qui empêche les
efprits animaux ( comme il
T'avoit déja expliqué ) de par-`
courir les traces qui décou
vriroient aifément à ces fortes
de malades , leur erreur , par
la parfaite oppofition qu'il
réconnoiftroient pour lors ,
l'objet de leur Delire , & euxmêmes.
Mais que la digue eft
Rij
198 MERCURE
ordinairement
fi forte ques
c'est toujours
inutilement
qu'on travaille à l'emporter
quand les premieres tentatives
n'ont point réüffi .
>
Je vous parlay le mois paffé
de la mort de Mr le Prefident
de la Barde , & j'aurois
dû vous dire dans cette Article
qu'il a confervé fa raiſon
toute entiere jufqu'à la fin de
fa vie ; qu'il a remply les fonctions
de fa Charge juſqu'en
1709. apres quoy ayant refolu
de la quitter pour ne vacquer
plus qu'à ce qui regardoit
les affaires de fon falut
GALANT 199
il est mort avec une preſence
d'efprit qui eft ordinairement
rare dans les derniers momens
de la vie.
Pendant que la mort oblige
les uns de quitter d'éclatantes
Charges , ceux à qui une grande
jeuneffe doit donner lieu
de croire qu'ils rempliront
longtemps les fonctions de
celles dont ils feront pourvûs
s'empreffent d'en avoir de bonne
heure , & c'eft pourquoy
Mr le Marquis de Mafparault ,
ci-devant nommé Marquis de
Chenevieres , & fils de Mr le
Marquis de Mafparault , vient
R iiij
200 MERCURE
d'acheter , quoyqu'il n'ait ene
core que quinze ans , la Charge
de Ch mbellan de S. A R.
Monfieur le Duc d'Orleans ,
qu'avoit Mr le Marquis de
Breauté , qui voulant toûjours
avoir l'honneur d'eftre auprés
d'un fi grand Prince, & auprés
duquel le fervice a de grands
agrémens , doit acheter l'une
des plus grandes Charges de la
Maifon de S. A. R.
Le Roy a donné le Gouver
nement du Comté de Beaulieu
en Argonne , à Mr le Comte
de Rommecourt , Abbé de
l'Abbaye de Beaulieu audit ArGALANT
201
gonne , dont il préta ferment
le mois paffé , entre les mains
de Monfieur le Chancellier Je
temets au mois prochain à
vous parler de la Maiſon de ce
nouveau Gouverneur , dont
j'ay beaucoup de chofes curieufes
& hiſtoriques
à vous
dire.
On ne peut trop admirer
Pattention
que Sa Majesté à
marquée , & qu'elle fait voir
encore tous les jours à reconnoiftre
tous les fervices de ceux
qui fe font diftinguez dans
Lille pendant le Siege de cette
Place . Elle a donné la Croix202
MERCURI
de Chevalier de S. Louis à M
Jean de Barelier , Chevalier
Seigneur de Bitry , qui a fervi
auprés de Mr le Maréchal
Duc de Bouflers en qualité
d'Ingenieur , au Siege de Lille ,
où il a eu un bras caffe d'un
éclat de bombe , qu'on crut
d'abord luy devoir couper , &
dont aprés quatre mois de ma
ladie , il eft demeuré eftropié.
Il y a plus de trente ans qu'il
a commencé à fervir . Il a efté
Cadet dans la Compagnie des
Gentilshommes . Le Roy luy
donna enfuite une Lieutenancc
dans le Regiment de PicarGALANT
203
die , d'où il paſſa à une Lieute
匪
nance du Regiment de Nomandie
, dans la Compagnie
de Bonlieu fon coufin , qui
commandoit le fecond Bataillon
de ce Regiment. Il eut enfuite
une Compagnie Franche ,
& il fut nommé Ingenieur par
le Roy. Il fervit en cette qualiré
fous Monfieur le Duc de
Vendofme pendant la Campagne
de 1707. Cet Officier qui
a toûjours eu beaucoup de
genie pour les Fortifications
& pour le deffein , en prefenta
un livre manufcrit à Mr le
Maréchal de Vauban avant fa
204 MERCURE
mort , & ce Maréchal en fut
fi content , que dans le moment
même il en parla à Mr le
Pelletier de Souzy , Directeur
general des Fortifications
&
qui en parla fans doute avantageufement
à Sa Majesté ,
puifqu'elle le nomma peu de
temps aprés Ingenieur du dé
partement de Maubeuge.
4
Je paffe aux nouvelles d Efpagne
, dont j'ay beaucoup de
chofes à vous dire , & je com.
mence par l'extrait d'une Lettre
de Madrid.
Don Eugenio de Miranda
GALANT 205
Sur- Intendant des Droits fur le
Chocolat , Tabac, & Sucre ,
Preſident de la Junte du Commerce
de Sville, eft mort icy generallement
segretié.
On a appris par des nouvelles
de Lifbonne que les Portugais ont
perdu 48. vaiffeaux de leur Flotte
du Brefil en comptant ceux que
laTempefte afait perir aux coftes
du Brefil dans le Tage , &
qu'on ne voit plus de monnoyes
d'argent en Portugal , les Anglois
les Hollandois lesfaifant paffer
chez eux.
Le fils de Mr le Marquis de
Torrecufa grand d'Espagne , fut
206 MERCURE
baptife le dix feptiéme de Mars
tenu fur les Fonts par Mr
Amelot Ambaffadeur de France ,
au nom de Monfeigneur le Dauphin
, & par Madame la Princeffe
des Urfins au nom de Madame
la Ducheffe de Bourgogne . Le
Baptême s'eftfait avec beaucoup
de magnificence dans l'Eglife de
faint Sebaftien qui eftoit ornée
des plus belles Tapifferies de la
Couronne. Les perfonnes lesplus
diftinguées de la Cour & de la
Ville y affifterent , & la ceremo–
nie fe fit par le Patriarche des
Indes.
Me la Ducheffe de Bejar âgée de
GALANT 207
24. ans , fille de Mr le Marquis
de Villa Franca , mourut le 16
Mars fans laiffer d'enfans .
~Mr l'InquifiteurGeneral d'Ef
pagne eft auffi mort dans le même
mois d'une fluxion de poitrine.
Ce Prelat eftoit d'un meriteſi parfait
& fi accompli que la Cour
en eft dans une grande affliction .
• Les Archevêques de Saragoffe
de Valence arriverent icy le
ving-cinquième du même mois
pour affifter à la Ceremonie du
Serment qu'on doit prefter an
Prince des Afturies.
Je crois qu'en attendant
que je vous en envoyele détail,
208 MERCUR E
que vous trouverez peut eftre
à la fin de ma Lettre , la lectu
re de ce qui fuit doit vous faire
plaifir.
Les Princes fils ainez des Rois
d'Elpagne font toûjours nom→
mez Prince des Afturie ‹ juſqu'à
ce qu'ils heritent de la Couron
ne de leu pere; le premier qui
porta ce Titre fut le Prince
Henry qui fut depuis Roy fous !
le nom de Henry Troifiéme
furnommé le Dolent. Le Roy
fon pere Jean I. refolut en
1388. de le nommer Prince des
Afturies à l'ocafion du mariage
qu'il lui procura avec l'Infante,
GALANT
209
Catherine
d'Angleterre , & il
declara que
deformais tous les
Princes
Premiers nez des Rois
d'Espagne, fes
Succeffeurs , feroient
connus &
defignez par ce
nom de Prince des
Afturies en
mémoire de ce que le
RoyPelage
n'en prit point
d'autre juf
qu'à ce qu'il eut rétabli la Monarchie
d'Espagne
comme il
fit par les
Victoires qu'il rem
porta fur les Maures
qui l'a
voient
ufurpée,
L
Les Princes des Afturies ne
joüiffent que du feul titre de
ces Provinces , & ils n'ont aucuns
droits fur le Domaine qui
Avril
1709.
S
210 MERCURE
en dépend ou du moins on ne
le permet pas Il n'y a point
d'exemple dans l'Histoire que
cela ait efté autrement ; car
quoyque le Roy Henry IV.
furnommé l'Impuiffant, prétendit
jouir de tous les avantages
utiles attachez à ce Titre , lorfqu'il
fe brouilla avec le Roy
fon pere Jean Second du
nom , il ne pût jamais venir
à bout de fon deffein , quelques
refforts que fift jouer pour cela
Don Jean Pacheco, aidé de l'autorité
de ce Prince, qui defiroir
d'augmenter fa puiffance pour
s'opposer à celle de Don AlGALANT
201
vare de Luna,favory du Roy,
& qui abufoit de fa confiance.
Auffi ces Princes n'ont ils
pas plus de droit dans les
Afturies ,que les Dauphins fils
aînez de France en ont dans le
Dauphiné. Il y a même quelques
Auteurs qui ont crû que
le Titre de Dauphin attribué
aux fils aînez de France en
1349. par la donation du
Comte Humbert Dauphin de
Viennois , fit prendre au Roy
Jean Premier la refolution de
defigner à l'avenir les Infants
d'Eſpagnes aînez , Princes des
Afturies ; neantmoins Mariana
•
Sij
212 MERCURE
livre 18. chap. 12 . I 20 dit que ce
fut à l'imitation des Princes de
Galles , ainez des Rois d'Angleterre
, ce qui a plus de vray
femblance , puifque le Roy
Jean Premier traittoit alors le
Mariage de fon fils aîné avec
l'Infante Catherine d'Angleterre
.
Le nom qui eft donné aux
Princes d'Espagne lorfque par
précaution ils font ondoyez
leur eft confervé dans le temps
qu'on les baptife publiquement.
Ileft vrai que l'on peut alors
par des raifons dedévotion ,
de politique ou de bienfeanGALANT
213
200
sce , ajouter d'autres noms au
Premier , ce qui fe pratique
même ordinairement ainsi , &
aprés la Ceremonie du Baptême
en public, on leur met le
Cordon de l'Ord. de laToifon.
Lorfque le Prince des Aftu-
-ries eft âgé de 2. ou 3. ans , on
affemble les Deputez des Etats,
Villes & Royaumes d'Eſpagne,
qui font ferment de le reconnoiftre
pour heritier des
Couronnes & Domaines du
Roy fon pere .
Lorfqu'il approche de fa
feptiéme année on travaille à
faire fa Maifon. Le premier
214 MERCURE
choix eft celuy d'un Gouverneur
; ce doit eftre un homme
de la premiere qualité , & qui
foit connu pour avoir illuftré
fa grande naiffance par l'amas
des vertus convenables à l'éducation
du Prince & àla confervation
du depoft precieux
qui luy eft confié par le Roy, en
la place duquel il eſt pour cet
effer fubftitué. On luy choifit
enfuite un Precepteur ; ce doit
eſtre un homme diſtingué par
fa vertu , fon merite , fa doc
trine , & fa grande érudition ;
il peut eftre Seculier , puiſque
le Docteur Don Lorenzo RaEGALANT
215
mos del Manzano , Confeiller
du Confeil & de la Chambre
de Caftille a efté celuy du Roy
Charles II. Il peut eftre auffiEcclefiaftique
; le Roy Ferdimand
& la Reine ayant choisi pour
le Prince Jean leur fils aîné le
Pere Diego Deza de l'Ordre de
S. Dominique & Profeſſeur en
Theologie en l'Univerſité de
Salamanque , & parce que ce
Roy & cette Reine paffent
dans l'Hiftoire pour ceux qui
ont pris les précautions les plus
judicicufes pour ce Prince , qui
eftoit alors l'heritier préfomptif
de leurs Couronnes , l'Em216
MERCURE
fçapereur
Charles Quint - commanda
que fon fils fut inftruit
élevé & fervi de la même maniere
que ce Prince l'avoit efté,
ce qui a toûjours efté imité &
pratiqué par fesSucceffeurs.On
nomme enfuite les Premiers
de la Maifon du Prince ,
voir fon Grand- Maiftre
Crand-Ecuyer , fon Grand-
Chambellan , & aprés tous les
autres Officiers Subalternes
qui dépendent de ces Charges ;
on choifit auffi les Gentilshommes
de fa Chambre, dont
une partie doit eftre de gens
meurs & déja fur l'âge & l'au
fon
tre
GALANT 217
tre de jeunes Gentils hommes
afin que la tranquilité ferieuſe
des uns temperant l'ardente
vivacité des autres , le Prince
en tire toûjours ce qui fera de
meilleur pour fa conduite.
A l'égard du Ceremonial
pour les honneurs qu'on luy
doit & pour les refpects qu'on
luy doit rendre en luy parlant
& en le fervant , ils doivent
eftre tels qu'il font dûs à l'he
ritier prefomptifde la Couronne
, & il n'y a là deſſus aucune
difference entre le Roy & fon
fils , fi ce n'eft
eft traité d'Alteffe Royale , &
que le Prince
Avril
1709. * T
218 MERCURE
non de Majefté . « be mo
Le Mercredy dixième de ce
mois les Chambres du Parlement
s'eftant affemblées , on y
fit les Mercurialles
en la maniere
accoutumée . Mr le Premier
Preſident adreffa d'abord
la parole à Mrs les Gens du
Roy.
Vous connoiffez , leur dit -il ,
l'importance de nos fonctions &
la grandeur des obligations quiy
font attachées ; devenus les hommes
du Prince & du Public , reprefentez-
nous aujourd'huy nos
devoirs , retracez nous fidele
ment le Caractere & les qualitez
GALANT 219
effentielles qui font neceffaires au
parfait Magiftrat , afin que la
Cour travaille à corriger les défauts
qui pourroient s'eftre gliffez
dans l'adminiftration de la
Fuftice qui luy eft confiée.
Mr d'Agueffeau Procureur
General , prit enfuite la parole,
& fit connoiftre par un tres
beau Difcours toutes les qualitez
& toutes les vertus qui
doivent remplir le coeur d'un
parfait Magiftrat , & l'Extrait
de fon Difcours que je vous
envoye eft infiniment au def
fous de la force de fes penſées
& de la nobleffe de fes expreffions.
Tij
220 MERCURE
la
Dans ce jour folemnel que
fageffe de nos Peres a confacré
aux Mercurialles , nous avons
·à vous reprefenter quelles font
toutes les vertus qui doivent concourir
pour former un parfait
Magiftrat ; mais bien loin que
nous parlions le langage de l'amour
propre, les fonctions de noftre
Miniftere nous obligent de
vous faire reſſouvenir de lagran
deur du rang augufte où vous
eftes élevez, & desfoins que vous
devez prendre pour en conferver
ou pour en augmenter fi faire fe
peut la gloire & la splendeur.
Refpectez voftre Etat refGALANT
221
pectez vous vous-même , fi vous
voulez que les hommes confervent
pour vostre perfonne cette
veneration qui eft dûë à l'éclat
de la Pourpre dont vous eftes
environnez vous ferez toujours
grands , fi vous voulez toujours
Veftre. La dignité qui eft vrayment
propre au Magiftrat n'a
encore rien perdu de fon luftre ;
que le fort jaloux de noftre bonheur
femble nous abbaire ; que
le malheur des temps fufpende
pour ainfi dire noftre autorité ;
le bruit des armes & le tumulte
de la guerre paroiffe vonloir
retarder le cours de lajustice ;
que
Tiij
222 MERCURE
malgré toutes ces conjonctures
le Magiftrat depofitairede l'ausorité
du Prince demeure toujours
dans une étroite obligation de
s'enfervirpour rendre la justice à
fes peuples quelque honneur
que femble meriter la profeſſion
des armes , rien ne fera jamais
plus reſpectable qu'un veritable
"Magiftrat ; foit qu'il abaiffe ,
foit qu'il éleve , foit qu'il puniffe,
foit qu'il recompenfe , il exerce
toujours un pouvoir émané de la
fouveraineté ; mais ſi c'eſt l'autoritéqui
commence le portraitdu
parfait Magiftrat , c'est la vertu
qui doit le finir ; s'il eft le fuplé
GALANT 223
ment de l'une il doit eſtre la perfection
de l'autre. Le Magiftrat
choifi entre les hommespour rendre
témoignage à la verité , ne doit
jamais s'écarter des bornes qu'elle
luy preferit. Toujours inacceffible
aux impreffions qu'unefauffe lueur
luy pourroit fuggerer , il ne doit
fe laiffer conduire que par la feule
lumiere de la verité de la justice.
D'un autre côté libre & exempt
des paffions qui corrompent ordinairement
le coeur humain , il ne
doit jamais fortir de cette noble
indifference qui le rend toujours
maître de fon fuffrage & lelibre
arbitre de fa volonté ou file
Tiiij
224 MERCURE
*
Magiftrat permet à fon coeur
l'accés à quelques paffions , ce ne
doit cftre qu'à celles que la nature
infpire pour le foulagement des
perfonnes opprimées fans s'ecarter
des devoirs de la justice ; une
compaſſionfage & éclairée pour les
malheureux, une fainte pitié pour
les affligez , une jufte indignation
contre les criminels . Ces fortes de
mouvemens ne produiront jamais
rien contre fes devoirs; au contraire
tant que ces traits éclatansformeront
le Magiftrat , rien ne fera
jamais plus refpectable ny plus
respecté. Le monde fçaura l'honnoter
admirera les vertus d'une
GALANT 225
perfonne dont la vigilance infati
gable pour s'aquiter dignement
des penibles emplois aufquels il
s'eft devoué , procure aux hemmes
un repos qu'ilfe refuſe à luymême.
Que d'autres Magiftrats
veuillent tâcher de s'élever au def`
fus de leur dignité par une ambition
demefurée; que ces efprits
tumultueux ne s'embaraſſent que
de l'acroißement de leur fortune ,
leurs mouvemens extraordinaires
pour y parvenir , leur agitation
perpetuelle troubleront continuellement
la tranquilité qui fait le
qui doit bonheur de l'homme
regner principalement dans le
226 MERCURE
coeur du Magiftrat ; lejufte goute
avec tranquilité dans la poffeffion
defa vertu un bien qu'on cherche
vainement dans une orgueilleufe
ambition. Puiſſions nous conferver
long-temps ces reftes pretieux
de l'ancienne dignité du Senat
pourfervir d'exemples aux autres
Magiftrats & leurfaire connoître
les devoirs effentiels quifont attachez
au noble employ dont ilsfont
revêtus & avec quelle grandeur
i's en doivent remplir lesfonctions.
Il parla en cet endroit de tous
les devoirs de la Magiſtrature
& fit voir les dangers que couroient
les Magiftrats qui negli
GALANT 227
•
geoient de s'en acquitter avec
la derniere exactitude .
Erdans quel temps , continuat
-il , cette contagion a t-elle efté
plus generalement répandue , foit
que le Magiftrat fe laiffe aller à
l'inclination de l'amour propre ou
de la vanité qui luy inspirent des
fentimens contraires à lajustice &
à l'équité , foit que l'oifiveté ou
la moleffe s'emparent de fon coeur
qui le rendent inhabile aux fonctions
de fon Employ , foit qu'ilfe
mêle tropfouvent avec des perfonnes
dont la profeffion eſt toute oppofée
à la fienne dont le commerce
arrefte fa vigilance &ſon exac228
MERCURE
titude , on diroit qu'il veut confpirer
contre la gloire de la Magif
trature avec fes ennemis les plus
declarez , laffé e fatigué d'avoirpaffé
le matin dans des fonctions
dont il devroit tirer toutefa
gloire , il cherche le reste du jour à
s'en defennuyer dans des occupations
toutes mondaines , & loin
d'eftre continuellement attentif à
tous fes devoirs aufquels il eft indifpenfablement
obligépar la bienfeance
& parles autres obligations
infeparables de fon état , il ne rougit
pas de fe montrer avec indecenfe
aux promenades & aux
fpectacles: ceux même dont la naifGALANT
229
fance neparoiffoitpas affez illuftre
pour oferprétendre à cette haute di
gnitédu Magiftrat ,font ceux qui
par leur negligence dans leurs de
voirs & par une conduite entierement
opposée affectent pour ainfi
dire de la meprifer davantage ;
ne pouvons nous point dire encore
que ceux qui dans un âge peu
avancé femblent rougir de leur
profeffion , veulent la cacher aux
autres hommes , & fe la cacher
à eux- mêmes ; plus ils veulent
par leur exterieur deguifer leur
dignité , plus ils fe rendent méprifables
, jouant un perfonnage
équivoque ils ne peuvent en af230
MERCURE
fectant une Profeffion incompati
ble qu'effuyer les débris de l'un &
de l'autre ; mais peuvent- ils
ainfi méprifer leur eftat qu'ils ne
méprise nt en mêmeme temps
propreperfonne ? eux qui ne peuvent
leplusfouvent fe faire bondu
leur
neur
que
rang
auquel
la fortune
les
a élevez
par
hazard
. Il
y
a un
égal
danger
à ne
pas
con
noistre
fon
eftat
&
àfe
connoistre
mal
: celuy
qui
ne
s'en
fait
pas
une
jufte
idée
tombe
dans
l'abaiffement
&
le mépris
ou
s'éleve
avec
trop
de
fierté
à une
vaine
gloire
qu'il
ne
merite
pas
; cette
grandeur
legitime
, cette
gloire
folide
&
durable
CALANT 231
量
a
qui fait l'apanage du veritable
Magiftrat ne confifte pas à eftre
au deffus des loix , à vouloir s'affranchir
de leur autorite , & àfe
croire tout permis parce qu'ils ont
le pouvoir de le defendre aux autres;
c'est le goût du Siecle prefent,
chacunpar une inclination perverfe
fe porte au mal qu'il reprimeroit
avec aigreur dans les autres ;
mais ce goût ne doit paspaſſerjufqu'au
Sanctuaire de la fuftice où
les regles de l'équiténaturelle doivent
eftre inviolables , & où il
faut que le jugement du Magif
trat commence par la raiſon , penetré
de ces fentimens & content
232 MERCURE
d'une heureufefecurité, le Magiftrat
trouve dans ces feules difpofitions
les principes defa grandeur,
de là cette delicateffe de fentimens
qui le rendfi circonfpect dans fes
decifions ; de l'à cette gravité mo
defte qui luy attire le refpect
l'admiration ; de là cette affabilité
cette bonté qui luy donnent la
confiance de ceux mêmes qui craignent
leplus de l'aprocher : moins
il veut jouir de fon pouvoir pour
luy même, plus il en acquiert dans
l'esprit des peuples , plus il leur
infpire cette authorité vifible &
reconnoiffable dont il porte
les nobles
marques. Telle eftoit l'impref
GALANT 233
fion que les anciens Senateurs fe
faifoient des devoirs de la Magiftrature
; telles eftoient les vertus
qu'ils defiroient pour former le
grand caractere du veritable Magiftrat
: tel eftoit cet ancien Magiftrat
dont nous pleurons aujourd'huy
la perte , & que pour comlutter
batre contre le malheur
du Siecle s'eft toûjours fervi avec
une fermeté inébranlable de l'autorité
du pouvoir qui luy avoit
efté confié ; fans crainte & fans
foibleffe , il a toujours remply tous
fes devoirs avec la même grandeur
d'ame affuré , difoit il luymême
, qu'il y a encore loin de
Avril
1709.
V
234 MERCURE
pointe du poignard d'un feditieux
, jufqu'au fein d'un homme
juste : heureux d'avoir montré aux
hommes que la magnanimité eft de
tous les eftats , heureux encore une
fois d'avoirfini une fi noble carriere
& de s'eftre acquitté des
fonctionspenibles de laMagiftrature
avec une conftance & une
fermeté invincible dans tous les
temps.
Quandmême cegrand Magiftrat
ne revivroit pas aujourd'huy:
quand même nous ne le retrouverions
pas comme nous faifons dans
fon illuftrefils, le fouvenir de cette
ame magnanime ne s'effacera jaIGALANT
235
il nous en- mais de nos coeurs ,
feignera toujours que plus un
homme honorefon eftat plus il s'en
trouve honoré.
"
Mr le PremierPrefident reprit
enfuite la parole & dans un
difcours rempli de maximes
juftes & folides , il reprefenta
toutes les vertus neceffaires
à la perfection du Magiftrat.
Tout homme , dit- il , eft né pour
le travail , tout Citoyen eft redevable
à fa Patrie de l'employ de
fon temps , il luy doit un compte
fidele de toutes fes actions ; plus il
a receu de talens & d'avantages
de la nature & de la fortune ,
V ij
236 MERCURE
plus il doit s'apliquer à les cultiver
& à les amener à leur derniere
perfection : plus nos obligagations
font étenduesplus nous devons
apporter defoins & d'exactitudes
à nous en acquitter : fi ces
veritezfont certaines,comme l'on
n'en peut douter , le Magiftrat
doit encore un compte beaucoup
plus exactde fon temps au Public,
que les autres hommes ; c'eſt un miniftere
qui luy eft confié , non pas
pour qu'il fe repofe & paffe fes
jours dans une tranquile oifiveté,
maispourqu'il travaille avec affiduite
pour s'acquiter dignement
des grandes fonctions aufquelles il
1
GALANT 237
a
eft appellé . Il est rare d'arriver à
une fi hanteperfection , il est même
dificile d'y afpirer. Si l'on reflechif
foit fur les motifs qui engagent
quelque fois à prendre le parti de
la Magiftrature , il fe trouveroit
peut eftre que la vanité ou l'intereft
auroientfeuls conduits un homme
àfe charger d'un fipenibleEmploy
, pour paffer dans le repos
dans l'oifiveté la principale partie
de fa vie ; on cherche à fe mettre
à l'abry d'unfaux luftre quipuiße
nous cacher nous honorer en
même temps toute la dignité e
l'honneur qui eft veritablement
propre au Magiftrat doit l'ac238
MERCURE
compagner dans toutes fes actions;
même dans celles qui font
independantes defes fonctions , il
doit toûjours conferver la même
force & la même grandeur à la
quelle la nobleffe de fa profeffion
l'éleve. Il y a entre le Magiftrat
& le Public une espece de traité
qui l'engage à travailler conti
nuellement pour ſe rendre capable
d'exercer dignement le penible
ploy de la Magiftrature ;file Ma
giftrat manque àfespromeffes , s'il
donne à l'oifiveté aux diffipations
aux fpectables le temps qu'il doit
confacrer àfa gloire & auPublic,
le Public à fon tour manque au
GALANT 239.
respect qu'il luy doit perd tout
d'un coup la haute idée & l'eftime
qu'il avoit conceuë de fon range
de fon merite ; que celuy donc qui
weut acquerir la reputation qui eft
deuë au veritable Magiftrat connoiffe
toute la nobleſſe deſesfonctions
& qu'ilfache que le devoir
defa profeffion ne luy laiffe aucun
repos affez noble ng même aſſez
legitimepour pouvoir s'yattacher;
on s'acoutume à eftimer ce qui bril
le aux yeux du monde & on attache
une baffe idée à la noble
fonction de rendre la justice ; un
Magiftrat doit éviter avec foin la
compagnie de cesperfonnes, qui,nées
240 MERCURE
ou élevées dans lefein des armes ,
n'ont jamais connu la nobleffe &
la grandeur de la Magiftrature ,
de crainte que fe laiſſant éblouir
par le faux brillant de leur raifonnemens,
il nen vienne à cepoint d'aveuglemet
de méprifer luy même
un eftat dont il doit tirer toutefa
gloire ; pour lors il n'auroit plus
aucun commerce avec des Furifconfultes
fages & éclairez , il
n'auroit plus aucune liaison avec
des perfonnes capables
qui pouroient l'aider de leurs conde
leurs avis , & il ne feils
folides
feroit plus fenfible qu'àla reputation
d'un homme poly & du grand
monde
GALANT 241
monde ; on m
meprife ces fortes de
Magiftrats
ils deviennent
bientoft un objet de raillerie à ceux
même dont ils femblent
briguer
l'eftime avec le plus d'empreffecontinuament.
Je ne dis pas ,
t-il , qu'il faille une vertu trop
auft re dans un Magiftrat , un
homme public doit fe donner tout
entier au public , fon accés doit
eftrefacile & dans une bontéprévenantepour
s'acquerirla confiance
de ceux qui ont befoin de fon miniftere
, il doit toujours conferver
la grandeur & la nobleffe de fon
rang , Mr le Premier Prefident
s'étendit enfuitefur les autres qua-
Avril 1709.
X
242 MERCURE
litez neceffaires à ce parfait Magiftrat
& aprés avoir jetté des
fleursfur le tombeau de celuy dont
la perte eftoitfi recente , il finit en
difant que dans l'exercice de toutes
ces vertus on trouveroit un
feur moyen de paffer une vie auſſi
utile qu'agreable pour foi même
అ honorable pour fa patrie.
Je ne vous dis rien de ces
deux Difcours , qui furent generalement
aplaudis , & qui
font au deffus de toutes les
louanges que je pourrois leur
donner.
ге
Mr Ferdinand Vallot , Pref
GALANT 243
tre Docteur en Theologie de
la Faculté de Paris , Abbé d'Epernay
& de Gaillac dans le
Dioceſe d'Alby, mourut le mois
dernier. Il eftoit ancien Chanoine
de l'Eglife de Paris , &
ancien Confeiller au Parlement
; il avoit donné des marques
de la fuperiorité de fon genie
dans tous ces differens emplois
, & il les avoit exercez
avec beaucoup de fuccés ; il
eftoit frere de feu Mr l'Evêque
de Nevers ; de Madame la Marquife
de Chazeron , épouſe de
Mr le Marquis de Chazeron ,
Lieutenant General des Armées
du Roy , & de Me la
Comteffe d'Avejan , veuve du
feu Comte de ce nom qui a
commandé pour le Roy à Ñan-
X ij
244 MERCURE
cy , pendant plufieurs années ,
& où il eft mort generalement
eftimé . On ne peut rien ajouter
à la pieté de cette Dame qui a
toûjours efté exemplaire , &
dont la vie eft un continuel
tiffu de bonnes oeuvres '; je n'avance
rien que de veritable ,
& dont les preuves ne foient
connuës ; ils eftoient tous enfans
de feu Mr Vallot Premier
Medecin de Sa Majefté , & auquel
Mr Daquin fucceda . Mr
l'Abbé Vallot avoit travaillé
au falut des ames dans le Diocefe
de Nevers , fous fcu Mr
l'Evêque fon frere , & il avoit
toûjours marqué beaucoup de
defintereffement
pour les dignitez
Ecclefiaftiques . Mr l'Evêque
de Nevers avoit eu defGALANT
245
fein de le fairre fon Coadjuteur,
mais la modeftie de Mr l'Abbé
Vallot en empêcha l'execution ;
il eftoit fort affidu aux exercices
de la Sorbonne ; il ne
manquoit jamais d'affiſter aux
Affemblées de la Faculté, & il
a donné dans toutes celles où il
s'eft trouvé des marques de la
fuperiorité de fon genie ; il
eftoit bon Canonifte , & il a
voit fait dés fes plus jeunes
années une étude particuliere
de la Jurifprudence Ecclefiaftique
dans le deffein où feu Mr
Vallot fon pere paroiffoit de
luy faire prendre de l'employ
dans la Robbe il eftoit égale
ment eftimé dans le Parlement,
& il y a efté fort regretté particulierement
de la Grand-
Chambre. X iij
246 MERCURE
Je paffe aux Benefices donnez
par le Roy , dans la derniere
promotion , & je ne me
ferviray du mot de donné , qu'en
parlant du premier benefice , ce
mot de donné , étant fous entendu
pour tous les autres .
Le Roy a donné l'Evêché de
Marſeille à Mr l'Abbé de Belfunce
, Grand Vicaire d'Agen .
Ce nouveau Prelat eft fils de Mr
le Marquis de Belfunce , d'une
des meilleures Maifons de la
Guyenne , & qui a longtemps
fervi à la tefte d'un Regiment
d'Infanterie , & de Dame N...
de Caumont , foeur de Mr le
Duc de Lauzun & de Me la
Comteffe de Nogent ; ainfi cet
Evêque eft coufin germain de
Mr le Comte de Nogent , du
Chevalier de ce nom , dont le
GALANT 247
merite eft connu , de Me la Marquife
de Biron , foeur de ces Mrs ,
& il eft auffi coufin de Me la
Ducheffe duuairiere d'Eftrées ,
qui eft de la maifon de Nogent ,
& de Mr le Duc de la Force qui
eft à la tefte d'une autre branche
de la Maifon de Caumont ,
qui a donné deux Maréchaux
de France . L'Evêché de Marfeille
vacquoit par la mort de
Mr de Poudenx , dont je vous
parlay avec affez de détail lorfque
je vous appris fon élevation
fur ce Siege . Ce Prelat n'ayant
demeuré qu'environ un mois à
Marſeille , y mourut le 20. Janvier.
Mr de Matignon ancien
Evêque de Condom & Abbé de
S. Victor de Marſeille , qui s'y
trouvoit alors , fit les obfeques
X iiij
248 MERCURE
de ce Prelat , qui fut generalement
regretté, puifque dans le
peu de temps qu'il a refté dans
la Ville Epifcopale , il n'a paru
occupé que par des oeuvres de
charité. Le Siege de Marſeille
a joüi autrefois du titre de Metropolitain
. En voici le fujet .
Patrocle , Evêque d'Arles , qui
vivoit du temps du Pape Zozime,
fondoit fur l'Apoftolat de
S. Trophime fon predeceffeur ,
fa Primauté prétenduë fur toute
la France , ou du moins fur
les deux Narbonnoifes & la
Viennoife , ce qui forme aujourd'huy
les Archevêchez de
Vienne , d'Arles , d'Avignon ,
de Narbonne , de Touloufe , &
d'Aix; mais dans le même temps
l'Evêque de Narbonne fe préGALANT
249
•
tendoit Metropolitain de la
premiere Narbonnoife , & fut
appuyé en cela par l'Eglife Romaine
. D'un autre côté Patrocle
ayant efté convaincu de fimonie
, & d'avoir fait plufieurs
violences il fut encore dépouillé
de la feconde Narbonnoife ,
& Procule Evêque de Marfeille
en fut fait Metropolitain par
le Concile de Turin , vers l'an
400 .
L'Eglife Cathedrale de Marfeille
eft fous le Vocable de
Noftre - Dame de la Majour ;
l'Evêque eftoit autrefois Seigneur
d'une partie de la Ville ,
mais dans le treiziéme fiecle il
traita de fes droits avec Charles:
de France I. de ce nom , Roy de
Naples & Comte de Provence ,
250 MERCURE
qui avoit foûmis Marſeille, On
accorda divers privileges aux
Habitans qui font exempts de
Tailles , Ban & Arriere ban , &
la Ville fait un Corps particulier
, féparé de celuy du Pays de
Provence . Les Marfeillois foûtinrent
autrefois de longues
guérres contre les Gaulois , les
Liguriens & les Carthaginois ,
& ils bâtirent plufieurs Villes ,
où ils envoyerent des Colonies ;
ces Villes font , Nice , Antibes ,
Agde . & c. Cefar prit cette fameufe
Ville , qui fut enfuite en
proye aux Goths & à d'autres
Barbares .
L'Abbaye d'Auberive à Mr
l'Abbé de Champigny , frere de
feu Mr l'Evêque de Valence &
de Mr le Treforier de la SainteGALANT
251
Chapelle du Palais . Cer Abbé
eft Prevost de l'Eglife Collegiale
de Saint Pierre de Lille , que
Baudouin Comte de Flandres
fit baftir vers le commencement
du onzième fiecle ; mais comme
il ne joüit pas du revenu de cette
dignité, qui eft confiderable,
depuis la priſe de Lille
par les
Alliez , le Roy qui regle toutes
les actions par la plus exacte
juftice , luy a donné pour le dédommager
l'Abbaye d'Auberive.
Cet Abbé eft de la Maifon
de Bochart illuftre dans le Parlement
de Paris , auquel elle
donna un premier Prefident
dans le dernier fiecle , & qui eft
divifée en deux branches : Sarron
, dont eſt Mr l'Evêque de
Clermont , & Mr de Champi
252 MERCURE
gay , dont eft le nouvel Abbé
d'Auberive
.
L'Abbaye d'Epernay , vacante
par la mort de Mr l'Abbé
Vallot , à Mr l'Abbé le Pileur.
Ileft d'une famille de la Robe
de Paris , tres ancienne
& tres bien alliée & qui
eftoit connuë fous le regne de
Henry III . Mr l'Abbé le Pileur
a un talent particulier pour la
conduite des ames Il avoit l'Ab.l
baye de Bonnefons , dont il adonné
fa démiffion au Roy. CetAbbé
êt neveu de Mr du Buiffon ,
Intendant des Finances, & proche
parent de Mr le Procureur 3
General de la Chambre des
Comptes de Rouen . Mr le Cardinal
de Noailles , qui connoist
GALANT
253
la
regularité de fes moeurs , fa
bonne
conduite & fa
grande
-pieté , luy a donné la direction
de
plufieurs
Communautez .
L'Abbaye de Gaillac
vacante
auffi par la mort de Mr l'Abbé
Vallot , a efté donnée à Mr l'Evêque
de Poitiers , qui eft de la
Maifon de la Poype , l'une des
-plus anciennes de la Breffe . Il
eftoit Comte de Saint Jean de
Lyon avant d'eſtre élevé fur le
Siege de Poitiers , & il eftoit ce
qu'on appelle le Grand Preftre de
Archevêque, Ce Prelat eft frere
de Mr le Marquis de Vertrieu
, de Me la
Superieure de
Saint - Cyr prés de Verfailles ,
& de Me la Marquife de Montaigu
en Franche- Comté. Il Ggnale
tous les jours fon zele &
254 MERCURE
fa pieté dans le Dioceſe qui a
efté confié à ſes foins . Il vient de
faire imprimer une Theologie
à l'ufage de fon Seminaire Ŏn
regarde Mr de la Poype , comme
le pere des Evêques ; ilen eft forti
quatre de Poitiers depuis fix ou
fept ans qu'il en eft Evêque ,
qui ont efté formez fous fes
yeux , & que le Roy a élevez à
cette dignité , par le témoigna
ge de Mr l'Evêque de Poitiers.
L'Abbaye de Gaillac eft dans
le Dioceſe d'Alby , & elle a produit
de faints perfonnages.
L'Abbaye d'Ardennes à Mr
l'Abbé de la Baftie , Docteur
de Sorbonne & Grand Vicaire
de Chartres . Sous un Prelat
auffi pieux & auffi éclairé que
Mr l'Evêque de Chartres , on
GALNT 255
ne peut faire que de grands
progrés dans la vertu & dans
la connoiffance de la Difcipline
& du Gouvernement de
l'Eglife ; ainfi la qualité de
Grand Vicaire de Chartres
fait connoître que celuy qui la
porte merite toutes fortes de
loüanges . Mr l'Abbé de la Baſtie
, a efté élevé dans le Seminaire
de Saint Magloire , dont
il faifoit alors l'agrément par
fon efprit , & par les manieres.
Il eft fils de Mr de la Baſtie ,
Lieutenant de Roy de Strafbourg
, & il reçût les Ordres
-Sacrez dans cette même Ville',
des mains de Mr l'Evêque de
Tiberiade , alors Coadjuteur
de Strasbourg , qui l'honoroit
d'une bien- veüillance particu
256 MERCURE
liere . Cet Abbé eft frere de
Mr de la Baſtie- Verfeil , cydevant
Colonel de Dragons
& à préfent Enſeigne des Gardes
du Corps , & qui fut fait
Brigadier des Armées du Roc
dans la promotion du mois dy
Janvier dernier ; il eft auffi
coufin germain de
Mr de
faint André , Gouverneur de
Vienne , & qui a perdu un
bras au fervice du Roy. Ils
font fils des deux freres , &
tous de la maifon de la Baftie ,
une des plus anciennes & des
plus qualifiées de Dauphiné.
4
L'Abbaye de Bonnefons à Mr
l'Abbé de Lanzac , Grand Vicaire
de Bayonne . Mr Dreüillet
, Evêque de Bayonne partage
avec cet Abbé une partie
"
1
GALANY 257
des foins de fon Diocefe , fur
la connoiffance qu'il a de fon
merite & de fes lumieres , &
il a affocié à l'autre partie Mr
l'Abbé de Barcos , Abbé de
faint Jacques de Beziers &
Docteur de Sorbonne . Mr l'Ab.
bé de Lanzac , eft d'une des
meilleures maifons du Royaume
; elle eft originaire de Languedoc
; elle a formé plufieurs
Branches qui toutes ont produit
des perfonnes d'un merite
extraordinaire.
L'Abbaye de faint Leon , de
Toul à Mr l'Abbé de Suze ,
neveu de feu Mr l'Archevêque
d'Auch . La maifon de la Baume
de Suze eft une des plus
anciennes du Royaume ; elle
eft de Dauphiné , & a donné
Avril 1709.
Y
258 MERCURE
une Evêque à l'Eglife d'Orange
. Roftaing de la Baume proche
parent de ce Prelat fut
Chevalier des Ordres du Roy ;
& c'eft à cette Maiſon que les
habitans de Montelimar font
redevables d'avoir fait fortir
les Proteftans hors de leur
Ville . Un Seigneur de Suze
les en chaffa , & il perdit la vie
peu de temps aprés dans une
occafion où il fe trouva contre
eux . La Maifon de la Baume-
Suze eft alliée à celle de Pontevez
Marquis de Buons , par
une fille de la Baume qui entra
dans celle de Ponteveż-
Buons.
L'Abbaye de Sandras à Mr
l'Abbé Fanti , Abbé d'Ours
& connu par le progrés qu'il a
GALANT 259
fait dans les Sciences humaines
& par la pieté qui couronne
tous les dons que la nature à raffemblez
en foule dans fa perfonne.
L'Abbaye de Sandras aproduit
de Sçavans Religieux ; &
des perfonnes d'une pieté éminente
. Un Moine de cette
Abbaye avoit entrepris dans
le dernier fiecle de donner les
Actes de faint Sabin avec des
Notes qui ferviroient à en
éclaircir les difficultez que Mr
de Tillemont a prefque jugées
infurmontables. Mais la mort
le prevint. Mr Baluze eft du
fentiment de Mr de Tillemont .
L'Abbaye de faint Feriol
d'Effommes à Mr l'Abbé de
Ville - Breüil fils de Mr de
Ville - Breüil Gentilhomme ori-
Yij
260 MERCURE
ginaire de Normandie & d'une
pieté folide & exemplaire dont
il donne des marques dans la
Congregation des Meffieurs ,
dirigée par les Peres du Noviciat
des Jefuites dont il eft depuis
long temps . Cet Abbé eft
frere de Me la Comteffe de
Monafterol , épouſe de l'Envoyé
Extraordinaire de Mr
l'Electeur de Baviere en cette
Cour & eft d'une illuftre famille
Milanoife . Cette Dame
avoit épousé en 1 nôces Mr
de la Citardie Lieutenant general
des Troupes de S. M.
Mr l'Abbé de Ville - breüil eft
generalement eftimé il est
encore jeune , mais il n'en a pas
moins de vertu .
L'Abbaye de Saint Aubert.
GALANT 261
"
à Dom Jofeph Pouillaude , Religieux
de la même Abbaye , &
un des plus habiles Theologiens
de fon Ordre , dont il a
exercé les principales Charges.
Dom Poüillaude entrà fort jeune
dans la Religion , & s'y dif
tingua bientoft par fes talens
& fes Superieurs l'ont fouvent
tiré de ſa folitude pour le faire
paroiftre dans des actions d'éclat
& de doctrine , qu'il a eu
la gloire de foûtenir avec beaucoup
de fuccés.
Le Prieuré de Chaux à Mr
l'Abbé Boifot , Chanoine de Befançon.
Cet Abbé eft frere de
Mr Boifot Premier Prefident d'u
Parlement de Besançon , & cidevant
Procureur General du
même Corps ; & il eſt oncle de
262 MERCURE
J
Mr l'Abbé Boilot Docteur de
Sorbonne , Grand Vicaire de
Meaux , & qui a une Abbaye
confiderable en Franche Comté.
Celuy qui donne lieu à cet
Article a beaucoup de merite ,
& Mr l'Archevêque de Befançon
, de même que Mr l'Evêque
d'Arethufe ont une grande
confideration pour luy . Il est
bon Theologien , & il a un
grand talent pour la Chaire.
L'Abbaye de faint Cæfaire
d'Arles à Me de Graveizon ,
Religieufe de la même Abbaye ,
& niéce de Mr l'Evêque de
Vence. Cette nouvelle Abbef
fe eft fille de feu Mr Amol Seigneur
de Graveizon intereffé
dans les Affaires du Roy , & de
Dame N ... de Grillon , four
GALANT 263
de Mr l'Evêque de Vence . Elle
a un frere connu fous le nom
de Graveizon , & qui demeure
à Arles où il eft fort confideré .
L'Abbaye de faint Cæfaire
eftoit vacante par la mort de
Me Rofes foeur de Mr l'Abbé
Rofes , Abbé de faint Pierre de
Vienne , & iffuë de feu Mr le
Prefident Rofes Secretaire du
Cabinet & Prefident en la
Chambre des Comptes. Elle
avoit efté auparavant Prieure
de fainte Colombe à Vienne >
& Mr l'Abbé Rofes fon frere
l'avoit nommée à ce Benefice
"dont il eft Collateur , & elle le
permuta enfuite avec l'agrément
de Sa Majefté , avec Me
des Halles , alors Abbeffe de
Saint Cefaire , & aujourd'huy
264 MERCURE
Prieure de Sainte - Colombe .
L'Abbaye de Noftre Dame de
Bons à Belley, à Me de Salieres,
Religieufe du même Convent ;
cette Dame eft foeur de feuë Me
de Chaftellart , qui eftoit Abbeffe
du même Monaftere avanc
Me de la Riviere , par la mort
de qui Me'de Salieres l'a euë ,
& avant Me de Chaftellart
Me de Laigues fa tante
de Me de Salieres , avoit eu
cette Abbaye , à une lieuë de
Belley au Village nommé
Bons , Me de Saliers eft foeur de
Me de Fontangé , épouse de Mr
de Gruel de Fontangé , pere &
mere de Mr de Fontangé qui a
perdu un bras & une jambe au
fervice du Roy , & de Mlle de
Fontangé , qui fait fon féjour
,
&
GALANT 265
à Lyon. La nouvelle Abbeffe
eft auffi foeur de Mr du Chaſtellart
, qui après avoir porté l'habit
ecclefiaftique , l'a quitté
pour époufer Mile de Beauvoir ,
foeur d'un Confeiller du Parlement
de Grenoble ; & de Mr
l'Abbé du Chaftellart Prieur de
Chandieu , qui a eu ce Prieuré
aprés fon frere , dont je viens de
parler . La Maifon du Chaſtellart
eft ancienne en Dauphiné.
Il en eft parlé dans l'Hiſtoire
de Marie Stuart Reine d'Ecoffe
, à l'occafion d'un Gentilhomme
nommé Chaſtellart , qui
fuivit la Reine Marie en Ecoffe
lorfqu'elle y retourna aprés la
mort de François II . fon mary ,
& qui périt malheureuſement
pour avoir ofé lever les yeux
Avril 1709
. Z
266 MERCURE
jufques fur cette Princeffe . Me
de Salieres eft niéce de Me lai
Marquise de Leuville , & Mr
l'Evêque de Belley qui connoift
fa vertu & fon merite , a deman.
dé pour elle l'Abbaye de Bons ,
& la obtenuë. Elle avoit une
penfion de quatre cens livres
fur cette Abbaye que fes parens
luy avoient faite , ce qui a enco.
re déterminé le Roy à la luy
donner , pour en foulager les
Religieufes . Il y a eu une Abbeffe
de Bons de l'ancienne Mai
fon de Villette - la - Cou .
L'Abbaye d'Andlaur à Me
Sophie d'Andlau , Religieufe
de la même Abbaye . C'eſt une
perfonne d'un grand merite &
qui a toûjours efté fort appliquée
à fes devoirs . Sa Commu
GALANT 267
nauté ſouhaitoit
ardemmentque
le choix de Sa Majesté tombaft
fur cette Dame . Elle a eu lieu
d'eftre fatisfaite & de la grace
que le Roy luy a faite & de la
maniere qu'il la leur a faite ,
puis qu'en nommant Me d'Andlau
, ce Prince fit l'éloge de cet-
Dame & de la Communauté
dont il luy donnoit le gouver
nement . Me d'Andlau eft d'une
ancienne Maifon originaire de
Picardie , & qui a produit des
perfonnes d'un grand merite .
La Treforerie de la Sainte-
Chapelle de Bourges à Mr l'Abbé
le Hours , Chantre du même
Chapitre , cet Abbé meritoit une
place auffi diftinguée par fon
merite & par fa vertu . Ila toujours
efté fort attaché à fes de-
Zij
268 MERCURE
voirs , & il a toujours eu une attention
particuliere à bien remplir
les fonctions de fon eftar,
Mr l'Abbé le Hours eft d'une
ancienne famille originaire de
Berry , & qui a efté feconde en
perfonnes de merite & de vertu.
Barthelemy le Hours avoit
laiffé dans le feiziéme fiecle où
il vivoit , des Memoires pour
fervir à la vie de Saint Michée ,
dont il eft parlé dans le Menologe
de Canifius , & qui fut un
des Martyrs de la Paleftine dans
la perfecution de Diocletien ,
Il travailla auffi à la vie de St
Venuftien , Gouverneur de la
Tofcane & de l'Ombrie , qui
après avoir fait beaucoup de
Martyrs , eut le bonheur de le
devenir luy- même ; il eft parlé
#
SOALANT 269
de ceSaintVenuftien & de Saint
Sabin dans les Actes de Saint
Caffien Evêque de Todi , & citez
par Baronius , & dont le Jefuite
Bollandus parle . Ce même
Religieux avoit eu intention
de donner au Public quelques
Remarques fur les Ouvrages
du Philofophe Hierocles ,
fur lefquels Pearſon Evêque de
Cheſter , a fait de fi fçavans
Prolegomenes Le P. le Hours
eftoit du fentiment de ceux qui
croyent qu'Hiciocle refuté par
Eufebe , eftoit Gouverneur de
la Bithinie.
Le Mardy 16. Avril Mrs du
Parlement de Dombes firent
chanter dans l'Eglife Collegiale
de Trevoux la Meffe Solemnelle
du S. Sacrement que Mr
"
Z iij
270 MERCURE
".
"
po de Malezieu y a fondée pour
la Maifon de S. A. S. Monfieur
le Duc du Mmaine , &
qui s'y doit celebrer toutes les
années le même jour . Mr l'Abbé
de Curtillot, Doyen de Tre-
Voux & Confeiller, Clerc au Parlement,
officia avec beaucoup de
pompe , & Mr Perraut ancien
Chanoine, harangua Mr le Premier
Prefident & tout le Parlement
lorsqu'ils entrerent dans
l'Eglife . Son difcours fut fort applaudi
. Les loüanges de leurs A.
S. Monfieur & Madame la Ducheffe
du Maine , de Mr de
Meximi Premier Prefident , &
des Chefs de la Compagnie , y
furent répandues fort fpirituel.
lement . Le jour précedent le
Parlement rendit un OrdonGALANT
271
nance digne de fa pieté , pour
obliger les Ecclefiaftiques &
tous lesOrdres de la Principauté
à contribuer à la fubfiftance
des Pauvres .
Je ne doute point qu'une Ordonnance
qui ne peut produire
que de bons effets , & attirer les
benedictions du Ciel fur ceux
qui l'ont donnée , ne ferve
d'exemple à plufieurs Villes du
Royaume , pour ne pas dire à
toutes , ce qui feroit à fouhaiter
.
Comme l'on n'a donné au Public
qu'un Extrait de la Relation
qui fuit , je crois que vous
ferez bien aile d'en voir l'original
. Il eſt de Mr de S. Ovide
de Broüillan , Lieutenant de
Roy de Plaifance.
Z iiii
272 MERCURE
RELATION
De la Campagne que j'ay faite
pour aller attaquer les poftes
que les Anglois poffedent dans
l'Ile de Terre neuve.
""
""
...Je partis le 14. Decembre
,, avec cent foixante & quator-
,, ze hommes pour aller coucher
à trois lieuës de Plaifan-
,, ce le 1. à quatre lieuës ; je
fejournay le 16 par un temps
de neige tres- facheux ;le 17.je
,, me rendis au fond de la Baye .D
de Ste Marie , où il y avoit des
Charois pour me conduire à
la grande Somoniere où je
,, trouvay des vivres que j'y avois
envoyez , &pour m'empê-
12
""
GALANT
273
s
cher de traverser trois gran- «
des rivieres qu'il y a ; j'en
partis le 18. & me rendis à la
dite Somoniere : j'y fejour
nay le 19. 20. & 21. pour é . «
quiper & préparer ma petite
troupe à faire le voyage . Je
me remis en marche & fis en- "
viron deux lieuës : le 23. 4. "
lieuës ; le 24. 4. lieuës le 25..""
2. lieuës : le 26. 4. lieuës : le «***
27. 4. lieuës : le 28. à peu
prés autant le 29. 3. lieuës : "
le 30.2.lieuës & le 31. 1 lieuë,
qui me mit à une demie lienë «*
du fond du Havre où je fis «
faire alte afin de me préparer. "
Je fis dans cet endroit couper "
35. échelles dont les échelons <<
eftoient de corde , afin de les "
rendre plus portatives ; je "
:
२
IC
"
274 MERCURE
"
,, partis à l'entrée de la nuit
,, avec le fieur Depenfens à qui
» je faifois faire la fonction de
Major & les trois guides que
j'avois pour aller aux maifons ,
fçavoir files Habitans s'ê-
,, toient entierement retirez
dans leurs Forts ; à la trois ou
» quatrième maifon j'entendis
du bruit & vis fortir une perfonne
qui venoit à nous , qui
fans doute nous ayant aper-
,, ceu s'en retournoit
; croyant
,, eftre decouvert je m'avançay
,, & me faifis de la maifon où
,, je ne trouvay qu'une femme
& deux enfans . Comme nous
parlions tous affez mal Anglois
je ne pûs rien fçavoir, f
,, ce n'eft qu'elle eftoit feule
dans le Havre & que tout le
""
22
GALANT 275.
monde eftoit dans le Fort «
neuf; aprés avoir fait vifiter «
quelques autres maiſons où «
je ne trouvay perfonne , je "
laiffay deux hommes pour «
garder cette femme & je m'en "
retournay pour amener le dé. «
tachement dans cet endroit . "
Auffitoft aprés mon arrivée , “
je fis marcher ma petite trou- “
pe à la maiſon de cette bonne ❝
femme où nous reſtames juſ
qu'à deux heures , que je fis "
prendre les armes & les é
chelles , & marcher vers le «
Fort, dont nous eſtions envi- "
ron à une demie lieuë ; la re- s
verberation de la neige avec
une tres - belle lune me faifoit «
craindre avec juſtice d'eftre «
découvert des Sentinelles , ff
276 MERCURE
,, eftant obligé de paffer fur des
"" hauteurs dont les deux Forts
,,decouvrent entierement . Cet-
,, te même crainte troubla je
,, crois mes Guides , m'ayant
,, tres-mal à propos fait faire
des marches dont nous vo-
,, yons facilement les Sentinel-
3, les , qui veritablement nous
, découvrirent ; ayant averti
leurs Caporaux qu'ils voyoient
du monde , ils répon
,, dirent aux Sentinelles que
c'eftoient des chiens , dont il y a
,, tres-grande quantité dans ce
Païs qui pourfuivoient des
chevaux. Comme je vis qu'il y
,, avoit déja plus d'une heure
,, que nous marchions dans les
,, neiges au deffus du genouil
fans prefque avancer ; que c'èGALANT
277
toit
bien de la
fatigue
pour "
des gens
qui
eftoient
déja «
beaucoup
fatiguez
du chemin "
qu'ils
venoient
de faire & "
d'avoir
paffé une nuit tres- "
froide fur les
échafaux
fans "
feu
toutes ces
raifons & 16
beaucoup
d'autres
ralentif
foient
l'ardeur des plus braves:
je crus qu'il eftoit
necef. "
faire dans une
pareille
occa
fion de fervir
moi même de "
Guide , ce que je fis en me "
mettant
à la tefte de 20. Vo- "
lontaires
qui
alloient
devant. «
Comme
j'avois
quelque
fois «<
fait ce
chemin
lorfque ce pof- «
te fut attaqué
par Mr de Su ‹,
bercafe ; je fis défiler
avec di- «‹
ficulté le long de la marée ê. "
tant
obligé
de paffer
dans «
278 MERCURE
01
>5
"
lanc
l'eau où l'on ne sçauroit être
aperceu , & de gagner une coline
qui aboutit au pied du
Glaffis . Il fallut fe mon-
,, trer à découvert & marcher
, un peu vifte afin de ne pas
donner le temps d'éveiller, un
Gouverneur brave & vigi-
& mettre une bonne
Garniſon en estat de s'opoſer à
l'affaut que je voulois doner,
,, nous n'eumes pas fait 10. pas
,, que la Sentinelle du Fort neuf
nous aperceut & cria qui vive;
celled Fort Guillaume en fit
,, demême , n'ayant rien répondu
& faifant marcher le plus
›, promptement qu'il m'eſtoit
poffible , il nous fut tiré quel-
,, que coups de fufils ; cela ne
›› m'empêcha pas d'arriver à la
""
و ر
و د
#
GALANT 279
porte du chemin couvert ; je
criay un Vivele Rey qui rani
ma le courage des miens , & «
le fit perdre aux ennemis ; je "
gagnay le chemin couvert "
avec 15 à 16. hommes & tra- «
verlay le foffé malgré le feu ««.
des deux Forts : je fis planter «
2. échelles que j'avois & de "
fix hommes qui me reſtoient , «<
les autres ayent efté tuez "
& bleffez à la defcente du fof. "
fé , il y en eût encore trois de " ě ,
bleffez à mort fur les échelles. "
Ce fut dans ce moment que le "
fieur Depenfens arriva avec «<
quarante hommes & plufieurs "
échelles que je fis planter ſur « <
Pefcarpe , lorfque l'on y eut "
monté , il fallut fe fervir des «‹
mêmes échelles pour une pa280
MERCURE
ㄓ
PP
39 liffade qui occupe la berne où
je me trouvay tres - embaraffé
de voir mes gens entre cette
paliffade & un tallu de remparts
qui eftoit de huit à dix
pieds de haut avec une glace
unie qui empêchoit de grim-
,, per fur le parapet : il fallut
,, me fervir du méme expedient
"
و ر
"
33
32
qui eftoit de faire jetter mes
,, Echelles pour monter fur le
,, rempart : cet Officier montra
le chemin aux autres & entra
le trois ou quatrième dans
le Fort accompagné du fieur
de Renou . J'arreſtay une partie
de fon détachement pour
s'avancer quelque pas dans le
foffé afin de faire feu fur les
Habitans qui nous incommodoient
beaucoup . Meffeurs
و د
و د
و د
"
CALANT 281
..
e
Joanés , Daillibours , Dar
genteuil , fon frere Dupleffis,
Ta Chenays & la Richardiere «
failant fonction d'Officiers , «
fuivirent ces deux Mrs de fort '
prés ; le fieurDepenfens qui fe "
rendit Maiftre des Corps de
garde ; le fieur de Renou , de ce
Ta Maifon du Gouverneur, & «
ces autres Meffieurs allerent "
fe faifir du Pont - levis ; le «
Gouverneur qui alloit pour "
baiffer le petit Pont des Habitans
à trois cent hommes "
qui eftoient à la porte , y fut «
bleffé de trois coups dont il
fut renversé , le grand Pont- "
levis fut baiffé par nos gens "
& le guichet ouvert par où la
plus grande partie du déta- te
chement entra . Pendant ce to :
Avril 1709
. 1799. A a
282 MERCURE
و د
,, temps là , les Habitans fai
foient un feu continuel dans le
,, foffé où les échelles étoient
placées & ne difcontinuerent
, que lorfqu'il me virent maî
,, tre des remparts . Ayant fait
,, avertir le fieur Depenfens de
faire baiffer le grand Pont &
,, ouvrir la porte , cela fut en peu
éxecuté ; ceux que j'avois
"
و د
fait
avancer pour faire
face aux habitans , entrerent
» par le Guichet , & ne laiffe-
,, rent pas de m'eftre d'un grand
fecours . L'on m'avoit affuré
,, que le Gouverneur eftoit dans
le fort des Habitans .Je fis mettre
cette troupe en bataille
fur les Ramparts , ent er les
,, eſchelles , lever le Pont - levis
& fermer le Guicher.
GALANT 283
道
.
(t Dans ce temps- là l'on vint
m'avertir qu'on l'avoit trou.
vé parmy les bleffez & que "
l'on eftoit maiftre de tous les
Officiers. Je donnay ordre
que perfonne ne bougeaft , &
que l'on fit pofer des fenti- "
nelles dans toutes les Guerit- “
tes ; que l'on preparaft le Ca- "
non qui eftoit tout chargé , “
& que l'on prift garde fi les "
habitans ne feroient point "
quelques mouvemens. Je fus
trouver le Gouverneur que ‹
l'on avoit conduit fur la Plac
ce d'Armes ; Je l'amenaydans "
fa maifon ; je luy laiffay un "
Officier & quelques foldats "
pour le garder , & je retour- «
nay fur le Rempart où jere. "
ftay jufques à la pointe du "
ઃઃ
'
1
A a ij
284 MERCURE
""
"
jour que je fis mettre le På-
,, villon Blanc . Tout eftoit .
tranquile dedans & dehors ;
,, Ce Fort eft entouré d'un Gla-
,, cis paliffadé , d'un Chemin
Couvert d'une Contre- Ef-
,, carpe , d'un Foffé , d'une Ef-
,, carpe , d'une Berne , occupée
d'une Paliffade , d'un Tallu ,
,, de Ramparts , d'un Parapet ,
,, & de Remparts fur lesquels
" je trouvay une Baterie de
dix- huit pieces de Canon &
, 4: Mortiers à bombes , &vingt
,, à Grenades . Ce Fort eftoit
Commandé par un Gouver-
» neur , un Ingenieur , plufieurs
Officiers qui formoient la
"
"
,, Garnifon avec cent hommes
des Arcenaux , de
" troupes ,
ן ג
}
,, & des Magazins remplis de
GALANT 285
11
,, Munitions de Guerre & de
,, Bouche , pour foutenir un
fiege de fix mois de tranchée
ouverte. Je fis baiffer
, deux heures aprés le Grand
,, Pont levis pour retirer douze
à quatorze de mes bleffez qui
,, eftoient dans le foffé, & pour
faire emporter quinze ou fei-
,, ze Anglois qui avoient efté
,, tuez dans le Fort . Sur les
,, neuf heures je fis fortir le
fieur de la Ronde Denis avec
,, un Tambour , pour affurer
Meffieurs les habitans que
,, leur vie & leur honneure
,, eftoient en fureté , & j'or- s
,, donnay à tous les autres de .
,, fe rendre dans le Fort , ces
qui fut executé. Ils y vinrent
,, au nombre de cent huit , dont ‹
و د
"
•
286 MERCURE
, je fis faire un Refencement des
perfonnes & des armes qu'ils
,, avoient. J'envoyai deux heures
aprés le fieur Depenfens
,, Major avec deux Officiers ,
,, & trente Moufquetaires pour
,, les faire defarmer tous , &
porter les armes dans le Fort
,, Guillaume , Il fe trouva prés
,, de 600 fufils dont ils avoient,
,, caffé le bois d'une parties.
vingt à trente Piſtolets & au
,, tant de fabres . Sur les deux
», heures aprés midy je fis armer
une Chaloupe & je donnay.
ordre au fieur de la Ronde
Denis de s'embarquer pour
aller au nom du Roy fommer,
le petit Fort de fe rendre..
Celuy qui y commandoit luy
», demanda juſqu'au lendemain
"
>>
"
GALANT 287
à huit heures , ce qui luy fut e
accordé. Je l'y renvoyay au “
temps prefcript , & il trouva «
la Garnifon difpofée à fuivre "
les loix que je voudrois luy
donner. Il me renvoya le "
Commandant avec fa Garni- "
fon qui eftoit de foixante hom- "
mes . Ce pofte eft bafty fur un «
Rocher escarpé , détaché de "
la terre à l'entrée du Port. «
Il eft muny de quinze pieces
de Canon , dont il y en a cinq "
de trente- fix livres , quatre "
de vingt quatre , une de dix- «
huit , & cinq de douze ; un
Mortier à bombes & fix à
grenades
, desMunitions de Guer- sc
re & de Bouche pour prés "
d'un an. Voila , Monfeigneur
à peu près le détail de ce qui
蓄
288
MERCURE .
., s'eft paffé dans mon Voyage,
& de ce que j'ay trouvé dans
,, ce pays . Fait au Fort Guillaume
de Saint Jean . Ce 21.
,, Janvier 1709 .
"
Mrle Duc de Giovenazzo Confeiller
d'Eftat a efté fait Grand
d'Espagne , & il fe couvrit devant
le Roy le 6. Avril .
Mr le Duc de Ceffa a pris
poffeffion des honneurs de la
Grandeffe à caufe de la Duché
d'Aftrico qui luy appartient ,
ayant efpoufé la fille & heriticre
du feu Duc de ce nom .
Je viens de voir une Lettre
d'Espagne , dont j'ay tiré l'Article
que vous allez lire , en attendant
que je vous envoye
une plus grande Relation de la
Ceremonie dont il s'agit , & qui
unit
GALANT 289
unit de nouveau fi fortement les
Efpagnols à Philippe V. & au
Prince fon fils , qu'il paroift impoffible
que rien puiffe jamais être
capable de les en détacher .
Ce n'est pas qu'il y eût rien a apprehender
des Espagnols naturels
dont on ne peut trop loüer
la fidelité & la valeur. Ils aiment
l'honneur , & quand ils
ne le
trouveroient pas portez à
aimer le Monarque qui les
gouverne
aujourd'huy , & à qui ils
obeiffent encore plus par inclination
que par devoir , à caufe
de fes grandes qualitez , & de
la bonté qui luy eſt naturelle ,
ils ne laifferoient pas par principe
d'bonneur , de remplir
tous leurs devoirs ,
On fit à Madrid le ſeptiéme
Bb
Avril
1709.
290 MERCURE
d'Avril ainfi qu'il avoit lefté
arrefté, la Ceremonie de reconnoiftre
& jurer Monfeigneur
le Prince des Afturies pour fucceffeur
du Roy Philippes V. à la
Monarchie d'Espagne , dans
F'Eglife de faint Hierofme du
Buen Retiro avec beaucoup d'éclats
d'ordre , de magnificence
& de dignité , en prefence du
Roy & de la Reine d'Espagne.
Monfieur le Cardinal Portocarero
celebra Pontificalement la
Grande Meffe. Le Prince recût
enfuite le Sacrement de
Confirmation , fuivant l'uſage
pratiqué en pareil cas , & če
fut par les mains du Grand
Aumofnier. Le Roy d'Espagne
ayant fait l'honneur à Monfieur
le Cardinal Portocarero
ALANT 291
de le nommer pour Parrain Son
Eminence prit enfuite le Serment
de fidelité de tous ceux
qui compofoient l'Affemblée.
Elle commença par les Prelats ;
trois Archevêques & 6. Evêques
jurerent pour l'Etat Ecclefiaftique
, enfuite 36 Grands
&: 24. Comtes ou Marquis pour
les Royaumes de Caftille , d'Arragon
, & de Valence qui ont
droit d'affifter aux Eftats . Le
Serment fut receu par le même
Cardinal qui eftoit au pied de
l'Autel affis dans unFauteuil , &
qui avoit devant luy fur une pe
stite table, une croix , & unEvangile
où chacun venoit jurer de
tenir le Serment dont la formule
avoit efté leue auparavant
par un Roy d'Armes . Mr. le
B
bij
292 MERCURE
Duc de Medinaceli qui avoit
efté choisi par le Roy d'Efpagne
pour prendre la foy &
l'hommage de tous les Deputez ,
eftoit debout auprés de Monfieur
le Cardinal Portocarero
& ceux qui avoient prefté le
Serment devant ce Cardinal
prefterent auffi -toft la foy entre
les mains du Duc . Aprés quoy
ils allerent baifer la main du
Prince & enfuite celle du Roy
& de la Reine ; Son Eminence
preſta à fon tour le Serment
entre les mains du Patriarche
des Indes Grand Aumofnier , &
Mr le Duc de Medina celi le
prefta entre les mains du Majordome
Major . On tira le foir
un fort beau Feu d'artifice , &
il y eut des Illuminations dans
GALANT 293
२
toutes les rues.
Quoy que je vous aye parlé
le mois paffé de beaucoup de
prifes faites par nos Armateurs ,
Vous verrez par le nombre de
celles qui font contenues dans
l'Articlefuivant , qu'ils ne ceffent
point de fe diftinguer , &
que toutes leurs prifes font d'un
grand fecours pour l'Etat . Il eft
certain , quoy que puiffent dire
les nouvelles publiques des Ennemis
, que quand même tout
ce qu'elles raportent des prifes
faites fur les François fe trouveroit
veritable , ils en font
beaucoup moins que nos Armateurs
qui fe font craindre
dans toutes les Mers , où ils
triomphent également .
Mr de Blanque , Brigadier
Bb iij
294 MERCURE
des Gardes de la Marine commandant
la Fregatte du Roy
le Zephite , a conduit à Morlaix
une prife Angloife nommée la
Galere de Florence de 200 tonneaux
chargée de balots de
draps , de bleds & de cuirs ; elle
eft eftimée cent mille livres .
Mr de la Moinerie Miniac
commandant leVaiſſeau du Roy
le Superbe est entré à Brestle
16. Avril avec une prife Angloife
nommée la Galere Sarra
venant de Ligourne qu'il fit
le 14. de ce mois à 37. lieuës
à l'Ouest- Sudoueft d'Oucffant .
Cette prife eftoit chargée de
douze balles de caffé contenant
12044 livres ; 450. barils d'enchois
; deux caiffes de marchandifes
de Venife ; 215. caiffes de
GALANT 295
3
vin de Florence ; 40. bottes de
vin de Florence ; 50. pipes du
même vin , une caiffe de cantarides
; 3. caiffes de Manne 3
balois de foye efcruë pefanr
$70 livres ; un balot de foye de
Boulogne pefant 178 livres ; une
caiffe de foye ouvragée ; dix
piéces de marbre contenant 240
palmes ; 100. caiffes de limons ;
une boëte de corail ; 6. balots
de poil de chevre filé , & 11.
jarres d'huille d'olive.
Mr du Bois de la Mothe commandant
la Fregatte du Roy
l'Argonaute a amené une autre
sprife Angloife faite par Mr du
Guay- Trouin , qui venoit de
Mayorque ; elle eftoit chargée
d'huifle & de vin ; le même
Mr du Bois de la Motte a fait
B
bij
296 MBR CURE
en
conduifant cette prife , une
autre prife Angloile d'un bâti
ment venant de Dublin chargée
de bleds & de cuirs pour
Liſbonne .
Les vaiffeaux corfaires le Zys
& le Bijou ont amené à S.Malo
une prife Angloife de 100. tonneaux
, de 6. canons & de 16.5
hommes d'équipage venant de
Barcelonne chargée de raifins.q
Mr de
Rochepierre qui com-b
mande le Vaiffeau du Roy le
Conftant , envoya le 13. Avril
dans le port de Toulon un Vaif-3
feau Anglois chargé de moluëi
eftimé environ 60000 livres
qu'il avoit faite entre Mayorque
& Minorque.
Mr
Bremont a fait une autres
Prife dans le Canal de Malthe,
GALANT 297
chargée de foo. bales de Caf
fé & autres Marchandifes .
Cette priſe eſt eftimée 7. à 800 .
mille Livres, wit
L'article qui fuit eft fi confiderable
, & doit estre remply
de faits fi beaux , & fi dignes de
voftre attention , & de celle de
tout le public , que pour ne pas
perdre des momens qui me font
précieux, je crois devoir entrer
d'abord en matiere.
*
S.VA , S. Monfieur le Prince
Henry Jules de Bourbon , premier
Prince du Sang , premier
Pair & Grand Maistre de France,
Gouverneur de Bourgogne
& de Breffe & c . mourut à l'Hô
tel de Condé le 1. jourd'Avril
à une heure & demie aprés minuit
, âgé de 65. ans 8 , mois &
298 MERCUR E
2. jours , eftant né le 19. de
Juillet 1643. il fut baptife dans
L'Eglife de S. Sulpicele 12. Decembre
fuivant . Il eftoit fils
unique de Louis de Bourbon II.
du nom , Prince de Condé
mort à Fontainebleau le 11 .
Decembre 1686 .
Dans ma Lettre du mois de
Decembre de l'année 1686. en
vous parlant de la mort de ce
Prince, je vous ay donné un détail
de fa Maifon depuis 1489 ,
jufqu'au jour de fon deceds , &
je vous ay raporté la plus grande
partie des glorieufes actions
qui feront vivre éternellement
fa memoire . Cependant je ne
laifferay pas de vous en entretenir
encore dans cet article.
lorfque je vous parleray de celGALANT
299
Dies
les du Prince fon fils qui vient
de mourir , parce que ce ders'eft
trouvé en beaucoup
d'occafions avec le Prince fon
pere dont l'exemple le guidoit,
quoy que fon fang & fa valeur
naturelle puffent fuffire pour le
faire combatre comme il a fait
dans tous les endroits perilleux
où il s'est trouvé .
Sa mere eftoit Claire Clemence
de Maillé Brezé , & il
avoit épousé en 1663. Anne de
Baviere feconde fille d'Edouard
de Baviere , Prince Palatin du
Rhin , & d'Anne de Gonzagues
Cleves. Leur Mariage fut
celebré dans la Chapelle du
Louvre. Voicy les noms des
Princes & Princeffes qui en font
fortis, Mademoiſelle de Bour300
MERCURE
bon née à Paris le premier Fevrier
1666. à 11. heures & 34.
minuttes du matin , qui fut
baptifée aux Carmelites de la
rue du Boulloy . Elle eut pour
Parrain , feuë S.A. Rur
& la Reine pour
Elle fut nommée Marie Therefe.
Cette Princeffe époufa au mois
de Juin 1688.S. A. S. Monfieur
le Prince de Conty.
N. Duc de Bourbon né à Paris
le
5. Novembre 1667. où il
mourut le 4. de Juillet 1670.
fur les fept heures du matin ; il
a efté enterré à Valery.
-Louis Duc de Bourbon , nea
Paris le 11. Octobre 1668,
10. heures 3. quarts du matin.
Il fut baptifé à S. Germain
le 16. Janvier 1680. Le Roy &
GALANT 301
Madame le tinrent fur lesFonts.
Il époufa le 24. Juillet 1685.
Louiſe Françoife legitimée de
France .
3
Anne de Bourbon Damoiſelle
d'Enguien née à Paris le 11. Novembre
1670.
N. de Bourbon , fils , né à S.
Germain en Laye le 3. Juillet
1672.
Anne Louife Benedicte de
Bourbon née le 8. Novembre
1676 , à 4 heures 8. minutes du
matin ; elle fut baptifée à Paris
le 19. Juillet 1685. S. A. S. Louis
de Bourbon fon grand pere, fut
fon Parrain , & Madame la Duchelle
de
fa Maraine
.
Elle portoit le nom de Mademoiſelle
de Charolois au mois
de Mars 1692. qu'elle époufa
302 MERCURE
Louis Augufte de Bourbon le
gitimé de France .
Mademoiſelle d'Enguien , née
le Jeudy vingt - quatre Fevrier
1678. à 7. heures 20. minutes du
marin , qui fut baptifée le 8. Fevrier
1680. elle eut pour Parrain
feuë S. A. S. Monfieur le Prince
de Conty , cy - devant Prince
de la Roche-fur -Yon- & pour
Maraine , Madame la Princeffe
de Conty .
em
Comme cet Article doit être
des plus étendus & des plus
curieux à caufe des differentes
chofes dont j'ay à vous entretenir
; voicy le Plan que j'en ay
formé , & que je me fuis propofé
de fuivre . Je vais vous donner
un Abregé de la Vie du
Prince qui vient de mourir , &
GALNTM 303
le foivre pas à pas dans tous les
lieux où il a donné des marques
de fon intrepidité & de fa valeur.
Je vous le feray voir aprés
avoir marché dans la carriere
de la gloire & afronté les perils
a cofté du grand Prince de Condéfon
Pere, n'épargner ni foins
ni dépenses pour faire rendre
les honneurs funebres dûs à la
Memoire de ce grand homme.
Je vous donneray enfuite
des preuves inconteftables de
la prefence de fon efprit , & je
vous feray connoiftre qu'il a
porté la magnificence jufques
au plus haut point, aprés quoy je
Vous parleray de fa mort ; &
d'entrer dans le dé.
avance
tail de tout ce qui a regardé le
Ceremonial aprés le deceds de
304 MERCURE
ce Prince , je vous feray connoiftre
le Caractere de fon Augufte
Epoufe , & des Princes &
Princeffes qui luy doivent le
jour , en donnant à chacun les
louanges qui luy ſont dûës , &
je finiray cet Article par tous
les honneurs qui luy ont efté.
rendus aprés la mort , juſqu'au
jour que fon coeur a efté porté
à l'Eglife des Jefuites de la rue
faint Antoine, & fon corps à
Valery , & je referveray ces
deux derniers Articles pour ma
Lettre du mois prochain.
Jamais Prince n'a fait voir
dés l'enfance un efprit plus
vif & plus penetrant , & dés
fa plus grande jeuneffe , les
Questions qu'il faifoit marquoient
que fon efprit étoit
GALANT 305
plus avancé que fon âge . Son
éducation fut commife aux Jefuites
, & il étudia dans l'un de
leurs Colleges . On fçait que
l'on n'aprend pas les humanitez
feules chez ces Peres , & que
lors qu'un efprit le trouve plus
étendu qu'on ne l'a ordinairement
dans le temps où l'on
fait fes premieres études , on
prend chez ces Peres , des teintures
de l'hiftoire & des fciences
, & que l'on y aprend à fond
les Mathematiques qui font ab.
folument neceffaires à ceux
qui font nez pour commander
des Armées .
1
4
La paix ayant commencé à
faire fentir fes douceurs en 1660
ce Prince ne pût faire connoitre
que le veritable fang de
Avril 1709.
Cc
306 MERCURE
Condé rouloit dans fes veines ,
& quelque impatience qu'il eut
de fe fignaler , il n'eut pas d'ocafion
de donner des marques
de fa valeur & de fon intrepi
dité jufqu'en 1672.de maniere
que jufqu'à ce temps - là il cultiva
fon efprit , & fe diftingua
dans le monde par un bon gouft
que l'on trouvoit en peu d'au
tres foit pour tout ce qui regar
doit les Ouvrages d'efprit , fort
pour ce qui regardoit les beaux
Arts; & lors qu'il en avoit befoin
en quelque chofe , il ordonnoit
de tout luy même , &
tout ce qu'il faifoit faire paroilfoit
toujours bien imaginé. 10:5
Enfin la joye qu'il témoigna
fut incroyable , & paruc aux
yeux de tout le monde auffi
GALANY 307
"
coft qu'il éac éfté nommé pour
acompagner Monfieur le Prince
fon Pere , qui devoit com ·
mander fous le Roy dans la fameufe
Campagne de 1672. Ces
Princes pafferent la Meufe , &
s'emparerent d'abord de Vifet ,
de Tongres , de Mafeik , de
Sittar & de Fauquemont , & le
Roy n'ayant pour but que d'aprocher
du Rhin , & de s'emparer
des Places qui en étoient
les moins eloignées afin dêftre
plutoft en etat de tenter ce palfage
, fit faire tant de diligence
à fes Troupes , que ce Prince
fa vic peu de temps aprés en
état d'entreprendre fix fieges
prefqu'en même temps. Sa Majefté
fit ceax d'Orfoy & de
Rhinbergue.Monfieur
le Prince
Ccij
308 MERCURE
& Monfieur le Duc eurent pour
partage ceux de Wezel &
d'Emeric ; Mr de Turenne
affiegea Burich & Reez
& toutes ces Places , furent
prifes en cinq jours . Comme
il ne s'agit , fuivant que je me
fuis propofé & dont vous venez
de voir le Plan , que de ce qui
regarde les actions de Monfieur
le Prince dernier mort , qui
portoit alors le nom de Monficar
le Duc , je ne vous parleray
que des Sieges de Wezel
& d'Emeric , ce que je ne pouray
faire fans vous parler du
grand Prince de Condé , puifque
c'eftoit fous luy que Monfieur
le Duc aprenoit le mêtier
de la guerre dont il fit fon coup
d'effay à ces Sieges . One ne
GALANTM 309
doit pas s'étonner fie Wezel ,
étant ataqué par deux fi grands
Princes , cette Place ne refifta
que trois jours , avec le
Fort de la Lippe que Monfieur
de Prince fit attaquer , & qui
fut emporté en une heure de
temps. L'activité de Monfieur
le Duc eftoit fans pareille. Il
Le
trouvoit
par tout ; il examinoit
tout & Monfieur le Prince
fe faifoit un plaifir de luy voir
donner fon Avis fur les chofes
les plus importantes . La Capitulation
de Wezel fut d'autant
plus dificile à faire que le
Commandant ne pouvoit confentir
que les Officiers & les
foldats demeuraffent Prifonniers
de guerre , les travaux
n'eftant pas encore affez avan-
•
310 MERCURE
cez pour qu'il y donnât ſon confentement
; mais Monfieur le
Duc trouva un expedient pour
lever le fcrupule du Commándant,
quifat que durant la negociation
on ne laifferoit pas de
travailler. Cette propofition
fut auffitoft reçue , & le travail
fut pouflé avec tant de
diligence que l'on fit un Lo
gement jufques dans la Demilune
. Les choſes eſtanten
cet état , Monfieur le Duc
obtint de Monfieur le Prince
que le Gouverneur fortiroit
avec les deux Otages & cinq
des principaux Officiers pour
aller où il leur plairoit avec
leur équipage ; & que les deux
cens chevaux & quinze cens
fantafins qui compofoient
la
GALANT 311
Garnifon demeureroient Prifonniers
de guerre .
* Je dois ajouter icy , qu'avant
que la Capitulation fuft arref
tée , les Dames de la Ville
avoient écrit à Monfieur le
Prince , & que dans cette Lettre
fignée de plus de trente ,
elles luy avoient expofé les
foibleffes du fexe , & les craintes
perpetuelles où elles fe
trouvoient . Monfieur le Prince
communiqua cette Lettre
à Monfieur le Duc qui dit
auffitoft avec une vivacité
d'efprit qui fit plaifir à tous
ceux qui l'entendirent que
Monfieur le Prince auroit lieu de
croire qu'il n'auroit pas remporté
un avantage confiderable en prenant
leur ville , s'il manquois
312 MERCURE
fon triomphe ce qui en devroit
faire le plus bel ornement. Cette
repartie fut jugée fi judicieuſe ,
fi fpirituelle , & fi galanté
que Monfieur le Prince s'y
conforma dans la réponſe qu'il
fit aux Dames de la Ville .
t
La deftinée de Wezel fut
caufe qu'Emeric qui auroit
pu refifter quelque temps ,
ouvrit les portes aux deux
grands Prince qui l'a ffiegeoient
prefque auffitoft qu'ils s'en
furent aprochez , & l'on peut
dire que leur reputation & la
maniere dont ils ataquoient les
Places , furent cauſe de la
prompte reddition de celle cy ,
à laquelle Monfieur le Duc témoigna
qu'il auroit bien vouluavoir
plus de part.
장
Je
GALANT
313
1
Je viens à ce qui
regarde le
pallage du Rhin , & à ce qui
s'eft fait
auffitoft après ce paffage
,
Monfieur le Prince &
Monfieur le Duc ayant conti
nuellement agien cette ocafion .
Je ne puis
m'empêcher de vous
répeter encore que
n'ayant entrepris
de vous parler que de
ces deux Princes , & même que
ne vous parlant du premier qu'à
caufe de
l'étroite liaiſon qui fe
trouve de fes actions avec celles
du
fecond , dont
j'entreprens
de vous donner
l'hiftoire , je ne
vous dis rien du Roy
quieftoic
l'ame de tout , qui avoit feul
imaginé le paffage du Rhin , &
qui avoit fi bien
conduit cette
grande
entrepriſe , qu'il avoit
amené les
Troupes
juſqu'au
Avril 1709.
Dd
314 MERCUR
E
a
bord de ce fleuve , fans que per
fonne cut pû deviner le fujer de
La marche. * : 13676
Je reviens aux deux Princes
qui font le fujet de cet Article.
Monfieur le Prince , aprés que
quelques Troupes eurent paffé
le Rhin prés de Tolhuis , impatient
de voir ce qui fe paffoit
au delà de cette riviere , noù
quelques Troupes avoient
commencé à entrer en action ,
fe jetta dans un bateau avec Mr
le Duc, & 17. autres Seigneurs
aufli impatiens que ces deux
Princes de fe fignaler ; mais le
vent les ayant entraînez plus
loin qu'ils ne fouhaitoient , ils
furent contrains de prendre
> terre un peu plus bas cependant
Mr le Comte de Guiche
f
GAUANTM 1315
qui avoir paffé le Rhin à la reſte
des premiers detachemensel,
ayant trouvé fort à propos une
petite Plaine au bord du paſſage
, y mit fes Troupes en ba-
Staille , & prefqu'en même temps
zon entendit tirer un coup un
peu plus loin , & les Volontai-
Stres écoutant trop l'ardeur
bouillante qui les animoit , cou-
3rurent auffitoft vers l'endroit
où ils avoient ouï le bruit ils
Ravancerent juſqu'au bord d'une
haye derriere laquelle il y avoit
quelques ennemis retranchez .
Monfieur le Duc & Mr le Duc
aide Longueville y allerent des
2 premiers. Monfieur le Princey
courut auffitoft pour moderer la
trop vive ardeur de ces jeunes
Princes , & pour empêcher le
D d ij
316 MERCURE
malheur qui arriva ; mais com
ce Prince n'enviſagea pas feul
ce qui fe paffoit , & même ce
qu'il yavoit à craindre , & chacun
de ceux là cherchant à l'empê
cher par des manieres diferen
tes, on entendit en même temps
une voix qui cria aux Ennemis
bon quartier & une autre qui dit
armes bas canailles , ils eftoient
15415
prefts de les mettre lorsqu'une
troifiéme cria tue , the point de
quartier, & que Mr le Duc de
Longueville fe laiffant empor
ter à la vivacité de fon courage
, perça la Barriere d'un air
qui fit croire aux ennemis qu'ils
eftoient perdus , ce qui les obligea
à faire une décharge qui luy
fat fatale , & dont Monfieur le
Prince fut bleffé au poignet
GALANT 217
gauche , & eut fon cheval tué
lous lay. Monfieur le Duc qui
Feftoit aufli expofé des premiers
attentif à tout ce qui fe paffoit ,
voyant ce qui venoit d'arriver ,
au Prince fon pere , luy prefen
ta auffitoft ſon cheval , quoy
qu'il vit bien qu'il fe mettoit
par là en eftat de ne le pouvoir
tirer du péril ; mais un de fes
Ecuyers , fut auffi prompt à luy
donner celuy qu'il montoit
qu'il avoit efté prompt à donner
le fien à Monfieur le Prince . Enfaite
du malheur qui venoit d'a.
river on mit pied à terre pour
rompre la paliffade , ce que l'om
fit en oftant de longues barres
de bois qui eſtoient le long de
Fa haye. L'Infanterie qu'elle
couvroit fut d'abord taillée en
Dd iij
318 MERCURB
pieces. On achevoit de la dés
faire lorfqu'on vit venir deux
Efcadrons ; on alla auffitoft à
eux ; ils ne firent pas une lon ?
gue refiftance ; la bleffure de
Monfieur le Prince , & la more
de Mr le Duc de Longueville
ayant tellement animé nos
Troupes qu'elles auroient défait
toute l'armée ennemie fielle
fe fut prefentée auffitoft . Quoy
que Monfieur le Prince fut blef
fé , il voulut voir paffer toute
l'armée , & il ne fe retira que
le lendemain . SI
Le Roy continua fes Conque
tes avec tant de rapidité que la
Gazette d'Hollande dit en en
parlant , le Roy de France va
fi vifte qu'on ne fçait où il eft ,
ce qui fe répandit dans la plus
GALANTM 39
grande partie des Nations du
monde, Pendant que Sa Majef
té paffoit de Conquefte en Con
quefte, Monfieur le Duc la fuivoitpartout,
&toûjours attentif
à tout ce qui fe paffoit , il eftoic
par tout , il voyoit tout ; il exanoit
tout afin de ne pas laiffer
paffer la moindre occafion de
fe fignaler , & fi ce Prince ne
pouvoit fe diftinguer en comba
tant , il faifoit du moins remarquer
la connoiffance parfaite
qu'il avoit du métier de la guer
& qu'il avoit profité des
leçons du Prince fon pere , qui
Seftoit toûjours fait un plaifir
de luy aprendre l'Art de la
Guerre , & qui avoit un fi mer.
veilleux talent pour l'enfeigner,
qu'il charmoit toûjours tous
Dd iiij
re ,
320 MERCURE
ceux qui l'entendoient parler.
Ainfi l'on peut dire que
quoy que fon fang ait paffé dans
le fang des Princes fes fils & pee.
tits fils , & qu'ils en ayent donné
des marques de fi bonne
heure , Monfieur le Duc de
Bourbon s'eſtant diſtingué dés
Les plus jeunes années , ainfi que
vous le verrez dans la fuite , le
fang leur a infpiré , la valeur
qu'ils ont fait paroiftre dans
toutes les ocafions où ils fe font.
trouvez. Les leçons du Grand
Prince de Condé ont achevé dé
les rendre Grands Capitaines
puifqu'il ne peut rien manquer
à ceux à qui la nature a donné
de la valeur & l'Art une parfaite
connoiffance du métier
de la Guerre , ce qui fait qu'ils
GALANT 3 & t
font beaucoup plaftoft en étae
que les autres , de fe diftinguer,
& de rendre de grands fervices
au Roy & à l'Etat .
&
Le 10. Avril 1673. Monfieur
le Prince & Monfieur le Duc
arriverent à Carleroy , où ils
donnerent & d'où ils envoyerent
aux Troupes , plufieurs
ordres neceffaires & importans
pour l'ouverture de la Campa
guc.
Le 8. Juin de la même année ,
la goute ayant arrefté Monſieur
le Prince à Utrecht , Monfieur
le Duc marcha avec Mr de
Luxembourg à Muydeberg , &
ce Prince donna fes foins pour
faire écouler les eaux qui é
toient depuis Muyden jufqu'au
delà du Weckt . 11 s'empara
2
322 MERCURE
enfuite du pofte d'Iooftendam
prés de Coxeeng , & il fic conf
truire trois Ponts.
Monfieur le Duc accompa
gna enfuite le Roy au Siege de
Maftrick & marquant toûjours
le même zele , la même vivaci
té , & la même attention que
je vous ay fait voir dans le portrait
que je vous en ay fait , S.
A. S. receut pendant ce Siege
plufieurs ordres du Roy , & ce
Prince executa fi bien & fi à
propos toutes les chofes dont il
fut chargé , qu'il s'attira de
grandes louanges de S. M. &
de grands aplaudiffemens de
toutes les Troupes .
Le 18. Juillet de la même
année , ce Prince vint à demilieuë
de Bolduc afin de ſe renGALANT
222
323
1
dre de la au Camp de Mille
reux , enfuite de quoy il alla
reconnoiſtre Bolduc à la portée
du Moufquet . Ce Prince fe
diftingua fort pendant toute
cette Campagne de 1673 &
les Troupes eftoient ravies lors
qu'elles agifoient fous fes
ordres, eftant perfuadées qu'elles
remporteroient toujours
quelques avantages à caufe des
juftes mesures que ce Prince
prenoit lors qu'il s'agiffoit de
quelque entrepriſe , & de furprendre
les Ennemis particu
lierement dans leurs marches ,
ce qui luy eft fouvent arrivé .
Le 29. Avril 1674. il partit
de Gray à 4. heures du matin
avec un Corps de Cavalerie &
marcha vers Bezançon pour
224 MERCURE
8
inveftir cette Place. Il y arris
va le 25. & il en fit ocuper les
avenues par des Corps de Cavalerie
qu'il difpofa autour de
la Place en attendant que l'In
fanterie fuft arrivée & 22
Prince eut la fatisfaction d'entendre
dire au Roy qu'il avoit
fait prendre les Poftes à la Cava
beriefi prés de la Ville que rien n'y
pouvoit entrer ni en fortir fans
combattre. En effet ce Prince
avoit fait executer les ordres
de S. M. avec l'exactitude qui
luy eftoit ordinaire , & il fembloit
que fa capacité & fa prudence
augmentoient tous les
jours Nonobftant la mauvaiſe
faifon & les pluyes continuelles,
il voulut fe trouver à l'ouver
tare de la Tranchée , ce qui
GALANT 325
:
ne fut pas inutile , puifqu efa
preſence redoubla l'ardeur des
Soldats à qui il fit de grandes
liberalitez. Il fit continuer ,
par ordre du Roy , l'attaque
de la droite , & l'on peut affurer
qu'il s'acquit beaucoup de
gloire à ce Siege . Peu de temps
aprés un Sindic de la Ville , &
un Lieutenant de la Garnifon ,
s'estant rendus au Camp , &
ayant demandé à parler à ce
Prince , il les fit conduire au
Roy, & la Ville capitula dés
le lendemain .
Le 19. May , ce Duc arriva
à Dijon , d'où il partit le
lendemain pour aller trouver
Monfieur le Prince en Flandre .
La Bataille de Senef s'efta nt
donnée la même année , il y
326 MERCURE
X
fa
commanda l'Ailedroite avecfeu
Mr le Duc de Noailles CePrincey
parutavec une grande diftinction
, & n'épargna pas f
perfonne ; il eut un cheval tué
fous luy & deux contufions ,
l'une à la jambe & l'autre à la
cuiffe. 11 fe trouva par tout
avec une valeur & une preſence
d'efprit qui étonnerent les Ennemis,
ce qui ne contribua pas
peu au gain de cette fameufe
Bataille .
Au mois de Septembre de la
même année , Monfieur le Duc
agiffant fous les ordres de Monfieur
le Prince fon Pere , fit lever
le Siege d'Oudenarde que le
Prince d'Orange s'eftoit flaté de
prendre enpeu de temps , & la le
GALANT 327
2
vée de ce Siege déconcerta tellement
les ennemis , qu'elle
rompit toutes les mesures qu'ils
avoient prifes pour achever
glorieufement la Campagne.
Le treiziéme Juin 1675. le
Roy envoya Monfieur le Duc
pour difpofer toutes chofes
spour l'ouverture de la tranchée
-devant Limbourg. La Place
afut emportée en peu de jours ,
puis que le Gouverneur fit battre
la Chamade dés le vingtićme.
Cinq jours aprés la priſe de
-cette Place ; ce Prince arriva
fur le midi au Camp de Kerkem
avec la Cavalerie qui a
voit fervi au Siege de Limbourg.
Le 27. Monfieur le Prince &
328 MERCURE
Monfieur le Duc fe rendirent
auprés du Roy qui alloit au
Camp de Tillemont,
Le cinquiéme Aouft de la même
année , ce Prince arriva à
Paris où il reçut des ordres du
Roy pour fe rendre à l'armée
d'Alemagne avec Monfieur le
Prince. Ils y arriverent le dixfeptiéme
du même mois , ce qui
caufa une grande joye dans cette
Armée à caufe de la perte
qu'elle venoit de faire de Mr le
Vicomte de Turenne , qui fuc
bien -toft reparée par la prefence
de ces deux grands Princes
dont la haute reputation eftoit
foutenue par un grand nombre
de Victoires. Leur arrivée deconcerta
fort les Ennemis . Ces
Princes fe firent voir le même
GALANT 329
jour le long des des Lignes du
Camp où la Cavalerie & l'Infanterie
eftoient en haye . Les
foldats firent paroiftre la joye
extrême qu'ils avoient de les
voir , & les troupes Angloifes
jetterent leurs Chapeaux en
l'air pour donner des marques
de celle qu'elles reffentoient.
Monfieur le Duc jetta quantité
de pieces d'or aux Troupes ce
qui fit redoubler leur allegreffe ."
Le vingt - deuxième du méme
mois , ces deux Princes allerent
reconnoiftre les troupes Imperialles
qui avoyent pris pofte à
Eusheim depuis la levée du Siege
d'Haguenau , fait par le
Comte Montecuculy , au feul
bruit de la marche de ces Princès
. Ils revinrent enfuite à
Avril 1799
. Ec .
330 MERCURE
Volshem , d'où ils allerent ob
ferver les Ennemis . Ils découvrirent
8. de leurs Efcadrons fur
une hauteur , qui pretendoient
les attirer par une fauffe marche.
Cependant ils leur firent
prendre le change ; ils arriverent
plutoft qu'eux à Benfeld;
ils s'emparerent du Paffage , &
rompirent par ce moyen les
Projets des Ennemis qui vouloient
entrer dans la Haute AF
face.
Je ne vous dis rien de ce qui
fe paffa le refte de la Campagne,
pendant lequel ces Princes
continuerent de rendre des fervices
tres utiles au Roy & à
l'Etat , par raport à la fituation
où les affaires s'eftoient trouvées
depuis la mort de Mr de
J
GALANT
331
Turenne .
$1.2 De
Le vingt fixième May de l'an
née 1692. le même Monfieur lé
Duc , dont je viens de donner
un Abregé de toutes les actions
guerrieres qui l'ont fait reconnoiftre
digne de porter le grand
nom de Condé , & dont je ne
vous parleray plus que fous le
nom de Monfieur le Prince , le
grandCondé,fous lequel il avoit
appris le grand Art de la guerre
étant mort , fut détaché par
le Roy avec fix à fept mille chevaux
pour aller inveftir la ville
de Namur, ce qu'il fit felon l'orre
de S. M. entre le ruiffeau
de Wedrin , & la Baffe Meufe
fur le Mont Rouge.
સૂચના
-La prefence du Roy ; celle
de Monfeigneur , de feu Mon-
Ecij
332 MERCURI
fieur,de feu Monfieur le Prince
qui vient de mourir , & de Mon
fieur le Duc, connu aujourd'huy
fous le nom de Monfieur le Duc
deBourbon, anima tellement nos
Troupes , & intimida fi fort
celles des Ennemis , que ce Siege
n'ayant duré que peu jours
tous ces Princes ne parent
trouver autant d'occafions de
fe fignaler , que la vivacité
de l'ardeur guerriere qui lest
infpiroit , leur en faifoit s je
dois ajouter à l'égard des Princes
qui font le fujet de cet Article
, fans vous rien dire des
autres que je viens de vous
nommer , dont j'aurois une ins
finité de chofes à vous rapor
ter , qu'on ne peut trouver
plus de valeur & d'intrepidité ,
GALANTA 333
& plus de fageffe & de condui
teenfemble qu'en firent paroître
Monfieur le Prince & Monfieur
le Duc , pendant que du
race Siege , & qu'on ne peut
animer les Troupes davantage
qu'ils firent par leurs exem->
ples & par leurs liberalitez ,
Aprés vous avoir donné un
détail qui vous a fait connoiftre
toutes les actions par lesquelles
feu Monfieur le Prince s'eft diftingué
pendant un grand nom
bre de campagnes , & dont je
n'ay pas voulu interrompre la
fuite afin de vous les faire voir
toute d'une vûë , je dois vous
parler de ce qu'il avoit fair
quelques années avant ces dernieres
campagnes pour honorer
la memoire du grand Prince de
334 MERCURE
Condé fon pere , comme il s'eft
toûjours diſtingué dans tout cel
qu'il a fait , dequelque nature
qu'ilaic efté & qu'il n'a jamais
rien entrepris d'élatant qu'ill
ne l'ait porté jufqu'auplus haut
point de perfection , vous devez
juger qu'il n'a rien épargné
pour faire rendre les honneurs
funebres dûs à là memoire du
Prince à qui il devoit le jour
& qui d'ailleurs l'avoit tendreas
ment aimé. La vie de ce grand
Prince eftoit remplie d'un f
grand nombre d'actions he
roïques, & qui avoient fait l'ad
miration de tous ceux qui en
avoient eſté témoins ou qui en
avoient entendu parler, qu'il
trouvoit dans une vie fi remplie
de miracles dequoy fournir aux
GALANT 335.
ornemens d'une des plus belles
pompes funebres qui eut jamais
cfté. Il choifit l'Eglife deNoftre-
Dame , comme la plus vafte &
le plus beau lieu qu'il pût trouver
pouryfaire faire une Services
folemnel , & pour y faire dreffer
un Maufolée digne de fon nom ,
de fa naiffance , & de fes grandes
actions , & il choifit pour
cet effet Mr Berrain , Deffinateur
ordinaire du Cabinet du
Roy , & qui eft le feul qui ait
efté employé depuis long - temps
pour des chofes de cette confequence.
Comme feu Monfieur
le Prince avoit le gouft bon &
beaucoup d'imagination , & que
Mr Berrain eft un des hommes
du monde des plus inventifs ,
il cft aifé de juger que tant de
336 MERCURB
lumieres réunies enfemble ne
pouvoient rien produire que de
grand , & de bien imaginé , &
digne du Prince à qui un Prince
auffi grand , auffi tendre & auffi
magnifique que celuy dont je
vous donne aujourd'huy l'abregé
de la vie , devoit rendre des
honneurs funebres qui fuffene
dignes de luy , & c'eft affez dire
que l'imagination ne peut aller
trop loin pour fe reprefenter la
beauté dont cette pompe funebre
devoit cftre .
Je vais feulement vous don
ner une idée de la maniere dont
l'Eglife de Noftre Dame eftoit
decorée.
Le grand Portail eftoit orné
en debors de deux Palmiers fort
élevez dont les branches entrelaffées
GALANT 337
laffées formoient comme unArc
de triomphe. Les Troncs de ces
Palmiers eftoient enfilez de diverfes
Couronnes femblables à
celles dont les Grecs & les Romains
récompenfoient les belles
actions des Soldats & des Genéraux
d'Armées ; ces Couronnes
eftoient de Laurier , de Gramen,
de Chefne , de Paliffades ,
de Creneaux , & c . Leur matiere
& leur figure marquoient l'action
du Vainqueur qui les avoit
remportées.
Au deffus de ces Palmiers on
voyoit la Mort victorieufe du
Temps à qui elle arrachoit les
Armoiries de Monfieur le Prince;
mais la Renommée prenant
foin de fa gloire les enlevoit à
la Mort , & invitoit par ce qui
1995 Avril
1709.
Ff
338 MERCURE
ན
fuit à rendre les derniers de
voirs à ce grand Prince .
ADESTE , FORTES ANIMÆ,
ET SERENISSIMO PRINCIPI
LUDOVICO BORBONIO
CONDAO,
Primo Regiæ ftirpis Principi,
PRECIBUS,
ET PIIS LACRIMIS
PARENTATE .
Toute la façade de l'Eglife
au - deffus des trois Portes eftoit
Couverte de Drap noir , fur lequel
eftoient deux lez de velours
chargez d'Armoiries .
Toute la Nefeftoit tenduë de
deüil avec deux lez de Velours
femez de Fleurs - de - lys & de
larmes entremêlées , au - deffus
d'un long rang de Trophées .
CALAMY 339
Toute la vie de Monfieur le
Prince eftoit décrite en trente
Inſcriptions .
On avoit élevé à la Porte du
Choeur un Arc de Triomphe
d'Ordre Dorique , parce que
c'eſt un Ordre Militaire . Cer
Arcavoit deux faces , & reprefentoit
d'un cofté la vie heroïque
de feu Monfieur le Prince ,
& de l'autre ſa mort chreſtienne.
Le Courage & la Valeur
eftoient en pleurs entre les colomnes
Au - deffus de cet Arc
de Triomphe s'élevoit un grand
Obelifque de lumieres à deux
faces , fur l'une defquelles la
gloire du monde eftoit figurée
par une Victoire qui tenoit la
Banniere des Armoiries du
Prince deffunt , & qui s'apr
Fij
340 MERCUK
L
puyoit fur un Globe du monde,
Il y avoit au- deffus de fa tefte
un Arbre dont les feuilles tom
boient . On voyoit de l'autre
cofté la Gloire immortelle dans
le Ciel avec une Couronne d'Etoiles
, & au deffus de l'Obelif
que eftoit une Urne enflamée .
Tout le Choeur reprefentoit
un Camp compofé de feize
Tentes de guerre , & d'autant
de Trophées attachez à
de grands Palmiers qui s'élevoient
entre ces Pavillons.
Tous ces Pavillons eftoient
noirs , femez de lames d'argent
& avec des Campanes de même
pour reprefenter le Camp de la
Douleur. Ils eftoient fourrez
d'hermine , & des Morts couchées
au pied des Trophées ,
BAUDAIM
„
abarGALANT 341
ouvroient ces Pavillons pour
faire voir feize grandes actions
de feu Monfieur le Prince , reprefentées
en autant de Tableaux.
Les feize Trophées
eftoient accompagnez des Titres
glorieux que ce Prince
avoit meritez par fes belles
actions .
On avoit attaché aux Palmiers
feize Medailles de Bronze
des Hommes Illuftres de la
Branche de Bourbon , depuis
Robert de Clermont , cinquiéme
fils de Saint Louis , jufqu'à
Charles de Bourbon , pere
d'Antoine Roy de Navarre &
premier Prince de Condé . Au
deffous de tous ces Ornemens ,
eftoient 48. Devifes en autant
de Tableaux octogones qui re-
Ff
iij
342 MERCURE
C
gnoient autour du Choeur.
Le Maufolée eftoit un grand
Portique d'Ordre compofite ,
pofé fur fept marches . Il avoit
quatre Colonnes entourées de
Palmes d'argent . Les Armoiries
de feu Monfieur le Prince
cftoient fur les faces de ce Portique
avec tous leurs ornemens.
On voyoit à la face qui regardoit
l'entrée du Choeur , deux
Figures qui reprefentoient la
Magnanimité , & la Sageffe , &
à celle qui regardoit l'Autel la
Penitence & l'Esperance, Chacune
de ces Figures avoit les
Symboles qui luy font propres ,
& eftoit accompagnée de deux
Enfans.
La Repreſentation eftoit ſous
le Portique que je viens de vous
GALANT 343
décrire. Elle eftoit couverte da
Poifle de la Couronne de Drap
d'or bordé d'hermine. Du Platfond
de ce Portique pendoit un
Dais fur la Reprefentation attaché
aux quatre Colonnes.
qui en portoient l'édifice . L'Immortalité
fembloit voler vers le
Ciel
pour y porter l'Image du
feu Prince , qu'elle tenoit . Un
grand Pavillon de guerre , femé
de Fleurs de lys & doublé
d'hermine , s'étendoit du haut
de la voûte fur la Reprefenta.
tion , & fes pentes de plus de
quatre- vingt aunes de long fe
rattachoient fur les grands cô
tez du Choeur , dont tout le
pourtour auffi bien que le Maufolée
brilloit de lumieres pla-ı
cées avec un Art admirable .
·
Fiiij
344 MERCURE
Il y en avoit de quatre fortes in
fçavoir des flambeaux , des cierp
ges , des lampes , & des urness
nes d'où fortoient de groffes lueg
mieres . Tous les Corps de l'Ar
chitecture de l'Autel eftoicut !
profilez de lampes , & produien
foient un effet auffi furprenant
qu'agreable.
peut voir par cette Defa
On
peut
零
cription , quoy que tres- abre i
gée , que je n'ay rien dir que des
veritable à la tefte de cet Arb
ticle.
Le Parlement toutes les
Cours Superieures , & tous les si
Corps qui ont accoûtumé d'afec
fifter aux Pompes funebres dess
la Maiſon Royale , ſe trouverent
à ce fervice , qui fut cele- 1
bré prés de quatre mois aprés lag L:
GALANT
345
more du grand Prince pour leequel
il fe faifoit , à caufe qu'il
avoit fallu tout ce temps - là
pour travailler à toutes les cho
fes dont je viens de vous parler,
L'Oraifon funebre fut
prononcée
par feu Mr l'Evêque de
Meaux . Ainfi le choix de l'Orateur
, répondoit à la grandeur
du Prince dont il devoit faire
l'éloge , & à tout ce qui avoit
cfté préparé pour rendre les
derniers honneurs dûs à la memoire
d'un fi grand homme.
Feu Monfieur le Prince dont
je vous parle aujourd'huy de la
mort , & qui fit rendre de fi fuperbes
honneurs , s'il m'eft permis
de parler ainfi , à la memoire
de Monfieur le Prince fon
pere , & dont le genie & le bon
346 MERCURE
gouft eftoient fuperieurs , ainfi
que je vous l'ay déja dit & même
prouvé , avoit une Memoire
admirable , & une grande prefence
d'efprit , & il n'ignoroit
rien de tout ce qui regarde le
grand Art de la Guerre ; vous
en jugerez par ce qui fuit , &
dont je ne vous fais le rapport
que fur ce que j'ay entendu
moy-même , ayant eu le bonheur
de me trouver auprés de
ce Prince , lorfqu'il donna Audience
aux Ambaffadeurs du
Roy de Siam , qui vinrent en
France dans l'année 1686 .
La converfation eftant tombée
fur ce qui regarde la guerre
, feu Monfieur le Prince , fit
voir en moins d'une heure com
ment des Armées devoient fe
GALANT 347
1
1
camper pour vaincre , & pour
foutenir les plus vigoureufes
attaques. Il marqua les inconveniens
qu'il y avoit à fe mettre
en bataille felon l'ordre
qu'obfervoient les Siamois , &
il donna par là des leçons aux
Indiens , à qui de fiecle en fiecle
leurs Ancêtres devoient
avoir appris de quelle maniere
Alexandre combattoit. Ainfi ce
Prince montra dans cette converfation
que non feulement
l'Art de la guerre n'avoit rien
d'inconnu pour lui , mais auffi
qu'il ne fçavoit pas moins bien
la fituation & les Coûtumes des
Païs les plus éloignez ; que dans
les Hiftoires Etrangeres rien
n'échapoit aux vives lumieres
de fon efprit , & que fon efprit
348 MERCURE
eftoit univerfel. Ainfi l'on peut
dire , qu'en moins d'une heure
de temps , ce Prince fit beau
coup d'honneur à la France ,
par une infinité d'endroits dif
ferens , puifque tout ce qu'il
dit devant eſtre raporté au Roy
de Siam , devoit luy faire concevoir
une tres haute idée de
tous les Princes du fang de
Bourbon .
Je ne vous dis rien du refte
de la converfation qui roula fur
une infinité de chofes differentes
, qui firent connoître là
prefence d'efprit d'un Prince
à qui il ne paroiffoit pas que
rien fût inconnu . Auffi les Am-'
baffadeurs de Siam , dirent - ils
que ce Prince, qu'ils n'avoient d'a.
bord cru qu'unhomme , leur paroifSHANT
349
foit quelque chofe de plus .
Ce Prince joignoit à tout ce
qui le rendoit recommandable,
& dont je viens de vous parler,
un efprit fi porté à la magnificence
, que fans les Feftes données
par le Roy , on pourroit
dire que perfonne n'a jamais
porté la magnificence dans un
plus haut degré. Cette magnificence
ne regardoit pas feulement
la profufion de toutes les
chofes qui doivent rendre une
grande Fefte accomplie , &
quoy qu'elle parût dans toutes
les Feftes données par ce Prince,
aller encore plus loin qu'il
n'eft poffible de fe l'imaginer ,
elle n'en faifoit neanmoins que
la moindre partie , & ce que
parmy les gens d'efprit & de
350 MERCURE
"
3.
bon goût , & qui n'ignorent
rien de ce qui regarde les beaux
Arts , on appelle l'entente , y regnoit
au fuprême degré , Toutes
les parties y paroiffoient faites
l'une pour l'autre , & l'on
paffoit d'un divertiffement
l'autre d'une maniere qui faifoit
autant de plaifir que les divertiffemens
mefmes ; tous ces
divertiffemens eftoient amenez
avec efprit , & l'on peut dire
que fi feu Monfieur le Prince
n'avoit pas de part à l'execu
tion qui ne regardoit que les
Ouvriers , & ceux qui devoient
reprefenter divers perfonnages
dans ces grandes Feftes , il
eftoit l'ame de tout , tout ce qui
compofoit ces Feftes auffi fuperbes
que galantes , eſtant forGALANT
351
y de fon imagination. Il en
donnoit les idées à Mr Berrain,
dont je vous ay déja parlé , qui
travailloit enſuite aux Deffeins,
& qui les faifoit aprés execu
ter. Toutes les parties de ces
Feftes ne regardanr pas les Ou
vriers , Monfieur le Prince conferoit
avec tous ceux qui devoient
agir dans les divertiffemens
. Ils fe conformoient à fes
idées pour toutes les chofes
qu'elles devoient repreſenter.
Je crois vous devoir parler
icy d'une des Festes données
par ce Prince à Monſeigneur le
Dauphin , qui luy avoit dit qu'il
iroit paffer quelques jours
Chantilly Il n'en fallut pas
davantage pour mettre l'imagination
de ce Prince en mou-,
352 MERCURE
vement , & les divertiffemens
qu'il imagina , & dont un feul
auroit pû fuffire pour regaler
les plus grands Souverains du
monde , furent en fi grand nom.
bre , que l'on peut dire qu'à
chaque heure du jour il fut regalé
par un divertiffement nouveau
, où l'invention , la ga
lanterie & la pompe regnoient
également . Je n'entreprendray
point icy de vous faire une peinture
de tous ces divertiffemens
qui pourroient remplir plu
fieurs volumes , & je prétens
feulement vous en donner une
idée. Cependant
je crois que
je ne pourray m'empêcher de
m'étendre fur celuy qui fervic
de prelude aux autres , & dont
la deſcription pourra vous faire
GALANT 353
juger de la beauté & de la fingularité
de ceux qui le fuivi
rent, plan
९
Monfieur le Prince refolut de
donner une Colation à Mon→
feigneur le Dauphin , & à toute
fa Cour au milieu de la Foreft
qui conduit à Chantilly , & de
faciliter à ce Prince tous les
moyens de chaffer agreablement
avant que d'arriver au
lieu où il devoit trouver certe
Colation. C'eftoit dans un endroit
appellé la Table, & qui eft
regardé comme le milieu de la
Foreft. La figure de ce lieu eft
ronde : il a 23. toiles de diametre,
& il eft partagé en douze
-routes , qquuii ont pour centre le
point du milieu de cette Place .
Elles font toutes bordées de
Gg Avril 1709.
354 MERCURE
Charmille, & ont chacune cing
toifes de large , & environ une
lieuë de long . Dans le milieu
de ce rond on avoit eu foin d'é
lever une Feuïllée , dont la forme
fuivoit le mefme plan. Elle
eftoit de fept toifes & demie de
diametre , & élevée fur une
Eftrade de cinq pieds de haut.
Cette Feuillée eſtoit percée de
douze Portiques , qui aboutiffoient
à chacune des douze rou
dont je viens de vous par
ler , & pour y monter , on avoit
conftruit quatre Escaliers de
douze pieds de large , avec des
appuis ou Balustrades des deux
coftez de chaque Escalier . La
mefme Balustrade regnoit tout
autour de l'Edifice , & chaque
Portique avoit vingt pieds de
tes ,
GALANT 255
haut fur douze de large. La
Corniche eftoit faillante en de
hors ainfi qu'en dedans . Le Dôme
avoit fon plein ceintre , &
fur le milieu & au - deffus eftoit
une Balustrade de dix pieds de
diametre . Tout le Dôme , les
Ceintres , les Pilaftres & les
Appuis , eftoient recouverts de
feuilles de Chefne . Des branches
de Genievre formoient les
Balustrades , & le tout eftoit
conſtruit de maniere qu'on
voyoit toute
toute l'Architecture
profilée. Tous les Portiques
eftoient ornez de gros feftons
de feuilles de Chefne , & de
bouquets de fleurs . La Table
où la Colation fut fervie eftoit
au milieu de cet Edifice . Elle
eftoit ronde , & de dix pieds
9
*
Gg ij
356 MERCURE
S
de diametre . Une grande Corbeille
d'argent en occupoit
le point du milieu . Elle eftoit
foûtenuë fur douze Confoles
à jour de vermeil doré ,
qui répondoient à chacune des
douze Arcades . Ces douze
Confoles eftoient jointes en
femble par des guirlandes de
fleurs , & portoient chacune
deux petites Corbeilles d'ar .
gent remplis de fruits, La grande
du milieu l'eftoit de fruits
& de fleurs , & le tout formoit
une élevation toute à jour , &\
qui ne faifoit aucun obftacle à
la vûë. On mit fur cette Table
le couvert de Monfeigneur visà
-vis le milieu de la route qui
va à Chantilly. Tout le pour
tour de cette Place de fix - vinge
ALANT! 357
toiles de large , eftoit de treillage
de feuillée , & orné de
Portiques auffi de feuillée , au
travers defquels on découvroit
toutes les routes.
Monfeigneur entendit en
arrivant un Concert de Timbales
& de Trompettes qu'on
avoit poſtées dans le Bois à une
diſtance mefurée , afin que
l'harmonie en eftant un peu
éloignée cuſt plus de douceur .
Ce Prince trouva tout le dedans
du Dôme vuide , & la Table
fervie de vingt- quatre baffins
de Roft & de quatre plats d'Entremets
autour de chaque baffin
ce qui faifoit fix vingt plats.
Les mesures avoient efté prifes
justes qu'on peut dire que
ceux qui fervoient eftoient
358 MERCURE
avertis de chaque pas que Mone
feigneur faifoit dans la Foreft
pour avancer, puifque ce Prin
ce arriva dans l'inftant qu'ons
venoit de pofer le dernier plat
chaud fur la Table. Comme
il n'y avoit que le Couvert de
Monfeigneur , il ordonnaqu'on
en miſt d'autres , & la Table
en fut aufficoft garnies ; mais
on n'en mit point vis - à - vis del
ce Prince. Monfieur le Prince ,
Monfieur le Duc , & Monſieur
le Prince de Conty furent pla
cez à cofté de Monfeigneur
& les Seigneurs de ſa ſuite ocuperent
le refte des places . On
releva les Entre mets chauds™
pour en remettre de froids.
Tout fut en ſuite relevé d'un
férvice entier de fruit avec le
GALANT 359
1
2
même nombre de Corbeilles &
de Plats qui rempliffoient la
Table lors que , Monfeigneur
arriva. Il y avoit quantité de
Corbeilles ovales & en lozange
chacune de deux pieds de diametre.
Je n'entre point dans le
détail des fruits & des confitures
; cela iroit à l'infini. Je
vous diray feulement que dans
les flancs des Corbeilles ovales
étoient de riches Cuvettes remplies
de toutes fortes de Liqueurs.
Ces Cuvettes étoient
acompagnées de Sou- coupes
garnies de glaces & de quantité
de Verres à Liqueurs de diferentes
manieres. Un moment
aprés que l'on cut fervy le fruit,
le bruit de guerre formé par les
Timbales & par les Tromper360
MERCURI
tes ceffa tout à coup , & dans le
même inftant on entendit dans
la route qui eftoit vis à-vis de
Monfeigneur , une harmonie de
Hautbois , de Flures , de Mu
zettes , & de divers Inſtrumens
champêtres. On l'écouta quel
que temps fans voir rien paroître,
& tout eftoit fi bien concerté
, & executé avec tant d'ordre
& de jufteffe qu'il n'y avoit
pas une feule perfonne dans la
route qui devoit eftre remplie
un moment après. L'harmonie
'ayant diverti les oreilles & infpiré
de la joye pendant quetque
temps , on apperçur de loin
le Dieu Pan , qui eftoit fuivi par
quatre- vingt-dix Faunes , Sylvains
, Satyres , & autres Divinitez
qui ont accoûtumé d'accompagner
GALANT 361
1
compagner ce Dieu dans les
Bois . Toute cette Troupe parut
d'abord à un quart de lieuë
de la Table , & ne fe mit en
marche qu'aprés que Monfeigneur
euft eu le temps de la remarquer.
Le Dieu Pan que
l'on voyoit à la tefte eftoit reprefenté
par Mr de Lully Surintendant
de la Mufique du
Roy , qui battoit la mefure avec
fon Thirfe . Il eftoit fuivi de
vingt- quatre Satyres , & de tou
tes les Divinitez qui habitent
les Forefts . On entendoit des
1 Hautbois , des Muzettes , &
plufieurs autres Inftrumens
champêtres , au fon defquels ſe
faifoit la Marche . Leur diverfité
formoit une harmonie tresagreable
, & le nombre de ces
Avril 1709
. Hh
1
362 MERCURE
Joueurs d'Inftrumens
eftoit fi
grand qu'il rempliffoit trois li
gnes. Les Muficiens avecule
refte de la fuite du Dieu Pan ,
marcherent fur ces trois lignes
avec beaucoup d'ordre & fans
aucune confufion . Les Danfeurs
, au nombre de vingt - un
qui avoient tous des Maffuës ,
cftoient montez fur les épaules
les uns des autres & for-
Imoient des Groupes furpremans
. En effet , il y avoit dequoy
s'étonnerqu'en
formant ces fortes
de Groupes ils fe puffent renir
auffi fermes que fi chacun
3 d'eux eut efté à terre; ils étoient
fuivis de 51. Muficiens qui portoient
chacun fur leur tefte une
corbeille remplie de fruits
feints , reprefentant
des fruits
IGALNTM 363
des bois comme pignons , pommes
de pin , gourdes & autres
qui ne font connus que parmy
les Satyres. Ils tenoient cha-
2cun une branche de chefner;
acettes nombreuſe Troupe s'étant
avancée vers le bout de
Pallée le plus proche de Monfeigneur
, les joueurs de Hautbois
fe rangerent des deux côtez
de l'escalier qui montoit à la
table de ce Prince , & quand
ils furent placez , les Danfeurs
executerent parfaitement
bien
ce qu'ils avoient concerté , qui
eftoit de defcendre pour danfer
, & de paroître neanmoins
toûjours groupez.
Pour cet
effet , ceux qui estoient les plus
élevez fautoient en cadence de
e quatre meſures en quatre me-
Hh ij
364 MERCURE
fures ; & comme il n'en fautoit
que trois à la fois , on en voyoit
toûjours trois qui formoient la
même figure que les trois pre
miers. Ainfi l'allée fut toûjours
remplie jufqu'à ce que les trois
derniers euffent fait la même fi
gure que les trois premiers . Les
51. Muficiens qui fuivoient avancerent
jufqu'aux environs
du lieu où les Satyres groupez
venoient de finir leur danfe
& ayant paffé fous le Portique
de l'avenue où ces Satyres é
toient , ils fe placerent fur un
terrain que l'on avoit gazonné
depuis le Portique de la route
jufqu'à Pefcallier. Quand chacun
eut pris fa place , on joüa un
air d'un autre mouvement , fur
lequel tous les Faunes & les Sapuli
.
嬉
GALANT 365
tyres firent une dance fort extraordinaire.
Elle plût beau ,
coup à Monfeigneur , & reçût
degrands aplaudiffemens . Cette
danfe , qu'on pouroit nommer
un petit Ballet , eftant finie
, les Muficiens avancerent
vers l'escalier qu'ils monterent
fur deux lignes au fon des infcrumens
, & lorſqu'ils furent
arrivez fur l'Eftrade , ils fe leparerent
les uns à droite , &
les autres à gauches de maniere
qu'ils entourerent la table.
Ceux qui portoient les corbeilles
fuivirent , & les placerent
fur des gueridons de feuillée
qui eftoient fur les appuis des
Portiques magobet
J
د م ح م
25
* Les Hautbois pararent aprés,
& les Danfeurs monterent en-
Hh iij
366
MERCURE
4
fuite; ceux -
cys'étantpris par la
main
danſerent autour de Mon
feigneur , fur air qui estoit
tout diferent des deux derniers
qu'on venoit
d'entendre , & qui
fembloit
marquer l'excés de la
joye qu'on
reffentoits en ces
lieux de la
prefence de ce Prin
ce.
Pendant qu'on danfoit autour
de la table , les
Muficiens
deſcendirent par un Efcalier
qui eftoit derriere
Monſeigneur ,
& fe
rendirent dans une allée
que l'on voyoit sà coſté ide
celle par où tout ce
divertiffement
eftoit venu. Ils
yatrous
verent les
Picqueurs
endormis
avecleurs chiens .
LaDanſe finit
juſtement en ce
tempslà comme
avoit efté
concerté , & les Muficiens
chanterent un
morceau
4
1 GALANT 367
1
deMufique de Mr de Lully , dont
les paroles eftoient de feuMr de
Moliere qui les fit pour un divertiffement
donné par le Roy,
&nommé la Princeße d'Elide , qui
convenoit à la fituation où fe
trouvaient les chofes dans ce
moment . On entendit alors
toute la Foreſt retentir du bruit
de ces paroles.
Debout , Lyfifcas , hola debout ,
Pour la Chaffe ordonnée , il faut
preparer tout.
Les Piqueurs fe leverent
aprés avoir fait toutes les
actions qui pouvoient marquer
qu'ils eftoient profondement
affoupis , & qu'ils n'avoient
efté éveillez que par
ceux qui les apelloient , en leur
difant qu'ils allaffent preparer
"}
Hhij
368 MERCURE
tout pour la Chaffe quenKon
avoit ordonnée.Onu entendit
enfuite un grand bruit de Cors,
& dans cet inftant un Cerf
ayant traversé la route à la
ve de Monfeigneur , ce Prince
s'écria , comme ſouhaitant d'avoir
des Chiens. Dans le même
temps on vit paroiftre une
Meute que l'on découpla aprés
les Cerf. Monfeigneur voyant
que les Chiens chaffoient fi
bien ,têmoigna eftre fafché de
n'avoir des Chevaux que pour
tirer en volant . Dans ce moment
on en vit paroiftre d'au
ares , & ce Prince monta à che
val pour fuivre la Chaſſe avec
tous les Seigneurs qui l'accompagnoient
. Il courut le Cerf
qui fut pris dans le l'Etang de
GALANT 369
Cormeille , aprés l'avoir couru
environ un heurespore zinza
Cette Chaffe eftant finies
Monfeigneur prit le chemin
du Chateau , & dit en parlant
du repas , & du divertiffement
du milieu de la Foreft que
tout y eftoit plein d'invention &
fort bien executé; que cela pouvais
paſſer pour un divertiſſement com
plet , & qu'il y avoit pris beau!
coup de plaifir.
Toutes les Divinitez des For
refts , ainfi que les Faunes , les
Sylvains , les Satyres, qui com
pofoient leur fuite , avoient des
habits faits exprés qui les rés
prefentoient naturellement
plutoft comme on a acoutumé
de les Peindre , que comme on
les voit habillez fur le Theatre.
370 MERCURE
Ces habits eftoient faits fur les
Deffeins de Mr Berrain , ainfi
que toute la feuillée, og o
Ce qu'il y cut de furprenant)
dans les plaifirs de cette preq
miere journée , fut que Monfeigneur
, avant que d'arriver
à Chantilly où il fembloit que
les Divertiffemens duffent feulement
commencer , avoit cu
le plaifir de deux Chaffes dife
rentes ; un grand Repas dans
un lieu conſtruit exprés , & une
Fefte complette accompagnée
de Mufique , de Symphonie , &
de Danfes , & le tout exécu ,
té , parce qu'il y avoit de meile
leures voix , & de plus habiles
Danfeurs en France . C'eft ce
qui ne s'eftoit encore jamais vû
dans une occafion ſemblable ,
GALANT 171
& ce que le zele de Monfieur
lePrince luy fit inventer S. A S.
ne pouvant attendre que Monfeigneur
fuſt arrivé à Chantilly
pour commencer à luy témoi
gner la joye qu'elle avoit de l'y
voir venir.
Vous devez juger de l'em
barras où je dois eftre. Je voudrois
donner une idée generale
de la Feſte de Chantilly ; mais
il est à remarquer que cette Fête
dura huit jours , Monfeigneur
le Dauphin eſtant arrivé
à Chantilly le 22. d'Aouſt
de l'année 1688. & n'en eftant
party que
le 31. du mefme mois.
Ce que l'on nomme encore aujourd'huy
la Fefte de Chantil
ly , renfermoit dix ou douze
Feſtes auffi magnifiques , aufh
372 MERCURI
galantes , & auffi remplies d'ja
vention , que celle qui fervir
de Prelude à toutes ces Feſtes,
dont vous venez de lire la defcription
, & qui fut donnée
avant que Monſeigneur fût ars
rivé au Château . On doit juger
par là de la beauté de toutes les
autres , dont je ne vous feray la
defcription que de trois ou quatre,
qui avec celle de la Fefte
de la Foreſt que vous venez de
lire , pourront vous faire juger
que ces Festes devoient eftre
autant de ſpectacles auffi nouveaux
par leur fingularité que
par leur magnificence.ev
1
Je commence par vous dire
que Monfeigneur aprés avoir
traverfé la Court du Château.
traverfa plufieurs pieces de fuiGALANT
373
te, qui portoient chacune un
nom convenable aux chofes qui
y eftoient reprefentées . L'une
fe nommoit la Chambre de Venus
& les autres celle de Diane ,
celle de Flore , celle de Bacchus
8 celle de Momus , & dans lef
quelles il y avoit plufieurs Tables
pour toutes fortes de Jeux .
Après avoir traverfé toutes
ces Chambres , Monfeigneur
entra dans un grand Salon qui
eft en retour. Ce Prince au
fortir de ce Salon monta dans
un autre Appartement , dont
J'aurois beaucoup de choſes à
vous dire tres - curieufes & tresfingulieres
; mais cela me meneroit
trop loin . Il entra enfuite
dans une grande Gallerie.
Je ne vous dis rien de ce que
3
374 MERCURE
contenoit cette Gallerie , dont
la defcription pourroit fournir
affez de matiere pour un volume
entier. Elle eft laivie d'un autre
Appartement , dont je ne vous
dis rien encore , & dans lequel
Monſeigneur mangea; je paffe
au divertiffement de l'Opera...
Monfieur le Prince ne voulant
point donner de divertiſſe
ment qui eut eſté déja vû , &
voulant que tout y fur nouveau,
même jufqu'au Theatre
> en
avoit fait conftruire un dans
l'Orangerie qui a 70. toiſes de
long , & 27. pieds de large. Cet-
Orangerie fut féparée en trois
parties , féparées par des Portiques
d'Architecture ,
fans y
comprendre le Veſtibule parou
l'on y entre , & duquel on
voyoit cette longue étenduë
GALANT 375
éclairée de deux rangs de luftres
que les grands Portiques
qui fervoient d'entrées à ces
differentes Salles , laiffoient
voir diſtinctement. Je ne vous
dis rien de la magnificence des
ornemens de ces trois pieces ,
ayant refolu de ne vous parler
que des chofes fingulieres qui
ont regardé la grande Fefte
dont il s'agit. C'est pourquoy
je vous diray que le Vestibule
par où l'on entre dans l'Orangerie
eftoit orné de grands
arbres qui ceintroient & cachoient
toute la voûte . Les
pieds de ces arbres eftoient dans
une feule caiffe qui regnoit tout
autour du Veſtibule , & qui
eftoit peinte en Porcelaine , &
ornée de Chiffres de Monſci-
ཨ …… བྷསྶཀཏྠཱ
་་་་་ ་ ་ ་
376 MERGURE
gneur , avec des Attributs de ce
Prince. Ces arbres eftoient fi
verds , fi chargez de feuillages ,
& fi artiftement placez , qu'il
eftoit impoffible qu'on vift les
murs de ce Veftibule , de forte
qu'on le pouvoit prendre pour
une tres belle Allée . Ces arbres
conferverent leur verdure
pendant les huit jours que dura
la Fefte , & ils donnerent une fi
agréable fraîcheur à ce lieu ;
qu'on refpiroit en y entrant un
air delicieux , dont on ne pouvoit
s'empêcher de parler en
marquant le plaifir qu'on y prenoit
. Ce Veſtibule eftoit éclairé
de plufieurs luftres , ce qui par
mila verdure de ces arbres, produifoit
un effet tres - réjoüiffant ,
rien n'eftant plus agréable à la
GALANT 377.
vite que le verd , fur tout lors
qu'il eft éclairé .
14
On paffa de ce Veſtibule
pour fe rendre au Theatre par
les trois pieces qui avoient eſté
conftruites dans la premiere
partie de l'Orangerie. Ce feroit
ici le lieu de vous faire la defcription
du Theatre; mais quelque
magnifique qu'il fuft , & fur
tout la façade , je ne vous en
diray rien , non plus que de l'Opera
, ayant refolu , comme
je vous l'ay déja marqué , de ne
vous entretenir que des chofes
fingulieres. Votre imagination
peat aller auffi loin qu'elle voudra
touchant la beauté des Dé.
corations , celle de la Mufique ,
celle des Habits , & celle des
Danfes , & elle ne pourra aller
Avril 1709. Ii
358 MERCURE
trop loin , Monfieur le Prince
ayant choifi tout ce qu'il y avoit
de meilleur pour l'execution
de toutes ces chofes. L'Opera
intitulé Orontée, eftoit nouveau ,
& tout ce qui regarda ce Specacle
charma l'Affemblée ,
Monfieur le Prince avoit pris
de fi juftes mefures pour que le
gibier ne manquaft point les
jours que Monfeigneur iroit à
la Chaffe , que ce que je vais
rapporter là- deffus paroiftra
peut être incroyable . Ce Prince
ayant réſolu d'aller à la Chaf.
fe aux Perdreaux , tous les Seigneurs
de fa fuite le féparerent
par Quadrilles. Monfeigneur
eftant de retour de la Chaffe
fit faire un état de ce que chacun
avoit tué , & envoya cette
GALANT 379
•
Chaffe au Roy , avec le dérail
& les noms de tous ceux qui
avoient chaffé . Il s'y trouva
plus de cinq cens Faifans , Perdrix
, ou Lievres , Monfeigneur
en ayant tué luy feul plus de
cent quatre vingt ; de forte que
s'il y eut eu un Prix pour celuy
qui en auroit le plus tué , il eut
zefté donné à ce Prince . 17
Je paffe à une Chaffe d'une
maniere toute nouvelle , que
Monfieur le Prince donna fur .
l'Etang de Comelle . Cet Etang
peut avoir environ un quart de
lieuë de long fur un demi quart
de large . I eft dans un fond
dont le terrain s'éleve tout autour
en Amphiteatre , à la re..
ferve de la Chauffée , & tout eſt
garni de bois , ce qui fait une
Ii ij
380 MERCURE
vûë fort agréable . Les toiles des
Chaffes enfermoient l'Etang &
leur enceinte s'étendoit par un
cofté dans la Foreft . On avoit
dreffé une Feüillée fur laChauf
fée avec des Tentes au milieu
pour y
mettre
les Dames . Une
Collation magnifique y fut fervie
. Tous les Spectateurs ém
toient autour ou derriere les
Toiles. On trouva fur l'Etang
des Batteaux couverts de leurs
Tendelets , & plufieurs autres
plus petits couverts de feüillages.
Monfeigneur , Madame la
Duchefle , Madame la Princeffe
de Conty , Monfieur le Print
ce & les Dames d'honneur des
Princeffes , avec quelques - uns
des Seigneurs de leur fuite , entrerent
dans le plus grand de
HGALANT 281
ees Batteaux , Monfieur le Duc ,
Monfieur le Prince de Conti ,
& Monfieur de Vendofine fe
mirent dans le fecond . Tout le
refte de leur fuite fe partagea
dans les autres , & Madame la
Princeffe fe plaça fous la Feüillée
avec plufieurs autres Dames
. A peine avoit- on achevé
de s'embarquer qu'on entendit
retentir de tous coftez le fon de
plufieurs Troupes de Hautbois
& de Trompettes qui eftoient
placez en divers endroits , &
peu de temps aprés un bruit de
Cors & de Chiens qui firent
lancer dans l'Etang à plufieurs
repriſes , un grand nombre de
Sangliers , de Cerfs & de Biches
Tous ceux qui estoient
dans les Bateaux prirent leur
382 MERCURE
party pour les attaquer, les uns
avec des pieux , les autres avec
des dards , & les autres avec des
épées . Plufieurs fe fervirent de
groffes gaules avec des noeuds
Coulans au bout , afin de les
pouvoir prendre vivans . Ils firent
tout le tour de l'Etang ch
cet équipage , & formerent un
croiffant pour chaffer toutes les
Beftes du côté où eftoit Madame
la Princeffe , ce qui caufa
un plaifir fingulier , qui fut encore
augmenté lorsqu'on donna
les Chiens qui attaquerent
ces Beftes de toutes parts , &
avec tant de vigueur , qu'un
feul Chien coëffa un Sanglier
plufieurs fois & le noya. Cette
Chaffe dura environ deux heu .
res , & donna beaucoup de plaiGALANT
383
fira Lés Dames eurent la fatisfaction
de prendre des Cerfs
elles-mefmes avec des noeuds
coulans qu'elles leur jettoient.
On attachoit enfuite la corde
au Bateau que les Cerfs tiroient
en voulant gagner le bord , en
forte qu'on faifoit lever les ra
mes; & lorfqu'ils l'avoient conduit
à bord , on coupoit la corde
, & on leur donnoit la liberté.
Elles eurent encore le plai
fir de prendre dans leur Bateau
quantité de petits Faons vis
vans & de leur donner auffi la
liberté. Cependant quoy qu'on
eur foin d'en fauver le plus
qu'on put, on ne laiffa pas d'en
aporter de morts dans la Court
du Château au nombre de so .
ou 60 tant Cerfs & Biches que
384 MERCURY
Sangliers. On revint enſuite am
Château , où ily eat Apparice
ment & Operasjes die de
*
Tous ceux qui eurent partà
cette ingenieuſe & galante Fê
te , ou qui en furent feulement
témoins.en parurent tout à fait
charmez , & il n'y eut que celle
que Monfieur le Prince donna
dans le Labyrinte , qui la pût
faire fortir pendant quelque
temps de leur imagination , qui
en eftoit toute remplie : Voicy
une Deſcription de cette Fefte,
qui fut donnée à l'ordinaire
fans eftre attenduë , & fans
qu'on en foupçonnât rien.
Monfeigneur ayant cfté voir
le lieu appellé la Maison de
Sylvie , Monfieur le Prince luy
fit fervir un Retour de Chaffe.
Aprés
GALANT
385
Aprés qu'on cut mangé les Entremets
comme on croyoic
qu'on alloit fervir le fruit, Monfieur
le Prince dit à Monſeigneur
que s'il en vouloit ilfalloit
qu'il fe donnât la peine d'en
aller chercher au milieu du Labyrinthe
où le Deffert eftoit fervy.
Monfeigneur accepta la propofition
avec joye , & l'on fe leva
de table pour aller dans le
Labyrinthe. Il est au milieu
d'une partie de la Foreft que
S.A.S. avoit fait enclore . Dans
cette efpace de la Foreft enfermé
du côté de la grande chûte
d'eau , on voit un fort beau Jeu
de Mail , & un de Longue Paume.
Au- deça eft un grand Manege
, & à côté font les Jeux
de l'Arquebufe & de l'Arba-
Avril 1709
. KK
386 MERCURE
息
blefte , avec de grands Portiques
d'Architecture au milieunde
grandes Allées . Monfieur de
Prince voulant que de quelque
côté que Monfeigneur pût
tourner , il trouvalt un plaifir
imprevû , avoit fait venir des
Gens qui fe tenoient tout prefts
dans chacun des Jeux dont je
viens de parler ; en forte qu'il
y avoit dans le Jeu de Paume
des Joueurs de longue Paume ;
des Joueurs de Mail dans le
Mail; des Tireurs d'Arbaleſte
& d'Arquebuze dans les deux
Lieux deftinez à ces exercices ,
& des Chevaux de Bague dans
le Manege. Le reste de la Foreft
qui n'est point occupé par
ces Jeux , eft coupé de grandes
routes, qui prennent leur comSGALANT
387
? mencement dans un demy rond
qui fait l'Avant court du Pavillon
de Sylvie , & qui fe fesparent
encore en plufieurs austres
, ce qui fait une Promenade
auffi divertiffante que belle.
Voilà la fituation du Labyrinaithe,
qui eft fi remply de décours
qu'il eft prefque impoffible de
line s'y pas égarer , & d'en trou-
Sver le milieu. Il eft auffi ingenieufement
imaginé que tout le
frefte de Chantilly,
31 Monfeigneur eſtant entré dans
XilenLabyrinthe avec les Princes
2 & Princeffes , & tous les Seiagneurs
de fa fuite , chacun prit
-des chemins diferens pour arri-
Aver plutoſt au lieu où eftoit la
Colation , & ceux qui fe promirenpad'envatrouver
bien toft
C
Kk ij
288 MERCURE
le Centre , fe lafferent en fais
fant plus de chemin que les au
tres lans avoir plus d'avantage
fureux . On peut dire ſeulement
qu'ils furent les premiers trom
pez , tant ce Labirinthe eft dificile.
Cependant Monfieur le
Prince pour faciliter le moyen
d'en trouver le milieu y avoit
fait placer unConcert de Hautbois.
On marchoit droit au lieu
où ce Concert eftoit entendu ,
& lors qu'on en eftoit tout proche
& qu'on croyoit ne devoir
plus avancer que vour y entrer,
on s'en éloignoit infenfiblement
; de forte que dans le
temps où l'on eftoit le plus perfuadé
qu'on n'avoit plus de chemin
à faire , on s'en trouvoit
encore auffi loin que lors qu'on
GALANT 389
?
"
}
avoit commencé à faire le pre
mier pas Les agreables impa
tiences que cela caufoit fervoient
de divertiffement à ceux
mêmes qui étoient le plus
trompez. Enfin , Monfeigneur,
qui s'eftoit rendu , defelperant
de trouver ce qu'il cherchoit
& voulant épargner aux Dames
la fatigue de marcher plus long-
Temps , dit à Monfieur le Prin
celqu'il faloit les mettre dans le
bon chemin , ce que S. A. S.
fit. Quand ils furent dans la
veritable route , ils arriverent
-bien - toſt au Centre de ce Labyrinthe
, extremement furpris
-de ce qu'ils y trouverent , par
ce qu'il ne s'eftoit jamais rien
vû de pareil . Je dois vous dire ,
pour vous le faire bien com-
Kk j
390 MERCURE
prendre , que le milieu du La
byrinthe reprefente une manie
re de grande Salle découverte.b
Son Plan eft quarré avec un en
foncement en rond fur chaque
ce. La table qui efloit dreffée
dans le milieu de cette efpece
de Salle ,fuivoit le même Plan . Le
deffus reprefentoit un Parter
re dont les compartimens és
toient formez par des Corbeil
les d'argent , & tous les fentiers
qui feparoient les Corbeilles é
toient de Gazon ; de forte qu'il
n'y avoit point de Nape . Les
devans & le tour de la Table
eftoient de feuillages ornez de
feftons de fleurs avec un cordon
pareillement de fleurs qui
bordoit la Table . Le milieu
en eftoit occupé par un Vaſe
GALANT 391-
de filigranne d'argent , d'ou
fortoit un Oranger tout couverti
de fleurs & de fruits natu
rels. Comme ce Vafe eftoit
plus eftroit vers le pied , on
avoit placé tout à l'entour
buit autres Vales garnis de
Acurs . Ils eftoient accompagnez,
de buit Corbeilles qui en étoient
auffi remplies , & ces
Corbeilles eftoient portées par
autant de Mafques d'or qui
fervoient d'ornement au grand
Vafe ; de forte que les fleurs de
toutes ces Corbeilles , & de tous
ces Vales , faifoient enſemble
un effet tres - agreable , & qui
avoit quelque chofe de delicieux,
Les Corbeilles qui for
moient le Parterre , & qui é
toient en Dôme, joignant l'a-
Kk iiij
1
392 MERCURE
grément de leurs figures au different
coloris d'une fingrande
quantité de fleurs , le tout fores
moit un compoſé dont lasvûë
eftoit réjouie , & dont on ne
ouvoit fe laffer d'admirer l'agreable
& riante diverfité ; &n
ce qui la faifoit encore paroî
tre davantage , eftoit que toutes
les Corbeilles qui fe trouvoient
d'une meſme forme eftoient gar
nies de fruits de mefme couleur, }
& qu'elles eftoient difpofées des
forte qu'on croyoit voir un Par
terre veritable . Outre toutes
ces Corbeilles , il y en avoit en
core beaucoup d'autres . Il y
ayoit un Bufet dans chacun des
quatre angles du lieu où eftoit
la Table , & chaque Bufet avoit
trois gradins . Ils eftoient tous
GALANTM 393.
ornez de gazon , de feuillée &
de feftons de fleurs fans napes ,
afin qu'ils euffent du raport ap
la Table qui n'en avoit point.
Tous ces Bufets eftoient gara
nis de Vafes d'argent & de por
celaines . Sur les coins de chaque
étage , & dans le milieu du
troifiéme gradin eftoit un autre
Vafe plus baut que les autres.
Aux deux côtez de chaque Bufetton
voyoit deux focles de gala
zon , fur chacun defquels eftoit
pofée une Caiffe. Ces Caiffes
eftoient au nombre de douze ,
& l'on voyoit fortir de chacune
un Arbre fruitier , chargé de
tres-beau fruit , & qui n'avoit
pas moins dequoy contenter le
goûr que la vûë. Outre ces quatre
Bufets il y en avoit deux
394 M & R CURT
grands qui eftoient en face de
la Table , & qui fuivoient de
plan du lieu où ils eftoient drek
fez. Ils avoient deux gradins !
dont le premier eftoit occupés
par une couche de Melons na .
turels . Le fecond eftoit garny
de vingt - quatre Couverts de
Porcelaines fines Le refte eftoith
remply de Gâteaux & d'Affiets?
tes de groffes Trufes , derrierer
lefquelles eftoient de tresov
belles Porcelaines garnies deg
Aeurs . Une maniere de Dof- a
fter formé par des Confoles qu'l
eftoient attachées des guirlanb
des de fleurs , faifoit le fond de
ces deux Bufets .
༧ ས
41890 )
Lorfque Monſeigneur, entra
dans le Labirinthe , il n'y trou
va perfonne ; ceux mêmes qui
GALANT 395
avoient pris le foin du ſervice
s'en eftant éloignez , & s'étant
cachez par l'ordre de Monfieur
le Prince qui vouloit donner à
cette feſte un air de liberté .
G'eft un plaifir que les Rois &
les grands Princes goutent ra
rement , & qu'il eft bien plus
dificile de leur donner que les
feftes les plus fuperbes , & les
repas les plus magnifiques où ils
vont moins pour les recevoir ,
puifqu'il n'y a rien d'extraordinaire
poureux,que pour marquer
l'eftime particuliere qu'ils font
de ceux qu'ils veulent bien ho
norer de leur prefence . Monfei
gneur & ceux qui l'accompa
gnoient prirent beaucoup de
plaifir dans le Labyrinthe . Ils
examinerent la table dont l'in
396 MERCURE
vention leur parut toute nouvelle
& tres finguliere, ils con
fidererent les Bufers , & le cour
enfemble leur parut un enchan
tement d'autant plus qu'ils n'è !
toient point incommodez de la
foule , & qu'ils pouvoient reft
pirer en liberté l'air delicieux
que tant defleurs avoient par
fumé, ni sapras
$1709
- Vous pouvez juger par les trois
divertiffemens dont je vous ay
donné des Defcriptions , quels
peuvent avoir efté les autres,
qui n'ont pas eu moins de gran.
deur & de magnificence, & auf
quels l'efprit n'a pas eu moins de
part. Vous devez bien vous imaginer
que cette grande Fête qui
en a tous les jours enfanté de
nouvelles , ne s'eft point paffée
GALANT 397
Cansaque les feux d'Attifice y
ayendicu part. Je ne pourois
yous en parler fans faire un ar
icle qui fut feul auffi grand que
le font enſemble ceux des feftes
particulieres que vous venez de
Tire .On ya veu tout d'un coup
Tous les environs de Chantilly,
au loin que la vuë pouvoit
porter, tous éclairez tant par les
Jumieres qui formoient des illuminacions
, que par l'Artifice
qui le faifoit voir & entendre
de toutes parts . Tout le Châ-
-teau de Chantilly ne paroiffoit
qu'un amas de lumieres ; mais
aravantageulement placées
-qu'elles formoient diferens
ifpectaclesdont la vûë eftoit en
même temps éblouy & charmée
. Tous les diferens endroits
398 MERCURE
du Parc de Chantilly eftoient
hauffi differemment illuminez felon
la forme qu'ils avoient , &
les fufées remplissant l'air en
même temps , il paroiffoit tout
en feu aufli bien que le grand
Canal fur lequel l'Artifice qui
paroiffoit en eftre forty faifoit
mille tours , & retours , & fe
plongeoit fans ceffe dans l'eau
& en reffortoit auſſi vif & auffi
lumineux que s'il ne fut point
forti de l'eau. Enfin il furfi
bien mis en ufage dans cette
fefte qu'il donna aux fpectateurs
tous les plaifirs qu'il eft
poffible d'en tirer.qurta
Monfieur le Prince qui ne
vouloit pas laiffer paffer un feul
jour fans que Monfeigneur cut
le plaifir de plufieurs fortes de
#
"
GALANT 399
ร
divertiffemens avoit fi bien
difpofé toutes chofes, & fi bien
choific & preparé toutes dės
perfonnes qu'il employoit, qu'il
eftoit feur que lorfque le mauvais
temps feroit manquer un
divertiffement , il pouroit facilement
, & en fort peu d'heures
luy en faire fubftituer un autre,
& même qui feroit du gouft de
Ice Prince , fuivant les chofes
qu'il remarqueroit qui luy plairoient.
Ainfi pendant le fejour
que ce Prince fit à Chantilly
il y eut beaucoup de divertiffemens
fubftituez à d'autres , &
qui furent trouvez fi beaux &
donnez fi à propos , qu'il eftoit
impoffible de faire la diference
des uns & des autres .
ab Monfieur le Prince faifoit
400 MERCURE
fervir tous les jours dans diferentes
Salles & diferens Apartemens
de fa maiſon , plufieurs
tables toutes tres magnifiques
& tres-delicates tant pour les
Seigneurs qui accompagnoient
Monfeigneur, que pour un nombre
prefque infini de Gentilshommes
& d'autres perfonnes
que leur devoir ou la curiofité
avoit attirées à Chantilly . Tous
les Villages des environs é
toient remplis d'Officiers qui
avoient foin de faire fervir avec
abondance tous ceux qui y étoient
logez.
Aprés vous avoir fait voir de
quelle maniere le grand Prince
qui vient de mourir a vécu aprés
vous avoir donné un détail de
tout ce qu'il a fait pour la GloiGALANT
401
re , pour le Roy & pour l'Etat
dans le Champ de Mars ; aprés
vous avoir fait connoiftre pour
honorer la memoire du grand
Prince de Condé fon pere
aprés vous avoir donné des
preuves inconteftables de fon
efprit & vous avoir fait voir
qu'il a porté la magnificence
jufqu'au plus haut degré où elle
peut aller , je dois vous faire
Connoiftrece qu'il a fait comme
Chretien , & pour le préparer
à la mort.
1
Il y avoit deux ans qu'il la fentoir
approcher , & il avoit toû
jours fait voir trop d'efprit pour
ne s'en eftre pas apperçu , mais
ne voulant point marquer de
foibleffe , il le contenta de s'y
preparer fans narquer qu'il en
Avril 1709
. LI
402 MERCURE
^
eut aucune apprehenfionar&
fans rien dire à perfonne de ce
que l'état où il fe fentoit , & fa
raifon luy avoient fait connoî
trey & pour eftre plus en eftát
de penser à la mort , il s'eftoit
infenfiblement abfenté de la
Cour , & ibavoit renoncé à tou
tes les chofes pour lesquelles il
luy avoit paru qu'il avoit le plus
d'attachement .
3 Pendant ces deux annéessil
faifoit fouvent acheter des Lit
vres de devotion , du nombre
defquels eftoit les Meditations
de Bufée , & plufieurs autres
qu'il le faifoit fire , & dont il
écoutoit la lecture avec toute
Battention d'un veritable chrêtiens,
& qui eft penetré de fa
Religion , Il avoit de temps en
GALANI 493
temps des Conferences fur ces
lectures , avec des Religieux
diftinguez par leur profonde
doctrine , & par une grande pies
té , qui venoient les foirs le voir
dans des jours marquez pour
ces pieux Entretiens , dans lef
quels ce Prince paroiffoit perfuadé
de la neceffité qu'il y
avoit qu'il fongeaſt ſerieufement
à fon falut Pendant les
deux dernieres années de fa vie
il à fouvent fait de grandes liberalitez
aux Pauvres , & il n'oublioit
pas ceux de fes - Domeſti
ques qu'il fçavoit cftre dan's
quelque befoin Il n'oublioit pas
ceux aufquels il avoit donné
quelques chagrins , ce qui marquoit
que fi fa promptitude l'avoit
obligé à s'en plaindre peut-
Llij
2494 MERCUR
B
cftre un peu trop vivement , da
bonté de fon temperament l'o
bligeoit à les recompenfer des
chagrins dont plufieurs au
roient peut - eftre bien voulu
eftre payez à ce prix . Je dois
ajoûter ce qui fuit , & que j'ap
prens en ce moment , par des
perfonnes dignes de foy , & bien
informées. C'est que l'on a fou
vent vu qu'après avoir grondé
quelqu'un de fes Domeltiques
un peu fortement , il envoyoic
auffitoft aprés de l'argent à Ma
dame la Princeffe pour le faire
diftribuer aux Pauvres , & renvoyoit
une heure aprés cher
cher les perfonnes qu'il avoit
chagrinées , aufquelles il faifoit
mille honneftetez , ce qui redoubloit
le refpect & l'attacheGALANT
495
mentquedevoient avoir pour fa
perfonne, ceux àqui ces heureux
malheurs eftoient arrivez . Ce
Prince enviſageoit la mort de
puis deux ans avec une fermeté
auffi heroïque que chretienne,
& lors qu'on luy cut annoncé
que la maladie eftoit mortelles
Join que cette nouvelle qui a
toûjours quelque chofe d'efe
frayant , fit paroître en luyala
moindre foibleffe , on eut lieu de
croire qu'elle avoit fait redou
bler fa fermeté, puifqu'il dit que
da mort eſtant une choſe inévita
ble, & commune à tous les hommes
, il eftoit furpris qu'il s'en
trouvoit qui l'apprehendoient
fi fort , & qui ne pouvoient s'y
refoudre. Il s'y difpofa avec une
prefence d'efprit admirable , &
406 MERCURE
une pieté des plus exemplaire,
Il reçut le Saint Viatique des
mains de Mr Maumonnier , Vicaire
de S. Sulpice , qui luy ad
miniftra les faintes Huiles , ce
que ce Prince avoit demandé
fans attendre qu'on luy propo
faft de les recevoir . Mr de Mau
monnier ne l'a point abandonné
non plus que le Pere de la Tour
General de la Congregation
des Preftres de l'Oratoire , jufqu'à
l'heure de fa mort . Ily
avoit prés d'un an que le Pere
de la Tour voyoit ſecrettement
ce Prince qui avoit beaucoup
de confiance en luy,
BAL
Le Corps de Monfieur le Prin
ce ayant efté ouvert aprés fa
mort , les Medecins dirent qu'il
y avoit une bile répanduë dont
GALANT 407
il luy eftoit impoffible d'eftre le
maiſtre, à cause de fa petulence,
qui eftoit telle que fa raiſon ne
pouvoit la furmonter fans qu'il
en fuft incommodé. Cependant
cette bile n'a fervi qu'à luy faire
meriter de l'eftime , & acquerir
de la gloire , puifqu'à peine
avoit - elle commencé d'éclater
qu'il fçavoit en triompher , &
prendre le deffus en reprimant
la violence de fes mouvemens
en parfait honnefte homme &
en veritable chrêtien , ainfi
je viens de le faire voir.d
que
Je dois vous parler icy du ca
ractere de Mr de Maumonnier
pour vous faire connoiſtre le
bon choix que Monfieur le
Prince avoit fait de ce pieux
Ecclefiaftique , pour un de ceux
408 MERCURE
qui le devoient affifter à la mort.
C'est un hommequi depuis plus
de 25.ans eft habitué dans là Pa
roiffe de S.Sulpice, & qu'il y fert
avec autant de zele que de defintereffement
, & l'on peut dire
que le zele qu'il a pour le falut
des ames eft des plus fervens.
Il fecourre jour & nuit tous les
Paroiffiens qui ont besoin de fon
Miniftere , fans en excepter aucun.
Il va également chez les
pauvres & les riches , & il a
quelquefois trouvé la nuit des
Voleurs qui luy ont demandé
de l'argent , aufquels il a répondu
qu'il n'avoit que la parole de
Dieu à leur donner , en les embraffant
, & leur faifant une
courte exhortation , qui s'eft
quelquefois trouvée utile , puif.
qu'il
GALANT 409
qu'il y en a eu qui le font venus
trouver , qui fe font confeffez à
luy , & qui en fuivant les bons
confeils qu'il leur a donnez , fe
font retirez du vice .
Auffi - tôt que le Roy eut appris
la mort de feu Monfieur
le
Prince , Sa Majesté envoya Mr
le Quc de Trefmes pour faire
des Complimens
de condoleance
aux Princes & aux Princeffes
du Sang.
Madame la Ducheffe de Bourgogne
rendit viſite en Mante à
Madame la Ducheffe & à Madame
la Ducheffe du Maine ,
ainfi que les Ducheffes & les
autres Dames , & les Princes &
les Ducs ont vû Monfieur le
Duc en long Manteau. Il y
avoit deux Ecuyers en long
Avril 1709. Mm
410 MERCURE
1
Manteau & en Crefpe , qui les
reçûrent à la porte. Madame la
Ducheffe & Madame la Ducheffe
du Maine , ont reçû dans
leur lit les Ducheffes qui les
ont efté voir.
Sa Majesté a auffi fait les mêmes
vifites , ainfi que la Cour
d'Angleterre.
plan
C'eft icy le ieu , fuivant le
que vous avez vû que je
me fuis propofe au commencement
de cet article , de vous
parler de Madame la Princeſſe ,
ain fi
que des Auguftes Enfans
qui font nez de fon mariage
avec le grand Prince qui vient
de mourir , mais je dois vous
avouer d'abord que cette Princeffe
eftant au - deffus de tous
lesEloges qu'on enpourroit faire
CALANT 4II
291-1
& que ne trouvant point de
termes affez forts , & qui puf-.
fent affez bien marquer toutes
fes vertus , je me contenteray
de vous dire pour vous en don
ner feulement une idée , que jamais
Princeffe n'a porté plus
loin la modeftic , le détachement
du monde & la charité,
Sa devotion eft fans fafte & fans
oftentation , & fa main gauche
n'a jamais fçû ce que fa main
droite faifoit, Cependant com.
me il a efté impoffible à tous
les pauvres qu'elle a fecourus
de garder le filence , on pourroit
compter les jours par fes
bonnes oeuvres . On ne peut
rien ajoûter à tout ce que cette
Princeffe a fait pendant la maladie
de feu Monfieur le Prin-
Mmij
412 MERCURE
ce , & toutes les heures de chaque
journée eſtoient partagées
par les mouvemens qu'elle fe
donnoit pour ce qui regardoit
le recouvrement de fa fanté , &
le falut de fon ame . Ainfi elle a
paru pendant toute la maladie
de ce Prince tendre Epoufe &
veritable Chreftienne , & l'on
peut dire qu'elle feroit accablée
fous le poids des douleurs
dans lesquelles elle eft enfevelie
, fi cette Princeffe n'avoit
pas toûjours eu une parfaite
refignation aux volontez du
Ciel .
Madame la Princeffe de Conty
, veuve du Prince de ce nom
qui vient de mourir , a toûjours
vécu d'une maniere qui luy a
attiré de grandes loüanges , &
GALANT. 413
quoique fa naiffance luy donnat
lieu de briller dans le monde ,
& de fe trouver par tout où fon
fang luy donnoit une des premieres
places , où la jeuneffe
fuy permettoit & devoit Pinciter
d'aller , elle en a toûjours
ufé fort moderément , & fans
aucune affectation . Cette Princeffe
a toûjours efté attachée à
Ta famille , & remply tous fes
devoirs. Elle n'a point abandonné
le Prince fon Epoux jufqu'au
dernier moment de la vie ,
ayant prefque toûjours couché
dans fa Chambre .
Je paffe à ce qui regarde lé
Prince qui doit faire revivre le
fang de Condé , & qui dés fa
premiere jeuneffe a commencé
à fe faire diftinguer par tous les
Mm ij
414 MERCURE for
endroitsqui devoient faire con
noître ce qu'il eftoit , & ce qu'il
feroit un jour. Il brilla telle
ment aux Sieges de la Ville
& du Chateau de Namur »
qu'ayant donné au Public unc
Relation de ces Conqueftes feparée
de mes Lettres ordinaires,
qui paroiffent fous le nom de
Mercure , aprés que je vous les
ay envoyées , je crois devoir raporter
icy une partie de l'Epître
dédicatoire .
Il ne s'eft pas trouvé un jour
», perilleux où V. A. S. n'ait eu
,, le bonheur de commander.
Je dis le bonheur , parce que
lorfqu'on fe fent un courage
digne d'un fang toûjours vic-
,, torieux , & qu'il ne manque
,, que les occafions de faire paGALANT
415
co
roître ce qu'on eft , on s'eftime
heureux quand la Fortu- «
ne prend foin de les fournir , cer
Ce n'a pas efté feulement au
Siege du Château que V. A. «
S. s'eft diftinguée . Quoique
celuy de la Ville n'ait pas efté
de durée , Elle y a fait connoître
tout ce qu'on devoit e
attendre d'Elle. Mais pou - **
voit Elle manquer d'y faire
briller la plus infigne valeur, «*
puifqu'Elle s'y fentoit animée «
non feulement par le plus, te
genereux fang du monde , «
mais encore par l'exemple de "
Monfeigneur le Prince , qui "
s'eft expofé aux perils les plus
évidens . tant que le Siege a "
duré. L'exemple d'un Prince "
du Sang , d'un Prince Fils du "
Mm iiij
416 MERCURE
5
* } , Grand Condé , & le voſtre ,
Monfeigneur , exciterent tel-
*,, lement tous les Soldats qui
,, vous virent l'un & l'autre
,, expofez au feu comme eux' ,
' , que pour rendre la durée du
» peril plus courte , ils redou-
,
blerent leurs efforts auffi - bien
que leurs Officiers, pour s'em-
, parer pluftoft des Ouvrages
, que leur valeur s'étoit déja
promis d'emporter . Cette ex-
,, pedition fut bientoſtſuivie de
», la priſe de la Ville ; & com-
,, me V. A. S. commandoit ce
,, jour là à la tranchée elle eut
,, l'avantage de faire faire la
› Capitulation , & les Ennemis
,, ne pouvant fe difpenfer de fe
rendre eurent au moins la fatisfaction
de s'y voir forcez
1
GALANT 417
par le petit fils d'un Prince
dont tous les fiecles admireront
les prodiges de valeur .
Aprés avoir fait éclater la «
voftre dans ces deux ocasions <<
où voftre conduite s'eft fait
autant remarquer que voftre "
Courage , il s'en preſenta une «
troifiéme où le danger de- «
voit eftre beaucoup plus
grand. Il fut queſtion d'atta
quer un retranchement for- «
tifié , de plus de quatre cent "
toiles de long , appellé la Res
doute de l'Hermitage ; & comme "
il étoit défendupar un nombre "
de Troupes affez grand pour "
foutenir un fiege dans une "
place réguliere, on peut juger «
du peril que devoient courir
les Affaillans. Ceux qui fu
418 MERCURE
› rent nommez pour cette atta
>> que en temoignerent beaucoup
de joye , parce que V.
A. S. devoit commander ce
jour là. Vous marchâtes
Monfeigneur , à la tefte des dé
,, tachemens qui foutenoient
les Grenadiers , & vous vous
» expolâtes auffi bien que Monfeigneur
voftre pere , qui fe
,, mir auffi à la tefte de ces dé .
"
و د
#y
tachemens aux mêmes dan-
,, gers que ces Troupes pen-
,, dant tout le temps qu'il fallut
pour faire des logemens.
Aprés tant d'actions d'un fi
haut éclat , il fembloit que les
,, autres Lieutenans Generaux
,, dûffent partager à leur tour
les occafions favorables de fe
fignaler ; mais comme tous les
"
و د
GALANT 419
perils vous eftoient refervez,
vous devicz avoir plus de
part qu'eux , à la gloire que
ce Siege promettoit . V. A. «
S. commandoit encore la
tranchée le jour de l'attaque "
du chemin couvert du Fort "
neuf. Vous marchâtes Mon- «‹
feigneur une feconde fois à la "
tefte des détachemens & en- «‹
trâtes dans les Paliffades avec "
les Gentilshommmes de "
voftre Maiſon. Je ne dis point «
ce que vous y fites , l'hiftoire
ne s'en taira pas . Les Enne- ".
mis qui eftoient encore au "
nombre de plus de $1500.
vous demanderent pour capi- "
tuler ; & comme ils vous a- “
voient remarqué dans toutes «
les plus chaudes ocafions "
420 MERCURE
""
و د
ils firent connoiftre dans le
» pourparler qu'ont eut avec
,, cux qu'ils croyoient que vous
,, commandiez toutes les fois
qu'il y avoit une attaque à
,, faire. Vous leur fites voir
autant d'honneftté en leur
», parlant , que vous leur aviez
,, montré de courage en les atta
›› quant ; mais ce pendant Mon-
» feigneur , vous leur parlaftes
,, en Prince , & d'un air qui
malgré voſtre honnefteté ne
laiffa pas de les intimider .
Enfin voftre valeur vous a
,, fait admirer des Troupes , &
,, votre liberalité vous en a
fait aimer . Toute la France
parle de cette valeur avec
éloge ; nos ennemis mêmes
ne peuvent s'empêcher de la
"
"
}
GALANTE
421
vanter. Ainfi j'ay crû qu'il
m'eftoit permis de mêler ma
voix aux acclamations de "
toute l'Europe , & c . "
A peine ce Prince s'étoit - il
remis des fatigues qu'il avoit
effuyées pendant le Siege de la
Ville de Namur & celui du Château
, qu'il fe trouva au Combat
de Steinkerque , où il continua
de donner des marques de fa valeur
& de fon intrepidité . Il étoit
à la teſte de ceux qui demeurerent
l'épée à la main à la
tefte des Gardes , & qui pafferent
les premiers les hayes & les
défilez à meſure qu'on en dépoftoit
les Ennemis , & lorſqu'-
1 ils furent pouffez malgré le feu
de toute leur Infanterie , au422
MERCURE
4
quel ce Prince fut toûjours expofé
; & il fetrouva dans le plus
fort de la mêlée , encouragea
les Troupes au milieu du feu ,
fit avancer les Bataillons jufques
aux Piques des Ennemis ,
& rétablit les choſes dans les
lieux où le fuccés pouvoit eftre
douteux. Ce Prince eut un cheval
tué fous luy pendant le combat.
Comme il eftoit Lieutenant
General de jour lors que
le combat fe donna, ce fut luy
qui pofta toutes les Troupes ;
mais il yprit tant de plaifir ,qu'il
oublia lafatigue d'un fi pénible
employ.
Če Prince qui s'étoit diftingué
pendant toute la Campagne
de 1692. & quis'étoit trouvé
dans toutes les occafions les
JGALANT 423
230
3
plus perilleufes de cette Campagne
, s'eftoit fait un fi grand
plaifir d'acquerir de la gloire
en marchant fur les traces du
Prince fon Pere, & du feu Prince
fon grand Pere , qu'il fembloit
ne refpirer plus que les
Combats. Auffi fe trouva-t'il
l'année fuivante à la Bataille
de Nervinde , où il fe diftingua
tellement , que tous ceux qui
firent des Relations de cette
Bataille , en parlerent avantageufement.
Voicy ce que j'ay
tiré de cinq de ces Relations .
Mr de Luxembourgfit atta- «
quer pour la feconde fois les
village que Ennemis avoient "
repris . Il commanda pour
cela feize bataillons , & Mon-
@ficur le Duc à leur tefte pour “
,
424 MERCURE
,,
د ر
,, en chaffer les Ennemis .
,, Mr de Luxembourg ayant
,, perdu le Village , y envoya
,, de nouvelles Troupes pour
, le reprendre. Elles eftoient
commandées
par Monfieur le
Duc , que Mr le Marechal
obligea de prendre une Cuiraffe.
Elles en chafferent les
ennemis , & Monfieur le Duc
,, y reçut un coup de Moufquet
,, dans fa Cuiraffe , fans laquelle
il auroit esté tué .
"
"
,,
,, Monfieur le Duc remit fort
fierement l'affaire de la gau-
,, che , & fit toutes chofes avec
» coeur & conduite.
,, Monfieur le Duc attaquant
» pour la feconde fois le Villa-
,,ge , donna à la tefte des Brigades
de Guiche & de CrufGALANT
425
fol , avec lesquelles il le re- "
prit. "
Monfieur le Duc , avec fon «
intrepidité ordinaire , fe mefla «<
fouvent avec les Ennemis , & «
les chargea toujours avec a- "
vantage. "
On peut dire qu'un auffi
grand nombre de perfonnes diferentes
, ayant , fans eftre de
concert , parlé auffi avantageu .
fement qu'elles ont fait de ce
Prince dans leurs Relations , la
verité feule les a fait parler,
Ily avoit déja quelques années
que dans le Carouzel de
Monfeigneur le Dauphin , ce
Prince qui commandoit une des
Quadrilles , y avoit paru de fi
bonne grace les armes à la
main , & avec un air fi guerrier .
Avril 1709. Nn
426 MERCURI
qu'il fit encore paroistre en
remportant plufieurs têtes dans
le même Carouzel , qu'on jugea
dés lors de ce qu'il feroit un
jour dans le Champ de Mars.
Ayant fait les vers de ce Carouzel
par l'ordre du Roy ,
voicy ceux qui regardoient ce
Prince.
Ce jeune Chef, plus brillant que l'Amour
,
Et qui conduit une Troupe guerriere,
Pour la feconde fois entre dans la Carriere
Lorfqu'à peine il a fait fon entrée à la
A
Cour.
Si d'abord qu'on le vit dans la Lice pa-
+
roître
Son coup d'effay fut celuy d'un grand
Maître ,
* Ce Privilege heureux ne vient point
du hafard :
GALANT 427
Pour faire auprés da Trône une illuftre
figure
anIleft d'un Sang que la Nature
Affranchit du befoin d'avoir recours à
l'Art.
A voir dans fa fierté fa noble inquietu
de ,
« On diroit que jamais il n'a connu que
Mars
Et qu'à fuivre fes Etendars
Il a mis fon unique étude.
Les Armes à la main , & l'Amour, dans
les yeux ,
Voyez - le s'applaudir du deftin glorieux
,
Que le plus grand des Rois a pris foin de
luy faire.
Des charmes de l'Hymen il est tout pof
fedé ,
**
Et rien ne pouvoit tant luy plaire
Que le fang qu'il unit à celuy de Condé,
Pour foûtenir cette augufte Alliance
Que n'en doit-on point efperer ?
Nnij
428 MERCURE
Tremblez , fiers Ennemis , fi pour trou
Bbler la France
Contre-elle vous ofeż jamais vous dé.
clarer.
Il a de tous coftez , s'il court à la Vic
toire,
4
Des exemples brillans de valeur & de
gloire ,
Qui marqueront fa route & conduiront
fes
pas .
Avec un tel fecours , quoy qu'il veuille
entreprendre ,
Pour vous obliger de vous rendre ,
Les plus fameux fuccés ne luy manqueront
pas.
Comme ce Prince n'eftoit marié
que depuis quinze jours , je
crois pouvoir ajoûter icy les
Vers que je fis pourfon augufte
Epoufe qui eftoit du même Caroufel.
NGALANY 429
Quoy? de l'Hymen fubir les Loix ,
Et prefqu'en même temps entrer dans
3 la carriere?
En quinze jours eftre femme & Guerriere
?
C'eft trop entreprendre à la fois.
Par là vous nous pourriez empefcher de
connoître
Que vous ne faites que de naître ;
Mais on n'a qu'à compter vos ans ,
La memoire en cela n'a rien qui la confonde
,
Vos premiers jours nous font encor
prefens ,
On fçait quand vous vintes au monde
.
Déja pourtant bien des fois j'ay vanté
Mille graces en vous noblement afforties
;
J'ay fait voir vôtre efprit plein de vivacité
Dans vos brillantes reparties.
Plufieurs langues que vous parlez
Les talens où vous excellez ,
430 MERCURE
La Danfe où vous feriez leçon au plus
grand Maître ,
Eft-ce que tout cela s'apprend dans le
Berceau ,
Ou que par un prodige auffi grand que
nouveau ,
On l'apporte en naiffant ? Cela pourroit
bien eftre.
On tient beaucoup du fang , nous en
voyons l'effet.
Celuy dont vous fortez avec tant d'avantage
,
N'a pû, comme il est tout parfait,
Produire qu'un parfait ouvrage.
Le Chef- d'oeuvre qu'en vous il nous
fait admirer
Suffit pour nous en affurer ;
C'eft des plus riches dons le pompeux
affemblage ,
Et peut-eftre jamais dans fes plus grands
efforts
La Nature n'avoit pour un fameux ouvrage
W
GALANT 433
Avec moins de referve épuifé fes trefors.
Quoy qu'on n'ait dans l'efprit ni brillant
ni fineffe ,
Il eft naturel de fçavoir
" Ce qu'on prend foin d'apprendre à là
jeuneffe ;
Ce font teintures qu'on nous laiffe ,
Et dont avec le temps les effets fe font
voir ;
Mais l'éducation de tout point confommée
Jointe au bonheur du Sang dont vous
êtes formée
Pour vous mener plus loin eut des droits
fuffifans ,
Par vous-mefme en clartez vous fuftes
abondante ,
Et n'aviez pas encore dix ans
Que vostre efprit en avoit trente.
De vos rares talens on connoiffoit le
prix ;
Vous aviez déja fait paroître
432 M¶RCURE
Qu'un merveilleux genie eftoit l'uni
que Maître
Qui vous en avoit tant appris.
Mais on ne fçavoit pas qu'au meſtier
de Bellone
Vous fuffiez à cheval une vraye Amazone
,
Sur voftre air tout guerrier chacun
vous applaudit,
Ces graces vous font fingulieres ,
Quand plufieurs , d'Amazone ont feulement
l'habit
Vous en avez le coeur & les manieres:
La beauté du caractere de la
Princeffe que j'ay peinte dans
ces Vers , a toûjours efté en
augmentant depuis que je les
ay faits , & elle eft devenue l'une
des plus fpirituelles , & des
plus genercules perfonnes de la
Cour.
Je
GALANT
433
-oję zdois
prefentement felon
Kordre de la naiffance des Enfans
de feu Monfieur le Prince ,
vous parler de Madame la Du
cheffe du Maine . Mais la beauté
de fon genie, fon amour pour
les hautes Sciences , & pour les
belles Lettres ; fon efprit uni
yerfel, & les manieres obligean
Les &
genereuſes avec leiquelles
elles reçoit toutes les
fonnes de
diftinction qui la
pervont
voir dans fa belle Maifon
de Seaux , m'ont engagé fi fouvent
de parler d'elle & des magnifiques
& galantes Feftes qu'
elle
aufouvent données dans
cette delicieufe Maiton , que je
ne vous en diray rien davan.
tage aujourd'huy.
Mademoiſelle d'Enguien . eft
9
Avril 1709. gul
•
Оо
434 MERCURE
univerfellement
aimée & fefpectée
; on ne peut affez la louer
fur toutes les bonnes qualitez
,
& particulierement
fur la bonté
& fur fa charité pour les pauvres
& les malheureux.ov
17
Je devois vous parler dans
cette Lettre de tout ce qui a
regardé le Ceremonial depuis
la mort de feu Monfieur le Prince,
jufqu'au jour que fon Coeur
a efté porté au grand Convent
des Jefuites , & fon Corps à Valery
, & vous faire part de ces
deux articles le mois prochain;
mais je me trouve obligé de remettre
le tout au melme mois,
ayant trop de chofes à vous dire
pour vous en rendre un compte
exact , & ma Lettre n'eftant
déja que trop remplie.
TALANTA 435
-
༦ ཎྜ
Le Roy d'Espagne avant ju
gé à propos de faire fortir d'Ef
pagne le Nonce du Pape , a
choifi la maniere la plus honorable
de le renvoyer , ce qui
fait voir les égards de Sa Majesté
Catholique pour Sa Sainteté
& pour fon Miniftre . II
eft party dans les Caroffes de
ce Monarque , accompagné
de Dom Gaspard Giron , Ma-
3jor- Dome de la Maifon de Sa
Majefté Catholique , fervy par
fes Officiers , & défrayé jufqu'à
la frontiere de France .
4
Le mot de l'Enigme du mois
paffé eftoit la Lanterne. Ceux
qui l'ont trouvé font Mrs Gaignat
le jeune , de Bonnefons ;
de Pennavaly ; de la Croiziere ,
Turpin ; l'Amy de Pafcalet ; le
O o ij
436 MERCURE
Nouveau Marié , de la ruë Michel
le Comte , le Solitaire du
Marais , & le Solitaire de la
ruë aux Féves . Mlles de la
Croix , de la rue S. Denis , de
Bretonnerie , du Marais ; la
Charmante Eulalie du Fauxbourg
S. Germain , la plus jeune
des belles Dames de la ruë
des Bernardins ; les trois aimables
Coufines la Bergere Climene;
l'incomparable naiffante
Beautés & la toute fpirituelle
d'Amouville.
Je vous envoye une Enigme
nouvelle , elle eſt de Mr Ztedroc
.
GALANY
437
-M 501, 49
1
ub oris
ENIGME.
M
Je ne dois rien à la nature ,
L'Art à
déterminé ma forme & ma
£ ii
figure.
-YAvec moins d'efprit que de corps
Je fais plaifir au Peuple & rens
fervice aux Sages 3
Comme Janus jay deux Vifa
ges
2090
L'air eft mon Element & je couche
19
debors :
Quelquefois au Village & toûjours
à la Ville
Nuit & jour , en toute faifon
Je ne quitte point la Maifon
Oùj'ayfixé mon domicile.
Bien que difficile à toucher
J'aydes amis par tout , en Province,
à la Guerre ;
O o iij
438 MERCURE
KopEt des quatrecoins de la terre 33
Aufeul bruit de mon nom, l'on m'’efi
venu chercher.
4
26 AIR NOUVEAU.
-Petits Oyfeanx , que mon fort feroit
doux ,
Si je pouvois ainfi que vous ,
Avecque le Printems , voir finir
mes allarmes ami za up
Mais last rien nefçauroit éteindre
mon ardeur
Tircis a toujours trop de charmes
Pourne pas regner dans mon coeur.
La gelée qui a regnépen.
dant l'Hyver dernier dans toute
l'Europe , a tellement endommagé
les biens de la terre ,
& reculé le temps de la Recol84-
39
$
qui
blie
de
roid
plus
u'en
Re-
Faffe
a inable
t qui
SAIIs
ne
teft
Voir
oviarrir
ficiles à faire en Allem
Re
438
M
t
-Pel
Ma
7
Po
1
da
te 16
le temps
de la RecolGALANT
439
te , que toutes les Puiffances qui
font en guerre, fe trouvent obligées
de reculer l'ouverture de
Ja Campagne ; mais le froid
eftant toûjours beaucoup plus
violent en Allemagne qu'en
France , à caufedu climat , la Recolte,
fuppofé que l'on y en faffe
dans quelques lieux , y fera infiniment
moins confiderable
qu'en France; & c'eſt un fait qui
paffe pour conftant entre lesAlliez,
que quand les hommes ne
leur manqueroient pas , il eſt
impoffible qu'ils puiffent avoir
cette Campagne affez de provi-
-fons en Flandre pour y nourrir
Luneraffez groffe Armée .
ا ن
th
A l'égard des hommes, les Rescruës
feront infiniment plus difficiles
à faire en Allemagne , où
440 MAROUR
E
les hommes commencenraman
quers en ayant fourny depuls
1672. pour un grand nombre
d'Armées differentes, & ce qui
rendra encore les Recruës diffi.
ciles , auffi -bien que la Remonte
des Cavaliers , eft qu'aprés
la fin de la Campagne derniere,
-prefque toutes les Troupes
d'Allemagne furent furprifes ,
en s'en retournant , d'une ore.
prife de gelée que l'on n'attens
doit pas , & qui fit mourir une
grande partie des hommes , &
preſque tous les chevaux. Joignez
à cela , que pendant la
Campagne derniere ,descAllen
mands & les Anglois ont perdu
quatre fois plus d'hommes que
les François , & que depuis
quelque temps les hommes font
IGALANT 441
t
extrêmement rares en Angle
terre , où ilne s'en trouve prefqué
plus . Vous ne devez pas
m'en croire ; mais les faits conftans
que j'ay à vous raporter ,
& dont on ne peut douter , puif
qu'il s'agit de faits publics , &
agitez dans le Parlement d'Angleterre.
De quinze ou feize
mille hommes qu'on y devoit
lever pour remplacer les Anglois
qui ont pery dans la der
niere Campagne , on n'a encore
pû en lever fept ou huit cens ,
nonobftant une fomme confiderable
, que par ordre du Parlement
on devoit mettre dans la
main de tous ceux qui s'enrol
leroient volontairement . Cette
promeffe n'a rien produit , &
les Soldats que l'on a voulu en
442 MERCURE
:
roller de force fe font mutinez,
& l'on n'en peut douter , puif
que toutes les nouvelles publi
ques font pleines de Bils paffez
dans le Parlement pour punir
la mutinerie des Soldats.
Il n'en eft pas de même en
France , où l'on eft feur de lever
autant d'hommes que l'on
voudra , en leur payant feulement
& régulierement, les fommes
que l'on a coutume de leur
donner. C'eſt ce que les Alliez
fe perfuadent qui n'arivera pas;
mais ils fe trompent , puis qu'il
fuffit qu'elles le foient lorfque
le temps d'en avoir befoin aprochera.
On peut conclure de toutes
ces chofes que la France eft
dans une fituation beaucoup
-
GALNT: 443
1
meilleure que ne font les Alliez
quiccroyent
avec
des
manieres
fanfaronnes
,
éblouir
les
peuples
.
Je ne vous parle point d'une
affaire qui eft agitée depuis
affez long- temps , & dont on
s'entretient depuis quelques
niois , comme fi l'on avoit une
parfaite connoiffance de tout fe
qui fe paffe à cet égard , & dont
chacun ne ceffe point de rai,
fonner , fans avoir aucune cercitude
de ce qu'il avance. Mais
p'attendez rien de moy la - def
fus , & tant que le Roy , & Mef.
fieurs les Miniftres n'en parleront
point,je garderay toûjours
le filence.
Ma Lettre n'ayant jamais eſté
Gremplie que ce mois cy , à
444 MARCURE
caufe des grands Difcours prononcez
dans les Academies &
aux Mercuriales faites dans l'à
Grand'Chambre du Parlement,
& de plufieurs Relations d'éve
nemens hiſtoriques , qui joints
à une infinité de nouvelles coul
rantes , ainsi que de morts &
de mariages , je fuis obligé de
remeure au mois prochain un
grand nombre d'Articles qui
auroient dû avoir place dans
ma Lettre de ce mois..mov
2. Cependant comme on ne
peut trop toft rendre juſtice à
tous ceux qui ont fujet de fe
plaindre , & qu'on n'ajoute for
à mes Lettres dans le monde
que parce que je repare les faul
tes que l'on m'a fait faire en me
trompant , je fuis obligé de vous
j dire
GALANT
445
"
›
dire que dans ma Lettre du mois
de Fevrier en parlant de la
mort de M la Marquile Douairiere
de Caftries , jay dit que
Mr l'Abbé de S. Blancart
Grand Theologien , & recommandable
, par la droiture de fon
ame & par fa profonde érudition
eftoir fils naturel d'un
frere de feu Mr le
Marquis de
Castries , ce qui n'eft abfolument
pas . Celny dont on avoulo
le faire fils naturel avoit
époufé la foeur de cet Abbé , ce
qui eft un fair connu & inconteftable.
Ce mariage fut , fait à
a
S. Sulpice ; elle fe nommoit Catherine
de Casteras de S. Blancart
. Ileft venu de ce mariage
un fils unique , qui a efté Chevalier
de Malthe. Il paffa en
Avril 1709
. PP
446 MERCURE
Irlande en qualité de Maréchal
de Camp , avec feu Mr le Marquis
de S. Rath fon amy , & ils
y furent tuez tous deux à la bataille
qui fut donnée aprés le
Siege de Limeric. Je dois ajou
ter à tout ce que je viens de
vous dire
que feu Mr le
Comte
de Caftres d'a ecuu aucun fils naturel
, qui ait au moins efté connu
de perfonne. Je pourrois
vous dire icy , s'il me reftoit de
la place , beaucoup de chofes
de la Maifon de Blancart , teras de S.
des plus anciennes
& des plus illuftres du
Royaume. Cependant jene puis
m'empêcher de vous dire que
le Maréchal de Biron , dit le
Boiteux , qui fut tué au Siege
d'Epernay d'un coup de FauGALANT
447
conneau , avoit épousé l'unique
heritiere du Marquis de S. Blan
cart aîné de cette Mailon , fe
faifant honneur de s'appeller
du mefme nom , & de le faire
porter à fes enfans , puifque
Charles de Biron fon fils , fut
faic Grand Amiral de France
fous le nom de Saint Blancart ,
aprés la mort de Mr de la Valette
frère du Duc d'Epernon,
qui étoit pourvû de ceue importante
Charge & qui conferva
toujours ce nom jufqu'à ce qu'il
fuft fait Duc de Biron & Maréchal
de France . Je fuis , Madame
, vôtre, & c.
i
7213
A Paris ce 30. Avril 1709.
b
OD 191
APOSTILLELe
Chateau d'Alicante s'eft
122 ob quos in P pij
448 MERCURE
rendu . C'eft le Commandant
de la Flote Angloife , venue au
fecours de cette Place, qui a demandé
à capituler , voyant leffet
furprenant de la mine , dont
on a tant parlé. L'Officier qui
ena aporté la nouvelle au Roy,
a fait remarquer à Sa Majefté,
fur un Plan des lieux , que l'é
tat prefent du Roc dont la Mine
avoit fait fauter une partie
rendoit à l'avenir le Chareau
d'Alicante imprenable . La Ca
pitulation a efté honorable pour
les Affiegez parce qu'ils a
voient encore de l'eau & des
vivres avec des munitions de
guerre pour trois femaines,
** AVES. ojizvo
On vendra le Mercure de
May sale 4, de Juinxsquad A
TABLE BAD
leg
Prelude
the 37
Relude qui contient beaucoup de
chofes carienfes à l'occasion de
La derniere indifpofition du Roys
956
5 ག-, ༩ 、
Lestre qui doitfaireplaifir à ceux
qui fouhaitent de vivre langtemps
Cure aulifinguliere que furprenancites
& qui dais divertir le Lecteur
13
10 1970sd 11. 20
1
Premier Article des Merist 25
Sixième fuite de l'Ouvrage de Mr
deWoolhouse , 2003 42
Thefes foutenues fur des Matieres
» tres,importantes 30, E5 255-82 zo
Article où il eft traité à fond de la
5 bonté du The
IN2987
Oraifon Funebre faite par le Pere
en dela Ruës sklantcorn 96
Mr Charpentier eft reçu Confeiller
TABLE.T
au Parlementos moitibet
3 ཀྱ ། CIH3
Mariage , T 299.
Madrigal de Mr Moreau de Mau-
* four , brud & 200 4950715
Difcours prononcer à l'Academie
Royale des Medailles & Infcriptions
, & à celles des Sciences
具
Second Article touchant la mort de
Mr le Prefident de la Barde, 198
Charge de chambellan de S. A. R.
Monfieur le Duc d'Orleans , a.
chetée par Mr le Marquis de
Mafparault , als ni shingg
Gouvernement du Comte de Beau
lieu en Argonne , donné à My le
arComte de Rommecourt ,
Croix de S. Louis , donnée à My de
Barrelier, spell.25), sura201
199
200
Article qui regarde plufieurs Efpagnols
1969094 1/204
TABLE
Erudition touchant la nomination
des Princes fils ainez des Rois
• d'Espagne , qui font appellez
? Princes des Afturies , tousachant
le Serment de filelitè qui
2leur eft preftépar les Députez de
de tous les Etats d'Espagne , 108
Mercuriales faites au Parlement ,
Sc for Di
218
246
Second Article des Morts , 242
Benefices donnez par le Roy dans la
derniere Promotion ,
Fondation faite à Trevoux , par
Mrde Malezien
Relation originale des Poftes emsi
portezdans l'Ifle de Terre- neuve,
39269
271
288
Autre Article d'Espagne ,
Relation des Ceremonies obfervées
→ lorfque tous les Etats d'Eſpagne
pont prefté Sermeni de fidelité au
TABLE.
Prince des Afturies, idem.
Prifes faites par nos Armateurs ,
193
Mort de S. A. S. Monfieur le Prince
, avec un Abregé de fa Pie,
accompagné de plufieurs Articles
qui regardent Madame la Princeffe
, & tous les Princes & Princeffes
fes enfans , 297
Départ du Nonce du Papè de Maq
drid
Articles des Enigm
435
idem
Situation des affaires de l'Europe
parraport alaguerre
Articles remis
438
88
+99443
Juftice rendue a Myt Abbé de faint
Blancart
444
HIDAY
mebi
"
ཏྭཱ
ERL
248
Q
Avis pour placer les Figures.
2913
L'Air qui commence par ,
Mes feux , doit regarder la
page 118.4 .
Celuy qui commence par
Oifeaux , doit regarder
Petits
la page 438 ...
BIBLIOTHÈQUE
60
" Las Fends
2'
S
CHANTILLY
MERCURE
GALANT
DEDIE' A MONSEIGNEUK "
LE
DAUPHIN
AVRIL , 1709 .
A PARIS ,
Chez MICHEL BRUNET , grande Salle du
Palais , au Mercure Galant.
Con
Omme il eft impoffible dans la conjoncture
preſente de ne pas groffir
le Mercure, ce qui en augmente confiderablement
les frais , on ne peut fe difpenfer
d'en augmenter auffi le prix. Ainfi les
volumes qui feront reliez en veau ſe vendront
dorefnavant 38. fols. Quant
aux volumes qui feront reliez en parchemin
, on n'en payera que trente-cinq .
Les Relations fe vendront autant que
Ies Mercures.
Chez MICHEL BRUNET , grande
Salle du Palais , au Mercure
Galant.
M. DC CIX ,
Avec Privilege du Roy:
AULECTEUR.
ILy a lieu de croire qu'on
ne lit plus l'Avis qui a
efté mis depuis tant d'années
au commencement de chaque
Volume du Mercure , puif
que malgré les prieres réiterées
qu'on afaites d'écrire en
caracteres lifibles les Noms
propres quife trouvent dans
les
Memoires qu'on envoye
pour eftre employez , on néglige
de le faire , ce qui eft
caufe qu'il y en a quantité
AULECTEUR
.
de défigurez , étant impoffible
de deviner le nom d'une Terre
, ou d'une Famille , s'il
eft bien écrit. On prie de
nouveau ceux qui en envoyent
d'y prendre garde ,
s'ils veulent que les noms
propres foient corrects. On
$
a
avertit encore qu'on neprend
aucun argent pour ces Memoires,&
quel'on employera
tous les bons Ouvrages à leur
tour , pourvû qu'ils ne def
obligent perfonne , & que
ceux qui les envoyeront en
affranchiffent le port.
5
MERCYRE
GALANT
AVRIL,
1709.
V
OUS me demandez fi
la fanté du Roy eſt parfaitement
rétablie , d'une maniere
à faire croire que vos
allarmes & vos inquietudes
durent encore. Cependant
A iij
6 MERCURE
elles devroient eftre entierement
ceffeés , puifque je vous
ay déja mandé que les attaques
de collique que S. M. eut le
jour de Pâques & le lendemain
, ne venoient que des
fatigues qu'Elle effuye dans
les fonctions qu'elle eft obligée
de faire pendant prefque
quatre jours entiers de la femaine
Sainte. Et comme elle
>
remplit toutes les choſes aufquelles
fon devoir l'engage
ou que fa picté luy fait entreprendre
avec une exactitude
fur laquelle Elle ne ſe pardonne
rien , il eft plus furprenant
1
GALANT
7
que
de voir qu'Elle refiſte à toutes
les peines qu'Elle fe donne
de l'en voir quelques fois incommodée.
Cependant quoy
que fon indifpofition " fuft
tres - peu confiderable , à peine
auroit- on fçu que ce Prince
incommodé , fi aprés eut efté
avoir efté faigné , il ne fe fut
levé pour tenir Confeil ; &
comme il eft l'ame de ce Confeil
; qu'il y propoſe tout ;
qu'il fait attention à tout ;
qu'il v répond à tous fes
Miniftres , & qu'il donne des
raifons pour autorifer fes
decifions on ne doit pas
A iiij
8 MERCURE
s'étonner fi cette grande apli
cation & ce furcroift de fatigues,
auffi toft aprés en avoir
cfluyé tant d'autres luy
avoient fait fentir une feconde
atteinte de colique ; mais la
bonté de fon temperamment
fit auffi - toft évanouir le refte
de ce mal. En effet , ce Prince
n'eft point valetudinaire ; on
n'entend jamais dire qu'il ait
d'accés de fiévre , & il n'a efté
attaqué d'aucune maladie confiderable
depuis la grande maladie
qu'il eut à Calais , en 1658
& dont il fut gueri par le vin
emetique. Enfin il y a lieu d'efGALANT
9
perer qu'avec la bonté de fon
temperament
, les fages precautions
qu'il prend , & l'habileté
de Mr Fagon , il verra
plus de Generations qu'aucun
Souverain , & même qu'aucun
Particulier , n'en ont vû jufqu'à
prefent. Je ne dois pas
oublier de dire à l'occafion de
la derniere indifpofition de
ce Monarque , qu'elle a donné
lieu de faire remarquer le
grand attachement & le grand
amour que toute la Cour fit
paroître dans l'apprehenfion
qu'elle eut que le mal de S. M.
n'augmentaft . Ceux qui fe
10 MERCURE
trouverent à Versailles , &
qui étoient fur le point d'en
partir pour ſe rendre à Paris
y demeurerent , & ceux qui
étoient à Paris coururent à
Verſailles ; de maniere qu'en
de
peu temps
la
Cour
parut
fort nombreuſe. On ne doit
pas s'étonner de fon attachement
& de fon amour pour ce
Monarque , puifque tous les
Souverains enfemble qui ont
regné en France , n'ont jamais
donné tant de récompenfes
& tant de Penfions à ceux qui
en ont merité. Il n'a jamais
rien eu que pour donner ; il
1
GALANT 11
n'a jamais thefaurifé
, & l'on
peut dire que fon plus grand
plaifir eft de récompenſer
la
vertu , les fervices & le merite.
Ses largeffes
font fleurir les
beaux Arts dans fon Royaume
, aufli bien que les Sciences
& l'efprit , & cinq grandes Academies
, qui tiennent
tout de
fes liberalitez
, font des preuves
bien convaincantes
de tout
ce que je viens de dire ; & comme
j'enay ſouvent parlé amplement
, je dois finir cet Article
, que j'ay cru devoir feulement
rapporter
icy , pour
donner avec ce qui le precede ,
12 MERCURE
une idée generale de toutes les
bontez de S. M. envers tous
fes Sujets , felon la diftinction
qu'ils meritent , & les chofes
dont ils font profeffion .
La Lettre qui fuit eft remplie
de faits tres- curieux , &
qui feront beaucoup de plaifir
à ceux qui fouhaitent de vivre
long- temps .
4
GALANT 13
LETTRE
De M Begons , Docteur en
Medecine de la Faculté de
Montpellier , & qui exerce
la Medecine au Puy en Velay
; à M' l'Abbé Ferrus le
Cadet , du 28. Decembre
1708 .
Ayant obfervé , mon cher
Monfieur , dans la pratique de
la Medecine , qu'il arrive fouvent
à certains Vieillards , des
changemens heureux qui femblent
les faire rajeúnir , ainfi
que l'on remarque quelques -fois
14 MERCURE
la
voit
une espece de Printemps au milieu
de l'Hiver , lors que par
temperature de l'air l'on y
fleurir des arbres. Il m'eſt venu
enpenſée d'examiner fi la vieilleffe
, qui eft comme l'abregé de
toutes les maladies , pourroit
quelque façon eftre curable ou
(ce qui revient au mefme ) fi le
temperament d'un vieillard ne
pourroit point fe transformer
celuy d'un jeune homme , foit
par un effort de la feule nature
foit par le moyen de l'art. Ce fera
mon cher Abbé , le fujet d'une
curieufe Difertation que je vous
adrefferai bien-toft ; mais en atGALANT
IS
tendant , comme cette question
pourroitfurprendre les efpritspar
Ja nouveauté , je dois prevenir
ces inconveniens , &commencer
dans cette Lettre que je feray bien
aife que vous rendiez puplique,
à montrer que ceci n'eſt pas un
feu d'imagination , mais que
cette verité eft fondée fur plufieursObfervations
tres-réelles
toutes recentes. Je n'en raporteray
que quelques- unes dont les
fujets fontpleins de vie &feront
pourmoy des témoins irreprochables.
Fe me difpenferay de les
nommer pour certaines raisons
de bien-feance. Ils font tous dans
16 MERCURE
le Velay. Une Femme âgée
de 77 ans qui avoitperduprefque
toutes fes dents en a pouffe deux
bonnes molaires . Un homme de
Robbe de diftinction vient de fe
marier parprincipe de confcience,
( c'eft une verité eftabliepar decifion
de la Faculté de Medecine )
dansfafeptante cinquième année,
aprés avoir refté fort tranquile
dans le celibat plus de 2 5. ans qui
fe font écoulezfans orage & fans
trouble caufe parle vent des tentations
, depuis la mort de fa premiere
femme. Une autre femme
âgée de 80. ans afenti tout d'un
coup fa vûë fortifiée & a quitté
GALANT 2017
l'ufage des Lunettes : en un mot
Lesyeux fe font éclaircis , & les
humeurs répurées. Un Abbé de
la premiere qualité ayant fouffert
jufques à l'âge de 60 ans de
grandes indigeftions , digere
dans fa quatre- vingt- quatrième
année parfaitement bien , éprouque
fon eftomach fe fortifie
vant
en vieilliffant. Un Armurier de
Mont - Faucon à 8. lieuës du
Puy, ' à l'age de 96 ans a repris la
force de fes jambes qui s'estoient
affoiblies avec l'âge & vient àpié
de Mont- Faucon au Puy dans un
jour d'hyver tres rude & fort
pluvieux , & s'eftant remarié
Avril 1708 . B
18 MERCURE
<
dans fa quatre- vingt – fixiéme
année , il a eu de fort beaux enfans.
Mais ce qui m'a paru
plus étonnant , c'eſt d'avoir vú
Me la Marquife de S... V....
avoir repris fes regles dans fa
centiéme année après so ans de
fuppreffion , lefquelles regles luy
reviennent aujourd'huy qu'elle
court facent-quatrième année, de
dans la fleur de fa
même
Se
que
jeuneffe , & depuis ce retour elle
fe porte tres-bien ; le corps &
Tefprit faifant également bien
leurs fonctions. Sa Maiſon qui
eft une des principales du Velay
nefe conduit que par fes ordres .
1
1
GALANT 19
Elle mange indifferemment de
~tout ce qui paroift le plus difficile
à digerer , comme falade , lait ,
fruit crud, falé , patiſferie , &
cela fans incommodité & fans
que fon eftomach en souffre. Je
prétens , mon cher Abbé , dans la
Differtation que je vous promets,
vous faire voir que cette femme
ou telle autre à qui il arrivera de
fi heureux changemens peut devenir
feconde & propre aux
ufages du mariage. Vous n'en
dourerez pas lors queje vous auray
détaillé mes principes , vous
qui faites gloire de vous rendre
à la verité.
Bij
20 MERCURE
On nous fait efperer une
Traduction Latine de vostre façon
de l'Ouvrage que le Pere
Touzart vient de donner au Public
fur l'Hiftoire du Cardinal
Ximenes. Je répons par avance.
du fuccés de cet Ouvrage , connoiffant
comme je le fais la delicateffe
de voftreplume. Jefuis ,
& c.
Je crois que vous n'avez
jamais entendu parler d'aucun
fait plus extraordinaire ,
que celuy que vous trouverez
dans l'Article qui fuit.
On écrit de Leipfic , qu'il
s'eft fait depuis peu dans le
i
GALANT
21
Nord , une Cure finguliere
auprés de Stockolm . Un Muficien
, d'une grande habileté
dans fon Art , eftant tombé
dans une fiévre continue ,
acompagnée d'un délire violent
de cris , de larmes , de
terreurs , & d'une infomnie
continuelle , un fecret instinct
luy fit demander le 3º . jour
de fon délire , à entendre un
petit Concert dans ſa Chambre.
Le Medecin eut peine
à y confentir craignant que
les fons des Inftrumens n'augmentaffent
la frenefic .
Enfin les defirs du Malade
22 MERCURE
redoublant un Muficien
François qui fe trouva là , luy
chanta les Cantades de Mr
Bernier. Chofe furprenante ;
aux premiers accords que le
Malade entendit , fon vifage
prit un air ferein , ſes yeux
devinrent tranquiles , & fes
couvulfions cefferent entierement.
Enfin il verfa des larmes
de plaifir ; il eut même
tout d'un coup une fenfibilité
pour la Mufique qu'il n'avoit
jamais fentie, quoy qu'il s'attachaft
à cet Art , & il perdit
cette fenfibilité dés qu'il fut
guery. Il ne le fut pas par le
GALANT 23
premier Concert '; la fièvre ,
comme fufpendue , revint
dés que l'on cut fini de chanter
; mais on ne manqua pas
de continuer l'ufage d'un remede
dont le fuccés avoit
efté auffi heureux qu'imprevu
. La Mufique ne manqua
pas de produire le même effet
une 2. & 3. fois qu'elle avoit
fait la premiere , & elle fufpendoit
toujours tous les fâcheux
fymptômes de la Maladie
. Le Malade faifoit chanter
la nuit & même danſer ,
une vieille parente qui le veilloit
& qui ne pouvoit fe re24
MERCURE
foudre qu'avec peine , à un
exercice peu convenable à
fon âge , & à la difpofition
du malade , qu'elle croyoit
d'autant plus fâcheufe qu'elle
luy voyoit plus d'enjouement.
Une nuit qu'il avoit
une Garde auprés de luy qui
ne fçavoit qu'un méchant
Vaudeville , il l'obligea de le
chanter , & il fut foulagé
fur le champ. Enfin dix
jours de Mufique & de danfes
le mirent dans un eftat
parfait de guerifon fans aucun
autre fecours que celuy
d'une faignée au pied , qui
fut
GALANT
25
fut la feconde qu'on luy fit
pendant fa maladie , & qui
fut fuivie d'une grande évacuation
. Cette avanture furprenante
à efté écrite par plufieurs
perfonnes dignes de
foy , & plufieurs Phyficiens
font des reflexions fur co
fujet.
•
Aprés vous avoir rapporté
plufieurs faits extraordinaires
& la guerifon produite par
le pouvoir de la Mufique ,
je paffe à des Articles qui
regardent plufieurs perfonnes
que rien n'a pu garentir
de la mort , & je commence
Avril 1799
. C
26 MERCURE
par un Article que je vous
ay promis dans ma derniere
Lettre , dans lequel vous trouverrez
des choſes fi fingulieres
qu'elles n'ont peut eftre
jamais eu de femblables . Voila
beaucoup de fingularitez de
fuite .
ге
Dame Jeanne de Goury
veuve de Mr Claude de Luffon
, Chevalier , Seigneur de
Chennevieres en France , Confeiller
du Roy en fes Confeils
d'Etat , Privé & de fes Finances
& Ancien Auditeur en
fa Chambre des Comptes , eft
morte avec de tres grands fenGALANT
27
timens de pieté , âgée de 93 .
ans. Mr de Luffon étoit mort
dés l'an 1701. âgé de 8 3. ans.
Il y a lieu de croire que leurs
jours ont efté prolongez fur
la terre , en confideration
de
l'étroite union , dans laquelle
ils ont vêcu enſemble pendant
$ 6 . ans de Mariage.
Certe Dame eftoit fille de
Jacques de Goury , Seigneur
du Mazurier & de la Cailleterie
, & Auditeur des Comptes ,
qu'elle a furvécu de 83. ans ,
n'étant âgée que de dix ans ,
lors qu'il mourut en 1626.
La Maifon de Goury , qui
Cij
28 MERCURE
蹶
vient originairement de Touraine
, eft noble & ancienne ,
puifque Jacques de Goury I.
du nom Ecuier , y poffédoit
dés l'an 1499. la Terre de
Chaiz qu'il avoit achetée de
Thomas le Brun , Brigandinier
du Roy. Je ne puis vous expliquer
les fonctions de cette
Charge ; mais elle fe trouve
dans les Titres de cette Maifon
; on voit en plufieurs endroits
de la Chapelle où les
Seigneurs de Chaiz font enterrez
, les Armes de Goury ,
qui font d'Azur à trois bandes
d'or . Me de Luffon à laiffe
GALANT 29
un fils unique feul heriter ,
nommé Pierre de Luffon Chevalier
Seigneur de Chennevieres
en France , de la Vallée
& de Belloy ; mais fi elle n'a
laiffé aprés fa morr qu'un feul
fils , du moins elle à cu la confolation
de voir pendant fa
vie cinquante tant de fes
neveux , que petits - neveux ,
dont ilfe trouve encore trentefix
de vivans . Elle avoit eu
trois freres & trois foeurs , l'aîné
avoit efté honoré par le
Roy de l'Intendance des Province
& Armées de Sa Majefté
en Catalogne ; le fecond de
24
30 MERCURE
*
I'Intendance de Juſtice , Police
, & Finances en Alface; &
le troifiéme eftoit Abbé de
Blazimon. Sa four aînée avoit
époufé Mr le Meunier de
Mauroy, Maître d'Hoftel de
Sa Majefté , & Treforier des
Ligues Suiffes ; la feconde
avoit époufé Mr Meraut
Auditeur des Comptes ; & la
troifiéme eftoit Religieufe à
Gomerfontaine. Me de Luf
fon eftoit niéce à la mode de
Bretagne de feuë Me la Chanceliere
le Tellier , & coufine
iffuë de germain de feu Mr le
Marquis de Louvois , Miniſtre
GALANT 31
& Secretaire d'Etat. La Maifon
de Goury eft alliée à plufieurs
Maifons confiderables ,
entre autres à celles de le Tellier
, Daumont , du Gué - de-
Coulanges , de Pontac , de
Bretonvilliers , de Bailleul , de
Lerebours , de Chamillart
de Leftrade , de Neubourg de
Sarcele , de Lecour , de Richelieu
, de Surville , de Guilleragues
, Dufay , de Larche , de
Marillac , de Novion , de Lamoignon
, de Néreſtan , de
Martin , de Verthamon , de
Jarzé , Defcars , de Chanevele
, & Debonaire .
C iiij
32 MERCURE
La Maifon de Luffon ,
n'eft pas moins ancienne &
moins confiderable que celle
de Goury. Elle eftoit fort
connue des le commencement
du 16. fiecle , & tous ceux
qui en font defcendus fe font
toujours diftinguez dans les
Charges & Emplois dont ils
ont efté honorez . Mr de Luf
fon eftoit fils de Renaut de
Luffon , Contrôleur General
de la Grande Chancellerie
Secretaire ordinaire de la
Chambre de Sa Majeſté , &
Tréforier General de la Marine
du Couchant , & de Da-
>
GALANT 33
me Anne ale Tonnelier de
Breteuil , tante de feu Mr de
Breteuil , Confeiller au Confeil
Royal & Contrôleur General
des Finances , d'où font
defcendus Mrs de Breteuil ,
d'à préfent . Cette Dame a efté
veuve pendant so. ans , & à
vû dans fes defcendans jufqu'à
la quatriéme Géneration . Le
Roy Henry IV. avoit beaucoup
d'eftime pour Renaut
de Luffon , & il l'employa
dans plufieurs Commiffions
honorables , entre autres dans
la Réforme Generale
Chancelleries de tous les Parledes
34 MERCURE
mens & Préfidiaux du Royaume
, où il fe commettoit plu
fieurs abus. Le Roy Louis
XIII. ne le confidéra , pas
moins , & l'employa dans plufieurs
affaires &
négotiations
fecretes ,
principalement lors
qu'il le nomma Comiffaire
General de fes Armées en Italie
& en Piémont , où il s'aquit
en peu de temps la bienveillance
du Coneftable de Lefdigueres
qui les commandoit ,
& où il eut l'avantage de réüf.
fir en beaucoup de chofes
qui furent agréables au Roy
& utiles à l'Etat , auquel il eût
GALANT 35
encore rendu de plus grands
fervices , s'il n'eût cfté preve
nu par la mort , qui l'enleva
avant l'âge de 40. ans l'an
1618. Il y a prefentement 81 .
ans. Claude de Luffon fon fils
avoit un frere & trois foeurs.
Son frere eftoit Prieur Commendataire
de Saint Benoift ,
en Talmondois , Ancien Con .
feiller au Chaftelet & Sous-
Doyen de la Compagnie
& enfuite Prefident , & Lieutenant
General de Senlis . Sa
foeur aînée avoit épousé Mr
de Bernage , Sieur de Bourbiffon
, frere de feu Mr de Ber36
MERCURE
nage , Evêque de Graffe ; &
les deux autres ont efté Religieufes
dans l'Abbaye Royale
de Poiffy. Il eftoit neveu à la
mode de Bretagne de Guillau
me de Luffon , Confeiller
d'Etat , Premier Prefident de
la Cour des
Monnoyes
, &
Seigneur de Chennevieres . Il
faifoit profeffion des belles
Lettres , & il avoit un agréa
ble
commerce avec tous les
Sçavans , & tous les Curieux ,
de fon temps. Mr de Luffon ,
a vû
pendant fa vie
quarante
tant de fes neveux que petits.
neveux , dont trente - quatre
GALANT 37
font encore vivans ; de maniere
que le mary , & la femme
, ont eu quatre - vingt - dix
neveux ou petits neveux . La
Maifon de Luffon , cft alliée
à plufieurs Maiſons confidérables
, & entr'autres à celles
de Breteuil , de Noailles , de
Harlay , de le Charon , Daubrai
, de Bailli de Sanguin
de Fraguier , de Coufinet
de Charpentier , de Portail , de
Par is , de Boiffi , de Salo ,de
le Viole , de le Picart , de Pinon
, de Here , de Brigalier ,
de le Boffu , de Valiere , de
Belin , de la Fons , de Chevri
•
38 MERCURE
des Bordes , de la Marck Ef- ,
chalart , & de Wignacour.
Le Pere Herault , Jefuite ,
eft mort dans la Maiſon Profeffe
, âgé de 92. ans . Il paffoit
pour un faint homme , & il a
donné des marques bien édi
fiantes de fa foumiffion aux
ordres de Dieu dans les derniers
momens de fa vie . Sa
mort a édifié toute la Communauté
, à laquelle il a laiſſé
de cuifans regrets de fa perte.
Il avoit Profeffé avec fuccés
dans plufieurs Colleges de fa
Compagnie , & il avoit trouvé
le temps , malgré des exerci
GALANT 39
ces fi laborieux , de s'appliquer
à la Predication , & de cultiver
le talent qu'il avoit pour la
Chaire. Il fçavoit parfaitement
l'Ecriture , & il en avoit fait
fa principale étude dés les premieres
années de fa vie. Il y
avoit peu d'Interpretes fur ce
divin Livre qu'il n'eut lûs exac
tement , & fouvent plus d'une
fois.Il excelloit principalement
dans l'explication des fens mo
raux & allegoriques . Ce Pere
a confervé juſqu'au dernier
foupir une grande prefence
d'efprit , & fa raifon n'a pas
paru affoiblie un feul inſtant.
40 MERCURE
Sa mort a cfté picufe & touchante
, & les fentimens de religion
dont il paroiffoit penetré
pendant favic , ont édifié
tous ceux qui l'ont vû mourir.
Il avoit eu autrefois la conduite
de la confcience de plufieurs
perfonnes de diftinction , & il
avoit efté à l'égard de plufieurs
pécheurs l'inftrument falutaire
dont Dieu s'eftoit fervi pour
les rappeller à luy.
Le Pere d'Ozenne de la même
Compagnie , cft auffi mort
dans la Maifon Profeffe. Il
eftoit des plus attachez à la
Regle de la Compagnie. I
GALANT 41
y eftoit entré fort jeune,& il y
avoit d'abord rempli avec fuccés
les premiers emplois. Il
avoit Profeffé la Rhetorique
avec éclat, & l'exercice des Humanitez
ne l'avoit pas empêché
de s'attacher à la conduite
des ames. Perfonne ne connoiffoit
mieux que luy les
voyes interieures , & il s'eftoit
toujours fait une étude particuliere
de connoiftre le fond
des coeurs , perfuadé que fans
cette connoiſſance , on ne pou
voit faire aucun progrés dans
l'inftruction & dans la fanctification
du prochain . Ce Pere
Avril 1709
. D
42 MERCURE
eftoit un grand Theologien ,
& il avoit donné une application
particuliere à la partie de
la Theologie qui regarde la
conduite des moeurs ; il développoit
fur le champ toutes les
dificultez delaMorale avec une
facilité merveilleufe . Le Pere
d'Ozenne eftoit allié aux meilleures
maifons de Normandie,
dont la fienne eftoit originaire.
Il est mort âgé d'environ
80. ans.
Sixième fuite de l'Ouvrage
de Mr de Woolhoufe.
GALANT 43
Mais venons enfin aux diffi
dultez & embaras infurmontables
que Mr A. s'eftformé mal
à-propos , en faisant une feule
membrane de la tunique vitrée
& de l'aranée ,fuivant l'erreur
de plufieurs anciens Anatomiftes
.
25
د ز
ر د
Voicy comment noftre Autheur
s'énonce
à cet égard pag. 37 .
Le corps vitré eft recouvert
entierement d'une membrane ;
cette membrane à l'endroit
du cercle ciliaire , s'y trouve
„, attachée , à la retine par le
moyen des procez ou fibres ciliaires
, en ce même endroit elle
و د
Dij
44 MERCURE
femblefe divifer en deux mem
,, branes , dont l'unecontinue à
environner la partie anterieuré
du corps vitré ,fur laquelle eſt
enfoncé le cristallin,
د ر
و ر
ی و
در
و ر
و د
l'autre
» paffe par deffus le cristallin ,l'em
braffe entierement , & letient
fortementattaché au corps vitré
vidpagg 40. & 45.la membrane
du corps vitré qui fe di-
,, vife en 2. membranes & c. [
fans la reftriction precedente de
femble fe divifer ] quand
on fend cette membrane le
cristallins'en échape fans aucune
voilence.
ور
و د
و ر
دو
Or Mr A.pretend en pluſieurs
GALANT 45
+
در
une
endroits defon livre qué dans la
vraye cataracté
ferofité acide agitfur la membrance
qui recouvre le criſtal-
,, lin ( pagg. 127. 128. 129.
›› 13 3. &c. ) &la detruitle plus
fouvent & la confomme ,finon
entierement , du moins enfa plus
grande partie & pag. 130. il
dit la caracte eft meure
quand la membrane
و ر
و د
و ر
د ر
و ر
و ر
دو
qui couvre le cristallin eſt en
55partie ou entierement confommée ", &c.
Ainfi fi cette membrane ( que
Mr A. veut eftre une feule en
continuité) eft entierement detruite
46 MERCURE
&confommée , l'humeur vitrée
s'écouleroit & fe mefleroit avec
l'humeur aqueufe de l'oeil felon
les principes cy- deffus alleguez du
livre de Mr A. & quand cette
tunique ne feroitgâtée qu'en partie
, il faudroit abfolument que
l'autre partiefe corrompit(tres-peu
de temps aprés) par la même caufe,
& qu'elle communiquât la contagion
au corps vitré , cependant
on voit des Cataractes abbatuës
aprés 14. & 20. & même aprés
25. années de durée avec rétabliffement
de la vûë, ce quinefeferoit
pas fi l'humeur vitrée n'eftoit
pas dans fon entiere confiftence,&
GALANT 47
transparence.
De plus n'eft- il pas bien raifonnable
de demander fi felon la
fuppofition d'une feule memla
brane reveftant les deux humeurs
vitrée & criſtalline)la cataracte
puiffe jamais avoir affez
de maturité poureftre abbatuë ,
fans laiffer aucuns filaments ny
parcelles de la membrane qui recouvre
le criſtallin, car on nesçauroit
fe perfuader que cette ferofité
acide de Mr A. fut douée de
raifon , & qu'elle pûtfirégulierement
faire la ronde , & ronger
( avec la derniere délicateſſe & jufteffe
) cette feule partie anterieure
48 MARCURE
re de la tunique ( qui eft inceffa
ment baignée & arrofée de l'humeur
aqueuse de l'oeil) deforte qu'il
n'y en reftepas la moindre aparence.
quoy qu'il enfoit nous abatons
tous les jours des cataractes où on
n'aperçoit pas la moindre particule
ny freluche ; tout y paroift clair
&net comme àl'oeilfain, d'où on
peut morallement conclure que
la Cataracte n'eftpas le Criſtallin
alteré, comme Mr A. le prétend
démontrer.
Encore quand il il n'y a qu'une
partie de cette membrane corom
puën'eft-il pas plus que poffible
qu'on entraîne avec elle ( en abbatant
GALANT 49
tant le Criſtallin ) toute la bour-
Le au moins ( pour ſe fervir des
propres termes de Mr A. pag. 57 )
qui enferme le Cristallin de deux
coftez par ce moyen de donner
iffuë à l'humeur vitrée ( privée
anterieurement de fon envelope
naturelle ) dans la Partie qui
Se pouffe en avant en eftendantfes
fibrespour remplir la capacité du
Criftallin deplacez felon lefifteme
de Mr A.
Et quand même la membrane
aranée feroit rongée par devant
trés reguliererement , &fubtilement
( au fouhait de Mr A. )
qui eft- ce qui oferoit rifquer de laif-
Avril 1709
. E
50 MERCURE
ferles Cataractesjufqu'à la parfaite
maturitéfelon la methode
de Mr A. & des autres Oculif
tes ordinaires, puifque l'acide qui
auroit rongé la partie anterieure
de cette bourse Cristaline , & qui
auroitalteré diminué leCriſtallin
même, pûtfort bien s'infinuer
&fe communiquer à la partiepofterieure
de cette bourfe membraneufe
, & l'infecter , de
forte que quoyque le Cristallinfut
bien abbatu , le malade ne feroit
pas plus avancé en fa guerifon
, cette membrane opaque
couvrant le nouveau Criſtallin
comme une taye ; ſi l'on vouloit
détacher cette taye , on ne
GALANT SI
1
pouroit éviter de picquer fouvent
& ainfi de detruire entierement le
vitré quieft ( ditMr A. pagg.43 .
35. , ) un compofé des membranes
de fibres tranſparentes
qui contient une humeur à peu
présfemblable àl'humeur aqueu-
Le. Mr A. à la pag. 230. tâche
fin ment à prévenir cette derniere
objection , & impute cet accident
commun comme propre & infeparable
de l'abces on ulceration du
Criſtallin à laquelle il dit
l'operation eft abfolument
inutile ,parce que la membrane
qui recouvre corps vitré contracte
le même vice.
د ر
د و
"
ور
que
Ilimpute auffi cet accident aux
52 MERCURE
و د
"
glaucomes qu'il appelle cataractes
mixtes , pag. 234.
Mais ce qui refte , dit- il
„ aprés que cette cataracte eſt abbaiffée
, eft un nuage par delà
la pupille caufée par la membrane
qui recouvroit le Criftal-
», lin qui n'eftant pas dechiré reſte
appliqué fur la boffe du corps
vitré en maniere d'un cannepin
blancheâtre & extreme,.
,, ment delié, &c.
و د
و د
د ر
و ر
39
و ر
à la
a
Mr A continue cetteperiode
pag. 235. & s'efforce là à
tordre à fon Sisteme l'accident
qui arrive quand la partie laplus
groffiere laplus pefante de la
GAL,
INTRA53
లో
cataracte tombe en bas ( aprés
qu'elle eft detachée d'avec l'uvée ) ,
laiffe nageant dans l'humeur
aqueufe de l'oeil , tantoft une concretion
tres- mince , en forme de
pellicule , tantoft une matiere
blancheaftre coagulée au travers
defquels l'éguille auroit fait
breche paffage en operant.
Pour mieux s'affurer ( dit
Mr A.) que ce nuage n'eftproqueparla
membrane qui
recouvroit le Cristallin , on
doit regarder l'oeil avec de bonnes
lunettes ou avec une loupe
de verre , & on connoistra que
ce n'est que cette membrane ,
و د
و د
و ر
duit
و ر
و د
te
د ر
54 MERCURE
و د
د و
د ر
فر
و ر
و ر
ود
د و
que
on verra même la déchirure ou
,, fente par laquelle le Criſtallin
s'eft échapé, qui eft en longue ou
d'une autre figure ; & comme
dans l'endroit de cette fente la
prunellefe trouve noire,au lieu
dans les autres endroits que
cette membrane occupe, elle eft
, unpeu blancheaftre,&c.
Il eft àpropos de remarquer icy
que quoy que le pretexte de la dechirure
ou fente , ( dont Mr Ant.
fait mention , ) paroiffe d'abord
fort fpecieux à des gens peu ver-
Jez dans l'operation de la Catarate,
cependant quand on lit la
fuite du raifonnement , & qu'on
1
GALANT 55
y voit que Mr A. affeure tout
de bon que la Prunelle fe trouve
noire dans l'endroit de cette
fente , au lieu que dans les autres
endroits elle eft blancheaftre ,
Alors on apperçoit le Sophifme ;
& on connoift qu'il eft impoffible
que cettefente puiffe eftre dans la
Membrane Arachnoïde qui eft
bien avant dans l'oeilfur le creux
oufinus du vitré,ayant le noir tout
devant elle , & reftant toujours
fixe au même centre : mais la concretion
où fe trouve cette fente )
eft bien proche laprunelle même ,
flottant dans l'humeur aqueufe
& comme elle eft entourée de pa- :
E iiij
56 RCURE
rois noirs de l'uvée , & qu'elle
laiffe paffer les rayons de la lu
miereau travers de faditefiffure ;
elle fait ainfi paroiftre au delà ,
cette noirceur interne de la Chambre
optique de l'oeil , ce que la
pretenduë fente de la tunique
Cryſtalline ne sçauroit faire
voir , puis qu'elle n'a que
le vitré
par derrierre qui y borne la
veuë. Et quant aux endroits
qui paroiſſent blancheaftres, comment
veut Mr Ant. qu'ils paroiffent
autrement , puis que la
prunelley est voilée & couverte
par une membrane
opaque de ladite
couleur ?
GALANT 57
Enfin , felon le Syfteme pretendu
nouveau de Mrs A. & B. il
faut neceffairement que toutes les
parties du globe de l'oeil fubiffent
quelque alteration , quelque violence
& quelque derangement
des parties dans l'abbatement de
la Cataracte , fans pourtant
fouffrir aucune douleur , ni abolition
de la veuë. Et Aquapendans
luy-même , qui ( de tous les
Sçavans ) avoit laplus mauvaise
idée de l'operation de la Catarate
vid : Aquapendens , auvres
Chirurgiques liv. 2.cap. 1 6.
de la Suffufion ou Cataracte.
Aquapendens , dif-je , ne s'eſt
58 MERCURE
point figuré là dedans , la moitié
du ravage que Mrs Ant. & B.
pretendent réellement & effectivement
arriver , quoy que à la
bonne heure même pour ceux qui
fe la veulentlaifferfaire . Qu'auroit
dit ce bon Profeffeur de Padouë
, s'il avoit lu le fyfteme
eftrange de ces nouveaux Écrivains
? certainement il auroit demontré
bien autrement que je ne
fçaurois faire , qu'il eft abfolu-.
ment & infailliblement impoffi
ble de fauver la veuë par une telle
Operation , qu'on appelleroit
defolation & deftruction à bien
meilleur titre.
CALANT
59
la
Fobmets ( pour le prefent ) une
infinité d'autres remarques confiderables
que j'ay faites en lifant
le Livre de Mr A. qui entaffe
difficultéfur difficulté & mystere
fur myftere dans la chofe du monde
la plus fimple & la moins embarraffée.
Car fuppofe que
Cataracte foit le Cryſtallin alteré
, & devenu opaque , on n'a
que faire d'un galimatias de regles
, d'exceptions , & d'obſervations
, desfuites des Precedens
pour apprendre comment il la faut
abattre , puis que le Cryſtallin
defeché fort de fon châton au
moindre toucher de l'efguille : car
60
MERCURE
il n'eſtadherant à aucune partie ,
Selon les propres paroles de Mr
Ant. pag. 47. & ,, il fe precipite
en basparfon propre poids,
,, comme feroit une pierre. A ce
,, que Mr A. avonë auſſi, ibid.
pag. 47. Rien n'est plus jufte ni
plus
veritable que ce qu'a dit làdeffus
Gaffendi aux termes fuivans.
و ر
» Sed Ipfum effe Cryftallilinum
, qui temporis tractu
flaccefcat , & ab ipfis pro-
,, ceffibus ciliarib . fic fecerna-
„, tur, ut ficuti matura glans à
fuo calice fpontè dimovea-
,, tur , fic ipfe , nullo penè
و د
GALANT 61
,, negotio, emoveatur , de pri-
,, maturque in ipſum vitrei
humoris fundum .
و د
Ce que nos deux Meffieurs
ont tres - mal interpreté. Car par
lesparoles de vitreihumoris fundum
, le Philofophe entendoit
feulement au bas du vitré ( ou
de la prunelle ) & non pas au
fonds de l'humeur vitrée par
derriere & vis- à - vis de la
prunelle
, comme Mr B. l'a entendu ,
ny d'un enfoncement fait au
vitré , à cofté ( entre l'uvée &
cette humeur ) comme l'entend
Mr A. avec laceration féparation
du ligament ciliaire ,
62 MERCURE
de fes fibres.
Enfin , Mr A. auroit beaucoup
mieux fait de ſe tenir au
Philofophe en toutes autres choſes
auffi bien que dans le principal
point de fon hypothefe ; fa
fincerité auroit efté bien moins
fufpecte qu'elle n'est à prefent ;
puifqu'on voit clairement que l'apprehenfion
de paßerpour Plagiaire
l'a fait recourir à des détours
& aux fubterfuges fi extravagans
, que Mr B. luy - même ne
fçauroit luy pardonner ( tout intereffe
qu'il eft dans la difpute. )
Il me semble là - deffus que
Phraſcologie de Plaute ( in mila
GALANT 62
a
lite gloriofo : Act. 2. fect. 1. )
n'a jamais efté prononcée plus
propos qu'elle ne fera par la bouche
deMrA. en s'adressant à Mr
B. pendant que quelque bon Lecteur
eft embaraffe à lire leurs nouveaux
livres. Voicy verbatim
cette Phraſcologic.
Ei nos , factitiis fabricis ac
doctis dolis, glaucoma ob oculos
objiciemus.
On verra dans la fuitefi Mr
A. eft plus exact & plus heureux
dans les faits dans fes experiences
, qu'il n'a efté en ce que
nous venons d'exposer au Public.
Mais il faut premierement exa64
MERCURE
miner les raifons particulieres que
Mr B. a alleguées en faveur de
fon hypothefe prétendue nouvelle
: cela achevera la feconde
partie de noftre Difcours , felon
la tâche que je me fuis propofee.
au commencement.
APOSTILLE.
A la requifition de quelques
Sçavans de mes Amis , qui ( quoy
que tout-à -fait convaincus de la
fauffeté des fyftemes de Mrs A.
B. )font difpofez à croire qu'on
peut voir diftinctement fans l'humeur
crystalline , à cause d'un
GALANT 65
mal entendu d'une certaine experience
équivoque , faite ( ily
a environ un an ,) à l'endroit d'un
bon Preftre de Bretagne , dont on
prétend avoir tiré le cryſtallin de
l'oeil , c. ce que je rapporteray
plus amplement à la fin de la Reponſe
que je doisfaire auxOuvrages
de Mr Briffeau : à la requifition,
dis-je,de ces Mrs ( dont je fuis
bienaife de contenterla curiofité &
l'empreffement j'ajouteray icypar
avance un Corollaire auxprece
dentes Reflexions, pour expliquer
comment la vûë peut fe paffer
(peut- eftre) du cryftallin abbatu
fans préjudicier à l'hypotheſe ir-
Avril 1709 . F
66 MERCURE
refragable des Cataractes Galeniques
dont on a des exemples
bien averez
.
Si donc il arrive jamais qu'on ·
voye aprés le déplacement
du
cryſtallin , il faut que le devoir
du cryftallin foit rempli fans aucune
confufion ny dérangement
departies internes de l'oeil
& cela fe peut faire.
Quand le crystal:deffeché s'eft
prefque détaché & qu'il quitte de
foy -même le finus du vitré , &
qu'il s'avance dans l'humeur
aqueuſe juſtement où la veritable
cataracte íe forme : car alor
il fe peut faire que la prunelle
4
GALANT 67
retient quelque peu de reffort qui
fera augmenté par le frottement
accoutumé de l'oeil avec le pouce
(en examinant l'oeil, ) le cryftallin
eftant alors repouffé vers fon centre,
le mufcle de l'iris reprenant
fa liberté , de forte que l'Oculifte
foit trompé à l'afpect du
cryftallin en prenant fon orbite
pour une veritable cataracte.
Or on abbat ce cryftallin dans
l'endroit même où on couche
les cataractes flegmatiques fans
aucune ruption ny féparation
des fibres ny du ligament ciliaire,
fansfaire la moindre enfon
ceure , bréche ny entameure à
Fij
68 MERCURE
l'humeur vitrée , comme Mrs A.
& B.prétendent ( tres- mal à propos
) arriver , contre l'experience
journaliere qu'on a en pratiquant
Poperation de la cataracte
de l'abbaiffement des glaucomes
, pour la guerifon palliative.
En ces cas onpeut appercevoir.
affez fouvent les bords fuperieurs
defdites cataractes glaucomes
abbatus au bas de l'iris entre
l'uvée & le ligament ciliaire
qui refrenent & retiennent là
en bas ces cataractes glaucomes
embaraffez accollez entre
les deux parties qui abondentçà
GALANT 69
là , foit en fibres branchuës ,
mollecules gluantes , foit en
fibres attaches nerveufes ,
foit en venules & arterioles
circulairement difpofées , foit
en glandules & aqueducs delicats
qui entrelaffent , environnent
, arreftent & y tiennent ces
corps engagez en differens fens.
En ces cas l'humeur aqueufe
peut ( problablement ) faire les
fonctions du cryftallin dans l'inf
tant même du déplacement du
cryſtallin. Car l'humeur aqueu-
Le ( que les Anciens appelloient à
bon titre , albugineufe , parce
qu'elle reffemble à un blanc d'oeuf
70 MERCURE
frais ) n'eft pas dans l'animal viwant
& fain , ce qu'elle paroiſt
eftre dans l'animal malade ou
mort , & qu'on croit communement
aujourd'huy eftre comme une
eau claire & pure : mais l'humeur
aqueufe eft comme une liqueur
gommeufe vifqueu-
و ر
و ر
fc , ( vid. Hippocr. de Principiis
aut carnibus:)
Humidum vero oculi glutinofum
exiftit , & c. vid. le
Livre de Mr A. chap. 12- pages
48. 49. Si on recueille une
» quantité fuffifante d'humeur
,, aqueufe , & qu'on la faffe
évaporer à feu doux , il ref-
"
GALANT 71
و ر
tera une gelée , &c. )
Ce que j'ay reconnu fort fouvent
tant par l'ouverture desyeux
d'homme en vie ( neceſſaire en certaines
occafions ) que par l'operation
de la cataracte , où fortuitementplus
ou moins de l'humeur
aqueufe feroit fortie par le trou
qu'auroit fait la ponction de
l'éguille : Mais l'humeur vitrée
( toute figée & ramaffée dans
un corps qu'elle paroift ) n'eft pas
à beaucoup prés auffi épaiffe qu'est
veritablement
cette humeur albugineufe
ou aqueufe ( ce qui
eft évidentparfon analyfe même)
car quand on picque on bleffe le
72 MERCURE
vitré,pendant la vie de l'animal,
il en diftile une cau fort fluide
fort limpide. On doit donc
rectifier la méprife inveterée
l'erreur vulgaire , qui qualifie
l'humeur albugineufe
( aux
yeux d'animaux vivans , ) du.
nom d'humeur aqueuſe , ce que
l'on ne peut gueres dire qu'aprés
la mort de l'animal quand la
plus grande partie des fels
fouffres en est diffipée & éventée.
Cela nous conduira infenfiblement
à l'intelligence du Theoreme
qui propofe la récuperation
de la vuepar l'abbatement
des cryftallins opaques
.
On
GALANT 73
On ne sçauroit donc faire aucun
fondfur les experiences dont
Jean Riolan fait mention lib.
pag. 423. de fon anthropographie
, où il dit. 13
و د
و د
ر د
4 .
Denficas autem humorum
ad vifionem admodum ne-
,, ceflaria iis experimentis explo-
,, ratur , aqua in ampulam fphericam
inclufa , & merfa in
eandem fpecie aquam , rem
fundo vafis infidentem ampullæque
fubjectam non
,, amplificar , fed vel æqualem
vel potius minorem exhibet
idem pæltat humor aqueus
د ر
و د
و د
in oculo .
Avril 1709. G
74 MERCURE
Humor vitreus ampullæ
,,fphæricæinclufus , & in aquam
و د
""
totus immerfus,una cum ampullâ
æqualem videtur
rem fubjectam relinquere ,
faltem majorem oftendit
», quam eidem ampullæ indita
& immerfa , unde patet vitreum
humorem non nihil
denfiorem effe , &c .
و د
و د
"
La boffe du vitré que
Mrs A.
&
B. pretendent
( aprés
Galfendus
&
Plempius
) fucceder au
déplacement
du
Criſtallin
n'est
qu'une
chimere
à l'égard
des
yeux
d'une
perfonne
vivante
elle
eft même
purement
, acciGALANT
75
د و م
dentelle aux yeux que ces Mrs
auroient tourmentez à l'animal
pendant fa vie , & farfouillez
chifonnez par leur recherches
anatomiques aprés la mort
du même animal ( comme je demonſtreray
dansmes remarques ,fur
les experiences & obfervations
de Mrs A. B. ) car l'humeur
albugineuſe s'eſtant avancée ( à
l'inftant de l'operation ) dans le
creux du vitré y eftant preffée
ferrée par l'intruſion du Criftallin
en fa place
pas naturellement comprimér , &
Suffifament repeller l'humeur vitrée,
qui d'ailleurs eft retenuë en
, ne doit- elle
Gij
76 MERCURE
arriere tant parfa tunique propre
quepar la difpofition differente
en tout fens de fes fibres membrancufes
qui les traverſent en
Ainfi
fait une infinité d'alveoles & refervoirs
lymphatiques.
dans la place où eftoit le Criſtallin ,
il reste toujours une enfonceure ou
fubfidence creufe plûtôt qu'une
boffe ou élevation du vitré, &
tout au plus le vitré fe fait feulement
de niveau en fon milieu par
la fubfidence de fes environs :
de cette maniere la retine peut
garder fa fcituation ordinaire ,
en s'accomodant aux differents befoins
de la veue par la foupleſſe
GALANT 77
de fa tiffure nerveufe en allongeant
& racourciffant fes fibres
molaffes , plus ou moins felon la
distance & la groffeur des objets ;
& quand il s'agit de lire & d'écrire
, la loupe fe trouve fort neceffaire
pour fuppléer au deffaut de
la lentille criftalline , excepté aux
perfonnes qui ont la cornée extremement
voutée.
Comme ce Théoreme n'est
pas chargé de defauts inextricables
contenus dans les Syſtemes
des Mrs AB. & qu'il
convient parfaitement à l'uniformité
& à la fimplicité de la nature
, qu'il répond bien aux regles
G iij
78 MERCURE
de l'optique raisonnée , auxprincipes
de la bonne Phyfique Mechanique
, aux operations con-
•ftantes de la Chirurgie , au bon
fens à la verité. J'efpere
qu'elle donnera fatisfaction à ces
Meffieurs qui ontfouhaité de voir
de mafaçon une explication raifonnable
du Syfteme
Probleme , qui eft fur le tapis ,
de la reddition de la veuë par
l'abbattement du Cryſtallin , dont
je n'ay encore jamais vú un
feul exemple , Quoy quej'ay abbaiffe
moy- même une infinité de
glaucomes ( en veuë d'une guerifon
palliative ,) que j'en ay
du
GALANT 79
vúabbatrepar d'autres Oculiftes ;
qui les ons effectivement pris
pour de veritables Cataractes .
Si cette ébauche plaift à ceux qui
me l'ont demandé , j'en fuis bien
recompenfe ; car cela ne m'a coûté
que la peine de mettre par écrit
des penfees aifees & naturelles
quifeprefentent d'elles- mêmes à
un homme qui entend un peu le
fujet en question , & qui garde
en même temps une neutralité
parfaite , eftant entierement difpofe
à recevoir la verité à bras
ouverts quand elle s'offrira à fes
recherches.
Comme ily a des perfonnes de
G iiij
80 MERCURE
mes amis qui fouhaitent de voir
ouvrir un oeil à cataracte , on
s'engage à donner un Louis d'or
de recompenfe pour chaque oeil
à Cataracte qu'on nous apportera
, foit d'un homme , foit d'une
beſte. Je loge toujours au
Faubourg faint Germain , ruë
Saint Benoist à l'Hoftel Noftre-
Dame, prés les murs de l'Abbaye
de faint Germain des Prez
Il reste une feconde partie
de l'ouvrage de Mr de Woolhoufe
; mais comme il faudroit
qu'elle fuft encore partagée
dans fix ou fept de mes Lettres ;
GALANT 81
&
que
c'cft
que l'on fouhaite de voir un
Ouvrage de fuite , & comme
d'un coup d'oeil ,
une trop grande fujétion que
d'avoir une Table remplie de
mes Lettres qui font auffi grof.
fcs
que
des Volumes , pour en
chercher un morceau dans l'une
, & d'autres morceaux dans
les autres , Mr de Woolhouſe
a pris fagement le party , pour
fatisfaire à l'impatience du Public
, de faire imprimer la feconde
Partie de fon Ouvrage.
Je vous en parleray lorfqu'elle
fera imprimée.
82 MERCURE
Il y a quelque temps que
Mr Daniel Wieland , foutint à
Tubinge , une Theſe publique
qui luy fit beaucoup
d'honneur. Le fujet en eftoit
tiré de la 1 Epitre de Saint
Pierre ( Chap. 2. v . 9. ) & regardoit
la dignité des Chretiens
à quoy ces paroles de l'Apôtre
, vos autemgenus electum ,
regale facerdotium , gensfanéta ,
populi acquifitionis : ut virtutes
annuntietis ejus , qui de tenebris
vos vocavit inadmirabile lumen
fuum , ont raport . Mr Chrif
tophe Reuchlin , Profeffeur
en Theologie , Doyen de l'EGALANT
83
glife de Tubinge , Prefidoit
cette Thefe. Le nom de
Reuchlin eft fort celebre dans
la Literature , le Profeffeur de
Tubinge , qui le porte aujourd'huy
, fair beaucoup d'honneur
à fa Compagnie , il eſt
en réputation d'un des plus
Sçavans hommes de tout le
Nord.Il fçait à fond l'antiquité
& perfonne ne réüffit mieux
que luy à former de fçavans
Difciples . Mr Wieland eſt un
de ceux qui luy font le plus
d'honneur. Toutes les perfonnes
de qualité de la Ville y
affifterent , & même quelques
84 MERCURE
grands Seigneurs des Etats
hereditaires
de l'Empereur
.
>
Mr Frederic Stoer foutint
y a quelque temps , une Thefes
à Altdorf , contre l'excés
de la Boiffon , de frugalitare infumendo
potus , five de fobrietate.
Mr Magnus Daniel Omeïs
l'un des plus celebres Poëtes
Allemans de ce temps , y a préfidé
. On cite dans cette Thefe
un Diftique du celebre
Maurice Landgrave de Heffe ,
qui eft affez fingulier pour un
Prince Allemand.
Qui vult alterius cyathis haurire
falutem
GALANT 85
Tale lucrum refert , perdat ut
ipfefuum.
L'Auditoire fut tres- nombreux
à cette Theſe . Il eftoit
compofé de toute la Nobleſſe
Allemande du voifinage , que
la fingularité du fujet de la
Thefe , y avoit attirez. Ily eut
même plufieurs Princes qui fe
firent un plaifir de propofer
quelques difficultez au Soutenant
, qui y donna toujours
d'ingenieufes folutions . On y
cita fort lesPoëtes fomptueux
qui avoient favorifé l'excés
de la Boiffon , que ceux qui
s'eftoient élevez dans leurs
86 MERCURE
ouvrages contre l'intemperance.
Anacreon , Horace , Martial
, Ovide , furent des premiers
; on en cita même plufieurs
d'entre les Modernes ;
cette oppofition qu'on fir des
uns aux autres intereffa l'Af
femblée. Mr Stoer reçût de
grands applaudiffemens dans
cette occafion ; la fubtilité &
la folidité de fes réponſes fur
cette matiere luy firent beaucoup
d'honneur ; mais toutes
les fois que Mr Omeis parla ,
on admira dans tout ce qu'il
dit , une connoiffance parfaite
de l'Antiquité & une faine criGALANT
87
>
tique des Auteurs qui ont traité
de la matiere qui faifoit le
fujet de la Theſe . Les ouvrages
de Mr Omeis & fur tout fes
Poëfies , l'ont fait connoiftre
dans toute l'Europe. Il eftoit
fort lié avec feu Mr Racine
& il fe confultoient l'un &
l'autre fur tous leurs ouvrages.
Mr Waldschmid , Docteur
& Profeffeur en Medecine à
Marfpurg , vient de publier en
Allemagne un Livre latin qui
a pour titre Diverfes difputes de
Medecine , parmi lesquelles
j'ay choifi le fujet de cette
Article . Elle regarde une Boif88
MERCURE
fon dont on ufe fort à préfent;
je parle du Thé que cet Auteur
appelle une deffence contre
les ennemis de la fanté , & le
remede univerfel , qui a esté ſt
longtemps cherché. Il dit d'abord
qu'il raffermit les dents lors
qu'elles branlent , & qu'il les
blanchit lors qu'elles noirciffent
; ce qui prouve qu'il
eft l'ennemi de l'acide fcorbutique
, d'où derivent preſque
toutes les maladies , auffi continue
Mr Waldfchmid , dés
qu'il eft entré dans l'eſtomach ,
il en corrige fi bien l'acide
vifqueux , qu'il n'y à point
GALANY 89
>
de maladies chroniques qu'il
ne déracine. Le Thé procure
la coction des alimens ; il ouvre
les pores ; il excite l'appetit
; il perfectionne
le chyle ; il
ofte les naufées , & guerit toutes
les maladies caufées par la
repletion ; il adoucit l'acide
du Pancreas ; il diffipe les vents ,
il réfout les glaires , lâche le
ventre d'une maniere prefqu'-
imperceptible
, & donne dans
les coliques un prompt foulagement
; il procure l'entrée du
chyle dans les veines lactées ;
il en augmente la vertu balfamique
, & empêche qu'elle ne
Avril 1709. H
90 MERCURE
fe coagule , ce qui eſt tres -important
pour la fanté , par ce
que le fang ne circule plus
aifement qu'autant que le
chyle , dont il eft formé fe
conferve dans fa fluidité. Pour
verifier fi le Thé empêche le
chyle de fe cogauler , on a
qu'à voir, dit cet Auteur l'effet
qu'il produit fur le lait , il
l'empeche de fe cailler , malgré
tous les acides qu'on y peut
mêler. Le Thé guerit indubitablement
les obftructions des
Hipocondres , cette maladie
qui eft naiffante , il produit
de plus , les mêmes effets que
l'exercice du corps ; mais avec
GALANT 91
cette difference que le Thé ,
agit dans le corps fans caufer
aucune peine , & que l'exercice
abbat & fatigue. Le Thé fert
à diffiper des parties groffieres
que le fang laiffe dans les poulmons
en y paffant & qui les
embaraffent en nuifant à la refpiration.
Les Pthyfiques , s'ils
veulent eftre foulagez , doivent
boire le Thé avec le lait ,
pour adoucir plus furement ,
les âcretez de leur fang. Le
Thé foulage , dit encore l'Au- .
teur , toutes les maladies de
cerveau , comme les vertiges ,
l'epiléptic , l'apoplextie , &
Hij
92 MERCURE
les catharres . Le Thé fait
alors dans la tefte , dit- il ,
ce que fait le Soleil dans le
monde ; il diffipe les nuages ,
& donne à toutes les creatures
l'agilité & la vigueur ; il
ofte la pefanteur de l'efprit
[ ficet effet eftoit fur le débit
de cette plante, il feroit encore
bien plus confiderable : ] il
rend la memoire heureufe
en un mot il recüeille toutes
les facultez de l'ame. Auffi
les Chinois , qui vantent le
Thé & qui en font un fi grand
ufage , fe glorifient - ils d'eftre
les peuples du monde les plus
>
GALANT 93
ingenieux , & d'avoir deux
yeux pendant que les Européens
n'en ont qu'un & que les
autres nations n'en ont point
du tout . Le Thé fait uriner
& par là empêche l'yvreffe ;
il guerit ou foulage la goutte
parce qu'il repare les efprits
diffipez qui ont caufé la crudité
du fang , dont les ferofitez
par le défaut d'une coction
fuffifante fe font feparezdu refte
de la maffe , & fe font jettez
fur les acides , ce qui fait la
goutte, Le Thé , guerit encore
les fiévres , fur tout les
intermitentes , qui viennent
94 MERCURE
de l'obftruction du Pancreas ,
d'où les humeurs qui ont contracté
une acidité confiderable
regorgent dans les inteſtins ,
& de là s'infinuent dans le
fang par
Or le Thé , affure
cet Auteur
,
pris une heure
ou deux
avant
l'accès
de la fiévre
, leve
ces
obftructions
& corrige.ces
acides.
On doit
compter
fur cet
effet
du Thé par l'aveu
fincere
que Mr Waldfchmid
fait de
l'impuiffance
de fon herbe
à
l'égard
des fiévres
continuës
,
impuiffance
cependant
qu'on
pouvoir
détruire
par l'expeles
voyes du chyle.
GALANT 95
rience qu'on feroit de la vertu
diaphoretique de cette herbe.
On reproche au Thé de rendre
les femmes fteriles , cet
Auteur s'éleve avec force contre
l'injuſtice de ce reproche ,
& il appelle en témoignage les
femmes Chinoiſes qui en boivent
tous les jours , & qui font
pourtant fort fecondes , & il
s'éleve encore plus fortement
en cet endroit contre les Medecins
, qui ne font courir ces
bruits , felon luy que pour leur
intereft particulier , & non pour
celuy du genre humain.
On n'avoit pas encore vû
967 MERCURE
d'Apologie fidétaillée du The
& s'il eft vray que les effets de
cette boiffon foient fi merveilleux
, on ne doit plus douter
que cette Plante ne foit le dif
folvant univerfel.
Vous attendez , fans doute,"
que je vous parle de l'Oraifont
Funebre de feu Mr le Maréchal
Duc de Noailles , prononcée
dans l'Eglife des Feuillans ,
par le Pere de la Rue. Ce feroit
icy le lieu de donner à ce
Pere , les louanges qui luy font
dûes ; mais comme il eft audeffus
de tous les Eloges ; que
fa vive & brillante éloquence ,
&
GALANT 97
& la fainte onction de tous les
Difcours qu'il prononce , ne
font ignorées de perfonne , &
que ce Pere ne monte jamais
en Chaire , fans que la foule de
fes Auditeurs foit des plus
nombreuſes , je ne vous en
pourrois rien dire qui ne fuft
ge neralement connu . C'eſt
pourquoy je me contenteray
de vous rapporter icy deux endroits
de fa derniere Oraifon
Funebre ; c'eſt- à- dire , de celle
qu'il vient de prononcer pour
éternifer la memoire deffeu Mr
le Maréchal Duc de Noailles.
Voici le premier. Après avoir
Avril 1709.
I
98 MERCURE
donné beaucoup de louanges à
ce Maréchal à l'occafion de
plufieurs actions qu'il rapporte,
il continuë de la forte .
Quelles occafions n'eut - il pas
dans les Campagnesfuivantes , à
la Conquefte de la Franche- Comté
, à la réduction de la Lorraine ,
àla guerre contre la Hollande , où
tantoft en qualité d'Aide de Camp
de Sa Majefté ; tantoft dans les
fonctions de fa Charge , il fe trouvoit
fouvent feul des quatre Capitaines
à la garde du Conquerant.
Les trois autres occupez ailleurs
par le merite de leurs anciens fervices
avoient l'honneur des GouGALANT
99
&
les
vernemens, du Commandement
des Armées. Noailles , outre l'honneur
d'eftre toujours fous lesyeux
de fon maistre , avoit l'avantage
moyens de s'attacher
à fon
coeur , par fon courage & parfon
affiduité ; fur tout par la tendre
affection qui paroiffoit animer tous
fes fervices. Ilfembloit qu'il fut
deftiné à marcher toute sa vie devant
l'Oingt du Seigneur , honneur
que Dieu promit autrefois
pour récompenfe à un homme felon
fon coeur. Cet homme , difoit-
il , agira felon mon coeur ,
JUXTA COR MEUM FACIET
, & pour cela ,
il
mar-
I
ij
100 MERCURE
chera toûjours devant celuy qui
feraOingt enmon nom . ET AMBULAVIT
CORAM CHRISTO
MEO CUNCTIS DIEBUS.
ment à
Noailles y marcha , Mrs,&
la Providence qui nous combloit
alors de profperitez , conduifoit
heureusement fes pas lorsqu'au
Siege de Valenciennes , un coup
fatal ne manqua que d'un monous
enlever l'Oingt du
Seigneur , avec luy tout le bonheur
& toute lagloire de la France.
Ce Prince,qui par fa préfence
&parfon activitéfaifoit lafor
tune de fes Armées , eftoit lafelon
fa couftume , appliqué à remarquer
GALANT 101
les défenfes de la Place & à vifter
les travaux. Noailles , l'oeil tou
jours ouvert à la feureté de fon
maiftre , alarmé de le voir expofe
au feu du canon ennemi luy reprefenta
le peril , & dans le mouvement
que le Royfit pour l'écouter,
on vit le bouletfendre l'airprés de
fa tefte , & porter ailleurs la mort.
Vous nous le conferviez , Seigneur,&
qu'à jamais graces vous
en foient renduës ; mais nous ofons
vousprierde nous prolonger voftte
bienfait ; tandis que nous poffederons
ce Prince , qui vous eft fi
cher , objet de tant defaveurs
de mifericordes, les temps ont beau
I iij
102 MERCURE
changer , nous ne croirons point que
voftre coeur ait changé pour luy ni
pour nous , éprouvez nous s'il le
faut, enfufpendant le cours
cours de nos
victoires : ôtez nous en l'orgueuil
ce fera noftre falut , mais laiffez
nous en fa perfonne , un gage du
retour de vos anciennes bontez ,
&fipar nos pechez ce retour eft
plus lent que nous ne le fouhaitons
laiffez nous le temps d'aprendre de
luy, la foumiffion qui vous est dûë,
le filence que l'orgueil humain doit
garderfur vos decrets , & le fincere
repentir des pechez qui nous
ont attiré voftre colere.
GALANT 103
Voicy l'autre endroit que
j'ay cru devoir ajouter à celuy
que vous venez de lire.
Entre les avantages dela vie ce
luy deplaire aux Rois n'eft pas un
des moindres dons que Dieufaffe à
fes ferviteurs. Ce fut une des récompenfes
dont il luy plût de gratifier
la fidelité de Tobie. Il fe
fouvint de Dieu de tout fon
coeur , dit l'Ecriture , & pour
cela Dieu luy fit trouver grace
aux yeux du Roy ; Quo-
NIAM MEMOR FUIT DOMINI
IN TOTO CORDE SUO :
DEDIT ILLI DEUS GRATIAM
IN CONSPECTU REGIS .
I iiij
104 MERCURE
de
Si la vertu de Tobie , étranger
& captif, tel qu'il eftoit , eut le
bonheur de trouver grace auprés
Salmanafar , un Prince idolâtre
& crucl ; quelle impreffion
la pieté d'un fujer fidelle
du , n'a- telle pas dû faire fur un
Prince rempli de foy ; qui fe regarde
tellement comme Souve
rainfur fonPeuple,qu'il eft encore
convaincu , que tout eft Peuple
devant Dieu.
affi-
Ce fut cette conformité de
fentimens religieux entre le
Prince & le Sujet , quifit répandre
fur celuy - ci cette longue fuite
de bienfaits degraces d'honGALANT
105
neurs finguliers ; ces diftinctions
de confiance & de familiarités
ces expreffions même d'amitié &
de fenfibilité , dont le Roy vou
loit bien fe fervir dans les Lettres
dont il l'honoroit. Expreffions
qui n'échapent à la Majefté
des Souverains , que quand
leur coeur eft touché d'une veritable
eftime & d'une fincere affec
tion.
Cette affection avoit éclaté
dés la jeuneffe de Noailles au fameux
Siege de Maftrik. On attaquoit
un Ouvrage important ,
qui faifoit laforce de la Ville,
pincipale confiance de l'enne- la
106 MERCURE
en
my, Comme l'attaque fe faifoit
fous lesyeux du Roy , l'opiniâtreté
de l'action l'obligea d'envoyer
de nouveaux ordres. Il e
chargea Noailles. Ily courut.
Ilyfut fuivi defes deuxfreres.
A peine eftoient- ils arrivez , que
l'ouvrage ayant esté emporté l'épée
à lamain , tout ce qui s'y logea
fut d'abord emporté par
fourneaux , l'éclat du feu dans
l'horreur de la nuit , augmenta
l'horreur du spectacle . On ne
douta point que Noailles n'y eut
péry.SonPere alors à cofté duRoy
par le devoir de fa Charge , en
reffentit le coup au fond du coeur.
V K
des
GALANT 107
Mais , s'il eut la force defe tai-"
re , & defacrifier fa douleur au
respect de la Majefté , la Majefté
ne rougit point de laiffer re
marquer lafienne. Elle parut plus
tendre à la perte d'un tel fujet ,
que le pere à celle d'un telfils.
Il fut cependant protegé par
Providence. Mais l'avantage.
d'avoir connu l'affection de fon
Souverain luy fut un bien , plus
glorieux que la vie.
la
Toute la fuite de cette vie
fut ornée des mêmes faveurs .
Nen fut-ce pas un témoignage
bien public, que de confier les
Princes à fa conduite & à fes
108 MERCURE
foins , lors qu'ayant accompagné
Le Roy leur frere aux frontieres
de l'Espagne , ils allerent par
courir lesplus belles Provinces de
France. On fçavoit que mettant
le Maréchal auprés d'eux , c'étoit
y mettre la probité , l'honneur
, la magnificence , la liberalité,
lapiete qui font les Gardes
les plusfidelles
les plus feurs qui puiffent environner
les Princes. C'eftoit éloigner
d'autour d'eux l'arrogance ,
la dureté, la violence , la terteur,
tout cet appareil odieux, qui loin
de rehauffer l'éclat de la Majefté
, la degrade , la defigure,
les Guides
1
GALANT 109
luy dérobe les coeurs. Auffi
les coeurs voloient au devant
d'eux du fond des Provinces
, & leur portoient l'hom
mage de leur tendreſſe avec celuy
de leur refpect. Ils trouvoient
Noailles à cofté de leurs jeunes
Princes , qui leurfaifoit connoiftre
leprix des coeurs & de l'affection
des Peuples qui leur aprenoit
à diftinguer le merite ,
porteroù ilfaut leurs regards
leursfaveurs. Pouvoit-il mieux
répondre à la confiance de fon
Maistre & mieux fervir les
Princes fes Enfans , que de les
inftruire en l'art de regner en les
110 MERCUR E
accouftumant à fe faire aimer ?
Vous pouvez juger qu'un ou
vrage rempli d'une auffi grande
quantité d'auffibeaux Morceaux,
doit cftre unChef d'oeu-
Vrc.
M Philippe Antoine Charpentier
a efté receu Confeiller
au Parlement
. Il eft le quatriéme
de ce nom , qui de pere
en fils , qui a efté receu Confeiller
dans le même corps ; il
a plaidé dans la Grand' Chambre
plufieurs caufes de confequence
avec un aplaudiffement
univerfel, ce qui luy a fait meriter
d'eftre receu à l'âge de 23 .
ans. Mr le Premier Prefident
GALANT III
luy avoit donné en pleine Audiance
, aprés la derniere cauſe
qu'il avoit plaidée , les loüanges
que fon éloquence & fon
fçavoir méritoient.
re
Il eft fils de M Philipe
Charpentier Confeiller au Parlement
mort en 1694. dans le
temps que par fon habileté &
par fon application à remplir
les devoirs d'un parfait Magiſtrat,
il s'eftoit fait une tres grande
reputation ; & de Marie
Magdeleine Portail fon époufe
, fille de Mr Portail , Confeiller
en la Grand Chambre &
de N .... le Nain , Soeur de M
112 MERCURE
Jean le Nain , auffi Confeiller
de la Grand' Chambre, pere
de Mr le Nain , aujourd'huy
Premier Avocat General.
Philipe Charpentier eftoit
fils de M Thierry Charpentier
auffi Conſeiller de la Cour
mort en 1651. & de Marguerite
le Tonnellier Breteuil
morte au mois de Fevrier dernier.
Thierry Charpentier eſtoie
fils de Mr. Michel Charpentier
, qui eftoit Confeiller au
Parlement au commencement
du Siecle paffé , & qui aprés
la Conquefte de la Lorraine
GALANT 113
& de l'Alface,par le Roy Louis
XIII . avoit eſté nommé par Sa
Majefté Chef du Confeil Souverain
qui fut alors étably pour
ces deux Provinces & qui fubfifta
jufqu'à l'érection du Parlement
de Metz,dont ce Magiftrat
fit l'établiſſement, & dont
il fut nommé Prefident à Mortier;
fon nom eft encore en veneration
à Metz où l'on
?
voit fes Armes dans le Palais ,
dans la grande Place & en plufieurs
endroits de la Ville.
M N. Feydeau du Pleffis ,
Confeiller au Parlement a époufé
Damoiſelle N. de Mon-
Avril
1709 .
K
114 MERCURE
thelon ; ils font tous deux des
meilleures & des plus anciennes
Familles de la Robbe.
Mademoiſelle de Monthelon
eft fille de Mr de Monthelon ,
cy-devant Premier Prefident
du Parlement de Roüen ; on
fçait qu'il y a cû un celebre
Garde des Sceaux de ce nom
dans le feizéme Siècle .
Mr Feydeau du Pleffis eft fils
deN. Feydeau, Maiſtre des Requeftes
& Intendant à Pau ; &
de N. d'Ormeffon coufine germaine
deMonfieurd'Ormeffon
d'Amboille , pere de Madame
d'Agueffeau épouſe de
GALANT 115
Mr. le Procureur General. Ce
nouvel époux eft frero de
Mr Feydeau aujourd'huy Prefident
en la Quatrième des En
queftes il y a preſentement
dans le Parlement fix ou fept
Confeillers du même nom &
de la même famille tous freres.
ou coufins germains : certe Famille
eft alliée à un grand nom
bre de Familles confiderables
de la Robe & à plufieurs autres
des meilleurs maifons du
Royaume.sevedadanos d
Mr Moreau de Mautour a
fait les vers fuivants fur la naiffance
d'un fils qu'un Magiftrat
Kij
116 MERCURE
du premier rang a cu de fon
fecond mariage avec une perfonne
d'un nom trés diftingué
dans la Robe , de laquelle
il avoit déja eu deux filles .
Nos voeuxfont éxaucés , favorable
Lucine
Par tesfoins Vranie , enfin a mis
aujour,
Un ouvrage formé par l'Hymen
&l'Amour,
Cet enfant illuftré par fa double
origine,
Ce nouvel heritier d'un nom cher
à l'Etat,
Flate le doux eſpoird'unfameux
Magiftrat,
GALANT 117
Par la pofterité que le Ciel luy
deftine.
Ovous qui tenez dans vos mains
La vie & lefortdes humains ,
Confervez aux Epoux cet objet
de leurjoyes
ོ་
D'une tendre union le gage fi
charmant ;
Parques , filez pour luy des jours
d'or defoye
Filez des jours heureux , longtemps
& lentement.
Les paroles fuivantes ayant
cſté jugées dignes d'eſtre miſes
en chant , je vous les envoye.
118 MERCURE
AIR NOUVEAU.
Mesfeux qu'ont trop long- temps
renfermé la contrainte,
Veulent en vainparoistre au jour.
Auprésde ma Bergere animé par
l'amour,
Je fuis retenu par la crainte.
Un tendre aveu doit-il exciterfon
couroux?
Philis , jugez- en par vous même
Comme elle vous brillez des attrais
lesplus doux.
Sije difois que je vous aime ,
Vous en offenferiez vous ?
Vous fçavez que l'AcadeGALANT
119
mie Royale des Sciences , &
& celle des Infcriptions font
tous les ans deux ouvertures
publiques ; l'une fe fait aprés
le Dimanche de la Quafimodo,
& l'autre aprés la faint Martin
. Les jours des Affemblées
de l'Academie des Infcriptions
font pendant le cours de l'année
le Mardy & leVendredy ,
& ceux de l'Academie des
Sciences , le Mercredy & le Samedy
.
On doit
remarquer que fi
le premier jour d'aprés la faint
Martin fe trouve un Mardy ,
l'Academie des Infcriptions
120 MERCURE
fait fon ouverture la premiere ,
& que fi c'eſt un Mercredy ,
cette ouverture apartient à l'Academie
des Sciences . Quant
à la premiere ouverture de ces
Academies , qui fe fait aprés
le Dimanche de la Quafimodo,
comme le premier jour d'Af
femblée d'Academie fe trouve
toujours un Mardy , qui
eft l'un des jours aufquels
l'Academie des Medailles &
Inſcriptions s'affemble , c'eſt
toujours ce jour - là qu'elle
tient fa premiere Affemblée ,
publique d'aprés Paſques .
On doit auffi fçavoir que
fi
GALANT 121
fi
de
une
feance
à
l'autre
,
ileft
\
decedé quelque Academicien ,
le Secretaire de l'Academie
ouvre toujours l'Affemblée
par l'Eloge du défunt , & que
s'il eft mort plus d'un Academicien
pendant cet efpace de
temps , il lit les Eloges de
tous ceux qui font decedez. Je
dis , il lit , parce que felon les
regles des Academies on en
ufe de la forte.
Je dois ajouter icy un Article
qui pouroit fervir de
Prelude à tout ce que je raporteray
deux fois l'année de
ces deux Academies Royales ,
Avril 1709. L
122 MERCURE
& que je ne repeteray point
lors que je vous parleray à
l'avenir de ce qui fe fera paffé
aux deux Affemblées publiques
que tiennent chaque
années ces deux Academies.
Mr l'Abbé Bignon , qui prefide
dans l'une & dans l'autre ,
parle toujours à la fin de
chaque Difcours , ce que l'on
apelle dans ces Academies
refumer les Difcours. Ce que
dir ce fçavant Abbé , fait voir
quatre chofes dans le plus
haut degré , fçavoir , fa me.
moire , fon érudition , fon
eſprit , & ſa modeſtic .
CALANT
123
Sa memoire paroift en ce
qu'il raporte en abregé les
Difcours qui ont efté prononcez
, & ces abregez font
connoiftre qu'il doit les avoir
entiers dans fa memoire , &
qu'il pouroit même les raporter
entierement , fi cela ne demandoit
point trop de temps.
L'érudition de cet Abbé fe
manifeſte à mesure qu'il ou
vre la bouche , puis qu'il
fait connoiftre qu'il fçait à
fond les matieres dont on
vient de parler ; qu'il fçait où
on les a puifées , quoy que
la même matiere ait fouvent
Lij
124 MERCURE
efté tirée de differens Auteurs ;
qu'il en connoift le fort & le
foible ; de quelle utilité elle
peut eftre , & ce que l'on auroit
pû en retrancher ou y
ajouter.
Son efprit fe fait admirer
dans les louanges qu'il donne
à ceux qui ont compofé les
Difcours aufquels il répond ,
quoy que fouvent il faffe
connoiftre les chofes que l'on
pouroit reprendre dans ces
Difcours , & ce qu'on auroit
pû faire pour faire mieux ;
mais tout ce qu'il dit eſt tourné
fi fpirituellement , & paroist
GALANT 125
fi obligeant pour ceux à qui
il parle , que quoy qu'il puiffe
dire , on luy a toujours obligation
de tout ce qu'il dit ;
c'eft un talent qui luy eft particulier
, & qui fe trouve en
peu d'autres. Auffi eft il rare
de trouver un homme fi univerfel
& qui ait autant d'amour
& autant de gouft enfemble
pour les Sciences , &
pour les belles Lettres , qu'en
a cet Abbé.
Je paffe à ce qui regarde fa
modeltie. Il eſt à
remarquer
que tous ceux qui font de ces
Difcours Academiques , ne
Liij
126 MERCURE
manquent
jamais de fe faifir
des endroits
par lesquels
ils
luy peuvent donner de finceres
louanges , & qui ne paroiffent
ni forcées
ni fufpectes
. Cet
Abbé a un air merveilleux
pour y répondre en s'en défendant
; mais plus il trouve de
raifons pour s'en défendre
,
plus il fait briller fon Efprit ,
fa Sageffe & fa Modeſtie .
Suivant l'uſage ordinaire ,
Mr de Boze , Secretaire de l'Academie
des Medailles
& Infcriptions
, en fit l'ouverture
le Mardy d'aprés le Dimanche
de la Quafimodo
, par l'éGALANT
127
loge de Mr Vaillant , & par
celuy du Pere de la Chaife . Et
comme Mr Vaillant le pere
n'eftoit decedé que depuis environ
deux ans , & que les emplois
du pere & du fils avoient
eú une grande liaiſon , il fut
obligé de parler beaucoup du
pere en faifant l'éloge du fils .
Mr. de Boze fit connoiftre
dés le commencement de fon
Difcours , que Mr Vaillant
dont il faifoit l'Eloge eftoit
né à Rome en 1665. où feu
Mr Vaillant fon Pere exerçoit
la Medecine , & s'apliquoit
en même temps à la re-
Liiij
128 MERCURE
cherche des Monumens Antiques
par une violente inclination
; de maniere que le fils
fût dés lors comme deſtiné à
êtreunjour Medecin & Antiquaire
, il y ajouta que beaucoup
de grands hommes avoient
allié depuis prés de
deux Siecles , ces deux Profeffions.
Il fit voir que Mr
Vaillant le fils , aprés avoir fait
fes humanitez à Paris , & avoir
fait fon cours de Philofophie
aux Jefuites, il en fit un fecond
cours au College de la Marche
, parce qu'il falloit de la
Philofophic de l'Univerfité
GALANT 129
pour cftre reçû Maistre és
Arts. Il fit enfuite connoître,
que ce Cours eſtant achevé,
Mr Vaillant fon Pere , qui tenoit
déja le premier rang entre
les Antiquaires
, crut qu'il
eftoit temps d'initier fon fils
dans la connoiffance
des Me
dailles , connoiffance
qui ne
paffoit plus comme autrefois
pour une espece de Grimoire,
de Science fans regles ,
fans principes , où l'on ne pouvoit
eftre attiré que par un
gouft bizare , & guidé par un
genie extraordinaire . En effet
, ainfi que le dit Mr de Bo130
MERCURE
ze, les Ouvrages de Mr Vaillant
le Pere n'avoient pas peu
contribué , à détruire ce prejugé
, perfonne n'ayant fait
de plus penibles recherches ,
entrepris de plus longs voyages,
vû plus de Cabinets , conferé
avec plus de Curieux , &
confulté plus de Sçavans fur
ces matieres. Mr de Boze fit
voir auffi que Mr Vaillant le
Pere , ayant efté chargé , de
mettre en ordre les Medailles
du Cabinet du Roy , & d'en
faire le Catalogue , ce fut un
furcroift de bonheur pour fon
fils , qui fur
par là tout d'un
GALANT 131
coup introduit dans le fance
Atuaire de l'Antiquité
, puis
qu'il n'y avoit point d'homme
plus capable que fon Pere , de
luy en devoiler les Myfteres,
& qu'il le mena enfuite en Angleterre
, où le Roy luy avoit
ordonné d'aller pour tâcher
d'avoir des Medailles qui étoient
entre les mains de quelques
Curieux de ce Royaume ,
d'où il raporta entre autres Antiquitez
, un Monument de Pefennius
Niger , qui feul vaut en
ce genre un Cabinet entier.
Mr de Boze dit enfuite , que
Mr Vaillant
le fils commença
132 MERCURE
fon Cours de Medecine aprés
fon retour d'Angleterre ; qu'aprés
avoir foutenu les Thefes
ordinaires , & pris fucceffivement
les differens degrez , il
avoit cfté reçû Docteur Regent
de la Faculté de Paris , au mois
de Fevrier 1691. âgé de 25 ans ;
que pendant qu'il étoit fur les
Bancs , il avoit compofé un
Traité de la nature & de l'ufage
du Caffé , & que nonobftant
le temps que luy prenoit
fon nouvel employ de Medecin
, il fçavoit encore trouver
des momens , pour l'étude de
la bonne Antiquité . Aufſil'HiGALANT:
133
ftorien fidelle de la vie de Mr
Vaillant , ajouta qu'il avoit
donné à l'Academie, où il eftoit
entré en 1702. des Differtations
en differens temps, & qu'à
la premiere Affemblée Publique
qui s'eftoit faite aprés fa reception,
il avoit juſtifié le choix
de la Compagnie par un Difcours
tres fingulier,dont le fujet
avoit efté tiré de la Medaille
d'Achée , Prince Syrien , & peu
connu dans l'Ancienne Hiſtoire
, qui devint enfuite Roy , &
dont il fit une tres curieufe , &
tres belle Peinture de l'Hiftoire .
Il parla enfuite de l'explica134
MERCURE
tion du Revers d'une Medaille:
de Septime Severe , faite par
Mr Vaillant , & qui avoit occupé
agreablement une partic
d'une autre fceance publique ,
aprés avoir donné une grande
idée de ce fçavant Medaillifte ,
par le rapport qu'il fit de tout
ce qu'il avoit dit dans cette
fceance , à l'égard du Revers
de cette Medaille ; il finit en
difant pour faire connoiſtre
avec quelle jufteffe il en avoit
expliqué le Revers , que le doute
qui pouvoit refter touchant
cette explication , eftoit de ſçavoir
fi la Medaille n'avoit
GALANT 135
point efté faite pour l'explica→
tion .
Mr de Boze fit voir auffi que
le talent de Mr Vaillant n'eftoit
pas borné à ces éclairciffemens
particuliers ; qu'il entroit avec
la même facilité dans de grands
deffeins , & que ce qu'il avoit
lû d'un Traité , fur les voeux
des Anciens , perfuadoit qu'il
avoit naturellement l'efprit
de Systême , fi neceffaire à
ceux qui entreprennent des
Ouvrages de quelque étenduë.
Il ajoûta que Mr Vaillant le
pere , ayant promis avant fa
mort , une explication de cer
136 MERCURE
tains mots abregez , ou Let
tres initiales qui fe trouvent à
l'Exergue de prefque toutes
les Medailles d'or du bas Empire
, au moins depuis les enfans
du grand Conſtantin
jufqu'à Leon Ifaurien , Me
Vaillant le fils aprés la mort de
fon pere , avoit tiré cette explication
de fon propre fond ,
en donnant toutes les preuves
de ce qu'il avançoit , & il pourfuivit
en difant , qu'en attendant
le Public euft decidé à qui
que
dans ces cas finguliers appartenoit
la gloire d'un ouvrage , il ne defaprouveroit
pas qu'on l'abandonGALANT
137
naft également à deux perfonnes
qui ne fe la feroient jamais diſputée.
Mr Vaillant le fils ayant
mené une vie fort languiſſante
pendant deux ans qu'il avoit
furvécu fon pere , Mr de Boze
pourfuivit en difant , qu'il n'avoit
donné pendant ce tempslà
qu'une fort curieuſe Differtation
fur les Dieux Cabires
où l'on trouve dans un détail
tres- exact tout ce qui regarde
leur origine , leur nombre , &
leur dénomination ; les chofes
aufquelles ils préfidoient , leurs
Temples les plus celebres , &
les ceremonies de leur culte. Il
Avril 1709. M
138 MERCURE
fit remarquer que cet ouvrage
n'ayant pas efté du propre
choix de Mr Vaillant , & luy
eftant tombé en partage dans
une diftribution d'ouvrages ,
faite par l'Academie , le fuccés
luy en eftoit plus glorieux que
s'il l'avoit choifi luy - même ,
& que pour furcroift de gloire
deux Sçavans Etrangers
ayant traité la même matiere ,
à peu prés dans le même temps,
il s'eftoit , fans en avoir eu aucune
connoiffance , rencontré
avec eux dans les points de
convenance , & qu'il avoit pris
un jufte milieu dans ceux où
GALANT 139
ilseftoient formellement oppofez,
Ce fut là le dernier ou
vrage de Mr Vaillant , puiſque
fon Hiftorien rapporta qu'il
cftoit mort quelque temps
aprés , en ajoûtant la caufe de
fa maladic ; qu'il eftoit bon ,
humain , d'une franchiſe fans
égale , veritablement attaché
à fes amis ; qu'il ne négligeoit
aucune occafion de les affembler
, & qu'il eftoit éloigné de
toute vûë d'intereft de fortune
ou d'ambition , au point
qu'aprés la mort de fon pere ,
il en rechercha quelques emplois
avec fi peu d'empreffe-
Mij
140 MERCURE
ment qu'il parut moins les
vouloir obtenir , qu'éviter le
reproche de les avoir méprifcz.
Mr de Boze paffa enſuite
à l'éloge du feu Perc de la
Chaife. Il dit qu'il cftoit né
dans le Chafteau d'Aix en Forez
le 25. d'Aouſt 1624. que
Mre Georges d'Aix fon
peres
Seigneur de la Chaife , Cheva
lier de l'Ordre de S. Michel .
eftoit un Gentilhomme diftingué
par fes fervices , que
Renée de Rochefort
fa mere ,
iffuë d'une des meilleures maifons
de la Province , eftoit unc
GALANT 14i
femme pleine de merite & de
vertu ; que de douze enfans nez
de leur mariage , François de
la Chaife eftoit le deuxième ,
& que dés qu'il eut atteint l'âge
de dix ans ,
ans , il avoit efté envoyé
à Rome pour y faire fes
études au College des Jefuites ,
qu'un de fes parens avoit fondé.
Mr de Boze fit enfuite une
peinture du defir que ce jeune
Ecolier , petit neveu du Pere
Cotton , Confeffeur du Roy
Henry IV. avoit fait voir
aprés avoir fini fa Rhetorique ,
d'entrer dans les Jefuites , où
il avoit un oncle celebre par fa
142 MERCURE
ſcience , & par l'aufterité de fes
moeurs ; mais qu'on avoit eu
moins d'égard aux avantages
de fa naiffance , qu'aux marques
de fa vocation . Il fit voir
enfuite les progrés qu'il fit
dans fes études ; qu'ils eftoient
moins propres à inſpirer de
l'émulation qu'à décourager
ceux qui n'avoient que les talens
ordinaires ; de maniere
qu'afin de faire une diverſion
confiderable , on luy fit faire
pendant qu'il étudioit en Philofophie
, un Cours de Mathematique
& de belles Lettres ,
fous le Pere d'Aix fon oncle.
GALANT 143
Il fit voir enfuite que ce Pere ,
fuivant l'ufage des Jefuites ,
avoit enfeigné les Humanitez ,
ce qu'il avoit fait avec fuccés ;
qu'il fit enfuite fa Theologic ,
& qu'il avoit enfeigné la Philofophie
dans le College de
Lyon , où l'on n'avoit pas en- pas.encore
vû de Profeffeur fi confommé
, ce qui luy avoit attiré
en peu de temps beaucoup de
Difciples étrangers. Il ajoûta à
tout cela une Peinture de fa
maniere d'enſeigner , qui parut
auffi nouvelle que bonne &
curieufe , & il dit que le College
de Lyon poffedoit alors des
144 MERCURE
Jefuites d'une grande capacité,
fçavoir les Peres de S. Rigaud ,
TheophileRainaud, de Chales,
Giballin & Fabry , & que leur
eftime pour le Pere de la Chaife
s'eſtant jointe aux applaudiffemens
du public , ils n'avoient
rien oublié pour l'engager
à faire imprimer ſa Philofophie
; mais qu'il avoit confenti
à peine d'en donner un
Abregé en maniere de Thefe ,
qu'on avoit imprimé en deux
petits volumes in folio , où la
Logique & la Morale renferment
tout ce que l'on peut
imaginer de plus propre à former
GALANT 145
mer l'efprit ou le coeur , & où
l'on ne trouve prefque aucunes
de ces Queſtions infruc
tueufes qu'un long uſage femble
avoir confacrées au bruitde
l'école &au plaifir de la difpute.
Mr de Boze ajoûta beaucoup
de chofes curieufes à l'avantage
de ces deux volumes , & dit
que le Pere de la Chaife auroit
peut êtrefait imprimer un abregé
de la Theologie qu'il avoit
enfeignée avec la même diltintion
, s'il n'avoit preſque aufſitoft
cfté deſtiné à un employ
qui le demandoit tout entier ,
& qu'il fut nommé Recteur de
Avril 1709
. N
146 MERCURE
la Maifon de Grenoble , où il
fut oblige de fe rendre , mais
qu'il n'y refta que quelques
mois , Mr de Villeroy , Archevêque
de Lyon , dont il fit
un trés beau Portrait , qui ne
pouvoit foûtenir l'éloignement
d'un homme qui luy êtoit
fi cher , ayant trouvé le
moyen de le faire revenir ; &
qu'aprés fon retour , il avoit
gouverné fucceffivement les
deux Colleges , & entrepris d'y
faire fleurir les Lettres de plufieur
manieres diferentes, de
forte que dans des lieux prefque
incultes on vit naiftre à la
GALANT 147
fois une ample Biblioteque
une espece d'Obfervatoire
des Cabinets de Mathematique
& d'Anquititez . Mr de
Boze pourfuivit enfaifant connoiftre
que le Pere de la Chaize
avoit paffé enfuite à l'adminiftration
entiere de la Societé
dans la Province , & qu'il s'y
apliquoit uniquement à en
connoiftre les fujets & les befoins
lorfque le Roy le choifit
pour fon Confeffeur à la place
du feu Pere Ferrier , & que
quoyque le choix d'un Prince
fage & éclairé format un affez
grand éloge du pere de la Chai.
Nij
148 MERCURE
ze , ce choix luy eftoit d'autant
plus glorieux , qu'il n'eſtoit jamais
aproché de la Cour plus
prés que de cent lieuës ; cet endroit
fut fuivi d'une tres- belle
Peinture de toutes les grandes
qualitez du Pere de la Chaize ,
qui luy attirerent en peu de
temps le réfpect des Courti fans
& la confiace du Roy. Mr de
Boze joignit à cette peinture ,
celle du gouft que le Pere de la
Chaize continua d'avoir pour
les Monumens antiques , & fit
voir que ce n'eftoit point à
caufe de la fituation ou il fe
trouvoit à la Cour, que les SçaGALANY
149
vans avoient continué d'avoir
commerce avec luy , & luy
avoient dedié plufieurs Ouvrages,
& il raporta à cet occafion,
que Mr Vaillant qui luy avoit
dedié fon Livre de l'Hiftoire
des Rois de Syrie par Médailles,
avouë dans l'Epitre , dans la
Préface , & dans plufieurs endroits
de l'ouvrage même
qu'il luy en doit l'idée & la perfection
, & que Mr Spon, quoy
qu'engagé dans les erreurs
d'une Secte qui n'avoit jamais
pû compter le Pere de la Chaize
au nombre de fes Protecteurs
ou de fes amis , luy avoit
Niij
150 MERCURE
adreffé la Relationde ſes Voyages
, en faifant fentir que c'è (
toit au merite perfonnel qu'il
rendoit hommage en adreffant
un ouvrage rempli d'Infcrip
tions , de Médailles , & d'autres
Monumens au plus jufte efti
mateur qu'il connut fur ces
matieres , & que fi la bienfeance
ne luy permettoit pas de fe
taire abfolument fur l'importance
& fur la dignité du pofte
qu'il rempliffoir , il fe contentoit
de luy dire que fon amour
pour les Cezars & pour les Heros
de l'Antiquité avoit eſté
depuis long- temps l'heureux
GALANT 151
préfage de fon élevation & de
fon attachement
à la perfonne
du plus grand des Rois ; il pourfuivit
en faifant connoiftre que
le Pere de la Chaize avoit porté
fort loin le gouft de l'Antiquité
; qu'il l'infpiroit à tous
ceux qu'il croyoit capables de
l'éclaircir ou de l'orner par leurs
recherches ; que la connoiffance
des Médailles luy doit une
partie du progrez qu'elle a fait
dans le dernier Siecle ; que ce
fut fur le témoignage qu'il rendit
au Roy de l'utilité & des
agrémens de cette occupation,
que ce Prince l'a jugea digne
Niiij
152 MERCURE
d'entrer dans les delaffemens
de la Royauté , & que ce fut
par cette raiſon que Sa Majefté
le nomma entre les premiers
Sujets dont il luy plût d'augmenter
cette Academic en l'an-
∙née 1701 .
Comme dans cct Extrait,j'ay
peu raporté de morceaux entiers
du difcours deMr deBoze,
& que je me fuis contenté de
dire en plufieurs endroits qu'il
avoit fait de ttes belles peintutures
de telles & telles chofes ,
je croy devoir finir par un endroit
que je raporteray preſque
dans les mêmes termes , ceux
GALANT 153
dont je le tiens , ayant fait un
grand effort de memoire pour
le retenir, voicy donc de quelle
maniere il finit fon difcours
Son affiduité eftoit trés grande
par raport àfon âge , & au peu de
tempsdont ilpouvoit naturellement
difpofer ; elle eftoit remarquable &
utile en ce qu'il avoit toûjours
quelque découverte à annoncer
la Compagnie ou quelque Monumentfingulier
à luy communiquer,
Médailles , Pierres gravées , Figures
antiques , Inftrumens defacrifices,
Urnes , Infcriptions de tout
genre. C'eft icy qu'il répandoit
avecjoye toutce qui luy venoit des
154 MERCURE
Païs Etrangers ou des differentes
Provinces du Royaume qu'il avoit
en quelque forte renduës tributaires
defa curiofité ; il nous aportoit
auffifortfouvent des Differtations
fur les matieres qui luy paroiffoient
eftre du reffort de l'Academie , &
'il avoit foin de n'en prendre que
de bonne main; enfin il nous aimoit,
par un jufte retour nous craignions
pour luy jufqu'au changement
des faifons:il mourut le vingtiéme
de Fanvier dernier lorſque
le froid fe faifoitfentir avec leplus
de violence ; mais rien ne fut capable
de diferer les pieux devoirs
que nous avions à luy rendre , &
GALANT 155
la
l'Hiver de 1709. que les Natu
raliſtes viennent de marquer pour
long-temps dans leurs Annales, le
fera de même dans nos Regiftres.
Le Pere de la Chaize eftoit dans
quatre- vingt cinquième année
de fon âge , la foixante- dixiéme
depuis fon entrée dans la Compagnie
de Jefus , & la trente qua
triéme depuis fa nomination à la
place de Confeffeur du Roy. Il
avoit toûjours jouy d'une bonne
fanté ; la vielleffe même , qui ne
luy avoit jamais fervi de pretexte
pourfe difpenferdaucun de fes devoirs
, fembloit avoir renouvellé
en luy quelques agréments exte156
MERCURE
rieurs. Il eftoit né bienfaisant &
fon inclination à obliger étoit fi
grande qu'elle luy préfentoit d'a
bord les chofes qu'on luy demandoit
dans toute l'étendue de leur
poffibilité.
Le Public attend peut- eftre encore
que nous luy repréfentions
le Pere de la Chaize rempliffant
les delicates & facrées fonctions
de fon Miniftere ; les uns voudroient
qu'on leur dit tout ce quefa
pieté fon zelepour la Religion
luyont fait entreprendre ; combien
il a contribué à la deftruction de
l'Herefie en France, ce que luy
doivent les Miffions Apoftoliques
GALANT 157
dans les Pays les plus éloignez.
D'autres fouhaiteroient qu'on le
leurpeignit au deſſus du travail &
des contrarietez , toujours ocupé
fans le paroiftre jamais ; toûjours
affable tranquile,jufte & exact
dans la decifion des affaires qui luy
eftoient renvoyées , perfuafif, pref
fant , actifdans celles qui dépendoient
de la negociation ou du mou
vement & toujours incapable
d'une fauffe démarche.
و
L'Illuftre Societé qui vit cegrand
homme fe former dans fon fein
& qui en partage aujourd'huy la
perte avec nous ne
manque ni
d'Hiftoriens ni d'Orateurs pour
tranfmettre à la pofterité un détail
158 MERCURE
fi intereffant ; nous done , les élo
ges font moinsdes Hiftoires & des
Panegyriques , que de fimples memoires
fur la vie des Academi
ciens , nous croyons qu'il fufit pref
que d'y raporter ce qu'ils ont fait
pour les Lettres , & ce que
Lettres ontfait pour eux.
Les
Il n'eft pas neceffaire de
que le difcours de
vous dire
Mr de Boze fut écouté avec
plaifir, & qu'il receut de grands
applaudiffemens de toute l'affemblée
, puiſqu'il eſt aifé de ſe
l'imaginer , & que l'on ne pouvoit
fe défendre de luy donner
les louanges qu'il meritoit.
GALANT
159
Mr. l'Abbé de Mongault lût
enfuite une Differtation fur les
honneurs Divins qui ont esté rendus
aux Gouverneurs des Provinces
Romaines pendant que la
Republique fubfiftoit. La maticre
des Apotheofes des Empereurs
a efté fouvent traitée ;
mais celle- cy eft route neuve ,
& peu connue. L'Auteur prouva
d'abord par des autoritez
autentiques & par des paffages
formels , que Marcellus celuy
qui prit Siracufe ;
Scevola le grand Pontife , &
Lucullus le vainqueur de Mithridate
, avoient vû établir de
Lucius
160 MERCURE
leur vivant des Sectes en leur
honneur femblables à celles
des Dieux;il fit voir que Quintius
Flaminius avoit un Prêtre
à Calcide en Etholie, & qu'on
luy faifoit des Sacrifices . Il parla
enfuite des Temples qu'on
avoit dediez à des Gouverneurs
Romains , conjointement
avec les Dieux , & de
ceux qu'on leur avoit batis
exprés. Il remarqua que cet
ufage eftoit non feulement toleré
, mais même autorifé par
les loix ; c'étoient , continuat'il
, comme des monumens
Publics de l'affujetiffement des
GALANT 161
Provinces conquifes ; car les
Romains favoient qu'il n'y a
point de plus grande marque
de fervitude que l'excéz de la
flaterie ; que l'eftime , l'admiration
, & la reconnoiffance avoient
d'abord decerné ces
honneurs , ce qui fe tourna
enfin en coutume;que lorfque
lesPeuples fe font une fois trop
livrés à la flatterie , elle devient
comme un Tribut neceffaire ;
& que ceux qui ont l'autorité ,
Le mettant fouvent peu en pei- ſe
ne de meriter les mêmes titres
que leurs predeceffeurs fe font
un point d'honneur de fe les
Avril 1709 . O
162 MERCURE
faire donner ; qu'auffi arrivoitil
quelquefois que les Peuples
aprés avoir gemi de s'eftre vûs
reduis à flater d'une maniere fi
outrée des Gouverneurs qui
les opprimoient , portoient
leurs plaintes àRome dés qu'ils
en avoient changé , & faifoient
faire le procez à ceux à
qui ils avoient rendu des honneurs
Divins ; que d'un autre
cofté , il s'en trouvoit qui , peu
touchez des honneurs que les
Provinces accordoient trop liberalement
plutoft à leur place
qu'à leur perfonne, ne penfoient
qu'a detourner à leur
GALANT 163
profit une partie des fonds
qu'on impofoit pour leur bâtir
des Temples , & pour les
frais des Feltes & des Jeux.
Mr. l'Abbé Mongault remonta
enfuite jufqu'à l'origine
de ce culte que les hommes
ont rendu à d'autres hommes,
que l'on trouve chez tous les
Anciens Peuples , chez les Affyriens
, les Perfes & les Egiptiens
, auffi bien que chez les
Grecs. Il dit que les hommes
ayant perdu infenfiblement
les veritables idées de la Religion
qui leur avoient eſté tranfmifes
par les Patriarches , leur
O ij
164 MERCURE
efprit au lieu de s'élever jufques
au Souverain Etre & à
la premiere caufe de tous les
biens , s'arrefta aux caufes inferieures
& fenfibles ; qu'ils en
firent l'objet de leur culte qui
fut reglé par leur differens befoins
,
que l'on
peut
reduire
â
ceux
de la nature
, & à ceux
de
la focieté
; que
les
befoins
de
la nature
firent
naitre
le culte
des
creatures
inanimées
,
& les befoins
de
la focieté
le
culte
des
hommes
qui
luy
furent
utiles
, en
inventant
l'Agriculture
, les
Sciences
, & les
Arts
, qui
donnerent
des
Loix
GALANT 165
aux peuples, qui furent les deffendre
contre les infultes de
leurs voifins
, & qui purgerent
la terre de brigands
; que ce
fut dans des temps moins reculez
qu'on rendit les honneurs
Divins à des hommes
vivans , & qu'enfin les Grecs
en eftoient venus jufques à
honorer d'un culte Religieux
,
même avant leur mort ,de fimples
Ateletes , qui ne s'eſtoient
diftinguez que par la force ou
l'adreffe qui les avoit fait couronner
aux jeux Olimpiques
.
Il y a beaucoup d'aparence
,
pourfuivoit- il , que dans les
166 MERCURE
commencemens, le culte qu'on
rendoit aux hommes aprés
leur mort n'eftoit qu'un culte
civile , qui degenera enfuite en
fuperftition. L'Auteur , dans
la troifiéme partie de fa Difertation
, fit voir que les honneurs
Divins qu'on avoit rendus
aux Gouverneurs des Provinces
dans les terres de la Republique
, avoient eſté la fource
& le modele de ceux que
l'on avoit rendus depuis aux
Empereurs ; ce qu'il montra
en comparant les honneurs
Divins que le Senat decerna à
Cefar & à Auguſte pendant
GALANT 167
leur vie , avec ceux avec ceux que les
Provinces avoient rendus à
deurs Gouverneurs. La principale
difference qu'il y remar
qua , c'eft que le Senat n'avoit
jamais fait batir de Temple à
Rome à aucun Empereur pendant
fa vie ; ce qu'il prouva
contre quelques Auteurs Anciens
qui femblent dire le contraire.
L'Auteur de cette Differtation
a donné au Public il y a
dix ans , une Traduction Françoife
de l'Hiftoire Grecque ,
d'Herodien , dont il doit donner
dans peu une feconde Edition
.
168 MERCURE
Il a auffi prefque achevé
celle des Lettres de Ciceron à
Atticus , avec des remarques.
Il en a déja donné un Volume,
& on commencera inceffament
à en imprimer la fuité.
M' Couture finit la Séance
par la lecture de la feconde
partie de fa Differtation fur la
vie privée des Romains . Dans
la premiere il avoit fuivi le Citoyen
depuis le matin jufqu'à
midy aux Temples des Dieux ,
aux Palais des Grands , dans
les Places publiques , & dans
tous les endroits où la Religion
,l'Ambition , l'Intereft ,
&
GALANT 169.
& les liaifons du fang & de
l'Amitié l'appelloient. Dans
celle - cy il l'accompagne par
tout où le foin de fa fanté &.
l'amour d'un honneſte plaifir
le conduifoient. Ainfi il fit faire
deux perfonnages dans le
même jour aux Romains qui,
n'eftoient point engagez dans.
les emplois publics : celuy des
fix premieres heures eftoit
fier & hautain ,férieux & compofé
; celuy des fix dernieres
cftoit doux & gracieux , humain
& naturel. Les affaires
eftant pour la matinée , les
amuſemens eftoient pour l'a-
Avril
1709.
P
170 MERCURE
:
prefdinée de maniere que
tout le difcours de Mr Couture
roula fur la promenade ,
fur les exercices du corps , &
fur les bains des Romains ; ce
qui merita le plus d'attention ,
fut la difference de toutes ces
choſes , par rapport aux divers
temps de la Republique
Romaine ; dans laquelle comme
par tout ailleurs les occupations
ont ordinairement fuivi
les moeurs , & les moeurs ont
fuivi la fortune . Cet Academicien
en demeura au fouper des
Romains , & promit qu'il le
donneroit dans une autre
Séance.
GALANT 171
Le lendemain Mercredy 17 .
du mois l'Academie Royale
des Sciences s'eftant aſſemblée ,
l'ouverture en fut faite par Mr
de Fontenelles , Secretaire perpetuel
de cette Academie , de
même que celle de l'Acade
mie Royale des Medailles &
Intcriptions avoit eſté faite la
veille par Mr de Boze, qui en eft
auffi Secretaire perpetuel ; &
comme depuis l'Affemblée pu
blique d'aprés la Saint Martin
il n'eftoit mort qu'un feul Academicien
de l'Academie des
Sciences , Mr de Fontenelles
n'eut qu'un éloge à faire. C'é
Pij
172 MERCURE
toit celuy de Mr de Tournefort
l'un des plus grands Botaniftes
qui ayent jamais efté , &
dont la réputation eſt des plus
étenduës , eftant connu dans
plufieurs parties du monde à
caufe des voyages qu'il y a faits .
Comme je vous ay déja envoyé
un Article qui contient
à peu de chofe prés toute l'Hif
toire de fa vie , je ne vous repeteray
point icy ce qu'en a
rapporté Mr de Fontenelles ,
puifque ce ne feroit que vous
dire en d'autres termes ce que
vous fçavez déja prefque. Toute
la difference qu'il peut y
GALANT 173
avoir entre ce que Mr de Fontenelles
a dit , & ce que je vous
le ftile de ay envoyé , cft que
mes Lettres , doit eftre feulement
narratif , fimple , naturel
, & tel qu'il eft naturellement
dans une converſation
qui s'engage fur le champ , &
dans laquelle on ne doit rien
dire d'étudié , & qui approche
même de l'Eloquence
, ce qui
eft caufe que je rejette , lors que
je vous écris , tout ce qui devroit
paroiftre trop recherché
& trop travaillé fi je le laiffois
dans mes Lettres , où la fimple
P iij
174 MERCUR
E
nature doit feulement paroif
tre. Il n'en doit pas eftre de
même des Difcours qui font
prononcez publiquement &
ils doivent eftre regardez comme
des pieces d'Eloquence
& particulierement lors qu'ils
font raportez dans des Academies
, le nom feul d'Academie
faifant connoiftre que
ce ne peut cftre qu'un Affemblage
de perfonnes dont l'efprit
eft du premier ordre pour
les chofes dont elles fe mêlent
, & fur tout lors qu'elles
font dites dans des Affemblées
publiques qui font toujours
GALANT 175
remplies d'Auditeurs dont les
plufpart font auffi Eloquents
que Sçavants , & même d'habiles
Etrangers , puifque s'ils
n'eftoient pas de ce caractere ,
la curiofité ne les porteroit
pas à aller écouter des Difcours
médiocres.
Tous les faits de l'hiftoire
de la vie de Mr de Tournefort
, que Mr de Fontenelles ,
a raportez , & ceux que vous
avez lûs dans ma Lettre du
mois de Février , font a peu
prés femblables. Il en à neanmoins
paru un ou deux differens
dans ceux qu'à raportez
Piiij
176 MERCURE
Mr de Fontenelles . Je fuis perfuadé
qu'il a eu de bonnes raifons
pour le faire , où qu'il les
a crus de même qu'il les a raportez
. Je ne blame point ce
qu'a dit un fi fçavant homme,
& que je ne puis même imiter
de fort loin, mais je puis affurer
que les faits que je vous ay raportez
font veritables , & même
dans toutes les circonftances
qui les acompagnent ,
les ayant cuës d'une perfonne
même qui y a eu part.
Mr de
Fontenelles ayant
ceffé de parler ; c'eſt à dire de
fe faire admirer , Mr Saurin ,
GALANT 177
dont l'etendue du genie eft
connue , qui travaille au Journal
des Sçavans qui eft aujour
d'huy fi eftimé , & qui n'a jamais
parlé publiquement à
l'Academic fans s'attirer de
grands aplaudiffe mens , prit
la parole , & lut le Difcours
dont voicy l'Extrait ; il avoit
pour titre.
Examen d'une difficulté confiderable
propofé par Mr Hughens
contre le Syſteme Cartefien
fur la caufe de la pefanteur.
Mr Saurin dit d'abord que
les effets de la nature les plus
178 MERCURE
ordinaires , & qui frapoient le
moins le commun des hommes
n'eftoient pas ceux qui donnoient
le moins d'exercice aux
Philofophes , tel qu'eftoit le
Phenomene de la pefanteur ;
qu'une pierre jettée en l'air retombant
àplomb fur la ſurface
de la terre, on ne s'avifoit guere
d'en eftre furpris ; que cependant
trouver la caufe de cette
chute , eftoit un des plus difficiles
Problemes que la Phifique
cut à refoudre, & que l'on n'étoit
point encore parvenu à en
donner une folution fuffifamnt
demontrée, & qui répanment
1
GALANT 179
dit unepleine lumiere fur toutes
les difficultez. Il dit enfuite
qu'il avoit entrepris fur cette
matiere un petit Traité qu'il avoit
commencé à lire dans les
affemblées particulieres , & rapella
ce qu'il avoit déja lû de ce
Traité,aprés quoy il dir qu'il alloit
expofer fimplement l'objection
; ce qu'il croyoit qu'on
pouroit y répondre , & ce qui
luy paroiffoit refter de difficultez
, & qu'il attendroit des lumieres
des Philofophes qui alloient
l'écouter , & de celles de
l'Academie ce qui manquoit
aux fiennes . Il ajouta , en repre180
MERCURE
nant les chofes de plus haut
qu'on n'aperçoit dans les corps
pefants , que deux chofes
l'une,qu'eftant lachée en l'air,
ils fe mouvoient fuivant une
direction qui tendoit à peu prés
au centre de la Terre , & l'autre
, qu'ils faifoient effort pour
fe mouvoir fuivant la même
ligne , lorsqu'ils eftoient retenus
, & que c'eftoit préciſement
cet effort avec lequel ils
preffoient ou pouffoient ce qui
les retenoit , qu'on apelloit pefanteur
, il donna enfuite des
raifons de ce qu'il venoit d'avancer.
Il pourfuivit en expli
GALANT 181
quant la matiere dont il philofophoit
fur la pefanteur , avec
Mr Hughens. Il dit que les
corps pefants fe mouvant vers
le centre de la Terre , ils y êtoient
donc pouffez ; que ces
corps ne pouvoient eftre pouffez
que par d'autres corps qui
les chocquoient ; qu'il y avoit
donc d'autres corps en mouvement
qui heurtoient contre
ceux qu'on apelloit pefants , &
qui par ce choc les pouffoient
où l'on les voyoit tendre ; que
ces autres corps n'eftant point
aperçûs, c'eſtoit donc une matiere
fubtile que la delicateſſe
182 MERCURE
de fes Parties déroboit
à noftre
vûë , & que comme l'on ſçavoit
d'aillleurs
par mille autres
effets que la Terrenâgeoit
dans
unfluide d'une fubtilité inconcevable
qui l'environnoit
de
toutes parts , il n'y avoit pas
lieu de douter que ce ne fut à
cette matiere fluide qu'il falloit
attribuer
l'impulfion
qui produifoit
le mouvement
des
corps pefants ; ce qu'il expliqua
.
Il pourſuivit en diſant que
jufque là il avoit marché de concert
avec Mr Hughens;mais qu'il
alloit s'en feparer. Mr Hughens,
GALANT 183
continua t-ilfait mouvoir circu
lairement la matiere celefte en tous
fens autour du centre de la Terrez
c'eft à - dire que dans fon Syfteme,
le centre de la Terre eft le centre
commun de tous les cercles que décrit
la matiere celeſte ; au lieu que
felon Defcartes , elle fe meut tout
en même fens autour de l'Axe
d'Occident en Orient & décrit
des Cercles dont les Plans fontpa
ralelles à celuy de l'Equateur; c'eft
cette opinion que je defends contre
les deux objections de Mr Hughens
dont il s'agit. Mr Saurin
prouva enfuite fort clairement
fon opinion par un grand nom
>
184 MERCURE
bre de raiſons auffi curieuſes
que folides, & qui luy attirerent
de grands aplaudiffemens
, &
l'on fut furpris de l'immensité
des calculs qu'il avoit cfté obligé
de faire pour foutenir
fon
opinion
d'une maniere
inconteſtable
, ou du moins qui luy
pût eftre conteftée
, peu de gens
eftant auffi profonds
que luy
dans la matiere qu'il traitoit ,
& qu'on ne peut aprofondir
fans y employer
un temps infini.
Il dit enfuite que feu Mr Mariote
, l'un des plus habiles &
des plus exactsObfervateurs
en
1
GALANT 185
Phyfique qu'ait eu l'Academie
avoit fait quantité d'experiences
fur la force du choc des fluides
, & en particulier de l'eau
& de l'air. Il expliqua les experiences
queMr Mariote avoit
faires , dont il combatir la plus
grande partie par plufieurs
bonnes raifons , & dont les
Auditeurs furent frapez . Mr-
Saurin fit enfuite de folides &
curieufes reflections fur les
chofes qu'il avoit cruës luy
même , & cet endroit ne fut
pas un des moindres morceaux
de fon Difcours , dans lefquels
il ferendit juftice fans ſe flater,
Avril 1709
.
е
186 MERCURE
& en effet il traitoit une matiere
bien dificile à expliquer
& encore plus dificile à bien
faire concevoir ; & aprés avoir
dit beaucoup de choſes touchant
la pefanteur , que l'on
pouvoit prendre pour des paradoxes
, il dit que les fens ni
l'imagination ne devant pas
eftre écoutez fur ce point , &
que la raifon ne devant y fixer
aucunes bornes , il eftoit permis
de donner à la tiffure des
corps toute la rareté , comme
à la matiere celefte toute la
fubtilité dont on avoit befoin,
pourveu feulement que la fu-
J
GALANT 187
pofition quel'on fit pour l'effet
que l'on voudroit expliquer
ne fe trouvaft pas combatu
par d'autres effets : il dit qu'il
ajoutoit encore un Article
qu'on ne pouvoit trop appuyer,
& qui fe raportoit àcelui
des Figures plus ou moins embaraffantes
dont il avoit parlé;
c'eftoit que les particules de la
matiere celefte n'avoient ni figure
ni groffeur determinée ;
que chaque particule pouvant
fe divifer , & fe divifant à l'infini
felon les befoins , & avec
la derniere facilité , elles s'accomodoient
fans peine à toutes
Qij
188 MERCURE
fortes de places , ce qui diminuoit
infiniment dans le fluide
la reſiſtance au déplacement
,
& ce qui affoibliffoit d'autant
fon effort.
Mr Saurin parla enfuite de
quelques Experiences faites
par M. Newton , & dont quoy
qu'elles paruffent d'abord en
quelque façon favorables à fon
fujer , il fit voir qu'on ne pouvoit
tirer d'affez fortes confequences
, non plus que des Experiences
qu'il pourroit faire.
Il ajoûta que quand aprés toutes
les confiderations qui venoient
d'eftre faites, on ne fe
CALANT 189
roit pas moins frappé comme
d'une abfurdité , de cette ra
pidité prodigieufe que l'on
donnoit à la Matiere celefte
proche de la terre , quoy qu'elle
ne s'y fift pas fentir , & qu'il
fembloit qu'il n'y avoit pas
d'autre parti à prendre pour
diriger cette abfurdité , comme
on eftoit obligé d'en diriger
tant d'autres dans la pluf
part des fujets de Phyfique ,
& generalement prefque dans
tous les objets connus , puifqu'enfin
cette abfurdité prérenduë
ou vraye , où conduifoit
le fentiment qu'il deffen190
MERCURE
:
doit , fe trouvoit une fuite neceffaire
des plus certaines Obfervations
des Aftronomes ,
ainfi qu'il alloit le démontrer ,
ce qu'il fit en effet d'une maniere
tres fenfible & tres - fçavante
& dont il eft impoffible
de donner une idée par extrait ,
à caufe de la quantité de chofes
curieufes qu'il rapporta en approfondiffant
la matiere ; de
forte que l'on fut étonné du
grand nombre de recherches
qu'il avoit faites ; de fa grande
attention à examiner jufques
aux moindres circonftances de
la matiere qu'il venoit de trai-
A
GALANT 191
ter , & de la profondeur de fon
imagination , & de fon ſçayoir.
Mr l'Abbé Bignon , ayant
refumé le Difcours de Mr
Saurin , Mr de Vieuffens , le
fils , habile Medecin , prit la
parole , & lut un Diſcours
qui regardoit les conjectures
fur la caufe prochaine ou immediate
du Delire Melancolique.
Il dit que la Maladie
qu'on nomme Melancolic
eft
un Delire fans fiévre fur un ou
deux objets feulement , à l'égard
defquels il affervit &
obfcurcit
entierement la rai192
MERCURE
la
fon , dans le temps qu'il la
laiffe jouir d'ailleurs librement
de tous fes privileges ; que
joye y eft quelques fois attachée
; mais que la trifteffe & la
crainte l'acompagnent pref
que toujours ; que ceux qui
font atteints de cette Maladie ,
ont chacun leur delire particulier
; que les uns s'imaginent
eftre compofez de fel , les autres
de verre ; qu'il y en a
qui fe croyent Prophetes , les
autres Rois ; que quelques-uns
fe figurent avoir cfté changez
en Cerf, & quelques autres en
Serpent. Et il ajouta qu'il ne
finiroit
GALANT 193
finiroit point s'il s'arreftoit à
raporter tout ce que cette
Matiere fournit d'extravagant
& de fingulier.
Il fit enfuite connoiftre d'où
provenoit le nom de Melancolic
, & pourquoy les anciens
Medecins , l'avoient ainfi
nommée, en ajoutant qu'il luy
feroit facile de refurer leur
opinion . Il parla auffi de celle
des nouveaux Medecins fur
la caufe de la même Maladie ,
qu'il combatit par un grand
nombre de raifons fpecicules ;
enfuite dequoy il donna fur
cette maladie , une Hypotheſe
Avril 1709 . R
194 MERCURE
nouvelle qui s'accorde avec
l'Anatomie ; qui fait concevoir
clairement la diftribution des
cfprits animaux dans le centre
ovale ; qui favorife la Mechanique
avec laquelle les Cartefiens
prétendent que nos Juge
mens fe forment , & qui fournit
une explication vrai femblable
du Delire Melancolique
; ce qu'il juſtifia · par un
grand nombre de raifons qui
furent aplaudies . Il fit voir enfuite
, comment , par le moyen
des remedes aperitifs , il avoir
guerit le Delire d'une fille , où
la Melancolic l'avoit faittom#
GALNTM1 195
ber , en luy faifant prendre les
forces impreffions, que ce Delire
a coutume de donner , &
fur tout fur ce qu'il luy avoit
fait croire qu'elle eftoit devenuë
Serpent , & il ajouta un
détail des raifons qui avoient
donné lieu à cette jeune fille
de croire qu'elle eftoit devenuë
Serpent.
Mr de Vieuffens fit voir
auffique l'on ne doit pas croire
que toutes les efpeces de
Délire qui font connuësdépen
dent de la même cauſe , & que
les choles fe paffent bien differemment
dans la Phrenefie,
Rij
196 MERCURE
..
où le mouvement impetueux
& dereglé des efprits animaux ,
produit tous les étranges accidens
qui accompagnent cette
violente maladie. Il parla enſuite
du Delire maniaque , dont
il fit auffi une Defcription ,
Il paffa de là au Delire des
Letargiques qu'il expliqua.
le Delire où tous
par
les hommes font plus ou
moins fujets en dormant , &
il conclut de là , que toutes
les efpeces de Delire , dont il
avoit parlé en dernier lieu ,
avoient pour caufe prochaine
le cours irregulier & impé-
Il finit
33
GALANTM 197
où tueux des efprits animaux ,
l'interruption & l'irregularité
de leur mouvement , au lieu
que le Delire melancolique
dépend d'une obftruction qui
fe forme dans un des tuyaux
du centre övale; que c'est cette
obſtruction qui empêche les
efprits animaux ( comme il
T'avoit déja expliqué ) de par-`
courir les traces qui décou
vriroient aifément à ces fortes
de malades , leur erreur , par
la parfaite oppofition qu'il
réconnoiftroient pour lors ,
l'objet de leur Delire , & euxmêmes.
Mais que la digue eft
Rij
198 MERCURE
ordinairement
fi forte ques
c'est toujours
inutilement
qu'on travaille à l'emporter
quand les premieres tentatives
n'ont point réüffi .
>
Je vous parlay le mois paffé
de la mort de Mr le Prefident
de la Barde , & j'aurois
dû vous dire dans cette Article
qu'il a confervé fa raiſon
toute entiere jufqu'à la fin de
fa vie ; qu'il a remply les fonctions
de fa Charge juſqu'en
1709. apres quoy ayant refolu
de la quitter pour ne vacquer
plus qu'à ce qui regardoit
les affaires de fon falut
GALANT 199
il est mort avec une preſence
d'efprit qui eft ordinairement
rare dans les derniers momens
de la vie.
Pendant que la mort oblige
les uns de quitter d'éclatantes
Charges , ceux à qui une grande
jeuneffe doit donner lieu
de croire qu'ils rempliront
longtemps les fonctions de
celles dont ils feront pourvûs
s'empreffent d'en avoir de bonne
heure , & c'eft pourquoy
Mr le Marquis de Mafparault ,
ci-devant nommé Marquis de
Chenevieres , & fils de Mr le
Marquis de Mafparault , vient
R iiij
200 MERCURE
d'acheter , quoyqu'il n'ait ene
core que quinze ans , la Charge
de Ch mbellan de S. A R.
Monfieur le Duc d'Orleans ,
qu'avoit Mr le Marquis de
Breauté , qui voulant toûjours
avoir l'honneur d'eftre auprés
d'un fi grand Prince, & auprés
duquel le fervice a de grands
agrémens , doit acheter l'une
des plus grandes Charges de la
Maifon de S. A. R.
Le Roy a donné le Gouver
nement du Comté de Beaulieu
en Argonne , à Mr le Comte
de Rommecourt , Abbé de
l'Abbaye de Beaulieu audit ArGALANT
201
gonne , dont il préta ferment
le mois paffé , entre les mains
de Monfieur le Chancellier Je
temets au mois prochain à
vous parler de la Maiſon de ce
nouveau Gouverneur , dont
j'ay beaucoup de chofes curieufes
& hiſtoriques
à vous
dire.
On ne peut trop admirer
Pattention
que Sa Majesté à
marquée , & qu'elle fait voir
encore tous les jours à reconnoiftre
tous les fervices de ceux
qui fe font diftinguez dans
Lille pendant le Siege de cette
Place . Elle a donné la Croix202
MERCURI
de Chevalier de S. Louis à M
Jean de Barelier , Chevalier
Seigneur de Bitry , qui a fervi
auprés de Mr le Maréchal
Duc de Bouflers en qualité
d'Ingenieur , au Siege de Lille ,
où il a eu un bras caffe d'un
éclat de bombe , qu'on crut
d'abord luy devoir couper , &
dont aprés quatre mois de ma
ladie , il eft demeuré eftropié.
Il y a plus de trente ans qu'il
a commencé à fervir . Il a efté
Cadet dans la Compagnie des
Gentilshommes . Le Roy luy
donna enfuite une Lieutenancc
dans le Regiment de PicarGALANT
203
die , d'où il paſſa à une Lieute
匪
nance du Regiment de Nomandie
, dans la Compagnie
de Bonlieu fon coufin , qui
commandoit le fecond Bataillon
de ce Regiment. Il eut enfuite
une Compagnie Franche ,
& il fut nommé Ingenieur par
le Roy. Il fervit en cette qualiré
fous Monfieur le Duc de
Vendofme pendant la Campagne
de 1707. Cet Officier qui
a toûjours eu beaucoup de
genie pour les Fortifications
& pour le deffein , en prefenta
un livre manufcrit à Mr le
Maréchal de Vauban avant fa
204 MERCURE
mort , & ce Maréchal en fut
fi content , que dans le moment
même il en parla à Mr le
Pelletier de Souzy , Directeur
general des Fortifications
&
qui en parla fans doute avantageufement
à Sa Majesté ,
puifqu'elle le nomma peu de
temps aprés Ingenieur du dé
partement de Maubeuge.
4
Je paffe aux nouvelles d Efpagne
, dont j'ay beaucoup de
chofes à vous dire , & je com.
mence par l'extrait d'une Lettre
de Madrid.
Don Eugenio de Miranda
GALANT 205
Sur- Intendant des Droits fur le
Chocolat , Tabac, & Sucre ,
Preſident de la Junte du Commerce
de Sville, eft mort icy generallement
segretié.
On a appris par des nouvelles
de Lifbonne que les Portugais ont
perdu 48. vaiffeaux de leur Flotte
du Brefil en comptant ceux que
laTempefte afait perir aux coftes
du Brefil dans le Tage , &
qu'on ne voit plus de monnoyes
d'argent en Portugal , les Anglois
les Hollandois lesfaifant paffer
chez eux.
Le fils de Mr le Marquis de
Torrecufa grand d'Espagne , fut
206 MERCURE
baptife le dix feptiéme de Mars
tenu fur les Fonts par Mr
Amelot Ambaffadeur de France ,
au nom de Monfeigneur le Dauphin
, & par Madame la Princeffe
des Urfins au nom de Madame
la Ducheffe de Bourgogne . Le
Baptême s'eftfait avec beaucoup
de magnificence dans l'Eglife de
faint Sebaftien qui eftoit ornée
des plus belles Tapifferies de la
Couronne. Les perfonnes lesplus
diftinguées de la Cour & de la
Ville y affifterent , & la ceremo–
nie fe fit par le Patriarche des
Indes.
Me la Ducheffe de Bejar âgée de
GALANT 207
24. ans , fille de Mr le Marquis
de Villa Franca , mourut le 16
Mars fans laiffer d'enfans .
~Mr l'InquifiteurGeneral d'Ef
pagne eft auffi mort dans le même
mois d'une fluxion de poitrine.
Ce Prelat eftoit d'un meriteſi parfait
& fi accompli que la Cour
en eft dans une grande affliction .
• Les Archevêques de Saragoffe
de Valence arriverent icy le
ving-cinquième du même mois
pour affifter à la Ceremonie du
Serment qu'on doit prefter an
Prince des Afturies.
Je crois qu'en attendant
que je vous en envoyele détail,
208 MERCUR E
que vous trouverez peut eftre
à la fin de ma Lettre , la lectu
re de ce qui fuit doit vous faire
plaifir.
Les Princes fils ainez des Rois
d'Elpagne font toûjours nom→
mez Prince des Afturie ‹ juſqu'à
ce qu'ils heritent de la Couron
ne de leu pere; le premier qui
porta ce Titre fut le Prince
Henry qui fut depuis Roy fous !
le nom de Henry Troifiéme
furnommé le Dolent. Le Roy
fon pere Jean I. refolut en
1388. de le nommer Prince des
Afturies à l'ocafion du mariage
qu'il lui procura avec l'Infante,
GALANT
209
Catherine
d'Angleterre , & il
declara que
deformais tous les
Princes
Premiers nez des Rois
d'Espagne, fes
Succeffeurs , feroient
connus &
defignez par ce
nom de Prince des
Afturies en
mémoire de ce que le
RoyPelage
n'en prit point
d'autre juf
qu'à ce qu'il eut rétabli la Monarchie
d'Espagne
comme il
fit par les
Victoires qu'il rem
porta fur les Maures
qui l'a
voient
ufurpée,
L
Les Princes des Afturies ne
joüiffent que du feul titre de
ces Provinces , & ils n'ont aucuns
droits fur le Domaine qui
Avril
1709.
S
210 MERCURE
en dépend ou du moins on ne
le permet pas Il n'y a point
d'exemple dans l'Histoire que
cela ait efté autrement ; car
quoyque le Roy Henry IV.
furnommé l'Impuiffant, prétendit
jouir de tous les avantages
utiles attachez à ce Titre , lorfqu'il
fe brouilla avec le Roy
fon pere Jean Second du
nom , il ne pût jamais venir
à bout de fon deffein , quelques
refforts que fift jouer pour cela
Don Jean Pacheco, aidé de l'autorité
de ce Prince, qui defiroir
d'augmenter fa puiffance pour
s'opposer à celle de Don AlGALANT
201
vare de Luna,favory du Roy,
& qui abufoit de fa confiance.
Auffi ces Princes n'ont ils
pas plus de droit dans les
Afturies ,que les Dauphins fils
aînez de France en ont dans le
Dauphiné. Il y a même quelques
Auteurs qui ont crû que
le Titre de Dauphin attribué
aux fils aînez de France en
1349. par la donation du
Comte Humbert Dauphin de
Viennois , fit prendre au Roy
Jean Premier la refolution de
defigner à l'avenir les Infants
d'Eſpagnes aînez , Princes des
Afturies ; neantmoins Mariana
•
Sij
212 MERCURE
livre 18. chap. 12 . I 20 dit que ce
fut à l'imitation des Princes de
Galles , ainez des Rois d'Angleterre
, ce qui a plus de vray
femblance , puifque le Roy
Jean Premier traittoit alors le
Mariage de fon fils aîné avec
l'Infante Catherine d'Angleterre
.
Le nom qui eft donné aux
Princes d'Espagne lorfque par
précaution ils font ondoyez
leur eft confervé dans le temps
qu'on les baptife publiquement.
Ileft vrai que l'on peut alors
par des raifons dedévotion ,
de politique ou de bienfeanGALANT
213
200
sce , ajouter d'autres noms au
Premier , ce qui fe pratique
même ordinairement ainsi , &
aprés la Ceremonie du Baptême
en public, on leur met le
Cordon de l'Ord. de laToifon.
Lorfque le Prince des Aftu-
-ries eft âgé de 2. ou 3. ans , on
affemble les Deputez des Etats,
Villes & Royaumes d'Eſpagne,
qui font ferment de le reconnoiftre
pour heritier des
Couronnes & Domaines du
Roy fon pere .
Lorfqu'il approche de fa
feptiéme année on travaille à
faire fa Maifon. Le premier
214 MERCURE
choix eft celuy d'un Gouverneur
; ce doit eftre un homme
de la premiere qualité , & qui
foit connu pour avoir illuftré
fa grande naiffance par l'amas
des vertus convenables à l'éducation
du Prince & àla confervation
du depoft precieux
qui luy eft confié par le Roy, en
la place duquel il eſt pour cet
effer fubftitué. On luy choifit
enfuite un Precepteur ; ce doit
eſtre un homme diſtingué par
fa vertu , fon merite , fa doc
trine , & fa grande érudition ;
il peut eftre Seculier , puiſque
le Docteur Don Lorenzo RaEGALANT
215
mos del Manzano , Confeiller
du Confeil & de la Chambre
de Caftille a efté celuy du Roy
Charles II. Il peut eftre auffiEcclefiaftique
; le Roy Ferdimand
& la Reine ayant choisi pour
le Prince Jean leur fils aîné le
Pere Diego Deza de l'Ordre de
S. Dominique & Profeſſeur en
Theologie en l'Univerſité de
Salamanque , & parce que ce
Roy & cette Reine paffent
dans l'Hiftoire pour ceux qui
ont pris les précautions les plus
judicicufes pour ce Prince , qui
eftoit alors l'heritier préfomptif
de leurs Couronnes , l'Em216
MERCURE
fçapereur
Charles Quint - commanda
que fon fils fut inftruit
élevé & fervi de la même maniere
que ce Prince l'avoit efté,
ce qui a toûjours efté imité &
pratiqué par fesSucceffeurs.On
nomme enfuite les Premiers
de la Maifon du Prince ,
voir fon Grand- Maiftre
Crand-Ecuyer , fon Grand-
Chambellan , & aprés tous les
autres Officiers Subalternes
qui dépendent de ces Charges ;
on choifit auffi les Gentilshommes
de fa Chambre, dont
une partie doit eftre de gens
meurs & déja fur l'âge & l'au
fon
tre
GALANT 217
tre de jeunes Gentils hommes
afin que la tranquilité ferieuſe
des uns temperant l'ardente
vivacité des autres , le Prince
en tire toûjours ce qui fera de
meilleur pour fa conduite.
A l'égard du Ceremonial
pour les honneurs qu'on luy
doit & pour les refpects qu'on
luy doit rendre en luy parlant
& en le fervant , ils doivent
eftre tels qu'il font dûs à l'he
ritier prefomptifde la Couronne
, & il n'y a là deſſus aucune
difference entre le Roy & fon
fils , fi ce n'eft
eft traité d'Alteffe Royale , &
que le Prince
Avril
1709. * T
218 MERCURE
non de Majefté . « be mo
Le Mercredy dixième de ce
mois les Chambres du Parlement
s'eftant affemblées , on y
fit les Mercurialles
en la maniere
accoutumée . Mr le Premier
Preſident adreffa d'abord
la parole à Mrs les Gens du
Roy.
Vous connoiffez , leur dit -il ,
l'importance de nos fonctions &
la grandeur des obligations quiy
font attachées ; devenus les hommes
du Prince & du Public , reprefentez-
nous aujourd'huy nos
devoirs , retracez nous fidele
ment le Caractere & les qualitez
GALANT 219
effentielles qui font neceffaires au
parfait Magiftrat , afin que la
Cour travaille à corriger les défauts
qui pourroient s'eftre gliffez
dans l'adminiftration de la
Fuftice qui luy eft confiée.
Mr d'Agueffeau Procureur
General , prit enfuite la parole,
& fit connoiftre par un tres
beau Difcours toutes les qualitez
& toutes les vertus qui
doivent remplir le coeur d'un
parfait Magiftrat , & l'Extrait
de fon Difcours que je vous
envoye eft infiniment au def
fous de la force de fes penſées
& de la nobleffe de fes expreffions.
Tij
220 MERCURE
la
Dans ce jour folemnel que
fageffe de nos Peres a confacré
aux Mercurialles , nous avons
·à vous reprefenter quelles font
toutes les vertus qui doivent concourir
pour former un parfait
Magiftrat ; mais bien loin que
nous parlions le langage de l'amour
propre, les fonctions de noftre
Miniftere nous obligent de
vous faire reſſouvenir de lagran
deur du rang augufte où vous
eftes élevez, & desfoins que vous
devez prendre pour en conferver
ou pour en augmenter fi faire fe
peut la gloire & la splendeur.
Refpectez voftre Etat refGALANT
221
pectez vous vous-même , fi vous
voulez que les hommes confervent
pour vostre perfonne cette
veneration qui eft dûë à l'éclat
de la Pourpre dont vous eftes
environnez vous ferez toujours
grands , fi vous voulez toujours
Veftre. La dignité qui eft vrayment
propre au Magiftrat n'a
encore rien perdu de fon luftre ;
que le fort jaloux de noftre bonheur
femble nous abbaire ; que
le malheur des temps fufpende
pour ainfi dire noftre autorité ;
le bruit des armes & le tumulte
de la guerre paroiffe vonloir
retarder le cours de lajustice ;
que
Tiij
222 MERCURE
malgré toutes ces conjonctures
le Magiftrat depofitairede l'ausorité
du Prince demeure toujours
dans une étroite obligation de
s'enfervirpour rendre la justice à
fes peuples quelque honneur
que femble meriter la profeſſion
des armes , rien ne fera jamais
plus reſpectable qu'un veritable
"Magiftrat ; foit qu'il abaiffe ,
foit qu'il éleve , foit qu'il puniffe,
foit qu'il recompenfe , il exerce
toujours un pouvoir émané de la
fouveraineté ; mais ſi c'eſt l'autoritéqui
commence le portraitdu
parfait Magiftrat , c'est la vertu
qui doit le finir ; s'il eft le fuplé
GALANT 223
ment de l'une il doit eſtre la perfection
de l'autre. Le Magiftrat
choifi entre les hommespour rendre
témoignage à la verité , ne doit
jamais s'écarter des bornes qu'elle
luy preferit. Toujours inacceffible
aux impreffions qu'unefauffe lueur
luy pourroit fuggerer , il ne doit
fe laiffer conduire que par la feule
lumiere de la verité de la justice.
D'un autre côté libre & exempt
des paffions qui corrompent ordinairement
le coeur humain , il ne
doit jamais fortir de cette noble
indifference qui le rend toujours
maître de fon fuffrage & lelibre
arbitre de fa volonté ou file
Tiiij
224 MERCURE
*
Magiftrat permet à fon coeur
l'accés à quelques paffions , ce ne
doit cftre qu'à celles que la nature
infpire pour le foulagement des
perfonnes opprimées fans s'ecarter
des devoirs de la justice ; une
compaſſionfage & éclairée pour les
malheureux, une fainte pitié pour
les affligez , une jufte indignation
contre les criminels . Ces fortes de
mouvemens ne produiront jamais
rien contre fes devoirs; au contraire
tant que ces traits éclatansformeront
le Magiftrat , rien ne fera
jamais plus refpectable ny plus
respecté. Le monde fçaura l'honnoter
admirera les vertus d'une
GALANT 225
perfonne dont la vigilance infati
gable pour s'aquiter dignement
des penibles emplois aufquels il
s'eft devoué , procure aux hemmes
un repos qu'ilfe refuſe à luymême.
Que d'autres Magiftrats
veuillent tâcher de s'élever au def`
fus de leur dignité par une ambition
demefurée; que ces efprits
tumultueux ne s'embaraſſent que
de l'acroißement de leur fortune ,
leurs mouvemens extraordinaires
pour y parvenir , leur agitation
perpetuelle troubleront continuellement
la tranquilité qui fait le
qui doit bonheur de l'homme
regner principalement dans le
226 MERCURE
coeur du Magiftrat ; lejufte goute
avec tranquilité dans la poffeffion
defa vertu un bien qu'on cherche
vainement dans une orgueilleufe
ambition. Puiſſions nous conferver
long-temps ces reftes pretieux
de l'ancienne dignité du Senat
pourfervir d'exemples aux autres
Magiftrats & leurfaire connoître
les devoirs effentiels quifont attachez
au noble employ dont ilsfont
revêtus & avec quelle grandeur
i's en doivent remplir lesfonctions.
Il parla en cet endroit de tous
les devoirs de la Magiſtrature
& fit voir les dangers que couroient
les Magiftrats qui negli
GALANT 227
•
geoient de s'en acquitter avec
la derniere exactitude .
Erdans quel temps , continuat
-il , cette contagion a t-elle efté
plus generalement répandue , foit
que le Magiftrat fe laiffe aller à
l'inclination de l'amour propre ou
de la vanité qui luy inspirent des
fentimens contraires à lajustice &
à l'équité , foit que l'oifiveté ou
la moleffe s'emparent de fon coeur
qui le rendent inhabile aux fonctions
de fon Employ , foit qu'ilfe
mêle tropfouvent avec des perfonnes
dont la profeffion eſt toute oppofée
à la fienne dont le commerce
arrefte fa vigilance &ſon exac228
MERCURE
titude , on diroit qu'il veut confpirer
contre la gloire de la Magif
trature avec fes ennemis les plus
declarez , laffé e fatigué d'avoirpaffé
le matin dans des fonctions
dont il devroit tirer toutefa
gloire , il cherche le reste du jour à
s'en defennuyer dans des occupations
toutes mondaines , & loin
d'eftre continuellement attentif à
tous fes devoirs aufquels il eft indifpenfablement
obligépar la bienfeance
& parles autres obligations
infeparables de fon état , il ne rougit
pas de fe montrer avec indecenfe
aux promenades & aux
fpectacles: ceux même dont la naifGALANT
229
fance neparoiffoitpas affez illuftre
pour oferprétendre à cette haute di
gnitédu Magiftrat ,font ceux qui
par leur negligence dans leurs de
voirs & par une conduite entierement
opposée affectent pour ainfi
dire de la meprifer davantage ;
ne pouvons nous point dire encore
que ceux qui dans un âge peu
avancé femblent rougir de leur
profeffion , veulent la cacher aux
autres hommes , & fe la cacher
à eux- mêmes ; plus ils veulent
par leur exterieur deguifer leur
dignité , plus ils fe rendent méprifables
, jouant un perfonnage
équivoque ils ne peuvent en af230
MERCURE
fectant une Profeffion incompati
ble qu'effuyer les débris de l'un &
de l'autre ; mais peuvent- ils
ainfi méprifer leur eftat qu'ils ne
méprise nt en mêmeme temps
propreperfonne ? eux qui ne peuvent
leplusfouvent fe faire bondu
leur
neur
que
rang
auquel
la fortune
les
a élevez
par
hazard
. Il
y
a un
égal
danger
à ne
pas
con
noistre
fon
eftat
&
àfe
connoistre
mal
: celuy
qui
ne
s'en
fait
pas
une
jufte
idée
tombe
dans
l'abaiffement
&
le mépris
ou
s'éleve
avec
trop
de
fierté
à une
vaine
gloire
qu'il
ne
merite
pas
; cette
grandeur
legitime
, cette
gloire
folide
&
durable
CALANT 231
量
a
qui fait l'apanage du veritable
Magiftrat ne confifte pas à eftre
au deffus des loix , à vouloir s'affranchir
de leur autorite , & àfe
croire tout permis parce qu'ils ont
le pouvoir de le defendre aux autres;
c'est le goût du Siecle prefent,
chacunpar une inclination perverfe
fe porte au mal qu'il reprimeroit
avec aigreur dans les autres ;
mais ce goût ne doit paspaſſerjufqu'au
Sanctuaire de la fuftice où
les regles de l'équiténaturelle doivent
eftre inviolables , & où il
faut que le jugement du Magif
trat commence par la raiſon , penetré
de ces fentimens & content
232 MERCURE
d'une heureufefecurité, le Magiftrat
trouve dans ces feules difpofitions
les principes defa grandeur,
de là cette delicateffe de fentimens
qui le rendfi circonfpect dans fes
decifions ; de l'à cette gravité mo
defte qui luy attire le refpect
l'admiration ; de là cette affabilité
cette bonté qui luy donnent la
confiance de ceux mêmes qui craignent
leplus de l'aprocher : moins
il veut jouir de fon pouvoir pour
luy même, plus il en acquiert dans
l'esprit des peuples , plus il leur
infpire cette authorité vifible &
reconnoiffable dont il porte
les nobles
marques. Telle eftoit l'impref
GALANT 233
fion que les anciens Senateurs fe
faifoient des devoirs de la Magiftrature
; telles eftoient les vertus
qu'ils defiroient pour former le
grand caractere du veritable Magiftrat
: tel eftoit cet ancien Magiftrat
dont nous pleurons aujourd'huy
la perte , & que pour comlutter
batre contre le malheur
du Siecle s'eft toûjours fervi avec
une fermeté inébranlable de l'autorité
du pouvoir qui luy avoit
efté confié ; fans crainte & fans
foibleffe , il a toujours remply tous
fes devoirs avec la même grandeur
d'ame affuré , difoit il luymême
, qu'il y a encore loin de
Avril
1709.
V
234 MERCURE
pointe du poignard d'un feditieux
, jufqu'au fein d'un homme
juste : heureux d'avoir montré aux
hommes que la magnanimité eft de
tous les eftats , heureux encore une
fois d'avoirfini une fi noble carriere
& de s'eftre acquitté des
fonctionspenibles de laMagiftrature
avec une conftance & une
fermeté invincible dans tous les
temps.
Quandmême cegrand Magiftrat
ne revivroit pas aujourd'huy:
quand même nous ne le retrouverions
pas comme nous faifons dans
fon illuftrefils, le fouvenir de cette
ame magnanime ne s'effacera jaIGALANT
235
il nous en- mais de nos coeurs ,
feignera toujours que plus un
homme honorefon eftat plus il s'en
trouve honoré.
"
Mr le PremierPrefident reprit
enfuite la parole & dans un
difcours rempli de maximes
juftes & folides , il reprefenta
toutes les vertus neceffaires
à la perfection du Magiftrat.
Tout homme , dit- il , eft né pour
le travail , tout Citoyen eft redevable
à fa Patrie de l'employ de
fon temps , il luy doit un compte
fidele de toutes fes actions ; plus il
a receu de talens & d'avantages
de la nature & de la fortune ,
V ij
236 MERCURE
plus il doit s'apliquer à les cultiver
& à les amener à leur derniere
perfection : plus nos obligagations
font étenduesplus nous devons
apporter defoins & d'exactitudes
à nous en acquitter : fi ces
veritezfont certaines,comme l'on
n'en peut douter , le Magiftrat
doit encore un compte beaucoup
plus exactde fon temps au Public,
que les autres hommes ; c'eſt un miniftere
qui luy eft confié , non pas
pour qu'il fe repofe & paffe fes
jours dans une tranquile oifiveté,
maispourqu'il travaille avec affiduite
pour s'acquiter dignement
des grandes fonctions aufquelles il
1
GALANT 237
a
eft appellé . Il est rare d'arriver à
une fi hanteperfection , il est même
dificile d'y afpirer. Si l'on reflechif
foit fur les motifs qui engagent
quelque fois à prendre le parti de
la Magiftrature , il fe trouveroit
peut eftre que la vanité ou l'intereft
auroientfeuls conduits un homme
àfe charger d'un fipenibleEmploy
, pour paffer dans le repos
dans l'oifiveté la principale partie
de fa vie ; on cherche à fe mettre
à l'abry d'unfaux luftre quipuiße
nous cacher nous honorer en
même temps toute la dignité e
l'honneur qui eft veritablement
propre au Magiftrat doit l'ac238
MERCURE
compagner dans toutes fes actions;
même dans celles qui font
independantes defes fonctions , il
doit toûjours conferver la même
force & la même grandeur à la
quelle la nobleffe de fa profeffion
l'éleve. Il y a entre le Magiftrat
& le Public une espece de traité
qui l'engage à travailler conti
nuellement pour ſe rendre capable
d'exercer dignement le penible
ploy de la Magiftrature ;file Ma
giftrat manque àfespromeffes , s'il
donne à l'oifiveté aux diffipations
aux fpectables le temps qu'il doit
confacrer àfa gloire & auPublic,
le Public à fon tour manque au
GALANT 239.
respect qu'il luy doit perd tout
d'un coup la haute idée & l'eftime
qu'il avoit conceuë de fon range
de fon merite ; que celuy donc qui
weut acquerir la reputation qui eft
deuë au veritable Magiftrat connoiffe
toute la nobleſſe deſesfonctions
& qu'ilfache que le devoir
defa profeffion ne luy laiffe aucun
repos affez noble ng même aſſez
legitimepour pouvoir s'yattacher;
on s'acoutume à eftimer ce qui bril
le aux yeux du monde & on attache
une baffe idée à la noble
fonction de rendre la justice ; un
Magiftrat doit éviter avec foin la
compagnie de cesperfonnes, qui,nées
240 MERCURE
ou élevées dans lefein des armes ,
n'ont jamais connu la nobleffe &
la grandeur de la Magiftrature ,
de crainte que fe laiſſant éblouir
par le faux brillant de leur raifonnemens,
il nen vienne à cepoint d'aveuglemet
de méprifer luy même
un eftat dont il doit tirer toutefa
gloire ; pour lors il n'auroit plus
aucun commerce avec des Furifconfultes
fages & éclairez , il
n'auroit plus aucune liaison avec
des perfonnes capables
qui pouroient l'aider de leurs conde
leurs avis , & il ne feils
folides
feroit plus fenfible qu'àla reputation
d'un homme poly & du grand
monde
GALANT 241
monde ; on m
meprife ces fortes de
Magiftrats
ils deviennent
bientoft un objet de raillerie à ceux
même dont ils femblent
briguer
l'eftime avec le plus d'empreffecontinuament.
Je ne dis pas ,
t-il , qu'il faille une vertu trop
auft re dans un Magiftrat , un
homme public doit fe donner tout
entier au public , fon accés doit
eftrefacile & dans une bontéprévenantepour
s'acquerirla confiance
de ceux qui ont befoin de fon miniftere
, il doit toujours conferver
la grandeur & la nobleffe de fon
rang , Mr le Premier Prefident
s'étendit enfuitefur les autres qua-
Avril 1709.
X
242 MERCURE
litez neceffaires à ce parfait Magiftrat
& aprés avoir jetté des
fleursfur le tombeau de celuy dont
la perte eftoitfi recente , il finit en
difant que dans l'exercice de toutes
ces vertus on trouveroit un
feur moyen de paffer une vie auſſi
utile qu'agreable pour foi même
అ honorable pour fa patrie.
Je ne vous dis rien de ces
deux Difcours , qui furent generalement
aplaudis , & qui
font au deffus de toutes les
louanges que je pourrois leur
donner.
ге
Mr Ferdinand Vallot , Pref
GALANT 243
tre Docteur en Theologie de
la Faculté de Paris , Abbé d'Epernay
& de Gaillac dans le
Dioceſe d'Alby, mourut le mois
dernier. Il eftoit ancien Chanoine
de l'Eglife de Paris , &
ancien Confeiller au Parlement
; il avoit donné des marques
de la fuperiorité de fon genie
dans tous ces differens emplois
, & il les avoit exercez
avec beaucoup de fuccés ; il
eftoit frere de feu Mr l'Evêque
de Nevers ; de Madame la Marquife
de Chazeron , épouſe de
Mr le Marquis de Chazeron ,
Lieutenant General des Armées
du Roy , & de Me la
Comteffe d'Avejan , veuve du
feu Comte de ce nom qui a
commandé pour le Roy à Ñan-
X ij
244 MERCURE
cy , pendant plufieurs années ,
& où il eft mort generalement
eftimé . On ne peut rien ajouter
à la pieté de cette Dame qui a
toûjours efté exemplaire , &
dont la vie eft un continuel
tiffu de bonnes oeuvres '; je n'avance
rien que de veritable ,
& dont les preuves ne foient
connuës ; ils eftoient tous enfans
de feu Mr Vallot Premier
Medecin de Sa Majefté , & auquel
Mr Daquin fucceda . Mr
l'Abbé Vallot avoit travaillé
au falut des ames dans le Diocefe
de Nevers , fous fcu Mr
l'Evêque fon frere , & il avoit
toûjours marqué beaucoup de
defintereffement
pour les dignitez
Ecclefiaftiques . Mr l'Evêque
de Nevers avoit eu defGALANT
245
fein de le fairre fon Coadjuteur,
mais la modeftie de Mr l'Abbé
Vallot en empêcha l'execution ;
il eftoit fort affidu aux exercices
de la Sorbonne ; il ne
manquoit jamais d'affiſter aux
Affemblées de la Faculté, & il
a donné dans toutes celles où il
s'eft trouvé des marques de la
fuperiorité de fon genie ; il
eftoit bon Canonifte , & il a
voit fait dés fes plus jeunes
années une étude particuliere
de la Jurifprudence Ecclefiaftique
dans le deffein où feu Mr
Vallot fon pere paroiffoit de
luy faire prendre de l'employ
dans la Robbe il eftoit égale
ment eftimé dans le Parlement,
& il y a efté fort regretté particulierement
de la Grand-
Chambre. X iij
246 MERCURE
Je paffe aux Benefices donnez
par le Roy , dans la derniere
promotion , & je ne me
ferviray du mot de donné , qu'en
parlant du premier benefice , ce
mot de donné , étant fous entendu
pour tous les autres .
Le Roy a donné l'Evêché de
Marſeille à Mr l'Abbé de Belfunce
, Grand Vicaire d'Agen .
Ce nouveau Prelat eft fils de Mr
le Marquis de Belfunce , d'une
des meilleures Maifons de la
Guyenne , & qui a longtemps
fervi à la tefte d'un Regiment
d'Infanterie , & de Dame N...
de Caumont , foeur de Mr le
Duc de Lauzun & de Me la
Comteffe de Nogent ; ainfi cet
Evêque eft coufin germain de
Mr le Comte de Nogent , du
Chevalier de ce nom , dont le
GALANT 247
merite eft connu , de Me la Marquife
de Biron , foeur de ces Mrs ,
& il eft auffi coufin de Me la
Ducheffe duuairiere d'Eftrées ,
qui eft de la maifon de Nogent ,
& de Mr le Duc de la Force qui
eft à la tefte d'une autre branche
de la Maifon de Caumont ,
qui a donné deux Maréchaux
de France . L'Evêché de Marfeille
vacquoit par la mort de
Mr de Poudenx , dont je vous
parlay avec affez de détail lorfque
je vous appris fon élevation
fur ce Siege . Ce Prelat n'ayant
demeuré qu'environ un mois à
Marſeille , y mourut le 20. Janvier.
Mr de Matignon ancien
Evêque de Condom & Abbé de
S. Victor de Marſeille , qui s'y
trouvoit alors , fit les obfeques
X iiij
248 MERCURE
de ce Prelat , qui fut generalement
regretté, puifque dans le
peu de temps qu'il a refté dans
la Ville Epifcopale , il n'a paru
occupé que par des oeuvres de
charité. Le Siege de Marſeille
a joüi autrefois du titre de Metropolitain
. En voici le fujet .
Patrocle , Evêque d'Arles , qui
vivoit du temps du Pape Zozime,
fondoit fur l'Apoftolat de
S. Trophime fon predeceffeur ,
fa Primauté prétenduë fur toute
la France , ou du moins fur
les deux Narbonnoifes & la
Viennoife , ce qui forme aujourd'huy
les Archevêchez de
Vienne , d'Arles , d'Avignon ,
de Narbonne , de Touloufe , &
d'Aix; mais dans le même temps
l'Evêque de Narbonne fe préGALANT
249
•
tendoit Metropolitain de la
premiere Narbonnoife , & fut
appuyé en cela par l'Eglife Romaine
. D'un autre côté Patrocle
ayant efté convaincu de fimonie
, & d'avoir fait plufieurs
violences il fut encore dépouillé
de la feconde Narbonnoife ,
& Procule Evêque de Marfeille
en fut fait Metropolitain par
le Concile de Turin , vers l'an
400 .
L'Eglife Cathedrale de Marfeille
eft fous le Vocable de
Noftre - Dame de la Majour ;
l'Evêque eftoit autrefois Seigneur
d'une partie de la Ville ,
mais dans le treiziéme fiecle il
traita de fes droits avec Charles:
de France I. de ce nom , Roy de
Naples & Comte de Provence ,
250 MERCURE
qui avoit foûmis Marſeille, On
accorda divers privileges aux
Habitans qui font exempts de
Tailles , Ban & Arriere ban , &
la Ville fait un Corps particulier
, féparé de celuy du Pays de
Provence . Les Marfeillois foûtinrent
autrefois de longues
guérres contre les Gaulois , les
Liguriens & les Carthaginois ,
& ils bâtirent plufieurs Villes ,
où ils envoyerent des Colonies ;
ces Villes font , Nice , Antibes ,
Agde . & c. Cefar prit cette fameufe
Ville , qui fut enfuite en
proye aux Goths & à d'autres
Barbares .
L'Abbaye d'Auberive à Mr
l'Abbé de Champigny , frere de
feu Mr l'Evêque de Valence &
de Mr le Treforier de la SainteGALANT
251
Chapelle du Palais . Cer Abbé
eft Prevost de l'Eglife Collegiale
de Saint Pierre de Lille , que
Baudouin Comte de Flandres
fit baftir vers le commencement
du onzième fiecle ; mais comme
il ne joüit pas du revenu de cette
dignité, qui eft confiderable,
depuis la priſe de Lille
par les
Alliez , le Roy qui regle toutes
les actions par la plus exacte
juftice , luy a donné pour le dédommager
l'Abbaye d'Auberive.
Cet Abbé eft de la Maifon
de Bochart illuftre dans le Parlement
de Paris , auquel elle
donna un premier Prefident
dans le dernier fiecle , & qui eft
divifée en deux branches : Sarron
, dont eſt Mr l'Evêque de
Clermont , & Mr de Champi
252 MERCURE
gay , dont eft le nouvel Abbé
d'Auberive
.
L'Abbaye d'Epernay , vacante
par la mort de Mr l'Abbé
Vallot , à Mr l'Abbé le Pileur.
Ileft d'une famille de la Robe
de Paris , tres ancienne
& tres bien alliée & qui
eftoit connuë fous le regne de
Henry III . Mr l'Abbé le Pileur
a un talent particulier pour la
conduite des ames Il avoit l'Ab.l
baye de Bonnefons , dont il adonné
fa démiffion au Roy. CetAbbé
êt neveu de Mr du Buiffon ,
Intendant des Finances, & proche
parent de Mr le Procureur 3
General de la Chambre des
Comptes de Rouen . Mr le Cardinal
de Noailles , qui connoist
GALANT
253
la
regularité de fes moeurs , fa
bonne
conduite & fa
grande
-pieté , luy a donné la direction
de
plufieurs
Communautez .
L'Abbaye de Gaillac
vacante
auffi par la mort de Mr l'Abbé
Vallot , a efté donnée à Mr l'Evêque
de Poitiers , qui eft de la
Maifon de la Poype , l'une des
-plus anciennes de la Breffe . Il
eftoit Comte de Saint Jean de
Lyon avant d'eſtre élevé fur le
Siege de Poitiers , & il eftoit ce
qu'on appelle le Grand Preftre de
Archevêque, Ce Prelat eft frere
de Mr le Marquis de Vertrieu
, de Me la
Superieure de
Saint - Cyr prés de Verfailles ,
& de Me la Marquife de Montaigu
en Franche- Comté. Il Ggnale
tous les jours fon zele &
254 MERCURE
fa pieté dans le Dioceſe qui a
efté confié à ſes foins . Il vient de
faire imprimer une Theologie
à l'ufage de fon Seminaire Ŏn
regarde Mr de la Poype , comme
le pere des Evêques ; ilen eft forti
quatre de Poitiers depuis fix ou
fept ans qu'il en eft Evêque ,
qui ont efté formez fous fes
yeux , & que le Roy a élevez à
cette dignité , par le témoigna
ge de Mr l'Evêque de Poitiers.
L'Abbaye de Gaillac eft dans
le Dioceſe d'Alby , & elle a produit
de faints perfonnages.
L'Abbaye d'Ardennes à Mr
l'Abbé de la Baftie , Docteur
de Sorbonne & Grand Vicaire
de Chartres . Sous un Prelat
auffi pieux & auffi éclairé que
Mr l'Evêque de Chartres , on
GALNT 255
ne peut faire que de grands
progrés dans la vertu & dans
la connoiffance de la Difcipline
& du Gouvernement de
l'Eglife ; ainfi la qualité de
Grand Vicaire de Chartres
fait connoître que celuy qui la
porte merite toutes fortes de
loüanges . Mr l'Abbé de la Baſtie
, a efté élevé dans le Seminaire
de Saint Magloire , dont
il faifoit alors l'agrément par
fon efprit , & par les manieres.
Il eft fils de Mr de la Baſtie ,
Lieutenant de Roy de Strafbourg
, & il reçût les Ordres
-Sacrez dans cette même Ville',
des mains de Mr l'Evêque de
Tiberiade , alors Coadjuteur
de Strasbourg , qui l'honoroit
d'une bien- veüillance particu
256 MERCURE
liere . Cet Abbé eft frere de
Mr de la Baſtie- Verfeil , cydevant
Colonel de Dragons
& à préfent Enſeigne des Gardes
du Corps , & qui fut fait
Brigadier des Armées du Roc
dans la promotion du mois dy
Janvier dernier ; il eft auffi
coufin germain de
Mr de
faint André , Gouverneur de
Vienne , & qui a perdu un
bras au fervice du Roy. Ils
font fils des deux freres , &
tous de la maifon de la Baftie ,
une des plus anciennes & des
plus qualifiées de Dauphiné.
4
L'Abbaye de Bonnefons à Mr
l'Abbé de Lanzac , Grand Vicaire
de Bayonne . Mr Dreüillet
, Evêque de Bayonne partage
avec cet Abbé une partie
"
1
GALANY 257
des foins de fon Diocefe , fur
la connoiffance qu'il a de fon
merite & de fes lumieres , &
il a affocié à l'autre partie Mr
l'Abbé de Barcos , Abbé de
faint Jacques de Beziers &
Docteur de Sorbonne . Mr l'Ab.
bé de Lanzac , eft d'une des
meilleures maifons du Royaume
; elle eft originaire de Languedoc
; elle a formé plufieurs
Branches qui toutes ont produit
des perfonnes d'un merite
extraordinaire.
L'Abbaye de faint Leon , de
Toul à Mr l'Abbé de Suze ,
neveu de feu Mr l'Archevêque
d'Auch . La maifon de la Baume
de Suze eft une des plus
anciennes du Royaume ; elle
eft de Dauphiné , & a donné
Avril 1709.
Y
258 MERCURE
une Evêque à l'Eglife d'Orange
. Roftaing de la Baume proche
parent de ce Prelat fut
Chevalier des Ordres du Roy ;
& c'eft à cette Maiſon que les
habitans de Montelimar font
redevables d'avoir fait fortir
les Proteftans hors de leur
Ville . Un Seigneur de Suze
les en chaffa , & il perdit la vie
peu de temps aprés dans une
occafion où il fe trouva contre
eux . La Maifon de la Baume-
Suze eft alliée à celle de Pontevez
Marquis de Buons , par
une fille de la Baume qui entra
dans celle de Ponteveż-
Buons.
L'Abbaye de Sandras à Mr
l'Abbé Fanti , Abbé d'Ours
& connu par le progrés qu'il a
GALANT 259
fait dans les Sciences humaines
& par la pieté qui couronne
tous les dons que la nature à raffemblez
en foule dans fa perfonne.
L'Abbaye de Sandras aproduit
de Sçavans Religieux ; &
des perfonnes d'une pieté éminente
. Un Moine de cette
Abbaye avoit entrepris dans
le dernier fiecle de donner les
Actes de faint Sabin avec des
Notes qui ferviroient à en
éclaircir les difficultez que Mr
de Tillemont a prefque jugées
infurmontables. Mais la mort
le prevint. Mr Baluze eft du
fentiment de Mr de Tillemont .
L'Abbaye de faint Feriol
d'Effommes à Mr l'Abbé de
Ville - Breüil fils de Mr de
Ville - Breüil Gentilhomme ori-
Yij
260 MERCURE
ginaire de Normandie & d'une
pieté folide & exemplaire dont
il donne des marques dans la
Congregation des Meffieurs ,
dirigée par les Peres du Noviciat
des Jefuites dont il eft depuis
long temps . Cet Abbé eft
frere de Me la Comteffe de
Monafterol , épouſe de l'Envoyé
Extraordinaire de Mr
l'Electeur de Baviere en cette
Cour & eft d'une illuftre famille
Milanoife . Cette Dame
avoit épousé en 1 nôces Mr
de la Citardie Lieutenant general
des Troupes de S. M.
Mr l'Abbé de Ville - breüil eft
generalement eftimé il est
encore jeune , mais il n'en a pas
moins de vertu .
L'Abbaye de Saint Aubert.
GALANT 261
"
à Dom Jofeph Pouillaude , Religieux
de la même Abbaye , &
un des plus habiles Theologiens
de fon Ordre , dont il a
exercé les principales Charges.
Dom Poüillaude entrà fort jeune
dans la Religion , & s'y dif
tingua bientoft par fes talens
& fes Superieurs l'ont fouvent
tiré de ſa folitude pour le faire
paroiftre dans des actions d'éclat
& de doctrine , qu'il a eu
la gloire de foûtenir avec beaucoup
de fuccés.
Le Prieuré de Chaux à Mr
l'Abbé Boifot , Chanoine de Befançon.
Cet Abbé eft frere de
Mr Boifot Premier Prefident d'u
Parlement de Besançon , & cidevant
Procureur General du
même Corps ; & il eſt oncle de
262 MERCURE
J
Mr l'Abbé Boilot Docteur de
Sorbonne , Grand Vicaire de
Meaux , & qui a une Abbaye
confiderable en Franche Comté.
Celuy qui donne lieu à cet
Article a beaucoup de merite ,
& Mr l'Archevêque de Befançon
, de même que Mr l'Evêque
d'Arethufe ont une grande
confideration pour luy . Il est
bon Theologien , & il a un
grand talent pour la Chaire.
L'Abbaye de faint Cæfaire
d'Arles à Me de Graveizon ,
Religieufe de la même Abbaye ,
& niéce de Mr l'Evêque de
Vence. Cette nouvelle Abbef
fe eft fille de feu Mr Amol Seigneur
de Graveizon intereffé
dans les Affaires du Roy , & de
Dame N ... de Grillon , four
GALANT 263
de Mr l'Evêque de Vence . Elle
a un frere connu fous le nom
de Graveizon , & qui demeure
à Arles où il eft fort confideré .
L'Abbaye de faint Cæfaire
eftoit vacante par la mort de
Me Rofes foeur de Mr l'Abbé
Rofes , Abbé de faint Pierre de
Vienne , & iffuë de feu Mr le
Prefident Rofes Secretaire du
Cabinet & Prefident en la
Chambre des Comptes. Elle
avoit efté auparavant Prieure
de fainte Colombe à Vienne >
& Mr l'Abbé Rofes fon frere
l'avoit nommée à ce Benefice
"dont il eft Collateur , & elle le
permuta enfuite avec l'agrément
de Sa Majefté , avec Me
des Halles , alors Abbeffe de
Saint Cefaire , & aujourd'huy
264 MERCURE
Prieure de Sainte - Colombe .
L'Abbaye de Noftre Dame de
Bons à Belley, à Me de Salieres,
Religieufe du même Convent ;
cette Dame eft foeur de feuë Me
de Chaftellart , qui eftoit Abbeffe
du même Monaftere avanc
Me de la Riviere , par la mort
de qui Me'de Salieres l'a euë ,
& avant Me de Chaftellart
Me de Laigues fa tante
de Me de Salieres , avoit eu
cette Abbaye , à une lieuë de
Belley au Village nommé
Bons , Me de Saliers eft foeur de
Me de Fontangé , épouse de Mr
de Gruel de Fontangé , pere &
mere de Mr de Fontangé qui a
perdu un bras & une jambe au
fervice du Roy , & de Mlle de
Fontangé , qui fait fon féjour
,
&
GALANT 265
à Lyon. La nouvelle Abbeffe
eft auffi foeur de Mr du Chaſtellart
, qui après avoir porté l'habit
ecclefiaftique , l'a quitté
pour époufer Mile de Beauvoir ,
foeur d'un Confeiller du Parlement
de Grenoble ; & de Mr
l'Abbé du Chaftellart Prieur de
Chandieu , qui a eu ce Prieuré
aprés fon frere , dont je viens de
parler . La Maifon du Chaſtellart
eft ancienne en Dauphiné.
Il en eft parlé dans l'Hiſtoire
de Marie Stuart Reine d'Ecoffe
, à l'occafion d'un Gentilhomme
nommé Chaſtellart , qui
fuivit la Reine Marie en Ecoffe
lorfqu'elle y retourna aprés la
mort de François II . fon mary ,
& qui périt malheureuſement
pour avoir ofé lever les yeux
Avril 1709
. Z
266 MERCURE
jufques fur cette Princeffe . Me
de Salieres eft niéce de Me lai
Marquise de Leuville , & Mr
l'Evêque de Belley qui connoift
fa vertu & fon merite , a deman.
dé pour elle l'Abbaye de Bons ,
& la obtenuë. Elle avoit une
penfion de quatre cens livres
fur cette Abbaye que fes parens
luy avoient faite , ce qui a enco.
re déterminé le Roy à la luy
donner , pour en foulager les
Religieufes . Il y a eu une Abbeffe
de Bons de l'ancienne Mai
fon de Villette - la - Cou .
L'Abbaye d'Andlaur à Me
Sophie d'Andlau , Religieufe
de la même Abbaye . C'eſt une
perfonne d'un grand merite &
qui a toûjours efté fort appliquée
à fes devoirs . Sa Commu
GALANT 267
nauté ſouhaitoit
ardemmentque
le choix de Sa Majesté tombaft
fur cette Dame . Elle a eu lieu
d'eftre fatisfaite & de la grace
que le Roy luy a faite & de la
maniere qu'il la leur a faite ,
puis qu'en nommant Me d'Andlau
, ce Prince fit l'éloge de cet-
Dame & de la Communauté
dont il luy donnoit le gouver
nement . Me d'Andlau eft d'une
ancienne Maifon originaire de
Picardie , & qui a produit des
perfonnes d'un grand merite .
La Treforerie de la Sainte-
Chapelle de Bourges à Mr l'Abbé
le Hours , Chantre du même
Chapitre , cet Abbé meritoit une
place auffi diftinguée par fon
merite & par fa vertu . Ila toujours
efté fort attaché à fes de-
Zij
268 MERCURE
voirs , & il a toujours eu une attention
particuliere à bien remplir
les fonctions de fon eftar,
Mr l'Abbé le Hours eft d'une
ancienne famille originaire de
Berry , & qui a efté feconde en
perfonnes de merite & de vertu.
Barthelemy le Hours avoit
laiffé dans le feiziéme fiecle où
il vivoit , des Memoires pour
fervir à la vie de Saint Michée ,
dont il eft parlé dans le Menologe
de Canifius , & qui fut un
des Martyrs de la Paleftine dans
la perfecution de Diocletien ,
Il travailla auffi à la vie de St
Venuftien , Gouverneur de la
Tofcane & de l'Ombrie , qui
après avoir fait beaucoup de
Martyrs , eut le bonheur de le
devenir luy- même ; il eft parlé
#
SOALANT 269
de ceSaintVenuftien & de Saint
Sabin dans les Actes de Saint
Caffien Evêque de Todi , & citez
par Baronius , & dont le Jefuite
Bollandus parle . Ce même
Religieux avoit eu intention
de donner au Public quelques
Remarques fur les Ouvrages
du Philofophe Hierocles ,
fur lefquels Pearſon Evêque de
Cheſter , a fait de fi fçavans
Prolegomenes Le P. le Hours
eftoit du fentiment de ceux qui
croyent qu'Hiciocle refuté par
Eufebe , eftoit Gouverneur de
la Bithinie.
Le Mardy 16. Avril Mrs du
Parlement de Dombes firent
chanter dans l'Eglife Collegiale
de Trevoux la Meffe Solemnelle
du S. Sacrement que Mr
"
Z iij
270 MERCURE
".
"
po de Malezieu y a fondée pour
la Maifon de S. A. S. Monfieur
le Duc du Mmaine , &
qui s'y doit celebrer toutes les
années le même jour . Mr l'Abbé
de Curtillot, Doyen de Tre-
Voux & Confeiller, Clerc au Parlement,
officia avec beaucoup de
pompe , & Mr Perraut ancien
Chanoine, harangua Mr le Premier
Prefident & tout le Parlement
lorsqu'ils entrerent dans
l'Eglife . Son difcours fut fort applaudi
. Les loüanges de leurs A.
S. Monfieur & Madame la Ducheffe
du Maine , de Mr de
Meximi Premier Prefident , &
des Chefs de la Compagnie , y
furent répandues fort fpirituel.
lement . Le jour précedent le
Parlement rendit un OrdonGALANT
271
nance digne de fa pieté , pour
obliger les Ecclefiaftiques &
tous lesOrdres de la Principauté
à contribuer à la fubfiftance
des Pauvres .
Je ne doute point qu'une Ordonnance
qui ne peut produire
que de bons effets , & attirer les
benedictions du Ciel fur ceux
qui l'ont donnée , ne ferve
d'exemple à plufieurs Villes du
Royaume , pour ne pas dire à
toutes , ce qui feroit à fouhaiter
.
Comme l'on n'a donné au Public
qu'un Extrait de la Relation
qui fuit , je crois que vous
ferez bien aile d'en voir l'original
. Il eſt de Mr de S. Ovide
de Broüillan , Lieutenant de
Roy de Plaifance.
Z iiii
272 MERCURE
RELATION
De la Campagne que j'ay faite
pour aller attaquer les poftes
que les Anglois poffedent dans
l'Ile de Terre neuve.
""
""
...Je partis le 14. Decembre
,, avec cent foixante & quator-
,, ze hommes pour aller coucher
à trois lieuës de Plaifan-
,, ce le 1. à quatre lieuës ; je
fejournay le 16 par un temps
de neige tres- facheux ;le 17.je
,, me rendis au fond de la Baye .D
de Ste Marie , où il y avoit des
Charois pour me conduire à
la grande Somoniere où je
,, trouvay des vivres que j'y avois
envoyez , &pour m'empê-
12
""
GALANT
273
s
cher de traverser trois gran- «
des rivieres qu'il y a ; j'en
partis le 18. & me rendis à la
dite Somoniere : j'y fejour
nay le 19. 20. & 21. pour é . «
quiper & préparer ma petite
troupe à faire le voyage . Je
me remis en marche & fis en- "
viron deux lieuës : le 23. 4. "
lieuës ; le 24. 4. lieuës le 25..""
2. lieuës : le 26. 4. lieuës : le «***
27. 4. lieuës : le 28. à peu
prés autant le 29. 3. lieuës : "
le 30.2.lieuës & le 31. 1 lieuë,
qui me mit à une demie lienë «*
du fond du Havre où je fis «
faire alte afin de me préparer. "
Je fis dans cet endroit couper "
35. échelles dont les échelons <<
eftoient de corde , afin de les "
rendre plus portatives ; je "
:
२
IC
"
274 MERCURE
"
,, partis à l'entrée de la nuit
,, avec le fieur Depenfens à qui
» je faifois faire la fonction de
Major & les trois guides que
j'avois pour aller aux maifons ,
fçavoir files Habitans s'ê-
,, toient entierement retirez
dans leurs Forts ; à la trois ou
» quatrième maifon j'entendis
du bruit & vis fortir une perfonne
qui venoit à nous , qui
fans doute nous ayant aper-
,, ceu s'en retournoit
; croyant
,, eftre decouvert je m'avançay
,, & me faifis de la maifon où
,, je ne trouvay qu'une femme
& deux enfans . Comme nous
parlions tous affez mal Anglois
je ne pûs rien fçavoir, f
,, ce n'eft qu'elle eftoit feule
dans le Havre & que tout le
""
22
GALANT 275.
monde eftoit dans le Fort «
neuf; aprés avoir fait vifiter «
quelques autres maiſons où «
je ne trouvay perfonne , je "
laiffay deux hommes pour «
garder cette femme & je m'en "
retournay pour amener le dé. «
tachement dans cet endroit . "
Auffitoft aprés mon arrivée , “
je fis marcher ma petite trou- “
pe à la maiſon de cette bonne ❝
femme où nous reſtames juſ
qu'à deux heures , que je fis "
prendre les armes & les é
chelles , & marcher vers le «
Fort, dont nous eſtions envi- "
ron à une demie lieuë ; la re- s
verberation de la neige avec
une tres - belle lune me faifoit «
craindre avec juſtice d'eftre «
découvert des Sentinelles , ff
276 MERCURE
,, eftant obligé de paffer fur des
"" hauteurs dont les deux Forts
,,decouvrent entierement . Cet-
,, te même crainte troubla je
,, crois mes Guides , m'ayant
,, tres-mal à propos fait faire
des marches dont nous vo-
,, yons facilement les Sentinel-
3, les , qui veritablement nous
, découvrirent ; ayant averti
leurs Caporaux qu'ils voyoient
du monde , ils répon
,, dirent aux Sentinelles que
c'eftoient des chiens , dont il y a
,, tres-grande quantité dans ce
Païs qui pourfuivoient des
chevaux. Comme je vis qu'il y
,, avoit déja plus d'une heure
,, que nous marchions dans les
,, neiges au deffus du genouil
fans prefque avancer ; que c'èGALANT
277
toit
bien de la
fatigue
pour "
des gens
qui
eftoient
déja «
beaucoup
fatiguez
du chemin "
qu'ils
venoient
de faire & "
d'avoir
paffé une nuit tres- "
froide fur les
échafaux
fans "
feu
toutes ces
raifons & 16
beaucoup
d'autres
ralentif
foient
l'ardeur des plus braves:
je crus qu'il eftoit
necef. "
faire dans une
pareille
occa
fion de fervir
moi même de "
Guide , ce que je fis en me "
mettant
à la tefte de 20. Vo- "
lontaires
qui
alloient
devant. «
Comme
j'avois
quelque
fois «<
fait ce
chemin
lorfque ce pof- «
te fut attaqué
par Mr de Su ‹,
bercafe ; je fis défiler
avec di- «‹
ficulté le long de la marée ê. "
tant
obligé
de paffer
dans «
278 MERCURE
01
>5
"
lanc
l'eau où l'on ne sçauroit être
aperceu , & de gagner une coline
qui aboutit au pied du
Glaffis . Il fallut fe mon-
,, trer à découvert & marcher
, un peu vifte afin de ne pas
donner le temps d'éveiller, un
Gouverneur brave & vigi-
& mettre une bonne
Garniſon en estat de s'opoſer à
l'affaut que je voulois doner,
,, nous n'eumes pas fait 10. pas
,, que la Sentinelle du Fort neuf
nous aperceut & cria qui vive;
celled Fort Guillaume en fit
,, demême , n'ayant rien répondu
& faifant marcher le plus
›, promptement qu'il m'eſtoit
poffible , il nous fut tiré quel-
,, que coups de fufils ; cela ne
›› m'empêcha pas d'arriver à la
""
و ر
و د
#
GALANT 279
porte du chemin couvert ; je
criay un Vivele Rey qui rani
ma le courage des miens , & «
le fit perdre aux ennemis ; je "
gagnay le chemin couvert "
avec 15 à 16. hommes & tra- «
verlay le foffé malgré le feu ««.
des deux Forts : je fis planter «
2. échelles que j'avois & de "
fix hommes qui me reſtoient , «<
les autres ayent efté tuez "
& bleffez à la defcente du fof. "
fé , il y en eût encore trois de " ě ,
bleffez à mort fur les échelles. "
Ce fut dans ce moment que le "
fieur Depenfens arriva avec «<
quarante hommes & plufieurs "
échelles que je fis planter ſur « <
Pefcarpe , lorfque l'on y eut "
monté , il fallut fe fervir des «‹
mêmes échelles pour une pa280
MERCURE
ㄓ
PP
39 liffade qui occupe la berne où
je me trouvay tres - embaraffé
de voir mes gens entre cette
paliffade & un tallu de remparts
qui eftoit de huit à dix
pieds de haut avec une glace
unie qui empêchoit de grim-
,, per fur le parapet : il fallut
,, me fervir du méme expedient
"
و ر
"
33
32
qui eftoit de faire jetter mes
,, Echelles pour monter fur le
,, rempart : cet Officier montra
le chemin aux autres & entra
le trois ou quatrième dans
le Fort accompagné du fieur
de Renou . J'arreſtay une partie
de fon détachement pour
s'avancer quelque pas dans le
foffé afin de faire feu fur les
Habitans qui nous incommodoient
beaucoup . Meffeurs
و د
و د
و د
"
CALANT 281
..
e
Joanés , Daillibours , Dar
genteuil , fon frere Dupleffis,
Ta Chenays & la Richardiere «
failant fonction d'Officiers , «
fuivirent ces deux Mrs de fort '
prés ; le fieurDepenfens qui fe "
rendit Maiftre des Corps de
garde ; le fieur de Renou , de ce
Ta Maifon du Gouverneur, & «
ces autres Meffieurs allerent "
fe faifir du Pont - levis ; le «
Gouverneur qui alloit pour "
baiffer le petit Pont des Habitans
à trois cent hommes "
qui eftoient à la porte , y fut «
bleffé de trois coups dont il
fut renversé , le grand Pont- "
levis fut baiffé par nos gens "
& le guichet ouvert par où la
plus grande partie du déta- te
chement entra . Pendant ce to :
Avril 1709
. 1799. A a
282 MERCURE
و د
,, temps là , les Habitans fai
foient un feu continuel dans le
,, foffé où les échelles étoient
placées & ne difcontinuerent
, que lorfqu'il me virent maî
,, tre des remparts . Ayant fait
,, avertir le fieur Depenfens de
faire baiffer le grand Pont &
,, ouvrir la porte , cela fut en peu
éxecuté ; ceux que j'avois
"
و د
fait
avancer pour faire
face aux habitans , entrerent
» par le Guichet , & ne laiffe-
,, rent pas de m'eftre d'un grand
fecours . L'on m'avoit affuré
,, que le Gouverneur eftoit dans
le fort des Habitans .Je fis mettre
cette troupe en bataille
fur les Ramparts , ent er les
,, eſchelles , lever le Pont - levis
& fermer le Guicher.
GALANT 283
道
.
(t Dans ce temps- là l'on vint
m'avertir qu'on l'avoit trou.
vé parmy les bleffez & que "
l'on eftoit maiftre de tous les
Officiers. Je donnay ordre
que perfonne ne bougeaft , &
que l'on fit pofer des fenti- "
nelles dans toutes les Guerit- “
tes ; que l'on preparaft le Ca- "
non qui eftoit tout chargé , “
& que l'on prift garde fi les "
habitans ne feroient point "
quelques mouvemens. Je fus
trouver le Gouverneur que ‹
l'on avoit conduit fur la Plac
ce d'Armes ; Je l'amenaydans "
fa maifon ; je luy laiffay un "
Officier & quelques foldats "
pour le garder , & je retour- «
nay fur le Rempart où jere. "
ftay jufques à la pointe du "
ઃઃ
'
1
A a ij
284 MERCURE
""
"
jour que je fis mettre le På-
,, villon Blanc . Tout eftoit .
tranquile dedans & dehors ;
,, Ce Fort eft entouré d'un Gla-
,, cis paliffadé , d'un Chemin
Couvert d'une Contre- Ef-
,, carpe , d'un Foffé , d'une Ef-
,, carpe , d'une Berne , occupée
d'une Paliffade , d'un Tallu ,
,, de Ramparts , d'un Parapet ,
,, & de Remparts fur lesquels
" je trouvay une Baterie de
dix- huit pieces de Canon &
, 4: Mortiers à bombes , &vingt
,, à Grenades . Ce Fort eftoit
Commandé par un Gouver-
» neur , un Ingenieur , plufieurs
Officiers qui formoient la
"
"
,, Garnifon avec cent hommes
des Arcenaux , de
" troupes ,
ן ג
}
,, & des Magazins remplis de
GALANT 285
11
,, Munitions de Guerre & de
,, Bouche , pour foutenir un
fiege de fix mois de tranchée
ouverte. Je fis baiffer
, deux heures aprés le Grand
,, Pont levis pour retirer douze
à quatorze de mes bleffez qui
,, eftoient dans le foffé, & pour
faire emporter quinze ou fei-
,, ze Anglois qui avoient efté
,, tuez dans le Fort . Sur les
,, neuf heures je fis fortir le
fieur de la Ronde Denis avec
,, un Tambour , pour affurer
Meffieurs les habitans que
,, leur vie & leur honneure
,, eftoient en fureté , & j'or- s
,, donnay à tous les autres de .
,, fe rendre dans le Fort , ces
qui fut executé. Ils y vinrent
,, au nombre de cent huit , dont ‹
و د
"
•
286 MERCURE
, je fis faire un Refencement des
perfonnes & des armes qu'ils
,, avoient. J'envoyai deux heures
aprés le fieur Depenfens
,, Major avec deux Officiers ,
,, & trente Moufquetaires pour
,, les faire defarmer tous , &
porter les armes dans le Fort
,, Guillaume , Il fe trouva prés
,, de 600 fufils dont ils avoient,
,, caffé le bois d'une parties.
vingt à trente Piſtolets & au
,, tant de fabres . Sur les deux
», heures aprés midy je fis armer
une Chaloupe & je donnay.
ordre au fieur de la Ronde
Denis de s'embarquer pour
aller au nom du Roy fommer,
le petit Fort de fe rendre..
Celuy qui y commandoit luy
», demanda juſqu'au lendemain
"
>>
"
GALANT 287
à huit heures , ce qui luy fut e
accordé. Je l'y renvoyay au “
temps prefcript , & il trouva «
la Garnifon difpofée à fuivre "
les loix que je voudrois luy
donner. Il me renvoya le "
Commandant avec fa Garni- "
fon qui eftoit de foixante hom- "
mes . Ce pofte eft bafty fur un «
Rocher escarpé , détaché de "
la terre à l'entrée du Port. «
Il eft muny de quinze pieces
de Canon , dont il y en a cinq "
de trente- fix livres , quatre "
de vingt quatre , une de dix- «
huit , & cinq de douze ; un
Mortier à bombes & fix à
grenades
, desMunitions de Guer- sc
re & de Bouche pour prés "
d'un an. Voila , Monfeigneur
à peu près le détail de ce qui
蓄
288
MERCURE .
., s'eft paffé dans mon Voyage,
& de ce que j'ay trouvé dans
,, ce pays . Fait au Fort Guillaume
de Saint Jean . Ce 21.
,, Janvier 1709 .
"
Mrle Duc de Giovenazzo Confeiller
d'Eftat a efté fait Grand
d'Espagne , & il fe couvrit devant
le Roy le 6. Avril .
Mr le Duc de Ceffa a pris
poffeffion des honneurs de la
Grandeffe à caufe de la Duché
d'Aftrico qui luy appartient ,
ayant efpoufé la fille & heriticre
du feu Duc de ce nom .
Je viens de voir une Lettre
d'Espagne , dont j'ay tiré l'Article
que vous allez lire , en attendant
que je vous envoye
une plus grande Relation de la
Ceremonie dont il s'agit , & qui
unit
GALANT 289
unit de nouveau fi fortement les
Efpagnols à Philippe V. & au
Prince fon fils , qu'il paroift impoffible
que rien puiffe jamais être
capable de les en détacher .
Ce n'est pas qu'il y eût rien a apprehender
des Espagnols naturels
dont on ne peut trop loüer
la fidelité & la valeur. Ils aiment
l'honneur , & quand ils
ne le
trouveroient pas portez à
aimer le Monarque qui les
gouverne
aujourd'huy , & à qui ils
obeiffent encore plus par inclination
que par devoir , à caufe
de fes grandes qualitez , & de
la bonté qui luy eſt naturelle ,
ils ne laifferoient pas par principe
d'bonneur , de remplir
tous leurs devoirs ,
On fit à Madrid le ſeptiéme
Bb
Avril
1709.
290 MERCURE
d'Avril ainfi qu'il avoit lefté
arrefté, la Ceremonie de reconnoiftre
& jurer Monfeigneur
le Prince des Afturies pour fucceffeur
du Roy Philippes V. à la
Monarchie d'Espagne , dans
F'Eglife de faint Hierofme du
Buen Retiro avec beaucoup d'éclats
d'ordre , de magnificence
& de dignité , en prefence du
Roy & de la Reine d'Espagne.
Monfieur le Cardinal Portocarero
celebra Pontificalement la
Grande Meffe. Le Prince recût
enfuite le Sacrement de
Confirmation , fuivant l'uſage
pratiqué en pareil cas , & če
fut par les mains du Grand
Aumofnier. Le Roy d'Espagne
ayant fait l'honneur à Monfieur
le Cardinal Portocarero
ALANT 291
de le nommer pour Parrain Son
Eminence prit enfuite le Serment
de fidelité de tous ceux
qui compofoient l'Affemblée.
Elle commença par les Prelats ;
trois Archevêques & 6. Evêques
jurerent pour l'Etat Ecclefiaftique
, enfuite 36 Grands
&: 24. Comtes ou Marquis pour
les Royaumes de Caftille , d'Arragon
, & de Valence qui ont
droit d'affifter aux Eftats . Le
Serment fut receu par le même
Cardinal qui eftoit au pied de
l'Autel affis dans unFauteuil , &
qui avoit devant luy fur une pe
stite table, une croix , & unEvangile
où chacun venoit jurer de
tenir le Serment dont la formule
avoit efté leue auparavant
par un Roy d'Armes . Mr. le
B
bij
292 MERCURE
Duc de Medinaceli qui avoit
efté choisi par le Roy d'Efpagne
pour prendre la foy &
l'hommage de tous les Deputez ,
eftoit debout auprés de Monfieur
le Cardinal Portocarero
& ceux qui avoient prefté le
Serment devant ce Cardinal
prefterent auffi -toft la foy entre
les mains du Duc . Aprés quoy
ils allerent baifer la main du
Prince & enfuite celle du Roy
& de la Reine ; Son Eminence
preſta à fon tour le Serment
entre les mains du Patriarche
des Indes Grand Aumofnier , &
Mr le Duc de Medina celi le
prefta entre les mains du Majordome
Major . On tira le foir
un fort beau Feu d'artifice , &
il y eut des Illuminations dans
GALANT 293
२
toutes les rues.
Quoy que je vous aye parlé
le mois paffé de beaucoup de
prifes faites par nos Armateurs ,
Vous verrez par le nombre de
celles qui font contenues dans
l'Articlefuivant , qu'ils ne ceffent
point de fe diftinguer , &
que toutes leurs prifes font d'un
grand fecours pour l'Etat . Il eft
certain , quoy que puiffent dire
les nouvelles publiques des Ennemis
, que quand même tout
ce qu'elles raportent des prifes
faites fur les François fe trouveroit
veritable , ils en font
beaucoup moins que nos Armateurs
qui fe font craindre
dans toutes les Mers , où ils
triomphent également .
Mr de Blanque , Brigadier
Bb iij
294 MERCURE
des Gardes de la Marine commandant
la Fregatte du Roy
le Zephite , a conduit à Morlaix
une prife Angloife nommée la
Galere de Florence de 200 tonneaux
chargée de balots de
draps , de bleds & de cuirs ; elle
eft eftimée cent mille livres .
Mr de la Moinerie Miniac
commandant leVaiſſeau du Roy
le Superbe est entré à Brestle
16. Avril avec une prife Angloife
nommée la Galere Sarra
venant de Ligourne qu'il fit
le 14. de ce mois à 37. lieuës
à l'Ouest- Sudoueft d'Oucffant .
Cette prife eftoit chargée de
douze balles de caffé contenant
12044 livres ; 450. barils d'enchois
; deux caiffes de marchandifes
de Venife ; 215. caiffes de
GALANT 295
3
vin de Florence ; 40. bottes de
vin de Florence ; 50. pipes du
même vin , une caiffe de cantarides
; 3. caiffes de Manne 3
balois de foye efcruë pefanr
$70 livres ; un balot de foye de
Boulogne pefant 178 livres ; une
caiffe de foye ouvragée ; dix
piéces de marbre contenant 240
palmes ; 100. caiffes de limons ;
une boëte de corail ; 6. balots
de poil de chevre filé , & 11.
jarres d'huille d'olive.
Mr du Bois de la Mothe commandant
la Fregatte du Roy
l'Argonaute a amené une autre
sprife Angloife faite par Mr du
Guay- Trouin , qui venoit de
Mayorque ; elle eftoit chargée
d'huifle & de vin ; le même
Mr du Bois de la Motte a fait
B
bij
296 MBR CURE
en
conduifant cette prife , une
autre prife Angloile d'un bâti
ment venant de Dublin chargée
de bleds & de cuirs pour
Liſbonne .
Les vaiffeaux corfaires le Zys
& le Bijou ont amené à S.Malo
une prife Angloife de 100. tonneaux
, de 6. canons & de 16.5
hommes d'équipage venant de
Barcelonne chargée de raifins.q
Mr de
Rochepierre qui com-b
mande le Vaiffeau du Roy le
Conftant , envoya le 13. Avril
dans le port de Toulon un Vaif-3
feau Anglois chargé de moluëi
eftimé environ 60000 livres
qu'il avoit faite entre Mayorque
& Minorque.
Mr
Bremont a fait une autres
Prife dans le Canal de Malthe,
GALANT 297
chargée de foo. bales de Caf
fé & autres Marchandifes .
Cette priſe eſt eftimée 7. à 800 .
mille Livres, wit
L'article qui fuit eft fi confiderable
, & doit estre remply
de faits fi beaux , & fi dignes de
voftre attention , & de celle de
tout le public , que pour ne pas
perdre des momens qui me font
précieux, je crois devoir entrer
d'abord en matiere.
*
S.VA , S. Monfieur le Prince
Henry Jules de Bourbon , premier
Prince du Sang , premier
Pair & Grand Maistre de France,
Gouverneur de Bourgogne
& de Breffe & c . mourut à l'Hô
tel de Condé le 1. jourd'Avril
à une heure & demie aprés minuit
, âgé de 65. ans 8 , mois &
298 MERCUR E
2. jours , eftant né le 19. de
Juillet 1643. il fut baptife dans
L'Eglife de S. Sulpicele 12. Decembre
fuivant . Il eftoit fils
unique de Louis de Bourbon II.
du nom , Prince de Condé
mort à Fontainebleau le 11 .
Decembre 1686 .
Dans ma Lettre du mois de
Decembre de l'année 1686. en
vous parlant de la mort de ce
Prince, je vous ay donné un détail
de fa Maifon depuis 1489 ,
jufqu'au jour de fon deceds , &
je vous ay raporté la plus grande
partie des glorieufes actions
qui feront vivre éternellement
fa memoire . Cependant je ne
laifferay pas de vous en entretenir
encore dans cet article.
lorfque je vous parleray de celGALANT
299
Dies
les du Prince fon fils qui vient
de mourir , parce que ce ders'eft
trouvé en beaucoup
d'occafions avec le Prince fon
pere dont l'exemple le guidoit,
quoy que fon fang & fa valeur
naturelle puffent fuffire pour le
faire combatre comme il a fait
dans tous les endroits perilleux
où il s'est trouvé .
Sa mere eftoit Claire Clemence
de Maillé Brezé , & il
avoit épousé en 1663. Anne de
Baviere feconde fille d'Edouard
de Baviere , Prince Palatin du
Rhin , & d'Anne de Gonzagues
Cleves. Leur Mariage fut
celebré dans la Chapelle du
Louvre. Voicy les noms des
Princes & Princeffes qui en font
fortis, Mademoiſelle de Bour300
MERCURE
bon née à Paris le premier Fevrier
1666. à 11. heures & 34.
minuttes du matin , qui fut
baptifée aux Carmelites de la
rue du Boulloy . Elle eut pour
Parrain , feuë S.A. Rur
& la Reine pour
Elle fut nommée Marie Therefe.
Cette Princeffe époufa au mois
de Juin 1688.S. A. S. Monfieur
le Prince de Conty.
N. Duc de Bourbon né à Paris
le
5. Novembre 1667. où il
mourut le 4. de Juillet 1670.
fur les fept heures du matin ; il
a efté enterré à Valery.
-Louis Duc de Bourbon , nea
Paris le 11. Octobre 1668,
10. heures 3. quarts du matin.
Il fut baptifé à S. Germain
le 16. Janvier 1680. Le Roy &
GALANT 301
Madame le tinrent fur lesFonts.
Il époufa le 24. Juillet 1685.
Louiſe Françoife legitimée de
France .
3
Anne de Bourbon Damoiſelle
d'Enguien née à Paris le 11. Novembre
1670.
N. de Bourbon , fils , né à S.
Germain en Laye le 3. Juillet
1672.
Anne Louife Benedicte de
Bourbon née le 8. Novembre
1676 , à 4 heures 8. minutes du
matin ; elle fut baptifée à Paris
le 19. Juillet 1685. S. A. S. Louis
de Bourbon fon grand pere, fut
fon Parrain , & Madame la Duchelle
de
fa Maraine
.
Elle portoit le nom de Mademoiſelle
de Charolois au mois
de Mars 1692. qu'elle époufa
302 MERCURE
Louis Augufte de Bourbon le
gitimé de France .
Mademoiſelle d'Enguien , née
le Jeudy vingt - quatre Fevrier
1678. à 7. heures 20. minutes du
marin , qui fut baptifée le 8. Fevrier
1680. elle eut pour Parrain
feuë S. A. S. Monfieur le Prince
de Conty , cy - devant Prince
de la Roche-fur -Yon- & pour
Maraine , Madame la Princeffe
de Conty .
em
Comme cet Article doit être
des plus étendus & des plus
curieux à caufe des differentes
chofes dont j'ay à vous entretenir
; voicy le Plan que j'en ay
formé , & que je me fuis propofé
de fuivre . Je vais vous donner
un Abregé de la Vie du
Prince qui vient de mourir , &
GALNTM 303
le foivre pas à pas dans tous les
lieux où il a donné des marques
de fon intrepidité & de fa valeur.
Je vous le feray voir aprés
avoir marché dans la carriere
de la gloire & afronté les perils
a cofté du grand Prince de Condéfon
Pere, n'épargner ni foins
ni dépenses pour faire rendre
les honneurs funebres dûs à la
Memoire de ce grand homme.
Je vous donneray enfuite
des preuves inconteftables de
la prefence de fon efprit , & je
vous feray connoiftre qu'il a
porté la magnificence jufques
au plus haut point, aprés quoy je
Vous parleray de fa mort ; &
d'entrer dans le dé.
avance
tail de tout ce qui a regardé le
Ceremonial aprés le deceds de
304 MERCURE
ce Prince , je vous feray connoiftre
le Caractere de fon Augufte
Epoufe , & des Princes &
Princeffes qui luy doivent le
jour , en donnant à chacun les
louanges qui luy ſont dûës , &
je finiray cet Article par tous
les honneurs qui luy ont efté.
rendus aprés la mort , juſqu'au
jour que fon coeur a efté porté
à l'Eglife des Jefuites de la rue
faint Antoine, & fon corps à
Valery , & je referveray ces
deux derniers Articles pour ma
Lettre du mois prochain.
Jamais Prince n'a fait voir
dés l'enfance un efprit plus
vif & plus penetrant , & dés
fa plus grande jeuneffe , les
Questions qu'il faifoit marquoient
que fon efprit étoit
GALANT 305
plus avancé que fon âge . Son
éducation fut commife aux Jefuites
, & il étudia dans l'un de
leurs Colleges . On fçait que
l'on n'aprend pas les humanitez
feules chez ces Peres , & que
lors qu'un efprit le trouve plus
étendu qu'on ne l'a ordinairement
dans le temps où l'on
fait fes premieres études , on
prend chez ces Peres , des teintures
de l'hiftoire & des fciences
, & que l'on y aprend à fond
les Mathematiques qui font ab.
folument neceffaires à ceux
qui font nez pour commander
des Armées .
1
4
La paix ayant commencé à
faire fentir fes douceurs en 1660
ce Prince ne pût faire connoitre
que le veritable fang de
Avril 1709.
Cc
306 MERCURE
Condé rouloit dans fes veines ,
& quelque impatience qu'il eut
de fe fignaler , il n'eut pas d'ocafion
de donner des marques
de fa valeur & de fon intrepi
dité jufqu'en 1672.de maniere
que jufqu'à ce temps - là il cultiva
fon efprit , & fe diftingua
dans le monde par un bon gouft
que l'on trouvoit en peu d'au
tres foit pour tout ce qui regar
doit les Ouvrages d'efprit , fort
pour ce qui regardoit les beaux
Arts; & lors qu'il en avoit befoin
en quelque chofe , il ordonnoit
de tout luy même , &
tout ce qu'il faifoit faire paroilfoit
toujours bien imaginé. 10:5
Enfin la joye qu'il témoigna
fut incroyable , & paruc aux
yeux de tout le monde auffi
GALANY 307
"
coft qu'il éac éfté nommé pour
acompagner Monfieur le Prince
fon Pere , qui devoit com ·
mander fous le Roy dans la fameufe
Campagne de 1672. Ces
Princes pafferent la Meufe , &
s'emparerent d'abord de Vifet ,
de Tongres , de Mafeik , de
Sittar & de Fauquemont , & le
Roy n'ayant pour but que d'aprocher
du Rhin , & de s'emparer
des Places qui en étoient
les moins eloignées afin dêftre
plutoft en etat de tenter ce palfage
, fit faire tant de diligence
à fes Troupes , que ce Prince
fa vic peu de temps aprés en
état d'entreprendre fix fieges
prefqu'en même temps. Sa Majefté
fit ceax d'Orfoy & de
Rhinbergue.Monfieur
le Prince
Ccij
308 MERCURE
& Monfieur le Duc eurent pour
partage ceux de Wezel &
d'Emeric ; Mr de Turenne
affiegea Burich & Reez
& toutes ces Places , furent
prifes en cinq jours . Comme
il ne s'agit , fuivant que je me
fuis propofé & dont vous venez
de voir le Plan , que de ce qui
regarde les actions de Monfieur
le Prince dernier mort , qui
portoit alors le nom de Monficar
le Duc , je ne vous parleray
que des Sieges de Wezel
& d'Emeric , ce que je ne pouray
faire fans vous parler du
grand Prince de Condé , puifque
c'eftoit fous luy que Monfieur
le Duc aprenoit le mêtier
de la guerre dont il fit fon coup
d'effay à ces Sieges . One ne
GALANTM 309
doit pas s'étonner fie Wezel ,
étant ataqué par deux fi grands
Princes , cette Place ne refifta
que trois jours , avec le
Fort de la Lippe que Monfieur
de Prince fit attaquer , & qui
fut emporté en une heure de
temps. L'activité de Monfieur
le Duc eftoit fans pareille. Il
Le
trouvoit
par tout ; il examinoit
tout & Monfieur le Prince
fe faifoit un plaifir de luy voir
donner fon Avis fur les chofes
les plus importantes . La Capitulation
de Wezel fut d'autant
plus dificile à faire que le
Commandant ne pouvoit confentir
que les Officiers & les
foldats demeuraffent Prifonniers
de guerre , les travaux
n'eftant pas encore affez avan-
•
310 MERCURE
cez pour qu'il y donnât ſon confentement
; mais Monfieur le
Duc trouva un expedient pour
lever le fcrupule du Commándant,
quifat que durant la negociation
on ne laifferoit pas de
travailler. Cette propofition
fut auffitoft reçue , & le travail
fut pouflé avec tant de
diligence que l'on fit un Lo
gement jufques dans la Demilune
. Les choſes eſtanten
cet état , Monfieur le Duc
obtint de Monfieur le Prince
que le Gouverneur fortiroit
avec les deux Otages & cinq
des principaux Officiers pour
aller où il leur plairoit avec
leur équipage ; & que les deux
cens chevaux & quinze cens
fantafins qui compofoient
la
GALANT 311
Garnifon demeureroient Prifonniers
de guerre .
* Je dois ajouter icy , qu'avant
que la Capitulation fuft arref
tée , les Dames de la Ville
avoient écrit à Monfieur le
Prince , & que dans cette Lettre
fignée de plus de trente ,
elles luy avoient expofé les
foibleffes du fexe , & les craintes
perpetuelles où elles fe
trouvoient . Monfieur le Prince
communiqua cette Lettre
à Monfieur le Duc qui dit
auffitoft avec une vivacité
d'efprit qui fit plaifir à tous
ceux qui l'entendirent que
Monfieur le Prince auroit lieu de
croire qu'il n'auroit pas remporté
un avantage confiderable en prenant
leur ville , s'il manquois
312 MERCURE
fon triomphe ce qui en devroit
faire le plus bel ornement. Cette
repartie fut jugée fi judicieuſe ,
fi fpirituelle , & fi galanté
que Monfieur le Prince s'y
conforma dans la réponſe qu'il
fit aux Dames de la Ville .
t
La deftinée de Wezel fut
caufe qu'Emeric qui auroit
pu refifter quelque temps ,
ouvrit les portes aux deux
grands Prince qui l'a ffiegeoient
prefque auffitoft qu'ils s'en
furent aprochez , & l'on peut
dire que leur reputation & la
maniere dont ils ataquoient les
Places , furent cauſe de la
prompte reddition de celle cy ,
à laquelle Monfieur le Duc témoigna
qu'il auroit bien vouluavoir
plus de part.
장
Je
GALANT
313
1
Je viens à ce qui
regarde le
pallage du Rhin , & à ce qui
s'eft fait
auffitoft après ce paffage
,
Monfieur le Prince &
Monfieur le Duc ayant conti
nuellement agien cette ocafion .
Je ne puis
m'empêcher de vous
répeter encore que
n'ayant entrepris
de vous parler que de
ces deux Princes , & même que
ne vous parlant du premier qu'à
caufe de
l'étroite liaiſon qui fe
trouve de fes actions avec celles
du
fecond , dont
j'entreprens
de vous donner
l'hiftoire , je ne
vous dis rien du Roy
quieftoic
l'ame de tout , qui avoit feul
imaginé le paffage du Rhin , &
qui avoit fi bien
conduit cette
grande
entrepriſe , qu'il avoit
amené les
Troupes
juſqu'au
Avril 1709.
Dd
314 MERCUR
E
a
bord de ce fleuve , fans que per
fonne cut pû deviner le fujer de
La marche. * : 13676
Je reviens aux deux Princes
qui font le fujet de cet Article.
Monfieur le Prince , aprés que
quelques Troupes eurent paffé
le Rhin prés de Tolhuis , impatient
de voir ce qui fe paffoit
au delà de cette riviere , noù
quelques Troupes avoient
commencé à entrer en action ,
fe jetta dans un bateau avec Mr
le Duc, & 17. autres Seigneurs
aufli impatiens que ces deux
Princes de fe fignaler ; mais le
vent les ayant entraînez plus
loin qu'ils ne fouhaitoient , ils
furent contrains de prendre
> terre un peu plus bas cependant
Mr le Comte de Guiche
f
GAUANTM 1315
qui avoir paffé le Rhin à la reſte
des premiers detachemensel,
ayant trouvé fort à propos une
petite Plaine au bord du paſſage
, y mit fes Troupes en ba-
Staille , & prefqu'en même temps
zon entendit tirer un coup un
peu plus loin , & les Volontai-
Stres écoutant trop l'ardeur
bouillante qui les animoit , cou-
3rurent auffitoft vers l'endroit
où ils avoient ouï le bruit ils
Ravancerent juſqu'au bord d'une
haye derriere laquelle il y avoit
quelques ennemis retranchez .
Monfieur le Duc & Mr le Duc
aide Longueville y allerent des
2 premiers. Monfieur le Princey
courut auffitoft pour moderer la
trop vive ardeur de ces jeunes
Princes , & pour empêcher le
D d ij
316 MERCURE
malheur qui arriva ; mais com
ce Prince n'enviſagea pas feul
ce qui fe paffoit , & même ce
qu'il yavoit à craindre , & chacun
de ceux là cherchant à l'empê
cher par des manieres diferen
tes, on entendit en même temps
une voix qui cria aux Ennemis
bon quartier & une autre qui dit
armes bas canailles , ils eftoient
15415
prefts de les mettre lorsqu'une
troifiéme cria tue , the point de
quartier, & que Mr le Duc de
Longueville fe laiffant empor
ter à la vivacité de fon courage
, perça la Barriere d'un air
qui fit croire aux ennemis qu'ils
eftoient perdus , ce qui les obligea
à faire une décharge qui luy
fat fatale , & dont Monfieur le
Prince fut bleffé au poignet
GALANT 217
gauche , & eut fon cheval tué
lous lay. Monfieur le Duc qui
Feftoit aufli expofé des premiers
attentif à tout ce qui fe paffoit ,
voyant ce qui venoit d'arriver ,
au Prince fon pere , luy prefen
ta auffitoft ſon cheval , quoy
qu'il vit bien qu'il fe mettoit
par là en eftat de ne le pouvoir
tirer du péril ; mais un de fes
Ecuyers , fut auffi prompt à luy
donner celuy qu'il montoit
qu'il avoit efté prompt à donner
le fien à Monfieur le Prince . Enfaite
du malheur qui venoit d'a.
river on mit pied à terre pour
rompre la paliffade , ce que l'om
fit en oftant de longues barres
de bois qui eſtoient le long de
Fa haye. L'Infanterie qu'elle
couvroit fut d'abord taillée en
Dd iij
318 MERCURB
pieces. On achevoit de la dés
faire lorfqu'on vit venir deux
Efcadrons ; on alla auffitoft à
eux ; ils ne firent pas une lon ?
gue refiftance ; la bleffure de
Monfieur le Prince , & la more
de Mr le Duc de Longueville
ayant tellement animé nos
Troupes qu'elles auroient défait
toute l'armée ennemie fielle
fe fut prefentée auffitoft . Quoy
que Monfieur le Prince fut blef
fé , il voulut voir paffer toute
l'armée , & il ne fe retira que
le lendemain . SI
Le Roy continua fes Conque
tes avec tant de rapidité que la
Gazette d'Hollande dit en en
parlant , le Roy de France va
fi vifte qu'on ne fçait où il eft ,
ce qui fe répandit dans la plus
GALANTM 39
grande partie des Nations du
monde, Pendant que Sa Majef
té paffoit de Conquefte en Con
quefte, Monfieur le Duc la fuivoitpartout,
&toûjours attentif
à tout ce qui fe paffoit , il eftoic
par tout , il voyoit tout ; il exanoit
tout afin de ne pas laiffer
paffer la moindre occafion de
fe fignaler , & fi ce Prince ne
pouvoit fe diftinguer en comba
tant , il faifoit du moins remarquer
la connoiffance parfaite
qu'il avoit du métier de la guer
& qu'il avoit profité des
leçons du Prince fon pere , qui
Seftoit toûjours fait un plaifir
de luy aprendre l'Art de la
Guerre , & qui avoit un fi mer.
veilleux talent pour l'enfeigner,
qu'il charmoit toûjours tous
Dd iiij
re ,
320 MERCURE
ceux qui l'entendoient parler.
Ainfi l'on peut dire que
quoy que fon fang ait paffé dans
le fang des Princes fes fils & pee.
tits fils , & qu'ils en ayent donné
des marques de fi bonne
heure , Monfieur le Duc de
Bourbon s'eſtant diſtingué dés
Les plus jeunes années , ainfi que
vous le verrez dans la fuite , le
fang leur a infpiré , la valeur
qu'ils ont fait paroiftre dans
toutes les ocafions où ils fe font.
trouvez. Les leçons du Grand
Prince de Condé ont achevé dé
les rendre Grands Capitaines
puifqu'il ne peut rien manquer
à ceux à qui la nature a donné
de la valeur & l'Art une parfaite
connoiffance du métier
de la Guerre , ce qui fait qu'ils
GALANT 3 & t
font beaucoup plaftoft en étae
que les autres , de fe diftinguer,
& de rendre de grands fervices
au Roy & à l'Etat .
&
Le 10. Avril 1673. Monfieur
le Prince & Monfieur le Duc
arriverent à Carleroy , où ils
donnerent & d'où ils envoyerent
aux Troupes , plufieurs
ordres neceffaires & importans
pour l'ouverture de la Campa
guc.
Le 8. Juin de la même année ,
la goute ayant arrefté Monſieur
le Prince à Utrecht , Monfieur
le Duc marcha avec Mr de
Luxembourg à Muydeberg , &
ce Prince donna fes foins pour
faire écouler les eaux qui é
toient depuis Muyden jufqu'au
delà du Weckt . 11 s'empara
2
322 MERCURE
enfuite du pofte d'Iooftendam
prés de Coxeeng , & il fic conf
truire trois Ponts.
Monfieur le Duc accompa
gna enfuite le Roy au Siege de
Maftrick & marquant toûjours
le même zele , la même vivaci
té , & la même attention que
je vous ay fait voir dans le portrait
que je vous en ay fait , S.
A. S. receut pendant ce Siege
plufieurs ordres du Roy , & ce
Prince executa fi bien & fi à
propos toutes les chofes dont il
fut chargé , qu'il s'attira de
grandes louanges de S. M. &
de grands aplaudiffemens de
toutes les Troupes .
Le 18. Juillet de la même
année , ce Prince vint à demilieuë
de Bolduc afin de ſe renGALANT
222
323
1
dre de la au Camp de Mille
reux , enfuite de quoy il alla
reconnoiſtre Bolduc à la portée
du Moufquet . Ce Prince fe
diftingua fort pendant toute
cette Campagne de 1673 &
les Troupes eftoient ravies lors
qu'elles agifoient fous fes
ordres, eftant perfuadées qu'elles
remporteroient toujours
quelques avantages à caufe des
juftes mesures que ce Prince
prenoit lors qu'il s'agiffoit de
quelque entrepriſe , & de furprendre
les Ennemis particu
lierement dans leurs marches ,
ce qui luy eft fouvent arrivé .
Le 29. Avril 1674. il partit
de Gray à 4. heures du matin
avec un Corps de Cavalerie &
marcha vers Bezançon pour
224 MERCURE
8
inveftir cette Place. Il y arris
va le 25. & il en fit ocuper les
avenues par des Corps de Cavalerie
qu'il difpofa autour de
la Place en attendant que l'In
fanterie fuft arrivée & 22
Prince eut la fatisfaction d'entendre
dire au Roy qu'il avoit
fait prendre les Poftes à la Cava
beriefi prés de la Ville que rien n'y
pouvoit entrer ni en fortir fans
combattre. En effet ce Prince
avoit fait executer les ordres
de S. M. avec l'exactitude qui
luy eftoit ordinaire , & il fembloit
que fa capacité & fa prudence
augmentoient tous les
jours Nonobftant la mauvaiſe
faifon & les pluyes continuelles,
il voulut fe trouver à l'ouver
tare de la Tranchée , ce qui
GALANT 325
:
ne fut pas inutile , puifqu efa
preſence redoubla l'ardeur des
Soldats à qui il fit de grandes
liberalitez. Il fit continuer ,
par ordre du Roy , l'attaque
de la droite , & l'on peut affurer
qu'il s'acquit beaucoup de
gloire à ce Siege . Peu de temps
aprés un Sindic de la Ville , &
un Lieutenant de la Garnifon ,
s'estant rendus au Camp , &
ayant demandé à parler à ce
Prince , il les fit conduire au
Roy, & la Ville capitula dés
le lendemain .
Le 19. May , ce Duc arriva
à Dijon , d'où il partit le
lendemain pour aller trouver
Monfieur le Prince en Flandre .
La Bataille de Senef s'efta nt
donnée la même année , il y
326 MERCURE
X
fa
commanda l'Ailedroite avecfeu
Mr le Duc de Noailles CePrincey
parutavec une grande diftinction
, & n'épargna pas f
perfonne ; il eut un cheval tué
fous luy & deux contufions ,
l'une à la jambe & l'autre à la
cuiffe. 11 fe trouva par tout
avec une valeur & une preſence
d'efprit qui étonnerent les Ennemis,
ce qui ne contribua pas
peu au gain de cette fameufe
Bataille .
Au mois de Septembre de la
même année , Monfieur le Duc
agiffant fous les ordres de Monfieur
le Prince fon Pere , fit lever
le Siege d'Oudenarde que le
Prince d'Orange s'eftoit flaté de
prendre enpeu de temps , & la le
GALANT 327
2
vée de ce Siege déconcerta tellement
les ennemis , qu'elle
rompit toutes les mesures qu'ils
avoient prifes pour achever
glorieufement la Campagne.
Le treiziéme Juin 1675. le
Roy envoya Monfieur le Duc
pour difpofer toutes chofes
spour l'ouverture de la tranchée
-devant Limbourg. La Place
afut emportée en peu de jours ,
puis que le Gouverneur fit battre
la Chamade dés le vingtićme.
Cinq jours aprés la priſe de
-cette Place ; ce Prince arriva
fur le midi au Camp de Kerkem
avec la Cavalerie qui a
voit fervi au Siege de Limbourg.
Le 27. Monfieur le Prince &
328 MERCURE
Monfieur le Duc fe rendirent
auprés du Roy qui alloit au
Camp de Tillemont,
Le cinquiéme Aouft de la même
année , ce Prince arriva à
Paris où il reçut des ordres du
Roy pour fe rendre à l'armée
d'Alemagne avec Monfieur le
Prince. Ils y arriverent le dixfeptiéme
du même mois , ce qui
caufa une grande joye dans cette
Armée à caufe de la perte
qu'elle venoit de faire de Mr le
Vicomte de Turenne , qui fuc
bien -toft reparée par la prefence
de ces deux grands Princes
dont la haute reputation eftoit
foutenue par un grand nombre
de Victoires. Leur arrivée deconcerta
fort les Ennemis . Ces
Princes fe firent voir le même
GALANT 329
jour le long des des Lignes du
Camp où la Cavalerie & l'Infanterie
eftoient en haye . Les
foldats firent paroiftre la joye
extrême qu'ils avoient de les
voir , & les troupes Angloifes
jetterent leurs Chapeaux en
l'air pour donner des marques
de celle qu'elles reffentoient.
Monfieur le Duc jetta quantité
de pieces d'or aux Troupes ce
qui fit redoubler leur allegreffe ."
Le vingt - deuxième du méme
mois , ces deux Princes allerent
reconnoiftre les troupes Imperialles
qui avoyent pris pofte à
Eusheim depuis la levée du Siege
d'Haguenau , fait par le
Comte Montecuculy , au feul
bruit de la marche de ces Princès
. Ils revinrent enfuite à
Avril 1799
. Ec .
330 MERCURE
Volshem , d'où ils allerent ob
ferver les Ennemis . Ils découvrirent
8. de leurs Efcadrons fur
une hauteur , qui pretendoient
les attirer par une fauffe marche.
Cependant ils leur firent
prendre le change ; ils arriverent
plutoft qu'eux à Benfeld;
ils s'emparerent du Paffage , &
rompirent par ce moyen les
Projets des Ennemis qui vouloient
entrer dans la Haute AF
face.
Je ne vous dis rien de ce qui
fe paffa le refte de la Campagne,
pendant lequel ces Princes
continuerent de rendre des fervices
tres utiles au Roy & à
l'Etat , par raport à la fituation
où les affaires s'eftoient trouvées
depuis la mort de Mr de
J
GALANT
331
Turenne .
$1.2 De
Le vingt fixième May de l'an
née 1692. le même Monfieur lé
Duc , dont je viens de donner
un Abregé de toutes les actions
guerrieres qui l'ont fait reconnoiftre
digne de porter le grand
nom de Condé , & dont je ne
vous parleray plus que fous le
nom de Monfieur le Prince , le
grandCondé,fous lequel il avoit
appris le grand Art de la guerre
étant mort , fut détaché par
le Roy avec fix à fept mille chevaux
pour aller inveftir la ville
de Namur, ce qu'il fit felon l'orre
de S. M. entre le ruiffeau
de Wedrin , & la Baffe Meufe
fur le Mont Rouge.
સૂચના
-La prefence du Roy ; celle
de Monfeigneur , de feu Mon-
Ecij
332 MERCURI
fieur,de feu Monfieur le Prince
qui vient de mourir , & de Mon
fieur le Duc, connu aujourd'huy
fous le nom de Monfieur le Duc
deBourbon, anima tellement nos
Troupes , & intimida fi fort
celles des Ennemis , que ce Siege
n'ayant duré que peu jours
tous ces Princes ne parent
trouver autant d'occafions de
fe fignaler , que la vivacité
de l'ardeur guerriere qui lest
infpiroit , leur en faifoit s je
dois ajouter à l'égard des Princes
qui font le fujet de cet Article
, fans vous rien dire des
autres que je viens de vous
nommer , dont j'aurois une ins
finité de chofes à vous rapor
ter , qu'on ne peut trouver
plus de valeur & d'intrepidité ,
GALANTA 333
& plus de fageffe & de condui
teenfemble qu'en firent paroître
Monfieur le Prince & Monfieur
le Duc , pendant que du
race Siege , & qu'on ne peut
animer les Troupes davantage
qu'ils firent par leurs exem->
ples & par leurs liberalitez ,
Aprés vous avoir donné un
détail qui vous a fait connoiftre
toutes les actions par lesquelles
feu Monfieur le Prince s'eft diftingué
pendant un grand nom
bre de campagnes , & dont je
n'ay pas voulu interrompre la
fuite afin de vous les faire voir
toute d'une vûë , je dois vous
parler de ce qu'il avoit fair
quelques années avant ces dernieres
campagnes pour honorer
la memoire du grand Prince de
334 MERCURE
Condé fon pere , comme il s'eft
toûjours diſtingué dans tout cel
qu'il a fait , dequelque nature
qu'ilaic efté & qu'il n'a jamais
rien entrepris d'élatant qu'ill
ne l'ait porté jufqu'auplus haut
point de perfection , vous devez
juger qu'il n'a rien épargné
pour faire rendre les honneurs
funebres dûs à là memoire du
Prince à qui il devoit le jour
& qui d'ailleurs l'avoit tendreas
ment aimé. La vie de ce grand
Prince eftoit remplie d'un f
grand nombre d'actions he
roïques, & qui avoient fait l'ad
miration de tous ceux qui en
avoient eſté témoins ou qui en
avoient entendu parler, qu'il
trouvoit dans une vie fi remplie
de miracles dequoy fournir aux
GALANT 335.
ornemens d'une des plus belles
pompes funebres qui eut jamais
cfté. Il choifit l'Eglife deNoftre-
Dame , comme la plus vafte &
le plus beau lieu qu'il pût trouver
pouryfaire faire une Services
folemnel , & pour y faire dreffer
un Maufolée digne de fon nom ,
de fa naiffance , & de fes grandes
actions , & il choifit pour
cet effet Mr Berrain , Deffinateur
ordinaire du Cabinet du
Roy , & qui eft le feul qui ait
efté employé depuis long - temps
pour des chofes de cette confequence.
Comme feu Monfieur
le Prince avoit le gouft bon &
beaucoup d'imagination , & que
Mr Berrain eft un des hommes
du monde des plus inventifs ,
il cft aifé de juger que tant de
336 MERCURB
lumieres réunies enfemble ne
pouvoient rien produire que de
grand , & de bien imaginé , &
digne du Prince à qui un Prince
auffi grand , auffi tendre & auffi
magnifique que celuy dont je
vous donne aujourd'huy l'abregé
de la vie , devoit rendre des
honneurs funebres qui fuffene
dignes de luy , & c'eft affez dire
que l'imagination ne peut aller
trop loin pour fe reprefenter la
beauté dont cette pompe funebre
devoit cftre .
Je vais feulement vous don
ner une idée de la maniere dont
l'Eglife de Noftre Dame eftoit
decorée.
Le grand Portail eftoit orné
en debors de deux Palmiers fort
élevez dont les branches entrelaffées
GALANT 337
laffées formoient comme unArc
de triomphe. Les Troncs de ces
Palmiers eftoient enfilez de diverfes
Couronnes femblables à
celles dont les Grecs & les Romains
récompenfoient les belles
actions des Soldats & des Genéraux
d'Armées ; ces Couronnes
eftoient de Laurier , de Gramen,
de Chefne , de Paliffades ,
de Creneaux , & c . Leur matiere
& leur figure marquoient l'action
du Vainqueur qui les avoit
remportées.
Au deffus de ces Palmiers on
voyoit la Mort victorieufe du
Temps à qui elle arrachoit les
Armoiries de Monfieur le Prince;
mais la Renommée prenant
foin de fa gloire les enlevoit à
la Mort , & invitoit par ce qui
1995 Avril
1709.
Ff
338 MERCURE
ན
fuit à rendre les derniers de
voirs à ce grand Prince .
ADESTE , FORTES ANIMÆ,
ET SERENISSIMO PRINCIPI
LUDOVICO BORBONIO
CONDAO,
Primo Regiæ ftirpis Principi,
PRECIBUS,
ET PIIS LACRIMIS
PARENTATE .
Toute la façade de l'Eglife
au - deffus des trois Portes eftoit
Couverte de Drap noir , fur lequel
eftoient deux lez de velours
chargez d'Armoiries .
Toute la Nefeftoit tenduë de
deüil avec deux lez de Velours
femez de Fleurs - de - lys & de
larmes entremêlées , au - deffus
d'un long rang de Trophées .
CALAMY 339
Toute la vie de Monfieur le
Prince eftoit décrite en trente
Inſcriptions .
On avoit élevé à la Porte du
Choeur un Arc de Triomphe
d'Ordre Dorique , parce que
c'eſt un Ordre Militaire . Cer
Arcavoit deux faces , & reprefentoit
d'un cofté la vie heroïque
de feu Monfieur le Prince ,
& de l'autre ſa mort chreſtienne.
Le Courage & la Valeur
eftoient en pleurs entre les colomnes
Au - deffus de cet Arc
de Triomphe s'élevoit un grand
Obelifque de lumieres à deux
faces , fur l'une defquelles la
gloire du monde eftoit figurée
par une Victoire qui tenoit la
Banniere des Armoiries du
Prince deffunt , & qui s'apr
Fij
340 MERCUK
L
puyoit fur un Globe du monde,
Il y avoit au- deffus de fa tefte
un Arbre dont les feuilles tom
boient . On voyoit de l'autre
cofté la Gloire immortelle dans
le Ciel avec une Couronne d'Etoiles
, & au deffus de l'Obelif
que eftoit une Urne enflamée .
Tout le Choeur reprefentoit
un Camp compofé de feize
Tentes de guerre , & d'autant
de Trophées attachez à
de grands Palmiers qui s'élevoient
entre ces Pavillons.
Tous ces Pavillons eftoient
noirs , femez de lames d'argent
& avec des Campanes de même
pour reprefenter le Camp de la
Douleur. Ils eftoient fourrez
d'hermine , & des Morts couchées
au pied des Trophées ,
BAUDAIM
„
abarGALANT 341
ouvroient ces Pavillons pour
faire voir feize grandes actions
de feu Monfieur le Prince , reprefentées
en autant de Tableaux.
Les feize Trophées
eftoient accompagnez des Titres
glorieux que ce Prince
avoit meritez par fes belles
actions .
On avoit attaché aux Palmiers
feize Medailles de Bronze
des Hommes Illuftres de la
Branche de Bourbon , depuis
Robert de Clermont , cinquiéme
fils de Saint Louis , jufqu'à
Charles de Bourbon , pere
d'Antoine Roy de Navarre &
premier Prince de Condé . Au
deffous de tous ces Ornemens ,
eftoient 48. Devifes en autant
de Tableaux octogones qui re-
Ff
iij
342 MERCURE
C
gnoient autour du Choeur.
Le Maufolée eftoit un grand
Portique d'Ordre compofite ,
pofé fur fept marches . Il avoit
quatre Colonnes entourées de
Palmes d'argent . Les Armoiries
de feu Monfieur le Prince
cftoient fur les faces de ce Portique
avec tous leurs ornemens.
On voyoit à la face qui regardoit
l'entrée du Choeur , deux
Figures qui reprefentoient la
Magnanimité , & la Sageffe , &
à celle qui regardoit l'Autel la
Penitence & l'Esperance, Chacune
de ces Figures avoit les
Symboles qui luy font propres ,
& eftoit accompagnée de deux
Enfans.
La Repreſentation eftoit ſous
le Portique que je viens de vous
GALANT 343
décrire. Elle eftoit couverte da
Poifle de la Couronne de Drap
d'or bordé d'hermine. Du Platfond
de ce Portique pendoit un
Dais fur la Reprefentation attaché
aux quatre Colonnes.
qui en portoient l'édifice . L'Immortalité
fembloit voler vers le
Ciel
pour y porter l'Image du
feu Prince , qu'elle tenoit . Un
grand Pavillon de guerre , femé
de Fleurs de lys & doublé
d'hermine , s'étendoit du haut
de la voûte fur la Reprefenta.
tion , & fes pentes de plus de
quatre- vingt aunes de long fe
rattachoient fur les grands cô
tez du Choeur , dont tout le
pourtour auffi bien que le Maufolée
brilloit de lumieres pla-ı
cées avec un Art admirable .
·
Fiiij
344 MERCURE
Il y en avoit de quatre fortes in
fçavoir des flambeaux , des cierp
ges , des lampes , & des urness
nes d'où fortoient de groffes lueg
mieres . Tous les Corps de l'Ar
chitecture de l'Autel eftoicut !
profilez de lampes , & produien
foient un effet auffi furprenant
qu'agreable.
peut voir par cette Defa
On
peut
零
cription , quoy que tres- abre i
gée , que je n'ay rien dir que des
veritable à la tefte de cet Arb
ticle.
Le Parlement toutes les
Cours Superieures , & tous les si
Corps qui ont accoûtumé d'afec
fifter aux Pompes funebres dess
la Maiſon Royale , ſe trouverent
à ce fervice , qui fut cele- 1
bré prés de quatre mois aprés lag L:
GALANT
345
more du grand Prince pour leequel
il fe faifoit , à caufe qu'il
avoit fallu tout ce temps - là
pour travailler à toutes les cho
fes dont je viens de vous parler,
L'Oraifon funebre fut
prononcée
par feu Mr l'Evêque de
Meaux . Ainfi le choix de l'Orateur
, répondoit à la grandeur
du Prince dont il devoit faire
l'éloge , & à tout ce qui avoit
cfté préparé pour rendre les
derniers honneurs dûs à la memoire
d'un fi grand homme.
Feu Monfieur le Prince dont
je vous parle aujourd'huy de la
mort , & qui fit rendre de fi fuperbes
honneurs , s'il m'eft permis
de parler ainfi , à la memoire
de Monfieur le Prince fon
pere , & dont le genie & le bon
346 MERCURE
gouft eftoient fuperieurs , ainfi
que je vous l'ay déja dit & même
prouvé , avoit une Memoire
admirable , & une grande prefence
d'efprit , & il n'ignoroit
rien de tout ce qui regarde le
grand Art de la Guerre ; vous
en jugerez par ce qui fuit , &
dont je ne vous fais le rapport
que fur ce que j'ay entendu
moy-même , ayant eu le bonheur
de me trouver auprés de
ce Prince , lorfqu'il donna Audience
aux Ambaffadeurs du
Roy de Siam , qui vinrent en
France dans l'année 1686 .
La converfation eftant tombée
fur ce qui regarde la guerre
, feu Monfieur le Prince , fit
voir en moins d'une heure com
ment des Armées devoient fe
GALANT 347
1
1
camper pour vaincre , & pour
foutenir les plus vigoureufes
attaques. Il marqua les inconveniens
qu'il y avoit à fe mettre
en bataille felon l'ordre
qu'obfervoient les Siamois , &
il donna par là des leçons aux
Indiens , à qui de fiecle en fiecle
leurs Ancêtres devoient
avoir appris de quelle maniere
Alexandre combattoit. Ainfi ce
Prince montra dans cette converfation
que non feulement
l'Art de la guerre n'avoit rien
d'inconnu pour lui , mais auffi
qu'il ne fçavoit pas moins bien
la fituation & les Coûtumes des
Païs les plus éloignez ; que dans
les Hiftoires Etrangeres rien
n'échapoit aux vives lumieres
de fon efprit , & que fon efprit
348 MERCURE
eftoit univerfel. Ainfi l'on peut
dire , qu'en moins d'une heure
de temps , ce Prince fit beau
coup d'honneur à la France ,
par une infinité d'endroits dif
ferens , puifque tout ce qu'il
dit devant eſtre raporté au Roy
de Siam , devoit luy faire concevoir
une tres haute idée de
tous les Princes du fang de
Bourbon .
Je ne vous dis rien du refte
de la converfation qui roula fur
une infinité de chofes differentes
, qui firent connoître là
prefence d'efprit d'un Prince
à qui il ne paroiffoit pas que
rien fût inconnu . Auffi les Am-'
baffadeurs de Siam , dirent - ils
que ce Prince, qu'ils n'avoient d'a.
bord cru qu'unhomme , leur paroifSHANT
349
foit quelque chofe de plus .
Ce Prince joignoit à tout ce
qui le rendoit recommandable,
& dont je viens de vous parler,
un efprit fi porté à la magnificence
, que fans les Feftes données
par le Roy , on pourroit
dire que perfonne n'a jamais
porté la magnificence dans un
plus haut degré. Cette magnificence
ne regardoit pas feulement
la profufion de toutes les
chofes qui doivent rendre une
grande Fefte accomplie , &
quoy qu'elle parût dans toutes
les Feftes données par ce Prince,
aller encore plus loin qu'il
n'eft poffible de fe l'imaginer ,
elle n'en faifoit neanmoins que
la moindre partie , & ce que
parmy les gens d'efprit & de
350 MERCURE
"
3.
bon goût , & qui n'ignorent
rien de ce qui regarde les beaux
Arts , on appelle l'entente , y regnoit
au fuprême degré , Toutes
les parties y paroiffoient faites
l'une pour l'autre , & l'on
paffoit d'un divertiffement
l'autre d'une maniere qui faifoit
autant de plaifir que les divertiffemens
mefmes ; tous ces
divertiffemens eftoient amenez
avec efprit , & l'on peut dire
que fi feu Monfieur le Prince
n'avoit pas de part à l'execu
tion qui ne regardoit que les
Ouvriers , & ceux qui devoient
reprefenter divers perfonnages
dans ces grandes Feftes , il
eftoit l'ame de tout , tout ce qui
compofoit ces Feftes auffi fuperbes
que galantes , eſtant forGALANT
351
y de fon imagination. Il en
donnoit les idées à Mr Berrain,
dont je vous ay déja parlé , qui
travailloit enſuite aux Deffeins,
& qui les faifoit aprés execu
ter. Toutes les parties de ces
Feftes ne regardanr pas les Ou
vriers , Monfieur le Prince conferoit
avec tous ceux qui devoient
agir dans les divertiffemens
. Ils fe conformoient à fes
idées pour toutes les chofes
qu'elles devoient repreſenter.
Je crois vous devoir parler
icy d'une des Festes données
par ce Prince à Monſeigneur le
Dauphin , qui luy avoit dit qu'il
iroit paffer quelques jours
Chantilly Il n'en fallut pas
davantage pour mettre l'imagination
de ce Prince en mou-,
352 MERCURE
vement , & les divertiffemens
qu'il imagina , & dont un feul
auroit pû fuffire pour regaler
les plus grands Souverains du
monde , furent en fi grand nom.
bre , que l'on peut dire qu'à
chaque heure du jour il fut regalé
par un divertiffement nouveau
, où l'invention , la ga
lanterie & la pompe regnoient
également . Je n'entreprendray
point icy de vous faire une peinture
de tous ces divertiffemens
qui pourroient remplir plu
fieurs volumes , & je prétens
feulement vous en donner une
idée. Cependant
je crois que
je ne pourray m'empêcher de
m'étendre fur celuy qui fervic
de prelude aux autres , & dont
la deſcription pourra vous faire
GALANT 353
juger de la beauté & de la fingularité
de ceux qui le fuivi
rent, plan
९
Monfieur le Prince refolut de
donner une Colation à Mon→
feigneur le Dauphin , & à toute
fa Cour au milieu de la Foreft
qui conduit à Chantilly , & de
faciliter à ce Prince tous les
moyens de chaffer agreablement
avant que d'arriver au
lieu où il devoit trouver certe
Colation. C'eftoit dans un endroit
appellé la Table, & qui eft
regardé comme le milieu de la
Foreft. La figure de ce lieu eft
ronde : il a 23. toiles de diametre,
& il eft partagé en douze
-routes , qquuii ont pour centre le
point du milieu de cette Place .
Elles font toutes bordées de
Gg Avril 1709.
354 MERCURE
Charmille, & ont chacune cing
toifes de large , & environ une
lieuë de long . Dans le milieu
de ce rond on avoit eu foin d'é
lever une Feuïllée , dont la forme
fuivoit le mefme plan. Elle
eftoit de fept toifes & demie de
diametre , & élevée fur une
Eftrade de cinq pieds de haut.
Cette Feuillée eſtoit percée de
douze Portiques , qui aboutiffoient
à chacune des douze rou
dont je viens de vous par
ler , & pour y monter , on avoit
conftruit quatre Escaliers de
douze pieds de large , avec des
appuis ou Balustrades des deux
coftez de chaque Escalier . La
mefme Balustrade regnoit tout
autour de l'Edifice , & chaque
Portique avoit vingt pieds de
tes ,
GALANT 255
haut fur douze de large. La
Corniche eftoit faillante en de
hors ainfi qu'en dedans . Le Dôme
avoit fon plein ceintre , &
fur le milieu & au - deffus eftoit
une Balustrade de dix pieds de
diametre . Tout le Dôme , les
Ceintres , les Pilaftres & les
Appuis , eftoient recouverts de
feuilles de Chefne . Des branches
de Genievre formoient les
Balustrades , & le tout eftoit
conſtruit de maniere qu'on
voyoit toute
toute l'Architecture
profilée. Tous les Portiques
eftoient ornez de gros feftons
de feuilles de Chefne , & de
bouquets de fleurs . La Table
où la Colation fut fervie eftoit
au milieu de cet Edifice . Elle
eftoit ronde , & de dix pieds
9
*
Gg ij
356 MERCURE
S
de diametre . Une grande Corbeille
d'argent en occupoit
le point du milieu . Elle eftoit
foûtenuë fur douze Confoles
à jour de vermeil doré ,
qui répondoient à chacune des
douze Arcades . Ces douze
Confoles eftoient jointes en
femble par des guirlandes de
fleurs , & portoient chacune
deux petites Corbeilles d'ar .
gent remplis de fruits, La grande
du milieu l'eftoit de fruits
& de fleurs , & le tout formoit
une élevation toute à jour , &\
qui ne faifoit aucun obftacle à
la vûë. On mit fur cette Table
le couvert de Monfeigneur visà
-vis le milieu de la route qui
va à Chantilly. Tout le pour
tour de cette Place de fix - vinge
ALANT! 357
toiles de large , eftoit de treillage
de feuillée , & orné de
Portiques auffi de feuillée , au
travers defquels on découvroit
toutes les routes.
Monfeigneur entendit en
arrivant un Concert de Timbales
& de Trompettes qu'on
avoit poſtées dans le Bois à une
diſtance mefurée , afin que
l'harmonie en eftant un peu
éloignée cuſt plus de douceur .
Ce Prince trouva tout le dedans
du Dôme vuide , & la Table
fervie de vingt- quatre baffins
de Roft & de quatre plats d'Entremets
autour de chaque baffin
ce qui faifoit fix vingt plats.
Les mesures avoient efté prifes
justes qu'on peut dire que
ceux qui fervoient eftoient
358 MERCURE
avertis de chaque pas que Mone
feigneur faifoit dans la Foreft
pour avancer, puifque ce Prin
ce arriva dans l'inftant qu'ons
venoit de pofer le dernier plat
chaud fur la Table. Comme
il n'y avoit que le Couvert de
Monfeigneur , il ordonnaqu'on
en miſt d'autres , & la Table
en fut aufficoft garnies ; mais
on n'en mit point vis - à - vis del
ce Prince. Monfieur le Prince ,
Monfieur le Duc , & Monſieur
le Prince de Conty furent pla
cez à cofté de Monfeigneur
& les Seigneurs de ſa ſuite ocuperent
le refte des places . On
releva les Entre mets chauds™
pour en remettre de froids.
Tout fut en ſuite relevé d'un
férvice entier de fruit avec le
GALANT 359
1
2
même nombre de Corbeilles &
de Plats qui rempliffoient la
Table lors que , Monfeigneur
arriva. Il y avoit quantité de
Corbeilles ovales & en lozange
chacune de deux pieds de diametre.
Je n'entre point dans le
détail des fruits & des confitures
; cela iroit à l'infini. Je
vous diray feulement que dans
les flancs des Corbeilles ovales
étoient de riches Cuvettes remplies
de toutes fortes de Liqueurs.
Ces Cuvettes étoient
acompagnées de Sou- coupes
garnies de glaces & de quantité
de Verres à Liqueurs de diferentes
manieres. Un moment
aprés que l'on cut fervy le fruit,
le bruit de guerre formé par les
Timbales & par les Tromper360
MERCURI
tes ceffa tout à coup , & dans le
même inftant on entendit dans
la route qui eftoit vis à-vis de
Monfeigneur , une harmonie de
Hautbois , de Flures , de Mu
zettes , & de divers Inſtrumens
champêtres. On l'écouta quel
que temps fans voir rien paroître,
& tout eftoit fi bien concerté
, & executé avec tant d'ordre
& de jufteffe qu'il n'y avoit
pas une feule perfonne dans la
route qui devoit eftre remplie
un moment après. L'harmonie
'ayant diverti les oreilles & infpiré
de la joye pendant quetque
temps , on apperçur de loin
le Dieu Pan , qui eftoit fuivi par
quatre- vingt-dix Faunes , Sylvains
, Satyres , & autres Divinitez
qui ont accoûtumé d'accompagner
GALANT 361
1
compagner ce Dieu dans les
Bois . Toute cette Troupe parut
d'abord à un quart de lieuë
de la Table , & ne fe mit en
marche qu'aprés que Monfeigneur
euft eu le temps de la remarquer.
Le Dieu Pan que
l'on voyoit à la tefte eftoit reprefenté
par Mr de Lully Surintendant
de la Mufique du
Roy , qui battoit la mefure avec
fon Thirfe . Il eftoit fuivi de
vingt- quatre Satyres , & de tou
tes les Divinitez qui habitent
les Forefts . On entendoit des
1 Hautbois , des Muzettes , &
plufieurs autres Inftrumens
champêtres , au fon defquels ſe
faifoit la Marche . Leur diverfité
formoit une harmonie tresagreable
, & le nombre de ces
Avril 1709
. Hh
1
362 MERCURE
Joueurs d'Inftrumens
eftoit fi
grand qu'il rempliffoit trois li
gnes. Les Muficiens avecule
refte de la fuite du Dieu Pan ,
marcherent fur ces trois lignes
avec beaucoup d'ordre & fans
aucune confufion . Les Danfeurs
, au nombre de vingt - un
qui avoient tous des Maffuës ,
cftoient montez fur les épaules
les uns des autres & for-
Imoient des Groupes furpremans
. En effet , il y avoit dequoy
s'étonnerqu'en
formant ces fortes
de Groupes ils fe puffent renir
auffi fermes que fi chacun
3 d'eux eut efté à terre; ils étoient
fuivis de 51. Muficiens qui portoient
chacun fur leur tefte une
corbeille remplie de fruits
feints , reprefentant
des fruits
IGALNTM 363
des bois comme pignons , pommes
de pin , gourdes & autres
qui ne font connus que parmy
les Satyres. Ils tenoient cha-
2cun une branche de chefner;
acettes nombreuſe Troupe s'étant
avancée vers le bout de
Pallée le plus proche de Monfeigneur
, les joueurs de Hautbois
fe rangerent des deux côtez
de l'escalier qui montoit à la
table de ce Prince , & quand
ils furent placez , les Danfeurs
executerent parfaitement
bien
ce qu'ils avoient concerté , qui
eftoit de defcendre pour danfer
, & de paroître neanmoins
toûjours groupez.
Pour cet
effet , ceux qui estoient les plus
élevez fautoient en cadence de
e quatre meſures en quatre me-
Hh ij
364 MERCURE
fures ; & comme il n'en fautoit
que trois à la fois , on en voyoit
toûjours trois qui formoient la
même figure que les trois pre
miers. Ainfi l'allée fut toûjours
remplie jufqu'à ce que les trois
derniers euffent fait la même fi
gure que les trois premiers . Les
51. Muficiens qui fuivoient avancerent
jufqu'aux environs
du lieu où les Satyres groupez
venoient de finir leur danfe
& ayant paffé fous le Portique
de l'avenue où ces Satyres é
toient , ils fe placerent fur un
terrain que l'on avoit gazonné
depuis le Portique de la route
jufqu'à Pefcallier. Quand chacun
eut pris fa place , on joüa un
air d'un autre mouvement , fur
lequel tous les Faunes & les Sapuli
.
嬉
GALANT 365
tyres firent une dance fort extraordinaire.
Elle plût beau ,
coup à Monfeigneur , & reçût
degrands aplaudiffemens . Cette
danfe , qu'on pouroit nommer
un petit Ballet , eftant finie
, les Muficiens avancerent
vers l'escalier qu'ils monterent
fur deux lignes au fon des infcrumens
, & lorſqu'ils furent
arrivez fur l'Eftrade , ils fe leparerent
les uns à droite , &
les autres à gauches de maniere
qu'ils entourerent la table.
Ceux qui portoient les corbeilles
fuivirent , & les placerent
fur des gueridons de feuillée
qui eftoient fur les appuis des
Portiques magobet
J
د م ح م
25
* Les Hautbois pararent aprés,
& les Danfeurs monterent en-
Hh iij
366
MERCURE
4
fuite; ceux -
cys'étantpris par la
main
danſerent autour de Mon
feigneur , fur air qui estoit
tout diferent des deux derniers
qu'on venoit
d'entendre , & qui
fembloit
marquer l'excés de la
joye qu'on
reffentoits en ces
lieux de la
prefence de ce Prin
ce.
Pendant qu'on danfoit autour
de la table , les
Muficiens
deſcendirent par un Efcalier
qui eftoit derriere
Monſeigneur ,
& fe
rendirent dans une allée
que l'on voyoit sà coſté ide
celle par où tout ce
divertiffement
eftoit venu. Ils
yatrous
verent les
Picqueurs
endormis
avecleurs chiens .
LaDanſe finit
juſtement en ce
tempslà comme
avoit efté
concerté , & les Muficiens
chanterent un
morceau
4
1 GALANT 367
1
deMufique de Mr de Lully , dont
les paroles eftoient de feuMr de
Moliere qui les fit pour un divertiffement
donné par le Roy,
&nommé la Princeße d'Elide , qui
convenoit à la fituation où fe
trouvaient les chofes dans ce
moment . On entendit alors
toute la Foreſt retentir du bruit
de ces paroles.
Debout , Lyfifcas , hola debout ,
Pour la Chaffe ordonnée , il faut
preparer tout.
Les Piqueurs fe leverent
aprés avoir fait toutes les
actions qui pouvoient marquer
qu'ils eftoient profondement
affoupis , & qu'ils n'avoient
efté éveillez que par
ceux qui les apelloient , en leur
difant qu'ils allaffent preparer
"}
Hhij
368 MERCURE
tout pour la Chaffe quenKon
avoit ordonnée.Onu entendit
enfuite un grand bruit de Cors,
& dans cet inftant un Cerf
ayant traversé la route à la
ve de Monfeigneur , ce Prince
s'écria , comme ſouhaitant d'avoir
des Chiens. Dans le même
temps on vit paroiftre une
Meute que l'on découpla aprés
les Cerf. Monfeigneur voyant
que les Chiens chaffoient fi
bien ,têmoigna eftre fafché de
n'avoir des Chevaux que pour
tirer en volant . Dans ce moment
on en vit paroiftre d'au
ares , & ce Prince monta à che
val pour fuivre la Chaſſe avec
tous les Seigneurs qui l'accompagnoient
. Il courut le Cerf
qui fut pris dans le l'Etang de
GALANT 369
Cormeille , aprés l'avoir couru
environ un heurespore zinza
Cette Chaffe eftant finies
Monfeigneur prit le chemin
du Chateau , & dit en parlant
du repas , & du divertiffement
du milieu de la Foreft que
tout y eftoit plein d'invention &
fort bien executé; que cela pouvais
paſſer pour un divertiſſement com
plet , & qu'il y avoit pris beau!
coup de plaifir.
Toutes les Divinitez des For
refts , ainfi que les Faunes , les
Sylvains , les Satyres, qui com
pofoient leur fuite , avoient des
habits faits exprés qui les rés
prefentoient naturellement
plutoft comme on a acoutumé
de les Peindre , que comme on
les voit habillez fur le Theatre.
370 MERCURE
Ces habits eftoient faits fur les
Deffeins de Mr Berrain , ainfi
que toute la feuillée, og o
Ce qu'il y cut de furprenant)
dans les plaifirs de cette preq
miere journée , fut que Monfeigneur
, avant que d'arriver
à Chantilly où il fembloit que
les Divertiffemens duffent feulement
commencer , avoit cu
le plaifir de deux Chaffes dife
rentes ; un grand Repas dans
un lieu conſtruit exprés , & une
Fefte complette accompagnée
de Mufique , de Symphonie , &
de Danfes , & le tout exécu ,
té , parce qu'il y avoit de meile
leures voix , & de plus habiles
Danfeurs en France . C'eft ce
qui ne s'eftoit encore jamais vû
dans une occafion ſemblable ,
GALANT 171
& ce que le zele de Monfieur
lePrince luy fit inventer S. A S.
ne pouvant attendre que Monfeigneur
fuſt arrivé à Chantilly
pour commencer à luy témoi
gner la joye qu'elle avoit de l'y
voir venir.
Vous devez juger de l'em
barras où je dois eftre. Je voudrois
donner une idée generale
de la Feſte de Chantilly ; mais
il est à remarquer que cette Fête
dura huit jours , Monfeigneur
le Dauphin eſtant arrivé
à Chantilly le 22. d'Aouſt
de l'année 1688. & n'en eftant
party que
le 31. du mefme mois.
Ce que l'on nomme encore aujourd'huy
la Fefte de Chantil
ly , renfermoit dix ou douze
Feſtes auffi magnifiques , aufh
372 MERCURI
galantes , & auffi remplies d'ja
vention , que celle qui fervir
de Prelude à toutes ces Feſtes,
dont vous venez de lire la defcription
, & qui fut donnée
avant que Monſeigneur fût ars
rivé au Château . On doit juger
par là de la beauté de toutes les
autres , dont je ne vous feray la
defcription que de trois ou quatre,
qui avec celle de la Fefte
de la Foreſt que vous venez de
lire , pourront vous faire juger
que ces Festes devoient eftre
autant de ſpectacles auffi nouveaux
par leur fingularité que
par leur magnificence.ev
1
Je commence par vous dire
que Monfeigneur aprés avoir
traverfé la Court du Château.
traverfa plufieurs pieces de fuiGALANT
373
te, qui portoient chacune un
nom convenable aux chofes qui
y eftoient reprefentées . L'une
fe nommoit la Chambre de Venus
& les autres celle de Diane ,
celle de Flore , celle de Bacchus
8 celle de Momus , & dans lef
quelles il y avoit plufieurs Tables
pour toutes fortes de Jeux .
Après avoir traverfé toutes
ces Chambres , Monfeigneur
entra dans un grand Salon qui
eft en retour. Ce Prince au
fortir de ce Salon monta dans
un autre Appartement , dont
J'aurois beaucoup de choſes à
vous dire tres - curieufes & tresfingulieres
; mais cela me meneroit
trop loin . Il entra enfuite
dans une grande Gallerie.
Je ne vous dis rien de ce que
3
374 MERCURE
contenoit cette Gallerie , dont
la defcription pourroit fournir
affez de matiere pour un volume
entier. Elle eft laivie d'un autre
Appartement , dont je ne vous
dis rien encore , & dans lequel
Monſeigneur mangea; je paffe
au divertiffement de l'Opera...
Monfieur le Prince ne voulant
point donner de divertiſſe
ment qui eut eſté déja vû , &
voulant que tout y fur nouveau,
même jufqu'au Theatre
> en
avoit fait conftruire un dans
l'Orangerie qui a 70. toiſes de
long , & 27. pieds de large. Cet-
Orangerie fut féparée en trois
parties , féparées par des Portiques
d'Architecture ,
fans y
comprendre le Veſtibule parou
l'on y entre , & duquel on
voyoit cette longue étenduë
GALANT 375
éclairée de deux rangs de luftres
que les grands Portiques
qui fervoient d'entrées à ces
differentes Salles , laiffoient
voir diſtinctement. Je ne vous
dis rien de la magnificence des
ornemens de ces trois pieces ,
ayant refolu de ne vous parler
que des chofes fingulieres qui
ont regardé la grande Fefte
dont il s'agit. C'est pourquoy
je vous diray que le Vestibule
par où l'on entre dans l'Orangerie
eftoit orné de grands
arbres qui ceintroient & cachoient
toute la voûte . Les
pieds de ces arbres eftoient dans
une feule caiffe qui regnoit tout
autour du Veſtibule , & qui
eftoit peinte en Porcelaine , &
ornée de Chiffres de Monſci-
ཨ …… བྷསྶཀཏྠཱ
་་་་་ ་ ་ ་
376 MERGURE
gneur , avec des Attributs de ce
Prince. Ces arbres eftoient fi
verds , fi chargez de feuillages ,
& fi artiftement placez , qu'il
eftoit impoffible qu'on vift les
murs de ce Veftibule , de forte
qu'on le pouvoit prendre pour
une tres belle Allée . Ces arbres
conferverent leur verdure
pendant les huit jours que dura
la Fefte , & ils donnerent une fi
agréable fraîcheur à ce lieu ;
qu'on refpiroit en y entrant un
air delicieux , dont on ne pouvoit
s'empêcher de parler en
marquant le plaifir qu'on y prenoit
. Ce Veſtibule eftoit éclairé
de plufieurs luftres , ce qui par
mila verdure de ces arbres, produifoit
un effet tres - réjoüiffant ,
rien n'eftant plus agréable à la
GALANT 377.
vite que le verd , fur tout lors
qu'il eft éclairé .
14
On paffa de ce Veſtibule
pour fe rendre au Theatre par
les trois pieces qui avoient eſté
conftruites dans la premiere
partie de l'Orangerie. Ce feroit
ici le lieu de vous faire la defcription
du Theatre; mais quelque
magnifique qu'il fuft , & fur
tout la façade , je ne vous en
diray rien , non plus que de l'Opera
, ayant refolu , comme
je vous l'ay déja marqué , de ne
vous entretenir que des chofes
fingulieres. Votre imagination
peat aller auffi loin qu'elle voudra
touchant la beauté des Dé.
corations , celle de la Mufique ,
celle des Habits , & celle des
Danfes , & elle ne pourra aller
Avril 1709. Ii
358 MERCURE
trop loin , Monfieur le Prince
ayant choifi tout ce qu'il y avoit
de meilleur pour l'execution
de toutes ces chofes. L'Opera
intitulé Orontée, eftoit nouveau ,
& tout ce qui regarda ce Specacle
charma l'Affemblée ,
Monfieur le Prince avoit pris
de fi juftes mefures pour que le
gibier ne manquaft point les
jours que Monfeigneur iroit à
la Chaffe , que ce que je vais
rapporter là- deffus paroiftra
peut être incroyable . Ce Prince
ayant réſolu d'aller à la Chaf.
fe aux Perdreaux , tous les Seigneurs
de fa fuite le féparerent
par Quadrilles. Monfeigneur
eftant de retour de la Chaffe
fit faire un état de ce que chacun
avoit tué , & envoya cette
GALANT 379
•
Chaffe au Roy , avec le dérail
& les noms de tous ceux qui
avoient chaffé . Il s'y trouva
plus de cinq cens Faifans , Perdrix
, ou Lievres , Monfeigneur
en ayant tué luy feul plus de
cent quatre vingt ; de forte que
s'il y eut eu un Prix pour celuy
qui en auroit le plus tué , il eut
zefté donné à ce Prince . 17
Je paffe à une Chaffe d'une
maniere toute nouvelle , que
Monfieur le Prince donna fur .
l'Etang de Comelle . Cet Etang
peut avoir environ un quart de
lieuë de long fur un demi quart
de large . I eft dans un fond
dont le terrain s'éleve tout autour
en Amphiteatre , à la re..
ferve de la Chauffée , & tout eſt
garni de bois , ce qui fait une
Ii ij
380 MERCURE
vûë fort agréable . Les toiles des
Chaffes enfermoient l'Etang &
leur enceinte s'étendoit par un
cofté dans la Foreft . On avoit
dreffé une Feüillée fur laChauf
fée avec des Tentes au milieu
pour y
mettre
les Dames . Une
Collation magnifique y fut fervie
. Tous les Spectateurs ém
toient autour ou derriere les
Toiles. On trouva fur l'Etang
des Batteaux couverts de leurs
Tendelets , & plufieurs autres
plus petits couverts de feüillages.
Monfeigneur , Madame la
Duchefle , Madame la Princeffe
de Conty , Monfieur le Print
ce & les Dames d'honneur des
Princeffes , avec quelques - uns
des Seigneurs de leur fuite , entrerent
dans le plus grand de
HGALANT 281
ees Batteaux , Monfieur le Duc ,
Monfieur le Prince de Conti ,
& Monfieur de Vendofine fe
mirent dans le fecond . Tout le
refte de leur fuite fe partagea
dans les autres , & Madame la
Princeffe fe plaça fous la Feüillée
avec plufieurs autres Dames
. A peine avoit- on achevé
de s'embarquer qu'on entendit
retentir de tous coftez le fon de
plufieurs Troupes de Hautbois
& de Trompettes qui eftoient
placez en divers endroits , &
peu de temps aprés un bruit de
Cors & de Chiens qui firent
lancer dans l'Etang à plufieurs
repriſes , un grand nombre de
Sangliers , de Cerfs & de Biches
Tous ceux qui estoient
dans les Bateaux prirent leur
382 MERCURE
party pour les attaquer, les uns
avec des pieux , les autres avec
des dards , & les autres avec des
épées . Plufieurs fe fervirent de
groffes gaules avec des noeuds
Coulans au bout , afin de les
pouvoir prendre vivans . Ils firent
tout le tour de l'Etang ch
cet équipage , & formerent un
croiffant pour chaffer toutes les
Beftes du côté où eftoit Madame
la Princeffe , ce qui caufa
un plaifir fingulier , qui fut encore
augmenté lorsqu'on donna
les Chiens qui attaquerent
ces Beftes de toutes parts , &
avec tant de vigueur , qu'un
feul Chien coëffa un Sanglier
plufieurs fois & le noya. Cette
Chaffe dura environ deux heu .
res , & donna beaucoup de plaiGALANT
383
fira Lés Dames eurent la fatisfaction
de prendre des Cerfs
elles-mefmes avec des noeuds
coulans qu'elles leur jettoient.
On attachoit enfuite la corde
au Bateau que les Cerfs tiroient
en voulant gagner le bord , en
forte qu'on faifoit lever les ra
mes; & lorfqu'ils l'avoient conduit
à bord , on coupoit la corde
, & on leur donnoit la liberté.
Elles eurent encore le plai
fir de prendre dans leur Bateau
quantité de petits Faons vis
vans & de leur donner auffi la
liberté. Cependant quoy qu'on
eur foin d'en fauver le plus
qu'on put, on ne laiffa pas d'en
aporter de morts dans la Court
du Château au nombre de so .
ou 60 tant Cerfs & Biches que
384 MERCURY
Sangliers. On revint enſuite am
Château , où ily eat Apparice
ment & Operasjes die de
*
Tous ceux qui eurent partà
cette ingenieuſe & galante Fê
te , ou qui en furent feulement
témoins.en parurent tout à fait
charmez , & il n'y eut que celle
que Monfieur le Prince donna
dans le Labyrinte , qui la pût
faire fortir pendant quelque
temps de leur imagination , qui
en eftoit toute remplie : Voicy
une Deſcription de cette Fefte,
qui fut donnée à l'ordinaire
fans eftre attenduë , & fans
qu'on en foupçonnât rien.
Monfeigneur ayant cfté voir
le lieu appellé la Maison de
Sylvie , Monfieur le Prince luy
fit fervir un Retour de Chaffe.
Aprés
GALANT
385
Aprés qu'on cut mangé les Entremets
comme on croyoic
qu'on alloit fervir le fruit, Monfieur
le Prince dit à Monſeigneur
que s'il en vouloit ilfalloit
qu'il fe donnât la peine d'en
aller chercher au milieu du Labyrinthe
où le Deffert eftoit fervy.
Monfeigneur accepta la propofition
avec joye , & l'on fe leva
de table pour aller dans le
Labyrinthe. Il est au milieu
d'une partie de la Foreft que
S.A.S. avoit fait enclore . Dans
cette efpace de la Foreft enfermé
du côté de la grande chûte
d'eau , on voit un fort beau Jeu
de Mail , & un de Longue Paume.
Au- deça eft un grand Manege
, & à côté font les Jeux
de l'Arquebufe & de l'Arba-
Avril 1709
. KK
386 MERCURE
息
blefte , avec de grands Portiques
d'Architecture au milieunde
grandes Allées . Monfieur de
Prince voulant que de quelque
côté que Monfeigneur pût
tourner , il trouvalt un plaifir
imprevû , avoit fait venir des
Gens qui fe tenoient tout prefts
dans chacun des Jeux dont je
viens de parler ; en forte qu'il
y avoit dans le Jeu de Paume
des Joueurs de longue Paume ;
des Joueurs de Mail dans le
Mail; des Tireurs d'Arbaleſte
& d'Arquebuze dans les deux
Lieux deftinez à ces exercices ,
& des Chevaux de Bague dans
le Manege. Le reste de la Foreft
qui n'est point occupé par
ces Jeux , eft coupé de grandes
routes, qui prennent leur comSGALANT
387
? mencement dans un demy rond
qui fait l'Avant court du Pavillon
de Sylvie , & qui fe fesparent
encore en plufieurs austres
, ce qui fait une Promenade
auffi divertiffante que belle.
Voilà la fituation du Labyrinaithe,
qui eft fi remply de décours
qu'il eft prefque impoffible de
line s'y pas égarer , & d'en trou-
Sver le milieu. Il eft auffi ingenieufement
imaginé que tout le
frefte de Chantilly,
31 Monfeigneur eſtant entré dans
XilenLabyrinthe avec les Princes
2 & Princeffes , & tous les Seiagneurs
de fa fuite , chacun prit
-des chemins diferens pour arri-
Aver plutoſt au lieu où eftoit la
Colation , & ceux qui fe promirenpad'envatrouver
bien toft
C
Kk ij
288 MERCURE
le Centre , fe lafferent en fais
fant plus de chemin que les au
tres lans avoir plus d'avantage
fureux . On peut dire ſeulement
qu'ils furent les premiers trom
pez , tant ce Labirinthe eft dificile.
Cependant Monfieur le
Prince pour faciliter le moyen
d'en trouver le milieu y avoit
fait placer unConcert de Hautbois.
On marchoit droit au lieu
où ce Concert eftoit entendu ,
& lors qu'on en eftoit tout proche
& qu'on croyoit ne devoir
plus avancer que vour y entrer,
on s'en éloignoit infenfiblement
; de forte que dans le
temps où l'on eftoit le plus perfuadé
qu'on n'avoit plus de chemin
à faire , on s'en trouvoit
encore auffi loin que lors qu'on
GALANT 389
?
"
}
avoit commencé à faire le pre
mier pas Les agreables impa
tiences que cela caufoit fervoient
de divertiffement à ceux
mêmes qui étoient le plus
trompez. Enfin , Monfeigneur,
qui s'eftoit rendu , defelperant
de trouver ce qu'il cherchoit
& voulant épargner aux Dames
la fatigue de marcher plus long-
Temps , dit à Monfieur le Prin
celqu'il faloit les mettre dans le
bon chemin , ce que S. A. S.
fit. Quand ils furent dans la
veritable route , ils arriverent
-bien - toſt au Centre de ce Labyrinthe
, extremement furpris
-de ce qu'ils y trouverent , par
ce qu'il ne s'eftoit jamais rien
vû de pareil . Je dois vous dire ,
pour vous le faire bien com-
Kk j
390 MERCURE
prendre , que le milieu du La
byrinthe reprefente une manie
re de grande Salle découverte.b
Son Plan eft quarré avec un en
foncement en rond fur chaque
ce. La table qui efloit dreffée
dans le milieu de cette efpece
de Salle ,fuivoit le même Plan . Le
deffus reprefentoit un Parter
re dont les compartimens és
toient formez par des Corbeil
les d'argent , & tous les fentiers
qui feparoient les Corbeilles é
toient de Gazon ; de forte qu'il
n'y avoit point de Nape . Les
devans & le tour de la Table
eftoient de feuillages ornez de
feftons de fleurs avec un cordon
pareillement de fleurs qui
bordoit la Table . Le milieu
en eftoit occupé par un Vaſe
GALANT 391-
de filigranne d'argent , d'ou
fortoit un Oranger tout couverti
de fleurs & de fruits natu
rels. Comme ce Vafe eftoit
plus eftroit vers le pied , on
avoit placé tout à l'entour
buit autres Vales garnis de
Acurs . Ils eftoient accompagnez,
de buit Corbeilles qui en étoient
auffi remplies , & ces
Corbeilles eftoient portées par
autant de Mafques d'or qui
fervoient d'ornement au grand
Vafe ; de forte que les fleurs de
toutes ces Corbeilles , & de tous
ces Vales , faifoient enſemble
un effet tres - agreable , & qui
avoit quelque chofe de delicieux,
Les Corbeilles qui for
moient le Parterre , & qui é
toient en Dôme, joignant l'a-
Kk iiij
1
392 MERCURE
grément de leurs figures au different
coloris d'une fingrande
quantité de fleurs , le tout fores
moit un compoſé dont lasvûë
eftoit réjouie , & dont on ne
ouvoit fe laffer d'admirer l'agreable
& riante diverfité ; &n
ce qui la faifoit encore paroî
tre davantage , eftoit que toutes
les Corbeilles qui fe trouvoient
d'une meſme forme eftoient gar
nies de fruits de mefme couleur, }
& qu'elles eftoient difpofées des
forte qu'on croyoit voir un Par
terre veritable . Outre toutes
ces Corbeilles , il y en avoit en
core beaucoup d'autres . Il y
ayoit un Bufet dans chacun des
quatre angles du lieu où eftoit
la Table , & chaque Bufet avoit
trois gradins . Ils eftoient tous
GALANTM 393.
ornez de gazon , de feuillée &
de feftons de fleurs fans napes ,
afin qu'ils euffent du raport ap
la Table qui n'en avoit point.
Tous ces Bufets eftoient gara
nis de Vafes d'argent & de por
celaines . Sur les coins de chaque
étage , & dans le milieu du
troifiéme gradin eftoit un autre
Vafe plus baut que les autres.
Aux deux côtez de chaque Bufetton
voyoit deux focles de gala
zon , fur chacun defquels eftoit
pofée une Caiffe. Ces Caiffes
eftoient au nombre de douze ,
& l'on voyoit fortir de chacune
un Arbre fruitier , chargé de
tres-beau fruit , & qui n'avoit
pas moins dequoy contenter le
goûr que la vûë. Outre ces quatre
Bufets il y en avoit deux
394 M & R CURT
grands qui eftoient en face de
la Table , & qui fuivoient de
plan du lieu où ils eftoient drek
fez. Ils avoient deux gradins !
dont le premier eftoit occupés
par une couche de Melons na .
turels . Le fecond eftoit garny
de vingt - quatre Couverts de
Porcelaines fines Le refte eftoith
remply de Gâteaux & d'Affiets?
tes de groffes Trufes , derrierer
lefquelles eftoient de tresov
belles Porcelaines garnies deg
Aeurs . Une maniere de Dof- a
fter formé par des Confoles qu'l
eftoient attachées des guirlanb
des de fleurs , faifoit le fond de
ces deux Bufets .
༧ ས
41890 )
Lorfque Monſeigneur, entra
dans le Labirinthe , il n'y trou
va perfonne ; ceux mêmes qui
GALANT 395
avoient pris le foin du ſervice
s'en eftant éloignez , & s'étant
cachez par l'ordre de Monfieur
le Prince qui vouloit donner à
cette feſte un air de liberté .
G'eft un plaifir que les Rois &
les grands Princes goutent ra
rement , & qu'il eft bien plus
dificile de leur donner que les
feftes les plus fuperbes , & les
repas les plus magnifiques où ils
vont moins pour les recevoir ,
puifqu'il n'y a rien d'extraordinaire
poureux,que pour marquer
l'eftime particuliere qu'ils font
de ceux qu'ils veulent bien ho
norer de leur prefence . Monfei
gneur & ceux qui l'accompa
gnoient prirent beaucoup de
plaifir dans le Labyrinthe . Ils
examinerent la table dont l'in
396 MERCURE
vention leur parut toute nouvelle
& tres finguliere, ils con
fidererent les Bufers , & le cour
enfemble leur parut un enchan
tement d'autant plus qu'ils n'è !
toient point incommodez de la
foule , & qu'ils pouvoient reft
pirer en liberté l'air delicieux
que tant defleurs avoient par
fumé, ni sapras
$1709
- Vous pouvez juger par les trois
divertiffemens dont je vous ay
donné des Defcriptions , quels
peuvent avoir efté les autres,
qui n'ont pas eu moins de gran.
deur & de magnificence, & auf
quels l'efprit n'a pas eu moins de
part. Vous devez bien vous imaginer
que cette grande Fête qui
en a tous les jours enfanté de
nouvelles , ne s'eft point paffée
GALANT 397
Cansaque les feux d'Attifice y
ayendicu part. Je ne pourois
yous en parler fans faire un ar
icle qui fut feul auffi grand que
le font enſemble ceux des feftes
particulieres que vous venez de
Tire .On ya veu tout d'un coup
Tous les environs de Chantilly,
au loin que la vuë pouvoit
porter, tous éclairez tant par les
Jumieres qui formoient des illuminacions
, que par l'Artifice
qui le faifoit voir & entendre
de toutes parts . Tout le Châ-
-teau de Chantilly ne paroiffoit
qu'un amas de lumieres ; mais
aravantageulement placées
-qu'elles formoient diferens
ifpectaclesdont la vûë eftoit en
même temps éblouy & charmée
. Tous les diferens endroits
398 MERCURE
du Parc de Chantilly eftoient
hauffi differemment illuminez felon
la forme qu'ils avoient , &
les fufées remplissant l'air en
même temps , il paroiffoit tout
en feu aufli bien que le grand
Canal fur lequel l'Artifice qui
paroiffoit en eftre forty faifoit
mille tours , & retours , & fe
plongeoit fans ceffe dans l'eau
& en reffortoit auſſi vif & auffi
lumineux que s'il ne fut point
forti de l'eau. Enfin il furfi
bien mis en ufage dans cette
fefte qu'il donna aux fpectateurs
tous les plaifirs qu'il eft
poffible d'en tirer.qurta
Monfieur le Prince qui ne
vouloit pas laiffer paffer un feul
jour fans que Monfeigneur cut
le plaifir de plufieurs fortes de
#
"
GALANT 399
ร
divertiffemens avoit fi bien
difpofé toutes chofes, & fi bien
choific & preparé toutes dės
perfonnes qu'il employoit, qu'il
eftoit feur que lorfque le mauvais
temps feroit manquer un
divertiffement , il pouroit facilement
, & en fort peu d'heures
luy en faire fubftituer un autre,
& même qui feroit du gouft de
Ice Prince , fuivant les chofes
qu'il remarqueroit qui luy plairoient.
Ainfi pendant le fejour
que ce Prince fit à Chantilly
il y eut beaucoup de divertiffemens
fubftituez à d'autres , &
qui furent trouvez fi beaux &
donnez fi à propos , qu'il eftoit
impoffible de faire la diference
des uns & des autres .
ab Monfieur le Prince faifoit
400 MERCURE
fervir tous les jours dans diferentes
Salles & diferens Apartemens
de fa maiſon , plufieurs
tables toutes tres magnifiques
& tres-delicates tant pour les
Seigneurs qui accompagnoient
Monfeigneur, que pour un nombre
prefque infini de Gentilshommes
& d'autres perfonnes
que leur devoir ou la curiofité
avoit attirées à Chantilly . Tous
les Villages des environs é
toient remplis d'Officiers qui
avoient foin de faire fervir avec
abondance tous ceux qui y étoient
logez.
Aprés vous avoir fait voir de
quelle maniere le grand Prince
qui vient de mourir a vécu aprés
vous avoir donné un détail de
tout ce qu'il a fait pour la GloiGALANT
401
re , pour le Roy & pour l'Etat
dans le Champ de Mars ; aprés
vous avoir fait connoiftre pour
honorer la memoire du grand
Prince de Condé fon pere
aprés vous avoir donné des
preuves inconteftables de fon
efprit & vous avoir fait voir
qu'il a porté la magnificence
jufqu'au plus haut degré où elle
peut aller , je dois vous faire
Connoiftrece qu'il a fait comme
Chretien , & pour le préparer
à la mort.
1
Il y avoit deux ans qu'il la fentoir
approcher , & il avoit toû
jours fait voir trop d'efprit pour
ne s'en eftre pas apperçu , mais
ne voulant point marquer de
foibleffe , il le contenta de s'y
preparer fans narquer qu'il en
Avril 1709
. LI
402 MERCURE
^
eut aucune apprehenfionar&
fans rien dire à perfonne de ce
que l'état où il fe fentoit , & fa
raifon luy avoient fait connoî
trey & pour eftre plus en eftát
de penser à la mort , il s'eftoit
infenfiblement abfenté de la
Cour , & ibavoit renoncé à tou
tes les chofes pour lesquelles il
luy avoit paru qu'il avoit le plus
d'attachement .
3 Pendant ces deux annéessil
faifoit fouvent acheter des Lit
vres de devotion , du nombre
defquels eftoit les Meditations
de Bufée , & plufieurs autres
qu'il le faifoit fire , & dont il
écoutoit la lecture avec toute
Battention d'un veritable chrêtiens,
& qui eft penetré de fa
Religion , Il avoit de temps en
GALANI 493
temps des Conferences fur ces
lectures , avec des Religieux
diftinguez par leur profonde
doctrine , & par une grande pies
té , qui venoient les foirs le voir
dans des jours marquez pour
ces pieux Entretiens , dans lef
quels ce Prince paroiffoit perfuadé
de la neceffité qu'il y
avoit qu'il fongeaſt ſerieufement
à fon falut Pendant les
deux dernieres années de fa vie
il à fouvent fait de grandes liberalitez
aux Pauvres , & il n'oublioit
pas ceux de fes - Domeſti
ques qu'il fçavoit cftre dan's
quelque befoin Il n'oublioit pas
ceux aufquels il avoit donné
quelques chagrins , ce qui marquoit
que fi fa promptitude l'avoit
obligé à s'en plaindre peut-
Llij
2494 MERCUR
B
cftre un peu trop vivement , da
bonté de fon temperament l'o
bligeoit à les recompenfer des
chagrins dont plufieurs au
roient peut - eftre bien voulu
eftre payez à ce prix . Je dois
ajoûter ce qui fuit , & que j'ap
prens en ce moment , par des
perfonnes dignes de foy , & bien
informées. C'est que l'on a fou
vent vu qu'après avoir grondé
quelqu'un de fes Domeltiques
un peu fortement , il envoyoic
auffitoft aprés de l'argent à Ma
dame la Princeffe pour le faire
diftribuer aux Pauvres , & renvoyoit
une heure aprés cher
cher les perfonnes qu'il avoit
chagrinées , aufquelles il faifoit
mille honneftetez , ce qui redoubloit
le refpect & l'attacheGALANT
495
mentquedevoient avoir pour fa
perfonne, ceux àqui ces heureux
malheurs eftoient arrivez . Ce
Prince enviſageoit la mort de
puis deux ans avec une fermeté
auffi heroïque que chretienne,
& lors qu'on luy cut annoncé
que la maladie eftoit mortelles
Join que cette nouvelle qui a
toûjours quelque chofe d'efe
frayant , fit paroître en luyala
moindre foibleffe , on eut lieu de
croire qu'elle avoit fait redou
bler fa fermeté, puifqu'il dit que
da mort eſtant une choſe inévita
ble, & commune à tous les hommes
, il eftoit furpris qu'il s'en
trouvoit qui l'apprehendoient
fi fort , & qui ne pouvoient s'y
refoudre. Il s'y difpofa avec une
prefence d'efprit admirable , &
406 MERCURE
une pieté des plus exemplaire,
Il reçut le Saint Viatique des
mains de Mr Maumonnier , Vicaire
de S. Sulpice , qui luy ad
miniftra les faintes Huiles , ce
que ce Prince avoit demandé
fans attendre qu'on luy propo
faft de les recevoir . Mr de Mau
monnier ne l'a point abandonné
non plus que le Pere de la Tour
General de la Congregation
des Preftres de l'Oratoire , jufqu'à
l'heure de fa mort . Ily
avoit prés d'un an que le Pere
de la Tour voyoit ſecrettement
ce Prince qui avoit beaucoup
de confiance en luy,
BAL
Le Corps de Monfieur le Prin
ce ayant efté ouvert aprés fa
mort , les Medecins dirent qu'il
y avoit une bile répanduë dont
GALANT 407
il luy eftoit impoffible d'eftre le
maiſtre, à cause de fa petulence,
qui eftoit telle que fa raiſon ne
pouvoit la furmonter fans qu'il
en fuft incommodé. Cependant
cette bile n'a fervi qu'à luy faire
meriter de l'eftime , & acquerir
de la gloire , puifqu'à peine
avoit - elle commencé d'éclater
qu'il fçavoit en triompher , &
prendre le deffus en reprimant
la violence de fes mouvemens
en parfait honnefte homme &
en veritable chrêtien , ainfi
je viens de le faire voir.d
que
Je dois vous parler icy du ca
ractere de Mr de Maumonnier
pour vous faire connoiſtre le
bon choix que Monfieur le
Prince avoit fait de ce pieux
Ecclefiaftique , pour un de ceux
408 MERCURE
qui le devoient affifter à la mort.
C'est un hommequi depuis plus
de 25.ans eft habitué dans là Pa
roiffe de S.Sulpice, & qu'il y fert
avec autant de zele que de defintereffement
, & l'on peut dire
que le zele qu'il a pour le falut
des ames eft des plus fervens.
Il fecourre jour & nuit tous les
Paroiffiens qui ont besoin de fon
Miniftere , fans en excepter aucun.
Il va également chez les
pauvres & les riches , & il a
quelquefois trouvé la nuit des
Voleurs qui luy ont demandé
de l'argent , aufquels il a répondu
qu'il n'avoit que la parole de
Dieu à leur donner , en les embraffant
, & leur faifant une
courte exhortation , qui s'eft
quelquefois trouvée utile , puif.
qu'il
GALANT 409
qu'il y en a eu qui le font venus
trouver , qui fe font confeffez à
luy , & qui en fuivant les bons
confeils qu'il leur a donnez , fe
font retirez du vice .
Auffi - tôt que le Roy eut appris
la mort de feu Monfieur
le
Prince , Sa Majesté envoya Mr
le Quc de Trefmes pour faire
des Complimens
de condoleance
aux Princes & aux Princeffes
du Sang.
Madame la Ducheffe de Bourgogne
rendit viſite en Mante à
Madame la Ducheffe & à Madame
la Ducheffe du Maine ,
ainfi que les Ducheffes & les
autres Dames , & les Princes &
les Ducs ont vû Monfieur le
Duc en long Manteau. Il y
avoit deux Ecuyers en long
Avril 1709. Mm
410 MERCURE
1
Manteau & en Crefpe , qui les
reçûrent à la porte. Madame la
Ducheffe & Madame la Ducheffe
du Maine , ont reçû dans
leur lit les Ducheffes qui les
ont efté voir.
Sa Majesté a auffi fait les mêmes
vifites , ainfi que la Cour
d'Angleterre.
plan
C'eft icy le ieu , fuivant le
que vous avez vû que je
me fuis propofe au commencement
de cet article , de vous
parler de Madame la Princeſſe ,
ain fi
que des Auguftes Enfans
qui font nez de fon mariage
avec le grand Prince qui vient
de mourir , mais je dois vous
avouer d'abord que cette Princeffe
eftant au - deffus de tous
lesEloges qu'on enpourroit faire
CALANT 4II
291-1
& que ne trouvant point de
termes affez forts , & qui puf-.
fent affez bien marquer toutes
fes vertus , je me contenteray
de vous dire pour vous en don
ner feulement une idée , que jamais
Princeffe n'a porté plus
loin la modeftic , le détachement
du monde & la charité,
Sa devotion eft fans fafte & fans
oftentation , & fa main gauche
n'a jamais fçû ce que fa main
droite faifoit, Cependant com.
me il a efté impoffible à tous
les pauvres qu'elle a fecourus
de garder le filence , on pourroit
compter les jours par fes
bonnes oeuvres . On ne peut
rien ajoûter à tout ce que cette
Princeffe a fait pendant la maladie
de feu Monfieur le Prin-
Mmij
412 MERCURE
ce , & toutes les heures de chaque
journée eſtoient partagées
par les mouvemens qu'elle fe
donnoit pour ce qui regardoit
le recouvrement de fa fanté , &
le falut de fon ame . Ainfi elle a
paru pendant toute la maladie
de ce Prince tendre Epoufe &
veritable Chreftienne , & l'on
peut dire qu'elle feroit accablée
fous le poids des douleurs
dans lesquelles elle eft enfevelie
, fi cette Princeffe n'avoit
pas toûjours eu une parfaite
refignation aux volontez du
Ciel .
Madame la Princeffe de Conty
, veuve du Prince de ce nom
qui vient de mourir , a toûjours
vécu d'une maniere qui luy a
attiré de grandes loüanges , &
GALANT. 413
quoique fa naiffance luy donnat
lieu de briller dans le monde ,
& de fe trouver par tout où fon
fang luy donnoit une des premieres
places , où la jeuneffe
fuy permettoit & devoit Pinciter
d'aller , elle en a toûjours
ufé fort moderément , & fans
aucune affectation . Cette Princeffe
a toûjours efté attachée à
Ta famille , & remply tous fes
devoirs. Elle n'a point abandonné
le Prince fon Epoux jufqu'au
dernier moment de la vie ,
ayant prefque toûjours couché
dans fa Chambre .
Je paffe à ce qui regarde lé
Prince qui doit faire revivre le
fang de Condé , & qui dés fa
premiere jeuneffe a commencé
à fe faire diftinguer par tous les
Mm ij
414 MERCURE for
endroitsqui devoient faire con
noître ce qu'il eftoit , & ce qu'il
feroit un jour. Il brilla telle
ment aux Sieges de la Ville
& du Chateau de Namur »
qu'ayant donné au Public unc
Relation de ces Conqueftes feparée
de mes Lettres ordinaires,
qui paroiffent fous le nom de
Mercure , aprés que je vous les
ay envoyées , je crois devoir raporter
icy une partie de l'Epître
dédicatoire .
Il ne s'eft pas trouvé un jour
», perilleux où V. A. S. n'ait eu
,, le bonheur de commander.
Je dis le bonheur , parce que
lorfqu'on fe fent un courage
digne d'un fang toûjours vic-
,, torieux , & qu'il ne manque
,, que les occafions de faire paGALANT
415
co
roître ce qu'on eft , on s'eftime
heureux quand la Fortu- «
ne prend foin de les fournir , cer
Ce n'a pas efté feulement au
Siege du Château que V. A. «
S. s'eft diftinguée . Quoique
celuy de la Ville n'ait pas efté
de durée , Elle y a fait connoître
tout ce qu'on devoit e
attendre d'Elle. Mais pou - **
voit Elle manquer d'y faire
briller la plus infigne valeur, «*
puifqu'Elle s'y fentoit animée «
non feulement par le plus, te
genereux fang du monde , «
mais encore par l'exemple de "
Monfeigneur le Prince , qui "
s'eft expofé aux perils les plus
évidens . tant que le Siege a "
duré. L'exemple d'un Prince "
du Sang , d'un Prince Fils du "
Mm iiij
416 MERCURE
5
* } , Grand Condé , & le voſtre ,
Monfeigneur , exciterent tel-
*,, lement tous les Soldats qui
,, vous virent l'un & l'autre
,, expofez au feu comme eux' ,
' , que pour rendre la durée du
» peril plus courte , ils redou-
,
blerent leurs efforts auffi - bien
que leurs Officiers, pour s'em-
, parer pluftoft des Ouvrages
, que leur valeur s'étoit déja
promis d'emporter . Cette ex-
,, pedition fut bientoſtſuivie de
», la priſe de la Ville ; & com-
,, me V. A. S. commandoit ce
,, jour là à la tranchée elle eut
,, l'avantage de faire faire la
› Capitulation , & les Ennemis
,, ne pouvant fe difpenfer de fe
rendre eurent au moins la fatisfaction
de s'y voir forcez
1
GALANT 417
par le petit fils d'un Prince
dont tous les fiecles admireront
les prodiges de valeur .
Aprés avoir fait éclater la «
voftre dans ces deux ocasions <<
où voftre conduite s'eft fait
autant remarquer que voftre "
Courage , il s'en preſenta une «
troifiéme où le danger de- «
voit eftre beaucoup plus
grand. Il fut queſtion d'atta
quer un retranchement for- «
tifié , de plus de quatre cent "
toiles de long , appellé la Res
doute de l'Hermitage ; & comme "
il étoit défendupar un nombre "
de Troupes affez grand pour "
foutenir un fiege dans une "
place réguliere, on peut juger «
du peril que devoient courir
les Affaillans. Ceux qui fu
418 MERCURE
› rent nommez pour cette atta
>> que en temoignerent beaucoup
de joye , parce que V.
A. S. devoit commander ce
jour là. Vous marchâtes
Monfeigneur , à la tefte des dé
,, tachemens qui foutenoient
les Grenadiers , & vous vous
» expolâtes auffi bien que Monfeigneur
voftre pere , qui fe
,, mir auffi à la tefte de ces dé .
"
و د
#y
tachemens aux mêmes dan-
,, gers que ces Troupes pen-
,, dant tout le temps qu'il fallut
pour faire des logemens.
Aprés tant d'actions d'un fi
haut éclat , il fembloit que les
,, autres Lieutenans Generaux
,, dûffent partager à leur tour
les occafions favorables de fe
fignaler ; mais comme tous les
"
و د
GALANT 419
perils vous eftoient refervez,
vous devicz avoir plus de
part qu'eux , à la gloire que
ce Siege promettoit . V. A. «
S. commandoit encore la
tranchée le jour de l'attaque "
du chemin couvert du Fort "
neuf. Vous marchâtes Mon- «‹
feigneur une feconde fois à la "
tefte des détachemens & en- «‹
trâtes dans les Paliffades avec "
les Gentilshommmes de "
voftre Maiſon. Je ne dis point «
ce que vous y fites , l'hiftoire
ne s'en taira pas . Les Enne- ".
mis qui eftoient encore au "
nombre de plus de $1500.
vous demanderent pour capi- "
tuler ; & comme ils vous a- “
voient remarqué dans toutes «
les plus chaudes ocafions "
420 MERCURE
""
و د
ils firent connoiftre dans le
» pourparler qu'ont eut avec
,, cux qu'ils croyoient que vous
,, commandiez toutes les fois
qu'il y avoit une attaque à
,, faire. Vous leur fites voir
autant d'honneftté en leur
», parlant , que vous leur aviez
,, montré de courage en les atta
›› quant ; mais ce pendant Mon-
» feigneur , vous leur parlaftes
,, en Prince , & d'un air qui
malgré voſtre honnefteté ne
laiffa pas de les intimider .
Enfin voftre valeur vous a
,, fait admirer des Troupes , &
,, votre liberalité vous en a
fait aimer . Toute la France
parle de cette valeur avec
éloge ; nos ennemis mêmes
ne peuvent s'empêcher de la
"
"
}
GALANTE
421
vanter. Ainfi j'ay crû qu'il
m'eftoit permis de mêler ma
voix aux acclamations de "
toute l'Europe , & c . "
A peine ce Prince s'étoit - il
remis des fatigues qu'il avoit
effuyées pendant le Siege de la
Ville de Namur & celui du Château
, qu'il fe trouva au Combat
de Steinkerque , où il continua
de donner des marques de fa valeur
& de fon intrepidité . Il étoit
à la teſte de ceux qui demeurerent
l'épée à la main à la
tefte des Gardes , & qui pafferent
les premiers les hayes & les
défilez à meſure qu'on en dépoftoit
les Ennemis , & lorſqu'-
1 ils furent pouffez malgré le feu
de toute leur Infanterie , au422
MERCURE
4
quel ce Prince fut toûjours expofé
; & il fetrouva dans le plus
fort de la mêlée , encouragea
les Troupes au milieu du feu ,
fit avancer les Bataillons jufques
aux Piques des Ennemis ,
& rétablit les choſes dans les
lieux où le fuccés pouvoit eftre
douteux. Ce Prince eut un cheval
tué fous luy pendant le combat.
Comme il eftoit Lieutenant
General de jour lors que
le combat fe donna, ce fut luy
qui pofta toutes les Troupes ;
mais il yprit tant de plaifir ,qu'il
oublia lafatigue d'un fi pénible
employ.
Če Prince qui s'étoit diftingué
pendant toute la Campagne
de 1692. & quis'étoit trouvé
dans toutes les occafions les
JGALANT 423
230
3
plus perilleufes de cette Campagne
, s'eftoit fait un fi grand
plaifir d'acquerir de la gloire
en marchant fur les traces du
Prince fon Pere, & du feu Prince
fon grand Pere , qu'il fembloit
ne refpirer plus que les
Combats. Auffi fe trouva-t'il
l'année fuivante à la Bataille
de Nervinde , où il fe diftingua
tellement , que tous ceux qui
firent des Relations de cette
Bataille , en parlerent avantageufement.
Voicy ce que j'ay
tiré de cinq de ces Relations .
Mr de Luxembourgfit atta- «
quer pour la feconde fois les
village que Ennemis avoient "
repris . Il commanda pour
cela feize bataillons , & Mon-
@ficur le Duc à leur tefte pour “
,
424 MERCURE
,,
د ر
,, en chaffer les Ennemis .
,, Mr de Luxembourg ayant
,, perdu le Village , y envoya
,, de nouvelles Troupes pour
, le reprendre. Elles eftoient
commandées
par Monfieur le
Duc , que Mr le Marechal
obligea de prendre une Cuiraffe.
Elles en chafferent les
ennemis , & Monfieur le Duc
,, y reçut un coup de Moufquet
,, dans fa Cuiraffe , fans laquelle
il auroit esté tué .
"
"
,,
,, Monfieur le Duc remit fort
fierement l'affaire de la gau-
,, che , & fit toutes chofes avec
» coeur & conduite.
,, Monfieur le Duc attaquant
» pour la feconde fois le Villa-
,,ge , donna à la tefte des Brigades
de Guiche & de CrufGALANT
425
fol , avec lesquelles il le re- "
prit. "
Monfieur le Duc , avec fon «
intrepidité ordinaire , fe mefla «<
fouvent avec les Ennemis , & «
les chargea toujours avec a- "
vantage. "
On peut dire qu'un auffi
grand nombre de perfonnes diferentes
, ayant , fans eftre de
concert , parlé auffi avantageu .
fement qu'elles ont fait de ce
Prince dans leurs Relations , la
verité feule les a fait parler,
Ily avoit déja quelques années
que dans le Carouzel de
Monfeigneur le Dauphin , ce
Prince qui commandoit une des
Quadrilles , y avoit paru de fi
bonne grace les armes à la
main , & avec un air fi guerrier .
Avril 1709. Nn
426 MERCURI
qu'il fit encore paroistre en
remportant plufieurs têtes dans
le même Carouzel , qu'on jugea
dés lors de ce qu'il feroit un
jour dans le Champ de Mars.
Ayant fait les vers de ce Carouzel
par l'ordre du Roy ,
voicy ceux qui regardoient ce
Prince.
Ce jeune Chef, plus brillant que l'Amour
,
Et qui conduit une Troupe guerriere,
Pour la feconde fois entre dans la Carriere
Lorfqu'à peine il a fait fon entrée à la
A
Cour.
Si d'abord qu'on le vit dans la Lice pa-
+
roître
Son coup d'effay fut celuy d'un grand
Maître ,
* Ce Privilege heureux ne vient point
du hafard :
GALANT 427
Pour faire auprés da Trône une illuftre
figure
anIleft d'un Sang que la Nature
Affranchit du befoin d'avoir recours à
l'Art.
A voir dans fa fierté fa noble inquietu
de ,
« On diroit que jamais il n'a connu que
Mars
Et qu'à fuivre fes Etendars
Il a mis fon unique étude.
Les Armes à la main , & l'Amour, dans
les yeux ,
Voyez - le s'applaudir du deftin glorieux
,
Que le plus grand des Rois a pris foin de
luy faire.
Des charmes de l'Hymen il est tout pof
fedé ,
**
Et rien ne pouvoit tant luy plaire
Que le fang qu'il unit à celuy de Condé,
Pour foûtenir cette augufte Alliance
Que n'en doit-on point efperer ?
Nnij
428 MERCURE
Tremblez , fiers Ennemis , fi pour trou
Bbler la France
Contre-elle vous ofeż jamais vous dé.
clarer.
Il a de tous coftez , s'il court à la Vic
toire,
4
Des exemples brillans de valeur & de
gloire ,
Qui marqueront fa route & conduiront
fes
pas .
Avec un tel fecours , quoy qu'il veuille
entreprendre ,
Pour vous obliger de vous rendre ,
Les plus fameux fuccés ne luy manqueront
pas.
Comme ce Prince n'eftoit marié
que depuis quinze jours , je
crois pouvoir ajoûter icy les
Vers que je fis pourfon augufte
Epoufe qui eftoit du même Caroufel.
NGALANY 429
Quoy? de l'Hymen fubir les Loix ,
Et prefqu'en même temps entrer dans
3 la carriere?
En quinze jours eftre femme & Guerriere
?
C'eft trop entreprendre à la fois.
Par là vous nous pourriez empefcher de
connoître
Que vous ne faites que de naître ;
Mais on n'a qu'à compter vos ans ,
La memoire en cela n'a rien qui la confonde
,
Vos premiers jours nous font encor
prefens ,
On fçait quand vous vintes au monde
.
Déja pourtant bien des fois j'ay vanté
Mille graces en vous noblement afforties
;
J'ay fait voir vôtre efprit plein de vivacité
Dans vos brillantes reparties.
Plufieurs langues que vous parlez
Les talens où vous excellez ,
430 MERCURE
La Danfe où vous feriez leçon au plus
grand Maître ,
Eft-ce que tout cela s'apprend dans le
Berceau ,
Ou que par un prodige auffi grand que
nouveau ,
On l'apporte en naiffant ? Cela pourroit
bien eftre.
On tient beaucoup du fang , nous en
voyons l'effet.
Celuy dont vous fortez avec tant d'avantage
,
N'a pû, comme il est tout parfait,
Produire qu'un parfait ouvrage.
Le Chef- d'oeuvre qu'en vous il nous
fait admirer
Suffit pour nous en affurer ;
C'eft des plus riches dons le pompeux
affemblage ,
Et peut-eftre jamais dans fes plus grands
efforts
La Nature n'avoit pour un fameux ouvrage
W
GALANT 433
Avec moins de referve épuifé fes trefors.
Quoy qu'on n'ait dans l'efprit ni brillant
ni fineffe ,
Il eft naturel de fçavoir
" Ce qu'on prend foin d'apprendre à là
jeuneffe ;
Ce font teintures qu'on nous laiffe ,
Et dont avec le temps les effets fe font
voir ;
Mais l'éducation de tout point confommée
Jointe au bonheur du Sang dont vous
êtes formée
Pour vous mener plus loin eut des droits
fuffifans ,
Par vous-mefme en clartez vous fuftes
abondante ,
Et n'aviez pas encore dix ans
Que vostre efprit en avoit trente.
De vos rares talens on connoiffoit le
prix ;
Vous aviez déja fait paroître
432 M¶RCURE
Qu'un merveilleux genie eftoit l'uni
que Maître
Qui vous en avoit tant appris.
Mais on ne fçavoit pas qu'au meſtier
de Bellone
Vous fuffiez à cheval une vraye Amazone
,
Sur voftre air tout guerrier chacun
vous applaudit,
Ces graces vous font fingulieres ,
Quand plufieurs , d'Amazone ont feulement
l'habit
Vous en avez le coeur & les manieres:
La beauté du caractere de la
Princeffe que j'ay peinte dans
ces Vers , a toûjours efté en
augmentant depuis que je les
ay faits , & elle eft devenue l'une
des plus fpirituelles , & des
plus genercules perfonnes de la
Cour.
Je
GALANT
433
-oję zdois
prefentement felon
Kordre de la naiffance des Enfans
de feu Monfieur le Prince ,
vous parler de Madame la Du
cheffe du Maine . Mais la beauté
de fon genie, fon amour pour
les hautes Sciences , & pour les
belles Lettres ; fon efprit uni
yerfel, & les manieres obligean
Les &
genereuſes avec leiquelles
elles reçoit toutes les
fonnes de
diftinction qui la
pervont
voir dans fa belle Maifon
de Seaux , m'ont engagé fi fouvent
de parler d'elle & des magnifiques
& galantes Feftes qu'
elle
aufouvent données dans
cette delicieufe Maiton , que je
ne vous en diray rien davan.
tage aujourd'huy.
Mademoiſelle d'Enguien . eft
9
Avril 1709. gul
•
Оо
434 MERCURE
univerfellement
aimée & fefpectée
; on ne peut affez la louer
fur toutes les bonnes qualitez
,
& particulierement
fur la bonté
& fur fa charité pour les pauvres
& les malheureux.ov
17
Je devois vous parler dans
cette Lettre de tout ce qui a
regardé le Ceremonial depuis
la mort de feu Monfieur le Prince,
jufqu'au jour que fon Coeur
a efté porté au grand Convent
des Jefuites , & fon Corps à Valery
, & vous faire part de ces
deux articles le mois prochain;
mais je me trouve obligé de remettre
le tout au melme mois,
ayant trop de chofes à vous dire
pour vous en rendre un compte
exact , & ma Lettre n'eftant
déja que trop remplie.
TALANTA 435
-
༦ ཎྜ
Le Roy d'Espagne avant ju
gé à propos de faire fortir d'Ef
pagne le Nonce du Pape , a
choifi la maniere la plus honorable
de le renvoyer , ce qui
fait voir les égards de Sa Majesté
Catholique pour Sa Sainteté
& pour fon Miniftre . II
eft party dans les Caroffes de
ce Monarque , accompagné
de Dom Gaspard Giron , Ma-
3jor- Dome de la Maifon de Sa
Majefté Catholique , fervy par
fes Officiers , & défrayé jufqu'à
la frontiere de France .
4
Le mot de l'Enigme du mois
paffé eftoit la Lanterne. Ceux
qui l'ont trouvé font Mrs Gaignat
le jeune , de Bonnefons ;
de Pennavaly ; de la Croiziere ,
Turpin ; l'Amy de Pafcalet ; le
O o ij
436 MERCURE
Nouveau Marié , de la ruë Michel
le Comte , le Solitaire du
Marais , & le Solitaire de la
ruë aux Féves . Mlles de la
Croix , de la rue S. Denis , de
Bretonnerie , du Marais ; la
Charmante Eulalie du Fauxbourg
S. Germain , la plus jeune
des belles Dames de la ruë
des Bernardins ; les trois aimables
Coufines la Bergere Climene;
l'incomparable naiffante
Beautés & la toute fpirituelle
d'Amouville.
Je vous envoye une Enigme
nouvelle , elle eſt de Mr Ztedroc
.
GALANY
437
-M 501, 49
1
ub oris
ENIGME.
M
Je ne dois rien à la nature ,
L'Art à
déterminé ma forme & ma
£ ii
figure.
-YAvec moins d'efprit que de corps
Je fais plaifir au Peuple & rens
fervice aux Sages 3
Comme Janus jay deux Vifa
ges
2090
L'air eft mon Element & je couche
19
debors :
Quelquefois au Village & toûjours
à la Ville
Nuit & jour , en toute faifon
Je ne quitte point la Maifon
Oùj'ayfixé mon domicile.
Bien que difficile à toucher
J'aydes amis par tout , en Province,
à la Guerre ;
O o iij
438 MERCURE
KopEt des quatrecoins de la terre 33
Aufeul bruit de mon nom, l'on m'’efi
venu chercher.
4
26 AIR NOUVEAU.
-Petits Oyfeanx , que mon fort feroit
doux ,
Si je pouvois ainfi que vous ,
Avecque le Printems , voir finir
mes allarmes ami za up
Mais last rien nefçauroit éteindre
mon ardeur
Tircis a toujours trop de charmes
Pourne pas regner dans mon coeur.
La gelée qui a regnépen.
dant l'Hyver dernier dans toute
l'Europe , a tellement endommagé
les biens de la terre ,
& reculé le temps de la Recol84-
39
$
qui
blie
de
roid
plus
u'en
Re-
Faffe
a inable
t qui
SAIIs
ne
teft
Voir
oviarrir
ficiles à faire en Allem
Re
438
M
t
-Pel
Ma
7
Po
1
da
te 16
le temps
de la RecolGALANT
439
te , que toutes les Puiffances qui
font en guerre, fe trouvent obligées
de reculer l'ouverture de
Ja Campagne ; mais le froid
eftant toûjours beaucoup plus
violent en Allemagne qu'en
France , à caufedu climat , la Recolte,
fuppofé que l'on y en faffe
dans quelques lieux , y fera infiniment
moins confiderable
qu'en France; & c'eſt un fait qui
paffe pour conftant entre lesAlliez,
que quand les hommes ne
leur manqueroient pas , il eſt
impoffible qu'ils puiffent avoir
cette Campagne affez de provi-
-fons en Flandre pour y nourrir
Luneraffez groffe Armée .
ا ن
th
A l'égard des hommes, les Rescruës
feront infiniment plus difficiles
à faire en Allemagne , où
440 MAROUR
E
les hommes commencenraman
quers en ayant fourny depuls
1672. pour un grand nombre
d'Armées differentes, & ce qui
rendra encore les Recruës diffi.
ciles , auffi -bien que la Remonte
des Cavaliers , eft qu'aprés
la fin de la Campagne derniere,
-prefque toutes les Troupes
d'Allemagne furent furprifes ,
en s'en retournant , d'une ore.
prife de gelée que l'on n'attens
doit pas , & qui fit mourir une
grande partie des hommes , &
preſque tous les chevaux. Joignez
à cela , que pendant la
Campagne derniere ,descAllen
mands & les Anglois ont perdu
quatre fois plus d'hommes que
les François , & que depuis
quelque temps les hommes font
IGALANT 441
t
extrêmement rares en Angle
terre , où ilne s'en trouve prefqué
plus . Vous ne devez pas
m'en croire ; mais les faits conftans
que j'ay à vous raporter ,
& dont on ne peut douter , puif
qu'il s'agit de faits publics , &
agitez dans le Parlement d'Angleterre.
De quinze ou feize
mille hommes qu'on y devoit
lever pour remplacer les Anglois
qui ont pery dans la der
niere Campagne , on n'a encore
pû en lever fept ou huit cens ,
nonobftant une fomme confiderable
, que par ordre du Parlement
on devoit mettre dans la
main de tous ceux qui s'enrol
leroient volontairement . Cette
promeffe n'a rien produit , &
les Soldats que l'on a voulu en
442 MERCURE
:
roller de force fe font mutinez,
& l'on n'en peut douter , puif
que toutes les nouvelles publi
ques font pleines de Bils paffez
dans le Parlement pour punir
la mutinerie des Soldats.
Il n'en eft pas de même en
France , où l'on eft feur de lever
autant d'hommes que l'on
voudra , en leur payant feulement
& régulierement, les fommes
que l'on a coutume de leur
donner. C'eſt ce que les Alliez
fe perfuadent qui n'arivera pas;
mais ils fe trompent , puis qu'il
fuffit qu'elles le foient lorfque
le temps d'en avoir befoin aprochera.
On peut conclure de toutes
ces chofes que la France eft
dans une fituation beaucoup
-
GALNT: 443
1
meilleure que ne font les Alliez
quiccroyent
avec
des
manieres
fanfaronnes
,
éblouir
les
peuples
.
Je ne vous parle point d'une
affaire qui eft agitée depuis
affez long- temps , & dont on
s'entretient depuis quelques
niois , comme fi l'on avoit une
parfaite connoiffance de tout fe
qui fe paffe à cet égard , & dont
chacun ne ceffe point de rai,
fonner , fans avoir aucune cercitude
de ce qu'il avance. Mais
p'attendez rien de moy la - def
fus , & tant que le Roy , & Mef.
fieurs les Miniftres n'en parleront
point,je garderay toûjours
le filence.
Ma Lettre n'ayant jamais eſté
Gremplie que ce mois cy , à
444 MARCURE
caufe des grands Difcours prononcez
dans les Academies &
aux Mercuriales faites dans l'à
Grand'Chambre du Parlement,
& de plufieurs Relations d'éve
nemens hiſtoriques , qui joints
à une infinité de nouvelles coul
rantes , ainsi que de morts &
de mariages , je fuis obligé de
remeure au mois prochain un
grand nombre d'Articles qui
auroient dû avoir place dans
ma Lettre de ce mois..mov
2. Cependant comme on ne
peut trop toft rendre juſtice à
tous ceux qui ont fujet de fe
plaindre , & qu'on n'ajoute for
à mes Lettres dans le monde
que parce que je repare les faul
tes que l'on m'a fait faire en me
trompant , je fuis obligé de vous
j dire
GALANT
445
"
›
dire que dans ma Lettre du mois
de Fevrier en parlant de la
mort de M la Marquile Douairiere
de Caftries , jay dit que
Mr l'Abbé de S. Blancart
Grand Theologien , & recommandable
, par la droiture de fon
ame & par fa profonde érudition
eftoir fils naturel d'un
frere de feu Mr le
Marquis de
Castries , ce qui n'eft abfolument
pas . Celny dont on avoulo
le faire fils naturel avoit
époufé la foeur de cet Abbé , ce
qui eft un fair connu & inconteftable.
Ce mariage fut , fait à
a
S. Sulpice ; elle fe nommoit Catherine
de Casteras de S. Blancart
. Ileft venu de ce mariage
un fils unique , qui a efté Chevalier
de Malthe. Il paffa en
Avril 1709
. PP
446 MERCURE
Irlande en qualité de Maréchal
de Camp , avec feu Mr le Marquis
de S. Rath fon amy , & ils
y furent tuez tous deux à la bataille
qui fut donnée aprés le
Siege de Limeric. Je dois ajou
ter à tout ce que je viens de
vous dire
que feu Mr le
Comte
de Caftres d'a ecuu aucun fils naturel
, qui ait au moins efté connu
de perfonne. Je pourrois
vous dire icy , s'il me reftoit de
la place , beaucoup de chofes
de la Maifon de Blancart , teras de S.
des plus anciennes
& des plus illuftres du
Royaume. Cependant jene puis
m'empêcher de vous dire que
le Maréchal de Biron , dit le
Boiteux , qui fut tué au Siege
d'Epernay d'un coup de FauGALANT
447
conneau , avoit épousé l'unique
heritiere du Marquis de S. Blan
cart aîné de cette Mailon , fe
faifant honneur de s'appeller
du mefme nom , & de le faire
porter à fes enfans , puifque
Charles de Biron fon fils , fut
faic Grand Amiral de France
fous le nom de Saint Blancart ,
aprés la mort de Mr de la Valette
frère du Duc d'Epernon,
qui étoit pourvû de ceue importante
Charge & qui conferva
toujours ce nom jufqu'à ce qu'il
fuft fait Duc de Biron & Maréchal
de France . Je fuis , Madame
, vôtre, & c.
i
7213
A Paris ce 30. Avril 1709.
b
OD 191
APOSTILLELe
Chateau d'Alicante s'eft
122 ob quos in P pij
448 MERCURE
rendu . C'eft le Commandant
de la Flote Angloife , venue au
fecours de cette Place, qui a demandé
à capituler , voyant leffet
furprenant de la mine , dont
on a tant parlé. L'Officier qui
ena aporté la nouvelle au Roy,
a fait remarquer à Sa Majefté,
fur un Plan des lieux , que l'é
tat prefent du Roc dont la Mine
avoit fait fauter une partie
rendoit à l'avenir le Chareau
d'Alicante imprenable . La Ca
pitulation a efté honorable pour
les Affiegez parce qu'ils a
voient encore de l'eau & des
vivres avec des munitions de
guerre pour trois femaines,
** AVES. ojizvo
On vendra le Mercure de
May sale 4, de Juinxsquad A
TABLE BAD
leg
Prelude
the 37
Relude qui contient beaucoup de
chofes carienfes à l'occasion de
La derniere indifpofition du Roys
956
5 ག-, ༩ 、
Lestre qui doitfaireplaifir à ceux
qui fouhaitent de vivre langtemps
Cure aulifinguliere que furprenancites
& qui dais divertir le Lecteur
13
10 1970sd 11. 20
1
Premier Article des Merist 25
Sixième fuite de l'Ouvrage de Mr
deWoolhouse , 2003 42
Thefes foutenues fur des Matieres
» tres,importantes 30, E5 255-82 zo
Article où il eft traité à fond de la
5 bonté du The
IN2987
Oraifon Funebre faite par le Pere
en dela Ruës sklantcorn 96
Mr Charpentier eft reçu Confeiller
TABLE.T
au Parlementos moitibet
3 ཀྱ ། CIH3
Mariage , T 299.
Madrigal de Mr Moreau de Mau-
* four , brud & 200 4950715
Difcours prononcer à l'Academie
Royale des Medailles & Infcriptions
, & à celles des Sciences
具
Second Article touchant la mort de
Mr le Prefident de la Barde, 198
Charge de chambellan de S. A. R.
Monfieur le Duc d'Orleans , a.
chetée par Mr le Marquis de
Mafparault , als ni shingg
Gouvernement du Comte de Beau
lieu en Argonne , donné à My le
arComte de Rommecourt ,
Croix de S. Louis , donnée à My de
Barrelier, spell.25), sura201
199
200
Article qui regarde plufieurs Efpagnols
1969094 1/204
TABLE
Erudition touchant la nomination
des Princes fils ainez des Rois
• d'Espagne , qui font appellez
? Princes des Afturies , tousachant
le Serment de filelitè qui
2leur eft preftépar les Députez de
de tous les Etats d'Espagne , 108
Mercuriales faites au Parlement ,
Sc for Di
218
246
Second Article des Morts , 242
Benefices donnez par le Roy dans la
derniere Promotion ,
Fondation faite à Trevoux , par
Mrde Malezien
Relation originale des Poftes emsi
portezdans l'Ifle de Terre- neuve,
39269
271
288
Autre Article d'Espagne ,
Relation des Ceremonies obfervées
→ lorfque tous les Etats d'Eſpagne
pont prefté Sermeni de fidelité au
TABLE.
Prince des Afturies, idem.
Prifes faites par nos Armateurs ,
193
Mort de S. A. S. Monfieur le Prince
, avec un Abregé de fa Pie,
accompagné de plufieurs Articles
qui regardent Madame la Princeffe
, & tous les Princes & Princeffes
fes enfans , 297
Départ du Nonce du Papè de Maq
drid
Articles des Enigm
435
idem
Situation des affaires de l'Europe
parraport alaguerre
Articles remis
438
88
+99443
Juftice rendue a Myt Abbé de faint
Blancart
444
HIDAY
mebi
"
ཏྭཱ
ERL
248
Q
Avis pour placer les Figures.
2913
L'Air qui commence par ,
Mes feux , doit regarder la
page 118.4 .
Celuy qui commence par
Oifeaux , doit regarder
Petits
la page 438 ...
Qualité de la reconnaissance optique de caractères