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1702, 10
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511
m
1702,10
Mercure
<36624505730013
<36624505730013
Bayer. Staatsbibliothek

MERCURE
GALANT
DEDIE'A MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN.
OCTOBRE 1702 .
A PARIS ,
Chez MICHEL BRUNET , Grande Salle dù
Palais , au Mercure galant.
Com
Omme il eft impoffible dans la conjoncture
prefente de ne pas groffir
le Mercure , ce qui en augmente confirablement
les frais , on ne peut fe difpen .
fer d'en augmenter auffi le prix . Ainfi les
volumes qui feront reliez en veau ſe vent
dront do efnavant trente - huit fols , quan-
Aux volumes qui feront reliez en parchemin
, on n'en payera que trente-cinq.
Les Relations le vendront autant que
les Mercures .
Chez MICHEL BRUNET , grande
Salle du Palais , au Mercure
Galant.
M. DCCII.
Avec Privilege du Roy.
Bayerische
Staatsbibliothek
München
AU LECTEUR.
IL y a lieu de croire qu'on
ne lit plus l'Avis qui a
efté misdepuis tant d'années
aucommencement de chaque
Volume du Mercure , puis
que malgré les prieres réiterées
qu'on afaites d'ecrive en
caracteres lifibles les Noms
propres qui fe trouvent dans
les Memoires qu'on envoye
pour eftre employez , on neglige
de le faire , ce qui eft
cauſe qu'il y en a quantité
AU LECTEUR .
de défigurez , eftant impoffible
de deviner le nom d'une Terre
, ou d'une Famille , s'il
n'est bien écrit. On prie de
nouveau ceux qui en envoyent
d'y prendre garde,
s'ils veulent que les noms
propres foient corrects . On
avertit encore qu'on neprend
aucun argent pour ces Memaires
, que l'on employera
tous lesbonsOuvrages à leur
tour, pourvû qu'ils ne defobligent
perfonne , & que
ceux qui les envoyeront en
affranchißsent le por.
MERCVRE
GALANT
OCTOBRE . 17.02.

E commmence
ma
Lettre par un Ouvrage
dont le titre doit d'abord
exciter voſtre curio
• fité .
A iij
6
MERCURE
LE SOLEIL
SUIVANT LE SISTEME
DE COPERNIC.
SONNET AU ROY.
LE Soleil ne court point comme
ont cru nos Ayeux
Mais fur un Trone d'or fixe au centre
du monde .
Il difpenfe de là fa lumiere feconde ,
On voit tourner autour Lune , Planetes
, Cieux ;
S
La terre qui ne doit , qu'au fecours
de fes feux
Les animaux , les fruits , les biens
dont elle abonde ,
GALANT

Avec foin chaque jourfait paſſer á
laro nde
L'Orient , le Midy l'Occident fous
fes yeux.
2
Tel LOUIS repofant dans le
fein de la gloire
Influe à fes Guerriers des efprits de
Victoire ,
Il est toujours égal & n'a point de
penchant ,
S
Ses jaloux aprendrontpar les rayons
qu'il lance
Que nulle heure du jour n'affoiblitfa
puissance
Et que pour le Soleil il n'eft point
de Couchant
L'article qui fuit vous fera
A iiij
8 MERCURE
voir que l'ambition ne regne
pas dans le cour de tous les
hommes , & que fi la plufpatt
font devorez du défir de
s'élever , il s'en trouve auffi
dont l'humilité eft fi grande
quils ne cherchent qu'a s'abaiffer.
Le cinquième du mois de
Septembre dernier , on tint
dans l'Abbaye de S. Antoine
de Viennois le Chapitre General
de cet Ordre pour l'E
lection d'un nouvel Abbé ,
laquelle fe fit en prefence
de Mr Baffet , Prefident
premier au Bureau de
GALANT 9
Meffieurs les Treforiers de
France , cy devant Prefident
à Mortier au Senat de Cham .
bery, & à prefent Subdelegué
general de Mr Bouchu ,
Intendant de Police & Finan
ces de Dauphine . Cette Aba
baye qui eft un des trois Chefs
d'Ordre de la Province de
Dauphiné , vacquoit depuis
deux ans par la demiffion volontaire
que fit au mois deSeptembre
1700. Dom George
Paul de Maulevrier- Langeron
de l'Abbaye & du Generalat
de cet Ordre. On a élû à fa
place un Religieux tres ver10
MERCURE
tueux & tres digne de cer
employ par une infinité de
bonnes qualitez ; mais qui
l'a paru encore davantage
par le long refus qu'il a fait
d'accepter cette dignité qui
eft tres confiderable dans la
Province de Dauphiné, puif
qu'elle donne .droit aux Ab.
bez , non feulement d'affif
ter aux Etats , mais encore
d'y prefider en l'abfence de
Mr l'Evelque de Grenoble,
preferablement à tous les au .
tres Prelats de la Province.
Celuy qui a efté élû eft natif
de la Ville de Vienne , il ſe
GALANT II
nomme Dom Jean Danthon ,
il a prefque toûjours refté en
cette Ville , où il dirigeoit
depuis long temps des per;
fonnes d'un rang & d'une
qualité diftinguée . Il y avoit
efté encore arrefté par les
difpofitions de les Superieurs
pour travailler à l'établiffement
d'une Maifon de fon
Ordre dans cette Ville , &
il a fi heureuſement réüffi
dans cette entrepriſe , que
dans l'efpace de quelques
années , il a fait bâtir une
tres belle Maiſon , qui par
fon zele & par fes foins ;
12 MERCURE
eft en eftat d'entretenir huit
à dix Religieux . Il en a
efté Superieur à diverfes fois ,
& il eftoit fur le point d'ê
tre élû de nouveau , lorf
que le Chapitre General de
l'Ordre , & le Chapitre Cons
ventuel de l'Abbaye de Saint
Antoine de Viennois ont
jetté les yeux fur luy , pour
le mettre à la tefte de la
Congregation. Il fut élû le
5. Septembre ayant eu pref
que tous les fuffrages de l'Af
femblée qui eftoit tres nom
breufe pour eftre Abbé
& General de tout l'Ordre,
GALANT
13
C
la joye a efté univerfelle dans
la Congregation & dans tou
te la Province. Cet Abbé
feul en a efté fenfiblement
affligé il n'eut pas plutoft
appris la nouvelle de fon
élection , que penetré d'une
fincere humilité , il fit dans
le moment fa demiffion , &
l'ayant laiffée dans fa Chama
bre avec une Lettre au Chas
pitre General de fon Ordre;
ilfe retira à la Campagne
fans que perfonne fçût où il
s'eftoit retiré , mais on le
chercha avec tant de foin ,
qu'on le ramena le lende
14 MERCURE
main. Il fut auffi toft con:
duit dans l'Abbaye de Saint
Antoine , où il eftoit attendu
avec une extrême impatien
ce. Il ne fut pas plutoit entré
dans l'Affemblée , qu'aprés
un difcours plein d'onction
& d'humilité , il fe mit à ge
noux devant tous les Peres
du Chapitre pour les conju
rer d'accepter la demiflion ,
& de lui faire mifericorde.
Comme il n'eft point de plus
belle éloquence que celle qui
part du coeur , & qui eſt foûtenuë
par des fentimens heroïques
d'une profonde hu
GALANT 15
milité , & par un épanches
ment qui le produit par des
larmes ; je ne doute nullement
que vous ne voyez icy
avec plaifir un extrait & un
abregé de ce qu'il dit . Il s'at .
tacha de toutes les forces de
prouver à l'Aſſemblée
qu'on
devoit accepter fa dimiffion ,
qu'on l'avoit élü fans le connoî
tre , qu'il n'avoit nullement les
qualite requifes pour un tel
employ , que les Capitulaires
s'étoient
trompet , & n'avoient
nullement
garde les Regles des
Saints Canons, qui veulent qu'on
elife non feulement un vertueux,
16 MERCURE
mais le plus vertueux , non feu
lement un habile unfçavant,
mais le plus habile & le plus
fçavant , non feulement un digne
, mais le plus digne , non
Doctum , fed Doctiorem , non
dignum fed digniorem ;
qu'ils avoient d'autant plus de
tort qu'ayant dans le corps
desfujets d'une vertu , d'unefci'n
ce & d'un merite distingué ,
des fujets qui avoient fervy
la Religion , avec une approba .
tion univerfelle , & qui estoient
confomme dans les affaires ; ils
avoient cependant jeue les yeux
fur luy , qui n'avoit ni leurs
GALANT 17:
bonnes qualite ni leurs talens,
& qui n'avoit rien fait pour ſa
Religion : Où font : ajoûta t'il ,
mes fervices ? où font les Ad
venis & les Carêmes que j'ay
prêchez; je n'ay fû rien faire
pour la Congregation ; je n'ay
ni la vertu ni la capacitè requie
pour la conduite de naftre
Ordre ; & cependant vous im.
pof fur mes épaules , un paids,
un fardeau infuportable auss
épaules même des Anges , felon
Saint Bernard. Comme plus
je reflechis , plus je me trouve
accablé : Mille peines , mille em
barrus , mille difficultez le pre
Octobre
1702
. B.
18 MERCURE
fentent à mon efprit , & je ne
trouve rien en moy qui me permette
d'efperer que je pourray
remplir mes obligations , je vois ,
je fens que vous m'avez placé
à la verité dans un lieu bien
élevé , mais il n'est pas le plus
feur , dans un rang fublime ;
mais il n'y a nulle feureté
pour moy , altiorem locum
SORTITUS SUM
fed non tutiorem . Il dit beaucoup
d'autres chofes trestouchantes
; & il conclut en
fe mettant à genoux , & en
priant l'Affemblée de vouloir
accepter fa demiffion . Les
GALANT 19
larmes de douleur qu'il verfa
, attendrirent toute l'Af
femblée , & luy en firent
verfer de joye d'avoir choisi
un Religieux fi humble , fi
pieux , fi éloigné de toute ambition
, & qu'ils fçavoient
tout de zele & tout de feu
pour la gloire de Dieu &
pour les interefts de fon Ordre
. Aprés qu'il eut efté res
levé & prié de la part du
Chapitre General de fe foû
mettre à la volonté de Dieu,
qui s'eftoit expliqué par l'élection
Canonique qui avoie
efté faite de fa perfonne, il
Bij
20 MERCURE
fe vit obligé de prendre le
rang de Prefident , dont il a
fait toutes les fonctions avec
un zele & une application
dont on voit peu d'exemple:
Tout ce que je viens de dire,
m'a paru d'autant plus digne
d'eftre connu du Public , que
que dans un fiecle auffi corrompu
que le noftre , où
l'on fait valoir comme un
grand merite de n'avoir pas
brigué & couru aprés les
Charges , & où la pluſpare
acceptent avec une joye interieure
les Dignitez qu'ils
refulent en apparence ; on
GALANT 21
voir icy un exemple d'une
vraye modestie & d'un fin .
cere éloignement de toutes
les marques de diftinction
qui accompagnent les Dignitez
; car s'il en faut croire ce
qu'en écrivent des gens
d'honneur qui ont efté prefens
à cette Election ' ; & qui
ont efté les témoins , de la
conduite , que cet Abbé tient
à l'égard de fes Religieux
& de tous ceux qui l'approchent
, on ne vit jamais plus
plus d'humilité , plus de mo .
deftie , plus de bonté , & une
plus grande droiture d'ef
22 MERCURE
prit & de coeur , que celle qui
paroift fans aucune affecta .
tion & fans un ombre de
déguiſement dans le nouvel
Abbé de Saint Antoine. Un
merite fi folide & des ma
nieres fi
engageantes , luy
ont gagné le coeur de tout
le monde , & on peut dire
qu'il eft adoré de fes Religieux.
Il doit eftre beny au
premier
jour , comme
le font
les Abbez
qui ont droit de
porter la Croix , & qui one
l'ufage de la Croffe & de la
Mître , dequoy
on affure
cependant
qu'il voudroit
fort
GALANT
23
fe difpenfer , s'il eftoit pof
fible , fuivant le fentiment
de fon humilité , qui luy font
abhorer le fafte & les honneurs.
La Compagnie des Maiſtres
Apotiquaires de Paris ,
fi diftinguée par tant d'ha
biles gens , dont elle eft compofée
, & qui ont donné tant
de preuves de leur fuffifance ,
vient encor de fignaler fon
zele en faveur du public,
Elle a eftabli dans fon Jardin
du Faux - bourg S. Mar
cel , fi connu par le grand
22 MERCURE
prit & de coeur , que celle qui
paroift fans aucune affecta .
tion & fans un ombre de
déguiſement dans le nouvel
Abbé de Saint Antoine. Un
merite fi folide & des ma.
nieres fi engageantes , luy
ont gagné le coeur de tout
le monde , & on peut dire
qu'il eft adoré de fes Religieux.
Il doit eftre beny au
premier jour , comme le font
les Abbez qui ont droit de
porter la Croix , & qui ont
l'ufage de la Croffe & de la
Mître , dequoy on affure
cependant qu'il voudroit fort
GALANT
23
fe difpenfer , s'il eftoit pof
fible , fuivant le fentiment
de fon humilité , qui luy font
abhorer le fafte & les honneurs.
La Compagnie des Maiftres
Apotiquaires de Paris ,
fi diftinguée par tant d'ha
biles gens , dont elle eft compofée
, & qui ont donné tant
de preuves de leur fuffifance ,
vient encor de fignaler fon
zele en faveur du public.
Elle a eftabli dans fon Jardin
du Faux - bourg S. Mar
cel , fi connu par le grand
24 MERCURE
nombre de plantes.curieufes
& medecinales qu'il contient
, un des plus beaux Laboratoires
de l'Europe , pour
enteigner tous les ans publiquement
& gratuitement ,
toutes les operations utiles &
curieufes de la Chymie .
Cette Compagnie ne pou
voit rien faire de plus glo.
rieux ni de plus digne d'elle ,
que cet eftabliffement , qui
marque affez fon definterefſement
, en procurant une
occafion fi favorable à ceux
qui cherchent à s'inftruire ,
Meffieurs les Magiftrats de
Police
GALANT 25
Police ont efté charmez de
la beauté.& de l'arangement
de ce Laboratoire , où toutes
fortes de vaiffeaux propres
aux operations de Chymie
font en abondance.
L'ouverture du premier
cours fe fit le Jeudy 18. May
par Mr Biet , qui avoit efté
choifi de fa Compagnie :
& qui fit un difcours fi elo
quent & fi rempli , que les
Medecins du premier ordre ,
les Apotiquaires , les Chirurgiens
& une infinité de
curieux qui y eftoient accoutus
en parurent tous égales
Octobre
,
1702.
C
26 MERCURE
ment fatisfaits.
Il fit connoiftre les grands
progrez qu'on avoit faits de
puis quelques années , tant
en Phyfique , qu'en Mede .
cine , par le moyen de la
Chymie.
Il fit voir que fa Compa
gnie plus attentive à fes de .
voirs qu'à fes interefts , entreprenoit
ce Cours de Chimie
public & gratuit par
feul principe d'honneur.
le
Il montra que la Medecine
eftoit redevable à la
Chymie de fes plus belles
découvertes , pour la conGALANT
27
noiffance & pour la guerifon
des maladies .
Qu'on luy devoit ce qu'on
fçait des principes qui compofent
les mixtes.
Qu'elle nous developoit
les Myſteres & les Enigmes,
donc les premiers Chymiftes
s'eftoient fervis , comme de
voiles , pour nous cacher les
remedes les plus precieux
qu'elle nous fournit.
Que c'eftoit- elle qui avoit
trouvé le fecret de dompter
les poifons les plus dange
reux , & de les convertir en
remedes efficaces.
Cij
28 MERCURE
Il fit connoiftre , qu'on
ne pouvoit devenir bon Phy :
ficien fans le fecours de la
Chymie.
Que difficilement les Me
decins pouvoient rendre rai
fon des differens mouvemens
du corps humain , s'ils igno.
roient la Chymie.
Que les Apotiquaires ne
pouvoient remplir les devoirs
de leur profeffion , s'ils ne
-poffedoient cette ſcience à
fond .
Que les Chirurgiens entreprendroient
inutilement la
guerilon d'une infinité de
GALANT 29
maladies , qui font de leur
Art , fans le fecours des res
medes Chymiques
.
Qu'enfin tous les Arts me
caniques , & les plus relevez
avoient beſoin de l'affiftance
de la Chymie.
Aprés avoir apuyé fes raifons
des melieurs Auteurs
qui ont traité ces matieres ,
il dit .
Je m'aperçois , Meffieurs ,
qu'en parlant des Heros de la
Chymie , vous estes furpris de
ne me point entendre nommer Mr
le premier Medecin : il me
femble que la renommée , qui a
C iij
30 MERCURE
foin de fa gloire , fe joint aux
voix de toute l'Affemblée , pour
me reprocher d'avoir tant differé
à le furnommer par excellence le
Chymifte Moderne .
La pofterité la plus reculée
n'oublira jamais , qu'il s'acquit
ce titre en honorant la profeffion
, dans un temps , ou tant
d'autres la deshonoroient. Le
Jardin du Roy où fesdemonftra.
tions convaincantes éclairerent les
ignorans , confondirent les
malicieux , fut le theatre de fon
triomphe. Et fi la quarante fepriéme
propofition , du premier
Livre des Elements d'Euclide ,
GALANT 31
couta une Hecatombe entiere ,
c'est à dire , un facrifice de cent
boeufs immole aux Dieux pour
le remercier de cette découverte.
Sur ce pied , tous les animaux
de la terre nefuffiroient pas , pour
les actions de graces , qu'on auroit
à rendre , pour les découvertes
, que Mr Fagan a fait fur
de meilleurs principes
.
L'amour qu'il a toûjours eu
pour cette Science , l'a engagé à
establir fon instruction publique
dans l'illuftre Compagnie dont il
eft le Chef & le Protecteur.
Il n'excelle pas moins dans
Anatomie & dans la Borani,
Ciiij
32 MERCURE
que; & quoy que nos Maiftres
yayent eftè loing , il va encore
au delà : ſa vaſte & profonde
érudition , également remplie de
toutes les parties de la Medecine
, fe trouve accompagnée de
mille autres excellentes qualitez ,
dont la moindre feroit distinguer
un particulier.
Toujours protecteur des Scien
ces & des beaux Arts , cherif
fant les bonnestes gens , utile à
plufieurs & bon à tous ,
anchacun à exceller dans fa pro .
feffion , facrifiant fes propres
interefts , dés qu'il s'agit du
bienpublic ou de l'honneur de
La Compagnie,
animant
GALANT
33
Son Zelefon exemple n'ont.
ils pas donné une nouvelle face
à la Medecine , depuis qu'il en
eft regardé comme le chef? &ſa
fameufe Faculté, fi feconde en
grands hommes depuis tant de
fiecles , ne femble telle pas , àſon
imitation , avoir redoublé fon
application àformer des Eleves ,
lefquels en fortant de fon fein ,
font capables de Prefiderfur tou .
tes les autres Facultez de l'Eu .
rope ?
Pour faire l'éloge de ce grand
homme , fi unfoible Artifte , comme
moy , ofoit l'entreprendre ; je
n'aurois , Meffieurs , qu'à re34
MERCURE
tracer l'image de l'eftat facheuse
dans lequel nous l'avons vû ily
a fi peu de temps.
Pendant que tous
les gens
de
bien trembloient de l'évenement
incertain d'une operation fi dan.
gereuse à un homme , dont toute
la force & la vigueur du corps
font tranfmifes en efprit ; luy
feul demeuroit tranquile , & raf.
furoit ceux qui devoient estre
temoins de fes douleurs & defa
conftance.
Celuy de fes amis , que le
feul merite a élevé au poſte glorieux
qu'il occupe , dans un âge
on les vertus & les fciences ayant
GALANT
35
prevenu de bien loin les années,
l'avenir qui les vera croître,
en doit attendre des miracles.
Ce cher confident n'auroitpû voir
fouffrir fon Illustre Protecteur ,
fi luy mefme n'eut ranimé fon
courage , à la veuë d un appareil
capable de faire trembler le plus
intrepide.
Mais , Meffieurs , quand tous
les bons François n'auroient pas
donné des marques fenfibles de
la part qu'ils prenoient à une vie
fi neceffaire à l'Etat ; n'eftoit.ce
pas affez pour luy de fçavoir
que Louis le Grand y prenoit
un interest particulier ? perfuadé
36 -MERCURE
que fafanié , fi chere & fi pre :
cieuse à tous fes Sujets , depend
en quelque maniere de fon incom .
parable Medecin , qu'il a toû .
jours honoré de fon eftime & de
fa confiance.
Pour luy en donner une nou
velle marque , aprés tant d'autres
, il a luy mefme recompensé
royalement le favant Operateur,
qui l'a taillé avec un fuccez ,
que toue le monde admire .
Le Ciel , Meffieurs , qui le
rendit à nos vaux , permet qe
nous nous appuyons furfes forces ,
contre la violence & l'avarice
de ceux qui s'initient dans nos
GALANT 37
A
myfteres , fans fon aveu ; &
l'heroique fecondité , qui le rend
noftre pere , par l'adoption qu'il
faite de tous les Arts & de
toutes les Sciences , nous répond
de fa tendreffe de fa proteca
tion . Il est un de ces Corps po
lis , qui refléchiffent , fur ce qui
les environne , les rayons qu'ils
reçoivent du Soleil. Nous n'a ·
vons qu'à nous en approcher les
mains nettes , l'efprit droit , &
le coeur plein d'amour pour noſtre
profeffion ; à ces marques , il nous
avoira pour ses veritables en .
fans : & comme il est déja le
Salomon de nos jours , par la
38 MERCURE
connoiffance qu'il a de la nature
de la vertu des Plantes , il
le fera encor par les effets defa
Juftice , en nous démélant d'avec
ceux qui nous contrefont & qui
aviliffent noftre miniftere.
Tout le monde avoüa qu'on
ne pouvoit donner une idée
plus jufte de la ſcience univerfelle
du rare genie & de tout le
merite de M❜le premier Medecin
.
Mr Biet continuant fon
'difcours , avec la meſme éloquence
, fic admirer fa modeftie
; & renvoyant à fa
Compagnie la gloire des ap .
ſa
GALANT 39
plaudiffemens ,
il parut bien
penetré du merite de ceux
qui l'a compofent , & dit.
Je ne faurois , Meffieurs , me
difpenfer avant que de finir ce
difcours , de justifier ma Compa
gnie des reproches , que vous pou
riez luy faire , de m'avoir per
mis de m'expofer icy , au preju
dice de tant d'habiles gens , dont
elle eft compofée. Si elle avoit en
deffein de faire connoistre qu'elle
ne manque pas defujets plus dignes
de remplir cette place , elle
auroit jettéles yeux fur quelques
autres de mes confreres , dont il
n'y en a peut- eftre pas un qui
40 MERCURE
ne s'en aquitaft mieux que moy.
Mais , Meffieurs , ma Compagnie
, dans cette occafion , a
eu moins d'égard au merite qu'au
Zele & à l'empressement que j'ay
temoigné de m'inflruire moy - mefme
, plûtôt que d'enfeigner les
autres en Chymie ; & je luy ſeray
redevable à jamais d'avoir
bien voulu preferer mon utilité
à l'honneur à la reputatation
qui pouvoit luy revenir d'une
action auſſi publique qu'est celle.
Y, & qui n'est entre mes mains
qu'un effay imparfait des proiets
de noftre Compagnie , &des mer.
veilles queproduiront fes plusfameux
GALANT 4!
meux Architeques , je veux dire
ceux de nos confreres , à qui le
Ciel n'a rien refufé pour leurs
fonctions.
C'est alors , Meffieurs , que
charmez des beaux & Javans
difcours qui accompagneront leurs
leçons , vous avoürez, que iamais
établiſſement fait par de fimples
particuliers , n'a efté plus loüable
ni plus utile au public.
Tous les remedes les plus rares
& les plus cachez de la Chymie
feront decouverts , & leurs noms
obfcurs feront rendus intelligi .
bles par ces favans hommes , qui
me fuccederont inceffament , &
Octobre 1702. D
42 MERCURE
qui poffedent au fupreme degré
les fecrets des Stomachiques &
Antibectiques de Polcrius , de
l'efprit huileux de Sylvius , des
gouttes volatiles de Godart , l'Art
de reduire les builes effentielles en
fel , de volatifer les fels fixes ,
de tirer du Mercure des métaux,
fans oublier les foufres glorieux
des minéraux.
Pour moy ; Meffieurs , ie ne
fuis qu'un foible precurfeur. Je
fuis cette étoile qui anonce le iour,
dont la lumierefe perd, quand
il paroift. Il n'y a point de proportion
entre ce que vous devez
attendre de mes confreres , &
GALANT
43*
ce que vous verez de ma part.
Je ne cherche qu'à m'inftruire
dans les operations les plus fimples
, & ils enfeigneront les plus
difficiles . Firay terre à terre , &
ils creuferont iufqu'au centre. Ils
épuiferont les matieres , que ie
neferay qu'entamer . Ils rempli
ront vos esperances avec accroif
fement , & enleveront vos ap
plaudiffemens avec inftice.
Il expliqua enfuite de fon
difcours tous les principess
de Chimie , fuivant le fenti
ment des Phificiens & des
Chimiftes modernes ; mais
d'une maniere fi aifée & fi
;
Dij
44 MERCURE
intelligible que tous les au
diteurs s'imaginoient
, aprés
l'avoir entendu , eftre bons
Chymiftes. Il finit en difant:
Lors qu'un nouvel Acteur
paroist pour la premiere fois fur
la Scene , vous fçavez , Meffieurs
que c'est l'usage de deman
dergrace aux auditeurs : Et moy
*
ie demande tout le contraire : car
Si vous aviez trop d'indulgence
pour moy , vous me laifferie
croupir dans lignorance d'où ie
cherche à fortir.
Il fit enfuite
quelques expe
riences far un fel Alkali , qui
ne fe refout point à l'air , fur
GALANT
45
lequel il jetta plufieurs fortes
d'acides qui exciterent tous
de grandes effervescences:
Cependant les uns plus , les
autres moins ; & fit un reproche
aux Chymiſtes , qui
ont avancé le contraire dans
leurs difcours ou dans leurs
livres , que tous fels Alkali
fe réduifoient
en eau , pour
peu qu'ils fuffent expoſez à
l'air.
Le jour fuivant il fit la dés
monſtration & la defcription
de tous les inftruments propres
& neceffaires pour ope
er en Chymic , avec une ex;
46 MERCURE
plication generale de tous les
termes pour ſe faire bien
entendre dans la fuitte d'un
cours. Cette explication fut
fuivie d'un difcours fur les
caracteres Chimiques , qui
renferment les Mifteres de
l'art.
Mr Biet à continué ce
cours pendant plus de deux :
mois , avec tant de fuccés
que tous ceux qui y ont affiſté
ont avoüé ; que jamais cours
de Chimie n'avoit été plus uti.
le , & en même temps plus cu
rieux ; que tous les remedes.
dont les Charlatans fe fer
GALANT 47
vent fi fouvent pour tromper
& furprendre le peuple ,
fous pretexte de fecrets , ou
de remedes fpecifiques , y
avoient efté développez par
M' Biet , d'une maniere fi démonstrative
, que perfonne
n'en pouvoit douter.
C'eft le témoignage que
tous les Affiftans en ont rendu
publiquement : il ne s'eft
pas contenté de parler d'une
infinité de differentes preparations
de remedes ; il les
a toutes executées publique
ment. On peut dire que le
nombre en eft extraordinai
48 MERCURE
res puifque chaque leçon
étoit accompagnée du moins.
de fix operations , & louvent
jufqu'à dix & à douze.
Toutes ces leçons ont été
fi agreablement diverſifiées ,
tant par le raisonnement , que
par le travail , qu'il y auroit
dequoy en faire un gros Vo.
lume. On s'apperçut bien
que la memoire & la main
agifloient de concert : car ny
l'une ny l'autre n'ont eu be
foin d'aucun fecours étran
ger.
Mais ou peut dire encor ,
qu'il a commencé & fini fon
cours
GALANT
49
cours par deux fujets les plus
dignes & les plus recherchez
des hommes ; fçavoir le vin
& l'or.
En parlant du vin qui
eftoit le fujet de fa premiere
leçon , il dit ; qu'il commençoit
Les operations , par leplus excellent
, le plus noble , en un mot
par le Roy des Vegetaux ; qu'il
n'eftoit pas feulement agreable
aux fens , mais falutaire aux
maux.
Il fit le dénombrement des
remedes & des productions
qui nous en reviennent ; &
finit fon éloge par une fou
Octobre 17.02 . E
Jo MERCURE
miffion à la Foy , pour le plus
faint de nos milteres , qui édi
fia toute l'Affemblée .
La derniere leçon , qui fi
nit ce fameux cours eftoit
fur l'or & l'argent . Mr Bier
parla de leurs appas feducreurs
, & de leurs effets fen- .
fibles , mais en termes fi
choifis , & qui contenoient
une morale fi épurée , que
les coeurs furent touchez .
& fans fortir de la mariere ,
il mit fur la fcene ceux que
l'intereft engage à vouloir
imiter la nature dans la production
de ces deux métaux.
GALANT
51
Je ne fçay , dit- il , Meffieurs
, fi nous devons plûsoft
plaindre lefort de ces curieux in-
•tereffe , que de nous en réjouir ,
car en fuivant le mouvement de
leur paffion , ils n'ont ont peut estre
jamais trouvé ce qu'ils cherchoient
; mais ils ont trouve
dans leur chemin , beaucoup
de chofes utiles & curieuses ,
qu'ils ne cherchoient pas ; combien
de remedes chimiques doivent
plûroft leur découverte au bazard,
qu'aux deffeins premeditez ,
qu'on avoit faits pour les trouver
; fans avoir pú réuſſir.
Il faut donc avouer , Mef-
E ij
52 MERCURE
fieurs que nous ne laiffons pas
d'eftre redevables à ces prétendus
Tranfmutateurs des Métaux ,
quoy qu'ils nous ayent cachè la
compofition de leur fameuse poudre
de projection .
Il entra enfuite dans la
carriere de la pierre philofo .
phale qui fait depuis fi long .
temps l'occupation de tant
d'imaginaires oififs ; & parla
d'abord de maniere , que les
moins penetrans crurent
qu'il ne doutoit point du fuc.
cés du grand oeuvre ; mais
on s'apperçeut bien dans la
fuite , que c'eftoit une fine
GALANT 53
Critique , contre ceux qui
font fi prévenus , & fi entêtez
de ce Phantôme , qui les
conduit à l'Hôpital.
Ce cours fut fermé , comme
il avoit commencé ; c'est
à dire par un tres beau dif
cours , ou M' Biet s'excufoit ,
envers les audireurs , de n'avoir
pas fuffilament rempli
leur attente ; mais les applau
diffemens qu'il reçeut de
toute l'Affemblée forcerent
fa modeftie jufques dans fon
dernier retranchement , &
toutes les délicates précau
tions ne sçauroient l'avoir ga
E iij
54 MERCURE
ranti du plaifir fecret.
Un bel Efprit dont la répu
tation eft celebre au Parnaffe
s'eftant marié depuis peu ,
a envoyé à un de fes Amis
qui ne s'attendoit pas à le
voir entrer dans un pareil en .
gagement , l'Epître que vous
allez lire .
LE NOUVEL HIPPOMENE
à Damon fon illuftre Amy.
EPITRE.
L'Aurois -tu crù , Damon , enfin
jefuis fidelle
GALANT٢٢
Tune me verras plus porter de Belle
en Belle
Un coeur qui , pour le peindre
bien ,
Approuvoit tout & n'aimoit
rien
Tu m'as vù mille fois foupirerpour
Celine
Pour Araminte & pour Corinne
.
Felfmene , Cephife , Helene , tour
à tour
M'avoient foumis à leur Empire
Je ne finirois point ,
décrire.
j'allois te
Tous les divers objets de mon volage
amour;
C'en eft fait , je renonce à ce nom
de volage.
Pour eftre Amant de bonne foy
E iiij
56
MERCURE
Et le nouveau Vainqueur , dontj'ay
réceù la loy ,
Ne me verra jamais fortir d'un
Efclavage , [ reux
Qui ne peut que me rendre heu-
Puifque la vertu mefme en a formé
les noeuds..
Je vois , que cet aveu t'étonne ,
Et tu doutes encor de ma fincerité
;
Mais fi tu voyois la beauté
A qui mon tendre coeurfe donne ,
Si tu connoiffois tout le prix
Des chaines que je viens de
prendre ,
Tu cefferois d'eftre furpris ,
Et pour peu que ton coeur fuft
tendre
Enchanté d'un destin fi doux
Tu ne pourrois le voir fans en eftre
jaloux.
GALANT
57
Déja ton ame impatiente
Me demande le nom de la Divinité
Qui m'a razy ma liberté ;
Eh bien , tu le fçauras , c'est la belle
Atalante ,
Ce nom t'en dit affez , tu fçais
combien d'Amans
Soupirent vainement pour elle ;
Son coeurjufqu'aujourd'huy rebelle
A veù , fans s'attendrir , leurs plus
rudes tourmens :
Cependant fon indifference
N'a pu bornerle cours de leurs ar
dens foupirs ,
Et contraints à brûler , mefme fans
efperance ,
Cq ui doit les éteindre , irrite leurs
défers.
Tu croiras , que je t'en impoſe
$ 8 MERCURE
Mais d'un fi furprenant effet
Des mefmes yeux que moy , fi tu
voyois la caufe ,
Si j'ofois feulement ébaucher un
portrait
Des Tréfors que de la nature
L'aimable Atalante a reçeus ,
Damon , tu n'en douterois plus ,
Mais il faut te convaincre
voicy la peinture
>
en
Telle que mon charmant Vainqueur
L'a tracée au fond de mon coeur.
Son vifage animé de tout ce que
les
graces
Ont de plus vif , & de plus
doux ,
Répond à deux beaux yeux qui par
d'aimables coups ,
De leur divin pouvoir laiſſent par
tout des traces
GALANT 59
Et qui brillent de tant d'éclat ,
Qu'on ne les foutient qu'avec
peine
Son teint uni , frais , délicat ,
Où la
troupe
promene ,
des jeux voltige , &ſe.
Joint à ces yeux charmans de nouvelles
beautez
Dont tous les coeurs font enchan、
tez:
Deuxfourcils les mieux faits du
monde
En couronnent les agrémens ,
Et femblent menacer les trop tendres
amans >
De perdre cette paix profonde
Qui ne peut jamais rendre heureux
,
Qu'un coeurfoiblement amoureux.
Des cheveux blonds cendrez qui flot
tent fur fa tefte
60 MERCURE
Reffemblent à ces éténdarts
Qu'on étale fur les remparts
Aprés une illuftre conquefte ,
Difons mieux , ce font des filets
Que l'Amour a tiffus luy- même ,
Et qui , dés le moment qu'on
aime ,
Forment une prifon d'où l'on ne
fort jamais.
Des dents plus blanches que Pi
voire.
Donnent à ce chef d'oeuvre une nouvelle
gloire ,
Un fourire délicieux >
Attire tous les coeurs vers elle
Un air modefte & gracieux.
Sert à la rendre encor plus belle ,
Et fait oublier le danger.
Que les timides coeurs trouvent à
s'engager.
Te décriray-je icy cette riante bouche
GALANT 61
Dont le fouffle eft plus doux que celuy
des Zephirs.
Elle ignore pourtant l'ufage des foupirs
,
Que pouffe doucement un coeur que
Pamour touche.
Cette efperance en vain flatteroit
nos défirs.
Le feul nom d'amour l'effarou
rouche ,
Un col parfaitement uny
Orne une gorge bien taillée ,
Que la nature a travaillée
Avec un plaifir infiny.
Son port majestueux , fa taille noble
&fine:
En font une douce Heroine
Qu'on aime & craint tout à la
fois ,
Ou plutoft
l'un
& l'autre
en font
une Dieffe
62 MERCURE
Qui ne permet point d'autre
choix
Que le respect & la tendreffe.
Que diray-je de fon efprit ?
C'est une fource de lumiere
Dont le cours jamais ne tarit ,
Sa belle ame eft enfin , grande ,
fans eftre fiere.
Son coeur eft noble & genereux
Et toujours pour les malheureux
Garde une pitié fecourable s
Que d'appas ! que ne puis -je icples
exprimer !
Je ne dis plus qu'un mot , je ne puis
trop l'aimer ,
Je la trouve toute adorable.
Tu crois, fans doute, cher Damon,
Que je te parle icy mon langage
ordinaire
Que le choix que je viens de
faire
GALANT 62
Et un choix de caprice , & non de
[ nouvelle
la raison ,
Que peut eftre demain
une flame
Fera brûler
mon coeur pour de nouveaux
appas.
C'est ce que tu ne verras pas .
L'Hymen va nous unir d'une chaine
éternelle.
Et je perdray pluftoft le jour
Que je n'efteindray mon amour.
Mais enfin par ce mariage
Es-tu riche ? me diras tu ?
Hé! puis-je l'eftre d'avantage :
Damon ; j'épouse la vertu.
Vous trouverez dans le
recit de la Ceremonie dont
je vous envoye le détail , quantité
de chofes qui vous feront.
plaifir.
64 MERCURE
M' le Cardinal de Noail
les pola le 7. Septembre la
premiere pierre de la nef de
l'Eglife de Saint Louis dans
l'ifle , que les Paroiffiens ont
entrepris de faire bâtir . Vous
avez fçû , fans doute le funefte
accident qui y arriva
le jour de la Purification de
la Vierge , de l'année derniere
, par la chute d'une par.
tie de l'ancienne Chapelle
qui fervoit de nef; ce mal.
heur fit perdre la vie à une
perfonne de qualité , & plufieurs
autres y furent bleffées
; ce qui obligea , afin de
GALANT
65
prévenir de ſemblables mal .
heurs , Meffieurs les Curé &
Marguilliers
de convoquer
une Affemblée generale de
de la Paroiffe , dans laquelle
il fut refolu , d'un confentement
unanime de détruire
cette ancienne Chapelle , & -
de continuer le bâtiment de
la nouvelle Eglife dont il n'y
a que le Choeur de fini , & fa
croifée qui n'eft élevée que
jufqu'à la voute . L'Archi .
tecture en eft fimple ; mais
dans fa fimplicité , elle a fon
goût & la magnificence
: &
quand cette Eglife fera ache
Octobre
1702
.
E
66 MERCURE
vée , elle fera une des plus
belles & des plus agreables
de Paris. Tous les Paroiffiens
fe portent à cette entreprile
fi digne de leur picté & de
leur generofité , avec un zele
merveilleux & digne des plus
grandes loüanges.
Mrs les Curé & Marguil
liers ayant prie M' le Cardinal
de Noailles de leur faire
l'honneur de pofer la premiere
pierre de ce nouvel édifice ,
le zele de cet Archevelque
pour toutes les Eglifes de fon
Diocele , & la pieté particuliere
pour Saint Louis , dont
GALANT 67
il porte le nom , luy fit acce.
pter cette propoſition avec
cette bonté qui luy eft fi naturelle.
Son Eminence choifit
le 7. Septembre pour
cette Ceremonie , & il y arriva
fur les quatre heures du
foir , & fue reçû à la defcente
de lon Caroffe par Mrle
Prefident de Bretonvilliers ,
& par Mr Bengy Correcteur
en la Chambre des Compres,
premier & fecond Marguil
liers , par les autres Marguil
liers en Charge , par les Anciens
, & par plufieurs autres
performes de qualité de la Pas
roiffe Eij
68 MERCURE
Mr Luillier Docteur de la
Maifon & Societé de Sor
bonne , qui en eft Curé , le
reçût à la porte de l'Eglife à
la tefte de fon Clergé , &
aprés luy avoir preſenté la
Croix,l'Eaubenîte & l'encens ,
il prononça le Difcours fuivant
, qui merite de vous eftre
envoyé ; vous le trouverez
remply d'érudition & d'onction
.
MONSEIGNEUR ;
C'est la pieté & le Zele de
GALANT Ca
{
Vôtre Eminencepour toutes les
Eglifes de fon Diocefe , qui nous
procurent aujourd'huy l'honneur
de la voir dans la nôtre. Cette
Eglife , Monfeigneur , ſemble
d'autant plus digne des foins,
des bontez & de la vigilance
Paftorale de V. E. qu'elle eft ,
pour ainfi dire , fous fes yeux
par fa proximité, & qu'elle a
l'honneur d'eftre dédiée à Dien
fous l'invocation d'un Saint Roy,
&qui eft, & vôtre Patron
le fien.
Vos deux illuftres Predeceffeurs
y font fucceffivement venus
pour en jetter les premiers fon
70 MERCURE
demens fur lesquels on a élevé
cé que nous en voyons : &V. E.
vient aujourd buy pofer une nou.
elle pierre fur laquelle nous
efperons de la voir bien toftache.
ver.
Quelle joye pour tout ce Pewple
, de voir fon premier Paf-
Dear , fon aimable Prelat venir
à luy pour une fi fiinte Cere ·
monic Lorfque Salomon mit
la premiere pietre du Temple
magnifique qu'il crat devoir éle
ver à la gloire du Dieu de fes
Peres , la joye des Juifs en futfi
grande qu'il leur fimbla , der le
Prophete , que sonte la Tervey
GALANT 71
prenoit part , fundatur exultatione
univerfæ terræ mons
Sion Tels font , Monfeigneur
,
tels font les fentimens derous nos
Paroiffiens , ils font fi fenfibles
à l'honneur que Vôtre Eminence
leur fait en ce jour ,
& fi confolež par l'eſperance
qu'ils en conçoivent de voir dans
peu leur Eglife entiere & parfaite
, qu'il leur femble que
joye doit estre la joye de toute la
Terre .
leur
Le deffein de poursuivre
ce faint Edifice , & de lug
donner fa derniere perfection .
ne peut eftre que tres loitable +
72 MERCURE
1
nous remarquons que dans tous
les temps les vrais Fidelles ont
soûjours fait confister une partie
de leur pieté à bâtir & à
orner avec magnificence les Temples
confacre au vray Dieu :
Saint Chryfoftome nous affure
que defon temps les Eglifes fur
paffoient par leurs richeffes es la
beauté de l'Architecture les Palais
des Rois la demeure des
Empereurs : & nous trou
vons encore dans l'Histoire Ec.
clefiaftique le dénombrement des
vafes d'or & d'argent , que non .
feulement des Empereurs
Rois , mais de fimples particuliers
des
donnoiens
GALANT 73
dannoient aux Eglifes.
Cependant ce n'est pas tant
ce devoir de Religion , qu'une
by
nece
ceffué indiſpenſable qui nous
a fait concevoir ce diffein. Qué
toit cette partie d' Eg ife que nous
avons efté contraint's de détruirez
Un édifice entrouvert de tous
côtez , menaçant ruine de toutes
parts , fans qu'on y puſt appor¬
ter remede il n'y avoit rien
de digne ni de la Majesté du
Dieu qui y eftoit adoré , ny de
la presé du Peuple qui ly venoit
adorer. On n'y entrou qu'en
tremblant , & on y apprehendoit
pour la vie du corps
Octobre 1792 .
:
dans le
temps
G
74 MERCURE
·
meſme qu'on y venoit chercher la
vie de l Ame.
Nos Peuples avoient regardé
juſqu'icy d'un oeil froid & in.
different ce pitoyable eftar de
leur Eglife. Mais le Seigneur
á ébranlé la Terre , & l'a
troublée : il a tiré un vent
impetueux de fes trelors , qui
les a réveillezde ce profond affoupiffement
ou de estoient ; ils
ont compris que ce coup terrible
dont ils ont efté les témoins &
les fpectateurs , eftoit moins un
effer purement naturel , qu'un
avertiffement public que Dieu
leur donnoit de ne pas differer
GALANT
75
davantage à mettre la derniere
main à un Ouvrage que la pieté
de leurs Peres avoit commencé,
ils ont conçu que c'eftoit un reproche
que Dieu leur faifoit ;
comme autrefois aux Fuifs , que
le temps ne venoit jamais
pour eux de bâtir la Maiſon
du Seigneur , pendant que le
temps eftoit toûjours pro.
pre pour eux , non feulement
pour achever , mais pour orner,
mais pour embellir leurs Mai;
fons particulieres.
Ils ont donc
entrepris cegrand
Ouvrage, & ils l'ont
entrepris,
j'ofe le dire , dans un temps où
G ij
76 MERCURE
la prudence de la chair , qui est
toûjours nimide quand il sagit
d'entreprendre quelque chofe pour
la gloire de Dieu , devoit y ce
femble , les en détourner . Mais
avec quelle generofilé ne pouffent.
its pas cette entreprife ? Je ne
puis m'empefcher de vous le di
re , Manteigneur , puifque la
pieté du Peuple nepeut estre qu'a.
greable & confolante pour le
Saint Ponicfe qui le conduir.
Je dois donc leur rendre ce témoi
gnage qu'ils font paroistre en cetre
occafion une émulation fembla .
ble à celle que l Ecriture rappor
te des anciens Ifraëlites pour l'a
GALANT 77
les
construction du Tabernacle ; c'eft
à dire , que les pauvres
riches , les grands & les petits,
les hommes et les femmes veu .
lent y contribuer. Les pauvres
donnent du cuivre & de l'ai .
rain: les riches de l'or & de l'ar .
gent i les uns donnent de groffes
fommes à lafois , d'autres en donnent
de petites & les reiterentfou
vent: ceux cy'ont voulu donner
l'exemple , fignaler leur libe
raluté des le commencement de
l'entreprife ; ceux là croyent là
devoir differer jufqu'à ce quel'ou .
vrage foit plus avancé. Quel
ques Dames , à l'exemple de cel-
Giij
18 MERCURE
les d'Ifraël , nous ont apporté
leurs perles & leurs diamans ,
confacrant ainsi à la pieté ce qui
eft pour tant d'autres , ou une cu
riofité inutile , ou un ornement
de vanitè ; d'autres donnent leur
peine & leur affiduité pour re.
cueillir & exciter les offrandes
des Fideles ; tous enfin fe font ,
ou feront , je l'efpere , un devoir
d'y contribuer chacun felon fes
faculsex.
Maintenant que V. E, veut
bien donner un
témoignage fi pu.
blic & fi éclatant qu'elle approuve
ce Zele , combien leurs liberaliteZvont
elles redoubler? Mais
GALANT
79
que peuvent tous les efforts de ce
Peuple Quoy qu'il veüille ,
quoy qu'ilfaffe , quoy qu'il donne
, fes efforts feront taûjours au
deffaus dune fi grande entre,
prife , s'ils nefont fecondeZ: c'est
te que nous efperons par
la pros
rection de Vâtre Eminence
de la bonté & de la pieré du
plus Chrêtien & du plus grand
des Rois. Ila to ours efté com
me un autre Ezechias ! vous
le difiez dernierement , Monſei.
gneur , à la teste du Clergé de
France , avee autant de verite
que d'éloquence . ) Ila, disuje , efté
comme un autre Ezechias ,
G iiij
80 MERCURE
toûjours jaloux de l'honneur
des Temples du vray Dieu ,
& de la fainteté de fon culte
, & Vôtre Eminence employe
toujours pour le bien des
Eglifes ce puiffant credit , que
les vertus encore plus que fa haute
naiffance luy ont fi juflement
merité auprés de Sa Majesté.
Est ce donc en vain que nous
nous flattons qu'il aura quelque
bonté pour cette Eglife ? qu'il
ne voudra pas permettre que la
feule Paroiffe dediée à Paris fous
le nom de fon patron du plus
faint de fes Ayeux demeure im .
parfaite ? Pouvons- nous ne pas
GALANT 81
de
efperer qu'il voudra fuppléer à
l'impuißance où ce peuple fe trou .
ve de l'achever ? & que meritant
déja par tant de grandes &
faintes actions , que le Dieu des
Armées continue à le faire triom .
pher de fes ennemis , il le voudra
encore meriter de plus en plus par
ce nouveau monument de ſa pieté
? Non , Monfeigneur , noftre
efperance , qui eft fondée , & fur
la protection de V. E & furla
bonié du Roy , fur sa piete
envers faint Louis , nefera point
confondue.
Venez donc , Monfeigneur
comme un fage Architecte
82 MERCURE
pofer les fondemens de ce
Temple materiel , vous qui par
tant d'Ordonnances & d'Inftru.
Etions Paftorales dignes des Pon .
tifes des premiers fiecles , avez
tant travaille à édifier ce Tem
ple ſpirituel , qui , comme ditfaint
Augustin , eft fondé fur la Foy,
s'éleve par l'Esperance , & eft
conduit à fa perfection par la
Charité. Venez éablir la Mai .
fon de prieres , vous qui nous
avez enfeigné la veritable ma.
niere de prier , & qui l'av‹Zfi
-bien épurée de ce que l'erreur &
la ſuperstition y avoient pû in .
troduire. Venez affermir cet
GALANT 83
édifice chancelant , vous qui affermiſſez
tous les jours la foy
la pieté dans tant d'ames
inconftantes , & qu'on puiffe ainfi
dire de V. E. ce que l'Eglifechance
d'un des plus faint Eve
ques de Paris Hic eft Sacer
dos magnus qui in vita fua
fuffulfit domum , & in die .
bus fuis corroboravit tem
plum .
Que ce Peuple apprenne aujourd
by de V. E combien cette
entreprife eft digne de fa pieté
de fon respect pour le Dien qu'il
adore. Mais que cette pierre
materille quifait le fujet de ces .
84 MERCURE
V
-
te ceremonie les faffe fouvenir de
fe rendre eux mêmes des pies.
res vivantes & fpirituelles
eftablies far la veritable pierre
angulaire pour entrer dans la
structure de ce temple , qui n'eft
pas bâti par les mains des
hommes , mais par le Dieu
vivant que cette pierre enfin
leur foit une leçon continuelle du
Zele & du respect qu'ils doivent
avoir pour la maison de Dieu ,
comme elle fera un monument
éternel de la pieté de Voftre Emi .
nence , de fa bonté pour noftre
Paroiffe , un nouveau motif de
noftre profond respect & de nô.
"
GALANT 85
tre fincere reconnoiffance envers
elle , un nouvel engagement
&
à prier fans ceffe pour Ja confer
Vation.
Les Échaffauts que l'on
avoit dreflz pour cette Ceremonie
furent remplis d'une
infinité de perſonnes de diftinction
, & de toutes fortes
d'états . La Ceremonie fut accompagnée
de Timbales , de
Hautbois & de Trompettes
qui firent un agreable cons
cert à l'arrivée de Son Eminence
, & pendant tout le
temps , qui ne fut point
remply par le chant & par les
86 MERCURE
Prieres de Son Eminence &
du Clergé.
Mrs les Curé & Marguil
liers pour témoigner leur re
connoiffance de la bonté de
Son Eminence & de l'honneur
qu'elle faifoit à leur Pa
roiffe ont fait fraper une
Medaille en l'honneur de
Mr le Cardinal pour mettre
dans les fondemens : on voit
dans la face droite le Por ..
trait de Mr le Cardinal au
tour duquel font ces paro
les de Saint Paul , Ut fapiens
Architectus fundamentum po… ·
fuit ; on lit dans l'Exergue
GALANT 87.
Ludovic. Ant. Card, de Noailles,
Archiep.Parif.Dux , Par¸Franc.
On a deffigné de 1 Eglife de
Saint Louis la partie qui en
eft faire , & la partie qui refte
à faire , & à laquelle on travaille
actuellement. On lic
les paroles fuivantes autour
de ce bâtiment : Divo Ludovico
facrum in Infula inchoatum
anno 1664 Continuatum
anno 1702. & dans l'Exergue ,
Regis liberali as
norum ; ce qui a eſté mis en
reconnoiffance de ce que lors
qu'on prit il y a trente ans
refolution de faire bâtir cette

Parochia.
1
88 MERCURE
Eglife , le Roy voulut exciter
par une liberalité confiderable
les Paroiffiens à y
contribuer, ce qu'ils ont fait
avec tant de zele qu'i's ont
mis cette Eglife en l'etat où
on la voit prefentement. On
lit au deffous des paroles qui
font dans Exergue les noms
defdits Curé & Marguilliers
,
Facobus Luilier Paftor atuui
Honorarii C
BenignusleRagois
,
Ludovicus Bengyælari Joan .
nes Baptifta Voifambert , Ma
thurinus Champagneux
.
Le deflein a cite parfaitem
tement bien executé , & cet
GALANT 89
te Medaille eft un des plus
beaux ouvrages qui ayent
efté fairs depuis long temps
en ce genre ; elle a efté frapée
à la Monnoye des Me ,
dailles , d'où il ne fort rien que,
de parfait , & gravée par Mr
Rouffel. Mrs les Curé & Marguilliers
en ont fair faire l'EC
1. tampe que je vous envoye
afin que ceux qui n'ont pû
avoir cette Medaille en ayent
du moins un modele .
On mit dans les fondemens
avec cette Medaille
une lame de cuivre , où ces
mors eftoient gravez .
Septembre 1702 .
H*
90 MERCURE
REGNANTE
LUDOVICO MAGNO.
Eminentiffimus S.R E Car.
dinalis LUDOVIC. ANTONIUS
DE NOAILLES , Archiepif
copus Parifienfis , Dux Sanéti
Clodoaldi, Par , Francia Regio .
Tum ordinum Commendator ,
primarium lapidem Navis bu .
jus Ecclefia in honorem SANCTI
LUDOVICI Deo dicata po .
fuit anno Domini 1702. die 7.
Septembris Jacobo Luillier , Do-
Aore & Socio Sorbonico Paftore
, Benigno le Ragois , Domi
node Bretonvilliers in Camera
Computorum Præfide Ludovico
GALANT 91
Bengy in eademCorrectore Camera
adituis honorariis ,&Mathu .
rina Champagneux Pharmacopocorum
Parifienfium Prafecto,
Petro Ticquet in Senatu Parifienfi
Caufarum actore adituis
arariis.
Cette grande journée ſe
termina par le Salut & la
benediction du Saint Sacrement
que Monfeigneur le
Cardinal donna au Peuple,
aprés laquelle il fit l'honneur
à Mr le Curé & aux autres
Ecclefiaftiques de voir la
Maiſon où ils vivent enſem.
ble en Communauté. Son
Hij
92 MERCURE
.
Eminence vifita la Salle où
fe tiennent leurs Affemblées
& celles de la Paroiffe , dont
il parut tres , fatisfait auffi
bien que de toute la Cere
monie.
Puifque vous fouhaitez
que je continuë à vous parler.
des perfonnes de diftinction
qui meurent dans les Païs
étrangers ,de la même maniere
que je vous parle ordinai .
rement de celles qui meurent
en France , je vous diray que
le jeune Duc de Holſtein , ou
Holface Gottorp qui a efté
GALANT 93
emporté d'un coup de canon
dans la bataille qui s'eft don ;
née entre le Roy de Suede
& de Pologne , cft de lamême
Maiſon que le Roy de
Dannemarck. Je veux dire
de la Maifon d'Olface dont
celle d'Oldembourg qui regne
en Dannemarck eft une
branche. Adolphe heritier
de Norverge Duc de Slef
wick ou d'Holface Gottorp
eftoit Frere de Chriftierne
III & Fils de Federic I. Roy
de Dannemarck , il eftoit né
l'an 1526. & en 1564. il épou
fa Chriftine fille de Philip64
MERCURE
pes Landgrave de Heffe , qui
eftoit la plus belle perſonne
de l'Europe. Il en eut Jean
Adolphe qui fut d'abord
Evefque de Bremen , & qui
époufa Augufte fille de Frederic
II . Roy de Dannemarck
, dont il eut Frederic ,
Jean Evefque de Lubeck , tige
des Ducs d'Holface Hottengen
. Frederic épouſa en
1630. Marie Elifabeth de
Saxe , fille de l'Electeur
Jean George. It en eut enautres
Chriftierne
Albert
dont eft venu le jeune Duc
de Holftein Gottorp qui
GALANT 95
vient d'eſtre tué , & quiavoit
époufé depuis quelques an
nées , la Soeur du Roy de Suede.
Ces Princes ont eu de
grands démeflez avec les
Rois de Dannemarck , dans
lefquels les Rois de Suede les
ont toujours protegez . Le
Traitté de Rofchild en i658.
entre le Roy de Snede & le
Roy de Dannemarck pacifia
un peu les troubles ; mais
la Paix ne dura pas longtemps.
C'eft une verité prefque
incontestable que la Maifon
d'Holface defcend de Mitig
96 MERCURE
kind le grand , qui a fondé
celle de Saxe . Tous les Hi (.
toriens Allemands , au moins
une grande partie , conviennent
qu'il fut le cinquiéme
Ayeul de Sigefroy I.
Comte d'Oldembourg dans
la Weftphalie qui finit à Frederic
, qui par un trait de
generofité bien glorieux.
s'expofa au fuplice auquel
fon Pere Huno avoit efté
condamné , combatit & tua
en 1140. un effroyable Lion
à la veuë du Peuple de Goflard
. I laiffa le Comté d'Ol
dembourg à Helimar fon.
Coufin
,
GALANT
97
Coufin , qui fut un des plus
grands hommes de ce Siecle .
C'eft de luy dont defcendoit
apiés neuf generations Chrif
tierne 1. Roy de Danne
marck qui obtint ce Royaume
par les bons Offices d'Adolphe
de Schawambourg
Comte d'Holface fon Oncle
Ce Chriftierne Maternel.
avoit un Frere nommé Maurice
qui fut Bachelier de Sorbonne
& Chanoine de Bremen
, & qui le maria en
1458.
Hollace ou Holſtein eft
une Province d'Allemagne
Octobre 1702. I
98 MERCURE
dans la baffe Saxe , dont une
partie apartient au Roy de
Dannemarck , l'autre au Duc
de Holſtein. Elle eft divifée
en quatre parties dont l'une
retient le nom de Holftein
qui eft arrofée de plufieurs
rivieres & dont la ville Capi ,
tale eft Kiel . Le Roy de Sue
de à pleuré la mort de ce jeune
Heros qui promettoit de
marcher bien toft fur les pas
de fes illuftres Ayeux. On
peut dire qu'il courroit une
belle carriere , & qu'il apre
noit le chemin de la victoire
dans une des meilleurs Eco
GALANT 99
les de l'Europe.
Ses pres
mieres années ont efté con .
facrées à la gloire , on peut
dire auffi qu'il luy a donné
les derniers momens , & qu'il
eft mort de la mort des He ,
ros en mourant dans le fein
de la victoire .
Je demeure d'accord que
je ne me fuis pas affez éren .
du dans l'article du mariage
de M' de Canaples & de Ma .
demoiſeille de
Vivonne que
je vous envoiay le mois paffé.
Ce que vous allez lire ,
achevera non feulement de
1 ij
100 MERCURE
remplir voftre curiofité mais
vous y trouverez des morceaux
d'Hiftoire dont la
lecture vous fera, beaucoup
de plaifir,
Alphonfe de Crequy ,
Comte de Canaples eft le fee.
cond fils , fils de Charles II. St
de Crequy, Mestre de Camp
du Regiment des Gardes , tué
devant Chambery la nuit du
14. au 15. May 1630. & de Da .
me Anne du Roure , fille de
Claude S ' de Bonneval & de
Combaler & de Marie d'Albert
Luynes.
T
Il a long temps refifté à
GALANT 101

l'empreffement qu'avoient
ceux de la Maiſon , de luy
voir prendre un engagement.
Vous fçavez ce qui l'a obli
gé à s'y refoudre , & que le
choix qu'il a fait de Mademoiſelle
de Vivonne a esté
generalement applaudy . Elle
eft fille de feu Mrle Maref
chal Duc de Vivonne , &
d'Antoine Loüile de Mef.
mes , fille & heritiere de
Henry de Melmes , St de
Roiffy , fecond Prefident à
Mortier au Parlement de Paris
, & de Marie de la Valée.
Foffez , Marqui fe d'Everli fa
I iij
102 MERCURE
feconde femme.
Louis Victor de Roche.
choüart Duc de Mortemart
& de Vivonne , Prince de
Tonnay- Charante , Gouver
neur de Champagne , pere de
la nouvelle mariée , merita
par les longs fervices le Bâton
de Marefchal de France,
que le Roy luy donna en
1675. Il avoit efté pourveu
du Generalat des Galeres en
1669. La valeur qu'il fit paroître
à la priſe de Gigery en
Affrique l'an 1664. où il parue
en Heros ; à celle de Doüay
en Flandres en 1667. & ay
GALANT 103
hege de Lille luy procurerent
ces honneurs aufquels
d'ailleurs fa naiffance l'appelloit.
Il fut bleffé dangeieufement
à la guerre d'Hollande
en 1672. & il merita de
grands éloges du Roy qui
luy donna la Viceroyauté de
Meffine. Il a toûjours paflé
pour un Seigneur tres digne
du fang dont il fortoit , & du
nom qu'il portoit : Il eftoit
Frere de Madame deMontef
pan,Surintendante
de la Mai
fon de la Reine,deMadame la
Marquise de Thianges , & de
Madame l'Abbeffe & Genera
I iiij
104 MERCURE
le de l'Ordre de Fontevrault,
& tous cftoient enfans de
Gabriel de Rochechouart ,
Duc de Mortemart , Pair de
France , Chevalier des Ordres
du Roy , premier Gentilhom .
me de la Chambre de Sa Majefté
, & Gouverneur de Pas
ris , mort en 1675. & de Diane
de Grandfeigne , fille de Jean
S' de Marcillac , morte à Poitiers
en 1666. C'eft en faveur
de ce Seigneur que le Marquifat
de Mortemart fut éri
gé en Duche Pairie. leftoit
fils de Gafpard de Roche .
choüart , Marquis de morte;
GALANT
105
mart qui fervit avec beau
coup de diftinction fous Hen
ry IV . & qui épousa Loüile
Comteffe de Maure , Dame
d'une grande vertu & d'une
grande beauté. Elle eftoit
fille de Charles Comte de
Maure & de Diane Delcars ,
qui paffoit pour un des plus
beaux efprits du 16. fiecle.
Loüife Comteffe de мaure,
avoit épousé en premieres
noces Odet de Matignon
Comte de Thorigny
.
Gafpard de Rochechouarr
eftoit fils de René de Rochoüart
, Baron de Morte106
MERCURE
mart , qui épouſa en 1570.
Jeanne de Saulx , fille de Gafpard
S'de Tavannes , Marêchal
de France , & de Françoiſe
de la Baume мontreuil ,
qui eftoit fi fçavante , & fçavoit
fi à fond l'Ecriture Sain .
te , qu'elle eut la gloire de
convertir un fameux Rabbin
qu'elle convainquit dans une
difpute reglée. Ce René é
toit fils de....... François de
Rochechouart S de morte.
mart de Tonnay- Charante ,
eft Chevalier de l'Ordre du
Roy, né en 1537. qui fervit f
bien les Rois François I. &
GALANT 107
Henry II. Il avoit épousé
Renée Taveau , fille unique
& heritiere de Leon , S' de
Luffac & de Jeanne Frotier-
Preüilly. Cette Dame qui
vivoit en odeur de fainteté,
eftant épuisée par un long
exercice de Prieres & de Penitence
, tomba dans un fi
grand évanoüiſſement qu'on
la crut morte , & qu'on l'eng
terra ; & un de les domefti
ques , ayant remarqué qu'on
l'inhumoit avec un diamant
de grand prix , qu'elle avoit
au doigt , defcendit la nuit
dans le Caveau pour le
108 MERCURE
dérober , & la trouva vivante .
Aprés avoir ouvert fon Cer.
cueil, elle fut en peu de temps
.
rétablie , & eut enfuite des
enfans. Elle avoit beaucoup
de part aux bonnes graces de
de Catherine de Medicis ;
mais le penchant qu'avoit cet
te Princefle à l'Aftrologie
obligea la Dame de Mortemart
de s'en éloigner & de
quitter la Cour. Ce qui avoit
commencé à la broüiller avec
cette Princeffe , eft que le
trouvant un jour avec elle
à un Sermon que prêchoit
dans l'Eglife de Saint Jean en
GALANT 109
Greve , le fameux Cordelier
Menor , qui prêchoit ſi hardiment
contre les vices de la
Cour , elle fe voulut prévaloir
de la difpofition où elle
voyoit que le Difcours de
Menot extrêmement fort , &
preffant fur les dereglemens
des Grands , avoit mis la Rei
ne , pour luy donner quel ,
ques avis fur la conduite des
Dames de la Cour , & fur le
penchant qu'elle avoit à cette
Science Diabolique . La Reine
qui avoit répandu beaucoup.
de larmes à ce Sermon ( au
grand étonnement de l'Auiro
MERCURE
ditoire , parce qu'on n'avoit
pas accoûtumé de luy en
voir répandre fur de pareils
fujets) recût bien fes avis dans
le temps qu'elle avoit encor
l'efprit effrayé des veritez que
luy venoit d'annoncer le hardy
Cordelier ; mais ces idées
de terreur fe diffipant peu à
peu , les avis de la Dame de
Mortemart ne furent plus de
faiſon , & on les luy envoya
donner en Poitou ( où elle
fut exilée ) à quelques per.
fonnes d'une confcience plus
timorée .
La branche de Roche
GALANT
S
{
ans.
·
chouart Mortemart fubfifte
depuis plus de quatre cens
Elle fut formée par
Guillaume II. fils d'Aymeri
VIII. Vicomte de Roches
choüart , & de Marguerite
de Limoges. Et toute la Maifon
de Rochechoüart fort
des Vicomtes de Limoges, &
vient d'Aymeri de Limoges
premier du nom , furnommé
Oftofancus
donna une Dame de la plus
haute qualité dont il eftoit
aimé ) Il eftoit le cinquième
fils de Giraud Vicomte de
Limoges & de Robilde fa
nom que luy
112 MERCURE
femme
& fut premier Vis
comte de Rochechoüart . II
Vivoit en 1018. La branche de
Rochechouart - Chandenier
fort de Jean II. fils de Jean
II. Vicomte de Rochechoüarc.
-"
La branche de Roche .
chouart Faudoas defcend
d'Antoine II . fils de François
de Rochechouart, Seigneur
de Chandenier.
La Branche de la Broffe.
Montigni , ou de Jars & de
Breviande , vient du fecond
fils de Jean de Rochechouart
S' de Jars , & d'Anne de Chau
GALANT 113
1
nay. Enfin la branche de
Rochechouart Chatillon le
Roy eft finie en Marie Marguerite
de Rochechouart
Dame de Chatillon le Roy ,
mariée en 1637. avec Alexan
dre de Seve , Confeiller d'E
tat , Prevoft des Marchands.
Je vous envoye une Hif
toire auffi finguliere que
tragique , & je fuis affuré
que ceux qui font perfuadez
qu'on ne peut plus rien
voir de nouveau trouveront
-dans cette Hiftoire des nou
vautez qui les furprendront
K Octobre,
1702.
114 MERCURE
& conviendront qu'il n'y a
rien dont la jaloufie 'ne foir
capable.
Un jeune Seigneur Allemand
dont je dois taire le
nom par difcretion , ayant
épousé une jeune Damoiſelle
âgée feulement de douze ans ,
qui avoit des grands biens
& dont les agremens naif
fans faifoient efperer un mariage
fort heureux aux parens
des deux époux , qui
avoient fait ce choix plutoft
pour l'intereft des deux mai;
fons qu'on allioit que pour
GALANT
115
la fatisfaction de deux perfonnes
dont les jeunes coeurs ,
au moins celuy de la Demois
felle , eftoient encor plus en
eftat de former un engage
ment ferieux , & de faire des
reflexions fur celuy qu'ils prenoient
: ce jeune Seigneur ,
dis je , aprés avoir paffé quel
ques jours avec la nouvelle
époufe dans la joye , les repas
& les rejoüifſlances qui
accompagnent
d'ordinaire
les premiers jours d'un ma
riage fe livra tout en
tier aux mouvemens d'une
paffion dont il avoit fenti
>
Kij
116 MERCURE
les traits dés que fon coeur
en avoit pû recevoir les impreffions.
La jaloufie qui
eftoit cette paffion furieufe
qui le tourmentoit fortifiée
par les prejugez de l'éduca .
tion fouvent fi injuftes , qui
luy faifoient enviſager dans
toutes les perfonnes de ce
même fexe un penchant dé.
claré pour la galanterie &
pour la coqueterie , & un
ulage immemorial de violer
fans fcrupule les droits facrez
du mariage , luy firent
examiner avec une grande
exactitude les premieres de
REB
ر د
le
cr
calles
Sitema
voit d
ement
grand a
TOS
CP
qui
mar
temensC
gatie , il
macage
Po
pre
GALANT
17
marches de fa jeune épouse ;
il eut à peine paſſé quelques
jours dans cette recherche
indifcrete & prematurée qu'il
crut voir dans les manieres
de cette même perfonne , &
- celles d'un jeune Page parfaitement
bien fait qu'il luy
avoit donné ; mais âgé feulement
de treize ans un
grand air de familiarité &
une certaine complaifance
qui marquoient les commencemens
d'une heureuſe fim
patie , il n'en falut pas d'a
vantage à ce jeune jaloux
pour prendre une refolution
?
118 MERCURE
violente à la maniere de ceux
qui raiſonnent peu fur les
deffeins qu'ils forment dans
les premiers tranſports de
leurs paffions. Il fe fervit de
ceux de fes domeftiques en
qui il avoit le plus de confiance
pour faire écorcher
tout vif le pauvre Page , &
fit remplir la peau de paille
pour luy laiffer une espece
de forme humaine dont il
avoit conçû le deffein de
faire un ufage bien cruel &
bien fingulier. Quant à fon
épouse il fuppofa qu'elle é
toit morte aprés deux jours
ส่ง
Da de
vis be
voir
bic
ch
cable
w'elle
feve
cfte m
Samein
dila
da
GALANT 19
no
d'une violente colique. Les
domeftiques en repandirens
le bruit dans le monde &
on n'en douta plus lors qu'on
vit le Convoy Funebre. On
avoit mis adroitement dans
une biere du bois ou quel
que chofe d'un poids convenable
à celuy du corps
qu'elle devoit renfermer
& que l'on avoit cru voir
enfevelir. La mort auroit
efté moins cruelle à cette
Dame infortunée que l'eftar
où il l'a reduifit. Il l'a fir
entrer dans une grande cage
de fer où elle ne pouvoir
120 MERCURE
eftre qu'aflife, fans pouvoir le
donner le moindre mouve
ment pour le procurer un
peu de foulagement . Dans ce
gîte affreux & dans cette bizarre
attitude , il l'a fit mettre
dans l'endroit le plus ca
ché & le plus fouterrain du
Château , & fit expoſer devant
les yeux le ſpectre du
Page qu'elle ne pouvoit s'empêcher
de regarder , par la
fituation où elle eftoit , qu'en
fermant les yeux ou en met
tant la main devant fon vis
fage. Cette jeune Dame paffa
ainfi fa vie dans ce païs fou
terrain
GALANT
121
terain depuis l'âge de douze
ans & demi julqu'à celuy de
dix neufans fans avoir d'autre
vifion que celle du fpectre
& d'une vieille Gouvernante
à la garde de laquelle
elle avoit efté commiſe &
qui luy donnoit à manger.
Apres fept ans de fouffran
ce elle fut tirée de cette ri.
goureufe captivité par une
avanture finguliere . Ce cruel
époux regalant un jour chez
luy plufieurs Seigneurs de fes
amis on commença dans
la chaleur du repas , & lors
que le vin commençoit
à
Octobre
1702.
L
122 MERCURE
monter à la tête à declamer
contre les femmes , & à detailler
leurs infidelitez . Ceux
qui en parloient peut eftre
par une facheufe experience
furent furpris que le maiſtre
du logis qui avoit fi peu de.
meuré avec la fienne , &
dont la grande jeuneſſe, ſelon
toutes les apparences
,
n'avoit pas dû luy donner
des grandes lumieres fur le
fujet en queftion , fut le plus
ardent à la pourfuite des femmes
, & plus animé à les decrier.
On le queſtionna ,
on le mit fort fur le chapi .
GALANT 123.
tre de fa femme , enfin on
le tourna de tant de coftez
qu'on luy fit avoüer preſque
malgré qu'il en eut qu'il ne
tenoit qu'à luy de la voir
quand il vouloit : ces Mef
fieurs fort étonnez d'un pa
reil difcours & cherchans à
s'éclaircir n'eurent pas de
peine à la faveur de quelques
nouveaux verres de vin à
tirer un nouvel aveu de cet
époux , encor plus fort que
le premier. Ils le firent refoudre
à les conduire dans
ce lieu de tenebres où ils
devoient voir cette merveil
Lij
124 MERCURE
le : il prend donc luy même
un flambeau & ayant fait
avertir la vieille Duegna , il
les conduit dans cet antre
affreux aprés avoir ouvert
dix groffes portes les unes
aprés les autres , jamais ils
ne furent plus eftonnez. Ils
furent frapez en entrant dans
cette elpece d'abyfme de la
veuë d'une cage dans la
quelle eftoit enfermée une
perfonne qui fe cachoit le
vifage & qui ne ſe laiſſa voir
qu'au figne que luy fit fa
Gouvernante , ils furent ébloüis
par le plus beau viGALANT
125
fage qu'il fut poffible de voir,
& fur lequel les cruels malheurs
& la longue captivité
n'avoient fait que repandre
une grande pâleur & un air
languiffant qui ne faifoit que
la rendre plus touchante : ils
ne furent pas moins furpris
de voir le fpectre qui faifoit le
point de veuë de cette bel
le malheureufe. Ce nouveau
genre de martire les toucha
jufqu'au vif. Ils reconnurent
fans peine cette jeune Dame
qu'ils avoient crû morte , &
la difference qu'ils trouverent
en elle fut que fa beauté
Liij
126 MERCURE
eftoit parfaitement formée
au lieu qu'elle eftoit feulement
naiffante lors qu'elle
avoit diſparu tout à coup
dans le monde. Ces jeunes
gens également touchez de
compaffion pour cette aymable
perfonne refolurent
de la delivrer, & pour en venir
plus ailement à bout ils
ne firent que luy infulter .
& applaudir à la feverité de
fon époux avec lequel de
deffein premedité ils firent
une feconde partie : ce jour
heureux qui eftoit marqué
pour la délivrance de cette
GALANT 127
:
Dame eftant arrivé , & tous
eftant à table , on commença
à mettre le mary en bonne
humeur , & l'on prit de fi juf
tes mesures qu'on le fit boire
plus qu'il n'auroit esté à ſouhaiter
pour luy quand il fut
au point où on le vouloir ,
on luy propofa comme par
rafinement de debauche ,
d'aller boire quelques bouteilles
auprés de fon épouſe
pour pouvoir infulter à fes
malheurs de plus prés : ce
qui fut dit fut executé dans
moment & avec les mêmes
precautions que la pre
Liiij
128 MERCURE
mier fois dés qu'on fut arrivé
à ce lieu fatal , on com.
mença à faire les plus cruelles
railleries à cette Dame,
& à luy infulter par les quef
tions offençantes qu'on luy
faifoit au fujet du Spectre
qu'elle avoit devant les yeux;
& tout cela comme on peut
jager pour endormir le mary,
quine perdoit point de tems
à boire, pendant que deux de
ces Meffieurs enуvroient la
Duegna qu'ils avoient mis infenfiblement
du repas. Enfin
quand le maistre du logis
& la Gouvernante furent
1
GALANT 129.
fi prisde vin qu'ils furent
obligez d'en mordre
la pouffiere alors ces jeunes
gens ouvrirent la cage &
délivrerent la malheureuſe
prifonniere , & comme depuis
le temps qu'elle eftoit
renfermée elle avoit tout à
fait perdu l'ufage de fes jambes
, un de fes liberateurs la
prit & la porta en lieu de
feureté , ou dés qu'elle fut
un peu remife & un peu
faite au grand jour qui tout
à coup auroit efté capable
de la faire mourir , elle partit
pour aller à Vienne ou
130 MERCURE
elle fe jetta aux pieds de
l'Empereur qu'elle informa
de la cruauté de fon mary
dont elle luy demanda
juftice. Toute la Cour Imperiale
prit beaucoup de part
à une avanture ſi ſurprenan .
te , & plaignit fort la malheureufe
deftinée d'une Dame
fi aimable qui eut bien
toft intereffé dans fes malheurs
, les Seigneurs de la
Cour les plus accreditez.
Pendant que l'Empereur de
fon cofté fe preparoit à citer
à une Diete qu'on alloit
affembler , l'époux de cette
GALANT izt
Dame pour y rendre compte
de fa conduite , on apprit
qu'il eftoit mort , apparem ,
ment de la douleur qu'il eur
de l'évafion de fa prifonniere:
en effet dés qu'il fut revenu
de fa letargie vineufe , &
qu'il eut veu de fes propres
yeux la fuite de fon épouſe,
il fut faifi d'une fievre continuë
avec des tranfports fi
furieux au cerveau que dans
quatre jours au lieu de
comparoiftre au Tribunal de
l'Empereur , où il alloit eftre
cité ; il comparut à celuy du
Protecteur des femmes affli132
MERCURE
gées & perfecutées ; mais ce
qu'il y a de furprenant , eft
que peu de temps aprés fa
mort , cette belle veuve fe
remaria fans eftre touchée
de la cruelle catastrophe
qui accompagne fouvent les
mariages qui paroiffent les
mieux affortis .
Voicy une Lettre de Mr
l'Abbé des Landes , Grand
Archidiacre
de Treguier
,
dans laquelle vous trouverez
des chofes fort curieufes
GALANT 133
A Monfieur de Lande Offi .
cier de Marine à la fuitte
du Roy d'Espagne.
Vous me faites plaifir , mon
cher neveu , de m'écrire de Naples
, que je vous estime beureux
d'eftre au fervice de deux
Souverains l'Empereur des
François le Roy d'Espagne.
Vous me dites qu'en vous prome.
nans avec un Officier Espagnol
qui eftoit fatigué d'un voyage ,
il voulutfe repoferfous un Noyer,
& que vous l'obligeaftes à choi .
fir une autre place. Vous vous
fouvenie fans doute de ce que
134 MERCURE
je vous avois dit , en vous inf
truifant des qualisez des Simples
& des Arbres. Je vous faifois
lire par recreation Francifcus
Vallefius celebre Auteur Efpagnol.
Philippe II Roy d'Ef
pagne , aimoit ce Philofophe avec
plus
d'attachement & plus de
reconnoiffance que n'eut Allexandre
pour Aristote . Vallefius
dédia à ce
Monarque par fon
ordre fon Livre de Sacra Philofophia.
Il y traite fur la fin
de tous les Simples & de tous
les Arbres , dont il est parlé dans
lafainte Ecriture , & il enexamine
les qualitez. Votre Offi.
GALANT 135
s'ileût
cier Espagnol eftoit mort ,
dormy fous un Noyer : Vallefius
prend delà occafion de rapporter
ce qui arriva à un de fes amis
nommé Lemnius : Cet amy eftoit
un Officier de Guerre , qui aimoit
le Jardinage Eftant entré
nn matin dans fon jardin pour
y fare fes Prieres fes &
Meditations publiques , il fe
trouva tout d'un coup Surpris
du fommeil ; il fit de fort
grands efforts pour le combatire
, & fentit qu'il n'avoit
pú y refister ; mais en ſe tour,
nant il apperçut une Mandra.
gore derriere luy. Il ne l'eut
1
136 MERCURE
pas plutoftfait changer de lieu,
qu'il fe trouva en liberté ; quo
amoto , factus fum alacrior ;
atque forporem detuli , omnemque
ofcitantiam difcuffi.
F'espere fi j'ay un peu de loifir
, traduire ce fameux Auteur`
Espagnol. Il ajoute qu'il y a
des Simples & des Arbres qui
font ennemis de l'homme , qui
choquent le cerveau & étouffant
le coeur. Ily en a qui réciffent
l'homme , mefme en la feule ap.
proche. Ils'étend à faire voir
que fon Prince doit toûjours dans
Jes Repas dans fes Recrea
GALANT 137
tions avoir en fa prefence des
feuilles de vigne.
L'odeur de la vigne , dit- il ,
odor cerebrum & cor miri .
ficè Recreati. Les Empereurs
faifoient leurs Feftins de plaifir
fousdesfeuilles de vignes . Il ajoute
qu'aucune bête ennemie de l'Hom.
me n'en approche.
Les anciens Princes Orien :
taux , bien inftruits de ces agréémens
, ontfait tout ce qui eſtimaginable
pour avoir des feps de
vigne à Malaque. Ce qui eft
fort furprenant ; c'est que l'unique
& le plus beau Port des
Indes Orientales n'eft qu'à deux
Octobre 1702 .
M
138 MERCURE
degrez de la ligne , & par con.
fequent la chaleur y eft fort gran..
de; cependant il eft impoffible qu'il
y croiffe du vin ; mais en recompenfe
les Habitans font bien dédommagez.
Deflandes , dansfon
Livre des beautez de la Perfe
&dans la narration defes Voya
ges , nous dit en abregé ce qui
est à Malaque. Mais le Pere
Alexandre de Rhodes Jefuite ;
ce Sçavant , ce Pieux & Saint
Voyageur nous en dis ,
toutes
les circonstances . On voit à Ma.
laque ces belles palmés que l'on
appelle Cocos. On y trouve
sout ce qui eft neceſſaire pour bâª
GALANT 139
tir , équiper , avitailler& charger
un Navire . Ce celebre Voya ·
geurfait obferver une choſe admirable,
cès Arbres font telle.
ment amis de l'homme , qu'ils
meurent ou ne portent aucun
fruit , fi les Habitans les aban.
donnent . On prie mefme les
Etrangers d'aller fe repofer fous
leurs branches , les hommes en
fortent tous rafraichis , & les
Arbres femblent revivre , d'où
ceux du pais difent que le fouf,
fle del'homme eft la vie de ces Árbres.
Ily a une fingularité à Malaque
, qui est une Ville & un
Lij
140 MERCURE
Port , l'unique de toutes les Indes
où l'on puiffe aborder dans
tous les temps de l'annèe , ce qui
ne fe trouve ni à Goa , ni à Šuratte,
ni au Cochin , ni en aucune
autrepart del Inde Orientale.
Les autres Ports de l'Inde
font impraticables depuis le commencement
de Juin juſqu'à la fin
de Septembre . Les vents quiy
regnent pendant ces quatre mois,
rendent l'abord impoffible , outre
que les Ports font remplis de fa :
ble par les flots.
Au commencement d'Octo
bre les vents qui foufflent , repous
Lent tout le fable & ouvrent les
GALANT
141
Ports. Cette incommoditè ne fe
trouve pas à Malaque , le Port
en est toujours ouvert . Ce Port
eft un delicat morceau fort connu
de l'antiquité , fous le nom
d'Aurea. On y fait tout le trafic
de l'Orient ; je l'avonë , j'ay
oublié dans ma Differtation des
rapports de la Medicine avec la
Muſique , en parlant de laTa.
raniole , qui eft une espece d'araignée
, un endroit de Mr le
Chevalier Boyle fi connu , fi
eftimé , à qui toute la pofterité
fera fi redevable. Cet illuftre
Philofophe Anglois , page 17.
de fon beau Traité des Specifi
·
142 MERCURE
proques
, donne an avis important
d'eftre propre dans fa maifon . Il
nous dit qu'ilfut confulté par un
habile Oculiste fur un accident
arrivé à un homme qui eftant
couché , apperçut une groffe araignée
au haut de fon lis . Il gron.
dafa femme de fon peu de
preté. Cette femmeprit un balay
pour ther cette Araignée qui
laiffa tomber une liqueur dans
l'ail de cet homme. Il n'en reffentit
aucune acrimonie ; au contraire
il reffentit de la fraifcheur.
S'eftant levé , ilfrota l'autre oeil,
& reconnut qu'il eftoit borgne ,
quoy que cet'oeil paruft auffibeau
GALANT 43
qu'auparavant. Mr Boyle monia
d'abord à cheval avec cet
Oculifte pour aller voir cet homme
, mais il luyfut impoffible de
trouver fa demeure , dont il eut
beaucoup de chagrin . Il ajoûte
que cette occafion, la fait reſſouvenir
de l'étonnement dans le
quel il a efté de voir des moûches
mourir bien plus vifte entre
les mains des Araignées, que fi on
leur avoit coupé la tefte, ou qu'on
les euft percées avec les épingles.
Je medite de donner au Public
l'abregé des admirables Ouvra¿
ges de Mr Boyle , dont la cha
rité pour les pauvres malades
144 MERCURE
doit eftre une émulation pour tous
les Medecins , & pour toutes les
perfonnes de diftinction, A Tre.
guier ce 2. Aouft 1702 .
L'experience
que M' de
Lagaroufte fit il y a quelquetemps
fur la Seine , & dont
je vous parlay dans ma Lettre
du mois de Juin dernier,
luy ayant acquis beaucoup
de reputation , le Roy qui
fe fait rendre compte de tout
ce qui peut fervir à perfectionner
les Arts dans fon
Royaume , ainfi
que de toutes
les nouvelles Découver
Les
GALANT
145
tés , fit l'honneur à Mr de
Lagaroufte de luy dire qu'il
feroit bien aife de voir les
modelles avec lesquels , fur
l'aflurance qui luy en avoit
efté donnée , on pouvoit fai
re des operations curieules .
Cet homme inventif. fit auffitôt
porter à Versailles tout ce
qu'il cruc de plus digne de la
curiofité d'un fi grand Prince .
Sa Majesté ayant efté avertie
par мr le Comte de Pontchartrain
de la prompte execation
de fes Ordres , ordonna
qu'on mir dans fon appartement
tout ce qui avoit esté
Octobre 1702
. N
146 MERCURE
apporté de Paris . Mr de Lagaroufte
eut l'honneur de
luy faire voir d'abord le Modele
d'une gruë de fon invention
. Cette Machine eft
auffi ingenieufe qu'utile ;
puis qu'avec deux doigts ; un
enfant de cinq ou fix ans
éleve avec une grande viteffe
un poids de trois ou quatre
cens livres , & retrograde de
mefme. Ce qui attira à l'Au .
teur l'approbation de Sa Majesté.
Il fit enfuite l'operation
de la Machine avec laquelle
il fait fans chevaux remonter
les Bateaux fur les Rivieres.
GALANT 147
Sa Majesté dît à plufieurs
reprifes qu'elle eftoit tres .
fatisfaite de l'Auteur & de
fes Ouvrages , & qu'elle y
feroit une attention ferieufe,
& fans delay. Mr de Lagaroufte
n'attendit pas longtemps
l'effet de ces paroles ,
puifque le Roy ordonna dés
le lendemain qu'il allaft mettre
au jour dans un Port de
Mer,tout ce qu'il lui viendroit
en penſée pour fon ſervice &
pour l'utilité publique.
Prince l'honora en mefmetemps
d'une penfion de trois
mille livres , accompagnée
Ce
Nij
148 MERCURE
d'appointemens , & de cent
piftoles pour fon Voyage .
On connoift par là combien
le Roy fait cas de gens qui
peuvent eſtre de quelque
utilité à l'Etat . Mr le Comte
de Ponchartrain fur preſenc
à toutes les experiences que
que Mr de Lagarouſte fit devant
ce Monarque , parce
qu'il luy en avoit parlé le
premier , aprés les avoir
veuës " & en avoir connu
l'utilité , & que par fon rapport
, & le bien qu'il en avoit
dit , il avoit excité la curiofité
de Sa Majesté. Madame, Mon ;
GALAN ) 149
feigneur le Duc de Berry ,
Monfieur le Duc d'Orleans,
Monfieur le Marcichal de
Noailles & la plupart des
Miniftres demanderent à voir
les mefmes operations qui
avoient efté faites devant le
Roy,M' de Lagarouſte ſatisfit
leur curiofité , & s'attira
de grands applaudiffemens,
& de grandes loüanges de
rous ceux qui les virent. Un
nombre infiny de Curieux &
de Sçavans , tant à Versailles
qu'à Paris , qui demanderent
à voir ces Experiences , furent
convaincus de leur fuccez.
N iij
150 MERCURE
Il paroift depuis peu une
Lettre de Mr de Hautefeüille
à Mr Bourdelot premier Me
decin de Madame la Duchef
fe de Bourgogne , fur le
moyen de perfectionner
l'Oüye , avec deux Lettres
de feu Mr Perrault de l'A.
cademie Royale des Scien
ces fur le mefme fujet.. Com
me il y a dans cette Lettre,
plufieurs chofes fçavantes &
des faits curieux , finguliers
& peu connus , je vous ferois
plaifir fans doute , de vous en
envoyer la Copie , d'autant
plus qu'elle eft fans nom
GALANT
151
d'Imprimeur & de Libraire ,
& que l'Auteur n'en a fait
tirer qu'un petit nombre d'Exemplaires
pour donner aux
perlonnes de fa connoiffan
ce , mais l'abondance de la
matiere dont j'ay à vous entretenir,
fur tout en temps de
guerre m'empefche de rem .
plir ma Lettre d'articles , dont
la longueur feroit caufe que je
ne pourrois vous entretenir à
fond des affaires du temps .
Puifque nous fommes fur
ce qui regarde l'Oüye , je dois
vous parler d'une perfonne
qui eft bien capable de le
Nij
952 MERCURE
flater : c'eft , Mademoiselle de
la Lande , fille du Surintendant
de la Mufique du Roy.
Je vous ay deja parlé de cet
admirable Perlonne , lorf
qu'elle chanta à la Conception
pendant l'Octave de
Palques. Sa Majefté eut le
plaifit de l'entendre chanter
dans fon Cabinet au com .
mencement du mois de Sep.
tembre dernier , & elle pa.
rut fi digne des grands applaudiffemens
qui luy avoient.
efté donnez par tous ceux
qui avoient efté charmez de
fa voix ; que le Roy l'écouta
GALANT 153
depuis fon fouper juſqu'à
qu'à l'heure de fon coucher.
Ce Prince dont le gouft eft
fuperieur en tout , en fur
fi fatisfait , qu'il luy dic
des chofes tout à fait obligeantes.
Rien ne marqua
mieux le plaifir qu'il avoit
pris à l'entendre , que l'ordre
qu'elle reçut de chanter dans
la Chapelle le jour de la Nativité
de Noftre Dame : Tous
ceux qui s'y trouverent ne
fe contenterent pas de fe dire
à eux mefmes qu'ils n'avoient
jamais ouy mieux
chanter. Mais ils firent écla154
MERCURE
ter leurs applaudiſſemens, qui
formerent un concert de
loüanges. Lorfque tant de
voix s'élevent en meſme.
temps pour en donner , elles
font excitées par le merite qui
les arrache , & l'on ne peut
douter qu'elles ne foient fin
ceres. Mademoiſelle de la
Lande n'a que quinze ans.
On n'a jamais entendu une
voix plus grande que la fienne
: Elle est d'une douceur
fans pareille , & tout a fait
flexible : Elle a une legereté
de gozier , & une nette : é
qu'il feroit difficile d'expri
GALANT 155
mer avec une cadence mer ;
veilleuse accompagnée d'u
ne prononciation admirable ,
ce qui vient de ce qu'elle
fçait plufieurs Langues ; & ce
qu'il y a d'admirable , & qui
fe rencontre en peu de per.
fonnes, c'est qu'on ne s'ap
perçoit qu'à peine qu'elle
ouvre la bouche pour chanter
, au lieu que la plufpart
de ceux qui chantent des
chofes qui demandent beaucoup
d'expreffion , n'en peu .
vent donner autant qu'il eft
neceffaire, lans faire quelques
grimaces.
156 MERCURE
Aprés vous avoir parlé
d'une belle voix je dois
vous entretenir d'un fameux
Organiſte , c'eft de Mr Garnier
Organiſte de l'Hoftel
Royal des Invalides . Le Roy
qui dans tous les temps fait
également attention à tout
ce quii regarde le merite ,
l'efprit , & les arts , vient de
le nommer pour remplir la
place de Mrle Begue Orga
niſte de Sa Majesté dont je
vous apris la mort au mois
de Juillet dernier en vous envoyant
l'Epitaphe Hiftorique
de cet homme merveil.
GALANT 157
leux fait par Mr Richar.
Voicy un Madrigal du mê ,
me Auteur adreffé à Mr Gar
nier.
Dr
DV Prince le plusjufte , & du
plus grand des Rois
Il eft dont ray Garniers que vous
eftes le choix :
De cet illuftre mort qu'aujourd'huy
rien n'efface
Rendez vous par vos foins le digne
Succeffeur ,
Soyez de fes vertus , le grand Imitateur
,
Prenez le même efprit , fuivez la
mefme trace
Et qu'un zele rempli d'ardeur ,
Vous attire de tous , & l'eftime ,
& le coeur.
2
158 MERCURE
Heureux élevé du Parnaffe
Louez qui vous éleve à ce dégré
d'honneur
Goutez en paix le fruit de ce
bonheur
Nul que vous n'a mieux fcù mériter
cette place .
Quelle gloire pour vous d'avoir
efte le choix
Du Prince le plus jufte ; & du
plusgrand des Rois .
Mr de la Chaumette dont
je vous ay parlé dans ma lettre
du mois de Juin dernier
touchant les armes qu'il a eu
le bonheur d'inventer pour
faire de deux feuls Pistolets ,
une bonne Carabine , & porGALANT
159
ter à l'arçon un Moufqueton ,
ou Fufii comme un Pistoler ,
dont le Roy à inventé le ref
fort qui fait la folidité de jonction
, & dont les Chevaux
Legers de la Garde en ont
commencé l'uſage , ainſi que
je vous l'ay déja marqué
Mr le Duc de Monfort leur
Commandant ayant beau .
coup aidé à perfectionner
· à
ces nouvelles armes. Mr de
la Chaumette , dis - je ,
auffi inventé depuis peu , le
moyen de faire de l'épée une
hallebarde en la joignant à
fon Moufqueton , d'une ma
160 MERCURE
niere tres folide , l'on en peut
tirer & pointer en même tems ,
& éviter l'embarras , & la
dépense d'une bayonnette .
On peut dire qu'il a réformé
tout l'armement du Cavalier
, & que ceux qui s'en
ferviront ne feront ny embaraflez
ny expoſez à aucun
accident , fans qu'il leur
en coûte plus qu'à l'ordinaire
. Mr de la Chaumet .
re fait faire ces Armes
dans l'Abbaye Saint Germain
ruë Furftemberg. Sa
Majefté luy ayant accordé
une gratification , il l'em .
GALANT 161
ploye à les perfectionner &
travailler à d'autres découvertes
, & particulierement
aux moyens d'empêcher que
les Vaiffeaux ne faflent nau .
frage : 11 fait faire des Pontons
ou batteaux à peu de
frais . Il en avoit inventé de
cuir qu'il prefenta il y a onze
ans au Ministre de la Mer ,
mais un de fes Ouvriers en
a porté l'invention en Allemagne
, deforte que tout ce
qu'il a mis au jour le trouve
confirmé par l'uſage , qui
eft la piere de touche de
beaux Arts .
Octobre,
1702.
162 MERCURE
Vous avez raifon de dire.
que vous n'entendez parler
que de Mr. de Fer & de fes
Cartes ; jamais homme n'a
tant travaillé & tant fait tra.
vailler pour l'utilité & pour
le plaifir du Public , je dis
plaifir , parce qu'il y en a
beaucoup à parcourir dans
des Cartes , à l'abry & fort
à fon aife,une infinité de païs ,
& à voir les marches des Armées
, ainfi l'on peut dire
que jamais homme n'a fait
voir tant de païs que M' de
Fer. Il a donné cette année
un Livre inquarto pour l'inGALANT
163
telligence des affaires d'Ita
lie , qui contient les Cartes
generales & particulieres dest
Etats qui compofent cette
belle partie de l'Europe , accompagnez
des Plans des
principales
Villes de chacun
de ces Etats .
On remarqué à la tefte de
ce Livre une grande feuille
où l'on voit d'un coup d'oeil
les Routes des Armées , cel.
les des Alliez peintes en bleu ,
& marquées de Fleurs de
Lys , celles des Imperiaux
peintes en rouge , & mara
quées avec des Aigles. Il n'y
O ij
164 MERCURE
a dans cette Carte que les
lieux où les Armées ont
paffé. On voit par là que
cette Carte n'a efté faite
qu'au fujet de la Guerre ;
auffi eft elle intitulée , les
Campagnes d'Italie , en 1701 .
& 1702 .
Un autre Livre in quarto,
intitulé le Theatre de la Guerre
deffus & aux environs du Rhin
On trouve dans ce Livre les
Cartes generales & particu .
lieres de tous les Etats fituez
deffus & aux environs
de
ce fameux
Fleuve , avec les
Plans des principales
Villes ·
fortes.
GALANT
165
Une Carte des Frontieres
des Païs Bas Espagnols &
Hollandois intitulée le Theatre
de la Guerre , où le trouve
les nouvelles Lignes marquées
depuis les environs
de l'Eclufe jufqu'aux environs
d'Anvers , & depuis Anvers
jufqu'à la Mehagne.
Une cours du Rhin d'u
ne feüille .
Un Carte des Etats des
Princes armez au fujet de la
fucceffion de la Monarchie
d'Espagne , avec la Route du
Roy d'Espagne de Paris à Madrid
, de Madrid à Barcelon166
MERCURE
ne , de Barcelonne à Naples,
de Naples à Final , de Final à
Milan , de Milan à l'Armée.
On voit aufli dans cette
Carte la Route' que les An.
glois & les Hollandois tien
nent ordinairement pour entrer
par le Detroit dans la
Mer Mediteranée .
Le Mantoüan , le Seraglio
, Cadiz , & le Détroit
de Gilbraltar
en quatre petires
feuilles tres proprement
gravées & fort correctes.
Une grande Carte de la
partie de la Lombardie où
eft la Guerre , intitulée Carre
GALANT 167
nouvelle pour la Guerr d'Italie ,
où font marquez jufqu'aux
moindres Fermes ou Caffines
& les Marches & Campemens
des deux Armées , mar
quées par des caracteres &
des couleurs differentes , cel
le des Alliez par le Bleu , &
celle des Imperiaux par le
Rouge , & les lieux où les
Armées ont campé , par des
Fleurs de Lys & par des Aigles.
On trouve au cofté
droit un Journal des Mouve
mens des actions des Alliez ,
& au gauche un autre Jourmal
qui regarde les Impe168
MERCURE
riaux Le mefme Auteur vient
de remettre aujour la grande
Soüabe & la grande Allace,
corrigées & augmentées au
fujet des Guerres d'aujour .
dhuy .
Il continue à vendre fon
Livre de la Succeffion de la
Couronne d'Espagne.
Il travaille actuellement au
Theatre de la Guerre d'Allemagne
, où l'on verra le
détail de la Foreft Noire &
des Villes Foreftieres , ainfi
que des Païs ficuez de .
puis Strasbourg jufqu'à Ma.
nich.
II
GALANT
169
Il donnera au mois de Ja
vier.prochain la troifiéme &
quatrième Partie de fon Atlas
Curieux. Tant de grands &
curieux Ouvrages juſtifient,
ce que j'ay avancé au commencement
de cet Article ,
à l'avantage de M ' de Fer.
On peut dire qu'il previent
les fouhaics du Public , fur
tout ce qui peut exciter la
curiofité , en matiere de Cartes
, & qu'il a toûjours don
né le premier les Cartes où les
Armées ont fait des mouvemens
depuis l'ouverture de
la Guerre prefente.
Octobre 1702 . P
170 MERCURE
Les Vers qui fuivent ont
efté faits par Mr Denis Avocat
en Parlement fur l'heu .
reufe groffelle de Madame
Brunet de Montforand, époufe
de Mr Brunet de Montforand
Confeiller au Parlement
de Mers. Vous trouverez
ces Vers , d'autant plus
nouveaux qu'il s'en trouve
peu qui ayant efté faits fur
de pareils fujets . Ils font
naturels & font plaifir à lire.
A
Mour
,
Himen , Dieux pleins
d'appas
;
Du plus digne objet qui refpire .
Sous voftre glorieux Empire
GALANT
171
Affermiſſez par tout les pás.
Califte encorplus adorée
Sous le fier & vivant fardeau
Dont vos faveurs l'ont honorée.
S'en fait un Triomphenouveau.
Je tremble à tous momens pour
elle
Et mon coeur toujours inquiet
Partage fa frayeur mortelle
Au moindre faux pas qu'elle fait .
Elle porte la récompenfe ,
De fes preffants & chaftes feux ,
Et par là remplit l'esperance
D'un époux cher autant qu'heureux
>
Pour vous , pour nous , veillez
fans ceffe
A la Garde de ce Trefor.
A la gloire qui vous en preſſe
Voftre devoir fe joint encor
Pij
172 MERCURE
Confervez l'Enfant dans la Mere.
Que tout previenne fes défirs
Qu'à l'envy tout cherche à luy
plaire ;
Que les Graces & les Plaifirs ,
Et qu'un joyeux accouchement
Diffipant nos tendres alarmes
D'un fils qu'on Jouhaite ardemment
Faffe à nos yeux briller les char
mes.
Ce font nos veux , ils auront lieu ,
Le fucces chaque jour l'explique .
Il eft feur que la voix publique
Eft l'Echo de la voix de Diea,
Je vous envoye un Placet
qui a cfté preſenté à Monfeigneur
le Duc de Bourgo .
GALANT 173
gne au nom des Capucins
de Melun . Le Pere Pierre
Jofeph de Paris , fameux Predicateur
de cet Ordre , eft
l'Auteur de ce Placet.
MONSEIGNEUR,
Les plus vaftes genies font
obligez d'avouer que leur eſpric
eft trop borné pour comprendre le
prix & l'excellence de vos augastes
qualitez, & pour juger
dignement de ce qui eft le plus admirable
ou de voftre esprit dont
les lumieres font fi vives
le
Piij
174 MERCURE
diſcernement fi délicat ;
&
·les
penfees
fi juftes , & les connoiffan
ces fi univerfelles , ou des No.
bles Qualite de voſtre coeur
qui ont parû avec éclat dans
voftre premiere Campagne Vous
vous y estes fait admirer
Monfeigneur , par une ardeur
intrépide , un courage beroïque
une prudence confommée un
Noble fang froid ; Qualisez
qu'on n'acquiert qu'apres une
longue experience , & qui ne fe
trouvent que dans les Cefars ,
les Alexandres les Louis le
G⋅and , uniffant à une fi grande
valeur des manieres auffi No.
GALANT 175
عوم
bles qu'honneftes , auffi pleines
de bonté que de Majesté , qui
vous ayant acquis l'amour
l'eſtime de toute l'Armée fait efperer
aux plus clairs voyans
qu'eftant digne Petit Fils du
plus grand Roy du monde ,
Fils du meilleur Prince de la
terre vous réunirez en voftre
auguste Perſonne la grandeur &
la bonté de l'un de l'autre , &
que vous ferez un jour l'admi¬
ration de l'Univers. Ce font
les voeux , Monfeigneur , de
was tres humbles ferviteurs les
Capucins de la Ville de Melun ,
Depofitaires d'un Convent édi.
P iiij
176 MERCURE
fié par la pieté du Roy Henry
IV entretenu par les charitez
du Roy Louis le fufte , fubfiftans
par les aumônes de Sa Majesté
& de Monfeigneur le Dauphin ,
aufquelles ils efperent de voir
joindre dans peu le charitable ſecours
de vostre protection . Vous
afſurant , Monſeigneur , de prier
jour & nuit , & pour votre
augufte Perfonne , & pour la plus
noble , la plus illuftre , la plus parfaite
, & la plus accomplie des
Epouses , ayant toujours les mains
élevées au Ciel pour vous obtenir
da Seigneur , & à toute voftre
Pofterite , autant de Victoires que
GALANT 177
vous livrerez de Combats ; autant
de gloire que vous avez de
merite , autant de triomphes que.
vous aurez d'ennemis ; & qu'à
l'exemple de nostre grand Mo.
narque , vous obligiez vos enne
mis d'eftre les Artifans de voſtre
gloire , en vous procurant com.
me à Sa Majesté les moyens de
faire connoistre à toute la terre
que vous eftes digne de gouver
ner tout l'univers.
Monfieur l'Electeur de Ba .
viere s'étant emparé de Biberac
aprés avoir fait entrer fes
Troupes dans la ville d'Ul
178 MERCURE
me, je croy que vous ne ferez.
pas fâchée d'aprendre que
Biberach ou Bibach en La
tin Bibacum ou Biberacum eft
une Ville Imperiale , fituée
dans le Pays d'Algou en Süa.
be , elle eft fur le rivage de
la riviere de Ruff. Ses eaux
minerales , qu'on appelle
dans le Pays , les eaux du
Jourdain rendent le Territoi
re fort confiderable . L'Empereur
Othon II. fe plaifoit
fort dans cette Ville , il y a
fait de longs fejours. Il l'avoir
extremement embellie ;
mais elle n'eft pas à préſent à
GALANT 179
beaucoup prés fi belle qu'el
le l'eftoit fous les Empereurs,
de la Maifon de Süabe.
Quelques Hiftoriens parlent
du deuil extraordinaire que
les habitans de cette Ville
porterent à la mort funeſte
du jeune Conradin le dernier
de cette Maiſon Imperiale.
Ils fe couvrirent tous de facs
& de cendre & pafferent
trois jours & trois nuits fans
boire ny manger , dans la
Place Publique , heurlans
comme des chiens.
Je vous envoye une lettre
180 MERCURE
de Munic qui vous fera connoiftre
de quelle maniere
on s'y est réjouy des Conqueftes
de Mr l'Electeur de
Baviere .
Je fuis ravy , mon cher Amy ,
de vous informer des réjoüiſſances
qui fe font faires icy , quand on a
Jçu les progrés de Monfieur l' E.
lecteur. Madame l'Electrice don
na des ordres pour que la joye
fuft generale , & que tout le
monde y prist part. Le Dimanche
24 Septembre fur choift
pour marquer l'allegreffe publi.
que. Comme on avoit commencé
GALANT 181
à rendre des actions publiques
de graces à Dieu , ce jourfur
choisi pour donner un libre cours
à la isye de la Nobieffe & du
peuple de la Baviere. Il y eur des
Feux de ioye dans toute la Ville,
de grandes illuminations , &
des Fontaines de vin qui coulerent
toute la journée , & enfin la
Fefte fut terminée par un repas
magnifique que donna Madame
I Electrice , à la haute Nobleffe ,
& au principaux de la Ville.
Ily avoit fix tables de trente
couverts , qui furent toutes fervies
à cinq fervices chacune. A
la fin du repas ily eat un grand
182 T MERCURE
Bal de Mafques , où il paruc
dix - huit bandes de Mafques
"étrangers d'une magnificence fur.
prenante , & dont la bonne mine
l'agilité extraordinaire ,
Surprirent agreablement l'Affemblée.
Le Balfinit à fix heures du
matin par une fuperbe Collation
portée par cinquante fix Morif.
ques ; elle fut abandonnée au
pillage , après quoy l'on entendit
une décharge de Moufqueterie ,
qui termina la Fefte. Jespere ,
mon cher Amy , avoir bien cost
le plaifir de vous voir ; ie vous
porteray une Traduction Fran .
çoife du fameux Traité de Jure
GALANT 183
Ecclefiafticorum , qui eft fi
rare. Vous en connoiſſez le merite.
Vousfçavezque cet ouvra
ge fut le precurfeur du celebre
Traité Theologique de l'Auteur
qui a tantfait de bruit en Hol
lande dans le dernier fiecle. Feu
Monfieur le Prince eut un jour la
curiofité de voir cet Auteur On
fçait l'amour que ce grand Prin.
ce avoir pour lesgens de Lettres :
il luy fit un prefent confiderable.
C'est àfon Ecole qu'Henaut ( ce
grand Poëte François ) fe pervertit
, mais il fit une fin plus
heureufe que luy . Jamais homme
n'a tant aimé la folitude , il de184
MERCURE
meurois quelquefoisfix mois fans
fortir de chez luy, & il s'estoit
retiré à la Campagne pour eftre
plus à l'abry de Lagiration du
monde On m'a affuré que (on
Tauré del Arc en Ciel n est pas
perdu qu'il y a un Moine à
Aufbourg qui en en a découvert
une Copie On affuroit pourtant
comme vous fçavez , qu'il l'a.
voit brûlé avant fa mort. C'est
un Religieux Auguſtere qui traduir
fon Traité de Jure Ecclefiafticorum
. Adieu , mon cher
Amy , embraſſez noftre Amy
Gedeon , nous efperons que fuivant
Ja loüable coûtume , il écri

GALANT 185

ra à Son Alteſſe Electorale fur
fes progrés. Adieu encore une
fois .
F
La fuite du Journal de
Fontainebleau que je vous
envoye , vous fera connoître
que le Roy ayant prefque
tous les jours monté à Che.
val , ce Prince doit estre dans
une parfaite fanté.
-4
Le Vendredy zo . du mois
de Septembre. Il n'y eut
point de Confeil , Monfeigneur
& Meffeigneurs les
Princes coururent le Loup .
Le Roy fe promena l'apref
dînée en Caleche autour du
е Octobre
1702.
186 MERCURE
M
1
Canal , & dans les belles.
Routes du Parc. Madame la
Ducheffé de Bourgogne alla
feule avec Sa Majefté. Les
Dames de la Cour , de Ma.
dame la Ducheffe de Bour
gogne , fuivoient dans une
autre Caléche de Sa Majesté,
& Madame la Ducheffe du
Lude avec quelques au
tres Dames de la premiere
diftinction , alloient enfuite
dans le grand Caroffe du
Roy , qui eftoit fuivy de ceux
de Madame la Duchefle de
Bourgogne remplis par les
Dames du Palais , & pat quelGALANTA
187
Il le trouva ques
autres.
à cette Promenade
quantité
d'autres
Caroffes
des Princes
, Princeffes
, Seigneurs
,
Dames
& Particuliers
fuivans
la Cour. Le Roy vit en paf
fant fur le Parterre
du Tybre
treize
Chevaux
de Turquie
qu'iltrouva
fort beaux . Monfeigneur
qui eftoit
revenu
de bonne
heure de la Chaf
fe , vint à certe Promenade
avec Madame
la Princeffe
de
Conty
. L'on s'acreſta
quel ,
ques momens
autour
d'un
Baffin
pour voir la Peſche
des Cormorans
. Madame
al
Qij
188 MERCURE
la fe promener dans la Foreft
, & fon Caroffe verfa a
mais heureuſement
elle ne
fut point bleffée. Madame
de Chaftillon qui l'accompagnoit
le fut legerement à
l'épaule & au vifage par une
glace qui fut brifée.
Le Samedy 30. il y cut
le matin Confeil Royal de
Finances , & Chaffe du Cerf
l'apreldînée. Madame y alla
avec Sa Majefté dans fa Caleche
. Monſeigneur & мeffeigneurs
les Princes fe trou
verent les premiers au Rendez
vous . Madame la DuGALANT
189
cheffe de
Bourgogne le pro
mena en Carofle dans le Parc
& dans la Foreft. Les Co
mediens
repreſenterent
le
foir la Tragedie d'Amafis de
Mr de la Grange , Maiftre
d'Hoftel ordinaire de mada.
me, & la Comedie de l'Ecole
des Maris , de Moliere .
Le Dimanche premier
d'Octobre , Monfeigneur le
Duc de Bourgogne & Mon
feigneur le Duc de Berry fi
rent leurs Devotions dans la.
Chapelle des Mathurins . Il
eur le matin Conſeil des mi.
niftres. La Cour devint plus,
y
15
200 MERCURE
groffe par l'arrivée des Mi
niftres Etrangers. Le Roy
alla tirer l'apreſdinée . Mon ,
feigneur & Meffeigneurs les
Princes ne fortirent point.
Madame la Ducheffe de Bour.
gogne le promena en Caroffe
fur les bords du Car
nal , & dans les Routes du
Parc.
Le Lundy 2 : il y eut le ma
tin chez le Roy Confeil des
Miniftres , & Chaffe du Cerf
l'aprefdînée , où madame la
Ducheffe de Bourgogne
n'alla point. Madame y ac
compagna Sa Majesté . Mon.
GALANT 201
feigneur & мeffeigneurs les
Princes s'y trouverent. Ma
-
dame la Ducheffe de Bourgogne
le promena en Caroffe
autour du Canal; & mic
pied à terre au retour fur le
Parterre du Tybre , pour
joindre Monfeigneur le Duc
de Bourgogne qu'elle y trou
va avec lequel elle y fic quel
ques tours . Les Comediens
repreſenterent le foir la Comedie
de Dom Japhet d'Armenie
. Les Allards , fameux
Sauteurs, firent enfuite quelques
Scenes Italiennes muettes
, accompagnées de Saults
202 MERCURE
furprenans , qu'ils avoient
concertées.
Le Mardy 3. il y eut le matin
chez le Roy Confeil
Royal de Finances. Monfei,
gneur alla dés le matin à la
chaffe du Loup. Monfeigneur
le Duc de Bourgogne , мonfeigneur
le Duc de Berry &
Monfieur le Duc d'Orleans
coururent le Cerf avec les
chiens de Monfieur le Duc
d'Orleans . Il y eut grande
Toilette chez Madame la Ducheffe
de Bourgogne , où la
Cour fut groffe , & le cercle
des Dames nombreux. Le
Roy
GALANT 203
Roy alla tirer l'aprefdînée , &
Madame la Ducheffe de
Bourgogne fe promena fur
les bords du canal , & enfuite
alla dans la Foreft du cofté
de Franchard dans une Caleche
découverte qu'elle conduifit
elle mefme.
Le mercredy 4 il y eut le
matin chez le Roy Confeil
des Miniftres , & chaffe du
Cerfl'aprefdînée , où мadame
alla avec le Roy. Monfeigneur
le Duc de Bourgogne
& Monfieur le Duc d'Orleans
furent de la partie.
Madame la Ducheffe de
Octobre 1702. R
204 MERCURE
Bourgogne fe promena en
caroffe dans le Parc , & alla
enfuite au devant du Roy
dans le vieux chemin de Pa.
ris , au retour de la chaffe ,
qui fe paffa du coſté de la
Boiffiere.
Mr de Melac arriva & falüa
Roy à fon retour de la Chaffe ,
& Mr le Comte de Ponchar.
train apporta à Sa majeſté la
nouvelle de l'arrivée de Mr
de Chasteaurenaud , & de la
Flote de la Nouvelle Espagne
dans le Port de Vigo en Ga.
lice.
Le Jeudy s . il y eut le
GALANT 205
matin chez le Roy Confeil
des Miniftres. Sa Majefté
alla tirer l'aprefdînée. Monfeigneur
le Duc de Berry y
alla auffi d'un autre cofté.
Monfeigneur le promena en
caroffe avec Madame la
Princeffe de Conty dans la Foreft,
& fur les bords du Canal.
Madame la Ducheffe de Bourgogne
ne fortit point. Les
Comediens reprefenterent le
foir la Tragedie de Phædre
de мr Racine , & enfuite la
Comedie de George Dandin
de Moliere . Il arriva un Courier
de Mr de Villars , qui
Rij
206 MERCURE
informoit le Roy de fon
Paffage du Rhin à Huningue,
de la conftruction du Pont
qu'il avoit fait fur cette Riviere
, & de la Retraite des
Ennemis qu'il avoit attaquez
& chaffez de leurs Retranchemens
.
Le Vendredy 6. il n'y eut
point de Confeil. Le Royalla
à la chaffe du Loup l'apref.
dînée , Monſeigneur , Monfeigneur
le Duc de Bourgo
gne , Monfeigneur le Duc
de Berry , Madame & Mon-
Teur le Duc d'Orleans s'y
rouverent ; Madame la DuGALANT
207
Mada.
cheffe de Bourgogne en habit
d'Amazone alla avec le
Roy dans fa Caleche . Madame
la Comteffe d'Eftrées &
Madame la Marquise de Mau
levrier avec de femblables
habits ; y allerent auffi dans
une autre Caleche.
me la Ducheffe de Bourgo ·
gne donna le foir un repas ou
retour de chaffe dans l'Ap .
partement de Madame de
Maintenon à Monfeigneur le
Duc de Bourgogne & aux Da .
mes . Madame courut en Ca.
leche ainfi qu'aux autres
Chaffes :
R iij
208 MERCURE
Le Samedy 7 il y eut le
matin Confeil Royal de Finances
, & chaffe du Cerf
l'apreſdînée ", qui fe paffa
comme les precedentes.
Monfeigneur & Madame ,
Mademoiſelle d'Elbeuf , &
Madame la Comteffe d'Ef
trées en Amazones . La
chaffe fut belle , & l'on prit
deux Cerfs. Les Comediens
reprefenterent le foir la Co.
medie du Geolier de foymefme
de Mr de Corneille le
jeune . :
Le Dimanche 8. il y eut le
matin Confeil des Miniftres.
GALANT 209
Confeil
Le Roy donna à Mr Pelletier
de Souzy la place de Con .
feiller d'Eftat du
Royal des Finances , vacante
par la mort de M' de Pom ..
mereu. Il fit M¹ du Gué Bagnols
Confeiller d'Eftat ordinaire
, & Mr du Bois cy de
vant Prevost des marchands ,
& Procureur General de la
Cour des Aides , fut fait Confeiller
d'Etat de Semeftre . Le
Roy alla tirer l'apreldinée .
Monfeigneur le promena en
caroffe dans le Parc avec
Madame la princeffe de Conty
, & Madame la Ducheffe
R iiij
210 MERCURE
#
de Bourgogne s'y promena
auffi avec les Dames . Cabd
Le Lundy 9. il y eut le
matin chez le Roy Confeil
d'Etat , & Chaffe du Cerf
l'apréldînée. Madame la
Ducheffe de Bourgogne vêtuë
en Amazone y alla avec
le Roy. Madame fut auffi
de cette Chaffe .
gneur , & Meffeigneurs les
Princes fe trouverent au ren .
dez vous . Madame la Com¬
teffe d'Eftrées & Madame la
Marquise de Maulevrier y pa
rurent avec des habits fem
blables à celuy de Madame
Monfei
GALANT 211
la Ducheffe de
Bourgogne .
Les Comediens
repréſente
rent le foir la Tragédie d'Andromaque
de мr de Racine ,
& le medecin malgré luy de
Moliere Le tetour de Chaf
fe que donna fur les fept heures
Monſeigneur
le Duc de
Bourgogne
à Madame la Du
cheffe de Bourgogne & à plu .
fieurs Dames , les empêcha
d'affifter à la Comédie. Mr
l'Ambaffadeur
d'Eſpagne reçeut
ce jour là un Courier de
de Madrid par lequel la Reine
d'Espagne luy ordonnoit
d'informer le Roy que les
212 MERCURE
Anglois & les Hollandois
ayant renoncé à leur entreprife
fur Cadiz , s'étoient
rembarquez le 27. de Septem .
bre , & que la Flote de la
nouvelle Espagne fous l'ef
corte de Mr. le Comte de
Chafteaurenaud , eftoit ar
rivée au Port de Vigo en
Galice où elle eftoit en
féureté.
y eut le
Le Mardy to. il
matin chez le Roy Confeil
Royal de Finances , Monſeigneur
courut le Loup , Monfeigneur
le Duc de Bourgogne
, & мonfeigneur le Duc
GALANT 213.
de Berry allerent tuer des
Sangliers. Le Roy alla tirer.
aprés fon diner , Madame la
Ducheffe de Bourgogne fe
promena dan sle Parc & dans
la Foreft dans une Calêche
découverte qu'elle conduifit
elle même.
ou
Le мecredy 11. il y eut le
matin chez le Roy , Confeil
des minifttes , & l'aprefdî.
née Chaffe du Gerf
Monfeigneur , Meffeigneurs
les Princes , Madame la Ducheffe
de Bourgogne , mada-
& les jeunes Dames
me ,
Amazonnes
accompagne
214 MERCURE
1
rent Sa Majesté. Monfeigneur
donna fur les fix heures
un retour de Chaffe dans
fon apartement , où le trouverent
Monseigneur le Duc
de Bourgogne Madame la
Ducheffe de Bourgogne
Monfeigneur le Duc de Berry
, & beaucoup de Dames
.
Le Jeudy 12. il y eut le
matin chez le Roy Conſeil
d'Etat & promenade en
Calêches & en Caroffes l'aprefdînée.
Madame Ja Ducheffe
de Bourgogne alla feule
dans la Calêche du Roy.
GALANT 215
Le cortege des Caroffes fut
fort nombreux
. L'on fit.plufieurs
tours fur les bords du
Canal , & dans les routes du
Parc , & l'on vit la pêché des
*
Les Comela
Cormorants.
diens repréſenterent le foir
Comedie de l'Avare
de Moliere , & les Allards
firent enfuite de leur
mieux.
Le Vendredy 13. il n'y eut
point le matin de Confeil
chez le Roy. L'apreldînée
il y eut Chaffe du loup , où
Monfeigneur , Meffeigneurs .
les Princes , Madame la Du216
MERCURE
cheffe de Bourgogne , мadame
, & les jeunes Amazones
, accompagnerent
Sa
Majefté,
ས་
Madame la Du .
cheffe de Bourgogne fe pro .
mena au retour à pied fur le
Parterre du Tybre . Le Roy
reçout ce jour là un Courrier
de мr de Tallard .
Le Samedy 14 il y eut le
matin chez le Roy Confeil
Royal des Finances , & chaf
le du Cerf l'apreldinée , elle
ſe paſſa comme la chaſſe du
Loup du jour précedent. mademoiſelle
de Noailles augmenta
le nombre des jeunes
GALANT 217
Amazones de la fuite de Madame
la Ducheffe de Bourgo.
gne. Les Comediens reprefenterent
le foir la Tragedie
d'Alcibiade de M' de Capif.
tron , & la Comedie des Plai .
deurs de Mr de Racine.
Le Dimanche 15. ily eut le
matin chez le Roy Conſeil
de Miniftres. Monseigneur
Monſeigneur le Duc de Bourgogne
, Madame la Ducheffe
de Bourgogne , Monfeigneur
le Duc de Berry , & pluſieurs
Dames dînerent chez Madame
la Princeffe de Conty ,
& y refterent toute l'aprél
218 MERCURE
dînée. Le Roy alla tirer. II
arriva ce jour là un Courrier
de Mr de Villars , qui faifoit
fçavoir au Roy , qu'on s'étoit
emparé par les ordres de la
petite Ville de Neubourg ,
de l'autre cofté du Rhin ,
qu'il y faifoit conſtruire un
Pont , & que мr de Guiſcard
y devoit paffer avec fon dé
tachement .
Le Lundy 16. il y eut chez
le Roy Confeil de Miniftres
à trois heures aprés midy
Monſeigneur , Monſeigneur
le Duc de Bourgogne , Monfeigneur
le Duc de Berry , &
<
GALANT 219
Monfieur le Duc d'Orleans ,
coururent le Loup. Madame
la Ducheffe de Bourgogne
alla au Salut aux Baffes Loges ,
à caufe de l'Octave de la
Fefte de Sainte Thereſe . Les
Comediens repreſenterent le
foir la Comedie du Tartuffe
de Moliere , & les Allards
donnerent enfuire un nou .
veau divertiffement.
Le Mardy 17. il y eut le
matin chez le Roy Confeit
Royal de Finances . Le Comté
de Choifeul arriva en poste à
midy & un quart , & appor,
ta la nouvelle de la Victoire
Octobre
1702.
S
220 MERCURE
remportée en Allemagne le
14. par l'Armée du Roy ,
commandée
par мr le Marquis
de Villars , fur le Prince
Louis de Bade , General des
Troupes Imperiales , & dé
celles des Cercles. Il y eut
chafle du Cerf l'apréfdinée
,
où Monſeigneur , Monleigneur
le Duc de Bourgogne ,
Madame la Ducheffe de
Bourgogne , Monfeigneur le
Duc de Berry , Madame ;
Monfieur le Duc d'Orleans ,
& les jeunes Amazones ac.
compagnerent Sa Majesté.
Le Mercredy 18. Mr le Com
GALANT 221
te d'Ayen arriva en poſte à
dix heures du matin , & apporta
le détail de la Victoire
de l'Armée du Roy en Alle
magne , & les Drapeaux &
Etendarts pris fur les Ennemis
en cette occaſion . Mon.
feigneur courut le Loup.
Monfeigneur le Duc de
Bourgogne & Monſeigneur
le Duc de Berry allerent tuer
des Sangliers. Madame la
Ducheffe de Bourgogne
monta dans une Calêche dé
couverte avec plufieurs de
fes Damés à ronze heures &
demie , & s'alla promener
Sij
232 MERCURE
dans la Foreft jufqu'à cinq
heures du foir. Elle donna
un retour de chaffe à fix
heures à Monfeigneur le Duc
de Bourgogne , à Monſei
gneur le Duc de Berry , & à
fes Dames , dans l'Apparte
ment de Madame de Maintenon
.
Le Jeudy 19. Mr le Duc de
Baños , Grand d'Eſpagne falua
le Roy , aprés le lever de
Sa Majesté . Il y eut le matin
chez le Roy Confeil de Miniftres.
Madame la Duchef.
le du Lude donna à diſner à
Monſeigneur , à Madame la
GALANT 223
&
Ducheffe de Bourgogne , &
à Madame la Princeffe de
de Conty. Plufieurs Dames
y furent invitées. Le Roy
alla tirer l'apreldînée
Monfeigneur fe promena
avec les Dames en Caroffe
fur les bords du Canal , &
dans les routes du Parc. Les
Comediens reprefentérent
le
foir la Tragedie de Rodogune
de мr de Corneille l'aîné , &
l'aprés- Soupé des Auberges
du fieur Poiffon .
Le Vendredy 20. Il n'y eut
point le matin de Confeil
chez le Roy, Monſeigneur ,
224 MERCURE
Monfeigneur le Duc de Bourgogne
, & Monfeigneur le
Duc de Berry , coururent le
Loup. Il y eut grande Toilette
chez Madame la Ducheffe
de Bourgogne . Mr le
Duc de Baños eut l'honneur
de la faluer à fon retour de
Flandres , avant que d'aller en
Espagne. Le Roy alla tirer
l'apreſdinée. Madame la Ducheffe
de Bourgogne
fe promena
à pied dans l'Allée
Royale , puis elle monta en
Caroffe & fic quelques cours
aux bords du Canal.
"
GALANT 225
Vous trouverez à la fin
de ma Lettre , la fuite de ce
Journal.
Les Vers qui fuivent ne
peuvent manquer de vous
plaire , ils font faits fur un
jeune Seigneur qui fait les
délices de tous ceux qui le
connoiffent
compoſez par un des hommes
du monde qui fait le
mieux des Vers . Vous n'en
& ont efte
pouvez douter puifqu'ils font
de Mr de Senecé premier
Valet de Chambre de la
Reine.
156 MERCURE
SUR UNE BLESSURE
DE M LE COMTE
DE NOAILLES.
STANCES.
A Mort aux bords au Rhin vit
lejeune NOAILLES :
Elle crut qu'Adonis eftoit reffufcité ,
Et pourfaire fa Cour au Démon des
Batailles ,
Voulut , fur nouveaux frais , luy
ravir la clarté.
S
Elle a mille moyens de nuire ; & la
perfide
Suborne pour ce crime un lache Avanturier
:
Le
GALANT 127
Le couppart, le plomb vole , & la
bale homicide
Frappe au travers dufront l'intrepide
Guerrier,
S
La peur au même inftant de l'Affallin
s'empare
Flus pale , plus tremblant que l'Il
luftre Bleffé
Il luy tourne le dos . Le Rhin , qui
L'en fepare
A fa jufte frayeur ne paroift qu'un
foffe.
2.
NOAILLES cependant tombe fur
le rivage
Que fon genereux Sangfait changer
de couleur :
La Terre qu'il rougit , s'en promet
l'avantage
Octobre 1702 .
T
218 MERCURE
De voir naitre en fon fein quelque
nouvelle Fleur.
Quel trouble pour d'Ayen ! Quelle
douleur amere !
Que fervit à fon coeur en ce preffant
danger
Sa tendreffe , impuiſſante à fecourir
fon Frere ,
Son courage , inutile à pouvoir le
vanger.
2
Et les Graces en pleurs , & la Muse
interdite
Vingt nuits à fon chevet ont veillé
triftement ;
Jamais
pour ranimer
le charmant
Hippolite
,
Efculape
ne fut prié fi tendre.
ment.
$
GALANT 229
L'appareil defa cure émouvoit les
entrailles
,
Le Dieu qui l'ordonnoit avoit le
coeur ferré :
Mais quand les Immortels gemiffoient
pour NoAILLES ,
Luy feul , fouffroit fes maux d'un
vifage affuré,
2
Graces ; confolez - vous : Muſe ,
chantez victoire :
Vos voeux touchent le Ciel ; l'Arreft
eft revoqué :
Mars confent à fouffrir un Rival de
fa gloire ,
Et la Mort s'applaudit du coup
qu'elle a manqué.
Les Articles qui fuivent
regardent la mort de quel-
Tij
230 MERCURE
ques Perfonnes
de diftinc .
tion decedées
au commencement
du mois d'Octobre
.
Vous trouverez
des faits tres
curieux dans plufieurs de ces
Articles .
Dame Marie Françoise
de Coucy , veuve de Meffire
Charles Comte d'Apremont.
La Maiſon de Coucy
tire fon nom de la Terre de
Coucy en Picardie . Le plus
ancien dont on ait connoiffance
, eft Dreux de Coucy,
vivant en 1035 Il eut trois
fils , dont le dernier Thomas
Sieur de Vervins fut l'Au
GALANT
231
teur du Livre intitulé la Loy
de Vervins. Enguerrand T.
l'ailné continua la lignée , &
cut Thomas pere d'Engue.
rand II. qui épousa à cauſe
de fes belles actions la Fille
d'un Roy d'Ecoffe , dont il eut
Raoul ce fameux Guerrier , &
cer excellent Poëte qui fit tant
parler de luy fous le Regne
de Philippe Augufte , autant
par les Exploits que par les
Vers qu'il fit pour la Dame
de Fayet qu'il aimoit , & à
laquelle il ordonna à fon
Ecuyer de porter fon coeur
lors qu'il fut bleffé au Siege
Tiij
23 MERCURE
d'Acre l'an 1191. On fçair,
que le mary de cette Dame
ayant découvert la chofe
le luy fit manger dans un
Ragouft , & que l'ayant ap-.
pris quelque temps aprés,elle
le laiffa mourir de faim . Cette
Maiſon a donné de grands
Prelats aux Eglifes de Mets,
de Noyon , de Laon , & d'Amiens
. Vous avez ouy parler
de l'Hiftoire de cet Enguer ,
rand de Coucy , qui fir pendre
trois jeunes Gentilshom ,
mes qui fe divertiffoient à
tirer de l'Arc dans fon Parc.
Saint Louis qui regnoit alors,
GALANT 233
luy voulut faire le mefme
traitement qu'il avoit fait à
ces jeunes gens ; mais il
en fut empefché par les
autres Seigneurs de Coucy,
qui en ce temps là eftoient
d'une grande confideration
en France.
Il y a une Maiſon de
Coucy dans la Province de
Breffe , que quelques Auteurs
ont crû fortir d'un
mefme Tronc que celle dont
nous venons de parler. Les
Hiftoriens qui ont écrit de
cette derniere , luy ont don
né une antiquité qu'ils ne
Tiiij
234 MERCURE
feroient pas peu embaraffez
de juftifier par titres . Ils la
font defcendre de ce fameux
Chevalier Romain , Aulus
Cornelius Ceffus , qui défir
Je Roy Tominius ennemi des
Romains , l'an 73 après l'ex
pulfion des Rois de Rome ,
& plus de quatre fiecles a
vant la Naiflance du Reparateur
des Hommes .
cheron eft affez porté à croire
que ceux cy fortent des
Coucis de Picardie. Quoy
qu'il en foit , ceux de Breffe
fous le nom de Chasteauvieux
ont fort brillé au :
"}
Gui
·
GALANT | 235.
trefois dans cette Provin .
ce
On fçait affez combien
la Maifon d'Apremont eft
illuftrée en Lorraine. Elle
va de pair avec les Lenon :
cour , les d'Harraucour , &
autres de ce rang là .
Monfieur Olier Avocat
General du Grand Confeil
eft mort âgé de vingt huit
ans . Cette Famille a donné
naiffance au celebre Jacques
Olier Instituteur du Seminaire
de Saint Sulpice . Le
merite & les fervices que ce
grand ferviteur de Dieu a
236 MERCURE
-P
rendus à l'Eglife , ne doivent
jamais eftre effacez de la me.
moire des hommes. Sans
entrer dans un grand détail
de ſes actions particulieres ,
il fuffit de dire qu'il fit des
establiſſemens de pieté dans
prefque toutes les Provinces
du Royaume , & qu'il defri
cha la vigne du Seigneur,
dans le Velay & dans le Vivarez
, où fon culte eftoit
prefque aboly. Il envoya
quelques Ecclefiaftiques à
Montreal dans la Nou
velle France. Il mourut com .
me il avoit vécu en 1657.
s
GALANT 237
âgé de quarante huit ans &
demy. Le Pere de Mr Olier
eftoit Confeiller au Grand
Confeil, & fon grand Pere,
Grand Audiancier de Fran-
´ce.
-
Meffire Jean François.
Joly , Seigneur de Fleury la
Mouffe, & autres lieux , Con
feiller de la Grande Chambre.
Il laiffe entr'autres enfans
de feuë Dame Magdelaine
Talon , foeur du fameux
Preſident de ce nom,
Meffire Omer Jofeph Joly
de Fleury , Avocat General
au Parlement & Meffire
238 MERCURE
Guillaume François Joly de
Fleury Avocat General de la
Cour des Aides. Celuy qui
vient de mourir eftoit fils de
Meffire N ........ de Joly,
Confeiller au Grand Confeil,
& de Dame N ... de Bourlon ,
foeur de Madame de Fonte.
nois Il y a eu un Evelque
de Soiffons de la Maifon de
Bourlon. Cette Dame eftoit
auffi foeur de Meffieurs de
Bourlon , Officiers en la
Chambre des Comptes , &
Mr Joly qui vient de mou
rir avoit une foeur qui avoit
éponfé feu Mr de Soudé ,
GALANT 239
Maitre des Comptes , &
frere de Mr le Chevalier de
Soudé , Commandeur
de
Mets. La maifon de Joly cft
noble & ancienne . Elle eft
fortie du Parlement de Dijon
où elle a poffedé les premie
res Charges , & où elle eft
alliée aux Brulards , aux la
Berchere , aux Berbily & au .
tres Maiſons illuftres de ce
Parlement . La mere de Mr
l'Archevefque
d Alby eftoir
Joly , & foeur de pere de M
de Blanzy , Prefident en la
Chambre des Comptes de
de Paris , & proche parent
240 MERCURE
de mrs de Fleury. Celuy qui
vient de mourir a toûjours
efté le modele d'un bon &
parfair Magiftrar .
Meffire Claude de Bauffan,
Chevalier Seigneur de Ri
chegros , Confeiller du Roy
en les Confeils , & Maiftre
des Requeftes de ton Hoftel :
Il ne laiffe point de pofterité
de feuë Dame Magdelaine
le Boiftel d'une Famille
confiderable , dont eft
Mr l'Abbé de Boiftel qui
demeure au Seminaire de
S. Magloire , où il vit dans
une pratique rigoureufe des
GALANT 241
vertus de fon état , & dont le
zele & l'exactitude dans les
fonctions de ſon miniftere ,
font d'une grande édification.
Il a une Abbaye dont
les Pauvres joüiffent plus que
luy.
Mr de Bauffan avoit un
frere Confeiller à la Cour
des Aides . Leur Maiſon a
toûjours tenu un rang dif
tingué à Paris , où elle a eu
des Emplois importans. La
mere de ces Mrs eftoit pa
rente de Mrs le Tellier , &
le Chancelier de ce nom
avoit une fi grande affec .
242 MERCURE
tion pour cette Dame ,& une fi
grande confiance enelle , qu'il
a fouvent fait en la faveur
des demarches qu'on ne
fait d'ordinaire que pour des
parens & amis d'une lagef
fe éprouvée. Celuy qui vient
de mourir avoit un merite
generalement reconnu , &
& la reputation d'un bon мagiftrar.
F
Dame Elifabeth Poirel de
Grandval , Epoufe de Meffire
Jean du Fort , Confeiller du
Roy & Maître ordinaire en fa
Chambre des Compies. C'etoit
une Dame d'un grand me;
GALANT 143
rite & d'une grande vertu , caracteres
qui femblent effen .
ciels à ceux de cette Famille ,
puifque Mr Poirel de Granval ,
l'un des Fermiers Generaux a
toujours fait voir une grande
moderation dans des emplois
où la fortune & les honneurs
femblent vouloir à l'envy
combler ceux qui les poffe.
dent. Mr du Fort eft d'une
Maiſon fort connuë , & qui
fait une affez belle figure . L'e-
Atime que ce Magiftrat s'eft
acquis dans la Chambre des
Compres luy doit tenir lieu
d'éloge . Jamais on n'a fait
Octobre 1702 .
V
244 MERCURE
voir une plus grande exactitude
pour les devoirs de fon
eftat , & un esprit plus propre
pour les fonctions de la
Magiftrature. Heureux qui
poffede fi bien les talens de
fon Etat.
Dame Catherine Lefné ,
Veuve de Mr Michel Bou
vard , Chevalier , Seigneur
de Fourqueux. Elle eftoit
Soeur de Madame de Pommereu
. Veuve du Confeiller
d'Etat qui vient de mourir ,
& Mere de Mr Bouvard de
Fourqueux , qui a eſté Confeiler
au Parlement , eft à
GALANT 245
prefent Procureur General
de la Chambre des Comptes
à la place de Mr Rouillé du
Coudray , Directeur general
des Finances , dont il a épon
fé la Soeur . Elle laiffe auff
une Fille mariée à Mr de
Monthulé , Conſeiller au Parlement.
Monfieur de Montauban ,
mort en Italie où il commandoit
un Regiment de Cavalerie
eftoit d'une ancienne
Maiſon de Dauphiné fortie
de la même ſouche que Meffieurs
de la Tour de Gouver
net. Il y a eu de certe mai-
V ij
246 MERCURE
fon de Montauban un homme
d'une grande diſtinction ,
& qui a efté Lieutenant de
Roy en Franche - Comté.
L'obftination de cette Famille
à refter dans l'Herefie
dont elle avoit fuccé le ve..
nin avec le lait , a caufé le
malheur & la fuite d'une partie
de ceux de cette Mailen .
Une Dame Veuve d'un Seigneur
de Montauban , s'eſt
remariée depuis quelques an
nées avec Mr Milleror , hom.
me d'efprit & d'une tres
agréable focieté. мr de montauban
Exempt des Gardes
GALANT 247
du Corps à eu la permiffion
de vendre ce Regiment , &
le Roy luy a donné un Brever
de Colonel,
Pendant que les uns meu
rent les autres cherchent les
moyens de divertir ceux qui
aiment à joüir de la vie . Il a
parâ à Fontainebleau avant le
départ de la Cour, un nouveau
Comedien ; il a joué Pirrhus
dans la Tragedie d'Andromaque
& les applaudiffemens
qu'il a reçus ont parlé
pour luy , car il eftoit queftion
de diffiputer une Place
d'Acteur : Cependant com248
MERCURE
me on ne luy a pas trouvé
tous les agrémens neceffai .
res à un Comedien , non pas
du cofté de fon jeu , mais
du cofté de fa perfonne , &
qu'il a crû que le choix qu'on
devoit faire pouvoit balancer
entre fes Rivaux & luy,
il a plaidé la cauſe aupres de
Monſeigneur en luy adref
fant les Vers fuivans : il eſt
neceffaire de fçavoir pour
F'intelligence de ces Vers
que ce Comedien vient de
Pologne.
GALANT 249
A MONSEIGNEUR.
Ma taille , j'en conviens , n'eft
nyhaute nybelle ,
Mes Rivaux ,font ravis qu'on
me la trouve telle ;
Mais grand Prince aprés tout
ce n'eft pas la le fait.
Recevoir le meilleur est dit on
voftre envie ,
Et je neferois pas venu de Var-
Jovie ,
Si vous aviez promis de prendre
le mieux fait.
L'efprit a ſecondé , le bon
250 MERCURE
jeu de l'Acteur , & ils ont
gagné leur Procez contre
fa raille , de manière qu'il a
efté reçû dans la Troupe.
Ce Comedien fe nomme le
Grand.
Pendant que plufieurs
cherchent à divertir d'autres
travaillent à infpirer les
moyens de faire Penitence .
On vend chez Mr d'Houry
Libraire rue Saint Severin au
Saint Esprit , vis à vis la ruë .
Zacharie , un livre intitulé le
Modelle des Penitens , ou Para.
phrafe nouvelle , en Vers Fran
çois des Sept Pfeaumes de la Pe
nitence
GALANT. 251
nitence avec des Reflexions
Chreftiennes fur chaque Verfer ,
&une Priere à la fin de chaque
Pfeaume dedié au Roy Le tout
de la compofition de Mr Mau.
gard de Troyes.
Ces Reflexions , cette Verfion,
& ces Prieres font fitouchantes
qu'on ne peut fe laf
fer de les lire tout y eft
remply d'une fainte Onction
qui plaît & qui inftruit en mê
metemps. L'Auteurya ajoûté
une Paraphraſe enVers Latins
d'un ftile Elegiarque, dont la
doucear imite celle des Vers
de Tibulle : Elle eft fuivie
Octobre 1702
. X
252 MERCURE
d'une autre Paraphrafe fur
l'Exaudiat , adreffée au Roy
d'Elpagne. Cetre Traduction
eft fi belle , & convient fi
jufte au temps , qu'il femble
que le Prophere ait voulu
marquer dans ce Pleaume ce
qui fe paffe aujourd'huy .
Vous demeurerez d'accord
des louanges que je donne à
cet Ouvrage , en lifant l'Approbation
fuivante : Elle a
efté donnée par M' Savard ,
Docteur en Theologie.
Fay lú avecplaifir ce Ma.
nuferit , dont les Reflexions , la
Verfion , & les Prieres , m'ont
·
GALANT 253
paris fi belles , & fi touchantes ,
que bien loin de luy refuſer mon
Approbation ; je l'ay jugé au
contraire tres digne pour le faluc
des Ames & l'utilité du Public,
d'eftre mis en lumiere.
Vous avez fçu que la Flote
des Indes , ou de la nouvelle
Eſpagne , car cette Flote
n'eft connuë que fous ces
deux noms , & ceux qui la
confondent avec les Galions,
ignorent que ce font deux
Flotes qui ont differens
noms , & qui ne viennent
pas la même année ; vous
X ij
254 MERCURE
>
avec fçu , dis- je , que la Flote
de la nouvelle Elpagne eft
arrivée à Vigo, dans le Royau
me de Galice. Ce Port & le
Cap de Finisterre font fort
connus à caufe du grand
nombre de Vaiffeaux qui y
abordent. C'eft dans ces endroits
qu'on voit la fource de
la fameuse Riviere de Lima ,
connoë autrefois fous le nom
de Lethé , c'est à dire , Oubly.
Cette Riviere paffe de là dans
le Portugal ; Compostelle eft
la Capitale de Galice . Elle eft
fort celebre par les Pelerinages
qui s'y font de toutes les
GALANT 255
parties de la terre. La Corona
, Oronſe , Mondonedo ,
Lugo & Tuy , qui eft la Ville
où mourut le Patron des
Mariniers , Saint Elme , &
non pas Saint Telme , comme
l'écrivent nos Compila,
teurs , font les Villes Epifcopales
de Galice. Les Sueves
furent les Fondateurs de ce
Royaume en 409. Il dura
174. & le dernier Roy en fut
depoüillé par le Tiran Andece
, lequel le fut à son tour
par Levigilde , Roy des Viſi
gots , qui joignit ce Pays à
fes Etats. Cent vingt huit
2
X iij
256 MERCURE
ans aprés cette conquefte ;
les Maures foumirent ce mê .
me Pays , avec le refte de
l'Eſpagne . Il a fouvent fait
l'appanage des Puifnez , foit
fous les Princes Maures , foit
fous les Rois d'Espagne.
On eut nouvelle à Madrid:
avant que la Flote fuft arri
vée à Vigo , qu'un Bâtiment
de cette Flote tres richement
chargé , avoit abordé à San-
Lucar , ayant efté ſeparé des
autres en deçà du Canal. On
apprit peu de temps aprés
l'arrivée de la Flote entiere
dans le Port de Vigo , à la
GALANT 257
referve du Bâtiment qui eftoit
à San Lucar , & de quatre
autres Bâtimens qui avoient
relâché au Port de Saint Ander
en Biscaye . Cette nouvelle
donna d'autant plus de
joye qu'on ne douta point
que cette riche Flote ne fuft
en fureté , M Renaud ayant
depuis peu fait travailler aux
Fortifications de ce Port. On
fçut en même temps que
M de Chasteaurenaud fe
mettoit en eftat de deffenſe ,
& qu'ayant vingt trois Vaiffeaux
, il en avoit fait débar
quer une partie de l'Artil.
X iiij.
258 MERCURE
མའ་
lerie pour deffendre le Port.
Ce Vice -Amiral dépêcha en
même temps au Roy M'le
Marquis de Chasteaurenaud ,
fon Neveu , pour apprendre
à Sa Majefte , l'arrivée de la
Flote ; mais ayant efté ar
refté vingt & un jour par les
vents contraires , on n'a pû
apprendre icy cette nouvelle
que par Madrid , & l'on a fçu
par la même voye que cette
Flote eft des plus riches qui
foit venue depuis un grand
nombre d'années , le retar
dement n'ayant fervi qu'à
faire groffir la charge . On ap
GALANT
259.
prit peu de temps aprés que
la Flote avoit efté déchargée,
& que les effets avoient efté
portez à plus de trente lieuës
dans les terres . Comme l'EL
pagne les doit à la France ,
que le Roy a envoyé deux
grandes Flotes de fuite pour
les amener & les garentir du
peril d'eftre enlevez , ce qui
ne s'eft pû faire fans une
grande dépenfe ; il fembloit
que ce Prince duft faire conduire
cette Flote dans un des
Ports de France , & il y avoit
d'autant plus lieu de le croire ,
que les Ennemis eftant de260
MERCURE
vant Cadiz , on n'y pouvoit
débarquer toutes ces richelfes
, fuivant l'ufage ordinaire.
La maniere genereufe
dont le Roy en a uſé en cette
occafion à tellement redoublé
la confiance , l'eftime , &
l'amour que les Espagnols
avoient déja pour ce Monarque
, qu'il feroit dificile qu'il
y puffent rien ajouter. Ce
qui excite préfentement la
curiofité , & qui donne de
l'inquietude aux Anglois , &
aux Hollandois , eſt de fçavoir
de quelle maniere on
en ufera touchant les effets
GALANT 261
que les Négotians de ces
deux Nations ont fur la Flote.
Tout ce qui leur apar
tient eft fous le nom des Négotians
d'Espagne , & la fi .
delité des Negotians de cet.
te Nation a toujours efté inviolable
, les François avoient
beaucoup d'effets fur les Flo
tes d'Espagne , pendant la
derniere guerre , & quelque
haine que les Espagnols cuf
fent pour eux , ils leur ont
toujours gardé tres religieu .
fement le fecret : il s'agit
aujourd'huy de le garder aux
Anglois & aux Hollandois
262 MERCURE
qui ont des effets fur la Flote
qui vient d'arriver ; mais

quoy que leur fidelité ait
jufqu'icy efté à l'épreuve , on
doute qu'ils en doivent avoir
pour ceux qui en ont uſé
avec eux , non pas comme
des Ennemis
, mais comme
les plus cruels & les plus im.
placables
Barbares , & qui
fçachant la vivacité de leur
Foy , & combien ils font attachez
à leur Religion
, l'ont
fe femble tournée
en deri
fion & abattu leurs Autels
avec d'autant
plus de plai
fit qu'ils fçavoient
qu'ils fe :
GALANT 263
roient plus fenfibles à ces
coups qu'à tous ceux qu'ils
pourroient leur porter.
Quoy que ce fait foit d'autant
plus confiderable qu'il
n'y a rien qui touche davan .
tage , & qui mérite plus d'attention
que ce qui regarde
la Religion , il s'en trouve
un autre qui regarde directement
l'affaire dont il s'agit ,
& qui juftifiroit les Négotians
Eſpagnols quand ils
manqueroient à leur parole ,
puifqu'ils ne feroient que
rendre, infidelité pour infi :
delité
264 MERCURE
Mr le Marquis de Villadarias
, & мr le Duc d'Or
mond eftoient convenus d'é .
Mr de Villachanger
les Prifonniers faits
devant Cadiz.
darias en envoya foixante ,
avec un Trompette à мr le
Duc d'Ormond , avant qu'il
s'embarquaft , & ce dernier
nonobftant les paroles données
, loin de renvoyer ceux
qu'il avoit , a mefme retenu
le Trompette. C'est rencherir
fur l'infidelité , & violer
les Loix de la Guerre d'une
maniere dont on n'a point
encore oüy dire , qu'il y ait
GALANT 265
eu d'exemple , & l'on voit
qu'en cette occafion , les
Anglois , & les Hollandois
ont cherché à rencherir (ur
l'infidelité, & ont traité les Ef
pagnols , avec autant d'indignité,
que de cruauté,de forte
qu'il paroift que ceux d'entr'-
eux qui leur tiendroient la parole
, qu'ils leur ont toûjours
gardée inviolablement, commettroient
un crime envers
leur Patrie , puis qu'ils la peuvent
vanger , fans meriter de
blâme , & fans avoir rien à
fe reprocher , les Anglois
& les Hollandois leur ayant
266 MERCURE
2N
montré l'exemple en man .
" quant les premiers à leur
parole , & les ayant par là
dégagez de celle qu'ils leur
ont donnée ; ils rendront fer.
vice au Roy & à l'Etat , puiſ.
que les fommes qu'ils decouvriront
ferviront à défendre
leur Patrie & leur Reli.
gion , contre des ennemis
qui ne cherchent qu'à détruire
l'une & l'autre , qui ont
détruit leurs Autels , qui ont
abbatu leurs Saints ; & qui
ont abufé des perfonnes confacrées
à Dieu , ainfi que de
leurs femmes & de leurs filles,
GALANT 267
On dit que quelques Marchands
de Cadiz s'eftant crus
dégagez de leur parole , &
étant mefme perfuadez qu'ils
ne pouvoient la garder en
confcience , aprés ce qu'ils
ont vûde leurs propres yeux ,
ont declaré pour deux millions
d'effets appartenans
aux Anglois & aux Hollan .
dois ; & on ne doute point
que ceux qui font fortement
attachez à leur Religion, qui
font fincerement touchez de
de la maniere dont elle a
efté traitée , à laquelle on ne
peur donner d'épithete , par-)
Octobre 1702
. Y
268 MERCURE
ce que l'on n'en peut trouver
d'affez forts , & qui aimant
veritablement leur Patrie
, fuivront l'exemple qui
femble avoir efté infpiré du
Ciel à ceux qui ont décou
vert des effets , qui entre les
mains de leurs Ennemis , ne
pourroient fervir qu'à détruire
leur Patrie & leur Religion
, au lieu qu'entre les
mains de leur legitime Roy,
ils ferviront à les deffendre
contre de pareils attentats,
& à maintenir leurs Autels .
Pendant que les uns ne
fongent qu'à amaffer du bien ,
GALANT 269
& vont jufqu'au fond des
Indes pour en chercher , les
autres abandonnent
celuy
qu'il ont amaflé. Mr de Pomereu
eft de ce nombre. Il
eft mort au commencement
du mois d'Octobre , âgé de
foixante douze ans. Il eftoit
Confeiller d'Etat ordinaire ,
& du Confeil Royal des Fi .
nances. On ne parvient
point à des Poftes fi confi .
derables , fans avoir remply
avec fuccez plufieurs Emplois
de diftinction. Le Roy
connoiffant
la capacité de
Mr de Pomereu , & la par
""
Y ij
280 MERCURE
faite intelligence qu'il avoit
de toutes les Affaires , l'avoit
nommé Chef du Confeil
de Madame , aprés la mort
de Son Alteffe Royale Monfieur
. Feu Mr de Pomereu
avoit efté Prevoft des Marg
chands. Il avoit épousé Da.
me N ..... le Net d'une bon .
ne Maiſon de la Robe, dont
il aa eu Mr de la Breteſche
Maistre des Requeſtes , qui
a épousé Dame N .......
Bernard d'une ancienne
Maifon de Dijon , dont plufieurs
ont eu des Charges
dans le Parlement , & dont
GALANT 271-
eftoit le fameux Pere Bernard
, appellé vulgairement
le Pauvre Preftre , parce qu'il
donnoit tout aux Pauvres , &
ne ſe reſervoit rien . Il eftenterré
à la Charité . Feu мr de
Pomereu laiffe deux filles ,
qui font Madame la Prefidente
Roffignol , & Madame
d'Aubonne , épouſe de мeffire
м..... le Fevre d'Or.
M.
meffon. Mr de Pomereu
eftoit d'une tres ancienne
Maifon de la Robe. Son pere
eftoit Prefident au Grand
Confeil. Celuy qui vient de
mourir avoit pour frere Mr.
272 MERCURE
de Pomereu Gouverneur de
Douay. Il eftoit d'un fe.
cond lit. Il avoir une foeur
qui eftoit veuve de Mr de
Marivaux , premier Gentil
homme ordinaire de feu
Monfieur , Bailly d'Epée de
la Ville & Duché d'Etampes ,
& Gouverneur Capitaine de
la même Ville. La place de
Confeiller au Confeil Royal
des Finances eftant vacante
, le Roy a choifi pour la
remplir entre tous les Pretendans
, dont le nombre
effort grand , Mr Pelletier de
Souzy Confeiller d'Etat orGALANI
273
:
dinaire , & Surintendant des
Fortifications. Il eft Frere
de Mr Pelletier , cy- devant
Controlleur General des Fi.
nances , & miniftre d'Etat.
On doit regarder мr de
Souzy comme un homme
d'un genie fuperieur , & capable
des plus hauts Emplois
: on en peut juger par
la maniere dont il s'eft ac
quitté de tous ceux dont il a
rempli les fonctions .
Mr du Gué Bagnols cft
monté à la place de Confeiller
d'Etat ordinaire de feu Mr
de Pommereu .
274 MERCURE
La Maiſon du Gué eft an :
cienne dans la Robe , & elle
y a eu des Emplois d'une
grande diftinction . Le Pere
de Mr du Gué eftoit Maitre
des Comptes , & celuy cy
avoit un Frere auffi Maiftre
des Comptes , qui eut pour
Fils Mr du Gué , auffi Confeiller
d'Etat lequel eut
pour Filles Madame du Gué ,
Epoufe de celuy qui vient
de monter à la Charge de
Confeiller d'Etat ordinaire ,
qui par confequent fe trou .
ve Oncle à la mode de Bretagne
de fon Epoule . La feconde
GALANT 275
conde fille eft Madame la
Marquise de Coulanges.
Ce Mr du Gué eut auffi
pour Fils Mr du Gué Préfi
dent à la Chambre des
Comptes dont ces Dames
eftoient Soeurs. Celuy qui
vient de monter à la Charge
de Confeiller d'Etat ordinaire
, a efté Intendant en
Flandres , & il a fort brillé
dans le Confeil dans le temps
qu'il eftoit Maistre des Re
queftes.
Cette
Promotion ayant
fait vacquer une place de
Confeiller
d'EtatSe meftre ,
Z
Octobre
1702.
276 MERCURE
le Roy en a pourveu Mr Bofc
Procureur General de la
Cour des Aides , & cy-devant
Prevoft des Marchands
dont il a fi dignement remply
toutes les fonctions , au
gré de la Cour & de la Ville
qu'il a efté renouvellé dans
plufieurs élections.
Sa Famille eft connue à
Paris depuis un grand nom .
bre d'années , Mr fon Pere
avoir une des premiers Com:
miffions de l'Epargne , & il a
exercé cet employ avec un
tres grand defintereffement,
Fey Mr Bontemps avoir
GALANT 277
épousé la Soeur de Mr Bofc
qui vient d'eftre fait Confeil.
ler d'Etat. Ila obtenu du Roy
pour fon fils l'agrément de
fa Charge de Procureur Ge
neral de la
Comptes.
Chambre des
Monfieur Petit , Premier
Medecin de Monſeigneur le
Dauphin , ayant fait voir fon
habileté dans fa Profeffion
en trouvant le moyen de vivre
longtemps , a fait connoiftre
que fon Art , qui ne
·
peut
rendre immortel
, peut
quelquefois
prolonger
la vie.
Z ij
278 MERCURE
Il l'a quittée dans un âge où
l'on ne fouhaite plus de vivre
, que parce qu'il eft naturel
à tous les hommes de
craindre la mort . Mr Petit
eftoit d'une bonne Nobleffe
de Normandie , & avoit exercé
la Medecine à Paris avec
un fi grand fuccés , que le
feul bruit de fa réputation le
fit parvenir à l'honneur d'ê
tre Premier Medecin de
Monfeigneur le Dauphin .
Son âge ne luy ayant pas
permis pendant les derniers
mois de fa vie , de veiller à
la fanté de ce Prince , le Roy
GALANT 279
nomma pour remplir les
fonctions d'une Charge qu'il
n'eftoit pas en estat d'exercer
, Mr Boudin , Medecin
ordinaire de Madame la Du ,
cheffe de Bourgogne , qui
dans un âge peu avancé s'étoit
acquis tant de reputation
qu'il avoit esté élu
Doyen de la Faculté de Paris
, qui a roûjours un Doyen
d'election , afin d'en avoir
un de merite , & qui puiffe.
eftre en estat d'agir pour le
S bien des affaires de la Fa
culté , au lieu que plufieurs
Corps le contentent d'avoir
Z iij
280 MERCURE
le plus âgé pour Doyen , qui
fouvent à cauſe de ſon grand
âge , le trouve incapable de
l'application que l'on doit
avoir pour veiller aux affaires ,
& au bien d'un grand Corps.
Pendant que Mr Boudin à
fait toutes les fonctions de.
Premier Medecin auprés de
Monſeigneur , il a fait connoiſtre
qu'il avoit toutes les
qualitez qui pouvoient lui fai
re meriter cette place ;de force
que le Roy fçachant que ce
Prince eftoit content de luy
& qu'il avoit l'approbation
de Mr Fagon , Sa Majefté a
GALANT 281
1
2
cru ne la pouvoir remplir
aprés la mort de: Mr-Petir ,
d'une perfonne qui tuft plus
agreable à Monseigneur ,
ainfi elle a donné à Mr Bou
din la Charge de Premier
Medecin de ce Prince. Ce
choix l'éléve non feulement
au fecond poſte de la Mede.
cine ; mais il fait voir auffi
que fa Science dans fon Art a
devancé fon âge , & luy établit
avec agrément une fortune
confiderable ; mais ce
qui doit luy faire infiniment
plus de plaifir que tous les
grands avantages qu'il trou
Z iiij
282 MERCURE
x
ve dans ce choix du cofté
de la gloire , & du cofté de la
fortune , eft qu'il aura le fenfible
plaifir de paffer toute fa
vic auprés d'un des meilleurs
Princes du monde , & de le
voir tous les jours . Vous ne
doutez pas que ce nouveau
Premier Medecin n'ait efté ,
complimenté de toute la
Cour: c'eftun Pays où l'on eft
prompt à remplir ces fortes
de devoirs.
Comme on ne peut avoir
trop de confideration pour
ceux qui ont foin de la fanté
des grands Princes , & qu'ils
GALANT 283
doivent estre diſtinguez par
des titres d'honneur , & pro
portionnez à la grande confiance
que l'on a en eux , &
aux foins de la fanté precieule
qui leur eft confiée , &
dont fouvent peut dépendre
le repos d'un monde entier
, Sa Majefté qui ne fait
jamais de graces à demy
lors qu'elle eft convaincuë
du merite de ceux à qui elle
en fait , donna à Mr Boudin
le Brevet de Confeiller d'E .
tat le lendemain qu'elle l'eur
nommé Premier Medecin de
Monfeigneur.
284 MERCURE
Meffieurs de la Faculté
ayant fçû qu'il avoit eefté
nommé à cette importante
Charge , refolurent que leur
Doyen accompagné de huic
Docteurs de leur Corps en
Chaperon & en Robes ,
iroient luy faire compliment
, & ces Meffieurs ayant
fçû que Mr Boudin eftoit à
Paris le 24. d'Octobre , ils
ferendirent chez luy , & мr
Farcy Doyen de la Compa
gnie , & qui eft fort efti
mé dans ce Corps , porta la
parole.
Il fit d'abord connoître
GALANT 285

que les Deputez
fes Colle .
gues & luy avoient reçû ordre
de leur Compagnie
de l'affurer
en fon nom qu'elle eftoit
tres -vivement
penetrée
de
joye de ce qu'il avoit plû à
Sa Majesté confier à les fages
confeils la fanté qui luy eft la
plus chere , & qui eft la plus
precieuſe
à fes Sujets , aprés
celle de fa Perfonne
Royale .
Il ajoûra que la Faculté jugeoit
que ce choix eftoit d'autant
plus avantageux
à Mr Boudin
qu'il eftoit l'ouvrage
du diſcer.
nement d'un grand Roy , dont
La fublimité de l'espris eftoit in286
MERCURE
comparable , & qui ne s'eftoie
determiné à l'élever à la digniè
de Premier Medecin de Mon.
feigneur le Dauphin , qu'aprés:
avoir voulu luy mesme obfer
ver la justeffe de fa conduite
depuis quelques années . & luy
avoir ordonné de veiller continuellement
à la fanté de ce
Prince. Mr de Farcy dit enfuite
, que la Compagnie n'eftoit
pas moins perfuadée que la pro
motion de Mr Boudin ne venoit
pas feulement de ce que Mon.
feigneur avoit une extrême confiance
en fa capacité , mais auſſi
d'une genereufe reconnoiffance.
GALANT 287
de fes affiduite auprés de fa
Perfonne , il continua en
difant à Mr Boudin de jouir
avec plaisir , & de jouir long.
temps de la gloire qu'il avois
fcû acquerir ; il fit voir en.
fuite que la Faculté y devoit
prendre la part qui luy appartenoit
legitimement , &
que ce droit eftoit fuffifam :
ment eftably ; il le prouva
en faifant voir qu'elle l'avoit
amoureuſement élevé dans
fon fein , & en faisant une
peinture de tout ce qu'elle
avoit fait pour luy , & de
288 MERCURE
tous les eftats où elle l'avoit
veu dans fon Corps. Il finit
en difant que puifque tout ce
la Faculté avoit fait pour
Mr Bondin , luy avoit fait me.
riter la haute eftime où il eftoit
dans l'esprit du Roy , & luy
avoit attiré la bien veillance de
que

Monfeigneur le Dauphin , ilfe
trouvoit engagé à proteger la
Faculté , qu'elle s'en tenoit affu
rée , & qu'elle en efperoit dans
·la fuite de puiffans fecours .
Mr Boudin ne faiſant pas
feulement profeffion de la
Medecine mais auffi des
belles Lettres , & ayant toû ,
>
GALANT 289
4
jours efté reconnu par ceux
qui le connoiffoient à fond ,
non feulement pour un homme
d'efprit , mais auffi pour
un homme qui a beaucoup
d'érudition , répondit avec
toute la politeffe , tous les
fentimens de reconnoiffance,
& tout l'efprit poffible au
compliment de Mr Farcy ,
& le regardant ainsi que
tous ceux qui l'avoient accompagné
comme reprefentant
le Corps de la Faculté ,
il les , conduifit jufqu'à leurs
Caroffes.
Mrs les Apoticaires firent
290 MERCURE
une pareille deputation à
Mr Boudin , & Mr Peaget
premier Garde en Charge ,
porta la parole au nom de
la Compagnie. Il fit un tres
beau compliment. Le peu
de place qui me refte , m'em .
pelche d'entrer dans un plus
long détail de cet article.
Ces Meffieurs furent reçus
avec les mefmes honnêtetez
de Mr Boudin , & comme ils
repreſentoient tout le Corps
au nom duquel ils eftoient
venus faire compliment , ils
furent reconduits jufqu'à
leurs Caroffes.
GALANT 251.
2
Les Vers qui fuivent fontde
M de Senecé , c'est tout
dire..
A MONSIEUR BOUDIN ,
nommé par le Roy à la
Charge de Premier Mede.
cin de MONSEIGNEUR .
Blen vous enfoit , de l'honneur
folemnel
Dont le renom par nos Provinces
vole :
LOUIS LE GRAND , digne d'e
tre éternel
Vous établit Lieutenant Colonel
Du Médecin du Pharmacopole ,
Et dans un age , où le Docte Fer.
nel
Octobre 1702. A a
.10
291 MERCURE
Encor étoit fur les bancs de l'Ecole.
Qu'il vous eft doux , de voir qu'à
vôtre foy
Soit confié l'Augufte fils unique ,
Sur qui la France appuye , après
fon Roy,
L'espoir commun , la Fortune Pu
blique !
&
Combléferez & de biens , & d'é-
·clat ,
En confervant une tête fi chere :
Point ne fera trop fatigante affairej
Voulez- vous plaire à la Cour ? d
l'Etat?
Faites fi bien , que n'ayez rien &
faire.
La Charge de Medecin
ordinaire de Madame la
GALANT 293
Ducheffe de
Bourgogne
ayant vacqué par la nomination
de Mr Boudin à
celle de Premier medecin de
Monfeigneur
, plufieurs med
decins diftinguez dans leur
Profeffion , le font prefentez
pour acheter cette Charge
, & en ont demandé d'agréement
, non feulement
parce qu'elle eft confidera
ble , & qu'elle donne un
grand relief à ceux qui la
poffedent , mais auffi par le
fenfible plaifir que l'on ref
fent de fervir une Princelle ,
dont l'efprit & la bonté ré
A a ij
294 MERCURE
pondent à la grandeur de fon
rang , & par les agrémens que
l'on en reçoit lorfque l'on
eft attaché à fon fervice . Mr
Bourdelin , Docteur de la Faculté
de Paris , s'eftant trou .
vé du nombre des Préten
dans à cette Charge , a cu
le bonheur d'obtenir l'agré
ment qu'il demandoir . Je ne
dis rien du pere de cet habile
Medecin , fa réputation eft
affez connuë , & tant de Malades
fe font loüez de luy
tant qu'il a vécu , & couroient
en foule à fes remedes à caufe
du grand nombre de ceux
GALANT
295
qu'il gueriffoit tous lesjours ,
qu'il merita une place à FAcademie
des Sciences , dans
le temps que ces places é .
toient rares , parce que le
nombre de ceux qui compo
foient cette Academie eftoit
beaucoup moins grand qu'il
ne l'eft aujourd'huy. Mr.
Bourdelin qui vient d'acheter
la Charge de Mr Boudin
eft aufli de cette Academie.
La place qu'il y occupe faifant
connoistre fon merite ,
me difpente de faire fon éloge.
L'efprit eft hereditaire à
cette Famille , Mr Bourde .
296 MERCURE
lin fon Frere , Confeiller au
Chafteler , eft de la celebre
Academie des Medailles &
Infcriptions. I fçait pluſieurs
fortes de Langues , ce qui
luy donne lieu de fervir
l'Etat. Je ne dois pas m'expliquer
davantage fur cet
article.
Quoy que ma derniere
Lettre faffe mention de ce
qui s'eft paffé en Andaloufie
aprés l'arrivée de la Flore
d'Angleterre & de Hollande ,
je dois vous faire part de deux
pieces curieufes qui n'étoient
pas encore venuës à ma con.
GALANT 297
noiffance lorfque je fermay
ma Lettre. Voicy la premiere
.
LETTRE
DE MONSIEUR
LE DUC D'OR MOND
A M LE MARQUIS
DE VILLA D'ARIAS.
- A mauvaiſe reception que vous
avez faite aux Troupes qui
venoient fous nos ordres de la part
de l'Archiduc d'Autriche , pourroit
vous couter cher , Monfieur ,
aufli bien qu'à vos Compatriotes,
298 MERCURE
Sa Majesté Imperiale aura des
voyes plusfeures que celle fur lef
quelles elle avoit crû pouvoirfaire
un fondement , & peut- être vou -`
drez vous reclamer fa clemence
quand elle n'aura pour vous qu'une
jufte indignation ; il en est temps
encor , Monfieur , fongez à reparer
voftre faute , je vous promets de
faire fi bien votre paix , que vous
ferez regardé avec toute forte de
diftinition dans une Cour où vous
verez fleurir l'ancienne liberté Caftillane
, aprés que le veritable Roy
fera place furfon Trone . La Reine
, d'Angleterre , ma Souveraine,
m'a fait l'honneur de me confier
ane lettre de Créance pour garentir
tous les Traitez que je feray
avec vous encor un coup, mon cher
Monfieur fongez aux moyens de
vous
GALANT 299
vous agrandir , & de vous affran
chir avec le refte de cos Compa
triotes. F'attendray voftre reponfe
parce Lieutenant que le Trompette
vous annoncera . Je ne doute pas
que vous ne communiquiez ma lettre
à voftre Confeil. Je fuis avec
eftime vostre tres-humble ferviteur,
Le Duc d'Ormond
Cette Lettre eftoit peu
capable d'ébranler la fideli .
té d'une ame ferme , mais
quand elle auroit eflé faite
fur des fondemens qui auroient
paru plus folides , &
fur des apparences plus capa .
bles de tromper , & de feduire
des coeurs intereffez , qui
Octobre 1702. Bb
300 MERCURE
facrifient tout à la fortune ,
les Efpagnols aiment trop
l'honneur , & la gloire , &
gardent trop inviolablement
les Sermens qu'ils ont faits
à leurs Souverains pour écou
ter des propofitions pareilles
à celles du Duc d'Ormond .
Je n'avance rien que tous
ceux qui connoiffent la Nation
Eſpagnole ne foient
prefts de foutenir . La Let .
tre qui fuit le confirme affez
bien .
GALANT 301
RE'PONSE
DE MONSIEUR
DE VILLADARIAS
A MONSIEUR
LE DUC D'ORMOND.
Sile
Ile Roy mon Maistre avoit pú
prévoir la temerité la temerité
que fes Ennemis
ont eu de venir en cette
rade pour fuborner fes fujets , Sa
Majefté m'auroit douné des inftructions
pour répondre avec cette Politeffe
, dont le feul Duc Dormond eft
capable , a toutes les propofitions
qu'il mefait de la part de l'Empereur&
de l'Archiduc. Je refpelte en
Rb ij
302 MERCURE
ces deux Printes le carattere de leurs
Majeftez; mais je me trouve fort
glorieux de pouvoir résister à leurs
promeffes , avec autant de fermeté
que j'ay peu d'émotion , en aprenant
leurs menaces. Philippe V. eft mon
Roy , pour qui j'ayjuré de répan
dre jufques à la derniere goute de
monfang: ce font les fentimens que
des Sujets doivent concevoir , dun
Prince inftruit en l'Art de gouvernur
, par un Aycul dont le regne
fait envie à toutes les Cours de
Europe . Défabulez vous donc ,
Monfieur , de vos idées mal conceues
, ayez meilleure opinion d'un
homme qui mérite de vous cftre cher,
or recommencez vos attaques , fi
vous voulez avoir d'autre réponse
u Confeil que vous me priez de
confulter , & ves fentir fin us
GALANT 303
fommes difpofez à faire noftre devoir
en gens qui n'ont autre chofe dcrain
dre que les châtimens dus à la trahifon
& à la révolte . Nous n'avons
que des genereux exemples
Ancêtres ; ils n'ont jadans
.
mais cherché leur élevation dans le
fang ny dans la fuite de leurs Rois ,
Mori pro Patria eft ma devife.
Vous pouvezla communiquer à la
Princeffe qui gouverne l'Angleterres
jouiffez de fes faveurs tant que
vous le pourrez › Monfieur, &
croyez moy aves confideration .
Monfieur , Votre tres humble Serviteur
le Marquis de Villadarias.
Ce Marquis eftoit fi peu
difpofé à écouter les propo
Bb
iij
304 MERCURE
fitions du Duc d'Ormond
qu'il ne tarda pas long.
temps à luy faire réponſe :
cette réponſe fage , & fiere
marque combien il avoit efté
indigné qu'on luy euft fait de
pareilles propofitions & fait
voir le caractere d'un hon .
nefte homme en batant
en raine Mr le Duc d'Or .
mond .

La Lettre de ce Duc
n'ayant rien operé , & l'attaque
du Fort de Matagorda
luy ayant mal réuffi , les En .
nemis commencerent à pen .
fer à leur Retraite , mais
GALANT 300
avant que de vous en entre.
tenir , jedois vous parler en
core une fois de l'attaque qui
leur fut fi défavantageufe &
qui fit briller les Troupes des
deux Couronnes & la manoeuvre
de leurs Batimens .
Ce que je vous envoyay
le mois paffé touchant cette
affaire de Matagorda , eftoit
tiré de plufieurs Relations
venues de Cadiz ; je vous fais
part aujourd'huy d'une Lettre
envoyée du même lieu à
Madrid touchant la même
affaire , afin qu'ayant vû tout
Bb iiij
306 MERCURE
ce qui a efté écrit fur cette af
faire par les François & par les
Espagnols , vous en puiflicz
mieux juger.
Les Ennemis ont attaqué à
plufieurs repafes le Fort de Mata
gorda & toujours avec beaucoup de
perte de leur cofté & peu du noftre .
Le feu de nos Galeres & de nos
Vaiffeaux a détruit leurs precautions
& les a chaffez des Retran➡
chemens qu'ils faifoient pour leur
attaque & pour leur défenfe . Ayant
veu que leurs attaques ne leurfervoient
de rien ils entreprirent
dalieger ce Fort dans les formes ;
mais le Comte de Hernan Nunez
qui commande nos Galeres & nos
Vaiffeaux , les deconcerta , ils voulurent
bombarder cette Place , mais
GALANT
3076
cela ne lear reulit pas mieux. Ils
vinrent attaquer nos Vaiffeaux
avecdes Fregates legeres pourempefcher
l'effet de noftre Artillerie.
Mais aprés quatre heures de Combat
par Mer & par Terre , ils
furent encore obligez de fe retirer
avec beaucoup de perte. Ils ob
tinrent la libertè de retirer leurs
Morts. On remarqua par beaucoup
de demonftrations
qui marquoient
leur chagrin , qu'ils en
trouverent un qui devoit eftre un
de leurs principaux Chefs . Leurs ,
Bombes ne nous ont pas beaucoup
nuy, & n'ont tué perfonne ; elles
n'ont fait d'autre mal que de
bleffer legerement avec un éclat
deux de nos foldats ; Il en tomba
plufieurs entre nos Vaiffeaux &
nos Galeres , mais fans faire aur
308 MERCURE
cun dommage. Voyant qu'ils n'a
vançoient rien par Mer , ils fia
rent leurs derniers efforts par terre ,
Ils drefferent quelques bateries
que noftre Artillerie detruifit bientoft
. Nos Chefsfe joignirent au Port
de Suazo pour convenir entr'eux de
ce que chacun auroit à faire. Le
Gouverneur de Cadiz off it de donner
au Comte de Hernan Nunez
quelques vieilles Troupes de
La Garnifon , pour mettre à la
tefte des nouvelles qu'il commande.
Le 16. le Comte s'eftant appercen
que quelques corps des Troupes
Ennemies tachoient de s'approcher
à couvert le long de la cofte,
il fortit avec deux Galeres , & il
les chargea avec tant de fuccez
que plus de la moitié furent tuez,
& le refteprit la fuite , Les EnneGALANT
309
>
mis defabuſez ſe retirerent de nuit,
avec tant de precipitation qu'ils
laifferent dans leurs retranchemens
beaucoup de pondre , & tous leurs outils
propres à remuer la terre . Ony
trouva un tres-grandnombre de corps
morts , & entr'autres celuy du General
Colombine & du Chevalier
Thomas Smith Quartier
Meftre General un de leurs
principaux Chefs . Nos gens for
tirent pour razer ces travaux , &
pour profiter des dépouilles . Les
Ennemis allerent à Puerto Real,
• qu'ils abandonnerent pour paſſer à
à Sainte Marie , le Prince Darmf
tat a écrit une Lettre feditienfe
à la Ville & au Chasteau de Xe-
༢. , leur confeillant de reconnoiftre
l'Empereur pour leur Maitre legitime.
La réponse a efté , qu'ils
310 MERCURE
facrifiroient leurs biens & leur vie
pour la deffenfe de leur legitime
Roy, & pour leur Patrie.
Pendant que les affaires des
Anglois , & des Hollandois altoient
fi mal en Andaloufie , &
que le mauvais fuccez de leurs
Armes égaloit celuy de leurs-
Manifeites, on faifoit des
gageures
en Angleterre , & en Hollan--
de non pas pour la prise de Cadiz
on s'en tenoit affuré , mais
pour le temps qu'on la prendroit
les uns gageant pour un
temps & les autres pour un autre
cependant , non feulement
cette Ville n'a point efté
prife , mais les Anglois & les
Hollandois
ont plus perdu que
Les habicans du Pays . En vois
GALANT 30
ey la raiſon Lorfqu'à l'aproche
des Flotes tous les Négo
tians & les habitans de Sainte
Marie en firent fortir leurs
effets pour les mettre à couvers
, les Anglois & les Ho-
Jandois qui en avoient dans cette
Place croyant que ceux de
leur Nation auroient des égard
pour eux ne fe prefferent point
de les enlever ; deforte qu'il y
en avoit encore beaucoup lors
que le mauvais fuccez de la def.
cente obligea les Troupes des
deux Nations à fe rembarquer ,
le chagrin qu'il en eurent leur
infpira une telle fureur , qu'ils
emporterent tout ce qu'ils trouverent
dans Sainte Marie , fans
avoir aucune confideration
pour qui fe fuft & fans vouloir
312 MERCURE
4
"
>
mefme y faire aucune attention
ainfi le malheur n'eft tombé
que fur les effets de Négotians
des deux Nations qui avoient
crû foumetre l'Espagne aprés
leur débarquement leurs
mefures eftoient bien mal prifes
puifqu'ils croyoient que
leurs Manifeftes feroient tout
ce que leurs Troupes devoient
executer , mais ayant manqué
de chevaux , ils ont manqué de
tout puifque l'on ne peut rien
tirer d'un Pays où l'on ne peut
penetrer , & où l'on ne peut
faire de courfes , ainfi il eſt
aifé de juger qu'ayant manqué
de tout ils n'ont pû fubfifter
, & que fe voyant privez
des chofes les plus neceffaires ,
ils ont efté obligez de fe remGALANT
313
barquer. Ce n'a pas efté fans
avoir mangé des beaux raifins
d'Andaloufie , qui ne manquent
jamais de faire mal à ceux qui
n'ont pas accoutumé d'en manger.
Les Ennemis trouverent
auffi un Magafin de Vin de Xerez
dont ils burent une fi grande
quantité que la diffenterie
prit aux uns , pour avoir mangé
tant de raifin & aux autres
pour avoir trop bû de ce vin.
Enfin les Generaux voyant
leurs Troupes diminuées
par le nombre de ceux qui
avoient pery dans les attaques
qu'ils avoient faites , par la défertion
, par les maladies ,
par le manque de vivres , qu'ils
n'avoient plus rien à eſperer
des habitans du Pays que la fi-
>
&
314 MERCUR
E
delité des Efpagnols eftoit ine
branlable
, que lon préparoit
des fecours de tous coftez des
munitions des hommes & d'argent
, pour défendre Cadiz , &
toutes les coftes d'Andaloufie ,
que leur Flote eftoit expofeée
aux agitations de la Mer & par.
ticulierement au vents du Levant
, jugerent à propos de fe
rembarquer. Je croy leur devoir
laiffer faire leur voyage.
j'efpere vous mander à la fin de
ma lettre s'il aura efté heureux.
Cependant je paffe an
détail du Siege de Venlo . Ce
Siege a efté allez confiderable
quoy qu'aucune nouvelles Fu
blique n'en ait parlé
feulement dit que cette place
avoit cfté afficgée & enfaite
On a
GALANT 315
qu'elle avoit efté prife . Cependant
elle a foutenu treize jours
de de Tranchée ouverte . Avant
que d'entrer dans le détail
que j'ay à vous donner , je
croy devoir vous dire que Venloo
eft dans le Duché de Gueldres
. C'eft une Ville affez
agréable & voifine de Ruremonde
, & de Gueldres Capitale
du Duché. Les Ducs de
Lorraine avoient de grands
droits fur ce Pays. Ils venoient
de. Philippe de Gueldres Femme
de. René II. Duc de Lor
raine. Cette. Princeffe avoit un
Frere nommé Charles qui tranfigea
avec Charlesquint qui
avoit des droits for ce Duché
du Chef de Marie de Bourgogne
fa grand Mere , que s'il mou ---
Octobre 1702
. Ca
316 MERCURE
roit fans enfans , l'Empereur heriteroit
de fes Etats a l'exclufion des
Collateraux. La chofe arriva
ainfi . Charlesquint recueillit
la Succeffion malgré les Protef
tations du Duc de Lorraine &
du Duc de Cleves . Quelques
années aprés les Etats Generaux
fe rendirent . Maiftres de
prefque tout le Duché de Gueldres
& du Comté de Zutphen.
I'Imperatrice Marie de Bourgogne
fe plaifoit fort à Venloo .
Elle y a paffé un Hyver entier
deux ans aprés fon Mariage
avec l'Empereur Maximilien .
Elle fit de grands biens à un
Curé de cette Ville qui luy prédit
la grandeur de fon Petit Fils
Charlesquint qui n'eftoit pourtant
pas encore au monde .
GALANT
317
Voicy le détail que je vous
ay promis . Je vous l'envoye
tel que je l'ay reçû , & fans y
avoir rien changé
**********************
RELATION
DE CE QUI S'EST PASSE
A LA DEFFENSE
DE VENLOO ,
Depuis le 29. Aouft jufqu'au
24. Septembre.
LesRhin
vinrent le
camper à Es Ennemis
qui avoient
paffé
Keimpen
fous le commandement
du
General
Heyden
, & parurent
de-
Ccij
218 MERCURE
vant Venloo le vingt- neuvième
Aouft au matin en même temps que
le détachement de l'Armée de Hol
lande.
Venloo eft une méchante petite
Place fituée au Pays de Gueldres
fur la Meufe , n'ayant pour toute
Fortifications qu'un chemin cou
vert de terre avec un Foffe , l'enceinte
de la Ville même n'eftant
point revestuë , excepté une muraille
du cofté de la Meufe qui n'a
pour toute deffenfe que la riviere ,
c'est au milieu de cette muraille
qn'eft la Porte qui conduit au Fort
de Saint Michel , par le moyen d'un
Pont de Batteaux , lequel Fort
n'est que pour couvrir la tefte de ce
Pont ; C'est un petit Pentagone regulierfortifie
de fes tenailles , de
mi-lunes , chemin couvert , le
GALANT 3r9
tout de terre ; la Ville eft irregu
liere.
Dés que l'on vit paroiftre les Ennemis
on tira fur eux quelques volées
de canon de la Ville & du Fort,
ils ne s'occuperent ce jour - là qu'à
prendre leurs quartiers autour de la
Place. Depuis ce jour jusques au
troifiéme de Septembre , ils s'emparerent
de toutes les avenues qui
conduifoient à la Ville , afin de
couvrir leurs Fourageurs , qui profiterent
des Fourages qui reftoient
dans le bas de la Montagne , &
pour referrer davantage la Place ,
ils fe faifirent de deux Caffines à
la droite du Fort , Mr Labadie qui
commandoit les Troupes , ne [çachant
s'ils occupoient ces Maifons ,
envoya fix Grenadiers de Vrangel
fontenus de la même Compagnie ,
320 MERCURE
poury aller mettre le feu ; mais les
ennemis vinrent au devant d'eux ,
foutenus de toute la garde de ce
Pofte , & firentfeu fur ladite Compagnie
, auquel elle répondit en
marquant beaucoup d'intrepidité ,
& voyant le nombre des ennemis
, elle fe retira enfort bon ordre ,
faifantfort bonne contenance . Cette
action dura demi - heure. Nous
n'y eûmes perfonne de tué ny de
blessé.
ils
Depuis ce jour juſqu'au 9 .
s'employerent à faire de gros amas
de fafcines & de piquets , & ils
recurent de Grave leurs munitions
de guerre & de bouche.
La nuit du 9. au 10. ils couperent
le grand chemin à la porte de
Cologne à la portée du moufquer de
l'Ouvrage avancé , ayant des hayes
GALANT 321
à droite & à gauche , & une Cafine
à leur droite . Mr de Labadie
refolut de les faire attaquer , &fit
pour cela un détachement de
quatre
cens hommes dans lequel eftoient
trois Compagnies de Grenadiers du
Royal , Courten , & Cambrefis.
Les Ennemis s'eftant apperçus de
ces mouvemens de deffus la montagne
qu'ils occupoient , & qui dominoit
la Ville , firent avancer deux
Bataillons pour foûtenir ce Pofte.
Mr de Saint Maurice à la tefte du
détachement , les prévint , força le
retranchement, & brûla la Caline.
Le feu fut confiderable de part &
d'autre ; mais comme le détachement
ne pouvoit point eftre foutenu d'un
pareil nombre , Mr Labadie le fit
retirer. Mr de Saint Maurice fit
une auffi belle manoeuvre enfe reti322
MERCURE
rant , qu'en attaquant , il y eut
dans cette affaire trois Capitaines
du Royal bleffez , avec un Aide-
Major , un Lieutenant de Cambrefis
, & vingt- trois Soldats , & cinq
de tuez. La perte des Ennemis fut
plus confiderable à cause du canon
de la Place qui les incommoda
fort pendant l'action & le reste du
jour.
gea
La nuit du 10 au 11 , on prolonles
coupures ou tranchées vers
le Fort & la Ville , &fi on n'eut
point connu la neceffité de conferver
La petite Garnifon , on eut pù les
faire attaquer heureusement , leur
travail eftoit fort hafardé.
Ils employerent le 12. 13. & 14 à
dreffer leurs Batteries contre le Fort
en l'approchant environ cinquante
toifes plus près de la paliffade , its
Lavancerent:
GALANT
323
vancerent d'autant à la Ville plus
prés du chemin couvert , defcendant
dans le bas de la hauteur. Le feu
de l'Artillerie des Aſſiegezpendaut
ces trois jours & trois nuits fut tresconfiderable
, ainfi que celuy de la
Moufqueterie , autant que la foibleffe
de la Garnifon le pouvoit permettre
.
Le 15. au matin ils faluerent la
Ville avec dix pieces de canon &
fix mortiers , faisant un grandfeu
pendant tout le jour , auquel Mr
des Effarts qui commaudoit l'Artillerie
de la Place , répondit vigoureufement
. Le même jour ils faluerent
le Fort de vingt - quatre pieces.
de canon , vingt -fix gros mortiers ,
& quatre- vingt autres petits à double
grenades , continuerent ce grand
feu pendant toute la journée. La
Octobre
. 1702.
D d
324 MERCURE
Garnifon au nombre de quatre cens
hommes fe tenant pendant tout ce
temps la dans le chemin couvert
collée contre le parapet. Le même
jour ils ouvrirent cinq embrafures
dans le bas de la Meufe pour battre
noftre Pont de Batteaux , & le
détruifirent en deux fois vingt quatre
heures.
Ils battirent le Fort le 15. 16 .
& 17. en augmentant toujours leurs
canons , mortiers & grenades , jufqu'au
nombre de trente -fix pieces de
canon & de trente- deux mortiers .
La nuit du 17 au 18. ils avancerent
leurs tranchées au Fort prefque
jufqu'au bord du Glacis , & le
18. au matin ils le prolongerentjufques
fur le pied du Glacis à la double
fape en plein jour , fous la
tection de leurformidable Artilleri
proGALANT
325
l'on
dont le feu redoubla avec violence.
Mr de Vrangel , Brigadier de jour ,
fit avertir Mr de Labadie que
voyoit un grand mouvement de
Troupes , des amas de fafcines , &
les Generauxfe rendre à la tranchée .
Mr de Labadie tint Confeil avec
Mr de Varos Gouverneur de la
Place , Meffieurs les Brigadiers
Courten , Valory & Valeille , ily
fut refolu , vu la foibleſſe de la garnifon,
d'abondonner le chemin coavert
& les demi - lunes , de couper
les Ponts , & de faire un gran feu
du Corps de la Place& des tenailles ,
on envoya l'ordre par écrit figné du
Gouverneur ; pendant que l'on eftoit
occupé à l'executer , les Ennemis
vinrent attaquer le chemin couvert ,
les Troupes qui y estoient fe fauverent
dans les demi- lunes , les autres
Dd ij
326 MERCURE

entrerent avec precipitation par les
communications , d'autres pafferent
le foffe qui eftoit peu profond , les
ennemis les fuivirent partout , &
entrerent avec eux dans le Fort ,
alors les Soldat, ne fongerent plus
qu'à fe fauver , les Grenadiers
de Vrangel tinrent fermes ; . Mr
de Vialis Ingenieur , fut tué ,
avec Mr de Giffac Capitaine dans
Mortemart. Mrs de Vrangel, Permangel
, & quelques autres Officiers
, avec deux cens Soldats , furent
faits prifonniers . Ceux qui
purent échaper du Fort vinrent pour
paffer le Pont fur la Meufe , qu'ils
trouverent rompu . Quelques - uns
voulurent paſſer & furent noyez,
d'autres deferterent , & enfin on en
fauva quatre vingt dans des Barques
, malgre la moufqueterie des
GALANT 327
Aliegeans & le feu de leur canon
à cartouche qui tiroit inceffamment
de la Batterie qu'ils avoient au
bas de la Meufe . La Garnison de
ce Fort n'eftoit compofée que de convalefcens
fortis des Hopitaux de
Ruremonde & de Venlo , dont Mr
de Permangel avoit le commandement,
de
La nuit ils avancerent une ligne
depuis un petit Village nommé
Blerie à la gauche de la Ville qui
tomboit par redents fur les lignes
Communications , & employoient
le 19. 20. 21. à faire leurs batteries
du Fort qu'ils avoient prés
de cette ligne , pour battre la
Ville du cofté de la Porte de Ruremonde
, ils ne purent tirer le 22. à
caufe du mauvais temps ; mais le
23. dés le grand matin ils falue-
Dd iij
328 MERCURE
rent la Ville avec foixante- dix
pieces de Canon quarante gros
Mortiers , & cent huit petits à Grenades
, & continuerent ce feu épouventable
pendant toute la journée
avec tant de furie , que dés l'aprefmidy
, la brefche eftoit accelible le
long des laiffes de la Meufe . Cet
appareil formidable fit revolter les
Bourgeois , de forte qu'ils eurent
L'infolence de dire qu'ils vouloiens
qu'on fe rendift. Il n'y avoit pas
jufqu'aux femmes qui menaçoient
de couper la gorge à Mr de Labadie
& au Gouverneur . Ces Meffieurs
pour leur feureté furent obligez
de faire coucher chez eux une
Compagnie de Grenadiers , de renforcer
la Garde des Portes , & de
faire marcher la nuit un Efcadron
de Louvigny pour empefcher les
GALANT 329
affemblées des Bourgeois.
Le 23. au foir , l'on vitun grand
mouvement dans l'Armée des Affiegeans
qui parut en bataille Mr
de Labadie apprehendant l'affaut,
& voyant qu'il eftoit facile de monter
à la brèche le long des laißes
de la Meufe , crat , fuivant l'avis
de fon Confeil , que quelques heu
res de plus ou du moins ne valoient
pas la peine de s'expofer à fouffrir
des Propofition de fe rendre Prifonniers
de Guerre , & refolut de
battre la Chamade , & de demander
à capituler. Le Prince de Naf
fau inftruit du mauvais eftat de la
Place de la foibleffe de la Garnijon
, voulut refuſer du Canon ; &
comme il s'obtinoit , Mr de Laba:
die dit net que l'on avoit qu'à retirer
les Olages : Tout cela finit avec
Dd iiij
230 MERCURE
l'acquiefcement aux Articles propofez
, & beaucoup de civilitez &
honneftetez du Prince de Naffau ,
quiaccorda encore bien des petites
graces à divers Particuliers .
Si on confidere ce que c'est que
Venloo , la foibleffe de la Garnifon
qui eftoit dedans , la formidable
Artillerie des Affiegeans & de
leurs Troupes ; on rendra aiſement
justice à ceux qui l'ont deffenduë
pendant prés d'un mois & quatorze
jours de Tranchée ouverte .
Je dois ajoûter icy que la
Capitulation fut tres - honorable
, que la Garniſon fortit par
la breche le 15. Septembre ,
avec armes & bagages , deux
pieces de Canon , & toutes les
autres conditions confiderables
& avantageufes que les TrouGALANT
33 °
pes & les Habitans pouvoient
fouhaitter-
La prife de cette Place ne
laiffe pas de coûter affez cher
aux Ennemis , ils ont perdu
plufieurs Officiers à ce Siege ,
& ils ont fort regretté Mr Bochet
l'un de leurs principaux
Ingenieurs , qui a efté tué d'un
coup de Canon.
La Garniſon de Venloo ayant
battu la Chamade le 25. Septembre
, les Ennemis firent
marcher des Troupes dés le
mefme jour , pour inveftir Ru .
remonde , & le Fort de Stevinfvvert
, qui ne batit la Chamade
que le deuxième d'Octobre.
On ne peut luy donner le
nom de Ville ni de Fortereffe ;
c'eft un petit lieu auquel on a
332 MERCURE
fait quelques Fortifications de
terre , parce que dans les païs
où la guerre fe fait ordinairement,
on fortifie tous les lieux
où il y a quelques Habitans
afin qu'ils ne puiffent eftre infultez
; cependant la Garnifon
de ce lieu n'a pas laiffé de fortir
par la breche avec trois pieces
de canon. Celle de Ruremonde
qui avoit efté inveftie
en mefme-temps que Stevenf
vvert , c'eſt à dire le 25 de Septembre
, fortit le 9. d'Octobre
par la breche avec quatre pieces
de Canon .
On attaque aujourd'huy les
Places avec des Armées fi nombreuſes
, &une fi grandequantité
d'Artillerie , qu'on n'appelle
plus places de Guerre les Villes
GALANT 333
que

dont les Fortifications ne font
ue de terre ; ainfi Ruremonde
eftant de ce nombre , doit
eftre mis au rang des Places
que les Parties en guerre qui
fe trouvent dans le païs avec
de grandes Armées , emportent
aifement ; de maniere que
chaque païs felon les marches
des Armées peut à fon tour
s'en rendre Maistre . Ces fortes
de Conqueftes ne decident
de rien , & fervent feulement
à confoler les Peuples , à qui
l'on fait voir les chofes tout
autrement qu'elles ne font, des
grandes fommesqu'ils font obligez
de fournir pour une guerre
qui ne les peut mener à rien ,
& dont ils fe doivent reffentir
long- temps .
334 MERCURE
Vous attendez fans doute que
que je vous parle de Ruremonde
, ainfi que j'ay fait depuis
plufieurs mois des Villes
que cette Guerre a fait fouffrir
, je vous diray donc pour
fatisfaire vostre curiofité que
cette Ville s'eft renduë recommandable
par fa fidelité envers
les Eſpagnols fes maiſtres naturels
› qu'elle n'abandonna
point leur party dans le temps
de la revolte d'une partie des
Païs- bas , & qu'elle pouffa fi
loin fon zele , qu'elle fit mourir
un Comiffaire du Prince
d'Orange , qui tâchoit de corrompre
la fidelité de fes Habitans
, & de les entraîner dans
le party des Conjurez .
Vous avez trouvé dans ma
GALANT
335
Lettre des Vers fur la bleffure
de Mr le Comte de Noailles ,
par lefquels vous avez appris
avec plaifir que l'on croyoit
ce Comte rechappé dans le
temps que ces Vers ont efté
faits cependant il eft mort
le quarante troifiéme jour aprés
avoir efté trépané : il promettoit
beaucoup . Il eftoit jeune
, beau , fage & brave . Enfin
il fortoit du fang de Noailles
je ne puis vous en - dire davantage
.
,
Mi le Marquis de Humieres
eſt mort âgé d'environ quatre
ans. Vous fçavez que feu Mr
le Maréchal de Humieres
n'ayant point de garçons , Mademoiſelle
de Humieres époufa
un des Fils de Mr le Duc d'Au336
MERCURE
mont : Il eftoit du fecond lit ,
& fa Mere eftoit Ventadour
il prit en fe mariant le nom
de Humieres , & c'eft de ce
Mariage qu'eftoit iffu le jeune
Marquis de Humieres qui
vient de mourir. La Maiſon
de Humieres fe trouve éteinte
par cette mort . J'ay oublié
de vous parler de Mr de
Monplaifir Maistre d'Hoftel
du Roy , Neveu de Mr Thomé
, il eftoit bien fait , & fort
eftimé . Il y avoit quelque
temps qu'il fentoit de grandes
douleurs de tefte . Il devoit
eftre purgé le lendemein , mais
on le trouva mort dans fon lit ,
l'abcez qu'il avoit dans la teſte
avant crevé . Il avoit jeté quantité
de ſang par les narines.
GALANT
337
Madame la Marquise de Vibray
eft morte. Elle eftoit
Soeur de Mr le Marquis de Barbezieres
Lieutenant General
des Armées du Roy d'une tres
ancienne Maiſon & tres illuftrée
. Quand à la maison de Vibray
on connoift affez & le
rang qu'elle tient dans le monde
& la Nobleffe dont elle fe
glorifie à bon droit . Mr le Mar+
quis de Vibray fert depuis longtemps
avec une graude diftinction
. Il eſt
d'Officiers qui
marquent & plus d'application
à leur devoir , & plus de cou.
rage dans les actions , où il
faut payer de fa perfonne , il
en a fouvent donné des preuves
peu
Madame de Vibray avoit efté
338 MERCURE
Dame d'honneur de Madame
de Guife . Il n'en faut pas d'avantage
pour faire connoiftre
devoit eftre qu'elle d'un
grand mérite , & d'une grande
vertu .
Je devrois vous parler de la
mort de Mr le Maréchal Duc
de Lorges ; mais les articles de
cette confequence demandent
tant de temps , tant de recherches
,
& j'ay à vous parler
d'un fi grand nombre d'actions
& de tant de grandes Alliances
, que je me trouve obligé
de remettre cet article au mois
prochain , auffi bien que celuy
dela mort de Madame la Ducheffe
de Gefvres .
Madame de Coëtlogon , aprés
avoir fouffert pendant vingt
GALANT
339
deux mois des douleurs plus
cruelles que celles de la mort
eſt accouchée d'un enfant petrifié
.
Mr Liébaux qui travaille actuellement
à donner au Public
toute la Lombardie en détail ,
vient de mettre au jour une
Carte particuliere du Duché
de Ferrare , où l'on trouve le
Polefino de Rovigo , Partie du
Padoüan , du Vicentin , du Veronois
, du Mantoüan , de la
Mirandole , du Modenois , du
Bolonois & les differentes
branches du Pô , où font leurs
embouchures dans le Golphe
de Venife . L'on pourra voir
dans certe Carte tous les endroits
où les Imperiaux
prétendent prendre des quar
Octobre 1702 .
Ee
,
340 MERCURE
tiers d'hiver ; elle fait la fuite
de fon Duché de Mantouë , &
fe peut joindre . Elle eft tresexactement
dreffée fur les Memoires
d'Antonio Magini , &
felon les nouvelles Relations .
Je ne parleray pas de la beauté
de la gravure de cette Carte ,
elle égale celle des ouvrages
dont le Public luy eft obligé .
On les trouvera chez l'Auteur
au petit Pont , attenant le petit
Chaſtelet , à cofté du Cigne de
la Croix .
Voicy la fin du Journal de
Fontainebleau .
Le Samedy 21. il y eut le matin
chez le Roy Confeil Royal
de Finances . Sa Majesté en
tint un autre de Religion l'aGALANT
341
prefdinée . Monfeigneur fe proména
en caroffe avec Madame
la Princeffe de Conty fur les
bords du canal & dans les routes
du Parc . ' Madame la Ducheffe
de Bourgogne fit la même
promenade avec les Dames
de fa fuite . Le foir les Comediens
reprefenterent l'Ecole des
Femmes de Moliere.
Le Dimanche 22. il y eut le
matin chez le Roy Confeil de
Miniftres . La pluye qui dura
tout le jour , empêcha le Roy
d'aller tirer . Monfeigneur ni
Meffeigneurs les Princes ne
fortirent point par la même
raifon , non plus que Madame
la Ducheffe de Bourgogne . Le
foir l'on chanta dans l'Appar
tement de Monſeigneur deux
Ee ij
342 MERCURE
1
Actes de l'Opera de Coronis
de Mr Mathaut , qui n'avoient
point encore efté entendus.
Le Lundi 23. le Roy ne tint
Confeil que l'aprefdinée à trois
heures & demie , où Moufeifeigneur
aflifta. Madame la
Ducheffe de Bourgogne ni
Meffeigneurs les Princes ne
fortirent point. Le foir il y eut
Comedie pour la derniere fois.
Les Comediens , reprefenterent
la Tragedie des Horaces de Ms
de Corneille l'aîné , & la petite
Comedie de la Parifienne
du Sieur Dancourt.

Le Mardi 24. il y eut le
matin chez le Roy Conſeil
Royal de Finances , Monfeigneur
& Meffeigneurs les PrinGALANT
343
ces coururent le Loup . Le Roy
alla tirer l'aprefdinée . Madame
la Ducheffe de Bourgogne ne
fortit point .

Le Mercredi 25. il y eut le
matin chez le Roy Confeil de
Miniftres & Chaffe du Cerf
l'aprefdinée pour la derniere
fois. Monfeigneur , Monfeigneur
le Duc de Bourgogne ,
Madame la Ducheffe de Bourgogne
, Monfeigneur le Duc
de Berry , Madame & Monfieur
le Duc d'Orleans furent
de la partie .
Le Jeudi 26. Monfeigneur
monta en caroffe à sept heures
& demie du matin pour aller
dîner & coucher à Meudon . Il
avoit avec lui dans fon caroffe
Madame la Princeffe de Conty
244 MERCURE
Madame la Princeffe d'Epinoy
, & Madame la Marquife
d'Urffé . Le Roy entendit là
Meffe à dix heures, & mangea à
onze dans fa Chambre à fon petit
couvert. Madame la Ducheffe
de Bourgogne qui avoit
efté à la Meffe avec Sa Majeſté
, donna chez elle un grand
déjeûner aux Dames de fa fui-
Monfeigneur le Duc de
Bourgogne & Monfeigneur le
Duc de Berry eftoient partis
de bonne heure pour aller
droit à Verſailles . Le Roy
quitta Fontainebleau un peu
avant midi , ayant avec luy
dans fon caroffe Madame la
Ducheffe
Madame Madame la Ducheffe
du Lude , Madame la
te.
,
de Bourgogne ›
GALANT
345
Ducheffe de Ventadour , &
Madame la Comteffe de Mailly
; il relaya à Ponthierry , &
arriva à Villeroy à quatre heures
& demie . Si toft qu'il fut
defcendu de caroffe , il fe pro
mena à pied dans le jardin
quoy qu'il fit un peu de pluye ,
& Madame la Ducheffe de
Bourgogne l'y accompagna ,
Il monta enfuite dans une de
fes caleches découvertes , &
parcourut toutes les routes du
Parc . Madame la Ducheſſe de
Bourgogne fe mit dans une autre
fuivie de quelques unes de
fes Dames , & fit la même promenade
, conduifant elle -même
fa caleche. Le Roy ne rentra
dans le Chateau qu'aux
approches de la nuit . Le ſoir à
346 MERCURE
dix heures l'on fervit le fouper
de Sa Majefté fur une table de
dix-huit couverts , où toutes les
Dames eurent l'honneur de
manger avec Elle.
Le Vendredy 27. le Roy fe
leva à fon heure ordinaire , entendit
la Meffe à dix heures , &
fe mit à table à la demie. La
table de dix- huit couverts fut
fervie ainfi que le foir prece .
dent. Sa Majesté partit de Villeroy
avant midi
changea
de chevaux à Juvify , paffa à
Seaux fans s'y arrefter , & arriva
à Versailles avant cinq
heures.
>
J'aurois dû vous parler au
commencement de cette Lettre
du détachement de l'Armée de
M'
GALANT 347
Mr de Catinat commandé
par
Mr le Marquis de Villars , &
de la premiere action de ce
Marquis en établiſſant fon Pont
à Huningue , mais j'ay differé
à vous en parler , afin de vous
donner dans un feul corps hiftorique
tout ce qu'il a fait de
puis le commencement de Septembre
qu'il a efté détaché julqu'à
la fin d'Octobre. Voicy
les Troupes de ce détachement
de l'Armée de Mr de Catinat.
.
Lieutenans generaux.
Mr le Marquis de Villars.
Mr de Bordes.
Mr le Comte du Bourg.
Maréchaux de Camp.
Mr de
Maignac.za
Mr le Marquis de S. Maurice ,
Octobre
1702.
Ff
348 MERCURE
Mr de Chamarante,
Mr de Biron .
CAVALERIE. I
Efcadrons.
Le Royal.
Vivans FHAJMİ
Saint Poange.
3
2
2
La Feronnaye. A IMAXT 2
Dauphin.
Monin .
3
2
Dauriac .
Brifface
Condé .
Fourquevaux.
Seve.
S. Crifto .
Conflans.
Merrainville .
Biffy.
Baux .
2
22 2
2
34
2
2 2 2 2
GALANT 349
DRAGONS .
Efcadrons.
1.
La Reine.
Givaudan.
INFANTERIE.
PREMIERE LIGNE.
BATAILLONS. M
Bligny , Brigadier.
3
3
3
Champagne .
2
3
Lorraine,
$Xaintonge,
I
5
Chamilly , Brigadier.
Coëtquen .
$Bearn ,
Brie .
4
Ffij
350 MERCURE
- Du Tot , Brigadier.
La Reine .
Guyenne.
Polignac , Brigadier.
3
I
Aunis .
Vermandois.
Bourbonnois.
5
SECONDE LIGNE...
BATAILLONSTIDEKAL
bool & £ 7 .
Chavannes , Brigadier, stor
Poitou . 2
Toulouſe.
4
Ramigny , Brigadier.
Condé .
Hefnault.
GALANT 35 !
Lanois.
Robey , Brigadier.
Agenois.
Robey.
Nivernois .
Cruffol.
I
I
I
46I
Il y avoit trente- trois pieces
de canon avec ce Detachementa
f La lettre qui fuit vous inftruira
à fond du détail de la premiere
affaire .
Au Camp de Saint Louis ,
le 2.
Octobre 1702 . 2 .
L'Armée des Ennemis ayant le
devant de trois jours fur celle du
Ff ij
392 MERCURE
Roy , avoit paffé à la hauteur de
Strasbourg dés le 22 , celle de Sa
Majeftéfe mit en marche le 24
le 30 de Septembre l'Infanterie arriva
au Camp prés de Huningue .
On avoit commencé à travailler
au Pont des trois heures du matin,
Ce même jour- là le Camp des En
nemis fut fortifié de quarante Eſcadrons
, arrivez à l'entrée de la nuit.
Dés la pointe dujour Mr le Matquis
de Villars avoit difpofé l'Artillerie
pour favorifer le paffage ,
& les détachemens des Grenadiers
qui devoient avoir la tefte. L'on
n'attendoit que las perfection du
Pont pour commencer à fe placer
dans l'Ifle L'on vit arriver à buit
heures du matin vingt - quatre à
vingt - cinq Bataillons commandez
par le General Thungen ce
3)
3
GALANT 3 : 3
qui joint au Corps qui eftoit déja
joint au Camp de Fridlingue , tom ,
pofoit ane Armée de prés de vingtcing
mille hommes
Le Pont fur le grand bras da
Rhin ne fut acheve que le premier
Ottobre à midy & àpeine les der.
nieres poutres furent elles placées
que le canon paffa , & fut difpo-
Jé dans les ouvrages de l'Ifle. On
commença à faire un Pont fur le
dernier bras du Rhin , & en mef
me-temps on fit paffer quelques
Compagnies de Grenadiers dans des
bateaux & des Travailleurs pour
faire un Retranchement au delà du
Rhin à la demie portée du Mouf
quet de ceux des Ennemis • Leur canon nous incommoda mediocrement
& il n'en coûta que trois
ou quatre hommes.
Ff iiij
314 MERCURE
Le Pont fur le dernier bras ne
fut achevé qu'à l'entrée de la nuit.
Mir de Villars & les Officiers Get
neraux pafferent le Rhin , & fir
rent étendre des
Retranchemens à
la gauche d'un Redan qui couvroit
le Pont.
Comme les
Ouvrages eftoient
imparfaits , on ordonna aux Compagnies
des Grenadiers qui eftoient
à la tefte des
Travailleurs de
ne pas
s'opiniatrer à foutenir ces
Ouvrages , & Mrs de Bordes
& de Biron eftant à la tefte de
ces
Grenadiers , ces Mrs voyant.
arriver plufieurs
Bataillons des
Ennemis qui
embaraffoient nos
Ouvrages , firent retirer les Travailleurs,
&
ordonnerent aux Compagnies
des Grenadiers de fe raprocher
à la tefte du Pont , & mef
GALANT 358
me de fe tenir dans les premiers
bateaux s'ils eftoient preffez Les
Ennemis commencerent en mefmetemps
par un gros feu; mais comme
notre Artillerie chargée à cartouche
eftoit bien difpofée, & toute l'Ile
deffendue par prés de deux mille
hommes de pied, on leur répondit fi
vivement qu'au bout de trois quarts
d'heure ils fe retirerent aprés une
perte confiderable les gens de
Bafle nous ayant dit qu'on y avoit
porté plufieurs Officiers bleffez.
Le moment d'aprés l'on replaça
les Grenadiers & les Travailleurs
dans les Ouvrages aufquels les
Ennemis n'avoient rien derange ,
& on les mit dans leur perfections
Mr de Villars en ordonna un nouveau
qui avance dans la plaines
de maniere qu'on peut fe mettre en
sh

316 MERCURE
bataille pour marcher aux Ennemis
dés que les Troupes de Mr de
Baviere feront arrivées des Montagnes
.
Mrs de Bordes de Biron
eftans de jour ontparfaitement bien
fait , l'on ne peat marquer
plus d'ardeur & de bonne volonté
que Mrs de Seignelay & de Nangis
Colonels en ont fait paroitre,
Mr de Bligny comme Brigadier.
Les Grenadiers de Champagne ont
tous bienfait,
LISTE DES OFFICIERS
bleffez depuis le premier
jufqu'au fecond .
Du Regiment de Champagne.
Mr de la Riviere , Lieutenant
des Grenadiers bleffé à
la cuiffe.
GALANT 37

Mr. Boileau Lieutenant des
Grenadiers bleffé à mort , un.
Sergent des Grenadiers le ge
nouil caffé .
Du Regiment de Coëtquen.
Mr d'Armand de Grenadiers
bleſſé à la tefte
Du Regiment de la Reine .
Mr du Meny Lieutenant Re
formé des Grenadiers , bleffé
au pied , deux doigts coupez.
Du Regiment de Vermandois.
Mr de la Cau , Capitaine
bleffé au bras .
Du Regiment de Robey.
Mr de Saint Pierre , tué.
Aprés l'action qui ſe paffa
la nuit du premier au fecond
d'Octobre
Mr le Marquis
de Villars fit travailler aux
ouvrages commencez , pour
318 MER CURE
couvrir la tefte de fon Ponts
les Ennemis ne s'y oppoferent
qu'avec le canon d'une feule
Baterie , qui ne put incommoder
beaucoup , parce qu'on
leur répondit par le feu de plufieurs
Bateries , ce qui dura
jufqu'au treize avec une fuperiorité
qui fit perdre beaucoup
de monde aux Allemans . Cependant
Mr de Villars qui cher →
choit les moyens de les faire
decamper , donna ordre à Mr
de Laubanie Gouverneur ande
Brifac de fe faifir de la Ville
& du Chafteau de Neubourg.
C'eft une petite Place fur le
Rhin ituée à quatre lieuës
d'Huningue . Marie de Medicis
la trouva fi agreable , qu'en
paffant pour aller en AllemaGALANT
359
gne , elle y fit un fejour de
quinze jours . Cette Princeffey
revint l'année fuivante , &
y demeura pendant trois femaines.
co
- Mr de Laubanie fuivant les
ordres qu'il avoit reçus fit
partir de 13 à trois heures du
matin trois cens Fantaflins qui
allerent fe faifir de Neubourg,
ce qu'il executa heureufement.
La Garnison fut faite Prifonniéré
de Guerre . Elle eſtoit
compofée de deux Compagnies
de Suiffes & de trente dragons,
Mride Villars ayant fçu que
festordres avoient efté execu
tezby fit defcendre vingt Bateaux
pour y faire un Pont avec
tout l'attirail neceffaire ces
Bateaux porterent en meſme360
MERCURE
temps un détachement de deux
mille hommes , commandez par
Mr le Marquis de Biron . Il fit
paffer auffi de l'autre cofté
quelques Brigades de Cavalerie
& d'Infanterie qui demeu .
rerent dans l'Ifle & dans les
Ouvrages de l'autre cofté. Mr
le Comte de Guifcard que Mr
le Marefchal de Catinat envoyoit
à Hunigue , avec un renfort
d'environ dix mille hommes
, fe trouva alors à la hauteur
de Neubourg . Mr le Prince
Louis de Bade arrivé depuis
peu au Camp des Ennemis en
ayant eu avis , & craignant
qu'on luy coupaft les vivres
dont il commençoit à manquer,
refolut de decamper le 14. au
matin. Ce decampement forcé
GALANT 35t
fut d'autant plus glorieux à
Mr le Marquis de Villars , que
c'eftoit un effet de la bonne
manoeuvre qu'il venoit de faire
, en faifant prendre Neubourg
, puifque fans la prife de
cette Place les Ennemis n'auroient
point pensé à decamper,
ils sattendoient fi peu d'y estre
obligez qu'ils failoient fortifier
leurs retranchemens d'une
maniere qui faifoit connoître
qu'ils avoient refolu d'y demeurer
long- temps . Leur decampement
avant donné lieu au Combat
de Fridlinguen , dont le Side
fuccez a efté fi glorieux aux
Armes de France ; j'ay crû que
la Lettre envoyée au Roy par
Mr le Marquis de Villars vous
en apprendroit mieux le dé-
F
362 MERCURE
tail que toutes les Relations
que je pourrois vous envoyer.
Il s'eft fait un fi grand nombre
de Copies de cette Lettre , qué
je ne doute point qu'elle ne
foit parvenuë jufqu'à vous ;
mais comme vous fouhaitez
que toutes ces fortes de pieces
fe trouvent dans les Lettres
que je vous écris , & que plufieurs
perfonnes negligent d'en
prendre des Copies dans la
penfée qu'ils trouveront dans
mes Lettres toutes les pieces
de cette nature , je vous en envoye
une Copie . Je croy que
que vous n'ignorez pas que la
premiere nouvelle du gain de
cette Bataille fut apportée par
Mile Comte de Choifeüil , Beau .
frere de Mr le Marquis de Vil
SGALANT 363
&
lars. Il fit une extrême diligence
, & arriva le 17. & Mr
le Comte d'Ayen qui apporta
le détail que vous allez lire,
arriva le lendemain . Ce Comte
ne fut pas feulement envoyé
pour apporter ces détaill
cftoit chargé de dire au Roy
plufieurs chofes , dont il devoit
porter la réponſe à Mr de Villars
, & ce Marquis l'avoit
choifi comme un homme à cqui .
il pouvoit vconfier les chofes
qu'il avoit à faire fçavoir à Sa
Majestérov si conico 1200 2
sup you at eiged and agov
Bl DUP DAY SSICAJNAL
staing on ollusion Stavang
Octobre
1702 . Gg
364 MERCURE
LETTRE
ECRITE AU ROY,
par Mr le Marquis de
Villars du Camp de
Fridelinguen du 15. Octo .
bre 1702.
Ax eu l'honneur de rendre compte
à V. Majefte par une affez
Longue dépefche du 14. de tout ce
qui regarde la Prife de Neubourg,
qui a coûté le Sieur de la Petitiere,
Capitaine des Grenadiers de Cruffol,
à la valeur duquel , & à celle
du Sieur Forau , Lieutenant Colonel
de Bearn , font dus les heureux
fuccezde cette prife . Mr le Marquis
de Biron donné à fon or y a
GALANT 265
dinaire tous les ordres neceffaires ;
ce qui luy a caufé le malheur de
ne pouvoir fe trouver à la bataille,
dont Mr de Choiſeüil aura l'honneur
de donner la fùre nouvelle à
V. Majesté.
Je fus informe que l'Armée de
l'Empereur commandée par Mr de
de Bade fe mettoit en marche le
le 14. & quittoit fes Retranchemens
des le 13. P'Infanterie de Sa
Majefte avoit paffé le Rhin , &
la Brigade de Vivans ; fur ce que
la Prife de Neubourg nous fai
foit voir un mouvement fort dif
dans le Camp des Ennemis . L'on
erui qu'il eftoit bon de fe mettre en
difpofition d'empefcher leur Armée
de troubler noftre establiffement dans
cenouveau Pofte , & de l'attaquer,
fi l'on en détachoit quelque Corps
ki
Gg ij
266 MERCURE
Infanterie , pour aller vers Neubourg.
Voftre Majesté comprendra
que fon Armee ayant efté placée
au delà du Rhin dés le 13 par les
raifons que j'ay l'honneur de luy
en dire , fut promptement en bataille
dans les Retranchemens des
Ennemis . Le matin du 14. Mrs
de Bordes & Chamarande s'étoient
mis à la tefte de l'Infanterie
, laquelle marcha aſſez diligem.
ment pour gagner la crefte d'une
montagne affez elevée. La Cavalerie
des Imperiaux plus forte de
deux mille Chevaux que la noftre
eftant en bataille dans la plaine,
celle de Sa Majesté fut placée au
Fort de Fridelinguen , malgré un
affez grand feu de l'Artillerie de ce
Fort , & fa droite appuyée à cette
montagne , que l'Infanterie avoit
occupée.
A
GALANT 367
On apperçut dans ce moment que
Infanterie des Ennemis faifoit
tous fes efforts pour gagner la creste
de la hauteur , avec cette circonf
tance qu'elle y montoit en bataille,
& que celle de Sa Majeſtě traver
foit des vignes & des hauteurs ef
carpées qui rallentiffoient la marche
. birotex
Je dois faire obſerver à Sa Majefté
que l'on avoit envoyé à Neubourg
deux mille hommes de fon
Infanterie , parmi lesquels eftoient
plufieurs Compagnies de Grenadiers
, les deux Regimens de la
Reine & de Givodan : cependant
Mrs de Bordes & Chamarande
dont la valeur preffoit les mouve
mens de l'Infanterie , le premier
peut eftre avec un peu trop d'ardeur
marchoit aux Ennemis avec les
368 MERCURE
Brigades de Champagne , Bourbonnots
, Poitou & la Reine . Ils
les trouverent dans un bois affez
épais. Les Ennemis avoient leur
canon , & malgré une tres - vigoureufe
refiftance , ils furent renverfez,
& leur canon pris . Pendant
ee temps - ld, Mr de Magnac , qui
eftoit dans la Plaine à la tefte de
laCavalérie, vit celle des Ennemis
s'ébranler pour venir à la charges.
celle de Votre Majesté eftoit dans
tout l'ordre convenable . On avoit
dés le matin , commandé aux Ca.
valièrs de ne fe point fervir d'ar
mes à feu, & de ne mettre l'épée à
la main qu'à cent pas des Ennemis
& a la verité ils n'ont pas tiré
un cup. Les Imperiaux ont fait
les trois quarts du c'emin . Mr de
Magnacfuivi deMy desMauris qui
GALANT 369

a
commandoit la feconde ligne , &
qui s'eft en bon & ancien
Officier, s'eft ébranlé de deux cens
pas la charge n'a efté que trop rude
par la perte de plufiears Officiers
dontj'auray l'honneur d'envoyerune
Lifte à . Majesté par le premier
ordinaire .
La Cavalerie Imperiale a efté
entierement renverfee , fans que les
Efcadrons de V. Majefte fe foient
démentis , & l'on a mené les Ennomis
jufqu'à un defilé qui les a
fait perdre de veuë , fans qu'il fe
foit écarté un Cavalier pou le
pillage , nypourfaire des Prifonniers.
"
Les nouveaux Regimens n'ont
pas cede aux anciens ; & pour
fcavair ceux quife fons diftinguez,
il n'y a qua voirlidre de batail
370
Viamandoit
la
MERCURE
les Mr de
Cavalerie. Mr de Conflans Brigadier
, Mr de Maffembak Colonel
Reformé, commandoit par fon ancienneté
la Brigade de Condé , &
a fait des merveilles , Mrle Marquis
du Bourg Colonel du Royal,
Mr le Prince de Tarente , Capitaine
dans ce Regiment , Mrs de
Saint Pouanges , Fourquevaux,
qui a pris fept Etendars des Ennemis
, avec fun nouveau Regiment
, Mr de Conflans Brigadiers
& en un mot , j'ofe dire a V. Majeffé
qu'elle peut compter que cette
Cavalerie s'eft furpaffee , & jugez
de la perte des Imperiaux , par la
perte qu'ils ont faite , trente- quatre
Etendars , trois paires de Tymbales
, & nous voyons par des ordres
de Bataille pris aux Ennemis,
qu'ils
GALANT
371
qu'ils avoient cinquante -fix Efcadrons
, & Voftre Majefté foixante-
quatre. Les fix de la Reine.
& des Grenadiers ayant efté envoyez
la veille pour marcher vers
Neubourg Noftre Infanterie
-
voit deffait & renversé par trois
charges differentes , celle des Ennemis
pris leur canon ; mais la
trop grande ardeur , jointe à la
mort de Mr de Bordes , Lieute
nant General , & de Mr de Chavanes
Brigadier , la porta à for- ·
tir dans la Plaine , aprés avoir
chaffé les Ennemis du bois , & à
perdre ainfi fon avantage . Mr de
Chamarande , qui dans tout le
cours de cette action s'eft parfai
tement diftingué Mrs de Schelberg&
du Tot , ne purent empefcher
qu'elle ne revint ; cependant on
Octobre 1702. Hh
372 MERCURE
peut juger de l'avantage qu'elle a
eufur les Ennemis pour avoirgagné
plufieurs de fes Drapeaux , fans en
avoir perdu un feul. Tous les jeu.
nes Colonels y ont montré une valeur
infinie . Mrs de Seignelay , de
Nangis , Coëtquen le jeune , Chamarande,
le Comte de Choiseuil, de
Ravetotont toujours eftéd ins leplus
grandperil, le plus grandfeu . Les
Ennemis ont eu plus de trois mille
hommes tuez fur le Champ de bataille.
Ils n'ont point de nos Prifonniers
Nous fçavons que le General
Stoffembergy a efté tué. On dit auſſi
le Comte de Fuftemberg Stiling, les
Comtes de Konigſeck, & deux autres
Colonels faits tous prifonniers
avec vingt- trois Officiers.
Le Comte Hoohenloo demande
de pouvoir aller à Bale furfa paGALANTA
373 .
role. Nous avons efté aujourd'huy
fur le champ de bataille , & les
endroits où les bataillons ont efte
deffaits , font marquez par quanté
d'armes abandonnées .
Cependant le temps qu'il a falu
pour remettre quelque ordre dans
noftre Infanterie , à fauvé celle des
Ennemis. Le Chevalier de Traifmaines
Major General y a parfaitement
bien fervi auffi bien que
Mr de Beaujeu Maréchal des
Logis de la Cavalerie , l'on a pouf
fé les Ennemis à une lieüe au delà
du Champ de bataille , dans lequel
l'Armée de V. Majesté à campé.
L'on croyoit quatre pieces de Canon
égarées , lefquelles ont efte
trouvées ce matinsjufqu'ici l'on n'en
a que deux des Ennemis ; mais j'en
ay veu fept ou buit autres bien loin
Hh ij
374 MRRCURE
derriere noftre Infanterie. Il eftrare
& heureux que dans une affaire
auli rude & auffi difputée , l'Ar
mée de Votre Majesté n'ait perdu
Drapeaux ny Etendurt , ny Timbales
; & que l'on ait plus de
rente quatre de ceux des Ennemis .
Voilà , Sire , le compte quejedois
avoir l'honneur de rendre à Votre
Majefté d'un avantage ordinaire
à fes armes toujours victorieuses .
Nous aprenons que le Comte de
Furftemberg eft mort de fes bleffures.
Ce feroit une grande perte ,
& pour Mr le Prince de Bade
dont il eftoit l'homme de confiance.
Cette bataille eft d'autant
plus glorieufe aux Armes du
Roy que les Ennemis avoient
l'avantage du lieu , qu'ils

GALANT 375
avoient des hauteurs , & des
Villages dans leur Camp , qu'ils
s'eftoient preparez à combatre
en cas qu'ils fuffent attaquez ,
qu'ils eftoient en bataille avant
que les Troupes du Roy s'y
miffent , & qu'ils eftoient fuperieurs
en nombre à caufe des
Troupes que nous avions à Huningue
, à la Garde de noftre
Pont , & à Neubourg.
}
Les
Ennemis ayant tous ces avantages
, Mr le Prince de Bade ne
douta point du gain de la bataille
, & dit affez haut pour
eftre entendu de tous ceux qui
l'environnoient , j'auray aujour
&buy bon marché des François .
Ces paroles font beaucoup
mieux l'éloge des Troupes qui
ont combatu que tout ce que
Hh iij
376 MERCURE
j'en pourrois dire Mr le Prince
de Bade eft un Prince éclairé
qui ne fe flate point , qui juge
fainement des chofes , &
puifque les François ont gagné
cette bataille contre fon opinion
, il faut qu'ils fe foient
furpaffez eux mefmes , & comme
le gain d'une bataille dépend
en partie de la valeur
& de la conduite d'un General
, il ne faut pas s'étonner fi
cette action qui couvre de
gloire мr le Marquis de Villars
luy a fait meriter le bâton
de Maréchal de France . Le
Roy jugea qu'il en eftoit digne
dés qu'il eut apris le détail de
cette grande action . Sa Majefté
ordonna que l'on dreffaft
les dépefches qui devoient luy
.
"
GALANT . 377
eftre portées par мr le Comte
de Choifeuil , & le Roy qui
donne toujours d'une maniere
fi agréable qu'il fait d'abord
oublier ce qu'il donne , pour ne
fonger qu'à la maniere obligeante
dont il honore de fes
graces , mit dans ces dépêches
un billet de fa main , par lequel
ce Prince felicitoit tres obligeamment
Mr le marquis de
Villars de la bataille qu'il
avoit gagnée , & luy marquoit
qu'il l'avoit nommé Maréchal
de France . Je dois ajouter icy
que ce Maréchal eft d'une ancienne
maifon de Lyon où ces
Anceftres ont poffedé les premieres
Charges de la magiftrature
depuis plufieurs fiecles , &
les dignitez de l'Eglife en mê-
Hh iiij
378 MERCURE
me temps . On compte trois
Archevêques de Vienne de
cette mailon qui ont tous gou .
verné cette Eglife avec beaucoup
de zéle & beaucoup de
pieté. Le pere de м le Maré .
chal de Villars eftoit Chevalier
des Ordres du Roy , & avoit efté
long- temps Ambaffadeur en Efpagne
. Il avoit épousé Dame
N... de Gigault de Bellefonds
tante de Mr le Maréchal de
Bellefonds . Son Grand - Pere
eftoit Lieutenant General de
Lyon , qui eft une des plus belles
Charges du Royaume . Il
fut fait Confeiller d'Etat . Il
avoit épousé Dame N .... de
Langes , Soeur du marquis de
Langes , maifon illuftre , & de
N ...... de la Grange d'ArGALANT
379
quien C'est par cette alliance
que м le Maréchal de Villars
eft parent de la Reine de Pologne
. Son bifayeul qui eftoit
un homme tres- confiderable à
Lyon , avoit époufé Dame N ...
Novrat , d'une tres ancienne
maifon de ce pays là . мle мaréchal
de Villars a épousé il n'y
a pas long- temps mademoiſelle
de Varangeville , foeur de Madame
la Prefidente de мefmes .
·
Le Roi eftoit trop fatisfait
du fuccés de la bataille gagnée
par м le Marquis de Villars ,
pour ne pas répandre les graces
fur M le Comte de Choifeuil
qui lui en avoir apporté
la premiere nouvelle , & qui s'y
eftoit diftingué Sa Majesté lui
donna le Regiment de м le
380 MERCURE
Chevalier de Seve tué dans cette
même bataille , & lui permit
de vendre la Compagnie de Cavalerie
qu'il commandoit . м le
Comte d'Ayen fut enfuite dépêché
après avoir efté recompenfé
comme un homme de fa
naiffance. Il reçut avant fon
départ par les mains de Monfeigneur
le Duc de Berry , l'Or.
dre de la Toifon d'or , dont Sa
Majefté Catholique l'avoit depuis
quelque temps pommé
Chevalier..
Comme il eft mal- aiſé de ſçavoir
dés le lendemain d'une bataille
gagnée, toute la perte de
ceux qui ont efté obligez de
fuir , les troifiémes nouvelles
qui font venues de cette victoire,
ont fait connoiftre, que les
GALANT 381
Ennemis avoient beaucoup plus
perdu que
l'on n'avoit crû d'abord.
Je vous ferai voir où va
cette augmentation de perte ,
quand je vous auray parlé de
quelques Perfonnes de diftinction
mortes dans cette bataille.
M' de Chavanes Brigadier des
Armée du Roi & Lieutenant Colonel
du Regiment de Poitou ,
étoit de la maifon de Galand Venieres
, d'une ancienne Nobleffe
dans le Mâconnois . Il eftoit
fils de Jean - François Galand ,
Seigneur de Venieres , qui avoit
longtemps porté les Armes pour
le fervice du Roy , dans le Regiment
de Choin en 1635. &
dans celuy de Tavanes en 1638.
& depuis chez les Venitiens en
1
382 MERCURE
qualité de Lieutenant Colonel
de Cavalerie , fous les ordres du
Marquis de Gallerandes ; &
d'Angelique de Marefte , Fille
de Jean- Louis de Marefte , d´une
illuftre Maifon de Savoye ,
& de Claudine de Mongey ,
d'une des plus anciennes maifons
de Bourgogne , qui a l'honneur
de defcendre par femmes
de Jean de Champaneys , Comte
Palatin , Chevalier & Confeiller
de l'Empereur Frederic
III. Jean - François Galand ,
eftoit Fils de Jean Galand , Seigneur
de Venieres , Capitaine
dans le Regiment de Tavanes
en 1628. & de Sarrigny en 1630..
& de Florence Marefchal , fille
de Philibert Marefchal , Ecuyer
Seigneur de Montfymont , & de
GALANT 283
-
Françoife de Scyturier . Celuici.
eftoit fils de Jean Baptifte
Galand, Ecuyer Seigneur de Venieres
; homme d'une rare fuffifance,
& de Creftienne de Chalecy
fille de Jean de Chalecy &
de Catherine de Baronnat Ce
Seigneur de Venieres étoit Gentilhomme
ordinaire de la Venerie
du Roy , & il fut pourvû en
1575 de la Capitainerie de la Ville
de Tournus , par le Duc de
Mayenne , en faveur des grands
fervices qu'Antoine Galand ,
Ecuyer Seigneur de Venieres
fon Pere , avoit rendus aux feu
Rois à la guerre & aux importantes
commiffions dont on l'avoit
chargé. Le Maréchal de
Tavanes dans la Compagnie
d'Hommes d'armes duquel il
384 MERCURE
avoit fervi avec diftinction , &
pour avoir enfuite commandé
une Compagnie de cent Arque .
bufiers à cheval , fous le Duc
de Mayenne . Son fils Jean- Baptifte
Galand accompagna le
Duc d'Elbeuf au voyage qu'il
fit contre les Reiftres , & en
1594. il furprit la Ville & l'Abbaye
de Tournus par efcalade ,
dont il fut avoüé par le Prince
de Mayenne , qui luy en donna
le Gouvernement . Enfuite par
un Traité fait avec Henry IV .
le 27. Octobre fuivant Mr de
Venieres s'obligea de remettre
à Sa Majefté la Ville de Tournus
, avec l'Abbaye de Tournus
, entre les mains de Jean
de Nagu , Seigneur de Varennes
, Gouverneur de mâcon , ce
GALANT 335
qui fut executé le 27. de Fé
vrier 1695. On voit par là de
quelle confideration eſt la maifon
de Philippes Galand , Seigneur
de Venieres , qui vient
d'eftre tué . Il avoit l'honneur
de defcendre par fa mere de
l'ancienne maifon de Chavannes
, qui eftoit déja ſur un grand
pied dans la Province de Breffe ,
au commencement du douzième
fiecle en effet Jacqueline de
Marefte fa mere , qui avoit époufé
en premieres noces Jean Philbert
du Mouton , Seigneur de
Langes eftoit fille , ainfi que je
l'ay déja dit , de Jean- Louis de
Marefte , lequel eftoit né du
mariage de Claude de Ma
refte , & de fa feconde femme
Petronille de мoyria , & celuy.
-
386 MERCURE
cy eftoit fils de François de мa
refte , Seigneur d'Apremont , &
de Claudine de Chavanes , fille
unique de Claude Sr Chavanes
& d'Adriane de Mondragon ,
fille de Pierre de Mondragon ,
Chevalier Seigneur de мonflory
& de la Serra , Prefident en
la Chambre des Comptes de Savoye
. Jean François Galand , Seigneur
de Venieres , pere de ce-
Jui qui vient d'eftre tué , avoit
époulé en fecondes nôces , marguerite
de Savines , fille d'Antoine
de la Fond de Savines ,
Mettre de Camp d'un Regiment
d'Infanterie . Elle eftoit veuve
de François de Longecombe ,
Chevalier Seigneur de Thoy ,
Capitaine de Cavalerie au Regiment
de Crequi , & Maréchal
GALANT 387
des Logis general de la Cava
lerie fous Mr le Premier , mort ,
en 1649. des bleffures reçuës
en un combat prés de Bordeaux
, dont elle avoit eu M
le Marquis de Thoy , aujour
d'huy Maréchal de Camp des
Armées du Roi. Elle eut de fon
ſecond mariage avec Mr de Venieres
Madame de Beyviers ,
mere de M de Beyviers , d'une
des plus anciennes & plus qualifiées
maifons de toute la Bourgogne
, dont le nom eft Plareel
& l'ancien nom мoyffard.
M de Chavannes avoit épousé ,
Dame N ... de la Valette , niece
de м l'Archevêque de Lyon ,
& foeur de м l'Abbé de Chemé
, Chanoine de Saint Jean &
Comte de Lyon. Il en a eu deux
Octobre 1702. I i
388 MERCURE
fils dont le Cadet eft Capitaine
dans le Regiment de Poitou .
Mr le Chevalier de Seve
eftoit fils de мr de Seve premier
Prefident au Parlement
de Mets , & Intendant du Païs
Meffin , neveu de мr l'Evefque
d'Arras , & petit fils de Mr de
Seve , Prevoft des marchands
de Paris , qui avoit épousé une
Heritiere de la Maifon de Rochechouart
. Ce Chevalier ne
laiffe que deux freres Abbez .
La Maifon de Seve eft tres - ancienne
& fort illuftrée : Elle
eft divifée en plufieurs branches
qui ont toutes les premieres
Charges deleurs Provinces.
Il y en a deux à Lyon, de l'une
defquelles мr de Seve- Flecheres
Lieutenant General de
GALANT 389
Lyon eft le Chef, & Mr de
Seve-Laval qui avoit épousé
une fille de la Maifon de Châ
teaumorant - Levi eft Chef de
Fautre. Celui - ci a efté longtemps
Premier Prefident au
Parlement de Dombes . Il y a
une autre branche de cette
Maifon au Parlement de Grenoble
, où ceux de cette illuf
tre Famille ont toûjours poffedé
& poffedent encore les
premieres Charges.
> Baron
Philippe d'Elpoey , S de
Bordes , Chevalier
d'Efpoey , Lieutenant General
des Armées du Roy , Commandeur
de l'Ordre de S. Louis ,
Chevalier de l'Ordre de Saint
Lazáre , cy - devant Gouverneur
de Philifbourg & de Lanli
ij 1
790 MERCURE
dau ; il eftoit âgé de foixantetrois
ans , dont il en avoit paffé
quarante - cinq à la Guerre ; il
fervit d'abord fous Mr le Ma
refchal de Navailles , en qualité
de fon Aide de Camp . Il
entra enfuite au Regiment
de Navarre , où il a elté Capitaine
& Lieutenant Colonel
. Le Roy ayant connu fon
merite , le fit Infpecteur General
d'Infanterie , Gouverneur
de Landau , & enfuite de Philifbourg.
Il eftoit Bearnois , & d'une
ancienne Maifon comme il
parut par les Titres qu'il reprefenta
pour prouver fa Nobleffe
, lors qu il fut fait Che
valier de l'Ordre de S. Lazare.
Il avoit même l'honneur d'être
GALANT
391
parent de feu Mr le Maréchal
de Navailles , fous qui il avoit
appris le métier de la
y a
guerre .
Feu Mr le Baron d'Efpoey
fon pere , poffedoit en Bearn
la Baronnie d'Efpoey & les Terres
de Bordes Caftillon &
Lahitole , dont il donna les
noms à fes enfans. Il avoit
quatre garçons & quatre filles.
L'aîné des garçons appellé le
Baron d'Efpoey eft mort il
quelques années , n'ayant laiffé
que trois filles , dont l'aînée
qui eft Madame Paule d'Efpoey,
eft mariée avec Mr le Marquis
de Jaffes , & les deux autres
à deux Gentilshommes de
Bearn. Il avoit perdu deux
garçons , le Baron & le Cheva→
lier d'Efpoey , Capitaines au

392 MR CURE
Regiment de Navarre , où ils
ont efté tuez , l'un à la bataille
de Fleurus , & l'autre peu
de temps aprés
Mr de Bordes eftoit le fecond
, il n'a jamais eſté marié .
Sa legitime ne revenant qu'à
la vingt- quatrième partie des
biens de fon pere , fuivant la
Couftume de Bearn , ainfi il ne
pouvoit estre riche quand
même fon pere auroit eu de
grands biens . Cependant les
bienfaits du Roy l'avoient enrichy
, & il laiffe des biens affez
confiderables à Madame la Marquife
de Jaffes .
Le troifiéme fils de Mr le
Baron d'Efpoey eftoit feu Mr
de Caſtillon • Capitaine de
Grenadiers au Regiment de
GALANT 393
decedé fans en- Navarre
fans en 1700, à Mets où il eſtoit
marié.
-
Le quatrième fils eſtoit feu
Mr Lahitole Capitaine au
Regiment de Navarre , où il a
eſté tué il y a plufieurs années .
Quant aux quatre filles , élles
furent mariées à quatre
Gentilshommes
de Bearn ; fçavoir
Mr d'Arros de Baradat
dont la Maifon eft fort ancienne
, ayant donné des Gouverneurs
à cette Province
il y a plus de cent trente
ans . Mr de Luboey M² de
Germanaut & Mr de Cantiran
, dont il eſt forty plufieurs
enfans , qui font la pluſpart
dans le fervice entr'autres
Mrs d'Arros de Baradat , Sou
2
354 MERCURE
brigadier dans la feconde Compagnie
des Moufquetaires , où
il fert depuis dix - huit ans ,
Mrs de Louboey & de Germanaut
Capitaines au Regiment
de Navarre , & c.
Mr de Bordes joignoit à une
intrepidité finguliere beaucoup
de prudence. Il avoit l'efprit
jufte , prefent , & fort étendu ,
prevoyant tout , & exact jufqu'à
entrer dans le moindre détail
des affaires qui rouloient fur
luy . Comme il eftoit né avec
peu de bien , il confervoit avec
foin celuy qu'il avoit acquis ;
& il eftoit d'ailleurs fort fobre
& fort reglé en tout , fuivant
le genie de fon païs , où la prodigalité
eft un vice inconnu .
Cependant il a toûjours foûtenu
$
"
GALANT 395
tenu avec éclat la dignité de
fes Emplois, foit par la beauté de
fes équipages , foit par la table
qu'il tenoit Les Officiers affurent
que lors qu'il a efté tué,
fa table eftoit une des meil .
leures de l'Armée .
C'eftoit Mr de Bordes qui
commandoit lors que les Ennemis
avec fix Bataillons , &
un grand Corps de Cavalerie
qui les foûtenoit , attaquerent
la tefte du Pont d'Huningue à
une heure aprés minuit . Mr de
Bordes n'avoit que quatorze
Compagnies de Grenadiers , &
mille Fufilliers, il foûtint tous.
les efforts des Ennemis pendant
une heure & demie que dura
l'action avec le feu de la
Moufqueterie & celuy des Gre-
Octobre Kk
1702.
393 MERCURE
nades , aprés quoy les Alle .
mans furent obligez de fe retirer
fans avoir gagné un pouce
de terrain >
ni endommagé le
Pont.
Mr de Bordes commandoit
l'Infanterie au combat de Fridlinguen
où il a efté tué , il l'avoit
menée en bon ordre fur
une hauteur . Les Ennemis qai
vouloient gagner le même
Pofte , fe voyant prevenus , fe
retirerent dans un bois , où il
les attaqua avec tant de vigueur
qu'il les fit plier , & on
commençoit à les pourfuivre ,
lors qu'il fut bleffé à mort , ce
qui fit un peu changer la face
des chofes , car nos Troupes
s'eftant laiffées emporter à
leur ardeur , allerent à la deGALANT
391
bendade aprés les Ennemis . Mr
de Villars s'en eftant apperçu ,
les rallia , revint à la charge ,
reprit une partie du canon , &
repara le mal que la mort de
M de Bordes avoit caufé , fans
quoy l'affaire auroit eſté com-'
plette.
On doit remarquer la modeftie
de Mr le Marquis de Villars
qui n'a pas dit un feul mot
de luy dans ce qu'il a écrit au
Roy , quoy que toutes les Relations
qui font venuës de fon
Armée , luy donnent de grands
Eloges .
Je vous envoye une Lifte que
les Ennemis qui deguifent toujours
leurs pertes , & qui groffiffent
la noftre , cacheroient
avec foin , s'il fe trouvoient au
Kk ij
208 MERCURE
3
même cas, Je dois neanmoins
Vous dire que depuis que cet
eftat a efté envoyé plufieurs
de ceux que l'on croyoit
morts fe font retrouvez ; c'eſt
l'ordinaire , les Majors metcent
toûjours au nombre
des morts ceux qui ne fe trouvent
pas ; fi vous examinez
cet eftat avec attention , &
que vous vous donniez la peine
de calculer , vous trouverez
que noftre perte ne va pas à
onze cens hommes , & ce qu'il
ya de furprenant , c'eft qu'avant
que l'on cuft travaillé à
cet Etat tous ceux qui ont
envoyé des Relations de l'Armée
ont marqué que la perte ne
pouvoit aller tout au plus qu'à
mille ou onze cens hommes.

GALANT 369
>
C'eft deviner bien jufte : Cette
perte paroiftra peu confiderable,
lorfque l'on confiderera que
l'on a trouvé d'abord plus de
trois mille des Ennemis morts
fur le champ de Bataille , &
qu'en avançant on en a trouvé
une infinité d'autres ainfi
que vous verrez dans la fuite
de cette Lettre . Il nous eft glorieux
d'avoir un nombre confiderable
de morts , & de bleffez .
C'eft une preuve que les Allemans
fe font bien deffendus , &
lá vigoureufe deffenfe des vaincus
donne un grand relief à la
gloire des Vainqueurs.
?
Kk iij
400 MERCURE
Du Camp de Bintzen
Octobre 1702 .
le.20.
OFFICIERS BLESSEZ .
Colonels en pied.
Le Marquis du Bourg.
Lieutenans Colonels.
Daufanne de la Feronnaye..
Capitaines enpied ou majors. 14
Vigourous , eftropié du bras .
Lieutenans en pied.
D'Arbonne , legerement .
Capitaines reformez
Lieutenans reformez:
Maréchaux de Camp .
Colonels reformez.
ZI
I
18
6
63
I
OFFICIERS TUEZ ,
Colonels.
Le Chevalier de Seve .
2
GALANT 400
Lieutenans Colonels.
3
De Riviere , du Royal .
La Ferandiere , de Vivans .
Bondy , de Saint Poange .
Capitaines en pied ou Majors . 4
Lieutenans en pied.
Capitaines reformez:
Maréchaux des Logis .
Cavaliers tuez .
Cavaliers bleffez .
Chevaux tuez .
Chevaux bleffèz.
526
22
145
247
298
148
Total desfept Brigades d'Infanterie
qui ont combatu.
M³ de Chavanes, Brigadier , tué.
Capitaines tuez .
22
Lieutenans & Sous- lieutenans ,
tuez .
30
52
KK iiij
402 MERCURE
Capitaines bleffez.
Lieutenans & Sous - lieutenans
bleffez.
16
91
964 Soldats & Sergens tuez.
Soldats & Sergens bleffez . 1119
Cet état a efté donné par Mrs
les Majors des feize Regimens
de Cavalerie qui ont chargé
& des fept Brigades qui ont
Combatu .
Regimens de Cavalerie qui ont
combatu .
Royal , Dauphin Etranger ,
Condé , Montmain , Vivans ,
Briffac , Saint Poange , la Feronais
, Boux , Seve , & Conflans,
tous vieux Regimens .
Vivans , S. Cristo , Fourqueyaux,
morainville , Dauriac , &
Chevalier de Biff . Nouveaux
GALANT 403
Regimens, mais qui ont fait des
merveilles .
Avant que d'entrer dans le
détail detoutes les circonftances
qui font connoiſtre que la perte
des Ennemis eft beaucoup plus
grande qu'on ne l'avoit crûd'abord
, je dois vous apprendre
un fait curieux , & qui ne doit
pas eftre oublié. Mr de Villars
Içachant parfaitement la guer
re, & que pourréüffir il faut joindre
la rufe à la force , & qu'elle
eft même plus neceffaire à un
General que la valeur dans un
combat , où la prudence ne veut
pas qu'il s'expoſe au peril , à
caufe des fuites fâcheufes que fa
perte pourroit caufer ; Mr de
Villars , dis - je , voulant mettre
tout en ufage pour le ſervice du
404 MERCURE
Roi , & fçachant combien Mr
le Prince de Bade avoit jufqu'alors
efté attentif à faire enlever
les Couriers qu'on envoyoit à
Mr l'Electeur de Baviere , refolut
d'en dépêcher un à qui il
donneroit toutes les inftructions
neceffaires pour fe
laiffer prendre.
Il écrivit pour cet effet
une Lettre dont le contenu fai.
foit connoiftre qu'elle ne pouvoit
avoir efté écrite que pour
Monfieur l'Electeur de Baviere .
Il lui marqua dans cette Lettre
tous les mouvemens qu'il avoit
refolu de faire pour avancer
vers lui ; il y ajoûta tout ce qui
pouvoit faire autorifer le deffein
qu'il avoit pris , & faire
donner Mr le Prince de Bade
dans le panneau qu'il lui tendoit
GALANT 405
Le Courier, eut toute l'habileté
neceffaire pour ſe laiffer prendre
, & pour détourner le foupçon
qu'on auroit pu avoir qu'il
ne cherchoit qu'à fe faire enlever.
Mr le Prince de Bade lut
avec toute l'attention que Mr
de Villars demandoit les Lettres
dont ce Courier eftoit porteur.
Ce Prince refolut de fe
fervir de l'occafion qu'il crut
que la fortune lui prefentoit.
Il donna des ordres dont le ſecret
fut religieufement obfervé.
Il décampa pour aller couper
Mr de Villars , & fit en même
temps un détachement qui eut
ordre d'aller fe faifir de Neubourg
M de Villars doutant
d'autant moins de la prise de
fon Courier , qu'il auroit eu de
406 MERCURE
la peine à êchaper s'il n'avoit
pas refolu de fe laiffer prendre ,
fit de fon cofté , tout ce qu'il
auroit du faire , non - feulement
s'il avoit efté affuré de fa prife ,
mais auffi que Mr de Bade donneroit
dans le paneau , & ne
manqueroit pas de décamper
pour courir à une victoire qui
lui paroiftroit affurée . Il fit
prendre les armes à toute fon
Armée le 13. aprés midi , fit paffer
le Pont d'Huningue à la
plus grande partie de fon Infanterie
, & à une brigade de
Cavalerie. Il fit mettre toutes
ces Troupes en bataille dans
l'Ifle , & dans les ouvrages
qu'il avoit de l'autre cofté , &.
il les fit paffer la nuit au Bioüac ,
pour obferver les Ennemis . Mr
GALANT 407
le Prince de Bade ne manqua pas
de décamper pendant la nuit
ainfique Mr de Villars fe l'eftoit
imaginé , de forte que
dés que
le jour parut il s'apperçut qu'il
n'y avoit plus de Tentes dans
leur Camp Il fit auffi tâter
leurs Retranchemens
ou l'on
ne trouva perfonne . Vous venez
de lire le détail de la bataille
qui fe donna enfuite
c'eft la premiere que ce Prince
ait perdue , & la premiere ou il
a combatu contre des François .
Il a trouvé qu'il n'avoit pas af
faire à des Turcs , & qu'il eft
mal - aifé de les vaincre , pour ne
pas dire impoffible depuis le regne
du Roi. M de Bade doit
eftre d'autant plus fàché de la
perte de cette bataille , qu'il la
408 MERCURE
perdue aprés avoir donné dans le
paneaux qui lui ont efté tendus ,
que м de Villars n'eftoit alors
que Lieutenant general & qu'il
n'avoit point encore commandé
en chef un jour de bataille .
Quant à Mr de Villars il lui eft
obligé de la gloire dont le gain
de cette bataille la couvert ,
& du Bâton de Maréchal de
France qu'il vient de recevoir.
Ce qu'il y a de fâcheux pour
Mr le Prince de Bade , eft que
lorfque l'on fe fouviendra du
temps que Mr de Villars aura
efté fait Maréchal de France ,
& que l'on demandera à quelle
occafion , on dira que c'est pour
avoir battu Mr le Prince de
Bade .
Je dois ajouter aux circonfGALANT
409
tances qui rendent cette bataille
glorieufe aux François
qu'ils ont attaqué les Ennemis
fur une Montagne de demie
lieuë de haut , & l'ont montée
fans eftre en ordre au travers
des vignes plus hautes que
les hommes deforte que
les
Soldats ne fe voyoient pas les
uns les autres , & ne voyoient
pas mefme les Ennemis : cependant
ils ont gagné cette hauteur
, & les ont obligez à fe
jeter dans un Bois . Quant à
ce qui eft marqué dans quelques
relations , que noftre Infanterie
avoit fait quelques mouvemens
défavantageux croyant
qu'elle alloit eftre coupée , &
quil venoit en renfort à Mr de
Bade , elle avoit raison . Ce
410 MERCURE
Prince avoit fait un détache
ment pour aller reprendre
Neubourg , mais comme il apre
hendoit d'eftre attaqué il
eftoit convenu que s'il voyoit
aprocher l'armée de Mr de Vil
lars il feroit des feux fur la
Montagne , & que ces feux
ferviroient de fignaux à ce détachement
qui viendroit auffitoft
le rejoindre . Il en fit , ce
détachement quita fa route &
marcha à luy , l'Infanterie s'en
aperçut , & elle euft lieu de
croire , qu'il arrivoit un renfort
à Mr de Villars , & quelle alloit
eftre coupée . On doit ajouter
à cela que cette infanterie
avoit fait un fi grand feu , & fi
continuel , qu'il luy reftoit peu
de poudre . Cela pouvoit arGALANT
411
river naturellement fans que la
faute puiffe eftre imputée à
perfonne , il y avoit fort longtemps
qu'on s'eftoit mis en marche
pour venir à Huningue ,
c'eftoit la troifiéme action qui
fe paffoit , & l'on avoit fait un
feu extraordinaire dans toutes
ce's actions .
" Outre les divers avantages
dont j'ay déja parlé que les
Ennemis avoient fur nous , &
qui devoient leur Procurer le
gain de la bataille , ils avoient
deux pieces de cañon à la teſte
de leur Cavalerie qui tiroient
à mesure qu'ils avançoient ; &
cette Cavalerie eftoit foutenuë
du Fort fous le canon duquel
elle combatoit . Les Generaux
des deux partis fe font fort dif
Octobre 1792 .
LI
412 MERCURE
tinguez , Mr de Villars a com
batu à la droite avec autant
de préſence d'efprit que de valeur.
T
Mr le Prince de Bade s'eft
auffi fort diftingué , ayant eſté
de rang en rang pendant le
combat , pour exciter fes Troupes
à bien faire. Ce Prince a
efté legerement bleſſé au bras ,
& a reçu plufieurs coups dans
fes habits .
Mr le Chevalier de Chamilly
s'eft montré digne du nom
qu'il porte , trois bleffures qui
à la verité n'eftoient pas dangercules
, n'ayant pû l'obliger
a quiter le champ de bataille ,
au contraire ayant pris deux
pieces de canon aux Ennemis ,
il les fit tourner contre eux ,
GALANT. 43
"
que
&stirer à Cartouches.
Plus nos Troupes ont avancé
aprés le combat , plus elles ont
connu que la victoire qu'elles
venoient de remporter eftoit
beaucoup plus confiderable
l'on ne fe l'eftoit d'abord imaginé
, ayant trouvé quantité de
corps morts , parmi lefquels il
y avoit des perfonnes de diftinction
bleffées , que l'on n'avoit
point pris foin de fecourir , ce
qui marque que les Ennemis
avoient mis toute leur attention
à fuïr & à s'éloigner du
champ de bataille .
Il y avoit outre cela une
tres-grande quantité de bleffez ,
dans plufieurs Villages . On
affure qu'il n'y a point d'Officier
General parmi les Enne-
Llij
4'4 MERCURE
mis, qui n'ait eſté bleſſé , tué ou
fait prifonnier. Je n'en repete
point les noms qui font dans
toutes les Nouvelles publiques,
même dans celles qui ont cherché
à déguifer cette action , &
qui ont donné l'avantage aux
Ennemis . Outre le canon qu'ils
ont perdu , & celuy qu'ils ont
abandonné à deux lieuës de
leur Camp , on a trouvé douze
cens boulets , plus de cinq cens
chariots chargez de provi.
fions de guerre & de bouche
, avec trois mille outils
. Ils ont perdu un fi grand
nombre de chevaux
qu'une
feule Compagnie de nos Troùpes
en a eu plus de quatrevingt
cependant malgré la
perte des Timbales , des Dra-
,
GALANT 415
peaux & des Etendarts , dont
ils n'ont pas pris un feul , malgré
la perte de plufieurs pieces
de canon , malgré le grand
nombre de perfonnes de confideration
tuées ou bleffées , &
trouvées dans plufieurs Villages
, malgré l'abandonnement
du champ de bataille , malgré
la priſe du Fort de l'Etoile, &
une infinité d'autres circonftances
que vous allez voir , les
Ennemis veulent avoir gagné
la bataille , & ont fait imprimer
ce qui fuit : Les Avis
d'Allemagne portent que le Prince
Louis de Bade a batin le
Marquis de Villars , luy a tué
environ quatre mille hommes fa it
fur luy nombre de prifonniers , &
l'a oblige à repaffer le Rhin avec
416 MERCURE
perte d'environ dix- neuf cens hommes
de fon cofté. Si le Prince de
Bade avoit gagné la Bataille ,
ainfi qu'il eft marqué dans cet
Article , il s'enfuivroit qu'il
feroit un fort mauvais General
d'avoir abandonné le Champ
de Bataille d'avoir laiffé prendre
deux Forts , de n'avoir pas
repris Neubourg , aprés avoir
fait marcher des Troupes pour
cette expedition le jour du
Combat & d'avoir fouffert
que Mr de Biron ait efté détaché
pour mettre tout le païs
fous contribution . Voila des
faits inconteftables , & dont
les Ennemis mêmes demeurent
d'accord , fans confiderer qu'il
falloit que nos Troupes fuffent
encore au de- là du Rhin pɔur
GALANT
417
fi
executer la plus grande partic
de toutes ces chofes , ce qu'elles
n'auroient pû faire
elles avoient efté en deçà. Je
pourrois faite cent autres remarques
qui feroient voir la
fauffeté de ce qu'ont écrit ceux
qui ont fait imprimer ces Nouvelles
; mais il me fuffit de
les faper par le fondement
elles ne roullent que fur ce
que Mr de Bade a fait repaffer
le Rhin à Mr de Villars , &
qu'il a perdu deux mille hommes
en le repaſſant , ainſi que
difent d'autres Nouvelles imprimées
. Cependant il eft de
notorieté publique que Mr de
Villars n'a point repaffé le
Rhin , donc ce General n'a
point perdu deux mille hom
418 MERCURE
mes en le repaffant , & tour,
ce qui est rapporté en confequence
, le trouve faux , au
Hieu que la prise des Timbales
, des Drapeaux , des Etendarts
, des Munitions , du Canon
, de la Poudre , des Forts
de l'Etoile & de Fridlinguen ,
fe trouve veritable , auffi bien.
que la courfe de Mr de Biron
dans le païs , & la fuite des
Allemans qui n'ont point pourfuivi
leur Marche vers Neubourg.
Voila la fituation des
chofes aprés le gain de la Bataille
; ce qui peut avoir fuivy
quelques jours après , Mr de
Bade ayant fait venir de nouvelles
Troupes
, ne regardant
point le gain de la Bataille ,
aucunes confequences n'en peu-.
vent
GALANT 419
vent eftre tirées , fi ce n'eft
qu'il n'auroit pas fait venir de
nouvelles Troupes , & degar
ny la Baffe Alface où il avoit
formé de grands projets , sil
n'en avoit befoin tant pour rem .
placer celles qu'il venoit de
perdre , que pour tâcher á reparer
, par quelque nouvelle
action , ou par quelque entreprife
les malheurs de la Bataille
qu'il venoit de perdre.
Le Roy qui ne decide de rien
fans avoir des preuves inconteftables
qui l'obligent à decider
n'auroit pas fait chanter
le Te Deum ; fi la Victoi→
re que fes armes viennent de
remporter pouvoit eftre difputée
, & n'auroit pas marqué
dans fa Lettre à Mr l'Archc-
Octobre 1702. Mm
>
400 MERCURE
vefque trente- cinq Drapeaux
ou Etendarts , trois paires de
Timbales & onze pieces de Ca- ❤
non , fi ce Prince n'avoit eſté
tellement convaincu de la verité,
qu'il eftoit impoffible qu'il
Juy en puft refter aucun dou •
te. Mais l'on doit compter qu'à
l'avenir les Ennemis n'avoueront
aucune perte puifqu'ils
veulent avoir gagné une Bataille
qu'ils ont perdue avec
toutes les circonstances qui
peuvent empêcher d'en douter .
Ils ont raifon d'en uier de la
forte,puifque leurs Peuples veulent
bien eftre trompez.
Il y avoit une erreur dans
ma lettre du mois paffé , le mot
de l'Enigme du mois précedent
GALANT 41
eftoit la Glace , celle du mois
dernier eftoit fur la Lotterie
ceux qui en ont trouvé le veritable
fens font , Mis de Woolhouſe
, Medecin , Oculifte fervant
auprés du Roy de la
Grande Bretagne à Saint Germain
en Laye ; Gille , l'Abbé
Chauvet de la ruë Monconfeil
, du Puis Marchand de la
ruë de la Truanderie , du Mortou
Chevalier de Larquebafe
d'Etampes ; Daniel le Chin
Procureur Fifcal à Eglegny
proche d'Auxerre & les
fieurs Trebuchet & Jacquart
de Nanteuil fes bons amis ;
Jean Guy du Beffey de la ruë
Poupée , & fon grand ami Pierre
Adrien L'abbé de la ruë
Perduë , Mouget de la ruë du
Mm jj
4
'
422 MERCURE
Roule & la dixiéme Mufe du
Faux-bourg Saint Germain fa
Comere ; Daumont , les Abbez
Raffin & Sotier Bodelon
Mademoiſelle le Clerc , la groffe
Janneton ; Marie Chanfi, &
Marie Têtu tous d'Orleans.
du Baiffon de Chartres , fon
infeparable Chevalier Damon ,
& le fpirituel des Plantes Sieur
d'Intus. Le Cholois naturalifé
Manceau de la rue des Mauvaifes
paroles .
Marie Janne
Jaifné rue Portefoin au Marais .
Tamirifte ; fon épouse & fa fille
Angelique ; le jeune homme
de Touraine ; le Teftateur des
Vertugadins ; l'aimable Tournefeuillet
du Lutrain de Saint
Magloire. Le galant Robert ,
les deux petits Coufins GerGALANT
4-23
mais. Mademoiſelle Moreau
de la rue de l'Irondelle ; & le
Maiftre fes bonnes amies . Manon
du coin du petit marché
Faux-bourg Saint Germain ;
Lange de la rue de Condé ;
Madelelaine Miron , l'homme à
bonne fortune Monet & fa
femme du Martois tous d'Orleans
. Marie Sebert & Meffieurs
le Tellier , Damville ,
Robert , de Saint Gilles Barbier
& Jubin. La jeune Mufe
du coin de la rue de Richelieu .
La petite boefte à l'efprit de la
ruë des Lombards ; la charmante
Diane de Beaune en
Gaftinois & Faunus Secretaire
de fes Commandemens ; l'intri
gante Louifon du coin de la ruë
des Noyers rue Saint Jacques.
Mm iij
424 MERCURE
L'Enigme qui fuit eſt du jeune
homme de Tourraine .
ENIGME ..
Je donne un vif éclat , au beau
teint de Silvie
Ie fuis le doux lien ,
Pame & le corps
qui jouint
C'est may qui rend les hommes
forts
Et qui leur fais quitter , en me
perdant, la vie
Bran , gris , bleu , jaune vert ,
Thé , Caffé , blanc & noir
Tout change dans mon creux , en
couleur Cardinale
Quel prodige rien ne m'égale
Je dois pour me garder , nuit &
jour me mouvoir.
GALANT 425
-
a
Mr le Marquis de Chafteanrenaud
, qui avoit efté longtemps
tetenu par les vents
contraires , lorfqu'il fut dépêché
par Mr le Comte de Châteaurenaud
fon oncle , pour ap-`
porter au Roy l'arrivée de la
Flote de la Nouvelle Espagne
à Vigo , en a eu une longue
audience & Sa Majefte
paru tres fatisfaite , tant du
recit de fon voyage que des remarques
curieufes faites par ce
Marquis fur la maniere de commercer
Je ne dois pas oublier
de vous dire en vous parlant de
Ja Marine , que Mr le Comte de
Relingues a eu la Commanderie
de Saint Louis qu'avoit feu
Mr le Marquis de Nefmond ;
que Mr de Pointis a eu la pen-
Mm iiij
426 MERCURE
fion de deux mille livres que
Mr de Relingues avoit dans cet
Ordre ; & que Mr de Montaulieu
Chef d'Efcadre des Galeres
a eu la Penfion de quinze
cens livres qu'avoit Mr de Pointis
. Mr le Chevalier du Fay-
Gentien a eu deux mille écus
pour avoir porté à Madrid la
nouvelle de l'arrivée de la Flote
d'Efpagne à Vigo , & pour
en avoir enfuite apporté la nouvelle
au Roy . Sa Majefté a donné
il y a déja quelque temps à
Mr Capon , Chevalier de l'Ordre
de Saint Louis , Maréchal
des Logis des Chevaux legers
de la Garde , une penſion de cet
Ordre de quinze cens livres ,
vacante par la mort de Mr du
Theil , Chevalier de Saint
GALANT 427
Louis , Maréchal des Logis de
la même Compagnie . Mrs de
Soeffans , & de Valcron ont éfté
faits Chevaliers de S. Louis . Le
ecodon rouge qu'avoit feu M
de Bordes , aeſté donné à мr de
Vareille , qui eftoit dans Keyfervvert
& dans Venlo pendant
le Siege de ces Places . Mr du
Bordage a vendu fon Regiment
à мr le Chevalier de Boufole ,
& мr de Montauban a vendu le
fien à Mr leChevalier deJanfon.
Le Roy a donné l'Abbaye de
Monaftier à Mr l'Abbé de Caf
tries , Neveu de Mr le Cardinal
de Bonzy , fur la démiffion
de ce Cardinal ; celle de Liques.
à Mr l'Abbé Reverzeaux , Aumônier
de la Maifon du Roy ,
& Chapelain de Madame la
428 MERCURE
Ducheffe de Bourgogne ; celle
de Liques à Mr l'Abbé Perrot ,
Grand- Vicaire de Chartres ;
celle de Fourquevaux à Mr
P'Abbé de la Petitiere , dont le
Frere vient d'eftre tué à Neubourg
; celle d'Aubeterre à Mr
l'Abbé de la Vergne ; celle
d'Abbecour à Dom Tonnier ;
celle de Valdieu à Dom Ferry ;
celle Beaulieu à Dom Mathon ;
celle d'Auchy à Dom Portebois
; & celle de S. Pierre de
Tax à Dom Jacques Simon ;
la Prevofté de Montmorillon à
Mr Augier ; le Prieuré de Sainte
Eulalie à Mr Dupuy ; & un
Canonicat de Mets à Mr du
Luc .
Dame Françoife - Gabrielle de
Chabanes de Curton > Veuve
GALANT 429
de Mr le Marquis de Rochechoüart-
Faudoas , fit fa Profeffion
aux Religieufes Benedictines
de Montargis le Dimanche
29. d'Octobre . Mr l'Archevêque

de Sens fit la ceremonie , &
Mr l'Abbé Faudoas , Docteur
de Sorbonne , Theologal de
Montauban , parent de ladite
Dame , prononça un difcours
qui reçut de grands applaudiffeinens.
Ce même Abbé lui avoit
donné la Benediction nuptiale ,
& avoit prêché à fa vêture , ainfi
que je vous l'appris l'année der
niere dans ma Lettre du mois
d'Octobre. Ce que je vous en
dis alors vous fit regarder cette
Dame comme un miracle de
vertu .
La mort de Mr le Duc de
430 MERCURE
Coeflin ayant fait vacquer une
place à l'Academie , Mrle Duc
de Coeflin fon fils a eſté élú
tout d'une voix pour remplir
cette place. Ce Ducayant infiniment
d'efprit , & toutes les
qualitez que l'on peut fouhai
ter dans un Academicien , Mrs
de l'Academie ont crû devoir
reconnoiftre par ce choix les
obligations qu'ils ont à feu M¹
le Chancelier Seguier , & ont
efté ravis de trouver dans un
homme de guerre tous les talens
d'un homme d'efprit .
La Citadelle de Liege ayant
efté affiegée par une Armée quatre
fois plus nombreuſe qu'il
n'auroit esté neceffaire pour un
Siege pareil , la Tranchée fut
GALANT
43 '
>
ouverte le 17 Octobre . On battit
la Place le 19. avec quaran
te pieces de canon , & vingtcinq
mortiers. Le 20 le nombre
des canons & des mortiers fut
confiderablement augmenté
& il eft inoüi jufqu'à preſent
que l'on ait fait marcher un
auffi grand attirail pour une
auffi petite Place . Cela fait bien
voir combien les François font
redoutables , & combien on apprehende
d'en venir avec eux
aux coups de maini cependant
quand le Canon & les bombes
prennent des Places , il y a peu
de gloire pour les Affiegeans ,
& tant de dépense qu'un Eſtat
ne pourroit en prendre beaucoup
de cette nature , fans fe
ruiner en peu de temps . Il ne
432 MERCURE
faut pas s'étonner fi les batteries
de la Citadelle furent bien .
toft démontées & les deffenfes
ruinées . Le foir du même jour
20. les Affiegeans firent attaquer
le chemin couvert par
quinze cens hommes qui furent
repouffez deux fois , & qui s'établirent
aprés une troifiéme
attaque . Les Ennemis perdirent
beaucoup à cette attaque.
Le fils de Mr d'Odyck y fut tué
auprés de мr Doverkerque ,
ainfi qu'un autre Capitaine de
Cavalerie du Regiment de Hubert.
Le 21. les Ennemis firent travailler
à une nouvelle batterie
prés des Paliffades pour battre
en brèche le flanc du Baſtion
oppofé à cette attaque .
GALANT
433
Le 23. à quatre heures aprés
midy tous les ouvrages de la
Place eftant ruinez , & la bréche
auffi fpatieule que les Ennemis
pouvoient fouhaiter pour
monter à l'affaut , quatorze mille
hommes choifis attaquerent
la contrefcarpe. On eft affuré
de réüffir avec de pareilles forcés
, & l'on ne doit pas douter
que fi on ne triomphe pas par
la valeur , on accablera par le
nombre : ce qui ne manqua pas
d'arriver , Mr de Violaine fur
pris
ris fur la bréche , ainsi que Mr
le Duc de Charoft , мr le Comte
de Berlo , & plufieurs Officiers
, mais la Compagnie Hollandoife
des Cadets fouffrit
beaucoup , & perdit quarante
à cinquante Cadets . Les Affie414
MERCURE ,
gez firent jouer une mine qui fit
lauter une Compagnie de Grenadiers
Ecoffois , & enleva une
grande partie d'unbataillonSuifle.
Les Ennemis eftant entrez
l'épée à la main n'auroient donné
aucun quartier , fi Mr de
Marlboroug n'euft dit aux Hollandois
, qu'ils devoient épargner
de braves gens , ce qui fut
un commandement pour leur
faire ceffer le carnage . L'action
de ce General Anglois fut applaudie
, elle ne luy fera pas
inutile , il n'y a rien à perdre
avec les François . La plufpart
furent dépouillez , & la Garnifon
fut conduite à мaftric . мr
de Marlbouroug aprés avoir fait
toutes fortes de bon's traitemens
à мr le Duc de Charoft , le
GALANT 435
renvoya fur fa parole , avec une,
Lettre des plus obligeantes pour
le Duc fon pere .
Le 27 Octobre la tranchée
fut ouverte devant la Chartreufe
de Liege , & le 29. fur
les neuf heures du matin les
Ennemis commencerent à la
bombarder avec quarante mortiers
, & batirent auffi en même
temps tous les ouvrages
avec plufieurs bateries de canon
, de forte que fur les dix
heures du matin tout eftoit en
feu dans ce petit pofte , Mr Millon
qui avoit reçu ordre du Roy
de ne fe
pas deffendre jufqu'à
l'extremité , fit battre la Chamade
, ainfi la Capitulation fut
fignée le 30. & la Garnifon fortit
le 31 avec deux pieces de ca-
Octobre 1702. Nn
435 MERCURE
non , quatre chariots , & vingt
autres pour porter les équipages
. Elle fut conduite à Anvers
avec toutes les marques d'honneur
accoutumés en de pareilles
occafions .
Vous devez eftre fatisfaite da
Journal de ces Sieges , & fur
tout de celuy de Venlo , puifque
le détail de ces Sieges ne
fe trouve point autre part que
dans mes Lettres .
Si ces Villes ne font pas confiderables
, & n'ont point de
rang parmi les Places de Guerre
, c'eft toûjours dequoy confoler
les Hollandois de l'affaire
de Santen , de la Journée
de Nimegue , & de ce que
coûte à la Mairie de Bolduc le
fejour que Monfeigneur le Duc
GALANT 437
de Bourgogne y a fait faire à
fon Armée ..
Si la perte de ces Places
avoit efté jugée d'une grande
importance , & s'il n'eftoit plus
aifé à ceux dont les Armées.
font fuperieures dans le païs ,
de les emporter facilement , aut
lieu de faire des détachemens
de l'Armée de Mr de Boufflers ,
on luy auroit envoyé de nouvelles
troupes , & il auroit pû
facilement empefcher la priſe
de ces trois ou quatre petits
Poftes mais l'on a jugé que
les Troupes que l'on a déta .
chées pour envoyer à мr le
Comte de Tallard ferviroient
bien plus utilement . En effet,
le nombre de chofes importantes
qu'il a faites , eft fi grand
No ij
438 MERCURE
que le denombrement en feroit
trop long. L'affaire de la
Neutralité de Cologne , la prife
de poffeffion de Bonn par les
Troupes Françoifes , les Contributions
tirées de tous coftez ,
la prife du Chateau de Luffdorff
, les Troupes mifes dans
Treves & dans Traerback , dixhuit
mille hommes qui vont
establir des Quartiers d'hyver
dans le Palatinat , & vivre aux
dépens de l'Electeur Palatin ;
joint à l'inquietude que мr de
Tallard donne à мr le Prince
de Bade pour fa Conquefte de
Landau Tous ces avantages
font vingt fois plus confiderables
que les Conqueftes que
les Anglois & les Hollandois
viennent de faire , & nous
GALANT
439
VOUS
meneront à des chofes infiniment
plus grandes . Enfin fi
les Conqueftes des Anglois &
des Hollandois pouvoient nous
chagriner , la Bataille gagnée
par
par Mr de Villars jointe a tous
les avantages que je viens de
marquer , pourroient
nous confoler de la perte de
ces Poftes fans deffenfe , qui
ont tant coûté aux Vainqueurs
qu'ils commencent à manquer
d'argent mais s'il falloit confoler
quelqu'un , ceux qui
ont fait ces Conqueftes , auroient
le plus de befoin .
d'eftre confolez ; & il paroift
que l'on ait eu deffein de leur
tendre des pieges en affoibliffant
l'Armée de мr de Boufflers
, afin qu'ils s'attachaffent
440 MERCURE
pour
d'autres enaux
Places qu'ils viennent
d'emporter pendant que l'on
executeroit de plus grandes
chofes , & qui doivent fervir
de fondement
core plus confiderables , & que
les Ennemis ne peuvent plus
empefcher à caufe de toutes
les mefures qu'on a prifes , &
des Poftes dont on s'eft faifi .
J'ay beaucoup de chofes à
vous dire de l'Amirante de
Caftille ; mais le temps & la
place me manquant
, je me
trouve obligé de remettre au
mois prochain à vous en parler
. Les Amis de Mr l'Ambaffadeur
d'Efpagne , ou plutoſt
tous ceux qui ont en l'honneur
, le plaifir & l'avantage
GALANT 44°
de le connoiftre , ne font pas fâchez
que ce Miniftre n'a pas
encore efté relevé par un autre
Ambaffadeur , parce qu'ils
jouiront plus long temps du
plaifir de le voir. Je croy que
vous eftes perfuadée que le
Gentilhomme connu par beaucoup
d'ouvrages d'efprit &
beaucoup d'autres endroits qui
luy font honneur dans le monde
, eft du nombre de ceux qui
reffentent le plus de joye de
ce retardement L'Elegie que
Vous avez veuë fur le départ
de cet Ambaffadeur , & à laquelle
vous avez donné tant ,
de louanges , eft de ce mefme
Gentilhomme . Elle a reçu de'
grands applaudiffemens à la
Cour ; & fur tout des Perfon-
1
442 MERCURE
nes du premier rang .
Il
connoiffoit
trop bien
ce Miniftre
,
& toutes
les grandes
qualitez
qui l'ont
fait
aimer
& eftimer
dans
tous
les lieux
où il a efté,
pour
n'en
pas
faire
un beau
& fidelle
Portrait
. La Vignette
& les Devifes
qui font
dans
cet
Ouvrage
ont
efté
fort
applaudies
des
Connoiffeurs.
Les nouvelles d'Italie qui
eftoient dans ma derniere lettre
finiffent à la priſe de Guaftella
Apeine nos troupes furent
elles entrées dans cette
Place , que quatre mille travailleurs
furent commandez
pour la fortifier , & fix mille
pour travailler aux lignes depuis
Carpi vers Bercello en y
comprenant
GALANT 443
Comprenant
Reggio . Mr le
Comte de Teffé fut envoyé à
Mantouë avec fept mille hommes
& quinze cent chevaux
.
Mr.
Le Roy d'Eſpagne ayant réfolu
de partir le 2. d'Octobre
pour Milan donna avant fon
départ l'ordre de la Toiſon d'or
Mr le Duc de Vendofme .
de Marcin s'excufa de l'accep- "
ter donnant pour raiſon à Sa
Majefté Catholique que les
Efpagnols pouroient fe plaindre
qu'elle difpenfe fes graces
à des François preferablement
à eux , il ajouta que fe feroit
le plus grand honneur qui lui
pouroit arriver ; mais qu'il ne
vouloit pas fervir d'exemple à
ceux qui lui fuccederoient
Octobre 1702 .
444 MERCURE
Sa
dans un pareil employ pour
efperer des récompenfes des
Rois d'Espagne On admira
fa fageffe , & fa modeftie.
Majesté Catolique donna en
même temps l'Ordre du Saint
Elprit , à quatre grands d'Efpagne
qui avoient eſté nommez
il y a quelques mois , & dont
je vous ay parlé dans le
de leur nomination
Ce Prince do : na
temps
avant
on départ à мr de Vendofme
le cheval qu'il montoit or
dinairement ; ce cheval eftoit
magnifiquement harnaché : Il
donna en même temps
un à Mr des Hayes dont le
harnois eftoit tres - beau ; il
en donna auffi à Mr le Comte
de Rouffy , ainfi qu'a Mrs
GALANT. 445
de Mongon Valfemé , Beaujeu
Vertilly , Mauroy & d'Arenes .
Outre les fommes que ce Monarque
à diftribuées aux Troupes
pendant toute la campagne,
il donna encore avant que de
partir pour Milan deux mille
louis dor à l'Infanterie & mils
le louis à la Cavalerie , c'eſtà-
dire aux Officiers des deux
corps . Il partit de Milan avec
une eſcorte de mille chevaux
commandée par Mr le Comte
de Rouffi , & huit cent Grenadiers
commandez par Mr de
Chamillart. Outre les fommes
que je viens de marquer données
par ce Prince en partant
de Milan , ce Monarque à
encore donné pendant fa route
des fommes confiderables aux'
1
O o ij
446 MERCURE
Convalefcens qui retournoient
joindre l'Armée , & lorfque мr
le Comte de Rouffy , aprés l'avoir
eſcorté , eft party de Milan
pour retourner à l'Armée ,
il lui a encore donné trois cens
louis pour quelques Officiers
qui avoient efté bleſſez au combat
de Luzzara .
A peine ce Monarque fut - il
arrivé à Milan qu'il écrivit une
tres belle Lettre à Sa majeſté
Tres - Chreftienne , pour la remercier
de tous les fecours qu'il
luy avoit donnez depuis fon
avenement à la Couronne , &
pour le prier de les continuer .
Il est à remarquer que ce Monarque
ne manque à rien de
tout ce que la religion , la reconnoiffance
, la gloire , &
GALANT 447 .
generalement toutes les vertus
neceffaires aux grands Monarques
exigent de luy . Pendant
qu'il fe fait admirer en Italie ,
& qu'il y charme tous les coeurs ,
on écrit de Madrid que la Reine
y eft adorée , & qu'elle parle
fi jufte fur toutes chofes , qu'on
y regarde toutes fes paroles
comme des Oracles que l'on
Que l'Espagne eft
retient .
heureuſe d'avoir des Souverains
fi aimables , & fi dignes
de commander On ne doit
pas s'étonner fi ceux qui cherchent
à corrompre la fideliré
de fes Peuples , y réüffiffent
fi mal Je ne dis rien de tout
ce qui fe paffa à l'arrivée de Sa
Majefté Catholique à milan , la
fituation des affaires ne me laif-
Oo jij
448 MERCURE
fe point de place pour parler
des ceremonies . Ce Prince a
travaillé pendant tout le fejour
qu'il y a fait , tant aux affaires
de ce Daché qu'à celles de l'Etat
en general . Il y a fait la
revue de fon Regiment des
Gardes Napolitains , & celle
de fa Compagnie des Moufquetaires
, & les a tous fait défiler
devant luy à pied & à cheval.
Ils font garde dans fon appartement
, & à la porte de fon
Palais. Ce Prince y a donné
Audiance aux Ambaffadeurs de
Venife. Ils eftoient en habit de
Senateurs. Il n'ont point eu
d'Audiance fous le Dais , parce
que Sa Majesté n'eft pas à Madrid
, & que tout autre lieu
eft regardé comme la campagne.
GALANT 449
S
Pendant que ce Prince à demeuré
à Milan , on a achevé &
paliffadé le chemin couvert de
Guaftalla. Il y a eu deux canonnades
: la premiere , le jour que
les Alliez firent dans leur Camp
des réjoüiffances pour le départ.
de la Flote de devant Cadiz :
la feconde canonnade ne pouvoit
eftre que pour fe donner
des nouvelles d'un Campà l'au
tre , & pour marquer que chaque
Armée occupoit encore fon
même Camp Mi le Prince Eugene
a tenté de furprendre
Mantoüe par le moyen d'un Sergent
qu'il avoit fait prifonnier,
qu'il renvoya en luy difant de
faire croire qu'il s'eftoit ſauvé.
C'étoit rifquer beancoup que de
s'expofer fur la parole d'un Ser4C
MERCURE
gent inconnu , qui ne s'eft point
offert , & que l'on a cru avoir
gagné auffi le Prince trop credule
qui s'y eftoit fié , eut - il
efté pris fans la trahifon d'un :
Deferteur qui alla l'avertir de
tout fe qui fe paffoit. Les mauvaisfuccés
ne le rebutant pointil
fit faire une tentative la nuit du
22 au 23. d'Octobre pour brûler
le Pont de Guaftalla , mais
nos Galliotes qui découvrirent
ceux qu'il avoit envoyez ,
coulerent à fond à coups
de canon , plufieurs de leurs
barques remplies de toutes
fortes de drogues des plus
combuftibles , qu'on devoit attacher
au Pont , & prirent le
refte de l'équipage . Il y eut
plufieurs Allemans tuez &
GALANT 451
1
noyez , & le refte fe fauva à la
faveur de la nuit.
On affure que Mr le Duc de
Vendofme
a fait un projet pour
mettre l'Armée dans des quartiers
d'hiver. Il mettroit en fuivant
ce projet fa droite à Modene,
& fa gauche à Caſtilion del
Eftivere,fes Troupes ne feroient
que dans des lieux fermez , celles
qui feroient de l'autre coſté du
Pô , occuperoient les quartiers
qui font fur le Mincio , & l'Oglio,
Il y en auroit quelques - unes
entre l'Oglio, & l'Adda . Les
Troupes qui feroient de ce côté-
cy du Pô dans le Modenois
occuperoient les quartiers entre
la Sechia & le Croftolo . Il Y
auroit un affez gros Corps de
Cavalerie à Cremone , & un
452 MERCURE
autre de Cavalerie & d'Infanterie
fur les bords de la Lenza ,
pour faire le Blocus de Bercelle.
Les Rendus de cette Place ,
& les Payfans des environs affurent
qu'une partie de la Garnifon
eft morte de maladie , & que
le refte eft en tres - mauvais étar..
Je puis vous affurer qu'il eft
tres - conftament vray que le
Prince Eugene eft obligé d'envoyer
chercher des fourages à
dix lieues de fon Camp.
Il est arrivé entre ceux qui
commandoient la Flote d'Angleterre
, & les Troupes de débarquement
, ce qui arrive or
dinairement entre ceux qui ont
quelque commandement , chacun
attribue à l'autre le mauvais
fuccés des entrepriſes malGALANT
453 .
?
heureufes , qui n'eft fouvent dû
qu'à la valeur , & à la bonne
conduite de ceux qu'ils ont attaquez
infructueufement.-
Dans le temps que la Reine
d'Angleterre ordonnoit qu on
informaft contre ceux qui ont
pillé à Sainte Marie , & commis
une infinité de crimes capables
d'irriter contre eux le ciel &
la terre ; dans le temps , dis- je ,
que cette Princeffe efperoit appaifer
par cette Ordonnance les
Elpagnols de Cadiz , & les engager
à garder la fidelité du ſecret
fur la Flote de la Nouvelle
Espagne , ces derniers fe font
rendus de plus en plus indignes
de cette grace , quelques Anglois
ayant eu la temerité d'envoyer
vendre dans Lifbonne ;
494 MERCURE
des
des Ciboires , des Calices ,
Reliquaires , des Chafubles , &
d'autres Ornemens d'Eglife pillez
à Sainte Marie. Le Roy &
les Peuples en ont efté indignez
& fcandalifez , & Sa мajefté
Portugaife
> voyant le
Peuple preft à fe foulever , a
fait dire à l'Envoyé d'Angleterre
qu'elle ne répondoit pas
des fuites fâcheufes que cette
temerité pourroit avoir. Les
Efpagnols ayant appris ce qui
s'eftoit paffé à Liſbonme à cet
égard , ont fenti redoubler leur
indignation contre les Anglois
& contre les Hollandois , de
maniere qu'il y a tout lieu de
craindre que les Negotians Efpagnols
ne fe croyent dégagez
de leur parole ,
On
GALANT 455
On allure que la Flote des
deux Nations a paru devant Vigo
depuis fon départ de Cadiz ,
& que les vents contraires l'ont
obligée de fe retirer . On peut
dire que les vents l'ont bien fervie
, puifque l'affront qu'elle
auroit reçu devant cette Place
auroit efté plus grand que celui
qu'elle a reçu devant Cadiz .
On dit que cette Flote a ordre
de la Reine d'Angleterre & des
Etats Generaux de ne point
quitter les Coftes d'Efpagne , de
tenter quelque nouvelle defcente
, & d'attendre les convois
qu'on luy envoye : ces ordres
marquent le dépit que l'on a
en Angleterre d'avoir manqué
une entrepriſe qui coufe prés
de cinquante millions ; mais des
PP Octobre
1702.
46 MERCURE

ordres donnez au fort de la
colere , font fouvent plus contre
ceux qui les donnent que
contre ceux contre qui ils font
donnez . < La faifon n'eft pas
favorable , & fi la flote ne
rentre pas préfentement dans
fes Ports , il y a toutes les ap
parences du monde qu'elle fe
ra entierement ruinée lorfqu'elle
y rentrera .
La Ville de Rhinberg a eſté
bombardée pendant plufieurs
jours; mais que fert un bombardement,
il en coûte à ceux qui
ont le malheur de voir leurs
effets bruflez , & la dépenfe
d'un bombardement coûte fouvent
autant à ceux qui bombardent
. Le Roy qui s'applique
à tout ce qui peut con-
"
#GALANI 357
tribuer au bien de fes affaires,
à imaginé plufieurs moyens de
groffir fes Armées ; mais tous
ceux qui parlent de ces augmentations
de Troupes , n'étant
pas encore d'accord fur
le plus ou fur le moins , non
plus que fur les manieres de les
lever , je ne dois pas encore
vous en parler >
ne voulant
rien vous mander qu'il ne foit
veritable.
Neubourg eft
hors d'infulte ,
entierement
La Place eft
entourée d'un affez bon foffé,
le parapet eft achevé ; mais la
demi- Lune à laquelle on travaille
, n'eft pas encore en état
de deffenfe . Mr le Prince de
Bade s'eftant approché pour
infulter cette Place , il a efté
Pp ij
318 MERCURE
p
falué de dix ou douze coups de
canon , qui l'ont obligé de fe
retirer après avoir perdu quel
ques Officiers. On affure que
ce Prince marche en toute diligence
en defcendant le Rhin,
& qu'il croit avoir dérobé une
Marche de fept heures à Mr
de Villars , mais il ignoroit que
ce Marefchal avoit fait pafler
des Troupes qui defcendront
le Rhin auffi vifte que luy . On
voit par les mouvemens que
fait ce Prince aufquels il ne
paroiffoit pas eftre determiné,
que Mr de Tallard luy donne
de l'inquietude pour Landau ,
ce Comte s'eftant faifi de plu
fieurs Poftes importans qui
chagrinent ce Prince qui s'apperçoit
qu'il a fait une faute,
GALANT 319
enfin il fe
en faifant rompre le Pont fur
tequel il avoit paffé le Rhin .
Ipfe trouve fort embaraffe ,
nos Ponts de Neubourg & de
Huningue le chagrinent , &
Landau l'inquiete beaucoup
il voudroit eftre par tout , il
va d'un cofté & revient auff
toft de l'autre
trouve dans la fituation où font
ceux qui pour vouloir trop
prendre , ne prenent rien .
543Mr l'Electeur de Baviere
youlant couvrir fon païs depuis
le Danube jufqu'aux montagnes
du Tirol , s'eft emparé
de la Ville de Kempten qui eft
au haut de la Riviere d'Yffer ,
laquelle paffe à Meminghen ,
& va fe jetter à Ulme dans le
Danube , Cet Electeur s'eft
Pp iij
450 MERCUR
E
auffi faifi de Crunſbourg. Memeinghen
eft entre ces deux
Villes il a mis auffi des Troupes
dans quelques petits Poftes
dont les Houflars s'estoient
emparez pour faire des courfes
. Je fuis , & c.
·
}
A Paris ce 8. Novembre 1702.
APOSTILLE.
Le Journal du Siege de Lan.
dau que debite le fieur Brunet
, eft un Ouvrage qui le regarde
feul , & qui luy a eſté
envoyé par unOfficier qui étoit
dans cette Place pendant le fiege
Il y n'y a dans tout ce Journal
aucune repetition de ceque
l'on a veu dans les Nouvelles
imprimées & autres , tout y eft
nouveau , tour y eft curieux ,
& l'on y voit prefque heure
GALANT 4.58
1
par heure tout ce qui s'eft paffé
pendant prés de cinq mois que
andes Allemans, ont demeuré de+
vant Landau. Cet Ouvrage fair
connoiftre les belles actions de
tous ceux qui fe font diftinguez
pendant ce Siege . On y trouve
les noms de tous ceux qui ont
efté tuez en fe fignalant , & de
tous ceux qui ont efté bleffez,
& comme il n'en eft rien dit
ailleurs , à l'exception de cinq
ou fixperfonnes dont il eſt parlé
dans les Relations qui ont paru ,
Cet Ouvrage eftoit neceffaire
pour la Famille de ceux qui fe
font diftinguez, & qui ont eu le
bonheur d'échaper au peril
qu'ils ont couru auffi bien
que de ceux qui font morts
en fe diftinguant . Leurs def422
MERCURE
cendans apprendront , par let
moyen de cet Ouvrage , la valeur
de leurs Anceftres , & il
fournira a la pofterité des preuves
de leurs belles actions qui
peuvent eftre utiles dés à-prefent
à ceux qui fortent du mefme
fang.
Prelude.
Sonnet.
TABLE .
:
6
8
Dom Iofeph Danthon eſt élu Abbé
de S. Antoine de Viennois .
Difcours prononcé par Mr Biet à
Fouverture d'un Cours de Chimie,
dans lequel fe trouve un tres-bel
éloge de Mr Fagon.
Epiftre en Vers.
·23
54
Premiere Pierre de la Nef de l'Eglife
de S. Louis pofée par Mr
A
Archevêque. 63
TABLE
.
Morts
92
Suite de l'Article du mariage de Mr de ɔ
Canaples.
Hiftoire tres-finguliere.
99
LIZ
132 Lettre de Mr l'Abbé des Landes
Bontez du RoypourMrde Lagaroufte. 44
Lettre fur le moyen de perf ction touye.
150
Belle voix de Mademoifelle de la Lande.
ISIS
Mr Garnier eft nommé Organiste du
Roy 196
Moyen de faire d'une epée une hallebarde
en la joignant à un mousqueton.
158
Article on il eft parle d'un grand nombre
de Cartes de Mr de Fer.
Vers fur une groffeffe.
Placet.
Rejouiffances faites à Munic.
168
170
172
177
Suite du fournal de Fontainebleau. 185
Versfur une bleffure.
Autre article de morts.
225
229
Article touchant un Madrigal adreffé à
Monseigneur. 247
TABLE.
Modele des Penitens , &c.
Article curieux de Vigo.
Troifiéme article de Morts.
250
253
268
Places de Confeiller au Confeil Royal des
Finances & de Confeillers d'Etat ordinaire
& Semestre données par le Roy.
2
272
277
Mort de MrPetit premier Medecin de
Monseigneur , Mr Boudin eft nommé
en fa place , & complimenté, par Mrs
de la Faculté, & par la Compagnie
des Apotiquaires.
Agrément de la Charge de Medecin ordinaire
de Madame la Ducheffe de
Bourgogne donné à Mr Bourdelin. 292
Lettre de Mr le Duc d'Ormond à Mr
le Marquis de Villadarias.
Réponse de Mr de Villadarias à Mr
le Duc d'Ormond.
Nouvel article touchant les affaires de
Cadiz, le rembarquement des Troupes
Angloifes & Hollandoifes ,
• qu'elles ont fait dans le Pays.
Journal du Siege de Venlo.
297
3от
c'è
305
314
Prife deStevenfuvert &deRuremonde.zzi
TABLE.
-335 Quatrieme article de Morts.
Carte particuliere du Duché de Ferrare.
339
Fin du fournal de Fontainebleau, 340
Tout ce qui s'eſt paſſé depuis que Mr le
Marquis de Villa's a eſté detaché de
l'Armée de Mr Catinat juſqu'à pre-
Sent. ·346
Cet Article comprend la Bataille gagnée
par Mr de Villars , toutes les
actions qui l'ont precedée , & toutes
celles qui l'ont fuivie avec quantité
d'autres chofes concernant cette
Bataille & fes actions .
Article des Enigmes.
346
420*
Rapport fait au Roy par Mr le Marquis
de Chafiean -Renaud. 425
Commanderies & Penſions données par
le
Roy.
Profeffion.
Benefices donnez par le Roy.
425
427
427
429
Mr leDuc de Coaſlin eſt élû Academi.
cien.
Détail de ce qui s'eſt paſſé au Siege de.
la Citadelle de Liege. 430
TABLE
435 Siege & prife de la Chartreufe.
Expeditions faites par Mr le Com
`te de Tallard.·
Article qui regarde Mr l'Ambassadeur
d'Espagne.
Nouvelles d'Italie.
Nouvelles de Portugal
Bombardement de Rhinberg.
437
450
442
452
455
Nouvelles de Mr de Villars , de Mr
le Prince de Bade , & de Mr de Ba-,
vieres
357.
La Médaille , doit regarder
la page , 86.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le