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1701, 05, t. 1
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Eur.
511
m
1704.5.1
Eur
511
m
1701
, 5, 1
Mercure
<36612984830014
<36612984830014
Bayer
MERCURE
GALANT
DEDIE A MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN.
Divifé en deux Tomes .
TOME I.
MAY 1701.
A PARIS ,
ON
N donnera toujours un Volume
Noveandt
nouveau du Mercure Galant le
premier jour de chaque mois , & on .
vendra trente fols relié en Veau , &
vingt-cinq fols en Parchemin.
Chez MICHEL BRUNET , grande
Salle du Palais , au Mercure
Galant.
M. DCCI.
Avec Privilege du Roy
Beverlsche
Staatsoit Bothek
München
e
le
AU LECTEUR.
Ly a lieu de croire qu'on
ne lit plus l'Avis qui a
efté mis depuis tant d'années
au commencement de chaque
Volume du Mercure , puis
que malgré les prieres réiteréesqu'on
afaites d'écrire en
caracteres lifibles les noms
propres qui fe trouvent dans
les Memoires qu'on envoye
pour eftre employez , on neglige
de le faire , ce qui est
caufe qu'il y en a quantité
A ij
AU LECTEUR.
de défigurez , eftant impoffible
de de viner le nom d'une Terre
, ou d'une Famille , s'il
n'eft bien écrit. On prie de
nouveau ceux qui en envoyent
d'y prendre garde,
s'ils veulent que les noms
propres foient corrects . On
avertit encore qu'on ne prend
aucun argent pour ces Memoires,
que l'on employera
tous les bonsOuvrages à leur
tour, pourvu qu'ils ne defobligent
perfonne , & que
ceux qui les envoyeront en
affranchissent le port.
MERCVRE
GALANT
MAY
1701.
'
ACCEPTATION du
Teftament du FeuRoy
d'Eſpagne Charles II.
qui a nommé pour fon Suc.
ceffeur à cette Couronne ,'
Monſeigneur le Duc d'Anjou ,
eft fi glorieuſe pour
le
Roy
,
A iij
6 MERCURE
que l'on parlera longtemps de
ce grand évenement . C'eft ce
qui a donné lieu au Sonnet qui
fait le commencement de cette
Lettre.
AU ROY,
DEux Etats difputoient unfe
meux beritage,
A l'Espagne chacun vouloit donner
un Roy.
LOUIS prononce en Maiftre, &
dit , qu'on la partage,
Et l'Europe étonnée acceptoit cette /
loy.
GALANT. 7
Cependant de ce coup l'Espagne eft
dans l'effroy.
¡ Ah,prévenons , dit elle , un fifenfible
outrage ;
Philippe doit regner , le Ciel l'a
fait pour moy,
Et fi Louis l'agrée , on luy varendre
hommage.
Louis juge ; qu'un feul , dit il ,
foit couronné :
L'Heritier eft connu, que tout
luy foit donné .
Ce Jugement , grand Roy , vaut
plus qu'une Victoire.
A iiij
8 MERCURE
Il termine la
guerre,
tous nos voeux .
il comble
Salomon en jugeant s'eft acquis
moins de gloire ;
Auffifage que luy , vous eftes plus
beureux.
La Piece qui fuit s'explique
fi bien d'elle même , que je
n'ay rien à vous en dire.
GALANT.
ALLEGORIE
Sur la Deviſe du Roy , & fur
l'état des affaires prefentes.
2
Velfubit changement ſe prefente
à nos yeux ?
Quel Systême nouveau fe forme
dans les Cieux ?
Le Soleil jufqu'icy dans fa route
ordinaire
Couroit l'un & l'autre Hemisphere,
Ilfe fixe, & commence à regler
l'Univers ,
Enfe communiquant à des Aftres
divers.
10 MERCURE
Moindres dans leurgrandeurfourniffant
leur carriere ,
Ils s'en vont reflechir l'éclat defa
lumiere ,
Et répandrepar tout àdes Peuples
heureux
Le douxfecours de leurs aimag
blesfeux.
La Terre va reprendre uneface
nouvelle ,
Un nouveau Siecle à ce bonbear
l'appelle.
es
Le doux repos , les innocens
plaifirs
Doivent répondre à fès defirs ;
Et l'heureufe abondance
Surpafferanoftre efperance.
GALANT.
Que vois je, ô Dieu ? quels tour .
billons
affreux
S'épaiffiffent au loin dans un Ciel
nebuleux
,
Et tâchent d'élever un nouveau
Phenomene?
Monde , raßure toy , rien n'eſt à
redouter ;
Le Soleilfçaura l'écarter
Par la rapidité de fon Ciel qui
l'entraîne ,
Et
calmer enpeu de momens
Ce qui pourroit
porter
le trouble
aux Elemens
.
Ce que vous allez lire d'un
Enfant venu au monde avec
12 MERCURE
des lettres dans les yeux , me
rite voſtre attention . Voicy
ce que M'Maugard de Troyes
a écrit fur ce fujet .
A MONSIEUR QUINOT .
V
Ous me témoignâtes ,
Monfieur , dans la derniere
vifite que vous me fiſtes
l'honneur de me rendre , que
vous aviez esté fatisfait de ce
que je vous ay écrit fur la
merveille des Phoſphores
dont vous pouvez vous vanter
de poffeder feul en Europe le
curieux & admirable fecret.
GALANT. 13
I
Vous me demandâtes en même
temps mon fentiment fur
une autre merveille , qui n'eft
pas moins finguliere que furprenante
. Vous me dîtes que
vous aviez vû un jeune Garçon
âgé de quatorze ans , qui paſſa
il y a quelque temps à Troyes ,
qui eftoit venu au monde avec
des lettres dans les yeux ; qu'il
avoit autour de l'une des prunelles
ces mots Latins , Deus
meus, écrits fort diftinctement,
& autour de l'autre, des lettres
Hebraïques . Vous m'affurâtes
que la chofe eftoit fans artifi
ce , que vous l'aviez attentive .
14 MERCURE
ment examinée , & que vous
vous eftiez fervi plufieurs fois
du Microſcope , afin de mieux
difcerner ces caracteres entie.
rement formez .
La furpriſe où j'eftois alors
fit que je ne pus vous rendre
aucune raiſon fur ce Phenomene
, qui me fembla plûtoft
une espece de miracle , qu'un
effet de la nature , mais un peu
de réflexion m'a fait connoî.
tre que cela le pouvoit faire
naturellement . Il faut obferver
d'abord que le
corps
des Enfans
qui font dans le ventre
de leur mere , eft uni au leur
CALANT . 15
d'une union fi étroite , que
quoy que leur ame foit feparée
de celle de cette mere, ils ont
neanmoins les mêmes mouvemens
, les mêmes fentimens
& les mêmes affections ; en
forte que toutes les pensées
qui fe forment dans l'efprit de
la mere à l'occafion du corps,
fe forment auffi dans celuy de
l'enfant. Tout ce que la mere
voit , entend & fent , l'enfant
le voit , l'entend , & le fent
pareillement ; car fi par une
imitation naturelle nous reces
vons infenfiblement
les mêmes
geftes, les mêmes manié.
16 MERCURE
res , & les mêmes habitudes
de ceux avec qui nous vivons,
& que nous voyons fouvent ,
quoy que noftre corps n'ait
aucune union avec le leur , à
plus forte raifon devons nous
croire que la mere imprime à
fon enfant les mêmes fentimens
& les mêmes inclina .
tions qu'elle a , puis que le
corps de l'enfant ne fait qu'un
feul corps avec celuy de la
mere ; que le fang , les efprits ,
d'où dépendent les fenfations,
& les affections leur font
communs , & paffent par une
continuelle circulation
de l'un
dans l'autre.
GALANT.
17
Cela eftant ainsi , je dis que
la mere , lors qu'elle portoit
dans fon fein l'enfant dont il
eft question , foit dans le temps
de la formation du Foetus , ou
même aprés , peut avoir confideré
avec une profonde attention
ces caracteres écrits , & fe
les eftre peints fort avant dans
l'imagination , par le moyen
du nerf optique de l'oeil , par
lequel l'ame voit la lumiere ,
la couleur , la grandeur , la
diftance , la figure & le nombre
des objets ; que l'enfant peut
en avoir reçu la même ſenſa .
tion ; que l'oeil de la mere à
May 1701. I. P. B
18 MERCURE
caufe de fa confiftance , auras
réſiſté à cette impreffion fans
en avoir reçu aucun veftige
fenfible , au lieu que les yeux
de l'enfant eſtant fort tendres
& delicats , les efprits animaux
n'y trouvant aucune refiftane
ce , y auront formé comme fur
une cire molle , une profonde
de forte que ces cara-
Eteres y font demeurez dif.
tincts & fort lifibles ; car plus.
les fibres font foibles & tendres
, plus I'mpreffion doit
eſtre profonde & ſenſible ; &
plus elles font dures , moins
elle eft forte. Or dans l'oeil de
trace ;
GALANT: 19
l'enfant elles font , comme
nous venons de dire , foibles
& delicates , au lieu que celles
de la mere font fermes & confiftantes
, par confequent les
eſprits animaux y doivent faire
une plus grande impreffion
que dans celles de la mere.
De là on peut facilement
expliquer pourquoy les Femmes
enceintes , qui ont regardé
attentivement fur le vifage
des hommes , ou fur des animaux
quelque marque fenfible
, impriment à leurs enfans
dans les mêmes parties , les
mêmes marques qu'elles ont
vûës.
Bij
20 MERCURE
L'on peut donner encore la
même raiſon de ce jeune Garçon
que l'on voyoit à Paris aux
Incurables. Il eftoit venu au
monde ayant les membres
rompus aux mêmes endroits
où l'on a coutume de rompre
les Criminels . En voicy la
cauſe.
La Mere ayant appris que.
l'on avoit condamné un Criminel
à ce fupplice , voulut .
en eſtre témoin . Chaque coup
que recevoit le Patient , frapant
par un rude contrecoup,
l'imagination de cette mere ,.
ébranla par un autre contreGALANT.
20
T.
X
u
is
-e
-
coup le cerveau de cet enfant ,
qui eftoit fort rendre . La vio
lence des efprits animaux agi.
ta extraordinairement les fi
bres du cerveau de la mere ,
mais elle n'eut pas affez de
force pour les rompre
rompre & les
déranger à caufe de leur foli .
dité, au lieu que les fibres de
l'enfant, fort tendres & flexibles
, ne pouvant refiſter à
l'impetuofité de ces mêmes
efprits , furent entierement
briſées & renversées
, ce qui
fut caufe qu'il vint au monde
perclus d'efprit auffibien que
de corps. Il a vêcu prés de
22 MERCURE
vingt ans dans ce malheureux
eftat.
Les Hiftoires nous fournif.
fent plufieurs exemples de
cette nature , & le Chevalier
d'Igby rapporte dans fon Livre
de la Poudre fympatique,.
que le Fils de Marie Stuart ,
Reine d'Ecoffe , ne pouvoit
fouffrir la veuë d'une épée
nuë , & cela venoit de ce que
dans le temps que fa mere le
portoit dans fon fein , des Affaffins
d'Ecoffe entrerent dans
fa chambre l'épée à la main ,
& percerent en fa prefence fon
Secretaire , qui eftoit Italien,
GALANT.
23
Il y a plufieurs perfonnes
qui ne peuvent voir des chats,
des fouris , des araignées , des
grenouilles, & autres animaux
reptiles , & l'experience nous
fait connoiftre tous les jours ,
qu'il y a des Familles dans
lefquelles l'infirmité d'efprit
eft hereditaire.
Tout cela , comme nous
l'avons dit , vient le plus fouvent
de l'imagination des meres,
qui communiquent à leurs
enfans pendant leur groffeffe ,
les mefmes mouvemens & les
meſmes ſenſations qu'elles
ont.
24 MERCURE
Voila , Monfieur , tout Pé
clairciffement que je puis vous
donner fur ces fortes de ma
tieres. J'efpere vous entrete .
nir la premiere fois fur le fujer
de la Poudre fulminante , &
fuis , Voftre , & c .
Vous me devez fçavoir gré
du foin que je prens de vousfaire
part d'une Lettre que M
de Vertron a écrite à Madame
de Saliez , Viguiere d'Albi ,
touchant la brillante Societé ,
ou la Lotterie galante de
Troyes . En voicy une copie.
MADAME
GALANT. 25
M
ADAME MA CHERE
SOEUR EN APOLLON.
L'affociation que j'avois faite
dans la Lotterie de Dijon ,
dont j'ay entretenu noftre illuftre
Sapho , & auparavant
dans celles de Beauvais & de
Moulins , avec des Dames de
qualité, d'efprit & de merite ,
qui m'avoient fait l'honneur
d'y vouloir entrer , ayant fait
du bruit dans le monde , don-:
na envie à quelques autres
d'un rang auffi diftingué , & à
quelques unes de mes premie-
May 1701 I. P. C
26 MERCURE
res Affociées , d'y remplir des
places , moins par le motif de
Tintereft , que par le plaifir
que donne une galanterie fans
confequence , où l'efprit fe
jouë agréablement . J'eftois
trop honoré de la priere qu'el
les eurent la bonté de m'en
faire , pour n'y pas confentir
avec joye. Je voulus pourtant
inventer quelque nouveau
projet , qui fuft autant à leur
gloire & à la mienne , que les
précedens. La Lotterie de
Troyes furvint fort à propos.
Ce nom de Troyes me rappella
une idée du fameux SieGALANT
27

1
ge , dont les Anciens nous
parlent fiingenieuſement , &
- j'imaginay un deffein que tous
mes Amis , gens fçavans & de
bon gouft , approuverent. Ce
fut de donner à chacune de
mes aimables Affociées , le
nom d'une Princeffe & Beauté
-Grecque ou Troyenne , & de
faire des paralleles entre les
unes & les autres . Contentezvous
, s'il vous plaift , Madame,
prefentement de celuy
de la charmante Madame de
B *** dans le nom delaquelle
fe trouvent ces mots. Ab ,
∙igy, la belle & bone Heleine des
Cij
28 MERCURE
François . Ce Madrigal accom .
pagna cette heureufe Anagramme.
Nu
Les plus brillans appas font les
plus dangereux.
La beauté de cette Princeffe
Fadis contre Ilion arma toute la
Grece ,
Et laterre & lesflots brûlerent de
fes feux.
Maisfic eft de cesfeux qu'elle tire
fa gloire
Elle doit aujourd'huy vous cederla
victoire.ciclaldisb
Sesyeux , ces fuperbes vain_
queurs ,
Ne feroient contre vous qu'un
effort inutile,
GALANT.
29
Elle n'embra Za qu'une Ville ,
Es vous embrazez millé coeurs.
Je parle en ces Vers à cette
Beauté , comme un nouveau
Paris . C'eft auffirle nom que
jay dans cette Lotterie. Les
differentes qualitez des perfonnes
qui fe font fait un plaifir
d'y eftre placées, m'ont mis
dans la neceffité de des partal
ger auflen differentes claffes,
par rapport à la diverfité de
leurs eftats . La premiere claſſe
eft des Princeffes & Beautez
Grecques ; la feconde , eft dés
Princeßes & Beautez Troyennes,
la troifiéme eft des Dames du
C iij
30 MERCURE
Palais & d'Atour, & lá quatrié
me eft des Dames & Filles d'honneur.
Comme quelques uns de
mes Amis m'ont fait connoiftre
qu'ils feroient ravis d'e
ftre de cette brillante Societé,
j'ay accepté, avec la permiffion
des Dames , l'honneur qu'ils
me vouloient faire , & je les
aymisa dans, une cinquiéme
claffe , fous le titre de Princes
Grecs & Troyens. Enfin j'en ay
fait une fixième pour Calchas,
& quelques autres qui mar
chent à la fuite , & qui font
les conducteurs du cheval de .
GALANT.
31
Bois , dont Epeüs fut Inven
teur. Virgile en parle ainfi ,
Nec clam Durateus Trojanis
Pergama partu
Inflammaßsei equus nocturno Gra
juginarum.
Je n'ay fait des paralleles
que pour mes Princeffes , c'eſt
à dire , pour les Dames diſtinguées,
de la premiere & ſecon
de claffe. J'en aurois bien pu
faire encore d'aurres entre
Mrs mes Affociez & les Princes
Grecs & Troyens , dont je
leur donne les noms ; mais
comme je me fuis entierement
dévoué à la gloire du beau 4
C iiij
32 MERCURE
Sexe , je croy , Madame, qu'ils
ne feront pas fachez que je
faffe ma cour aux belles Dames
, en les privilegiant . Je finiray
cette Lettre par des ob.
jets finis , en vous difant que
quoy que felon l'opinion com
niune des Poëtes Grecs , il n'y
ait que trois Graces , comme
quelques unsen mettent plus
ou moins , j'en ay falt neuf, à
qui cette qualité convient
parfaitement. Je prétens vous
réjouir par le Dialogue fuivant
, où je fais parler l'Amour
& la Fortune en leur faveur. Si
nous pouvions avoir le gros
GALANT. 33
M.
Lot , cela vaudroit bien le Pal.
ladium , dans lequel les anciens
Troyens faifoient confifter
leur bonheur. Avouëz , Ma .
dame , que je fçay faire la
guerre plaifamment , puifque
je renouvelle un Siege fans.
coup ferir.
34 MERCURE
DIALOGUE
ENTRE L'AMOUR
ET LA FORTUNE.
L'Amour.
Bonjour,
Madame la volage.
La Fortune .
Bonjour , Monfieur le goguenard.
L'Amour.
J'aime à rire , il eft vrai ; mais rail--
lerie àpart,
Fortune , j'ay befoin icy de ton fuffrage
;
Venus m'a chargé d'un meſſage,
E
Les
6
Ti
Q
Th
GALANT.
35%
E
டடE

Etje defcends des Cieux exprés pour
te prier....
La Fortune.
Tout beau , parle un autre tangages
Les prieres chez moy nëfont d'aucun
ufagesulan
On a beaugémir & crier,
Tufçais que je fuis fourde , Amour.
L'Amour...
Nonje tejure ,
Queje n'enfçavois rien , c'eft la ve
rité
pure.
Tesyeux , commeles miens , font converts
d'un bandean,
Les chofes entre nous jusque là font
pareilles
Mais puifque tu n'as point d'o--
reilles
Tu l'emportesfur moy par ce titre nou--
Venu
7
36 MERCURE
Cependant avec toy , s'il faut que je
m'explique ,
D'où vient que tu m'entens ?
La Fortune .
Oh! j'entens quandje veux:
L'Amour choing
Bon , j'admire ta politique.
Veux - tu qu'à coeur ouvert nous nous
parlions tous deux?ɔwɔ poby
Nos prétendus défauts cachent bien
du miftere ,
Nous ne voulous paffer pour aveugles
&fourds ,
Que pour avoirdroit de toutfaire
Et de nous difculper toûjours
De tant & tant de mauvais tours.
Tu le fçais mieux que moi , mais je
fuis plusfincere
La Fortune .
Eh bien ! ne veux-tu pas te taire ?
Veux- tu décrier les Autels
:
A
F
GALANT.
37
Que nous ont dreffe les Mortels ?
J'aime mieux te prêterfavorable audience.
Quellegrace veux- tu de moy ?
L'Amour.
Ah ! je vais fatisfaire à ton impatience
,
Fortune , je ne veux autre chofe de
toy,
Sinon un peu de complaisance.
La Fortune..
Oh!fi tu ne t'expliques mieux..
L'Amour.
Ca, je vais m'expliquer, ôte unpeu,
je te prie ,
Ce bandeau qui couvre tes yeux.
La Fortune.
Toujours quelque plaifanterie!
L'Amour.
Ma foy , je fuis tres-ferieux ,
Il s'agit d'une Lotteries
38 MERCURE
Et les Graces , Fortune , y mettent
chaque jour.
Ah ! fi tu les voyois , fuffes- tu plus
cruelle ,
Je fuis fortfür que la moins belle
Te fauroit donner de l'amour
Etpour lors ...Tufçais bien, Déeffe ,
Que tu n'aurois qu'à dire un mot ,
Pour faire gagner le gros Lot.
La Fortune.
Fe voy, que ton efprit n'a guere defageffe.
Je fuis Fille , & pourtantje vais‚fi
je t'en croy
Aimer des Filles , comme moy.
L'Amour.
Toy Fille ! ton efpece eft douteuse ou
·commune.
"La Fortune.
Ne cefferas- tu point de faire le badin
?
GALANT.
39
L'Amour.
En vain tu t'en défens , ton fexe eft
incertain ,
Tuportes le nom de Deftin ,
Ainfi que celuy de Fortune.
La Fortune.
Oh ! je voy qu'il vaut mieux me défaire
de toy,
Suffit , jeferviray tes Graces,
L'Amour.
Veuille le Ciel que tu lefaffes .
La Fortune.
Tu peux t'en´affurer , je t'en donne
mafoi.
L'Amour.
Fure doncpar le Stix ,
La Fortune.
Soit ,parle Stixje jure ;
›Compte fur ce ferment le plus facré
de
tous ,
Adien.
40 MERCURE
L'Amour .
Legros Lot eft à nous
Ou bien la Fortune eft parjure.
Aprés que la Lotterie
de
Troyes
eut efté tirée , M'de Vertron
écrivit
cette feconde
Lettre
à Madame
de Saliez.
ADAME MA
MA
CHERE
SOEUR EN APOLLON .
Enfin la Lotterie de Troyes
eft tirée . Mr Thibault , qui eftoit
Secretaire de feu Mt le Duc de
Saint Aignan , a gagné le gros
Lot , fous le nom du Champenois
Normanife ; c'eſt un galant homme
qui merite des faveurs de la
Fortune. Je vous envoyay ces
jours paffez un Dialogue en vers,
GALANT.
41
>
contre cette aveugle Déeffe , &
l'Amour ; voici la fuite , qui ne
Vous divertira pas moins que la
Piece precedente . Je cherche
dans notre grand éloignement ,
des confolations Academiques
& tâche par les petites & frequentes
productions de ma Muſe,
d'exciter la voftre , & de vous
procurer du plaifir. Le plus
grand des miens fera toûjours de
Vous perfuader mon eftimes &
mon amitié , en qualité de Frere,
& de tres - humble & tresobéïffant
Serviteur .
A Paris , ce 28. Avril 1701 .
May-1701.7.P. » ]. D
42 MERCURE
PLAINTE DE L'AMOUR
A LA FORTUNE....
EH
DA in Arou
bien , Fortune , és-tu contente
?
La Lotterie a fuccede
Au gréde ta roue inconftante ,
Ton caprice en a decide...
Les Graces ont en vain employé mon
fuffrage ,
Pour te mettre dans leur parti ;
Tu n'en as pas efté plus fage ,
Et ton aveuglement ne s'eft point dé-
S.menti.
Dequoy leurfert d'eftre plus belles,
Que tout ce qu'on voit fous les
Cieux ?
Leurs affaires n'en vontpas mieux,
GALANT
43
Et pour t'interefferpour elles ,
Ilfalloit te donner des jeux.
Nepourray-je obtenir , pargracefinguliere
,
Que pour te punir deformais
Des injuftices que tufais ,
Le Ciel tefift jouir d'un rayon de lu
miere ?
Tu verrois quels appas tu viens de
négliger;
Etd'abordpar un trait de flame ,
Qui te perceroitjusqu'à l'ame ,
De tes cruels mépris je fçaurois les
vanger.
Soumife à ces aimables Graces ,
Dontjefuis entous lieux les traces,
Tufoupirerois vainement.
Sur ton fexe déja j'ay dit monfentiment,
Et puisqu'à tous les deux ta nature
eft commune ,
Dij
44 MERCURE
Tu cefferois d'eftre Fortune ,
Et deviendrois Deftin , pour eftre leur
Amant.
Peut- eftre ton humeur volage
Teflate de te garantir
Des maux que tupourrois fentir ,
Sous le poids d'un tel esclavage.
Fortune , par pitiéje veux bien t'avertir.
Qu'elles ont des beautez dont le pouvoir
extrême
Fixeroit l'inconftance même.
Mais je fais d'inutiles vaux ,
Les Dieux ne veulent pas m'entendre
Et mes Graces enfin , dans leurfort
malheureux ,
A moyfeulont droit de s'enprendre.
Devois-je me fier à toy ,
Moy, qui fcais quel eft ton caprice.
Et que tu ne fuis d'autre loy ,
GALANT.
45
Que celle de ton injustice ?
Par quel charme fecret mes fens
furentfeduits !
Ilfaloit , je le dis aprés l'experience,
Eftre aveugle , comme je fuis ,
Pour compterfur ton inconftance:
Vous avez déja vû plufieurs
pieces curieufes de l'Auteur de
la Lettre que je vous envoye.
Elle eft fur les mots de Gironde
& d'Acheron .
A MONSIEUR **** :
VOU
Ous n'eftes pas le premier
qui m'ait fait la
queftion,d'où vient que la Ga46
MERCURE
ronne recevant au Bec- d'Am-'
bez la Dordogne , ne fe nomme
plus Garonne , mais Gironade
, vous en aurez pourtant le
premier ma réponſe par écrit. ,
Le nom de Gironde le trouve
dans les Cartes des Geogra
phes Samfon , Duval , & autres ,
cequi devroit leur avoir donné
lieu de traiter l'origine du mot
de Gironde en cet endroit. Au
defaut des Auteurs , il faut
effayer à la découvrir par quelque
recherche. Gironde ne le
roit - il point composé de deux
termes , Gyrus unda, le tournoye.
ment del'eau, car c'eſt làque l'eau
JDZ
fan
Ου
la C
de
da
32
િ
le
te
GALANT 47
tourne autour de l'lfle desPhaifans
, autrement , de Cafaux .
Ou bien , feroit ce parce que
la Garonne recevant là les eaux
de la Dordogne
, elle les porte
dans la mer , Gerunda , quafii
gerens undas. Voicy une autre
conjecture,c'est que la Dordos
gne entrant dans la Garonne
y perd fon nom . La jonction
de ces deux Rivieres eft une
efpece de mariage ; & comnie
la Femme n'eft plus connues
fous fon nom , & n'a que celuy
de fon Mary ; de même dans
le conflant de ces deux Rivie
res , celle qui eft la moindre
48 MERCURE
perd fon nom , & n'a plus que
celuy de la Riviere principale , à
laquelle eft elle jointe . Ainfi la
Marne entrant dans la Seine ,
elle y perd fon nom ; il n'y a
plus que celuy de la Seine qui .
demeure . Mais on dira Gironde,
n'eft pas Garonné. Ileft vray que
cela ne paroift pas , maisdans le
fond la chofe peut eftre . Cet.
te Ville de Catalogne , qui fut
prile à la derniere guerre , fe,
nomme également Gironde &
Gironne, parce que d & n ont
de l'affinité. Mettez une ligne
droite en haut fur n c'eft un
d, ôtez cette ligne , c'est un n
Donat
GALANT.
49
Donat dit fur un Vers de Terence
, dans le Phormion A &.
2. Non rete accipitri tenditur.
Legitur tennitur ; habet enim
a littera cum d communionem .
Ainfi Gironde & Garonne n'eſt
qu'un même nom pour la Rie
viere comme pour la Ville.
¿ Mais on dira encore , Gironne
n'eſt pas Garonne . C'eſt ce
qu'il faut voir. Il n'y a plus
de difference que de ga à gi ,
& voicy par où- concilier
tout. Ga eft du Grec & du Latin.
On trouve dans Strabon
Garonna , & dans les Commen.
taires de Cefar , Garumna ; mais
May 1701. I.P.
"
E
50 MERCURE
ga s'adoucit icy dans le François
avec gi , Garonne, Gironne.
Paul Merula , ce fçavant
homme , qui mourut au commencement
du dernier Siecle,
dit dans fa Cofmographie
,
Part. 2. livre 3 que les François
changent le gaengi Galli
fillabam ga primam in vocibus
mutant ingi Gabalitanum , Gi .
vaudan, Gabalum , Gibet, Garumna
, Gironde . Il femble
donc que Garonne & Gironde
ne font qu'un même nom .
On vient de me faire une
autre queftion fur un autre
fleuve , fçavoir , fur l'Acheron,
GALANT. 51
comment il faut en prononcer
la feconde fillabe dans le Fran .
çois ; fi c'est avec le ch , com .
me moucheron , ou de méme
que s'il y avoit un k , Akeron .
L'occafion de la difpute fut ,
que ce mot d'Acheron , qui
felon la Fable , eft un des fleuves
de l'Enfer , fe trouve en
quelques Opera de feu M'
Lully , Pfyché , Bellerophon, & c .
& on ne convint pas dans la
converſation comment il s'y
prononçoit dans les recits.
Pour moy , qui quoy qu'amateur
de la Mufique , n'ay point
frequenté le Theatre , je n'en
E ij
52 MERCURE
pus rien dire ; mais j'avoue que
l'exemple des Acteurs & des
Actrices ne fait pour la prononciation
ny regle , ny ufage.
Car outre que parmy, eux il y
a plus de gens de Province que
de Paris , c'eft qu'ils penfent
moins à bien prononcer qu'à
bien chanter. Mais puis qu'il
faut dire fon fentiment , je
croy qu'on doit prononcer
Acheron en François , comme
on le prononce en Latin avec
le fon du k. Plufieurs noms
Grecs qui ont paffé dans le Latin
, ont cette prononciation,
Archelaus , Achemenes, CheroGALANT.
13
5
Inée , Lachefis , Achelous , Orches
ftre. Ils retiennent tous dans
le Latin la prononciation
qu'-
ils ont en Grec , & le Latin
communique la même pros
nonciation au François , La
lettre Grecque chis'y pronon.
ce comme fi c'eſtoit unk C'eſt
la prononciation de ce mot
dans ce beau Vers de Virgile,
Æneid
. 7 .
Flecterefinequeo Superos , Acheronta
movebo.
C'est le même fon dans le
François.
Si le Ciel n'eft pour moy , j'ar ·
méray l'Acheron.
E iij
54 MERCURE
Et ce qui femble autorifer cette
prononciation par le k ou
le crude , outre la raifon des
exemples que j'ay apportez ,
c'eft qu'Acheron eftant un
fleuve d'Enfer , dont l'idée eft
affreuſe , la premiere & la derniere
fillabe ayant un ſon fort,
la feconde ne doit pas eftre
adoucie . De plus , on mer fa
fource dans une caverne ; ainfi
pour accommoder la prononciation
du fleuve avec fa fource
, il femble qu'il faut dire
Akeron , comme on dit caverne,
& non
& non pas
Caron qui conduit la Barque
chaverne . Enfin ,
GALANT.
55
du fleuve , fe prononçant Caron
, & non Charon , c'eſt encore
une conformité pour prononcer
Akeron . Je n'ignore
pas que M ' Ménage prononce.
Acheron en François avec le
ch , c'est au chapitre 180. de les
Obfervations fur la Langue Fran.
goife ; mais outre que l'oreille
d'un Angevin , à qui il en eft
toujours demeuré quelque
chofe , comme il le difoit luymême
, ne doit pas décider ;
c'est qu'il eftoit moins qu'infaillible
dans la
prononciation
Sa premiere Obfervation , qui
commence par acatique , pour
E iiij
56 MERCURE
.
condamner aquatique , ne luy
a pas réuffi Le P. Gaudin non
feulement l'a combattuë,mais
de plus il a fait fur cela une
Differtation beaucoup plus
longue que ma remarque fur
Acheron , & on y voit acatique
vaincu , & aquatique victo
rieux . J'ajoûte en particulier ,
que les mots que M ' Ménage
allegue pour exemple , ne font
pas pour luy , fçavoir Anchife
& Archimede ; car ces noms fe
prononcent en Latin comme
on les prononce en François.
Puis qu'Acheron fe prononce
en Latin avec une rude , Ake
GALANT. 57
ron , il faut en conformité le
prononcer en François avec le

nage
même fon , Akeron , quoy qu'il
s'écrive Acheron Peut eftreque
des perſonnes diftinguées dans
l'un & dans l'autre Sexe , qui
portent à Paris le nom de Che
ron , ont donné lieu à M¹ Mé .
d'en emprunter la prononciation
pour Acheron; mais
il n'y a rien là de commun pour
une imication ; car le nom de
Cheron eft purement François
, & celuy d'Acheron vient
du Grec & du Latin. Voilà ,
Monfieur , les deux queſtions
de Fleuves expliquées comme
58 MERCURE
jel'ay pû , fauf la foumiſſion à
Meffieurs de l'Academie Fran .
çoiſe dont le Tribunal eft fuperieur
à tout dans nôtre langue.
Je vous envoye une Fable
dont le fujet eft fort fingulier
.
Vous le verrez par le titre .
FABLE
DU MATIN , DU MIDY,
ET DU SOIR.
LE
E Matin , le Midy , le Soir ,
Eurent une dispute enſemble ;
GALANT.
59
Mieux quefon Compagnon chacun
croyoit valoir,
C'eftce qu'à bien des gens il femble.
Quoy qu'ils fuffent tous trois du fexe
mafculin,
Difputant d'agrémens, ils devenoient
femelles ,
Et n'auroient pas cedé les moindres
bagatelles ,
Tant la difpute eftoit en train .
L'Amour , ce Dieu rodantfans ceffe
par le monde "
Paffant prés ces criards à leur bruit
s'arrefta.
Pour Arbitre auffi -toft chacun lefouhaita.
Şa connoiffance és loixpeut eftre affez
profonde ,
Du moins doit- il valoir maints Juges
L'à prefent ,
60 MERCURE
Car depuis qu'un beauJuge avec luỳ
s'amusant,
Veut boucler fes cheveux comme`la
treffe blonde
Que ce Dieu furfon dos fait voltiger
par onde
L'Amourqui lit pour luy dans Barthole
& Cujas ,
Dérobe le fçavoir des jeunes Magif
trats ,
Quoique Dame Themis en gronde.
Orfus , le blond Matin , ce fils arné
du Four ,
Quand l'Amour fut alis avec lajeu
ne bande,
Fit entendre fes droits par ces mots à
la Cour.
Meffieurs , voſtre ſurpriſe a fujet
d'eſtre grande ,
Voyant que mes Cadets ont la
temerité
GALANT. (61
D'ofer me ddiiffppuutteerr llee pas de la
beauté.
Se peut-il qu'aucun d'eux prétende
Produire plus d'utilité ?
Moy , qui préte la main à Flore
,
Pour ouvrir en tous lieux les rofes
& les lis ,
Moy qui tire en tout temps les
humains de leurs lits ,
Pour leur faire imiter la vigilante
Aurore ;
Moy,qui les encourage aux pénibles
travaux
,
Qu'on ne peut fupporter quand
la chaleur devore ,
Et leur procure auffi cent mille
biens nouveaux
,
Sans parler de Cerés , Bacchus,
d'autres encore
62 MERCURE
Dont ma rofée humecte & rend
les fruits plus gros.
Avec un fi bon droit , fuffit ce
peu de mots.
C'est pourquoy je conclus , à ce
que mes deux Freres ,
Dont les qualitez font contraires
;
Dont l'un fe fait haïr par fa grande
âpreté ,
Et l'autre ne produit qu'ingrate
obfcurité ,
Soient déclarez les moins aimables
,
Ainfi que
bles ,
les moins profita-
Surcela le Midi d'un air vif& hautain
,
Prit en même temps la parole.
A mon égard , dit-il, fa demande
eft frivole ,
1
GALANT.
62
Et ce n'est qu'à moy feul qu'on
doit donner ce gain.
Si mon Frere aux humains fait
faire une entrepriſe ,
Sifon fraisau travail fait trouver
des appas ,
Auffi par ce travail c'eſt luy qui
les épuife ,
Et c'eft moy, qui donnant l'heure
d'un doux repas ,
Ranime la vigueur éteinte dans
leurs brass
Qui par le feu du vin aprés les
encourage
A perfectionner l'ouvrage.
Mais fans aller fi loin , c'eft moy
dont la chaleur
Sçait de la terre ouvrir le
coeur ,
Pour en tirerun fuc propre à leur
nourriture.
64 MERCURE
Je la force à donner le fruit de
leur labeur .
Et fans moy pour eux la nature
Seroit bien- toft avare & pleine
de froideur. ".
On verroit tout languir , & les
bleds & la vigne .
Et que deviendroient - ils fans ces
deux alimens ?
Que font mes Freres de plus
digne ?
Peuvent- ils foutenir qu'il ne foit
pas certain
Qu'on manqueroit de tout fi l'on
manquoit de pain ?
Je requiers donc la Cour d'avoir
pour agreable ,
De declarer à tous le Midi preferable
;
Ayant non -feulement plus de vivacité
,
GALANT. 65
Le
де
es
es
15
Mais pour donner de biens plus
grande quantité.
Alors l'aimable Soir , d'une facon
tranquille ,
Comme de tous le plus docile
Le pritfur le ton le plus bàs ,
,
Et répondit à toutfans aucun embar
ras .
A l'égard de ces biens que le Midi
, mon Frere ,
Prétend lui feul conduire à leur
perfection ,
Chacun de nous à la maniere
Concourt à leur production.
Nul de nous trois ne peut luy feul
la faire entiére .
Si la vive chaleur du Midi les
meurit ,
L'air humide du Soir aprés les
attendrit ,
Et fi le Matin les fait croiftre ,
May 1701. I.P.
F
66 MERCURE
La terre qui leur donne l'eftre ,
Sans ma fraîcheur & mon ferein
Devenant un ingrat terrain ,
Par l'ardeur du Midy qui la féche
& l'altere
Ne feroit bien - toft plus qu'une
impuiffante mere .
Ainfi la Cour
par
fon Arreít ,
Sur ce ne leur trouvant nulles
prerogatives ,
Sur leurs demandes refpecti
ves ,
Nous doit tous trois mettrehors
d'intereſt .
Refte à confiderer maintenant
l'agreable .
Je ne veux point citer les plaifirs
de la table ,
Je vais parler icy de ceux d'un
plus haut rang.
GALANT. 67
C'eft moy qui fuis le temps des
plaifirs de la vie ,
Dont le Dieu même qui m'entend
,
Prefque toûjours de la partie ,
Produit le charme le plus
grand.
Sur le brillant gazon d'une verte
Prairie
Je raffemble Philis , Amarante ,
Silvie:
Je fais par ma fraîcheur éclater
leur beauté ,
Et le charme fecret dont leur
ame eft faifie ,
En refpirant un air plus doux que
l'ambrofie ,
Leur donne plus d'amour & plus
de liberté.
Jamais je ne revele aucun tendre
myftere ,
Fij
68 MERCURE
Et mes Freres découvrent tout?
Même fur ma conduite ils ne peuvent
fe taire ,
Qu'enfin avec la Nuit j'ay toûjours
quelque affaire ,
Que je l'aime , & qu'on voit
je la pouffe à bout .
que
Bien plus , ils ofent dire , & chacun
le tolere ,
Que nous fommes tous deux avec
vous de complot
La Cour en reglant cette affaire
N'oublira pas d'en dire un mot.
La médifance eft d'une ame vulgaire
,
Et pour le moins merite le cachot
.
Surce , les Amans en grand nombre
Amateurs du frais & de l'ombre
En équipage de Clients.
GALANT.
69
Mal vétus , mal peignez, force chagrins
en tefte
Vinrent prefenter leur Requefte ,
A ce qu'ayant égard aux maux
des Supplians
Que les Belles dans leur caprice
Souvent leur font fouffrir par
inhumanité ,
Malgré toutes les loix & l'exacte
police ,
Que l'Amour établit centre leur
cruauté ,
La jufte Cour euft la bonté ,
( D'autant que ledit Soir leur eft
le plus propice
Pour triompher de leur fier-"
té , )
D'adjuger audit Soir fans aucunes
remifes
Les conclufions par luy prifes .
70 MERCURE
L'Amour malgré les oppofitions
De la Communauté des Dames gran--
des - Meres ,
Ayant pris les opinions
Des autres Amours fes confreres
Prononca touthaut gravement
Cet autentique Jugement.
LA COUR féant de relevée ,
Veu le droit dè fes chers , amez ,
feaux Amans ,
Et fans égard à ceux d'aucunes
Meres- grands ,
(De l'oppofition defquelles mainlevée
Eft faite à tous les foupirans . )
ORDONNE que le Soir, comme
plus favorable ,
Pour les delices des humains ,
Comme plus frais , plus beau ,.
plus doux , plus defirable ,
GALANT. 71
Plus propre à diffiper leurs amou
reux chagrins ,
Sera declaré preferable
A fes deux Freres uterins .
Leur fait défenfe d'en médire ,
Si quelquefois avec Dame la
Nuit
Il s'accommode fans rien dire ,
Et trop avant chez elle la
fuit ;
pour-
A peine d'une heure d'amende
Même de deux felon l'occaſion .
Sur le furplus de la demande
Contenue en leurs longs dif
cours ,
Touchant ce qu'à la Terre ils
donnent de fecours ,
Admonetant tout haut & blâmant
les Parties ,
De leurs fantaſques jaloufies ,
72 MERCURE
Selon leurs Plaidoyez entendus
tour à tour
A mis icelles hors de Cour.
Mr Cheron , qui eft l'Auteur
de cette Fable , en l'envoyant
à Mademoiſelle du Soir , l'accompagna
de ce Madrigal.
Je me crois obligé de vous faire fiavoir,
Que le Cadet dufour à le gain defa
Caufe.
Si vous l'euffiez aidé de tout vostre
pouvoir ,
Je croisqu'il eut encor gagné toute
autre chofe ,
On
GALANT. 73
On a donné de grands applaudiſſemens
à la Fable de la
Pudeur , qui eftoit dans ma
derniere Lettre . Vous avez
efté témoin vous même des
loüanges qu'elle a receuës , &
il eft certain qu'on en a parlé
avantageufement
de tous cô
tez . Cependant elle a trouvé
des Critiques , ce qui fait voir
qu'il n'y a rien qui ne ſoit fu .
jet à la cenfure ; que les uns ont
des lumieres pour découvrir
des defauts qui échapent aux
autres , & qu'il n'y a rien qui
foit generalement approuvé,
Quoy que je ne blâme point
May 1701. 1. P.
G
74 MERCURE
ceux qui condamnent cette
Fable , je ne fçaurois m'empê
cher d'eftre du fentiment du
plus grand nombre , qui la trou
ve belle. Vous jugerez de la
Critique queje vous envoye Je
croy qu'elle donera lieu à quel
que belle replique , l'Auteur
ayant fait paroiftre trop d'ef
prit dans cet Ouvrage , pour
n'en pas faire voir encore
beaucoup en le défendant .
A MADAME ***
Vous etes donc bien fâchée ,
Madame , contre l'Auteur de
GALANT. 75
·
·le
la Fable d'Hebé. Vous prétendeZ
qu'ilfait tòrt à voſtre Sexe , par la
mauvaise opinion qu'il en a , &
parles fentimens qu'il veut infpirer
aux autres. Favouë que fon Ou.
urage eftpeu galant & fort outré.
Sçavez vous aprés tout fi cet
homme , dont nous ne connoiffons
que le nom & la Patrie , par
Join qu'il s'eft donné de nous l'apprendre
, n'a pas lieu defe plaindre
des Damis; & s'iln'a pas confon
du l'infidelite avec le defaut de pwdeur?
Sonftile plein d'unfeu immo
deré ,fes expreffions emportées , les
defcriptions qu'il fait de l'amour ,
de la jalousie , de la douleur du
Gij
76 MERCURE
defefpair , tout cela marque du
moins qu'il connoift les fuites funeftes
d'une paffion malheureuſe ; &
s'il en a fait une épreuve cruelle ,
n'y aurez vous point égard ? C'eft
fans doute un estat bien violent
que celuy d'un homme qui devient
la victime deſa bonne foy , & qui
s'eftoit entierement abandonnéfur
l'effurance d'une amitié éternelle,
Favoue toutefois que le motif qui
a obligé l'Auteur de la Fable à
nous faire part de fes idées , ne
Scauroit abfolument juftifier fa
conduite , & ceft porterfon reffentiment
trop loin , que d'attaquer
fans diftinction un Sexe , où ne
GALANT. 77
brillent
pas
les perfections de la nature . C'eſt
auffi , Madame , ce qui m'engage
à vous faire part des reflexions
que j'ay faites fur cette Fable.
Vous vous fentirez à demi van .
gée en connoiffant que cet Auteur
qui épargne fi peu vostre Sexe ,
merite luy même d'eftre repris dans
la maniere dont il veut reprendre.
J'avoue que je fuis d'abord en
peine de fçavoir par quelle raiſon
il a chorfi Hebé pour la rendre
Mere de la Pudeur. Hebé avoit
tous les agrémens de la jeuneffe.
Elle entraînoit avec elle les Plaimoins
les vertus , que
firs , lesfeux , les Danfes , les Ris,
G iij
78 MERCURE
& la Chronique celefte de ce tempslà
aſſure qu'elle n'eſtoit pas fâ hée
des empressemens de Vertumne , &
desfoins que luy rendoit leDieu des
Jardins . Du moins , ainfi que Ga.
nimede, verfoit elle du Nectar aux
Dieux , employ fufpect , & peu
propre àfaire naiſtre la Pudeur. Il
y avoitfans doute dès Divinitez
dans le Ciel plus modeftes , & je
fuis perfuadé que Pallas ou Diane
n'auroient point defavoné une telle
Fille.
La maniere dont l'Auteurfait
concevoir Hebé eft à la verité
bien bizarre. La honte d avoir
montréfa cuiffe aux Dieux & la
CALANT. 79
force de fon imagination produifi
rent cet effet. Cet Auteur , qui a
prévu l'étonnement de ceux à qui
il debite cette merveille fait voir
que la chofe n'eftoit pas nouvelle.
Jupiter avoit conçu Minerve
dans fon cerveau , & Junon avoit
conçu Hebé elle . même en man.
geant une laituë, Mais n'eft il pas
aifé de remarquer que cette con .
ception de Jupiter n'est qu'une fpece
d'allegorie , par laquelle les fages
Anciens ont voulu faire comprendre
que la veritable Sageſſe vient
de Dieu ; ce qui fait un fens tresbeau
& tres . moral ; & à l'égard
de Junon , les Naturaliſtes ont
G iiij
80 MERCURE
fait produire la Déeffe de la fraif
cheur & de la jeunesse , par l'uſage
d'un aliment frais
nable aux vieilles gens .
peu conve-
Il s'enfaut bien que l'imagination
de noftre Auteur ne faffe de
même unfens allegorique , puifque.
la rougeur & la peine d'Hebe ,
aprés avoir montréfa cuiffe , font
proprement l'effet de la pudeur ,
& non pas la Pudeur même ,
qui devoit estre déja produire
pour caufer cette confuſion à la
Déeffe.
Mais que dirons nous de ces
affemblées des Dieux pour allir
voir un enfant au berceau , de ces
GALANT. 8r
outilsforgez par les Cyclopes , que .
Vulcain offre à la Pudeur , de ce
bouquet de diamans que luy donne
Jupiter , prefent fans doute digne
de cegrand Dieu , mais trop confible
pour avoir efté la recompense
d'unfimple Grec.
La marche des Déeffes a queld'extraordinaire
quechofe , & c'eft
icy que l'Auteur donne une libre
carriere àfon imagination . Laficre
Junon paroift en babit de ceremo
nie devant cet Enfant, & les Poë
tes n'ont jamais donné à la femme
de Fupiter une fuite fi nombreuſe.
Sans doute qu'elle ne s'eftoit jamais
trouvée dans unefigrande occaſion,
82 MERCURE
La Pudeur fe cache , & il faur
convenir qu'il eft bien difficile de
comprendre ce que veulent dire ces
abondantes periodes par où l'Auteurfinit
la visite de Junon.
La raillerie de Momus à Pallas
fait une contradiction manifefte.
Il reproche à cette Déffe d'avoir
autrefois vendu la Pudeur fur le
Mont Ida. Si la Pudeur vient
de naiftre , comment avait elle fté
vendue par le paſſe ?
La blonde Venus paroist enfuite
coeffée de la main des Graces . Puif
que ces habiles Coeffeuses in avoient
pris lefoin , ily a apparence
que les cheveux de l'aimable Déef
GALANT. 83
fe ne flottoient pas fans art furfes
épaules , comme le prétend noftre·
Hiftorien Ce n'est pas que cette ef
pece d'agreable defordre ne puiffe
avoirfes charmes en une aimable
perfonne. Telle eft la Déeffe des
Bois quand l'arc à la main & le
carquois fur l'épaule , elle fuit d'un
pied leger un Cerfépouvanté Tille
paroift encore une aimable Bergere
• dont la beauté ne doit rien à l'art,
& qui d'une fimple guirlande de
fleurs couvre fes beaux cheveux ,
parmi lesquels les Zephirs amoureux
fe jouent ; mais il n'en doit
pas eftre de même à l'égard de Ve .
mus . Elle avoit fes plus riches ha
84 MERCURE

bits , rien n'efloit negligé , & en ce
grand jour les Décßes n'alloient
qu'en corps & en robe détrouffée ,
du moins s'il en faut juger par
ce qu'on nous en dir.
L'Amour voulut auffifairefes
complimens à la Pudeur , & je ne
fuis nullement furpris s'ilfit peur à
lapetite Divinité. Quellefuitefu
nefte ! La Douleur couverte de
playes ; lafombre Melancolie ; la •
Falousie qui fans ceffe fe perce le
coeur, tout cela eftoitfans doute ca.
pable d'épouvanter un enfant une
pareille vifion étonneroit les plus
fermes . Ce n'est pas que bien fou
vent ce nefoient là les triftes effets
GALANT . 8
de l'amour; mais ilfaut croire qu'en
cette rencontre , comme en toute autre
, ce petit Dieu n'avoit vouluse
faire voir que par fes plus beaux
endroits Ilferoit feul à Paphos fans
autels &fansfacrifices , s'il ne prenoit
foin de cacher les maux qu'il
entraîne.
Dans cettegrande viſite la chan
fte Diane nefut point à l'abri des
railleries de Momus qui luy reprocha
la rencontre que fit Acteon.
Cette Déeffe fe déconcerte entierement
, & s'il enfaut croire noftre
Auteur , ou n'entendoit guere rail-
·lerie dans le ciel. Scachez , méchant
Bouffon , luy dit - elle ,
86 MERCURE
*
que ce n'eft point noſtre faute
fi on nous voit dans un eftat
indigne de nous . Une telle réponſe
convient parfaitement à une
Divinité qui babitoit les Forefts ,
carfile bain eft utile à noſtreſanté
ou propre à nostre plaifir , peut on
dire qu'on faffe une choſe indigne
de foi quand on le prend ? La pauvre
Diane traite enfuite une queftion
de Theologie
, dº veut prou.
ver que le mal n'eft produit que de
la mauvaiſe volonté Aurefte , on
fçavoir affez combien rude avoit
été le châtiment de l'InfotunéChaf
feur. Les Dieux avoient même
defaprouvè cette cruauté &ilme
GALANT. ·87°
R
,
#
10
femble que Momus auroit mieux
Taille la Déeffe en parlant des complaifances
qu'elle avoit euës pour
le Pafteur Endimion . Diane au
roit demeuréfans replique ainfique
Pallas , mais de bonnefoy , Momus
eft unfroid & mauvais railleur ,
Venus qui le mépriſa fit beau.
coup mieux que ces autres Divini .
tez qui fe querellerent , ou à qui la
confufion ofta la parole.
Dés que la Puleurfut grande,
fa prefence rendit le fejour celefte
entienement defert , & Jupiterfuc
obligé de la chaffer. Il falloit que
lu débauche & la prostitutionfuffent
extrêmes parmi les immortels.
88 MERCURE
La Pudeurfe retira parmi les hommes
qui vivoient alors dans une heureufe
paix. La Chronologiefabuleuſe
ne nous apprendpaint le temps de cette
retraite. S'il en faut juger par le
fentiment de noftre Auteur , l'age d'or
regnoitencore,& le monde eftoitdans
Ja premiere innocence . Qui n'auroit
cru que la Pudeur auroitfortifié cet
eftat heureux & empêché que le defordre
& le vice n'establiffent leur
empire? Mais au contraire; dèsqu'elle
eut paru , les hommes furent trompeurs
, les filles trouverent du gouft iu
libertinage , lesfemmes commencerent
à devenir infidelles , & generalement
toutfutperverti . Il est vray que l'Amour
s'oppofafort ment à la Pideur ,
& qu'il refta même victorieux , mais
de quelque maniere qu'on le prenne ,
n'eftilpas extraordinaire quela verGALANT.
89
tufoit une occafion àproduire un tor
rent de vices , & ne valoit- il
pas
mieux mille fois que cette Pudeuṛ
n'eustjamaisparu ? Car enfin le monde
eftoit auparavant tranquille , du
moins noftre Auteur le veut ainfi ; &
furfa paroleje veux croire que cette
fatalefuite qu'il a donnée à l'Amour
n'eftoit point connue des hommes , de
forte quepour fe conformer à fon idée,
il faut neceffairement convenir qu'il
n'y eut jamais moins de pudeur fur
la terre qu'aprés que la Pudeur y
fut venue.
Puifqu'elle devoit produire de fi
mauvais effets , il n'eft pas extraor—
dinaire que les Dieux l'ayent chaffée
du Ciel , & que les hommes à qui
cette pudeur a fervi d'occafion à les
pervertir, n'ayentplus voulu qu'elle
fuft parmi eux. Jupiter devoit même
May 1701. 1. P. H
90 MERCURE
tuy refufer la derniere reſſource . Elle
n'eft plus, nous dit - on , depuis ce temps
que dans le coeur des enfans , d'où
elle fort fi-toft qu'ils ont atteint l'àge
de douze ans . Fay peur que noftre
Auteur n'ait pas bien fceu où cette
malheureufe Divinité s'eftoit retirée ,
car ce qu'il appelle Pudeur dans les
enfans , n'eft autre chofe que l'innocence
& une heureuſe ignorance du
mal , mais la Pudeur doit connoiftre
pour s'allarmer , & ne doit s'allarmer
qu'avec raifon.
Voila , Madame , quelles font à
peu prés les reflexions que j'ayfaites
Jur la fable d'Hebe . Je ne vous dis
rien du ftile , ny de certains termes
peu propres & hors du bel ufage , ny
de quelques penfées de l'Auteur de
cette Fable , je vous fatiguerois par
une trop longue lecture, Je taiffe aux
GALANT. gif
rigueurs de quelque Belle le foin
de vous vanger mieux que je n'ay
fait par ces petites remarques. Je
fuis , &c.
Leio .du mois paffé , le Pape
alla en cavalcade prendre pof.
feffion de fon Eglife Cathe.
drale & Patriarchale de Saint
Jean de Latran . Il partit du
Vatican fur les deux heures
aprés midy , & les lieux par
où il paffa furent , Borgonuovo,
Ponte San Angelo , Banchi ,
Monte Giordano , Parione
„Pasquino S. Andrea
della
Valle , Cefarini , jufques à l'Eglife
de Jefus , dont la façade

Hij
92
MERCURE
eftoit richement ornée , & en
fuite Campidoglio , Foro Bovario
, appellé communement
CampoVaccino , Arco de Tito
Coloffeo:Toutes les ruesétoient
magnifiquement ornées , avec
des tapis en broderie aux feneftres
, qui estoient remplies
des Dames les plus diftin .
guées . Quelques Soldats de la
Garde de la Sainteté ouvri
rent la marche pour mettre
l'ordre dans les ruës , & empêcher
la confufion . Enfuite venoient
ceux qui conduifoient
les valifes des Cardinaux . Elles
eftoient brodées d'or & d'arGALANT
-93
gent avec les armes de leurs
Eminences
. Immediatement
derriere eux marchoient les
Maffiers de ces mêmes Carrichement
dinaux avec des maffes d'ar
gent doré. Ils eftoient fuivis
d'un grand nombre de leurs
Gentilshommes
vétus , & de quantité de Cavaliers
Romains & d'Etran
gers . Ceux -cy precedoient les
Ecuyers de la Sainteté , habillez
de rouge ; aprés ceux- cy
paroiffoit une Littiere de velours
cramoifi avec des frauges
d'or , puis douze tambours
avec de riches calaques de
94 MERCURE
"
quatre
,
le
velours cramoifi
Trompettes du Peuple Romain
, les Cameriers Extra ,
le Fifcal de Rome , le Com .
miffaire de la Chambre , les
Avocats Confiftoriaux
Sous garderobe , les Chapelains
communs, les Chapelains :
fecrets , les Cameriers d'honneur
, les Cameriers fecrets ,
les Princes , les Titrez , & les
Barons Romains . Ils eftoient
tous avec leurs habits de ceremonie
, & aprés eux venoient
divers Officiers du Peuple Romain
, le Capitaine de la Garde
des Suiffes , les Votans de fi .
gnature , les Clercs de Cham
GALANT.
95
bre, le Maiſtre du Sacré Palais ,
les Auditeurs de Rote , l'Ambaffadeur
de Boulogne , les
Confervateurs de Rome , le
Conneftable Colomne , les-

Ambaffadeurs des Teftes Couronnées
, & le Gouverneur de
Rome. On voyoit enfuite les
Maffiers de Sa Sainteté avec
leurs Maffes hautes . Ils precedoient
les Seigneurs Canonico
Orlandi , &Leone Battelli , Mai .
Ares des Ceremonies , aprés
qui marchoit Monfig. Lancetta
, Auditeur de Rote, & un
Soudiacre Apoftolique avec
da Croix. Enfuite on voyoit les
Palfreniers de Sa Sainteté , la96
MERCURE
quelle venoit fur une Haques
née blanche , donnant fa benediction
de tous coftez. Sa Li
tiere , qui eftoit tout proche ,
eftoit de velours cramoifi , &
garnie de filets & de franges
d'or. Sa Sainteté eftoit fuivie
des Cardinaux , à l'exception
de ceux qui n'ayant pû mon .
ter à cheval , eftoient allez
l'attendre à Saint Jean de Latran.
Aprés les Cardinaux marchoient
les Patriarches , les
Archevêques , les Evêques, les
Protonotaires Apoftoliques ,
& enfuite une autre Littiere de
Sa Sainteté deux Trompettes.
de
GALANT. 37

1
de la Garde , deux Pages avec
leurs lances , & autres. La Place
du Capitole eftoit fort ornée
, & lors que Sa Sainteté
y fut arrivée , le Marquis Ria .
rio, Senateur , accompagné de
tous les Officiers de la Ville ,
la
complimenta à genoux ,
l'affurant de fon obéiflance , &
de la fidélité de tout le Peu
ple. Elle y répondit avec bonté
, & pourfuivit la Cavalcade
par le Foro Bovario , où avant
que d'arriver à la porre du
jardin du Duc de Parme , elle
vit un grand Arc de triomphe
que l'on avoit élevé vis - à vis
May 1701. I. P.
I
Ervenuta
Sia &
Salot
98 MERCURE
del'Arc de Tite , par les ordres
de ce Duc , avec diverſes figures
& plufieurs Inscriptions.
On alla de là vers l'Amphitheatre
, & on arriva enfin à
Saint Jean de Latran , où fur la
grande porte on lifoit en dehors
cette Infcription.
5Ingredene Conftantini Protobafili
cam , CLEMENS XI. P. Q. M.
Religione & animi celfitudine par
Imperatori qui condidit . Venturum te
aliquando ad Edis hujufce Augufte
poffeffionem tuarum virtutumfeftinatá
maturitus præmonebat Viciſti
vota ; non eft expectatum à fenectute
fuffragiumut poffeffor venires , quanquam
fi numeres que gefferis apud
tresfummos Pontifices , fenex etiam
GALANT. 99
2
venis ad Pontificatum. Capelle
Principatus infignia , eò gratior,
que futurus Ecclefia bonum longius
& manfurum. Id ætas fpondet , ara
precantur , Deus kargietur. Fruere ,
i non tua , felicitate noftra , & fit
merces curarum Principis populi gaudium
:
Cette autre Infcription fe lifoit
fur la même porte , mais au
dedans de l'Eglife .
Egredere in accurfum fponfi tai,amnium
Mater Ecclefiarumfacrofanita
Lateranenfis Ecclefia . Traditus tibi
divinitus fponfus Clemens XI. P.
O. M. præftabitte optatilimapacis
hofpitium , inconcuffum fidei propugnaculum
, perpetuæ felicitatis domi
cilium. Omni gaudio exilias , dum
ille exeuntisfæculi metam , digniſſima
coronide adventantis primordia »
I
ij
100 MERCURE
1
fecundiffimis aufpiciis confignat. Ne
dubites duplici fæculo illuftrando paremfuturum
Principem illum , qui
conftantia nullis faculis cognita , repudiando
meritiffimum Principatum
ejufdem exordium confecravit .
Au deffus de la tefte des faints
Apoftres, vis à vis de la Tribune
où eftoit le Trône de Sa Sainteté
, on avoit placé cette troifiéme
Infcription.
Sacrofanitam Lateranenfem Ecclefiam,
iturum olim in præceps Francifcus
fuftinuit Exinde ruinam nul
lam expavit , innixa fatis fuper
humeros humilitatis . Quam appofite
Ioannis & Francifci nomen comple-
Eteris,adorategentibusClemens XI.
P. O. M! Utrumque inditum tibi in
aufpicium feliciffimi Principatus , ut
idem & Ioannes effes , qui Ecclefie
GALANT
. 10!

hujus nomen attolleres , & Francifcus
quifuftineres. Tueberis ut virille Seraphicusanimi
demillione,hacmera fti
imperare, dignusImperio quod recufiveris,
digniorqui acceperis , & per obfequia
veneris ad Principatum . Felices
Populi, quibusparere jam ambitus
eft , cum parere difcant à Principe.
27
Sa Sainteté eftant defcenduë
de cheval , entra fous le
Portique de l'Eglife , précedée
du Clergé & du Chapitre. Le
Cardinal Pamphile , Archipreftre
de cette Eglife , luy
prefenta la Croix à baiſer , ce
qu'elle fit à genoux & tefte
nuë. Enfuite elle alla au Trône
qu'on luy avoit préparé pro-
1.iij.
102 MERCURE
che de la porte fainre , & elle
y fut reveltuë des habits Pontificaux
S'eltant aflife enfuite
dans le Trône fous un Dais,
Elle receut deux grandes clefs
de la porte de l'Eglife ; Tune
eftoit d'or , & l'autre d'argent,
& elles luy furent prefentées
par le même Cardinal dans un
bahn d'or rempli de fleurs.
Aprés cela, tout le Clergé , &
le Chapitre de Saint Jean , alla
baifer les pieds de Sa Sainteté,
pendant que les Cardinaux &
les Prelats fe reveftoient de
leurs habits de ceremonie.
Cela fait , le Pape ayant donné
į
GALANT. 103
l'Eau benite à l'entrée de l'Ele
glife , & receu l'encens par
Cardinal
Pamphile
, Archi
preftre , fe mit dans fa cha fe,
& fut porté fous le Dais à l'Autel
du Saint Sacremént
. Là, le
Te Deum ayant cfte entonné ,
en fit la Proceffiou
par le mi
lieu de l'Eglife . Sa Sainteté
eftant deſcenduë
de Chaiſe fit
fa priere devant le Saint Sacrement
, & enfuite devant les
Teftes de Saint Pierre & de
Saint Paul , qui furent décou
vertes, & montrées
au Peuple.
De là , cftant rentrée dans fa
Chaife , elle fut portée au
L -iйj
104 MERCURE
grand Autel , où elle defcen
dit de nouveau , & fit une autre
Priere, aprés quoy elle alla
fe placer fur le Trône qu'on luy
avoit preparé au milieu de la
Tribune . Elle reçut les Cardinaux
à l'obedience par le bai
fer de la main , en leur jettant
deux Medailles à chacun par
Fouverture de la Mitre , l'une
d'or & l'autre d'argent. Le Cardinal
Barberin s'avança devanc
l'Autel avec les Auditeurs de
Rote Soudiacres Apoftoli
ques , & avec les Acolytes , &
les Avocats Confiftoriaux , il
chanta l'Exaudi Chrifte. L'OGALANT.
105
bedience finie , le Pape alla
de nouveau au grand Autel ,
où est le premier Autel de
bois de S. Silveſtre Pape , fur
lequel il n'eſt permis a pers
fonne de cel bier , fi ce n'eſt
au Pape . Sa Sainteté donna
la Benediction , & laiſſa fur
l'Autel une bourfe de deux
cens écus de monnoye. nouvelle
, & ayant fait de nouveau
la reverence au faint Sacrement
, elle alla , fe remettre
dans fa chaife , laTiare en tefte
, & fut portée par la porte
qui répond à l'Eglife , au Palais
de Saint Jean de Latran , qu'on
IC6 MERCURE
avoit meublé pour cette fonetion.
Eftant arrivée proceſfionnellement
à la Loge , elle
donna la Benediction folemnelle
au Peuple , & les Cardinaux
Pamphile & Ottoboni ,
publierent les Indulgences
accoûtumées en latin & en
langage vulgaire. Cela fait , le
Pape quitta les habits Pontificaux
, & ayant repris les ordinaires
, il retourna en chaifeau
Palais du Vatican , aux ac .
clamations de tout le Peuple.
MileCardinal Pamphile a fait
ce Sonnet pour Mile Cardinal .
GALANT. 107
Albani, dans le temps qu'il fut
nommé au Souverain Pontifi
cat le jour de S.Clement Pape,
ce qui luya fait prendre le nom
de Clement XII portoit aupa
ravant celuy de Jean François.
IAgrime volte di Gregoria al ciglio
Bagnaron del mioSignore il volto
amato.
Piangea Roma al rifiuto , egli alperigliaenday
S'afcofe a i voti , & gli vdì fdėgnato.
2
Sofpirò l'ombre di perpétuo efiglio ,
Et quafi il trono in tomba aurià cangiato.
Umile al fin cede , ma nelconfiglio
L'afpra guerra del cuor vinfe turbato.
108 MERCURE
S
Supplice al Cielfi volfe , edindi a noi:
Scuopri nel nome ed in gentil fembianza
Nell' alba di Clementi i genit fuoi.
2 .
Cielnor
Refiftere al Ciel non è coflanza..
Eviva e regni , in fuperar gli Eroi
Fia , fi potrà , maggior della ſpe--
té A
ranza .
6
Ce Sonnet Italien a efté imipar
celuy - cy en noftre langue.
Albane, vous pleurez, &la douleur
mortelle
Quifaifitvotre coeur , reprefente à nos
yeux
Ce que fit S. Gregoire au temps de nos
Ayeux 2
GALANT. 109
Pour éviter le rang où le Ciel vous
appelle.
En fuyantcommeluy , craignez d'eftre
rebelle
Dieufourdà vosfoupirs vient d'écou
ter nos voeUX.
Ilferoit offenfe dun refus odieux
Soyez donc malgré vous à fes ordres
fidelle.
S
Seuldans vosfentimens tiendrez- vous
contre tous ?
Saint Clement vous invite à vivre
parmi nous ,
Pour faire fous fon nom revivre fa
memoire .
2
Vivez, regnez heureux & l'on fera
content ;
De nos plus grands Heros pour fur
paffer la gloire ,
110 MERCURE
Faites plus , s'il fe peut que co que
ton attend.
Voicy un Madrigal que vous
trouverez fort jufte dans la fitua
tion où font les chofes. Il eſt de
Mr Robert , demeurant en Perigord.
A MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN.
Agufte Fils ,Pere de Roy,
Quel Prince fur la terre eft
comparable
à toy ?
LOUIS LE GRAND t'a donné
La naiſſance,
Le Roy PHILIPPE te la
doit ;
Les Peuples que le Ciel a mis fous
leur Puissance ,
De reverer ton nom fe font tous unk
loy.
C
GALANT. 101
Tu dois porterdes Lis l'invincible conronnej
·Celle des fiers, Lions a dépendu de
toy.
Ayant pu devenir , & devant eftre
Roy
Onpeut dire,DAUPHIN , que déja
ta Perfonne
Brille de tout l'éclat que la Royauté
donne.
Cet autre Madrigal eft de Mr
Cheron , qui a eu l'honneur de
le prefenter à ce même Prince .
Pufqu'un funefte fair le Sang de
MONSEIGNEUR
Montant dans fes vaisseaux avec
trop de furie
Carfa grande abondance &fa vive
chaleur
#2 MERCURE
D'un Prince fi cheri mit en peril la
vie i
Il nousfaut avouer , pour cette unique
fois ,
Que le fang de Bourbon ne futpas
raisonnable ,
Et que s'étant rendu par tout fi redoutable
>
Il fçeut faire à leur tour trembler
tous les François.
1
M' l'Abbé Boutard a fait
une Ode Latine fur l'Ordre
de Saint Lazare , & il a fair à
fon ordinaire une tres- belle
Ode. Je vous en envoye la
traduction. Elle eft de M'l'Ab ..
bé du Jarry. Vous connoiflez
fon heureux talent pour la Poë
GALANT.
113
fie , & c'eft aflez pour vous të.
nir affurée que vous trouverez
dans la copie toutes les beautez
de l'Original.
ttain in te i
TRADUCTION
D'UNE ODE LATINE
SUR L'ORDRE DE S. LAZARE
ADRESSE E
A MONSIEUR LE MARQUIS
DE DANGEAU.
"Eft la Religion' , qui dans les
grandes ames
Seme de la valeur les immortellesfla
mes ,
K
114 MERCURE
Qui forme fes Heros & de chretiens
exploits ,
Et confacre leurs mains à défendrefes
droits.
Je l'ay vue au milieu de fes plas
faints myfteres
Graverfurdes guerriers fes divins caracteres:
Et le pompeux concours d'un Ordre
gborieux
Dans untemplefacre's'eft offert à mes
yeux.
Ces Athletes dreffez pour unefainte
guerre ,
Qui du plus noblefang a fait rougir
la
terre ,
Enrichis de la Croix , découvroientfur
leurfront
L'ardeur, qui dans Solyme en répara
l'affront.
A lear côté brilleit la redoutable
¿pée ....
GALANT
115
[ tus ,
Par qui de l'Othoman l'audace fut
frappée:
Et d'ornemens facrez en ce jourrevê-
En étalant leurgloire , ils marquoient
leurs vertus.
Leurs foupirs redoubler dans un
bumble filence
Font au Ciel une douce & fainte
violence :
Et les genoux ftéchis , parmi des
voeux preffans ,
Ils en mêlent l'odeur au parfum de
l'encens.
Tu frappes mes regards dans cette
troupe illuftre ,
DANGEAU , dont le merite en
rehauffe le luftre
Et d'un riche appareil la brillante
Splendeur
Du haut rang que tu tiens découvre
la grandeur.
Kij
116 MERCURE
Ces pieux Chevaliers à l'envy font
paroître
Le defir d'imiter un Chef digne de
Petre ,
Qui dans un champ fecond en celeleftes
Lauriers
Du veritable honneur leur ouvre
les fentiers.
Sous ton aufpice heureux la troupe
renouvelle
De fes auguftes voeux la pompe fotemnelle
.
Deja brûlant de vaincre , ils confacrent
leurs bras
A la gloire du Dieu qui prefide aux
combats.
Leur pieufe valeur , qu'anime ton
exemple ,
Paroit avec effort captive dans le
Temple,
Et devant les Autels fait éclater
le
fers
GALANT. 117
Que craint encor Bifance , & redoute
l Enfer.
Prêts de porterpour Dieu de gloricu
fes chaines ,
Et de luy prodiguer tout le fang de
leurs veines ,
Je croy les voir pouffez d'une fainte
fureur ,
Dans un climat affreux répandre la
terreur ,
Et d'un barbare fung les mains encore
teintes ,
Y laiffer de la Croix les images em
preintes :
Tant eft vive , DANGEAU , la
martiale ardeur ,
paſſe Qui du feu de ses yeux paffe jufqu'à
leur coeur.
Toutle Peuple applaudit à ce pompeux
Spectacle :
Soit que ta digne voix, qui leur tient
Lieu de
118 MERCURE
Les inftruife avec foin de leurs feve
res Loix:
Soit que ta noble main leur prefente
la Croix ,>
Dont be brillant émail femble offrir
à la veuë
Le vifazur du Ciel dont elle est def
cenduë :
Ou qué lefaint baifer, fymbole de la
paix ,
Marque d'unfceau facrè le don que
tu leurfais.
Loin de ce Corps,qu'animéuné vèrtu
divine ,
Ceux dont un fang obfeur a caché
l'origine :
4
Où qui portant un nom des temps
victorieux ,
Fufques dans le tombeaufont rougir
leurs ayeux
Et dans l'oififrepos d'une molle indolence
MERCURE 1'9
Trainent des jours perdus , honteux à
leur naiffance.
C'est la feule Vertu jointe à l'éclat
dufang
Qui trace le chemin à cet illuftre
rang.
Quand au pieddes Autels ces Guer--
riers fe raffemblent ,
C'est pour s'affacier à ceux qui leur
reflemblent,
Qui fefententpoufs des nobles mou
vemens >
Dont la foifde la gloire enflame ſés
amans ,
Qu'anime d'un beau feu l'amour de
la Patrie ,
Dont la race n'est point par le vice
fletrie ,
Quifont voir dans leurs moeurs , uné
jufte candeur
Et de la pieté par tout fement l'os
deur :
120 MERCURE
Titres , dans les Heros dignes qu'on
les revere
Plus que d'un nom fameux l'éclar
bereditaire.
O faint Ordre des Cieux en terre
defcendu ,
* Avec le nom Chretien en cent lieux
répandu
De la Religion le rempart & la
gloire,
Et de traits éclatans illuftré dans
l'Hiftoire .
7
Les Pontifes Romains fecondes
parles Rois ,
* L'Ordre de S. Lazare établi
dés les premiers fiecles de l'E
glife .
* Confirmé par les Bulles des
Papes Alexandre IV . Pie IV ,
Gregoire X-III & Paul V
* Ec
GALANT . 121
* Et comblé des bienfaits des
Empereurs d'Orient , & de tous
les Rois Chrêtiens .
De leurs dons à l'envy l'ornerent
autrefois :
Sous des toits confacrés à de pieux
hofpices ,
Sa charité rendoit les plus tendres
offices
Aux Chrétiens'attirés en cet augufte
lieu ,
Où coula fur la Croix le Sang de
l'Homme - Dieu.
En de lointains climats ces fecours
falutaires
Du Voyageur laẞé foulageoient les
miferes ,
Et prefentoient par tout des aziles
ouverts
Aux Malades errans de , la lepre
couverts.
May 1701 I.P. L
122 MERCURE
Mais bien-tot des Autels devenus
la
deffenfe ,
vangé Ces Guerriers genereux en ont va
l'offenfe.
Centfois à leur fecours on les a vi
voler ,
Au fer des Othomans tout prêts à
s'immoler,
Et les forcer d'ouvrir les portes de
Solyme
Au Pelerin contrit qui va pleurer
fon crime..
Le Jourdain mille fois par leurs nobles
efforts
D'un infidellefang a_vù rougir fes
bords ,
Leur valeurpar le zele aux combats
animée
Releva les remparts que batit *
Ptolomée :
Ptolemaide ou Acre Ville de
GALANT.
123
Phenicie , prife fur les Infidelles
les Chevaliers de S. Lazare
par
l'an
1104.
Monumens , dont la gloire éterni-
Jant leurs faits ,
Aux faftes de l'Eglife a gravé leurs
bienfaits.
C'est ainsi que naiſſant dans un climat
barbare ,
· Cet Ordre répandit le faint nom de
Lazare.
Luyfeul a fait germer dans le monde
Chrêtien
Tant d'Ordres , dont l'éclat renouvelle
le fien ,
Et dont au fier Croiffant les victoires
fatales
De la Religiongroffiffent les annales.
Comme un chène planté fur le. courant
des eaux ,
Lij
124 MERCURÉ
Dont un fiecle a nourry les fuperbes
rameaux >
Pendant l'Efté brûlant , fous fon
feuillage fombre
Offre aux troupeaux errans l'azile
de fon ombre :
Et quand fon tronc des ans a reffenty
l'effort ,
Dans mille rejettons renait après
fa mort;
Tel cet Ordre immortel parfa tige
feconde
De fes nombreux enfans a vù peu,
pler le monde.
De là Rhodes fortit terrible à Solyman
,
Après un fiege affreux tombeau de
l'Othoman.
Malthe , où Rhode renait , mur d'airain
où fe brife
Le torrent furieux qui menace l'Eglife
,
GALANT.
125
Qui du Captif Chretien rompt les
indignes fers ,
Du Pyrate cruel purge les vastes
mers
Et remplit de Heros la flote triomphante
,
Qui remporte le prix au combat de
Lepante .
Mille Athletes facres defenfeurs des
Autels ,
De cet Ordre celebre ornemens immortels
,
De leurs illuftres Chefs fuivant les
faints veftiges ,
Font refleurir encor ces glorieuses
tiges ,
* Et couronnent leur front dun
honneur éternel ,
* L'Ordre de Nôtre - Dame
du Mont - Carmel inftitué par
Liij
126 MERCURE
Henry IV . & uni à l'Ordre de
faint Lazare l'an 1608 .
Recevant dans leur fein les guerriers
du Carmel.
Tel an fleuve pompeux , en arrofant
les plaines
S'enrichit du tribut qu'apportent les
fontaines ,
Etfuivant les detours de fon lit tortueux
>
Groffit en s'avançant fon cours majestueux.
L'invincible HENRY d'immortelle
memoire ,
De ces deux Corps fameux réüniffant
la gloire ,
Car des vaux folemnels leur impofa
ta loy
De défendre toûjours la Patrie &
la Foy
.
GALANT.
127
* NERESTANG le premier à fes
fermens fidelle ,
Dans un combat fanglant victime
defon zele ,
Merita par fa mort ce triomphe fi
beau ,
Qui couronne un Vainqueur dans le
fein du tombeau.
DANGEAU , tu fais revivre en
cette illuftre place
Ce Heros que tu fuis avec ceux de
ta Race..
LOUIS offre à nos yeux ces deux
Ordres unis
Dans leur premier éclat par tes foins
rétablis
Tu fais les maintenir dans ces
beaux privileges ,
Qu'oferent violer des abusfacrileges :
* Philibert de Nereftang Grand
Liitj
128 MERCURE
Maiſtre de l'Ordre de S. Lazare ,
Capitaine des Gardes du Corps
d'Henry IV. fut tué dans un
combat donné prés du Pont de
Cé , où il commandoit l'armée .
On te voit confacrer par des usages
faints
Le depoft des trefors confiez à tes
mains :
Montrer un coeur de pere à l'illuftre
* jeuneffe ,
Qu'au rang de Chevaliers éleve la
Nobleffe ,
Les former aux beaux Arts comme
aux plus grands Emplois ,
Et de LOUIS enfin justifier le
chois.
* Nouvel établiffement de jeunes
Gentilshommes élevez dans
les exercices de la nobleffe , par
les foins du Grand Maiſtre de,
l'Ordre ,

GALANT.
129
Je vous envoye deux Eloges
qui ont efté prononcez dans le
Monaftere des Benedictines
de moret , le 4. du mois paſſé ,
jour de Saint Benoift . Comme
cette Maiſon eft fous la conduite
de Madame de Beuvron,
Parente de M² le Cardinal de
Noailles , fous la protection
de Madame de Maintenon , M
Foulques , Prieur de Chevry ,
de l'Ordre de Sainte Gencien .
ne , faiſant le Panegyrique de
S. Benoist , & ayant reprefenté
la Grotte & le Sepulcre où ce
grand Saint fe retira pendant
trois ans , comme le tombeau
[
1,0 MERCURE
du monde ancien avec toutes
"
fes pompes , & le berceau d'un
monde nouveau avec ſes vértus
dans cet établiffement de
fon Ordre ; aprés avoir parlé
de la vifion qu'il eut de tout le´
monde , & de toutes fes vanitez
dans un cristal , pour en
découvrir le neant & la fragi
lité , ajoûta dans le premier
Point.
"
C'est avec ces mefmesyeux que´
voftre illuftre Protectrice , Mef.
dames , envisage toutes les gran
deurs de la terre qui donnent tant
d'éclat à ſa vertu &dont fa
vertu méprisel'éclat ; lorſqu'attirée
>
CALANT.
131¡ r
dans ces lieux faints par les aimables
charmes de la folitude , elle
vient de temps en temps cacher à
l'ombre du tabernacle ces rares

>
qualitez qui la diftinguent fifort
des autres , renvoye au Dieu du
Ciel tout l'encens qu'elle reçoit
d's Dieux de la terre , enfe.
velit dans le Sepulchre des Filles
de Benoift , toute la gloire qui
enchante les filles du monde.
Combien de fous l'avez- vous
veuës,l'avez vous admirée, Mcfdames
,fe derobant de la foule im.
portune des Grands du fiecle , pour
venir s'humilier avec les Servantes
du Seigneur ; & fuyant les ·
132 MERCURE

Feftes pompeufes de la terre , G
les vains fpectacles de la Cour doni
fe repaiffent les ames mondaines ,
pour celebrer avec vous les Festes
des Anges , & nourrir fa pieté de
ces fpectacles divins , fi dignes
d'une ame veritablement Chrê
tienne .
C'eſt à la veuë de ces grands
exemples de veriu que la voſtre
s'anime , fe foutient . C'eft dans
le mépris qu'ellefait du monde que
vous entretenez le dégouft que
vous en avez concen , & fi elle
n'a pas le bonheur d'eftre comme
vous dans l'eftat de la perfection , ·
elle a toute la gloire d'atteindre
GALANT.
133
avec vous à la perfection de vôtre
eftat. Contente des Couronnes
que la mifericorde du Sei
gneur luy prepare dans le Ciel ,
elle eft indifferente à toutes celles
que la Providence lui offre fur la
terre ; bornant toute fon ambi .
tion à plaire à fon Dieu , à plaire
àfon Roy , quel faint usage ne
fait elle
pas des graces que luy at.
tire une pieté folide , & des fa.
veurs que luy procure une con .
fiance Royale?
Puiffe durer bien avant dans ce
fiecle , une vie quifera l'exemple
l'admiration de tous les
ainfi que
fiecles
; & que des jours
confacrez
134 MERCURE
à la felicité da plus grand Roy
du monde foient toujours l'objet
de nos voeux , comme ils font la
cauſe de noftre bonheur! Le voftre ,
Mesdames , dépend d'une fi belle
deftinée , & fes fecours ne vous
manqueront non plus quefes exemples
Heureufes d'eftre fouvent les
témoins des vertus de cette grande
ame , les filles du coeur de celle ,
que Dieu a pris foin de former ſe
Ton fon coeur ; plus heureufes de
mépriser avec elle , à l'exemple de
faint Benoift , les grandeurs du
monde , de regarder avec les
mefmes yeux toutes les vanitez
de la terre.
GALANT. 135
"
Comme dans le fecond
point il s'attacha à faire voir
le foin que faint Benoist avoit
pris de l'éducation de la nobleffe
Romaine, il n'eut gar
de d'oublier l'établiffement
de la Royale Maiſon de faint
Cir ; de forte qu'après avoir
reprefenté le bonheur de
Rome dans l'application que
ce grand Saint fe donnoit
d'élever la jeune Nobleffe , &
les enfans des Senateurs , de
ces hommes nés pour commander
aux autres , il continua
de la forte.
Louis le Grand toûjours re136
MERCURE
par
te
foin
ligieux dans fes deffeins , toûjours
heureux dans fes entrepriſes , a
bien compris l'importance de cette
éducation Chrétienne
qu'il a eu de celle de la jeune No
bleffe de l'un de l'autre fexe de
fon Royaume Les uns nourris dés
leur plus tendre jeuneffe dans l'exercice
des Armes les autres
adonnez à des occupations loüavertueuses
, tous forme bles
;
de bonne heure à la pieté , dans ces
lieux enrichis parfes liberalitez ,
confacrez à la Religion & à
l'Etat ,feront des monumens éternels
defon amour pour l'Eglife ,&
de fes bontez pour fes peuples .
GALANT. 137
Et pour ne rien dire , Meldames
, qui ne foit conforme à voftre
eftat , & de vostre connoiffance
que ne devons nous pas penfer
que ne devons- nous pas attendre de
l'établissement
de la Maifon
Royale de faint Cyr ? C'eft par là
que ce grand Roy a voulu couron .
nerfes glorieux travaux , conferver
le fouvenir de fes grandes
actions perpetuer la fage difpofition
de fes Edits , affurer la tran .
quilité de fes peuples , & porter
au loin dans les ficcles les plus reculez
la gloire immortelle de fon
Regne. Les Duels abolis , l'Herifie
éteinte , les beureux fuccés de
May 1701. 1. P. M
138 MERCURE
fes Armes , la Paix fi fouvent
donnée à toute l'Europe , la refor:
me de la Justice , la fage adminiftration
desfinances , le choix judicieux
des Miniftres foit pour
l'Eglife ,foit pour l'Etat , lafacrilege
impieté releguée dans les
Enfers , la folide pieté rétablie
dans le Sanctuaire. Voilà , Mef
dames , ce qu'afait Louis le Grand,
voilà ce qu'ont inutilement tenré
les Roysfes prédeceffeurs ; ac
tions héroïques , dignes d'un bon.
neur immortel , & qui feparées
les unes des autres pourroient faire
le juste 'éloge d'un Souverain .
Mais je ne crains pasde le dire ;
GALANT. 129 °
l'éducation des filles que la No.
bleffe du fangdiftingue des autres ,
& qui doivent en eftre encore plus
diftinguées par les qualitez de
l'ame , acheve & confomme tous
Les grands deffeins de noftre invin.
cible Monarque . C'eſt par là qu'il
abolit pour jamais les combats , que
caufoit pour l'ordinaire dans l'ef.
prit des jeunes gens l'idée d'une
fauffe gloire , & qu'excitoient les
paffions mal reglées dans le coeur
des perfonnes de l'autre fexe. C'est
par là qu'il éteint l'Herefie juſque
dans fon principe , en cultivant
l'efprit que l'ignorance des
derniers temps avoit rendu fufce.
Mij
140 MERCURE
ptible de toutes les impreffions de
la nouveauté ; & comme lafe
licité des Eftats dépend de lafaze
conduite des familles , il n'y a
qu'unefainte éducation qui puiffe
faire le bonheur des peuples
la felicire des Etats. C'eft
dans ces écoles de vertu que fe
forment tant de femmes fortes ,
de filles vertueuses , fous
la conduite d'une Femme encore
plus forte que celle que Salomon
cherchoit inutilement aux extré
mitez du monde , & qu'un plus
grand que Salomon a heureuſement
trouvée dans fon Royaume ,
qui par fes grandes qualitez afcen
GALANT. 141
attirer toute l'estime & toute la
confiance de fon Roy , s'eft renduë
les delices des Peuples par fes foins
bienfaiſans , l'admiration de tout
lemondepar l'éclat defa piete ,
le modele de cette Maison Royale,
dont elle eft la Protectrice & l'e .
xemple.
&
C'est là qu'uniquement occupée
de la gloire de l'Eglife , & de celle
de la France , elle prépare par une
éducation heroïque, de nobles victi
mes à la Religion , defaintes Epoufes
à F. C. de grands exemples au
monde , de dignes Sujets à
l'Etat.
Quellejaye pour vous , Mefda142
MERCURE
mes , de voirfouvent de prés cetté
grande Ame , qui retrace à vos
yeux les plus beroïques vertus de
voftre illuftre Patriarche , & qui
inftruite dans le grand art de for.
mer les efprits , & de manier les
coeurs ;fait pour la nobleſſe Françɔife
, ce que Benoist fit autrefois
pour la Nobleffe Romaine , & jette
en de jeunes ames les femences de
mille vertus , dont un jour nos Ne
veux verront les fruits immortels,
Heureux les Sujets à qui Dien
donne de femblables Rois pour les
Souverner ; heureux les Rois , à
qui Dieu donne de femblables Su .
jets pour lesfecon der. C'eftfur cer
1
GALANT. 143
donner
exemple Royal que devroient fe
former tous les Peres , pour
à leurs Enfans une éducation veritablement
chreftienne.
Je ne doute point que vous
ne foyez bien aile de lire ce
quifuit. On l'a tiré d'un livre
d'un Exoratorien , qui ayant
paffé de l'Oratoire à la Religion
Proteftante , ne laiffe pas
de rendre juftice à cette pieufe
& fçavante Congregation. Le
témoignage qu'il en donne
luy eft fi avantageux , qu'il
peut eftre tres utile aux nouvraux
Réunis , en leur donnant ,
144 MERCURE
fur une autorité qui ne leur
doit pas eftre fufpecte , une
connoiffancede cette Congre.
gation toute differente de celle
qu'ils en ont euë juſqu'icy.
Tout entre dans les intrigues de
Cour, les Devots y ont souvens
plus de part que les autres . Pierre
de Berulle eftoit iffu d'une Maiſon
uoble en Champagne , alliée de
celle des Seguier, Famille fort dif
tinguée dans la Robe. Agan's
embraẞé l'Etat Ecclefiaftiques , il
fe fit extrêmement connoistre dans
le monde , par l'inftitution de la
Congregation des Preftres de l'Oratoire
, dont ilfut le premier Su
pericur
GALANT. 145
perieur General. C'eftoit un hom
me d'esprit , d'une vie exemplaire,
d'une devotion fort fublime.
Marie de Medicis , & plufieurs
autres Dames du premier rang.
avoient une estime particuliere
pour la pieté de Pierre de Berule.
La Congregation qu'il avoit inſti ,
tuée en 1611. rendfon nom immorselg'orieux.
Elle a donné , &
elle donne encore de fort fçavans
hommes , des Evêques d'un merite
diftingué & de tres habiles Predicateurs
à la Communion de Rome
en France. Oferay je me faire.
bonneur dy avoir estéformé moymême?
Ouire que j'en ay eſté un
May 1701. I.P. N
146 MERCURE
mon
particulier affez mediocre ,
nom eftfi odieux à Paris & ail.
leurs
, queje dois craindre defaire
tort à Mrs de l'Oratoire , en voulant
leur témoigner l'obligation que
je leur ay de mon éducation . Peuteftre
que je préviendray ce malheur
, en declarant avec la même
fincerité , que je n'ay point appris
d'eux les principes de la Religion
Proteſtanie que j'ay embraffée , ny
les maximes de politiques répan
dues dans cette hiftoire. Leurs ennemis
ont fouvent tâché de les
rendre fufpects de fentimens peu
orthodoxes dans l'Eglife de Rome.
contraires au fervice de leur
GALANT. 147
Prince.Cefont d'infignes faufletez;
je les ay toujours réconnus de fort
bons Sujets.
En attendant que vos Amies
foient revenues de Rouen , où
vous me dites qu'elles font allées
, pour voir la ceremonie
du Prifonnier que l'on
l'on y deli
vre tous les ans le jour de l'Afcenfion
, par le privilege de la
Fierte , dont on ne vous a parlé
que confulément , je vous di
ray que c'est un des plus an
ciens monumens de la pieté
de nos Rois , & une concef
fion des plus aurentiques qu '
ils ayent jamais faite à aucune
Nij
148 MERCURE
Eglife de leur Royauma . Ce
privilege de la Fierte , ouChaffe
de Saint Romain, confiſte dans
l'abfolution d'un Criminel &
de fes complices , à la Feſte
l'Afcenfion , pourvû qu'il ne
foit pas acufé de crime de
leze majefté , d'Herefie , de
fauffe Monnoye , de Viol , ou
d'Affaffinat de guet à pens.
Dans le choix que le Chapitre
de l'Eglife Metropolitaine &
Primatiale de Rouen , fait de
celuy qui doit jouir de ce privilege
, il obferve tres reli .
gieufement la forme ancienne
de cette ceremonie. Le Lundy,
GALANT. 149
quinzième jour avant les Ro
gations , il députe au Parlement
, à la Cour des Aides &
au Prefidial , quatre Chanoines
, pour verifier & infinuer
le Privilege , afin que depuis
ce jour là jufqu'à ce qu'il ait
eu fon effet , aucun Criminel
des Prifons de la Ville & des
Fauxbourgs , ne foit transferé,
mis à la queſtion , ny executé,
Pendant les trois jours des Rogations
, le Chapitre nomme
deux Chanoines Preftres , qui
fe tranfportent dans les Prifons
avec le Greffier , pour y
entendre les Confeffions des
Niij
150 MERCURE
Criminels qui prétendent au
Privilege , & pour recevoir
leurs déclarations fur les cas
dont on les accufe . Le jourde
l'Afcenfion , le Chapitre, com .
pofé feulement des Chanoines
Preftres, s'affemble pour l'élection
du Criminel qui doir
eftre delivré. Aprés avoir in
voqué le Saint Efprit , & fait
ferment de garder le fecret ,
on fait lecture des Confeffions
des Prifonniers , qui font bu
lées dans le lieu même , fi tolt
que la grace du Criminel eſt
admife. L'élection faire , le
nom du Criminel eft porté au
GALANT. ISI
Parlement , qui ordonne à
deux Huiffiers d'aller avec le
Chapelain de Saint Romain le
prendre dans la Prifon, Ils le
conduifent au Parlement , où
il cft mis fur la fellette . Aprés
qu'il a esté interrogé , ou que
fes informations ont eflè rap
portées , fa rémiffion eft ad.
mife fur les conclufions du
Procureur General . Enfuite le
premier Preſident luy fait une
correction ; & l'ayant déclaré
abfous , il le renvoye au Cha
pitre , pour le faire joüir du
Privilege de Saint Romain.
L'Eglife Metropolitaine va
N iiij.
·
12 MERCURE
enfuite proceffionnellement à
la Vieille Tour , ancien Palais
des Ducs de Normandie On
y conduit le Prifonnier , & il
y reçoit une feconde correction
du Celebrant , qui luy
fait porter la Fierte ou Chaffe
de Saint Romain jufques à la
grande Eglife , où il fe profterne
à genoux aux pieds de chaque
Chanoine. Il quitte fes
fers à la Chapelle de Saint Ro
main , & apres avoir entendu
la Meffe , qui eft quelquefois
differée jufqu'à fix heures du
foir , à caufe des conteftations
qui furviennent touchant fon
GALANT. 153
geélection
; il va à la Vicomté de
l'Eau , où le Prieur de Bonnes
Nouvelles luy fait encore une
remontrance. Le lendemain il
reçoit une derniere correction
en plein Chapitre devant tout
le Peuple , tefte nuë & à
noux. De là , il eft conduit au
Confeffionnal du Grand Penitencier
, qui entend fa confeffion.
Aprés cette espece d'amende
honorable , il eft renvoyé.
Ce qui a donné lieu à
ce Privilege , felon la tradition ,
c'eft que Saint Romain , Archevêque
de Rouen , ayant
efté averti qu'en la foreſt de

MERCURE
Rouvray, prés des Fauxbourgs
de la Ville , un Serpent d'une
grandeur monstrueufe faifont
des de gafts horribles , il réfolut
de l'aller chaffer , & demanda
pour l'accompagner
deux hommes retenus dans les
prifons , l'un convaincu de
meurtre , & l'autre de vol ; le
Voleur s'enfuit fi toft qu'il vit
le Serpent. Le Meurtrier demeura
, & ne quitta point le
faint Prelat, qui jetta fon Etole
au cou de la befte , la fit cons
duire par ce Prifonnier juf
qu'en la place publique de la
Ville , où elle ſe laiffa attacher,
GALANT. 155
& fut brûlée ; aprés quoy on
fit grace au Meurtrier , qui ne
s'eftoit point épouvanré . Saint
Ouen , Succeffeur de Saint
Romain , pour conferver la
memoire de ce grand miracle,
obtint du Roy Dagobert, dont
il eftoit Chancelier , le Privi--
lege tel qu'il s'obſerve encore
aujourd'huy.
"
Je vous ay parlé dans ma
Lettre du mois d'Avril der
nier , du Diogirometre , pour
connoiftre les longitudes fur
la Mer , c'est à dire le lieu où
eft arrivé le Navire entre l'O .
156 MERCURE
rient & l'Occident. Vous avez
fans doute entendu parler des
grandesrecompenfespromiſes
en France , en Espagne , en Hol.
lande , en Angleterre , & ailleurs
, qui fe monteroient tou
tes enſemble à prés d'un million
, pour celuy qui trouvera
le moyen de connoiftre la lon
gitude auffi exactement que
la latitude ; c'eft à dire , le lieu
où le Navire eft arrivé entre
le Midy & le Septentrion , ce
qui eft facile en obfervant la
hauteur du Soleil ou de l'Etoile
Polaire . M'de Hautefeuille
qui s'eft appliqué depuis plus
GALANT: 157
fieurs années à cette recherche
, vient de faire imprimer
un petit Ouvrage intitulé
Machine Loxodromique qui trace
Sur un papier , en telle proportion
que l'on veut , le chemin que fait
un Navire , par le moyen de la.
quelle les Pilotes auront facilement
la connoiffance des longitudes , avec
un nouveau principe de jufteffe
pour les Horloges.
juſteſſe
Il avoit proposé en 1674. à
Mrs de l'Academie Royale des
Sciences , le principe des vibrations
des Reflorts , qui eft
en ufage depuis ce temps- là
dans les Pendules portatives
158 MERCURE
& dans les Montres de poche ,
mais l'experience a fait connoiftre
qu'elles n'ont pas l'exa-
&e juſtelle qui eft neceffaire
pour avoir la connoiffance
des longitudes. La Machine
qu'il propofe eft un moyen
tres fimple & à la portée des
plus ignorans pilotes. Si elle
réüffit , ils verront tout d'un
coup , fans faire aucune ope
ration d'Arithmetique & de
Trigonometrie , fans inftru .
mens , & fans aucune obferva .
tion du Ciel , tous les angles
par leſquels ils auront navigé ,
la longueur de chaque route,
}
GALANT.
159
& la diſtance en ligne droite
du Port au lieu où ils feront
arrivez , la longitude , la latirude
, le fillage , l'eſtime , &
toutes les chofes que les Pidotes
connoiffent , par les
moyens dont ils le fervent
prefentement. Il répond aux
objections des Courans de la
Mer , du retardement de la viteffe
, des défauts de la Bouffo .
le , & à quelques autres. Il ne
propofe point cette invention
comme une chofe indubitable
, & dans la penſée d'avoir
merité la recompenfe promife
, & encore moins dans
160 MERCURE
1
l'efperance de l'obtenir , mais
pour fçavoir le fentiment des
Curieux & des Sçavans ,
+
&
pour exciter les habiles Pi .
lotes de France & des Nations
étrangeres , à en faire les experiences
, & à les communiquer
au Public.
M'Antier nous a fait voir
par la Perſpective
que le bon
Deffinateur
fçait parler à fond
de toutes fortes de Deffeins ,
& que le Voyageur
fçait faire
fa route fans fe fervir de guide.
Aujourd' huy , fuivant ce qui
eft marqué dans le dix neuvieGALANT.
164
me Article de fa Lettre du
mois d'Octobre dernier , où
il est dit , Nous apprenons à éviter
les écueils fur mer , il veus
nous montrer qu'il peut apprendre
à éviter les écueils
plus feurement par cette fcience
, que par les connoiffances
ordinaires de tous les Pilotes
. Pour entendre plus facilement
cette propofition ,
il a trouvé à propos , à cauſe
de plufieurs dangers qui demandent
leur explication particuliere
, de rapporter par for.
me de Colloque , l'Entretien
... May 1701.1. P. Ο
162 MERCURE
qu'il eut fur ce fujet avec M
Lainé , premier Pilote Amiral ,
lors qu'il paffa par Paris , pour
fe rendre inceffamment par
ordre du Roy , fur la mer Me
diterranée
en 1694,
ENTRETIEN
DE M LAINE'
AVEC M ANTIER
Sur la Navigation.
M' LAINE .
E vous avoue , Monfieur ,
que les leçons que vous
CALANT. 163
m'avez données fur la ſcience
de la Perſpective , ont bien
contribué à mon avancement,
& je croy qu'elles l'auroient
rendu parfait & entier ,fij'étois
entré plus avant dans les dé.
Couvertes que vous avez faites,
J'apprens avec plaifir que
vous fçavez éviter les écueils ,
für mer d'une maniere particuliere,
je vous prie de ne me
pas refufer cette connoiffance,
qui m'eft da plus neceffaire
dans ma Profeffion , je vous
en feray infiniment obligé.
M'ANTIER.
Je confens de vous la don-
O ij
164 MERCURE
ner , mais auparavant il eft
bon de fçavoir vostre façon
de naviger , afin de mieux ju .
ger de la difference qu'il y a
entre vos connoiffances & les
miennes. Dites moy quelle
eft la maniere dont vous vous
fervez en partant de l'Amerique
pour aller aborder le Ha
Avre de Grace.
M LAISNE
Je me fers de la latitude &
de la longitude .
M' ANTIER.
Il eft vray qu'on ne le peus
faire autrement , mais quand
Vous avez apperçu le Havre ,
GALANT.
165
que faites vous pour connoitre
où vous devez aller pour
jetter l'ancre ?
M' LAISNE .
L
Je regarde par quel Rumb
de vent je dois l'aborder ; j'en
prens la route , aprés quoy je
confidere l'aspect, & trouvant
que c'eft le même dont jay
befoin , je vais moüiller en
rade.
MANTIER.
Vous agiffez prudemment ;
mais que faut- il faire pour fçavoir
le bon endroit où l'on
doit moüiller au Havre?
166 MERCURE
M LAISNE .
Noſtre ſcience eft fi peu
certaine , que nous sommes
obligez pour ce fujet de ſuivre
les ordonnances de la Marine,
qui portent que tout Navires
venant de la Mer doit prendre
un Pilore Coftier pour la feurété
du Váiſſeau , & pour no
ftre décharge.
M' ANTIER .
La Reglement effort bon,
mais fi un Navire arrive au
Havre pendant une groffe
tempefte , & que le Pilote Coftier
ne puiffe aller à bord ,
que fera dans cette occafion
GALANT. 167
le Pilote du Vaiffeau , pour
éviter les écueils , trouver le
bon moüillage , ou pour entrer
, fi befoin eft , dans le Havre
?
M LAISNE
Un Pilote étranger fe voyant
abandonné d'un Pilote Cof
tier, & preffé par le mauvais
temps , rifquera le tout pour
paffer , quoy qu'il ne foit pas
bien leur de fon fait.
M' ANTIER.
C'est dans cette occafion
que vous allez connoiftre la
neceffité de cette fcience ,
quand vous aurez qu'un Pi
<
168 MERCURE
5
lote étranger arrivant au Havre
, où il n'eft jamais venu
pourra éviter les écueils ,
moüiller en rade , entrer dans
le Port aufli hardiment que le
plus expert Pilote Coftier ,.
lors qu'il aura en main la Car.
te qui fera faite fur mes principes.
M LAISNE .
Cette propofition me pa
roift hardie. Aucun Pilote n'a
jamais pouffé fi loin la feureté
de la Navigation , & je la
croiray toujours impoffible ,
jufqu'à ce que vous m'ayicz
fait voir fur quoy le tout eft
fondé. M
$
GALANT. 169
}
MANTIER.
Continuons de propofer
toutes nos difficultez , & puis
je vous fatisferay. Je vous prie
de me dire ce que vous faites
pour éviter les écueils qui font
à la veuë des Coftes.
M' LAISNE .
On les évite par la connoif.
fance des amets.
MANTIER.
Mais fi par hafard il ne
s'en trouve pas , que faut il
faire ?
M'LAISNE'.
On éleve des maffes de
cerre , des pilaftres , de petites
May 1701. 1. P. P
170 MERCURE
tours , ou autres choſes apparentes
pour nous en fervir.
M' ANTIER.
Comme cela ne le peut faire
dans toutes fortes d'endroits
, je me fers pour fuppleer
à ce defaut de la Longimetrie
Perſpective , par la connoiffan
ce de laquelle j'apperçois des
amets où il n'y en a pasi, & qu
les Pilotes n'en peuvent trou.
ver; ce que j'ay fait remarquer
à M ' du Bocage, Hydrographe
du Roy , lors que nous faifions
par ordre de Sa Majesté , la
defcription de l'embouchure
de la Seine en 1677. qui n'auGALANT.
171
roit pas efté faite fort fidelle .
ment fans le fecours de la
Perſpective. Cela fut fait en
prefence de plufieurs fçavans
Navigateurs . principalement
de M' le Cordier , prefentement
Hydrographe du Roy à
Dieppe , qui m'a prié plufieurs
fois de luy faire part de mes
connoiffances .
M' LAISNE .
Puifque cela eft ainſi , j'ay
grand befoin encore de vos
leçons ; car il nous manque
bien des amets dans plufieurs
Pays.
Pij
172 MERCURE
M' ANTIERPourfuivons
noftre deffein ,
& dites moy , quand vous deſcendez
à terre pour reconnoiftre
un lieu inconnu , pouvezvous
dire pofitivement où
vous avez fait le premier pas .
Mr LAISNE'.
Nous n'y regardons pas de
fi prés.
Mr ANTIER.
Vous n'en faites pas mieux ;
car fans cette connoiffance ,
vous ne pouvez pas faire de
veritables obfervations , puis
que ceux qui voudroienc aprés
vous fuivre vos traces , ne le
GALANT. 173
pourroient faire , s'ils ne connoiffoient
pofitivement la premiere
ftation de voftre def
cente , comme la pierre fon .
damentale qui doit fervir à
faire toutes les routes.
M LAISNE'.
Il eſt vray , mais on ne l'a
jamais oblervé .
1 M² ANTIER .
Par les principes que je veux
vous donner, un Pilote pourra
connoiftre où il met le premier
pied à terre , faire des
routes à tel éloignement qu'il
voudra dans un pays inconnu ;
& en cas qu'il mcure apiés fon
Piij.
174 MERCURE
voyage , un autre Pilote qui
fera porteur des routes qui
feront faites , pourra hardiment
connoistre la Cofte, placer
fon pied dans le même endroit
où l'autre l'avoit mis ,
aller par les mêmes traces dans
le lieu où il aura voyagé, & dira
avec connoiffance de caufe ,
qu'un tel Pilote eft venu juſqu'à
cet arbre , à cette pierre ,
à ce vallon , ou à tout autre
endroit , puis qu'il n'y a rien
d'inconuu dans le fait des rou .
tes, que cette fcience ne nous
découvre .
GALANT. 175
Mr LAISNE .
Cela eft nouveau . Si on avoit
connu de tout temps les
effets de cette fcience, comme
vous les connoiffez , on auroit
fans crainte continué les dé .
couvertes qui s'en faifoient au
trefois , car ayant eu en main
les routes , elles auroient ſervi
de guide pour trouver fans
hefiter le lieu où l'on auroit
efté; mais ceux qui ont voya
gé jufqu'à prefent , fe font
contentez de dire qu'ils ont
vû , par exemple , la Terreneuve
par les cinquante degrez
de latitude, & par les trois cens
Piiij
176 MERCURE
vingt - fept degrez de longitu
de , fans avoir marqué le licu
pofitivement où ils ont mis
pied à terre , & par lequetils
font entrez dans ce pays , ce
qui ne fatisfait pas .
M
ANTIER.
Je ne veux pas auffi oublier
de vous dire , qu'on peut trouver
le jufte endroit où un Navire
aura peri proche les cô..
tes , pour fauver les Marchan
.
difes ; qu'un
Amiral pourra
par un fignal donné faire remettre
toute fon Armée au
mefme
endroit , au mefme
pofte où elle avoit
auparavante
GALANT. 177
moüillé l'ancre à la veuë des
coftes. Je ne doute pas qu'on
ne puiffe encore faire mille &
& mille adreffes par cette découverte
; la pratique nous les
feralconnoiftre avec le temps.
M LAISNE.
Je fuis content de vous ens
tendre , mais je le feray encore
plus , quand vous m'aurez
donné quelque petite lumiere
pour pouvoir concevoir.comment
vous accommodez tout
cela par votre Perſpective ;
car je confeffe que je n'y connois
rien jufqu'à prefent.
178 MERCURE
MANTIER.
Les leçons que je vous ay
enfeignées au Havre , vous
ferviront beaucoup pour cela;
mais aprés que je vous en auray
donné l'intelligence , il eft de
voftre devoir de m'honorer
d'un Certificat , comme vous
reconnoiffez l'utilité de cette
fcience.
M' LAISNE.
Je vous le promers.
M ANTIER.
Pour la bien conoiftre vous
devez fçavoir que le propre de
la Ferfpective eft de faire voir
d'un feul point de veuë tout
GALANT. 179
1
ce qui fe preſente à nos yeux,
ou par l'ouverture d'un angle ,
tel que la nature nous la prefente.
Cela bien entendu , fi
je vous défigne un Cube en
face , pour la connoiffance de
ce point , vous vous y trouverez
; fi de cofté , vous vous
fçaurez mettre de mefme , & fi
ce Cube eftoit deffigné, d'une
chambre , d'un grenier , en
pleine campagne , ou dans un
lieu bien élevé , vous fçaurez
auffi où il faut eftre , puis qu'il
n'y a qu'un point d'où l'objet
puiffe eftre connu pour tel , ce
que la Perspective nous enfei
180 MERCURE
gne , qui eft le principal fons
dement de toutes les routes
qui fe font fur mer & fur
terre .
'M' LAISNE.
Je trouve cette explication
fi intelligible , que je n'y vois
aucune difficulté, j'efpere m'en
fervir dans l'execution . Je vais
vous donner mon Certificat ,
pour le joindre à votre Pla.
cet.
COPIE DU CERTIFICAT,
Vu par nous le Placet adreße
au Roy par le Sieur Antier du
GALANT. 181
Havrede Grace, touchant la Lon .
gimetrie Perspective , où il montre
à deffiner les terres , à connoiftre les
Coftes , Bayes , Rades , & à trouver
des amets , où les Pilotes n'en
peuvent donner , & éviter les
écueils , par principes certains , &
jufqu'à prefent inconnus , nous reconnoiffons
que le tout est tresveritable
& neceffaire pour
feureté des Vaiffeaux de Sa Ma
jefté. Fait à Paris le 19. d'Avril
1694 Signé, D. LAISNE',
premier Pilote Amiral des Armées
Navales de Sa Majesté , Levant
& Ponant.
la
Depuis ce temps , M'Laif482
MERCURE
né n'a pas oublié de fe fervir
de cette connoiffance , puis
qu'il l'a fait voir par uneLettre
de Breft , qu'il a adreffée à M
Antier , en datte du 1. de Février
1701. où il eft marqué en
mots exprés . Jay fait imprimer ·
la connoiffance des temps , fous le
titre de Maffigophore . Mon troifiéme
Tome en une Lampe ardente
, ou Routier Coftier , avec des
Plans generaux & perfpectifs des
principaux Ports & Havres ,
d'une maniere toute particuliere.
Ce mot de particuliere mon.
tre affez que M' Laifné , quoy
que fort habile , n'avoit pas eu
GALANT. 183
encore cette fcience , qui peut
eftre nommée le Flambeau
entier de la Marine ; & fi le
profitapparent qu'il a fait dans
une fi petite converfation ,
donne lieu de croire qu'il n'y
arien de plus aifé à concevoir,
je vay encore vous le confirmer
par des routes qui vous
étonneront d'autant plus , qu'
elles font faites par le petit Fils
de Mr Hervé , âgé de fix ans
trois mois , rue Traverfine ,
proche Saint Roch ; les routes
font telles Mr Antier avoir
tracé une Citadelle , & mis
quantité de zero autour de la
184 MERCURE
place , comme s'ils reprefen ..
toient les Tentes des Capitai..
nes. Cela eftant fait , M'Hervé
s'eftant caché, fon Precepteur
marqua à M' Antier un zero;
pour en faire la defcription
laquelle eftant faite , illa donna
à M'Hervé , & fur cette con..
noiffance il alla juftement au.
lieu où l'on pretendoit qu'il
allaft fans demander le che .
min ; ce qu'il a fait encore plufieurs
foisfans y manquer , au
grand étonnement de tous
ceux qui s'y font trouvez pre
fens .
Quelques uns qui ont déja
GALANT. 185
:
traité cette découverte de мa .
gie , ne s'éloignent pas de la
verité , puis que le P. Niceron
l'a penfé de même dans la
Preface de fon livre de Perfpe-
&tive , page 5. où il parle de la
lorte.
Or jay donné le nom de Perf
pective curieuse à cette fcience , je
la nomme auffi Magie artificielle ,
car les Doctes fçavent quefi ce mot
efté attribué par corruption aux
pratiques communications illicites
, qui fefunt avec les ennemis
de noftre falut , il n'eft pas nean.
moins privé de fa propre fignifica
tion. Pic de la Mirande dansfon
May 1701. I. P.
186 MERCURE
Apologie en traite fort au long,
montre que la Magie naturelle
e artificielle ne fontpasfeulement
licites , mais qu'elles donnent la perfection
à toutes les fciences . Il dit
que le mot de Magie n'eft ny Grec
ny Latin , mais Perfan , & qu'il
fignifie en cette Langue , la même
chofe que le nom de Prophete chez
les Hebreux , celuy des Druides ,
chez les Gaulois ; celuy de Gymnofophiftes
chez les Indiens , &
celuy de Sage parmy les Latins ,
& un Poëte a remarqué , que
cettefcience les diftingue d'avec les
autres.
Divinumque hominumque gnarus
eftfumme Magus ,
GALANT. 187
Interpres & Magus Dei ac
cæleftium.
En voilà
fuffisamment pour
montrer que cette magie eft
tres utile fur mer & fur terre ,
& qu'il n'y a perfonne , ou
pour l'utile , ou pour le dele .
table , qui ne doive avoir
cette connoiffance . M' Antier
qui l'enfeigne , demeure au
Lion d'or , rue de l'Echelle ,
proche des Tuileries . Il doit
nous donner encore des dé-
Couvertes fur le même fujet.
Je croy vous devoir apprendre
qu'il s'est fait un nouvel
"
Q ij
188 MERCURE
établiſſement d'une Commu
nauté Religieufe de l'Ordre
de Saint Benoift à Charen .
ton , proche de Paris ; dans
le lieu même qu'occupoient
les Calviniftes , & où ils
tenoient leur Prêche. Lorfqu'il
leur fut ofté par le Roy ,
Dieu infpira à une Perfonne
de pieté d'y procurer cet établiffement
de Religieufes , qui
s'engageaffnt à l'Adoration
perpetuelle du Saint Sacrement
dans le même lieu où:
ce grand Mystere de noftre
Religion avoit eſté profané
depuis un fort grand nombre
GALANT. 139
d'années . Elle communiqua
ce pieux de ffein à un Religieux
qu'elle choifit pour en eftre le
feul confident , & l'engagea
au fecret , pour conferver à
Dieu feul la gloire d'un filouable
deffein , pour l'execution
duquel elle off it une fomme
affez confid.rable. Ce Religieux
aprés avoir pris les melures
& les affurances necef.
faires , en parla à M' l'Archeyefque
de Paris , qui l'ayant
approuvé , obtint le confentement
de Si Majefté . Il s'agiffoit
de trouver une Communauté
de Religieufes qui
190 MERCURE
vouluft fe transférer à Cha.
renton . Mr le Cardinal de
Noailles n'en voyant point
dans le Diocefe de Paris , fe
fouvint que faifant autrefoisfes
vifites dans celuy de Châlons
, il avoit vu une Communauté
de Benedictines nommées
de Valdone , Membre
de Molefme , dans un lieu affez
expofé à des pillages frequens.
Ainfi de concert avec Mr l'E
vefque de Châlons fon Freres
& fon Succeffeur dans ce dernier
Dioceſe , il deſtina cette
Communauté à une fi fainte
oeuvre. Il a plu au Roy de luy
GALANT. IST
accorder des Patentes de tranflation
du lieu de Valdone en
celuy de Charenton , & une
partie de cette Communauté
y eft venue avec Madame de
Chauviré , qui en eft la Prieure
, Fille d'une illuftre naiffance
& d'un tres- grand merite ,
aprés qu'on a préparé les lieux
dans celuy où les Huguenots
tenoient le Confiftoire , en attendant
qu'on puiffe bâtir dans
le lieu & fur les ruines du Temple
. Plufieurs Perſonnes de
confideration & de pieté s'y
eftant affemblées le 6. de ce
mois , Mr l'Evefque de Châ192
MERCURE
lons expofa le Saint Sacrement
à l'iffue des Velpres qui furent
chantées par les Religieufes
avec beaucoup de pieté , & le
Pere de la Mothe , Superieur
des Barnabites de Paris y fict
la Predication .
Il tira fon Texte du trentecinquiéme
Chapitre d'Ifaye .
Lætabitur deferta & in via , &c.
La terre deferte & fans che .
min fe réjoüira ; la folitude
fera dans l'allegreffe , & elle
fleurira comme le Lis ; elle
pouffera & elle germera de
toutes parts ; elle fera dans
une effufion de joye & de
louanges.>
GALANT:
193
louanges . La gloire du Liban
luy fera donnée. La beauté du
Carmel de Sarron ; ils verront
eux mêmes la gloire du Seigneur
& l'éclat de la magnificence
de nôtre Dieu . Il dir que
ces paroles s'entendent à la
lettre du premier avenement
du Fils de Dieu au monde , &
des merveilles qu'il a faites
dans la fondation de fon Egli
fe. Les Gentils , qui avoient
efté filongtemps dans les ténebres
du paganiſme , comme
une terre où il ne tomboit aus
cune goutte de la rofée du
Ciel, font entrez dans l'Eglife,
May 1701. 1, P.-
R
194 MERCURE
& ont adoré en la perfonne de
J. C, le Fils de Dieu , & le Fils
de Dieu renouvelle en nos
jours le même prodige. Il fait
fleurir le Lis de la Religion
dans un lieu qui avoit paru un
defert affreux , & une terre
inacceffible , & aprés que le
zele de noftre Monarque a
chaffé l'Herefie de tout fon
Royaume , aprés qu'il a renverfé
& détruir les Temples ,
& aprés qu'il a diffipé les Af
femblées d'erreurs , interdit
tout exercice oppofé au veritable
culte de Dieu , aprés qu'il
aarrachéjuſqu'aux fondemens
GALANT. 195
des lieux profanez par tant de
fuperftitions facrileges , pour
en effacer entierement la me
moire , fur tout en ce même
lieu de Charenton , qui estoit
le centre de l'Herefie , & le
Fort de la Rebellion , noftre
grand Monarque , qui met la
principale gloire à faireregner
J. C. dans toute l'étendue de
fa domination , in omni loco do.
minationis ejus , fair arborer la
Croix, & jetter les fondemens
d'une Eglife , dont la magnificence
répondra un jour à la
grandeur de l'entrepriſe . Sa
Majefté y établit aujourd'huy
Rij
196 MERCURE
les Vierges du Seigneur , qui
aprés s'eftre confacrées à Dieu
comme des Temples vivans ,
eftoient tenues comme en fufpens
par la Providence dans un
Diocefe éloigné,jufqu'à ce que
le foufle de l'Esprit de Dieu , par
lamiffionde leur fage Prelat,les
ait tranfportées en cette terre
choifie , pour les dévouer à
l'adoration perpetuelle de l'augufte
Miftere de nos Autels ,
dans le lieu même où il a efté
combattu , deshonoré & profané,
en forte que pour accomplir
la Prophetic d'Ilaïe , la
gloire du Seigneur , & l'éclar
GALANT. 197
de la magnificence de noftre
Dieuy eft publiée & adorée.
C'eft , pourfuivit il , le fujer
de la ceremonie qui nous aſſemble
aujourd buyfous les ordres de noftre
illuftre Archevêque , que fa pieté
fi exemplaire, &fon zelefi ardent
portent àfoutenir une entreprife ,
•à laquelle toute la France applaudit
, ne pouvant fe laffer de benir
Dieu , qui a infpiré un fi grand
deffein à une ame fidelle , qui pou
luy en laiffer toute la gloire , veut
demeurer abfolument inconnuë aux
hommes , pendant qu'elle eſt ſi approuvée
de fon Dieu. Poffedcz
donc , Seigneur , s'écria ce zelé
Riij
198 MERCURE
Predicateur, voftre heritage com.
me un Pere plein de bonié , quiy
prefente un afile favorable à vos
Enfans même rebelles Comme un
Epoux fidelleréuniffez vos Epou
fes dans unee focieté parfaite , par
l'adoration perpetuelle , & comme
le veritable Souverain , établiſſez
la Capitale de voftre Empire dans
ce lieu , oùpuiſſions nous voir tous
les Fidelles attirez , & tous les
Rebelles aßujettis par voftre 1ousepuifance.
Il finit par ces paroles
. Accompliffez , Seigneur , les
Propheties que vous avez inspi .
rées ; que cette terre, autrefois de .
ferte ,foit arrofée de vos graces ,
GALANT . 199
coute !
?
que cette folitude foit frequentée ,
& qu'elle fleuriffe comme le Lis.
Donnez luy gloire du Liban
; avantageZ· la de toute la
beauté du Carmel & de Sarron ;
que l'on y reconnoiffe ufqu'à la
fin des ficcles la gloire du Seigneur
l'éclat de la magnificence de
noftre Dieu. Poffedez en paix vofire
heritage & de diffus ces Au
zels ,
activez
vos Enfans même
ribelles à cet afile favorable que
vous leur prefentez. Prenez foin
de vos Epoufes , rempliffez les de
cet Esprit d'adoration que prati
quent au Ciel ces Anges qui affi.
fient jour & nuit devant vous.
R iiij.
200 MERCURE
Protegez voftre Eglife ; de cefaint
faint lieu faites en la Capitale de
la Foy , & de l'adoration que demande
de nous ce tres augufte Sa‹
crement , pour étendre vostre gloire
à tous les fiecles . Confervez noftre
invincible Monarque pour le bien.
de voflre Eglife & de fon Etat.
Accordez nous pour luy une lon
guefuite d'heureuses années ; ren
dez- le victorieux de tous fes Ennemis
, afin qu'il voye l'entiere
extirpation de l'Herefie , qui est
une entreprife fi digne du Fils
Ainé de l'Eglife. Sur tout , daignez
, Seigneur , benir ceux que
la Religion affemble icy , & que
GALANT. 201
cette Benediction que nous allons
recevoir , nous prepare à celle qui
difcernera un jour vos Elus , &
qui les mettra en poffeffion de la
Gloire.
Il n'eft pas furprenant de
recevoir des graces d'un grand
Roy , toujours occupé à en
faire ; mais il eſt rare de voir
des Sujets qui les refuſent par
modeftie. Vous fçavez ce que
cette modeftie a fait faire à
M' l'Archevêque de Sens. Voicyce
que Mile Prieur de Chevry
luy a écrit fur ce fujet.
MONSEIGNEUR ,
.
J'avois pris la liberté d'écrire à
202 MERCURE
de
Voſtre Grandeur , & de joindre
mafoible voix à ce grand nombre
perfonnes diftinguées , qui vous
ont felicité de l'honneur que le
Roy vous avoit fait en vous nommant
Commandeur de fes Ordres.
Ya- t- il une plus belle récompenſe
de la vertu ? Mais je viens´aujourd'huy
admirer en vous une
vertu, dont peu de perfonnes vous
feliciteront , & qui eft au deffus de
de toutes les recompenfes Le Cordon
bleu que Sa Majesté vous
offert avec tant d'agrément , vous
approchoit de tout ce qu'il y a de
plus grand dans le Royaume, &
Ihumilité qui vous l'afait refuſers ·
GALANT. 203
vous approche de tout ce qu'ily a
de plus grand dans l'Eglife . Quelle
gloire, Monfeigneur , ne dois pas
recompenfer le refus que vousfai
tes de la gloire , & de quel bonneur
n'eft pas digne un grand Prelat qui
s'eftime indigne de tous les honnurse
Il n'est pas extraordinaire
de recevoir d'un grand Roy de
Semblables marques de fa generofi-,
de fon difcernement ; mais
dans quel Sujet a.t- on iamais vis
de femblables exemples de delicareffe
pourfa confcience , & de mo
deration pour fa fortune ? Il ne
pouvoir , ie l'avouë , reconnoistre
les vertus qui ont brille dans vous

204 MERCURE
à fes yeux par une faveur plas
grande , mais l'humble remercie.
ment que vous en avezfait , vous
a attiré dans l'efprit de ce grand`
Monarque, une estime quiſurpaſſe
toutes les faveurs. Il n'a pu même
Se défendre de donner hautement
des louanges à une vertu , quife
défendoit avec tant de modeftie de
recevoir fes graces ; & il a bien
jugé qu'un grand Archevêque ,
rempli de la charité de cet Esprit
faini qui ne fe repofe que fur les
hambles , trouveroit plus de gloire
à eftre le difpenfateur de fes veri
tez que le Commandeur de fon
Ordre. Mais , Monfeigneur , il
GALANT 205
∙ne m'appartient pas de louer une
vertu , qu'un Roy fi jufte &figenereux
n'a ofeforcer d'accepter fes
recompenfes . Je fçay qu'elle n'est
pas moins delicate à fouffrir des
loüanges , qu'à recevoir des honneurs
. Pardonnez aux tranſports
de mon zele ces expreffions d'un
efprit plein d'admiration , & ces
mouvemens d'un coeur penetré de
reconnoiffance ; n'ayant pas de
plus grande ioye que de vous faire
voir le profond respect & la veneration
finguliere avec laquelle ie
fuis , re.
Le Pere Delmas , Jefuite de
Toulouſe,eft l'Auteur desdeux
206 MERCURE
Piecesque vous allez lire . Elles
ont reçu de grands applaudiffemens.
PLAINTE DE LA FRANCE
A U
ROY D'ESPAGNE.
O DE.
V Oftre bonheur , Grand Roy ,
devroit faire ma joye,
Ilme cauſe pourtant de fecrettes
douleurs ,
Et malgré l'heureux fort que le
Ciel vous envoye ,
Je fens couler mes pleurs.
2
GALANT.
207
Pourquoy diffimuler ? ma douleur
eft amere ,
Vous connoiffez mes droits , on
m'offroit trois Etats ,
Pour couronner le Fils dois je
oublier le Pere ?
Jugez de mes combats .
23
Imitant les Heros à qui je dois
la vie ,
Je renonce pour vous à mes droits
les plus chers :
Mais outre les Etats que je vous
facrifie ,
Ah ! Prince , je vous perds .
Il m'en couteroit moins de donner
mes Provinces ,
On les reprend ; Louis enfçait.
bien le fecret :
208 MERCURE
Mais il faut aujourd'huy me priver
de mes Princes ,
Le puis - je fans regret ?
2
L'Espagne vous achete au prix
d'une Couronne ,
Elle reçoit beaucoup fans rien
perdre du fien .
Mais que gagnay - je, hela s ! C'eſt
moy feule qui donne ,
Et qui ne reçois rien .
S
Je fçay bien que ce trait ornera
mon Hiftoire :
Il est beau que l'Eſpagne ait eu
recours à moy ;
Mais il m'en coûte bien pour acquerir
la gloire
De luy douner un Roy,
GALANT. 209
2
Quand le Ciel à mes voeux accorda
tant de Princes ,
Que ne me donna- t - il autant de
Fleurs de Lis
Pour vous couronner tous dans
mes feules Provinces
A yeuls & Petits - Fils !
SSi
Louis par bonté n'euft cedé
fes Conqueſtes ,
Et fi pour luy la Paix avoit eu
moins d'appas ,
J'aurois eu le plaifir de couronner
vos Teftes
Dans mes propres Etats.
$
On euft vu ce Heros armé de fon
Bictonnerrer : 21
Imiter icy- bas le Grand-Maiſtre
des Cieux ,
1
May1701. 1. P.
S
210 MERCURE
Qui partage le foin de gouverner
la terre
Avec de moindres Dieux . -
2
Vains projets ! Voſtre Gloire à
mon fein vous arrache ,
Il faut donc me refoudre à ne
vous plus revoir.
Partez à vos vertus quelque
amour qui m'attache,
Je cede à mon devoir .
Imitez les Heros dont vous prîtes
naiffance ,
On les craint ; & l'on aime à vị-
vre fous leurs loix ,
Et ce n'eſt pas par vous que
France commence
A donner de grands Rois
la
GALANT. zit
&
Un fecret fentiment me dit qu'il
eft encore
Du bonheur des François mille
Peuples jaloux ,
Qui viendront demander au Heros
que j'adore ,
Un Prince tel que vous.
********
REPONSE
DE L'ESPAGNE
A LA PLAINTE
DE LA FRANCÉ.
A
U comble du bonheur il
fied bien de fe plaindre ,
Sij
212 MERCURE
Et dire qu'on reffent de fecrettes
douleurs !
Mais quels font donc ces maux
que vous avez à craindre ,
Pour répandre des pleurs ?
S
Soit eftime pour vous,foit amour
ou juſtice ,
Je viens entre vos mains remettre
mes Etats :
Vous acceptez mon Sceptre , &
ce grand facrifice
Vous coûte des combats !
S
Vous perdez, je l'avouë, une tête
bien chere ;
Combien d'autres voudroient ¨
perdre un Prince à ce prix ? ---
L'Empire avec douleur voit que
je luy préfere
Les enfans de LOUIS.
GALANT.
213
S
A tout autre qu'à luy mon choix
paroîtra jufte :
La France eft maintenant le
centre des Grands Rois.
L'Univers , s'il devoit fe choiſir
un Augufte ,
Ne prendroit qu'un François .
S
Si ce font là des maux , vous
devez vous attendre
A reffentir fouvent de femblables
malheurs :
Et peut-être bien- tôt aurezvous
à répandre
Pour CHARLES d'autres
pleurs .
S
Vous cederiez plûtôt , ditesvous
, des Provinces :
A
214 MERCURE
Ces offres touchent peu des
coeurs comme le mien .
J'eftime vos Etats : mais au prix
de vos Princes ,
Je les compte pour rien .
2
S'il falloit , pour regner , avoir
recours aux armes ,
Vous les exhorteriez à braver
le trépas.
Un Sceptre qu'on obtient fans
bruit & fans alarmes
En a- t- il moins d'appas ?
2
Un Trône n'eft pas fûr , fondé
fur la Victoire :
On aime rarement un fuperbe
Vainqueur :
Mais un Roy de mon choix aura
toûjours la gloire
De regner fur mon coeur..
'
GALANT.
215
S
Philippe eft le Heros à qui je
viens me rendre :
Jele cheris autant que
j'aycraint
ſes Ayeux.
Ce Prince à des attraits dont on
a
ne peut défendre
Ny fon coeur ny fes
S
yeux .
Tant de charmes fur luy me donnent
l'avantage
Qu'ont les victorieux fur des
Peuples vaincus ;
Et vingt & deux Etats font le
premier hommage
Que j'offre à fes vertus.
2.
Déja tous mes Sujets l'ont reconnu
pour Maiſtre ;
Son Pere & fon Ayeul ont confirmé
ce choix . .
2: 6 • MERCURE
Seule m'envirez - vous l'honneur
de reconnoiftre
Vos Princes pour mes Rois ? :
L'Efpagne vous donna jadis plus
d'une Reine ,
Qui furent l'ornement de l'Empire
des Lis :
En échange aujourd'huy fouf- ¨
frez que je reprenne
Un de leurs Petits - fils .
G
Je reconnois le droit qu'ils ont
fur mes Couronnes :
Mais puis qu'enfin leur Sang entre
nous eft commun ,
N'ay- je pas pareil droit fur toutes
leurs perfonnes ?
De trois je n'en veux qu'un .
PeutGALANT.
217
2
Peut-eftre craignez - vous d'affoiblir
voftre Empire ?
Vous perdez des Heros quand
vous donnez des Rois ;
Mais pour tous vos Etats un
LOUIS peut fuffire ,
Et vous en avez trois.
Vous fçavez qu'Andromaque
, premier Medecin de
l'Empereur Neron , a esté l'Auteur
de la Theriaque . Le premier
nom qu'il luy donna fut
celuy de Galene , qui fignifie
Tranquille, parce que l'une des
qualitez de cet Antidote eft
de tranquillifer ceux qui en
May 1701,1 . P.
T
218 MERCURE
ufent contre les venins dont
ils font arteins. On ne peur
douter de la bonté d'un remede
, dont les effets merveilleux
fe font fait admirer pendant
tant de fiecles . Il n'en faut
point de preuves plus fortes
que de voir , que n'y ayant
prefque rien qui ne perde de
fa réputation avec le temps,
celle de la Theriaque , loin
d'avoir diminué depuis le regne
de Neron , s'est toujours
accreuë. La France a foin qu'
un remede fi grand & fi utile
ne fe perde pas. On n'en faifoit
autrefois qu'à Venife,mais
GALANT. 219
on travaille prefentement à fa
compofition dans plufieurs
Villes de ce Royaume. M' Bezonat
, Maifire Apoticaire de
Grenoble , qui a eu autrefois
l'avantage de fervir les Armées
de Sa Majefté en qualité d'Apoticaire
Major , a prefenté
depuis peu fon Fils pour le
faire recevoir Maitre Apoti
caire dans la même Ville . La
Theriaque luy fut donnée
pour Chef d'oeuvre , & avant
que de la faire , il fubit deux
examens dans la Salle du Lieu .
tenant General de Grenoble ,
en prefence des Magiftrats ,
·
Tij
220 MERCURE
du Maire , des Confuls , du
Medecin du Roy, & d'un tres
grand nombre d'autres per
fonnes éclairées fur ces ma
tieres Il dit dans l'un de ces
Examens , en s'adreffant au
Medecin du Roy de la Ville ;
Femme flate , Monfieur , que vous
excufere en moy mon peu d'experience
pour rendre dans fa perfection
la compofition de la Ther
riaque. Autrefois il n'eftoit permis
qu'aux Medecins , des Empereurs
de compofer cet Antidote , comme
l'affure Galien. Si ce n'eftoit au.
jourd'huy que ceux de nos Rois
qui euffent cette liberté , ce feroit
GALANT . 228
de vos mains que nous recevrions
ce grand remede. Il en fortiroit
avec la même pureté que nous remarquons
dans ces Eaux claires
criftallines , lors qu'elles fortent
de leur fource , mais puis que dans
ces derniers Siecles on nous a confié
le foin de cette compofition , fi
nous ne pouvons luy communiquer
la même vertu qu'elle recevoit de
vôtrepréparation, contentez vous ,
je vousfupplie , de noftre exactitude
à fuivre , autant qu'il nous eft
poffible , les regles que vos Predeceffeurs
nous ont laißées .
Voicy un extrait d'un autre
Difcours qu'il fit dans le fe
Tiil
222 MERCURE
cond Examen public . Ce que
j'en rapporte doit faire faire
attention à l'excellence
de la
Pharmacie . Après avoir parlé
du fujet qui l'obligeoit de
trembler devant une fi belle
Affemblée. En effet , Meffieurs ,
continua t - il , comment ofer avec
quelque fondement m'affurer de
meriter voſtre approbation & vô
tre choix dans une entreprise fr
difficile ? A confiderer la Pharma
cie ,foit dans fa matiere ,foit dans
fonfujer , ou dans fa fin , tout my
paroift digne de l'application des
efprits les plus penetrans
plusfolides. On voit on un plus
les
GALANT. 223
grand travail que dans la recherche
des remedes ? Comme fi ce n'efloit
pas affez detraverser les mers,
de parcourir la terre, pour recueillir
dans tous les lieux , tant de plan
tes , tant defleurs & de fruits ,
tant de femences de differences"
fortes qu'elle produitfurfa furface
pour l'utilité de l'homme , il cf
confiant qu'un Pharmacien doit ,
pour ainsi dire , fouiller jusqu'au
centre de ces deux Elemens , pour
tirer de leurs entrailles
abîmes , ce qu'ilsy confervent , ce
qu'ils y cachent à noftre vue de
quë
plus précieux , & qu'ils femblent
même vouloir refuser à nos befoins.
de leurs
Tiiij
224 MERCURE
On ne peut difconvenir que
l'Eau , la Terre , l'Air & le Feu ,
font de la jurifdiction d'un Phar
macien , & qu'il n'y a rien dans
la Nature dont il ne doivefe fer
vir. Vous le fçavez, Meffieurs
mes Maiftres , tout ce qui eft créé
dépend en quelque forte de luy,
ce que l'ignorance du vulgaire
luy fait confiderer comme la chofe
la plus vile , devient fouvent par
vos préparations d'une utilité con ..
fiderable.
D'ailleurs , la nobleffe du fujer
de la Parmacie releve ir finiment
fa qualité, mais auffi elle exige
dans ceux qui lapratiquent beau
GALANT. 229
coup plus d'experience & de moderation
, que dans les autres Praz
ticiens des Arts , dont les fujets
meritent moins le foin & l'application
des hommes ; & comme ceux
qui travaillent fur l'or font plus
diftinguez , tirent de leur Profeffion
une forte de gloire , qui eft
au diffus de celle que l'on peut acquerir
dans l'employ des metaux
d'une moindre valeur , il fembleque
l'on peut dire que ceux qui
S'attachent fingulierement à la
confervation du corps humain , qui
eft le plus noble objet de la Phifique,
doivent auffi par une diftinction
plus éclarante eftre doüez d'un
226 MERCURE
geniefuperieur à ceux qui ne s'ar
tachent en general qu'au corps'
naturel.
Il répondit enfuite à tous
les Maitres qui l'interrogerent:
au nombre de quatorze,
& il leurparla à tous avec beau
coup de folidité d'efprit. Le
choix des drogues qu'il rangea
en leur prefence , luy attirà de
applaudiffemens de grands
toute l'Affemblée , qui avoüa
que depuis trente ans , on n'avoit
point vu une fibelle difdifpenfation.
Le Madrigal que vous allez
lire , a efté fait für le bonheur
GALANT . 227
de l'Eſpagne , d'avoir un Fils
de France pour Roy.
L'Espagne eft un Jardin , où plus
fieurs fleurs d'Autriche
One fleuri depuis deux cens ans ;
Mais il alloir tomber enfriche
Sans les foins obligeans
De noftre Grand Lousi , en prefens
toujours riche.
Defon Fardin il tire un de-fes plus
beaux Lis ,
Et le fait transplanter dans le
Fardin d'Espagne.
Fameux Jardin , le bonheur
C t'accompagne
,
D'avoir reçu ce don de la main de
Louis.
228 MERCURE
Conferve le , ce Lis d'une odeur
admirable ,
"
Et d'un éclat incomparable ,
Dont fortiront mille beaux rejet.
tons ;
Et fcache que le Ciel veut que les
Lis Bourbons ,?
Dont la vertu fut toûjoursfans
feconde ,
Et dans les jours deguerre,&dans
les iours de Paix ,
Brillent & regnent deformais
Dans les plus beaux Jardins
du monde.
Cet autre Madrigal , & ' e
Quatrain qui le fuit , font de
GALANT. ' 229
M'
Mallement de
Meffange.
POUR UNE JEUNE
Dame tres - accomplie .
Le Ciel voulant former voftre
merite extrême ,
A fait un démeflé de vous avec
vous même
Un noble differend par les Dieux
ordonné ,
Entre l'ame le corps chez vous
fe trouve né.
Quelle est l'illustre guerreoù chacun
d'eux s'enflame ?
C'est qu'en vous à l'envi par de
charmans accords ,
230
MERCURE
Le beau corps le difpute aux mer.
veilles de l'ame,
Ainfi que la belle amé aux miracles
du corps.
Pour mettre au bas du Por.
trait de M l'Abbé de V **
Toy qui fis ce Portrait dont l'air
vivant me touche ,
Charmant Pinceau ie veux pour
tant te quereller ,
D'avoir
fait muette une bouche
Qui fçait fi doctement
parler.
Je ne vous préviendray
point fur l'Ouvrage
que je
vous envoye. Son titre feul
vous donnera envie de le lire.
GALANT. 23 ?
DESCRIPTION
Q
de l'Empire d'Opinion .
Uoy que les Geographes
Anciens & Modernes
ayent voyagé longtemps dans
l'Empire que je décris , nul
d'eux toutefois ne l'a marqué
dans fes Cartes , & n'en a parlé
dans fa defcription du Monde.
Cependant je ne croy pas qu'il
y en ait un plus étendu , & plus
peuplé que celuy là , ny de
Roy plus abfolu & plus puif.
fant que la Reine qui le gouverne
; car non feulement elle
232 MERCURE
a'une infinité de Sujets de tous
les Etats du monde , mais même
elle commande à une in .
finité de Rois.
Elle donne des loix par tout
& l'on s'y foumer facilement,
enforte que quelque injuftes
qu'elles puiffent eftre , on les
défend avec chaleur , comme
s'il n'y en avoit point de meilleures
à recevoir. On en eſt
même & fcrupuleux obferva .
teur , que bien loin de les exa.
miner quand on les reçoit ,
on croit que c'est une oeuvre
charitable de perfuader à d'au
tres d'y deferer , & l'on fait
GALANT. 233
Tout ce qu'on peut pour vaincre
la refiftance qu'ils y apportent.
Cette Reine , appellée Opi .
nion , eft fort ambitieufe ; &
quoy qu'il n'y en ait point dans
le monde qui ait autant de Sujets
qu'elle , elle eft neanmoins
toujours occupée à s'en faire
de nouveanx 8
à quoy elle
réuffit merveilleufement
; car
elle a quelque beauté , & certains
attraits dont l'éclat fur
prend d'abord les yeux de (es
fpectateurs. Peu de perſonnes
luy échapent on a beau fe
tenir fur fes gardes , & fe pré-
May 1701 , I. P.
Skbas
V
234 MERCURE
parer à luy refiftery on fuce
combe d'ordinaire auffitoft
qu'elle paroift , d'autant plus
qu'elle n'eft pas feulement
forte par elle- même , mais encore
par le fecours d'une troupe
innombrable de Soldats
qui foutiennent aveuglement
Les interefts , tant ils font perfuadez
de la juftice de la caufe
qu'ils défendent ; & certes il
y a bien de quoy s'étonner
qu'eftant une Reine mal faine,
& d'une foible complexion ,
elle faffe tant de progrés , &
promptement , & qu'enfin
elle conferve fi bien ce qu'elle
a une fois gagné.
fi
GALANT 235
La maladie altere ordinairément
la fanté. Cependant
l'infirmité naturelle de cette
Reine ne paraiſt preſque point
au dehors , & à moins que
d'avoir de bons yeux , on n'y
découvre rien. Sa couleur eft
vive, elle a de l'embonpoint,ſa
démarche eft ferme & hardie,
fa voix eft force, fon air eft fier, "
& tout cebeau dehors eft bien
capable de furprendre ; mais
au fond c'eft une belle mala,
de , qui a cela de particulier ,
qu'eftant prefque toûjours
malade , elle fe croit toûjours
faine.
y``ij
236 MERCURE
Dés le premier pas qu'on
fait dans fon Empire on contracte
fa maladie, qui eft d'une
telle nature qu'elle affoiblit la
veuë , & remplit l'efprit d'il
lufions qui empêchent de
voir ce qui eft , & font voir
ce qui n'eft pas . De tous
ceux qui voyagent , ou qui
s'eftabliffent dans cet Empire
, il n'y en a pas un qui
avant que d'y entrer ne l'ait
pris d'abord pour cet autre
Empire fi renommé où
fi peu de gens mettent le
pied , tant il eft difficile d'y
arriver , foit à cauſe de fa fi
"
GALANT. 237
ruation élevée , foit parce que
le chemin qui y conduit eft
rude.
La Reine qui gouverne ce
fecond Empire, & qu'on nom .
me Verité , appelle bien à
foy tous les hommes pour
en faire les Sujets , & tous
les hommes veulent bien al.
ler à elle , comme à la veritable
Reine qui doit les com
mander ; mais en y allant ils
prennent le change , & ce
malheur vient en partie de ce
que ces deux Reines ont
quelque reffemblance
extetieure
, ce qui fait qu'on les
238 MERCURE
regarde de mefme oil ; outre
quel'on va dans ces deux Empires
par un meſme chemin ,
qui comme un Trone le di
vile en plufieurs branches
donc cinq vous conduiſent
une Ville , & cinq autres à une
autre Ville mais ces deux
Villes font bien differentes ,
& comme l'une paroist plus
belle , & plus peuplée que
l'autre , on ne manque pas
d'ordinaire d'y aller loger , &
de regarder l'autre comme un
mauvais gifte , qu'il faut éviter.
Cinq de ces branches ou
GALANT. 239
chemins vont en pente , &
font fort gliffans ; on les appelle
l'un , chemin de veuë , le
fecond d'oye , le troifiéme
d'odorat , le quatriéme de gouft,
& le cinquième du toucher. Ils
conduisent à une Ville appellée
Prevention , qui eft fituée
en un lieu bas , où l'on defcend
fort promptement , tant
on a peine à fe retenir ; & les
cinq autres branches qui porrent
les meſmes noms , vous
menent à une autre Ville appellée
Sufpenfion , qui eſt bâtie
fur un Roc efcarpé , dont
la veuë ne plaift guere , & où
240 MERCURE
il eft malaifé de monter. Ainfe
ne vous eftonnez pas fi prefque
tous les Voyageurs en .
trent dans la première Ville
& font peu de cas de la fe.
conde , qui n'eft guere peuplée
, & où l'on pafferoit mal
la nuit , quoy qu'elle foit un
lieu de repos.
Chacune de ces Villes a
cinq Portes où aboutiffent ces
chemins , dont elles portent
auffi le nom. On ne voit que
gens entrer dans Prévention ;
& tres- peu qui en fortent , &
quoy que ces Portes foient
fort larges , la foule eft figran
de
GALANT
24t
ment >
de qu'on le preffe en paſſant.
L'on voit mefme une partie
du peu de monde qui eftoit
entré dans Sufpenfion en fortir
pour aller loger dans Préven
tion ,où l'on le plaift extremetant
pour la bonne
compagnie qu'on y trouve
que pour la commodité qu'on
y reffent . L'on ne vous y gêne
point , finon qu'aprés vous y
eftre arrefté quelque temps ,
vous recevez ordre de partir
& d'aller plus loin . Car le
Gouverneur de la Ville craint
toûjours que vous ne retour .
niez fur vos pas ; auffi fait- il
May 1701. 1. P. X
242 MERCURE
faire bonne garde aux Portes
pour vous en empefcher ; ce
n'eft pas pourtant que quel .
qu'un ne luy échape , mais
bien rarement.
Au fortir de la Ville l'on
s'embarque d'ordinaire fur
une grande Riviere , qui à
caufe de la rapidité eft appellée
Torrent , quoy qu'elle coule
toûjours également , & c'eſt
le Torrrent de la Couftume , fi
fameux dans les Hiftoires anciennes
& modernes, Il n'eft
point de peuple au monde
qui ne le connoiffe , foit pour
en avoir ouy parler , ou pour
GALANT. 243
l'avoir yeu ; & s'y eftre embarqué.
Vous ne fçauriez dire
le nombre de Vaiffeaux qui
voguent fur cette Riviere , &
encore moins le nombre de
gens qui font dans ces Vaif.
feaux , où ils s'entretiennent
des beautez de l'Empire
d'Opinion , & n'ont d'autre defir
que d'arriver dans la Ville
Capitale. Que fi par hazard
quelques uns s'arreftent au
milieu de la navigation pour
prendre terre , & que les autres
les voyent tourner leurs
pas du coſté de Suſpenſion , ils
ne manquent pas alors de
X ij
244 MERCURE
crier aprés eux de toutes leurs
forces pour les faire rentrer
dans leurs Vaiffeaux , & s'ils
n'en peuvent venir à bout , ils
ont recours aux huées , aux
railleries , & enfin au mépris.
Cette Riviere vous porte
en mefme temps dans une
vafte Mer qu'on appelle Er.
reur qui eft couverte de
broüillars épais & mal fains ,
qui empêchent de voir clair,
Quoy qu'il en foit pourtant
on ne fe repent point d'y
eftre entré ; car on s'y divertit
, chemin faifant , à paffer
des ombres dont elle abonde,
, f
GALANT. 245
& qu'on trouve de bon gouft .
Aprés avoir vogué quelque
temps fur cette Mer , on arrive
à un certain Port appellé
Obftination. De ce Port qui eft
toujours bien deffendu , s'étend
une vafte Plaine , où
l'on n'eſt pas pluſtöſt deſcendu
qu'on y eft accueilli & careffé
d'une infinité de gens
qui vous felicitent de voſtre
arrivée , & vous menent promprement
par la main dans la
Ville Capitale de la Reine Opinion
, qu'on peut dire la plus
grande & la plus peuplée Ville
du monde .
X iij
246 MERCURE
Elle eft divifée en plufieurs
quartiers , dont le moindre a
bien autant d'erenduë que la
grande Ville . Comme les habitans
de chaque quartier font
differens de vie & de moeurs ,
& que les nouveaux venus qui
entrent dans cette grande Vil .
le , y trouvent des gens de leur
caractere , avant que de s'y
établir l'on va rendre fes devoirs
à la Reine , qui vous ayant
connu dés le premier En .
tretien qu'elle a avec vous,
vous affigne d'abord voftre
quartier , avec ordre de vouy
arrefter pour toute votre
GALANT. 247
vie ; & d'ordinaire l'on obéit
à fon commandement , tant
par inclination, que par le foin
qu'une infinité de perfonnes
prennent de vous affermir
dans l'obéiffance ; & comme
l'on s'y eft établi par compa
gnie , on y vieillit , & on y
meurt de même. Auffitoft
donc que la Reine vous a marqué
le lieu de voſtre demeure
on y court à grand pas par un
chemin fi droit , qu'on ne
peut s'égarer.
Eftes vous de ces gens , qui
eftant fous , fe croyent fages ,
vous n'avez qu'à tourner à
X iiij .
248 MERCURE
gauche en fortant du Palais de
la Reine , & vous enfilez un
grand chemin , battu d'une
infinité de perfonnes
qui vont
& viennent , & vous entrez
enfuite dans le plus grand
quartier de la Ville . Là vous
vous avez bien- toft fait con
noiffance , car c'eft le métier
des fous d'aimer avant que de
connoiftre ,
Eftes vous de ces ignorans
qui croyent avoir de l'efpric ,
fuivez ce méme chemin , &
vous trouverez voftre quartier,
qui eft d'une belle étendue ?
C'eft une chofe admirable de
GALANT. 249
3
voir combien les gens de ces
deux premiers caracteres font
contens d'eux - mêmes . Ils le
communiquent inceffamment
leurs penfées & leurs Ouvrages
, en s'applaudiſſant tour à
tour , & ils n'eftiment jamais
rien que ce qui eft de leur ca-
Factere ; de forte qu'il ne feroit
pas bon pour des hommes fages
& d'efprit de fe trouver
parmy eux ; car ils ne manqueroient
pas d'eftre traitez ,
l'un comme un fou , & l'autre
comme un fot ; & en cela les
gens fages & les gens d'efprit ,
ne paffent pas fi bien leur
250 MERCURE
temps , les uns & les autres
trouvant toujours à redire eneux
-mêmes,
Eftes vous de ces gens de.
licats fur le point d'honneur ,
& qui n'eftant pas honneftes
gens en effet , ne fe piquent de
rien tant que de le paroiftre ,
faifant en cela confifter rout
leur honneur , jufque là même
qu'un veritablement honnefte
homme n'eft pas plus eftimé
d'eux , qu'eux mêmes le font
de luy? Eftes vous de ces gens
qui eftiment ces delicats en
honneur , & qui croyent de
keur devoir de ne pas s'infor
t
GALANT. 251
mer s'ils font honneftes gens ,
mais de voir feulement s'ils le
paroiffent aux yeux du monde ,
& qui fur une foible apparence
fondent toutes les loüan ·
ges qu'ils leur donnent mal à
propos , & dont ils les ennuyent
, fi bien
leur tournant , ils ne peuvent
jamais le connoiftre ? Allez ,
voftre quarrier n'eft pas loin,
& vous y trouverez auſſi bonne
compagnie .
·
que
la tefte
Eftes vous de ces gens qui
ne mettent le veritable bonheur
que dans les richeffes ,
quoy qu'il foit certain qu'on
252 MERCURE
ne les acquiert qu'avec peine •
qu'on ne les conferve qu'avec
inquietude , & qu'on ne les
perd qu'avec douleur ? Eftimez
vous fi fort ces richeffes,
& tout leur éclat , que rien ne
vous plaife , quelque bon qu'il
foit , s'il ne fort de la bouche
d'un homme riche , qui eft
d'autant plus à plaindre avec
fon bien , qu'il ne luy fert fou
vent qu'à le rendre plus ridi .
cule ; & enfin un afne doré
vous ébloüit . il fi fort , que
vous ne puiffiez le croire beſte,
jufque là même qu'un honnefte
homme foit une befte , s'il
GALANT. 253
n'eft doré ; comme fi ce qui
n'eft point de l'effence dǝ
l'effence de l'homme . & qui
luy eft exterieur , devoit faire
fon merite ? Si vous etes de
ces gens , il y a un quartier
pour vous.
Faites-vous confifter la vertu
dans la nobleffe , du Sang ,
& dans une longue fuite d'illu
ftres Ayeux , dont le Sang
neanmoins s'eft corrompu en
vous , au lieu d'établir la nobleffe
dans la vertu , qui en est
l'origine ? Croyez - vous que
pour avoir du merite il fuffic
d'eftre noble , & que cette
254 MERCURE
qualité , fur laquelle vous vous
repofez , foit capable d'impofer
à tous les hommes , jufqu'à
leur faire préferer la nobleſſe
à la vertu Penfez vous bien
que tant qu'on eft noble , on
eft honnefte homme, & qu'on
ne sçauroit prefque paffer pour
honnefte homme, fi l'on n'eft
marqué à ce coin des nobles ,
comme fi le mérite eſtoit in .
feparable de la nobleſſe ? Allez ,.
vous trouverez un grand quar.
tier bien peuplé , où c'eft une
grande rifée de voir des nobles
veritablement toturiers s'applaudir
feuls , en méprisant
GALANT. 257
des roturiers veritablement
nobles.
Enfin , comme il y a au
monde une infinité de gens
de divers caracteres , enteftez
des faux charmes de la Reine
Opinion , il y a auffi dans cette
grandeVille des quartiers pour
eux , où bienheureux qui ne
logea jamais. Mais helas ! qu'il
y en peu qui s'efforcent de
s'établir dans l'Empire de la
Reine Verité, feule Reine digne
de nostre coeur , de noſtre
efprit & de nos foins . On s'en
• eft toujours plaint , on s'en
plaindra toujours , & le regne
256 MERCURE
de l'Opinion qui eft de tous
les Siecles paffez , ne finira
qu'avec le monde ; mais aufli
la Verité ne finira jamais.
Je me fouviens que dans ma
Lettre de Février , je vous fist
part de la Harangue que M ' de
la Trefne , Premier Prefident
au Parlement de . Bordeaux ,
eut l'honneur de faire au Roy
d'Eſpagne lors qu'il y paffa ;
& comme on m'a fait connois
ftre que celuy de qui je l'avois
receuë , avoit travaillé de memoire
, en forte qu'elle n'eftoir
pas fidelle , jay tâché d'en
GALANT 257
avoir une copie fur l'Otiginal ,
& j'en fuis venu à bout .Je vous
l'envoye , en vous affurant que
cette copie eft tres exacte,
AU ROY D'ESPAGNE.
SIRE,
Depuis que Voftre Majefté s'eft
difpofée à quitter l'heureux Pays
où elle a prisnaiffance , pour mon
ter fur un des premiers Trônes du
monde , on a tâché de luy relever
qutant que l'Eloquence le peut
faire , toutes les circonstances de
May 1701. I. P. Y
4
1
258 MERCURE
-
grand évenement , quifont une
foule de prodiges arrivez comme
d'intelligence & de concert , pour
mettre fur la tefte d'un Fils de
France , tous les Diadêmes qui
composent la Couronne d'Espagne.
Ce Fils de France , à peine entré
dans les premieres années de la
jeuneffe , mais déja tout animé des
Vertus Royales de fes Peres.
Ceferoit une témerité à nous ,
Sire , vouloir abuſer de la pa
sience de V. M. que d'entreprendre
de donner un nouveau jour à tant
de merveilles , mais une Compagnie
auffi foumife qu'estla nostre,
a fon incomparable Monarque,
GALANT. 219
voftre Ayeul ne peut se taire fur
une des plus effentielles de ces circonftances
, qui vous eft fans doute
la plus agreable de toutes.
C'eft la décision qu'a prononcée
ce grand Roy , l'arbitre fouverain
de l'Europe & qui ne cherche qu'à
la rendre beureufe Cette décifion ,
appuyée de l'avis de Monfeigneur
le Dauphin , genereux jufqu'à
l'excés, illuftre modele de l'a
foumiffin filiale , de l'amour
paternel , affure à l'Europe le repos ,
dont le Vainqueur de tant de Nations
veut qu'elle jouiffe . Onpeut
dire à V. M. Sire , qu'elle a deja
efté couronnée par les mains de ces
Y ij
260 MERCURE
deux Heros ,fi dignes de difpenfer
des Sceptres , & que la pompe de
voſtre couronnement d'Espagne ,
ne fera qu'une ceremonie pour les
Grands , & un spectacle pour le
Peuple.
J
Mais encore , quelle joye pour
V. M. de fe voir accompagnée par
Meffeigneurs les Princesfes Freres
, qui attachez à ellepar les liens
de la plus tendre amitié , n'ont pû
fe réfoudre à s'en feparer , qu'elle
ne foit comme enlevée d'entre leurs
mains par de nouveaux Sujets ,
qui depuisla mort de leur Royfou
pirent aprés voftre arrivée.
Si toute la France , Sire , eft
GALANT. 261
penetrée des mêmesfentimens , &
fila gloire montée en cette occafion
plus baut que jamais , luy coute fi
cher , qu'illuyfaut perdre l'un des
trois Princes , les objets fi dignes
defon amour, & dont lafeule prefencefait
fes delices , nous pouvons
dire que ce Parlement & toutfon
reffort , auront l'avantage de n'efire
pas auffi feparez que le reste
du Royaume , des Etats de Voftre
Majefté.
Ce n'eft point dans cette étenduë
de terre , que la France eſt ſeparée
de l'Espagne par des rochers & des
monts inacceffibles ; nos limites ne
font que des eaux paifibles , & des
262 MERCURE
Ffles heureufes qui nous rappellent
le fouvenir de mille alliances entre
les deux Etats , &fur tout , de ce
fortuné Mariage , l'illuftre fource
de la glorieufe deftinée de V.M.
Toutes ces alliances , Sire , ont
eſté lesfacrez augures de la Paix ·
éternelle, que vous annoncez entre
les deux Empires , Paix d'autant
plus heureuse pour nous , que cette
Province , par l'avantage de fa
fituation , enrecueillera les premiers
fruits , dont ce Parlement, comme
compofé des premieres teftes , aura
la
meilleure part.
Ilfera auffi plus attentif que
tout le reste aux profperitez du
GALANT. 2hz
regne d'un Roy fi digne de l'efire,
prefagées par des commencemens
fi miraculeux , & ilfera mêmeſa
Cour à fon Augufte Maiſtre par
cette attention .
Quel bonheur pour nous , Sire ,
d'eftre auffi voisins d'un fi glorieux
regne , & de pouvoir eftre les
premiers canaux de la France, par
où pafferons les agreables nouvelles
qui en feront portées au
Roy voftre Ayeul
Nousfupplions V. M. deftre
perfuadée que ces fentimens font
auffi gravez dans nos coeurs , que
l'eft noftre profonde veneration
pourfa perfonne facrée.
264 MERCURE
Voicy une autre Piece qu
n'a point encore paru . C'eſt la
Harangue que ce digne Magiftrat
fit à Monfeigneur le
Duc de Berry.
MONSEIGNEUR,
Nous venons rendre nos tres
respectueux hommages aux aimables
admirables qualitez de
voftre auguste Perfonne , qui font
déja connues dans la meilleurepartie
de la Terre
Cet heureux affemblage , Monfeigneur
, établit en vous une
Royauté naturelle , qui feroit preferable
à l'autre ,fil on nepouvoir
f
les
GALANT 265
les poffeder enſemble toutes deux
mais bien loin de s'exclure mutuellement
, la premiere appelle
fouvont la feconde , quand ces
qualitez font empreintes dans un
Sang auffi illuftre que le vostre...
La naiffance, la vertu ,
vertu , la victoire
, font les trois degrez qui
conduifent à cette feconde Royauté,
tous les Princes de l'augufte Maifan
de France , fe trouvent fur lepre.
mier degré dés qu'ils fontformez.
Cette Maiſon eftantfuperieure
à toutes celles du monde , lefecond
rude & difficile , vous le montez ,
Monfeigneur ,plus doucement
plus agreablement que tout autre.
May 1701 , I. P. vo Z
266 MERCURE
Le deftin cache le troifiéme , mais
mille heureux fuccés commencent
à le découvrir.
Quoy qu'il en foit , Perit fils
de Louis le Grand, & Fils de
Monfeigneur le Dauphin , vous
ferez un jour, quelque éloignéqu'il
foit, lepremier appuy de ce Royau
me fous voftre Augufte Pere,
cela feul vaut mieux que toutes
les Couronnes que vous pourriez
acquerir par les victoires les plus
glorieufes
Recevez , Monfeigneur , les
humbles proteftations de la pare
d'une Compagnie qui vous affure
en nos perfonnes , qu'elle est toure
penetrée du refpect , & des autres
GALANT. 267
fentimens qui vousfont dûs.
13
Voicy les noms de quelques
perfonnes diftinguées mortes
depuis ma derniere Lettre .
Dame Marguerite des Bau
ves , Comteffe de Brinon ,
mourut le premier de May , en
fon Chafteau de Linville , prés
de Mantes. Elle eftoit la derniere
de fon nom des Seigneurs
de Centenan . Madame
fa Mere eftoit Fille de M
le Duc de Sully , Grand Mai
ftre de l'Artillerie . Son Aycule
fortoit de la Maiſon de Chafteaubriant
, & fa Bifayeule ti-
Z. ij
268 MERCURE
eftoit
roit fon origine des Comtes
de Champagne . Madame la
Comteffe de Brinon , dont je
vous apprens la mort ,
Veuve de M de Senectere
Comte de Brinon , Lieutenant
de Roy en Lorraine . Elle laiffe
deux Enfans , M ' le Comte de
Senectere , Colonel d'un Regiment
de Dragons , dont on
fçait le merite & la valeur , &
Mela Marquife de Villacerf.
Meffire François - Nicolas
de la Tournelle , Seigneur
d'Angée , Mestre de Camp
d'un Regiment de Cavalerie.
Dame Therefe Thorpe ,
GALANT. 269
Epoufe de Meffire Claude du
Terrail, Seigneur d'Ornaiſon .
Meffire Jean Durlin , Abbé
Regulier de Saint Joffe aux
Bois , dit Dompmartin , Ordre
de Prémontré , Député
General des Etats d'Artois .
Dame Françoile de Neufville
, Soeur de M le Maréchalde
Villeroy . Elle avoit épousé
en premieres Noces Juft-
Louis , Comte de Tournon
& de Rouffillon , Senechal."
d'Auvergne , qui fut tué au
Siege de Philifbourg en 1644 ,
en fa vingt- feptiéme année.
Elle époufa en fecondes No-
Ziij.
270 MERCURE
ces Henry Louis d'Ailly Duc
de Chaunes , Pair de France ;
Vidame d'Amiens qui mourut
en 1653 & elle s'eftoit remariée
en troifiéme noces à Abel
Jean Vignier Marquis d'Hauterive
, & c dont je vous ap-'
pris la mort dans ma Lettre
du mois d'Avril de l'année
derniere.
Dame Catherine Henriette
d'Harcourt de Beuvron ,
cy devant Dame d'honneur
de Madame la Dauphine ,
veuve de Meffire Louis Dac
d'Arpajon , Pair de France ,
mort Doyen des Chevaliers
GALANT.
des Ordres du Roy en Avril
1679 & dont je vous parlay
amplement dans ma Lettre de
May fuivant. Elle laiffe pour
fille unique Dame Catherine
d'Arpaçon qui épousa le huit
Fevrier 1689. François de la
Rochefoucault de Roye
Comte de Roucy.
Meffire Jean Jacques Olier
Sieur de Touquin , Malvoifine
, Confeiller de la Cour
des Aydes.
Meffire Claude Aymerer ,
fieur de Gazeau , forty d'une
des plus anciennes familles de
la Robbe , laiffe des enfans
Z.iiij.
272 MERCURE
d'une fille de Meffire Jean le
Nain Confeiller de la Grande
Chambre , & de Dame Anne
le Gras , qu'il avoit épousée en
1694 .
Quand on a une fois donné
des Bouts- rimez à remplir ,
il s'en fait un fi grand nombre
, qu'aprés une certaine
quantité , je fuis obligé de ne
vous en plus envoyer , parce
que je ne cefferois point d'en
recevoir. Ainfi j'avois refolu
de ne vous en plus envoyer
for fes Rimes de Portique & de
Falbala ; mais j'ay. cru que
vous feriez bien aile de voir
CALANT . 273
comment ces Rimes s'appli
quent avec fujet de devotion .
La lecture du Sonner qui (uit
vous l'apprendra . Il eft de
celuy qui dans mes Lettres
prend le nom de Tamirifte .
LE PECHEUR
CONVERTI
Que je fuis rebuté du Cercle
& du
Portique !
Je ne sçaurois fouffrir l'ombre
d'un Falbala
Fay quitté pour jamais Mitri .
dare ;
che
Attila ,
Au Parnaffe je fuis une fran
Bourique.
274 MERCURE
Mon Auteur le plus cher eft le
fils de
Monique
La grace que jadis dans fes vei.
nes
Coula
Ne rifque point chez moy de
craindre le
Hola ,
Et pour planter la Fog j'irois an
Pole
2
Arctique.
Mes amis que ce Zele a rendus
bien Camus
Difent que pour le Ciel j'ai
mon Commitimus ,
Mais , méprisant leurs traits , je
fuis ma
S
Synderéſe .
Et reglant mes devoirs au feul coup
du
Marteau
GALANT . 275
Priant ou meditant fur un
Paul Veronese
D'un avenir heureux j'espere
le Chanteau .
Vous n'avez mandé que
vos Amis fouhaittoient d'a
voir des paroles pour les faire
mettre en air. Voicy deux petits
Ouvrages de Monfieur
Alifon , que je croy fort propre
pour cela..
A MONSIEUR DE ***
Vous eftes jeune , belle &fage,
Tout plait en vous , Iris , tour
charme , tout engage ,
276 MERCURE
Il n'eft rien qui ne cede à vos di
vins appas
;
Et vous me demandez d'où me
vient ma trifteffe.
C'eft que mon coeur , Iris , brûle
~ pour vousfans ceffe
Dinn feu qu'encor vous ne connoiffez
pas.
POUR UNE CHANSON.
Sombres deferts qui cachez ma
trifteffe ,
Si je pouvois dans vos détours
fecrets
Pedre le fouvenir des maux
qu'Amour ma faits ,
GALANT: 277
Joe ne troublerois pas , comme je
faisfans ceffe ,
Voftre tranquille paix.
Mais , belas ! pour guerir de
l'ardeur qui me preffe ,
L'infenfible Philis a pour moy
trop d'attraits ,
Et mon coeur a trop de foibleſſe .
Les Vers fuivans font de
Monfieur Bon Officier de
l'Election de Rhetel. Ils ont
efté faits fur l'air de la Loure
de l'Opera dHefione .
278 MERCURE
V OE UX POUR
LE BEAU TEMPS .
Almable
Printems
,
Qui nais tous les ans
Saifon la plus belle
Qui renouvelle
Nos plaifirs charmans ;
Par ta verdure
Rens a la Nature
Tous fes agrémens.
Helas ! doux Zephirs ,
Le froid regne encore
Venez avec Flore
Combler nos defirs.
Flambeau des Cieux
GALANT. 279
Ranime en tous lieux
Ta chaleur naiſſance ,
Et que tout reffente
Tes dons
précieux ;
Et toy Berger
D'une ame conftante
Songe à l'engager.
Comme vous aymez les Oifeaux
, vous comprendrez aifement
le chagrin qu'à caufé
une Fouine à la perlonne qui
a fait les plaintes que vous
allez lire.
( 1420) 623 **
PLeure , pleurez mesjeux,
&fondeZ-vous en eau,
280 MERCURE
La befte impitoyable a mis dans
le tombeau
Mes chers petits Oifeaux , dont
le tendre ramage
Enchantoit tout le voisinage :
Leurs agreables fons ,
accens divers
leurs
Surpaffoient les plus beaux con .
certs.
Ils fcavoient diffiperpar leur douce
harmonie
de
La plus noire melancolie.
Ils adouciffoient les rigueurs ,
Qué l'amour quelquefois exerce
fur les coeurs.
Quoi , ne pourrai ie`plus vous
prouver ma tendreſſe ,
GALANT. 281
Sans ceffe vous rendant careffe
pour careße &
Non , car vous n'iftes plus , chers
petits animaux
Objets de mes plaifirs , remedes à
mes maux
fort trop rigoureux ! aprés ce
coup terrible
Je renonce aux Oifeaux ,
perte eft tropfenfible.
leur
Vous avez ouy parler du
grand avantage qu'ont rem .
porté les Algeriens fur le Roy
de Maroc . Deux Lettres d'Alger
que je vous envoye
vous feront connoiftre en peu
May 1701. 1. P. A a
28 MERCURE
de paroles la verité de tout ce
qui s'eft paffé.
A Alger le 2. May 1701 .
PAr
le
cy
Ar une Lettre que je mefuis
donné l'honneur de vous écrire
14 Avril dernier , le vous ay
donné avis du depart du Dey con .
trele Roy de Maroc Par celle
je vous envoye copie de la Lettre
qui vient d'arriver prefentemena
du Dey mefme relle qu'il l'a
écrite fur le Champ de bataille
aux Puiffances qui ont bien voula
me la confier . Le Roy de Maroc
avoirplus de cinquante mille kom-
A
GALANT 282
4
・mes , prefque toute Cavalerie , Le
Dey dvou trois cens Tentes d'Al.
geriens , & mille Spahis , quifont
fept mille hommes en roue de Turcs
& environ quinze millé Mores ,
auſquels ils n'ont point de confiance
Avec ce peu de monde le
Roy de Maroc a efté bain , & ft
encore actuellement poursuivi.
Contre Tunis l'année paffée , conire
Maroc celle- cy. Voilàdeux Gam's
pagnes & bien vigourenfes ,
bien glorienfes à nos braves ,
à noftre Dey , qui d'ailleurs eft an
tres honnefte homme . Dieu venille
que tuprofperite ne le gaſte point.
A a ij
284 MERCURE
Traduction de la Lettre du
Dey d'Algerà Ullain Haga,
grand Elcrivain à Alger.
Du Camp le 19. de Zil-
Cade 1112. c'est à dire le 28,
Avril 1701 .
Monfils illuftre , courtois
bien aimé Uffain Haga,
Aprés vous avoir fa üé avec vous
les empreffemens
finceres que don .
ne l amitié que caufe l'abfences
je commenceray
par m'informer de
voftrefanté, que je vous ſouhaité,
bonne , prie Dien qu'il ais
toûjours voftre vie en fa garde ,
protection. Et pour vous inforGALANT.
285
mer de leftatoù jefuis icy je vous
diray que par la grace de Dieu ,
je me trouve en parfaite fancé ,
graces à vos bonnes prieres Le
Lundy 19 de la Lune de Zil-
Cade , cet ennemy malfaicteur ,
Meuley Ismaël Roy de Maroc ,
~voulant fejourner au lieu nommé
Achgi Ezogas , nousfifmes avancer
noftre Cavalerie , & la leur
venant de leur part ; la rencontre
fe fit au Ruißeau nommé Gediù ,
par la grace le combat ayant
efté fort grand depuis lemidy inf
qu'au Kyndi. * Le Seigneur nous
favorisant , nous avons remporté,
* prés de quatre heures.
286 MERCURE
et
trois mille reftes , cing mille
Chevaux. On a coupé la iefte à
cinquante Cards , on Officiers
pris la Lance de ce maudit
malfaillent qui a meſme eſté blesse
à ce qu'on dir y mnie nous wed
avons point de nouvelles cerrat .
nes. L'ennemy a pris la faire
s'en eft alle. Que pour ce biens
fair femblable, cent mille graces.
foient rendues au Seigneur. De
puis qu'Alger eft Alger , & que
Fez eft Fez, ces chofes ne s'eftoient
point venes ; Dieu nous a fair
une faveur , s'il en est une s je
dous recommande de ne me pas
oublier dans vos prieres de muit,
GALANT 287
& de jour : au reste , falur .
Vostre fincere Amy, Mustapha
Dry.
Je vous parlay l'année derniere
des Thefes que foutine
M ' l'Abbé de Saint Aignan.
Le Roy qui a principalement
égard à la capacité , & aux talens
neceffaires pour bien rem .
plir les devoirs aufquels font
obligez ceux qui poffedent des
Benefices , a donné à cet Ab .
bé l'Abbaye de Saint Germer
de Flaix , Ordre de S. Benoift,
Dioceſe de Beauvais. Cetre
Abbaye eftoit poffedée par
288 MERCURE
M l'Abbé de Broffe , qui lay
tenoir du feu Roy, & qui eft
mort âgé de quatre -vingt, fix
ans On pretend qu'il n'y avoit
que ce feul Benefice dans le
Royaume , qui n'euft point ,
elté donné par Sa Majefté.
M. l'Abbé de Saint Aignan
eft Fil , du feu Duc de ce nom .
Ileft du fecond lit, & M' le Duc
de Beauvilliers eft du premiery
Le 19 du mois paffé , le:
Roy alla voir la nouvelle Eglife
de l'Hoftel des Invalides .
Ce Prince fut frapé d'étonner
ment au premier coup d'oeil ,
&
GALANT . 289
& aprés un long examen de
toutes les parties , il dit haurment
, que quelque idée qu'ilfe
fuft formée de cefuperbe Edifice ,
il ne s'eftoit point attendu à toute
fa grandeur , & qu'il n'avoit jamais
rien vu dans ce genre d'un

gouft auffi magnifique & auffi
exquis. ll exprima les fentimens
à M' Manfard , en des termes
dont il eut lieu d'eftre penetré
de fatisfaction. Sa Majesté
parla beaucoup de cette Eglife
à fon retour à Meudon , & les
jours fuivans , avec de grands
témoignages de contentes
ment , ce Prince repetant
May 1701. I.P. Bb
290 MERCURE
fouvent pour le marquer, qu'il
it efté étonné Je n'entre dans
aucune defcription particulie
re de ce pompeux Ouvrage .
Jen laiffe le foin à des gens
plus éclairez fur ces matieres,
qui ne manqueront pas fans
doute d'en donner quelqu'une
au public , pour eſtre portée
par toute la terre.
Sa Majesté ayant dit qu'elle
viendroiule 20 à Paris , la joye
de la voir y caufa de grands
mouvemens . Comme Elle devoit
partit de Meudon , où elle
avoit couché , on ne douta
point qu'elle ne duſt traverſer
GALANT. 297
le Fauxbourg Saint Germain.
Ainfi toutes les ruës par où
l'on crut qu'elle pafferoit , fe
trouverent remplies , mais Sa
Majefte vint par le Quay qui
regarde celuy des Galeries du
Louvre , & paffa devant le
College des Quatre Nations ,
de forte que la grande foule
ne fe trouva que vers le Pontneuf.
Il eftoit tellement rem !
pli de monde , que le Carroffe
de Sa Majefte ne le put traverfer
fans s'arrefter plufieurs
fois. Mle Cardinal de Noail
A
2
les en Camail & en Rochetalt
teſte de fon Chapitre , receur
B bij
292 MERCURE
Sa Majesté à la porte de l'E
glife , & M' l'Abbé Petitpied,
Chanoine & Sous Chantre, luy
preſenta la vraye Croix à baifer.
Le Roy , aprés avoir fini
fes prieres devant l'Autel qu'
on a dreffé dans la Nef,à caufe
des nouveaux Ouvrages qui
empêchent qu'on ne faffe le
fervice à celuy du Choeur, alla
faire une ftation devant l'Autel
de la Vierge , entra dans
le Choeur pour voir le Modele
du Maiftre Autel que M' Manfard
y a fait élever par fes ordres
, pour executer le voeu
que le feu Roy avoit fait , en
P
GALANT
. 293
demandant
qu'il pluft à Dieu
de luy donner un Fils . Sa Majefte
témoigna à M❜le Cardinal
de Noailles, & aux Chanoines
, le defir qu'Elle avoit de
voir ce voeu accompli , Elle leur
demanda leurs fentimens
par
écrit fur le choix de la place
où ce grand Autel feroit élevé,
& fi on le laifferoit à la place ,
où eftoit le Modele , ou fi on
le mettroit à la Croisée , c'eft à
dire à la place du Jubé , à la
maniere des Eglifes d'Italie.
On á fceu depuis que les Chanoines
ayant donné leur avis ,
il s'en eft trouvé plus des deux
Bb iij
294 MERCURE
tiers qui ont opiné pour la
Croifée, ce qui fera fuivi, felon
le premier fentiment de M
Manfard , qui a fait fon Modele
à ce deflein .
* Le Roy , aprés avoir fait
diftribuer des fommes confi .
derables dans les Troncs de
Noftre Dame, & aux Pauvres,
par M le Cardinal de Coiflin
alla au Palais Royal , au milieu
d'une foule incroyable de peu
ple , qui ne ceffa point de
marquer la joye par des cris
redoublez de Vive le Roy . Sa
Majefté vit la nouvelle Galerie
du Palais Royal , & fut tres.
GALANT. 295
fatisfaite de l'Architecture exterieure
& des ornemens du
dedans . Sa Majefté trouva en
fortant la même foule de peuple
, les chemins qui conduifent
aux Thuileries , & ceux qui
menent à la Place de Vendô
me , autrement , de Louis le
Grand , en eftoient remplis ,
parce qu'on avoit cru que ce
Prince iroit aux Thuileries , &
pafferoit devant cette Place ,
pour voir fa Statue Equeftre ;
mais Sa Majeftenalla à aucun
de ces endroits. Elle paffa par
la rue de Saint Thomas du
Louvre , & prit le chemin de
Bb iiij
·
296 MERCURE
Meudon par le Pont Royal.
Il faut vous parler de la fr
tuation des affaires du Roy
d'Eſpagne dans l'interieur de
fes Etats. On doit regarder
comme l'effet de la protection
vifible du Ciel la tranquillité
dont ce Royaume joüit. On a
cru pendant plufieurs années
que le Roy Charles I I. venant
à mourir , ce Royaume feroit
déchiré par les guerres civiles.
Le parti oppofe au Souverain
qui y regne aujourd'huy , y
paroiffoit le plus fort , & cela
citoit naturel , le Sang faifant
GALANT. 297 .
agirceux qui y avoient le plus
de credit aprés le Roy défunt.
Ce parti s'eftoit fait des crearures
des plus puiffans de l'Etat
. Cependant le nouveau
Roy Philippe V. y eft entré ,
fans
que dans toutesles e
Efpagnes
, & dans tous les Etats
qui en dépendent , on ait feulement
oüy murmurer la moin .
dre perfonne. Ce Prince a fait
depuis ce temps . là de grandes
réformes , & retranché beaucoup
de Penfions & d'appoin
temens , & a même fupprimé
beaucoup de Charges &
d'Emplois , fans qu'il y ait ea
298 MERCURE
aucune plainte . Au contraire
toute l'Espagne a retenti de
fes louanges , parce que l'on a
jugé que c'eftoit le feul moyen
de faire revenir l'Etat du grand
épuisement où il fe trouvoir.
Sa Majesté Caiholique a jugé
enfuite à propos de conclure
fon Mariage avec la Princeffe
de Savoye , Soeur de Madame
la Ducheffe de Bourgogne
, &
tout l'Etat y a applaudi par
trois jours de Feftes & d'illu
minations. Ileft perfuadé que
ce Monarque prend de bons
confeils , que ces confeils leur
aideront à remettre l'EspagneGALANT.
299

dans fa premiere fplendeur, &
que tant qu'il les fuivra , cette
Couronne fera redoutable,
L'on en voit déja d'heureux
effets . L'Efpagne depuis fix
mois a plus mis de Troupes
fur pied, qu'elle n'a fait depuis
plus de quarante années . Cel
les qu'elle a aujourd'huy en
Flandre auroient formé une
Armée confiderable avant
que Louis le Grand cuft paru
à la tefte des grandes Armées
qu'il fit lever , & qu'il commanda
aprés qu'il eut commencé
à regner par luy même
enfuite de fon mariage . La Ma
300 MERCURE
rine des Eſpagnols commence
auffi à fe rétablir ; & comme
ils ne le font point une honte
d'apprendre des François , dont
ils connoiffent le bon coeur &
la fincerité ce qu'ils ignorent ,
& qu'ils ont de la bonne vo
lonté, du courage , de l'honneur
, & fur tour de l'amour
pour la belle gloire , il y a lieu
de croire que cette Monarchie
deviendra bien toft auffi flo :
riffante qu'elle a efté autre.
fois .
Le Roy Catholique a fait
M' le Comte d'Eftrées , Lieutenant
general des Mers de
GALANT. 301
la
Monarchie . C'eſt la premiere
Commiffion d'Espagne .
Il a donné à ce Comte dix
mille écus
d'appointement ,
avec cette qualité . Il comman
dera pour l'Espagne tous les
Vaiffeaux François & Elpagnols
, ceux de France en cas
de guerre , ne devant eftre
que Vaiffeaux auxiliaires.
Les Vers fuivant font de
M' de Villemont.
2.
302 MERCURE
A MONSIEUR
LE DUC
DE BEAUVILLIERS ,
GRAND D'ESPAGNE.
MADRIGAL .
CHEF du Confeil Royal & Miniftre
d'Etat ,
Cordon - bleu , Duc & Pair , & chery
defon Prince ,
Gouverneur de fes Fils , ainfi que de
Province ,
De Louis feul tu tiens tout cet augufte
éclat.
Le merite qui t'accompagne
T'a fait auffi nommer depuis peu
Grand d'Espagne
GALANT. 303
Par unjeune Heros tout aimable &
parfait.
Son grand coeur animé par la reconnoiffance
Accorde ce nouveau bienfait
Aux foins que ta fageffe a pris de
fon enfance.
Voicyfur cefujet enfin ce queje penfe.
Ces deux Rois ont entr'eux à l'envi
combatu
A qui pourroit te mieux comblerde
gloire
Pourimmortalifer ton nom &ta ver
tu
Dans le cours glorieux de leurbrillan
te Hiftoire
13
cru
Depuis qu'on a cru Mle
Duc d'Harcourt hors de danger,
ce Duc s'eft trouvé auffi
304 MERCURE
mal que lorsqu'on avoit le
plus à craindre pour luy , mais
comme il a vuidé deux abcés ,
il y a lieu d'efperer le recouvrement
de la ſanté. C'eſt ce
que portoient les nouvelles
arrivées à Verſailles le deuxié
me de ce mois , Madame la
Ducheffe d'Harcourt , fon Epoufe
, eft partie pour Madrid
aprés avoir pris congé du Roy.
Mi le Comte de Cefane , frere
de ce Duc eft auffi party pour
aller le feliciter für le bon eftat
où il fe trouve.
10.6
Vous me demandez des
nouvelles de la Confpiration
GALANT. 305
de Hongrie , & quel eftoit le
projet des Mécontens . Je croy
qu'ils ne le fçavoient pas enco
re bien eux - mêmes , s'il eſt vray
pourtant qu'il y ait eu une ve
ritable confpiration
, car pour
des mécontens on ne doute
point qu'il n'y en ait depuis
longtemps dans ce Royaume.
Les raifons en font connuës.
Quand on aura examiné tous
ceux dont on a crû fe devoir
faifir , fur differens foupçons ;
ou parce qu'on a lieu de croire
qu'ils font mal intentionnez
, on pourra fçavoir quel
que choſe de pofitif du projer
May 1701. I. P. Cc
306 MERCURE
des Confpirateurs , & des mefures
qu'ils avoient prifes pour
l'executer. Cependant je vous
diray que le Peuple de Vienne
ayant maffacré dans les rues
deux Lorrains qu'il prenoit
pour des François , qu'il foup .
connoic eftre envoyez en
Hongrie auprés des Mécontens
, M ' le Marquis de Villars
s'eft,plaint hautement de l'injuſtice
qu'on rendoit à Sa Majefté
, & l'Empereur en a fait
une reparation publique en
déclarant que l'on avoit grand
ors d'avoir un pareil foupçon du
Roy de France qui eft uns trep
GALANT: 307
grand Prince , & trop honnefte
homme pour en eftre capable : Je
pourrois dire beaucoup de
chofes la deffus , mais l'Empe
reur ayant rendu juſtice au
Roy , fon témoignage doir
fuffire .
- Vous fçavez que Sa Majes
fté a nommé tousles Officiers
generaux qui doivent fervir
dans les Troupes auxiliaires
qu'elle prête au Roy Catholi
que , en cas qu'il folt attaqué?
& qu'elle le foit auffi elle mês
me , fieces deux Couronnes
D'accordent pas ce qu'on leuf
demande , quay que l'on con!
Cc ij
308 MERCURE
vienne que l'on ne prétend
que parce qu'on le fait un
droit de la convenance , c'eſt
à dire furice qui accommode
fans qu'il foit rien dû. Droit
qui n'a point encore efté reconnu
dans les Pays où l'équi
té regne. Sa Majefté qui par
fa prudence a coûjours détourné
les malheurs dont font fouvent
accablez ceux qui le laif.
fent furprendre , aprés avoir
nommé des Officiers generaux
pour toutes les Troupes
a nommé des Aides de Camp
pour Monſeigneur le Duc de
Bourgogne. Ce font Mile
4
GALANT : 309
4
Chevalier de Suilly , Mrs les
Marquis de Seignelay & d'Enonville
, & un Fils de M'le
Comte de Sommery. Ils fe preparent
tous à foûtenir la gloire
du fang dont ils font fortis.
Vous avez oüi parler de
M' Declufeaux , Commiffaire
general de la Marine à Breft ,
qui a exercé cet employ pen.
dant plufieurs années avec une
grande activité. Sa mort ayant
laiffé cette importante place
vacante M de Louvigny
Commiffaire general de la
Marine au Havre , en a efté
pourvû, avec un applaudiffes
310 MERCURE

ment general de tous ceux *
qui le connoiffent ,
ainſi
que
de tous ceux qui fans le con.
noiftre , font informez de la
maniere dont il fert , & dont
Il fait fervir le Roy, Feu M ' de
Seignelay qui connoiffoit fon
merite , luy avoit fait obtenir
le poſte qu'il occupoir au Havre
; lors que ce Miniſtre fuc
mort , & que M de Pontchar,
train , aujourd'huy Chancelier
de France , cut pris la place ,
M de Louvigny croyant qu'il
pourroit eftre revoqué parce
qu'il n'eftoit point connu de
de ce nouveau Miniftre , &
GALANT 311
2
qu'il pourroit faire donner
fon pofte à un autre , alla luy
même luy en faire l'offre. M
de Ponchartrain qui eftoit informe
de fon merite & qui
vouloit que les poftes de la
Marine ne fuffent remplis que
par des gens capables de bien
lervir le Roy , luy dit , que fa
chant fans connoiftrefa perfonne .
dequoy il eftoit capable , il l'auroit ·
envoyé chercher bien loin s'il avoit
efté abfent , pour luy faire avoir
ce pofte , s'il n'en avoit pas efté
pourvu. Sa nomination au dé
partement de Breft ayant faie
vacquer celuy du Havre , on y
312 MERCURE
a nommé Mª de Champigny ,
qui exerce le même employ
en Canada . Comme il ne peut
avoir follicité de fi loin, & qu'
il ne fçait pas même que le
Pofte qu'on luy donne a vacqué
, on peut affurer qu'il eft
donné à fon feul merite , &
non à fes follicitations . Ileft
Fils de Mr de Champigny ,
Maistre des Requeftes .
M' de Varennes , Gouverneur
de Landrecies , eftant
mort , le Roya donné le Gouvernement
de cette Place à
M' de la Citardie , cy- devant
Lieutenant de Roy de Brilack,
&
GALANT. 313
& deux mille livres de pen- .
fion à la veuve de M ' de Varennes
. Cela fait connoiftre qu'il
eft fatisfait de fes fervices , &
qu'il eft glorieux & avantageux
tout enſemble de fervir un fi
grand Prince.
Le mot de l'Enigme du mois.
paffé eftoit le Compas ; ceux
qui l'ont trouvé font Meffieurs
De Vauxbelle de Liege ; Bar
det & fon amy du Pleffis , Chirurgien
de l'Hôpital du Mans ;
Louis Lavoyfin Ecolier de Res
thorique du College de Tours ;
Des Ormeaux , & l'Abbé Po-
May 1701. 1. P. Dd
$ 4 MERCURE
thier de Vendofnie ; Le Chevalier
de Surville & la Marqui
fe; Cazin de fainte Menehoud;
Louvat de Marne ; Simonnet
de Daucourt ; Le jeune Marquis
de S. Julien & le jeune
Comte de Sorel , Le Chevalier,
des Angloux & fa petite four
de l'Hoftel d'Harcourt ; Le
jeune Regeurius d'Argentine ;
Tamirifte , fon épouſe , ſon
fils , fa fille Angelique , &
Marie Conftance le Fevre fille
d'un Commiffaire d'Artillerie
Le Parifien quoique de Troye,
tranſplanté en Lionnois ; Les
GALANT 3153
trois Infeparables du Jeu de
Paume de Rome , le Pere de
Lifette de Chartres ; le Prudent
Mathematicien , Horten .
tius craffus , Les Abbez de S.
Magloire de la Troupe D'arcüeil
; Godard Marchand
Drapier & Mercier du Pontneuf
du Mans , André Godard
fon frere , & Jeanne Bouquet
fon amie de la meſme Ville ,
Le Chevalier de Girafart
L'Amoureux de Tours , conjointement
avec la Terreur
des Lyons du Pont S. Michel
de Paris ; Le tout ay
mable Oratorien , Le Clerq
A
Dd ij
316 MERCURE
;
de M' Chevrel le jeune Procureur
au Parlement; Les trois
Glercs de M' Fers Procureur
de la Cour , Le Sous Lieurenant
du Pont Alais ; Le fidele
Oyfon de Coutance, & la belle
indifpofée ; Les Chevaliers
de la Râpe de Chartres en
Beauce , & les aymables
veuves du vieux marché de
la même Ville ; L'Avocat
ennemy des Coqueftes de
profeffion de l'lfle du Palais;
Le paffionné de la belle brune
de la rue de la Citadelle de
Vitry: Meſdemoiſelles Javote ,
jeune Mufe du coin de la ruë
9
GALANT. 37
8
de Richelieu ; Le Fevre femme
de Mile Fevre Notaire de.
vant 5
la Fontaine la Reyne ,
Anne Elifabeth Cauchy de la
ruë fainte Croix de la Bretonnerie
; Dubeauvelers de la ruë
des : Canettes derriere la Maadelaine
La charmante Demoiſelle
de la Porte , du grand
Monarque , vis- à vis la Fontaine
S. Innocent : La Made.
laine [ douloureuſe de rifle
Noftre. Dame : La Charmante
Angelique de la rue de la
Pelleterie , & le gros Mathurin
G. R. fon voifin ; La belle
Angelique & fa charmante
D d iij
318 MERCURE
foeur la Baronne de ..... ħa
bellesin differente des Armes
d'Angleterre fous les Pilliers
des Halles , & Antoine Telliam
Les deux belles voifines
blonde & brune de la rue des
Tournelles L'amoureufe &
fiere depofitaire des fecrets
d'Euclide & d'Archimede de
la mefme ruë Les trois belles
foeurs de l'Hôtel deGrammont
ruë faint Germain dé l'Auxer.
rois , deur frere l'Huiffier de la
Chaifne , & le fils exilé de la
maifon de fon pere de la mer.
1
meruë: La Flore del'Arcena!::
L'incomparable Luce Gafchet.
GALANT. 39
de la Martinique : L'aimable
petire femme Madelon de la
grande rue de Chasteauthier.
ry: La methamorphofée brane
de la rue d'Anjou au Ma
rais , GT. avec fon amy de la
Vieuville La grande blonde
dugrandMonarque C.G.T.R.
vis à vis la Fontaine S. Innocent
: La veuve Langlois Lingere
& M' Ganſel ruë neuve
S. Lo , à Rouen Le Bremeninterprete
des Langues étran
geres , & Cathos Dalmas de la
meſme Ville : La petite Dame
voifine du nouvellifte de Beau
vais : La mere enflamée du tre
Dd iiij
320 MERCURE:
for de mon fort : Le Druide ,
& le noble Barbé fon confi .
dent L'aymable maman &
fon cher fils : Frere Jean du
quartier du Palais Royal.
M Maugard le jeune eſt
l'Auteur de la nouvelle Enig.
me que je vous envoye.
der ENIGME.
Ecteur , pourras tu bien devi-
·
- mer man" effence ,

Jeſuis & lecroiroit on) &fans ame
&fanscorps ,
Et c'eft moy qui de tout donne l'in.
telligence ,
GALANT. 321
Ma nature par tout n'agit que
par resorts.
Faydans tous les Palais ma plus
noble feance.
Sansfortir du dedans je m'exerce
au dehors
Aucun Fuge ne peut meforcer an
filence ,
Etfansforcefouvent je dompte les
plus forts.
Aux humains tous les jours je
rends millefervices,
Le Sexe fait de moyfes plus cheres
delices ,
Sans partage je fuis en mille endroits
divers.
sia MERCURE
Vers le bien , vers le mal mon
penchant eft extrême.
Je náquis au moment qu'on crea
"l'Univers.`
Perfonne ne dira qui je fuis que
moy même.
On ne fçauroit avoir trop
d'Eftampes des beaux Ta
bleaux , d'eft le moyen le plus
affuré de les immortalifer ,
auffibien que leur Auteur . Le
Roy a fait autrefois graver les
cinq pieces de l'hiftoire d'Alexandre
, peintes par › M'`\le
Brun , & dont Sa Majesté ales-
Originaux . Ces pieces fondla
GALANT 3239
;
Bataille d'Arbelles , la défaite
de Porus , le paffage du Grani.
que , la Famille de Darius , &
le Triomphe d'Alexandre dans
Babylone . L'empreffement du
Public pour avoir ces Eſtamdes
aefté fi grand , qu'il ne
s'en trouve prefque plus , à cau
fe que les Planches font ufées.
C'eft ce quia obligé M'Picard
le Romain, Graveur du Roy,
d'en faire de nouvelles. Elles .
font environ de deux pieds &
demi furun pied de haut. Cet
te grandeur doit faire plaifir,
puis qu'elle convient à plu .
Lieurs ufages. Ces Eftampes fe
324 MERCURE
e
བྱས
vendent dans la rue Saint Jac
ques , vis à vis des Mathurin's ,
à l'Enfeigne du Bulte de Monfeigneur
le Dauphin.
a
M' Caffini a montré au Roy
fon premier
Meridien , qu'il
fait paffer par Paris , Amiens ,
au Nort , par la
montagne de
Canigon
dans les Pirennées
par Tortofe
à la tefte de l'Elbre
au midy , pour regler les
pofitions
dans les Cartes , &
les rendre plus
regulieres. Les
grandes
occupations
que la
fituation des affaires
prefentes
donnent au Roy , ne
l'empéchent
point de
trouver du
GALANT.
325:
temps pour tout ce qu'll croit
meriter fon attention .
MrZombro
, Italien , qui a
demeuré à Montpellier
, & qui
eft prefentement à Paris , a
trouvé le fecret de donner
des deſcriptions exactes de
toutes les parties du Corps
humain fur de la cire , de ma
niere qu'on pourra à l'avenir
faire des leçons d'Anatomie
toute l'année , fans craindre
la puanteur & l'infection des
Sujets . M'Fagon qui ne refufe
jamais fon approbation
à tou.
te ce qui le merite , a fort approuvé
ce fecret , & le Roy
qui dans aucun temps ne ne
326 MERCURE
glige rien de tout ce qui peut
eftre utile à fes Sujets , retient
cet Italien en France.
*

M' Cochat de Saint Valier
Confeiller au Parlement, dont
je vous parlay dans ma Lettre
du mois d'Octobre dernier , à
l'occafion de la mort de Magi
dame fa mere a obtenu
l'agrement de la Charge de
Prefident aux Requeftes du
Palais de feu Mle Prefident
Brunet fon parent. Ce digne
Magiftrat merite d'eftre extremement
regretté par les
grandes qualitez qu'il avoit
le public à tout fujet d'efperer
que celuy qui luyfuccederem
GALANT. 327:
plira dignement fa Charge.
Les perfonnes de confidera
tion qui font mortes depuis
un mois ou environ , font ,
Madame la Marquile du Bordage
qui mourut en Bretagne
dans fon Chafteau de la Mouf
faye le 17. du mois de May.i
Elle s'apelloit Elizabeth .
Gouyon , c'est la mefme Maifon
que celle de Matignon.
Elle étoit veuve de Meffire
René de Montbourcher
Marquis du Bordage , & avoir
toûjours vécu dans la Religion
des Proteftans où elle eftoit
née. Tous les foins qu'on a
28 MERCURE
voir pris de l'inftruire n'avoient
pû luy donner aucune
envie de fe convertir ; mais
enfin la grace à triomphé de
fa refiftance . Elle fe convertit
fix femaines avant la mort.
Elle fit fon abjuration ſolemnelle
de la maniere du monde
la plus édifiante. Son exemple
à édifié les nouveaux Conver;
tis ainfi que ceux qui font nez
dans la veritable Eglife . Elle
a demandé tous les Sacremens .
& les a reçeus avec une pieté
exemplaire. Elle eftoit fille de
Meffire Amaury Gouyon
Marquis de la Mouflays , &
GALANT:
329
de Dame Henriete Catherine
de la Tour
d'Auvergne , foeur
de feu m' le Duc de
Bouillon,
de m' le marefchal de Turenne
, de feuë Madame de la Tri.
mouille de feu madame de
Duras & de feue Madame la
Comteffe de Roucy , mere de
M le Comte de Roye . madame
la
marquife du Bordage
ne laiffe que deux enfans , M²
le Marquis du Bordage Maistre
de Camp d'un
Regiment de
Cavalerie , & Madame la matquife
de Coigny. 192
Charlotte Victoire d'Albert
Luyne , Princeffe de Bournon,
Ec
May 1701. I. P.
330 MERCURE
.
ville , morte âgée de trente :
Thuit ans . Elle avoit époulé
Alexandre Albert François
-Barthelemi , Prince de Bournonville
, Comte de Hennin ' ,
dont le pere eftoit Viceroy
de Catalogne , & laiffe deux
filles & un garçon . Elle eſtoir
fille de feu m ' le Duc deLuynes,
& petite fille du Conneftable
' de ce mefme nom.
Dame Sufanne Godefroy ,
euve de Meffire Jean Bapti.
fe Vallot Marquis de Neuville
, Seigneur d'Andeüille ,
Capitaine du Vol des Chaffes
du Roy , & cy- devant CapiCALANT.
331
taine au Regiment des Gardes
,
Les cris des pauvres viennent
de m'aprendre une mort
qu'il eft à propos de publier ,
parce que les bons exemples
produisent quelquefois de
bons effets . Cette mort eſt
-celle de Dame Catherine An.
gran veuve de Melfire Jacques
Barthelemy Seigneur, de Belify
Confeiller au Grand Confeit.
Elle employoit tout fon
revenu en Aumofnes à retirer
des filles abandonnées , à reta
>blir des Eglifes, & à faire faire
des Miſſions dont elle faifoit
Ee ij
332 MERCURE
toute la dépense . Elle eſt
morte fur la Paroiffe de Saint
Louis où elle en avoit fait
faire trois , & dans le temps
mefme que la Miffion eftoit
chez elle. Cette Dame , veri
tablement mere des pauvres ,
avoit foixante & dix huit ans ,
& foixante années de veuva➡
ge qu'elle a employées jufqu'au
dernier moment de fa
vie dans l'exercice des charitez
dont je viens de vous parler.
Heureux qui a merité du
Ciel une aufli grande grace.
C'eſt à un bonheur de cette
nature que l'on doit porter envie.
GALANT: 333
Meffire Anne Hilarion de
Coftentin Comte de Tour
ville , Vice- Amiral & Maref
chal de France , eft mort âgé
de cinquante neuf ans . Je vous
ay entretenaë fi fouvent de
Les actions , que fi je voulois
vous en parler je ne pourrois
que répeter ce que vous avez
lû dans plufieurs de mes Let
tres. Il avoit épousé la veuve
de feu M' le Marquis de la
Popeliniaire neveu de feuë:
Madame Colbert. Elle eft fille
de feu M' Logeois , & de leur
mariage font fortis un fils &
une fille. Le Roy a donné
334 MERCURE
NA
a
quatre mille livres de pen
fion au fils , & deux mille li
vres à la fille.
·
Dame Marie Catherine de
la Tivoliere de Virville, épou
fe de Meffire Camille de Ho.
ftung Comte de Tallard ,
Chevalier des Ordres du Roy,
* Lieutenant General des Armées
de Sa Majesté , & de la
Province de Daufiné , Gou
verneur du pays de Foix , &
cy- devant Ambaffadeur ordinaire
& extraordinaire en Angleterre.
Elle eftoit âgéede 48.
ans , & laiffe deux garçons &
une fille. C'eſtoit une femine
GALANT. 3355
d'un grand merite , & d'une
grande vercu Comme madame
de la
Tivoliere , fa Mere ,
• avoit épousé en fecondes Noces
Male Comte de Virville ,
Gouverneur de
Montelimar ,
elle eftoit Soeur uterine de M
le marquis de Virville . 15
Le fecond jour de ce mois
mourut une Fille illuftre , dont
la memoire ne mourra jamais .
Elle eftoit connuë de tout le
monde fous le nom de la ſe--
conde Sapho , fort égale à la
premiere pour la beauté de
l'efprit , mais en même temps
fort duperieure pour la pureté
1935 MERCURE
3
des moeurs. Vous voyez bien
que je parle de Mademoiſelle
de Scuderi , fi celebre & fi efti.
mée dans toute l'Europe. Elle
eftoit âgée de quatre - vings.
quinze ans , & dans un âge fi
avancé elle répondoit encore
avec beaucoup de feu en Vers
& en Profe , à tous ceux qui
entretenoient commerce avec
elle. Son merite luy avoit ac.
quis quantité d'Amis , & le
-Roy Favoit honorée d'une
penfion. Ses Livres, qu'on a lûs
savec tant d'empreffement , &
qui ont efté traduits en diver
fes Langues Langues , doivent

eftre
GALANT . 337
eftre regardez bien moins
comme des Romans , que
comme des Poëmes Epiques
en Profe , s'il eft permis de
parler ainfi. Ce font des Hiftoires
veritables fous des
noms cachez , & fi l'on examine
l'Artamene ou le Grand
Cyrus. On y trouvera toute la
vie de feu Monfieur le Prince,
Il y a de mefme une Clef dans
le grand Ouvrage qui a pour
Titre, Clelie. Il renferme quantité
de traits qui ont rapport à
tout ce qu'il y avoit alors d'illuftre
& de diftingué en France
dans l'un & dans l'autre
.
May 1701, I. P.
Ff
338 MERCURE
que
fexe . Rien n'eft plus utile pour
bien apprendre le monde
les converfations dont cer
Ouvrage eft rempli . Loin d'avoir
rien qui corompe , non
plus que le Grand Cyrus , ce
qui eft imputé aux Romans ,
tout y eft conforme aux bonnes
moeurs , & la vertu y brille
dans un fi haut point , qu'on
l'y trouve comme impraticable
, tant elle y paroift rigide.
Si ceux qui ont lû ces beaux
Ouvrages les ont regardez du
bon cofté , ils doivent en
avoir tiré beaucoup de profit,
Ils ont paru fous le nom de
GALANT. 339
M' de Scuderi fon frere , mort
Gouverneur de Noftre- Dame
de la Garde ; proche de Marfeille
, qui a donné au public
feize pieces de Theatre , entre
autres l'Amour tyranique , fi
vantée par feu M' Sarrafin ;
mais le ftile de l'Almahide, qui
eft veritablement de luy ; cft
fi different du ftile aifé de Cirus
& de Clelie, qu'il eft facile
de connoiftre que ces trois
Ouvrages n'ont pû partir de
la mefme plume . Mademoi
felle de Scudery en a fait encore
plufieurs autres , comme
des Entretiens fur differentes
Ff ij
340 MERCURE
F
matieres , & la Promenade de
Verfailles , & tous ont efté
tres- approuvez . Elle eftoit
conftante & fidelle Amie ,
mefme au préjudice de fes interefts
; & quoy qu'elle euft
tout l'efprit qu'on peut avoir
cet avantage eftoit égalé par
la bonté de fon coeur , & par
la droiture de les fentimens.
On l'avoit mife de toutes les
Academies où les femmes font
receues , & tous ceux qui ont
un peu de nom dans le mon .
de fe faifoient une gloire d'en
eftre connus. Elle eftoit d'une
Maifon noble & ancienne.
GALANT: 34
Le Roy ayant apris la mort
de M' le Comte de Tourville
, Sa Majesté nomma M'
le Chevalier de Chafteau Renaud
pour remplir fa place
d'Amiral du Levant . Ce Che.
valier s'eft rendu fameux par
un grand nombre d'actions
éclatantes . Il a beaucoup d'experience
& de feu . H fert avec
beaucoup d'ardeur , & vient
heureuſement à bout de tout
ce qu'il entreprend . La valeur,
& les fervices de Mr de Coetlogon
l'ont fait monter à la
place de Lieutenant General
des Armées Navales qu'avoit
Ff. iij
342 MERCURE
.
Mile Chevalier de Chafteau-
Renaud.
Vous attendez fans doute
que je vous parle des Memoires
pour l'Histoire des Sciences
, & des beaux Arts qui
s'impriment à Trevoux ; mais
il me refte trop peu de place
pour tout ce que j'ay à vous
dire de ce nouvel établiffement
, qui fait beaucoup
d'honneur au grand Prince
qui l'a fouhaité , à celuy qui
en a facilité l'execution fous
fes ordres , & à la ſocieté de
Sçavans qui compofent ces
Memoires . Je m'étendray plus
GALANT. 343
au long le mois prochain fur
cet Article , & je ne laifferay
rien à fouhaiter à voftre curio
fité.
Jamais on n'a attendu de
Nouvelles avec plus d'impatience
, qu'on attend celles des
Armées d'Italie , où l'on peut
dire que la Guerre n'a point
encore commencé , quoy qu'-
elle foit en quelque façon ou
verte , puis que chaque Parti
fe faifit des poftes qu'il croit
les plus avantageux , l'un pour
penetrer en Italie, l'autre pour
en défendre l'entrée. Toute
l'Europe eft dans une extrême
Ffiiij.
344 MERCURE
impatience de fçavoir ce qui
fe paffe de ce cofté - là ; & l'empreffement
qu'on a fait paroi .
ftre eft d'autant plus grand ,
qu'on s'étonne que l'Empereur
entreprenne guerre qu'il
n'eft pas en pouvoir de foutenir
fans le fecours de l'Empire ,
dont il ne doit efperer ny argent
ny hommes , cette guerre.
ne le regardant en aucune forte.
D'ailleurs ce Prince n'a au
cune Place de retraite en Italie
, ny même aucuns мagazins
. Ses forces font inferieures
à celles des trois Puiffances
qui empêchent ſon paffa
GALANT. 345
ge , & qui en auroient de plus
grandes , fi elles jugeoient
qu'ilfuft neceflaire de les oppofer.
De quelque nombre
que l'Empereur puiffe aug .
menter les fiennes , ces trois-
Puiffances en pourront toujours
avoir davantage à proportion
, fila France veut bien
en fournir ; en forte qu'il fera
toujours impoffible à l'Empe
reur d'en avoir autant . Cependant
il eft affuré qu'il ne peut
avoir le moindre fuccés , s'il
n'a plus de Troupes que les
Souverains qu'il veut attaquer.
Il faut qu'il force des paffages,
346 MERCURE
& ces paffages coutent bien
plus à forcer qu'à les défendre.
Quand il les aura forcz,
il faut qu'il s'étende dans le
pays , qu'il s'empare de plufieurs
poftes , qui luy feront
difputez , & qui couteront à
prendre pour y établir des ma .
gazins . Il faudra enfuite , fuppolé
qu'il réuffiffe , qu'il s'affoi
bliffe luy même , pour mettre
du monde dans ces Places ; &
quand tout cela fera executé ,
il ne fera guere plus avancé ,
& fe trouvera beaucoup plus
foible ; mais tout cela n'eft.
encore rien . Eftant venu pour
GALANT. 347
s'emparer du Milanez , il fau
dra qu'il agiffe , & qu'il faffe
des Sieges , il ne trouvera que
des Places bien fortifiées , &
bien munies , & toujours prê
tes à eftre fecouruês par de
grandes Armées , maiſtreſſes
de la campagne . Il faudra , &
cela eft abfolument impoffi
ble ,qu'il ait deux fois autant de
forces qu'en auront les François,
les Efpagnols , & le Duc
de Savoye enſemble , afin que
pendant qu'il fera des Sieges
avec une partie de fes Troupes,
il oppoſe aux Eſpagnols , & à
leurs Alliez , pour empêcher
348 MERCURE
le fecours des Armées auffi
fortes que celles que ces trois
Puiffances auront en campapagne.
Joignez à cela celles
dont ce Prince aura befoin
pour les Sieges qu'il pretend
faire. Comme il ne fçauroit à
beaucoup pres avoir affez de
forces pour agir en tant d'endroits
, on ne doit point eftre
furpris de l'étonnement où
paroift toute l'Europe de fon
entrepriſe fur le Milanez . I
faudra qu'il en faffe la conque
fte Place à Place devant des
Armées plus fortes que les
fiennes , & qui diminueront
GALANT 349
dix fois moins que celles qui
feront des Sieges , eftant expofées
à moins de perils , &
obligées à moins de dépenſe.
Ainfi c'est un fait conftant que
les revenus de l'Empereur
eftant tres mediocres , il ne
peut entreprendre la moindre
guerre fans le fecours de l'Empire.
Quoy que ces faits foient
conftans , il fe trouve nean.
moins des gens qui font voir
que la politique de l'Empe .
reur eft affez bonne en cette
rencontre, & que fes vûës peuvent
réuffir.. Ils demeent
to MERCURE
d'accord qu'il ne peut avec les
forces feules faire la guerre aux
trois Puiffances qui s'opposent
à fes deffeins fur le Milanez ;
mais ils difent que s'il peut
feulement jetter une Armée
en Italie cette année, les troupes
ne luy couteront plus rien
à l'avenir , & qu'il ſçaura obliger
de force ou de gré les Princes
d'Italie à les entretenir ;
qu'ils fçavent ce qu'il leur en a
couté pendant la derniere
guerre ; qu'ayant beaucoup
plus de troupes chez eux qu'il
n'en avoit alors , il ne luy fera
pas difficile de forcer ces PrinGALANT.
351
ces à faire davantage qu'ils
n'ont fait en ce temps- là , &
que s'ils le refulent , il fçaura
faire valoir les pretentions
qu'il a fur leurs Etats , & qu'enfin
aprés les avoir obligez à
defrayer fes Troupes , il viendra
à bout de les contraindre
à joindre les leurs aux fiennes;
qu'aprés cela il pourra oppofer
à l'Espagne & à fes Alliez
des Troupes affez nombreu .
Les pour faire une forte diver..
fion , & engager ces Puiffances
à faire de tres groffes dépenfes
, pendant que non feulement
fes Troupes ne luy
352 MERCURE
couteront rien ; mais mefme,
qu'elles tireront de grands
avantages des Princes d'Italie
chez qui elles feront , & où
elles viveront à difcretion ,
parce qu'elles y feront les plus
- fortes , ce qui les retablira , &
les maintiendra toûjours bel.
les & nombreuſes .
C'eft aux Princes d'Italie à
faire voir que ces raiſonnemens
font mal fondez . Voyons
cependant dans quelle fitua:
tion les affaires de la guerre
s'y trouvent prefentement.
L'Empereur n'a pas encore
plus de vingt - deux mille
GALANT 33
hommes en Italie . Mle
Prince Eugene qui les com
mande a fait dire au Provedi - `
teur General Molino qui commande
un corps à Peſcantina ,
lieu fitué au delà & fur le bord
de l'Adige , entre Verone , &
la Chiufa , qu'il vouloit aller
forcer les Troupes qui font
poftées fur les hauteurs entre
l'Adige & le Lac de Garda
qui donne le nom au Lac ;
mais le Provediteur luy a fi
bien fait connoiftre l'impoffi
bilité de reüffir dans cette entrepriſe
qu'il paroift que ce
May 1701 I.P. Gg
34 MERCURE
Prince s'en eft defifté . Il a
fait retirer les Troupes qui
eftoient dans les poftes qu'il
occupoit de ce cofté là , & tour
ce qui eftoit dans les Magaſins
qu'il avoit du même coſté ,
de forte que les Allemans ont
paru tourner du coſté de Vicenze
, & il femble qu'ils ayent
deffein de paffer par le Frioul.
C'est un chemin fi long , fi
difficile , & même tellement
impraticable qu'il n'y a nulle
apparence que cette entrepri
fe puiffe réüffir . Ils font diverles
marches , & . contremar
ches pour nous embaraffer ,
GALANT. 355
& pour nous obliger à feparer
nos Troupes en beaucoup
d'endroits , afin d'en trouver
moins dans les lieux où ils
tenteront de paffer. Ils pu
blient divers projets touchant
leur paffage , & les publient
fans doute pour nous donner
le change , mais l'on le précautione
contre tout & même
contre les projets qui paroiffent
ne pouvoir eftre execu
tez cependant le temps s'écoule
, & s'ils ne paffent avant
les grandes chaleurs qui regnent
ordinairement en Italie
dans la faifon dont nous
Gg ij
356 MERCURE
approchons , & pendant la
quelle on n'y peut agir , il y a
peu d'apparence qu'ils puiffent
tenter aucun paffage plus tard ,.
parce que la recolte le trouve
roit faite , & qu'ils ne trouve.
roient point dequoy ſubſiſter.
Ainfi la plus commune opinion
eft qu'ils ne penetreront
point en Italie cette année ;
mais quand ils forceroient
quelque paffage , ils ne fau
droit point s'en étonner , puifqu'il
n'y auroit rien que d'ordi
naire à cela . On devroit même
s'y attendre en quelque façon,
parce qu'il y a peu de paffages
GALANT.
317
que l'on ne penetre , les Armées
de ceux qui forcent font toutes
d'un cofté, & ne forment qu'un
feul corps. Elles choififfent.
l'heure & le moment , & ceux
qui font forcez ont fouvent
leurs Troupes feparées en dix
ou douze poftes pour les garder
,& ne peuvent eſtre jour &
nuit fous lesarmes , ne fçachant
point l'heure qu'ils pourront
eftre attaquez , comme les
autres qui fçavent le moment
où ils doivent attaquer
, de
forte que quand ceux qui ont
entrepris de forcer un paffage
ne peuvent en venir à bout ,
358 MERCURE
pendant que leurs Ennemis en
ont díx ou douze à garder &
une grande étenduë de pays ,
il faut qu'ils fçachent peu leurs
meftier , & que ceux qui les
defendent , ayant toute la tefte
& tout le coeur qu'on peut
fouhaiter aux plus grands Capitaines
, & aux plus braves
Soldats , mais quand les Allemans
auroient le bonheur
d'entrer en Italie , leurs affaires
n'en iroient pas mieux , &
ils feroient peut- eftre obligez
de s'en retourner , puifque
loin d'avoir une double Ar
mée pour couvrir, les, Sieges
GALANT: 359
des Places fortes qu'ils voudroient
attaquer , ils n'en auroient
pas fuffisamment pour
faire ces Sieges , & pour garder
les Places où ils établiroient
leurs Magafins . Joignez à cela
que le Roy envoye encore
cinq mille hommes de milice"
en Italie , & que ces Troupes
ferviront à remplacer de vieux
Corps qui fortiront des Places
pour aller en campagne.
On auroit pû enlever les Allemans
dans le Trentin , pen .
dant qu'il n'y en avoit que
quatorze ou quinze mille
mais le Roy qui ne veut point
2
360 MERCURE
commencer la guerre , & qui
n'agit qne pour conferver la
Paix de Rifwick , n'a point
voulu confentir à ce deffein .
Vous continuezà me demander
fi nous aurons la guerre de
la Hollande , & vous croyez que
le fecours que le Parlement
d'Angleterre a accordé aux
Hollandois en est un fujet
prochain cependant files
Anglois obfervent exactement
le traité en vertu duquel
promettent ce fecours , ces
Troupes ne ferviront point à
allumer la guerre , puifque
felon ce Traité elles ne doiils
-
vent
GALANT. 361
vent agir qu'encas que le Roy
ait attaqué les Hollandois , &
que Sa Majefté n'a aucun deſfein
de rompre la paix , quoy
qu'Elle euft déja pû le faire,
avec justice puifqu'on luy a
comme déclaré la guerre en
levant des Troupes pour ap
puyer des propofitions , qui
loin d'etre recevables n'ont
efté trouvées juftes dans au
cune Cour de l'Europe , &
qui n'ont pas feulement efté
defaprouvées par les Amis de
ceux au nom defquels elles
font venuës , mais mefme par
la plus grande partie de coux
May 1701. I. P. Hh
362 MERCURE
au nom de qui elles ont efte
faites.
Les Conferences qui avoient
commencé à la Haye font
fufpendues depuis le 12 du
mois paffe. Il eftoit difficile
qu'elles continuaffent , parce
queles Hollandoisne peuvent
Le déterminer fur le party
qu'ils doivent prendre , avant
que de fçavoir au vray tous
les fecours qu'ils pourront ti
rer de l'Angleterre. Ils ont
commencé par demander le
fecours promis en 1677. mais
ce fecours ne leur füffic ny
pour entreprendre la guerre
GALANT.
ny pour la pourſuivre avantageulement
, fans quoy il leur
eft inutile de la faire pour de
meurer fur la défenfive. Une
guerte qui n'apporte aucun
profit , pendant laquelle on
ne fait point de Conqueftes
eft bien plus préjudiciable
à
ceux qui ne fubfiftent que par
le commerce qu'aux autres
Souverains , parce qu'il eft
impoffible que leur commer
ce ne fouffre , & que leurs ree !
venus ne diminuent pendant
que d'un autre cofté la guerre,
les épuife. Ainfi il ne doi
vent point l'entreprendre
Hh ij
364 MERCUR
E

pour faire feulement la guer
re , & il ne la peuvent faire
fans fe perdre entierement ,
s'ils ne font en eftat de faire.
de grandes Conquestes , & de
forcer la France & l'Espagne
à leur accorder ce que ces
Couronnes leur refufent,
Comme il eft abfolument im
poffible que cela puiffe arri
ver , la France & l'Espagne
s'eftant mises en eftat , non
feulement de repouffer ceux
qui les attaqueront , mais auffi
de leur emporter leurs meil.
Icures Places , les Hollandois
ſe trouvent dans une conſters
GALANT. 5,8
nation & dans un embarras .
re;
dont ils ne fçavent par quelle
porte fortir , & ils font bien .
heureux de ce que le Roy ne
veut pas commencer la guer
ils ont armé les premiers ;
ils ont déclaré qu'ils la vouloient
ils ont demandé des
fecours comme s'ils eftoient
attaquez . Ces fecours leur ont
efté accordez quay qu'on ne
·les attaque pas. Ainfi , quand
le Ray deur déclareroit la
guerre ce ne feroit point la
commencer mais aller au
devant de ceux qui s'affem
blent à deffein de le comba.
Hhiij
366 MERCURE
tre Cependant le Roy qui
fe poffede , & dont la moderation
va au delà de tout ce
que l'on peut s'imaginer , ne
fe fert point de tous les juftes
fujets qu'on luy donne de fon
gerà de nouvelles conquestes,
& attend tranquillement
qu'on ait achevé detout ren
ter pour luy fufciter des ennemis
, afin de faire connoî
tre , par ce qu'il fera alors , ce
qu'il auroit pû faire , s'il n'a .
voit pas attendu que ceux qui
Le veulent attaquer euffent
toutes leurs forces en eftat d'agirdly
Açait qu'ils veulent
judi!
. و
GALANT. 957
émouvoir l'Angleterre pour
Pengager à leur donner de
plus forts fecours , ou pluftoft
pour l'obliger à fe déclarer
entierement , & à les affißer
de toutes les forces . Il n'ignore
rien de tout cela , & con
noift tous les refforts que l'on
faic mouvoir pour intimider
le Parlement d'Angleterre &
le porter à fortir de la fageffe,
& de la prudence qu'il a fair
paroiftre depuis trois à quatre
mois . Quand toutes ces
intrigues feront finies , on
Fattaquera fi on oſe , il ſçauva
bien répondre ; mais quand
*
Hh in
368 MERCURE
l'Angleterre donneroit de
plus puiffans fecours que ceux
qui font ftipulez par le Traité
de 1677. les forces que, la Fran .
ce auroit à combatre feroient
bien inferieures à celles que
fes ennemis avoient avant la
Baix de Rilvick Ainfi il pa
roift hors de doute qu'il les
batteroit encore plus facilement
que pendant la derniere
guerre.
En fermant ma Lettre j'ap .
prends la mort de Son Alteffe
Royale Monfieur le Duc
d'Orleans Fils de France,, &
Frere unique du Roi arrive
GALANT. 349
"
a faint Cloud aujourd'huy
neuvième de Juin , fur le midy.
Il y a déja quelque temps que
la fanté de ce Prince paroif.
foir alterée , on s'apercevoit
mefme depuis huit jours
qu'elle diminuoit beaucoup ,
& le Roy luy avoit confeillé
de faire quelques remedes ,.
aufquels ce Prince fe prepa
roit. On affure qu'il devoit
le faire feigner au premier
jour , fuivant le confeil de Sa
Majefté qui l'en avoir fort
preffe la veille de fon deceds.
Il fe trouva mal ce jour là fur
la fin de fon fouper. Le mal
370 MERCURE
commença par une espece de
begayement. Si toft que l'on
s'en fut apperçû on le mivfur
un lit de repos , & on fe fervit
pour le faire revenir , de tous
des remedes dont on fe fert
ordinairement
lorsqu'on eft
attaqué d'Apoplexie , & de
Patalifre. On le faigna , on
Iny fit prendre de l'Emerique,
de l'or potable & des goutes
d'Angleterre
qu'il rejetta aurant
de fois qu'il en prit. Il
reconnut fon Confeffeur qui
Jay parla affez de temps. Ce
Prince luy ferra la main , ne
pouvant parler , & il en receut
CALANT. 378
l'Abfolution. On luy donna
PExtreme Onction . Pendant
ace temps là on envoya M ' le
Comte de Saint Pierre à Marly
pour averrir le Roy de l'état
où le trouvoit Son Alteffe
Royale. Sa Majesté en partit à
deux heures aprés minuir avec
Madamela Ducheffe de Bourgogne
, & Monseigneur &
Monfeigneur le Duc de Bourgogne
partirene enfemble.
A leur arrivé à Saint Cloud
is trouverent Monfieur fans
connoiffance , & aprirent que
tous les remedes qu'il avoit
pris n'avoient fait aucun ef
372 MERCURE
fer. Il fut faigné du pied &
une feconde fois du bras en
prefence du Roy . Sur les neuf
heures du matin M' Fagon
ayant affuré le Roy que l'atraque
eftoit mortelle , Sa Majesté
retourna à Marly penetrée de
douleur & ne fe coucha
point , pour ne pas derober
parte repos qu'elle auroit
pris , le temps qu'elle avoit
deftiné aux affaires preffantes.
que demande l'application
qu'elle veut bien le donner.
Le manque de temps m'oblige
à remettre au mois prochain
l'Eloge qui eſt dû à Son›
GALANT. 373
Alteffe Royale. Je fuis , Madame
, vofire , & c .
A Paris , ce 9 , Juin 1701.
AVIS.
Le Volume qui fait la feconde
Partie du Mercure de May renferme
la fin du Voyage de Melfeigneurs
les Princes , lequel al
efté de prés de cinq cens lieuës.
On y voit tout ce qui s'eft paffé
à leur reception à Lion , & dans
toute la Bourgogne. Ainfi il n'eft
pas moins rempli que les precedens
, & l'on peut dire qu'aucune
Province en general , & aucune
Ville en particulier , n'ont
*
374 MERCURE
remporté le prix , chacune ayant
également fignalé fon (zele , &>
même au de- la de tout ce que
l'on en devoit attendre , proportionnement
à fes forces , aux
avantages que les fituations des
lieux , la bonté & les richeffes
des Pays donnent auxuns & dont
les autres ne joüiffent pas. Les
Defcriptions des lieux par où les
Princes ont paffé , de tout cet
qu'ils y ont vus & des Feftes qui
leur ont efté données , commen
cent dans le Volume du Mercu→
re dumois de Decembre dernier '
& finir dans celuy de May , &£
comme les Mercures des mois
d'Avril & de May ont deux Volumes
chacun , tout ce que je
viens de marquer fe trouve en
buit Volumes. Ils contiennent
-
S
GALANT 3758
une infinité de chofes curieufes ,
dont ceux qui ont écrit des
Voyages de France n'ont point
parle. Ces Ouvrages doivent
eftre conſervez dans toutes les
familles de ceux qui ont eu part
à la reception de Meffeigneurs
lés Princes. La Pofterité y trou
vera l'eftar ou eftoit la Francei
fous le regne de Louis le Grand','
& la reception faite aux Princes!
fes Petits Fils dans la plus gran
de partie des Villes du Royaumel
fera connoiftre combien il eftoit
aimé . Aucun fiecle , chez aucune
Nation , n'a rien produit de fém
blable , foit pour la fomptuofité
des habits , la quantité d'Ares
de Triomphe , les Illuminations , "
les Feux d'artifice , & la magnificence
des repas . Les Etrangers
376 MERCURE
י ג
doivent juger par le zele & par
la dépenfe de tant de Peuples ,
ce qu'ils feroient pour la glofte
de leur Souverain , & pour le
foûtien de l'Etat dans de preffans
befoins s'il pouvoit y en
avoir de dangereux fous le regne
de ce grand Monarque , dont la
prudence & les lumieres , font
qu'il prend de bonne heure des
précautions , contre tous les événemens
que fes lumieres luy font
prévoir. On remercie le Public
de l'accueil favorable qu'il a fait
à ces huit Volumes , & on l'affure
que felon la fituation des affaires
, on prendra foin qu'ils
foient encore plus curieux à l'avenir.
Comme il n'y aura plus.
qu'un Volume chaque mois , à
moins que quelques grands évéGALANT.
377
nemens n'obligent d'en faire
deux , on donnera le Mercure
de Juin le 6 de Juillets & les
Mercures parofftront enfuite le
premier jour de chaque mois
ainſi qu'il s'eſt toûjours pratiqué .
depuis vingt-cinq ans, mud
;I
with
?
22.
May 1701. 1. P.
Ii
2255222SSESZ522223
TABLE
al sights ne
Prelude
Sonnet, ang pal
·Effet nouveau de la nature.
II
Lettre de Mr de Vertron à Ma.
dame de Saliez 24
Dialogue entre l'Amour & là
Fortune.
Plainte de l'Amour à la Fortune.
34
42
Lettre remplie d'érudition fur les
mots deGironde e d'Acheron:
Fable du Matin , du Midyơ du
Soir 58
TABLE.
Sentimens far la Fablede la Pur
· deur.
55
Décail fort cinconftancié de tout de
conqui s'eftipaffestor's que de Pape a
rfte en Cavalcade prendrepof-
1 feſſion del'Eglife de Sains Jean
vode Latran, a ke
19
Sonnerfair parMr le Cardinal
1. Pamphile.
Madrigal,espas
A106
Traduction d'une Odè Eminefur
L'Ordre de Saint Lazare… 13
Eloges prononce dans le Mona.
ftere des Benedictines deMoret.
Témoignage rendu en faveur des
Preftres de l'Oratoire.
Li ij
TABLE ...
Explication du privilege de là:
147 Fierte de Rouen.
·Dialogue fur les moyens d'éviter
feuremens
les écueils 160
Détail de tout ce qui s'eft paffé conschant
un nouvel établiſſement
fait àCharentonprés Paris. 197
Lettre à Mr l'Archevêque de
MrSens. 201
Plainte de la France au Royd Ef
pagne, Ode du Pere Delmas,
205
Réponse de l'Espagne à la plainte
de laFrance. 211
Article à la gloire de la Pharmacie
touchant la nouvelle Theriaque
faiteà Grenoble
. -2995
217
TABLE.
· Madrigaux 227ˆ
Defcription de l'Empire de l'Opi
panion , ouvrage fors curieux,
fort applaudi $ 210 234
Veritable Harangue faire à Bordeaux
au Roy d'Espagne , par
ཏི །
Mr le premier President de la
3182256
275
272
Trefne
Autre du même faire à Monfei
gneur le Duc de Berry, 264
Premier article de Moris.
Le
Pecheur
converty.
Paroles pour mettre en dir. 275
Vaux pour le beau temps fur to
Loure de l'Opers d Hefione. 277
Plainte fur la mort de quelques
Oiseaux: tot 13 79
TABLE
Lettres d'Alger.
Abbaye donnée à Mr l'abbé de
Saint Aignan, 187
Ce qui s'eft paffé aux Invalides
•xlors que le Roy a efté our ! E
288
$290
glife de cet Hoftel
oyage du Roy à Paris,
Situation des affaires d'Eſpagne.
Mr le Comte d'Eftrées eft nommé
par S M C. Lieutenant Ge-
Mneral des Mers de la Monar
shie d'Espagne , avec dix mille
sécus d'appointemento zob
Madrigal à Mr de Beauvilliers.

*302
Erg de la fanté de Mr le Duc
Harcour
303
TABLE.
3
Confpiration de Hongrie. 1304
Aides de Campde Monfeignenrle
Duc de Bourgogne nommer.
£ ༥ 30z
Departemens
d'Intendant
de Ma.
rine à Breft & au Havre
donneryM309
Penfion & Gouvernement
donnez
par le Roydan
tak los 312-
Article
des Enigmes
.
Eftampes
nouvelles
,panelbean
22
Premier Meridien
de Mrde Gaffini
montré au Roy moith 324
Defcription
exacte de toutes les
parties ducorps humain fur de
la cire
203209
Agrément donnépour une Charge
.
TABLE.
de Prefident aux Requestes 327
Second articlede Morts
327
Mr le Chevalier de Chasteau-
NO Renaud eft nommé Vice- Ami-
~ ral du Levant & Mr de Coës.
logon Lieutenant General des
Armées Navales de France.
341
Memoires pour l'hiftoire desScien
ces & des Arts. 342
Article touchant les affaires d'12-
salie.
m
343
Situation des affaires de la Guer-
2 ret
360
Mortde S. AR Monfieur. 368
Avis.
393
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le