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-Zugya
BIBLIOTHÈQUE
SJ
60 - CHANTILLY
}
JERSE
dr
MERCURE
GALANT
DEDIE A MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN
JUILLET , 1705.35
A PARIS , A
Chez MICHEL BRUNET , Grande Salle de
Palais , au Mercure galant .
Com
Omme il eft impoffible dans la conjoncture
prefence de ne pas groffic
le Mercure, ce qui en augmente confiderablement
les frais , on ne peut fe difpenfer
d'en augmenter auffi le prix . Ainfi les
volumes qui feront reliez en veau fe vendront
dorefnavant trente-huit ſols , quant
aux volumes qui feront reliez en parche
min , on n'en payera que trente-cinq.
Les Relations le vendront autant que
les Mercures.
Chez MICHEL BRUNET , grande
Salle du Palais , au Mercure
Galant.
M DCC V.
Avec Privilege du Roy.
AU LECTEUR.
I Ly a lieu de croire qu'on
ne lit plus l'Avis qui a
efté mis depuis tant d'années
aucommencement de chaque
Volume au Mercure , puis
que malgre les prieres rèiterees
qu'on a faites d'écrire en
caracteres lifibles les Noms
propres quife trouvent dans
les Memoires qu'on envore
pour efre employez , on neglige
de le faire , ce qui eft
canfe qu'il y en a quantité
* AU LECTEUR:
de défigurez, eftant impoffible
de deviner le nom d'une Terre
, ou d'une Famille , s'il
n'eft bien écrit. On prie de
nouveau ceux qui en envoyent
d'y prendre garde ,
s'ils veulent que les noms
propres foient corrects. On
avertit encore qu'on neprend
aucun argent pour ces Memoires,
que l'on employera
tous les bonsOuvrages à leur
tour, pourvu qu'ils ne defobligent
perfonne , & que
ceux qui les envoyeront en
affranchissent le port.
5
MERCVRE
GALANT
JUILLET, 1705.
I
L faut avouer , Madame ,
que les peuples font bienheureux
, lorfqu'ils vivent
fous le régne d'un Monarque
qui fait fon unique application
du foin des affaires de fon Etat ,
A iij
6
MERCURE
qui voit tout par luy - même ,
qui entend tout , qui ordonne
de tout , qui ne prend que
repos neccffaire Te
pour ne
pas fuccomber fous le poids
des affaires , & qui même dans
le temps qu'il fe promene ,
qui eft prefque l'unique pendant
lequel il les
abandonne ,
ne laiffe pas d'y rêver ſouvent
pour le bien de fon Etat dont
il fait toute fon
occupation.
Quand la Fortune jalouſe du
bonheur & de la gloire d'un pareil
Monarque,lui fait éprouver
quelques cffets de fon inconftance
,fes peuples loin d'en deGALANT
7
voir eftre allarmez , doivent en
fe repofant fur les foins & fur
la parfaite intelligence qu'il a de
tout ce qui cft neceffaire pour
le rétabliffement de fes affaires ,
ſe tenir afſurez qu'il ſçaura punir
la Fortune , s'il m'cft permis
de parler ainfi , & briller
avec plus d'éclat qu'auparavant.
Il eft ncceffaire pour la
gloire des grands Hommes
qu'ils effuient quelquefois d'éclatantes
traverſes , fans quoy
toute l'étendue de leur merite ,
de leur gloire & de toutes les
grandes qualitez qui les rendent
recommendables , nc fe-
A iiij
8 MERCURE
Foit pas affez connuë ; & ainfi
en examinant bien toutes chofes
, il paroift que la Fortune
en cherchant à les accabler ,
ne fert qu'à faire paroître
dans un plus beau jour tout
l'éclat de leur gloire , & à la
faire connoiftre à toute la terre.
M' l'Abbé d'Entragues de
Malzerbe a eu la place d'Aumônier
du Roy , vacante par
la nomination de M ' l'Abbé
de Quelus à l'Evefché d'Auxerre
. Cet Abbé eft Docteur
de Sorbonne , & cut une Abbaïe
il y a quelques années . Il tra
GALANT
9
vaille il y a long-temps dans la
Paroiffe de Saint Sulpice , où
il est l'exemple du Clergé qui
compofe cette Eglife , par fon
affiduité aux Offices & aux fonctions
de fon Miniftere . Il eft
fils de feu M' le Marquis d'Entragues
, & de Dame N... de
Rieux foeur de feu M' le
Comte de Ricux & de feu M
le Marquis de Sourdheac. La
Maifon d'Entragues d'Iliers eft
d'une tres grande ancienneté ,
& elle fut fort illuftrée fous le
regne d'Henri IV. La maiſon
d'Iliers - d'Entragues eft diffe-
>
10 MERCURE
rente de la maiſond Entragues-
Cremeaux . M' l'Abbé ďEntragues
a deux freres ; M le
Marquis d'Entragues , qui a
long - temps porté les armes
pour le fervice du Roy, &M
Le Chevalier d'Entragues , qui
a efté fait Capitaine de Vaiffeau
à la derniere promotion . Il en
avoit encore deux autres , qui
font morts ; M le Marquis
d Iliers qui étoit l'aîné, mourut ,
aprés avoir fait plufieurs campagnes
pendant la derniere
guerre , & M ' le Chevalier d'Entragues
, qui fauta avec fon
Vaiffeau dans uncombat naval .
GALANT II
M" d'Entragues font proches
parents de M' le Maréchal de
Marfin ; & ils font auffi allicz
aux meilleures Maifons du
Roiaume. L'Hôtel d'Entragues
qui eft dans la rue de Tournon ,
a efté autrefois leur maifon
paternelle.
Le P. Binet , Cordelier , frere
de M Binet , Docteur de Sorbonne
& Curé de la Sainte Chapelle
Baffe , foûtint en Sorbonne
la premiere des Sorboniques
, qui doit cftre toûjours
foûtenue par un des Freres
Mineurs , le Vendredy 3. Juin ,
depuis fix heures du matin juf12
MERCURE
qu'à 7. heures du foir . LaThefe
dont la gravûre étoit belle, étoit
dédiée à M' le Cardinal de
Noailles , & aux autres Prelats
& Deputez de l'Affemblée ; ils y
eſtoient reprefentez d'une maniere
affez reffemblante. L'on
y voyoit la Juſtice , la Verité ,
& l'Eglife qui fouloient aux
pieds , l'Herefie , l'Impoſture, &
les autres Furies de l'Enfer . Le
titre de laThefe eftoit tiré du 1I
I
chap . de la Geneſe , Quem creavitDeus
adimaginemfuam. C'eſt
dans cet Acte que le Prieur
de Sorbonne doit faire une
harangue ; M' l'Abbé le Quin
GALANT
13
-
qui a Profeffé au College de
Bourgogne , & qui eft Prieur
cette année , en prononça une
tres éloquente. L'éloge du
Roy , de toute la Maiſon Royale,
& des Prelats de l'Affemblée ,
y entra d'une maniere tres-delicate
. La Harangue finie , le P.
Binet fit auffi la fienne , qui fut
auffi trouvée tres - belle.. M' le
Prieur de Sorbonne ouvrit enfuite
la Thefe , felon l'ufage ,
par trois difficultez differentes ,
qui furent foûtenues & deffendues
avec une égale force. M's
de l'Affemblée du Clergé y
vinrent en Corps, de même que
IS
14 MERCURE
M' le Cardinal d'Eftrées , & les
autres Prelats qui fe trouvérent
à Paris ; & M' le Nonce y arriva
dans le même temps. La Compagnie
fut d'ailleurs tres- nombrcufe
& tres belle. Le merite
&la réputation du Soûtenant ,
jointes à l'éclat de ceux à qui la
Thefe eftoit dédiée y avoit attiré
le grand concours dont
je viens de parler. Le Soûtenant
répondit avec une grande
prefence d'efprit à toutes les
queftions qui luy furent propofées
; on admira en luy unc
profonde érudition , ſoû cnuë
d'une grande éloquence , puifGALANT
15
qu'il parut dans cette action publique
également Orateur &
Theologien. L'Acte ne finit ,
comme j'ay déja dit , qu'à ſept
heures du foir aprés avoir duré
prés de treize heures.
Le Pere Binet dédia l'année
derniere une Theſe à M' le
Maréchal Duc de Boufflers , qui
fut auffi parfaitement belle ;
ce Maréchal y affifta avec une
nombreuſe Compagnie. Comme
ce Religieux eft de la Ville
de Beauvais , il eftoit affez naturel
qu'il dédiaft la Theſe dont je
viens de parler à M' le Maréchal
de Boufflers, qui eft de la Provin
ce de Picardie , & dont la Mai16
MERCURE
fon y tient un rang confiderable
depuis plufieurs fiecles . Le
Pere Binet parle avec beaucoup
de facilité , & on peut affurer
que la Langue latine n'a point
de beautez cachées pour luy ;
il la parle avec une grace qui
releve beaucoup tout ce qu'il
dit. Tous les Prelats de l'AL
femblée luy firent honneſteté ,
en s'en allant , fur le fuccés de
l'Acte qu'il venoit de foûtenir ;
de maniere qu'il eut lieu d'eftre
fatisfait de tout ce qui fe paffa
dans cette action.
Le Pere le Camus , l'un des
Profeffeurs de Rhétorique du
GALANT 17
College de Louis le Grand, prononça
un difcours à la loüange
des Prelats qui compofent l'affemblée
du Clergé, dans l'Eglife
du College , le famedy
27 Juin . Tous les Prelats de
l'Affemblée qui y avoient eſté
invitez s'y rendirent , au fortir
de chez M le Cardinal de
Noailles qui leur avoit donné à
dîner ce jour -là . Lé difcours de
ce Pere reçût de grands applaudiffemens
; L'élocution de l'Orateur,
l'abondance des penfées ,
la belle latinité , & la maniere
aifée & naturelle à ce Profeffeur
avec laquelle il s'énonça , furent
Fuiller 1705.
B
18 MERCURE
également adimirées . Le Pere le
Camus fit voir dans la premiere
partie , que le Clergé eft la plus
noble partie de l Etat , & que
celuy de France eft le plus noble:
de tous les Clergez . Cette divifon
eftoit auffi belle que naturelle
; & on peut dire que le plan
qu'elle renfermoit fut parfaitement
bien executé . L'éloge du
Roy fut delicatement touché ;
le défintereffement de ce Prince
dans le don gratuit que L'AL
femblée du Clergé luy a offert ,
& qu'il a bien voulu reduire à
une moindre fomme que celle
qu'on avoit refolu de luy don
GALANT 19
ner, fut mife dans un beau jour.
Outre les Evêques qui affiſterent
à cette action , il y cut plufieurs
perfonnes d'une grande
diftinction ; & il feroit difficile
de voir ailleurs une plus grande
affemblée. La grande chaleur
qu'il faifoit alors n'empeſcha
point l'Orateur de donner à fon
difcours toute la force qui luy
eftoit neceffaire , & de le debiter
avec cette efpece d'impetuofité
que demandent les pieces d'éloquence.
M' Gibert , l'un des Profeffeurs
d'éloquence au College
de Mazarin , vient de donner
Bij
20 MERCURE
"
au public le livre dont je vous
ay parlé dans une de mes Lettres
précedentes ; il eft intitulé : Reflexionsfur
la Rhetorique , où l'on
répond aux objections du Pere l'Amy,
Benedictin. La querelle de
M Gibert & du Pere l'Amy
commença , comme je vous ay
déja dit , du tems de M Arnauld
, dont noftre Profeffeur
foûtient aujourd'hui vigoureu
fement les fentimens , j'entends
fur l'éloquence. On fent en
lifant cet Ouvrage , que l'Auteur
eft plein de la lecture des
livres de Ciceron , de Quinti
lien & de S. Auguftin , & il mer
GALANT 25
heureuſement en pratique les
régles que ces grands modéles
d'éloquence nous ont laiffées
fur l'art des Orateurs . Il établit
d'une maniere inconteſtable
la conformité des préceptes
d'éloquence que l'on donne
aux jeunes gens dans les Colleges
, avec ceux que nous ont
donnez les plus excellens Orateurs
de l'antiquité ; & il fait voir
la feule difference qu'ony
trouve , c'elt que les préceptes
d'aujourd'huy
font donnez
avec bien moins d'ornemens &
d'étendue , que ceux que ces
grands Hommes nous ont
que
22 MERCURE
de
laiffez . Il fait connoître auffi
qu'on n'en donne point d'autres
, & qu'on prévient les abus
qu'on enpeut faire , non par
vaines reflexions de Philofophie
( il attaque en cet endroit
les Metaphificiens ) mais par les
principes de la confcience &
de la Religion. Ce raport une
fois établi , le Lecteur conclud
naturellement que le P. l'Amy
a attaqué , non pas M' Gibert ;
mais Ciceron , Quintilien & S.
Auguftin. Ce Livre fe vend
chez Michel David, fur le Quay
des Auguftins , à la Providence.
GALANT 23
On a fait à Mantouë l'Anniverfaire
de la feue Ducheffle
Anne -Ifabelle de Gonzague
dans l'Eglife de Sainte Marie
de l'Humilité , appellée vulgairement
des Quarante- heures.
Le Prince Octave de Gonzague
, âgé de vingt - deux ans
encore plus diftingué par fon
efprit & par fon érudition
que par fa haute naiffance
avoit inventé & difpofé l'appareil
funebre , & compofé les
Infcriptions Latines dont l'Eglife
eftoit ornée. Sa capacité
ne ſe borne pas à des Sciences
agreables , il a penetré ce que
24 MERCURE
1
prela
Theologica de plus profond,
& il en a donné des preuves de
puis peu , par des Thefes foûtenues
pendant deux jours
dans l'Univerfité de Mantouë ,
dont les Jefuites font les
miers Membres . Le Marquis
Jean François de Gonzague ,
Brigadier des Armées de S. M.
C. eft Frere du jeune Prince
dont nous venons de parler ; &
le Marquis Afcagne , nommé
par le Roy d'Efpagne Archimandrite
de Meffine , eft fon
oncle. Le Prince Octave avoit
choifi le P. Antoine François
Ecllati , de la Compagnie de
Jefus ,
GALANT 25
Jefus , pour faire l'Oraiſon Funebre
; elle fut beaucoup
applaudie
. L'éloquence du P. Bellati
eft grande fans enflure
naturelle fans baffeffe , vive fans
jeu de mots , fans allegories
trop recherchées ; elle ne fe
fent point des défauts qu'on a
autrefois reprochez aux Italiens
. Son texte eftoit pris de
l'éloge que l'Ecclefiaftique fait
de Morfe : Dilectus Deo & hominibus
; cheri de Dieu des hommes
. Il fit voir dans la premiere
partie , que pour eftre generalement
aimé il faut une grande
élevation , des vertus de cet-
Juillet 1705.
C
26 MERCUR£
te condition élevée , & des vertus
propres des conditions inferieures
. La Fortune jointe à la
naiffance éleve , met en vûë , lie
avec les hommes par differens
engagemens ; les vertus du Souverain
font aimer : mais fi ces
vertus ne font temperées par les
vertus propres d'une condition
.:
privée , elles ne font pas aimer ;
d'ailleurs les vertus d'une condition
privée fans les vertus
fuperieures ne fuffiroient pas
pour faire aimer , on n'aime
point ce qu'on mépriſe. Il montrafans
peine l'affemblage deces
qualitez dans la Duchelle dont
il faifoit l'éloge , fon courage
GALANT 27
& fa prudence dans les temps
difficiles ; & que fa juſtice & fa
bonté dans une fituation plus
tranquille luy avoient gagné
tous les coeurs: C'eftoit un beau
fpectacle , dit l'Orateur , de la
voir defcendre du Trône pour
>
écouter les plaintes des pauvres.
Quelque prompte que fuft fa
juftice à reparer le tort qu'ils
avoient fouffert , fes larmes
les avoient déja confolez dans
leurs fouffrances . Avec le bon
droit on eftoit fûr de l'emporter
fur la faveur ; & la mifere
jointe au bon droit eftoit fûre
d'obtenir toute faveur . Sa main
Cij
28 MERCURE
armée du glaive de la Juftice
contre les coupables eftoit plus
forte que fon coeur n'eftoit
foible contre les pleurs des condamnez
. Sa compaſſion pouvoit
tout pour l'innocent , rien
pour le criminel ; auſſi bien faifante
que jufte . Sa liberalité
n'eftoit reglée que par le befoin
de ceux qui s'adreffoient à elle ,
on en reffentoit les effets fans
rougir . Elle cachoit avec tant
d'art fes bienfaits , qu'elle paroiffoit
récompenfer ceux même
qu'elle gratifioit de quelque
don , ou qu'elle fecouroit
de quelque aumône . Dans la
GALANT 29
feconde partie , l'Orateur aprés
avoir établi que pour
eftre
S
aimé des hommes , il faut
que noftre merite précede leur
amour ;pour eftre aimé de Dieu,
il faut fon amour pour
que
nous précede noftre merite ,
que c'eft fon amour prévenant
qui met dans nous ce qui nous
rend dignes d'eftre aimez de lui,
il conclud que pour montrer
combien la Ducheffe avoit eſté
aimée de Dieu , il falloit examiner
les graces dont Dieu l'avoit
ornée , & l'ufage qu'elle
en avoit fait. Il affura , fur la
foy de témoins irreprochables,
Cij
30 MERCURE
qu'elle n'avoit jamais perdu
l'innocence baptifmale , diſpofée
même à plutoft mourir que
de commettre deliberement un
peché venicl . Le détail de ſes
vertus meneroit trop loin , &
l'Oraiſon Funebre eft imprimée
; je ne finiray pourtant
pas , fans vous dire que quatre-
Souverains Pontifes ont loüé
la pieté & la juſtice de la Ducheffe
; qu'un d'eux luy a donné
le nom de Sainte , & que le
Pape regnant , Juge fi éclairévray
merite , a recomman
dé à fes pricres l'Egliſe affligée
de tant de maux .
du
GALANT 31
On a répandu depuis quelque
temps dans le monde une
efpece d'Apologie de la conduite
du Comte de Marfigli
durant le Siege de Brifac , pris
par Monfeigneur le Duc de
Bourgogne il y a près de deux
ans. Cette piece eft intitulée
Expofe de ce qui est arrivé à Louis
Ferdinand Marfigli , au fujet de
la reddition de Brifac. Perſonne
n'ignore le trifte fort de ce
Comte, qui faifoit dans la Place
la fonction de General de Ba→
taille , & du Comte Philippe
d'Arco qui y commandoit . Ce
dernier eut la tefte tranchée
C iiij
32 MERCURE
се
& M' de Marfigli fut dégradé
& toutes les Charges lui furent
ôtées . On trouve dans cette pielc
jugement militaire rendu
à Bregenz le 4. Fevrier 1704,
par Jean Charle Libre Baron
de Thungen , Preſident , &par
François Maldoner Auditor
general . M' Marfigli qui parle
dans cette Apologie , qu'il publia
quelque temps aprés l'cxecution
de cette fentence , fait
voir qu'il entra dans Brifac le
10. Decembre 1702. en confequence
d'un ordre que lui en
donna par écrit M le Prince
Louis de Bade. Il trouva la
GALANT
33
Place mal pourvûë d'artillerie ,
elle n'avoit que 40 pieces de ca
non ; la Garnifon n'eftoit com
pofée que de 1744.
foldats
& fans cavalerie. Ce General en
envoia un état à M' lé Prince
de Bade avec un projet pour
reparer & pour fortifier cette
Place. Ce Prince ne fit aucune
réponſe , non plus que là Cour
de Vienne à laquelle le General
de Bataille s'etoit adreffé , dans
la crainte de l'orage qu'il prévoioit
devoir fondre für Brifac.
Enfin M' de Marfigli commen
de fon autorité particuliere
à faire travailler à quelques
Ea
34 MERCURE
>
t
ouvrages ; M le Comte d'Arco
, jaloux de l'autorité qu'il fe
donnoit fur les travaux
ou
gagné par les Bourgeois qu'une
telle manoeuvre
mettoit en
des mouvemens
continuels
le fit mettre aux arrefts. II
y reſta depuis le 1-8 . de Mars
1703. jufqu'au troifième de
May de la mefme année . Le
Comte de Marfigli ſorti de fa
prifon , jugea par fes propres
yeux du peril où eftoit la place;
il en écrivit au Prince Louis de
Bade,le 14 de May 1703. & lui
déclara qu'il ne pouvoit ni ne
vouloit eftre refponſable
des
GALANT
35
difgraces que Brifac alloit effuyer.
Monfeigneur le Duc de
Bourgogne eftant arrivé au
Fort Morrier quelque temps
aprés , le General de Bataille:
écrivit à Kaifer , Capitaine de
fon Regiment , qu'il avoit envoyé
à Fribourg pour y emprunter
de l'argent , afin qu'il
fe rendift inceffamment à la
la Cour de Vienne , & il luy
envoya des blancs- fignez pour
fe démettre
de fon Regiment
& pour fortir de Brifac.
Cet Officier n'eftant parti de la
Cour de Vienne , que le 20. de:
Septembre , n'arriva. qu'aprés
26 MERCURE
la prife de Brifac qui avoit ca
pitulé le 6. du même mois . Ce
Courrier rapporta une Lettre
de S. M. I. avec ordre aux Officiers
de deffendre la Place jufqu'à
l'extremité. D'un autre
cofté le Prince de Bade . avoit
écrit long- temps auparavant ,
de ne rendre la Place que
pée à la main fur la bréche .
Cependant le Confeil ayant
efté affemblé le 6. Septembre
au matin , & le Comte d'Arco
ayant communiqué une Lettre
du même Prince , en datte du
30. Juin 1703. dans laquelle il
déclaroit ne pouvoir envoyer
l'éGALANT
37
les Canons qui eftoient à Fribourg
, à cauſe du befoin que
cette Ville en pourroit avoir ;
ce Comte infera des termes de
que c'eftoit une récette
Lettre
vocation tacite de l'ordre que
ce Prince avoit donné de deffendre
la Place en deſeſperez
;
& ayant en confequence demandé
les voix , chacun , aprés
avoir meurement reflechi fur
l'impoffibilité de deffendre davantage
Brifac , & jugé qu'il
eftoit plus utile de conferver la
Garnifon
à l'Empereur
que de
la faire perir par une deffenfe
inutile ; chacun , dis- je , opina
28 MERCURE
à rendre la Place. Le Comte de
Marfigli , aprés avoir oui le ſentiment
de trente Officiers , opina
le penultiéme, en reſervant
feulement que fi on ne pouvoit
obtenir une Capitulation honorable
, il falloit plutoft mourir. Le
Prince de Bade irrité de la prife
de Brifac , envoya le General
de la Tour pour s'informer de
la maniere & du fujet de cette
reddition. Le rapport de ce General
fut favorable aux Officiers
& à la Garniſon de Brifac;
mais il
n'empêcha pas que
Prince de Bade , établi Juge
Souverain de cette affaire, ne
le
GALANT 39
convoquaft la Ghemine , qui eft
un Tribunal Militaire compofé
de Soldats & d'Officiers. Ces
Deputez , fans avoir égard au
rapport du General de la Tour,
qui eftoit pourtant le plus folide
fondement de l'affaire en
queftion , & fans avoir communiqué
aux prétendus coupables
les dépofitions des témoins
, procederent contre eux
avec une précipitation inoüie ,
& rendirent la Sentence dont
je viens de parler . Elle eſt jointe
à cette Apologie , en deux colonnes
, l'une Allemande , &
l'autre Françoiſe. Deux Colo40
MERCURE
nels & deux Lieutenans- Colonels
, quatre Sergens - Majors
& plufieurs autres Officiers y
font compris. Le Comte de
Marfigli , aprés avoir mis devant
les yeux du Lecteur cette
Sentence , fait voir l'infuffifance
des motifs fur lefquels elle
eft fondée. Les Juges établiſ
fent , dit- il , pour fondement
que Brifac pouvoit eftre encore
long - temps deffendu ; & M'de
Marfigli fait voir la fauſſeté de
ce fondement , par les relations
qu'il envoya de la Place lorfqu'il
y entra & les proteftations
qu'il fit de ce qu'il y avoit
GALANT 41
7
O
trouvé lorſqu'il la vifita. Ces
pieces qui font juftificatives
dans cette affaire , font par ordre
dans cette Apologie. 1. Un
ordre de M' le Prince de Bade ,
du 10. Decembre 1702. 2°. La
réponſe deM' de Marfigli à ce
Prince , qui luy avoit demandé
une relation de l'état de la Place,
du 18. Decembre 1702. 3 .
Un détail de l'état de l'Artillerie
envoyé par M de Marfigli à
ce Prince , le r. Janvier 1703 .
4. Un Projet pour fortifier.
Brifac. 5. Une Lettre du Confeil
de guerre au Comte de
Marfigli , du 2. Septembre-
Fuillet 1705 .
O
D
42 MERCURE
1703. &c. Toutes ces pieces
font en Allemand & en Fran---
çois .
2
On écrit
d'Angleterre que
la querelle de M Boyle , aujourd'huy
Comte d'Orery
contre le Docteur Bouthlay a
duré long-temps ; ils fe font
pouffez avec plus de vivacité
que la matiere ne le démandoit.
Il ne s'agiffoit d'abord
que de fçavoir fi les Epitres .
qu'on attribue à Themiftocle
& à Phalaris font fuppofées ..
Enfin aprés plufieurs diſputes
fort aigres , la replique a fini ;
& M Doduc , un des plus .
GALANT 43
grands Hommes qu'ait produit
l'Angleterre , a publié fur
ce ſujet un ouvrage , ſans doute
pour mettre la paix entre
ces deux Auteurs . Il eft intitulé
: Exercitationesduæ prima
de atate Phalaridis , fecunda de
atate Pythagora Philofophi.
و
On écrit du même licu que
Thomas Brown , un des plus ·
declarez ennemis de toute Religion,
& que l'Univerſité d'Ox--
ford avoit autrefois chaffé pour
fes débauches , fource de fon
impicté , n'a pû foûtenir les
frayeurs de la mort ; &
voyant prochaine , il a écrit à
que
la
&
Dij
44 MERCURE
un Paſteur d'une Eglife voiſine
une Lettre pleine de fentimens
de penitence. Il eſt à ſouhaiter
que ces abjurations ordinaires
aux impies produiſent
tout l'effet qu'il feroit neceffaire
pour le falut de leurs ames.
Cette Lettre de M' Brown paroift
dans un Recüeil pofthume
de quelques Dialogues de cer
Auteur .
Le bruit qui a couru en
France de la mort du celebre
M' Bayle , eft faux ; il travaille
à un fuplément de fon Dictionnaire
, & il promet de répondre
à ce que M' Jaquelot vient de
GALANT
45
publier contre lui. On diſtribuë
en Hollande , depuis le commencement
de l'année , un ou
vrage de cet ingenieux auteur ,
intitulé : Continuation
de penfees
diverfes écrites à un Docteur de
Sorbonne , à l'occafion de la Comete
qui parut au mois de Decembre
1680. où Réponse à plufieurs dif
cultez que Mr ***
a propofées
à
l'Auteur
. On croit que M ' l'Abbé
de la M. *** connu
dans la
Republique
des Lettres
› par
la grande
connoiffance
qu'il a
des Livres , eft ce Docteur
de
Sorbonne
. On fçait qu'il a d'étroites
relations
avec M Bayle
;
46 MERCURE
& c'eft ce qui donne lieu à la
conjecture.
Il s'eft élevé une difpute dans
la Reforme de Prémontré
dont voicy le fujet . Le P. Hugo
, Prieur des Prémontrez de
Nancy , publia l'année paffée la
Vie de S. Norbert , Patriarche
& Fondateur de l'Ordre de Prémontré
; cet Auteur , dans le
cours de fon ouvrage , s'infcrivit
en faux contre l'apparition
de la Sainte Vierge à Saint Norbert
, dans laquelle une ancien -
ne tradition de l'Ordre porter
qu'elle donna à ce Fondateur ,
la forme & la couleur de l'ha
*
GALANT
47
bit qu'il devoit faire porter à
fes Religieux . Le P. Hugo prétend
qu'on ne trouve point de
plus ancien document
de cette
apparition miraculcufe
que
dans une Charte du Roy Louis
XI. Le P. Gautier , Religieux
de la même Reforme , & zelé
pour les anciennes traditions de
fon Ordre , publia une Diſſertation
, dans le Journal de Soleure
du mois de Janvier,pour deffendre
celle -ci , cette Differtation
avoit couru manufcrite
dans
toutes les Villes du Royaume ,
& elle fut même envoyée à un
Abbé de cette Ville , par un
48 MERCURE
Chanoine de Bayeux. Le Pere
Hugo repliqua dans le Journal
des mois de Février & de
Mars de Soleure , & deffendit
autant qu'il pût fon ſentiment
particulier. Enfin le P. Gautier
répondit à la replique de fon
adverfaire , en publiant l' Apologie
de fa Differtation , &c. &il
attaqua le P. Hugo par les termes
mêmes de la Preface de fa
vie de S. Norbert, où cet Auteur
avoue que l'apparition de
la Sainte Vierge à ce premier
Patriarche eft un fait atteſté
par les Auteurs du quatorziéme
fiecle. Aprés cetaveu folemnel,
dit :
GALANT 49
dit le P. Gautier , n'eft - ce pas
fe contredire , en difant , Que
le premier veftige qu'on rencontre
de cette pieuſe Fable ,
eft la Charte de Louis XI . qui
n'eft que du quinziéme fiecle ?
Aurefte, la querelle de ces deux
fçavans Religieux n'eft point
portée à ces excés , où , à la
honte des Sçavans , pluſkurs
perfonnnes de lettres portent
leurs conteftations . On voit
icy deux Auteurs tres - modeltes
& tres- moderez , qui étalent
, pour foûtenir leur fentiment
particulier, un fonds confiderable
d'érudition ; & ce n'eft
Juillet 1705 .
E
so MERCURE
dipas
à leur égard qu'on peut
re le mot du Poëte Latin : Ge
nus irritabile vatum.
Quoyque l'aufterité avec laquelle
on vit à l'Abbaïç de la
Trappe vous paroiſſe au- deſſus
de l'homme , & vous empêche
de croire qu'il y ait autant de
Poftulans pour entrer dans cet
te fainte folitude, qu'il s'en trouve
tous les jours, je puis neanmoins
vous affurer qu'il n'y a
point d'Ordre où l'on cherche
à entrer avec plus d'empreſſement
, & qu'il fe prefente
les jours des gens pour faire leur
Noviciat à l'Abbaye de la Trapa
tous
GALANT FI
pc .-Voicy une Lettre d'un des
derniers qui s'y eft prefenté.
Certe Lettre eft écrite au Directeur
du Seminaire des Bons-
Enfans , par M' l'Abbé Boqueron.
De l'Abbaye de la Trappe ,
le 25. Avril.
Vous aurez bien lieu de vous
plaindre , Monfieur , du miſtere
que je vous ay fait du vrai ſujet.
de mon voyage . Le deffein que j'avois
pour lors étoit encore trop
foible pour hazarderde le publier;
fi bien que fcachant les liaiſons
Eij
52 MERCURE
que vous & Monfieur l'Abbé de
B .... aviez avec nôtre cher Abbé
de S .... Madame fa mere ,
je vous aurois exposé à un déguifement
, ou à eftre embaraffefur
les questions qu'on auroit pu vous
faire à mon fujet. Tous les menfonges
que je vous dis, dontje vous
demande mille pardons
, marquent
Dieu vouloit qu'il y euft
bien
que
quelque
chofe
du
mien
dans
les
deffeins
que
fa
grace
devoit
operer
Vous
avez
esté
, Monen
moy.
fieur , le premier inftrument dont
elle s'eftfervi dans la retraite que
jay eu le bonheur de faire fous
voftre conduite. C'eſt- là que par
GALANT 53
vos paroles pleines d'efprit & de
vie vous avez comme l'Ange de
la Pifcine , troublé l'eau de la componction
dans mon coeur ; c'eſt- là
que par vos bons exemples vous
m'avezprefté la main pour m'aider
à entreprendre la penitente carriere
du faint Monaftere de la
Trappe , où j'ay pris l'habit de
Novice le 23. de ce mois , aprés
environ trois femaines d'épreuves.
Quelles obligations ne vous ay - je
pas ? Mon falut dépendoit de cette
retraite. Les veritez de noftre Religion
les plus touchantes les
plus terriblesfur lefquelles je m'étois
endurci , meparurent dans tou-
లో
E iij
54 MERCURE
re leur force au fortir de voftre
bouche ; l'importance de mon falut,
la vue de l'éternité , le malheureux
état où mon ame eftoit , la
neceffité de la penitence , le befoin
que j'avois de m'éloigner abfolument
du monde , & de me dépouiller
de cette ambition qui me conduifoit
dans toutes mes actions :
Toutes ces penfees fe prefenterent
enfemble avec tant de force à mon
efprit , & troublerent fi fort mon
coeur , qu'aprés avoir verſe un torrent
de larmes fur la neceffité où je
mè voyois de rompre de malheureux
liens queje cheriffois encore ,
je me vis contraint de ceder malGALANT
55
gré moy - même , & de fuivre ce
Pafteurfi bon & fi mifericordieux.
qui m'arrachant de l'empire du monde
, vouloit me ramener dans fon
bercail , & me mettrepar une grace
toute particuliere au nombre de
fes brebis les plus cheries . Prenezdoncpart,
mon tres-cher Monfieur,
à la joye que les Anges & les
Saints reffentent à la converfion
d'un Pecheur , puifque vous y
le zele que avez contribué
par
vous avez pour lefalut des ames ;
& comme mon Ami particulier
,
partagez avec moi le plaifir &
la douceur que je goûté dans une
faintefolitude , où dégagé de toutes
E
iiij
56 MERCURE
les paffions qui me tyrannifoient ,
je fuis neceffité de travailler à ma
fanctification par la vie penitente
qu'ony mene , par les faintes occupations
qui s'y fuccedent les unes
aux autres fans interruption , &
où animé des bons exemples qu'on
a devant les yeux , on va àl'envi
à quife rendra leplus parfait imitateur
de Fefus - Christ crucifié.
En échange je puis vous affeurer,
mon cher Monfieur , que dés
je pourrai préfumerpar une penitence
convenable , que mes prieres
pourront eftre agreables à Dieu
je ne difcontinuerai point de le prier
pour vous , tout comme je vous
que
GALANT 57
prie de le faire pour moi . Je vous
ai vú , ce me femble , dans quelque
deffein de venir à la Trappe
y vifiter les faints Solitaires ; je
voudrois
que l'amitié que vous
m'avez témoignée , vous portaſt
à executer ce deffein : fi cela étoit
vousdevriez bienperfuader Monfeigneur
notre nouvel Evêque,&
noftre ami d'y venir auffi. Notre
Reverend Pere Abbé a qui j'en
ai fait l'éloge , feroit ravi de le
recevoir avec toute la dignité que
fon rang& faperfonne le meritent.
Pour notre cher ami de S ....
L'efpere qu'il me donnera la confolation
de l'embraffer encore une
efois.
58 MERCURE
En attendant ce plaifir , je fuis
తా : -
Madame la Maréchale de
Vauban eft morte dans fon
Château de Bafaure en Bourgogne
, âgée d'environ cinquante
-fept à cinquante - huit
ans . Elle eftoit fille de M' le
Baron de Piry , de la maiſon
d'Aunay , dans la Province de
Nivernois , où cette maiſon
a toûjours tenu un rang confiderable.
Madame la Maréchale
de Vauban n'a laiffé que
filles ; Dame N... de Vauban ,
époufe de MN ...de Valenti
nay Marquis d'Uſſey , Controldeux
GALANT 59
leur General de la Maifon du
Roy , elle a beaucoup de merite
& d'efprit , elle aime les
Sciences & les belles Lettres ;
& Dame N.... de Vauban
époufe de M' N.... de Maigrigny,
Comte de Ville - Bertin
, qui eft d'une maiſon tresancienne
de Bourgogne
.
M' le Comte de Vauban ,
Lieutenant General des Armées
du Roy , & M' l'Abbé
fon frere , font neveux à la
mode de Bretagne de Monfieur
le Maréchal de Vauban ,
& font auffi allicz par leur
mere de la maiſon d'Aunay :
60 MERCURE
ainfi ils eftoient doublement
parens de Madame la Maréchale.
Cette Dame avoit elté
fort belle , & c'eftoit encore
une des femmes de Paris de la
meilleure mine ; elle a efté fort
regrettée de toute fa parenté
& de tous ceux qui la connoiffoient
. Elle joignoit à un efprit
tres - cultivé , une grande
politeffe & beaucoup de douceur.
re
Dame N... de Renty , veuve
de M N.... de Ligny , Maî
tre des Requeſtes , & mere de
Madame la Princeffe de Furftemberg,
eft morte dans un âge
GALANT » 61
fort avancé. Feu Mr de Ligny
fon époux eftoit frere du celcbre
Mr de Ligny Evêque de
Meaux , qui avoit fuccedé en
cet Evêché à Dominique Se
guier fon oncle maternel , premier
Aumônier de ſa Majeſté.
Ce dernier avoit efté fucceffivement
Doyen de l'Eglife de
Paris & Confeiller au Parlement,
Evêque d'Auxerre, & enfin
Evêque de Meaux . Il eftoit
frere aîné de feu Mr le Chancelier
Seguier , & petit-fils du
celebre Pierre Seguier premier
du nom , Prefident à Mortier
au Parlement de Paris , & que
62 MERCURE
Scevole de fainte Marthe appelle
l'une des plus brillantes lumieres
du Temple des Loix. Mr le
Chancelier fut le deuxième fils
de Jean Seguier Lieutenant Civil
; ce digne Magiftrat dont
la fidelité au Roy Henry III .
fon veritable maiſtre , a tant
fait d'honneur à fa memoire.
M' l'Evêque de Meaux eftoit
l'aîné ; ce Prelat prit ſoin de
l'éducation de feu M' de Ligny,
& il le regarda toûjours comme
fon Succeffeur . On voit par
ce détail que Madame la Princeffe
de Furftemberg eft petite
niéce de M' le Chancelier SeGALANT
63
guier , puifque fa grande- mere
paternelle eftoit foeur de ce
grand Magiftrat . La Maiſon de
Ligny eſt ancienne dans la Robe
, & elle a produit de grands
fujets. La memoire de M' IEvêque
de Meaux dont je viens
de parler , eft encore aujourd'huy
dans une finguliere veneration
dans ce Dioceſe .
M N ..... de Severat , le
plus ancien Chanoine de l'Eglife
de Saint Martin d'Efnay
de Lion , eft auffi decedé. C'étoit
un Ecclefiaftique d'un
grand merite ; on voit fon éloge
dans l'hiftoire de la vie de
64 MERCURE
feu Mr Camille de Neuville ,
dernier Archevêque de Lion ,
compofée par un Auguſtin :
que Mr de Severat On y voit
y
fut employé utilement par ce
Prelat pourramener à Dieu certaines
perfonnes qui en avoient
quitté les voyes. M' de Severat
eftoit d'une tres- bonne
Maifon de Lion , & tres - bien
alliée . Son frere avoit efté Major
de Lion ; & on s'y fouvient
encore avec plaifir de M de
Severat Gouverneur de Pierre
- Encize , auquel M ' de Manville
a fuccedé. Il ne faut pas
d'autre preuve de l'ancienneté
GALANT 65
de cette Maifon , que la confideration
que le Pape Jean
XXII. cut pour Dieu - donné
Severat , qu'il fit premier Evêque
de Caftres en Languedoc ,
lorfqu'il érigea cette Eglife en
en Evêché.M'Abbé deSeverat
a refigné fonBenefice àM' l'Ab
bé de Rouviere fon parent.
Cette refignation qui n'avoit
eſté admiſe à Rome avant
la mort du Refignant , a efté
confirmée par M'Evêque de
pas
Montauban , Abbé d'Elnay .)
M'd'Avejan le fils qui avoit eu
depuis peu une Charge de Capitaine
anx Gardes , ainfi que je
Juillet 1705.
F
66
MERCURE
vous l'ay marqué plus amplement
, en vous parlant des dé
miffions des Charges que donna
il y a quelque temps M ' le
Comte d'Avejan fon pere ,
Lieutenant - Colonel au Regiment
des Gardes , eftant mort
des bleffures qu'il avoit reçues
au fiege de Huy , & fon frere
cadet eftant trop jeune pour
fucceder à la Charge de Capi
taine aux Gardes , le Roy a
donné cette Charge à Mr le
Comte d'Avejan fon pere ,
juſqu'à ce qu'il foit en eftat de
l'exercer.
Mr le Comte d'Avejan eft
GALANT 67
d'une noble & ancienne maifon
de Languedoc , dont le ve
ritable nom est de Banes. Il n'y
a pas long- temps que ceux de
cette maiſon qui eftoient autrefois
de la Religion Prétendue
Reformée , le font rendus
Catholiques. Mr le Comté d'A-
-vejan qui a efté élevé Pagê du
Roy,a toûjours fait voir tant de
fagelle , tant de picté & tant de
valeur , & a toûjours eſté ſi
confideré de Sa Majeſté,qu'il ne
faut pas s'imaginer s'il a occu
pé & s'il occupe encore despoltes
qui demandent un homme
fage & de conduite. Mrs d'A
Fij
68 MERCURE
vejan font alliez aux Maiſons
les plus confiderables du Languedoc.
ཊྛོ, ཏི Dame Marie-Therefe Loüife
de Senecterre de Leftrange ,
époufe de Mre Louis de Cruffol
Marquis de Florenfac , cft
morte âgée de 33. ans. Quoique
fa maladie n'ait pas cfté
vive , & qu'elle n'ait duré que
trois ou quatre jours , elle n'a
pas laiffe de prendre toutes les
précautions neceffaires pour
fon falut , ayant fait une Ĉonfiffion
generale au P. Maffillon
avec lequel elle demeura
pendant plufieurs heures , &
GALANT 69
comme ſon mal n'eftoit poins
violent , on peut dire qu'elle
cut lieu d'enviſager imieux qu'-
une autre toutes les horreurs
de la mort , & que fi elle n'y
avoit efté bien refignée , elle
auroit eu plus de regret de
mourir , faifant une grande fi
gure dans le monde par ſa naiffance
, par fon efprit , & par
fa beauté. Elle eftoit fille de
feu M' le Comte de Senecterre
de Leftrange , coufin germain
de feu M le Duc de la Ferté
& de Dame N... de Longueval,
qui vit encore , qui a efté Fille
d'Honneur de la feue Reine ,
70 MERCURE
&qui a toûjours efté un exemple
de vertu . La Maiſon de
Longueval eft de Flandres &
une des plus illuftres des Paysbas
; elle eft à prefent établie
en Picardie , & ceux de ce nom
qui ont porté les armes , ſe font
fort diftinguez. Je vous ai fou
vent parlé de la Maiſon de la
Ferté- Senecterre , fans vous
avoir jamais rien dit de ce qui
fuit.
La Maifon de Senccterre
vient de Saint Nectaire , qui.
fur , à ce que dit le Prefident
Savaron , envoyé par S. Pierre
avecS. Auftremoine, pour com
GALANT
71
vertir l'Auvergne. Ce fut un
grand Seigneur nommé Nectarius
, qui bâtit le Château qui
a donné le nom à la famille
de Senecterre. Il en eft parlé
dans la vie de S. Yrier , Aredius
, mort en 590. Chancelier
de France fous le Roy Theo
debert , & Abbé de Limoges ,
qu'on croit avoir eſté écrite par
S. Gregoire de Tours . M' le
Marquis de Fiorenfac époux de
la Dame qui vient de mourir ,
eft Maréchal des Camps & Armées
du Roy , & a efté Menin
Monfeigneur. Il eftoit frere de
de feu M le Duc d'Uzés , &:
72 MERCURE
oncle de feu M' le Duc d'Uzés
rué à la Bataille de Nerwinde
, & de celuy d'aujourd'huy.
Vous fçavez que la Maiſon de
Cruffol eft une des plus illuftres
& des plus anciennes du Royau
me , & que les Seigneurs de
Cruffol eftoient déja connus
en France fous le regne de
Louis VII. dit le Jeune , pere
de Philippe Augufte , felon le
rapport des Hiftoriens de ce
temps-là .
+
M la Comteffe de Chinchon
eft morte à Madrid. M
le Comte Sivelli profite pár fa
mort d'une groſſe penſion! La
beauté
GALANT 73
beauté de cette Dame avoit
fait autrefois beaucoup de
bruit , & pendant quelques
années elle a paffé pour une
des plus aimables femmes de
toute l'Elpagne. Elle joignoit
aux agrémens de fa perfonne ,
ceux qu'un efprit cultivé par
un grand ufage du monde ,
pouvoit procurer à une Dame
de fa qualité & de fa diftinction.
Mr le Comte de Chinchon
ſon époux avoit eſté fort
confideré du feu Roy d'Efpagne
qui l'avoit employé en
quelques negotiations fecretes
qui luy avoient donné lieu de
Fuillet 1705 .
G
74 MERCURE
faire briller fon eſprit , & de
faire juger que fa prudence
eftoit confommée . Mle ComteSavelli,
parent de cette Dame,
eft un Seigneur tres - qualifié ;
il joint à l'éclat de la naiffance
& de la fortune un efprit
tres - folide & tres- appliqué à
fes devoirs particuliers.
M' le Comte d'Hasfeld , Officier
de confideration , eft
mort d'apoplexie à Cologne.
Il avoit long- temps ſervi ſous
M' l'Electeur de Cologne , &
il avoit paffé au ſervice de M
l'Electeur Palatin , depuis la
perte de l'Electorat de Colo-..
1
GALANT 75
gne. Ce Comte avoit porté
les Armes depuis fa plus grande
jeuneffe. M' l'Electeur de
Cologne en faifoit beaucoup
de cas ; & s'il a quitté le fervice
de ce Prince , on ſçait affez
que ce n'a efté que pour
conferver les biens qu'il avoit
dans les Etats , & qu'il auroit
perdus s'il n'avoit pris des engagemens
avec M' l'Electeur
Palatin .
Me la Comteffe de Wels ,
femme du Gouverneur de la
Baffe- Autriche , eft morte en
couches à Vienne. Sa beauté
avoit fait beaucoup de bruit ;
Gij
76 MERCURE
elle eftoit encore fort jeune ;
& M' le Comte de Wels fon
époux eft inconfolable . Je vous
ay déja parlé de ce Comte ; il
cft diftingué par la naiſſance ,
& par les fervices qu'il rend .
depuis un grand nombre d'années
à la Maiſon d'Autriche.
L'Empereur qui vient de mourir
avoit beaucoup de confiance
en luy , & ce Prince l'avoit
employé en plufieurs occafions
tres - difficiles . M' le
Comte de Wels a long- temps
porté les armes en Hongrie
& il y eftoit encore au commencement
des derniers trou
GALANT 77
bles des Mécontens .
gra-
Le Roy d'Eſpagne a donné
la Charge de Confeiller Fifcal
de Vailladolid à Dom Anto .
nio de Azevedo
, Docteur gradué
de l'Univerfité d'Alcala :
celle de Grenade , à Dom Alberto
de Caftilla , Docteur
dué de l'Univerfité de Salamanqué
; & la Charge de Confciller
de Seville , à Dom Martin
de Miraval , auffi Docteur gradué
de Salamanque . Je vous
ay promis quelques éclairciffcmens
fur les Univerfitez d'Alcala
& de Salamanque
; je profite
de cette occafion pour vous
les donner.
78 MERCURE
L'Univerſité de Salamanque
eft une des plus renommées
d'Eſpagne , ce qui y attire un
grand nombre d'écoliers. Le
bâtiment qu'on appelle les Ecoles
, où toutes fortes de Sciences
font enfeignées , eft tresbeau
& tres- grand ; il eft divifé
en deux corps de Logis , joints
enfemble. Voicy l'ordre qui
y eft obfervé pour enfeigner.
Il y a huit Profeffeurs en Theologie
, qu'ils appellent Cathedraticos
; quatre enfeignent le matin
, & quatre l'apreſdinée : Ils
ont pour gages chacun mille
écus de penfion. Outre ces huit
GALANT 79
premiers Profeffeurs , il y en a
d'autres de la même Faculté ,
qui enfeignent chacun la matiere
qui luy femble la meillcure
; & ceux là ont quinze cent
livres de penfion , & ils enfeignent
à differentes heures. Ily
a une Chaire fondée pour la
doctrine de Durand , & une
pour celle de Scot. Il y en a
d'autres qui n'ont point de gade
l'Univerfité , qui ne laiffent
pas d'enfeigner tous les
jours , comme ceux qui en ont ,
& ceux - là s'appellent Pretendientes
, attendant que quelque
Chaire vâque pour s'y preſenges
Giiij
80 MERCURE
ter. La même chofe s'obferve
pour le Droit Civil & pour le
Droit Canon , pour la Philofophie
& pour les mathematiques .
Il y a beaucoup de Docteurs qui
enfeignent la Medecine , & des
Profeffeurs dans toutes les langues;
de forte que l'on conte environ
80. Profeffeurs qui y font
des Leçons tous les jours.
L'Univerfité d'Alcala a eſté
par le Cardinal Ximenés
, Archevêque de Tolede ; la
Bibliotheque que ce Cardinal
y a raffemblée , eft une des plus
confiderables
de l'Europe . Ily
a moins de Profeffeurs qu'à
l'Univerfité
de Salamanque
;
fondée
GALANT 81
mais les Etudes y font reglées
de la même maniere. Les
Latins nomment la Ville d'Alcala
Complutum , & elle eft celebre
par
l'Univerfité qui y eft
labelle Bible Efétablic
, &
par
pagnole
que
ce grand
Cardinal
y fit
imprimer
.
Dom Antonio de Azevedo ,
Dom Alberto de Caftilla , &
Dom Martin de Miraval , ont
acquis une grande réputation
dans l'exercice de leurs emplois,
& ceux qu'on vient de leur donner
font une jufte recompenfe
de leur fidelité & de leur exactitude
dans les foins qu'ils fe
82 MERCURE.
1
font donnez de former d'ha
biles Jurifconfultes.
Le Roy d'Espagne , autant
attentif à couronner les fervices
de ceux qu'il employe dans
l'adminiftration de la Justice ,
que de ceux qui portent les
Armes pour luy , a donné la
Charge de Corregidor de Jaën,
à Dom Juan Pacheco de Padilla.
Je vous ay déja parlé de la
Charge de Corregidor. Jaën
eft une Ville d'Efpagne dans
l'Andaloufie , avec Evêché fuffragant
de Seville . Cette Ville
a cu autrefois titre de Royaume
; elle eft fur la riviere de
GALANT 83
Frio , à dix lieuës de Grenade.
Dom Pacheco de Padilla paſſe
dans toute l'Andaloufie pour
un bon Juge & un grand Jurifconfulte
; fes lumieres font
puifées dans une longue experience.
Sa Majefté Catholique a remis
dans fa place du Confeil
de la Hazienda , Dom Emmanuel
de la Cruz - Aedo , qui a
efté Gouverneur de Lierena.
Ce Gouverneur a long- temps
porté les armes ; & il s'eft fìgnalé
dans plufieurs occaſions
de la derniere guerre. Feu M*
le Prince de Waldeck fit un
84 MERCURE
grand éloge de luy en écrivant
aux Miniftres d'Eſpagne ; il
n'avoit pas feulement merité
l'eftime de ce General , mais
auffi fa confiance . Le Confeil
de la Hazienda où il vient d'être
remis, eft tres- confiderable.
Le Roy d'Eſpagne a donné
le Gouvernement
de l'Ifle de
Sainte- Marguerite à Dom Jo
ſeph de Alcantara , Sergent-
Major. Cette Ille n'eft pas celle
de la Mer d'Italie , fituée entre
la Tofcane & l'Ile de Corfe
& qui appartient aujourd'huy
à Monfieur le Grand Duc ;
mais c'eſt la Margareta ou l'Ifle
GALANT 85
Sainte Marguerite , grande Ile.
de l'Amerique meridionale
fur les Coftes de la terre-ferme.
Elle eft celebre par la pefche
des Perles ; Chriftophle
Colomb l'a découvrit en 1498.
Il y a une Ville de même
nom avec Evêché ; & les Efpagnols
la nomment Margarita
de la Caratas. Cette Ifle a environ
cinquante lieuës de circuit
; elle n'eft qu'à huit lieuës ,
du Continent de l'Amerique ,
Dom Jofeph de Alcantara qui
vient d'eftre gratifié de ce Gouvernement
, qui eft tres- confiderable
, a de ſongs ſervices , &
86 MERCURE
a fait plufieurs belles actions ;
le nom qu'il porte eſt celebre
en Eſpagne.
Mr le Comte de Tavara ,
fecond fils de M le Marquis
de Villa-franca , Major-Dome,
Major du Roy d'Espagne , a
efté honoré de la Grandeffe.
Ce jeune Seigneur a fait plufieurs
campagnes où il a donné
des preuves de fa valeur ; & il
y a fait voir qu'il eftoit digne
du nom qu'il porte .M' le Marquis
de Villa - franca fon pere
eft d'une tres-illuftre maifon ;
la Charge qu'il a l'honneur
d'exercer ne fe donne jamais
GALANT 87
qu'aux perfonnes de la plus
grande diftinction. M' le Comte
de Tavara a efté élevé avec
beaucoup de foin ; M' fon pere
a eu une attention toute particuliere
à luy procurer une excellente
éducation , perfuadé que
c'eftoit le plus grand bien qu'il
pouvoit luy laiffer.
M' le Chevalier de Herfelles
, Capitaine au Regiment
des Gardes Walones , a efté honoré
du titre de Comte, & nommé
Brigadier des Armées de Sa
Majefte Catholique . Ce Chevalier
a reçû des bleffures fort
dangereufes au Siege de Gi88
MERCURE
braltar , dont il eft à prefent
parfaitement gueri . Il a donné
dans le cours de ce Siege de frequentes
marques de fon courage
; & c'eſt un des premicrs
dont M' le Marquis de
Villadarias parla à M' le Maréchal
de Teffe lorſqu'il arriva
au Camp . M' le Chevalier de
Herfelles fert depuis plufieurs
années ; & il n'a jamais trouvé
d'occafion de donner des preude
fon courage , qu'il ne s'en
foit faifi avec joye. Il eſt d'une
naiffance diftinguée , & du côté
des femmes il a l'honneur d'appartenir
à la Maifon de MediGALANT
89
na -Celi. Le pere de M ' le Chevalier
de Herfelles a fervi toute
fa vie , & il a mis les armes à
la main de fón fils , dés qu'il a
efté en eftat de les porter & de
s'en fervir. Le Regiment des
Gardes Walones du Roy d'Efpagne
eft un des Corps le plus
confiderable
des Troupes de ce
Prince.
Sa Majefté Catholique a donné
le Regiment d'Infanterie de
Madrid à Dom Antonio de
Ureta-y-Ayanez Capitaine de
Cavaleric ; & fa Compagnie a
efté donnée à Dom Pedro Andrace
fon Lieutenant. Ces deux
H
Juillet 1705.
90 MERCURE
Officiers fe font fort diftinguez
dans le Milanez au commencement
de cette guerre ; &
le Roy d'Eſpagne en couronnant
leurs fervices , s'en eſt expliqué
dans des termes avantageux.
Dom Pedro Andrade ſe
trouva au dernier Siege de
Gironne , fait par M' le Maréchal
de Noailles , & il ne tint
pas à luy que la Place ne ſe
deffendift plus long-temps qu'
elle ne fit. Dom Antonio de
Ureta eftoit fort confideré du
feu Roy d'Espagne , & il avoit
eu des emplois importans dont
il s'eftoit acquitté avec l'appro
1
GALANT 91
bation dés Miniftres d'Efpagne.
Je ne vous donne icy
qu'un abregé de ce qui fe trou
ve plus au long dans plufieurs
lettres d'Efpagne fur le choix
que Sa Majefté Catholique
vient de faire de ces deux Ofciers.
Ils font d'une naiffance
diftinguée .
Le Senat de Venile a nom
mé avec beaucoup de folemnité
quatre Sergens Majors generaux
de Bataille . Ce font M
Magnanini pour la Dalmatie s
M Jorger pour le Levant ; &
Mrs Soardi & Grimaldy pour
l'Italie. Ces emplois donnent
Hij
92 MERCURE
une grande autorité à ceux qui
en font pourvûs ; & le Senat ne
les donne ordinairement qu'à
des perfonnes d'un long ſervice.
M' Magnanini a long temps
fervi dans le Levant ; & M
Jorger a auffi rendu de grands
fervices dans la Morée. M'S
Soardi & Grimaldy ont paffe
leur vie au fervice de la Republique.
Ils font tous d'une naiffance
confiderable.
Les articles fuivans feront
plaifir à ceux qui aiment les an -
tiquitez. La Lettre qui regarde
le premier a cfté écrite à Aix en
Provence.
1
GALANT
93
Vous me fiftesfçavoir par vôtre
derniere Lettre , Monfieur , qu'on
avoit trouvé fur la montagne de
Fourrieres à Lyon un pied deſtal au
fujet d'un facrifice fait à Cybelle
pour la fanté d'Antonin le Pieux,
& pour vous payer en mefme
monoye , je vous feray part d'une
découverte de cette nature qui a efté
faitefur les anciens fondements de
nos Bains , d'oùl'on tira lundi dernier
une pierre froide d'environ
troispieds de long, moitié de large ,
furla quelle eft reprefenté un autel,
au deffus duquel est un Priape ou
Mentula d'une groffeur extraordinaire
, & qui eft mefmeplus long
94 MERCURE
que l'Autel; & l'on lit fur le dos
de cette figure ces trois lettres F.
H. C. On voit plus haut la figure
d'un couteau de Cordonnier , on
tranchet fans manche . Cette pierre
fut portée le meſme jour à nôtre
Maifon de Ville & elle donne
beaucoup d'exercice à nos curieux.
On ne doutepas que cettefigure
ne reprefente un ſacrifice ; l'Autel
& le couteau le marquent affez-
On croit encore que celle du Priape
fignifie la fecondité, & qu'ainfi
l'ufage de nos Bains aide beaucoup
à la generation , puifqu'on affure
que les femmes qui avoient des
incommoditez qui les rendoient
GALANT 95
fteriles , s'en fervoient alors avec
beaucoup defuccés. On veut même
que ce facrifice fut fait par des
Preftreffes, l'on s'appuye là deffusfurletémoignage
de nos anciens
Auteurs qui nous apprenent que
les femmes dans leur bacchanales
portoient unepareille figure penduë
à leur cou ; que les Dames Romaines
la portoient auffi dans
leurs feftes avec autant de veneration
que de pompe ; que lesfilles
qui fe marioient alloient faire des
facrifices devant la ftatuë de Mutinus
, qui n'eftoit autre que Priape
pour des raifons que je ne dois pas
expliquer ici.
96 MERCURE
uns
La groffeur de celle qui eftreprefentée
fur la pierre convient parfaitement
aux portraits que les
anciens en ontfaits. Quelques
nous affurent que ce dieu eftoitfils
de Jupiter & de Venus ; d'autres
le font fils de Bacchus & de la
mefme Deeffe ; & ils ajoûtent
qu'il fut changé en Bouc par Jupiter
, pour dérober à Junon par
metamorphofe la connoiffance
de fon éducation , qui fut confiée
aux Nymphes par Mercure . On
lit encore qu'il eftoit appellé Horus
par les Egiptiens , & que c'estoit
à ce Dieu que lagarde des Jardins
avoit efté commife. Voilà à peu
cette
prés
GALANT 97
prés ce que nous apprend la fable
de Priape , & ce qui donne lieu
à quelques explications qui ont
efté faites des trois lettres qu'on
lit fur cettefigure J. H. C. foit
par rapport à la fable , foit par
rapport au facrifice , foitpar rapport
aux qualitez de nos eaux ,
foit enfin par rapport à la Ville
à l'endroit d'où cette pierre a efté
tirée.
M Mazaugues , fondé fur
ce qu'on trouve dans une Infcription
rapportée par Grutterus , ces
lettres J. H. D. D. interpretées
par cet auteur In Honorem
Deorum Dearum , croit que
I
Juillet 1705.
98 MERCURE
nos trois lettres fignifient In
Honorem Confecratum .
M d'Auriol , Confeiller au
Parlement de Toulouſe qui a un
procés en cette Ville , les explique
de cette maniere 7. S. Hortorum
Cuftos;on In Hortorum Cuftodiam
, Mr Lauthier , ancien Docteur
de la Faculté , premier Profeffeur
Royal de noftre Univerfité
, & qui eft le même qui
a fait le difcours fur nos eaux
dont je vous ay parlé dans ma
derniere Lettre , croit que ces
Lettres veulent dire Jucundo
Hortorum Cuſtodi . En voicy
quelques autres qui y pourroient
GALANT
99
convenir foit par rapport à la Fa
ble , foit par rapport au nom du
Sacrificateur ou de la Preftreße ,
Jovi Hircum Confecrat ; Junoni
Hædum Confecrat ; oufi
II ou l'H marque le nom de la
Preftreffe , Junia Heic Confecrat
; Julia Hanc Confecrat ;
Julia Hirco Cafo ; Julia Horo
Confecrat , on Jovi Hortentia
bont
Confecrat ; ou Jovi Hortulani
Confecrant. Que fi ces Lettres
ont du rapport à la qualité de nos
caux, il me semble qu'elles pourroient
eftre ainfi expliquées , Juvant
He Conjugiis , ce qui conviendroit
encore à lafigure repre-
Iij
100 MERCURE
fentée ; ou In Humore Calorou
Invenics Has Calidas , ou Heic
Calidum . Un de mes Amis qui
croit
que la Lettre H
pourroit.convenir
à Hercule , autant renommé
parfesfaitsguerriers queparfes exploits
amoureux ; & il l'explique
ainfi ,Juventuti Herculis confecratum
. Maisfi l'on doit chercher
dans la Fable des Divinitez dont
nom commence par H. ne pourroit-
on pas donner ce sens à nos
lettres ? Juvenes Hymeneum
Colunt ; Juvenili Heic Cultu ; (
Jugum Hymeneo Confecrant ;
ou Junctorum Hymenco ConGALANT
ΙΟΙ
IOI
cordia . Ou enfin ,fi l'on veut que.
ces Lettres ayent du rapport avec
Mercure ,fous les aufpices duquel
la Ville d'Aix fut bâtie ou retablie
par
C. Sext. Calvinus l'an
de Rome 6 3.1 . on pourroit les interpreter
ainfi Juvenes Herme
Confecrant
. Voilà ce que j'ay
vous faire fçavoir à cesujet , du
refte c'eft affurément dans le premier
temps
de l'établissement
de
la Colonie Romaine dans nos Contrées
que cette pierre a esté ainfi
employée ; la Sculpture en eft tresgroffiere
, & elle n'a pas la delicateffe
qu'on obfervoit dans les
derniers temps de la Republique
,
I iij
102 MERCURE
fous le commencement de l'Empire
d'Augufte.
On a
découvert depuis peu
à Lion une épitaphe Romaine
dans laquelle il y a une expreffion
tres- finguliere. La voicy.
D. M.
Et quieti
perpetua
Cn. Danifolemniis
qui vixit
Annos xxv. menfes v11 .
Cn. Danius
Minufo memoria æternæ
Liberti Puffimi deceptus .
Quidemfub afcia dedicavit.
Cette expreffion, Deceptus quiGALANT
103
dem , eft fort rare ; & le P.de
Colonia qui a vû ce monument
& qui entend affez bien l'antiquité,
nous affure qu'il ne l'a encore
trouvée nulle part, mais ce
ne feroit pas une confequen
ce fort feure,fi M' de la Vallette
qui eft un des hommes du Royaume
qui l'entend le mieux , &
qui eft un Gentilhomme qui a
un gouft exquis & une érudition
fort étendue , n'eftoit dans
le même fentiment , & n'avoit
fait placer dans la cour de fa
maifon , la pierre ſur laquelle
s'eft trouvée cette épitaphe.
On a donné diverſes expli-
I iiij
104 MERCURE
cations du Taurobole dont je
vous ay déja parlé , le P. de Colonia
, Jefuite de Lion , en a
donné une ; & le P. Daniel ,
autre Jefuite qui demeure au
College de Louis le Grand , en
a donné une autre .
Ce quifui touchant les Medailles
, a efté tiré d'une Lettre ,
du Pere Bontoux Jefuite , écrite
de Lion à un Abbé qui refide
à Paris . Ce Pere eft connu par
les progrés qu'il a faits en plufieurs
genres de Litterature ; il
eft bon Poëte , excellent Predicateur,
& a de grandes connoif-
#
GALANT 105
fances de l'Antiquité.
On a
découvert depuis peu
plufieurs Medailles , fur la rive
du Rhône , dans le vieux chemin
qui méne de Lion à Narbonne
, & qu'Agrippa
fit faire
autrefois . Cette découverte a
efté faite par un païfan ; il a
découvert à deux pieds de terre
en creufant , un vafe de cuivre
rouge dans lequel il y avoit
neuf cens Medailles d'argent ,
ou , pour mieux dire , de billon
, comme font prefque toutes
celles de ce temps - là . Ces
Medailles font presque toutes
depuis Balbin jufqu'à Pofthu106
MERCURE
me , & il n'y en a que trois de
Pofthume ; ce qui fait croire
qu'elles furent cachées au commencement
de fon Gouverne
ment , & qu'elles font demeu
rées en terre plus de
cens cinquante ans . Voici les
principales.
རྞ་ ",, 。
quatorze
L'Empereur Severe , avec la
Legende P. M. Trp. XIIII.
Cof. 111 .
Antonin fon fils , avec la legende
: Adventus Augg. Adven
tus Auguftorum duorum , & une
Galere.
Alexandre Severe : Perpetuitati
Aug.
GALANT
107
Pupien , avec la legende :
Patres Senatus.
Gordien III. Jovis Stator. Le
même à cheval , avec la legende
: P. M. Trp . 111. Cof. P.P.
Philippe le pere , avec ces
differentes Inſcriptions : Ætern.
Imp. Felicitas. Impp. Nobilitas
Augg. Tranquillitas Augg. Victoria
carpita , & pax fundata
cum Perfis.
Valerien le pere , avec la
legende
: Felicitas
facli. Le
même
Empereur
: Liberalitas
Augg.
Gallien : Jovi victori. Le même
: Victoria Parthica.
108 MERCURE
Salonine femme de Gallien :
Augufta in pace.
Le Pere de la Maugeraye ,
Jefuite , a donné au Public une
curieufe D.ffertation fur la percuffion
des Liqueurs , & fur leur
viteffe à la fortie des vaiffeaux .
Ce Perc eft un des plus grands
Phyficiens d'aujourd'huy ; il a
fait dans cette partie de la Philoſophie
des découvertes furprenantes.
Le Signor Aleffandro Marchesti
a dedié à Son Alteffe
Royale Monfieur le Prince de
Tofcane , fon Recueil de Poëfies
; les louanges du Roy tres-
1
GALANT 109
Chreftion y font touchées
d'une maniere noble & proportionnée
à ſon ſujet . Monfieur
le Grand Duc & les Princes
de fa Maiſon , les Hommes
illuftres qui ornent l'Italic ,
& entr'autres le fameux Magliabecchi
, grand Bibliothecaire
de ce Prince , ont tous
occupé la Mufe de noftre Poëte.
Les paroles fuivantes font
de M' de Choifel & regardent
le Roy. Je vous en ay donné
un fi grand nombre de cet Auteur
, qu'il femble qu'il ne travaille
que pour
que pour Sa Majeſté. M
TO MERCURE
de Mez a fait les Airs de toutes
ces paroles ; ils font tous deux
de la Fléche en Anjou. "'
AIR NOUVEAU.
Roüeilleux ennemis , quel fujet
vous engage
A liguer contre nous tant de peuples
divers ,
Et troubler une paix qu'un Roy vail.
lant &fage
Avoit par fa bon: é donnée à l'Univers
!
Tous vos puiflans efforts vont le combler
de gloire ,
D'un triomphe achevé tout l'affure
aujourd'huy ;
Rien nepeut à ce Prince enlever la
Victoire ;
GALANT III
C'est pour Dieu qu'
Э
&
Orgu
2
bler 2
tes
1-
sans
dhuy
OF
etDu
1-
ас
us
es
unit.
Le beau chant de ces pieces
qui font propres à toutes forUS
MERCUR E
de
ces
de
C
A
Et
A
Ti
D'un triomphe achevé tout l'affure
aujourd'huy ;
Rien ne peut à ce Prince enlever la
Victoires
GALANT III
C'est pour Dieu qu'il combat , &
Dieu combat pour luy.
M' Campion vient de mettre
au jour un Livre de Pieces
de Guitarre , intitulé : Nouvelles
découvertes fur la Guitarre ,
contenantes plufieurs Pieces fur
buit manieres differentes d'accor
der. Il eft dedié à M' le Maréchal
Duc de Noailles.
On connoift par ces nouvelles
manieres d'accorder , que
les modes de Mufique les plus
tranfpofez deviennent faciles
& naturels fur cet Inftrument.
Le beau chant de ces pieces
qui font propres à toutes for112
MERCURE
tes de concerts , & qui a eſté
inconnu jufques à prefent , luy
a fait meriter l'approbation du
public. On peut dire qu'il a
découvert une nouvelle étendue
à cet Inftrument que l'on
ne connoiffoit point encore
chacun l'ayant crû tres -borné.
Ce Livre fe vend chez Michel
Brunet , grande Salle du Palais ,
au Mercure Galant.
Une Dame ayant demandé à
M' le Gendre de la Terraffe ,
connu par plufieurs ouvrages
de Poëfie , une déclaration d'amour
d'un ftile extraordinaire ,
GALANT 113
il luy envoya le Sonnet fuivant .
Il feroit difficile d'en trouver
un plus emphatique & plus
rempli de feu.
DE
SONNET.
Es autres de Vulcain les fournaiſes
ardentes ,
Où mille Forgerons & la nuit & le
jour>
S'empreffent à tirer desflammes dévo.
Tantes
Les fers étincellans qu'ils frapent
tour à tour.
S
Du formidable Etna les entrailles
brûlantes ,
Dont l'ardeur fait fumer les rochers
d'alentour:
Juillet 1705 .
K
114 MERCURI
Ce Fleuve renommé par fes ondes
bouillantes ,
Qu'on traverſe en entrant dans l'infernal
fejour.
2
Enfin cette vapeurfi long- temps retenuë,
S'arrache avec avec éclat des prifons
de linuë,
Dont le marbre & l'airain éprouvent
la fureur.
2
Tous cesfeux les plus vifs qui foient
dans la nature ,
Ne font, cruelle Iris , qu'une foible
peinture ,
Des feux dont vos beaux yeux ont
embrafé mon coeur.
Quoique je vous aye déja
parlé du décampement forcé
GALANT 115
& précipité de Mylord Marlborough
, lorfqu'il s'eft trouvé
obligé d'abandonner le deſſein
qu'il avoit d'attaquer M le
Maréchal de Villars , & qu'il
s'en eft retourné plus vite qu'il
n'eftoit venu , je ne laiffe pas. de
vous envoyer une Relation qui
vous fera plaifir touchant le
décampement de cc Mylord Ce
font de ces morceaux qui font
par des maiſtres , qui font
nouveaux en tout temps , &
qui peuvent un jour fervir à
l'Hiftoire.
faits
i
K iij
116 MERCURE
Au Camp de Sirck le 18. Juin. !
I
Je fuis perfuade , Monfieur ,
que vous apprendrez avec joye
l'heureux dénouement de cette grande
Scéne que toutes les Puiffances
ennemies de la France avoientpréparée
depuis huit ou neufmois .
L'Angleterre , la Hollande
s'eftoient épuisées , & preſque tous
les Etats & Princes de l'Empire,
outre leur contingent , avoientfait
des efforts particuliers pour attaquer
le Royaume par la Frontiere
qu'ils eftimoient la plus foible.
C'eftoit dans cette veuë que
GALANT 117
l'Empereur même negligeoit fes
plus chers interefts & qui le touchent
de plus prés , puifque pour
envoyer de fespropres Troupes fur
le Rhin il a preferé de laiffer les
Rebelles de Hongrie maistres de la
Campagne , & le Duc de Savoye
même fur le point de fa perte ,foiblement
fecouru .
Tous nos ennemis eftoient perfuadez
que le Prince de Bade & le
Duc de Marlboroughpenetreroient
nos anciennes Barrieres , entreroient
fans difficulté en Lorraine ,
& trouvant dans les peuples ,
plutoft que dans le Souverain
dont la conduite eft tres-fage , des
y
118 MERCURE
fecourspourleur fubfiftance , pouf
feroient leurs conqueftes mêmejuf
quefur les Frontieres de Champagne.
Ils ont employé tout l'hiver à
remplir Tréves de toutes les provifions
de guerre & de bouche neceffaires
pour foutenir & faire
agir des Armées qu'ils publioient
devoir eftre de cent dix mille hom
mes.
La Mofelle & le Rhin ont efté
continuellement couverts de Batteaux
, & avanthier il en arriva
encorefoixante chargez d'artillerie
à Tréves .
Le Prince de Bade , les Ducs de
GALANT 119
Wirtemberg, le Prince hereditaire
de Heffe , & une infinité de Princes
de l'Empire eftoient à la tefte
de ces Armées , & les ennemis
avoient abandonné toutes leurs
Frontierespour envahir celle- cy.
Le Roy en ayant donné le commandement
à M le Maréchal de
Villars , luy avoit deſtiné en même
temps des Troupes dont par les fages
précautions de Sa Majesté le
prompt rétabliffement a furpris
amis ennemis.
Ce General aprés avoir pris
par luy - même la
connoiffance la
plus exacte d'une frontiere où il
faut égalementfoûtenir troisplaces
120 MERCURE
Séparées par des pays tres-facheux
tres-difficiles , crût devoir
placer l'Armée prés de Sirck , la
gauche à une hauteur appellée
Konigsberg , & la droite s'étendant
furdes hauteurs voisines vers
te petit village de Kerlin & fe
rapprochant du ruiffeau de Konigsmackeren
; de maniere qu'il
tenoit un petit païs affez facile à
garder, & ayant des Pontsfur
la Mofelle , il pouvoit toûjours
donner la main à Luxembourg
,
tirer fafubfiftance de Thionville
, Mets , & du païs de Luxembourg.
a
Pour pouvoir fecourir Sar
Louis
GALANT 121
5
louis & y
marcher
promptement ,
on avoit fait ouvrir un bois qui
va de Haut-Sirck à
Calembourg,
fait dans ce mefme bois des abatis
du cofté de
l'ennemy pour
affurer
fa marche
pratiqué en fuite
des routes tres-faciles pour arriver
pluftoft que l'ennemy
fur la Nide.
On arvoit
toûjours
occupé le
Fofte de Boufonville
fur cettepetite
riviere , & mefme le Châteaude
Bourgueifch
, lequel eftant dans
le flanc de l'ennemy , pouvoit toû
jours nous donner de promptes nouvelles
de fa marche, & nous mettre
en estat de le prévenir, ou du moins
d'arriver auffs- toft que luy fur la
Juillet 1705 .
L
122 MERCURE
Nide & fur Sarloüis .
4.
Cependant pour n'avoir aucune
inquietude pour cette Place , Mr
le Maréchal de Villarsy avoit mis
onze Bataillons , 300, hommes détachez
de toute l'Armée , un efcadron
deDragons, outre cela
où s.Compagniesfranches des Commandans
de la place & de quelques
partifans. Cette groffe Garnifon
affoibliffoit un peu l'Armée;
mais l'on ne vouloit pas eftre expofé
à voir un ennemy inveftir une
place fi importante.
L'Armée du Roy ainfi difpofée,
Le Duc de Marlborough arrive
avec toutes fes forces le 3. Juin
GALANT 123
en preſence ; fes troupes furent
toute la journée fuivante fous les
armes, paroiffant vouloir attaquer.
Mr le Maréchal qui connoiffoit
la bonté de fon pofte , retirafeulement
un peu fa droite , non par
neceffité , car il connoiffoit les accés
difficiles de fon Camp , &fçavoit
bien qu'il auroit toûjours le temps
de fe placer dans la fituation la
plus avantageufe ; mais pour
que l'Armée fuft parfaitement
tranquille.
Cependant comme il luy importoit
de tenir toujours la main à
la Nide, ilfit occuper par un Corps
de Dragons le terrain que tenoit
Lij
124 MERCURE
la droite defon infanterie & remit
la Brigade de Picardie àportée de
foutenir ce Corps de Dragons.
L'on commença quelques retranchements
devant la Brigade de
Coëtquin que Mrle Maréchalfit
difcontinuer , ne voulanty faire
travailler que quand l'ennemy arriveroit
avec toutes fes forces.
Premierement par bienfçavoir
qu'il en auroit toûjours le- temps ,
&perfuadéd'ailleurs Milord
Marlborough recevant tous les
jours de nouveaux renforts , il
faloitpourfoutenir l'ardeur de nos
troupes ne paroistre fe retrancher
qu'à mesure que le nombre des ennemis
augmenteroit,
que
GALANT 125
Pendant tout le temps qu'ils
ont eſté en preſence , on a toûjours
travaillé à ouvrir préparer les
chemins pour pouvoir marcher à
Sarlouis
; les ennemis avoient
auffi préparé leur routepourypouvoir
marcher diligemment.
Ily a eu quelques efcarmouches
; on a fait pouffer leurs gardes
plufieurs fois. Enfin les ennemis
ayant raffemblé toutes leursforces,
l'on vit les deux derniers jours
Mylord Marlborough & tousfes
Generaux reconnoiftre encore noftre
Camp.
Nous apprenons par les deferteurs
tous les avis que nous
Liij
126 MERCURE
recevons que ce General vouloit attaquer
noftre armée , la tourner
avec une partie de leurs troupes
paffer la Moselle , & tâchant
de nous ofter la communication
de Thionville
, nous obliger à reculer.
On pretend
que le Prince
Louis de Bade & d'autres Generaux
eftoient contraires à ce deffein.
Enfin ne pouvant convenir
fur la diverfité des opinions , &
trouvant également difficile d'attaquer
ou de prévenir Mrle Maréchal
de Villars fur la Nide ,fans
quoy du moins leurs fubfiftances
nuit auroient efté tres- difficiles ; la
du 16. au 17. fur les dix heures
GALANT 127
du foir , toute leur Armée a commencé
par fe retirer avec tant
de filence , que nous n'avons pú en
eftre informez qu'à une heure de
jour , les brouillards ayant empefché
jusque-là qu'on ne découvrift
le terrain de leur Camp.
Mr le Maréchal de Villars
fuivit leur arriere-garde qui eftois
déja tres-éloignée ; & comme l'ennemy
pouvoit encore avoir quel
que deffein fur Luxembourg , on
y jetta dés le 17. au matin un
Corps de troupes affez confiderable
pour n'avoir aucune forte d'inquietude
d'une Place , tres-difficile
par elle mefme à eftre attaquée.
Liiij
128 MERCURE
Ainfi voilà tous ces grands projets
des ennemis qui leur ont coûtétant
d'argent & des dépenses exeffives
pour leurs magazins , avortez.
Nous avons fçeupar des lettres
interceptées du General des vivres
des Anglois & des Hollandois
qu'il avoient déja envoyé plus de
cent mille facs d'avoine dans
Tréves & qu'ils en aſſembloient
encore. Quant aux bleds, aux munitions
de guerre & de bouche
, à
l Artillerie,& aux augmentations.
de troupes nouvelles , achetées
tres- cherement dans l'Empire , ces
fommes prodigieufes fe peuvent
plus-toft imaginer quefupputer.....
GALANT 129
Il eft certain que les ennemis
ont efté furpris de voir les trtrouppes
du Roy auffi promptement rétablies
, certainement elles n'ont ..
jamais efté plus belles ny plus.complettes.
Nous
avons fçeu que la dé
penfe que Sa Majesté
a bien voulu
faire pour cuiraffer
une Cavalerie
.
déja fuperieure
à la leur , les avoit
étonnez ; car ils ontfongéque nos
Cavaliers
accoûtumez
à les attaquer
l'épée à la main , ſe trouvant
deplus la poitrine
à couvert
de leur
mauvais
feu , les
mépriferoient
-encore
davantage
.
M' le Maréchal de Villars
130 MERCURE
paroift tres-content de l'ardeur que
toutes les Troupes ont marqué , les
Soldats luy demandant & avec
audace de pouvoir joindre les ennemis
; & quoy qu'il n'y ait en
aucune apparence d'action qui ait
donné lieu aux Officiers generaux
de fe diftinguer , il fe louë fort
auffi de leur zele , tout le monde
marquant à l'envyfa bonne volonté.
Voilà les grands projets de la
ligue déconcertez , es un affez
grand évenement heureuſement
terminé fans autres fecours que
quelques précautions & aſſez defermeté
pour
bien
marquer
aux
GALANT
131
que
ennemis ,
leur
nombre ne nous
feroit
pas quitter
le terrain
.
Vous trouverez dans les
Lettres fuivantes la marche de
Monfieur le Maréchal de Villars
aprés la retraite de Mylord
Marlborough.
Du Camp de Lauterbach, les.
Juillet..
Faurayfeulement l'honneur de
vous dire , Monfieur , que Monfieur
le Maréchal de Villars ayant
reçû plufieurs avis
des ennemis , campé fous Tréves ,
que
le
Corps
132 MERCURE
étoit fort ébranlé , fit marcher Mr
le Comte de Druys droit à Tréves,
& Mr le Comte du Bourg.
eut ordre de paffer la Sarre à Merkirk;
& de retourner enfuite vers
Sarbourick,pouffant un affez gros
Party devant luy. Le Party
commandépar Mrde Maffenbach,
en trouva un des ennemis qui fut
bien battu & dont les fuyards
donnerent à Sarbourick & à Tréves
, toute la plus chaude allarme
que l'on pouvoirfouhaiter;de maniere
que ces deux Villes ont esté
abandonnées avec beaucoup de
crainte de la part des ennemis , qui
brúlerent leurs magaſins , & jetGALANT
133
terent dans la Mofelle une quantité
d'avoine prodigieufe. La
marche de ces deux Corps a produit
un autre avantage ; c'est que
que
Mr le les ennemis ont crû
Maréchal de Villars eftoit uniquement
occupé de fe rendre maistre.
de Tréves , & leurs troupes quittant
la Mofelle pour revenir deffendre
les Lignes deWeiffembourg,
ont rallenty leur marche , pendant
que Monfieur le Maréchal de
Villars a preßé la fienne fur
Werth , ayant coupé de Boucquenon
droit à la Baſſe- Alface , &
tachant d'arriver fur Weyffembourg
avant que les ennemis euf134
MERCURE
fent affemblé toutes leurs troupes
fur la Luter. L'armée marcha
le 4. fur quatre Colonnes ; Monfieur
le Maréchal de Villars a pris
tous les Huffars qui font prés de
fix cens dix Efcadrons , mille
Grenadiers & les Gardes ordinaires
, & il est tombéfur cinq Régimens
qui eftoient derriere Weyf-
Jembourg; ils devoient eftre joints
le foir par la tefte des troupes qui
reviennent de la Mofelle , menées
par le Prince de Hohenzol
lern. Ils ont deffendu leurs retran–
chemens quelques moments ; trois
Efcadrons de Dragons ayant mis
pied à terre , & la tefte de nos
GALANT
135
Grenadiers arrivant, l'ennemi n'a¸
pas tenu , on les a
menez battant
jufques au delà de Candel , &
mefme bienprés des portes de Landaw
, en en tuant un aſſez grand
nombre &
prenant
beaucoup de
chevaux , & en faiſant un Major
& fept ou huitautres Officiers
5.
prifonniers. Le gros des troupes des
ennemis eft dans un Camp retranché
fous
Luterbourg ; on va
les
chercher.
Nous
apprenons par
lesprifonniers que l'on a faits le
la pointe du jour , qu'ils ont perdu
bien prés de quinze cents hom
mes. Leurs Lignes eftoient déja
fort bien rétablies.
136 MERCURE
"
Du Camp de Lauterbach ,
le 6. Juillet.
J
Vous fçavez déja qu'avanthier
les Lignes de Weyffembourg
furent forcées ; cinq Regimens qui
les défendoient furent un peu mal
menez. Ils fe font retirez à Lus
terbourg , dont ils ont fait une
bonne Citadelle. Actuellement nous
tournons leur Camp dans la bonne
intention de les attaquer. Je doute
que la chofefoit poffible ; mais enfin
quand ce feroit icy les Colonnes
d'Hercule , la Campagne n'a
pas malcommencé. Peut- eftre trouGALANT
137
verons -nous moyen de la finir heureufement
; & fi on blâmoit nôtre
General de s'eftre prefenté devant
Luterbourg fans l'attaquer , on
crieroit bien plus contre luy de ne
sy eftre pas prefenté ; aprés quoy
le bon party eft de laiffer dire .
Le Chasteau de Seltz s'eft rendu
à Mr de Silly , & la Garnison
composée de 130. hommes a esté
faite prifonniere de guerre . On eft
allé prendre deux autres Chateaux
, qui font Rodern & Hatten
; aprés quoi grand fourrage
jufqu'à nouvel ordre.
L'Officier qui a écrit ces deux
Juillet 1705.
M.
128 MERCURE
Lettres , n'étoit pas encore informé
du butin que les foldats
avoient fait de l'argent qu'ils
ont trouvé , en forte que les
Dragons & les Huffars du Roy
fe font enrichis en cette occafion.
On croit que les ennemis
en ſe retirant avec une grande
précipitation , avoient abandonné
leur Caiffe militaire , ou
du moins une partie. Ils ont
auffi laiffé leurs bagages &
quantité de chevaux dont
l'Armée a profité.
M' le Marquis de Lanion , &
M' le Comte de Chamillart
ayant efté pour reconnoiſtre le
GALANT 139
Camp des ennemis fous Luterbourg
, la nuit du s . au 6. M
le Comte de Chamillart s'avança
, accompagné d'un Aide
de Camp , d'unValet de Chambre
qui l'avoit fuivi à cheval ,
d'un Laquais à cheval , & d'un
Palfrenier menant en main un
cheval , le hanniffement de fon
cheval ; fut caufe que les ennemis
firent une fi furieufe décharge
, que le cheval de Mr le
Comte de Chamillart fut tué
fous luy , auffi-bien que celuy
de l'Aide de Camp , & le Valet
de Chambre & fon cheval,
ainſi que le Laquais furent blef.
Mij
140 MERCURE
: fez à mort de manière que
tout ce qui eftoit auprés de ce
Comte fut tué ou bleffé..
Extrait d'une Lettre écrite depuis
celle que vous venez de:
lire.
Depuis que Monfieur le Maréchal
de Villars a chaffé les ennemis
des Lignes de Weyffembourg ,
&qu'il les a rencognez à Luterbourg
, où il les a inveſtis d'un
cofté , & Mr de Chamarande de
l'autre
les Allemans font dans
une grande confternation fur le
craignent de ne pouvoir Rhin ,
GALANT 141
à
plus ravitailler Landaw , qui en
aura bien-toft befoin . La peur les a
obligez de faire paffer le Rhin
leurs gros équipages ; & comme
nous occupons toutes les hauteurs
aux environs de leur pofte , il leur
fera difficile d'en fortir ,fans qu'il·
J ait quelque action . Cependant
nous nous fommes encore emparez
des Chafteaux de Rodern & de
Hatten , qui nous rendent maistres
de tous les fourrages des environs .
Monfieur de Villars a envoyé ordre
à Mr de Druys de luy envoyer
encore dix Bataillons de la
Mofelle , où ils font peu utiles..
142 MERCURE
re
Chevalier
M™ N. . . . de Lorraine
Prince d'Harcourt fils aîné de
Mr N... de Lorraine Prince
d'Harcourt , & de Dame N...
de Brancas fille de M' le Marquis
de Brancas
d'honneur de la feuë Reinemere
, & Chevalier des Ordres
du Roy , a époufé Mlle de
Montjeu. Ce Prince avoit d'abord
embraffé l'état Ecclefiaf
tique , il avoit même pris le
degré de Bachelier en Theologie
& avoit paffé par les épreuves
ordinaires pour entrer dans
la Licence ; mais la mort du
Prince de Montlaur fon frere
GALANT 143
l'a déterminé à quitter le parti
qu'il avoit d'abord fuivi , pour
foûtenir le nom de fa branche
particuliere , le feul frere qui
luy refte étant auffi entré dans
l'état
Ecclefiaftique . On peut
encore ajoûter à ces raifons ,
celle de l'intereft general de la
Maifon de Lorraine , qui ayant
vû finir deux de fes Branches,
& en voyant une troifiéme en
danger de finir depuis le commencement
de cette guerre ,
par la mort des Princes de
Commercy , de Vaudemont &
d'Elbeuf, a voulu prendre des
précautions
afin
que celle
144 MERCURE
d'Harcourt n'euft pas la même
deftinée que les autres . Mr le
Prince d'Harcourt , pere du
nouveau marié eft fils de feu Mr
le Prince d'Harcourt,& de féuë
Dame N... d'Ornano fille du
Maréchal de ce nom. La Branche
d'Harcourt eft fortie de
celle d'Elbeuf qui eſt la premiere
de toutes celles qui font
à préfent en France. Je ne vous
diray rien fur la grandeur de
la Maifon de Lorraine , c'eſt
une matiere épuifée dans les
Lettres que j'ay eu l'honneur
de vous écrire depuis plus de
27. années. Mlle de Montjeu
eft
GALANT · 145
eft arriere- petite- fille du celebre
Mr de Caftille , Treforier do
l'Epargne fous le regne d'Henri
IV. Le Prefident Jeannin eftoit
dans le miniftere dans le même
temps & un des plus habiles
Miniftres de ce grand Prince .
Il donna fa fille unique au fils
de M' de Caſtille , à condition
de joindre les deux noms ; c'eft
ce qui obligea ceux qui fortirent
de ce mariage de prendre
le nom de Jeannin de Caftille.
M' de Caſtille eftoit Eſpagnol,
& on le croyoit en France d'une
naiffance tres- élevée , & la
Juillet 1705.
N
146 MERCURE
tradition de fa famille portoit
qu'il eftoit iffu du fang des anciens
Rois de Caftille. Ce qui
donnoit quelque fondement à
cette opinion , eft qu'il portoit
les mêmes armes que les Rois
de Caftille , & qui font aujour
d'huy les armes de ce Royau
me , fçavoir , un Chasteau donjonné
d'or. Mlle de Montjeu eft
niece de M la Surintendante
Fouquet , qui eft auffi Jeannin
de Caftille , & qui paffe fa vie
dans l'exercice d'une folide
picté.
M'de Marquis de Villafranca,
Grand - Maiftre de la Maiſon
GALANT
147
>
du Roy Catholique, & Cheva
lier de l'Ordre du Saint Efprit ,
mourut à Madrid le 10. du
mois de Juin , regretté de toute
la Cour d'Efpagne à caufe de
fes rares qualitez . Il joignoit à
une penetration d'efprit merveilleufe
& à une prudence
dont il avoit donné des mar
ques dans les conjonctures les
plus delicates , une grande fidelité
, & une exactitude à remplir
fes devoirs qui alloit quel
quefois jufqu'au fcrupule . Ce
Seigneur avoit eſté dans une
grande confideration fous le
regne précedent ; fon habileté
Nij
148 MERCURE
dans la conduite des affaires
difficiles , & l'attachement particulier
qu'il avoit pour la perfonnedu
feu Roy , l'avoit rendu
cher à ce Prince. Ce Marquis
eut les mêmes atachemens
pour Philippe V. lorſqu'il fut
declaré fucceffeur de la Monarchie
d'Espagne , qu'il avoit eus
pour le Roy Charle II. Les
preuves qu'il en donna , luy firent
bien-toft meriter un hon.
neur qui rend celuy qui en eft
revêtu , un des premiers Officiers
de la Couronne. Ce Scigneur
cftoit d'une des plus
grandes Maifons d'Espagne.
1
GALANT 149
Ses aycux ont tenu depuis cinq
ou fix ficcles le premier rang
dans la Cour des Rois de Caftille
. Le Marquis dont je vous aprens
la mort , defcendoit d'un
Seigneur qui exerçoit auprés de
la Reine Ifabelle la même Charge
, qu'il a excercée juſqu'à la
mort auprés duRoy d'Espagne.
Son ayeul paternel fut dans
une grande confideration auprés
du Roy Philippe III. il
fut même un de ceux qui furent
choifis pour amener fur
les frontieres de France , Anne
d'Autriche , fille de ce Monarque
, qui venoit époufer le Roy
Niij
150 MERCURE
Louis XIII. M' le Marquis de
Villafranca eftoit allié aux
meilleures Maiſons d'Eſpagne ;
fçavoir aux Maifons de Velafco
, de Medina- Celi , de Tole+
de , &c . Il touchoit à celle- cy
par deux endroits differens ,
par fon ayeule , & par Me la
Marquife de Villafranca fon
époufe . Il cftoit fort genereux ,
& il ne manquoit point les occafions
qu'il avoit d'obliger fes
amis, & de faire du bien à ceux
qui dépendoient de luy. On
croit qu'il a le premier découvert
les mauvaiſes intentions
du Marquis de Leganez, & renGALANT
151
du fa conduite ſuſpecte . M
le Marquis de Villafranca laiſ
fe deux fils , parfaitement bien
faits & qui donnent de tresgrandes
efperances . Je vous ay
déja parlé du Cadet dans cette
Lettre .
Je vous parlay il y a trois
mois de M' le Chevalier du
Bourk , de fa naiffance & de
fes qualitez diſtinguées , lorfque
le Roy d'Angleterre fon
maître le nomma pour fon Envoyé
en Eſpagne . Il y avoit
déja fait plus d'un voyage , &
il y alla la premiere fois à la
priere du feu Pape , avec M¹ le
Niiij
152 MERCURE
a
Nonce Extraordinaire Zonzedari
; il y fut bicntoft auffi eftimé
qu'il l'avoit efté à Paris &
à Rome. Le feu Pape l'honora
d'une affection particuliere ; il
luy avoit donne une penſion
que celuy - cy continue avec
plaifir , & fa Sainteté n'a rien
changé dans les fentimens d'eftime
& d'amitié dont elle l'honoroit
avant que d'eftre élevée
au Souverain Pontificat. Leurs
Majeftez Catholiques ne luy
ont pas témoigné moins de
bonté. Il avoit déja eu lhonneur
d'eftre fait en Espagne
Chevalier de l'Ordre Militaire
GALANT 153
de Saint Jacques ; & à ſon retour
le Roy fon maître le fit
'Gentilhomme de fa Chambre.
Il eft enfin arrivé à Madrid en
qualité de fon Envoyé Extraordinaire.
Il n'eft pas facile
d'exprimer toutes les bontez
qu'on luy a témoignées,& tous
les honneurs qu'il y a reçus de
Leurs Majeftez , des Grands ,
de la Nobleffe , & d'une infinité
de particuliers. Il y a efté vifité
par tant
de gens
tion , qu'un Miniſtre étranger
qui eft dans cette Cour , n'a
pû s'empêcher de luy dire
Qu'il pouvoit fe flatter d'avoir
de diftinc-
:
154 MERCURE
plus reçu à Madrid de vifites en
huit jours , que tous les autres
Miniftres d'Angleterre n'y en
avoient reçû en vingt ans. Rien
ne prouve mieux l'idée qu'on
y a de ce Chevalier ; mais rien,
ne fait mieux voir auffi quels
font les fentimens de toute
l'Eſpagne pour Sa Majeſté Britannique.
M' le Chevalier du
Bourk fit fon entrée publique
à Madrid le 30: du mois paffe.
L'Introducteur des Ambaffadeurs
l'alla prendre chez luy
dans un des Caroffes du Roy ;
il arriva , au Palais , fur les onze
heures du matin, avec un nomGALANT
155
breux Cortege. Tous les Sujets
du Roy fon maître qui font
en grand nombre à Madrid ;
beaucoup d'Italiens qui l'avoient
connu à Rome , & qui
fçavoient dans quelle confideration
il y eftoit ; & quelques
François qui l'avoient vû à Paris
& à Verfailles , fe firent un
plaifir de l'accompagner. Il fut
conduit avec les ceremonics
accoûtumées aux audiences du
Roy & de la Reine , qui luy
firent un accueil qui répondoit
à l'estime qu'ils avoient
pour luy. Comme il parle avec
beaucoup de nobleffe , de juf156
MERCURE
teffe & de facilité , on ne fut
pas furpris de la beauté & de
la folidité de fes deux difcours .
Le Roy y répondit avec la fageffe
, la bonté & l'efprit qui
luy font ordinaires . Quant à la
Reine , elle luy parla d'une maniere
qui fait connoiſtre avec
juftice que toute l'Europe admire
fon efprit & publie qu'on
a peu vû à fon âge de Princeffe
auffi accomplie. Sa Majesté luy
dit : Monfieur , vous fçavezmes
fentimens ,foyez – en l'Interprete ;
& pour répondre en mon nom au
Royer à la Reine d'Angleterre ,
faites un auffi beau difcours que
A
GALANT
157
celuy que vous venez de mefaire.
Cette réponſe attira les applaudiffemens
de tous ceux qui
l'entendirent ; mais on ne doit
pas s'en étonner , puifque cette
Princeffe parle toûjours avec le
mefme efprit & la meſme juſteffe
. Ces deux audiences eftant
finies , l'Introducteur des Ambaffadeurs
reconduifit cet Envoié
chez luy de la meſme maniere
qu'il l'y avoit efté prendre.
On y trouva une table de vingt
couverts magnifiquement fervie
; le repas y fut delicat & des
mieux entendus. Dés le même
jour cet Envoyé fut viſité par
158 MERCUR E
beaucoup de perſonnes de diftinction
; & depuis ce temps- là
il n'eft occupé qu'à recevoir &
à rendre des vifites.
M' l'Abbé Grimaldy , qui
avoit accompagné M' le Nonce
Extraordinaire en France , a
efté nommé par Sa Sainteté Internonce
à Bruffelles . Cet Abbé
a déja donné dans une tresgrande
jeuneſſe , des marques
de la penetration & de l'élevation
de fon genie. M ' l'Archevêque
de Genes , qui eftoit
Nonce extraordinaire en France
, le preſenta au Roy avant
GALANT 159
fon départ ; Sa Majeſté luy fit
un accueil favorable , & cet
Abbé reçut des complimens
de plufieurs perfonnes de la
Cour. Jevous ay fouvent parlé
de la Maiſon Grimaldy , dont
Mr le Prince de Monaco eft le
Chef ; pour ne point tomber
dans des redites ennuyeuſes , je
vous parlerayfeulement à prefent
de quelques perfonnes de
cette illuftre Maiſon , qui ont
efté honorées de la pourpre ,
& des dignitez les plus confiderables
de l'Eglife . Auguftin
Grimaldy , Evêque de Graffe ,
Abbé de Lerins , Confeiller &
160 MERCURE
Aumônier du Roy , vivoit dans
le feiziéme fiecle. Il eftoit le
fecond des fils de Lambert Grimaldy
Prince de Monaco , & de
Claude Grimaldy heritiere de
la même Principauté. Son merite
& fa qualité le firent confiderer
dans le monde , particulierement
à la Cour, des
Rois Louis XII. & François
I. La quatorziéme Lettre
du 4 Livre du Recücil
des Epiftres du Cardinal Şadolet
luy eft adreffée . Il effuïa des
difgraces à la Cour de France ,
aprés la mort tragique de ſon
frere ; Charlequint , à la confi-
с
GALANT 161
deration duquel il les fouffroit,
luy donna l'Evefché de Majorque
, & enfuite l'Archevêché
d'Oriſtan , & il le nomma enfin
au Cardinalat : Mais ce Prelat
mourut en 1531. avant la promotion
des Cardinaux qui devoit
fuivre la nomination de
Charlequint. Jerôme Grimaldy
, Cardinal & Archevêque
de Bari , eftoit de Genes , fils de
Benoift. Aprés la mort de fa
femme il embraffa l'état Ecclefiaftique
, & le Pape Clement
VII le fit Cardinal. Outre
l'Archevêché de Bari , il eut les
Eveſchez de Venafre , d'Ar-
Juillet 1705 .
5
O
162 MERCURE
benga , &c . Il mourut à Genes
où il eftoit Legat , en 1543 .
Dominique Grimaldy , Archevefque
& Vice -Legat d'Avignon
, eftoit fils de Jean-Baptifte
S ' de Montaldea , & Chevalier
de la Toifon d'or . Le
Pape Pie V. le nomma Commillaire
General des Galeres de
l'Eglife ; & il ſe trouva à la bataille
de Lepante en 1571 .
Depuis il fut Evefque de Savonne
; & Gregoire XIII . le
transfera en 1584. à l'Evefché
de Cavaillon dans le Comté
Venaiffin , & enfuite à l'Archeveſché
d'Avignon . Il a laiſſé un
GALANT 163
Volume de Lettres , qui n'a pas
cfté donné au public . Jerôme
Grimaldy , Cardinal du Titre
de la fainte Trinité in monte
Pincio , Archevefque d'Aix en
Provence & Evefque d'Albano
, mourut à Aix en 1685 .
âgé de quatre-vingt - dix ans.
François- Marie Grimaldy , Jefuite
, eftoit de Bologne ; il
mourut en 1563. Nous avons
de luy un ouvrage poſthume :
De lumine , coloribus , iride. M
l'Abbé Grimaldy qui donne
lieu à cet Article , eft de la bran
che de Grimaldy établie à Genes
; il a paffé plufieurs années
O ij
164 MERCURE
à la Cour de Rome , où il eft
fort confideré.
M' de la Chetardie , Brigadier
des Armées du Roy , &
cy - devant Inſpecteur des Troupes
d'Alface , eft mort à Landrecies
, dont il eftoit Gouverneur.
Il
avoit long - temps
qu'il eftoit dans le fervice. Il
eftoit coufin de M' le Curé de
faint Sulpice , & d'une bonne
maifon de Poitou.
y
We
Landrecies eft une Ville confiderable
du Hainaut , fur la
Riviere de Meufe , à trois licues
du Quesnoy , & à fix de Valenciennes.
L'Empereur Charle
GALANT 165
Quint la prit en 1543. à la
tefte d'une nombreufe Armée.
Elle fut repriſe fur les Eſpagnols
en 1547. qui la reprirent
quelque tems aprés . L'Armée
du Roy la prit encore en
1655. & enfin elle nous eſt
reftée par le trente feptiéme
Article , fi jene me trompe du
Traité d'Aix-la- Chapelle , conclu
en 1659 .
M' Leftrade , Lieutenant des
Gardes du Corps & Maréchal
des Camps & Armées du Roy,
a eu le Gouvernement de Landrecies.
C'eft un Officier d'un
merite , & d'une valeur recon166
MERCURE
nuë. Il a merité cette recompenfe
par fes longs fervices ,
ayant paffe par tous les degrez
de fon Corps , & s'eftant diftingué
dans plufieurs actions .
Monfieur le Cardinal de
Noailles ayant appris la mort
de M' 1Evêque & Comte de
Valence , fon Eminence dit à
l'Affemblée , que l'on sçavoit la
perte qu'elle venoit de faire de
Mr l'Evêque de Valence , qui
meritoit d'eftre regretté de la Compagnie
, par toutes les qualitez
aimables & eftimables qu eftoient
en luy , & par le zéle avec lequel
il avoitfervi le Clergé dans pluGALANT
167
fieurs Affemblées : Qu'aprés avoir
donné à Mr de Valence pendant
fa vie tant de marques d'eftime
& de confideration , il eftoit
perfuadé qu'elle voudroit bien luy
rendre aprés fa mort , les devoirs
de religion de pieté qu'on a coútume
de rendre aux Prelats , qui
meurent pendant la tenuë des Af-
Jemblées; & qu'en attendant qu'on
refoluft la maniere dont on luy feroit
un Service folennel , il eftoit
de l'ufage de dire un Deprofundis.
Auffi- tôt la Compagnic fe
leva , & Mr le Cardinal commença
le Deprofundis , qui fut
continué par Ms les Députezs
168 MERCURE
1
& l'Affemblée remit à une autre
féance à fixer le jour du Service
qu'elle devoit faire pour ce
Prelat , I fe nommoit Me
Guillaume Bochart de Champigny
; & avoit efté cy - devant
Archidiacre de Rouen & grand
Vicaire de Pontoife . Il eft mort
dans l'Hôtel de la Treforerie
de la fainte Chapelle du Palais
chez M' l'Abbé de Champigny
fon frere , qui en eft Treforier.
Il n'eftoit âgé que de cinquante
cinq ans ; il eftoit fort
eftimé & fort aimé dans fon
Diocefe. Il a trois freres vivans
;l'un Intendant du Havre,
&
GALANT 169
& qui l'a efté du Canada , aprés
avoir efté Confeiller au Parlement
de Paris ; le Treforier
de la fainte Chapelle ; le troifiéme
eft Prévoft du Chapitre
de Lille en Flandres ; &
Guy Bochart Chevalier de
Malthe , tué au fiege de Nimegue
, eftoit. auffi frere du défunt
. Leur pere qui avoit cfté
Maistre des Requeſtes & Confeiller
d'Etat , eftoit petit fils
du premier Prefident Bochart ,
qui avoit merité par fes fervices,
d'eftre mis à la tefte du pre
mier Parlement du Royaume ;
& il avoit un frere Chartreux à
Fuillet 1705.
P
370 MERCURE
Paris, qui paffoit pour un hommed'un
genie fuperieur. L'autre
branche de M Bochart
cft celle de Saron ; elle defcend
auffi du premier Preſident
Bochart. M' de Saron , Confeiller
au Parlement de Paris ,
cft frere de M' l'Evêque de
Clermont , & pere de M' de
Saron qui a époufé la foeur de
M' de Pontcarré premier Prefident
duParlement de Rouen, de
M' l'Abbé de Saron , Treforier
de la fainte Chapelle de Vincennes
; & de M' l'Abbé de Saron ,
Chanoine de l'Eglife de Paris .
La mere de M l'Evêque de
GALANT 171
;
rs
Valence eftoit de la maifon de.
Boivin. La maifon de Bochart
eft tres - ancienne M's de
Champigny en font les aînez.
M1Evêque de Valence a
efté enterré le Lundy 6. de Juillet
, entre neuf & dix heures
du foir , dans la fainte Chapelle
baffe. Les Auguftins qui
font les Chapelains du Clergé
quand ileft affemblé , y affittorent
& porterent le corps. M
l'Abbé Dongois , Chanoine de
la fainte Chapelle , portoit l'étole
, M' le Treforier ne s'étant
pas trouvé à l'enterrément.
M PAbbé de Maule-
Pij
172 MERCURE
vrier , Agent General du Clergé
, & M l'Abbé de Perſigny ,
Doyen de Noftre- Dame &
Député de la Province de Paris
, y affifterent de la part du
Clergé. Les deux Aumôniers
du défunt marchoient les premiers
aprés le corps , en rochet
& en manteau long ; l'un portant
la couronne de Comte
parce que l'Evêque de Valence
eft Comte de Valencinois ;
& l'autre portant le coeur de ce
Prelat , qui devoit eſtre inhumé
dans l'Eglife Cathedrale de
Valence.
M² de l'Aſſemblée generale
GALANT 173
du Clergé firent faire un fervice
magnifique pour feu M
1 Evêque de Valence , dans l'E
glife des grands Auguſtins , le
15. du mois paffé. L'Eglife
eftoit toute tenduë de noir ,
avec deux laiz de velours couverts
d'écuffons aux armoiries
du défunt. La reprefentation
cftoit fous un magnifique daiz
de velours noir ; elle eftoit élevée
de fix degrez , & entourrée
d'un grand nombre de
chandeliers d'argent garnis de
cierges. M' l'Evêque de Coûtances
officia , il avoit pour
Diacre & Soûdiacre , Ms les
P
iij
174 MERCURE
Abbcz de Maliffole & de Tencin.
Les quatre Prelats qui firent
les Abfoutes à la fin de
la Mcffe , font M's les Evêques
de Senlis , de Condom ,
rs
de Blois & d'Alet. La Meffe
fut chantée à deux Choeurs par
les Peres Auguftins. Les Evêques
qui ne font pas de l'Af
femblée & qui y affifterent
font M' l'Archevêque d'Aix
M' l'Evêque de Metz , M'IEvêque
de Soiffons , l'ancien Evêque
de Condom , & M' l'Evêque
de Meaux . La parenté du
défunt Evêque , qui eft tresilluftre
& tres - confidérable, fut
GALANT 175
placée fur des formes , qui
avoient efté mifes exprés dans
le Choeur. Les Abbez qui fe
trouverent à ce fervice , & les
Chanoines de la fainte Chapelle
qui y affifterent prefque tous,
eftoient placez dans le Sanctuai
re.
Mr Nicolas Petitpied , Pretre
, Docteur de la Maifon &
Societé de Sorbonne , Chanoine
& Sous - Chantre de l'Eglife
de Noftre- Dame de Paris
, ancien Chefcier de l'Eglife
de S. Eftienne des Grez
& ancien Curé de S. Mar-
竖
tial & Confeiller Clerc au
P iiij
176 MERCURE
Châtelet , eft mort au commencement
du mois dernier ,
âgé d'environ foixante dix -huit
ans . Ilaefté enterré , ainfi qu'il
l'avoit fouhaité , dans l'Egliſe
de Nôtre Dame. Il avoit paffé
fa vie dans une application continuelle
à fes devoirs , & dans
l'exercice affidu des oeuvres de
charité . Il a donné en mourant
des marques de l'amour qu'il
avoit pour les pauvres ; le bien
qu'il leur a fait , en dit plus que
tous les éloges que je pourrois
luy donner. Il a laiſſe dix mille
livres à l'Hôtel Dieu , & environ
la même fomme àl Hôpi-
да
T
1
GALANT 177
tal de la Mifericorde , dont il
eftoit Superieur ; il a donné des
legs à plufieurs autres Maiſons
Religieufes qui en avoient àffez
befoin. Il a donné cinq ou
fix mille livres à l'Hôpital des
Quinze-vingts ; & il àa mis fes
domeſtiques , par le bien qu'il
leur a fait , en eftat de fe paffer
de maîtres. Il a laiffé à l'Egli
fe de Paris un fonds de foixante
quinze mille livres ; & une partie
de cette fomme eft deſtinée
pour augmenter le revenu de
fa Dignité , & l'autre pour
augmenter la retribution des
Matines , qui fe diſent à mi178
MERCURE
nuit dans cette Eglife. Il y a
déja quelques années qu'il avoit
donné à cette Eglife un Calice
d'or , qui eft eftimé plus de
quarante mille livres . Il a donné
douze cens livres de rente
à la Maifon de Sorbonne , &
a laiffé à cette même Maifon
fa Bibliothèque, où il y a quantité
de manufcrits . Il a donné
cinq cens livres de rente au
Chapitre de faint Eſtienne des
Grez , à la charge de fe defifter
des appels d'un reglement que
le Chapitre de Nôtre-Dame
avoit fait , fans quoy ce legs
doit retourner à Nôtre- Dame.
GALANT 179
Il a donné auffi quatre mille
livres à la Fabrique de l'Eglife
de faint Martial dont il a efté
autre-fois Curé , & il a donné
encore à cette Eglife , fa belle
Etolle qui a coûté fix cens liv.
& il y a fondé quatre fervices ;
un pour luy ; le fecond pour le
Curé auquel il avoit fuccedé ;
& deux autres pour M' de la
grande Confrairie de l'Eglife
de Nôtre-Dame , qui doivent
y faire chanter deux grandes
Meffes , aux jours qu'il a marquez
dans fon Teſtament. Il
eftoit frere de M Petitpied
Avocat au Parlement de Paris,
rs
180 MERCURE
qui s'eft rendu celebre par fes
Plaidoyez , & par la connoiffance
qu'il avoit de la Jurif
prudence. Cet Avocat a laiſſe
plufieurs enfans , fçavoir M
Petitpied , l'aîné , qui ne s'eft
point marié , M' de Vaubreüil,
Auditeur des Comptes ; & M
Petitpied Docteur de Sorbonne
, & cy-devant Profeffeur en
Theologie ; & quelques filles.
M' Petitpied a fait ſes neveux
legataires univerfels.
M' l'Abbé de Dreux, Confeil- .
ler augrand Confeil , Chanoine
honoraire del'Eglife deParis,
frere de M' de Dreux , ConfeilGALANT
181
ler à lagrand'Chambre & oncle
Mr le Marquis de Dreux , de
Grand Maître des Ceremonies
de France , a fuccedé à la Dignité
de Soûchantre .
....
M N……………. Lizot , ancien
Curé de S. Severin , eft mort ,
âgé de prés de quatre - vingt
ans ; il eſt peu de Pafteurs qui
ayent fait plus de bien que luy
dans leurs Paroiffes. Il eftoit
vigilant , & entroit par luymême
dans tous les befoins de
fes Paroiffiens . Il eftoit fur tout
le pere des pauvres ; il leur a
fait des charitez qui excedoient
fouvent fes forces , on en rap182
MERCURE
porte des circonftances
étonnantes.
Voicy entr'autres un
trait de fon défintereffement
.
Un de fes Vicaires qui laiffoit
une fucceffion affez confiderable
, le fit à la mort fon legataire
univerfel ; dés qu'il eut les
yeux fermez , M' Lizot envoya
chercher les heritiers naturels
du deffunt
, aufquels
il partala
fucceffion
de leur pa- gea
rent , à l'exception des contrats
& billets fous feing privé , qu'il
rendit aux debiteurs
qu'il avoit
fait avertir. Il avoit refigné fa
Cure depuis environ une année
, à Mr Pinelle fon Vicaire .
GALANT 183
-
Mr Lizot eftoit frere de feu
Mr Lizot , premier Medecin
de feuë S. A. R. Monfieur ; ils
eftoient de la Ville de Caën ,
& d'une tres bonne famille .
Ce Cuté avoit un talent particulier
pour faire les Profnes ;
il ne fe fervoit que de l'Homelie
du jour , mais il l'expliquoit
d'une maniere folidé , & qui
eftoit à la portée de tous les
auditeurs . Mr Lizot avoit fucccdé
dans la Cure de S. Severin
à Mr le Tellier , aujourd'huy
Evêque de Digne ; feue
S. A. R. Mademoiselle , dont
Mr Lizot cftoit Confeffeur!,
184 MERCURE
voulant l'attacher auprés d'elle ,
luy fit avoir cette Cure , en faifant
donner un Evêché à Mr
le Tellier. Mr Lizot avoit eſté
long-temps Vicaire de cette
Paroiffe , & il l'avoit efté auparavant
de celle de Saint Cofme ,
dont il diſputa même la Cure
qui luy avoit efté reſignée ,
contre feu Mr Deffita , dernier
Titulaire , & frere de feu Mr
le Lieutenant Criminel ; mais
comme elle dépend de l'Univerfité
, elle fut declarée de Pa-
Stronage laïque , & on jugea par
confequent qu'on ne pouvoit
la refigner.
GALANT . 185
Vous fçavez que l'Amirante
de Caftille ne fut écouté en
Portugal , lorsqu'il y arriva ,
que fur les affurances qu'il donna
, que fi l'Archiduc paroiffoit
fur les frontieres d'Espagne ,
la plus grande partie de la Monarchie
fe foûleveroit en fa faveur
, & le reconnoiftroit pour
fon Souverain ; & que c'eſt fur
ces fondemens que l'Angleterre
& la Hollande ont fait venir
PArchiduc
.
Cependant fa prefence
n'ayant rien produit de
ce que l'Amirante avoit affuré
qui arriveroit , les Alliez s'en
font plaint fortement , en for-
Juillet 1705. е
186 MERCURE
te que cet Amirante s'eft
trouvé fort embaraffé , craignant
la fureur du peuple
de Portugal qui murmuroit
hautement
de ce qu'il l'avoit
engagé mal à propos dans une
guerre qui avoit commencé à
ruiner 1 Etat , & qui attireroit
fans doute fa ruine entiere.
L'Amirante qui n'avoit conté
que que fur la force des armes
des Alliez , quoy qu'il leur cuſt
fait croire le contraire fans en
eftre perfuade , fçachant bien
qu'il n'y a point de nation plus
fidele que l'Espagne , quand
elle a une fois prêté ferment
GALANT 187
de fidelité à un Monarque ; &
que quand en fe démentant ,
elle auroit pû manquer à fon
ferment , ce n'auroit pas efté
à l'égard de Philippe V. dont
toute la nation eft charmée des
belles qualiteż & de la douceur
du Gouvernement : l'Amirante
, dis - je , voyant qu'il
n'y avoit rien à efperer pour
Juy & pour fes projets d'une
nation fi fidele , en voulant
neanmoins tromper les Alliez
& les éblouir par des chofes
qui fembleroient répondre à
ce qu'il avoit promis , refolut ,
puifque tout le Corps de la na-
Qij
188 MERCURE
tion eftoit fidéle , & qu'il n'avoit
pû ébranler ni les Grands
ni le peuple , de ſe faire informer
de ceux qui paffoient pour
fcelerats dans plufieurs Villes
d'Espagne , & qui pouvoient
fe laiffer
corrompre par argent
& par des promeffes encore
plus
éblouffantes , pour executer
les chofes dont on les chargeroit
, & fur tout pour faire
élever des feditions dans les
Villes où ils eftoient , & les faire
remettre aux troupes des
Alliez . Ces projets ont réüffi ,
à l'execution prés ; les traiftres
one efté arreſtez , & l'on a déGALANT
189
couvert que la plufpart de ces
complots n'avoient efté formez
que par des fcelerats , &
que les Moines mêmes qui s'en
eftoient mêlez , avoient mené
une vie fcandaleufe avant que
d'entrer dans le Couvent. Ils
avoient eſté éblouis par des
Evéchez qu'on leur avoit promis
; & les autres fcelerats , par
des Marquifats & des Comtez,
Mais ces fortes de traiftres ne
peuvent porter préjudice à la
fidelité de la nation Efpagnole ,
& à l'amour qu'elle a pour fon
Roy Philippe V. Il y a des fcederats
chez toutes les nations
190 MERCURE
lorf. qui s'engagent à tout ,
qu'ils font affurez d'eftre bien
recompenfez . J'ay crû devoir
mettre ce Prélude à la tefte de
la traduction que vous allez
lire de la confpiration de Grenade
, dans laquelle vous trouverez
que les recompenfes dont
je vous viens de parler avoient
efté promiſes à tous les traî
tres.
COPIE
d'une Lettre de Grenade, du
2. Juin.
f'Ay ſeulement à vous faire
[çavoir que nous fommes icy
GALANT 191
*
dans de grandes occupations , caufées
par le Pere Sanchez , Religieux
de la Victoire , natif du
Royaume de Valence . Il á efté
long-temps Bandit,avant que d'entrer
dans le Cloiftre , & il est le
fcandale du monde. Pour le retirer
de fes defordres , le feu Roy Charles
II. à la priere de Dom Pablo
Diamante , luy donna une penfion
de deux cens ducats , &fon
* Les Religieux de la Victoire en ELpagne
font les Peres Minimes ; on
les appelle ainfi dans ce Pays-là ,
parce qu'ils ont à Madrid dans leur
Eglife une Image de la Vierge
qu'on appelle notre - Dame de la
Victoire , qui y eft honorée avec
beaucoup de devotion.
192 MERCUR E
q
Ordre l'avoit fait Correcteur du
Couvent de Loxa. Mais dans la
fuite , nôtre Monarque Philippe
Cinquiéme ayant eu connoiffance
de la conduite fcandaleufe de ce
Religieux , qui continuoit toûjours
..de vivre pen regulierement malgré
l'eftat qu'il avoit embraffé , luy
a ofté cette penfion. Il fe refugioit
dans la maifon d'un Rece-
-veur de cette Ville , appellé Veraftegui
, qui demeuroit attenant
Saint Michel , où se trouvoient
auffi beaucoup d'autres Valenciens
farcis d'armes , & qui n'avoient
pas plus de confcience ny de retenuë
que cet indigne Religieux. C'est
la
GALANT 193
là qu'ils tenoient leurs Affemblées
& leurs Conciliabules ; & ils fe
conduifoient avec tant de précaution
, qu'ils avoient auffi engagé
dans leur parti beaucoup d'autres
gens de cette Ville , pour unfoûlevement
general qu'ils prétendoient
faire reüffir la veille de la Fefte-
Dieu , pendant la nuit , qui eft le
temps où tout le monde fort pour
voir les repofoirs que l'onfait dans
les ruës. Là ils devoient procla-
·mer l'Archiduc ; & quelques-uns
d'entr'eux devoient fur le foir en
trer déguifez dans la Citadelle ,
&pendant la nuit , à une heure
marquée,ceux-cy devoientfe jetter
Juillet 1705 .
R
194
MERCURE
dans le Corps
de garde
, tuer deux
qui s'y trouveroient
, fe faifir
des
armes
& fe rendre
maistres
de l'artillerie
. Les autres
devoient
en
même
temps
mettre
le feu aux
quatre
coins de la Ville , fur tout
ala Chancellerie
, & aux maiſons
des Magiftrats
& du Corregidor
& tuer tous ceux qui estoient
affectionnez
à noftre
Roy. Le Ciel
apermis
que toutfe foit découvert
;
ainfi avant
l'execution
de ce
projet
, à trois heures
du matin
, la
maifon
de ce Receveur
fe trouva
affiegée
par les gens de Justice
par un affez grand
nombre
de Soldats
commandez
par le Lisute-
1
GALANT 195
i
mant Colonel Dom Antonio Inanfio.
Onfe faifit de tous ceux qui
fe trouverent dans cette maison ,
hommes & femmes ; &l'on envoya
des gens à la pourſuite du
Receveur qui estoit allé faire une
tournée. Dés que ceux- cy furent
arreftez un Medecin Romain qui
eftoit venu icy avec un nom
un employ ſuppoſez , qu'on affuxe
eftre un homme de grande confideration
, qui a quelque titre de
l'Empire , alla tout reveler à un
Prévost, er fa dépofition dura
vingt- quatre heures fans aucune
interruption. Ce qui a donné lieu
à tant de pourfuites & d'empri
Kij
196 MERCURE
-fonnemens que c'est une image du
Jugement dernier ; mais ce nefont
tous que gens du commun , excepté
les deux hommes de confideration
qui estoient déja prifonniers dans
la Citadelle , qui font le Comte
de Eril లో le Comte de Luque ,
qu'on a mis dans une Tour à part,
les privant de toute communica
tion. Plufieurs ont pris la fuite ,
on ferre bien les doigts à ceux
qu'on a pris pour les faire parler;
on découvre une intrigue infernale,
& la Fuftice qui s'en fera,fera du
bruit dans toute la terre. C'eft à
quoy je travaille ; Il n'y a point
d'eftat qui difpenfe d'eftre fidele &
1.
GALANT 197-
zelépourfon Roy & pour la Re-.
ligion , & c'est à quoy je fuis plus
obligé qu'un autre. J'écris à Madridfur
ce fujet par ce Courrier ;
je ne doute pas qu'il ne vienne
ordre de faire encore quelques diligences
fortconvenables à lafituation
prefente. Pour m'en acquitter
je monteray à cheval s'il le faut ;
il n'y a ny travail ny peril qui
puiffent m'arrefter dans une pourfaite
auffijufte & auffi neceffaire.
Fallay avant hier avec un Prévoft
dans une Eglife , où il alloit
arrefter un des principaux compli
ces qui s'y eftoit refugié , & qui
nefe vouloit point rendre ,foûte-
R iij
198 MERCURE
nu par le Proviſeur , & quiprétendoit
qu'on ne l'y pouvoit pas
prendre. Mais enfin parmes inftances
par mes fortes raifons , fe-
&
condant les Privileges du Prévost
dans une affaire de cette nature
fobtins que le criminel luy fuſt
livré , & qu'il l'oraft de l'Eglife
pour le mener en prifon. Je conte
qu'on le verra bien- toft à lapo
tence. Le Samedy fuivant , quoy
que ce fuſt un jour de Fefte , les
Fuges s'affemblerentfoir & matin.
On prit auffi ce jour- là le Pere
Maistre Lopez , Auguſtin. Al'entrée
de la nuit deux Peres Jefuires
entrerent dans la prifon pour
a
GALANT 199
confeffer les criminels , le Bourreau
y entra quelque temps aprés ;
ce qui donna lieu à toute la Ville
de demander aux Juges & aux
Magiftrats
qu'il ne fe fiftfecretement
aucune execution , & qu'on
lesfift toutes en public pourfervir
d'exemple , & pour donner cette
fatisfaction
à tous ceux qui font
fideles.LaVille
de fon chefdépêcha
un Courrier au RegidorDomfuan
Vasquez , afin qu'il rendift compte
au Royde tout ce qui eftoit arrivé,
& qu'il affuraft Sa Majesté, que
que cette Villeferoit toûjours conftante
dans fon obéiffance, fidéle
contre toutes fortes de traiftres &
Riiij
200 MERCURE
de trabifons. La nuit avant qu'on
inveftift la maifon du Receveur ,
le Religieux de la Victoire en eut
fans doute avis
doute avis , car il fortit de
Grenade , accompagné d'un autre.
Religieux & de cinq de fes compatriotes
; ils allerent à la plage
de Motril, où ils prirent par violence
une Barqué pour le fauver
à Gibraltar, & fe mettrefous la
protection du Prince d' Armstadt ,
avec qui on affure , que ce Religieux
avoit correspondance. Une
bourrafque s'éleva qui les rejetta
fur la Cofte. La Cavalerie qui
battoit la Campagne y accourut ↑
its s'enfuirent du cofté de la mon-
1
GALANT 201
tagne , ils arrivérent
à un lieu de
la coline de Ronda , qu'on appelle .
Ygualexa
, où les Habitans fur…
pris de voir ces gens ainfi armez
s'attrouperent
& lespoursuivirent
jufqu'à Ronda. Ils s'y refugierent
dans le Couvent de S. Fran
çois, &là les
on en prit quatre
, parmy
lesquels
eftoit ce malheureux
Religieux
;
je viens d'apprendre
qu'il eft arri
vé icy.
ayant enveloppez
Traduction d'une autre Lettre
du mefme , écrite auffi de
Grenade le 9. Juin.
Je vous appris la femainepaf202
MERCURE
fée , les troubles que prétendoit
exciter dans cette Ville un Religieux
de la Victoire , fcelerat in¬
figne. Il avoit mis beaucoup de
gens dans fon parti , fur tout le
Pere Maitre Lopez , Religieux
Auguſtin chauffé , qui paffoitpour
un homme de grande vertu . On
L'avoit engagé de fortir dans le
temps que la revolte feroit le plus
déclarée
, & d'aller les ruës
un Crucifix à la main , pour y
proclamer ainfi l'Archiduc. Les
Chefs de la confpiration s'affembloient
dans fa Cellule . On m'a
fait voir fecretement la plupart
des dépofitions. Ce que j'y ay vú
par
GALANY 203
de plus ridicule , c'eft que ce malheureux
Religieux de la Victoire,
&les Valenciens , fes Affociez ,
eftoient convenus de pleine autorité,
d'unediftribution d'Eveschez
en faveur des principaux Religieux
; & ils offroient des Titres
de Comtes de Marquis à des
Cordonniers , à des Charpentiers,
à des Serruriers & à d'autres de
cette efpece.
Cadix faifant aujourd'huy
l'attention de la plus grande
partie de l'Europe , je croy
vous faire plaifir en vous envoyant
trois Lettres , par leſquelles
vous apprendrez des
204 MERCURE
nouvelles certaines de cette
Place.
Extrait d'une Lettre de Cadix ,
du 10. Juin.
fe vous diray qu'on prit il y a
trois jours un batteau Valencien
qui alloit à Gibraltar , par le
moyen d'un Espagnol de Panama,
détenu en prison pour dettes , qui
écrivit à Mr du Caffe , que s'il
vouloit contribuer à fon élargiffement
, il découvriroit des
chofes de confequence
pour
l'Etat . Auffi-toft Mr du Caffe le
prit au mot , & lefit venir chez
GALANT 205
luy , où il luy découvrit tout. Mr
du Caffe commanda enfuite les
Canots du Conftant & de l'Ori
flamme pour aller s'emparer de ce
bateau Valencien , & de tout ce
qui eftoit dedans ; on y trouva un
Matelotfaifi d'une Lettre adreffée
au Prince d'Armstadt , qu'il avoit
cachée entre les femelles defes fouliers.
Cette Lettre , quoiqu'en
chiffres , fut bien-toft déchiffrée ';
lût ces mots : Le Perro
& ony
du Caffe eft dans le Pontal ,
avec quatre Navires de France .
Il marquoit enfuitefort au long
l'Artillerie , les munitions, les vivres
les troupes qui estoient ·
206 MERCURE
dans Cadix & aux
rons
comme à Ponte-Suaffo , à Porto-
Real , au Port Sainte Marie &
à Rothe; & on convient que celuy
qui avoit écrit cette Lettre
eftoit auffi-bien informé que Le
Gouverneur de la Ville , & les
Commandans de ces Poftes . Aprés
avoir déduit toutes chofes , il conclud,
qu'il ne croit pas que Cadix
puiffe eftre infultable de ce
cofté-là ; qu'il n'y avoit que le
Fort S. Sebaſtien qu'on pourroit
aifément efcalader , n'étant
pas affez pourvû de monde
, les Habitans eftant perfuadez
qu'on ne pouvoir les
GALANT 207
par
attaquer de ce cofté-là : & qu'il
* feroit le fignal de l'efcalade
trois fanaux . Celuy qui envoyoit
cette Lettre au Prince d'Armstadt,
eft un MajorEfpagnol , prifonnier
dans le Chasteau depuis deux ans,
où eftoit auffi l'Espagnol de Panama.
Cette découverte a fait beaucoup
de plaifir ; on ne laiffera
pas ce Fort dégarni. Les Galeres
arriverent icy le 7. au grand con-
-tentement de tout le monde. Je
fuis , & c.
Cette Lettre eftant dattée
du ro. de Juin , & Cadix fe
trouvant dés ce temps - là hors
d'eftat d'eftre infulté , vous de208
MERCURE
yez eftre perfuadée que cette
Place eft prefentement en état
.de fe bien défendre.
A Cadix , ce 22. Juin.
Nousfommes tous les jours icy
dans l'attente de voir paroiftre les
Anglois avec ce feu feu dont ils nous
ont fait menacer de toutes parts.
Cette Ville n'a peut- eftre jamais
efté mieux en eftat de fe bien défendre
; il y eft entré de tres bonne
Cavalerie Efpagnole , & de l'Infanterie
fuffisamment pour la bien
garnir. Toutes les Religieufes &
prefque tous les gens inutiles en
GALANT 209
font dehors ; chacun a faitfespro
vifions pour quatre mois , fans
conter celles de la Ville , qui font
tres-abondantes. Il y a tant de canons
en batteries le long des remparts
, que
l'on
peut
dire
que
ce
n'est qu'une couronne qui environne
toute la Ville ; le Gouver
neur eft tres- vigilant , & donne à
connoiftre par la maniere dont il
s'y prend qu'il a envie de fe
bien défendre. Il nous eft arrivé
ces jours paffez quatre Galeres
d'Espagne , qui ferviront à garnir
le Pontal. Enfin c'est tout vous
Dien nous délivrant dire
& que
d'aucune trahison , il est à fouhai-
Juillet 1705 .
S
210 MERCURE
le
ter que les Anglois viennent vo–
mir toute leur rage fur cette Ville;
on eft perfuadé qu'ils y échouëront
avec plus d'éclat & plus de perte
que la premiere fois , ayant efté
obligez de fe retirer quoiqu'ilsfuffent
en eftat de la prendre.
Mr noftre Gouverneur ,
jour de la Proceffion , au lieu que
l'on doit faire trois décharges felon
la coûtume , avoit fait charger à
balles toute la Garnifon étoit
fous les armes en differents Corps,
par tous les endroits où le peuple
eftoit en plus grand nombre , & la
Cavalerie faifoit fa ronde par
toutes les rues , l'épée à la main,
"
T
GALANT 211
afin de prévenir le malheur qui
auroit pu arriver en cas qu'il y
euft quelque trabifon. Ce quifurprit
beaucoup de gens qui s'allar
merent fort de cette manoeuvre
qui eftoit d'un habile homme
bien zelé pour fon Roy.
Les trois Vaiffeaux de Mr
d'Hers , qui estoient armez en
courfe , font moüillez à l'entrée de
la Baye , prefts de fuivre les ordres
de Mr du Caffe Commandant icy
la Marine . Le Rubis s'eft joint
avec eux ; quant au Maur, on a
nouvelle il y a longtemps de fon
arrivée en France.
Je ne puis rien vous dire du
S
11
212 MERCURE
les
Blocus de Gibraltar , puifque
nous n'en fçarvons rien icy , quoique
nous n'en foyons qu'à vingt
tieuës ; il y a apparence que
troupes de Cavalerie qu'on y a
laißées,feront capables d'empefcher
que la Garnifon n'infulte la campagne
, qui d'ailleurs n'est qu'un
defertjufqu'à deux lieuës pardela
les montagnes. Ainfi ils ne feroient
quefe fatiguer, quoiqu'ils lefoient
déja affez , eftant renfermez dans
un trou , où la maladie leur fait
plus de mal que nous ne leur en
avons fait. Les vivres doivent
auffi leur eſtre fort courts depuis
leur dernier convoy.
GALANT 213
Cette Lettre doit vous faire
connoiftre que non feulement
on ne craint point les ennemis
à Cadix ; mais que l'on
fouhaite même de les voir devant
cette Place , tant on cft
perfuadé qu'il n'y pourroient
paroiftre qu'à leur honte.
Voicy une Lettre de Malaga,
dans laquelle vous trouverez
encore des nouvelles de Cadix.
A Malaga le 30. Juin.
On envoye tous les jours des
Tartanes chargées de poudres
de balles d'icy à Cadix , où elles
214 MERCURE
arrivent journellementfans aucun
rifque , & il partit encore hier
au foir une Tartane Françoife
chargée de poudres pour la même
Ville , dix à douze Batteaux
à rames qui y vont pour le même
fujet. Ce font les trois Vaiſſeaux
de Mr d'Hers qui ont fervi d'ef
corte à notre artillerie de Gibraltar
pour aller à Cadix , où il ne
paroift encore aucun Vaiſſeau ennemy;
mais on me mande qu'on
y attend inceffamment l'Armée
ennemie , ayant eu´nouvelle
quatre vingt voiles avoient déja
paru fur la Corrogne allant à
Lisbonne , où est le lieu d'affemque
GALANT 215
blée , & l'on croit que de- là ils
doient aller à Cadix , d'où on
me marque qu'on est bien préparé
à les recevoir , & prefque affeuré
de les repouffer, à moins qu'il n'y
ait des faux-freres. Voilà lespropres
termes dont on fe fert dans
ma derniere lettre.
A l'égard du nombre de Troupes
qui font dans Cadix & aux
environs , je ne faurois vous le
dire , je fais pourtant que le Resgiment
de Dragons de Bouville ,
François , qui eft un fort bon Regiment
, eft dans l'Ile de Leon ,
qui n'est autre que l'Ifle de Cadix ,
du cofté de Ponte Suaſſo , & le
216 MERCURE
Contado eft un petit Village entre
fainte Marie & Porto Real , à
trois lieues de Cadix , où ily a des
Troupes ; & de la Cavalerie à
Rothe , où les Anglois defcendi
rent ily a trois ans lorfqu'ils vinrent
l'attaquer.
Nous avons avis de Grenade,
qu'on a déja executé fix perfonnes
des plus coupables de la confpira
tion , & qu'on travaille au procés
des
autres.
Nous fentimes avant hier un
furieux tremblement de terre qui
commença à une heure aprés midy,
nous eftions à table nous crumesqu'elle
alloirfe renverfer ; les
Σ
portes
GALANT 217
portes& les feneftres fe fermerent
s'ouvrirentplufieursfois d'elles
mêmes.
A l'égard du Blocus de Gibraltar,
cette place eft toûjours bien
referrée , la Garnifon en paroift
fort tranquile ; car il y a longtemps
qu'on n'a point entendu parler
qu'elle ait fait aucune fortie.
Ily a quatre jours que le bruitfe
répandit icy univerfellement que
le Prince de Darmstadt s'eftoit caffe
une jambre par une chute de cheval;
cependant je croy qu'ily apeu
fondement à faire fur une pareille
nouvelle. Il n'y a à Gibraltar ancun
Vaißeau ennemy , finon quel
Juillet 1705.
de
218 MERCURE
ques bâtimens & Corfaires qui y
paffent de temps en temps.
On vient de donner au public
les nouveaux Elemens de Geometrie
de Monfeigneur le Duc de
Bourgogne. Il n'y a perfonne qui
ne foit furpris d'apprendre , en
lifant cet ouvrage , qu'il n'eft
le fruit des études de ce
que
Prince , qui prenoit foin de
rediger par écrit le précis des
leçons que M de Malezieu
lui faifoit fur les Mathematiques
, aprés que ces leçons
eftoient finies ; mais l'étonnement
ceffera lorfqu'on ſe ſouviendra
que le caractere d'efprit
GALANT 219
de Monfeigneur le Duc de
Bourgogne , porté de luy- même
aux plus hautes meditations
, & fa curiofité naturelle
pour les fciences les plus
élévécs & les plus abftraites ,
l'ont toûjours rendu fuperieur
aux matieres qui faifoient
l'objet de fon attention . En
effet ce Prince pendant le
cours de fes études des Ma
thematiqués
, qui occupent
fouvent la vie des plus
grands hommes , ne trouvoit
point de difficultez qui l'arrê
taffent. Il n'avoit pas befoin de
les creufer pour les fixer da-
•
Tij
220 MERCURE
vantage , il les dévoroit , & il
voyoit ordinairement d'un coup
d'oeil le noeud de la queſtion
;
mais fouvent emporté par la
facilité qu'il avoit à les penetrer,
au de-là de ce qui luy eftoit
propofé , M' de Malezieu avoit
plus de peine à le retenir dans
fes bornes de la difficulté
, que
les autres n'en ont à y faire
entrer leurs difciples. C'eft ce
qui determina cet habile Geo-
-metre de propofer à Monſeigneur
le Duc de Bourgogne ,
d'écrire de fa main , au commencement
d'une leçon , ce qui
luy avoit efté enfeigné le jour
4
U
GALANT 221
par
précedent ; afin que repaffant
ordre l'enchaînement des
veritez Geometriques , il fixât
fon efprit , & en moderaft le
feu extraordinaire . Cette me
thode eut un grand fuccés ; ce
Prince en fix mois de temps
forma l'habitude de parler des
plus hautes matieres de la Geometrie
, avec la même facilité
de ceux qui ne l'ont acquife
qu'aprés trente our quarante
ans de travail . Mais ce qu'il
ya de plus étonnant dans le
progrés des études de Monfeigneur
le Duc de Bourgogne,
'n'eſt la facilité feule qu'il
pas
T iij
222 MERCURE
2
eut à penetrer les principes
d'une fcience auffi abftraite
que la Geometrie , & d'en tirer
fans peine les confequences,
mais la netteté & la préciſion
avec lefquelles il redigeoit feul
& fur le champ ces mêmes
principes & ces mêmes confequences
; il s'en faifoit une
methode particuliere que les
plus grands maiftres pourroient
avouer & faire fuivre avec confiance
à leurs difciples , comme
une route feure pour entrer
dans les fecrets de cette fcience
fublime.
Je dois ajoûter icy , que lorfGALANT
223
que Monfeigneur le Duc de
Bourgogne a fait cet Ouvrage ,
ce Prince ne penfoit rien moins
qu'à l'impreffion
, & que s'il
euft crû qu'il euft dû eſtre mis
un jour fous la preffe , il l'au
roit peut-eltre travaillé avec
plus de foin ; cependant ce
livre s'eft trouvé auffi parfait ,
que s'il eftoit forti de la plume
d'un de ces auteurs feveres qui
ne ſe pardonnent rien , & qui
s'appliquent le plus à bien chârier
leur ftyle .
a Il feroit à fouhaiter que ceux
qui ont dirigé les autres études
de Monſeigneur
le Duc de
T
iiij
224 MERCURE
Bourgogne , cuffent eu la même
attention pour les productions
qui font forties de fes
mains , que M de Malezieu a
eu pour celle qui fait le fond
de cet Ouvrage , on pourroit
cfperer de voir bien- toft des
chefs d'oeuvres en pluſieurs
genres de litterature. Peut-être
que l'exemple de cet habile
maître en excitera quelques au
tres à enrichir le public des
trefors qu'ils ont cachez jufqu'à
prefent dans l'obſcurité
du cabinct ; & que comme
M ' de Malezieu n'a pas voulu
fruftrer les favans du fruit des
GALANT 225
pour
études d'un Prince qui eft né
la felicité de tant de peuples
, ils leur feront auffi quelque
jour part des progrés que
ce Prince a faits dans les autres
fciences.
Il feroit difficile, ainsi que M
Boiffiere le fait voir , de louer
en cette occafion Monſeigneur
le Duc de Bourgogne , fans
qu'une partie de l'éloge tombaft
fur M' de Malezicu , fon
illuftre maître de Mathemati
ques ; les progrés du difciple
dit-il , prouvent neceffairement
icy la fuperiorité & l'élevation
du genie du maître. C'eſt une
و
226 MERCURE
louange que je luy donne aprés
le Roy, qui en le choififlant en
1696. pour cet employ luy
fit l'honneur de luy dire : Que
s'il euft connu quelqu'un plus propre
que luy à conduire un efprit
auffi élevé & auffi penetrant que
celuy de Monfieur le Duc de
Bourgogne , il n'auroit pas jetté
les yeuxfur luy, qui fe trouvoit
chargé de tout le détail des affaires
de Monfieur le Duc de Mayne.
Aprés un témoignage fi glorieux
à M' de Malezieu , perfonne
ne doit fe mêler de le
loüer ; & chacun doit garder
un filence plein d'admiration
1
GALANT 227
pour les hautes qualitez de fon
efprit.
blé
par
Cet Ouvrage a efté raffem
M' Boiffiere, Directeur
de la Bibliotheque de Mr le
Duc du Mayne ; il l'a dédié à
Monſeigneur le Duc de Bourgogne
, perfuadé , dit- il , Qu'il
eftoit jufte qu'il retournaſt dans
les mains dont il eft forti , & qu'il
appartient legitimement à ce Prince.
Mr Boiffiere fait voir d'une
maniere fort ingenieufe
, que
chacun fe fera honneur à l'avenir
de prendre des leçons
d'un maître , qui joint à la plus
augufte naiffance du monde ,
228 MERCURE
1
le genie le plus heureux ; &
qu'il n'y a point de favans dans
les Mathematiques, qui ne foit
ravi de pouvoir fe vanter un
jour , qu'il doit aux premieres
inftructions de Monfeigneur le
Duc de Bourgogne , les pro
grés qu'il y aura faits . Vous
pouvez juger par ces deux
ou trois traits , de la delicateffe
de l'efprit de M , Boiffiere ,
dont l'épître dedicatoire a efté
trouvée tres-belle. Il eft temps
de parler de l'Ouvrage. ou in
Le fonds de ces Elemens ,
à peu de chofe prés , eſt affez
femblable à ceux du celebre
2
GALANT 229
M' Arnauld , & c'eft fur ceuxcy
que Mr de Malezieu s'eft
arrefté , préferablement à tous
ceux qui ont paru jufqu'à prefent
, pour former le plan de
ceux de Monſeigneur le Duc
de Bourgogne ; il les a jugez
plus utiles que ceux d'Euclide ,
tant par rapport à leur fecondité,
que par rapport à leur clarté
& à leur précifion. Il en a retranché
quelques propofitions
qui ne paroiffoient pas d'un
grand ufage ; & il y en a ajoûté
quelques autres dont l'utilité
eft fenfible , telles que font la
Trigonometrie,& la conſtruction
230 MERCURE
des tables de Sinus . Il a auffi donné
une favante explication des
élemens des Solides. Enfin Mr
de Malezieu de fon chef, & par
la fecondité de fon efprit , ou
par l'ufage qu'il a fait des régles
de M' Arnauld , un des plus
grands Geometres fans contredit
du dernier fiecle , n'a rien
omis de ce qu'il a crû propre
à ouvrir l'entrée de ces grandes
veritez , dont la découverte
demande le plus grand effort
de l'efprit humain.
Cet Ouvrage eft divifé en
dix livres. Il commence
par des
définitions & des demandes , &
GALANT 231
par
des axiomes . Perfonne
n'ignore qne c'eft là la metho
de des Geometres , & que c'eft
la voye la plus courte & la plus
feure dont on puiffe fe fervir
dans l'ufage des hautes fciences
. On trouve enfuite un abregé
de l'Arithmetique par lettres
; cette efpece d'Arithmeti
que convient à toutes fortes
de grandeurs , foit nombres ,
lignes , ou mouvemens. Aprés
cette efpece de prélude , on
entre dans la matiere des livres .
Le premier traite des perpendiculaires
& des obliques. Je
voudrois les pouvoir tous par232
MERCURE
courir , vous verriez combien
la methode de Mr de Malezieu
eft feure , & avec quelle facilité
Monfeigneur le Duc de Bourgogney
eft entré; je dois cependant
vous dire quelque chofe du
fecond & du fixiéme Livre. Le
fecond traite des Paralleles ; on
examine une proprieté des lignes
droites , oppoſée à celle
qui a efté examinée dans le
premier Livre. On a confideré
dans celui- ci une des propriétez
de ces lignes , qui confifte
à fe rencontrer perpendiculairement
ou obliquement ; &
la proprieté oppofée qui fait la
GALANT
233
matiere du fecond Livre , eft
de ne fe rencontrer jamais.
Cette verité eft démontrée dans
quatre propofitions. Le fixiéme
Livre traite des proportions ;
-on y examine ce que c'eft que
raifon ; ce que c'eft que raifon
de nombre à nombre, ou fourde;
ce que c'est que proportion ,
moyens , extrêmes. On y fait
voir que la plus importante
proprieté de cette proportion
qu'on appelle par excellence
proportion Geometrique , c'est que
le produit des extrêmes eft toû
jours égal au produit des
moyens ; & pour le démontrer
Juillet 1705.
V
234 MERCURE
d'une maniere univerfelle , on
rapporte plufieurs exemples.
C'est au fujet de cette proprieté
que Madame la Ducheffe du
Mayne , aprés l'avoir meditée
un demi-jour , trouva une démonftration
qui parut juſte aux
plus habiles Geometres ; cette
Princeffe n'ayant encore que
quinze ans,avoit déja beaucoup
de goût pour les belles Lettres
& pour les Sciences les plus
élevées. M' de Malezieu l'entretenoit
tous les jours pendant
deux heures ; & quand la
Cour eftoit à Marly , il avoit
ordre d'y aller de deux jours
GALANT 235
l'un , Dans un des voyages qu'il
y fit , cette Princeffe voulut
apprendrel'Arithmetique, pour
s'ouvrir une voye aux Sciences
abftraites . La régle de trois luy
donna l'envie d'en fçavoir le
fondement ; M de Malezieu
luy dit fimplement , que c'étoit
une fuite de la proprieté de la
proportion Geometrique, dont
il luy donna fur le champ un
exemple fur les quatre nombres
fuivans , 3 , 4 , 6 , 8 , en
1 luy faifant remarquer que lorfque
quatre nombres quelconques
avoient entre eux ce rappott
, le produit des extrêmes
V ij
236 MERCURE
eftoit toûjours égal au produit
des moyens. Cette ſimple explication
ne fit qu'augmenter
la curiofité de la Princeffe , elle
voulut fçavoir la raiſonde cette
proprieté. M' de Malezieu luy
répondit qu'il n'eftoit pas encore
tenus de luy découvrir ce
myftere , & que cette démonftration
eftoit la fuite d'autres
principes qu'elle ne pouvoit
apprendre que fucceffivement ..
Mais fon étonnement fut
grand , lorfqu'il reçût le lendemain
matin un billet de Madame
la Ducheffe du Mayne ,
qui luy écrivoit de venir dans
GALANT 237
L
le moment examiner avec elle
fi les reflexions qu'elle avoit
faites fur cette proprieté, pouvoient
fervir à la démontrer.
Son étonnement redoubla ,
lorfqu'il vit que cette jeune
Princefle avoit démêlé le fonds
de la démonftration , & l'avoit
mife dans une évidence plus
grande que tout ce qu'il avoit
vû jufqu'alors fur ce fujet.
Cette démonftration eft trop
belle & trop bien démêléc
n'en pas parler icy.
pour
- Fe confidere les quatre nombres
ceft la Princeffe qui parle )
4,4,3,6 ; qui font en proportion ,
238 MERCURE
i
parce que le premier eft la moitié
du fecond , comme le troifiéme eft
la moitié du quatriéme
; & je
veux trouver pourquoy le produit
de 2. par 6. est égal au produit
de 4. par 3 .
Pour
fi je multipliois
cela je vois d'abord , que
2. par 6. ce produit
qui eft le produit des extrémes
, doit eftre double du produit
de 2. par 3. parce que 6. eſt double
de 3.
Mais fi au lieu de prendre ce
produit de z . par 3 , ou 3. par 2,
qui n'eft que la moitié du produit
(des extrêmes , je m' dvife de prendre
le produit de 3. par 4 ; il fanGALANT
239
2
3:
dra bien que ce produit de 3. par
4 ,foit double du produit de 3.par
, puifque 4. eft le double de 2 ,
de même que 6. eft le double de
donc le produit de 3. par 45 eftant
double du produit de 3. par 2 ,
qui n'est que la moitié du produit
des extrêmes , ce produit de 3. par
4, fera neceffairement
égal au produit
des extrêmes ; c'est-à- dire, que
le produit des extrêmes fera égal
au produit des moyens.
Ceux qui font un peu
fur les principes de la Geometrie
, connoiftront fans peine
que cette merveilleufe
démonftration
, qui fans contredit
forts
240 MERCURE
donne
rang à Madame
la Ducheffe
du Mayne
parmi
les Sçavans
du premier
ordre
, revient
à la
démonſtration
generale
que l'on donne
ordinairement
par lettres
. M' de Malczieu
prouve
parfaitement
cette
conformité
, en rapprochant
les
quatre
nombres
2,4 , :: 3,6 ,
que la Princeffe
avoit
choifis
,
des quatre
lettres
A, B, :: C,D,
qui font le fonds
de la démonftration
de
Monfeigneur
le
Duc de
Bourgogne.
Madame la Ducheffe du
Mayne ne pouvoit donner une
marque plus certaine de l'élevation
GALANT 241
vation de ſon eſprit , qu'en
démontrant cette proprieté ;
& que n'en doit-on pas conclure
aprés cette découverte ,
qui auroit peut- eftre coûté aux
plus habiles Geometres plu-
Lieurs mois de meditation ?
On trouve à la fin du dixiéme
livre une excellente methode
du Pere Guildin par le
centre de gravité. Le traité de
Trigonometrie qui fuit , eft
un excellent morceau ; on y
donne la methode de plufieurs
mefures differentes . Le Livre
entier eft terminé par une addition
de cinq problêmes
Juillet 1705 .
X
242 MERCURE
d'Arithmetique
& de deux de
Geometrie qui fervent à
prouver l'utilité de la fpecieufe
& la facilité qu'elle donne pour
refoudre des propoſitions
, à
l'égard defquelles les methodes
ordinaires feroient certainement
inſuffiſantes . Il s'agit
dans le premier problême de
trouver trois nombres ; tels
que la difference des quarrez de
deux pris comme on voudra,
ajoûtée au folide des trois , faſſe
toûjours un quarré ; & que la
fomme des trois differences
Majoûtée au meſine folide , faffe
encore un quarré , & que les
GALANT 243
nombres foient en proportion
Arithmetique
. Au reſte , on
avertit dans ce volume , que les
cinq problêmes , dont celui - ci
cft le premier , ont efté la plufpart
inventez & refolus par un
jeune homme de 13.à 14. ans,
& qu'ainfi la difficulté n'eft pas
fi grande qu'elle paroiſt d'a-
Ford M' Pafcal qui eft ce jeune
homme ,fit dans ce mefme tems
un ouvrage de Mathematique
,
des plus forts qui aïent paru
depuis un grand nombre d'années.
Il avoit appris la Geometrie
n'eftant agé que de
douze ans , & n'en ayant que
1 X ij
244 MERCURE
2
vingt- trois ,il inventa la fameufe
Roulette cette machine
d'Arithmetique
qui a longtems
fait l'admiration de tous
les Geometres
de l'Europe
.
Les Elemens de Geometrie
dont je vous viens de parler ,
font in 4° . Ils ont efté imprimez
à Trévoux , dont l'Imprimerie
fournit depuis quelques années
de fi beaux ouvrages , & ficorrects
; & ils fe vendent à Paris ,
chez Jean Boudot, Imprimeur
ordinaire du Roy & de l'Academie
Royale des Sciences ,
ruë S. Jacques , au Soleil d'or.
Je ne fuis point furpris que
GALANT 245
ceux de voſtre Province qui ont
lú la lettre de Toulouſe touhant
la guerifon des Cataractes,
fans mettre aucun remède dans
les yeux,ayent efté ravis de trouver
cette lettre, & que même le
nombre de ceux à qui elle a fait
plaiſir ſoit fort grand . Il ne faut
pas s'en étonner , puifque bien
que l'on entende peu parler de
Cataractes , une infinité de
gens font attaquez de ce mal ;
mais comme la plupart de ceux
qui ont des maux qui ne peuvent
eftre gueris fans operation,
ne paroiffent prefque pas
malades , & que plufieurs va-
X
iij
246 MERCURE
quent à leurs affaires , on n'eſt
informé du grand nombre de
ces fortes de malades que quand
l'on eft attaqué du mefme mal .
C'eft alors qu'on en découvre
une infinité , & qu'on apprend
des chofes tres- importantes
touchant les maux dont on eft
attaqué. La Lettre de Toulouſe
a fait plaifir à tous ceux qui
l'ont lûë , & qui ont des Cataractes
; parce que c'eſt un fait
conftant dans toutes les Facultez
de Medecine , & bien établi
parmi les plus habiles Medecins
oculiftes , que loin que les
Cataractes puiſſent eſtre gueGALANT
247
ties en mettant des remedes
dans les yeux , on n'y en peut
mettre aucuns fans rifquer de
devenir aveugle , & fans qu'ils
empêchent que les operations
foient heureufes
, parce que ces
remedes ou brûlent les Cata→
ractes & font perdre la vûë ,
ou les amoliffent , ou les duren
forte
trop ,
operations ne peuvent réuffir .
Ainfi lorsqu'on eft attaqué de
će mal , il faut attendre qu'il
foit meur pour y chercher du
reinedé par le moyen de l'ope
ration . Rien ne paroift d'abord
feur & fi aifé que cette
ciffent
que
les
cette ope-
X iiij
248 MERCURE
ration ,
&
& il
#
y a peu de Cata
*
ractes qui ne foient abatuës
heureuſement
; ce qui fait que
l'on crie Victoire , auffi - toft
aprés que l'operation eſt finie.
Cependant de vingt- cinq ope
rations , à peine en peut- on
trouver cinq , fans que les Cataractes
remontent , ou que les
Aluxions qui furviennent aprés
les operations , caufent la mort
à ceux à qui elles ont efté faicomme
on voit dans la
Lettre de Toulouſe qu'il eft
arrivé au Confeffeur des Religieufes
Malthéfes , qu'une fluxion
a fait mourir aprés l'opetes
GALANT* ' 249
bien
ration, quoiqu'il fe portaft fort
auparavant : ce qui l'empêcha
de croire ceux qui luy
prédirent la mort en le vou
lant détourner de fe faire faire
l'operation. Voilà ce qui re
garde les fluxions qui furvien
nent quelquesfois à ceux à qui
les operations ont efté faites ;
& voicy pourquoy preſque
toutes les Cataractes remontent.
L'operation conſiſte à
percer
la cornéc avec une éguille
, enfuite on tourne autour
de cette éguille la Cataracte ,
qui n'eft autre chofe qu'une
peau qui s'eft formée , & qui
250 MERCURE
couvre le rayon viſuel ; on l'abaiffe
enfuite au bas de l'oeil , où
on la laiffe , & on retire enſuite
l'éguille.Les chofes eſtant en cet
état, il y a beaucoup à craindre
pendant quinze jours que les
Cataractes ne remontent, puifqu'il
ne faut pour la faire remonter
qu'un éternuement un
peu fort, une toux violente , ou
un foûlevement de coeur qui
excite l'envie de vomir ; & com→
me il eft difficile de remedier à
toutes ces chofes qui font involontaires
, il eft prefque impoffible
d'empêcher que la
plupart des Cataractes ne reGALANT
251
montent , & quand elles font
remontées , l'operation devient
tres- difficile, parce qu'elles
n'ont plus la même confiſtance .
Il y en a quelques fois d'un pcu
déchirées , qui laiffent feulement
voir la lumiere par quelques
ouvertures ; mais cela eft
fi peu confiderable & fi rare
qu'on y doit faire peu d'attention.
Outre tous ces accidens
qui font à craindre , & dont
ceux qui font les operations
ne font pas caufe , il en arrive
auffi quelques fois de leur part,
& toutes les operations ne font
252 MERCURE
pas toujours bien faites . Vous
ne devez pas vous étonner fi
je fuis fi bien informé de toutes
ces chofes , ayant depuis
deux ans & demi deux Cata-
-ractes qui depuis une année
m'empefchent d'écrire & de
lire : ce qui m'a obligé de confulter
les plus habiles Medecins
& Oculiſtes, ainfi que ceux
qui ont le plus de réputation
- pour abatre les Cataractes ; je
n'en fuis pas demeuré là , j'ay
vû une infinité de gens affligez
de ce mal depuis un grand
nombre d'années , qui ont enGALANT
253
voyé avec beaucoup de foin
des Medecins & des Chirurgiens
avec des perfonnes de
confiance pour cftre témoins
de plufieurs operations, & qui
fuivant le rapport qu'on leur
en a fait & ce qu'ils ont appris
des fuites fâcheufes de la plûpart
de ces operations , n'ont
ofé s'expofer à ces rifques. J'ay
oublié de vous dire , qu'on ne
peut que tres difficillement faire
l'operation à l'oeil droit ,
parce qu'il faut que celuy qui
la fait travaille de la main gauche.
Comme il n'y a point
douter que tout ce que je vous
à
254 MERCURE
viens de dire ne foit veritable ,
ayant eſté rapporté en divers
temps par plufieurs perfonnes
differentes & dignes de foy ,
dont la plufpart ont eſté témoins
oculaires ; vous ne devez
pas
cftre ſurpriſe ſi la Lettre
de Toulouſe a fait tant de
plaifir & tant d'impreffion fur
des perfonnes qui ont des Cataractes
, puifqu'on y trouve
des moyens de les guerir fans
mettre aucuns remedes dans les
yeux, & fans faire d'operation ,
& qu'elle a cité écrite par M
l'Abbé Saget , Conſeiller au Parlement
de Touloufe qui eft tresGALANT
255
&
digne de foy, & quia heureufement
éprouvé le remede dont il
parle , & qu'il a bien voulu donner
au public,tel qu'il fe trouve
dans ma Lettre du mois der
nier . Je dois ajouſter icy, que
M'l'Abbé de Camps , homme
d'une grande diftinction ,
connu de toute la France
ayant une Cataracte remontée
aprés l'operation , & ne voyant
plus de l'oeil qui eft attaqué de
ce mal , fe fert depuis fix mois
de ce remede , & commence à
voir un peu . Je dois encore
ajouſter icy , pour faire plaifir
à vos amis , que le fameux M
256 MERCURE
de Rouviere , Apoticaire des
Camps & Armées du Roy , &
de la petite Ecurie de Sa Majefté
, & fi connu par la Theriaque
qu'il a faite devant M
de la Reynie & devant M' d'Argenfon
, Lieutenans Generaux
de Police , & en prefence de
M" de la Faculté , & des Maitres
& Gardes-Apoticaires, diftribue
la poudre de Cloportes
dont je viens de vous parler, &
qu'il y a beaucoup d'empreffement
d'en avoir , parce qu'on
eſt perſuadé de ſes ſoins & de
fon exactitude pour la préparation
des remedes , & qu'on
GALANT 257
prend ceux qui fortent de chez
luy avec moins de dégouft , à
caufe de la grande propreté
qui s'y trouve. Je croy que le
public prendra foin de me faire
avertir des progrés que ce remede
fera , & comme de mon
cofté j'informeray de fes progrés
ceux qui ne les fçauront
pas , je croy que dans ſept ou
huit mois on fçaura au jufte
tout ce qu'on en peut efperer.
Vous avez oui parler d'une
prétendue confpiration qui ſe
tramoit , difoit- on , à Badajoz.
Voicy de quelle maniere la
Juillet 1705.
Y
258 MERCURE
chofe s'eft paffée. Un deferteur
de la Cavalerie Eſpagnole qui
s'étoit laffé d'eftre parmi les
ennemis , deferta encore une
fois , & eftant de retour , demanda
à parler à M³ le Mar→
quis de Bay , Capitaine General
des troupes d'Espagne ; il dit
ce Marquis que s'il vouloit
luy obtenir fa grace , il luy
declareroit des chofes de confequence.
Ce Marquis luy promit
qu'il feroit recompenfe, au
lieu d'eftre puni, fi ce qu'il diroit
eftoit important, & que tout fe
trouvaft veritable. Ce deferteur
affeura qu'un Colonel EfGALANT
259
pagnol , nommé Dom Louis
Fernandez de Cordova, luy avoit
donné un paquet avec des
Lettres pour l'Amirante . Ce
Colonel ayant efté arrefté fur
cette declaration , on mit tout
en ufage pour le convaincre.
Ce malheureux deferteur affuratoûjours
fortement ce qu'il
avoit dit ; mais on découvrit
que c'eftoit un fcelerat & qu'il
avoit déferté plufieurs fois. Ce
qui fut caufe qu'on luy fit fon
procés , & que les crimes dont
il fut accufé le firent condamner
à mort , on luy prononça
fa fentence , & on le mena au I
Y
ij
260 MERCURE
gibet. Mais eſtant au pied de la
potenece , & voyant qu'il ne
pouvoit plus efperer de grace,
il declara qu'il n'y avoit rien de
vray dans la dépofition qu'il
avoit fait contre Dom Loüis
Fernandez de Cordova, qu'il ne
luy avoit jamais donné ny paquet
ny lettre ,&qu'il n'avoit eu
aucune efpece de commiſſion
pour l'Amirante : & qu'il n'avoit
eu recours à cette ſuppofition
que pour obtenir quelque
recompenfe avec fa grace.
Sa fentence ayant efté executée,
on mit en liberté ce Colonel ,
qui vit rétablir avec éclat le tort
Į
261 GALANT
qu'on faifoit à fon honneur &
à fa gloire . C'eſt un homme de
naiffance & d'un vray merite,
qui s'eft acquis beaucoup d'ef
time par fon zele , par fa valeur
& par fa fidelité au fervice de
fon Roy
.
qui
Quant à la confpirationde
Grenade , on y a déja executé
fix Complices du Pere Sanchez,
& de fon
compagnon
,
font unDiftilateur ouChimiſte,
deux Savetiers , un Tailleur ,
Fourbiffeur , & un Libraire.
Ils n'eftoient tous entrez dans
cette confpiration , que par ce
qu'on leur avoit non feulement
un
262 MERCURE
promis de grandes recompenfes
en argent , mais qu'on devoit
auffi leur donner des Titres de
Comtes & de Marquis . On a
transferé le Pere Sanchez , &
trois feculiers de fes complices,
de Grenade à Madrid , où tout
le peuple fait voir plus que
jamais l'attachement inviolable
qu'il a pour Philippe V. fon legitime
fouverain.
Le feu ayant pris par un pur
hazard à Madrid, à l'Hôtel de
M Amelot , Ambaff deur de
France , le peuple y accourut
auffi- toft pour creind e ce feu ;
& les perfonnes de diftinction
GALANT 263
:
de tout âge & de tout fexe
s'emprefferent à donner des ordres
fur le mefme fujet de
maniere que lefeu fut bien- tôt
éteint , fans avoir fait aucun
progrés . Il fcroit difficile d'exprimer
combien M' Amelot eft
eftimé & aimé de la Cour & de
la Ville , qui trouvent en ce
Miniftre toutes les qualitez
neceffaires pour bien réuffir
dans les chofes qui font le principal
fujet de fon Ambaſſade.
Il y a un fi grand nombre
d'Officiers de Marine en France
; qu'à peine y a t- on fait
une promotion de plus de 150 .
"
264 MERCURE
Officiers , qu'on apprend peu
de jours aprés , qu'il y a déja
quelques places vacantes ; c'eſt
pourquoy , bien que la derniere
promotion ait eflé nombreuſe,
& qu'il n'y ait guére plus de
deux mois qu'elle a efté faite ,
on vient de faire le remplacement
fuivant.
Commiffaire General d'Artillerie
.
M de Grand Pré Capitaine de
Vaiffeau ..
Major.
M' le Chevalier de Camilly ,
Capitaine de Fregate..
Aide
GALANT 265
Aide-Major.
M'd'Eftapes , Enfeigne de Vaif
feau .
Enſeignes de Vaiffeaux.
Compagnie
de Breft.
M'de Launay Gravé, Brigadier.
M'Paillart - de- Fretetot, Souf
brigadies.
M' Desbois.
Compagnie de Rochefort.
M' de Talence- Caumont , Soufbrigadier
.
M de Beauharnois- de-Beauville,
Garde-Marine.
Compagnie de Toulon
M' le Chevalier de Felnis Souf
brigadier.
Juillet 1705.
Z
266. MERCURE
M' de Mandelot.
M' de Marthon, Garde- Marine . I
Sous lieutenans d'Artillerie.
M' Pillart, nommé Lieutenant
de Fregate
.
M' du Pin- de - Beligard. •
Aydes d'Artillerie
.
M' de Belloy.... Garde de la
Compagnie de Toulon .
M Helyor . Garde de la
Compagnie de Breft.
M' Therefien.
On a nommé dans le même
tems M ' de Silvacane, pour une
année feulement , Intendant
General de la Marine .
re
M Jean-Baptiste le Feron ,
GALANT 267
Chevalier , Seigneur du Pleſſis,
Maître des Comptes & Grand
Maître des Eaux & Forefts "de
France mourut à la fin du
mois de Juin dernier . Je vous
ay parlé plufieurs fois de la
Maifon de M" le Feron , elle
eft anciene dans la Robe , &
elle eft connue dans le Parlement
de Paris depuis le commencement
du feiziéme fiècle;
elle a produit d'excellens Avocats
, qui ont efté dans leur
tems l'ornement du Barreau ,
& dont les ouvrages fur les
Droits de la Couronne de nos
Rois, ont immortalifé les noms.
Zij
268 MERCURE
La Maifon de le Feron eft al
liée à celle de Porier- Novion,
le Coq , Briçonnet , le Jay ,
Bochart , & à plufieurs autres
de confideration. M' le Feron
qui vient de mourir eftoit trescftimé
dans fa Chambre , & il
eftoit fort appliqué à fes de-
3
voirs. Il eftoit d'ailleurs Homme
de Lettres , & il les avoit
cultivées toute la vie ; l'amour
des Sciences fembloit hereditaire
dans la Maiſon.
re
Dame Elizabeth Blondeau,
Veuve de Mr Anne de Fieubet
S de Launac , Maître des Requeftes
, mourut fur la fin du
GALANT 269
mefine mois , elle n'a furvécu
que trois mois à fon Epoux,
qui mourut dans le mois de
Mars dernier. Je vous parlay
dece Magiftrat , & de la Maifon
dont il fortoit , lorfque je
vous appris fa mort ; il efton
Fils d'un celebre Premier Prefi
dent du Parlement de Toulous
fe. Son époufe qui vient de
eftoit fortie d'une mourir
bonne & ancienne famille de
Paris , le nom de Blondeau y eft
connu depuis long- temps. Le
feiziéme frece produifit plufieurs
perfonnes de ce nom- là ,
qui faifoient profefſion d'une
Z iij
270 MERCURE
grande piété. Peu de tems aprés
la Reforme que le Pere de Barci
introduifit dans l'Ordre de
S.
François par l'établiffement
des Capucins
, il y eut un Lazare
Blondeau
qui embraffa
ce
nouvel
Inftitut
, & qui fut bientoft
connu dans le monde par
les grands
fruits qu'il y fit par
fes predications
; on l'appelloit
dans ce temps-là le Tonnerre
de
la Verité, parce qu'il la difoit
hardiment
.
I
Le Mécredi 15 ° Juillet , le
fils aîné de feu M' le Prefident
Thorigny - Lambert , foûtint
des Thefes generales de
de
GALANT 271
Philofophie au College de
-Louis le Grand ; tous les Prelats
de l'Affemblée du Clergé
y affifterent , & le Soûtenant y
fut generalement admiré.
Le Mécredi 22 du même
-mois , M' l'Abbé de la Vieuxville,
fils de feu M' de la Vieuxville
, Maître des Requeftes &
Secretaire des Commandemens
de Madame la Ducheffe de
Bourgogne , foûtint fa Theſe
-de Tentative en Sorbonne, M
1 Evêque d'Angers y préfidoit :
Meffieurs de l'Affemblée du
Clergé y affifterent , avec un
-tres-grand nombre des princi-
Z
iiij
272 MERCURE
paux Officiers des Cours Superieures
. M' l'Abbé de la Vieuxville
demeure dans le Seminaire
de S. Sulpice , on peut juger
par- là que cet Abbé mene une
vie tres- reguliere.
M l'Abbé Decotte , Cha
noine de Nôtre Dame de Paris ,
fils de M' Decotte , Intendant
des Bâtimens du Roy , & neveu
de M Manfard , foûtint
des Thefes de Philofophie dans
le College de la Marche le Samedy
25 Juillet. La planche
qui eftoit parfaitement belle, &
qui reprefentoit le Serpent d'airain
, avoit pour titre Saluti liGALANT
273
gno pendenti. Le Soûtenant fut
admiré , il répondit avec beau
coup de prefence d'efprit &
une grande jufteffe . Il ouvrit
la Thefe
par un difcours qu'il
prononça de fort bonne gra
ce ; il regardoit l'utilité de la
Logique pour la connoiffance
des autres fciences , & la neceffité
de la Morale pour la
conduite
de la vie. Il fit entrer
dans ce difcours un éloge de
M'le Cardinal de Noailles , &
y raporta quelques traits de
la Harangue
que ce Prelat a
fait au Roy, à la tête de l'Af
femblée du Clergé , & dont je
il
274 MERCURE
vous ay déja parlé . M ' de Rohan-
Chabot , fils de M' le Duc
de Rohan , fit l'ouverture de la
Thefe , & avant de propofer
fes difficultez , il fit un compli
ment au Soûtenant , dans lequel
il fit entrer l'éloge de M²
Minfard , Surintendant des Bâtimens
qui eftoit prefent , &
celui de feu M' Manfard fon
oncle. M' le Duc de Rohan fe
trouva des premiers à cette
Thefe ; M 1 Evêque de Challon
fur Saone , celuy d'Arras,
M' l'Archevêque d Arles , &
M'l'Evêque de Blois eftoient à
l'ouverture de la Thefe , dont
+
GALANT 275
M Manfard , M' de Sagone
fon fils , Confeiller au Parlement
, & M' Decotte pere du
Soûtenant , faifoient les honneurs
. L'Affemblée fut tresbelle
& tres- nombreuſe . Mr
Mallement, ancien Recteur de
l'Univerfité , & Licentié de Sorbonne
, qui eft Profeffeur de
Philofophie au College de la
Marche préfidoit à cetteTheſe .
M° Pringy , connuë dans
le monde par l'élevation de fon
efprit , & par les ouvrages.
qu'elle a fait imprimer , vient
de donner au public la vie du
Pere Bourdaloue ; vous avez
276 MERCURE
deja vu dans une demes Lettres
un éloge de ce Pore , fait aprés
fa mort par cette Dame. On
voit dans cette vie, que le Pere
Bourdaloue eftoit né à Bourges
le 20. Aouft 16 32 ; que
Ton pere y eft mort Doyen du
Prefidial , & que fa foeur uni
que avoit époufé M' de Chamillart-
Villate , frere cadet de
M' de Chamillart , Maître des
Requeftes , & Intendant en
baffe Normandie , pere de M
le Controlleur General . On
connoilt par là , que
, que le Pore
Bourdaloue eftoit oncle de M
te Preſident de Chamillart , &
GALANT 277
་
des Peres de Chamillart Jefui
tes. On voit encore dans cette
Vie , que le Pere Bourdaloue,
avoit efté chargé de l'éducation
de feu Mr de Louvois , &
qu'il ne quitta cet employ ,
dont il s'acquitoit dignement
& prudemment , que pour entrer
dans la Carriere de l'Apoftolat.
Feuë S. A. R. Mademoifelle
, fut des premieres à
le faire connoître ; fes Superieurs
l'avoient envoyé, à la
Ville d'Eu , où cette Princeſſe
connut tout fon merite , & où
elle commença à l'honorer de
fa confiance. En parlant du ta278
MERCURE
lent qu'il avoit pour la condui
te des ames , on le repreſente
comme un homme qui n'avoit
nul des défauts des Directeurs.
Il eftoitfans intereft , fans ambition
, fans curiofité , fans politique
, fans égards , que ceux d'une
charité noblement exercée . Voici
par où M° de Pringy finit ſon
ouvrage. Le dernier trait de fon
éloquence dans ce miniftere faint
de la Prédication ) parut à la
folennité des Noces d'une Epoufe
de Fefus - Chrift ( Mademoiſelle
des Touches. ) Ce fut là qu'il
prefenta à Dieu cette Victime de
fon amour , & qu'il devint luys
GALANY 279
même laVictinie du Sacrifice . Ce
fut par- là qu'il acheva le terme
glorieux defa Miffion. Ce fut là
que fon zele pour le falut d'une
are luy faifant oublier lefoin de
fon corps , il s'échauffa ; & toute
la force de l'Art neput rien contre
la nature affoiblie. Il connut dés
commencement
defa maladie ,
quel en eftoit le danger ; & il confentit
de bon coeur à rompre ſa
chaîne : la mort eſtant la porte
de la gloire des Fuftes , ilfut ravi
de la voir ouverte pour luy. Il
oublia la terre avant que de l'abandonner.
Il fut fans coffe en
Ommerce avec Jofus- Chrift dans
le
280 MERCURE
les plus grands accés de ſon mal.
Il s'y unit d'une maniere fipleine
de charité, &fi digne d'admiration
, qu'onpeut dire que les der
le
niers momens de fa vie reffemblerent
aux premiers inftans de
fon éternité. C'est ainsi que
Pere Bourdalonefinitfa Carriere,
&commença. Safelicité ; car il
eft à croire que la Mifericorde qui
L'avoit comblé des qualitez naturelles
les plus excellentes , & des
vertus Chrétiennes dans le plus
éminent degré , l'a fait entrer
aprés fes travaux dans le fejour
des récompenfes.
Ce Livre fe vend chez Pierro
GALANT
281
Ribou , fur le Quay des Au
guftins , à la defcente du Pont
neuf, à l'Image Saint Louis.
Ce Libraire en donnera bientôt
une feconde édition , ayant
déja debité preſque la premiere.
Mr Rouillé - de- Marbeuf ,
fils de Mr le Prefident Roüillé,
qui a efté pendant plus de fix
ans Ambaffadeur pour le Roy
en Portugal , & qui eft à prefent
auprés de Mr l'Electeur
de Baviere , pour l'execution
des Ordres de Sa Majefté , fur
reçu fur la fin du mois dernier,
Confeiller au Parlement , &
Juillet 1705.
A a
282 MERCURE
Commiffaire en la premiere
Chambre des Requeftes du Palais
, n'eftant âgé que de 21
an. Il a fatisfait en cette occafion
à tout ce qu'on pouvoit
attendre de luy , & l'Affemblée
qui y affifta eftoit compofée
d'un grand nombre de perſonnes
des plus confiderables de
l'Epée & de la Robe , à qui il
appartient .
Il eft d'une Famille diftinguée
par les fervices de ceux
qui portent ce nom , & des
plus étendues de la Robe, étant
alliée de fort prés aux Maiſons
de Noailles , de Richelieu , de
GALANT 283
Coaflin , de Sully , Dagou de
Vins , de Longueuil- maiſon ,
de Villars , de Pomponne , de
Colbert- de - Croiffy , de Mefmes
, de Bullion -Bonelles , de
-le Febvre - Caumartin , & de
-plufieurs autres ; & cette famille
eft auffi modefte qu'elle ett
illuftrée .
C
Le cinquiéme fils de fon
A. E. de Baviere , âgé de trois
ans , eft mort à Munich dans
le mois de Juin dernier . Je ne
vous diray point la caufe de
fa mort , n'ayant pas les lumieres
neceffaires pour vous en
parler jufte ; ceux qui travail-
"
A a ij
284 MERCURE
leront un jour à l'Hiftoire
pourront s'étendre plus que
moy fur cette mort. Je vous
diray feulement que le fang
dont ce Prince eft forti doit
eftre cher à la Maifon d'Autriche
, puifque le grand Sobiesky
Roy de Pologne , fon
grand pere , a fauve les Etats.
hereditaires , en traverſant un
grand nombre d'Etats pour
venir au fecours de Vienne
dont il fit lever le fiege ; &
que S. A. E. de Baviere , fon
pere , s'eft diftingué en expofant
fa vie dans toutes les guerres
que le défunt Empereur
GALANT 285
la
a efté obligé de foûtenir contre
les Turcs : De maniere que
Maifon d'Autriche ne luy doit
pas moins la confervation de
fes Etats hereditaires, qu'au Roi
de Pologne dont je viens de
parler. Tout cela ne s'eft pû
faire fans que les Etats de l'Empire
euffent les mêmes obligations
& dûffent leur repos a
ce grand Monarque , & à ce
genereux Electeur qui n'a
épargné ni fa vie ni les biens
pour fauver les Etats de la
Maifon d'Autriche & pour
fervir l'Empire , qui feroit aujourd'huy
tranquille , fi fes
286 MERCURE
membres luy avoient tenu la
parole qu'ils luy avoient donnée
au commencement de la
guerre prefente , & dont on
fait que plufieurs ſe font repentis
, mais trop tard ; puifque
c'eft aprés avoir cffuïé tout
la guerre fait reffentir
ce
que
aux
Etats
dans
lesquels
elle
eft
allumée
. La
pofterité
qui
ne
manquera
pas
d'eftre
inftruite
de ce que
Monfieur
l'Electeur
de Baviere
a fait
pour
la Maifon
d'Autriche
, aura
bien
de
la peine
à croire
la maniere
dont
elle
verra
l'Electorat
de
Baviere
traitté
par
cette
même
GALANT 287
Maiſon ; & le nouvel Empereur
ne pouvoit commencer
plus mal fon regne . Il pouvoit
changer quelque chofe au Gouvernement
du regne paffé
quoyque ce ne foit pas avoir
de refpect pour la memoire de
feu fon pere ; il peut colorer
changemens qu'il fait dans
fes Etats , & la dureté qu'il a
fes fujets , les accablant
les
N
pour
en même
temps
de plufieurs
manieres
, en difant que la mauvaife
fituation
de fes affaires
l'oblige
d'en ufer ainfi : Mais il
agit contre
fa gloire, lorſqu'il
romp
le Traité
qu'il a fait luy
288 MERCURE
même devant Landaw , & qu'il
manque à tout ce qu'il à pro
mis à Madame l'Electrice de
Baviere par ce Traité. Ce procedé
eft plus violent que politique
, puifqu'il fait foûlever
contre luy tous les Electeurs &
tous les Princes de l'Empire.
Vous favez que le Roy de Suéde
& S, A. E. de Brandebourg.
ont déja commencé à s'en plaindre
, & il eft à croire qu'en
pleine paix tous les Electeurs.
ne fouffriroient pas qu'on traitaft
un Electeur de la forte
puifque ce feroit prendre fur
cux unempire dont -ils auroient
GALANT 289
à craindre de pareilles fuites ,
& dont il leur feroit , dangereux
de fouffrir l'établiffement.
S'il eft à craindre pour les Electeurs
, il l'eft beaucoup plus
pour un grand nombre de
Princes de l'Empire , qui ayant
moins de forces, ne pourroient
fe défendre d'une puiffance qui
approche fort de la tyrannie .
L'Empereur entend mal fes
affaires , & peche fort contre
la politique , lorfqu'il croit la
bien favoir & la bien mettre
en ufage. Son manquement de
parole à Madame l'Électrice de
Baviere , joint à la maniere in.
Fuillet 1705 .
Bb
290 MERCURE
digne dont il traite cette grande
Princeffe & toutes les perfonnes
de diftinction de fes Etats ,
ont fait ouvrir les yeux aux
Mécontens , qui ne veulent
point , difent-ils , traiter avec
un Prince qui leur manqueroit
de parole , & qui commençant
fon regne par des actes d'une
mauvaiſe foy generalement reconnue
, ne peut manquer de le
continuer avec encore plus de
violence , puifque lorsque les
Souverains les plus emportez
commencent à regner , ils affectent
toûjours d'eftre doux en
montant fur le Thrône : C'cft
GALANT 291
tine maxime qui n'eft ignorée
de perfonne , que qui nefait pas
diffimuler, ne fait pas regner. Pour
bien régner , il faut comment
cer par regner fur foy - même
& c'eft ce que le nouvel Empereur
n'a pas fait. Il favoit que
du vivant de fon pere il palloit
pour un Prince d'une humeur
tres- violenter; & il devoit en
montant fur le Trône tafcher
de détromper toute la terre de
cette opinion qu'on avoit de
luy , & commencer fon regne
par des actes de douceur & de
clemence , & non par des manquemens
de parole à la fille
B bij
292 MERCURE
1
d'un Monarque à qui l'Empereur
doit fes Etats hereditaires ,
ainfi que je l'ay déja fait voir
par des preuves inconteftables
, & 1 Empire fon repos , les
ayant préſervez de la domination
Otthomane dont - ils
auroient peut -être fubi le joug
pendant un tres-grand nombre
d'années.
L'ingratitude
de la Maifon d'Autriche & les
mauvais traitemens de l Empereur
contre Madame l'Electrice
de Baviere font murmurer
dans toutes les Cours où paffe
cette Princeffe contre Sa Majeté
Imperiale. En effet rien
GALANT 293
n'eft plus cruel que de feparer
une mere de fes enfans , fur
tout quand ils font dans une
grande jeuneffe. Cette feparation
qui met le poignard dans
le coeur à la mere & aux enfans
, ne peut eftre faite que
pour les faire fouffrir ", puifqu'elle
ne peut rien produire à
Fégard des affaires d'Etat , &
que lEmpereur n'en fera ny
mieux ny plus mal dans fes affaires
, quand des enfans , qui
ne font preſque que fortir du
berceau, feront feparez de leur
mere ; que ces enfans ne pour
ront avoir le plaifir de l'em-
Bb iij
294 MERCURE
braffer , & que cette mere ne
pourra fe confoler avec eux de
fes malheurs Mais on veut
que cette feparation leur cauſe
des douleurs fi vives , que la
mere & les enfans n'en pouvant
fupporter le poids , ne
puiffent furvivre à leur douleur.
Si l'Empereur entend mal
fes interefts lorfqu'il fait foûlever
toute l'Europe contre luy,
amis & ennemis , par une dureté
fi cruelle , il ne les entend
pas mieux , lorsqu'il demande
à la Baviere dix mille hommes
Je fervir dans
entretenus pour
fes troupes . Il ne peut qu'irriGALANT
295
ter par là tous les peuples de
cet Electorat , & les jetter dans
un defefpoir dont les fuites
pourroient eftre à craindre
pour luy , puifque ceux à qui
Pon a tout pris , ne pouvant
plus rien donner , fe trouvent
forcez de s'abandonner au plus
violent defefpoir, Mais je veux
enfin qu'on leve ces troupes
malgré l'impoffibilité qu'il paroift
de les lever , & fur tout
de les entretenir ; peut - on
s'imaginer qu'on fera bien
fervi , non feulement par
des troupes ennemies , mais
auffi par des troupes outrées
Bb iiij
296 MERCURE
par la maniere dont on traite
leur Souverain & toute fa famille
, leur Pays & leurs femmes
& leurs enfans , qu'on a
réduits à la derniere neceffité
par tous les moyens dont des
peuples peuvent cftre perfecutez
. L'Empereur peut conter
que fi ces dix mille hommes
font un jour dans fes troupes
il y aura autant d'ennemis qui
auront befoin d'eftre gardez
par plus de vingt mille hommes
, fi on veut fe garentir de
l'effet de leur reffentiment , &
empefcher qu'ils ne defertent :
Les Mécontens & les François
2
GALANT 密
297
pourront bientoft conter fur
ces troupes , fi jamais elles font
incorporées avec celles de l'Empereur
; & ce feront autant
d'hommes qui apprendront le
mêtier de la guerre pour fervir
un jour à la
Souverain.
vengeance de leur
On peut dire que l'Empereur
en montant fur le Trône n'a
guere mieux traité fes propres
Sujets. Aprés avoir augmenté
les fubfides dans tous fes Etats,
il a demandé de tres- groffes
fommes , & n'a donné que tres .
peu de temps pour les payer ,
fans confiderer que les Etats
298 MERCURE
qui font fous fa domination
trafiquent tres-peu & n'ont aucuns
Ports de mer , & que l'argent
ne roule pas où il n'y a
point de commerce . Ainſi c'eſt
mettre des peuples dans le defefpoir
que d'exiger d'eux des
fommes qu'ils font hors d'état
de fournir. Il lear a auffi demandé
des hommes , fans faire
reflexion que fes Etats en font
épuifez , & qu'il a peri plus de
quarante mille de fes fujets ,
pour ne pas dire davantage ,
en Italie , depuis qu'il a com
mencé à y faire paffer des troupes.
Ses Peuples craignent
GALANT 299.
auffi du cofté de la Religion
ayant vu le mauvais traitement
qui a efté fait au Confeffeur
du défunt Empereur fon pere,
pour avoir dit dans l'Oraiſon
funebre de Sa Majesté Imperiale,
qu'il a prononcée à Vien
ne , ce qu'elle avoit fait en faveur
de la veritable Religion.
Il eft vray que la politique a
obligé ce nouvel Empereur
d'en ufer ainfi , & qu'il a crû
que les Mécontens donneroient
dans le piege qu'il leur
tendoit par- là, en voulant leur
faire croire qu'il avoit des
égards pour la Religion Pro300
MERCURE
teftante . Mais comme โa rupture
du Traité recent , fait
avec la Baviere, les oblige à fe
défier de luy en toutes chofes ,
ils font perfuadez que ce qu'il
a fait contre le Confeffeur de
fa
l'Empereur
fon
pere n'eſt que
que
pour les furprendre
. Ainfi le
fuccés n'a point répondu à fon
intention ; & il a donné licu à
fes peuples de croire que
Religion fera toûjours fujette
à fa politique. Toutes ces chofes
font que les affaires de ce
Prince font dans un plus mauvais
état qu'il ne croit. Cependant
il devroit confiderer
qu'il
GALANT 301
n'eft
pas en feureté même aux
portes de Vienne , & qu'il a
efté obligé de faire venir quatre
ou cinq cens hommes de fes
meilleures Troupes
, pour le
garder dans fa maifon des Favorites.
Je dois vous parler de la res
prife de la Ville & du Château
de Huy & du Fort Picard ; afin
que cet évenement fe trouve
dans mes lettres , feulement
pour la fuite de l'Hiftoire, puifque
nous n'avons point cû deffein
de défendre ces poftes, dont
nous avions retire exprés la
plus grandepartie des Troupes
302 MERCURE
que nous y avions. Nous
nous faifions un plaifir d'abandonner
ces petites Conqueftes
,
en confiderant
que nous ne les
devions perdre , qu'à caufe des
grands avantages que nous
avions fur la Mofelle , & il ſeroit
à fouhaiter que nous en
abandonnaffions ſouvent de
pareilles au mefme prix. Il s'en
faut beaucoup que les Ennemis
n'ayent regagné tout ce que
nous avions pris , puifque nous
avions fait démolir trois Forts,
avant qu'ils vinffent raflieger
Huy , & que de quatre Batail
lons que nous y avions , nous
GALANT 330
en avions fait fortir trois : Ainfi
la Conquefte que nous avions
fait de cette Place , coûte aux
Ennemis trois Forts & trois Bataillons
; je dis trois , parce que
les ennemis en avoient perdu
quatre qu'ils avoient dans la
Place & dans les Forts , & qu'il
leur en eft revenu un qui a efté
échangé avec celuy que nous
avions laiffé feulement pour
capituler. Il falloit que
nemis nous apprehendaffent
beaucoup , puifque M¹ d'Ouwerkerke
eftoit venu devant
cette Place avec une Armée
les onquatre
fois plus confiderable
304 MERCURE
la
qu'il n'eftoit neceffaire pour
prendre , & une Artillerie fi
nombreuſe , qu'il n'en faudroit
pas davantage pour ſe rendre
maiftre des plus fortes Places ..
Je vous ay parlé dans cette
Lettre , de tout ce qu'a fait M
le Maréchal de Villars , juſqu'à
fon arrivée auprés de Luterbourg
, d'où ce Maréchal a
jugé à propos de décamper
aprés avoir demeuré pendant
quelque temps dans le Camp
qu'il avoit choifiauprés de cette
Place. Toutes les nouvelles imprimées
de Hollande , ont affu-
M le Maréchal de Vil
ré
que
f
GALANT 305
lars avoit attaqué le Camp que
les ennemis ont devant Luterbourg,
où ils ſe ſont retranchez ,
& que nous y avions perdu plus
de douze cens hommes . Cependant
rien n'eft fi contraire
à la verité , & fi nous y avions
perdu du monde , nous l'aurions
plûtoft perdu dans la retraite
que dans l'attaque ; mais
voicy ce qui fe paffa la veille ,
dont je vous envoye une Relation.
La veille
que l'on fe retira
ر
par d'auprés de Luterbourg
l'impoffibilité entiere qu'ily avoit
"de forcer les ennemis dans leurs
Juillet 1705 .
Cc
306 MERCURE
coups
Retranchemens , leurs Huffars curent
la temerité d'en fortir pour
infulter les nostres à la tefte de notre
Artillerie ; lefcarmouche dura
long- temps. Mr le Marquis de
la Frezcliere, premier Lieutenant-
General de l'Artillerie , & Ma
réchal de Camp , au bruit des
de Moufquetons , monta au plus
vite à cheval , & fe mit à la tefte
de trois troupes de Cavalerie , &
d'autant de Dragons qui estoient
fur noftre droite en bataille ; Mr
Moreau- de- Mautour , Commif
faire ordinaire de l'Artillerie , l'accompagna
& luy fervit d' Aide
de Camp. Onpeut dire que dans
GALANT 307
cette occafion Mr de la Frefeliere
a eu toute la prudence d'un Officier
experimenté ; car au lieu de
charger les ennemis , il fe contenta
de faire faire bonne contenance à
fa Cavalerie pour foutenir nos
Huffars , qui tantoft repouffoient,
& tantoft estoient repoußez; & il
Le douta bien que les ennemis ne
faifoient cette manoeuvre
pour nous attirer fous le feu de
leurs Retranchemens , & enfuite
nous faire chargerpar leur Infanterie
, qui estoit embufquée dans un
chemin creux. En effet le parti
qu'on nous fit prendre , de ne nous
point trop avancer , leur fit perdre
∙Cc ij .
que
308 MERCURE
l'efperance de nous voir tomber
dans leurs piéges ; & ils furent
obligez de fe retirer avec perte
d'environ trente Cavaliers de part
& d'autre.
ھ ج م
Quoique je vous aye déja
parlé de la prife de trois Châteaux
' , qui furent emportez
quelques jours enfuite , je croy
vous devoir envoyer la Relation
fuivante , qui me paroift
fort exacte.
Mr Moreau de Mautour
Commiffaire de l' Artillerie , ayant
efté commandé avec d'autres Officiers
du même Corps & cinquante
aller
attaquer les
Canoniers
pour
** GALANT 309
trois Places fortifiées de Seltz ›
de Rodern , & de Hatten , on s'en
rendit maiftres en quatre jours ,
fous les ordres de Mr le Marquis
de Silly Maréchal de Camp , qui
avoit esté détaché pour cette expedition
avec trois mille hommes.
Les deux premieres de ces Places
nous coûterent tres-peu , mais l'attaque
de la dernierefut tres- vive ;
parce que l'on dreffa de noftre part
une batterie de quatre pieces de
canon de 24 , à portée du pifto
Let du Chafteau , d'où l'on fit un
fi grand feu, que fans les mouvemens
& les foins que nous nous
donnames , le fiege & la prife
a
310 MERCURE
de cette Place auroit beaucoupplus
duré. Il y eut cinquante-fept tant
Canoniers que Fusiliers , hors de
combat en une heure & demie.
Mr de la Fond , Capitaine des
Grenadiers du Regiment de Vermandois
, & le Major du même
Regiment pont effe tuez.
Les Troupes qui ont efte
prifes dans ces trois Chateaux ,
qui fe montent à prés de 700 .
hommes ,viennentd'être échangées
contre un pareil nombre
du Regiment de Navarre . Les
ennemis ont eu beaucoup de
peine à fe refoudre à cet échange,
& l'ont differé long-temps,
GALANT 311
à caufe de la bonté des Soldats
du Regiment de Navarre ;
mais enfin ils ont efté obligez
d'y confentir , M le Maréchal
de Villars leur ayant fait dire
que les Troupes qui deffendoient
ces trois Chafteaux
ayant eſté priſes à diſcretion ,
il les envoyeroit fervir le Roy
fon maiftre fur fes Galeres
s'ils ne confentoient à cet
échange.
Les Troupes qui estoient
campées fous Sarlouis , au
nombre de dix Bataillons & de
quatorze Escadrons , en partirent
le 22. au matin , avec huit
312 MERCURE
pieces de canon & deux mòrmortiers
pour aller faire le fie-
Hombourg , & cette ge de
Place fut inveftie le 2 3. au matin
par Mr le Marquis de Conflans
avec la cavalerie du Corps
qu'il commande.
fait
guer-
Je viens d'apprendre qu'elle
s'eft rendue , & qu'on y a
huit cent prifonniers de
re. Je ne fçais pas encore le
détail de ce qui s'eft paffe en
cette occafion, je pourray peuteftre
vous en dire davantage ,
avantque de fermer ma Lettre .
Je vous envoye la fuite des
nouvelles de Cadix ,
De
*
GALANT 313
Roy De Cadix le 28. Juin
sx. On forma hier icy uneJunte
compofée de Mr le Marquis de
Pilladarias de Mr le Comte de
Hernanuñes , de Dom Melchior
de Avellaneda noftre Gouverneur,
deMrdu Caffe Dom Pedro
Navarette qui en devoit eftre, ne
pút s'y trouver , eftant incommo
dé. On y refolut de pourvoir à
tout ce qui pouvoit fervir à bien
diffendre cette Place on convint
d'abord que des Troupes qui
font déja icy , de celles qui y
arrivent , on enprendroit unepar-
Juillet 1705
Dd
2
364 MERCURE
tie pour couvrir l'Ile de Leon &
Le Pont de Souazos laiffant roû-
~jours dans Sant- Lucar & au Port
Sainte- Marie , de la Cavalerie
fuffifamment pour garder la Coffe,
qui eft occupée prefentement par les
Regimens de Dragons & de Campredon
, qui font bien rétablis ,
qu'on renvoyera au Blocus de Gibraltar
, aprés quoy ceux quiyfont
Peviendront icy.ut
La Capitane vieille de l'Ocean
viendra à Puntalez , pour eftre
coulée à fond , s'il eft neceffaire
avec les autres vieux Vaſſeaux
qui yfont déja tout prefts , pouren
fermer par la l'entrée ;& los qua-
205
GALANT 315
tre Vaiffeaux François occuperont
auffi cet endroit, & feront mêleg
avec les Galeres : le tout en
femble feracomme une Plate for
me formidable par fa nombreuſe
artillerie er il paroift par là que
-cette entrée importante fera bien
deffendue , puifque d'ailleurs par
fafituation elle peut empêcher l'ennemy
d'y avoir aucun avantage.
Ilfut déclaré par cette Funte ,
que le Roy & que Dieu garde ) or
donnoit
que Mr. du Caffe feroit le
premier Chef Commandantfur
* mer.
On ne peut exprimer à qual
point la vigilance , leszele
Ddij
116 MERCURE
application de Mr le Gouvert
meur ont remis les efprits de l'in ,
quietude où ils eftoient. Tout eft
rempli icy de toutes les chofes ne
ceffaires , & il n'en eft forti que
les Religieufes & quelques fa
milles svo fl no alle
Il est arrivé au Port Sainte-
Marie un Intendant , qui a un
grandfonds pour payer les Trou
de ce qui leur est dû , &pour
continuerde les payer dansla fuite,
de femaine en femaine.
pes
p
Ona vú cefoir quatre Navires
ennemis , dont deux vont vers
Détroit, & les deux autres paxoiffent
venir dans cette Baye.
GALANT
*
rante
deCaſtille
eft
mort
d'apoplexic
à Portalegre
: Il
étoit
forti
de
la
Maifon
de
Mel
guart
, connue
en
Eſpagne
depuis
le
regne
de
Sanche
le
grand
,
Roy
de
Navarre
,
qui
érigea
la
Caftille
en
Royaume
;
Ferdinand
II
. Roy
de
Leon
,
ayant
hérité
de
fon
petit
- ne
veu
Henry
Roy
de
Caftilles
&
ayant
uni
en
fa
perfonne
ces
Royaumes
environ
Fan
1217.
avoit
pour
grand
- Maitre
de
fa
maifon
Ifidore
de
Melguart
;
il
fit
à
ce
Seigneur
de
grands
biens
,
&
on
prérend
que
c'eft
ce
même
Dom
V
Dd iij
318 MERCUR
Ifidore qui fit bâtir le Château
de la Ville pour s'oppoſer aux
courfes des Maures , & dontla
vicille Caftille a receu fon nom.
La dignité d'Amirante qui eft
une des principales de ce
Royaume , eftoit hereditaire
depuis plufieurs ficcles dans lä
maifon de Melguart. Elle donne
un grand relief à celuy qui
en eft revêtu. Le bifayeul de celuy
qui vient de mourir avoit
cfté un des principaux Miniftres
de Philippes I. d'Autriche
dit le Bel , qui époufa Jeanne
heritiere des Royaumes d'Elpagne
. Ce Prince eſtant mort
GALANT 319
Ala fleur de fon âge , de Miniltre,
ne demeura pas long
temps en place ; le Roy Ferdinand
voulut le venger de
toutes les mortifications que
Philippe fon gendre luy avoit
fais effuyer & il l'exila dans
une terre qu'il avoit dans le
Royaume de Leon. Sous le
regne de Philippe II. grand
pere de Charle II. dernier Roy
d'Espagne le pere de l'Ami
Fante eut la direction des principales
affaires de la Couronne.
Son fils qui vient de mou
rit, eftoit fort attaché à la mai
zam Malteser Dd iiij
320 MERCURE
fon d'Autriche , & cet attache
ment eftoit fi fort & fi geno !
ralement reconnu par des rai- i
fons que je ne rapporte point
icy , que tout autre que Phi
lippe V. n'auroit vû qu'avec
peine un homme qu'il avoit
hieu de regarder comme fon
ennemy. Cependant l'Amiran
te qui avoit tout lieu d'eftre
content du Roy fon maître
ne laiffoit pas de murmurer de
ce qu'on ne luy donnoit pas
des emplois de confiance , fans
confiderer qu'il y auroit cu de
l'imprudence à l'admettre dans
les affaires fecretes . Mais en→
GALANT 321
fin Sa Majefte Catholique vous !
lut bien croire qu'il pourroie
renoncer avec le temps au parti
qu'ilavoit pris, puifqu'il y avoit
de la justice à reconnoistre pour
fon legitime Souverain, unPrin
ce qui avoit efté reconnu pour
chparfon prédéceffeur , dans le
moment qu'il alloit rendre
compte à Dieu de fes actionsy
& dont, outre cela , les droits
abla Couronne d'Eſpagne
eſtoient inconteftables . Ce Mo
narque, dis-je, pour le ramener
peu à peu dans fon devoir , &
luy faire connoiftre que s'il de
venoit bøn fujet , il auroit lien
::
322 MERCURE
ily
d'eſtre content de luy, le nomma
à l'Ambaffade de France!»
Sa Majefté tres- Chrétienne cut
la bonté d'agréer ce choix &
il y avoit lieu de croire que
l'Amirante feroit dans peu ter
gardé fur le même pied que
les plus fidéles fujets de Sa Ma
jeffé Catholique. Mais tout
cela ne le fatisfit pas , & on cut
lieu d'eftre perfuadé qu'il avoit
Loûjours eu de mauvaifes intentions
& de mauvaiſes pra
tiques , puifque la plupart de
fon bien fe trouva vendun&
toutes chofes préparées pour
aller en Portugal , au lieu de
GALANT 323
paffer en France : Ainfi i eft
caufe de la perte de tourte fang
qui a efté répandu en Espagne
& en Portugal , depuis que la
guerre y eft ouverte. C'eft un
fardeau bien pefant pour paf
fer en l'autre monde. Si j'ap
prens quelques particularitez
de fa mort avant que je ferme
ma lettre , je ne manqueray pas
de vous en faire part .
%.
Ileft tems de vous parler des
nouvelles d'Italie ; mais avant
que d'entrer dans ce qui les regarde
, je dois vous dire qu'elles
font répandues dans toute l'Europe
d'une maniere entiere324
MERCURE
(
ment contraire à la verité &
que depuis trois femaines , qua
tres Gazettes de Hollande par
femaine , & fept où huit Supe
plémens ou Lardons ont dit ,
que le Prince Eugene avoir palle
Alda , quoique nous n'ayons
Encore aucune nouvelle que ce
Prince ait traverfé cette Rivie
re , & qu'il paroiffe mefme encore
affez éloigné de la paffer.
Cependant la fauffe nouvelle
qu'ils ont debitée de ce paffage,
leur a donné occafion de pu
blier des chimeres , & de dire
quele Prince Eugenceftoir ang
portes de Milan , à qui il avoir
" GALANT 325
demandé un grand nombre de
Chariots de foin & de Pion
niers, Ge Prince ne venoir que
de paffer l'Oglio lorſqu'ils ont
debité cette nouvelle , & il re
grettoit fort le General Scrint,
fort aimé des Allemans , qui
s'eftoit noyé à ce paffage avie
quelques braves Officiers qui
s'estoient mis avec luy à la teſte
des Troupes , pour les exciter à
les fuivre dans ce paffage , les
ennemis y perdirent auffi
foixante Soldats. Les imprimez
de Hollande font encore une
grande affaire de l'abandonnement
dePalazzuolo , que nous
326 MERCURE
n'avons quitté qu'aprés en
avoir retire les provifions , &
jetté dans la riviere tout ce que
nous n'avons pû emporter. Its
ont parlé de cette affaire ,
comme s'ils avoient fait une
grande Conquefte les armes à
la main & qu'ils y cuffent
trouvé toutes les provifions
que nous avons eû foin de ne
leur
.
laiffer. Ils s'étendent
pas
avec encore, beaucoup plus
d'éxaggeration fur la prife de
M' le Marquis de Toralba , &
ils ont fuppofé dans tous leurs
imprimez qu'ils avoient fait
quatre Bataillons prifonniers
EGADANT 327
en certe occafion , quoique M
de Toralba neuft pas
horames avec luy , ayant fait
prendre des devans à trois des
Bataillons dont je viens de parlor
, croyant qu'il les pourroit
fuivre de prés ; mais fon cheval
raflant malheureufement tombé
, & s'eftant bloffé à la jambe
confiderablement , il fut obli
gé de s'arrêter dans une Caffiane
, où deux heures aprés il fut
-attaqué par deux mille Allemans
, ces roo hommes fe défendirent
fi bien , qu'ilsen tuerent
150. Ainfi l'avantage que
les chaemis ont remporté en
328 MERCUR
E
cette occafion eft tres peu con
fidérable ; & l'on pourroit me
me dire que ce n'en eft pas un,
puifque ce
ce qu'il reftoit d hom
mes à M de Toralba , aprés
avoir foûtenu lecombat contre
2000 hommes , ne peut indemnifer
les ennemis des cent
cinquante qu'ils ont perdus en
cette occafion. Voilà les fujets
des exaggerations des imprimez
de Hollande , & pourquoy ils
publicnt que M ' le Prince Eu
gene fait de grands progrés en
Italie , & l'on croiroit fur leur
rapport, qu'il a conquis des Places
fortes & gagné des BatailGALANT
329
les ', quoiqu'il n'ait fait ni l'un
ni Fautre Mais comme leurs
écrits le trouvent remplis de
toutes ces fuppofitions
, ils
n'ont plus de place pour parler
→ de ce que nous avons fait , en-
" fuite de ce qu'ils ont tant exatigeré
. Ils ne difent pas qu'im
parti de l'Armée de Mª le Grand
Prieur en ayant rencontré tin
des Allemans , le mit en fulte
avec perte de so hommes tuez ,
& de quarante pris avec 30
chevaux , Ils cachent encore
avec plus de foin , que Mr de
Courtade ayant marché avec
-400 chevaux , pour apprendre
Ee
Juillet 1705.
330 MERCURE
des nouvelles des ennemis ,
trouva fur le chemin de Fonta
nella , un de leurs partis de do
chevaux qu'il défit , aprés un
combat fort opiniâtré, on leur
tua cent hommes , avec quatre
Capitaines , & on leur prit quarante
Cavaliers , avec environ
cent chevaux.
On ne doit pas , accufer les
Ecrivains Hollandois de ce
qu'ils fuppofent des avantages.
qui n'ont point efté remportez ,
de ce qu'ils groffiffent extraordinairement
les moindres petits
fuccés , & de ce qu'ils paffent
fous filence la plus granGALANT1
331
de partie de ceux que nous remportons
, & diminuent. confiderablement
ceux dont ils pardent.
Puifqu'ils font obligez de
parler ainfi pour tromper les
peuples.
Je laiffe Monfieur le Grand
Prieur & fon Armée , pour par
ler de ce qu'a fait Monfieur de
Vendôme , & je conduirai enfuite
ce Prince à l'Armée de
Mr le Grand Prieur avec le fecours
qu'il luy envoye , &vous
ferai part de ce qu'il y a fair
depuis fon arrivée. Je com
mence par une Lettre de Mr de
Vendôme.
Ecij
332 MERCURE
Y ? te! ཅ
Au Camp devant Chivas
Acero Juillet. 29.1
Chivas paroift bien délabré
par l'effet de nos batteries ; il faut
efperer que quand elles feront fur
le chemin couvert ce qui fera
danspeu , cette Place fuccombera,
malgré toutes les chicanes des ennemis.
Z
- Mr de la Feuillade a joint, avec
dix Bataillons & trois Efcadrons.
Ce fecours me met en état d'envoyer
en Lombardie neuf Bataillons
& fept Efcadrons ; eo fy arriverai
auffi-toft que ces Troupes .
GALANT 333
laißerai le foin dufrege au Duc
de la Feüillade.
Les ennemis ont attaqué il y a
deux jours une de nos Redoutes
de la montagne , dont ils ont efté
repouffez. Ils font revenus pour
nous chaffer d'un logement que
nous avons fur l'angle du chemin
couvert ; mais ils n'ont púy réuffir
par la grande refiftance de deux
•Compagnies de Grenadiers d'Auvergne
, dont la valeur ne peutefore
affez louée. Les ennemis ont
perdu plus de deux cens hommes à
ces deux actions.
Depuis le 17. du mois defuin
que noussommes en ce Camp , il
334 MERCURE
昨
nous eft venu plus de huit cens
deferteurs.
Me le Comte d'Eftain que
f'avois envoyé au devant de Mr
de la Feüillade avec trois mille
Chevaux & vingt
Compagnies
de Grenadiers , eft tombé dans fon
chemin fur un détachement de
mille Chevaux
commandé par
Mr de Martinitz ; il l'a bien
battu , & en a tué pluſieurs , &
a amené au Camp cent Chevaux
& cinquante
prifonniers. Les
deferteurs
nous ont affeuré que
ennemis ont perdu trois cens hommes
dans cette action .
les
Il eft à remarquer que Mr
GALANT 335
le Duc de la Fcüillade avoit
efté coftoyé pendant trois
jours par mille chevaux des
ennemis, & qu'il avoit fait une
tres-bonne manoeuvre pendant
toute cette marche, ayant
fait refferrer les troupes, quoique
les lieux par où il palloit
fuffent fort étroits , afin d'eftre
expofé moins de temps au feu
des ennemis qui le harceloient,
& de leur pouvoir répondre
par un plus gros feu . Če Duc
eftant arrivé dans la Vallée de
Lanzo prés de Cirfé , il trouva
que le Pont fur lequel il devoit
paffer la Sture , eftoit gardé
336 MERCURE
par quatre cens fantaflins , foûtenus
par la Cavalerie eremie .
Il fe préparoit à forcer le paffage
: mais à peine eut -il fait
stirer cinq petites pieces deCanipagne
qu'il conduifoit , que
M' le Comte d'Eftain arriva ,
& chargea les ennemis. (
M le Duc de la Feuillade
ayant pris le commandement
des troupes qui font devant
Chivas , aprés le départ de M²
de Duc de Vendôme , ce General
voyant qu'on ne pouvoit
conduire les attaques de cette
Place comme on a accoûtumé
de faire , en embraflant le flanc
1 des
GALANT 337
des
des deux baftions , à caufe des
inondations qui ont laiffé des
flaques d'eau , & des prairies
marécageufes , ordonna qu'on
iroit par un chemin tres - refferré
, & fur le prolongement
baltions qui font attaquez . Le
logement que l'on a fur l'angle
faillant du chemin couvert ,
obligea les ennemis de s'éloigner
de la gauche & de la
droite de ce baftion . M ' le
Duc de la Feüillade fit établir
des batteries le long de la
liffade de la demie lune , de
trois pieces, pour battre la face
gauche qui avoit déja cfté bat-
Juillet 1705 .
Ff
pa338
MERCURE
tue de loin , & une autre de
quatre pieces , pour battre la
face droite ; il y en avoit déja
fait mettre deux autres cha
cune de trois pieces pour bat÷
tre le flanc du baſtion , & la
gauche à noſtre égard. Le tout
tira le 17. de ce mois. Ce Duc
fit auffi dreffer une batterie de
quatre pieces , pour battre la
demie-lune de la droite , dont
on étoit fort incommodé. Il y
avoit alors plufieurs mortiers
en batterie pour jetter des bombes
& des pierres. M ' le Duc
de la Feuillade fit faire une pa
ralelle à travers du foffé , afin
GALANT 339
de faciliter l'attache du Mi
même temps
neur , & il fit en même
travailler à un logement fur le
chemin couver
couvert qui va d'une
CHRo
fappe à l'autre. Le 17. on contenoit
les ennemis de maniere
qu'ils ne pouvoient interrompre
les Convois qui venoient
par cau de Crefcentin au Camp.
Le 18. on continuoit les attaques
de la Caffine blanche fur
la hauteur , & on avoit attaché
un Mineur qui travailloit
fous les premiers retranchemens
de ce Pofte.
I
Pendant que Mˇde la Feüllade
continuoit le fiege de Chi-
Ffij
340 MERCURE
6
vas M de Vendôme marchoit
pouryjoindre Misle Grand
Prieur , & M le Prince Eugene
preffoit de prés Soncino , qui
ne pouvant
efté obligé de fe rendre , à caufe
des difficultez infurmontables
qui empefchoient d'arriver
devant cette place : de maniere
qu'elle n'a pû tenir longtemps
. Elle cftoit défenduë par
400! hommes qui ont eſté faits
prifonniers de guerre , & les
ennemis y ont trouvé mille
facs de farine. Ils publient
qu'ils en ont pris beaucoup
davantage ; mais j'ay vû des
ligé , tre fecourupa
SGADANY 34%
Lettres aufquelles on ne peut
sempelcher d'ajoûter foy qui
affurent le contraire. Ce def
avantage fut reparé prefque
auffi- tôt que Mr de Vendôme
fut arrivé. Ce Prince fe faifir
en arrivant de trois ou quatre
petits poftes qui cftoient aur
environs de Soncino , & l'ex
pedition que vous trouverez
dans la lettre dele Prince
que vous allez lire , fut aufli tôt
aprés. Som
66) SVOOR JO V BIOSO
Goddiqui candid sb al
quoound abg th as alleg aliu
Ffüj
342 MERCURI
Toto zakok sures at ug
Au Camp de Soricina ce 20.
Soup tog Juillet, TO , caldw
JeSuis parti aujourd'huy à trois
heures aprés midy pour aller reconnoftre
les retranchemens des ennne
misfur les quatorzeNavilles,entre
icy & Zenivolta,avecfix Compar
gnies de Grenadiers, & tous lespiquets
de la Cavallerie de la droite,
a deffein de reconnoiftre feulement
lefdits retranchemens . Nousyfom
mes arrivez à fix heures dufoir ,
la vivacité de nos Grenadiers
a efté figrande qu'ils ont emporté
lefdits retranchemens , avant qu'on
Gla
GALANT 343
are eu le temps de les reconnoiftre
quoy qu'ils fuffent prefque impraticables
, & défendus par quatre
cens hommes des ennemis ; ily en
a eu plufieurs de tuez , & nous
aroons fix ingts prifonniers , au
nombre defquels ily a un Lieute
nant Colonel , & cing Officiers
avec un Drapeau. Nous n'avons
deux Grenadiers de tuez
& cing de bleffez. Je n'auroisjamais
cru que cette promenade cuft
efté auffi importante . Mr de Carolles
qui commandoit lesfix Compagnies
y a fait des merveilles ;
Mr de Château-Morand
qui commandoit toute mon eſcorte
en
que
fiiij
344 MERCURI
a toûjours efté à cheval à la tefte
des Grenadiers , ainfi que Mr le
Chevalier de Forbin. Ces deux
part
à
Mrs ont eu beaucoup de
cette action. Quand on confidere les
retranchemens, qui font les mêmes
que nous avons faits cet hiver ,
que les ennemis ont tourné
contre nous , cette action paroift
fabuleufe ; elle embarrafferafort
les ennemis , & nous met dans une
fituation que je n'ofois efperer.
Tous les équipages de quatrecens
hommes qui défendoient ces retran→ ·
chemens } ont efté pillez par nos
Grenadiers.
-
GALANT 345
W
La Lettre fuivante eft d'un
Officier qui eftoit proche de la
perforine de Mr de Vendôme,
is Thad to choosed me to
7750
Au Camp de Soricina , le 2 5 .
azma 29
ad
Juillet.domain
muid 29 atat crown tuon sen
Mr de Vendôme partit hier d'icy
fur les trois heures aprés midy
avec fix Compagnies de Grena- -
diers , cinq ou fix cens chevaux
des piquets de la droite , à deſſein
feulement de reconnoiftre les retranchemens
des ennemis fur les
quatorze Naviles , & il yarriva
furles cinq à fix heures du foir í la
vivacitédes Grenadiers futfigran
346 MERCURE
de, qu'ils les emporterent , asant
qu'on euſt eule temps de les recon
noiftre , quoiqu'ils fuffent prefque
impraticables & diffendus par
quatre cens hommes , dont la pluſ.
par tont effé tuez , & fix - vingts
faits prifonniers , du nombre defquels
font un Lieutenant- Colonel
qui les commandoit , e un Capi-
3. taine. On affure qu'ily avoitder
riere ce pofte deux cens chevaux ,
pour le foutenir ; mais pour moy
qui avois l'honneur d'eftre auprés
de Mr de Vendofme , je n'en ay
point vú . On y a pris un Drapeau
& le petit Campdes Troupes de ces
retranchemens , qui eſtoit tout tenGALANT
347
du, a esté pillé. Je vous aßure que
quand on confidere ces retranchemens
& leurfituation , cette action
paroiftfabuleufe .Elle embarraffera
fort les ennemis , & elle nous met
dans unefituation que Mr. de Ven
dofme n'auroitpas ofe efperer. C'étoit
Mr de Carolles Lieutenant
Colonel du Regiment de Berwick,
qui commandoit les Grenadiers qui
eftoient fous les ordres de Mr de
Chafteau- Morand , Brigadier de
Cavalerie qui commandoit tout le
détachement , & qui avec le Chevalier
de Forbin fe tint pendant
toute cette action à cheval e a
tefte de tous les Grenadiers ,
à la
on
348 MERCURE
-
en
peut
dire
qu
'ils ont l'un
l'autre
beaucoup
, de part
à cet heureux
fucces
, qui
n'a coute
que
cing
fix
hommes
. Auffitoft
que l'affai
re fut finie
, Mr.
de Vendôme
voya
chercher
deux
Brigades
d'In
fanterie
qui ont paffe
la nuit
dans ces retranchemens
,
ce matin
aut
point
du jour
on a changé
la fitua
tion
de noftre
Camp
, dont
la droite
eft actuellement
appuyée
aux
qua- torze
Naviles
, avec
un Corps
SIDONE
d'Infanterie de Dragons qui
occupe le Village de Zenivolta ,
qui eft au-delà de noftre gauche,
& noftre quartiergeneral eft à Soricina.
Mr le Grand Prieur part
GALANT $49
29330
dans ce moment avec onze Efca
drons & fept Bataillons , pour al
ler fur le bas Oglio , d'où on a ap
pris ce matin que les ennemis avec
un Corps à peu prés femblable artaquent
Marcaria, où nous avons
sent hommes. Mrs de Langalerie ,
de Chemerault , de Saint - Pater ,
le Chevalier de Broglio , font
de ce détachement.
Quoique la Lettre qui fuit
parle du départ de M' de Vendofme
de l'Armée de Piémont ,
je n'ay pû la placer autre
part qu'icy , parce qu'e le parle
auffi de l'arrivée de ce Prince
350 MERCUR E
auprés de M le Grand Prieur.
Mar
Nousfommes arrivez à l'Armée
de Mrle Grand Prieur , avec
tous les équipages de Mr le Duc
de
Vendôme , aprés onze jours de
marche , avec le Corps qui avoit
toute la nuit du Samedy
au Dimanche à Soricina , qui eft
un grand Village bien marchand,
& à deux milles de l'Oglio . Aprés
la jonction de l'Armée de Mr de
la Feüillade avec l'Armée de Piémont
, Son Alteffe fit voir à ce
Duc la difpofition du Siege & de
l'Armée ennemie ; & aprés luy
avoir marqué ce qu'ily avoit à
GALANT 351
faire , il partit le lendemain au foir
s'embarquafur le Pô pour aller
auTefin où il prit la poſt pourjoin .
dreplus promptement Mr le Grand
Prieur. Afon arrivée , nos Soldats
crierent tout d'une voix par
tout le Camp , vive le Roy , vive
Vendofmey en jettant leurschapeaux
en l'air , pour marquer la
joye qu'ils avoient de le voir
Voicy les dernieres nouvelles
qui font arrivées de Cadix.
Extrait d'une Lettre de Cadix ,
du 1. Juillet,
Ilya dans Cadix pour quatre
352 MERCURE
mois de vivres pour quatre mille
hommes , l'on y va encore
faire venir cinq cens mille rations;
ily a auffi cent mille fanegues de
grain pour la nourriture des chevaux.
Ily a au Pont de Suazo
cinq cens hommes d'Infanterie du
Regiment de Barrois , &l'autre
Bataillon du même Regiment où il
y en a autant , y doit auffi arriver
demain. Nous avons dans l'Iſle de
Leon le Regiment de Bouville
Dragons , & celuy de Mahony
Irlandois , qui doit arriver demain
,y fera auffi ; & Mr de
Villadarias a du cofté de Sainte-
Marie mille ou douze cens hom
GALANT 353
mes, & à Rothe il y en a trois ou
quatre cents Dans la Ville ily a
environ mille hommes de Troupes
reglées Espagnoles , & quatre
cinq cens Officiers reformez trois
cent foixante- dix Cavaliers qui
font fort bons & outre toutes ces
Troupes , ily aura encore un Regiment
Espagnol qui doit arriver
demain De forte que l'on conte
avoir avantqu'ilfoitpeu fix mille
hommes tant Cavalerie qu Infan
terie , François Espagnols , dans
ta Place dans l'Ifle.
Le mot de l'Enigme du mois
dernier eft la Main. Ceux qui
Gg
Juillet 1705.
354 MERCURE
Is
a
L'ont trouvé font M Bertier
Curé de Parly , prés d'Auxerre :
Daniel le Chin , Procureur Fif,
cald Eglegny & fonamysle
fieur Trebuchet , Lieutenant
dudit lieu : Medard Labitte, &
RAMottets de l'homme , P.D.
M: Fleury , Marchand à la Rochelle
, & fon Procureur le fieur
Prévoft : Deflandes- Blaizot , de
S. Brieuc : Beffe , Languedocien
pour la vie : Jordy le Cader
& fon fidele amy : le Solitaire
Defangloux , & fon gros amy
Alliot l'Agreable dans les
Compagnies : le Heros du Canada
: le troifiéme Roy de Po
:
39
GALANT 355
logne : Canelle de la ruë d'Enfer
: l'amy content de Verfailles
: Echo fidele : l'Amant conftant
& malheureux
le Rival
heureux
de la rue Guifarde ,
& la Charmante
Javotte: Mlles
de la Marre : Martin , & d'Avimare
la petite Manon Benjamine
, du faubourg
S. Germain
: Catin Toffier , de la rue
S. Martin la Timide & fpirirituelle
M Lucas , de la Butte
S. Roch : fa bonne Maman , &
fa chere four Marie- Anne : la
foeur aînée: l'Amante de Marly.
Je vous envoye une Enigme
nouvelle.
Ggij
356 MERCURE
ENIGME.
Bien que je fois commun dans toutes
les Provinces
Que l'on me foule aux pieds mefme
dans mon terroir ,
*Onme voitfortſouvent à la table des
Princes ;
Plufieurs dansleurs repasfontravis de
m'avoir :
Je nefuis pourtantpas aimé de tous
le monde ,
Ma couleuret ardente on blonde ;
Et toutes les vertus qui m'ont fait
adorer
,
Mefontſouventperdre la vie
Mais mon trepas afouventfaitplemter
·
Cenx qui me l'ont ravie,
品
M
2
E. THAJAD
alovna tvov aj erp A
¡ VAIVUOW TA
63
ཊྛི ཀཉྩ སིདྡྷིམྨེ
A sup ullú me Dsicista
GALANT 357
L'Air que je vous envoie , eft
de Mr de Montaillis.
AIR NOUVEAVA
'Ee Soleiltrop ardent fait languir
La nature
Nos bois , nos prez & nos Côteaun
Perdent l'éclat de leur verdure
Et nos ruiffeaux ,
Leur doux murmure z
L'ardeur deſes rayons brûlans
Détruitles dons de Cerés & de Flore:
Maisfes feux ne font poins encor
violens ,
Que ceux dont l'amour me dévore
Il s'en eft peu
fallu
que
M
le Prince Eugene ne foit entré
une feconde fois dans Cremo
358 MERCURE
ne. L'affaire a efté découverte
par un Officier Eſpagnol , qui
fut averti par fa Mailtreſſe, que
le Valet du Preftre qui y avoit
donné l'entrée la premiere fois,
eftoit dans la Ville ; On le fit
arrefter & il avoüa tout. Il me
na mefme à une Caffine , à un
mille de Cremone dans la
quelle il y avoit un foûterrain
conduifoit dans la Ville ;
le travail y eftoit déja fi avancé
, qu'on y pouvoit marcher
quatre hommes de front , &
cinq ou fix maiſons de la Ville
eftoient percées & répondoient
au foûterrain. On y devoit fai
qui
GALANTM 359
reentrer , outre les Troupes du
Prince Eugene 1400 Payfans
armez.loadiul " equova pr
Vous attendez , fans doute ,
que je vous parle de la grande
nouvelle du temps. L'action
dont il s'agit , eft d'autant plus
ſurprenante , que toute la gloire
eft demeurée aux Vaincus ;
que les Vainqueurs ne ceffent
point de les admirer , & de
combler leur valeur de louanges.
Ces Vainqueurs ont fi peur
de part à l'avantage qu'ils ont
remporté , qu'ils ne doivent ni
à leurs foins ni à leurs coups , le
terrain qu'ils ont furpris ; mais
360 MERCURE
à une fatalité furprenante &
incomprehenfible , qui les ont
fait entrer dans nos Lignes ,
nort- feulement fans qu'on leur
fift aucune refiftance ; mais auffi
fans y avoir efte apperçus pendant
plus de deux heures & demic
aprés y eftre entrez.
S.A. E. de Baviere , qui avoit
pris toutes les précautions ima
ginables pour fçavoir toutes
les démarches de Mylord Marlboroug
, & qui eftoit informé
de tous fes mouvemens , &
qu'il étoit refolu d'attaquer nos
Lignes, ou du moins qu'il avoit
fait tous les préparatifs pour
cela
GALANT 361
36г
y
ne s
zela , prit toutes les précautions
neceffaires pour empêcher l'exe
cution de fon deffein : Ce Prin
ce convint avec Mr le Maréchal
de Villeroy de tout ce qu'il
avoit à faire. Ce Maréchal
eftoit de fon colté fort alerte ,
& mefme plufieurs Relations
portent , que depuis le 17 de ce
mois jufques au 26 ce General
s'eftoit point mis dans fon lit ,
& s'eftoit feulement repolé tout
habillé. Enfin Mr l'Electeur de
Baviere & ce Maréchal convio.
rent , qu'après avoir fait battre
la retraite , toutes les Troupes
fortiroient de leur Camp à la
fourdine , à la tefte duquel elles
demeureroient enfuite en bataille
, pour eftre toutes prêtes
à défendre les Lignes , en
Hh
Fuillet 1705
362 MERCURE
qu'elles fuffent attaquées . Cet
ordre fut executé , & quoyque
l'aile gauche euft affez de Troupes
pour le défendre , comme
les Lignes eftoient plus foibles
de ce cofté- là . Mr le Maréchal
de Villeroy envoya trois Régimens
de Dragons au Lieutenant
General qui y commandoit , &
ce Lieutenant General écrivit
à Mr de Villeroy qu'il les avoit
reçûs , de maniere qu'il y avoit
lieu de croire , que le centre &
les deux aîles feroient une vigoureufe
refiftance . On apprit
enfuite , que les Ennemis faifoient
charger leurs bagages , &
qu'ils marchoient d'un autre
cofté que de celuy des Lignes ;
mais ils firent en mefme temps
défiler un Corps du cofté de l'aî
GALANT 363
le gauche , eftant avertis qu'ils
eftoient moins attendus de ce
cofté - là que des autres , & n'ofant
faire d'attaques ni du cofté
de Monfieur l'Electeur de Baviere
, dont ils connoiffoient
la valeur & la vigilance ,
ny du cofté de Monfieur le
Maréchal de Villeroy qui eftoit
toûjours en mouvement pour
'ne fe pas laiffer furprendre.
"Enfin les ennemis entrerent
par la gauche , ainsi que je
vous l'ay déja marqué , & firent
entrer un fi grand nombre de
troupes , pendant deux heures
qu'ils ne furent point apperçus
qu'ils eftoient trois contre un
de ce côté - là lorfque le com.
bat commença. Cependant par
le nombre de nos morts & de
P
Hhij
364 MERCURE
nos prifonniers , qui font des
chofes fi publiques , qu'on n'en
peut cacher la verité , il paroift
que dans le temps que l'on s'eft
battu , les ennemis ont eu au
tant de morts que nous , & que
fi nous avons perdu davantage,
ce n'eft qu'à caufe qu'ils ont
fait quelques prifonniers . Mr
le Marquis d'Alegre a fait des
merveilles en cette occafion , à
la tefte du Corps qu'il commandoit
, & Mr le Marquis de
Biron s'y eft autfi fort diftingué ,
ayant eu fon cheval tué fous luy
& fon Ecuyer tué à fes coftez.
Mais on n'a peut - eftre jamais
oüy parler de rien mieux entendu
ny de plus vigoureufe-
- ment foûtenu que ce que fit Mr
de Caraman , ayant formé un
GALANT 365
Bataillon quarré au milieu duquel
il eftoit , & d'où il donnoit
fes ordres , avec lequel il fit fa
retraite pendant une lieuë fans
pouvoir eftre entamé au grand
étonnement des ennemis ; ce qui
fut caufe que le Commandant
des troupes Angloifes demanda
le nom de ce brave Officier qui
faifoit des chofes fi furprenantes
Le Commandant d'un Bataillon
quarré est toujours dans
le centre , & à l'approche de la
Cavalerie , il fait mettre le genouil
en terre à fon premier
rang, qui prefente le fufil armé
de la bayonnette au poitral de
la Cavalerie , & fait fa décharge
lorfque les chevaux font au
bout des fufils ; & le fecond
P
Fang doublant
par les interva
Hhij
"'
366 MERCURE
•
les , fait la même chofe , en forte
qu'il n'y a qu'un rang à la fois
qui fait feu afin qu'auffi - toft
aprés fa décharge il puiffe avoir
le loifir de recharger : & ainfi
tant que le Bataillon eft muni
de poudre & de plomb , le feu
ne difcontinuë pas , & le Bataillon
reſte toûjours heriffé des
pointes des bayonnettes touchantes
le poitral des chevaux ,
qui ne peuvent ouvrir un tel
Bataillon , quand les évolutions
continuent d'y eftre faites fans
defordre & de fang froid .
1
Les ennemis peuvent juger
par la refiftance que leur ont
fiit nos troupes , quoiqu'ils fufſent
trois contre un , qu'ils auroient
efté battus à nombre
égal , & que s'ils avoient outre
GALANT 367
#
cela voulu forcer les lignes
ils couroient rifque de perdre
toute leur Armée..
Voicy ce que j'ay tiré d'une
Relation qui fait icy beaucoup
de bruit , & qui a esté trouvéc
fort belle. L'Auteur y parle
encore du Bataillon quarré dont
je viens de vous entretenir , &
fait voir de quelles troupes il
eſtoit compofé , mais ce qu'il y a
de plus curieux dans cet Extrait ,
eft qu'il fait connoiftre que par
l'avis ouvert par S. A. E. de
Baviere , & qui fut auffi -toft
fuivi , ce Prince a fauvé la Flandre
& l'Armée , & a fait voir
qu'il eft beaucoup plus grand
Capitaine que Mylord Marlborough
, puifqu'il auroit pû fe
faifir le premier du Camp que
Hhij
368 MERCURE
Mr l'Electeur de Baviere a fair
occuper.
Mr de Caraman eftant à la teſte
de deux Brigades d'Infanterie qui
eftoient au milieu de la Plaine à la
merci de 80.Efcadrons des ennemis
qui n'avoient jamais pú les entamer
, prit le parti de les former en
Bataillon quarré , & il les retira
ainfi jufqu'au defilé de Nodouwé.
Les quatre Bataillons
d Alface de Furftemberg fu
rent chargez plufieurs fois par
toute la Cavalerie Angloife , elle
y fut reçue par un feu fi affreux ,
qu'elle ne remordit plus , & les
Bataillons fe retirerent- avec- une
-
GALANT 369
dignité une fermeté admira
bles.
de
La Brigade des Gardes Frangoifes
& Suiffes alloir paffer le
défilé de Nodouwé , quand Son
Alteffe Electorale prit le party
luy faire faire halte ; elle jugea
que ft les Troupes arrivoient à la
file & effoufflées , elles feroient
battues & chargées en arrivant ,
& qu'ainfi ce feroit une bataille
perdue en détail , fans avoir pû
avoir le plaifir de charger toutes
en même temps ; qu'il valoit bien
mieux fouffrir ce petit échec , &
Longer au gros de l'affaire que
pour cela il falloit fur le champ
:
370 MERCURE
prendre le parti de gagner les devansfur
l'ennemi , de fauver Louvain
, Liere , Malines , & Anwers
; & que pour cela il n'y
avoit d'autre moyen que d'y marcher
tres-promptement , en laißant
l'ennemy dans fon poſte , où ſeurement
content d'eftre établi , il ne
fongeroitpas à nous inquieter. L'a
vis ouvert fut auffi toft jugé capable
, parfon utilité , de reparer
le malheur qui nous eftoit arrivé.
Nous marchames donc droit
à Judoigne , par où paffa une de
nos Colonnes , & de là à Heckeren
, Abbaye fous le canon de
GALANT 371
Louvain ; noftre avantgarde y arriva
à buit heures du foir , &
l'arrieregarde à deux heures aprés
minuit. Son Alteffe Electorale &
Mr le Maréchal ordonnerent dés
le foir deux Ponts , l'un au deffus
de Louvain, & l'autre au deffous
nos premieres Troupes y pafférent
à trois heures du matin le 18.
l'Artillerie avec le Bagage prirent
le chemin de la Ville. Sur les buit
heures du matin revint Bois -Morel
que
S. A. E. avoit envoyé
fur le chemin de Tirlemont où
eftoit le quartier general de Mylord
Marlborough ; il luy rapl'Armée
ennemie eftoit
porta que
372 MERCURE
à une lieuë , & qu'elle marchoir
droit à Louvain. On fit un peu
preffer le paffage de la riviere de
Dyle, & à onze heures tout fut
paffe , les Ponts rompus . My
lord entra dans le Camp que nous
quittions , & s'y campa ; quelques
traîneurs & maraudeurs
furent pris.
Noftre droite eft à Torbank ,
Abbaye , le centre où eft l'Electeur,
à Bethleem ; & lagauche à
Noftre ligne fait un coude visà-
vis le centre. Mrde Caraman a
un Corps de Dragons d'Infanterie
vers le Demer ; & les Trou- 1
pes de Mr de Gaffe doivent occu
GALANT 373
per les lignes d'Arfchot : Ce fons
les dernieres faites depuis l'endroit
où la Dyle tombe dans le Demer,
jufqu'au Village de Boëfchot appuyé
fur la groffe Nethe
Je ne dois pas oublier
que les
troupes
de S. A. E. de Baviere
fe font acquifes
beaucoup
de
gloire
en cette
occafion
, où
elles ont néanmoins
beaucoup
ſouffert
, à caule
du grand nombre
d'ennemis
qu'elles
avoient
à combattre
,
On ne peut avoir plus de valeur
qu'en ont fait paroiftre les
troupes Espagnoles , & fur tout
Dom Pedro de Zuñiga , dont
S. A E. a parlé tres - avantageufement
> en difant qu'il estois
374 MERCURE
friant de coups de moufquets. C
Prince charmé de fa valeur à
efté luy en faire compliment ,
jufque dans fa tente , où il a
donné de grandes loüanges aux
troupes Efpagnoles .
Voicy une Lettre qui vous
apprendra ce qui fe paffa depuis,
la furprife des lignes jufques au
22. de ce mois .
Du 22. Juillet.
Les ennemis envoyerent un
Trompette le 19. de ce mois ,
Dimanche dernier , jour qu'ilsfont
arrivez devant Louvain , au
Bourguemeftre de la Ville,pour luy
dire de leur en faire ouvrir les
GALANT 375 .
portes , afin qu'ils puffent pourfuivre
les François , ou de leur
donner cing tonnes d'or ; & que
pour fe refoudre , ils ne luy donnoient
que deux heures , ou qu'autrement
ils les brûleroient. Ce Magiftrat
leur réponditfur le champ,
qu'ils eftoient maîtres de faire ce
qu'illeurplairoit
. Les ennemis veulent
à ce que
l'on dit , bombarderla
Ville, & ils dreſſentmême une batteriefurla
rivieres pour cet effet ils
ont fait venir fix vingts - quatre
pieces de gros canon , qui font à
Tirlemont d'avanthier , & qui
n'ont pû arriver à leur Camp , à
caufe qu'il pleut depuis deux fois
376 MERCURE
wingt quatre heures . Louvain
apprehende fur tout les Anglois ,
qui commettent des impietez abominables
, par tout où ils paffent ;
ils ont tué dans un Village le Curé
& unefemme groffe , & ont pris
le faint Ciboire dans lequel ils ont
bú , aprés avoir jetté les Hofties ,
& les avoir foulées aux pieds.
Cela irrite les Flamands contre
eux. Les ennemis manquent
de
pain dans leur Camp ; la livre
vaut chez eux trois efcalins , c'eft
à dire , monnoye de France vingtfix
fols & un liard. Le Mylord
Ducde Marlborougdit qu'il veut
faire cuire du pain dans Louvain ,
GALANT 375
qu'il ne veut pour en faire ou
vrir les portes , qu'un canon : mais
il y a un peu defanfaronnade , car
on ne prend pas fi facilement une
Ville , quand il y a une grande
Armee campée derriere. De la
maniere que nousfommes campez ,
nous mettons à couvert , Louvain ,
Malines , Bruxelles , Liere , &
Anvers nous avons la Ville de
Louvain vis-à- vis de noftre droi
te , la riviere de Dyle qui paffe
au travers , eft à noftre gauche ;
l'Infanterie borde cette riviere ,
nous avons fait fur les bords un
retranchement tout du long. Les
ennemis témoignent qu'ils veulent
Juillet 1705 .
Ii
378 MERCURE
abfolument la paffer , nous voulons
les en empêcher , &nous pre¬
nons ferieufement toutes les mefu
respourcela. Ils voulurent avanthier
établir un Pont ; mais nous
les obligeâmes de fe retirer, &
nous jettâmes leurs pieces de bois
dans l'eau. Comme ils ont les mêmespoftes
que nousfur la riviere
c'est-à-dire, les uns d'un cofté, les
autres de l'autre , il y afouvent
des efcarmouches ; & quand on
croit que l'un ou l'autre party eſt
le plus foible , l'on fait monter le
piquet à cheval de cheval de part & d'antre:
c'est ce qui arriva hier
lorfqu'ils voulurentfaire une tenGALANT
379
le
tative pourfonder la riviere. Nos
grandes Gardes & les leurs fe
battent à tous momens . Tout cecy
pourroit nous engager à une affaire ;
au moins nous y attendons - nous ,
car leur grand deßein eft de prendre
Louvain
. Ils ne peuvent
faire qu'en l'inveftiffant ; &pour
cela il faut paffer la riviere &
nous faire décamper : ce qui ne
leur fera pas facile. Il eft vray
qu'à la faveur de leur canon ils
peuvent jetter des Ponts ; car lors
que nous voulûmes fecourir Na
le Prince d'Orange
af
mur
que
fiegeoit , le même cas arriva pour
nous qu'il eft à prefent pour eux ,
liij
380 MERCURE
& nous jettâmes des Ponts fur la
riviere devant presque autant de
Regimens qu'il y en avoit dans
l'Armée ennemie , à la faveur de
noftre canon. Carpendant que l'on
tire on les jette fort bien dans les
intervalles ; mais aprés cela il faut
paffer, & c'est ce que nous empê
cherons. Hiercinq cent maistres de
la Maifon du Roy & de la Gendarmerie
accompagnerent Mr le
Maréchal qui alla reconnoistre un
Camp à deux lieues d'ici , afin de
Juivre les ennemis , en cas qu'ils
aillent à Namur. Comme ils ont
un Pont fur la riviere , qui eft à
Herarle à un demi quart de lieue
a
a
GALANT 381
de Louvain , les Bourgeois de cette
Ville l'ont rompu , & ont lâché
leurs écluses ; de forte que
de ce
cofté-là la plaine eft inondée , &
l'on y a de l'eau jufques à la
ceinture. Nous avons des Troupes
depuis noftre Camp jusqu'à Anvers
, par lajonction de Mr de la
que
Mothe. Mylord Marlboroug a
envoyé un Trompette avec un
Paffeport pour avertir tout ce
Pays - cy de contribuer; mais on l'a
·que
sil renvoyé en luy declarant
revenoit , ou que s'il en renvoyoit
un autre pour le même fujet , on
le jetteroit dans la riviere . Nous
croyons le fiege de Namur comme
382 MERCURE
impoffible
, và les ennemis
n'ont ny provifions
ny magaſins.
que
Voicy un extrrait d'une
Lettre du Camp de Bethlehem ,
du 24. de ce mois .
Les dernieres nouvelles font
beaucoup plus agréables que les
precedentes , nous efperons que
le party que Monfieur l'Electeur
& Monfieur le Maréchal de
Villeroy prirent prudemment , dés
qu'ils virent qu'il n'étoit plus
temps de chaffer les ennemis des
lignes qu'ils avoient furprifes , de
faire une marche forcée pour ve→
GALANT 383
nir occuper le Camp où nousfommes
, empêchera qu'ils ne profitent
du bonheur qu'ils ont eu d'entrer
dans les lignes par deux barrieres
qu'ils ont trouvé ouvertes . Comme
il n'avoient pú imaginer que
nous fiffions une auffi grande diligence
, ils furent fort furpris
quand, en approchant,ils découvri
rent que nous eftions déja campez .
Ce Camp eft couvert par la Dyle
qui eft profonde , & dont les
bordsfontfort élevez , & il eft
foûtenu par la Ville de Louvain ,
qui fe trouve prefque dans le
centre. Les ennemis trouvant ce
pofte occupé,fe camperent de l'au ↑
384 MERCURE
tre côtédela riviere, quifeulefepare
les deux Armées . Il nous vient.
tous les jours beaucoup de Deferteurs
qui tous difent que
nemie
la cherté
eft fi grande dans l'armée en-
› que le pain s'y vendjufqu'à
quinze fols la livre , & le
pot de bierre jufqu'à dixfols. Le
Duc de Marlborough a renvoyé
à Monfieur l'Electeur , fur lear
parole , tous les Officiers des troupes
de fa Maifon qui avoient esté
faits prifonniers dans l'action des
lignes , & il les chargea en les
renvoyant , d'une Lettre pour ce
Prince pleine de foumiffions & de
refpects , par laquelle il luy mar
que
GALANT 385
que le plaifir qu'il fe faifoit de
renvoyer auprés de luy des Officiers
qu'il fçavoit eftre particulie
rement attachez à fa Perfonne.
Mr le Marquis d'Alegre , &
Mr le Comte de Horn font demeurez
prifonniers , avec quelques
autres Officiers , dont le
nombre n'eft pas fi grand que
l'on avoit dit d'abord; plufieurs
de ceux qu'on croyoit tuez ou
prifonniers , eftant revenus au
Camp , ainfi qu'une tres grande
quantité de foldats . De maniere
que felon plufieurs Relations ,
& même aprés les revûës de
plufieurs Regimens faites , noftre
perte ne s'est pas trouvée monter
à plus de fix cens hommes ;
Kk
Juillet 1705 .
386 MERCURE
& ceux qui écrivent de Hollande
, & qui parlent de bonne
foy , font monter à davantage
celle des Alliez : & comme la
deſertion a efté grande parmi
eux aprés leur entrée dans nos
lignes , à caufe de la difette de
vivres , on peut dire que leur
expedition leur coûte environ
mille hommes plus qu'à nous .
Le 26. le Piquet monta à che
val , parce qu'on avoit vû à la
droite plufieurs troupes de Ca
valerie des ennemis avec quelque
infanterie ; les Generaux
de la droite y allerent prefque
tous, mais ils jugerent que cette
infanterie n'étoit que des travailleurs
pour élargir les chemins
.
Quelques troupes ennemies
GALANT 387
ayant le 27. hazardé de paffer
un Pont du cofté de V Verche,
teren , un Bataillon du Regiment
des Gardes en tua plufieurs
, fit quelques prifonniers
& obligea le reste à repafler.
Monfieur le Comte de Toulouſe
partit le 29. Juillet pour
fe rendre à Toulon . Mr Moreau
de Mautour envoya à ce Prince
les Vers fuivans , la veille de
fon départ.
PAYS
MADRIGAL .
Ars , grind Prince , & foutiens
la gloire de LOUIS ;
Pourfuis , en l'imitant , tes Exploits
inoüis ;
Les bords de l'Iberie & le rivage
More
Kk ij
388 MERCURE
De tes hauss faitsferont témoins
encore .
Les Vents fiers de conduire un fi
noble Vainqueur ,
Tel qu'autrefois Cefar &fafortune
,
Par tout l'Empire de Neptune
Seconderont tes voeux & ta valeur.
Nos ennemis flattez d'une vainë
esperance ,
Ont bean s'aimer contre la
France ;
Ils ont déja fenti laforce de ton bras
De ton départ leur Flotte eft allarmée
Attentifs & jaloux ils obfervent
tes pas ;
Ta préfence contre eux , qui vaut
feule une armée ,
Va porter dans les coeurs de nos
vaillants Soldats
GALANT 389
L'espoir de la Victoire , & l'ardent
des Combats.
Je viens d'apprendre que ce
Prince a efté nommé par Sa Majefté
Generaliffime des Troupes
de mer & de terre . Je n'ay
pas le temps de vous en dire
davantage ; mais vos reflexions
Vous apprendront fans doute
tout ce que je pourrois vous en
dire.
Je vous ay déja appris la mort
de l'Amirante de Caſtille ; mais
je ne vous ay pas dit le ſujet de
fa mort. Le voicy. Cet Amirante
donnà le même jourun grand
repas aux Miniftres Anglois &
Hollandois qui font en Portu →
gal , & il y joignit quelques Miniftres
de Sa Majesté Portugais
Kkij
390 MERCURE
fe. Vers la moitié du repas lorf
que le vin commença à monter
un peu à la tefte , les Anglois
parlerent des préparatifs qui fe
faifoient en Espagne pour la
Campagne d'Automne , & des
fujets qu'il y avoit de croire
que cette Campagne feroit tresavantageufe
aux Efpagnols ; ils
ajoûterent , en jettant les yeux
fur les Miniftres Portugais , qu'ils
auroient pu faire une plus belle
Campagne , & prendre Badajoz.
L'Amirante de fon cofté leur
répondit , en leur montrant les
Miniftres Portugais , qu'ils en
eftoient caufe , & que s'ils na'voient
point laiffe manquer de toutes les
chofes neceffaires pour faire cette conquefte
, on fe feroit rendu maistre de
cette Place ; ce qui auroit entrainé la
GALANT 39r
perte de plufieurs autres Villes. Les
Miniftres Portugais qui avoient
jufque - là écouté patiemment
tout ce qu'on leur avoit dit
prirent la parole , & dirent à
l'Amirante , que fi tout ce qu'il
leur avoitpromis avoit eftè executé,
& que tous les Grands d'Espagne
euffent trahi comme luy Philippe V.
leur legitime Souverain , on n'auroit
pas feulement fait la conqueste de
Badajoz, mais auffi celle de toute
Efpagne. La converſation s'échauffa
, on en vint aux invectives
; & l'Amirante eftant fujet
à de grandes vapeurs , il luy en
prit une qui tourna auffi - toft
en apoplexie , dont il mourut
peu de temps aprés .
La premiere nouvelle de la
prife de Hombourg s'est trouvée
392 MERCURE
veritable , mais non pas celle
des huit cens hommes faits prifonniers
de guerre ; ils ont efté
conduits à Manheim , & font
fortis avec armes & bagages ,
mais fans canon . Mr de Refuge
a cru leur devoir accorder cette
Capitulation , parce que dix
mille hommes qui venoient fecourir
la Place , s'eftoient déja
avancez jufques à Audernach .
On eft extrêmement furpris de
ce que le Gouverneur du Château
s'est rendu auffi - toſt aprés
avoir appris que Mr de Refuge
avoit jetté quelques Troupes
dans la Ville , qui s'eſt renduë
d'abord , & le Gouverneur n'a
tenu qu'un jour fans avoir attendu
le Canon : cependant toutes
les Lettres affurent qu'il auroit
1
GALANT 393
pû tenir plufieurs jours.
On a défait en Alface un Par
ti de cent Maîtres ; tous ceux
qui le compofoient ont efté
tuez ,à la referve de fept qui ont
efté faits prifonniers . Nos Huf
fars qui ont fait cette expedition
, ont pendu trois Officiers
Huffars en reprefailles de ce
que les Allemans font pendre
tous nos Huffars qui tombent
entre leurs mains.
Je vous envoye une Lettre de
Mr le Duc de Vendofme , parlaquelle
vous connoistrez en
quel eftat font prefentement les
affaires de la guerre dans les
lieux où ce Prince commande .
394 MERCURE
Du Camp de Soricina le 25.
Juillet.
Mon Frere partit d'icy le 21 .
avec onze Escadrons & huit Ba
taillons pourfe rendre Gazolo, où
il a joint deux autres Bataillons
qui y eftoient aux ordres de Mr.
des Touches , avec trois cens Dragons
détachez de cette Armée. Il
y a fait conftruire un Pont fur
l'Oglio qui a efté achevé ce matin ;
& dans le temps qu'on marquoit
le Camp au delà de cette riviere
Mr le Comte de Chemerault luy
a mandé que l'on voyoit quelques
GALANT 395
à
Huffars des ennemis ; mon frere
eft monté à cheval , & a efté le
trouver. C'eftoit Saint- Amour
avec quatre cent chevaux qui revenoit
du cofté de Mantouč ,
qui apparemment ignoroit l'arrivée
de nos Troupes , ou que nos
Ponts fuffentfaits & raccommodez
; ce qui a donné le
mon Frere de faire venir les trois
cent Dragons & quelques piquets
de Cavalerie , qu'il afair foûtenir
par quelques Compagnies de
Grenadiers , on a marché fi vivement
à Saint- Amour , qu'il n'a
prefque pas tenu ; il a eſté pouſſé
prés de trois milles , aprés quoy il
temps
396 MERCURE
qu'on
s'eft difperfé dans tant de chemins ,
on a efté obligé de ceffer de le
poursuivre , Mr de Chemerault a
toûjours efté à la tefte de nos Dragons;
& on afait vingt ou vingtcinq
prifonniers. On ne peut encore
juger du nombre de ceux qui
ont efté tuez dans cette action , qui
ne laiffe pas d'eftre confiderable , à
caufe de l'étendue du chemin qu'on
a fait en les pourfuivant. L'épouvente
de Saint- Amour a paſſéjuf
qu'au Commandant de Marcaria ,
qui a abandonné le Chasteau dans
lequel nous avons mis auffi - toft
foixante Dragons.
Mon Frere marchera demain à
la
GALANT 397
la pointe du jour , avec le Corps.
qu'il commande pour aller à Ca
netto ; j'efpere qu'il fe rendra
bientoft maistre de ce Pofte , auffi
bien que d'Uftiano. Nous fommes
toujours icy dans le même Camp ,
que j'ayfait retrancher par tant
de manieres , qu'il n'y a pas un
feul homme des ennemis qui puiße
penetrer dans le pays. Fay fait
un Pont à Bardolano , à la tefte
duquel ily a unfort ton retranchement
, & demain nous yferons
encore un autre Pont.
Mr de Caraman n'ayant pû
cftre entamé dans fa retraite
avec le Bataillon quarré qu'il
Juillet 1705 .
LI
398 MERCURE
avoit formé , dont je vous ay
déja parlé , & qui luy a attiré
des loüanges des ennemis même,
le Roy luy a fait l'honneur de
luy écrire de fa propre main
pour luy marquer combien il eft
fatisfait de cette action , & luy
à envoyé le grand Cordon de
l'Ordre de Saint Louis , avec
permiffion de le porter , en at
tendant qu'il vaque une Commanderie.
Il est avantageux de
fervir un Monarque , dont les
recompenfes fuivent de prés les
fervices qu'on a l'honneur de.
luy rendre.
Le Roi ayant ordonné , auffitôt
aprés que Mvlord Marlboroug
cut abandonne la Mofelle , que
Mr de Marfin viendroit ſerviren
Flandre , Mr le Maréchal de
GALANT 399
Villars témoigna que Sa Majef
ré luy feroit plaifir de le laiffer
en Allemagne ; & Mr le Maréchal
de Marfin eut l'honneſteté
de faire connoiftre qu'il y reſted
roit avec plaifir , quoy qu'il n'y
commandaft pas en chef, fi c'é
toit l'intention de Sa Majesté.
Les chofes viennent de changer
de face , & ce Maréchal a reçu
de nouveaux ordres du Roy
pour, feren freen Flandre, où il
eft prefentement.
Voicy une Lettre du Camp
devant Chivas du 14.
Nousfommes fur le point de
faire desgalleries à travers lefoffe,
defquelles le Mineur fe fervira
pour aller s'attacher au Baftion
Llij
3400 MERCURE
Nous faifons actuellement une
batterie pour ruiner l'épaule , te
flanc, & partie de la Courtine du
Baftion. Nous tirons une ligne de
communication qui va aux Redoutes
du Po , bien meilleure que
la premiere , & qui approche de
plus prés celle des ennemis ; ce qui
leur donnera de la jalousie de ce
cofté-là. On mine à prefent la mon
tagne qui communique avec la
ville , ou du moins un endroit où
les ennemis ont fait un tres-fort
retranchement , qui eft comme une
Plate - forme tres -élevée. Cependant
cela eft abfolument neceffaire
pourmettre une batteric, de laquelle
GALANT 401
on puiffe canonner le Fort qui en-
Stretient la communication avec
Chivas on ramaße toutes les
Troupes qu'on peut tirer des Garnifons
, on travaille à des Lignes
pour entourer entierement
cette Place , dont on commença hier
à combler le Foffe.
Je vous ay déja marqué dans
ma Lettre ceque Mr de la Feüil .
lade avoit fait devant Chivas
pour avancer le fiege de cette
Place , juſqu'au jour que je finis
l'article que vous avez trouvé
dans ma Lettre , vous venez
d'apprendre la fuite de ces nouvelles
, par celle que Vous venez
de lire , & voicy ce que je
Ll iij
402 MERCURE
viens d'apprendre . Mr de la
Feuillade qui n'a pas moins de
tefte que de valeur & d'expe
rience , voyant que Mr le Duc
de Savoye deffendoit Chivas en
perfonne , & qu'il animoit les
Troupes par fa prefence , refolut
de l'engager à fortir de la
Place Il ordonna pour cet effet
à quelques Garnifons de le
venir joindre pour groffir fon
Armée ; il forma enfuite un
Corps , à la tefte duquel il fe .
mit , & marcha droit à l'Armée
de Monfieur de Savoye.
Ce Prince ne l'eut pas plutoft
appris , qu'il abandonna Chivas
pour le rendre à ſon Armée ,
où à peine fut il arrivé qu'il l'a
fit décamper pour mettre plufi.
urs défilez devant luy . Dés
P
GALANT 403
que Mr de la Feüillade eu appris
l'arrivée de Mr de Savoye ,
il quitta le Corps qu'il commandoit
, & prit les devans pour
fe rendre devant Chivas ; &
auffi -toft qu'il y fut arrivé il fit
donner un affaut à la Demie-
June , & l'on fe logea fur un des
angles de cette Demie - lune , où
Ton fe retrancha ,
On a fçu depuis qu'on a dreffé
une batterie de Canon dans le
chemin couvert & qu'il y a une
grande bréche au Corps de la
Place.
Les mêmes nouvelles ajoûttent
que noftre Cavalerie avoit
pris beaucoup de fourrages & de
provifions dans le Camp que
Mr de Savoye avoit fait abandonner
pour faire retirer fon
404 MERCURE
armée derriere les défilez , ainfi
que je viens de vous le marquer.
Voicy une Lettre du Camp
prés de Weiffenbourg , quivous
apprendra plufieurs nouvelles .
Cette Lettre eſt du 28.
On a achevépar de bons baftions
de rendre Haguenau une
place de guerre dans les formes.
elle est déja hors d'inſulte par un
* bon chemin couvert & d'autres
ouvrages excellens ; & nos lignes
- juſqu'au Rhin font dans leur perfection.
Il arrive journellement à l'Armée
des Officiers du Regiment de
Navarre , quiont efté échangez
Sur le bruit qui a couru que les
GALANT 405
ennemis qui font prefentement an
nombre de trente mille hommes ,fai
foient remonter un Corps de Troupes
affez confiderable du cofté du
Fort-Louis , Mr le Comte de Coignies
a esté envoyé à Stattmatt
qui eft un Pofte entre ce Fort
Drufenheim, de même que la Colonelle
generale des Dragons , le
Regiment de la Vrilliere , & les
deux Bataillons de Lorraine.
Le General Mercy qui eft cam
péfous Landau , s'eftant hier avan
cé auprés de noftre Armée , envoya
cent cinquante chevaux pour nous
reconnoiftre ; mais ils furent rencontrez
àune lieuë de noftre Camp
406 MERCURE
par nos Huffars qui en tuérent la
meilleure partie , firent onze pri
fonniers , prirent foixante chevaux
,& mirent le reste enfaite.
Nousfommesparfaitement bien en
fourrages, les ennemis en ont
grandedifette, n'ayant que ceuxque
l'on voiturepar le Pont du Rhin,
Des douze Bataillons qui faifoient
lefiege de Hombourg, trois
ont efte envoyez à Sarlouis , &
les neuf autres , avec quatorze ef
-cadrons , viennent nous joindre inceffamment
; & aprés ce renfort
nous aurons fuixante-fept Bataillons
, ¢-treize Efcadrons.
Mr de Refuge eft retourné hier
GALANT 407
dans les trois Evêchez où il commande.
Je vous envoie la premiere
relation qui eft tombée entre
mes mains de la grande action
qui fait aujourd'huy tant de
bruit ; elle eft traduite d'une relation
fait par un Officier Eſpagnol
.
Du Camp de Corbek le 30. de
Juillet 1795.
Mr l'Electeur avoit eu avis
les
ennemis
ily a deux jours , que
avoient
fait charger
leurs gros
équipages
, qu'ils devoient
paffer
la Dyle & venir nous
attaquer ,
408 MERCURE
M
les
S.A. E. pritfes mesures pour
attendre ; & fit dire la Meffe à
deux heures du matin . Mr l'Electeur
& Mrle Maréchal de Villeroy
eurent de nouveaux avis que
Mylord Marlborougformoit fon
Armée & qu'il remontoit vers la
gauche de la Dyle au deffus de
Louvain ; ils firent mettre auffi
"noftre Armée en bataille , & elley
paßa la nuit. Les ennemis nous
attaquérent par trois endroits
l'attaque fut legere à nôtre droite ,
& à nôtre gauche , entre Neer-
Iffche & Florival ; nos Troupes
tinrent ferme , connoiffant bien
qu'il n'y avoit là rien à craindre.
La
GALANT 409
veritable attaque fut au centre de
l'Armée,à Corbek, où eftoit le quartier
de Mr l'Electeur. Ils commencerent
à tirer avec quarante pieces
de gros canon , qu'ils avoient mis
en batterie dés les trois heures du
matin. Le feu dura juſqu'à Sept
heures comme fi c'euft esté un feu
de moufqueterie ; & favorisant
leurs pionniers qui jetterent un
Pontfur la Dyle , Mr de Marlborougfit
paffer deux mille Grenadiers
, quelques Bataillons
Efcadrons , pendant que leurs
Troupes fe tenoient en bataillefur
la hauteur, fe préparant à fuivre
celles qui avoient paffé. Mr l'E
Juillet 1705 Mm
410 MERCURE
lecteur & les autres Generaux opi
nérent à laißerpaſſer un plus grand
nombre de leurs Troupes ; mais il
ne leur fut pas poffible d'arrefter
l'ardeur de quatre Regimens de
Dragons , qui avoient tenu ferme
dans leurpofte , ny de deux Briga
des de Baviere de Cologne ;
nonobftant le feu prodigieux des
ennemis , ils les chargérent avec
tant de vigueur , qu'aprés quelque
refiftance ils les mirent en déroute ,
une partie de ceux qui avoient
paffe , tuée , l'autre noyée dans la
Dyle , & l'autre fut prife. Ceux
qui avoient repaffé le Pont , fe
croyant en fûreté de l'autre cofté
GALANT 411
les
de la Riviere où ils fe formoient
avec les autres Troupes qui les
foutenoient ,furentprefque défaits ,
par dix pieces de Canon , que
noftres avoient cachées au bord de
la riviere , chargées à cartouche &
tirant trois coups chacune , qui ti
rerent fur euxfort àpropos . Nous
n'avons pas perdu dans cette action
vigoureufe plus de foixante hommes.
Mr de Marlborougfit retirer
fon Armée ; mais voulant en faire
retourner la droite à fon Camp de
l'Abbaye du Parc que fes Troupes
avoient abandonné , il fe vit
obligé de faire halte , parce que
Monfieur le Maréchal de Ville-
Mmij
1
412 MERCURE
-roy qui s'eftoit bien imaginé qu'il
prendroit ce parti , avoit marché
avec dix mille hommes de la
gauche de noftre Armée , &aprés
avoirpaffé quelquegué de la Dyle,
il s'eftoit campé dans ce Camp.
De forte que Mrde Marlboroug
fut contraint de retirer fon Armée
àTirlemont , à une lieuë de la nôtre.
Il donne à entendre par ce
mouvement qu'il a abandonné le
Brabant , & qu'il marche à Namur.
Cette action a extrêmement
animé nos Troupes. Mr l'Electeur
fe trouva à tout. Nôtre Armée
eftà Corbek, la gauche à Louvain ,
*
GALANT 413
(laquelle est couverte de dix mille
hommes qui font dans le Camp du
Parc,) ladroite à Neer-Iffche ,
appuyée de Wavre.
La Relation fuivante a efté
faite par un Officier François.
Au Camp fous Louvain ,
le 30. Juillet.
Mrs les Comtes dela Mothe
de Gaffé nousjoignirent le 28.
avec leur Camp volant , ainſi que
fept Bataillons qui estoient dans
Anvers. Noftre armée doit encore
eftre jointe par des troupes qu'on
tire des Garnifons , les ennemis en
Mm iij
414 MERCURE
faifant de mefme. Hier 29. les
ennemis commencerent à faire
marcher leur artillerie & leurs
gros bagages à quatre heures du
foir ; depuis fept heures noftre armée
fut toujours au biuac. Leur
deffein étoit depaffer la riviere en
trois endroits pour nous attaquer,
mais tous trois leur ont manqué :
leur armée ſe mit la nuit en marche
fans tambours ny trompettes ,
ils envoyerent un Corps de troupes
au bout de noftre gauche .
mais à peine eurent- ils paffé un
gué qu'ils furent repouſſez avec
perte. Cette action s'eſt paßée aujourd'huy
à trois heures du matin.
GALANT
415
>
La feconde a eftéfur la queuë de
noftre droite , du cofté de la petite
Ville de Wavre ; mais avec auffi
peu de fuccés. Enfin la troifiéme
qui étoit la veritable attaque
efté au Village de Corbek quartier
de Monfieur l'Electeur; ils avoient
dreẞé pendant la nuit quarante
canons , fur une hauteur qui commande
ce Village & les Prairies
qui l'environnent. Depuis trois
heures du matin jufqu'à sept heures
le canon a tiré, de mesme que
la moufqueterie , & à leur faveur
deux mille hommes d'Infanterie
avec de la Cavalerie ont paßé
la riviere & pris pofte dans ce
416 MERCURE
19
Village , tout le gros de leur armée
étantfur les hauteurs au delà
de la riviere. Quatre de nos Regimens
de Dragons qui étoient
vis-à- vis ce Village , ont toujours
tenu ferme jufqu'à l'arrivée de la
Brigade de l'Infanterie de Liege
de Baviere , qui malgré leurs
Officiers & les Generaux mefmes
qui vouloient laiffer paffer dix à
douze mille hommes, ont chargéles
ennemis fi vigoureusement , qu'ils
les ont obligez de repaffer la riviere
, malgré la grêle de leurs canons
, en tres - grand defordre , partie
a esté tuée ou noyée , le reste
qui étoit repaßé fe croyoit en fûGALANT
417
reté ; mais dix pieces de noftre
canon à trois coups qui avoient efté
dreẞéesfans qu'ils s'enfuffent apperçus
, & qui étoient chargées à
cartouche , en tuerent beaucoup.
Toute leur armée fe retira alors
fort en defordre. De forte que
pendant ce temps - là Monfieur le
Maréchal de Villeroy , à la tefte de
dix mille hommes , alla s'emparer
de leur dernier Camp , où leur
avant-garde commençoit déja à
rentrer ; il l'obligea de fe retirer
de paffer une petite riviere qui
étoit derriere leur Camp , & qui
fait à prefent la tefte du noftre ,
ayant la Dyle , & Louvain der
418 MERCURE
♡
riere nous. Ce Camp de dix mille
hommes fait la gauche de noftre
armée , le centre eft à Corbek quar
tier de Monfieur l'Electeur ,
la droite eft à Neer- Iffche appuyée
fur Wavre,où est le quartier
de Monfieur de Villeroy. Le Camp
des ennemis eft à une lieuë de cette
derniere Ville , la riviere eftant
toûjours entre eux & nous . Par
cette retraite il paroift que Mylord
renonce au Brabant , & qu'il a
deffein fur Namur. On ne fait
pas au jufte leur perte ; mais cette
action a bien animé nos Soldats ,
fort rebutté les leurs . Les ennemis
pour pouvoir mieux nous
味
GALANT 419
furprendre , avoient tous du blanç
à leurs chapeaux ; cette rufe leur
a épargné quelques centaines
d'hommes. Nous n'avons eu que
foixante hommes tuez ou bleffez.
Il y
y
a d'autres
Relations
qui
portent
qu'on
fit
avancer
les
Gardes
du
Corps
du
Roy
&
les
Gendarmes
,
&
les
Chevauxlegers
de
la
Garde
.
Mrs
les
Comtes
de
Guifcard
&
de
Rouffi
,
Lieutenans
Generaux
,
ſe
trouverent
à
cette
action
,
&
Mr
le
Comte
de
Rouffi
fit
mettre
pied
à
terre
aux
Dragons
.
Je
fuis
, Madame
, voſtre
, & c.
A
Paris
ce
4.
Aoust
1705
.
On debitera le Mercure le s
420 MERCORE
du mois prochain ; & fi l'on n'a
pas tenu parole ce mois- cy , c'eſt
parce qu'on a voulu attendre
la Relation de la derniere affai
re de Flandre.
TABLE .
P
Rélude ,
le
Place d'Aumonier du Roy donnée , 8
Premiere Sorbonique foutenuë par
Pere Binet Cordelier & dediće
au Clergé ,
Eloge des Prelats de l'Affemblée
prononcé par le Pere le Camus
Fefuite ,
Reflexions furla Rhetorique ,
16
19
Anniverfaire de la Feüe Ducheffe de
Mantouë , 23
Apologie du Comte de Marfigli, 31
Querelle entre deux fçavans Anglois
,
Athée converti ,
Article de litterature ,
42
43
44
Dispute entre deux Religienx Reformez
de l'Ordre de Piémontré ,
46
Lettre d'un Novice de la Trapp , so
Juillet 1705
Nn
TABLE.
58
Premiere article de morts , parmi les
quelles ilfe trouve quelques morts
d'étrangers ,
Dons faits parle Roy d'Espagne, 77
Sergens Majors Generaux nommez
par le Senat de Venife , 91
Lettre de Mr de Chafteüil touchant
quelques antiquitex nouvellement
découvertes
• 92
102
Epitaphe Romaine découverte depuis
peu à Lion ,
Nouvelle découverte de neuf cens
medailles antiques & d'argent , 1.
104 .
Differtationfur la perculion des Li-
& queurs , 108
108 Recueil depoëfies Italiennes
Nouvelles découvertes fur la Gaittarre
Sonnet ,
112
"Relation curieufe & nouvelle du décampement
de Milord Marlbo
TABLE.
rough lorſqu'il a quitté la Mofelle,
114
Marche de Mr le Maréchal de Vil
lars aprés la retraite de Mylord
Marlborough , contenue en plu
fieurs lettres . 131
Mr le Marquis de Lanion & Mr
le Comte de Chamillart vont reconnoiftre
les retranchemens de
Luterbourg,
Mariage de Mr le Prince d'Harcourt
138
142
Mort de Mr le Marquis de Villa-
146 franca ,
Entrée de Mr le Chevalier du Bourk
Envoie Extraordinaire du Roy
d'Angleterre à la Cour d'Efpagnes
ISI
Mr l'Abbé Grimaldy nommé Internonce
à Bruxelles ,
Troifiéme article de morss ,
158
164
Nn ij
TABLE.
Traduction de deux lettres contenants
la Confpiration de Grenade
185
Lettres de Cadix & de Malaga
touchant la fituation des affaires
de la guerre à Cadix , 203
Nouveaux Elemens de Geometrie de
Monfeigneur le Duc de Bourgogne,
218
Article tres curieux qui regarde l'operation
des Cataractes
Prétendne confpiration à Badajoz ,
> 244
257
261 Execution faite à Grenade ,
Zéle dupeuple de Madridpour éteindrele
feu àl'Hôtel de l'Ambaſſa.
"
262 deur de France
Nouveau remplacement de Marine,
Quatrième article de morts ,
263
266
Thefes nouvellement foûtenuës , 270
TABLE.
278 Vie du Pere Bourdaloué,
Mr Rouillé de Marbeuf eft recen
Confeiller au Parlement 281
Mort du cinquième fils de S. A. E.
de Baviere ; cet article contient
plufieurs faits curieux , 283
Prife de la Ville & du Château de
Huy 301
Nouvelles de l'Armée de Mr de
Villars ,
Prife de Hombourg,
Suite des novelles de Cadix ,
304
311
321
Mort de l'Amirante de Caftille , 317
Suite des nouvelles d'Italie , 323
Autres nouvelles de Cadix ,
Article des Enigmes ,
Confpiration de Cremone
358
353
357
L'affaire des Lignes , contenant plufieurs
articles fur ce fujet , 359
387
Départ de Mr le Comte de Toulouse,
pourfe rendre à Toulon ,
TABLE.
Madrigal à ce Prince idem
Il eft nommé Generaliffime des A1-
mées Navales de fa Majesté &
des troupes de terre , 389
Article curieux touchant le fujet, de
> la mort de l'Amirante idem
Article de la prife de Hombourgplus
détaillé que le premier ,
Parti de cent hommes entierement
défait en Alface ,
391
393
394
Lettre de Mr le Duc de Vendôme ,
Autre Relationfaitepar un Officier
François , 413
Avispour placer les Figures.
L'Air qui commence par
Orgueilleux ennemis , doit regarder
la page 110 .
L'air qui commence par
Le Soleil trop ardent fait languir
la nature , doit regarder la page
357
BIBLIOTHÈQUE
SJ
60 - CHANTILLY
}
JERSE
dr
MERCURE
GALANT
DEDIE A MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN
JUILLET , 1705.35
A PARIS , A
Chez MICHEL BRUNET , Grande Salle de
Palais , au Mercure galant .
Com
Omme il eft impoffible dans la conjoncture
prefence de ne pas groffic
le Mercure, ce qui en augmente confiderablement
les frais , on ne peut fe difpenfer
d'en augmenter auffi le prix . Ainfi les
volumes qui feront reliez en veau fe vendront
dorefnavant trente-huit ſols , quant
aux volumes qui feront reliez en parche
min , on n'en payera que trente-cinq.
Les Relations le vendront autant que
les Mercures.
Chez MICHEL BRUNET , grande
Salle du Palais , au Mercure
Galant.
M DCC V.
Avec Privilege du Roy.
AU LECTEUR.
I Ly a lieu de croire qu'on
ne lit plus l'Avis qui a
efté mis depuis tant d'années
aucommencement de chaque
Volume au Mercure , puis
que malgre les prieres rèiterees
qu'on a faites d'écrire en
caracteres lifibles les Noms
propres quife trouvent dans
les Memoires qu'on envore
pour efre employez , on neglige
de le faire , ce qui eft
canfe qu'il y en a quantité
* AU LECTEUR:
de défigurez, eftant impoffible
de deviner le nom d'une Terre
, ou d'une Famille , s'il
n'eft bien écrit. On prie de
nouveau ceux qui en envoyent
d'y prendre garde ,
s'ils veulent que les noms
propres foient corrects. On
avertit encore qu'on neprend
aucun argent pour ces Memoires,
que l'on employera
tous les bonsOuvrages à leur
tour, pourvu qu'ils ne defobligent
perfonne , & que
ceux qui les envoyeront en
affranchissent le port.
5
MERCVRE
GALANT
JUILLET, 1705.
I
L faut avouer , Madame ,
que les peuples font bienheureux
, lorfqu'ils vivent
fous le régne d'un Monarque
qui fait fon unique application
du foin des affaires de fon Etat ,
A iij
6
MERCURE
qui voit tout par luy - même ,
qui entend tout , qui ordonne
de tout , qui ne prend que
repos neccffaire Te
pour ne
pas fuccomber fous le poids
des affaires , & qui même dans
le temps qu'il fe promene ,
qui eft prefque l'unique pendant
lequel il les
abandonne ,
ne laiffe pas d'y rêver ſouvent
pour le bien de fon Etat dont
il fait toute fon
occupation.
Quand la Fortune jalouſe du
bonheur & de la gloire d'un pareil
Monarque,lui fait éprouver
quelques cffets de fon inconftance
,fes peuples loin d'en deGALANT
7
voir eftre allarmez , doivent en
fe repofant fur les foins & fur
la parfaite intelligence qu'il a de
tout ce qui cft neceffaire pour
le rétabliffement de fes affaires ,
ſe tenir afſurez qu'il ſçaura punir
la Fortune , s'il m'cft permis
de parler ainfi , & briller
avec plus d'éclat qu'auparavant.
Il eft ncceffaire pour la
gloire des grands Hommes
qu'ils effuient quelquefois d'éclatantes
traverſes , fans quoy
toute l'étendue de leur merite ,
de leur gloire & de toutes les
grandes qualitez qui les rendent
recommendables , nc fe-
A iiij
8 MERCURE
Foit pas affez connuë ; & ainfi
en examinant bien toutes chofes
, il paroift que la Fortune
en cherchant à les accabler ,
ne fert qu'à faire paroître
dans un plus beau jour tout
l'éclat de leur gloire , & à la
faire connoiftre à toute la terre.
M' l'Abbé d'Entragues de
Malzerbe a eu la place d'Aumônier
du Roy , vacante par
la nomination de M ' l'Abbé
de Quelus à l'Evefché d'Auxerre
. Cet Abbé eft Docteur
de Sorbonne , & cut une Abbaïe
il y a quelques années . Il tra
GALANT
9
vaille il y a long-temps dans la
Paroiffe de Saint Sulpice , où
il est l'exemple du Clergé qui
compofe cette Eglife , par fon
affiduité aux Offices & aux fonctions
de fon Miniftere . Il eft
fils de feu M' le Marquis d'Entragues
, & de Dame N... de
Rieux foeur de feu M' le
Comte de Ricux & de feu M
le Marquis de Sourdheac. La
Maifon d'Entragues d'Iliers eft
d'une tres grande ancienneté ,
& elle fut fort illuftrée fous le
regne d'Henri IV. La maiſon
d'Iliers - d'Entragues eft diffe-
>
10 MERCURE
rente de la maiſond Entragues-
Cremeaux . M' l'Abbé ďEntragues
a deux freres ; M le
Marquis d'Entragues , qui a
long - temps porté les armes
pour le fervice du Roy, &M
Le Chevalier d'Entragues , qui
a efté fait Capitaine de Vaiffeau
à la derniere promotion . Il en
avoit encore deux autres , qui
font morts ; M le Marquis
d Iliers qui étoit l'aîné, mourut ,
aprés avoir fait plufieurs campagnes
pendant la derniere
guerre , & M ' le Chevalier d'Entragues
, qui fauta avec fon
Vaiffeau dans uncombat naval .
GALANT II
M" d'Entragues font proches
parents de M' le Maréchal de
Marfin ; & ils font auffi allicz
aux meilleures Maifons du
Roiaume. L'Hôtel d'Entragues
qui eft dans la rue de Tournon ,
a efté autrefois leur maifon
paternelle.
Le P. Binet , Cordelier , frere
de M Binet , Docteur de Sorbonne
& Curé de la Sainte Chapelle
Baffe , foûtint en Sorbonne
la premiere des Sorboniques
, qui doit cftre toûjours
foûtenue par un des Freres
Mineurs , le Vendredy 3. Juin ,
depuis fix heures du matin juf12
MERCURE
qu'à 7. heures du foir . LaThefe
dont la gravûre étoit belle, étoit
dédiée à M' le Cardinal de
Noailles , & aux autres Prelats
& Deputez de l'Affemblée ; ils y
eſtoient reprefentez d'une maniere
affez reffemblante. L'on
y voyoit la Juſtice , la Verité ,
& l'Eglife qui fouloient aux
pieds , l'Herefie , l'Impoſture, &
les autres Furies de l'Enfer . Le
titre de laThefe eftoit tiré du 1I
I
chap . de la Geneſe , Quem creavitDeus
adimaginemfuam. C'eſt
dans cet Acte que le Prieur
de Sorbonne doit faire une
harangue ; M' l'Abbé le Quin
GALANT
13
-
qui a Profeffé au College de
Bourgogne , & qui eft Prieur
cette année , en prononça une
tres éloquente. L'éloge du
Roy , de toute la Maiſon Royale,
& des Prelats de l'Affemblée ,
y entra d'une maniere tres-delicate
. La Harangue finie , le P.
Binet fit auffi la fienne , qui fut
auffi trouvée tres - belle.. M' le
Prieur de Sorbonne ouvrit enfuite
la Thefe , felon l'ufage ,
par trois difficultez differentes ,
qui furent foûtenues & deffendues
avec une égale force. M's
de l'Affemblée du Clergé y
vinrent en Corps, de même que
IS
14 MERCURE
M' le Cardinal d'Eftrées , & les
autres Prelats qui fe trouvérent
à Paris ; & M' le Nonce y arriva
dans le même temps. La Compagnie
fut d'ailleurs tres- nombrcufe
& tres belle. Le merite
&la réputation du Soûtenant ,
jointes à l'éclat de ceux à qui la
Thefe eftoit dédiée y avoit attiré
le grand concours dont
je viens de parler. Le Soûtenant
répondit avec une grande
prefence d'efprit à toutes les
queftions qui luy furent propofées
; on admira en luy unc
profonde érudition , ſoû cnuë
d'une grande éloquence , puifGALANT
15
qu'il parut dans cette action publique
également Orateur &
Theologien. L'Acte ne finit ,
comme j'ay déja dit , qu'à ſept
heures du foir aprés avoir duré
prés de treize heures.
Le Pere Binet dédia l'année
derniere une Theſe à M' le
Maréchal Duc de Boufflers , qui
fut auffi parfaitement belle ;
ce Maréchal y affifta avec une
nombreuſe Compagnie. Comme
ce Religieux eft de la Ville
de Beauvais , il eftoit affez naturel
qu'il dédiaft la Theſe dont je
viens de parler à M' le Maréchal
de Boufflers, qui eft de la Provin
ce de Picardie , & dont la Mai16
MERCURE
fon y tient un rang confiderable
depuis plufieurs fiecles . Le
Pere Binet parle avec beaucoup
de facilité , & on peut affurer
que la Langue latine n'a point
de beautez cachées pour luy ;
il la parle avec une grace qui
releve beaucoup tout ce qu'il
dit. Tous les Prelats de l'AL
femblée luy firent honneſteté ,
en s'en allant , fur le fuccés de
l'Acte qu'il venoit de foûtenir ;
de maniere qu'il eut lieu d'eftre
fatisfait de tout ce qui fe paffa
dans cette action.
Le Pere le Camus , l'un des
Profeffeurs de Rhétorique du
GALANT 17
College de Louis le Grand, prononça
un difcours à la loüange
des Prelats qui compofent l'affemblée
du Clergé, dans l'Eglife
du College , le famedy
27 Juin . Tous les Prelats de
l'Affemblée qui y avoient eſté
invitez s'y rendirent , au fortir
de chez M le Cardinal de
Noailles qui leur avoit donné à
dîner ce jour -là . Lé difcours de
ce Pere reçût de grands applaudiffemens
; L'élocution de l'Orateur,
l'abondance des penfées ,
la belle latinité , & la maniere
aifée & naturelle à ce Profeffeur
avec laquelle il s'énonça , furent
Fuiller 1705.
B
18 MERCURE
également adimirées . Le Pere le
Camus fit voir dans la premiere
partie , que le Clergé eft la plus
noble partie de l Etat , & que
celuy de France eft le plus noble:
de tous les Clergez . Cette divifon
eftoit auffi belle que naturelle
; & on peut dire que le plan
qu'elle renfermoit fut parfaitement
bien executé . L'éloge du
Roy fut delicatement touché ;
le défintereffement de ce Prince
dans le don gratuit que L'AL
femblée du Clergé luy a offert ,
& qu'il a bien voulu reduire à
une moindre fomme que celle
qu'on avoit refolu de luy don
GALANT 19
ner, fut mife dans un beau jour.
Outre les Evêques qui affiſterent
à cette action , il y cut plufieurs
perfonnes d'une grande
diftinction ; & il feroit difficile
de voir ailleurs une plus grande
affemblée. La grande chaleur
qu'il faifoit alors n'empeſcha
point l'Orateur de donner à fon
difcours toute la force qui luy
eftoit neceffaire , & de le debiter
avec cette efpece d'impetuofité
que demandent les pieces d'éloquence.
M' Gibert , l'un des Profeffeurs
d'éloquence au College
de Mazarin , vient de donner
Bij
20 MERCURE
"
au public le livre dont je vous
ay parlé dans une de mes Lettres
précedentes ; il eft intitulé : Reflexionsfur
la Rhetorique , où l'on
répond aux objections du Pere l'Amy,
Benedictin. La querelle de
M Gibert & du Pere l'Amy
commença , comme je vous ay
déja dit , du tems de M Arnauld
, dont noftre Profeffeur
foûtient aujourd'hui vigoureu
fement les fentimens , j'entends
fur l'éloquence. On fent en
lifant cet Ouvrage , que l'Auteur
eft plein de la lecture des
livres de Ciceron , de Quinti
lien & de S. Auguftin , & il mer
GALANT 25
heureuſement en pratique les
régles que ces grands modéles
d'éloquence nous ont laiffées
fur l'art des Orateurs . Il établit
d'une maniere inconteſtable
la conformité des préceptes
d'éloquence que l'on donne
aux jeunes gens dans les Colleges
, avec ceux que nous ont
donnez les plus excellens Orateurs
de l'antiquité ; & il fait voir
la feule difference qu'ony
trouve , c'elt que les préceptes
d'aujourd'huy
font donnez
avec bien moins d'ornemens &
d'étendue , que ceux que ces
grands Hommes nous ont
que
22 MERCURE
de
laiffez . Il fait connoître auffi
qu'on n'en donne point d'autres
, & qu'on prévient les abus
qu'on enpeut faire , non par
vaines reflexions de Philofophie
( il attaque en cet endroit
les Metaphificiens ) mais par les
principes de la confcience &
de la Religion. Ce raport une
fois établi , le Lecteur conclud
naturellement que le P. l'Amy
a attaqué , non pas M' Gibert ;
mais Ciceron , Quintilien & S.
Auguftin. Ce Livre fe vend
chez Michel David, fur le Quay
des Auguftins , à la Providence.
GALANT 23
On a fait à Mantouë l'Anniverfaire
de la feue Ducheffle
Anne -Ifabelle de Gonzague
dans l'Eglife de Sainte Marie
de l'Humilité , appellée vulgairement
des Quarante- heures.
Le Prince Octave de Gonzague
, âgé de vingt - deux ans
encore plus diftingué par fon
efprit & par fon érudition
que par fa haute naiffance
avoit inventé & difpofé l'appareil
funebre , & compofé les
Infcriptions Latines dont l'Eglife
eftoit ornée. Sa capacité
ne ſe borne pas à des Sciences
agreables , il a penetré ce que
24 MERCURE
1
prela
Theologica de plus profond,
& il en a donné des preuves de
puis peu , par des Thefes foûtenues
pendant deux jours
dans l'Univerfité de Mantouë ,
dont les Jefuites font les
miers Membres . Le Marquis
Jean François de Gonzague ,
Brigadier des Armées de S. M.
C. eft Frere du jeune Prince
dont nous venons de parler ; &
le Marquis Afcagne , nommé
par le Roy d'Efpagne Archimandrite
de Meffine , eft fon
oncle. Le Prince Octave avoit
choifi le P. Antoine François
Ecllati , de la Compagnie de
Jefus ,
GALANT 25
Jefus , pour faire l'Oraiſon Funebre
; elle fut beaucoup
applaudie
. L'éloquence du P. Bellati
eft grande fans enflure
naturelle fans baffeffe , vive fans
jeu de mots , fans allegories
trop recherchées ; elle ne fe
fent point des défauts qu'on a
autrefois reprochez aux Italiens
. Son texte eftoit pris de
l'éloge que l'Ecclefiaftique fait
de Morfe : Dilectus Deo & hominibus
; cheri de Dieu des hommes
. Il fit voir dans la premiere
partie , que pour eftre generalement
aimé il faut une grande
élevation , des vertus de cet-
Juillet 1705.
C
26 MERCUR£
te condition élevée , & des vertus
propres des conditions inferieures
. La Fortune jointe à la
naiffance éleve , met en vûë , lie
avec les hommes par differens
engagemens ; les vertus du Souverain
font aimer : mais fi ces
vertus ne font temperées par les
vertus propres d'une condition
.:
privée , elles ne font pas aimer ;
d'ailleurs les vertus d'une condition
privée fans les vertus
fuperieures ne fuffiroient pas
pour faire aimer , on n'aime
point ce qu'on mépriſe. Il montrafans
peine l'affemblage deces
qualitez dans la Duchelle dont
il faifoit l'éloge , fon courage
GALANT 27
& fa prudence dans les temps
difficiles ; & que fa juſtice & fa
bonté dans une fituation plus
tranquille luy avoient gagné
tous les coeurs: C'eftoit un beau
fpectacle , dit l'Orateur , de la
voir defcendre du Trône pour
>
écouter les plaintes des pauvres.
Quelque prompte que fuft fa
juftice à reparer le tort qu'ils
avoient fouffert , fes larmes
les avoient déja confolez dans
leurs fouffrances . Avec le bon
droit on eftoit fûr de l'emporter
fur la faveur ; & la mifere
jointe au bon droit eftoit fûre
d'obtenir toute faveur . Sa main
Cij
28 MERCURE
armée du glaive de la Juftice
contre les coupables eftoit plus
forte que fon coeur n'eftoit
foible contre les pleurs des condamnez
. Sa compaſſion pouvoit
tout pour l'innocent , rien
pour le criminel ; auſſi bien faifante
que jufte . Sa liberalité
n'eftoit reglée que par le befoin
de ceux qui s'adreffoient à elle ,
on en reffentoit les effets fans
rougir . Elle cachoit avec tant
d'art fes bienfaits , qu'elle paroiffoit
récompenfer ceux même
qu'elle gratifioit de quelque
don , ou qu'elle fecouroit
de quelque aumône . Dans la
GALANT 29
feconde partie , l'Orateur aprés
avoir établi que pour
eftre
S
aimé des hommes , il faut
que noftre merite précede leur
amour ;pour eftre aimé de Dieu,
il faut fon amour pour
que
nous précede noftre merite ,
que c'eft fon amour prévenant
qui met dans nous ce qui nous
rend dignes d'eftre aimez de lui,
il conclud que pour montrer
combien la Ducheffe avoit eſté
aimée de Dieu , il falloit examiner
les graces dont Dieu l'avoit
ornée , & l'ufage qu'elle
en avoit fait. Il affura , fur la
foy de témoins irreprochables,
Cij
30 MERCURE
qu'elle n'avoit jamais perdu
l'innocence baptifmale , diſpofée
même à plutoft mourir que
de commettre deliberement un
peché venicl . Le détail de ſes
vertus meneroit trop loin , &
l'Oraiſon Funebre eft imprimée
; je ne finiray pourtant
pas , fans vous dire que quatre-
Souverains Pontifes ont loüé
la pieté & la juſtice de la Ducheffe
; qu'un d'eux luy a donné
le nom de Sainte , & que le
Pape regnant , Juge fi éclairévray
merite , a recomman
dé à fes pricres l'Egliſe affligée
de tant de maux .
du
GALANT 31
On a répandu depuis quelque
temps dans le monde une
efpece d'Apologie de la conduite
du Comte de Marfigli
durant le Siege de Brifac , pris
par Monfeigneur le Duc de
Bourgogne il y a près de deux
ans. Cette piece eft intitulée
Expofe de ce qui est arrivé à Louis
Ferdinand Marfigli , au fujet de
la reddition de Brifac. Perſonne
n'ignore le trifte fort de ce
Comte, qui faifoit dans la Place
la fonction de General de Ba→
taille , & du Comte Philippe
d'Arco qui y commandoit . Ce
dernier eut la tefte tranchée
C iiij
32 MERCURE
се
& M' de Marfigli fut dégradé
& toutes les Charges lui furent
ôtées . On trouve dans cette pielc
jugement militaire rendu
à Bregenz le 4. Fevrier 1704,
par Jean Charle Libre Baron
de Thungen , Preſident , &par
François Maldoner Auditor
general . M' Marfigli qui parle
dans cette Apologie , qu'il publia
quelque temps aprés l'cxecution
de cette fentence , fait
voir qu'il entra dans Brifac le
10. Decembre 1702. en confequence
d'un ordre que lui en
donna par écrit M le Prince
Louis de Bade. Il trouva la
GALANT
33
Place mal pourvûë d'artillerie ,
elle n'avoit que 40 pieces de ca
non ; la Garnifon n'eftoit com
pofée que de 1744.
foldats
& fans cavalerie. Ce General en
envoia un état à M' lé Prince
de Bade avec un projet pour
reparer & pour fortifier cette
Place. Ce Prince ne fit aucune
réponſe , non plus que là Cour
de Vienne à laquelle le General
de Bataille s'etoit adreffé , dans
la crainte de l'orage qu'il prévoioit
devoir fondre für Brifac.
Enfin M' de Marfigli commen
de fon autorité particuliere
à faire travailler à quelques
Ea
34 MERCURE
>
t
ouvrages ; M le Comte d'Arco
, jaloux de l'autorité qu'il fe
donnoit fur les travaux
ou
gagné par les Bourgeois qu'une
telle manoeuvre
mettoit en
des mouvemens
continuels
le fit mettre aux arrefts. II
y reſta depuis le 1-8 . de Mars
1703. jufqu'au troifième de
May de la mefme année . Le
Comte de Marfigli ſorti de fa
prifon , jugea par fes propres
yeux du peril où eftoit la place;
il en écrivit au Prince Louis de
Bade,le 14 de May 1703. & lui
déclara qu'il ne pouvoit ni ne
vouloit eftre refponſable
des
GALANT
35
difgraces que Brifac alloit effuyer.
Monfeigneur le Duc de
Bourgogne eftant arrivé au
Fort Morrier quelque temps
aprés , le General de Bataille:
écrivit à Kaifer , Capitaine de
fon Regiment , qu'il avoit envoyé
à Fribourg pour y emprunter
de l'argent , afin qu'il
fe rendift inceffamment à la
la Cour de Vienne , & il luy
envoya des blancs- fignez pour
fe démettre
de fon Regiment
& pour fortir de Brifac.
Cet Officier n'eftant parti de la
Cour de Vienne , que le 20. de:
Septembre , n'arriva. qu'aprés
26 MERCURE
la prife de Brifac qui avoit ca
pitulé le 6. du même mois . Ce
Courrier rapporta une Lettre
de S. M. I. avec ordre aux Officiers
de deffendre la Place jufqu'à
l'extremité. D'un autre
cofté le Prince de Bade . avoit
écrit long- temps auparavant ,
de ne rendre la Place que
pée à la main fur la bréche .
Cependant le Confeil ayant
efté affemblé le 6. Septembre
au matin , & le Comte d'Arco
ayant communiqué une Lettre
du même Prince , en datte du
30. Juin 1703. dans laquelle il
déclaroit ne pouvoir envoyer
l'éGALANT
37
les Canons qui eftoient à Fribourg
, à cauſe du befoin que
cette Ville en pourroit avoir ;
ce Comte infera des termes de
que c'eftoit une récette
Lettre
vocation tacite de l'ordre que
ce Prince avoit donné de deffendre
la Place en deſeſperez
;
& ayant en confequence demandé
les voix , chacun , aprés
avoir meurement reflechi fur
l'impoffibilité de deffendre davantage
Brifac , & jugé qu'il
eftoit plus utile de conferver la
Garnifon
à l'Empereur
que de
la faire perir par une deffenfe
inutile ; chacun , dis- je , opina
28 MERCURE
à rendre la Place. Le Comte de
Marfigli , aprés avoir oui le ſentiment
de trente Officiers , opina
le penultiéme, en reſervant
feulement que fi on ne pouvoit
obtenir une Capitulation honorable
, il falloit plutoft mourir. Le
Prince de Bade irrité de la prife
de Brifac , envoya le General
de la Tour pour s'informer de
la maniere & du fujet de cette
reddition. Le rapport de ce General
fut favorable aux Officiers
& à la Garniſon de Brifac;
mais il
n'empêcha pas que
Prince de Bade , établi Juge
Souverain de cette affaire, ne
le
GALANT 39
convoquaft la Ghemine , qui eft
un Tribunal Militaire compofé
de Soldats & d'Officiers. Ces
Deputez , fans avoir égard au
rapport du General de la Tour,
qui eftoit pourtant le plus folide
fondement de l'affaire en
queftion , & fans avoir communiqué
aux prétendus coupables
les dépofitions des témoins
, procederent contre eux
avec une précipitation inoüie ,
& rendirent la Sentence dont
je viens de parler . Elle eſt jointe
à cette Apologie , en deux colonnes
, l'une Allemande , &
l'autre Françoiſe. Deux Colo40
MERCURE
nels & deux Lieutenans- Colonels
, quatre Sergens - Majors
& plufieurs autres Officiers y
font compris. Le Comte de
Marfigli , aprés avoir mis devant
les yeux du Lecteur cette
Sentence , fait voir l'infuffifance
des motifs fur lefquels elle
eft fondée. Les Juges établiſ
fent , dit- il , pour fondement
que Brifac pouvoit eftre encore
long - temps deffendu ; & M'de
Marfigli fait voir la fauſſeté de
ce fondement , par les relations
qu'il envoya de la Place lorfqu'il
y entra & les proteftations
qu'il fit de ce qu'il y avoit
GALANT 41
7
O
trouvé lorſqu'il la vifita. Ces
pieces qui font juftificatives
dans cette affaire , font par ordre
dans cette Apologie. 1. Un
ordre de M' le Prince de Bade ,
du 10. Decembre 1702. 2°. La
réponſe deM' de Marfigli à ce
Prince , qui luy avoit demandé
une relation de l'état de la Place,
du 18. Decembre 1702. 3 .
Un détail de l'état de l'Artillerie
envoyé par M de Marfigli à
ce Prince , le r. Janvier 1703 .
4. Un Projet pour fortifier.
Brifac. 5. Une Lettre du Confeil
de guerre au Comte de
Marfigli , du 2. Septembre-
Fuillet 1705 .
O
D
42 MERCURE
1703. &c. Toutes ces pieces
font en Allemand & en Fran---
çois .
2
On écrit
d'Angleterre que
la querelle de M Boyle , aujourd'huy
Comte d'Orery
contre le Docteur Bouthlay a
duré long-temps ; ils fe font
pouffez avec plus de vivacité
que la matiere ne le démandoit.
Il ne s'agiffoit d'abord
que de fçavoir fi les Epitres .
qu'on attribue à Themiftocle
& à Phalaris font fuppofées ..
Enfin aprés plufieurs diſputes
fort aigres , la replique a fini ;
& M Doduc , un des plus .
GALANT 43
grands Hommes qu'ait produit
l'Angleterre , a publié fur
ce ſujet un ouvrage , ſans doute
pour mettre la paix entre
ces deux Auteurs . Il eft intitulé
: Exercitationesduæ prima
de atate Phalaridis , fecunda de
atate Pythagora Philofophi.
و
On écrit du même licu que
Thomas Brown , un des plus ·
declarez ennemis de toute Religion,
& que l'Univerſité d'Ox--
ford avoit autrefois chaffé pour
fes débauches , fource de fon
impicté , n'a pû foûtenir les
frayeurs de la mort ; &
voyant prochaine , il a écrit à
que
la
&
Dij
44 MERCURE
un Paſteur d'une Eglife voiſine
une Lettre pleine de fentimens
de penitence. Il eſt à ſouhaiter
que ces abjurations ordinaires
aux impies produiſent
tout l'effet qu'il feroit neceffaire
pour le falut de leurs ames.
Cette Lettre de M' Brown paroift
dans un Recüeil pofthume
de quelques Dialogues de cer
Auteur .
Le bruit qui a couru en
France de la mort du celebre
M' Bayle , eft faux ; il travaille
à un fuplément de fon Dictionnaire
, & il promet de répondre
à ce que M' Jaquelot vient de
GALANT
45
publier contre lui. On diſtribuë
en Hollande , depuis le commencement
de l'année , un ou
vrage de cet ingenieux auteur ,
intitulé : Continuation
de penfees
diverfes écrites à un Docteur de
Sorbonne , à l'occafion de la Comete
qui parut au mois de Decembre
1680. où Réponse à plufieurs dif
cultez que Mr ***
a propofées
à
l'Auteur
. On croit que M ' l'Abbé
de la M. *** connu
dans la
Republique
des Lettres
› par
la grande
connoiffance
qu'il a
des Livres , eft ce Docteur
de
Sorbonne
. On fçait qu'il a d'étroites
relations
avec M Bayle
;
46 MERCURE
& c'eft ce qui donne lieu à la
conjecture.
Il s'eft élevé une difpute dans
la Reforme de Prémontré
dont voicy le fujet . Le P. Hugo
, Prieur des Prémontrez de
Nancy , publia l'année paffée la
Vie de S. Norbert , Patriarche
& Fondateur de l'Ordre de Prémontré
; cet Auteur , dans le
cours de fon ouvrage , s'infcrivit
en faux contre l'apparition
de la Sainte Vierge à Saint Norbert
, dans laquelle une ancien -
ne tradition de l'Ordre porter
qu'elle donna à ce Fondateur ,
la forme & la couleur de l'ha
*
GALANT
47
bit qu'il devoit faire porter à
fes Religieux . Le P. Hugo prétend
qu'on ne trouve point de
plus ancien document
de cette
apparition miraculcufe
que
dans une Charte du Roy Louis
XI. Le P. Gautier , Religieux
de la même Reforme , & zelé
pour les anciennes traditions de
fon Ordre , publia une Diſſertation
, dans le Journal de Soleure
du mois de Janvier,pour deffendre
celle -ci , cette Differtation
avoit couru manufcrite
dans
toutes les Villes du Royaume ,
& elle fut même envoyée à un
Abbé de cette Ville , par un
48 MERCURE
Chanoine de Bayeux. Le Pere
Hugo repliqua dans le Journal
des mois de Février & de
Mars de Soleure , & deffendit
autant qu'il pût fon ſentiment
particulier. Enfin le P. Gautier
répondit à la replique de fon
adverfaire , en publiant l' Apologie
de fa Differtation , &c. &il
attaqua le P. Hugo par les termes
mêmes de la Preface de fa
vie de S. Norbert, où cet Auteur
avoue que l'apparition de
la Sainte Vierge à ce premier
Patriarche eft un fait atteſté
par les Auteurs du quatorziéme
fiecle. Aprés cetaveu folemnel,
dit :
GALANT 49
dit le P. Gautier , n'eft - ce pas
fe contredire , en difant , Que
le premier veftige qu'on rencontre
de cette pieuſe Fable ,
eft la Charte de Louis XI . qui
n'eft que du quinziéme fiecle ?
Aurefte, la querelle de ces deux
fçavans Religieux n'eft point
portée à ces excés , où , à la
honte des Sçavans , pluſkurs
perfonnnes de lettres portent
leurs conteftations . On voit
icy deux Auteurs tres - modeltes
& tres- moderez , qui étalent
, pour foûtenir leur fentiment
particulier, un fonds confiderable
d'érudition ; & ce n'eft
Juillet 1705 .
E
so MERCURE
dipas
à leur égard qu'on peut
re le mot du Poëte Latin : Ge
nus irritabile vatum.
Quoyque l'aufterité avec laquelle
on vit à l'Abbaïç de la
Trappe vous paroiſſe au- deſſus
de l'homme , & vous empêche
de croire qu'il y ait autant de
Poftulans pour entrer dans cet
te fainte folitude, qu'il s'en trouve
tous les jours, je puis neanmoins
vous affurer qu'il n'y a
point d'Ordre où l'on cherche
à entrer avec plus d'empreſſement
, & qu'il fe prefente
les jours des gens pour faire leur
Noviciat à l'Abbaye de la Trapa
tous
GALANT FI
pc .-Voicy une Lettre d'un des
derniers qui s'y eft prefenté.
Certe Lettre eft écrite au Directeur
du Seminaire des Bons-
Enfans , par M' l'Abbé Boqueron.
De l'Abbaye de la Trappe ,
le 25. Avril.
Vous aurez bien lieu de vous
plaindre , Monfieur , du miſtere
que je vous ay fait du vrai ſujet.
de mon voyage . Le deffein que j'avois
pour lors étoit encore trop
foible pour hazarderde le publier;
fi bien que fcachant les liaiſons
Eij
52 MERCURE
que vous & Monfieur l'Abbé de
B .... aviez avec nôtre cher Abbé
de S .... Madame fa mere ,
je vous aurois exposé à un déguifement
, ou à eftre embaraffefur
les questions qu'on auroit pu vous
faire à mon fujet. Tous les menfonges
que je vous dis, dontje vous
demande mille pardons
, marquent
Dieu vouloit qu'il y euft
bien
que
quelque
chofe
du
mien
dans
les
deffeins
que
fa
grace
devoit
operer
Vous
avez
esté
, Monen
moy.
fieur , le premier inftrument dont
elle s'eftfervi dans la retraite que
jay eu le bonheur de faire fous
voftre conduite. C'eſt- là que par
GALANT 53
vos paroles pleines d'efprit & de
vie vous avez comme l'Ange de
la Pifcine , troublé l'eau de la componction
dans mon coeur ; c'eſt- là
que par vos bons exemples vous
m'avezprefté la main pour m'aider
à entreprendre la penitente carriere
du faint Monaftere de la
Trappe , où j'ay pris l'habit de
Novice le 23. de ce mois , aprés
environ trois femaines d'épreuves.
Quelles obligations ne vous ay - je
pas ? Mon falut dépendoit de cette
retraite. Les veritez de noftre Religion
les plus touchantes les
plus terriblesfur lefquelles je m'étois
endurci , meparurent dans tou-
లో
E iij
54 MERCURE
re leur force au fortir de voftre
bouche ; l'importance de mon falut,
la vue de l'éternité , le malheureux
état où mon ame eftoit , la
neceffité de la penitence , le befoin
que j'avois de m'éloigner abfolument
du monde , & de me dépouiller
de cette ambition qui me conduifoit
dans toutes mes actions :
Toutes ces penfees fe prefenterent
enfemble avec tant de force à mon
efprit , & troublerent fi fort mon
coeur , qu'aprés avoir verſe un torrent
de larmes fur la neceffité où je
mè voyois de rompre de malheureux
liens queje cheriffois encore ,
je me vis contraint de ceder malGALANT
55
gré moy - même , & de fuivre ce
Pafteurfi bon & fi mifericordieux.
qui m'arrachant de l'empire du monde
, vouloit me ramener dans fon
bercail , & me mettrepar une grace
toute particuliere au nombre de
fes brebis les plus cheries . Prenezdoncpart,
mon tres-cher Monfieur,
à la joye que les Anges & les
Saints reffentent à la converfion
d'un Pecheur , puifque vous y
le zele que avez contribué
par
vous avez pour lefalut des ames ;
& comme mon Ami particulier
,
partagez avec moi le plaifir &
la douceur que je goûté dans une
faintefolitude , où dégagé de toutes
E
iiij
56 MERCURE
les paffions qui me tyrannifoient ,
je fuis neceffité de travailler à ma
fanctification par la vie penitente
qu'ony mene , par les faintes occupations
qui s'y fuccedent les unes
aux autres fans interruption , &
où animé des bons exemples qu'on
a devant les yeux , on va àl'envi
à quife rendra leplus parfait imitateur
de Fefus - Christ crucifié.
En échange je puis vous affeurer,
mon cher Monfieur , que dés
je pourrai préfumerpar une penitence
convenable , que mes prieres
pourront eftre agreables à Dieu
je ne difcontinuerai point de le prier
pour vous , tout comme je vous
que
GALANT 57
prie de le faire pour moi . Je vous
ai vú , ce me femble , dans quelque
deffein de venir à la Trappe
y vifiter les faints Solitaires ; je
voudrois
que l'amitié que vous
m'avez témoignée , vous portaſt
à executer ce deffein : fi cela étoit
vousdevriez bienperfuader Monfeigneur
notre nouvel Evêque,&
noftre ami d'y venir auffi. Notre
Reverend Pere Abbé a qui j'en
ai fait l'éloge , feroit ravi de le
recevoir avec toute la dignité que
fon rang& faperfonne le meritent.
Pour notre cher ami de S ....
L'efpere qu'il me donnera la confolation
de l'embraffer encore une
efois.
58 MERCURE
En attendant ce plaifir , je fuis
తా : -
Madame la Maréchale de
Vauban eft morte dans fon
Château de Bafaure en Bourgogne
, âgée d'environ cinquante
-fept à cinquante - huit
ans . Elle eftoit fille de M' le
Baron de Piry , de la maiſon
d'Aunay , dans la Province de
Nivernois , où cette maiſon
a toûjours tenu un rang confiderable.
Madame la Maréchale
de Vauban n'a laiffé que
filles ; Dame N... de Vauban ,
époufe de MN ...de Valenti
nay Marquis d'Uſſey , Controldeux
GALANT 59
leur General de la Maifon du
Roy , elle a beaucoup de merite
& d'efprit , elle aime les
Sciences & les belles Lettres ;
& Dame N.... de Vauban
époufe de M' N.... de Maigrigny,
Comte de Ville - Bertin
, qui eft d'une maiſon tresancienne
de Bourgogne
.
M' le Comte de Vauban ,
Lieutenant General des Armées
du Roy , & M' l'Abbé
fon frere , font neveux à la
mode de Bretagne de Monfieur
le Maréchal de Vauban ,
& font auffi allicz par leur
mere de la maiſon d'Aunay :
60 MERCURE
ainfi ils eftoient doublement
parens de Madame la Maréchale.
Cette Dame avoit elté
fort belle , & c'eftoit encore
une des femmes de Paris de la
meilleure mine ; elle a efté fort
regrettée de toute fa parenté
& de tous ceux qui la connoiffoient
. Elle joignoit à un efprit
tres - cultivé , une grande
politeffe & beaucoup de douceur.
re
Dame N... de Renty , veuve
de M N.... de Ligny , Maî
tre des Requeſtes , & mere de
Madame la Princeffe de Furftemberg,
eft morte dans un âge
GALANT » 61
fort avancé. Feu Mr de Ligny
fon époux eftoit frere du celcbre
Mr de Ligny Evêque de
Meaux , qui avoit fuccedé en
cet Evêché à Dominique Se
guier fon oncle maternel , premier
Aumônier de ſa Majeſté.
Ce dernier avoit efté fucceffivement
Doyen de l'Eglife de
Paris & Confeiller au Parlement,
Evêque d'Auxerre, & enfin
Evêque de Meaux . Il eftoit
frere aîné de feu Mr le Chancelier
Seguier , & petit-fils du
celebre Pierre Seguier premier
du nom , Prefident à Mortier
au Parlement de Paris , & que
62 MERCURE
Scevole de fainte Marthe appelle
l'une des plus brillantes lumieres
du Temple des Loix. Mr le
Chancelier fut le deuxième fils
de Jean Seguier Lieutenant Civil
; ce digne Magiftrat dont
la fidelité au Roy Henry III .
fon veritable maiſtre , a tant
fait d'honneur à fa memoire.
M' l'Evêque de Meaux eftoit
l'aîné ; ce Prelat prit ſoin de
l'éducation de feu M' de Ligny,
& il le regarda toûjours comme
fon Succeffeur . On voit par
ce détail que Madame la Princeffe
de Furftemberg eft petite
niéce de M' le Chancelier SeGALANT
63
guier , puifque fa grande- mere
paternelle eftoit foeur de ce
grand Magiftrat . La Maiſon de
Ligny eſt ancienne dans la Robe
, & elle a produit de grands
fujets. La memoire de M' IEvêque
de Meaux dont je viens
de parler , eft encore aujourd'huy
dans une finguliere veneration
dans ce Dioceſe .
M N ..... de Severat , le
plus ancien Chanoine de l'Eglife
de Saint Martin d'Efnay
de Lion , eft auffi decedé. C'étoit
un Ecclefiaftique d'un
grand merite ; on voit fon éloge
dans l'hiftoire de la vie de
64 MERCURE
feu Mr Camille de Neuville ,
dernier Archevêque de Lion ,
compofée par un Auguſtin :
que Mr de Severat On y voit
y
fut employé utilement par ce
Prelat pourramener à Dieu certaines
perfonnes qui en avoient
quitté les voyes. M' de Severat
eftoit d'une tres- bonne
Maifon de Lion , & tres - bien
alliée . Son frere avoit efté Major
de Lion ; & on s'y fouvient
encore avec plaifir de M de
Severat Gouverneur de Pierre
- Encize , auquel M ' de Manville
a fuccedé. Il ne faut pas
d'autre preuve de l'ancienneté
GALANT 65
de cette Maifon , que la confideration
que le Pape Jean
XXII. cut pour Dieu - donné
Severat , qu'il fit premier Evêque
de Caftres en Languedoc ,
lorfqu'il érigea cette Eglife en
en Evêché.M'Abbé deSeverat
a refigné fonBenefice àM' l'Ab
bé de Rouviere fon parent.
Cette refignation qui n'avoit
eſté admiſe à Rome avant
la mort du Refignant , a efté
confirmée par M'Evêque de
pas
Montauban , Abbé d'Elnay .)
M'd'Avejan le fils qui avoit eu
depuis peu une Charge de Capitaine
anx Gardes , ainfi que je
Juillet 1705.
F
66
MERCURE
vous l'ay marqué plus amplement
, en vous parlant des dé
miffions des Charges que donna
il y a quelque temps M ' le
Comte d'Avejan fon pere ,
Lieutenant - Colonel au Regiment
des Gardes , eftant mort
des bleffures qu'il avoit reçues
au fiege de Huy , & fon frere
cadet eftant trop jeune pour
fucceder à la Charge de Capi
taine aux Gardes , le Roy a
donné cette Charge à Mr le
Comte d'Avejan fon pere ,
juſqu'à ce qu'il foit en eftat de
l'exercer.
Mr le Comte d'Avejan eft
GALANT 67
d'une noble & ancienne maifon
de Languedoc , dont le ve
ritable nom est de Banes. Il n'y
a pas long- temps que ceux de
cette maiſon qui eftoient autrefois
de la Religion Prétendue
Reformée , le font rendus
Catholiques. Mr le Comté d'A-
-vejan qui a efté élevé Pagê du
Roy,a toûjours fait voir tant de
fagelle , tant de picté & tant de
valeur , & a toûjours eſté ſi
confideré de Sa Majeſté,qu'il ne
faut pas s'imaginer s'il a occu
pé & s'il occupe encore despoltes
qui demandent un homme
fage & de conduite. Mrs d'A
Fij
68 MERCURE
vejan font alliez aux Maiſons
les plus confiderables du Languedoc.
ཊྛོ, ཏི Dame Marie-Therefe Loüife
de Senecterre de Leftrange ,
époufe de Mre Louis de Cruffol
Marquis de Florenfac , cft
morte âgée de 33. ans. Quoique
fa maladie n'ait pas cfté
vive , & qu'elle n'ait duré que
trois ou quatre jours , elle n'a
pas laiffe de prendre toutes les
précautions neceffaires pour
fon falut , ayant fait une Ĉonfiffion
generale au P. Maffillon
avec lequel elle demeura
pendant plufieurs heures , &
GALANT 69
comme ſon mal n'eftoit poins
violent , on peut dire qu'elle
cut lieu d'enviſager imieux qu'-
une autre toutes les horreurs
de la mort , & que fi elle n'y
avoit efté bien refignée , elle
auroit eu plus de regret de
mourir , faifant une grande fi
gure dans le monde par ſa naiffance
, par fon efprit , & par
fa beauté. Elle eftoit fille de
feu M' le Comte de Senecterre
de Leftrange , coufin germain
de feu M le Duc de la Ferté
& de Dame N... de Longueval,
qui vit encore , qui a efté Fille
d'Honneur de la feue Reine ,
70 MERCURE
&qui a toûjours efté un exemple
de vertu . La Maiſon de
Longueval eft de Flandres &
une des plus illuftres des Paysbas
; elle eft à prefent établie
en Picardie , & ceux de ce nom
qui ont porté les armes , ſe font
fort diftinguez. Je vous ai fou
vent parlé de la Maiſon de la
Ferté- Senecterre , fans vous
avoir jamais rien dit de ce qui
fuit.
La Maifon de Senccterre
vient de Saint Nectaire , qui.
fur , à ce que dit le Prefident
Savaron , envoyé par S. Pierre
avecS. Auftremoine, pour com
GALANT
71
vertir l'Auvergne. Ce fut un
grand Seigneur nommé Nectarius
, qui bâtit le Château qui
a donné le nom à la famille
de Senecterre. Il en eft parlé
dans la vie de S. Yrier , Aredius
, mort en 590. Chancelier
de France fous le Roy Theo
debert , & Abbé de Limoges ,
qu'on croit avoir eſté écrite par
S. Gregoire de Tours . M' le
Marquis de Fiorenfac époux de
la Dame qui vient de mourir ,
eft Maréchal des Camps & Armées
du Roy , & a efté Menin
Monfeigneur. Il eftoit frere de
de feu M le Duc d'Uzés , &:
72 MERCURE
oncle de feu M' le Duc d'Uzés
rué à la Bataille de Nerwinde
, & de celuy d'aujourd'huy.
Vous fçavez que la Maiſon de
Cruffol eft une des plus illuftres
& des plus anciennes du Royau
me , & que les Seigneurs de
Cruffol eftoient déja connus
en France fous le regne de
Louis VII. dit le Jeune , pere
de Philippe Augufte , felon le
rapport des Hiftoriens de ce
temps-là .
+
M la Comteffe de Chinchon
eft morte à Madrid. M
le Comte Sivelli profite pár fa
mort d'une groſſe penſion! La
beauté
GALANT 73
beauté de cette Dame avoit
fait autrefois beaucoup de
bruit , & pendant quelques
années elle a paffé pour une
des plus aimables femmes de
toute l'Elpagne. Elle joignoit
aux agrémens de fa perfonne ,
ceux qu'un efprit cultivé par
un grand ufage du monde ,
pouvoit procurer à une Dame
de fa qualité & de fa diftinction.
Mr le Comte de Chinchon
ſon époux avoit eſté fort
confideré du feu Roy d'Efpagne
qui l'avoit employé en
quelques negotiations fecretes
qui luy avoient donné lieu de
Fuillet 1705 .
G
74 MERCURE
faire briller fon eſprit , & de
faire juger que fa prudence
eftoit confommée . Mle ComteSavelli,
parent de cette Dame,
eft un Seigneur tres - qualifié ;
il joint à l'éclat de la naiffance
& de la fortune un efprit
tres - folide & tres- appliqué à
fes devoirs particuliers.
M' le Comte d'Hasfeld , Officier
de confideration , eft
mort d'apoplexie à Cologne.
Il avoit long- temps ſervi ſous
M' l'Electeur de Cologne , &
il avoit paffé au ſervice de M
l'Electeur Palatin , depuis la
perte de l'Electorat de Colo-..
1
GALANT 75
gne. Ce Comte avoit porté
les Armes depuis fa plus grande
jeuneffe. M' l'Electeur de
Cologne en faifoit beaucoup
de cas ; & s'il a quitté le fervice
de ce Prince , on ſçait affez
que ce n'a efté que pour
conferver les biens qu'il avoit
dans les Etats , & qu'il auroit
perdus s'il n'avoit pris des engagemens
avec M' l'Electeur
Palatin .
Me la Comteffe de Wels ,
femme du Gouverneur de la
Baffe- Autriche , eft morte en
couches à Vienne. Sa beauté
avoit fait beaucoup de bruit ;
Gij
76 MERCURE
elle eftoit encore fort jeune ;
& M' le Comte de Wels fon
époux eft inconfolable . Je vous
ay déja parlé de ce Comte ; il
cft diftingué par la naiſſance ,
& par les fervices qu'il rend .
depuis un grand nombre d'années
à la Maiſon d'Autriche.
L'Empereur qui vient de mourir
avoit beaucoup de confiance
en luy , & ce Prince l'avoit
employé en plufieurs occafions
tres - difficiles . M' le
Comte de Wels a long- temps
porté les armes en Hongrie
& il y eftoit encore au commencement
des derniers trou
GALANT 77
bles des Mécontens .
gra-
Le Roy d'Eſpagne a donné
la Charge de Confeiller Fifcal
de Vailladolid à Dom Anto .
nio de Azevedo
, Docteur gradué
de l'Univerfité d'Alcala :
celle de Grenade , à Dom Alberto
de Caftilla , Docteur
dué de l'Univerfité de Salamanqué
; & la Charge de Confciller
de Seville , à Dom Martin
de Miraval , auffi Docteur gradué
de Salamanque . Je vous
ay promis quelques éclairciffcmens
fur les Univerfitez d'Alcala
& de Salamanque
; je profite
de cette occafion pour vous
les donner.
78 MERCURE
L'Univerſité de Salamanque
eft une des plus renommées
d'Eſpagne , ce qui y attire un
grand nombre d'écoliers. Le
bâtiment qu'on appelle les Ecoles
, où toutes fortes de Sciences
font enfeignées , eft tresbeau
& tres- grand ; il eft divifé
en deux corps de Logis , joints
enfemble. Voicy l'ordre qui
y eft obfervé pour enfeigner.
Il y a huit Profeffeurs en Theologie
, qu'ils appellent Cathedraticos
; quatre enfeignent le matin
, & quatre l'apreſdinée : Ils
ont pour gages chacun mille
écus de penfion. Outre ces huit
GALANT 79
premiers Profeffeurs , il y en a
d'autres de la même Faculté ,
qui enfeignent chacun la matiere
qui luy femble la meillcure
; & ceux là ont quinze cent
livres de penfion , & ils enfeignent
à differentes heures. Ily
a une Chaire fondée pour la
doctrine de Durand , & une
pour celle de Scot. Il y en a
d'autres qui n'ont point de gade
l'Univerfité , qui ne laiffent
pas d'enfeigner tous les
jours , comme ceux qui en ont ,
& ceux - là s'appellent Pretendientes
, attendant que quelque
Chaire vâque pour s'y preſenges
Giiij
80 MERCURE
ter. La même chofe s'obferve
pour le Droit Civil & pour le
Droit Canon , pour la Philofophie
& pour les mathematiques .
Il y a beaucoup de Docteurs qui
enfeignent la Medecine , & des
Profeffeurs dans toutes les langues;
de forte que l'on conte environ
80. Profeffeurs qui y font
des Leçons tous les jours.
L'Univerfité d'Alcala a eſté
par le Cardinal Ximenés
, Archevêque de Tolede ; la
Bibliotheque que ce Cardinal
y a raffemblée , eft une des plus
confiderables
de l'Europe . Ily
a moins de Profeffeurs qu'à
l'Univerfité
de Salamanque
;
fondée
GALANT 81
mais les Etudes y font reglées
de la même maniere. Les
Latins nomment la Ville d'Alcala
Complutum , & elle eft celebre
par
l'Univerfité qui y eft
labelle Bible Efétablic
, &
par
pagnole
que
ce grand
Cardinal
y fit
imprimer
.
Dom Antonio de Azevedo ,
Dom Alberto de Caftilla , &
Dom Martin de Miraval , ont
acquis une grande réputation
dans l'exercice de leurs emplois,
& ceux qu'on vient de leur donner
font une jufte recompenfe
de leur fidelité & de leur exactitude
dans les foins qu'ils fe
82 MERCURE.
1
font donnez de former d'ha
biles Jurifconfultes.
Le Roy d'Espagne , autant
attentif à couronner les fervices
de ceux qu'il employe dans
l'adminiftration de la Justice ,
que de ceux qui portent les
Armes pour luy , a donné la
Charge de Corregidor de Jaën,
à Dom Juan Pacheco de Padilla.
Je vous ay déja parlé de la
Charge de Corregidor. Jaën
eft une Ville d'Efpagne dans
l'Andaloufie , avec Evêché fuffragant
de Seville . Cette Ville
a cu autrefois titre de Royaume
; elle eft fur la riviere de
GALANT 83
Frio , à dix lieuës de Grenade.
Dom Pacheco de Padilla paſſe
dans toute l'Andaloufie pour
un bon Juge & un grand Jurifconfulte
; fes lumieres font
puifées dans une longue experience.
Sa Majefté Catholique a remis
dans fa place du Confeil
de la Hazienda , Dom Emmanuel
de la Cruz - Aedo , qui a
efté Gouverneur de Lierena.
Ce Gouverneur a long- temps
porté les armes ; & il s'eft fìgnalé
dans plufieurs occaſions
de la derniere guerre. Feu M*
le Prince de Waldeck fit un
84 MERCURE
grand éloge de luy en écrivant
aux Miniftres d'Eſpagne ; il
n'avoit pas feulement merité
l'eftime de ce General , mais
auffi fa confiance . Le Confeil
de la Hazienda où il vient d'être
remis, eft tres- confiderable.
Le Roy d'Eſpagne a donné
le Gouvernement
de l'Ifle de
Sainte- Marguerite à Dom Jo
ſeph de Alcantara , Sergent-
Major. Cette Ille n'eft pas celle
de la Mer d'Italie , fituée entre
la Tofcane & l'Ile de Corfe
& qui appartient aujourd'huy
à Monfieur le Grand Duc ;
mais c'eſt la Margareta ou l'Ifle
GALANT 85
Sainte Marguerite , grande Ile.
de l'Amerique meridionale
fur les Coftes de la terre-ferme.
Elle eft celebre par la pefche
des Perles ; Chriftophle
Colomb l'a découvrit en 1498.
Il y a une Ville de même
nom avec Evêché ; & les Efpagnols
la nomment Margarita
de la Caratas. Cette Ifle a environ
cinquante lieuës de circuit
; elle n'eft qu'à huit lieuës ,
du Continent de l'Amerique ,
Dom Jofeph de Alcantara qui
vient d'eftre gratifié de ce Gouvernement
, qui eft tres- confiderable
, a de ſongs ſervices , &
86 MERCURE
a fait plufieurs belles actions ;
le nom qu'il porte eſt celebre
en Eſpagne.
Mr le Comte de Tavara ,
fecond fils de M le Marquis
de Villa-franca , Major-Dome,
Major du Roy d'Espagne , a
efté honoré de la Grandeffe.
Ce jeune Seigneur a fait plufieurs
campagnes où il a donné
des preuves de fa valeur ; & il
y a fait voir qu'il eftoit digne
du nom qu'il porte .M' le Marquis
de Villa - franca fon pere
eft d'une tres-illuftre maifon ;
la Charge qu'il a l'honneur
d'exercer ne fe donne jamais
GALANT 87
qu'aux perfonnes de la plus
grande diftinction. M' le Comte
de Tavara a efté élevé avec
beaucoup de foin ; M' fon pere
a eu une attention toute particuliere
à luy procurer une excellente
éducation , perfuadé que
c'eftoit le plus grand bien qu'il
pouvoit luy laiffer.
M' le Chevalier de Herfelles
, Capitaine au Regiment
des Gardes Walones , a efté honoré
du titre de Comte, & nommé
Brigadier des Armées de Sa
Majefte Catholique . Ce Chevalier
a reçû des bleffures fort
dangereufes au Siege de Gi88
MERCURE
braltar , dont il eft à prefent
parfaitement gueri . Il a donné
dans le cours de ce Siege de frequentes
marques de fon courage
; & c'eſt un des premicrs
dont M' le Marquis de
Villadarias parla à M' le Maréchal
de Teffe lorſqu'il arriva
au Camp . M' le Chevalier de
Herfelles fert depuis plufieurs
années ; & il n'a jamais trouvé
d'occafion de donner des preude
fon courage , qu'il ne s'en
foit faifi avec joye. Il eſt d'une
naiffance diftinguée , & du côté
des femmes il a l'honneur d'appartenir
à la Maifon de MediGALANT
89
na -Celi. Le pere de M ' le Chevalier
de Herfelles a fervi toute
fa vie , & il a mis les armes à
la main de fón fils , dés qu'il a
efté en eftat de les porter & de
s'en fervir. Le Regiment des
Gardes Walones du Roy d'Efpagne
eft un des Corps le plus
confiderable
des Troupes de ce
Prince.
Sa Majefté Catholique a donné
le Regiment d'Infanterie de
Madrid à Dom Antonio de
Ureta-y-Ayanez Capitaine de
Cavaleric ; & fa Compagnie a
efté donnée à Dom Pedro Andrace
fon Lieutenant. Ces deux
H
Juillet 1705.
90 MERCURE
Officiers fe font fort diftinguez
dans le Milanez au commencement
de cette guerre ; &
le Roy d'Eſpagne en couronnant
leurs fervices , s'en eſt expliqué
dans des termes avantageux.
Dom Pedro Andrade ſe
trouva au dernier Siege de
Gironne , fait par M' le Maréchal
de Noailles , & il ne tint
pas à luy que la Place ne ſe
deffendift plus long-temps qu'
elle ne fit. Dom Antonio de
Ureta eftoit fort confideré du
feu Roy d'Espagne , & il avoit
eu des emplois importans dont
il s'eftoit acquitté avec l'appro
1
GALANT 91
bation dés Miniftres d'Efpagne.
Je ne vous donne icy
qu'un abregé de ce qui fe trou
ve plus au long dans plufieurs
lettres d'Efpagne fur le choix
que Sa Majefté Catholique
vient de faire de ces deux Ofciers.
Ils font d'une naiffance
diftinguée .
Le Senat de Venile a nom
mé avec beaucoup de folemnité
quatre Sergens Majors generaux
de Bataille . Ce font M
Magnanini pour la Dalmatie s
M Jorger pour le Levant ; &
Mrs Soardi & Grimaldy pour
l'Italie. Ces emplois donnent
Hij
92 MERCURE
une grande autorité à ceux qui
en font pourvûs ; & le Senat ne
les donne ordinairement qu'à
des perfonnes d'un long ſervice.
M' Magnanini a long temps
fervi dans le Levant ; & M
Jorger a auffi rendu de grands
fervices dans la Morée. M'S
Soardi & Grimaldy ont paffe
leur vie au fervice de la Republique.
Ils font tous d'une naiffance
confiderable.
Les articles fuivans feront
plaifir à ceux qui aiment les an -
tiquitez. La Lettre qui regarde
le premier a cfté écrite à Aix en
Provence.
1
GALANT
93
Vous me fiftesfçavoir par vôtre
derniere Lettre , Monfieur , qu'on
avoit trouvé fur la montagne de
Fourrieres à Lyon un pied deſtal au
fujet d'un facrifice fait à Cybelle
pour la fanté d'Antonin le Pieux,
& pour vous payer en mefme
monoye , je vous feray part d'une
découverte de cette nature qui a efté
faitefur les anciens fondements de
nos Bains , d'oùl'on tira lundi dernier
une pierre froide d'environ
troispieds de long, moitié de large ,
furla quelle eft reprefenté un autel,
au deffus duquel est un Priape ou
Mentula d'une groffeur extraordinaire
, & qui eft mefmeplus long
94 MERCURE
que l'Autel; & l'on lit fur le dos
de cette figure ces trois lettres F.
H. C. On voit plus haut la figure
d'un couteau de Cordonnier , on
tranchet fans manche . Cette pierre
fut portée le meſme jour à nôtre
Maifon de Ville & elle donne
beaucoup d'exercice à nos curieux.
On ne doutepas que cettefigure
ne reprefente un ſacrifice ; l'Autel
& le couteau le marquent affez-
On croit encore que celle du Priape
fignifie la fecondité, & qu'ainfi
l'ufage de nos Bains aide beaucoup
à la generation , puifqu'on affure
que les femmes qui avoient des
incommoditez qui les rendoient
GALANT 95
fteriles , s'en fervoient alors avec
beaucoup defuccés. On veut même
que ce facrifice fut fait par des
Preftreffes, l'on s'appuye là deffusfurletémoignage
de nos anciens
Auteurs qui nous apprenent que
les femmes dans leur bacchanales
portoient unepareille figure penduë
à leur cou ; que les Dames Romaines
la portoient auffi dans
leurs feftes avec autant de veneration
que de pompe ; que lesfilles
qui fe marioient alloient faire des
facrifices devant la ftatuë de Mutinus
, qui n'eftoit autre que Priape
pour des raifons que je ne dois pas
expliquer ici.
96 MERCURE
uns
La groffeur de celle qui eftreprefentée
fur la pierre convient parfaitement
aux portraits que les
anciens en ontfaits. Quelques
nous affurent que ce dieu eftoitfils
de Jupiter & de Venus ; d'autres
le font fils de Bacchus & de la
mefme Deeffe ; & ils ajoûtent
qu'il fut changé en Bouc par Jupiter
, pour dérober à Junon par
metamorphofe la connoiffance
de fon éducation , qui fut confiée
aux Nymphes par Mercure . On
lit encore qu'il eftoit appellé Horus
par les Egiptiens , & que c'estoit
à ce Dieu que lagarde des Jardins
avoit efté commife. Voilà à peu
cette
prés
GALANT 97
prés ce que nous apprend la fable
de Priape , & ce qui donne lieu
à quelques explications qui ont
efté faites des trois lettres qu'on
lit fur cettefigure J. H. C. foit
par rapport à la fable , foit par
rapport au facrifice , foitpar rapport
aux qualitez de nos eaux ,
foit enfin par rapport à la Ville
à l'endroit d'où cette pierre a efté
tirée.
M Mazaugues , fondé fur
ce qu'on trouve dans une Infcription
rapportée par Grutterus , ces
lettres J. H. D. D. interpretées
par cet auteur In Honorem
Deorum Dearum , croit que
I
Juillet 1705.
98 MERCURE
nos trois lettres fignifient In
Honorem Confecratum .
M d'Auriol , Confeiller au
Parlement de Toulouſe qui a un
procés en cette Ville , les explique
de cette maniere 7. S. Hortorum
Cuftos;on In Hortorum Cuftodiam
, Mr Lauthier , ancien Docteur
de la Faculté , premier Profeffeur
Royal de noftre Univerfité
, & qui eft le même qui
a fait le difcours fur nos eaux
dont je vous ay parlé dans ma
derniere Lettre , croit que ces
Lettres veulent dire Jucundo
Hortorum Cuſtodi . En voicy
quelques autres qui y pourroient
GALANT
99
convenir foit par rapport à la Fa
ble , foit par rapport au nom du
Sacrificateur ou de la Preftreße ,
Jovi Hircum Confecrat ; Junoni
Hædum Confecrat ; oufi
II ou l'H marque le nom de la
Preftreffe , Junia Heic Confecrat
; Julia Hanc Confecrat ;
Julia Hirco Cafo ; Julia Horo
Confecrat , on Jovi Hortentia
bont
Confecrat ; ou Jovi Hortulani
Confecrant. Que fi ces Lettres
ont du rapport à la qualité de nos
caux, il me semble qu'elles pourroient
eftre ainfi expliquées , Juvant
He Conjugiis , ce qui conviendroit
encore à lafigure repre-
Iij
100 MERCURE
fentée ; ou In Humore Calorou
Invenics Has Calidas , ou Heic
Calidum . Un de mes Amis qui
croit
que la Lettre H
pourroit.convenir
à Hercule , autant renommé
parfesfaitsguerriers queparfes exploits
amoureux ; & il l'explique
ainfi ,Juventuti Herculis confecratum
. Maisfi l'on doit chercher
dans la Fable des Divinitez dont
nom commence par H. ne pourroit-
on pas donner ce sens à nos
lettres ? Juvenes Hymeneum
Colunt ; Juvenili Heic Cultu ; (
Jugum Hymeneo Confecrant ;
ou Junctorum Hymenco ConGALANT
ΙΟΙ
IOI
cordia . Ou enfin ,fi l'on veut que.
ces Lettres ayent du rapport avec
Mercure ,fous les aufpices duquel
la Ville d'Aix fut bâtie ou retablie
par
C. Sext. Calvinus l'an
de Rome 6 3.1 . on pourroit les interpreter
ainfi Juvenes Herme
Confecrant
. Voilà ce que j'ay
vous faire fçavoir à cesujet , du
refte c'eft affurément dans le premier
temps
de l'établissement
de
la Colonie Romaine dans nos Contrées
que cette pierre a esté ainfi
employée ; la Sculpture en eft tresgroffiere
, & elle n'a pas la delicateffe
qu'on obfervoit dans les
derniers temps de la Republique
,
I iij
102 MERCURE
fous le commencement de l'Empire
d'Augufte.
On a
découvert depuis peu
à Lion une épitaphe Romaine
dans laquelle il y a une expreffion
tres- finguliere. La voicy.
D. M.
Et quieti
perpetua
Cn. Danifolemniis
qui vixit
Annos xxv. menfes v11 .
Cn. Danius
Minufo memoria æternæ
Liberti Puffimi deceptus .
Quidemfub afcia dedicavit.
Cette expreffion, Deceptus quiGALANT
103
dem , eft fort rare ; & le P.de
Colonia qui a vû ce monument
& qui entend affez bien l'antiquité,
nous affure qu'il ne l'a encore
trouvée nulle part, mais ce
ne feroit pas une confequen
ce fort feure,fi M' de la Vallette
qui eft un des hommes du Royaume
qui l'entend le mieux , &
qui eft un Gentilhomme qui a
un gouft exquis & une érudition
fort étendue , n'eftoit dans
le même fentiment , & n'avoit
fait placer dans la cour de fa
maifon , la pierre ſur laquelle
s'eft trouvée cette épitaphe.
On a donné diverſes expli-
I iiij
104 MERCURE
cations du Taurobole dont je
vous ay déja parlé , le P. de Colonia
, Jefuite de Lion , en a
donné une ; & le P. Daniel ,
autre Jefuite qui demeure au
College de Louis le Grand , en
a donné une autre .
Ce quifui touchant les Medailles
, a efté tiré d'une Lettre ,
du Pere Bontoux Jefuite , écrite
de Lion à un Abbé qui refide
à Paris . Ce Pere eft connu par
les progrés qu'il a faits en plufieurs
genres de Litterature ; il
eft bon Poëte , excellent Predicateur,
& a de grandes connoif-
#
GALANT 105
fances de l'Antiquité.
On a
découvert depuis peu
plufieurs Medailles , fur la rive
du Rhône , dans le vieux chemin
qui méne de Lion à Narbonne
, & qu'Agrippa
fit faire
autrefois . Cette découverte a
efté faite par un païfan ; il a
découvert à deux pieds de terre
en creufant , un vafe de cuivre
rouge dans lequel il y avoit
neuf cens Medailles d'argent ,
ou , pour mieux dire , de billon
, comme font prefque toutes
celles de ce temps - là . Ces
Medailles font presque toutes
depuis Balbin jufqu'à Pofthu106
MERCURE
me , & il n'y en a que trois de
Pofthume ; ce qui fait croire
qu'elles furent cachées au commencement
de fon Gouverne
ment , & qu'elles font demeu
rées en terre plus de
cens cinquante ans . Voici les
principales.
རྞ་ ",, 。
quatorze
L'Empereur Severe , avec la
Legende P. M. Trp. XIIII.
Cof. 111 .
Antonin fon fils , avec la legende
: Adventus Augg. Adven
tus Auguftorum duorum , & une
Galere.
Alexandre Severe : Perpetuitati
Aug.
GALANT
107
Pupien , avec la legende :
Patres Senatus.
Gordien III. Jovis Stator. Le
même à cheval , avec la legende
: P. M. Trp . 111. Cof. P.P.
Philippe le pere , avec ces
differentes Inſcriptions : Ætern.
Imp. Felicitas. Impp. Nobilitas
Augg. Tranquillitas Augg. Victoria
carpita , & pax fundata
cum Perfis.
Valerien le pere , avec la
legende
: Felicitas
facli. Le
même
Empereur
: Liberalitas
Augg.
Gallien : Jovi victori. Le même
: Victoria Parthica.
108 MERCURE
Salonine femme de Gallien :
Augufta in pace.
Le Pere de la Maugeraye ,
Jefuite , a donné au Public une
curieufe D.ffertation fur la percuffion
des Liqueurs , & fur leur
viteffe à la fortie des vaiffeaux .
Ce Perc eft un des plus grands
Phyficiens d'aujourd'huy ; il a
fait dans cette partie de la Philoſophie
des découvertes furprenantes.
Le Signor Aleffandro Marchesti
a dedié à Son Alteffe
Royale Monfieur le Prince de
Tofcane , fon Recueil de Poëfies
; les louanges du Roy tres-
1
GALANT 109
Chreftion y font touchées
d'une maniere noble & proportionnée
à ſon ſujet . Monfieur
le Grand Duc & les Princes
de fa Maiſon , les Hommes
illuftres qui ornent l'Italic ,
& entr'autres le fameux Magliabecchi
, grand Bibliothecaire
de ce Prince , ont tous
occupé la Mufe de noftre Poëte.
Les paroles fuivantes font
de M' de Choifel & regardent
le Roy. Je vous en ay donné
un fi grand nombre de cet Auteur
, qu'il femble qu'il ne travaille
que pour
que pour Sa Majeſté. M
TO MERCURE
de Mez a fait les Airs de toutes
ces paroles ; ils font tous deux
de la Fléche en Anjou. "'
AIR NOUVEAU.
Roüeilleux ennemis , quel fujet
vous engage
A liguer contre nous tant de peuples
divers ,
Et troubler une paix qu'un Roy vail.
lant &fage
Avoit par fa bon: é donnée à l'Univers
!
Tous vos puiflans efforts vont le combler
de gloire ,
D'un triomphe achevé tout l'affure
aujourd'huy ;
Rien nepeut à ce Prince enlever la
Victoire ;
GALANT III
C'est pour Dieu qu'
Э
&
Orgu
2
bler 2
tes
1-
sans
dhuy
OF
etDu
1-
ас
us
es
unit.
Le beau chant de ces pieces
qui font propres à toutes forUS
MERCUR E
de
ces
de
C
A
Et
A
Ti
D'un triomphe achevé tout l'affure
aujourd'huy ;
Rien ne peut à ce Prince enlever la
Victoires
GALANT III
C'est pour Dieu qu'il combat , &
Dieu combat pour luy.
M' Campion vient de mettre
au jour un Livre de Pieces
de Guitarre , intitulé : Nouvelles
découvertes fur la Guitarre ,
contenantes plufieurs Pieces fur
buit manieres differentes d'accor
der. Il eft dedié à M' le Maréchal
Duc de Noailles.
On connoift par ces nouvelles
manieres d'accorder , que
les modes de Mufique les plus
tranfpofez deviennent faciles
& naturels fur cet Inftrument.
Le beau chant de ces pieces
qui font propres à toutes for112
MERCURE
tes de concerts , & qui a eſté
inconnu jufques à prefent , luy
a fait meriter l'approbation du
public. On peut dire qu'il a
découvert une nouvelle étendue
à cet Inftrument que l'on
ne connoiffoit point encore
chacun l'ayant crû tres -borné.
Ce Livre fe vend chez Michel
Brunet , grande Salle du Palais ,
au Mercure Galant.
Une Dame ayant demandé à
M' le Gendre de la Terraffe ,
connu par plufieurs ouvrages
de Poëfie , une déclaration d'amour
d'un ftile extraordinaire ,
GALANT 113
il luy envoya le Sonnet fuivant .
Il feroit difficile d'en trouver
un plus emphatique & plus
rempli de feu.
DE
SONNET.
Es autres de Vulcain les fournaiſes
ardentes ,
Où mille Forgerons & la nuit & le
jour>
S'empreffent à tirer desflammes dévo.
Tantes
Les fers étincellans qu'ils frapent
tour à tour.
S
Du formidable Etna les entrailles
brûlantes ,
Dont l'ardeur fait fumer les rochers
d'alentour:
Juillet 1705 .
K
114 MERCURI
Ce Fleuve renommé par fes ondes
bouillantes ,
Qu'on traverſe en entrant dans l'infernal
fejour.
2
Enfin cette vapeurfi long- temps retenuë,
S'arrache avec avec éclat des prifons
de linuë,
Dont le marbre & l'airain éprouvent
la fureur.
2
Tous cesfeux les plus vifs qui foient
dans la nature ,
Ne font, cruelle Iris , qu'une foible
peinture ,
Des feux dont vos beaux yeux ont
embrafé mon coeur.
Quoique je vous aye déja
parlé du décampement forcé
GALANT 115
& précipité de Mylord Marlborough
, lorfqu'il s'eft trouvé
obligé d'abandonner le deſſein
qu'il avoit d'attaquer M le
Maréchal de Villars , & qu'il
s'en eft retourné plus vite qu'il
n'eftoit venu , je ne laiffe pas. de
vous envoyer une Relation qui
vous fera plaifir touchant le
décampement de cc Mylord Ce
font de ces morceaux qui font
par des maiſtres , qui font
nouveaux en tout temps , &
qui peuvent un jour fervir à
l'Hiftoire.
faits
i
K iij
116 MERCURE
Au Camp de Sirck le 18. Juin. !
I
Je fuis perfuade , Monfieur ,
que vous apprendrez avec joye
l'heureux dénouement de cette grande
Scéne que toutes les Puiffances
ennemies de la France avoientpréparée
depuis huit ou neufmois .
L'Angleterre , la Hollande
s'eftoient épuisées , & preſque tous
les Etats & Princes de l'Empire,
outre leur contingent , avoientfait
des efforts particuliers pour attaquer
le Royaume par la Frontiere
qu'ils eftimoient la plus foible.
C'eftoit dans cette veuë que
GALANT 117
l'Empereur même negligeoit fes
plus chers interefts & qui le touchent
de plus prés , puifque pour
envoyer de fespropres Troupes fur
le Rhin il a preferé de laiffer les
Rebelles de Hongrie maistres de la
Campagne , & le Duc de Savoye
même fur le point de fa perte ,foiblement
fecouru .
Tous nos ennemis eftoient perfuadez
que le Prince de Bade & le
Duc de Marlboroughpenetreroient
nos anciennes Barrieres , entreroient
fans difficulté en Lorraine ,
& trouvant dans les peuples ,
plutoft que dans le Souverain
dont la conduite eft tres-fage , des
y
118 MERCURE
fecourspourleur fubfiftance , pouf
feroient leurs conqueftes mêmejuf
quefur les Frontieres de Champagne.
Ils ont employé tout l'hiver à
remplir Tréves de toutes les provifions
de guerre & de bouche neceffaires
pour foutenir & faire
agir des Armées qu'ils publioient
devoir eftre de cent dix mille hom
mes.
La Mofelle & le Rhin ont efté
continuellement couverts de Batteaux
, & avanthier il en arriva
encorefoixante chargez d'artillerie
à Tréves .
Le Prince de Bade , les Ducs de
GALANT 119
Wirtemberg, le Prince hereditaire
de Heffe , & une infinité de Princes
de l'Empire eftoient à la tefte
de ces Armées , & les ennemis
avoient abandonné toutes leurs
Frontierespour envahir celle- cy.
Le Roy en ayant donné le commandement
à M le Maréchal de
Villars , luy avoit deſtiné en même
temps des Troupes dont par les fages
précautions de Sa Majesté le
prompt rétabliffement a furpris
amis ennemis.
Ce General aprés avoir pris
par luy - même la
connoiffance la
plus exacte d'une frontiere où il
faut égalementfoûtenir troisplaces
120 MERCURE
Séparées par des pays tres-facheux
tres-difficiles , crût devoir
placer l'Armée prés de Sirck , la
gauche à une hauteur appellée
Konigsberg , & la droite s'étendant
furdes hauteurs voisines vers
te petit village de Kerlin & fe
rapprochant du ruiffeau de Konigsmackeren
; de maniere qu'il
tenoit un petit païs affez facile à
garder, & ayant des Pontsfur
la Mofelle , il pouvoit toûjours
donner la main à Luxembourg
,
tirer fafubfiftance de Thionville
, Mets , & du païs de Luxembourg.
a
Pour pouvoir fecourir Sar
Louis
GALANT 121
5
louis & y
marcher
promptement ,
on avoit fait ouvrir un bois qui
va de Haut-Sirck à
Calembourg,
fait dans ce mefme bois des abatis
du cofté de
l'ennemy pour
affurer
fa marche
pratiqué en fuite
des routes tres-faciles pour arriver
pluftoft que l'ennemy
fur la Nide.
On arvoit
toûjours
occupé le
Fofte de Boufonville
fur cettepetite
riviere , & mefme le Châteaude
Bourgueifch
, lequel eftant dans
le flanc de l'ennemy , pouvoit toû
jours nous donner de promptes nouvelles
de fa marche, & nous mettre
en estat de le prévenir, ou du moins
d'arriver auffs- toft que luy fur la
Juillet 1705 .
L
122 MERCURE
Nide & fur Sarloüis .
4.
Cependant pour n'avoir aucune
inquietude pour cette Place , Mr
le Maréchal de Villarsy avoit mis
onze Bataillons , 300, hommes détachez
de toute l'Armée , un efcadron
deDragons, outre cela
où s.Compagniesfranches des Commandans
de la place & de quelques
partifans. Cette groffe Garnifon
affoibliffoit un peu l'Armée;
mais l'on ne vouloit pas eftre expofé
à voir un ennemy inveftir une
place fi importante.
L'Armée du Roy ainfi difpofée,
Le Duc de Marlborough arrive
avec toutes fes forces le 3. Juin
GALANT 123
en preſence ; fes troupes furent
toute la journée fuivante fous les
armes, paroiffant vouloir attaquer.
Mr le Maréchal qui connoiffoit
la bonté de fon pofte , retirafeulement
un peu fa droite , non par
neceffité , car il connoiffoit les accés
difficiles de fon Camp , &fçavoit
bien qu'il auroit toûjours le temps
de fe placer dans la fituation la
plus avantageufe ; mais pour
que l'Armée fuft parfaitement
tranquille.
Cependant comme il luy importoit
de tenir toujours la main à
la Nide, ilfit occuper par un Corps
de Dragons le terrain que tenoit
Lij
124 MERCURE
la droite defon infanterie & remit
la Brigade de Picardie àportée de
foutenir ce Corps de Dragons.
L'on commença quelques retranchements
devant la Brigade de
Coëtquin que Mrle Maréchalfit
difcontinuer , ne voulanty faire
travailler que quand l'ennemy arriveroit
avec toutes fes forces.
Premierement par bienfçavoir
qu'il en auroit toûjours le- temps ,
&perfuadéd'ailleurs Milord
Marlborough recevant tous les
jours de nouveaux renforts , il
faloitpourfoutenir l'ardeur de nos
troupes ne paroistre fe retrancher
qu'à mesure que le nombre des ennemis
augmenteroit,
que
GALANT 125
Pendant tout le temps qu'ils
ont eſté en preſence , on a toûjours
travaillé à ouvrir préparer les
chemins pour pouvoir marcher à
Sarlouis
; les ennemis avoient
auffi préparé leur routepourypouvoir
marcher diligemment.
Ily a eu quelques efcarmouches
; on a fait pouffer leurs gardes
plufieurs fois. Enfin les ennemis
ayant raffemblé toutes leursforces,
l'on vit les deux derniers jours
Mylord Marlborough & tousfes
Generaux reconnoiftre encore noftre
Camp.
Nous apprenons par les deferteurs
tous les avis que nous
Liij
126 MERCURE
recevons que ce General vouloit attaquer
noftre armée , la tourner
avec une partie de leurs troupes
paffer la Moselle , & tâchant
de nous ofter la communication
de Thionville
, nous obliger à reculer.
On pretend
que le Prince
Louis de Bade & d'autres Generaux
eftoient contraires à ce deffein.
Enfin ne pouvant convenir
fur la diverfité des opinions , &
trouvant également difficile d'attaquer
ou de prévenir Mrle Maréchal
de Villars fur la Nide ,fans
quoy du moins leurs fubfiftances
nuit auroient efté tres- difficiles ; la
du 16. au 17. fur les dix heures
GALANT 127
du foir , toute leur Armée a commencé
par fe retirer avec tant
de filence , que nous n'avons pú en
eftre informez qu'à une heure de
jour , les brouillards ayant empefché
jusque-là qu'on ne découvrift
le terrain de leur Camp.
Mr le Maréchal de Villars
fuivit leur arriere-garde qui eftois
déja tres-éloignée ; & comme l'ennemy
pouvoit encore avoir quel
que deffein fur Luxembourg , on
y jetta dés le 17. au matin un
Corps de troupes affez confiderable
pour n'avoir aucune forte d'inquietude
d'une Place , tres-difficile
par elle mefme à eftre attaquée.
Liiij
128 MERCURE
Ainfi voilà tous ces grands projets
des ennemis qui leur ont coûtétant
d'argent & des dépenses exeffives
pour leurs magazins , avortez.
Nous avons fçeupar des lettres
interceptées du General des vivres
des Anglois & des Hollandois
qu'il avoient déja envoyé plus de
cent mille facs d'avoine dans
Tréves & qu'ils en aſſembloient
encore. Quant aux bleds, aux munitions
de guerre & de bouche
, à
l Artillerie,& aux augmentations.
de troupes nouvelles , achetées
tres- cherement dans l'Empire , ces
fommes prodigieufes fe peuvent
plus-toft imaginer quefupputer.....
GALANT 129
Il eft certain que les ennemis
ont efté furpris de voir les trtrouppes
du Roy auffi promptement rétablies
, certainement elles n'ont ..
jamais efté plus belles ny plus.complettes.
Nous
avons fçeu que la dé
penfe que Sa Majesté
a bien voulu
faire pour cuiraffer
une Cavalerie
.
déja fuperieure
à la leur , les avoit
étonnez ; car ils ontfongéque nos
Cavaliers
accoûtumez
à les attaquer
l'épée à la main , ſe trouvant
deplus la poitrine
à couvert
de leur
mauvais
feu , les
mépriferoient
-encore
davantage
.
M' le Maréchal de Villars
130 MERCURE
paroift tres-content de l'ardeur que
toutes les Troupes ont marqué , les
Soldats luy demandant & avec
audace de pouvoir joindre les ennemis
; & quoy qu'il n'y ait en
aucune apparence d'action qui ait
donné lieu aux Officiers generaux
de fe diftinguer , il fe louë fort
auffi de leur zele , tout le monde
marquant à l'envyfa bonne volonté.
Voilà les grands projets de la
ligue déconcertez , es un affez
grand évenement heureuſement
terminé fans autres fecours que
quelques précautions & aſſez defermeté
pour
bien
marquer
aux
GALANT
131
que
ennemis ,
leur
nombre ne nous
feroit
pas quitter
le terrain
.
Vous trouverez dans les
Lettres fuivantes la marche de
Monfieur le Maréchal de Villars
aprés la retraite de Mylord
Marlborough.
Du Camp de Lauterbach, les.
Juillet..
Faurayfeulement l'honneur de
vous dire , Monfieur , que Monfieur
le Maréchal de Villars ayant
reçû plufieurs avis
des ennemis , campé fous Tréves ,
que
le
Corps
132 MERCURE
étoit fort ébranlé , fit marcher Mr
le Comte de Druys droit à Tréves,
& Mr le Comte du Bourg.
eut ordre de paffer la Sarre à Merkirk;
& de retourner enfuite vers
Sarbourick,pouffant un affez gros
Party devant luy. Le Party
commandépar Mrde Maffenbach,
en trouva un des ennemis qui fut
bien battu & dont les fuyards
donnerent à Sarbourick & à Tréves
, toute la plus chaude allarme
que l'on pouvoirfouhaiter;de maniere
que ces deux Villes ont esté
abandonnées avec beaucoup de
crainte de la part des ennemis , qui
brúlerent leurs magaſins , & jetGALANT
133
terent dans la Mofelle une quantité
d'avoine prodigieufe. La
marche de ces deux Corps a produit
un autre avantage ; c'est que
que
Mr le les ennemis ont crû
Maréchal de Villars eftoit uniquement
occupé de fe rendre maistre.
de Tréves , & leurs troupes quittant
la Mofelle pour revenir deffendre
les Lignes deWeiffembourg,
ont rallenty leur marche , pendant
que Monfieur le Maréchal de
Villars a preßé la fienne fur
Werth , ayant coupé de Boucquenon
droit à la Baſſe- Alface , &
tachant d'arriver fur Weyffembourg
avant que les ennemis euf134
MERCURE
fent affemblé toutes leurs troupes
fur la Luter. L'armée marcha
le 4. fur quatre Colonnes ; Monfieur
le Maréchal de Villars a pris
tous les Huffars qui font prés de
fix cens dix Efcadrons , mille
Grenadiers & les Gardes ordinaires
, & il est tombéfur cinq Régimens
qui eftoient derriere Weyf-
Jembourg; ils devoient eftre joints
le foir par la tefte des troupes qui
reviennent de la Mofelle , menées
par le Prince de Hohenzol
lern. Ils ont deffendu leurs retran–
chemens quelques moments ; trois
Efcadrons de Dragons ayant mis
pied à terre , & la tefte de nos
GALANT
135
Grenadiers arrivant, l'ennemi n'a¸
pas tenu , on les a
menez battant
jufques au delà de Candel , &
mefme bienprés des portes de Landaw
, en en tuant un aſſez grand
nombre &
prenant
beaucoup de
chevaux , & en faiſant un Major
& fept ou huitautres Officiers
5.
prifonniers. Le gros des troupes des
ennemis eft dans un Camp retranché
fous
Luterbourg ; on va
les
chercher.
Nous
apprenons par
lesprifonniers que l'on a faits le
la pointe du jour , qu'ils ont perdu
bien prés de quinze cents hom
mes. Leurs Lignes eftoient déja
fort bien rétablies.
136 MERCURE
"
Du Camp de Lauterbach ,
le 6. Juillet.
J
Vous fçavez déja qu'avanthier
les Lignes de Weyffembourg
furent forcées ; cinq Regimens qui
les défendoient furent un peu mal
menez. Ils fe font retirez à Lus
terbourg , dont ils ont fait une
bonne Citadelle. Actuellement nous
tournons leur Camp dans la bonne
intention de les attaquer. Je doute
que la chofefoit poffible ; mais enfin
quand ce feroit icy les Colonnes
d'Hercule , la Campagne n'a
pas malcommencé. Peut- eftre trouGALANT
137
verons -nous moyen de la finir heureufement
; & fi on blâmoit nôtre
General de s'eftre prefenté devant
Luterbourg fans l'attaquer , on
crieroit bien plus contre luy de ne
sy eftre pas prefenté ; aprés quoy
le bon party eft de laiffer dire .
Le Chasteau de Seltz s'eft rendu
à Mr de Silly , & la Garnison
composée de 130. hommes a esté
faite prifonniere de guerre . On eft
allé prendre deux autres Chateaux
, qui font Rodern & Hatten
; aprés quoi grand fourrage
jufqu'à nouvel ordre.
L'Officier qui a écrit ces deux
Juillet 1705.
M.
128 MERCURE
Lettres , n'étoit pas encore informé
du butin que les foldats
avoient fait de l'argent qu'ils
ont trouvé , en forte que les
Dragons & les Huffars du Roy
fe font enrichis en cette occafion.
On croit que les ennemis
en ſe retirant avec une grande
précipitation , avoient abandonné
leur Caiffe militaire , ou
du moins une partie. Ils ont
auffi laiffé leurs bagages &
quantité de chevaux dont
l'Armée a profité.
M' le Marquis de Lanion , &
M' le Comte de Chamillart
ayant efté pour reconnoiſtre le
GALANT 139
Camp des ennemis fous Luterbourg
, la nuit du s . au 6. M
le Comte de Chamillart s'avança
, accompagné d'un Aide
de Camp , d'unValet de Chambre
qui l'avoit fuivi à cheval ,
d'un Laquais à cheval , & d'un
Palfrenier menant en main un
cheval , le hanniffement de fon
cheval ; fut caufe que les ennemis
firent une fi furieufe décharge
, que le cheval de Mr le
Comte de Chamillart fut tué
fous luy , auffi-bien que celuy
de l'Aide de Camp , & le Valet
de Chambre & fon cheval,
ainſi que le Laquais furent blef.
Mij
140 MERCURE
: fez à mort de manière que
tout ce qui eftoit auprés de ce
Comte fut tué ou bleffé..
Extrait d'une Lettre écrite depuis
celle que vous venez de:
lire.
Depuis que Monfieur le Maréchal
de Villars a chaffé les ennemis
des Lignes de Weyffembourg ,
&qu'il les a rencognez à Luterbourg
, où il les a inveſtis d'un
cofté , & Mr de Chamarande de
l'autre
les Allemans font dans
une grande confternation fur le
craignent de ne pouvoir Rhin ,
GALANT 141
à
plus ravitailler Landaw , qui en
aura bien-toft befoin . La peur les a
obligez de faire paffer le Rhin
leurs gros équipages ; & comme
nous occupons toutes les hauteurs
aux environs de leur pofte , il leur
fera difficile d'en fortir ,fans qu'il·
J ait quelque action . Cependant
nous nous fommes encore emparez
des Chafteaux de Rodern & de
Hatten , qui nous rendent maistres
de tous les fourrages des environs .
Monfieur de Villars a envoyé ordre
à Mr de Druys de luy envoyer
encore dix Bataillons de la
Mofelle , où ils font peu utiles..
142 MERCURE
re
Chevalier
M™ N. . . . de Lorraine
Prince d'Harcourt fils aîné de
Mr N... de Lorraine Prince
d'Harcourt , & de Dame N...
de Brancas fille de M' le Marquis
de Brancas
d'honneur de la feuë Reinemere
, & Chevalier des Ordres
du Roy , a époufé Mlle de
Montjeu. Ce Prince avoit d'abord
embraffé l'état Ecclefiaf
tique , il avoit même pris le
degré de Bachelier en Theologie
& avoit paffé par les épreuves
ordinaires pour entrer dans
la Licence ; mais la mort du
Prince de Montlaur fon frere
GALANT 143
l'a déterminé à quitter le parti
qu'il avoit d'abord fuivi , pour
foûtenir le nom de fa branche
particuliere , le feul frere qui
luy refte étant auffi entré dans
l'état
Ecclefiaftique . On peut
encore ajoûter à ces raifons ,
celle de l'intereft general de la
Maifon de Lorraine , qui ayant
vû finir deux de fes Branches,
& en voyant une troifiéme en
danger de finir depuis le commencement
de cette guerre ,
par la mort des Princes de
Commercy , de Vaudemont &
d'Elbeuf, a voulu prendre des
précautions
afin
que celle
144 MERCURE
d'Harcourt n'euft pas la même
deftinée que les autres . Mr le
Prince d'Harcourt , pere du
nouveau marié eft fils de feu Mr
le Prince d'Harcourt,& de féuë
Dame N... d'Ornano fille du
Maréchal de ce nom. La Branche
d'Harcourt eft fortie de
celle d'Elbeuf qui eſt la premiere
de toutes celles qui font
à préfent en France. Je ne vous
diray rien fur la grandeur de
la Maifon de Lorraine , c'eſt
une matiere épuifée dans les
Lettres que j'ay eu l'honneur
de vous écrire depuis plus de
27. années. Mlle de Montjeu
eft
GALANT · 145
eft arriere- petite- fille du celebre
Mr de Caftille , Treforier do
l'Epargne fous le regne d'Henri
IV. Le Prefident Jeannin eftoit
dans le miniftere dans le même
temps & un des plus habiles
Miniftres de ce grand Prince .
Il donna fa fille unique au fils
de M' de Caſtille , à condition
de joindre les deux noms ; c'eft
ce qui obligea ceux qui fortirent
de ce mariage de prendre
le nom de Jeannin de Caftille.
M' de Caſtille eftoit Eſpagnol,
& on le croyoit en France d'une
naiffance tres- élevée , & la
Juillet 1705.
N
146 MERCURE
tradition de fa famille portoit
qu'il eftoit iffu du fang des anciens
Rois de Caftille. Ce qui
donnoit quelque fondement à
cette opinion , eft qu'il portoit
les mêmes armes que les Rois
de Caftille , & qui font aujour
d'huy les armes de ce Royau
me , fçavoir , un Chasteau donjonné
d'or. Mlle de Montjeu eft
niece de M la Surintendante
Fouquet , qui eft auffi Jeannin
de Caftille , & qui paffe fa vie
dans l'exercice d'une folide
picté.
M'de Marquis de Villafranca,
Grand - Maiftre de la Maiſon
GALANT
147
>
du Roy Catholique, & Cheva
lier de l'Ordre du Saint Efprit ,
mourut à Madrid le 10. du
mois de Juin , regretté de toute
la Cour d'Efpagne à caufe de
fes rares qualitez . Il joignoit à
une penetration d'efprit merveilleufe
& à une prudence
dont il avoit donné des mar
ques dans les conjonctures les
plus delicates , une grande fidelité
, & une exactitude à remplir
fes devoirs qui alloit quel
quefois jufqu'au fcrupule . Ce
Seigneur avoit eſté dans une
grande confideration fous le
regne précedent ; fon habileté
Nij
148 MERCURE
dans la conduite des affaires
difficiles , & l'attachement particulier
qu'il avoit pour la perfonnedu
feu Roy , l'avoit rendu
cher à ce Prince. Ce Marquis
eut les mêmes atachemens
pour Philippe V. lorſqu'il fut
declaré fucceffeur de la Monarchie
d'Espagne , qu'il avoit eus
pour le Roy Charle II. Les
preuves qu'il en donna , luy firent
bien-toft meriter un hon.
neur qui rend celuy qui en eft
revêtu , un des premiers Officiers
de la Couronne. Ce Scigneur
cftoit d'une des plus
grandes Maifons d'Espagne.
1
GALANT 149
Ses aycux ont tenu depuis cinq
ou fix ficcles le premier rang
dans la Cour des Rois de Caftille
. Le Marquis dont je vous aprens
la mort , defcendoit d'un
Seigneur qui exerçoit auprés de
la Reine Ifabelle la même Charge
, qu'il a excercée juſqu'à la
mort auprés duRoy d'Espagne.
Son ayeul paternel fut dans
une grande confideration auprés
du Roy Philippe III. il
fut même un de ceux qui furent
choifis pour amener fur
les frontieres de France , Anne
d'Autriche , fille de ce Monarque
, qui venoit époufer le Roy
Niij
150 MERCURE
Louis XIII. M' le Marquis de
Villafranca eftoit allié aux
meilleures Maiſons d'Eſpagne ;
fçavoir aux Maifons de Velafco
, de Medina- Celi , de Tole+
de , &c . Il touchoit à celle- cy
par deux endroits differens ,
par fon ayeule , & par Me la
Marquife de Villafranca fon
époufe . Il cftoit fort genereux ,
& il ne manquoit point les occafions
qu'il avoit d'obliger fes
amis, & de faire du bien à ceux
qui dépendoient de luy. On
croit qu'il a le premier découvert
les mauvaiſes intentions
du Marquis de Leganez, & renGALANT
151
du fa conduite ſuſpecte . M
le Marquis de Villafranca laiſ
fe deux fils , parfaitement bien
faits & qui donnent de tresgrandes
efperances . Je vous ay
déja parlé du Cadet dans cette
Lettre .
Je vous parlay il y a trois
mois de M' le Chevalier du
Bourk , de fa naiffance & de
fes qualitez diſtinguées , lorfque
le Roy d'Angleterre fon
maître le nomma pour fon Envoyé
en Eſpagne . Il y avoit
déja fait plus d'un voyage , &
il y alla la premiere fois à la
priere du feu Pape , avec M¹ le
Niiij
152 MERCURE
a
Nonce Extraordinaire Zonzedari
; il y fut bicntoft auffi eftimé
qu'il l'avoit efté à Paris &
à Rome. Le feu Pape l'honora
d'une affection particuliere ; il
luy avoit donne une penſion
que celuy - cy continue avec
plaifir , & fa Sainteté n'a rien
changé dans les fentimens d'eftime
& d'amitié dont elle l'honoroit
avant que d'eftre élevée
au Souverain Pontificat. Leurs
Majeftez Catholiques ne luy
ont pas témoigné moins de
bonté. Il avoit déja eu lhonneur
d'eftre fait en Espagne
Chevalier de l'Ordre Militaire
GALANT 153
de Saint Jacques ; & à ſon retour
le Roy fon maître le fit
'Gentilhomme de fa Chambre.
Il eft enfin arrivé à Madrid en
qualité de fon Envoyé Extraordinaire.
Il n'eft pas facile
d'exprimer toutes les bontez
qu'on luy a témoignées,& tous
les honneurs qu'il y a reçus de
Leurs Majeftez , des Grands ,
de la Nobleffe , & d'une infinité
de particuliers. Il y a efté vifité
par tant
de gens
tion , qu'un Miniſtre étranger
qui eft dans cette Cour , n'a
pû s'empêcher de luy dire
Qu'il pouvoit fe flatter d'avoir
de diftinc-
:
154 MERCURE
plus reçu à Madrid de vifites en
huit jours , que tous les autres
Miniftres d'Angleterre n'y en
avoient reçû en vingt ans. Rien
ne prouve mieux l'idée qu'on
y a de ce Chevalier ; mais rien,
ne fait mieux voir auffi quels
font les fentimens de toute
l'Eſpagne pour Sa Majeſté Britannique.
M' le Chevalier du
Bourk fit fon entrée publique
à Madrid le 30: du mois paffe.
L'Introducteur des Ambaffadeurs
l'alla prendre chez luy
dans un des Caroffes du Roy ;
il arriva , au Palais , fur les onze
heures du matin, avec un nomGALANT
155
breux Cortege. Tous les Sujets
du Roy fon maître qui font
en grand nombre à Madrid ;
beaucoup d'Italiens qui l'avoient
connu à Rome , & qui
fçavoient dans quelle confideration
il y eftoit ; & quelques
François qui l'avoient vû à Paris
& à Verfailles , fe firent un
plaifir de l'accompagner. Il fut
conduit avec les ceremonics
accoûtumées aux audiences du
Roy & de la Reine , qui luy
firent un accueil qui répondoit
à l'estime qu'ils avoient
pour luy. Comme il parle avec
beaucoup de nobleffe , de juf156
MERCURE
teffe & de facilité , on ne fut
pas furpris de la beauté & de
la folidité de fes deux difcours .
Le Roy y répondit avec la fageffe
, la bonté & l'efprit qui
luy font ordinaires . Quant à la
Reine , elle luy parla d'une maniere
qui fait connoiſtre avec
juftice que toute l'Europe admire
fon efprit & publie qu'on
a peu vû à fon âge de Princeffe
auffi accomplie. Sa Majesté luy
dit : Monfieur , vous fçavezmes
fentimens ,foyez – en l'Interprete ;
& pour répondre en mon nom au
Royer à la Reine d'Angleterre ,
faites un auffi beau difcours que
A
GALANT
157
celuy que vous venez de mefaire.
Cette réponſe attira les applaudiffemens
de tous ceux qui
l'entendirent ; mais on ne doit
pas s'en étonner , puifque cette
Princeffe parle toûjours avec le
mefme efprit & la meſme juſteffe
. Ces deux audiences eftant
finies , l'Introducteur des Ambaffadeurs
reconduifit cet Envoié
chez luy de la meſme maniere
qu'il l'y avoit efté prendre.
On y trouva une table de vingt
couverts magnifiquement fervie
; le repas y fut delicat & des
mieux entendus. Dés le même
jour cet Envoyé fut viſité par
158 MERCUR E
beaucoup de perſonnes de diftinction
; & depuis ce temps- là
il n'eft occupé qu'à recevoir &
à rendre des vifites.
M' l'Abbé Grimaldy , qui
avoit accompagné M' le Nonce
Extraordinaire en France , a
efté nommé par Sa Sainteté Internonce
à Bruffelles . Cet Abbé
a déja donné dans une tresgrande
jeuneſſe , des marques
de la penetration & de l'élevation
de fon genie. M ' l'Archevêque
de Genes , qui eftoit
Nonce extraordinaire en France
, le preſenta au Roy avant
GALANT 159
fon départ ; Sa Majeſté luy fit
un accueil favorable , & cet
Abbé reçut des complimens
de plufieurs perfonnes de la
Cour. Jevous ay fouvent parlé
de la Maiſon Grimaldy , dont
Mr le Prince de Monaco eft le
Chef ; pour ne point tomber
dans des redites ennuyeuſes , je
vous parlerayfeulement à prefent
de quelques perfonnes de
cette illuftre Maiſon , qui ont
efté honorées de la pourpre ,
& des dignitez les plus confiderables
de l'Eglife . Auguftin
Grimaldy , Evêque de Graffe ,
Abbé de Lerins , Confeiller &
160 MERCURE
Aumônier du Roy , vivoit dans
le feiziéme fiecle. Il eftoit le
fecond des fils de Lambert Grimaldy
Prince de Monaco , & de
Claude Grimaldy heritiere de
la même Principauté. Son merite
& fa qualité le firent confiderer
dans le monde , particulierement
à la Cour, des
Rois Louis XII. & François
I. La quatorziéme Lettre
du 4 Livre du Recücil
des Epiftres du Cardinal Şadolet
luy eft adreffée . Il effuïa des
difgraces à la Cour de France ,
aprés la mort tragique de ſon
frere ; Charlequint , à la confi-
с
GALANT 161
deration duquel il les fouffroit,
luy donna l'Evefché de Majorque
, & enfuite l'Archevêché
d'Oriſtan , & il le nomma enfin
au Cardinalat : Mais ce Prelat
mourut en 1531. avant la promotion
des Cardinaux qui devoit
fuivre la nomination de
Charlequint. Jerôme Grimaldy
, Cardinal & Archevêque
de Bari , eftoit de Genes , fils de
Benoift. Aprés la mort de fa
femme il embraffa l'état Ecclefiaftique
, & le Pape Clement
VII le fit Cardinal. Outre
l'Archevêché de Bari , il eut les
Eveſchez de Venafre , d'Ar-
Juillet 1705 .
5
O
162 MERCURE
benga , &c . Il mourut à Genes
où il eftoit Legat , en 1543 .
Dominique Grimaldy , Archevefque
& Vice -Legat d'Avignon
, eftoit fils de Jean-Baptifte
S ' de Montaldea , & Chevalier
de la Toifon d'or . Le
Pape Pie V. le nomma Commillaire
General des Galeres de
l'Eglife ; & il ſe trouva à la bataille
de Lepante en 1571 .
Depuis il fut Evefque de Savonne
; & Gregoire XIII . le
transfera en 1584. à l'Evefché
de Cavaillon dans le Comté
Venaiffin , & enfuite à l'Archeveſché
d'Avignon . Il a laiſſé un
GALANT 163
Volume de Lettres , qui n'a pas
cfté donné au public . Jerôme
Grimaldy , Cardinal du Titre
de la fainte Trinité in monte
Pincio , Archevefque d'Aix en
Provence & Evefque d'Albano
, mourut à Aix en 1685 .
âgé de quatre-vingt - dix ans.
François- Marie Grimaldy , Jefuite
, eftoit de Bologne ; il
mourut en 1563. Nous avons
de luy un ouvrage poſthume :
De lumine , coloribus , iride. M
l'Abbé Grimaldy qui donne
lieu à cet Article , eft de la bran
che de Grimaldy établie à Genes
; il a paffé plufieurs années
O ij
164 MERCURE
à la Cour de Rome , où il eft
fort confideré.
M' de la Chetardie , Brigadier
des Armées du Roy , &
cy - devant Inſpecteur des Troupes
d'Alface , eft mort à Landrecies
, dont il eftoit Gouverneur.
Il
avoit long - temps
qu'il eftoit dans le fervice. Il
eftoit coufin de M' le Curé de
faint Sulpice , & d'une bonne
maifon de Poitou.
y
We
Landrecies eft une Ville confiderable
du Hainaut , fur la
Riviere de Meufe , à trois licues
du Quesnoy , & à fix de Valenciennes.
L'Empereur Charle
GALANT 165
Quint la prit en 1543. à la
tefte d'une nombreufe Armée.
Elle fut repriſe fur les Eſpagnols
en 1547. qui la reprirent
quelque tems aprés . L'Armée
du Roy la prit encore en
1655. & enfin elle nous eſt
reftée par le trente feptiéme
Article , fi jene me trompe du
Traité d'Aix-la- Chapelle , conclu
en 1659 .
M' Leftrade , Lieutenant des
Gardes du Corps & Maréchal
des Camps & Armées du Roy,
a eu le Gouvernement de Landrecies.
C'eft un Officier d'un
merite , & d'une valeur recon166
MERCURE
nuë. Il a merité cette recompenfe
par fes longs fervices ,
ayant paffe par tous les degrez
de fon Corps , & s'eftant diftingué
dans plufieurs actions .
Monfieur le Cardinal de
Noailles ayant appris la mort
de M' 1Evêque & Comte de
Valence , fon Eminence dit à
l'Affemblée , que l'on sçavoit la
perte qu'elle venoit de faire de
Mr l'Evêque de Valence , qui
meritoit d'eftre regretté de la Compagnie
, par toutes les qualitez
aimables & eftimables qu eftoient
en luy , & par le zéle avec lequel
il avoitfervi le Clergé dans pluGALANT
167
fieurs Affemblées : Qu'aprés avoir
donné à Mr de Valence pendant
fa vie tant de marques d'eftime
& de confideration , il eftoit
perfuadé qu'elle voudroit bien luy
rendre aprés fa mort , les devoirs
de religion de pieté qu'on a coútume
de rendre aux Prelats , qui
meurent pendant la tenuë des Af-
Jemblées; & qu'en attendant qu'on
refoluft la maniere dont on luy feroit
un Service folennel , il eftoit
de l'ufage de dire un Deprofundis.
Auffi- tôt la Compagnic fe
leva , & Mr le Cardinal commença
le Deprofundis , qui fut
continué par Ms les Députezs
168 MERCURE
1
& l'Affemblée remit à une autre
féance à fixer le jour du Service
qu'elle devoit faire pour ce
Prelat , I fe nommoit Me
Guillaume Bochart de Champigny
; & avoit efté cy - devant
Archidiacre de Rouen & grand
Vicaire de Pontoife . Il eft mort
dans l'Hôtel de la Treforerie
de la fainte Chapelle du Palais
chez M' l'Abbé de Champigny
fon frere , qui en eft Treforier.
Il n'eftoit âgé que de cinquante
cinq ans ; il eftoit fort
eftimé & fort aimé dans fon
Diocefe. Il a trois freres vivans
;l'un Intendant du Havre,
&
GALANT 169
& qui l'a efté du Canada , aprés
avoir efté Confeiller au Parlement
de Paris ; le Treforier
de la fainte Chapelle ; le troifiéme
eft Prévoft du Chapitre
de Lille en Flandres ; &
Guy Bochart Chevalier de
Malthe , tué au fiege de Nimegue
, eftoit. auffi frere du défunt
. Leur pere qui avoit cfté
Maistre des Requeſtes & Confeiller
d'Etat , eftoit petit fils
du premier Prefident Bochart ,
qui avoit merité par fes fervices,
d'eftre mis à la tefte du pre
mier Parlement du Royaume ;
& il avoit un frere Chartreux à
Fuillet 1705.
P
370 MERCURE
Paris, qui paffoit pour un hommed'un
genie fuperieur. L'autre
branche de M Bochart
cft celle de Saron ; elle defcend
auffi du premier Preſident
Bochart. M' de Saron , Confeiller
au Parlement de Paris ,
cft frere de M' l'Evêque de
Clermont , & pere de M' de
Saron qui a époufé la foeur de
M' de Pontcarré premier Prefident
duParlement de Rouen, de
M' l'Abbé de Saron , Treforier
de la fainte Chapelle de Vincennes
; & de M' l'Abbé de Saron ,
Chanoine de l'Eglife de Paris .
La mere de M l'Evêque de
GALANT 171
;
rs
Valence eftoit de la maifon de.
Boivin. La maifon de Bochart
eft tres - ancienne M's de
Champigny en font les aînez.
M1Evêque de Valence a
efté enterré le Lundy 6. de Juillet
, entre neuf & dix heures
du foir , dans la fainte Chapelle
baffe. Les Auguftins qui
font les Chapelains du Clergé
quand ileft affemblé , y affittorent
& porterent le corps. M
l'Abbé Dongois , Chanoine de
la fainte Chapelle , portoit l'étole
, M' le Treforier ne s'étant
pas trouvé à l'enterrément.
M PAbbé de Maule-
Pij
172 MERCURE
vrier , Agent General du Clergé
, & M l'Abbé de Perſigny ,
Doyen de Noftre- Dame &
Député de la Province de Paris
, y affifterent de la part du
Clergé. Les deux Aumôniers
du défunt marchoient les premiers
aprés le corps , en rochet
& en manteau long ; l'un portant
la couronne de Comte
parce que l'Evêque de Valence
eft Comte de Valencinois ;
& l'autre portant le coeur de ce
Prelat , qui devoit eſtre inhumé
dans l'Eglife Cathedrale de
Valence.
M² de l'Aſſemblée generale
GALANT 173
du Clergé firent faire un fervice
magnifique pour feu M
1 Evêque de Valence , dans l'E
glife des grands Auguſtins , le
15. du mois paffé. L'Eglife
eftoit toute tenduë de noir ,
avec deux laiz de velours couverts
d'écuffons aux armoiries
du défunt. La reprefentation
cftoit fous un magnifique daiz
de velours noir ; elle eftoit élevée
de fix degrez , & entourrée
d'un grand nombre de
chandeliers d'argent garnis de
cierges. M' l'Evêque de Coûtances
officia , il avoit pour
Diacre & Soûdiacre , Ms les
P
iij
174 MERCURE
Abbcz de Maliffole & de Tencin.
Les quatre Prelats qui firent
les Abfoutes à la fin de
la Mcffe , font M's les Evêques
de Senlis , de Condom ,
rs
de Blois & d'Alet. La Meffe
fut chantée à deux Choeurs par
les Peres Auguftins. Les Evêques
qui ne font pas de l'Af
femblée & qui y affifterent
font M' l'Archevêque d'Aix
M' l'Evêque de Metz , M'IEvêque
de Soiffons , l'ancien Evêque
de Condom , & M' l'Evêque
de Meaux . La parenté du
défunt Evêque , qui eft tresilluftre
& tres - confidérable, fut
GALANT 175
placée fur des formes , qui
avoient efté mifes exprés dans
le Choeur. Les Abbez qui fe
trouverent à ce fervice , & les
Chanoines de la fainte Chapelle
qui y affifterent prefque tous,
eftoient placez dans le Sanctuai
re.
Mr Nicolas Petitpied , Pretre
, Docteur de la Maifon &
Societé de Sorbonne , Chanoine
& Sous - Chantre de l'Eglife
de Noftre- Dame de Paris
, ancien Chefcier de l'Eglife
de S. Eftienne des Grez
& ancien Curé de S. Mar-
竖
tial & Confeiller Clerc au
P iiij
176 MERCURE
Châtelet , eft mort au commencement
du mois dernier ,
âgé d'environ foixante dix -huit
ans . Ilaefté enterré , ainfi qu'il
l'avoit fouhaité , dans l'Egliſe
de Nôtre Dame. Il avoit paffé
fa vie dans une application continuelle
à fes devoirs , & dans
l'exercice affidu des oeuvres de
charité . Il a donné en mourant
des marques de l'amour qu'il
avoit pour les pauvres ; le bien
qu'il leur a fait , en dit plus que
tous les éloges que je pourrois
luy donner. Il a laiſſe dix mille
livres à l'Hôtel Dieu , & environ
la même fomme àl Hôpi-
да
T
1
GALANT 177
tal de la Mifericorde , dont il
eftoit Superieur ; il a donné des
legs à plufieurs autres Maiſons
Religieufes qui en avoient àffez
befoin. Il a donné cinq ou
fix mille livres à l'Hôpital des
Quinze-vingts ; & il àa mis fes
domeſtiques , par le bien qu'il
leur a fait , en eftat de fe paffer
de maîtres. Il a laiffé à l'Egli
fe de Paris un fonds de foixante
quinze mille livres ; & une partie
de cette fomme eft deſtinée
pour augmenter le revenu de
fa Dignité , & l'autre pour
augmenter la retribution des
Matines , qui fe diſent à mi178
MERCURE
nuit dans cette Eglife. Il y a
déja quelques années qu'il avoit
donné à cette Eglife un Calice
d'or , qui eft eftimé plus de
quarante mille livres . Il a donné
douze cens livres de rente
à la Maifon de Sorbonne , &
a laiffé à cette même Maifon
fa Bibliothèque, où il y a quantité
de manufcrits . Il a donné
cinq cens livres de rente au
Chapitre de faint Eſtienne des
Grez , à la charge de fe defifter
des appels d'un reglement que
le Chapitre de Nôtre-Dame
avoit fait , fans quoy ce legs
doit retourner à Nôtre- Dame.
GALANT 179
Il a donné auffi quatre mille
livres à la Fabrique de l'Eglife
de faint Martial dont il a efté
autre-fois Curé , & il a donné
encore à cette Eglife , fa belle
Etolle qui a coûté fix cens liv.
& il y a fondé quatre fervices ;
un pour luy ; le fecond pour le
Curé auquel il avoit fuccedé ;
& deux autres pour M' de la
grande Confrairie de l'Eglife
de Nôtre-Dame , qui doivent
y faire chanter deux grandes
Meffes , aux jours qu'il a marquez
dans fon Teſtament. Il
eftoit frere de M Petitpied
Avocat au Parlement de Paris,
rs
180 MERCURE
qui s'eft rendu celebre par fes
Plaidoyez , & par la connoiffance
qu'il avoit de la Jurif
prudence. Cet Avocat a laiſſe
plufieurs enfans , fçavoir M
Petitpied , l'aîné , qui ne s'eft
point marié , M' de Vaubreüil,
Auditeur des Comptes ; & M
Petitpied Docteur de Sorbonne
, & cy-devant Profeffeur en
Theologie ; & quelques filles.
M' Petitpied a fait ſes neveux
legataires univerfels.
M' l'Abbé de Dreux, Confeil- .
ler augrand Confeil , Chanoine
honoraire del'Eglife deParis,
frere de M' de Dreux , ConfeilGALANT
181
ler à lagrand'Chambre & oncle
Mr le Marquis de Dreux , de
Grand Maître des Ceremonies
de France , a fuccedé à la Dignité
de Soûchantre .
....
M N……………. Lizot , ancien
Curé de S. Severin , eft mort ,
âgé de prés de quatre - vingt
ans ; il eſt peu de Pafteurs qui
ayent fait plus de bien que luy
dans leurs Paroiffes. Il eftoit
vigilant , & entroit par luymême
dans tous les befoins de
fes Paroiffiens . Il eftoit fur tout
le pere des pauvres ; il leur a
fait des charitez qui excedoient
fouvent fes forces , on en rap182
MERCURE
porte des circonftances
étonnantes.
Voicy entr'autres un
trait de fon défintereffement
.
Un de fes Vicaires qui laiffoit
une fucceffion affez confiderable
, le fit à la mort fon legataire
univerfel ; dés qu'il eut les
yeux fermez , M' Lizot envoya
chercher les heritiers naturels
du deffunt
, aufquels
il partala
fucceffion
de leur pa- gea
rent , à l'exception des contrats
& billets fous feing privé , qu'il
rendit aux debiteurs
qu'il avoit
fait avertir. Il avoit refigné fa
Cure depuis environ une année
, à Mr Pinelle fon Vicaire .
GALANT 183
-
Mr Lizot eftoit frere de feu
Mr Lizot , premier Medecin
de feuë S. A. R. Monfieur ; ils
eftoient de la Ville de Caën ,
& d'une tres bonne famille .
Ce Cuté avoit un talent particulier
pour faire les Profnes ;
il ne fe fervoit que de l'Homelie
du jour , mais il l'expliquoit
d'une maniere folidé , & qui
eftoit à la portée de tous les
auditeurs . Mr Lizot avoit fucccdé
dans la Cure de S. Severin
à Mr le Tellier , aujourd'huy
Evêque de Digne ; feue
S. A. R. Mademoiselle , dont
Mr Lizot cftoit Confeffeur!,
184 MERCURE
voulant l'attacher auprés d'elle ,
luy fit avoir cette Cure , en faifant
donner un Evêché à Mr
le Tellier. Mr Lizot avoit eſté
long-temps Vicaire de cette
Paroiffe , & il l'avoit efté auparavant
de celle de Saint Cofme ,
dont il diſputa même la Cure
qui luy avoit efté reſignée ,
contre feu Mr Deffita , dernier
Titulaire , & frere de feu Mr
le Lieutenant Criminel ; mais
comme elle dépend de l'Univerfité
, elle fut declarée de Pa-
Stronage laïque , & on jugea par
confequent qu'on ne pouvoit
la refigner.
GALANT . 185
Vous fçavez que l'Amirante
de Caftille ne fut écouté en
Portugal , lorsqu'il y arriva ,
que fur les affurances qu'il donna
, que fi l'Archiduc paroiffoit
fur les frontieres d'Espagne ,
la plus grande partie de la Monarchie
fe foûleveroit en fa faveur
, & le reconnoiftroit pour
fon Souverain ; & que c'eſt fur
ces fondemens que l'Angleterre
& la Hollande ont fait venir
PArchiduc
.
Cependant fa prefence
n'ayant rien produit de
ce que l'Amirante avoit affuré
qui arriveroit , les Alliez s'en
font plaint fortement , en for-
Juillet 1705. е
186 MERCURE
te que cet Amirante s'eft
trouvé fort embaraffé , craignant
la fureur du peuple
de Portugal qui murmuroit
hautement
de ce qu'il l'avoit
engagé mal à propos dans une
guerre qui avoit commencé à
ruiner 1 Etat , & qui attireroit
fans doute fa ruine entiere.
L'Amirante qui n'avoit conté
que que fur la force des armes
des Alliez , quoy qu'il leur cuſt
fait croire le contraire fans en
eftre perfuade , fçachant bien
qu'il n'y a point de nation plus
fidele que l'Espagne , quand
elle a une fois prêté ferment
GALANT 187
de fidelité à un Monarque ; &
que quand en fe démentant ,
elle auroit pû manquer à fon
ferment , ce n'auroit pas efté
à l'égard de Philippe V. dont
toute la nation eft charmée des
belles qualiteż & de la douceur
du Gouvernement : l'Amirante
, dis - je , voyant qu'il
n'y avoit rien à efperer pour
Juy & pour fes projets d'une
nation fi fidele , en voulant
neanmoins tromper les Alliez
& les éblouir par des chofes
qui fembleroient répondre à
ce qu'il avoit promis , refolut ,
puifque tout le Corps de la na-
Qij
188 MERCURE
tion eftoit fidéle , & qu'il n'avoit
pû ébranler ni les Grands
ni le peuple , de ſe faire informer
de ceux qui paffoient pour
fcelerats dans plufieurs Villes
d'Espagne , & qui pouvoient
fe laiffer
corrompre par argent
& par des promeffes encore
plus
éblouffantes , pour executer
les chofes dont on les chargeroit
, & fur tout pour faire
élever des feditions dans les
Villes où ils eftoient , & les faire
remettre aux troupes des
Alliez . Ces projets ont réüffi ,
à l'execution prés ; les traiftres
one efté arreſtez , & l'on a déGALANT
189
couvert que la plufpart de ces
complots n'avoient efté formez
que par des fcelerats , &
que les Moines mêmes qui s'en
eftoient mêlez , avoient mené
une vie fcandaleufe avant que
d'entrer dans le Couvent. Ils
avoient eſté éblouis par des
Evéchez qu'on leur avoit promis
; & les autres fcelerats , par
des Marquifats & des Comtez,
Mais ces fortes de traiftres ne
peuvent porter préjudice à la
fidelité de la nation Efpagnole ,
& à l'amour qu'elle a pour fon
Roy Philippe V. Il y a des fcederats
chez toutes les nations
190 MERCURE
lorf. qui s'engagent à tout ,
qu'ils font affurez d'eftre bien
recompenfez . J'ay crû devoir
mettre ce Prélude à la tefte de
la traduction que vous allez
lire de la confpiration de Grenade
, dans laquelle vous trouverez
que les recompenfes dont
je vous viens de parler avoient
efté promiſes à tous les traî
tres.
COPIE
d'une Lettre de Grenade, du
2. Juin.
f'Ay ſeulement à vous faire
[çavoir que nous fommes icy
GALANT 191
*
dans de grandes occupations , caufées
par le Pere Sanchez , Religieux
de la Victoire , natif du
Royaume de Valence . Il á efté
long-temps Bandit,avant que d'entrer
dans le Cloiftre , & il est le
fcandale du monde. Pour le retirer
de fes defordres , le feu Roy Charles
II. à la priere de Dom Pablo
Diamante , luy donna une penfion
de deux cens ducats , &fon
* Les Religieux de la Victoire en ELpagne
font les Peres Minimes ; on
les appelle ainfi dans ce Pays-là ,
parce qu'ils ont à Madrid dans leur
Eglife une Image de la Vierge
qu'on appelle notre - Dame de la
Victoire , qui y eft honorée avec
beaucoup de devotion.
192 MERCUR E
q
Ordre l'avoit fait Correcteur du
Couvent de Loxa. Mais dans la
fuite , nôtre Monarque Philippe
Cinquiéme ayant eu connoiffance
de la conduite fcandaleufe de ce
Religieux , qui continuoit toûjours
..de vivre pen regulierement malgré
l'eftat qu'il avoit embraffé , luy
a ofté cette penfion. Il fe refugioit
dans la maifon d'un Rece-
-veur de cette Ville , appellé Veraftegui
, qui demeuroit attenant
Saint Michel , où se trouvoient
auffi beaucoup d'autres Valenciens
farcis d'armes , & qui n'avoient
pas plus de confcience ny de retenuë
que cet indigne Religieux. C'est
la
GALANT 193
là qu'ils tenoient leurs Affemblées
& leurs Conciliabules ; & ils fe
conduifoient avec tant de précaution
, qu'ils avoient auffi engagé
dans leur parti beaucoup d'autres
gens de cette Ville , pour unfoûlevement
general qu'ils prétendoient
faire reüffir la veille de la Fefte-
Dieu , pendant la nuit , qui eft le
temps où tout le monde fort pour
voir les repofoirs que l'onfait dans
les ruës. Là ils devoient procla-
·mer l'Archiduc ; & quelques-uns
d'entr'eux devoient fur le foir en
trer déguifez dans la Citadelle ,
&pendant la nuit , à une heure
marquée,ceux-cy devoientfe jetter
Juillet 1705 .
R
194
MERCURE
dans le Corps
de garde
, tuer deux
qui s'y trouveroient
, fe faifir
des
armes
& fe rendre
maistres
de l'artillerie
. Les autres
devoient
en
même
temps
mettre
le feu aux
quatre
coins de la Ville , fur tout
ala Chancellerie
, & aux maiſons
des Magiftrats
& du Corregidor
& tuer tous ceux qui estoient
affectionnez
à noftre
Roy. Le Ciel
apermis
que toutfe foit découvert
;
ainfi avant
l'execution
de ce
projet
, à trois heures
du matin
, la
maifon
de ce Receveur
fe trouva
affiegée
par les gens de Justice
par un affez grand
nombre
de Soldats
commandez
par le Lisute-
1
GALANT 195
i
mant Colonel Dom Antonio Inanfio.
Onfe faifit de tous ceux qui
fe trouverent dans cette maison ,
hommes & femmes ; &l'on envoya
des gens à la pourſuite du
Receveur qui estoit allé faire une
tournée. Dés que ceux- cy furent
arreftez un Medecin Romain qui
eftoit venu icy avec un nom
un employ ſuppoſez , qu'on affuxe
eftre un homme de grande confideration
, qui a quelque titre de
l'Empire , alla tout reveler à un
Prévost, er fa dépofition dura
vingt- quatre heures fans aucune
interruption. Ce qui a donné lieu
à tant de pourfuites & d'empri
Kij
196 MERCURE
-fonnemens que c'est une image du
Jugement dernier ; mais ce nefont
tous que gens du commun , excepté
les deux hommes de confideration
qui estoient déja prifonniers dans
la Citadelle , qui font le Comte
de Eril లో le Comte de Luque ,
qu'on a mis dans une Tour à part,
les privant de toute communica
tion. Plufieurs ont pris la fuite ,
on ferre bien les doigts à ceux
qu'on a pris pour les faire parler;
on découvre une intrigue infernale,
& la Fuftice qui s'en fera,fera du
bruit dans toute la terre. C'eft à
quoy je travaille ; Il n'y a point
d'eftat qui difpenfe d'eftre fidele &
1.
GALANT 197-
zelépourfon Roy & pour la Re-.
ligion , & c'est à quoy je fuis plus
obligé qu'un autre. J'écris à Madridfur
ce fujet par ce Courrier ;
je ne doute pas qu'il ne vienne
ordre de faire encore quelques diligences
fortconvenables à lafituation
prefente. Pour m'en acquitter
je monteray à cheval s'il le faut ;
il n'y a ny travail ny peril qui
puiffent m'arrefter dans une pourfaite
auffijufte & auffi neceffaire.
Fallay avant hier avec un Prévoft
dans une Eglife , où il alloit
arrefter un des principaux compli
ces qui s'y eftoit refugié , & qui
nefe vouloit point rendre ,foûte-
R iij
198 MERCURE
nu par le Proviſeur , & quiprétendoit
qu'on ne l'y pouvoit pas
prendre. Mais enfin parmes inftances
par mes fortes raifons , fe-
&
condant les Privileges du Prévost
dans une affaire de cette nature
fobtins que le criminel luy fuſt
livré , & qu'il l'oraft de l'Eglife
pour le mener en prifon. Je conte
qu'on le verra bien- toft à lapo
tence. Le Samedy fuivant , quoy
que ce fuſt un jour de Fefte , les
Fuges s'affemblerentfoir & matin.
On prit auffi ce jour- là le Pere
Maistre Lopez , Auguſtin. Al'entrée
de la nuit deux Peres Jefuires
entrerent dans la prifon pour
a
GALANT 199
confeffer les criminels , le Bourreau
y entra quelque temps aprés ;
ce qui donna lieu à toute la Ville
de demander aux Juges & aux
Magiftrats
qu'il ne fe fiftfecretement
aucune execution , & qu'on
lesfift toutes en public pourfervir
d'exemple , & pour donner cette
fatisfaction
à tous ceux qui font
fideles.LaVille
de fon chefdépêcha
un Courrier au RegidorDomfuan
Vasquez , afin qu'il rendift compte
au Royde tout ce qui eftoit arrivé,
& qu'il affuraft Sa Majesté, que
que cette Villeferoit toûjours conftante
dans fon obéiffance, fidéle
contre toutes fortes de traiftres &
Riiij
200 MERCURE
de trabifons. La nuit avant qu'on
inveftift la maifon du Receveur ,
le Religieux de la Victoire en eut
fans doute avis
doute avis , car il fortit de
Grenade , accompagné d'un autre.
Religieux & de cinq de fes compatriotes
; ils allerent à la plage
de Motril, où ils prirent par violence
une Barqué pour le fauver
à Gibraltar, & fe mettrefous la
protection du Prince d' Armstadt ,
avec qui on affure , que ce Religieux
avoit correspondance. Une
bourrafque s'éleva qui les rejetta
fur la Cofte. La Cavalerie qui
battoit la Campagne y accourut ↑
its s'enfuirent du cofté de la mon-
1
GALANT 201
tagne , ils arrivérent
à un lieu de
la coline de Ronda , qu'on appelle .
Ygualexa
, où les Habitans fur…
pris de voir ces gens ainfi armez
s'attrouperent
& lespoursuivirent
jufqu'à Ronda. Ils s'y refugierent
dans le Couvent de S. Fran
çois, &là les
on en prit quatre
, parmy
lesquels
eftoit ce malheureux
Religieux
;
je viens d'apprendre
qu'il eft arri
vé icy.
ayant enveloppez
Traduction d'une autre Lettre
du mefme , écrite auffi de
Grenade le 9. Juin.
Je vous appris la femainepaf202
MERCURE
fée , les troubles que prétendoit
exciter dans cette Ville un Religieux
de la Victoire , fcelerat in¬
figne. Il avoit mis beaucoup de
gens dans fon parti , fur tout le
Pere Maitre Lopez , Religieux
Auguſtin chauffé , qui paffoitpour
un homme de grande vertu . On
L'avoit engagé de fortir dans le
temps que la revolte feroit le plus
déclarée
, & d'aller les ruës
un Crucifix à la main , pour y
proclamer ainfi l'Archiduc. Les
Chefs de la confpiration s'affembloient
dans fa Cellule . On m'a
fait voir fecretement la plupart
des dépofitions. Ce que j'y ay vú
par
GALANY 203
de plus ridicule , c'eft que ce malheureux
Religieux de la Victoire,
&les Valenciens , fes Affociez ,
eftoient convenus de pleine autorité,
d'unediftribution d'Eveschez
en faveur des principaux Religieux
; & ils offroient des Titres
de Comtes de Marquis à des
Cordonniers , à des Charpentiers,
à des Serruriers & à d'autres de
cette efpece.
Cadix faifant aujourd'huy
l'attention de la plus grande
partie de l'Europe , je croy
vous faire plaifir en vous envoyant
trois Lettres , par leſquelles
vous apprendrez des
204 MERCURE
nouvelles certaines de cette
Place.
Extrait d'une Lettre de Cadix ,
du 10. Juin.
fe vous diray qu'on prit il y a
trois jours un batteau Valencien
qui alloit à Gibraltar , par le
moyen d'un Espagnol de Panama,
détenu en prison pour dettes , qui
écrivit à Mr du Caffe , que s'il
vouloit contribuer à fon élargiffement
, il découvriroit des
chofes de confequence
pour
l'Etat . Auffi-toft Mr du Caffe le
prit au mot , & lefit venir chez
GALANT 205
luy , où il luy découvrit tout. Mr
du Caffe commanda enfuite les
Canots du Conftant & de l'Ori
flamme pour aller s'emparer de ce
bateau Valencien , & de tout ce
qui eftoit dedans ; on y trouva un
Matelotfaifi d'une Lettre adreffée
au Prince d'Armstadt , qu'il avoit
cachée entre les femelles defes fouliers.
Cette Lettre , quoiqu'en
chiffres , fut bien-toft déchiffrée ';
lût ces mots : Le Perro
& ony
du Caffe eft dans le Pontal ,
avec quatre Navires de France .
Il marquoit enfuitefort au long
l'Artillerie , les munitions, les vivres
les troupes qui estoient ·
206 MERCURE
dans Cadix & aux
rons
comme à Ponte-Suaffo , à Porto-
Real , au Port Sainte Marie &
à Rothe; & on convient que celuy
qui avoit écrit cette Lettre
eftoit auffi-bien informé que Le
Gouverneur de la Ville , & les
Commandans de ces Poftes . Aprés
avoir déduit toutes chofes , il conclud,
qu'il ne croit pas que Cadix
puiffe eftre infultable de ce
cofté-là ; qu'il n'y avoit que le
Fort S. Sebaſtien qu'on pourroit
aifément efcalader , n'étant
pas affez pourvû de monde
, les Habitans eftant perfuadez
qu'on ne pouvoir les
GALANT 207
par
attaquer de ce cofté-là : & qu'il
* feroit le fignal de l'efcalade
trois fanaux . Celuy qui envoyoit
cette Lettre au Prince d'Armstadt,
eft un MajorEfpagnol , prifonnier
dans le Chasteau depuis deux ans,
où eftoit auffi l'Espagnol de Panama.
Cette découverte a fait beaucoup
de plaifir ; on ne laiffera
pas ce Fort dégarni. Les Galeres
arriverent icy le 7. au grand con-
-tentement de tout le monde. Je
fuis , & c.
Cette Lettre eftant dattée
du ro. de Juin , & Cadix fe
trouvant dés ce temps - là hors
d'eftat d'eftre infulté , vous de208
MERCURE
yez eftre perfuadée que cette
Place eft prefentement en état
.de fe bien défendre.
A Cadix , ce 22. Juin.
Nousfommes tous les jours icy
dans l'attente de voir paroiftre les
Anglois avec ce feu feu dont ils nous
ont fait menacer de toutes parts.
Cette Ville n'a peut- eftre jamais
efté mieux en eftat de fe bien défendre
; il y eft entré de tres bonne
Cavalerie Efpagnole , & de l'Infanterie
fuffisamment pour la bien
garnir. Toutes les Religieufes &
prefque tous les gens inutiles en
GALANT 209
font dehors ; chacun a faitfespro
vifions pour quatre mois , fans
conter celles de la Ville , qui font
tres-abondantes. Il y a tant de canons
en batteries le long des remparts
, que
l'on
peut
dire
que
ce
n'est qu'une couronne qui environne
toute la Ville ; le Gouver
neur eft tres- vigilant , & donne à
connoiftre par la maniere dont il
s'y prend qu'il a envie de fe
bien défendre. Il nous eft arrivé
ces jours paffez quatre Galeres
d'Espagne , qui ferviront à garnir
le Pontal. Enfin c'est tout vous
Dien nous délivrant dire
& que
d'aucune trahison , il est à fouhai-
Juillet 1705 .
S
210 MERCURE
le
ter que les Anglois viennent vo–
mir toute leur rage fur cette Ville;
on eft perfuadé qu'ils y échouëront
avec plus d'éclat & plus de perte
que la premiere fois , ayant efté
obligez de fe retirer quoiqu'ilsfuffent
en eftat de la prendre.
Mr noftre Gouverneur ,
jour de la Proceffion , au lieu que
l'on doit faire trois décharges felon
la coûtume , avoit fait charger à
balles toute la Garnifon étoit
fous les armes en differents Corps,
par tous les endroits où le peuple
eftoit en plus grand nombre , & la
Cavalerie faifoit fa ronde par
toutes les rues , l'épée à la main,
"
T
GALANT 211
afin de prévenir le malheur qui
auroit pu arriver en cas qu'il y
euft quelque trabifon. Ce quifurprit
beaucoup de gens qui s'allar
merent fort de cette manoeuvre
qui eftoit d'un habile homme
bien zelé pour fon Roy.
Les trois Vaiffeaux de Mr
d'Hers , qui estoient armez en
courfe , font moüillez à l'entrée de
la Baye , prefts de fuivre les ordres
de Mr du Caffe Commandant icy
la Marine . Le Rubis s'eft joint
avec eux ; quant au Maur, on a
nouvelle il y a longtemps de fon
arrivée en France.
Je ne puis rien vous dire du
S
11
212 MERCURE
les
Blocus de Gibraltar , puifque
nous n'en fçarvons rien icy , quoique
nous n'en foyons qu'à vingt
tieuës ; il y a apparence que
troupes de Cavalerie qu'on y a
laißées,feront capables d'empefcher
que la Garnifon n'infulte la campagne
, qui d'ailleurs n'est qu'un
defertjufqu'à deux lieuës pardela
les montagnes. Ainfi ils ne feroient
quefe fatiguer, quoiqu'ils lefoient
déja affez , eftant renfermez dans
un trou , où la maladie leur fait
plus de mal que nous ne leur en
avons fait. Les vivres doivent
auffi leur eſtre fort courts depuis
leur dernier convoy.
GALANT 213
Cette Lettre doit vous faire
connoiftre que non feulement
on ne craint point les ennemis
à Cadix ; mais que l'on
fouhaite même de les voir devant
cette Place , tant on cft
perfuadé qu'il n'y pourroient
paroiftre qu'à leur honte.
Voicy une Lettre de Malaga,
dans laquelle vous trouverez
encore des nouvelles de Cadix.
A Malaga le 30. Juin.
On envoye tous les jours des
Tartanes chargées de poudres
de balles d'icy à Cadix , où elles
214 MERCURE
arrivent journellementfans aucun
rifque , & il partit encore hier
au foir une Tartane Françoife
chargée de poudres pour la même
Ville , dix à douze Batteaux
à rames qui y vont pour le même
fujet. Ce font les trois Vaiſſeaux
de Mr d'Hers qui ont fervi d'ef
corte à notre artillerie de Gibraltar
pour aller à Cadix , où il ne
paroift encore aucun Vaiſſeau ennemy;
mais on me mande qu'on
y attend inceffamment l'Armée
ennemie , ayant eu´nouvelle
quatre vingt voiles avoient déja
paru fur la Corrogne allant à
Lisbonne , où est le lieu d'affemque
GALANT 215
blée , & l'on croit que de- là ils
doient aller à Cadix , d'où on
me marque qu'on est bien préparé
à les recevoir , & prefque affeuré
de les repouffer, à moins qu'il n'y
ait des faux-freres. Voilà lespropres
termes dont on fe fert dans
ma derniere lettre.
A l'égard du nombre de Troupes
qui font dans Cadix & aux
environs , je ne faurois vous le
dire , je fais pourtant que le Resgiment
de Dragons de Bouville ,
François , qui eft un fort bon Regiment
, eft dans l'Ile de Leon ,
qui n'est autre que l'Ifle de Cadix ,
du cofté de Ponte Suaſſo , & le
216 MERCURE
Contado eft un petit Village entre
fainte Marie & Porto Real , à
trois lieues de Cadix , où ily a des
Troupes ; & de la Cavalerie à
Rothe , où les Anglois defcendi
rent ily a trois ans lorfqu'ils vinrent
l'attaquer.
Nous avons avis de Grenade,
qu'on a déja executé fix perfonnes
des plus coupables de la confpira
tion , & qu'on travaille au procés
des
autres.
Nous fentimes avant hier un
furieux tremblement de terre qui
commença à une heure aprés midy,
nous eftions à table nous crumesqu'elle
alloirfe renverfer ; les
Σ
portes
GALANT 217
portes& les feneftres fe fermerent
s'ouvrirentplufieursfois d'elles
mêmes.
A l'égard du Blocus de Gibraltar,
cette place eft toûjours bien
referrée , la Garnifon en paroift
fort tranquile ; car il y a longtemps
qu'on n'a point entendu parler
qu'elle ait fait aucune fortie.
Ily a quatre jours que le bruitfe
répandit icy univerfellement que
le Prince de Darmstadt s'eftoit caffe
une jambre par une chute de cheval;
cependant je croy qu'ily apeu
fondement à faire fur une pareille
nouvelle. Il n'y a à Gibraltar ancun
Vaißeau ennemy , finon quel
Juillet 1705.
de
218 MERCURE
ques bâtimens & Corfaires qui y
paffent de temps en temps.
On vient de donner au public
les nouveaux Elemens de Geometrie
de Monfeigneur le Duc de
Bourgogne. Il n'y a perfonne qui
ne foit furpris d'apprendre , en
lifant cet ouvrage , qu'il n'eft
le fruit des études de ce
que
Prince , qui prenoit foin de
rediger par écrit le précis des
leçons que M de Malezieu
lui faifoit fur les Mathematiques
, aprés que ces leçons
eftoient finies ; mais l'étonnement
ceffera lorfqu'on ſe ſouviendra
que le caractere d'efprit
GALANT 219
de Monfeigneur le Duc de
Bourgogne , porté de luy- même
aux plus hautes meditations
, & fa curiofité naturelle
pour les fciences les plus
élévécs & les plus abftraites ,
l'ont toûjours rendu fuperieur
aux matieres qui faifoient
l'objet de fon attention . En
effet ce Prince pendant le
cours de fes études des Ma
thematiqués
, qui occupent
fouvent la vie des plus
grands hommes , ne trouvoit
point de difficultez qui l'arrê
taffent. Il n'avoit pas befoin de
les creufer pour les fixer da-
•
Tij
220 MERCURE
vantage , il les dévoroit , & il
voyoit ordinairement d'un coup
d'oeil le noeud de la queſtion
;
mais fouvent emporté par la
facilité qu'il avoit à les penetrer,
au de-là de ce qui luy eftoit
propofé , M' de Malezieu avoit
plus de peine à le retenir dans
fes bornes de la difficulté
, que
les autres n'en ont à y faire
entrer leurs difciples. C'eft ce
qui determina cet habile Geo-
-metre de propofer à Monſeigneur
le Duc de Bourgogne ,
d'écrire de fa main , au commencement
d'une leçon , ce qui
luy avoit efté enfeigné le jour
4
U
GALANT 221
par
précedent ; afin que repaffant
ordre l'enchaînement des
veritez Geometriques , il fixât
fon efprit , & en moderaft le
feu extraordinaire . Cette me
thode eut un grand fuccés ; ce
Prince en fix mois de temps
forma l'habitude de parler des
plus hautes matieres de la Geometrie
, avec la même facilité
de ceux qui ne l'ont acquife
qu'aprés trente our quarante
ans de travail . Mais ce qu'il
ya de plus étonnant dans le
progrés des études de Monfeigneur
le Duc de Bourgogne,
'n'eſt la facilité feule qu'il
pas
T iij
222 MERCURE
2
eut à penetrer les principes
d'une fcience auffi abftraite
que la Geometrie , & d'en tirer
fans peine les confequences,
mais la netteté & la préciſion
avec lefquelles il redigeoit feul
& fur le champ ces mêmes
principes & ces mêmes confequences
; il s'en faifoit une
methode particuliere que les
plus grands maiftres pourroient
avouer & faire fuivre avec confiance
à leurs difciples , comme
une route feure pour entrer
dans les fecrets de cette fcience
fublime.
Je dois ajoûter icy , que lorfGALANT
223
que Monfeigneur le Duc de
Bourgogne a fait cet Ouvrage ,
ce Prince ne penfoit rien moins
qu'à l'impreffion
, & que s'il
euft crû qu'il euft dû eſtre mis
un jour fous la preffe , il l'au
roit peut-eltre travaillé avec
plus de foin ; cependant ce
livre s'eft trouvé auffi parfait ,
que s'il eftoit forti de la plume
d'un de ces auteurs feveres qui
ne ſe pardonnent rien , & qui
s'appliquent le plus à bien chârier
leur ftyle .
a Il feroit à fouhaiter que ceux
qui ont dirigé les autres études
de Monſeigneur
le Duc de
T
iiij
224 MERCURE
Bourgogne , cuffent eu la même
attention pour les productions
qui font forties de fes
mains , que M de Malezieu a
eu pour celle qui fait le fond
de cet Ouvrage , on pourroit
cfperer de voir bien- toft des
chefs d'oeuvres en pluſieurs
genres de litterature. Peut-être
que l'exemple de cet habile
maître en excitera quelques au
tres à enrichir le public des
trefors qu'ils ont cachez jufqu'à
prefent dans l'obſcurité
du cabinct ; & que comme
M ' de Malezieu n'a pas voulu
fruftrer les favans du fruit des
GALANT 225
pour
études d'un Prince qui eft né
la felicité de tant de peuples
, ils leur feront auffi quelque
jour part des progrés que
ce Prince a faits dans les autres
fciences.
Il feroit difficile, ainsi que M
Boiffiere le fait voir , de louer
en cette occafion Monſeigneur
le Duc de Bourgogne , fans
qu'une partie de l'éloge tombaft
fur M' de Malezicu , fon
illuftre maître de Mathemati
ques ; les progrés du difciple
dit-il , prouvent neceffairement
icy la fuperiorité & l'élevation
du genie du maître. C'eſt une
و
226 MERCURE
louange que je luy donne aprés
le Roy, qui en le choififlant en
1696. pour cet employ luy
fit l'honneur de luy dire : Que
s'il euft connu quelqu'un plus propre
que luy à conduire un efprit
auffi élevé & auffi penetrant que
celuy de Monfieur le Duc de
Bourgogne , il n'auroit pas jetté
les yeuxfur luy, qui fe trouvoit
chargé de tout le détail des affaires
de Monfieur le Duc de Mayne.
Aprés un témoignage fi glorieux
à M' de Malezieu , perfonne
ne doit fe mêler de le
loüer ; & chacun doit garder
un filence plein d'admiration
1
GALANT 227
pour les hautes qualitez de fon
efprit.
blé
par
Cet Ouvrage a efté raffem
M' Boiffiere, Directeur
de la Bibliotheque de Mr le
Duc du Mayne ; il l'a dédié à
Monſeigneur le Duc de Bourgogne
, perfuadé , dit- il , Qu'il
eftoit jufte qu'il retournaſt dans
les mains dont il eft forti , & qu'il
appartient legitimement à ce Prince.
Mr Boiffiere fait voir d'une
maniere fort ingenieufe
, que
chacun fe fera honneur à l'avenir
de prendre des leçons
d'un maître , qui joint à la plus
augufte naiffance du monde ,
228 MERCURE
1
le genie le plus heureux ; &
qu'il n'y a point de favans dans
les Mathematiques, qui ne foit
ravi de pouvoir fe vanter un
jour , qu'il doit aux premieres
inftructions de Monfeigneur le
Duc de Bourgogne , les pro
grés qu'il y aura faits . Vous
pouvez juger par ces deux
ou trois traits , de la delicateffe
de l'efprit de M , Boiffiere ,
dont l'épître dedicatoire a efté
trouvée tres-belle. Il eft temps
de parler de l'Ouvrage. ou in
Le fonds de ces Elemens ,
à peu de chofe prés , eſt affez
femblable à ceux du celebre
2
GALANT 229
M' Arnauld , & c'eft fur ceuxcy
que Mr de Malezieu s'eft
arrefté , préferablement à tous
ceux qui ont paru jufqu'à prefent
, pour former le plan de
ceux de Monſeigneur le Duc
de Bourgogne ; il les a jugez
plus utiles que ceux d'Euclide ,
tant par rapport à leur fecondité,
que par rapport à leur clarté
& à leur précifion. Il en a retranché
quelques propofitions
qui ne paroiffoient pas d'un
grand ufage ; & il y en a ajoûté
quelques autres dont l'utilité
eft fenfible , telles que font la
Trigonometrie,& la conſtruction
230 MERCURE
des tables de Sinus . Il a auffi donné
une favante explication des
élemens des Solides. Enfin Mr
de Malezieu de fon chef, & par
la fecondité de fon efprit , ou
par l'ufage qu'il a fait des régles
de M' Arnauld , un des plus
grands Geometres fans contredit
du dernier fiecle , n'a rien
omis de ce qu'il a crû propre
à ouvrir l'entrée de ces grandes
veritez , dont la découverte
demande le plus grand effort
de l'efprit humain.
Cet Ouvrage eft divifé en
dix livres. Il commence
par des
définitions & des demandes , &
GALANT 231
par
des axiomes . Perfonne
n'ignore qne c'eft là la metho
de des Geometres , & que c'eft
la voye la plus courte & la plus
feure dont on puiffe fe fervir
dans l'ufage des hautes fciences
. On trouve enfuite un abregé
de l'Arithmetique par lettres
; cette efpece d'Arithmeti
que convient à toutes fortes
de grandeurs , foit nombres ,
lignes , ou mouvemens. Aprés
cette efpece de prélude , on
entre dans la matiere des livres .
Le premier traite des perpendiculaires
& des obliques. Je
voudrois les pouvoir tous par232
MERCURE
courir , vous verriez combien
la methode de Mr de Malezieu
eft feure , & avec quelle facilité
Monfeigneur le Duc de Bourgogney
eft entré; je dois cependant
vous dire quelque chofe du
fecond & du fixiéme Livre. Le
fecond traite des Paralleles ; on
examine une proprieté des lignes
droites , oppoſée à celle
qui a efté examinée dans le
premier Livre. On a confideré
dans celui- ci une des propriétez
de ces lignes , qui confifte
à fe rencontrer perpendiculairement
ou obliquement ; &
la proprieté oppofée qui fait la
GALANT
233
matiere du fecond Livre , eft
de ne fe rencontrer jamais.
Cette verité eft démontrée dans
quatre propofitions. Le fixiéme
Livre traite des proportions ;
-on y examine ce que c'eft que
raifon ; ce que c'eft que raifon
de nombre à nombre, ou fourde;
ce que c'est que proportion ,
moyens , extrêmes. On y fait
voir que la plus importante
proprieté de cette proportion
qu'on appelle par excellence
proportion Geometrique , c'est que
le produit des extrêmes eft toû
jours égal au produit des
moyens ; & pour le démontrer
Juillet 1705.
V
234 MERCURE
d'une maniere univerfelle , on
rapporte plufieurs exemples.
C'est au fujet de cette proprieté
que Madame la Ducheffe du
Mayne , aprés l'avoir meditée
un demi-jour , trouva une démonftration
qui parut juſte aux
plus habiles Geometres ; cette
Princeffe n'ayant encore que
quinze ans,avoit déja beaucoup
de goût pour les belles Lettres
& pour les Sciences les plus
élevées. M' de Malezieu l'entretenoit
tous les jours pendant
deux heures ; & quand la
Cour eftoit à Marly , il avoit
ordre d'y aller de deux jours
GALANT 235
l'un , Dans un des voyages qu'il
y fit , cette Princeffe voulut
apprendrel'Arithmetique, pour
s'ouvrir une voye aux Sciences
abftraites . La régle de trois luy
donna l'envie d'en fçavoir le
fondement ; M de Malezieu
luy dit fimplement , que c'étoit
une fuite de la proprieté de la
proportion Geometrique, dont
il luy donna fur le champ un
exemple fur les quatre nombres
fuivans , 3 , 4 , 6 , 8 , en
1 luy faifant remarquer que lorfque
quatre nombres quelconques
avoient entre eux ce rappott
, le produit des extrêmes
V ij
236 MERCURE
eftoit toûjours égal au produit
des moyens. Cette ſimple explication
ne fit qu'augmenter
la curiofité de la Princeffe , elle
voulut fçavoir la raiſonde cette
proprieté. M' de Malezieu luy
répondit qu'il n'eftoit pas encore
tenus de luy découvrir ce
myftere , & que cette démonftration
eftoit la fuite d'autres
principes qu'elle ne pouvoit
apprendre que fucceffivement ..
Mais fon étonnement fut
grand , lorfqu'il reçût le lendemain
matin un billet de Madame
la Ducheffe du Mayne ,
qui luy écrivoit de venir dans
GALANT 237
L
le moment examiner avec elle
fi les reflexions qu'elle avoit
faites fur cette proprieté, pouvoient
fervir à la démontrer.
Son étonnement redoubla ,
lorfqu'il vit que cette jeune
Princefle avoit démêlé le fonds
de la démonftration , & l'avoit
mife dans une évidence plus
grande que tout ce qu'il avoit
vû jufqu'alors fur ce fujet.
Cette démonftration eft trop
belle & trop bien démêléc
n'en pas parler icy.
pour
- Fe confidere les quatre nombres
ceft la Princeffe qui parle )
4,4,3,6 ; qui font en proportion ,
238 MERCURE
i
parce que le premier eft la moitié
du fecond , comme le troifiéme eft
la moitié du quatriéme
; & je
veux trouver pourquoy le produit
de 2. par 6. est égal au produit
de 4. par 3 .
Pour
fi je multipliois
cela je vois d'abord , que
2. par 6. ce produit
qui eft le produit des extrémes
, doit eftre double du produit
de 2. par 3. parce que 6. eſt double
de 3.
Mais fi au lieu de prendre ce
produit de z . par 3 , ou 3. par 2,
qui n'eft que la moitié du produit
(des extrêmes , je m' dvife de prendre
le produit de 3. par 4 ; il fanGALANT
239
2
3:
dra bien que ce produit de 3. par
4 ,foit double du produit de 3.par
, puifque 4. eft le double de 2 ,
de même que 6. eft le double de
donc le produit de 3. par 45 eftant
double du produit de 3. par 2 ,
qui n'est que la moitié du produit
des extrêmes , ce produit de 3. par
4, fera neceffairement
égal au produit
des extrêmes ; c'est-à- dire, que
le produit des extrêmes fera égal
au produit des moyens.
Ceux qui font un peu
fur les principes de la Geometrie
, connoiftront fans peine
que cette merveilleufe
démonftration
, qui fans contredit
forts
240 MERCURE
donne
rang à Madame
la Ducheffe
du Mayne
parmi
les Sçavans
du premier
ordre
, revient
à la
démonſtration
generale
que l'on donne
ordinairement
par lettres
. M' de Malczieu
prouve
parfaitement
cette
conformité
, en rapprochant
les
quatre
nombres
2,4 , :: 3,6 ,
que la Princeffe
avoit
choifis
,
des quatre
lettres
A, B, :: C,D,
qui font le fonds
de la démonftration
de
Monfeigneur
le
Duc de
Bourgogne.
Madame la Ducheffe du
Mayne ne pouvoit donner une
marque plus certaine de l'élevation
GALANT 241
vation de ſon eſprit , qu'en
démontrant cette proprieté ;
& que n'en doit-on pas conclure
aprés cette découverte ,
qui auroit peut- eftre coûté aux
plus habiles Geometres plu-
Lieurs mois de meditation ?
On trouve à la fin du dixiéme
livre une excellente methode
du Pere Guildin par le
centre de gravité. Le traité de
Trigonometrie qui fuit , eft
un excellent morceau ; on y
donne la methode de plufieurs
mefures differentes . Le Livre
entier eft terminé par une addition
de cinq problêmes
Juillet 1705 .
X
242 MERCURE
d'Arithmetique
& de deux de
Geometrie qui fervent à
prouver l'utilité de la fpecieufe
& la facilité qu'elle donne pour
refoudre des propoſitions
, à
l'égard defquelles les methodes
ordinaires feroient certainement
inſuffiſantes . Il s'agit
dans le premier problême de
trouver trois nombres ; tels
que la difference des quarrez de
deux pris comme on voudra,
ajoûtée au folide des trois , faſſe
toûjours un quarré ; & que la
fomme des trois differences
Majoûtée au meſine folide , faffe
encore un quarré , & que les
GALANT 243
nombres foient en proportion
Arithmetique
. Au reſte , on
avertit dans ce volume , que les
cinq problêmes , dont celui - ci
cft le premier , ont efté la plufpart
inventez & refolus par un
jeune homme de 13.à 14. ans,
& qu'ainfi la difficulté n'eft pas
fi grande qu'elle paroiſt d'a-
Ford M' Pafcal qui eft ce jeune
homme ,fit dans ce mefme tems
un ouvrage de Mathematique
,
des plus forts qui aïent paru
depuis un grand nombre d'années.
Il avoit appris la Geometrie
n'eftant agé que de
douze ans , & n'en ayant que
1 X ij
244 MERCURE
2
vingt- trois ,il inventa la fameufe
Roulette cette machine
d'Arithmetique
qui a longtems
fait l'admiration de tous
les Geometres
de l'Europe
.
Les Elemens de Geometrie
dont je vous viens de parler ,
font in 4° . Ils ont efté imprimez
à Trévoux , dont l'Imprimerie
fournit depuis quelques années
de fi beaux ouvrages , & ficorrects
; & ils fe vendent à Paris ,
chez Jean Boudot, Imprimeur
ordinaire du Roy & de l'Academie
Royale des Sciences ,
ruë S. Jacques , au Soleil d'or.
Je ne fuis point furpris que
GALANT 245
ceux de voſtre Province qui ont
lú la lettre de Toulouſe touhant
la guerifon des Cataractes,
fans mettre aucun remède dans
les yeux,ayent efté ravis de trouver
cette lettre, & que même le
nombre de ceux à qui elle a fait
plaiſir ſoit fort grand . Il ne faut
pas s'en étonner , puifque bien
que l'on entende peu parler de
Cataractes , une infinité de
gens font attaquez de ce mal ;
mais comme la plupart de ceux
qui ont des maux qui ne peuvent
eftre gueris fans operation,
ne paroiffent prefque pas
malades , & que plufieurs va-
X
iij
246 MERCURE
quent à leurs affaires , on n'eſt
informé du grand nombre de
ces fortes de malades que quand
l'on eft attaqué du mefme mal .
C'eft alors qu'on en découvre
une infinité , & qu'on apprend
des chofes tres- importantes
touchant les maux dont on eft
attaqué. La Lettre de Toulouſe
a fait plaifir à tous ceux qui
l'ont lûë , & qui ont des Cataractes
; parce que c'eſt un fait
conftant dans toutes les Facultez
de Medecine , & bien établi
parmi les plus habiles Medecins
oculiftes , que loin que les
Cataractes puiſſent eſtre gueGALANT
247
ties en mettant des remedes
dans les yeux , on n'y en peut
mettre aucuns fans rifquer de
devenir aveugle , & fans qu'ils
empêchent que les operations
foient heureufes
, parce que ces
remedes ou brûlent les Cata→
ractes & font perdre la vûë ,
ou les amoliffent , ou les duren
forte
trop ,
operations ne peuvent réuffir .
Ainfi lorsqu'on eft attaqué de
će mal , il faut attendre qu'il
foit meur pour y chercher du
reinedé par le moyen de l'ope
ration . Rien ne paroift d'abord
feur & fi aifé que cette
ciffent
que
les
cette ope-
X iiij
248 MERCURE
ration ,
&
& il
#
y a peu de Cata
*
ractes qui ne foient abatuës
heureuſement
; ce qui fait que
l'on crie Victoire , auffi - toft
aprés que l'operation eſt finie.
Cependant de vingt- cinq ope
rations , à peine en peut- on
trouver cinq , fans que les Cataractes
remontent , ou que les
Aluxions qui furviennent aprés
les operations , caufent la mort
à ceux à qui elles ont efté faicomme
on voit dans la
Lettre de Toulouſe qu'il eft
arrivé au Confeffeur des Religieufes
Malthéfes , qu'une fluxion
a fait mourir aprés l'opetes
GALANT* ' 249
bien
ration, quoiqu'il fe portaft fort
auparavant : ce qui l'empêcha
de croire ceux qui luy
prédirent la mort en le vou
lant détourner de fe faire faire
l'operation. Voilà ce qui re
garde les fluxions qui furvien
nent quelquesfois à ceux à qui
les operations ont efté faites ;
& voicy pourquoy preſque
toutes les Cataractes remontent.
L'operation conſiſte à
percer
la cornéc avec une éguille
, enfuite on tourne autour
de cette éguille la Cataracte ,
qui n'eft autre chofe qu'une
peau qui s'eft formée , & qui
250 MERCURE
couvre le rayon viſuel ; on l'abaiffe
enfuite au bas de l'oeil , où
on la laiffe , & on retire enſuite
l'éguille.Les chofes eſtant en cet
état, il y a beaucoup à craindre
pendant quinze jours que les
Cataractes ne remontent, puifqu'il
ne faut pour la faire remonter
qu'un éternuement un
peu fort, une toux violente , ou
un foûlevement de coeur qui
excite l'envie de vomir ; & com→
me il eft difficile de remedier à
toutes ces chofes qui font involontaires
, il eft prefque impoffible
d'empêcher que la
plupart des Cataractes ne reGALANT
251
montent , & quand elles font
remontées , l'operation devient
tres- difficile, parce qu'elles
n'ont plus la même confiſtance .
Il y en a quelques fois d'un pcu
déchirées , qui laiffent feulement
voir la lumiere par quelques
ouvertures ; mais cela eft
fi peu confiderable & fi rare
qu'on y doit faire peu d'attention.
Outre tous ces accidens
qui font à craindre , & dont
ceux qui font les operations
ne font pas caufe , il en arrive
auffi quelques fois de leur part,
& toutes les operations ne font
252 MERCURE
pas toujours bien faites . Vous
ne devez pas vous étonner fi
je fuis fi bien informé de toutes
ces chofes , ayant depuis
deux ans & demi deux Cata-
-ractes qui depuis une année
m'empefchent d'écrire & de
lire : ce qui m'a obligé de confulter
les plus habiles Medecins
& Oculiſtes, ainfi que ceux
qui ont le plus de réputation
- pour abatre les Cataractes ; je
n'en fuis pas demeuré là , j'ay
vû une infinité de gens affligez
de ce mal depuis un grand
nombre d'années , qui ont enGALANT
253
voyé avec beaucoup de foin
des Medecins & des Chirurgiens
avec des perfonnes de
confiance pour cftre témoins
de plufieurs operations, & qui
fuivant le rapport qu'on leur
en a fait & ce qu'ils ont appris
des fuites fâcheufes de la plûpart
de ces operations , n'ont
ofé s'expofer à ces rifques. J'ay
oublié de vous dire , qu'on ne
peut que tres difficillement faire
l'operation à l'oeil droit ,
parce qu'il faut que celuy qui
la fait travaille de la main gauche.
Comme il n'y a point
douter que tout ce que je vous
à
254 MERCURE
viens de dire ne foit veritable ,
ayant eſté rapporté en divers
temps par plufieurs perfonnes
differentes & dignes de foy ,
dont la plufpart ont eſté témoins
oculaires ; vous ne devez
pas
cftre ſurpriſe ſi la Lettre
de Toulouſe a fait tant de
plaifir & tant d'impreffion fur
des perfonnes qui ont des Cataractes
, puifqu'on y trouve
des moyens de les guerir fans
mettre aucuns remedes dans les
yeux, & fans faire d'operation ,
& qu'elle a cité écrite par M
l'Abbé Saget , Conſeiller au Parlement
de Touloufe qui eft tresGALANT
255
&
digne de foy, & quia heureufement
éprouvé le remede dont il
parle , & qu'il a bien voulu donner
au public,tel qu'il fe trouve
dans ma Lettre du mois der
nier . Je dois ajouſter icy, que
M'l'Abbé de Camps , homme
d'une grande diftinction ,
connu de toute la France
ayant une Cataracte remontée
aprés l'operation , & ne voyant
plus de l'oeil qui eft attaqué de
ce mal , fe fert depuis fix mois
de ce remede , & commence à
voir un peu . Je dois encore
ajouſter icy , pour faire plaifir
à vos amis , que le fameux M
256 MERCURE
de Rouviere , Apoticaire des
Camps & Armées du Roy , &
de la petite Ecurie de Sa Majefté
, & fi connu par la Theriaque
qu'il a faite devant M
de la Reynie & devant M' d'Argenfon
, Lieutenans Generaux
de Police , & en prefence de
M" de la Faculté , & des Maitres
& Gardes-Apoticaires, diftribue
la poudre de Cloportes
dont je viens de vous parler, &
qu'il y a beaucoup d'empreffement
d'en avoir , parce qu'on
eſt perſuadé de ſes ſoins & de
fon exactitude pour la préparation
des remedes , & qu'on
GALANT 257
prend ceux qui fortent de chez
luy avec moins de dégouft , à
caufe de la grande propreté
qui s'y trouve. Je croy que le
public prendra foin de me faire
avertir des progrés que ce remede
fera , & comme de mon
cofté j'informeray de fes progrés
ceux qui ne les fçauront
pas , je croy que dans ſept ou
huit mois on fçaura au jufte
tout ce qu'on en peut efperer.
Vous avez oui parler d'une
prétendue confpiration qui ſe
tramoit , difoit- on , à Badajoz.
Voicy de quelle maniere la
Juillet 1705.
Y
258 MERCURE
chofe s'eft paffée. Un deferteur
de la Cavalerie Eſpagnole qui
s'étoit laffé d'eftre parmi les
ennemis , deferta encore une
fois , & eftant de retour , demanda
à parler à M³ le Mar→
quis de Bay , Capitaine General
des troupes d'Espagne ; il dit
ce Marquis que s'il vouloit
luy obtenir fa grace , il luy
declareroit des chofes de confequence.
Ce Marquis luy promit
qu'il feroit recompenfe, au
lieu d'eftre puni, fi ce qu'il diroit
eftoit important, & que tout fe
trouvaft veritable. Ce deferteur
affeura qu'un Colonel EfGALANT
259
pagnol , nommé Dom Louis
Fernandez de Cordova, luy avoit
donné un paquet avec des
Lettres pour l'Amirante . Ce
Colonel ayant efté arrefté fur
cette declaration , on mit tout
en ufage pour le convaincre.
Ce malheureux deferteur affuratoûjours
fortement ce qu'il
avoit dit ; mais on découvrit
que c'eftoit un fcelerat & qu'il
avoit déferté plufieurs fois. Ce
qui fut caufe qu'on luy fit fon
procés , & que les crimes dont
il fut accufé le firent condamner
à mort , on luy prononça
fa fentence , & on le mena au I
Y
ij
260 MERCURE
gibet. Mais eſtant au pied de la
potenece , & voyant qu'il ne
pouvoit plus efperer de grace,
il declara qu'il n'y avoit rien de
vray dans la dépofition qu'il
avoit fait contre Dom Loüis
Fernandez de Cordova, qu'il ne
luy avoit jamais donné ny paquet
ny lettre ,&qu'il n'avoit eu
aucune efpece de commiſſion
pour l'Amirante : & qu'il n'avoit
eu recours à cette ſuppofition
que pour obtenir quelque
recompenfe avec fa grace.
Sa fentence ayant efté executée,
on mit en liberté ce Colonel ,
qui vit rétablir avec éclat le tort
Į
261 GALANT
qu'on faifoit à fon honneur &
à fa gloire . C'eſt un homme de
naiffance & d'un vray merite,
qui s'eft acquis beaucoup d'ef
time par fon zele , par fa valeur
& par fa fidelité au fervice de
fon Roy
.
qui
Quant à la confpirationde
Grenade , on y a déja executé
fix Complices du Pere Sanchez,
& de fon
compagnon
,
font unDiftilateur ouChimiſte,
deux Savetiers , un Tailleur ,
Fourbiffeur , & un Libraire.
Ils n'eftoient tous entrez dans
cette confpiration , que par ce
qu'on leur avoit non feulement
un
262 MERCURE
promis de grandes recompenfes
en argent , mais qu'on devoit
auffi leur donner des Titres de
Comtes & de Marquis . On a
transferé le Pere Sanchez , &
trois feculiers de fes complices,
de Grenade à Madrid , où tout
le peuple fait voir plus que
jamais l'attachement inviolable
qu'il a pour Philippe V. fon legitime
fouverain.
Le feu ayant pris par un pur
hazard à Madrid, à l'Hôtel de
M Amelot , Ambaff deur de
France , le peuple y accourut
auffi- toft pour creind e ce feu ;
& les perfonnes de diftinction
GALANT 263
:
de tout âge & de tout fexe
s'emprefferent à donner des ordres
fur le mefme fujet de
maniere que lefeu fut bien- tôt
éteint , fans avoir fait aucun
progrés . Il fcroit difficile d'exprimer
combien M' Amelot eft
eftimé & aimé de la Cour & de
la Ville , qui trouvent en ce
Miniftre toutes les qualitez
neceffaires pour bien réuffir
dans les chofes qui font le principal
fujet de fon Ambaſſade.
Il y a un fi grand nombre
d'Officiers de Marine en France
; qu'à peine y a t- on fait
une promotion de plus de 150 .
"
264 MERCURE
Officiers , qu'on apprend peu
de jours aprés , qu'il y a déja
quelques places vacantes ; c'eſt
pourquoy , bien que la derniere
promotion ait eflé nombreuſe,
& qu'il n'y ait guére plus de
deux mois qu'elle a efté faite ,
on vient de faire le remplacement
fuivant.
Commiffaire General d'Artillerie
.
M de Grand Pré Capitaine de
Vaiffeau ..
Major.
M' le Chevalier de Camilly ,
Capitaine de Fregate..
Aide
GALANT 265
Aide-Major.
M'd'Eftapes , Enfeigne de Vaif
feau .
Enſeignes de Vaiffeaux.
Compagnie
de Breft.
M'de Launay Gravé, Brigadier.
M'Paillart - de- Fretetot, Souf
brigadies.
M' Desbois.
Compagnie de Rochefort.
M' de Talence- Caumont , Soufbrigadier
.
M de Beauharnois- de-Beauville,
Garde-Marine.
Compagnie de Toulon
M' le Chevalier de Felnis Souf
brigadier.
Juillet 1705.
Z
266. MERCURE
M' de Mandelot.
M' de Marthon, Garde- Marine . I
Sous lieutenans d'Artillerie.
M' Pillart, nommé Lieutenant
de Fregate
.
M' du Pin- de - Beligard. •
Aydes d'Artillerie
.
M' de Belloy.... Garde de la
Compagnie de Toulon .
M Helyor . Garde de la
Compagnie de Breft.
M' Therefien.
On a nommé dans le même
tems M ' de Silvacane, pour une
année feulement , Intendant
General de la Marine .
re
M Jean-Baptiste le Feron ,
GALANT 267
Chevalier , Seigneur du Pleſſis,
Maître des Comptes & Grand
Maître des Eaux & Forefts "de
France mourut à la fin du
mois de Juin dernier . Je vous
ay parlé plufieurs fois de la
Maifon de M" le Feron , elle
eft anciene dans la Robe , &
elle eft connue dans le Parlement
de Paris depuis le commencement
du feiziéme fiècle;
elle a produit d'excellens Avocats
, qui ont efté dans leur
tems l'ornement du Barreau ,
& dont les ouvrages fur les
Droits de la Couronne de nos
Rois, ont immortalifé les noms.
Zij
268 MERCURE
La Maifon de le Feron eft al
liée à celle de Porier- Novion,
le Coq , Briçonnet , le Jay ,
Bochart , & à plufieurs autres
de confideration. M' le Feron
qui vient de mourir eftoit trescftimé
dans fa Chambre , & il
eftoit fort appliqué à fes de-
3
voirs. Il eftoit d'ailleurs Homme
de Lettres , & il les avoit
cultivées toute la vie ; l'amour
des Sciences fembloit hereditaire
dans la Maiſon.
re
Dame Elizabeth Blondeau,
Veuve de Mr Anne de Fieubet
S de Launac , Maître des Requeftes
, mourut fur la fin du
GALANT 269
mefine mois , elle n'a furvécu
que trois mois à fon Epoux,
qui mourut dans le mois de
Mars dernier. Je vous parlay
dece Magiftrat , & de la Maifon
dont il fortoit , lorfque je
vous appris fa mort ; il efton
Fils d'un celebre Premier Prefi
dent du Parlement de Toulous
fe. Son époufe qui vient de
eftoit fortie d'une mourir
bonne & ancienne famille de
Paris , le nom de Blondeau y eft
connu depuis long- temps. Le
feiziéme frece produifit plufieurs
perfonnes de ce nom- là ,
qui faifoient profefſion d'une
Z iij
270 MERCURE
grande piété. Peu de tems aprés
la Reforme que le Pere de Barci
introduifit dans l'Ordre de
S.
François par l'établiffement
des Capucins
, il y eut un Lazare
Blondeau
qui embraffa
ce
nouvel
Inftitut
, & qui fut bientoft
connu dans le monde par
les grands
fruits qu'il y fit par
fes predications
; on l'appelloit
dans ce temps-là le Tonnerre
de
la Verité, parce qu'il la difoit
hardiment
.
I
Le Mécredi 15 ° Juillet , le
fils aîné de feu M' le Prefident
Thorigny - Lambert , foûtint
des Thefes generales de
de
GALANT 271
Philofophie au College de
-Louis le Grand ; tous les Prelats
de l'Affemblée du Clergé
y affifterent , & le Soûtenant y
fut generalement admiré.
Le Mécredi 22 du même
-mois , M' l'Abbé de la Vieuxville,
fils de feu M' de la Vieuxville
, Maître des Requeftes &
Secretaire des Commandemens
de Madame la Ducheffe de
Bourgogne , foûtint fa Theſe
-de Tentative en Sorbonne, M
1 Evêque d'Angers y préfidoit :
Meffieurs de l'Affemblée du
Clergé y affifterent , avec un
-tres-grand nombre des princi-
Z
iiij
272 MERCURE
paux Officiers des Cours Superieures
. M' l'Abbé de la Vieuxville
demeure dans le Seminaire
de S. Sulpice , on peut juger
par- là que cet Abbé mene une
vie tres- reguliere.
M l'Abbé Decotte , Cha
noine de Nôtre Dame de Paris ,
fils de M' Decotte , Intendant
des Bâtimens du Roy , & neveu
de M Manfard , foûtint
des Thefes de Philofophie dans
le College de la Marche le Samedy
25 Juillet. La planche
qui eftoit parfaitement belle, &
qui reprefentoit le Serpent d'airain
, avoit pour titre Saluti liGALANT
273
gno pendenti. Le Soûtenant fut
admiré , il répondit avec beau
coup de prefence d'efprit &
une grande jufteffe . Il ouvrit
la Thefe
par un difcours qu'il
prononça de fort bonne gra
ce ; il regardoit l'utilité de la
Logique pour la connoiffance
des autres fciences , & la neceffité
de la Morale pour la
conduite
de la vie. Il fit entrer
dans ce difcours un éloge de
M'le Cardinal de Noailles , &
y raporta quelques traits de
la Harangue
que ce Prelat a
fait au Roy, à la tête de l'Af
femblée du Clergé , & dont je
il
274 MERCURE
vous ay déja parlé . M ' de Rohan-
Chabot , fils de M' le Duc
de Rohan , fit l'ouverture de la
Thefe , & avant de propofer
fes difficultez , il fit un compli
ment au Soûtenant , dans lequel
il fit entrer l'éloge de M²
Minfard , Surintendant des Bâtimens
qui eftoit prefent , &
celui de feu M' Manfard fon
oncle. M' le Duc de Rohan fe
trouva des premiers à cette
Thefe ; M 1 Evêque de Challon
fur Saone , celuy d'Arras,
M' l'Archevêque d Arles , &
M'l'Evêque de Blois eftoient à
l'ouverture de la Thefe , dont
+
GALANT 275
M Manfard , M' de Sagone
fon fils , Confeiller au Parlement
, & M' Decotte pere du
Soûtenant , faifoient les honneurs
. L'Affemblée fut tresbelle
& tres- nombreuſe . Mr
Mallement, ancien Recteur de
l'Univerfité , & Licentié de Sorbonne
, qui eft Profeffeur de
Philofophie au College de la
Marche préfidoit à cetteTheſe .
M° Pringy , connuë dans
le monde par l'élevation de fon
efprit , & par les ouvrages.
qu'elle a fait imprimer , vient
de donner au public la vie du
Pere Bourdaloue ; vous avez
276 MERCURE
deja vu dans une demes Lettres
un éloge de ce Pore , fait aprés
fa mort par cette Dame. On
voit dans cette vie, que le Pere
Bourdaloue eftoit né à Bourges
le 20. Aouft 16 32 ; que
Ton pere y eft mort Doyen du
Prefidial , & que fa foeur uni
que avoit époufé M' de Chamillart-
Villate , frere cadet de
M' de Chamillart , Maître des
Requeftes , & Intendant en
baffe Normandie , pere de M
le Controlleur General . On
connoilt par là , que
, que le Pore
Bourdaloue eftoit oncle de M
te Preſident de Chamillart , &
GALANT 277
་
des Peres de Chamillart Jefui
tes. On voit encore dans cette
Vie , que le Pere Bourdaloue,
avoit efté chargé de l'éducation
de feu Mr de Louvois , &
qu'il ne quitta cet employ ,
dont il s'acquitoit dignement
& prudemment , que pour entrer
dans la Carriere de l'Apoftolat.
Feuë S. A. R. Mademoifelle
, fut des premieres à
le faire connoître ; fes Superieurs
l'avoient envoyé, à la
Ville d'Eu , où cette Princeſſe
connut tout fon merite , & où
elle commença à l'honorer de
fa confiance. En parlant du ta278
MERCURE
lent qu'il avoit pour la condui
te des ames , on le repreſente
comme un homme qui n'avoit
nul des défauts des Directeurs.
Il eftoitfans intereft , fans ambition
, fans curiofité , fans politique
, fans égards , que ceux d'une
charité noblement exercée . Voici
par où M° de Pringy finit ſon
ouvrage. Le dernier trait de fon
éloquence dans ce miniftere faint
de la Prédication ) parut à la
folennité des Noces d'une Epoufe
de Fefus - Chrift ( Mademoiſelle
des Touches. ) Ce fut là qu'il
prefenta à Dieu cette Victime de
fon amour , & qu'il devint luys
GALANY 279
même laVictinie du Sacrifice . Ce
fut par- là qu'il acheva le terme
glorieux defa Miffion. Ce fut là
que fon zele pour le falut d'une
are luy faifant oublier lefoin de
fon corps , il s'échauffa ; & toute
la force de l'Art neput rien contre
la nature affoiblie. Il connut dés
commencement
defa maladie ,
quel en eftoit le danger ; & il confentit
de bon coeur à rompre ſa
chaîne : la mort eſtant la porte
de la gloire des Fuftes , ilfut ravi
de la voir ouverte pour luy. Il
oublia la terre avant que de l'abandonner.
Il fut fans coffe en
Ommerce avec Jofus- Chrift dans
le
280 MERCURE
les plus grands accés de ſon mal.
Il s'y unit d'une maniere fipleine
de charité, &fi digne d'admiration
, qu'onpeut dire que les der
le
niers momens de fa vie reffemblerent
aux premiers inftans de
fon éternité. C'est ainsi que
Pere Bourdalonefinitfa Carriere,
&commença. Safelicité ; car il
eft à croire que la Mifericorde qui
L'avoit comblé des qualitez naturelles
les plus excellentes , & des
vertus Chrétiennes dans le plus
éminent degré , l'a fait entrer
aprés fes travaux dans le fejour
des récompenfes.
Ce Livre fe vend chez Pierro
GALANT
281
Ribou , fur le Quay des Au
guftins , à la defcente du Pont
neuf, à l'Image Saint Louis.
Ce Libraire en donnera bientôt
une feconde édition , ayant
déja debité preſque la premiere.
Mr Rouillé - de- Marbeuf ,
fils de Mr le Prefident Roüillé,
qui a efté pendant plus de fix
ans Ambaffadeur pour le Roy
en Portugal , & qui eft à prefent
auprés de Mr l'Electeur
de Baviere , pour l'execution
des Ordres de Sa Majefté , fur
reçu fur la fin du mois dernier,
Confeiller au Parlement , &
Juillet 1705.
A a
282 MERCURE
Commiffaire en la premiere
Chambre des Requeftes du Palais
, n'eftant âgé que de 21
an. Il a fatisfait en cette occafion
à tout ce qu'on pouvoit
attendre de luy , & l'Affemblée
qui y affifta eftoit compofée
d'un grand nombre de perſonnes
des plus confiderables de
l'Epée & de la Robe , à qui il
appartient .
Il eft d'une Famille diftinguée
par les fervices de ceux
qui portent ce nom , & des
plus étendues de la Robe, étant
alliée de fort prés aux Maiſons
de Noailles , de Richelieu , de
GALANT 283
Coaflin , de Sully , Dagou de
Vins , de Longueuil- maiſon ,
de Villars , de Pomponne , de
Colbert- de - Croiffy , de Mefmes
, de Bullion -Bonelles , de
-le Febvre - Caumartin , & de
-plufieurs autres ; & cette famille
eft auffi modefte qu'elle ett
illuftrée .
C
Le cinquiéme fils de fon
A. E. de Baviere , âgé de trois
ans , eft mort à Munich dans
le mois de Juin dernier . Je ne
vous diray point la caufe de
fa mort , n'ayant pas les lumieres
neceffaires pour vous en
parler jufte ; ceux qui travail-
"
A a ij
284 MERCURE
leront un jour à l'Hiftoire
pourront s'étendre plus que
moy fur cette mort. Je vous
diray feulement que le fang
dont ce Prince eft forti doit
eftre cher à la Maifon d'Autriche
, puifque le grand Sobiesky
Roy de Pologne , fon
grand pere , a fauve les Etats.
hereditaires , en traverſant un
grand nombre d'Etats pour
venir au fecours de Vienne
dont il fit lever le fiege ; &
que S. A. E. de Baviere , fon
pere , s'eft diftingué en expofant
fa vie dans toutes les guerres
que le défunt Empereur
GALANT 285
la
a efté obligé de foûtenir contre
les Turcs : De maniere que
Maifon d'Autriche ne luy doit
pas moins la confervation de
fes Etats hereditaires, qu'au Roi
de Pologne dont je viens de
parler. Tout cela ne s'eft pû
faire fans que les Etats de l'Empire
euffent les mêmes obligations
& dûffent leur repos a
ce grand Monarque , & à ce
genereux Electeur qui n'a
épargné ni fa vie ni les biens
pour fauver les Etats de la
Maifon d'Autriche & pour
fervir l'Empire , qui feroit aujourd'huy
tranquille , fi fes
286 MERCURE
membres luy avoient tenu la
parole qu'ils luy avoient donnée
au commencement de la
guerre prefente , & dont on
fait que plufieurs ſe font repentis
, mais trop tard ; puifque
c'eft aprés avoir cffuïé tout
la guerre fait reffentir
ce
que
aux
Etats
dans
lesquels
elle
eft
allumée
. La
pofterité
qui
ne
manquera
pas
d'eftre
inftruite
de ce que
Monfieur
l'Electeur
de Baviere
a fait
pour
la Maifon
d'Autriche
, aura
bien
de
la peine
à croire
la maniere
dont
elle
verra
l'Electorat
de
Baviere
traitté
par
cette
même
GALANT 287
Maiſon ; & le nouvel Empereur
ne pouvoit commencer
plus mal fon regne . Il pouvoit
changer quelque chofe au Gouvernement
du regne paffé
quoyque ce ne foit pas avoir
de refpect pour la memoire de
feu fon pere ; il peut colorer
changemens qu'il fait dans
fes Etats , & la dureté qu'il a
fes fujets , les accablant
les
N
pour
en même
temps
de plufieurs
manieres
, en difant que la mauvaife
fituation
de fes affaires
l'oblige
d'en ufer ainfi : Mais il
agit contre
fa gloire, lorſqu'il
romp
le Traité
qu'il a fait luy
288 MERCURE
même devant Landaw , & qu'il
manque à tout ce qu'il à pro
mis à Madame l'Electrice de
Baviere par ce Traité. Ce procedé
eft plus violent que politique
, puifqu'il fait foûlever
contre luy tous les Electeurs &
tous les Princes de l'Empire.
Vous favez que le Roy de Suéde
& S, A. E. de Brandebourg.
ont déja commencé à s'en plaindre
, & il eft à croire qu'en
pleine paix tous les Electeurs.
ne fouffriroient pas qu'on traitaft
un Electeur de la forte
puifque ce feroit prendre fur
cux unempire dont -ils auroient
GALANT 289
à craindre de pareilles fuites ,
& dont il leur feroit , dangereux
de fouffrir l'établiffement.
S'il eft à craindre pour les Electeurs
, il l'eft beaucoup plus
pour un grand nombre de
Princes de l'Empire , qui ayant
moins de forces, ne pourroient
fe défendre d'une puiffance qui
approche fort de la tyrannie .
L'Empereur entend mal fes
affaires , & peche fort contre
la politique , lorfqu'il croit la
bien favoir & la bien mettre
en ufage. Son manquement de
parole à Madame l'Électrice de
Baviere , joint à la maniere in.
Fuillet 1705 .
Bb
290 MERCURE
digne dont il traite cette grande
Princeffe & toutes les perfonnes
de diftinction de fes Etats ,
ont fait ouvrir les yeux aux
Mécontens , qui ne veulent
point , difent-ils , traiter avec
un Prince qui leur manqueroit
de parole , & qui commençant
fon regne par des actes d'une
mauvaiſe foy generalement reconnue
, ne peut manquer de le
continuer avec encore plus de
violence , puifque lorsque les
Souverains les plus emportez
commencent à regner , ils affectent
toûjours d'eftre doux en
montant fur le Thrône : C'cft
GALANT 291
tine maxime qui n'eft ignorée
de perfonne , que qui nefait pas
diffimuler, ne fait pas regner. Pour
bien régner , il faut comment
cer par regner fur foy - même
& c'eft ce que le nouvel Empereur
n'a pas fait. Il favoit que
du vivant de fon pere il palloit
pour un Prince d'une humeur
tres- violenter; & il devoit en
montant fur le Trône tafcher
de détromper toute la terre de
cette opinion qu'on avoit de
luy , & commencer fon regne
par des actes de douceur & de
clemence , & non par des manquemens
de parole à la fille
B bij
292 MERCURE
1
d'un Monarque à qui l'Empereur
doit fes Etats hereditaires ,
ainfi que je l'ay déja fait voir
par des preuves inconteftables
, & 1 Empire fon repos , les
ayant préſervez de la domination
Otthomane dont - ils
auroient peut -être fubi le joug
pendant un tres-grand nombre
d'années.
L'ingratitude
de la Maifon d'Autriche & les
mauvais traitemens de l Empereur
contre Madame l'Electrice
de Baviere font murmurer
dans toutes les Cours où paffe
cette Princeffe contre Sa Majeté
Imperiale. En effet rien
GALANT 293
n'eft plus cruel que de feparer
une mere de fes enfans , fur
tout quand ils font dans une
grande jeuneffe. Cette feparation
qui met le poignard dans
le coeur à la mere & aux enfans
, ne peut eftre faite que
pour les faire fouffrir ", puifqu'elle
ne peut rien produire à
Fégard des affaires d'Etat , &
que lEmpereur n'en fera ny
mieux ny plus mal dans fes affaires
, quand des enfans , qui
ne font preſque que fortir du
berceau, feront feparez de leur
mere ; que ces enfans ne pour
ront avoir le plaifir de l'em-
Bb iij
294 MERCURE
braffer , & que cette mere ne
pourra fe confoler avec eux de
fes malheurs Mais on veut
que cette feparation leur cauſe
des douleurs fi vives , que la
mere & les enfans n'en pouvant
fupporter le poids , ne
puiffent furvivre à leur douleur.
Si l'Empereur entend mal
fes interefts lorfqu'il fait foûlever
toute l'Europe contre luy,
amis & ennemis , par une dureté
fi cruelle , il ne les entend
pas mieux , lorsqu'il demande
à la Baviere dix mille hommes
Je fervir dans
entretenus pour
fes troupes . Il ne peut qu'irriGALANT
295
ter par là tous les peuples de
cet Electorat , & les jetter dans
un defefpoir dont les fuites
pourroient eftre à craindre
pour luy , puifque ceux à qui
Pon a tout pris , ne pouvant
plus rien donner , fe trouvent
forcez de s'abandonner au plus
violent defefpoir, Mais je veux
enfin qu'on leve ces troupes
malgré l'impoffibilité qu'il paroift
de les lever , & fur tout
de les entretenir ; peut - on
s'imaginer qu'on fera bien
fervi , non feulement par
des troupes ennemies , mais
auffi par des troupes outrées
Bb iiij
296 MERCURE
par la maniere dont on traite
leur Souverain & toute fa famille
, leur Pays & leurs femmes
& leurs enfans , qu'on a
réduits à la derniere neceffité
par tous les moyens dont des
peuples peuvent cftre perfecutez
. L'Empereur peut conter
que fi ces dix mille hommes
font un jour dans fes troupes
il y aura autant d'ennemis qui
auront befoin d'eftre gardez
par plus de vingt mille hommes
, fi on veut fe garentir de
l'effet de leur reffentiment , &
empefcher qu'ils ne defertent :
Les Mécontens & les François
2
GALANT 密
297
pourront bientoft conter fur
ces troupes , fi jamais elles font
incorporées avec celles de l'Empereur
; & ce feront autant
d'hommes qui apprendront le
mêtier de la guerre pour fervir
un jour à la
Souverain.
vengeance de leur
On peut dire que l'Empereur
en montant fur le Trône n'a
guere mieux traité fes propres
Sujets. Aprés avoir augmenté
les fubfides dans tous fes Etats,
il a demandé de tres- groffes
fommes , & n'a donné que tres .
peu de temps pour les payer ,
fans confiderer que les Etats
298 MERCURE
qui font fous fa domination
trafiquent tres-peu & n'ont aucuns
Ports de mer , & que l'argent
ne roule pas où il n'y a
point de commerce . Ainſi c'eſt
mettre des peuples dans le defefpoir
que d'exiger d'eux des
fommes qu'ils font hors d'état
de fournir. Il lear a auffi demandé
des hommes , fans faire
reflexion que fes Etats en font
épuifez , & qu'il a peri plus de
quarante mille de fes fujets ,
pour ne pas dire davantage ,
en Italie , depuis qu'il a com
mencé à y faire paffer des troupes.
Ses Peuples craignent
GALANT 299.
auffi du cofté de la Religion
ayant vu le mauvais traitement
qui a efté fait au Confeffeur
du défunt Empereur fon pere,
pour avoir dit dans l'Oraiſon
funebre de Sa Majesté Imperiale,
qu'il a prononcée à Vien
ne , ce qu'elle avoit fait en faveur
de la veritable Religion.
Il eft vray que la politique a
obligé ce nouvel Empereur
d'en ufer ainfi , & qu'il a crû
que les Mécontens donneroient
dans le piege qu'il leur
tendoit par- là, en voulant leur
faire croire qu'il avoit des
égards pour la Religion Pro300
MERCURE
teftante . Mais comme โa rupture
du Traité recent , fait
avec la Baviere, les oblige à fe
défier de luy en toutes chofes ,
ils font perfuadez que ce qu'il
a fait contre le Confeffeur de
fa
l'Empereur
fon
pere n'eſt que
que
pour les furprendre
. Ainfi le
fuccés n'a point répondu à fon
intention ; & il a donné licu à
fes peuples de croire que
Religion fera toûjours fujette
à fa politique. Toutes ces chofes
font que les affaires de ce
Prince font dans un plus mauvais
état qu'il ne croit. Cependant
il devroit confiderer
qu'il
GALANT 301
n'eft
pas en feureté même aux
portes de Vienne , & qu'il a
efté obligé de faire venir quatre
ou cinq cens hommes de fes
meilleures Troupes
, pour le
garder dans fa maifon des Favorites.
Je dois vous parler de la res
prife de la Ville & du Château
de Huy & du Fort Picard ; afin
que cet évenement fe trouve
dans mes lettres , feulement
pour la fuite de l'Hiftoire, puifque
nous n'avons point cû deffein
de défendre ces poftes, dont
nous avions retire exprés la
plus grandepartie des Troupes
302 MERCURE
que nous y avions. Nous
nous faifions un plaifir d'abandonner
ces petites Conqueftes
,
en confiderant
que nous ne les
devions perdre , qu'à caufe des
grands avantages que nous
avions fur la Mofelle , & il ſeroit
à fouhaiter que nous en
abandonnaffions ſouvent de
pareilles au mefme prix. Il s'en
faut beaucoup que les Ennemis
n'ayent regagné tout ce que
nous avions pris , puifque nous
avions fait démolir trois Forts,
avant qu'ils vinffent raflieger
Huy , & que de quatre Batail
lons que nous y avions , nous
GALANT 330
en avions fait fortir trois : Ainfi
la Conquefte que nous avions
fait de cette Place , coûte aux
Ennemis trois Forts & trois Bataillons
; je dis trois , parce que
les ennemis en avoient perdu
quatre qu'ils avoient dans la
Place & dans les Forts , & qu'il
leur en eft revenu un qui a efté
échangé avec celuy que nous
avions laiffé feulement pour
capituler. Il falloit que
nemis nous apprehendaffent
beaucoup , puifque M¹ d'Ouwerkerke
eftoit venu devant
cette Place avec une Armée
les onquatre
fois plus confiderable
304 MERCURE
la
qu'il n'eftoit neceffaire pour
prendre , & une Artillerie fi
nombreuſe , qu'il n'en faudroit
pas davantage pour ſe rendre
maiftre des plus fortes Places ..
Je vous ay parlé dans cette
Lettre , de tout ce qu'a fait M
le Maréchal de Villars , juſqu'à
fon arrivée auprés de Luterbourg
, d'où ce Maréchal a
jugé à propos de décamper
aprés avoir demeuré pendant
quelque temps dans le Camp
qu'il avoit choifiauprés de cette
Place. Toutes les nouvelles imprimées
de Hollande , ont affu-
M le Maréchal de Vil
ré
que
f
GALANT 305
lars avoit attaqué le Camp que
les ennemis ont devant Luterbourg,
où ils ſe ſont retranchez ,
& que nous y avions perdu plus
de douze cens hommes . Cependant
rien n'eft fi contraire
à la verité , & fi nous y avions
perdu du monde , nous l'aurions
plûtoft perdu dans la retraite
que dans l'attaque ; mais
voicy ce qui fe paffa la veille ,
dont je vous envoye une Relation.
La veille
que l'on fe retira
ر
par d'auprés de Luterbourg
l'impoffibilité entiere qu'ily avoit
"de forcer les ennemis dans leurs
Juillet 1705 .
Cc
306 MERCURE
coups
Retranchemens , leurs Huffars curent
la temerité d'en fortir pour
infulter les nostres à la tefte de notre
Artillerie ; lefcarmouche dura
long- temps. Mr le Marquis de
la Frezcliere, premier Lieutenant-
General de l'Artillerie , & Ma
réchal de Camp , au bruit des
de Moufquetons , monta au plus
vite à cheval , & fe mit à la tefte
de trois troupes de Cavalerie , &
d'autant de Dragons qui estoient
fur noftre droite en bataille ; Mr
Moreau- de- Mautour , Commif
faire ordinaire de l'Artillerie , l'accompagna
& luy fervit d' Aide
de Camp. Onpeut dire que dans
GALANT 307
cette occafion Mr de la Frefeliere
a eu toute la prudence d'un Officier
experimenté ; car au lieu de
charger les ennemis , il fe contenta
de faire faire bonne contenance à
fa Cavalerie pour foutenir nos
Huffars , qui tantoft repouffoient,
& tantoft estoient repoußez; & il
Le douta bien que les ennemis ne
faifoient cette manoeuvre
pour nous attirer fous le feu de
leurs Retranchemens , & enfuite
nous faire chargerpar leur Infanterie
, qui estoit embufquée dans un
chemin creux. En effet le parti
qu'on nous fit prendre , de ne nous
point trop avancer , leur fit perdre
∙Cc ij .
que
308 MERCURE
l'efperance de nous voir tomber
dans leurs piéges ; & ils furent
obligez de fe retirer avec perte
d'environ trente Cavaliers de part
& d'autre.
ھ ج م
Quoique je vous aye déja
parlé de la prife de trois Châteaux
' , qui furent emportez
quelques jours enfuite , je croy
vous devoir envoyer la Relation
fuivante , qui me paroift
fort exacte.
Mr Moreau de Mautour
Commiffaire de l' Artillerie , ayant
efté commandé avec d'autres Officiers
du même Corps & cinquante
aller
attaquer les
Canoniers
pour
** GALANT 309
trois Places fortifiées de Seltz ›
de Rodern , & de Hatten , on s'en
rendit maiftres en quatre jours ,
fous les ordres de Mr le Marquis
de Silly Maréchal de Camp , qui
avoit esté détaché pour cette expedition
avec trois mille hommes.
Les deux premieres de ces Places
nous coûterent tres-peu , mais l'attaque
de la dernierefut tres- vive ;
parce que l'on dreffa de noftre part
une batterie de quatre pieces de
canon de 24 , à portée du pifto
Let du Chafteau , d'où l'on fit un
fi grand feu, que fans les mouvemens
& les foins que nous nous
donnames , le fiege & la prife
a
310 MERCURE
de cette Place auroit beaucoupplus
duré. Il y eut cinquante-fept tant
Canoniers que Fusiliers , hors de
combat en une heure & demie.
Mr de la Fond , Capitaine des
Grenadiers du Regiment de Vermandois
, & le Major du même
Regiment pont effe tuez.
Les Troupes qui ont efte
prifes dans ces trois Chateaux ,
qui fe montent à prés de 700 .
hommes ,viennentd'être échangées
contre un pareil nombre
du Regiment de Navarre . Les
ennemis ont eu beaucoup de
peine à fe refoudre à cet échange,
& l'ont differé long-temps,
GALANT 311
à caufe de la bonté des Soldats
du Regiment de Navarre ;
mais enfin ils ont efté obligez
d'y confentir , M le Maréchal
de Villars leur ayant fait dire
que les Troupes qui deffendoient
ces trois Chafteaux
ayant eſté priſes à diſcretion ,
il les envoyeroit fervir le Roy
fon maiftre fur fes Galeres
s'ils ne confentoient à cet
échange.
Les Troupes qui estoient
campées fous Sarlouis , au
nombre de dix Bataillons & de
quatorze Escadrons , en partirent
le 22. au matin , avec huit
312 MERCURE
pieces de canon & deux mòrmortiers
pour aller faire le fie-
Hombourg , & cette ge de
Place fut inveftie le 2 3. au matin
par Mr le Marquis de Conflans
avec la cavalerie du Corps
qu'il commande.
fait
guer-
Je viens d'apprendre qu'elle
s'eft rendue , & qu'on y a
huit cent prifonniers de
re. Je ne fçais pas encore le
détail de ce qui s'eft paffe en
cette occafion, je pourray peuteftre
vous en dire davantage ,
avantque de fermer ma Lettre .
Je vous envoye la fuite des
nouvelles de Cadix ,
De
*
GALANT 313
Roy De Cadix le 28. Juin
sx. On forma hier icy uneJunte
compofée de Mr le Marquis de
Pilladarias de Mr le Comte de
Hernanuñes , de Dom Melchior
de Avellaneda noftre Gouverneur,
deMrdu Caffe Dom Pedro
Navarette qui en devoit eftre, ne
pút s'y trouver , eftant incommo
dé. On y refolut de pourvoir à
tout ce qui pouvoit fervir à bien
diffendre cette Place on convint
d'abord que des Troupes qui
font déja icy , de celles qui y
arrivent , on enprendroit unepar-
Juillet 1705
Dd
2
364 MERCURE
tie pour couvrir l'Ile de Leon &
Le Pont de Souazos laiffant roû-
~jours dans Sant- Lucar & au Port
Sainte- Marie , de la Cavalerie
fuffifamment pour garder la Coffe,
qui eft occupée prefentement par les
Regimens de Dragons & de Campredon
, qui font bien rétablis ,
qu'on renvoyera au Blocus de Gibraltar
, aprés quoy ceux quiyfont
Peviendront icy.ut
La Capitane vieille de l'Ocean
viendra à Puntalez , pour eftre
coulée à fond , s'il eft neceffaire
avec les autres vieux Vaſſeaux
qui yfont déja tout prefts , pouren
fermer par la l'entrée ;& los qua-
205
GALANT 315
tre Vaiffeaux François occuperont
auffi cet endroit, & feront mêleg
avec les Galeres : le tout en
femble feracomme une Plate for
me formidable par fa nombreuſe
artillerie er il paroift par là que
-cette entrée importante fera bien
deffendue , puifque d'ailleurs par
fafituation elle peut empêcher l'ennemy
d'y avoir aucun avantage.
Ilfut déclaré par cette Funte ,
que le Roy & que Dieu garde ) or
donnoit
que Mr. du Caffe feroit le
premier Chef Commandantfur
* mer.
On ne peut exprimer à qual
point la vigilance , leszele
Ddij
116 MERCURE
application de Mr le Gouvert
meur ont remis les efprits de l'in ,
quietude où ils eftoient. Tout eft
rempli icy de toutes les chofes ne
ceffaires , & il n'en eft forti que
les Religieufes & quelques fa
milles svo fl no alle
Il est arrivé au Port Sainte-
Marie un Intendant , qui a un
grandfonds pour payer les Trou
de ce qui leur est dû , &pour
continuerde les payer dansla fuite,
de femaine en femaine.
pes
p
Ona vú cefoir quatre Navires
ennemis , dont deux vont vers
Détroit, & les deux autres paxoiffent
venir dans cette Baye.
GALANT
*
rante
deCaſtille
eft
mort
d'apoplexic
à Portalegre
: Il
étoit
forti
de
la
Maifon
de
Mel
guart
, connue
en
Eſpagne
depuis
le
regne
de
Sanche
le
grand
,
Roy
de
Navarre
,
qui
érigea
la
Caftille
en
Royaume
;
Ferdinand
II
. Roy
de
Leon
,
ayant
hérité
de
fon
petit
- ne
veu
Henry
Roy
de
Caftilles
&
ayant
uni
en
fa
perfonne
ces
Royaumes
environ
Fan
1217.
avoit
pour
grand
- Maitre
de
fa
maifon
Ifidore
de
Melguart
;
il
fit
à
ce
Seigneur
de
grands
biens
,
&
on
prérend
que
c'eft
ce
même
Dom
V
Dd iij
318 MERCUR
Ifidore qui fit bâtir le Château
de la Ville pour s'oppoſer aux
courfes des Maures , & dontla
vicille Caftille a receu fon nom.
La dignité d'Amirante qui eft
une des principales de ce
Royaume , eftoit hereditaire
depuis plufieurs ficcles dans lä
maifon de Melguart. Elle donne
un grand relief à celuy qui
en eft revêtu. Le bifayeul de celuy
qui vient de mourir avoit
cfté un des principaux Miniftres
de Philippes I. d'Autriche
dit le Bel , qui époufa Jeanne
heritiere des Royaumes d'Elpagne
. Ce Prince eſtant mort
GALANT 319
Ala fleur de fon âge , de Miniltre,
ne demeura pas long
temps en place ; le Roy Ferdinand
voulut le venger de
toutes les mortifications que
Philippe fon gendre luy avoit
fais effuyer & il l'exila dans
une terre qu'il avoit dans le
Royaume de Leon. Sous le
regne de Philippe II. grand
pere de Charle II. dernier Roy
d'Espagne le pere de l'Ami
Fante eut la direction des principales
affaires de la Couronne.
Son fils qui vient de mou
rit, eftoit fort attaché à la mai
zam Malteser Dd iiij
320 MERCURE
fon d'Autriche , & cet attache
ment eftoit fi fort & fi geno !
ralement reconnu par des rai- i
fons que je ne rapporte point
icy , que tout autre que Phi
lippe V. n'auroit vû qu'avec
peine un homme qu'il avoit
hieu de regarder comme fon
ennemy. Cependant l'Amiran
te qui avoit tout lieu d'eftre
content du Roy fon maître
ne laiffoit pas de murmurer de
ce qu'on ne luy donnoit pas
des emplois de confiance , fans
confiderer qu'il y auroit cu de
l'imprudence à l'admettre dans
les affaires fecretes . Mais en→
GALANT 321
fin Sa Majefte Catholique vous !
lut bien croire qu'il pourroie
renoncer avec le temps au parti
qu'ilavoit pris, puifqu'il y avoit
de la justice à reconnoistre pour
fon legitime Souverain, unPrin
ce qui avoit efté reconnu pour
chparfon prédéceffeur , dans le
moment qu'il alloit rendre
compte à Dieu de fes actionsy
& dont, outre cela , les droits
abla Couronne d'Eſpagne
eſtoient inconteftables . Ce Mo
narque, dis-je, pour le ramener
peu à peu dans fon devoir , &
luy faire connoiftre que s'il de
venoit bøn fujet , il auroit lien
::
322 MERCURE
ily
d'eſtre content de luy, le nomma
à l'Ambaffade de France!»
Sa Majefté tres- Chrétienne cut
la bonté d'agréer ce choix &
il y avoit lieu de croire que
l'Amirante feroit dans peu ter
gardé fur le même pied que
les plus fidéles fujets de Sa Ma
jeffé Catholique. Mais tout
cela ne le fatisfit pas , & on cut
lieu d'eftre perfuadé qu'il avoit
Loûjours eu de mauvaifes intentions
& de mauvaiſes pra
tiques , puifque la plupart de
fon bien fe trouva vendun&
toutes chofes préparées pour
aller en Portugal , au lieu de
GALANT 323
paffer en France : Ainfi i eft
caufe de la perte de tourte fang
qui a efté répandu en Espagne
& en Portugal , depuis que la
guerre y eft ouverte. C'eft un
fardeau bien pefant pour paf
fer en l'autre monde. Si j'ap
prens quelques particularitez
de fa mort avant que je ferme
ma lettre , je ne manqueray pas
de vous en faire part .
%.
Ileft tems de vous parler des
nouvelles d'Italie ; mais avant
que d'entrer dans ce qui les regarde
, je dois vous dire qu'elles
font répandues dans toute l'Europe
d'une maniere entiere324
MERCURE
(
ment contraire à la verité &
que depuis trois femaines , qua
tres Gazettes de Hollande par
femaine , & fept où huit Supe
plémens ou Lardons ont dit ,
que le Prince Eugene avoir palle
Alda , quoique nous n'ayons
Encore aucune nouvelle que ce
Prince ait traverfé cette Rivie
re , & qu'il paroiffe mefme encore
affez éloigné de la paffer.
Cependant la fauffe nouvelle
qu'ils ont debitée de ce paffage,
leur a donné occafion de pu
blier des chimeres , & de dire
quele Prince Eugenceftoir ang
portes de Milan , à qui il avoir
" GALANT 325
demandé un grand nombre de
Chariots de foin & de Pion
niers, Ge Prince ne venoir que
de paffer l'Oglio lorſqu'ils ont
debité cette nouvelle , & il re
grettoit fort le General Scrint,
fort aimé des Allemans , qui
s'eftoit noyé à ce paffage avie
quelques braves Officiers qui
s'estoient mis avec luy à la teſte
des Troupes , pour les exciter à
les fuivre dans ce paffage , les
ennemis y perdirent auffi
foixante Soldats. Les imprimez
de Hollande font encore une
grande affaire de l'abandonnement
dePalazzuolo , que nous
326 MERCURE
n'avons quitté qu'aprés en
avoir retire les provifions , &
jetté dans la riviere tout ce que
nous n'avons pû emporter. Its
ont parlé de cette affaire ,
comme s'ils avoient fait une
grande Conquefte les armes à
la main & qu'ils y cuffent
trouvé toutes les provifions
que nous avons eû foin de ne
leur
.
laiffer. Ils s'étendent
pas
avec encore, beaucoup plus
d'éxaggeration fur la prife de
M' le Marquis de Toralba , &
ils ont fuppofé dans tous leurs
imprimez qu'ils avoient fait
quatre Bataillons prifonniers
EGADANT 327
en certe occafion , quoique M
de Toralba neuft pas
horames avec luy , ayant fait
prendre des devans à trois des
Bataillons dont je viens de parlor
, croyant qu'il les pourroit
fuivre de prés ; mais fon cheval
raflant malheureufement tombé
, & s'eftant bloffé à la jambe
confiderablement , il fut obli
gé de s'arrêter dans une Caffiane
, où deux heures aprés il fut
-attaqué par deux mille Allemans
, ces roo hommes fe défendirent
fi bien , qu'ilsen tuerent
150. Ainfi l'avantage que
les chaemis ont remporté en
328 MERCUR
E
cette occafion eft tres peu con
fidérable ; & l'on pourroit me
me dire que ce n'en eft pas un,
puifque ce
ce qu'il reftoit d hom
mes à M de Toralba , aprés
avoir foûtenu lecombat contre
2000 hommes , ne peut indemnifer
les ennemis des cent
cinquante qu'ils ont perdus en
cette occafion. Voilà les fujets
des exaggerations des imprimez
de Hollande , & pourquoy ils
publicnt que M ' le Prince Eu
gene fait de grands progrés en
Italie , & l'on croiroit fur leur
rapport, qu'il a conquis des Places
fortes & gagné des BatailGALANT
329
les ', quoiqu'il n'ait fait ni l'un
ni Fautre Mais comme leurs
écrits le trouvent remplis de
toutes ces fuppofitions
, ils
n'ont plus de place pour parler
→ de ce que nous avons fait , en-
" fuite de ce qu'ils ont tant exatigeré
. Ils ne difent pas qu'im
parti de l'Armée de Mª le Grand
Prieur en ayant rencontré tin
des Allemans , le mit en fulte
avec perte de so hommes tuez ,
& de quarante pris avec 30
chevaux , Ils cachent encore
avec plus de foin , que Mr de
Courtade ayant marché avec
-400 chevaux , pour apprendre
Ee
Juillet 1705.
330 MERCURE
des nouvelles des ennemis ,
trouva fur le chemin de Fonta
nella , un de leurs partis de do
chevaux qu'il défit , aprés un
combat fort opiniâtré, on leur
tua cent hommes , avec quatre
Capitaines , & on leur prit quarante
Cavaliers , avec environ
cent chevaux.
On ne doit pas , accufer les
Ecrivains Hollandois de ce
qu'ils fuppofent des avantages.
qui n'ont point efté remportez ,
de ce qu'ils groffiffent extraordinairement
les moindres petits
fuccés , & de ce qu'ils paffent
fous filence la plus granGALANT1
331
de partie de ceux que nous remportons
, & diminuent. confiderablement
ceux dont ils pardent.
Puifqu'ils font obligez de
parler ainfi pour tromper les
peuples.
Je laiffe Monfieur le Grand
Prieur & fon Armée , pour par
ler de ce qu'a fait Monfieur de
Vendôme , & je conduirai enfuite
ce Prince à l'Armée de
Mr le Grand Prieur avec le fecours
qu'il luy envoye , &vous
ferai part de ce qu'il y a fair
depuis fon arrivée. Je com
mence par une Lettre de Mr de
Vendôme.
Ecij
332 MERCURE
Y ? te! ཅ
Au Camp devant Chivas
Acero Juillet. 29.1
Chivas paroift bien délabré
par l'effet de nos batteries ; il faut
efperer que quand elles feront fur
le chemin couvert ce qui fera
danspeu , cette Place fuccombera,
malgré toutes les chicanes des ennemis.
Z
- Mr de la Feuillade a joint, avec
dix Bataillons & trois Efcadrons.
Ce fecours me met en état d'envoyer
en Lombardie neuf Bataillons
& fept Efcadrons ; eo fy arriverai
auffi-toft que ces Troupes .
GALANT 333
laißerai le foin dufrege au Duc
de la Feüillade.
Les ennemis ont attaqué il y a
deux jours une de nos Redoutes
de la montagne , dont ils ont efté
repouffez. Ils font revenus pour
nous chaffer d'un logement que
nous avons fur l'angle du chemin
couvert ; mais ils n'ont púy réuffir
par la grande refiftance de deux
•Compagnies de Grenadiers d'Auvergne
, dont la valeur ne peutefore
affez louée. Les ennemis ont
perdu plus de deux cens hommes à
ces deux actions.
Depuis le 17. du mois defuin
que noussommes en ce Camp , il
334 MERCURE
昨
nous eft venu plus de huit cens
deferteurs.
Me le Comte d'Eftain que
f'avois envoyé au devant de Mr
de la Feüillade avec trois mille
Chevaux & vingt
Compagnies
de Grenadiers , eft tombé dans fon
chemin fur un détachement de
mille Chevaux
commandé par
Mr de Martinitz ; il l'a bien
battu , & en a tué pluſieurs , &
a amené au Camp cent Chevaux
& cinquante
prifonniers. Les
deferteurs
nous ont affeuré que
ennemis ont perdu trois cens hommes
dans cette action .
les
Il eft à remarquer que Mr
GALANT 335
le Duc de la Fcüillade avoit
efté coftoyé pendant trois
jours par mille chevaux des
ennemis, & qu'il avoit fait une
tres-bonne manoeuvre pendant
toute cette marche, ayant
fait refferrer les troupes, quoique
les lieux par où il palloit
fuffent fort étroits , afin d'eftre
expofé moins de temps au feu
des ennemis qui le harceloient,
& de leur pouvoir répondre
par un plus gros feu . Če Duc
eftant arrivé dans la Vallée de
Lanzo prés de Cirfé , il trouva
que le Pont fur lequel il devoit
paffer la Sture , eftoit gardé
336 MERCURE
par quatre cens fantaflins , foûtenus
par la Cavalerie eremie .
Il fe préparoit à forcer le paffage
: mais à peine eut -il fait
stirer cinq petites pieces deCanipagne
qu'il conduifoit , que
M' le Comte d'Eftain arriva ,
& chargea les ennemis. (
M le Duc de la Feuillade
ayant pris le commandement
des troupes qui font devant
Chivas , aprés le départ de M²
de Duc de Vendôme , ce General
voyant qu'on ne pouvoit
conduire les attaques de cette
Place comme on a accoûtumé
de faire , en embraflant le flanc
1 des
GALANT 337
des
des deux baftions , à caufe des
inondations qui ont laiffé des
flaques d'eau , & des prairies
marécageufes , ordonna qu'on
iroit par un chemin tres - refferré
, & fur le prolongement
baltions qui font attaquez . Le
logement que l'on a fur l'angle
faillant du chemin couvert ,
obligea les ennemis de s'éloigner
de la gauche & de la
droite de ce baftion . M ' le
Duc de la Feüillade fit établir
des batteries le long de la
liffade de la demie lune , de
trois pieces, pour battre la face
gauche qui avoit déja cfté bat-
Juillet 1705 .
Ff
pa338
MERCURE
tue de loin , & une autre de
quatre pieces , pour battre la
face droite ; il y en avoit déja
fait mettre deux autres cha
cune de trois pieces pour bat÷
tre le flanc du baſtion , & la
gauche à noſtre égard. Le tout
tira le 17. de ce mois. Ce Duc
fit auffi dreffer une batterie de
quatre pieces , pour battre la
demie-lune de la droite , dont
on étoit fort incommodé. Il y
avoit alors plufieurs mortiers
en batterie pour jetter des bombes
& des pierres. M ' le Duc
de la Feuillade fit faire une pa
ralelle à travers du foffé , afin
GALANT 339
de faciliter l'attache du Mi
même temps
neur , & il fit en même
travailler à un logement fur le
chemin couver
couvert qui va d'une
CHRo
fappe à l'autre. Le 17. on contenoit
les ennemis de maniere
qu'ils ne pouvoient interrompre
les Convois qui venoient
par cau de Crefcentin au Camp.
Le 18. on continuoit les attaques
de la Caffine blanche fur
la hauteur , & on avoit attaché
un Mineur qui travailloit
fous les premiers retranchemens
de ce Pofte.
I
Pendant que Mˇde la Feüllade
continuoit le fiege de Chi-
Ffij
340 MERCURE
6
vas M de Vendôme marchoit
pouryjoindre Misle Grand
Prieur , & M le Prince Eugene
preffoit de prés Soncino , qui
ne pouvant
efté obligé de fe rendre , à caufe
des difficultez infurmontables
qui empefchoient d'arriver
devant cette place : de maniere
qu'elle n'a pû tenir longtemps
. Elle cftoit défenduë par
400! hommes qui ont eſté faits
prifonniers de guerre , & les
ennemis y ont trouvé mille
facs de farine. Ils publient
qu'ils en ont pris beaucoup
davantage ; mais j'ay vû des
ligé , tre fecourupa
SGADANY 34%
Lettres aufquelles on ne peut
sempelcher d'ajoûter foy qui
affurent le contraire. Ce def
avantage fut reparé prefque
auffi- tôt que Mr de Vendôme
fut arrivé. Ce Prince fe faifir
en arrivant de trois ou quatre
petits poftes qui cftoient aur
environs de Soncino , & l'ex
pedition que vous trouverez
dans la lettre dele Prince
que vous allez lire , fut aufli tôt
aprés. Som
66) SVOOR JO V BIOSO
Goddiqui candid sb al
quoound abg th as alleg aliu
Ffüj
342 MERCURI
Toto zakok sures at ug
Au Camp de Soricina ce 20.
Soup tog Juillet, TO , caldw
JeSuis parti aujourd'huy à trois
heures aprés midy pour aller reconnoftre
les retranchemens des ennne
misfur les quatorzeNavilles,entre
icy & Zenivolta,avecfix Compar
gnies de Grenadiers, & tous lespiquets
de la Cavallerie de la droite,
a deffein de reconnoiftre feulement
lefdits retranchemens . Nousyfom
mes arrivez à fix heures dufoir ,
la vivacité de nos Grenadiers
a efté figrande qu'ils ont emporté
lefdits retranchemens , avant qu'on
Gla
GALANT 343
are eu le temps de les reconnoiftre
quoy qu'ils fuffent prefque impraticables
, & défendus par quatre
cens hommes des ennemis ; ily en
a eu plufieurs de tuez , & nous
aroons fix ingts prifonniers , au
nombre defquels ily a un Lieute
nant Colonel , & cing Officiers
avec un Drapeau. Nous n'avons
deux Grenadiers de tuez
& cing de bleffez. Je n'auroisjamais
cru que cette promenade cuft
efté auffi importante . Mr de Carolles
qui commandoit lesfix Compagnies
y a fait des merveilles ;
Mr de Château-Morand
qui commandoit toute mon eſcorte
en
que
fiiij
344 MERCURI
a toûjours efté à cheval à la tefte
des Grenadiers , ainfi que Mr le
Chevalier de Forbin. Ces deux
part
à
Mrs ont eu beaucoup de
cette action. Quand on confidere les
retranchemens, qui font les mêmes
que nous avons faits cet hiver ,
que les ennemis ont tourné
contre nous , cette action paroift
fabuleufe ; elle embarrafferafort
les ennemis , & nous met dans une
fituation que je n'ofois efperer.
Tous les équipages de quatrecens
hommes qui défendoient ces retran→ ·
chemens } ont efté pillez par nos
Grenadiers.
-
GALANT 345
W
La Lettre fuivante eft d'un
Officier qui eftoit proche de la
perforine de Mr de Vendôme,
is Thad to choosed me to
7750
Au Camp de Soricina , le 2 5 .
azma 29
ad
Juillet.domain
muid 29 atat crown tuon sen
Mr de Vendôme partit hier d'icy
fur les trois heures aprés midy
avec fix Compagnies de Grena- -
diers , cinq ou fix cens chevaux
des piquets de la droite , à deſſein
feulement de reconnoiftre les retranchemens
des ennemis fur les
quatorze Naviles , & il yarriva
furles cinq à fix heures du foir í la
vivacitédes Grenadiers futfigran
346 MERCURE
de, qu'ils les emporterent , asant
qu'on euſt eule temps de les recon
noiftre , quoiqu'ils fuffent prefque
impraticables & diffendus par
quatre cens hommes , dont la pluſ.
par tont effé tuez , & fix - vingts
faits prifonniers , du nombre defquels
font un Lieutenant- Colonel
qui les commandoit , e un Capi-
3. taine. On affure qu'ily avoitder
riere ce pofte deux cens chevaux ,
pour le foutenir ; mais pour moy
qui avois l'honneur d'eftre auprés
de Mr de Vendofme , je n'en ay
point vú . On y a pris un Drapeau
& le petit Campdes Troupes de ces
retranchemens , qui eſtoit tout tenGALANT
347
du, a esté pillé. Je vous aßure que
quand on confidere ces retranchemens
& leurfituation , cette action
paroiftfabuleufe .Elle embarraffera
fort les ennemis , & elle nous met
dans unefituation que Mr. de Ven
dofme n'auroitpas ofe efperer. C'étoit
Mr de Carolles Lieutenant
Colonel du Regiment de Berwick,
qui commandoit les Grenadiers qui
eftoient fous les ordres de Mr de
Chafteau- Morand , Brigadier de
Cavalerie qui commandoit tout le
détachement , & qui avec le Chevalier
de Forbin fe tint pendant
toute cette action à cheval e a
tefte de tous les Grenadiers ,
à la
on
348 MERCURE
-
en
peut
dire
qu
'ils ont l'un
l'autre
beaucoup
, de part
à cet heureux
fucces
, qui
n'a coute
que
cing
fix
hommes
. Auffitoft
que l'affai
re fut finie
, Mr.
de Vendôme
voya
chercher
deux
Brigades
d'In
fanterie
qui ont paffe
la nuit
dans ces retranchemens
,
ce matin
aut
point
du jour
on a changé
la fitua
tion
de noftre
Camp
, dont
la droite
eft actuellement
appuyée
aux
qua- torze
Naviles
, avec
un Corps
SIDONE
d'Infanterie de Dragons qui
occupe le Village de Zenivolta ,
qui eft au-delà de noftre gauche,
& noftre quartiergeneral eft à Soricina.
Mr le Grand Prieur part
GALANT $49
29330
dans ce moment avec onze Efca
drons & fept Bataillons , pour al
ler fur le bas Oglio , d'où on a ap
pris ce matin que les ennemis avec
un Corps à peu prés femblable artaquent
Marcaria, où nous avons
sent hommes. Mrs de Langalerie ,
de Chemerault , de Saint - Pater ,
le Chevalier de Broglio , font
de ce détachement.
Quoique la Lettre qui fuit
parle du départ de M' de Vendofme
de l'Armée de Piémont ,
je n'ay pû la placer autre
part qu'icy , parce qu'e le parle
auffi de l'arrivée de ce Prince
350 MERCUR E
auprés de M le Grand Prieur.
Mar
Nousfommes arrivez à l'Armée
de Mrle Grand Prieur , avec
tous les équipages de Mr le Duc
de
Vendôme , aprés onze jours de
marche , avec le Corps qui avoit
toute la nuit du Samedy
au Dimanche à Soricina , qui eft
un grand Village bien marchand,
& à deux milles de l'Oglio . Aprés
la jonction de l'Armée de Mr de
la Feüillade avec l'Armée de Piémont
, Son Alteffe fit voir à ce
Duc la difpofition du Siege & de
l'Armée ennemie ; & aprés luy
avoir marqué ce qu'ily avoit à
GALANT 351
faire , il partit le lendemain au foir
s'embarquafur le Pô pour aller
auTefin où il prit la poſt pourjoin .
dreplus promptement Mr le Grand
Prieur. Afon arrivée , nos Soldats
crierent tout d'une voix par
tout le Camp , vive le Roy , vive
Vendofmey en jettant leurschapeaux
en l'air , pour marquer la
joye qu'ils avoient de le voir
Voicy les dernieres nouvelles
qui font arrivées de Cadix.
Extrait d'une Lettre de Cadix ,
du 1. Juillet,
Ilya dans Cadix pour quatre
352 MERCURE
mois de vivres pour quatre mille
hommes , l'on y va encore
faire venir cinq cens mille rations;
ily a auffi cent mille fanegues de
grain pour la nourriture des chevaux.
Ily a au Pont de Suazo
cinq cens hommes d'Infanterie du
Regiment de Barrois , &l'autre
Bataillon du même Regiment où il
y en a autant , y doit auffi arriver
demain. Nous avons dans l'Iſle de
Leon le Regiment de Bouville
Dragons , & celuy de Mahony
Irlandois , qui doit arriver demain
,y fera auffi ; & Mr de
Villadarias a du cofté de Sainte-
Marie mille ou douze cens hom
GALANT 353
mes, & à Rothe il y en a trois ou
quatre cents Dans la Ville ily a
environ mille hommes de Troupes
reglées Espagnoles , & quatre
cinq cens Officiers reformez trois
cent foixante- dix Cavaliers qui
font fort bons & outre toutes ces
Troupes , ily aura encore un Regiment
Espagnol qui doit arriver
demain De forte que l'on conte
avoir avantqu'ilfoitpeu fix mille
hommes tant Cavalerie qu Infan
terie , François Espagnols , dans
ta Place dans l'Ifle.
Le mot de l'Enigme du mois
dernier eft la Main. Ceux qui
Gg
Juillet 1705.
354 MERCURE
Is
a
L'ont trouvé font M Bertier
Curé de Parly , prés d'Auxerre :
Daniel le Chin , Procureur Fif,
cald Eglegny & fonamysle
fieur Trebuchet , Lieutenant
dudit lieu : Medard Labitte, &
RAMottets de l'homme , P.D.
M: Fleury , Marchand à la Rochelle
, & fon Procureur le fieur
Prévoft : Deflandes- Blaizot , de
S. Brieuc : Beffe , Languedocien
pour la vie : Jordy le Cader
& fon fidele amy : le Solitaire
Defangloux , & fon gros amy
Alliot l'Agreable dans les
Compagnies : le Heros du Canada
: le troifiéme Roy de Po
:
39
GALANT 355
logne : Canelle de la ruë d'Enfer
: l'amy content de Verfailles
: Echo fidele : l'Amant conftant
& malheureux
le Rival
heureux
de la rue Guifarde ,
& la Charmante
Javotte: Mlles
de la Marre : Martin , & d'Avimare
la petite Manon Benjamine
, du faubourg
S. Germain
: Catin Toffier , de la rue
S. Martin la Timide & fpirirituelle
M Lucas , de la Butte
S. Roch : fa bonne Maman , &
fa chere four Marie- Anne : la
foeur aînée: l'Amante de Marly.
Je vous envoye une Enigme
nouvelle.
Ggij
356 MERCURE
ENIGME.
Bien que je fois commun dans toutes
les Provinces
Que l'on me foule aux pieds mefme
dans mon terroir ,
*Onme voitfortſouvent à la table des
Princes ;
Plufieurs dansleurs repasfontravis de
m'avoir :
Je nefuis pourtantpas aimé de tous
le monde ,
Ma couleuret ardente on blonde ;
Et toutes les vertus qui m'ont fait
adorer
,
Mefontſouventperdre la vie
Mais mon trepas afouventfaitplemter
·
Cenx qui me l'ont ravie,
品
M
2
E. THAJAD
alovna tvov aj erp A
¡ VAIVUOW TA
63
ཊྛི ཀཉྩ སིདྡྷིམྨེ
A sup ullú me Dsicista
GALANT 357
L'Air que je vous envoie , eft
de Mr de Montaillis.
AIR NOUVEAVA
'Ee Soleiltrop ardent fait languir
La nature
Nos bois , nos prez & nos Côteaun
Perdent l'éclat de leur verdure
Et nos ruiffeaux ,
Leur doux murmure z
L'ardeur deſes rayons brûlans
Détruitles dons de Cerés & de Flore:
Maisfes feux ne font poins encor
violens ,
Que ceux dont l'amour me dévore
Il s'en eft peu
fallu
que
M
le Prince Eugene ne foit entré
une feconde fois dans Cremo
358 MERCURE
ne. L'affaire a efté découverte
par un Officier Eſpagnol , qui
fut averti par fa Mailtreſſe, que
le Valet du Preftre qui y avoit
donné l'entrée la premiere fois,
eftoit dans la Ville ; On le fit
arrefter & il avoüa tout. Il me
na mefme à une Caffine , à un
mille de Cremone dans la
quelle il y avoit un foûterrain
conduifoit dans la Ville ;
le travail y eftoit déja fi avancé
, qu'on y pouvoit marcher
quatre hommes de front , &
cinq ou fix maiſons de la Ville
eftoient percées & répondoient
au foûterrain. On y devoit fai
qui
GALANTM 359
reentrer , outre les Troupes du
Prince Eugene 1400 Payfans
armez.loadiul " equova pr
Vous attendez , fans doute ,
que je vous parle de la grande
nouvelle du temps. L'action
dont il s'agit , eft d'autant plus
ſurprenante , que toute la gloire
eft demeurée aux Vaincus ;
que les Vainqueurs ne ceffent
point de les admirer , & de
combler leur valeur de louanges.
Ces Vainqueurs ont fi peur
de part à l'avantage qu'ils ont
remporté , qu'ils ne doivent ni
à leurs foins ni à leurs coups , le
terrain qu'ils ont furpris ; mais
360 MERCURE
à une fatalité furprenante &
incomprehenfible , qui les ont
fait entrer dans nos Lignes ,
nort- feulement fans qu'on leur
fift aucune refiftance ; mais auffi
fans y avoir efte apperçus pendant
plus de deux heures & demic
aprés y eftre entrez.
S.A. E. de Baviere , qui avoit
pris toutes les précautions ima
ginables pour fçavoir toutes
les démarches de Mylord Marlboroug
, & qui eftoit informé
de tous fes mouvemens , &
qu'il étoit refolu d'attaquer nos
Lignes, ou du moins qu'il avoit
fait tous les préparatifs pour
cela
GALANT 361
36г
y
ne s
zela , prit toutes les précautions
neceffaires pour empêcher l'exe
cution de fon deffein : Ce Prin
ce convint avec Mr le Maréchal
de Villeroy de tout ce qu'il
avoit à faire. Ce Maréchal
eftoit de fon colté fort alerte ,
& mefme plufieurs Relations
portent , que depuis le 17 de ce
mois jufques au 26 ce General
s'eftoit point mis dans fon lit ,
& s'eftoit feulement repolé tout
habillé. Enfin Mr l'Electeur de
Baviere & ce Maréchal convio.
rent , qu'après avoir fait battre
la retraite , toutes les Troupes
fortiroient de leur Camp à la
fourdine , à la tefte duquel elles
demeureroient enfuite en bataille
, pour eftre toutes prêtes
à défendre les Lignes , en
Hh
Fuillet 1705
362 MERCURE
qu'elles fuffent attaquées . Cet
ordre fut executé , & quoyque
l'aile gauche euft affez de Troupes
pour le défendre , comme
les Lignes eftoient plus foibles
de ce cofté- là . Mr le Maréchal
de Villeroy envoya trois Régimens
de Dragons au Lieutenant
General qui y commandoit , &
ce Lieutenant General écrivit
à Mr de Villeroy qu'il les avoit
reçûs , de maniere qu'il y avoit
lieu de croire , que le centre &
les deux aîles feroient une vigoureufe
refiftance . On apprit
enfuite , que les Ennemis faifoient
charger leurs bagages , &
qu'ils marchoient d'un autre
cofté que de celuy des Lignes ;
mais ils firent en mefme temps
défiler un Corps du cofté de l'aî
GALANT 363
le gauche , eftant avertis qu'ils
eftoient moins attendus de ce
cofté - là que des autres , & n'ofant
faire d'attaques ni du cofté
de Monfieur l'Electeur de Baviere
, dont ils connoiffoient
la valeur & la vigilance ,
ny du cofté de Monfieur le
Maréchal de Villeroy qui eftoit
toûjours en mouvement pour
'ne fe pas laiffer furprendre.
"Enfin les ennemis entrerent
par la gauche , ainsi que je
vous l'ay déja marqué , & firent
entrer un fi grand nombre de
troupes , pendant deux heures
qu'ils ne furent point apperçus
qu'ils eftoient trois contre un
de ce côté - là lorfque le com.
bat commença. Cependant par
le nombre de nos morts & de
P
Hhij
364 MERCURE
nos prifonniers , qui font des
chofes fi publiques , qu'on n'en
peut cacher la verité , il paroift
que dans le temps que l'on s'eft
battu , les ennemis ont eu au
tant de morts que nous , & que
fi nous avons perdu davantage,
ce n'eft qu'à caufe qu'ils ont
fait quelques prifonniers . Mr
le Marquis d'Alegre a fait des
merveilles en cette occafion , à
la tefte du Corps qu'il commandoit
, & Mr le Marquis de
Biron s'y eft autfi fort diftingué ,
ayant eu fon cheval tué fous luy
& fon Ecuyer tué à fes coftez.
Mais on n'a peut - eftre jamais
oüy parler de rien mieux entendu
ny de plus vigoureufe-
- ment foûtenu que ce que fit Mr
de Caraman , ayant formé un
GALANT 365
Bataillon quarré au milieu duquel
il eftoit , & d'où il donnoit
fes ordres , avec lequel il fit fa
retraite pendant une lieuë fans
pouvoir eftre entamé au grand
étonnement des ennemis ; ce qui
fut caufe que le Commandant
des troupes Angloifes demanda
le nom de ce brave Officier qui
faifoit des chofes fi furprenantes
Le Commandant d'un Bataillon
quarré est toujours dans
le centre , & à l'approche de la
Cavalerie , il fait mettre le genouil
en terre à fon premier
rang, qui prefente le fufil armé
de la bayonnette au poitral de
la Cavalerie , & fait fa décharge
lorfque les chevaux font au
bout des fufils ; & le fecond
P
Fang doublant
par les interva
Hhij
"'
366 MERCURE
•
les , fait la même chofe , en forte
qu'il n'y a qu'un rang à la fois
qui fait feu afin qu'auffi - toft
aprés fa décharge il puiffe avoir
le loifir de recharger : & ainfi
tant que le Bataillon eft muni
de poudre & de plomb , le feu
ne difcontinuë pas , & le Bataillon
reſte toûjours heriffé des
pointes des bayonnettes touchantes
le poitral des chevaux ,
qui ne peuvent ouvrir un tel
Bataillon , quand les évolutions
continuent d'y eftre faites fans
defordre & de fang froid .
1
Les ennemis peuvent juger
par la refiftance que leur ont
fiit nos troupes , quoiqu'ils fufſent
trois contre un , qu'ils auroient
efté battus à nombre
égal , & que s'ils avoient outre
GALANT 367
#
cela voulu forcer les lignes
ils couroient rifque de perdre
toute leur Armée..
Voicy ce que j'ay tiré d'une
Relation qui fait icy beaucoup
de bruit , & qui a esté trouvéc
fort belle. L'Auteur y parle
encore du Bataillon quarré dont
je viens de vous entretenir , &
fait voir de quelles troupes il
eſtoit compofé , mais ce qu'il y a
de plus curieux dans cet Extrait ,
eft qu'il fait connoiftre que par
l'avis ouvert par S. A. E. de
Baviere , & qui fut auffi -toft
fuivi , ce Prince a fauvé la Flandre
& l'Armée , & a fait voir
qu'il eft beaucoup plus grand
Capitaine que Mylord Marlborough
, puifqu'il auroit pû fe
faifir le premier du Camp que
Hhij
368 MERCURE
Mr l'Electeur de Baviere a fair
occuper.
Mr de Caraman eftant à la teſte
de deux Brigades d'Infanterie qui
eftoient au milieu de la Plaine à la
merci de 80.Efcadrons des ennemis
qui n'avoient jamais pú les entamer
, prit le parti de les former en
Bataillon quarré , & il les retira
ainfi jufqu'au defilé de Nodouwé.
Les quatre Bataillons
d Alface de Furftemberg fu
rent chargez plufieurs fois par
toute la Cavalerie Angloife , elle
y fut reçue par un feu fi affreux ,
qu'elle ne remordit plus , & les
Bataillons fe retirerent- avec- une
-
GALANT 369
dignité une fermeté admira
bles.
de
La Brigade des Gardes Frangoifes
& Suiffes alloir paffer le
défilé de Nodouwé , quand Son
Alteffe Electorale prit le party
luy faire faire halte ; elle jugea
que ft les Troupes arrivoient à la
file & effoufflées , elles feroient
battues & chargées en arrivant ,
& qu'ainfi ce feroit une bataille
perdue en détail , fans avoir pû
avoir le plaifir de charger toutes
en même temps ; qu'il valoit bien
mieux fouffrir ce petit échec , &
Longer au gros de l'affaire que
pour cela il falloit fur le champ
:
370 MERCURE
prendre le parti de gagner les devansfur
l'ennemi , de fauver Louvain
, Liere , Malines , & Anwers
; & que pour cela il n'y
avoit d'autre moyen que d'y marcher
tres-promptement , en laißant
l'ennemy dans fon poſte , où ſeurement
content d'eftre établi , il ne
fongeroitpas à nous inquieter. L'a
vis ouvert fut auffi toft jugé capable
, parfon utilité , de reparer
le malheur qui nous eftoit arrivé.
Nous marchames donc droit
à Judoigne , par où paffa une de
nos Colonnes , & de là à Heckeren
, Abbaye fous le canon de
GALANT 371
Louvain ; noftre avantgarde y arriva
à buit heures du foir , &
l'arrieregarde à deux heures aprés
minuit. Son Alteffe Electorale &
Mr le Maréchal ordonnerent dés
le foir deux Ponts , l'un au deffus
de Louvain, & l'autre au deffous
nos premieres Troupes y pafférent
à trois heures du matin le 18.
l'Artillerie avec le Bagage prirent
le chemin de la Ville. Sur les buit
heures du matin revint Bois -Morel
que
S. A. E. avoit envoyé
fur le chemin de Tirlemont où
eftoit le quartier general de Mylord
Marlborough ; il luy rapl'Armée
ennemie eftoit
porta que
372 MERCURE
à une lieuë , & qu'elle marchoir
droit à Louvain. On fit un peu
preffer le paffage de la riviere de
Dyle, & à onze heures tout fut
paffe , les Ponts rompus . My
lord entra dans le Camp que nous
quittions , & s'y campa ; quelques
traîneurs & maraudeurs
furent pris.
Noftre droite eft à Torbank ,
Abbaye , le centre où eft l'Electeur,
à Bethleem ; & lagauche à
Noftre ligne fait un coude visà-
vis le centre. Mrde Caraman a
un Corps de Dragons d'Infanterie
vers le Demer ; & les Trou- 1
pes de Mr de Gaffe doivent occu
GALANT 373
per les lignes d'Arfchot : Ce fons
les dernieres faites depuis l'endroit
où la Dyle tombe dans le Demer,
jufqu'au Village de Boëfchot appuyé
fur la groffe Nethe
Je ne dois pas oublier
que les
troupes
de S. A. E. de Baviere
fe font acquifes
beaucoup
de
gloire
en cette
occafion
, où
elles ont néanmoins
beaucoup
ſouffert
, à caule
du grand nombre
d'ennemis
qu'elles
avoient
à combattre
,
On ne peut avoir plus de valeur
qu'en ont fait paroiftre les
troupes Espagnoles , & fur tout
Dom Pedro de Zuñiga , dont
S. A E. a parlé tres - avantageufement
> en difant qu'il estois
374 MERCURE
friant de coups de moufquets. C
Prince charmé de fa valeur à
efté luy en faire compliment ,
jufque dans fa tente , où il a
donné de grandes loüanges aux
troupes Efpagnoles .
Voicy une Lettre qui vous
apprendra ce qui fe paffa depuis,
la furprife des lignes jufques au
22. de ce mois .
Du 22. Juillet.
Les ennemis envoyerent un
Trompette le 19. de ce mois ,
Dimanche dernier , jour qu'ilsfont
arrivez devant Louvain , au
Bourguemeftre de la Ville,pour luy
dire de leur en faire ouvrir les
GALANT 375 .
portes , afin qu'ils puffent pourfuivre
les François , ou de leur
donner cing tonnes d'or ; & que
pour fe refoudre , ils ne luy donnoient
que deux heures , ou qu'autrement
ils les brûleroient. Ce Magiftrat
leur réponditfur le champ,
qu'ils eftoient maîtres de faire ce
qu'illeurplairoit
. Les ennemis veulent
à ce que
l'on dit , bombarderla
Ville, & ils dreſſentmême une batteriefurla
rivieres pour cet effet ils
ont fait venir fix vingts - quatre
pieces de gros canon , qui font à
Tirlemont d'avanthier , & qui
n'ont pû arriver à leur Camp , à
caufe qu'il pleut depuis deux fois
376 MERCURE
wingt quatre heures . Louvain
apprehende fur tout les Anglois ,
qui commettent des impietez abominables
, par tout où ils paffent ;
ils ont tué dans un Village le Curé
& unefemme groffe , & ont pris
le faint Ciboire dans lequel ils ont
bú , aprés avoir jetté les Hofties ,
& les avoir foulées aux pieds.
Cela irrite les Flamands contre
eux. Les ennemis manquent
de
pain dans leur Camp ; la livre
vaut chez eux trois efcalins , c'eft
à dire , monnoye de France vingtfix
fols & un liard. Le Mylord
Ducde Marlborougdit qu'il veut
faire cuire du pain dans Louvain ,
GALANT 375
qu'il ne veut pour en faire ou
vrir les portes , qu'un canon : mais
il y a un peu defanfaronnade , car
on ne prend pas fi facilement une
Ville , quand il y a une grande
Armee campée derriere. De la
maniere que nousfommes campez ,
nous mettons à couvert , Louvain ,
Malines , Bruxelles , Liere , &
Anvers nous avons la Ville de
Louvain vis-à- vis de noftre droi
te , la riviere de Dyle qui paffe
au travers , eft à noftre gauche ;
l'Infanterie borde cette riviere ,
nous avons fait fur les bords un
retranchement tout du long. Les
ennemis témoignent qu'ils veulent
Juillet 1705 .
Ii
378 MERCURE
abfolument la paffer , nous voulons
les en empêcher , &nous pre¬
nons ferieufement toutes les mefu
respourcela. Ils voulurent avanthier
établir un Pont ; mais nous
les obligeâmes de fe retirer, &
nous jettâmes leurs pieces de bois
dans l'eau. Comme ils ont les mêmespoftes
que nousfur la riviere
c'est-à-dire, les uns d'un cofté, les
autres de l'autre , il y afouvent
des efcarmouches ; & quand on
croit que l'un ou l'autre party eſt
le plus foible , l'on fait monter le
piquet à cheval de cheval de part & d'antre:
c'est ce qui arriva hier
lorfqu'ils voulurentfaire une tenGALANT
379
le
tative pourfonder la riviere. Nos
grandes Gardes & les leurs fe
battent à tous momens . Tout cecy
pourroit nous engager à une affaire ;
au moins nous y attendons - nous ,
car leur grand deßein eft de prendre
Louvain
. Ils ne peuvent
faire qu'en l'inveftiffant ; &pour
cela il faut paffer la riviere &
nous faire décamper : ce qui ne
leur fera pas facile. Il eft vray
qu'à la faveur de leur canon ils
peuvent jetter des Ponts ; car lors
que nous voulûmes fecourir Na
le Prince d'Orange
af
mur
que
fiegeoit , le même cas arriva pour
nous qu'il eft à prefent pour eux ,
liij
380 MERCURE
& nous jettâmes des Ponts fur la
riviere devant presque autant de
Regimens qu'il y en avoit dans
l'Armée ennemie , à la faveur de
noftre canon. Carpendant que l'on
tire on les jette fort bien dans les
intervalles ; mais aprés cela il faut
paffer, & c'est ce que nous empê
cherons. Hiercinq cent maistres de
la Maifon du Roy & de la Gendarmerie
accompagnerent Mr le
Maréchal qui alla reconnoistre un
Camp à deux lieues d'ici , afin de
Juivre les ennemis , en cas qu'ils
aillent à Namur. Comme ils ont
un Pont fur la riviere , qui eft à
Herarle à un demi quart de lieue
a
a
GALANT 381
de Louvain , les Bourgeois de cette
Ville l'ont rompu , & ont lâché
leurs écluses ; de forte que
de ce
cofté-là la plaine eft inondée , &
l'on y a de l'eau jufques à la
ceinture. Nous avons des Troupes
depuis noftre Camp jusqu'à Anvers
, par lajonction de Mr de la
que
Mothe. Mylord Marlboroug a
envoyé un Trompette avec un
Paffeport pour avertir tout ce
Pays - cy de contribuer; mais on l'a
·que
sil renvoyé en luy declarant
revenoit , ou que s'il en renvoyoit
un autre pour le même fujet , on
le jetteroit dans la riviere . Nous
croyons le fiege de Namur comme
382 MERCURE
impoffible
, và les ennemis
n'ont ny provifions
ny magaſins.
que
Voicy un extrrait d'une
Lettre du Camp de Bethlehem ,
du 24. de ce mois .
Les dernieres nouvelles font
beaucoup plus agréables que les
precedentes , nous efperons que
le party que Monfieur l'Electeur
& Monfieur le Maréchal de
Villeroy prirent prudemment , dés
qu'ils virent qu'il n'étoit plus
temps de chaffer les ennemis des
lignes qu'ils avoient furprifes , de
faire une marche forcée pour ve→
GALANT 383
nir occuper le Camp où nousfommes
, empêchera qu'ils ne profitent
du bonheur qu'ils ont eu d'entrer
dans les lignes par deux barrieres
qu'ils ont trouvé ouvertes . Comme
il n'avoient pú imaginer que
nous fiffions une auffi grande diligence
, ils furent fort furpris
quand, en approchant,ils découvri
rent que nous eftions déja campez .
Ce Camp eft couvert par la Dyle
qui eft profonde , & dont les
bordsfontfort élevez , & il eft
foûtenu par la Ville de Louvain ,
qui fe trouve prefque dans le
centre. Les ennemis trouvant ce
pofte occupé,fe camperent de l'au ↑
384 MERCURE
tre côtédela riviere, quifeulefepare
les deux Armées . Il nous vient.
tous les jours beaucoup de Deferteurs
qui tous difent que
nemie
la cherté
eft fi grande dans l'armée en-
› que le pain s'y vendjufqu'à
quinze fols la livre , & le
pot de bierre jufqu'à dixfols. Le
Duc de Marlborough a renvoyé
à Monfieur l'Electeur , fur lear
parole , tous les Officiers des troupes
de fa Maifon qui avoient esté
faits prifonniers dans l'action des
lignes , & il les chargea en les
renvoyant , d'une Lettre pour ce
Prince pleine de foumiffions & de
refpects , par laquelle il luy mar
que
GALANT 385
que le plaifir qu'il fe faifoit de
renvoyer auprés de luy des Officiers
qu'il fçavoit eftre particulie
rement attachez à fa Perfonne.
Mr le Marquis d'Alegre , &
Mr le Comte de Horn font demeurez
prifonniers , avec quelques
autres Officiers , dont le
nombre n'eft pas fi grand que
l'on avoit dit d'abord; plufieurs
de ceux qu'on croyoit tuez ou
prifonniers , eftant revenus au
Camp , ainfi qu'une tres grande
quantité de foldats . De maniere
que felon plufieurs Relations ,
& même aprés les revûës de
plufieurs Regimens faites , noftre
perte ne s'est pas trouvée monter
à plus de fix cens hommes ;
Kk
Juillet 1705 .
386 MERCURE
& ceux qui écrivent de Hollande
, & qui parlent de bonne
foy , font monter à davantage
celle des Alliez : & comme la
deſertion a efté grande parmi
eux aprés leur entrée dans nos
lignes , à caufe de la difette de
vivres , on peut dire que leur
expedition leur coûte environ
mille hommes plus qu'à nous .
Le 26. le Piquet monta à che
val , parce qu'on avoit vû à la
droite plufieurs troupes de Ca
valerie des ennemis avec quelque
infanterie ; les Generaux
de la droite y allerent prefque
tous, mais ils jugerent que cette
infanterie n'étoit que des travailleurs
pour élargir les chemins
.
Quelques troupes ennemies
GALANT 387
ayant le 27. hazardé de paffer
un Pont du cofté de V Verche,
teren , un Bataillon du Regiment
des Gardes en tua plufieurs
, fit quelques prifonniers
& obligea le reste à repafler.
Monfieur le Comte de Toulouſe
partit le 29. Juillet pour
fe rendre à Toulon . Mr Moreau
de Mautour envoya à ce Prince
les Vers fuivans , la veille de
fon départ.
PAYS
MADRIGAL .
Ars , grind Prince , & foutiens
la gloire de LOUIS ;
Pourfuis , en l'imitant , tes Exploits
inoüis ;
Les bords de l'Iberie & le rivage
More
Kk ij
388 MERCURE
De tes hauss faitsferont témoins
encore .
Les Vents fiers de conduire un fi
noble Vainqueur ,
Tel qu'autrefois Cefar &fafortune
,
Par tout l'Empire de Neptune
Seconderont tes voeux & ta valeur.
Nos ennemis flattez d'une vainë
esperance ,
Ont bean s'aimer contre la
France ;
Ils ont déja fenti laforce de ton bras
De ton départ leur Flotte eft allarmée
Attentifs & jaloux ils obfervent
tes pas ;
Ta préfence contre eux , qui vaut
feule une armée ,
Va porter dans les coeurs de nos
vaillants Soldats
GALANT 389
L'espoir de la Victoire , & l'ardent
des Combats.
Je viens d'apprendre que ce
Prince a efté nommé par Sa Majefté
Generaliffime des Troupes
de mer & de terre . Je n'ay
pas le temps de vous en dire
davantage ; mais vos reflexions
Vous apprendront fans doute
tout ce que je pourrois vous en
dire.
Je vous ay déja appris la mort
de l'Amirante de Caſtille ; mais
je ne vous ay pas dit le ſujet de
fa mort. Le voicy. Cet Amirante
donnà le même jourun grand
repas aux Miniftres Anglois &
Hollandois qui font en Portu →
gal , & il y joignit quelques Miniftres
de Sa Majesté Portugais
Kkij
390 MERCURE
fe. Vers la moitié du repas lorf
que le vin commença à monter
un peu à la tefte , les Anglois
parlerent des préparatifs qui fe
faifoient en Espagne pour la
Campagne d'Automne , & des
fujets qu'il y avoit de croire
que cette Campagne feroit tresavantageufe
aux Efpagnols ; ils
ajoûterent , en jettant les yeux
fur les Miniftres Portugais , qu'ils
auroient pu faire une plus belle
Campagne , & prendre Badajoz.
L'Amirante de fon cofté leur
répondit , en leur montrant les
Miniftres Portugais , qu'ils en
eftoient caufe , & que s'ils na'voient
point laiffe manquer de toutes les
chofes neceffaires pour faire cette conquefte
, on fe feroit rendu maistre de
cette Place ; ce qui auroit entrainé la
GALANT 39r
perte de plufieurs autres Villes. Les
Miniftres Portugais qui avoient
jufque - là écouté patiemment
tout ce qu'on leur avoit dit
prirent la parole , & dirent à
l'Amirante , que fi tout ce qu'il
leur avoitpromis avoit eftè executé,
& que tous les Grands d'Espagne
euffent trahi comme luy Philippe V.
leur legitime Souverain , on n'auroit
pas feulement fait la conqueste de
Badajoz, mais auffi celle de toute
Efpagne. La converſation s'échauffa
, on en vint aux invectives
; & l'Amirante eftant fujet
à de grandes vapeurs , il luy en
prit une qui tourna auffi - toft
en apoplexie , dont il mourut
peu de temps aprés .
La premiere nouvelle de la
prife de Hombourg s'est trouvée
392 MERCURE
veritable , mais non pas celle
des huit cens hommes faits prifonniers
de guerre ; ils ont efté
conduits à Manheim , & font
fortis avec armes & bagages ,
mais fans canon . Mr de Refuge
a cru leur devoir accorder cette
Capitulation , parce que dix
mille hommes qui venoient fecourir
la Place , s'eftoient déja
avancez jufques à Audernach .
On eft extrêmement furpris de
ce que le Gouverneur du Château
s'est rendu auffi - toſt aprés
avoir appris que Mr de Refuge
avoit jetté quelques Troupes
dans la Ville , qui s'eſt renduë
d'abord , & le Gouverneur n'a
tenu qu'un jour fans avoir attendu
le Canon : cependant toutes
les Lettres affurent qu'il auroit
1
GALANT 393
pû tenir plufieurs jours.
On a défait en Alface un Par
ti de cent Maîtres ; tous ceux
qui le compofoient ont efté
tuez ,à la referve de fept qui ont
efté faits prifonniers . Nos Huf
fars qui ont fait cette expedition
, ont pendu trois Officiers
Huffars en reprefailles de ce
que les Allemans font pendre
tous nos Huffars qui tombent
entre leurs mains.
Je vous envoye une Lettre de
Mr le Duc de Vendofme , parlaquelle
vous connoistrez en
quel eftat font prefentement les
affaires de la guerre dans les
lieux où ce Prince commande .
394 MERCURE
Du Camp de Soricina le 25.
Juillet.
Mon Frere partit d'icy le 21 .
avec onze Escadrons & huit Ba
taillons pourfe rendre Gazolo, où
il a joint deux autres Bataillons
qui y eftoient aux ordres de Mr.
des Touches , avec trois cens Dragons
détachez de cette Armée. Il
y a fait conftruire un Pont fur
l'Oglio qui a efté achevé ce matin ;
& dans le temps qu'on marquoit
le Camp au delà de cette riviere
Mr le Comte de Chemerault luy
a mandé que l'on voyoit quelques
GALANT 395
à
Huffars des ennemis ; mon frere
eft monté à cheval , & a efté le
trouver. C'eftoit Saint- Amour
avec quatre cent chevaux qui revenoit
du cofté de Mantouč ,
qui apparemment ignoroit l'arrivée
de nos Troupes , ou que nos
Ponts fuffentfaits & raccommodez
; ce qui a donné le
mon Frere de faire venir les trois
cent Dragons & quelques piquets
de Cavalerie , qu'il afair foûtenir
par quelques Compagnies de
Grenadiers , on a marché fi vivement
à Saint- Amour , qu'il n'a
prefque pas tenu ; il a eſté pouſſé
prés de trois milles , aprés quoy il
temps
396 MERCURE
qu'on
s'eft difperfé dans tant de chemins ,
on a efté obligé de ceffer de le
poursuivre , Mr de Chemerault a
toûjours efté à la tefte de nos Dragons;
& on afait vingt ou vingtcinq
prifonniers. On ne peut encore
juger du nombre de ceux qui
ont efté tuez dans cette action , qui
ne laiffe pas d'eftre confiderable , à
caufe de l'étendue du chemin qu'on
a fait en les pourfuivant. L'épouvente
de Saint- Amour a paſſéjuf
qu'au Commandant de Marcaria ,
qui a abandonné le Chasteau dans
lequel nous avons mis auffi - toft
foixante Dragons.
Mon Frere marchera demain à
la
GALANT 397
la pointe du jour , avec le Corps.
qu'il commande pour aller à Ca
netto ; j'efpere qu'il fe rendra
bientoft maistre de ce Pofte , auffi
bien que d'Uftiano. Nous fommes
toujours icy dans le même Camp ,
que j'ayfait retrancher par tant
de manieres , qu'il n'y a pas un
feul homme des ennemis qui puiße
penetrer dans le pays. Fay fait
un Pont à Bardolano , à la tefte
duquel ily a unfort ton retranchement
, & demain nous yferons
encore un autre Pont.
Mr de Caraman n'ayant pû
cftre entamé dans fa retraite
avec le Bataillon quarré qu'il
Juillet 1705 .
LI
398 MERCURE
avoit formé , dont je vous ay
déja parlé , & qui luy a attiré
des loüanges des ennemis même,
le Roy luy a fait l'honneur de
luy écrire de fa propre main
pour luy marquer combien il eft
fatisfait de cette action , & luy
à envoyé le grand Cordon de
l'Ordre de Saint Louis , avec
permiffion de le porter , en at
tendant qu'il vaque une Commanderie.
Il est avantageux de
fervir un Monarque , dont les
recompenfes fuivent de prés les
fervices qu'on a l'honneur de.
luy rendre.
Le Roi ayant ordonné , auffitôt
aprés que Mvlord Marlboroug
cut abandonne la Mofelle , que
Mr de Marfin viendroit ſerviren
Flandre , Mr le Maréchal de
GALANT 399
Villars témoigna que Sa Majef
ré luy feroit plaifir de le laiffer
en Allemagne ; & Mr le Maréchal
de Marfin eut l'honneſteté
de faire connoiftre qu'il y reſted
roit avec plaifir , quoy qu'il n'y
commandaft pas en chef, fi c'é
toit l'intention de Sa Majesté.
Les chofes viennent de changer
de face , & ce Maréchal a reçu
de nouveaux ordres du Roy
pour, feren freen Flandre, où il
eft prefentement.
Voicy une Lettre du Camp
devant Chivas du 14.
Nousfommes fur le point de
faire desgalleries à travers lefoffe,
defquelles le Mineur fe fervira
pour aller s'attacher au Baftion
Llij
3400 MERCURE
Nous faifons actuellement une
batterie pour ruiner l'épaule , te
flanc, & partie de la Courtine du
Baftion. Nous tirons une ligne de
communication qui va aux Redoutes
du Po , bien meilleure que
la premiere , & qui approche de
plus prés celle des ennemis ; ce qui
leur donnera de la jalousie de ce
cofté-là. On mine à prefent la mon
tagne qui communique avec la
ville , ou du moins un endroit où
les ennemis ont fait un tres-fort
retranchement , qui eft comme une
Plate - forme tres -élevée. Cependant
cela eft abfolument neceffaire
pourmettre une batteric, de laquelle
GALANT 401
on puiffe canonner le Fort qui en-
Stretient la communication avec
Chivas on ramaße toutes les
Troupes qu'on peut tirer des Garnifons
, on travaille à des Lignes
pour entourer entierement
cette Place , dont on commença hier
à combler le Foffe.
Je vous ay déja marqué dans
ma Lettre ceque Mr de la Feüil .
lade avoit fait devant Chivas
pour avancer le fiege de cette
Place , juſqu'au jour que je finis
l'article que vous avez trouvé
dans ma Lettre , vous venez
d'apprendre la fuite de ces nouvelles
, par celle que Vous venez
de lire , & voicy ce que je
Ll iij
402 MERCURE
viens d'apprendre . Mr de la
Feuillade qui n'a pas moins de
tefte que de valeur & d'expe
rience , voyant que Mr le Duc
de Savoye deffendoit Chivas en
perfonne , & qu'il animoit les
Troupes par fa prefence , refolut
de l'engager à fortir de la
Place Il ordonna pour cet effet
à quelques Garnifons de le
venir joindre pour groffir fon
Armée ; il forma enfuite un
Corps , à la tefte duquel il fe .
mit , & marcha droit à l'Armée
de Monfieur de Savoye.
Ce Prince ne l'eut pas plutoft
appris , qu'il abandonna Chivas
pour le rendre à ſon Armée ,
où à peine fut il arrivé qu'il l'a
fit décamper pour mettre plufi.
urs défilez devant luy . Dés
P
GALANT 403
que Mr de la Feüillade eu appris
l'arrivée de Mr de Savoye ,
il quitta le Corps qu'il commandoit
, & prit les devans pour
fe rendre devant Chivas ; &
auffi -toft qu'il y fut arrivé il fit
donner un affaut à la Demie-
June , & l'on fe logea fur un des
angles de cette Demie - lune , où
Ton fe retrancha ,
On a fçu depuis qu'on a dreffé
une batterie de Canon dans le
chemin couvert & qu'il y a une
grande bréche au Corps de la
Place.
Les mêmes nouvelles ajoûttent
que noftre Cavalerie avoit
pris beaucoup de fourrages & de
provifions dans le Camp que
Mr de Savoye avoit fait abandonner
pour faire retirer fon
404 MERCURE
armée derriere les défilez , ainfi
que je viens de vous le marquer.
Voicy une Lettre du Camp
prés de Weiffenbourg , quivous
apprendra plufieurs nouvelles .
Cette Lettre eſt du 28.
On a achevépar de bons baftions
de rendre Haguenau une
place de guerre dans les formes.
elle est déja hors d'inſulte par un
* bon chemin couvert & d'autres
ouvrages excellens ; & nos lignes
- juſqu'au Rhin font dans leur perfection.
Il arrive journellement à l'Armée
des Officiers du Regiment de
Navarre , quiont efté échangez
Sur le bruit qui a couru que les
GALANT 405
ennemis qui font prefentement an
nombre de trente mille hommes ,fai
foient remonter un Corps de Troupes
affez confiderable du cofté du
Fort-Louis , Mr le Comte de Coignies
a esté envoyé à Stattmatt
qui eft un Pofte entre ce Fort
Drufenheim, de même que la Colonelle
generale des Dragons , le
Regiment de la Vrilliere , & les
deux Bataillons de Lorraine.
Le General Mercy qui eft cam
péfous Landau , s'eftant hier avan
cé auprés de noftre Armée , envoya
cent cinquante chevaux pour nous
reconnoiftre ; mais ils furent rencontrez
àune lieuë de noftre Camp
406 MERCURE
par nos Huffars qui en tuérent la
meilleure partie , firent onze pri
fonniers , prirent foixante chevaux
,& mirent le reste enfaite.
Nousfommesparfaitement bien en
fourrages, les ennemis en ont
grandedifette, n'ayant que ceuxque
l'on voiturepar le Pont du Rhin,
Des douze Bataillons qui faifoient
lefiege de Hombourg, trois
ont efte envoyez à Sarlouis , &
les neuf autres , avec quatorze ef
-cadrons , viennent nous joindre inceffamment
; & aprés ce renfort
nous aurons fuixante-fept Bataillons
, ¢-treize Efcadrons.
Mr de Refuge eft retourné hier
GALANT 407
dans les trois Evêchez où il commande.
Je vous envoie la premiere
relation qui eft tombée entre
mes mains de la grande action
qui fait aujourd'huy tant de
bruit ; elle eft traduite d'une relation
fait par un Officier Eſpagnol
.
Du Camp de Corbek le 30. de
Juillet 1795.
Mr l'Electeur avoit eu avis
les
ennemis
ily a deux jours , que
avoient
fait charger
leurs gros
équipages
, qu'ils devoient
paffer
la Dyle & venir nous
attaquer ,
408 MERCURE
M
les
S.A. E. pritfes mesures pour
attendre ; & fit dire la Meffe à
deux heures du matin . Mr l'Electeur
& Mrle Maréchal de Villeroy
eurent de nouveaux avis que
Mylord Marlborougformoit fon
Armée & qu'il remontoit vers la
gauche de la Dyle au deffus de
Louvain ; ils firent mettre auffi
"noftre Armée en bataille , & elley
paßa la nuit. Les ennemis nous
attaquérent par trois endroits
l'attaque fut legere à nôtre droite ,
& à nôtre gauche , entre Neer-
Iffche & Florival ; nos Troupes
tinrent ferme , connoiffant bien
qu'il n'y avoit là rien à craindre.
La
GALANT 409
veritable attaque fut au centre de
l'Armée,à Corbek, où eftoit le quartier
de Mr l'Electeur. Ils commencerent
à tirer avec quarante pieces
de gros canon , qu'ils avoient mis
en batterie dés les trois heures du
matin. Le feu dura juſqu'à Sept
heures comme fi c'euft esté un feu
de moufqueterie ; & favorisant
leurs pionniers qui jetterent un
Pontfur la Dyle , Mr de Marlborougfit
paffer deux mille Grenadiers
, quelques Bataillons
Efcadrons , pendant que leurs
Troupes fe tenoient en bataillefur
la hauteur, fe préparant à fuivre
celles qui avoient paffé. Mr l'E
Juillet 1705 Mm
410 MERCURE
lecteur & les autres Generaux opi
nérent à laißerpaſſer un plus grand
nombre de leurs Troupes ; mais il
ne leur fut pas poffible d'arrefter
l'ardeur de quatre Regimens de
Dragons , qui avoient tenu ferme
dans leurpofte , ny de deux Briga
des de Baviere de Cologne ;
nonobftant le feu prodigieux des
ennemis , ils les chargérent avec
tant de vigueur , qu'aprés quelque
refiftance ils les mirent en déroute ,
une partie de ceux qui avoient
paffe , tuée , l'autre noyée dans la
Dyle , & l'autre fut prife. Ceux
qui avoient repaffé le Pont , fe
croyant en fûreté de l'autre cofté
GALANT 411
les
de la Riviere où ils fe formoient
avec les autres Troupes qui les
foutenoient ,furentprefque défaits ,
par dix pieces de Canon , que
noftres avoient cachées au bord de
la riviere , chargées à cartouche &
tirant trois coups chacune , qui ti
rerent fur euxfort àpropos . Nous
n'avons pas perdu dans cette action
vigoureufe plus de foixante hommes.
Mr de Marlborougfit retirer
fon Armée ; mais voulant en faire
retourner la droite à fon Camp de
l'Abbaye du Parc que fes Troupes
avoient abandonné , il fe vit
obligé de faire halte , parce que
Monfieur le Maréchal de Ville-
Mmij
1
412 MERCURE
-roy qui s'eftoit bien imaginé qu'il
prendroit ce parti , avoit marché
avec dix mille hommes de la
gauche de noftre Armée , &aprés
avoirpaffé quelquegué de la Dyle,
il s'eftoit campé dans ce Camp.
De forte que Mrde Marlboroug
fut contraint de retirer fon Armée
àTirlemont , à une lieuë de la nôtre.
Il donne à entendre par ce
mouvement qu'il a abandonné le
Brabant , & qu'il marche à Namur.
Cette action a extrêmement
animé nos Troupes. Mr l'Electeur
fe trouva à tout. Nôtre Armée
eftà Corbek, la gauche à Louvain ,
*
GALANT 413
(laquelle est couverte de dix mille
hommes qui font dans le Camp du
Parc,) ladroite à Neer-Iffche ,
appuyée de Wavre.
La Relation fuivante a efté
faite par un Officier François.
Au Camp fous Louvain ,
le 30. Juillet.
Mrs les Comtes dela Mothe
de Gaffé nousjoignirent le 28.
avec leur Camp volant , ainſi que
fept Bataillons qui estoient dans
Anvers. Noftre armée doit encore
eftre jointe par des troupes qu'on
tire des Garnifons , les ennemis en
Mm iij
414 MERCURE
faifant de mefme. Hier 29. les
ennemis commencerent à faire
marcher leur artillerie & leurs
gros bagages à quatre heures du
foir ; depuis fept heures noftre armée
fut toujours au biuac. Leur
deffein étoit depaffer la riviere en
trois endroits pour nous attaquer,
mais tous trois leur ont manqué :
leur armée ſe mit la nuit en marche
fans tambours ny trompettes ,
ils envoyerent un Corps de troupes
au bout de noftre gauche .
mais à peine eurent- ils paffé un
gué qu'ils furent repouſſez avec
perte. Cette action s'eſt paßée aujourd'huy
à trois heures du matin.
GALANT
415
>
La feconde a eftéfur la queuë de
noftre droite , du cofté de la petite
Ville de Wavre ; mais avec auffi
peu de fuccés. Enfin la troifiéme
qui étoit la veritable attaque
efté au Village de Corbek quartier
de Monfieur l'Electeur; ils avoient
dreẞé pendant la nuit quarante
canons , fur une hauteur qui commande
ce Village & les Prairies
qui l'environnent. Depuis trois
heures du matin jufqu'à sept heures
le canon a tiré, de mesme que
la moufqueterie , & à leur faveur
deux mille hommes d'Infanterie
avec de la Cavalerie ont paßé
la riviere & pris pofte dans ce
416 MERCURE
19
Village , tout le gros de leur armée
étantfur les hauteurs au delà
de la riviere. Quatre de nos Regimens
de Dragons qui étoient
vis-à- vis ce Village , ont toujours
tenu ferme jufqu'à l'arrivée de la
Brigade de l'Infanterie de Liege
de Baviere , qui malgré leurs
Officiers & les Generaux mefmes
qui vouloient laiffer paffer dix à
douze mille hommes, ont chargéles
ennemis fi vigoureusement , qu'ils
les ont obligez de repaffer la riviere
, malgré la grêle de leurs canons
, en tres - grand defordre , partie
a esté tuée ou noyée , le reste
qui étoit repaßé fe croyoit en fûGALANT
417
reté ; mais dix pieces de noftre
canon à trois coups qui avoient efté
dreẞéesfans qu'ils s'enfuffent apperçus
, & qui étoient chargées à
cartouche , en tuerent beaucoup.
Toute leur armée fe retira alors
fort en defordre. De forte que
pendant ce temps - là Monfieur le
Maréchal de Villeroy , à la tefte de
dix mille hommes , alla s'emparer
de leur dernier Camp , où leur
avant-garde commençoit déja à
rentrer ; il l'obligea de fe retirer
de paffer une petite riviere qui
étoit derriere leur Camp , & qui
fait à prefent la tefte du noftre ,
ayant la Dyle , & Louvain der
418 MERCURE
♡
riere nous. Ce Camp de dix mille
hommes fait la gauche de noftre
armée , le centre eft à Corbek quar
tier de Monfieur l'Electeur ,
la droite eft à Neer- Iffche appuyée
fur Wavre,où est le quartier
de Monfieur de Villeroy. Le Camp
des ennemis eft à une lieuë de cette
derniere Ville , la riviere eftant
toûjours entre eux & nous . Par
cette retraite il paroift que Mylord
renonce au Brabant , & qu'il a
deffein fur Namur. On ne fait
pas au jufte leur perte ; mais cette
action a bien animé nos Soldats ,
fort rebutté les leurs . Les ennemis
pour pouvoir mieux nous
味
GALANT 419
furprendre , avoient tous du blanç
à leurs chapeaux ; cette rufe leur
a épargné quelques centaines
d'hommes. Nous n'avons eu que
foixante hommes tuez ou bleffez.
Il y
y
a d'autres
Relations
qui
portent
qu'on
fit
avancer
les
Gardes
du
Corps
du
Roy
&
les
Gendarmes
,
&
les
Chevauxlegers
de
la
Garde
.
Mrs
les
Comtes
de
Guifcard
&
de
Rouffi
,
Lieutenans
Generaux
,
ſe
trouverent
à
cette
action
,
&
Mr
le
Comte
de
Rouffi
fit
mettre
pied
à
terre
aux
Dragons
.
Je
fuis
, Madame
, voſtre
, & c.
A
Paris
ce
4.
Aoust
1705
.
On debitera le Mercure le s
420 MERCORE
du mois prochain ; & fi l'on n'a
pas tenu parole ce mois- cy , c'eſt
parce qu'on a voulu attendre
la Relation de la derniere affai
re de Flandre.
TABLE .
P
Rélude ,
le
Place d'Aumonier du Roy donnée , 8
Premiere Sorbonique foutenuë par
Pere Binet Cordelier & dediće
au Clergé ,
Eloge des Prelats de l'Affemblée
prononcé par le Pere le Camus
Fefuite ,
Reflexions furla Rhetorique ,
16
19
Anniverfaire de la Feüe Ducheffe de
Mantouë , 23
Apologie du Comte de Marfigli, 31
Querelle entre deux fçavans Anglois
,
Athée converti ,
Article de litterature ,
42
43
44
Dispute entre deux Religienx Reformez
de l'Ordre de Piémontré ,
46
Lettre d'un Novice de la Trapp , so
Juillet 1705
Nn
TABLE.
58
Premiere article de morts , parmi les
quelles ilfe trouve quelques morts
d'étrangers ,
Dons faits parle Roy d'Espagne, 77
Sergens Majors Generaux nommez
par le Senat de Venife , 91
Lettre de Mr de Chafteüil touchant
quelques antiquitex nouvellement
découvertes
• 92
102
Epitaphe Romaine découverte depuis
peu à Lion ,
Nouvelle découverte de neuf cens
medailles antiques & d'argent , 1.
104 .
Differtationfur la perculion des Li-
& queurs , 108
108 Recueil depoëfies Italiennes
Nouvelles découvertes fur la Gaittarre
Sonnet ,
112
"Relation curieufe & nouvelle du décampement
de Milord Marlbo
TABLE.
rough lorſqu'il a quitté la Mofelle,
114
Marche de Mr le Maréchal de Vil
lars aprés la retraite de Mylord
Marlborough , contenue en plu
fieurs lettres . 131
Mr le Marquis de Lanion & Mr
le Comte de Chamillart vont reconnoiftre
les retranchemens de
Luterbourg,
Mariage de Mr le Prince d'Harcourt
138
142
Mort de Mr le Marquis de Villa-
146 franca ,
Entrée de Mr le Chevalier du Bourk
Envoie Extraordinaire du Roy
d'Angleterre à la Cour d'Efpagnes
ISI
Mr l'Abbé Grimaldy nommé Internonce
à Bruxelles ,
Troifiéme article de morss ,
158
164
Nn ij
TABLE.
Traduction de deux lettres contenants
la Confpiration de Grenade
185
Lettres de Cadix & de Malaga
touchant la fituation des affaires
de la guerre à Cadix , 203
Nouveaux Elemens de Geometrie de
Monfeigneur le Duc de Bourgogne,
218
Article tres curieux qui regarde l'operation
des Cataractes
Prétendne confpiration à Badajoz ,
> 244
257
261 Execution faite à Grenade ,
Zéle dupeuple de Madridpour éteindrele
feu àl'Hôtel de l'Ambaſſa.
"
262 deur de France
Nouveau remplacement de Marine,
Quatrième article de morts ,
263
266
Thefes nouvellement foûtenuës , 270
TABLE.
278 Vie du Pere Bourdaloué,
Mr Rouillé de Marbeuf eft recen
Confeiller au Parlement 281
Mort du cinquième fils de S. A. E.
de Baviere ; cet article contient
plufieurs faits curieux , 283
Prife de la Ville & du Château de
Huy 301
Nouvelles de l'Armée de Mr de
Villars ,
Prife de Hombourg,
Suite des novelles de Cadix ,
304
311
321
Mort de l'Amirante de Caftille , 317
Suite des nouvelles d'Italie , 323
Autres nouvelles de Cadix ,
Article des Enigmes ,
Confpiration de Cremone
358
353
357
L'affaire des Lignes , contenant plufieurs
articles fur ce fujet , 359
387
Départ de Mr le Comte de Toulouse,
pourfe rendre à Toulon ,
TABLE.
Madrigal à ce Prince idem
Il eft nommé Generaliffime des A1-
mées Navales de fa Majesté &
des troupes de terre , 389
Article curieux touchant le fujet, de
> la mort de l'Amirante idem
Article de la prife de Hombourgplus
détaillé que le premier ,
Parti de cent hommes entierement
défait en Alface ,
391
393
394
Lettre de Mr le Duc de Vendôme ,
Autre Relationfaitepar un Officier
François , 413
Avispour placer les Figures.
L'Air qui commence par
Orgueilleux ennemis , doit regarder
la page 110 .
L'air qui commence par
Le Soleil trop ardent fait languir
la nature , doit regarder la page
357
Qualité de la reconnaissance optique de caractères