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1708, 10
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LAVAL. S. J.
Zugu
a
SIBL
" Les pla
S
QUI
60 CHANTILLY
MERCURE
GALANT
DEDIE A MONSEIGNEUK
LE DAUPHIN
OCTOBRE
, 1708 .
A PARIS ,
Chez MICHEL BRUNET , grande Salle du
Palais , au Mercure Galant.
C
Omme il eft impoffible dans la conjoncture
prefente de ne pas groffir
le Mercure, ce qui en augmente confiderablement
les frais , on nepeut fe difpenfer
d'en augmenter auffi le prix . Ainfi les
volumes quiferont reliez en veau fe vendront
dorefnavant 38. fols. Quant
aux volumes qui feront reliez en parchemin
, on n'en payera que trente- cinq.
Les Relations fe vendront autant que
les Mercures .
Chez MICHEL BRUNET , grande
Salle du Palais , au Mercure
Galant.
M. DCC VIII.
Avec Privilege du Roy.
AULECTEUR.
ILya lieu de croire qu'on
ne lit plus l'Avis qui a
efté mis depuis tant d'années
au commencement de chaque
Volume du Mercure , puis
que malgréles prieres réiterées
qu'onafaites d'écrire en
caracteres lifibles les Noms
propres quife trouvent dans
les
Memoires qu'on envoye
pour eftre employez , on néglige
de le faire , ce qui eft
caufe qu'il y en a quantité
AULECTEUR.
de défigurez,étant impoffible
de deviner le nom d'une Terre
ou d'une Famille , s'il
n'eft bien écrit. On prie de
nouveau ceux qui en envoyent
d'y prendre garde ,
s'ils veulent que les noms
propres foient corrects. On
avertit encore qu'on neprend
aucun argent pour ces Memoires,
& que l'on employera
tous les bons Ouvrages a leur
tour , pourvû qu'ils ne defobligent
perfonne , & que
ceux qui les
envoyeront en
affranchißent le port.
MERCVRE
GALANT
OCTOBRE , 1708.
L
Es Vers qui fuivent font
adreffez à Saint Louis ,
& ont efté prefentez au Roy
le jour de la Fefte de ce Saint ,
Sa Majesté eftant à Fontainebleau
.
A iij
6 MERCURE
STANCES
à Saint Louis .
Grand Roy , grand Guerrier &
grand Saint
,
Qui de ces paisibles retraittes
Le coeur d'un pur amour atteint ,
Fites vos delices fecrettes ;
Voyez-y vostre augufte fang ,
Sous voftre nom , dans voſtre rang,
Pour même ufage les élire ,
Fettez vos regards les plus doux
Sur l'heritier de voſtre Empire ,
De vos vertus & de vos gouts.
GALANT 7
Brûlé du même amour que vous
Il a fait voir le même zéle ;
Vous combatites l'infidele ,
L'Heretique a fenti fes coups.
Favorifez fes juftes armes ;
Troublez de mortelles alarmes ,
Quiconque attaque fon repos ;
Et pour rendre la terre heureuſe,
Comblez d'unepaix glorieufe
Les jours de ce parfait Heros .
Ces Vers font de Mr de Mef
fange , qui reüffit parfaitement
en toute forte de genre d'écrire
, & dont l'érudition eft connuë.
Rien ne devant intereffer
A iiij
8 MERCURE
davantage les hommes que ce
qui regarde la connoiffance des
maux aufquels ils font fujets ,
cette connoiffance pouvant
leur donner des moyens de les
éviter , & d'en guerir , la lecture
de l'ouvrage que je vous
envoye doit vous faire plaifir ,
& peut eftte utile à beaucoup
de gens , puifqu'il traite à fond
de tout ce qui regarde les Cataractes
dont on n'a commencé
à voir un grand nombre de
gens attaquez que depuis le
commencement du Siccle paffé
, quoyque felon les Auteurs
qui en parlent , ce mal foit
GALANT
9
prefque auffi ancien que le
monde. L'ouvrage que vous
allez lire n'eft pas entier dans
cette Lettre ; il y auroit occupé
trop de place , mais je continueray
de vous en donner la
fuite fans interruption dans
mes Lettres qui fuivront celle
que je vous envoye aujourdhụy
.
10 MERCURE
REFLEXIONS.
SurleSyftême prétendu nouveau
de Mre-Antoine Maître
- Jan &c. imprimé a
Troyes en 1707. touchant
la Cataracte , publié dans un
traité des maladies de l'oeil ,
faites par Mr de Woolhouſe
Anglois , Oculifte du Roy
de la Grande - Bretagne , demeurant
à Paris , Fauxbourg
Saint Germain , à l'Hoftel
Noftre- Dame, rue Saint Benoift
, prés les murs de l'Abbaye.
Jefuis bienfâché de nepouvoir
GALANT II
faire le même jugement qu'a fait
Mr Antoine fur la partie defon
livre qui traite de la Cataracte :
car en effet je la regarde nonfeule-
- mentcommehetorodoxe contraire
aux bonsprincipes ,foit de la Phifique
, foit de l'Optique , mais auffi
comme tres- dangereuse dans lapratique
( ce que Mr le Marquis de
Vilvaudet a éprouvé le Printemps
dernier par l'abbatement de l'humeur
Chriſtalline avec fa Cataracte
) & comme une pierre d'achopement
auxjeunes Chirurgiens
en faveur defquels on a compofe
ce gros traité des Maladies de
l'oeil , felon ce qu'on en a infinué
12 MERCURE
me
,,
و ر
plus d'unefois dans ce livre , comà
la pag. 198. 569. &c.
Mr Antoine- MaîtreFan nous
avertit pag. 571. que
de la partie
,, de fon livre qui parle de la Cataracte
, il a fait la premiere
partie de tout fon recüeil , &
» que fon premier deffein n'eftoit
», que de faire un petit traité des
maladies du Crystallin pour
donner au public fes decouvertes
fur la Cataracte.
A la page 570. il infiftefur la
fauffe idée que les anciens Auteurs
avoient (felon luỷ ) de la
Cataracte , il ajoute qu'il
en auroit encore la même idée
و د
و د
"
ود
"
"
و د
GALANT: 13
"

„, s'il avoit toûjours eftéperfuadé
», que le Crystallin fût le principal
inftrument de la veuë; &
à lapag. 105. taxant d'erreur les
fentimens des Anciens fur le Siege
de la Cataracte , il affeure que
, ce qui les a fait tomber en cette
erreur eft lafauffe opinion qu'ils
avoient que le Crystallin étoit
principal inftrument de la
در
"
و ر
و ر
و د
59
,, veuë , &par confequent abſolument
neceffaire pour voir. Il
repette la même chofe en differens
endroits de fon livre : fçavoir à la
1 pag. 105. & 570. &c. &pag.
572. j'ay appellé , dit- il , Ca-
,, taracte , l'alteration du Cryf14
MARCURE
"
tallin ,
quoyque
la Cataracte
» foit autre chofe auxfentimens de
و د
ود
nos Auteurs
.
On voit encore clairement quel
cas Mr A. M. J. fait defon écrit
fur les Cataractes à la pag. $ 71 .
„ Fay raporté , dit-il , des obfer-
,, vationsfur toutes les differentes
alterations du Cryſtallin
و د
و د
و د
"
» parce quej'ay traité des maladies
de ce corps comme
fi j'eftois
le
premier
qni en eut parlé: &
effectivement
nos Auteurs
les ont
connûës
; & c'est pour cela
qu'il dit à la pag. 569.qu'il
a
tracé un plan en quelque
maniere
nouveau
. Enfin
à la pag.
و د
peu
GALANT
IS
. و د
و و
509. il prétend qu'on trouvera
» que dans les defcriptions où il
eft entierement d'un fentiment
oppoſe à nos Auteurs , il fefoûtient
, & par la raison , &par
l'experience (paroles empruntées
du petit livre de Mr Briffeau ,
·.pag. 19. qui peut luy avoirfourni
bien d'autres chofes ) commefur
deux pivots inebranlables ; au
lieu que celles de nos Auteurs ne
» font apuyées que fur des opinions
fi peu probables , que pour
», peu qu'on les examine , il eſt
affez difficile de s'imaginer com-
,, ment ellesontpu avoir cours pen-
,, dant un auffi long- temps.
ود
رو
و ر
و د
16 MERCURE
و د
"
و د
Et c'eftpour cela probablement
qu'il declare d'une maniere fiere
& peu convenable à un Novateur
à la pag. 123. qu'il fau
droit eftre bien ennemi de la verité
& du bon fens pour perſiſter
dans une opinion qui n'avoit
pour fondement qu'une idée
fauffe qu'on s'eftoit formée de
Pufage du Crystallin .
Cependant ( avec la permiffion
de Mre A. M. J. les fçavans
difcrets amateurs de la verité
du bon fens depuis la belle découverte
du R. Pere Scheiner
Jefuite ( dans fon traité latin
nommé Oculus & Fundamen-
"
GALANT 17
tum Opticum ) les Sçavans ,
disje , depuis ce temps - là font tout
-àfait convaincus de l'erreur des
Anciens ; que la veuë fe faifoit
dans l'humeur Cryſtalline , &
croyent prefentement qu'elle fe
fait actuellement dans la Retine
: cependant ces mêmes Sçavans
Modernes conviennent generalement
avec leurs Predecef
feurs de la fituation conftante de
la Cataracte dans l'humeur, aqueufe
de l'oeil, & ne la croient
pas dans le Cryſtalin , comme
Mr Brißeau vient de publier le
premier aprés luy M. A.M.
Fan , quoy qu'un peu tard. vid .
Octobre 1708.
B
18 MERCURE
pag. 57. des Nouvelles obfervations
de Mr Briffeau &c . où il
parle de noftre Autheur en le refutant
, ce qui eft une preuve con
fiderable de la faußeté du ſyſteme
de chacun d'Eux ; puifqu'ils ne
conviennent pas enfemble de la
maniere qu'il faut entendre l'innovation
de l'Hypotheſe touchant
la Cataracte , & qu'ils
fe contredifent là deffus en matiere.
de fait
Voyez fuite des Obfervations
de Mr Briffeau , &c. pag. 18 .
19. 20. &c.
de demonftration.
Quoyqu'il en foit , la crainte
de paffer pour fourbe ou fol ( dont
GALANT 19
Mr A. femble nous menacer par
les mots d'Ennemis de la verité
& du bon fens ) ne m'empêchera
pas 1º . d'examiner de point en
point fon fyfteme reformé fur la
Cataracte en le confrontant toujours
avec celuy d'autres Autheurs
qui ont écrit avant Mr An. M.
·Jan. Nous verrons par cette comparaifon
à qui eft dû la gloire &
l'honneur de l'invention que Με
Briffeau veutfi honneftement partager
avec Mr Antoine. Vid.
pag. 17. de la fuite des Obfervations
fur la Cataracte par
Mr Briffeau , & c.
Enfecond lieu nous tâcherons
Bij
20 MERCURE
de refuter les principaux Argumens
, raifons & faits que ces
deux Meffieurs alleguent pour
confirmer leurs opinions.
En troifiéme lieu nous demontrerons
la verité du fyfteme des
Anciens touchant la Cataracte¸
par des raifons & des faits inconteftables
, & par plufieurs Operations
averées .
Depoüillons donc le Livre de
Mr Ant. de fa peau de Lyon empruntée
, defes plumages dérobez;
& rendons la juftice aux Morts
qui nefçauroient plaider pour euxmêmes
contre ceux qui ufurpent
fur leurs travaux.
GALANT 21
-
Il eſt bon de remarquer en paffant
que Mr A. affecte fouvent
depuis le commencement de fon
Livre , à la page 2. juſqu'à la
fin de nommer les humeurs ;
Cryſtaline
humeurs ,felon l'appellation commune
de nos Predeceffeurs , mais
les Corps Cryſtalin
Vitrée , non pas
Vitrée
aprés Min- heer Leeweenhoeck.celebre
Anatomifte Hollandois.
Et cquant à la pretenduë découverte
ou fingularité de Mr
Antoine contenue aux pages 37.
40. c. àfçavoir que
brane Cryftaline n'est qu'une
production on continuation de la
la Mem22
MERCURE
Membrane Vitrée : on la voit
affez nettement expliquée dans
Cornelius Celfus Lib. 7. Cap.
13 de oculorum naturâ. &
Ruffus Ephefius lib. 2. Cap . 3 ..
de Oculi partibus.
Mais Realdus Columbus ,
Cremonenfis dans fon Livre de
re Anatomicâ lib. X. de Oculis
pag. 402. eft fi précis & fi
ample fur cet Article , qu'on fembleroit
luy faire tort ( avec Mr
Antoine ) fi on ne citoit pas là
deffus , fes propres paroles.
ود
Membrana aranea(nom que
les Anatomiftes donnent à la Tunique
Cryſtaline ) Uſus cjus eſt
GALANT 23
ut humoresVitreum &Cryftalinum
complectetur . Vefalius
alioqui magnus Anatomicus
in hâc araneiformi membranâ
defcribendâ perplexus eft ,
nam & ipfam temerè dividit ,
deinde ignorare videtur ab hâc
vitreum humorem circumdari .
in eâdem Membranâ ipfe quoque
Galenus dormitavit : nam
ab câ partem illam feparavit ,
quæ ante cryftalinum fita eft .
Ego vero unicam effe affero
, &c... N'eft- il pas bien
facheux pour Mr A. de s'attribuër
ainsi , à l'Aveugle , une an
cicnne erreur ( renouvellée par un
..
24 MERCURE
moderne ) qui feule eft capable de
renverfer tout le beau fyfteme en
queſtion , comme nous verrons par
la fuite
.
د و
Mr A. à la page 105. defon
Livre écrit Que prefque tous
nos Auteurs depuis Galien jufqu'àprefent
, difent que
و د
la Ca-
,, taracte eſt un amas d'humeur
fuperfluë , lente & épaiße ,
qui fe congele
و د
s'endurcit
comme une pellicule dans l'humeur
aqueuse , felon quelques-
,, uns , entre la Cornée & le
و ر
و د
felon d'autres Cryſtalin ,
entre l'Uvée le Cryſtallin ,
», & qui empêche la vûë : mais
&
Sa
GALANT 25
mais fa definition de la Cata-
, racte à la page 1 10. eft l'altera.
tion entiere du Cryſtalin .
Cette definition des Sectateurs
de Galien fournit naturellement
deux remarques tres importantes
à noftre fujer.
La premiere eft une prevarication
implicite de MrAnt. qui voudroit
nous perfuader que Galien
eft le premier Autheur de cette
efpece de définition, quoyque Cornele
Celfe ( qui vecût plus d'un
fiecle avant Galien ) eft tres precis
fur ce même point . Vid. Cornel
Celfus lib. 7. cap. 14. de
fuffufione .
Octobre
1708.
C
26 MERCURE
و ر
و د
و ر
Igitur vel ex morbo vel ex
ictu concrefcit
humor fub
tunicis ( à fçavoir la Cornée
„, l'Uvée ) quâ locum va-
,, cuum effe propofui
; ifque
paulatim
indurefcens
inte-
,, riori potentiæ
fe opponit
( à
Sçavoir à l'Humeur
Cryſtaline
qu'il appelle Gutta humoris
ovi
albo fimilis , à quâ videndi
facultas
proficifcitur
cap . 13. )
Atque ipfius quoque
fuffufionis
quædam
maturitas
eft . Expectandum
igitur eft , donec
jam non fluere , fed duritiè
quâdam
concrefcere
videatur
.
Par lesparoles [ donec jam non
GALANT 27
que
Celfe Auere ] il est évident
( les Anciens Grecs qu'il traduifoit
) eftoient tres-perfuadez
que la Cataractefe formoit d'une
humeur eftrangere fluide au commencement
& devenue concrete
membraneufe par la fuite du
temps.
La feconde remarque eft , que
la fuffufion fe fait quelquefois
devant le trou de la Prunelle entre
la Cornée l'Iris felon
Celfe même lib. 6. cap. 35 .
Suffufio quoque , quam
,, Græci Hypochyfin
nomi-
,, nant , interdum oculi pupilla
quâ cernit fe opponit.
و د
و د
Cij
28 MERCURE
Ce que Mr Antoine explique
( dans la precedente definition par
entre la Cornée
:
le Cryſtalin)
à la maniere de Galien lib . 10.
de ufu parrium cap . I. Au
lieu de dire entre la Cornée &
la Tunique Uvée.
>
Or il eftprobable au moins
que les Anciens n'auroient pas
fait une partie effentielle de la
definition de la Cataracte une
chofe qu'ils n'avoient pas vû
arriver quelquefois [ interdum
dit Celfe à fçavoir que
la Cataracte fe trouvoit ( quoyque
rarement ) dans le premier
compartiment de l'Oeil : mais comGALANY
29
me ce District de l'Ocil n'eftpas
l'endroit du Cryſtalin , il s'enfuit
indifpenfablement que les Anciens
n'entendoient
pas que la Catarate
fe formoit dans l'humeur
Cryftaline qui eft enfoncée au
derriere de la Pupille , & non
pas au devant.
Lesparoles de Celfe [ oculipupillo
quâ cernit fe opponit. ]font
naturellement intelligibles du devant
de la Prunelle comme [ interiori
potentia fe opponit ]
n'admettent d'autre construction
qu'uneEclipfe, & interpofition
ou oppofition de quelque Corps
opaque au devant du Cryſtalin
Biij
30 MERCURE
par
aqueufe de l'oeil
entre luy & le trou de la Prunelle
derriere où eft l'humeur
que
Celfe
apa
pelle levuide [ cap. 13. lib. 7.
Sub his autem quâ parte pupilla
eft locus vacuus eft. ] à
caufe que l'éguille n'y trouve rien
de folide pour luy refifter. Quia
prementi nihil renititur . cap.
14 .
Ce n'eft pas donc fans bonné
raifon que M. Ant. auroit manqué
d'expliquer nettement cette
partie de l'Ancienne definition
qui place les fuffufions quelquefois
dans la premiere region de
l'ail : que Mr Briffeau auroit
GALANT
31
quoy
pourfeint
de l'ignorer tout à fait par
Ja premicre objection pag.19 . de
fes premieres obfervations fur
la Cataracte &c. aufquels jefis
une reponse formelle qui a esté lûë
il y a deux années à l'Academie
Royale des Sciences , &c.
Mr Briffeauy demande
la Cataracte eft toûjours
placée au delà de la prunelle ,
» &jamais en deça ?
Quoyque la rareté du fait peut
eftre caufe que ces deux Meffieurs
ne l'ayent jamais vû , neanmoins
comme plufieurs Auteurs en font
bonne mention , on a plus lieu de
douter de l'ignorance de ces Mrs à
و د
و د
C iiij
32 MERCURE
cet égard , que de douter de leur
fincerité de leur artifice.
Ilfuffit qu'on voit de temps en
temps des Cataractes ( formées
entre la Cornée l'Iris ) non
feulement auxyeux des animaux
quibroutent , mais auffiauxyeux
des hommes ; qu'ily a actuellement
de cette efpece aux Invalides,
& que j'en ay gueri une ſemblable
à Me Colombier domestique à
l'Hoftel de Noailles , à Saint Germain
en Laye ; & qu'on ne s'y
foit pas mepris en prenant un hypopyon
pour une veritable Cataracte.
a
Aprés cette preuve authentique
GALANT. 33
de Celle qu'avons -nous à repondre
à Mr Ant. qui dit aux pag.
106. 107. 123. 124. & c.que
» nos plus anciens Medecins a-
›, vant Galien avoient crû que la
,, Cataractefut une alteration
du Cryſtallin.
و د
د ر
د ر
و ر
"
Et ne reconnoifoient point
d'autres Cataractes que ces
,, maladies , où leCryſtallin changeoit
de couleur , & perdoitfa
transparence, & qu'ils appelloient
Glaucomata , foit qu'eltes
fuffent curables ou non.
On remarque au contraire que
Celle ne fe fert pas du tout du
mot de Glaucoma dans tout fon
34 MERCURE
é.
Ouvragepar lafeule raifon qu'elle
eftoit regardée comme une maladie
incurable , & qu'au contraire il
décrit toutes les differentes especes
de Suffufions on Cataractes ,
en diftinguant les bonnes d'avec les`
mauvaifes , & il ne laiffe pas
chaper la moindre fyllabe quipuif-
Je donner occafion à l'affertion gratuite
de Me Antoine- MaîtreJan.
Retournons à fpecifier d'où Mr
Antoine a emprunté les differens
materiaux pour la fabrique defon
Systéme raccommodé.
Il dit à la pag. 98. de fon trai.
té que le Cryftallin n'eft pas abfolument
neceffaire pour voir ,
il
GALANT 35
repete la même chofe pag. 100 .
ailleurs , il veut bien ( tant
par complaifance que pour apuyer
fon opinion ) y faire quelque mention
de Plempius qui n'avoitpoint
pourtant , dit-il , d'experience que
le Crystallin fe put détourner,
puifqu'en parlant de laCataracte
il a fuivi l'opinion ancienne
c. mais ( s'il plaift à Mr Antoine)
le fameux Gaffendi n'eft- il
pas bien formel fur ces deux arti-
و ر
و ر
cles ?
" Atque adeo vifio fine Cryftallino
peragatur , dit ce Philo
Sophe , dont nous allons tantoft
rapporter le texte au long, & au
36 MERCURE
nuel
même temps nous n'y verrons que
trop clairement pourquoy Mr A.
a oublié un Auteur de cette note
l'autorité duquel auroit pû faire
valoir le Systéme dont il parle.
· D'ailleurs il n'eftpas poffible que
Mr A. n'ait jamais lû le Ma-
Anatomique de fon Confrere
Riolan qui, à la pag. 440.
dit expreffement qu'on eft en dou-
,, te du lieu de la fituation de
la Cataracte , fçavoir ſi elle eſt
étendue & attachée au Criſtallin
» que les OperateursOculiftes ranverfent
avec leurs aiguilles .
M.C. Tardy auffi dans fon
Cours de Medecine pag. 45. des
و ر
లో
GALANT
37
3 .
Operations Chirurgiques cap.
de la Picqueure & c . dit avec
incertitude que la Suffufion on
Cataracte s'amaffe dans l'humeur
aqueufe , ou même dans
le Crystallin.
Deplus il n'eft guere vray-fem
Mr A. ( qui nouspro-
و د
blable
que
pofe une nouvelle hypothefe furla
Vifion ) n'ait pas lû le fçavant
Rohault qui traite l'Optique fi à
fond, & qui dans fa Phifique
part. 1. chap. 35. art. 7. dit
tres-precifement que la Cataracte
' eft pas une taye qui fe forme
au devant de l'humeur Crif
talline ) comme on l'a crû fort
"
رد
38 MERCURE
و د
و و
"
و د
long-temps mais bien une alteration
de cette même humeur qui
a entierement perdu fa tranfparence
, &qui eft devenue opa
3, que ( ce qui eft la bonne defini
tion du Glaucome icy en quef-
;; tion ) finon dans toutefa maffe
au moins dans unepartie defon
épaiffeur , ce qui fe fait aifement
à cause que cette humeur
eft compofée de plufieurs pellicules
appliquées les unes fur les
autres , comme on peut voir
», quand elle cft cuite ; d'où il s'enfuit
que fi l'on abbat la Cataracte
, on ofte toute l'humeur
,, Cryftalline de fa place.
و ر
و د
و د
و ر
د و
GALANT
39
Au reste cette hypotefe n'a-t-elle
pas efté adoptée , ily aplus de 40 .
ans dans des cahiers qui coururent
alorsfous le titre deNouvelle
Decouverte touchant la veuë
"
"
"
"
imprimée dans le Journal des
Sçavans in 4° du Lundy 17.
de Septembre 1668. à Paris
chez Cuffon.
Voicy les termes propres de cet
écrit.
د ر
و د
د ر ,,Ariftote,Galien&tousles
Anciens eftoient demeurez d'ala
vifion fe fait dans
cord
que
, cette humeur de l'oeil qu'on appelle
le Cristallin à cause defa
transparence defa folidité;
40 MERCURE
"
و د
و د
و ر
mais quelques Auteurs Modernes
ont allegué de tres -fortes
raifons contre cetre opinion. ( on
refutera dans la fuite toutes ces
raifons &c. ) l'experience qu'on
en a faite depuis quelque temps
" l'a entierement détruite ; car les
Oculiftes ont trouvé qu'il n'y
avoit point d'autre moyen de
guerir la maladie des yeux appellée
vulgairement Cataracte,
d'abbatre le Cryſtallin
, de
" forte qu'ils ont rendu l'ufage des
" yeux à plufieurs perfonnes en
rendant inutile cette partie que
les Anciens croyent estre le prin
cipal organe de la venë.
ر د
و د
و و
» que
و د
GALANT 41
C'est dommage que Mr Ant.
n'a commencé d'eftre defabusé de
l'opinion commune que depuis l'année
1682. comme il avoue luy
même pag. 112. 113. de fon
livre : ainfi Mr Ant. a eu 14.
années pour s'inftruire de la verité
dufait en queftion auprés de l'Auteur
de ce Systême , qui refidoir
dit- on , alors à Paris , & qui donna
la premiere occafion de prendre
des Glaucomes pour de veritables
Cataractes ; maisfon opinion
futfi fort rebutée alors , qu'à pei
ne put-on déterrer fon nom , que
les Ecrivains de ce temps - là ont
trouvé à propos de cacher induf-
Octobre 1708 .
a
D
42 MERCURE
trieufement , de crainte que l'antorité
d'un Chirurgien peu éclairé
ne fuft pasfuffifante pour établir
une opinion fi extraordinaire.
Quoyqu'il en foit ni Mr Briffeau
, ni Mr Ant. ne peuvent fe
faire paffer de nos jours pour le
Chirurgien Anonyme de Gaffendi(
dont il s'agit ) pour emporter
la gloire de cette découverte ; car
ils ne font que les derniers de tous
les Prétendans quife trouventfur
les rangs pour avoir foutenu la
Thefe : quoyque deux differens
Journaux de Trevoux ayent complimenté
là-deſſus Mr Briffeau
comme le premier & le feul AuGALANT
43
teur de cette heureuſe invention
de pouvoir voir fans le Cryſtallin
de l'oeil , qui égale au moins
le fait furprenant de la Portugai-
Se quiparle bien fans avoir eu jamais
de langue , ce qui merite confirmation.
Mre Antoine Maître -Fan nous
prefente cette nouvelle définition ,
& ce Systême de la Suffufion pag.
111. comme provenant de fonpropre
fond.
در La Cataracte , dit-il , eft
une alteration de tout le Crif
tallin qui change de couleur ,
perd fa tranfparence , devient
,, plus folide qu'il n'eftoit , & qui
Dij
44 MERCURE
دو
و ر
و ر
و ر
و د
de
diminuant un peu en volume ,
„, femble cependant augmenter
l'occafion d'une certaine matiere
mucilagineuſe qui s'amaſſeautour
en maniere d'appendices
qui flottentfouvent dans l'humeur
aqueufe , & la fuite de
, cette alteration eft la perte
la veuë, &pag. 120.il décrit
ces appendices ( qu'il nomme par
accompagnemens de la
Cataracte ) comme des fubftances
de la blancheur des perles qui
environnent inegalement le Cryftallin
commedesfloccons de neige,
& comme de la gommefon
due à moitié dans l'eau, lefquels
و د
tout
و د
د و
د ر
و د
GALANT 45
5و د ,appendicesferencontrenttoujours
plus ou moins dans lesCataractes
vrayes quand ellesfont
confirmées ou meures. "
que
Quel contretemps pour le Syftéme
reformé de Mr Antoine
des Auteurs étrangers fe foient
fervis avant luy de la mefme explication
verbale d'appendix mucilage
&c. & de la même hypotéfe
touchant la Catara&te , vid.
Bartholini ActaMedicaHaffafnienfia
, &c. vol. 4. cap . 6. de.
l'année 1678 .
د و
De Cataractæ caufis,
Statuo fuccum nutritium
lymphaticum qui humori .
.46 MERCURE
"
و ر
ور
د و
و د
""
Cryſtallino in nutrimentum
cedit , extra fuum locum effe
propulfum ; & in modum
abfceffus vel alicujus excrefcentiæ
tanquam appendicem
aliquem humori Cryftallinco
adnatam effe : ita etiam
hæc paffio infidet humori
Cryftallineo tanquam fuo
foco, &c .
Jean-Louis Hanneman de l'Academie
des Curieux de la Nature,
&c. eft l'Auteur de cettepiece
curieufe.
N'est - cepas auffi de cet Academicien
que Mr Ant. a pris la
notion ingenieufe de la CataracGALANT
47
te purulente , ou abcés du Cryſ
tallin dont il traite pag. 225 .
c. cap . 19 .
Son fuc nourricier du cryftallin
& les autres expreffions recherchées
, inufitées en cette occa--
fion, font apparemment de la même
fource , vid. le livre de Mr
Ant.pag. 134.
د ر
و د
و ر
» Fay attribué en partie aufuc
nourricier du Cryftallın, &c.
ibid . des femblables excroiſſances.
Item pag. 126. c'eſt auſſi
», en partie au fuc nourricier du
Criftallin , en partie aux
» particules quife détachent de fa
"
• 48 MERCURE
fuperficie que j'attribuë la naiffance
de ces additions ou excroi-
», fances quej'appelle accompagne.
mens de la Cataracte.
"
Vid. Mifcellanea curiofa
Medico - Phifica, &c . an . 1688 .
Decuriæ fecundæ , an . fept.
obferv. 16. D. Joh. Jacobi
Weepferi, &c.
و د
و د
Cataracta mediam partem
,, pupillæ occupavit , ac veluti
( l'inegalité de Mr Ant. ) lacera
tranfparuit . In poftica
, parte ( Cryftallini) ei pertina-
Sciffimè adhæfit mucus ( la matiere
mucilagineufe de Mr Ant.)
albus(Blancheur des pèrles, flocons
و ر
de
GALANT 49
·
neige & la gomme fonduë de Mr.
Antoine , page 170. albus , craffus
vifcidiffimus
( vid. Ant. pag.
124. matiere gluante , espece de
glu , qui colloit le cryſtallin à
l'uvée à la membrane du corps
vitré ) fimilis humor anterius
tum humori cryſtallino , tum
uvæe quoque firmiter accrevit.
Ubi mucus ille non operuit
humorem cryſtallinum
pellucidus manfit , & c.... verum
hic dimidiâ parte minor
erac dextro ( cryftallino ) precifement
felon la definition expreffive
de la cataracte de Mr Ant.
», que c'eft le cryftallin diminué,
Octobre 1708 . E
50 MERCURE
و ر
و ر
د و
en volume & augmenté à l'occafion
d'une matiere mucilagincufe.
Cet Auteur Allemand ajoute ,
unde mirabar cur glaucus apparuerit
, &c. d'autres , au contraire
, s'étonnent fort pourquoy
il traite ce fymptôme de Cataracte
, & fur tout pourquoy Mr A.
a copiéfi exactement & fifcrupuleufement
ces erreursgroffieres juf
qu'à en faire la definition generale
d'une vraye Cataracte.
NB : que c'eftoit à l'occafion
d'un oeil d'un chien de chaffe qu'on
avoit ouvert.
Si on ne voyoitpaspar la datte
GALANT 51
dedu
Privilege du Roy , que le
Livre de Mr Antoine n'a eu permiffion
d'eftre imprimé que
puis 1705. on auroit lieu de croire
que ces bons Allemans auroient
profité des lumieres & des experiences
de noftre Mr Antoine
Maiftre Jan , Chirurgien Juré
du Roy , à Mery fur Seine .
Au refte , j'avonë franchement
que je n'ay rencontré nulle part la
diction comprehenfive d'accompagnemens
de la Cataracte
, ni fes diverfes epithetes ,
dont Mr Antoine fe fert fi fouvent
aux pages 165. 172. 173 .
177. probablement toute 175 .
52 MERCURE
l'invention , eft entierement dûë à
noftre Auteur ; mais à ces paroleslà
prés , il n'y à pas un feul mot
de nouvelle invention dans toute
la fuperbe Hypotheſe de ce
gros Livre , tout plein qu'il eft
d'affectation de nouveauté , & de
fingularité.
Je vous enverray la fuite de
cet ouvrage dans ma lettre prochaine
, & dans les autres fuivantes
, ainfi que je vous l'ay
déja marqué .
Je recevray toutes les réponfes
que l'on fera aux Reflexions
dont vous venez de lire une partie
, afin que le Public ait la faGALANT
53.
tisfaction de voir éclaircir une
matiere qui fait tant de bruit
depuis deux ans ; mais je pric
ceux qui écriront , de le faire
avec precifion & honnefteté ,
en critiquant feulement l'Ou- .
vrage fans attaquer l'Auteur
perfonnellement.
Je crois devoir faire fucceder
à la lecture d'un ouvrage
qui a dû attirer toute voſtre attention
, des ouvrages qui doi
vent vous divertir puis qu'ils
font de M' de la Fevrerie qui
donne un tour aifé & galant
à tout ce qui part de fa plume,
& qui badine en Profe &
E
ij
54 MERCURE
en Vers plus agreablement
qu'homme du monde , ce qui
n'eft pas aifé fans tomber dans
la baffeffe. Je commence par
une lettre dont il n'eft pas nec
ffaire de vous expliquer le fujet
, cet Auteur faifant parfaitement
bien entendre fes penfées
, & donnant de l'efprit aux
moindres bagatelles.
EPITRE.
A L'AUTEUR
DU MERCURE GALANT.
Vous m'oubliez Seigneur Mercure
,
GALANY 55
Le tems eft paffé je le vois ,
En vainje comptepar mes doigts
Et fais une exacte lecture
De voftre Livre tous les mois,
Je n'y fuis point trifte avanture.
Ce fera pour une autre fois ,
Me dis- je un peu de patience ;
De mes Vers il va faire choix ,
Et les mettra fans que j'y penfe,
Joignons - y les autres emplois
Que les affaires de la guerre ,
Luy donnent fur mer & fur terre,
Et qui l'accablent de leur poids,
Malgré la bonté de fes aîles :
A cette excuſe je me rens ,
Non fans doute il n'a pas le tems
De fonger à nos bagatelles ;
Elles viendront plus à propos ,
Quand la paix à nos vævx renduë
Icy-bas fera defcenduë ,
56 MERCURE
Et qu'elle aura mis nos Heros
Dans le calme & dans le repos ,
Fait ceffer tambours & trompetes.
Il poura dans ce doux loifir ,
Entendre avec plus de plaifir ,
Nos chalumeaux , & nos mufetes
,
Nos tendres vers , nos chanfonnettes
.
Ja dis je raifonnois ainfi ,
Quand je regardois fans foucy ,
Devant moy vingt ou trente années
,
Qui maintenant font écoulées ,
Aufquelles fans trop me flater,
Je n'oferois en ajouter
Que tres peu de mal fortunées .
Aujourd'huy donc qu'à tout
moment ,
Je m'aproche du monument ,
GALANT
57
Et qu'à grand pas la mort s'avance
Je raifonne tout autrement.
Mercure faite diligence ,
Je vous en fuplie humblement ,
Vous en voyez la confequence ,
Que me fervira- t- il alors ,
Que je feray parmy les morts ,
Qu'on life mes petits ouvrages
Dans quelques - unes de vos pages
?
Rien du tout , apres le trepas ,
Ces chofes là ne touchent pas ,
Er mefme en mourant par avance
,
On n'a plus pour tous leurs apas
Qu'une fort grande indifference
.
A vous dire la verité ,
Je borne au prefent mon envie ,
Et ne me fuis jamais flatté
58 MERCURE
De la vaine immortalité
Dont noftre memoire eft fuivie;
Car j'aime mieux plein de fanté ,
Un grain d'encens bien aprefté ,
Que tout celuy de l'Arabie ,
Quand je ne feray plus en vie.
Voila quel eft mon ſentiment
Que je vous dis naïvement ,
Pour éviter fur toute chofe
Le compliment qui nous expoſe
A de ridicules travers ;
Et j'ay cru qu'une Lettre en
Vers ,
Valoit mieux qu'une Lettre en
Profe
Ecrit bien avant dans la nuit ,
Le trente Aouft mil fept cent
huit .
La Lettre qui fuit m'eſt encore
adreffée , & elle peut ferGALANT
59
vir de Prelude aux Maximes
qui la fuivent , faites par le même
M' de la Fevrerie , pour établir
une Academie de beaux
Efprits.
A L'AUTEUR
DU MERCURE GALANT.
Vous fçavez , Monfieur , que
par
inclina- je fuis Academicien
tion , fi je ne le fuis pas par merite
, fans eftre d'aucune Societé
je pourrois vous dire queje
fuis Academicien
né dans tous
les lieux où je trouve des gens
qui aiment les belles Lettres , &
60 MERCURE
de ces
à
les gens d'efprit. Je vous ay déja
parlé de qquueellqquueess - unes
Affemblées où j'ay l'honneur d'être
appellé , ce que je vous en ay
dit vous a paru digne d'être fçû du
public. La Compagnie dont j'ay
vous parler maintenant eft compo-
·fée deperfonnes fçavantes &choi
fies , qui pouvoient prétendre
d'avoir place à l'Academie de
Caën ,fi fon Protecteur luy avoit
donné du moins l'étenduë de la
Generalité dont cette Ville eft la
Capitale. Vous jugez bien , Monfieur,
que cette Compagnie eft dans
le voisinage de Caën ; je vous en
diray davantage lorfqu'elle fera
GALANT. 61
formée , qu'elle aura mis en
pratique les Maximes queje vous
envoye. Quoi que ces Reglemens
foient en Vers , ils n'en font pas
moins folides , peuvent eftre de
quelque utilité aux Societez Provinciales
qui s'attachent à cultiver
les Sciences & les belles Letrres.
Voicy ces Maximes , dont on
peut dire que files Rimes n'y
font pas riches en quelques endroits
, la raifon s'y trouve par
tout.
62 MERCURE
MAXIMES
Pour établir une Academie
de Beaux Efprits.
I.
Pour trouver dans la Conference
,
Le plaifir & l'utilité ;.
Il faut beaucoup de complai
fance ,
De douceur , & d'honpelteté.
Autrement toute la fcience ,
L'efprit , & la vivacité ,
Ne font qu'orgueil , que fuffilance
,
Que conteftations , qu'opiniîtreté
.
II.
C'eft le défaut qui fe rencon
tre
GALANT 63
Entre la plufpart des Sçavans.
Ils ceffent d'eſtre honneftes
gens ,
Dés l'occafion fe montre
que
De pouffer leurs raifonnemens
;
Ils ne comptent pour rien toutes
les bien-féances ,
Vaincre dans la difpute eft leur
unique but ;
Que Dieu garde vos Conferences
De ces Docteurs fâcheux fi jamais
il en fut.
III.
Mais lorfque l'amitié forme une
Academie ,
Dont elle unit les coeurs avecque
les efprits ,
On voit une maniere agreable
& polie ,
64 MERCURE
Dans les moeurs , & dans les
écrits.
IV .
Pleins d'égars les uns pour les
autres ,
Joignez l'eftime à l'amitié ;
Les talens d'autruy font les vôtres
,
Icy chacun eſt de moitié .
Vous avez connu le merite
De ceux dont vous avez fait
choix ,
Pourquoy mépriſer dans la fuite
Et leurs fuffrages & leurs voix ?
V.
Mais vos fçavantes Affemblées
Ne feront jamais bien reglées ,
A moins qu'un fage Directeur
Sous les ordres d'un Protecteur,
Ne donne à cette Academie ,
GALANT 65
La forme , l'efprit , & la vie .
V I.
En attendant d'autres lumieres
,
Voicy , fi j'ofe m'expliquer ,
Les chofes les plus neceffaires
Que vous devez tous pratiquer.
VII.
Ecoutez ce qu'on dit avec attention
,
N'interrompez jamais par indif
cretion ,
Par mépris , par prévention ;
Que fçavez - vous ce qu'on
veut dire ?
Quelquefois une queſtion
Qui femble eftre faite pour
rire ,
Eft pleine de bon fens , & d'érudition
.
Octobre
1708 . F
66 MERCURE
VIII.
Mais vous eftes d'avis contraire
,
Vous parlerez à voftre
tour ,
Sans eftre trop long , ny trop
court ,
Du n air modefte & doux , fans
fierté , fans colere .
Quand on traite les gens avec
tant de hauteur ,
On rebute l'efprit , on revolte
le coeur .
I X.
Examinez la queſtion ,
Non pour la confulter , mais
plutoft pour la fuivre ;
Un honnefte homme qui ſçait
vivre ,
N'eft jamais entefté de fon opinion.
GALANT 67
X.
Mais fans prendre trop de licence
,
Sans aigreur , fans emportement
,
Il établit fon ſentiment ,
Et
prouve tout ce qu'il avance .
Car il fçait d'un autre cofté ,
Que c'eft foibleffe & lâcheté ,
D'abandonner
par complaifance
Le bon fens & la verité .
X I.
Celuy qui cede tout , celuy qui
veut combatre ,
Le complaifant , l'opiniâtre ,
Ont également leur defaut ,
Au Cercle , & dans l'Academie
;
Pour tenir le milieu qu'il faut,
Ne fuivez pas vostre genie ,
Fij
68 MERCURE
S'il eft trop vif , vous ferez turbulent
,
S'il eft trop mou , vous ferez indolent,
XII.
Des ouvrages d'autruy judicieux
Critique
Vous en jugerez fainement ;
Et joindrez dans le jugement
La theorie & la pratique..
Car ce n'eft pas affez pour eftre
bon Cenfeur ,
D'avoir l'efprit fubtil , delicat ,
fatirique ,
Il faut eftre bon Connoiffeur .
XIII.
Sur nos ouvrages plus fevere
,
Ne vous laiffez rien échaper
Dans les regles de l'Art traitz
voftre matiere ,
GATANT
69
Et fur le choix des mots gardez
de vous tromper ,
Mais felon voftre caractere ,
Il ne faut pas toûjours corriger,
effacer ,
Ileft un certain point qu'on ne
fçauroit paffer.
XIV .
Pour foûtenir vos Conferences
,
Avec plus de profit & de folidité
, ..
Mêlez-y quelquefois les beaux
Arts , les Sciences ,
Selon voftre capacité ,
Car le langage feul au fond d'une
Province ,
Eft , ce me femble une étude
bien mince
Pour arriver à l'immortalité ,
70 MERCURE
XV.
Exact , fcrupuleux fur les
mots ,
Parlez toûjours correct , dans
voftre Academie ,
Mais n'allez pas à tout propos
,
Quand vous ferez en compagnie
,
Chicanner tout le monde , &
troubler l'entretien ,
Pour faire le purifte Academicien
.
X V I.
Si quelquefois on vous propofe
Des doutes fur la langue , ou
d'autres queſtions ;
3
Avant que de répondre examinez
la chofe , ..
Et prenez vos précautions .
GALANT
71
Car à la riſée on s'expofe ,
En ſe précipitant dans ſes decifions.
XVII.
Peſez tout , ne rejettez rien ,
D'une Societé nouvelle
Souvent la moindre bagatelle
Peut eftre relevée & fervir d'en.
tretien .
XVIII.
Des faux plaifans on doit atten-.
dre
Quelque trait piquant & malin,
Ne fongez pas à vous deffendre,
Et d'en marquer voftre chagrin .
Laiſſez tomber la raillerie ,
C'est le parti le plus certain
Pour vous & pour l'Academic.
XIX.
C'eft encore une autre impru
dence
72 MERCURE
De conter ce qu'on dit à chaque
Conference
;
Gardez pour tous les curieux
Et le fecret & le filence .
Il vaut mieux en ce cas eftre
mifterieux
Que de fçavoir ce qu'on en
penſe.
X X.
Enfin aimez vos exercices ,
L'étude qui fait vos delices ,
Vous donnera d'heureux momens
;
Ne vous rebutez point de ces
commencemens
Qui paroiffent peu favorables ;
Il faut creufer , approfondir ,
Vos ouvrages par là feront recommandables
Et vous les verrez applaudir.
Je
GALANT 73
Je crois que vous jugerez favorablement
de cette nouvelle
Academie , fi tous les Academiciens
reffemblent à M' de la
Fevrerie. Je paffe à quelques
Mariages étrangers , dont le
trop de matiere m'a empeché
de vous parler plûtôt.
M' le Prince Frederick Guillaume
de Naffau Siegen a époufé
à Bareith la Princeffe Amelie
Loüife de Curlande fille du premier
lit de Madame la Margrave
de Bareith ; Frederic Cafimir
Duc de Curlande mort en
1698. avoit époufé en 1675.
la Princeffe Sophie Amelic
G
74 MERCURE
fille de Henry Comte de Naffau
Siegen , laquelle mourut en
1688.Il époufa en fecondes nôces
en 1691. Elifabeth Sophie
fille du feu Prince Guillaume
Frederic Electeur de Brandebourg.
Il eut du premier Mariage
Marie Dorothée née en
1684. Eleonore Charlotte née
en 1686. & Amelie Loüife née
en 1687. Du fecond lit il a eu
Frederic Guillaume Duc de
Semigalle & de Petilten , née
en 1692. & Amelie Loüife qui
vient d'époufer le Prince de NaffauSiegen
. LaPrinceffe fa mere,
aprés la mort du Duc de CurGALANT
75
lande fe remaria à M le Marquis
de Bareith de la maifon de
Brandebourg fon parent. Frederic
Cafimir Duc de Curlande
étoit frere de Ferdinand
qui s'eft diftingué en diverfes
occafions & qui a eſté
Adminiftrateur des Etats de
fon Neveu, d'Alexandré tué au
Siege de Bude en 1666. de
Loüife Elizabeth mariée en
1671. à Frederic Landgrave
de Heffe - Hombourg ; de Charlotte
Sophie Abbeffe de Herefort
, & de Marie Amelie mariée
en 1673 à Charles Landgrave
de Heffe Caffel . Ils é-
Gij
76. MERCURE
toient tous fils de Jacques
Duc de Curlande & de Loüife.
Charlotte de Brandebourg fille
de l'Electeur George Guillau
me. Jacques prit le party de la
neutralité lors des guerres du
Roy de Suede Charles Guftave
contre les Polonois , mais Robert
Douglas General des Suedois
ne laiffa pas de fe faifir de
Mittau ,lieu de la refidence des
Ducs de Curlande , & d'envoyer
le Duc & la Ducheſſe
prifonniers à Wanogrod , d'où
le Duc ne fortit qu'en 1660 .
Jacques étoit petit fils de Godart
Ketler de Neffelrod derGALANT
77 .
nier grand Maître de l'Ordre
Teutonique en Livonie qui
recût laCurlande de Sigifmond
Augufte Roy de Pologne qui
l'érigea pour luy en Duché . La
famille de Ketlers étoit une des
plus anciennes du Duché de
Cleves. Comme je vous ay fouvent
parlé de la maiſon de Naffau
, il fuffit de remarquer que
la branche de Naffau Siegen ,
ainfi que celle d'Orange , Dilembourg
, Naffau fimple &
Hadamar viennent d'Othon
frere deWalrame lequel fut
re de l'Empereur Adolphc.
Le Prince de Naffau Siegen,
pe-
Gij
78 MERCURE
aujourd'huy chef de ces cinq
branches eft fils de feu M' le
Prince de Naffau Siegen, l'un
des plus grands Capitaines de
fon ficcle & de la Princeffe
N.... de Furftemberg fille du
Prince Herman Egon de Furftemberg-
M ' le Prince Regent d'Eyfenach
a époufé la Princeffe
Madelaine
Sybille de Saxe
Weiffenfels née l'an 1673. du
mariage du feu Prince Jean
Adolphe Duc de Saxe- Hall &
de Jeanne Madelaine fa premiere
femme , fille du Duc Frederic
Guillaume de Saxe AlGALANT
79
tembourg , mort l'en 1686.
Cette Princeffe eft foeur de Jean-
Georges Duc de Saxe hall & de
Wittenfelds né en 1677. & qui
époufa en 1688 Frederique
Elizabeth , fille de Jean Georges
I. Duc de Saxe Eyfenach
dont il a eu 2.filles mortes jeunes.
Le Duc Jean Adolphe
pere de la Princeffe dont le Mariage
donne lieu à cet article ,
fils aîné d'Augufte Duc de Saxe-
Hall fecond fils de Jean
Georges I. Electeur de Saxe,
& de Madelaine Sybille fille du
Marquis Albert Frederic de
Brandebourg Duc de Pruſſe .
Il fut Adminiftrateur de l'Ar80
MERCURE
chevêché de Magdbourg &
fit fa refidence à Hall , mais
comme cette Adminiftration
n'eftoit qu'à vie , il fit bâtir
pour fon fils & pour ceux qui
continueroient la branche qu'il
commenceroit , la Ville de
Wittenfelds fur la Saler dont fa
Il
pofterité a pris le nom.
époufa Anne Marie fille du
Duc Adolphe Frederic de Meckelbourg
, dont il eut outre
le Duc Jean Adolphe 4. Princes
& 3. filles qui font la Ducheffe
de Saxe - Gotha , La
Princeffe d'Anhalt Zerbeift , &
la Ducheffe de Holſtein, & de
JeanneWalpurge fille duComGALANT
81
te de Linange , ce Duc eut 2 .
Princes , dont l'aîné commande
les Troupes de l'Electeur de
Saxe. La nouvelle Duheffe
'dEyfenaca 3. foeursfilles & 2 .
freres,outre le DucJean Georges
Duc de Saxe - Hall & de
Wittenffelds.
La branche de Saxe- Eyfenac
fut formée vers le milieu du
dernier fiecle par Jean Geor-"
ges Duc de Saxe Eyfenac 4° .fils
du Duc Guillaume de Weimar,
& qui eut la Seigneurie
d'Eyfenac; aprés la mort de fon
pere Guillaume Adolphe , il
êpoufa Jeanne fille d'Erneft
Comte de Sayn & de Virgenf82
MERCURE
tein veuve de Jean Landgrave
de Heffe Brenbach. Il mourut
en 1686. & laiffa pour fucceffeur
Jean Georges 2. Duc de
Saxe - Eyfenac mort en 1668 .
fans enfans de Sophie Charlotte
fille d'Eberard 3. Duc de
Wirtemberg. Jean Gillaume
fon frere herita de luy . Il a
épouſé 2. femmes , la premiere
Emilie fille de Guillaume Frederic
Prince de Naffau Dieft ,
& la feconde Chriſtine Julienne
fille unique du Marquis de
Bade Dourlac .
Il n'eft pas extraordinaire
de parler de Morts aprés avoir
GALANT 83
parlé de Mariages , & ce font
deux chofes qui fe fuivent affez
ordinairement .
Mr Jean Erneft Gerhard ,
Docteur & Profeffeur en Theologie
dans l'Univerſité de Gieffen
dans la haute Heffe , mourut
il y a déja quelques mois.
Il avoit efté Recteur de cette
Univerfité , & il fe démit de cette
dignité dans les premiers
mois de l'année 1706. Il eſt
mort dans le temps qu'on fe
preparoit dans cette Univerfité
à celebrer avec folemnité l'année
feculaire de fa fondation ,
par des Jeux & par d'autres
84 MERCURE
marques de réjoüiffance . Il
avoit efté affocié à l'Academie
des Sçavans de Jene fa patrie ,
& il eftoit lorfqu'il eft mort
de celle des Journaliſtes
de
Leipfick , à qui l'on doit les
beaux Journaux Latins qu'elle
donné depuis l'an 1682. Enfin
il eftoit devenu un des plus
fçavans hommes d'Allemagne
,
dont il avoit voulu voir toutes
les Academics
, ayant eſté à
celles des Villes de Saxe ; de la
Marck ; du Cercle de Weftphalie
; de Pomeranie ; de Meckelbourg
; d'Holface ; de Lunebourg
, & du Duché de BrunfGALANT
85
wick. Il eftoit aimé de tous les
Princes d'Allemagne , & il a
efté regretté de tous les Sçavans.
Il eftoit folide & profond
Theologien , grand Philoſophe
, exact Hiſtorien , & judicieux
Critique. Il ne luy manquoit
rien que d'eftre né dans
la vraye Religion. Il a laiſſé
quantité d'ouvrages que fes
heritiers donneront fans doure
au public. Il eftoit bon &
fidelle ami , & il en a donné des
preuves à plufieurs fçavans
Compatriotes. Il eftoit en relation
avec feu Mr l'Evêque
de Meaux , & il n'a pas tenu à
86 MERCURE
ce Prelat qu'il ne l'ait tiré de
l'erreur & des préjugez de l'éducation
.
Mr Jean - George Grævius ,
eft mort depuis peu en Hollande
, avec la réputation d'un des
plus fçavans hommes du dernier
fiecle. Il eftoit né à Naumbourg
fur l'Iffel le 29. du mois
de Janvier de l'an 1632. Il fut
Profefleur en 1656. à Duifbourg
, & ce fut dans cette
Ville où il époufa Jeanne-Adelie
de Camp , dont il a laiffé
quatre filles. Il fucceda à Mr
Gronovius, dans la Chaire de
Profeffeur en Hiftoire à DeGALANT
87
venter , & trois ans aprés , il fut
choiſi pour exercer à Utrecht
la même profeffion , & il s'en
eſt acquitté pendant plus de
quarante ans avec une grande
reputation . Les occupations
dont il a efté chargé ne l'ont
pas empêché de donner au public
un grand nombre de Commentaires
fur les Auteurs anciens
& modernes , & des feules
Prefaces de ces ouvrages
Mr Albert Fabricius a formé
un excellent Recüeil qui vient
d'eftre publié. Mr Pierre Burman
Membre du College d'Utrecht
, prononça aprés la mort
88 MERCURE
en
de Mr Grævius une Oraifon
funebre qui receut de tresgrands
applaudiffemens. On y
trouve un détail fort curieux
des ouvrages de Mr Grævius.
Ce font les oeuvres d'Hefiode ,
publiées à Amſterdam ,
1667. des Notes fur Lucien ;
les Epitres d'Ifaac Cafaubon ;
les Epitres familieres de Ciceron
; celles du même Auteurà
Atticus ; fon Traité des Of
fices , & fes Oraifons ; Florus
qui a conduit fon Hiſtoire jufqu'au
commencement du regne
d'Augufte ; les oeuvres de
de Juftin , qui donne une idée
fort
GALANT 89
fort précife de l'Hiftoire univerfelle
, avec des Notes ; les
oeuvres pofthumes de Meurfius
de l'Ifle de Chypre , & de
celles de Rhodes & de Crete ;
la Themis attique´du même
Auteur , de même que fon
Thefée & fes Champs attiques
; Albert Ruben de la maniere
de s'habiller des Anciens ,
& une Differtation du même
fur la vie de Mallius Theodore
; le Traité de la Peinture des
Anciens ,de Junius ; les Hymnes
de Callimachus ; les oeuvres
de Lucien ; celles de Suetone
; les Commentaires de
Octobre 1708
. H
90 MERCURE
Jules Cefar ; le Gloffaire d'Ifidore
, Catulle , Tibulle & Properce
; un Recueil de diverfes
Differtations tres - rares ; un
Traité des Rites des Sermons
des Anciens de Bernardin Fer-.
rarius Milanois ; les quatre Livres
de la Vie de Cour de l'Her-.
mite Daniel ; les Poëmes Grecs
& Latins de Pierre - Daniel
Huet ; le Trefor des Antiquitez
Romaines; les Epitres adref
fées à Gudius , & un Difcours
fur l'Academie de Hall & fur
fa formation .
Mr Wolfang Adam Lauterbach
, Prefident en la ChamGALANT
91 .
bre qu'on nomme Ecclefiaftique
du Duché de Wirtemberg , &
Confeiller au Confeil Secret
du Prince , cft mort depuis quel
que temps . Il eftoit né dans le
territoire de Plawe . Dés l'an .
née 1649. il eut une Chaire de
Profeffeur en Droit à Tubinge .
Son merite luy attira les bonnes
graces du Prince Evrard 3.
Duc de Wirtemberg , qui luy
accorda la Charge de Confeiller
qu'avoit Thomas Langius ,
dont ce Profeffeur avoit époufé
la fille. Le Prince Guillaume-
Louis à qui le feu Empereur
avoit donné l'adminiftra-
Hij
92 MERCURE
tion du Duché de Wirtembergaprés
la mort d'Evrard 3 .
le voulut avoir auprés de luy
& pour l'y attacher il luy donna
une place dans fon Confeil
Secret , & la Charge de Prefident
de la Chambre Ecclefiaftique.
Il a fait plufieurs Traitez
fur le droit des Contrats en general
; defidejuffore indemnitatis ,
de arra
,
de nuntio , de epiftola , de
honor.fociet. conjugal. difputationes
juridica de jure antierefeos :
'de voluntate , in 4°. on attendoit
impatiemment fes Commentaires
fur le Digeſte ; ceux
qui avoient pris fes cahiers dans
GALANT. 93
l'Ecole de Droit avoient fait .
connoître que cet ouvrage ſeroit
fort utile , & qu'on y trouveroit
ce qui manque dans We
fembec , Struve , & autres Jurifconfultes
qui ont écrit fur
le Droit Saxon . Mais les grandes
occupations
l'empêchant
d'y mettre la derniere main ,
Jean - Jacques Schuz fut chargé
d'y travailler & de donner
fon Droit Civil , ce qui fut executé
. Il efperoit de revoir luymême
fes Commentaires
fur
le Digefte , mais ce ſoin eftoit
refervé à Mr. Lauterbach fon
fils Confeiller - Affeffeur de la
94 MERCURE
Chambre Imperiale ; il a eu ce
digne fils de N....Langius fon
époufe dont j'ay déja parlé .
Les deux tomes des Commentaires
fur les Pandectes n'en
contiennent que les trente- huit
premiers chapitres. La perte de
Mr de Lauterbach a efté tres- >
fenfible à Mr le Duc de Wir
temberg ; mais fur tout à tous
les gens de Lettres d'Allemagne
qui le regardoient comme
un des premiers Jurifconfultes
de l'Empire , & un de ceux
qui entendoient le mieux la
Jurifprudence Germanique .
Je crois devoir dire avant
GALANT 95
que de finir les Articles étrangers
, qu'il paroift " un Livre
imprimé à Bafle , où l'on trouve
quatre pieces bien curieufes
traduites en noftre langue ;
fçavoir , le Manifefte du Prince
Ragotski , fa Lettre à l'Empereur,
la Publication
de l'Interregne
, &
le Manifefte du Comte Tekeli ,
publié il ya déja quelques années
, & qu'on a mis dans ce
Livre pour fervir de preuves
au Manifeſte & aux Actes prècedens
. Mr le Prince Ragostki
remarque d'abord que des ficcles
entiers fe font écoulez depuis
que la Maifon d'Autriche
.96 MERCURE
que
la
poffede le Royaume d'Hongrie
, fans autre titre que fon
ambition demefurée , & le confentement
des Grands de la
Nation , furpris par toutes for
tes de mauvais artifices . Mais
les Annales de ces temps paffez ,
continuë- t -il , auffi bien
voix gemißante des peuples d'aujourd'huy
, qui fe fera entendre à
la pofterité ; témoignent que cette
redoutable Maifon n'a jamais ceffé
de donner atteinte aux anciennes
Libertez du Royaume. Il dit enfuite
que les perfecutions de
certe Maifon obligerent autrefois
Bathory , ( qui fut peu
aprés
GALANT 97 .
aprés élû Roy de Pologne )
Bethlen , BotskaÏï , & les Ragotſki,
fes Predeceffeurs à prendre
les armes , & à s'élever contre
la revocation,que les Grands
du Royaume ne pouvant plus
refiſter à une authorité defpotique
, firent de la loy celebre
du Roy André de Jeruſalem ;
les mauvais deffeins de la Maifon
d'Autriche , parurent dans
le Tribunal barbare qu'elle établit
pour ouvrir le chemin à la
fucceffion hereditaire ; les veuves
& les orphelins , continuë
le Prince , n'ont pas encore ef
fuyé leurs larmes : les teftes les
Octobre 1708 . I
98 MERCURE
1
plus illuftres de la Nobleffe ont
efté abbatuës , la voix du fang
injuftement répandu s'éleve
jufqu'au ciel & crie vengeance
avec celuy d'Abel : mais la
cruauté de la maifon d'Autriche
n'eft pas encore affouvie. Elle eſt
alterée de monfange de celuy de
quatre - vingt-deux des plus confidrables
hommes du Royaume
qi ont tous efté écrits fur fon Regiftre
fanglant , & deftinez au
même fupplice.
La Lettre dont il eft par .
lé dans le titre eft dattée du
Camp de Mongats le 7. Juin
1703. le Prince Ragotski fe
GALANT
99 .
plaint hautement de l'infidelité
de fon Confeffeur , dont
les Lettres ont efté produites
contre ce Prince . Il fe plaint
auffy amerement qu'on refufa
contre les Loix du Royaume ,
à le recevoir
à fe purger par
ferment , & il allegue cette dureté
comme la raison qui l'a
obligé à chercher les moyens
de fe mettre en liberté. L'Acte
de la Publication de l'Interregne
eft datté de l'Affemblée
generale d'Onod le 16. May
de l'année derniere , & il eft
figné par le Prince François ,
Duc du Royaume de Hongrie
I ij
no MERCURE
& Prince de Tranfilvanie ; par
le Comte Nicolas Bereziny de
Zetoes , Lieutenant general ,
& c. Pontgratnis L. Baron de
Zennyci, Chancelier du Royaume
Confederé de Hongrie ;
le Comte Antoine Efter- hafi ;
Alexandre L. Baron de Tearoli,
le Comte Eftienne Cfatci ; le
Comte Daniel Efterhafi ; Laurent
L. Baron de Zay ; Adam
de Vay ; Eftienne Telchefi , Evêque
d'Eger ; Ladiflas Pyber
élû Evêque d'Almıſſa ; André
élû Evêque d'Ofero ;
Petes ,
Pierre
Determfai
, Abbé
S. V.
& l'on
y voit
auffi
les foufGALANT
IOI •
criptions de vingt - quatre autres
Senateurs tant Ecclefiaftiques
que Seculiers , & la ratification
de quarante tant Comtez
, Provinces , que Villes libres.
Le Manifefte du Comte
Tekeli commence par faire
voir aux Hongrois que la Declaration
du Roy André II.
leur permet d'avoir recours à
la force pour deffendre leurs
privileges , & que le Palatin eſt
obligé de deffendre leur li
berté.
Ce qui fuit ne vous paroîtra
pas tout- à-fait nouveau ; mais
ne l'ayant reçû qu'aprés vous
1
I iij
102 MERCURE
avoir envoyé ma derniere Lettre
, j'ay cfté obligé de le referver
pour celle que je vous envoye
aujourd huy.

Au Camp de Caftiglione de
Farfaña , le 22. Septembre
Le 15. à 5. heures aprés midi
Mrle Chevalier Maulevrierpartit
du Camp d'Agramunt avec un
détachement de so .
hommes
par
Bataillons . Troupes de Cavalerie
pour aller chaffer les Miquelets
de la petite ville d'Alos fituée
au confluent de la Noguera Palarefa
de la Segra..
GALANT 103 .
Le 16. S. A. R. partit d'Agramunt
avec le reste de l'armée
vint camper à Mongay , & nous
apprimes lefoir que Mr le Chevalier
de Maulevrier s'étoit emparéd'
A'os.
Le 17. nous fejournames ,
S. A. R. prit ce temps- là pour
aller vifiter cette Ville dans la
quelle elle trouva beaucoup de
grain ; mais dont les habitans s'étoient
retirez ; ils y revinrent
nanmoins quelque temps apres :
Mrle Chevalier de Maulevrier
y avoit laiffé 300. hommes ,
il avoit avancé plus loin pour joindre
Mr le Comte d'Estaing qui
&
104 MERCURE
avoit donné avis à S. A.R. qu'il
s'étoit emparé de la petite ville
d'Ager fituée entre les deux Nogueres
; mais Mr de Fonboifart
nayant pu attaquer le pofte de
Montañaña , fuivant l'ordre
qu'il en avoit reçu , Son Alteffe
Royale envoya dire à Mr le
Chevalier de Maulevrier de revenir
de crainte qu'il ne fuſt enveloppé
dans les Montagnes ; ce
Prince envoya Mr d' Abaret avec
un corps de Cavalerie entre Alos
& Mongay pour venir camper
fur lesbords de la Segra , la droite
à Balaguer. Mais noftre tefte étant
arrivée au Camp , S. A. R. cut
'
GALANT 105
avis que les Ennemis s'étoient
aprochez d'Agramunt , & craignant
qu'ils ne vouluffent infulter
Mrs de Maulevrier & d'Abaret,
nous retournâmes à Mongay d'où
nous repartîmes le 19. & nous
vîmmes camperfous Balaguer ou
les deux détachemens nous joignirent.
Le 20. nous paffâmes la Segra ,
& nous vinmes camper icy où nous
recevons avis que Mr le Comte
d'Estainga forcé lePont de Montañana
dont il s'eft emparéfans avoir
perdu que 8 foldats tuez & 12 .
bleffez. Il y avoit dans la Ville
quelques Troupes reglées avec les
106 MERCURE
Miquelets qui fe fauverent dans
les Montagnes fi -toft que le Pont
fut force. Ces trois Poftes nous
rendent Maiftres de plufieurs Vallées
où nos Troupes auront de
bons Quartiers d'hiver. Hierfon
Alteffe Royale alla reconnoiftre
celuy d'Ager où l'on fait
quelques Fortifications , ainsi qu'à
Balaguer. Il partit d'icy un gros
d'Infanterie pour aller joindre Mr
le Comte d'Estaing ,, ppoouurr aller
attaquer Venafque. Cette Ville
eft fituée prés de la fource de la
Cinca vers le haut des Pyrenées ,
àfix ou fept lieues de Saint Bertrand
de Cominges, & environ à
GALANT 107
vingt lieues de Toulouse ; de maniere
que la prife de cette Place
faciliteroit une communication
avec la France , qui feroit d'une
grande utilité. Demain ou aprés
on détachera une partie des vingt
Bataillons qui font reftez à Balaguer
pour aller attaquer Denia
dans la Valence , & fuivant toute
-apparence on va mettre en quartier
tout le refte denoftre Armée , qui eft
du moins auffi forte & auffi belle
que quand nous avons affiegé Tortofe.
Nous recevons tout prefentement
avis que Mr du Fort détaché
par Mr le Comte d'Estaing,
a défait un détachement de Mrde
108 MERCURE
Staremberg de quatre cens hommes
, dont il a pris un Lieutenant
Colonel , trois Capitaines , deux
Lieutenans , deux Enfeignes , un
Major & cent cinquante - buit
Soldats.
Mr le Comte de Gerzé dont
le zele pour le ſervice du Roy
luy avoit fait accepter l'Ambaffade
de Suiffe , quoy qu'il ne
fuft pas dans une parfaite fanté ,
depuis qu'il a quitté le Service ,
à caufe des maux qu'il a contractez
en fervant , voyant
que fes indifpofitions augmentoient
au lieu de diminuer , a
GALANT 109 }
#
fupplié le Roy de le difpenfer
de l'Employ dont Sa Majefté
l'avoit honoré , & de nommer
une autre perfonne pour remplir
l'Ambaſſade de Suiffe , cù
Mr le Marquis de Puyficux a
paru avec diftinction , & pendant
laquelle fon efprit & fon
éloquence ont paru dans tous
les Difcours qu'il a efté obligé
de faire aux Cantons , fuivant
l'occurrence des affaires , & dont
vous avez pû juger par vousmême
, vous en ayant envoyé
plufieurs dans mes Lettres. Sa
Majefté a cru ne pouvoir faire
un meilleur choix.
pour rem110
MERCURE
plir la place que ce Marquis a
fi dignement occupée , & avec
tant d'applaudiſſement , qu'en
nommant : Mr. le Comte du
Luc , Lieutenant de Roy de
Provence , pour luy fucceder
Ce Comte à toutes les qualitez
neceffaires pour remplir cet
Employ qui demande un homme
d'Elprit , éclairé & vigilant.
Ceux qui portent le nom du
Luc , font de la Maifon de Vintimille
, en Latin Albentimelium.
Le Chateau de ce nom
eft cité par Cefar dans fes Commentaires.
Ce Chafteau fub .
fifte encore , & il eft fitué prés
GALANT III
de Savone , dans l'Etat de Genes.
Cette Maifon s'eft toû .
jours foûtenue dans fon éclat.
Elle eft divifée en plufieurs
branches ; celle du Luc eft dif
tinguée en Provence depuis
plufieurs ficcles .
Le fils de Monfieur Gentile ,
Comte de Tagliolo , Envoyé
Extraordinaire de la Republique
de Génes , a eſté tenu ſur
les Fonts par Monſeigneur le
Dauphin , & par Madame la
Ducheffe de Bourgogne . Il
eftoit né à Paris le 12 Juillet ,
& avoit cfté ondoyé le 18. à
l'Hoftel de Son Excellence par
112 MERCURE
Mr Thibouft, Vicaire de Saint
Roch. Voicy ce qui fe paffa le
jour du Baptême qui fut fait
le 29 , Septembre. Il fut mené
à Versailles , & porté dans la
Salle des Ambaffadeurs , d'où
il fut conduit par Mr de Saintot
Introducteur des Ambaffadeurs
, dans la Chapelle du
Roy à l'iffuë de la Meffe que
Monſeigneur le Dauphin &
Madame la Ducheffe de Bourgogne
avoient entenduë, dans
la Tribune , & aprés laquelle ce
Prince & cette Princcffe defcendirent
dans le bas de la
Chapelle , où Mr le Curé de
GALANT
113
Verſailles qui affifta à la Cercmonie
, avoit fait apporter les
Fonts baptifmaux . Cette Ceremonie
fut faite par Mr l'Abbé
d'Entragues , Aumônier du
Roy, & ce jeune Seigneur fut
nommé Louis , par Monfeigneur
le Dauphin. Plufieurs
perfonnes
de la premiere dıftinction
s'y trouverent , & la
Cour y parut auffi brillante
que nombreuſe
; de maniere
que tout le paffa avec l'éclat
qui peut accompagner
de pareilles
Ceremonies
, & enfuite
Monfieur le Comte & Mada-
Octobre 1708 . K
114 MERCURE
me la Comteffe de Gentile , allerent
remercier Monſeigneur
le Dauphin & Madame la Ducheffe
de Bourgogne , de l'honneur
qu'ils leur avoient fait ;
& ce Prince & cette Princeffe
leur répondirent , qu'ils eftoient
ravis d'avoir trouvé cette occafion
de leur faire plaifir ; & Monfeigneur
ayant ajoûté qu'il fouhaitoit
bien du bonheur à l'Enfant
, Madame la Comteffe de
Gentile repartit , fon bonheur a
commencé dés aujourd'huy. Cette
réponſe fut applaudie de tous
ceux qui l'entendirent ; auffi
doit on avouer qu'on n'en peut
GALANT 115
faire une plus fpirituelle , en
moins de paroles . Outre les
marques de liberalité que les
Parains & Maraines donnent
en de pareilles occafions , &
qui furent tres- grandes , Monfeigneur
envoya un tres beau
Brillant au jeune Comte à qui
il venoit de donner fon nom .
Mr le Comte de Gentile eft
noble Genois , & fa Maiſon eft .
des plus anciennes & des plus
illuftres d'Ital . Dame Blanche
Maria There Pinelli , Comteffe
Palating & Marquife de,
Civita Sant giolo fon époufe
, eft auffi noble Genoife , &
Kij
116 MERCURE
fa Maiſon n'eſt pas moins illuftre
en Italie , que celle de
Monfieur le Comte fon époux.
Leurs manieres honneftes &
engageantes , auffi bien que
leur efprit , leur ont attiré icy
depuis leur arrivée l'eftime de
tous ceux qui ont eu occafion
de les connoiftre particulierement
, & même des perfonnes
qui n'ont eu que le plaifir de
les entendre parler en converfation.
Enfin l'on peut dire
qu'ils font generalement eftimez
de toute la Cour.
Je vais vous parler de la mort
de Mr de Sfitzgerald , dont
GALANT 117
"
vous avez fouvent lû le nom
dans plufieurs Relations ; mais
comme cet Article doit eftre
long , au lieu de vous entretenir
de fa famille , je ne vous
parleray que de fes actions , qui
font tellement fuivies & enchaînées
les unes aux autres ,
que je n'ay pû accourcir cet
Article qui doit paroître curieux
, parce qu'il fait voir une
fuite de ce qui s'eft paffé dans la
premiere guerre ainfi que dans
la prefente . Ainfi l'on peut dire
que quoi que cet Article né
foit fait que pour un Particulier
, il ne laiffe pas de regarder
l'Hiftoire.
118 MERCURE
Il commença à porter les armes
en l'année 1675. dans un
Regiment d'Infanterie ; cinq
mois aprés il fut fait Enſeigne
de la Colonelle ; enfuite Licutenant
, puis Aide-Major : quelque
temps aprés il eut le Brevet
de Capitaine , & il fut fait enfuite
Capitaine de Grenadiers .
Il fut aprés nommé Major ,
mais il n'en fit pas les fonctions
, ayant reçû la Commiffion
de Lieutenant - Colonel
dans le même mois . Il fut enfuite
Colonel d'un Regiment
d'Infanterie , puis Lieutenant
de Roy de la Ville de Limerik ,
GALANT 119
& enfuite Gouverneur de la
Ville & Chateau d'Athlone ;
& cette Ville ayant efté affiegée
en 1690. il fut fait dés le
lendemain feul & par diftinction
, Brigadier des Armées du
Roy fon Maiftre , & la bleffure
qu'il receut pendant ce Siege ,
ne l'empêcha pas d'agir & de
fe diftinguer jufques au moment
de la prife de cette Place
qui fut emportée d'aſſaut .
Il s'eftoit trouvé au Siege
de Charleroy en 1677. à la
Bataille de Saint Denis en 1678 .
au fiege de Londonderry
depuis
le commencement
juſqu'à
120 MERCURE
la fin en 1688. à la Bataille de
Boyne en 1689. à celle d'Aghrim
à la tefte de fa Brigade en
1690. où il rendit un fervice fingulier
au Roy & à l'Etat ,
ayant attaqué & renversé les
ennemis & pris deux Colonels ,
plufieurs Capitaines & Officiers
fubalternes , avec huit Drapeaux
.
Il s'eftoit auffi trouvé aux
actions de Montmouth & de
Phillipnorton en Angleterre.
Le Roy fon Maiftre luy ayant
donné le Commandement de
cinq cens hommes Cavalerie
& Infanterie proche de Dondoke
GALANT 121
doke en Irlande , il trouva un
parti égal des ennemis qu'il défit
entierement , & fit plufieurs
Capitaines , Officiers fubalternes
, & Soldats prifonniers de
guerre.
Il fut commandé avec cinq
çens hommes pour jetter dans
Charlemont des munitions de
bouche & de guerre , & il y entra
aprés avoir battu les ennemis.
Ayant fait une fortie deux
jours aprés il les battit encore
à Grangé ; enleva deux petits
Forts , toutes leurs proviſions
de bouche & de guerre ; & fit
plufieurs prifonniers , & qua,
Octobre 1708 . L
122 MERCURE
P
tre jours aprés l'inveſtiſſement
de la Place , il eut ordre du
Gouverneur d'aller trouver Mr
le Maréchal de Schomberg
,
afin de capituler , ce qu'il fit , &
obtint une compoficion hono
rable & avantageufe conformement
aux ordres fecrets qu'il
avoit du feu Roy fon Maiſtre.
Il s'eftoit trouvé aux deux
fieges de Limerick ; au premier
il fut commandé avec deux
cens Dragons à pied & de l'Infanterie
, dans le temps que le
Prince d'Orange donnoit l'affaut
, pour attaquer en flanc
les Troupes qui eſtoient emGALANT
123
ployées à cet affaut , à quoy il
cut le bonheur de réüffir . Au
fecond fiege il eut la conduite
d'une fortic qui fe fit pour s'op
pofer aux ennemis , dans le
temps qu'ils vinrent avec un
gros Corps attaquer le feul
Fort qui reftoit hors du chemin
couvert , où il cut tout
l'avantage , ayant fait retirer
les ennemis.
Il paffa en France en 1691 .
à la tefte de fon Regiment
& en qualité de Brigadier des
Armées du Roy fon Maistre.
Son Regiment fut reformé
auffi bien que fon Employ de
Lij
124 MERCURE
Brigadier . Plufieurs autres curent
le même fort cette Reforme
fe fit le 4. Fevrier 1692 .
Enfuite , par la mort de Mr
le Duc d'Albemarle, arrivée au
mois de Fevrier 1703. il fut
fait Colonel de ce Regiment ,
dont il avoit efté cy - devant
Lieutenant -Colonel . Ce Regiment
avoit autrefois porté le
nom de la Marine Irlandoife ,
Commiffion du feu Roy par
d'Angleterre.
Il s'eftoit trouvé à la tefte de
fon Regiment à l'affaire de Spire
, avec Mr le Maréchal de-
Lorge , en 1692. où ſon ReGALANT
125
giment fe diftingua & fouffrit
-plus qu'aucun autre : il s'eftoit
trouvé pareillement à l'affaire
de Pfortfeim , lorfque le Prince
de Wirtemberg fut fait prifonnier.
Le même matin que la Bataille
de Luzzarra ſe donna
fon Regiment eftoit en marche
, & le dernier de fa Bri
gade fortant du Village de
Luzzarra , où il fut rencontré
par trois ou quatre Efcadrons
des ennemis , qui vouloient entrer
dans le Village , croyant
effectivemunt que ce n'eftoit
que le Campement , il mit de
E iij
126 MERCURE
ſon chef fon Regiment en bataille
, les chargea ; & les fit .
retirer en quelque defordre &
avec perte , n'ayant eu de fon
côté que fix Officiers & quelques
Soldats bleffez . Monfieur
le Duc de Vendofme fut témoin
de ce qui ſe paſſa , ce
Prince s'eftant venu mettre à
la tefte de tout lorſque l'on cut
commencé à charger.
Il fe trouva l'aprefdinée du
même jour , lorfque la Bataille
commença , à la tefte de fon
Regiment , & il marcha par
ordre de Monfieur de Vendofme
pour foûtenir les CarabiGALANT
127
niers , ayant pouffé & renversé
tout ce qui s'oppoſa à luy ,
malgré tous les efforts que
les ennemis firent , & il garda
le terrain qu'il avoit gagné
jufqu'à une heure de
nuit , qu'il reçut ordre de fe retirer
avec les Carabiniers
; il
eur dans cette occaſion ſoixan→
te quatre Officiers tuez ou bleffez
tant reformez qu'en pied ,
& la moitié des Soldats de fon
Regiment eurent le même fort.
Cette action luy fit mériter
d'eftre fait Brigadier
avec cinq
autres Colonels. Il eſt impofſible
de fe diftinguer davantage
L iiij
128 MERCURE
qu'il fit ce jour - là .
Il s'eftoit trouvé aux ſieges
de Caftiglion , de Governolo ,
de Saravallo , & d'Oftiglia.
Il s'eftoit auffi trouvé à la
tefte de fa Brigade , dont Piémont
eftoit le chef, à la Batail
le de Calcinato , où cette Brigade
donna la premiere , &
contribua beaucoup au gain
de cette Bataille. Il s'eftoit
pareillement trouvé à la teſte
de trente Compagnies de Grenadiers
pour attaquer l'arrierere-
garde du Prince Eugene à
Pallo ; il s'eftoit trouvé auffi à
la tefte de fa Brigade à la BaGALANT
129
taille de Caffano , & à l'affaire
de Turin , où fon Regiment
fe diftingua & fouffrit beaucoup.
-
Et enfin au
commencement
de la Campagne de 1708 , lorf
lors que
le Roy fon Maistre
paffoit en Ecofle , il fut fait
Maréchal de Camp par Sa Majefté
Tres Chreftienne feul &
par diftinction : il fe trouva au
Combat d'Oudenarde au mois
de Juillet fuivant , où il fe diftingua
beaucoup , & il y fut
fait prifonnier de guerre aprés
avoir reçu une bleſſure confiderable
dont il mourut à Gand,
130 MERCURE
)
le premier du mois d'Aouſt ,
fort regretté de Monfieur de
Vendofme , & de toute l'Arméc.
Il avoit fervi pendant trentedeux
ans fans difcontinuer. Il
s'eftoit trouvé à quinze Sieges
& Batailles , & il s'eftoit diftingué
par un grand nombre d'actions
qui avoient roulé fur luy.
Comme tant d'actions parlent
à fa gloire , elles font beaucoup
mieux fon éloge que toutes les
loüanges que je pourrois luy
donner en finiffant cet Article.
Les deux articles qui fuivent
>
GALANT
131
regardent deux perfonnes dont
les Emplois ont efté bien differens
de celuy de Mr de Sfitzgerald
, & qui fe font diftin
guées dans leur profeffion ,
comme il a fait dans la fienne.
Mr Ameline , Archidiacre &
Chanoine de Paris eft mort
d'une attaque d'apoplexic . Il
étoit recommandable
par fa
vertu & par fa pieté . Sa vie
étoit auffi auftere qu'exemplaire
, & il ne faifoit qu'un repas
chaque jour pendant tout le
Carême ; il y auroit beaucoup
de chofes à en dire ; mais comme
fa vertu étoit veritable &
152 MERCURE
fincere , & qu'il prenoit foin de
cacher tout ce qui auroit pû
faire connoiftre fes bonnes
oeuvres , je me trouve obligé de
finir un Eloge qui meriteroit
plus d'étenduë .
Mr l'Archevêque a donné
l'Archidiaconé , dont Mr Ameline
étoit pourvu , à M' l'Abbé
Perrochel, neveu de feu Mr Perrochel
Evêque de Boulogne . Il
étoit cy- devant Chantre de
l'Eglife de Paris , & il s'étoit
demis de cette Dignité entre
les mains de Mr l'Archevéque .
H s'étoit auffi démis quelque
temps auparavant , de l'AbGALANT
133
baye de S. Crefpin le Grand ,
par un pur effet de devotion .
Il n'avoit point joüy durevenu
de cette Abbaye , qu'il avoit
toujours donné tout entier aux
pauvres . Auffia - t'il toujours été
fi grand Aumônier , qu'il s'eft
dépouillé de tout fon bien
pour en faire des Aumônes ..
Le Canonicat dont joüiffoit
feu Mr Ameline , a efté donné
à Mr l'Abbé Rouillé , fils de
Mr Roüillé du Coudray , Confeiller
d'Etat , dont l'efprit fu
perieur l'a toujours fait paroître
avec diftinction dans tous
les Emploisdont il a efté pour134
MERCURE
vu. Sile fils de ce grand Magiftrat
qui promet beaucoup
marche fur les traces de fon illuftre
Pere , il y a lieu de croire
qu'il ne brillera pas moins dans
l'Eglife que tous ceux de fon
fang ont toujours fait dans les
grands Emplois qui leur ont
efté conficz.
La mortalité a efté fi grande
pendant cette Automne , qu'il
me faudroit un Volume entier
fi je voulois vous parler à fond
de toutes les perfonnes qui font
decedées depuis le commencement
de cette faifon , & qui
ont vécu avec quelque forte de
GALANT 135
}
diftinction . C'eft
pourquoy je
vous en diray peu de chofe , &
je me contenteray
même de
vous apprendre
feulement
la
mort de la plus grande partie.
Mr de Seguiran , Marquis
de Bouc, Brigadier
des Armées
du Roy , & cy devant Capitaine
aux Gardes Françoiſes
, eft
mort , agé de 80. ans ; & quoy
que fon grand âge l'eut obligé
de quitter le fervice , il avoit
fait voir quelque temps avant
fa mort qu'il ne l'avoit quitté
qu'avec regret , & il avoit depuis
peu demandé
à
y rentrer.
Il eftoit de Provence , & l'on
136 MERCURE
peut voir tout ce qui regarde fa
Famille dans le Nobiliare de
cette Province fait par Mr
l'Abbé Robert. [
Jean Louis Mario Comte de
Fiefque , Prince & Vicaire du
faint Empire , Souverain de Lavagne,
Prince du Val de Tarre
, de Mafferan & de Pontremoly
, eft mort fans Alliance
âgé de 61. ans. Je ne vous dis
rien de la Maiſon de Fiefqui
dont je vous ay parlé à fond il
y a quelques mois , à l'occaſion
d'un Nonce de ce nom. La Mere
du Comte qui vient de mourir
étoit de la Maifon d'HarGALANT.
137
court Beuveron qui tire fon
origine d'un puifné des anciens
Comtes d'Harcourt ; c'étoit
une Dame d'un grand merite
& de beaucoup d'efprit .
Le Comte fon fils dont je vous
apprens la mort étoit fort répandu
parmy le beau monde ,
& fort eftimé des perfonnes du
premier rang , avec qui il étoit
fouvent. Il aimoit les beaux
Arts , & particulierement , la
Mufique , dont il avoit une
parfaite connoiffance .
Mr Bartholin , Comte de
Pujol , eft auffi decedé . Il eftoit
neveu de feu Mr l'Abbé Siry ,
Octobre 1708 . M
138 MERCURE
1
né Sujet du Duc de Parme ; il
eftoit dans la plus étroite confidence
du Cardinal Mazarin ,
ainfi que Mr de Bentivoglio ,
& Mr Ondedei , Evéque de Frejus.
Mr l'Abbé Siry a donné
au public ce qui s'eft paffé en
France fous le Miniftere du
Cardinal Mazarin , fous le nom
de Mercurio Siri . Mr le Comte
de Bartholin n'a laiffé qu'une
fille qu'il a euë d'une Dame
Angloife qu'il avoit épousée.
C'eſt une riche heritiere dont
le merite répond à la beauté.
La mort a emporté dans le
même temps Mre Jofeph BouGALANY
139
cher , Preftre , Docteur en
Theologie de la Maiſon & Societé
de Sorbonne , & ancien
Curé de Saint Nicolas du Chardonnet
, âgé de foixante - douze
ans. Je vous en ay amplement
parlé dans le temps qu'il s'eft
démis de fa Cure.
Mr de Gafq , Conſeiller Aumônier
ordinaire de S. A. R.
Madame , eft auffi decedé
ainfi que Mre Salomon Prioux ,
Preftre , Docteur en Theologie
de la Maifon & Societé de
Sorbonne , & l'un des Directeurs
du Seminaire des Miffions
Etrangeres ; il n'avoit
}
Mij
140
MERCURE
que quarante - huit ans .
Mr Berauld , Prefident des
Treforiers de France au Bureau
des Finances de la Generalité
de Paris , eft mort preſque dans
le même temps
.
Dane Geneviève de Laiftre,
époufe de Mre Jean - Dominique
Caffini , Directeur de l'Academie
Royale des Sciences ,
eft auffi morte dans le même
mois .
Dame Françoiſe de Bordeaux
a eu le même fort. Elle eftoit
veuve de Mre Pierre Martineau
, Conſeiller au Parlement,
& Doyen des Requeſtes du PaGALANT
141
lais ; elle eftoit âgée de quatrevingt-
huit ans .
Ďame Marguerite Aubry ,
époufe de Mre Euftache He
nin , Confeiller du Roy en fa
Cour de Parlement , eft morte
au commencement du mois
d'octobre. Elle eftoit fille de
feu Mr Aubry Maistre des
Comptes , & foeur de Mr Aubry
Confeiller de la premiere
des Requeftes du Palais .
Les deux Articles qui fuivent
vous apprendront la mort
de deux Correcteurs des Comptes
: ce font ,
Mre Hilaire Langlois , fils
142 MERCURE
puifné de Michel Langlois, fameux
Avocat du Parlement ; &
Mr Blanchard , Sieur de la Rochette.
Il eft auffi mort une Dame
dont l'époux eft auffi Maiftre
des Comptes ordinaire dans la
même Chambre ; c'eſt Dame
Marie Geneviève Langlois
époufe de Mre Guillaume Julien
le Doubre.
Mre Benigne d'Auvergne
de Saint - Mars , Seigneur de
Dimon & Balleteau , Chevalier
de l'Ordre de Saint Louis , Bailly
& Gouverneur de Sens , &
Gouverneur du Chafteau de la
GALANT 143
Baftille , mourut dans ce Château
le 27. Septembre , âgé de
plus de 85. ans . Il a confervé
jufqu'au dernier foupir le bon
efprit qu'il avoit toûjours fait
voir , & fon grand zele pour
le fervice du Roy. Il entra fort
jeune dans le fervice , & s'eftant
diſtingué dans l'Infanterie &
dans les Dragons , la reputation
qu'il s'y eftoit acquife , le
fit nommer Maréchal des Logis
de la premiere Compagnie
des Moufquetaires. Le Roy
l'en tira en 1666. & luy donna
le Commandement de la
Citadelle de Pignerol , où il
144 MERCURE
répondit à la confiance qu'on
eut en luy , & donna de nouvelles
preuves de fon zele & de
fa fidelité. Il eut enfuite le
Gouvernement du Fort d'Exiles
, d'où il paffa à celuy des
Ifles de Sainte Marguerite qu'il
ne quitta il y a dix ans que pour
venir prendre poffeffion du
Gouvernement de la Baſtille
que Sa Majefté luy donna pour
recompenfe de fes longs fervices
, aprés la mort de Mr de
Befmaux. Il s'eft acquitté de
çet employ avec une exactitude
, une probité , & une nobleffe
qui luy ont attiré une approbation
GALANT 145
bation generale. Son fils aîné
qui eftoit Colonel de Dragons,
fut tué à la Bataille de Steinkerque
; & fon cadet qui avoit
époufé la fille de Mr Deſgranges
, Maiftre des Ceremonies ,
eut le même fort à la Bataille
de Spire en 1703. Feu Mr de
Saint - Mars ne laiffe perfonne
dę fon nom ; mais il laiffe trois
neveux fils de fa foeur. Le premier
eft Mr de Corbé , Major
de la Baftille , qui s'acquitte de
cet employ en digne neveu
d'un tel oncle ; le fecond , qui
eft Capitaine d'Infanterie , eft
fort eftimé , & le troifiéme eft
Octobre 1708 . N
146 MERCURE
diftingué
par fon merite. Feu
Mr de Saint - Mars eftoit d'un
fecret inviolable
, d'une valeur
reconnuë , d'une fermeté à toute
épreuve & d'une conduite fans
reproche ; & les louanges que
le Roy luy donna lorſqu'il apprit
fa mort , font affez fon éloge
fans qu'il foit neceffaire
que
j'en dife rien davantage
.
La mort a auffi enlevé Anne
Jules Duc de Noailles , Pair
& Maréchal de France , Commandeur
des Ordres du Roy ;
Gouverneur
pour Sa Majeſté
de Comtez & Vigueries
du
Rouffillon , Conflans & Cer-
Н
GALANT 147
daigne , Gouverneur particu
lier des Ville & Citadelle de
Perpignan , ci -devant Premier
Capitaine des Gardes du Corps
de Sa Majefté , & Viceroy de
Catalogne. Le corps de ce Maréchal
, qui eft mort à Verſailles
, fut enlevé de fon Hoftel
le 5. d'octobre , & conduit à
la Paroiffe porté par huit perfonnes.
Quatre Gentilshommes
portoient les quatre coins
du drap mortuaire ; tout le
Convoy eftoit precedé par cent
hommes vêtus de noir qui
portoient des flambeaux . Ils
eftoient fuivis de tous les Re-
Nij
148 MERCURE
colets du Convent de Verfailles
, & de tous les Preftres de
la Paroiffe . On voyoit enfuite
le Corps du deffunt fuivi de
deux Gentilshommes qui marchoient
l'un aprés l'autre. Le
premier portoit fur un carreau
noir , les deux Baftons de Maréchal
de France couverts d'un
crefpe ; & le fecond portoit le
coeur fous une Couronne Du-*
cale , fur un carreau auffi couvert
d'un crefpe . Ils precedoient
Mr le Marquis de Noailles fils
du deffunt Maréchal , Mr le
Bailly de Noailles frere du même
Maréchal , Mr le Maréchal
GALANT 149
d'Eftrées , l'un de fes gendres ,
Mr le Duc de Foix , & Mrs de
la Vicuville , de Vienne & de
Maupertuis , ainfi que plufieurs
autres perfonnes de diſtinction .
Le Corps fut pofé dans le
Choeur fous un Dais placé fur
uneEftrade élevée de 3. marches
remplies de Cierges . Les prieres
qui fe font en pareilles occafions
étant finies , le Corps
fut porté dans un Caroffe qui
étoit attelé de fix chevaux avec
des Caparaçons noirs, croiſez
de toile d'argent. Il étoit fuivi
d'un aurre Caroffe auffi de
deuil , dans lequel étoit Mr le

N iij
150 MERCURE
Curé de
Verſailles
accompagné
de quelques
Preftres
de fa
Paroiffe. Quatre autres Caroffes
auffi en deuil ,
paroiffoient
enfuite , & ils étoient
remplis
des perfonnes
que je viens
de nommer , & qui avoient accompagné
le Corps à pied juí
qu'à la Parroiffe. Tous ces Caroffes
étoient fuivis de 7. ou 8 ,
autres qui fervoient
d'accom
pagnement
au Convoy
. Tout
ce Cortege
étoit éclairé par
34.
flambeaux
portez par autant
de perfonnes
à Cheval &
en deüil , du nombre
defquelles
étoient
quatre Pages qui mara
GALANT 151
choient aux coftez du Caroffe
du Corps. Toute cette Pompe
funebre arriva au Cours fur
les dix heures du foir , où l'on
trouva cent hommes auffi vetus
de deüil, & portant chacun
un flambeau. Le Convoy entra
à Paris dans le même ordre qu'il
étoit party de Verſailes ; mais
beaucoup plus éclairé à cauſe
descent flambeaux d'augmentation
dont je viens de parler,
Il paffa par la place de Louis le
Grand d'où il arriva aux Capu
cines . On pofa le Corps dans le
milieu l'Eglife de ce Convent ,
où il fut reçu par le P.Provincial
N
iiij
152 MERCURE
des Capucins , à la tefte de toute
la Communauté
. Aprés que
Mr le Curé de Verfailles qui
l'avoit prefenté , eut parlé à
peu prés dans les termes fuivans.
Il dit que ce n'étoit ni le temps
ni le lieu defaire l'Eloge des grandeurs
humaines dont cet illuftre
deffunt avoit efté honoré pendant
fa vie. Les voilà, continua-t - il,
ces grandeurs , les voila humiliées
, atterrées , diffipées . Il pourfuivit
en difant , qu'il ne pouvoit
marquer fon vif reffentiment de
la perte qu'on venoit de faire, qu'il
ne retraçat quelques- unes des verGALANT
153
tus qui avoient éclaté enfaperfonne,
& qui la rendoient fi chere ;
qu'il étoit vray que cet illuftre défunt
avoit paru fi long- temps fur
le theatre de la Cour , qu'il n'étoit
pas poffible qu'elles n'eussent efté remarquées
de tous ceux qui avoient
eu l'honneur de l'aprocher , & que
perfonne neanmoins ne pouvoit en
rendre un témoignage plus fidele
que luy qui avoit connu de plus
prés toutes les grandes qualitez
qui luyfaifoientdire bardiment que
cet illuftre deffunt eftoit DILECTUS
DEO ET HOMINIBUS ;
qu'il étoit cheri de Dieu , puis
qu'il l'avoit fervi , aimé &
154 MERCURE
honoré toute fa vie , avec toute
la droiture , lapieté la conftance
poffible , témoin fon application
journaliere à la lecture & à la.
Meditation des plus grandes veritez
de la Religion , témoin fesfoins
empreſſez de s'aprocher ſouvent
& dignement des Sacremens de
Penitence
tout également , foutenu d'une vie
vraiement Chretienne ; application,
Joins empreffez , vie Chretiennefi
rare aujourd'buy dans les perfonnes
de fon rang, DILEctus Deo :
qu'il fut auffi tres- cheri des hommes
& particulierement du plus
grand des Rois pour qui il avoit
d'Euchariftie , le
GALANT 155
toujours gardé unefidelité inviolable
avec un attachementfans bornes
, qui luy avoient attiré toutes
les graces dont ce grand Monarque
ait jamais comblé favori . Son élevation
n'avoit rien diminué en
luy de tout ce quipouvoit le rendre
aimable à tout le refte des hommes
; que difpofé à faire du bien
à tous les hommes il n'avoitjamais
fceu faire mal à aucun : & que
c'étoit la voixpuplique : une vertu
fi conftante , ajoûta ce Pafteur
, fi universelle , & fi remarquée
, luy ont attiré toutes for
tes de benedictions. Il eftoit fils
d'un Pere & d'une Mere dont
156 MERCURE
*
l'odeur des vertus étoit encore toute
récente. Il étoit frere aîné
d'un des plus faints Cardinaux
& Archevêques qui ayent gouvernéjusques
àprefent l'Eglife de
Paris , & d'un Evéque du nombre
des grands Prelats qui ont
rendu remarquable à jamais l'Eglife
de Chaalons. Il étoit Pere ,
feulement d'un Duc tres- digne
heritier de toutes fes grandes
qualitez , mais auffi d'une tresnombreuſe
famille , beaucoup plus
diftinguée par fa pieté & par fa
religion , que par fes grands emplois
& par fes nobles alliances :
ECCE HOMO QUI TIMET DOGALANT
157
a
MINUM . Il a craint le Seigneur
& le Seigneur l'a beni, & pen
dantfa vie & àfa mort, de la
quelle il aprocha dans tous les
fentimens qui ont paru pendant
le cours de fa vie , en forte
que
l'on
peut dire de luy , UT
c'é-
VIXIT ET MORTUUS EST . Il
pourfuivit en difant que
toit ce qui luy faifoit croire que
Dieu auroit receu fon ame dans le
fein de fes grandes mifericordes ,
que cependant comme ſes jugemens
étoient inconnus étans impenetrables
, ilavoit tâché de rendre
à cet illuftre deffunt tout les devoirs
de la pieté Chretienne &
158 MERCURE
qu'il ne doutoit pas que le R. P.
Capucin auquel il adreffoit laparole
avec toute fa Religieufe Communauté
jointes à celle de ces
faintes Epoufes de Fefus- Chrift ,
( enparlant des Capucines ) ne
lay accordaffent le même fecours
avec leur zele & leur pieté ordinaire
, & que c'eftoit enfin avec
cette confolation qu'il remettoit
volontiers entre leurs mains ce
trifte & precieux depoft.
Ce difcours qui à voit attiré
pendant qu'il fut prononcé ,
l'attention de ceux qui l'avoient
entendu , receur de
grands applaudiffemens lors
GALANT 159
qu'il fut fini. Voicy de quelle
maniere le Pere Provincial
des Capucins y répondit.
Aprés l'éloge que vous venez de
faire, Monfieur , des grandes qua
litez , des excellentes vertus de
Tres - Haut & Tres Puiffant Seigneur,
Monfeigneur Anne -Jules
Ducde Noailles , Pair e Maréchal
de France , &c. Je ne puis
rien dire , finon que le Corps de cet
illuftre Défunt , que vous remettez
entre nos mains , &que nous
recevons en depoft par l'ordre de
fon Eminence , Monfeigneur notre
tres-digne Archevêque , pene160
MERCURE
netré de douleur pour la perte d'un
frere fi cheri, & fi digne d'eftre
regretté. Ce Corps , dis - je , que
nous conferverons en cette Eglife
( où il paroift qu'il a defiré d'eftre
inhumé pour joindre fes cendres
avec celles de cesfaintes Filles qu'il
a toûjours honorées defon eftime
defon affectionparticuliere ) eft bien
digne de l'honneur que l'Eglife
l'on rende àfes enfans
quand ils fortent de cette vie : elle
leur a ouvertfon fein unepremiere
fois , lorfqu'elle les a admis au Sacrement
de Baptême à leur entrée
en ce monde , & quand il plaiſt à
Dieu de les en retirer , elle les reordonne
que
çoit
GALANT 161
"
çoit dans fon même fein , où ne
pouvant retenir leurs ames que
l'indifpenfable loy de la mort fépare
de leurs corps , elle les renfer
me dans des fepulchres pour y attendre
le moment auquel la puiffance
du Souverain Fuge doit à la
fin des ficcles les réunir à leurs
ames. Si c'eft-là le fort de tous les
Chreftiens , il est heureux ce fort ,
pour ceux qui convaincus de la
neceffité de mourir , ont fait d'une
viefainte vertueuse , une continuelle
preparation à la mort.
Telle a étéfans doute , Monfieur ,
la fage précaution qu'a prife ce
Seigneur de qui nous regrettons la
Octobre 1708 . O
162 MERCURE
que
le
perte. Informez que nous fommes
avec le public . Plus encore par
témoignage que vous nous en donnez,
Monfieur, nous affuronsfans
befiter qu'il apratiqué désfes premieres
années toutes les vertus que
fa Religion luy a enfeignées ,
de ces mêmes vertus il s'eft.
fait un exercice fi continuel , que
dans fes grands & differens em
plois , je dis même dans les expe- .
ditions militaires où tout paroift ift
oppofé à la tranquilité que demande
une devotion réglée's il n'a pas
paffé une semainejufqu'à fa morit
fans recevoir à la fainte Table le
même Dieu des bontez duquel il
recevoit tant de graces . Cettepieté
GALANT 163
firare dans un homme de coeur , a
rendu celuy- cy digne de l'eftime de
noftre religieux Monarque , qui
fcachant , comme le grand Apoftre
nous llee ddiirt que
la pieté eft utile à
toutes chofes , que pouvoir , il ne
ne pas confier à un homme qui
en faifoit une profeffion fi decla
rée ? Ne luy a-t-il pas donnéfouvent
le Commandement general
de fes Armées ? Et c'est par la
prudente & genereufe conduite de
ce Chef, qu'il a tant de fois vaincu
les ennemis de fon Etat : il s'eft
affuré de la fidelité de ſes Sujets
parfa vigilance es par la fermeté
de ce fage Gouverneur qu'il a éta.
4
O ij
164 MERCURE
bli en tant de Villes , & de Pro
vinces de fon Royaume : Il l'afait
le Gardien de fa Perfonne facrée ,
luy ayant reconnu une fidelité non
Suspecte ; & par tout , ce grand
Maréchal , ce vigilant Gouver
neur , & Capitaine confident a
donné àfon Prince les preuves les
plus conftantes de fon attachement
pourfa Perfonne facrée , & d'un
Zele affidu pour fon fervice , jufqu'à
meriter d'obtenir de la reconnoiffante
liberalité defon Royqu'il
remift fes Charges honorables à
l'aîné de fa Maiſon . Monfeigneur
le Duc de Noailles , l'illuftre beritier
defes nobles vertus qu'il laifGALANT
1Ι6ό5ς
fe deja combléde gloire que luy ont
meritez les heureux fuccés de fes
dernieres Campagnes : gloire qu'il
augmente tous les jours , occupé
qu'il eft actuellement à deffendre
par fon grand coeur les interefts de
fon Prince , & à remporter furfes
ennemis de trestres
-glorieufes victoi
res. Continuez , jeune Heros , vos
progrés dans le fervice de voſtre
Prince , marchant comme vous
faites fur les traces d'un Pere fi
rempli de merite & de vertus
vous donnerez à une Meredefotée
de la perte de fon Epoux , la
confolation de le voir revivre en
voftre perfonne, vous parvien
1
166 MERCURE
f
drezfans doute aufaifte de lagrandeur
où il vient de finirfa vie. Ce
n'eft pas , Monfeigneur , d'une
grandeur mondaine dont je parle ,
la vertu chreftienne de noftre illuf
tre Défunt luy en a fait méprifer
la recherche , reffentir le dégoût:
il l'a changée auffi bien qué le
Roy Prophete , en celle qui fe trouve
uniquement àfervir avec fidelité
le Dieu des veritables grandeurs
. Pouvoit- il meriter mieux
d'y eftre élevé dans le Ciel
par les foins qu'il a pris d'en montrer
le chemin aux autres ; par fa
pieté envers Dieu , par fa charité
envers les pauvres , par cette oecoque
GALANT 167
nomic ficbreftienne qui regloit tour
fon domestique , nous pouvons prefumer
que fon ame est entrée , commece
Serviteurfidele , dans lajoye
defon Seigneur , où s'il luy manquoit
quelque chofepour luy affurer
ce bonheur éternel , les Prieres
que nous allons faire , & celles que
nous joindrons aux voftres , Monfieur,
& que nous continuerons
d'offrir à Dieu pour reconnoiffance
des bontez que cet illuftre Défunt
a cuëspour tout noftre Ordre , acheveront
de l'en mettre en poßeffion ,
s'il plaift an Dieu de mifericorde de
nous exaucer.
168 MERCURE
- Pendant que le Corps qui
fut enfuite porté dans la Chapelle
de Noailles pour y de
meurer jufqu'au jour de fon
inhumation y demeurera ,
voyons ce que l'on peut dire
d'un homme , qui felon tout ce
que vous venez de lire , doit
avoir efté felon le coeur de
Dieu , & l'on peut ajouter qu'il
n'a pas moins efté ſelon celuy
du Monarque qu'il n'a prefque
pas perdu de vûë pendant tout
le temps qu'il a vécu , à moins
que fon ſervice ne l'ait appellé
ailleurs , comme il eft arrivé
dans les temps qu'il a fervy , &
commandé
GALANT 169
commandé des Armées , ou
qu'il a efté en Languedoc, non
fculement pour y remplir les
devoirs du grand Employ qu'il
y avoit ; mais auffi parce que fa
prefence y eftoit neceffaire, non
feulement pour le bien de l'Etat
, mais auffi pour le bien ;
pour la gloire , & pour l'accroiffement
de la veritable Religion
. Il y a peu d'exemples
d'une ardeur pareille à la fienne,
dans un âge peu avancé pour entrer
dans le fervice , puis qu'il
n'avoit pas encore 15 ans accomplis
lors qu'il demanda au
Roy avec les plus fortes inftan-
Octobre 1708. P
170 MERCURE
ces la permiffion d'aller avec
Mr de Pradeile que Sa Majesté.
nomma pour commander les
les Troupes qu'elle envoya en
1665 en Hollande pour agir
contre l'Evêque de Munſter
qui avoit commencé à commettre
quelques actes d'hoftilité
contre les Holandois ; il y avoitun
détachement desGardes
du Corps parmy ces Troupes.
La rigueur de la faiſon ne fut
pas capable de ralentir l'ardeur
de ce jeune guerrier , & la maniere
dont il y fervit , ainſi
l'attention qu'il donna à tout
ce qui regardoit le mêtier de la
que
GALANT 17
Guerre , firent juger dés lors
qu'il pourroit un jour rendre
des fervices confiderables au
Roy & à l'Etat.
Il époufa en 1671. Marie
Françoiſe fille unique de Mr le
Duc de Bournonville , & de Luc
effe Françoife de la Vicuville.
Je vous parleray à la fin de
cet Article de la nombreuſe
pofterité dont Dieu a beni ce
Mariage , & je vous entretiendray
de toutes les alliances par
lefquelles cet illuftre défunt , a
eu la fatisfaction avant fa
mort de voir affermir fa famille.
Pij
172 MERCURE
Il fut fait Marechal des
Camps & Armées du Roy , en
1677 , n'ayant encore que 26.
ans.
Sur la fin de la même année ,
il fut reçu Duc & Pair au Parlement,
avec l'agrément du Roy ,
donné fur le confentement
volontaire de Mr le Duc de
Noailles fon Pere S. M. trouvant
en luy toutes les qualitez
neceffaires pour remplir toutes
les fonctions de cette grande
Dignité qui donne fceance
dans le plus Auguſte Senat du
Monde , & voix deliberative
dans les affaires les plus imporGALANT:
173
tantes & les plus épineufes .
Auffi le Roy donna- t'il fon agrément
avec plaifir , perfuadé
que fi tous les Juges avoient la
même droiture que ce nouveau
Duc , on n'entendroit jamais
parler d'aucune injuſtice,
Feu Mr le Duc de Noailles fon
pere , qui mourut l'année fuivante
, avoit avant la mort remis
au Roy le Gouvernement
de Rouffillon , & S. M. avoit
cru ne le pouvoir remettre en
de meilleures mains qu'en celles
de fon fils , quoy qu'il fut encore
jeune , & que ce Gouvernement
fuft d'importance à
Pij
174 MERCURE
caufe du voifinage des Efpagnols
; & le Roy ne douta
point qu'à l'exemple de fon
Pere, il ne continuaft de maintenir
cette Province dans l'obeïlfance
qu'elle devoit à Sa Majesté.
Elle le nommaCommandant
en Chef de la Province de Languedoc
au mois de Juin 1682. ›
pendant le bas âge de S. A. S.
Monfieur le Duc du Maine . Il
y fit éclater fa magnificence, fa
prudence & fa pieté qui produifit
beaucoup de Conver
fions , rien n'étant fipropre à
perfuader que l'exacte & reguGALANT
175
liere conduite d'un verirable
homme de bien ; mais ce n'eft
pás icy le lieu de m'étendre fur
un Article qui demanderoit un
volume entier , & je n'entreprens
aujourd'huy que de vous
marquer feulement les temps
des principaux évenemens de
fa vie .
Il fut fait Licutenant General
au mois de Juillet de la même
année , n'étant encore que
dans fa trente- deuxième année.
Sa Majefté dit , qu'ayant
toujours fervy aupres de fa perfonne
, Elle vouloit que cela
luy tint lieu d'autres fervices .
Pij
176 MERCURE
Il fuffit de connoître fa vigilance
pour s'imaginer tous les
périls que fon zele luy avoit
fait courir puifque ce Monarque
les a fouvent affrontez ,
plufieurs perfonnes ayant cfté
bleffées & d'autres tuées en
l'accompagnant , lors qu'il reconnoifloit
luy- même les Places
qu'il vouloit faire attaquer
ou qu'allant à la tranchée il encourageoit
par fa prefence
ceux qui devoient monter à
l'affaut . Quand un Souverain
s'expoſe ainfi , le Capitaine de
fes Gardes ne peut fe difpenfer
d'être toûjours entre luy & le

GALANT 177
péril afin de tacher à l'en garentir.
On pouvoit dire que quoy
qu'il eut peu fervy jufques là
dans les Armées de Sa Majefté
fon Emploi n'avoit pas cfté
moins périlleux ni moins utile
à l'Etat que celuy de tant de
Braves qui avoient fervy à la
tefte de leurs Corps . Ainfi il
s'étoit inftruit parfaitement
dans le métier de la Guerre en
voyant donner des ordres à ce
Monarque qui n'a pas moins
reuffi à faire de grands Capitaines
, qu'à former de grands
Miniftres.
Ce nouveau Lieutenant ge178
MERCURE
neral fit connoiftre quelques
années aprés que Sa Majefté ne
s'eftoit pas trompée lorsqu'el
le avoit crû que le grand nom
bre de Campagnes qu'il avoit
faites auprés de fa perfonne
devoient l'avoir autant inftruit
du mêtier de la guerre que s'il
avoit longtemps
fervi dans fes
Armées, puifque dés qu'elle luy
eut donné le Commandement
en Chef de celle de Catalogne ,
il fit en peu d'années un grand
nombre de Conqueftes
tresimportantes
. La premiere
fut
celle de Campredon
, Ville &
Chafteau
, avec la Tour de la
GALANT 179
Rocque, qui eftoit inacceffible,
en Mars 1689. Cette expedition
ne luy coûta que cinq
jours de tranchée ouverte , &
l'on doit remarquer qu'on n'avoit
pas moins beſoin moins befoin pour la
faire , d'experience dans le mêtier
de la guerre , que de valeur ,
puifqu'on ne pouvoit affieger
Campredon fans que les ennemis
fuffent affurez affez longtemps
auparavant , qu'on alloit
affieger cette Place , à caufe
qu'il eftoit neceffaire que toutes
les Troupes & le canon
paffaffent par un Col qui ne
pouvoit conduire que devant
180 MERCURE
fes murailles. Cependant Mr
de Noailles trouva moyen
de donner le change aux Ennemis.
En 1691. au mois de Juillet
, il fe rendit maiſtre de la
Ceu d'Urgel , aprés huit jours
de tranchée .
Il fut fait Maréchal de France
au mois de Mars de l'année
1693. & la même année au
mois de Juin , il affiegea Rozes
par terre , qui fut en même.
temps affiegée par mer , par
Mr le Comte d'Eftrées , & cette
Ville fut obligée de fe rendre
aprés huit jours de fiege..
GALANT
18
En 1694. il ouvrit la Campagne
par une Bataille qu'il
ggna , & qui luy fut d'autant
plus glorieufe que les ennemis
eftoient retranchez fur le bord
du Ter , qu'il paffa ſous le feu
du canon & du moufquet
quoy que leurs Troupes fuffent
beaucoup fuperieures aux
fiennes.
Il marcha enfuite à Palamos
& emporta la Ville au
premier affaut , aprés peu de
jours de tranchée ouverte ; &
quelques jours aprés la Citadelle
fut obligée de fe rendre à
difcretion.
182 MERCURE
Il fit enfuite dans le même
mois de Juin , le fiege de Gironne
, qui ſe rendit par compofirion
aprés cinq jours de tranchée.
LaGarnifon eut une compofition
honorable , à la referferve
de la Cavalerie qui fut
démontée & renvoyée à pied ;
mais ce Maréchal luy fit grace
du dixiéme des chevaux qu'il
luy laiffa . Les autres furent diftribuez
par fon ordre aux Officiers
de fon Armée . On doit
remarquer à la gloire du
General qui emporta Gironne
en cinq jours de fiege
, que cette Ville fe vantoit
GALANY 183
de n'avoir jamais efté prife.
Il eſt rare de voir une fi grande
rapidité de Conquestes
puifque dans le mois fuivant
le même General emporta d'affaut
la Ville &le Chafteau d'Of
talric , par l'endroit le plus fort,
& où il y avoit fept retranchemens.
Cette gloricufe Campagne
finit par la prife de Caftel-
Fellit , qui ferendit aprés quelques
jours de tranchée ouverte
& dont la Garnifon qui étoit
de plus de mille hommes , fur
faite prifonniere de guerre..
L'activité avec laquelle le
184 MERCURE
General qui venoit de prendre
tant de Places , avoit couru de
conquefte en conqueſte l'ayant
fait tomber malade pendant
qu'il en meditoit de nouvelles ,
il fut obligé de revenir à Paris
pour aller aux Eaux .
Aprés vous avoir parlé de
fes Conqueftes , je dois vous
entretenir du grand nombre
d'enfans qui font fortis de ſon
mariage dont j'ay déja commencé
à vous parler , & qui felon
toutes les apparences doivent
faire vivre ſon nom jufqu'à
la pofterité la plus reculée
, & particulierement fi ceux
GALANT 185
J
qui en defcendront fe fignalent
autant que tous ceux qui
font fortis de la Maifon de
Noailles , & qui ont ſerviavec
diſtinction fous vingt -cinq de
nos Rois. Voicy les noms de
ceux qui font defcendus de ce
mariage , tant des vivans que
de ceux qui font decedez , & la
fituation où se trouvent prefentement
ceux qui font reſtez
au monde.
Marie - Chriftine de Noailles
, qui époufa au mois de Mars.
1687. Mre Antoine de Gra
mont , Comte de Guiche , aujourd
buy Duc de Guiche , &
Octobre 1708. Q
186 MERCURE
Colonel des Gardes Françoifes.
Louis -Marie de Noailles ,
mort en bas âge .
Louis Paul de Noailles , auffi
mort en bas âge.
Maric Charlotte de Noailles
, qui époufa au mois de Novembre
1696. Meffire Malo-
Augufte de Coëtquen , Colonel.
Adrien Maurice de Noailles
, qui époufa au mois d'Avril
1698. Damoiselle - Françoife-
Charlotte Amable d'Aubigné,
fille unique de Mr le Comte
d'Aubigné , Gouverneur de
Berry.
GALANT 187
Anne- Louife de Noailles ,
morte en bas âge.
Jean Anne de Noailles , mort
en bas âge.
Julie -Françoife de Noailles ,
morte en bas âge , & quelques
autres enfans auffi decedez .
Louife Felicité de Noailles ,
qui époufa au commencement
de l'année 1698. Meffire Victor-
Marie d'Eſtrées, Vice Amiral
de France , Chevalier de la
Toifon d'or , Grand d'Eſpagne
, & Maréchal de France.
Marie-Therefe de Noailles ,
qui époufa au mois de Juin
1698. Meffire Charles - Fran-
Qij
188 MERCURE
I
çois de la Baulme le Blanc.
Chevalier , Marquis de la Valliere
, Gouverneur & Lieutenant
general du Bourbonnois .
Emanuel- Jules de Noailles ,
Lieutenant general de la Baffe
Guyenne , mort fans avoir efté
marié , d'un coup de feu qu'il
reçut à la tefte fur le Rhin , en
1702 .
Marie-Françoiſe de Noailles
, qui époufa au mois de Fcvrier
1703. Emanuel- Henry ,
Sire de Beaumanoir , Marquis
de Lavardin , mort des coups
qu'il avoit reçus à la Bataille
d'Hochftet.
A
GALANT 189
Marie - Victoire - Sophie de
Noailles , qui épouſa au mois
de Janvier 1707. Meffire Louis
de Gondrin , Colonel d'un Regiment
de Cavalerie.
Marie Emilie de Noailles ,
fille.
Jules -Adrien de Noailles ,
Comte de Noailles , Moufquetaire
.
Marie Uranie de Noailles ,
fille.
Jean Emanuel de Noailles ,
Marquis de Mouchy Lieutenant
Generalde la baffe Guyenne.
Ce grand nombre d'Enfans ,
190 MERCURE
& la maniere dont ils ont eſté
pourvus , font connoiſtre qu'il
y a peu de familles auffi nombreufes
& auffi illuftrées par
leurs alliances , & que feu Mr le
Marechal Duc de Noailles , &
Madame fon Epoufe , fe font
toûjours appliquéz à tout ce
qui pouvoit contribuer au bien
du grand nombre d'Enfans
qu'il avoit plû à Dieu de leur
donner , & en qui ils ont mis
tout leur plaifir , & toute leur
fatisfaction , n'ayant donné
dans aucune des chofes faftueufes
qui pouvoient les diffiper &
faire tort à leurs Enfans dont
t
GALANT 191
l'avancement & l'éducation
ont toûjours efté l'unique but.
Auffiaurois- je mille chofes avantageufes
à vous dire de tant
d'Enfans bien élevez fi cet Article
n'étoit déja plus étendu
qu'aucun de ceux de cette nature
qui ayent encore efté dans
mes Lettres. Je ne puis m'empêcher
neanmoins de vous parler
feulement d'un feul , c'eft de
Mrle Duc de Noailles, qui dans
un âge peu avancé avoit déja
toute la valeur & toute l'experience
neceffaire pour commander
des Armées en Chef,
& qui les a commandées glo192
MERCURE
ricufement & avantageufement
pour le Roy & pour l'Etat.
Auffi avoit- il à peine la
force de porter les armes qu'il
commença à fervir fous fon illuftre
Pere dans les premieres
Campagnes qu'il commanda
l'armée du Rouffillon , & qu'il
fit tant de conqueftes en Catalogne.
Ce qu'il y a de furprenant
, eft que ce Duc qui peút
encore paffer pour jeune , a non
feulement toutes les lumieres
neceffaires pour bien commander
desarmées,mais qu'il eft auffi
un des plus fçavans hommes du
Royaume. Les belles Lettres
luy
GALANT 193
lui font familieres . Il a une connoiffance
parfaite des beaux
Arts , & l'on peut dire de luy
que c'eft un homme univerfel
.
Ce feroit icy le lieu de vous
entretenir de la Maifon de
Noailles ; mais vous en ayant
parlé amplement en 1682.dans
ma Lettre de Juillet , vous pouvez
y avoir recours fi vous voulez
vous rafraîchir la memoire
de tout ce qui regarde cette
grande Maifon , aufli illuftrée
qu'illuftre par elle - même , qui
a toujours fait profeffion d'une
pieté exemplaire , & d'une fi-
Octobre 1708. R
194 MERCURE
délité inviolable pour tous fes
Souverains , fans qu'aucun y ait
jamais manqué depuis plus de
fept Siecles qu'Elie de Noailles
commença à briller dans le
monde. Quoy que l'on n'ait
fait attention à la grandeur de
cette Maifon & au merite de
ceux qui ont porté le nom de
Noailles , que depuis fept cens
ans , cenom ne laiffoit pas d'être
connu long- temps auparavant
; vous devez bien juger
qu'une Maiſon auffi illuftre &
auffi ancienne doit avoir poffedé
toutes les plus grandes Dignitez
de l'Etat , & tous les tiGALANT
195
tres
d'honneur dont une Maifon
peut
eftre honorée. Auffi
ne s'en trouve - t - il prefque
point qui n'ayent efté dans la
Maifon de Noailles.
J'eftois
perfuadé que vous
feriez auffi
fatisfaite que vous
l'avez efté de ce que vous avez
vû dans ma derniere Lettre , du
Panegyrique de S. Louis , prononcé
le jour de la Feſte de ce
Saint dans la
Chapelle du Louvre
en prefence de Mrs de l'Academie
Françoife ; mais je dois
vous dire que l'Abbé qui s'eſt
acquis tant de gloire par ce
Panegyrique , eft
vulgairement
Rij
196 MERCURB
appellé Lopés ou Lopis , la Fare
n'eftant que le nom d'une Terre
qui même n'eft actuellement
que dans la branche cadette
de celle dont eft iffu cet Abbé .
Les Lopés font originaires d'Efpagne
; ils ont poffedé la Souveraineté
de Bifcaye depuis l'an
800. jufques à l'an 1000. &
c'eft pourquoy ils portent encore
les anciennes armes de
Bifcaye ; ils furent longtemps
aprés Conneftables de Caſtille .
Le dernier Conneftable de ce
nom fut difgracié environ l'an
1424. fous le regne de Jean II .
qui luy fit fucceder Dom AlGALANT
197
varo de Luna fon Favori , quelques
années aprés cette difgrace
, Dom Garcias Lopés de Vil
lanova quitta la Caftille & alla
s'établir à Avignon , avec Eleonor
de Perez la femme ; ce fut
vers l'an 1445. Voila en general
ce qu'on trouve de plus remarquable
dans l'Hiftoire d'Elpagne
, concernant la famille
dont defcend Mr l'Abbé de
la Fare , ou plutoſt Mr l'Abbé
de Lopis. On fçait que cette
famille s'cft foûtenue avec honneur
& diftinction tant dans
les Emplois qu'elle a eus dans
les Armées , que dans fes allian-
Rij
198 MERCURE
ces , depuis qu'elle s'eft tranf
plantée dans le Comtat d'Avignon.
Quelques gens ont
crû que Mr l'Abbé de Lopis ,
appellé par pluſieurs Abbé de la
Fare , qui a fait le beau Panegyrique
de S. Louis , dont je
vous ay déja parlé , eſtoit de la
même maiſon que Mr le Marquis
de la Fare , Capitaine des
Gardes de Son Alteffe Royale
Monfieur le Duc d'Orleans
, & il y avoit en effet
lieu de le croire en n'en jugeant
que par la joye & par
la vivacité avec laquelle ce
Marquis fit les honneurs du
GALANT 199
cft
Sermon de S. Louis , & en reçut
les felicitations. L'Abbé quile
prêcha avec tant de fuccés ,
à la verité fon proche parent ;
mais ce n'eft que par Mc fa
a
mere.
Quelques jours aprés la blef.
fure du Prince Eugene, Mylord
Marlborough , & Mr d'Auver
kerque s'eftant trouvez dans la
Tente de ce Prince , ils curent
enſemble une converfation affez
vive , & le haſard en ayant
fait entendre la plus grande partie
à quelques particuliers , le
Dialogue fuivant a efté fait fur
Riiij
200 MERCURE
ce qu'ils en ont rapporté.
DIALOGUE
Entre le Prince Eugene
Mylord Marlborough ,
&Mr d'Auverkerque .
JA
AUVERKER QUÉ.
>
AVOUE que la Conquefte
de Lille doit eftre auffi utile
que glorieufe aux Alliez , en
cas qu'il foit poffible de fe
rendre maiftre de cette Place
; mais des Conqueftes de
cette nature acheveront bientoft
d'épuifer la Hollande
GALANT 201
,
d'hommes & d'argent : & de la
imaniere que cette Campagne
a commencé , elle ne finira
pas fans qu'il luy en coûte
prés de quinze millions d'écus
ce qui va la mettre
hors d'état de pouvoir à l'avenir
contribuer au bien de la
cauſe commune. Il eſt vray
qu'avant la guerre de 1672 .
Cette Republique étoit fi floriſfante
qu'elle excitoit autant
d'envie qu'elle doit caufer aujourd'huy
de pitié . Elle fut
affaillie prefque de toutes parts
dans l'année que je viens de
marquer. Plufieurs de ſes prin202
MERCURE
cipales Villes furent emportées
; les autres virent leurs ennemis
à leurs portes , & elle
perdit des Provinces entieres ,
& l'on peut dire que depuis 35 .
années , cette Republique n'a
vû que des lueurs de paix : de
maniere que l'on peut affurer'
que ce n'eft que par une efpece
de miracle qu'elle fubfifte encore.
Je demeure d'acord qu'a
vant la premiere guerre dont
je viens de parler , l'Etat étoit
riche , & que les particuliers
poffedoient des Trefors ; mais
comme ce que l'Etat & les
particuliers ont fourny depuis
GALANT 203
ce temps là , & que ce qui eft
forty de l'Etat excede de
beaucoup les fommes qui y
font entrées , on ne doit pas
s'étonner fi l'argent y elt
prefentement
fi rare . Dés l'année
1690. l'Etat & les particuliers
commencoient d'étre épuiſez ,
& les taxes fur les terres & fur
les maifons étoient - fi grandes
que les proprietaires en abandonnoient
le fond , qui n'étoit
pas fuffifant pour payer ces
taxes , ce qui doit faire juger
de la mauvaiſe fituation où l'Etat
doit étre prefentement
puifqu'il commençoit à étre
204 MERCURE
épuifé il y a 18. ans . On doit
confiderer que la Holande eft
un tres petit Etat , & qu'il ne
fournit prefque rien des chofes
neceffaires à la vie ; de maniere.
qu'elles n'y peuvent venir que
par le
moyen
du commerce
ou à force d'argent . Mais que
peut aujourd'huy le commerce
, étant auffi affoibly & auffi
interrompu qu'il l'eft. La Mer
eft couverte des Vaiffeaux fortis
de tous les Ports de Bretagne
, & la feule Ville de S. Malo
fournit affez d'Armateurs
pour troubler le Commerce
des Hollandois dans toutes les
GALANT 205
re ,
parties du Monde , & la Provence
ne laiffe pas d'en fournir
auffi , qui quoy qu'en plus
petite quantité incommodent
beaucoup le commerce du
Levant. Ce n'eft pas tout enco-
& l'on voit tous les ans
fans qu'il en coute rien à la
Marine de France que quelques
Vaiffeaux prêtez par Sa
Majefté Tres- Chreftienne, des
Flottes entieres fortir de fes
Ports , & enlever nos Flottes
Marchandes , comme ont fouvent
fait les Efcadres du Comte
de Forbin & du Sieur du Gué-
Troüin ; qu'à fait pendant tout
206 MERCURE
cela la marine d'Angleterre & la
noftre ? & à quoy luy ont fervy
les vaiffeaux qu'elles ont armez
à grands frais pendant pluſieurs
années ? à rien de ce qui pouvoit
faire fleurir leur commerce
, ou du moins à en empécher
la ruine , puis qu'elle ont toujours
été ocupées à tranſporter
des troupes en Catalogne , en
Portugal , en Italie , en Provence
pour le fiege de Toulon
& en plufieurs endroits où l'on
croyoit en avoir befoin pour
la conquefte d'Efpagne . On
doit remarquer que ces vaiffeaux
étoient à peine de retour
GALANT 207
qu'on les radouboit pour recommencer
les mêmes voyages
qu'ils ont quelques fois
fait jufqu'à trois fois dans la
même année & qu'ils ont
fouvent effuyé des tempêtes
qui les ont mis en defordre ,
& dans lesquelles on en a perdu
plufieurs , & pendant toutes
ces allées & venues , les Efpagnols
ont reconquis les Royaumes
d'Aragon & de Valence
& une partie de la Catalogne.
Ainfi Ton peut dire dire
que la
Marine d'Angleterre & la
noftre ſe font ufées fans avoir
rien fait d'avantageux pour le
208 MERCURE
maintien du commerce des
deux Nations , pendant que
les Armateurs François dont
la mer a toujours efté couverte,
ont ruiné noftre commerce ,
de même qu'ont fait les Eſcadres
du Comte de Forbin &
du Sieur du Gué Troüin . On
doit encore remarquer que
France voit entrer chez elle
par le moyen de fes Armateurs,
une infinité de chofes pendant
la guerre pour lesquelles elle
feroit obligée de faire fortir
l'argent en efpeces durant la
paix. Il eft vray qu'il luy en
coute les frais des Armemens
la
GALANT 209
qui font ces prifes ; mais comme
la dépenfe de ces Armemens
fe fait chez elle , l'argent
n'en fort point , & c'eſt un tresgrand
avantage ; & d'ailleurs
comme elle produit toutes les
chofes neceffaires à la vie , une
longue guerre l'incommode
moins qu'un Etat qui ne peut
rien avoir que par le moyen
de fon Commerce , ou à force
d'argent , ainfi que je l'ay
déja fait voir. Jugez par toutes
ces chofes , du mauvais érat
où doit eftre la Hollande , &
ajoutez y que depuis qu'elle a
ceffé de reconnoillre Philippe
Octobre 1708 . S
210 MERCURE
V. pour legitime Roy d'Efpagne
, elle ne tire plus d'argent
du Mexique & du Perou , ce
qui joint aux autres pertes que
fes Commerçans font tous les
jours , le rend fi rare dans toutes
fes Provinces , que depuis
quelques années , il eft prefque
impoffible de trouver
chaque année les fonds neceffaires
pour faire la Campagne.
Ces veritez ne peuvent étre
niées & elles font connues de
tout le monde , puifque les
affaires d'une Republique qui
fe traitent en pleins Etats , ne
peuvent être ignorées de perGALANT
201
fonne. C'eſt un fait conftant &
public , que depuis plufieurs
années , quelques Provinces refufent
de payer leur cotte- part
en donnant des preuves de
leur impuiffance , & comme
elle eft publique , on ne doit
pas s'étonner fi les fonds que
l'on emprunte tous les ans , &
fans quoy on ne pourroit continuer
la guerre , font fi difficiles
à remplir. Jugez par la fituation
où vous voyez que font
les affaires d'Hollande , fi aprés
les fommes immenfes que luy
doit encore coûter cette Campagne
, elle pourra eftre en eſtat
Sij
212 MERCURE
de foûtenir la guerre la Campagne
prochaine.
LE PRINCE EUGENE.
UnOrateur Holandois , & un
General d'Armée qui parlent
en faveur de la paix , font deux
chofes affez nouvelles .
AUVERKERQUE .
Si les Holandois ne paffent
pas pour de bons Orateurs ,
c'eft parce qu'aimant la verité ,
ils n'employent point les traits
de l'Eloquence pour la déguiGALANT
213.
fer , & ce que vous avez pris
pour éloquence dans ce que je
viens de vous dire , n'eft qu'un
effet de la force de la verité
dont vous avez efté frappé ,
quoy que vous ayez deffein
d'affecter de ne la pas croire ,
parce qu'elle ne vous eft pas
favorable. A l'égard de la paix
qui n'eft pas fouhaitée ordinairement
pour les Generaux
d'Armeés,il n'en eft pas de mê.
me dans les Republiques que
par tout ailleurs , & les Republicains
qui aiment leur patrie
, preferent fon repos à leur
gloire & à leurs interefts .
214 MERCURE
LE PRINCE EUGENE.
Laiffons là les beaux fentimens,
il n'eft pas prefentement queftion
de paix , & les Holandois
font trop heureux d'être protegez
par toutes les forces de
l'Empire , & par l'Angleterre ,
fans quoy
plaindre.
ils feroient fort à
AU VERKER QUE.
Pas tant que vous pensez , &
la Holande fera toujours maitreffe
de fe faire un auffibon
GALANT 215
party qu'il luy plaira , pourveu
qu'Elle n'attende pas les dernieres
extremitez .
LE PRINCE EUGENE.
Quoy pendant que toute
l'Allemagne la défend…………
AUVERKERQUE.
Tout beau, s'il vous plaiſt ,
fi l'Allemagne a beaucoup
bras armez , ils font tout en
partie animez par la Holande ,
puis qu'elle paye une grande
partie des troupes qu'elle a fur
216 MERCURE
pied , & que la guerre coute peu
à l'Empereur, quoy que fes Ge- .
neraux le prennent
un peu trop haut.
fur un ton
MARLBOROUGH ,
Il n'eft pas queftion de s'aigrir
prefentement les uns contre
les autres ; mais feulement
de prendre Lille , aprés quoy
chacun fera contcht.
ALE PRINCE EUGENE.
Je crois que l'Empereur aura
fujet de l'être, puis que la prife
de
GALANT 217
de Lille produira des effets qui
luy feront bien avantageux ,
ainfi qu'à la cauſe commune.
A peine cette Place fera - t- elle
renduë que les projets de la Ligue
, formée contre l'Empereur
entre le Pape & les
Puiffances d'Italie , s'évanouiront
auffi toft , tant ces Puiffances
auront lieu d'apprehender
les forces que S. M. I. a déja
en Italie , & qu'elle trouvera
moyen d'augmenter confi .
derablement aprés la prife de
Lille ; mais la Maifon d'Autriche
eft trop politique pour ne
fe pas fervir de l'occafion favo
Octobre 1708. T
218 MERCURE
rable qu'elle aura d'achever de
foumettre toute l'Italie , fuivant
le projet qu'elle en a forformé
depuis long- temps ; &
afin de l'empêcher de ſecoüer
le joug qu'elle luy impofera ,
& de la gouverner arbitrairement,
Elle l'afforblira par tant
de levées d'hommes & d'argent
qu'Elle fe mettra hors d'état
d'en rien craidre , & avec les
Trefors & les hommes qu Elle
en tirera , Elle pourra en peu
de temps triompher des Confederez
d'Hongrie
, en cas que
l'apprehenfion de la prife de
Lille ne leur ait pas déja fair
GALANT
219
demander à rentrer dans les
bonnes graces de l'Empereur
, & alors S. M. I. Souveraine
de toute l'Italie , à l'exception
de ce que le Duc de
Savoye en poffedera , fuppofé
qu'Elle l'en laiffe jouir & qu'Elle
ne le tranfplante point ailleurs.
Quand , dis- je , l'Empereur
fera Maistre de l'Italic ;
d'une grande partie de la Flandre
, & paiſible poſſeſſeur du
Royaume d'Hongrie , il f
trouvera affez puiffant pour
gouverner arbitrairement toute
l'Allemagne, & pour ſe mettre
au deffus de toutes les Con-
Tij
220 MERCURE
ftitutions de l'Empire : & comme
alors il fe verra en état
de donner de puiffans fecours
à l'Archiduc , on pourra dire
que la Maifon d'Autriche fe
trouvera en état de donner des
Loix à la plus grande partie de
l'Europe .
MARLBOUROUGH .
Si l'Empereurtire de figrands
avantages de la prife de Lille , il
faudra que l'Angleterre en
trouve auffi de confiderables ,
& que les Alliez contribuent à
remettre Dunkerque fous fa
GALANT 221
puiffance , ainfi qu'elle a déja
efté , & qu'on luy procure encore
quelques villes de Flandre ,
afin qu'elle puiffe toujours faire
à la France , parce
la
guerre
que
la Reine
ma
Maitreſſe
ne
peut
fe maintenir
fur le Trône
qu'Elle
ocupe
, à moins
que
fes
fujets
ne
foient
toûjours
en
guerre
, par
le moyen
de laquelle
Elle
éloignera
ceux
qui
pourroient
le plus
s'opofer
à fes volontez
, fous
pretexte
de les honoter
des plus
grands
Emplois
,
Elle
n'a pas moins
beſoin
de la
guerre
pour
empêcher
que
le
Peuple
trop
opulent
ne foit
en
a
T iij
222 MERCURE
état de fe foplover & , en dernier
licu , Elle en a beſoin , parce
que pendant la paix , Elle ne
jouït oit que de ce que l'on appelle
la Lifte Civile , qui ne fuffiroit
que pour l'entretien de fa
Maiſon ; & comme il n'y auroit
point de fonds pour la
guerre , fur lefquels Elle puft
rien prendre pour fe faire des
Creatures , & que dans la paix
Elle n'auroit point d'Employ à
leur donner , il faut neceffairement
ou que cette Princeffe
quitte le Trône , ou qu'elle
entretienne toujours une guerre
qui continuera de luy donGALANT
223
ner lieu d'éloigner du coeur
de fes Etats , ceux qui pourroient
fe laffer de fon regne ;
de faire des creatures , & de
les conferver par les fommes
ou par les emplois qu'elle leur
donnera , felon qu'elle le jugera
à propos pour le bien de
fes affaires .
AUVERKERQUE.
Voila de beaux projets
mais dont l'execution fouffrira
peut -eftre quelques difficultez.
Je vois dans tout ce que je
viens d'entendre , que chacun'
Tiiij
224 MERCURE
2
penfe à fes interefts , & que
perfonne ne pense à ceux de
la Hollande, quiferoit perdue
fi tout ce que vous venez de
dire arrivoit , ainfi que vous
vous le perfuadez . La guerre
éternelle dont l'Angleterre forme
le projet , acheveroit de
ruiner la Hollande de deux
ou trois manieres differentes .
Elle eſt épuifée , & elle ne peut
plus fournir aux frais de la
guerre , ainfi que je viens de
faire voir ; & felon le projet
formé par l'Angleterre , il faudroit
qu'elle continuaft pendant
tout le regne de la Reine,
GALANT 225
*
ce qui luy eft abfolument impoffible
; mais ce n'eft pas tout
ce qu'elle auroit à craindre ,
il pourroit arriver que les cho
fes tourneroient de maniere
que les Anglois ne pourroient
s'empeſcher de faire la paix
avec la France ; & comme il
eft de la politique de la Cour
d'Angleterre d'entretenir toûjours
la guerre , les forces de
ce Royaume pourroient tomber
fur la Hollande
, à quoy
il y a d'autant plus d'apparence
, qu'il y a long temps que
les Anglois font jaloux de fon
commerce , & que la voyant
226
MBRCURE
brouillée avec la France qui
ne luy prêteroit point le fecours
qu'elle luy a donné en
d'autres temps , il luy feroit
aifé de la fubjuguer , ou du
moins de s'emparer de la plus
grande partie de fon commerce
, ce qui ne manqueroit pas
d'arriver dans la fituation où
l'on veut mettre les chofes.
Ainfi il feroit à fouhaiter pour
la Hollande qu'elle fuft dans
le même état où elle eftoit lorfqu'elle
a commencé, la
guerre.
Elle avoit efté reconnuë Souveraine
par le Roy d'Eſpagne
qui avoit bien reçû fes AmGALANT
227
ayant
baffadeurs , & dont la fuire a
fait voir qu'elle auroit bien fair
de fe fier à la parole , ce Prin
fait voir depuis qu'il eft
fur le Trône , par la maniere
dont il a regné , que rien ne
pouvoit l'obliger d'en manquer.
Dailleurs la France qui
luy offroit une barriere dont
elle auroit dû fe contenter , auroit
toûjours efté prefte à la
deffendre , fi on avoit voulu
l'attaquer , au lieu que fi les
chofes changeoient de face ,
& que l'Angleterre l'attaquât
dans la neceffité où la Reine
fe trouve d'entretenir toûjours
228 MERCURE
la guerre , il ne fe trouveroit
aucune Puiffance qui prift fon
party. Ainfi l'on peut dire
que fi Elle n'avoit point embraffé-
le party des Alliez , fon
commerce auroit moins efté
interrompu qu'il ne l'eft , &
qu'Elle auroit eu part aux Trefors
du Perou & du Mexique ,
comme Elle avoit avant que
d'eftre entrée en guerre avec
la France & avec l'Eſpagne.
LE PRINCE EUGENE.
La Hollande feroit en beaucoup
plus mauvais état qu'elle
GALANT 229
n'eft aujourd'huy , fi elle avoit
toûjours ajoûté foy à de pareilles
chymeres.
AUVERKERQUE.
Il y a bien plus de chymere
dans le plan que vous venez
de faire , & fuivant lequel vous
croyez déja l'Empereur en état
de donner des loix à toute l'Europe.
Cela pourroit arriver fi
toutes les Puiffances d'Italie
étoient affez aveuglées pour ne
pas connoiftre leurs veritables
interefts , & fi les demarches
que fait aujourd'huy l'Empe230
MERCORE
reur ne leur ouvroient pas les
yeux. Vous croyez que la prife
de Lille empefcheroit les Puiffances
d'Italie d'achever de travailler
à leurunion pourleur défenfe
commune,& c'eft aucontraire
ce qui devroir les engager
à s'unir plus promptement,
puifque c'eft le feul moyen d'éviter
l'esclavage dont elles font
menacées. Vous vous perfuadez
que les Confederez d'Hongrie
rompront leur union
parce que l'Empereur s'étant
rendu maistre de l'Italie , joindra
toutes fes forces contre
cux , ce qui produiroit un effet
GALANT
231.
tout contraire à ce que vous
vous imaginez. Si l'Empereur
cftoit maiſtre de l'Italie , il devroit
employer plus de forces
à fe la conferver , qu'il n'en
auroit employé à fe l'affujetir ,
parce que fans cela il auroit
lieu
d'attendre tous les jours
de grandes
revolutions , tous
les Etats dont on s'empare avec
une facilité qui tient de l'invafion
,
retournant en auffi peu
de temps fous
l'obeïffance de
leurs legitimes
Souverains , que
leurs
Ufurpateurs en ont employé
à en faire la conquefte.
Enfin vous vous
perfuadez que
232 MERCURE
tout l'Empire recevra des chaînes
de l'Empereur fans faire
aucuns mouvemens pour s'en
garentir. Il n'eft déja que trop
perfuadé que la trop grande
puiffance de la Maifon d'Autriche
ne peut que luy eftre fatale
, & c'eft pourquoy vous
voyez que toutes les Puiffances
de l'Empire ont eu fi peu d'empreffement
à fournir cette an
née leur Contingent , que l'on
peut dire que l'on n'a point vû
d'Armée de l'Empiré en campagne
. Si l'Empereur devenoit
auffi puiffant que vous vous
figurez qu'il le doit eſtre au
GALANT 235
premier jour , toute l'Europe
devroit fe liguer contre luy
pour reduire dans de juftes bor
nes une puiffance exorbitante
qui feroit en état d'écrafer
toutes les autres quand bon luy
fembleroit.
MARLBOROUGH .
SIT
Eft-ce la Hollande qui parle
par voftre bouche lorfque
vous tenez ce langage , ou n'eftce
que fon General qui tient
ce difcours ? rT
AUVERKERQUE.
Ce n'est que le bon fens qui
Octobre 1708. V
234 MERCURE
A
s'explique tout feul , tout ce
que vous avez dit l'un & l'au
tre ne ſe pouvant ſoûtenir ; ch
comment pouvez- vous croire
que parce que la Princeffe qui
regne en Angleterre a befoin
que la guerre dure toûjours
pour pouvoir fe maintenir fur
le Trône , les Anglois auront
toûjours la complaifance de
voir épuifer tous leurs biens ,
& couler toûjours le fang de
leurs fujets , fans qu'il en revienne
aucun avantage à la
Nation. Je crois que l'on peut
demeurer quelque temps en
Angleterre dans une eſpèce de
GALANT 235
letargie qui empefche d'agir ;
mais il eft impoffible qu'aprés
plufieurs années , toute une
Nation n'ouvre pas les yeux
fur tout ce que luy coûte
d'hommes & d'argent , une
guerre infructueufe , & pour
laquelle elle eft déja endettée
de plus de trois cens millions.
MARLBOROUGH .
Eh que cela vous doit- if
importer , pourvû que vous
trouviez voltre compte dans
la guerre comme un habile General
doit faire. Je dois toute
V ij
236 MERCURE
mon élevation à la Guerre done
prefque toute l'Europe eſt aujourd'huy
agitée Elle m'a tiré
de l'obfcurité où ma naiffance
m'avoit mis,& aprés avoir fervi
en qualité de fimple Lieutenant
dans l'Armée du feu Maréchal
de Turenne , j'ay eu l'honneur
de commander en chef l'Armée
des Alliez , & de voir obeïr
à mes ordres plufieurs Princes
del Empire , & les plus grands
Seigneurs d'Angleterre , ainſi
que tous les Generaux des
Troupes Auxiliaires , & fi j'avois
le malheur de voir conclure
la paix , il ne me refteroit
GALANT 237
aucun commandement. Je n'o
fe penfer fans fremir à l'état
où je me trouverois , & au
plaifir qu'auroient alors les jaloux
de ma gloire , dont je
fçay qu'il y a un grand nombre
en Angleterre . Le Prince
qui nous écoute doit auffi bien
que moy fouhaiter de voir durer
la guerre , car quoyque fa
Naiffance foit des plus illuftres ,
il n'eftoit pas favoriſé de la
fortune lorfqu'il a pris le party
de la guerre , & cependant il
s'eft rendu redoutable , & l'on
peut dire que toute l'Europe
eft aujourd'huy remplie du
238 MERCURE
bruit de fon nom . Ses exploits
l'ont fait parvenir à la Charge
de Prefident du Confeil de
guerre de l'Empereur , & fi par
malheur la paix fuccedoit à la
guerre à laquelle nous devons
tant l'un & l'autre , il ne luy
refteroit plus que le nom d'un
fi grand employ , & il demeureroit
fans fonction , & expofe
aux reffentimens de tous ceux
qui n'auroient pas été contens
de luy pendant la guerre , puifqu'il
eft impoffible que ceux
qui rempliffent les premiers emplois
d'un Etat , puiffent fatiffaire
tout le monde.
GALANT 239
LE PRINCE EUGENE.
Ce que vous dites entre tellement
dans la nature
, que
loin de vous contredire
, j'en
dirois encore davantage
s'il
étoit neceffaire , & il eft furprenant
qu'un homme qui fe
trouve à la tefte de toutes les
troupes d'Hollande puiffe fou
haiter une paix qui luy fera
beaucoup plus defavantageufe
qu'à nous , puifque prefque
tous les citoyens d'une Republique
fe trouvent égaux
lors qu'ils n'ont pas un Com
240 MERCURE
mandement qui les rende affez
neceffaires à l'Etat pour que
ces citoyens croyent que leur
fortune , leurs biens & leur
vie dependent d'eux.
AUVERKER QUE,
Chacun agit par differens
principes. Vos intereſts particuliers
vous font fouhaiter,
la guerre , & ceux de ma patrie
me font defirer la paix
MARLBOROUGH
Vos fouhaits pouront être
impuiffans
GALANT 241
impuiffans , & lors que comme
General qui doit fouhaiter .
la
continuation de la guerre
vous defirez de la voir finir ,
ceux qui ont le maniement
des affaires de voftre Republi
que , & qui trouvent plufieurs
moyens de s'enrichir pendant
la guerre , fçauront mettre des
obftacles à la paix que vous
fouhaitez avec tant d'ardeur.
Je fçay ce que je dis , & j'en
ay vû des effets aprés la mort.
du feu Prince d'Orange Roy
d'Angleterre, ceux qui avoient .
le maniement des affaires d'Holande
ayant preferé la guerre
·Octobre 1708. X
242 MERCURE
à la paix dont la Holande auroit
jouy s'ils n'avoient pas
regardé la perte de leurs emplois
lucratifs comme un coup
mortel dont ils n'avoient pas
la force de fupporter le mal
quelque bien qu'il en revint
Ieur Republique .
40
AU VERKERQUE.
Je ne veux point entrer dans
tout ce que vous me dites ;
mais fupofé que vous ayez
parlé jufte , le paffé fera caufe
que le Peuple d'Hollande jettera
les yeux fur l'avenir . , &
GALANT 243 .
ne confultera que fes interefts
feuls dans tout ce qu'il fera. La
mauvaiſe fituation où il fe
trouve , l'a mis dans cette difpofition
, & n'ayant plus dequoy
fournir aux frais de la
guerre , il fçaura empécher
que ceux qui la fouhaitent
pour leurs interefts particuliers,
ne continuent d'éloigner tout
ce qui peut contribuer à la
Paix.
MARLBOROUGH.
Cependant fil'on peut tirer
des confequences de tous les
X ij
244 MERCURE
Imprimez d'Holande , ce peuple
paroift beaucoup plus éloigné
de la paix que vous ne
vous imaginez.
AUVERKERQUE.
Les Hollandois ont peu de
part à ces Imprimez qui font
tous compofez par des François
refugiez , qui ayant des raifons
particulieres pour aprehender
la paix , & cherchant à meriter
l'azile que les Etats leur donnent
, mettent tout en ufage
pour déguifer la verité au Peuple
d'Hollande , afin d'empef
GALANT 245
cher que les mauvais fuccés ne
leur faffent demander tumultueufement
la paix , en quoy
ils peuvent être fecondez par
une partie de ceux qui gouvernent
; & c'est pourquoy pendant
cinq ou fix années on a
rendu des graces à Dieu , & fait
des rejouiffances publiques toutes
les fois qu'on a perdu des
Places & des Batailles en Italie,
afin de mieux tromper le peuple
qui n'étoit pas fi bien éclaircy
de ce qui fe paffoit en Italie
que de ce qui fe paffe en Flandre
, qu'on ne laiffe pas neanmoins
de tâcher de luy dégui-
X
iij
246 MERCURE
fer tous les jours ; mais je fçay
qu'il commence à ouvrir les
yeux, & que ceux qui ont cherché
à l'abufer pourroient bien
´n'etre pas longtemps fans s'en
repentir. Cependant puis que
nous fommes feuls , nous devons
entre nous rendre juſtice
à la verité, & il faut que les Peuples
de l'Europe foient bien
aveuglez s'il ne la connoiffent
pas . On n'a comencé la guerre
prefente que pour abaiffer , at
- on dit , le pouvoir exhorbi
tant de la France , & pour empêcher
fon Monarque de fe
rendre Maistre de toute l'EuGALANT
247
rope. Deux chofes font . voir
qu'il n'y a jamais rien eu de fi
faux . L'une qu'il a donné quatre
fois la paix à l'Europe dans
le temps que fa fuperiorité fur
fes Eunemis étoit frgrande qu'll
fuffifoit qn'il continuaft laguerre
pour continuer de vaincre &
l'autre qu'on a rompu la paix
deuxfois dans le temps que ce
Prince étoit defarmé , & que
fon épargne fe trouvoit fans
aucun fond fuffifant pour faire
promptes levées , & l'on
peut ajoûter une troifiéme raifon
à ces deux premieres : fçavoir
, que bien loin qu'il eut
de
ي ف
248 MERCURE
refolu de fe fervir de l'union
qu'il auroit pu faire avec l'Efpagne,
en ne demembrant rien
de cette Couronne, & qui auroit
pû luy fervir à mettre en
execution tout ce qu'on luy
imputoit fauffement , d'avoir
refolu pour augmenter la puiffance
, ce Monarque à luymême
propofé , pourſuivi , &
conclu le Traité de Partage ,
dont ceux qui veulent aujourd'huy
continuer la guerre en
Angleterre pour les raifonsque
l'on vient de dire , ont empêl'execution.
Peut - on dire
aprés toutes ces veritez qui ne
font ignorées de perfonne , que
GALANT 249
la guerre n'a efté entreprife que
pour empêcher l'accroiffement
du pouvoir exhorbitant de la
la France , qui ne s'eft fervie
trois fois de fon pouvoir
pour impoſer la paix à ceux
qui n'y vouloient point cntendre
, & qui a même volontairement
facrifié des Places
qu'on n'auroit pas ofé luy demander
. Le pouvoir exhorbitant
de la France qui n'a efté
qu'une maniere de parler pour
éblouir & tromper les Peuples ,
fe trouveroit effectivement
dans la Maifon d'Autriche, fi
le projet dont on vient de fai250
MERCURE
1
"
re une peinture reüffiffoit de la
maniere dont on l'a expofé , &
ce feroit alors contre la Maifon
d'Autriche que toute l'Europe
devroit tourner fes Armes.
Il eft conftant que la guer
re que nous faifons aujour
d'huy à la France & à l'Espa
gne eft fans aucun pretexte ,
puis que toute l'Europe , à l'exception
de la Maifon d'Autri
che a reconnu Philippe V. pour
legitime Roy d'Espagne , Ainfi
point de pretexte de guerre ni
contre la France ni contre l'Ef
pagne. Ceux qui ont eu deſſein
de la perpetuer pour des raiGALANT.
251
fons qui les regardent feule--
ment, & qui ont efté affez agitées
, fans que je les repete icy,
yont fçu engager la Hollande .
On luy a fait croire que s'étant
demembrée de la Couronne
d'Eſpagne , Elle devoit craindre
qu'on ne la forçaft de rentrer
fous l'obeïffance de fon legiti
me Souverain ; mais elle auroit
mieux fait partoutes les raifons
que j'ay déja marquées , de fe
fier à la parole des deux Rois, &
Elle ne devoit rien craindre de
Philippe V. puis qu'il avoit reconnu
la fouveraineté de la
Republique en recevant fes
252 MERCURE
Ambaffadeurs. La Hollande
s'eft bien reffentie depuis ce
temps - là , du faux pas qu'elle a
fait , & qui l'a met aujour
d'huy à deux doigts defa perte,
& il n'y a point de doute qu'elle
ne devienne un jour la proye
des Alliez fi Elle ne s'unit à la
Couronne à qui Elle a tant d'obligations
, à qui Elle a dû autrefois
ce qu'Elle eft aujourd'huy
, & qui feule eft capable
de la defendre contre ceux qui
voudroient l'envahir , & qui
la trouvent à leur bienfeance.
GALANT 253
MARLBOROUGH.
Mais penfez vous à ce que
vous ofez nous dire ?
AU VERKER QUE.
Mais avez vous penſé vous
même à ce que vous avez dit ,
en nous faifant voir que l'Angleterre
avoit refolu d'éternifer
la guerre , & le Prince qui a
parlé avant vous a - t il fait refle
xion qu'il nous a fait connoiftre
par tout ce qu'il a dit , que
l'Empereur à deffein de fe rendre
maître de toute l'Europe ?
Ce que je viens de vous dire
Octobre 1708. Y
254 MERCURE
ne renferme rien dont perfonne
fe puiffe chagriner . La Hollande
n'a point de vûes fur le
bien d'autruy , & pendant que
l'Empereur veut fe rendre maître
de l'Europe , & que l'Angleterre
cherche à rendie la
guerre éternelle , la Hollande
ne fait de tort à perfonne en
cherchant à s'affurer une paix
durable , & à gagner la bienveillance
de ceux qui l'en peuvent
fairejouir.
?
MARLBOROUGH
en s'adreffant au Prince Eugene.
Mais nous ne nous apperceGALANT
255
vous pas que nous vous faifons
parler trop long - temps , &
qu'en l'état où vous étes , vous
devez avoir beſoin de repos .
LE PRINCE EUGENE.
Vous avez raifon ; mais dans
l'état où font les chofes il eſt
bien difficile de repoſer avec
tranquilité .
AUVERKER QUE.
Quoyque noftre corps ne
fouffre pas , noftre eſprit n'en
eft pas plus tranquile .
Y ij
256 MERCURE
On peut dire que Mr d'Auverkerque
qui eft mort quel
que temps aprés la converfation
que vous venez de lire ,
avoit quelque preffentiment
qu'il devoit bientoſt voir finir
fes jours , puifque tout ce qu'il
dit dans cette converfation ne
roula que fur la juſtice & fur
la verité , & qu'il parla contre
fes interefts pour faire valoir
ceux de fa Patrie . Je ne dis rien
de ce Dialogue qui doit faire
ouvrir les yeux aux peuples nez
fujets des Puiffances Alliées qui
font facrifiez aux interefts de
ceux qui les gouvernent.
GALANT 257
Quoyque je vous aye déja
parlé de la mort de Mr l'Abbé
de Gourgue , je crois vous en
devoir envoyer un ſecond article
, tant à caufe de quelques
faits qui ne fe font pas trouvez
veritables , que parce que
l'Article que je vous envoye
contient des morceaux
d'hif
toire tres - curieux , & qui doivent
faire plaifir à ceux qui les
liront. Feu Mr l'Abbé de Gourgue
qui eft decedé à la fleur de
fon âge , avoit des qualitez auffi
rares qu'aimables
; fon efprit
eftoit pénetrant ; fes lumieres
cftoient grandes , & fon éru-
Y iij
258 MERCURE
dition eftoit profonde . Jamais
homme n'a remply tous fes
devoirs avec plus
d'approbation
. Son coeur eftoit digne de
fa naiffance , & fa charité &
fon affabilité luy avoient gagné
les coeurs de tous ceux qui le
connoiffoient. Il eftoit fils de
Mr de Gourgue , Chevalier
Confeiller du Roy en fes Con-
Teils , Maistre des Requeftes ordinaire
de fon Hôtel , & cydevant
Intendant à
Limoges
& enfuite à Caen , Marquis de
Vayres & d'Aulnay ; & de Dame
Marie le Clerc
d'Aulnay
qui ont eu trois fils , Mre Jean
GALANT 259
rançois Jofeph de Gourgue
' aîné auffi Maistre des Requê
tes qui avoit époufé Gabrielle
Elifabeth de Barillon de Mo.
rangis , fille de feu Mr de Mo
rangis Maistre des Requeftes ;
& de Dame Catherine de Boucherat
, fille de feu Mr le
Chancelier
de Boucherat.
Louis Armand dont je vous
apprends la mort , eftoit le fecond
; il eftoit Confeiller
Clerc
au Parlement
: & le troifiéme
eft Dominique
- Jacques de
Gourgue Confeiller
au Parlement
, & Commiffaire
aux Requeftes
du Palais. L'Hiftoire
de
Y iiij
260 MERCURE
France & quelques Hiftoires
étrangeres ; les Regiſtres de la
Chambre des Comptes , & la
Chronique de Bordeaux , font
connoiftre què cette Maiſon
eſt des plus anciennes ; qu'elle
eft illuſtre dans l'Epée & dans
la Robe , & tres diftinguée par
fes alliances & par les magnifiques
fondations que ceux de
fa famille ont faites dans la
Guyenne , dans laXaintonge &
dans le Pays de Blaye prés de
Bordeaux. Ils ont fondé les
Carmelites du grand Convent
de Bordeaux , où eft leur riche
Maufolée ; ils font aufli FondaGALANT
261
1
teurs du Noviciat & de la Maifon
Profeffe des Jefuites , & ils
ont donné par fondation huit
mille livres de rente à leur College
à Bordeaux ; ils ont fondé
à Xaintes un Convent de Carmelites
, & prés de Blaye un
tres -beau Monaftere de Carmes
dechauffez appellé le Defert
, que la Pofterité doit regarder
comme un Monument
magnifique de leur pieté. L'affection
de cette Maiſon , pour
les Jefuites commença dés l'an
1521. que Robert de Gourgue
qui commandoit la Nobleffe
Ban & Arriere - Ban que
262 MERCURE
François I. envoya devant Pampelune
y connût de Loyola ,
avec lequel il lia une étroite
amitié , & il prit grand foin
d'Ignace de Loyola qui y fut
bleffe , & qui depuis fut Fondateur
de cette Compagnie.
On trouve dans la Chambre
des Comptes que fous Philippes
le Bel, dit Hutin , Geoffroy
de Gourgue eftoit un de fes
Secretaires couché fur l'Etat
pour les apointemens . L'Hif
toire des Secretaires du Roy en
fait auffi mention
. En 1317 .
Philippes de Gourgue eftoit
Porte- Etendard de la CouronGALANY
263
ne comme on le voit dans la
même Chambre des Comptes ;
il épousa Cecile de Pelagrüe ,
foeur du Cardinal de Pelagrüe ,
& niéce de Clement V. lors
de fon élevation à l'Archevê,
ché de Bordeaux . Ce fut dans
ce temps que la Maiſon de
Gourgue s'établit dans la
Guyenne & dans la Navarre ;
elle eut la confiance des Rois
de France & de Navarre qui
l'ont honorée de leurs Ordres
& de pluſieurs emplois de diftinction.
Jean 1 époufa Marguerite
de Mondanart Montad'une
des meilleures Maigu
264 MERCURE
fons du Quercy : Denis fon fils
époufa Henriette de Lavedan
de Montlezun , & la terre paffa
dans la fuite dans la Maiſon
de Gourgue ; Jean 2. fon fils
époufa Ifabeau du Laur , Dame
de Roquecor & Villebeau
d'une Nobleffe diftinguée ; ils
eurent trois enfans , Jean 3 .
Ogier & Dominique. Jean 3 .
honoré des bontez du Roy de
Navarre , gouverna fes Finances
& adminiftra fes affaires :
il époufa Catherine de Montpezat.
Ogier fon cadet épouſa
Finette d'Afpremont , de l'illuftre
Maifon d'Apremont
;
GALANT 265
elle avoit époufé en premieres
nôces Cefar de Bourbon , Comte
de Buffet & de Chalus. Ccs
illuftres alliances ont allié la
Maiſon de Gourgue aux Maifons
d'Ufés , de Lorge , de
Duras , de la Force , de Noailles
, de Gramont , de Gondrin-
Montefpan , de Lauzun , de
Saint Simon , de Biron , de
Montpezat , de Lufignan
d'Afpremont , de Theobon ,
de Navailles , de Curton , de
Fimarcon , de Mefmes , & à
d'autres Maifons confiderables.
Ogier fecond fils de Jean
2. Vicomte de Juliac ; Baron
266 MERCURE
de Vayres , de Montlezun ,
Roquecor , & la Roche Andry,
Seigneur de Gaube , la Foreft
& Liege , fervit fous cinq Rois,
fçavoir Henry II . François II.
Charles IX. Henry III. &
Henry IV. avec tant de zele
& de fidelité qu'ils l'honorerent
de plufieurs penfions &
d'emplois confiderables. Il étoit
leur Intendant en Guyenne ,
& il en gouvernoit les Finances
en l'abfence d'Honnorat
de Savoye , Marquis de Villars ,
Amiral de France. Ogier de
Gourgue en fit les fonctions
par Commiffion dattée de
GALANT 267
1
-*
1575. Dominique fon frere eft
diftingué dans plufieurs Hiftoires
fous le nom de Dominique
de Gourgue , Chevalier Capitaine
de trois cens hommes
d'armes , & il ſe diftingua par
plufieurs belles actions , tant
fur mer que fur terre . Il fut
maltraité en Italie par les Efpagnols
; il voulut s'en vanger ,
& voicy ce qui luy en fournit
l'occafion
. On apprit en France
que Melander qui commandoir
quelques Troupes Efpagnoles
avoit abordé à la Floride
, & que par furpriſe & par
trahifon il avoit pris les Forts
268 MERCURE
qui appartenoient aux François
, dont le nommé Ribaut
eftoit Commandant
pour le
Roy Charles IX . Melandes
fous une amitié apparente s'étant
infinué dans la Place , affaffina
Ribaut , & fit pendre tous
les François , avec cette Infcription
Je ne fais pas cecy comme à
des François , mais comme à des
Lutheriens. Dominique de
Gourgue voulut vanger cet
outrage fait à la Nation , &
remply de zele pour fon Roy,
équipa à fes frais & dépens
trois Vaiffeaux ; il monta le
premier, donna le commanGALANT
269
dement du fecond au Chevalier
de Montluc fon parent ,
& celuy du troifiéme à Cafenove
; il mit à la voile en 1 567.
il aborda à la Floride , ménagea
des traitez avec les petits
Rois du Pays ; fçavoir Satouriava
, Athore , Harpaha , Tacadocourou
& quelques autres,
qui l'affifterent de leurs gens ;
il attaqua les Espagnols , aprés
plufieurs combats , il les força,
reprit les deux Fortereffes ,
prit deux cens Eſpagnols , les
fit pendre aux mêmes arbres
où les François avoient efté
pendus , avec des écriteaux
Octobre 1708 .

270 MERCURE
contenant ces paroles :Je nefais
pas cecy comme à des Espagnols ,
mais comme à des Traîtres , Larrons
& Meurtriers ; il rafa les
Fortereffes , craignant que ceux
qui compofoient les Colonies
Efpagnoles voifines , ne s'en
emparaffent ; il prit leurs canons
, arriva à la Rochelle en
Juin mil cinq cens foixante huit
aprés avoir remis la Floride
fous l'obeiffance deCharles IX.
Cette action fit tant d'éclat
dans l'Europe que tous les Hiftoriens
en ont parlé . La Reine
d'Angleterre demanda Dominique
de Gourgue au Roy
GALANT 271
pour Commander fon Armée
Navale deftinée contre les Efpagnols
qui s'eftoient emparez
du Portugal , mais en paffant
à Tours pour monter par ordre
du Roy cette Flotte , il y
tomba malade , ily mourut &
fut enterré dans le Choeur de
faint Martin de Tours en 1593 .
Lors que le Marechal de Matignon
commandoit dans la
Guyenne , les Ennemis de l'Etat
s'eftant emparez d'intelligence
avec le Gouverneur du
Chafteau de Blaye , il alla affieger
ce Chafteau & il y mena
Antoine de Gourgue Meſtre
Zij
272 MERCURE
de Camp d'un Regiment qu'il
commandoit ; il l'envoya en
Medoc fe faifir du Chafteau
de Caſtillon qu'il prit en huit.
jours de tranchée , & aprés
cette expedition il revint à
Blaye , où ayant efté commandé
avec fon Regiment pour
foutenir une fortie des ennemis
, il fut fi dangereuſement
bleffé qu'il en mourut; la Chronique
de Bordeaux en fait l'Eloge
; Ogier de Gourgue mon
rut à Bordeaux dans un âge fort
avancé . Il laiffa de Finette d'Af
premont fa femme trois gar
çons & deux filles ; les filles en
GALANT 273
trerent dans la Maifon de la
Trefne , dont le dernier de ce
nom eft mort premier Prefident
à Bordeaux , & dans celle
de Breton d'Eguile Preſident à
Mortier dans le même Parlement,
l'aifné de fes fils fut Marc
Antoine de Gourgue ; le fecond
Pierre qui eut un fils Prefident
à Mortier au même Par
lement ; le troifiéme fut Armand
Confeiller au Parlement,
qui a eu un fils Preſident à Mortier
au même Parlement , &
Jacques de Gourgue Aumônier
du Roy; Marc Antoine fut
d'abord Confeiller au grand
274 MERCURE
Confeil , puis Maiftre des Requeftes
, & enfuite Prefident au
Mortier ; il eut l'honneur d'être
chargé de la conduite & de
la direction de tout ce qu'il
convenoit faire fur la frontiere
d'Espagne lors du Traité des
Mariages accordez entre Louis
XIII & Anne d'Autriche Mere
du Roy,& Madame de France
avec le Prince de Caftille depuis
Roy d'Espagne furnommé
Philippes III. Il avoit
époufé Marie Seguier foeur de
feu Mr le Chancelier Seguier.
Il fut Premier Prefident de Bordeaux
en 1617. Il mourut en
GALANT 275
1623 , & il laiſſa Marie & Jean
de Gourgue Marquis de Vayres
fecond Prefident à Mortier
au Parlement de Bordeaux, marié
avec Marie Larcher de Bajacourt
, grand Oncle de Mr le
: Prefident Larcher; Marie Larcheravoitpourmere
Claude GoderdeSoude,
d'une tres ancienne
Nobleffe de Champagne &
de Berry ; Elle eftoit Tante à la
mode de Bretagne de feu Mr
leChancelier Seguier & de de Mr
MolléGarde des Sceaux & alliée
aux Maifons de Bellievre , de
Sully,de Sillery , de Coiflin , de
Harlay , de Puifeux , de Mef276
MERCURE
mes , de la Berchere , de Godet
Defmaretz , Dorfay , de le
Cocq & à d'autres Maifons
confiderables
; de Jean de
Gourgue , fecond Prefident
à Mortier au Parlement de
Bordeaux , mort en 1684. &
de Marie Larcher morte en
1664. font iffus trois fils ,
Armand Jacques de Gourgue
Maistre des Requeſtes , Pere de
celuy qui vient de mourir ; Jacques
Jofeph de Gourgue Evêque
de Bazas ; & Michel Jean
de Gourgue Prefident à Mortier
au Parlement de Bordeaux ,
Oncles du deffunt ; leurs alliances
.
GALANT 277
H
ces font avec les Maifons de
Brionne, deCourtenay,de Liancourt,
de la Rochefoucaut , de
Lefdiguieres , de Charoft - Bethune,
de Villacerf, de S. Agnan
d'Aftaing, deLarcherde leClerc
du Tremblay de laTrouffe, de
le Camus Premier Prefident de
la Cour des Aides, deBriçonnet
,
& de Vaudetart, la grand mere
de la Dame de Gourgue étant
Dupleffis Lameth, fa bifayculle
Brifonnet,fa trifayeulle Françoife
du Prat Nantouillet de
la Famille du Chancelier du
Prat, &faquatriémejayeuleVaudetart
. Je ne diray rien de la
Octobre 1708. A a
1
278 MERCURE
maifon de le Cler- Daunay ,
vous en ayant parlé plufieurs
fois.
Mr N.... d'Aubarede , Seigneur
de Chamouffet prés de
Lyon , eft mort dans un âge affez
avancé. Il étoit parfaitement
honnefte homme , & il
avoit eu beaucoup de part en
la confiance de feu Mr l'Archevêque
de Lyon . Il avoit
époufé Dame N.. de Seve
foeur de Monfieur de Laval cydevant
Premier Prefident au
Parlement de Dombes dont il
a laiffé plufieurs enfans , l'aiſné
defquels eft Mre Paul AlexanGALANT
279
dre d'Aubarede Chamouffet
Lieutenant des Gardes de la
Porte. Comme je ne parle pas
fouvent de ces fortes de Gardes
, & que l'article que je vous
envoye eft de Lyon , le nom de
Garde de la Porte pourroit
beaucoup plus embarraffer que
fi je parlois de Verſailles ou de
la Maiſon du Roy. C'eſt pourquoy
je dois expliquer icy que
les Gardes de la Porte , gardent
pendant le jour , la premiere
Porte du Louvre ; c'eft à
dire , la premiere Porte des
lieux où le Roy loge , & qu'ils
font relevez à 6. heures du foir
Aa ij
280 MERCURE:
par les Gardes du Corps qui
prennent poffeffion de cette
Porte pour la garder pendant
la nuit . Feu Mr de Chamouffet
eftoit frere de Mr d'Aubarede
Seigneur de Bellegarde,
cy-devant Confeiller au Prefidial
de Lyon , de Mrl ' Abbé
d'Aubarede Bachelier de Sorbonne
, & Chanoine de l'Eglife
de faint Juft premier Collegia
le de Lyon , Ecclefiaſtique d'un
merite & d'une doctrine diftinguée
; de Mr d'Aubarede Chevalier
de faint Louis & Lieutetenant
Colonel du Regiment
de la Sare qui s'eftfignalé par un
GALANT 281
grand nombre d'actions de
valeur; & de Dame N.... d'Aubarede
épouse de Mr de Moncaut,
Chevalier de faint Louis
Gouverneur de la Citadelle de
Befançon & Lieutenant General
. Le deffunteftoit d'unefamille
confiderable du Lyonnois ,
-&-qui s'eft diftinguée par fes
emplois & par fes alliances . Me
de Chamouffet qui vit encore
eft foeur de Me des Landes
dont le Mary mort depuis
quelque temps , avoit 1honneur
d'appartenir à la Reine
de Pologne , & dé Madame de
la Tour établie dans le Com-
A a iij
282 MERCURE
té de Bourgogne . Elle eft dela
même Maifon que Mr l'Evêque
d'Arras , & que feu Mr le
Premier Prefident de Mets ,
frere de ce Prelat , dont la fille
avoit époufé Mr le Comte de
Mont-Martin , frere de Mr
l'Evêque de Grenoble . Mr de
Seve un des principaux Officiers
du Parlement de Grenoble
, & Mr de Flecheres Premier
Preſident de la Cour des
Monnoyes & Lieutenant General
au Siege Prefidial deLyon ,
font de cette même Maifon .
Mr d'Aubarede qui vient de
mourir avoit beaucoup d'é-
*
"
GALANT 283
rudition ; il s'étoit principalement
attaché à l'Hiftoire Eccleſiaſtique
& il y avoit fait des
progrés confiderables . Mr le
Marquis d'Aubarede Lieutenant
General , Chevalier de
faint Louis & Gouverneur de
Salins en Franche- Comté, étoit
parent de celuy dont je vous
aprens la mort .
Mre N.... de Charrier Seigneur
de la Barge , prés de
Lyon eft auffi decedé. Il avoit
efté long- temps dans le fervice ,
& il avoit paru avec diſtinction
dans plufieurs occafions d'éclat.
Il eftoit frere de Mr l'Ab-
Aa iiij
284 MERCURE
bé de Charrier Chanoine de
l'Abbaye d'Efnay à Lyon , &
cy- devant Confeiller Clerc au
Parlement de Dombes ; & de
Me des Broffes veuve de Mr des
Broffes d'une famille tres qualifiée
de Lyon. Ils eftoient tous
enfans de feu Mr de Charrier
qui avoit efté Prevoſt des Marchands
de la Ville de Lyon ,
& qui avoit pendant fon adminiftration
travaillé utilement
pour le bien de fa Patrie ,
& de feuë Dame N.... Gayot
de la Buffiere d'une tres ancienne
famille de la même Ville
, & tante de Mr Gayot dela
GALANT 285
Buffiere , parent de Mrs Mafcranny.
Feu Mr Charrier Prevoft
des Marchands , aprés la
mort de fa femme , prit une feconde
alliance avec Dame N...
des Combes d'une famille tres
confiderable , & foeur de Mr
l'Abbé des Combes , Ecclefiaf
tique d'une tres - grande pieté,
& d'un merite generalement
reconnu . Me Charrier de la
Barge vit encore , & elle eft
dans une eftime univerfelle. Mr
de la Barge qui vient de mourir
n'a point laiflé d'enfans de
Dame N... de Brianda fa femme
, qui eft foeur de Mr de
286 MERCURE
Brianda qui a épousé Dame
N.... de Cholier , & qui eft
foeur de Mr le Prefident de
Cholier , un des premiers Officiers
de la Cour des Monnoyes
de Lyon. La famille de
Mr Charrier eft une des plus
anciennes de Lyon ; elle a donne
à cette Ville plufieurs Prevoft
des Marchands , un Lieutenant
Criminel au Siege Prefidial
, & celuy qui remplit aujourd'huy
ce Siege eft de la
même famille. Mr l'Abbé de
Quimperlayt en Bretagne , qui
a fceanceaux Etats , eft auffi de
cette famille , & il eft fils de
GALANT 287
feu Mr Charrier Lieutenant
Criminel ; & de Dame N....
Liautaud , Dame d'un rare merite.
De même que les couleurs oppofées
font un merveilleux effet
dans un Tableau , & que "les
clairs & les bruns frapent agreablement
la vûë , je crois que
dans un recueil de matieres differentes
, l'oppofition de ces
matieres réveille l'attention du
Lecteur ; & c'est pourquoy
je crois pouvoir placer une
Chanfon apres des Articles de
morts.
288 MERCURE
AIR NOUVEAU.
Gardez- vous d'eftre Inhumaines ,
Ufez mieux de vos beaux ans.
Si vos Amans dans leurs chaînes
Trouvent leurs maux trop cuifans,
Pour leurfaire aimer leurspeines ,
Rendez leurs fers moins pefans :
Gardez- vous d'eftre Inhumaines ,
Ufez mieux de vos beaux ans .
L'Extrait que je vous envoye
eft tiré de la Lettre d'un Officier
qui eftoit à la tefte des Grenadiers
qui ont eu part à l'affaire
dont il eft parlé dans cet
Extrait.

a vos beaux ans.
di vos beaux ans.
+
119
trop cuisans
pour
leur
r-
0.
&
¡uer
ieutrop
cuisans,
pour
leur
is ahées
sans. Gardez vodetrejnhu

'ans . Gardervedetre
nica-
: un
outes
de
bouche quils tiroieni ujiende ,
28
Gaz
Si
Troi
Poz
Ren
Gar
Ve
L'E
cft ti
cier
nadi
faire
Excr
GALANT 289
Du Polder de Zanworde, entre
Nieuport & Oftende ce
21. Octobre.
Nouo avons marché fous les ordres
de Mrde Puiguion avec so .
Compagnies de Grenadiers &
ooo. Dragons , pour attaquer
un pofte fur le Canal de Nieu-
Fort à Bruges , où les Ennemis avoient
des Troupes retranchées
pour nous couper la communication
de Nieuport , & faire un
dépoft dans cet endroit- là de toutes
les munitions de guerre & de
bouche qu'ils tiroient d'Oftende ,
290 MERCURE
par
d'où ils les faifoient paffer à leur
grande Armée. Ils executoient cependant
cette manoeuvre avec
beaucoup de difficultez , à cauſe
du terrain où ils eſtoient obligez
de paffer qui eftoit en partie inondé
remply de digues fort étroites
où ils conduifoient leurs Chariots
, qui à l'entrée de l'Inondation
eftoient déchargezfur des Barques
plattes qu'ils avoient eufoin
de jetter fur ces Eaux. Quelque
difficile que fuft ce trajet , ils ne
laifoient pas d'en tirer un grand
fecours , quoyque leurs Chariots
ne priffent que demi charge pour
pafferplus aifément dans des enGALANT
291
droits fi difficiles ; cependant ils
réuffiffoient à cause du grandnom
bre de leurs voitures , ce qui fit
qu'on fongea aux moyens d'y remedier.
Deux hommes de bonne
volonté qui faifoient dans l'Armée
le métier de Partifans , propo
ferent à Mr de Vendôme d'aller
fur les Inondations avec quelques
Barques chargées de Grenadiers.
On leur en donna trois ou quatre
fur lesquelles on mit quelques pieces
de fer. Ces deux Armateurs
font Mrs du Bois & Aubry , qui
executerent à merveille leur
projet.
Als eurent à la verité de la
peine à penetrer fur le flanc de la
292 MERCURE
digue où les Ennemis paſſoient ,
ne trouvantpas à certains endroits
Suffisamment de l'eau pour porter
leurs Barques; mais ilsyfupléerent
par leur induſtrie ; les foldats à
force de bras les tiroient de la terre
pour les remettre engrande eau ;
ils arriverent par ce moyen ,
fe placerent dans un endroit d'où
ils voyoient à revers le chemin
par où les Ennemis paffoient. Ce
chemin arvoit fur les flancs quelques
maisons où ils avoient eufoin
de jetter de l'Infanterie. Celle qui
eftoit dans nos Barques commença
d'abord par fon canon & parfa
moufqueterie de chercher à les déGALANT
293
pofter ; mais comme ces maisons
eftoient environnées d'eau , లో
qu'il y en avoit unè entr'autres ,
où il y avoit 400. hommes ;
nous ne pûmes qu'eftre les ſpectateurs
du feu que nos Armateurs
trouverent le fecret de mettre aux
maiſons avec des boulets rouges ;
qu'ils avoient rougis comme ils
avoient pû dans leurs Barques.
Ce feu les obligea àles abandonner
& à chercher la retraite dans l'innondation
où ils avoient de l'eau
jufqu'à la ceinture. Nous les accompagnames
avec un grand nombre
de coups de fufils qui en tuerent
plufieurs. Nous avançames en-
Octobre 1708. Bb
294 MERCURE
qui
fuitte vers ces maisons ou nous
vifmesparfaitement le chemin par
où ils faifoient paffer leurs Convois
; il étoit rempli de boulets , de
bombes &c. de chariots renverſez,
remplifoient embaraffoient
le chemin à unpoint que l'on auroit
cru que c'étoit là le debris d'un
Convoy qui auroit efté battu . Il
y avoit d'ailleurs fur cette digue
unpied demie d'eau ;fur la droite
&fur la gauche regnoient les
innondations . Mr de Langeronparoiffoit
avec fes galiottes du cofté
deNieuport ,fur lesquelles eftoient
embarquezprés de 2000. hommes
qui tiroient continuellement du
GALANT 295
canonfur les Ennemis. Ainfi les
premieres barques jointes à celles
de Mr de Langeron flanquant à
droite à gauche cette digue ,
étoient feules fuffifantes avec la
difficulté des chemins pour leur interdire
le Commerce d'Oftende ;
-mais on a voulu prendre le parti
le plus feur en ocupant Leffingue,
où Mr le Blanc Intendant de
Dunkerque , dit qu'il y a un dépoft
de deux cens milliers de
poudre. Comme cet endroit ne
peut eftre à prefent attaqué
d'emblée , Monfieur de Vendofme
aprés s'eftre porté fur les
lieux a ordonné qu'on l'attaque-
Bbij
296 MERCURE
roit par tranchée; on a commencé
la nuit derniere à déboucher quelques
travaux d'une batterie que
nous avons faite pour tirer fur
leurs Travailleurs. Les Ennemis
ont fait une fortie qui apparemment
a culbuté les gens qui foútenoient
ce travail , puifque Mr
le Chevalier de Croiffy & Mr
de Montmorency Colonel de Condé
, qui avoient accouru au premier
feu , ont efté pris ; le dernier
seft retiré de leurs mains en fe
difant de leurs Troupes. Un Capitaine
de Grenadiers de Santerre
a efté blessé d'un coup de bayonnette
dans le bas ventre . Unfeul
GALANT 297
Grenadiery a efté tué
taine bleffez. Je crois
une vingque
dans
l'on
deux jours nos travaux feront
affez avancez paur nous mettre
en état d'emporter ce Pofte qui eft
tres-fort par la difficulté que
a de l'aprocher à caufe de l'Inondation
qui affure leur droite , ainfi
que le Canal affure leur gauche.
Ils ont d'ailleurs onze Bataillons
campez prés d'Oftende , que l'on
aura bien de la peine d'empêcher
·de communiquer à cette place.
Ce que vous venez de lire
doit vous donner lieu de croire
que je ne fermeray pas ma Lettre
avant que de vous parler
298 MERCURE
de la prife de Leffingue , Monfieur
de Vendôme venant prefque
toûjours à bout de tout
ce qu'il entreprend,
Je devrois vous parler de
l'entrée en cette Ville , de Mr
Cuzani , Archevêque d'Amazie
, & Nonce ordinaire du Pape
, & de la premiere Audiance
publique qu'il a cue du Roy ;
mais comme tout confifte dans
le Ceremonial ; que je vous ay
parlé plufieurs fois de ces Entrées
& de ces Audiances , &
que d'ailleurs les nouvelles publiques
viennent de vous en
donner un dérail , je ne vous
GALANT 299
repeteray rien de ce qu'elles ont
dit ; j'ajoûteray feulement que
Mr le Prince de Lambeſc qui
a fait les honneurs de cette entrée
au nom du Roy , eft fils de
Mr le Comte de Brionne ; qu'il
eft encore tres jeune , & qu'il
a paru en cette occafion avec
l'air de grandeur & les manicres
affables & naturelles qui
font ordinaires à tous les Princes
de la maifon de Lorraine .
Vous connoiffez celles du Roy
qui font au deffus de tout ce
que l'on peut imaginer au
fentiment de tous les Etrangers
qui ont eu l'honneur de le
300 MERCURE
de
voir , de l'entretenir , ou de luy
faire compliment de la part
leurs Souverains , ce qui doit
vous faire juger de la maniere
dont il a reçu le Nonce d'un
auffi grand Pape que celuy qui
remplit aujourd'huy la Chaire
de Saint Pierre , ce Nonce meritant
d'ailleurs beaucoup de
diftinction.
Quelques jours aprés cette
Audiance , Mr le Nonce remit
au Roy les preſens de Sa
Sainteté , qui confiſtent en
Un grand Tableau du Guide ,
qui reprefente la Sybille :
Ungrand Crucifix de bronze
qui
GALANT 301
qui reprefente un Chrift mourant.
Cet ouvrage eft de l'ancien
Bernin : le pied de ce Crucifix
eft fort riche , & garny
ainsi que la Croix , de differentes
pierres precieufes ,
Et un Baffin de moyenne
grandeur avec une efpece de
Coupe d'une matiere precieuſe,
dans laquelle il y avoit deux
Chapelets d'une matiere encore
plus rare avec de tres belles
Medailles , le tout garny d'or.
Monfieur le Nonce donna
aufficà Monfeigneur le Dauphin
de la part de Sa Sainteté ,
Un grandTableau du Goüar-
Cc
Octobre 1708 ,
302 MERCURE
chin , d'Architecture & de:
Perſpective :
Un Baffin & une Taffe de
pierres auffi precieufes que rares
, garnies d'or. O disin
Trois beaux Dixains garnis
de Medailles d'or ,
Et trois Tabattieres parfaitement
belles.comsin bequod
Je ne fçay file bruit qui a
courru de la levée du Siege de
Neuhaufel eft veritable ; mais
fi l'on en juge fur ce qua vous!
allez lire , il y a lieu de otoire
que ce Siege doit eftre prefen :
tement levé: C'eft un extrait de
Lettre qui doit vous faire plai –
GALANT 303
fir , & dans lequel vous trouverez
quelque choſe d'affez fingulier.
de
Le
General Heifter trouve de
plus grandes difficultez qu'il n'en
arvoit attendu au Siege de Neuhaufel;
fous le fpecieux pretexte
l'échange des prifonniers , il ensoya
en ôtage dans la place deux
Officiers qui eftoient
Ingenieurs .
Le
Gouverneur en envoya deux
autres au Camp. Le General Heif
ter affecta de leur faire voir les
preparatifs qu'il avoit fait pour
le Siege dans l'efperance que le raport
qu'ils en feroient ne ferviroit
pas peu à intimider le Gouverneur
Ccij
304 MERCURE
& la Garnifon. Le Commandant
qu'on affeure eftre uu tres- brave
homme , eftant informé de l'intention
du General Heifter , fit conduire
les Ingenieurs Imperiaux
dans plufieurs Ouvrages fortifiez;
il leurfit prefenter des crayons &
du papier pour en lever le plan ,
afin de le porter à leur General ; il
leur fit voir une partie des Magazins
, & l'Arfenal, en les
congediant il les chargea de dire
à leur General qu'il efperoit de
s'acquerir fon eftime dans la deffenfe
de cette place. Sa Garnifon
qu'on affeure eftre de 5000. hommes
, fut mifefous les armes ,
1
GALANT 305
elle témoigna uneferme refolution
de fe deffendre jusqu'à la derniere
extremité. Le General Heifter
communiqué cette difpofition à la
Cour Imperiale , & demande des
ordres pour fçavoir s'il ouvrira la
Tranchée , ou s'il fe contentera de
bombarder la Place.
Il eft temps de vous parler
de la prise dela Ville de Lille ,
& cet article doit eſtre remply
de tant de circonftances & de
faits qui meritent attention ,
que j'ay crû que vous en jugeriez
mieux fi je vous rafraichif
fois la memoire de ce qui s'eft
Cc iij
306 MERCURE
paffé en Flandre depuis l'ouverture
de la Campagne, ce que
je vais faire en peu de paroles.
On peut dire que depuis la
mi May , jufqu'au 4. Juillet ,
l'Armée de France & celle des
Alliez ont efté forr peu éloignées
l'une de l'autre ; mais que
pendant tout ce temps la fuperiorité
de l'Armée de France a
paru en toutes choſes . Elle n'a
fait aucun mouvement
qui n'ait
inquieté celle des Ennemis , qui
n'a eu d'attention qu'à fe
rentir de furprife , & qu'à couvrir
quelques - unes des Places
que l'on croyoit pouvoir eftre
gaGALANT
307
attaquées , & qu'enfin pendant
tout ce temps l'Armée de France
a toûjours reglé tous les
mouvemens de celle des Alliez
qui a ſouvent pris le change ,
dés que Monfeigneur le Duc
de Bourgogne a fait quelques
marches , ou quelques mouve
mens comme pour marcher ,
ce qui a fait faire des marches
aux Alliez dans lefquelles ils ont
perdu quantité de monde ,
ayant beaucoup fouffert. On
doit aufli remarquer que pendant
tout le temps dont je
viens de parler , les Partis François
ont remporté de conti-
Cciiij
308 MERCURE
nuels avantages fur ceux des
Alliez qui ont fi fouvent manqué
de fourage , que l'on peut
dire que prefque toute leur Cavalerie
avoit péri avant que la
Campagne fuft avancée , au
licu que l'Armée de France
fourageoit par tout où il luy
plaifoit en Armée triomphante
, ayant autant de liberté d'agir
que fi elle n'avoit eſté obfervée
par aucune Armée Ennemic
. Je fçay que je ne devrois
pas eftre crû fur ma parole , fi
je ne vous avois chaque mois
envoyé un Journal de ce que
je viens de vous marquer , & f
GALANT 309
?
"
je ne vous avois donné des
preuves de tout ce que j'ay
avancé , qui d'ailleurs eftoit fi
public & fi veritable , qu'il
n'eftoit pas même conteſté des
Ennemis.
Cette manoeuvre ayant duré
pendant prés de deux mois ,
& ayant fort fatigué & affoibly
l'Armée Ennemic , elle apprit
que Monfeigneur le Duc
de Bourgogne avoit fait entrer
des Troupes dans Gand & dans
Bruges , ce qui peut donner
licu de dire qu'elle avoit eſté
prife pour dupe , s'il m'eftpermis
de parler ainfi. Les Allicz
310 MERCURE

( aprehendant
alors
pour
toutes
leurs Places , plus qu'ils n'avoient
encore fair , redoublerent
tous leurs foins & toute
leur attention pour empêcher
que l'on en furprit d'autres . Ils
fçavoient jufqu'à quel point ils
étoient hays de tous les peuples
de Flandre, de quoy ils ne pouvoient
s'empêcher de convenir
eux-mêmes:en voicyles raifons.
Les Irreverences des Anglois
& des Allemans Proteftans &
Lutheriens ont toujours efté
jufqu'à l'excés contre les Myf
teres de la Religion dans toutes
les Villes Catholiques où
GALANT 311
ils ont efté. Les Imperiaux
n'ont fongé qu'à piller & à
exiger des fommes exorbitantes
, l'Empereur ayant toujous
efté fort peu en état de payer
fes propres Troupes , & les
revenus de fes Pays hereditaires
eftant fi modiques que
beaucoup de petits Souverains
de l'Europe ont d'auffi gros revenus.
Quant aux Hollandois ,
ils ont toujours paru agir avec
plus d'honneſteté & plus de retenuë
; mais ils n'en ont pas
moinsfait fouffrir les Villes où
ils ont eu quelque pouvoir , &
l'onpeut dire même qu'ils lesrui312
MERCURE
noient entierement , puiſqu'ils
en tranſportoient tout le com
merce dans leurs Provinces ,
& que la Banque ne s'y faifoit
que par des gens de leur Nation
. Voila l'état où ont efté
les Villes conquifes par les Allicz
, & où font aujourd'huy
celles qui font encore fous leur
domination. On ne doit pas
s'étonner aprés cela files Alliez
avoient lieu de croire que toutes
les Villes dont les Armées
de Francepourroient aprocher,
leur ouvriroient leurs Portes ,
fielles fe trouvoient en état de
le faire. C'est pourquoy aprés.
GALANT 315
avoir perdu Gand & Bruges
ils mirent toute leur attention
à empêcher que les Troupes
de France ne continuaffent
leurs progrés , & jugeant que
leur deffein pouvoit´ eſtre ſur
Oudenarde , ils les devancerent
de quelques heures , ce qui fut
caufe que le combat fut engagé
dans un Pofte qui leur étoit
fort avantageux . Je ne vous repeteray
point icy ce que je vous
ay déja dit de ce combat , vous
en ayant envoyé un volume
entier , non feulement remply
des Relations des Commandans
François qui avoient eu
314 MERCURE
part à cette action , mais auffi
de Relations des Ennemis mêmes
, & de Lettres de Bruxelles
& de la Haye qui doivent
vous avoir fait déveloper la verité
. Il eſt à remarquer que dés
qu'il fe paffe une action heureuſe
ou malheureuſe
parmy
les Troupes des Alliez , la Politique
veut qu'ils envoyent des
Couriers par toute l'Europe ,
avec de fauffes Relations des
grands avantages qu'ils ont
remportez , fans quoy ils ne
pourroient engager leurs fujets
à continuer la guerre , &
à contribuer aux frais necefGALANT
315
7
faires pour la foûtenir. Leurs
Relations imprimées avoient
marqué que l'on avoit envoyé
en Angleterre plufieurs Etendards:
& plufieurs Drapeaux ;
cependant l'on y a chanté le
Te Deum fans avoir fait voir au
peuple ces Etendards & ces
Drapeaux , comme l'on a fait
aprés d'autres actions dans lefquelles
on en avoit veritable-
3 ment remporté ; & comme il
n'en alparu ni à la Haye , ni àt
Bruxelles , & qu'on ne fçait ce
queft devenu le grand nombre
des prifonniers que les Alliez
feovantoients d'avoir faits , il
I
316 MERCURE
n'y a pas lieu de douter que ce
qu'ils ont raporté de ce combat
doit eftre regardé comme
autant de fables, je finis ce qui
regarde ce combat par un
fait qui doit décider de tout ,
& faire connoiftre la verité. On
a imprimé qu'on avoit fait prifonniers
9000. hommes dans
une feule Aile de noftre Armée
, & il a cfté averé depuis
que l'Aile dont il eftoit quef
tion , n'avoit point combattu .
Cet article feul fuffit pour faire.
connoiftre le caractere des Alliez
, & que leurs Peuples font
bien dupes s'ils ajoûtent foy
GALANT 317
à tout ce qu'on veut leur faire
croire .
Aprés le combat d'Audenarde
, les Alliez avancerent du
cofté de nos Frontieres,perfuadez
qu'ils feroient decamper
Mofeigneur le Duc de Bourgogne
, & qu'il abandonneroit
Gand & Bruges , ou du moins
que s'il demeuroit dans ces mêmes
Poftes , tous les Peuples
feroient perfuadez que l'avantage
du Combat leur feroit demeuré
, puis qu'on les laiffoit
avancer en paix du cofté de nos
Frontierés ; mais on ne prit
pas le change, & pendant qu'ils
Octobre 1708.
Dd
318 MERCURE
établiffoient des Contribu
tions fur nos Frontieres , on
en établit de beaucoup plus.
fortes fur celles d'Hollande.
Je ne dis rien de l'affaire de
Cadfandt dont je vous ay donné
un détail qui prouve ce que
je viens d'avancer .
Enfin les Alliez voyant la
fermeté avec laquelle on demeuroit
dans leur pais fans
prendre aucunes allarmes des
Contributions
qu'ils levoient
dans le noftre , en perdant
beaucoup de monde pendant
le temps qu'il nous en coûtoit
peu pour étendre fort loin les
GALANT 319
noftres , dans leur pays , refolurent
d'affieger Lille , fondez
fur ce qu'ils feroient un fi grand
feu contre la Place fuivant l'ufage
des Allemands, qu'ils l'emporteroient
en 12. jours de
tranchée ouverte ; & que par ce
moyen cette conquefte élcatante
leur coûteroit peu de toutes
manieres ; mais la feule Ville
leur ayant couté 61. jours de
tranchée ouverte , les a fait repentir
plus d'une fois d'avoir
entrepris ce Siege , ne jugeant
pas que leur conquefte , s'ils
étoient affez heureux pour venir
à bout de leurs deffeins , les
Ddij
320 MERCURE
pût dedomager de leur perte ,
qu'un grand nombre d'années
peut à peine reparer , comme
vous verrez dans la fuitte.
Comme il y avoit lieu de
croire que ce Siege ne pourroit
être qu'une feinte pour faire décamper
Monſeigneur leDuc de
Bourgogne , ce Prince attendit
qu'il fût fait dans toutes les formes
avant que de fe mettre en
mouvement , & fa marche ne
fut refoluë pour joindre les
Troupes commandées par
Mr
le Marechal
de Bervick
, que
lors
qu'on
jugea
qu'elle
étoit
abfolument
ncceffaire
. Elle
fe
GALANT. 321
fit avec une viteffe qui furprit
& trompa les ennemis ; mais
cette jonction étant faite , les
avis furent partagez fur les
operations que l'armée pouvoit
faire , & fur ce qui feroit
le plus avantageux : deux
chofes furent mifes en déliberation
, l'une d'attaquer
Bruxelles , & l'autre de combattre
l'Armée d'obfervation
qui couvroit le Siege . Trois
jours s'écoulerent pendant
qu'on difcuta les raisons des
uns & des autres , & l'on fe détermina
à l'attaque de l'Armée
d'obfervation commandée par
322 MERCURE
Milord Marbourough ; mais
ou trouva que les remuemens
de terre qu'elle avoit fait faire
& que les Alemands avoient
appris des Turcs , étoient formidables
; qu'on ne devoit
faire aucunes attaques, & qu'on
devoit conferver noftre armée
entiere pendant qu'une grande
partie de celle des Alliez periroit
devant Lille , ou feu Mr
de Vauban avoit fait faire des
Fortifications d'une nouvelle
invention , & capables felon .
le fentiment de tous les connoiffeurs
, de faire perir des Ar-
·mées entieres ; & en effet , on
GALANT 323
peut dire que pendant 61. jour
de tranchée ouverte , les Ennemis
ont à peine laiffé paffer
trois jours de fuite , fans donner
differens affauts à quelqu'un
des ouvrages , & que
ces attaques étoient fouvent
reïterées jufques à 3. ou 4.
fois dans le même jour ou dans
la même nuit , fuivant le temps
que la premiere avoit commencé
; de maniere que les Ennemis
ont perdu prefque tous
leurs Grenadiers & toute l'élite
de leurs Troupes , ce qui
eft pour eux une perte irrepa
rable ou du moins qui ne
324 MERCURE
pourroit cftre reparée qu'en
plufieurs années , s'il étoit
poffible qu'on la pût reparer.
L'Allemagne commence à
manquer d'hommes, auſſi bien
que toutes les Nations qui
font en guerre depuis un
grand nombre d'années ; mais
je veux qu'elle en puiffe encore
lever confiderablement
,
à caufe du grand nombre de
Souverains qu'elle renferme
& que les autres Alliez en
puiffent lever auffi , Ces nouvelles
Troupes qui n'auront
peut - être jamais commencé à
manier les armes , que le jour
de
GALANT 325
200
de leur
enrollement, ne reparereront
pas la perte des vicilles
Troupes qui ont péry devant
Lille & il eft fivray que les Alliez
n'en ont plus d'affez intrepides
pour affronter les perils évidens
qu'ils ont efté obligez de
faire pendre plufieurs foldats
pour engager les autres à mon-
- ter aux Alfauts où on les vouloit
mener . Plufieurs Relations
venues de leur Camp
pendant le Siege avoient fait
ces remarques ; & ce qui a fait
connoître qu'elles étoient juſtes
, eſt que nos Troupes qui
depuis la capitulation
font vc-
Octobre 1708 .
Ec
326 MERCURE
nues à Douay, à & Tournay,
que de leurs Poftes
ont affuré
elles
entendoient les coups de
baftons que l'on donnoit aux
foldats qni refufoient de marcher.
Puifque l'on en étoit
reduit à cette extremité , il ya
lieu de croire que leurs plus
braves Troupes avoient toutes
péri dans le nombre prefque
infini d'attaques dont je
viens de vous parler . Les Alliez
n'avoient pas prévu devoir
faire d'auſſi grandes pertes
, puis qu'ils avoient compla
Place ne tiendroit

que
pas
pendant
plus
de
12
.
GALANT 327
jours de tranchée ouverte.
Les 61. jours de tranchée ,
& le temps qu'ils ont demeuré
devant la Place pour
fe preparer à l'ouvrir , & pour
fe retrancher , joints à beaucoup
de chofes neceffaires à
la vie , qui ont commencé à
leur manquer , vers le milieu
de ce Siege , ont caufé parmy
eux beaucoup de maladies
dont plufieurs font morts,
& la defertion à eſté auffi fort
grande parmy leurs troupes,
Il n'y a rien de furprenant à
cela , n'y qui tienne de l'éxageration
, puifqu'il n'y a jamais
Ecij
328 MERCURE
eu d'armée qui n'ait fait de
pareilles pertes pendant un
auffi long fiege. Je n'entens
pas parler de ceux qui ont péry
dans les attaques , puis qu'il n'y
a point d'exemples qu'on en
ait jamais fait un auffi grand
nombre à aucun fiege que toute
l'élite d'une armée y ait péry,
& qu'il ait fallu pendre & maltraiter
des foldats pour fervir
d'exemple a ceux qui ne vouloient
pas combattre. Jugez
dans qu'elle fituation le fiege
de Lille met les ennemis. Ce
n'eft pas tout encore , ce que
ce fiege leur coute de millions
GALANT 329
va audelà de l'imagination.
Leurs fujets s'en reffentiront
long temps & ne pouront de
long- temps leur fournir de
fubfides proportionneza ceux
qu'ils leur ont fourny cette
année. Joignez a celà qu'ils
n'ont perdu un fi grand nom
bre de braves , & confommé
des fommes fi exhorbitantes
dont ils pouront fe reffentir
l'année prochaine , que pour
avoir une Place dont ils ne
font pas encore affurez de refter
maitres , & qui , fupofé qu'elle
demeuraft en leur poffeffion ,
eft au milieu de plufieurs Places
Ee iij
330 MERCURE
confiderables , & tres bien
fortifiées
qui apartiennent
aux François ; deforte qu'elle
leur donneroit des inquietudes
continuelles , & les obligeroit
fans ceffe a de grandes depences.
Enfin , ceux qui voudront
fe defaire de leurs preventions
& faire attention à tous les
faits que je viens de raporter, & .
aufqu'els il eft impoffible de
repliquer fans vouloir directe
ment s'opofer à la raifon
trouveront qu'il feroit infiniment
plus avantageux aux Allicz
, de n'avoir point fait la
conquefte de Lille , quand mê
GALANT 331
me elle leur demeureroit
, que
de l'avoir achettée par des ruiffeaux
de fang d'un nombre
infini de braves , & par des
fommes immenfes
; mais tous
les Peuples de quelques nations
qu'ils foient , portent toujours
tous les Evenemens
aux - dernieres
extremitez
. Si l'on en
croit certains François
qui
tremblent
toujours , & que
les plus heureux Evenemens
ne
peuvent contenter , nous avons
tout perdu en perdant Lille ,
& fi l'on en croit ceux des
Alliez qui ne parlent jamais
qu'avec des exagerations
auf332
MERCURE
feulequelles
on ne trouve pas
ment la moindre vray- femblance
, les Alliez ont tout conquis
en fe rendant maitres de
Lille , & cette conquefte , à
les entendre parler , leur doit
affeurer celle de toute l'Europe.
C'est par ces exagerations
que les Alliez vont egorger
leurs fujets en épuifant leur
fang & leur bourſes , & c'eſt
par ces exagerations qu'ils vont
encore tâcher d'ébloüir & de
tromper les autres Puiffances
avec lesquelles ils font en guer
re , & qu'ils tâcheront de les
intimider . Il eft vray qu'elles
*
GALANT 333
fe laiffent toujours furprendre
à cette manoeuvre , & qu'il faut
du temps pour les détromper ;
cependant elles ont efté fi fou
vent abufées , qu'elles commencent
à ne plus donner d'abord
une entiere creance à
tout ce qu'on leur veut faire
entendre par des exagerations
fabuleufes .
Je laiffe capituler la Ville de
Lille , dont je vous parleray
encore avant que de fermer ma
Letrre ; & cependant je paffe
au détail de tout ce qui s'est fait.
à la prife de Leffingue . Il cft.
de Mr le Chevalier de Valer
334 MERCURE
nod , Capitaine de Grenadiers
du Regiment de Navarre, dont
vous venez de lire le détail d'u
ne autre action , faite auffi fur
l'Inondation .
Vous avez dû connoiftre par.
ma derniere Lettre que nous ne
ferions pas long-temps fans attaquer
le Fort & le Village de Lef.
fingue , que nous ataquâmes hier
25. à la pointe du jour avec tant
defuccés , que nous fimes prifonniers
de guerre tous ceux qui les
gardoient , confiftant en 800. Anglois
en 400. Hollandois
fans compter 1.Colonel , 2. Lieutenans
Colonels , 32. Capitaines ,
GALANT 335
un plus grand nombre d'Offciers
Subalternes. Il y eut d'abord
So. hommes tuez , aprés quoy les
Ennemis fe voyant vivement af
faillis furent obligez de fe rendre.
Noftre difpofition eftoit tresbien
faite . Nous avons pris le
Village par fes derrieres , c'est- àdire
du côté d'Oftende , où nous
avons eu la precaution de faire
avancer un Corps de Troupes pour
s'opofer au fecours qui auroit pu
leur venir du Camp qu'ils avoient
fur les Dunes de cette Place . Nous
leur derobames fi bien noftre def-
Jein que nous arrivâmes fur eux
fans qu'ils s'en aperçuffent , ayant
-336 MARCURE
porté toute leur attention à garder
le front du Village du cofté de
Bruges pour s'opofer aux travaux
que nous avions faits de ce coftélà,
afin de leur infinuer que c'étoit
- là noftre feule attaque ; &
nous cumes bien de la peine dans
une nuit obfcure & pluvieufe à
traverſer plusieurs foſſez dans
lefquels ily avoit 12. à 15.pieds
d'eau , mais l'exemple des Officiers
qui fe jettoient dans l'eau , animoit
les Grenadiers & les excitout
à en faire de même , ainfi
-qu'à établir avecdesfafcines qu'ils
portoient , des Ponts pour faire une
plus grande diligence. Nous avons
perdu
a
GALANT 337
perdu peu de monde , n'ayant eu
que 8. Grenadiers de tuez, &
une vingtaine de bleſſez. Parmi
ces derniers eft mon camarade nommé
des Salles , Capitaine de Gre
nadiers du Regiment. L'Inondation
de Nieuport , & la prise du
Pofte de Leffingue où eft resté Mr
de Langeron avec des Troupes ,
nous affeurant nos Canaux jufqu'à
Bruges , nous devons nous
refferrer du côfté de Gand & de
l'Escaut pour difputer aux Ennemis
les paffages de ce fleuve,
fuppofé qu'ils tentaffent de lepaf-
Ser.
t
Ondoit ajoûter à cela qu'Of-
Octobre
1708 . Ff
338 MERCURE
tende fe trouvant entierement
refferré par l'Inondation , les
nouvelles Troupes que les Ennemis
pourroient y envoyer ,
deviendroient non feulement
inutiles, mais qu'elles y feroient
auffi fort incommodées , la
Ville ne pouvant les contenir.
Je reviens à Lille où la Chamade
fut battuë le foir du 2.2 .
Octobre , par un effet de la
Religion & de la prudence du
Roy , ainfi que de la confidera--
tion de ce Monarque pour les
Habitans de cette grande Ville.
Il avoit lieu de croire
qu'elle auroit pû fouffrir quelGALANT
339
ques affauts, puifqu'ils auroient
efté foûtenus par les mêmes
Troupes qui avoient tant de
fois battu les Ennemis pendant
deux mois de Tranchée ouverte
; mais il n'y a perfonne qui
puiffe répondre qu'une Garnifon
auffi fatiguée qu'affoiblie ,
ne fuccombe pas à des Affauts
réiterez par des Armées prefque
entieres , & fi cela eftoit
arrivé , le carnage auroit efté
plus violent , & les profananations
d'autant plus grandes ,
que prefque toutes les Troupes
des Alliez font d'une Religion
contraire à celle des Ha-
Ffij
340 MERCURE
·
bitans ( ce que je
remarqueray
dans la fuite touchant la Religion
, empêchera d'en douter
) ainfi la pieté du Roy demandoit
qu'il ne laiffaft point
les Eglifes expofées au pillage ,
aux irreverences , & aux profanations
, & le peuple à la brutalité
des foldats .
Si la Religion & la pieté du
Roy exigeoient de ce Prince ,
qu'il ne permift pas qu'une auffi
grande Ville que Lille fuft
expofée aux rifques , & aux
fuites cruelles d'un affaut ge-
-neral ; fa prudence vouloit auffi
qu'on ne pouffaft pas la defGALANT
341
fenfe de cette Place jufqu'aux
dernieres extremitez , ce qu'il
auroit pû permettre , s'il n'y
avoit point eu de Citadelle
fupofé neanmoins qu'il n'eut
eu aucuns égards pour la Religion
& pour les Habitans
qui font les premiers motifs
qu'il a eus en veuë, lorfque Lille
a capitulé.
Je reviens a ce qui regarde
la Citadelle. Si la Ville avoit
efté priſe daffaut , la Citadelle
étoit perdue. Il n'auroit pas
efté poffible d'y rien faire entrer
des munitions & des vivres
qui y font entrez pendant
F f iij
342 MERCURE
trois jours ; c'eft a dire juf
qu'au moment que les ennemis
font entrez dans la Place .
D'ailleurs les troupes mêmes
qui auroient foutenu l'affaut ,
n'auroient pu s'y retirer affez
toft , & fupofé même , qu'il
leur eut efté poffible , ce qui
eft tres dificile a croire , il en
feroit refté un fi petit nombre
aprés l'affaut , que la Citadelle
n'auroit foûtenir un long
fiege , & quand la Ville enfin
auroit foûtenu plufieurs Af
fauts generaux , elle n'auroit
pas laiffé d'eftre emportée
puifque l'on voit rarement
pu
"
GALANT 343
des Affiegeans fe retirer de
devant une Place , pour avoir
été repouffez à quelques affauts,
a moins que les ennemis ne
jettent dans le même temps
des fecours dans la Place , &
que les Affiegeans ne fevoyent
en état d'eftre afficgez euxmêmes
& battus .
A l'égard de la confideration
que le Roy a fait voir pour
les Habitans , il y étoit porté
par plufieurs raifons. Il les
avoit conquis en perfonne . Ils
étoient fous fa domination
depuis 41. ans , & ils avoient
donné pendant tout le fiege
344 MERCURE
A
des marques du zele le plus ardent,
& de la fidelité la plus
inviolable ; & fa Majefté devoit
faire voir par le procedé
qu'elle a tenu envers de fi fideles
fujets , aux autres Villes de
Flandre qui foufrent impatiemment
la domination des
Alliez , & qui ne demandent
qu'à en fecoüer le Joug qu'el
les ne rifqueront rien fi elles
embraſſent les ocaſions qui fe
trouveront de rentrer fous la
domination des deux Couronnes.
Je dois ajoûter que fi la Ville
de Lille eut tenu plus longGALANT
345
temps , & qu'on n'eut pås
battu la Chamade , les habitans
dont le nombre eft fort
grand , auroient beaucoup
foufert parce qu'il y avoit
plus de trois ſemaines qu'ils
manquoient de beaucoup de
chofes , & qu'ils n'avoient plus
de , viande . Tout cela fait l'éloge
de la Religion , de la pieté,
de la prudence , & de la bonté
du Roy.
Je paffe aux Capitulations .
Je dis Capitulations , parce
qu'il y en a eu deux , fçavoir
celle du Gouverneur , & celle
du Magiftrat pour les Habi346
MERCURE
tans. Il n'y a rien eu d'extraordinaire
par ces Capitulations
où plufieurs articles que l'on
avoit publiez d'abord , ne fe
font pas trouvez lorfqu'elles
ont paru imprimées .
*
Je ne dois pas oublier qu'il
eft glorieux à Mr le Marquis
de Coëtquen , qui avoit cfté
nommé pour les porter à Monfeigneur
le Duc de Bourgogne,
d'avoir demandé qu'il luy fuft
permis de retourner dans la Citadelle
aprés avoir executé fa
commiffion
. Rien ne marque
mieux fon attention pour la
gloire , & le defir qu'il avoit
1
GALANT
347:
de
continuer de fe fignaler en
deffendant la Citadelle
commeil
avoit fait dans la deffenfe
des dehors de la Ville. Il y avoit
dans la Citadelle deux mil
le Combatans , & Mr de Bouflers
y en a fait entrer quatre
mille; il y a même
quelques
Lettres qui difent qu'il y en eft
entré quatre mille fix cens ,
parmi lefquels il ne fe trouve
ni bleffez ni malades : ainfi il
y a lieu de croire qu'ils feront
une vigoureufe
défenfe .
Je devois ajoûter en vous
parlant des raifons qui ont engagé
à ne point fouffrir d'af348
MERCURE
fauts generaux au Corps de la
Place , que l'on y auroit employé
beaucoup de poudre ,
qui vray - femblablement auroit
efte perdue fans qu'on en
tiraſt aucun avantage , puifque
la Ville n'auroit pu éviter d'ê
tre prife , fuivant les raifons
que j'ay déja marquées , & que
cette poudre qui fera d'une
grandeutilité dans la Citadelle,
pourra fervir à faire reprendre
la Ville , ainfi que les Troupes
qui auroient péri inutilement
en foûtenantdes affauts dont
la fuire n'auroit fervi qu'à fai
re piller la Ville , & à faire
prendre
GALANT 349
prendre plutoft la Citadelle.
Toutes ces chofes doivent
faire connoiftre que le
Prince Eugene ignoroit fes
veritables interefts lorsqu'il
a fait voir une joye exceffive
dans le temps qu'on a battu la
Chamade , puifqu'au contraire
il auroit dû en eſtre fâché , s'il
eftoit entré dans toutes les rai-
Lons que je viens de marquer.
Je viens à ce qui regarde la
feconde Capitulation ; c'eft- àdire
celle du Magiftrat ; elle
comprend foixante & quatorze
Articles , propofez , & aufquels
on n'a mis acordé qu'à un
Octobre 1708 .
Gg
350 MERCUR
E
tres petit nombre d'Articles .
Tous les autres ont été refufez,
à la referve d'un nombre affez
confiderable , aufquels on a
repondu d'une maniere équivoque
, & qui fait voir qu'on
refolu de faire ce que . na pas
les habitans ont demandé à l'é
gard de ces Articles . Il y a un
Article qui porte que le Gouverneur
feroit Catholique Ro
main , & qu'il prêteroit ferment
de maintenir les Privileges
de la Ville , à quoy l'on à
répondu , refufé à l'égard de la
Religion. Iln'en faut pas d'avantage
pour confterner
des
GALANT 351
Zelez Catholiques comme font
tout les peuples de Flandre , &
pour faire connoître aux habitans
de Lille qu'ils auront dans
la fuitte beaucoup à fouffrir
touchant toutes les chofes qui
regarderont la Religion Catholique
, & que le Duc de
Holftein - Beck , qui à eſté
nommé Gouverneur & qui eft
Lutherien , ne punira pas avec
feverité , toutes les irreverences
, & toutes les profanations
qui fe feront ; que les Miſteres
de la Religion feront tournez
en derifion comme ils ont fouvent
efté à Bruxelles ou l'on
Gg ij
352 MERCURE
eft prefque tous les jours obligé
de fe cacher pour faire
l'exercice des principaux Acces
de la Religion Catholique . Jugiz
aprés cela fi les Habitans
de Lille n'auront pas toujours
le coeur François. Il faudroit
un volume pour vous marquer
tous les Articles qui leur ont
cfté refufez , & tous les chagrins
qu'ils en reffentent .
Je paffe à un Article qui regarde
l'execution de la Capitulation
faite avec le Prince
Eugene & Mr le Marechal
de Bouflers. Il eft porté par
cette Capitulation , que la CaGALANT
357
valerie , les bleffez les Malades
feront conduits à Douay ;
Cependant aprés être fortis de
Lille fur la foy de cette Capitulation
, & avoir fait une af
.
fez longue marche , ils fe trouverent
arreftez & envelopez
par un nombre tres fupe
rieur de Troupes qui leur
avoit cfté donné pour leur
fervir d'eſcorte. Le pretexte
dont on fe fervit pour
les arrefter , fut que fon Alteffe
Royale Monfieur le
Duc d'Orleans avoit reçu parmy
fes Troupes , un affez
grand nombre de François
Qq iij
354 MERCURE
qui avoient cy- devant deferté
, ou qui par quelque autres
raifons fe trouvoient parny
les Troupes de la Garnifon
qui fortoit de Tortoſe ; mais
on doit remarquer qu'il ne
leur fit point de violence , &
que ce Prince ne les reclama
pas feulement , ce qu'il auroit
pû faire de maniere que fon
procedé en cette occafion , ne
pouvoit eftre blamé juftement,
& il ne devoit pas renvoyer
des fujets du Roy pour les
contraindre de fervir parmy
fes Ennemis . Ainfiil cft aifé de
remarquer que le procedé que

GALANT
355
l'on tenoit envers nos Troupes
qui étoient forties de Lille ,
n'avoit aucun raport à l'affaire
de la Garnifon de Tortofe ,
que l'on faifoit fervir de pretexte
pour arrefter des Troupes
qui s'étoient mifes en marche
fous la bonne foy d'une
Capitulation. On envoya au
Prince Eugene , qui aprés avoir
écouté les plaintes qu'on luy
en fit , renvoya l'Officier François
au Duc de Holtein - Beck
qui ne voulut point l'écouter ;
de manière qu'il fut obligé de
retourner une feconde fois au
Prince Eugene , qui remit à
356 MERCURE
l'Officier , un ordre precis pour
laiffer paffer nos Troupes. On
doit remarquer que ces allées
& venues durerent treize heures
; & comme lors qu'on commença
à les arrefter , il y avoit
onze heures que les bleffez n'avoient
cfté panfez , ils furent
obligez de demeurer vingtquatre
heures fans pouvoir
l'eftre , ce qui les fit beaucoup
fouffrir, ainfi que les Malades
& les Troupes mêmes qui
étoient en bonne fanté ; les
Chevaux s'en reffentirent
auffi , & fi le nombre des Ennemis
n'avoit point efté infi
GALANT 357
niment fuperieur , & qu'ils
n'euffent pas eu affaire à quantité
de Malades & de bleffez ,
affurer qu'il fe feroit
on
peut
paſſe
une
action
des
plus
vives
,
du
moins
du
cofté
des
François
qui
eftoient
outrez
d'un
pareil
procedé
.
Vous avez fçu les foins
que l'on a pris d'empêcher
qu'il vint rien aux Ennemis du
coftè d'Oftende. On n'en a
pas pris de moins grands pour
empefcher qu'ils fiffent venir
des bleds de plufieurs endroits
d'où ils auroient pû en tirer ,
ce qui ſe peut voir par l'Extraiɛ
358 MERCURE
fuivant , tiré d'une Lettre d'Ar
ras , écrite avant la prife de
Lille.
Pour offer aux Ennemis la
fubfiftance de bled & de fourages
2000 Chariots d'Artois
600. de Picardie font occupez
actuellement à enlever tous les
grains en gerbe de vingt - huit
Villages du Baillage de Lens , &
de la Gouvernance de Bethune
qui font le plus à portée des Ennemis
. Cette expedition fe fair
avec beaucoup d'ordre. Elle eft
foutenue par un Corps de Troupes
des Garnifons de Douay , de Bethune
d'Arras, commandé par
GALANTA 359
D
Mr. le Comte de Lille Maref
chal de Camp , & par Mr de
Barentin , Brigadier. Toutes les
Gerbes font portées à Arras
dépofées dans les emplafſſemens.
deftinez pour lesy mettre en mafi
fe . On pourra dans la fuite mettre
ces grains à couvert quand on
aura le temps de les battre.
Rien n'eft plus admirable
que cette precaution , qui a
rendu inutile , la courfe que
les Ennemis ont faire depuis
ce temps-là dans les lieux d'où
Fon a enlevê tous les bleds.
On ne peut trop admirer
L'attention avec laquelle Mr
360 MERCURE
de Vendôme s' eft attaché a
faire remplir Gand de toutes
les chofes dont cette Ville
pourroit avoir befoin, & ily eft
arrivé plus de huit cens Chariots
chargez de Bombes , de
Boulets & de Fafcines , & l'on
y en attend encore d'autres,
Ce Prince a pris la même
precaution pour faire pourvoir
Bruges de toutes les
chofes qui pourroient manquer
à cette Ville.
Le mot de l'Enigme du mois
pallé cftoit l'Ombre. Ceux qui
Pont trouvé fontMrs duBreuil;
Gallois ; Ferrandin ; Lordelon ;
de
GALANT 361
3
de la Picardiere ; le nouveau
Docteur ; l'Abbé Macarie
Paumier , Avocat de Maubuiffon
, & fon Beau - Pere ; Thomás
Maiftre de Penfion ; le Pro .
cureur du Roy de Gueret ; Tamirifte
les quatre bons amis ,
& le Mechanicien de Cour Chcverny
en Sologne ; Miles Thomaaffin
& de la Brianville , de la
rue Saint Antoine ; le Févre ;
la Guillotiere ; de la Sauffaye ,
du quartier du Marais ; la jeune
Muſe renaillante G. O. la
Solitaire de la rue aux Féves ;
la belle Joüeufe de clavecin , de
la rue Saint Denis ; la Mufe
guerriere , & la fille nouvelifte
, du Quartier Saint Honoré.
Je vous envoye une Enigme
Octobre 1708. Hh
362 MERCURE
nouvelle. Elle est de la compofition
de Mr de Souvenel , de
Rennes eu Bretagne.
ENIGME,
Jefçayfairefans mains,fans couleurs ,fans;
pinceau,
Des portraits d'après, la Nature
Etce qui doit en moy paroître encore plus
beau ,
D'un feal trait je commence & finis ma
peinture.
Jefais un chat un chat , un vieillard un
vieillard ;
Aux
Fe
gens de belle humeur je donne un
air gaillard ;
Je donne des apas aux belles :
Enfin fans peur de m'eſtre trop vanté ,
me pais bien nommer , avec les plus
fidelles ,
L'image de la verit .
AIR
NOUVEAU,
Les Vignes ont manqué , chacun s'en
inquiette ;
Et confins de bon coeur que bachus me
mlatraite
Pourvu qu'Amour me traite bien .
S.
&
2-
S:
i-
S
Gg ij
Fi
D
Je
Fe
3 :
E
mlatraite
Pourvu qu' Amour me traite bien.
GALANT 363
Il y a lieu de croire que S.
A. R. Monfieur le Duc d'Orleans
, fera bien - toft icy de retour
, ce Prince ayant étably
des Quartiers d'hiver aux Trou
pes qu'il a commandées pendant
la derniere campagne , &
comme il a donné toute fon attention
à faire enforte que fes
Troupes fuffent en feureté pendant
l'hiver dans les Quartiers
qu'il avoit refolu de leur établir;
jl fit marcher des Troupes en divers
endroits pour leur faire occuper
differens Poftes qui affeuroient
les Quartiers d'hiver
où il avoit refolu de faire éta -
blir fes Troupes , & dans les
marches qu'il leur a fait faire
elles ont remporté divers avantages
, & le Comte de Starem-
Gg ij
364 MERCURE
berg même n'a pû tenir devant
elles ; de forte que tous les Quar
tiers d'hiver eftant bien établis,
'ce Prince a donné les ordres
qu'il a crù neceffaires pour le
Siege de Denia . Il a efté tresbien
fecondé pendant toute la
campagne , des Officiers Generaux
des Troupes des deux couronnes
qui ont fervi fous luy ,
& les Troupes ne fe font pas
moins diftinguées que les Officiers
. Auf peut- on dire que
l'on fert toujours avec zele &
avec fuccés lorfqu'on eft commandé
par un General dont on
eft perfuadé de la valeur , de
l'experience , & de la prudence,
dont les entrepriſes ne font faites
qu'à propos , & enfin en qui
l'on doit avoir confiance .
Je devrois icy vous parler de
GALANT 365
la campagne d'Autonne qui s'eft
faite en Portugal ; mais n'en étant
pas affez inftruit pour entrer
dans les détails de tout ce
qui s'y eft paffé , je vous diray
feulement que cette campagne
a efté tres heureufe ; que Mr
le Marquis de Bay s'cft fait jour
par tout où il a voulu penetres.
11 a emporté des Places l'épée
à la main , qui ont efté pillées
par fes Troupes ; il en a pris
d'autres par compofition , dont
les Garnilons ont efté faites prifonnieres
de guerre , & dont les
Habitans ont eſté obligez de ſe
rachetter du pillage . Enfin ce
General a fait des courſes fort
avant dans le Pays où il a enlevé
beaucoup de betail & brulé
beaucoup de fourage ; & l'on
Gg iij
366 MERCURE
peut dire que cette campagne
d'Autonne quoyque courte , a
efté auffi avantageufe à l'Efpagne
, & auffi glorieufe à ce General
, que fi elle avoit duré
plus long- temps . Il a efté parfaitement
bien fecondé par Mr
d'Armendariz , Lieutenant General
des Troupes Efpagnoles .
Je dois-ajoûter icy une nouvelle
qui vous fera plaifir , &
qui caufe une joye univerſelle
dans tous les Etats qui font fous
la domination de S. M. C. c'eft
Ja groffeffe de la Reine fon Epaufe
, ce Monarque & cette
Princeffe faifant les delices de
toute l'Espagne , où ils font adorez
, s'il m'eft permis de parler
aigfi , ce grand Etat qui comprend
tant de Royaumes diffe
GALANT 367
rens , ne peut avoir trop de Princes fortis
d'un beau & fi genereux fang , & la
groffeffe de la Reine fait connoiftre que
le Ciel tépand fes graces fur une union
quiluy eft agreable ainfi qu'à toute l'ES
pagne .
Je reviens encore une fois aux affaires
de Lille . Je vous ay dit que le Gouverneur
eftoit Lutherien , & je dois adjouter
que le Lieutenant de Roy eft Prefbyterien
, & le Major , Coaker ou Trem
bleur , & qu'ils demandent tous des
lieux propres pour faire les exercices
de leur Religion . On doit ju
ger par là combien les Catholiques
fouffriront , & combien d'irreverences
& de Profanations fe commer
tront dans une Ville qui eftoit toute
Catolique, Elle fouffrira auffi beaucoup
pendant le Siege de la Citadelle. Iny
a ni viande ni beure , & il y manque
auffi plufieurs autres chofes neceffaires
à la vic,
La tranchée fut ouverte devant la
Citadelle le 29. à trois heures aprés
midi. Les Affiegeans ne tirerent point;
368 MERCURE
mais on tira beaucoup de la Citadelle ,
& il y eut quelques Bourgeois tuez , qui
ne s'attendant pas à ces promptes décharges
, s'y trouverent expofez . On affeure
toujours qu'il ne manque rien
dans la Citadelle , Mr de Bouflers y
ayant fait tranfporter tout ce qu'il ayoit
trouvé dans la Ville qui pouvoir
fervir à fa deffenfe , & à fire fubfifter
la Garnifon .
On affeure que Mr de Vendôme doit
avoir commencé l'atraque du Fort Phi
lippe , afin d'être maître de toute la longueur
du Canal , & l'on eft perfuadé que
tant quel'on conferveraGand & Bruges,
la conqueste de Lille fera plus à charge
qu'utile aux Alliez. On a auffi envoyé
du gros canon à Pottes .
Les Chariots qué le Corps des Ennemis
qui a paflé vers Lens & vers la Baffée
, avoit amenez , ont été obligez de
s'en retourner à vuide , ayant trouvé
tous les bleds enlevez . On affemble un
Corps de 20000 hommes compofé des
Troupes de Biviere , & de celles de plu
heurs Garnifons pour matcher de ce
GALANT 369
cbté-là ; ainfi tout femble fe preparer à
enfermer & à affamer les Ennemis.
J'aprens en ce moment par une Lettre
de Lille , que les Bourgeois y font
dans la plus grande defolation , & que
lorfque quelque Chefde famille fort de
fa maifon , les foldats y entrent auffi-tôt
& la pillent , & que le 31. ils avoient
déja emporté tout ce qu'il y avoit de
plus confiderable dans 16 : maifons.
La nouvelle de la prife de Lille a
produit à Londres un effet tout contraire
à celuy que la Cour attendoit ,
& l'on y a été mortifié d'apprendre
qu'on avoit refola de deffendre la Ctadelle
qui eftoit pourvue pour fix mois
de munitions de guerre & de bouche ,
& l'on a dit hautement dans plufieurs
Lieux publics , que cette Citadelle coûtteroit
encore trente mille hommes , &
des fommes immenfes à l'Angleterre,
d'autant que les Anglois n'eftoient plus
en état de contribuer autant qu'ils ont
fait jufqu'à prefent aux frais de la guerre
, à laquelle les autres Alliez loin de
contribuer en rien , demandoient des
370 MARCURE
Subfides pour
me guerre.
la continuation de lamê
Le bruit seft en même temps répandu
à Londres qu'unVaiffeau de l'Ef
corte de la Reine de Portugal , & qui
eftoit richement chargé , a péri dans la
route , & la Compagnie des Indes cut
avis , que de cinq Vaiffeaux qu'elle attendoit
, deux avoient efté enlevez par
fix Vaffeaux de guerre François qui
donnoient la chaffe à l'Efcorte & aux
trois autres dont on n'avoit point encore
de nouvelles.
Il me reste un grand nombre d'ar
ticles differens , que je fuis obligé de
referver pour le mois prochain , les
nouvelles de la guerre m'ayant mené
plus loin que je ne croyois. Je fuis
Madame voftre , & c.
A VIS.
Le Mercure de Novembre fe debitera
le 4. Dicembre.
TABLE
Prelude ,
Stances à Saint Louis ,
S
6
Difcours où il eft traité à fond de tout ce
TABLE.
qui regarde les Catharactes.
Ouvrages de Mr dela Fevrerie, touchanr
une nouvelle Acadeemise de beaux.
Mariages , efprits , 53
Premier Article des Morts ,
73
8.2
Livre imprimé à Bafie , contenant plufieurspieces
touchant les affairesd'Hon . 94
Suite des Expeditions de l'Armée de
S. A. R. Monfieur le Duc d'Orleans, 101
Mr le Comte du Luc , nommé Ambassadeur
en Suiffe ,
Baptême dufils de Monfieur l'Envoyé de
Gênes , tenufur les Fonts par Monfeigneur
le Dauphin , & par Madame
la Ducheffe de Bourgogne ,
108
Second Article des Morts avec l' Archi
diaconé & un Canonicat d'Eglife de
Paris donnez par Mr l'Archevêque.
On trouve auffi dans l'un de ces Articles
de Morts , deux Difcours pronon_
cez , l'un par Mrle Curé de Versailles ,
& l'autre par le Pere Provincial des
Capucins , 116
Aticle touchant le nom de la Fare donné
àl'Abbé qui a prechécette année le Pa
negyrique de Saint Louis , devant Mef
feurs de l'Academie Françoiſe , 195
TABLE
Dialogue entre le Prince Eugene, My
lord Marlborough & Monſieur dÁuverkerque
, tiré d'une Converſation_tenue
dans la Tente du Prince Eugene ,
quelque temps aprés fableßure , 199
Troifiéme Article des Morts , 257
Extrait d'une Lettre touchant un Pofte
emporté fur le Canal de Nieuport à
Bruges,
289
Entrée du Nonce de fa Sainteté , avec les
premieres Audiances publiques qu'il a
enes du Roy & de la famille Royale ,
où l'ontrouve le détail des prefens qu'il a
faits à S. M. & à Monseigneur le Danphin
au nom du Pape, 298
Le Gouverneur de Neubaufel donne le
change a General Heifter , 302
Artcile concernant la prije de Lille,rempli
d'ungrand nombre defaits curieux , 305.
Détail de ce qui s'eſt paſſé à la prife de
Leffingue,
Suite des Affaires de Lille ,
Article des Enigmes ,
333
338
360
Nouvelles des Armées de Catalogne & de
Portugal,
363
Groffeße de la Reine d'Espagne, 366
Nouvelles
d'Angleterre,
Seconde fuite des affaires deLillo,
367
Articles refervez,
369
370
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le