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MERCURE
GALANT
DEDIE' A MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN
AOUST
, 1707.
A PARIS .
Chez MICHEL BRUNET , Grande Salle du
Palais au Mercure galant.
Com
Omme il eft impoffible dans la conjoncture
preſente de ne pas groffir
le Mercure, ce qui en augmente confiderablement
les frais , on ne peut fe difpenfer
d'en augmenter auffi le prix, Ainfi les
volumes qui feront reliez en veau ſe vendront
dorefnavant 38. fols. Quant
aux volumes qui feront reliez en parchemin
on n'en payera que trente-cinq.
Les Relations fe vendront autant que
les Mercures.
>
Chez MICHEL BRUNET , grande
Salle du Palais ›
Galaut.
au Mercure
M. D CC VII.
Avec Privilege du Roy.
AU
LECTEUR
ILya lieu de croire qu'on
ne lit plus l'Avis qui a
efté mis depuis tant d'années
aucommencement de chaque
Volume du Mercure , puis
que malgré les prieres réiterées
qu'on afaites d'écrire en
caracteres lifibles les Noms
propres quife trouvent dans
les
Memoires
qu'on envoye
pour eftre employez , on néglige
de lefaire , ce qui est
cauſe qu'il y en a quantité
AULECTEUR.
de défigurez , étantimpoffible
de deviner le nom d'une Terre
, ou d'une Famille , s'il
n'eft bien écrit. On prie de
nouveau ceux qui en envoyent
d'y prendre garde ,
s'ils veulent que les noms
propres
foient
corrects
. On
avertit encore qu'on neprend
aucun argent pour ces Memoires,
que l'on employera
tous les bons Ouvrages à leur
tour , pourvû qu'ils ne defobligent
perfonne , & que
ceux qui les envoyeront en
affranchißent le port.
MERCVRE
GALANT
A O UST , 17
LYON
DE
L n'y a point de Souverains
dont la vie foit remplie
de plus grands évenemens
& plus extraordinaires ;
de plus d'expeditions guerrieres
; de plus de Reglemens
A iij
6 MERCURE
touchant la Religion , l'obfervance
des Loix , la Police
le Commerce , & qui ait plus
fait fleurir les Arts & les belles
Lettres & generalement tout
ce qui peut regarder le bien &
la gloire de fes fujets , &épargner
leur fang. Il n'y a point ,
dis -je de , Souverain dont la vie
foit plus remarquable par toutes
ces chofes, que celle du Monarque
fous lequel nous vivons
aujourd'huy , & comme fon
Hiftoire ne peut-eftre que tresbelle
, & qu'elle doit fervir
d'exemple à plufieurs Souverains
, il ne faut pas s'étonner
GALANT
7
pas fi ceux mefme qui ne font
nez les fujets ont pris plaifir à
y travailler. L'Hiftoire de ce
Monarque qui vient d'eftre
imprimée à Milan , & qui a
efté composée par un fujet de
Sa Majefté Catholique , en eft
une preuve bien éclatante,
Cette Hiftoire eft en Langue
Italienne , & elle a pour titre ,
Dell Iftoria di Lodovico ilgrande
defcritta da Filipa Cafoni , parte
primal nella quale fi contengono i
fucceffi dal nafcimento di quefto Ré
fina alla pace di Nimega.
Parte Seconda.
Nella quale fi
contengono
A iij
8 MERCURE
fucceffidalla pace di Nimega fino
al principio dell' anno 1706 .
2. Tom. in quarto in Milano
1706
.
Nella regia ducale corte per
Marc Antonio Pandolfo mala
tefta Stamplatore regio camerale.
Le premier Volume , ainſi
que le titre le fait voir, contient
la vie du Roy, depuis le jour de
fa naiffance jufqu'à la Paix de
Nimegue , ce qui fait une fuite
de quarante années puifque ce
Volume commence au cinq
Septembre 1638. jour de la
naiſſance de ce Monarque , &
qu'il finit au 10. Aouſt 1678.
GALANT 9
Le fecond Volume contient
ce qui s'eft paffé fous le regne
de ce Prince jufqu'à la fin de
l'année 1706. que l'impreffion
de cette Hiftoire a été achevée,
ce qui fait encore vingt- huit
années . M Cafoni qui en eſt
l'Auteur eft diftingué par fon
merite & par fa naiſſance . Il a
déja donné d'autres ouvrages
remplis d'érudition qui ont été
fort aplaudis. Il eſt d'une ancienne
famille de Milan qui a
donné divers Prelats à la Cour
de Rome il y a à preſent un
Cardinal de ce nom dans le
Sacré College , dont il eſt pa10
MERCURE
rent. L'Hiftoire dont je vous
parle , eft écrite avec bceucoup
de pureté , & toute la delicateffe
que l'on trouve dans la Langue
Italienne , dans les lieux
où on la parle le mieux . Cet
ouvrage est tout à fait bien
imprimé , & de quelque cofté
qu'on le regarde , il eft digne
du Prince dont il renferme
l'Hiftoire . L'Auteur doit eftre
bien content de la maniere
dont Sa Majefté l'a reçeu , &
il doit eftre charmé des termes
dont Elle s'eft fervie , pour luy
en marquer fa reconnoiffance.
Cet ouvrage a eu beaucoup de
GALANT II
débit dans toutes les Villes d'Italie
, ce qui eft une preuve de
fa bonté. Il en a auffi paffé
beaucoup d'Exemplaires dans
les Pays Etrangers , & on le
vend mefme publiquement
dans les principales Villes des
Pays-Bas , & fur tout à Amfterdam
.
Je ne doute point que la
lecture de la Relation que je
vous
envoye ne vous faffe
beaucoup
de plaifir ayant eſté
faite par un habile homme
parfaitement
inftruit
de tout
ce qu'il a écrit.
12
MERRCUE
Enfin les adorables deffeins de
la Providence divine fe font heureufement
accomplis fur Tres-
Haute , Tres- Excellente , &
Tres - Religieufe Princeſſe , Madame
Marie - Gabrielle- Eleonore
de Bourbon , Princeſſe du Sang.
Loüife - Françoife de Rochechouart
de Mortemart , Abbeffe,
Chef & Generale de l'Abbaye
Royale & de tout l'Ordre de Fontevraud.
Et cette fainte Ceremonie
eft un des évenemens qui peuvent
avecplus de fplendeur fignaler les
premieres années de fon Gouver
nement , puis qu'elle luy procure'
L'honneur de replacer l'augufte
GALANY
13
Nom de Bourbon dans la celebre
Communauté de Fontevraud , ac-
оц
couftumée pendant des ficles entiers
à le voir porter , ou à ſes
Chefs , ou à plufieurs Membres
illuftres de fon facré Troupeau,
fouvent aux uns & aux autres
tout à la fois.
نم&
On a dit dans la Relation de la
Vêture , que S. A. S. eft Fille
aînée de S. A. S. Monfieur le
Duc de Madame la Ducheffe ;
qu'ayant toûjours demeuré à Fontevraud
depuis l'âge de cinq ans
demy , elle n'avoit point ceffé
de témoigner qu'elle vouloity eftre
Religieufe ; que le Royy confentit
14 MERCURE
aprés qu'on eut examiné fa vocation
: Enfin S.A. S. Monfieur
le Duc entrant dans les fentimens
de la Princeffe fa fille , l'a rendue
Bienfactrice de l'Abbaye par des
avantages temporels tres- confide
rables , dont on fent le prix
toute l'utilité avec une parfaite
reconnoiffance.
Mam
C'est avec un concours de circonftances
fi glorieufes que
demoiselle de Bourbon prit l'Habit
& fut mife en Probation au
mois de May 1706. & S. A.S.
ayantfuiry pendant fon Noviciat
les obfervances du Chaur
avec autant d'affiduité que l'exGALANT
25
trême delicateffe de fa complexion
pouvoit le permettre , &avec
une ardeur qu'il a continuellement
fallu faire ralentir. Elle fit au
temps accouftumé les demandes de
fa Profeffion , vers le commencement
du Carême dernier , à trois
jours differens, un peu éloignez
les uns des autres.
Chaque fois aprés la lecture
les prieres du Chapelet , Madame
l'Abbeffe étant dans fon
Siege ; & la Communauté rangée
& affife des deux coftez,
S. A. S. conduite par Madame
de l'Hofpital fa Gouvernante ,
fe mit à genoux au milieu , de16
MERCURE
vant Madame l' Abbeffe , & dit :
Je fupplie Dieu , vous, Madame
, & tout le Convent , de
me faire l'honneur & la grace
de me recevoir au faint Eftat
de Profeffion >
puis elle ſe
profterna. Madame l' Abbeffe en
frappant, l'avertit de fe remettre
à genoux , luy fit une courte exhortation
fur fa demande , & luy
impofa une penitence felon la
Coûtume : Aprés quoy S. A. S.
fe profterna encore devant Madame
l'Abbeffe , & enfuite devant
chaque cofté de la Communauté
, qui fe leva fe tint
debout pendant cetteproſternation,
GALANT 17
au lieu qu'ordinairement elle demeure
affife.
La troifiéme de fes demandes
fut le Mercredy fixiéme Avril
dernier. Après l'avoir faite ,
S. A. S. alla fe mettre en priere
devant le faint Sacrement à la
grande Eglife , & Madame Abbeffe
demeura au Chapitre avec
toute la Communauté. Madame
de l'Hofpital aprés le ferment
ordinaire de parler en confcience
& felon la verité , rendit témoignage
de Son Alteffe Serenif
fime d'une maniere qui fut juftement
aplaudie , & fuivie d'une reception
auffi unanime que l'avoit
Aouft 1707
. B
18 MERCURE
efté celle de la prife d'Habit.
Madame de l'Hofpital alla
prendre S. A. S. à l'Eglife , &
elle la conduifit au Chapitre , au
milieu duquel elle ſe mit àgenoux.
Madame l'Abbeffe luy annonça
fa reception , S. A. S. Se profterna,
aprés quelques prieres tout le
monde fortit ; chacun à l'envy
témoigna fa joye avec respect &
avec empreffement, & Madame
de Bourbon marqua la fienne avec
beaucoup de bonté. Tres- Haute,
Tres-Excellente , & Tres- Puiffante
Princeffe Mademoiselle de
Clermont , Marie-Anne de Bourbon
, Princeſſe du Sang , Soeur
GALANT 19
cadette de S. 4. S. fe trouva à la
porte du Chapitre , & mêla fa
joye avec une grace merveilleuse,
à celle dont on eftoit animé ; &
il fe fit alors une espece de confufion
plus touchante & plus
agreable une fois , que ne le peuvent
eftre les Ceremonies mesurées.
La Profeffion eftant fixée au
Feudy 26. May 1707. S.A.S.
sy prepara dés le Samedy precedentpar
une Retraite , & le Mercredy
Madame l'Abbeffe , au lieu
deMadame la Maiftreffe des No
vices qui fait ordinairement cette
fonction ,luy baiffa le Voile, qu'on
ne doit plus lever jusqu'au troi-
Bij
20 MERCURE
fiémejour aprés la Profeffion ; enfuite
Madame de l'Hôpital conduifit
S. 4. S. à Vefpres , que
l'on chanta folemnellement avec
l'Orgue ; la Communauté croyant
ne pouvoir témoignerfa joye plus
convenablement dans cette occafion
, qu'en fervant Dieu avec
plus de pompe & de majesté.
On célebra tout l'Office comme les
jours des plus grandes Fêtes , &
l'Eglife fut ornée comme à la
Prife-d'Habit ; on y voyoit par
tout éclater les Fleurs - de - Lis ,
dont les magnifiques préfens de la
Royale Maifon de Bourbon font
enrichis.
GALANT 21
›
Le lendemain dés fix heures
au matin S. A. S. fe rendit au
Choeur , & elle affifta à l'Oraifon ,
à l'Office & à la Meſſe de Prime
, comme elle avoit fait aux
Vêpres de la veille à la place de
premiere Novice , felon la coútume
avec un Prié- Dieu &
un fauteüil ; à huit heures
demie elle revint à l'Office de
Tierce , pendant lequel elle fe tint
encore à la même place ; mais
quand les Pfeaumes furent finis ,
S. A. S. alla fe mettre à genoux
fur un Prie-Dieu de velours femé
de Fleur-de- Lys d'or , dreffé
fous un Dais de drap d'or , dans
22 MERCUR E
l'espace qui eft entre la grande
grille & les chaifes du Choeur ,
avec un fauteuil , derriere leguel
eftoit un tabouret pour Madame
de l'Hôpital , qui a toujours conduit
S. A. S. à toutes fes dé
marches.
Incontinent aprés l'Office on
commença la grand - Meſſe , qui
fut toute pareille à celle de la
Veſture , c'est- à - dire , auffifolem
nelle & auffi pompeuse pour la
dignité du chant , l'Orgue , le bon
ordre & la majesté des Ceremo
nies , la richeffe
nemens.
l'éclat des or
On obferva tout ce qui eft die
GALANT 23
par
aux Princes du Sang, S. A. S.
alla à l'Offrande , le Cierge porté
Mademoiſelle de Belin ; on fit
les encenfemens on donna la
paix. Ce fut le Reverend Pere
Prieur de SaintJean de l'Habit ,
( qui eft le Monaftere des Religieux
à Fontevraud) qui celebra ;
le R. P. Sous-Prieur fervoit de
Preftre affiftant en Chappe ; les
deux Reverends Peres Soriz ,
Vifiteurs des Provinces de l'Ordre,
l'Aifné , Confeffeur ordinaire de
S. A. S. eftoient Diacres affiftans
en Dalmatiques,& les Reverends
Peres Profeffeurs de Theologie
fervirent de Diacres & de Sous-
Diacres.
24 MERCURE
2
A lafinde laMeffe , Madame
l' Abbeffe , precedée de fa Croffe ,
fuivie de Madame fa Chapelaine
, vint du Siege Abbatial fe
placer au cofté droit de la grande
grille où eftoient fon Prié-Dieu ,
fon Fauteuil ; Madame fa
Porte- Croffe fe mit entre la grille
& le Prie-Dieu , Madame
la Chapelaine à la gauche du Fauteüil
, ayant toutes deux chacun
un tabouret.
S. A. S. Mademoiſelle de
Clermont , fe plaça vis-à- vis de
Madame Abbeffe de l'autre
cofté de la grille , prés le Tombeau
des Rois d'Angleterre , fur un
Fauteuil
GALANT 25
Fauteuil avec un Prié- Dieu à
cofté , Madame de Rolivaud fa
Gouvernante , avoit un tabouret
derriere elle.
Madame de Mompipeau
Grande- Prieure vint auffi fe
placer à une chaife un peu au deffous
de Mademoiselle de Clermont
, la Communautéſe tint ,
partie dans les chaifes du Choeur ,
les plus proches de la grille , partie
fur des bancs dans l'espace qui
eft entre les Tombes de cuivre de
feues Mefdames de Bourbon , &
le Fauteuil de S. A. S.
Le R. Pere Prieur apporta le
Saint Sacrement fur la grille , on
Aouft 1707 . C
26 MERCURE
chanta le Veni Creator avec
l'Orgue , Madame la Chantre
pritle Venifancte , & Madame
l'Abbeffe dit l'Oraiſon.
Enfuite le R. Pere Diacre chanta
l'Evangile Stabant juxta crucem
, où se trouvent ces paroles
que Jesus- Chrift mourant fur la
Croix adreffa àfa fainte Mere ,
Femme , voilà vôtre Fils ,
àSaint Jean fon Diſciple bienaimé
, Voilà vôtre Mere . On
chante cet Evangile à toutes les
Profeffions de l'Ordre de Fontevraud
, parce qu'il eft fondé fur
ces Paroles facrées , en intention
d'honorer la Maternité de la
Lainte Vierge.
1
GALANT 27
C
Aufſi-toft aprés on couvrit le
Saint Sacrement . Les Celebrans
ne quitterent point leurs habits ,
fe placerent ; le Reverend Pere
Prieur au cofté droit de la grille
dans un Fauteuil , le R. Pere
Sous- Prieur au cofté gauche fur
une chaife , les autres de fuite de
l'un de l'autre cofte fur des
tabourets & des bancs , & à la
file auffi de chaque cofté , tous les
Religieux defaintJean de l'Habit
en furplis , & derriere eux étoient
des bancs pourles Officiers de Madame
l ' Abbeſſe & de l'Abbaye.
Le R. Pere Moiffet l'aîné ,
Exprovincial de l'Ordre Reformé
C ij
28
MERCURE
defaint Dominique , Vifiteur Apoftolique
de cette Abbaye , &
Prieurdu Noviciat de Paris , du
même Ordre de Saint Dominique,
qui avoit l'année derniere examiné
la vocation de Madame de
Bourbon , &prefchéàfa Vestures
eftoit venu exprés de Paris pour
prêcher encore à cette derniere Ceremonie.
En effet , perſonne ne
pouvoit mieux que luy faire ce
Difcours , à cause de la connoif
-fance qu'il a des difpofitions interieures
de S.A.S. dont il developa
ce que la difcretion permet qu'on
en dife en public, avec une profondeur
& une folidité dignes veri-
4
GALANT 29
tablement de l'action qui fe paffoit
; & du refte il ne s'expliqua
pas avec moins d'énergie & d'onl'an
paffe fur les fujets
Etion
que
generaux
que
fourniſſent
la
fublime
naifance
d'une
Princeffe
du
Sang
,
l'honneur
querecevoient
l'Abbaye
l'Ordre
, où
elle
vouloit
bien
choisir
de
fe
confacrer
à Dieu
, &
enfin
fur
les
fouhaits
qu'il
fit
pour
la
fatisfaction
de
S. A. S.
La Princeffe fut dignement
loüée ; fa fermeté , fa conftance
fon exactitude à fuivre tous les
preceptes de la Regle & le parfait
détachement de toutes les gran
C iij
30 MERCURE
deurs aufquelles fa naiſſance l'appelloit
, furent mifes dans un beau
jour. On fit auffi l'Eloge de M©
Abbeffe , ainfi que celuy de M°
l'A beffe fous les yeux de qui la
Princeffe qui prenoit l'Habitavoit
efté élevée. On donna auſſi quelques
louanges dans ce Difcours
aux Perfonnes confiderables de cet
Ordre ; l'Orateur en releva l'ancienneté
& l'illuſtration , & toucha
avec beaucoup de délicateſſe
l'Eloge du Bienheureux Robert
d'Arbriffelles , Fondateur de l'Ordre.
Le Sermon fini , & le Saint
Sacrement ayant efté découvert,
GALANT 31
chacun estant à fa place
en filence , Madame de Bourbon
a genoux , tenant à mains jointes
fa Lettre de Profeffion , qu'Elle
avoit euë devant Elle fur fon
Prie-Dieu , depuis qu'Elle s'y
eftoit placée , prononça en Latin
la maniere ordinaire & fur le
ton accoûtumé , qui eft une espece
de demi-chant , les Voeux de la.
Reformation de l'Ordre de Fontevraud
felon la Regle defaint Benoiſt
, avec un courage & une
fermeté que les Heros de la branche
de Condé ne defavouëroient
pas. Dés qu'elle eut fini , Madame
la Sacriftine luy preſenta la
C inj
32 MERCURE
plume , S. A. S. figna , & aprés
avoir fait une profonde inclination
au Saint Sacrement , Elle
alla pofer fa Lettrefur l'Autel à
main gauche du Chour.
On ofta fon Prié- Dieu & fon
le Tapis de pied Fauteuil ,
refta nú. Me la grande Prieure
retourna avec la Communauté
dans les chaifes du Choeur les
plus proches de la grille , S. A.
S. conduite par Me la Prieure
du Cloiftre , & par Me de
l'Hofpital s'achemina de l'Autel,
qu'on vient de marquer vers Me
Abbeffe ; elle fit une profonde
inclination an S. Sacrement
.
GALANT
33
une à Madame l' Abbeſſe qui la
luy rendit , & fe raffit & S. A.
S.fe mit àgenoux devant Elle.
Me l'Abbeffe luy ofta le voile
blanc , jetta de l'Eau - benifte ,fur
le voile noir, le luy mit en difant,
* Accipe ,Soror Velamen quod
immaculatum perferas ante tribunal
Chrifti jetta encore de
l'Eau - benifte fur la tefte de S.
A. S. qui baifa la terre , fe releva
& fit une inclination que
l'Abbeffe luy rendit ; elle en fit
une autre tres - profonde au S.
Me
C'eft-à- dire, Recevez ce Voile, ma
Soeur , & le prefentez fans tache un jour
devant le Tibunal de Jefus - Chriſt .
34 MERCURE
Sacrement , une troifiéme à Mademoiselle
de Clermont , & elle
fe mit debout au milieu du Tapis
de pied , Madame de l'Hofpital
étant fort loin d'Elle.
*S. A. S. aidée de deux Dames
Religieufes qui ont la voix tresbelle
, chanta trois fois le verfet,
Sufcipe,fur un ton harmonieux
fort touchant , que le Choeur
repetoit alternativement.Achaque
fois S. A. S. fe mettoit àgenoux
au milieu du verfet , & s'inclinant
infenfiblement elle ſe trouvoit
à lafin la tefte prefque fur
le Tapis.
Elle fit enfuite quatre profon
GALANT
35
´des
inclinations vers les quatreparties
du monde , comme leur difant
adieu , &fe profterna
au milieu
du Tapis de pied . Mede l'Hofpital
fe retira incontinent
d'auprés
d'elle , ainfi que tout le monde avoit
déja fait , & le Choeur chanta
les Pfeaumes
Memento.
>
Miferere &
ni
On doit avouër que cet état
eft attendriffant , fans avoir rien
de funebre abfolument , ni drap
mortuaire , ni chant des morts ,
luminaires, uneperfonne ainfiprof
ternée la face contre terre , en long
habit noir,fans aucun mouvement,
feule dans une grande espace &
36 MERCURE
chacun à deffein détournant la
vuë de deffus elle , donne certai
nement une idée d'aneantiffement
d'abandon qui frape l'imagination
d'une maniere vive , coo
caufe une espece de fremiffement:
Mais auffi , felon les vuës de la
Religion , c'eft alors qu'une Princeffe
eft veritablement grande aux
yeux de Dieu ; cette reflection
confolante mefle une certaine douceur
aux fentimens naturels un
peu effrayans que ce spectecle inf
pire , ce mélange fut lafource
de bien des larmes , fans qu'on
put apercevoirfi S. A. S. en têpandoit.
GALANT 37
Vers la fin des Pfeaumes Me
la grande Prieure paffa pour aller
tenir le livre à Me l'Abbeſſe
& ne parut pas faire attention
qu'elle marchoit auprés non feulement
d'une Princeffe , mais même
de quelque chofe d'animé.
Madame Abbeffe chantaplufieurs
Oraifons aprés lefquelles
precedée de fa Croffe , elle fit deux
fois le tour de S. A. S en jettant
de l'Eau-benifte fur elle , & en
l'encenfant comme on fait à des
obfeques ; enfuite elle lui mit la
main au front pour l'avertir de
fe lever , fans la regarder
&
elle s'alla remetre furfonfauteüil.
>
38
MERCURE
S. A. S. fe leva incontinent ,
s'avança vers le S. Sacrement
fit une profonde inclination , une
autre à Mel Abbeffe qui la luy
rendit , & fe raffit , S. A. S.
Se mit à genoux devant elle
l'embraffa & baifa la terre , aprés
quoy
elle alla embraffer auffi Mademoiselle
de Clermont qui s'eftoit
avancée vers elle , & qui redoubla
fes larmes avec beaucoup de tendreffe.
S. A. S. fe remit au milieu du
Tapis de pied pendant que le
Reverend Pere Prieur emporta
le S. Sacrement & elle alla
enfuite à la place de la derniere
GALANT
39
Profeffe , où Madame l'Abbeſſe
luy jetta de l'Eau benifte & la
fit affeoir en luy mettant la main
droute fur la tefte , & la fit fortir
de l'Eglife. Chacunfuivit &
rendit fes refpects à S. A. S. qui
n'a pas moins dignement foûtenu
cette ceremonie que celle de la prife
d'Habit , malgré fon voile
baiffé , & l'humilité de chaque
action , on ne laiffoit pas de demefler
l'air de grandeur , qui convient
à fa Nnaifface.
Un peu aprés on alla au Refectoire
, S. A. S. fervie par Me
de l'Hofpital , mangea à la Table
de Madame l'Abbeffe avec Ma
a
40 MERCURE
damoifelle de Clermontferie par
Me de Rolivaud ; Me la Marquife
de la Frefne y mangea auſſi.
Mefdemoiselles de Dony & de
Gaut, & Mademoiselle de Belin
mangerent à la table de Me la
grande Prieure. Madame de Bourbon
donnoit le difné qui fut magnifique
auffi bien que celuy des
Religieux.
S. A. S. ne mangea à la table
de Me l'Abeffe que comme font
toutes les nouvelles Profeffes .
Fontevraud eft le lieu du
monde où l'on fçait le mieux rendre
ce que l'on doit aux perfonnes
de fon rang , par un profond
GALANT 41°
respecterpar une longue habitude
contractée auprés du grand nombre
de Princeffes qu'on a eu l'honneur
d'y voir d'y poffeder , mais
lorfqu'il s'agit des regles de la Religion
on ne connoift plus les ref
pects humains ni les grandeurs du
fiecle. Ces Princeffes que l'on A
eu l'honneur de poffeder , comme
on vient de le dire , en ont donné
les ordres comme Superieures , ou
l'exemple comme fimples Religieufes
, & à moins d'avoir quelques
charges dans la maison , elles
n'ont jamais pris au choeur , au
Chapitre , auau refectoire ; en un
mot dans toutes les lieux dans
D
Aouſt
1707.
42 MERCURE
toutes les actions régulieres, que le
rang de leur profeffion S. A. S.
compte bien de ne fe pas départir
d'un ufagefiraifonnable effentiellement
religieux , & par confequent
d'une tres-grande élevationparraport
à Dieu , les hom
mes quelques éblouis qu'ils foient
de ce qui flate l'orgueil l'amour
propre , ne peuvent refufer leur
admiration à l'humilité des perfonnes
à qui le monde fourniroit tout
l'éclat qui pourroit nourir ces dangereufes
paffions.
Aprés vous avoir parlé
d'une grande Princeffe qui a
GALANT
43
renoncé aux pompes & aux
plaifirs du monde avec une
fermeté heroïque ; je paffe à
la mort d'une Abbeſſe , qui
eft decedée aprés cinquante-
cinq années de Profeffion .
C'eft Madame Marguerite
Guyonne de Coffé , Abbeffe
de Chelles . Elle eft morte
dans fon Abbaye , âgée de
foixante - & - onze ans & demy.
Elle eftoit fille de François de
Coffé , Duc de Briffac , Pair &
grand Pannetier de France , &
Chevalier des Ordres du Roy ;
& de Guyonne de Ruelon ,
Dij
44 MERCURE
fille de Gilles Sieur de Rocheportail
, & foeur de Louis
de Coffe , Duc de Briffac , qui
avoit époufé Marguerite- Françoiſe
de Gondy , Ducheffe de
Beaupreau , Comteffe de Chemilly
& du Chatel , Vicomteffe
de Tiffanges , foeur de
feue Catherine de Gondy ,
mere de Madame la Ducheffe
Doüairiere de Lefdiguieres , &
petite fille de Charles de Gondy
, Marquis de Belle Ifle ,
d'Antoinette d'Orleans Longueville.
Madame l'Abbeſſe
de Chelles eftoit tante de feu
M' le Duc de Briffac , qui n'a
&
GALANT 45
point laiffé d'enfans de Gabrielle-
Loüife de S. Simon , &
d'Elifabeth de Verthamon fes
deux femmes ; & de Marie-
Marguerite de Coffe , Maréchalle
de Villeroy. Elle eftoit
foeur du feu Pere de Coffe,
Jeſuite , & de feuë Madame
la Ducheffe de la Meilleraye
,
& de Madame la Marquife de
Gontaut Biron.
La Maifon de Coffe, fi nous
en croyons le fieur Roüillard ,
qui en a fait l'hiftoire , vient
de Cocceius Nerva ; & felon
d'autres , des Coffa de Naples.
Coffe eft une Terre dans le
46 MERCURE
}
Maine , prés de fainte Sufanne
Thibaud de Coffé vivoit en
1449. Il eut de Philippes de
Charno , fille d'Hugonin &
de Jeanne de S. Julien ; Jean,
qui fut Senéchal de Provence :
& c'eft en parlant de ce Senéchal
que Philippes de Comines
( lib. 5.de fes Memoires , ch . 2. )
dit que
la Maifon de Coffe
eftoit du Royaume de Naples.
René de Coffe , frere cadet de
ce Senéchal , & Seigneur de
Briffac , fut premier Panneticr
de France, & grand Fauconnier
"du Roy. Il épousa Charlotte
Gouffier , fille de Guillaume,
GALANT 47 "
Seigneur de Boifi. Ses deux
fils aînez furent Maréchaux de
France ; fçavoir Charles , qui
continua la lignée , & Artus.
Philippes leur frere fut Evêque
de Coutances . Charles 2. du
nom , 1 ° . Duc de Briffac,fut auffi
Maréchal de France. Le Roy
Henry IV. l'honora de cette
dignité en 1594. lorfqu'il luy
remit la Ville de Paris , dont
le Duc de Mayenne luy avoit
confié la garde. Il eftoit grand
pere de Madame l'Abbeffe de
Chelles , dont je vous apprens
la mort.
La Maiſon de Coffe fubfifte
48 MERCURE
cyaujourd'huy
en la perſonne de
M le Duc de Briffac ,
devant connu fous le nom de
Comte de Coffe , & qui eft devenu
Duc de Briffac par la mort
des enfans de M ' le Duc de Briffac
fon coufin. Il eft grand Pannetier
de France .
Dame Renée de Flecelles ,
veuve de Meffire Hurault de
l'Hôpital de Belefbat , Confeiller
d'Etat , eft morte âgée
de 90. ans , dans de grands
fentimens de pieté , & avec
une grande prefence d'efprit.
Cetre Dame eftoit d'une ancienne
Famille , originaire de
NorGALANT
49 .
Normandie & alliée aux maifons
les plus confiderables de la
Robbe. M de Belfbat eftoit
proche parente de la maiſon
de Nefmond , & de celle de
Choify , & elle eftoit grand'-
tante de l'Abbé de ce nom qui
a efté Ambaffadeur à Siam.
Feu M' de Beleſbat eftoit iſſu
de Robert Hurault S' de Belefbat
Confeiller au grand Confeil
, Maistre des Requeftes &
puis Chancellier de Marguerite
de France Ducheffe de Savoye ,
& de Madelaine de l Hofpital
fille unique du celebre Michel
de l'Hofpital , Si ur de
Aouft 1707 .
E
50 MERCURE
Belefbat , Chancelier de France.
Paul Hurault de 1 Hoſpital
oncle de feu M' de Belcfbat
fut Archevefque d'Aix ; il
avoit efté auparavant Maiſtre
des Requeftes , & il fut l'un des
plus grands Predicateurs de
fon temps. Michel Hurault
de l'Hofpital frere de ce Pre
lat avoit beaucoup d'efprit &
de merite ; le Chancelier de
THofpital luy laiffa ſa Bibliotheque
, & il eut foin de le
faire élever dans les Sciences ,
'comptant fur luy comme fur
celuy de fes neveux , qui cftoit
le plus propre à foûtenir la
grande reputation qu'il s'eftoit
GALANT
acquife.Ce chancelier qui mouruten
1573 , étoit d'Aigueperfe
en Auvergne & originaire d'Avignon.
Son pere eftoit Medecin
deCharles Duc de Bourbon ,
Conneftable deFrance . Il fuivit
le Duc de Bourbon en Elpagne
& en Iralie , juſqu'à ſa
mort , aprés laquelle il demeura
quelque temps auprés de l'Empereur
Charlequint .
Me de Belefbat cftoit mere
de feu M' le Marquis de Beleſbat
, & de feuë Mla Marquife
de Canillac , mere de M' le
Marquis de Canillac , aîné de
la Maifon de ce nom , & Ma-
E ij
52 MERCURE
réchal des Camps & Armées
de Sa Majesté.
Dame Marie- Ferdinande de
Caillebot de la Salle , Epouſe
de M' le Marquis de Clermont-
Rouffillon , frere de M' IEvêque
de Laon , eſt auffi décedée
. Cette Dame eftoit four
de M ' le Marquis de la Salle ,
Maiftre de la Garderobe du
Roy & Chevalier de fes Ordres
; & de Mr N ... Caillebot
de la Salle , ancien Evêque de
Tournay. M la Comteffe de
Rouffilon eftoit fille de feu M
de la Salle , Capitaine- Lieutenant
des Chevaux - Legers de
GALANT
53
la Garde , & qui cftoit encore
plus diftingué par fon merite
& par fa valeur , qu'il ne l'étoit
par fa naiffance , quoique
tres - confiderable ; prefque
tous ceux qui font fortis de
cette Maifon fe font diftinguez
dans la profeffion des
armes . Mr de la Salle , aujourd'huy
Maiſtre de la Garderobe
du Roy , a long temps porté
les armes , & a donné en plufieurs
occafions des
fa valeur . Mr de la Salle , Sous-
Lieutenant des Gendarmes du
Roy , commanda la Gendarmerie
, à la Bataille de Dunpreuves
de
E iij
154 MERCURE
kerque qui fe donna en 1658.
& où Mr le Maréchal d'Hocquincourt
fut tué . C'eft de Mr
de la Salle que defcendoit M
la Comteffe de Rouffillon . Mr
le Comte de Buffy Rabutin ,
en parle dans le deuxième Volume
de fes Memoires , & il en
fait un grand Eloge . Mr le
Comte de Rouffillon de Châte ,
Epoux de la Dame dont je
vous apprens la mort , a efté
long- temps Colonel du Regiment
de Cavalerie de la Reine ;
il a eu pluſieurs enfans de ce
mariage , dont l'aîné eft aujourd'huy
Capitaine de CavaGALANT
55 .
lerie . La branche de Clermont
Rouffillon eft feparée de celle
de Tonnerre il y a environ
5oo . ans . Elle a toûjours
foûrenu
avec
éclat
le nom
illuftre
de Clermont
.
Mr l'Abbé Giraud qui cft
mort en cette Ville , avoit eſté
Chanoine de l'Eglife Collegiale
de Saint Nizier de Lyon ,
& aprés avoir jouy peu de
temps de ce Benefice , ille
refigna à l'un fes freres ,
& vint à Paris afin d'y employer
tout fon temps à la
culture des belles Lettres . Il y
a affemblé une Bibliotheque
E iiij
56 MERCURE
diffenombreufe,
qu'il avoit été obligé
de la mettre en quatre
rentes maifons . Celle qu'il occupoit
dans le Cloître S. Benoît
où il eft mort , en contenoit
une grande partie . On y trouve
le Livre du fameux Medecin
Eſpagnol Gometius Pereira
& qui a pour titre : Antoniana
Margarita , imprimé à Medina
del Campo . L'Auteur y prouve
que les Bêtes font de pures
machines . On accufe le celebre.
Mr Defcartes d'avoir puifé
fon Syfteme dans ce Livre.
Cet Ouvrage eft fi rare , qu'il
n'y en a que trois ou quatre
GALANT 57 *
Exemplaires à Paris ; fçavoir
dans la Bibliotheque du Roy ,
dans celle de M²l'Archevêque
de Rheims , dans celle du College
des Jefuites , & dans celle
du Deffunt : Il y a plufieurs
autres Livres tres - rares dans
cette nombreuſe Bibliotheque
, qui eft compofée de plus ,
de feize mille Volumes , &
que l'on va vendre inceffamment
, & dont pour cet effet
on a déja donné le Catalogue
au Public.
M' l'Abbé du Caffe , Prêtre ,
Docteur en Theologic , Chanoine
, grand Archidiacre , Vi
58 MERCURE
caire General & Official du
Diocefe de Condom , cft mort
generalement regretté de tous
les Sçavans , dont l'érudition
& la profonde doctrine , luy
avoient acquis l'eftime. Il fit
imprimer au commencement
de ce fiecle La Pratique de la
Jurifdiction Ecclefiaftique , volontaire,
gratienfe contentieufe,
fondée fur le Droit commun
fur le Droit particulier du Royaume
, divifée en deux Parties ; &
on en fit une nouvelle Edition
fort augmentée à Touloufe
en 1705. & une troifiéme
en 1706. l'Auteur ajoûGALANT
59.
te dans la feconde Edition
les manieres & les ufages qui
font differemment obfervez
dans quelques Parlemens , &
dans certains Diocefes , fuivant
le confeil qu'il avoue que
M' le Merre luy en a donné ,
& fur les Memoires que cet
habile Avocat luy a fournis ,
de forte que les nouvelles Remarques
ajoutées à l'ouvrage ,
l'ont rendu beaucoup plus
confiderable. M' Ducaffe avoit
aufli fait un Traité des
Droits des Chapitres des Eglifes
Cathedrales , qui eft fort
cftimé , & fur lequel M le
60 MERCURE
Prefident de Saint Vailier a fait
de doctes remarques. M' du
Caffe avoit d'abord efté Official
& grand Vicaire de M' de
Grignan , Evêque de Carcaffonne
, & c'eft dans ce Diocefe
qu'il avoit affemblé quantité
de Memoires tirez de la
Jurifprudence Canonique , &
des Traitez des libertez de l'Eglife
Gallicane , & des Canons
des Conciles , pour s'inſtruire.
dans la profeffion où on
l'employoit. La Providence
l'appella enfuite dans le Diocefe
de Condom , & M' de
Matignon qui en eſtoit alors
CALANT 61
,
Evêque , luy confia fa Jurifdiction
graticufe & contentieufe
; ce Prelat ayant donné
la démiffion de fon Evêché ,
M' Milon fon Succeffeur , &
neveu de feu M' Pallu , Evêque
d'Heliopolis premier
Evêque de la Chine , luy conferva
le même employ , &
l'affocia au gouvernement de
fon Dioceſe avec M' Duquefne
, Docteur de Sorbonne ,
Theologal & Archidiacre de
Condom ; & c'eſt à M' Duquefne
que le Públic a l'obligation
de la Pratique de la Furifdiction
Ecclefiaftique , qu'il
1
162 MERCURE
obligea M di Caffe a publier
aprés l'avoir engagé de mettre
en ordre les Memoires
qu'il luy avoit communiquez
fur cette matiere. M' du Caffe
qui avoit mis la derniere main
à cet Ouvrage dans le Diocefe
de Condom , & fous les yeux
de l'Evêque qui le gouverne
aujourd'huy , crut le luy devoir
dédier. Ce fçavant Official
étoit parent de M' du Caffe ,
Chef d'Efcadre.
La Ville de Belpech , dans
le Diocefe de Mirepoix , vient
de perdre N.... de Barthe ,
âgée de cent & un an . Elle deGALANT
63
ceda le 26. du mois dernier .
Il fe paffe peu de mois fans
que je vous apprenne la mort
de quelque perfonne qui ont
vêcu prés ou plus d'un fiecle.
M François de Gourdon ,
de Genoüillac, Comte de Vaillac
, Lieutenant General des
Armées du Roy dont j'ay
remis à vous parler de la mort,
eftoit fils puilné de M" Jean
Paul de Gourdon de Genoüillac
, Comte de Vaillac
& de Monferrand , premier
Baron Chreftien de Guienne ,
Chevalier des Ördres du Roy,
Lieutenant General de fes Ar64
MERCURE
mées, fucceffivement , premier
Ecuyer , feùl Capitaine des
Gardes du Corps de Philippes
de France , Frere unique de
Sa Majesté . Enfin Chevalier
d'Honneur de S. A. R. Madame
; & de Dame Marie - Felice
de Voifins - Moncaut , fille
unique de Jacques , Comte de
Moncaut, premier Baron d'Armaignac
, Chanoine d'Honneur
& d'Epée de l'Eglife
Metropolitaine d'Auch ; & de
Jacquette de Beaux - Oncles ,
fille d'Antoine , Seigneur de
Bois - Ruffin , & de Jeanne de
Montmorency-Foffcufc.
GALANT 65
Son corps a efté porté dans
l'Eglife des Carmes Déchauffez
, qui eft le lieu de la ſepulture
de fa Maiſon. Je vous envoye
le Difcours qui a eſté
prononcé par M le Curé de
S. André des Arcs , en remettant
le corps du défunt aux
RR . PP . Carmes , & celuy de
leur R. P. Prieur en le recevant
à la tefte de ſa Communauté.
Mes RR. PP. je vous remets
en dépoft le corps de Haut,
Puiffant , & illuftre Seigneur
François de Gourdon de Genouillac
, Comte deVaillac , & Lieu-
Aouft 1707. F
66 MERCURE
tenant General des Armées du
Roy , qui vient de terminer par
une mort tres-Chrétienne une vie
confacrée au fervice de fon Prince
de l'Etat , marquée par un
grand nombre d'actions de valeur,
finie enfin par des fentimens
de la plus parfaite foûmiffion &
de la plus entiere refignation aux
ordres de celuy qui tient en fa
puiffance les jours des hommes,
& qui en arrête le cours quand
il luy plaift. Je puis dire de M²
le Comte de Vaillac , ce que dir
autrefois de Judas Machabée,
l'Auteur du Livre qui porte fon
nom : Similis factus eft leoni
GALANT 67,
in operibus fuis. Judas Machabée
dans le premier Teftament,
parcouroit toutes les Villes " de la
Fudée , pour y combattre les ennemis
du vray Dieu ,
vray Dieu , & y defendre
fon faint culte , que les
Rois Infidelles tachoient d'y abolir:
De même le grand Capitaine
dont je vous apporte les cendres,
quoy que vivant dans le fecond
Teftament , dans une Loy de grace,
dans des Siecles où l'Idolatrie
n'estplus l'ennemy que nous avons
à combattre , ne s'eft pas moins
fignalé dans la défenfe de la Religion
, où il avoit eu le bonheur
de naître. Toutes les Guerres où
Fij
68 MERCURE
la porté les Armes , & où il a
eu des Commandemens importans,
quoy que commencées & foûtenuës
par des veuës politiques , n'en
ont pas moins efté des Guerres de
Religion ; il s'y est toujours agi
de la garantir des fureurs de l'Hed'empêcher
cet Hydre . refie
de penetrer dans des Etats , attachez
fans aucune interruption,
depuis leur établiffement , à la
pureté du Chriftianifme. C'eft
là le principe & le motif qui
fait prendre les Armes au Roy,
dans les differentes Guerres qu'il
foutenues avec tant de gloire,
dans le cours de fon Regne . Si je
a
GALANT 69
1
pouvois entrer dans un détail un
pen circonftancié des évenemens
qui s'y font paffez, que de grands
& de beaux faits d'Armes du
Capitaine , dont voila les triftes
reftes , ne vous ferois-je pas admirer
! Attaché à la Religion de
Jon Roy & de fes peres , il eftoit
plein des fentimens qui les avoit
animez. Lafeulejournée d'Hochftet
, parmy tant d'autres ; cette
journée , dis-je , laquelle aprés la
prife d'un des Generaux , & la
difperfion des Troupes , il raffembla
ce qui en reftoit , & fit ferme
avec ces Legions , qui fous fes
ordres devinrent invincibles . Que
, 70 MERCURE
ne me fourniroit- elle pas ! C'eft
de cette trifte journée , mais fi
glorieuse pour la memoire de ce
Seigneur , qu'on peut encore luy
·
appliquer , auffi bien qu'à fudas
Machabée , ces paroles de l'Ecriture
, avec lefquelles je finis :
Et nominatus eft ufque ad noviffimum
terræ & congregavit
pereuntes .
Le Reverend Pere Prieur
des Carmes répondit à ce Dif
cours par celuy qui fuic.
Monfieur , nous nous char-
•geons du dépoft précieux que vous
nous confiez, & le portrait que
vous nous faites de Haut, PuifGALANT
71 .
fant , Illuftre Seigneur Francois
de Gourdon , de Genoüillac ,
Comte de Vaillac , Lieutenant
General des Armées du Roy ,
nous rappelle les actions éclatantes
des Heros que fa Maiſon a produits
en divers temps. Elle a pris
fon origine de l'illuftre race des,
Vicomtes de Gourdon en Guyenne ,
que
la tradition de cette Province
fait defcendre de l'un des Comtes
Beneficiaires de Cahors , & qui
eftoit déja connuë & floriffante
dans le fiecle de Philippes Auguste
en remontant même plus
haut l'hiftoire fait mention deFortanier
de Gourdon , pere de Ge-
1
, 72 MERCURE
raud de Gourdon , Evêque de
Perigueux au commencement du
onzième fiecle. Bertrand de Gourdon
, deffendit
deffendit avec une v
valeur
incroyablefon Château de Chalus
en Limouſin contre l'Armée
d'Angleterre, qui l'avoit affiegé,
& il tua d'un coup d'Arbalete
le fameux Richard , Coeur de
Lion , qui la commandoit en perfonne
, & qui par un Decret de
la Providence mourut
d'une
arme à laquelle il avoit ajoûté le
moyen de porter fes coups avec
plus de rapidité. Un autre Bertrand
de Gourdon fut avec Raymond
, Vicomte de Turenne, Chef
>
d'une
GALANT 73,
d'une Ligue formée dans le trei-
Ziéme fiecle , entre les trois Etats
de Quercy, pour purger cette Province
de l'herefie des Albigeois ,
& ce fut pourquoy ces deux Seigneurs
, chefs de deux grandes
Maifons , furent nommez les
Popagateurs de la Foy Catholiqué
, & qu'ils s'acquirent
à leurs heritiers , un droit pecuniaire
fur plufieurs Eglifes du
Diocefe de Cabors.
Ce fut dans ce même ficcle que
la Maifon de Gourdon fe divifa
en deux branches
l'une paffa
dans la grande Bretagne avec le
Prince Louis de France , les
;
que
Aouft
1707.
G
74 MERCURE
Anglois éleverentfur leurTrône ,
aprés en avoir chaffé Jean fans
Terre , leur Roy . Le jeune Gourdon
qui avoit fuivy la fortune
du Prince François , s'établit dans
Le Royaume d'Ecoffe , &y forma
la Maifon des Mylords Ducs de
Gourdon , Marquis de Huntley ,
Comtes de Sontherland & d'Oboyne
, Vicomtes de Kemmore :
c'eft de l'une de ces branches qu'étoit
iffu le celebre Duc de Gourdon
, qui deffendit fi long- temps
& avec tant de valeur le Chateau
d'Edimbourg , où les reſtes du
party attaché au veritable Souverain
, eftoient renfermez , &
GALANT 75
dont la prife fut la fin de la domination
legitime , & la confommation
de l'injustice.
La branche aînée de la Maifon
de Gourdon refta en France ,
elle n'y fubfifte plus à prefent
que
dans la Famille des Comtes
de Vaillac. Ces Seigneurs ont
foutenu la grandeur de leur origine
, par les emplois importans ,
&
par les premieres Charges de
l'Etat , dont ils ont efté revêtus
fous la plus part de nos Rois . On
voit d'un coup d'oeil dans l'Hiftoire
de cette Maifon cing Chevaliers
de l'Ordre de Saint Michel
, trois de celuy du Saint Ef-
Gij
56 MERCURE
prit trois Lieutenans Generaux
des Armées du Roy , deux Maréchaux
de Camp , deux Gouverneurs
de Bordeaux & du
Chasteau Trompette , fept Capitaines
d'ordonnance , un grand
nombre de Colonels , & enfin trois
grands Maiftres de l'Artillerie ,
dont le fecond étoit auffi grand.
Ecuyer de France , premier Gentilhomme
de la Chambre du Roy
François I. Gouverneur du Dauphin
François , fils aîné de ce Monarque
Surintendant des Finances
, Gouverneur de Guyenne
de Languedoc Colonel de
'Infanterie Françoife , Sénéchal
GALANT 77
de Quercy & d'Armagnac , dont
la fille unique porta la riche fuc
ceffion de fa branche dans la trèsnoble
& tres- illuftre Maifon des
Sires de Cruffol , Ducs d'Ufez 3
premers Pairs de France.
La Maifon de Vaillac ne s'eft
pas rendue moins recommandable
dans l'Eglife que dans la profeffion
des Armes. Elle a donné trois
Evêques à l'Eglife de Tulles ,
dont le premier fut un des Peres
du Concile de Trente . Le dernier
Défut
honoré d'un Brevet de Confeiller
d'Etat ordinaire ,
puté pour la Province du bas
Limofin , aux Etats Generaux
G iij
78 MERCURE
du Royaume , tenus en 1617.
Cette Maiſon a auffi donné des
Abbez celebres aux Abbayes du
Mont S.Quentin en Vermandois ,
de S. Martial de Limoges , de
S. Laon de Thouars & de faint
Romain de Blaye , qui eft dans
la Famille depuis le Regne de
François premier. On peut ajoûter
cing Commandatrices ou Abbeffes
du renommé Monaftere de
Beaulieu , de l'Ordre de Malthe,
en Quercy , & une Prieure perpetuelle
du Prieuré Royal des Filles-
Dicu de Rouen , le merite defquelles
a toûjours efté auffi éclatant
que leur haute naiffance.
GALANT 79.
:
Voila les titres & les avantages
qui ont diftingué la Maiſon
de Vaillac dans le monde , & qui
luy ont donné un fi grand éclat ;
mais ces titres & ces avantages
ne font fouvent que de vains
noms , & de fteriles fruits de
l'ambition des hommes , s'ils ne
font fondez fur l'innocence &
fur la vertu , fource de la veritable
Nobleffe. Ainfi c'est moins
des premieres dignitez de la Coula
Maifon de Vaillac
ronne que
tire fon luftre , que de la justice
de la vertu de ceux qui les
ont exercées ; & c'est dans la
pieté même dans la fainteté
80 MERCURE
des Sujets qu'elle a fournis à l'Eglife
, qu'ilfaut chercher la fource.
des benedictions temporelles que
Dieu a verfees fur elle de temps
à autre.
De plufieurs exemples que je
pourrois tirer de l'hiftoire de cette
grande Maifon, & qui rendroient
cette verité fenfible , je m'arrête
à un feul , qui m'est un peu plus
familier que les autres . C'eſt le R.
P.Bernard de S.Jofeph, Fondateur
de noftre Reforme en France , qui
me le fournit. Il eftoit fils aîné
de Louis de Gourdon de Genoi llac,
Comte de Vaillac , Chevalier de
l'Ordre de S. Michel ; & défigné
GALANT 81 .
de celuy du S. Efprit , Lieutenant
General des Armées des Rois Henry
III. Henry IV. Gouverneur
de Bordeaux , & Capitaine de
Cent Hommes d'Armes ; &
d'Anne de Montberon fa premiere
femme. Il faifoit fes Exercices
militaires en Italie , lorſque fentant
les premieres impreffions de
la grace , il découvrit bien- tôt
l'illufion de toutes les grandeurs
humaines , & que la haute fortune
à laquelle fa Naiffance luy
donnoit droit d'afpirer , feroit un
jour pour luy une tentation delicate
, à laquelle une experience
continuelle de ce qui fe paffe dans
→ 82 MERCURE
la
le monde , luy faifoit connoistre
qu'il auroit peine à refifter. Plein
de cette falutaire terreur , que
veuë du peril où il alloit eftre
expofe, luy infpiroit , il fongea à
quitter le monde , & à chercher
dans la folitude un azile aſſuré
contre les orages du fiecle . C'eft
dans l'Ordre des Carmes Dé.
chauffez qu'il trouva cet azile ;
il prit l'Habit & fit Profeffion
dans noftre Convent de Rome,
&peu de temps aprés il cut une
Miffion particuliere du Saint
Siege , pour venir établir noſtre
Reforme en France. Il y parut
comme un autre Elie . Son Habit,
GALANT 83
Laufterité de fa vie , & plus que
cela la force de fes exemples ,
le zele avec lequel il prêchoit la
penitence , luy donnoient un grand
rapport avec le Patriarche du Carluy
attirerent bien- toft mel ,
une foule de difciples.
C'est dans cette même Maiſon,
où fon petit neveu vient attendre
le grand jour des Revelations ,
que le Pere de Vaillac jetta les
premiers fondemens de noftre établiffement
en France ; fon Portrait
que nous y confervons precieusement
, nous entretient dans
la premiere ferveur de noſtre Regle
, e nous le regardons tous
.84 MERCURE
les jours comme un frein contre
le relâchement , où les plus faints
Ordres ont tant de peine à s'empêcher
de tomber. Ce Portrait,
tout infenfible qu'il eft , nous prêche
continuellement la penitence ;
& en le voyant , nous fentons
augmenter noftre zele pour
confervation de la difcipline Reguliere.
la
Aprés avoir affuré à ſon Ordre
un établiffement à Paris , par
la protection & par les bienfaits
du Roy Louis le fufte , & d'Anne
d'Autriche , d'heureufe memoire,
le Pere Bernard de S. Jofeph alla
à la tête d'une nouvelle Colonie
GALANY 85
faire unfecond établissement à Ca
hors. Cette Ville que la nature luy
rendoit chere , puifque c'étoit la
Capitale de la Province où il
a
de là
eftoit né , devint un des premiers
objets de fon zelen ;
paffant à Toulouze , où le Parlement
, à qui le nom de Vaillac
eftoit tres- refpectable , l'avoit appellé
, il fonda la troifiéme Maifon
de noftre Ordre en France.
Dieu , le Souverain Maître de la
vie des hommes , arrêta dans cette
même Ville le Bienheureux Bernard
de S. Jofeph : la mesure de
fes merites eftoit pleine , il eftoit ,
temps qu'il en allât recevoir le
86 MERCURE
1
prix. C'est là où dans les fentimens
les plus vifs de la penitence
, & dans les plus vives ar
deurs de la charité , il rendit fon
ame au Createur en 1649. &
aprés une maladie de peu de jours.
Nous regardons, Mr, ce faint Pa
triarche , le BienheureuxJean
de la Croix , un des ornemens de
noftre Ordre , comme les deux plus
grands Maîtres de la Vie fpirituelle
qui ayent paru dans l'Europe
en ces derniers temps , &
comme les deux Contemplatifs
qui ont donné de plus feures regles
Jur l'amour de Dieu.
Vous voyez donc , Mr, avec
GALANT 87
quels motifs nous devons recevoir
les cendres de M. le Comte de
Vaillac ; ce Nom nous doit eftre
cher de plufieurs manieres , &tous
ceux qui le porteront feront toújours
pour nous des objets de veneration.
Nous recevons donc ce
precieux dépoft avec tout le respect
que nous devons & nous ne
cefferons jamais d'invoquer pour
luy & pour tous ceux de fon illuftre
Famille , le Juge Souverain
des vivans & des morts , en luy
offrant tous les jours dans le faint
Sacrifice de l'Autel , la Victime
de propitiation
.
Il ne me refte plus rien à
88 MERCURE
vous dire fur le merite , la valeur
& la naiffance de Monfieur
le Comte de Vaillac , aprés ce
que vous venez de voir dans
ces deux Difcours ; il me fuffic
de dire que ce Comte eftoit.
aimé de tous ceux qui le pratiquoient
, & eftimé de ceux
qui ne le connoiffoient que
par reputation. Il eftoit lié
d'une grande amitié avec M
le Duc d'Elbeuf , chef de la
Maifon de Lorraine en France,
qui ne l'a point quitté pendant
fa maladie , & qui a ordonné
& fait tous les honneurs de fon
Convoy funebre. Monfieur
GALANT 89.
le Comte de Vaillac n'avoit
que
jamais efté marié .
Le Roy a donné , ainſi
je vous ay dit le mois , paffe à
M' de Bon , Confeiller en la
Chambre
des Comptes
, &
Cour des Aydes de Montpellier
, fils de M' de Bon , Premier
Prefident de cette Cour
des marques glorieufes de cette
bonté diftinguée dont il honore
les familles qui fe font renduës
recommandables
par de
longs fervices dans des Charges
importantes
: S. M. vient
d'acorder
à M de Bon , Confeiller,
des provifions
, pour
Aouſt 1707.
H
la
.90 MERCURE
furvivance de la Charge de Premier
Preſident ; à laquelle il fut
receu le 20. du mois de Juin
dernier ; cette reception a fait
d'autant plus de plaifir à toute
la Ville de Montpellier que Με
le Premier Prefident de Bon
& M' de Bon fon fils , fe font
acquis depuis long- temps l'eftime
& les coeurs de tous les
ordres de cette Ville , & particulierement
de la Cour des
Comptes, Aides , & Finances ,
où l'on voit aujourdhuy un
troifiéme Premier Prefident de
pere en fils du même nom , &
du même merite.
GALANT 91
Cette reception commença
par l'Affemblée des Chambres
& Semeftres de cette Cour , une
des plus nombreufes du Royaume
, où les Conclufions de Mr
le Procureur General ayant
efté rapportées , Mrs les Prefidens
& Confeillers opinérent ,
tous avec éloge & avec toutes
les marques d'une joye fincere à
la reception de Mr de Bon à la
Charge de Premier Preſident :
enfuite on envoya le Greffier
en Chef pour avertir Mr de
Bon , qui cftant fuivi de tous
les Procureurs en Corps & prece
dé de tous les Huifliers avec
Hij
92 MERRCUE
leurs baguetes , fe preſenta à
l'entrée du Barreau , où les
Chambres & Semeftres eftoient
affemblées fur les fieges bas
des petites Audiences. Mr le
Prefident de Moulceau qui prefidoit
, luy prononça l'Arreſt
de fa reception , & l'ayant fait
approcher, il reçut fon ferment
en la maniere ordinaire , aprés
quoy Mr de Bon prit la premiere
Place en qualité de
mier Preſident & il fit affis &
couvert , un remerciement à
la compagnie qui brilla par une
infinité de traits également vifs
& touchans. Il dit en commenpreGALANT
93
çant que , fi les mouvemens du
Coeur pouvoient fupléer aux lumieres
de l'esprit , & fi pour me
riter la place où ilfe voyoit élevé,
c'eftoit affez de comprendre quel en
eft le poids fans fe laiffer éblouir
aux premieres idées de l'amour
propre , il ofoit fe flatter qu'on
ne l'en trouveroit pas tout- à -fait
indigne , il parla enfuite de ce
qui eftoit dû à la memoire
de feu M François de Bon
fon grand pere , Premier Prefident
dont le fouvenir n'eſt pas
moins pretieux que glorieux
aux Officiers de cette Compagnie
; mais rien ne frappa plus
94 MERCURE
•
fenfiblement que ce qu'il ajoûta
touchant Mr le Premier Prefidentfonpere,
l'épanchement de
fon coeur pour la conſervation
fut d'autant plus eſtimable
qu'il parut tres-fincere , puifqu'en
luy fouhaitant un grand
nombre d'années pour remplir
encore les fonctions de la Charge
de Premier Preſident , il
avoüa de la meilleure grace
monde , qu'il eftoit luy - même
intereffé dans ces fouhaits , qu'il
eftoit perfuadé que plus il tarderoit
à occuper la Charge de Premier
Prefident , plus il feroit en eftat de
la remplir dignement. Mr le Predu
GALANT 95
fident de Moulceau diſtingué
par un efprit tres - poli &
& tres delicat ·
> répondit
au nom de la
Compagnie par
un autre difcours , qui convenoit
également à la place qu'il
occupoit & aux fentimens
de
ceux pour qui il parloit . Les
Chambres & Semeftres fe féparerent
enfuite , & à peine le
nouveau Premier Prefident fut.
il
retourné à fon
appartement ,
qui eft dans l'enclos du Palais
où loge Mr le Premier Prefident
fon pere , qu'il y reçut les
Deputez nommez pour le complimenter
au nom de la Cour ;
96 MERCURE
cette députation fut d'un Prefident
, de trois Confeillers ,
un de chaque Chambre , d'un
Correcteur , d'un Auditeur des
Comptes , & d'un de Mrs les
Gens du Roy. Ils avoient eſté
auffi nommez pour complimenter
Mr le Premier Prefident
le pere , qui donna enfuite
un repas magnifique à toute la
Cour des Comptes & des Aides
, qui , nonobſtant l'abſence
de plufieurs Officiers , s'y trou
va en nombre de prés de quavingt
perfonnes ; il y eut
trois grandes tables également
fervies . Ce grand repas fut accompagné
GALANT: 997
compagné de ce qui fait le plus
fenfible agrément de ces fortes
de feftes, fçavoir d'une joye univerfelle
& d'une cordialitéfincere
qui paroiffoient fur le vifage
de tous ceux qui compofoient
cette illuftre Affemblée . La politcfle
de Mrs les Premiers Prefidens
ne laiffa rien à defirer , & M²
le Premier Prefident le pere ,
foûtint parfaitement dans cette
occafion le talent fingulier qu'il
a depuis long- temps de donner
des feftes avec autant de profufion
que de bon gouft. Mr
le Premier Prefident le fils fut
enfuite harangué par les divers
Aouſt 1707.
I
98 MERCURE
ordres de la Ville de Montpellier
, & ces harangues furent
generalement applaudies , &
particulierement celle de Mr
Chycoineau Confeiller en la
Chambre des Comptes , &
Chancelier de l'Univerfité de
Medecine , qui parla en Latin
au nom & à la tefte de cette
Compagnie, & dont le difcours
fut rempli d'élegance & de penfées
tres - delicates , & tel que
l'on devoit attendre d'un homme
qui a toûjours brillé dans
toutes les Charges qu'il a poffedées
. La Societé Royale des
Sciences , dont Mr de Bon le fils
BIB
*
LYON
*7893
*
STREQUE
DE
GALANTE LYOO
eft un des Prefidens honors
donna auffi le même jour des
marques de fa joye , par une
députation qu'elle lui fit . Mr de
Plantade , Confeiller , porta la
•parole en qualité de Directeur ,
& fit connoître par un difcours
qui fut court , mais tres energique
, combien cette Compagnie
elle eftoit fenfible à tout
ce qui arrivoit à ce nouveau
Premier Prefident , & l'attachement
qu'elle avoit pour luy;
le goût que Mr de Bon a toujours
eu pour les ſciences depuis
fa plus tendre jeuneffe ,
a tellement contribué à l'éta-
I ij
100 MERCUR E
bliffement de cette celebre Societé
, qu'on ne doit pas eftre
furpris fi tous les Membres de
cette Accademie ont reffenti
vivement la grace que le Roy
vient de faire à Mr de Bon .
L'attachement particulier que
toute cette Ville a pour Meffieurs
de Bon Premiers Prefidents
fut marqué ce mefme
jour par une Harangue qui eut .
quelque chofe de fingulier &
de fort heureux . Ce fut une
députation faite par la Compagnie
des Penitents Blancs de
Montpellier , qui ſe trouvant
honorée d'avoir en la perGALANT
101
fonne de M' de Bon le fils un
Premier Prefident dans le nombre
de fes Confreres , crut luy
devoir marquer fon zele en
cette occafion . M Durand
Confeiller en la Cour desAydes
Prieur de cette Compagnie
& accompagné d'un grand
nombre de Confreres , parmi
lefquels eftoient plufieurs Offi
ciers de la mefme Cour , harangua
en cette qualité de
Prieur , Meffieurs les Premiers
Prefidents pere & fils , avec
tout l'efprit poffible , & ménagea
avec autant de difcernement
que de juſteſſe dans
I iij
102 MERCURE
• fes expreffions , tout ce qu'il
pouvoit leur dire d'obligeant
par rapport à la Compagnie
pour laquelle il parloit . L'éclat
avec lequel M Durand remplit
tous les engagemens de
fon Prieuré , donna un relief
confiderable à cette députation
. La Harangue des Confuls
de la Ville qui parlerent le
mefme jour par la bouche de
Mr Malefagne , Avocát , leur
Orateur , fut auffi fort aplaudic
, & l'empreffement que
l'on eut d'en demander des
copies , en eft une preuve.
lendemain Mr Cauffe Recteur
Le
GALANT 103
de l'Univerfité en Droit , &.
Profeffeur tres- celebre fit une
Harangue au nom de ceCorps,
qui receut de grands applaudiffemens.
La profonde érudition
& le pur Latin de Ciceron
furent remarquez dans tous
les traits de fon difcours ; outre
fon grand fçavoir , fon carac
tere d'honnefte homme l'a
toûjours fait estimer. Je n'entre
point dans le détail des Harangues
de plufieurs autres
Corps , parce que cela me méneroit
trop loin ; je vous diray
feulement qu'elles furent remplies
de beaucoup d'efprit .
I iiij
104 MERCURE
Mr de Bon nouveau Premier
Prefident répondit à tous ces
difcours , avec autant d'efprit
que de politeffe . Les réponſes
q I fit à ceux qui luy avoient
parlé en Latin , furent remarquées
entre les autres ; il y répondit
en François , mais il y
mêla fi à propos quelques traits
Latins & qui convenoient parfaitement
au fujet , que cette
nouvelle maniere de répondre
fut admirée de tout le monde.
Ce nouveau Premier Prefident
a beaucoup d'efprit , &
il paroiſt eſtre formé pour le
Palais , ainfi que pour toutes
GALANT
105
fortes de fciences . Rien ne luy
manque du coſté du coeur qu'il
a excellent il eft naturellement
bon, fenfible & officieux ,
fa droiture , fon defintereffement
, & fa fermeté pour le
foutien de la juftice & de la
raifon , font encore en luy des
qualitez marquées dans toutes
fes actions , ainſi que la facilité
& l'air naturel qui découvrent
toûjours les impreffions
du fang & de la naiffance.
Meffire François Xavier de
Bon qui vient d'eftre receu Premier
Prefident en furvivance
106 MERCURE
de M' fon pere , Premier Prefident
en la Cour des Comptes,
Aydes & Finances de Montpellier
, eft fils de Meffire Philibert
de Bon Premier Prefident
en cette Cour , Magiftrat
également illuftre par un
merite tres -diftingué & unc
longue experience , & qui fut
receu dans cette Charge de la
mefme maniere que M fon
fils vient de l'eftre , en furvivance
de Meffire François de
Bon Premier Prefident fon
pere en l'année 1661. La capacité
profonde & l'integrité la
plus exacte de ce grand Ma-.
GALANT 107
*giftrat qui foumit toûjours
toutes les confiderations humaines
aux fcrupuleux devoirs
de fa Charge , le font vivre
encore dans la memoire des
peuples de la Province de
Languedoc. Il eftoit né en
1596. & mourut en 1680. revétu
des dignitez de Confeiller
d'Etat ordinaire & de Premier
Prefident . Il laiffa quatre
garçons & trois filles de fon
Mariage avec Françoiſe de
Bonnet , fille de Guillaume de
Bonnet Vicomte d'Aumelas.
Les quatre garçons furent
M Philibert de Bon Premier
го
108 MERCURE
Prefident ; Charles de BonVillevert
Confeiller en ladite Cour
des Comptes ; François &
Charles de Bon , Capitaines
l'un dans le Regiment de
Montpezat , & l'autre dans le
Regiment de Picardie ; les
filles furent Iſabeau, Françoiſe,
& Marie-Anne de Bon ; la premiere
mariée à Mr de Freffieux
Confeiller en la mefme Cour;
la feconde à Monfieur le Baron
de Murles , & la troifiéme à
Mr de Gerard auffi Confeiller
en la mefme Cour.
? Le
Le pere de Meffire François
de Bon premier Preſident , fut
GALANT
109
*
Meffire Philibert de Bon , Seigneur
de Prunay , Villevert
Maurepas & de S. Martin , qui
époufa en 1595. Louiſe de
Tremoulet , de Bucelly , Baron
de Montpefat, dont il eut trois
enfans ; Meffire François de
Bon Premier Prefident & deux
filles ; Hyacinte , & Gabrielle ,
l'une morte Religieufe , &
l'autre mariée à Antoine de
Rodel Seigneur d'Auriac. Le
pere de Meffire Philibert de
Bon Seigneur de Prunay , &c.
fut Mellire Maturin de Bon
Seigneur de S. Martin du
Tertre , de Villevert , de Pru110
MERCURE
·
nay & de Maurepas , Maiftre
d'Hoftel Ordinaire du Roy ,
qui épousa en 1557. Claudine
Moriceau , fille de Jean Moriceau
Confeiller au Parlement
de Paris. Il n'eut qu'un enfant
; fçavoir Philibert de Bon
dont je viens de parler ; fon
pere fut Maturin premier de
Bon Seigneur de S. Martin
du Tertre , de Prunay de Villevert
& de Hazelac en Lorraine
qui mourut en 1516. & n'eut
qu'un enfant qui fut Maturin II .
Le pere de Maturin premier de
Bon fut Pierre Philippe de Bon
Seigneur de Marignane & de
GALANT III
Meulon né en 1381. qui eut
deux femmes . La premiere
eftoit Catherine de Villeneuve
qu'il époufa l'an 1408. & la
feconde fut Bonne de Vinti.
mille ; il fut bleffé dangereufement
à la bataille de S. Germain
en 1409. & mourut en
1450. il eut deux enfans de fa
premiere femme & cinq de
la feconde qui firent deux
branches ; l'une d'André de
Bon , & l'autre de Maturin de
Bon dont je viens de parler.
La premiere branche, ainfi que
la feconde , s'eft toûjours foûtenue
par des Seigneuries &
112 MERCURE
des poftes diftinguez du nom
bre defquelles furent le Gouvernement
de Marfeille & de
Noftre- Dame de la Garde . Ce
Pierre Philippe de Bon mourut
à Florence , ainfi que Meffire
Pierre André de Bon Chevalier
Seigneur de Meulon & de
Marignane né en 1354 qui
époula l'an 1375. Ifabelle de
Lafcaris ; il fut avec le Roy
Louis d'Anjou à la Guerre de
Naples , où dans une bataille qui
fe donna , il remit le Roy à
cheval , & dans letemps qu'un
Chevalier , nomméLcon , avoit
mis la main fur Sa Majefté
GALANT
113
pour l'arrefter , illa luy coupa ,
& ce Monarque en reconnoiffance
, & felon l'ufage de ce
temps là , luy permit de porter
dans fes armes une main
enſanglantée ; c'eſt- à- dire de
gueules qui embraſſe une
bande de même, comme portele
privilege fcellé de fon fceau ;
cefont actuellement les armes
de Meffieurs de Bon . L'ancienneté
de leur Maiſon qui
flcuriffoit au commencement
du treiziéme fiecle où vivoit
Jacques André de Bon Seigneur
de Meulon né en 1260 .
grand pere de Pierre André de
Aouft 1707.
K
114 MARCURE
Bon , mort à Florence , eft tresconfiderable
. Cependant quelque
difficulté qu'il y ait à
percer l'obfcurité des fiécles ,
Mr de Bon le fils auroit pû fe
trouver des Ayeuls encore plus
éloignez s'il n'avoit trouvé
dans ceux qui font connus , de
grands Magiftrats qui peuvent
luy fervir d'exemple. Mr de.
Bon , nouveau Premier Prefident
, époufa en 1693. Gabrielle
de Bocaud , fille
de Meffire Hercule de Bocaud
fecond Prefident de la mefine
Cour , tres diftingué dans
cette Compagnie. Il n'a encore
GALANT 115
qu'une fille de ce mariage ,
mais il y a lieu d'efperer que
le Ciel luy donnera des Succeffeurs
pour perpetuer dans
cette Compagnie des Chefs qui
luy font tant d'honneur , &
dont elle eft fi contente.
Je vous ay déja envoyé plufieurs
articles pareils à celuy
que vous allez lire ; & comme
vous m'en avez demandé la
fuite , je continuë à ſatisfaire
voftre curiofité.
BORDEAUX ET BLAYE .
Ily avoit àdefcendre aupremier
Juin.
116 MERCURE
Barques de Sel ,
Vaiffeaux François .
55
118
173
ETRANGERS .
Danois ,
Ecoffois ,
42
Efpagnol ,
Hollandois ,
Holſtein ,
Hambourquois ,
Irlandois ,
Mofcovite ,
Suedois ,
I
27
2
I
++4
I
6
221
VAISSEAUX
& Barques montées.
Barques de Sel , 44
GALANT 117
Vaiffeaux François , 59
103
ETRANGER S.
Danois ,
Efpagnol ,
Hollandois ,
2
I
22
25
128
349 Total de ce qui eft monté ,
VAISSEAUX
Barques defcenduës pendant
le mefme mois.
Barques de Sel ,
Vaiffeaux François ,
40
65
105
ETRANGER S.
Danois ,
118 MERCURE
Efpagnol ,
Hollandois ,
Holſtein ,
Hambourquois ,
13
1
I
Irlandois ,
Mofcovite ,
Suedois ,
31
I
3-
24
Total de ce qui eft defcendu , 129
Refte aux Ports à defcendre , 220
SCAVOIR :
Barques de Sel ,
Vaiffeaux François ,
59
112
171
S
ETRANGERS.
Danois ,
Ecoffois ,
GALANT 119
Espagnol ,,
Hollandois ,
Holſtein ,
36
I
Irlandois ,
I
Suedois , 3
49
TOTAL , 220
le
Apropos de Commerce , je
vous dis le mois paffé que
Roy auoit nommé au Confulat
de Smyrne , M' le Chevalier
de Fontenu , qui avoit le
Confulat de Ligourne
, & je
dois vous dire aujourd'huy
que
Sa Majefté a nommé au Confulat
de cette derniere Ville ,
120 MERCURE
Mr de Riencourt , fils de Mr
de Riencourt qui a efté Correcteur
de la Chambre des Comptes
de Paris , pendant trentecinq
années , Auteur de l'Hiftoire
de Grece , & de celle de la
Monarchie Françoiſe. Il eſt originaire
de Picardie , où fa Nobleffe
eftoit déja connuë vers
la fin du huitiéme fiece . Bon
grand'- pere maternel eftoit
Florent Parmentier , premier
Subftitut de M' le Procureur
general , dont la memoire ſera
au Palais dans une veneration
éternelle. M' de Riencourt qui
vient d'eftre nommé au Confulat
GALANT 121
fulat de Ligourne a époufé Marie
- Anne Francini , originaire
d'une ancienne Maifon de Florence
, dont le grand'- pere &
le pere ont eu l'honneur d'eftre
Maiftres d'Hoftel du Roy , &
fon frere aîné en poffede encore
aujourd'huy la Charge , la
furvivance luy en ayant eftéaccordée
par ſa Majefté , n’eſtant
fa
encore âgé que de vingt deux
ans . Cette Dame a fait voir une
grande fermeté, & un grand
amour pour fon époux , dans
les mauvaiſes affaires qu'on luy
avoit injuſtement fufcitées , &
dont il s'eft tiré par un Arreſt
Aoust 1707 .
L
122 MERCURE
folemnel , qui a fait connoiftre
fon innocence .
Je vous ay
les fervices que l'on rendoit à
Philippes V. qui occupe aujourd'huy
le Trône d'Espagne ,
n'eftoient pas long- temps fans
eftre recompenfez . Vous fçavez
de quelle maniere Mle
Marquis de la Floride a défendu
le Chafteau de Milan,
& que ce Marquis avoit refolu
de s'enfevelir fous les ruines
de ce Chaſteau , plutoſt que
le rendre : & il auroit fans .
doute perfeveré , dans une refolution
fi glorieuſe , & ſi
fouvent dit que
de
GALANT
123
digne d'un grand Homme , &
d'un Sujet fidelle & zelé , pour
le fervice & pour la gloire de
fon Maiftre , fi ce Monarque
n'avoit jugé à propos , pour
fauver la vie aux Braves qui
prodiguoient leur fang , à
l'exemple d'un Gouverneur fi
genereux , de luy envoyer un
ordre de remettre ce Chasteau,
aux conditions dont S M. C.
eftoit convenue. Les Ennemis
ont donné le Gouvernement
de ce Chafteau à M' de Colmenero
qui a lâchement
abandonné les interefts du
Roy fon Mailtre , pour fe ran-
Lij
124 MERCURE
ger du cofté de l'Archiduc .
Ce Traître avoit une Commanderie
de l'Ordre de Saint
Jacques , qui a vacqué par fa
trahifon ; & Philippe V. la
vient de donner à Monfieur le
Marquis de la Floride , quoy
qu'il foit icy, depuis fon retour
de Milan , & qu'il ne l'ait point
follicitée. Mais le Roy fon
Maiftre qui ne fe fouvient
moins des fervices des abfens,
que des fervices de ceux dont
la prefence femble tous les
jours l'en faire fouvenir , a cru
ne devoir pas tarder plus longtemps
, â recompenfer le zele
pas .
GALANT 125
D
& la valeur d'un Homme qui
a vieilly dans le Service , & qui
s'eft trouvé dans vingt- cinq
Places affiegées , où il a toûjours
donné des marques de
fa conduite , de fon zele , & de
fon intrepidité. Lors qu'il apprit
au Roy , le don que luy
venoit de faire le Roy fon
Maiſtre , S. M. luy témoigna
de la maniere du monde la plus
obligeante , la joye qu'Elle en
reffentoit , & luy dit , que tout
le bien qui luy arriveroit luy
feroit toûjours plaiſir .
L'Evêque de Badajoz eſtant ·
mort à Carthagene , S. M. C.
Lij
126 MERCURE
continuant de recompenfer
ceux qui ont fignalé leur fidelité
, dans la conjoncture prefente
, a nommé à cet Evêché
le Curé de Villanueva de la
Jara , dans la Manche , qui a
toûjours exhorté les peuples à
ne s'écarter de l'obeïffance
pas
qu'ils doivent à leur legitime
Souverain , qui les a animez
par fon exemple , & qui par
cette raifon avoit efté pillé
deux fois par les Portugais .
Ce digne Paſteur s'eftant toû
jours diftingué par fon zele
pour fon legitime Maiſtre
fon exemple a fervy à ramener
GALANT 127.
plufieurs des Sujets de S. M.C.
l'obeillance de ce Prince .
Sa fidelité a eſté loüée dans le
Confeil d'Etat d'Espagne , &
S. M. C. a parlé de ce Curé
dans des termes qui doivent
faire beaucoup de plaifir , lors
qu'ils fortent de la bouche
d'un Souverain.
Le Siege de Badajoz eſt un
des plus anciens de la vieille
Caftille , où cette Ville cft
fituée. Il a efté rempli par de Ss .,
Prelats , qui ont foûtenu la pureté
de la Foy avec beaucoup
de zele, contre les Heretiques,
qui fe font répandus en divers
Liiij
128 MERCURE
temps
dans les Eftats qui compofent
la Monarchie d'Efpagne
. Un faint Evêque de
Badajoz défendit la verité de
l'Incarnation de Jefus- Chrift
contre certains Gnoſtiques ou
Prifcillianiftes , qui parurent
dans ce Royaume il y a plufieurs
ficcles .
La Cure de S. Leu & de
S. Gilles eftant vacante , Monficur
le Cardinal de Noailles
ayant nommé M. Vivans , qui
en eftoit Curé , à la dignité de
grand Penitencier , dont M
Chapelier , grand Maiſtre du
College des quatre Nations,
a donné fa démiffion , Son
GALANT 129
Eminence a nommé à cette
Cure M' de Boiffi , Docteur
en Theologie de la Faculté de
Paris , & Curé de Brie- Comte-
Robert. Ce nouveau Curé a
un grand talent pour la conduite
des ames , & le fruit de
fes Predications en font des
preuves évidentes .
,
Mr le Comte de Revel ,
Chevalier des Ordres du Roy ,
& Lieutenant General de fes
Armées a épousé Mlle de
Gandelu , fille de feu Mr le
Duc de Gefvres , premier Gentilhomme
de la Chambre , &
de Dame Angelique du Val ,
130 MERCURE
fille de feu Mr N... du Val ,
Marquis de Fontaine- Marcüil ,
deux fois Ambaſſadeur à
Rome , & de Dame N... de
Monceaux- d'Auxi . Mla Comteffe
de Revel eft foeur de M
le Duc de Trefmes , premier
Gentilhomme de la Chambre
& Gouverneur de Paris , de
M' l'Archevêque de Bourges
& de Mr le Chevalier de Gefvres
. Elle eft petite fille de Mr
le Duc de Trefmes , en faveur
de qui le Roy erigea en 1648 .
le Comté de Trefmes fitué
dans le Vallois , en Duché fous
le nom de Gefures. Feu Mr le
GALANT 131
Duc de Gefvres avoit un frere
aîné qui fut tué au ſervice du
Roy , & qui venoit d'eſtre honoré
du Bâton de Maréchal de
France , lors que la mort l'enleva.
Mr le Comte de Revel eft
frere puifné de Mr le Comte
de Broglio , Lieutenant General
des Armées du Roy , & de
la Province de Languedoc , qui
a époufé Mlle de Lamoignon ,
fille de Mr le premier Prefident
de ce nom & de Mr
l'Abbé de Broglio , diſtingué
par fa vertu & par
rite. La Maiſon de Broglio eft
,
fon
me132
MERCURE
Piemontoife d'origine , & une
des plus illuftres de ce Païs là .
Un des premiers de ce nom ,
qui a paffé en France , eſt feu Mr
le Comte Carlos de Broglio ,
Lieutenant General des Armées
du Roy , qui époufa
N... Daumont , fille du feu
Maréchal de ce nom , & tante ·
de Mr le Duc Daumont , au-
'jourd'huy premier Gentilhomme
de la Chambre . La
vertu de Mlle de Gefvres eft
generalement reconnuë
elle s'eft toûjours fait un plaifir
de la retraite .
&
J'aurois trop de chofes à
GALANT 133
vous dire fi je vous parlois de
toutes les actions où Mr le
Comte de Revel s'eft diftingué
. Il fe couvrit de gloire à
Cremone,lors que Mr le Prince
Eugene voulut furprendre cette
Place , & Sa Majesté ayant
efté informée de tout ce qu'il
avoit fait dans cette importante
conjoncture , luy envoya
auffi -toft le Gordon l'Ordre
du Saint Eſprit.
Mr. le Duc d'Eftrées , Gou-.
verneur & Lieutenant General
pour le Roy de la Province de
I'Ile de France , a époufé Mlle
de Nevers , foeur de Mr le
134 MERCURE
Comte de Nevers , & de M
la Princeffe de Chimay. Il eſt
fils de feu Mr le Duc d'Eftrées ,
Chevalier des Ordres du Roy ,
& Gouverneur de l'Ile de
France ; & de N... de Lyonne,
fille du Secretaire d'Eftat de ce
nom ; & il eſt petit fils de Fran- ·
çois Annibal Duc d'Eftrées ,
Chevalier des Ordres du Roy ,
Lieutenant General de fes Armées
, & mort fon Ambaſſadeur
à Rome , frère aîné de
Mr le Cardinal d'Eftrées , &
de Dame Catherine de Lauzieres
, petite- fille de Louis
Pons de Lauzieres , Marquis
GALANT 135
de Themines , Maréchal de
France , Chevalier des Ordrest
du Roy , Gouverneur de Bretagne
, Sénéchal de Quercy
, & General des Armées
du Roy Louis XIII. Son Bifaycul
eftoit François- Annibal
, premier Duc d'Eſtrées
Maréchal de France , Chevalier
des Ordres du Roy ,
Gouverneur de l'Ile de France
, deux fois Ambaffadeur
à Rome , qui fut marié avec
Marie de Bethune - Charroft
; le Trifayeul de Mr le
Duc d'Eftrées , étoit Antoine
d'Eftrées , Marquis de Coeu136
MERCURE
vres , premier Baron Chrêtien ,
& Sénéchal du Boulonnois ,
Chevalier des Ordres du Roy ,
Grand Maiftre de l'Artillerie
de France , & Gouverneur de
la Fere , qui avoit époufé Françoife
Babou de la Bourdaifiere :
quatrième Ayeul de ce Duc
eftoit Jean d'Eftrées , Seigneur
de Vallieu & de Coeuvres ,
Chevalier de l'Ordre du Roy,
Grand Maiftre de l'Artillerie
de France , fort celebre dans
les Memoires de Martin du
Belley & de Pierre de Bourdeile
, pour fes beaux faits
d'armes. Il époufa Catherine
CALANT 137
de Bourbon-Vendôme ; le cinquiéme
Ayeul de Mr le Duc
d'Eftrées , eftoit Antoine d'Eftrées
, Seigneur de Vallieu ,
l'un des principaux Officiers de
la Maifon du Roy Louis XII ,
qui époufa Jeanne , heritiere
de la Maifon de la Cauchie en
Boulonnois , dont la Maiſon
d'Eftrées , écartele les Armes
avec les fiennes . Cet Antoine
étoit fils d'un autre Antoine
d'Eftrées , Seigneur de Vallieu ,
qui vivoit fous Louis XI. &
qui defcendoit en droite ligne
& mafculine, du Maréchal d'Eftrées
furnommé de Solres
Aoust 1607.
M
>
138 MERCURE
(à caufe du Fief de ce nom
dont il eftoit proprietaire ) &
qui fleuriffoit fous le regne de
faint Louis .
Je vous ay amplement parlé
de la Maifon de Mancini dont
fort Mlle de Nevers , dans
l'article de la mort de Mr le
Duc de Nevers .
Rien n'eft fi difficile que les
ouvrages dans lefquels on fait
voir les deffauts des hommes ,
& il faut que la peinture que
l'on en fait , foit auffi vive que
naturelle, & que les défauts que
l'on reprend fautent aux yeux
des lecteurs , s'il m'eft permis
GALANT 139
de parler ainfi ; autrement ces
fortes d'ouvrages deviennent
fades, & ne corrigét point ceux
dont on reprend les défauts .
Les ouvrages de M' l'Abbé de
Villiers n'ont jamais eu ce fort.
Il feroit à fouhaiter qu'il en fit
plus fouvent. Il a fait depuis
peu une Ode fur la maifon de
campagne de fon illuftre Ami,
M' le Prefident Lambert. Vous
n'ignorez pas le merite de ce
fage & genereux Magiftrat , fa
reputation vous l'a affez fait
connoiftre. Cette Ode roule
fur une idée qui d'abord vous
fera plaifir . La Maiſon de cam-
Mij
140 MERCURE
pagne où elle a eſté compoſéc ,
a pour principal point de veuë
la Ville de Paris , & la plus
grande partie de l'ouvrage
renferme un détail des deregle
mens ordinaires dans les grandes
Villes ; c'eft à dire l'on
que
fait fentir dans cette Ode le
plaifir de voir Paris , fans effuyer
ce peut y caufer du dégouft &
de l'ennuy Les Peintures qu'on
y reprefente , en font admirables.
Vous en jugerez par les
deux Strophes que je vous envoye.
Je ne vois en ces lieux paroître ,
GALANT 141
Du Senat aucun Officier ,
Que me déguife en Petit- Maître ,
Un habit, un air cavalier ;
Nul Abbé , que me défigure
Sa blonde longue chevelure ;
Nul Bourgeois tranchant du Seigneur
;
Nul Pedant bouffi d'arrogance ;
Nul Financier dont l'opulence ,
Des temps infulte le malheur.
Du Droit au fortir des Ecoles ,
Je ne vois point un Juge admis ,
Aprés des épreuves frivoles ,
Sur le Tribunal de Themis ;
Par la pareffeufe habitude ,
De fuïr le travail & l'étude,
142 MERCURE
Lâche Magiftrat s'avilir ;
Et dans le Palais qu'il abhorre
Dans le Senat qu'il deshonore
Stupide Pagode vieillir.
Je crois que les Strophes fuivantes
ne vous déplairont pas
non plus .
Defon bon gouft en bagatelles ,
Nul icy follement jaloux ,
Nydes modes lesplus nouvelles ,
La fureur d'avoir des bijoux ;
Erdefa poche inépuisable ,
Tirant, d'unfardeau qui l'accable ,
La pefante inutilité;
N'étale auxyeux vingtTabatieres
GALANT 143 '
Et du nouveau goût des charnieres,
Ne vante la rare beauté.
Icy d'une avare famille ,
On ne voit point la main former ,
La chaîne qui lie une fille ,
Au Convent qui va l'enfermer ;
Nyle zele aveugle , bizarre ,
Qui bâtit l'Autel ou le pare ,
De l'argent qu'on doit au prochain ;
Et qui grave fon injuftice ,
Au front du pieux édifice ,
Et fut le marbre & fur l'airain,
On n'entendpoint de Bans au Prof
ne ,
Annoncer le fatal lien ,
144 MERCURE
>
Qui ne marie à la perfonne ,
Que pour en époufer le bien.
On ne voitpoint icy la femme
Rougir de l'innocente flame ,
Que l'Hymen a droit d'allumer ;
Et l'Epoux par délicateffe ,
Avoir honte defa tendreffe ,
Pour la feule qu'il doit aimer.
de
Cette Ode , qui contient plus
quatre cens Vers , fe vend
chez Jacques Collombat , ruë
Saint Jacques , au Pelican .
Je vous parlay il y a quelque
temps de l'Hiftoire de la Poëfie
Françoiſe faite par M' l'Abbé
Mervefin. Ce livre , dont le
dans
GALANT 145
que
fuccés a efté confiderable , a
paru d'autant plus curieux
dans un fiecle où l'on voit paroiftre
chaque jour des livres
il ne s'en trouve nouveaux
preſque point dont la matiere
n'ait efté épuifée , de maniere
que le tour nouveau que les
Auteurs donnent aujourd'huy
à leurs ouvrages enfait prefque
toute la nouveauté. En effet ce
- n'eſt pas fans raiſon qu'on a dit
il y a déja plufieurs fiecles
qu'il n'y avoit plus rien de nouveau
fous le Soleil . Le fuccés
de l'ouvrage de M' Mervefin
luy a attiré une Critique qui
Aouſt 1707.
N
146 MERCURE
doit luy avoir fait plaifir dans
la fuite , puifqu'elle luy a donné
lieu de faire une réponfe
toute remplie d'érudition , &
qui fait connoiftre le grand
travail que doit luy avoir coûté
fon Hiftoire de la Poëfie Françoife.
La lecture de la réponfe
doit faire plaifir aux Lecteurs
qui ne font pas profonds dans
la connoiffance de l'Hiftoire
generale . L'Auteur fe juftifie .
par des citations qui paroiffent ,
fans replique , & fait voir enfuite
beaucoup de fautes dans
l'ouvrage de celuy qui l'a attaqué
, & fur tout à l'égard de
GALANT 147
la diction. Enfin perfonne ne
peut difconvenir qu'il y a beaucoup
à profiter dans la réponfe
fage & judicicufe de M
Mervefin , qui ayant efté attaqué
avec une vivacité un peu
trop forte , pour ne pas dire
davantage , répond avec plus
de moderation que l'on n'en
devoit attendre d'un Auteur
outragé. Celuy qui l'a attaqué
ne fe fait point connoiſtre , &
n'a fans doute pû obtenir de
permiffion de faire imprimer
fon Livre , puifqu'on n'y voit
point de nom de Libraire . Je
n'entre point dans le détail de
Nij
K
148 MERCURE
ces deux ouvrages , & je ne
prétens pas décider de ce qu'il
y a de bien & de mal dans
chacun de ces Livres. Ma décifion
pourroit ne pas eftre reçuë
& chacun auroit droit d'en
appeller ; mais je nepuis m'empêcher
de dire que lorſque l'on
parle avec un emportement
qui va jufqu'aux injures , le
Public a lieu de croire que la
paffion a plus de part que
la
verité, à ces fortes de Critiques .
La réponſe de M' Mervefin
fe vend chez Pierre Giffart , ruë
Saint Jacques à l'Image Sainte
Therefe.
346
BLIO
THE
LYON
Sans
jungerww .
VILLE
19
uic
la
la
Je
ars
unps
-ne
du
Cessede tourne mes yeux de
Tours e Ct qui m'adore, C'est as
$
sez aux plaisirs encore Cessez
9*
hercie .
GALANT 149
Les paroles de l'Air qui fuit
font de Mlle d'Alerac de la
Charfie , de la Maifon de la
Tour du Pin en Dauphiné . Je
vous ay déja envoyé pluſieurs
de fes Ouvrages , dont le public
a efté tres - fatisfait.
AIR NOUVEAU.
Ceffez de me parler du Printemps
& de Flore ,
Je détourne mes yeux de leurs touchans
appas
:
Abfente du Berger que j'aime &
qui m'adore.
C'eſt affez d'éviter les horreurs du
trépas ,
Sansfonger auxplaifirs encore.
N iij
-
150 MERCURE
Les Vers que vous venez de
lire ont efté notez par M
Chaftan de la ville d'Apt . Vous
jugerez vous-même de la beauté
de cet Air.
Monſeigneur , Monfieur le
Duc de Bourgogne , Madame
la Ducheffe , Madame la Princeffe
de Conty , Monfieur le
Duc , Mefdames les Princeffes
d'Epinoy & de Lillebonne
, & toutes les Dames de la
Cour de ces Princeffes ; tous
ceux qui compofent la Cour
de Monfeigneur , & celles
des Princes que je viens de
nommer , arriverent le DimanGALANT
151
che 7. de ce mois à Rambouil
let , qui appartient à Monſieur
le Comte de Toulouſe , où ce
Prince les attendoit. Les Officiers
du Roy qui fervent prefentement
auprés de Monfeigneur
, s'y eftoient rendus la
veille , parce que depuis un
affez grand nombre d'années
le Roy voulant épargner la dépenfe
exceffive que faifoient
les Maiftres des lieux où Sa
Majefté alloit fe promener , &
qu'il luy eftoit impoffible d'empêcher
, elle refolut que dans la
fuite elle feroit traitée par tout
où elle iroit par fes Officiers ,
N iiij
152 MERCURE
&à fes propres dépens . Ce n'eft
pas que ceux à qui appartiennent
les lieux où elle va , ne
faffent toûjours beaucoup de
dépenfe , que l'on ne fçauroit
empêcher que fa fuite ne ſoit
a
regalée , que les rafraichiſſemens
ne s'y trouvent en abondance
, ainfi que plufieurs divertiffemens
qui peuvent convenir
au lieu & à la faifon , &
que les oreilles n'ayent toûjours
grande part à ces divertiffemens.
Monfieur le Comte
de Toulouſe tint plufieurs tables
magnifiquement
fervies ,
où mangerent tous les SeiGALANT
153
gheurs. Tous ceux qui étoient
de ce voyage admirerent la
magnificence
des appartemens
.
Le lit où Monſeigneur coucha
parut d'une extrême beauté.
L'or qui fait la principale matiere
de l'étoffe eft la moindre
partie de ce lit. La fineffe de
l'ouvrage ; le deffein & les Portraits
qui s'y trouvent , ainſi
que dans la Tapifferie , qui
eft du même gouft , charment
les yeux de tous ceux qui les
voyent . Tous les appartemens
de cette delicieufe Maifon
eſtoient ſuperbement meublez;
Meſſeigneurs les Princes & tou154
MERRCUE
tes les Princeffes logerent dans
le Corps du Chateau , & tous
ceux qui les accompagnoient ,
dans l'aîle nouvellement conftruite
, dont tous les Appartemens
font lambriffez , & il fe
trouva dans tous ces apparte
mens tout ce que l'on peut imaginer
d'utile & de neceffaire à
ceux qui y eftoient logez. On
vit en arrivant tousles appartemens
, dans lesquels on fepromena
long temps . La Mufique
s'y fit entendre , & l'on chanta
pendant le repas plufieurs chanfons
qui divertirent beaucoup.
Le lendemain Lundy , il y
GALANT 155
eut chaffe du Loup & Monfeigneur
y prit beaucoup de plaifir.
Ce Prince vit à fon retour
l'Ecurie des Chevaux de Selles
de Monfieur le Comte de Touloufe
, où il y avoit cent- deux
chevaux , avec des couvertures
magnifiques . Les harnois
eftoient en ordre , & d'une propreté
tres - grande. Le nombre
de chevaux tout d'une file ,
avec des noeuds de rubans ; les
rideaux qui eftoient à toutes
les croifées , & les Chambres
pratiquées dans les Trumcaux,
pour les Palefreniers qui y ont
chacun leur lit. Tout cela , dis156
MERCURE
je , vû d'un coup d'oeil , produifoit
un afpect admirable .
Il y eut le Mardy Chaffe du
Cerf, où la pluſpart des Dames
allerent ; le Jeu , la Promenade
, & la Muſique , occupa le
refte du jour.
Il y cut encore Chaffe du
Loup le Mercredy , & le Jeudy
toute cette illuftre Compagnie
retourna à Verſailles , charmée
des manieres de Monfieur le
Comte de Toulouſe , dont
l'attention s'eftoit étenduë jufques
fur tout ce qui pouvoit
regarder la fuite des moindres
perfonnes qui avoient accomGALANT
157
pagné Monfeigneur . Samagnificence
fut admirée , & l'on
fut charmé des manieres genereufes
dont il accompagne tout
ce qu'il fait , & de l'affabilité de
ce Prince.
Il y a long-temps que vous
vous plaignez que je ne vous
envoye plus de Pieces d'érudition
, & fur tout de celles
qui ne regardent pas ſeulement
l'efprit ; mais dont on peut tirer
quelque utilité . Vous avez
raifon ; mais vous deviez avoir
fait reflexion que depuis affez
long-temps il y a tant de nouvelles
de guerre dans mes Let158
MERCURE
1
tres , qu'elles occupent la place
des Pieces fçavantes , curieufes
&galantes que je pourrois vous
envoyer. Cependant pour vous
fatisfaire , je vous envoye un
Article de la nature de ceux
que vous demandez. Il regarde
une Hemorragie finguliere
dont M' Bonneau , Medecin à
Touloufe , a fait l'Hiftoire .
Vous la trouverez dans la Lettre
fuivante . Les habiles Medecins
pourront dire leurs fentimens
fur ce Phenomene extraordinaire.
GALANT
159
A Toulouſe ce 29. Janvier
1707.
Fay cu foin en cette Ville d'un
jeune homme à qui le fang écha
poit par les coins des yeux , par
les oreilles , par le nez , par les
gencives , par les vomiffemens ,
avec les crachats , avec les urines ,
par les hemorroides & par les
felles ; ce fang faifoit en chaque
partie des efforts pour fortir des
canaux pour fe frayer de nouvelles
routes ; & on en voyoit
mesme par tout le corps d'extravafé
qui formoit des marques
&
160 MERCURE
•
l'on pouvoit prendre
livides
que
pour des taches pourprées . Fay
fait imprimer l'hiftoire de cette
•hémorragie universelle dans un
lire in douze qui a pour titre
Teinture Alcaline.
Voicy un autre espece d'hémorragie
affez curieufe qui vient
d'arriver à Madame de Clary
épouse de Monfieur de Clary Confeiller
au Parlement de Toulouſe
fille de Monfieur le Prefident
de la Gorrée.
17.
Le du mois de Janvier
1707. cette Dame allant en vifite
vers les quatre heures aprés
·midifit unfauxpas en montant un
GALANT 161
efcalier & fe donna de la tête contre
un pilier. Elle fut faifie de peur
en trébuchant ; mais elle ne fe fit
pas beaucoup de mal ; elle fentir
Seulement à l'endroit où elle s'étoit
heurtée un peu de chaleur & de
douleur , ce qui ne l'empêcha pas de
continuer fes vifites. Le foir étant
de retour elle foupa tranquillement
avec plus d'apetit que les autres.
jours , aprés foupé elle prit fes
occupations ordinaires.
Sur les 11. heures ellefit affemblerfes
domestiquespour la Priere ,
comme elle eftoit fur le point de
fe mettre à genoux elle fentit une
chaleur exceffive au
Aouſt 1707.
viſage
;fon
162 MERCUR E
tein vermeil fe changea en un rouge-
brun , & on luy vit fur le
front plufieurs ruiffeaux de fang
qui couloient impétueusement
haut de la tête.A cet écoulement extraordinaire
Mr de Clary s'éfraya
changea de couleur , la Dame
du
s'aperçut de lafrayeur que caufa
cette hémorragie , & s'en effraya
fifort elle-mefme (fans neanmoins
tomber en défaillance ) que l'effroy
buy congela en quelque maniere
le fang dans les vaiffeaux ; elle
ne reffentit plus de chaleur au
vifage , la pafleury fucceda à la
rougeur , & l'hémorragie s'arresta
comme par enchantement,
GALANT 163
Je fus d'abord appellé ; mon
plus grand empreffement fut de
découvrir par où avoit coulé le
fang;je trouvay la fontaine de la
tefte encore rouge baignée ;
aprés qu'on l'eut bien effuyée , je
la vifitay avec toute l'exactitude
poffible , je n'y trouvay aucune
ouverture apparente , lè fang
s'étoit échapé par les pores qui fe
trouvent à la rencontre de la future
fagitale avec la coronale ; & à
ce que j'en pus conjecturer , il ne
s'en eftoit répandu qu'environ 4.
on s . onces.
Mais comment arriva l'hémor
-ragie pourquoy n'arriva t-elle
Oi
164 MERCURE
quefept heures aprés le coup ? Et
pourquoy fe fit- elle par cette partie
plutoft que par une autre ? Vous
l'allez voir dés que je vous auray
fait remarquer:
1 °. Que Me de Clary , qui n'a
pas plus de vingt ans , &qui eft
d'un temperament fanguin & délicat
, reffentoit depuis quelque
temps une chaleur immoderée par
tout le corps , excepté aux pieds
aux jambes , & aux cuiffes , où
elle avoit , à ce qu'elle nous dit ,
beaucoup de froid.
2°. Que fes évacuations ordinaires
eftoient prêtes à luy arriver.
Cela fuppofe, voicy mes conjectu
GALANT 165
res fur cette hemorragie.
•
Le coup que fe donna Me de
Clary ne fut pas affez violent
pour froiffer les vaiffeaux , enfaire
étancher lefang & former une
meurtriffure mais il fut aſſez
fort pour les comprimer , y intercepter
, dans l'inftant de la com
preffion , le cours du fang & des
efprits , &y empêcher l'entrée à
la matiere fubtile
.
Dés que les Vaiffeaux ne furent
plus comprimez , les efprits y
aborderent avec précipitation par
leur route accoûtumée , & la matiere
fubtile y entra impetueufement
au travers des membranes
166 MERCURE
ilsy rarefierent lefang, gonflerent
les tuyaux, exciterent ainfi la
chaleur & la douleur
que
cette
Dame reffentoit à la fontaine de
la tefte.
Si lefang ne fortit pas par cet
endroit incontinent aprés que Me
de Clary sy fut heurtée ; ce fut
parce que la peur qu'elle eut lorfqu'ellefit
unfaux pas , en rallentit
d'abord le mouvement , & que
ce mouvement ne´ devint impetueux
qu'environ trois heures
aprés qu'elle eut bien foupé ,
que felon la pernicieuſe coûtume
d'aujourd'huy , elle eut bú des liqueurs
échauffantes.
GALANT 167
dü
Alors le fangfe mit enfougue
& ce fang ainfi agité n'eftoit autre
chofe , à mon avis , que les regles
qui faifoient des efforts pour
fortir: mais leurpaffage ordinaire
ne fe trouvant pas libre à caufe
froid qui affaifoit les vaiffeaux
des parties inferieures , elles fe por
terent tumultueufement aux partiesfuperieures
, cauferent l'ardeur
& la rougeur du vifage , & s'échaperent
avec impetuofité par
haut de la tefte , où les pores eftoient
plus ouverts , les iffuës plus ai
fees.
le
Ce n'eftpas icy la premiere fois
que les regles fe font frayées une
168 MERCURE
J
route extraordinaire , lorsqu'elles
ont trouvé de l'embarras dans leurs
voyes accoûtumées. Zacutus Lufitanus
en a obfervé qui couloient
par les gencives , par le nombril¸
par les aines. Stalpartius en a
vúfortir par le bout des tetons
par les paupieres. On les a ví
pafferpar le bout du doigt , &par
gros orteil. On les voit quelquesfois
coulerpar des ulceres ; &
Jouvent elles coulent par la bouche
& par le nez. J'en ay vú icy
qui s'échapoient par l'oreille à une
fille & à unefemme. Elles s'é
chapent encore par les hemorroïdes
par une infinité d'autres iffuës
felon
le
GALANT
169
felon les obfervations de divers
Medecins. Mr Kerkerin les a méme
vú prendre leurs cours par le
haut de la tefte à une fille de quin-
Ze ans , & Mr Duncan affure
qu'une Dame de Lion les rendoit
par une cicatrice qui s'ouvroit tous
les mois au fommet de la tefte.
Toutes ces obfervations , & particulierement
les deux dernieres ,
nous ne fommes pas furfont
que
pris
du
cas
qui
vient
d'arriver
Me de Clary.
go
Comme cette Dame aprés fon accident
nous dit qu'elle avoit encore
froid aux jambes , e que je remarquay
qu'elle eftoit pafle , qu'elle
Aoust 1707.
P
170 MERCURE
avoit un pouls foible lent, &
qu'elle n'eftoit pas aſſez bien remife
de la frayeur qui luy avoit
tenu lieu de remede ; jene la fispas
faigner alors de crainte qu'elle ne
tombaft en fyncope & dans un eftat
plus dangereux que celuy qu'elle
venoit d'échaper , j'attendis chez
elle que la peur eut paffé , que la
chaleur fut de retour , que le pouls
cuft plus de force , & lefang plus
de mouvement ; ce qui arriva fept
heures aprés ou environ , durant
un fommeil tranquile , aprés lequel
je luy fis faire une copieufe
Jaignée du pied ; puis on luy baffina
lefommet de la tefte avec une
GALANT 171
teinture fpiritueuse & refolutive
pour emporter un peu de rougeur ,
de chaleur & de douleur qu'elle y
avoit encore. Elle fe porte tresbien
depuis .
M' N.... le Faë , Seigneur
de Bourtroude , Confeiller en
la Grand Chambre du Parlement
de Rouen , eft mort , fort
regretté dans fa Compagnie ,
où il eftoit cheri & eftimé à
caufe des qualitez qui l'avoient
également diftingué du côté
du coeur & de celuy de l'efprit .
Il laiffe de feuë N.... de Daneval
, foeur de M' le Vidame
Pij
172 MERCURE
de Daneval , mort Ambaffadeur
de Sa Majesté en Portugal
, un fils Confeiller au Parlement
de Rouen , & une fille .
M' de Bourtroude eftoit frere
de feue M la Marquife de Nor- (
manville , premiere femme de
M' le Marquis de Normanville
, de l'ancienne Maifon du
Boſc , qui a donné un Chancelier
à la France , qui eftoit en
même tems Evêque de Bayeux.
La Famille de la Faë eft tres ancienne
dans le Parlement de
Normandie ; elle a donné pluficurs
Magiftrats à ce Corps ,
qui s'y font tous diftinguez par
GALANT 173
un grand zele pour le ſervice de
la France . Mrs de la Fae eftoient
deja connus en Normandie
dans le 15. fiecle ; & il y avoit
dans ce temps-là des perfonnes
de Lettres de cette famille qui
luy firent beaucoup d'honneur.
Dame Marie- Anne - Catherine
de Beauvais , épouse de M
Marc Antoine- Scipion de Savigny
- d'Anglure , Marquis de
Savigny , Guidon des Gendarmes
de Bourgogne , Meftre de
Camp de Cavalerie , eft morte
de la petite verole , âgée de 19 .
ans, & aprés 2 mois de mariage .
Elle eftoit fille de M' le Baron
Piij
174 MEMERCURE
de Beauvais , Capitaine des
Chaffes du Bois de Boulogne
,
& de Dame N..... Berthelot
de Belloy de Vertigny
, & pctite
fille de feu M'le Baron de
Beauvais Confeiller d'Etat , & de
Dame N...... de Philandre ,
premiere Femme - de - Chambre
de la feue Reine Mere , qui
l'honora d'une confiance tresparticuliere.
M° de Philandre ,
mere de MⓇ de Beauvais , & qui
avoit eu la même Charge auprés
de la Reine Mere , avoit
eu auffi beaucoup
de part à la
confiance de cette Princeffe .
Elle avoit toutes les qualitez
GALANT 175
du corps & de l'efprit que l'on
peut fouhaiter dans une jeune
perfonne. Sa douceur & ſa politeffe
l'avoient renduë chere à
tous ceux qui la connoiffoient .
M le Marquis de Savigny ,
ci- devant Meſtre de Camp de
Cavalerie , avoit vendu fon Regiment
à M' de Boiſec Gentilhomme
de Languedoc; ce Marquis
eft frere puifné de M³ le
Comte d'Etoge , & neveu de
M' le Marquis d'Anglure , &
de Dile de Savigny
deux diftinguez par leur merite
leur vertu. La Maiſon
& par
,
tous
de Savigny eft une des plus an-
P iiij
176 MERCURE
ciennes de Champagne , où elle
poffede de grandes terres , &
entre- autres celle d'Etoge, dont
le Chasteau eft un des plus
beaux de la Province . M" de
Savigny defcendent par les
femmes , de l'illuftre Maifon
d'Anglure de Bourlemont
dont ils ont même efté obligez
de porter le nom. Le Baron
de Rône , que le Duc des
Mayenne dans le temps de la
Ligue , nomma Maréchal de
France avec trois autres , eftoit
aycul de M' le Marquis de Savigny.
Cette Maiſon & celle
de Beauvillier font alliées ; elle
GALANT
177
reft aux meilleures Maifons
de Champagne & de Lorraine.
Elle eft originaire du Pays
Meffin.
Madelaine de Crequy , Ducheffe
de la Trimoille , fille
unique de Charles Duc de
Crequy , Pair de France , premier
Gentilhomme de laChambre,
Chevalier de fes Ordres ,
Ambaffadeur de Sa Majesté à
Rome , & Gouverneur de Paris
, & d'Armande de Saint Gelais
de Lezignan , qui vient de
mourir , avoit époufé Charles--
Belgique - Holande de la Trimoille
, Duc de Thouars , &
178 MERCURE
Prince de Talmont , dont elle
a eu Charles - Bretagne de la
Trimoille , Prince Titulaire
de Tarente , marié à l'heritiere
de la Maiſon de la Fayette , &
Marie - Armande - Victoire de
la Trimoille , femme du Prince
Emanuel - Theodofe de la
Tour -d'Auvergne , Duc d'Albret
, fils aîné de M' le Duc de
Bouillon , grand Chambellan
de France , dont elle a eu M'le
Prince de Bouillon , M' le Duc
de Chafteau- Thierry , & deux
Princeffes .
Me la Ducheffe de la Trimoille
joignoit au rang qu'elGALANT
179
le tenoit à la Cour , une naiffance
des plus illuftres. L'origine
de fa Maifon remontant
à Affaillit de Comborn , Seigneur
de Blanchefort , l'un des
fils d'Archambaut I. du nom ,
Vicomte de Comborn & de
Jourdaine de Perigord ; ainſi
que l'a obſervé le fçavant Genealogifte
du Bouchet , dans fes
Tables Genealogiques des Maifons
d'Aubuffon & de Scoraille.
La maison de Comborn ;
que le temoigne Aimar
ainfi
de Chabanois dans fa Cronique
, eftoit floriffante dés le
180 MERCURE
le regne d'Eudes Duc d'Aquitaine
& Comte de Limoges
puifque ce Prince ayant efté
élu Roy des François , établit
deux Lieutenants ou Vicomtes
en Limofin . Foulques le fut de
Limoges & c'eft de luy que defcendirent
les premiers Vicomtes
de Limoges ou du haut Limoufin
, & les Vicomtes de
Rochechouard , Anceftres des
Ducs de Mortemart , Marquis
de Chandenier , de Faudoas , de
Jurs , & de plufieurs autres ;
Archambaut de Comborn fuc
fait Vicomte du bas - Limoufin ,
& retint toûjours cependant
4
GALANT
181
le nom de Comborn . De ce Vi
comte defcendoit le pieux Bernard
, Evêque de Cahors dans
le dixiéme fiecle , qui fut inſtallé
fur ce Siege par l'autorité du
Vicomte Hugues fon pere. Ce
Prelat eftoit oncle d'Archambaud
, Vicomte de Comborn
& de Ventadour , qui devint
Vicomte de Turenne par fon
mariage avec Sulpice Vicomteffe
de Turenne , heritiere de
la branche aînée des Vicomtes
Seigneurs de Turenne , fortis
de même tige que Viftoy ,
Comte de Berry , dont la fille
Agane fut mariée à Robert le
182 MERCURE
Fort , dont defcend la Maiſon
Royale qui eft aujourd'huy fur
le Trône de France. Une branche
cadette de ces Seigneurs de
Turenne a continué la pofterité
fous le nom de Souillac , qui
fubfifte aujourd'huy en la perfonne
de Jacques - Joſeph - Augufte
, Comte de Soüillac , qui
foûtient par fon merite & par
fa probité avec beaucoup de
dignité , la qualité de chef de
fon illuftre Maiſon.
De cet Archambaut , Vicomte
de Comborn , de Ventadour
& de Turenne , eftoient
iffus les feconds Vicomtes de
GALANT 183
Limoges , dont la race a fini
dans la Maifon de Bretagne ;
les feconds Vicomtes de Turenne
, dont la race eſt auffi finie
dans la Maifon de Comminges
, & dont il refte des
branches cadettes en Quercy &
en Limofin ; les Vicomtes de
Ventadour dont la Maifon s'éteignit
dans celle de Levis - la-
Voulte , vers le quinziéme fiecle
, & les feconds Vicomtes de
Comborn , dont l'heritiere fut
mariée avec un Seigneur de
Pompadour dans ce même fiecle
; ce fut dans la branche de
ces derniers Vicomtes , que la
184 MERCURE
с
maifon de Blanchefort prit for
origine dans le 13. fiecle . Elle
s'eft divifée en plufieurs branches
; celle de Boiflame eft finic
dans la Maifon de Chabannes
Saignes, au Pays de la Marche ;
celle de Blanchefort d'Aaois en
Nivernois , fubfifte encore ; &
celle de Saint Janvier , qui aprés
avoir donné plufieurs hommes
illuftres , entre autres un Grand-
Maiftre de Rhodes , a efté adoptée
la Maifon de Crequi ,
à condition d'en porter le nom
& les armes , & cette adoption
a efté depuis fuivie par celle
de la Maifon de Lefdiguieres
par
GALANT 185
aux mêmes conditions .
Quant à Madame la Ducheffe
de la Trimoille , dont
je viens de vous apprendre la
mort , cette Dame a trop peu
vêcu
pour le bien de fa famille
, & fon exemple devroit fervir
de modele a beaucoup de
femmes . Leurs affaires feroient
en meilleur eftat qu'elles ne
font. Son corps a cfté porté
dans l'Eglife de Saint Sulpice ,
fa Paroiffe , pour eftre enfuite
transferé aux Capucines
, afin
d'y eftre inhumé dans la Chapelle
où font les Tombcaux
de la Maifon de Crequi.
Aoust 1707.
186 MERCURE
MN.... du Pouget de Nadaillac
, Abbé Commendataire
de l'Abbaye du Palais , Ordre
de Cifteaux , Diocefe de Limoges
, eft auffi decedé . Il eftoit
frere de M' le Marquis de la
Villeneuve , qui a époufé Mlle
de Vert ; & de M ' le Marquis
de Nadaillac , qui a épousé
Mlle de Plas , fille de Mr le
Marquis de Plas , d'une ancienne
Maifon de Limoufin , qui a
donné des Evefques aux Eglifes
de Leitoure & de Perigueux ,
& des Chevaliers de l'Ordre de
S. Michel ; & de N...: du Tillet
. La Maiſon du Pouget eft
GALANT 187
originaire du Quercy , où elle
poffede depuis long - temps la
Terre de Nadaillac ; celle de la
Villeneuve eft entrée dans celle
du Pouget par l'alliance que fit
en 1568. Jacques du Pouget ,
Seigneur de Nadaillac , avec
Rofe d'Aubuffon , fille aînée
& heritiere de Pierre d'Aubuffon
, Seigneur de la Villeneuve ,
& d'Anne de la Gorce - Gourdon
.
M' l'Abbé de Nadaillac qui
vient de mourir , fçavoit parfaitement
l'Algebre , & les Langues
Orientales . Cet Abbé
avoit efté auffi fort lié avec feu
Qij
188 MERCURE
M' le Marquis de Lhofpital
& il n'avoit pas efté inutile à
ce fçavant homme dans les
belles découvertes qu'il a faites.
La modeftie de M l'Abbé de
Nadaillac le rendoit fort recommandable
, & plus fes
beaux talens eftoient connus ,
& plus il prenoit foin de les
cacher.
MN ... de Gazille Contrô
leur des Turcics & Levées de la
Riviere de Loire , eft mort aprés
une longue maladie , pendant
laquelle il a donné d'éclatantes.
marques de fa foumiffion aux
volontez du Ciel. Il avoit beau
GALANT 189
coup de goût pour les beaux
Arts & il les a cultivez avec fuc-.
cés. Les liaifons qu'il avoit formées
avec plufieurs perfonnes..
de diftinction , font des marques
tres certaines de la délicateffe
de fon efprit , ainſi que
de fon merite & de fa vertu.
On n'en doutera pas quand on
fçaura qu'il cftoit l'ami de
confiance de M ' Milon Evêque
de Condom , de M' de Meines
fon frere , cy devant Intendant
de la Levée de Loire , &
de M' l'Intendant de Tours
du grand Prelat qui
,
ainſi
que
gouverne
cette
Metropole
. On
190 MERCURE
ne doit point oublier dans le
nombre des amis de M' de
Gazille , M' l'Abbé de Mus
fort connu à caufe de la délicateffe
de fon efprit . M' de
Gazille eftoit grand amateur
de la Mufique dont il connoiffoit
toutes les beautez , de l'aveu
mefme de ceux qui ont
profeffé cet art avec autant déclat
que de reputation
.
Je crois devoir ajoûter icy
que fur des Relations peu exactes
venues de Bourbon , je vous
ay parlé de la mort de Madame
de Montefpan , dans ma
Lettre du mois de Juin , comGALANT
191
me fi elle eftoit tombée en létargie
, & qu'enfuite , ſuffoquée
tout d'un coup par une
veine rompuë , elle eſtoit morte
fubitement. Cependant j'ay
appris par les perfonnes mê
mes qui l'ont affiftée à la mort ,
que dés qu'elle fe fentit attaquée
on ne luy eut pas plutoft
propofé de prendre l'émetique
, qu'elle voulut en même
temps fe précautionner en veritable
chrêtienne , contre tout
ce qui pourroit arriver ; que
pour cet effet elle fe confeffa ,
reçut l'Extrême - onction & le
Viatique avec des fèntimens de
192 MERCURE
pieté qu'elle s'eftoit rendus familiers
depuis long-temps ; &
que fon mal venant enfuite à
augmenter , & ne luy laiffant
plus aucune efperance de guerifon
, elle n'employa
le peu de
temps qui luy reſtoit qu'à donner
des ordres pour le foulagement
des pauvres dont elle faifoit
fa principale occupation
depuis plufieurs années , & qu'à
s'entretenir jufqu'à fon dernier
moment , de fa confiance en la
mifericorde de Dieu.
Les Articles qui fuivent font
bien differens de ceux que vous
venez de lire ; cependant ils
peuvent
GALANT 193
>
peuvent fort bien les fuivre ,
& l'on ne peut même faire un
portrait naturel du monde
fans que la trifteffe & la joye
fetrouvent peintes dans le même
Tableau , ce qui fait dire
fouvent que l'un rit, lorsque l'autre
pleure.
Mlle de la Guerre , qui par
fon rare talent pour la Mufique
s'eft rendue fi celebre , &
connue avant fon mariage fous
le nom de Mlle Jacquet , vient
de donner au Public deux ouvrages
fort eftimez . Le premier
eft un Recueil de Picces
de Clavecin , compofé de deux
Aoust 1707.
R
194 MERCURE
fuites. Comme elle poffede excelleminent
tout ce que cet Inf
trument a de plus fin , on trouve
dans ces Pieces dequoy faire
une harmonie également brillante
& liée , & des tours tout
à fait nouveaux . L'autre ou
vrage de Mlle de la Guerre , eft
un livre de Sonnates , qui en
comprend fix. Elles font connoiftre
qu'elle ne ſçait pas
moins la portée du Violon que
celle du Clavecin . Quoy que
ces fix Sonnates foient toutes
a
parfaites en leur genre , elles
ont neanmoins partagé les
Connoiffeurs . Les uns font
GALANT 195
pour le naturel qui domine
dans la feconde , dans la troifiéme
, & dans la quatriéme ;
& les autres paroiffent plus touchez
de la nobleffe
qui regne
dans la premiere , dans la cinquiéme
, & dans la fixiéme Elles
peuvent eftre toutes d'une
grande utilité à ceux qui apprennent
la Mufique. Ces deux
ouvrages , ainfi que tous les
autres que Mlle de la Guerre a
mis au jour , font dediez au
Roy. On trouve beaucoup
d'efprit & de delicateffe dans
l'Epître dedicatoire . Cette Demoifelle
, prefentée par Mr le
Rij
196 MERCURE
Duc de Trefmes , ayant remer
cié Sa Majefté de la bonté avec
laquelle elle avoit reçu à Marly
, fon livre de Pieces de Clavecin
& de Sonnates ; elle fit
executer deux jours aprés fes`
Sonnates en prefence de Sa Majefté
à fon petit couvert , & ce
Prince les honnora d'une tresgrande
attention. Les Sieurs
Marchand , les joüerent parfaitement
bien . Plufieurs perfonnes
de diftinction qui les entendirent
en furent charmées .
Le dîné eftant fini , Sa Majeſté
parla à Mlle de la Guerre , d'u--
ne maniere tres- obligeante , &
GALANT 197
aprés avoir donné beaucoup
de louanges à fes Sonnates , elle
luy dit qu'elles ne reffembloient a
rien. On ne pouvoit mieux
loüer Mlle de la Guerre , puifque
ces paroles font connoiftre
que le Roy avoit non feulement
trouvé fa Mufique tresbelle
; mais auffi qu'elle eft originale
, ce qui fe trouve aujourd'huy
fort rarement.
Les paroles que vous allez lire
ont efté faites à Touloufe ; ainfi
que l'Air que l'on a compofé
fur ces paroles
.
R iij
198 MERCURE
AIR NOUVEAU.
Eveillez comme moy par lesfoins
de l'Amour.
Four & nuit , Roffignols , vous
chantez voftre flame ;
Et je chante à mon tour ,
Les tranfports de mon ame.
Nousfommes tous également charmez
;
Mais nous ne parlons pas de même
:
Vous vous louez de ce que vous,
aimez ,
E: je me plains de ce quej'aime.
GALANTE18t
LYON
DE
Il eft des maux dont on
que
rit fi rarement , && pour lefquels
on a tant cherché de remedes
inutilement qu'il femble
l'on doive faire une attention
toute particuliere à tout
ce qui regarde un mal qui a jufques
icy prefque generalement
paffé pour incurable. En effet
on ne voit que ceux qui croyent
avoir trouvé des remedes pour
la Goutte , qui s'imaginent que
l'on en peut guerir . Ils reffemblent
à ceux qui cherchent
la Pierre Philofophale , & ils
croyent aprés avoir confommé
une infinité de temps à fai-
R iiij
200 MERCURE
re des recherches , ils font enfin
parvenus au but auquel ils
fouhaitoient d'arriver. Cependant
on peut dire que ceux qui
on confommé une infinité de
temps à chercher la Pierre Philofophale
, n'ont trouvé en
cherchant le fecret de s'enrichir
, que les moyens de s'ap、
pauvrir. Ils donnent les uns &
les autres dans de fauffes apparences
; mais celles des Chimiftes
, font bien plutoſt reduites
en fumée que celles
des Medecins , puifque s'ils
ne trouvent pas de remedes
qui gueriffent veritablement
GALANT 201
ils en trou
la Goutte , ils en
vent quelques - fois qui foulagent
pour un temps ceux qui '
en font veritablement attaquez.
Il n'a pas encore paru
jufques icy que leurs remedes
ayent efté plus loin , fi ce n'eſt
dans leur imagination , qui eft
quelques fois fi remplie des Cures
qu'ils n'ont pas faites, qu'ils
ne peuvent fouvent s'empêcher
de donner des liftes des perfonnes
qu'ils s'imaginent avoir
gueries ; car je ne puis m'empêcher
de croire que la pluf
part de ceux qui fe vantent
avec tant d'affurance d'avoir
j
}
202 MERCURE
guery la Goutte , en font effectivement
perfuadez . Je dois
vous dire à cette occafion ce
qui arriva à un de ces entêtez ,
qu'un grand Prince qui eftoit
accablé de Gouttes envoya
chercher. Ce Prince luy demanda
d'abord s'il eftoit vray
qu'il euft le fecret de guerir
lá Goutte . Celuy qu'il avoit envoyé
chercher l'affura fortement
qu'il n'y avoit point de
Gouttes fifortes & fi inveterées
dont il ne vint à bout ; aprés
quoy le Prince changea de
matiere. Il luy parla de Maifons
de plaifance , & il luy
GALANT 203
demanda s'il en avoit de belles ,
& s'il avoit un grand nombre
de belles terres . Il luy parla
de chaffes , & il luy demanda
fi fes Meutes eftoient belles ;
s'il aimoit les Tableaux , &
s'il n'en avoit pas des plus
grands Maiſtres. Enfin ce Prince
luy parla comme à un homme
qui auroit dû avoir plufieurs
millions de bien , & aprés
que cet homme qui ne fçavoit
pourquoy on luy faifoit toutes
les queftions dont je viens de
parler , fe fut bien défendu
d'avoir tous les grands biens
que le Prince fupofoit qu'il
204 MER CURE
devoit avoir , & qu'il l'eut bien
affuré par ferment qu'il n'avoit
aucun bien , & qu'il cherchoit
ſeulement à ſubſiſter par
le moyen de fon art , le Prince
en élevant la voix luy dit , qu'il
eftoit un impoſteur & un ignorant
& qu'il n'avoit pas le
moindre fecret avec lequel il
puft guerir la Goutte , puifque
s'il en avoit eu , il auroit efté
non feulement plus riche que
luy ;mais mefme , le plus riche
homme de la terre ; & luy ordonna
de fe retirer , en marquant
pour luy beaucoup de
mépris. Je ne croyois pas en
GALANT 205
commençant cet article, devoir
vous raconter cette hiftoire
qui n'a rien que de vray , &
qui eft fcuë de quantité
de perfonnes
dignes
de foy ; mais le
Traité de la Goutte
qui vient
d'eftre mis au jour eft caufe
qu'elle m'eft revenuë
en memoire
, & j'ay crû devoir vous
en faire part. Tout ce que je
viens de vous dire ne regardant
que le paffé , ne dit rien contre
ce qui peut avoir ſuivy , & je
veux croire qu'on a pû trouver
depuis ce temps-là , des fecrets
pour guerir la Goutte , & que
l'Auteur
du nouveau
Traité
206 MERCURE
de la Goutte , eft affez habile
pour en avoir trouvé. Je crois
même que fon Traité eft fort
beau , & que ceux qui ont la
Goutte , ou qui craignent de
l'avoir , ne le liront pas infructueufement
, & je confeille
mefme de le lire , à caufe de
l'utilité qu'on en peut tirer . Il
fe vend chez Jacques Jombert,
prés des Auguftins , à l'Image
Nôtre-Dame.
Je ne dois pas oublier de
vous parler d'une des plus éclatantes
& des plus vigoureufes
actions qui fe foient jamais faites
, fans en excepter aucunes ,
GALANT 207
puifque deux cens hommes ,
qui n'eftoient pas même tous
gens de guerre , en ont battu
plus de deux mille ; leur ont
tué beaucoup de monde , &
ont fçu conferver un Fort pref
que tout ruïné , & les forcer à
Le rembarquer , & à s'éloigner
avec plus de vingt Vaiffeaux
tant de guerre que de charge ,
dans lesquels ils eftoient venus.
Cette action toute merveilleu
fe , eft due en partie aux Troupes
de la Marine , qui n'ont jamais
moins triomphé fur la terre
que fur la mer , & dont je
vous ay fouvent rapporté des
208 MERCURE
actions dignes d'une éternelle
memoire , ne s'eftant prefque
jamais laiffe prendre de Places ,
quoy qu'elles ayent efté fouvent
attaquées par des Trouinfiniment
fuperieures
. Ce
qui fuit vous apprendra le détail
de l'action dont je viens de
vous parler.
pes
EX TRA I T.
D'une Lettre de M' de Subercaffe
au Port Royal , le
26. Juin 1707 .
Fay fait partir exprés la Fregatte
la Bifche , pour vous don
CALANT 209
ner avis que nos Voifins , Mrs les
Anglois deBafton, nous font venus
voir avec un armement de 24.
Vaiffeaux , dont ily en avoit un
de 56 à 60 Canons , deux de
28 à 30, deux de 20 ou environ ;
le refte étoit chargé de Troupes . Ces
Vaiffeaux parurent le 6 ° . de ce
mois à l'entrée de nôtre Baffin
ou j'avois une garde de quinze
hommes qui n'eut que le temps
de fe retirer au travers des bois ;
nous vîmes même entrer cette
Flotte avant que ces 15 hommes
fuffent rendus icy. Cette Flotte
portoit bon vent & marée , &
elle vint moüiller à une lieuë de
Aouſt
1707.
S
2 :0 MERCURE
ce Fort , fans perdre de temps
les Ennemisfe difpoferent à faire
une defcente. Ils la firent en effet,
mais une lieuë plus bas qu'ils n'étoient
moüillez.
Le lendemain de grand matin
7. du mois , ils mirent à terre au
moins deux mille hommes ,fçavoir
quinzé centdu coftéde nostre Fort,
cing cent de l'autre côté de la
riviere.
Je crois devoir vous dire, Mon-
Seigneur , que ce grand armement
donna d'abord quelque frayeur
aux plus affeurez , dont je tafthay
neanmoins de remettre les
efprits & je donnay les ordres que
GALANT 211
#
je crus les meilleurs , pour amuſer
un peu nos Ennemis dans les bois .
par où ils devoient paffer , afin
de me donner du tempspour reparer
diverfis breches qui estoient à notre
Forte un Baftion tout entier qui
s'étoit éboulé.
Comme nos Habitans à qui j'avois
donné le 6. le fignal de l'al-
·larme, n'avoient pú arriver que
le
7. vers le foir à cause de leur
grand éloignement
, à mesure qu'ils
arrivoient
jefaifoisfiler du monde
-de l'un & de l'autre côté au devant
de nos Ennemis
pour les
Camufer
, comme je vous l'ay dé-
Sij
212 MERCURE
ja marqué , ce qui me réuffit beu
reufement , & cela les obligea de
camper à une demie lieuë de leur
debarquement.
le
Le 8 je renforçai mes petits
détachemens avec ordre neantmoins,
de ne point s'engager affez
pour être empechez de gagner
Fort , quand même ils feroient
pouffz, ainsi qu'ils le furent effec
tivement aprés avoir cependant
fait diverfes décharges fur nos
Ennemis , & en avoir tué quelques
uns des plus avancez.
me les Anglois qui eftoient de l'autre
côté de la riviere furent les
premiers qui forcerent l'embufca
ComGALANT
213
de de nos gens , je fis paffer des
Canots & des Batteaux pour les
les repaffer
aller prendre & pour
devant le Fort , & en même
temps je les fis défiler pour s'aller
joindre au détachement
quej'avois
fait pour les Coftes de Dena , &
dont j'avois donné le Commandement
à M de la Ronde Denis ;
qui commande
aujourd'huy
la Bifche
; j'allay mefme fur les lieux
où je croyois qu'on devoit fe pofter
pour leur difputer
le paffage d'une
riviere qui affeche
entierement
à marée baſſe ; je revins auffitoft
aprés , pour preffer les reparations
'
de nos bréches , & parce que
1
214 MERCURE
je voyois même que la Marée
eftoit affez haute pour que les
Ennemis ne peuffent rien tenter
dans ce Pays - là , vers les deux
heures ou environ aprés midy
j'y retournay , pour voirfinos gens
occupoient bien leur poftes & s'ils
avoient fait quelque mouvement
comme effectivement
je trouvay
qu'ils l'avoient fait , nos Ennemis
ayant feint de vouloir paffer
la riviere un peu plus haut. Je
donnay
incen
mes ordres
&
pour faire revenir ceux de nos
gens qui s'eftoient avancez
je voulois même les faire defcendre
un peu plus bas , par ce que je con
GALANT 215
nus d'abord en y arrivant que ce
n'eftoit effectivement qu'unefeinte;
·comme ils connurent queje m'aper
cevois de leur rufe , ils defcendirent
en tres- bon ordre , d'une montagne
fur laquelle ils étoient , pour fe
mettre en bataille dans une grande
Prairie qui fe trouve fur le bord
•de cette riviere , & de là ils
commencerent à faire feufur nous,
à la faveur de ce feu ilsfirent
couler trois cent Sauvages ou environ
& deux cent Grenadiers ,
leur corps avançoit toûjours en
-mefme temps . Cegrand monde étonna
, avec raison , une grande partie
des fix vingt hommes qui faifoient
216 MERCURE
toutes les forces que j'avois à leur
oppofer ; je les ramenay & je fis
une décharge tres à proposfur leurs
"Sauvages & fur leurs Grenadiers,
qui s'arrefterent tout court ; quel
ques - uns même lâcherent pied ,
repafferent la riviere. Nos gens
rechargerent affez promptement
firent feu de nouveau fur nos
Ennemis qui reculerent encore ;
comme leurs Troupes eftoient fi
nombreuſes , ils firent couler quatre
ou cinq cent hommes un peu plus
haut tout le long de la riviere ,
où je ne pouvois avoir perfonne
pour leur en difputer le paffage ;
ce mouvement intimida encore
nos
GALANT 217
nos gens qui commencerent à fe
débander ; je les ralliay néanmoins ,
& je les menay faire une décharge
fur ces nouveaux venus . J'eus
dans cette occafion mon cheval tué
fous moy . Me voyant à pied, je
me mis à la tefte de nos gens ,
je pouffay les Ennemis jufqu'au
bord de la Riviere , où
neralment toutes leurs Trou-
م و
60
pes eftoient déja arrivées , elles
fe mirent en bataille en tres - bon
ordre & marcherent droit à nous ;-
comme je vis que la partie n'eftoit
pas égaleje me retiray , ne voulant
point commetre la deffnfe du Fort,
aprés avoir reflé à fufiller depuis
Aouft 1707 . T
218 MERCURE
deux heures aprés midy juſques à
fix heures du foir ; je ne crois pas
qu'on ait jamais fait un feu plus
continuel que celuy que les Ennemis
firent fur nous , & qu'il y
ait jamais eu fi peu de perte , puifque
je n'eus qu'unfeul homme de
tué & un de bleffe. Je n'ay pú
fçavoir au jufte ce qu'ilsy perdirent
; mais ce qui eft tres- certain ,
c'est qu'on leur vit enlever quantité
de morts & de bleffez.
Ils camperent
au même endroit.
du 8 au 9. all
Le 10. il s'avancerent d'un de
mi-quart de lieuëspendant ce temps
làjefaifois travailler à reparer les
GALANY 219
&
Brechespar nos Troupes par les
Habitans qui n'eftoient pas en état
d'agir au dehors ; je fis bruler toutes
les maisons qui pouvoient nous
nuire autour du Fort , & je fis
nettoyer tout , à la portée de noftre
Canon.
ح و
La nuit du 10 au II . ils s'avancerent
un peu plusprés de nous
ils ouvrirent leurs tranchées ;
je m'en apperçus bien , & je les
aurois inquieté dans leur travaux,
fi j'avois eu affez de monde pour
faire les noftres pour la deffenfe
de noftre Fort , à quoy je do nay
toute mon application , ainfi qu
mettre nos batteries en bon estat , ce
Tij
220 MERCURE
que je fis , & on repara toutes les
brêches lesplus dangereuses , malgré
le feu continuel de leurs Sauvagess
qui s'estoient gliffez à la portée
du fufil à la faveur d'un terrain
qui leur eftoit tres - avantageux
.
Comme une bonne partie de
nos Habitans n'avoit pas eu le
temps de fe rendre dans le Fort ,
j'en faifois fortir prefque toutes
les nuits quelques - uns , pour leur
donner les ordres qui convenoient
pourfauver leurs familles & leurs
beftiaux ; & en même temps j'envoyay
des ordres aux Sauvages
de fe raffembler & de fe joindre
aux Habitans du Port Royal ,
SAUDAAM COS
GALANT
3
221
à trente des Mines que j'avois
mandez , qui vinrent de la meilleure
grace du monde , & qui tous
enfemble fe joignirent & firent un
petit Corps de quatre - vingt hommes
, qui fe partagerent fur les
deux coftez de la Riviere , &fe
trouverent embarquez quand nos
ennemis voulurent marcher pour
s'emparer de leur beftiaux , qui
de leurs retranchemens avoient envoyé
un détachement de quatre
cens hommes des deux coſtez de la
riviere , qui furent harcelez par
nos gens , aufquels il s'eftoit joint
quelques Sauvages , & particulierement
Mr de Saint Caftin ,
Tiij
222 MERCURE
avec fix Canibas , qui avec les
Habitans , avoit tué fix Anglois
à la queuë de leur Camp , & qui
avoit enfuite efté joindre les Habians
qu'il avoir encouragez , eg
engagez à attaquer les détachemens
Anglois marquez cy- deſſus »
ce qui les obligea de rejoindre leur
Camp avecprecipitation . Tout cela
fe fit dans l'intervalle du 11. au
16 .
Comme je les obfervois fortfoigneufement
, je vis de grands mouvemens
dans leurs tranchées , ce .
me fit foupçonner qu'ils vouloient
peut eftre entreprendre quelchofe
cette nuit- là. Mes conjectuqui
GALANT 223
res fe trouverent encore veritables.
Favois fait mettre comme à l'ordinaire
tout le monde à fon pofte ,
avec ordre neanmoins qu'il n'y eut
qu'un tiers de la garnifon qui dor
mit fous les armes. Pendant que
que j'achevois de vifiter tous les
poftes , & de voir lafituation d'un
chacun , je fus averti fur les dix
heures qu'on entendoit quelque
bruit ; je revins fur nos remparts
,
&j'entendis ce même bruit , que je
connus eftre un bruit ſourd cauſe .
par des gens qui marchoient. Fallay
de nouveau par tous les poftes
recommander
un grand filence , qui
effectivement fur tres-bien obfer-
Tiiij
224 MERCURE
vé ; ce même filence fit appercevoir
à nos ennemis que nous estionsfur
nos gardes , & que nous les attendions
; je ne fçay par quelle raiſon
par quelles vûës ils commencerent
leurs attaques d'un peu plus
loin qu'ils
qu'ils ne devoient , & àfaire
un grand feu fur nos batteries , à
la faveur duquel ils faifoient
gliffer quatre ou cinq cens hommes,
qui , felon toutes les apparences
eftoient de leurs meilleures Troupes
pour nous venir attaquer par nos
bréches , qu'ils croyoient en plus
mauvais eftat qu'elles n'eftoient ef
fectivement ; & je crois même qu'
ils eftoient perfuadez que la moitié
C
GALANT 225
de noftre garnifon vouloit deferter,
parce que neuf de nos Soldats qui
avoient déja deferté apparemment
le leur avoient dit.
le
Je crois , Monfeigneur , que
feu continuel que nos canons firent
fi à propos , leur firent perdre
le deffein de donner un affaut ,
comme apparemment ils l'avoient
refolu , & que ce feu engagea les
quatre ou cinq cent hommes deftinez
pour cet affaut , à fe retirer ;
j'avois auffifait faire fur
grandfeu de moufqueterie. Entre
onze heures & minuit je m'apperçus
que generalement toute leur
armée avoit invefti noftre Fort
eux un
226 MERCURT
& qu'elle eftoitpoftée dans les colles
vallons dont il eft en- lines
ع و ن
touré. Ils s'eftoient mis par là à
l'abry de noftre canon , & ils
eftolent prefque auffi bien retranchez
que nous . Je crois neanmoins
que noftre conftance les intimida ,
& qu'elle leur fit perdre leur refolution
de paffer outre. Ils fe contenterent
de fe gliffer derriere quel
ques maisons , & particulierement
derriere les Magafins de la Compagnie,
& que nous n'avions achevé
de vuider que ce même jour , à
la referve d'un vieux cable qui
avoit refté icy du Vaiffeau du Roy
Le Profond , qu'ils brülerent, &
GALANT 227
ils fe retirerent enfuite derriere
leurs retranchemens , d'où ils for
tirent avant même qu'il fut jour
pourfe retirer dans leur Camp , où
ils ne refterent que tres - peu de
temps , & ils décamperent pour
s'aller embarquer , ce qu'ils firent
le même jour ,fi toft que la marée
le leur permit
.
F'oubliois , Monfeigneur , de
vous marquer qu'à leur arrivée
j'avois fait mettre noftre Fregatte
, & toutes nos barques fous le
feu de noftreFort, parce que je crus
bien qu'ils feroient tous leurs efforts
pour les brûler , ce qu'ils tâcherent
de faire la nuit de l'atta228
MERCURE
que ; mais ils furent fi bien reçus
qu'ils en perdirent bien- toſt le deffen
; de maniere qu'ils ne nous ont
fait aucun mal de ce coſté-là.
Le 18. nous les vîmes appareiller
& fortir du Baffin avec une
bonne marée & un bon vent qui
leur a duré deux fois vingt- quatre
heures ; je ne fçay comment ils
feront reçus à Bafton , & fi le
peuple ne fera pas de nouveaux
efforts pour reparer la honte qu'ils
doivent avoir d'un fi petit fuccés
avec de fi grandes forces . Comme
je ne fçayfi leur départ precipité ne
feroit pas une feinte pour revenir,
je me tiendray toujours fur mes
GALANTA 229
gardes. Cependant il n'y a point
d'apparence qu'ils veulent recommencer
un ouvrage qu'ils avoient
déja fi fort avancé , & qui leur
a coûté ficher.
Je ne puis vous dire au jufte ,
Monfeigneur , le monde qu'ils ont
perdu , mais je fay bien que
nous
avons trouvé 80. hommes de leurs
morts aux environs de noftre Fort ,
prefque tous tuez par noſtre canon.
Nous avons trouvé encore au
paffage de noftre Riviere quantité
de grenades qu'ils avoientjettées à
"l'eau dans leurs retranchemens , &
dans leur Camp beaucoup de picques,
pioches , pelles , & bêches ,
230 MERCURE
dont nos habitans fe font garnis
ce qui leur a esté d'un grand fecours
.
Il y a déja un nombre confiderable
d'années que M ' l'Abbé
Boutard fait parler fa Mufe
Latine fur tous les principaux
évenemens
qui regardent la
France , & fur ceux où elle
prend part. Les Sçavans qui aiment
la Langue Latine , & qui
connoiffent mieux que d'autres
la beauté des ouvrages de
cet Abbé , ont toûjours paru
avoir beaucoup d'empreffement
pour en donner des traductions
en vers François . Auffi
GALANTU 231
ont elles toûjours reçu de
grands applaudiffemens
. La
Traduction que je vous envoyay
, il y a deux mois étoit
de M' l'Abbé du Jarry, & cette
piece regardoit la naiffance de
Monſeigneur le Duc de Bretagne.
Ml'Abbé Boutard a fait
depuis ce temps - là une Ode
fur la groffefe de la Reine
>
d'Espagne & comme M
l'Abbé du Jarry a receu de
grands applaudiffemens de fa
traduction de l'Ode precedente
, il vient encore de traduire
la derniere , & je vous envoye
cette traduction qui ne vous
n
232 MERCURE
h
plaira fans doute pas moins que
que vous avez déja vûe de celle
cet Abbé
.
Les Odes Latines de M'
l'Abbé Boutard ne font pas
moins eftimées dans les Pays
étrangers qu'en France , &
les François ne font pas les
feuls qui ont travaillé aux Traductions
de ces Odes , puifque
plufieurs ont eſté traduites
en Italien, & que l'on en trouve
même qui ont efté traduites en
Anglois.
GALANT 233
TRADUCTION
F D'une Ode Latine de
Mr l'Abbé Boutard ,
adreẞée à la Reine d'Ef
pagne.
L
' Epoufe qu'à Philippe , ont
accordé les Dieux ,
De ce jeune Heros , tendre &
chafte Compagne
,
Promettoit à la trifte Eſpagne
Le premier fruit d'un hymen
glorieux ,
Et fiere de porter un fi precieux
gage
Se montroit fur les bords du
Tage.
Aouft 1707.
V.
234 MERRCUE
Quand le Dieu de ce Fleuve aug
liquides trefors ,
En abbaiffant fes Alots luy rendit
fon hommage
Et laiffant de fa joye éclater fes
transports ,
Luy tint à peu près ce langage.
Qu'un fort heureux accompagne vos
jours
>
Et qu'un tiffu de gloire en compofe le
cours ,
Reine de ces climats arrofezpar mon
onde ,
Moins encore respectable au monde
,
Par l'éclat du fupreme rang,.
Que par l'enfant conçu de voftre illuftrefang
,
Que Junon favorable alliste à fa
naiffance s
SGALANY 235
Quepropice à nos veux elle avance
le jour ,
Quide l'Efpagne & de la France,
Doit enfanter l'esperance & l'aast
mour.
De voftre Soeurfeconde, heureusement
rivale ,
Puifiez- vous partager la gloire conjugale,
Avoftre augufte Epoux donner bientoft
un Fils ,
Dont le front animé d'une ardeur
martiale ,
Nous montre les traits réunis ,
Et de Philippe & de Louis .
Quand tout à leurs armes profpere,
Avos jufles fouhaits que rien nefoit
contraire ,
Et qu'aprés le long cours des lunes expire,
Vienne le moment defiré ›
V ij
236 MERCURE
F
Qui vousferajouir de ce doux nom de
mere .
Depuis que fur mes bords l'Hymen
guida vos pas
;
Telle qu'un Aftrefalutaire ,
Vous éclairez cesfertiles climats
Mais aujourd'huy je vous revere
Comme le ferme appuy du Trône de
L'Ibere.
Rayon naiffant de fa felicité ,
Sa divine vertu fe fait déja connoi - 2
tre s
Votre beureufe fecondité ,
Va reparer les malheurs quefit naitre
Une longue fterilité.
Je dois encore moins à l'Illuftre Ifabelle
,
Dont la memoire eft immortelle ,
Bien que dans Ferdinand heritier
d'ungrand nom
GALANT 237
Elle ait joint la Caftille au Sceptre
&Arragon ,
ď
Et qu'au pied des Autels uniffant
leurs perfonnes ,
L'Himen des mêmes noeuds ait uny
leurs Couronnes ;
Et l'augufte Marie éleva moins ja-
Shadis ,
Du Trône où vous montez la grandeur
& le prix ,
Quandfa dot yjoignit les nombreu–
fes Provinces ,
Qu'envioient tant de jeunes Prin-
Ances
Le precieux enfant formé dans vôtre
fein,
Des Peuples inquiets tient lefort en
fa main ;
Sa naiſſance calmant les troubles de
la guerre
,
Va reconcilier les Maifres de la
terre.
238 MERCURT
Quy, les triftes mortels attendent aus
jourd'huy ,
La Paix qui doit nailte avec
ans luye, tholde marke &
9135
Sous quelquefexe qu'il refpire ,
Iffu dufang de tant de Rois ,
Du Ciel qui fe declare il explique
la
voix ,
Erpromet à Philippe un éternel Empire
,
Qui doit eftre bien- toft paifiblefousfes
loix.
Déja ces doux climats prennent une
autreface :
L'Espagne raffurée effuye enfin fes
pleurs :
Au repos retably , les allarmes font
place ,
Et loin des bords du Rhin vont porter,
la menace·
Des plus effreyables malheurs .
GALANT 239
Reine , voftre prefence écarte les tempeftes
:
Voyez la difcorde à cent tètes
Cette fille d'Enfer abbatue à vos
pieds 5
Yjetterfon veninfansforce ,
Les Rebelles humiliez,
Bannir le trouble & le divorce :
Et les peuples unis par une fainte
foy,
A l'envi respecter & leur Reine &
leur Roy.
Vos Sujets contens & tranquilles,
Goûtent un doux loifir dans l'enceinte
des Villes ;
Par tant de cris de joye au milien
des lauriers
Retentit le Camp des Guerriers
Et dans le tumulte des armes
D'une profonde paix on voit brillev
les charmes,
240 MERCURE
Tous fent voftre prefence en ces ais
mables lieux
D'un émail plus riant vous parez,
ces prairies :
Toutes mes rives plus fleuries ,
S'efforcent à Penvy de réjouir vos
yeux,
Etl'or mouvant qui coule avec mon
onde ,
Fette un éclat plus gracieux.
Mais quand cet Enfant né
bonheur du monde >
pour
le
Se verra délivré de fa prifonfeconde
,
Jefranchiray mes bords ,
Je m'ouvriray par tout une facile
voye ,
Et mes fuperbes flots , de ma plus
vive joye
Liont jufqu'à l'Olympe élancer les
tranfparts..
La
GALANT 241
La Seine de Lys couronnée
Et de fplendeur environnée
Ne pourra l'emporter (ur moy.
Je fçauray difputer contre l'Eridan
mème
Bien que d' Aftres brillans un riche
Dia de me
Des Fleuves en faffe le Roy.
Rien ne m'arretera dans ma courfe
rapide :
Plus vite que les vents , je voleray
fansguide :
Et tel qu ' Alphée ofant paffer les
mers ,
Je parcoureray l'Univers :
F'iray dans ces vaftes Provinces ,
Que le brillant pere du jour
Eclaire , en commençant &finiſſant
fon tour
Et qui fuivent la loy de mes auguftes
Princes ,
Aouft
1707 . X
242 MERCURE
Etje feray retentir en tous lieux
Le nom de cet Enfant riche preſent
des Cieux.
Les Nymphes de mes eaux , foignezfes
de vous plaire
Le nourriront d'un Nectarfalutaire
;
Mais dés qu'il s'ouvrira le chemin
des vertus ,
Je luy marqueray les exemples
De ces anciens Heros dont les fuperbes
Temples
Sont le prix immortel des Monftres
abbatus.
Je luy diray les noms des Conquérans
celebres
vû
Que j'ay vu naiftre fur mes eaux ,
Qui de la nuit des temps ont percé les
tenebres.
Il apprendra de moy la borne des travaux
*
GALANT 243
Que fixa dans ces lieux le courage
ď Alcide:
Et de ce Vainqueur intrepide
→ Les pasfur ma rivè effacez
A fes yeux par mes foins feront tous
retracez
Le purfang des Bourbons , fans rien
perdre enfa courſe
Luy donnera l'ardeur , qu'il a
enfa fource :
prife
Et la grande ame de Louis
N n moindre que celle d'Hercu
tody ple
Dans les veines du Petit-fils ,
Fera couler le beaufeu qui la brûle.
Voyezquelfera cet enfant
Qui dans votre fein triomphant
Et vainqueur avant que de nat
tre,
X ij
244 MERCURE
Infpire à fes Sujets une guerriere ardear
Et defa destinée annonçanı lagrandear
Jaol
Afesfiers ennemts fait redouter un
Maistre.
Entendez- vous de toutes parts
La Déeffe a cent voix publier fur mes
rives ,
Du pafle Ufurpateur les Troupesfugitives
;
Les rebelles Citez foumettent leurs
Tamparts :
Le Batave & l'Anglois dans les
Plaines épars
Laiffent leurs dépouilles captives
Et fervent de victime à la fureur de
Mars .
Les Deputez des Etats de
GALANT 245
ل ر
Ce
Languedoc curent audience du
Roy le 20. de ce mois :
font , M l'Evêque d'Agde.
pour le Clergé , M ' de Mandajors
, Maire d'Alais ; M' de
Ricunegre , Maire d'Alagne ,
& M Joubert , Sindic General
de la même Province pour
le Tiers Etat . M' le Baron de
Cailus , Brigadier des Armées
du Roy , & Colonel du Regiment
de Dragons du vieux
-Languedoc , cft Deputé de la
Nobleffe ; mais , eftant actuellement
à la tefte de fon Regiment
qui eft en Provence , il
n'a pû fe trouver à cette fonc-
X iij
246 MRCURE
tion . Ces Députez furent préfentcz
par Monfieur le Duc
du Maine , Gouverneur de la
Province , & ils eftoient conduits
par M des Granges
Maitre des Ceremonies. Mr
l'Evêque d'Agde portoit la parole.
Ils curent enfuite audiance
de Monfeigneur le Duc de
Bretagne , & de Monfeigneur le
Duc de Berry . Le Dimanche
14. ils curent audiance de Monfeigneur
, de Monfeigneur le
Duc de Bourgogne ; de Madame
la Ducheffe de Bourgogne
, & de Madame . On
doit remarquer que Mr l'E
GALANT
247
vêque d'Agde
, n'avoit appris
que le matin , du même
jour , que le Roy avoit nommé
Monſeigneur
le Duc de
Bourgogne
pour aller commander
en Provence. Cependant
ce Prelat parla fur ce fujet à
ce Prince
, d'une maniere
qui
fit connoiftre
fa prefence
d'efprit
, & qu'il peut parler fur
le champ
, fur toutes fortes.
de matieres
, fans qu'il ait befoin
de temps pour fe prc
parer.
વે
Monfieur le Duc du Maine
donna un magnifique repas
ces Deputez , le jour qu'ils
Xiiij
248 MERCURE
eurent audiance de Sa Majefté ,
ainfi qu'à plufieurs Prelatsop
& à quelques perſonnes de
diftiction de la Province de
Leguedoc.
Il paroift depuis peu un Lie
vre de la compofition de Mro
des Molins , Avocat › quibat
pour titre , Hiftoire abregée des
Comtes Souverains de Neuf-
Chaftel , à l'occafion de la mort
de S. A. S. Madame la Ducheffer
de Nemours. Si comme Mr de
Corneille l'aîné à fort bien dit
dans une de fes Tragedies
Le temps de chaque chofe or
donne & fait le prix.
GALANT
249
Il n'y a pas lieu de douter
que le Livre dont vous venez
delire le titre , n'ait un fort
grand fuccés. Ce n'eft pas que
je fois perfuadé qu'il en merite
auffi par luy mefme , ce que
ceux qui fe donneront le plaifir
de le lire , connoiftront facilement.
Je dois les avertir de
la part de l'Auteur , qu'à la
page 28. ligne 17. de ce Livre,
on a mis Rodolphe au lieu de
Guillaume.
Si cet ouvrage eft de faifon ,
l'article qui fuit ne l'eft pas
moins. Je vous l'envoye de
mefme qu'il eft ve nude Neu250
MERCURE
Chaftel. Il contient le détail
de tout ce qui s'y eft paffé depuis
la mort de Madame clas
Ducheffe de Nemours , rτoοuυ--
chant la fucceffion d'un nou
veau Souverain de Neuf Châtel.
Du 26. Juillet 1707.
La crainte des évenemens fâcheux
pour raifon du Ceremonial
entre M' le Prince de Conty
Mr de Meternik , ce dernier ayant
refolu de ne pas ceder le pas à Mỹ
le Prince de Conty , a engagé le
Confeil d'Etat à prefenter des raifonspour
renvoyer l'Affemblée du
GALANT 251
J
Tribunal , qui doit decider de l'a
Souverainete dans un certain
temps qui n'est pas encore con
venu , avec la claufe expreffe que ›
cela ne prejudiciera en rien aux
droits de Meffieurs les Pretendans,
qui ont efté invitez par la declaration
qui a esté renduë à ce sujet,
de faire remettre par leurs Avocats
dans le jour de demain à la
Chancellerie , un Memoire bien.
expliqué de leurs prétentions
par lequel ils pourront demander
la mise en poffeffion à l'Investiture ,
aux noms de ceux pour qui ils
agiffent. Ce changement qui n'a
jamais efté en ufage , à furpris
252 MERCURE
bien des gens , les bons Bourgeois
les gens bien intentionez , connoiffent
mieux que perfonne la
confequence de ce renvoy ; ils en
ont dit leurs fentiments qui n'ont
pas empêché qu'on n'ait paſſé outre.
Du 27. du même mois .
Les deux Confeils fe font affemblez
, & aujourd' buy celuy de
Ville , pour déliberer fur la declaration
rendue par le Confeil d'Etat
, qui a efté approuvé. La divifton
qui regne entre ces deux Corps ,
n'eft pas d'une petite confequence ;
la Confeil de Ville veut prendre
GALANT 253
l'effort n'approuve qu'autant
qu'il luy plaift , les decifions du
Confeil d'Etat On en a vû l'exemple
en laperfonne de Mr. de Montet
& en celle de Mr Deftanon ,
qui ont efte revoquez fur les vives
& preffantes follicitations du
Confeil de Ville ; ce peu d'union
& de conformité ne contribuëpas
peu à brouiller les affaires , & à
faire regner la confufion, Le Confeil
d'Etat a nommé des Deputez
pour notifier à Meffieurs les Prétendans
, le Renvoy du Tribunal,
& leur laiffer à chacun une
copie de l' Arrest rendu à ce sujet ,
de ce qui a efté fait dans le cours
a
7254 MERCURE
de la journée. Mr Lory , l'un des
Confeillers d'Etat , a efté nommé
pour Deputé à Mr le Duc de Vil
leroy , auquel il a remis une copie
de cet Arreft.
Les Avocats de Meffieurs les
Prétendans viennent de remettre
à la Chancellerie , un Memoire
motivé des prétentions de leurs Parties.
Du 28. du même mois.
Le Confeil d'Etat & celuy de
Ville , fe font affemblez aujourd'huy
; on a eufoin pour éviter la
confufion , de doubler la Garde à
porte du Chasteau , ce qui n'a
la
*
GALANT 255
అ
pas empêché qu'il n'y ait eu un
grand concours de monde , Mrs de
Montet & Deftanony ont proteſté
hautement de la nullité de cette Af
femblée , qu'ils foutiennent n'eftre
pas legitime , n'eftant point remplie
de tous les Membres qui la doivent
compofer. Mr le Procureur a
demandé dansfes Conclufions , que
les Proteftations de ces deux Meffieurs
fuffent mifes à neant , comme
irregulieres , temeraires & injurieufes
à l'Etat ; aprés quoy Mr
le Gouverneur ayantpris laparole
a reprefenté à tous les Membres,
i du Confeil , que la mort lenr ayant
ravi Madame la Ducheße de Neda
256 MERCURE
moursleur Souveraine de glorieu
fe memoire , il falloit s'attacher à
reparer cette perte par une bonne
élection ; qu'il falloit moins fuivre
les convenances & les interefls ,
même de l'Etat , que l'équité la
justice , qui devoient estre la base
lefondement de leurs decifions ,
éloigner tout efprit de partialité
; que ce dernier party effait
fouvent le mobile de la confufion ,
ce qui renverfoit la douceur
la tranquillité d'un Etat qui fe
flattoit de parler à des Juges impartiaux
& veritablement portez
à rendre une juftice tres - exacte
dans la grande affaire dont il eftoit
GALANT 257
queftion . Le Secretaire de la Chancellerie
, a lú enfuite les Memoires .
donnez par Meffieurs les Pretendans
fuivant le defir de l'Arreſt
rendu le 26. & cela de la maniere
qui fuit ,
On a commencepar le Memoire
de M le Prince de Conry heritier
Teftamentaire de Mr l'Abbéd'Orleans
,&en cette qualité il demande
relief de la Sentence d'Inveftiture
de Madame la Ducheffe de
Nemours du 8. Mars 1694. Il
s'engage par le mefme Memoire ,
d'acquiefcer tous les legs mentionnez
dans ledit Teftament.
Celuy de Mr l'Electeur de Bran-
Y
Aouſt
1707.
258 MERCURE
debourg , comme heritier de la fucceffion
du feu Roy Guillaume.
De Mr le Prince de Carignan ,
comme coufin germain de Madame
la Ducheffe de Nemours .
De Mrde Montbeliard , defcendant
de la Maifon de Chaflons.
De Madame la Ducheffe de Lef
diguieres , comme aînée de la Maifon
d'Orleans - Longueville , fuivant
l'ordre de Primo genituro ,
avec proteftation contre le relief
prétendu par Mr le Prince de Conty.
De Mr de Mattignon , comme
plus proche parent paternel de la
mefme Maifon , avec proteftation
GALANT 259
contre le mefme relief.
De Madame de Neufchaftel
Soiffons , en faveur d'une donation
de Madame la Ducheffe de
Nemours , avec proteſtation contre
le mefme relief.
par
De Mr le Prince de Bade ,
alliance avec la Maifon d'Hochberg
& un certain acte de Confraternité.
De Mr le Baron de Montjoiet,
comme defcendant de la Maifon de
Challons.
De Mr le Prince de Fürftemberg,
qui a demandé quel' Affemblée
du Tribunal , ce qui enfui
a
roit, nepuft préjudicier àfes droits
Y ij
260 MERCURE
n'ayant pû recouvrerjufques àpre
fentfes Titres , qu'ilfautfoigneu
fement chercher.
De Mr le Marquis d'Allegre ,
par Madame d' Allegre , comme
iffuë de la Maifon de Chaflons
De Mr le Marquisde Mailly,
par Madame de Mailly , qui fe
donne le nom de Princeffe d'Orange,
&par confequent de la Maifon
de Challons.
Du Louable Canton d'Ury ,
qui reclame la Ville & Comté de
Neufchaftel, fondéfur ce qu'autre-
fois cet Etat appartenant aux
treize Cantons , il y en eut douze
qui fe démirent de la poſſeſſion , &
GALANT 261
le feul Canton d'Ury n'en voulut
point fouſcrire l'Acte.
Je vous envoye encore deux
Articles de morts feulement ,
eftant obligé d'en referver plufeurs
autres pour le mois prochain.
du
Le R. Pere Plumier Minime,
eft mort dans le voyage
Perou , que M' Fagon premier
Medecin du Roy , luy avoit
fait entreprendre , & dont il
s'eftoit chargé de faire les frais .
Il y avoit envoyé ce Pere avec
le nouveau Viceroy M' de Los
Rios , cy-devant Ambaſſadeur
3
262 MERCURE
d'Eſpagne en France , pour faire
de nouvelles découvertes fur
le Quinquina , dans les lieux
mêmes où il croift , pour en obferver
toutes les vertus , & la
difference qui fe rencontre dans
les diverfes plantes de cette ra
cine , difference qui dépend
fouvent de la difpofition ou
fituation des lieux où il croift.
Le P. Plumier eftoit un hom+
me tres-capable de rendre rai ---
fon de tout ce que l'on pouvoit
fouhaiter de luy furce
fujet & fur beaucoup d'autres
Plantes curicufes qui fe trouyent
au Perou . Il eftoit tres haGALANT
263
bile Botanifte , & il deffinoit
parfaitement bien; mais la mort
qui l'a furpris en chemin a privé
le public des fecours qu'il
auroit pû attendre de ſes nouvelles
découvertes . M' le premier
Medecin , dont je n'ofe
vous faire icy l'éloge , quoy que
l'occafion s'en prefente naturellement
, a efté d'autant plus
touché de la perte de ce fçavant
Religieux , qu'il eft perque
la plufpart du Quinfuadé
quina d'à -prefent eft tres- infe
rieur à celuy qu'on voyoit autrefois.
Le P. Plumier avoit une con264
MERCURE
noiffance parfaite de la plus
grande partie des Arts mechaniques.
Il s'y eftoit attaché dés
fes premieres années , & il y
avoit fait de tres - grands progrés.
Il donna au Public il
à fix ou fept ans , un livre in
folio qui avoit pour titre l'Art
de Tourner , & qui fut tres - eftimé
des Connoiffeurs. Le P.
y
Plumier n'épargna rien pour la
perfection de cet ouvrage ; les
Planches qui l'accompagnoient
avoient efté deffinées. par les.
plus habiles . Graveurs , & ce livre
, qu'on regardoit comme
un ouvrage original dans fon
genre
GALANT 265
.
genre , ac efté recherché de
tous les Sçavans avec beaucoup
d'empreffement. Le P. Plumier
savoit une grande modeſtie ;
leftime que M' Fagon avoit
pour luy , peut beaucoup contribuer
à fon éloge . Ce Religieux
cftoit confulté fur couces
les queſtions qui regardoient
la Botanique & a connoiffance
qu'il avoit des Plantes , & de
sleurs proprierez , eftoient foutenues
d'une longue experien-
< ce ; il avoit fait là- deflus des
sépreuves qui avoient convaineu
tout le monde de fa vafte
capacité fur les operations de
Aouſt 1707.
Ꮓ
266 MERCURE
la nature. Il a laiffe quantité de
Manufcrits , dont la publication
feroit fort avantageufe à
tous les gens de lettres , & fur
tout à ceux qui s'attachent à
l'étude de la nature ; on a lieu
d'efperer qu'un fçavant homme
qui eft dans le même goult
& qui travaille à les mettre en
ordre , pourra bien - toft en faire
part au Public.
re
M' N... de Louvet de Cal
viffon , & de Cauviffon felon
l'ufage , Abbé de Saint- Gilles ,
qui vient de mourir , defcendoit
Jean de Louver , S ' de Me
rimeol , qui vivoit en 1471. &
GALANIM 26 %
qui fut fut pere de Jean Louver ,
époux de Marguerite
de Murat
, Dame de Cauvillon, Certe,
Dame eftoit fille de Raymond
II. Vicomte de Murat & de
Blanche d'Apcher
, Dame de
Cauviffon
, fille de Raymond
d'Apcher , & de Bourguigne
de
Narbonne
, niece & heritiere
de Raymond de Nogaret , dit
de Calviffon ; cette alliance obligea
M de Louvet de joindre
a leur nom celuy de Nogaret
.
Guillaume Louver dit de Murat
& de Nogaret , fils de Jean ,
époula Joffine de Tournon
fille de Guillaume
, Seigneur
du
Zij
268 MERCURE
même lieu , & d'Antoinette de
la Roue. Il en eur Antoine
Louvet de Murat de Nogaref
Baron de Cauviffon , qui épou?
qui'épou
?
fa Gabrielle de la Roche Ai
mon , fille de Jean S ' de Caba
nes ,Gouverneur deLanguedoc
Bailly de Mâcon , & Sénéchal
de Clermont - Lodeve. Jean
Louvet & Jean Louver le jeune
fortirent de ce mariage. Le pre
mier fut Baron de Cauviffon
&époufa en 1532. Margueri?
te de Vefc , fille de Charles S
de Grimaud , Chafteaurenard
& de Savigny , & d'Antoinette
do Clermont Lodeve . Il en eut
ob GALANT
269
BAUDJEM 8ds aub RM
Pierre Louver , dit de Nogaret ,
qui fe maria à Marguerite de
Caftellane , fille d'Honoré Si
de Laval & de Louiſe de Viette
de Condé. Jean Louver de Nogaret
, de Murat , & de Veſe ,
Baron de Cauvillon leur fils
époufa Marguerite Grimaldi
fille d'Honoré , S du Bucil ; il
en cut Jean - Louis Louvet de
Nogaret Baron de Cauviffon ,
qui époufa Françoiſe de Saint-
Bonnet du Cailar , fille de Jean
& de Marie Gregoire de Gardies.
Ce fut en la perfonne de
Jean Louis Louver que la bran
che aînée de la Maifon de Cau- .
Z iij
1270 MERCUR
viſſon manqua. Jean Louver ,
dit le feune, fils d Antoine , dont
je viens de parler devint le chef
de cette Marfon . Il eftoit Scigaur
de Saint Auban en Gevaudan.
Illaiffa de Gabrielle le
Teinturier , fille de Jean Seigneur
de Montmaur en Lan.
guedoc , Aimard Louver dit de
Nogarer , qui époufa Louife de
Dauzon , dont il eut Gabriel
Louver Baron de Saint Auban
époux d'Anne de Flageac , &
François Louver de Nogaret ,
Seigneur de Montmaur Baron
d'Omeron , qui époufa Fran
çoife de Rochemore , fille de
GALANT 271
C
Louis S de Saint - Laurent &
Prefident de Nifmes , & d Anne
de Barrieres.c
De ce François font defcendus
M's de Cauvifion,l'un Licu
tenant de Roy en Languedoc ,
& l'autre Abbé deSaint- Gilles ,
dont la mort fait le fujet de cet
Article. Il eftoit le troifiéme de
fa Maifon qui poffedoit d'oncle
à neveu cette Abbaye , qui
eft une des plus confiderables
du Languedoc. Elle eſt dans
le D.ocefe de Nifmes ; & les
anciens Comtes de Touloufe
avoient une fi grande devotion
pour cette Eglife , qu'ils pre-
Z iiij
272 MIRCARE
noient, toûjours la qualité de
Comtes de Saint Gilles, avec leurs
autres qualitezas & ab o
zuM' l'Abbé de Gauviffon qui
vant de mourir , joignoit à une
naiffance diftinguée qui l'allioit
aux plus anciennes Maifons
du Royaume , une vertu qui
n'a jamais reçu la moindre atteinte
, & un efprit cultivé par
l'étude des belles Lettres, Ihaimoit
la retraite ; il en fortoit
difficilement , & on ne le voyoit
dans les grandes Villes que lors
que les affaires de fon Eglife l'y
appelloient indifpenfablement .
Il eft mort dans de grands fenGALANT
273
timens depicté.woffer seson
Jelpaffe à la derniere nomination
des Beneficés p& fuivant
la maniere dont je vous
en ay déja parlé plufieurs fois ;
au lieu de repeter à chaque article
le Roy a donné , je diray feu
Clement , aprés m'eftre fervy de
ce terme en parlant du premier
qui a efté pourvû , à tel
-as telerc.
sio Le Roy a donné l'Abbaye
de Saint Gilles , Diocéfe de
Nifmes à M" Charles le
Goux de la Berchere , Archevêque
de Narbonne , & Prefident
né des Etats de Langue-
.
274 MERGURE
R.
doc , ci - devant Archevêque
d'Alby & d'Aix , Evêque de Lavaur
, & Aumônier de S. M.
J'ay fi fouvent eu occafion de
vous parler de ce Prelat , que fi
je vous en difois prefentement
davantage , je ne pourrois que
repeter ce que je vous en ay
déja dit dans plufieurs de mes
Lettres. Il eft frere de M' de la
Berchere Maiftre des Requêtes
, cy - devant Intendant de
Montauban & de Rouca , &
de feue Madame la Marquife
d'Efteing , mere de M' lc Comte
d'Efteing , Gouverneur de
Chlâons , & Lieutenant geneGARANT
+
275
ral des Armées du Roy , & de
Me la Marquife de Boury, Une
ancienne tradition fait venir
d'Angleterre la Maifon de le
Goux.
L'Abbaye du Palais , Ordre
de Cifteaux , dans la Marche &
Diocefe de Limoges , à M
l'Abbé de France. Ce jeune
Ecclefiaftique eft de Montau-
Ban ; & d'une famille qui s'eft .
toûjours diftinguée par un zele
extraordinaire pour le fervice
de Sa Majefté. Le pere
Abbé en a donné de nouvelles
marques il y a peu de temps ,
& M le Gendre , Intendant de
de
cet
276 MERCURZ
$
la Generalité de Montauban
ayant rendu témoignage à la
Cour du zele & de l'ardeur,
que
M de France a pour le ſervice
du Roy, Sa Majefté qui ne manque
jamais de récompenfer les
JISM
fervices que luy rendent fes Sujets
, a donné à fon fils l'Ab
baye du Palais . Ce jeune Ecclefiaftique
meritoit cette grace
par l'application qu'il a toujours
cue pour fes devoirs , &
à caufe de l'ufage precieux qu'il
a fait de fon temps , qu'il employe
uniquement aux fonc
tions de fon miniftere , & à l'étude.
GALANT 277
en
Le Prieuré d'Effone à M
FAbbé de Boisfranc . Le Roy
uniflant le Prieuré d'Effone
à l'Abbaye qu'avoit déja M
l'Abbé de Boisfranc , s'eft acquis
le Patronage des Cures de
Marly & de Saint Germain en
Laye , qui dépendoient de cette
Abbaye . M l'Abbé de Boisfranc
eft beau - frere de M' le:
Duc de Treſmes , & Docteur
en Theologie.
L'Abbaye reguliere de Cantin
pré , Ordre de Saint Benoift
, à Don Cardon . Ce Religieux
a fait voir dans tous les
emplois qu'il a eus dans fon
278 MERCURE
Ordre , & qui l'ont conduit à
conduit à
la dignité dont Sa Majesté vient
de l'honorer , un grand merite
accompagné d'une grande modeftie
Il s'eft acquis la reputa
tion d'un tres- habile homme ,
& il l'a meritée par fes longs ,
travaux & par une application
de plufieurs années à l'étude ,
des faintes Lettres .
L'Abbaye de Chelles , Or-
POMERA
dre de Saint Benoist , vacanten
par la mort de M de Coffe , à
M de Villars , Religieufe du
même Ordre à Vienne en Dauphiné.
La vertu & le merite de
cette Dame ont encore plus
.
GALANT 279
de
à
parlé pour elle , que les fervices
de M le Maréchal fon frere
quelques éclatans qu'ils ſoient ,
Mr Archevêque de Vienne a
parlé fort avantageufement
cette Dame , ce qui a fait dé
terminer le Roy à la mettre
la tefte d'une grande Communauté.
Ce n'eft pas d'aujourd'huy
que l'on voit fortir de la
Maifon de Villars , de grands
fujets pour l'Eglife. Trois Archevêques
de Vienne , dont la
memoire eft en benediction :
dans cette celebre Eglife , fourniffent
une preuve que cette
Maifon a efté utile à l'Eglife
280 MERCURE
aufli bien qu'à l'Etat.
L'Abbaye de la Sauve , de
l'Ordre de Saint Benoiſt , à M
de Grefolles Religieufe du mê
me Ordre. LaMaifon de Gayardon
de Grefolles eft ancienne
dans le Foreft . Elle fubfifte
dans les perfonnesde Mrs de
Grefoles & de Thiranges , dont
l'un a époufé Mlle Cacher ,
foeur de Mr de Montezan , Prevoft
des Marchands de Lyon ,
& cy- devant premier Prefident
du Parlement de Dombes ; &
l'autre a époufé Me de Fenoil ,
foeur du Maistre des Requefte
de ce nom, Mre Antoine de
BEALANT 281
Grefolles , Chanoine d'Efnay à
Lyon , & cy- devant Prieur regulier
de Saint Barthelemy le
Plain , Dioceſe de Valence , &
enfuite Sacriftain du Prieuré de
Saint Romain , & Mre Guillaume
de Grefolles fon frere ,
Doyen de l'Eglife Royale de
Montbriffon , font oncles de
ces Mrs , & parens du R. Pere
de la Chaife.
* La nouvelle Abbeffe a beaucoup
de merite. La regularité
de fa conduite luy a procuré
fucceffivement les principales
Charges de fa Communauté.
Le Doyenné de Verdun à
Aouft 1707 A a
$ 282 MERCARE
Mr. l'Abbé de Montauban ,
Cette dignité eft tres confiderable
, & la première d'un Chapitre
compofé de perfonnes de
diftinction & de merite. Mr
l'Abbé de Montauban eft d'une
ancienne famille originaire
de Dauphiné ; il a plufieurs parens
de fon nom dans le fervice
, & quelques- uns de fes freres
s'y font diftinguez . Mais fa
vertu & fon merite le rendent
encore plus confiderable que
tous les avantages qu'il pourroit
tirer
d'ailleurs.pptak
Le Doyenné de Mets à Mr
l'Abbé Barbet. Cette dignité
SGALANT 283
melt pas moins confiderable
que celle dont je viens de parder.
Mers , Trouly & Verdun ,
connus fous le nom des trois
Evêchez , ont autrefois jouy
-des privileges de la Souveraineté,
& de celuy des Villes Imperiales
, & il leur refte encore de
beaux droits. Ainfi les Eglifes
Cathedrales de ces trois Villes ,
font dans une grande confideration
. Mr l'Abbé Barber que
le Roy vient de mettre à la tefte
de celle de Mets , eft un Ecclefiaftique
qui meritoit cette place
par beaucoup d'endroits ; lavan-
Stage d'avoir efté élevé par
Mr
A a ij
284 MERCURE
Barbet fon parent , & Superieuff
du Seminaire des Bons Enfans ,
& l'un des hommes du Royau
me qui fçavoit le mieux former
les Ecclefiaftiques , pourroit
faire feul fon éloge. & stag
SuUm Canonicat vacant dans
F'Eglife de S. Quentin , cà Mr
Hauftome. Ce jeune Ecclefiaf
tique eft un exemple de vertu ,
& le veritable modele d'un
homme confacré au fervice des
Autels. Il vit dans la retraite
& dans l'exercice des vertus de
fon état.
L'autre Canonicat vacant
dans la même Eglife , à Mr de
HONDANY 285
Pontrqué il joint à une naif
fance confiderable une vertu”
formée dans les Seminaires loù
il a paffé une partie de fa vie.
7 Voicy la fuite de ce qui s'eft
paffé à l'armée de M le Ma
réchal de Villars depuis ce que
je vous ay mandé dans ma
derniere Lettre , & vous verrez
que quoy qu'elle foit inferieure
aucelle des Ennemis , tant à
caufe des détachemens qu'elle
a efté obligée de faire , qu'à
caufedes Troupes nouvelles qui
ont renforcé celle des Ennemis,
co Maréchal n'a pas laiffé depuis
un mois de remporter
286 MERCURE
d'auffi grands
avantages que
s'il avoit toûjours eſté fuper
rieur aux Ennemis. Ce n'eft
pas qu'ils ne fuffent prefque
auffi forts que luy à l'ouverture
de la Campagne
, & qu'ils
n'euffent pû deffendre les Lis
gnes de Stolhoffen
, même avec
une Armée moins nombreuſe
,
s'ils n'avoient pas manqué de
courage , & leur General de
tefte. Je commence cet article
qui doit cftre auffi long
que curieux , & rempli de plufieurs
belles
Relations , par
une Lettre de Monfieur de
Sezanne.
GALANT 287
Au Camp de Bruchfal , le 28.
Juillet, XUS 71019 flon
Couplong ansty
Fay paffe par Heidelbergpour
me porter fur le Tauber , & de là
exiger des contributions tres- avant ;
mais Mr le Maréchal , fur l'avis
que les Ennemis avoient fait un
Pont le même jour au deffous de
Worms , & qu'un Corps confiderable
avoit paffé en deçà , m'en-
Doya des Partis & des Courriers
afin de m'empêcher de m'engager
auffi avant que je devois
faire de plus , un Camp de
cinq mille Fantaffins qui eftoit
288 MERCURE
derriere le Tauber , me fit prendre
le parti de m'établir fur le Fagft,
pour allurer ma retraite le long de
cette riviere , juſqu'au Neckre .Je
détachay Mr de Saint- Pouange
avec trois cens chevaux ou Houffards
pour entrer , s'il eftoit pofftble
, dans Mariendal , afin d'enlever
le Prefident de l'Ordre Teutonique
; ce qu'il executa tres-heureufement
le 22. au point du jour ,
les ennemis entrant par une porte
pendant que nos Troupes fortoient
par l'autre , aprés avoir beaucoup
pillé. Je marchay à l'Abbaye de
Schonftat fur le fagft , pour m'a-
Dancerfurfon chemin , & ne pou
vant
GALANT 289
want penetrer dans l'Evêché de
Wartfbourg & dans le Pays d'Onf
pach , à cause qu'il y avoit beaucoup
de Troupes ennemies , & que
lepays eftoit fous les armes ; je bor,
nay mon expedition à tirer du pays
de Hall , d'Elvangen , de Limpourg
• & de quelques Bailliages
de Mayence , & du Comté
d'Hohenlee , en argent & en billets
acquittez à Nuremberg , cent
quatre- vingt mille livres , avec
leſquelles j'arrivay icy avant- hier
26. ayant repaffé le Neckre à une
lieue au deffous d'Hailbron . Mr
le Maréchal m'a paru eftre content
de ma courfe. L'Armée s'eft
Aouſt 1707.
Bb
290 MERCURE
retirée icy , aprés avoir conformé
les farines d'Heidelberg de
Manheim.
29.85 294104
Mr de Sezanne ayant mar
qué dans fa Lettre qu'il avoit
envoyé des Troupes à Marien
dal , & n'ayant point dit de
quelle maniere elles y eftoient
entrées , vous le trouverez dans
la Lettre fuivante , écrite par
un Officier de l'Armée, m 89
སྐྱ་༣ ;ཟླནས༨༣
Mrle Comte de Sezanne avec
mille chevaux feulement eft revenu
au Camp , aprés avoir étendu
les contributions fort loin . Il a pafGALANT
291 ·
fete Tamber , & à pouffe jufqu'à
le
Mariendal , dont il trouva les
portes fermées , e qu'ilfit ouvrir
par ftratagême , en faifant mettre
du vert au chapeau à une centaine
• de Cavaliers ou Dragons , dont la
plufpart parloient Allemand , ~5
qui difant s'eftre retirez des partes
d'un gros de François qui exigeoit
des
contributions dans le pays , demanderent
à entrer pour ſe mettre
en feureté. Les Habitans ne crurent
pas devoir refufer cette hofpitalité
à cette fontange verdoyante ,
' par là , fans y penfer , ils introduifirent
le loup dans la Berrerie.
On pouffa fur le champ dans
Bbij
292 MERCURE
la Maifon de l'Ordre Teutoniques
où l'on trouva le fecond President
qui eft la feconde perfonne de l'Or
dre. On le fit auffi- roft monter à
chevalpour ne pas
donner le temps
aux Alliez du Pays qui vendient
de toutes parts , de le dégager. Il
eft arrivé icy avec deux cent mille
francs , que cette courſe a produit ,
non compris la fomme qu'on luy
demande pour l'Ordre Teutonique ,
qui monte à cent mille éeus.
THCH
1
On voit naturellement dans
cette Lettre de quelle maniere
los chofes fe font paffées , & je,
crois vous avoir fait plaifir en
5
TGALANY 293
yous l'envoyant. Voicy Textrait
d'une autre Lettre , dans
lequel vous verrez l'état où
éftoient alors les Ennemis.
admet al
TN Les ennemis font campez
Rheinhaufenfous Philifbourg,
ils font feparez de nous par un
petit ruiffeau. Leur armée agroffi
de huit mille Saxons ou Palatins
cils prétendent qu'il leur vient
encore d'autres renforts. Ils font
cependant mal payez & mal nourris
;leurs Deferteurs qui viennent
en nombre en font un bon témoignage
, auffi bien que legrand amas
de farines & d'autre fubfiftance
Bb iij
294 MERCURE
que nous leur avons enlevé, ainfi
que les groffes contributions que
nous avons exigées. Ils ont beaucoup
de malades parmi leur Infans.
ter . Leurs Efcadrons font de cent
hommes, & leurs Bataillons de
quatre cens , à peu prés comme les
noftres anot ૬ ૧૨૧૬૨
La Lettre fuivante continuëra
àvous faire voir combien
nefté profitable l'entrée de Mr
le Maréchal de Villars en Alle
magne.
Du Camp de Bruchfal le 2
Aouft.
Mr de Villars eftant venu
GALANT 295
bour du deffein qu'il avoit de mets
tre à contribution Ulme , Nu
remberg , Mariendal , Mayence
Darmstat , Hall , generales
ment tout lepays ennemi , depuis le
Lac de Conftance jufqu'au Mein ; .
& depuis le Rhin juſqu'à Nuremberg
, a rappellé toutes lesTrous
pes qu'il avoit dans differens Poftes
d'Allemagne ; il a abandonné
Heidelberg & Manheim aprés en
avoir tire les farines , voyant que
ces Poftes luy drvenoient inutiles.
Il a raffemblé toutes fes Troupes à
Bruchfal , pour obferver les ennemis
, qui peuvent avoir prefentement
vingt-fix mille hommes , &
s
Bb mij
296 MERCURE
quifont toujours campez à Rheinbaufen.
Mr de Saint- Fremont
nous procure la facilité des Convois
de Lauterbourg , ayec vingt
Efcadrons , & une Brigade d'Infanterie.
On ne peut trop admirer
la bonne contenance qu'à
tenuë Mr de Villars , lors que
les Ennemis ont commencé à
recevoir des renforts , & qu'il
a toûjours continué de tenir,
& l'on doit remarquer que dans
tout ce qui s'eft paffé entre les
partis , les ennemis ont toûjours
efté battus , même depuis
qu'ils ont eu lieu de reprendre
courage, d
GALANT ( 297
Du Camp de Bruchſal le 4°
>noƆ ash hAouſt.
de
Quoyque les Ennemis reçoivent
prefque tous les jours de nouvelles
Troupes , nous ne laiffons pas
les tenir toujours fort ferrez dans
Leur Camp fous Philifbourg , par
les poftes que nous tenons à lafortie
des Bois , nous avons toujours
la même liberté de faire payer
Les contributions que nous avons
établies auffiloin qu'elles pouvoient
aller. Il fe paffe peu de jours fans
que nos Houffards leur prennent
des chevaux , & battent quel
298 MERCUR
"
qu'un de leurs partis Le Capitai
d'Herfoffy , Boduchou en
battirent deux dans la journée
d'hier , & il nous arrive beau
coup de Deferteurs ; leur Camp
n'eft nyfain ny abondant en fou
tage , & le nostre eft tres-bon de
toute maniere.
Dans le temps que l'on croioit
que les expeditions de Mr de
Villars devoient eftre bornées
aux contributions qu'il avoit
tirées de la plus grande partie
des principales Villes d'Alle
magne ; on a efté furpris de
voir que ce Maréchal a conci
AUT
DE
pre
GALANT
nué de former , &même d
cuter des projets auffi grands
que ceux qui venoient d'avoir
un plein fuccés. La Lettre qui
fuit vous fera connoiftre que je
ne dis rien que de veritable.
sb moj-2777
Au Camp de Graben , le 11 .
Aouft 1707
.
• ĽArmée du Roy eft campée icy
depuis trois jours , les derniers détachemens
qui marchent vers le
Dauphiné , font partis ; les ennemis
fe fortifient tous les jours par
de nouvelles Troupes ; cependant
Mr le Maréchal de Villars ayant
300 MERCURE
pris un pofte qui couvre fes Con
vois , n'a pas laiffe d'envoyer ily
à deux jours un fort gros Corps de
Cavalerie avec cing cens hommes
Ide pied , au de- là des Montagnes
Noires , avec ordre de pouffer des.
partis , jufques aux frontieres di
Tirol, dans tous les Pays qui
font entre le Lac de Conftance , le
Danube , l'Ilher. Mr de Vi
vans commande ce détachement
compofe pour la plupart des Trou
pes qui estoient demeurées dans
les retranchemens de la Lutter.
On doit remarquer que Mr.
de Villars a judicieufement choift
pour une fi grande expedition , des
GALANT for
301
Troupes qui n'ont point fatigué
depuis le commencement de la
Campagne. Les Ennemis attendent
le Duc d'Hanover le 16.
fes équipages eftant arrivez
Francfort dés le commencement
du mois 001 mar 2
By
On apprend dans ce momentpar
des Lettres de Mr le Marquis de
Vivans qu'un party de Cavalerie
& de Houffards à voulu attaquer
fon arriere - garde prés de
Mulberg , & que ce party a efté
entierement défait ; on en a même
envoyé les prifonniers à Lauterbourg.
Comme Mr le Maréchal
302 MERCURE
de Villars n'a rien fait que de
glorieux & d'éclatant , ſoit en
pourfuivant les Ennemis juf
qu'au bout de l'Allemagne ,
foit en revenant fur les pas
pour conferver une partie de
Les nouvelles conqueftes &
pour continuer à les harceler ;
mais même après avoir veu diminuer
fes Troupes , & groffir
les leurs , & qu'enfin il con
ferve toûjours beaucoup de
fuperiorité ſur eux , quoyqu'
inferieur en Troupes , je crois
devoir continuer à vous envoyer
les Lettres qui viennent
de fon armée . Ainfi je
GALANT 303
continue de vous informer de
tout ce qu'il a fait pendant ce
mais , de la même maniere que
jay commencé à vous l'apprendret.
Au Camp de Gotzau le 16.
L'armée Imperiale marcha a
want hier à Bruchfal , & comme
Mrle Maréchal de Villars avoit
efté informé que les Ennemis avoient
eu deffein de fe faifir du
poſte de Graben , en quoy nous les
avions prevenus , il
il ne douta pas
que n'ayantpu nous ôter les bords
du Rhin , ils ne fongeaffent a
304 MERCURE
gagner Dourlach , qui leur don
neroit le pied des montagnes
. Ils
avoient pour cela deux lienes
moins à faire que nous , mais
l'armée du Roy pouvoit marcher
prefque toujours en bataille , au
Lieu que la marche des Ennemis
par le pied de la montagne , eftoit
-affez difficile. Cependant Mr le
Maréchal eut befoin de toute la
diligence qu'il fit pour les prevenir
, & ayant efté informé en
arrivant prés de Mulberg par
trois Courriers du Commandant
de Dourlach , que l'armée ennemie
approchoir , il s'avança au grand
trot avec 9. Efcadrons qui estoient
"
#GALANT 305
la tefte des Bagages. Il arriva
fur Dourlach dans le temps que
Ja tefte de l'armée Ennemie paxoiffoit.
On fit un grand bruit de
Timballes de Trompettes qui
Les arrefta. Il fut averti à 9.
> heures au foir , que
l'armée entiere
des Ennemis arrivoit fur les
hauteurs de Dourlach , ce qui l'obligea
d'y envoyer diligemment
Mr le Comte de Broglio avec
quelques Compagnies de Grenadiers.
Mr le Maréchal s'y rendit
à la pointe du jour , & il
trouva que les Ennemis qui a-
3 voient fait leurs difpofitions la
nuit , commençoient à embraffer
Aouft 1707. Cc
306 MERCURE
Dourlach avec 2 colonnes d
fanterie. Il ordonna àre
Marquis de Nangis de syjonter
avec 300 Grenadiers : Cepene
dant comme il y avois prés d'une
demi lieuë de noftre droite à cette
Kille , on avoit forcé Mr le
Marechal , par la crainte, affez
fondée de voir inveftir Dourlach,
d'envoyer ordre à Mr. le Marquis
de Nangis de fe retirer , lequel
ordre il revoqua dans l'inf
tant , à cause de l'extrême confe
quence qu'il y avoit de foutenir
ce pofte dans la fituation prefente
on eft noftre armée. Comme noftre
bruit de Timballes avoit arreſté les
GALANT 307
Ennemis la veille on les arrefta
de même par un grand bruit de
Tamboursé par une bonne convenance
; & les Dragons de la
droite eſtant arrivez au galop
& la Brigade de Champagne un
quart d'heure aprés , la journée ſe
paffa en canonnades. Les Ennemis
eftant fortifien de plufieurs Tron
pese feachant les détachemens
que nous avons fairs , deviennent
affez vifs , & ils le feront ens
core d'avantage aprés l'arrivée de
Mr d'Hanovre , que l'on attend
de moment à autre , & qui amene
encore un fecours confiderable.
Nos Troupes ont grande envie de
Ccij
308 MERCURE
-
combattre , & l'on ne peut trop
loüer l'ardeur & la joye qu'elles
font paroiftre dés qu'il y a aparence
d'action. Les armées font à
la demi portée du canon
a
Un de ces particuliers qui
voudroient tous les jours voir
gagner des batailles ou pren
dre des villes , ayant écrit d'une maniere conforme
d'une
fon ca
ractere , à un Officier de fess
amis qui fert en Allemagne ,
iken a reçû la Lettre fuivante
exy_rabh b
BADANN 309
got Ng iN G
Au Camp de Gotzau le 18 .
Aouft. aljerag ino
Sçavez - vous bien Mrs les
Zelez que vous nous donnez plus®
d'affaires que les guerriers , &
même que les Ennemis. Quoy
vous n'eftes pas encore contents ?
Il y a quatre mois que nous fommes
en deça du Rhin où perfonne
nofoit eſpererque nouspenetraffions ™
de toute la guerre. L'on nous ôte
les meilleurs Troupes pour envoyer
en Provence ; l'Ennemy reçoit
tous les jours de nouveaux renforts;
il a à prefent 6000. hom
310 MERCURE
mes plus que nous , le Duc d'Has
noore leur amene encore du
cours , & malgré tout cela nous
luy difputons le terrein pied
pied's que disje , nous le brudons.
"Nous venons de nous meure à la
demi-portée du canon lors qu'il
croit qu'il n'a qu'à paroifire pour
nous jetter au delà du Rhin, Nous
buy difputons Dourlach , qui ne
vaut pas Vaugirard ,
luy prefentons la batailles que
voulez- vous de plus , mès chers
Mrs ? Venez donc faire noftre
métier vous- mêmes ,
rons fi vous le trouverez auſſi ai
fé dans l'Empire qu'aux Tuillenous
nous vers
NGALANT 31
ries. Enfin je pardonne voſtre in
difcretion à cause de voſtre amour
pour la patrie ,
de la bonne
opinion que vous avez de noftre
General Jans cela Mrs , vous
feriez trop difficiles . Nous n'avons
pas besoin d'eftre excitez ; l'apro
bation nous aiguillonne d'avanta
ge. Ainfi paroiffez contens du pafs
fés vous nous engagerez à mieux
faire s'il eft paffible.
Je vous envoye une Relation
fuccinte qui vous inf
3
fidéle
truira de noftre fituation ; vous
pourrez enfaire part à vos amise
Je Suis oc
312 MERCURE
Au Camp de Gotzau le 18 .
Aouſti , daug
ergoca
4.g
Pour vous expliquer noftre
fituation ordinaire , il faut vous
dire que les Ennemis quitterent
leur Camp fous Philifbourg de
1.3 . pour venir camperà Bruchfal.
Sur ce mouvement , nous vinmes
à Mulberg le 14. Le même
jour nous aprifmes que l'Ennemy
devoit marcher à Dourlach , où
nous avions un pofte. La Princeffe
pria le Commandant de fe
retirer; il en donna avis , & bien
loin de luy permettre d'en fortir,
Mr
GALANT 3 313
Mr le Maréchaly marcha precipitament
avec neuf Efcadrons.
L'Ennemy
arrivoit aux portes.
Le ruiffeau nousfeparoit, & quand
il vit nos Troupes , il s'arrfta.
Mr le Maréchal
entra dans la
place ; raffura la petite garnifon
qui auroit bien voulu en fortir ,
declara à la Princeffe qu'il
difputeroit jufqu'à la derniere
maifon de la ville. Il y jetta
quelque petit renfort , aprés quoy
nous revinmes au Camp . Le foir
fur les 9. heures , le Commandant
de Dourlach nous avertit que
l'Armée entiere des Ennemis arrivoir
fur luy , & Mr le Ma- .
Aouft 1707 . Dd
314 MERCURE
réchal y pouffa la Brigade de
Champagne . Le lendemain à la
pointe du jour il s'y renditt pour
voir la fituation des Ennemis.
Nous les trouvames en bataille
ayant fait leurs difpofitions dés
la nuit , & leur Infanterie embraffant
Dourlach par deux Colonnes.
Toute noftre armée s'avança
; l'Ennemy fit halte , &
dans ce moment on jetta les Grenadiers
dans la Ville , avec Mr
le Marquis de Nangis , qui y
commande. La journée , de part
& d'autre fe paffa en mouvemens
, en difpofitions & en quelques
canonnades avec avantage
GALANT $315
子
de noftre cofté. Le foir enfin l'Ennemy
affit fon Camp à Cretzinguen,
fit occuper les hauteurs
de Dourlach par un gros Corps
d'Infanterie. Mr le Maréchal
établit trois Brigades fous la Ville,
le refte de l'armée est à une
demi- lieuë , prefte à foutenir ce
pofte , oouu à s'opofer aux autres
mouvemens que l'Ennemy voudra
faire. Hier Mr le Maréchal fit
canonner fon Camp par des Batteries
dreffées la nuit. A midy,
nos falves commencerent , & fur
le Camp & fur leur Quartier
General. Nous aprenons par les
deferteurs qu'ils ont beaucoup fou-
·
Ddij
316 MERCURE
fert , voila à quoy nous en
fommes.
La Relation qui fuit eft de
l'Officier qui a fait celles qui
precedent la Relation que vous
venez de lire.
Au Camp de Gotzau le 19 .
Aouft 1707
.
Vous avez veu par ma derniere
Lettre , que les deux armées
eftoient à la demi portée
du Canon ; mais avec cette difference
, que la droite de celle
du Roy eftoit couverte de bois ,
GALANT 317
des maifons du Fauxbourg de
Dourlac , & que le centre de celle
de l'Ennemy eftoit entierement
découvert. M. le Maréchal de
Villars ayant bien veû que ce centre
fouffriroit beaucoup dés qu'il
auroit placé fon Artillerie , fit
marcher avant hier la nuit quatre
piéces de 24 dix de 8. de la
nouvelle invention , & il or
donna de les mafquer de maniere.
que l'Ennemy ne pu s'en appercevoir
le jour , ce Maréchal ayant
refolu à ne commencer qu'à faire
tirer ( pourveu que l'Ennemy
n'eut rien decouvert ) qu'à midy,
qui eft l'heure que les Fourageurs
ج ن و م
Dd iij
318 MERCURE
Patureurs font rentrez ; que
le Camp eft le plus remply , es
cette heure étant d'ailleurs la plus
incommode de la journée pour décampers
puis qu'on ne peut attaquer
un Camp à cette heure - là ..
fans mettre les marmittes en de
fordre. A la premiere falve , on
a vu l'étonnement des Ennemis,
& à la feconde tout à fuit fans.
ordre , abandonnant le Camp tour
tendu , l'Infanterie gagnant les
vignes , & la Cavalerie s'éloi
gnant dans la Plaine fur la droite.
Ce matin nous avons trouvé tour
le Camp qui eftoit fous noftre Cas
non levé , & plufieurs deferteurs .
GALANT 319
qui nousfont arrivez nous apprennent
que les Ennemis ont beaucoup
perdu ; & qu'ils ont eu 4 Capitaines
tuez & plufieurs autres
Officiers ; nous en faurons bientot
davantage. Il fait un temps
f horrible depuis trois jours , que
tous les chemins font rompus ,
les Campagnes prefque inondéess
ces malheurs font pour les Ennecomme
pour nous , pour nous ainfi il n'ý
mis
qu'à fe confoler.
Les contributions viennent toujours
bien , & la marche de Mr.
de Vivans vers le Lac de conftan
ce leur donne une grande étenduë.
La varieté cftant toûjours de
Dd iiij
320 MERCURE
Venez
faifon , & tres agreable dans
un ouvrage , j'ay crû devoir feparer
l'Article des Nouvelles
d'Allemagne que vous
de lire , d'avec celuy de l'Epitalame
qui fuit. Je ne vous dis
point le nom de fon Auteur ,
quoy qu'il foit tres- connu , &
qu'il ait fait des ouvrages
grand éclat , & qui ont efté fort
applaudis du Public . Vous le
fçaurez peut eftre d'ailleurs
mais j'ay crû que je vous le devois
taire .
d'un
;
GALANT 321
EPITALAME
Sur le mariage de Monfieur le
Duc d'Eftrées , avec Made .
moifelle de Nevers.
Himen , batezvous de defcendre ,
Venezunir deux illuftres amans ,
Songez qu'ils content les momens
Repondezfans lesfaire attendre
A leurs tendres empreffemens.
S
Pour combler leurs defirs vous eftes
neceffaire ,
Mais en les unifant ilfaudroit vous
deffaire ,
D'un deffaut qui vous eft reproché
chaquejour ,
Acordezvous avec l'Amour ,
Dans le coeur des époux vous ne le
fouffrezguere,
322 MERCURE
Avec vous ilfaut d'ordinaire ;
S'attendre à cefacheux retour.
S
Pour ces nouveaux époux devenez
plus aimable.
Des noeuds qu'ils vont former ne
foyez point jaloux ,
Hymen , ce n'eft pas trop de l'amour
& de vous 5
Pour leurfaire une bonheur durable.
S
Que la froidear ni le dégout ,
Que les triftesfoucis quife glißent
par tout ,
Que l'importun chagrin avec fes
noires ailes ,
Que les aigreurs ni les querelles ,
Ne fuivent point icy vospas ,
On vous trouveroit fans apas ,
Pourquoyfoufrità vostre fuite ,
GALANTI 323
Ces fombres enfans du Cocite z
Nenous amenez painices hoftes dangereux
,
Qui troublent les Ris & les feux,
Et qui leurfont prendre la fuite.
2 .
Vous pouvez aux mortels faire un
fort affez doux ,
Commencez par ces deux époux :
Ne laiffez marcherfur vos traces,
Que les Plaifirs avec les Graces
Lorfque vous le voulez vous avez
des attraits 5
Venez avec l'aimable Paix ,
Amenez humeur(ans caprice ,
Qu'elle ait defages enjouemens ,
Quela douceur avec elle s'uniße,
·Joignezy tous les agrémens ,
De l'esprit & des fentimens ,
La bonté la delicateffe
L'égalité , lapoliteſſe ,
324 MERCUR
Et n'oubliez pas le devoir
C'eft lay dont le divinpouvoir
De toutes les vertus fai é clater l'ufage
C'eft luy qui les fait naiftre , elles
font fon ouvrage ,
Et c'eft au devoir feal que
immortels ,
les Dieux
Doivent ici bas leurs autels
Faites que ces amans ne fongent
qu'à fe plaire ,
Que leur union foitfincere ,
Que de leur mutuelle ardeur,
Nulfoupir dérobé ne puiffe les diftraire,
Et qu'aucune flame étrangere ,
Ne furprenne jamais leurs coeur.
Faites que toujours leur tendieffe ,
Se reveille par le defir
GALANT 325
Qu'un même trait toujours les blef
Je
Qu'aucun bien nepuiffe s'offrir
Oul'un fans l'autre s'intereffe
At que dans tous les deux l'attrait
du plaifir naiffe ,
De l'ufage de leurplaifir.
2
Enfin , je vous les recommande
Himen , n'oubliez rien pour contenter
leurs voeux ,
C'est une entreprise aßez grande ,
De rendre deux époux heureux,•
Pendant que ces deux Epoux
goûtent les plaifirs de l'Amour ,
dont l'Himen fait jouir avec
tranquilité ceux qui reconnoiffent
fon Empire , je paſſe à
326 MERCURE
9
un article d'un autre nature.
Je vous ay déja parlé il y a
quelques années , de ce qui fe
paffe aux élections des Prevôrs
des Marchands & Echevins de
cette Ville. Ainfi je ne vous
diray rien, aujourd huy de ce
qui s'eft fait à celle de M' Perichon
, Notaire , & de M'
Pigeard , Bourgeois , qui furent
élus Echevins le 16. de
ce mois , & j'ajouteray feulement
que leur nomination eft
une preuve bien convaincante
de leur merite & de leur grande
probité , puis qu'il n'y a
point de Charge ni d'employ
GALANT
327
que
dans le Royaume , de ceux
l'on ne peut poffeder fans que
l'on n'ait fait
auparavant
, un
exainen de vie & moeursde ceux
qui les doivent remplir , que
pour l'Echevinage , puifque
T'on ne peut même y être propofé
lorsque l'on a eu la moindre
affaire civile qui a fait entrer
un homme en prifon,
D'ailleurs , il faut avant que
d'eftre nommé Echevin , avoir
paffe par d'autres Emplois qui
ayent fait connoiftre la probité
de ceux qui font nommez
à l'Echevinage . Ces deux nouveaux
Echevins , conduits par
328 MERCURE
M des Granges Maiftre des
Ceremonies , prêterent le 17
de ce mois , le ferment accou
tumé entre les mains de Sa
Majefté , le Scrutin étant
prefenté par M de Morville
Avocat du Roy au Chaſtelet
& fils de M d'Armenonville
Directeur General des Finances.
Il fit un difcours auffi brillant
, que remply d'éloquence
& de verité , & l'on peut affurer
qu'il dit en peu de paroles
, quantité de chofes qui
furent generalement applaudies
de tous ceux qui curent
le plaifir d'entendre ce difcours,
GALANT 329
dont l'Auteur eft encore tort
jeune , ce qui fut un nouveau
fujet d'admiration pour luy.
Il eft impoffible de bien exprimer
la maniere dont le Roy
répondit à ce difcours. La reponſe
de S. M. remplie d'éloquence
& de grandeur , marqua
beaucoup de tendreffe , &
fut fi touchante que les Auditeurs
n'en furent pas moins
petnetrez que ceux à qui elle
eftoit adreffée .
Je ne puis vous appren-
.dre trop toft que le fieur
Nolin , Geographe ordinaire
du Roy , vient de mettre au
Aouft 1707.
E e
330 MERCURE
jour une Carte que les Curieux
attendoient
impatiemment
, &
qui a pour
titre ,
Plan de Toulon , la vûë de fa
Rade & fituation de fes Tours
celles des hauteurs de Sainte Anne
oùfont campéces & retranchées les
Troupes du Roy , & de Sainte
Catherine ; le Camp des ennemis
& avec les deffenfes
de la Place Deffinéſur cer
luy de Sa Majesté.
leurs attaques ,
Ce titre feul pouvant exciter
beaucoup de curiofité , je
ne vous diray rien davantage.
de cette Carte , fice n'est qu'el
le fe vend fur le Quay de l'HorGALANT
33º
foge du Palais , à l'Enfeigne de
la Place des Victoires .
Je paffe à un Article qui merite
beaucoup d'attention , & qui
doit faire voir la grande experience
de Monfieur de Vendôme
dans le mêtier de la Guerre,
& que ce Prince vigilant ne ſçait
pas
moins embaraffer les Generaux
avec lefquels il a affaire
dans fes marches & contremarches
, ainfi que dans fes
campemens , qu'il les ſçait vaincre
un jour de Bataille , par fes
lumieres & par fa valeur.
Avant que de vous faire part
de plufieurs Lettres qui regar-
Ecij
332 MERCURE
dent les marches , faites par
l'Armée des Alliez , & par celld
de Monfieur de Vendômeop
aprés leur décampement , je
dois vous dire que ce Prince
prit toutes les précautions neceffaires
pour ne pas faire de
fauffes démarches , comme il
en auroit fait effectivement fi
pour avoir crû trop legerement
il avoit décampé fans que
l'Armée de M' de Marlbo
rough eut marché , & pour cet
effet , lorsqu'on luy eut dit le
10 de ce mois que Milord
Marlborough avoit levé le piquet
à 11. heures du matin
'
GALANT 333
qu'il avoit jetté trois Ponts fur
la Dyle ; que fon deffein paroifloit
d'aller à Nôtre Dame
de Hall, & d'aller de là occuper
le Camp de Genape, afin de gagner
une marche fur nous , il
fit deffenfes de fortir du Camp,
& cependant de ne point prodiguer
le fourage , de crainte que
ce ne fuft une fauffe nouvelle.
Havoit envoyé reconnoiftre
l'Armée ennemie , & il ne vouloit
pas quitter le Camp de
Gemblours , qu'il ne fuft affuré
que toute cette Armée marchoir.
Je paffe aux Lettres , dont je
viens de vous parler.
334 MERCURE
2.1.2119
Au Camp de Vanderbeck , le
12. Aouſt.
Hier les ennemis renvoyerent
tons leurs bagages par Louvain à
Bruxelles , & fuivant tous les
avis ils marcherent à nous aprés
avoir retiré leurs garnisons &
leurs fauvegardes . Tous les efpions
tous les partis , raporterent
à fix heures du foir , que
armée s'avançoit par la plaine de
Beaumirois Longueville &
Beaumont , & à dix heures on vit
venir nosfauvegardes ,des payfans
les partis que nous avions fur
,
leur
GALANT 335
eúx . Ils convenoient tous que la
tefte de leur armée eftoit déja à
Tourine les Ordons , & à Torbais
Saint Tron , & qu'ils fe difpo
foient à paffer le ruiffeau à Walheim
pour venir à nous. Comme
Mr le Duc de Guiche occupoit ce
Village , ilfit partir tous fes équi
pages il donna avis à Mr
de Vendofme de tout ce qu'il
aprenoit, ce qui s'acordoit avec tout
ce que les espions luy avoient dit,
Ce Prince vint trouver Mr le
Duc de Guiche; fit tirer trois coups
de canon pour avertir tout le monde
de s'aprefter ; fit battre la gene-
Tale e l'affemblée ; mit fon ar
336 MERCURE
mée en bataille , & fitfa difpofi
tion , qui eftoit de refter fur la
hauteur de Walheim bordée de
toute fon artillerie , & de laiffer.
paffer aux ennemis le ruiffeau ; de
leur abandonner le village , &
de les charger à mesure qu'ils fo
formeroient.
On refta dans cette fituation
jufqu'à minuit , qu'on feut au
vray que 2000. chevaux efloient
venusjufqu'à Tourine les Ordons ,
pour couvrir la marche des ennemis
, qu'ils firent de Meldert
Hougarde fur Genape ; ils pafferent
la Dyle fur divers Ponts
qu'ils avoient à Raure & au
deffus
GALANT 337
deffus de Florival . Ils ont paffé,
la nuit derniere en bataille , &
ce n'eft que ce matin qu'ils ont
affis leur Camp , dont la gauche
ne paffe pas Genape.
Sur cette nouvelle on décampa
de Gemblours à la pointe du jour
on marcha fur fept colonnes.
Nous paflames par Blancmont ,
Gemptines , Villers - Peruis , Liberchies
, Ubay , & vinsmes.
camper la gauche au ruiſſeau de
Senef & la droite à Capelle &
à Harlemontfur le Pieton . Demain
nous irons au grand Roeulx
Sou à Cambron .
Cette Lettre s'explique fi
Aoust 1707... Ff
338 MERCURE
clairement , & fait fi bien voir
l'attention de M' de Vendôme,
fur tout ce qui peut regarder un
parfait General , que n'y pou
vant rien ajoûter , je paſſe à la
Lettre fuivante qui vous fera
voir la marche de noftre Ar
mée pendant trois jours pour
empêcher les Ennemis de ſe
faifir du Camp de Cambron ,
ou de Chièvres , que nous loc
cupons prefentement , & dont
ils vouloient s'emparer , man
quant depuis long - temps de
toutes chofes dans leur Camp
de Meldert & d'Hougarde
. On
voit auffi dans la même Lettres
GALANT 339
la maniere dont les Ennemis
ont échoué dans le deffein qu'ils
avoient d'attaquer l'arriere gar
dede l'Armée de M' de Vendôr
me , & la perte qu'ils ont faite
en cette occafion. Le Duc de
Marlborough ayant efté forr
blâme de toute la manoeuvre
qu'il a faite dans fes marches ,
& voulant que les Gazettes de
Hollande en parlaffent d'une
maniere qui poft obfcurcir la
verité , & luy donner quelque
gloire lorfqu'il ne meritoit que
du blâme , eur foin de dicter
une Relation de cette marche
àfon Secretaire afin qu'on
i
Ffij
340 MERCURE
Pemployaſt dans ces Gazettes.
C'eftun fait dont plufieurs Ler-
-tres font foy ; mais quoy que
ace Duc ait pu dire , il fuffit qu'il
ait manqué le Camp de Cambron
pour faire voir que fon
décampement ne luy a pas efté
zavantageux. Je ferois trop long
fi je voulois vous faire un détail
de tout ce qui s'eft paffe
dans la marche des Armées jufques
aux Camps que les deux
Armées occupent prefentement.
Vous y verriez les deffeins
du Duc de Marlborough
rompus prefque à chaque pas ,
par la penetration de M₁ de
GALANT: 6341
5 .
Vendôme , & par fon activité
à faire marcher fubitement les
Troupes pendant le plus mauvais
temps du monde dans tous
les lieux où il eftoit neceffaire
qu'elles allaffent pour barrer
la marche du General Anglois.
Je palle à la Lettre dont je viens
de vous parler.
Au Camp de Chievre le 15 .
zhab 291 bra angla xud coup
Le 12. à midy les ennemis firent
un détachement de tous les
Grenadiers de leur Armée , dequel
ques Bataillons Anglois o d'un
Efcadran par Regiment de Casa-
Ff iij
342 MERCURE
lerie de Dragons. Ce Corps
marcha par les hauteurs , & vint
occuper le ruiff au de Senefle
défié d'Aquin , ainsi que celuy de
Feluy . On ne doute point que les
ennemis ne cherchaffent à nous
combattre , comme le Camp ou
nous estions n'eftoit pas propre à
faire mouvoir noftre Cavaleries
nous prîmes le parti de décamper à
l'entrée de la nuit. L'Armée mare
cha Mrd Albergorty fut char
gé de l'arriere- garde avec deux
Regimens de Dragons , & vingt
Compagnies de Grenadiers ; les
Brigades de Piémont og de Vens
dome, cent Gardes du Royy
GALANT 343
commandez par Mr de Bufca. A
une beure de jour on vint avertir
que l'arriere - garde alloit eftre attaquée.
Mr l'Electeur & Mr de
Vendôme y accoururent à toutes
jambes , trouverent en effet que
tout le Corps de Troupes ennemies ,
commandé par Mr le Prince d'Auvergne
, fuivoit Mr d'Albergor
ty depuis le point du jour à la demi-
portée du fufil. Elles firent plu
fieurs tentatives pour
fans ofer l'entreprendre. Cependant
comme on croyoit que c'eftoit toute
l'Armée ennemie , on mit la noftre
en bataille dans uue belle plaine
mais les ennemis s'en retournerent
Pentamer
344 MERCURE
fans rien tenter , aprés avoir perdu
quelques Officiers & plufieursSoldats
& Cavaliers. Nous n'en
avon's eu qu'un de tué &deux de
bleffez. Cette retraite a efté parfaitement
bienfaite. Mrd Albergotty
& Mrs Le Chevalier de
Luxembourg Le Comte de
Coignies , le Chevalier Bavin,
Mrs les Comtes de la Marck ,
de Sillygirard & le Chevalier
d' Albergoty, Brigadiers , ainfi
que
Mr de Brillac commandant
les Grenadiers , ont tres - bien fait
en cette occafion . Mr de Birons'y
étoit d'abord porté avec des Troupes
qu'il avoit tres-bien difpofées.
GALANT 345
2
Le même jour l'Armée vint camper
à Saint Denis , & hier elle
vint occuper ce Camp , fans queles
ennemis ayent donné la moindre inquietude.
Pendant ces trois jours
la pluye n'a point ceffé. Famais
Armée n'a paru de meilleure volonté
que celle - cy. Les Ennemis
font campez dans la Plaine de
Montigny- lez- Lens . Leur gauche
eft à Soignies , à une grande
demi lieue de noftre droite ; leur
droite eft à Louvignies . La petite
riviere de Cambron eft entre eux
&nous , & nous en avons affuré
tous les paffages par de petits retranehemens
. Ils nous menacent de
a
346 MERCURE
م ی و ب
venir camper furfes bords , dejet
ter des Ponts de venir ànous ?
nous les attendons , perfuade
néanmoins que leurs menaces n'au
ront point d'effet. Leurs Gardes
avancées & les nostres fe voyent I
& elles ne font éloignées les unes
des autres que d'un demi - quart det
lieve.
·
M' de Vendôme , toûjours
appliqué à la confervation do
l'Armée qu'il commande é &
rêvant toûjours aux moyens
de triompher un jour de com
bat , a cru devoir faire des
changemens confiderables taub
campement dont vous venez?
GADANT 347
de voir la fituation , & pour
cet effet il a fait reculer le Camp
denviron 400. pas , afin d'a
voir devant luy un plus beau
terrain pour marcher aux
Ennemis en cas d'affaire . Sa
droite eft prefentement
appuite
fur l'Etang , entre Lens &
Tubize . Ily a deux Regimens
d'Infanterie & deux de Dragons
cas Cambron l'Abbaye ;
un à Bragelettes ; deux à Atbre
; un à Horimel ; un à Tou
rette , & deux à Beauffe ; de
maniere que tous les environs
de fon Camp ne peuvent être
furpris .
348 MERCURE
Aprés vous avoir fait part de
plufieurs Extraits de Lettres de
l'Armée de M de Vendôme, je
dois vous en envoyer un d'une
Lettre d'un Bourgeois de la
Haye,qui écrit confidemment
à un de fes amis , & qui luy
mande ce qui fuit .
Par le Courrier de Flandres
qui arriva le 17. on s'eft bientoft
aperceu qu'on avoit trop prematurement
jugé de la pretenduë
retraite des Ennemis , puifqu'il
a affuré que leur armée avoit
campé la nuit du 13. all 14.
fur la Bruyere de Cafteau d'où
elle partit hier au matin à la
pointe
GALANT 349
pointe du jour pour s'emparer du
Camp de Cambron . Ainfi fa
marche n'a efté precipitée que pour
gagner une marche fur nous . Ce
Courrier dit auffi qu'il a veu nôtre
armée arrivant à Soignies ,
celuy qui vient d'en arriver
-confirme que celle des deux Couronnes
eft effectivement à Cambron.
On fait icy tout ce qu'on
peut pourdonner une belle face au
-vilain tour que Mr l'Electeur &
Mr de Vendôme viennent de jouer
à Mylord Duc , qui pour ne pas
avoir fait de dépense en Efpions ,
n'a pas feeu que leur armée paffoir
fi proche de la fienne pour aller fe
Aouft 1707 . Gg
3
350 MERCURE
pofter dans le Camp qu'il vouloir
occuper. Les Gens du mêtier prévoient
qu'il ne pourra pas reſter
long- temps à Soignies , & qu'a
wec tous fes airs de livrer bataille
, il fera encore une fois obligé
de reculer vers Bruxelles , à moins
qu'il ne veuille riſquer de voir fes
convois coupez, & peut- eftre la
perte de cette Capitale.
Je dois ajouter à cet Extrait ,
celuy que vous allez lire ; il eft
tiré d'une Lettre d'un Officier
de l'armée du Duc de Marlborough
, & il fait voir combien
l'armée des Alliez a fouffert
GALANT 351
*
dans les marches qu'elle a faites
.
Il n'y a rien de nouveau des
armées ; celle des Ennemis fe retranche
à Cambron , & la noſtre
iiccyy. La marche . La marche que nous
A
encore
filmes Dimanche pour y venir de
Nivelle , a efté des plus rudes à
caufe des mauvais chemins . Ce
que nos Troupes ont souffert n'eſt
pas croyable , fur tout l'Infanterie
, les Soldats ayant eu de la
bonë' juſqu'aux genoux , & les
Chevaux jufqu'aux fangles, de
forte qu'il en a peri un grand
nombre fur lå route. E'artillerie
n'a pu nous joindre qu'hier du
Ggij
352 MBROLIR E
foir; en un mot le mauvais temps
nous fait beaucoup de tort. On
dit toujours que Mylord Duc eft
refolu d'attaquer l'Ennemy en
quelque endroit qu'il puiße eſtre ;
c'est ce que le temps nous aprendra .
slurder
Le Duc de Marlborough fe
donnant toûjours des mouve
mens comme s'il vouloit en-
33gager un combat , & en parlant
trop fouvent & trop ou
vertement pour faire croire
qu'il en a veritablement le defa
fein , toute la manoeuvre &
é toutes les paroles donnant lieu
faux Generaux qui ont affaire
GALANT 353
à luy d'eftre toûjours fur leurs
gardes , & M de Vendôme apprenant
tous les jours
tout ce
qui fe dit dans fon Camp , cruc
fur ce qu'il en avoit apris le
21. devoir faire les difpofitions
que vous trouverez dans la
Lettre fuivante . G
Au Camp de Chievres le
-22. Aouſt à onze heures &
demie du foir.
At Mr de Vendôme vient de don-
Bner ordre
que
les gro
gros Equipages
de l'armée foient demain 23 .
la pointe du jour à Beauffe ; c'est
Gg iij
354 MERCURE
encore en
un Village à 4. lieues demie
&
d'icy qui eft dans la fecondo ligne,
ils devoient trouver as
ce Village une EEscorte pour les
conduire , mais on ne fait pas
quel lieu ; peut- eftre fes
ra-ce à Mons , cela fur da
nouvelle qu'on vient d'apprendre
les Ennemis ont levé le Camp
ce foir & qu'ils marchent du cô- l
té de Leffines. Le bruit eft qu'ils M
viennent à nous, que nous les is के
verrons demain deprés. Toute l'amist
mée , malgré l'embarras des Equis up
pages s'en rejouit , & jefuis per 10
fuadé que Mr de Vendôme ferais's
de bon coeur la moitié du chemin 251
que
HEALANT 353
Noftre Camp eft comme une Citadelle
, tous les quais , les ponts ,
les moulins de noftre droite font &
retranchez & gardez. Le deffein
des Ennemis eft apparemment de
venir par noftre gauche , où ils
ferent bien receus.
$ 93-61
La fuite a fait voir que tous
les mouvemens du Duc de
Marlborough n'ont abouti à
rien , & qu'il veut feulement
faire croire à toute l'Europe
qu'il cherche à engager
combat , quoyque fon armées- ¶
n'ait pornt pour en donner
les empreffemens qu'on luy a
un
356 MERCURE
3u8
veu les années precedentes , &
que la difette de fourage at
caufé une grande mortalité
parmy fa cavaleric.2011 291
Mr de Legal ayant efté détaché
pour prendre Monçon,
a reduit cette place fous lobéiffance
de Philippe V. & la
Garnifon fe rendit à difcretion
le 8. de ce mois . Il y avoit
dans la place 300. Anglois ou
Hollandois & so. Efpagnols
du Regiment d'Aragon levé
pour l'Archiduc pendant la revolte
; on y a trouvé quatre
pieces d'artillerie & quelques
20
munitions.
RGALANT 357
Le Regiment des Afturies
qui eft à Balbaftro , a pris quelques
Miquelets , & a obligé
les autres à fe retirer dans les
montagnes.
Mr le Duc d'Orleans a établi
fon Quartier general à Balaguer
, diftant de lieuës
de Lerida , à caufe de la commodité
des fourages.
Sie
on
fit
Le 2. de ce mois
› partir de Bayone , 12. pieces
de gros canon qui ont efté conduites
à l'armée qui doit faire
le fiege de Lerida , S. A. R.
attend impatiemment que,
chaleurs foient paffées pour
les
358 MERCURE
commencer ce fiege . Toutes
les Troupes qui font fous lo
commandement
de ce Prince
font charmées de fes manieres
, & il tient tous les jours
des tables pour plus de quatre
cens Officiers .
Vous trouverez la fuite desa
affaires d'Alemagne dans la
Lettre que vous allez lire , que
je vous envoye de la maniere
qu'elle eft venue du Camp de
Mr le Maréchal de Villars.
Vous connoiſtrez par cette Legs
tre que ce Maréchal n'eft pas
moins aimé en Alemagne qu'il
y eft craint , & qu'il ſe fait en
CALANT
359
ce Pais- là des
combats de civilité
&
d'amitié ,
auffi
bicn
que de
guerre.
Au
Camp de
Gotzau le 21.
1
Nous
avons
appris
par des
prifonniers
des
deferteurs
que
la
canonnade
avoit
coufté
cher
aux
Ennemis
& la
pluspart
nous
affurent
qu'ils y ont
perdu
200.
hommes. prés de
,
Mr le
Prince de
Hohenzolern
Maréchal de
Camp
general de
Empereur,qui eft des
intimes
amis
de
Mr le
Maréchal
de
Villars
lay
ayant
mandé
que s'il
vouloir
360 MERCURE
2
Tuy donner une heure entre les
Gardes , il feroit ravi de l'embraffer.
Mr le Maréchal de Villars
s'y rendit hier à 11. heures
du matin , aprés luy avoir envoyé
un Surtout chargé de vins '
de France, La plus part des Generaux
des deux armées fe trouverent
à ce rendez - vous , & tout
fe paffa en amitiez & civilitez.
Me la Princeffe de Dourlach
ayant prie Mr le Maréchal de
Villars
que le Prince fon fils puft
la venir voir dans la Ville dé
Dourlach , ce Maréchal y con
fentit. Les Ennemis receurent a
vant- hier un renfort de 9. Efea-.
drons
GALANT 361
"
drons deux Bataillons . Nos
poftes font toujours à la demie
portée du moufquet , & les armées
dans la mme fituation.
- Mr le M. de Vivans arrive
avec beaucoup d'argent tiré des
contributions , des oftages de
plufieurs Etats.
D'autres Lettres écrites du
même Camp , par ceux qui
eftoient du détachement de M
de Vivans , parlent des fommes
qu'ils ont tirées des Païs
dont ils viennent , d'une maniere
qui donne lieu de croire
que ces fommes font tresgrandes
, & que l'argent que
Aouſt 1707 . Hh
362 MERCURE
l'on en attend encore doit être
fort confiderable.
Les Lettres du 23. portent
que Mr le Maréchal
de Villars
eftoit encore dans le même
Camp de Gotzau ,
Je reçois en ce moment la
Lettre fuivante , qui vous paroiftra
fort curieufe , & qui
vous fera voir que la Fortune
feconde en tout , les deffeins
de Mr le Maréchal de Villars.
Au Camp de Graben , le 25 .
Aouft 1707 .
Mr le M. de Vivans revient
avec des oftages de tous les pays
GALANT 363
qui font entre Danube , le Lac de
Conftance , les Montagnes du Tirol
& l'Ilber , & beaucoup d'argent.
Huit cens hommes , des garnifons
de Fribourg & des autres
petites Villes ,
ont dans les Montagnes
, ont
voulu fermer fa retraite , & ils
avoient déja attaqué les Bagages
qui avoient l'avant-garde , &
pris cinq mulets qui portoient la
vaiffelle d'argent de Mr de Vivans.
Il attaqua les ennemis , reprit
les malets & la vaiſſelle d'argent
, tua plus de 80. hommes fur
Taplace , & prit un de leurs Capitaines
avec plufieurs Soldats . Mr
que les Ennemis
Hhij
364 MERCURE
le Duc de Wirtemberg avoit mare
ché avanthier avec deux mille
chevaux pour aller chercher Mr
le M. de Vivans , qui eft anjourd'huy
à quatre lisüeș de Raftadt
, aprés avoir remis les oftages
l'argent qu'il rapporte au Fort-
Louis. Nousfommes toujours dans
nos mêmes Poftes , & nos gardes
font à lademi portée du moufquer.
Mr de Chaftillon , Capitaine
des Grenadiers de Champagne ,
fur bleffe hier au foir d'un coup
de fufil dans l'épaule. Les ennemis
fouffrent , manquant de pain
de fourages. Mr le Maréchal
de Villars fait deſcendre fon pain
GALANT 365
a
& les avoines , par le Rhin à une
lieue de fon Camp ; fans cette commodité
, il n'euft pú refter dans ce
Camp , les chemins eſtant presque
impraticables , à caufe des pluyes
continuelles .
Vous
ava
ayant dit peu de
chofe de l'affaire de Toulon
à la fin de ma Lettre du
mois dernier , je devrois , fuivant
l'ufage que j'ay toûjours
obfervé lorsqu'il s'eft agi d'une
affaire d'une auffi groffe confequence
, & qui a fait confommer
plus de poudre que n'auroit
fait le plus grand Siege ,
Hhij
356 MERCURE
quand il auroit duré plus de fix
mois . J. devrois , dis je vous
envoyer aujourd'huy un Jour
nal de tout ce qui s'elt palle en
Provence depuis un mois ; mais
vous jugez bien qu'il eft moralement
impoffible que cela fe
puiffe faire , & que ce Journal
devroit feul eftre auffi gros
que ma Lettre entiere , & que
je n'ay pas eu le temps d'yara
vailler , les grands évenemens
ayant efté precipitez , & eftant
prefque arrivez coup fur coup.
D'ailleurs ; je pourrois vous
mander quantité de faits qui
ne fe trouveroient pas veritaGALANT
367
bles , & dont il me faut beau
coup de temps pour éclaircir
la verité. J'ay prés de cent Lettres
venues de preſque toutes
les Villes de Provence , dont
plufieurs fe contredifent en
parlant differemment , & fur
des oui dire , de tout ce qui s'eft
paffé à Toulon. Ainfi il faut
que je travaille beaucoup pour
démefler la verité de toutes
chofes , & que je me regle
fur des Relations écrites de
Toulon même. J'efpere que
j'en recevray forfque nos Guerriers
, aprés avoir reconduit Mr
de Savoye , goûteront un re
368 MERCURE
pos plus tranquile que celuy
dont ils ont joui depuis fix femaines
; fi
; fi pourtant on peut
dire qu'ils ayent eu quelques
momens de repos . Je travail .
leray done fur leurs Memoi
res & fur ceux que j'ay déja ,
& je vous envoyeray un Vo
lume entier qui contiendra un
Journal de tout ce qui s'eft paffé
depuis l'entrée de Mr de Sa
voye en Provence , jufqu'à fa
fortie. Je ne puis vous dire dans ·
quel temps vous le pourrez recevoir
, & fi je ne vous l'envoye
pas dans un mois , vous ·
fçaurez lorfque je vous envoyeGALANY
369
ray ma Lettre au commencement
du mois d'Octobre
dans quel temps vous pourrez
le recevoir . Une pareille Rela
tion ne doit pas eftre regardée
comme des Nouvelles Journal
lieres , dont la nouveauté fait
prefque tout le prix , mais
comme un beau morceau d'hiftoire
, qui doit eſtre bon en
tout temps , & qui doit eftre
conſervé à la poſterité pour la
gloire de la France , & pour
celle des Braves , qui en fauvant
Toulon , ont empêché
que la guerre ne paffaft dans
une grande partie de la France ,
370 MERCURE
& les familles de ces Braves ,
devront garder ce curieux morceau
d'Hiftoire , pour le faire
voir à leurs defcendans . Ce
pendant , pour ne pas vous laiffer
aujourd huy fans nouvelles
de Toulon , je vais vous
faire un détail le plus exact
qu'il me fera poffible , de tout
ce qui s'eft paffé depuis la deffaite
des ennemis à la hauteur
de Sainte Catherine , & le renverfement
de leurs paralelles ,
jufques aprés le départ de Mr
de Savoye , que je tâcheray de
conduire dans cet article , le
plus loin qu'il me fera poffible.
$
GALANY 370
Aprés les avantages rem
portez par nos Troupes en divers
endroits , fur celles des
ennemis , & qu'il eutparu pendant
quelque temps qu'ils ne
devoient plus fonger qu'à fe re
tirer , ils remporterent à leur
tour des avantages affez confiderables
pour donner de l'inquietude
à nos Generaux , &
pour leur faire croire que l'affaire
traîneroit en longueur , &
qu'ils ne pourroient empêcher
que Toulon ne fut bombar
dé , comme il l'a efté en effet.
Les Ennemis fe rendirent maîtres
du Fort de Sainte Margue372
MERCURE
น
te, & de celuy des Vignettes
appellé auffi Fort de S. Louis ,
& ils reçurent du canon dont
ils firent plufieurs Batteries ,
fans qu'on puft s'en appercevoir
, & qu'ils demafquerent
quelque temps aprés . Je dois
ajoûter icy que la garnifon du
Fort de Sainte Marguerite fut
obligée de fe rendre le 17 parce
qu'elle manquoit d'eau , la
Cifterne s'eftant crevée par l'étonnement
du canon .
Quant à ce qui regarde le
Fort de Saint Louis , il fut abandonné
le 18. à dix heures du
foir. Les ennemis le battoient
depuis
GALANT 373
$
depuis le 8. avec dix pieces de
canon . Mr Dillon , Capitaine
de Grenadiers dans le Rcgiment
de Vexin , s'eft acquis
-beaucoup de gloire dans la deffenfe
de ce Fort. Il y avoit trois
jours que Mr le Maréchal de
Teffé luy avoit donné ordre de
fe retirer avec fa garnifon ; ce
qu'il ne fit qu'après avoir foû-
- tenu trois affauts , dans lefquels
les ennemis ont perdu beaucoup
de monde.
Comme ils pouvoient de ce
Fort , jetter des Bombes dans
Toulon , qu'ils y en jettoient
de plufieurs autres endroits ,
Aoust 1707. Ii
374 MERCURE
ainfi que de quatre Galliottes à
Bombes qu'ils avoient poſtées
fous ce Fort , & que leur canon
labouroit plufieurs rues de la
Ville . Comme les ennemis, disje
, avoient tous ces avantages
, il paroiffoit qu'ils eſtoient
fort éloignez de lever le fiege
précipitamment qu'ils auffi
l'ont fait ; cependant ils l'ont
levé fort à propos & fort prudemment
, & en voicy les raifons
. Une Bombe tombée dans
le Fort de Saint Louis , fut caufe
qu'ils ne jouirent pas longtemps
de l'avantage que la prife
de ce Fort leur donnoit d'en
GALANT
375
jetter dans Toulon ; le vent
forcé de Nord- Ouest , qui regnoit
depuis quinze jours , leur
empêchoit de recevoir des vivres
, & la famine leur faifoit
perir beaucoup de monde , &
augmentoit la defertion ; les
Generaux apprenoient tous les
jours que les Troupes qui marchoient
de tous coftez , & avec
lefquelles on avoit deffein d'attaquer
leur Camp par plufieurs
endroits , eftoient fur le point
d'arriver , & qu'enfin Meffeigneurs
les Princes devoient venir
en Provence , & que toute
la Province avoit refolu de fe
1
Ii ij
376 MERCURE
ཝཱ
mettre en armes à leur arrivée ,
chacun ayant refolu de facrifier
fa vie & fes biens pour empêcher
que les Alliez puflent.
regagner le Piémont , & pour
leur en fermer le paffage . Toutes
ces chofes , jointes à ce que,
les Bombes faifoient peu d'effet
dans Toulon , que les Magafins
n'en pouvoient eftre endommagez
à caufe de l'épaiffeur
de leur voute ; que toute
la Ville eftoit dépayée ; qu'il y
avoit de l'eau prête dans tous
les quartiers pour éteindre le
feu , & qu'enfin Toulon n'étoit
pas une Ville que l'on puft
GALANT 377
>
prendre avec des Bombes.
Toutes ces chofes , dis je, bien
examinées , firent prendre aux
Alliez la refolution de fe retirer
, & il leur fut impoffible
d'empêcher qu'on ne les foupçonnaft
d'avoir ce deffein
puifque dés le 20. ils furent
obligez de travailler à l'execution
de leur projet , ' ce qu'ils ne
purent faire fans ceffer de tirer
& de jetter des Bombes dés le
20. & fans laiffer appercevoir
par les mouvemens qu'ils faifoient
dans leur Camp , qu'ils
eftoient fur le point de fe re-
Ii iij
378 MERCURE
tirer. Ils firent embarquer en
viron 4000 , malades ou bleffez
, qui auront beaucoup fouffert
, & dont plufieurs auront
péri , l'infection eſtant déja ſi
grande dans leur Flote , que depuis
long tems ils jettoient tous
les jours beaucoup de morts à
la mer. Enfin ils décamperent
Ja nuit du 21. au 22. de ce
mois , & Mr le Maréchal de
Teffé envoya auffi toft au Roy,
Mr le Comte de Teffe fon fils
pour luy en porter la nouvelle ,
lequel a dirà Sa Majesté que le
nombre des Deferteurs de l'Armée
des Alliez , alloit au de- là
•
GALANT 379
de dix mille , & comme le feu
du canon en a tué une infinité ,
fans ce que l'exceffive chaleur
en a emporté dans le trajet ,
auffi bien que les maladies furvenues
naturellement & celles
qui ont efté caufées par la difette
de vivres on compte
qu'il ne rentrera tout au plus
en Italie que le tiers des Troupes
qui en font forties ; car il
y a lieu de croire qu'ils en perdront
beaucoup pendant leur
retraite. M le Comte de Teffé
ayant rendu fes Lettres , &
ayant fait raport de tout ce qu'il
çavoit Sa Majesté luy dit ,
380 MERCURE
que Mr le Maréchal fon pere
avoit rendu un des plus grands
Services qu'un Sujet ait jamais
rendus à fon Roy& à l'Etat.
Par des Lettres
poſterieures
à celles qui ont
rapporté les
nouvelles
precedentes , on a
appris que M le Maréchal de
Teffé avoit couché dans le
Camp de M' de Savoye le
jour mefine du départ de ce
Duc ; que ce Maréchal avoit
détaché 4000. Grenadiers qui
marchoient devant luy avec
autant de diligence , que d'impatience
de joindre Mr de Sa
GALANT 381
voye , & qu'il les fuivoit avec
toute l'armée.
Mr de Medavy marche d'un
cofté , & Mr le Chevalier de
Mianes de l'autre avec douze
mille Payfans , ainfi que je
vous l'ay déja dit. Je dois a
jouter que la plufpart de ces
Payfans font de tres - bons tireurs.
Le Roy aprés avoir appris
ces nouvelles , & tous les
ordres que Mr. le Maréchal de
Teffé avoit donnez pour faire
marcher les Troupes en divers
endroits , dit à Mr le Comte
de Teffé , voſtre Pere fait toujours
de mieux en mieux . Mr de
382 MERCURE
Savoye marche avec tant de vi
vacité , qu'il a fait en 2. jours ce
qu'il n'avoit fait qu'en s . pour
fe rendre devant Toulon. Ce
Prince a laiffé en partant une
partie de fes Tentes toutes
tenduës , afin de mieux cacher
fa retraite. Il a auffi laiffé partie
des Equipages les plus difficiles
à emporter lors que l'on
fait une marche precipitée ; 13 .
pieces de canon , quelques mor
tiers , & quantité de poudre.
La flotte a embarqué 3000 .
hommes de Troupes , dont en
cas de befoin, on doit débar
quer une partie , pour favori
GALANT 383
I
fer à Mr de Savoye le paffage
du Var. Mr de
Montgeorge
s'eft jetté dans Antibes avec .
quelques Bataillons & un grand
nombre de Payfans. Le Roy
avoit envoyé à Mr le Maréchal
de Teffé & à Mr de Vauvray
des ordres conditionnels
pour envoyer aux Troupes qui
marchoient pour entrer en
Provence , en cas que les Ennemis
levaffent le fiege de Toulon
, & ces Troupes ont appris
par ces ordres de quel côté
elles on dû diriger leur marche.
Je crois devoir ajouter icy
384 MERCURE
I'Extrait d'une Lettre de Tou
lon du 23. Il éclaircira quelques
faits que vous venez de
lire , & qui font moins clairement
& moins amplement expliquez.
Aprés avoir abandonné le Fort
S. Louis le 19. Le 20. les
Ennemis cefferent de bombarder
par terre à dix heures du foir.
Le 21. du grand matin , il parut
deux Galiottes , & le même matin
fur les dix heures , il en parut
quatre qui ont bombardé jusqu'au
lendemain matin s . heures. Le
même jour les Ennemis eftant
encore dans le fort Louis , nous
leur
GALANT 385
canon
leur tirâmes de la grande Tour ,
une Bombe qui fit tant d'effet ,
que plufieurs perfonnes furent enterrées
dans les ruines de ce Fort ,
ce qui les obligea de l'abandonner ,
ils y laifferent deux pieces de
avec lesquelles , dés que
nous fumes rentrez dans ce Fort ,
nous tirames fur les Galiottes ,
ce qui les obligea de fe retirer fort
loin. Pendant ce temps là , on
travailloit à une batterie de 14.
pieces fur la montagne proche de
la grande Tour. Dés que
les 4 .
premieres pieces de cette batterie
furent en état , on tira fur les
Ennemis , ce qui acheva de les
Aoult
1707 .
Kk
386 MERCURE
faire retirer, jugeant bien qu'ils
feroient fort incommodez des autres
pieces que l'on achevoit de
placer , auffi bien que de quelques
mortiers.
M' D. S. O. ayant trouvé le
mot de l'Enigme du mois paffé
en a envoyé l'explication fuivante.
Je rêve la Nuit & lefour
Aufens myfterieux de la nouvelle
Enigme
C'eftfon obfcurité qui m'excite &
m'anime
A vouloir le mettre enfon jour ;
Mais le voicy découvert ,je m'af-
Sure
GALANT 387
La Lune & le Soleil ont part à ce
retour
Ces deux enfans du tempsformez
par
la
nature ,
Pour nous éclairer tour à tour
En font , je croy , l'explication
pure,
C'est la Nuit & le four.
Le veritable fens de cette
Enigme a auffi efté trouvé par
Ml'Abbé Robert , de Sezanne
en Brie ; Bigot ; Dubois ; David
; du Saux ; François J. &fon
Amy Tenot , le Voyageur malheureux
; le Voifin du Dieu des
Eaux ; l'Avocat de la Paix de la
ruë S. Louis ; Ed . N. M. de S.
Kk ij
388 MERCURE
Florentin . Miles du Ganeau
d'Impré ; la Valette ; d'Enneville
; la Solitaire de la rue aux
Féves ; la Soeur genereule de la
rue Saint Antoine ; la plus jeune
des belles Dames de la ruë
des Bernardins ; la trop fidelle
Amante , & la belle Angevine.
Le nombre des Devineurs
auroit efté plus grand , fi plufieurs
n'avoient crû que l'Enigme
devoit eftre expliquée für
le Soleil & la Lune. Voicy une
Enigme nouvelle .
"
ENIGM E.
Quoyquepar tout je porte & l'horreur
l'effroy,
GALANT 389
L'on nepeutfe pafferde moy.
Je n'ay qu'un ennemy que je crains
fur la terre
;
Qui me fait en tout temps une
cruelle guerre ;
Lequel eft tellement le maistre de
mon fort ,
Que dés que je le fens il me caufe
la mort.
Les dernieres nouvelles , qui
font du 25. font que l'on n'avoit
encore pû atteindre ce jour là ,
l'arriere garde de l'armée de Mr
de Savove ; & que cette arriere
garde eftoit fort groffe ; qu'elle
eftoit compolée des meilleures
troupes de cette armée &
qu'elle efloit commandée par
Mr le Prince Eugene. **
>
Kk iij
390 MERCURE
Comme je n'ay point encore
de détail de la derniere expedi
tion de Mr le Chevalier de Forbin
, je remets au mois prochain
à vous en parler Jefuis , Mada
me , voftre & c .
,
A Pars ce 31. Aouft 1707.
AVIS
IMPORTANT
.
Ceux qui voudront
envoyer
des Memoires
, & mefme des
Journaux
de marches
de Mr
de Savove
à commencer
du
jour qu'il est entré en Provence
,
jufqu'au
jour qu'il eft rentré
dans fes Etats , doivent
les en-
Voyer inceffament
chez le Sr
Brunet , Libraire
, à | Enſeigne
du Mercure
Galant dans la
Grande
Salle du Palais . Ceux
qui ne pourront
envoyer
des
Journau
entiers de fes marGALANT
391
ches pouront envoyer desar
ticles feparez de ce qu'ils fçavent
que les ennemis ont fait en
divers lieux , contre les loix de
la guerre , aprés avoir traité des
contributions & les avoir reçues;
ils doivent ajoûter les noms de
tous les Provençaux qui fe font
fignalez , & qui ont mis dans
leurs terres des Païfans fur pied;
& generalement tout ce qui eft
venu à leur connoiffance ; de ce
que le Clergé , la Nobleffe , &
le Tiers-Etat de Provence , ont
fait en cette occafion . On rece
vra auffi tout ce qui regardera le
Siege de Toulon , & des Jour
naux même de ce Siege , feparez
par jour & par nuit , & des Memoires
de tous les ouvrages qu'-
ona ajoûtez à la Place de tous
392 MERCURE
les lieux où eftoient les batteries
: de tous ceux qui les commandoient
, & du nombre de ca ·
nons qu'il y avoit dans la Place ,
afin que rien ne foit oublié dans
le volume que l'on doit donner
au Public;de tout ce qui regarde
le zele & la fidélité des Proven
çaux , & de tout ce que les troupes
du Roy ont fait , en fignalant
leur valeur & leur zele ; tous
ceux qui ont combatu pour
leur
Patric , & pour la gloire du Roy
& de l'Etat , doivent contribuer
à un ouvrage qui conſervera leur
nom à la pofterité , & qui doit
un jour faire plaifir à leurs def
cendans .
AUTRE AVI S.
On vendra le Mercure de Septembre
le 4. du mois d'Octobre.
DE
LA
TABLE.
P
Relude , dans lequel il eft parté
d'une nouvelle Hiftoire du Roy en
Italien , F
Detail exact & curieux de tour ce
qui s'eft paffé à la profesion de
Madame de Bourbon ,
Premier article des morts
11
42
Survivance de la Charge de Premier
Prefident de la Cour des Ai
des & de la Chambre des Comptes
de Montpellier , acordée à Mr de
Bon 89
Suitte des Vaiffeaux montez & def
cendus à Bordeaux & à Blaye ,
115
Mr de Riencourt nommé au Confulat
de
Ligourne ,
Dons faits par S. M. C.
119
122
Cure donnée par Mr le Cardinal
TABLE.
de Noailles ,
Mariages,
128
129
&
Ode de Mr l'Abbé de Villiers , 13
Replique à l'Auteur qui a écrit contre
l'Hiftoire de la Poëfie Françoife,
Fete de Rambouillet ,
Hemorragie finguliere
Second Article des morts ,
144
150
159
171
Addition à l'Article de la mort de
Madame de Montespan dont on
*190
a déja parlé,
Ouvrages de Mlle de la Guerre donnez
au Public , 193
Livre nouveau , touchant la gueri-
1.99
fon de la Goute ,
Extrait d'une Lettre du Port Royal,
écrite par Mr. de Subercaffe , 208
Traduction de l'Ode de Mr l' Abbé
Boutardfur la groffeffe de la Rein
ne d'Espagne , 230
TABLE.
Audiance donnée aux Députez de
Languedoc ,
Neufchaftel,
244
Hiftoire abregée des Comtes de
248
Memoire de ce qui s'eft paffé à Neufchaftel
depuis la mort de Madame
la Ducheffe de Nemours ,
Troifiéme article des morts ,
250
261
Benefices donnez par le Roy , 273
Affaires d'Allemagne ,
·Epithalame ,
285
321
Serment prêté par les nouveaux Echevins
entre les mains du Roy, 326
Carte nouvelle de Toulon 329
Affaires de Flandre , 331
Affaires d'Espagne , 356
Suitte des affaires d' Allemagne, 358
Levée du Siege de Toulon ,
Expedition de Mr le Chevalier de
365
Forbin ,
Avis important ,
389
390
DE
JBLIO
LYON
Avis pour placer les Figures.
L'Air qui commence par
Ceffez de meparler du Printemps ,
doit regarder la page 149 .
Celuy qui commence par
Eveillez comme moy , doit regarder
la page 198
GALANT
DEDIE' A MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN
AOUST
, 1707.
A PARIS .
Chez MICHEL BRUNET , Grande Salle du
Palais au Mercure galant.
Com
Omme il eft impoffible dans la conjoncture
preſente de ne pas groffir
le Mercure, ce qui en augmente confiderablement
les frais , on ne peut fe difpenfer
d'en augmenter auffi le prix, Ainfi les
volumes qui feront reliez en veau ſe vendront
dorefnavant 38. fols. Quant
aux volumes qui feront reliez en parchemin
on n'en payera que trente-cinq.
Les Relations fe vendront autant que
les Mercures.
>
Chez MICHEL BRUNET , grande
Salle du Palais ›
Galaut.
au Mercure
M. D CC VII.
Avec Privilege du Roy.
AU
LECTEUR
ILya lieu de croire qu'on
ne lit plus l'Avis qui a
efté mis depuis tant d'années
aucommencement de chaque
Volume du Mercure , puis
que malgré les prieres réiterées
qu'on afaites d'écrire en
caracteres lifibles les Noms
propres quife trouvent dans
les
Memoires
qu'on envoye
pour eftre employez , on néglige
de lefaire , ce qui est
cauſe qu'il y en a quantité
AULECTEUR.
de défigurez , étantimpoffible
de deviner le nom d'une Terre
, ou d'une Famille , s'il
n'eft bien écrit. On prie de
nouveau ceux qui en envoyent
d'y prendre garde ,
s'ils veulent que les noms
propres
foient
corrects
. On
avertit encore qu'on neprend
aucun argent pour ces Memoires,
que l'on employera
tous les bons Ouvrages à leur
tour , pourvû qu'ils ne defobligent
perfonne , & que
ceux qui les envoyeront en
affranchißent le port.
MERCVRE
GALANT
A O UST , 17
LYON
DE
L n'y a point de Souverains
dont la vie foit remplie
de plus grands évenemens
& plus extraordinaires ;
de plus d'expeditions guerrieres
; de plus de Reglemens
A iij
6 MERCURE
touchant la Religion , l'obfervance
des Loix , la Police
le Commerce , & qui ait plus
fait fleurir les Arts & les belles
Lettres & generalement tout
ce qui peut regarder le bien &
la gloire de fes fujets , &épargner
leur fang. Il n'y a point ,
dis -je de , Souverain dont la vie
foit plus remarquable par toutes
ces chofes, que celle du Monarque
fous lequel nous vivons
aujourd'huy , & comme fon
Hiftoire ne peut-eftre que tresbelle
, & qu'elle doit fervir
d'exemple à plufieurs Souverains
, il ne faut pas s'étonner
GALANT
7
pas fi ceux mefme qui ne font
nez les fujets ont pris plaifir à
y travailler. L'Hiftoire de ce
Monarque qui vient d'eftre
imprimée à Milan , & qui a
efté composée par un fujet de
Sa Majefté Catholique , en eft
une preuve bien éclatante,
Cette Hiftoire eft en Langue
Italienne , & elle a pour titre ,
Dell Iftoria di Lodovico ilgrande
defcritta da Filipa Cafoni , parte
primal nella quale fi contengono i
fucceffi dal nafcimento di quefto Ré
fina alla pace di Nimega.
Parte Seconda.
Nella quale fi
contengono
A iij
8 MERCURE
fucceffidalla pace di Nimega fino
al principio dell' anno 1706 .
2. Tom. in quarto in Milano
1706
.
Nella regia ducale corte per
Marc Antonio Pandolfo mala
tefta Stamplatore regio camerale.
Le premier Volume , ainſi
que le titre le fait voir, contient
la vie du Roy, depuis le jour de
fa naiffance jufqu'à la Paix de
Nimegue , ce qui fait une fuite
de quarante années puifque ce
Volume commence au cinq
Septembre 1638. jour de la
naiſſance de ce Monarque , &
qu'il finit au 10. Aouſt 1678.
GALANT 9
Le fecond Volume contient
ce qui s'eft paffé fous le regne
de ce Prince jufqu'à la fin de
l'année 1706. que l'impreffion
de cette Hiftoire a été achevée,
ce qui fait encore vingt- huit
années . M Cafoni qui en eſt
l'Auteur eft diftingué par fon
merite & par fa naiſſance . Il a
déja donné d'autres ouvrages
remplis d'érudition qui ont été
fort aplaudis. Il eſt d'une ancienne
famille de Milan qui a
donné divers Prelats à la Cour
de Rome il y a à preſent un
Cardinal de ce nom dans le
Sacré College , dont il eſt pa10
MERCURE
rent. L'Hiftoire dont je vous
parle , eft écrite avec bceucoup
de pureté , & toute la delicateffe
que l'on trouve dans la Langue
Italienne , dans les lieux
où on la parle le mieux . Cet
ouvrage est tout à fait bien
imprimé , & de quelque cofté
qu'on le regarde , il eft digne
du Prince dont il renferme
l'Hiftoire . L'Auteur doit eftre
bien content de la maniere
dont Sa Majefté l'a reçeu , &
il doit eftre charmé des termes
dont Elle s'eft fervie , pour luy
en marquer fa reconnoiffance.
Cet ouvrage a eu beaucoup de
GALANT II
débit dans toutes les Villes d'Italie
, ce qui eft une preuve de
fa bonté. Il en a auffi paffé
beaucoup d'Exemplaires dans
les Pays Etrangers , & on le
vend mefme publiquement
dans les principales Villes des
Pays-Bas , & fur tout à Amfterdam
.
Je ne doute point que la
lecture de la Relation que je
vous
envoye ne vous faffe
beaucoup
de plaifir ayant eſté
faite par un habile homme
parfaitement
inftruit
de tout
ce qu'il a écrit.
12
MERRCUE
Enfin les adorables deffeins de
la Providence divine fe font heureufement
accomplis fur Tres-
Haute , Tres- Excellente , &
Tres - Religieufe Princeſſe , Madame
Marie - Gabrielle- Eleonore
de Bourbon , Princeſſe du Sang.
Loüife - Françoife de Rochechouart
de Mortemart , Abbeffe,
Chef & Generale de l'Abbaye
Royale & de tout l'Ordre de Fontevraud.
Et cette fainte Ceremonie
eft un des évenemens qui peuvent
avecplus de fplendeur fignaler les
premieres années de fon Gouver
nement , puis qu'elle luy procure'
L'honneur de replacer l'augufte
GALANY
13
Nom de Bourbon dans la celebre
Communauté de Fontevraud , ac-
оц
couftumée pendant des ficles entiers
à le voir porter , ou à ſes
Chefs , ou à plufieurs Membres
illuftres de fon facré Troupeau,
fouvent aux uns & aux autres
tout à la fois.
نم&
On a dit dans la Relation de la
Vêture , que S. A. S. eft Fille
aînée de S. A. S. Monfieur le
Duc de Madame la Ducheffe ;
qu'ayant toûjours demeuré à Fontevraud
depuis l'âge de cinq ans
demy , elle n'avoit point ceffé
de témoigner qu'elle vouloity eftre
Religieufe ; que le Royy confentit
14 MERCURE
aprés qu'on eut examiné fa vocation
: Enfin S.A. S. Monfieur
le Duc entrant dans les fentimens
de la Princeffe fa fille , l'a rendue
Bienfactrice de l'Abbaye par des
avantages temporels tres- confide
rables , dont on fent le prix
toute l'utilité avec une parfaite
reconnoiffance.
Mam
C'est avec un concours de circonftances
fi glorieufes que
demoiselle de Bourbon prit l'Habit
& fut mife en Probation au
mois de May 1706. & S. A.S.
ayantfuiry pendant fon Noviciat
les obfervances du Chaur
avec autant d'affiduité que l'exGALANT
25
trême delicateffe de fa complexion
pouvoit le permettre , &avec
une ardeur qu'il a continuellement
fallu faire ralentir. Elle fit au
temps accouftumé les demandes de
fa Profeffion , vers le commencement
du Carême dernier , à trois
jours differens, un peu éloignez
les uns des autres.
Chaque fois aprés la lecture
les prieres du Chapelet , Madame
l'Abbeffe étant dans fon
Siege ; & la Communauté rangée
& affife des deux coftez,
S. A. S. conduite par Madame
de l'Hofpital fa Gouvernante ,
fe mit à genoux au milieu , de16
MERCURE
vant Madame l' Abbeffe , & dit :
Je fupplie Dieu , vous, Madame
, & tout le Convent , de
me faire l'honneur & la grace
de me recevoir au faint Eftat
de Profeffion >
puis elle ſe
profterna. Madame l' Abbeffe en
frappant, l'avertit de fe remettre
à genoux , luy fit une courte exhortation
fur fa demande , & luy
impofa une penitence felon la
Coûtume : Aprés quoy S. A. S.
fe profterna encore devant Madame
l'Abbeffe , & enfuite devant
chaque cofté de la Communauté
, qui fe leva fe tint
debout pendant cetteproſternation,
GALANT 17
au lieu qu'ordinairement elle demeure
affife.
La troifiéme de fes demandes
fut le Mercredy fixiéme Avril
dernier. Après l'avoir faite ,
S. A. S. alla fe mettre en priere
devant le faint Sacrement à la
grande Eglife , & Madame Abbeffe
demeura au Chapitre avec
toute la Communauté. Madame
de l'Hofpital aprés le ferment
ordinaire de parler en confcience
& felon la verité , rendit témoignage
de Son Alteffe Serenif
fime d'une maniere qui fut juftement
aplaudie , & fuivie d'une reception
auffi unanime que l'avoit
Aouft 1707
. B
18 MERCURE
efté celle de la prife d'Habit.
Madame de l'Hofpital alla
prendre S. A. S. à l'Eglife , &
elle la conduifit au Chapitre , au
milieu duquel elle ſe mit àgenoux.
Madame l'Abbeffe luy annonça
fa reception , S. A. S. Se profterna,
aprés quelques prieres tout le
monde fortit ; chacun à l'envy
témoigna fa joye avec respect &
avec empreffement, & Madame
de Bourbon marqua la fienne avec
beaucoup de bonté. Tres- Haute,
Tres-Excellente , & Tres- Puiffante
Princeffe Mademoiselle de
Clermont , Marie-Anne de Bourbon
, Princeſſe du Sang , Soeur
GALANT 19
cadette de S. 4. S. fe trouva à la
porte du Chapitre , & mêla fa
joye avec une grace merveilleuse,
à celle dont on eftoit animé ; &
il fe fit alors une espece de confufion
plus touchante & plus
agreable une fois , que ne le peuvent
eftre les Ceremonies mesurées.
La Profeffion eftant fixée au
Feudy 26. May 1707. S.A.S.
sy prepara dés le Samedy precedentpar
une Retraite , & le Mercredy
Madame l'Abbeffe , au lieu
deMadame la Maiftreffe des No
vices qui fait ordinairement cette
fonction ,luy baiffa le Voile, qu'on
ne doit plus lever jusqu'au troi-
Bij
20 MERCURE
fiémejour aprés la Profeffion ; enfuite
Madame de l'Hôpital conduifit
S. 4. S. à Vefpres , que
l'on chanta folemnellement avec
l'Orgue ; la Communauté croyant
ne pouvoir témoignerfa joye plus
convenablement dans cette occafion
, qu'en fervant Dieu avec
plus de pompe & de majesté.
On célebra tout l'Office comme les
jours des plus grandes Fêtes , &
l'Eglife fut ornée comme à la
Prife-d'Habit ; on y voyoit par
tout éclater les Fleurs - de - Lis ,
dont les magnifiques préfens de la
Royale Maifon de Bourbon font
enrichis.
GALANT 21
›
Le lendemain dés fix heures
au matin S. A. S. fe rendit au
Choeur , & elle affifta à l'Oraifon ,
à l'Office & à la Meſſe de Prime
, comme elle avoit fait aux
Vêpres de la veille à la place de
premiere Novice , felon la coútume
avec un Prié- Dieu &
un fauteüil ; à huit heures
demie elle revint à l'Office de
Tierce , pendant lequel elle fe tint
encore à la même place ; mais
quand les Pfeaumes furent finis ,
S. A. S. alla fe mettre à genoux
fur un Prie-Dieu de velours femé
de Fleur-de- Lys d'or , dreffé
fous un Dais de drap d'or , dans
22 MERCUR E
l'espace qui eft entre la grande
grille & les chaifes du Choeur ,
avec un fauteuil , derriere leguel
eftoit un tabouret pour Madame
de l'Hôpital , qui a toujours conduit
S. A. S. à toutes fes dé
marches.
Incontinent aprés l'Office on
commença la grand - Meſſe , qui
fut toute pareille à celle de la
Veſture , c'est- à - dire , auffifolem
nelle & auffi pompeuse pour la
dignité du chant , l'Orgue , le bon
ordre & la majesté des Ceremo
nies , la richeffe
nemens.
l'éclat des or
On obferva tout ce qui eft die
GALANT 23
par
aux Princes du Sang, S. A. S.
alla à l'Offrande , le Cierge porté
Mademoiſelle de Belin ; on fit
les encenfemens on donna la
paix. Ce fut le Reverend Pere
Prieur de SaintJean de l'Habit ,
( qui eft le Monaftere des Religieux
à Fontevraud) qui celebra ;
le R. P. Sous-Prieur fervoit de
Preftre affiftant en Chappe ; les
deux Reverends Peres Soriz ,
Vifiteurs des Provinces de l'Ordre,
l'Aifné , Confeffeur ordinaire de
S. A. S. eftoient Diacres affiftans
en Dalmatiques,& les Reverends
Peres Profeffeurs de Theologie
fervirent de Diacres & de Sous-
Diacres.
24 MERCURE
2
A lafinde laMeffe , Madame
l' Abbeffe , precedée de fa Croffe ,
fuivie de Madame fa Chapelaine
, vint du Siege Abbatial fe
placer au cofté droit de la grande
grille où eftoient fon Prié-Dieu ,
fon Fauteuil ; Madame fa
Porte- Croffe fe mit entre la grille
& le Prie-Dieu , Madame
la Chapelaine à la gauche du Fauteüil
, ayant toutes deux chacun
un tabouret.
S. A. S. Mademoiſelle de
Clermont , fe plaça vis-à- vis de
Madame Abbeffe de l'autre
cofté de la grille , prés le Tombeau
des Rois d'Angleterre , fur un
Fauteuil
GALANT 25
Fauteuil avec un Prié- Dieu à
cofté , Madame de Rolivaud fa
Gouvernante , avoit un tabouret
derriere elle.
Madame de Mompipeau
Grande- Prieure vint auffi fe
placer à une chaife un peu au deffous
de Mademoiselle de Clermont
, la Communautéſe tint ,
partie dans les chaifes du Choeur ,
les plus proches de la grille , partie
fur des bancs dans l'espace qui
eft entre les Tombes de cuivre de
feues Mefdames de Bourbon , &
le Fauteuil de S. A. S.
Le R. Pere Prieur apporta le
Saint Sacrement fur la grille , on
Aouft 1707 . C
26 MERCURE
chanta le Veni Creator avec
l'Orgue , Madame la Chantre
pritle Venifancte , & Madame
l'Abbeffe dit l'Oraiſon.
Enfuite le R. Pere Diacre chanta
l'Evangile Stabant juxta crucem
, où se trouvent ces paroles
que Jesus- Chrift mourant fur la
Croix adreffa àfa fainte Mere ,
Femme , voilà vôtre Fils ,
àSaint Jean fon Diſciple bienaimé
, Voilà vôtre Mere . On
chante cet Evangile à toutes les
Profeffions de l'Ordre de Fontevraud
, parce qu'il eft fondé fur
ces Paroles facrées , en intention
d'honorer la Maternité de la
Lainte Vierge.
1
GALANT 27
C
Aufſi-toft aprés on couvrit le
Saint Sacrement . Les Celebrans
ne quitterent point leurs habits ,
fe placerent ; le Reverend Pere
Prieur au cofté droit de la grille
dans un Fauteuil , le R. Pere
Sous- Prieur au cofté gauche fur
une chaife , les autres de fuite de
l'un de l'autre cofte fur des
tabourets & des bancs , & à la
file auffi de chaque cofté , tous les
Religieux defaintJean de l'Habit
en furplis , & derriere eux étoient
des bancs pourles Officiers de Madame
l ' Abbeſſe & de l'Abbaye.
Le R. Pere Moiffet l'aîné ,
Exprovincial de l'Ordre Reformé
C ij
28
MERCURE
defaint Dominique , Vifiteur Apoftolique
de cette Abbaye , &
Prieurdu Noviciat de Paris , du
même Ordre de Saint Dominique,
qui avoit l'année derniere examiné
la vocation de Madame de
Bourbon , &prefchéàfa Vestures
eftoit venu exprés de Paris pour
prêcher encore à cette derniere Ceremonie.
En effet , perſonne ne
pouvoit mieux que luy faire ce
Difcours , à cause de la connoif
-fance qu'il a des difpofitions interieures
de S.A.S. dont il developa
ce que la difcretion permet qu'on
en dife en public, avec une profondeur
& une folidité dignes veri-
4
GALANT 29
tablement de l'action qui fe paffoit
; & du refte il ne s'expliqua
pas avec moins d'énergie & d'onl'an
paffe fur les fujets
Etion
que
generaux
que
fourniſſent
la
fublime
naifance
d'une
Princeffe
du
Sang
,
l'honneur
querecevoient
l'Abbaye
l'Ordre
, où
elle
vouloit
bien
choisir
de
fe
confacrer
à Dieu
, &
enfin
fur
les
fouhaits
qu'il
fit
pour
la
fatisfaction
de
S. A. S.
La Princeffe fut dignement
loüée ; fa fermeté , fa conftance
fon exactitude à fuivre tous les
preceptes de la Regle & le parfait
détachement de toutes les gran
C iij
30 MERCURE
deurs aufquelles fa naiſſance l'appelloit
, furent mifes dans un beau
jour. On fit auffi l'Eloge de M©
Abbeffe , ainfi que celuy de M°
l'A beffe fous les yeux de qui la
Princeffe qui prenoit l'Habitavoit
efté élevée. On donna auſſi quelques
louanges dans ce Difcours
aux Perfonnes confiderables de cet
Ordre ; l'Orateur en releva l'ancienneté
& l'illuſtration , & toucha
avec beaucoup de délicateſſe
l'Eloge du Bienheureux Robert
d'Arbriffelles , Fondateur de l'Ordre.
Le Sermon fini , & le Saint
Sacrement ayant efté découvert,
GALANT 31
chacun estant à fa place
en filence , Madame de Bourbon
a genoux , tenant à mains jointes
fa Lettre de Profeffion , qu'Elle
avoit euë devant Elle fur fon
Prie-Dieu , depuis qu'Elle s'y
eftoit placée , prononça en Latin
la maniere ordinaire & fur le
ton accoûtumé , qui eft une espece
de demi-chant , les Voeux de la.
Reformation de l'Ordre de Fontevraud
felon la Regle defaint Benoiſt
, avec un courage & une
fermeté que les Heros de la branche
de Condé ne defavouëroient
pas. Dés qu'elle eut fini , Madame
la Sacriftine luy preſenta la
C inj
32 MERCURE
plume , S. A. S. figna , & aprés
avoir fait une profonde inclination
au Saint Sacrement , Elle
alla pofer fa Lettrefur l'Autel à
main gauche du Chour.
On ofta fon Prié- Dieu & fon
le Tapis de pied Fauteuil ,
refta nú. Me la grande Prieure
retourna avec la Communauté
dans les chaifes du Choeur les
plus proches de la grille , S. A.
S. conduite par Me la Prieure
du Cloiftre , & par Me de
l'Hofpital s'achemina de l'Autel,
qu'on vient de marquer vers Me
Abbeffe ; elle fit une profonde
inclination an S. Sacrement
.
GALANT
33
une à Madame l' Abbeſſe qui la
luy rendit , & fe raffit & S. A.
S.fe mit àgenoux devant Elle.
Me l'Abbeffe luy ofta le voile
blanc , jetta de l'Eau - benifte ,fur
le voile noir, le luy mit en difant,
* Accipe ,Soror Velamen quod
immaculatum perferas ante tribunal
Chrifti jetta encore de
l'Eau - benifte fur la tefte de S.
A. S. qui baifa la terre , fe releva
& fit une inclination que
l'Abbeffe luy rendit ; elle en fit
une autre tres - profonde au S.
Me
C'eft-à- dire, Recevez ce Voile, ma
Soeur , & le prefentez fans tache un jour
devant le Tibunal de Jefus - Chriſt .
34 MERCURE
Sacrement , une troifiéme à Mademoiselle
de Clermont , & elle
fe mit debout au milieu du Tapis
de pied , Madame de l'Hofpital
étant fort loin d'Elle.
*S. A. S. aidée de deux Dames
Religieufes qui ont la voix tresbelle
, chanta trois fois le verfet,
Sufcipe,fur un ton harmonieux
fort touchant , que le Choeur
repetoit alternativement.Achaque
fois S. A. S. fe mettoit àgenoux
au milieu du verfet , & s'inclinant
infenfiblement elle ſe trouvoit
à lafin la tefte prefque fur
le Tapis.
Elle fit enfuite quatre profon
GALANT
35
´des
inclinations vers les quatreparties
du monde , comme leur difant
adieu , &fe profterna
au milieu
du Tapis de pied . Mede l'Hofpital
fe retira incontinent
d'auprés
d'elle , ainfi que tout le monde avoit
déja fait , & le Choeur chanta
les Pfeaumes
Memento.
>
Miferere &
ni
On doit avouër que cet état
eft attendriffant , fans avoir rien
de funebre abfolument , ni drap
mortuaire , ni chant des morts ,
luminaires, uneperfonne ainfiprof
ternée la face contre terre , en long
habit noir,fans aucun mouvement,
feule dans une grande espace &
36 MERCURE
chacun à deffein détournant la
vuë de deffus elle , donne certai
nement une idée d'aneantiffement
d'abandon qui frape l'imagination
d'une maniere vive , coo
caufe une espece de fremiffement:
Mais auffi , felon les vuës de la
Religion , c'eft alors qu'une Princeffe
eft veritablement grande aux
yeux de Dieu ; cette reflection
confolante mefle une certaine douceur
aux fentimens naturels un
peu effrayans que ce spectecle inf
pire , ce mélange fut lafource
de bien des larmes , fans qu'on
put apercevoirfi S. A. S. en têpandoit.
GALANT 37
Vers la fin des Pfeaumes Me
la grande Prieure paffa pour aller
tenir le livre à Me l'Abbeſſe
& ne parut pas faire attention
qu'elle marchoit auprés non feulement
d'une Princeffe , mais même
de quelque chofe d'animé.
Madame Abbeffe chantaplufieurs
Oraifons aprés lefquelles
precedée de fa Croffe , elle fit deux
fois le tour de S. A. S en jettant
de l'Eau-benifte fur elle , & en
l'encenfant comme on fait à des
obfeques ; enfuite elle lui mit la
main au front pour l'avertir de
fe lever , fans la regarder
&
elle s'alla remetre furfonfauteüil.
>
38
MERCURE
S. A. S. fe leva incontinent ,
s'avança vers le S. Sacrement
fit une profonde inclination , une
autre à Mel Abbeffe qui la luy
rendit , & fe raffit , S. A. S.
Se mit à genoux devant elle
l'embraffa & baifa la terre , aprés
quoy
elle alla embraffer auffi Mademoiselle
de Clermont qui s'eftoit
avancée vers elle , & qui redoubla
fes larmes avec beaucoup de tendreffe.
S. A. S. fe remit au milieu du
Tapis de pied pendant que le
Reverend Pere Prieur emporta
le S. Sacrement & elle alla
enfuite à la place de la derniere
GALANT
39
Profeffe , où Madame l'Abbeſſe
luy jetta de l'Eau benifte & la
fit affeoir en luy mettant la main
droute fur la tefte , & la fit fortir
de l'Eglife. Chacunfuivit &
rendit fes refpects à S. A. S. qui
n'a pas moins dignement foûtenu
cette ceremonie que celle de la prife
d'Habit , malgré fon voile
baiffé , & l'humilité de chaque
action , on ne laiffoit pas de demefler
l'air de grandeur , qui convient
à fa Nnaifface.
Un peu aprés on alla au Refectoire
, S. A. S. fervie par Me
de l'Hofpital , mangea à la Table
de Madame l'Abbeffe avec Ma
a
40 MERCURE
damoifelle de Clermontferie par
Me de Rolivaud ; Me la Marquife
de la Frefne y mangea auſſi.
Mefdemoiselles de Dony & de
Gaut, & Mademoiselle de Belin
mangerent à la table de Me la
grande Prieure. Madame de Bourbon
donnoit le difné qui fut magnifique
auffi bien que celuy des
Religieux.
S. A. S. ne mangea à la table
de Me l'Abeffe que comme font
toutes les nouvelles Profeffes .
Fontevraud eft le lieu du
monde où l'on fçait le mieux rendre
ce que l'on doit aux perfonnes
de fon rang , par un profond
GALANT 41°
respecterpar une longue habitude
contractée auprés du grand nombre
de Princeffes qu'on a eu l'honneur
d'y voir d'y poffeder , mais
lorfqu'il s'agit des regles de la Religion
on ne connoift plus les ref
pects humains ni les grandeurs du
fiecle. Ces Princeffes que l'on A
eu l'honneur de poffeder , comme
on vient de le dire , en ont donné
les ordres comme Superieures , ou
l'exemple comme fimples Religieufes
, & à moins d'avoir quelques
charges dans la maison , elles
n'ont jamais pris au choeur , au
Chapitre , auau refectoire ; en un
mot dans toutes les lieux dans
D
Aouſt
1707.
42 MERCURE
toutes les actions régulieres, que le
rang de leur profeffion S. A. S.
compte bien de ne fe pas départir
d'un ufagefiraifonnable effentiellement
religieux , & par confequent
d'une tres-grande élevationparraport
à Dieu , les hom
mes quelques éblouis qu'ils foient
de ce qui flate l'orgueil l'amour
propre , ne peuvent refufer leur
admiration à l'humilité des perfonnes
à qui le monde fourniroit tout
l'éclat qui pourroit nourir ces dangereufes
paffions.
Aprés vous avoir parlé
d'une grande Princeffe qui a
GALANT
43
renoncé aux pompes & aux
plaifirs du monde avec une
fermeté heroïque ; je paffe à
la mort d'une Abbeſſe , qui
eft decedée aprés cinquante-
cinq années de Profeffion .
C'eft Madame Marguerite
Guyonne de Coffé , Abbeffe
de Chelles . Elle eft morte
dans fon Abbaye , âgée de
foixante - & - onze ans & demy.
Elle eftoit fille de François de
Coffé , Duc de Briffac , Pair &
grand Pannetier de France , &
Chevalier des Ordres du Roy ;
& de Guyonne de Ruelon ,
Dij
44 MERCURE
fille de Gilles Sieur de Rocheportail
, & foeur de Louis
de Coffe , Duc de Briffac , qui
avoit époufé Marguerite- Françoiſe
de Gondy , Ducheffe de
Beaupreau , Comteffe de Chemilly
& du Chatel , Vicomteffe
de Tiffanges , foeur de
feue Catherine de Gondy ,
mere de Madame la Ducheffe
Doüairiere de Lefdiguieres , &
petite fille de Charles de Gondy
, Marquis de Belle Ifle ,
d'Antoinette d'Orleans Longueville.
Madame l'Abbeſſe
de Chelles eftoit tante de feu
M' le Duc de Briffac , qui n'a
&
GALANT 45
point laiffé d'enfans de Gabrielle-
Loüife de S. Simon , &
d'Elifabeth de Verthamon fes
deux femmes ; & de Marie-
Marguerite de Coffe , Maréchalle
de Villeroy. Elle eftoit
foeur du feu Pere de Coffe,
Jeſuite , & de feuë Madame
la Ducheffe de la Meilleraye
,
& de Madame la Marquife de
Gontaut Biron.
La Maifon de Coffe, fi nous
en croyons le fieur Roüillard ,
qui en a fait l'hiftoire , vient
de Cocceius Nerva ; & felon
d'autres , des Coffa de Naples.
Coffe eft une Terre dans le
46 MERCURE
}
Maine , prés de fainte Sufanne
Thibaud de Coffé vivoit en
1449. Il eut de Philippes de
Charno , fille d'Hugonin &
de Jeanne de S. Julien ; Jean,
qui fut Senéchal de Provence :
& c'eft en parlant de ce Senéchal
que Philippes de Comines
( lib. 5.de fes Memoires , ch . 2. )
dit que
la Maifon de Coffe
eftoit du Royaume de Naples.
René de Coffe , frere cadet de
ce Senéchal , & Seigneur de
Briffac , fut premier Panneticr
de France, & grand Fauconnier
"du Roy. Il épousa Charlotte
Gouffier , fille de Guillaume,
GALANT 47 "
Seigneur de Boifi. Ses deux
fils aînez furent Maréchaux de
France ; fçavoir Charles , qui
continua la lignée , & Artus.
Philippes leur frere fut Evêque
de Coutances . Charles 2. du
nom , 1 ° . Duc de Briffac,fut auffi
Maréchal de France. Le Roy
Henry IV. l'honora de cette
dignité en 1594. lorfqu'il luy
remit la Ville de Paris , dont
le Duc de Mayenne luy avoit
confié la garde. Il eftoit grand
pere de Madame l'Abbeffe de
Chelles , dont je vous apprens
la mort.
La Maiſon de Coffe fubfifte
48 MERCURE
cyaujourd'huy
en la perſonne de
M le Duc de Briffac ,
devant connu fous le nom de
Comte de Coffe , & qui eft devenu
Duc de Briffac par la mort
des enfans de M ' le Duc de Briffac
fon coufin. Il eft grand Pannetier
de France .
Dame Renée de Flecelles ,
veuve de Meffire Hurault de
l'Hôpital de Belefbat , Confeiller
d'Etat , eft morte âgée
de 90. ans , dans de grands
fentimens de pieté , & avec
une grande prefence d'efprit.
Cetre Dame eftoit d'une ancienne
Famille , originaire de
NorGALANT
49 .
Normandie & alliée aux maifons
les plus confiderables de la
Robbe. M de Belfbat eftoit
proche parente de la maiſon
de Nefmond , & de celle de
Choify , & elle eftoit grand'-
tante de l'Abbé de ce nom qui
a efté Ambaffadeur à Siam.
Feu M' de Beleſbat eftoit iſſu
de Robert Hurault S' de Belefbat
Confeiller au grand Confeil
, Maistre des Requeftes &
puis Chancellier de Marguerite
de France Ducheffe de Savoye ,
& de Madelaine de l Hofpital
fille unique du celebre Michel
de l'Hofpital , Si ur de
Aouft 1707 .
E
50 MERCURE
Belefbat , Chancelier de France.
Paul Hurault de 1 Hoſpital
oncle de feu M' de Belcfbat
fut Archevefque d'Aix ; il
avoit efté auparavant Maiſtre
des Requeftes , & il fut l'un des
plus grands Predicateurs de
fon temps. Michel Hurault
de l'Hofpital frere de ce Pre
lat avoit beaucoup d'efprit &
de merite ; le Chancelier de
THofpital luy laiffa ſa Bibliotheque
, & il eut foin de le
faire élever dans les Sciences ,
'comptant fur luy comme fur
celuy de fes neveux , qui cftoit
le plus propre à foûtenir la
grande reputation qu'il s'eftoit
GALANT
acquife.Ce chancelier qui mouruten
1573 , étoit d'Aigueperfe
en Auvergne & originaire d'Avignon.
Son pere eftoit Medecin
deCharles Duc de Bourbon ,
Conneftable deFrance . Il fuivit
le Duc de Bourbon en Elpagne
& en Iralie , juſqu'à ſa
mort , aprés laquelle il demeura
quelque temps auprés de l'Empereur
Charlequint .
Me de Belefbat cftoit mere
de feu M' le Marquis de Beleſbat
, & de feuë Mla Marquife
de Canillac , mere de M' le
Marquis de Canillac , aîné de
la Maifon de ce nom , & Ma-
E ij
52 MERCURE
réchal des Camps & Armées
de Sa Majesté.
Dame Marie- Ferdinande de
Caillebot de la Salle , Epouſe
de M' le Marquis de Clermont-
Rouffillon , frere de M' IEvêque
de Laon , eſt auffi décedée
. Cette Dame eftoit four
de M ' le Marquis de la Salle ,
Maiftre de la Garderobe du
Roy & Chevalier de fes Ordres
; & de Mr N ... Caillebot
de la Salle , ancien Evêque de
Tournay. M la Comteffe de
Rouffilon eftoit fille de feu M
de la Salle , Capitaine- Lieutenant
des Chevaux - Legers de
GALANT
53
la Garde , & qui cftoit encore
plus diftingué par fon merite
& par fa valeur , qu'il ne l'étoit
par fa naiffance , quoique
tres - confiderable ; prefque
tous ceux qui font fortis de
cette Maifon fe font diftinguez
dans la profeffion des
armes . Mr de la Salle , aujourd'huy
Maiſtre de la Garderobe
du Roy , a long temps porté
les armes , & a donné en plufieurs
occafions des
fa valeur . Mr de la Salle , Sous-
Lieutenant des Gendarmes du
Roy , commanda la Gendarmerie
, à la Bataille de Dunpreuves
de
E iij
154 MERCURE
kerque qui fe donna en 1658.
& où Mr le Maréchal d'Hocquincourt
fut tué . C'eft de Mr
de la Salle que defcendoit M
la Comteffe de Rouffillon . Mr
le Comte de Buffy Rabutin ,
en parle dans le deuxième Volume
de fes Memoires , & il en
fait un grand Eloge . Mr le
Comte de Rouffillon de Châte ,
Epoux de la Dame dont je
vous apprens la mort , a efté
long- temps Colonel du Regiment
de Cavalerie de la Reine ;
il a eu pluſieurs enfans de ce
mariage , dont l'aîné eft aujourd'huy
Capitaine de CavaGALANT
55 .
lerie . La branche de Clermont
Rouffillon eft feparée de celle
de Tonnerre il y a environ
5oo . ans . Elle a toûjours
foûrenu
avec
éclat
le nom
illuftre
de Clermont
.
Mr l'Abbé Giraud qui cft
mort en cette Ville , avoit eſté
Chanoine de l'Eglife Collegiale
de Saint Nizier de Lyon ,
& aprés avoir jouy peu de
temps de ce Benefice , ille
refigna à l'un fes freres ,
& vint à Paris afin d'y employer
tout fon temps à la
culture des belles Lettres . Il y
a affemblé une Bibliotheque
E iiij
56 MERCURE
diffenombreufe,
qu'il avoit été obligé
de la mettre en quatre
rentes maifons . Celle qu'il occupoit
dans le Cloître S. Benoît
où il eft mort , en contenoit
une grande partie . On y trouve
le Livre du fameux Medecin
Eſpagnol Gometius Pereira
& qui a pour titre : Antoniana
Margarita , imprimé à Medina
del Campo . L'Auteur y prouve
que les Bêtes font de pures
machines . On accufe le celebre.
Mr Defcartes d'avoir puifé
fon Syfteme dans ce Livre.
Cet Ouvrage eft fi rare , qu'il
n'y en a que trois ou quatre
GALANT 57 *
Exemplaires à Paris ; fçavoir
dans la Bibliotheque du Roy ,
dans celle de M²l'Archevêque
de Rheims , dans celle du College
des Jefuites , & dans celle
du Deffunt : Il y a plufieurs
autres Livres tres - rares dans
cette nombreuſe Bibliotheque
, qui eft compofée de plus ,
de feize mille Volumes , &
que l'on va vendre inceffamment
, & dont pour cet effet
on a déja donné le Catalogue
au Public.
M' l'Abbé du Caffe , Prêtre ,
Docteur en Theologic , Chanoine
, grand Archidiacre , Vi
58 MERCURE
caire General & Official du
Diocefe de Condom , cft mort
generalement regretté de tous
les Sçavans , dont l'érudition
& la profonde doctrine , luy
avoient acquis l'eftime. Il fit
imprimer au commencement
de ce fiecle La Pratique de la
Jurifdiction Ecclefiaftique , volontaire,
gratienfe contentieufe,
fondée fur le Droit commun
fur le Droit particulier du Royaume
, divifée en deux Parties ; &
on en fit une nouvelle Edition
fort augmentée à Touloufe
en 1705. & une troifiéme
en 1706. l'Auteur ajoûGALANT
59.
te dans la feconde Edition
les manieres & les ufages qui
font differemment obfervez
dans quelques Parlemens , &
dans certains Diocefes , fuivant
le confeil qu'il avoue que
M' le Merre luy en a donné ,
& fur les Memoires que cet
habile Avocat luy a fournis ,
de forte que les nouvelles Remarques
ajoutées à l'ouvrage ,
l'ont rendu beaucoup plus
confiderable. M' Ducaffe avoit
aufli fait un Traité des
Droits des Chapitres des Eglifes
Cathedrales , qui eft fort
cftimé , & fur lequel M le
60 MERCURE
Prefident de Saint Vailier a fait
de doctes remarques. M' du
Caffe avoit d'abord efté Official
& grand Vicaire de M' de
Grignan , Evêque de Carcaffonne
, & c'eft dans ce Diocefe
qu'il avoit affemblé quantité
de Memoires tirez de la
Jurifprudence Canonique , &
des Traitez des libertez de l'Eglife
Gallicane , & des Canons
des Conciles , pour s'inſtruire.
dans la profeffion où on
l'employoit. La Providence
l'appella enfuite dans le Diocefe
de Condom , & M' de
Matignon qui en eſtoit alors
CALANT 61
,
Evêque , luy confia fa Jurifdiction
graticufe & contentieufe
; ce Prelat ayant donné
la démiffion de fon Evêché ,
M' Milon fon Succeffeur , &
neveu de feu M' Pallu , Evêque
d'Heliopolis premier
Evêque de la Chine , luy conferva
le même employ , &
l'affocia au gouvernement de
fon Dioceſe avec M' Duquefne
, Docteur de Sorbonne ,
Theologal & Archidiacre de
Condom ; & c'eſt à M' Duquefne
que le Públic a l'obligation
de la Pratique de la Furifdiction
Ecclefiaftique , qu'il
1
162 MERCURE
obligea M di Caffe a publier
aprés l'avoir engagé de mettre
en ordre les Memoires
qu'il luy avoit communiquez
fur cette matiere. M' du Caffe
qui avoit mis la derniere main
à cet Ouvrage dans le Diocefe
de Condom , & fous les yeux
de l'Evêque qui le gouverne
aujourd'huy , crut le luy devoir
dédier. Ce fçavant Official
étoit parent de M' du Caffe ,
Chef d'Efcadre.
La Ville de Belpech , dans
le Diocefe de Mirepoix , vient
de perdre N.... de Barthe ,
âgée de cent & un an . Elle deGALANT
63
ceda le 26. du mois dernier .
Il fe paffe peu de mois fans
que je vous apprenne la mort
de quelque perfonne qui ont
vêcu prés ou plus d'un fiecle.
M François de Gourdon ,
de Genoüillac, Comte de Vaillac
, Lieutenant General des
Armées du Roy dont j'ay
remis à vous parler de la mort,
eftoit fils puilné de M" Jean
Paul de Gourdon de Genoüillac
, Comte de Vaillac
& de Monferrand , premier
Baron Chreftien de Guienne ,
Chevalier des Ördres du Roy,
Lieutenant General de fes Ar64
MERCURE
mées, fucceffivement , premier
Ecuyer , feùl Capitaine des
Gardes du Corps de Philippes
de France , Frere unique de
Sa Majesté . Enfin Chevalier
d'Honneur de S. A. R. Madame
; & de Dame Marie - Felice
de Voifins - Moncaut , fille
unique de Jacques , Comte de
Moncaut, premier Baron d'Armaignac
, Chanoine d'Honneur
& d'Epée de l'Eglife
Metropolitaine d'Auch ; & de
Jacquette de Beaux - Oncles ,
fille d'Antoine , Seigneur de
Bois - Ruffin , & de Jeanne de
Montmorency-Foffcufc.
GALANT 65
Son corps a efté porté dans
l'Eglife des Carmes Déchauffez
, qui eft le lieu de la ſepulture
de fa Maiſon. Je vous envoye
le Difcours qui a eſté
prononcé par M le Curé de
S. André des Arcs , en remettant
le corps du défunt aux
RR . PP . Carmes , & celuy de
leur R. P. Prieur en le recevant
à la tefte de ſa Communauté.
Mes RR. PP. je vous remets
en dépoft le corps de Haut,
Puiffant , & illuftre Seigneur
François de Gourdon de Genouillac
, Comte deVaillac , & Lieu-
Aouft 1707. F
66 MERCURE
tenant General des Armées du
Roy , qui vient de terminer par
une mort tres-Chrétienne une vie
confacrée au fervice de fon Prince
de l'Etat , marquée par un
grand nombre d'actions de valeur,
finie enfin par des fentimens
de la plus parfaite foûmiffion &
de la plus entiere refignation aux
ordres de celuy qui tient en fa
puiffance les jours des hommes,
& qui en arrête le cours quand
il luy plaift. Je puis dire de M²
le Comte de Vaillac , ce que dir
autrefois de Judas Machabée,
l'Auteur du Livre qui porte fon
nom : Similis factus eft leoni
GALANT 67,
in operibus fuis. Judas Machabée
dans le premier Teftament,
parcouroit toutes les Villes " de la
Fudée , pour y combattre les ennemis
du vray Dieu ,
vray Dieu , & y defendre
fon faint culte , que les
Rois Infidelles tachoient d'y abolir:
De même le grand Capitaine
dont je vous apporte les cendres,
quoy que vivant dans le fecond
Teftament , dans une Loy de grace,
dans des Siecles où l'Idolatrie
n'estplus l'ennemy que nous avons
à combattre , ne s'eft pas moins
fignalé dans la défenfe de la Religion
, où il avoit eu le bonheur
de naître. Toutes les Guerres où
Fij
68 MERCURE
la porté les Armes , & où il a
eu des Commandemens importans,
quoy que commencées & foûtenuës
par des veuës politiques , n'en
ont pas moins efté des Guerres de
Religion ; il s'y est toujours agi
de la garantir des fureurs de l'Hed'empêcher
cet Hydre . refie
de penetrer dans des Etats , attachez
fans aucune interruption,
depuis leur établiffement , à la
pureté du Chriftianifme. C'eft
là le principe & le motif qui
fait prendre les Armes au Roy,
dans les differentes Guerres qu'il
foutenues avec tant de gloire,
dans le cours de fon Regne . Si je
a
GALANT 69
1
pouvois entrer dans un détail un
pen circonftancié des évenemens
qui s'y font paffez, que de grands
& de beaux faits d'Armes du
Capitaine , dont voila les triftes
reftes , ne vous ferois-je pas admirer
! Attaché à la Religion de
Jon Roy & de fes peres , il eftoit
plein des fentimens qui les avoit
animez. Lafeulejournée d'Hochftet
, parmy tant d'autres ; cette
journée , dis-je , laquelle aprés la
prife d'un des Generaux , & la
difperfion des Troupes , il raffembla
ce qui en reftoit , & fit ferme
avec ces Legions , qui fous fes
ordres devinrent invincibles . Que
, 70 MERCURE
ne me fourniroit- elle pas ! C'eft
de cette trifte journée , mais fi
glorieuse pour la memoire de ce
Seigneur , qu'on peut encore luy
·
appliquer , auffi bien qu'à fudas
Machabée , ces paroles de l'Ecriture
, avec lefquelles je finis :
Et nominatus eft ufque ad noviffimum
terræ & congregavit
pereuntes .
Le Reverend Pere Prieur
des Carmes répondit à ce Dif
cours par celuy qui fuic.
Monfieur , nous nous char-
•geons du dépoft précieux que vous
nous confiez, & le portrait que
vous nous faites de Haut, PuifGALANT
71 .
fant , Illuftre Seigneur Francois
de Gourdon , de Genoüillac ,
Comte de Vaillac , Lieutenant
General des Armées du Roy ,
nous rappelle les actions éclatantes
des Heros que fa Maiſon a produits
en divers temps. Elle a pris
fon origine de l'illuftre race des,
Vicomtes de Gourdon en Guyenne ,
que
la tradition de cette Province
fait defcendre de l'un des Comtes
Beneficiaires de Cahors , & qui
eftoit déja connuë & floriffante
dans le fiecle de Philippes Auguste
en remontant même plus
haut l'hiftoire fait mention deFortanier
de Gourdon , pere de Ge-
1
, 72 MERCURE
raud de Gourdon , Evêque de
Perigueux au commencement du
onzième fiecle. Bertrand de Gourdon
, deffendit
deffendit avec une v
valeur
incroyablefon Château de Chalus
en Limouſin contre l'Armée
d'Angleterre, qui l'avoit affiegé,
& il tua d'un coup d'Arbalete
le fameux Richard , Coeur de
Lion , qui la commandoit en perfonne
, & qui par un Decret de
la Providence mourut
d'une
arme à laquelle il avoit ajoûté le
moyen de porter fes coups avec
plus de rapidité. Un autre Bertrand
de Gourdon fut avec Raymond
, Vicomte de Turenne, Chef
>
d'une
GALANT 73,
d'une Ligue formée dans le trei-
Ziéme fiecle , entre les trois Etats
de Quercy, pour purger cette Province
de l'herefie des Albigeois ,
& ce fut pourquoy ces deux Seigneurs
, chefs de deux grandes
Maifons , furent nommez les
Popagateurs de la Foy Catholiqué
, & qu'ils s'acquirent
à leurs heritiers , un droit pecuniaire
fur plufieurs Eglifes du
Diocefe de Cabors.
Ce fut dans ce même ficcle que
la Maifon de Gourdon fe divifa
en deux branches
l'une paffa
dans la grande Bretagne avec le
Prince Louis de France , les
;
que
Aouft
1707.
G
74 MERCURE
Anglois éleverentfur leurTrône ,
aprés en avoir chaffé Jean fans
Terre , leur Roy . Le jeune Gourdon
qui avoit fuivy la fortune
du Prince François , s'établit dans
Le Royaume d'Ecoffe , &y forma
la Maifon des Mylords Ducs de
Gourdon , Marquis de Huntley ,
Comtes de Sontherland & d'Oboyne
, Vicomtes de Kemmore :
c'eft de l'une de ces branches qu'étoit
iffu le celebre Duc de Gourdon
, qui deffendit fi long- temps
& avec tant de valeur le Chateau
d'Edimbourg , où les reſtes du
party attaché au veritable Souverain
, eftoient renfermez , &
GALANT 75
dont la prife fut la fin de la domination
legitime , & la confommation
de l'injustice.
La branche aînée de la Maifon
de Gourdon refta en France ,
elle n'y fubfifte plus à prefent
que
dans la Famille des Comtes
de Vaillac. Ces Seigneurs ont
foutenu la grandeur de leur origine
, par les emplois importans ,
&
par les premieres Charges de
l'Etat , dont ils ont efté revêtus
fous la plus part de nos Rois . On
voit d'un coup d'oeil dans l'Hiftoire
de cette Maifon cing Chevaliers
de l'Ordre de Saint Michel
, trois de celuy du Saint Ef-
Gij
56 MERCURE
prit trois Lieutenans Generaux
des Armées du Roy , deux Maréchaux
de Camp , deux Gouverneurs
de Bordeaux & du
Chasteau Trompette , fept Capitaines
d'ordonnance , un grand
nombre de Colonels , & enfin trois
grands Maiftres de l'Artillerie ,
dont le fecond étoit auffi grand.
Ecuyer de France , premier Gentilhomme
de la Chambre du Roy
François I. Gouverneur du Dauphin
François , fils aîné de ce Monarque
Surintendant des Finances
, Gouverneur de Guyenne
de Languedoc Colonel de
'Infanterie Françoife , Sénéchal
GALANT 77
de Quercy & d'Armagnac , dont
la fille unique porta la riche fuc
ceffion de fa branche dans la trèsnoble
& tres- illuftre Maifon des
Sires de Cruffol , Ducs d'Ufez 3
premers Pairs de France.
La Maifon de Vaillac ne s'eft
pas rendue moins recommandable
dans l'Eglife que dans la profeffion
des Armes. Elle a donné trois
Evêques à l'Eglife de Tulles ,
dont le premier fut un des Peres
du Concile de Trente . Le dernier
Défut
honoré d'un Brevet de Confeiller
d'Etat ordinaire ,
puté pour la Province du bas
Limofin , aux Etats Generaux
G iij
78 MERCURE
du Royaume , tenus en 1617.
Cette Maiſon a auffi donné des
Abbez celebres aux Abbayes du
Mont S.Quentin en Vermandois ,
de S. Martial de Limoges , de
S. Laon de Thouars & de faint
Romain de Blaye , qui eft dans
la Famille depuis le Regne de
François premier. On peut ajoûter
cing Commandatrices ou Abbeffes
du renommé Monaftere de
Beaulieu , de l'Ordre de Malthe,
en Quercy , & une Prieure perpetuelle
du Prieuré Royal des Filles-
Dicu de Rouen , le merite defquelles
a toûjours efté auffi éclatant
que leur haute naiffance.
GALANT 79.
:
Voila les titres & les avantages
qui ont diftingué la Maiſon
de Vaillac dans le monde , & qui
luy ont donné un fi grand éclat ;
mais ces titres & ces avantages
ne font fouvent que de vains
noms , & de fteriles fruits de
l'ambition des hommes , s'ils ne
font fondez fur l'innocence &
fur la vertu , fource de la veritable
Nobleffe. Ainfi c'est moins
des premieres dignitez de la Coula
Maifon de Vaillac
ronne que
tire fon luftre , que de la justice
de la vertu de ceux qui les
ont exercées ; & c'est dans la
pieté même dans la fainteté
80 MERCURE
des Sujets qu'elle a fournis à l'Eglife
, qu'ilfaut chercher la fource.
des benedictions temporelles que
Dieu a verfees fur elle de temps
à autre.
De plufieurs exemples que je
pourrois tirer de l'hiftoire de cette
grande Maifon, & qui rendroient
cette verité fenfible , je m'arrête
à un feul , qui m'est un peu plus
familier que les autres . C'eſt le R.
P.Bernard de S.Jofeph, Fondateur
de noftre Reforme en France , qui
me le fournit. Il eftoit fils aîné
de Louis de Gourdon de Genoi llac,
Comte de Vaillac , Chevalier de
l'Ordre de S. Michel ; & défigné
GALANT 81 .
de celuy du S. Efprit , Lieutenant
General des Armées des Rois Henry
III. Henry IV. Gouverneur
de Bordeaux , & Capitaine de
Cent Hommes d'Armes ; &
d'Anne de Montberon fa premiere
femme. Il faifoit fes Exercices
militaires en Italie , lorſque fentant
les premieres impreffions de
la grace , il découvrit bien- tôt
l'illufion de toutes les grandeurs
humaines , & que la haute fortune
à laquelle fa Naiffance luy
donnoit droit d'afpirer , feroit un
jour pour luy une tentation delicate
, à laquelle une experience
continuelle de ce qui fe paffe dans
→ 82 MERCURE
la
le monde , luy faifoit connoistre
qu'il auroit peine à refifter. Plein
de cette falutaire terreur , que
veuë du peril où il alloit eftre
expofe, luy infpiroit , il fongea à
quitter le monde , & à chercher
dans la folitude un azile aſſuré
contre les orages du fiecle . C'eft
dans l'Ordre des Carmes Dé.
chauffez qu'il trouva cet azile ;
il prit l'Habit & fit Profeffion
dans noftre Convent de Rome,
&peu de temps aprés il cut une
Miffion particuliere du Saint
Siege , pour venir établir noſtre
Reforme en France. Il y parut
comme un autre Elie . Son Habit,
GALANT 83
Laufterité de fa vie , & plus que
cela la force de fes exemples ,
le zele avec lequel il prêchoit la
penitence , luy donnoient un grand
rapport avec le Patriarche du Carluy
attirerent bien- toft mel ,
une foule de difciples.
C'est dans cette même Maiſon,
où fon petit neveu vient attendre
le grand jour des Revelations ,
que le Pere de Vaillac jetta les
premiers fondemens de noftre établiffement
en France ; fon Portrait
que nous y confervons precieusement
, nous entretient dans
la premiere ferveur de noſtre Regle
, e nous le regardons tous
.84 MERCURE
les jours comme un frein contre
le relâchement , où les plus faints
Ordres ont tant de peine à s'empêcher
de tomber. Ce Portrait,
tout infenfible qu'il eft , nous prêche
continuellement la penitence ;
& en le voyant , nous fentons
augmenter noftre zele pour
confervation de la difcipline Reguliere.
la
Aprés avoir affuré à ſon Ordre
un établiffement à Paris , par
la protection & par les bienfaits
du Roy Louis le fufte , & d'Anne
d'Autriche , d'heureufe memoire,
le Pere Bernard de S. Jofeph alla
à la tête d'une nouvelle Colonie
GALANY 85
faire unfecond établissement à Ca
hors. Cette Ville que la nature luy
rendoit chere , puifque c'étoit la
Capitale de la Province où il
a
de là
eftoit né , devint un des premiers
objets de fon zelen ;
paffant à Toulouze , où le Parlement
, à qui le nom de Vaillac
eftoit tres- refpectable , l'avoit appellé
, il fonda la troifiéme Maifon
de noftre Ordre en France.
Dieu , le Souverain Maître de la
vie des hommes , arrêta dans cette
même Ville le Bienheureux Bernard
de S. Jofeph : la mesure de
fes merites eftoit pleine , il eftoit ,
temps qu'il en allât recevoir le
86 MERCURE
1
prix. C'est là où dans les fentimens
les plus vifs de la penitence
, & dans les plus vives ar
deurs de la charité , il rendit fon
ame au Createur en 1649. &
aprés une maladie de peu de jours.
Nous regardons, Mr, ce faint Pa
triarche , le BienheureuxJean
de la Croix , un des ornemens de
noftre Ordre , comme les deux plus
grands Maîtres de la Vie fpirituelle
qui ayent paru dans l'Europe
en ces derniers temps , &
comme les deux Contemplatifs
qui ont donné de plus feures regles
Jur l'amour de Dieu.
Vous voyez donc , Mr, avec
GALANT 87
quels motifs nous devons recevoir
les cendres de M. le Comte de
Vaillac ; ce Nom nous doit eftre
cher de plufieurs manieres , &tous
ceux qui le porteront feront toújours
pour nous des objets de veneration.
Nous recevons donc ce
precieux dépoft avec tout le respect
que nous devons & nous ne
cefferons jamais d'invoquer pour
luy & pour tous ceux de fon illuftre
Famille , le Juge Souverain
des vivans & des morts , en luy
offrant tous les jours dans le faint
Sacrifice de l'Autel , la Victime
de propitiation
.
Il ne me refte plus rien à
88 MERCURE
vous dire fur le merite , la valeur
& la naiffance de Monfieur
le Comte de Vaillac , aprés ce
que vous venez de voir dans
ces deux Difcours ; il me fuffic
de dire que ce Comte eftoit.
aimé de tous ceux qui le pratiquoient
, & eftimé de ceux
qui ne le connoiffoient que
par reputation. Il eftoit lié
d'une grande amitié avec M
le Duc d'Elbeuf , chef de la
Maifon de Lorraine en France,
qui ne l'a point quitté pendant
fa maladie , & qui a ordonné
& fait tous les honneurs de fon
Convoy funebre. Monfieur
GALANT 89.
le Comte de Vaillac n'avoit
que
jamais efté marié .
Le Roy a donné , ainſi
je vous ay dit le mois , paffe à
M' de Bon , Confeiller en la
Chambre
des Comptes
, &
Cour des Aydes de Montpellier
, fils de M' de Bon , Premier
Prefident de cette Cour
des marques glorieufes de cette
bonté diftinguée dont il honore
les familles qui fe font renduës
recommandables
par de
longs fervices dans des Charges
importantes
: S. M. vient
d'acorder
à M de Bon , Confeiller,
des provifions
, pour
Aouſt 1707.
H
la
.90 MERCURE
furvivance de la Charge de Premier
Preſident ; à laquelle il fut
receu le 20. du mois de Juin
dernier ; cette reception a fait
d'autant plus de plaifir à toute
la Ville de Montpellier que Με
le Premier Prefident de Bon
& M' de Bon fon fils , fe font
acquis depuis long- temps l'eftime
& les coeurs de tous les
ordres de cette Ville , & particulierement
de la Cour des
Comptes, Aides , & Finances ,
où l'on voit aujourdhuy un
troifiéme Premier Prefident de
pere en fils du même nom , &
du même merite.
GALANT 91
Cette reception commença
par l'Affemblée des Chambres
& Semeftres de cette Cour , une
des plus nombreufes du Royaume
, où les Conclufions de Mr
le Procureur General ayant
efté rapportées , Mrs les Prefidens
& Confeillers opinérent ,
tous avec éloge & avec toutes
les marques d'une joye fincere à
la reception de Mr de Bon à la
Charge de Premier Preſident :
enfuite on envoya le Greffier
en Chef pour avertir Mr de
Bon , qui cftant fuivi de tous
les Procureurs en Corps & prece
dé de tous les Huifliers avec
Hij
92 MERRCUE
leurs baguetes , fe preſenta à
l'entrée du Barreau , où les
Chambres & Semeftres eftoient
affemblées fur les fieges bas
des petites Audiences. Mr le
Prefident de Moulceau qui prefidoit
, luy prononça l'Arreſt
de fa reception , & l'ayant fait
approcher, il reçut fon ferment
en la maniere ordinaire , aprés
quoy Mr de Bon prit la premiere
Place en qualité de
mier Preſident & il fit affis &
couvert , un remerciement à
la compagnie qui brilla par une
infinité de traits également vifs
& touchans. Il dit en commenpreGALANT
93
çant que , fi les mouvemens du
Coeur pouvoient fupléer aux lumieres
de l'esprit , & fi pour me
riter la place où ilfe voyoit élevé,
c'eftoit affez de comprendre quel en
eft le poids fans fe laiffer éblouir
aux premieres idées de l'amour
propre , il ofoit fe flatter qu'on
ne l'en trouveroit pas tout- à -fait
indigne , il parla enfuite de ce
qui eftoit dû à la memoire
de feu M François de Bon
fon grand pere , Premier Prefident
dont le fouvenir n'eſt pas
moins pretieux que glorieux
aux Officiers de cette Compagnie
; mais rien ne frappa plus
94 MERCURE
•
fenfiblement que ce qu'il ajoûta
touchant Mr le Premier Prefidentfonpere,
l'épanchement de
fon coeur pour la conſervation
fut d'autant plus eſtimable
qu'il parut tres-fincere , puifqu'en
luy fouhaitant un grand
nombre d'années pour remplir
encore les fonctions de la Charge
de Premier Preſident , il
avoüa de la meilleure grace
monde , qu'il eftoit luy - même
intereffé dans ces fouhaits , qu'il
eftoit perfuadé que plus il tarderoit
à occuper la Charge de Premier
Prefident , plus il feroit en eftat de
la remplir dignement. Mr le Predu
GALANT 95
fident de Moulceau diſtingué
par un efprit tres - poli &
& tres delicat ·
> répondit
au nom de la
Compagnie par
un autre difcours , qui convenoit
également à la place qu'il
occupoit & aux fentimens
de
ceux pour qui il parloit . Les
Chambres & Semeftres fe féparerent
enfuite , & à peine le
nouveau Premier Prefident fut.
il
retourné à fon
appartement ,
qui eft dans l'enclos du Palais
où loge Mr le Premier Prefident
fon pere , qu'il y reçut les
Deputez nommez pour le complimenter
au nom de la Cour ;
96 MERCURE
cette députation fut d'un Prefident
, de trois Confeillers ,
un de chaque Chambre , d'un
Correcteur , d'un Auditeur des
Comptes , & d'un de Mrs les
Gens du Roy. Ils avoient eſté
auffi nommez pour complimenter
Mr le Premier Prefident
le pere , qui donna enfuite
un repas magnifique à toute la
Cour des Comptes & des Aides
, qui , nonobſtant l'abſence
de plufieurs Officiers , s'y trou
va en nombre de prés de quavingt
perfonnes ; il y eut
trois grandes tables également
fervies . Ce grand repas fut accompagné
GALANT: 997
compagné de ce qui fait le plus
fenfible agrément de ces fortes
de feftes, fçavoir d'une joye univerfelle
& d'une cordialitéfincere
qui paroiffoient fur le vifage
de tous ceux qui compofoient
cette illuftre Affemblée . La politcfle
de Mrs les Premiers Prefidens
ne laiffa rien à defirer , & M²
le Premier Prefident le pere ,
foûtint parfaitement dans cette
occafion le talent fingulier qu'il
a depuis long- temps de donner
des feftes avec autant de profufion
que de bon gouft. Mr
le Premier Prefident le fils fut
enfuite harangué par les divers
Aouſt 1707.
I
98 MERCURE
ordres de la Ville de Montpellier
, & ces harangues furent
generalement applaudies , &
particulierement celle de Mr
Chycoineau Confeiller en la
Chambre des Comptes , &
Chancelier de l'Univerfité de
Medecine , qui parla en Latin
au nom & à la tefte de cette
Compagnie, & dont le difcours
fut rempli d'élegance & de penfées
tres - delicates , & tel que
l'on devoit attendre d'un homme
qui a toûjours brillé dans
toutes les Charges qu'il a poffedées
. La Societé Royale des
Sciences , dont Mr de Bon le fils
BIB
*
LYON
*7893
*
STREQUE
DE
GALANTE LYOO
eft un des Prefidens honors
donna auffi le même jour des
marques de fa joye , par une
députation qu'elle lui fit . Mr de
Plantade , Confeiller , porta la
•parole en qualité de Directeur ,
& fit connoître par un difcours
qui fut court , mais tres energique
, combien cette Compagnie
elle eftoit fenfible à tout
ce qui arrivoit à ce nouveau
Premier Prefident , & l'attachement
qu'elle avoit pour luy;
le goût que Mr de Bon a toujours
eu pour les ſciences depuis
fa plus tendre jeuneffe ,
a tellement contribué à l'éta-
I ij
100 MERCUR E
bliffement de cette celebre Societé
, qu'on ne doit pas eftre
furpris fi tous les Membres de
cette Accademie ont reffenti
vivement la grace que le Roy
vient de faire à Mr de Bon .
L'attachement particulier que
toute cette Ville a pour Meffieurs
de Bon Premiers Prefidents
fut marqué ce mefme
jour par une Harangue qui eut .
quelque chofe de fingulier &
de fort heureux . Ce fut une
députation faite par la Compagnie
des Penitents Blancs de
Montpellier , qui ſe trouvant
honorée d'avoir en la perGALANT
101
fonne de M' de Bon le fils un
Premier Prefident dans le nombre
de fes Confreres , crut luy
devoir marquer fon zele en
cette occafion . M Durand
Confeiller en la Cour desAydes
Prieur de cette Compagnie
& accompagné d'un grand
nombre de Confreres , parmi
lefquels eftoient plufieurs Offi
ciers de la mefme Cour , harangua
en cette qualité de
Prieur , Meffieurs les Premiers
Prefidents pere & fils , avec
tout l'efprit poffible , & ménagea
avec autant de difcernement
que de juſteſſe dans
I iij
102 MERCURE
• fes expreffions , tout ce qu'il
pouvoit leur dire d'obligeant
par rapport à la Compagnie
pour laquelle il parloit . L'éclat
avec lequel M Durand remplit
tous les engagemens de
fon Prieuré , donna un relief
confiderable à cette députation
. La Harangue des Confuls
de la Ville qui parlerent le
mefme jour par la bouche de
Mr Malefagne , Avocát , leur
Orateur , fut auffi fort aplaudic
, & l'empreffement que
l'on eut d'en demander des
copies , en eft une preuve.
lendemain Mr Cauffe Recteur
Le
GALANT 103
de l'Univerfité en Droit , &.
Profeffeur tres- celebre fit une
Harangue au nom de ceCorps,
qui receut de grands applaudiffemens.
La profonde érudition
& le pur Latin de Ciceron
furent remarquez dans tous
les traits de fon difcours ; outre
fon grand fçavoir , fon carac
tere d'honnefte homme l'a
toûjours fait estimer. Je n'entre
point dans le détail des Harangues
de plufieurs autres
Corps , parce que cela me méneroit
trop loin ; je vous diray
feulement qu'elles furent remplies
de beaucoup d'efprit .
I iiij
104 MERCURE
Mr de Bon nouveau Premier
Prefident répondit à tous ces
difcours , avec autant d'efprit
que de politeffe . Les réponſes
q I fit à ceux qui luy avoient
parlé en Latin , furent remarquées
entre les autres ; il y répondit
en François , mais il y
mêla fi à propos quelques traits
Latins & qui convenoient parfaitement
au fujet , que cette
nouvelle maniere de répondre
fut admirée de tout le monde.
Ce nouveau Premier Prefident
a beaucoup d'efprit , &
il paroiſt eſtre formé pour le
Palais , ainfi que pour toutes
GALANT
105
fortes de fciences . Rien ne luy
manque du coſté du coeur qu'il
a excellent il eft naturellement
bon, fenfible & officieux ,
fa droiture , fon defintereffement
, & fa fermeté pour le
foutien de la juftice & de la
raifon , font encore en luy des
qualitez marquées dans toutes
fes actions , ainſi que la facilité
& l'air naturel qui découvrent
toûjours les impreffions
du fang & de la naiffance.
Meffire François Xavier de
Bon qui vient d'eftre receu Premier
Prefident en furvivance
106 MERCURE
de M' fon pere , Premier Prefident
en la Cour des Comptes,
Aydes & Finances de Montpellier
, eft fils de Meffire Philibert
de Bon Premier Prefident
en cette Cour , Magiftrat
également illuftre par un
merite tres -diftingué & unc
longue experience , & qui fut
receu dans cette Charge de la
mefme maniere que M fon
fils vient de l'eftre , en furvivance
de Meffire François de
Bon Premier Prefident fon
pere en l'année 1661. La capacité
profonde & l'integrité la
plus exacte de ce grand Ma-.
GALANT 107
*giftrat qui foumit toûjours
toutes les confiderations humaines
aux fcrupuleux devoirs
de fa Charge , le font vivre
encore dans la memoire des
peuples de la Province de
Languedoc. Il eftoit né en
1596. & mourut en 1680. revétu
des dignitez de Confeiller
d'Etat ordinaire & de Premier
Prefident . Il laiffa quatre
garçons & trois filles de fon
Mariage avec Françoiſe de
Bonnet , fille de Guillaume de
Bonnet Vicomte d'Aumelas.
Les quatre garçons furent
M Philibert de Bon Premier
го
108 MERCURE
Prefident ; Charles de BonVillevert
Confeiller en ladite Cour
des Comptes ; François &
Charles de Bon , Capitaines
l'un dans le Regiment de
Montpezat , & l'autre dans le
Regiment de Picardie ; les
filles furent Iſabeau, Françoiſe,
& Marie-Anne de Bon ; la premiere
mariée à Mr de Freffieux
Confeiller en la mefme Cour;
la feconde à Monfieur le Baron
de Murles , & la troifiéme à
Mr de Gerard auffi Confeiller
en la mefme Cour.
? Le
Le pere de Meffire François
de Bon premier Preſident , fut
GALANT
109
*
Meffire Philibert de Bon , Seigneur
de Prunay , Villevert
Maurepas & de S. Martin , qui
époufa en 1595. Louiſe de
Tremoulet , de Bucelly , Baron
de Montpefat, dont il eut trois
enfans ; Meffire François de
Bon Premier Prefident & deux
filles ; Hyacinte , & Gabrielle ,
l'une morte Religieufe , &
l'autre mariée à Antoine de
Rodel Seigneur d'Auriac. Le
pere de Meffire Philibert de
Bon Seigneur de Prunay , &c.
fut Mellire Maturin de Bon
Seigneur de S. Martin du
Tertre , de Villevert , de Pru110
MERCURE
·
nay & de Maurepas , Maiftre
d'Hoftel Ordinaire du Roy ,
qui épousa en 1557. Claudine
Moriceau , fille de Jean Moriceau
Confeiller au Parlement
de Paris. Il n'eut qu'un enfant
; fçavoir Philibert de Bon
dont je viens de parler ; fon
pere fut Maturin premier de
Bon Seigneur de S. Martin
du Tertre , de Prunay de Villevert
& de Hazelac en Lorraine
qui mourut en 1516. & n'eut
qu'un enfant qui fut Maturin II .
Le pere de Maturin premier de
Bon fut Pierre Philippe de Bon
Seigneur de Marignane & de
GALANT III
Meulon né en 1381. qui eut
deux femmes . La premiere
eftoit Catherine de Villeneuve
qu'il époufa l'an 1408. & la
feconde fut Bonne de Vinti.
mille ; il fut bleffé dangereufement
à la bataille de S. Germain
en 1409. & mourut en
1450. il eut deux enfans de fa
premiere femme & cinq de
la feconde qui firent deux
branches ; l'une d'André de
Bon , & l'autre de Maturin de
Bon dont je viens de parler.
La premiere branche, ainfi que
la feconde , s'eft toûjours foûtenue
par des Seigneuries &
112 MERCURE
des poftes diftinguez du nom
bre defquelles furent le Gouvernement
de Marfeille & de
Noftre- Dame de la Garde . Ce
Pierre Philippe de Bon mourut
à Florence , ainfi que Meffire
Pierre André de Bon Chevalier
Seigneur de Meulon & de
Marignane né en 1354 qui
époula l'an 1375. Ifabelle de
Lafcaris ; il fut avec le Roy
Louis d'Anjou à la Guerre de
Naples , où dans une bataille qui
fe donna , il remit le Roy à
cheval , & dans letemps qu'un
Chevalier , nomméLcon , avoit
mis la main fur Sa Majefté
GALANT
113
pour l'arrefter , illa luy coupa ,
& ce Monarque en reconnoiffance
, & felon l'ufage de ce
temps là , luy permit de porter
dans fes armes une main
enſanglantée ; c'eſt- à- dire de
gueules qui embraſſe une
bande de même, comme portele
privilege fcellé de fon fceau ;
cefont actuellement les armes
de Meffieurs de Bon . L'ancienneté
de leur Maiſon qui
flcuriffoit au commencement
du treiziéme fiecle où vivoit
Jacques André de Bon Seigneur
de Meulon né en 1260 .
grand pere de Pierre André de
Aouft 1707.
K
114 MARCURE
Bon , mort à Florence , eft tresconfiderable
. Cependant quelque
difficulté qu'il y ait à
percer l'obfcurité des fiécles ,
Mr de Bon le fils auroit pû fe
trouver des Ayeuls encore plus
éloignez s'il n'avoit trouvé
dans ceux qui font connus , de
grands Magiftrats qui peuvent
luy fervir d'exemple. Mr de.
Bon , nouveau Premier Prefident
, époufa en 1693. Gabrielle
de Bocaud , fille
de Meffire Hercule de Bocaud
fecond Prefident de la mefine
Cour , tres diftingué dans
cette Compagnie. Il n'a encore
GALANT 115
qu'une fille de ce mariage ,
mais il y a lieu d'efperer que
le Ciel luy donnera des Succeffeurs
pour perpetuer dans
cette Compagnie des Chefs qui
luy font tant d'honneur , &
dont elle eft fi contente.
Je vous ay déja envoyé plufieurs
articles pareils à celuy
que vous allez lire ; & comme
vous m'en avez demandé la
fuite , je continuë à ſatisfaire
voftre curiofité.
BORDEAUX ET BLAYE .
Ily avoit àdefcendre aupremier
Juin.
116 MERCURE
Barques de Sel ,
Vaiffeaux François .
55
118
173
ETRANGERS .
Danois ,
Ecoffois ,
42
Efpagnol ,
Hollandois ,
Holſtein ,
Hambourquois ,
Irlandois ,
Mofcovite ,
Suedois ,
I
27
2
I
++4
I
6
221
VAISSEAUX
& Barques montées.
Barques de Sel , 44
GALANT 117
Vaiffeaux François , 59
103
ETRANGER S.
Danois ,
Efpagnol ,
Hollandois ,
2
I
22
25
128
349 Total de ce qui eft monté ,
VAISSEAUX
Barques defcenduës pendant
le mefme mois.
Barques de Sel ,
Vaiffeaux François ,
40
65
105
ETRANGER S.
Danois ,
118 MERCURE
Efpagnol ,
Hollandois ,
Holſtein ,
Hambourquois ,
13
1
I
Irlandois ,
Mofcovite ,
Suedois ,
31
I
3-
24
Total de ce qui eft defcendu , 129
Refte aux Ports à defcendre , 220
SCAVOIR :
Barques de Sel ,
Vaiffeaux François ,
59
112
171
S
ETRANGERS.
Danois ,
Ecoffois ,
GALANT 119
Espagnol ,,
Hollandois ,
Holſtein ,
36
I
Irlandois ,
I
Suedois , 3
49
TOTAL , 220
le
Apropos de Commerce , je
vous dis le mois paffé que
Roy auoit nommé au Confulat
de Smyrne , M' le Chevalier
de Fontenu , qui avoit le
Confulat de Ligourne
, & je
dois vous dire aujourd'huy
que
Sa Majefté a nommé au Confulat
de cette derniere Ville ,
120 MERCURE
Mr de Riencourt , fils de Mr
de Riencourt qui a efté Correcteur
de la Chambre des Comptes
de Paris , pendant trentecinq
années , Auteur de l'Hiftoire
de Grece , & de celle de la
Monarchie Françoiſe. Il eſt originaire
de Picardie , où fa Nobleffe
eftoit déja connuë vers
la fin du huitiéme fiece . Bon
grand'- pere maternel eftoit
Florent Parmentier , premier
Subftitut de M' le Procureur
general , dont la memoire ſera
au Palais dans une veneration
éternelle. M' de Riencourt qui
vient d'eftre nommé au Confulat
GALANT 121
fulat de Ligourne a époufé Marie
- Anne Francini , originaire
d'une ancienne Maifon de Florence
, dont le grand'- pere &
le pere ont eu l'honneur d'eftre
Maiftres d'Hoftel du Roy , &
fon frere aîné en poffede encore
aujourd'huy la Charge , la
furvivance luy en ayant eftéaccordée
par ſa Majefté , n’eſtant
fa
encore âgé que de vingt deux
ans . Cette Dame a fait voir une
grande fermeté, & un grand
amour pour fon époux , dans
les mauvaiſes affaires qu'on luy
avoit injuſtement fufcitées , &
dont il s'eft tiré par un Arreſt
Aoust 1707 .
L
122 MERCURE
folemnel , qui a fait connoiftre
fon innocence .
Je vous ay
les fervices que l'on rendoit à
Philippes V. qui occupe aujourd'huy
le Trône d'Espagne ,
n'eftoient pas long- temps fans
eftre recompenfez . Vous fçavez
de quelle maniere Mle
Marquis de la Floride a défendu
le Chafteau de Milan,
& que ce Marquis avoit refolu
de s'enfevelir fous les ruines
de ce Chaſteau , plutoſt que
le rendre : & il auroit fans .
doute perfeveré , dans une refolution
fi glorieuſe , & ſi
fouvent dit que
de
GALANT
123
digne d'un grand Homme , &
d'un Sujet fidelle & zelé , pour
le fervice & pour la gloire de
fon Maiftre , fi ce Monarque
n'avoit jugé à propos , pour
fauver la vie aux Braves qui
prodiguoient leur fang , à
l'exemple d'un Gouverneur fi
genereux , de luy envoyer un
ordre de remettre ce Chasteau,
aux conditions dont S M. C.
eftoit convenue. Les Ennemis
ont donné le Gouvernement
de ce Chafteau à M' de Colmenero
qui a lâchement
abandonné les interefts du
Roy fon Mailtre , pour fe ran-
Lij
124 MERCURE
ger du cofté de l'Archiduc .
Ce Traître avoit une Commanderie
de l'Ordre de Saint
Jacques , qui a vacqué par fa
trahifon ; & Philippe V. la
vient de donner à Monfieur le
Marquis de la Floride , quoy
qu'il foit icy, depuis fon retour
de Milan , & qu'il ne l'ait point
follicitée. Mais le Roy fon
Maiftre qui ne fe fouvient
moins des fervices des abfens,
que des fervices de ceux dont
la prefence femble tous les
jours l'en faire fouvenir , a cru
ne devoir pas tarder plus longtemps
, â recompenfer le zele
pas .
GALANT 125
D
& la valeur d'un Homme qui
a vieilly dans le Service , & qui
s'eft trouvé dans vingt- cinq
Places affiegées , où il a toûjours
donné des marques de
fa conduite , de fon zele , & de
fon intrepidité. Lors qu'il apprit
au Roy , le don que luy
venoit de faire le Roy fon
Maiſtre , S. M. luy témoigna
de la maniere du monde la plus
obligeante , la joye qu'Elle en
reffentoit , & luy dit , que tout
le bien qui luy arriveroit luy
feroit toûjours plaiſir .
L'Evêque de Badajoz eſtant ·
mort à Carthagene , S. M. C.
Lij
126 MERCURE
continuant de recompenfer
ceux qui ont fignalé leur fidelité
, dans la conjoncture prefente
, a nommé à cet Evêché
le Curé de Villanueva de la
Jara , dans la Manche , qui a
toûjours exhorté les peuples à
ne s'écarter de l'obeïffance
pas
qu'ils doivent à leur legitime
Souverain , qui les a animez
par fon exemple , & qui par
cette raifon avoit efté pillé
deux fois par les Portugais .
Ce digne Paſteur s'eftant toû
jours diftingué par fon zele
pour fon legitime Maiſtre
fon exemple a fervy à ramener
GALANT 127.
plufieurs des Sujets de S. M.C.
l'obeillance de ce Prince .
Sa fidelité a eſté loüée dans le
Confeil d'Etat d'Espagne , &
S. M. C. a parlé de ce Curé
dans des termes qui doivent
faire beaucoup de plaifir , lors
qu'ils fortent de la bouche
d'un Souverain.
Le Siege de Badajoz eſt un
des plus anciens de la vieille
Caftille , où cette Ville cft
fituée. Il a efté rempli par de Ss .,
Prelats , qui ont foûtenu la pureté
de la Foy avec beaucoup
de zele, contre les Heretiques,
qui fe font répandus en divers
Liiij
128 MERCURE
temps
dans les Eftats qui compofent
la Monarchie d'Efpagne
. Un faint Evêque de
Badajoz défendit la verité de
l'Incarnation de Jefus- Chrift
contre certains Gnoſtiques ou
Prifcillianiftes , qui parurent
dans ce Royaume il y a plufieurs
ficcles .
La Cure de S. Leu & de
S. Gilles eftant vacante , Monficur
le Cardinal de Noailles
ayant nommé M. Vivans , qui
en eftoit Curé , à la dignité de
grand Penitencier , dont M
Chapelier , grand Maiſtre du
College des quatre Nations,
a donné fa démiffion , Son
GALANT 129
Eminence a nommé à cette
Cure M' de Boiffi , Docteur
en Theologie de la Faculté de
Paris , & Curé de Brie- Comte-
Robert. Ce nouveau Curé a
un grand talent pour la conduite
des ames , & le fruit de
fes Predications en font des
preuves évidentes .
,
Mr le Comte de Revel ,
Chevalier des Ordres du Roy ,
& Lieutenant General de fes
Armées a épousé Mlle de
Gandelu , fille de feu Mr le
Duc de Gefvres , premier Gentilhomme
de la Chambre , &
de Dame Angelique du Val ,
130 MERCURE
fille de feu Mr N... du Val ,
Marquis de Fontaine- Marcüil ,
deux fois Ambaſſadeur à
Rome , & de Dame N... de
Monceaux- d'Auxi . Mla Comteffe
de Revel eft foeur de M
le Duc de Trefmes , premier
Gentilhomme de la Chambre
& Gouverneur de Paris , de
M' l'Archevêque de Bourges
& de Mr le Chevalier de Gefvres
. Elle eft petite fille de Mr
le Duc de Trefmes , en faveur
de qui le Roy erigea en 1648 .
le Comté de Trefmes fitué
dans le Vallois , en Duché fous
le nom de Gefures. Feu Mr le
GALANT 131
Duc de Gefvres avoit un frere
aîné qui fut tué au ſervice du
Roy , & qui venoit d'eſtre honoré
du Bâton de Maréchal de
France , lors que la mort l'enleva.
Mr le Comte de Revel eft
frere puifné de Mr le Comte
de Broglio , Lieutenant General
des Armées du Roy , & de
la Province de Languedoc , qui
a époufé Mlle de Lamoignon ,
fille de Mr le premier Prefident
de ce nom & de Mr
l'Abbé de Broglio , diſtingué
par fa vertu & par
rite. La Maiſon de Broglio eft
,
fon
me132
MERCURE
Piemontoife d'origine , & une
des plus illuftres de ce Païs là .
Un des premiers de ce nom ,
qui a paffé en France , eſt feu Mr
le Comte Carlos de Broglio ,
Lieutenant General des Armées
du Roy , qui époufa
N... Daumont , fille du feu
Maréchal de ce nom , & tante ·
de Mr le Duc Daumont , au-
'jourd'huy premier Gentilhomme
de la Chambre . La
vertu de Mlle de Gefvres eft
generalement reconnuë
elle s'eft toûjours fait un plaifir
de la retraite .
&
J'aurois trop de chofes à
GALANT 133
vous dire fi je vous parlois de
toutes les actions où Mr le
Comte de Revel s'eft diftingué
. Il fe couvrit de gloire à
Cremone,lors que Mr le Prince
Eugene voulut furprendre cette
Place , & Sa Majesté ayant
efté informée de tout ce qu'il
avoit fait dans cette importante
conjoncture , luy envoya
auffi -toft le Gordon l'Ordre
du Saint Eſprit.
Mr. le Duc d'Eftrées , Gou-.
verneur & Lieutenant General
pour le Roy de la Province de
I'Ile de France , a époufé Mlle
de Nevers , foeur de Mr le
134 MERCURE
Comte de Nevers , & de M
la Princeffe de Chimay. Il eſt
fils de feu Mr le Duc d'Eftrées ,
Chevalier des Ordres du Roy ,
& Gouverneur de l'Ile de
France ; & de N... de Lyonne,
fille du Secretaire d'Eftat de ce
nom ; & il eſt petit fils de Fran- ·
çois Annibal Duc d'Eftrées ,
Chevalier des Ordres du Roy ,
Lieutenant General de fes Armées
, & mort fon Ambaſſadeur
à Rome , frère aîné de
Mr le Cardinal d'Eftrées , &
de Dame Catherine de Lauzieres
, petite- fille de Louis
Pons de Lauzieres , Marquis
GALANT 135
de Themines , Maréchal de
France , Chevalier des Ordrest
du Roy , Gouverneur de Bretagne
, Sénéchal de Quercy
, & General des Armées
du Roy Louis XIII. Son Bifaycul
eftoit François- Annibal
, premier Duc d'Eſtrées
Maréchal de France , Chevalier
des Ordres du Roy ,
Gouverneur de l'Ile de France
, deux fois Ambaffadeur
à Rome , qui fut marié avec
Marie de Bethune - Charroft
; le Trifayeul de Mr le
Duc d'Eftrées , étoit Antoine
d'Eftrées , Marquis de Coeu136
MERCURE
vres , premier Baron Chrêtien ,
& Sénéchal du Boulonnois ,
Chevalier des Ordres du Roy ,
Grand Maiftre de l'Artillerie
de France , & Gouverneur de
la Fere , qui avoit époufé Françoife
Babou de la Bourdaifiere :
quatrième Ayeul de ce Duc
eftoit Jean d'Eftrées , Seigneur
de Vallieu & de Coeuvres ,
Chevalier de l'Ordre du Roy,
Grand Maiftre de l'Artillerie
de France , fort celebre dans
les Memoires de Martin du
Belley & de Pierre de Bourdeile
, pour fes beaux faits
d'armes. Il époufa Catherine
CALANT 137
de Bourbon-Vendôme ; le cinquiéme
Ayeul de Mr le Duc
d'Eftrées , eftoit Antoine d'Eftrées
, Seigneur de Vallieu ,
l'un des principaux Officiers de
la Maifon du Roy Louis XII ,
qui époufa Jeanne , heritiere
de la Maifon de la Cauchie en
Boulonnois , dont la Maiſon
d'Eftrées , écartele les Armes
avec les fiennes . Cet Antoine
étoit fils d'un autre Antoine
d'Eftrées , Seigneur de Vallieu ,
qui vivoit fous Louis XI. &
qui defcendoit en droite ligne
& mafculine, du Maréchal d'Eftrées
furnommé de Solres
Aoust 1607.
M
>
138 MERCURE
(à caufe du Fief de ce nom
dont il eftoit proprietaire ) &
qui fleuriffoit fous le regne de
faint Louis .
Je vous ay amplement parlé
de la Maifon de Mancini dont
fort Mlle de Nevers , dans
l'article de la mort de Mr le
Duc de Nevers .
Rien n'eft fi difficile que les
ouvrages dans lefquels on fait
voir les deffauts des hommes ,
& il faut que la peinture que
l'on en fait , foit auffi vive que
naturelle, & que les défauts que
l'on reprend fautent aux yeux
des lecteurs , s'il m'eft permis
GALANT 139
de parler ainfi ; autrement ces
fortes d'ouvrages deviennent
fades, & ne corrigét point ceux
dont on reprend les défauts .
Les ouvrages de M' l'Abbé de
Villiers n'ont jamais eu ce fort.
Il feroit à fouhaiter qu'il en fit
plus fouvent. Il a fait depuis
peu une Ode fur la maifon de
campagne de fon illuftre Ami,
M' le Prefident Lambert. Vous
n'ignorez pas le merite de ce
fage & genereux Magiftrat , fa
reputation vous l'a affez fait
connoiftre. Cette Ode roule
fur une idée qui d'abord vous
fera plaifir . La Maiſon de cam-
Mij
140 MERCURE
pagne où elle a eſté compoſéc ,
a pour principal point de veuë
la Ville de Paris , & la plus
grande partie de l'ouvrage
renferme un détail des deregle
mens ordinaires dans les grandes
Villes ; c'eft à dire l'on
que
fait fentir dans cette Ode le
plaifir de voir Paris , fans effuyer
ce peut y caufer du dégouft &
de l'ennuy Les Peintures qu'on
y reprefente , en font admirables.
Vous en jugerez par les
deux Strophes que je vous envoye.
Je ne vois en ces lieux paroître ,
GALANT 141
Du Senat aucun Officier ,
Que me déguife en Petit- Maître ,
Un habit, un air cavalier ;
Nul Abbé , que me défigure
Sa blonde longue chevelure ;
Nul Bourgeois tranchant du Seigneur
;
Nul Pedant bouffi d'arrogance ;
Nul Financier dont l'opulence ,
Des temps infulte le malheur.
Du Droit au fortir des Ecoles ,
Je ne vois point un Juge admis ,
Aprés des épreuves frivoles ,
Sur le Tribunal de Themis ;
Par la pareffeufe habitude ,
De fuïr le travail & l'étude,
142 MERCURE
Lâche Magiftrat s'avilir ;
Et dans le Palais qu'il abhorre
Dans le Senat qu'il deshonore
Stupide Pagode vieillir.
Je crois que les Strophes fuivantes
ne vous déplairont pas
non plus .
Defon bon gouft en bagatelles ,
Nul icy follement jaloux ,
Nydes modes lesplus nouvelles ,
La fureur d'avoir des bijoux ;
Erdefa poche inépuisable ,
Tirant, d'unfardeau qui l'accable ,
La pefante inutilité;
N'étale auxyeux vingtTabatieres
GALANT 143 '
Et du nouveau goût des charnieres,
Ne vante la rare beauté.
Icy d'une avare famille ,
On ne voit point la main former ,
La chaîne qui lie une fille ,
Au Convent qui va l'enfermer ;
Nyle zele aveugle , bizarre ,
Qui bâtit l'Autel ou le pare ,
De l'argent qu'on doit au prochain ;
Et qui grave fon injuftice ,
Au front du pieux édifice ,
Et fut le marbre & fur l'airain,
On n'entendpoint de Bans au Prof
ne ,
Annoncer le fatal lien ,
144 MERCURE
>
Qui ne marie à la perfonne ,
Que pour en époufer le bien.
On ne voitpoint icy la femme
Rougir de l'innocente flame ,
Que l'Hymen a droit d'allumer ;
Et l'Epoux par délicateffe ,
Avoir honte defa tendreffe ,
Pour la feule qu'il doit aimer.
de
Cette Ode , qui contient plus
quatre cens Vers , fe vend
chez Jacques Collombat , ruë
Saint Jacques , au Pelican .
Je vous parlay il y a quelque
temps de l'Hiftoire de la Poëfie
Françoiſe faite par M' l'Abbé
Mervefin. Ce livre , dont le
dans
GALANT 145
que
fuccés a efté confiderable , a
paru d'autant plus curieux
dans un fiecle où l'on voit paroiftre
chaque jour des livres
il ne s'en trouve nouveaux
preſque point dont la matiere
n'ait efté épuifée , de maniere
que le tour nouveau que les
Auteurs donnent aujourd'huy
à leurs ouvrages enfait prefque
toute la nouveauté. En effet ce
- n'eſt pas fans raiſon qu'on a dit
il y a déja plufieurs fiecles
qu'il n'y avoit plus rien de nouveau
fous le Soleil . Le fuccés
de l'ouvrage de M' Mervefin
luy a attiré une Critique qui
Aouſt 1707.
N
146 MERCURE
doit luy avoir fait plaifir dans
la fuite , puifqu'elle luy a donné
lieu de faire une réponfe
toute remplie d'érudition , &
qui fait connoiftre le grand
travail que doit luy avoir coûté
fon Hiftoire de la Poëfie Françoife.
La lecture de la réponfe
doit faire plaifir aux Lecteurs
qui ne font pas profonds dans
la connoiffance de l'Hiftoire
generale . L'Auteur fe juftifie .
par des citations qui paroiffent ,
fans replique , & fait voir enfuite
beaucoup de fautes dans
l'ouvrage de celuy qui l'a attaqué
, & fur tout à l'égard de
GALANT 147
la diction. Enfin perfonne ne
peut difconvenir qu'il y a beaucoup
à profiter dans la réponfe
fage & judicicufe de M
Mervefin , qui ayant efté attaqué
avec une vivacité un peu
trop forte , pour ne pas dire
davantage , répond avec plus
de moderation que l'on n'en
devoit attendre d'un Auteur
outragé. Celuy qui l'a attaqué
ne fe fait point connoiſtre , &
n'a fans doute pû obtenir de
permiffion de faire imprimer
fon Livre , puifqu'on n'y voit
point de nom de Libraire . Je
n'entre point dans le détail de
Nij
K
148 MERCURE
ces deux ouvrages , & je ne
prétens pas décider de ce qu'il
y a de bien & de mal dans
chacun de ces Livres. Ma décifion
pourroit ne pas eftre reçuë
& chacun auroit droit d'en
appeller ; mais je nepuis m'empêcher
de dire que lorſque l'on
parle avec un emportement
qui va jufqu'aux injures , le
Public a lieu de croire que la
paffion a plus de part que
la
verité, à ces fortes de Critiques .
La réponſe de M' Mervefin
fe vend chez Pierre Giffart , ruë
Saint Jacques à l'Image Sainte
Therefe.
346
BLIO
THE
LYON
Sans
jungerww .
VILLE
19
uic
la
la
Je
ars
unps
-ne
du
Cessede tourne mes yeux de
Tours e Ct qui m'adore, C'est as
$
sez aux plaisirs encore Cessez
9*
hercie .
GALANT 149
Les paroles de l'Air qui fuit
font de Mlle d'Alerac de la
Charfie , de la Maifon de la
Tour du Pin en Dauphiné . Je
vous ay déja envoyé pluſieurs
de fes Ouvrages , dont le public
a efté tres - fatisfait.
AIR NOUVEAU.
Ceffez de me parler du Printemps
& de Flore ,
Je détourne mes yeux de leurs touchans
appas
:
Abfente du Berger que j'aime &
qui m'adore.
C'eſt affez d'éviter les horreurs du
trépas ,
Sansfonger auxplaifirs encore.
N iij
-
150 MERCURE
Les Vers que vous venez de
lire ont efté notez par M
Chaftan de la ville d'Apt . Vous
jugerez vous-même de la beauté
de cet Air.
Monſeigneur , Monfieur le
Duc de Bourgogne , Madame
la Ducheffe , Madame la Princeffe
de Conty , Monfieur le
Duc , Mefdames les Princeffes
d'Epinoy & de Lillebonne
, & toutes les Dames de la
Cour de ces Princeffes ; tous
ceux qui compofent la Cour
de Monfeigneur , & celles
des Princes que je viens de
nommer , arriverent le DimanGALANT
151
che 7. de ce mois à Rambouil
let , qui appartient à Monſieur
le Comte de Toulouſe , où ce
Prince les attendoit. Les Officiers
du Roy qui fervent prefentement
auprés de Monfeigneur
, s'y eftoient rendus la
veille , parce que depuis un
affez grand nombre d'années
le Roy voulant épargner la dépenfe
exceffive que faifoient
les Maiftres des lieux où Sa
Majefté alloit fe promener , &
qu'il luy eftoit impoffible d'empêcher
, elle refolut que dans la
fuite elle feroit traitée par tout
où elle iroit par fes Officiers ,
N iiij
152 MERCURE
&à fes propres dépens . Ce n'eft
pas que ceux à qui appartiennent
les lieux où elle va , ne
faffent toûjours beaucoup de
dépenfe , que l'on ne fçauroit
empêcher que fa fuite ne ſoit
a
regalée , que les rafraichiſſemens
ne s'y trouvent en abondance
, ainfi que plufieurs divertiffemens
qui peuvent convenir
au lieu & à la faifon , &
que les oreilles n'ayent toûjours
grande part à ces divertiffemens.
Monfieur le Comte
de Toulouſe tint plufieurs tables
magnifiquement
fervies ,
où mangerent tous les SeiGALANT
153
gheurs. Tous ceux qui étoient
de ce voyage admirerent la
magnificence
des appartemens
.
Le lit où Monſeigneur coucha
parut d'une extrême beauté.
L'or qui fait la principale matiere
de l'étoffe eft la moindre
partie de ce lit. La fineffe de
l'ouvrage ; le deffein & les Portraits
qui s'y trouvent , ainſi
que dans la Tapifferie , qui
eft du même gouft , charment
les yeux de tous ceux qui les
voyent . Tous les appartemens
de cette delicieufe Maifon
eſtoient ſuperbement meublez;
Meſſeigneurs les Princes & tou154
MERRCUE
tes les Princeffes logerent dans
le Corps du Chateau , & tous
ceux qui les accompagnoient ,
dans l'aîle nouvellement conftruite
, dont tous les Appartemens
font lambriffez , & il fe
trouva dans tous ces apparte
mens tout ce que l'on peut imaginer
d'utile & de neceffaire à
ceux qui y eftoient logez. On
vit en arrivant tousles appartemens
, dans lesquels on fepromena
long temps . La Mufique
s'y fit entendre , & l'on chanta
pendant le repas plufieurs chanfons
qui divertirent beaucoup.
Le lendemain Lundy , il y
GALANT 155
eut chaffe du Loup & Monfeigneur
y prit beaucoup de plaifir.
Ce Prince vit à fon retour
l'Ecurie des Chevaux de Selles
de Monfieur le Comte de Touloufe
, où il y avoit cent- deux
chevaux , avec des couvertures
magnifiques . Les harnois
eftoient en ordre , & d'une propreté
tres - grande. Le nombre
de chevaux tout d'une file ,
avec des noeuds de rubans ; les
rideaux qui eftoient à toutes
les croifées , & les Chambres
pratiquées dans les Trumcaux,
pour les Palefreniers qui y ont
chacun leur lit. Tout cela , dis156
MERCURE
je , vû d'un coup d'oeil , produifoit
un afpect admirable .
Il y eut le Mardy Chaffe du
Cerf, où la pluſpart des Dames
allerent ; le Jeu , la Promenade
, & la Muſique , occupa le
refte du jour.
Il y cut encore Chaffe du
Loup le Mercredy , & le Jeudy
toute cette illuftre Compagnie
retourna à Verſailles , charmée
des manieres de Monfieur le
Comte de Toulouſe , dont
l'attention s'eftoit étenduë jufques
fur tout ce qui pouvoit
regarder la fuite des moindres
perfonnes qui avoient accomGALANT
157
pagné Monfeigneur . Samagnificence
fut admirée , & l'on
fut charmé des manieres genereufes
dont il accompagne tout
ce qu'il fait , & de l'affabilité de
ce Prince.
Il y a long-temps que vous
vous plaignez que je ne vous
envoye plus de Pieces d'érudition
, & fur tout de celles
qui ne regardent pas ſeulement
l'efprit ; mais dont on peut tirer
quelque utilité . Vous avez
raifon ; mais vous deviez avoir
fait reflexion que depuis affez
long-temps il y a tant de nouvelles
de guerre dans mes Let158
MERCURE
1
tres , qu'elles occupent la place
des Pieces fçavantes , curieufes
&galantes que je pourrois vous
envoyer. Cependant pour vous
fatisfaire , je vous envoye un
Article de la nature de ceux
que vous demandez. Il regarde
une Hemorragie finguliere
dont M' Bonneau , Medecin à
Touloufe , a fait l'Hiftoire .
Vous la trouverez dans la Lettre
fuivante . Les habiles Medecins
pourront dire leurs fentimens
fur ce Phenomene extraordinaire.
GALANT
159
A Toulouſe ce 29. Janvier
1707.
Fay cu foin en cette Ville d'un
jeune homme à qui le fang écha
poit par les coins des yeux , par
les oreilles , par le nez , par les
gencives , par les vomiffemens ,
avec les crachats , avec les urines ,
par les hemorroides & par les
felles ; ce fang faifoit en chaque
partie des efforts pour fortir des
canaux pour fe frayer de nouvelles
routes ; & on en voyoit
mesme par tout le corps d'extravafé
qui formoit des marques
&
160 MERCURE
•
l'on pouvoit prendre
livides
que
pour des taches pourprées . Fay
fait imprimer l'hiftoire de cette
•hémorragie universelle dans un
lire in douze qui a pour titre
Teinture Alcaline.
Voicy un autre espece d'hémorragie
affez curieufe qui vient
d'arriver à Madame de Clary
épouse de Monfieur de Clary Confeiller
au Parlement de Toulouſe
fille de Monfieur le Prefident
de la Gorrée.
17.
Le du mois de Janvier
1707. cette Dame allant en vifite
vers les quatre heures aprés
·midifit unfauxpas en montant un
GALANT 161
efcalier & fe donna de la tête contre
un pilier. Elle fut faifie de peur
en trébuchant ; mais elle ne fe fit
pas beaucoup de mal ; elle fentir
Seulement à l'endroit où elle s'étoit
heurtée un peu de chaleur & de
douleur , ce qui ne l'empêcha pas de
continuer fes vifites. Le foir étant
de retour elle foupa tranquillement
avec plus d'apetit que les autres.
jours , aprés foupé elle prit fes
occupations ordinaires.
Sur les 11. heures ellefit affemblerfes
domestiquespour la Priere ,
comme elle eftoit fur le point de
fe mettre à genoux elle fentit une
chaleur exceffive au
Aouſt 1707.
viſage
;fon
162 MERCUR E
tein vermeil fe changea en un rouge-
brun , & on luy vit fur le
front plufieurs ruiffeaux de fang
qui couloient impétueusement
haut de la tête.A cet écoulement extraordinaire
Mr de Clary s'éfraya
changea de couleur , la Dame
du
s'aperçut de lafrayeur que caufa
cette hémorragie , & s'en effraya
fifort elle-mefme (fans neanmoins
tomber en défaillance ) que l'effroy
buy congela en quelque maniere
le fang dans les vaiffeaux ; elle
ne reffentit plus de chaleur au
vifage , la pafleury fucceda à la
rougeur , & l'hémorragie s'arresta
comme par enchantement,
GALANT 163
Je fus d'abord appellé ; mon
plus grand empreffement fut de
découvrir par où avoit coulé le
fang;je trouvay la fontaine de la
tefte encore rouge baignée ;
aprés qu'on l'eut bien effuyée , je
la vifitay avec toute l'exactitude
poffible , je n'y trouvay aucune
ouverture apparente , lè fang
s'étoit échapé par les pores qui fe
trouvent à la rencontre de la future
fagitale avec la coronale ; & à
ce que j'en pus conjecturer , il ne
s'en eftoit répandu qu'environ 4.
on s . onces.
Mais comment arriva l'hémor
-ragie pourquoy n'arriva t-elle
Oi
164 MERCURE
quefept heures aprés le coup ? Et
pourquoy fe fit- elle par cette partie
plutoft que par une autre ? Vous
l'allez voir dés que je vous auray
fait remarquer:
1 °. Que Me de Clary , qui n'a
pas plus de vingt ans , &qui eft
d'un temperament fanguin & délicat
, reffentoit depuis quelque
temps une chaleur immoderée par
tout le corps , excepté aux pieds
aux jambes , & aux cuiffes , où
elle avoit , à ce qu'elle nous dit ,
beaucoup de froid.
2°. Que fes évacuations ordinaires
eftoient prêtes à luy arriver.
Cela fuppofe, voicy mes conjectu
GALANT 165
res fur cette hemorragie.
•
Le coup que fe donna Me de
Clary ne fut pas affez violent
pour froiffer les vaiffeaux , enfaire
étancher lefang & former une
meurtriffure mais il fut aſſez
fort pour les comprimer , y intercepter
, dans l'inftant de la com
preffion , le cours du fang & des
efprits , &y empêcher l'entrée à
la matiere fubtile
.
Dés que les Vaiffeaux ne furent
plus comprimez , les efprits y
aborderent avec précipitation par
leur route accoûtumée , & la matiere
fubtile y entra impetueufement
au travers des membranes
166 MERCURE
ilsy rarefierent lefang, gonflerent
les tuyaux, exciterent ainfi la
chaleur & la douleur
que
cette
Dame reffentoit à la fontaine de
la tefte.
Si lefang ne fortit pas par cet
endroit incontinent aprés que Me
de Clary sy fut heurtée ; ce fut
parce que la peur qu'elle eut lorfqu'ellefit
unfaux pas , en rallentit
d'abord le mouvement , & que
ce mouvement ne´ devint impetueux
qu'environ trois heures
aprés qu'elle eut bien foupé ,
que felon la pernicieuſe coûtume
d'aujourd'huy , elle eut bú des liqueurs
échauffantes.
GALANT 167
dü
Alors le fangfe mit enfougue
& ce fang ainfi agité n'eftoit autre
chofe , à mon avis , que les regles
qui faifoient des efforts pour
fortir: mais leurpaffage ordinaire
ne fe trouvant pas libre à caufe
froid qui affaifoit les vaiffeaux
des parties inferieures , elles fe por
terent tumultueufement aux partiesfuperieures
, cauferent l'ardeur
& la rougeur du vifage , & s'échaperent
avec impetuofité par
haut de la tefte , où les pores eftoient
plus ouverts , les iffuës plus ai
fees.
le
Ce n'eftpas icy la premiere fois
que les regles fe font frayées une
168 MERCURE
J
route extraordinaire , lorsqu'elles
ont trouvé de l'embarras dans leurs
voyes accoûtumées. Zacutus Lufitanus
en a obfervé qui couloient
par les gencives , par le nombril¸
par les aines. Stalpartius en a
vúfortir par le bout des tetons
par les paupieres. On les a ví
pafferpar le bout du doigt , &par
gros orteil. On les voit quelquesfois
coulerpar des ulceres ; &
Jouvent elles coulent par la bouche
& par le nez. J'en ay vú icy
qui s'échapoient par l'oreille à une
fille & à unefemme. Elles s'é
chapent encore par les hemorroïdes
par une infinité d'autres iffuës
felon
le
GALANT
169
felon les obfervations de divers
Medecins. Mr Kerkerin les a méme
vú prendre leurs cours par le
haut de la tefte à une fille de quin-
Ze ans , & Mr Duncan affure
qu'une Dame de Lion les rendoit
par une cicatrice qui s'ouvroit tous
les mois au fommet de la tefte.
Toutes ces obfervations , & particulierement
les deux dernieres ,
nous ne fommes pas furfont
que
pris
du
cas
qui
vient
d'arriver
Me de Clary.
go
Comme cette Dame aprés fon accident
nous dit qu'elle avoit encore
froid aux jambes , e que je remarquay
qu'elle eftoit pafle , qu'elle
Aoust 1707.
P
170 MERCURE
avoit un pouls foible lent, &
qu'elle n'eftoit pas aſſez bien remife
de la frayeur qui luy avoit
tenu lieu de remede ; jene la fispas
faigner alors de crainte qu'elle ne
tombaft en fyncope & dans un eftat
plus dangereux que celuy qu'elle
venoit d'échaper , j'attendis chez
elle que la peur eut paffé , que la
chaleur fut de retour , que le pouls
cuft plus de force , & lefang plus
de mouvement ; ce qui arriva fept
heures aprés ou environ , durant
un fommeil tranquile , aprés lequel
je luy fis faire une copieufe
Jaignée du pied ; puis on luy baffina
lefommet de la tefte avec une
GALANT 171
teinture fpiritueuse & refolutive
pour emporter un peu de rougeur ,
de chaleur & de douleur qu'elle y
avoit encore. Elle fe porte tresbien
depuis .
M' N.... le Faë , Seigneur
de Bourtroude , Confeiller en
la Grand Chambre du Parlement
de Rouen , eft mort , fort
regretté dans fa Compagnie ,
où il eftoit cheri & eftimé à
caufe des qualitez qui l'avoient
également diftingué du côté
du coeur & de celuy de l'efprit .
Il laiffe de feuë N.... de Daneval
, foeur de M' le Vidame
Pij
172 MERCURE
de Daneval , mort Ambaffadeur
de Sa Majesté en Portugal
, un fils Confeiller au Parlement
de Rouen , & une fille .
M' de Bourtroude eftoit frere
de feue M la Marquife de Nor- (
manville , premiere femme de
M' le Marquis de Normanville
, de l'ancienne Maifon du
Boſc , qui a donné un Chancelier
à la France , qui eftoit en
même tems Evêque de Bayeux.
La Famille de la Faë eft tres ancienne
dans le Parlement de
Normandie ; elle a donné pluficurs
Magiftrats à ce Corps ,
qui s'y font tous diftinguez par
GALANT 173
un grand zele pour le ſervice de
la France . Mrs de la Fae eftoient
deja connus en Normandie
dans le 15. fiecle ; & il y avoit
dans ce temps-là des perfonnes
de Lettres de cette famille qui
luy firent beaucoup d'honneur.
Dame Marie- Anne - Catherine
de Beauvais , épouse de M
Marc Antoine- Scipion de Savigny
- d'Anglure , Marquis de
Savigny , Guidon des Gendarmes
de Bourgogne , Meftre de
Camp de Cavalerie , eft morte
de la petite verole , âgée de 19 .
ans, & aprés 2 mois de mariage .
Elle eftoit fille de M' le Baron
Piij
174 MEMERCURE
de Beauvais , Capitaine des
Chaffes du Bois de Boulogne
,
& de Dame N..... Berthelot
de Belloy de Vertigny
, & pctite
fille de feu M'le Baron de
Beauvais Confeiller d'Etat , & de
Dame N...... de Philandre ,
premiere Femme - de - Chambre
de la feue Reine Mere , qui
l'honora d'une confiance tresparticuliere.
M° de Philandre ,
mere de MⓇ de Beauvais , & qui
avoit eu la même Charge auprés
de la Reine Mere , avoit
eu auffi beaucoup
de part à la
confiance de cette Princeffe .
Elle avoit toutes les qualitez
GALANT 175
du corps & de l'efprit que l'on
peut fouhaiter dans une jeune
perfonne. Sa douceur & ſa politeffe
l'avoient renduë chere à
tous ceux qui la connoiffoient .
M le Marquis de Savigny ,
ci- devant Meſtre de Camp de
Cavalerie , avoit vendu fon Regiment
à M' de Boiſec Gentilhomme
de Languedoc; ce Marquis
eft frere puifné de M³ le
Comte d'Etoge , & neveu de
M' le Marquis d'Anglure , &
de Dile de Savigny
deux diftinguez par leur merite
leur vertu. La Maiſon
& par
,
tous
de Savigny eft une des plus an-
P iiij
176 MERCURE
ciennes de Champagne , où elle
poffede de grandes terres , &
entre- autres celle d'Etoge, dont
le Chasteau eft un des plus
beaux de la Province . M" de
Savigny defcendent par les
femmes , de l'illuftre Maifon
d'Anglure de Bourlemont
dont ils ont même efté obligez
de porter le nom. Le Baron
de Rône , que le Duc des
Mayenne dans le temps de la
Ligue , nomma Maréchal de
France avec trois autres , eftoit
aycul de M' le Marquis de Savigny.
Cette Maiſon & celle
de Beauvillier font alliées ; elle
GALANT
177
reft aux meilleures Maifons
de Champagne & de Lorraine.
Elle eft originaire du Pays
Meffin.
Madelaine de Crequy , Ducheffe
de la Trimoille , fille
unique de Charles Duc de
Crequy , Pair de France , premier
Gentilhomme de laChambre,
Chevalier de fes Ordres ,
Ambaffadeur de Sa Majesté à
Rome , & Gouverneur de Paris
, & d'Armande de Saint Gelais
de Lezignan , qui vient de
mourir , avoit époufé Charles--
Belgique - Holande de la Trimoille
, Duc de Thouars , &
178 MERCURE
Prince de Talmont , dont elle
a eu Charles - Bretagne de la
Trimoille , Prince Titulaire
de Tarente , marié à l'heritiere
de la Maiſon de la Fayette , &
Marie - Armande - Victoire de
la Trimoille , femme du Prince
Emanuel - Theodofe de la
Tour -d'Auvergne , Duc d'Albret
, fils aîné de M' le Duc de
Bouillon , grand Chambellan
de France , dont elle a eu M'le
Prince de Bouillon , M' le Duc
de Chafteau- Thierry , & deux
Princeffes .
Me la Ducheffe de la Trimoille
joignoit au rang qu'elGALANT
179
le tenoit à la Cour , une naiffance
des plus illuftres. L'origine
de fa Maifon remontant
à Affaillit de Comborn , Seigneur
de Blanchefort , l'un des
fils d'Archambaut I. du nom ,
Vicomte de Comborn & de
Jourdaine de Perigord ; ainſi
que l'a obſervé le fçavant Genealogifte
du Bouchet , dans fes
Tables Genealogiques des Maifons
d'Aubuffon & de Scoraille.
La maison de Comborn ;
que le temoigne Aimar
ainfi
de Chabanois dans fa Cronique
, eftoit floriffante dés le
180 MERCURE
le regne d'Eudes Duc d'Aquitaine
& Comte de Limoges
puifque ce Prince ayant efté
élu Roy des François , établit
deux Lieutenants ou Vicomtes
en Limofin . Foulques le fut de
Limoges & c'eft de luy que defcendirent
les premiers Vicomtes
de Limoges ou du haut Limoufin
, & les Vicomtes de
Rochechouard , Anceftres des
Ducs de Mortemart , Marquis
de Chandenier , de Faudoas , de
Jurs , & de plufieurs autres ;
Archambaut de Comborn fuc
fait Vicomte du bas - Limoufin ,
& retint toûjours cependant
4
GALANT
181
le nom de Comborn . De ce Vi
comte defcendoit le pieux Bernard
, Evêque de Cahors dans
le dixiéme fiecle , qui fut inſtallé
fur ce Siege par l'autorité du
Vicomte Hugues fon pere. Ce
Prelat eftoit oncle d'Archambaud
, Vicomte de Comborn
& de Ventadour , qui devint
Vicomte de Turenne par fon
mariage avec Sulpice Vicomteffe
de Turenne , heritiere de
la branche aînée des Vicomtes
Seigneurs de Turenne , fortis
de même tige que Viftoy ,
Comte de Berry , dont la fille
Agane fut mariée à Robert le
182 MERCURE
Fort , dont defcend la Maiſon
Royale qui eft aujourd'huy fur
le Trône de France. Une branche
cadette de ces Seigneurs de
Turenne a continué la pofterité
fous le nom de Souillac , qui
fubfifte aujourd'huy en la perfonne
de Jacques - Joſeph - Augufte
, Comte de Soüillac , qui
foûtient par fon merite & par
fa probité avec beaucoup de
dignité , la qualité de chef de
fon illuftre Maiſon.
De cet Archambaut , Vicomte
de Comborn , de Ventadour
& de Turenne , eftoient
iffus les feconds Vicomtes de
GALANT 183
Limoges , dont la race a fini
dans la Maifon de Bretagne ;
les feconds Vicomtes de Turenne
, dont la race eſt auffi finie
dans la Maifon de Comminges
, & dont il refte des
branches cadettes en Quercy &
en Limofin ; les Vicomtes de
Ventadour dont la Maifon s'éteignit
dans celle de Levis - la-
Voulte , vers le quinziéme fiecle
, & les feconds Vicomtes de
Comborn , dont l'heritiere fut
mariée avec un Seigneur de
Pompadour dans ce même fiecle
; ce fut dans la branche de
ces derniers Vicomtes , que la
184 MERCURE
с
maifon de Blanchefort prit for
origine dans le 13. fiecle . Elle
s'eft divifée en plufieurs branches
; celle de Boiflame eft finic
dans la Maifon de Chabannes
Saignes, au Pays de la Marche ;
celle de Blanchefort d'Aaois en
Nivernois , fubfifte encore ; &
celle de Saint Janvier , qui aprés
avoir donné plufieurs hommes
illuftres , entre autres un Grand-
Maiftre de Rhodes , a efté adoptée
la Maifon de Crequi ,
à condition d'en porter le nom
& les armes , & cette adoption
a efté depuis fuivie par celle
de la Maifon de Lefdiguieres
par
GALANT 185
aux mêmes conditions .
Quant à Madame la Ducheffe
de la Trimoille , dont
je viens de vous apprendre la
mort , cette Dame a trop peu
vêcu
pour le bien de fa famille
, & fon exemple devroit fervir
de modele a beaucoup de
femmes . Leurs affaires feroient
en meilleur eftat qu'elles ne
font. Son corps a cfté porté
dans l'Eglife de Saint Sulpice ,
fa Paroiffe , pour eftre enfuite
transferé aux Capucines
, afin
d'y eftre inhumé dans la Chapelle
où font les Tombcaux
de la Maifon de Crequi.
Aoust 1707.
186 MERCURE
MN.... du Pouget de Nadaillac
, Abbé Commendataire
de l'Abbaye du Palais , Ordre
de Cifteaux , Diocefe de Limoges
, eft auffi decedé . Il eftoit
frere de M' le Marquis de la
Villeneuve , qui a époufé Mlle
de Vert ; & de M ' le Marquis
de Nadaillac , qui a épousé
Mlle de Plas , fille de Mr le
Marquis de Plas , d'une ancienne
Maifon de Limoufin , qui a
donné des Evefques aux Eglifes
de Leitoure & de Perigueux ,
& des Chevaliers de l'Ordre de
S. Michel ; & de N...: du Tillet
. La Maiſon du Pouget eft
GALANT 187
originaire du Quercy , où elle
poffede depuis long - temps la
Terre de Nadaillac ; celle de la
Villeneuve eft entrée dans celle
du Pouget par l'alliance que fit
en 1568. Jacques du Pouget ,
Seigneur de Nadaillac , avec
Rofe d'Aubuffon , fille aînée
& heritiere de Pierre d'Aubuffon
, Seigneur de la Villeneuve ,
& d'Anne de la Gorce - Gourdon
.
M' l'Abbé de Nadaillac qui
vient de mourir , fçavoit parfaitement
l'Algebre , & les Langues
Orientales . Cet Abbé
avoit efté auffi fort lié avec feu
Qij
188 MERCURE
M' le Marquis de Lhofpital
& il n'avoit pas efté inutile à
ce fçavant homme dans les
belles découvertes qu'il a faites.
La modeftie de M l'Abbé de
Nadaillac le rendoit fort recommandable
, & plus fes
beaux talens eftoient connus ,
& plus il prenoit foin de les
cacher.
MN ... de Gazille Contrô
leur des Turcics & Levées de la
Riviere de Loire , eft mort aprés
une longue maladie , pendant
laquelle il a donné d'éclatantes.
marques de fa foumiffion aux
volontez du Ciel. Il avoit beau
GALANT 189
coup de goût pour les beaux
Arts & il les a cultivez avec fuc-.
cés. Les liaifons qu'il avoit formées
avec plufieurs perfonnes..
de diftinction , font des marques
tres certaines de la délicateffe
de fon efprit , ainſi que
de fon merite & de fa vertu.
On n'en doutera pas quand on
fçaura qu'il cftoit l'ami de
confiance de M ' Milon Evêque
de Condom , de M' de Meines
fon frere , cy devant Intendant
de la Levée de Loire , &
de M' l'Intendant de Tours
du grand Prelat qui
,
ainſi
que
gouverne
cette
Metropole
. On
190 MERCURE
ne doit point oublier dans le
nombre des amis de M' de
Gazille , M' l'Abbé de Mus
fort connu à caufe de la délicateffe
de fon efprit . M' de
Gazille eftoit grand amateur
de la Mufique dont il connoiffoit
toutes les beautez , de l'aveu
mefme de ceux qui ont
profeffé cet art avec autant déclat
que de reputation
.
Je crois devoir ajoûter icy
que fur des Relations peu exactes
venues de Bourbon , je vous
ay parlé de la mort de Madame
de Montefpan , dans ma
Lettre du mois de Juin , comGALANT
191
me fi elle eftoit tombée en létargie
, & qu'enfuite , ſuffoquée
tout d'un coup par une
veine rompuë , elle eſtoit morte
fubitement. Cependant j'ay
appris par les perfonnes mê
mes qui l'ont affiftée à la mort ,
que dés qu'elle fe fentit attaquée
on ne luy eut pas plutoft
propofé de prendre l'émetique
, qu'elle voulut en même
temps fe précautionner en veritable
chrêtienne , contre tout
ce qui pourroit arriver ; que
pour cet effet elle fe confeffa ,
reçut l'Extrême - onction & le
Viatique avec des fèntimens de
192 MERCURE
pieté qu'elle s'eftoit rendus familiers
depuis long-temps ; &
que fon mal venant enfuite à
augmenter , & ne luy laiffant
plus aucune efperance de guerifon
, elle n'employa
le peu de
temps qui luy reſtoit qu'à donner
des ordres pour le foulagement
des pauvres dont elle faifoit
fa principale occupation
depuis plufieurs années , & qu'à
s'entretenir jufqu'à fon dernier
moment , de fa confiance en la
mifericorde de Dieu.
Les Articles qui fuivent font
bien differens de ceux que vous
venez de lire ; cependant ils
peuvent
GALANT 193
>
peuvent fort bien les fuivre ,
& l'on ne peut même faire un
portrait naturel du monde
fans que la trifteffe & la joye
fetrouvent peintes dans le même
Tableau , ce qui fait dire
fouvent que l'un rit, lorsque l'autre
pleure.
Mlle de la Guerre , qui par
fon rare talent pour la Mufique
s'eft rendue fi celebre , &
connue avant fon mariage fous
le nom de Mlle Jacquet , vient
de donner au Public deux ouvrages
fort eftimez . Le premier
eft un Recueil de Picces
de Clavecin , compofé de deux
Aoust 1707.
R
194 MERCURE
fuites. Comme elle poffede excelleminent
tout ce que cet Inf
trument a de plus fin , on trouve
dans ces Pieces dequoy faire
une harmonie également brillante
& liée , & des tours tout
à fait nouveaux . L'autre ou
vrage de Mlle de la Guerre , eft
un livre de Sonnates , qui en
comprend fix. Elles font connoiftre
qu'elle ne ſçait pas
moins la portée du Violon que
celle du Clavecin . Quoy que
ces fix Sonnates foient toutes
a
parfaites en leur genre , elles
ont neanmoins partagé les
Connoiffeurs . Les uns font
GALANT 195
pour le naturel qui domine
dans la feconde , dans la troifiéme
, & dans la quatriéme ;
& les autres paroiffent plus touchez
de la nobleffe
qui regne
dans la premiere , dans la cinquiéme
, & dans la fixiéme Elles
peuvent eftre toutes d'une
grande utilité à ceux qui apprennent
la Mufique. Ces deux
ouvrages , ainfi que tous les
autres que Mlle de la Guerre a
mis au jour , font dediez au
Roy. On trouve beaucoup
d'efprit & de delicateffe dans
l'Epître dedicatoire . Cette Demoifelle
, prefentée par Mr le
Rij
196 MERCURE
Duc de Trefmes , ayant remer
cié Sa Majefté de la bonté avec
laquelle elle avoit reçu à Marly
, fon livre de Pieces de Clavecin
& de Sonnates ; elle fit
executer deux jours aprés fes`
Sonnates en prefence de Sa Majefté
à fon petit couvert , & ce
Prince les honnora d'une tresgrande
attention. Les Sieurs
Marchand , les joüerent parfaitement
bien . Plufieurs perfonnes
de diftinction qui les entendirent
en furent charmées .
Le dîné eftant fini , Sa Majeſté
parla à Mlle de la Guerre , d'u--
ne maniere tres- obligeante , &
GALANT 197
aprés avoir donné beaucoup
de louanges à fes Sonnates , elle
luy dit qu'elles ne reffembloient a
rien. On ne pouvoit mieux
loüer Mlle de la Guerre , puifque
ces paroles font connoiftre
que le Roy avoit non feulement
trouvé fa Mufique tresbelle
; mais auffi qu'elle eft originale
, ce qui fe trouve aujourd'huy
fort rarement.
Les paroles que vous allez lire
ont efté faites à Touloufe ; ainfi
que l'Air que l'on a compofé
fur ces paroles
.
R iij
198 MERCURE
AIR NOUVEAU.
Eveillez comme moy par lesfoins
de l'Amour.
Four & nuit , Roffignols , vous
chantez voftre flame ;
Et je chante à mon tour ,
Les tranfports de mon ame.
Nousfommes tous également charmez
;
Mais nous ne parlons pas de même
:
Vous vous louez de ce que vous,
aimez ,
E: je me plains de ce quej'aime.
GALANTE18t
LYON
DE
Il eft des maux dont on
que
rit fi rarement , && pour lefquels
on a tant cherché de remedes
inutilement qu'il femble
l'on doive faire une attention
toute particuliere à tout
ce qui regarde un mal qui a jufques
icy prefque generalement
paffé pour incurable. En effet
on ne voit que ceux qui croyent
avoir trouvé des remedes pour
la Goutte , qui s'imaginent que
l'on en peut guerir . Ils reffemblent
à ceux qui cherchent
la Pierre Philofophale , & ils
croyent aprés avoir confommé
une infinité de temps à fai-
R iiij
200 MERCURE
re des recherches , ils font enfin
parvenus au but auquel ils
fouhaitoient d'arriver. Cependant
on peut dire que ceux qui
on confommé une infinité de
temps à chercher la Pierre Philofophale
, n'ont trouvé en
cherchant le fecret de s'enrichir
, que les moyens de s'ap、
pauvrir. Ils donnent les uns &
les autres dans de fauffes apparences
; mais celles des Chimiftes
, font bien plutoſt reduites
en fumée que celles
des Medecins , puifque s'ils
ne trouvent pas de remedes
qui gueriffent veritablement
GALANT 201
ils en trou
la Goutte , ils en
vent quelques - fois qui foulagent
pour un temps ceux qui '
en font veritablement attaquez.
Il n'a pas encore paru
jufques icy que leurs remedes
ayent efté plus loin , fi ce n'eſt
dans leur imagination , qui eft
quelques fois fi remplie des Cures
qu'ils n'ont pas faites, qu'ils
ne peuvent fouvent s'empêcher
de donner des liftes des perfonnes
qu'ils s'imaginent avoir
gueries ; car je ne puis m'empêcher
de croire que la pluf
part de ceux qui fe vantent
avec tant d'affurance d'avoir
j
}
202 MERCURE
guery la Goutte , en font effectivement
perfuadez . Je dois
vous dire à cette occafion ce
qui arriva à un de ces entêtez ,
qu'un grand Prince qui eftoit
accablé de Gouttes envoya
chercher. Ce Prince luy demanda
d'abord s'il eftoit vray
qu'il euft le fecret de guerir
lá Goutte . Celuy qu'il avoit envoyé
chercher l'affura fortement
qu'il n'y avoit point de
Gouttes fifortes & fi inveterées
dont il ne vint à bout ; aprés
quoy le Prince changea de
matiere. Il luy parla de Maifons
de plaifance , & il luy
GALANT 203
demanda s'il en avoit de belles ,
& s'il avoit un grand nombre
de belles terres . Il luy parla
de chaffes , & il luy demanda
fi fes Meutes eftoient belles ;
s'il aimoit les Tableaux , &
s'il n'en avoit pas des plus
grands Maiſtres. Enfin ce Prince
luy parla comme à un homme
qui auroit dû avoir plufieurs
millions de bien , & aprés
que cet homme qui ne fçavoit
pourquoy on luy faifoit toutes
les queftions dont je viens de
parler , fe fut bien défendu
d'avoir tous les grands biens
que le Prince fupofoit qu'il
204 MER CURE
devoit avoir , & qu'il l'eut bien
affuré par ferment qu'il n'avoit
aucun bien , & qu'il cherchoit
ſeulement à ſubſiſter par
le moyen de fon art , le Prince
en élevant la voix luy dit , qu'il
eftoit un impoſteur & un ignorant
& qu'il n'avoit pas le
moindre fecret avec lequel il
puft guerir la Goutte , puifque
s'il en avoit eu , il auroit efté
non feulement plus riche que
luy ;mais mefme , le plus riche
homme de la terre ; & luy ordonna
de fe retirer , en marquant
pour luy beaucoup de
mépris. Je ne croyois pas en
GALANT 205
commençant cet article, devoir
vous raconter cette hiftoire
qui n'a rien que de vray , &
qui eft fcuë de quantité
de perfonnes
dignes
de foy ; mais le
Traité de la Goutte
qui vient
d'eftre mis au jour eft caufe
qu'elle m'eft revenuë
en memoire
, & j'ay crû devoir vous
en faire part. Tout ce que je
viens de vous dire ne regardant
que le paffé , ne dit rien contre
ce qui peut avoir ſuivy , & je
veux croire qu'on a pû trouver
depuis ce temps-là , des fecrets
pour guerir la Goutte , & que
l'Auteur
du nouveau
Traité
206 MERCURE
de la Goutte , eft affez habile
pour en avoir trouvé. Je crois
même que fon Traité eft fort
beau , & que ceux qui ont la
Goutte , ou qui craignent de
l'avoir , ne le liront pas infructueufement
, & je confeille
mefme de le lire , à caufe de
l'utilité qu'on en peut tirer . Il
fe vend chez Jacques Jombert,
prés des Auguftins , à l'Image
Nôtre-Dame.
Je ne dois pas oublier de
vous parler d'une des plus éclatantes
& des plus vigoureufes
actions qui fe foient jamais faites
, fans en excepter aucunes ,
GALANT 207
puifque deux cens hommes ,
qui n'eftoient pas même tous
gens de guerre , en ont battu
plus de deux mille ; leur ont
tué beaucoup de monde , &
ont fçu conferver un Fort pref
que tout ruïné , & les forcer à
Le rembarquer , & à s'éloigner
avec plus de vingt Vaiffeaux
tant de guerre que de charge ,
dans lesquels ils eftoient venus.
Cette action toute merveilleu
fe , eft due en partie aux Troupes
de la Marine , qui n'ont jamais
moins triomphé fur la terre
que fur la mer , & dont je
vous ay fouvent rapporté des
208 MERCURE
actions dignes d'une éternelle
memoire , ne s'eftant prefque
jamais laiffe prendre de Places ,
quoy qu'elles ayent efté fouvent
attaquées par des Trouinfiniment
fuperieures
. Ce
qui fuit vous apprendra le détail
de l'action dont je viens de
vous parler.
pes
EX TRA I T.
D'une Lettre de M' de Subercaffe
au Port Royal , le
26. Juin 1707 .
Fay fait partir exprés la Fregatte
la Bifche , pour vous don
CALANT 209
ner avis que nos Voifins , Mrs les
Anglois deBafton, nous font venus
voir avec un armement de 24.
Vaiffeaux , dont ily en avoit un
de 56 à 60 Canons , deux de
28 à 30, deux de 20 ou environ ;
le refte étoit chargé de Troupes . Ces
Vaiffeaux parurent le 6 ° . de ce
mois à l'entrée de nôtre Baffin
ou j'avois une garde de quinze
hommes qui n'eut que le temps
de fe retirer au travers des bois ;
nous vîmes même entrer cette
Flotte avant que ces 15 hommes
fuffent rendus icy. Cette Flotte
portoit bon vent & marée , &
elle vint moüiller à une lieuë de
Aouſt
1707.
S
2 :0 MERCURE
ce Fort , fans perdre de temps
les Ennemisfe difpoferent à faire
une defcente. Ils la firent en effet,
mais une lieuë plus bas qu'ils n'étoient
moüillez.
Le lendemain de grand matin
7. du mois , ils mirent à terre au
moins deux mille hommes ,fçavoir
quinzé centdu coftéde nostre Fort,
cing cent de l'autre côté de la
riviere.
Je crois devoir vous dire, Mon-
Seigneur , que ce grand armement
donna d'abord quelque frayeur
aux plus affeurez , dont je tafthay
neanmoins de remettre les
efprits & je donnay les ordres que
GALANT 211
#
je crus les meilleurs , pour amuſer
un peu nos Ennemis dans les bois .
par où ils devoient paffer , afin
de me donner du tempspour reparer
diverfis breches qui estoient à notre
Forte un Baftion tout entier qui
s'étoit éboulé.
Comme nos Habitans à qui j'avois
donné le 6. le fignal de l'al-
·larme, n'avoient pú arriver que
le
7. vers le foir à cause de leur
grand éloignement
, à mesure qu'ils
arrivoient
jefaifoisfiler du monde
-de l'un & de l'autre côté au devant
de nos Ennemis
pour les
Camufer
, comme je vous l'ay dé-
Sij
212 MERCURE
ja marqué , ce qui me réuffit beu
reufement , & cela les obligea de
camper à une demie lieuë de leur
debarquement.
le
Le 8 je renforçai mes petits
détachemens avec ordre neantmoins,
de ne point s'engager affez
pour être empechez de gagner
Fort , quand même ils feroient
pouffz, ainsi qu'ils le furent effec
tivement aprés avoir cependant
fait diverfes décharges fur nos
Ennemis , & en avoir tué quelques
uns des plus avancez.
me les Anglois qui eftoient de l'autre
côté de la riviere furent les
premiers qui forcerent l'embufca
ComGALANT
213
de de nos gens , je fis paffer des
Canots & des Batteaux pour les
les repaffer
aller prendre & pour
devant le Fort , & en même
temps je les fis défiler pour s'aller
joindre au détachement
quej'avois
fait pour les Coftes de Dena , &
dont j'avois donné le Commandement
à M de la Ronde Denis ;
qui commande
aujourd'huy
la Bifche
; j'allay mefme fur les lieux
où je croyois qu'on devoit fe pofter
pour leur difputer
le paffage d'une
riviere qui affeche
entierement
à marée baſſe ; je revins auffitoft
aprés , pour preffer les reparations
'
de nos bréches , & parce que
1
214 MERCURE
je voyois même que la Marée
eftoit affez haute pour que les
Ennemis ne peuffent rien tenter
dans ce Pays - là , vers les deux
heures ou environ aprés midy
j'y retournay , pour voirfinos gens
occupoient bien leur poftes & s'ils
avoient fait quelque mouvement
comme effectivement
je trouvay
qu'ils l'avoient fait , nos Ennemis
ayant feint de vouloir paffer
la riviere un peu plus haut. Je
donnay
incen
mes ordres
&
pour faire revenir ceux de nos
gens qui s'eftoient avancez
je voulois même les faire defcendre
un peu plus bas , par ce que je con
GALANT 215
nus d'abord en y arrivant que ce
n'eftoit effectivement qu'unefeinte;
·comme ils connurent queje m'aper
cevois de leur rufe , ils defcendirent
en tres- bon ordre , d'une montagne
fur laquelle ils étoient , pour fe
mettre en bataille dans une grande
Prairie qui fe trouve fur le bord
•de cette riviere , & de là ils
commencerent à faire feufur nous,
à la faveur de ce feu ilsfirent
couler trois cent Sauvages ou environ
& deux cent Grenadiers ,
leur corps avançoit toûjours en
-mefme temps . Cegrand monde étonna
, avec raison , une grande partie
des fix vingt hommes qui faifoient
216 MERCURE
toutes les forces que j'avois à leur
oppofer ; je les ramenay & je fis
une décharge tres à proposfur leurs
"Sauvages & fur leurs Grenadiers,
qui s'arrefterent tout court ; quel
ques - uns même lâcherent pied ,
repafferent la riviere. Nos gens
rechargerent affez promptement
firent feu de nouveau fur nos
Ennemis qui reculerent encore ;
comme leurs Troupes eftoient fi
nombreuſes , ils firent couler quatre
ou cinq cent hommes un peu plus
haut tout le long de la riviere ,
où je ne pouvois avoir perfonne
pour leur en difputer le paffage ;
ce mouvement intimida encore
nos
GALANT 217
nos gens qui commencerent à fe
débander ; je les ralliay néanmoins ,
& je les menay faire une décharge
fur ces nouveaux venus . J'eus
dans cette occafion mon cheval tué
fous moy . Me voyant à pied, je
me mis à la tefte de nos gens ,
je pouffay les Ennemis jufqu'au
bord de la Riviere , où
neralment toutes leurs Trou-
م و
60
pes eftoient déja arrivées , elles
fe mirent en bataille en tres - bon
ordre & marcherent droit à nous ;-
comme je vis que la partie n'eftoit
pas égaleje me retiray , ne voulant
point commetre la deffnfe du Fort,
aprés avoir reflé à fufiller depuis
Aouft 1707 . T
218 MERCURE
deux heures aprés midy juſques à
fix heures du foir ; je ne crois pas
qu'on ait jamais fait un feu plus
continuel que celuy que les Ennemis
firent fur nous , & qu'il y
ait jamais eu fi peu de perte , puifque
je n'eus qu'unfeul homme de
tué & un de bleffe. Je n'ay pú
fçavoir au jufte ce qu'ilsy perdirent
; mais ce qui eft tres- certain ,
c'est qu'on leur vit enlever quantité
de morts & de bleffez.
Ils camperent
au même endroit.
du 8 au 9. all
Le 10. il s'avancerent d'un de
mi-quart de lieuëspendant ce temps
làjefaifois travailler à reparer les
GALANY 219
&
Brechespar nos Troupes par les
Habitans qui n'eftoient pas en état
d'agir au dehors ; je fis bruler toutes
les maisons qui pouvoient nous
nuire autour du Fort , & je fis
nettoyer tout , à la portée de noftre
Canon.
ح و
La nuit du 10 au II . ils s'avancerent
un peu plusprés de nous
ils ouvrirent leurs tranchées ;
je m'en apperçus bien , & je les
aurois inquieté dans leur travaux,
fi j'avois eu affez de monde pour
faire les noftres pour la deffenfe
de noftre Fort , à quoy je do nay
toute mon application , ainfi qu
mettre nos batteries en bon estat , ce
Tij
220 MERCURE
que je fis , & on repara toutes les
brêches lesplus dangereuses , malgré
le feu continuel de leurs Sauvagess
qui s'estoient gliffez à la portée
du fufil à la faveur d'un terrain
qui leur eftoit tres - avantageux
.
Comme une bonne partie de
nos Habitans n'avoit pas eu le
temps de fe rendre dans le Fort ,
j'en faifois fortir prefque toutes
les nuits quelques - uns , pour leur
donner les ordres qui convenoient
pourfauver leurs familles & leurs
beftiaux ; & en même temps j'envoyay
des ordres aux Sauvages
de fe raffembler & de fe joindre
aux Habitans du Port Royal ,
SAUDAAM COS
GALANT
3
221
à trente des Mines que j'avois
mandez , qui vinrent de la meilleure
grace du monde , & qui tous
enfemble fe joignirent & firent un
petit Corps de quatre - vingt hommes
, qui fe partagerent fur les
deux coftez de la Riviere , &fe
trouverent embarquez quand nos
ennemis voulurent marcher pour
s'emparer de leur beftiaux , qui
de leurs retranchemens avoient envoyé
un détachement de quatre
cens hommes des deux coſtez de la
riviere , qui furent harcelez par
nos gens , aufquels il s'eftoit joint
quelques Sauvages , & particulierement
Mr de Saint Caftin ,
Tiij
222 MERCURE
avec fix Canibas , qui avec les
Habitans , avoit tué fix Anglois
à la queuë de leur Camp , & qui
avoit enfuite efté joindre les Habians
qu'il avoir encouragez , eg
engagez à attaquer les détachemens
Anglois marquez cy- deſſus »
ce qui les obligea de rejoindre leur
Camp avecprecipitation . Tout cela
fe fit dans l'intervalle du 11. au
16 .
Comme je les obfervois fortfoigneufement
, je vis de grands mouvemens
dans leurs tranchées , ce .
me fit foupçonner qu'ils vouloient
peut eftre entreprendre quelchofe
cette nuit- là. Mes conjectuqui
GALANT 223
res fe trouverent encore veritables.
Favois fait mettre comme à l'ordinaire
tout le monde à fon pofte ,
avec ordre neanmoins qu'il n'y eut
qu'un tiers de la garnifon qui dor
mit fous les armes. Pendant que
que j'achevois de vifiter tous les
poftes , & de voir lafituation d'un
chacun , je fus averti fur les dix
heures qu'on entendoit quelque
bruit ; je revins fur nos remparts
,
&j'entendis ce même bruit , que je
connus eftre un bruit ſourd cauſe .
par des gens qui marchoient. Fallay
de nouveau par tous les poftes
recommander
un grand filence , qui
effectivement fur tres-bien obfer-
Tiiij
224 MERCURE
vé ; ce même filence fit appercevoir
à nos ennemis que nous estionsfur
nos gardes , & que nous les attendions
; je ne fçay par quelle raiſon
par quelles vûës ils commencerent
leurs attaques d'un peu plus
loin qu'ils
qu'ils ne devoient , & àfaire
un grand feu fur nos batteries , à
la faveur duquel ils faifoient
gliffer quatre ou cinq cens hommes,
qui , felon toutes les apparences
eftoient de leurs meilleures Troupes
pour nous venir attaquer par nos
bréches , qu'ils croyoient en plus
mauvais eftat qu'elles n'eftoient ef
fectivement ; & je crois même qu'
ils eftoient perfuadez que la moitié
C
GALANT 225
de noftre garnifon vouloit deferter,
parce que neuf de nos Soldats qui
avoient déja deferté apparemment
le leur avoient dit.
le
Je crois , Monfeigneur , que
feu continuel que nos canons firent
fi à propos , leur firent perdre
le deffein de donner un affaut ,
comme apparemment ils l'avoient
refolu , & que ce feu engagea les
quatre ou cinq cent hommes deftinez
pour cet affaut , à fe retirer ;
j'avois auffifait faire fur
grandfeu de moufqueterie. Entre
onze heures & minuit je m'apperçus
que generalement toute leur
armée avoit invefti noftre Fort
eux un
226 MERCURT
& qu'elle eftoitpoftée dans les colles
vallons dont il eft en- lines
ع و ن
touré. Ils s'eftoient mis par là à
l'abry de noftre canon , & ils
eftolent prefque auffi bien retranchez
que nous . Je crois neanmoins
que noftre conftance les intimida ,
& qu'elle leur fit perdre leur refolution
de paffer outre. Ils fe contenterent
de fe gliffer derriere quel
ques maisons , & particulierement
derriere les Magafins de la Compagnie,
& que nous n'avions achevé
de vuider que ce même jour , à
la referve d'un vieux cable qui
avoit refté icy du Vaiffeau du Roy
Le Profond , qu'ils brülerent, &
GALANT 227
ils fe retirerent enfuite derriere
leurs retranchemens , d'où ils for
tirent avant même qu'il fut jour
pourfe retirer dans leur Camp , où
ils ne refterent que tres - peu de
temps , & ils décamperent pour
s'aller embarquer , ce qu'ils firent
le même jour ,fi toft que la marée
le leur permit
.
F'oubliois , Monfeigneur , de
vous marquer qu'à leur arrivée
j'avois fait mettre noftre Fregatte
, & toutes nos barques fous le
feu de noftreFort, parce que je crus
bien qu'ils feroient tous leurs efforts
pour les brûler , ce qu'ils tâcherent
de faire la nuit de l'atta228
MERCURE
que ; mais ils furent fi bien reçus
qu'ils en perdirent bien- toſt le deffen
; de maniere qu'ils ne nous ont
fait aucun mal de ce coſté-là.
Le 18. nous les vîmes appareiller
& fortir du Baffin avec une
bonne marée & un bon vent qui
leur a duré deux fois vingt- quatre
heures ; je ne fçay comment ils
feront reçus à Bafton , & fi le
peuple ne fera pas de nouveaux
efforts pour reparer la honte qu'ils
doivent avoir d'un fi petit fuccés
avec de fi grandes forces . Comme
je ne fçayfi leur départ precipité ne
feroit pas une feinte pour revenir,
je me tiendray toujours fur mes
GALANTA 229
gardes. Cependant il n'y a point
d'apparence qu'ils veulent recommencer
un ouvrage qu'ils avoient
déja fi fort avancé , & qui leur
a coûté ficher.
Je ne puis vous dire au jufte ,
Monfeigneur , le monde qu'ils ont
perdu , mais je fay bien que
nous
avons trouvé 80. hommes de leurs
morts aux environs de noftre Fort ,
prefque tous tuez par noſtre canon.
Nous avons trouvé encore au
paffage de noftre Riviere quantité
de grenades qu'ils avoientjettées à
"l'eau dans leurs retranchemens , &
dans leur Camp beaucoup de picques,
pioches , pelles , & bêches ,
230 MERCURE
dont nos habitans fe font garnis
ce qui leur a esté d'un grand fecours
.
Il y a déja un nombre confiderable
d'années que M ' l'Abbé
Boutard fait parler fa Mufe
Latine fur tous les principaux
évenemens
qui regardent la
France , & fur ceux où elle
prend part. Les Sçavans qui aiment
la Langue Latine , & qui
connoiffent mieux que d'autres
la beauté des ouvrages de
cet Abbé , ont toûjours paru
avoir beaucoup d'empreffement
pour en donner des traductions
en vers François . Auffi
GALANTU 231
ont elles toûjours reçu de
grands applaudiffemens
. La
Traduction que je vous envoyay
, il y a deux mois étoit
de M' l'Abbé du Jarry, & cette
piece regardoit la naiffance de
Monſeigneur le Duc de Bretagne.
Ml'Abbé Boutard a fait
depuis ce temps - là une Ode
fur la groffefe de la Reine
>
d'Espagne & comme M
l'Abbé du Jarry a receu de
grands applaudiffemens de fa
traduction de l'Ode precedente
, il vient encore de traduire
la derniere , & je vous envoye
cette traduction qui ne vous
n
232 MERCURE
h
plaira fans doute pas moins que
que vous avez déja vûe de celle
cet Abbé
.
Les Odes Latines de M'
l'Abbé Boutard ne font pas
moins eftimées dans les Pays
étrangers qu'en France , &
les François ne font pas les
feuls qui ont travaillé aux Traductions
de ces Odes , puifque
plufieurs ont eſté traduites
en Italien, & que l'on en trouve
même qui ont efté traduites en
Anglois.
GALANT 233
TRADUCTION
F D'une Ode Latine de
Mr l'Abbé Boutard ,
adreẞée à la Reine d'Ef
pagne.
L
' Epoufe qu'à Philippe , ont
accordé les Dieux ,
De ce jeune Heros , tendre &
chafte Compagne
,
Promettoit à la trifte Eſpagne
Le premier fruit d'un hymen
glorieux ,
Et fiere de porter un fi precieux
gage
Se montroit fur les bords du
Tage.
Aouft 1707.
V.
234 MERRCUE
Quand le Dieu de ce Fleuve aug
liquides trefors ,
En abbaiffant fes Alots luy rendit
fon hommage
Et laiffant de fa joye éclater fes
transports ,
Luy tint à peu près ce langage.
Qu'un fort heureux accompagne vos
jours
>
Et qu'un tiffu de gloire en compofe le
cours ,
Reine de ces climats arrofezpar mon
onde ,
Moins encore respectable au monde
,
Par l'éclat du fupreme rang,.
Que par l'enfant conçu de voftre illuftrefang
,
Que Junon favorable alliste à fa
naiffance s
SGALANY 235
Quepropice à nos veux elle avance
le jour ,
Quide l'Efpagne & de la France,
Doit enfanter l'esperance & l'aast
mour.
De voftre Soeurfeconde, heureusement
rivale ,
Puifiez- vous partager la gloire conjugale,
Avoftre augufte Epoux donner bientoft
un Fils ,
Dont le front animé d'une ardeur
martiale ,
Nous montre les traits réunis ,
Et de Philippe & de Louis .
Quand tout à leurs armes profpere,
Avos jufles fouhaits que rien nefoit
contraire ,
Et qu'aprés le long cours des lunes expire,
Vienne le moment defiré ›
V ij
236 MERCURE
F
Qui vousferajouir de ce doux nom de
mere .
Depuis que fur mes bords l'Hymen
guida vos pas
;
Telle qu'un Aftrefalutaire ,
Vous éclairez cesfertiles climats
Mais aujourd'huy je vous revere
Comme le ferme appuy du Trône de
L'Ibere.
Rayon naiffant de fa felicité ,
Sa divine vertu fe fait déja connoi - 2
tre s
Votre beureufe fecondité ,
Va reparer les malheurs quefit naitre
Une longue fterilité.
Je dois encore moins à l'Illuftre Ifabelle
,
Dont la memoire eft immortelle ,
Bien que dans Ferdinand heritier
d'ungrand nom
GALANT 237
Elle ait joint la Caftille au Sceptre
&Arragon ,
ď
Et qu'au pied des Autels uniffant
leurs perfonnes ,
L'Himen des mêmes noeuds ait uny
leurs Couronnes ;
Et l'augufte Marie éleva moins ja-
Shadis ,
Du Trône où vous montez la grandeur
& le prix ,
Quandfa dot yjoignit les nombreu–
fes Provinces ,
Qu'envioient tant de jeunes Prin-
Ances
Le precieux enfant formé dans vôtre
fein,
Des Peuples inquiets tient lefort en
fa main ;
Sa naiſſance calmant les troubles de
la guerre
,
Va reconcilier les Maifres de la
terre.
238 MERCURT
Quy, les triftes mortels attendent aus
jourd'huy ,
La Paix qui doit nailte avec
ans luye, tholde marke &
9135
Sous quelquefexe qu'il refpire ,
Iffu dufang de tant de Rois ,
Du Ciel qui fe declare il explique
la
voix ,
Erpromet à Philippe un éternel Empire
,
Qui doit eftre bien- toft paifiblefousfes
loix.
Déja ces doux climats prennent une
autreface :
L'Espagne raffurée effuye enfin fes
pleurs :
Au repos retably , les allarmes font
place ,
Et loin des bords du Rhin vont porter,
la menace·
Des plus effreyables malheurs .
GALANT 239
Reine , voftre prefence écarte les tempeftes
:
Voyez la difcorde à cent tètes
Cette fille d'Enfer abbatue à vos
pieds 5
Yjetterfon veninfansforce ,
Les Rebelles humiliez,
Bannir le trouble & le divorce :
Et les peuples unis par une fainte
foy,
A l'envi respecter & leur Reine &
leur Roy.
Vos Sujets contens & tranquilles,
Goûtent un doux loifir dans l'enceinte
des Villes ;
Par tant de cris de joye au milien
des lauriers
Retentit le Camp des Guerriers
Et dans le tumulte des armes
D'une profonde paix on voit brillev
les charmes,
240 MERCURE
Tous fent voftre prefence en ces ais
mables lieux
D'un émail plus riant vous parez,
ces prairies :
Toutes mes rives plus fleuries ,
S'efforcent à Penvy de réjouir vos
yeux,
Etl'or mouvant qui coule avec mon
onde ,
Fette un éclat plus gracieux.
Mais quand cet Enfant né
bonheur du monde >
pour
le
Se verra délivré de fa prifonfeconde
,
Jefranchiray mes bords ,
Je m'ouvriray par tout une facile
voye ,
Et mes fuperbes flots , de ma plus
vive joye
Liont jufqu'à l'Olympe élancer les
tranfparts..
La
GALANT 241
La Seine de Lys couronnée
Et de fplendeur environnée
Ne pourra l'emporter (ur moy.
Je fçauray difputer contre l'Eridan
mème
Bien que d' Aftres brillans un riche
Dia de me
Des Fleuves en faffe le Roy.
Rien ne m'arretera dans ma courfe
rapide :
Plus vite que les vents , je voleray
fansguide :
Et tel qu ' Alphée ofant paffer les
mers ,
Je parcoureray l'Univers :
F'iray dans ces vaftes Provinces ,
Que le brillant pere du jour
Eclaire , en commençant &finiſſant
fon tour
Et qui fuivent la loy de mes auguftes
Princes ,
Aouft
1707 . X
242 MERCURE
Etje feray retentir en tous lieux
Le nom de cet Enfant riche preſent
des Cieux.
Les Nymphes de mes eaux , foignezfes
de vous plaire
Le nourriront d'un Nectarfalutaire
;
Mais dés qu'il s'ouvrira le chemin
des vertus ,
Je luy marqueray les exemples
De ces anciens Heros dont les fuperbes
Temples
Sont le prix immortel des Monftres
abbatus.
Je luy diray les noms des Conquérans
celebres
vû
Que j'ay vu naiftre fur mes eaux ,
Qui de la nuit des temps ont percé les
tenebres.
Il apprendra de moy la borne des travaux
*
GALANT 243
Que fixa dans ces lieux le courage
ď Alcide:
Et de ce Vainqueur intrepide
→ Les pasfur ma rivè effacez
A fes yeux par mes foins feront tous
retracez
Le purfang des Bourbons , fans rien
perdre enfa courſe
Luy donnera l'ardeur , qu'il a
enfa fource :
prife
Et la grande ame de Louis
N n moindre que celle d'Hercu
tody ple
Dans les veines du Petit-fils ,
Fera couler le beaufeu qui la brûle.
Voyezquelfera cet enfant
Qui dans votre fein triomphant
Et vainqueur avant que de nat
tre,
X ij
244 MERCURE
Infpire à fes Sujets une guerriere ardear
Et defa destinée annonçanı lagrandear
Jaol
Afesfiers ennemts fait redouter un
Maistre.
Entendez- vous de toutes parts
La Déeffe a cent voix publier fur mes
rives ,
Du pafle Ufurpateur les Troupesfugitives
;
Les rebelles Citez foumettent leurs
Tamparts :
Le Batave & l'Anglois dans les
Plaines épars
Laiffent leurs dépouilles captives
Et fervent de victime à la fureur de
Mars .
Les Deputez des Etats de
GALANT 245
ل ر
Ce
Languedoc curent audience du
Roy le 20. de ce mois :
font , M l'Evêque d'Agde.
pour le Clergé , M ' de Mandajors
, Maire d'Alais ; M' de
Ricunegre , Maire d'Alagne ,
& M Joubert , Sindic General
de la même Province pour
le Tiers Etat . M' le Baron de
Cailus , Brigadier des Armées
du Roy , & Colonel du Regiment
de Dragons du vieux
-Languedoc , cft Deputé de la
Nobleffe ; mais , eftant actuellement
à la tefte de fon Regiment
qui eft en Provence , il
n'a pû fe trouver à cette fonc-
X iij
246 MRCURE
tion . Ces Députez furent préfentcz
par Monfieur le Duc
du Maine , Gouverneur de la
Province , & ils eftoient conduits
par M des Granges
Maitre des Ceremonies. Mr
l'Evêque d'Agde portoit la parole.
Ils curent enfuite audiance
de Monfeigneur le Duc de
Bretagne , & de Monfeigneur le
Duc de Berry . Le Dimanche
14. ils curent audiance de Monfeigneur
, de Monfeigneur le
Duc de Bourgogne ; de Madame
la Ducheffe de Bourgogne
, & de Madame . On
doit remarquer que Mr l'E
GALANT
247
vêque d'Agde
, n'avoit appris
que le matin , du même
jour , que le Roy avoit nommé
Monſeigneur
le Duc de
Bourgogne
pour aller commander
en Provence. Cependant
ce Prelat parla fur ce fujet à
ce Prince
, d'une maniere
qui
fit connoiftre
fa prefence
d'efprit
, & qu'il peut parler fur
le champ
, fur toutes fortes.
de matieres
, fans qu'il ait befoin
de temps pour fe prc
parer.
વે
Monfieur le Duc du Maine
donna un magnifique repas
ces Deputez , le jour qu'ils
Xiiij
248 MERCURE
eurent audiance de Sa Majefté ,
ainfi qu'à plufieurs Prelatsop
& à quelques perſonnes de
diftiction de la Province de
Leguedoc.
Il paroift depuis peu un Lie
vre de la compofition de Mro
des Molins , Avocat › quibat
pour titre , Hiftoire abregée des
Comtes Souverains de Neuf-
Chaftel , à l'occafion de la mort
de S. A. S. Madame la Ducheffer
de Nemours. Si comme Mr de
Corneille l'aîné à fort bien dit
dans une de fes Tragedies
Le temps de chaque chofe or
donne & fait le prix.
GALANT
249
Il n'y a pas lieu de douter
que le Livre dont vous venez
delire le titre , n'ait un fort
grand fuccés. Ce n'eft pas que
je fois perfuadé qu'il en merite
auffi par luy mefme , ce que
ceux qui fe donneront le plaifir
de le lire , connoiftront facilement.
Je dois les avertir de
la part de l'Auteur , qu'à la
page 28. ligne 17. de ce Livre,
on a mis Rodolphe au lieu de
Guillaume.
Si cet ouvrage eft de faifon ,
l'article qui fuit ne l'eft pas
moins. Je vous l'envoye de
mefme qu'il eft ve nude Neu250
MERCURE
Chaftel. Il contient le détail
de tout ce qui s'y eft paffé depuis
la mort de Madame clas
Ducheffe de Nemours , rτoοuυ--
chant la fucceffion d'un nou
veau Souverain de Neuf Châtel.
Du 26. Juillet 1707.
La crainte des évenemens fâcheux
pour raifon du Ceremonial
entre M' le Prince de Conty
Mr de Meternik , ce dernier ayant
refolu de ne pas ceder le pas à Mỹ
le Prince de Conty , a engagé le
Confeil d'Etat à prefenter des raifonspour
renvoyer l'Affemblée du
GALANT 251
J
Tribunal , qui doit decider de l'a
Souverainete dans un certain
temps qui n'est pas encore con
venu , avec la claufe expreffe que ›
cela ne prejudiciera en rien aux
droits de Meffieurs les Pretendans,
qui ont efté invitez par la declaration
qui a esté renduë à ce sujet,
de faire remettre par leurs Avocats
dans le jour de demain à la
Chancellerie , un Memoire bien.
expliqué de leurs prétentions
par lequel ils pourront demander
la mise en poffeffion à l'Investiture ,
aux noms de ceux pour qui ils
agiffent. Ce changement qui n'a
jamais efté en ufage , à furpris
252 MERCURE
bien des gens , les bons Bourgeois
les gens bien intentionez , connoiffent
mieux que perfonne la
confequence de ce renvoy ; ils en
ont dit leurs fentiments qui n'ont
pas empêché qu'on n'ait paſſé outre.
Du 27. du même mois .
Les deux Confeils fe font affemblez
, & aujourd' buy celuy de
Ville , pour déliberer fur la declaration
rendue par le Confeil d'Etat
, qui a efté approuvé. La divifton
qui regne entre ces deux Corps ,
n'eft pas d'une petite confequence ;
la Confeil de Ville veut prendre
GALANT 253
l'effort n'approuve qu'autant
qu'il luy plaift , les decifions du
Confeil d'Etat On en a vû l'exemple
en laperfonne de Mr. de Montet
& en celle de Mr Deftanon ,
qui ont efte revoquez fur les vives
& preffantes follicitations du
Confeil de Ville ; ce peu d'union
& de conformité ne contribuëpas
peu à brouiller les affaires , & à
faire regner la confufion, Le Confeil
d'Etat a nommé des Deputez
pour notifier à Meffieurs les Prétendans
, le Renvoy du Tribunal,
& leur laiffer à chacun une
copie de l' Arrest rendu à ce sujet ,
de ce qui a efté fait dans le cours
a
7254 MERCURE
de la journée. Mr Lory , l'un des
Confeillers d'Etat , a efté nommé
pour Deputé à Mr le Duc de Vil
leroy , auquel il a remis une copie
de cet Arreft.
Les Avocats de Meffieurs les
Prétendans viennent de remettre
à la Chancellerie , un Memoire
motivé des prétentions de leurs Parties.
Du 28. du même mois.
Le Confeil d'Etat & celuy de
Ville , fe font affemblez aujourd'huy
; on a eufoin pour éviter la
confufion , de doubler la Garde à
porte du Chasteau , ce qui n'a
la
*
GALANT 255
అ
pas empêché qu'il n'y ait eu un
grand concours de monde , Mrs de
Montet & Deftanony ont proteſté
hautement de la nullité de cette Af
femblée , qu'ils foutiennent n'eftre
pas legitime , n'eftant point remplie
de tous les Membres qui la doivent
compofer. Mr le Procureur a
demandé dansfes Conclufions , que
les Proteftations de ces deux Meffieurs
fuffent mifes à neant , comme
irregulieres , temeraires & injurieufes
à l'Etat ; aprés quoy Mr
le Gouverneur ayantpris laparole
a reprefenté à tous les Membres,
i du Confeil , que la mort lenr ayant
ravi Madame la Ducheße de Neda
256 MERCURE
moursleur Souveraine de glorieu
fe memoire , il falloit s'attacher à
reparer cette perte par une bonne
élection ; qu'il falloit moins fuivre
les convenances & les interefls ,
même de l'Etat , que l'équité la
justice , qui devoient estre la base
lefondement de leurs decifions ,
éloigner tout efprit de partialité
; que ce dernier party effait
fouvent le mobile de la confufion ,
ce qui renverfoit la douceur
la tranquillité d'un Etat qui fe
flattoit de parler à des Juges impartiaux
& veritablement portez
à rendre une juftice tres - exacte
dans la grande affaire dont il eftoit
GALANT 257
queftion . Le Secretaire de la Chancellerie
, a lú enfuite les Memoires .
donnez par Meffieurs les Pretendans
fuivant le defir de l'Arreſt
rendu le 26. & cela de la maniere
qui fuit ,
On a commencepar le Memoire
de M le Prince de Conry heritier
Teftamentaire de Mr l'Abbéd'Orleans
,&en cette qualité il demande
relief de la Sentence d'Inveftiture
de Madame la Ducheffe de
Nemours du 8. Mars 1694. Il
s'engage par le mefme Memoire ,
d'acquiefcer tous les legs mentionnez
dans ledit Teftament.
Celuy de Mr l'Electeur de Bran-
Y
Aouſt
1707.
258 MERCURE
debourg , comme heritier de la fucceffion
du feu Roy Guillaume.
De Mr le Prince de Carignan ,
comme coufin germain de Madame
la Ducheffe de Nemours .
De Mrde Montbeliard , defcendant
de la Maifon de Chaflons.
De Madame la Ducheffe de Lef
diguieres , comme aînée de la Maifon
d'Orleans - Longueville , fuivant
l'ordre de Primo genituro ,
avec proteftation contre le relief
prétendu par Mr le Prince de Conty.
De Mr de Mattignon , comme
plus proche parent paternel de la
mefme Maifon , avec proteftation
GALANT 259
contre le mefme relief.
De Madame de Neufchaftel
Soiffons , en faveur d'une donation
de Madame la Ducheffe de
Nemours , avec proteſtation contre
le mefme relief.
par
De Mr le Prince de Bade ,
alliance avec la Maifon d'Hochberg
& un certain acte de Confraternité.
De Mr le Baron de Montjoiet,
comme defcendant de la Maifon de
Challons.
De Mr le Prince de Fürftemberg,
qui a demandé quel' Affemblée
du Tribunal , ce qui enfui
a
roit, nepuft préjudicier àfes droits
Y ij
260 MERCURE
n'ayant pû recouvrerjufques àpre
fentfes Titres , qu'ilfautfoigneu
fement chercher.
De Mr le Marquis d'Allegre ,
par Madame d' Allegre , comme
iffuë de la Maifon de Chaflons
De Mr le Marquisde Mailly,
par Madame de Mailly , qui fe
donne le nom de Princeffe d'Orange,
&par confequent de la Maifon
de Challons.
Du Louable Canton d'Ury ,
qui reclame la Ville & Comté de
Neufchaftel, fondéfur ce qu'autre-
fois cet Etat appartenant aux
treize Cantons , il y en eut douze
qui fe démirent de la poſſeſſion , &
GALANT 261
le feul Canton d'Ury n'en voulut
point fouſcrire l'Acte.
Je vous envoye encore deux
Articles de morts feulement ,
eftant obligé d'en referver plufeurs
autres pour le mois prochain.
du
Le R. Pere Plumier Minime,
eft mort dans le voyage
Perou , que M' Fagon premier
Medecin du Roy , luy avoit
fait entreprendre , & dont il
s'eftoit chargé de faire les frais .
Il y avoit envoyé ce Pere avec
le nouveau Viceroy M' de Los
Rios , cy-devant Ambaſſadeur
3
262 MERCURE
d'Eſpagne en France , pour faire
de nouvelles découvertes fur
le Quinquina , dans les lieux
mêmes où il croift , pour en obferver
toutes les vertus , & la
difference qui fe rencontre dans
les diverfes plantes de cette ra
cine , difference qui dépend
fouvent de la difpofition ou
fituation des lieux où il croift.
Le P. Plumier eftoit un hom+
me tres-capable de rendre rai ---
fon de tout ce que l'on pouvoit
fouhaiter de luy furce
fujet & fur beaucoup d'autres
Plantes curicufes qui fe trouyent
au Perou . Il eftoit tres haGALANT
263
bile Botanifte , & il deffinoit
parfaitement bien; mais la mort
qui l'a furpris en chemin a privé
le public des fecours qu'il
auroit pû attendre de ſes nouvelles
découvertes . M' le premier
Medecin , dont je n'ofe
vous faire icy l'éloge , quoy que
l'occafion s'en prefente naturellement
, a efté d'autant plus
touché de la perte de ce fçavant
Religieux , qu'il eft perque
la plufpart du Quinfuadé
quina d'à -prefent eft tres- infe
rieur à celuy qu'on voyoit autrefois.
Le P. Plumier avoit une con264
MERCURE
noiffance parfaite de la plus
grande partie des Arts mechaniques.
Il s'y eftoit attaché dés
fes premieres années , & il y
avoit fait de tres - grands progrés.
Il donna au Public il
à fix ou fept ans , un livre in
folio qui avoit pour titre l'Art
de Tourner , & qui fut tres - eftimé
des Connoiffeurs. Le P.
y
Plumier n'épargna rien pour la
perfection de cet ouvrage ; les
Planches qui l'accompagnoient
avoient efté deffinées. par les.
plus habiles . Graveurs , & ce livre
, qu'on regardoit comme
un ouvrage original dans fon
genre
GALANT 265
.
genre , ac efté recherché de
tous les Sçavans avec beaucoup
d'empreffement. Le P. Plumier
savoit une grande modeſtie ;
leftime que M' Fagon avoit
pour luy , peut beaucoup contribuer
à fon éloge . Ce Religieux
cftoit confulté fur couces
les queſtions qui regardoient
la Botanique & a connoiffance
qu'il avoit des Plantes , & de
sleurs proprierez , eftoient foutenues
d'une longue experien-
< ce ; il avoit fait là- deflus des
sépreuves qui avoient convaineu
tout le monde de fa vafte
capacité fur les operations de
Aouſt 1707.
Ꮓ
266 MERCURE
la nature. Il a laiffe quantité de
Manufcrits , dont la publication
feroit fort avantageufe à
tous les gens de lettres , & fur
tout à ceux qui s'attachent à
l'étude de la nature ; on a lieu
d'efperer qu'un fçavant homme
qui eft dans le même goult
& qui travaille à les mettre en
ordre , pourra bien - toft en faire
part au Public.
re
M' N... de Louvet de Cal
viffon , & de Cauviffon felon
l'ufage , Abbé de Saint- Gilles ,
qui vient de mourir , defcendoit
Jean de Louver , S ' de Me
rimeol , qui vivoit en 1471. &
GALANIM 26 %
qui fut fut pere de Jean Louver ,
époux de Marguerite
de Murat
, Dame de Cauvillon, Certe,
Dame eftoit fille de Raymond
II. Vicomte de Murat & de
Blanche d'Apcher
, Dame de
Cauviffon
, fille de Raymond
d'Apcher , & de Bourguigne
de
Narbonne
, niece & heritiere
de Raymond de Nogaret , dit
de Calviffon ; cette alliance obligea
M de Louvet de joindre
a leur nom celuy de Nogaret
.
Guillaume Louver dit de Murat
& de Nogaret , fils de Jean ,
époula Joffine de Tournon
fille de Guillaume
, Seigneur
du
Zij
268 MERCURE
même lieu , & d'Antoinette de
la Roue. Il en eur Antoine
Louvet de Murat de Nogaref
Baron de Cauviffon , qui épou?
qui'épou
?
fa Gabrielle de la Roche Ai
mon , fille de Jean S ' de Caba
nes ,Gouverneur deLanguedoc
Bailly de Mâcon , & Sénéchal
de Clermont - Lodeve. Jean
Louvet & Jean Louver le jeune
fortirent de ce mariage. Le pre
mier fut Baron de Cauviffon
&époufa en 1532. Margueri?
te de Vefc , fille de Charles S
de Grimaud , Chafteaurenard
& de Savigny , & d'Antoinette
do Clermont Lodeve . Il en eut
ob GALANT
269
BAUDJEM 8ds aub RM
Pierre Louver , dit de Nogaret ,
qui fe maria à Marguerite de
Caftellane , fille d'Honoré Si
de Laval & de Louiſe de Viette
de Condé. Jean Louver de Nogaret
, de Murat , & de Veſe ,
Baron de Cauvillon leur fils
époufa Marguerite Grimaldi
fille d'Honoré , S du Bucil ; il
en cut Jean - Louis Louvet de
Nogaret Baron de Cauviffon ,
qui époufa Françoiſe de Saint-
Bonnet du Cailar , fille de Jean
& de Marie Gregoire de Gardies.
Ce fut en la perfonne de
Jean Louis Louver que la bran
che aînée de la Maifon de Cau- .
Z iij
1270 MERCUR
viſſon manqua. Jean Louver ,
dit le feune, fils d Antoine , dont
je viens de parler devint le chef
de cette Marfon . Il eftoit Scigaur
de Saint Auban en Gevaudan.
Illaiffa de Gabrielle le
Teinturier , fille de Jean Seigneur
de Montmaur en Lan.
guedoc , Aimard Louver dit de
Nogarer , qui époufa Louife de
Dauzon , dont il eut Gabriel
Louver Baron de Saint Auban
époux d'Anne de Flageac , &
François Louver de Nogaret ,
Seigneur de Montmaur Baron
d'Omeron , qui époufa Fran
çoife de Rochemore , fille de
GALANT 271
C
Louis S de Saint - Laurent &
Prefident de Nifmes , & d Anne
de Barrieres.c
De ce François font defcendus
M's de Cauvifion,l'un Licu
tenant de Roy en Languedoc ,
& l'autre Abbé deSaint- Gilles ,
dont la mort fait le fujet de cet
Article. Il eftoit le troifiéme de
fa Maifon qui poffedoit d'oncle
à neveu cette Abbaye , qui
eft une des plus confiderables
du Languedoc. Elle eſt dans
le D.ocefe de Nifmes ; & les
anciens Comtes de Touloufe
avoient une fi grande devotion
pour cette Eglife , qu'ils pre-
Z iiij
272 MIRCARE
noient, toûjours la qualité de
Comtes de Saint Gilles, avec leurs
autres qualitezas & ab o
zuM' l'Abbé de Gauviffon qui
vant de mourir , joignoit à une
naiffance diftinguée qui l'allioit
aux plus anciennes Maifons
du Royaume , une vertu qui
n'a jamais reçu la moindre atteinte
, & un efprit cultivé par
l'étude des belles Lettres, Ihaimoit
la retraite ; il en fortoit
difficilement , & on ne le voyoit
dans les grandes Villes que lors
que les affaires de fon Eglife l'y
appelloient indifpenfablement .
Il eft mort dans de grands fenGALANT
273
timens depicté.woffer seson
Jelpaffe à la derniere nomination
des Beneficés p& fuivant
la maniere dont je vous
en ay déja parlé plufieurs fois ;
au lieu de repeter à chaque article
le Roy a donné , je diray feu
Clement , aprés m'eftre fervy de
ce terme en parlant du premier
qui a efté pourvû , à tel
-as telerc.
sio Le Roy a donné l'Abbaye
de Saint Gilles , Diocéfe de
Nifmes à M" Charles le
Goux de la Berchere , Archevêque
de Narbonne , & Prefident
né des Etats de Langue-
.
274 MERGURE
R.
doc , ci - devant Archevêque
d'Alby & d'Aix , Evêque de Lavaur
, & Aumônier de S. M.
J'ay fi fouvent eu occafion de
vous parler de ce Prelat , que fi
je vous en difois prefentement
davantage , je ne pourrois que
repeter ce que je vous en ay
déja dit dans plufieurs de mes
Lettres. Il eft frere de M' de la
Berchere Maiftre des Requêtes
, cy - devant Intendant de
Montauban & de Rouca , &
de feue Madame la Marquife
d'Efteing , mere de M' lc Comte
d'Efteing , Gouverneur de
Chlâons , & Lieutenant geneGARANT
+
275
ral des Armées du Roy , & de
Me la Marquife de Boury, Une
ancienne tradition fait venir
d'Angleterre la Maifon de le
Goux.
L'Abbaye du Palais , Ordre
de Cifteaux , dans la Marche &
Diocefe de Limoges , à M
l'Abbé de France. Ce jeune
Ecclefiaftique eft de Montau-
Ban ; & d'une famille qui s'eft .
toûjours diftinguée par un zele
extraordinaire pour le fervice
de Sa Majefté. Le pere
Abbé en a donné de nouvelles
marques il y a peu de temps ,
& M le Gendre , Intendant de
de
cet
276 MERCURZ
$
la Generalité de Montauban
ayant rendu témoignage à la
Cour du zele & de l'ardeur,
que
M de France a pour le ſervice
du Roy, Sa Majefté qui ne manque
jamais de récompenfer les
JISM
fervices que luy rendent fes Sujets
, a donné à fon fils l'Ab
baye du Palais . Ce jeune Ecclefiaftique
meritoit cette grace
par l'application qu'il a toujours
cue pour fes devoirs , &
à caufe de l'ufage precieux qu'il
a fait de fon temps , qu'il employe
uniquement aux fonc
tions de fon miniftere , & à l'étude.
GALANT 277
en
Le Prieuré d'Effone à M
FAbbé de Boisfranc . Le Roy
uniflant le Prieuré d'Effone
à l'Abbaye qu'avoit déja M
l'Abbé de Boisfranc , s'eft acquis
le Patronage des Cures de
Marly & de Saint Germain en
Laye , qui dépendoient de cette
Abbaye . M l'Abbé de Boisfranc
eft beau - frere de M' le:
Duc de Treſmes , & Docteur
en Theologie.
L'Abbaye reguliere de Cantin
pré , Ordre de Saint Benoift
, à Don Cardon . Ce Religieux
a fait voir dans tous les
emplois qu'il a eus dans fon
278 MERCURE
Ordre , & qui l'ont conduit à
conduit à
la dignité dont Sa Majesté vient
de l'honorer , un grand merite
accompagné d'une grande modeftie
Il s'eft acquis la reputa
tion d'un tres- habile homme ,
& il l'a meritée par fes longs ,
travaux & par une application
de plufieurs années à l'étude ,
des faintes Lettres .
L'Abbaye de Chelles , Or-
POMERA
dre de Saint Benoist , vacanten
par la mort de M de Coffe , à
M de Villars , Religieufe du
même Ordre à Vienne en Dauphiné.
La vertu & le merite de
cette Dame ont encore plus
.
GALANT 279
de
à
parlé pour elle , que les fervices
de M le Maréchal fon frere
quelques éclatans qu'ils ſoient ,
Mr Archevêque de Vienne a
parlé fort avantageufement
cette Dame , ce qui a fait dé
terminer le Roy à la mettre
la tefte d'une grande Communauté.
Ce n'eft pas d'aujourd'huy
que l'on voit fortir de la
Maifon de Villars , de grands
fujets pour l'Eglife. Trois Archevêques
de Vienne , dont la
memoire eft en benediction :
dans cette celebre Eglife , fourniffent
une preuve que cette
Maifon a efté utile à l'Eglife
280 MERCURE
aufli bien qu'à l'Etat.
L'Abbaye de la Sauve , de
l'Ordre de Saint Benoiſt , à M
de Grefolles Religieufe du mê
me Ordre. LaMaifon de Gayardon
de Grefolles eft ancienne
dans le Foreft . Elle fubfifte
dans les perfonnesde Mrs de
Grefoles & de Thiranges , dont
l'un a époufé Mlle Cacher ,
foeur de Mr de Montezan , Prevoft
des Marchands de Lyon ,
& cy- devant premier Prefident
du Parlement de Dombes ; &
l'autre a époufé Me de Fenoil ,
foeur du Maistre des Requefte
de ce nom, Mre Antoine de
BEALANT 281
Grefolles , Chanoine d'Efnay à
Lyon , & cy- devant Prieur regulier
de Saint Barthelemy le
Plain , Dioceſe de Valence , &
enfuite Sacriftain du Prieuré de
Saint Romain , & Mre Guillaume
de Grefolles fon frere ,
Doyen de l'Eglife Royale de
Montbriffon , font oncles de
ces Mrs , & parens du R. Pere
de la Chaife.
* La nouvelle Abbeffe a beaucoup
de merite. La regularité
de fa conduite luy a procuré
fucceffivement les principales
Charges de fa Communauté.
Le Doyenné de Verdun à
Aouft 1707 A a
$ 282 MERCARE
Mr. l'Abbé de Montauban ,
Cette dignité eft tres confiderable
, & la première d'un Chapitre
compofé de perfonnes de
diftinction & de merite. Mr
l'Abbé de Montauban eft d'une
ancienne famille originaire
de Dauphiné ; il a plufieurs parens
de fon nom dans le fervice
, & quelques- uns de fes freres
s'y font diftinguez . Mais fa
vertu & fon merite le rendent
encore plus confiderable que
tous les avantages qu'il pourroit
tirer
d'ailleurs.pptak
Le Doyenné de Mets à Mr
l'Abbé Barbet. Cette dignité
SGALANT 283
melt pas moins confiderable
que celle dont je viens de parder.
Mers , Trouly & Verdun ,
connus fous le nom des trois
Evêchez , ont autrefois jouy
-des privileges de la Souveraineté,
& de celuy des Villes Imperiales
, & il leur refte encore de
beaux droits. Ainfi les Eglifes
Cathedrales de ces trois Villes ,
font dans une grande confideration
. Mr l'Abbé Barber que
le Roy vient de mettre à la tefte
de celle de Mets , eft un Ecclefiaftique
qui meritoit cette place
par beaucoup d'endroits ; lavan-
Stage d'avoir efté élevé par
Mr
A a ij
284 MERCURE
Barbet fon parent , & Superieuff
du Seminaire des Bons Enfans ,
& l'un des hommes du Royau
me qui fçavoit le mieux former
les Ecclefiaftiques , pourroit
faire feul fon éloge. & stag
SuUm Canonicat vacant dans
F'Eglife de S. Quentin , cà Mr
Hauftome. Ce jeune Ecclefiaf
tique eft un exemple de vertu ,
& le veritable modele d'un
homme confacré au fervice des
Autels. Il vit dans la retraite
& dans l'exercice des vertus de
fon état.
L'autre Canonicat vacant
dans la même Eglife , à Mr de
HONDANY 285
Pontrqué il joint à une naif
fance confiderable une vertu”
formée dans les Seminaires loù
il a paffé une partie de fa vie.
7 Voicy la fuite de ce qui s'eft
paffé à l'armée de M le Ma
réchal de Villars depuis ce que
je vous ay mandé dans ma
derniere Lettre , & vous verrez
que quoy qu'elle foit inferieure
aucelle des Ennemis , tant à
caufe des détachemens qu'elle
a efté obligée de faire , qu'à
caufedes Troupes nouvelles qui
ont renforcé celle des Ennemis,
co Maréchal n'a pas laiffé depuis
un mois de remporter
286 MERCURE
d'auffi grands
avantages que
s'il avoit toûjours eſté fuper
rieur aux Ennemis. Ce n'eft
pas qu'ils ne fuffent prefque
auffi forts que luy à l'ouverture
de la Campagne
, & qu'ils
n'euffent pû deffendre les Lis
gnes de Stolhoffen
, même avec
une Armée moins nombreuſe
,
s'ils n'avoient pas manqué de
courage , & leur General de
tefte. Je commence cet article
qui doit cftre auffi long
que curieux , & rempli de plufieurs
belles
Relations , par
une Lettre de Monfieur de
Sezanne.
GALANT 287
Au Camp de Bruchfal , le 28.
Juillet, XUS 71019 flon
Couplong ansty
Fay paffe par Heidelbergpour
me porter fur le Tauber , & de là
exiger des contributions tres- avant ;
mais Mr le Maréchal , fur l'avis
que les Ennemis avoient fait un
Pont le même jour au deffous de
Worms , & qu'un Corps confiderable
avoit paffé en deçà , m'en-
Doya des Partis & des Courriers
afin de m'empêcher de m'engager
auffi avant que je devois
faire de plus , un Camp de
cinq mille Fantaffins qui eftoit
288 MERCURE
derriere le Tauber , me fit prendre
le parti de m'établir fur le Fagft,
pour allurer ma retraite le long de
cette riviere , juſqu'au Neckre .Je
détachay Mr de Saint- Pouange
avec trois cens chevaux ou Houffards
pour entrer , s'il eftoit pofftble
, dans Mariendal , afin d'enlever
le Prefident de l'Ordre Teutonique
; ce qu'il executa tres-heureufement
le 22. au point du jour ,
les ennemis entrant par une porte
pendant que nos Troupes fortoient
par l'autre , aprés avoir beaucoup
pillé. Je marchay à l'Abbaye de
Schonftat fur le fagft , pour m'a-
Dancerfurfon chemin , & ne pou
vant
GALANT 289
want penetrer dans l'Evêché de
Wartfbourg & dans le Pays d'Onf
pach , à cause qu'il y avoit beaucoup
de Troupes ennemies , & que
lepays eftoit fous les armes ; je bor,
nay mon expedition à tirer du pays
de Hall , d'Elvangen , de Limpourg
• & de quelques Bailliages
de Mayence , & du Comté
d'Hohenlee , en argent & en billets
acquittez à Nuremberg , cent
quatre- vingt mille livres , avec
leſquelles j'arrivay icy avant- hier
26. ayant repaffé le Neckre à une
lieue au deffous d'Hailbron . Mr
le Maréchal m'a paru eftre content
de ma courfe. L'Armée s'eft
Aouſt 1707.
Bb
290 MERCURE
retirée icy , aprés avoir conformé
les farines d'Heidelberg de
Manheim.
29.85 294104
Mr de Sezanne ayant mar
qué dans fa Lettre qu'il avoit
envoyé des Troupes à Marien
dal , & n'ayant point dit de
quelle maniere elles y eftoient
entrées , vous le trouverez dans
la Lettre fuivante , écrite par
un Officier de l'Armée, m 89
སྐྱ་༣ ;ཟླནས༨༣
Mrle Comte de Sezanne avec
mille chevaux feulement eft revenu
au Camp , aprés avoir étendu
les contributions fort loin . Il a pafGALANT
291 ·
fete Tamber , & à pouffe jufqu'à
le
Mariendal , dont il trouva les
portes fermées , e qu'ilfit ouvrir
par ftratagême , en faifant mettre
du vert au chapeau à une centaine
• de Cavaliers ou Dragons , dont la
plufpart parloient Allemand , ~5
qui difant s'eftre retirez des partes
d'un gros de François qui exigeoit
des
contributions dans le pays , demanderent
à entrer pour ſe mettre
en feureté. Les Habitans ne crurent
pas devoir refufer cette hofpitalité
à cette fontange verdoyante ,
' par là , fans y penfer , ils introduifirent
le loup dans la Berrerie.
On pouffa fur le champ dans
Bbij
292 MERCURE
la Maifon de l'Ordre Teutoniques
où l'on trouva le fecond President
qui eft la feconde perfonne de l'Or
dre. On le fit auffi- roft monter à
chevalpour ne pas
donner le temps
aux Alliez du Pays qui vendient
de toutes parts , de le dégager. Il
eft arrivé icy avec deux cent mille
francs , que cette courſe a produit ,
non compris la fomme qu'on luy
demande pour l'Ordre Teutonique ,
qui monte à cent mille éeus.
THCH
1
On voit naturellement dans
cette Lettre de quelle maniere
los chofes fe font paffées , & je,
crois vous avoir fait plaifir en
5
TGALANY 293
yous l'envoyant. Voicy Textrait
d'une autre Lettre , dans
lequel vous verrez l'état où
éftoient alors les Ennemis.
admet al
TN Les ennemis font campez
Rheinhaufenfous Philifbourg,
ils font feparez de nous par un
petit ruiffeau. Leur armée agroffi
de huit mille Saxons ou Palatins
cils prétendent qu'il leur vient
encore d'autres renforts. Ils font
cependant mal payez & mal nourris
;leurs Deferteurs qui viennent
en nombre en font un bon témoignage
, auffi bien que legrand amas
de farines & d'autre fubfiftance
Bb iij
294 MERCURE
que nous leur avons enlevé, ainfi
que les groffes contributions que
nous avons exigées. Ils ont beaucoup
de malades parmi leur Infans.
ter . Leurs Efcadrons font de cent
hommes, & leurs Bataillons de
quatre cens , à peu prés comme les
noftres anot ૬ ૧૨૧૬૨
La Lettre fuivante continuëra
àvous faire voir combien
nefté profitable l'entrée de Mr
le Maréchal de Villars en Alle
magne.
Du Camp de Bruchfal le 2
Aouft.
Mr de Villars eftant venu
GALANT 295
bour du deffein qu'il avoit de mets
tre à contribution Ulme , Nu
remberg , Mariendal , Mayence
Darmstat , Hall , generales
ment tout lepays ennemi , depuis le
Lac de Conftance jufqu'au Mein ; .
& depuis le Rhin juſqu'à Nuremberg
, a rappellé toutes lesTrous
pes qu'il avoit dans differens Poftes
d'Allemagne ; il a abandonné
Heidelberg & Manheim aprés en
avoir tire les farines , voyant que
ces Poftes luy drvenoient inutiles.
Il a raffemblé toutes fes Troupes à
Bruchfal , pour obferver les ennemis
, qui peuvent avoir prefentement
vingt-fix mille hommes , &
s
Bb mij
296 MERCURE
quifont toujours campez à Rheinbaufen.
Mr de Saint- Fremont
nous procure la facilité des Convois
de Lauterbourg , ayec vingt
Efcadrons , & une Brigade d'Infanterie.
On ne peut trop admirer
la bonne contenance qu'à
tenuë Mr de Villars , lors que
les Ennemis ont commencé à
recevoir des renforts , & qu'il
a toûjours continué de tenir,
& l'on doit remarquer que dans
tout ce qui s'eft paffé entre les
partis , les ennemis ont toûjours
efté battus , même depuis
qu'ils ont eu lieu de reprendre
courage, d
GALANT ( 297
Du Camp de Bruchſal le 4°
>noƆ ash hAouſt.
de
Quoyque les Ennemis reçoivent
prefque tous les jours de nouvelles
Troupes , nous ne laiffons pas
les tenir toujours fort ferrez dans
Leur Camp fous Philifbourg , par
les poftes que nous tenons à lafortie
des Bois , nous avons toujours
la même liberté de faire payer
Les contributions que nous avons
établies auffiloin qu'elles pouvoient
aller. Il fe paffe peu de jours fans
que nos Houffards leur prennent
des chevaux , & battent quel
298 MERCUR
"
qu'un de leurs partis Le Capitai
d'Herfoffy , Boduchou en
battirent deux dans la journée
d'hier , & il nous arrive beau
coup de Deferteurs ; leur Camp
n'eft nyfain ny abondant en fou
tage , & le nostre eft tres-bon de
toute maniere.
Dans le temps que l'on croioit
que les expeditions de Mr de
Villars devoient eftre bornées
aux contributions qu'il avoit
tirées de la plus grande partie
des principales Villes d'Alle
magne ; on a efté furpris de
voir que ce Maréchal a conci
AUT
DE
pre
GALANT
nué de former , &même d
cuter des projets auffi grands
que ceux qui venoient d'avoir
un plein fuccés. La Lettre qui
fuit vous fera connoiftre que je
ne dis rien que de veritable.
sb moj-2777
Au Camp de Graben , le 11 .
Aouft 1707
.
• ĽArmée du Roy eft campée icy
depuis trois jours , les derniers détachemens
qui marchent vers le
Dauphiné , font partis ; les ennemis
fe fortifient tous les jours par
de nouvelles Troupes ; cependant
Mr le Maréchal de Villars ayant
300 MERCURE
pris un pofte qui couvre fes Con
vois , n'a pas laiffe d'envoyer ily
à deux jours un fort gros Corps de
Cavalerie avec cing cens hommes
Ide pied , au de- là des Montagnes
Noires , avec ordre de pouffer des.
partis , jufques aux frontieres di
Tirol, dans tous les Pays qui
font entre le Lac de Conftance , le
Danube , l'Ilher. Mr de Vi
vans commande ce détachement
compofe pour la plupart des Trou
pes qui estoient demeurées dans
les retranchemens de la Lutter.
On doit remarquer que Mr.
de Villars a judicieufement choift
pour une fi grande expedition , des
GALANT for
301
Troupes qui n'ont point fatigué
depuis le commencement de la
Campagne. Les Ennemis attendent
le Duc d'Hanover le 16.
fes équipages eftant arrivez
Francfort dés le commencement
du mois 001 mar 2
By
On apprend dans ce momentpar
des Lettres de Mr le Marquis de
Vivans qu'un party de Cavalerie
& de Houffards à voulu attaquer
fon arriere - garde prés de
Mulberg , & que ce party a efté
entierement défait ; on en a même
envoyé les prifonniers à Lauterbourg.
Comme Mr le Maréchal
302 MERCURE
de Villars n'a rien fait que de
glorieux & d'éclatant , ſoit en
pourfuivant les Ennemis juf
qu'au bout de l'Allemagne ,
foit en revenant fur les pas
pour conferver une partie de
Les nouvelles conqueftes &
pour continuer à les harceler ;
mais même après avoir veu diminuer
fes Troupes , & groffir
les leurs , & qu'enfin il con
ferve toûjours beaucoup de
fuperiorité ſur eux , quoyqu'
inferieur en Troupes , je crois
devoir continuer à vous envoyer
les Lettres qui viennent
de fon armée . Ainfi je
GALANT 303
continue de vous informer de
tout ce qu'il a fait pendant ce
mais , de la même maniere que
jay commencé à vous l'apprendret.
Au Camp de Gotzau le 16.
L'armée Imperiale marcha a
want hier à Bruchfal , & comme
Mrle Maréchal de Villars avoit
efté informé que les Ennemis avoient
eu deffein de fe faifir du
poſte de Graben , en quoy nous les
avions prevenus , il
il ne douta pas
que n'ayantpu nous ôter les bords
du Rhin , ils ne fongeaffent a
304 MERCURE
gagner Dourlach , qui leur don
neroit le pied des montagnes
. Ils
avoient pour cela deux lienes
moins à faire que nous , mais
l'armée du Roy pouvoit marcher
prefque toujours en bataille , au
Lieu que la marche des Ennemis
par le pied de la montagne , eftoit
-affez difficile. Cependant Mr le
Maréchal eut befoin de toute la
diligence qu'il fit pour les prevenir
, & ayant efté informé en
arrivant prés de Mulberg par
trois Courriers du Commandant
de Dourlach , que l'armée ennemie
approchoir , il s'avança au grand
trot avec 9. Efcadrons qui estoient
"
#GALANT 305
la tefte des Bagages. Il arriva
fur Dourlach dans le temps que
Ja tefte de l'armée Ennemie paxoiffoit.
On fit un grand bruit de
Timballes de Trompettes qui
Les arrefta. Il fut averti à 9.
> heures au foir , que
l'armée entiere
des Ennemis arrivoit fur les
hauteurs de Dourlach , ce qui l'obligea
d'y envoyer diligemment
Mr le Comte de Broglio avec
quelques Compagnies de Grenadiers.
Mr le Maréchal s'y rendit
à la pointe du jour , & il
trouva que les Ennemis qui a-
3 voient fait leurs difpofitions la
nuit , commençoient à embraffer
Aouft 1707. Cc
306 MERCURE
Dourlach avec 2 colonnes d
fanterie. Il ordonna àre
Marquis de Nangis de syjonter
avec 300 Grenadiers : Cepene
dant comme il y avois prés d'une
demi lieuë de noftre droite à cette
Kille , on avoit forcé Mr le
Marechal , par la crainte, affez
fondée de voir inveftir Dourlach,
d'envoyer ordre à Mr. le Marquis
de Nangis de fe retirer , lequel
ordre il revoqua dans l'inf
tant , à cause de l'extrême confe
quence qu'il y avoit de foutenir
ce pofte dans la fituation prefente
on eft noftre armée. Comme noftre
bruit de Timballes avoit arreſté les
GALANT 307
Ennemis la veille on les arrefta
de même par un grand bruit de
Tamboursé par une bonne convenance
; & les Dragons de la
droite eſtant arrivez au galop
& la Brigade de Champagne un
quart d'heure aprés , la journée ſe
paffa en canonnades. Les Ennemis
eftant fortifien de plufieurs Tron
pese feachant les détachemens
que nous avons fairs , deviennent
affez vifs , & ils le feront ens
core d'avantage aprés l'arrivée de
Mr d'Hanovre , que l'on attend
de moment à autre , & qui amene
encore un fecours confiderable.
Nos Troupes ont grande envie de
Ccij
308 MERCURE
-
combattre , & l'on ne peut trop
loüer l'ardeur & la joye qu'elles
font paroiftre dés qu'il y a aparence
d'action. Les armées font à
la demi portée du canon
a
Un de ces particuliers qui
voudroient tous les jours voir
gagner des batailles ou pren
dre des villes , ayant écrit d'une maniere conforme
d'une
fon ca
ractere , à un Officier de fess
amis qui fert en Allemagne ,
iken a reçû la Lettre fuivante
exy_rabh b
BADANN 309
got Ng iN G
Au Camp de Gotzau le 18 .
Aouft. aljerag ino
Sçavez - vous bien Mrs les
Zelez que vous nous donnez plus®
d'affaires que les guerriers , &
même que les Ennemis. Quoy
vous n'eftes pas encore contents ?
Il y a quatre mois que nous fommes
en deça du Rhin où perfonne
nofoit eſpererque nouspenetraffions ™
de toute la guerre. L'on nous ôte
les meilleurs Troupes pour envoyer
en Provence ; l'Ennemy reçoit
tous les jours de nouveaux renforts;
il a à prefent 6000. hom
310 MERCURE
mes plus que nous , le Duc d'Has
noore leur amene encore du
cours , & malgré tout cela nous
luy difputons le terrein pied
pied's que disje , nous le brudons.
"Nous venons de nous meure à la
demi-portée du canon lors qu'il
croit qu'il n'a qu'à paroifire pour
nous jetter au delà du Rhin, Nous
buy difputons Dourlach , qui ne
vaut pas Vaugirard ,
luy prefentons la batailles que
voulez- vous de plus , mès chers
Mrs ? Venez donc faire noftre
métier vous- mêmes ,
rons fi vous le trouverez auſſi ai
fé dans l'Empire qu'aux Tuillenous
nous vers
NGALANT 31
ries. Enfin je pardonne voſtre in
difcretion à cause de voſtre amour
pour la patrie ,
de la bonne
opinion que vous avez de noftre
General Jans cela Mrs , vous
feriez trop difficiles . Nous n'avons
pas besoin d'eftre excitez ; l'apro
bation nous aiguillonne d'avanta
ge. Ainfi paroiffez contens du pafs
fés vous nous engagerez à mieux
faire s'il eft paffible.
Je vous envoye une Relation
fuccinte qui vous inf
3
fidéle
truira de noftre fituation ; vous
pourrez enfaire part à vos amise
Je Suis oc
312 MERCURE
Au Camp de Gotzau le 18 .
Aouſti , daug
ergoca
4.g
Pour vous expliquer noftre
fituation ordinaire , il faut vous
dire que les Ennemis quitterent
leur Camp fous Philifbourg de
1.3 . pour venir camperà Bruchfal.
Sur ce mouvement , nous vinmes
à Mulberg le 14. Le même
jour nous aprifmes que l'Ennemy
devoit marcher à Dourlach , où
nous avions un pofte. La Princeffe
pria le Commandant de fe
retirer; il en donna avis , & bien
loin de luy permettre d'en fortir,
Mr
GALANT 3 313
Mr le Maréchaly marcha precipitament
avec neuf Efcadrons.
L'Ennemy
arrivoit aux portes.
Le ruiffeau nousfeparoit, & quand
il vit nos Troupes , il s'arrfta.
Mr le Maréchal
entra dans la
place ; raffura la petite garnifon
qui auroit bien voulu en fortir ,
declara à la Princeffe qu'il
difputeroit jufqu'à la derniere
maifon de la ville. Il y jetta
quelque petit renfort , aprés quoy
nous revinmes au Camp . Le foir
fur les 9. heures , le Commandant
de Dourlach nous avertit que
l'Armée entiere des Ennemis arrivoir
fur luy , & Mr le Ma- .
Aouft 1707 . Dd
314 MERCURE
réchal y pouffa la Brigade de
Champagne . Le lendemain à la
pointe du jour il s'y renditt pour
voir la fituation des Ennemis.
Nous les trouvames en bataille
ayant fait leurs difpofitions dés
la nuit , & leur Infanterie embraffant
Dourlach par deux Colonnes.
Toute noftre armée s'avança
; l'Ennemy fit halte , &
dans ce moment on jetta les Grenadiers
dans la Ville , avec Mr
le Marquis de Nangis , qui y
commande. La journée , de part
& d'autre fe paffa en mouvemens
, en difpofitions & en quelques
canonnades avec avantage
GALANT $315
子
de noftre cofté. Le foir enfin l'Ennemy
affit fon Camp à Cretzinguen,
fit occuper les hauteurs
de Dourlach par un gros Corps
d'Infanterie. Mr le Maréchal
établit trois Brigades fous la Ville,
le refte de l'armée est à une
demi- lieuë , prefte à foutenir ce
pofte , oouu à s'opofer aux autres
mouvemens que l'Ennemy voudra
faire. Hier Mr le Maréchal fit
canonner fon Camp par des Batteries
dreffées la nuit. A midy,
nos falves commencerent , & fur
le Camp & fur leur Quartier
General. Nous aprenons par les
deferteurs qu'ils ont beaucoup fou-
·
Ddij
316 MERCURE
fert , voila à quoy nous en
fommes.
La Relation qui fuit eft de
l'Officier qui a fait celles qui
precedent la Relation que vous
venez de lire.
Au Camp de Gotzau le 19 .
Aouft 1707
.
Vous avez veu par ma derniere
Lettre , que les deux armées
eftoient à la demi portée
du Canon ; mais avec cette difference
, que la droite de celle
du Roy eftoit couverte de bois ,
GALANT 317
des maifons du Fauxbourg de
Dourlac , & que le centre de celle
de l'Ennemy eftoit entierement
découvert. M. le Maréchal de
Villars ayant bien veû que ce centre
fouffriroit beaucoup dés qu'il
auroit placé fon Artillerie , fit
marcher avant hier la nuit quatre
piéces de 24 dix de 8. de la
nouvelle invention , & il or
donna de les mafquer de maniere.
que l'Ennemy ne pu s'en appercevoir
le jour , ce Maréchal ayant
refolu à ne commencer qu'à faire
tirer ( pourveu que l'Ennemy
n'eut rien decouvert ) qu'à midy,
qui eft l'heure que les Fourageurs
ج ن و م
Dd iij
318 MERCURE
Patureurs font rentrez ; que
le Camp eft le plus remply , es
cette heure étant d'ailleurs la plus
incommode de la journée pour décampers
puis qu'on ne peut attaquer
un Camp à cette heure - là ..
fans mettre les marmittes en de
fordre. A la premiere falve , on
a vu l'étonnement des Ennemis,
& à la feconde tout à fuit fans.
ordre , abandonnant le Camp tour
tendu , l'Infanterie gagnant les
vignes , & la Cavalerie s'éloi
gnant dans la Plaine fur la droite.
Ce matin nous avons trouvé tour
le Camp qui eftoit fous noftre Cas
non levé , & plufieurs deferteurs .
GALANT 319
qui nousfont arrivez nous apprennent
que les Ennemis ont beaucoup
perdu ; & qu'ils ont eu 4 Capitaines
tuez & plufieurs autres
Officiers ; nous en faurons bientot
davantage. Il fait un temps
f horrible depuis trois jours , que
tous les chemins font rompus ,
les Campagnes prefque inondéess
ces malheurs font pour les Ennecomme
pour nous , pour nous ainfi il n'ý
mis
qu'à fe confoler.
Les contributions viennent toujours
bien , & la marche de Mr.
de Vivans vers le Lac de conftan
ce leur donne une grande étenduë.
La varieté cftant toûjours de
Dd iiij
320 MERCURE
Venez
faifon , & tres agreable dans
un ouvrage , j'ay crû devoir feparer
l'Article des Nouvelles
d'Allemagne que vous
de lire , d'avec celuy de l'Epitalame
qui fuit. Je ne vous dis
point le nom de fon Auteur ,
quoy qu'il foit tres- connu , &
qu'il ait fait des ouvrages
grand éclat , & qui ont efté fort
applaudis du Public . Vous le
fçaurez peut eftre d'ailleurs
mais j'ay crû que je vous le devois
taire .
d'un
;
GALANT 321
EPITALAME
Sur le mariage de Monfieur le
Duc d'Eftrées , avec Made .
moifelle de Nevers.
Himen , batezvous de defcendre ,
Venezunir deux illuftres amans ,
Songez qu'ils content les momens
Repondezfans lesfaire attendre
A leurs tendres empreffemens.
S
Pour combler leurs defirs vous eftes
neceffaire ,
Mais en les unifant ilfaudroit vous
deffaire ,
D'un deffaut qui vous eft reproché
chaquejour ,
Acordezvous avec l'Amour ,
Dans le coeur des époux vous ne le
fouffrezguere,
322 MERCURE
Avec vous ilfaut d'ordinaire ;
S'attendre à cefacheux retour.
S
Pour ces nouveaux époux devenez
plus aimable.
Des noeuds qu'ils vont former ne
foyez point jaloux ,
Hymen , ce n'eft pas trop de l'amour
& de vous 5
Pour leurfaire une bonheur durable.
S
Que la froidear ni le dégout ,
Que les triftesfoucis quife glißent
par tout ,
Que l'importun chagrin avec fes
noires ailes ,
Que les aigreurs ni les querelles ,
Ne fuivent point icy vospas ,
On vous trouveroit fans apas ,
Pourquoyfoufrità vostre fuite ,
GALANTI 323
Ces fombres enfans du Cocite z
Nenous amenez painices hoftes dangereux
,
Qui troublent les Ris & les feux,
Et qui leurfont prendre la fuite.
2 .
Vous pouvez aux mortels faire un
fort affez doux ,
Commencez par ces deux époux :
Ne laiffez marcherfur vos traces,
Que les Plaifirs avec les Graces
Lorfque vous le voulez vous avez
des attraits 5
Venez avec l'aimable Paix ,
Amenez humeur(ans caprice ,
Qu'elle ait defages enjouemens ,
Quela douceur avec elle s'uniße,
·Joignezy tous les agrémens ,
De l'esprit & des fentimens ,
La bonté la delicateffe
L'égalité , lapoliteſſe ,
324 MERCUR
Et n'oubliez pas le devoir
C'eft lay dont le divinpouvoir
De toutes les vertus fai é clater l'ufage
C'eft luy qui les fait naiftre , elles
font fon ouvrage ,
Et c'eft au devoir feal que
immortels ,
les Dieux
Doivent ici bas leurs autels
Faites que ces amans ne fongent
qu'à fe plaire ,
Que leur union foitfincere ,
Que de leur mutuelle ardeur,
Nulfoupir dérobé ne puiffe les diftraire,
Et qu'aucune flame étrangere ,
Ne furprenne jamais leurs coeur.
Faites que toujours leur tendieffe ,
Se reveille par le defir
GALANT 325
Qu'un même trait toujours les blef
Je
Qu'aucun bien nepuiffe s'offrir
Oul'un fans l'autre s'intereffe
At que dans tous les deux l'attrait
du plaifir naiffe ,
De l'ufage de leurplaifir.
2
Enfin , je vous les recommande
Himen , n'oubliez rien pour contenter
leurs voeux ,
C'est une entreprise aßez grande ,
De rendre deux époux heureux,•
Pendant que ces deux Epoux
goûtent les plaifirs de l'Amour ,
dont l'Himen fait jouir avec
tranquilité ceux qui reconnoiffent
fon Empire , je paſſe à
326 MERCURE
9
un article d'un autre nature.
Je vous ay déja parlé il y a
quelques années , de ce qui fe
paffe aux élections des Prevôrs
des Marchands & Echevins de
cette Ville. Ainfi je ne vous
diray rien, aujourd huy de ce
qui s'eft fait à celle de M' Perichon
, Notaire , & de M'
Pigeard , Bourgeois , qui furent
élus Echevins le 16. de
ce mois , & j'ajouteray feulement
que leur nomination eft
une preuve bien convaincante
de leur merite & de leur grande
probité , puis qu'il n'y a
point de Charge ni d'employ
GALANT
327
que
dans le Royaume , de ceux
l'on ne peut poffeder fans que
l'on n'ait fait
auparavant
, un
exainen de vie & moeursde ceux
qui les doivent remplir , que
pour l'Echevinage , puifque
T'on ne peut même y être propofé
lorsque l'on a eu la moindre
affaire civile qui a fait entrer
un homme en prifon,
D'ailleurs , il faut avant que
d'eftre nommé Echevin , avoir
paffe par d'autres Emplois qui
ayent fait connoiftre la probité
de ceux qui font nommez
à l'Echevinage . Ces deux nouveaux
Echevins , conduits par
328 MERCURE
M des Granges Maiftre des
Ceremonies , prêterent le 17
de ce mois , le ferment accou
tumé entre les mains de Sa
Majefté , le Scrutin étant
prefenté par M de Morville
Avocat du Roy au Chaſtelet
& fils de M d'Armenonville
Directeur General des Finances.
Il fit un difcours auffi brillant
, que remply d'éloquence
& de verité , & l'on peut affurer
qu'il dit en peu de paroles
, quantité de chofes qui
furent generalement applaudies
de tous ceux qui curent
le plaifir d'entendre ce difcours,
GALANT 329
dont l'Auteur eft encore tort
jeune , ce qui fut un nouveau
fujet d'admiration pour luy.
Il eft impoffible de bien exprimer
la maniere dont le Roy
répondit à ce difcours. La reponſe
de S. M. remplie d'éloquence
& de grandeur , marqua
beaucoup de tendreffe , &
fut fi touchante que les Auditeurs
n'en furent pas moins
petnetrez que ceux à qui elle
eftoit adreffée .
Je ne puis vous appren-
.dre trop toft que le fieur
Nolin , Geographe ordinaire
du Roy , vient de mettre au
Aouft 1707.
E e
330 MERCURE
jour une Carte que les Curieux
attendoient
impatiemment
, &
qui a pour
titre ,
Plan de Toulon , la vûë de fa
Rade & fituation de fes Tours
celles des hauteurs de Sainte Anne
oùfont campéces & retranchées les
Troupes du Roy , & de Sainte
Catherine ; le Camp des ennemis
& avec les deffenfes
de la Place Deffinéſur cer
luy de Sa Majesté.
leurs attaques ,
Ce titre feul pouvant exciter
beaucoup de curiofité , je
ne vous diray rien davantage.
de cette Carte , fice n'est qu'el
le fe vend fur le Quay de l'HorGALANT
33º
foge du Palais , à l'Enfeigne de
la Place des Victoires .
Je paffe à un Article qui merite
beaucoup d'attention , & qui
doit faire voir la grande experience
de Monfieur de Vendôme
dans le mêtier de la Guerre,
& que ce Prince vigilant ne ſçait
pas
moins embaraffer les Generaux
avec lefquels il a affaire
dans fes marches & contremarches
, ainfi que dans fes
campemens , qu'il les ſçait vaincre
un jour de Bataille , par fes
lumieres & par fa valeur.
Avant que de vous faire part
de plufieurs Lettres qui regar-
Ecij
332 MERCURE
dent les marches , faites par
l'Armée des Alliez , & par celld
de Monfieur de Vendômeop
aprés leur décampement , je
dois vous dire que ce Prince
prit toutes les précautions neceffaires
pour ne pas faire de
fauffes démarches , comme il
en auroit fait effectivement fi
pour avoir crû trop legerement
il avoit décampé fans que
l'Armée de M' de Marlbo
rough eut marché , & pour cet
effet , lorsqu'on luy eut dit le
10 de ce mois que Milord
Marlborough avoit levé le piquet
à 11. heures du matin
'
GALANT 333
qu'il avoit jetté trois Ponts fur
la Dyle ; que fon deffein paroifloit
d'aller à Nôtre Dame
de Hall, & d'aller de là occuper
le Camp de Genape, afin de gagner
une marche fur nous , il
fit deffenfes de fortir du Camp,
& cependant de ne point prodiguer
le fourage , de crainte que
ce ne fuft une fauffe nouvelle.
Havoit envoyé reconnoiftre
l'Armée ennemie , & il ne vouloit
pas quitter le Camp de
Gemblours , qu'il ne fuft affuré
que toute cette Armée marchoir.
Je paffe aux Lettres , dont je
viens de vous parler.
334 MERCURE
2.1.2119
Au Camp de Vanderbeck , le
12. Aouſt.
Hier les ennemis renvoyerent
tons leurs bagages par Louvain à
Bruxelles , & fuivant tous les
avis ils marcherent à nous aprés
avoir retiré leurs garnisons &
leurs fauvegardes . Tous les efpions
tous les partis , raporterent
à fix heures du foir , que
armée s'avançoit par la plaine de
Beaumirois Longueville &
Beaumont , & à dix heures on vit
venir nosfauvegardes ,des payfans
les partis que nous avions fur
,
leur
GALANT 335
eúx . Ils convenoient tous que la
tefte de leur armée eftoit déja à
Tourine les Ordons , & à Torbais
Saint Tron , & qu'ils fe difpo
foient à paffer le ruiffeau à Walheim
pour venir à nous. Comme
Mr le Duc de Guiche occupoit ce
Village , ilfit partir tous fes équi
pages il donna avis à Mr
de Vendofme de tout ce qu'il
aprenoit, ce qui s'acordoit avec tout
ce que les espions luy avoient dit,
Ce Prince vint trouver Mr le
Duc de Guiche; fit tirer trois coups
de canon pour avertir tout le monde
de s'aprefter ; fit battre la gene-
Tale e l'affemblée ; mit fon ar
336 MERCURE
mée en bataille , & fitfa difpofi
tion , qui eftoit de refter fur la
hauteur de Walheim bordée de
toute fon artillerie , & de laiffer.
paffer aux ennemis le ruiffeau ; de
leur abandonner le village , &
de les charger à mesure qu'ils fo
formeroient.
On refta dans cette fituation
jufqu'à minuit , qu'on feut au
vray que 2000. chevaux efloient
venusjufqu'à Tourine les Ordons ,
pour couvrir la marche des ennemis
, qu'ils firent de Meldert
Hougarde fur Genape ; ils pafferent
la Dyle fur divers Ponts
qu'ils avoient à Raure & au
deffus
GALANT 337
deffus de Florival . Ils ont paffé,
la nuit derniere en bataille , &
ce n'eft que ce matin qu'ils ont
affis leur Camp , dont la gauche
ne paffe pas Genape.
Sur cette nouvelle on décampa
de Gemblours à la pointe du jour
on marcha fur fept colonnes.
Nous paflames par Blancmont ,
Gemptines , Villers - Peruis , Liberchies
, Ubay , & vinsmes.
camper la gauche au ruiſſeau de
Senef & la droite à Capelle &
à Harlemontfur le Pieton . Demain
nous irons au grand Roeulx
Sou à Cambron .
Cette Lettre s'explique fi
Aoust 1707... Ff
338 MERCURE
clairement , & fait fi bien voir
l'attention de M' de Vendôme,
fur tout ce qui peut regarder un
parfait General , que n'y pou
vant rien ajoûter , je paſſe à la
Lettre fuivante qui vous fera
voir la marche de noftre Ar
mée pendant trois jours pour
empêcher les Ennemis de ſe
faifir du Camp de Cambron ,
ou de Chièvres , que nous loc
cupons prefentement , & dont
ils vouloient s'emparer , man
quant depuis long - temps de
toutes chofes dans leur Camp
de Meldert & d'Hougarde
. On
voit auffi dans la même Lettres
GALANT 339
la maniere dont les Ennemis
ont échoué dans le deffein qu'ils
avoient d'attaquer l'arriere gar
dede l'Armée de M' de Vendôr
me , & la perte qu'ils ont faite
en cette occafion. Le Duc de
Marlborough ayant efté forr
blâme de toute la manoeuvre
qu'il a faite dans fes marches ,
& voulant que les Gazettes de
Hollande en parlaffent d'une
maniere qui poft obfcurcir la
verité , & luy donner quelque
gloire lorfqu'il ne meritoit que
du blâme , eur foin de dicter
une Relation de cette marche
àfon Secretaire afin qu'on
i
Ffij
340 MERCURE
Pemployaſt dans ces Gazettes.
C'eftun fait dont plufieurs Ler-
-tres font foy ; mais quoy que
ace Duc ait pu dire , il fuffit qu'il
ait manqué le Camp de Cambron
pour faire voir que fon
décampement ne luy a pas efté
zavantageux. Je ferois trop long
fi je voulois vous faire un détail
de tout ce qui s'eft paffe
dans la marche des Armées jufques
aux Camps que les deux
Armées occupent prefentement.
Vous y verriez les deffeins
du Duc de Marlborough
rompus prefque à chaque pas ,
par la penetration de M₁ de
GALANT: 6341
5 .
Vendôme , & par fon activité
à faire marcher fubitement les
Troupes pendant le plus mauvais
temps du monde dans tous
les lieux où il eftoit neceffaire
qu'elles allaffent pour barrer
la marche du General Anglois.
Je palle à la Lettre dont je viens
de vous parler.
Au Camp de Chievre le 15 .
zhab 291 bra angla xud coup
Le 12. à midy les ennemis firent
un détachement de tous les
Grenadiers de leur Armée , dequel
ques Bataillons Anglois o d'un
Efcadran par Regiment de Casa-
Ff iij
342 MERCURE
lerie de Dragons. Ce Corps
marcha par les hauteurs , & vint
occuper le ruiff au de Senefle
défié d'Aquin , ainsi que celuy de
Feluy . On ne doute point que les
ennemis ne cherchaffent à nous
combattre , comme le Camp ou
nous estions n'eftoit pas propre à
faire mouvoir noftre Cavaleries
nous prîmes le parti de décamper à
l'entrée de la nuit. L'Armée mare
cha Mrd Albergorty fut char
gé de l'arriere- garde avec deux
Regimens de Dragons , & vingt
Compagnies de Grenadiers ; les
Brigades de Piémont og de Vens
dome, cent Gardes du Royy
GALANT 343
commandez par Mr de Bufca. A
une beure de jour on vint avertir
que l'arriere - garde alloit eftre attaquée.
Mr l'Electeur & Mr de
Vendôme y accoururent à toutes
jambes , trouverent en effet que
tout le Corps de Troupes ennemies ,
commandé par Mr le Prince d'Auvergne
, fuivoit Mr d'Albergor
ty depuis le point du jour à la demi-
portée du fufil. Elles firent plu
fieurs tentatives pour
fans ofer l'entreprendre. Cependant
comme on croyoit que c'eftoit toute
l'Armée ennemie , on mit la noftre
en bataille dans uue belle plaine
mais les ennemis s'en retournerent
Pentamer
344 MERCURE
fans rien tenter , aprés avoir perdu
quelques Officiers & plufieursSoldats
& Cavaliers. Nous n'en
avon's eu qu'un de tué &deux de
bleffez. Cette retraite a efté parfaitement
bienfaite. Mrd Albergotty
& Mrs Le Chevalier de
Luxembourg Le Comte de
Coignies , le Chevalier Bavin,
Mrs les Comtes de la Marck ,
de Sillygirard & le Chevalier
d' Albergoty, Brigadiers , ainfi
que
Mr de Brillac commandant
les Grenadiers , ont tres - bien fait
en cette occafion . Mr de Birons'y
étoit d'abord porté avec des Troupes
qu'il avoit tres-bien difpofées.
GALANT 345
2
Le même jour l'Armée vint camper
à Saint Denis , & hier elle
vint occuper ce Camp , fans queles
ennemis ayent donné la moindre inquietude.
Pendant ces trois jours
la pluye n'a point ceffé. Famais
Armée n'a paru de meilleure volonté
que celle - cy. Les Ennemis
font campez dans la Plaine de
Montigny- lez- Lens . Leur gauche
eft à Soignies , à une grande
demi lieue de noftre droite ; leur
droite eft à Louvignies . La petite
riviere de Cambron eft entre eux
&nous , & nous en avons affuré
tous les paffages par de petits retranehemens
. Ils nous menacent de
a
346 MERCURE
م ی و ب
venir camper furfes bords , dejet
ter des Ponts de venir ànous ?
nous les attendons , perfuade
néanmoins que leurs menaces n'au
ront point d'effet. Leurs Gardes
avancées & les nostres fe voyent I
& elles ne font éloignées les unes
des autres que d'un demi - quart det
lieve.
·
M' de Vendôme , toûjours
appliqué à la confervation do
l'Armée qu'il commande é &
rêvant toûjours aux moyens
de triompher un jour de com
bat , a cru devoir faire des
changemens confiderables taub
campement dont vous venez?
GADANT 347
de voir la fituation , & pour
cet effet il a fait reculer le Camp
denviron 400. pas , afin d'a
voir devant luy un plus beau
terrain pour marcher aux
Ennemis en cas d'affaire . Sa
droite eft prefentement
appuite
fur l'Etang , entre Lens &
Tubize . Ily a deux Regimens
d'Infanterie & deux de Dragons
cas Cambron l'Abbaye ;
un à Bragelettes ; deux à Atbre
; un à Horimel ; un à Tou
rette , & deux à Beauffe ; de
maniere que tous les environs
de fon Camp ne peuvent être
furpris .
348 MERCURE
Aprés vous avoir fait part de
plufieurs Extraits de Lettres de
l'Armée de M de Vendôme, je
dois vous en envoyer un d'une
Lettre d'un Bourgeois de la
Haye,qui écrit confidemment
à un de fes amis , & qui luy
mande ce qui fuit .
Par le Courrier de Flandres
qui arriva le 17. on s'eft bientoft
aperceu qu'on avoit trop prematurement
jugé de la pretenduë
retraite des Ennemis , puifqu'il
a affuré que leur armée avoit
campé la nuit du 13. all 14.
fur la Bruyere de Cafteau d'où
elle partit hier au matin à la
pointe
GALANT 349
pointe du jour pour s'emparer du
Camp de Cambron . Ainfi fa
marche n'a efté precipitée que pour
gagner une marche fur nous . Ce
Courrier dit auffi qu'il a veu nôtre
armée arrivant à Soignies ,
celuy qui vient d'en arriver
-confirme que celle des deux Couronnes
eft effectivement à Cambron.
On fait icy tout ce qu'on
peut pourdonner une belle face au
-vilain tour que Mr l'Electeur &
Mr de Vendôme viennent de jouer
à Mylord Duc , qui pour ne pas
avoir fait de dépense en Efpions ,
n'a pas feeu que leur armée paffoir
fi proche de la fienne pour aller fe
Aouft 1707 . Gg
3
350 MERCURE
pofter dans le Camp qu'il vouloir
occuper. Les Gens du mêtier prévoient
qu'il ne pourra pas reſter
long- temps à Soignies , & qu'a
wec tous fes airs de livrer bataille
, il fera encore une fois obligé
de reculer vers Bruxelles , à moins
qu'il ne veuille riſquer de voir fes
convois coupez, & peut- eftre la
perte de cette Capitale.
Je dois ajouter à cet Extrait ,
celuy que vous allez lire ; il eft
tiré d'une Lettre d'un Officier
de l'armée du Duc de Marlborough
, & il fait voir combien
l'armée des Alliez a fouffert
GALANT 351
*
dans les marches qu'elle a faites
.
Il n'y a rien de nouveau des
armées ; celle des Ennemis fe retranche
à Cambron , & la noſtre
iiccyy. La marche . La marche que nous
A
encore
filmes Dimanche pour y venir de
Nivelle , a efté des plus rudes à
caufe des mauvais chemins . Ce
que nos Troupes ont souffert n'eſt
pas croyable , fur tout l'Infanterie
, les Soldats ayant eu de la
bonë' juſqu'aux genoux , & les
Chevaux jufqu'aux fangles, de
forte qu'il en a peri un grand
nombre fur lå route. E'artillerie
n'a pu nous joindre qu'hier du
Ggij
352 MBROLIR E
foir; en un mot le mauvais temps
nous fait beaucoup de tort. On
dit toujours que Mylord Duc eft
refolu d'attaquer l'Ennemy en
quelque endroit qu'il puiße eſtre ;
c'est ce que le temps nous aprendra .
slurder
Le Duc de Marlborough fe
donnant toûjours des mouve
mens comme s'il vouloit en-
33gager un combat , & en parlant
trop fouvent & trop ou
vertement pour faire croire
qu'il en a veritablement le defa
fein , toute la manoeuvre &
é toutes les paroles donnant lieu
faux Generaux qui ont affaire
GALANT 353
à luy d'eftre toûjours fur leurs
gardes , & M de Vendôme apprenant
tous les jours
tout ce
qui fe dit dans fon Camp , cruc
fur ce qu'il en avoit apris le
21. devoir faire les difpofitions
que vous trouverez dans la
Lettre fuivante . G
Au Camp de Chievres le
-22. Aouſt à onze heures &
demie du foir.
At Mr de Vendôme vient de don-
Bner ordre
que
les gro
gros Equipages
de l'armée foient demain 23 .
la pointe du jour à Beauffe ; c'est
Gg iij
354 MERCURE
encore en
un Village à 4. lieues demie
&
d'icy qui eft dans la fecondo ligne,
ils devoient trouver as
ce Village une EEscorte pour les
conduire , mais on ne fait pas
quel lieu ; peut- eftre fes
ra-ce à Mons , cela fur da
nouvelle qu'on vient d'apprendre
les Ennemis ont levé le Camp
ce foir & qu'ils marchent du cô- l
té de Leffines. Le bruit eft qu'ils M
viennent à nous, que nous les is के
verrons demain deprés. Toute l'amist
mée , malgré l'embarras des Equis up
pages s'en rejouit , & jefuis per 10
fuadé que Mr de Vendôme ferais's
de bon coeur la moitié du chemin 251
que
HEALANT 353
Noftre Camp eft comme une Citadelle
, tous les quais , les ponts ,
les moulins de noftre droite font &
retranchez & gardez. Le deffein
des Ennemis eft apparemment de
venir par noftre gauche , où ils
ferent bien receus.
$ 93-61
La fuite a fait voir que tous
les mouvemens du Duc de
Marlborough n'ont abouti à
rien , & qu'il veut feulement
faire croire à toute l'Europe
qu'il cherche à engager
combat , quoyque fon armées- ¶
n'ait pornt pour en donner
les empreffemens qu'on luy a
un
356 MERCURE
3u8
veu les années precedentes , &
que la difette de fourage at
caufé une grande mortalité
parmy fa cavaleric.2011 291
Mr de Legal ayant efté détaché
pour prendre Monçon,
a reduit cette place fous lobéiffance
de Philippe V. & la
Garnifon fe rendit à difcretion
le 8. de ce mois . Il y avoit
dans la place 300. Anglois ou
Hollandois & so. Efpagnols
du Regiment d'Aragon levé
pour l'Archiduc pendant la revolte
; on y a trouvé quatre
pieces d'artillerie & quelques
20
munitions.
RGALANT 357
Le Regiment des Afturies
qui eft à Balbaftro , a pris quelques
Miquelets , & a obligé
les autres à fe retirer dans les
montagnes.
Mr le Duc d'Orleans a établi
fon Quartier general à Balaguer
, diftant de lieuës
de Lerida , à caufe de la commodité
des fourages.
Sie
on
fit
Le 2. de ce mois
› partir de Bayone , 12. pieces
de gros canon qui ont efté conduites
à l'armée qui doit faire
le fiege de Lerida , S. A. R.
attend impatiemment que,
chaleurs foient paffées pour
les
358 MERCURE
commencer ce fiege . Toutes
les Troupes qui font fous lo
commandement
de ce Prince
font charmées de fes manieres
, & il tient tous les jours
des tables pour plus de quatre
cens Officiers .
Vous trouverez la fuite desa
affaires d'Alemagne dans la
Lettre que vous allez lire , que
je vous envoye de la maniere
qu'elle eft venue du Camp de
Mr le Maréchal de Villars.
Vous connoiſtrez par cette Legs
tre que ce Maréchal n'eft pas
moins aimé en Alemagne qu'il
y eft craint , & qu'il ſe fait en
CALANT
359
ce Pais- là des
combats de civilité
&
d'amitié ,
auffi
bicn
que de
guerre.
Au
Camp de
Gotzau le 21.
1
Nous
avons
appris
par des
prifonniers
des
deferteurs
que
la
canonnade
avoit
coufté
cher
aux
Ennemis
& la
pluspart
nous
affurent
qu'ils y ont
perdu
200.
hommes. prés de
,
Mr le
Prince de
Hohenzolern
Maréchal de
Camp
general de
Empereur,qui eft des
intimes
amis
de
Mr le
Maréchal
de
Villars
lay
ayant
mandé
que s'il
vouloir
360 MERCURE
2
Tuy donner une heure entre les
Gardes , il feroit ravi de l'embraffer.
Mr le Maréchal de Villars
s'y rendit hier à 11. heures
du matin , aprés luy avoir envoyé
un Surtout chargé de vins '
de France, La plus part des Generaux
des deux armées fe trouverent
à ce rendez - vous , & tout
fe paffa en amitiez & civilitez.
Me la Princeffe de Dourlach
ayant prie Mr le Maréchal de
Villars
que le Prince fon fils puft
la venir voir dans la Ville dé
Dourlach , ce Maréchal y con
fentit. Les Ennemis receurent a
vant- hier un renfort de 9. Efea-.
drons
GALANT 361
"
drons deux Bataillons . Nos
poftes font toujours à la demie
portée du moufquet , & les armées
dans la mme fituation.
- Mr le M. de Vivans arrive
avec beaucoup d'argent tiré des
contributions , des oftages de
plufieurs Etats.
D'autres Lettres écrites du
même Camp , par ceux qui
eftoient du détachement de M
de Vivans , parlent des fommes
qu'ils ont tirées des Païs
dont ils viennent , d'une maniere
qui donne lieu de croire
que ces fommes font tresgrandes
, & que l'argent que
Aouſt 1707 . Hh
362 MERCURE
l'on en attend encore doit être
fort confiderable.
Les Lettres du 23. portent
que Mr le Maréchal
de Villars
eftoit encore dans le même
Camp de Gotzau ,
Je reçois en ce moment la
Lettre fuivante , qui vous paroiftra
fort curieufe , & qui
vous fera voir que la Fortune
feconde en tout , les deffeins
de Mr le Maréchal de Villars.
Au Camp de Graben , le 25 .
Aouft 1707 .
Mr le M. de Vivans revient
avec des oftages de tous les pays
GALANT 363
qui font entre Danube , le Lac de
Conftance , les Montagnes du Tirol
& l'Ilber , & beaucoup d'argent.
Huit cens hommes , des garnifons
de Fribourg & des autres
petites Villes ,
ont dans les Montagnes
, ont
voulu fermer fa retraite , & ils
avoient déja attaqué les Bagages
qui avoient l'avant-garde , &
pris cinq mulets qui portoient la
vaiffelle d'argent de Mr de Vivans.
Il attaqua les ennemis , reprit
les malets & la vaiſſelle d'argent
, tua plus de 80. hommes fur
Taplace , & prit un de leurs Capitaines
avec plufieurs Soldats . Mr
que les Ennemis
Hhij
364 MERCURE
le Duc de Wirtemberg avoit mare
ché avanthier avec deux mille
chevaux pour aller chercher Mr
le M. de Vivans , qui eft anjourd'huy
à quatre lisüeș de Raftadt
, aprés avoir remis les oftages
l'argent qu'il rapporte au Fort-
Louis. Nousfommes toujours dans
nos mêmes Poftes , & nos gardes
font à lademi portée du moufquer.
Mr de Chaftillon , Capitaine
des Grenadiers de Champagne ,
fur bleffe hier au foir d'un coup
de fufil dans l'épaule. Les ennemis
fouffrent , manquant de pain
de fourages. Mr le Maréchal
de Villars fait deſcendre fon pain
GALANT 365
a
& les avoines , par le Rhin à une
lieue de fon Camp ; fans cette commodité
, il n'euft pú refter dans ce
Camp , les chemins eſtant presque
impraticables , à caufe des pluyes
continuelles .
Vous
ava
ayant dit peu de
chofe de l'affaire de Toulon
à la fin de ma Lettre du
mois dernier , je devrois , fuivant
l'ufage que j'ay toûjours
obfervé lorsqu'il s'eft agi d'une
affaire d'une auffi groffe confequence
, & qui a fait confommer
plus de poudre que n'auroit
fait le plus grand Siege ,
Hhij
356 MERCURE
quand il auroit duré plus de fix
mois . J. devrois , dis je vous
envoyer aujourd'huy un Jour
nal de tout ce qui s'elt palle en
Provence depuis un mois ; mais
vous jugez bien qu'il eft moralement
impoffible que cela fe
puiffe faire , & que ce Journal
devroit feul eftre auffi gros
que ma Lettre entiere , & que
je n'ay pas eu le temps d'yara
vailler , les grands évenemens
ayant efté precipitez , & eftant
prefque arrivez coup fur coup.
D'ailleurs ; je pourrois vous
mander quantité de faits qui
ne fe trouveroient pas veritaGALANT
367
bles , & dont il me faut beau
coup de temps pour éclaircir
la verité. J'ay prés de cent Lettres
venues de preſque toutes
les Villes de Provence , dont
plufieurs fe contredifent en
parlant differemment , & fur
des oui dire , de tout ce qui s'eft
paffé à Toulon. Ainfi il faut
que je travaille beaucoup pour
démefler la verité de toutes
chofes , & que je me regle
fur des Relations écrites de
Toulon même. J'efpere que
j'en recevray forfque nos Guerriers
, aprés avoir reconduit Mr
de Savoye , goûteront un re
368 MERCURE
pos plus tranquile que celuy
dont ils ont joui depuis fix femaines
; fi
; fi pourtant on peut
dire qu'ils ayent eu quelques
momens de repos . Je travail .
leray done fur leurs Memoi
res & fur ceux que j'ay déja ,
& je vous envoyeray un Vo
lume entier qui contiendra un
Journal de tout ce qui s'eft paffé
depuis l'entrée de Mr de Sa
voye en Provence , jufqu'à fa
fortie. Je ne puis vous dire dans ·
quel temps vous le pourrez recevoir
, & fi je ne vous l'envoye
pas dans un mois , vous ·
fçaurez lorfque je vous envoyeGALANY
369
ray ma Lettre au commencement
du mois d'Octobre
dans quel temps vous pourrez
le recevoir . Une pareille Rela
tion ne doit pas eftre regardée
comme des Nouvelles Journal
lieres , dont la nouveauté fait
prefque tout le prix , mais
comme un beau morceau d'hiftoire
, qui doit eſtre bon en
tout temps , & qui doit eftre
conſervé à la poſterité pour la
gloire de la France , & pour
celle des Braves , qui en fauvant
Toulon , ont empêché
que la guerre ne paffaft dans
une grande partie de la France ,
370 MERCURE
& les familles de ces Braves ,
devront garder ce curieux morceau
d'Hiftoire , pour le faire
voir à leurs defcendans . Ce
pendant , pour ne pas vous laiffer
aujourd huy fans nouvelles
de Toulon , je vais vous
faire un détail le plus exact
qu'il me fera poffible , de tout
ce qui s'eft paffé depuis la deffaite
des ennemis à la hauteur
de Sainte Catherine , & le renverfement
de leurs paralelles ,
jufques aprés le départ de Mr
de Savoye , que je tâcheray de
conduire dans cet article , le
plus loin qu'il me fera poffible.
$
GALANY 370
Aprés les avantages rem
portez par nos Troupes en divers
endroits , fur celles des
ennemis , & qu'il eutparu pendant
quelque temps qu'ils ne
devoient plus fonger qu'à fe re
tirer , ils remporterent à leur
tour des avantages affez confiderables
pour donner de l'inquietude
à nos Generaux , &
pour leur faire croire que l'affaire
traîneroit en longueur , &
qu'ils ne pourroient empêcher
que Toulon ne fut bombar
dé , comme il l'a efté en effet.
Les Ennemis fe rendirent maîtres
du Fort de Sainte Margue372
MERCURE
น
te, & de celuy des Vignettes
appellé auffi Fort de S. Louis ,
& ils reçurent du canon dont
ils firent plufieurs Batteries ,
fans qu'on puft s'en appercevoir
, & qu'ils demafquerent
quelque temps aprés . Je dois
ajoûter icy que la garnifon du
Fort de Sainte Marguerite fut
obligée de fe rendre le 17 parce
qu'elle manquoit d'eau , la
Cifterne s'eftant crevée par l'étonnement
du canon .
Quant à ce qui regarde le
Fort de Saint Louis , il fut abandonné
le 18. à dix heures du
foir. Les ennemis le battoient
depuis
GALANT 373
$
depuis le 8. avec dix pieces de
canon . Mr Dillon , Capitaine
de Grenadiers dans le Rcgiment
de Vexin , s'eft acquis
-beaucoup de gloire dans la deffenfe
de ce Fort. Il y avoit trois
jours que Mr le Maréchal de
Teffé luy avoit donné ordre de
fe retirer avec fa garnifon ; ce
qu'il ne fit qu'après avoir foû-
- tenu trois affauts , dans lefquels
les ennemis ont perdu beaucoup
de monde.
Comme ils pouvoient de ce
Fort , jetter des Bombes dans
Toulon , qu'ils y en jettoient
de plufieurs autres endroits ,
Aoust 1707. Ii
374 MERCURE
ainfi que de quatre Galliottes à
Bombes qu'ils avoient poſtées
fous ce Fort , & que leur canon
labouroit plufieurs rues de la
Ville . Comme les ennemis, disje
, avoient tous ces avantages
, il paroiffoit qu'ils eſtoient
fort éloignez de lever le fiege
précipitamment qu'ils auffi
l'ont fait ; cependant ils l'ont
levé fort à propos & fort prudemment
, & en voicy les raifons
. Une Bombe tombée dans
le Fort de Saint Louis , fut caufe
qu'ils ne jouirent pas longtemps
de l'avantage que la prife
de ce Fort leur donnoit d'en
GALANT
375
jetter dans Toulon ; le vent
forcé de Nord- Ouest , qui regnoit
depuis quinze jours , leur
empêchoit de recevoir des vivres
, & la famine leur faifoit
perir beaucoup de monde , &
augmentoit la defertion ; les
Generaux apprenoient tous les
jours que les Troupes qui marchoient
de tous coftez , & avec
lefquelles on avoit deffein d'attaquer
leur Camp par plufieurs
endroits , eftoient fur le point
d'arriver , & qu'enfin Meffeigneurs
les Princes devoient venir
en Provence , & que toute
la Province avoit refolu de fe
1
Ii ij
376 MERCURE
ཝཱ
mettre en armes à leur arrivée ,
chacun ayant refolu de facrifier
fa vie & fes biens pour empêcher
que les Alliez puflent.
regagner le Piémont , & pour
leur en fermer le paffage . Toutes
ces chofes , jointes à ce que,
les Bombes faifoient peu d'effet
dans Toulon , que les Magafins
n'en pouvoient eftre endommagez
à caufe de l'épaiffeur
de leur voute ; que toute
la Ville eftoit dépayée ; qu'il y
avoit de l'eau prête dans tous
les quartiers pour éteindre le
feu , & qu'enfin Toulon n'étoit
pas une Ville que l'on puft
GALANT 377
>
prendre avec des Bombes.
Toutes ces chofes , dis je, bien
examinées , firent prendre aux
Alliez la refolution de fe retirer
, & il leur fut impoffible
d'empêcher qu'on ne les foupçonnaft
d'avoir ce deffein
puifque dés le 20. ils furent
obligez de travailler à l'execution
de leur projet , ' ce qu'ils ne
purent faire fans ceffer de tirer
& de jetter des Bombes dés le
20. & fans laiffer appercevoir
par les mouvemens qu'ils faifoient
dans leur Camp , qu'ils
eftoient fur le point de fe re-
Ii iij
378 MERCURE
tirer. Ils firent embarquer en
viron 4000 , malades ou bleffez
, qui auront beaucoup fouffert
, & dont plufieurs auront
péri , l'infection eſtant déja ſi
grande dans leur Flote , que depuis
long tems ils jettoient tous
les jours beaucoup de morts à
la mer. Enfin ils décamperent
Ja nuit du 21. au 22. de ce
mois , & Mr le Maréchal de
Teffé envoya auffi toft au Roy,
Mr le Comte de Teffe fon fils
pour luy en porter la nouvelle ,
lequel a dirà Sa Majesté que le
nombre des Deferteurs de l'Armée
des Alliez , alloit au de- là
•
GALANT 379
de dix mille , & comme le feu
du canon en a tué une infinité ,
fans ce que l'exceffive chaleur
en a emporté dans le trajet ,
auffi bien que les maladies furvenues
naturellement & celles
qui ont efté caufées par la difette
de vivres on compte
qu'il ne rentrera tout au plus
en Italie que le tiers des Troupes
qui en font forties ; car il
y a lieu de croire qu'ils en perdront
beaucoup pendant leur
retraite. M le Comte de Teffé
ayant rendu fes Lettres , &
ayant fait raport de tout ce qu'il
çavoit Sa Majesté luy dit ,
380 MERCURE
que Mr le Maréchal fon pere
avoit rendu un des plus grands
Services qu'un Sujet ait jamais
rendus à fon Roy& à l'Etat.
Par des Lettres
poſterieures
à celles qui ont
rapporté les
nouvelles
precedentes , on a
appris que M le Maréchal de
Teffé avoit couché dans le
Camp de M' de Savoye le
jour mefine du départ de ce
Duc ; que ce Maréchal avoit
détaché 4000. Grenadiers qui
marchoient devant luy avec
autant de diligence , que d'impatience
de joindre Mr de Sa
GALANT 381
voye , & qu'il les fuivoit avec
toute l'armée.
Mr de Medavy marche d'un
cofté , & Mr le Chevalier de
Mianes de l'autre avec douze
mille Payfans , ainfi que je
vous l'ay déja dit. Je dois a
jouter que la plufpart de ces
Payfans font de tres - bons tireurs.
Le Roy aprés avoir appris
ces nouvelles , & tous les
ordres que Mr. le Maréchal de
Teffé avoit donnez pour faire
marcher les Troupes en divers
endroits , dit à Mr le Comte
de Teffé , voſtre Pere fait toujours
de mieux en mieux . Mr de
382 MERCURE
Savoye marche avec tant de vi
vacité , qu'il a fait en 2. jours ce
qu'il n'avoit fait qu'en s . pour
fe rendre devant Toulon. Ce
Prince a laiffé en partant une
partie de fes Tentes toutes
tenduës , afin de mieux cacher
fa retraite. Il a auffi laiffé partie
des Equipages les plus difficiles
à emporter lors que l'on
fait une marche precipitée ; 13 .
pieces de canon , quelques mor
tiers , & quantité de poudre.
La flotte a embarqué 3000 .
hommes de Troupes , dont en
cas de befoin, on doit débar
quer une partie , pour favori
GALANT 383
I
fer à Mr de Savoye le paffage
du Var. Mr de
Montgeorge
s'eft jetté dans Antibes avec .
quelques Bataillons & un grand
nombre de Payfans. Le Roy
avoit envoyé à Mr le Maréchal
de Teffé & à Mr de Vauvray
des ordres conditionnels
pour envoyer aux Troupes qui
marchoient pour entrer en
Provence , en cas que les Ennemis
levaffent le fiege de Toulon
, & ces Troupes ont appris
par ces ordres de quel côté
elles on dû diriger leur marche.
Je crois devoir ajouter icy
384 MERCURE
I'Extrait d'une Lettre de Tou
lon du 23. Il éclaircira quelques
faits que vous venez de
lire , & qui font moins clairement
& moins amplement expliquez.
Aprés avoir abandonné le Fort
S. Louis le 19. Le 20. les
Ennemis cefferent de bombarder
par terre à dix heures du foir.
Le 21. du grand matin , il parut
deux Galiottes , & le même matin
fur les dix heures , il en parut
quatre qui ont bombardé jusqu'au
lendemain matin s . heures. Le
même jour les Ennemis eftant
encore dans le fort Louis , nous
leur
GALANT 385
canon
leur tirâmes de la grande Tour ,
une Bombe qui fit tant d'effet ,
que plufieurs perfonnes furent enterrées
dans les ruines de ce Fort ,
ce qui les obligea de l'abandonner ,
ils y laifferent deux pieces de
avec lesquelles , dés que
nous fumes rentrez dans ce Fort ,
nous tirames fur les Galiottes ,
ce qui les obligea de fe retirer fort
loin. Pendant ce temps là , on
travailloit à une batterie de 14.
pieces fur la montagne proche de
la grande Tour. Dés que
les 4 .
premieres pieces de cette batterie
furent en état , on tira fur les
Ennemis , ce qui acheva de les
Aoult
1707 .
Kk
386 MERCURE
faire retirer, jugeant bien qu'ils
feroient fort incommodez des autres
pieces que l'on achevoit de
placer , auffi bien que de quelques
mortiers.
M' D. S. O. ayant trouvé le
mot de l'Enigme du mois paffé
en a envoyé l'explication fuivante.
Je rêve la Nuit & lefour
Aufens myfterieux de la nouvelle
Enigme
C'eftfon obfcurité qui m'excite &
m'anime
A vouloir le mettre enfon jour ;
Mais le voicy découvert ,je m'af-
Sure
GALANT 387
La Lune & le Soleil ont part à ce
retour
Ces deux enfans du tempsformez
par
la
nature ,
Pour nous éclairer tour à tour
En font , je croy , l'explication
pure,
C'est la Nuit & le four.
Le veritable fens de cette
Enigme a auffi efté trouvé par
Ml'Abbé Robert , de Sezanne
en Brie ; Bigot ; Dubois ; David
; du Saux ; François J. &fon
Amy Tenot , le Voyageur malheureux
; le Voifin du Dieu des
Eaux ; l'Avocat de la Paix de la
ruë S. Louis ; Ed . N. M. de S.
Kk ij
388 MERCURE
Florentin . Miles du Ganeau
d'Impré ; la Valette ; d'Enneville
; la Solitaire de la rue aux
Féves ; la Soeur genereule de la
rue Saint Antoine ; la plus jeune
des belles Dames de la ruë
des Bernardins ; la trop fidelle
Amante , & la belle Angevine.
Le nombre des Devineurs
auroit efté plus grand , fi plufieurs
n'avoient crû que l'Enigme
devoit eftre expliquée für
le Soleil & la Lune. Voicy une
Enigme nouvelle .
"
ENIGM E.
Quoyquepar tout je porte & l'horreur
l'effroy,
GALANT 389
L'on nepeutfe pafferde moy.
Je n'ay qu'un ennemy que je crains
fur la terre
;
Qui me fait en tout temps une
cruelle guerre ;
Lequel eft tellement le maistre de
mon fort ,
Que dés que je le fens il me caufe
la mort.
Les dernieres nouvelles , qui
font du 25. font que l'on n'avoit
encore pû atteindre ce jour là ,
l'arriere garde de l'armée de Mr
de Savove ; & que cette arriere
garde eftoit fort groffe ; qu'elle
eftoit compolée des meilleures
troupes de cette armée &
qu'elle efloit commandée par
Mr le Prince Eugene. **
>
Kk iij
390 MERCURE
Comme je n'ay point encore
de détail de la derniere expedi
tion de Mr le Chevalier de Forbin
, je remets au mois prochain
à vous en parler Jefuis , Mada
me , voftre & c .
,
A Pars ce 31. Aouft 1707.
AVIS
IMPORTANT
.
Ceux qui voudront
envoyer
des Memoires
, & mefme des
Journaux
de marches
de Mr
de Savove
à commencer
du
jour qu'il est entré en Provence
,
jufqu'au
jour qu'il eft rentré
dans fes Etats , doivent
les en-
Voyer inceffament
chez le Sr
Brunet , Libraire
, à | Enſeigne
du Mercure
Galant dans la
Grande
Salle du Palais . Ceux
qui ne pourront
envoyer
des
Journau
entiers de fes marGALANT
391
ches pouront envoyer desar
ticles feparez de ce qu'ils fçavent
que les ennemis ont fait en
divers lieux , contre les loix de
la guerre , aprés avoir traité des
contributions & les avoir reçues;
ils doivent ajoûter les noms de
tous les Provençaux qui fe font
fignalez , & qui ont mis dans
leurs terres des Païfans fur pied;
& generalement tout ce qui eft
venu à leur connoiffance ; de ce
que le Clergé , la Nobleffe , &
le Tiers-Etat de Provence , ont
fait en cette occafion . On rece
vra auffi tout ce qui regardera le
Siege de Toulon , & des Jour
naux même de ce Siege , feparez
par jour & par nuit , & des Memoires
de tous les ouvrages qu'-
ona ajoûtez à la Place de tous
392 MERCURE
les lieux où eftoient les batteries
: de tous ceux qui les commandoient
, & du nombre de ca ·
nons qu'il y avoit dans la Place ,
afin que rien ne foit oublié dans
le volume que l'on doit donner
au Public;de tout ce qui regarde
le zele & la fidélité des Proven
çaux , & de tout ce que les troupes
du Roy ont fait , en fignalant
leur valeur & leur zele ; tous
ceux qui ont combatu pour
leur
Patric , & pour la gloire du Roy
& de l'Etat , doivent contribuer
à un ouvrage qui conſervera leur
nom à la pofterité , & qui doit
un jour faire plaifir à leurs def
cendans .
AUTRE AVI S.
On vendra le Mercure de Septembre
le 4. du mois d'Octobre.
DE
LA
TABLE.
P
Relude , dans lequel il eft parté
d'une nouvelle Hiftoire du Roy en
Italien , F
Detail exact & curieux de tour ce
qui s'eft paffé à la profesion de
Madame de Bourbon ,
Premier article des morts
11
42
Survivance de la Charge de Premier
Prefident de la Cour des Ai
des & de la Chambre des Comptes
de Montpellier , acordée à Mr de
Bon 89
Suitte des Vaiffeaux montez & def
cendus à Bordeaux & à Blaye ,
115
Mr de Riencourt nommé au Confulat
de
Ligourne ,
Dons faits par S. M. C.
119
122
Cure donnée par Mr le Cardinal
TABLE.
de Noailles ,
Mariages,
128
129
&
Ode de Mr l'Abbé de Villiers , 13
Replique à l'Auteur qui a écrit contre
l'Hiftoire de la Poëfie Françoife,
Fete de Rambouillet ,
Hemorragie finguliere
Second Article des morts ,
144
150
159
171
Addition à l'Article de la mort de
Madame de Montespan dont on
*190
a déja parlé,
Ouvrages de Mlle de la Guerre donnez
au Public , 193
Livre nouveau , touchant la gueri-
1.99
fon de la Goute ,
Extrait d'une Lettre du Port Royal,
écrite par Mr. de Subercaffe , 208
Traduction de l'Ode de Mr l' Abbé
Boutardfur la groffeffe de la Rein
ne d'Espagne , 230
TABLE.
Audiance donnée aux Députez de
Languedoc ,
Neufchaftel,
244
Hiftoire abregée des Comtes de
248
Memoire de ce qui s'eft paffé à Neufchaftel
depuis la mort de Madame
la Ducheffe de Nemours ,
Troifiéme article des morts ,
250
261
Benefices donnez par le Roy , 273
Affaires d'Allemagne ,
·Epithalame ,
285
321
Serment prêté par les nouveaux Echevins
entre les mains du Roy, 326
Carte nouvelle de Toulon 329
Affaires de Flandre , 331
Affaires d'Espagne , 356
Suitte des affaires d' Allemagne, 358
Levée du Siege de Toulon ,
Expedition de Mr le Chevalier de
365
Forbin ,
Avis important ,
389
390
DE
JBLIO
LYON
Avis pour placer les Figures.
L'Air qui commence par
Ceffez de meparler du Printemps ,
doit regarder la page 149 .
Celuy qui commence par
Eveillez comme moy , doit regarder
la page 198
Qualité de la reconnaissance optique de caractères