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BIBLIOTHÈQUE
60
" Los Fontes
SJ
CHANTILLY
V.
:
#
MERCURE
CALANT
DEDIE A MONSEIGNEUR
EDAUPHIN.
JUIN, 1705.
A PARIS ,
hez MICHEL BRUNET , Grande Salle da
Palais , au Mercure galant.
DO
Omme il eft impoffible dans la con
Cjoncture prefente de ne pas groffic
le Mercure, ce qui en augmente confiderablement
les frais , on ne peut fe difpenfer
d'en augmenter auffi le prix, Aint les
volumes qui feront reliez en veau ſe vendront
dorefnavant trente-huit fols, quant
aux volumes qui feront reliez en parche
min , on n'en payera que trente- cinq.
Les Relations fe vendront autant que
les Mercures.
Chez MICHEL BRUNET , grandé
Salle du Palais , au Mercure
Galánt.
M.DCC V.
Avec Privilege du Roy.
AU LECTEUR.
ILy a lieu de croire qu'on
ne lit plus l'Avis qui a
efté mis depuis tantd'années
aucommencement
de chaque
Volume au Mercure , puis
que malgré les prieres rèiterées
qu'on a faites d'écrire en
caracteres lifibles les Nams
propres quife trouvent dans
les Memoires
qu'on envoje
pour eftre employez , on neglige
de le faire , ce qui eft
canfe qu'il y en a quantité
AU LECTEUR .
de defigurez, eftant impoffible
de de viner le nom d'une Terre
, ou d'une Famille , s'il
n'est bien écrit. On prie de
nouveau seux qui en envoyent
d'y prendre garde ,
s'ils veulent que les noms
propres foient corrects . On
avertitencore qu'on neprend

aucun argent pour ces Memoires,
que l'on employera
tous les bonsOuvrages à leur
tour, pourvu qu'ils ne defobligent
perfonne , & que
ceux qui les envoyeront en
affranchißent le port.
MERCVRE
GALANT
JUIN , 1795 .
Yant toûjours commencé
mes Lettres
par quelques
Articles
qui regardent
le Roy , je
ne puis mieux commencer
celle
cy que par l'Article fuivant.
A
iij
6 MERCURE
M' Viel Regent de Seconde
au College du Pleffis & Recteur
de
l'Univerfité de Paris , prononça
le Vendredy ry May ,
dans la Salle des Ecoles exte
Pricures de Sorbonne , l'Eloge
Latin du Roy , fondé par M
de Ville. M le Prevoft des
Marchands , à la tefte de
M's de Ville , y affifta , ainfi
que Monfieur le Cardinal de
Noailles , accompagné d'un
grand nombred Evêques L'Affemblée
fut belle & nombreufe
, & tout le monde parut tresfatisfait
du Difcours de M'le
Recteur. Il fut tres- éloquent ,
GALANT 7
plein de penfées brillantes &
d'heureufes applications
à la
gloire de Sa Majesté. Il roula
fur la guerre de Savoye ; tous
les foins que le Roy a pris
pour l'éviter , & toute l'attention
qu'a ce Prince pour
la terminer , faifoient la divifion
de ce Difcours . Les engagemens
de Monfieur le Duc
de Savoye formez avec nos ennemis
& découverts
au Roy ,
longtemps avant qu'ils éclataf
fent , la bonté de ce Monarque
marquée en tant d'occaſions à
ce Duc ; ce qu'il a fait pour le
conferver & le ramener , furent
A j
8 MERCURE
détaillez avec beaucoup d'éloquence
; & la difference des manieres
des Allemans , qu'il nommoit
fort bien Feroces Germani ,
de celle des François avec les Sujets
de Monfieur le Duc de Savoye,
ne fut pas moins bien mife
dans fon jour. La rapidité des
Conquêtes du Roi en Piémont,
les progrés des armés de Monficur
le Duc de Vendôme , & de
Monfieur le Duc de la Feuillade ,
la prife de Veruë dans la faifon
de l'année la plus rude aprés un
Siege de fix mois ; Monfieur le
Duc de Savoye enfin enfermé
dans fa Capitale , fournirent un
GALANT 9
aſſez vaſte champ à l'éloquence
de l'Orateur , qui finit fon Difcours
en parlant de la mort de
Monfeigneur le Duc de Breragne
, par une ingenieufe application
de Moïfe , d'Abraham ,
& d'Ifaac,
Je vous envoyay il y a quel
que mois la Relation de la mort
d'un Religieux de la Trape ,
nommé Frere Alberic . Il m'eft
tombé depuis ce temps - là une
Lettre que M. l'Abbé de la
Trape écrivit à M' l'Evêque de
S. Pons , à l'occafion de la mort
de ce Religieux . Je vous l'en10
MERCURE
voye , perfuadé qu'elle vous
édifiera.
MONSEIGNEUR,
Labonté avec laquelle vous me
fiftes l'honneur de me recommander
noftre cher Frere Alberic de
Sainte- Colombe , lorfqu'il vintfe
confacrer au fervice de Jefus-
Chrift dans noftre Defert , m'a
perfuadé que je ferois plaifer à V.
G. de luy apprendre quelle a efté
fa bien- heureufefin , & combien
fa conduite durant fa vie nous a
édifiez. Fofe vous affurer , Monfeigneur
, que depuis quarante ans
GALANT II
que la Reforme eft établie dans
cette Marfon qui aformé deshommes
d'une grande vertu , on n'en
a point vû qui aitfurpaffé le Frere
Alberic , & qu'il n'ait égalé
foit dans leparfait renoncement
an
monde er à foy-même , foit dans
la pratique de l'humilité , de l'o
béiffance , de la mortification
, de
la penitence , de la charité, & du
defir de la mort. L'avantage
qu'il
eut d'avoir efté un de vas Eleves ,
Monfeigneur
, le fit paroître tout
d'un coup & dés l'entrée de facar
riere comme un homme parfait ,
É comme un modele de toutes les
vertus chreftiennes
& religienfes
12 MERCURE
ce qui me porta à l'élever au Sacerdoce
; je luy fis recevoir le Diaconat
, mais non fans faire une
extrême violence à fon humilité,
fans luyfaire répandre quantité
de larmes durant toute l'Ordi
nation , & je crois que la feule
crainte d'eftre Preftre l'auroit fait
mourirplutoft, fije ne l'avois affuré
que je ne le forcerois pas
que je le laifferois dans l'état où
il eftoit. La penitence & l'obéif
fance ont efté les vertus qui ont le
plus éclaté en luy, & il a pratiqué
l'une & l'autrejufqu'au dernier
foupir de fa vie , avec une
grande perfection ; auffi l'a-t-il
GALANT
13
finie avectouteforte de benedictions
fur lapaille & furla cendre , mu
ni de tous les Sacremens de l'Egli
fe en la mifericorde de Dieu . Je
le recommande à vosfaintesprieres,
Monfeigneur , & je vous fupplic
tres-inftamment de m'en accorder
quelque part. Jefuis avec unprofond
respect, Monfeigneur , vôtre,
JC.
"
Ja joints à cette Lettre quelques
éclairciffemens fur la mort
du Frere Alberic qui m'ont efté
envoyez dans le même temps
que la Lettre. Ils auront pour
vous l'agrément de la nouveauté
, puifque j'oubliay dans la
14 MERCURE
Lettre oùjevous appris la mort
de ce Saint Religieux , de vous
dire fon nom de famille.
• Le nom de baptême du Frere
Alberic , eftoit Jean-Baptifte ;
le nom de fa famille eft Sainte-
Colombe. Elle eft des plus anciennes
du Canton de Saint-
Pons , il ne refte dans cette famille
qu'une Terre qu'on ap
pelle Oupia , dont l'aîné
porte
le nom , il n'y a pas long- temps
qu'il y en avoit quelques au
tres qui ont efté alienées . Le
Frere Alberic qui en eftoit le
Cadet avoit fait fa Philoſophic
& fa Theologie dans l'UniverGALANT
IS
fité de Toulouſe. M' l'Evêque
de Saint- Pons le fit venir dans
fon Seminaire où il édifia tout
le monde pendant quelques
années qu'il y refta , il eut beau
coup de repugnance à prendre
les Ordres mineurs , parce qu'il
avoit toûjours en vûë de fe re,
tirer du monde , ne voulant
point s'engager dans l'état Ecclefiaftique.
M' l'Evêque de S,
Pons le détermina enfuite à recevoir
le Soufdiaconat , & il
crut que ce jeune homme trouva
le moyen de fufpendre fon
titre clerical. Enfin il preffa fi
fort ce Prelat de luy permettre
16 MERCURE
d'aller à la Trappe , qu'il confentift
qu'il y allaft , ce qu'il fit
à l'infçu de fes parens & de M°
fa mere , qui eft d'une picté
fort folide. Elle eft mourante
depuis le départ de fon fils , &
la nouvelle de fa mort luy à
caufé une douleur violente .
Toute fa famille l'aimoit tendrement
& il eftoit la confolation
de fa mere. M' l'Evêque
de Saint - Pons avoit prié Mr
l'Abbé de la Trape , lorfqu'il y
alla , qu'au cas que fa fanté qui
paroiffoit foible s'alterait au
point qu'il y cuft lieu de croire
qu'il ne pourroit pas vivre dans
GALANT 17
fon Abbaye , de le luy renvoyer
; parce qu'il ne luy permettoit
qu'avec beaucoup de
repugnance
, de quitter fon
Dioceſe où il luy auroit cfté
tres-utile , pour aller à la Trape.
La Lettre qui fuit eft de
Monfieur le Grand Duc , je
vous l'envoye de la maniere
dont elle m'a efté donnée .
A Pife le 16. Avril 1705 .
M. R. P. la Communauté de
vos Religieux , que vous avez
envoyez s'établir dans l'Abbaye
Avril 1705.
$7
B
18 MERCURE

de Buonfolazzo , aprés eftre parvenue
Lundy dernier dans cette
Ville , de celle de Livourne
une de mes Galeres qui eftoit allée
la prendre à Marseille , arriva
la nuit du Vendredy Saint , aprés
avoir fejourné icy troisjours , eft
partie ce matinpour eftre à Buonfolazzo
Samedy prochain. Je les
ay tous logez dans ce Palais , où
ils ont pufaire toutes leurs fonc
tions par la commodité de l'Egliſe
des Auguftins qui y eft jointe ,&
à laquelle on va par une Gallerie.
Fay efté charmé de leur grande
gularité , de leur pieté exemplaire,
&de tout ce qui les fait regarder
GALANT 19
comme de vraisferviteurs de Dieu .
C'est un trefor du Ciel pour moy
&pour mespeuples que l'acquifition
que j'ay faire d'une fifainte
& fi digne Communauté , qui ne
manquera pas d'attirerfur maperfonne
, fur ma maifon , & fur
mes peuples , les benedictions continuelles
du Tout - puiſſant ; c'est
-auffi la charité que je leur ay
demandée
en me recommandant à
teurs ferventes prieres , en ayant
adreffé pour cela mes inftances au
Pere Abbé Malachie Garnerin ,
dont la vertu , la probité , & tant
de belles qualitez qui le rendent
tres- digne Eleve de voftre Refor
Bij
20 MERCURE
mateur , m'ont fait connoiftre d'abord
que c'auroit efté pour moy un
grand avantage de luy voüer ainsi
que j'ay fait mon coeur & toute
mon affection. Voila en peu de
mots ce que dois vous en dire
aprés luy avoir parlé avoir eu
quelques converfations avec luy ,
dans lesquelles ce faint homme m'a
puiffamment encouragé à aimer
Dieu e à ne rien épargner pour
meriter fa divine mifericorde ;
c'eft encore la plus jufte réponſe
que je puiffe faire à voſtre Lettie
du 19. Janvier qu'il m'a renduë
de vostre part. Je n'ay pas manqué
d'admirer toutes les bonnes
GALANT 21
exemplaires , & édifiantes quali
tez du Pere Arfene de Fouglas
que vous avez donné pour cftre
Prieur & Maiftre des Novices
de cette Communauté ; enfin depuis
lepremierjuſqu'au dernier de ceux
qui la compofent , je n'y ay remar
quéque des gens achevez dans la
perfection d'une étroite obfervance
reguliere & de pieté. Vous comprenez
bien la grandeur de l'obli
gation que jay contractée avec
vous, pour unfi beau choix d'eux
tous , & d'un homme fi plein de
vous avez mis à leur
vertu
que
tefte j'ofe efperer qu'aprés tout
cecy vous vous perfuaderez aiſe22
MERCURE
A ..
ment du haut prix que je fais de
de me voir engagé à ne rien negli
ger de mon cofté pour bien affermir
leur établiſſement à
Buonfolazzo.
Je regarde cela comme une affaire
qui me touche tout-à -fait de prés ,
& que je ne dois auſſi jamais perdre
de vie, vous pouvez compter
fur cela commefur une chofe füre
à laquelle je ne fçaurois manquer
, fans manquer en même
temps à un devoir qui me doit eftre
par toute forte de raifons indifpenfable.
Lespreuves de cette verité
vous en convaincront dans lafuite
; cependant permettez - moy de
vous demander de nejamais difcon
fur
GALANT 23
tinuer à me donner part dans vos
prieres, dans celles de vôtre Communauté,
à laquelle vousprefidezfi
dignement,&foyezperfuadé qu'on
nepeut eftre plusfincerementque je
fuis. LE GRAND DUC DE
TOSCANE
.
M' Thuret ancien Prieur
d'Homblieres de l'Ordre de S
Benoift , a eu l'honeur de
prefenter
au Roy la grande Carte .
Genealogique des Rois d'Eft
pagne qu'il a fait graver nou
vellement ; Sa Majesté l'a reçut
tres- agreablement , & écouta
de même l'explication que M
24 MERCURE
Thuret eut l'honneur de luy
en faire , laquelle merite d'eftre
rapportée ici , tant parce qu'elle
donne une idée tres - briève &
tres- claire du
commencement
& des fuites de la Monarchie
d'Eſpagne jufqu'à prefent ,
qu'à caufe qu'elle fait connoiftre
tout le deffein de cette
Carte & le bél ordre qui y eft
obfervé.
Dans le démembrement de
l'Empire Romain , les Goths
eftans entrez en Italie environ
l'an 409. un de leurs Chefs
nommé Ataulfe paffa les Alpes
l'an 412. & entra dans la
Gaule
1
GALANT 25
Gaule Narbonnoife que l'Empereur
Honorius , duquel il
avoit épousé la foeur , luy donna
avec l'Efpagne , il pouffa
jufqu'à Barcelone où il entra
l'an 415. & y fut tué la même
année. C'eſt le premier Roy de
cette Nation qui entra en Efpagne
, où il commença le
Regne des Goths ou Wifigoths.
Ce Roy Ataulfe eft placé
le premier dans le Bas de la
Carte à droite & fes Succcffeurs
de la même Nation font
marquez au - deffus de luy en
remontant jufqu'au dernier
Juin 1705 .
C
26
MERCURE
nommé Roderic , qui fut vain
les Maures d'Afrique.
cu
par
qui s'emparérent de l'Eſpagne
l'an 713. & mirent fun au
Royaume des Goths.
Cette invafion des Maures
donna lieu à l'origine de pluficurs
Etats particuliers qui
formerent dans l'Eſpagne
·les Chreftiens qui fe
parce que
refugierent dans les Montafe
deffendre contre
gnes pour
les Maures , fe donnérent des
Chefs , chacun dans leurs quartiers
, qui firent des Maifons
differentes & féparées les unes
des autres , fçavoir : celles des
GALANT 27
Rois de Leon , des Rois de Navarre
, des Comtes de Caftille ,
des Comtes d'Aragon & des
Comtes de Barcelone , lefquelles
font marquées fur une longue
Terraffe qui regne tout du
long du bas de la Carte , comme
fi elles naiffoient de cette
Terraffe .
La premiere eft la Maiſon
des Rois de Navarre , qui commence
tout proche le Roy
Ataulfe , & qui continue en
rampant fur un long rameau
jufqu'à Sanche le Grand Roy
de Navarre , lequel eft placé au
milieu de la Terraffe
, parce
Cij
28 MERCURE
que ce fut dans fa perfonne ou
dans celle de fes enfans , que
les autres Maifons marquées
cy- aprés , s'unirent & s'affem
blerent par des mariages
.
La feconde eft celle des anciens
Comtes d'Aragon , qui
font placez au - deffous des premiers
Rois de Navarre fur un
autre Rameau rampant , lequel
finit par une heritiere de ce
Comté , laquelle fut mariée à
Garcie III . Roy de Navarre ,
bifayeul de Sanche le Grand ,
& par ce mariage le Comté
d'Aragon fut uni à la Maiſon
' de Navarre.
GALANT 29
La troifiéme eft des anciens
Comtes de Caftille , qui commence
de l'autre colté de la
Terraffe , & continue fur un
Rameau auffi rampant , lequel
amene l'heritiere de ce beau
Comté au même Sanche lc
Grand qu'elle épouſa , & par
ce mariage la Caftille entra
auffi dans la Maifon de Navarre.
La quatriéme eft celle des
Rois de Leon , lefquels commencent
tout proche le premier
Comte de Caftille , & continuënt
auſſi ſur un long Rameau
jufqu'à l'heritiere de ce
C
iij
30 MERCURE
Royaume , qui époufa Ferdinand
, fils puifné du même Sanche
le Grand , & premier Roy
de Caftille , par où le Royaume
de Leon entra dans cette
Maifon de Caftille , cadette de
celle de Navarre .
a
La cinquiéme eft celle des
Comtes de Barcelone , qui font
placez au bout de la Terraffe
gauche , fur un Rameau
qui s'éleve en montant depuis
Geoffroy le Velu jufqu'à Raimond
Berenger , qui eft placé
proche de Petronille , Reine
d'Aragon , defcenduë en ligne
mafculine du Roy de Navarre
GALANT
31
Sanchele Grand, laquelle époufa
ce Raymond Berenger , &
par ce mariage le Comté de
Barcelone fut uni à la Couronne
d'Aragon. Les Comtes de
Befalu , de Cerdagne & d'Urgel
fortis des mêmes Comtes de
Barcelone , fe voyent auffi au
même endroit fur leurs Rameaux
, à la fin defquels leur
réunion à la Maifon de Barcelone
ou d'Aragon eft marquée
particulierement.
Aprés avoir marqué l'union
de toutes ces anciennes Maifons
, il faut revenir à Sanche
le Grand , Roy de Navarre ,
C
iuj
32 MERCURE
qu'on voit placé dans le milieu
de la Terraffe , comme le Tronc
des trois grands Arbres qui fortent
de ce Monarque , & qui
rempliffent prefque toute l'étenduë
de la Carte , parce qu'ils
contiennent
la pofterité des
trois fils de ce Roy Sanche ,
aufquels il partagea les Etats
faifant Garcie fon aîné Roy de
Navarre , duquel font fortis
tous les Rois de Navarre jufqu'à
prefent ; fon fecond fils
Ferdinand Roy de Caſtille ,
( qui époufal heritiere de Leon )
d'où font fortis tous les Rois
de Caftille & de Leon , & enfin
GALANT
33
Ramir , fon fils naturel , Roy
d'Aragon , duquel font venus
tous les Rois d'Aragon . L'Arbre
des Rois de Navarre fe voit
à la droite ; celuy des Rois de
Caftille & de Leon dans le milicu
; & celuy d'Arragon à gauche.
On y voit auffi des Branches
confiderables que ces Arbres
ont pouffé , fçavoir : celles
des anciens Comtes de Provence
, des Rois de Sicile , de Majorque
, de Naples , des Princes
de la Cerda , de Manuel , de
Ponthieu , de Molina , & même
toute la Branche Imperiale
34 MERCURE
d'Autriche, fortie de Ferdinand
I. Empereur, fils puifné de Jeanne
, Reine & heritiere d'Efpagne.
La Branche des Rois de Portugal
devoit auffi avoir ſa place
dans cette Carte , comme eftant
fortie d'Alfonfe VI . Roy de
Caftille & de Leon par Therefe
fa fille naturelle , qu'il donna en
mariage à Henry de Bourgol
gne avec le Portugal pour dot ,
mais M Thuret a fait dans fa
Carte un Nota vis - à - vis de cette
Therefe , par lequel il ren
voye le Lecteur à fa Carte Genealogique
des Rois de France ,
GALANT
35
où il a mis tout au long la Bran
che des Rois de Portugal juſqu'à
prefent , comme eftant
iffus en ligne mafculine des
Rois de France par ce Henry de
Bourgogne, qui eftoit petit- fils
de Robert de France , Duc de
Bourgogne , troifiéme fils de
Robert , Roy de France.
Il ne reste plus qu'à voir
comment les trois grandes Maifons
Royales de Navarre , de
Caftille , & d'Aragon ont enfin
cſté réunies à l'aînée qui eft celle
de Navarre , de laquelle les
deux autres eftoient forties originairement.
Celle d'Aragon
36 MERCURE
commença la premiere en fe
réüniffant à celle de Caftille
l'an 1410. en confequence du
mariage de Leonore d'Aragon
avec Jean I. Roy de Caftille &
de Leon ; & celle de Caftille
avec fes annexes entra l'an.
1700. dans celle de Navarre ,
qui eft aujourd'huy celle de
France , à laquelle celle de Navarre
fut unie
par
le Roy
Henry
le Grand , fils & heritier de
Jeanne d'Albret , Reine legitime
de Navarre .
Ces réunions fe voyent clairement
dans cette Carte , &
principalement la derniere , qui
GALANT
73
cft marquée par deux grandes
Branches des Rois Catholiques
Philippe III. & Philippe IV.
& qui amenent pour Epoules
aux Rois Tres- Chreftiens Louis
XIII. & Louis le Grand , les
Sereniffimes Infantes Anne-
Maurice & Marie - Therefe
d'Autriche , toutes deux filles
aînées & heritieres d'Espagne ,
l'une Aycule & l'autre Bifayeule
de Philippe V. qui cft aujourd'huy
affis fur le Trône de
tant de grands Rois , qui revivent
glorieuſement dans fa Perfonne
Royale.
Il ne faut pas oublier une re-
+
38 MERCURE
marqueaffez curieuſe , qui eſt
que cette Carte fait connoiftre
que la Maifon de Navarre eft
fans contredit l'aînée de celles
de Caftille & d'Aragon
, parce
qu'elle defcend du fils aîné de
Sanche le Grand , Roy de Navarre
, au lieu que les deux autres
ne defcendent que des cadets
, & même la Caftille &
l'Aragon n'eftoient que des
fimples Comtez que ce Sanche
Roy de Navarre érigea en
Royaumes en leur faveur , d'où
il refulte que le Roy Louis le
Grand , en qualité de Roy de
Navarre , eft le Chef & l'Aîné
GALANT 39
des Maifons Royales de Caftil
le & d'Aragon,
Cette Carte eft fort utile
pour éclaircir plufieurs points
de l'Hiftoire , auffi bien que
pour diftinguer tant de Rois
& de Princes qui ont regné en
même temps dans les differens
Etats qui partageoient autre
fois l'Elpagne , & dont les Sou
verains portoient quelquefois
un même nom , ce qui embaraffe
& fatigue beaucoup la
memoire , qui fe trouve fou
Lagée par cette Carte.
Enfin on ne peut rien ajoûter
à la loüange de cette Carte
40 MERCURE
aprés l'éloge que Sa Majesté en
a fait , lors qu'en la confiderant
elle dit , qu'elle n'avoit point vû
d'ouvrage d'une fi grandeforce
d'une fi grande beauté . M Thuret
cut l'honneur de la luy expliquer
, & de luy preſenter enfuite
de petits Imprimez qui
contiennent cette explication ,
que Sa Majefté reçut fort agreablement
, & pour conclufion
elle fit l'honneur à M' Thuret
de luy dire avec la bonté ordidaire
, Adieu , Monfieur , en vous
remerciant , continuez de travail
ler , cela me fait plaifir.
GALANT 41
tions
M' Nolin Geographe ordinaire
du Roy, vient de prefenter
à Sa Majefté une Carte qui
comprend les Royaumes de
France & d'Espagne , fous un
même degré , avec des defcripgeographiques
& hiftoriques
en François & en Espagnol
de l'un & de l'autre Royaume
, ce qui rend cet ouvrage.
commun aux deux Nations ; il
y a marqué les Paffages & les
grandes Routes pour en faciliter
la circulation . On voit
d'un coup d'oeil par certe Carte
le paralelle des deux Royaumes
; elle a cfté tres - bien reçüe
Juin 1705..
D
42 MERCURE
de Sa Majefté , qui a honóré
l'Auteur de fon approbation ;
de
cet ouvrage a pour titre :
L'union de la France
l'Eſpagne ,ſous un même degré, où
font marquées toutes les Routes
les Ports de Mer de l'un &
de l'autre Royaume , pourfervir
à la facilité da Commerce entre
les deux Nations ; dediée aux Invincibles
Monarques de France
d'Espagne , Louis le Grand
Philippe Cinquiéme.
On trouve chez le même
Auteur toutes les Cartes neceffaires
pour voir tous les mouvemens
des Armées , dans tous
GALANT 43
les endroits où l'on fait la guerre
; il a une Carte du Luxembourg
& de l'Archevêché de
Treves , tres - détaillée & une
Carte de Hongrie de quatre
feuilles , tres - curieufe à caufe
de quantité d'endroits particuliers
qui y font marquez.
M' Liébaux , Geographe ,
vient de mettre au jour une
nouvelle Carte en feize feüilles
, tres-utile pour les Gens de
guerre , contenant la baffe Alface
, le Palatinat du Rhin
l'Electorat de Mayence , la
Franconic , & partie de la Suabe.
Cette Carte eft dediée au
Dij
44 MERCURE
Roy , elle eft mife en Livre
pour la commodité des Offi
ciers qui peuvent la porter dans
la poche, & s'en fervir en toutes
fortes d'occafions ; toutes
les routes y font marquées &
les poftes auffi . On la peut met-)
tre en une feule Carte d'une
tres - belle grandeur. M Liebaux
a eu l'honneur de la prefenter
à Sa Majefté , qui a eu
la bonté de luy dire qu'elle!
eftoit tres- belle & d'une gran
de utilité , & qu'il luy faifoit
plaifir de la luy avoir preſentée
. On la trouve chez l'Auen
Livre & en grande tcur
GALANT 45
Carte. Il a auffi une grandeCarte
de deux feuilles , de Lorrai
ne & d'Alface , où l'on voit le
cours de la Meufe , de la Mofelle
& de la Saare ; trois Cartes
d'une feuille pour l'Italie ',
fçavoir : le Duché de Mantouë ,
le Duché de Ferrare & le Duché
de Modene , tirées d'Antonio
Mangini . Toutes ces Cartes
font tres - utiles pour toutes
fortes perfonnes . M Liebaux
demeure dans l'enclos de la
Cour Abbatiale de l'Abbaye
de Saint Germain des Prez , du
cofté des Jeux de Mets , devant
le Bailliage.
46 MERCURE
Cés trois Articles font connoiſtre
la bonté du Roy , l'accuëil
favorable qu'il fait à tous
ceux dont le travail peut eftre
utile au Public , & la parfaite
connoiffance qu'il a de toutes
les chofes qu'un grand Monar
que doit fçavoir.
Je vous tiens parole & vous
envoye la fuite de la réponſe
de l'Auteur des Effais de Litte
rature , aux Differtations de
Pierre Jofeph.
Le Preftre de Cavaillon nous
donne un plat de fon métier dans
GALANT 47
la fuire de fes Differtations ; on
a lieu de juger en lifant les touchantes
Reflexions qu'ilfaitfur les
moeurs du Clergé des derniers fiecles
, que cet Auteur a eftéfavorifé
du don de la parole ; en effet depuis
la page 60. jufqu'à la 68º.
des Differtations , on trouve un
Sermon fur les defordres où vi
voient les Preftres du onzième fiecle
, d'où on conclut que ce fiecle n'é
toirpas un remps d'innocence oùles
gens d'Eglife puiffent aller fieger
dans les Cours d'Amour.
PierreJofeph infere de là que tout ce
que Benoift le Court & Martial
d'Auvergne difont de cette espece
48. MERCURE
de Tribunal , ne font que des
Jeux d'efprit & nullement des
faits historiques . Je conviens
avec ce Critique que le onzième
fiecle & même celuy qui le preceda
furent des ficcles d'abomination
fur lesquels il feroit neceffaire de
tirer un rideau pour en ôter le
fouvenir à la pofterité ; mais de
croire que cette corruptionfuſt une
fuite de la licence des Poetes
c'est une illufion toute pure , puifque
l'ignorance des Miniftres de
l'Eglife & le defordre où ils vivoient
, precederent de plufieurs.
années , l'établiſſement des Cours.
d'Amour . D'ailleurs il ne faut.
point
GALANT 49
point d'autre preuve de l'innocence
de ceux qui compofoient\ cès fortes
d Affemblées , que ce qu'en dit Innocent
VI.ce Pape , qui travailla
avec tant d'ardeur à la reforme de
la CourRomaine, n'euftpas autorifé
parfon approbation , cette efpece
d'établiſſement , s'il l'euſt cru contraire
à lapureté des moeurs . On lit
dans le troifiéme Dialogue de l'Apologie
les éloges que ce Chef de
l'Eglife donne aux perfonnes qui en
eftoient, ilfaut croire que dans
cette occafion, l'on nefurpritpasfon
fuffrage; il eftoit trop éclairé pour
nepasjugerdeschofes parfes propres
lumieres , tous les Auteursparlent
Juin 1705 iɔED »
50 MERCURE
une
de luy comme d'un Pontife tres
digne de la haute eſtime oùſa vertu
l'avoit élevé. La Chartreufe
de Ville-neuve lez Avignon eft
un monument de fa pieté
preuve de ce que je dis. Il nefaut
point enfin d'autre preuve , que
Benoistle Court & Martial d'Auvergne
( Procureur au Parlement
deParis ) ontparlé fincerement, que
ce que le Poëte Dante & Petrarque
difent des Troubadours , aufquels
ils attribuënt l'invention de la Poëfie
rimée lejugement que ces deux
Auteurs font des Poëtes Proven,
Giraud de Bournel , Poëte Proven
Dal
, qui
vivoit
vers
l'an
1227.
inventa
la Poëfie
Provençale
, & mit
ennfage
les
Sonnets
.
GALANT
cauxfuffit pour nous convainere ,
que nous leurdevons de grandes lumieresfur
l'Hiftoire de Provence ;
gilneferoitpasjuſte d'abandonner
en cette occafion , l'autorité de deux
Auteurs ficelebrespour reglernôtre
jugementfur celle de Pierre Jofeph.
Il prétend encore , contre l'opinion
commune , que les Fiefs an
commencement
de leur Inftitution ,
ent efté nommez Benefices ,
que c'eſt d'eux , que ce nom a paſſé
aux biens d'Eglife ; qu'ainfi en fe
fervant du mot de Commende ,
on a ſuivi l'ansion ufage , & que
par confequent la Commende n'cft
pas une qualité nouvelle en fair
E ij
52 MERCURE
de Souveraineté , ignorée par
nos Anciens. On ne contefte point
Pierre Jofeph, qu'il n'y ait eu des
Commendes en matiere de Fiefs on
conteftefeulement l'idée qu'il s'eneft
faite & qu'il ne fçauroit foutenir.
fans contredire toute l'Antiquité.
Pourparlerenfin avecplus de précifion
; feudum incommendam
alicui dare ,fignifie plutoft donner
l'inveftiture d'unFief, infcoder une
terre à quelqu'un , que donner un
Fiefen commende.Ilfaut confulter
furcefujet lesFormules deMarcul
phe du fçavant MrBignon ( pag
407) on en conclurra queles paroles
citées par le Sextius Salien ,
B
GALANT 53
a
"ne fignifieront jamais qu'Idelfonfe
ait donné le Comté de Provence
en Commeride à fon frere Rai-
-mond Berenger , mais qu'il luy en
a donné l'inveftiture , ce qui eft
fort different , pour le poffeder à la
••verité comme l'a remarqué le
docte Mrde S. Quentin ) in præftaria
, c'est à dire , en titre de Benefice
reversible au Seigneur Su-
Zerin aprés un temps limité , parce
que dans ce temps-là les Infeoda
tions à perpetuité eftoient fort rares
s'accordoient difficilement ; &
ce fujer il faut remarquerque
·Fiefs donnez in præftaria eftoient
differens des Fiefs hereditaires , qui
les
E iij
54 MERCURE
s'appelloient honores , pour les dif
tinguer du fimple Alleu . On conclud
neceffairement de tout ce que
je viens dedire , que Mr de Chaf
teuil n'apas eu tort defoutenirque
dans la ligne des Comtes Proprietaires
de Provence , il faut compter
ang Raymonds Berengers ,puifque
je viens de faire voir que les deux
aufquels on contefte la proprietéde
cet Etat , l'ontpoffedéfous le titre
d'investiture , & de veritable in-
Feodations puifque lefecondlepoffedafous
le même titre que Raymond
Berenger,frere d'Idelfonfe.
Je n'ay rien à répondre au trait de
plaifanterie de Pierre Joſeph , que
GALANT 55
dit que commeje n'ay pas compris ,
le terme de Commende en fait de
Fiefs , je pourrois bien eftre de ceux
qui prennent Seneque pour un Auteur
de matieres Beneficiales , parce
qu'il a fait un Traité des Benefi
ces, Voila une penfée bien recher
chée. Pourlarendreplus touchante,
il n'avoit encore qu'à me compa
ver àcet Avocat qui , eftant char
gé d'une Caufe pour une Fille qui
avoit efté abufee , alla demander
à un de fes Amis le Traité de l'Abus
de Fevret.
Mais l'endroitfurlequel Pierre
Jofeph m'infulte plus , & où il
veut plus faire l'agreable , eft
E шij
56 MERCURE
Guillaume
celuy , où j'ay dit que
Durand Evêque de Mende eftoir
un figrand Canonifte , qu'il en fut
nommé le fpeculateur. A l'occafion
de ce mot noftre Critique étale toute
fon, érudition , il prend ce terme
dans l'étymologie la plus éloignée.
Il nous apprend donc que Speculateur
, qui eft dérivé de fpeculum on
de fpecula, nefignifie point ce que
l'Auteur des Effais dit : Voila
•bien de l'érudition perduë , puifqu'un
moment aprés, PierreJofeph
avoit que c'eft de la feconde étymologie
( fpecula ) que les Canoniftes
prennent la fignification du mot
dEvêque ; Epifcopus ideft in
GALANT
57
و
fpecula conftitutus ; & qu'enfin
Guillaume Durand , Evêque de
Mende , fut nommé le Speculateur,
du grand ouvrage qu'il avoit
fait fous le titre de fpeculum ju
ris. Parler ainfi n'eft- ce pas tom
ber en contradiction avec foi-même
prouver directement ce
qu'on veut nier ? puifque dire
que Guillaume Durand eftoit
un fi grand Canonifte , qu'il en
fut furnommé Speculateur
( Effaide May) dire que Guillaume
Durand fut nommé Speculateur
du grand ouvrage qu'il
avoit fait fous le titre : Spe-
Gulum juris, ( Differtation , c. )
$8 MERCURE
eſt abfolument la même choſe.
Tous les raifonnemens que fait
enfuite PierreJofeph fur le Troubadour
qui aporte le nom de Guillaume
Durand, ne prouvent rien
contre Mr de Chafteiïil , qui n'a
jamais eu intention de confondre
te Poëte & l'Evêque , & qui a
même corrigé les deux Noftradamus
, qui les avoit confondus ;&
en corrigeant leur erreur il a éclairei
ce point d'Hiftoire dans fes Reflexions
d'une maniere qui ne
fouffre plus de difficulté. D'ail
leurs le Troubadour Durand mou
rut en 1270. comme le difent
Noftradamus , la Croix du MaiGALANY
59
ne , eodu Verdier; & le Speculaseur
ne mourut qu'en 1296.c'eft
en quey fe font trompez Gefner
✔ Bellarmin. Le premier le fait
fleurir en 1236. or s'il fleuriffoit
en ce temps-là , il eft impoffi
ble qu'il ait vécu jufqu'à l'année.
1296, foixante ans après l'époque
où ce Bibliographe met le
periode de fa reputation. Ily
a plus il auroir fallus que cet
Evêque enftvécuplus de cent ans ,
puiſqu'aprés avoirfleurien 1 236 .
c'eftà dire à l'âge de trente- cing ou
quarante ans ( qui eft à peu prés
le temps où la reputation d'un
fromme eft dans tout fon éclat il
,
60 MERCURE
feroit mort quefoixante années
aprés , c'est-à-dire en 1296. Or les
documens de l'Hiftoirefont contrai
res à l'opinion de Gefner & à celle
de Bellarmin , qui lefait mourir en
1280. Durand dedia fon ouvra
ge , divife en trois volumes , au
Cardinal Ottoboni * qui fut enfuite
Pape fous le nom d' Adrien
V. Ce même Auteur publia encore
un excellent Traitéſur la même
matiere ; Repertorium juris ,
lib. i.
La preuve la plus forte que
Pierre Jofeph apporte , pour faire
* De la même Maifon que le Pape
Alexandre VIII.
GALANT 16
voir
que
Mr de Chafteuil a confondu
l'Evêque & le Poëte , fe
tire de cet adage : Mai vau ca
lar , que fol parler , dont le Speculateur
fe fervoitfouvent mais
on luy aprouvé que cette locution
proverbiale eftoitcomme hereditai
re dans la famille des Durands
qu'elley a duréjufqu'à nos jours ,
& qu'enfin c'eſtoit du premier.
•Guillaume , que le Speculateur l'a-
Voit prife . Enfin , outre que
Jofeph feroit fort enpeine de foutenir
l'accufation qu'il forme contre
Mr de Chafteuil , d'avoir con
fondu deux Auteurs fort differens
, & qu'on le défie de montrer
Pierre
62 MERCURE
que
un feul endroit où ce dernier aye
ditprecifement que le Troubadour
fut le même le Speculateur
je ne crois pas que quand il l'auroit
dit , il euft fair en cela une grande
injure à l'Ordre Epifcopal. Combien
de Papes & de grands Eve
ques ontfait gloire defçavoirfaire
des Vers ? Les Papes Alexandre V.
Innocent III. Innocent VI.UKbain
VIII. Meliton Evêque de
Sardes, S. Gregoirede Nazianze,
Heliodore Evêque deTrica , Pontus
deThiard , Evêque de Chalonsfür
Sône,feu Mª Godeau M Fléchier
aujourd'huy vivant , fe font fait
bonneur de la Poëfe ; & parmy les
GALANT 63
perfonnes du fecond ordre les noms
de RaimondFerravi ,Prieur Clau
ftral de l'Abbaye de S. Honoré de
Lerins , de Pierre Gentien , de
Guillaume Coquillart , Official de
Rheims , de Jean Gower , Chevalier
Anglois, de Pierre de Gravina,
de Claude Guichard , d'Henry Arnoul
, Theologien Saxon , Secretaire
des Peres du Concile de Baf-
Le , & qui fe fit depuis Chartreux,
de Baptifte Mantuan , Carme
qui fit ce beau Poëme où il parle
d'une femme qu'il aimoit fous le
nom de Fauftus * , & de Gilbert
* Il n'eftoit pas encore alors entré dans
l'Ordre des Carmes.
64 MERCURE
que
Blochovius,autre Chartreux d'Utreckt
, de Pierre de Lorris , de
Geoffroy de Luc, deJean deMacotourt
& de Theodore de Beze , ne
feroient peut - eftre jamais paſſez
jufqu'à nous , fans le talent
ceux qui lesportoient avoient pour
la Poefie & qu'ils prirent tant de
foin de cultiver. Pour finir enfin ce
qui regarde cet Article qui eft dans
la 9° Differtation de PierreJofeph,
il faut remarquer que ce Critique
s'eft trompé lorsqu'il a crû
Speculateur eftoit mort à Nicofie,
il mourut à Rome , comme Mr de
Chafteüil le prouve tres-bien . -*
Pierre Jofeph fait grand bruit
с
que
le
A
GALANT 65
fur un Anachronisme qu'il prétend
que l'Apologifte des Troubadours
a fait. C'estan fujet de la retraite
de la Comteffe de Die , dans l'Abbaye
de Tarafcon. Il vent détruire
ce fait , & en fait voir l'impoffibilité
par les dates de la mort de
-cette Dame , & de la fondation
du Monaftere. Cette Comteffe ,
dit- il, mourut avant l'an 1193.
& le Monaftere en queſtion , ne
fut fondé que plus de cent cinquante
ans aprés , c'est à - dire l'an
1358. &fur ce que j'avois dit
dans l'Effai de May, que Mr de
Chafteüil établiffoit avec beaucoup
de folidité, la certitude de la retrai
Juin 1705.
F
65 MERCURE
te de la belle Comteffe de Die ...&
qu'il remarquoit qu'ily avoit eu 3.
Comteffes de Die , & c . Il me fait
une all fion tout- à - fait ingenieufe
de ces paroles du Prophete Ifaye,
( chap. s . verf. 20. ) Malheur à
vous qui dites que le mal eſt
bien , & que le bien eft mal :
car , continue-t-il, avec le même
transport de colere , à moins que
de s'eftre vendu on ne fçauroit
parler de la forte ; & qu'importe
en cette rencontre qu'il
y ait eu trois Comteffes de Die ,
puifqu'il ne s'agit que du temps
de la fondation du Monaftere
de Tarafcon. Or voyons fi la
GALANT 67
colere de ce Critique , aun legitime
fondement , fijay meritéle reproche
d'Ecrivain venal , qu'il me
faitfi hardiment.
On doit d'abord
remarquer que
le fujet de la conteſtation eftfi leger
que ce n'eftoitpas la peine de s'enflammer
, & je crois que c'eftfur
unpoint d'une fipetite confequence,
qu'on peutbien dire , & qu'importe
que Pafchal foit devant, ou Pafchal
foit derriere. En effet, quand
j'aurois loué mal-à-propos dans cette
occafion Mr de Chafteuil , aurois -je
dû m'être attirépour cela le couroux
de ce Critique , & une erreur qui
intereffefipeu la religion & les bon-
F
ij
68 MERCURE
que
le
nes moeurs, devoit-elle faire tomber
fur ma tefte , les anathemes
premier * dans l'ordre des Prophetes
, lançoit de fon temps contre les
·•perfonnes , dont la perverfité &
la corruption des moeurs , avengloient
lentendement . On doitjuger
par là , du danger qu'il y auroit
de confier les trefors les fou
dres de l'Eglife , à un Miniftre qui
en feroit un uſage ſi indifcret ;
mais ce n'eft pas dequoy il s'agit à
prefent , mais bien de fçavoir fi
S. Auguftin ( enchirid. 19. ) a cru
que le Prophete en cet endroit parloit
des chofes & non pas des hommes
, de rebus ipfis loquitur , non de
bominibus.
GALANT 69
j'ay pris le mal pour le bien dans
cette occafion.
Je foutiens donc que fijay paru
fuivre lefentiment de Mr de Chaf
teuil, ce n'a pas étéfans connoiffance
de caufe. L'autorité de la Croix du
Maine, des deux Noftradamus, &
de du Verdier, m'a déterminé dans
cette conjoncture , & j'ay dû croire
que l'Apologifte des Troubadours
en les fuivant avoit parlé avec
certitude. Chorier , l'Hiftorien de
Dauphiné , a écrit la vie de la
Comteffe de Die , de la maniere
qu'on la lit dans les Arcs de triomphe
, d'où il faut conclurre qu'ily
avoit à Tarafcon , ou dans le voi
70 MERCURE
nage de cette Ville , quelque Maifon
de retraite du même nom , où
l'une des Comteffes de Die , &
celle fans doute, qui avoir efté élevée
auprés de la Princeffe Garfende
de Forcalquier, s'eftoit retirée
aprés le mariage de cette Princeffe
avec Idelfonſe 11. Peut- eſtre
auffi , que Noftradamus , qui écrivoit
l'Hiftoire des Poëtes Provencaux
(& c'estla conjecture de Mr
de Chafteuil dans le temps que
le dernier des Adhemars Comtes
de Grignan eftoit Gouverneur de
Provence , crutfaire fa Cour à ce
Seigneur en fuivant la Tradition
defa Maifon , celle du Bourg
1
I
GALANT 71
leurs
de Grignan , ooùù on affure encore
que Guillen Adheimar mourut d'amour
pour la belle Comteffe de
Die. Quoyqu'il enfoit , lors qu'on
a loué la découverte de Mr de
Chafteuil , l'éloge tombait plusfur
la retraite engeneralde cetteDame,
que fur le lieu defa retraite. D'ail
l'Apologifte des Troubadours,
ne parle pas de cette retraite à la
page 40. de fes Reflexions , comme
d'une verité incontestable ,
il femble même par les termes qu'il
employe , qu'il difpofe fon Lecteur
à en douter ; & enfin il s'agiffoit
plus de la retraite , que
du lien
de la retraite , & c'est plus de
72 MERCURE
Fun que de l'autre ,quej'ay dit,
que Mr de Chafteüil l'avoit étably
avec certitude.
Aprés avoir répondu aux points
qui me regardentperfonnellement ,
dans les Differtations de Pierre
Jofeph , j'ay cru que les remarques
fuivantes fur quelques endroits de
fon ouvrage , ne déplairoient pas
au Lecteur
Cet Auteur dit dansfa 4 Dif
fertation , que la Provence a efté
connue autrefois fous le nom d'Aquitaine
; je crois qu'il feroitfort
embaraffé de dire où & quand elle
a efté connuefous ce nom. Il cite
le Moine Glaber , mais tout ce
qu'on
GALANT 73
?
n
qu'on peut inferer du raifonnement
de ce dernier & ce qu'on en doit
uniquement conclure , c'est qu'on
appelloit anciennement Aquitains
tous ceux qui estoient des pays fituez
au- delà de Lyon , on leur
donnoit ce nom comme on leur donne
aujourd'huy celuy de Gaſcons,
mais ce qui eft certain , c'est que
le's gens de cette Province ne fe
font jamais appellez de ce nom.
On peut dire que noftre Pierre
Jofeph n'a pas bien étudiéfon Tite-
Live Provençal lorſqu'il avan.
ce d'un ton Magiftral, que Louis
furnommé le Faincant épouſa
Conftance de Provence , puifque
Juin 1705.
G
74 MERCURE
tous lesHiftoriens de cette Province
conviennent que ce Prince époufa
Blanchefille d'un Seigneur d' Aquitaine,&
non pas Conftance ; & en
cette occafion notreCritique confond
Blanche & Conftance en unefeule
perfonne , en parlant de Louis le
Faineant ; enun mot il feroit bien
enpeine de montrer l'endroit où le
Moine Glaberparle de Conftance.
Maispour revenir au nom d'Aquitains
on Gafcons donné ou anciennement
aux Provençaux , il
ne faut pas d'autre preuve que
c'eftoit feulement dans les Pays
étrangersqu'on leur donnoit ce nom,
que le trait attribué par Robert le
GALANT 75
Moine à un Provençal qui s'étoitretité
dans la Cour d'un Prince
étranger. C'eſt Pierre Jofeph
qui nous le rapporte dans fes Differtations
, qui dit qu'on donnoit
comme par une espece de Sobriquer
le nom d'Aquitain à ce Provençal.
Le Sobriquet a toûjours
paffé pour une espece d'injure ou
de raillerie ; ainfi fi dans les Pays
étrangers on donnoit le nom d'Aquitains
ou de Gafcons par maniere
de Sobriquet aux Prover
çaux , c'est une preuve prefque démonſtrative
qu'ils n'avoient pas
ce nom, & qu'il ne leur étoit pas dû.
Il y a eu dans le temps des
Gij
76 MERCURE
Rois d'Arles , des Comtes d'Aixe
particuliers , & les Legendes de
Provence appellent unfaint Evêque
de Marseille nommé Canut ,
fils du Roy d'Aix ; c'eſt une remarque
qu'ilfaut faire fur ce que
Pierre Jofeph dit
la Provence
éténommée Aquitaine, ab aquis
fextiis , de la Ville d' Aix , où ily a
des eaux chaudes. Voila ce que
jay à remarquer fur les Differtations
de PierreJofeph.
a
que
Je vous envoye plufieurs
Articles de morts qui ne pu
rent trouver place dans ma
Lettre du mois dernier.
GALANT 1777
Mr Guillaume Thierfault
Doyen du grand Confeil mou-
Fut le douziéme May , âgé de
quatre- vingt ans fix mois : jamais
Magiftrat n'a porté plus
loin l'application neceffaire
pour bien remplir fes devoirs,
& pour connoiftre la Juſtice ,
& quand il l'avoit connue rien
ne le difpenfoit de la rendre ;
il a travaillé pendant fa vie
1 pour meriter la qualité d'un
parfaitement honnête homme ;
de forte que comme il avoit
un efprit admirable pour diftinguer
le vray du faux , & qu'il
étoit d'une capacité confom-
G iij
78 MERCURE
mée dans les affaires , on peut
dire
que c'étoit un Fuge felon le
coeur de Dieu ; il avoit à fes ordres
une fi grande foumiffion,
& il étoit fi penetré de fa Religion
que le moindre conſeil
de fes Directeurs luy étoit une
Loy : les Jefuites , particulicrement
ceux de la rue Saint
Jacques où il a efté pluſieurs
fois en retraite, en pourroient
rendre témoignage ; il ne laiffoit
pas paroiftre une ombre
de peché mortel & il poffedoit
toutes les vertus Chretiennes .
Sa vie étoit toute cachée & retirée
en Dieu , & jamais perGALANT
79
fonne n'a eu le coeur plus fenfible
aux malheurs de fon prochain
, auffi difoit on qu'il
executoit tous les Commandemens
de Dieu puifqu'il l'aimoit
:
fur toutes chofes & fon prochain
comme luy-mefme ; il
méprifoit les injures difant que
c'étoit affez de ne les pas meriter
; il ne preffoit point fes
Debiteurs de le payer , il attendoit
leur commodité pourveu
qu'il y euft de la bonne foy.
Le dernier Automne de fa vie
a couronné toutes les oeuvres
par la remife qu'il a fait à plus
de vingt de fes Rentiers qui luy
Gij
80 MERCURE
a
devoient pluſieurs années ďarrerages
, leur difant feulement
de le mieux payer à l'avenir ,
& pareillement à des Communautez
Religieufes à qui il a remis
des fommes confiderables
& plus de cinquante années
d'arrerages , & mefme des droits
honorifiques ; & dans une année
de cherté il donna à l'Hôpital
general une Ferme de
trente-cinq à quarante mille
livres , dont cet Hôpital joüit
depuis plus de quinze ans. Jamais
homme de fon rang
n'a
efté
plus
humble
fans
baffèffe
,
& plus
charitable
fans
oftenta
GALANT &
1
tion , toutes fes aumônes n'étant
, ſuivant l'Evangile , connues
que de ceux à qui il ne les
pouvoit cacher , & elles s'éten
doient jufqu'à des familles entieres
dont il a confervé lé bien
en payant toutes leurs dettes .
Je ne dis rien de ce qu'il a fair
pour fes amis , & je ne parle
que de ce qu'il a efté obligé de
faire par des Actes authentiques
pour le rendre ftable ;
enfin l'on peut dire que fi la
nature humaine, a rendu fon
corps fujet à la mort , cet illuftre
Magiftrat a rendu fon ame
immortelle par ſes bonnes
82 MERCURE
oeuvres , auffi a- t- il eu le temps
de le preparer à la mort pendant
plus de fix mois . Il a efté
mariétrois fois : la premiere à
Dame Marie Barthelemi , fille
de M' Barthelemi , Seigneur de
Belizy , Confeiller au Grand
Confeil , qui mourut à l'âge de
quinze ans , en couche d'un fils
qui n'en n'en a vêcu que douze : en
fecondes noces , àDame Marie
Delafche , fille de M' Delafche ,
Seigneur de Fontenelle & de
S. Mandé ; & en troifiéme
noces à Dame Marie - Angelique
Faure , fille de M' Faure ,
Baron de Dampmarie & Con
GALANT 83
fciller en la Grand Chambre
du Parlement de Paris ; il n'a
point laiffé d'enfans , & a pour
heritieres de fes biens qui font
confiderables , fes niéces , filles
de MⓇ la Prefidente de Guedreville
fa foeur , dont l'une eſt
mariée à M le Peletier de la
Houffaye , Intendant d'Alface;
& l'autre à M' Guynet , Seigneur
d'Artel , Maistre des
Requeftes. Cette famille dont
il refte une branche cadette
prouve parmi fes alliances celles
de Villeroy , de Sourdis , de
Xaintrailles Bethune la
Trouſſe , Bouligneux , Teffé ,
,
84 MERCURE
Larrey , de Rannes, de Mefme,
de Ryants , l'Huillier , Seguier,
Bochart , Montholon , Faure
le Coigneux , Longueuil , Bailly
, Hallé , le Bel , Paget , de ,
Hodic , Doujat , Quelain , de
Bezons , de Séve , Boullanger,
Goblin , le Picart, Brou , Courtin
, de Creil- Bournezeau , Bragelonne
, Angran & beaucoup.
d'autres dans l'épée & dans la
Robc. Il étoit d'une noble &
ancienne famille de Bretagne.
L'Hiftoire fait mention que fes
Anceftres y tenoient un rang
confiderable , qu'ils s'étoient
fignalez dans les guerres contré
GALANT 85
les Anglois , & que Jean &
François Thierfault , combatirent
en 1446 , au fameux Carouzel
que fit René , Duc d'Anjou
, Roy de Naples & de Sicile
, avec les Princes de Bourbon
& de Lorraine , les Ducs.
de Nevers & de Coffe , les
Seigneurs de Brezé , de Tonnerre
, de Grancé, & autres des
plus confiderables du Royaume.
Un fils de Jean Thierfault
refté feul accompagna Anne
de Bretagne lorfqu'elle époufa
Charles VIII . en 1491 .
·
Le premier de ce nom qui
entra dans les Charges de Robe
86 MERCURE
fut Louis Thierfault qui fe fit
Confeiller en la Cour des Aides
à Paris en isso, il cut plufieurs
enfans , l'aifné cut la Charge
de fon pere en 1579. il s'acquit
tant de confideration que l'Hiftoire
rapporte qu'il cuft la gloire
avcc M' Nicolaï & quelques
autres d'affurer en 1591. le
repos & la liberté de la Ville
de Paris , il eut entre autres un
fils qui fut Confeiller au grand
Confeil en 1620. puis Maiſtre
des Requeftes & Întendant à
Alençon jufqu'en 1652. Il
étoit pere du Doyen du grand
Confeil qui vient de mourir.
GALANT 87
Dame Anne Márie du Chaftelet
, veuve de Me Jacques
François de Choifeul Marquis,
de Beaupré Lieutenant- gene,
ral en Baffigny & Gouverneur
de Dijon , eft morte âgée de
foixante ans dans l'Abbaye de
Poulangy , où elle a laiffé une
fille Chanoineffe & dont elle
eft bien- faictrice .
En l'année 1446. Claude
du Chattelet époufa Antoi
nette de Moyencourt heritiere
dela Terre & des autres biens
fituez dans la Province de Picardie
fuivant le Procésverbal
, lorſque la Nobleſſe fut
88 MERCURE
obligée de faire voir les titres
de la famille : elle eft originaire
de Flandre. Dudit Claude du
Chaftelet font iffus Claude du
Chaftelet fecond de Moyencourt
, Laurent du Chaſtelet
de Frefnieres , & Jean du Chaftelet
Ciray , lequel s'eft étably
en Lorraine , fous le nom de du
Chaſtelet- Ciray ; il y a cû plufieurs
Chevaliers de Malthe
de ladite famille du Chaftelet .
Dans l'année 1556. Henry du
Chatelet de Moyencourt
aprés avoir cfté grand Hoſpitalier
, Bailly de la Morée &
grand Treforier de l'Ordre &
GALANT 89
avoir paffé dans toutes les dignitez
de l'Ordre , mourut à
Malthe au retour du Commandement
des Galeres ; il y
a prefentement à Malthe Henry
du Chaſtelet de Frefnieres
qui aprés avoir efté grand-
Croix & avoir efté grand Hofpitalier,
accepta le grand Prieuré
d'Aquitaine , avec la Commanderie
de S. Etienne en
Normandie , dont-il cften poffeffion
de puis plufieurs années
; le Grand Maiftre l'a retenu
à Malthe , luy eftant utile
dans fon Confeil. La maifon
du Chaſtellet a toûjours
Juin 1705 .
H
90 MERCURE
fait des alliances confiderables
; Claude du Chafteler
fecond époufa en premieres
noces Anne de Belle Fouriere
grande tante de feu M' le Marquis
de Soyecourt grand Veneur
de France , & Laurent du
Chaftelet de Frefnieres cn
Premieres noces époufa Marguerite
de Raffe , foeur de feu
Monfieur le Duc de S. Simon ;
la ceremonie du mariage fe fit
dans le Chaſteau du Pleffis prés
de la Ville de Senlis ; toutes
les alliances & la filiation de
cette famille fe trouvent dans
le memorial de la Province da
GALANT 91
let
Picardie ; & dans le memorial
de la Champagne on voit
celles qui regardent la Branche
du Chaftelet Ciray ; la plupart
des Terres de cette Maifon
font dans ladite Province ,
& fur les frontieres de Lorraine.
La Maifon du Chaftey
a poffedé les premieres
dignités de l'Etat ; & elle y eft
prefque auffi ancienne que la
maifon même de Lorraine . Je
n'ay rien à vous dire de nouveau
fur la maifon de Choifeul
, dont je vous envoyay
un long article dans ma derniere
Lettre. C'eſt une de ces.
Hij
92 MERCURE
Maiſons fi generalement onnuës
qu'on n'en peut plus rien
dire qui n'ait déja eſté dit plufieurs
fois. Il fuffit de remar
quer que c'eſt une des plus illuftres
du Royaume.
MGafpard du Bourg Prêtre
Abbé de Pebrac & Comte de
Brioude en qualité d'Abbé de
Pebrac eft auffi decedé. L'Abbaye
dePebrac donne à fes Ab
bez le titre de Chanoine d'honneur
du Chapitre de Brioude &
de porter la qualité de Comte.
Cette Abbaye a produit de
grands fujets , & dans le nom →
bre de fes Abbez on cn trouve
}
GALANT 93

d'une naiſſance diftinguée &
d'une grande vertu . Celuy qui
vient de mourir raffembloit
dans fa perfonne l'éclat de la
naiffance , une folide pieté &
une grande érudition . Il eftoit
fort eftimé dans la Province
d'Auvergne , où cft fitué fon
Abbaye; & il eftoit fort aimé
dans le Chapitre de Brioude.
M' l'Abbé du Bourg avoit donné
dans plufieurs occafions des
marques de fon fçavoir & du
progrés qu'il avoit fait dans
les fciences humaines .. >
M ' du Mefnil qui traitoit
d'une Charge de Guidon des
94 MERCURE
d'une va-
Gendarmerie eft mort âgé
d'environ vingt ans. Il étoit
fils de feu MN... du Meſnil
Enfeigne des Gardes du Corps ;
ce jeune Officier a efté fort regretté
, & le Roy même en a
dit beaucoup de bien , il avoit
donné des marques
leur diftinguée & fa douceur
naturelle ne le faifoit pas
moins eftimer que fa valeur.
Dame Anne de Frezeau de
la Frezeliere , Comteffe de
la Roche Milet , eft morte
dans fon Chateau de Gizeaux
câgée de foixante douze ans.
La maifon de Frezeau eft une
GALANT 95
des plus Illuftres maifons d'Anjou
; elle y poffede de temps
immemorial la Seigneurie de
la Frezeliere
. On remarque
,
& cette diftinction eft affez
rare , que ceux qui portent ce
nom ne fe font jamais meſalliés.
Avant que l'ufage cuſt
diftingué les familles par des
furnoms c'est-à- dire dés le onziéme
fiecle , la Maifon des
Frezel ou Frezeau devoit déja
eftre tres confiderable , puifque
dans le Cartulaire de l'Abbaye
des Noyers en Touraine ,
entre les donations qui furent
confirmées par le Roy Robert
>
96 MERCURE
vers l'an 1030. Il s'en trouve
une où il eft fait mention de
deux freres pere & fils qui tous
deux font appellés Chevaliers ,
qualité qui ne fe donnoit alors
qu'à des gens également diftinguez
par leur nobleffe &
par leur valeur. Les guerres Civiles
qui ont agité la France ,
& les diverfes revolutions quelles
ont caufées en Anjou , ont
enlevé à la maifon de Frezeau ,
ainſi qu'à pluſieurs autres , les ›
titres qui confervoient la fuite
de fes premieres ayculs . Aprés
ce vuide caufé par le malheur ›
des temps , la fucceffion Genca
logique
GALANT 97
A
}
logique fe trouve conftamment
établie. Geofroy Frezel ,
Chevalier, vivoit enl'an 1270.
Feüe M de la Frezeliere qui
donne lieu à cet article , eftoit
fille d'Ifaac frere du Seigneur de
la Frezeliere qui fe ſignala au
fiege de la Rochelle où il commandoit
un Vaiffeau & dans
la Valteline , où Henry Duc de
Rohan qui fut temoin de fa
brauvoire & de fa conduite , le
jugea digne des plus grands
emplois. Sa valeur l'avoit fait
mettre à la tête du Regiment
de Touraine
; la dignité de
Maréchal de Camp où elleľa,
Juin 1705.
I
98 MERCURE
provoit
élevé,l'approchoit des premieres
dignitez militaires , lorfque
fur le point de les obtenir
, il fut tué l'an 1639. au
fiege de Heldin , dont le Gouvernement
luy avoit eſté
mis, en attendant de plus grandes
recompenfes. On peut juger
du merite de ce Seigneur
par la Lettre que le Cardinal
de Richelieu luy écrivit de
Ruel le premier Janvier de la
même année. Il avoit épousé
Madelaine de Savonnieres fille
de Jean de Savonnieres Gentilhomme
ordinaire de la Chambre
du Roy , & Colonel d'Ins
GALANT 99
fanterie , & de Jacqueline de
Menou. Il n'en eut que deux
filles , Charlotte Marie Frezeau
qui épouſa en 1645. le
Marquis de la Frezeliere (François
Frezeau ) fon coufin , &
Anne Frezeau qui vient de
mourir , & qui avoit épousé
René de Rouxellé Comte de
Saché & de la Roche- Milet en
Nivernois fils de René Rouxellé
, & de Marguerite de Montmorenci.
Dame Marguerite Picot
veuve de M Louis Quatrehomme
mort en 1686. Doyen
des Confeillers de la Cour des
I ij
100 MERCURE
Aides , mourut dans le mois
d'Avril . Cette Dame eftoit
fortie d'une Famille qui a produit
des perfonnes d'une vertu
éminente . Un Religieux de ce
nom a laiffé de grands exemples
de vertu dans l'Ordre de Saint
Benoift , & fa memoire y eft
encore dans une tres - grande
veneration . Feu M Quatrehommes
, époux de la Dame
qui donne lieu à cette article
eftoit tres-eftimé dans la Cour
des Aides , dont il eftoit devenu
Doyen.
MlleN... de Bauffremont fille
de feu Louis de Bauffremont
GALANT 101
Marquis de Meximieux , General
de Bataille & Chevalier de
la Toifon d'or , mourut il y a
déjà quelque temps . La maifon
de Bauffremont eft une des
plus illuftres du Comté de
Bourgogne. Elle a donné de
grand Officiers à la Couronne
d Efpagne & plufieurs Chevaliers
de l'Ordre de la Toifon
d'or. La Maifon de Bauffremont
touche par les alliances
aux meilleures maifons de l'Europe.
La Maiſon de la Baume
Montrevel , de la Baume fur
Cerdon ont pris plufieurs alliances
avec celle de Bauffre-
I iij
102 MERCURE
mont. Celles de Vienne d'Amboife
, d'Amoncourt , d'Ancezune,
Caderouffe , d'Alegre , de
Montchenu , de Montfort de
Neufchâtel, du Poyfat dela Provincede
Bugey,de Virieu en Genevois,
font toutes alliées à celle
de Bauffremont
, qui porte
pour armes Vairé d'or & de
gucules.
La Comteffe de Hanau
Princeffe de l'Empire de la
Maiſon de Birkenfeld , déceda
il y a quelques mois en Allemagne.
Voicy de quoy fatiffaire
voftre curiofité touchant
fa maifon. La Branche Palatine
GALANT 103
1
de Birkenfeld defcend de Louis
le Noir Duc des deux Ponts &
Veldentz , mort en 1489. &
fecond fils d'Eftienne , l'un des
fils de Robert le Petit , Empereur.
Louis le Noir fut Pere de
Louis II Duc des Deux- Ponts ,
Pere de Wolfang , tige des
Princes de Neubourg des deux
Ponts & de Birkenfeld. Le
3 fils de ce Wolfang fut Charle
de Birkenfeld , né en 1560. &
mort en 1600. il laiffa de Dorothée
de Brunſwick , fille du
Duc Guillaume de Birkenfeld
& Chriftian de Bitfchweiler.
Georges Guillaume naquit en
I iiij
104 MERCURE
}
1591 & mourut en 1669. laiffant
de fon premier Mariage
avec Dorothée Comteffe de
Solms , Charles né en 1625 .
& mort en 1671. celuy - cy
laiffa de Marguerite Hedwige
Comteffe de Hohenloë , deux
filles , Charlotte-Sophie- Elifabeth
née en 1661. & Hedwige
Eleonore née en 1663. Chrif
tian de Bitfchweiler fecond fils
de Charles deBirkenfeld naquir
en 1598. & mourut en 1654.
ayant eu de fon Mariage avec
Catherine , fille de Jean Duc
des Deux Ponts , Chriftian II,
Jean Charles & trois filles.
GALANT
105
Chriſtian II . né en 1637. fucceda
à Charles Othon au Duché
de Birkenfeld . Il a fervi longtemps
en France à la tefte du
Regiment d'Alface , & en
1688. il fut fait Lieutenant
General des Armées du Roy.
De fon épouſe Catherine Agathe
, Comteffe de Ribaupierre
ou de Rapolſtein , il a laiffé
Chriftian Prince de Birkenfeld
Colonel du Regiment d'Alface
au fervice de France , & Madelaine-
Claude née en 1668 ,
Birkenfeld eft une petite Ville
d'Allemagne dans le Palatinat
duRhin avec titre de principau106
MERCURE
té.La Comteffe de Hanau eftoit
Princeffe de l'Empire par la
Maiſon dont elle eftoit fortie.
La Maiſon de Hanau dont eft
fon époux eft auffi d'une tres
grande maifon alliée aux meil-
Leures de l'Empire & qui a
produit de grands Capitaines ,
entre - autres le Fameux Georges
Comte de Hanau , qui fie
tant parler de luy fous le
regne de Ferdinand I. Frere
& Succeffeur de Charlequint
à l'Empire.
M' le Marquis de Lenoncourt
de Serre grand Ecuyer de S. A.
R. M' le Duc de Lorraine eft
GALANT 107
mort à Nancy. La Maiſon de
Lenoncourt eft auffi illuftre
qu'ancienne. Elle a eu autrefois
le nom de Nency , & Gerard
fils de Thierry , Bailly de Lorraine
, changea ce nom pour
prendre celuy de Lenoncourt ,
qui cft un Bourg du même Païs .
Henry de Lenoncourt I. defcendu
de ceGerard fut en partie
Sieur de Lenoncourt & Baron
d'Haroüel & de Vignory, Gouverneur
de Valois & Bailly de
Vitry. Il époufa Jaquette de
Baudricourt fille du Maréchal
de cenom , dont il eut Thierry
& Robert Archevêque de
108 MERCURE
Reims. Ce Robert étoit oncle
d'un autre Robert Archevêque
d'Ambrun & Cardinal ; c'eft
celuy- cy qui fit achever à Reims
le magnifique Tombeau de S.
Remy que fon oncle avoit fait
commencer. Ce Cardinal fut
oncle de Philipe de Lenoncourt
auffi Cardinal & Archevêque
de Reims , Commandeur des
Ordres du Roy & qui mourut
en 1592 âgé de 68 ans.
M' le Chevalier Robert Bacon
, premier Baronet d'Angelterre
eft mort dans une de
fes Terres en Norfolk. Cette
Maiſon qui a produit le cele
GALANT 109
bre Nicolas Bacon , Garde du
grand Sceau ou Chancelier
d'Angleterre, eſt des Comtez de
Norfolk & de Suffolk . François
Bacon fon fils , fut auffi
Chancelier d'Angleterre. C'eft
cet illuftre Chancelier qui avoit
fait un grand nombre d'ouvrages
, & qui mourut fi pauvre
à caufe de fon cxeffive
liberalité , qu'à peine laiſſa - t-il
dequoi fe faire enfevelir. Un
peu avant que de mourir il
écrivit une Lettre pitoyable à
Charles I. par laquelle il le
prioit de le fecourir afin qu'il ne
fuft pas reduit dans fes derniers
110 MERCURE
jours à porter la beface,& qu'aprés
n'avoir fouhaité de vivre
que pour étudier , il ne fut
pas obligé d'étudier pour vivre.
Il étoit excellent Jurifconfulte,
Poëte & Hiftorien , bon Philofophe
& grand Theologien.
Sa trop grande facilité luy fit
des affaires avec la Cour fur la
fin de fa vie : c'eſt ce qui paroiſt
dans fes ouvrages où l'on voit
que bien que Proteftant, il parle
toûjours avec affez de reſpect
des Papes & des Catholiques.
La Chambre baffe d'Angleterre
eft composée de Baronets,
Chevaliers & Ecuyers , &c. Les
GALANT III
1.
t
2
5.
Baronets furent inftituez en
1611. par le Roy Jacques.
Pour cftre reçû dans leur nombre
il faut payer à l'Echiquier
autant d'argent qu'il en faut
pour entretenir durant trois
ans , trente foldats dans la Province
d'Ulfter en Irlande.
Le General Ruppetta qui
commandoit les troupes de la
Republique de Venife eft mort
à Verone. Ce General avoit
paffé une partie de fa vic au
fervice de la Republique
. Il
avoit cu divers Emplois à Aqui
lée , en Iftric , à Trevife , à
Cenede , à Bellane , à Feltre , à
112 MERCURE
Concorde , à Padoue , à Vicence
, à Verone , à Côme &
à Trente ; & dans tous ces Emplois
, il a donné de frequentes
marques de fa prudence & de
fa conduite. Sa famille a tenu
autrefois à Venife le rang qu'y
tiennent les Citadins , qui font
les bonnes familles de Veniſe,
& qui compofent un ſecond
Etat entre le Peuple & la Nobleffe.
Il y en a de deux fortes;
les premiers font Citadins de
naiffance & d'origine , iffus de
ces familles , qui avant l'établiffement
de l'Ariftocratie par le
Doge Gradenigo en 1289.
GALANT 113
avoient part au gouvernement
de l'Etat & à l'Election du
Prince , & ne font demeurez
dans l'ordre des Citadins que
pour avoir efté exclus du Confeil
lorfqu'il fut reduit à un
moindre nombre. Plufieurs de
ces familles ont les mêmes
noms & les mêmes armes que
tes Nobles Venitiens de la premiere
claffe. Les. Citadins du
fecond rang ont obtenu ce Fitre
par leur merite , ou par leur
argent. Les uns & les autres,
jouiffent des mêmes privileges ,
& ont des Charges : & des em
plois qui leur font deftinez.
Juin 1705 .
K
114 MERCURE
Tout ce qu'il y a de Gentilshommes
hors de Venife & dans
tout l'Etat de la Republique ,
eft compris fous le nom de
Nobles de Terre-ferme , fi on
en excepte quelques familles
qui font de la troifiéme ou de
la quatrième claffe de No
bleffe.
a
M' le Marquis d'Herbouville
Guidon des Gendarmes
époufé Mlle de Guilly ; le Roy
leur a fait l'honneur de figner
leur Contrat de mariage .M le
Marquis d'Herbouville a tou
tes les qualitez qui peuvent
rendre un jeune homme aimaGALANT
S
ble: il a de la naiffance , du bien
& de la jeuneffe ; il eſt tresbien-
fait de fa perfonne , & il
joint à tous ces avantages un
efprit tres-folide , & un courage
dont il a déja donné des
marques en quelques occafions
. La naiffance de ce Marquis
eft tres-diftinguée. Tous
ceux de fon nom ont porté les
armes avec beaucoup de gloire,
& leur Maifon eft connue de
puis plufieurs ficcles. Mlle de
Guilly , aujourd'huy Mo la
Marquife d'Herbouville , eft
une tres-aimable perfonne, elle
a efté élevée avec beaucoup de
Kij
116 MERCURE
foin , & Mfa mère n'a rien
oublié pour fon éducation ;
elle joint à une naiſſance diftinguée
un efprit tres folide &
beaucoup de douceur dans les
mours. Ces nouveaux époux
font parens de Mr le Marquis
de S. George de la Maiſon de
Vaffe.
Mi de Garnier Avocat Ge
neral au Parlement de Dombes
a époufé Mlle Aubret. Ce Ma
giftrat à beaucoup de merite ,
& eft fort eftimé dans la Compagnie
. Le talent qu'il a de
parler en public luy fait beaucoup
d'honneur & luy donne
GALANT 117
fouvent l'occafion de briller
dans les fonctions de fa Charge.
Il eft d'une famille confiderable
de la Principauté de Dombes.
Ila un frere dans l'état Ecclefiaftique
qui eft fort eftimé
& qui eft Docteur en Droit.
Quant à Mlle Aubret , à prefent
M Garnier , elle eft d'un
merite reconnu & elle a paffé
pluſieurs années à la Cour de
Monfieur le Duc du Mayne ,
où elle sétait fort confiderée.
Elle eft foeur de M'Aubret
Confeiller au Parlement de
Dombes , que l'amour qu'il a
pour les belles Lettres diftingue
J
118 MERCURE
autant que les lumieres qu'il
fait paroiftre dans l'exercice de
fa Charge. Il avoit un frere dans
le fervice mort depuis quelques
années , & un autre Bachelier
de Sorbonne. Il ya long- temps.
que cette famille eft dans la
Magiftrature.
D
M' le Comte de Cabra a épou
fé à Madrid la fille de Monfieur
le Duc Seffa. Ce Seigneur
a porte les armes durant quél
ques années. Sa Maifon a tou
jours fait une grande figure à
la Cour des Rois d'Efpagne ,
où elle eftoit déja conhue fous
GALANT 719
le regne du celebre Alfonfe
X. furnommé
l'Aftrologue
. Le
Duc de Seffa eft forti d'une
maifon Arragonoiſe
alliée aux
plus confiderables
de la Monarchie
d'Espagne
. La Comteffe
de Cabra fa fille eft une
tres- belle perfonne . Elle a efté
élevée avec de grands foins ,
& M fon Pere , qui l'aimoit
beaucoup
, n'a rien épargné
pour luy donner une éducation
conforme
à fon illuftre naif!
fance.
M' le Comte de Promnitz a
époufé Madame la Princeffe de
SaxeWeyfenfels . CetteDame eft
120 MERCURE
d'une des meilleures Maifons
Souveraines de l'Europe. Dés
e
le 6 fiecle les Princes Saxons
firent des courfes fur les terres.
des François ;Charlemagne leur
fit la Guerre durant 30. ans ,
ils eftoient encore idolatres &
pour fe mettre bien avec luy ils
reçurent le Baptême . Wittikint
eftoit leur Chef. Il fe fignala
par fon courage ; mais il fut
néanmoins obligé de recevoir
la loy de Charlemagne , qui en
fut plufieurs fois vainqueur .
Dans le to fiecle le Pays de Saxe
paffa dans la Maifon de Billin
guen , & enfuite dans celle de
SupGALANT
IZI
Supplinberg en la perfonne de
Lothaire , qui fut depuis Empereur
fous le nom de Lothaire
III. mais toutes ces differentes
Maiſons venoient deWittikinz .
Le Comte de Promnitz eft
d'une tres grande Maifon
connue dés le 12° . ficcle.
-
Le fils de Milord Molineux
a épouſé à Londres Mlle Brunet
foeur de Mla Ducheffe de
Richemond. Cette Demoifelle
eft parfaitement belle , &
M la Ducheffe de Richemond
ne l'eft pas moins. Je ne dis
rien de leur Maifon qui eſtaffez
connue. Celle de Milord Mo-
Juin
1701.
122 MERCURE
lineux tient un rang confide
rable en Angleterre.
Le Lord Montermond , fils
du Comte de Montaigu a époufé
la fille de Milord Marlborough
. Cette Dame eft foeur
de la Comteffe de Bridvvater.
Le Comte de Montaigu pere du
nouveau marié eft d'une des
meilleures maifonsd'Angleterre
où elle eftoit déja connue dans
les guerres des Maiſons de Lanclaftre
& d'Yorc. Je ne dis rien
de Milord Marlborough , dont
le nom eft Churchill . Ce nom
n'eft pas connu dans l'Hiftoire
d'Angleterre avant le regne de
GALANT 123
CharlesII. Il fut obligé de fortir
d'Angleterre fous le regne de
Charles fecond & il doit fa for
tune à Jacques II . & à la Princeffe
de Dannemarck , qui en
confideration de fa Femme qui
eft dans fa confidence , l'a encore
élevé à de plus grands
honneurs , fçachant que ce Milord
eft entreprenant , & ayant
befoin de pareils appuis pour
maintenir fur le Trône , contre
les Anglois qui voudroient rentrer
dans leur devoir & reconnoiftre
leur legitime Roy.
Le Roy d'Efpagne a donné
la Charge d'Inquifiteur Genefe
Lij
124 MERCURE
ral à Dom Marin Vidal, Evêque
de Ceuta , à caufe des fervices
confiderables qu'il a rendus
dans cette Place , en donnant
aux Officiers & aux Soldats
tous les fecours qui dépendoient
de fon miniftere . Il fut
mis en poffeffion de cette
dignité le 29. Avril dernier.
Outre les neuf Tribunaux de
l'Inquiſition établis à Tolede , à
Grenade, à Seville , à Cordoüe ,
à Mavie , à Cuena , à Logrone ,
à Lerena, & à Valladolidi ; il y en
a un fouverain à Madrid , dont
le Preſident eft nommé Inquifiteur
General, & les Confeillers
GALANT 125
de
fimplement Inquifiteurs . Ils
connoiffent fouverainement
quatre crimes,à fçavoir d'hereffe
, de fortilege , de ſodomie
& de polygamie ; & l'Arrett
qu'ils rendent contre les accufez
s'appelle un auto d'Inquificion
, ou auto dafé. La coutume
eft que le Roy d'Efpagne nomme
au Pape l'Inquifiteur General
pour tous les Royaumes ,
& Sam Sainteté le sconfirme.
Cet Inquifiteur General homme
enfuite les Inquifiteurs particuliers
de chaque lieu , qui ne
peuvent exercer leurs Charges
qu'ils n'ayent le confentement
Liij
126 MERCURE
du Roy. Le Roy de plus met
un Confeil qui ne regarde que
l'Inquifition dans le lieu où eft
le fouverain Inquifiteur ou Prefident,
& ce Confeil aune jurif
diction fouveraine fur toutes
les affaires qui la regardent..
Les Seigneurs les plus confiderables
fe font Officiers
de l'Inquifition fous le nom
de familiers , leur fonction eft
de faire la capture des accu
fez. Le refpect extrême qu'on
porte auxfamiliers , & la terreur
que cette jurifdiction jette dans
les efprits , fait conferver laveneration
due à la Religión . L'an
3
GALANT 127
T560 le Duc de Guife & le Catdinal
de Lorraine fon frere ,
prefferent fortement la Reinc
Catherine de Medicis de confentir
à l'établiffement de l'Inquifition
en France ; mais ce
fut en vain. Il feroit inutile de
parler du merite de Dom Marin
Vidal Evêque de Ceuta ,,
toutes les nouvelles publiques,
ont fait connoiftre fon zele &
fa prudence.
16
Le Decret par lequel Dom
Carlos de Borja a efté établi Vicaire
General des Armées de Sa
Majefté Catholique pour le
Spirituel , a efté publié en Ef
Liiij
128 MERCURE

pagne. Le Pape luy a accordé les
pouvoirs neceffaires pour donner
aux Ecclefiaftiques qui fuivront
les Armées le droit de
faire les fonctions de leur miniftere
, & Sa Sainteté luy a
donné en même temps un Titre
d'Evefque in Partibus , afin
de luy donner droit de faire
les fonctions Epiſcopales
. Les
Evefques font dans une grande
confideration dans toute l'Efpagne
; ce qui les y rend encore
plus confiderables , eft l'établiffement
de l'Inquifition
: Et
comme j'auray fouvent occafion
d'en parler , je dois vous
GALANT 129
dire fans vous le repeter davantage
à l'avenir , qu'outre les
Evefchez des Indes où il y a plus
de quarante Evefchez ou Archevefchez
, dont quelques -uns
valent vingt ou trente mille
Ducats de revenu , & outre les
Evefchez des Pays- Bas & duDuché
de Milan,le Roy d'Espagne
a dans tous les autres Etats qui
forment cette vafte Monarchic
vingt-deux grands Archevefchez
, & environ cent Eveſchez
d'un revenu tres confiderable .
Quand un Evefque eſt Cardinal
il donne toutes les Chanoinies ,
& quand les Evefchez font du
130 MERCURE
't
Domaine du Roy , c'eſt-à - dire ,
dans les Pays conquis fur les
Maures , comme Seville , Grenade
, & c. ou que le Roy a
fondé les Evefchez, S.M . donne :
tous les Canonicats . Quant aux
autres Eveſchez , le plus commun
ufage d'Efpagne eft que
des douze mois de l'année le
Pape en a quatre pendant lef
quels il pourvoit à ces Prebendes
, & l'Evefque & le Chapitre
en ont huit , durant lefquels ils
les donnent alternativement .
Je dois ajoûter que les Rois
d'Efpagne n'ont la nomination
des Eyefchez que depuis l'an
GALANT 131
1523. que le Pape Adrien VI.
l'accorda à Charlequint
dont
il avoit efté Precepteur. Dom
Carlos de Borja qui fait le fujet
de cet Article , a donné des
preuves de fon zele & de fa
pieté dans l'exercice de tous les
minifteres où il a paffé . Savertu
eft agiffante , telle
Paul la recommande
aux Evef
ques , & telle qu'elle convient
à un Vicaire Apoftolique des
Armées de Sa Majefté Catho
lique.
que
faint
Le Roy d'Efpagne a donné
la Commanderie de Critana à.
Dom Diego Affenfio deVicun132
MERCURE
na Amirante General. Les
principaux Ordres Militaires
font ceux de faint Jacques , de
Calatrava , & d'Alcantara. Les
Ordres de faint Jacques , &de
Calatrava fe difputent entre
cux la preference pour l'ancienneté
, mais prefque tous les
Hiftoriens conviennent que
l'Ordre de Calatrava fut inftitué
par le Roy D. Sanche
en 1 158. & celuy de faint Jacques
en 1175. fous le Roy Ferdinand
II . Peu de temps aprés
le même Ferdinand II. créa
l'Ordre d'Alcantara en 177.
Les Chevaliers de ces trois OrGALANT
133
dres fuivoient en ce temps-là
la Regle de S. Bernard . Ils ont
obtenus des Diſpenſes pour fe
marier, & ils ne laiffent pas d'en
demander encore aujourd'huy,
mais les Papes ne les leur refufent
jamais. Il y avoit anciennement
une grande Maîtriſe
de chaque Ordre , qui valoit
plus de cent mille Ducats de
revenu ; mais parce que les
brigues des Grands pour poffeder
ces Dignitez caufoient
fouvent des guerres civiles ;
Ferdinand & Ifabelle réunirent
ces trois grandes Maiſtriſes à la
Couronne par permiffion du
134 MERCURE
Pape , vers l'an 1500. & gagnerent
par ce moyen trois cens
mille ducats de revenu . D.Diego
. Affenfiodevicunna eſt d'une
tres- ancienne Maiſon originaire
de Caftille , & a perfonnellement
beaucoup de merite.
Monfieur le Duc de Ciudad-
Real a efté declaré Meftre de
Camp par Sa Majeſté Catholique.
Ce Seigneur eft d'une
tres-illuftre naiffance , & d'une
Maiſon originaire de Caftille.
Ceux de ce nom ſe ſont particulierement
diftinguez contre
des Maures. Dans les dernieres
guerres que les Rois Ferdinand
GALANT 135
& Ifabelle firent à ces Infidelles
, les Seigneurs de Ciudad-
Real s'y diftinguerent fort , &
ils acheverent de les chaffer
d'Efpagne où ils avoient demeuré
fort long-temps. Monfieur
le Duc de Ciudad - Real
a fervi depuis fa plus tendre
jeuneffe , & il a donné en plufieurs
occafions des marques
de fa valeur. Le Roy d'Eſpagne
en fait beaucoup de cas , & en
le nommant Meſtre de Camp
il en parla fort avantageufe
ment.
Je vous envoye une Lettre,
qui doit eftre d'une grande uti136
MERCURE
lité au public , j'efpere qu'il en
profitera ; & il feroit à fouhaitter
que ceux qui fe ferviront
du remede , dont il y eft parlé,
rendiffent témoignage de l'effet
qu'il aura fait fur eux : ils
rendroient un ſervice important
au public.
GALANT 137
LETTRE
De M' l'Abbé Saget , Confeiller
au Parlement de Toulouſe
, à M' de Puget , Prefi
dent à Mortier au meſme
Parlement, du2 5.Mars 1705
fur la guerifon des Cataractes.
J'Avois , Monſieur , une Cataracle
, & non pas une tache à
l'ail droit. Elle s'étoit fi fort épaiffie
pendant trois ans , que je ne
voyois pas même le Soleil. Le
Frere Recollet croyoit qu'il n'y
avoit point d'autre reffource que
Juin 1705 .
M
138 MERCURE
de la faire abatre.. Il croyoit
mefme qu'elle eftoit en état. Je·
trouvay en lifant un Auteur de
Medecine Allemand qu'on a traduit
en François , que l'ufage des
Cloportes faifoit diffondre la Ca--
taracte , & qu'il en citoit trois
exemples. Je me refolus à en effayer
: ce qui me réuffit parfaitement
, mais le remede eft fortlong
& agit fort lentement. Il y a
prés de trois ans que j'en uſe. On
les infufe dans un peu de vin
blanc que je prens tous les matins
aprés la Meffe ; je ne vois pas
encore bien ; c'est-à-dire , que je ne
vois pas encore affez pour lire
GALANT 139
mais j'efpere qu'en moins d'un an
je verray comme de l'autre ail ;
car prefentement je diftingue &
reconnois les perfonnes fans qu'-
elles parlent , & je
tous les
mouvemens qu'elles font , mef
me les fignes avec les doigts.
Le Frere Recollet , que je trouvai
il n'y a que deux jours chez
Mr Clari , ayant examiné l'oeil
maladefut furpris, & m'exhorta
à continuer
n'y restant que peu
de chofe fur le vifuel , & ce qui
y paroift eftant fort peu épais ; il
faut y regarder de fort prés &
attentivement
pour y connoistre
quelque chofe , au lieu qu'aupa
Mij
140 MERCURE
ravant tous ceux qui m'approchoient
s'en appercevoient. L'Auteur
Allemand 's'appelle Etmuller .
Il faut chercher dans fon Livre
ce qu'il dit fur la Cataracte , &
c'eft le dernier Article qui ne contient
pas plus de trois ou quatre
lignes. Il marque l'operation du
fer, comme fort incertaine & cela
ne dépend pas toujours de louvrier
; car il y a trois fortes de
Cataractes. Il
y en a qui font
toujours molles , quoiqu'elles paroiffent
confommées er en état
d'eftre abatuës : Par là il arrive
que l'Operateur réuffit ne réus &
fit pas , je ne confeillerois jaGALANT
141
mais à une perfonne d'hafarder
cette operation quand elle verra de
l'autre oil. L'operation en ellemefme
n'eft rien ,je la vis faire à
Mr de Burta , mais la contrainte
dans laquelle on vous tient pendant
quelques jours aprés l'operation
, a pour l'ordinaire des fuites
fachenfes , vous fçavez ce qui en
arriva à Mr de Burta. Je fis cet
Automne ce que je pus pour diffuader
le Confeffeur des Religieu-
Jes Malthefes de fouffrir cette operation
; il étoit robufte & puiffant
, neanmoins cela luy attira
une groffe maladie dont il mourut.
Si voftre amy n'a la Cataracte
142 MERCURE
qu'à un oeil , diffuadez- le de l'ope--
ration. Il vous dira qu'il craint
que le mal ne passe à l'autre oeil,
ce qui arrive fouvent ; mais au
moyen des Cloportes il empêchera
que cela n'arrive , & infenfiblement
& à la longue l'oeil de la
Cataracte s'éclaircira. Je dois vous
dire qu'il nefautpas qu'il craigne
que cela l'échauffe ; car depuis que
jen uſe je devrois eftre tout en
feu ; mais mon mal venant des
entrailles & de ce que je n'avois
pas le ventre libre ; au moyen des
Cloportes je mefensfoulagé deux
fois par jour de ce cofté-là. Les
chaleurs des entrailles me monGALANT
143
toient à la tefte & fe jettoient enfuite
fur l'oeil qui étoit la partie ·
la plus foible. Voilà , Monfieur ,
tout ce quej'ay à vous manderfur
les Cataractes. Je ne fçay fi je me
Seray bien expliqué. Je fuis, &c.
Il faut prendre des Cloportes :
en quantité, de ceux qui se trou
vent dans les caves ou dans les :
vieux bâtimens , parce qu'ils font :
plusfains que ceux que l'on trou
ve dans le fumier.
Les mettre dans une terrine à
l'on couvrira pour les
Sec , que
faire
dégorger
& jeûner
pendant
deux
ou trois
jours..
Enfuite les laver par trois dif144
MERCURE
ferentes fois , dans du vin blanc ,
afin qu'ils foient bien nets , les
verferfür un tamis pour en ofter
l'humidité.
Aprés quoy on les fera fecher
dans le four , aprés que la grande
chaleur en eft paffée , ou dans une
étuve , ou auprés du feu.
Quand ilsfontfecs , il les faut
mettre en poudre , tres -fubtile ,
dont on fait une petite provifion.
afin de n'eftre pas obligé de recommencer
tous les jours à en faire de
nouvelle.
2
"On peutprendre de cette poudre
depuis un fcrupule jufqu'à deux ,
c'est- à- dire depuis, 24. jufqu'à 48 .
grains
GALANT 451
grains , en commençant par leplus
petit nombre , & augmentant la
doze de temps en temps.
Il en fautprendre tous lesjours
à jeun , demi-heure aprés on
peut mangerfion en a befoin.
On fait infufer la poudre le
foir jusqu'au lendemain matin
dans quatre onces de vin blanc.
Les perfonnes qui ne boivent pas
volontiers
le vin par , peuvent
y
mettre de l'eau aprés l'infufion ,
ou prendre la poudre dans du pain
boire enfuite trois
ou quatre onces de quelque liqueur
à chanter ,
que ce foit."
Juin 1705.
C'eft Boele , Medecin Anglois ,
N
146 MERCUR E
qui a donné ces remedes au public,
qui en cite les experiences qu'il
en a vûës. Etmuller, Medecin Allemand,
l'a donné aprés Boële.
Et on peuty ajouter que Mr
l'Abbé Sager a confommé par ce
même remede une Cataracte qu'il
avoit à l'oeil droit depuis trois ans,
&qui estoit fi dure & fi épaiffe,
qu'il ne voyoit pas mefme l'éclat
de la lumiere du Soleil.
M' Fieſchi Archeveſque de
Genes & Nonce Extraordinaire
en France , eut fon Audience
de congé du Roy , le
Mardy 26. May. M' le MarGALANT
147
quis de Torcy le conduifit à
l'Audience & M' le Maréchal
Duc de Boufflers Capitaine des
Gardes le recût à la porte de la
Salle des Gardes . Cc Prelat fit
part à S. M. des ordres qu'il
avoit recûs de S. S. de s'en retourner
enItalie, & il luy témoi
gna en même-temps le cha
grin qu'il avoit de ce que le
fuccés n'avoit pas couronné
fa negotiation. Il finit le compliment
qu'il fit au Roy en
l'affurant qu'il s'enretournoit
plein des hautes idees de tout ce
qu'il avoit vú en France ;
qu'il conferveroit toute fa.
Nij
148 MERCURE
vie le fouvenir des grandes qua
litez du Monarque auprés du quel
il avoit eu l'honneur de refider.
Aprés cepremier Compliment
il en fit un autre de condoleance
au Roy de la part du Pape ,
fur la mort de Monfeigneur le
Duc de Bretagne . Le Roy, aprés
avoir parlé en termes tres- obligeans
de la perfonne de ceNon-
∞ , le chargea d'afſurer S. S.
qu'il avoit les mêmes difpofitions
pour donnerla Paix à l'Europe ,
dans lesquelles on l'avoit veu dans
les Guerres precedentes , & quefi
c'étoit malgré luy qu'il avoit pris
Les armes contrefes ennemis, c'eftoit
GALANT 149
auffi malgré luy qu'il les retenoit .
M¹ le Nonce en fe retirant fou
haita à S. M. toute forte de
profperité & une fuite de jours
auffi glorieux que celle qui avoit
jufqu'ici marqué la grandeur
de fon regne
.
Voici les noms de ceux qui
ont efté nommez aux Benefices
vacans dans la derniere promotion
.
Le Roy a nominé à l'Ab
baye de Bocheries , Diocefe
de Laon , vacant par la mort
de M ' l'Abbé Dhocquincour
,
M' l'Abbé Fagon , Docteur de
Sorbonne
& Deputé pour la
Niij .
150 MERCURE
Province de Paris à l'Affemblée
du Clergé de cette année.
7
Je vous ay fouvent parlé de
cet Abbé lorsqu'il a donné des
marques publiques de fon fçavoir
pour parvenir à la dignité
de Docteur de Sorbonne. C'eft
une des qualitez des plus effentielles
pour bienremplir les plus
hautes dignitez de l'Eglife
ainfi le choix que l'on fait de
ceux qui la poffede pour y
élevez eſt toujours applaudy.
Vous fçavez que Mª l'Abbé
Fagon eft fils de M' Fagon
Confeiller d'Etat ordinaire &
premier Medecin de S. M. Sa
eftre
GALANT 151
modeftie me ferme la bouche ,
puifque bien que je vous aye
parlé de luy en plufieurs occafions
, il m'eft toûjours reſté
beaucoup de chofes à vous en
dire. En effet , que ne peut- on
point dire d'un homme , auſſi
éclairé , auffi fage & d'un auffi
grand defintereffement & fi reconnu
; choſe tres - rare dans
poſte qu'il occupe .
L'Abbaye de Chartrices remife
M' l'Abbé Fagon , à
par
M'l'Abbé du Rezel . Cet Abbé
eſt d'une naiſſance diftinguée ;
il joint à cet avantage celuy
d'eftre generalement eſtimé : la
pureté de ſes moeurs , l'exacti152
MERCURE
*
tude de fa conduite qui a tou
jours efté irreprochable, jointe
à une érudition tres-grande fur
toutes les matieres qu'il convient
à une perfonne de fon
caractere de fçavoir , luy ont
acquis une reputation folide .
Ml'Abbé du Rozel eft auffi
recommandable par les fervices
que ceuxde fon nom ont rendus
à l'Etat.M' le Marquis du Rozel
eft mort Lieutenant General
des Armées du Roy , M le
Comte du Rozel eft revêtu de
la même dignité , & M le Mar
quis du Rozel fon frere , eft
Maréchal de Camp . La maiſon
GALANT 153
du Rozel eft tres -ancienne &
elle eft connuë en France depuis
plufieurs ficcles . Le merite
& la valeur de ceux qui ont
porté ce nom l'ont également
rendu recommandable . Il nele
fera pas moins dansl'Eglife , é
tant porté par une perfonne
du merite de M' l'Abbé du
Rozel.
L'Abbaye de Pebrac , Diocefe
de Saint Flour , vacante par la
mort de M' l'Abbé du Bourg ,
à M' l'Abbé Charpin de Gene
tines , Comte de Lyon. Je vous
parlay de cet Abbé , qui eft
Grand Vicaire de M' l'Evêque
154 MERCURE
de Saint Flour , lorfqu'il fut
nommé à l'Abbaye de Maufac
à la derniere nomination. Ayant
remis cette Abbaye , il vient
d'avoir celle de Pebrac qui luy
donne le titre de Comte de
Brioude , ainfi il eft prefentement
Comte de Saint Jean de
Lyon & du Chapitre de Brioude.
Ce que je vous ay déja
dit de cet Abbé a dû vous faire
connoiftre fon merite. Il a
l'honneur d'appartenir au R.
P. de la Chaife.
L'Abbaye de Maufać , Diocefe
de Clermont
, vacante par
la demiffion de M' l'Abbé de
GALANT 155
Genetines, à M' l'Abbé Archon
le jeune , Chapelain du Roy
en furvivance de fon frere aîné
qui eft le plus ancien Ecclefiaftique
de la Chapelle de Sa Majeſté
, & qui a donné depuis
quelques mois l'Hiftoire de la
Chapelle de nos Rois. M' Archon
font de Riom , & ils fe
particulierement
diftingucz
par le zele qu'ils ont pour
le fervice de Sa Majesté. Il y a
long-temps que leur nom eft
connu dans fa Chapelle . L'Abbaye
de Maufac eft auprés de
Riom. La Maifon Abbatiale
eft fort belle , & l'Abbé a de
font
156 MERCURE
fort beaux droits .
L'Abbaye de Boschaud
Dioceſe de Perigueux , à M
l'Abbé de Medidier. Cette
Abbaye eft recommandable
par fon ancienneté , & par le
merite des fujets qu'elle a produits.
Un Athanaze
, Religieux
de cette Abbaye , fe diftingua
fort dans le feiziéme fiecle par
les progrés qu'il fit dans la
connoiffance
des Langues Orientales.
M' l'Abbé de Medidier
eft generalement eftimé.
Il joint une grande humilité à
tousles talens quipeuventle
plus
diftinguer une perfonne de fon
%%
GALANT
157
t
état & de fon caractere. Il eft
excellent Canonifte.
L'Abbaye de Dillot à M
l'Abbé Jachiet ci - devant
Chapelain du Roy. Cet Abbé
>
eft d'une bonne & ancienne
famille du Parlement de Bourgogne
. Il a un neveu Prefident
d'une des Chambres de ce Parlement,
& il y eft allié à plufieurs
bonnes Maifons de la Province.
L'Abbaye de Dilloteft dans
le Dioceſe de Sens ; elle a produit
d'excellens fujets . M' l'Ab.
bé Jachiet eft fort eſtimé , il
a beaucoup d'érudition ; & ce
qui le rend plus recommanda158
MERCURE
ble c'eft une folide pieté qui ne
s'eſt jamais démentie. Il s'eft
attaché avec fuccés à l'étude
de la Scholaftique , & il eſt peu
de perfonnes qui y ayent fait
plus de progrés .
L'Abbaye de Leyme Dioceſe
de Cahors, vacante par la mort
de Dame Françoiſe de Noail
les à Dame N... d'Aubeterre .
Cette derniere eft foeur de M
le Comte d'Aubeterre
Lieutenant
General des Armées du
Roy qui fert en cette qualité
en Allemagne. Elle a toutes
les qualitez qu'on peut fouhaiter
dans une perfonne à
GALANT
159
t
qui l'on confie le foin d'une
nombreuſe Communauté ; enfin
elle a toutes les qualitez
neceffaires pour reparer la perte
que l'Abbaye de Leyme a faite
de feue MⓇ de Noailles . Je vous
ay fouvent parlé de la grandeur
de la Maifon de Noailles.
Entre ceux qui ont fait
plus d'honneur à cet illuftre
nom on ne doit pas oublier
François & Gilles de Noailles ,
freres&fucceffivementEvêques
de Dax qui furent tous deux
employés en de grandes Am
baffades . Le premier en Angle
terre , à Rome & à Venife , &
160 MERCURE
le fecond auffi en Angleterre,
enEcoſſe, en Pologne & à Conftantinople.
Françoife de Noailles
Abbeffe de Leyme qui
donne lieu à cet article eftoit
fort âgée , puis qu'elle eftoit
grand - tante de M le Maréchal
de Noailles & fille d'Henry ,
Seigneur de Noailles , Comte
d'Ayen ,Baron de Chambray ,
Gouverneur Lieutenant General
& Bailli du haut Païs d'Auvergne
, & de Dame Germaine
d'Eſpagne , Dame de l'Aunaguer
, fille de Jaques Matthieu
d Efpagne , & de Catherine de
Narbonne.
L'Abbaye de faint Genieft ,
GALANT 161
Diocefe de Montpellier , à Dame
N... de la Croix de Caftries
, foeur de M' le Marquis
de Caftries & de M'l'Abbé de
Caftries , Aumônier de Madame
la Ducheffe de Bourgogne.
Elle eft fille de feu M™
N... de la Croix de Caftries ,
& de Dame N ... de Bonzy,
foeur du feu Cardinal de ce
nom . Cette Dame joint à une
illuftre naiffance un merite
generalement
reconnu , & c'eft
uniquement ce qui a fait tomber
fur elle le choix de Sá
Majefté pour l'Abbaye de faint
Genieft , qui eft d'une tres-
Juin 1705.
O
162 MERCURE
grande confideration dans le
Languedoc.
ге
Le Roy a donné l'Abbaye
d'Argenfol de l'Ordre de Cifteaux
, à Madame d'Aligre.Cette
Dame eft fille de feu M
Etienne d'Aligre , Chancelier
de France , & de Dame Jeanne
Luillier fille de François , Sieur
d'Interville , & petite fille de
Mr Etienne premier d'Aligre
auffi Chancelier de France, qui
fucceda en cette dignité à M
de Sillery en l'année 1624. La
Dame dont je vous parle eft
foeur de M' d'Aligre Prefident
à Mortier au Parlement de
GALANT 163
Paris. Elle joint à l'éclat de fa
naiffance une folide pieté &
une grande conduite dans l'adminiftration
des affaires . On
voit peu de perfonnes plus
propres que cette Abbeffe au
gouvernement
d'une maiſon
Religieufe ; elle a toute la douceur
& toute la prudence qui
font neceflaires pour y conferver
la paix .
on
Il paroit depuis peu un
Livre intitulé : Traité contre le
Luxe des hommes & des femmes,
contre le Luxe avec lequel
-élevé les enfans de l'un & de
L'autrefexe. Je fçay que l'Au-
Oij
164 MERCURE
teur , dont la modeftie l'oblige
à cacher fon nom , n'avoit pas
refolu de faire imprimer cet
Ouvrage , mais que le Manufcrit
eftant tombé entre les
mains de quelques perfonnes
qui ne font pas moins diftinguées
par leur fçavoir & par
leur profonde érudition , que
par leur naiffance , elles ont
engagé l'Auteur à le donner
au public , & luy ont même
fait avoir toutes les permiffions
neceffaires pour cela ,
craignant que dans le peu d'empreffement
qu'il avoit de mertre
fon Ouvrage au jour , il ne
GALANT 165
de
fe donnaft pas tous les foins
neceffaires pour les obtenir.
Il eft à préfumer que ce Livre
fera grand bruit & que deux
partis ne manqueront pas
fe declarer l'un pour , & l'autre
contre. Les partiſans de la vertu,
& qui de tout temps ont
efté ennemis declarez du Luxe ·
ne manqueront pas d'applau
dir avec juftice à l'Auteur & à
fon Livre ; & ceux qui font
enfevelis dans le luxe & qui
croyent que c'eſt le feul moyen
de paroiftre dans le monde
avec diftinction , fçauront fort
mauvais gré à l'Auteur d'avoir
166 MERCURE
donné au public un ouvrage
qui les condamne : mais ce que
diront les uns & les autres ne
pourra que luy faire honneur .
Le choix qu'il a fait de Monfieur
le Duc de Beauvillier
pour luy dedier fon Livre , eſt
fi jufte & fià propos, qu'il doit
faire avoir bonne opinion de
fon ouvrage ; la fageffe de ce
Miniftre eft connue, & le grand
pofte où il fe trouve ne l'a ja
mais fait fortir des bornes
d'une modeſtie toute Chref
tienne.
Comme les Chapitres d'un
Livre font connoiftre le plaifi
GALANT 167
qu'en peut donner la lecture ,
j'ay crû devoir mettre icy ceux
dont traite le Livre dont je
vous parle.
Chap. I. Du luxe en general.
Chap . II. Du luxe des habits.
Chap . II. Du luxe des femmes
dans les parures
.
Chap. IV. Contre le luxe des
habits & des parures
..
Chap . V. Sentimens des Anciens
contre le luxe.
Chap. VI. Difcours de Caton
Conful Romain,fait au peuple
pour foutenir la log Oppienne
contre le luxe des femmes.
Chap. VII. Difcours de Vale-
*
168 MERCURE
rius , Tribun dupeuple, en faveur
des Dames Romaines pour
la revocation de la loy Oppienne.
Chap. VIII. Des effets funeftes
du luxe parmi les Romains
autres peuples.
Chap. IX. Des moyens qu'on a
pratiquez anciennement pour
reprimer le luxe.
Chap .X. Du luxe de la table.
Chap . XI. Du luxe des équipages.
Chap. XII. Reflexions contre le
luxe des équipages
.
Chap. XIII . Exemple memorable
de moderation contre le
luxe
GALANT
169
luxe des
équipages.
Chap . XIV. Confeils aux Dames
contre le luxe.
Chap. XV. Du luxe des meu
bles.
Chap. XVI. Reflexions contre le
luxe des
ameublemens.
Chap . XVII . Du luxe dans l'éducation
des enfans.
Chap . XVIII . Du luxe dans l'é
ducation desfilles.
Chap. XIX . De la
frugalité.
Chap . XX . De la modeftie.
Chap . XXI . De
l'émulation qui
eft parmi les femmes pour les
parures.
Ce Livre fe vend chez le fieur
Juin 1705.
P
170 MERCURE
Brunet, dans la grande Salle du
Palais, à l'enſeigne du Mercure
Galant.
Je me trompay le mois paffé,
& je mis dans ma derniere Lettre
les paroles d'un air que je
ne vous envoyay pas. Voicy
les paroles que je crûs vous
avoir envoyées . Vous fçavez
qu'elles font de M' de Metz
qui n'en fait point d'autres que
pour le Roy.
AIR NOUVEAU.
Grand Dieu , de qui Loüis a reçû
la Couronne ,
GALANT
171
Confervez - nous long - temps fon
auguste perfonne :
Faites qu'il foit unjour auffifaint
dans les Cieux,
Qu'il eft deffus la terre & grand
&glorieux.
Le Roy
d'Eſpagne a nom
mé Dom Juan Ruiz- Simon ,
Curé de S. Michel , à l'Evef
ché des Canaries . Les Illes des
Canaries font à l'occident de
l'Afrique , & ce font celles que
les anciens ont nommées For
tunées ; elles font à
l'oppoſite
du Royaume de Maroc, & visà-
vis des Caps de Boyador &
Pij
172 MERCURE
de Non. Les Anciens n'en ont
connu que fix ; mais il y en a
fept. La plus importante eft
Canarie avec une Ville de mê
me nom , grande , belle & bien
peuplée, Il y a dans cette même
Ille douze Moulins à fucre. Le
terroir eft tres- fertile , & fur
tout en bon vin , dont il paſſe
toutes les années prés de feize
mille tonneaux en Angleterre,
Les habitans font tous Catho
liques. C'eft dans ces Ifles qu'il
arriva il y a quelques mois ce
prodigieux tremblement de
terre dont toutes les nouvelles
publiques ont parlé , & le plus
a
GALANT 173
fong de ceux dont l'Hiftoire
nous ait confervé le fouvenir .
Dom Juan Ruiz - Simon eft un
Ecclefiaftique generalement
eftimé en Eſpagne à caufe de
fa pieté & fes lumieres .
Ce mefme Prince a donné
à Dom Ventura de Landaetat
Veedor , General de l'armée des
Caftille , une place de Conſeiller
de Guerre. Le Confeil de
Guerre eft un des plus importans
de ceux qui s'aſſemblent
dans le Palais du Roy d'Eſpagne.
Ils fc tiennent tous dans
des Salles qui font difpofées
d'une maniere , que par des ja
!!
Pij
174 MERCURE
loufies qui y donnent , le Roy
peut entendre tout ce qui s'agite
dans toutes les Chambres ;
& de plus tous les Vendredis
on rend compte à ce Prince
de ce qui s'eft paffe de confiderable
pendant la femaine , &
c'eft ce qui s'appelle Confulta.
Dom Ventura de Landaeta
Veedor a acquis beaucoup de
réputation dans l'exercice de
l'employ de General de l'Armée
de Caftille.
Le Roy d'Espagne a donné un
titre de Caftille à D. Matteo Lopez
di Caftillo , du Confeil & dela
Chambre de Caftille . Ce TiGALANT,
175
tre donne à ceux qui le portent
un relief d'autant plus grand,
que la Caftille eft le plus grand
Royaume d'Espagne , & celuy
où les Rois font a prefent leur,
fejour, Ce Royaume a cfté uni
à l'Arragon fous Ferdinand &
Ifabelle l'an 1474. & fi l'on
compte depuis la mort d'HenryRoy
deCaſtille, enl'an 1479 .
à compter depuis que Jeanne
fille d'Henry IV. fe fit Religieufe
dans le Monaftere de
Conimbre , cette Princeffe
ayant remarqué que les Portu
gais de qui elle attendoit du
fecours , étoient d'intelligence
Pij
176 MERCURE
avec Ferdinand & Ifabelle. D.
Matteo Lopez di Caftillo eft
une homme d'un grand ' merite.
Dom Pedro de Yrles- y-
Pineda a cfté fait Mestre de
Camp, & le Royd'Espagne luy
a donné le Gouvernement de
Vera Crux . C'eftune Ville maritime
de la Province de Sepeaca
, dans le Mexique ou Nou
velle Efpagne en Amerique.
Elle eft habitée
familles d'Espagnols , la plûs
part defquels font Mariniers ou
facteurs qui reçoivent les mar
chandifes d'Efpagne. Cette
par
deux
cens
GALANT 177
Ville eft mal faine à caufe que
les pluyes font frequentes depuis
le mois d'Avril jufqu'au
mois de Novembre ; mais de- ;
puis Novembre juſqu'à la fin
de Mars ; il n'y pleut jamais ,
& l'air du Septentrion y tempere
en ce temps -là l'ardeur du
Soleil . Dom Pedro de Yrlesy-
Pineda eft fort connupar
fervides : il eft generalement
eftimé.
fes
Je vous appris le mois paſſe
que les Alliez eftoient entrez
dans Salvaterra , le Gouverneur
de cette Place la leur ayant venduë
: ainfi l'on nepeut dire que
178 MERCURE
ce Gouverneur ait cru devoir livrer
cette Place à l'Archiduc
comme à fon Roy legitime
puifque l'intereft feul a part à
fa trahifon , & qu'il luy a facri
fié fon devoir & fon honneur,
Le Gouverneur de Valencia n'a
pas fait de même , & vient , en
deffendant cette Place avec une
vigueur incroyable , d'acquerir
une gloire immortelle , quiren
dra fa memoire éternelle , & qui
rejaillira fur toute fa pofterité .
Ayant efté affiegé dans la Place
le 3. de May par Milord Gal,
lovvay qui commandoit une
armée de douze mille hommes ,
GALANT 179
1..
il fe deffendit jufqu'au 9. du
mefme mois avec une vigueur
qui paffe toute imagination
quoique fa garnifon ne fuft
que de trois cens hommes . Il
effuya cinq affauts , & les Ennemis
eftant enfin entrez dans
la Ville , qui n'a nulles fortifications,
il leur difputa pied- à-pied
le terrain , mefme dans les rues ,
où une partie de la garniſon
perit les armes à la main , le
refte fe jetta avec ce Gouverneur
dans un petit Chafteau ,
où aprés s'eftre encore deffendu
long-temps , il fe rendit prifonnier
de guerre. L'Amirante
180 MERCURE
de Caftille qui eftoit dans l'armée
, preffa fort Milord Gallovvay
de faire pendre le Gouverneur
pour avoir refifté avec
un tres - petit nombre de Soldats
; mais ce Milord n'y voulut
point confentir. Il permit
feulement qu'on dépouillaft
les habitans , qu'on en ufaft
avec les filles & les femmes
d'une maniere qu'il ne m'eft
pas permis d'expliquer icy , &
qu'on emportaft tout ce qui
cftoit dans les Eglifes fans aucune
exception. Ce que voyant
l'Archipreftre , il prit le S. Sacrement
& le porta en ProcefGALANT
181
fion , croyant qu'il arreſteroit
par là la violence des Soldats ;
mais il fut bleffe mortellement
& dépouillé par les mefmes
Soldats, qui profanerent la fainte
Hoftie : ce qui irrita fi forg
les Efpagnols que M' le Marquis
de Bay ayant fait publier
que ceux qui avoient des chevaux
s'en ferviffent & s'armaf
fent , cet ordre fut executé fur
le champ , & s'eftant trouvez
au nombre de deux mille , aufquels
fe joignirent deux mille
autres à pied , qui font prefentement
deux corps feparez
commandez par Dom Juan de
182 MERCURE
Gata & Dom Francifco Spinola
, ils font entrez dans le Portugal
par y Elves & Campo-
Mayor , dans la refolution de
mettre à feu & à fang tous les
lieux qui ne font pas fortifiez .
J'ay vû d'autres Lettres qui
portent que les Troupes qui
eftoient dans le Chafteau & qui
fe rendirent prifonnières
de
guerre , montoient à cent hommes
ou environ , qu'elles furent
dépouillées , & que Milord
Gallovvay commanda trente
hommes bien armez pour les
conduire dans les lieux qu'il
leur avoit deſtinez pour prifon ;
GALANT 183
que
mais ces braves Eſpagnols, quoi
nuds & liez , prirent une fi
forte refolution de fortir d'ef
clavage , qu'animez d'un violent
defefpoir & d'une valeur
intrepide , ils trouvérent
moyen de fe jetter fur les trente
hommes qui les conduifoient
, de les defarmer & deles
menereux mefmes prifonniers .
On doit juger par cette action
& par la vigoureufe deffenſe de
Valencia , qu'il n'y a rien qu'on
ne puiffe attendre des Efpagnols
, lorſqu'ils auront appris
le meftier de la guerre , negligé
en Espagne depuis un tres184
MBR CURE
grandnombre d'années, & qu'il
ne leur manquera rien de toutes
les chofes neceffaires pour
le bien faire. Ils font d'autant
plus portez à fe diftinguer dans
la guerre prefente qu'outre
qu'ils aiment leur Roy Philippo
V. ils voyent les Myfteres
de leur Religion tournez en
dérifion par leurs ennemis : ce
qui eft plas fenfible que toutes
les chofes du monde à des peuples
auffi fincerement & auffi
bons Catholiques que font les
peuples d'Espagne.
On écrit d'Olivença à ce fujet
, qu'un Miniftre Anglois.
GALANT 185
ayant preſché dans la Place publique
contre l'Euchariftie
, le
peuple en parut tellement
indigné
qu'il s'éleva une fedition ,
pendant laquelle il y cut cnviron
trente perfonnes
tuées ou
bleffées,
Cent cinquante fantaffins &autant
de chevaux fortis de Campo-
Mayor ayant enlevé quelques
moutons aux environs de
Badajoz , les Payfans des lieux
s'affemblerent
jufqu'au nombre
de cent, prirent chacun un
cheval & s'armérent , unOfficier.
ſe mit à leur tefte, & ils pourfuivirent
les Portugais jufqu'à
Juin 1705. е
186 MERCURE
trois quarts de lieuë de Campo
- Mayor ; & les ayant joints
prés d'une maison de campagne
, ils les attaquérent avec
tant de furie , que la Cavalerie
Portugaife prit la fuite en abandonnant
l'Infanterie , qui fut
taillée en pieces par les Efpagnols
, qui ramenérent leurs
moutons & cent chevaux des
ennemis .
Je vous feray fçavoir à la fin
de ma Lettre , la fuite des nouvelles
d'Espagne. Cependant je
vous envoye ce que je viens.
d'apprendre touchant les dermieres
forties faites par la GarGALANT
187
mifon de Gibraltar.
De Gibraltar le 18. May
1705 .
La nuit du 3. les ennemis
au nombre de deux mille
firent unefortie ; & quoy qu'ils
fe fuffentemparez d'abord de l'ancienne
place d' Armes , le Commandant
Dom Pedro Mefia de la
Cerda ayant raffemblée quelques,
troupes , les chargea avec tant de
vigueur , qu'ilsfurent obligez de
rentrer dans la place avec beaucoup
de précipitation , aprés
avoir fait une grande perte. Le

Qij
188 MERCURE
Marquis de Pozzo Blanco &
Dom Martin de Iguña firent dans
cette occafion tout ce que l'on pouvoit
attendre des plus habiles &
des plus hardis Officiers , & les
foldats sy por porterent avec une
extrême valeur. Les ennemis fi
rent encore hier une fortie : mais
nôtre Cavalerie les chargea , &
Les obligea de fe retirer. Un de
nos partis tombafurtrente Grenadiers
& les défit ; & fi nosfoldats
ne s'eftoient pas arrestez au
pillage, nous aurions fait prifonnier
le Prince de Darmstadt qui
s'eftoit avancé à la refte de dix
on douze Officiers avec plus de

GALANT 189
valeur que de prudence: mais il
ne faut pas s'en étonner , puifqu'ils
formerent à table te deffein,
de nous venirattaquer. Il y avoit
feptou buit Colonels de cette partie.
Le combat fut rude ce jour là ,
principalement
contre les Grenadiers
des ennemis. Il en refta trente
fur la place ; & on en prit quatre
; les autresfe retirerent en con
fufion. De noftre cofté nous n'avons
perdu que trois hommes
trois chevaux . Les ennemis fefarfirent
d'un Capitaine ; qui eſtant
bleffe , fe trouvoit hors de combat.
Voici la fuite des affaires
d'Italic. La Lettre fuivante eft
e
190 MERCURE
de M. le Grand Prieur.
Au Camp de Mofcolino ce 30 .
May 1705 .
Nous fommes toujours dans la
même fituation ; on fait rompre
tous les chemins qui font entre
noftre droite& le lac de Garde :
de forte qu'il eft abfolument impoffible
aux ennemis de nous dérober
une marche . Nous faifons
actuellement un Pontfur la Chiefa;
ily a déja fix bateauxjettez
à l'eau fans que les ennemis s'en
foient apperceus , cet ouvragefera:
fini demain matin. Nous ferons
GALANT 191 .
enfuite une coupure entre la Chiefa
fa & le Naviglio. Si les ennemis
veulent sy oppofer , ily aura
une action ; maisfi une fois nous
la finiffons , Mr lePrince Eugene
n'aura certainement d'autre ref-
Source que celle du chemin de S.
Offet , qui eft derriere luy , &
qui le mene à déboucher par les
montagnes prés Brescia . Auffi-tôt
que Mr de Vendome qui eft retourné
en Picmont , aura fait ouvrir
la tranchée à Turin , il reviendra
icy.
L'affaire de la Caffine arriva
auffi-tôt aprés que M ' le Grand
Prieur cut écrit cette Lettre.
192 MERCURE
Elle a fait tant d'honneur à ce
Prince & aux Troupes qui ont
défendu ce pofte , qu'afin que
cette action vous foit connuë
juſques aux moindres circonftances
, j'ay jugé à propos de
vous en envoyer trois relations
; parce que ce n'est que
par le nombre different de relations
qu'on peut apprendre
à fond ce qui s'eft paffé dans
les actions importantes les
unes contenant toûjours quelques
faits qui ne ſe trouvent
pas dans les autres , qui en rapportent
auffi qui ne font pas
generalement connus . La der-
:
niere
GALANT 193
niere des trois relations eft de
M' le Marquis de S. Fremont.
Du Camp de Mofcolino la
de
"XI.Juin
Le 30. May on fit un petit
Pont de bateaux fur la Chiefe
& à la tefte un retranchement
fafcines. Le 31. Mr le Grand
Prieur donna ordre à Mr de
Murcé d'occuper une maison
fituée au delà d'une petite riviere
à un mille de la premiere ; mais
comme cet ordre avoit eſté donné
fort tard, Mr de Murcé n'y pût
faire aucun retranchement
. Il
Juin 1705
R
194 MERCURE
quaz
pofta Mrde Narbonne avec
tre Compagnies de Grenadiers ,
fe retrancha avec le petit Corps
de troupes qui lui reftoit en deça
de la riviere. Sur les dix heures
& demie du foir , on avertit
Mr de Murcé qu'on entendoit
un grand bruit de chariots. Il
envoya auffi-tôt les reconnoiftre.
On trouva les ennemis defcendus
de la montagne , au nombre de
trois mille hommes de pied , &
cinq cens chevaux , avec trois
pieces de canon qui tirerent d'a
bord contre la maifon , firent
un grandfeu de moufqueterie . Ils
' emparerent d'abordde la cour &
GALANT 195
du colombier Mr de Murcé
fit avancer le fecond bataillon de
la Marine, & deux cens Dra
gons qui chargerent les ennemis
& les obligerent de quitter le pofte
aprés un combat de trois heures ,
avec beaucoup de perte de part
d'autre.Je ne fçais pas aujuſte
la perte des ennemis ; mais les
noftres ont efté occupez aujour
d'buy depuis fept heures du matin
jufqu'à midy à jetter leurs corps
dans la riviere. Mr de Murcé.
s'eſtant mis à la tefte du Bataillon
de la Marine , y a eu un beau
cheval tuéfous luy , &deux au
tres de bleffez. Mr le Grand
Rij
196 MERCURE
Prieur & prefque tous les Offi
ciers generaux arriverent vers la
in de l'action. Mr de Narbonne
fit merveille dans la maison.
Au Camp de Mofcolino le
2. Juin.
Le 29. May Monfieur le
Grand Prieur marcha avec mille
Chevaux , & dix Compagnies
de Grenadiers , du cofté de Brescia ,
où Mr de Toralba le joignit , &
vifita les hauteurs du coftedu Naviglio
, & les bords de la Mela ,
revint au Camp le lendemain;
Mr de Toralba s'en retourna fur
GALANT 197
POglio. On commença ce mesme
jour un Pontfurla Chiefe, quifut
achevé le 31. au matin. La nuit
du 31. aauu 1. Juin on fit un
retranchement de la Chiefe au
Naviglio , & on fit occuper une
groffe Caffine , qui eft de l'autre
cofté du Naviglio , par quatre
Compagnies de Grenadiers , foûtenues
defix autres,& de trois cens
Fufiliers. Ily avoit fix cents travailleurs
armez qui furent employez
à ces ouvrages. Mrs les.
Comtes de Murcé , & de Dillon
qui eftoient de jour , firent
travailler avec toute la diligence .
poffible. Les Ennemis qui connoif,
Riij
198 MERCURE
foient l'importance du pofte que
nous occupions , qui les refferre du
cofté de la Montagne , & qui
leur ofte quantité de fourrages
qu'il nous donne , refolurent de
nous en cchhaaffffeerr aavvaanntt que nousy
fuffions bien fortifiez :&pour cet
effet ils marcherent avec tous les
Grenadiers de leur Armée ,foûtenus
de quatre Bataillons , & de trois
pieces de canon , pour attaquer la
Caffine. L'attaque commença à
onze heures dufoir,& fut tresvive
; la défenſe fut de même.
Le Regiment de la Marine qui
eftoit arrivé à l'Armée le 29 .
avoit ordre de s'y porter au preGALANY
199
mier feu ; ce qu'il fit avec toute
la diligence poffible. Les ennemis
à la faveur de leur canon
par
entrerent dans la cour de la
¿Caffine qu'ils occuperent ; mais,
-malgré leurfeu , nos quatre compagries
de Grenadiers,animez
Mr de Narbonne Capitaine de la
Colonelle du Regiment de Mira
beau , qui les commandoit, leur en
・oppòferent un fi violent qu'aprés
trois heures d'un feu continuel ;
-de part & d'autre les ennemis
furent contraints d'abandonner la
cour qu'ils avoient gagnée. Le
Regiment de la Marine avoit occupé
en arrivant lesflancs de la
R iiij
200 MERCURE
Caffine , & avec un grand feu
avoit empêchée les ennemis de
s'étendre pour entourer la Caffine ,
Mrs de Murcé & de Dilon ont
agi dans cette occafion en Officiers
Generaux , & en foldats . Mon
fieur le GrandPrieur s'y est trouvé
enperfonne; malgrélefeu épouventable
des ennemis , il a animé
nos Troupes parfa prefence. Ilfit
avancer des Compagnies de Grenadiers
, & des Dragons à pied ,
qui le long de la digue du Naviglio
, prirent les ennemis enflanc ,
précipiterent leur retraitte. Les
Brigades de Perche , & de la Fere
eurent ordre de venir ; ce qu'elles
GALANT 201
les
ne pûrent faire qu'aprés que
ennemis fe furent retirez. Ils ont
laiffé fur le champ de Bataille enwiron
trois cens morts. Les prifonniers,
deferteurs difent qu'ils on
eu mille hommes bleffez ; nous en
avons eu foixante de tuez ,
& autant de bleffez. On continuë
à fe fortifier. Le feu de part
d'autre a duré depuis onze
heures du foir jusqu'à une demie
beure avant le jour.
Les quatre Compagnies de Grenadiers
eftoient une de la Marine,
une de Leuville une de Bretagne
& celle du fecond bataillon
d'Efgrigny. Elles ont fait des
202 MERCURE
chofes furprenantes , & fe font
meflées trois fois avec les ennemis
la bayonnete au bout du fufil.
Feus l'honneur de vous man
der hier qu'on travailloir à faire
un retranchement entre le Navi
glio qui paße prés du Pont , & la
Chiefe. Ileftoit de neceffitéd'occu
per en même temps une groffe
Caffine de l'autre côté du Navi
glio , qui fert deflanc à ce retranchement
; ce qui fut faitparquatre
Compagnies de Grenadiers
commandées par Mr de Narbonne
Capitaine de la Colonelle du Regiment
de Mirabeau ,fçavoir laſe÷
conde de la Marine , commandée par
GALANT 203
par
leficur de la Tour, la premiere de
Leuville par le fieur de Roches
celle de Bretagne par lefieur Martinot,
la deuxième d'Efgrigny
le Lieutenant Colonel de la
Roque ,foûtenues des premiere &
troifiéme de la Marine , des deux
de Limoufin, de celle de Perche
de trois cens Fufiliers , commandezpar
Mr du Metz Colos
nel du Regiment de Vexin ,
Compagnies de Grenadiers de
Vendôme, de Berwik & lafeconde
de Tierrache gardoient le retranchement
de la tête du Pont , ily
avoit fix cens travailleurs armez
, commandezpour travailler
les
ily
204 MERCURE
au retranchement d'entre le Nan
viglio e la Chieze & la Caf &
fine. Cette difpofitionfaite, Mef
fieurs les Comtes de Murcé ,
de Dillon qui eftoient de jour ,
que Monfieur le Grand Prieur
voit chargez de cet ouvrage ,
firent travailler au retranchement
avec diligence. Les ennemis connoiſſant
l'importance du poste que
nous occupions & qui les refferre
du côté de la montagne , avoient
refolus de nous en chaffer ; &pour
cet effet ils marcherent avec tous
leurs Grenadiers foûtenus de quatre
Bataillons , & de trois pieces
de canon, & commencerent l'at
GALANT 205
taque à dix heures & demie du
foir ; elle fut très- vive , & la
défenfe de même. Les trois bataillons
de la Marine , campez prés
du Pont , & qui avoient ordre de
marcher au premier feu, s'y porterent
avec une promptitude extraordinaire.
Les
deux premiersBa
taillons , avec Mr le Guerchois .
pafferent le Naviglio , & occu
perent les flancs de la Caffine , d'où
avec les Grenadiers & Fufiliers
ils répondirent au grand feu des
ennemis , qui malgré la défenſe
extraordinaire des quatre
Compagnies
de Grenadiers
entrerent
dans
la cour
de la Caffine
à la
206 MERCURE
faveur de leur canon : ce qui
n'empêcha pas les Grenadiers, animez
par Mr de Narbonne, de s'y
maintenir , quoique les ennemis
en occupaffent la moitié, dont ils
furent chassez aprés un feu qui
we ceffa point pendant plus de
trois heures. La moufqueterie de
part & d'autre , le canon ont
duré depuis dix heures & demie
jufqu'à une heure avant le jour
qu'ils fe fon tretirez. Monfieur le
Grand Prieur s'y eft rendu luy
même avec Mr de S. Fremont
malgré le grand feu des ennemis
, il a animé les Troupes par
fa prefence ; il a fait avancer les
GALANT 207
trois Compagnies de Grenadiers
qui étoient au Pont, & des Dra
gons à pied qu'il a fait paßer fur
La Digue du Naviglio qui ont
pris les ennemis enflanc : ce qui leur
a fait précipiter leur retraitte.
Il a envoyé chercher les Brigades
de Perche de la Fere , qui font
arrivées au point du jour , dans
de temps que les ennemis eftoient
retirez.
P
Monfieur le Grand Prieur vous
rendra compte de la valeur avec
laquelle les Troupes ont agi dans
cette action , principalement les
Comtes de Murcé & de Dillon
qui ont fait voir qu'ils fçavoiens
208 MERCURE
commander fe battre en braž
ves foldats. On ne peut rien ajoûter
à la valeur de Mr de Narbonne
& des Officiers des quatre
Compagnies de Grenadiers qui
eftoient dans la Caffine , & du
fieur de Varenne Capitaine de celle
du Perche , qui fe font fouvent
mêlez avec les ennemis , qui ont
laisé plus de trois cens morts fur
la place,fans compter ceux qui ont
efté trouvez prés de la montagne.
Les deferteurs affûrent qu'ils
ont cu prés de mille bleffez , dont
plus de quatre cens font morts depuis
: ce qui n'est pas difficile à
croire , vú la durée de l'action .
GALANT 209
On continue à travailler au
retranchement & à fortifier la
Caffine ; les ennemis ont efté trop
bien reçus pourformer le deffein
d'une nouvelle attaque . Fay l'honneur
de vous envoyer cy-joint un
eftat des Officiers, Sergens & foldats
tuez ou bleſſez dans l'action
, &c.
Juin
1705 .
VI.
210 MERCURE
Etat des Officiers, Sergens & Soldats
, tuez ou bleffez , la nuit
du 31. May au premier Juin ,
à la défenſe de la Caffine.
Regiment de la Marine.
BLESSE Z.
Le Sieur de Villars, Capitaine des
Grenadiers.
Le Sieur Coque , Capitaine.
Le Sieur Beaucoroy , Capitaine.
Le Sieur de Sainte-Foy , Capitaine.
Le Sieur Roubaut, Capitaine.
GALANT 201
Lieutenanspromo
Le Sieur Beaumont.
Le. Sieur Galland.
Le Sieur Basjoftre s
Le Sieur de la Mothe.
Le Sieur Lalofe.
Le Sieur Souliers.
Le Sieur Babaer , prifonnier 60
Soldats tuez gond
Soldats
bleffez
54.
2.90.
Compagnie
de Grenadiers de
Leuville , du Bataillon .
Un Sergent tué au prisuc
Grenadiers the
Grenadiers bleffez
musi?
to
7.
Sij
212 MERCURE
Compagnie de Grenadiers de
.Perche.
Le Seur de la Varenne , bleſſé.
Le Sieur de Peliffac , une contufion.
Grenadiers tuez , S
22
Grenadiers bleffez ,
Compagnie
de Grenadiers de
Bretagne.se
Un Sergent tué.
Grenadiers, tuez
Grenadiers bleffez ,
Compagnie d'Efgrigni.
10
12
Le Sieur de la Roque Capitaine,
blessé.
Deux Sergens tuez ou pris .
Grenadiers tuez ou pris ,
20
GALANT 213
Grenadiers bleffez ,
Regiment
de Grancey.
7
Le Sieur Mongeau Capitaine ,
· bleſſe.
Fait au Camp de Mofcolino
ce premier Fuin.
5. Rien n'eft égal à la refolution
& à la valeur intrepide &
diftinguée avec laquelle les
Grenadiers qui ont défendu la
Caffine , ont combatu . Ils fe
promirent tous les uns aux autres
, lors qu'ils fe virent attaquez
par un nombre fi fuperieur
au leur , & dont ils pouyoient
eſtre accablez , qu'ils fa
214 MERCURE
defendroient jufqu'à la der→
niere extrémité , & que s'il
arrivoit que tous leurs Officiers
fuffent tuez , le plus ancien
d'entre eux commanderoit aux
peut
autres , & qu'ils en uſeroient
ainfi tant qu'il reſteroit quelqu'un
d'eux. Comme on ne
donner trop de loüanges
à une refolution fi heroique
je laiffe le foin de faire leurs
éloges à ceux qui liront cet
article.
LeRoi d'Efpagne a faitGrands
d'Efpagne M le Comte de
Montelano, Prefident deCaftille,
M' le Marquis de Risbourg,
X
GALANT 215
&M' le Marquis de Laconi . Il y
à quatre-vingts- treize Grandef
fes en Efpagne;mais il n'y a pas
tant de Grands ; parce qu'il ar
rive fouvent que plufieurs
Grandeffes entrent par fucceffion
dans une même Maiſon.
On diftingue deux fortes de
Grands : les uns ne le font que
pendant leur vie , par un privilege
attaché à leur perfonne;
les autres le font à caufe d'une
Terre dont ils font Seigneurs,
laquelle cette dignité eſt attachée
. Tous ces Grands ont
droit de fe couvrir en prefence
du Roy : & il y en a de trois
216 MERCURE
Claffes. La premiere eft de ceux
qui fe couvrent avant que de
parler au Roy ; la feconde , de
ceux qui commencent à parler ,
& qui fe couvrent enfuite , &
la troifiéme , de ceux qui ne fe
couvrent qu'aprés avoir parlé
& s'eftre retirez à leur place.
Quoiqu'ils ayent tous ce droit,
ils attendent toûjours que le
Roy leur faffe figne ; ce qu'il
ne manque jamais de faire.
A l'égard du rang , il n'en ont
point entr'eux : & lorfque les
plus jeunes & ceux de la dernierc
Claffe font affis fur le
banc qui eft du côté de l'Evan
gile
GALANT 217
gile dans l'Eglife. Les plus anciens
qui arrivent les derniers
ne prennent point le deffus ,
quand même ils feroient de la
premiere Claffe ; quoique les
autres leur offrent leur place
par civilité. La plupart des Efpagnols
croyent que les Grands
des derniers temps font ce
qu'étoient les Ricos - homes d'autre-
fois. En effet , on trouve
que les anciens Rois accordoient
le privilege de Ricohombria
, comme celui de Grandezza.
On affembloit auffi dans
les premiers ficcles de la Mo
narchic d'Efpagne des Conci
Juin 1705.
T
218 MERCURE

les ou Etats generaux , où nonfeulement
les Evêques & Abbez
, mais auffi le Roy & tous
les Grands d'Efpagne fe trouvoient.
C'étoit-là où l'on terminoit
tous les differends qui naiffolent
fur le gouvernement des
Royaumes , & même ſouvent
on y élifoit les Rois ; comme
Fifcbut fut élû Roy d'Eſpagne
aprés la mort de Gondemnare ,
vers l'an 6 12. Et dans le quatriéme
futarroncile de Tolede , il
fut arrêté qu'aucun Roy ne fcroit
reconnu pour tel qu'il n'eût
cfté élû & confirmé par les
Prelats , qui avoient alors beau,
GALANT
219
coup d'autorité en Eſpagnes
Mais depuis 1509 , il n'eft rien
refté de ces fortes de Conciles
ou Etats , que ce qu'on appelle à
préfent Cortes ou Cours , que lo
Roy d'Espagne affemble pour
faire prefter le ferment au Prince
fon fils , comme Prince des
Afturies & heritier de la Cou
ronne. Il faut remarquer qu'en
ces
Aſſemblées qui fe font or
dinairement dans une Eglife ,
le Roy eſt affis du côté de l'Epitre
, & les Prelats ont leurs
fieges du côté de l Evangile ,
pour marque de l'autorité qu'ils
avoient autrefois dans les Con-
Tij
220 MERCURE
ciles. Dans les Cortes les
Prelats vont faire le ferment
avant les Grands , & dans les
Ceremonies ordinaires les
Grands vont les premiers.
Jay efté bien aife de vous
donner cet éclairciffement fur
la dignité des Grands d'Eſpagne
, parce que j'auray quel
ques fois occafion de vous en
parler.M ' leMarquis deMontelano
, Preſident de Caftille, qui
vient d'eftre honoré de la dignité
de Grand , eft d'une ancienne
Maiſon Caftillane ; fon
bifayeul fut dans une grande
faveur fous le Regne d'Ifabelle
J
GALANT 221
M ' le Marquis de Rifbourg a
beaucoup de fervices ; il a longtemps
fervi dans les guerres de
Catalogne , & fa naiſſance répond
à fes fervices . Mr le Marquis
de Laconi eft d'une tresancienne
Maifon qui a donné
de grands Capitaines & d'illuftres
perfonnages.
Sa Majefté Catholique a fait
Dom Juan Chryfoftomo de la
Pradilla , Confeiller du Confeil
Royal de Caftille . Dom Pedro
Antonio Medrano , Regent de
Navarre , Confeiller de celui
des Ordres , & a donné la Regence
de Navarre à Dom Jo-
T iij
222 MERCURE
feph Hualte , Inquifiteur de
Barcelone. Le Roy a conferé
à Dom Feliciano Bracamonte
le Regiment de Cavalerie qu'
avoit M le Marquis de Valde
fuentes, & celui de Brabant,
avec le degré de Brigadier , à
Dom Diego de Cardenas . Sa
Majefté a fait. Brigadiers Dom
Louis de Saa , & M' le Marquis
de Quelus , & le Maréchal de
Camp Dom Jofeph de Armendaris
qui commandoit au Blocus
de Gibraltar , Sergent Major
de fes Gardes. Le Roy a
nommé M' le Marquis de Rif
bourg pour commander fur la
GALANT 223
1
Frontiere de Caftille la vieille
en qualité de Lieutenant General.
s'é-
Le Confeil Royal de Caſtille
porte le nom de Royal , parce
qu'il eft le plus confiderable
d'Espagne. Sa Jurifdiction
tend fur toute l'Espagne , excepté
la Navarre & l'Arragon,
avec le Royaume de Valence
& la Catalogne ; car le Confeil
de Navarre juge fans appel .
Du Prefident du Confeil de Caftille
& des plus anciens Confeillers
fe forme un autre Confeil
, nommé le Confeil de la
Chambre , qui eft le plus haut
Tiiij
224 MERCURE
degré où les gens de Robe
puiffent monter. Dom Juan
Chryfoftomo de la Pradilla
joint à fa naiffance diftinguée
toutes les lumieres neceffaires
pour un Emploi de ettte confequence.
Dom Pedro Antonio
Medrano qui a efté fait Confeiller
du Confeil des Ordres ,
a donné des marques de la plus
haute capacité dans la Regence
de Navarre,qu'il a exercée durant
plufieurs années . Le Con
feil des Ordres eft un des trois
Confeils qui font particuliers à
l'Eſpagne ; les deux autres font
celuy de l'Inquiſition , & celuy
GALANT 225
de la fainte Croisade. Dom Jofeph
Hualte , Inquifiteur de
Barcelone , qui a eu la Regence
de Navarre , eft un Juge inflexible
& incapable d'abandonner
la route de la verité
quand une fois il l'a découver
te. Le Confeil de Navarre eft
confiderable , puiſqu'il juge
fans appel. Mr le Marquis de
Bracamonte qui a obtenu leRegiment
de Cavalerie qu'avoit
M❜leMarquis de Val - de -fuentes
a donné de grandes preuves de
fon courage dans la derniere
guerre. Dom Diego de Cardenas
qui a efté fait Brigadier, &
226 MERCURE
qui a eu le Regiment de Bra
bant , eft d'une naiffance confiderable
, & a rendu de grands
fervices à l'Etat. M ' le Marquis
de Quelus & Dom Louis de
Saa qui viennent d'eftre faits
Brigadiers , font affez connus .
Le premier eft François &
frere de M' l'Evefque d'Auxerre
; & le fecond eft un Of
ficier encore plus diftingué par
fa valeur & par fon merite ,
que par fa naiſſance. Dom Jɔfeph
de Armendaris qui a
commandé le Blocus de Gibraltar
& qui eft déja Maréchal
de Camp , a merité par de
GALANT 227
longs fervices rendus fous le
Regne précedent , d'eftre fait
Sergent Major des Gardes du
Roy d'Efpagne. Ce Prince a
nommé M le Marquis de Rifbourg
, dont je viens de parler
pour commander un Corps
d'Armée fur les Frontieres de
la vieille Caftille en qualité de
Lieutenant General. Perfonne
ne pourra douter qu'il n'en
foit digne , quand on fçaura
qu'il a fervi en Italie & en Catalogne
plufieurs années , où
il a donné beaucoup de marques
de fon courage , & de fon
experience dans la difcipline
228 MERCURE
militaire . On peut juger par le
détail que je viens de faire
que le Roi d'Efpagne eft auffi
attentifque fon glorieux Aycul
à couronner les fervices de
ceux qui le fervent fidélement .
En effet , il s'y appliqué d'une
maniere qui luy fait beaucoup
d'honneur , & qui rendra fon
Régne tres-glorieux.
M' de Nointel , Intendant
de Juſtice dans la Province de
Bretagne , & Conſeiller d'Etat,
aïant demandé à fe retirer , le
Roy a nommé M Ferrand , Intendant
de Bourgogne , à l'Intendance
de Bretagne. Il y avoit
GALANT 229
prés de quinze ans que M Ferrand
eftoit Intendant de Bourgogne
; il avoit fuccedé à M²
d'Argouges . Il avoit eſté Lieu
tenant Particulier du Châtelet,
& enfuite Maître des Requêtes,
avant que d'eftre nommé Intendant.
Il eſt frere de M' Ferrand
Premier Prefident de la
Premiere Chambre des Requêtes
du Palais , & de M' Ferrand
Confeiller à la Quatrième
Chambre des Enquêtes du Parlement
de Paris . M' de Noinrel
eft fils de feu M' de Béchameil ,
ci- devant Secretaire du Confeil
, & enfuite Surintendant de
230 MARCURE
la Maifon de feu S. A. R. Monficur
& de Madame , & de Da
me N.. Colbert , foeur de feu
M Colbert Abbé- General de
Prémontré , & de M Pelot
Premiere Prefidente de Rouen,
M' de Nointel eft frere de Madame
la Ducheffe de Briffac , &
de M des Marêts. Il a efté fort
eftimé en Bretagne pendant
fon adminiftration dans cette
grande Province.
"
M Pinon , Intendant de la
Generalité de Poitiers , paſſe à
l'Intendance de Bourgogne. Ce
Magiftrat a long- temps exercé
celle de Poitou , il y eftoit ge
GALANT 231
neralement aimé & eftimé. La
douceur de fes moeurs , fon attention
à écouter tout le mon
de , & fon exactitude à rendre
la Juftice l'y faifoit regarder
comme le pere du peuple . Me
Pinon fon épouſe n'y eftoit pas
moins eftimée ; elle cftoit au→
prés de fon mari la Protectrice
des Pauvres, & elle vouloit bien
entrer dans les détails des Fapour
remedier par fes
confeils & par fon credit aux
défordres qui y arrivoient quel
quesfois.
milles
M* Doujat , MⓇ des Requê
tes,& fils de M' Doujat, Doyen
I
232 MERCURE
des Confeillers du Parlement ,
a efté nommé à l'Intendance
de Poitou . Il eſt coufin-germain
de Dame N... Doujat épouse
de M' le Boindre Confeiller au
Parlement , & de M' Doujat
Confeiller au Châtelet . La maifon
de M' Doujat eſt ancienne
dans la robe & alliée aux meil
leures Maiſons . Elle touche de
fort prés à celle de Maupeou .
M' Doujat a beaucoup de feu
& de lumieres , & il joint à une
imagination tres- vive un efprit
tres -folide. Il eſt encore fort
jeune.
Un évenement arrivé à Pa
lerme n'y embarraſſe pas peu
GALANT 233
les Medecins. Une Demoiselle
d'une naiffance diftinguée , &
dont la reputation eft parfaitement
établie , a eu une espece
de couche à l'âge de foixante
& quatorze ans . Ce n'eftoit
point un foetus, mais une maſſe.
de chair fans aucune forme ,
grande comme la main , & du
poids de deux livres . Les incommoditez
ordinaires des femmes
, qui avoient quitté cette
Demoiselle à l'âge de cinquante:
ans, lui étoient revenues au mois
de Juillet dernier , vingt- quatre
ans aprés qu'elles l'avoient quittéc.
Au mois d Octobre dernier
Juin 1705 .
V
234 MERCURE
elle fut attaquée d'une fiévre
qui a duré onze jours , & dont
elle n'a efté délivrée , qu'en jettant
cette maffe de chair .
#
Il y a quelques mois que le
P. Godefroy prononça publiquement
le Panegyrique de
Meffieurs du Parlement de Bretagne
. Ce Difcours a efté generalement
approuvé . Les portraits
de M' de Brilhac Premier
Prefident , de M' de Breguigny
ancien Prefident, des autres Prefidens
à Mortier , des Gens du
Roy & de quelques Confeillers ,
fourniffoient , à la verité , une
matiere heureufe: Ce font auff
GALANT 235
des morceaux delicatement travaillez
. Ce que l'Orateur dit de
la Nobleffe de ce Parlement ,
de fon équité , de fa fidelité
pour le Roy , fut tres- applaudi.
Le Chapitre general des
Benedictins de la Congregation
de Saint Maur , tenu à
Marmoutier , a élû pour General
de l'Ordre le Pere Simon
Bougis . Cette dignité eftoit vacante
par la démiffion du Pere
Claude Boiſtard , qui a eſté fait
Affiftant du nouveau General ;le
P. Robert Marchand a efté fait
fecond Affiftant . On a en même
temps élû fix Viſiteurs pour les
V ij
236 MERCURE
Provinces de France , de Normandie
, de Bretagne , de Cafal
, de Toulouſe & de Bourgogne
. Ce font , Dom Buiffon ,
Dom Filland , Dom Dudan ,
Dom de Roſtaing , Dom Bourgoing
, Dom d'Iſard . Le Pere
D. Boiftard avoit été continué
plufieurs fois dans la dignité de
General ; & enfin on luy a ac
cordé un Succeffeur à caufe de
fes preffantes follicitations &
de fon grand âge. Dom Simon
Bougis a paffé par les Charges
les plus confiderables de fon
Ordre : il a efté plufieurs fois
Prieur des principaux Couvens
GALANT 237
de fa Congregation , Viſiteur ,
& Profeffeur en Theologie durant
quelques années . Il joint
à une érudition tres - étenduë ,
une folide pieté & une grande
modeftie , qu'il a toûjours regardé
comme le fondement de
toutes les vertus religieufes .
Perfonne n'ignore que la Congregation
de Saint Maur eſt à
prefent une de celles dont il
fort de plus grands ouvrages.
Les Religieux de cette Congre
gation ont donné depuis quel
ques années la plus grande partie
des Peres Grecs & des Peres
Latins .
238 MERCURE
re
Mr Louis- Nicolas Fouquet,
Comte de Vaux , Vicomte de
Melun , mourut à la fin du mois
dernier. Il a fait plufieurs Campagnes
avec honneur. Il avoit
époufé Dame N.... Guion.
M' de Vaux eftoit fils aîné de
Mr Nicolas Fouquet Vicomte
de Melun & de Vaux , Marquis
de Belle-Ifle , Surintendant des
Finances & Miniftre d'Etat , &
de fa feconde femme Dame
Marie- Madelaine de Caftille
Ville-Mareüil , fille de François
de Caftille , Maître des Requeftes
, puis Prefident aux Requeftes.
Charles- Armand , PrêGALANT
239
tre de l'Oratoire & Superieur
du Seminaire de S. Magloire
Ecclefiaftique d'une vertu éminente
; Louis, Marquis de Belle-
Ifle , qui avoit efté reçu Chevalier
de Malthe , & qui a depuis
époufé Catherine de Levi ,
fille de M' le Comte de Charlus
, Lieutenant general en
Bourbonnois ; & Marie-Madelaine
, qui a époufé M Emanuel
de Cruffol- d'Uzez , Mar
quis de Montaler , dont elle a
des enfans , eftoient freres &
foeur de M' le Comte de Vaux ,
& tous du mefme lit. Dame
Marie Fouquet , mariée en
re
240 MERCURE
1657. à Armand de Bethune ,
Duc de Bethune - Charoft ,
Pair de France , Gouverneur de
Calais & Pays reconquis , Lieutenant
general en Picardie &
au Pays de Hainault , & cy-devant
Capitaine des Gardes du
Corps , eftoit du premier lit ,
& fille de Dame N...Fourché,
Dame de Quehillac , tres-riche
heritiere de Bretagne , que feu
M' Fouquet avoit épousée en
premieres noces. M' le Surin
tendant eftoit fils de Mre Fran
çois Fouquet , Vicomte de
Vaux , Maittre des Requettes ,
& enfuite Confeiller d'Etat ordinaire
,
GALANT 241
dinaire , lequel fut fort cftimé
du Roy Louis XIII . & du Cardinal
de Richelieu , & de Dame
Marie de Maupeou , fille de
Gilles de Maupcou , Seigneur
d'Ableyges, Intendant & Controlleur
general des Finances.
Cette Dame mourut en 1681 .
âgée de quatre- vingts - onze
ans , regrettée de tout le mon- .
de , particulierement des pauvres
, qui l'appelloient leur me
re , elle furvécut une année à
fon fils , qui mourut à Pignerol
le 23. Mars de l'année 1680 .
Feu M Fouquet , pere de M ' le
Comte de Vaux, avoit cinq fre-
Juin 1705.
X.
242 MERCURE
res, & fix foeurs ; François, mort
Archevefque de Narbonne en
1673. Bafile , Abbé de Barbeau
& de Rigny , Chancelier
des Ordres du Roy; Yves, mort
jeune, Confeiller au Parlement
de Paris ; Louis , Evefque &
Comte d'Agde , Maiftre de
l'Oratoire du Roy ; & Gilles ,
ci-devant premier Ecuyer de
la grande Ecurie , marié à Anne
d'Aumont ,fille du Marquis
d'Aumont . Les fix foeurs ont
efté Religieuſes
.
IC
M François Bazin , Maîrre
des Requeftes , ci - devant Ambaffadeur
Extraordinaire en
Suede , eft mort fur la fin du
GALANT 243
mois de May, dans la maiſon
de l'Inftitution des Peres de
l'Oratoire , où il s'eftoit retiré
depuis quelques années . M
Bazin étoit de la même maiſon
que M™ de Bezons , dont M
le Comte de Bezons Lieu
tenant general des Armées du
Roy , & M' l'Archevêque de
Bordeaux font. M' de Bezons ,
Intendant de la Generalité de
Guienne , mort à Bordeaux depuis
quelques années, eftoit leur
frere aîné & chef de cette bran
che: leur foeur avoit épousé Feu
Mr le Blanc , M˚ des Requêtes,
pere de M' le Blanc aujour
&
pere
X ij
244 MERCURE
Is
d'huy Intendant de la Generalité
d'Auvergne . La famille de
-M Bazin eft ancienne dans la
Robe , & elle a déja donné
pluſieurs Officiers au Confeil
d'Eftat. M' Bazin qui vient de
mourir avoit beaucoup de merite
, & paffoit pour un homme
d'une grande picté.
M' le Comte de Vaubecourt,
dont vous avez appris la mort,
eftoit d'une des meilleures maifons
de Champagne. La maiſon
d'Hauffonville - Nettancourt ,
eft originaire de Lorraine ; &
elle y fubfifte encore aujourd'huy
dans une branche partiGALANT
245
culiere. Il y a en France une
branche de Nettancourt : le
Chef fut Colonel du Regiment
de Vaubecourt , aprés que celuy
qui vient d'eftre tué , eut
efté fait Maréchal de Camp.
M' le Comte de Vaubecourt
eftoit frere de M l'Evêque de
Montauban , & de M° la Comteffe
d'Eſtain. Leur pere avoit
efté Gouverneur de Perpignan ;
& il eft. mort Lieutenant General
des armées du Roy. Il avoit
cu d'un premier mariage , M
la Comteffe de l'Aubeſpin , &
veuve en premieres nôces de
M le Marquis de Faure , &
X iij
246 MERCURE
Mode Thuifi. Le grand pere de
Mr le Comte de Vaubecourt
eft mort Lieutenant General
des armées du Roy , & Chevalier
de fes Ordres. C'eft le
mefme qui acquit tant de gloire
contre les Turcs , au fiege
du grand Varadin , & dans
toutes les campagnes qu'il fit
en Hongrie . Mr le Comte de
Vaubecourt ne laiffe point
d'enfans de Dame N ... Amelot
fon époufe foeur de
Mr Amelot Confeiller d'Etat
, qui a efté Ambaſſadeur
à
Venife , en Portugal & en
Suiffe , & qui eft à prefent à
>
GALANT 247
Madrid dans la mefme qualité.
La maifon de Vaubecourt a
donné plufieurs Officiers Generaux.
Il en eft peu de micux
alliées .
Le Roy a donné à Mr
le Comte d'Eftain le Gouvernement
de Chaalons , la
Lieutenance
de Roy du païs
Meffin , & la Lieutenance de
Roy du Verdunois , qu'avoit
feu Mr le Comte de Vaubecourt
fon beau- frere. Mr le
Comte d'Eftain eft fils de feu
Mr N ... Comte d'Eftain ,
& de Dame N ... le Roux de
la Berchere, foeur de Monfieur
X iiij
248 MERCURE
l'Archevêque de Narbonne, &
de feu Mr le Goux , Maître des
Requêtes . Mr le Comte d'Ef
tain a un frere Abbé , qui eſt
rempli de merite. Leur grand
pere cftoit Chevalier des Ordres
du Roy. La maiſon d'Eſtain
eft de la Province d'Au
vergne : elle eft divifée en deux
branches principales . Mr le
Comte d'Eftain , dont je parle,
eft chef de la premiere , & Mr
le Comte de Saillant , frere de
Monfieur l'Evêque de S. Flour,
l'eft de la feconde . Cette maifon
a
produit un Cardinal
, &
donné à l'Eglife
plufieurs
PreGALANT
249
lats d'un grand inerite ; & par
une conceffion particuliere de
nos Rois , elle porte les Armes
de France à plein , & ceux de ce
nom portent les meſmes li→
vrées que le Roy . M le Comte
d'Eftain eft allié à la plupart des
grandes maiſons du Royaume,
comme Montmorency, Levi-

Charlus , & Levi- Mirepoix ,
Montboiffier , Vaubecourt
Hauffonville , Lenoncourt , le
Châtellet , Roüaut, Gamaches ,
Tavannes - Sault , Montmirail,
la Palu , la Baume , Grolée - Viriville
, Hoftung & Choifeüil .
La maison d'Eftain eft connue
250 MERCURE
en France dés l'onzième fiecle ;
il feroit difficile de luy donner
une plus ancienne datte , puif
qu'avant ce temps les furnoms
eftoient inconnus . M' le Com
te d'Eftain eft Capitaine des
Gendarmes Dauphins.
Dlle Charlotte de Monceaux
-d'Auxi , fille de feu M
le Marquis de Hanvoille , cft
morte àBeauvais dans de grands
fentimens de picté . Elle a choifi
fa fepulture en l'Eglife des Minimes
de cette Ville , & dans la
meſme Chapelle où eſt enterré
M' le Marquis de Hanvoille
fon pere, dont je vous appris
GALANT 251
la mort l'année derniere . Elle
a fondé dans cette Chapelle ,
qui eft fous le vocable de S.
Charles , une Meffe folemnelle
à l'honneur de ce Saint , dont
la Feſte tombe au quatriéme
de Novembre. Mlle de Hanvoille
a efté generalement regrettée
dans la Province ; les
Bonnes oeuvres qu'elle y a faites
, & fur tout les charitez
qu'elle faifoit aux pauvres ,
rendront fa memoire préticufe.
Elle leur a donné en mourant
des marques de l'amour
qu'elle leur portoit, puifqu'elle
a fait un legs confidérable à
252 MERCURE
l'Hôtel - Dieu de Beauvais. Je
vous ay parlé en plufieurs occafions
de la Maifon de Monceaux-
d'Auxi , qui eft une des
plus confiderables de Picardie:
Ainfi je ne vous en diray rien à
preſent.La Demoiſelle qui vient
de mourir, étoit coufine au troi
fiéme degré de M' le Maréchal
de Boufflers , & elle étoit tante
de M' le Marquis de Hanvoille,
Capitaine aux Gardes.
Mademoiſelle Marie Jeanne-
Baptifte de Soiffons eft morte
en Suiffe . Elle eftoit foeur du
dernier Comte de Soiffons
qué au premier fiege de Landau,
GALANT 253
où le Roy des Romains commandoit
; du Prince Eugene ;
du Chevalier de Savoye , tué
au fiege de Vienne en 1683 .
& du Prince Philippe , mort il
ya quelques années ; & de Mlle
de Soiffons qui eft dans un
Couvent à Turin . Cette Princeffe
eftoit fille d'Eugene-
Maurice de Savoye , Comte
de Soiffons , & d'Olympia
Mancini , Surintendante de la
Maifon de la feuë Reine . Le
-Cardinal Mazarin avoit deux
fours : Marguerite , qui eftoit
l'aînée , époufa Jerôme Martinozzi
, Gentilhomme Romain ,
dont elle cut 1. Laure Marti-
$
254 MERCURE
nozzi , mariée en 1655. avec
Alphonfe IV . Duc de Modene ,
& mere de la Reine d'Angleterre
& du dernier Duc de Modene
; 2. & Anne-Marie Martinozzi
, épouſe d'Armand de
Bourbon , Prince de Conty .
Jeronyme Mazarin , feconde
foeur du Cardinal Mazarin
épouſa Michel- Laurent Mancini
, Gentilhomme Romain
dont elle eut le Comte Mancini
, tué au combat du Faubourg
Saint Antoine en 1652 .
Philippe Mancini – Mazarin
Duc de Nevers , Pair de France ,
& Chevalier des Ordres du
GALANT 255
Roy ; l'Abbé Mancini , qui fur
tué malheureufement au College,
enfe jouant avec plufieurs
écoliers ; Laure Mancini , mariée
en 1651. avec Louis Duc
de Vendôme , pere de Mr le
Duc de Vendôme & de Mr le
grand Prieur ; la Comteffe de
Soiffons , dont je viens de parler
; Marie , épouſe de Laurent
Colonne , Connétable du
Royaume de Naples ; Hortenfe
Mancini , épouſe d'Armand-
Charle de la Porte , Duc
de Mazarin ; & Marie - Anne ,
mariée en 1662. avec Geoffroy
-Maurice de la Tour , Dục
256 MERCURE
"
de Bouillon , & grand Cham
bellan Eugene- Maurice Comte
de Soiffons , pere de la Princeffe
qui vient de mourir , eftoit
troifiéme fils du Prince Thomas-
François de Carignan , &
de Marie de Bourbon , fille de
Charle de Bourbon , Comte
de Soiffons , & d'Anne Comteffe
de Montafié . Cette Princeffe
de Carignan eftoit foeur
du Comte de Soiffons , qui fut
tué en 1641. à la Bataille de la
Marfée , prés de Sedan . Emmanuel-
Philibert Prince de Carignan
, qui eft à la Cour de Savoye
, & qui a époufé depuis
GALANT 257
quelques années une Princeffe
de Modene , eftoit fils aîné du
Prince Thomas , lequel eftoit
cinquiémefils deCharle- Emmanuel
Duc de Savoye , & de Catherine
Michelle d'Autriche.
Il mourut à Turin le 22. Janvier
de l'année 1656. Perfonne
n'ignore qu'il a eſté un des
plus grands Generaux que la
France ait eus.
MⓇ la Connétable de Caftille
eft morte à Madrid depuis
quelque temps ; elle eftoit d'une
des plus anciennes maiſons
d'Efpagne. Celle de Melgard ,
dont elle defcendoit , eft con
Juin 1705.
Y
258 MERCURE
nue dans le Royaume de
Caftille dés le temps même
qu'il n'y avoit dans ce Royaume
que des Comtes particuliers
, & qu'il n'eftoit pas encore
érigé en Royaume. Un
Aloïfio de Melgard contribua
beaucoup à chaffer les Maures
du Royaume de Grenade : &
c'eft à fa valeur & à fa conduite
que le Roy Ferdinand
dût en partie la conquefte de
ce Royaume , qui eftoit poffedé
depuis plufieurs ficcles par
les Maures que le Comte Julien
avoit introduits en Eſpagne.
M' le Connétable de Caf,
GALANT 259
tille eft de l'illuftre maifon de
Velafco : j'auray bien - toft occafion
de vous en parler , &
je vous en envoyeray un article
plus détaillé .
M ' le Duc de Laurezano eft
mort à Naples. Ce Seigneur
eftoit d'une tres -ancienne maifon
, qui eftoit déja connuë
fous les regnes des deux Reines
Jeannes. Un Comte de
Laurezano fut premier Miniftre
fous la feconde de ces
Princeffes ; & on affeure même
qu'il eut beaucoup de part à
fes bonnes graces . Mr le Duc
de Laurezano qui vient de
Yij
260 MERCURE
mourir, eftoit allié de fort prés
à la maiſon Cantelmi , des
Ducs de Popoli ; il cftoit même
dans la confidence du feu
Cardinal Cantelmi , dernier
Archevêque de Naples. Ce
Duc eftoit un homme de
belles lettres ; & fa maifon
eftoit ouverte à tous ceux qui
les cultivoient
. Il parloit parfaitement
bien cinq ou fix fortes
de langues.
1
M' le Chevalier de l'Etrange
mourut à Londres il y a
quelque temps , âgé de quatrevingt-
huit ans. Il avoit fervi
fous le feu Roi Charles fecond ;
GALANT 261
& il avoit eu beaucoup de
part dans la confiance de ce
Monarque , qui le mettoit ordinairement
de toutes fes parties
. Le Chevalier de l'Etrange
étoit d'une tres-bonne maifon
& qui a produit de grands
hommes; fon pere & fon grand
pere avoient porté les armes
avec beaucoup de gloire . Celui
dont je vous parle, avoit l'efprit
fort cultivé.
Mylord Lucas eft mort à
Londres ; il eftoit Gouverneur
de la Tour. Ce Château bâti
fur la riviere de la Tamife , &
appellé communement la Four
262 MERCURE
par
un
lieu
de Londres , eft remarquable
fa fituation ; & il contient
pour le Trefor , l'Arcenal
& la Monnoye. Mylord
Lucas eftoit creature du feu
Roy Guillaume III. & il avoit
beaucoup de à la conpart
fiance de ce Prince ; on dit mê→
me que ce fut un de ceux qu'il
recommanda
, pcu de temps
avant de mourir , à la Princeffe
Anne. Ce Mylord avoit
beaucoup fervi ; & fous le
régne de Charle II. il avoit
donné en diverfes occafions
I des preuves de fon
courage.
cftoit à la bâtaille de Boyne ,
GALANT 263
où il fe diftingua fort.
M' Gana , Commandeur
Portugais, cft mortà Rome. Il
avoit eu quelques affaires avec
fon Ordre ; & comme le Pape
en eft le Superieur mediat , il
eftoit allé en cette Cour pour
demander juftice . Ce Commandeur
eftoit un Seigneur
Portugais fort confidcré de la
Reine doüairiere d'Angleterre.
Il avoit eu beaucoup de part
dans le confiance de cette Prin
ceffe , pendant même qu'elle
eftoit en Angleterre ; quelques
paroles indifcretes dites , fur le
fujet du feu Duc de Mont
264 MERCURE
mouth , firent donner ordre à
M' Gana de fortir du Royaume.
Hlalla en Italie ; & peu de
temps aprés , Charles H. Roy
d'Angleterre cftant decedé , il
retourna à Londres pour y
faire encore fa Cour à la Reine
Douairiere d'Angleterre
.
Le Roy a fait Brigadier de
Cavalerie M le Marquis de
Bonelles , Colonel du Royal
Rouffillon , qui s'eſt diſtingué
à la tefte de fon Regiment
dans l'action où M' le Comte
de Vaubecourt a efté tué. Ce
Marquis a efté bleffé d'un coup
de moufquct à la gorge , & il
s'eft
GALANT 265
s'eft trouvé dans plufieurs autres
actions où il a donné des
marques de fon courage . Le
Roy qui ne manque jamais
de recompenfer ceux qui le fervent
, & qui fe plaift à faire ſuivre
de prés la recompenſe à
l'action qui l'a meritée , n'eut
pas plûtôt appris que M' de
Bonelles avoit efté bleffé auprés
de M de Vaubecourt
qui fut tué à fes coftez , qu'il
le nomma Brigadier . M' le
Marquis de Bonelles cft arriere
petit-fils de M' de Bullion
, Surintendant des Finan-
Prevoft & Grand Maître
ces ,
Juin 1705.
Z
266 MERCURE
des Ceremonies des Ordres du
Roy.
M' l'Abbé Robufte , Prieur
de la Taſche, de la Maiſon de
Sorbonne & Profeffeur de.
Philofophic au College de
Bayeux , a foûtenu fa Theſe
de Tentative dans la Salle de
Sorbonne . Elle eftoit dédiée à
M ' l'Abbé Bignon Confeiller,
dont elle reprefentoit le portrait.
Cet Abbé y affiſta
dant les quatre heures que dura
l'Acte . M' l'Evêque de Caftres
, nommé à l'Archevêché
d'Auch , préfidoit . La Compagnie
fut tres -belle , & l'on a
penGALANT
267
peu vû en pareille occafion un
auffi grandnombre d'Evêques ;
tous ceux du Clergé de France
qui font à Paris , s'y eſtant
rendus avant que d'aller à leur
Affemblée. Il y eut grand
nombre de Confeillers, de Prefidens
, de Maîtres des Requê
tes & de Confeillers d'Etat.
Entre les Bacheliers qui argumenterent
, M le Prieur de
Sorbonne fut écouté avec
beaucoup de plaifir. L'Argument
du Prelat qui préfidoit
dura une grande heure , &
il fut écouté avec plaifir. Il
propofa trois difficultez avec
Z ij
268 MERCURE
une folidité & une netteté qui
donnerent une grande opinion
de fon habileté.
Je vous envoye deux Articles
, qui doivent vous faire
plaifir ; ils font tirez de deux
Lettres d'un homme qui eft en
place pour bien fçavoir ce qu'il
écrit .
Extrait d'une Lettre de Malgue
du 19. May.
Gibraltar eft une Place tresforte
parfa fituation ; mais il ne
paroift pas à tout le monde qu'elle
GALANT 269
Joit de fi grande confequence que
plufieurs fe perfuadent › ny
qu'elle puiffe beaucoup fervir aux
Ennemis pour empeſcher noſtre
jonction . Pendant la derniere.
guerre les François ne s'apperçûrent
pas qu'ily avoit un Gibral
tar qui pouvoit les incommoder ;
& il ne fervit auffi qu'à procurer
une occafion de gloire à Mr de
Coëtlogon qui fit brûler dans fon
Mole plufieurs Baftimens qui
s'eftoient fauvez de la Flotte de
Smirne. Le mefme Gibraltar eftoit
nos Ennemis avec toute la
Cofte , le Pays du monde le plus
abondant , & ils pouvoient y
Z iij
270 MERCURE
ن م
faire des Magafins de vivres
de toutes fortes d'agrets pour
leurs Vaiffeaux. Cependant nous
ne l'avons jamais craint , & aujourd'huy
ils n'ont qu'une montagne
feche & aride : & bien
loin d'y pouvoir faire des mivres
pour leurs Vaiffeaux , & d'en tirer
des rafraîchiſſemens ainfiqu'ils
firent pendant la derniere guerre ,
ils font obligez pour empescher
leur Garnifon de mourir defaim,
de faire venir toutes chofes d'Angleterre
& d'ailleurs à grands
frais , & fi cette Ville n'eft pas
reprife dans deux ans , nous verrons
combien il en coûtera aux
GALANT 271
Ennemis pour le feul honneur
d'avoir un pied en Efpagne ; car
c'est tout ce qu'ils en tireront. On
me mande de Cadix , le dernier
ordinaire , que les vivres , la poudre
, les balles , les canonsy viennent
en abondance de Seville &
de toutes parts , qu'on y est déja
en eftat de recevoir les Ennemis ,
qu'on apporte tous les jours
des vivres dans l'Ifle , qu'on
y nettoye les dehors des fortifications
, qu'on en fait d'autres
particulierement des Redoutes
pour empeſcher les deſcentes. On
me marque auffi que Mr de Villadarias
eft arrivé au Port de
Z iiij
272 MERCURE
fainte Marie. Mr du Caffe fr
donne de grands mouvemens pour
la deffenfe de Cadix , où il a eu
ordre d'y commander la Marine ,
apparemment en attendant qu'il
aille aux Indes.
Autre Extrait d'une Lettre de
Malgue du 26 du même
mois .
Nos tranchées devant Gibraltar
furent abandonnées , aprés
qu'on y eut mis le feu la nuit du
29. au 30. Avril , qui les conſuma
preſque toutes . Îl peuty avoir
dans Gibraltar environ trois
GALANT 273
mille hommes de Garnifon , dont il
ya plus d'untiers malade & hors
d'état de fervice ; & avant trois
mois la Reine d'Angleterre n'a'
qu'à penser à y envoyer une nouvelle
Garnifon. Celle qui y eft
paroift fort tranquille n'ayant .
fait aucun mouvement , depuis
qu'un de leurs partis futfi bien
battu par la Cavalerie Espagnole,
&fi heureusement qu'il n'y eut
qu'un Officier de Cavalerie bleffé
au bras affez legerement. Mr de
Menriquez , Lieutenant General,
eft toûjours campé de l'autre cofté
de la riviere , qui eft dans le fond
de la Baye , avec environ 700 .
274 MERCURE
chevaux ,dont ilfait tous les jours
des détachemens , plutoſtpour empeſcher
que les païfans ne portent
rien aux ennemis , que pour craindre
les forties de la Garnifon , qui
cft trop fatiguée pour pouvoir entreprendre
aucune chofe outre
que n'ayant pas de Cavalerie , elle
n'oferoit paroiftre hors de la portée
du canon de la Ville . Tellement
qu'ils ont une belle & groffe
montagne qu'ils ontrefolu degarder
tant qu'ilspourront ; à la verité il
fera difficile de les en chaffer. Cependant
je croi qu'il n'y a rien
"d'impoffible , pourvû qu'on prenne
fes mesurespour nepas manquer de
GALANT 275
fafcines , ni degabions , ni d'outils
pour remuer la terre ; car alors en
moins de 20. jours de trenchée
ouverte on l'emporteroitfans doute.
Quatre Galeres de Carthagene,
commandées par Mr le Comte de
Foncalada,out eu ordre de fe rendre
à Cadix : elles arriverent ici le
20. de ce mois . Je me donnai l'hon
neur d'allerfaluer ce General, qui
me recent avec toute la civilité
Espagnole.
M' Jaillot, Geographe ordinaire
du Roy , dont le nom
s'eft rendu fameux par le grand
nombre de Cartes qu'il a mifes
au jour , vient d'en donner
276 MERCURE
une au public ; intitulée , Carte
particuliere des Etats qui font
deffus aux environs des rivieres
de la Mofelle de la Sarre ,
c. Cette Carte eft en deux
feuilles. Toutes celles qui conviennent
au temps préfent , fe
trouvent auffi chez le même
Auteur , qui demeure proche
les grands Auguſtins , aux deux
Globes.
Mr de Fer Geographe de
Sa Majefté Catholique & de
Monfeigneur le Dauphin , qui
n'a jamais manqué de prévenir
les fouhaits du- public ,
lorſqu'il a efté queſtion de luy
GALANT 277
donner des Cartes , que la fituation
des affaires pouvoit luy
faire fouhaiter, vient d'en mettre
une au jour , dont voicy le
titre ; le Theatre de la guerre pour
L'armée de la Mofelle & de la
Sarre , commandée par Mr le
Maréchal de Villars , où fe trouve
auffi grande partie du cours du
Rhin , fur lesquelles rivieres
aux environsfont fituez, les Elec
torats de Tréves , de Cologne , de
Mayence & Palatinat ; grande
partie du Duché de Luxembourg ,
des Etats de Lorraine ; les trois
Evéchez de Metz , Toul &
Verdun , Alface , le Sundgaw ,
278. MERCURE
le Brifgaw , l'Ortenaw , & le
Marquifat de Bade , &c. Cette
Carte fe vend chez l'Auteur
dans l'Ifle du Palais , à la Sphere
Royale..
Je dois vous parler de la promenade
que Monſeigneur le
Duc de Bourgogne & Monfeigneur
le Duc de Berry ont faite
Liencour , à Chantilly , & à
Livry. Ces Princes arrivérent
à Liencour le Lundy 1. de ce
mois , mais ne pafferent point
par la principale entrée du
Chafteau ; ils entrerent par
celle qui eft du cofté de l'Eglife
qui eft tres- agréable . ComGALANT
279
me ils arriverent fort tard , il
ne fe paffa rien ce jour-là . Monfeigneur
le Duc de Bourgogne
: declara à Monfieur le Duc de
la Rochefoucault qu'il ne vou->
loit pas qu'il fe dérangeaft en
rien , & qu'il vouloit avoir la
liberté de faire ce qu'il luy plai-
: roit . Ce Prince fe leva le lendemain
à cinq heures du matin,
& alla fe
promener
feul pour
e voir les beautez de ce lieu. II
; fut tres content de la beauté
des Jardins , & en fit à ſon retour
compliment à Monfieur
de la Rochefoucault. Le dîné
& le foupé furent fervis ce jour- ›
280 MERCURE
là avec beaucoup de magnificence
; & les ordres avoient
cfté donnez par Mr de la Rochefoucault
de ne rien prendre
dans tous les lieux des environs,
de ceux de la fuite des Princes
qui voudroient y aller manger.
Le Mécredi qui eftoit le jour
du départ , Monfeigneur le
Duc de Bourgogne alla encore
fe promener feul ; & partit
l'aprefdinée avec Monſeigneur
le Duc de Berry , pour fe rendre
à Chantilly.
Ces Princes furent traitez
à fouper avec la maniere
ordinaire à S. A. S. MonGALANT
281
fieur le Prince , c'est - à - dire,
que la profufion & la magnifi
cence du fouper répondirent
à la delicateffe des mets. Le
lendemain les Princes allerent
à la chaffe du Sanglier , & dans
le mefme jour à celle du Marcaffin
, dont il y eut cinquantetrois
de tuez . Ils retournerent
aux toiles le lendemain 5. où
l'on tua encore douze Marcaffins
. Ils prirent auffi ce jourlà
le divertiffement de la chaffe
des Faifans & d'autres gibiers ,
dont il
y eut un grand abâtie.
Le lendemain 6. Meffeigneurs
les Princes partirent de Chan-
Juin 1705 .
A a
282 MERCURE
tilly & vinrent dîner au Châ
teau d'Ecoüan , où Monfieur
le Prince les traita avec la même
profufion & la même delicateffe
. Je ne dois
pas oublier
que pendant leur fejour à
Chantilly il y a toûjours eû
quatre tables également fervies.
Elles eftoient de douze
couverts chacune. Ceux qui
mangerent à la premiere furent
Monfeigneur le Duc de Bourgogne,
Monfeigneur le Duc de Berry,
Monfieur le Prince, Monſieur
le Duc , Monfieur le Prince de
Conty , Mr le Comte de Fief
que , & quelques autres Seigncurs.
GALANT 283
Toute la fuite de Meffcigneurs
les Princes , a cſté rega-
Tée à Chantilly , où tous les
Hoftes avoient eu ordre de ne
rien prendre deperfonne. Monfieur
le Prince avoit eu des ordres
fi précis de ne pas pouffer
plus loin qu'il a fait la magnificence
qu'il a coûtume de faire
paroiftre par de fuperbes
Feftes , lorfqu'il reçoit quelques
Princes de la Maiſon Royale ,
qu'il s'eft trouvé obligé de donner
des bornes à fon zele.
Quoique la partie cuſt eſté
faite pour aller coucher d'Ef
coüan à Livry , Monfeigneur
Aaij
284 MERCURE
le Duc de Bourgogne ayant ap
pris que le Roy eftoit indifpofé
, revint coucher à Versailles
afin de voir Sa Majefté qui
eftoit à Trianon ; & le lendemain
Dimanche
Monfeigneur
le Dauphin & Meffeigneurs
les
Princes partirent pour Livry ,
où il y a eu trois chaffes . La
premiere eftoit du Loup , &
elle fe fit le Lundi 8. Le Mardi
il y eut chaſſe du Cerf , où
tous les Princes furent encore .
La troifiéme qui étoit du Loup,
fe fit le Mécredi ; Monſeigneur
le Duc de Bourgogne ne s'y
ttouva pas , ayant efté ce jourGALANT
285
là au Confeil qui fe tenoit à
Trianon. Quant à la magnificence
des repas , elle fut tresgrande
, Mr le Marquis de Livry
s'eftant fervi des Officiers
de Sa Majefté .
Je vous envoye la fuite du
fiege de Huy.
X
Le 29. de May les ennemis
abandonnerent
les Fauxbourgs
de Huy , le lendemain ils quitterent
la Ville, & Monfieur l'Electeur
de Baviere eftant arrivé
au Camp de Val- Notre- Dame,
Monfieur le Maréchal de Villeroy
donna à dîner à S. A. E. enfuite
de quoy elle alla viſiter
286 MERCURE
Camp. On travailla avec empreffement
à faire les préparatifs
neceffaires pour attaquer le
Château,le FortJofeph & leFort
Picard. Les ennemis firent un
grand feu ; mais on leur répondit
par un feu fuperieur au leur,
& les bombes que l'on jetta le
premier de Juin incommoderent
beaucoup les Affiegez.
Le 2. on mit trente pieces de
canon en batterie pour faire
bréche promptement on établit
une batterie à la droite
du Fort Jofeph , & on en plaça
une autre à la gauche du Fort
Picard; & ces Forts eftant af
GALANT 287
fez prés l'un de l'autre , prefque
tous nos coups porterent .
Ön dreffa auffi une batterie
particulicre pour démonter
l'artillerie du Chafteau . On fut
enfuite occupé pendant quelques
jours à faire bréche au
Fort Picard & au Fort Rouge ;
on y employa une batterie de
douze pieces de canon & une
de quatre. On avoit crû que les
Afficgez fe rendroient dés que
la brèche y feroit formée; mais
ayant témoigné qu'ils eftoient
dans la refolution de fe défendre
malgré les bréches , on
commanda le 3. fur les onze
288 MERCURE
heures du foir , cinq cens Grenadiers
détachez de plufieurs
Regimens , avec le Regiment
des Gardes Françoifes qui emporterent
, l'épée à la main ces
deux Forts qui fe communiquoient
, aprés trois heures &
demie de refiftance . On y perdit
un Lieutenant aux Gardes ,
& Mr d'Avejan, Capitaine dans
le mefme Corps , y fut bleffe .
Quelques Officiers fubalternes
furent auffi bleffez ; & il y
eut environ vingt - cinq foldats
tant tuez que bleffez . Les ennemis
y perdirent au moins
cinquante tant Officiers que
foldats,
Y
GALANT 289
foldats , qui furent paſſez au
fil de l'épée ; on fit auffi douze
prifonniers fur eux . Le refte
fe fauva , & fe précipita en bas
du rocher , & par un foûterrain
qui a communication avec
le Chafteau. Il fallut appli
quer des échelles en divers endroits
, où la bréche n'étoit
pas affez perfectionnée . Le 4 .
on éleva deux batteries pour
tirer fur le Fort Joſeph ; & cé
jour-là les trente piéces de canon
qui avoient efté mifes en
batterie contre le Chafteau ,
commencerent à tirer. On fit
le mefme jour un détache-
Juin 1705.
Bb
290 MERCURE
ment de deux cens hommes
pour aller prendre langue du
cofté de Liege , il en rencontra
un beaucoup plus nombreux
qui l'attaqua ; nous - cûmes quarante
hommes tuez ou bleffez
dans cette occafion , parmi
lefquels eftoient deux Capitaines
& un Cornette . Le 5. on
éleva une nouvelle batterie de
fept piéces de canon , qui commença
à tirer le 7. Toutes ces
batteries qui continuerent le
8. & le 9. à battre la Place ,
étoient à la portée du fufil ; &
les Afficgez ne faifoient plus
feu que d'une piece , toutes
GALANT 291
les autres ayant efté démon
tées . On ne jugea pas à propos
d'attaquer le Fort Jofeph , ny le
Fort de Sart ; parce qu'on
cftoit bien informé que les
troupes qui y étoient , man
quoient de vivres , & qu'elles
feroient obligées de capituler
lorfque la Garnifon du Châ
teau fe rendroit. Le 1o . la bré
the fe trouvant fort avancée ,
& toutes les défenſes ruinées ,
on refolut d'y donner l'aſſaut;
& comme il y avoit au pied de
la muraille abatuë , un relais de
rocher fort eſcarpé & difficile
à monter , on avoit ordonné
Bb ij
292 MERCURE
de faire des échelles. Les Gre
nadiers deftinez à l'affaut eurent
ordre de s'avancer fur la
fin de la nuit au pied du rocher
pour y dreffer les échelles , afin
d'y monter au point du jour ,
lorfque le fignal feroit donné ;
mais les affiegez s'appercevant
de quelque mouvement , &
voyant la bréche pratiquable ,
prirent le parti de ne point
attendre la derniere extrémité.
Ils battirent la chamade fur les
dix heures du foir , & demanderent
une capitulation hono ÷
rable ; mais Mr le Comte de
Gacé leur répondit qu'ils
GALANT 293
avoient trop attendu pour
Fobtenir , & qu'il falloit fe
rendre à difcretion . La nuit
eftant venuë , on fit avancer.
les Grenadiers avec les échelles
au pied du rocher , où ils en
appliquerent une grande partie
, malgré tous les cris & toutes
les proteftations des ennemis
, qui roulerent des pierres
& des boulets de canon du haut
de la bréche pour l'empefcher,
& qui blefferent par ce moyen
quelques Officiers & quelques
foldats . Ils firent pendant quelque
temps diverfes propofitions
qui furent rejettées ; &
Bb iij
294 MERCURE
offrirent enfin de fe rendre pri
fonniers de guerre , avec proteftation
que fi on ne les vouloit
recevoir à cette condition,
ils eftoient refolus de foûtenir
l'affaut. On accepta cette der→
niere propoſition, pour vû que
le Fort Jofeph , & celuy de Sart ,
appellé de Trognée par quel
ques-uns , parce que c'eſt le
nom de celuy qui l'a fait contruire
, fe rendroient avec les
autres poftes ; ce que les Commandans
de ces poftes ne vou
lurent pas faire : mais comme
ils virent qu'on ne vouloit en
aucune maniere accepter la
GALANT 295
propofition du Gouverneur
pour le Château feul , ils fe
rendirent le onze aprés midy
aux mêmes conditions qu'ils
avoient déja rejettées. On prit
d'abord pofte au Château , où
l'on trouva plus de cinq cens
hommes , & enfuite au Fort
Jofeph , à celuy de Trognée ,
& à celuy de Taravife
maniere que mille trois cens
dix - fept foldats , & quatrevingt
feize Officiers , qui compofoient
les quatre Bataillons
qui y eftoient en garniſon , ont
efté faits prifonniers
de guerre.
Ils ont efté conduits à Na-
Bb iiij
;
de
296 MERCURE
-mur , pour eftre enfuite diftri
bucz dans les Places de la Flandre.
On y a trouvé trente deux
pieces de canon , dont les deux
tiers font de bronze , & le reſte
de fer, avec dix mortiers , une
grande quantité de boulets , de
bombes , & autres munitions
& attirails de guerre . La prife
de la Ville & du Chafteau de
Huy , & des quatre Forts , qui
font prefque tous en leur entier
, n'a pas coûté deux cens
hommes tuez ou bleffez . Les
ennemis ont eu plus de trente
Officiers tuez ou bleffez , entre
GALANT 297
1
lefquels il y en a eu huit de
diftinction tuez d'une feule
bombe.
Les Alliez ont non feulement
fait une grande perte par
la prife de tant de poftes ; mais
ils en ont auffi fait une confiderable
; & qui les chagrinė
beaucoup , en perdant quatre
Bataillons entiers , avec tous
leurs Officiers ; leurs Bataillons
eftant plus gros que ceux de
France .
Le Clergé de France a tenu
un fi grand nombre d'Affemblées
ordinaires & extraordinaires
, depuis vingt- fept- an298
MERCURE
nées que je vous adreffe mes
lettres ; & je vous ai fi fouvent
fait des détails de tout ce qui
fe paffe en cette occafion , que
je ne croy pas vous en devoir
entretenir d'avantage. Ainfi je
ne vous parleray aujourd'auy
que des faits principaux , fçavoir
, du Sermon prononcé le
jour de fon ouverture par Mr
l'Evêque de Senez , cy - devant
connu fous le nom de Pere .
Soanen ; du difcours prononcê
par Monfieur le Cardinal de
Noailles ; & de ce que le Cler
gé a accordé à Sa Majeſté . Jcommence
par ce qui regarde
GALANT 299
le Sermon de Mr de Senez . Ce
Prelat qui eft un des plus grands
Orateurs du Royaume , prit
pour fujet de fon difcours la
charité , devoir fi effentiel& fi
recommandé aux Evefques par
l'Apoftre S. Paul. Il s'attacha
à faire voir que les deux carac
teres les plus remarquables de
cette vertu confiftoient à fe
courir les brebis dans leurs
preffans befoins , & à les édifier
par de bons exemples . II
établit dans la premiere partie
de fon difcours , la neceffité
où font les Evefques de fecoutir
leur troupeau ; & il parta300
MERCURE
gea cette obligation , dans la
neceffité de l'inftruction
, neceffité
qui regarde l'ame , &
dans la neceffité de l'aumone ,
qui regarde le corps Il établit
dans la feconde partie , l'obligation
où font les Evefques
d'édifier par de bons exemples,
ceux qu'ils ont inftruits & qu'ils
ont fecourus . Dans la premiere
partie de fon premier point
qui regardoit l'inftruction , il
décrivit d'une maniere bien
propre à effraier des Paſteurs
mous & nonchalans , l'indif
penfable obligation où font
tous les Eveêques de remplir
GALANT 301
par
y
eux mêmes le devoir de
l'inſtruction ; le poids immenſe
de l'Epifcopat , l'étenduë infinie
de fes devoirs , & le détail
prodigieux de fes obligations
furent étalez avec des termes
bien propres d'en éloigner
ceux qui n'y font portez que
par des vûës humaines. Il fit
voir que les Evêques pouvoient
s'acquiter de ce devoir en plu
fieurs manieres , en préchant
eux-mêmes , en donnant des
Miſſions , & en vifitant leurs
Dioceſes . Quant à l'obligation
de l'aumône , il prouva d'une
maniere fort évidente , que les
302 MERCURE
gens du monde n'y eftoient
guére moins obligez que les
Ecclefiaftiques. Il fe fervit à ce
fujet d'un beau paffage de Pierre
de Blois , qui parlant à un
Evêque de fon temps , lui mic
devant les yeux l'obligation où
il cftoit d'inftruire & de nourrir
fon troupeau. Il entra enfuite
dans un grand détail du
luxe dans lequel vivent quelques
Bencficiers ; & il finit
cette premiere partie par une
devote reflexion de S. Bernard,
qui
dit
que
les Benefices
ne font qu'un
dépoft
fait
entre
les
mains de quelques
particuliers
pour
les
GALANT 303
3
pauvres. Il fit entrer dans ce
premier point d'une maniere
fort naturelle & en même tems
fort delicate , l'éloge du Pape,
& celuy du Roy. En parlant
du premir , & du poids immenfe
de la Chreftienté
qu'il
porte fur fes épaules , il le loüa
fur les grands talens qui le rendent
fi digne de l'éminente place
qu'il occupe , & fur toutfur
celuy de la parole qui le rend
comparable
aux premiers Apôtres
& aux premieres colonnes
de l'Eglife. En parlant du Roy,
il releva les vertus Chrêtiennes
de ce Prince , qui ne fe fert de
304 MERCURI
fon autorité que pour affermir
la foi ; & il prouva tres -bien
que le Clergé rempliffoit parfaitement
l'obligation où il eft
d'abandonner fon fuperflu aux
pauvres, en donnant à ce grand
Prince des fecours qu'il n'employe
que pour le foulagement
& la tranquilité de fes fujets.
Ce qu'il dit en cet endroit de
guerre & de la paix , fut delicatement
touché .
la
La feconde partie fut remplie
des plus beaux paffages des
Peres , & fur tout des Evêques
de l'Eglife de France , dans la
bouche defquels on avoit f
GALANT 305
fouvent entendu le tonnere de la
verité. Il prouva que l'inftruc
tion & l'aumône eftoient inutiles:
fans le bon exemple , &
qu'un Evêques dont la vie ne
feroit pas pure , reffembleroit
à cette femme dont il eft parlé
dans les ouvrages de Salomon
, qui ayant allaité ſon enfant
durant le jour , l'étoufa
entre fes bras pendant la nuit :
& qu'ainfi un Evêque qui auroit
paffé fa vie à inftruire & à
nourrir fon troupeau, ne feroit
pas moins refponfable de la
perte de ce même
de ce même troupeau ,
s'il le perdoit par la contagion
Juin 1705 .
Cc
306 MERCURE
de fes mauvais exemples . Ce
qu'il dit enfuite fur la pureté
des moeurs , fur la modeftie
fur la fimplicité & fur la retenue
des Ecclefiaftiques , fut
trouvé tres- beau ; & tout ce
qui fortit de la bouche de cet
excellent Prelat meriteroit bien
d'eftre gravé dans le coeur de
tous les Miniftres du Pontife
éternel , pour me fervir des me→
mes termes dont fe fervoit
autre-fois un Auteur celebre ,
en parlant de l'onction & du
zéle avec lequel S. Jean Chry +
foftome entretenoit fon Cler
gé fur les obligations de l'Etat
GALANT 307
Ecclefiaftique. L'éloge qu'il fit
dans cette feconde partic , du
grand Prelat qui officioit & de
tous les Prelats de l'Affemblée ,
fut delicatement touché .
Le lendemain 3. de ce mois,
les Députez de l'Affemblé du
Clergé fe rendirent à Verſailles
où ils furent reçûs & conduits
à l'Audience du Roy
avec les ceremonies accoûtumées
. Monfieur le Cardinal de
Noailles Préfident de l'Affemblée,
harangua Sa Majesté.
Il s'étendit d'abord fur ce que
la Religion , la Juftice & la
reconnoiffance demandoient
Ccij
308 MERCURE
du Clergé. Il marqua enſuite
que ce mefme Clergé venoit
offrir à Sa Majefté ſes coeurs
fes biens & fes prieres. Il dit
aprés , en fe récriant & parlant
de leur zele : Et comment pourrions-
nous n'en point avoir pour
un Roy qui en a tant pour
l'Eglife , qui la défend au préjudice
de fes propres interefts , &
qui merite plus d'admiration par
fes vertus Chreftiennes
, que par
les grandes qualitez humaines
qui luy attirent tant de gloire
dans le monde , & tant d'envie
de la
part
de fes ennemis. Il
ajoûta , ce n'est point , SIRE ,
cette gloire paffagere que nous hoGALANT
309
morons dans Voftre Majefté , mais
voftre pietéfolide , femence d'une
gloire éternelle infiniment plus
grande. Noftre miniftere qui nous
be
oblige de n'eftimer que ce qui a
rapport à l'éternité, ne nous permet
pas de louer ce qui perit avec
temps. Il parla enfuite de la
vivacité de la foy du Roy ,
dont il rapporta plufieurs chofes
qui luy fervirent à en former
l'Eloge. Il entra aprés
dans ce qui regarde les fecours
que l'Eglife fe trouve quelquefois
obligée de donner aux
Souverains. Il dit à cette occafion
: Mais nous fçavons que
310 MERCURE
Jefus - Chrift lui-mefme , tout
exempt qu'il étoit de tribut , voulut
s'y foumettre afin de ne point
fcandalifer
, le paya pour luy
pour Saint Pierre , & fir
même un miracle pour avoir de
quoy y fatisfaire : & nous fommes
convaincus que religieuse
comme vous eftes , vous ne nous
demandez un nouveau fecours
dans un preffant befoin , et
pour le bien de la Religion autant
quepour le vostre.
que
Fleft jufte d'ailleurs que tenant
de la liberalité de Voftre Majefté,
des Rois fes Prédeceffeurs
grande partie de nos biens :, its.
GALANT ZIE
foient employez à fon fervice ,
quand il eft neceffaire : Il estjuste
que les aumônes que l'Eglife a
reçues des Fideles ,fervent à leur
foulagement, quand ils fouffrent :
Ileft jufte enfin que le Clergé contribue
à la défenfe de l'Etat,puifqu'il
eennffaaiitt une partie , &qu'
ayant même l'honneur d'en eftre
Le premier Corps , il foit auffi toi
jours lepremier à le fecurir.
Nous remettons donc avec
confiance nos biens entre les mains
de Voftre Majesté , perfuadez
qu'Elle les employera , non à
menter fa gloire , mais à foutenir
la Religion & la justice , à éloi
non à
aug312
MERCURE
gner de vos frontieres les Ennemis
de l'Eglife comme les vôtres ,
& à luy procurer
le repos & la
fûreté , qu'elle ne peut tenir que
d'un Protecteur
auffi puffant que
Vous.
Vous pouvez , SIRE , luy
donner mieux qu'elle ne vous donne
: fi Vous eftes obligé de la dépoüiller
:ficette guerre cruelle, què
Dieu permet dans fa colere pour
punir les pechez du monde , pour
arrefter les torrens d'iniquité qui
inondent toute la terre. Si cette
guerre , dis -je , vousforce de pren
dre l'or du Sanctuaire ( ce que
Vous ne ferez nyfans neceffité ny
Lans
GALANT
313
fans douleur ) Vous pouvez luy
faire trouver d'autres ornemens
plusprétieux & plus agreables à
Dieu , en nous aidant par voſtre
autorité à lui former des Minifres
dignes de luy , nous protegeant
toujours pour éloigner du
labo-
Sanctuaire ceux qui feroient capables
de le profaner , ne permettant
jamais qu'on nous lie les
mains , quand nous ne les faifons
fervir qu'à empefcher, que
mination de la defolation n'entre
ou ne demeure dans le lieu Saint
nous laiſſant en un mot le libre
exercice de la Jurifdiction facrée
que nous tenons de Fefus- Chr.
Juin 1705
Dd
314 MERCURE
qui eft lefeul bien inalienable
dont il nous a chargez.
C'eft , SIRE, ce que nous
demandons à Voftre Majesté avec
beaucoup plus d'ardeur que
La con
fervation de nos biens temporels ,
ce qui attirera de plus en plus
la protection de Dieu fur vos armes.
Plus vous défendrez fon
Sanctuaire , plus il défendra vôtre
Royaume , tous ceux que
fa Providence , malgré les vains
projets & les efforts des hommes ,
a mis dans votre maifon Royale.
Dieu feul a toutes les Couronnes
dans fes mains , il peut feul
les conferver à qui il les a donGALANT
315
*
nées Ilſe joue des Peuples &
des Nations entieres : Les Puiffances
de la terre & celles de l'enfer
ont beau fe liguer , il fait
toujours ce qui luy plaift, Il n'y a
point de fageffe , point de prudence
, point de confeil contre
le Seigneur. C'est ce que reconnoiffoit
un des plus grands Rois ,
qui ait jamais regné dans le monde,
& qui a efté rempli de tant de
fageffe de gloire , tant qu'il
s'eft occupé à baflir le Temple de
Dieu , & à en conferver lafainteté.
Plaiſe à ce Dieu fipuiffant &
fi terrible dans fes confeils fur les
Ddij
316 MERCURE
enfans des hommes , augmenter
toûjours la fageffe & la gloire de
V. M. Vous faire enfin regner
comme Salomon dans des jours de
paix , Vous donner la liberté de
fatisfaire la jufte impatience que
Vous avez defoulager vos peuples
, de les rendre heureux
Chrétiens , en leur procurant la
tranquilité neceffaire pour apprendre
à adorer Dieu en esprit & en
verité. Plaife au Seigneur que
Vous joüiffiez au pluftoft de cette
confolation que la longueur de
vos jours réponde à nos defirs
à nosbefoins, & que Vous voyiez
encore naiſtre dans voſtre Famille
GALANT 317
Royale plufieurs Princess qui
faffent durer autant que le monde
ta Race benite de Saint Louis , où
il a laißé tant de fainteté ,
V. M. a mis tant de gloire.
Ce difcours qui reçût de
applaudiffemens de grands

toute la Cour , étant fini , les
Députez allerent enfuite faire
compliment à Monfeigneur le
Dauphin. Monfieur le Cardinal
de Noailles porta encore la
parole , & fit une belle peinture
des grandes qualitez &
des vertus de ce Prince , dont
il n'oublia pas la bonté , fi connuë
de toute la France. Quoi
Dd iij
318 MERCURE
que ce compliment fuſt court,
il ne laiffa pas de renfermer
beaucoup de chofes , & d'attirer
des loüanges de tous ceux
qui l'entendirent.
Le 5. de ce mois , M' le
Peletier de Souzy & M¹ Dagueffeau
, Confeillers d'Etat
ordinaires, & du Confeil Royal
des Finances : M de Chamillart
Miniftre & Secretaire d'Etat
, Contrôleur general des
Finances : M' le Comte de
Pontchartrain Secretaire d'Etat
: M' d'Armenonville , &
M' des Maretz , Directeurs
generaux des Finances , ComGALANT
319
miffaires du Roy , allerent à
l'Affemblée , où ils furent reçûs
avec les ceremonies ordinaita.
Mle Peletier de Souzy
expofa les raifons qui obligeoient
le Roy à demander un
don gratuit au Clergé , & il
parla d'une maniere dont toute
l'Affemblée fut fatisfaite ;
& Monfieur le Cardinal de
Noailles luy répondit avec
beaucoup d'éloquence.
Le 12. les mefmes Commiffaires
retournerent à l'Affemblée
, laquelle d'un confentement
unanime accorda au Roy
un don gratuit de fix millions,
Dd iiij
320 MERCURE
Vous avez fouvent oüi parler
des guerres des Imperiaux
& des Hongrois. Les derniers
n'ont jamais pris les armés que
pour le maintien de leurs privileges,
& comme ils vouloient
feulement les défendre lorf
qu'ils eftoient attaquez , &
qu'ils n'avoient point deffein
de fe fouftraire de la dominas
tion de l'Empereur , à qui ils
s'eftoient volontairement donnez
fous des conditions dont il
a fouvent efté parlé , ils n'ont
jamais levé de troupes pour
faire la guerre dans les formes ,
& fe font feulement fervis de .
GALANT 321
Icurs milices , par le moyen
defquelles ils fe font fouvent
fait rendre juftice . Ces milices
n'agiffant que pour la défenſe
de la Nation , n'ont jamais re
çû de folde , & elles ont toû
jours vêcu en campagne del
tout ce qu'elles y ont trouvé ,
& fe font retirées lorfque la
faifon ne leur a plus permis d'y
demeurer. Ainfi il eft furprenant
qu'elles ayent pû le défendre
fouvent plufieurs an
nées conrre des troupes réglées
& aguerries, & qui avoient
de bons magafins . Cependant
elles ont trouvé moyen de les
322 MERCURE
le
battre fouvent parce qu'elles
eftoient beaucoup plus nombreuſes
, & de fubfifter par
moyen des courfes qu'elles faifoient
fort avant fur les terres
des Impériaux . Mais
comme dans la fuite des tems,
le grand nombre de troupes
réglées & aguerries de ces derniers
auroit pû accabler , des
troupes qui n'eftoient point
diſciplinées
, elles ont trouvé
moyen d'en avoir auffi . Vous
le verrez
par
l'état de ces troupes
qui vient de tomber entre
mes mains , & que je vous envoye
tel qu'il m'a eſté donné.
GALANT 323
Troupes des Mécontens enregimentées
& réglées.
Infanterie..
Du Prince Ragotsky , 2500 h,
Berezini , 2000
Baron de
Segny, 2000
Un
Polonois , 2000
>
Panlowitz ,
Buday ,
Sorclay ,
Ibrahim
Scotloutai ,
Georgy -Naggy , 1500
2,000
1 500
1500
1 500
1500
Buza ,
1500
Krainclay- Mickloff , 1500
Pangaty 1500
324 MERCURE
Buclo- Adam ,
Kis-Alben
15.00
1500
25500
h.
Cavalerie.
Sout-Jaños ,
Schewcky Janos - Deack ,
1000 C
2291000
Deack-Ferentz ,
1000
Borbelly- Ballas ,
1000
X
Hartonzay ,
Ý 1000
Ocfkay ,
1000
Hervvatt- Geory,
1000
Kruſtkay ,
1000
Goezy- Sigmund , 1000
9000
ch.
GALANT 325
Les Milices que les Hongrois
ont cette année en cani
pagne fe montent à foixante
mille hommes.
Je vous envoye un extrait
d'une lettre de Cadix , qui vous
fera connoiftre que cette place
doit eftre prefentement en état
de foûtenir un longfiege . Cet
extrait confirme ce que vous
avez déja vû dans les extraits
des Lettres de Malgue , dont
je vous ay
fait part.
326 MERCURE
Extrait d'une Lettre de Cadix
du 31. May.
i-
Mr le Gouverneur de cette
Ville travaille avec un grand
zele beaucoup d'application
pour la mettre en eftat d'une
goureufe défenfe , en cas que les
ennemis viennent l'attaquer. Ily
a fait apporterquantité de vivres,
& de munitions de guerre ;
fait monter des canons de fonte ,
pour achever de garnir les Forts
de cette place ; il a fait conftruire
des batteries au bord de la mer ,
du cofté du Chafteau de Pontales
il a
GALANT 327
riviere de S.Pedro , proche Porto-
Real , Mr le Marquis de Villadarias
vint icy il y a trois jours
vifiter toutes ces Fortereffes , il
les trouva en un tres+ bon état.
Il y a dans l'Ifle de Leon , (
rois lieuës de cette Ville , ) quatre
cens Dragons , & huit cens foldats.
Le Port de fainte Marie ,
Rotta & Saint Lucarfont auffi
bien garnis de Cavalerie.
Mr le Gouverneur veut avoir
deux cens Chevaux dans Cadix ;
il fait conftruire actuellement
des quartiers pour les loger.
Dlle Olympe Sophie Colbert
de Croiffy , fille de Feu
228 MERCURE
M' Colbert Marquis de Croiffy,
Miniftre & Secretaire d'Etat,
mourut le 17. de ce mois ,âgée
feulement de dix huit ans, aprés
une violente maladie qui n'a
duré que cinqjours . Elle eſtoit
fort aimée dans fa famille , &
tres - eftimée pour fes bonnes
qualitez , de tous ceux qui la
connoiffoient. Son foin le plus
grand , dans un âge fi peu
avancé , eftoit de fe cultiver
l'efprit , qu'elle avoit vif , penetrant
, & delicat . La langue
Latine qui luy eftoit familiere ,
luy avoit donné de grands
avantages pour fçavoir l'HiGALANT
329

ftoire , tant ancienne que moderne
, & l'on admiroit fur
tout fa modeftie qui l'obligeoir
à rougir quand on luy parloit
des connoiffances qu'elle avoit
acquifes . Vous pouvez juger
par -là combien elle eft regrettée.
Je vous ay fi fouvent parlé
de la famille de cette illuftre
défunte , que fi je vous en parlois
encore icy , je ne pourrois
que repeter ce que je vous en
ai dit plufieurs fois . Toutes les
qualitez qui fe peuvent trouver
dans de grands Prelats , dans
des Miniftres du premier Or
Juin 1705
&
Ee
330 MERCURE
dre , & dans des Officiers de
guerre diftinguez , fe trouvent
dans cette famille . On ne fera
point furpris du grand efprit
de Feue Mlle de Croiffy ,
quand on fera reflexion queFeu
M' le Marquis de Croifly fon
pere a rempli un grand nombre
de differens emplois , dont
les fonctions confiſtoient pref
que toutes dans le travail de
l'efprit . Quant à Mª ſa mere ,
la folidité de fon efprit ne s'eft
pas
feulement fait connoiftre
en France , ainfi que je vous
ay fait voir en plufieurs occafions
; mais on peut dire qu'el
GALANT 331
le a efté remarquée de toute
l'Europe , puifqu'elle a paru
avec diftinction à Nimegue, où
elle alla avec Feu M' le Marquis
de Croiffy , & où il ſe
trouva des Plenipotentiaires de
la plus grande partie des Souverains
de l'Europe , qui alloient
fouvent chez elle , &
qui ne pouvoient ſe laffer d'admirer
fon efprit qui fut utile
à quelques- uns , & qui fit accommoder
quelques differends
, qui auroient pû reculer
la paix, qui eftoit alors ardemment
fouhaitée de toute
l'Europe.
Ecij
332 MERCURE
Mr Antoine le Vaillant
Ecuyer Seigneur de Damery ,
Fleury , la Riviere , &c . ancien
Avocat au Parlement, mourut
à Paris vers la fin de ce mois.
C'eftoit un des plus celebres
Avocats pour les matieres Eclefiaftiques
qui ait paru en
France dans le dernier ficcle .
Il eftoit chargé de toutes les
affaires de M le Cardinal de
Bouillon & de celles de tout
l'Ordre de Clugni , & comme
elles font d'une étendue infinie,
elles luy avoient donné une
connoiffance fi parfaite de la
jurifprudence Ecclefiaftique ,
GALANT 333
qu'on l'en regardoit , fur tout
depuis la mort de M' Nouet ,
comme l'oracle . M' Vaillant
avoit donné en divers temps
des memoires qu'il a faits touchant
les plus celebres caufes
dont il a efté chargé , du nombre
defquelles font celles de
M' l'Abbé d'Auvergne contre
quelques Religieux de Clugni
qui s'étoient oppofez à fon
élection , & d'autres pieces concernant
l'Ordre de Clugni .
Mr Vaillant Avocat a auffi
donné des notes fur le Livre
de M' de Hautefene ( Vindicie
jurisdictionis Ecclefiaftica )
s
334 MERCURE
dont il avoit efté examinateur
par
ordre de M' le Chancellier.
Il laiffe deux fils Abbez , & une
fille mariée à un Secretaire du
Roy. Son corps fut porté à
S. Côme , & déposé enfuite
dans l'Eglife des Cordeliers ,
d'où il doit eftre porté à Clugni
en Mâconnois comme il
l'a fouhaitté.
Je ne dois pas oublier , en
vous parlant de morts, de vous
dire que dans l'article de la
mort de Dame Anne Loifel ,
qui eft dans ma Lettre du mois
d'Avril dernier, j'ay dit qu'elle
eftoit veuve de M François
GALANT 335
Phelypeaux , Seigneur d'Herbault
, &c . Et cependant M
Phelypeaux eft en tres- bonne
fanté .
Je dois ajoûter que dans ma
Lettre du mefme mois j'ay dit
en parlant de M' du Bois touchant
la Preface qu'il avoit
mis à la tefte de fa traduction
de quelques Sermons de Saint
Auguftin , dans laquelle il avoit
inferé une violente déclamation
contre l'éloquence , qu'il
n'eut paslieu d'eftre content des
Réflexions que fit M² Arnauld
fur cette Préface & fur l'éloquence
des Predicateurs : ceTMAJAD
336 MERCURE
pendant M du Bois n'étoit
pas en état de marquer ſon ſentiment
fur ces Réflexions , parce
qu'il eftoit à l'agonie , dans le
temps que l'on les luy apporta.
Voicy ce que l'Auteur des
Effais de Litterature ajoûte à la
Réponse à la Differtation de Pierre
Jofeph , dont la fuite eft au
commencement de ma Let
tre , Je dois ajoûter pour prévenir
les
remarques
des Critiques
qui
pourroient trouver à redire , qu'en
parlant du Pape Adrien V. (à la
page 60. de maDiffertation)j'aye
dit qu'il eftoit de la Maifon Ot
GALANT 337
que
toboni , que je n'ignore pas qu'il
eftoit de celle de Fiefque , & q
lorfque j'ay avancé qu'il étoit de
la mesme Maison que Ten Pape
Alexandre VIII. je n'ayprétendu
dire autre chofe , finon qu'il en
eftoit du cofté maternel , puifque
fon ayeule eftoit Venitienne &
fortie de la Maifon Ottoboni , &
qu'elle obligea fes enfans de joindre
le nom d'Ottoboni à celuy de
Fiefque h
M l'Abbé de Broglio qui
demeure au Seminaire de S.
Sulpice , foûtint fa Theſe de
Tentative le Lundy 22. de ce
mois en Sorbonne , MlAr
Ff
Juin 1705 .
338 MERCURE
chevefque d'Alby préfidoit.
Le Soûtenant fut generalement
approuvé de tous ceux
qui fe trouverent préfens , dont
le nombre eftoit fort grand.
Monfieur le Cardinal d'Etrées
& les Prelats de l'Affemblée du
Clergé s'y rendirent , ainſi que
tous ceux qui fe trouverent à
Paris . M' l'Abbé de Broglio .
eft fils de M' le Comte de Broglio
, Lieutenant General de la
Province de Languedoc.
M' Henrion , Docteur en
Droit & de l'Academic Royale
des Infcriptions, ayant obtenu
la Chaire de Profeffeur en
GALANT 339
Langues Siriaque , & Chaldaique
dans le Coʻlege Royal ,
vacante par le decés de celuy
dont je vous appris la mort il
y a quelque temps , fit fa harangue
de reception le Dimanche
21. de Juin aprés midy.
Le Difcours qui fut trouvé
tres- éloquent , contenoit l'hif
toire de la Langue Syriaque
,
& celle de toutes les Verfions
des ouvrages écrits en Langue
Syriaque ou Chaldaïque. Il
prouva la neceffité où font les
Interpretes de l'Ecriture , de
fçavoir parfaitement
cette
Langues ; il en fit voir l'anti-
Ffij
340 MERCURE
quité & l'excellence fur toutes
les autres , & l'avantage qu'elle
a cu d'avoir efté adoptée par le
Sauveur des hommes . Ce nouveau
Profeffeur continuera fes
Leçons tous les matins de chaque
jour ; & il ne faut pas douter
qu'il ne les faffe avec beaucoup
de fuccés , puifque fon
érudition cft tres - connue . Tous
les Confreres de M Henrion
compofoient une partie de
l'Affemblée , qui fut d'ailleurs
tres- nombreufe , & ils'y trou
va plufieurs perfonnes de diftinction.
Perfonne n'ignore
que le College Royal ma elté
GALANT 341
fondé
par François I.
Le Roy a fait Duc & Pair
M' le Duc deNoirmonftier . Il
cft frere de Madame la Princeffe
des Urfins , qui partit au
commencement de la femaine
derniere pour retourner cn
Efpagne . Cette Princeffe a
toûjours fait le charme de tou
tes les Cours où elle a efté ;
quoiqu'elle ait demeuré en
plufieurs Etats , & que
les caracteres
de ceux qui les compofent
foient fort differens : cependant
elle a toûjours efté regrettée
dans tous les lieux dont
elle eft fortie aprés y avoir
Ff iij
342 MERCURE
fait quelque fejour. La naiffance
de cette Princeffe égale
fes grandes qualitez , puifque
la Maifon de Noirmonftier eft
une des branches de celle de la
Trimoüille, qui paffe pour une
des quatre meilleures Maifons
de France.
Vous attendez fans doute
que je vous parle du décampe
ment de Mylord Marlboroug
qui a paru furprenant & honteux
pour ce Mylord , qui s'étoit
propofé de gagner des
batailles , & s'eftoit vanté plufieurs
fois hautement qu'il attaqueroit
deux fortes Places à
GALANY 343
la fois. Il avoit même dit en
arrivant à Tréves . Je fçay que
Le Roy de France va prendre Huy
& Liege, & bombarder Maftricht;
mais tout cela n'empefchera pas
mes deffeins en ces quartiers - cy.
Mais je dois vous dire auparavant
que le 3 de ce mois l'Armée
des Alliez paffa la Sarre à
Confar- bruck , & vint camper
au Village de Bourg & de Faux,
à deux petites lieuës de Sirck.
Le Duc de Marlborough s'avança
le même jour à fix heures
du foir à la tefte de fa Cavalerie
jufque fur la hauteur
d'Aufpach , s'étendant le long
de celle du Ravin du même
lieu , auprés du Chateau de
Maufberg. Monfieur le Maréchal
monta à cheval , fuivi de
F fiiij
344 MERCURE
cinq cens Chevaux , & alla an
Village d'Aufpach, & s'avança
luy même au deffus des Vignes
qui font entre ce Village & ce
luy de Perle,où il y eur quelques
coups de Carabine tirez par nos
Huffars. Lorfque Monfieur le
Maréchal vit que les ennemis
s'avançoient toujours , il fit re
tirer les troupes jufqu'au Village
d'Aufpach, où il fit mettte
pied à terre aux Dragons , qui
fe pofterent dans les hayes ; &
ce General avec fa Cavalerie
monta fur la hauteur derriere
Je Village de Sirck , le Ravin
d'Aufpach entre les 2. armées ,
où on demeura jufques à neuf
heures & demie du foir que
l'on fe retira
. Monfieur
le Maréchal
eut le plaifir de faire refter touGALANT
345
te la Cavalerie des ennemis en
bataille devant luy , le fabre à
la main , juſques à la nuit fermée
<
Les Juin l'Armée de Monfieur
le Maréchal de Villars fic
un mouvement tres . beau, marchant
fur deux colonnes , &
changea de pofte , c'est- à - dire,
que la premiere ligne occupa
le terrain de la derniere ; de
maniere qu'elle fit face où elle
tournoit le dos . Cette Armée
étoit campée en maniere de fer
à Cheval , dans une fituation
tres avantageufe . Le 4 on vic
défiler les ennemis à un quart
de lieuë du Camp de Monfieur
de Viliars dont ils n'étoient
éloignez que d'une demi - lieuë.
Il arriva le 5. à Sar- Louis plus
>
346 MERCURE
de deux cens Deſerteurs des ennemis
que Mr le Marquis de
Choify , Gouverneur de la
Place , n'y voulut pas
laiffer entrer.
Il les envoya à Metz avec
une eſcorte. Ils dirent tous que
fi le Roy faifoit publier une
Amnistic , il reviendroit un
grand nombre de Deferteurs
fans compter les Bavarois qui
font au Camp des ennemis .
Voicy l'Extrait d'une Lettre
de Monfieur le Maréchal de
Villars , écrite le 9. au Camp
de Forkein .
Depuis le trois nous sommes en
prefence. Les ennemis fe vantent
qu'ils ontfort envie de nous attaquer;
nous les attendons :& s'ils ofent l'entreprendre
je me flatte qu'il leur
en coûtera cher.
GALANT 347
Le foir du même jour , Mrle
Maréchal de Villars donna ordre
d'envoyer tous les gros bagages
de l'Armée ſous le canon
de Thionville , où ils arriverent
le lendemain. Il ordonna
aufli qu'au premier coup de canon
chacun euft à fe rendre à
fon pofte & au Camp.
Il ne s'est rien paffé de confidérable
depuis le dix jufqu'au
jour du décampement de l'armée
des Alliez fi ce n'eft que
MylordMarlboroug en faifant la
revûë de cette Armée , la trouva
diminuée de prés de fix mille
hommes qui avoient deferté ;
fans compter les malades ; ce
qui le chagrina beaucoup . La
crainte que cette defertion ne
continuaft , ce qui feroit infail348
MERCURE
liblement arrivé , à caufe de la
difette de beaucoup de choles
& fur tout des fourrages dont
la cherté eftoit extraordinaire
pendant qu'il en arrivoit de
toutes parts au Camp de Mr
le Maréchal de Villars ; & qu'il
n'auroit pû en manquer, puifqu'il
ne s'eftoit encore fervique
da fec , & n'avoit point touché
au verd. D'ailleurs la maniere
dont ce Maréchal eftoit campé ,
fa bonne contenance , fa fermeté
à l'attendre , & la refolution
de fes troupes qui marquoient
une grande impatience
de combatre,ne laiffoient pas ce
Mylord fans inquietudes. Elles
eftoient d'autre part augmentées
par les Courriers qu'il
recevoit continuellement des
GALANT 349
qui
Etats , qui redemandoient leurs
troupes , celles qu'ils avoient
en Flandres ne montant qu'à
dix-huit mille hommes.
avoientefté obligez de fe retrancher
, & qui auroient pû eftre
forcez dans leurs retranchemens
, s'ilsavoient efté attaquez;
ce qu'ils apprehendoient beaucoup
, parce que leur pais au
roit efté découvert , & qu'ils
craignent extrêmement Monfieur
l'Electeur de Baviere, dont
les troupes groffiffoient tous les
jours par les Bavarois qui s'échapoient
de tous coftez pour
le venir joindre , & avec lef
quelles cet Electeur dont ils
connoiffent la valeur & l'intre.
pidité , auffi bien que la bonne
conduite dans tout ce qui re350
MERCURE
garde le mêtier de la guerre ,
pouvoit les attaquer . Marlboroug
fe voyant donc accablé par
les continuelles inftances des
Hollandois , qui redemandoient
leurs troupes , & par toutes les
chofes que je viens de vous
marquer , commença à fonger
à fon décampement . Mais ce
qui acheva de l'y déterminer
fut ce qui fe paffa pendant les
trois derniers jours avant fon
décampement . Voicy ce qu'on
écrit là - deffus .
Le fujet de leur décampement eft
tel , outre le defefpoir où ils fe font
vis de pouvoirforcer Mr de Villars
qui les a tenus en échec pendant
quinze joursparfa bonne contenance
& par fon poste avantageux , que la
jalousie & la méfintelligence fe font
GALANT 351
mifes entre eux. La premiere par la
fierté du Mylord , qui toujours afis
en leur prefence , eux debout & la
tefte découverte , ne daignoit pas
même leur parler ; mais fouvent
difoit à l'oreille & tout bas au
Comte de Noyelles fon confident ce
qu'il jugeoit à propos . La feconde
qui eft la méfintelligence , s'y ef
mife par l'oppofition opiniàtre des
fentimens . Car ayant tenu Confeil
pendant trois jours avec les
Generaux , avant que de décamper,
Jur ce qu'il y avoit à faire dans la
conjoncture , les Imperiaux ont toujours
infiftefur lefiége de Sar- Louis ;
& Malboroug s'y est toujours oppofé
, difant fierement. A quoy
cela me conduiroit - il ? Je prendrois
des pierres , Mrs , vous ne
voullez pas en démordre ; vous
352 MERCURE
n'avez que vos intereſts en tête.
Pour moy , mon deffein eftoit
d'aller droit à Mr de Villars
pour le forcer
& delà aller
à Metz , où j'aurois
trouvé
de
quoi faire fubfifter
mon armée
pendant
la campagne
; & je fe- rois enfuite
tombé
fur Luxembourg
. He ! bien , Mrs , puifque
Vous ne voulez
pas entendre
railon
je fuis le maiſtre
en
qualité
de Generaliffime
, je vas travailler
aux interefts
de mes
Alliez
les Hollandois
; démêlez
les vôtres
comme
vous le pourrez.
La. deffus il fit battre la Gene
rale , & les laifſa- lì.
Il écrivit avant fon décampement
la Lettre fuivante à Mr
le Maréchal de Villars.
Je parts demain, Monfieur , avec
GALANT
353
toutes les troupes qui font à la folde
de Hollande pour aller en Flandres.
Monfieur le Prince Louis de
Bade m'avoit donné rendez- vous.
poar executer le deffein que nous
avions de vous attaquer , & de
nous faifir ', s'il le pouvoit des trois
Evefcher. Mais ne venant point ,
j'envoye an Courrier à l'Empereur
pour me plaindre de luy . Je parts demain
fans rufes de guerre , plein
d'eftime pour vous & fort fafché
contre le Prince de Bade.
,
Il ne s'agit plus prefentement
que de vous parler de ce qui
s'eft paffé au décampement de
ce Mylord , & je croy ne vous
le pouvoir mieux faire fçavoir
qu'en vous envoyant ce qui
en a efté écrit dans, plufieurs
Lettres .
Juin 1795.
Gg
554 MERCURE
Au Camp de Rethel ce 17 .
Juin.
Mr de Marlboroug commença
hier, à une heure après midy , àfaire
défiler fon artillerie & fes bagages
; & le reste de l'Armée matcha
à minuit. Mr le Maréchal de Vil-
Lars les a fuivis avec quatorze
efcadrons & une partie des Grenadiers
de l'Armée, fans pouvoir les
joindre . Ils vont ,fuivant toutes les
apparences , dans leurs lignes de
Tréves. Mrle Maréchal a cependant
fait marcher un gros détachement
de Grenadiers & de Dragons
du cofté de Luxembourg , afinde sy
jester en cas de befoin.
GALANT 355
AUTRE.
On remarquale dix -fept, que les
ennemis efloient décampez ; Mr le
Maréchal de Villars envoya un détachementapréseux
. Ons ' appercevoit
bien icy que les ennemis eftoient dans bienicy
un eftat violent : les hommes & les
chevaux fouffroient beaucoup dans
leur armée. Ilsfirent dés le feize marcher
leurs gros équipages &en mêmetempfirent
de gros détachemens du
cofté de Luxembourg& de Sar-Louis ,
pour donnerplus de jeu à leur arriere
garde. Mr le Maréchal ayant refolu
de les voir partir avant nous ,
& ayant au prévû qu'il n'y auroit
rien à craindre de leur part ,
quitta fon pofte & fe retira dans la
Chartreuse qui eft proche le quartier
general , où il eftoit avant que les
ennemis paruffent.
Ggij
356
MERCURE

AUTRE.
Le 16 les
Ennemis
embarquerent
leur
artillerie & leurs gros équipages,
&
décamperent le fair fur les
neufheures , Jans
trompettes & à la
fourdine ; ce qui dura jufqu'au lendemain
midy qu'on vit leur arrieregarde
fe retirer. Ils firent paffer la
Mofele à leur droite, & ils plierent
leur gauche , & s'en allerent droit
à Confarbrik , où toute leur armée
repaffa la Sarre & s'en alla à Tréves.
Ils
apprehendoient
apparemment
que nous ne vouluſions
donner
fur
quelqu'une de leurs ailes , puifqu'ils
ont pris tant de precautions
Pour nous abandonner
honteufement
le Pais . D'abord Mr le Maréchal
c'étoit une feinte pour nous
faire décamper du poste où nous fommes,
ou qu'ils faifoient
paroistre ainf
crût
que
GALANT 337
une tefte de leur armée , pendant qu'il
y avoit quelque détachement, qui defiloit
pourfe faifir de Bouzonville,
& enfuite aller à Sar- Louis , c'eft
pourquoy il avoit refolu de commander
la Brigade de Picardie avec la
Maifon du Roy pour leur donner la
chaffe mais les nouvelles vinrent
qu'ils fe retiroient veritablement à
Tréves. Mrle Maréchal dit en colere
, Que c'étoit la montagne
qui avoit enfanté la fouris .
AUTRE.
Mylord Marlboroug envoya le 16 .
fes gros bagages à Tréves, &fur
les onze heures du foir, fans baitre
aycane Generale , après avoir pris
tous les foins neceffaires pour empefcher
que les deferieurs ne donnaßent
avis defon mouvement , il décampa
358 MERCURE
toute la nuit. Son armée fe trouva
le 17. divifee en trois Carps , dont l'un
repafla la Sarre à Confarbruk poar
fe rapprocher de Tréves ; un autre
pafla laMofelle à Jebugl , une lieuë
& demie au deffus de Tréves , où ils
firent alte tout le 18. en attendant
que le troifiéme Corps qui eftoit resté
entre les deux rivieres, & qui compofoit
l'arriere-garde, euſt aui passé
la Sarre. Le 19. ce Mylord eftoit encore
à Rouvre fous Tréves , d'où il
devoit partirinceffammentpour fuivre
les troupes Angloifes , & les Brigades
Hollandoifes , qui étoient en
marche pour aller en Flandre.
AUTRE.
Au Camp prés de Sirk
ce 18. Juin.
Les ennemis commencerent à dé
GALANT 35.9.
à dix camper la nuit du 16. au 17 .
heures dufoir. A minuit Mrle Maréchal
eut avis par Mr le Comte
d'Autel , que Mr de Marlboroug
alloit faire paffer la Mofelle à
vingt-cinq mille hommes pour nous
attaquer du cofté de Luxembourg ,
& qu'il marchoit avec le refte de fes
troupes à Boufonville pour forcer
noftre droite à Konifmaker. Mr le
Maréchal qui eftoit feur de fonpofte
, & qui contoit fur la bravoire
de fon armée , fe contenta de faire
obferver les ennemie , fans troubler
en aucune façon noftre repos . A une
heure, il vint plufieurs deferteurs qui
confirmerent la marche de l'armée
ennemie. A trois heures Mr le
Maréchal reçût des avis certains du
mouvement & de la route des ennemis
; il monta en chaiſe ,ſuivi
360 MERCURE
feulement de bait efcadrons , ilpaffa
au travers de leur Camp , alla méme
affez loin par de là , & reconnuent
qu'ils reprenoient le chemin de
Tréves . Tout dormoit encore à buit
heures du matin dans noftre Camp ,
lorfqu'on fonna le boute felle ; &
cela feulement pour nous tenir en
baleine en cas de befoin. A deux
beures apres midy , Mr de Bonair
cy-devant Capitaine reforme dans
le Royal étranger , & à preſent
Commandant les Hußards deferteurs
à qui Mr le Maréchal de
Villars avoit ordonné d'examiner
la contenance des ennemis , rapporta
qu'ils marchoient à la baste , en gens
qui avoient peur d'eftre poursuivis ,
& que plus de la moitié avoient
dėja paffè la Sarre. A trois heures
nous fùmes tranquilos_duns noftre
Armée ,
GALANT 361
Armée, comme on l'est au milieu de
Paris . Aujourd'huy les ennemis font
un peu moins preffez, depuis qu'ils
ont mis la riviere entre - eux &nous.
Ils arriveront ce foir à Tréves ; &
fuivant le parti qu'ils prendront ,
nous fommes prefts d'aller en Flandres
ou en Alface. Tamen adi
+
AUTRE.
3
Du Camp de Sar- Louis , le
24. Juin.
Le 23. Nous avons décampé de
Retelppoouurr aller camper à Boufonville
, aprésy avoir laiffé huit à dix
mille hommes , tant Cavalerie qu'
Infint rie , commandez par Mr de
Druy Lieutenant General , & pour
garder nos deux Ponts fur la Mofelle.
Le 24. Nous avons marché
Anvers, Sar- Loĝis , & Neusvenens
Juin 1705.
Hh
362 MERCURE
de camper dans la prairie , où nous
faifons deux Ponts fur la Sarre pour
décamper demain. On fait un gros
détachement pour aller en Flandre z
la Gendarmerie partira démain matin
, avec le Regiment du Roy Infanterie
, & deux autres Regimens ,
& le Regiment de Dragons de la Rei-
~ne, fous les ordres de quatre Lientenants
Generaux, qui font Melieurs
de Surville, de la Chafire , de Rouffy,
& de ;& Melieurs de
Levy, & de Mezieres Maréchaux
de Camp, &Meffieurs de
& de
On a fait fortir de Sar- Louis
buit Bataillons , deux Regimens de
Dragons, & deux de Cavalerie ,
pour aller à Sarbruck , fous les or
dres de Meffieurs du Bourg , & du
•Rozel ; Lieutenans Generaux , & de
GALANT 363
Mr de Coignies. Il reste encore deux
mille hommes dans Sar - Louis .
Nous allons avec noftre petite armée
joindre Mr de Marfin , qui eft
auprés de Landau.Nebertekhabak
22.10 .
45Ibeſt à remarquer que les ennemis
après leur décampement
firent ce même jour une marche
de fept lieuës avec toute la
diligence imaginable , ce qui
marque la crainte qu'ils avoient
d'eftre poursuivis ce qu'ils auroient
néanmoins dû fouhaitter,
s'ils avoient eu autant d'envie
de le battre qu'ils vouloient le
faire croire , puifque nos troupes
fe feroient battues dans un
Camp moins fortifié par l'art
& par la nature , que celui qu'-
elles auroient quitté pour com
Hh ij
364 MERCURE
batre les Alliez. Il eft impoffible
qu'ils n'ayent perdu beau
coup de monde dans cette marche
précipitée , & qui a dû eſtre
au moins de 14 ou 15. jours
puifque dés les premiers jours
quatre cens hommes deferterent
à la fois , & fe jetterent
dans un bois d'où ils envoyerent
demander une eſcorte qui
leur fut envoyée . Les ennemis
en auront d'autant plus perdu
dans la fuire , que leur décampement
n'ayant point efté préûils
doivent avoir eu bien de
la peine à faire fubfifter des
troupes auffi nombreufes dans
une auffi longue marche de
maniere que cette Armée fe
fera trouvée fort diminuée en
arrivant en Flandres.
GALANT 365
Je viens d'apprendre que
Monfieur le Maréchal de Villars
marchoit vers Lautterbourg
pour en prendre les Lignes
a revers , ayant trois journées
d'avance fur les ennemis ,
& que
ue dans fa route il avoir
fait faire une faulle marche à
Mr de Druy qu'il avoit détaché
avec un Corps de troupes
pour aller du cofté de Tréves ;
& que les ennemis ayant fçu ,
avoient abandonné ceite Place
avee précipitation , & brûlé ce
qu'ils avoient pû de leurs Magazins
, lindur
1
Je vous envoye vune Lettre
qui vous apprendra la fituation
des affaires de la guerre en Efpagne
. Je n'ay rien changé à
cette Lettre que vous trouve-
Hhij
366 MERCURE
rez telle qu'elle a eſté écrite,
Au Camp prés de Silleros le
11. Juin.
Noftre petite Armée ne fe
trouva aſſemblée que le 9. May
à la Moraleja
.
Vous aurez fans doute appris
que l'ennemy nous avoit lors repris
Salvatierra , ou plutoft qu'il
avoit achetté cette petite place
(affez confiderableparfa fituation).
d'un Gouverneur Espagnol qu'on
y avoit mis , avoit brûlé le
gros Bourg de Lazarca prés duquel
Mr le Maréchal de Teffé
GALANT 376
la camper le 10 May.
alla
Iljugea àpropos de nous quitter
le 17. pour paſſer le Tage avec
toute la Cavalerie Françoife &
quelques autres Troupes pourfe
porterdu coftédeBadajoz és yjoindre
Mr. de Bay, qui y commandoit
quelques Troupes Espagnoles pour.
s'opposer au deffein qu'avoit Mylord
Galoway d'en faire le Siege..
Avant que Mr le Maréchal
fuſtpaſſé de ce coſté- là , l'ennemy
avoit déja pris Valencia & Alburquerque
qui font deux petites
placesqui n'eftoientconfiderablesque
parce que nous y avions quelques
petites provifions.
Hhiij
368 MERCURE
Nous reftames de ce cofté- cry
du Tage avec prefque toute l'infanterie
Françoife & quelque Cavallerie
Espagnole fous le Com
mandement de Mrde Thoy Lieutenant
general , pour obferver les
mouvemens du Marquis de las
Minas qui commande de ce cofte
cy un autre Corps de troupes . Telle
eft noftre fituation.
Nous décampâmes le vingt de
Lazarca en même temps que Mr
de las Minas quitta fon Camp
prés de Salvatierra, nous vinf
mes au Camp des Epines , qu'on a
je croy nommé ainfiparce qu'il s'y
en trouvoit beaucoup d'affez
GALANT 369
*
mauvaiſe eau trouble. Nous y
reftâmes le lendemain jour de l'Af
cenfion pour venir le vingt- deux
camper à Perales fous des Oliviers
des Orangers plantez en
pleine
terre. Nous y aurions efté à mer
veilles , s'il s'y eftoit trouvé àproportion
autant de fourrages que
defleurs d'Oranges ; mais ce dés
faut de fourrages nous fit quitter
ce Camp delicieux le Dimanche
Vingt-quatre pour venir en celuycy
, où il s'y en est trouvé affez
abondamment
pour y refter jufques.
àprefent affez tranquillement par
ce que le Marquis de las Minas
eft toujours resté aux environs de
Penamacor.
370 MERCURE
Il avoitd'abord fait croire qu'il
en vouloit à Ceudad Rodrigopour
tâcher d'entrer par-là en Caftille;
mais on a depuis reconnu que fon
vertitable deßein auroit pú eftre
d'attaquer Alcantara pourſepro
curer par là le paffage du Tage
& nous le couper, ce qui l'auroit
mis en état de joindre quand il au-..
roit voulu Mylord Galoway, &
d'incomoder fortMrle Maréchal
que nous n'aurions pú fecourir
facillement, ni lui nous rejoindre ;
ce qui a fait prendre le party d'y
jetter encore & aux environs quelques
Bataillons, & de fairefaire
à Alconetta , quatre lieuës au def
GALANT 371
- fus un pont de Batteaux pour
nous enfervir en cas de befoin.
Les dernieres nouvelles du
Camp de Monfieur le Maréchal,
duquel nous fommes éloignez de
vingt-cing à trente lieuës, étoient
qu'il paroiffoit que Mylord Galoway
prendroit peut- eftre bientoft
fes quartiers de rafraichiffe
ment, les chaleurs commençant à
l'incommoder : Cependant on dit
aujourd'huy qu'il avoit envie de
faire le fiege de Badajoz. On
croit qu'il aura de la peine d'en
venir à bout , parce que Monfieur
le Maréchal occupe preft de
là certains poftes qu'ilfera difficile
3
372 MERCURE
de lug ofter. Voilà pour le préfent
ce que je puis avoir l'honneur de
vous direasb to marat
Le Courrier qui arriva bier à
ce Camp apporta à Mr de Thoy ,
la permiſſion qu'il a demandée de
s'en retourner en France; ce qu'il
fera auffi toft que Mr de Legall
Mr Davaret , Lieutenans Generaux
qu'on envoye à cette Armée
,y feront arrivez.
Nous avons appris ce matin ,
par un Courrier venu de l'Armée
de Monfieur le Maréchal ,
que le quatre les ennemis avoient
voulu venir à luy,qu'ilsy étoient
Venus en effet ; mais que noftre
t
GALANT 373
bonne contenance & la refiftance
du Regiment de Momain Dragons
, placépour la deffenfe d'un
pofte les avoit obligez de ſe re-
"tirer.
Nous apprenons cette aprésaînée
que
Mr de las Minas decampoitrevenoit
du cofté de
Valverde , ce qui nous obligera
fans doute d'en faire autant dans
peu.
pagne
Je paffe des nouvelles d'Efà
celles d'Italie ; & je
commence par une Lettre de
Monfieur le Grand Prieur,
374 MERCURE
Du Camp de Mofcolino ,
le 10. Juin , e
Nous avons aujourd'huy fait
un grand fourrage, fur les bords
du Lac , prés Malherbe ; & les
ennemis en ont fait un en même
temps , furpris du noftre, un grand
ravin entre deux. Leursgros équi
pages ont marché par faint Offet;
& nous avons renvoyé les nôtres
hier à Caftiglione. Nous ne décamperons
pas certainement d'icy
les premiers. Il ne s'eft rien passé
depuis ma derniere , qui vaille la
peine de vous eftre mandé.
GALANT 375
Autre Lettre de Monfieur
le Grand Prieur.
Au Camp de Mofcolino ,
le 13. Juin.
Palatines
La tefte des troupes Pa
eft arrivée à Balfou le 8. de ce
mois , au nombre de quatre à cinq
mille hommes ; ils joindront les
ennemis le 20. Aprés cette jonction
ilsfe mettront en mouvement, &
nous les obferverons de maniere
qu'ils ne pourront ny faire aucune
entreprife , ny empefcher le fiege
de Turin .
376 MERCURE
en eft
L'Armée de M' de Vendôme
marcha le 11: de ce mois ,
& vint camper à deux lieuës
d'Ivrée. Elle paffa la Doiria le
douze fur deux ponts , en tra.
verfant ce fleuve , & elle vint
camper à Strambino qui en
à deux lieuës . Le 13 , elle déboucha
dans la plaine , & vint
Occuper le même Camp où
cftoient auparavant les ennemis
, qui ne s'attendoient pas
à une fi grande diligence ; ils
eftoient décampez le 12 à trois
heures de nuit , de forte qu'on
ne pût les joindre.
GALANT 377
Du Camp devant Chivas le 19.
Juin.
a
L'Armée partit lefeize de Las-
Torras , & fut en peu de temps
a la vue de Chivas ; les gardes
des ennemis furent pouffées jufques
à la portée du canon de la
Ville. Cettejournée fe paſſa à fai
re divers mouvemens pour camper
la gauche au Pô, & appuier
la droiteà des Caffines , à un demy
mille de la Ville . Mr d Arennes
paffale même jour le Pô à Cref
centia , & alla camperfous Verue
avec neufBataillons , un Regi
Juin 1705 .
Ii
378 MERCURE
ment de Dragons un de Cavalerie
, pour fe faifir des hauteurs
quifont vis-a- vis de noftre
Armée , le long du Pô ; & la
nuit du 16. au 17. Mrde Vendôme
fit faire un Pont fur la
même riviere , vis- a- vis faint
Sebaſtien pour porter des troupes
où il en feroit befoin, Mr d'Arennes
ne put cependant arriver
affez à temps , & fans que les
ennemis s'en apperçuffent pour
s'emparer du village de Caftagnet,
qui eft fur la hauteur la plus éle
vée, prefque vis-à- vis de Chivas,
ilsy avoientdeux Bataillons. Mr
de Savoye avoit fait fortifier ce
GALANT 379
pofte , auffi bien qu'une groffe Caf
fine qui eft entre le Pô & Caftagnet.
Il y alla avec deux Regimens
de Dragons & quatre Bataillons
; ils canonnerent toute la
journée nos troupes , ayant fait
monter trois pieces de canon à moitié
de la montagne. Mr de Vendôme
fit paſſer encore toutes les
Campagnies de Grenadiers , une
Brigade d'infanterie & deux Regimens
de Dragons pour foutenir
le Pont qu'il avoit fait faire de
L'autre cofté du Pô. Caftagnet conferve
la tefte du Pont des ennemis
, leur communication de
Chivas audit pont. Il y a cepen-
Ii ij
380 MERCURE
dant une petite hauteur au deffous
de Castagnet qui voit à revers
ladite communication &leur
pont , où Mrde Vendôme fit attaquer
hier au foir les ennemis qui
y gardoient deux maifons , par les
Regimens de Sanzé e deFlandres
, qui les emporterent & sy
fortifierent malgré le grandfeu de
leur canon. On y travaille même
à une batterie qui fera un peu difficile
, & qui oftera aux ennemis
communication de la montagne,
les empeſchera defe tenir dans
celle qui regne de Chivas au Pô ,
qui eft bonne bienfortifiée, tant
par leurs travaux que par
l'eau
ta
GALANT 38%
qu'ils ontfait venir. Nousfaifons
aujourd'huy un fecond pont. Toute
l'armée ennemie eft dans cette
montagne , à la reſerve d'une me→
diocre rarnifon qui eft dans Chivas,
ainsi que trente deferteurs qui
en arriverent hier , ont affeuré,
ajoutant que la grande quantité
d'eau qu'ils ont fait venir pourroit
bien incommoder leur Cavalerie.
A l'approche de noftre Ar
mée , Mr de Savoye fit décamper
la fienne , qui eftoit derriere Chivas
e la communication , & luy
fit repaffer le Po, n'ayant laiẞé,
tant à Chivas qu'à la communication
, que quatre cents hommes
382 MERCURE
comptant de la rafraîchir de Caftagnet;
fa Cavalerie eft entre ce
Village & Gafto , & ſon Infanterie,
fes Bandits , & fes Dragons
fur les hauteurs de Caftagnet.
Le Prince d'Elbeuf ayant efté
envoyé avec Mr de Marfillac &
deux Regimens de Cavalerie , en
qualité de Brigadier, pourobferver
les ennemis, il paffa un défilé contre
la défenſe expreſſe de Monfieur de
Vendôme, ily trouva quinze gros
Efcadrons , dont trois feulement.
voient paru d'abord , qui l'attaquerent
au-delà du défilé. Il vonlut
retournerfur fes pas , mais il
n'étoit plus temps ; la moitié de fa
L
GALANT 383
troupe repaffa , mais l'autrefouffrit.
Ce Prince receut un coup de
piftolet dans le coeur. Mr de Marfillac
fut bleffé de huir coups defabre
, dont un luy coupe le poignet ;
il eut outre cela un coup de pistolet
dans le ventre , on croit neanmoins
qu'il rechapera. Quinze de nos Cavaliers
furent tuez , autant de
bleffez ; le reſte ſe retira, Le Pi_
quet y accourut, pouffa les ennemis
fort loin, leur pritfoixante chevaux
& quatre-vingt hommes.
On a depuis des nouvelles ,
que la tranchée avoit eſté ouverte
le 23. devant Chivas , &
qu'on devoit aufli attaquer par
384 MERCURE
tranchée le village de Caftagner
.
Le mot de l'Enigme du mois
paffe eftoit la Plume , ceux qui
T'ont trouvé font Mrs Laurent
de S. Loup de Montgelas ;
le beau Julien , de la ruë de la
Coffonnerie , le fieur Roze
Perfpecteur , rue S. Vincent : le
charmant Brun , du Nom de
Jefus de la rue S. Jacque le
beau Blond de deffous les Piliers
des Halles le Coeur bannal
: Tamiriſte ; l'Agreable dans
Tes compagnies Canelle , ruë
d'Enfer le Heros du Canada :
te troifiéme Roi de Pologne :
l'Ami content de Verfailles :
Gagnat , mon petit Poulet le
Mari de Margot aux belles
dents : le pere des trois pucel
les ,
GALANT 385
Jes , de la rue du bout du monde
: le Solitaire Defangloux,
& fa groffe Gouvernante : l'apprentif,
de la Barriere du petit
marché, & fa charmante voifine
de la rue de Bulli. Mlle du
Mouftier la fille , de la rue de
l'Echarpe la charmante Caraut
, de la courte- ruë : la charmante
Javotte , du quartier de
Sulpice, & fon Amant : Luce,
rue S Honoré , proche les bâtons
Royaux Marie Caron ,
dite Belotte , de Beauvais la
belle penfionnaire de la rue du
bout du monde la grande amie
du gros merite : l'aimable Brune
, du quartier de S. Nicolas :
les deux infeparables , de la ruë
S. Denis : la Brune Notennay ,
& Ellibis
Juin 1705
ΚΚ
386 MERCURE
Je vous envoye une Enigme
nouvelle .
EN IG MeEsaighe,
ILoff
L'eft vray, je fuis mere, & j'ay
divers enfans ,

Et je les ay des mon enfance ;.
Mais les petits, comme les grands
Sont égaux d'âge & de naißance ,
Et viennent tous à même temps .
(
Chacun d'eux , fans en eftre morne
,
Se croit à ce fort deftiné ,
Qu'il doit, au moment qu'il eft né ,
En fa tefte porter la corne.
$
Ils font tous difpofez à me ren.
dre fervice 3
Mais telle eft la fevere Loys
GALANT 387
Que fil'on me repten i paur quel.
ques malefice ,
Chacun d'eux paffuntpourcomplice,
Ils font tous punis avec moy. 3.
L'Air qui fuit ne vous déplaira
pas.
AIR NOUVEAU. X
Venez, venez, tendre amours ;
Fondez la glace de nos ames :
Venez, venez, en ces beaux jours :
Brûlez- nous de vos douces flames.
Il n'y avoit point à douter
que Mylord Marlborong , aprés
avoir efté obligé de renoncer
honteufement aux grandes entreprifes
qu'il s'étoit trop hautement
vanté d'executer, ne me
Ii ij
388 MERCURE
ditât pour adoucir un peu for
chagrin , de faire quelque chofe
d'éclatant dans fa route , ou
en arrivant en Flandre plûtoft
qu'on auroit dû l'y attendre .
aprés y avoir fait marcher fes
troupes avec une grande vîteffe .
C'eft pourquoy on en a tres fa
gement ufé en ne continuant pas
Je fiege de la Citadelle de Liege,
afin d'eftre en état de s'oppofer
aux deffeins de ce Mylord , en cas
que les troupes que Mr de Villars
renvoyoit ne fuffent pas arrivées
affez à temps . En effet ,
Marlboroug s'eſt rendu à Maftricht
dés le 26. de ce mois , où
il n'étoit pas attendu fitoft; il Y
tint Confeil pendant trois heures,
pour voir ce qu'il y auroit
à faire , & refolur , voyant que
GALANT 389
Fon eftoit bien preparé à le res
cevoir, & que nous n'étions pas
en état d'êtrefurpris , d'envoyer
le plus de troupes qu'il pourroit
vers Bastogne , pour y furpren
dre la Maifon du Roy : à quoy il
n'a pas fans doute réüffi , puif
que l'on en auroit ouï parler de
pais que cette nouvelle eft venuë.
Ce Milord ne demeura
trois heures à Mastricht .
que
On a fait rafer le Fort de Sart
& le Fort Jofeph; ces deux Forts
ayant éfté jugez inutiles , puifqu'on
a pris le Château de Huy,
fans qu'il fut neceffaire de les
prendre
On a fçû que lorfque les ennemis
ont abandonné Tréves ,
* ils ont donné aux Habitans pour
une fomme tres modique les fa-
Kk iij.
390 MERCURE
rines qu'ils avoient dans cette
Place & qu'ils ont jetté quantité
d'avoine & de foin dans la
borivieres, & que les munitions
qu'ils avoient dans des poftes
qui en eftoient éloignez , ont
efté jettées dans des puits.
Toutes les troupes des poftes
qui font fur la route que tient
Mr de Villars , fe retirent à fon
approche . Ce Maréchal doit
commander feul l'Armée du
Rhin , & Mr le Maréchal de
el Marfin doit aller fervir en Flandres
Et Mr de Druy commandera
un Corps de troupes fur
la Mofelle.
Les Lettres qui parlent de
l'ouverture de la tranchée devant
Chivas ne s'accordent pas
il y en a qui portent qu'elle a
GALANT 391
Gefté ouverte dés le 11. & pouffée
jufqu'à cent toifes du chemin
Couvert.t's one bib
25 Monfieur la Nonce a donné
au Roy une Lettre de l'Empereur,
une de l'Imperatrice , &
une troifiéme de Imperatrice
95 Douairiere par lesquelles fa
Majefté Imperiale & ces Imperatrices
donnent avis à Sa
Majesté de la mort de l'Empereur.
Vous avez fçû avec quelle
fageffe & quelle prudence le
Roy d'Efpagne a fait arrefter le
Marquis de Leganez , & que
Sa Majesté Catholique avoit
ordonné qu'on ne luy donnaſt
point le chagrin de le faire paf-
Her par la Ville de Madrid , fçachant
qu'il n'y auroit peut - eftre
392 MERCURE
pas paffé en feureté , à caufe duf
grand zéle dont le peuple don
ne tous les jours de nouvelles
marques pour la perfonne &
pour celle de la Reine . En effet,
il ett frgrand , que le peuple &
les Corps de metiers ayant ap
pris que ce Marquis avoit efte
arrefte font venus fe jetter
aux pieds de ce Monarque , &
Juy ont renouvellé leurs fermens
de fidélité , & l'ont affeuré
qu'ils expoferoient leurs vies &
Jeurs biens pour fon fervice ,
& l'ont fuplié de vouloir punir
les traiftres.
Sa Majefté n'ayant que des
foupçons contre le Marquis de
Leganez , a eu la bonté de ne
point déclarer fur quoy ils
-
cftoient fondez , & quelles font
GALANT 393
C
los chofes dont on le croit caupable
, jufqu'à ce qu'elle aic
connu par les papiers & par fa
dépofition ; fi on l'a accuſe juſ
tement. Il ne faut pas s'étonner
fi un Roy fi fage & fi prudent
eft tant aimé de fes peuples,
move to proming so
(
11
Les Lettres du 13 , du 16. &
du 19 de Madrid ne parlent
d'aucune confpiration , ny même
de rien qui en approche ;
jamais Madrid n'a efté dans une
plus grande tranquilité & Sa
Majesté Catholique a affifté à
{
l'ordinaire à la Proceffion du
5. Sacrement , & s'il a couru
quelques bruits contraires , ils
n'ont efté répandus que par
ceux qui craignent , à caufe du
grand amour qu'ils ont pour ce
394 MERCURE
Monarque , && par ceux qui fe
mêlent de déviner. Je fuis
Madame , &c.
A Paris ce 30. Juin 1705
AVIS
Quoique l'article qui fuit ne
foit pas de la nature de ceux qui
entrent dans le Mercure , j'ay
crû neapmoins le devoir met re
ici cet article m'ayant efté en
voyé par une perfonne dont les
prieres doivent eftre des loix
pour la plus grande partie de
Paris .
On perdit à Vitry le François
le 9 , du mois de Mars dernier , 2.
un enfant âgé de treize ans quelques
mois ; il eft fort & robufte,
peu grand pour fon âge, il a
GALANT 395
l'oeil gros & à fleur de tefte ; il
eft brun & affez beau de vifages
il a beaucoup de cheveux , plus
châtains que noirs ; il a peu de
front , fes cheveux luy defcendant
fort fur le front ; il a auffi des
poils de barbe noirs, qui luy paroiffent
le long des lévres fous
le nez . On prie ceux qui le découvriront
d'avoir la bonté d'en
donner avis au fieur Bugnot fon
pere , Confeiller d'honneur au
Bailliage & Siege Prefidial de
Vitry-le - François , qui fatisfera
aux frais de ceux qui l'auront
trouvé .
A VIS.
On debitera fans faute le Mercure
prochain le 5. du mois
d'Aouft .
TABLE.
P
Relude,
Eloge du Roy , fondé par Mrs de
Villes, prononcé par Mr le Rec
teur 6 .
23.
Relation de la mort de Frere Alberic
, Religieux de la Trappe, 9.
Eclairciffemens fur la même mort, 13.
Lettre de Monfieur le Grand Duc, 17.
Carte Genealogique des Rois d' Efpagne
, prefentée au Roy ,
Cartes des Royaumes de France &
d'Espagne , fous le mefme degré,
aufli prefentée au Roy ,
Carte de la Baffe Alface &c. en
16 feuilles& mife en livre , auffi
prefentée à fa Majefté ,
41.
43 .
Suite de la Réponse de l'Auteur des
Effais de Litterature à Pierre
Fofeph ,
Premierarticle des morts ,
46.
77.
TABLE.
Mariage ,
114.
123-
Dons faits par le Roy d'Espagnes
Lettre mes - curieuſe & tres - asile
au public , touchant la guerifon
des Cataractes
135-
Audiences de congé donnée à M
Fiefchi Nonce Extractdinaire.
& ce qui s'eft passé à cette Au
dience ,
146
Noms de ceux qui ont efté nomme =
aux Benefices vacans , dans l
derniere promotion ,
Traité contre le luxe des hommes
149-
163-
Autres articles de dons fails par 1
des femmes ,
Roy d'Espagne ,
Nouvelles d'Espagne ,
Nouvelles de Gibraltar ,
171
177
186
Suite des affaires d'Italie , 189
Autres articles touchant les grac.
TABLET
accordées par le Roy d'Espagne .
214.
Articles touchant la nouvelle nomination
des Intendans de Provinces
228
. Evenement extraordinaire arrivé à
Palerme
232.
Panegyrique de Meffieurs du Parlement
de Bretagne prononcé
par llee PP.. Godefroy,
Election d'un nouveau General des
Benedictins de la Congregation
234.
2352 de S. Maur ,
Second Article de Morts , parmi lequel
font plufieurs articles de
morts étrangeres , 238.
Mr le Marquis de Bonelles eft fait
Brigadier,
These
dedi
264
à Mrl'Abbé Bignons
par Mr Abbe Robuste , 266.
Saite des nouvelles de Gibraltar ,
268
TABLE.
an
Nouvelle Carte donnée au public ,
par Mr Faillót ,
*
275.
Autre faite par Mr de Fer, 276,
Promenade faite par Meffeigneurs
les Princes à Liencour , Chantilly
& Livry , avec tout ce qui
s'eftpaffé dans le fejour qu'ils y
ont fait ,
Suite du frage de Huy , avec la
prife de cette Ville , du Château
& de's Forts qui l'environnent ,
278
285
Article touchant l'Affemblée du
297
320
Clerge
Etat des troupes des Mécontens de
Hongrie enregimentées ,
Extrait d'une Lettre de Cadix , 325
Troifiéme article des morts , 327.
Fautes du dernier Mercure reparées,
334
Addition de l'Auteur des Effais de

TABLE.
337
Litterature à la piece qui eft de
luy dans ce même Volume , 336
Thefe foutenue par Mr l'Abbé de
Broglia,
Difcours faitpar Mr Henrion à la
prife de poffefion de la Chaire
de Profeffeur des langues Syriaque
& Chaldaique , 339
Mrle Duc de Noir- Monfier fait
341
Duc & Pair ,
Décampement de Mylord Marlborong
avec diverfes lettres touchant
ce décampement ; & la
marche de la plus grande partie
des troupes qui eftoient fur la
>
CMoselle, 342
¿ Stination des affaires de la guerre
jur les frontieres d'Espagne & de
Portugal ,
Nouvelles de toutes nos Armées
d'Italie,
365
337
TABLE.
Article des Enigmes
Dernieres nouvelles de guerre de di-
384
387
Lettres de P'Empereur & des Impevers
endroits ,
ratrices au Roy ,
Nouvelles d'Espagne ,
391
391
graziob
LI
Avispour placer les Figures.
L'Air qui
commence par
Grand Dieu , de qui Loüis , doit
regarder la page , 170
L'air qui commence par
Venez, venez , tendres amours,
doit regarder la page , 387
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le