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MERCURE
CALANT
DEDIE A MONSEIGNE
EQUE
LYON
LE DAUPHIN
MAY 1703 .
DELA
VILLE
A PARIS ,
Chez MICHEL BRUNET , Grande Salle du
Palais , au Mercure galant.

Com
Omme il eft impoffible dans la con
joncture prefente de ne pas groffir
le Mercure, ce qui en augmente confiderablement
les frais , on ne peut fe difpenfer
d'en augmenter auffi le prix . Ainfi les
volumes qui feront reliez en veau fe vendront
dorefnavant trente-huit fols, quant
aux volumes qui feront reliez en parchemin
, on n'en payera que trente-cinq.
Les Relations le vendront autant que
les Mercures .
Chez MICHEL BRUNET , grande
Salle du Palais , au Mercure
Galant.
M. DCCIII.
Avec Privilege du Roy.
AU LECTEUR.
IL y a lieu de croire qu'on
ne lit plus l'Avis qui a
efté mis depuis tant d'années
aucommencement de chaque
Volume du Mercure , puiš
que malgré les prieres réiterées
qu'on afaites d'écrire en
caracteres lifibles les Noms
propres qui fe trouvent dans
les Memoires qu'on envoye
pour eftre employez , on neglige
de le faire , ce qui eft
caufe qu'il y en a quantité
AU LECTEUR
dedéfigurez, eftant impoſſible
de deviner le nom d'une Terre
, ou d'une Famille , s'il
n'est bien écrit . On prie de
nouveau ceux qui en envoyent
d'y prendre garde,
s'ils veulent que les noms
propres foient corrects . On
avertit encorequ'on neprend
aucun argent pour ces Memoires,
que l'on employera
tous les bonsOuvrages àleur
tour, pourvu qu'ils ne defobligent
perfonne , E que
ceux qui les envoyeront en
affranchisent le port.
1
MERCVRE
GALANT
MAY 1703.
LYON
*
1893
DE
LA
VILLE
E fuis perfuadé que je
ne puis mieux commen .
cer ma Lettre que par
les Vers fuivans,
AU ROY .
D
Eux mots , Grand Roy , daignes
m'entendre
.
A iij
6. MERCURE
Tu ne fais rien qui puiffe mefurprendre.
La raifon je la vais donner :
Par mon étonnement , j'offencerois
ta gloire.
Vas , cours au Champs de Mars,
reviens fans la Victoire ,
Et j'auray de quoy m'étonner,
Ces Vers font de Mr l'Ab .
bé de Poiffi. Ce qui fuit
eftant à la gloire du mefme
Monarque doit meriter vôtre
attention .
Prefage fur la Campa
gne de la prefente année
1703.
GALANT 7
AU ROY.
Orfqu'aprésfoixante ans d'un
Regne glorieux ,
Je vois encore le feu qui brille dans
tes yeux ,
GRAND ROY ? de tes projets
j'ofe tout me promettre.
Et vous tremblez fiers Ennemis
i
Mon Roy , vous a cent fois foumis
;
Son brasfçaura bien toft , encore
vous foumettre.
L
E Roy eftant fur la fin de fa
foixantiéme année de regne
& entrant le quatorfiéme du pre
fent moisdeMaydans fafoixan-
A iiij
8 MERCURE
te uniéme , je croy pouvoir dire
dés à prefent lorfqu'aprés
foixante ans d'un regne glorieux
, & c. Et je croy devoir
donner cet Epitethe à Sa Ma¬
jefté puifque c'est le plus long,
le plus glorieux de tous les regnes
des Rois de France. En effet il
n'y en a point eu fous lequel il
fe foit paffé de fi grands éve.
nemens ny ou la magnificence
ait eftè portée fi loin en toutes
chofes que fous le fien : où les
Sciences & lesbeaux Arts ayent
efté cultiveZ avec tant de
grés , ce que l'on voit foit par
les fuperbes Edifices qu'il a fait
>
proGALANT
9
conftruire , on par ceux què l'on
a élevez à fa gloire , foit par les
belles Lettres qui ont efté culti
vées avec foin , & dont il s'eft
rendu le Protecteur , & le Pere.
Ny enfin de Rois qui ayent eu
à la fois tant & de fi grands
ennemis à combatre , toutes les
Puiffances les plus redoutables de
l'Europe jaloufes de fa grandeur
de fa gloire s'étant liguées
contre luy pour tâcher à l'accabler
, il a toujours foutenu , &
même repouffé leurs efforts par la
> & de
feuleforce defes armes
fon genie contre des genies eftimez
fuperieurs à tous les autres
10 MER CURE
tout ce qui a eftéfait poury par.
venir ayant estéfait par luy me.
me lorsqu'il a jugé qu'il eftoit ne
affaire qu'il s'y trouvast en
perfonne ou par des actions
incroyables à la pofterite. Il a
vaincu un monde d'ennemis
franeby des lieux inacceſſibles &
furmonté par fon application
par fa perfeverance , &par fes
Lumieres des difficultez L'on
que
croyoit infurmontables , ou bien
par des ordres qu'il a fi judicienfement
donne , lorsqu'il n'a pû
s'y trouver en perfonne que toutes
chofes · luy ont réuffi , com
me il l'avoir pensé : ce qu'il n'a
GALANT
II
pû executer que par la force de
cet heureux genie , de ce genie
Superieur dont il a plu à Ďieu
de le favorifer , & qu'il luy
conferve encore auffi vafte &
auffi beau aprés foixante ans de
regne que s'il eftoit dans la plus
grande vigueur defon age.
Ce qui me fait efperer que
mon prefage fera accomply cette
année , & que la France triomphera
toujours de fes Ennemis
lorfquelle aura pour fa conduite
politique , non pas feulement le
plus grand de tous les Rois ?
mais dans fon Roy le plus grand
de tous les hommes.
12 MERCURE
Envoy du 2. May 1703 .
C'Eft un May que je vous en
voye ,
Il doit vous donner de la joye ,
Puifqu'il parle d'un grand
Heros
[ repos.
Qui pour nos furetez immolefon
Vous ? qui depuis trente ans
portez par tout fa gloire
Et fur la terre & fur les
eaux :
Mercure , aprefte vous par
des chants de victoire ,
Avanter de Louis les trioms
phes nouveaux.
DU LIVETY.
GALANT 13
La
fatisfaction que le Roy
a des fervices de Mr de Man
ville , Lieutenant de Roy
Commandant au Gouverne
ment de Pierre Encife à Lion ,
ayant porté Sa Majefté à l'af
focier à l'Ordre Militaire de
Saint Louis , & fon élogincment
, & le fervice qu'il rend
actuellement ne luy permettant
pas de faire le voyage
qui auroit esté neceffaire pour
eftre reçu par ce Prince , Mr
le Comte de Sepville , Briga
dier de Cavalerie , Capitaine,
Lieutenant de la Compagnie
des Chevaux - legers de la Rei
14 MERCURE
ne , & Chevalier de l'Ordre
Militaire de Saint Louis a èfté
commis pour l'admettre au
nom du Roy à la dignité de
Chevalier de Saint Louis .
Cette Ceremonie fe fit à Lion
le 29. du mois dernier .
Mr de Manville avoit déja
efté reçu Chevalier de Juftice
dans l'Ordre de Saint Lazare,
en 1683. aprés avoir fait les
preuves requises pour eftre re
çu dans cet Ordre .
Aprés vous avoir donné les
noms de plus de cinq ou fix
cens Officiers reçus Chevaliers
dans l'Ordre Militaire
+
GALANT 15
de Saint Louis , je crois devoir
vous envoyer une copie du
Serment que ces Chevaliers
font obligez de prêter.
Vous jurez Dieu le Creas
teur fur lafoy que vous teneZque
vous vivrez & mourrez
dans la Religion Catholique
Apoftolique & Romaine.
Que vous ferez fidele an
Roy & ne vous départirez ja¬
mais de l'obeiffance qui luy eft
deuë àceux qui commandent
fousfes ordres.
Que vous gardere , deffenſoutiendrez
de cour dre ,
16 MERCURE
voftre pouvoir , l'honneur , l'autorité
& les droits de Sa Ma.
jesté ceux de fa Couronne ,
envers & contre tous.
Que vous ne quitterez jamais
fon fervice pour entrer dans celuy
d'un Prince étrangerfans la permiffion
& agrément par écrit
de Sa Majesté.
Que vous luy revelereztout
ce qui viendra à voſtre connoisfance
contre fa perfonne , & con.
tre fon Etat , & garderez exactement
lesstatuts , & reglemens
de l'Ordre de Saint Louis auquel
Sa Majesté vous a agregé,
vous a honoré d'une Place
GALANT 17
de Chevalier en icelny.
Et que vous vous comporterez
en tout comme un bon , fage
vertueux , & vaillant Cheva.
lier eft obligé de faire , ainfi vous
le jurez & promettez.
Les Princes font heureux
de fe trouver en eftat de fai
re des graces , & de répandre
du bien fur ceux qui en
ont befoin ; c'est ce que vient
de faire Monfieur le Duc du
Maine , tous les Sujets de ce
Prince , Vaffaux , Riverins
du Comté d'Eu avoient té .
moigné tant de joye de la
B
May 1703.

18 MERCURE
naiſſance de Monfieur le Prin.
ce de Dombes , fon fils &
l'avoient marquée par tant
de feux, de joye , & par tant
d'autres preuves d'une veritable
allegreffe que Son Alteffe
Sereniffime
en reconnoiffance
de tout ce qu'ils
ont fait en cette occafion
leur a remis des fommes confiderables
qui luy eftoient
duës par ces Sujets zelez , ce
qui luy attire de nouvelles
benedictions
& fait redoubler
leurs prieres pour
profperité
de leurs Alteffes
Sereniffimes
.
la
GALANT 19
-
Mr le Cardinal Conty a
eu l'Evêché d'Urbin . Ce Cardinal
eft d'une tres ancienne
Maiſon de la Ville de
Rome puifqu'elle eftoit
déja connuë dés le onzième
fiécle , dans lequel le Cardinal
Boniface Conty , eftoit
dans une grande confideration.
Il fut honoré de cette
dignité par Leon IX . fous le
Pontificat de Leon X. Il y en
cut un autre de cette maiſon
( François Conty ) que ce
Pontife honora de la pourpre
Romaine ; & qui mourut
pauvre qu'il n'eut pas defi
Bij
20 MERCURE
quoy fe faire enterrer . Le
Cardinal Luci Conty eut des
affaires facheuſes à demêler
de fon temps à Boulogne où
il avoit efté envoyé Legat . Il
fut auparavant deputé au
Concile de Conftance . Je ne
dois pas oublier Jordain Conty
qui fut honoré de la Pour
pre Romaine par Urbain IV .
Cette maiſon a produit outre
cela plufieurs Prelats. Elle
eft d'un grand luftre en Ita
lie , Urbin eft une Archevêché
, Capitale du Duché
d'Urbin qui a outre cela plufieurs
Villes & 350. Bourgs.

GALANT 21
Cette Principauté où Duché
a efté long temps poffedéc
par la maison de la Roüere ,
& elle retourna au Saint Siege
fous Urbain VIII. La
ville d'Urbin eft agréable , le
Duché de Montefeltro de'-
pend de ce petit Pays , le Cardinal
Conty y eftoit attendu
avec la plus vive impatience.
L'Ouvrage qui fuit eft remply
d'érudition , & fera plaifir
aux Sçavans dont il fe trouve
beaucoup dans voſtre Pro.
vince.
22 MERCURE
LETTRE
Critique d'un Abbé de
Bretagne étably depuis
peu à Paris , à un Provincial
de fes amis , fur
l'antiquité de l'Eveſché
de Dol.
MONSIEUR ,
C'eft m'en demander beaucoup de
m'obliger à vous écrire mon fentiment
fur l'antiquité de l'Evêché
de Dol , en vous envoyant le détail
de ce qui s'eft paffé à la ceremonie
du Sacre de Monfeigneur d'ArgenGALANT
23
gon , Evêque de cette Ville je
ne prevoyois pas que vous deuſſier
m'engager dans un point de critique
fur cefujer. Celui- cy me paroit
un des plus delicats de toute noftre
biftoire , quoiqu'elle foit par tout
extrêmement embroüillée dans cette
matiere comme dans la plupart
des autres qui regardent l'histoire ;
on n'a prefque plus que du mépris
pour la venerable antiquité , fes rim
des qui font fon plus pretieux ornement
nefervent qu'à la decrediter,
elles ne luy attirent que la railleries
pendant que la nouveauté qui
n'a pour tout merite qu'un peu plus
de brillant, charme les efprits , gagne
les coeurs , & enleve ainfi fes
legitimes fujets Quelque danger
qu'il y ait à vouloir m'opoſer à
la tyrannie de cette derniere .
in
24 MERCURE
fur tout dans cette grande Ville
où elle a tant de Partifans ;
je vous avoueray cependant que je
ne puis m'empêcher de me declarer
contr'elle. Qu'elle étende fon Empire
dans les autres fciences , qu'elle
faffe des progrez dans les arts , à
la bonne heure : mais elle ne peut
fans injuftice rien entreprendre fur
l'histoire du moment qu'elle luy
prefte autre chofe que le tour , le
file ou le langage ; elle la détruit,
au lieu de l'orner. Parlons fans fi
gure , & entrons en matiere. La
decouverte du R. P. Sirmond vous
embaraffe dites - vous & vous
croyez devoir en conclure avec le R.
P. l'Acares & quelques autres,
modernes qu'il n'y eût d'Eveché à
Dol que vers le milieu du neuvie.
mefiecle. Que penferiez- vous donc,
GALANT 25
fi je vous faifois voir qu'il y en
avoit un même avant l'arrivée de
faint Samfon , c'est - à - dire avant
le milieu du fixiéme › Cependant
nous ne pouvons nous défendre de
les croire ; ainfifi nous voulons nous
en rapporter aux Notices des Provinces
, aux Auteurs des differentes
vies des premiers Saints qui ont
gouverné cette Eglife , à Baldrik qui
vivoit au commencement du douziéme
fiecle , à Girard de Cambdrige
Auteur affez ancien , à ce que les
deputez même de l'Eglife de Tours
avoüent dans le plaidoyer que je
vous raporterai dans fon lieu, à Mathieu
Paris qui vivoit peu aprés la
decifion de ce procés , & à plufieurs
autres ; fi je donnois à ces preuves
la jufte étenduequ'elles demandent ,
ce ne feroit plus une Lettre que je
May 1703
C
26 MERCURE
vous écrirois ; mais une differtation
dans toutes les formes ; vous n'exigezpas
celu de moy ; & mes occupations
ne le permettent pas auſſi
quant à prefent. Je me contenteray
donc de vous donner des preuves de
l'Evêché de Dol depuis faint Samfon
, c'est- à-dire depuis environ 555,
juſqu'en 850.
Dol étoit tout au moins Evêché
dès le temps de cefaint , c'est ce que
nous aprenons d'un Concile tenu
en Angleterre de fon temps , que
vous trouverez au quatriéme tome
des Conciles du R. P. Labbe page
1562. où vous verrez qu'un nommé
Chelianus fut élu in loco Samfonis
Dolenfis Archipræfulis ,
ce font les propres termes . Lifez la
vie defaint Magloire , & particu
lierement celle que vous trouverez
L
27
GALANT
entre les Actes des Benedictins , rendus
plus corrects par les foins des
R. R. P. P. Lefcherry & Mabillon
, dont le merite vous eft affés
connu , elle prouve nettement la
même chofe . Voicy les propres termes
en parlant de faint Samfon : Cum
beato Maglorio...
transfretavit
properans finibus territorii
Dolenfis , ubi à ftrenuiffimo
Rege Francorum Childei erto
accepto Archipræfulatûs regimine
, &c. & peu aprés , Beariffimus
igitur Maglorius poft exceffum
gloriofiffimi confefforis
Chrifti Samfonis juxta fermonem
ejus pontificali honore Dolenfis
Ecclefiæ fublimatus regimen
eft adeptus ... & plus bas ,
Budocum ... in ordine vicis fuæ
Dolenfis Ecclefiæ Epifcopum
Cij
28 MERCURE
confecravit . Cet Auteur eft fort
ancien , mais un autre qui doit
eftre d'autant moins fufpect qu'il
vivoitpeu aprés faint Samfon , eft
celuy qui nous a donné la vie , &
les miracles de ce faint Prelat en
deux livres , vous les trouverez en -
tre ces mêmes actes des Benedictins ;
non feulement il trouve que Dol
eftoitsEvêché , mais encor il nomme
expreffement à la fin du deuxième
livre Lecherus Evêque de cette vil
le aprés faint Budok , commeje le
marqueray bien - toft plus amplement
: & de là vient qu'Ifidore Auteur
contemporain , puifqu il mou
Tut en 636. c'est - à - dire peu aprés
faint Samfon , parle de Dol , comme
d'un Evêché , & de la mefme maniere
que feroient les plus exacts
Geographes de nos jours : fi vous ne
GALANT 29
l'avezpas à la main , lifez le premier
tome des hiftoriens François
compilés par Monfieur Duchefne
qui le cite expreffément pour prouver
l'antiquité de cet Eveché , il en
parle comme de l'Auteur le plus ancien
que nous ayons pour la Gaule,
neque vero vetuftiorem , dit- il ,
Gallici fermonis autorem habemus
, quepeut- on répondre à fon
autorité ? il eft étranger , contemporain
, & generalement eftimé des
fçavans Que peut- on répondre à
l'auteur de la Cronique du Mont-
Saint- Michel , in periculo maris
, que le R. P. Labbe nous a
donnée dans fa nouvelle Bibliotheque
de manufcrits , où il dit qu'on
peut à bon droit l'appeller la Chronique
d'Anjou , ou de Bretagne
vousy trouverezexpreſſement nom-
Cij
30 MERCURE
mez, nonfeulement faint Samfon
Evèque , mais encorfaint Magloire
, fon fucceffeur fous l'an 580. fuerunt
fancti Samfon ... Maglo .
rius . Epifcopi Le troifiéme Concile
de Paris parleplusfortement encor
enfaveur du premier quifoufcrit
en ces termes , Samfon peccator
Epifcopus fubfcripfi tom . 4 Con
cil. mais quel befoin devroit- on
avoir de preuves dans une matiere
dont ceux mêmes qui devroient la
difputer avec plus de chaleur , con
viennent vous fervez le fameux
procés que les Archevêques
de
Tours continuerent aux Prelats de
Dolpendant plus de trois cent cin
quante ans : vous en avés toute la
fuite dans la Sentence d'Innocent
III. qui fe trouve entre fes Decretales
, Un fi long efpace detemps
GALANT
31
fuffifoit pour s'inftruire à fonds de
tout ce qui regardoit cette matiere.
Ces deputez ne peuvent être ſoupçonnez
d'en avoir trop dit enfaveur
de l'Eglife de Dol , ils ne luy donnoient
que ce qu'ils ne pouvoient
abfolument luy bter ; ils n'étoient
attachez qu'à lui conteſter ſes Privileges
: Cependant malgré cette
difpofition , ils font obligez de parler
le langage de tous ces Auteurs
queje viens de citer : occafione B.
Samfonis difent- ils , qui cum
Archiepifcopalibus infignibus
in Ecclefia Dolenfi miniftrarat.
Voila donc de leur propre confentement
Dol Eveché dés le milieu du
fixièmefiècle , & gauverné par un
Prelat qui portoit les marques & le
titre d'Archeveque : On étoit alors
fi generalement perfuade de cette
C iiij
32 MERCURE
verité , que Mathieu Paris qui
vivoit peu aprés la decifion de ce
procés , dans fon hiftoire´ d'Angleterre
ad an . 1199. non feulement
dit la mefme chofe , mais encor
marque tres- expreffement que les
fucceffeurs de S. Samfon porterent
le titre d'Archevêque , & enfirent
les fonctions pendant trois cens ans
entiers.Et fuccefforum ejus multi
poft illum ... elapfis trecentis
vel & amplius annis , c'eſt à
dire depuis environ 540. jusqu'en
858. en quoy il n'avance rien que
des Hiftoriens qui l'avoient precedé
pendanttout cet espace de temps
n'euffent dit avant lui , comme vous
avez deja vû , & comme vous allez
le voir encore plus particulierement :
car pour effayer de vous fatisfaire
pleinement là - deffus :je veux vous
GALANT
33
donner une liste de ces fucceffeurs ,
elle vousfera d'autant plus deplai.
fir que j'y en ajoûterai quelquesuns
qu'on avoit omis jufques icy ,
que je rangerai quelques autres
dans un ordre plus exact , & que
j'y joindrai les preuves de chacun
en particulier que vous ne trouverez
ny dans Mr d'Argentré , ny
dans les R. R. P. P. Dupas &
Albert le Grand , ny mesme dans la
Gaule chrétienne , de Meffieurs de
Sainte Marthe.
I.
Je commence par faint Samfon ,
parceque nous n'avons la connoiffance
d'aucun defdits predeceffeurs
A quoique je croye , comme une verité
conftante , qu'il en avoit eu dans
ce fiege ) vous en avez deja vù les
preaves cy-deffus.
34 MERCURE
II.
Saint Magloire , voyez fa vie
entre les actes des Benedictins dans
lepremierfiecle de cet ordre , au premier
tome. Le Chronicon du Montfaint
Michel dont j'ay fait mention.
La fondation du Prieuré de
Lehon prés Dinan dans nos Hiftor
riens de Bretagne , & fur tout celle
quefit Hugues Capet de la Chapelle
Royale , aujourd huy la Chapelle
S. Michel de cette ville de
Paris dans l'enceinte du Palais ,
felon quelques-uns , ou peut- être la
Parroiffe S. Barthelemy , ruë du
méme nom dans la Cité prés le Pa.
lais. Voicy les termes de cette fondation
, In honorem Sanctorum
Bartholomæi & Maglorii Archipræfulis
Britanniæ urbis fcilicet
Dolenfis . Confuités Mrdu
GALANT
35
Breuil , antiquitez de Paris , l. 1.
pag. 163. vous voyez que pour éviter
toute forte de chicane , je me fers
principalement des monumens étrangers
pris mefme chez les François ,
& qui par ce feul endroit doivent
eftre moins conteftez.
III.
S. Budoc , voyez la vie de faint
Magloire dont je viens de parler.
IV.
Leucherus omis dans tous les Ca.
talogues des Prelats de Dol , mais
dont il eft fait mention dans la vie
defaint Samfon au li . 2. qui eft de
fes miracles.
V.
Aprés luy on met Geneveus , ou
Genevecus.
VI.
Roftaldus ou Beftoaldus.
36 MERCURE
VII.
Funemenus . Etil étoit fait mention
de ces deux derniers dans une
Epitre que nous n'avons plus que
dans la Sentence d'Innocent 111.
dont j'ay parléfous faint Samfon;
elle étoit de Nicolas 1. qui en parle
fous les Papes , Sirus ou plutoft
Sergius qui feroit le premier de ce
nom , & Adrien fes predeceffeurs :
or Sergius premier du nom , fut affis
furla Chaire de faint Pierre depuis
687. jusqu'en 702. Adrien depuis
772. juſqu'en 796 voila donc dés
ce temps des Eveques de Dol reconnus
par Nicolas I. qui vivoit en
858. c'est à dire 862. ans feulement
aprés le dernier; & ce qui rend cette
preuve plus forte , c'est qu'elle eft
raportéepar lapartie mefme de l'Eglife
de Dol.
GALANT
37
VIII.
Tiurmahel , ou Armahel , voyez
la vie du fuivant dans Surius au
13. Fuillet.
IX.
Saint Thurian , voyez fa vie
ibid. il paroit qu'elle fut écrite par
un Moine de faint Germain des
Prez de cette Ville de Paris , &
dediée à un de fes Superieurs , à peu
prés dans le temps auquel les Re.
liques de ce Saint furent transpor
tées dans cette Abbaye , c'est à dire
80 ans tout au plus aprés fa mort ,
& c'eeft à l'occasion de cette tranfla
tion qu ' Aiman , ou du moins fon
continuateur parle de ce Prelat , &
lui donne le titre d'Archevêque li.5.
th 40. furla fin . cum ... corpore
fanctiffimi Thuriani Dolen fis
Ecclefiæ Archipræfulis : je me
38 MERCURE
contente de vous marquer les fources
d'où vous pouvez puifer ces veritez:
je nepuis faire davantage dans une
Lettre . Meffieurs de fainte Marthe
renverfent icy l'ordre des Prelats
fuivans , en mettant Salacon aprés
Fafcarius , quoiqu'il doivele preceder
, outre qu'ils ne font aucune
mention de Feftinien , les voici dans
un meilleur ordre.
X.
Salacon , il en eft parlé dans le
Concile de Soiffons l'an 866. d'où
nous aprenons qu'il y avoit à peu
prés vingt ans que cet Evéque avoit
efté chaffe de fon fiege, ce qui feroit
arrivé fous Neomene environ l'an
846. Jam vicemus , & co paululum
adfit annus ... Salacóne
Dolenfe , adhuc quidem licet
expulfo fuperftite. Nous apre
1
GALANT
39
nons encorque depuis on en avoit fubftituedeux
enfa place , atque duobus
in ipfa fede nuncupativè
fubrogatis : celui qui la rempliffoit
en 859. étoit Fafcarius , &
depuis lui Faftinien fous Nicolas 1.
& fous Adrien fon fucceffeur , comme
je vais bien- toft le proaver , ce
qui fait évidemment voir qu'on ne
doit pas mettre Salacon aprés Faftcarius
, comme font Mellieurs de
fainte Marthe , mais avant.
XI.
Faficarius en 859. voyez le Concile
de Savonniere és Fauxbourgs
de Toul fous cette année , & la
Lettre que les Peres qui s'y étoient
affemblez adreſſent Faftcario
Vvernario Garurbrio , Felici.
XII.
Feltinien , il fut élúfous Nico40
MERCURE
las I. qui differa toujours de lui
accorder le Pallium , mais aprés la
mort de ce Pape , Feftinien s'adreffa
a fon fucceffeur Adrien qui doit le
lui avoir accordé : voyez la fentence
d'Innocent III.
XIlI.
Mahen ou Mayno , voyez la
124. Lettre de Iean VIII . &la
Sentence d'Innocent III.
Qu'en pensez- vous prefentement ,
Monfieur, peut on avecquelque ap
parence traiter de Fable un point
d'antiquité, qui a tant & defi bons
garands ? Ce font des Conciles entiers
de France & d'Angleterre ; les
Papes contemporains , comme vous
allez voir; ceux qui devoient mieux
favoir le fond de cette affaire ; les
propres parties , des Geographes d'un
pays affez éloigné , qui vivient dans
GALANT 41
le même temps ; divers Hiftoriens
generalement estimez ; des Auteurs
differens depays , de fiecles & d'interefts
des Chartres autentiques
des Fondations quifubfiftent encore
pour la plufpart ; des Monumens
que la Pofterité conferve.
Quelque longue que foit déja ma
Lettre , je ne puis cependant m'empêcherd'ajouter
à toutes ces authoritez
deux ou trois reflexions qui vous
ferent connoiftre un peu plus fenfiblement
le fentiment où l'on eftoit dans
tout le neuviéme fiecle à ce fujet .
1º. On n'a jamais reproché à Neomene
qu'il fe foit ingeré d'ériger cet
Evêchéde nouveau , comme lefragment
que le R. P. Sirmond a fait.
imprimer paroift le marquer. Dans
le Concile tenu l'an 849. à Paris
felon le R. P. Labbe , quoi qu'il
May
1703.
quoi
D
>
42 MERCURE
ait efté long-temps reçu fous le nom
de Concile de Tours , on n'eut pas
manqué de compter cette innovation
entre les crimes dont on l'accufe , &
dont on fait un détail fort exact ,
fans oublier même ce qui regarde la
Politique & l'intereft temporel des
·Princes : & cependant on ne dit pas
un feul mot de cette erection prétenduë
, dont on euft eu plus de fujet de
fe plaindre , non plus que le Pape
Leon qui vivoit en ce temps. Il
fe plaint des Evêques chaffez de leur
Siege , fans avoir obfervé lesformalitez
portées par les Canons ; mais
non pas d'aucuns Evêchez érigez de
nouveau : & cependant c'eftoit la
premiere chofe qu'on devoit naturel.
lement reprocher à un Prince , qui,
dans le fentiment de nos Adverſaires
, cuft voulufaire d'unfimple MaGALANT
43
naftere, non -feulement un Evêché,
mais même un Archevêche defon au
torité privée ,fans le confentement
du Metropolitain , &fans l'aveu
du Pape. On doit dire la même choſe
de Benoist fucceffeur de Lean ..
2º. Le Pape Nicolas I. depuis
l'an 858 jufqu'en 867. dans la Lettrequ'il
écrità Salomon Roy de Bre.
tagne , aprés Herufpée ,fils de Neo
mene , fait voir qu'il avoit bien
d'autres fentimens . Il dit que c'est
une grande question de fçavoir quel
eftoit le veritable Archeveque de
Bretagne , ou celuy de Tours , au lo
Prelat de Dol. Il ajoute qu'il veut
examiner à fonds laquelle de ces
deux Eglifes eftoit anciennement
Metropole quatenus noftro lis
bramine que fuerit antiquitus
apud vos Archiepifcopali Ec-
Dij
44 MERCURE
de
clefia luce clarius innotefcat.
Si ce qu'on s'eft imaginé dans le
dernier fiecle eftoit vray, la question
n'eftoit pas fi difficile qu'elle paroiffoit
à ce Pape. Il ne s'agiffoit que
répondre , que non-feulement l'Egli
fe de Dol n'eftoit pas anciennement
Metropolitaine , mais même qu'elle
n'eftoit. Evéché que depuis dix ou
quinze ans tout au plus , le mot
antiquitus euft efté là- tres - mal place
; mais bien loin de croire ainfi
dans une autre Lettre qu'il écrivoit
à Feftinien Prelat de Dol, citée dans
la Sentence d'Innocent III . par les
Députez méme de Tours , il reconnoift
que Reftovaldus & Funemenus
eftoient Evéques de cette Ville fous
Sergius & Adrien ; c'est- à- dire dés
772. & auparavant. Et cefait devoit
luy eftre d'autant plus connu
GALANT - 45
qu'il n'y avoit pas alorsplus de quatre-
vingt ou quatre - vingt dix ans
qu'ils'stoit paffe, & peut éere moins.
3º . En un mot quand les Peres
affemblez à Soiffons , l'an 866. parlent
de l'indépendance que nos Prelats
affectoient , ils reconnoiffent que
cela n'eftoit pas nouveau , que la
méme chofe eftoit arrivée avant ce
temps , & qu'ils ne faifoient alors
*que renouveller ce qu'ils avoientfait
autrefois . Feritate refumptâ. Epifc
. Synod . du Concile de Soiffons .
En un mot quand ils parlent de la
violence de Neomene , ils ne fe plaignent
pas qu'il euft renversé la Dif
cipline Ecclefiaftique en érigeant
Dol en Evéché, mais en chaffant
de ce Siege Salacon qui en eftoit Evéque.
Je vous laisse à penser fi
ces mots fignifient qu'il n'y eust
46 MERCURE
point d'Evéque à Dol avant Neomene.
Si vous n'êtes pas encore convaincu,
& s'il vous reste encore quelque
difficulté fur ce Fragment que le R.
P. Sirmond a publié , marquez le
moy , &je vous manderay ce
qu'il
me femble qu'on en doit juger. Je
fuis avecrespect, &c .
{
La Lotterie de l'Hôpital
General d'Angers qui fe devoit
tirer dans le prefent mois
de May a efté continuée jul
qu'à la fin du mois de Juin
prochain,pour eftre tirée immancablement
au commencement
de Juillet dans l'effac
qu'elle ſe trouvera alors ; ce
GALANT 47
qui donne lieu à cette prolongation
, eft que M' le Pelletier
, Evêque d'Angers qui
doit eftre prefent lors que cet.
te Lotterie fe tirera dans fon
Palais Epiſcopal , eft actuelle.
ment dans le cours des vifites
defon Dioceſe , qui l'occupe
ront pendant ce mois & une
partie du mois prochain;joint
que la ceremonie de la Fefte
de Dieu qui attire un grand
concours de peuple dans la
Ville d'Angers , facilitera fans
doute la diftribucion de plufieurs
billets.
La Proceffion du S. Sacre48
MERCURE
ment vulgairement apelée le
Sacre d'Angers eft fans con .
t'edit la plus pompeuſe & la
plus augufte ceremonie que
nous ayons en France ; elle a
efté particulierement inftituée
pour détefter publique.
ment l'herefie de Berengarius
Archidiacre de l'Eglife d'Angers
, qui le premier dogma.
tifa contre la prefence réelle
du Corps & du Sang de Nôtre
Seigneur Jefus-Chrift dans
l'Euchariftie ; il fit abjuration
de fon erreur à Rome en 1079.
devant le Pape Gregoire VII.
Cette Proceffion qui eft précedée
GALANT 49
cedée par de grands preparatifs
, commence
le jour de la
Fefte de Dieu de grand matin
& ne finit que le foir soutre le
Clergé qui eft des plus celebres
& les Ordres Religieux
on y voit l'Eftar Seculier
par ordre de Corps , de Com .
pagnies ,& de Communautez
,
au nombre d'environ quatremille
perſonnes , marchant
la torche allumée à la main :
Pendant l'octave on fait alter .
nativement
des Proceffions
particulieres
dans les Parroiſ
fes & dans les Communautez
Religieufes , qui n'inſpirent
May 1703.
E
50 MERCURE
f
pas moins de devotion & de
ferveur que la Proceffion generale
; & enfin la Foire qui
commence le lendemain de
la Fefte de Dieu , & ne finit
que le Samedy d'aprés l'Octave
, retienent dans Angers ce
qu'il y a de perſonnes diftinguées
dans la Province ; &
c'eft ce qui donne lieu d'efperer
qu'un fi grand concours
de peuple achevera de remplir
cette Lotterie , dont les
billets qui font de fept livres
continueront
d'eftre diftribuez
à Angers par les quatre
Receveurs
à cet effet prepolez
GALANT
51
& en cette Ville de Paris par
M'de la
Planche ,
Marchand
rüe des cinq
Diamants , juſqu'au
dernier Juin
prochain ,
que ladite
Lotterie fera fer
mée.
Le
Public eft
averti que de
la
premiere
Lotterie
dudit
Hoſpital
qui fut tirée au mois
d'Aouft
1700. il reste
encore
à
délivrer les
huits lots qui
fuivent.
N°. 9285. la
Herangere Lucas
so écus.
N ° . 2136. le Mail a beſoin
de fon retour , 30 écus.
N°. 4505.
Elizabeth , so écus.
Eij
52 MERCURE
N. 4875 M'Bachelier, 30 écus.
N. 11236. j'aime l'amour &
la paix , 30 écus .
N. 12683. Dame de bon
apetit , 20 écus.
N. 13223. Enfant fortuné
20 écus.
N. 3040. Anne Philipe , 20
écus.
Les porteurs desdits billets
s'adrefferont
au fieur Beuf
cher , Directeur dudit Hôpitalà
Angers qui leur encomptera
la valeur , à moins qu'ils
ne veulent que le fond en foit
mis à la nouvelle Loterie pour
leur compte, à perte ou profit .
GALANT
53
Le Reverend Pere Jean
Baptifte Chaubert , Abbé de
Sainte Genevieve & Superieur
general des Chanoines
Reguliers du grand Ordre de
Saint Auguftin , mourut le
3. May avec des grands fentimens
de Pieté , & aprés
avoir receu tous les Sacremens.
Il eftoit âgé de foixante
un an : il avoit efté élû deux
fois de fuite Abbé General
de la Congrégation qu'il a
laiffé tres affligée de fa mort.
Il y avoit cinq ans & fept
mois qu'il avoit efté élû pour
la premiere fois lorsqu'il eft
E iij
54 MERCURE
mort. Il fut enterré le quatriéme
de May le lendemain
de la mort avec les Ornemens
de fa dignité. C'eftoit
un grand homme de bien ,
fort appliqué à fes devoirs ,
& qui ne le diſpenſoit d'au¬
cun , affiftant aux Offices
comme un Novice : vivant
dans le même recueillement
qu'auroit pû vivre un fimple
Religieux , que les occupations
d'un pofte fi confiderable
, n'auroit point détourné
de la pratique de la retraite &
du filence de la folitude . Quoi
qu'il ait effuïé de longues maj
GALANT 55
ladies avec beaucoup de pa
tience & de pieté . Sa mort a
neanmoins été fort promte : il
a cependant eu le temps de le
reconnoître & de recevoir le
Pain des Anges qui ett la force
des vivans & la confolation
des mourans. La Congrega .
tion de Ste Geneviève eft une
des plns confiderables
du
grand Ordre de S. Auguftin ;
Elle a donné de grands fujets
à l'Eglife , & l'Ordre de Saint
Auguftin luy a donné plu .
fieurs Papes & plufieurs Cardinaux.
L'Abbaye de Ste Geneviève
eft tres ancienne ,
E iiij
56 MERCURE
elle a efté autrefois fous une'
autre vocable : Elle conferne
les cendres pretieufes du
Grand Clovis le premier de
nos Rois Chreftiens . Elle a
d'autres illuftres déposts
comme celuy du corps du
Cardinal de la Rochefou .
cauld , qui en a efté le dernier
Abbé Commandataire :
l'Abbaye , ainfi que le Generalat
eft Triennal . On a dans
cette Eglife un gage confide .
rable du celebre мr Descartes
qui avoit un grand attachement
pour cette Maiſon dont
la Communauté eft tresGALANT
57
nombreuſe & remplie de
tres doctes perfonnages . Le
Cabinet & la Biblioteque de
cette Maiſon font vifitez par
les étrangers.
Comme cette Abbaye
fuivant les Privileges des
Papes & des Rois de France
n'est jamais vacante & que
fuivant l'ufage ordinaire le
Mort faifit le Vif. Le Reve
rend Pere de
Montenay , premier
Afſiſtant , s'eft trouvé
Abbé au moment de la mort
du Reverend Pere Chaubert.
On a obfervé dans cette circonftance
les formalitez en
58 MERCURE
tel cas requifes & aprés la
lecture de la Bulle du Pape
Alexandre du 2. Aout 1655 .
des Lettres Patentes données
en conſequence & des enre .
giftrements dans les Cours
Superieures , reçut la Croix &
l'Anneau & donna la Benediction
à tous les Chanoines
Reguliers prefens . Il fit auffi
fuivant la coutume les ob .
feques du deffunt eſtant revêtu
des habits Pontificaux .
Il s'y eft trouvé beaucoup de
perfonnes de merite & de
pieté , lefquelles on vû que
cette mort n'a fait aucun
GALANT
59
changement , en effet toutes
chofes s'y paſſent comme à
l'ordinaire .
M ' Bouhier , ancien Pre
fident au Mortier au Parlement
de Dijon eft mort d'une
goutte remontée . C'eftoit
un Magiftrat tres- entendu
dans fa profeffion : & qui
eftoit l'Arbitre ordinaire des
differens des perfonnes de
confideration de fa Province.
Le Parlement même l'a fouvent
employé dans des occa
fions importantes depuis
même qu'il a vendu fa Charge
à Mile Prefident de Mi60
MERCURE
gieu . Il avoit beaucoup d'amour
pour les lettres & il
en donna une marque confiderable
dans le partage des
biens de fa Maiſon avec fes
freres , puifqu'il voulut bien
fe charger de la Biblioteque
de leur Pere fur le pied de
cinquante mille écus qui fut
le prix auquel elle fur eftimée.
La Maifon de Bouhier
eft tres ancienne dans le
Parlement de Dijon , elle eft
tres bien alliée & a l'entrée
dans tous les Corps Nobles .
Il y en a une autre branche
dans cette Ville là , dont Mr
GALANT 61
'de
Lentenay
Confeiller
dans le même Parlement eft
Chef. Mr le Prefident Bouhier
laiffe plufieurs enfans
l'ailné qui eft Conſeiller dans
ce Parlement a époulé la veus
ve de Feu Mr Bouchu , Con.
feiller au Parlement de Pa
ris. Il y en a un Abbé qui
a eu depuis peu un Benefice
de la nomination du Roy ,
fur la demiffion de fon Oncle.
Il a demeuré quelques
années au Seminaire de faint
Magloire , où il eftoit l'objet
de l'édification publique . Il
y en a un autre dans l'Ordre
62 MERCURE
de Cifteaux qui n'y cft pas
moins eftimé , il eft dans les
études de Sorbonne , où ſa capacité
& la vertu luy attirent
tous les fuffrages. Mr le Prefident
Bouhier vendit avec
fa Charge fa belle Maiſon
de Savigny à Mr le premier
Preſident Migieu. C'eſt une
des plus magnifiques Mai .
fons de la Bourgogne. Ce
Magiſtrat à eſté universelle,
ment regretté.
Je vous envoye l'Acte d'échange
que je vous ay pro
mis dans ma derniere Let
tre.
GALANT 63.
PArdevant les Confeillers die
Roy , Notaires , Garde Sel
à Paris , fouffignez. Furent prez
Jents tres haut & tres Puiſſant
Seigneur , Monfeigneur Louis
Phelipeaux , Chevalier , Comte
de Pontchartrain ,
>
autres.
lieux Commandeur des Or.
dres du Roy , Chancelier de
France , Meffire Michel le
Pelletier de Soufy , Confeiller
d'Etat ordinaire , & au Confeil
Royal de Sa Majesté , Meffire
Henry Daguefan auffi Confeiller
d'Etat ordinaire & au Confeil
Royal de Sa Majesté , Mef.
fire Michel Chamillart , Che.
64 MERCURE
valier , Confeiller ordinaire du
Roy en tous fes Confeils
au Confeil Royal , Miniftre &
Secretaire d'Etat & des Com .
mandemans de Sa Majesté ,
Controlleur general des Finances
de France , Meffire Jean Bap .
tifte Fleuriau d'Armenonville
Confeiller au Confeil Royal ,
Directeur General des Finances
de France , & Meffire Hilaire
du Coudray auffi Confeiller au
Confeil Royal , Directeur ge.
meral des Finances de France

Commiffaires Députez par Sa
Majefté par ses lettres Paten .
tes données à Verfailles le vingt .
GALANT 65
cinq Novembre 1702. fignées
Louis , & plus bas , par le Roy
Phelypeaux demeurées annexées
à la minute des prefentes d'une
part ; &tres haut tres Puiſſant
tres Excellent Prince François
Louis de Bourbon , Prince de
Conty , Prince du Sang, Prin .
ce d'Ŏrange , demeurant à Paris .
en fon Hôtel , Quay de Conty ,
Parroiffe Saint André des Arts
d'autre part , lefquels ont fait
le prefent accord à titre déchange,
c'eſt àfçavoir que ledit Seigneur
Prince de Conty au nom
&comme Legataire de deffunt
tres Haut & Puiffant Prince
May 1703 .
F
66 MERCURE
&
Jean Louis Charles d'Orleans ,
Duc de Longueville , a par ces
prefentes ceddé , quitté , & dé
laiffé à Sa Majesté acceptant
par lefdits Seigneurs Commiffaires
& promis audit nom ga.
rentir de fes faits promeffes
feulement , quifont que ledit Seigneur
eft Legataire univerfel da
dit Seigneur Abbé d'Orleans par
fon Teftament du troifiéme Octobre
1668. qui a eu la délivrance
de fon Legs univerfel par Sen.
tence des Requeftes du Palais du
premier Aouft 1697. cònfirmée
par Arreſt du Parlement "du
treize Decembre 1698. & qu'il
GALANT 67
pretend que la principauté d'Orangefait
partie dudit Legs univerfel
, pourquoy il en a esté mis
poffeffion par Arreft du grand
Confeil du vingt neuf Mars
1702 .
·
La proprieté de la Ville
Principauté d'Orange ,fes anne.
xes,appartenances & dépendan
dances fans en rien excepter ny
referver , tour ainsi qu'elle a
pú appartenir audit Sieur Abbé
d'Orleans , & tout ainfi qu'en
ont bien & deuëment jouy ou
pù jouir les precedens Poffeffeurs
pourenfaire difpofer par S M.
ainfi qu'il luiplaira en tous droits .
Fij
68 MERCURE
dé.
Confentant que ledit Seigneur
Roy s'en mette en poffeffion dés
à prefent s'en démettant
faififfant à fon profit .
Pour en contre changelef
dits Seigneurs , Commiffaires ,
Députez ont promis & promet.
tent audit nom de faire fournir
& délivrer le plutoft , que faire
Je pourra audit Seigneur , Prin
ce de Conty des terres du Domaine
de Sa Majesté , de qua.
lité & dignitè convenables pour.
appartenir audit Seigneur , Prin
ce de Conty , & par luy en
faire & dispofer commefon vray
& loyal acqueft , le tout fuiGALANT
69
vant les évaluations quiferont
faites de part & d'autre & en
attendant que ledit échange puif.
fe eftre confommé , tant pour le
fourniffement desfonds que pour
les évaluations qui doivent eftre
faites.
Ila efté convenu que ledit Sei -
gneur , Prince de Conty jouira
comme il a fait cy devant de
tous les fruits & revenus tant
ordinaires que Cafuels de ladite
Principauté d Orange, enfera
les beaux a efté pareillement
convenu qu'au cas queledit échan.
ge n'euft pas lieu que mon die
Seigneur , Prince de Conty fera
,
70 MERCURE
confervé dans tous fes droits
noms , raiſons & actions comme
auparavant le prefent Contrat.
Car ainfi a efté expreffementcon,
venu entre lesdits Seigneurs
Commifaires Députez audit
nom & ledit Seigneur , Prince
de Conty,promettant , obligeant ,
lefdits Seigneurs , Commif.
au nom de Sa
elle que
faires pour
Majesté
, tant pour
pour fes Succeffeurs Rois renongans.
Ce fait & paffé à Verfailles
aux appartemens de mondit
Seigneur Prince de Conty &
de mefdits Seigneurs Commif.
GALANT 71
faires l'an 1703. le dixiéme
jour de Fevrier avant midy , &
ont figné la minute des prefentes
demeurée à Savalete l'un des
Notaires fouffignez , fignez
Lange & Savalete fcellé ledit
jour
.
C
On vend chez la Veuve
Barbin au Palais , Le Sort de
la Langue Françoife : c'eft un
petit Ouvrage composé par
M' de Lionniere . Il eft dedié
à M' l'Abbé Bignon , c'eft un
ofpece de tribut qui luy eft
dû , puifqu'il fe trouve à la
tefte des Gens de Lettres,
72 MERCURE
L'Epitre dedicatoire
eft fort
modefte. Elle eft dans le goût
du Magiftrat , qui n'aime pas
les loüanges. La Preface´eſt
tres longue ; c'eft une Satyre
continuelle
contre les Medi
fans & contre la Medifance
.
L'Auteur les ataque dans tous
les eftats , dans tous les âges
& dans tous les fexes ; en effet
il peint les Medifans avec les
couleurs les plus odieuſes ; il
appuye tout ce qu'il en dic
par quantité d'excellens
Paffages
Latins : Voicy comme
il peint le faux Sçavant .
Cet homme de lettres qui occupe
1
1
GALANT
73
pe un Pofte éclattant pluſtoft par
brigue que par merite & qui
pour avoir fait quelques mau .
vais livres , qui ne font ny de
fon caractere , ny de ſa profeſ◄
fion , eft confulté comme un ora.
cle , n'approuve que ce qui fymbolife
avec fa maniere d'écrire.
Un ftile noble & élevé , eſtpour
luy un phebus perpetuel , un
lieu d'hiftoire éclaircy , un nonveau
fentiment étably fur de
folides fondemens , fons des fentiers
détournez , il veut qu'on
fuive le grand chemin , & ne
permet pas qu'on répande · nulle
part aucune érudition , c'eft fe
May 1703 .
G
74 MERCURE
fingularifer mal à propos . Pour
luy plaire il faut l'imiter , eftre
toujours rampant ne s'élever
jamais , eu fi l'on veut voler ,
ne faire que rafer la terre &
méprifer froidement comme luy
le rapide vol des Aigles qui
fendent l'air , & qui s'aprochent
du Soleil , pour en voir fixement
les brillantes beautez-
Cet Auteur nous dit enfuite
que la prévention eft dans
la Litterature , ce que L'amour
propre eft dans la Morale , que
comme celle cy eft la fource de
tous les déreglemens du coeur
celle là est la cauſe de tous les éga
4
GALANT 75
remens de l'esprit : que par elle
l'homme eft opposé à luy même ,
qu'elle fait ſouvent tomber en
des contradictions qui de toutes les
fautes font les moins excufables
à un homme d'esprit. De quelle
utilité ajoute t-il peut eftre une
critique particuliere ; qu'importe
qu'un ouvrage ne foit pas felon
les regles ordinaires il Suffic
qu'on le trouve beau , qu'il plai-
Je , qu'il intereffe , qu'il occupe
agréablement & fefaffe live
avec plaifir , n'eft ce pas lale bur
de l'Auteur , un livre n'a t il
pas toute la perfection qu'on luy
peut fouhaiter quand il est mar
Gij
76 MERCURE
qué de tous ces caracteres , mais
certains petits Maiftres , Efclaves
de l'Art , qui comme des
écoliers ne s'éloignent jamais des
regles fuivent fcrupuleufe
ment les preceptes , trouvent que
quelque belle que fois la peinture
de cet ouvrage , elle ne doit pas
eftre regardée comme un chefd'oeu
vre. Voilà le ſtile & l'efprit
de cette Préface.
M' de Lionniere pretend
qu'il y a un fi grand rapport
entre la Nation & la Lan
gue , que rien ne fait mieux
connoiftre une Nation que
fa Langue , de même que
ì
GALANT
77
rien ne contribuë davantage
à la beauté d'une Langue
que le genie de la Nation ,
que ce font deux choſes tellement
liées enfemble , qu'el.
les ont les mêmes commencemens
, les mêmes progrés ,
& les mefmes refolutions.
Sur ce principe l'Auteur en
faifant l'hiftoire de la Langue
Françoiſe a fait un petit
abregé de celle de la Monarchie.
Il nous apprend que ce
qu'on a nommé dans la fuite
des temps la Langue Françoise
n'eftoit dans les commencement
qu'un jargon groffier &
Giij
78 MERCURE
l'expreffion confufe d'un mélange
de plufieurs Peuples
qui par la neceffité du Commerce
conformerent
enfin
leur langage. Ces peuples mê
lez dont les langues fe confondirent
, furent les anciens
Danois qui conduits par Pha
ramond firent la Conquête
de la Frife Weftphalie
, &
les Gaulois qui fe joignitent
à Merové contre les Romains
aprés la mort de Clodion qui
avoit conquis la Flandre
l'Artois & une partie de la
Picardie où il avoit étably le
Siege de fon Empire dans la
·
+
GALANT 79
ville d'Amiens. Les Colonies
Romaines mellées enfuite
avec les Gaulois firent un jar
gon du Gaulois , de l'Alle
mand , & de la Langue La
tine , & ce jargon tiroit tous
fes mots de la derniere de
ces Langues . Telle fut la
Langue Françoiſe fous la premiere
Race de nos Rois ou
la France eftant dans fon enfance
, fon langage n'eftoit
auffi qu'un babil .
Sous la feconde race de
nos Rois , la France eftant
dans ſon adoleſcence ſon humeur
bouillante fe fixa , elle
Giiij
80 MERCURE
H
devint plus fociable & plus
propre pour le Commerce
ce fut auffi alors que Char
lemagne qui avoit des quali,
te immortelles , fonda l'Uni .
verfité de Paris : cependant
le grand amour que les Sçavans
eurent de ce temps là
pour le Grec & le Latin
l'affectation qu'ils avoient
de parler ces deux Langues
même dans le particulier , fi
rent négliger la Langue Fran
çoife à un point qu'elle fem .
bloit étrangere dans fon propre.
Pays cependant malgré les
ombres qui la cachoient
GALANT 81
malgré ou l'obſcurité l'on la
laiffoit , elle faifoit entrevoir certains
petits traits qui eftant
mieuxformez pouvoient estre réguliers
& dont l'affemblage pouvoientfaire
un objet charmant :
ici nôtre Auteur fait la defcrip.
tion des Sçavans de ces fiecles
Barbares ; leur plus belles
productions , dit il , font pitié
on n'y trouve ny ordre ny nettelé
, ny agrément , & plufieurs
autres chofes de cette force
qui nous donneroient une
affez mauvaiſe opinion de
ces anciens Auteurs fi nous
La Langue
l'en
croyons.
82 MERCURE
Françoiſe parmy ce nombre
de Sçavans demeura en Friche.
Ce ne fut que fous la troifiéme
race de nos Rois que
la Langue Françoiſe ſe reffentit
de tout le changement
qui fe fit remarquer dans la
Monarchie : mais les efforts
furent bien encor impuiffants
, les Grammairiens ,
les
Hiftoriens , les Poëtes , & les
Orateurs demeuroient au pied de
la montagne , les neuf Soeurs les
regardoient de bien loin ; & le
Dieu qui prefide fur ce Mont
Sacrè , ne prenoit nul plaiſir
GALANT 83
à leurs chants. L'Auteur fait
une exacte deſcription du
Caractere de tous les Auteurs
qui fleurirent en France depuis
le commencement de
cette troifiéme race jusqu'au
feiziéme ficcle ; il en fait voir
la rudeffe , la dureté & la fe
chereffe. Il place le premier
changement confiderable
qui s'eftoit fait dans la Langue
Françoife , fous le regne
de Charles IX. quoy qu'on
dût attendre qu'il l'eut placé
fous celuy de François I. la
mort enleva ce jeune Prince
lorfqu'il montoitfur le Parnaſſe ;
84 MERCURE
les Mufes Françoifes , ennemies
de l'Esclavage de toute con.
trainte difparurent de la Cour
fous le regne de fon Succef.
fut un regne de troufeur
qui
bles
&
de
divifions
: il
fait
dans
cet
endroit
l'éloge
de
la
Reine
Marguerite
de
Valois
,
fur
laquelle
comme
fur
tous
les
évenemens
du
re
.
gne
du
Roy
fon
frere
, il fait
une
differtation
purement
hiftorique
.
Leregne
d'Henry
IV
. fut
encor
remply
de
guerres
&
de
divifions
; l'Au
.
teur
nous
en
apprend
à fon
ordinaire
les
principaux
éve
.
GALANT 85
II
nemens , & arrive au regne∞,
tant defiré de Louis XIII. qui
eft proprement l'époque du
rétabliſſement de la Langue
Françoiſe par l'eftabliffement
de la celebre Academie qui
fut établie par les foins du
Cardinal de Richelieu,
conclud du
changement qui
fe fic dans la langue fous ce
regne , que la pofterité du Cadet
de Saint Louis devoit l'em.
porter fur celle de l'aifné , quel
que glorieuse & quelque auguf.
te qu'elle air efté: aprés un grand
éloge de l'Academie
Françoile
, il dit , que la Langue
86 MERCURE
Françoife dans le fiecle paffé
eftoit riche & parée d'ornemens
precieux , mais qui estoient mal
placez & mal aſſortis , & aufquels
il manquoit du gouft &
de l'ordre : que dans celuy cy
au contraire elle s'est dépouillée
de tout ce qui luy eftoit inutile ,
qu'on en a banny de certaines ex .
preffions fées qui eftoient comme
de vieilles pieces confuës fur un
bel habit ; fur quoy il fait la
comparaison de ces deux
Etats où s'est trouvée noftre
Langue , avec les Dames de
Province & celles de la Cour
par raport à leurs manieres
GALANT 87
qui
de le mettre il fait l'éloge
de tous ces grands hommes
perfectionnent la langue ,
qui examinent tout , qui pefent
tout au poids du gouft
& de la politeffe. Les graces
Athiques , les expreffions
fleuries des Grecs , & l'urba
nité des Romains font icy
prodiguées en faveur de ces
illuftres hommes qu'il compare
à ceux qui s'attachent à
l'agriculture , qui ôtent la
mouffe des arbres , rafraichif
fent les racines , purifient le
tronc des chancres devorans . Il
fait l'éloge des Predicateurs ,
88 MERCURE
ces Heros Apoftoliques qui
portent l'onction jufqu'au
coeur , par le choix des paro .
les qui en font les envelopes
& le vehicule. Aprés s'eltre
recrié fur la cenfure Magif
trale que les Sçavans veulent
exercer fur les ouvrages d'ef
prit , il cite la conduite des
Academiciens qui pefent le
merite , lorsqu'il eft trouvé &
de poids , luy rendent la justice
qui luy eft deuë. Il pretend en.
fin que plus de douze fiecles
écoulez avant que la Langue
ait pû obtenir cette perfec
țion où nous la voyons auGALANT
89
la
jourd'huy , font une preuve
bien évidente de fon excellence
: & c'eft du rapport
qu'il établit entre la Langue
& la Nation qu'il prouve la
grandeur de celle cy par
perfection de la premiere :
le Panegyrique du Roy ve .
noit trop bien icy pour que
Mr de Lionniere manquaft
de le faire ; il le fait avec fon
éloquence ordinaire , ce feu
& cette agréable varieté qu'il
a femé dans tout fon ouvra.
ge ; Verité qui nous doit engager
à luy pardonner d'avoir
pluftoft fait l'hiftoire de
May 1703.
H
90 MERCURE
la Nation que celle de la Lană
gue. Du refte cet ouvrage
fera encor plus eftimé lorfqu'on
fçaura que c'eſt par les
ordres d'un puiffant Souverain
que Mr de Lionniere l'a fait.
Frere Eftienne Texier de
Haute Feüille , Chevalier de
S. Jean de Jerufalem , Grand
Prieur d'Aquitaine , Ambaſſa.
deur extraordinaire de la Re .
ligion de Malthe , Lieutenant
General des Armées du Roy ,
Commandeur des Commanderies
de la Croix en Brie ,
de Pezenas en Languedoc , (

GALANT 91
Chalons & Vitry en Champagne
, la Roche , & Ville-
Dieu en Poitou , & Abbé
Commendataire de l'Abbaye
du Mont S. Michel ; mourut
en cette Ville le 3. de ce mois
dans fa foixante dix feptiéme
année . Il eftoit de la Maifon
de Texier qui eft fort ancien ..
ne , & il eftoit frere de M' le
Comte de Malicorne , homme
de beaucoup de valeur &
d'un rare merite. M' d'Haute
Feüille eft mort dans de
grands fentimens de pieté ; il
a laiffé à l'Eglife de S. Sulpi ..
ce la Parroiffe , trente mille
Hij
92 MERCURE
livres , vingt - milles livres aux
Religieufes Recollettes de la
ruë du Bac , pour lesquelles
il avoit beaucoup d'amitié :
Il a donné des marques de
fa generofité à tous fes domeſtiques
& a enfin laiffé à
fon Ordre cent mil écus d'ar
gent comptant . Il est fort rez
greté : Il avoit toutes les qua
litez civiles & morales qui
peuvent orner un homme de
qualité : Il avoit ferviſon Or
dre avec une valeur diſtinguée
: & l'employ dont il étoit
revétû depuis plufieurs an
nés à la Cour de France , fait
GALANT 93
affés voir la diſtinction où il
eftoit dans fon Ordre , car on
fçait que le pofte qu'il occu
poit eft le plus important de
l'Ordre & qu'aprés la dignité
de Grand Mailtre , il n'en eft
point de fi flateur . puifque de
tous ceux de cet Ordre il n'y
a que le feul Ambaffadeur
qui ait le droit de fe couvrir
à l'Audiance du Roy. M
d'Haute- Feüille avoit toutes
les qualitez perfonnelles qui
rendent recommandables les
perfonnes de ſon ſexe ; on ne
voyoit pas d'homme mieux
fait,&dans un âge moins avan
94 MERCURE
cé il faifoit l'empreffement de
routes les Compagnies où il
fe montroit : Il avoit trouvé
L'excellent fecret de fe rendre
aimable aux perfonnes des
deux fexes : Il n'en eftoit aucune
qui ne ſe fit une affaire
agreable de former des relations
avec luy , & à qui fon
commerce ne plût infiniment
: Perfonne n'avoit tant
de talens que luy pour fe foutenir
agreablement & avec
vivacite ainfi on ne doit pas
eftre furpris des gemiffemens
que la mort a caufé dans plufieurs
Mailons du Faux Bourg
GALANT 95
S. Germain où il eftoit aimé ,
& eftimé ; on le voioit en ef,
fet toujours avec un nouveau
plaifir on ne le quittoit pas :
fans peine : Il avoit un des
plus beaux Cabinets de Paris ,
remplis de tableaux des plus
grands Maitres. L'Abbaye du
Mont S. Michel vaque par la
mort de cet Ambaſſadeur .
Mr Daniel Delabert, Prieur
de S. Maurice de Villeblefois
eft auffi decedé , c'eſtoit unEcclefiaftique
d'un grand meri
te, qui avoit paru toûjours fort
appliqué à fes devoirs & dont
96 MERCURE
il ne s'eftoit jamais écarté le
moins du monde ; il eftoit
frere de M' Delubert , Trefo
rier General de la Marine.
Ces deux freres fe font fait
eftimer dans leur eftat , & il
n'y a aucun d'eux qui n'aye
gagné les coeurs de ceux
avec qui il avoit à vivre ou
à negotier. L'Abbé eftoit fort
eftimé, & il feroit parvenu aux
dignitez Ecclefiaftiques s'il
cuft eu plus d'ambition ; mais
perſonne n'en eut jamais
moins & ne regarda les avantages
du monde avec plus
d'indifference
& de mépris ;
quand
GALANT
97
.
quand on a paffé fa vie dans
un fi grand dégagement
on la perd fans regrets & fans
douleur, c'eft aufli ce qu'a fair
M'l'Abbé Delubert qui s'eft
preparé à la mort & qui l'a
envifagée avec une intrepidifurprenante
: Gette fermeté
fait d'ordinaire le caractere
des Prédeftinez , leur famille
a produit d'excellens füjets :
Adrien Delubert commença
la Pratique de Bourgogne
dans le 17. Siecle & fur la fin
fon ouvrage fut reçu des Sçavans
avec de grands applaudiffemens
Adrien fut deux
May 1703.
I
98 MERCURE
fois en Allemagne ayant efté
appelé par un Seigneur de la
Maiſon Palatine , c'étoit pour
eftre Arbitre de quelques differens
que l'aiſné de cette
mailon avoit avec fes freres.
Adrien jugea la cauſe au pro
fit de l'ailné , ce qui mit dans
une telle colere les cadets
qu'ils jurerent la perte de ce
Jurifconfulte , & il ne le fauva
des pieges qu'on luy tendit ,
& des deffeins formez contre
fa perfonne que par une pro.
tection toute vifible de Dieu .
Il s'en revint en France avec
beaucoup d'argent , la perte
YON
1893
VILLE
CHEQUE
LYO
DE
LA
Yog
Z
GALANT Y
d'une partie de ſes ou
en eft une pour la France.
Meffire Jean de Bellon de
Thurin , Chevalier Comte
du S. Empire , Gentil homme
ordinaire de la Chambre du
Roy, & Premier Ecuyer de
de S. A. S. Madame la Prin
ceffe , eft mort dans le même
temps
ce Gentilhomme a
efte fort regreté à la Cour :
toute la maiſon de Monfieur
le Prince a efté fort touchée
de cette mort , Madame la
Princeffe en faifoit un cas
particulier & avoit en luy
I ij
100 MERCURE
une confiance trés particulie
re : Elle s'eft fouvent expli
quée fur fon chapitre dans
des termes trés avantageux.
Il eftoit d'une trés ancienne
mailon qui a donné des Offi .
ciers d'une grande diſtinction
la qualité de Comte du Saint
Empire qu'il portoit a eſté
accordée à fes ayeuls avec de
grandes prérogatives . L'origine
de cette maiſon le perd
dans les fiecles les plus éloignez
. On trouve dans l'hiftoi .
re un Bonaventure de Bellon
qui eftoit dans une grande
eftime fous le regne de Char
"
GALANT ΙΟΙ
les le Simple . On en trouve un
du nom de Ferdinand qui fut
en grande confideration fous.
le troifiéme Duc de Bourgo .
gne ; & fous ceux ceux de la
premiere мaifon de Bourgogne
. L'hiftoire en fournit plufieurs
qui fe font diftinguez
dans cette Province , il est peu
de maiſons dans le Royaume ,
qui ait donné plus d'Offi .
ciers aux Troupes qui ont
efté employez fous nos Rois.
Celuy qui vient de mourir a
longtemps fervi & avec diftinction
, il avoit beaucoup
de pieté ; mais de cette pieté
I iij
102 MERCURE
qui pour n'avoir aucun éclat
ni aucun faſte , n'en eft que,
plus folide & plus effentielle.
Il eftoit penetré des veritez
de la Religion , il en parloit
en homme bien convaincu &
bien touché , Bien heureux
quand on eft ferme dans fa
Foy.
L'Air qui fuit , eft de la
compofition de M' l'Abbé
de Poiffy.
AIR NOUVE A U.
Vel preffant foucy vous devore
Le jour ne paroift point en;
fore
Que
ment,
C
bJ
ment,1
BELA
LYON
rvou
May
VILLE
102
qui
ni
plu
Il e
de
l
enl
bie:
qua
Foy
com
de
2
GALANT
103
Vous vous alarmez vaine.
ment
De long temps fur ce Mont on
ne verra l'Aurore ;
Dans les bras du Sommeil , tout
dors paisiblement
Pourquoy chercher la folitude
Avant que le Soleil nous ramene
le jour.
Ab ! fi vous n'aviez point
d'amour
damonious
Auriez vous tant d'inquietude.
On vend chez Jean Bef
fon , Geographe du Roy , au
coin de la ruë du Harlay à
I iiij
104 MERCURE
l'ancien Buys , une Carte qui
a pour titre le Theatre de la
guerre pour les mouvemens pré-
Jents des Armées en Allemagne
&en Alface , où se trouvent
les Cercles de Souabe , de Bavie.
re , d'Autriche & de Franconie
; le Palatinat du Rhin , partie
du Royaume de Bohême , les
Duchez de Stirie , de VVirremberg
; partie des Cantons
Suiffes & du Comte de Tirol ,
& autres terres hereditaires à
la Maifon d'Autriche.
Cette Carte qui eſt fort
eftimée doit eftre regardée
GALANT IOS
comme une des meilleures
qui ait efté faite des Pays
qu'elle contient , puifquelle
eft tirée d'aprés les deffins
qui ont efté levez fur les
lieux par Mr Both , Ingenieur
Allemand : Elle cft ornée
des Plans des principales
Villes ; elle eft gravée par C ..
Infelin.
L'Archiducheffe Joſephe
eft morte de la petite Verole ,
âgée de feize ans . Elle a efté
enterrée dans le Convent des
Capucins où eft le tombeau
de la Maifon Imperiale
106 MERCURE
L'Empereur
en a éſté ſi vivement
touché qu'il a demeuré
3 jours enfermé. Cette Princeffe
avoit de grandes vertus ,
elle fe faifoit aimer par la
douceur & par la bonté. Elle
eft fille de l'Empereur
Leopold
I. dit Leopold Igna.
ce . François- Baltafard - Jofeph
Felicien , & d'Anne Maric-
Jofephe de Neubourg
qu'il époufa en troifiémes noces
le 8. Avril 1676. L'Empereur
eft fils de l'Empereur
Ferdinand III . dit Erneft , & de
Marie Anne d'Espagne , fille
de Philippes III. fa premiere
GALANT 107
femme. Ferdinand III . fut fils
de l'Empereur Ferdinand II . &
de Marie de Baviere. Celuycy
fut adopté par l'Empereur
Mathias fon couſin germain ;
& fut fils de Charles II . le dernier
des enfans de Ferdinand
1. & de Marie fille d'Albert
V. Duc de Baviere. Ce Char.
les II. comme je l'ay dit , vint
du mariage de l'Empereur
Ferdinand I. & de Dame Anne
de Hongrie , fille du Roy
Ladiflas VI. Ferdinand I.
Chef de la Branche d'Autriche
d'Allemagne eftoit frere
de l'Empereur Charles - quint
108 MERCURE
& fecond fils de Philippes I.
dit le Bel , Roy d'Espagne ,
Archiduc d'Autriche , & de
Jeanne d'Arragon , dit la Loca,
fille & heritiere de Ferdinand
V. Roy d'Arragon , & d'Ifa .
belle Reine de Caftille. Philippes
I. fut fils de l'Empe .
reur Maximilien I & de Marie
de Bourgogne , la plus riche
heritiere de l'Europe. Maximilien
I. fut fils de Frederic
III. élu Empereur en 1449.
& d'Eleonor fille d'Edoüard ,
Roy de Portugal . Frederic
III. eftoit fils d'Erneft I. dit
de Fer , Duc d'Autriche & de
GALANT 109
Zimburge, fille de Ziemouit ,
Duc de Maffovie , ſa ſeconde
femme. Erneft 1. Duc d'Au.
triche eftoit fils de Leopold
II. & de Viridis , fille de Bernarbon
, Comte de Milan .
Leopold II. eftoit fils d'Albert
II. dit le Sage & le Con ;
trefait, & de Jeanne fille d'Ul.
ric Comte de Ferrette. Cet
Albert fut le fixiéme fils d'Albert
I. Empereur , & d'Elifabeth
de Carinthie : il quitta
fes Benefices pour recueillir
la fucceffion de fes freres .
L'Empereur Albert eftoit fils
de Rodolphe I. & premier
110 MERCURE
Empereur
de la Maiſon d'Autriche
, & d'Anne fille du
Comte d'Hochemberg
. Rodolphe
, Comte de Hafpurg ,
& enfuite
élu Empereur
Francfort
le 30. Septembre
1273. eftoit fils d'Albert qu'on
furnomma
le Sage. Cet Albert
eftoit fils d'Albert Frangipani
, qui fit bâtir le Château
d'Afpurg
, dont il avoit
épousé l'heritiere
. Tous les
Hiftoriens
prefque convien
nent que cette illuftre maiſon
eft fortie de celle d'Alface
& il y en a qui pretendent
que
Ratbothon
frere de Worner
GALANT TII
Evêque de Strasbourg en
1070. eftoit le huitiéme ayeul
d'Albert. Le Chafteau de
Hafpurg dont eft fortie cette
Mailon eft dans l'Argow , entre
Baſle & Zurich. Cette
Maiſon doit fon élevation à
Rodolphe I. qui après avoir
vaincu Ottocare Roy de Boheme
, inveftit fon fils Albert
de
l'Autriche que ce Roy
poffedoit.
La Comteffe Tekeli eft
morte à Galata . Elle avoit
épousé en premieres noces le
Prince Ragorski , & elle eftoit
fille du malheureux Comte de
112 MERCURE
Serin , qui fut condamné à
perdre la tefte fur échafaut ,
avec Frangipani & Nadaſti ,
à Neuftad , par les Commif
faires nommez par l'Empereur
pour leur faire leur Procés
. La Sentence fut execu
tée publiquement en 1671. le
30. Avril . Les principaux
chefs d'acculation contre le
Comte de Serin eftoient qu'il
avoit entretenu des intelligences
avec les Ennemis de
T'Etat , qu'il avoit animé les
Hongrois à prendre les armes
contre leur Souverain ;
qu'il avoit refolu avec FranGALANT
113
gipani de fe rendre maiftres
du Royaume de Hongrie , &
qu'il avoit envoyé à Conftantinople
pour avoir un fecours
d'hommes & d'argent . Ce
Comte mourut en difant ces
paroles : Mon Dieu , Je remer
mon ame entre vos mains . Son
corps & celuy de Franchipani
furent portez an Cemetiere
du Dôme , où ils furent in
humez avec beaucoup d'ap
pareil . Le fils du Comte de
Serin eftant condamné à quit
ter le nom & les armes de fa
famille , fut nommé Gadé.
Voila quel fut le pere de la
May 1703.
K
114 MERCURE
Comteffe Tekeli : Il defcens
doit d'une tres ancienne maifon
de Hongrie. Quant à cel·
le du Prince Ragotski elle eſt
affez connue dans la Tranfil.
vanie. Le Comte Tekeli avoit
déja aimé la fille du Comte de
Serin avant fon premier mariage
, & ce ne fur que fur le
refus que les Miniftres de
l'Empereur luy firent de cette
Princeffe , qu'il recherchoit
en mariage fous l'offre de (e
faire Catholique , qu'il pric
les armes. Les Miniftres de
l'Empereur s'obtinerent à ce
refus , parce qu'ils craignirent
GALANT 115
que la Princeffe Ragotski ne
vouluft vanger la mort de fon
pere. Les Etats de Hongrie
furent convoquez à Tirnau ,
pour y traiter de l'accommo.
dement , mais le Comte Tekeli
irrité du refus qu'on luy
avoit fait de la Princeffe , declara
qu'il ne pouvoit rien
conclurre fans la participa
tion du Grand Seigneur. Ce
fut là le premier fignal des
feconds mouvemens de Te.
keli . Depuis ce temps làil eſt
toûjours demeuré Chef des
Mécontens , & attaché à la
Porte. On fçait qu'en 1683 .
Kij
116 MERCURE
ayant appris qu'on avoit ren
du fa conduite fufpecte , il fe
rendit à Andrinople incognito
où il porta fa tefte aux pieds
de fa Hauteffe , s'il ne fe juftifioit
pas. Ce trait hardi luy
reüffit , & tout l'orage tomba
fur le Grand Vifit , qui paya
de fa tefte le malheureux fuccés
du Siege de Vienne . Emeric
Comte de Tekeli , fut un
des Chefs de la Confpiration
qui fe forma en Hongrie en
1669 contre l'Empereur , &
voyant ce parti abattu aprés
l'execution des Conjurez ,
dont j'ay parlé , il fe retira en
GALANT 117
1671. en Tranfilvanie il s'y
diftingua par fon efprit &
par fa valeur , & s'y mit fi bien
dans l'efprit du Prince Abaffi
qu'en peu de temps il devint
fon premier Miniftre . Ce
Comte eftoit fils du Comte
Emeric Tekeli , Seigneur de
la Haute Hongrie , riche de
300000, livres de rente. 11
avoit eu ces grands biens de fa
mere , fille & heritiere du Pa .
larin de Hongrie Emeric
Thurlo . Dans le temps de
troubles de Hongrie , il fat
affiegé dans fes Fortéréfles .
Il fir ſauver fon fils déguile en
118 MERCURE
Pologne. La Comteffe Tekeli
a laiffé des enfans .
Dame Marie Charlotte
du Chalard , Prieure des filles
de la Preſentation de la
ruë rue des Poftes , mourut le
dixiémé de May dans de
grands fentimens de Pieté :
Elle eftoit encor affez jeune ;
c'eft à cette Dame que les
Religieufes de ce Saint Mo.
naftere ont l'obligation du
rétabliffement de leur maifon
, qui eftoit dans une grande
decadence. La naiffance
& les verrus particuliere
de cette digne Superieure
GALANT 119
ont fait tomber en abondance
les fecours temporels dans
ce Convent depuis qu'elle en
a eu le Gouvernement : & il
n'y a pas long temps que le
Roy donna à ces pieufes filles
une penfion de deux mille
livres à la confideration de
Madame du Chalard. Cette
Dame eftoit alliée de la maifon
de la Valliere: c'est ce qui
joint à ſon merite & à fa vertu
, luy attiroit de grandes
diftinctions de Madame la
Princeffe de Conti , qui a
même fait beaucoup de bien
à ce Convent , ainfi que plu .
102 MERCURE
fieurs perfonnes de confideration
de la Cour qui en
avoient une tres particuliere
pour Madame du Chalard .
Ce Convent eft rempli de
faintes Filles qui concourent
toutes avec un zele inimitable
au rétabliſſement de leur
maiſon ; & il eft furprenant
qu'avec un fonds & un revenu
auffi mediocre , elles ayent
fi long temps foutenu & même
en quelque maniere réé
difié une nouvelle maiſon .
Les foins de M.l'Abbé du
Coffo , leur fage & prudent
Directeur n'y ont pas peu
contribué.
GALANT 121
contribué. On ne peut en
effet apporter plus de zele &
de foins qu'en a pris ce prudent
Ecclefiaftique ; & c'eſt
de luy qu'on peut tres jufte
ment dire zelus domas tue
comedit me. Madame du Cha ,
lard eftoit recommandable
par une pieté tres tendre &
tres affectueufe. Elle a toujours
fait l'exemple de fa
Communauté
dans les exercices
de la maifon qu'elle fuivoit
avec la même exactitude
& la même ferveur que la
plus fimple Religieufe : elle
eft morte comme elle a vécu
L
May
1703,
122 MERCURE
dans les fentimens de la plus
haute pieté , & elle eft exa
pirée dans cet efprit de Paix
qui eft le caractere des veritables
Predeftinez .
Mr de Champrenard eft
mort à Paris , c'eftoit un ang
cien Gentilhomme dont la
Nobleffe a efté reconnuë
ancienne de plus de fix cens
ans dans la derniere recherche
, fon nom eftoit Druer ,
il eftoit de Lion. Madame
fon époufe eft auffi d'une
tres bonne maiſon de cette
même ville.
1
GALANT 123
लु
Meffire
François Forget ,
Chevalier
Seigneur , Comte
de Bruflevert , Conſeiller du
Roy en fes Confeils
, Grand
Maiftre
Enquefteur
& Gene?
ral
Reformateur
des Eaux &
Foreſts de Paris & Ile de Fran
ce & Capitaine
du Vol du
Heron. C'eftoit un homme
d'un grand merite & d'une
reputation
bien établie
, il
n'eft pas le feul de fa famille
qui ait donné des
marques
éclatantes de fon zele pour
le fervice de nos Rois . Ses
-Aycals ont toûjours
marqué
un
attachement
fingulier
Lij
124 MERCURE
pour le bien de l'Etat ; ils en
ont donné des preuves dans
toutes les occafions , & ils
m'en ont laiffé échaper aucune
où il s'agiffoit d'acque.
rir de la gloire , fans la faifir
avec tout cet empreffement
dont font capables les perfonnes
veritablement
pora
tées au bien & à l'avantage
de leur Patrie. Mr de Brufle
vert eftoit tres éclairé dans les
fonctions
de fa Charge
, per.
fonne n'en fçavoit mieux
& les attributs & les devoirs ;
auffi a t- il toûjours efté irre
prehenfible dans fa conduite
GALANT 125
qui fera dans tous les temps
le modele d'un bon & fidelle
Sujet.
Meffire Antoine Achil
les de Morel , Chevalier
Marquis de Putanges , Gouverneur
de la Ville & Château
de Falaife. Il avoit fervi
avec beaucoup d'affiduité &
de diftinction , & fes ſervices
feuls font fon éloge . Sa mai.
fon eft tres-ancienne , elle a
donné à l'Etat de grands Capitaines
, & à nos Rois de
zelez Officiers de leur Mai.
fon. Il n'y a point de fiecle
qui ne fourniffe plufieurs
Liij
126 MERCURE
Mr le Mar.
exemples de la valeur & de
la bravoure des perfonnes de
cette Maiſon.
quis de Putange s'avoit époufé
Dame N... de Grancey
fille de feu M ' le Maréchal
de Grancey & Soeur de Mr
le Comte de Grancey , & de
M ' l'Abbé de Grancey . C'eft,
une Dame dont la vertu &
le merite feront long temps
conferver le foavenir.
Mr le Comte de Sainte Her.
mine qui a fi long temps ferny
dans la Marine , & Frere
de celuy d'aujourd'huy , avoit
epoufé la Soeur de Mr le
Feu
GALANT 127
Ce Marquis de Putanges .
Gentilhome a efté fort regretté
de tous ceux qui le
connoiffoient .
Dame Marguerite Troif
dames , époule de Meffire
Nicolas de Creil Seigneur de
Baroches , Confeiller du
Roy en la Cour de Parlement
en la cinquiéme Cham .
bre des Enquêtes . Cette Dame
eft morte vivement touchée
du neant des grandeurs
de ce monde ; elle y a renoncé
fans chagrin & elle a enviſagé
la mort avec une fermeté
étonnante ; on ſçait ce
Liiij
128 MERCURE
qu'elle eftoit à M Troifdames
, dont la belle Maiſon
de Villeneuve S. Georges fait
l'empreffement de toute la
Cour par les beaux dehors &
fert de lieu de repos à Monfeigneur
lorsqu'il va & qu'il
revient de la chaffe , jamais
en effet maiſon ne fut plus
riante , les jardins en font de
licieux par leurs Bocages . M'
de Creil eft d'une tres ancienne
Maiſon de Paris qui
a donné plufieurs Officiers
au premier Parlement du
Royaume : Elle eft connuë
il y a longtemps en France
GALANT 129
& ceux de cette Maiſon fe
font toujours diftinguez par
l'activité de leur zele au fervice
de la Couronne . M' de
Creil est un Magiftrat tresconfideré
dans la Chambre,
on en fait un cas infini ; fes lumieres
font vives & épurées ,
& il n'eft point de difficulté
dans les affaires les plus épi
neuſes qui echapent à ſa
netration , & on reçoit fes
decifions comme des oracles.
Dame Catherine Picot
veuve de Meffire Pierre
Margeret , Seigneur de Pontault,
Longvilliers , & c. grand
pe.
130 MERCURE
Audiancier de France . Cette
Dame eft fort regrettée , fur
tout des pauvres , aufquels
elle faifoit de grands biens :
Sa vie avoit toujours efté
une pratique fidele des vertus
chreftiennes : Elle fortoit
en effet d'une Maifon
où la vertu fembloit hereditaire
: Elle avoit efté formée à
la vertu fur des exemples domeftiques
: Madame la mere
eftoit une perfonne d'une
grande pieté , & elle avoit
pris un foin tout particulier
de l'éducation de fa fille ;
& on peut dire que dans cette
GALANT 131
occafion le fuccés avoit furpaffé
fon attente & qu'elle
avoit de cette Dame une
perfonne accomplie : Elle eft
morte dans les fentimens où
elle avoit toujours vécû , je
veux dire penétrée des veritez
de la Religion & des
maximes de la morale chreſtienne
; elle avoit longtemps
pleuré la perte de fon époux
qui meritoit bien fes regrets
par la tendreffe qu'il avoit
toujours eu pour elle : Il étoit
d'une Famille qui a donné à
la Robe plufieurs illuftres
perſonnages ; & on peut dire
132 MERCURE
de luy qu'il avoit herité la
la vertu de fes Anceftres en
heritant de leurs biens.
Je vous ay déja parlé de
la Compagnie des Canonniers
des Coftes , que l'on
doit à Son Alteffe Sereniffime
Monfieur le Duc du Maine.
On mande de la Rochelle
que Mile Maréchal de Chamilly
en a fait la revuë , &
qu'il en a efté charmé , ainſi
que tous ceux qui ont vû
cette Compagnie , dont la
beauté & l'habillement attirent
les yeux de tous ceux qui
GALANT 133
la voyent . On benit le Dra
peau avant la revue , & la ceremonie
s'en fit avec beaucoup
de pompe , il
, il y eut pendanc
la Meffe une tres . belle Simphonie
, composée & execu
tée par les Hautbois de la
même Compagnie . L'habit
d'ordonnance
des Officiers
eft de drap bleu doublé de
rouge , avec des agrémens en
broderie d'or. Le Drapeau
eft bleu , & le milieu eft rempli
d'un cartouche des cou .
leurs de la livrée de Monfieur
le Duc du Maine . On voit
dans le milieu de ce cartou134
MERCURE
che un Canon d'or tirant , &
monté ſur un affut fleurde
lifé d'or. Les armes de Son
Alteffe font dans le haut de
ce cartouche avec cette Devife
en lettres d'or.
Tonantis imago.
qui veut dire par une double
allufion que Monfieur le
Duc du Maine eft l'image de
Jupiter , & le Canon celuy de
la foudre .
Les Sergens font habillez
de drap bleu avec des agrée,
mens d'or , & les Hautbois
& le Tambour ſont vêtus d'écarlate
de la livrée de Son
GALANT 135
Alteffe , avec des agrémens
d'or & des paremens de velours.
Le commandement de cet
te Compagnie a eſté donné
à M'Ferrand d'Ecoffay , Bri7
gadier des Armées du Roy
& Lieutenant general de l'Are
tillerie des Coftes de l'Ocean ,
La Lettre fuivante m'a pa
ru fi agreablement écrite , &
la galanterie Espagnole y eft
fi bien marquée , que j'ay
crû que vous la liriez avec
plaifir.
136 MERCURE
A MONSIEUR
***
ους
perdu ,
Monfieur , de ne vous
eftrepas trouvéà Bayonne cesjours
paffez, vous qui aimeZtant M²
le Premier Prefident du Parle .
ment de Navarre , vous auriez
eftéfans doute bien aife d'y faire
voftre Cour à Madamefon Epou.
fe.Vousfçavezpar combien d'endroits
M Dalon nous a engageZ
àluy eftre dévouez pendant qu'il
eftoit Avocat general dans noftre
Parlement ; nous aurions eftéra.
vis de trouver cette occafion de
Vous
avez
bien
GALANT
137
luy marquer en la perfonne de
Madame la Premiere Prefidente
que nous n'avons point perdu la
memoire de la protection & de la
bienveillance dont il nous a toû¬
jours honorez mais M' l'Evê .
que & M de la Gibaudiere ne
nous ont rien laiffé à faire , &
ont mêmefurpaffé nos defirs . Cette
Dame n'avoit point d'autre def
fein que de voir Bayonne, la Mer,
la Frontiere : Elle partit de
Pau le Lundy de Pafques , &
vint coucher à Ortez , toute la
Bourgeoisie fous les armes alla àfa
rencontre jusqu'à une lieuë de la
Ville , où les Furais luy firent leur
May 1703. M
138 MERCURE
Madame de
compliment. Le Maire à la tefte
du Corps de Ville alla luy enfaire
un autre chez Mr le Baron de
Laur où elle logea .Vous connoiffez
Monfieur
Laur, & vous n'aurez pas de
peine à croire qu'ilsfirent les honneurs
de leur Gouvernement
avec tout l'esprit & toute la politeſſe
qui leur eft naturelle. Ils
avoient aſſemblé beaucoup de no .
bleffe , ils donnerent un fouper
magnifique , & enfuite un grand
Bal. Le Mardi Madame la premiere
Prefidente alla coucher à
Lannes , où Mrle Curé la reçus
en homme quifçait vivre , &qui
GALANT
139
G
;
eft accoutumé à voir chez luy
bonne Compagnie. Le Mercredy
elle arriva à Bayonefur les quatre
heures du foir , & alla loger chez
Mr Abbadie. Perfonne n'eftoit
inftruit de fa marche , mais la
nouvelle de son arrivée s'eftant
répandue dans la Ville , elle fut
faluée de neufcoups de Canon
Mrl'Evêque, Mr deGibandiere,
MrdeVillette, Mrle Comman .
dant du Chafteau neuf , Mr
Dargou, & toutes les perfonnes
de diftinction allerent luy rendre
vifite : chacun luy offrit un ap..
partement qu'elle ne voulut pas
accepter. Comme il eftoit tard
Mij
140 MERCURE
elle
elle ne fortit point foupa chez
elle. Le Feudy elle alla entendre
la Meffe à la Cathedrale , où
fur accompagnée par Mrs le
Gouverneur& un grand nombre
d'Officiers , elle fut enfuite rendre
vifite à Mr l'Evêque , & dîner
chez Mrde la Gibaudiere. L'aprefdinée
elle voulut voir la maifon
de Mr le Duc de Gramont s
d'abord qu'elle parut fur le Port
tous les Bâtimens la faluerent de
tout leur Canon. Mr Dargou la
conduifit à l' Arfenal , où l'on ba
tiffoit un Vaiffeau , & où elle fur
faluée par deux Fregates du Roy
quiy eftoient. Mrde Gibaudiere
GALANT 141
la mena enfuite à la Citadelle , où
elle fut faluée d'onze coups de
Canon ¸en entrant&enfortant :
elle foupa chez Mr l'Evêque
dont vous connoiffez les manieres
nobles gracieuſes : il luy donna
le lendemain fon Equipage pour
aller à S. Jean de Luz ; plus de
trente Officiers ou perfonnes de
confideration l'accompagnerent
.
Elle fut reçue au bruit de toute
l' Artillerie , tant fur terre que
fur mer. Les Magistrats la vi.
fiterent en Corps : elle coucha chez
Mrde la Aubiague. Ily eut bal
aprés foupé , où les Bafques fe
diftinguerentfort. Le Samedy elle
142 MERCURE
alla à Andaye , où Mrle Gouverneur
luy donna dîner, & enfuite le
divertiffement de voir jetter des
Bombes. Il luy avoit fait preparer
un Batteau pour paßer en Efpagne.
Mr le Gouverneur de
Fontarabie en ayant eftè averti
vint la recevoir fur le bord de la
riviere avec une nombreusefuite,
il l'a conduifit d'abord à l'Eglife
au bruit de faformidable artillerie
, & enfuite chez luy où il
donna un grand regale de Choco .
late ; il voulut toûjours fervir
luy même Madame la premiere
Prefidente avec toute la galanterie
Espagnole ; c'est à dire à geGALANT
143
noux , quelque inftance qu'elle fit
pour l'en empêcher. Aprés s'eftre
promenée fur les ramparts , &
avoir vu ce qu'ily a de curieux
à Fontarabie , elle repaffa en
France , où Mr le Gouverneur
voulut lafuivre dans un batteaw
Separé par respect , mais Madame
la premiere Prefidente l'obligea à
entrer dans lefien ; il luy dit ga.
lament : Madame , je ne luis
plus en Espagne ; me voici
prefentement voftre priſonnier
: c'est à vous à ordonner
de mon fort. Monfieur , luy
répondit elle d'une maniere toute
charmante , on fe feroit hon
144 MERCURE
neur d'un prifonnier de voſtre
confequence ; mais nous ne
voulons point nous broüiller
avec les Dames d'Espagne.
Aprés l'avoirfaluée tres respec
tneufement & fait beaucoup
d'bonneftetez à tous les François
qui estoient avec elle , il repaffa
la riviere , & Madame la premiere
Prefidente revint à Sains
Jean de Luz. Le Dimanche elle
• alla au Socoйa , où Mr de Saint
Germain laregut au bruit du Canon
defa Place , & luy donna un
grand dîner. La mer eftoit horrible
ce jour là , c'est à dire dans toute
fa beauté pour ceux qui font à
terre .
GALANT
145
terre. Le foir , Madame , la
premiere Prefidente retourna à
Bayonne , Mr Evêque luy
donna un fouperfomptueux , elle
coucha chez Mr de Gibaudiere,
Quelque priere qu'on luy fit pour
l'obliger à demeurer encore un
jour à Bayonne , elle voulut ab
folument partir le lendemain",
on luy avoit fait preparer un ba.
seau que lon remplir de toutes
fortes de
rafraichiffemens , elle
devoit aller coucher chez Mr le
Comte d' Apremont Comme la
magnificence est une verin here-
{
ditaire de cesse
maiſon Je ne
donte point qu'elle n'y ait efté re-
May 1703. N
146 MERCURE
scene avec beaucoup de fplendeur.
Voilà , Monfieur , une Relation
bien fimple , mais bien exacte des
bouneurs qu'on a rendus à Ma¬
dame la premiere Prefidente de
Navere dans fon petit voyage,
Als eftoient deus à fen rang ,
mais alle ona reçeu un qui n'eftoit
dau qu'à fa perfonne , c'eft I hom
mage de tous les coeurs : elle
charmé tout le monde moins par
fa beauté par l'éclar de fon
teint que par fan esprit , par fa
modeſtic &parſes manieres dou.
ces &engageantes. Il eſt ſi rare
dans nos Provinces de trouver
toutes ces qualisez dans une jeu,
a
GALANT
147
ne perſonne de vingt ans , qu'on
ne pouvois ſe laſer de l'admi
Ter ,
depuis trois jours qu'elle
eftpartie elle fait le fujet de toutes
les
converfations. Je n'avois
garde , Monfieur , de vous
laiffer ignorer une chofe qui vous
beaucoup de plaifir.
fera je
croy
Je
feray
toujours
ranY
de
vous
en
faire
,
&
de
vous
marquer
avec
combien
d'attachement
fuis
voſtre
tres
humble
&
ires
obeiffant
Serviteur
à
Bayonne
le
17.
Avril
1793.
je
Madame la
premiere Prefidante
du
Parlement de Nayare
eft fille de Mr Choart ,
Nij
148 MERCURE
Surintendant de la maifon de
Madame la Dauphine , &
Parente de Mr de Chamillarta
Le Bureau
d'Adreffe
&
vant eu
tout
de rencontre , ayant
le fuccés & tout l'applaudif
fement que peuvent ſouhaitër
ceux qui par qui par leur travail
& par leurs foins , font venus
à bout de ce rétabliſſement ,
on a déja donné au Public
war
trois liftes des avis qui ont
eſté envoyez à ce Bureau ,
& ces liftes qui fe donnent
de quinze jours en quinze
GALANT F49
4
jours , eftant bien remplies
& dignes de la curiofité de
toute forte des lecteurs , à
caufe de l'avantage qui peut
leur en revenir en y trou .
vant à bon marché quantité
de chofes dont ils ont beſoin ,
il y a lieu de croire que ce
Bureau fera dans quelque
temps encore d'une plus
grande utilité au Public ,
parce que plus il fera connu
plus les avis y abonderent .
& que plus le nombre en
fera grand , plus, chacun y
trouvera à bon compte les
choſes dont il aura befoin.
N iij
150 MERCURE
Levingt neuvième du mois
dernier Monfieur
le marquis
de Dangeau , Grand Maître
de l'Ordre de Saint Lazare ,
-Jes Commandeurs
& les Che
valiers du même Ordre , regurent
dans l'Eglife des Carmes
des Billette avec les ceremonies
ordinaires
Louis
Comte de Smihany
.
L'hiſtoire de ce nouveau
Chevalier eft accompagnée
de circonftances affez parti .
culieres : 11 eft né dans la
Religion Mahometane , fils
& petit fils de deux Bachas
de Boínie & neveu du Bacha

GALANT 151
qui l'eft à prefent , ils font
originaires Chreftiens de
Hongrie , & fortis de l'ancienne
Maiſon des Comtes
de Smihany , une des plus
confiderables de co Royau
me.
M' le Comte de Smihany
pouffé d'un zele pour la Religion
de fes Anceſtres , &
voulant renoncer à celle de
Mahomet , a quitté fon Pays,
& les proches , & eft venu
en France pour executer la
refolution qu'il avoit prife
d'embraffer le Chriftianifme.
Le Roy qui avoit eſté in;
N iiij
152 MERCURE
formé par Mr de Feriol , fon
Ambaſſadeur à Conftantino
ple,de les bonnes intentions ,
luy envoya ordre de le faire
paffer en France , & a bien
voulu sentrer dans ce qui
pouvoit contribuer non feu .
lement à ſa converſion , mais
même à fon éducation & à
fon avancement dans le fer.
vice , où il a temoigné de
vouloir entrer.
Sa Majesté l'a fait tenir
en fon nom fur les fonds de
Baptême par M' le Marquis
de Dangeau , & Madame la
Marquise de Dangeau l'a tenu
GALANT
153
au nom de Madame la Duchef
fe de Bourgogne dans la Cha
pelle de l'Archevêché , Sa
Majesté luy a fait donner
fon nom. colleg
Le Roy avoit cy devant
pourvû à fon › entretien
dans l'Academie de Mdel
Vandeüil , depuis celaŭ ŝai
Majefté luy a donné une
penfion , & l'a fait Officier
dans fon Regiment d'Infan
terie , où il va fervir cette
Campagne , & a ordonné à
M' le Marquis de Dangeau
de le recevoir dans fon On
dre Royal , Hofpitalier , &
w
154 MERCURE
Militaire de Noftre Dame
du Mont Carmel & de Saint
Lazare , ce qui a efte exe
curé auffi toft après avoir
reçû la Bulle du Pape , qui
le rend habile à eftre ad .
mis dans cet Ordre. Cant
Je vous ay fouvent parlé
de la Compagnie Franche de
Mr le Comte de Quelus , connuë
fous le nom de la Com .
pagnie des Volontaires de ce
Comte , elle continuë fes
courfes & n'en fait point fans
remporter quelques avantages
fur les Ennemis , ce que
GALANT 155
Ton peut voir par l'extrait
fuivant d'une lettre de Dieft
où cette Compagnie eft
garnifon , cette lettre eft du
deuxième de ce mois.
en
Un Party" des Volontaires
de Mr le Comte de Qaelus ,
pris quatre Charettes chargées
d'armes que l'on portoit aux Ennemis
. Un autre Party de ces
mêmes Volontaires qui vient
d'arriver nous a ramené un Co,
lonel des Troupes de Hannover
qui a esté enlevé avec feize Che.
vaux de fon équipage au milieu
des quartiers des Ennemis , heu156
MERCURE
reufement Nr le Comte n'a pas
perdu jufques icy un feul de fes
Volontaires , il n'en a eu que
deux de bleffez en voulant pren
dre un Lieutenant Colonel des
ennemis qui fe défendit contre
eux lépée à la main dans une
chambre , mais ce Lieutenans
fut tué. On nous a amenéley une
Bibliotheque dun Miniftre. Mr.
de Quelus a fait vifiter un grand
coffre remply de Sermons , &
manufcrits de ce Ministre. On
a envoyé un Tambour de Maf.
tric pour les demander.
Je vous ay parle dans pluGALANT
157
fieurs de mes premieres Let
tres du Tableau que les Or
fevres de Paris prefentent
tous les ans à la Vierge , le
le premier jour du mois de
May depuis l'année 1449 Je
vous en ay dit les raifons que
je ne vous repere point ; mais
depuis ce temps là je ne vous
ay parlé que de quelques
Tableaux qui ont reçu plus
d'applaudiffemens que les autres
, quoy qu'ils en euffent
tous merité; cependant comme
entre de belles chofes , il
S'en trouve ſouvent qui excellent
, j'ay pû parler des uns ,
158 MERCURE
& garder le filence fur les
autres. Ces Tableaux font.
faits aits par de jeunes Etudians
en Peinture qui ont un genic
fuperieur dans leur Art , &
qui cherchent à le diftinguer.
Ces ouvrages font , fort brie
guez , quoy qu'il en coûte à
ceux qui les font , loin qu'ils
en retirent du profit , à caufe
de leur exceffive grandeur ,
& que la fomme deſtinée
pour le payement de ces fortes
d'ouvrages eftoit fort mo.
dique dans le temps que s'eft
fait cette espece de vou , ou
de fondation
, parce que l'ar
GALANT 159
gent eftoit plus rare en ce
temps là , & que tout ce qui
fe trouvoit ou fe faifoit pour
de l'argent , eftoit à beaucoup
meilleur marché , ainfi les
Peintres qui entreprenoient
en ce temps là les Tableaux
appellez le May , gagnoient
beaucoup , au lieu que ceux
qui les fone aujourd'huy per
dent confiderablement ; cependant
tempreffement d'être
choisi pour faire ces Tableaux
, n'eft pas moins grand
aujourd'huy qu'il a efté autre.
fois , parce qu'il y a beaucoup
de reputation à acquerir par
160 MERCURE
24
Voceux
dont les ouvrages font
applaudis , & que cette répu
tation les mettant en
gue , peut beaucoup contri .
buer à l'établiſſement de leur
fortune. Quoy que celuy qui
a fait le May cette année foit
auffi jeune que ceux qui ont
efté choiſis les années precedentes
, il fe trouve beaucoup
plus avancé dans le bel Art
de la Peinture , qui ne fait
point degenerer la Nobleſſe
qui s'en mêle. Il a efté ſi jeune
à Rome , & s'y eft tellement
formé dans l'Acade .
mie que le Roy y entretient ,
GALANT 161
t
& par l'étude de tout ce qu'il
ya de plus beau en Italie , que
peu de temps aprés fon retour
en Francè , il a merité d'eftre
reçu à l'Academie Royale de
Peinture & de Sculpture; ainſi
loin qu'il y ait efté reçu pour
avoir réüffi au Tableau du
May on peut dire qu'il a
prêté ace Tableau de fon fçavoir
d'Academicien , & que
c'est ce qui a rendu cet ou
vrage plus parfait que ces
fortes de Tableaux ne font
ordinairement . Il porte un
nom qui aidera beaucoup à
perfuader qu'il luy a efté plus
May
1703
O
162 MERCURE

*
aifé qu'à un autre de fe ren
dre habile dans un âge peu
avancé , puifqu'il eft fils de
feu Mr Ifraël Silveftre , dont
on voit une infinité d'ouvra
ges d'aprés les plus beaux endroits
de France & d'Italie
dont il a enrichi le Public ,
& qui a deffimé & gravé les
vûës des Villes conquifes par
le Roy , & de toutes les maifans
Royales dont on conferve
les Planches dans la
Biblioteque de Sa Majesté. Il
s'eftoit rendu fi celebré dans
le Deffin que le Roy , qui
pendant quelque temps avoit
GALANT 163
appris à Deffiner de ce grand
Maifre , le retint à fon ſervice
afin qu'il ne travaillaſt plus
que pour luy , & le pourvat
de la Charge de Maiſtre à
Deffiner des Pages de fa gran
de & de fa petite Ecurie. Il a
eu l'honneur de montrer à
Deffiner à Monseigneur le
Dauphin. On fçait avec quelle
propreté , quel gouft , &
quelle jufteffe ce Prince de ffi.
ne. Les Princes & les perfonnes
de la premiere qualité
voulurent à l'exemple de
Monfeigneur , apprendre à
deffiner de Mr Silvestre . Il
O ij
164 MERCURE
ne faut pas s'étonner fi celuy
de fes enfans qui a fait le May
cette année , ayant eu dés fa
plus grande jeuneffe des ou
vrages parfaits devant les
yeux , s'eft trouvé plutoft que
les autres en eftat de reüffir
dans les plus grands ouvra
ges , & d'avoir une place à l'Academie
Royale de Peinture
& de Sculpture.
Je ne vous ay rien dit du
Tableau qui fait le fujet de
cet Article , il reprefente le
moment où Saint Pierre aprés
avoir dit au Boiteux de fe lever
, & de marcher au nom >
GALANT 165
de Jefus Chrift , le prend par
la main droite , & le leve.
J'aurois trop à m'étendre ſi je
voulois entrer dans toutes les
parties de ce Tableau , done
on a donné au Public un imprimé
qui en fait parfaitement
bien remarquer les
beautez .
Le Public fouhaitoit d'avoir
une Carte des Sevenes
de Mr. de Fer , & il vient de
luy en donner une , intitulée ,
Partie orientale du Gouverne
ment general du Languedoc , où
Je trouve dans les Servenes be
Bas Languedoc , le Dioceſe de
166 MERCURE
t
Mandele Gevaudan , partie
du Diocefe Dupuy & le Velay ,
le Diocefe de Viviers & le Vi.
varais , les Diocefes d'Ufés , de
Nifmes , de Montpellier, d'Alais,
de Lodeve,de Beziers &d'Agde.
M' de Fer eft fi connu , qu'il
n'eft plus neceffaire de dire
où il demeure , & de nommer
fon Enfeigne, pour apprendre
au Public où fes Cartes le ven .
dent .
Vous avez fçu que le Roy
a envoyé fon Portrait à Mr
le Prince de Vaudemont , &
que ce Monarque , qui ne faic
point de graces à demy , a fait
GALANT 167
en même temps l'honneur à
ce Prince de luy écrire de fa
propre main. Voicy une copie
de la Lettre de Sa Majeſté.
*
De Marly le 19 Avril 1703.
Si les occafions de recompen
fer dignement vos fervices font
plus rares que je ne fouhaiterois
je veux au moins en attendant
qu'elles fe prefentent , vous don .
ner une legere marque de l'estime
de l'affection particuliere que
jay pour vous. Confervez le
Portrait que je vous envoye ,
·comme une affurance de mesfen168
MERCURE
simens ; la fimplicité du prefent
doit vous faire voir que je n'ay
pas voulu qu'il eut d'autre prix
que celuy que vous y mettrez
vous même.
Signé, LOUIS .
Vous devez avouer que le
Roy ne tient pas un rang
moins confiderable parmi les
beaux Efprits , que parmi tous
les Souverains de l'Europe ,
on voit un caractere d'efprit ,
de grandeur , & de bonté
dans cette Lettre qui fe fait
d'abord remarquer. Elle die
peu & contient beaucoup ,
ce
GALANT
169
ce font de ces choſes naturel.
les que l'étude ne donne
point, & qu'un honnefte homme
tire plutoft de ſon coeur
que de fon efprit.
La guerre
n'empêche pas
les Lettres & les Arts de fleu
rir fous ce
Monarque qui les
aime. Les Livres
nouveaux
qui
paroiffent tous les jours
marquent
que le bruit des ar
mes n'effraye point les Mufes
de
France. On a vû depuis
peu des Effais de
Litterature ,
qui excitent des troubles dont
l'Empireides Lettres, ne peut
May 1703. P
170 MERCURE

que profiter , & l'on vient de
voir deux Livres remplis de
Tailles douces , intituleza ,
Ellais de Graveure , par Pierre
Bourdon , Graveur à Paris , où
l'on voit de beaux contours d'or
nemens , traitez dans le gouft de
l'Art , propres aux Horlogeurs .
Orfeures , Cifeleurs , Graveurs ,
& à toutes perfonnes curieuſes .
Ces livres fe vendent à Paris
chez l'Auteur , Place Dauphi
ne. Ils font gravez avec pro.
preté , & il y a des coups de
Maistre parmi les Effais .
Pendant que les Lettres &
les Arts qui ont befoin du tra-
2
tide
s de
2
erre
4 de
fts.
aris
phi
ro.
de
THEQUE
BIBLIO
LYON
1893
DEL
VILLE
171
func
qui
litaail
rez,
Fenc
leur
Ade
in ,
ver.
pa-
5&'
de
170
que
coli
voi
Ta
E
Bo
l'oi
ane
oli-
PA
0
C
cl
n
GALANT 171
ail de la main , Acuriffent
malgré la guerre les Arts qui
demandent plus de meditation
d'efprit que de travail ,
ne font pas moins cultivez ,
& les Dames s'en mêlent
auffi , feulement pour leur
plaifir , c'est ce que vient de
faire Mademoiselle Chefin ,
dont l'efprit répond à la ver.
tu , en mettant en Air les paroles
fuivantes.
MA AIR NOUVEAU.
FVyez mes pas , accablé de
douleur
Pij
172 MERCURE
Feviens icy charmer ma iriste
plifyinquietude breng cub
Heureux ,fi cette folitude
Peut fufpendre un moment les
retroubles de mon coeur. Regodk
Mademoiſelle de Mirepoix
vient d'époufer M le Marquis
de Lerán premier cader
de la Maifon de Levi: Meffieurs
de Leran ſont ſeparez de celle
de мirpoix dés l'onziéme fie
cle : celle de Vantadour ne l'a
efté que plus de cent ans
aprés. Il y a eu de grands
hommes & d'Epée & d'Egli
fe dans cette branche ; elle
GALANT 173
a donné deux
Archevêques
d'un grand merite à l'Eglife
d'Arles , & deux Cardinaux
au Sacré College , tous deux
fucceffivement
Ambaffadeurs
de France à Rome , où ils
moururent. On voit leurs
tombeaux dans l'Eglife de
Sainte Marie Majeure . Celuy
qui a commencé
leur Bran
che ettoit fecond fils de Jean
de Levi , Seigneur de Mirepoix
, & de Conftance de
Foix fille du Comte Souverain
de Foix & de Marguerite
de Bearn ; c'est pour cela
que la maifon de Leran
44
Piij
174 MERCURE
T
brile les armes de Levi del
celles de Foix & de Bearn .
Mademoiselle de Mirepoix
e fille de feu Mile Mar
quis de Mirepoix , perendes
deux:u
Marquis de Mirepoix
tous deux morts , l'aifné il
y a quatre ans , & le cader
l'année derniere il nerefte
de la Maiſon de Mirepoix
aifnée de la mailon de Levi
qu'un fils uniqueâgé de trois
ans & fils du dernier mort.
Mademoiſelle de Mirepoix
qui vient de fe marier eft
une perfonne d'un merite
seconnu , auffi honorée par
GALANT 175
fa veriu que par fa naiflanced
Elle a prefere un homme de
fon nom à des partis tresconfiderables
qui le préfentoient
pour elle tout de
monde fçait que c'eſt un des
plus grands noms du Royau,
me & par fon antiquité , &
par fon éclat Mr le Marquis
de Mirepoix , pere de la nonvelle
mariée eftoit Marêchal
de la Foy , titre hereditaire
aux aifnez de cette maifon
illuftre , il eftoit de plus Se
Befchal de Carcaffone , de
de Beziers , de Limous & de
Pamiers , & Gouverneur &
Piiij
176 MERCURE
Lieutenant General pour le
Roy de la Province de Foix ,
& des Pays de Donezane &
d'Andorre. Le Marquifat de
Mirepoix , la Principauté de
pefchofeul le Marquilar de Los
magne , la Comté de Gimois ,
la Vicomté de Monfigur &
beaucoup de Baronnies font
dans cette mailon . Madame la
Doüariere de Mirepoix meré
de la nouvelle mariée , eft de
Tilluftre & ancienne Maifon
du Puydufou , & de Champa
gne , foeur de feu Madame la
Comteffe de Grignan fille de
feu Meflire Gabriel Marquis
"
GALANT 177
du Puydufou & de Champagne.
Mrs de Ste Marte ont fait
la genealogie & les fix vingts
huir quartiers de
ne Maiſon.quitte ancien .
finit en madame
la Doüariere de Mirepoix ;
ainfi que l'illuftre maifon de
Bellievre a fini en feuë madame
la mere, quieftoit loeur du
fameux M' le Premier Prefi .
dent de Bellievre , & de мr
leb Premier Prefident d'aujourd'huy.
Les alliances de
lamailon de Mirepoix ont
toujours efté des plus confi
derables , & celles de la maifon
du Puydufou l'ont efté
x
178 MERCURE
de même ; il y a pealde.
grandes maisons de la Cours
où elle n'aye des parens out
qui ne foient dans leur allian
ce , Mademoiſelle de mire
poix eft la troifiéme fille de
la maifon qui entre dans celles
de Leran depuis leur fepara
tion : Mr le Marquis de Leran
a trente -trois ans , & ily ent
a quinze qu'il fert le Roy dans
fes Armées avec beaucoup
d'approbation , ila toutes les
vertus de fon nom & tou.
tes les bonnes qualitez que
doit avoir un homme de fa
naiffance.
GALANT 179
Mr Hoüelles, Capitaine
aux Gardes a époulé Made ,
moifelle de Langey. Ce Gen
tilhomme à beaucoup de mé.
riteņil altoujours fervy avec
diftinction . Sa maifon eft
ancienne bdans la Robe &
dans l'Epée ! Elle a eu d'illuf
tres Sujets dans l'une & dans
l'autre de ces deux Profeffions
. Mr Hoüelle a des freres
& des foeurs. Mademoifelle
Hoüelle eftune fille d'un
merite diftingué & dont l'efprit
eft fort connu dans le
monde . Mr l'Abbé Hoüelle
a beaucoup d'attachement
A
180 MERCURE
pour l'étude & pour les let
tres , & pour y donner une
partie de fon temps avec plus
de loifir & plus de tranqui
lité , il s'eft renfermé dans
le College de Bourgogne où
il loge : c'est là , qu'enleve
ly , dans les livres , dont il
un nombre confiderable , il
s'abandonne fans reſerve à
l'amour qu'il a pour les let
tres . Mademoiſelle de Langey
eft une tres belle perfonne :
elle logeoit au Palais d'Or.
leans ou fenë Mademoiſelle
qui avoit beaucoup de confideration
pour fon illuftre
GALANT 181
Maiſon , luy avoit donné un
appartement, Elle a une penj
fion du Roy , qui a figné auffi
bien que toute la Cour à
fon Contrat de Mariage. Il
n'y a perfonne qui ne connoiffe
l'illuftre Maiſon du
Bellay dont eft la nouvelle.
mariée. Cette Maiſon qui a
donné tant de grands homa
mes à l'Etat & à l'Eglife , eft
fortie de l'Anjou , Ileft inu
tile d'entrer à ce fujet dans
un détail Genealogique , tous
nos Hiftoriens , & fur tout
Morety , parlent avec affez
d'étendue de cette maiſon ,
182 MBR CURE
Il fuffit de fçavoir , par raport
à Madame Houelle que
Louis du Bellayy Seigneur
de Langey fonda la branche
de Langey. Il fur Pere de
ce fameux Guillaume du Bel.
lay , Seigneur de Langey ,
qui fut fi utile à François I.
foit qu'il commandant
fes
armées , ou qu'il fut chargé
de quelque negotiation pour
fon fervice. Ce fut luy qui
engagea plufieurs Univerfitez
du Royaume à fe déclarer
pour le divorce de Henry
VIII. Roy d'Angleterre.
Il fut envoyé plufieurs fois
GALANT 183
auprés des Princes de la li
gue proteftante d'Allema
gne , il avoit compoſé une
hiftoire de fon temps divifée
en ogdoades , c'eſt à dire que
chaque divifion eftoit en
huit livres. Il faut confulter
fur fon fujet Brantome
, &
le Fort inexpugnable de l'honneur
du Sexe feminin , composé
par François de Billon pour
Panisss Sa Mere eftoit Marguerite
de la Tours Landry .
Mr de Theligny qui demeure
à l'Inftitution , eft frere
de Madame Hoüelle
ceft un Gentilhomme d'un

184 MERCURE
grand merite & fort déta
ché du monde . Sa vie eft
exemplaire : & le détachez
ment où il vit des chofes de
la terre , eft fingulier.
Le difcours fuivant a efté
fait par un celebre Philofophe
Platonicien ; l'Auteur du
Livre intitulé Lettre de M***.
à M *** fur les nouvelles
découvertes delafituation de tous
les élemens , & qui fe vend à
Paris chez Thomas Moëtte ,
ruë de la vieille Boucleric,
On fçait l'eftime que les Sça,
vans ont faitc.ddeesccee Livre ,
GALANT 185
qui contient des choſes tresfingulieres
, Lazza
DE LA CONFORMITE '
20
& des raports des Quali ~
tez , proprietez & actions
des corps naturels , vivans
politiques & économiques
& de celles des efprits
des ames , & des autres
fubftances immaterielles
aux circulations des éle
mens du Monde fublu .
naire.
A participation & la propaga.
tion e la circulation & des vicif-
May 1703. Q
186 MERCURE
fitudes des Elemens & des faculter
oppofees , defquelles elles poffedent ;
s'étendent à tous les mixtes à
tous les vivans & à tous les ani .
maux renfermez dans le Globe elementaire.
*
F'aurois pû autorifer par les citations
latines des Auteurs dont je
me fers , tout ce que j'ay avancé ,
& tout ce qui me reste à dire pour
le mois prochain : j'ay même des copies
où font ces citations , mais je
n'ay pas juge à propos de les mettre
dans toutes , & fur tout dans
celle - cy , parceque l'Auteur du
Mercure ne reçoit pas les Ouvrages
latins qui paffent
re ou
cinq lignes , 1'en ferai part aux cum
rieux qui defireront les voir
La circulation des humeurs nesffaire
à la vie des Animaux ne
&
GALANT 187
fe feroit pas ,fi elles n'étoient par
des principes & moyens pareils continuellement
pouffées du coeur aux
parties exterieures qui leur tiennent
lieu de circonference , & fi elles n'étoient
pareillement repouffees des
parties exterieures au coeur qui eft
la fin & le centre de tous leurs
mouvemens. sub
La vegetation des Plantes n'eft
entretenuë quepar la circulation de
Ja feve qui monte & qui defcend
fuivant la conftitution naturelle ,
fuivant la difpofition de leurs fibres ,
fuivant les differentes alterations
des Elemens fuperieurs & inferieurs
des racines au tronc , aux
branches & aux rameaux , & des
rameaux , des branches , & du tronc
aux racines par les viciffitudes de
ces mouvemens lafeve eſt pargée
Qij
188 MERCURE
cuitte , preparée & difpofée à la
nourriture à la confervation de
toutes les parties du corps qu'elle
anime. ging
Tous les autres mixtes feroient
privez des Atmospheres qui font
leurs fympathies & leurs anthipa
thies , les attractions , impulfions ,
& expulfions de ce qui leur eft , &
de ce qui ne leur eft pas convenable ,
s'il ne fe faifoit par des affluences ,
une reftitution proportionnée de ce
-qui paffe à leur dehors , & à leurs
extremitez , par des écoulemens continuels
, lefquels écoulemens & affluences
entretiennent par une cir
culation convenable à leur nature.
toutes les proprietez de leurs ef
•peces.
Les vertus magnetiques , attrac
tives & expulfives de l'Aimant
GALANT 1891
les
que les plus fameux de ceux qui
ont traité de fa nature ont comparé
au globe terreftre neprocedent que de
pareils principes dém lions & dim .
millions continuelles & reciproques
de ce qui forme l'atmotfphere de cette
pierre , & en perpetuè la circulations
tion.
C'est d'un même genre defacultez
de leurs differentes efpeces que la facilité
& la difficulté des mélanges
& des adherences , des unions & des
incorporations , des divifions , & des
precipitations naiffent entre les metaux,
les mineraux ,fuivant lesrapports
& les proportions , ou fuivant.
les oppofitions & difproportions , des
viciffitudes , des mouvemens ,
leurs atmotfpheres .
de
Et c'eft d'une pareille viciffitude de
mouvemens d'atm atspheresque pro.
190 MERCURE
cedent tous les effets des vertus elec
triques defquelles il feroit aifé de
demontrerque tous les corps foit fecs
foit bumides font en quelque façon
participans.
De méme que dans la divifion
d'un gros aimant toutes fes parcelles
retiennent des portions des deuxfacultezcontraires
qui dirigeoient l'at
motfphere de cet aimant , lefquelles
portions forment dans toutes ces parcelles
unpetit atmotſphere qui garde
par des mesures proportionnées à leur
groffeur le mefme ordre que l'atmots
phere de l'aimant en fon entier dans
le principe, dans la fin & dans les
viciffitudes de ces mouvemensing
De mefme toutes les portions de
tachées de la maffe des clemens , &
tous les mixtes qu'elles compofent
, retiennent dans leur conteGALANT
191
nue & dans leur formation , de ces
deux facultez contraires quis regiffent
l'atmosphere general du globe
elementaire qui les enferme
quelques particules quiforment dans
leur petit corps un petit atmotſphere
qui reprefente par l'ordre , les mesu
res , & les proportions de fes mouvemens
le grand atmosphere dont
il a esté tité.
les
C'eft de l'ordre & des mesures des
convenances & difconvenances ,
proportions & difproportions que
differens atmotfpheres de tous les
corps , ceux de tous les corpufcules.
gardent dans tous leurs mouvemens
& dans toutes leurs circonftances qui`·
procedent toutes les proprietez &
qualiter des mixtes , leurs affections
& leurs alterations , leur genera
tions & leurs corruptions , leurs
192 MERCURE
unions , & leurs divifions , & ges
neralement toutes leurs mutatio ns.
Mais la connoiffance de la natu
re & de la difference des atmoſphe
res des divers corps , merite an long
difcours refervé à un autre Traité ,
par lequel l'explication des rapports
reciproques de l'ordre & des difpofitions
des parties & des particules
de ces parties à leur tout , & du tout
aux parties , & aux particules qui
le compofent ,feront une demonftration
de la difpofition de diverfes
portions des facultez oppofées de
Patmotfphere dumonde elementaire .
Tous les corps qu'il enferme ne
font que des portions & des particu
les qui
le reprefentent entierement
ainsi que toutes les petites pieces.
dune glace brifée d'un grand miroir
font vairenracourci toutes les parties
du
GALANT 193
duméme objetqui étoient repreſentées
par le grand miroir en fon entier ,
& que dans les moindres corpufcales
fufceptibles de politeſſe on trouvepar
le moyen du microscope l'image de
tout noftre hemifphere.
Mais ces rapports reciproques
dentre les parties & leur tout , &
des panties entre elles ne font que
des confequences des veritezplus re
levées , les chofes materielles fupe~~
rieures& inferieures , depuis les plus
grandes jufqu'aux plus petites , ne
font que fuivre les idées imprimées
à leur nature par les intelligences
qui les penetrent , & qui les regiffent
, dans les facultez defquelles
convenables à leurs efpeces d'une
oppofition pareille à celle que Lon
decouvre dans le globe terreftre , on
trouve l'exemplaire de celles qui
May 1073.
R:
194 MERCURE
agitentpar des viciffitudes continuelles
l'atmosphere de tous les corps
Cesfacultez innées dans les efprits
immateriels élevent continuellement
les idees qui compofent l'afphere de
leurs intelligences depuis la fin de
leur creation commune avec celles de
tous les eftres creez , jufque à leur
Supremeprincipe & les abaiffe en la
meme maniere depuis la hauteur de
te principe jufqu'à leur derniere
fin.
Cette fin commune à tous les eftres.
confifte dans la feule gloire de leur
auteur , au fent point de laquelle
les efprits bienheureux dirigent comme
à fon centre tout le progrés de
leurs operations , auquel ils redigent
celuy de tous les fujets dont le
regime leur eft commis
Dans la grandeur infinie de cette
GALANT
195
gloire celle des intelligences arrive
à un degré d'autant plus éminent
qu'elles ont abaiffé devant le principe
de leur exiftence les idées d'elles-
mêmes parune plus profonde humiliation
gilletas tal
C'est à la hauteur de ce principe
univerfelque ces facultez innées portent
leurs contemplations : elles refferent
toutes leurs actions depuis les
dernieresfins aufquelles elles ont efte
dirigées jufques à la circonference miferente
de cette toute - piffance qui
termine toutes les autres & les
efpritsfont d'autant plus élevez par
leurs dignitez & par leurs perfec
tions qu'ils ont dans leurs minifteres
plus de foumilion à fes ordres , &
de fubordination à jes loix.
Ces adequations d'élevations , &
d'abaiffemens d'exaltations , &
R. ij
196 MERCURE
d'humiliations , au moyen defquelles
la continuation perpetuelle des
contemplations des efprits , conferve
une proportion égale entre les respects
qu'ils ont à leurs fins , & les refpects
qu'ils portent à leurs principes , produtfent
dans l'afphere des intelligences
ces viciffitudes , & ces revolutions
continuelles que leurs idées
impriment aux fubftances materiel_
les par la liaifon & les correfpondances
reciproques que les chofesfuperieures
entretiennent avec les in
ferieures neceffaires à leurs ordina.
tions & à la perfection de l'Univers.
MyMais l'importance , la profondeur
& l'étenduë d'un ſujetfi relevé demandant
un difcours particulier ,
laiffent revenir celui- ci à une matiere
plus commune & plus convenable,
GALANT 197
“ን
Dans le fens commun des animaux
les especes qui rempliffent la
Sphere de l'imagination , eftant continuellement
agitées par les divers
mouvemens de l'appetit ; toutes celles
des objets qu'elles reprefentent
comme bons font portées par les éma
tions de la concupifcence à l'idée de
la delectation qu'elles luy promettent
, comme à la fin & au centre
de fes intentions ; & toutes celles
des objets reprefentez comme mauvais
font par l'apprehenfion de la.
partie irafcible de l'appetit écartées
de cette fin , & expulfées de ce
centre du point duquel l'idée de la
douleur dont elles le menacent , eft
repouffée hors les termes de fon ambi_
tion & rejettée aux confins de fon
averfion.
"
La nouveauté qui rendplus fen-
Riij
198 MERCURE
fibles & la longue habitude
qui
rend infenfibles
à l'appetit
res
les mees
objets , & la furabondance par
laquelle les plus agreables deviennent
ennuyeux & dégoutans ; donnent
fuivant la diverfité des circonfances
& fuivant les differentes dif
pofitions des Puiffances les apparen
ces de bons & de mauvais aux mèmes
objets.
Les images de ces objets empreintes
de ces differentes couleurs frappant
l'appetit dans l'une de fes parties
concupifcible , ou irafcible , font
fuccefivement portées par l'une a
Pidée du terme de fes intentions , &
rejettées par l'autre au dehors des
Confins de fon ambition ; tes admiffions
rejections de ces images changeantes
des mêmes objets , font dans
la fpher e de l'appetit des vicillitudes
*BIBLIO
LYON
DE
LA
DE
LA
GALANT
des revolations perpetuel gro
imprime aux efprits enferman
les organes qui lay font fubordonnees
lefquels les communiquent par une
frequentefucceffion de ports & de rapports
à toutes les differentes parties
du
corpstuse du
Les mêmes oppofitions de faculter
& de mouvemens (e rencontrent dans
l'entendement : la science eft lafin de
fes intentions, &le centre defon reposi
les premiers principes font les fonde.
mens furlefquels il éleve fes connoif
fancesjufques aux veriter lesplusfu
blimes
& toute la fphere defon raifonnement
eft renfermée dans les facultez
qu'il a d'affirmer & dénier.
Parces facultez il donne aux objets
de fes operations fuivant les difrentes
faces qu'ils montrent de verité
ou de faulleté , fes aveus ou fes defa-
Riiij
200 MERCURE
veus , leurs entrées en fa croyance
ou leurs exclufions , & c'eft de ces oppofitions
des actions de Pentendement,
des paflions des objets que naiffent
dans cette puiffance les viciffitudes &
les revolutions décrites fuivant la
doctrine de Platon , par Zara Evê
que d'Aquilée dansfon livre del'Anatomie
des Efprits , des termes du
quel les lignes fuivantes font la traduction.
Platon a nommé l' Ame humaine
un cercle , parceque comme un cercle
fa revolution d'un point à un au
tre ; ainfi l'ame humaine lorfqu'elle
raifonne , fe porte d'une connoiffance
à une autre , & pourſuitfon cours par
l'involution & par le mélange d'une
infinité de connoiffances , par les caufes
, les fujets , les paffions , & les
proprietez ; jufques à ce qu'elle juge
GALANT 201
"
par l'antecedent de la fuite neceſſaire
de confequent , & qu'elle retourne
derechef au même terme dont elle et
partie , imitant par cette maniere
la nature du cercles ROKA
» Cornelius Gennua , fuivant cette
mème doctrine en fon Dialogue , dit
que les ames agitées de haut en bas
& de bas en haut , accompliffens
plufieurs circulations : il dit dans un
autre endroit qu'ily a dans nos efprits
à l'exemple des intelligences fublimes
, de même que dans la lune en
la maniere des orbes fuperieurs , un
ordre perpetuel d'afienfions , de def
cenfions & de converfions , felon les
degrez de l'entendement & de la connoiffance
ou de la volonté ou de l'appetit
, ou enfin de l'action & de la
puiffance lesquelles l'ame a puifé
dans les efires fuperieurs , & qu'elle
202 MERCURE
tranfmet dans les chofes inferieures 20
La volonté qui a la
Liberté de
fuivre les lumieres de l'entendement,
on les peintures de l'imagination
les maximes de la raison , ou les inclinations
de l'apetit, pourvue defacultez
d'une oppofition pareille à cel
les des autres puiffances ; admettant
ce que
celles qui la guident luy propofent
comme bien & rejettant ce
qu'elles luy expofent comme mal ,
agite inceffamment par de pareilles
viciffitudes d'approbations & d'im
probations , d'admiſſions , &d'inadé
milions , les images des mémes ob
jets fuivant les differentes facesfous
lefquels ils luy paroiffent.
4
Et s'il nous eft permis de lever
noftre raifon de la confideration des
chofes naturelles jufques aux mifte
res de noftre Religion , les mêmes graGALANT
203
ees par lesquelles Dieu defcend inceffammentjufques
à nous , & par lef
quelles fupléant à la foibleffe de nas
puffances il concourt à toutes nos
actions élevant par les rapports
que nous en faifons à fa bonté , nos
penfées & nos reconnoiffances juf
quesau principe dont elles partent
nous font monterjuſques à luy.
Dans les corps politiques dans
lefquels les Souverains , où les Magiftrats
font des images de la Divinité
; l'hatitude generale des fujets
à la foumiſſion leur confere inceffamment
la même puiffance & la
même autorité qui leur a eftè tranfmife
dès l'établiffement des Monarchies
ou des Republiques par
mun confentement des Peuples pour
eftre exercéespar la prudence & par
lajuſtice : cefont les bornes & les rele
com204
MERCURE
gles dans lesquelles doit eftre renfermé
& reduit tout le miniftere de
leur gouvernement dont les devoirs
ne confiftent qu'à maintenir le bon
ordre au dedans & les dehors enfeureté.
Cette même autorité eft recipro
quement communiquée & diftribuée
par les Princes ou par les Magiftrats
Souverains, aux divers membres
de l'Etat par l'élevation des
Sujets qui le
complent fuivant les
qualitez de leur merite & l'utilité de
leurs difpofitions , aux honneurs &
aux facultez neceffaires à la fubordination
qui contient tous les particuliers
dans leur ordre & dans leurs
devoirs .
Cette confpiration generale des
Sujets à l'autorité , à la puissance
& aux facultez des Souverains , &
1
GALANT 205
la diftribution qui en eftfaite par les
Souverains auxfujets propres , aux
emplois utiles au public , entretiennent
par les viciſſitudes perpetuelles
leurflux & de leur reflux , de leur
progrés & de leurs retours , des Souverains
à leurs Sujets , & des Sujets
à leurs Souverains , les communications
& les correfpondances qui font
& qui confervent les liaisons entre
tous les Membres de l'Etat,
LesFinances dont tous les ordres ti
rent les moyens neceffaires à leurfubfiftance,
& à leurs fonctions, dont les
premiers fonds font dans les Fabriques,
dans les trefors , & dans les épar
gnes desfouverains pallant continuel
lement pour le payement des gages ,
appointemens & recompenfes des Of
ciers des gens de guerre & de juftice ,
& de tous les autres Sujets employer
206 MERCURE
aux diverfesfonctions de l'Etat ; &
pourles frais des Munitions , des Ar
memens & des Fortifications ; juf
ques aux Frontieres des Souverais
netez, reviennent inceffamment par
les tailles , aides fubfides , fubven
tions , & contributions , gabelles ,
doüanes, taxes & autres impofitions,
aux mémes fources & aux mêmes
principes où elles ont pris leur ori
gine.
A
Et c'eft la jufte proportion de toutes
les diftributions , contributions ,
& retributions , difpenfations , &
compenfations , par lesquelles les
pouvoirs , lesfacultez les biens , &
lesfinances vont , viennent , &cir
culent regulierement dans les Etats ,
qui enfont la perfection & la felicité.
Dans lesfamilles nombreuſes &bien
GALANT 207
ordonnées dans lesquelles tous les
membres concourent unanimementpar
leurs foumillions ordinaires aufoutien
de la même autorité , à l'établiffement
de laquelle ils ont des le commencement
confpiré on confenti par
les mouvemens que la nature , Lear
de voir & leur pieté , ou que leur utilité
leur ont infpirée.
Le Chef devant pour le bien commun
du foin duquel il eft chargé ,
mettre l'ordre requis entre tous les
membres qu'il doit regir , établitane
fubordination des uns aux autres
par la commision & diftribution de
cette même autorité.
A ces fins il éleve les Sujets capablesfuivant
leur merite , leurs qualitez,
& leurs difpofitions , par leur
Promotion aux Offices prepofez à la
confervation , éducation , direction ,
208 MERCURE
&avancemens des autres , & à
l'administration des biens & des
"moyens neceffaires à ces fonctions
du bon exercice defquelles ils doivent
répondre & rendre une raifon exacte
& un compte fidelle de leurs emplois
a celuy de l'autorité duquel la leur
releve.
Ce Chefdoit reciproquement par
une revifion continuelle entrer fucceffivement
dans tout le détail des
raifons & des comptes des uns & des
autres ; en obferver & corriger les
manquemens & les erreurs , en reparer
les deffauts , en reformer & relever
les abus & les relâchemens .

Ce Chefdoit conferver és tétablir
par tout une juſte diſpoſition par
La réiteration de fes foins , renovation
de fes ordres changemens or
maintien , élevation on abaiffement
t
GALANT 209
de ceux qu'il a prepofé aux autres ,
fuivant leur plus ou moins grande
exactitude & application à remplir
tous les devoirs de leurs Offices &
à s'acquitser de leur miniftere.
La communication & les participations
convenables des biens de la
famille, les juftes regalemens , diftri
butions , retributions defes moyens ,
& defes facultez, entretiennent par
les correfpondances refpectives de la
foumiflion des fubalternes & du bon
ufage desprepofez, envers eux l'u
nion neceffaire entre tous les membres
l'obfervation reguliere &
reciproque de tous leurs devoirs produifent
par des fucceffions , réiterations
&renovations continuelles la
perpetuité des viciffitudes & des circulations
qui font la fermeté , la
May 1703 .
S
210 MERCURE
conftance & la perfection de tout
corps , bmerg ob mbaezaruojĝos
x
On donnera le refte de cet
Ouvrage le mois prochain.. )
M' le Comte de Verrue
qui a acheté de Male Maré.
chal de Villars la Charge de
Commiſſaire General de
la Cavalerie , eft le chef de
la maifon de Scaglia une des
plus confiderables & des plus
puiffantes du Piedmont. Ses
Anceftres depuis les temps
les plus reculez ont eu des
emplois des plus diftinguez à
TGALANT 211
la Cour de Savoye , & ils ont
toûjours rendu de grands fer
vices à leurs Souverains . Ferdinand
Comte de Scaglia fuc
favory du Comte Vert . M' de
Verrüc eft neveu de feu M
l'Abbé de Verrüe que nous
avons veu icy Ambaſſadeur
de Savoye , & qui s'acquita
fi dignement de cet employ.
La mere de M ' le Comte de
Verrüe eft une heritiere de
Dauphiné fille unique de feu
M' le Comte de Difimieux,
& de Anne du Puydufou ,
foeur de feu M' le Marquis
du Puydufou , & de Cham
Sij
212 MERCURE
pagne pere de Madame
la
Douairiere
de Mirepoix
en
qui finit ce grand nom , dont
les Meffieurs
de fainte Marthe
nous ont laiffé la Genealogie
& les fix vingts huic cartiers.
M' le Comte
de Verrüe
a quatre
enfans , deux filles Religieufes
à Vienne en Dauphiné
, où eft madame fa mere
qui foutient toûjours
ce
caractere
de vertu & de pieté
exemplaire
qui l'ont faite
honorer
dés fa plus grande
jeuneffe : Ses deux fils qui
promettent
beaucoup
, font
élevez , l'un en Savoye , l'auGALANT
213
@
trerà Paris il y a de tresgrands
biens dans cette maifon
Mile Comte de Verrüe
a fept Comtez & cinq marquilars
, avec les droits les
plus honorables , & les plus
diftinguez : ila efté Colo .
nel de Dragons fur le pied
étranger , & il s'eft acquis
à l'Armée autant de reputa
tion par la conduite & par
fa valeur , qu'il en a dans le
monde d'eftre un homme
plein d'honneur & de probi
té ; peu d'hommes font auffi
bien faits que luy : il a les
fentimens elevez & les ma214
MERCURE
nieres douces ; il a l'ame hau
te & l'accueil gratieux & pre
venant , il eft eftimé de tout
le monde , & honoré de tous
ceux qui le connoiffent particulieremento;
il fçait par
tout le faire des amis , & il
m'en fçait pas perdre. Il a été
élevés en France , dans le
temps que Mriſon Oncle
eftoit Ambaſſadeur, auffi n'a
t'il rien d'étranger , ny dans
fes manieres , ny dans les fen.
timens : fon fils - aîné doit
époufer Mademoiſelle de Pia
neffe ; tout eft d'accord pour
ce grand Mariage. Mr le
GALANT 215
21008
Comte de Verrüc a l'honneur
d'apartenir à Mr le Prince ,fon
grand pere maternel , seftoit
coufin germain de Madame
la Princeffe , fille de Mr le
Conneftable de Montmo
rency, chama kaka ma dì quot
Mile Comte de Verrue a
époufé N ... d'Albert de Lui
nes foeur de Mr le Duc de
Chevreuſe , de Meffieurs les
Chevaliers de Luines & Comte
d'Albert ', & de feuë Madame
la Princeffe de Bournonville.
7. Le 17. de ce mois Son Excellence
Mr Dom Pedro de
216 MERCURE
Los Rios & Mendoza , dont
je vous ay deja parlé , Capi,
taine general en furvivance
des Armées Navales de Sa
Majefté Catholique , & fils
aîné de Mr. le Comte de Fernand
Nuñez qui a cette Char
ge , prit congé du Roy pour
aller faire la Campagne fur
le Vaiffeau de Mr le Comte
de Toulouſe , Sa Majesté luy
a fait l'honneur de le deftiner
à fervir fur ce Vailleau
en qualité de Lieutenant ,
& luy fit voir qu'elle continuoit
d'avoir pour luy
les bontez dont elle l'a ho
noré
GALANT 217
noré en tant d'autres rencon
tres : 11 a eu le bonheur de
s'attirer l'eftime de toute la
Cour pendant le fejour qu'il
y a fait il y a efté traité avec
la diftinction qui eſt dûë à
fon merite & à fa naiſſance.
Frere Gabriël du Châ .
telet de Frefnieres , Chevalier
de l'Ordre de Saint Jean
de Jerufalem , grand Croix ,
& grand Hofpitalier de l'Ordre
&
Commandeur de la
Commanderie de S. Eftienne
en Normandie , & Comman-
T
May 1703.
218 MERCURE
deur de la Commanderie de
Coulomiers , eftant en droit
a accepté aprés la mort de
Mr le Chevalier de Hautefeuille
le grand Prieuré d'A
quitaine , à l'exemple du Fre.
re Gabriël du Châtelet de
Moyencourt fon grand oncle
, Commandeur des Com .
manderies de Coulomiers , &
de faint Jean en l'Ifle , qui
aprés avoir efté grand Treforier
, grand Hofpitalier ,
Bailly de la morée , & avoir
paffé par toutes les dignitez
de l'Ordre , mourut à Malthe
au retour du commandeGALANT
219
1
ment des Galéres , en l'année
1556.
je
La Maiſon du Chaſtelet
eft originaire de Flandre.
Claude du Chaftelet a époufé
Antoinette de Moyencourt
, unique heritiere de
la terre & des autres biens
fitué dans la Province de Picardie.
La feconde branche
de cette maiſon porte le nom
dedu Chatelet de Fremieres.
La troifiéme eft établie en
Lorraine , fous le nom de du
Chaſtelet Cyray. Cette bran
che et depuis longtemps
attachée aux Ducs de Lor-
Tij
220 MERCURE
raine , elle eft fort diftinguée
dans toute l'étendue du Du
ché.
Rien n'eftant plus com.
mun que la mort , rien n'eſt
plus ordinaire dans mes Lettres
que les articles qui la
regardent ; ainfi vous ne devez
pas eftre furpriſe fi vous
en trouvez pour la troifiéme
fois dans cette Lettre . Ces
perfonnes nouvellement decedées
font.
M' de Bechameil , Marquis
de Nointel , Surinten .
dant de la maifon de Son
GALANT 221
Alteffe Royale feu Monfieur
le Duc d'Orleans : Il avoit
efté Secretaire du Confeil
pour les Finances qu'il enten.
doit parfaitement , il avoit
époulé Dame N.... Colbert
foeur de M' l'Abbé de Pré.
montré & de feue Madame
Pellot Premiere Prefidente
de Rouen. Mr de Bechameil
laiffe un fils & deux filles ,
fçavoir Mr le Marquis de
Nointel fort connu dans le
Confeil , & dont la capacité
luy a fait meriter des Intendances
, que l'on ne donne
qu'à ceux qui s'y diftinguent :
Tiij
222 MERCURE
L'aifnée de fes filles à époule
Monfieur Delmarers @pcy
devant, Intendant des Finan
ces , & la cadette Mele Mar
quis de Coflé preſentement
Duc de Brifac. Feu Mr.des
Ormes Controleur General
de la Maifon du Roy eftoit
frere de Mr de Bechameil.
Mr Terat , Chancelier de
Monfieur le Duc d'Orleans
a bien voulu fe charger du
foin de toutes les affaires qui
paffoient par les mains de me
de Bechameil , & l'a fait avec
un defintereffement digne
des plus grandes louanges.
GALANT 223
C'est un homme laborieux ,
vigilant , d'un grand ordre ,
d'une grande probité , & qui
a une qualité charmante pour
tous ceux qui ont affaire à
luy , c'eft de donner audiance
à toutes les heures du jour ,
·∙lors qu'il fe trouve chez luy
à tous ceux qui viennent
pour luy parler.
L'Ordre des Chartreux &
en quelque maniere le corps
entier de l'Eglife , viennent
de faire une perte confidera
ble dans la perfonne du Reverendiffime
Pere Dom Innocent
le Maffon , Prieur de
T iiij
224 MERCURE
ત્રીજ
Chartreuse , & General de
tout l'Ordre , arrivée le 8 , de
May. Ce grand homme a
terminé une vie fanctifiée
par les pratiques les plus
aufteres de la penitence , par
une mort preticule devant
Dieu & devant les hommes :
Ileft mort dans les fentimens
de l'humilité la plus parfaite
& la plus hercïque , & dans
le
détachement le plus pur
des chofes créées : ce faint
Religieux avoit porté ces
deux vertus , qui font le
caractere du vray Solitaire
au plus haut point de perGALANT
225
5
A
fection . Le
mouvement &
Tagitation
oùstle mettoit
continuellement
le Gouvernement
d'un Ordre auſſi
sétendu & auffi confide .
Trable que celuy des Chartreux
, ne l'ont jamais dé.
tourné de cette folitude de
coeur qu'un bon Anachorete

ne doit pas perdre un feul
moment & qu'il doit toujours
regarder comme
*
1
Je gage
de
la bonté de fa vocation . La
multitude des affaires qui
roulent fur le Chef d'un Ordre
, ne luy a jamais parû
une raiſon fuffifante pour le
226 MERCURE
difpenfer des plus menuës
pratiques de fa Regleril s'y
eft toujours conformé & n'ene
a jamais abandonné l'efprit ,
& on peut dire que la mel
me grace qui l'avoit conduit
au defert l'y a foutenu juf
qu'au periode de fa vie . Les
vertus d'un parfait Solitaire
n'eftoient pas les feules qui
diftinguoient ce Religieux :
c'eftoit une voix qui crioit
dans le defert & qui le faifoit
entendre par toute l'Eglife
,du haut de fon rocher ,
le fon de fa voix rejouiffoit
tous les fidelles : en effet ilGALANT
227
ne s'eſt pas borné à foutenir
& à encourager fes enfans
accabléz fous de poids des
pratiques les plus aufteres de
la penitence : fatcharité n'a
pas hefté Trefferrée dans le
Cloiftres comme un autre
Saint Jean , iba quelquefois
forty du defert ( au moins
en esprit ) pour garentir les
fideles & les défendre con .
tre l'appas feducteur des
nouveautez.ila crié , il a
pouffé fa voix ; il s'eft fervy
avec beaucoup de fuccés de
fa plume , lorfqu'il a décou .
vert que l'irreligion & l'im228
MERCURE
pieté prenoient la forme &
fe cachoient fous le voile de
la pieté la plus épurée. Ila
diftingué du premier coup
d'oeil l'efprit corrupteur cal
ché fous la figure du parfait
contemplatif : & quelques
artifices qu'ayent employez
les Auteurs de ces nouveau .
tez pernicieuſes , pour le pro .
curer fon fuffrage ; ils l'ont
toûjours trouvé inflexible &
attaché d'une maniere indif.
foluble à la Colomne de l'ELes
Janfeniftes &
*
glife.
les Quietiftes n'ont point eu
de plus rude adverſaire que
GALANT 229
Dom Innocent le Maffon :
tous les ouvrages font foy de
la pureté de fa Doctrine , &
jamais il n'en fut de plus ir
reprehenfible dans ces temps
de troubles où l'ivraye eftoit
tellement mêlée avec le bon
grain qu'il eftoit bien mal
aife de les diftinguer. Il nous
refte de ce Saint Religieux
plufieurs ouvrages entre autres
la vie du dernier Evêque
de Genêve , mort en odeur
de Sainteté , avec des éclairciffemens
qu'il donna enfuite
fur cet ouvrage. On trou
we dans cette vie une differ-
2
230 MERCURE
tation fort curieule fur Maz
dame Guyon , & fur les affaires
de ce temps là , & par
tout on reconnoift le zele
& la Religion de l'Auteur.
Nous avons encore de luy
le Directoire des Mourans qu'il
a composé en Latin , c'eſt un
ouvrage plein d'onction.
Dom Maurin , Prieur de la
Chartreuse de Paris , l'a traduit
en François , & on peut
affurer que la Traduction eft
tres digne de l'original, Dom
Innocent le Maffon eftoit
entré fort jeune dans l'Ordre
des Chartreux , & il l'a gouGALANT
231
"
verné pendant vingt leptans ,
qu
ilsen fut élû General eftant
Prieur de la Chartreufe de
Noyon , où il s'eftoit déja diftingué
par le precieux talent
'il avoit pour la conduite
des ames Il eft mort âgé
de foixante feize ans.
Dom Antoine de Mongef
fond , Profés de Chartreuse ,
& Scribe de l'Ordre fous le
feu General a efté élu le 13 .
May à la place de Dom Innocent
le Maffon. Lajoye de
cette élection a esté genera.
le & l'on efpere beaucoup
de ce digne fujet pour le
232 MERCURE
bien de l'Ordre & l'édifica
tion de toute l'Eglife. De
trente deux voix il en a eu
vingt.fept . Il eft d'une an
cienne famille du Bugey
dont le nom eft Tocquet , il
eft frere de Mr le Marquis de
Meximieux , & fils de feu
Claude Tocquet , Seigneur
de Montgeffond & de Dame
N... de Marcieu , & petit fils
de François de Tocquet
Seigneur de Montgeffond ,
& de Louife de Malguert fon
époufe.
La mort vient d'enlever
un homme qui aimoit égale,
GALANT 233
ment les belles Lettres & les
beaux Arts , c'eft Mr Perrault
dé l'Academie Françoife 3
cy devant Controleur Gene
ral des Bâtimens du Roy ,
& Premier Commis des Bâtimens
fous feu мr Colbert
pendant vingt années .
Il a eu trois freres illuf
tres chacun dans leur genre .
Pierre Perrault l'aifné aprés
avoir quitté fa Charge de
Receveur General des Finances
de Paris , compofa un
Traité de l'Origine des Fonraines
imprimé en 1674 il a
fait plufieurs traductions en-
May 1793. V
a
234 MERCURE
tre autres , celle du Poëme
Italien du Taffoni intitulé
La Secchia rapitale Sceau ente
vé. Il fit voir par cette excellente
- traduction qu'il n
connoiffait pas moins les
beautez de la langue Italien
ne , que ceux de la langue
Françoife .
3D Leefecond , Mr l'Abbé
Perrault . Docteur de Sor
bonne , tres recommanda
ble par fa doctrine & par fa
pieté, Poza
1050853
Claude Perrauli de B'AcnT
demie des Sciences , Docteur
en Medecine. Il eftoit tres.
GALANT 235
grand Phyficien ainfi qu'il
eft aifé de le remarquer par
les quatres volumes des Effais
de Phyfique qu'il a donné au
Public ; il eftoit auffi tres .
habile mathematicien , & tres
excellent Architecte , la Façade
du Louvre , l'Arc de
Triomphe , l'Obfervatoire &
la Chapelle de Sceaux , font
de fon deffein , & il as tras
duit Vitruve où il a joint des
notes fçavantes.
Charles Perrault qui eft
celuy qui vient de deceder ,
fit connoistre avant que d'ef.
tre en place le gouft qu'il
Vij
236 MERCURE
avoir pour les belles Lettres
dans un âge peu avancé , &
donna au Public un petit
livre intitulé , Dialogue de
*
l'Amour &de l'Amitié : Cet
ouvrage eut tout le fuccés
imaginable , on en fit plufieurs
editions & il fut tra
duit en plufieurs fortes de
langues , le fuccés de ce livre
fut caufe qu'il parut peu de
temps aprés plufieurs Dialogues
, qui furent affés bien
recus , mais qui ne fervirent
qu'à donner du relief au Dialogue
de l'Amour , & de
l'Amitié.
GALANT 237
41M Perrault n'ayant pas
moins de gouft , pour les
Arts que pour les Lettres &
s'eftant trouvé premier Com .
mis de Bâtimens fous Mr
Colbert , Employ qu'il exerça
pendant prés de vingt
années , favorifa auprés de ce
Miniftre tous ceux enqui
ilvtrouva du genie pour les
Arts , pour les belles Lettres
& pour les Sciences , ce qui
ne contribue pas peu à les
rendre digne du hecle de
Louis le Grand il procura
beaucoup d'avantage àl'Acab
demie Françoife , & c'eft fur
238 MERCURE
fes Memoires que les Acade
mies de Peinture , de Sculp
ture , & Architecture ont efte
formées , il a long- temps pré.
fide aux Academies des Sciences,
& des Infcriprions : Vous
fçavez le reste à cet égard ,
dont la verité ne doit pas eſtre
ici trop clairement expliquée,
quoyqu'il ne fe foit rien paffé
qu'à la gloire,
Aprés la mort de Monfieur
Colbert , Mr Perrault quitta
fon employ qui l'avoit en
quelque façon obligé d'aban ;
donner les Mufes , afin dene
s'occuper qu'à tout ce qui
vers
GALANT 239
pouvoit fervir à l'accroiffe
ment des beaux Arts & à les
faire fleurir felon l'intention
du Roy , qui n'épargnoit rien
pour cela. Il fut chargé de
tout ce foin fous Mr Colbert ,
& fi l'on examine l'estat où
ils le trouvoient en France ,
à la mort de Mr Colbert ,
& celuy où ils eftoient auparavant
dans le mefme
Royaume , on connoiftra ce
qu'ils doivent à Mr Perrault ,
qui fe trouvant déchargé de
ce foin rapresy la mort i dun
Miniftre quis les cheriffoie ,
travailla dans fonoloifiraa
240 MERCURE
4
quantité d'ouvrages diffe.
rens , il fit des Poëfies de
tout genre toutes tres belles
& plufieurs ouvrages en Profe
; il travailloit à faire imprimer
enfemble tous ceux qui
eftant moins confiderable.
que les autres pouvoient
échaper plus aisément à ceux
qui prenoient foin de les
ramaffer.
Mr Perrault donna au Public
la Vie de Saint Paulin
en Vers François : cet ouvra
ge fut applaudy & critiques
Le titre donna prife alceux
qui ne vouloient pas applaus
dir
GALANT 241
dit cet ouvrage , & la beauté
des vers le fit admirer de
ceux qui cherchoient
à luy
rendre juftice. Il eft certain
que cet ouvrage est travaillé
avecautant de loin que s'il ne
contenoit pas un tres grand
nombre de vers , & que l'on
ne peutaller au delà de m'Perrault
dans les Peintures
qu'il a
fait des chofes qu'il a voulu
reprefenter : Jamais homme
n'a fouillé plus avant dans la
Nature , ny fait de Peintures
plus vives & plus naturelles ,
même des chofes qui paroiffoient
les plus ingrates
; de
May 1703.
X
242 MERCURE
a forte qu'il y a une infinité
d'endroits dans fon Poème ,
qui peuvent eltre regardez
E comme originaux , & qui ne
@peuvent eftre affez loucz.b
Il en afait un autre intitulé ,
le Siecle de Louis le Grand ,
2 dans lequel parlant comme il
doit du regne du Roy , il fait
voir que les Arts & les Sciences
, ont efté portées à un fi
haut point fous ce regne ,
qu'il s'y eft fait beaucoup de
chofes qui furpaſſent infiniment
quantité de celles qui
sont efté faites par les Anciens.
Les Amateurs outrez de
GALANT 243
3
l'Antiquité, ne purent ſouffrir
que Mr Perrault trouvât aucuns
ouvrages dans les Arts &
dans les Sciences , qui fût au
´deffus des moindres ouvrages
des Anciens ; & luy declarerent
la guerre:cependant il n'a
pas efté fi oppofeaux Anciens
qu'ils ont voulu le faire croi
re , il leur a quelque fois
égalé les modernes , il a toujours
parlé des premiers avec
l'eftime qu'ils meritoient ; il
a fait voir cette eftime pour
Homere en traduifant en
Vers François fon Dialogue
avec Hector , qui eft dans le
X ij
241 MERCURE
fixiéme Livre de l'Illiade , &
qui eft un des meilleurs morceaux
de ce Poëte . M' Perrault
lut cette verfion le 31.
Mars 1693 à la reception de
M l'Abbé de Fenelon , aujourd'hy
Archevelque de
Cambray à l'Academie
Françoife , il proteſta dans
le difcours qui preceda cette
lecture qu'il reconnoiffoit
Homere pour le plus excellent ,
le plus vafte & leplus beau ge
nie que la Poëfie ait jamais eu ,
& que pour perfuader les incredules
il avoit traduit en
François cet endroit de l'Il
GALANT 245
Made, Il eft vray que M ' Perrault
a fait foulever contre
luy beaucoup de Partifans de
l'antiquité pour s'eftre oppo

fortement à ceux qui difent
qu'il n'y a point aujour
d'huy d'Auteurs qui puiffent
eftre comparez aux Homeres ,
aux Virgiles , aux Demofthenes
, aux Cicerons , aux Arifthophanes
, aux Terences
& aux Euripides. Cette dif.
pute a fait naiftre de part &
d'autre plufieurs ouvrages où
il y a beaucoup de bonnes
choles à aprendre ; mais enfin
on attend encore au-
X iij
246 MERCURE
jourd'huy
réponse aux qua .
tre volumes des
Paralelles
des Anciens , & des Moder
nes de Mr Perault . Il y a
lieu de croire qu'il a deffen . !
du la
bonne caufe
puifque
l'on n'y répond point : En
effet à
examiner fans préjugé
, les beautez , les fineſſes ,
la juſteffe , &
l'exactitude
de nos
Modernes auprés des
détails
languiffans , des fa
des
plaifanteries & des dé
tails outres &
figurez de
quelques
Anciens , on trouve
ra que Mr Perrault a rendu
juſtice à chacun , en loüant
GALANT 247.
ceux des anciens & des mo
dernes qui avoient merité
des louanges , & en refufant
d'en donner à ceux de ces
mémes anciens , & de ces
mêmes Modernes qui n'en
avoient pas merité.
Mr Perrault a fair beaucoup
d'Ouvrages qu'il n'a
regardé que comme des amu
femens & qui ne laiſſent
pas d'avoir leur merite
comme il fçavoit bien pein .
dre , & qu'il tiroit d'une matiere
tout ce qu'elle pouvoit
luy fournir , on ne doit
pas s'étonner fi tous ces Ou-
X iiij
248 MERCURE
vrages ont efté bien reçus du
Public & file fuccez de
Chreflidis a efte fi grand. Je
ne parle point d'un affez
grand nombre d'autres ouvrages
que l'on trouvera dans
le recueil de fes oeuvres . Son
genic eftoit univerfel & brilloit
dans les moindres bagatelles
, on peut dire qu'il
changeoit en or tout ce qu'il
touchoit. L'heureuſe fixion
où l'Aurore & le petit Jour
font fi
ingenieufement introduits
, & qui parut il y
a neuf ou dix années , a fait
naiftre tous les Contes des
GALANT 249
Fées qui ont paru depuis ce
temps - là , plufieurs perfonnes
d'efprit n'ayant pas cru
ces fortes d'ouvrages indignes
de leur reputation ; ainfi
sila paru un fort grand nombre
de ces divertiffantes ba .
gatelles qui ne laiffent pas
-d'avoir une morale utile.
Enfin M' Perrault qui paffoit
d'un genre d'écrire à un autre
avec toute la facilitéimaginable
, continuoit lorfqu'il
eft mort , les vies des hommes
illuftres fous le regne du
Roy , dont il a déja donné
deux volumes au Public. El
250 MERCURE
eftoit tellement honnefte
homme , & fi ennemi des
complaifances baffesh& im
tereffées aufquelles la plut
part des hommes font fujets ,
que fi on l'avoit voulu obli,
ger d'en avoir , il aurait pla
toft paru milantrope que fatear.
Il n'a laiffé qu'un fils qui
raffemble en luy routes les
bonnes qualitez de fon pere ,
& de fes oncles , & qui fair
voir dans fa perfonne toutes
les marques d'une heureufe
éducation . Ce fils eft le feul
fruit qui luy reftoit de ſon
GALANT 251
mariage avec marie Guichon
fille de Samuel Guichon Sei .
gneur de Roſiere , prés de
Troyes en Champagne. Ce
mariage tres heureux par les
bonnes qualitez de l'époux ,
&nb
& par la beauté & la ver
tu de la femme , n'a duré
qu'environ fept ans ; & M'
Perrault perdit trop toft une
femme qu'il avoit fujet d'aimer
, & qu'il a regretté toute
fa vie. Feu Madame Perrault.
avoit trois freres . M' Guicnon
l'aîné eft Treforier des For.
tifications , & d'une probité
tres - connue dans cet em-
1
252 MERCURE
ploi. Les deux autres font Ec
clefiaftiqnes , & tres diftin's
guez par leur pieté , l'un à
Paris , où il eſt Chanoine
de l'Eglife de Noftre Dar
me , & l'autre à Verdun ,
où il eft Chanoine de la Ca
thedrale.cabi
Cet Article ne doit eftie
regardé que comme une legere
ébauche de ce que l'on
peut dire de M' Perrault ,fon
éloge regarde celuy qui fera
reçu Academicien en fa pla .
ce. On ne doit point regarder
ce que je donne comme
des ouvrages travaillez ;
2 .
GALANT 253
peine ai je le temps de les
écrite avec precipitation , &
fouvent je n'ay pas celuy de
me les relire une feule fois à
moy - même ainfi ils doiz
vent eftre bien differens des
ouvrages que l'on a eu le
temps de travailler avec foin ,
& qu'on laiffe repofer pour
y retoucher aprés les avoir
reveus avec de nouveaux
yeux.
14
Mr le Comte d'Acigné ,
Chef du nom & armes d'Acigné
, eft mort âgé de quatrevingt
fix ans , en fon Châ .
teau de la Mote . Sonzay en
254 MERCURE
R
Touraine . Il avoit épousé
Dame Marie Anne d'Acigné
la niece , fille unique
de fon frere saîné Honorat
Augufte d'Acigné , Comte
de Grandbois , de la Rochejagu
, & autres lieux . Ce mariage,
avoit eſté fait , tant
pour en foûtenir la fplendeur,
que pour y conferverles
biens & n'en porter pas une
grande partie dans une autre
maifon , comme il eftoit arrivé
par le mariage de Judith
d'Acigné avec Charles de
Coffe , Duc de Briffac , Pair
& Maréchal de France , &
GALANT 255
grand maitre de l'Artillerie.
Cette fage précaution a efté
inutile , puifqu'il n'eft iffu de
sce mariagesaucun garçon ;
mais feulement deux filles
dont l'aînée Anne Marguerite
d'Acigné avoir épousé
Meffire Armand Jean du Plef
fis , Duc de Richelieu & de
Fronfac , Chevalier des Ordres
du Roy , Pair de France :
Elle a laiffé quatre enfans ,
M' le Duc de Fronfac & trois
filles .
t
La feconde fille de feu m'
le Comte d'Acigné eft Da~
moiſelle Marie Gabrielle Jac .
256 MERCURE
*
queline d'Acigné qui n'eft
point encore mariée, Mr le
Comte s'appeloit Jean Leonard
d'Acigné , il eftoit ſecond
fils d'Honorat d'Acigné
Comte de Granbois , de la
Rochejagu & autres lieux ,
& de Jeanne Jacqueline de
Laval fille ainée de Pierre de
Laval , Marquis de Lezé ,
& d'Elizabeth de Rochechouard
de Mortemar. Honorat
d'Acigné eftoit fils de
Jean d'Acigné , aufli ' Comte
de Granbois , & de la Ro
chejagu , & de Jeanne de
Beüil Sancere , fille de Jean
GALANT 257
de Beüil , Chevalier de l'Or.
dre du Roy , Lieutenant General
d'Anjou , Touraine , le
Orleans , Blaifois ,
Maine
haut & bas Vandômois
grand & petit Perche ' : Jean
d'Acigné avoit pour pere &
mere Louis d'Acigné , & Da.
me Claude de Ploret , Dame
de la Touche- Ploret. Louis
eftoit fils de Jacques d'Aci
gné , Seigneur de la Rocheja .
gu , & de Françoife Chefne!:
ce Jacques eftoit frere d'un
Louis d'Acigné Evêque de
Nantes , & ils eftoient fils de
Guillaume d'Acigné fils puif
May 1703 .
Y
258 MERCURE
né de Jean cinquième , da
nom , Sire d'Acigné & de Beatrix
de Roftrenam : quant
à ce Guillaume , ilavoit épou -
fé Françoile Pean fille ainée
& heritiere de Jean Pean ,
Seigneur de la Rochejagu ,
Vicomte de Tronquidy , qui
tiroit fon origine des anciens
Seigneurs de Dinan , & qui
fut tué à la Bataille de S. Au.
bin du Cormier l'an 1488.
Jean cinquiéme eftoit fils de
Jean IV . & de Catherine
Malétroit. Ce Jean defcendoir
aprés dix fept generations
, de Martin de Rennes ,
GALANT 259
4
qui eftoit le fecond fils de
Conan , Comte de Rennes ,
& puis Duc de Bretagne
mort l'an 992. Cc Duc fut
fils de Juhaël Comte de Ren.
mes ainfi ceux qui ont die
que la Maifon d'Acigné def.
cendoit des anciens Rois de
Bretagne , n'ont rien avancé
qui ne foit veritable , puif
qu'elle en defcend en droite
ligne de maile en maſle . Mr
le Comte d'Acigné qui vient
de mourir eftoit proche pa
rent de мr le Marquis de Ta
vanes . La maifon d'Acigné
porte pour armes de Breta-
Yij
260 MERCURE
gne , à la face de gueules ;
chargé de trois fleurs de lis
d'or , cimier une hermine au
naturel ; ſupport deux hermi .
nes de même. Il n'y a jamais
eu de meſalliance dans cette
maiſon.
t
Je ne fais point furpris
que Mr de Woolkoufe ait
acquis une fi grande reputation
dans voftre Province ,
& que fon Memoire de plu
fieurs découvertes , & operations
nouvelles ven Anatomie
, & Chirurgie faites
fur les yeux , qui le trouve
Y
GALANT 261
dans ma lettre du mois de
Mars , ait donné une fi gran
des opinion de ces Gentil
homme Anglois . Deux fortes
de gens font profeffion
de guerireless maladies des
yeux. Les premiers qui ne
les connoiffent point , & qui
n'ont rien étudié de ce qui
peut les leur faire connoî
tres, ont quelques remedes
à qui ils donnent le nom de
fecrets , ou pluftoft quelques
eaux qui veritablement peuvent
guerir quelques mala
dies des yeux , lorſque le
hazard fait que l'on s'en fert
262 MERCURE
pour celles auſquelles elles
font propres , mais des yeuxi
eftant fujets à plus de cent
foixante maladies differen
tes & ces gens à fecrets n'en
ayant que trois ou quatre &
s'en fervant generalement
,
pour tout ce qui s'appelle
mal de yeux , le nombre de
ceux dont ils gaftent la veuë
eft cent fois auffi grand que
le nombre de ceux qu'ils
gueriffent par hazard.sanam
.
Les feconds qui travaillent
à la gueriſon
des yeux ,
& dont le nombre eft petit ,
en connoiffent les maladies ,
1GALANT 263
2
parce qu'ils fe font toute
leur vie appliquez à les écu
diers, ont des remedes pour
chaque mal , & connoiffant
les maux pour lesquels ils
les donnent ,pon the court
pointe de rifque entre lears
mains , ainsi que l'on fait
avec les gens à fecrets , qui
fe fervant fouvent des reme
des contraires aux maux pour
lefquels ils les donnent , aug
mentent fouvent le mal
qu'ils ne connoiffent pas avec
les remedes qu'ils employent
pour le guerir , & font quel.
que fois perdre la veuë à ceux
264 MERCURE
qui auroient eu lieu d'efpes
rer une parfaite guerilon , fi
on leur avoit donné des remedes
fpecifiques pour leurs
maux.
Il n'eft pas neceffaire de
dire que Mr de Woolhouse
eft du nombre de ceux qui
connoiffent à fond les mala
dies des yeux & qui par confequent
ne donnent que des
remedes qui leur font convenables.
Ses fçavans écrits
qui font en grand nombre
marquent qu'il doit avoir
donné un temps infiny à l'é-
Bude profonde qui l'a rendu
fi
GALANT 265.
fi Sçavant , dans la con .
noiffance parfaite d'une infinité
de maux fi difficiles à
connoiftre & fi peu connus ,
qu'à peine en fçait- on le
nom : C'est ce qu'on ne reprochera
pas à мr de Woolhoufe
, jamais homme n'en
ayant paru mieux inftruit,
J'ay appris par des gens
dignes de foy , & qui peuvent
pluftoft que d'autres ju .
ger du fçavoir de m ' de Woolhouſe
à cause de la Profeſſion
qu'ils exercent , qu'il n'a rien
épargné lors qu'il a cru qu'il
poufroit apprendre quelque
May
1703-
Z
266 MERCURE
chofe de nouveau qui regar
dât la profeffion dont ilde
mefle , qu'il a fait à ce fujer
plufieurs voyages qu'il a
parcouru toute la Hollande ,
& toure la Flandre , une partie
de l'Allemagne , une par
tie de l'Italie , de la Lorraine ,
de la France , & toute l'Irlan .
de ; & qui n'a fait tous ces
voyages qu'il luy ont coûté
infiniment , que pour faire'
de nouvelles découvertes
touchant la veuë ; auffi n'eftil
pas moins bien inftruit de
tout ce qui eft venu à la connoiffance
des modernes fur
GALANT 267
ce fujet , qu'il l'eft comme il
l'a paru par fes fçavans écrits ,
de tour ce que les Anciens
ont découvert touchant les
maladies des yeux. On ne
doit pas s eftonner aprés cela
sil eft fi habile , fi connu , &
fi eftimé. L'homme le plus
fçavant ne peut paffer pour
un parfaitement habile hom.
me, lors qu'il n'a pas joine
la pratique à l'étude . Mr de
Woolhouſe avoit commencé
à exercer fa charité fur les
Pauvres , qu'il traittoit gratuitement
, & il auroit toûjours
continué mais il s'eft
A
Z ij
268 MERCURE
trouvé des perfonnes d'une
pieté diftinguée qui ont voulas
que cette charité ſe fit à
leurs dépens , en forte qu'il ne
luy eſt pas permis de refu .
fer le payement des remèdes
qu'il donne aux Pauvres.
Ainfi tant à cauſe que fa cha
rité l'ymavoit déja cengagér,
que de la genereuſe pieté de
ceux qui payent les remedes,
il ne prend rien des Pauvres
qui le viennent trouver &
il les traite jufqu'à ce qu'ils
foient entierement gueris ,
pourvû qu'ils apportent un
Certificat de leur Curé fur du
GALANT 269
"
papier timbré , & auquel fon
cacher foir appofé . Il s'eft
gliffe beaucoup de fautes
dans fon ouvrages, qui eft
inferé dans ma Lettre du
mois de Mars , & dont je viens
de vous parler au commencement
de cet Article : Il
ne faut pas s'en étonner , il
s'agit de mots dont la plufpart
font affez difficiles à
prononcer , qui ne font con .
nus que des Sçavans , & que
la fuite & le fens d'un difcours
ne peuvent aider à
faire deviner ; ainfi pour peu
qu'il le trouve quelque Lettre
Z iij
270 MERCURE
M
mal formée dans ces fortes
de mots , & qui puiſſe eſtre
prife pour un autre , on peut
ailément le tromper , & il eft
même prefque impoffible
que cela n'arrive fouvent.
Vous trouverez à la fin de
cette lettre l'Errata des fau .
tes dont je viens de parler.
Enfin les Placarts pour l'in
terdiction du Commerce ont
etté publiez en Hollande , ils
contiennent en fubftance.
1. Que pour le fervice du Pays
il a eftéjugé neceffaire d'interdire
aux Sujers de cet Erat aucune
correfpondance de Lettres miffi,
GALANT 271
de
ves ,&de Lettres d'échange
Avec les Sujets de France &
d'Espagne ,fur peine de la vie ,
fuivans l'exigence des cas ,
dordonner pour cet effet à tousles
Maistres des Poftes pour les lestres
de ces deux Royaumes
ceffer l'envoy e la reception des
Courriers ordinaires qui vont
qui viennent à commencer du
premier jour de Juin de la prem
fente année 17032 atidug
ILo Que pour le même fervice
du Pays , il a auffi eftéjugé neceffaire
d'interdire tout commerce
generalement , avec tous les Su.
jets de France & d'Espagne ,
Z iiij
272 MERCURE
de deffendre à qui que ce fain,
de quelque condition qu'ils puif
fent estre d'envoyer d'aucune
Place de cet Etat aucane Mar.
chandiſe à aucun Sujet de ces
deux Royaumes , ou d'en rece .
voir ,foitpar terre ,foit par mer
à peine aux contrevenans de
confifcation des Marchandiſes ,
Vaiffeaux Chariots , Charter.
tes, Chevaux , d'une amen-
&
de de quatrefois la valeur , ap.
plicable un tiers à l'Etat , an
tiers à l'Officier ,
au
l'autresiers
an Denonciateur, & d'une peine
arbitraire , même de la vie , on au
moins du fouet public , ✔ cela à
GALANT 273
* *
commencer au 1 Juin prochain.
Ainge m'en tiens à ce que je
vous ay die dans mes Lettres
precedentes fur cette interdiction
, & ce que je vous en
ay mandé eft devenu le fentiment
general , mais nous
apprenons tous les jours que
des gens renfermez dans les
plus fortes Prifons , & même
"gardez à vuë, trouvent moyen
d'écrire & de recevoir des
*Lettres , & quelquefois même
moyen de fe fauver , malgré
les verroux , les grilles ,
les Sentinelles , & la profon .
fondeur des foffez qui en274
MERCURE
tourent leurs Prifons , s'il eft
ainfi , comme il eft arrivés
dans tous les temps , peut on
empêcher que ceux qui ont
la liberté des mers & destin
vieres , & à qui toutesbless
campagnes foot ouvertes
faff nt paffer des Lettres ,
puiſqu'il n'y a point de Pays
où les Marchandiſes deffer
duës ne trouvent entrée
quoi qu'elles foient d'un vo
lume à faire croire qu'il feft:
impoffible de les cacher.sup
Quoy que la datre des
Lettres qui fuivent ne foit
pas nouvelle , comme elles
GALANT 275.
:
font d'une bonne main , &
& qu'elles contiennent pla
fears particularitez confide
rables que les autres ne mar
quent point . J'ay crû vous
en devoir faire part , & la
premiere lettre de cet Offcier
ayant fait un fort grand
plaifir à tous vos amis , je n'épargneray
aucun foin pour
avoir toutes celles qu'il écrira
dans la fuire. Il ne paroift
point partial dans celles
que vous allez lire , & des
efprits mal tournéz qui ne
font reflexion ny au temps ,
ny aux conjonctures , pou276
MERCURE
roient
le hamer de ce
qu'il
dit du mauvais eftat des Troupes
aprés la prife de Kell
mais il eftoit impoffible qu'el .
les fullent autrement aprés
une longue marche en plein
hiver , fuivie d'un fiege , &
fur tout ayant marché avant
que d'avoir efté rétablies . &
d'avoir reçû toutes les chofes
neceffaires pour entrer en
Campagne , parce que le
quartier d'hiver avoit esté fi
court qu'elles n'avoient ppû
recevoir avant leur départ
toutes les chofes dont elles
avoient befoin . Au reste la
GALANT 277
faite de ces lettres fait un
morceau Hiftorique qui doit
paroiftre naturel , nouveau
& fincere à ceux qui n'ont
pas encore eu le plaifir de
desflire,s aratam augnol anu
2 pai) nu'b'sivici , navid орой по
SUITE DES LETTRES
23. d'un Officier de l'Arod2.20
! 21401
mee de Mt le Maréchal
de Villars.
M5 plove t
A Strafbourg le 18. Mars 1703 .
I
Ly a quatrejours que le Camp
où nous étions devant Kell eft
inondé , & bien nous prend d'avoir
278 MERCURE
eu un General aufi vif & auſſi diligent
: car fi nous cuſſions eté buit
jours de plus ou à partir , ou à arriver
, ou àprendre cette Place , qui
devoit naturellement durer douze on
treizejours deplus , nous étions obligez
de lever honteusement le Siege
, & c'étoit un trifte debut de
Campagne.
On va mettre les Troupes quelque
temps dans des Quartiers , &
en verité elles en ont grand befoin ,
far tout la Cavalerie : Elle n'a pas
manqué de fourages ; mais vous
fçavez combien les Chevaux fouffrent
à coucher dehors pendant les
nuitsfroides ; ils ne digerent point ,
ils maigriffent & n'ont plus defor
ce ; auffi la plupart des Cavaliers
ont efté obligez de les amener icypar
la bride , tant ils eftoient en mau#
GALANT 279
vais eftat, les Cavaliers eux mêmes
manquoient de Selles & de
Bottes ; mais un mois de repos ra.
commodera tout.
A Strasbourgle 3. Avril 1703 .
? |རྒྱ ན ' དཾ ༥༣
Les raisonnemens des perfonnes
dont vous me parlez, me perfuadent
ou qu'elles ne font pas informées des
faits , ou qu'elles ne fçavent ce que
c'eft que marches d'Armées , as
a
6
Ona , dites vous , efté fortfurpris
à Paris , de ce qu'au lieu de marcher
en Baviere après la prise de
Kell , on amis les Troupes en quartier
, fçavez- vous ce qui en eft la
caufe ? c'est que le paffage eftoit impoffible
, les Montagnes étoient cou
vertes de trois pieds de neige , & il
negea encore bier. Noftre Infan280
MERCURE
terie étoitfans fouliers , fans habits
, les Chevaux en mauvais
état , & les Cavaliers la plupart
fans Selles & fans Bottes. Il eût
falu forcer M. de Bade dans fes
retranchemens du Tolofe , & nous
manquions de 5. ou 6000. Fufils .
Noftre Artillerie , de quelque dili
gence qu'on ait ufé , n'est pas encore
toute prefte, & ne le fera que dans
buit jours , il faut la mettre à la
petite voye pour la pouvoir mener
au de la de la Montagne. A l'égard
de la fubfiftance nous euffions
manqué de bien des chofes ; puifque
nous n'avions point d'argent , il en
arriva avant bier , nous n'avions
point nos recreues , ni nos Officiers ,
l'Ennemi , & même le froid & la
faim feules auroient entierement
ruiné noftre Armée , noftre projet de
GALANT 281
.
jonition , qui eft de la derniere im.
portance , & qui n'est plus que difficile
, n'auroit jamais pú réülir.
En partant dans huit ou dix jours
nous aurons une grande partie de
nos recreuës , de nos Officiers & de
nos autres befoins , & nous marcherons
gayement à l'Ennemi . Mr
le Maréchal a donné fes ordres pour
raffembler les Troupes , & fait tout
preparer avec une diligence incroya
ble , pour puffer , dit-on en Baviere
: Nousy pafferons avec d'autant
plus de confiance que l'on aura le
loifir de concerter la jonction avec
Mr l'Electeur , qui eft encore à cent
cinquante lieues d'ici ; chofe que
l'on n'avoit encore pu faire , & qui
étoit cependant abfolument neceffaire
; vous voyez que les Politiqueurs
jugent bien legerement de la con-
May 1703.
A a
282 MERCURE
duite de nos Generaux , & les condamnent
bardiment (ans les entendre.
Le Roy n'en ufe pas ainfi ; on
vient de me dire que Sa Majeftë a
fort aprouve tout ce qui avoit été
fait , & qu'il a écrit à Monfieur de
Villars la Lettre du monde la plus
pleine de bonté & de confiance ; la
verité eft que les Troupes iront loin,
quand elles fentiront à leur tête un
General qui eft fi fort dans le carac
tere & le gout de la Nation , audacieux
, actif & entreprenant.
A Hornberg le 2. May 1703 .
T
Ce paffage des Montagnes que
Pon croyoit impoffible , & fur lequel
vous dites qu'ily avoit tant de paris
, eft enfin paffe , & nous decout–
vrons prefentement toute la Plaine ,
GALANT 283
Arméeydefcendpar unepente douce
furtrois Colonnes , da cofté de
faint Georges on fera le Quartier
general
343 Nous avons trouvé dans ces
Montagnes un chemin tres- aife à
embaraffer par des pierres , par des
-abatis de bois , & par des Troupes,
& à direla verité , fi ce qui estoit
polible avoit eftefait , il nous eut
falu mourir defaim ; mais Dieu
merci , ou Mrde Bade n'a pas tout
-preut,ou iln'a pasefté bien obei , tant
ya que nous voici fort gaillars fans
-avoir perdu vingt hommes dans notre
paffage ; mais nos Chevaux ne
font pas fi gaillards , ils avoient
peu d'avoine & au lieu defoin ,
d'herbe ou de paille , on leur donnoit
à manger la couverture des
Maisons des Parfans , ils font fi
A aa ij
284 MEROURE
maigres &fi enflanquez , qu'on ne
doute pas qu'on ne reste dans ce pais
ey quelque temps pour les rétablir ,
& à rendre noftre Cavalerie un peu
plus complette : ce temps là fervira à
établir des contributions confiderables
dans le pais de l'Empereur, &
chez les Villes & Etats qui compafent
les Cercles.net x alway 2005
L'on peut croire que notre Armée
fubfiftera un peu aux dépens du païs
dont elle est la Maitreſſe , & que
cette forte fubfiftance ennuyera bien-
-tôt les Alliez de l'Empereur , qui
n'ont pas grand intereſt à l'agrandiffement
dela Maifon d'Autriche,
Pour rendre noftre paffage moins
difficile Mr de Vellars a commencéparmettre
Mr de Bade dans l'in ·
& certitude , quel eftoit noftre deffein ,
il craignoit pour Fribourg , qui nous
"GADANT 285
affuroit lepaffage de la Vallée de
S. Pierre il craignoit pour le paffage
par les Villesforeftieres; mais il
craignoit beaucoup plus pour le beau
& grand paffage de Forfem , parce
que c'étoientfes Terres qu'on alloit
defolerfi onle forçoit dans fes lignes
de Tolofe & de Bil ; il craignoit
auli pour le chemin que nous avons
priss her and READE
Le paffage des Troupes par Haningue
, noftre marche vers Fribourg
confirmerent leur incertitude, & firent
partagerleurs forces : ce fut alors que
Mr le Maréchal crût qu'au lieu de
tenter fimplement le paffage des
Montagnes , il pouroit faire encore
-plus c'était de forcer les lignes de
Mrde Bade , & effectivement fi le
dix-huit que nous arrivâmes à la
veuë des ennemis , les Guides de
286 MERCURE
Mr.de Blainville qui marchoitavec
vingt- cinq Bataillons pour fe faifir
d'une hauteur que les ennemis n'avaient
point occupée , ne l'avoient
point égaré, & ne lui avoient point
faitperdre fept on huit heures . Mr
de Bade étoit batu , & nous avions
& victoire & paffage commode. Si
les Troupes que nous avons trouvées
à Haftach , à Haufen , & à
Hornberg fous les ordres du Prince
Profper de Furtemberg euffent efte
un peu mieux partagez , & un peu
plusfermes , elles nous auroientfait
beaucoup de peines car il y avoit
dans ces gorges prés de pres de 5000,
mes ; mais on dit que Mr de Furftemberg
avoit beaucoup d'intereft de
fauver Volfac qui lui appartient ,
que nous avons laiffé à noftre gau
che , au trois ou quatre mille
hom
GALANT 287.
hommes qui eftoient dans les retran
chemens & Hornberg , après avoir
aperceu que nous gagnions les hauteurs
, que nous allions les pren
dre a revers fe retirerent promptement
du côté de Volfac's Hornberg
eft une petite Ville fans fortfications,
qui a un Château ruiné ; mais la
Ligne qui traverfoit la Valée étoit
fort bonneELS ,
" • Chacun des paffages avoit fes
difficulter , & celui que nous avons
pris n'eut pas eftè praticablefi prés
de Mr de Bade , fi nous n'enfions
pas eu l'Armée de garde ou d'obfer
vance que commandoit Mr de Ta-
Lard derriere la Kintche près d'Offembourg
, auffi nous n'avons point
apris que Mrde Bade ait fongé à
fortir de fes retranchemens de Bil &
de Tolofe : Nous n'avons pas laißé
288 MERCURE
de trouver encore beaucoup de diffi–
cultez mas d'un cofté le bon ordre
& la diligence de la marche , & de
l'autre la prevoyance de Mr le Maréchal
& des Officiers generaux ,
nous ont rendu tout beaucoup moins
difficile que nous n'eufions ofé efperer.
Nous n'avons encore point de nouvelles
certaines de Mr l'Electeur de
Baviere , cependant on croit que
l'on prendra des Poftes qui appartiennent
à l'Empereur vers le Lac
de Conftance , pour nous affurer des
paffages , au moins pour nos Couriers
& pour nos Officiers par ce
côté-là.
Nous marchons avec cinquante
Bataillons & foixante Escadrons.
Nous avons fait environ fix cent
Prifonniers, parmi lesquels ily'a dix
ou
GALANT 289
on douze Capitaines , ou autres Officiers.
Monfieur le Maréchal a laißé
à M. de Talard quatre Bataillons,
Nice, Brie , la Fon & Laffé,
& vingt - quatre Efcadrons , tant
Cavalerie que Dragons , dontfont la
Reine , Bouville , Rohan , Vaffe ,
S. Pouange , Brifac , Ligondes ,
la Valiere , Dauriac. Mr.de. Cle
tambaut , Mr du Châtelet , & encore
un autre , ce me femble , Offi
ciers generaux font demeurez avec
ces Troupes ; voici ceux qu'on m'a
dit qui nous reftent.
LIEUTENAN´S
GENERA U X,
Duffon.
Lanion .
MoreMay 17030
Bb
290 MERCURE
Dabourg.
Blainville .
Magnac.
Druis .
Du Rofel.
MARECHAUX
DE CAMP.
Marivaux.
Chamarande.
Chelader.
Lée .
Torington.
Vivans.
Legal,
Au Camp de Donefching ce 8.
May 1703 .
Un des Lieutenans Generaux de
1GALANT
291
Mr l'Electeur eft tout près d'ici avec
·4. ou 5000. hommes , demain Mr
le Maréchal fe doit trouver avec
Mr l'Electeur à un Rendez - vous
pour conferer des projets de la Campagne.
On ne fçauroit exprimer la joye
des Bavarois fur noftre paffage : elle
a efté d'autant plus grande , qu'ils
commençoient à le croire impoffible ,
& pour dire la verité , fans nous ils
euffent eftébien- tôt fort embaraffez,
mais à l'heure qu'il eft ilsfont bien
fiers & bien gaillards. Mr l'Electeur
a feize à dix-fept mille hommes
de ce côté- là , & Mr le Maréchal
trente- deux ou trente - trois mille
hommes.
Noftre Infanterie eft belle , nôtre
Cavalerie fe remet , nous trouvons
ici abondance de vivres & de
Bbij
298 MERCURE
fourages , mais les maifons font a
bandonnées, l'épouvante eft grande.
Mr l'Electeur a furpris en même
jour deux Couriers qui portoient à
l'Empereur des Nouvelles bien differentes
, un de fes Officiers generaux
qui écrit d'en deça des Montagnes
, lui mande que Les François
ont enfin abandonné le projet du
paffage comme impoſſible , qu'on ne
craignoit plus leurs autres entrepri
fes , & qu'il ne ferois pas difficile
deformais de ranger M l'Electeur
de Baviere à fon devoir , & d'en
faire un exemple ; l'autre qui pouroit
bien eftre de Profper de Furftemberg
tenoit un langage bien different
, il écrivoit , que contre toute
apparence le Maréchal de Villars
eftoit passé avec une prodigieufe Armée
, que les Peuples fuyoient de
GALANT 299
tous coftez, & que tout eftoit dans la
derniere confternation.
*
Les Cercles de Suabe & de Franconie
ont 24000. mille hommes repandus
dans leurs Places , & je
crois qu'ils ne font pas trop tranquiles
, on ne fçait fi d'ennemis on
ne les obligera pas d'eftre amis
On dit que Mr de Stirum s'eft raproché
de Stougard , fes Troupes &
celles de Mar de Schlick vont à prés de
de 20000. hommes : Mr de Bade
poura bien les joindre avec un gros
détachement.
Nous fommes dans l'impatience
de fçavoir de quel cofté nous allons
marchers &je crois que vous n'êtes
pas moins curieux de fçavoir ce que
nous auronsfait . Mr le Maréchal
n'eſtpas d'humeur à nous laiſſerpaſ
fer long- temps fans nous donner de
bB iij
294 MERCURE
la befogne , &je crois que mr l'E
Lecteur ne le corrigera pas de cette
bumeur.
Vous jugerez par ce qui fuit ,
de la bonté des Troupes de
l'Armée de Mr le Maréchal de
Villars.
ETAT DES TROUPES
paffées en Baviere . vj
INFANTER DECK
Bataillons .
Champagne ,
Bourbonnois ,
Nettancourt ,
Poitou ,
Dauphin ,
Coëiquen ,
La Reine ,
Artois ,
3
GALANT 295
Second de Vendôme
Condé ,
Bourbon ,
Vermandois ,
Royal Artillerie
,
Provence
Anghuien ,
Toulouſe ,
2
Guyenne ,
I
Lorraine ,
I
I
Bearn ,
Xaintonge ,
Foix ,
Nivernois ,
Vivarés ,
Lée ,
Clare ,
Doringthon ,
Berry ,
Noailles ,
Chartres ,
Bb iiij
296 MERCURE
Agenois ,
Deflandes ,
Laonnois ,
Montaufier ,
Royal ,
TOTAL .
50. Bataillons.
CAVALERIE .
Efcadrons
Royal Piémont ,
Dauphin Etranger ,
Condé ,
Prince Charles
Monein ,
Livry ,
Eudicourt ,
Aubuffon ,
Levy ,
La
Feronnaye ,
Barentin
I
I
3
3
2
2
GALANT 297
Boux.
Choifeuil ,
Conflans
Vivans S. Chriftophe ,
Ranezy ,
Fourquevaux ,
Merinville ,
Forfat
12
Ladilhalderie
,
Buffy ,
L'Ifle du Viger
Rouvray.
TOTAL.
51. Efcadrons
.
DRAGONS.
Efcadrons .
Liftenay ,
La Vrilliere.
Fontboifard.
TOTAL
9. Eſcadrons.
2
2
2
2
2
3
3
298 MERCURE

Vous attendez que je vous
parle de la jonction de Monfieur
I'Electeur de Baviere avec Monfieur
le Maréchal de Villars ,
aprés vous avoir parlé du paffage
qui a levé tous les obftacles
qui pouvoient s'opposer à
cette jonction ; mais il merefte
encore plufieurs chofes à recevoir
touchant ce paffage auffi
curieufes que fenfibles , & veritables
, & aufquelles tres - peu
de perfonnes ont fait attention:
cependant en l'examinant de
prés on verra que cette affaire
dont le Roy eft l'ame , ainfi que
de toutes les grandes chofes qui
s'executent , a efté menée avec
beaucoup de conduite & de fecret
, puifque les Allemans &
les François même qui fe mê- )
QUE
DA
LYON
*/803 *
GALANT 299
DELA
lent de prévoir tout ce quel'on
doit faire , n'ont point devi
la roure , que l'on prendroit
pour joindre Monfieur l'Electeur
de Baviere , bien que l'on
fut determiné à marcher par où
t l'on a paffé ; ce n'eſt pas que
nonobftant le projet que l'on
avoit formé de paffer par la
Vallée de Kintzig ou de Kintche,
& que l'on avoit tenu fort
fecret ; on eût preferablement
forcé les retranchemens de Mr
le Prince de Bade , non feulement
pour s'ouvrir un paffage
plus aifé ; mais parceque l'on
auroit en même temps battu les
Troupes qui le gardoient , ce
qui auroit produit un fecond
avantage ; mais il falloit pour
cela que la chofe fe trouvât
300 MERCURE
affez facile pour que l'on put
forcer ces retranchemens fans
perdre de monde , on n'en vou.
loit point rifquer , & l'on fe
contentoit de reüffir dans le
deffein d'amufer Mr le Prince
de Bade dans fes retranchependant
qu'on l'empé- Mens
cheroit
d'avoir
attention
ail
leurs
, & qu'on
l'obligeroit
de
garder
toutes
les
Troupes
auprés
de
luy
, aprés
avoir
degarni
les gorges
des
Montagnes
,
c'eft
un
fait
fi conftant
, qu'il
faut
que
l'on
en
demeure
convaincu
pour
peu
que
l'on
y faffe
de
reflexion
. Dés
le lendemain
que
l'on
eût
fait
mine
par
quelqueslegeres
attaques
de vouloir
emporter
les retranchemens
, par
ce qu'on
les
trouvoit
trop
forts
GALANT 301
ça
pour être attaquez , on commend'executer
le projet que l'on
avoit formé en faifant des chofes
qui y paroiffoient entierement
oppofées. Mr le Maréchal
de Tallard repaffa le Rhin fur
le Pont de Kell avec les Troupes
qu'il commandoit ; Mr le
Maréchal de Villars decampa
pareillement pour revenir vers
la Kaintche . Le paffage de Mr
de Tallard à Schilkin eftoit
pour couvrir le veritable deffein
qu'on avoit de forcer les
paffages de la Vallée Kintzig :
cependant il n'y demeura qu
autant qu'il falloit pour faire
tomber Mr de Bade dans le paneau
, il repaffa le Rhin , &
marcha à Offembourg ' , où il
trouva 24. Efcadrons & 14 Ba302
MERCURE
taillons que Mr le Maréchal de
Villars avoit laiffez fous la conduite
de Mr de Clairambaut .
Car aprés que l'on eut fait repandre
le bruit que Mr de Vil
lars alloit tenter le paffage par
la Vallée de S. Pierre , il força
cout-à- coup celuy de la Vallée
de Kintzig , toute fon armée fut
payée , & il ne luy donna qu'-
une heure pour fe preparer
marcher , il y avoit fept cens
Chariots de provifions & de
munitions . Pendant ce temps
Mr de Tallard demeura dans
fon camp pour retenir les ennemis
en haleine , & affurer cette
marche , quand vingt- quatre
heures aprés que l'on eft convenu
que l'on ne peut forcer
les retranchemens de Mr de
à
GALANT 303
Bade , parce que l'on y perdroit
trop de monde , on entre dans
les Montagnes , aprés avoir fait
la reveuë d'une groffe armée ,
& qu'elle fe trouve pourveuë de
toutes chofes pour l'execution
d'un deffein auffi grand que dif
ficile , & qu'une autre armée
obferve celle qui la pouroit inquieter.
On ne peut dire qu'-
une pareille refolution ait efte
prife aprés avoir manqué un
autre projet il eft bien vray
qu'on ne l'execute qu'aprés ce
projet manqué , mais perfonne
ne peut douter que tout eftoit
preft pour l'execution de ce
que l'on fait enfuite , avant que
Fon tentât le premier projet
puifqu'il auroit falu , un mois
pour mettre en eftat , ce qui fe
304 MERCURE
trouva preft en vingt - quatre
heures .
Toutes les mesures pour le
paffage des Montagnes & pour
donner le change a Mr le Prince
de Bade eftoient fi bien prifes
, que pour couvrir le veritable
deffein de paffer les Montagnes
par l'endroit où l'on y
eft entré ; outre tout ce que je
viens de marquer que l'on avoit
fait , Mr du Rofel paffa prés de
Fribourg avec un Corps de
troupes qu'il avoit amené d'Huningue
, auquel il s'en joignit
un autre qui fortit de Neubourg.
Cette marche intrigua
les Allemans , & fit croire que
nous en voulions à cette Place ;
mais toute l'Armée s'eftant raffemblée
au deflus de Rheinau ,
GALANT 305
marcha pour executer le deffein
projetté , pendant que Mr le
Maréchal
de Tallard
fe prefenta
à Mr le Prince de Bade
avec une armée beaucoup
plus
là fienne. forte
que
Comme
pour
fçavoir
à fond
la
verité
de
ce
qui
s'eft
paffé
dans
une
grande
affaire
, il faut
entendre
parler
plufieurs
perfonnes
, je
vous
envoye
une
lettre
d'un
Officier
, où
il eft parlé
de
la fuite
de
ce que
vous
venez
de
lire
. Je
croy
la devoir
ajouter
à celle
que
vous
avez
déja
luë
d'un
autre
Officier
.
A Hornberg le 2. May 1703 .
Mr le Maréchal de Villars
ayant reconnu l'impoffibilisé de
May 1703 .
Cc
306 MERCURE
forcer Mr le Prince Louis de Bade , fit marcher de
du
Roy le 25. Avril pour revenir à
Offembourg Il fit repofer les
Troupes deux jours pour donner
le temps aux Equipages de le
joindre , detacha enfuite Mr
le Marquis de Blainville Lieutenant
general avec vinge Bataillons
& trente Efcadrons , il
marchapar la Vallée de Kinikig,
s'empara des retranchemens
qui estoient au de là Hufon , &
prés de Volfach . Mrle Maréchal
lefuivit avec trente - deux Bataillons
& trente Escadrons &
l'onforça en paffant le Pofte de
GALANT 307
Bibrach , on prit le Chasteau
dHaflach , le 29. la Garnifon de
cent cinquante hommes fut faire
Prifonniere de guerre. Les Ennemis
abandonnerent plufieurs
retranchemens , &la marchefut
continuée jusques à Hornberg,
où l'on arriva le premier de se
mois Les Ennemis occuperent les
plus hautes Montagnes par des re-
Branchemens qu'ils avoientfaits,
dont la droite n'eftoit pas ache .
vée , ils eftoient foutenus de la
petite Ville du Chasteau de
Hornberg, ils pouvoient y faire
une bonne deffenfe ; mais ils feretirerent
à l'approche des Troupes
Ccij
308 MERCURE
*
du Roy Huit Compagnies de
Grenadiers marcherent fur les
Montagnes les plus élevées ayant
leur droite proche des Brigades
que menoit Mr de Blainville.
Mrs Lée & Legall ne purent
joindre les Ennems . Mr de
Montbron fit le tour de la mon
tagne de la droite ,& leurfurprit
deux à trois cens hommes qui s'en
fuirens aprés leurs décharges On
fis quelques Prifonniers. Il fe
trouve dans le nombre un Ma or ,
quatre Capitaines , un Enſeigne ,
plus de cent Soldats. Les Ennemis
eftoient environ deux mille
cing cens. Ils avoient reçu
la
GALANT 309

veille cinqeens Dragons ou Cavaliers
à pied , ils fefont tous dif
fipez dans les Bois . On n'a fait
aucune perte dans toutes les atta.
ques que de deux Capitaines &
de trente Soldats tuez ou bleffez.
Mr de Chamarande a eu une
legere contufion . Les Ennemis
avoient en plufieurs endroits de
fart beaux retranchemens ; ils
n'en ont foutenu aucun`,`leur
épouvante est extrême ; ils pou .
voient disputer celuy de Hornberg,
& c'eftour le feul capable
d'apporter quelque obftacle au dés
bouché des Montagnes L'Ar
mée campa hier en partie dans les
310 MERCURE
retranchemens ' qui avoient cfté
faits l'année derniére contre Mr
l'Electeur de Ba viere fur la ban.
teur de Hornberg.
Je croy qu'après avoir oui
parler deux Officiers fur les
paffages de la Foreſt - Noire
forcez par l'Armée du Roy ,
vous ferez bien - aiſe d'entendre
parler le General dans la Lettre
fuivante.
GALANT 311
COPIE
De la Lettre écrite par Mr
le Maréchal de Villars
à M le Marquis de
Puifieux , Gouverneur
d'Huningue.
Le 8. May 1703.
Vous etes informé il y a quel
ques jours , Monfieur , de
l'heureuse entrée des Armées de
Sa Majesté dans l'Empire , lefquelles
après avoirforcé trois retranchemens
des Ennemis , le der.
312 MERCURE
nier deffendu par quatre à cinq
mille hommes , ont enfin paſſé le
Danube joint les Troupes de
Baviere. Vous pouvez compter
Monfieur , que jamais les Fran .
çois n'ont montré tant d'ardeur
dans l'execution d'un deffein , qui
n'eft devenu poffible , que parce
que nos Ennemis comptoientfur
l'impoffibilué , puifque la feule
nature des lieux l'on a tra
que
verfez, fans eftre deffendus par
des hommes , pouvoit nous arrefter
, & certainement il nefalloit
que couper les chemins ,
abbatre quelques arbres pour rendre
tous nos efforts inutiles . La
diligence
ن م
GALANT 313
diligence a efté grande de noſtre
part , & entre le 30. Avril le
premier de May ,l'on paffa les
anciens retranchemens de Bi
brack , ceux de Gengemback
pris la petite Ville de Haflach ,
dans laquelle deux cens hommes
du Regiment de Furftemberg ont
efté faus prifonniers , on força les :
retranchemens d'Eftenfach , on
prit le Fort , & la Redoute qui
le foutenoit , onforça ceux d Hor
nebergfoutenus par un Chaftean .
fur un Roc efcarpé , une petite
Villefermée de murailles , &retranchée
, on battit quatre ou
cing cens hommes qui la deffen .
May 1703.
Dd
314 MERCURE
doient , dont un grand nombre eft
demeuré fur la place , on fu plus
de deux cens prifonniers , parmi
leſquelsfe trouve un Major qui
commandois dans des Chateau
d'Horneberg, cinq ou fix Ca
pitaines , & plufieurs Subalternes.
Le même jour on paffa les
retranchemens de Friegdeng
occupé ceux qui estoient au haut
des Montagnes ; tout cela s'est
paffè entre le trentiéme Avril
le premier May , fans que nous
ayons en que quinze ou vinge
Soldats tuez on bleffez, & deux,
ou trois Officiers. Je reçus bier
une Députation de Mrs de Schaf
GALANT 315
Fouze je les affarayde l'auguftepro
tection de Sa Majefté en routes or
cafions , & leur dis que j'esperois
que deformais les menaces du
Comte de Trautmandorffleurfe
roient moins d'impreſſion , que je
ne pouvois m'empêcher de leur
dire qu'il eftoir un peu contre leur
gloire qu'an Miniftre Etranger
euft des manieres fi imperieuſes
ofaft troubler le Commerce des
Lettres à telpoint que leurs Ban.
quiers craignoient de luy déplaire
enfe chargeant des noftres , que
s'ils n'établiffoient pas unefeureté
entiere pour toutes celles qui vien.
droient de France qu'ils pouvoient
Dd ij
316 MERCURE
compter que je dérangerois unpeit
le Commerce de l'Empire. Itsfou
perent hier avec moy au nombre
de vingt Aujourd buy je leur
ay fait voir l'Armée , demain je
parts pour un rendez vous que
m'a donné S. 4 E de Bavie
ve. En attendant qu'on ait pris
les dernières mefures pour les ope
rations de la Campagne , je ſepa.
reray les Troupes dans les pays
quifont entre lafource du Danu
be, le Lac de Conftance.s
3
Vous attendez fans doute
avec bien de l'impatience aprés
tant d'avantages & de fi heu
reufes difpofitions pour ce qu'il
GALANT 317
doivent produire , des nouvelles
de l'entrevue de Monfieur
l'Electeur de Baviere & de Mr
le Maréchal de Villars : ils
n'avoient pas l'un & l'autre
moins d'impatience de le voir
& de joindre leurs troupes; Mr
le Maréchal de Villars qui eftoit
à Donetchiny , où eft la
fource du Danube , détacha Mr
le Marquis d'Uffon avec douze
cens Chevaux , & le General
Maffei qui commandoit le Corps
des Troupes Bavaroifes le plus
´avancé , & qui eftoit à Friding
fur le Danube , à fix lieuës du
lieu où campoit Mr le Maréchal
de Villars , détacha Mr le
Baron de Montigny - Languet
Colonel de Cuiraffiers avec trois
cens Cuiraffiers , qui rencontra
*
Dd iij
318 MERCURE
Mr d'Uffon à Derling , ce Bat
ron arriva à quatre heures du
matin dans le camp de Mr d'UL
fon , on en vint d'abord au qui
vive qui fut terminé par des
embraflades. Mr de Montigny
vint donner avis de l'approche
de S.A. E. & des vivres qu'on
amenoit à l'armée du Roy , fous
une eſcorte de cinq mille hom
mes. Mr de Montigny qui fuc
le premier de l'armée de Bas
viere qui vir Mr le Maréchal
de Villars , avoit marché pendant
quatre jours) & quatre
nuits parmi les Imperiaux , qui
prirent toujours des Troupes
qu'il a commandoit pour des
Troupes Allemandes . Enfin
l'entretien de S. A. E. & de
Mr le Maréchal de Villars fe fit
GALANT 319
I
le douze. Ce Maréchal devoit
fe rendre ce jour- là à midy
chez Monfieur l'Electeur , qui
eftoit à Dutliny . Il plut beaucoup
pendant toute la matinée ,
ce qui n'empêcha pas S. A. E.
desmonter à cheval le matin
pour fatisfaire l'impatience où
! Elle eftoit de voir Mr le Maréchal
de Villars ce Prince s'approcha
de hauteur en hauteur
avec une affez groffe eſcorte ,
& envoya couriers fur couriers
pour en apprendre des nouvelles
; enfin dés qu'il le fçue à
une lieuë il doubla le pas , &
dés qu'il aperçut la Troupe où
ce Maréchal étoit , il fe mit au
galop , & enfin le reconnoiffanc
de loin. il pouffa droit à luy à
toutes jambes , & fans luy don-
Dd iiij
&
320 MERCURE
de
ner le temps de defcen
cheval, it fe jetta à fon col , &
l'embraffa rendrement , mais
avec tant de vivacité , que l'on
crut pendant un moment qu'ils
alloient tous deux tomber par
terre , & firent des demonftrations
de joie de part & d'autre ,
qui faifoient plaifir à voir Mr
l'Electeur laiffa même paroître
quelques larmes , & dit à Mr
de Villars , Qu'il n'y avoit rien
qui ne fût au- deffous du fervice
qu'il venoit de luy rendre Ce Maréchal
eut à peine le loifir de
luy dire , Que les ordres du Roy
eftoient fi precis , non feulement de
tout tenter, mais auli de tout ha
zarder pour venir à fon fecours &
que les Troupes & les Officiers qu'il
avoit l'honneur de commander
GADANT 0321
eftoientfi devouées au fervice & à
la gloire de Sa Majesté qu'il
avoit toujours efperé que rien ne
leurferoit impollible ; que d'ailleurs
L'ancien& refpectueux attachement
equ'il avoit toûjours eupour S. AE.
avoit fait redoubler l'ardeur qui
eftoit neceffaire pourfurmonter tous
les obftacles qui s'eftoient prefentez.
ay Mr l'Electeur de Baviere ,
aprés avoir marqué de nouveau
6
Mr de Villars combien illuy
eftoit redevable, luy dit le deſeſpoir
où l'avoit jetté fix jours
auparavant une Lettre interceptée
& écrite par Mr le Prinsace
de Bade à Mr le Cardinal
Lamberg , par laquelle il luy
mandoit , Que Mr de Villars s'e-
22ftoit retiré de dévant fes retranchemens
, & que tout autre paſſage
322 MERCURE

eftois impoffible ; il ajoûta que fa
joiefut extreme, lors qu'il aprit le
méme jour qu'il avoit heureusement
paffé les Montagnes ; je vous affu
ve , continua til , en s'adreffant
à ce Maréchal , que je n'en aurai”
de ma vie une pareille. Mroide
Villars prefenta enfuite à Sons
Altelle Electorale les Officiers
de confideration qui l'avoient
accompagné, ce Prince les reçur
avec toute la politeffe du
monde , & chacun fut charmé
de fes manieres & de fon air
gracieux. La joie eftoit uni
verfelle , on fe remit en mar- s
che pendant que Mr de Bav.cre
& Mr de Villars continuerent
de s'entretenir feuls , & que des
François & les Bavarois s'embraffoient
, & faifoient conuoifGALANT
323
fance par l'entremiſe de Mr de
Monafterol & de Mr. Simeoni.
On trouva l'Armée Bavaroife
en bataille , & Mr Elateur ,
pour faire honneur à Mr le Maréchal
, ordonna trois falves de
toute l'artillerie & de toute la
moufqueterie , & pour fignal de
chaque falve , ce Prince crioit ,
Vive le Roy , en jettant ſon chapeau
en l'air. On dîna , & on
bût de bon coeur à la fanté du
Ray , & c'eftoit un plaifir de
voir la joie des Officiers Bavarois
peinte fur leur viſage , &
avec quel empreffement tous
ces Officiers & les Officiers
François le montroient les uns
aux autres fans fe laffer de fe regarder,
On ne peut obferver une plus
324 MERCURE
belle difcipline que celle qui
s'obferve parmy les Bavarois.
Un foldat n'oferoit entrer dans
le Quartier general fans une
permiffion expreffe d'un Officier
des Gardes .
*
Le Courier qui raporta ces
nouvelles , dit auffi que l'on
avoit trouvé des vivres & des
fourages en abondance , & que
les hommes fe fauvoient en Suiffe
, ou dans les Montagnes.
Ce Jeudy 16. May Mr l'Electeur
de Baviere arriva à l'Arméo
de Mr le Maréchal de Vil
lars , il eftoit accompagné de
plufieurs Seigneurs & Officiers
Bavarois , avec un Cortege de
cinq Caroffes , il fit la reveuë
generale de l'Armée , où il fut
falué de deux décharges du caGALANT
325
non & de la moufqueterie . Tou
tes les Troupes fe mirent en bataille
, on chanta le Te Deum
aprés lequel ce Prince & tous
ceux qui l'acompagnoient , furent
conduits par Mr le Maréchal
& les Officiers Generaux
dans un lieu où l'on avoit preparé
un dîner magnifique , pendant
lequel le Regiment Royal
de Cavalerie luy fervit de Gar
de , les Cavaliers ayant tous
l'épée haute.
Le même jour Mr le Maréchal
de Villars écrivit une Lettre
aux Magiftrats de Schaffoufe
, qui leur fut portée par Mr
de Mafferaback Brigadier des
Armées du Roy , par laquelle
il les affure que le voisinage de
fon Armée ne leur apportera
326 MERCURE
aucanes incommoditez , & qu'
au contraire ils en stireront les
mêmes utilitez que ceux de Bâle,
les exhortant de laiffer paffer
les Officiers & Soldats François
.
Pendant que les Armées de
France & de Baviere fe réjouiffoient
de leur jonction , vous
connoîtrez par la Lettre fuivante
quels mouvemens faifoit
l'Armée de Mr le Maréchal de
Tallard , & quelles eftoient
fes forces.
A Strasbourg le 7. May.
Le quartier general de l'Armée
de Mr le Maréchal de Tallard eft
à Lenthem , à un quart de lieuë de
Kell , où l'on a transporte les pon.
GALANT 327
tons de cuivre , afin de les remettre
fur la riviere de la Kintche pour la
commodité des fourages . Cette Armée
a commencé à fourager les fei
gles , elle eft de 32. Bataillons &
de 50. Efcadrons ; il y a quatie
Lieutenans Generaux , fçavoir
Mrs de Surville , de Rouffy , de
Clairambaut , & de S. Maurice
uatre Maréchaux de camp
qui font Mrs d'Immecourt Daffeld
, d'Enfreville , & Mr. le
Chevalier du Rozel , mais ce der
nier doit retourner en Flandres. Mr.
de Pionfack Lieutenant Colonel da
Regimentde Navarre eft à VVil
fet avec 500 hommes , c'est le pofte
le plus avancé que Mr de Tallard
aitgardé. Les Huffars ont
attaqué Matzick prés de Molsbeim
, les Suiffes quiyfont en gar
228 MERCURE
nifon leur ont tué le Lieutenant Co.
lonel du Regiment de Loos. Plufieurs
Cavaliers Hollandais fe
rendirent hier à noftre Armée , &
nous primes deux ponts ,
ur la Kint
che , pour aller couper les fourages
quifont au - delà de cette riviére.
Cette Armée a beaucoup
groffi depuis ce temps - là , &
'extrait fuivant d'une Lettre
de Mets vous fera connoître que
dés l'onzième de May il y marchoit
beaucoup de Troupes.
A Mets le 11 May 1703 .
Le Regiment de Robecq pirtit
bier pour le Rhin , aujourd'huy .
Hôpital , & d'autres Equipages
partent , & joindront le Regiment
GALANT 329
à Vic. Le Regiment de Froulé attendfon
fecond Bataillon , c'eft un
Regiment neuf de l'année paffee ,
"il eft des plus propres & des meil
leurs hommes qui fe voyent! Les
deux Bataillons ont Grenadiers &
Piquiers. Il arriva bier encore.
beaucoup de Cavalerie & d'Infanterie
pour conduire les Chariots &
des Caiffons en prodigieufe quantite
.
24.
La Gendarmerie doit auiffi
joindre cette Armée . On dit
que ce Corps eft prefentement
fi bien rétably , qu'il n'a jamais
efté plus beau . Outre toutes ces
Troupes il en marche encore
de divers endroits du côté du
Rhin , & perfonne ne peut dire
de combien de Troupes cette
May 1703.
E c
330 MERCURE
Armée eft prefentement compofée
, ny à combien elle mon
tera , lorfqu'elle aura reçu tous
les renforts qui luy font deftinez.
Cette Arméé eſt en poffeffion
de battre les Huffars par
tout où fes detachemens les
peuvent joindre . Vous fçavez
que Mr le Chevalier du Rozel
en a battu neuf cens au commencement
de ce mois , dont
plus de cent ont efté tuez , &
plufieurs ont efté faits priſonniers
. Ils ont efté battus 4 ou
fois pendant le reste du mois ,
& ce qu'il y a de furprenants
eft que ceux qui font au fervice
du Roy , font heureux dans toutes
leurs courſes.


Comme je ne dois pas vous
mander ſeulement ce qui fe
GALANT 331
JC
brouve de plas nouveau lors que
je ferme mes Lettres , mais que
dois vous rendre un compte
de tout ce qui s'eft paffé depuis
ma precedente , j'ay cru devoir
yous envoyer la Lettre que vous
allez lire en attendant que je
vous parle à la fin de ma Lettre
de l'ouverture de la campagne
en Italie.
Au Blocus de Bercello , cel
washing a 22.0MMaayy 11770033.. vanaleisie
Fe fuis arrivéle fix du mois paßé
à Sorbolo , & nous femmes partis le
neufpour referrer de plus prés Berfello
, nous fommes prefentement à
portée de Carabine où nous conftrui.
fons environ 30. redoutes dans le terrainqni
nous eftoit marqué par les
Ee "
332 MERCURE
: Ingenieurs ily avoit le Moulin de
La Place tres - bienfortifié, gardépar
cent Grenadiers. Mr de Seneterre qui
commande n'étoitpoint dans le ſentiment
de lefaire attaquer aprebendant
de perdre du monde , il avoit
raifon car files Ennemis l'avoient
foutenu , nous y aurions perdu pour
le moins trois cent Soldats mais
Mr de Richerans Ingenieur en chef
ayant affure que l'on s'en rendroit
maistre fans perdre du monde , notre
General y confentit. On ouvrit la
tranchée le 27. le 28. le Boyau aiant
effé continué juſques à une demi-portée
de Piftolet de la Palißade on
futfort furpris àonze heures du foir
quand on entendit un bruit ourd
dans le Moulin. Mr Depont Capital,
· ne des Grenadiers du Regiment qui
étoit detaché pour foutenir les Fra
GALANT!!
333
"
>
vailleurs avec cent Grenadiers &
cent Soldats , y envoya un Lieutenant
avec trente hommes , & le
fuivit avec le refte de fort prés , il
trouva les Ennemis qui enfortoient,
& les chargea avec beaucoup de
vigueur. L'affaire fur tres - chaude
, elle dura une heure & demie.
L'Artillerie de Bercello alloit comme
la Moufqueterie nous avons perdus
à cette affaire fept ou hurt
hommes, tant tuez que bleffez , on ne.
feait pas la perte des Ennemis, Le
bruit fourd dont je vous ay pîrlé eldeffus
provenoit des fourneaux que
Les Allemans avoient fait pour détruire
les Fortifications qui estoient
tres bonnes. La digue qui eft devant
le Moulin nous a bien ſauve
des Soldats. Par les avis qu'on a de
cette Place , les Troupes n'yfontpas
334 MERCURE
B
à leur aife : cependant il ne leur
manque ny pain ny win ; ce n'eſt pas
affez , les malades ne s'accommodent.
Pas
de cela ; il leur faudroit de la
viande , & des remedes qu'ils n'ont
pas. Enfin ils tiendront tant qu'ils
pourront , car le Gouverneur eft un
tres-brave homme . La garnifon eft,
encore composée de mille hommes
qui fontfort fatiguez. Ily a quatre-
vingt pieces de Canons qui nous
font un feu borrible , depuis que nous
Sommes arrivez ils ont tiré depuis
trois femaines trente mille coups de
Canon. Une chofe affez extraordi
naire , c'est que les Soldats de fept
Bataillons qui font au Blocus de
Berfello , Normandie trois , Limofin
deux , Irlandais deux , ont rasi
maffefix mille boulets , parce qu'on
leur en donne cinq fols. Aprés que
GALANT 335
nous aurons fini les travaux , nous
devons eftre relevez parfept Batail
lons Espagnols.
&
On a fçu depuis que ces fept
Bataillons ont efté relevez par
les Troupes Eſpagnoles
qu'ils ont joint les Corps qui
doivent agir pendant la Came
pagne.
L'Armée de Flandres qui étoit
en differens quartiers s'affem
bla le 8. May à Montenaken &
Niel au deffus de Landen , fous
les ordres de Meffieurs les mat
réchaux de Villeroy & de Bouf-
Alers de 9. à crois heures du ma
tin elle decampa & marcha fur
quatre Colomnes , entre Tongres
& Macftrich , elle devoit
$
336 MERCURE
le même jour camper prés de
Tongres mais quelque diligence
qu'on pût faire pour
pour franchir
les grands defilez qui couvroient
lefdits quartiers , les
Ennemis fur le premier avis du
mouvement de nos Troupes fe
retirerent avec tant de precipitation
qu'on ne les pût joindre ,
& on arriva feulement affez à
temps pour faire rentrer dans
Tongres deux Bataillons qui
commençoient à en fortir
on pouffa le Regiment de Cavalerie
de Chanclau qui en étoit
déja forti & qui fe retira à
toute bride à Maeftrick , duquel
on prit un Cornette avec
une vingtaine de Cavaliers
toute l'Armée fe trouva entre
dix & onze heures dans ce
Camp .
&
GALANT 337
Camp. Mr le Maréchal de Vil-
Jeroi fit fommer le Baron d'Eltz
Brigadier d'Infanterie, & Commandant
de Tongres , de fe rendre
Prifonnier de guerre avec fa
garnifon , & fur le refus qu'il
fit d'accepter une condition fi
rude , Mr le Maréchal fit avancer
huit Pieces de Cañons que
l'on pofta devant une petite
Tour pour la battre en flanc
& cette Batterie commença à
tirer fur les quatre heures aprés
midy. Le dix au matin l'on fit
avancer quatre autres Pieces de
Canons le feu ne dura gueres,
puifque le Baron d'Eltz fic
battre la Chamade , & deman
da à capituler , mais mr le Maréchal
ne luy voulut rien acsorder
, ce qui l'obligea de fe
May 1703.
Ff
338 MERCURE
"
Arendre à difcretion : Nos Sol-
}
dats acharnez contre les Anglois
ayans vu le mauvais traitement
que nos Troupes re
çurent dans la Citadelle de Liege
, pretendoient d'avoir leur
revanche dans cette occafion :
mais la generofité de мr le maréchal
de Villeroy empécha
qu'ils fuffent dépouillez , ny
fouillez fe contentant de les faire
defarmer , il fit rendre le lendemain
les Epées aux Officiers
Superieurs.
Meffieurs les Marechaux de
Villeroy & de Boufflers pafferent
toute la nuit avec le derachement
des Grenadiers qui
étoit commandé pour donner.
Il s'en eft peu falu que l'on
GALANT 339
C
1
*
g
n'ait furpris fix mille hommes
des Troupes ennemies qui é ,
toient aux environs de Toagres.
Elles jetterent en fe retirant
precipitament la plus grande
partie de leurs Equipages
dans cette Place qui ont eſté
pris cette perte deconcerte
beaucoup ces fix mille hommes ,
& les mer hors de fervice pour
un temps affez long , prefque
tous les Equipages de Mr le
Prince de Virtemberg eftolene
dans Tongres, il en eftoit forei
heureufement
pour luy avant
que les Troupes du Roy arriwaffent.
Il envoya le lendemain
inTrompette
a Mrile maréchal
de Villeroy a pour le prier
de lui renvoyer fes Domeſtiques
& lui demander qu'il pût

Ff ij
340 MERCUR
E
retirer fon Equipage . La Ville
de Tongres eftoit remplie de
munitions & de vivres. Les
Troupes qui fe jetterent dans
cette Place font caufe que l'on
yea fait plus de mille hom
mos prifonniers de guerre Cet
avantage eft d'autant plus con
fiderable , que les Ennemis y
ont perdu du monde de deux
manieres. Plufieurs Soldats du
corps de fix mille hommes , qui
a cfté obligé de prendre la fuite,
& de fe difperfer pour le fau
ver , ayant deferté cette déroute
a beaucoup deconcerté
les ennemis , qui avoient refolu
de fe faifiridu Camp que Mr le
Maréchal de Villeroysal soc
cupé. Mash- 25vovast inl sö
Aprés la déroutelde Corps
GALANT 341
de fix mille hommes des Ennemis
qui eftoient aux environs
de Tongres , dont ceux des
Traineurs qui n'ont pas deferté
ont efté tuez ou faits prifoniers.
Aprés la prife d'environ
mille hommes dans Tongres
, de plufieurs Officiers , &
des équipages des fix mille hom
mes dont je viens de parler
enfin aprés la perte de plus de
mille hommes qui ont efté tuez
devant Bonne nous avons
perdu cette Place que d'autres
que des François n'auroient pû
garder deux années à caufe de
facfcitnations avancée , & qui
d'ailleurs ne doit pas eftre regardée
comme une Place de
guerre : On ne s'eſt pas mis en
eftat de la fecourir , parce
'
Ffij
342 MERCURE
que les grands avantages que
Pon compte de remporter pac
tout ailleurs & dont on auras
peut -eftre commencé à rece
voir des nouvelles avant que
vous recevięz ma Lettre , quil
ne vous fera renduë que dans !
quatre ou cinq jours , puifque
ces grands avantages , dis-je
mettront le Roy en eftar larlqu'il
n'aura plus befoin des trois
grandes Armées qui font em
mouvement pour mettre fes En..!
nemis à la raifon en Allemagne
& en Italie, d'agir & puiflamenc
contre coux qui menacent
aujourd'hy les Pays - Bas , qu'ils
fe trouveront obligez de deman
der la Paix , qu'il ne peut leur
accorder avant que de les avoir
châtiez de luy avoir déclaré
GALANT 343
laguerre , même fans avoir pu
trouver aucun faux pretexte ,
& s'eftant feulement contentez
de faire connoistre qu'ils ne la
déclaroient
que parce que la
la
France & l'Espagne unies enfemble
leur paroiffoient trop
puiffantes , & qu'ils vouloiens
empêcher que l'Espagne n'ait
le temps de le rétablir. Je vous
ay déja dit à peu prés la meſ
me chofe dans une autre de
mes Lettres mais outre qu'il y a
des chofes que l'on ne peut trop
repeter à cauſedu plaifirqu'elles
doivent faire , je crois qu'il eft
bon de faire voir que le temps
approche où les Auteurs de la
guerre , & qui ne parlent encore
aujourd'huy que de tout
envahir dans les Pays Bas fe
Ff iiij
;
344 MERCURE
touveront bien embaraffez
quand même ils viendroient à
bout prefentement de leurs deffeins
, ils n'obtiendront peut- eftre
pas fi aisément la Paix qu'ils
l'ont obtenue à Nimegue & à
Rifvvik: Cependantje dois vous
parler de leur Conquefte det
Bonne ou plutoft de celle d'un
nombre infini de Mortiers &
de Canons employez contre
une Place fi folble , qu'il fauc
que l'on ait bien apprehendé
d'en venir aux coups de mains
avec les François , pour avoir
fait une dépenfe fi prodigieufe
afin de l'éviter .
Voicy une Relation de ce
Siege .
Les Ennemis investirent le 24.
du mois paffé la ville de Bonne ,
GALANT 345
le Fort de Bourgogne , fitué au de-
La du Rhin , & font demeurez oififs
dans leur Camp jufqu'au 3. de cè
mois qu'ils ouvrirent la tranchée à
la Ville & au Fort. Ils attaquerent
ce dernier avec quarante pieces
de gros Canon , qui eboulerent les
ramparts en quatre heures , qui n'ef
toient que defable retenupar desfafcines.
Mr le Marquis & Alaigre
quandils commencerent à tirer , pour
ne point hafarder les troupes , qui
n'auroient pas manqué d'etre emportées
l'épée àla main , fit ramener
le matin du 9. quatre cens hommes,
dont on devoit aui ramener cent
quarante au moment que les Ennemis
déboucheroient de la tranchée.
pour venir à l'affaut , &jetter les
autres foixante dans une mauvaiſe
Redoute qui eftoit dans le Fort.
1
346 MERCURE
Cette derniere retraite fe fit avec
quelque confufion , & les batteaux
deftinez à les paffer , ne purent les
contenir ; ce qui fit qu'il reta dix
bommes dans la Redoute qui fut
emportée l'épée à la main , par la
gorge. La même nuit les Ennemis
firentun retranchement à la droite &
à la gauche du Fort , & y établi
rent huit pieces de Canon , cepen
dant qu'ils avançoient leurs tranchées
du haut & bas Rhin. Lent
Artillerie tira le furlendemain avec
tant de fureur , que
*
+
*
le 14.
les deux
Baftions du haut & bas Rhin en
furent éboulez , y ayant à chacun
une broche à pouvoir monter un Bataillon
de front. Le même jour ils
attaquérent l'avant chemin couvert
du bas Rhin avec tant d'opiniâtreté,
qu'ils s'y logerent après avoir efté
GALANT
347
pouffer troisfois. Ileft à croire qu'ils
en auroient fait de même au haut
Rhin , s'ils n'avoient effé déconcertez
parunefortie faite à midy de ce coffe
Là qui réuffitparfaitement. On leur
tua environ cinq cens hommes dans
La tranchée, on enclosa dix pieces de
Canon , & fix Mortiers . Un Colo
nel Hollandois , & quelques Officiers
furentfaits prifonniers. Notre
perte fut mediocre ; nous n'eûmes
qu un Capitaine de Grenadiers da
Royal, un Aide - major de la
Couronne tuez, Mrde Polaftron Co.
Lonel de la Couronne , & quelques
Officiers bleffez dans cette action.
Cependant les Ennemis s'eftant rétablis
la nuit , leur Artillerie recommença
à la pointe du jour avec une
furie inconcevable , Six- vingt pieces
de gros Canon &foixante Mortiers
348 MERCURE
Agroffes Bombes , & trois cens
doublesgrenades , tirerent fans rela
che. Leur groffe Artillerie acheva
à agrandir les bréches , & à rafer
la muraille le long du Rhin , qui
joignoit les deux Baftions , de forte
que la Ville eftoit tout àfait ouverte
par ce cafté- là , & l'on ne pouvoit
pratiquer aucun retranchement, cette
raifon jointe au manquement d'armes
, & de pierres à fufil , dini an
eftoit tout- à-fait dépourvus fit que
Le 15. à deux heures aprés midi on
battit la chamade , & l'on envoya
des Oftages de part & d'autre, Le
16. Le Marquis & Alaigre envoya
des articles qui furent conteftez , &
fur ce que le Duc de Marlbouroug ne
voulatrien accorder de ce que Mr
d'Alaigre fouhaitoit ; on fe refolus
aux dernieres extremitez : cepenGALANT
349
र्र
dant on trouva un temperamment,
la Capitulation fut fignée. On eft
forti par la bréche avec fix pieces de
Canon & la garnison a efté conduis
te à Luxembourg. Elle eftoit encore
de trois mille fix cens hommes.
Nous avons perdu Mr de la
Butte , qui a efté tué d'un coup de
Canon qui luy a emporte les deux
jambes Mr d'Hauterville a efté
dangereufement bleffe dune bombe
aux reins.
Vous trouverez dans la Lettre
que je vous envoye la fuite
du Blocus de Bercello .

-homes bitch
Du Quartier general de Saint
• Benedette , le is MAY1793
Zes Elfagnols nous ont relevé du
350 MERCURE
Blocus de Bercello , où nous avions
fait des Forts , & établi des Poftes
de maniere que les Ennemis per
vent à peine fortir les portes , nous
leur avons aufi rafe leurs Moulins ,
dont ils tiroient quelque utilité. Si
bien qu'ils font tres - mal , & avec
dupain de toutes fortes de grains ,
féves autres , ramaffez & à de
mi moulus , quifont tant de mal à
leurs Soldats , & dont ils fe trouvent
fi mécontens , que le Gouver
neur n'ofe rifquer ny entreprendre la
moindre chofe avec eux , parce que
tous deferteroient à la premiere occafion
; de forte qu'il fe contente de
garderfa Place , & de nous canonnerjour
& nuit § de maniere què hos
maifons font toutes &
criblées au
nous aurions efté contraints de nous
éloigner,files feuilles des arbres n'éGALANT
351
toient venues à noftrefecours , & n'avoient
couvert nos Forts jufqu'au
pied de leur glacis , ce qui enfin les
obligera defe rendre , puifqu'ils ne
font plus quefept à huit cens hommesmal
nourris, toûjours à Perte, &
fans efperance que du mal aupis.
Quant à nous , noftre deftinée nous
a mis de l'Armée de Mr le Prince
de Vaudemont , qui couvrira d'ity
tout le long de la Secchia jufqu'au
petit Camp volant qui finit noftre
droite en convrant aufft le Modenois
. Cette petite Armée et belle &
bonne. Mr legrand Prieur y reffe,
M de Saintfandoux eftant
mort , & fon Regiment ayant
vacqué , le Roy en gratifia Mr
le Comte des Marais à qui Sa
Majefté avoit refolu d'en don
352 MERCURE
"
"
ner un mais M le Chevalier
de Gennes Colonel du Regi
ment de la Ferre cftant décedé
prefque dans le même temps ,
Sa Majefté donna le Regiment,
de la Farre , qui eft un Petit
vieux , à M le Comte des
Marais , & celuy de M³ de
Saintfandoux , à Mr le Chevalier
d'Antragues , frere de м³
le Marquis d'Antragues Capistaine
aux Gardes , & de feu
Mr le Marquis d'Antragues ,
Colonel du Regiment Royal
des Vaiffeaux & Brigadier d'Infanterie
, dont la vigueur , &
la vigilance ne c
e ne contribuerent
pas peu à la confervation de
Cremone, ce fut luy qui fe trouva
le premier à la tefte du troi
féme Bataillon de fon Regiment
95
GALANT 353
qu'il avoit commandé la veille
pour faire l'exercice à fix heures
du matin , il foutint pen
dant une heure & demie le feu
des Ennemis , & donna le temps
au reste de la garniſon de s'habiller
& de fe mettre en eſtat
de deffenfe , pendant qu'il fou
tenoit tout le choc à la tefte
de fon Bataillon où il recur
deux bleffures dont il mourut
quelques jours aprés . unsh
Quant à Mr le Comte des
Marais à qui le Roy vient de
donner le Regiment de la Ferre
, la Maiſon eft originaire de
Normandie , & il prouve trois
cens ans & plus d'une tres
bonne Nobleffe ; fes ayeuls
ayant toûjours efté dans des
emplois dediftinction dans l'EMay
1703 Gg
354 MERCURE
glife , dans l'Epée , & dans la
Robe Celuy qui vient d'eftre
nommé Colonel du Regiment
de la Ferre , eft fils de Mr de
Comte de Taley frere aîné de
Mr l'Evêque de Chartres qui
s'eft étably après avoir ſervi
long - temps en champagne .
Leur nom de famille eft inde
Godet des Marais , Mr le
Comte des Marais après avoir
fervi longtemps dans la Cava
lerie , eut pour récompenſe un
Bâton d'Exempt des Gardes du
Corps que Sa Majefté luy don
na Son pere n'ayant que ce feul
en fant voulut Bengage hole
marier mais Mr le Comte des
Marais ayant de la peinenao
confentir , fe retira auprés de
Mr l'Evêque de Chartres fon
LON 01
GALANT 355
ger›
oncle , dans le deffein de chand'état
; mais ce Prelat lui
fit changer de fentiment , & Mr
de Maréchal de Villeroy qui
fçavoit combien il cftoit capa
ble de fervir le Roy , l'engagea
ide le fuivre en Italie ,où il s'eft
trouvé dans toutes les actions
qui fe font paffées , ayant fervi
en qualité d'Aide de Camp de
ce Maréchal , & depuis fous
-Monfieur le Duc de Vendofme
sensla même qualité . Il a cé
bleffé cinq fois . Il fut bleffé
dangereuſement à Cremone ,
id'un coup de mousquet , & ne
Jaiffa pas de combattre pendant
deux heures aprés avoir reçu ce
coup de maniere qu'on fut obligé
de l'enlever malgré lui pendant
qu'il combattoit encore s
Gg ij
356 MERCURE
mais auffi toft qu'il fut panfé il
retourna à l'action qui dura
jufqu'à la retraite des Ennemis.
Il eut un bras caffé à la Bataille
de Luzzarra . Toutes les Relations
& les Lettres des Gene .
raux publierent tellement fa
valeur que le Roy refolut de
lui donner un Regiment où il
puft fervir plus utilement . Ses
premiers fervices avoient efté
trouvez fi confiderables , qu'ils
avoient efté recompenfez d'une
penfion Il y a lieu de croire
qu'un homme qui fert avec tant
de vivacité , & qui prodigue fa
vie avec tant d'ardeur pour lé
fervice du Roy , & la gloire de
l'Etat ira loin fous un regne où le
merite , & la vertu font recom +
penfées ,fans qu'il foit befoin de
GALANT 357:
folliciter un Monarque , qui fe
fait informer de tout , fçachant
que les veritables Braves feroient
trop modeftes , pour lui
vanter eux- mêmes les actions où
ils auroient acquis de la gloire.
Je dois ajoûter ici que la Maifon
de Godet des Marais eft alliée
Bavec
l'illuftre
Maifon
de
>
Broüilly du Comté d'Artois
par le mariage d'Antoine de
Brouilly , Marquis de Piennes ,
Comte de Montdidier & de
Lannoy , Chevalier des Ordres
du Roy , Lieutenant general de
fes Armées , & Gouverneur de la
Ville & Citadelle de Pignerol ,
avec Françoiſe de Godet , d'où
font venues Olimpe de Brouilly
Demoiſelle de Piennes , époufe
de Louis d'Aumont de Roche358
MERCURE
baron , Marquis de Villequier,
& premier Gentilhomme de
la Chambre du Roy , en fur
vivance , & Marie Rofalie ,
Demoiſelle de Brouilly , Epou
fe d'Alexis Henry Marquis de
Chaftillon & de Boifrogues
Chevalier des Ordres du Roy' ,
premier Gentilhomme de la
Chambre de feu Monfieur ,
& de Monfieur le Duc d'Or.
leans d'à- prefent . Antoine de
Brouilly , Epoux de Françoife
de Godet , eftoit frere puifné
de Louis de Broüilly , Marquis
de Piennes , tué devant Arras
l'an 1640. qui ne laiffa qu'une
fille unique de Gilonne de Harcourt
; c'eft à dire Marie de
Brouilly , époufe de Louis Henry
Regnier , Marquis de Guer
GALANT 359
chy. Ils eftoient enfans de
Charles de Brouilly Marquis
de Piennes , Comte de Lannoy ,
Gouverneur du Caftelet , & de
Renée de Rochefort , & de ce
brave François de Brouilly ,
Chevalier de l'Ordre du Roy
tué à la Bataille de Senlis le 17 .
May 1589 & de Louiſe de Halluyn
, fille aînée de Charles ,
Duc d'Halluyn, Pair de France,
Marquis de Piennes , Chevalier
des Ordres du Roy , Gouver
neur de Mets , & du Pays Mefs
fin , & d'Anne Chabot . On voit
par là quelles alliances a la mai
fon de Godet des Marais Mrle
Comie des Marais eft allié à la
Maifon de la Marck Bouillon,
Monfieur le Comte d'Aubigné
, ci -devant Gouverneur de
360 MERCURE
Cognac , puis d'Aiguemorte &
enfuite de Berry & Chevalier
des Ordres du Saint Efprit , eft
mort à Vichy , où fes indifpofi .
tions l'avoient engagé d'aller
prendre les eaux . Il s'eftoit retiré
il y a quelques temps dans
une Communauté où il menoit
une vie exemplaire. Il femble
que ceux qui quittent en quel
que maniere le monde avant que
le monde les quitte devant avoir
moins d'attachement que les
autres , pour tout ce qui le regarde
, doivent abandonner la
vie avec plus de tranquillité , &
de refignation , ainfi l'on doit
eftre perfuadé que Mr le Comte
d'Aubigné eft mort avec toute
celle que doit avoir un veritable
Chrestien , & que fa mort
GALANT 361
a efté auffi exemplaire que la
fin de fa vie . Son fang luy
donnoit de beaux exemples
de vertu fans que je m'explique
davantage pour ne point bleffer
la modeftie d'une perfonne dont
la vie n'eft qu'un enchainement
d'actions de charité , & de pieté
, & qui ne fe fert de fes avantages
que pour acheter le Ciel .
Je ne vous dirai rien de la maifon
de Monfieur d'Aubigné
vous en ayant amplement par
lé lorsqu'il fit fes preuves de
Chevalier de l'Ordre ; mais
comme je ne vous ay encore
rien dit de celle de Madame
d'Aubigné petite fille d'un
Confeiller d'Etat , & dont deux
Cardinaux honorent la Maifon
, ainfi je croy que l'article
...
May 1703 ,
Hh
362 MERCURE
fuivant ne vous déplaira pas
Mr d'Aubigné avoit époufé Dame
Genevieve Pietre , fille
de Simon Pietre , troifiéme du
nom Seigneur de la Salle &
aprés plufieurs années de fervice
en qualité de Capitaine dans
le Regiment de Piemont , prit
à la priere de fa Famille la
Charge de Confeiller , Procureur
du Roy , de la Ville de
Paris , que feu fon Pere avoit
exercée avec diftinction pendant
quarante années.
La Mere de Madame d'Aubigné
eftoit Dame le Clere ,
fille de Mr le Clere , Seigneur
de Châteaudubois , Confeiller
au Parlement .
Simon Pietre , Pere de Madame
la Comteffe d'Aubigné
GALANT 363
སྐ
eftoit fils de Germain Pietre
Confeiller , Procureur du Roy
de la ville de Paris , Procureur
General de feu Gaſton d'Orleans
, fils de France , lequel
fut honoré de la qualité de
Confeiller d'Etat , aprés avoir
fait voir dans les temps difficiles
fon attachement & fa fidelité
inviolable au fervice du
Roy.
Simon Pietre avoit épousé
Dame Marie de Saint Genis ,
fille de M de Saint Genis , Secretaire
du Roy .
Germain Pietre eftoit fils de
Simon Pietre , fecond de ce
nom , Seigneur de Maurepas &
de Geneviève Marefcaut , four
de Guillaume Marefcaut , Mat.
tre des Requeſtes , mort Doyen
Hhij
364 MERCURE
qui des Confeillers d'Etat
avoit efté nommé Garde des
Sceaux de France , il eftoit de
la branche cadette de la maifon
des Marefcauts d'Italie , de
la branche ainée de laquelle eft
le Cardinal Marefcotti , Simon
fecond , Seigneur de Maurepas
eftoit fils de Simon , premier de
ce nom , Confeiller , Medecin
ordinaire du Roy François I. qui
n'aquit en mil cinq cens treize
& d'Anne Sanguin , Niece du
Cardinal Sanguin .
>
Ces deux hommes furent celebres
dans leurs temps , & leurs
memoire eft encore en tres grande
veneration chez les gens de
lettres,
Papirius Maffons dans fon
abregé des hommes illuftres ,
GALANT 365
qui a commencé au quinziéme
Siecle éleve particulierement
Simon Pietre , premier de ce...
nom , comme un homme du
plus grand merite & de la plus
haute diftinction .
Mr Jurieu & Guy Patin entre
plufieurs Auteurs módernes
qui en ont parlé le confiderent
comme un des grands hom
mes de fon fiecle.
M² d'Aubigné n'a eu qu'une
fille mariée à Mr le Comte
d'Ayen. On peut dire qu'elle a
paffé fa jeuneffe dans l'école de
la vertu , & comme elle y apris
tout ce qui ne s'aquiert que par
par une bonne éducation ,
que d'ailleurs il ne luy manque
rien , de tout ce que l'on peut
fouhaiter dans une perfonne " ,
&
Hh iij
366 MERCURE
on peut affurer qu'elle a tou
tes les qualitez du corps & de
l'efprit qui peuvent la rendre
parfaite.
Mr Felix de Thuify , premier
Chirurgien du Roy , ci - devant
premier Valet de la Garderobe
de Sa Majefté , eſt auſſi decedé .
Son merite eftoit connu de toute
la Cour , & il n'eftoit pas feulement
regardé comme un hom- .
me audeffus des autres dans fa
Profeffion ; ainfi que generalement
tous ceux - mêmes qui l'e
xercent , en conviennent fans
peine ; mais il s'eftoit acquis la
confiance & la confideration de
Sa Majefté , & l'eſtime & l'amiié
des premieres perfonnes de
la Cour pour fon bon efprit , &
pour toutes les qualitez qui font
GALANT 367
le parfait honnefte homme. Il a
laiffé Madame fa femme & deux
enfans vivans ; un fils cy - devant
premier Valet de Garderobe
du Roy , & prefentement
Controlleur General de
la Maifon de Sa Majesté , &
une fille mariée à Mr du Martret
, Lieutenant Particulier du
Chaſtelet. Mr Felix Evêque de
Châlons fur Sône eſt ſon frere
Mr Felix leur pere avoit rempli
la Charge de premier Chirur
gien du Roy, pendant beaucoup
d'années avec une grande reputation
. M Felix qui vient de
mourir , en avoit cu la furvivance
longtemps avant le decés de
fon pere . Mr Felix Controlleur
general de la Maifon du Roy ,
a épousé une fille de Mr de
368 MERCURE
Montarfys , Secretaire du Roy.
Mr Felix avoit auffi deux
foeurs , dont l'un eft veuve de
Mr Desfontaines , autrefois
Gouverneur des Enfans d'Honneur
de Monfeigneur le Dau--
phin ; & l'autre , femme de мr
d'Epagny Maistre de la Garderobe
de feuë Madame la
Dauphine , veuve auparavant
de Mr Defplanes Gentilhomme
de la manche de Monſeigneur le
Dauphin.
L'Enigme du mois paffé eftoit
la Carte du Monde , ceux qui ont
trouvé le veritable mot , font :
Mrs de Préel de la rue S. Julien
des Meneftriers : Nicolas Goffet
de la ruë de la Callandre : Marc
Antoine Chariere d'Auxerre :
GALANT 369
Bardet & fon ami du Pleffis du
Mans de la Barette de Chartres
en Beauffe , & Jean de la
rue Portefoin : le plus agreable
d'auprés S. Martial & la touchante
Babet : les deux enfans
de la jubilation de la rue Poupée
: le Breton à l'Anagramme
Gé mil charmes : le plus petit des
trois freres de la ruë des Auguftins
l'Amant heureux & infortuné
tout enſemble de la baf
fe pointe de l'Ifle : fa chere
Dulcinée de Milly en Gaſtinois
, & le malheureux Joueur
de Dames Mademoiſelles Brigal
la Prefidente de l'Election
de Chaumont & Magny & Louis
fon la bonne voiſine : Delorme:
Therefe du Cloiftre Saint Jacques
de l'Hôpital : Mr de Saint
:
37° MERCURE
Ange , fa petite voiſine Catin
& le fidelle A. D. M. la Mignone
d'Adonis de Poitiers : la
petite Marotte & fon intime
Janneton de l'Hôtel du S. Efprit
de la rue du Boulloy la
grande Flamande , & le petit
Brillon .
3
Mrs l'Abbé le Feuve : la Jonchere
: Louis - Michel de Lar
gillier de la ruë neuve de Saint
Mederic Maiſtre Pince : Maury
Imprimeur : Jerôme Pleau de
la rue des Marmouzets : Etienne
de Dieu du Louvre : Pierre Renard
de Maurainville de la ruë
S. Julien le pauvre : Chriftophe
Carré de la rue de Grenelle :
Jean Nicolas Tulleau de la ruë –
S. Denis : le beau Carterot &
GALANT
371
la belle Rougeon de Strasbourg :
les deux bons A ...... de Senlis :
le petit Saint Pierre de la ruë
Thibaut-aux- dez , & fon frere
& le grand Saint Jacques : le
gros Confeiller de la rue de
Venife le petit Prevoft de la
ruë des Lombards : le Doyen de
Rome : le Poupon de la Baftille
& fa chere foeur : la bande
des
Efcrimeurs du
Fauxbourg
Saint Martin : l'Amoureux baragoüin
de la rue Saint Jean de
Beauvais & la Dulcinée fa voifine
l'Oifeau privé : le petit
Moutonnel. Mademoiſelle Ponfel
Guiregré , la belle Angelique
, les Dames de la belle Etoile
de la rue Saint Severin : la
belle Auvergnate du Roy François
de la Porte Saint Michel
:
:
372 MERCURE
la belle Epine de l Etoile de la
rue Saint Martin : la charmante
Pol , les trois Nimphes de la Bergere
: la mignone Mademoiſelle
Dangache .
L'Enigme qui fuit eft de Mr
Daubicourt.
ཚ་
ENIGM E.
14 saille courie à large pance
Tout pefant qu'est mon corps ,
il est des plus difpos
Je voltige &fais mille fauts
Et j'obferve en danſant une juſte
cadence .
Si l'éclat de mes airs chagrine un
endormy
Je fais fouvent plaifir an ftudieux
qui veille.
Le
GALANT 373
Le diligent eft mon ami ,
Et je fuis incommode ou regne la
bauteille.
Je ne vous envoye point de
detail du grand avantage remporté
en Pologne fur les Troupes
de Saxe par le Roy de Suede
, puifqu'ilfe trouve dans toutes
les nouvelles publiques qui
ont efté imprimées depuis cette
grande action. On doit remarquer
à la gloire du Roy de Suede
, que ce Prince n'avoit que
fix mille hommes & que les
Ennemis en avoient neuf , que
les Saxons eftoient bien poftez,
& n'eftoient fatiguez d'aucune
marche , au lieu que le Roy de
Suede fut obligé de faire faire
un Pont fur le Bug pour le tra
May 1703.

ᏞᎥ
374 MERCURE
verfer , & qu'il lui falut paffer.
enfuite un grand ruiffeau , &
un marais qui auroit pû paroitre
impraticable à tout autre
qu'à un Monarque.qui ne trouve
rien d'impoffible , lorfqu'il
s'agit d'acquerir de la gloire en
combatant.
Mr le Baron de Cronſtrom ,
qui a eſté nommé Refident de
Suede à la place de Mr de Palmequiſt
à prefent Ambaffadeur
de Suede en Hollande , a eu fa
premiere Audiance du Roi avec
toutes les ceremonies qui s'obfervent
en pareilles occafions.
Il fut beaucoup parlé en cette
Audiance de la derniere Victoire
remportée par le Roy de
Suede . Le Roi donna de grands
Eloges à ce Prince , & qui fu
GALANT 375
rent fort applaudis . Sa Majesté
Suedoife ne pouvoit nommer
pour fon Refident en France
un homme qui fût plus agreable
au Roy & à toute la Cour
que Mr Cronftrom : il a toutes
les qualitez neceffaires pour
bien remplir toutes les fonctions
de fon miniftere , & même on
peut dire qu'il en a beaucoup
d'autres qui ne regardent pas
fon emploi , il aime les Arts &
les Sciences , & il n'y a rien
dont il ne foit capable : il eft
fort honnefte & fort poli , &
s'eft acquis une eſtime generale
de tous ceux qui le connoif
fent Vous jugez bien que je
ne ferois pas fi bien inftruit s'il
eftoit nouvellement arrivé en
France ; mais comme il y de-
Ii ij
376 MERCURE
meuré depuis plufieurs années ,
& qu'il y a déja paru dans l'emploi
, vous ne devez pas vous
étonner sil y eft fi connu & fi
eftimé .
Je vous ay déja parlé de la
mort de l'Archiducheffe troifiéme
fille de l'Empereur mais
je ne vous ay pas dit que Sa
Majefté Imperiale a notifié cette
mort au Roy par une Let
tre de fa propre main , il la
donna au Nonce de Sa Sainteté
à Vienne , & ce Nonce
l'ayant envoyée à celui de
France , ce dernier a remis certe
Lettre entre les mains du
Roy qui a pris le deuil pour la
mort de cette Princeffe ainfi que
toute la Cour.
Jamais Prince n'a plus aimé
GALANT 377
la belle gloire, ny témoigné plus
d'ardeur d'en venir aux mains
avec l'Ennemi de l'Etat , que
Monfeigneur le Duc de Bourz
gogne ; ce Prince a donné tant
de marques de la genereufe impatience
qu'il a de combat .
tre , que fe feroit un crime d'en
douter . Ses- inftances ont efté
fi preffantes auprés du Roy, &
fi fouvent réïterées , qu'enfin
Sa Majefté luy a permis de faire
la Campagne Comme ce Prince
en rendra bon compte au Roy ,
j'efpere auffi vous en rendre un
tres- exact de tout ce qu'il fera ,
& je fuis perfuadé que quoy
qu'il puiffe arriver , ce Prince
rien faire qui ne le coune
peut
vre de gloire.
Ileft temps de reprendre les
li jij
378 MERCURE
affaires d'Italie ; mais avant
que d'entrer dans le détail que
yous attendez , touchant l'ouverture
de la Campagne de ce
cofté- là , je dois vous faire part
de l'eftat fuivant de l'Armée de
l'Empereur en Italie , il eſt du
feptième May , ainfi vous pou
vez compter qu'il eft jufte , les
Troupes de cette Armée , ne
devant pas eftre beaucoup diminuées
en un mois de temps.
INFANTERIE.
Staremberg ,
800. h.
Mansfeld . 600.
Vieux Thaun 400 .
Nigrelli , Soo
Rhingrave , 750
Hermerſtein , 750
Guefchyvindt, 900
GALANT 379
Lichtenſtein ,
750
Leflingher , 250
Bagni , 450
Revvenfclavy ,
650
Guttenſtein , 600
Solari , 400
Thaun , 500
Lorraine , 2000
Kirchbaum ,
700
Longueval , 1800
>
{
Sanom ,
Danois
VVolffenbutel ,
Total , 16800, hommes.
CAVALEAR I E.
4000
Taff ,
Neufbourg ,
Falkſtein ,
2
450
400
450
380 MERCURE
Vaudemont ,
Corbelli ,
Palfi ,
Vifconti ,
Lorraine ,
Hohenzollern ,
Darmftat ,
107450
20150350
400
250
450%
400
300
DRAGONS.
Savoye ,
300
Herbeville ,
400
Vaubonne ,
350
Serini ,
400 .
Trautſmandorff ; 400
DANOIS .
Kolmenſtein , 300
Lovve ,
350
Huffart ,
200
Total, 6600.
GALANT 38
On affure qu'une partie de la
Cavalerie de cette Armée eſt
démontée .
1
L'Armée que commande Me
le Duc de Vendoſme eſt de
32.*
Bataillons & de 79. Efcadrons ,
& celle qui eft commandée par
Mr le Prince de Vaudemont eft
de 36. Bataillons & de 38. Efcadrons.
que
On peut dire que Mr de Vendofme
n'a ouvert la Campagne
le 20 de May , quoy qu'il
cuft fait mettre toutes chofes
en eftat pour marcher plutoft ,
& qu'il eut même commencé
à marcher dés le douze ; mais
le mauvais temps l'ayant obligé
de s'arrefter , ce Prince n'a
continué fa marche que le 20 .
ce jour là fon Armée paffa le
382 MERCURE
Mincio fur les Ponts de Sachetto
, de Governolo , & de Mantouë.
Le 21. elle paffa le Tartaro
fans aucune oppofition ce
qui a beaucoup abregé le chemin
qu'il falloit faire pour aller
aux ennemis , elle campa le 22:
à Nogara , où Fon établit un
Magafin. Elle paffa à Sanguineto
, où Mr de Vendofme établit
des Fours. Ce Pofte eftant
à une tefte de Marais , & Ponremolino
eftant de l'autre cófté ,
il mettoit l'Armée de Mr de
Vendolme à couvert des courfes
des ennemis , & luy procuroit
des fecours de vivres , & fur
tout deux mille facs de bled qui
avoient efté achetez dés le
temps du Blocus de Mantouë ,
& qui estoient demeurez depuis
GALANT 383
ce temps - là à Verone , fans
que
l'on euft pû les en faire fortir.
Le 23. l'Armée eftoit à Cera ,
& le 24. elle étendit fa gauche
par le Tartaro , jufqu'aux extremitez
du Ferrarois , fa droite
eftant toûjours vers Carpi dans
un bon Pays & bien garni , &
rempli de fourages : cependant
Mr d'Albergotti
s
approchoit
de San - Felice , & de Finale , &
le Prince de Vaudemont eftoit
le long de la Secchia fort, atténtif
aux mouvemens des Enn'emis
.
Il arrive
continuellement des
Troupes à l'armée de Mr le
Maréchal de Tallard . Le 24.
elle fut renforcée de trois Regimens
d'Infanterie , fçavoir
de ceux de l'Ile de France
384 MERCURE
de Goftade & de Tavanes. Un
Regiment de Cavalerie y devoit
arriver le mefme jour . Qutre
les Officiers Generaux qui font
dans cette armée & dont
vous ay déja parlé , on y compte
encore Meffieurs de Loëmaria
, de Grammont , de Hautefort
, de Sainte Hermine
de Saint Laurens.
&
Mi le Maréchal de Villeroy
ayant réfolu de livrer Bataille
aux Ennemis auffi - toft aprés
l'affaire de Tongres , & de
profiter du defordre où ils
eftoient fit la nuit du 14 au 15
May marcher toutes fes Troupes
avec de l'Artillerie , & ne
laiffa au Camp qu'un homme
par Compagnic , & toutes les
Gardes dans le deffein de furprendre
GALANT 385
prendre les Ennemis qui étoient
campez prés de Lonack , Village
fituée à une petite demie
licüe de Maftrick. Noftre Artillerie
& noftre Infanterie n'aïant
pa arriver que le lendemain à
dix heures du matin , l'Armée
ne put eftre en bataille que fur
le midy pendant ce temps les
Ennemis fe retrancherent , &
mirent dans Lonack , déja tresfort
par la fituation , fix à fept
mille hommes d'Infanterie , &
trente pieces de canon . Ils
avoient leur droite à ce Village,
& leur gauche fous Maftrick.
Ils avoient une nombreuſe Artillerie
, tant à leur droite qu'à
leur centre , & à leur gauche,
outre cette Artillerie qui auroit
fait perdre beaucoup de mon-
May 1703.
Kk
386 MERCURE
3
de fi on les euft attaquez , an
auroit auffi efté fort incommodé
du canon de Maftrick & de ce
lay du Fort Saint Pierre ; ainfi
on ne crut pas devoir rifquer
le combat. Il y avoit lieu de
croire que les François qui ne
tomoignolent pas moins d'envie
de fe fignaler qu'à Steinkerque,
& à Nervinde , auroient
forcé les Ennemis malgré leur
nombre prodigieux de canon ,
la fituation avantageufe où il fe
trouvoient , & la force de leurs
retranchemens; mais il eſt de la
prudence de ne pas acheter des
lauriers toûjours à force de fang
& de ne pas toujours facrifier
même pour une victoire affurée ,
des Braves que l'on doit regarder
comme les foutiens de l'Erat.
GALANT 387
Les Ennemis firent grand feu
de leur canon qui ne nous tua
que deux Suiffes , & l'Aumor
nier d'un Regiment. Onadmira
le fils de Mr. de la Vieruë qui
n'a que quatorze à quinze ans
dont le cheval fut tué fous luy
fans que ce jeune guerrier s'en
étonnaft .
Les Ennemis décamperent
de deffous Maftrick la nuit du
24. au 25. Ils pafferent le Jars
fur les Ponts faits fous catte
Place , & vinrent camper à la
hauteur de Vizet , ayant dans
leurs lignes le Village de Heutin
, leur droite à Baftange , &
leur gauche vers la Meufe .
Le même jour 25 l'Armée de
Mr le Maréchal de Villeroy
allongea en remontant le Jars
St
Kkij
388 MERCURE
le long de la grande Chauffée,
Le lendemain 26. les Ennemis
décamperent à quatre heures
du matin , ils appuyerent
feulement leur droite qui fit
peu de chemin au Ravin de
Houlen & au Jars , leur gauche
paroiffoit appuyée au Village de
Lieflel , leurs lignes paffoient
au Village de Neudorff , & s'étendoient
à une ligne qui en eft
proche.
L'Armée marcha le même
jour en remontant le Jars , &
campa le long de cette riviere
ayant depuis le Village d'Orell ,
jufque pardellus le bois d'Heer
deux lignes de Cavalerie en
potence , & la gauche audit
Orell .
Le 27. la même Armée allonGALANT
389
gea fa gauche jufqu'au Village
de VVichmaël , quant aux En
nemis ils ne firent ce jour- là
aucun mouvement.
Mr le Duc de Barvvick fit
fauter les Tours & ruiner les
murailles de Tongres en le
quittant , ce que l'on ne fit qu'a
prés avoir fait payer tous les
fourages que Mr le Maréchal
de Bouflers y fit laiffer l'année
derniere.
Le 27. Mr le Prince de Cer
clas-Tilly cftoit à Levve avec
un Camp volant de fix mille
hommes pour cftre à portée
de prevenir les Ennemis , s'ils
vouloient dérober quelque marche
du cofté d'Anvers , où Mr
de Guifcard avoit ordre de fe
jetter pour deffendre la Place ,
K k iij
390
MERCURE
le
même
jour
on
crut
que
les
En
nemis
feroient
quelques
mouvemens
,
parce
qu'ils
avoient
envoyé
tous
leurs
gros
Bagages
à
Maftrick
,
ce
qui
fut
caufe
que
l'on
donna
ordre
à
l'Armée
du
Roy
de
fe
tenir
à
partirà
6.
heures
du
mar
Prêtes
le
quar
Ar
du
Roy
ne
on
étendit
feule
Changea
pàs
,
poftre
droite
qu
gauche
Mens'éten
Les
Ennemis
faifoient
face
à
Villeroy
coucherent
au
Bioüac
Maréchaux
de
Boufflers
&
de
sue
2
]
==
abla
tefte
de
la
ligne
droite
Roy
furprit
ѕайәә
хһәр
әр
My
de
détachement
G
elle
les
hit
tous
GALANT 391
guerre aucan n'ayant pû fe deffendre
ny fe fauver. valen
Mr le Comte de la Mote
eftoit alors prés d'Oftende avec
un affez gros corps afin d'eftre
en eftat de pourvoir à la feure
té de cette Place en cas que
les Ennemis marchaffent de ce
cofté là . Mr le Maréchal de
Villeroy avoit envoyé un décas
chement de fon Armée à Dieſt
pour couvrir cette Frontieres !
Mr le Duc de Bizácha eftoit >
campé au delà de Gand avec un
corps de Troupes : Mr de Bedmar
avec quelques bataillons de
nos troupes qui l'ont joint em ›
pechoit d'un autre cofté les En
nemis de rien entreprendre.
Le 28 les Ennemis renvoierent
tous leurs gros Bagages à
392 MERCURE
Maftrick , ce qui fit croire qu'ils
avoient encore deffein de faire
quelque mouvement , les deux
Armées n'eftoient ce jour là
éloignées l'une de l'autre que
de deux lieües , & la noftre
batit la Generale pour eftre
prefte à marcher , mais les
Ennemis ne firent aucun mouvement.
Je vous envoye l'extrait d'une
lettre de l'armée de Mª le Maréchal
de Villars datée du 14 may
du Camp de Meskierk. Vous
trouverez dans cette Lettre des
circonftances nouvelles & affez
curieuſes touchant la jonction
des deux Armées , ainfi que la
fituation où le trouvoient les
chofes en ces quartiers - là le
24. de May.
GALANT 393
Nous apprimes enfin que Son Alteffe
Electorale eftoit campée avec le
gros de fon Armée du cofte d'Ulm ,
& qu'elle s'avançoit à Ruedelinguen
, où Mr le Maréchal alla
faluer ce Prince. On ne peut rien
ajouter aux honneurs qu'il fit à
Le Maréchal ainsi qu'aux Offi
ciers
generaux , qui l'avoient uivi,
dont Mr le Marquis de Blainville
eftoit du nombre ; cet Electeur dit
tres obligeamment, qu'il luy eftoit
tres redevable des fervices qu'il
avoit rendus à l'Electeur de Co.
logne fon frere.
Ce Prince eft venu depuis ce temps
vifiter nos Troupes , qu'il a trouvées
auſſi belles & auſſi bonnes qu'elles
font . La joyeparoiffoit fur fon vifa |
ge en les regardant , & il la marqua
par cent difcours plus obligeans
394 MERCURE
les uns que les autres . Il dit , qu'il
avoit toûjours bien crû qu'il y
avoit de bons Regimens dans
noftre Armée , mais qu'il ne
s'eftoit pas imaginé qu'ils le fuffent
tous : & enfin entrant pour
diner chez Mr le Maréchal de Vil
Lars , il dit , qu'il n'avoit jamais
fait une fi belle promenade. Ef
fectivement la fituation de ce Prince
va bien changer de face , enfaisant
balay pur noftre jonction à ceux qui
vouloient la layfaire.
Nousfommes du moins dans le cas
de n'en point douter , par
Pal
larme que nous apprenons eftre répanduë
de tous coftez dans l'Alle
magne , depuis que l'on fait que
nous avons paffé avec trente à quarante
mille hommes , & qu'on les
leurroit que nous n'en avions que
GALANT 395
dix ou douze. Les Princes voifins de
ces quartiers en font tellement effrayez
que la pluſpart commencens
àfe venirfoumettre à la contribution
. Il en eft de même dans les pays
de la dépendance du Tirol où Mrle
Marquis de Chamarande eft allé
Les établiravec quatre ou cinq mille
bommes , & quelques pieces de canon
. Quant aux vivres le pain bifcuitéque
nous avions fait fuivre de
Strasbourg, nous a mené jufqu'au
14. de ce mois , & depuis ce temps
Monfieur l'Electeur nous en a fait
Fournir & des farines provenant des
impofitions des contributions , dont
nous nous fervirons jufques aux éta
bliffemens de nos magasins à Ulm,
& ailleurs , On affure que ce Prince:
eft allefaire unvoyage à Munick , A
& qu'il afait embarquer toute fon
396 MERCURE
Infanterie fur le Danube à Ulm , &
même cinq Bataillons de la noftre ,
ce qui pourroitbien eftre pour quelque
entreprife importante , pendant que
nous donnerons icy quelque relache
à noftre armée , aprés quoy il nefaut
pas douter que nous ne nous joignons
pour mettre à execution les projets
de Monfieur l'Electeur.
Voicy un autre extrait de
Lettre du même Camp , & de
la même datte.
Au Camp , de Meskierk
le 24. May .
Nous arrivames icy le vingt ; c'eſt
une petite Ville fur la riviere d' Ablak
, éloignée du Danube d'une petite
lieuë, ily a un affez bon Cha-
Leau qui appartenoit au Comte de
Furftemberg tué à la Bataille de
Fridlinguen . Noftre Armée à commencé
GALANT 397
mencé hier à marcher aux quartiers
de rafraichiffement . Mr de Chamarande
qui eftoit party du Camp
de Meringuen le 15. s'eftant avan
ce far le Lac de Conftance , s'eft
rendu maistre du Château de Zell ,
il va encore fe faifir d'autres Poftes
pour faciliter la communication
avec la suiffe. Il a étably des
contributions par tout aux environs
& on croit qu'il en vafaire autant
dans le Tirol. Il vient de revenir
un de nos Partis tant Cavalerie
qu'Infanterie decent cinquante hommes
qui a efté attaqué par un des
Imperiaux de trois cens tant Cavaliers
que Dragons , les noftres
aprés un rude combatfont reftez maitres
du champ de bataille , &
ont amené les diages qu'ils s'érsient
propafez. On vient d'affarer
May 1703 .
LI
398 MERCURE
que Mr de Baviere est allé affieger
Paffau , & que la Brigade de Condé
s'eft embarquée à Ulm avec les
Troupes de Son Alteffe Electorale.
Le 29. May les Armées de
Flandres eftoient encore à deux
petites lieues l'une de l'autre
, & n'eftoient feparez que
par le Ruiffeau de la Jars qui
eft gayable en beaucoup d'endroits
, au furplus elles eftoient
dans les plus belles Plaines du
monde ; les Ennemis eftant
confiderablement plus forts
que nous & d'ailleurs ayant des
Ravins vers la droite de leur
Armée qui en couvroient les
deux tiers ; il n'y avoit pas
d'apparence que nous allaffions
à eux , on ne laiſſa pas de faire
GALANT
399
un fourage au delà du Jars par
leur cofte , fans qu'ils nous inquietaffent
, & fans qu'il parut
même qu'ils en euffent le deffein
, Mr le Maréchal de Ville.
roy fe donnoit tous les mouvemens
poffibles ayant toûjours
couché à la tefte de l'Armée.
Les Ennemis s'eftant mis le 30 .
en mouvement marcherent vers
l'Armée du Roy , Mr le Marêchal
de Villeroy fit auffitôt monterà
cheval pour faire faire àfon
armée les mouvemens neceffaires
. Les Ennemis vinrent en
Bataille à une demic lieüe.de
l'Armée de France ; mais elle
ne trouva pas à propos de paffer
le Jars qui feparoit les deux
Armées Mr le Maréchal de
Villeroy s'appercevant qu'ils
:
Llij
400 MERCURE
tendoient leurs Tentes & fe
campoient fans paroître avoir
intention de nous attaquer fit
un mouvement par la droite
le long du Jars pour prendre
le Camp d'Affelbrouck , ayant
la droite vers le Jars & la gauche
tirant vers S. Tron , ce
mouvement parut judicieux ,
parce que les Ennemis pou-
1
vant avoir envie d'aller vers
Huy , vers Liers , ou vers Anvers
, on fe trouvoit à portée
par la fituation de ce Camp
de fe porter d'un cofté ou d'au
tre. Il n'est pas toujours ailé
de reconnoiftre bien - toft &
bien jufte les détachemens
qu'une Armée peut faire par
fes derrieres & de diftinguer
les faux d'avec les veritables ;
1
GALANT 401
deft ce qui a fait que Meffieurs
les Marechaux de Villeroy ,
& de Boufflers , ont efté dans
un continuel mouvement juf
qu'au au 31. que je finis mon
Journal de Flandres , & que
ces deux Maréchaux ont fçu par
leur bonne manoeuvre empéher
que
les Ennemis leur dérobaſſent
aucune marche.
L'Armée de Mr le Maréchal
de Tallard fit le 27. May un
mouvement & campa le 28. entre
le Rhin & la Chauffée qui
conduit à Lichenau , elle a co
fleuve au dos , & les prairies devant
elle , fon aîle droite s'étend
jufqu'à Kell , & la gauche à
VVeinfrein.
Lliij
402 MERCURE
Mr de Vendofme continue à
refferrer les Ennemis de tous
coftez par les mouvemens qu'il
fait faire à toutes fes Troupes .
Ce qu'il a fait en dernier lieu
les a extrémement furpris , &
doit les embaraffer beaucoup.
Ce Prince a détaché Mr. le
Marquis de Kercado, avec deux
mille hommes pour aller faire
une redoute au bout de la chauf
fée de Pontemolino , par où les
ennemis pouvoient fe retirer
plus facilement , & par où ils
avoient communication avec le
Lac de Garde . Cette Redoute a
efté conftruite fans autre parte
que de deux hommes.
C i
On affemble une Armé de
dix-huit mille hommes fur la
GALANT 403.
Sarre. Je fuis , Madame , voſtre,
& c.
A Paris , ce 4. Juin 1703 .
L'abondance de la matiere &
fur tout lorfque la Campagne
eft ouverte par tout , m'oblige
encore à referver plufieurs
articles qui trouveront place à
leur tour , mais ceux qui regar
dent les affaires du temps &
des faits hiftoriques ; feront
preferez à ceux qui regardent
le bel efprit , & la galanterie.
Voici les fautes d'impreffion
qui fe font trouvées dans l'ouvrage
de Mr de VVoolhouse ,
dont je vous ay parlé dans cette
Lettre . Cet Errata eft dreffé par
luy-même.rori p
404 MERCURE
ERRATA.
·
Art . 1. page 108. lig . 6. Pladarotes
& non plado, lig . 12. ibid.
callofitez & non calle , pag. 109 .
du même article , ligne . 5. Vlepharoxyfton
, & non vlevaxoriston
Art. 3. pag. 111. lig. antepenultiéme
après pas , il faut lire de
tant de durée. Page 112. lig. 5. ( ce
qui eftfort incommode à la plupart
des gens. ) dans une parentheſe.
Art . 4. pag. 113. lig. 4. la Ke
nembatefie, & non pas la Henem.
lig. 5. depreſſion , & non pas depreſtion.
pag. 116. lign. 6 , ( comme
enparle dans une parentheſe ,
lig . 7. remontent , & non pas remontant.
1. 8. ib . aprés leur abattement
, avec une parentheſe ,
GALANT 405
ib. lig. ult. oculi Depreffor
& non pas Repreffor. pag. 117.
lig. 4 aprés neceffaire , il faut
un point de periode au lieu
de la virgule , lig. 7 ( tant
au Patient qu'au Chirurgien-
Oculifte ) avec une hyphen ou
divifion & dans une parenthefe.

Art. 5. lig.1. pag 113 , lifez Katariaphe
& non pas Ratar . 1. 2.
lifez palpebrale , & non pas palpetrale
, lig. 9. lifez atonie pour
anonie , lig. 14. ibid . lifez fcalpellum
pour fcapellum.
1
Art . 6. lig. 11. pag. 115. l'eradication
ou evulfion , pour eradication
& erulfion , lign . 14 ib. lifez tricholabium
pour trichalarium , &
madifterion pour medift.
Art. 7. page 121. lig. 2. lifez
1
406 MERCURE
Anchyloblepharon pour anchyto,
lig. 4.5. lifez coherence pro cobe
redence, lig. 9. lifez ciliaires pour
cilieres , lig. 14. lifez fonde pour
feconde , lig, 15. lifez voutée , &
non pas roulée , lig. 16. ( aprés les
Grecques ) dans une parenthefe
, pag 122. lig. 2. lifez adverfum
& non pas adreffum , lig 4. & 5.
lifez fcalpellum pro fcapellum .
Art. 8. lig . 2. pag. 122. lifez
Ectropion , & non pas Titropion.
Art. 9. pag. 123 lig . 7. palpebra
morum , & non pas palpebria.
Art. 10 pag. 16. lifez Section
& non pas Fection . lig. to . lifez
Crithe , & non pas Critlie pag .
124. lig. 1. lifez, cordones & point
cordonos , lig. 11. lifez Ponition ,
pourpauction.
GALANT 407
Art. 11. pag. 124. Lagoph- &
non pas Cagoph-
Art. 12. pag. 126. lig. r. lifez
atherome
proaldetrome , lig. 3. lifez
enkyftées pour en byftées , lig.
13. Sculteti pour Sculteli , car c'eſt
un nom propre d'Auteur.
Art. 13 page 127. lig. 4. lifez
ba fufpenfion , avec une virgule ,
enlevement avec un hyphen ou
une divifion en -levement , car
c'eſt un feul mot , lig . 9. pannus
avec une virgule aprés , page
128. lig. 4 les Anciens pour es
anciens , lig. 6. en latin pour en
cat , & fcalpellum pour ſcapellum.
Art. 14. pag . 128. lig. 10. lìfez
Phlyctenes pour phlyetenes ,
lig. 11. & thumeurs pour humeurs ,
pag. 129. lig. 2. lifez Scultete pour
Scullete.
408 MERCURE
Art. 15. lig. 6. lifez l'encanthis
pour eneanthis.
Art. 16. parentheſe au lieu de
parakenthefe pag . 130. ligne . 14
Ophthalmiatre & non pas ophthal
mialtre , qui veut dire Medecin-
Oculifte. pag. 132. lig. 3. il faut
lire Jobipour Gobi.
Art. 18. lig. 7. L'ecpiefme pour
l'excepiefme , lig . 12. lifez muscles
pour mufelles.
Art 19. lig . ult . lifez l'uvée
pour l'urée , pag. 133. lig. 1. lifez
plufpart pour plusdart.
Art. 20. pag. 133. lig. 11. de
l'ail . punctum , pag. 134. lig . 3 .
( qui font fouvent plus de mal
que du bien ) dans une parentheſe.
Art. 22. pag. 135. lifez l'Ægylops
pour l'Agylops , lig . penult .
lifez
I
GALANT 409
1
ez finnens pour fameux , pag.
136. lig. 1. lifez nafal pour vafal,
lig. 14. lifez fiftule pour fiftule ,
pag. 138. lig. 4. lifez refte pour
refie , lig. 5. lifez deforme fans accent
pour deformé avec accent ,
lig. 10. maladies d'entre pour on-
E.
May 1703.
HIBLIO
TAKES
DE
LA
LYON
VILLE
Mm
TABLE.
P
Relude.
capa
Madrigaux.
6
May. 7
Mr de Manville eft reçeu Chevalier
de S. Louis.
13
17
Generofité de Mr le Duc du Maine.
Mr le Cardinal Conty eft nommé à
l'Evêché d'Urbin. 19
Lettre fur l'antiquité de l'Evêché
de Dol. 22-
Lotterie de l'Hopital d'Angers.
Morts.
46
53
Alte d'échange de la Principanté
TABLE.
ང་
d'Orange.
Ze Sort de la Langue Françoife.
Second Article des morts.
63
71.
90
Carte intitulée le Theatre de la
guerre pour les mouvemens prè-
Jens des Armées en Allemagne,
& en Alface.
Troisième article de morts .
103
105
Reveuë de la Compagnie des Canoniers
des Côtes . 132
Lettre touchant an petit voyage
fait par Madame la premiere Préfidente
du Parlement de Navarre.
135
Continuation du Bureau d'adreffe
148 & de rencontre.
Article curieux touchant la reception
d'un nouveau Chevalier de
150 Saint Lazare.
Courfes faites par la Compagnie
TABLE.
des Volontaires de Mr le Comte
154 de Quelus.
Tableau du May de cette année, 156
Nouvelle Carte des Cevenes , 165
Portrait du Roy envoyé à Mr le
Prince de Vaudemont ,
Effais de Graveure ,
Mariages ,
166
169
172
De la conformité & des rapports des
qualitez , proprietez & actions
des corps naturels , vivans , politiques
& economiques , & de
celles des efprits , des ames & des
autres fubftances immaterielles
aux circulations du mondefublu-
185 naire ,
Dom
Pedro
de los Rios
& Mendoza
prend congé du Roy , 215
Mr le Commandeur du Chatelet
de Frefnieres accepte le grand
Prieuré d'Aquitaine » 2217
TABLE.
260
Quatrième Article de Morts , 220
Article qui peut - eftre utile à tous
ceux dont la veue eft attaquée de
quelque mai ,
Extrait des Placards publiez en
Hollande pour l'interdiction du
Commerce ,
270
Suite des affaires d'Allemagne contenuës
en plufieurs lettres tres- curieuſes
,
Etat des Troupes paffées en Bavie
re ,
274
294
Tout ce qui s'eft paffé à lajonction
des Troupes de France & de Baviere
& à l'entreveuë de Mr Electeur
de Baviere & de Mr le
Maréchal de Villars.
Copie d'une Lettre écrite par Mr
le Maréchal de Villars à Mr
le Marquis de Puifieux , Gouverneur
d'Huningue.
3LL
310
TABLE.
Lettre de
Strasbourg.
Lettre de Mets.
cello.
Nouvelles de Flandre.
226
228
Lettre touchant le Blocus de Ber-
331
335
Relation du Siege de Bonne . 344
Suite de la lettre du Blocus de Bercello.
349
Regimens donnez par le Roy. 351
Dernier article des morts .
Article des
Enigmes .
.
359
368
Avantage remporté par le Roy de
Suede.
373
Premiere Audiance donnée au Re
374
376
Départ de Monfeigneur le Duc de
fident de ce Monarque .
-Deüil pris par le Roy ,
Bourgogne ,
Italie ,
Affaires d'Italie ,
377
Etat de l'Armée de l'Empereur en
378
381
TABLE .
Suite du Fournal des Armées de
Flandres >
384
Nouvelles de l'Armée de Mr le Ma
réchal de Villars.
392
Secondefuite du Journal des Ar
mées de Flandres
398
Suite du Journal des Armées d'Al
lemagne & d'Italie ,
Armée de la Sarre ,
401
402
226
218
Ber
331
333
344
Bet
349
351
ཝོ བྷཎྜ ཡཾ ཡི * ॰ ཥུ
359
68
de
DE
LA
=73
LYON
4
6
VILLE
Avispour placer les Figures,
L'Air qui commence par ,
Quel preffantfoucy vous devore ,
doit regarder la page 102 .
L'Air qui commence par ,
FuyeZmes pas , accablé de domleur
, doit regarder
la page
171.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le