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1701, 04, t. 2 (Gallica)
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Uu


MERCURE
n4Legbl.,£
LDEEDIDE' AAMOUNSPEIGHNEIUNR .
A PARIS, .--
Chez MICHEL BRUNET, Grande Salle
du Palais, au Mercure Galant.
-
- 1-
PAERCVRE
C-~A"(Y
SECONDE PARTIE.
AVRIL 17 01. LA pluye ayant recommencéle
13. Mars,avant
que Messeigneurs les.
Princes partissent pour Marseille,
ainsi que je vous ay déja marque
que ces Princes en estoientpartis,
ils n'allerent point coucher à
Aubagne comme il avoit esté
resolu ; mais au Bausset qui est
on Bourg à deux lieuës de Touon.
Ils en partirent le lendemain
neuf heures du matin, & trouèrent
uné route fâcheuse.Ilsalent
toujours entre des rochers
ffreux quiretressissent si fortles
hemins encertains endroits,qu'il
e se trouvoit souvent que l'espace
¡uJil falloit pour les carosses, &c
n pecipice au bas. Les Princes
montèrent àcheval dans cesendroits
perilleux. Mr. le Maréchal
le Noaillesles avoit preparés à
ses passer à pied, ce qu'ils ausoient
fait si le vent eust esté aussi
violent qu'il l'avoit esté le jour
precedent, parce qu'il s'engoufre
souvent dans ces chemins estroirs,
jusqu'àrenverser les litieres qui
sont les voitures ordinaires de
ce pays-là.Messeigneurs les Princes
, aprèsavoir passé tous ces
chemins dangereux, & conduit
leurs chevaux dans les passages
les plus estroits avec l'adresse
qui leur est ordinaire, remonterent
en carosseunelieuëendeça.
de Toulon, où ils arriverent sur
le midy. Le corps qui estoit à la
droite estoit composé de cent
cinquante hommes,tous jeunes
& bien faits.Ils estoient , en justaucorps
rouget en plumets blancs.
Lecorpsquise trouvaà la gauche,
estoit com posé de dix compagnies
des vaisseaux
,
dont les soldats
aussi bien que les Officiersestoient
habillez de neuf. Les Officiers
avoient un habit uniforme galonné
d'or, sur un drap gris blanc,
ce qui faisoit plaisir à la vue.
Me sseigneurs lesPrinces passerent
entre ces deux corps, & trouverent
Mr. le Comte de Grignan
Lieutenant General, Commandanc
en Provence, Mr. le Marquis
de Chalmafel
,
Commandant
de la Place, Mr. le Lieutenant
de Roy, & le Maire, & les
Consulsen chaperon, accompagnez
du Corps de Ville, & des
principaux habitans
, tous vestus
de noir,qui eurent l'honneur de
les salüer, & de les recevoir hors
dela demy-lune de la porte Royale
,
où l'on avoit dressé de grands
palmiers, au dessus, & au milieu
desquels il y avoit une grande
couronneRoyale formée de fleurs
de différentes couleurs. Il y avoit
de chaque cossé une rangée d'Orangers,
& de citronniers en pleine
terre tous chargés de fruits,qui
formoient une allée jusqu'au
pont levis de la demy-lune, au devant
duquel il y avoit un Arc de
Triomphe de 45. pieds de haut,
revestudemirthe
,
de laurier,
de palmes, & de verdure. Les
Armes de France, & celles de
Messeigneurs les Princes estoient
sur le fronton,& l'on voyoit audessusde
ces armes un grand Soleil
d'or, avec ces mots, tirez de
la devise du Roy. Nec pluribus
impar. Ils estoient en gros caracteres
d'or. Il y avoit à toutes
les faces du dedans, & du dehors
4e cet Arc des tableaux qui representoient
les Vertus morales;
& heroïques.
Le carosse de Messeigneurs les
Princes s'étant arresté dans cette
allée d'orangers& de citronniers,
Mr. Desgranges fit approcher de
la portiere Mr. le Comte de Grignan,
Mr. le Marquis de Chalmasel
, Mrs. les Maire, & ConfuIs,
& Mr. Monier Avocat,
premier Conseiller de Ville, lequel
en qualité d'Assesseur eut
l'honneur de haranguer Mclfei.
gneurs les Princes, en adressant
la parole à Monseigneur le Duc
de Bourgogne. Il les assura au
nom de la Ville,de la joye qu'elle
ressentoit de leur arrivée,ainsi que
du respect profond, & del'obeïssance
qu'elle garderoit toûjours
pour tout ce que leur Souverain
demanderoit d'elle. Messeigneurs
les Princes a yant témoigné d'un
air gracieux qu'ils estoient contens
de cette Harangue,ils continuèrent
leur route. On trouva
la demy-lune de la porte gardée
par une partie de la garnison de
laVille,dont les troupes quiestoient
fort lestes parurent tresbonnes.
On entra ensuite dans
Toulon dont toutes les rues estoient
tapissées
,
& toutes les
fenestres ornées de ta pis, & rempliesde
monde, & particulièrement
de Dames, ce qui faifoic
un tres-agreable spectacle, parce
que toures les maisonsestoient
hautes & bien basties, Se que la
ruë par où l'on entra étoit neuve.
Il y avoir une double haye de
Bourgeois fous les armes avec des
cocardes de ruban bleu & blanc,
des chapeaux bordez d'or, des
plumets blancs, & des habits
fort propres. Ces troupes s'érendoient
jusqu'au logis de Mr. de
Vauvré,Intendantdelà Marine,
qui avoir esté preparé pour recevoir
Messeigneurs les Princes.
Mr. le Marquis de Nemond,&
Mr. de Langeron, Lieutenans
Generaux de la Marine qui commandent
dans le Port de Toulon,
les receurent à l'entrée de cette
maison
,
& les Capitaines de
Vaisseaux se trouvèrent à droite
&à gauche tout le long de l'escalier.
Comme il y avoit eu ordre
de ne point tirer de canon que les
équipages ne fussent entrez ,
de
peur que le bruit n'effarouchât
les chevaux, les salves ne commencerent
que quelque temps
après que les Princes furent entrez
dans leurs appartemens. La
Ville fit trois saluts de cent coups
de canon chacun. Ilsfurent suivis
des décharges de deux cens boëttes,
de trois décharges del'artillerie
des Tours, & Forts qui desfendentlaRade,
de trois décharges
des six vaisseaux qui estoient
mouillez,&enfin dequatre salves
que le vaisseau le Prudent,qui
estoit armé dans le Port, fitconsecutivement.
Messeigneurs les Princes dinerent
en public dans une grande
antichambre, autour de laquelle
regnoient une balustrade,& des
amphiteatres,afin qu'on lespust
voir plusaisément, sans les incommoder.
La pluspart des Seigneurs
allerent ce jour-là di-soer
chez Mr. l'Evesque de Toulon,
qui leur fit une très- grande chere.
Sur les deux heures Sodomie,
Messeigneurs les Princesestant
fortis de table allerent à l'Arcenal.
Lorsqu'ilsyentrerent,le Prudent
fit une déchargé de toute
son artillerie
,
& pendant qu'ils
y demeurerent, il en ne trois qui
furent suivies de trois saluts
de deux cens boëttes. Chaque
Vaisseau qui estoit à la rade, &
les Forts firent aussi troisdécharges
, & le Prudent en fie une
cinquiémelorsqu'ils en sorcirent :
enfo'te que l'on compte, tant de
la Ville, que des Forts tk. des
Vaisseaux,troismille trois cens
coups de canon, & huit cens
boëttes tirées en mesme teiiips.
Messeigneursles Princes virent
lancer à l'eau leVaisseau nommé
le Parfait, monté de soixante 6c
douze canons. Ilsfe placèrent sur
unéchassaut qui leur avoit esté
préparé, & qui estoit couvert de
fort beaux tapis. Rien n'est si curieux
,
de si surprenant;puisque
d'abord qu'on a osté six étayes
qui sont au devant du Vaisseau
neuf, &qui arrestent la machine , elle va avec un bruit impetueux
prendre sa place dans l'eau, où
l'on croit qu'elle va estre engloutie,&
s'y tientcommesi elle y avoit
esté bastie.
On ne peutsans beaucoup d'étonnement
voir en un quart
d'heure de temps une masse si
grande & si lourde partir comme
d'elle-mesme avec une rapidité
incroyable, & se mettre en mer
si facilement. Mr. de Vauvré qui
estoit auprès des Princes, & qui
ne les quitta point, leur fit remarquer
beaucoup dechoses curieuses,
& répondit à toutes les
questions qu'ils luy firent. Les
Princes furent si charmez
J
& si
surprisde ce qu'ils virent en cette
occasion,qu'ilsen parlerentlongtemps.
Ils voulurent aussi voir
comment on fait les mastsde Navire,
& l'on en demonta, & remonta
un en leur presence
,
afin
qu'ils jugeassent mieux de sa construction,
& de sa force. Ce mast
aussi gros seul que deux tres-gros
hommes peuvent l'estre ensemble,
estoit pour un Vaisseau de
soixante canons. L'assemblagefut
de quatre pieces taillées de ma.
niere qu'elles s'emboitoient fort
aisément l'une dans l'autre,ainsi
tout cela se fit en demy-heure de
tems tout au plus. On vit mettre
les cercles de fer à ce mast; mais
non pas les cordages qui l'entourent
,ceque les Princes virent à
un autre qu'on n'avoit point démonté.
Ils allèrent ensuite àla corderie
quiest un lieu surprenant pour sa
longueur. Elle est toute voûtée
& , a trois arcades de front, & à
perte de veuë. Ils virent faire un
cable de vingt & un pouces de
tour, & montèrent à l'étage de
dessus, où une infinité d'ouvriers
preparoienc des filaces,& le chanvre.
De là
,
ils allèrent dans les
écoles des Gardes marines qui
estoient tous occupez à travailler
les unsaux Mathématiques, d'autres
au dessein, & d'autres à voltiger,
& generalement à tous les
Arts qui peuvent convenir à ceux
qui font profession de porter l'épée.
Deux de ceux qui faisoient
des armes, après avoir poussé à
la muraille ou sur le plastron contre
leur maistre pour divertir
Messeigneurs les Princes, firent
ensemble un assaut qui leur plut
beaucoup. Après avoir esté dans
la falc des armes, qui est un
grand magazin où se font les
mousquets, fusils, pistolets, hallebardes
,
picques, & autres armes
necessaires à l'armement des
Vaisseaux, ôc dans la sainte Barbe
qui est un autre magazin destiné
pour tous les ustencilles des canonnièrs,
ils allèrent voirl'artillerie
rie donr ils admirerent le bon ordre,
& en parlèrent d'une maniere
fort avancageuse à Mr. de
Bezons, &: à ceux que ces choses
regardoient. Ils virent aussi les
lieux où l'on fait la menuiserie,
ceux où l'on forge, &la tonnellerie
, où dans un lieu tres-vaste
on leur montra un nombre infini
de futaillespourembarquer lesvivres
, &les boissons.Ilsentrerent
dans un autrelieu qui est à costé
où l'on travaille à leur constru-,
ction.Les maillets font un si grand
bruit qu'il est impossible qu'on s'y
entende parler. Tout ce que ces
Princes virent dans tous les ^en-• droits où ils allèrent, les surprit
également, &. leur causa par tout
de nouveaux sujets d'admiration.
Ils s'en retournerent dans leurs
appartemens sans paroistre fatiguez
,
quoi qu'ils eussent pasle
toute l'apresdinée sans s'asseoir )
& presque toûjours dans l'action,
puisqu'ils allèrent continuellement
d'un endroit en un autre.
Sitost qu'ils furent rentrez, Mrs.
les Maire, & Consuls, conduits
par Mr. Desgranges,leuroffrirent
le present de Ville, consistant en
vin rouge, en vin muscat, & de
St. Laurens, en confitures, & en
flambeaux de cire blanche. Ces
Princes jouèrent le reste de la
soirée.
Il y eut le soir de tres-belles
illuminations par toute la Ville.
Celle que Mr. de Langeron Chef
d'Escadre avoit fait faire devant
son logis,fut la plus brillante.
Mr. de Vauvré ne pouvant donner
à manger chez luy parce que
Messeigneurs lesPrinces y estoient
logez,tintplurieurs tables dans la
maison des Jesuites.
Le 15. au matin, Messeigneurs
les Princes allèrent à neuf heures
à saint Cyprien,qui est la Cathedrale
de Toulon. Mr. deChalucec
., qui en est Evesque, les
reçut à la porte de l'Eglise. Il
estoit en habits Pontificaux, &
à la testede son Clergé en chapes.
Il les harangua &: leur donna enfuite
sa benediction. Ilsentendirent
uneMesse basse après laquelle
ils monterent une petite chalouppe
, ornée de damas rouge, &
allèrent dans les deux Ports, où
le canon se fit entendre à leur
entrée, &àleur sortie. Ilsvirent
tous lesvaisseauxdoncMr.leMarquis
de Nemond fit tous les honneurs.
Ils virent aussi battre deux
Vaisseaux,& toute leur manoeuvre,
& allerent jusqu'au Lazaret,
où l'on fait la quarantaine. Ils
se rendirent de-là au parc de
l'artillerieoù il y avoirdes canons
en pilescommeon met des planchesdans
un chantier. Ilsyvirent
outre ces ')tlJoos,unnombre infini
debombesdegrenades,de mortiers
, deboulets à deux telles,
& de différentes especes, rangez
tous dans un ordre à faire plaisir.
Les Ancres bordoient tout le tour
du Canal qui environne le parc.
Mr. de Vauvré leur montra les
forges qui estoient esloignées
les cyclopes qui battoient le fer.
Il les mena ensuite dans la. salle
des voiles qui est fort longue >$C
oùles yeuxs'égarent par la quantiré
dechoses qu'on y voit. On
trouve dans ce lieu-là tout ce
qui est necessaire à un vaisseau.
Il y avoit un nombre infini d'ouvriers
qui travailloient. Messeigneurs
les Princes voulant voir
tout ce qui compose cet admirable
Arsenal
, montèrent audessus
de la salle des voiles, où
l'on poisse
,
8c où l'on met le
gaudronaux cables. Estant sorti,
decelieu,ils furent placez sur un
balcon au dessus duquel estoit un
Dais de damas rouge avec des
rideaux de mesme étofe.Ils virent
delà tirer un Vaisseau de l'eau,
& le mettre à sec, avec une machine
inventée par Mr. le Marquis
de Langeron. Ils la trouverent
sort belle, &c après cela revinrent
disner. Comme rien ne
les fatigue,ils allèrent à trois heures
apresmidy à la fonderie des
canons. Ils y virent travailler à
toutes les choses necessaires pour
fondre le métal, &. virent aussi
mettre des moules en état de recevoir
la matiere. On y repara.
descanons nouvellement fondus.
Le 16.Messeigneurs les Princes,
après avoir esté à la Messe aux
Jesuites
, montèrent à cheval
pendant une grosse pluye
, & allèrent
voir les dehors de la Ville
dont ils examinèrent les fortifications.
Ils virentaprès cela la
Boulangerie Royale) & les troupes
de la marine qui estoient rangées
en bataille à trois portées
de mousquet de la Ville. Après
qu'elles eurent fait l'exercice,
elles defilerent devant eux; &:
tous les Officiers les saluerent de
la pique. Ces Princes rentrerent
ensuite dans la Ville, & quoy que
la pluyene discontinuast pas,ils
allerent au lieu nommé le Champ
de Bataille, qui est au dessous de
la muraille de l'Arcenal, où les
Gardes marines ont accoutumé
de faire l'exercice. Ils furent
charmez de la justesse avec laquelle
ils le firent. Mr. de Beaujeu
lesfitdefiler. Ilestoitàleurteste
avec Mr. le Chevalier de Langon,
Lieutenant, & Mr. de Beaufort,
Enseigne. Ils les saluerent tous
trois de la pique. Les Princes allerent
ensuite voir les fours, après
quoy ils retournerent chez eux.
Ils en sortirent l'apresdinée
& allèrent enchaiseàl'Hôtelde,
Ville quiest sur le Port, voir la
:
Targue,. que le Maire, & les
Consuls avoient fait préparer
pour les divertir sur leBassin de
la vieille Darce, vis à vis l'Hôtel
de Ville. C'est une espece de jouste
qui se fait dans le Port. On
arme plusieurs batteaux sur lesquels
on met horifontalement,
une planche large de neuf à dix
pouces,laquelle fort en fallie environ
quatre pieds plus loin que le
gouvernail. Le Champion qui
doit jousterest debout sur l'extreroité
de cette planche, & en
caleçon, tenantde lamaindroire
-
une lance sans pointe,& dela
gauche une espece de bouclier
qu'on nomme Targues ce qui
donne le nom à ces joustes. Les
batteaux ayant chacun leurs combatans
batans vont les uns contre les
autres à force de rames, & au
bruitdestrompettes. Les Combatans
se couvrent de leurs Targues
, & se presentent leurs lances
pour se culbuter. Celuy qui en
renverse davantage sans s'ébranler
remporte le prix. Le balcon
où estoient Messeigneurs les Princes
, estoit tapissé de damas cramoisi
galonné d'or. Si-tost qu'ils
parurent sur ce balcon, deux
batteaux partirent au son des
trompettes, l'un ducosté du Levant
, & l'autre du costé du Ponant
, & se rencontrant vis à vis
du balcon, les Luteurs couverts
d'une Targue, & la lance en
arrest, commencèrent le combar,
qui malgré la pluye & le froid
dura deux bonnes heures. A mesure
que les deux premiers batteaux
se croisoient, & achevoient
leur course, il en partoit deux
autres qui se rencontroient au
mesme endroit. Tout le long du
quay, & aux fenestres des maisons
qui sont sur le Port, & autour du
Bassin, il y avoit sur des batteaux
une infinité de peuple qui ne ceffoir
point de crier vive le Roy,
& Messeigneurs les Princes. Aprés
la jousse, Mr. le Comte de Grignan
qui logeoit dans l'Hostel
de Ville, donna à Messeigneurs
les Princes, &. à toute leur suite,
une magnifique collation, composée
de fruits tres-rares, & de
tres belles consitures, Il y avoic
de routes sortes de liqueurs glacées.
Les Princes, aprés avoir entendu
la Messele 17. allerent à neuf
heures du matin à l'Hostel de
Ville qui est sur le bord de la mer,
d'où ils virent paroistre une Baleine
artificielle, à qui plusieurs
matelots cachez dans ses nageoires
donnoient du mouvement.
Elle ouvroit de temps en temps
la gueule qu'elle remuoit ainsi
que les yeux j
& jettoit de l'eau
parles narines. Elleavoittrentehuit
pieds de long, & trainoit
apres elle trois petits radeaux,
couverts de corail, de perles,
& de coquillages. Il parut aufll
un Rocher qui en se rompant fie
voir des musiciens deguisez en
Syrenes, & autres Divinitez qui
offrirent leurs tresors aux Princes
en chantant. Le corps de la Baleine
estoit remply de plusieurs
musiciens dont les voix estoient
accompagnées de divers instrumens.
Ils répondirent aux Syrenes
qui firent le Compliment qui suit
dela part de Neptune.
Depuis que le Dieu du Tonnerre
Se reposesurlesJBwrbons
Du foin de gouverner la terre)-
Neptune ne veut plus commander
aux Tritons.
Il renonce au pouvoir decalmer les
orages, Il nou* soumetàsesLoix.
EtdeDnttolgsnjee'{u.exJlre nos Roiss
nltlges. jeux rreecceevveezz^, les hhçgmm~i
Ce Compliment fini, les Syre*-'
nes se plongerent dans l'eau, 6ç
la Baleine reprit la mer. -- Messeigneurs les Princes s'embarquerent
ensuite dans un grand
canot, que Mr. de Vauvré avoit
faitconstruire exprés. La sculpture
en estoit toute dorée sur un
fond d'azur. Il estoit couvertde
damascramoisi garny de frange
d'or,&il yavoit seize rameurs dans
cebastimenthabillezà la levantine.
Ils avoient des culotes & des
camisoles d'écarlate garnies de
brandebourgs d'or, & bordées de
galon d'or, avec des bonnets d'écarlate
à laPolonoise fourez de
marte. Mr. le Marquis de Nemond
tenoit le gouvernail de ce
canot qui fut d'abord suivi de
cent cinquante autres canots,
chaloupes,& batteauxoùestoient
les Seigneurs,Officiers,Gardes,
gens de la suite
3. & beaucoup
d'Officiers de Marine, Se de Ville.
Le Tonnant,grosVaisseau dequatre-
vingr-dix canons, qui tRait
armé dans le Port, les salua avec
toute son artillerie. Au sortir de
la vieille Darce, ils allerent à
bord d'une galiote à bombes qui
estoit moüillée à l'entrée de la
nouvelle, &après l'avoirviritée,
ils.. rentrerent dans leur canot.
Comme cette galiote avoitesté
preparée pour jetter des bombes,
& qu'ils étoientbien aises d'en
voir l'esser, ils se retirerentenviron
à deux portées de moùsquet
pour estre esloignez du bruit du
,
mortier, qui estterrible par la
quantité de poudre qu'on y met,
afin de jetter la bombe qui peze
jusqu'à cent quat-re-vi-ng-t,livrcs_,
Elle en contient quinze de poudre.
On tira cinq de ces bombes,
& pour faire voir la justesseavec
laquelle les bombardiers les ri.
roient,& dont les Princes vouloient.
estre témoins, on avoic
mis à mille toises au delà un petit
drapeau au pied d'une montagne
qui leur servoit de but, &. où ils
visoient. Ils en approcherent de
vingtcinq à trente pieds.
» Messeigneurs les Princes allerent
ensuite dans la grande Rade,
où ils furent saluez par tout le
canon de tous les Forts qui en
desfendent l'entrée, & par
trente Vaisseaux qui y estoient
moüillez qui firent trois décharges.
On mit en leur presence deux
Vaisseaux du premier rang à la
voile, dont l'un est l'Orislame,
& l'autre le Content. Le premier
estoit monte par Mr. le Bailly de
Lorraine,& l'autre par Mr. Pallas.
Aprés qu'ils eurent arboré
la flâmede combat, ils se canonnerent
quelque temps 3
& en
vinrent mesme à l'abordage qu'ils
éviterent pourtant, après quoy
on fit faire à ces deux Vaisseaux
toutes fortes de manoeuvres. L'un
alloit vent arriere, tandis que l'autre
alloit à la bouline,de forte que
par un mesme vent ces deux vaisséaux
faisoient une route toute
contraire Ensuite ils s'approcherent
àla demy portée du canon,
& se lâcherent une bordée pour
faire voir comment on se bat sur
mer. Aprés cela les Princes visiterent
toute la grandeRade,&
allerent voir le Fort des vignettes.
En revenant vers la Ville ils furent
encore saluez de tous les canons
des Vaisseaux de la Rade,
&de deux autres qui estoient dans
la nouvelle Darce. En entrant
dans la vieille Darce, ils s'arrefterent
devant la machine de la-mat:
turequi est auprès de lachaisne
,
&: virent master unVaisseau du
mesmemast qu'ils avoient veu
faire dans l'Arcenal le jour de
leur arrivée, aprés quoy ils vinrent
debarquer au devant de
l'Hostes de Ville, &se retirerent
en chaise dans leur logis.
L'a prefdinée, ils allerent à l'Ar;'
cenal & trouverent les Gardes
Marines fit les Troupes des vaisséaux
en bataille. Ils visiterent
tous les magasîns, & s'embarquerent
aprés dans le mêmeBâtiment
qu'ils avoient monté le matin & allerent visiter le Vaisseau de,
Mr. le Marquis de Nemond ap.
pellé le Tonnant qui est de quatrevingr-
dix canons de fonte verte t. & qu'on avoit paré magnifiquement;
il tira toute son artillerie
avant que les Princes entraient,
& les falua de trois décharges de
mousqueterie. Pour n'avoir à
craindre aucun accident, on avoit
auparavantvuidé entierement la
fainte Barbe qui est le magazin
des poudres. Messeigneurs les
Princes monterent parune échelle
faite exprés
,
& sitost qu'ils
furent sur le pont, on arbora le
pavillon d'Amiral au grand mast,
& celuy qui estoit arboré à un
autrevaisseau dans la vieille Darce,
fut en mesme tems amené.
LesGardes du corps nequitterent
point les Princes, &les Gardes de
la marine furent postez sur la dunette,
comme estant de l'équipage
du Vaisseau. Quoy que ce vaisseau
quienoitornederefronsSede pavois,
fustdansle Port, Mr.deNemopd
ne laissa pas defaire voir
aux Princes toute la manoeuvre
qu'on fait en paix &en guerre,dans
le calme, & dans la tempeste. Ils
visiterent tous les endroits de ce
Vaissèau,sans en oublier aucun. Ils
monterent toutau haut, & virent
faire la manoeuvre aux matelots,&
ployer,& deployer tous ses voiles,
ce qui esttres curieux, parce
quetantost on les deploye à moitié
,
& tantost entierement. Un
Yio«uffè,quidu haut du petit hunier
descendit la teste en bas jufques
sur le pont pour divertir les
Princes, fut fait matelot par
Monseigneur le Duc de Bourgogne
, qui voulut descendre jusqu'au
fond de calle. Lorsqu'il en
fut remonté avec Monseigneur
le Duc de Berry, ils entrerent
dans la salle du Conseil, où Mr.
de Nemond leur presenta une
collation fortmagnifique dont ils
ne prirent que très peudechose.
Il ne furent pas plustost fortis de
ceVaisseau où ils avoient demeuré
plus de. trois heures, qu'il fit
pendant un quart d'heure, un feu
continuel de mousquererie
, &
unesalvede tout son canon, telle
qu'il l'avoit faite avant qu'ils
fussent entrez. Sur les huit heures du soir
Messeigneurs les Princes vinrent
sur le Port voir les feux d'artifice
dont Mr. deBezonsavoit eu le
foin. Je dis les feux, parce que
l'artifice partiede tant d'endroits,
qu'on peut dire qu'il y avoir plusieurs
feux. Les Princes furent
placez dans une maison de bois
richement ornée que Mr. deVauvré
leuravoit faitpreparer.Dotize
Syrenes parurent d'abord,
dontilyenavoithuitquijoüoient
de differens instrumens,&. qua- trequijettoientdes fusées courantes
sur l'eau, & dont la composition
estoit si forte qu'elles bruloient
comme si elles avoient esté
dans l'air, ou sur la terre. Lanuit
commençant à devenir plus obscure,
on découvrit un peu plus loin
dans la mer, vis à vis la loge des
Princes, un grand théâtre tout
illuminé, où plusieurs Tritons
jettoient en dansant de part, &
d'autre de toutes fortes d'artifices.
Il y avoit plusieurs danseurs
& sauteurs surce théâtre.Ilestoit
remply des deux costez de quantité
de lances à feu, de pluyes d'or,
de fusées courantes,&volantes,
& d'autres compositions qui produisent
un fort agreable effet.
Deux gros dragons qui jettoient
quantité de feux par les narines,
& par la gueule,,se vinrent battre
devant les Princes, chacun
disputant l'honneur de se soumettre
le premier. Un char tout illuminé
, & dont les quatre rouës
estoient de feu, & sembloient le
faire avancer, parut ensuite.
Quatre Dauphins precedoient ce
char, & sembloient le tirer. Neptune
avec une barbe vénérable,
paroissoit dans cechar. Il y avoic
à ses pieds une couronne, & un
Tridentd'or. Surlebordestoient
des Tritons, & des Syrenes qui
chantoient, & joüoient des airs.
Une Baleine, un Crocodile, de
un Dragon suivoient ce char,
jettant un feu continuel par la
gueule,& par les narines. Tout
ce qui formoit ce grand &,surpre..
nant spectacle, s'avança vers la
loge des Princes,& l'on vit en
mesme temps sortir des costez
du fonds de la nouvelle Darce
une infinité de fusées, dont les
unes formoient en l'air des Fleurs
de lys3 &en crevant repandoient
des étoiles, & une pluye de feu,
les autres des serpentaux,des carreaux,&
des pétards. Des gerbes
de feu sortirent en abondance de
ces deux endroits. On avoir aussi
placé de chaque costé six mortiers
, qui jettoient tous en mesmetemps
des bombes artificielles,
& d'une composition toute nouvelle.
Ces bombes pou fsées à perte
deveuë
,
éclatoient en l'air. Les
unes formoient uue pluye de feu
les , autres des étoiles,& diverses
figuresdefeuquicouvroient tout
le dessus de laDarce.On voyoit de
tous costez rouler des bastons de
feu, des chariots à rouës de feu,
des fusées qui couroient d'un bout
de la Darce à l'autre, & qui revenoient
au mesme endroit d'où
ellesestoient parties. Ces bombes
estoient faites & inventées par
Mr. Claveau qui commande les'
Bombardiers. Ce spectacle dura
plus
plus de deux heures, & pendant
tout ce temps, l'air, & la mer
parurent toujours en feu. L'illumination
de l'Arcenal seconda
tres-biences feux d'artifice.Toute
la façade de la corderie & des
magazins estoit garnie de trois
rangs de fanaux qui faisoient un
tres-bel effet. L'illumination de
la Ville répondit tres-bien à tout
ce grand spectac le.
Mr,l'Evesque de Toulon, &
Mr. de Vauvré
, ont tenu des
tablesaussidélicates que magnifiques
, & toute la fuite de la Cour
n'a presque point sorti de chez
eux pendant le séjourqueMesseigneurs
les Princes ont fÙr à Toulon,
& l'on compte qu'on y a tiré
pendant ce tem ps quatre mille
coups de canon.
- On avoir preparé une illumination
de lumieres vives) elle dévoit
estre composée de trentemille
bougies, & d'un grand nombre de
lampions, mais le temps ne s'estant
pas rrouvé favorable pour
ces fortes d'illuminations qui demandent
beaucoup de calme, ôc
un air tout-à-faittranquille,cetteillumination
ne put se faire.
Le 18. Messeigneurs les Princes
après avoir entendu la Messe aux
Jesuiresmontèrent en carosse, &
partirent à huit heures du matin.
Toutes les Compagnies des quartiersde
la Ville estoient fous lesarmes
, & bordoient les deuxcostez
desruës, depuis leur Hostel jusqu'à
la Porte de la demy-lune. Mr.
de Chalmasel, le Maire, & les
Consuls se rendirent au pied du
glacis de la demy-lune pour les
voirpartir, &avoir l'honneur de
Jessalüer. Les Gardes&lesTroupes
de la Marine estoient en bataille
au pied de la contrescarpe.
Les Princes montèrent à cheval à
une lieuë de Toulon pour passer
quelques mauvais chemins, 6cremonterent
en carosse après avoir
marché pendantune bonne heure.
Ils vinrent coucher à Aubagne
, lieu assez agréable, éloigné
de six grandes lieuës de Toulon
&à pareille distanced'Aixoù ils,
devoient aller coucher le lendemain.
Ils arrivèrent à quatre heures
à Aubagne où ils trouverent
environ deux cens habitans fous
les armes. A peine furent-ils arrivezdans
la maison qui leur avoit
esté préparée, qu'une douzaine de
jeunes garçons, & une douzaine
de jeunes filles, vestus en bergers,
& bergeres parurent devant cette
maison. Ils danserent ensemble
à la provençaleavec tant d'agilité
& tant de grace, que les Princes
& toute leur Cour, sans excepter
personne, y prirent beaucoup
de plaisir. Les presens du lieufurent
agréablement presentez par
ces douze personnes. Les garçons
leuroffrirent une corbeille rempliedebouteillesdemalvoisie
, &
]!--sfillesd,,.-s[-)affins remplis de raifins.
Ils receurent des marques
des liberalitez deces Princes, qui
partirentd'Aubagnele lendemain
ig. entre huit & neuf heures du
matin
, a près avoir entendu la
Mefie dans une Eglise de Religieuses,
qui estoit vis-à-vis de leur
maison. Il-s -arriv- è-r-ent sur les quI atre
heures & demy à Aix où ils
avoient déja passé. Ilsnevoulurent
point d'entrée
, parce qu'il y
avoit peu de jours qu'ilsavoient
esté receus dans la mesme Ville
avec beaucoup de magnificence.
Monseigneur le Duc de Berry b-y
trouva un peu indisposé après Ton
souper, ileut un peu de fiévre)
& il en eut encore un accès pendant
la nuit. Le lendemain 10. qui
estoit leDimanche des Rameaux,
Monseigneur le Duc de Bourgognealla
à la Messe à dix heures à
la Cathedrale, où il entend it la
grand' Mese. Ce Prince revint
ensuitedîner.Monseigneur le Duc
de Berry entendit la Me(Te dans
sa Chambre ,& sa fièvre ne finit
qu'à huit heures du soir.Monseigneur
le Duc de Bourgogne alla
à Vespresaux Peres de l'Oratoire.
Monseigneur le Duc de Berry
ayant assezbien dormy la nuitdu
20. au 21. & s'estant trouvé sans
fiévre le matin du 21. toute la
Cour partitd-Aixàonze heures
après avoir diné
, pour aller
coucher à Lambeseoù Messeigneur.
c les Princes furent receus
par la Bourgeoisie fous les armes.
Ils logèrent chez Mr. Jannet
Gentilhomme Provençal, & Ca-,
pitaine dansBourgogne. Samaiion
estoit tres. galamment ornée
avec des buis, des lauriers & des
oliviers. IIyavoitaussibeaucoup
dedevises. Cettemaison setrouva
le foir fort agréablement illuminée
,& ce Gentil homme fit tirer
des boëttes & un feu d'artifice.
Cela fit d'autant plus de plaisirà
Messeigneurs les Princes, qu'ils
ne s'attendoient à rien de femblabledansunaussipérit
lieu. Monseigneur
le Duc de Bourgogne fit
des liberalitez considerables à ses
domestiques. MonseigneurleDue
de Berry n'eut aucunressentiment
de safièvre. Le 22. Messeigneurs les Princes
partirent de Lambese sur les
neuf heures, & dinerent à Malmort.
On fit passer la Durance
pendant ce temps-là aux carosles
&: auxchevaux. Mr. le Bret,
qui estoit demeuré à Aix pour
donner les ordres necessaires
avoir fait trouver quantité de,
barques, ayant cru que deux de
ces bâtimens liez ensemble eroient
d'une plus grandeutilité
que des Bacs pource passage.En
effet, ils estoient accommodez de
maniere qu'ils firent le trajet fort
promptement. Onavoitfaitune
espece de Pontà un des bouts de
la barque
,
sur lequel on passoit à
bras les carosses,& lescharrettes.
Enfin cela fut si bien executé,
que l'on passa en tres-peude temps
sans aucun accident. Les Princes
passerent en même-temps que les
carosses du corps, & les deux chevaux
de derriere : car on avoit
fait passer les aurres avec les autres
carosses. Mr. le Comte de
Grignanavoit fait posterà l'autre
bord de la riviere un escadron du
Regiment Desclos qui est en Provence.
Ce Comte & Mr. le Bret
prirent congé en ce lieu-là de
Messeigneurs les Princes, qui leur
témoignerent
témoignerent beaucoup de satisfaction
de leurs soins pour leur reception
& pour leur commodité
pendant leur sejour , en Provence.
Ceux de leur fuite ne parurent
pas avoir esté moins satisfaitsde
la bonne chere qu'ils leur avoient
faire dans cette Province, Mr. le
Comre de Grignan ayant toujours
tenu a la suite de Messeigneursles
Princes, trois tables de
dix-huitcouverts chacune, égalementservies
, & Mr. le Bretau
moins deux,ausside dixhuitcouverts.
Ilsobtinrent des Princes
la permission de se rendre encore
auprés d'eux lelendemain à Avignon.
dMur. PÆhhé de Sanvitali, Vice- Pape, qui lesattendoit
surle borddelaDurance,&à['critrée
du Comtat Venaissin,les
com plimenta au nom de Sa Saintetéà
la sortiedu batteau.Ilestoit
accompagné de Mr.le Commandeur
Maldachini, de Mr. le Marquis
de Bonnaventure, &suivyde
six carrosses, & de douze gardes.
Il quitta les Princes si-tôt qu'ils
furent montezen carrosse, & gagna
lesdevans pour aller les recevoirà
Cavaillon, où ils devoient
aller coucher. Ils y arriverent à
cinq heures, & furent receus à la
porte de l'Evesché ou ils logerent,
par Mr. le Vicelegat
, &
parMr.Sades de Masan
,
de Evesque
Cavaillon. Monseigneur le
Duc de Bourgognetrouva dans sa
chambre un Portrait du Roy fous
un dais magnifique. Sur les six
heures du soir
, ce Prelat haranguaMesseigneursles
Princes à la
teste de sonClergé, & parla d'une
maniere qui leur fie plaisir. Les
Deputez du paysVenaissin les haranguerentà
leur tour.C'estoient
les Evesques de Cavaillon, de
Carpentras,& de Vaison. Le Deputé
delaNoblesse estoit Mr. de
Valouze. Ceux du tiers Estat estoient
les Consuls des Villes de
Carpentras, de Cavaillon, de rifle,
de Boulaine, de Perne & de
Borcas. Mr. Firmin, Avocat &
Procureur du Pays,porta la parole
avec succez, il presenta,à la ts-k tedecesDéputez,cent Medailles
d'or à Monseigneur le Duc de
Bourgogne, & soixante à MonseigneurleDucdeBerry.
Elles estoient
dans des bourses de velours
cramoisi.La face droitedecesMedailles
representoit la telle des
deux Princes avec cette inscription.
Ludovicus Dux Bargundi(e.
Carolus BituricensiumDux, Zttdovici
Magni ex Serenissimo Delphinp
Nepotes ,
&au bas 1701.
Sur le revers de la Medaille il y a:
jE comitatu Fratrissua Hispanioe
petentis feliciterredeuntes. On lit
à l'exergue Provincia Venassina.
Messeigneurs les Princes distribuerent
le soir ces Medailles aux Seigneurs
de leur suite, & à plusieurs
de ceux qui avoient l'honneur
d'estreauprés d'eux. Mr. le Vicelegat
tint plusieurs tables à Cavaillon
pour toute la Cour des
Princes, & fit délivrerdesfourages
pour tous les équipages de la
Cour,dont ilavoit défendu qu'on
prîtdel'argent.
Messeigneurs les Princes entendirent
la Meiïe le 23. dans la
Cathedrale de Cavaillon,où suivantl'usage
de France,l'Evesque
àlatestede son Chapitre leur donna
de l'eau benire àl'entrée de
l'Eglise. Ils partirent ensuite sur
les neuf heures pour aller disner à
Caumont, & arriverent à trois
heures&un quart à une lieuë d'Avignon.
Ils y trouverent lagarde
à cheval de Mr. le Vicelegat,
qu'on nomme Gens d'armes. Ils
avoient à leur teste deux Trompettes
& un Timballier, & marcherent
devant le carrosse du
corps, ils estoienttousfort bien
montez,& commandez par Mr.
le Commandeur Maldachinifrere
du Cardinal de ce nom ,
qui marchoit
à leur teste; leurs habits estoient
de drap escarlate& enrichis
d'un galon d'argent large de
deux doigts sur toutes les coutures;
leurs chapeaux estoient garnisd'une
plumeblanche. La garde
à pied estoit de deux censhommes
habillez de bleu doublé de
rouge. Ils estoient en haye à la.
portedela Ville. Avant que d'y
entrer, & à une portéede mousquet
dela Porte S. Lazare,ils trouverent
une (allé qu'on avait construite
en maniere degrand Pavillon
, tout peint en dehors. Ce fut
danscette Salle, qu'ils receurent
les harangues.Ilfaloit monter 10.
marches pour y entrer. Lafaçade
estoit composée de trois grands
portiques, & ornée de pilastres
d'un ordre comporte
, accompagnez
de toute l'architecture qui
convient à cet ordre. Tout le
corps de ce bâtiment estoit peint,
& representoit la pieté de la maisonde
Bourbon. J'en donneray la
description à la fin de cet article,
ainsi que des Arcs de triomphe,
fous lesquels les Princes passerent
pour arriver au Palais qui leur
avoit esté preparé Cinquante
Suisses vestus à la maniere de
leur Pays, & dont les habits estoient
moitié jaunes & rouges
avec quelques pieces bleuës gardoient
cette Salle. Le dedans estoit
orné de riches tapisseriees , 6c
tout le parquet couvert de tapis
de Turquie. Le haut Dais estoit
élevé de douze marches, &ilen
faloit monter encore quatre pour
arriver à l'endroit oÙ l'on avoit
placé deux fautueils. Ils estoient
de velours cramoisi
,
fous un Dais
de mesme estoffe. Messeigneurs
les Princes descendirent de carrosse
à la porte de cette Salle, o&
Mr. le Vicelegat, & les Consuls
lesreceurent.Ils lesconduisirent
aux fauteüils qui leuravoient esté
preparez. Lors qu'ils furent assis,
Mr. le Vicelegat leur fit complimentau
nom de sa Sainteté, &
Mr. Bayol Assesseur, au nom de la
-. Ville, dont Mr. le Viguier & les
Consulsleurpresènterentlesclefs:
*elleseftoienc d'or. Messeigneurs
- les Princes trouverent les Consuls
hors de cette Salle d'audience,qui
* tenoient un Dais de velours bleu
orné d'un galon & d'une frange
d'oraux armes de Monseigneur le
Duc de Bpurgogne. CePrince le
refusa,&monta en carrosse. Il
y avoit depuis la porte de cette
Salle jusqu'à celle de la Ville,
deux Compagnies uniformes, l'une d'Arbalestriers, & l'autre
deChevaliersde l'Arc. Les Albaleftriers
avoient des écharpes
blanches,&bleuës,&des arbalestes
leur servoient d'armes.
Les autres estoient hàbillez à la
Turque d'une robbe couleur de
feu bordée d'une fourure blanche.
Leur turbanestoit blanc,&.
orné d'une Aigrette de pierieries.
Ils estoient armez de Sabres, &
portoient un Arc,& un carquois
remply de fléches
;)
suspendu avec
un ruban bleu. Ils avoient des
barbes postiches 5 mais si bien contrefaites
,& si adroitement mises,
qu'il estoit aisé de s'ytromper.
LesOfficiersquimarchoientà la*
teste,&à la queuë,estoient veerus
de bleu, & leur robbe estoit bordée
d'un galon d'or. A la teste de
cette Compagnie qui estoit de six
vingt hommes:on voyoit six Sauvages
armez de masluës
,
& à la
testede tout,estoient six enfans
vestus à la Turque, qui suivoient
un chameau que l'on conduisoit.
Cette Compagnie, quiestoitdeftinée
pour tirer un Perroquet ou
Papegay, s'estendoit jusqu'au pied
d'un Arc detriomphe qui estoit à
lalouangede Henry IV. De l'autre
costé estoient les Bourgeois
fous les armes. Toutes les ruës
estoient tapissées, & remplies de
monde ainsi que toutes les fenestres.
On trouva à l'un des coins
de la place du Change une Barque,
danslaquelleily avoit des
instrumens & des voix qui chanterenten
Musiquele Domine sabvum
sac Regem. Peu a prés on
trouva la Figure equestre du Roy
quiterrassoit des Dragons. Duns laPlacedel'HosteldeVille,avant
que d'entrer dans celle qui est au
devant du Chasteau
, on vit
un Arc de triomphe élevé à la
gloireduRoy. Le revers de eec
Arc estoit à la louange de Monseigneur
le Dauphin Messeigneurs
les Princes furent salüez, en arrivant
au Palais deMr. le Vicelegatoù
ils devoienr loger, de cinquante
pieces decanon & de vingt
boëttes
,
qui estoient sur la plate
forme. Ce Prelat lesattendait au
pied du degré, & les conduisit
dans l'appartement quileurestoit
.devine. On trouva d'abordune
grande salleoù estoient les Suisses,
quin'estoit remplie que d'armoiries
peintes sur lesmurailles.
On entra ensuitedans une chambre,
où il y avoit un Dais de velours
violetavec un cuir doré, &
l'on y trouva les Gardes. Ondefcendit
de là dans une chambre
tenduë de daims rouge uny; U
puis dans une autre tenduëd'un
pareil damas, mais avec des
bandesde velours; Ily en avoit
unetroisiéme tendueaussidedamas
avec des galons d'or, & un
Dais à la place du lit fous lequel
estoit un Portrait du Pape avec
unebordure de velours,enrichiede
galons d'or &quatre gros noeuds
aux quatre coins. De cette chambre,
on entra dans celle qui avoic
esté préparée pour Monseigneur
eDuc de Bourgogne. Elleestoit
renduë d'un damas tout neuf, &
orné d'un gros galon d'or. Messeigneurs
les Princes allerent peu letempsaprèsàTenebresà 1'E.
glise Cathedrale, d'où ils ne sortirent
qu'àlanuit. Onavoitménagé
à droite,entre l'Autel & la
fermeture du Choeur,une estrade,
surlaquelleon avoir mis deux fauteuils,&
un Daisau dessus. Le
Choeur où estoientles Chanoines,
derriere l'Autel comme à S,
Germain- dés-Prés. Ils chanteenttoustres-
bien
> quoy qu'ils
sussent beaucoup de Chantres.
Ilssont vestus derougecommeles
Card naux 3
& tiennent ce priviege
d'un Pape,à qui (estantdu
nombre de leurs confreres) ils
avoient pronodiqué quela vie
sainte qui menoit le seroit Pape.
Cesaint homme leur répondit en
souriant,quesicela arrivoitilleur
promettoit de les faire tous Cardinaux.
En effet
, ayant esté élû
Pape, ils le sommerent de tenir
sa parole, à quoy il satisfit pour
quelques-uns
, & il octroya aux
autres les mesmes honneurs dans
leur Chapitre,&lesmesmes haJ
bits qu'aux Cardinaux. Messeigneurs
les Princes furent haranguez
par Mr. l'Abbé de Jarante
Cabanes,Prévôtdecette Eglise.
Voici le compliment qu'illeur fit, MOmEIGiïLVR,
L*Eglife<£Avignon qui confrrve
le pretieuxsouvenir d'avoir vie
lepremier Monarque du monde au
pied defes Autels3-eft atijourd'huy
au comble de fajoye} par phonneur
quelle Adj recevoir avec se; plus
profonds refpeRs>les deux Princes
de son ttttgufte Sang, que le Ciel
tieftine au ïonheur de la France, &.
à lafélicité du nouveaufieele.
Cette Bglife que l'anciennetra~
dition appuyée du témoignage des
fouverainsPontifesjnous affuremiraculeafement
consacréepar la main
visibledeJefus-Chrijl3& dediéeà
sa fainte Mere dans le temps quelle
vivoit encore sur laterre, pourtoitpar
là disputer la préférence de
t'anciennete avec toutes celles de
France, comme elle a eu pendant
prés d'unfiecle
>
la prérogatived'efitre
la Mere de toutes celles du mon.
de, par le sejour des SouverainS
pontifes.
Mais elle ne doitfefouvenirdans
cet heureux jour, que des bienfaits
des Rois Tres-ChrétienS.Cesi à fEmpereul" Charlemagne, quelle
doit (on premier lufire. Tous les
Monarquesses Succeffeursïontauffî
particulièrement enrichie, &diftingaêe'pardes
Priviltges, &fans remonter
plus haut, iln'en cflpre[que
aucundepuis[aint Louis qui ne l'ait
hmorèe desa presence. Zouis le
Grandenfin en a conferve les Autels
parladefiruclion entierede Pherefie.
Cefutbien-tbtaprès que cegrand
Prince eut fait éclater sa haute
pietédanscettemesme Eglise, pendantlafolemnitêdePafquesily
d'"
quarante Ans, que le Ciel terécompensa
par la naissance d'un digne
fils, qui fJl dujfJUrtfhui luy-même
leplus heureux de tous les Pcres>&
qui
quien donnant des Princes accom.
plis pour toutes les Couronnes du
monde, a élevépar là au plushaut
point de gloire, la grandeur & la
puijfancedeleurAyeul.
ivivezdonc,grands Princes, vi-*
vez,poureflrele bonheur & la consolation
de ces deux Peres incomparables.
Vivezjtour en eflre les vertueux,
& les heroiques imitateurs )
pour eflre à leur exemple la gloire,
& l'admiration de toute la terre, le
(oûtien de la Religion, les Protecteurs
du SanEfuaire. Ce font les
voeux ardens que i*Eglised'Avignonfaitcontinuellement
au Ciel.
Nous ne faurions eflreparfaitementfideles
au Perecommun del'Ezlifc,
à qui nousfommesfournis, que
par un attachement inviolableà*
fJaruneprofollde vénération pour U
plus grand Roy du mondeson Filfr
aîné, d'" pourtoutesonaugufleFamille.
Toute la Cour se répandit te
loirauxtablesde Mr. le Vicelegat,
quientinthuit, & qui en ar
tenu jusqu'à dix magnifiquement
servies, pendant huit jours que
Messeigneurs les Princes ont demeuré
à Avignon.Ilavoit fait pu"",,: blierdesdéfenses tres-severes, de
prendrede l'argent d'aucune personne
dela fuite de la Cour
,
foie
pour leur dépensede bouche, soit
pourcelle de leurs cheveaux, & avoit
ordonné que l'on fournistà
chacun tout ce qu'il demanderoit.
Ces ordres ontesté suivis pendant
tout le temps que la Cour a demeuré
dansce Comtat.
-
-. -
Le 24. au matin Messeigneurs
les Princes allerent encore entendre
l'Office à l'Eglise NÕrre-
Dame de Doms, où ils avoient
esté le jour precedent. Sur les
trois heures a près midy
,
Mr. le
Vicelegat vintau Palais dans un
carrosse du Roy, que Monseigneur
le Duc de Bourgogne luy
avoir envoyé. Il estoit suivi de
trois de sescarrosses qui estoient
magnifiques& où étoient ses gentilshommes.
Ilfut presenté par
Mr. Desgranges, & receu avecles
mesmeshonneurs qu'on fait ordinairementenFrance
aux Nonces
du Pape. Il presenta un BrefdeSa
Sainteté. Il fit ses deux complimens
en Italien; & finit celuy
qu'ilfitàMonseigneur le Duc de
Bourgogne, endisant:Que lePag
pe luy avoit ordonné,nonseulement
de luy rendre tous les honneurs imaginables;
semais encore d'executertous
lesordres qu'ilvoudroit bien lui donner.
IlditàMonseigneurle Ducde
Berry,quesa Sainteté nes'rftantpas
reposéesursapersonnepour l'exposition
de sessentimens envers ce Prince,
elleavaittâché de les mettre ellemesme
dans le Bref qu'il avoit
l'honneurde luipresenter desa part.
LesConsulsparlerent ensuite,&
prefenterenc cent Medailles d'or
à Monseigneur le Duc de Bourgogne,
& soixanteàMonseigneur
leDuc deBerry. CesPrinces estoientrepresentez
en bossesurla
face droite,& on lisoit au tour en
mots abregez
,
Ludovicus & CarolusDelpbiniFilii,
LudoviciMagniNepotes
: La Ville d'Avignon


paroissoitaurevers fous lafigure
d'unefemmequiconsacroità ces
Princes l'obelisque qu'on avoit
élevé à leur gloire avec ces lettres
S. P. Q. A. On lisoit autour de
ce revers adventuiauguxtorumselicissîmo.
Je vous envoye ces
Madailles gravées avec celles
qui furent presentéesaux Princes
par les Députez des trois Etats
du Comtat Venaissin, qui eurent
l'honneur de les saluer lors qu'ils
entrerent dans le Comtat. Après
qu'ilseurentreçu ces dernieres,
ils furent complimentez au nom
de l'Univerfiré d'Avignon, &
MrTulleporta la parole; sondiscours
fut fort applaudi. Ils allerent
ensuite à Tenebresa la grande
Eglise
,
& estant revenus chez
eux j
ils y furent haranguez par
Mr l'Evêque d'Orange. Ce Prélat
estoit en camail & en rochers
Le Gouverneur d'Orange leur
avoir fait compliment le matin
dela part du Roy d'Anglererre-
Ils virent après leur soupé par
les fenestres de leur Palais
,
les
processions de tous les Penitens
de la Ville. Il y en avoic de six
fortes. Les premiers estoient les-
Violets; ceux de la Misericorde
vestus de noirlessuivoient, les
Blancs venoient après
,
& étoient
suivis des Bleus., des Noirs,
& des Gris. Chaque compagnie,
ou confrairie estoit precedée d'une
croix, & de deux especes de
Bedeaux, portant chacun un fanal
au bout d'un bâton avec une
lumiere. Chaque Penitent en
portoit une de même,ôc efioi;
revêtu d'un sac de toile ou noir
ou gris, & ce sac estoit troüé à
l'endroit des yeux, afin qu'ils vissent
à se conduire. Chacun d'eux
estoit suivi d'un Moine en chappe
qui tenoit un petit crucifix. Tous
ces Penitens estoient ceints d'une
corde;il y en avoit environ
noeuf cens.
Le lendemain25. jour duVendredy
SaintMesseigneursles Princesallerent
à l'Office du inatin,U
du soir à la Cathedrale,&. leurs
prieres firenttoutes leurs occupations
de ce jour-la.
Le id. Ils allerent à la grande
Jvjelle à la Cathedrale, où les
Chanoines entonnerent le Dominefcilvttm
sac Regem nostrum. On
n'a point parlé de ces Princes à
Avignon autrement que l'on fait
en France, & l'on a toujours dit,
NosPrinces, en parlant d'eux-
Jh allerent l'aprésdinée à Com
plies, au MonasteredesCelestins,
fondéparles Rois de France. La
Compagnie des Archers eHoiren
haye, ôc avoit des bonnets de Tigres
& d'Ours
, & quantité de
haut- bois. Celledes Arbalestriers
estoit pareillement en haye ; mais
postée dans la cour de ce Monastere
j & s'estendoit depuis la
premiere porte où couloit une
fontainedevin à plusieurs jets,
jusqu'àcelle del'Eglise. Le Prieur
complimenta Messeigneurs les
Princes de la part desa Communauté.
Ils entendirent Complies,
la musique chanta ensuite.OFilii,
& Regina coeli Latare. Messeigneurs
les Princes visiterent la
nation
maison & le jardin de ces Peres
qu'ils trouverent assez beau. Au
retour, le Pere MartinetJesuite
qui estoit de retourdeMontpellier
du 24. où il estoitdemeuré
malade, lesconfessa. Le même
foir
, on tira une girande. La
pluye diminua la beauté de spectacle; ce cependant il ne laissa
pas d'estre trouvée fort beau.
Cette girande estoit disposée sur
saint Pierre, vis-à-vis les fenêtres
de l'appartement de Monsfeigneur
le Duc de Bourgogne. Les
Princes distribuerent le- même
soir les Medailles dont la Ville
d'Avignon leur avoit fait present.
Ils en donnerent aux Seigneurs
de leur Cour, ôc à leurs
Officiers.
- •
Le jour de Piques ils allerent
le matin à la Cathedrale revêtus
du Collier de l'Ordre, & communierent
à une Messe basse par
l'Abbé Turgot, Aumônier du
Roy. Ils rentrerent ensuitechez
eux aprés avoir entendu deux
basses Messes , & revinrent une
demi
-
heure après à la grande
Messe. Mr le MaréchaldeNoailles
dîna ce jour-là chez M. le Vicelegat.
Messeigneurs les Princes
allerent l'aprefdinée à Vespres
dans la même Cathedrale
, ÔC
au Sermon du Pere Bontous. Mr
le Maréchal de Noailles ne
-
se trouva *pas au caroue des Pri-nces
lors qu'ils sortirent de cette
Eglise
,
afin de procurer à Mr le
Vice -
Legat l'occasion d'y entrer
avec eux, & il receutcet honneur.
Le Papegay
, ou Perroquet
qu'on devoit tirer après les Vesdp'ruense,
ne fut point tiré à cause
grosse pluye qui survint
5 & qui empêcha qu'on ne leur
donnast ce divertissement. Ils
signerent les Privileges de cette
Compagnie;& partirent le
lendemain entre dix & onze
heures, après avoir entendu la
Messe dansla Chapelle du Pa-
lais. Les Compagnies des Bour- -
geois
,
&celles des Arbalestriers,
& des Archer,estoient en haye &
fous les armes, de la même maniere
qu'elles avoient esté le jour
de leur arrivée. Ces Princes accompagnez
de Mr le Vice-Legto
, allerent coucher à Cade- rousse.J'ajoûte icy ce que j'ay
trouvé dans une Lettre d'Avi- -
gnon, écrite par unhomme diftingué
dans l'Eglise. Il dit en
parlant de ces Princes. Mais il
fautse recrier sur lamodestie, &
sur la haute pieté qu'ils ont toujoursfaitparoistre.
Jamais chose
plus agreable, & plus capable
de confondre les libertins
, que de
voir des Princes, qui en premier
lieu, n'ont pointvoulu pendant la
Semaine Sainte entendre la musique
, & qui en second lieu n'ont
jamais paru qu'avec un livre de
prieresà la main, sans tourner la
teste, nyparoistredistraits. Riende
plus touchant que de les voir le
Jeudy Saint avec leursflambeaux
la main à la ProceJJion du Saint
Sacrement, de leurvoiradorer la
Croix le Vendredy Saint, de
voir la maniere édifiante dont ils
ont communié.C'est une chose capahic
de fendre les pierres, non pas
feulement les coeurs des a/liflans.
Pour moy qui officiay toujours en
toutes les fonctions
}
je ne pouvois
retenir mes larmes, &je nefuispas
encore revenu de mes admirations
sur tout cela. Ils ont fait de grandes
largesses auxpauvres3 les Maifins
Keligieufess'en font senties
e- sur tout les Mandians à" lesy
Jrlbpitaux au.Ui-hien que quantité
de gens de Province qui ont eu
recours à leurs libéralité^ Je ne
parle point de celles qu'ils ont
faites aux gens de Mr le Vice-Legat
& aux Troupes de la Garnison.
Cette Ville a esiè pendantsix jours
leplus beau Theatre de vertu qu'on
se puissè imaginer. On a vû ces
grands-Princes aller huit fois aux
Offices, depuis le Mcrcredy Saillt
jusquau jour de Pâques.
- Jepuis dire que si l'on est si
content de Messeigneurs les Princes
à Avignon, il doivent l'estre
beaucoup de cette Ville-là & de
tout le Comtat Venaissin. Les
Medailles des trois Etats de ce
Comtat,& cellesde la Ville d'Avignonen
son particulier
, parlent
de leurmagnificence.La propreté
des Troupes, pour ne pas
dire plus, les feux de joye de
la Ville d'Avignon, l'artifice
qu'elle a consumé les transports
de joye, & les illuminations
ont fait paroître son zele.
Je devrois encore parler des huit
tables tenuës soir & matin par
Mr. le Vice-legat, pendant le
long sejour que Messeigneurs les
Princes ont fait à Avignon;mais
j'auroistrop à en dire, aussi bien
que des ordres donnez par ce
Prélat,non feulement de ne prendre
point d'argent des personnes
de leur suite
,
mais aussi de défrayer
tous les équipages. Rien ne
marque mieux que cette recedpétion,
combien le Pape est persuade
la grandeur & de la pieté
du Roy!
Je ne dois pas oublie-r queMr le
Maréchal de Noaillesa tenu trois
tables de vingt couverts chacune,
depuis le premier jour qu'on
est entré dans le Comtat Venaissin,
jusqu'au jour que l'on est parti
d'Avignon.
Je viens à la description que j'ay
promise des monumens élevez à
la gloire du Roy, & de Messeigneurs
les Princes.
En arrivant à la Porte de saint
Lazare par où se fit leur entrée,
ils trouverent le Temple de la
Pieté, d'un magnifique dessein
à trois faces. Sur la plus grande,
on voyoit representé dans une
taille heroïque Henry le Grand,
Loüis le Juste, Loüis le Grand,
& Monseigneur le Dauphin,qui
sembloientattendreMesseigneurs
les Princes pour les introduire
dans ce Palais de Gloire,où ils
occupoient déjàeux-mêmes une
si bonne place. Les Piedestaux de
ces quatre figures estoient chargés
d'inscriptions choisies, qui
renfermoientautantd'éloges donnez
par les Papes à la pieré des
Rois de France,& dont l'Auteur
du desseinavoit fait une application
fort juste à chacun de ces
quatre Princes.
Au dessus des Colomnes immédiatement
regnoit autour de ce
Tem pIe"une piece d'Architecture
que formoientdesMédaillés entremelées
deDevifes.Douze grandes
Médaillésrepresentoient les
Papes qui ont reçû pompeusement
à Rome ou à Avignon les Rois
de France; & réciproquement
ceux d'entre les Papes, que les
Rois de France ont reçus dans
leurs Estats avec l'appareil d'un
Triomphe. Les Devises exprimoient
divers traits de pieté de
la Maison de Bourbon, & l'un
avoittiré cesrapports desFleurs
de Lys mesme qui composent les
Armes de France.
Au dessus de la Corniche on
voyoit une Frize chargée alternativement
d'Emblemes & d'Ecufsons
magnifiques. Les six Emblemes
estoient tirées des plus fameuxexemples
de pieté quel'Ecriture
nous ait fournis. Pour representer
, par exemple
,
lezele
qu'a fait paroître la Maison de
Bourbonàdémolir les Temples
des Calvinistes, à élever des Eglises
au Seigneur,à rétablir la veritable
Religion dans la France,
on avoit peint le Roy Josias qui
faisoit rompre & mettreen pieces
les Idoles; Salomon qui ordonnoit
l'Edifice du Temple, la Sainte
Expédition des Macabees'--&c.
Il y en avoir une qui montroit
combien les sept Princes que la
Maison de Bourbon a donnez depuis
Henry IV. ont eu de veneration
pour l'Eglise (dont les Rois
de France sont les Fils Aînés)
ce qui estoit exprimé par le respect
des sept Princes Macabées
envers leur Sainte Mere. Estprima
in Matrem Pietas nati. C'estle
mot qui expliquoit le sens ùe
l'Embleme.
Cette Frize estoit surmontée Se
comme couronnée de douze figures
qui representoient les douze
Vertus Royales que la pieté des
Princes de cette Auguste Maison
a fait regneravec eux. Il y avoit
sur ce Temple un Dome, ou l'on
voyoit saint !,.nüis, Chef de la
Maison deBourbon
,
élevé au
Ciel par le Genie de la Pieté avec
ces mots ,
enutrivi&exaltavi.
Les Armes du S. Pereestoient
placées sur le Portail de ce Temple.
Le Genie de la Religion les
portoit ôc sembloit les presenter
à la veneration des Rois & des
Peuples.
La Porre de S. Lazare eslans
d'un ordre d'Architecture assez
orné de luy-mesme,on n'y avoit
mis qu'une Inscription entre les
mains d'une Renommée qui annonçoit
l'heureusearrivée des
Princes,& qui inviroit les Peuples
à faire éclater leur joye. A
cette Inscription estoit jointe une
espece de Cadre des Armes du
Pape, du Roy, de Monseigneur
le Dauphin,& de Monseigneur le
Duc de Bourgogne.
Labelle Croix de la Carreterie
estoit changée en un Monument
de gloire pour Messeigneurs les
Princes, & l'on pourra l'appeller
doresnavant la Croix de Bourbon,
en memoire de cette heureuse reception
,
puisque c'est le CardinalP.
deFoix, l'un des pluspieux
Ancestres de Henry le Grand,
qui a fait bastir cette Croix, laquelle
est couverte d'une voute
de pierre à quatre Arcades. C'effc
sur certe voute qu'on avoit élevé
un Obelisque consacré à la gloire
de ces Princes avec ces mots , qu'ils pouvoient lire en entrant
dans la Ville, Adventui Augustorum
foelicissimo Obelïfsçcuumm D. C. S.
P.t!..:.-A.
Les Piliersdela voute qui en
font comme le Piedestal, estoient
evetus de branches de Lauriers
&d'Oliviers,&ledouble Cordon
estoit garni de festons de fleurs,
qui formoient un cadre naturel
LUX peintures ingenieuses
,
dont
es quatre Arcades estoientchargées.
Il y avoit huit Devises qui
regardoient personnellementMesseigneursles
Princes. Je vous parleray
seulement de quelques-unes.
L'une estoit un Tymbre qui donnoit
des coups, & faisoitdubruit
en son tempsavec ce mot à tempo
grido è colpo
, pour dire qu'en son
temps Monseigneur le Duc de
Bourgogne fera du bruit dans le
monde, 6c portera de rudes coups
aux ennemis de sa gloire. La féconde
avoit pour corps un Lys
qui s'épanoüit, avec ce mot qui
convient à l'air Martial que Monseigneur
le Duc de Berry fait déja
paroistre. Si monstra gia il mio
cuore. La voye de Lait marquée
dans le Ciel par une trace brillante
avec ce mot d'Ovide,qui
fait allusion à cet air ouvert &
brillant du jeune Prince, candore
notabilis ipso
3 un jeune Roy d'Abeilles
qui en conduit déja l'Essain
pour les exercices Militaires de
Monseigneur le Duc de Bourgogne
avecce mot jamque agmina
ducit. Cetautretiré de Sympofius
exprimoit avec un bouquet de Lys
l'Esprit penetrant & la force de
Genie, qu'a ce jeune Prince, Soi.
ritus efi magnus.
Ces devises & quelques autres
qui regardoient le mesme sujet,
estoient accompagnées des Médailles
du Cardinal de Foix, des
deux Cardinaux Charles de Bourbon
Legats d'Avignon, &c. Le
devant des quatre Piliers estoit
chargé des Armoiries de Monseigneur
& de ses trois Augustes Fils,
avec cette Inscription courante
Familioe augusstæ. & le dessus en
estoit terminé par quatre grands
Vases de fleurs naturelles
,
qui
designoient la brillante jeunesse
deMesseigneurs les Princes, l'état
florissant de la Monarchie
l'esperance publique, &c. Pour,
indiquer tout cela,on avoir mis
sur l'un de ces vales,principiJu.
'vcntutts} & sur l'autre, sic lilia,
florent.
-, Delà s'élevoit un Obelisque
a quatre faces, sur lesquellescomme
sur autant de Tablesde Marbre
blanc on avoit gravé, selon
les manieres de l'ancienne Rome,
l'Edit du Prince ou de Mr. le
Vice-Legat, la Loy triomphale
, les Ordres du Senat, & les
acclamations du Peuple pour
regler les préparatifs & le boi;
ordre pour cette entrée Triomphanre.
L'Obelisque estoit surmonté
d'un Soleil avec uneDevise pour leRoy, & au dessous on voyoit
une Embleme de Monseigneur le
Duc de Bourgogne, mais Embleme
des plus heureuses que l'on
puisseimaginer. C'estoitle Prince
Latinus, Petit Fils du Soleil, que
Virgile depeint couronné de quelques
Rayons, & qu'il appelle une
ébauche & une copie commencée
de son Ayeul.Solis avi specimen.
Cela presentoit d'abord le rapport
qu'il y a du Roy à Monseigneur
leDuc de Bourgogne, & ces
vers le declaroient encore mieux.
Aurati quijam Radii tibi tempora
cinçunt3
Solis avifaciunt.fpem
3
fpecz;
menqueTai,
perge utinam &Patrio Te Totum
luminecompte
, Dum totum referat plena cor
nis avum.
En perdant de vûë cet Obelisque
on apperçevoit proche l'EglisedesAugustins,
unArcdeTriomphe
dont le bel ordre & la magnificencefrappoient
agréablement
la vue &l'esprit. Ilestoitconsacré
à la Pieté de Henry le Grand,
qui a apporté la Couronne à la
branche de Bourbon, comme le
disoit l'inscription de cet Arc, où
l'on avoit ajousté qu'il avoit sauvé
la Religion dans ses Estats
,
malgré
les efforts de l'envie. Qui beroica
fortitudineRegnum adiit>
Religionemasseruit
3
frementem invidiam
superavit.
C'est pourconsacrerla mémoire
de ce bienfait,quedans leTableau
du grand Frontononvoyoit ce
Grand Monarque qui recevoit
un Lys que la France luy presentoit
avec ces mots. Gallioe restauratori.
Sa reconciliation à l'Eglise
Romaine faite à saint Denis devant
le Cardinal de Bourbon, les Ambassadeurs qu'il envoya au
Pape pour son absolution, l'offre
généreusequ'il sir de son épée au
Pape Paul V. pourvenger lesLieux
Saints & pour chasser les infidelles
de l'Europe, les obstacles qu'il
surmonta pour conserver la veriable
Religion dans cette Monarchie
, qu'on vit sur le point d'être
livrée au Monstre de l'Heresie,
tout cela estoit representé dans
les Emblemes & dans les Devises.
On y voyoitle Glaive de Gedeon
fatal aux Tentes de Madian
,
-&
Andromede, qui representoit la
France preservée du Monstre. -
Poursignifier que la pieté Chretienne
lanébfia dansce grand
Prince la Valeur & la Clemence,
ces deux Vertus estoient representées
avecleurs Symboles & des
vers qui en faisoientl'application,
& pour le couronnement de cet
Ouvrage,les deux bouts de laCorniche
estoient surmontés de deux
Pyramides, dont le Socle estoit
occupé par les Armes de France
&de Navarre~ le marbre par
des Inscriptions. L'une fembloic
avoir esté uneProphetie des Vi^
doires que les Enfans de çe relj~
gieux Monarque ont remportées
sur l'Heresie & l'on pourroit dire
de Clement VIII.dont on y ciroit
les paroles
,
qu'étant Pontise,
comme ill'étoit,il avoit prophétisé
dans cette occasion. Etcum
essetPontifex prophetavit.
L'Arc de Triomphe de la ruë
Filonardi, avoit esté dedié à la
Triomphante Memoire de Loüis
leJuste. Ce religieux Prince,dans
qui l'on a vu revivre la pieté de
St.Loüisdontil fut le digne neveu
, y estoit representé dans le
grandTableau au pied des Autels,
où il consacroit ses Estats & sa
Couronne à la Reine du Ciel &
dela Terre. Sous le Tableau on
voyoit le caractere de ce pieux
Monarqueexprimé dans ce vers
2Jec pietatt fuitmajor
3 nec jujîiot
alter. - -
-, Comme routes les guerres qu'il
entreprit furent saintes, & que
si pieté asseura le succez de ses
Armes plus que touteautreraison
, on l'avoit reprefenré dans
le, Emblemes des bas reliefs fous
l'idée d'un Moïse qui mettoit en
fuite les ennemis du Peuple de
Dieu par ses prieres, & de cet
autre defenseur du Sanctuaire
3
a qui le Prophete Jeremie s'apparut
lui donnant un glaive doré
jiccipe glaaium aureum munus San-
Hum in quo dejiciesadverfarios.
Sous la Corniche & dans l'entredeux
des Colomnes de cet Arc,on
avoit placé plusieurs Devises
dont les , unes designoient l'innocence
des moeurs de ce Prince,
les autres la sainteté de sa mort,
& pour marquer l'admirable rapidité
, avec laquelle il enleva à
l'Heresierevoltée, ses plus fortes
Places, comme la Rochelle, Montauban
,
& autres, on avoit fait
dépeindre la foudre, dont le carreau
tomboit sur les portes d'une
Forteresse avec ce mot, aut cedunt
aut uunt.
Les figures de S. Louis, & de
Charlemagne estoient dans l'entre-
deux des Colomnes
,
& sembloient
donner des éloges aux
grandes choses que la pieréde ce
vertueux Monarque lui a fait entreprendre
& executer. CVft furquoy
ils s'expliquoient en Vers
François, & c'est dans cette veuë
qu'on avoir encore menagé dans
l'ordre de cette Architecture une
place auxBustes de deux Saints qui
paroissoient applaudir au zele & à
la pieté de ce grand Fleaudes Calvinistes.
L'un est le Bienheureux
Pierre de Luxembourg, grand
Thaumaturge de la Ville d'Avignon
,parent & allié à la Royale
Maison de Bourbon, &; l'autre
saint François de Sales, la terreur
de ces mesmes Heretiques,
redoutable fléau des Calvinistes;
&d'ailleurs contemporain & ami
de ce saint Monarque qu'il forma
à la pieté.
Entre cet Arc de Triomphe &
la place du Change,on avoit érigé
un Trophée à la Religion & à la
Valeur des Heros Chrétiens de la
MaisondeBourbon.Tant de Combats
donnez, de Victoires remporrrées,
de Villes prises d'Eglises
bafties
, ou fondées, entroient
dans ce Trophée qui surprenoit
prenoit & plaisoit également. Le
titre estoit conceu de cette forte.
RELIGIONI ET VICTORIA,
• Ad oeternitatem JBorbonii nomi-
"Il", Tropboeum
,
ob Proelia uno
fæcltlo cum laudecommifJa plus C.
ob expugnatas Vrbcs,innumerafque
ÆdesfacrM dotdtas>ob auri argentive
talenta inufus pios 3pofuit
gratajuxtà & caraAven.
- On a coustume en de pareilles
rencontres de dresser un Théâtre
au Change pour y placer un Concert
de Musique. L'Auteur du
dessein de cet appareil avoit fait
donner à ce Theatre la forme
d'un Vaisseau qui representoit
celuy de l'Eglise,aussibien que celuydont
la Capitale du Royaume
sesert dansses Armoiries. Ilavoit
vers la proüe la figure d'un Daufin,
&: dans la Mer où le Vaisseau
paroissoitflotter,sepresentoient
plusieurs Daufins qui sembloient
vouloir le soulever pour le garantir
du naufrage. sur le grand
mast paroissoit arborée cette fameuse
Oriflame qui a rendu durant
tant de siecles nos Rois victorieux
des ennemis de la Religion&
de l'Estat.
On avoit garni les entre deux
des sabors de Devises. L'Etoile
des Armes du Pape y servoit d'Estoile
polaire,avec ce mot H«c
Sydere tutst.
On y voyoit encore un Soleil
dimper les orages, & la tempête
avec cette ame. Discutio nesucutiant.
Les autres Devises rouloient
sur le mesmesujet.
Le Collier de l'Ordre que saint
Loüis établit pour animer le zele
de ses noblesFrançois à la conqueste
de la Terre Sainte,servoit
d'ornement aux cordages de ce
Vaisseau,qu'on avoit mieux aimé
dessiner sur l'ancienne maniere
que sur celle d'aujourd'huy. On
ppoouurrrrooiitdt diirre, que ce Vaisseau
encore ces pieuses
Escadres, à la faveur desquelles
Henry le Grand
,
LouisXIII.
& Loüis le Grand ont fait passer
tant desaintsMissionnaires dans
le Canada,la Grece, la Syrie,
la Perse
,
l'Ethiopie
)
& sur tout
dans ces dernierstemps à Siam,
& à la Chine.
C'est là que se fit entendreun
Concert de tout ce qu'il y avoit
de meilleuresvoix & d'instrumens
dans Avignon. Les paroles du
Motet qu'on y chanta, tirées de
l'Ecriture Sainte, exprimoient l£
voyage, & l'arrivéede Messeigneurs
les Princes.
Devant la Maison deVille estoit
placée la Statuë du Roy. Ce Monarque
y estoit representé à chevalen
habit de Héros, la foudre
à la mairt& en attitude d'en
écraser l'Hydre, qui paroissoit
déja, terrassée&comme expirante
à ses pieds.
Le Piedestal de la Statue avoit
quatre faces, dont les deux plus
grandes estoient chargées chacune
d'une Embleme. La première
representoit la destructionde l'Arianisme
par Clovis dans la defai- ted'AlaricRoydesGots, Image
des Vidoires que le Roya remportées
sur les Princes ôc lesEstats
protestans.
SicArrianam Clodovoeus contudit
Mydram.-
L'autre bas relief representoit
laVictoire deJosuésurles Amalecites,&
la Pieté deceConquerant
qui prolonge les jours pour
luy donner le temps dedestruire
tout à fait les ennemisde Dieu &
les siens;
Hoc tempusfiietas'abolendis Mofiii
bus addit.
- -
Dans l'une des deux autresfacesr
de cePiedestal
) on avoit peine
pour le corps d'une Devise, la.
Massuë de cet Hercule Chreftierv
qui destruisoit l'Hydre de l'Herefie
j
& de la Discorde, changée'
en Olivier, comme on suppose:
que le fut celle de l'ancien Hercule.
Ce mot en faisoitl'âme 8C
le sens.
Satis cfijam (cgnita JvLonftris.
La Guerre;) & l'Herejie en nos
jours eftoufèes, - Sans le Bras de Louis ferôient en-:
cor debouty
Par leur dcfaite, il met le comble
àses Trophées3
Comme ilfit tout tremblerjlpacifia?
tout.
La quatrième face estoit char£.-
gée d'une autre Devise où l'on
voyoit un Soleil qui paroissoit
plus brillant que jamais,après
avoir dissipé les nuages de l'Herede
avec la foudre. Le mot ex.
primoit que le même Astre fait
la Merveille & la Terreur du
monde.
Miraculum orbts & terror..
QU4 fol. recedens , quarediens
volâtt t
Jrfiraculum Orbis,Catholici micas9
RegtimqueTcrror,Solisinfiary
Nempevibras Zodoice Fuhncn.
Cette figure fut gardée nuit
& jour par quatre hommes de la
ville, qui n'en laissoient approcher
perfonnepour marquer davantage
lerespect.
Il y avoit encore un Arc de
Triomphe à la vûë du Palais,
où. Messeigneurs les Princes ont
logé. On luy avoit donné deux
faces completes, afin que de quel-
,
que costé que la Cour le regardast,
elle y trouvast exprimezcesexemples
de Pieté qui luy sont dometiques.
La premiere face estoit consacrée
à la Gloire du Roy. On y
marquoit dans l'inscription, qu'étant
Grand par mille beaux endroits,
il est sur tout Grand par sa
Pieté,Ludovico XIV. multis nominibus
Magno,Pietatemaximo, qui
Caroli Magni virtutem & inge.
nium revocavit
,
Imperii Gallici
Majestatem ad summumsplendoris.
Hastigiumextulit,inviciafortitudine
bis Orbemterruit,incredibili
moderatione bis pacavit.
Ce Monarque estoit representé
dans le Tableau du grand Fronton
, avec un airTriomphant, de
voir terrassées l'Heresie
,
la Rebellion,&
laDiscorde, qu'ilsouloit
fous ses pieds, tandis qu'il ordonnoit
la revocation de l'Edit de.
Nantes
,
chef-d'oeuvre le plus
glorieux de son Regne,& le plus
ca pable de rendre sa Memoire
immortelle.
Salutis publice auE/ori.
Le zele du Roi ne s'est pas borné
à son Royaume. L'Eglise d'Orient
reçoit depuis plus de cinquante
ans de sa Royale liberalité
,
des secours continuels 6c
magnifiques,qui la font subsïster
dans la Grece
,
à- Constantinople
y
dans la Syrie, dans la
Perse, &- dans l'Ethiopie, où
il a fondé de nouvelles Misifons,
depuisquelques années.
sans parler de ces pieuses profusions
qui ont fondé les Eglises de
Siam & du Tunquin
,
& de la
Chine, & qui font que son nom
est en benediction chez tous les
fidelles de l'A sie.
L'Eglise d'Occident nes'est pas
moins ressentie de son zele. La
Religion rétablie dans Strasbourg,
dont il a enrichi la Cathedrale
par des presens dignes
dû plus Grand Roydu monde, àquoy
-
l'on doit adjouster ce qu'il
a faitdans l'Alsace, & dans le
Palatinat, l'Autel& le Sacrifice
dela Religion remis en ufàge>
dans Genéve, les bienfaits continuels
dont il comble les nouveaux
Catholiques en France, ôC
les nouveaux Chrestiens dans le'
Canada, dans la Martinique,ce
font deseffets d'une pieté heroïque
que l'on avoit exprimez, en
representant en deux bas reliefs
ces deux Eglises qui luytendoient
lesmains,& qui sèmbloient éclater
en fentimensde reconnoissance
& d'admiration pour leurillustre
Protcc',tc-tir. C'est en ce sens que
VOÛavok mis au bas de ces deux
Emblemes, ce grand éloge que
l'Ecriture Sainte donne à la pieté
de Josüé. On y lisoit d'une part,
Magnusfecunaum nomen suum *
Maxtinins
Insalutem electorum.
- Etdel'autre,
Ut expugnaret insurgentes HojlsSi
& canfequeretur
Hæreditatem Israël, Eccles.
L'Empereur Constantin & le
grandThéodore, fameux par leur
pieté,estoientdépeints dansl'entredeux
des Colomnes de cet
Arc ,comme pour admirer le merite
incomparable de ce H^ros
Chrestien, qui fètlouvc encore fuT.
perieuraumeritede si reputation.
C'est ce qu'on voit exprimé par
ces deux vers.
Jzama. ingenj!Magnum nomen vir*r
tutibus imprt
3
Magnum habuitmagno quidquiJ.
in orbe fuit.
La seconde face de ce mef-'
me Arc estoit consacrée à Monseigneur.
Ce grand Prince imite
de si prés son auguste Pere, qu'on
n'avoit pas cru devoirplacer plus
loinlés monuments de gloire qui
le regardoient. Sa fameuse campagne
de Philisbourg faisoit le
sujet du grand Tableau. La Religionquirentradans
le Palatinatavec
lesarmes victorieuses de
ce jeune Conquerant, luy presentoit
une couronne de Laurier
& sembloit dire, ,
Jrlanc habuit partam propria vittute
Coronam.
La grande inscription ne parloitpas
feulement de luy comme
d'un Heros, mais comme du
Prince le plus heureux du monde,
qui a fourny dans la personne de
Messeigneurs les Princes ses Ensans,
les Heros qui feront la gloire
& le bonheur du nouveau siecle.
L'VDOVICO DELPHINO
YiE/ori, Pw^Clémenti,Hcroîprimoe
fortunoe
y Summos inter Imperatorcs Egregia>
principes interfortundti.ljîmos foeli~
ciilimo
Hieroüm NoviftCculi
\fid ImperiiGallici oeternitatem
Parenti Auvuflo.
Deux Figures qui estoient aux
deux costez de ce Tableau representoient
la France & l'Espagne,
qui paroissoient par cette situation
sereunir enfaveur de cet heureux
Prince;Elles estoient couronnées,
vestuës enReines, & unies
par des noeuds d'amour formezdes
chaînes de Navarre. Cela faisoit
penser d'abord à la succession
d'Espagne
,
&cecy achevoit de
l'expliquer à la gloire du Roy &de
Monseigneur.
Hocopus eji3 Lodoice, tuumy Quippe
Herculisinstar
Attonitasgentes in tua vine/arapif.
Hocopus est
y
Delphine, tuum-spes
Maxima mundi
Tanto3M<eres3Patri3 non satis
unus erat.
fiorbonidum Claro
3
fotiatos
3
Sanguine
nexus3
QuimeliuspoJfetjungere3nttHus erat.
Si dans la premiere face de cet
Arc, onavoitveule grandTheodose
admirer le merite du Roy,
Theodosele jeune fournissoitpour
Monseigneur un sujet d'Embleme,
qui n'estoitpasmoins heureux.
On avoit representé cet
En)pereurauprés deses FilsArcadius
& Honorius,ausquelsildesignoic
sur le Globe Impérial
>
les
divers Etats qu'illeur devoit donner.
C'estcequedisoitenmoins
de motsle vers suivant.
QuemSolus meruit,jic natis dividitorbem.
On voyoit encore dans cette
feconde face comme dans la premiere
,
plusieurs autres peintures
ingenieuses, &il yavoit deux
rangs de devises dans l'entredeux
des Colomnes,l'uneestoitun Grenadier
portant desfruits couronnez:
L'autre un Lys qui sembloit
se couronner luy
-
mesme par ses
trois cam pres qu'il produisoit.
On voyoit aussi un caducée qui
servoit à réünir deux Sceptres.
Les nouveaux planeres que les
Mathématiciens appellent
les
Astres
de Bourbon, estoient representezauprés
duSoleil. Tout cela
se faisoit d'abord appliquer aux
conjonctures presentes, & àces
heureux évenemens que nous devons
regarder comme autant de
recompenses de la Pieté du Roy,
de Monseigneur,&de son auguste
Famille.
Le dessein des Arcs de triomphe
& des autres ouvrages qui ont servi
à decorer la Ville d'Avignon,&
que je viens devous décrire,estoit
de Mr. Cotelle,dontl'imagination
est fort seconde. Il est de l'Academie
Royale dePeinture
,
& de
Sculpture de Paris, & a fait plu-
- sieurs tableaux en miniature, plus
grands
grands qu'on ne fait ordinairement
ces fortes d'ouvrages. Ces
Tableaux representent tous les
Bosquets de Versailles, qui sont
remplis de Fontaines,de Figures,
& d'autres ornemens,& sevoyent
à Trianon.
Messeigneursles Princes estant
partis d'A vignon le 28. allerent
coucheràCaderousse. Mr.leVicelegatd'Avignon
y tint encote plusieurs
Tables, & continua à faire
donner des fouragesaux chevaux,.
Se à defrayer les équipages. Le
Parlement d'Orange qui s'y estoit
rendu,lescomplimenta dela part
duRoyd'Anglererre, &fut presentépar
Mr. Desgranges, Maître
des ceremonies.

Ilsenpartirent le29àneuf heures
, & vinrent dîner à Morand- -
Ilspasserent-là l'eau proche d'Orange
sur un Pont de pierre qui
estoit gardé par des Suisses qui
estoientau Roy d'Angleterre. Ils
arriverent à Boulene à trois heures
aprés midy, après avoir passé le
Lek sur un Pontaussi de pierre.
Mr/Je Vice-legat y fit encore les
honneurs en destrayant route la
maison des Princes& les écuries,
& remercia Messeigneurs les Princes
de l'honneur qu'ils lui avoient
fait,&prit congé d'eux. Ils partirent de Boulene le
30.à neuf heures pour Montelimar,&
passerentleJapon à gué,
&le Robion sur un Pont de bateaux
: çes. deux Rivieres sont si.
conriguës qu'elles paroissent n'en
faire qu'une. Ilsdînerent à Lasner
oùl'on trouva tousles Boujy
geois fous les armes; 6c cette petite
Ville, tenduë de drap 6c de
couvertures. Onavoit passé auparavant
par la petite Ville de
Mondragon, où tout s'estoit
rrouvé de mesme que dans Lamer.
Les Princes monterent à
cheval pour aller au Pont S. Esprit.
Ensuite ils repasserent le
Leksur le mesme Pont de pierre,
& leurs carosses passerent à gué.
Ils les trouverent à une croisée
de chemin qui va d'un costé à ce
Pont, & de l'autre à Boulene.
Mr le Marquis de Chabrillant
l'un des Lieutenans de Roy de
la Province de Dauphiné,& M r Bouchu, Intendant delamesme
Province, accompagnez de plusieurs
Gentilhommes, receurcnt
Messeigneurs les Princes,quitrouvirent
à la porte de la Ville de.
Montelimar Mr le Marquis de
Vireville qui en est Gouverneur
le Maire & les Echevins qui les,
complimencerent. Toute la Ville.
estoit tendue d'assez belles Ta-.
pisseries, le pavéestoit (ablé..&.
les Bourgeois estoient fous les armes.
Ilslogerent chez le Gouverneur.
Troisfontaines de. vin
ingenieusement construites cou-,
lerent pendant tout.letemps
qu'on y demeura.
On partit de Montelimar 1er
31.A huit heures du matin, &,¡
l'on vint dînera Loriot, petites
Ville où l'on s'attendoit que les
Princes coucheroient Les Habitons
surent très-chagrins de se
voir privez de cet honneur. Aæ.
tieu de faire tendre leur Ville,
ils en avoient palissadé les mutailles
avec du buis, & élevé des
portiques tres-a greables 8t tres-..
galans. Après avoir passé la.
Drome sur un Pont de bateaux
au Village de Leuron
, on arrivai àValence sur,les cinq heures du'
soir. On avoit crû queles Prin-
ces n'y arriveroient que le lendemain
; mais le logement de
Loriolne s'estant pas trouvé asfez
grand, on alla en un jour de
Montelimar à Valence, quoy
que la journée fusttres-forte, 8c
qu'on eust souffert pendant deux
jours un fort grand froid, & un
vent tres-incommode. La mi..,
rechaussée avoit esté à deux lieües
de la Ville au devant des Princes,
& ils avoientesté tellement {atis..
faits delabeautéde cetteCom,
pagnie, que Mr le Mareschal de'
Noaillessit dire au Prevost qu'ils
vouloient encore la voir, lorsqu'elle
passeroit dans la Ville. Le
Gouverneur,à la teste de l'Estar
Major, les reçut hors de la Ville,
ôcMr Rouveyre,Maire & premier
Consul
,
accompagné du Corps
de la Ville, complimenta Monseigneurle
Duc de Bourgogne en'
ces termes. M0NSBJGNEVR5
1 L OU IS le Grand a donné des
Z»ix à toute la terre 3
il a fait
trembler toute tEurope irijvftement
Liguée pour arrester la rapidité de
fis Conque/les. Ses deffeiris impénétrables
t)tJt estéfhftofi çxccMtJZ^
que connus ; il a preferé le repos de
ÏTUnivers à l'amour qu'il avoit -
pour taviHoire & pour les com."
bats
y
lorsque pouvant tout vaincra
& tout conquérir ,
il s'ejl contenté,
defaire goûter à ses Sujets les dou-t
Mrs de la paix.Ilvient dedonnerà
Efpoegne un Princeaccompli.
Que la France>JHonfeigneur3 au-
'J:IJJt raisond'eftrejaloufcyfi ce grand
JLoy, la terreur de ses ennemis , gK
Ilamour de ses peuples
, ne vous
tûnfervoit, comme un Prince digne
de luy, pour tflre un jour le Sllcceffeurlégitimé
deses Etats}fuifque
vous l'esies déjû de ses vertus; s'il
ne luy refiçit un autre Prince incomparable3
dont les vertus font les
plus beaux fruits de ses foins3 qui
ye mentent rien moins qu'une CoUI
mme3 & que les Nations él4ram
geres ne tarderont guére de deman
der pour avoir un Souverain de
l'augufieSang des Bourbons. Cemodèle
achevé,cegrand Louis , quetout
Monarque doit"se proposer
y
vous apprendra l'art de regner>3 dt,
{-(Jmrnandcr,&, de vaincre. Ce
Prince inimitable à tout autre qu'à
WUJ3 préparera parsaprudence &.
par sa sagesse vos entreprises glorieuses.
Vostre valeur , Monseigneur,
les executera dan$.' lafuiter
& la gloire les couronnera dans le
temps..
Les Princes entrerent ensuite
dans laVille, dont toutes les ruës
estoientsablées&tapissées de hau-
telisse. Ils passerent d'abord an
travers de deux cens jeunes hommes
bienfaits& lestement vestus,
avecdeshabits uniformes, & en*
suite
fuite au travers de deux hayes de
Bourgeois qui estoient fous les armes.
Ils avoient la pluspart des
habits galonnez, & tous leurs
chapeaux estoient ornez de plumets.
Les Princes allerent loger
à l'Archevêché,quiest d'autant
plus agreable que le Rhosne
passe au bas. La jeunesse de la
Ville eut l'honneur de les y garder.
Environ une heure après
leur arrivée, ils receurent non
feulement les presens que la Ville
a coûtume de faire en de pareilles
occasions, mais aussi deux
fusils, & deux paires de pistolets
d'un prix considerable
,
& de la
façon du Lorrain, & du Chatelerau
,
deux des plus fameux ouvriers
du Royaume qui demeurent
à Valenbe. Monseigneur le
Duc de Bourgogne dit enjesrer
cevant, Que depuis leur départde
Paris on ne Leuravoit pointfait de
present qui luy eufi fait plus de
flaijir ,& qu'ilreconnoissoit à
l'air du païs, &dux manières des
Peuples, qu'ilse rapprochoit de
France. Lesoir,toutela Villefut
illuminée;& il yeutdesfeuxdevant
toutes les maisons, plusieurs
Fontaines de vin qui avoient commencé
à couler lors que les Princes
arriverent, continuerent pendant
une partie de la nuir.
Le lendemain premier jour d'Avril,
Messeigneurs les Princes allerent
à pied à l'Eglise Cathedrale,
Mr. l'Evêque de Valence, en habits
Pontisicaux, les receut à la
principale porte, à la tête de son
Clergé, qui estoit enChappes.
Il les harangua, & son discours ne
parut pas moins éloquent que
spirituel. Ils entendirent ensuite
la Messè qui fut chantée par la
Musique, & à l'issuë de laquelle
ils retonrnerent à l'Evêché
,

Mr de Valernod PreGdent) Se
Lieutenant General, à la restedu
Presidial, les harangua avec beaucoup
de grâce, & d'esprit. Mr.
Desmottes,Recteur de l'Université,
prononça ensuite le Discours
suivant. M
ONSEIGXLVR;
Tous les lieux que vos auguflei
personnes ont honore,de leurpresence,
letentijfent de i(ye.Noms attendions
ce keau jour qui doit aujji
nous rendre heuretlx, & calmernos
impatiences. Nos desirs font enfin
remplis; nous avons le honneur de
voir les petits fis du plus grand
Roy du monde, lesfils d'unHéros
à qui les Peuples de cette Province
se trouvent particulièrement de..
votiez^ Q()uueleleemmpprreeJsJscemeennttrerfepfepéefculueeuu;x"
nedevons-nous pas avoirpour des
IJrincesdistinguezparlettrsagesse
y par les riches taiens de leur efprit>
par la grandeur de leur naissance
!
Vous ejJes, Monfcigneur
3 an
cheminde la gloire. On ne parle
que de Pardeurheroïque qui vous
pr-effe de vous signaler dans les
combats
>
que de voflre attention à
marcher sur les pas de Louis le
Çrand ; Monarquetoujours hcftreux
}
toujours suivi de la viitoire-,
autant admiréparles actions desa
clemence, que par celles de sa valeur,
qui adjouftantprodigesurpro.
dige, vient de mettre sur le Thronv
ti/Efpagneun Roy desaFamille.
Par les mêmes vertus, :,monte'{ à la inéme puissance. Cveotutes ;Vniversîtê, Monseigneur3qui vous rendses hommages,glorieuse d'enseigner
les Loix,enseignera les vô.
i tres y
pendant que vous apprendrez
Ig vos Neveux j'art de vaincre &
kde rezner.
LePresidentde l'Election parla
aprés Mr. des Mottes, & Medeigneurs
les Princes receurent tous
ces Complimens avec bonté.
Mr le Mareschal de Noailles
leur ayant prefeoté le jour precedent
Mr. le Marquis du Prayet de
la Maison de Veynes, l'une des
plus anciennes de Provence, leur
avoit proposé en mesme - temps
d'aller le lendemain chasser au
Valentin,où ceMarquis a un tresbeau
Parc. Ils yallerent sur les
trois heures après midy. Mr. le
Marquis du Prayetles attendoità
la porte de ce Parc avec Mr. le
Marquis de Chabrillant, l'un des
Lieutenans de Roy de la Province
,
& Mr de Pourroy ses proches
parens, il les conduisit d'abord
à l'endroit où ils pourroienc
chasser à des Lapins, il avoic
fait boucher tous les trous de ses
terriers, 6c pris la précaution,
outre cela, de faire jetter plusieurs
Lapins qu'il avoitfait prendre
dans d'autres garennes, afin
que les Princes eussent le plaisir
d'en trouver beaucoup
,
& par
conseqnent d'en tuer grand nombre.
Aprés cela illes fitmontersur
un petit coteau, où ils trouverent
dans les terres au dessus
beaucoup de perdrix , & de cailles;
ils en tuerent quantité,
ils essayerent les armes donc
la Ville leur avoit fait prefent
le matin, & témoignerent
estre fort contens du plaisir que
leur avoit donné cette chasse.
Aprés ce divertissement qui dura
assez long-temps
,
Messei-
gneurs les Princes se trouvant
prés du Château qui estsitué au
milieu du Parc, Mr le - Mareschal
de Noailles leur proposa d'y entrer
pour prendre quelques rafraichissemens.
Ces Princes s'avancercnt,
& y entrèrent par un
beau degréquiconduit dans un
tres - grand appartement qui
estoit fort proprement meublé.
Il y avoit au bout une chambre
où ces Princes trouvèrent une
magnifique collation avec toutes
fortes de rafraichissemens & des
eaux les plus exquises.
-
Mr le
Marquis du Prayet eut l'honneur
de servir à boire à Monseigneur
le Duc de Bourgogne, & Mr le
Marquis de Chabrillant eut celuy
de servir Monseigneur le Duc
de Berry. Ils passerent ensuite
dans une autre chambre pour
donner le temps aux Seigneurs
de leur Cour de prendre part
à ces rafraichissemens.IIyavoit
de toutes sortes de vins, de la
Verdée,deFlorence,&du Montalchin.
Cet endroit fut trouvé
si beau, & dans une situation si
heureuse,queMonseigneurle Duc
de Bourgogne voulut bien en lever
le plan, & en dessiner les vûës.
Lorsque les Princes furent remontez
à cheval, ils firent l'honneur
à Mr. le Marquis du Prayet de le
salüer,&mesme de le remercier;
de pareilles manieres font faites
pour gagner les coeurs. Les principaux
Seigneurs de la Courfirent
compliment à Mr. du Prayet sur
l'honneur qu'il venoit de recevoir,
peu de Gentilshommes en ayant
receu un pareil dans le cours de
ce voyage.
Mr.l'Intendant qui tenoit trois
tables servies magnifiquement
donna le soir de , ce mesme jour
un grandbal ,où toutes les DanieseX.
les Seigneurs de la Course
trouverent. Ils furent charmez
delabeauté de deux jeunes Demoiselles
de qualité. Ce bal fut
suivy d'une collation que Mr.
l'intendant avoit ordonnée, ôc
qui répondit à la magnificence
avec laquelle il fait toutes choses.
Le 2. d'AvrilMesseigneurs les
Princes, aprés avoir oüy la Messe
à l'Eglise Cathedrale de Valence,
&dîné avant leur départ, monterent
entre dix & onze en caroiïe
pour aller coucher à Romans,
où l'on arriva sur les deux
heures, aprés avoir receu pendant
toute la route beaucoup d'incommodité
d'une neige fonduë.
On trouvalaVilletenduedetapincries,
& les ruëssablées. Il y
avoit sur la place un bataillon Irlandois.
Messeigneurs les Princes
logerentchez Mr. l'Abbé Lessein,
dont lamaison estoit toute peinte
& tres-bien meublée. Au devant
de l'entrée,onavoitfait bâtir de
pierre de taille un Arc de triomphe
à deux faces, où il y avoit
quatre colomnes à chaque face,
avec son pilastre derriere, & au
dessus du ceintre, en entrant,estoientces
mots. In honoremRegia
prolis Orationis specimen optimi
triumphi augurium, & à l'autreau
dedans, Ludovicus magnus, rebus
(fcjlis optimo triumphosublimior.
Les deux façadesestoient également
ornées du mesme ordre Toscan.
La l'Isere passe au pied dela
Ville,lePont est couvert, &citoit
orné de buis, & au boutà
l'entrée dela Ville, estoit un Arc
de triomphe qui couvroit la Porte.
Tout le Pont estoit bordédes deux
costez par une Compagnie de
Bourgeois en habitsgris-blanc
uniformes, avec des gibecieres&
desfournimens rouges,ornez d'un
petit galon d'argent:les Escussons
estoient enrichis de broderies differentes,
les unes representant
des Dauphins, & d'autres des
fleurs-de-Lys.Ilyavoitau de-là
dela Porte une Compagnie d'Armeniens
A
deux Commandans à
leur teste. Quatre Bardiches les
suivoient, armez de longues haches
, & s'eftendoient jusqu'à là
maisonde Mr. l'abbé deLessein,
Les Princes estant arrivez, toutes
les Compagniesdefilerent devant
leurs fenestres
,
& ils les regarderentavecplaisir.
Deux Commandans
marchoient à leur teste, qui
lessalüerentenpassant. La premiere
Compagnie-estoit d'hommes
mariez habillez de gris-blanc,
avec des gibecieresrouges. La seconde
estoit de Dragons avec des
bonnets rouges rebrassez de fourrures.
Leurs habitsestoient bruns.
La troisiéme, estoit une Compagnie
uniforme comme la premiere.
Elle estoit de garçons avec des
gibecieres bleuës & des fournimens.
La quatriéme estoit des
Armeniens. Deux Officiers subalternes
marchoient à la teste, &
precedoient un Chameau,sur lequel
il y avoit sept ou huit petits
enfans qui estoient tres-propres.
Onleconduisoit à la teste de la
Compagnie,les deux Commandans
paroissoient ensuite.Les quatre
Bardiches venoient après, Se
toute la Compagnie qui montoit
bien à six - vingts hommes. On
avoit preparé une girande autour
du clocher des Cordeliers; mais
comme la nuitestant venuë on y
travailloit encore, un Ouvrier en
passanty mitlefeu par mégarde.
Tout l'artifice prit en un moment,
& par bonheur ne causa pour tout
desordre que le chagrin de priver
les Princes de la vûë de ce feu.
On partir de Romans sur les
onze heures du matin,aprés avoir
entendu la Messe aux Cordeliers,
& dîné ensuite.La Compagnie
d'Armeniens dont j'ay déja parlé,
setrouva à la Porte de la Ville.
Les femmes de ceux qui la composoient
estoient au milieu ,ce
qui meritoit d'attirer lesregards.
Les Princes firent arrester leurs
carosses à un quart de lieuë de
Romans pour voirfaire l'exercice
au bataillon Irlandois
, qu'ils
avoient vû dans la place en arrivant.
Ils le firent défiler devant
eux.
On arriva à saint Marcellin à
trois heures. Il y a auprès de ce
lieu des montagnes toutes couvertes
de neiges. Tous les habitans
estoient fous les armes. Ik
avoient orné leurs maisons de
quantité de verdures, qui estant
le soirmeslées de lanternes firent
unassez agréable effet. Messeigneurs
les Princes souperent ce
soir-làà la table de dix-huit couvertsqu'ils
tenoient quelquefois,
où les Seigneurs de leur Cour
avoientl'honneurde manger. ils
partirent de ce lieu le lendemain
4. sur les sept heures du matin,
parce qu'il y avoit beaucoup de
chemin à faire pour arriver à Grenoble.
Ils dînerent à Moirans, 5c
trouverent auprès de ce lieu un
Pont,sur lequel on avoit planté
une allée de Pins, & cent Montagnards
couverts de mousse verte,
depuis la teste jusqu'aux pieds,
avec des ceintures de buis. Ils
avoient chacun une massuë sur
l'épaule, à la maniere des Sauvages
,& estoient entre ces Pins, ce
qui parut fort nouveau,& fort
extraordinaire, &faifoit un effet
réjoüissant On trouva la mesme
chose au Village de Bouret qui en
est proche.
Lorsque Messeigneurs les Princes
arriverent à Grenoble, la
neige
neige qu'ils avoient essuyée pendant
le chemin, tomboit encore
en grande abondance. On yavoit
dressé plusieurs Arcs de triomphe
3
fous lesquels ils devoient
passer. Le mauvais temps lesavoit
un peu defigurez. Je ne vous en
parleray point icy
,
mais je vous
en donneray unedescription complette
à la fin de cet article.
Messeigneurs les Princes trouverentàl'entréedelaVilleoù
estoit
le premier de ces Arcs de
triomphe
,
le Maire & les Eschevins
accompagnez de tous les Officiers
de Ville;le Maire les harangua
à la portiere de leur carosle.
Toutes les ruës estoient
tapissées&lepavésablé. Ilstrouverent
fous les armes quatorze
Compagnies Bourgeoises qui bordoient
les ruës. La premiere estoit
de Cuirassiers,armez de casques,
cuirades, & mousquetons.
Deux Officiers principaux marchoientàlateste,
d'autres Compagnies
estoient vestuës de gris de
fer avec des bourons d'acier, qui
faisoient un assez brillant effet.
Ilsavoientdes gibecieresbordées
d'étofe d'or. Le Regiment de
Bourg, Irlandois, s'étendoit depuis
la Porte de Francejusquesau
Palais
,
où il y avoit un Bataillon
de ce mesme Regiment en garde.
Ilyeut quelques endroitsqui ne
furent point tapissez à cause du
mauvais temps. On avoit planté
des piquets depuis la Porte de
France jusques sur le Pont; mais
comme on ne croyoit pas que les
Princes dussent faire une aussi
grande diligence qu'ils firent pendantla
neige & la pluye
3
& qu'on
attendoit quelques rayons de beau
temps pour tendre les tapisseries,
leur prompte, arrivée fut cause
qu'on ne les tendit pas; mais cela
fut reparé le jour de leur sortie.
Toutes les fenestres furent d'autant
plus remplies, que le mauvais
tempsincommodoit fort ceux qui
estoient dans les ruës, où il se
trouva beaucoup de monde, tant
de la Ville que des environs.
Si-tost que les Princes furent entrez
dansl'HôteldeLesdiguieres,
dont les appartemens se trouverent
fort commodes & bien meublez
, on tira cinquante pieces de
canon qu'on avoit placées hors
delaVille,outrecellesde l'Arcenal,
êzdela Baille.Mrs.de Ville
firent leurs presens, lorsqueles
Princes furent entrez dans leurs
a ppartemens. Ils consistoient en
fromages, en gands & en bouteilles
de vin. On alluma le foir
trois cens vingt-huit lanternes
I., & cent trente pots à feu dans le
Parterre del'HôteldeLesdiguieres.
Toutes ces lanternesestoient
éclairées par neuf lampes chacune,
ce quifaisoitde tous costez
une espece de Fleur-de-lys fort.
brillante. Cetteillumination continua
pendant tout le temps que
les Princes demeurerent à Grenoble,&
celles de la Ville furent
tres-grandes,comme vous verrez
dans la fuite.
Le lendemain 5.d'Avril Mr le
Comte de -la Roque, Colonel du
Regiment de Monfort, Envoyé
de Monsieur le Duc de Savoye
» &qui estoit arrivé le jour precedent,
fut conduit dans les carosses
du Roy avec dix Gentils-hommes
qui l'accompagnoient
, par
MrDesgranges Maistre des Ceremonies,
à l'audience de Monseigneur
le Duc deBourgogne,
pour le complimenter de la part
de S. A. R. ce qui se pratique
ordinairement lorsque les Souverains
ou leurs heritiers presomptifs
approchent des frontieres
des autres Souverains. Ce Compliment
fut tres-court ,
&: l'on
parla si bas de part & d'autre,
qtueepersonnne nd'en purt rieen en.- Mr le Comte de la Roque rendit
trois lettres à Monseigneur
le Duc de Bourgogne, & fut enfuice
conduit chez Monseigneur
le Duc de Berry, duquel il eut
aussi audience, comme Envoyé
de S. A. R. Il fut reconduit dans
les carosses du Roy,qui avoient
estéle prendre chez luy.
Aprés ces Audiences Messeigneurs
les Princes allerent à la
Messe à l'Eglise Nostre-Dame
qui est la Cathedrale de Greno-,
ble. Mr le Camus en habits Pontificaux,
à la testede son Clergé
en cha pe ,
les receut à la porte
de l'Eglise
, comme Evèsque de
Grenoble, & leur fit son Compliment.
Ce Cardinal avoit esté
les saluer lorsqu'ils estoient arrivez
à l'Hostel de Lesdiguieres.
Illeur donna sa benediction après
qu'il fut monté à l'Autel. Il y eut
musique à la messe. Les Princes
estant rentrez dans leur Appartement,
Mr de Gramont, à la
teste de six Presidens du Parleinent,
& de vingt-sixConseillers,
tous en rcbbes rouges, les harangua
feparemenr. Monseigneur le Duc de Bourgogne se découvrit
dans le moment qu'ilsentrerent,
& remit son chapeau lorsque Mr
de Gramont commença son Compliment.
Ce Prince fit le mesme
honneur à Mrs de la Chambre
des Comptes. Mr le Comte de
Ferriere, qui en est second President,
parla à la teste de quatre
Presidens du mesme Corps, de
douze Maistres des Comptes, de
deux Correcteurs, de deux Auditeurs
,
& de Mrs les Gens du
Roy. Aprés ces deux Complimens,
Monseigneur le Duc de
Bourgogne fit une inclination de
teste, à mesure que chacun de
ces deux Corps passa devant luy
pour le saluer
,
& on entendit
mesme qu'il dit en parlant des
Harangues qu'il venoit d'entendre,
qu'elles estoient bonnes.Monseigneur
le Duc de Berry sortit
ensuite de son Appartement ,
6c
se rendit à celuy de Monseigneur
se Duc de Bourgogne, où les
Princes furent complimentez par
le President du Bureau des Finances,
accompagné des autres
Officiers, & après eux par le
President de l'Election suivy des
Conseillers élus, & par le Vice-
Bailly accompagné du Lieutenant
& des Assesseurs.
La foule fut tres-grande au
dînerdeMesseigneurslesPrinces;
,-.. -
- mais
Mais comme ils eurent la bonté
de permettre qu'on les vist joüer
plusieurs personnes de distinction,
eurent cet honneur avec beaucoup
plus de facilité pendant la
plus grande partiedel'apresdinée.
Mrle Comte d'Estrées qui pafToic
par Grenoble pour aller à Toulon,
eut l'honneur de joüer avec eux.
Mr le Maréchal Duc de Noailles
donna le soir à souper à Mr le
Comte de la Roque, &: aux Gentils-
hommes qui l'avoient accompagné
à l'audience des Princes.
Ce repas fut magnifique, k l'abondance
s'y trouva avec la delicatesse.
Messeigneurs les Princes
serendirent aprés leur souper au
lieu qui leur avoit elle preparé
pour voir le feu d'artifice que le
Maire, &: les Echevins devoient
faire tirer sur l'isere. La loge
qu'ils avoient fait preparer estoit
au bout de leur logis, & justement
en face de ce feu. Elle estoit
quarrée, & peinte en dehors avec
des pilastres.Tout ce dehors estoit
doré, & orné de devises. Il y
avoit au dessus de ce Bastiment
des Statuesdeplusieurs Rois de
France. Le dedans n'estoit pas
moins magnifique; il estoit orné
de medailles qui representoient
les principalesactions du Roy.
Il y avoit un dais develours
cramoisi brodé d'or, & le reste
du meuble convenoit à cettemagnificence.
On avoit mis au devant
des Princes un treillage doré pour
empescher quel'artificene les incommodast.
Les yeux furent d'abord
frappez d'une colomnade en
rond qui soûtenoit quantité de
medailles,de devises peintes, Se
dorées, &deVers à la loüange du
Roy, & de Messeigneurs les Princes.
Plusieurs Statuës estoient
élevées sur ces colomnes & au
tour du toit, & il y en avoit une
audessus du Dome qui terminoit
ce beau morceau d'Architecture
quiestoit tout dessiné par des
lances à feu. Il yavoit à quelque
distance de-là plusieurs fanaux
posez sur des pilotis. Un bruit de
trom pettes, de timbales, de
tambours, & de boëttes ayant
servy de signal pour allumer le
feu, on vit en un moment un
grand Obelisque couvert de lumieres
au milieu de la riviere.
Lamontagne depuis la tour du
Rabotjusqu'auprés de Monfleury
estoit toute illuminée par des lumieres,
& des pots à feu placez
dans les endroits les plus apparens,
& avec beaucoup d'art.
Tout cela estoit mêlé de feux de
bois
, ce qui produisoit un des
plus brillans, un des plus grands
spectacles de cette nature qu'il
Fnst possible de voir. Le jardin de
l'Holtel de Lesdiguieres estoit
toutilluminé. Il y avoit d'un çQHé.
vingt portiques de verdure qui
formoient une allée qui conduisoit
à cette maison
,
& menoit
à une autre une fois plus longue
illuminée de mesme. ~ur les portiques
estoient des fanaux Ans
nombre qui formoient une espece
de corniche à perte de veuë. Trois
grosses lanternes de verre estoient
penduës en feston fous chaque
1 -
portique
,
& dans chacuneil y
avoitneuflampes, cinq en bas,
-& quatre en haur.
Lorsque le feu, qui dura plus
de deux heures, fut tiré , on se
rendit au bal que Mr deBouchu
donna chez MrTancin
,
dont la.
filleestoitla Reine, 6c Mrle Comte
de la Baume le Roy. Onavoit
choisi cette maison comme la plus
- commode de la Ville pour ledivertissementqu'on
devoir donner.
Tout le degré estoit éclairé par
des candelabres qui avoient six
bougies chacun. De-là on entra
dans lasale du Bal qui estoit illuminée
par un grand nombre cte
lùÍhes qu'on avoir fait faire exprés.
Toutecette sale se trouva
remplie de miroirs & de candelabresgarnis
debougies. On avoic
dressé un amphiteatre pour les
violons, & il y avoir au dessus une
tribune, pour ceux qui vouloient
voir le bal. A main droite estoient
deux chambres pour les joüeurs
magnifiquement meublées, & éclairées
par un grand nombre de
lustres & de girandoles. Il yavoir
beaucoup de cristaux & demiroirs
dans cette chambre. A main gauche
estoit la chambre de la colation
, dont tout le tour estoit remply
de tables longues derriere
lesquelles estoient des loges pour
les Officiers qui devoient avoir
foin de ces tables. Il y avoir au
dessus de chacune une Enseigne
en lettres d'or qui marquoit cz
qu'il falloit demander dans chacune
de ces loges ou boutiques.
Il y avoir à la premiere, Chocolat,
Thé, Caffé, liqueurs, rafraichissemens
> eaux glacées; à la seconde,
Liqueurs, vins de liqueurs
, vins
estrangers; à la troisiéme, Pc¡flez,
saucissons,pimbons
,
& vins franfois.
A la quatriéme_,Toutessortes
de confitures, & à la cinquiéme,
Fruits.On donna de tout cela avec
une si grande prosusion qu'il n'y
eut personnequi nedist qu'on ne
pouvoit pousser plus loin la magnificence
liberale. Mr deBouchu,
quoy qu'incommodé des goutes ,
y passala nuit par complaisance.
Le 6. Mr l'Envoyé deSavoye
eut son audience de congé Je
Messeigneurs les Princes, avec
les mesmes ceremonies que le jour
precedent. Ils furent complimentez
par le Pere Recteur desJointes,
qui leur donna à chacun un
Livre de,s sept miracles duDauphiné.
Les Chartreux les complimenterent
ensuite
,
&leur offrirent
quelques tableaux en miniature.
Ils entendirent ce jour- là
la Messe à S. André. La foule se
trouva si grande pour les voir dînerqu'à
peine la table fut-elle fervie
qu'elle se trouva renversée, ce
qui les obligea de (e faire servir
dans leur chambre, où l'on ne
laissa entrer personne. Ils allerent
l'apresdînée à la Comedie
, on
joüa le Misentrope. Ils souperent
ensuite, &virent aprés leur soupé
tirer quelques fusées, & trois
ouquatre douzaines de bombes
de carton, dont les unes jetrerenc
des étoiles , les autres des serpenteaux,
ëL les autres de la pluye
d'or. Les illuminations du jour
precedent furent continuées,&z
augmentées par quantité de godrons,
pots à feu
,
& feuxde gros
bois, qu'on fit autour de la Ville
ainsi que sur les montagnes, & sur
les coteaux, où l'on pouvoit les
appercevoir.
Le 7. MrleMareschal de Noailles
leur presenta Mr. le Comte
de Colmenere
3
Lieutenant General
du Milanez, que Mr. le Prince
- de Vaudemont leuravoit envoyé,
pour leur faire des complimens
de sa part, & les assurer du
chagrin qu'il avoit de ne pouvoir
pas aller lesassurerluymesme de
ses profonds respects
Voicy ladescription des Arcs de
triomphe qui ont esté dressez à
Grenoble pour honorer l'entrée
de MesseigneurslesPrinces Celuy
qu'on avoir dressé à la Porte de
France, estoit d'Ordre Dorique,
avec un corps Attique qui luy fervoit
de couronnement. Cet Arc
feint d'un marbregris, avoir quarante-
huit pieds de hauteur sur
trente-six de largeur,& six Sratuës
de marbre blanc de huit pieds.Les
Camayeur&lesBasreliessestoient
feints de Lapis, de Serpentin ècde
Porphire avec des ornemens rehaussez
d'or. Comme l'entrée de
Messeigneurs les Princes estoit
une entrée pacifique,on avoit placéau
dessus de ce premier Arc--, la
VilledeGrenoble,&les trois Graces
qui les invitoientàentrer dans
une Ville quiestlaVilledes Graces.
Sur la plate-bandeduceintre
du grand Arc du milieu, onlisoit
cette inscription.
Dumpendit Gratia portasy
Herculea& Jovia esie procul.
Ellefaisoitallusionà deux portes
antiques de Grenoble, que
les Empereurs Diocletien &Maximien
avoient fait élever avec ses
murailles, quand elle estoit nommée
Cularo,nom qu'on luyavoit
donné pour estre aculée dans les
Aipes. Ces. Empereurs qui affectoient
de se donner les noms de
Jupiter & d'Hercule, les donnerent
à ces deux Portes,donc l'une
estoitlaPorte de Rome,dite J7-
via pour Domitien, de la Porte
dite de Vienne, appellée Hcrculea,
pour Maximien. La Ville de
Grenoble representée à l'antique
avecla teste couronnée de ~Tours,
ris'a
ppuyoit sur l'escu de ses armoiries,
remply de trois roses.Son
habitestoit semé de Dauphins,
pour faire entendre qu'elle cil la
Ville capitale du Dauphiné,&
elle tenoit un bouquet de trois
roses qu'elle sembloit presenter
aux Princes à leurarrivée, comme
estant le symboledes trois Etats
dontla Villeest composée. Il y
avoit dansl'InscriptiondelaFrise,
PyincipibusJuventatisGallicæ S.P.
O. G. La Ville de Grenoble estoit
accompagnée de trois Graces,
parce qu'elles semblent faire
son nom ,
depuis que l'Empereur
Gratien luy a donné celuy qu'il
portoit. Ces trois Graces presentoientau
nom de la Ville lestrois
marques de l'investiture du Dauphiné
: la Banniere Delphinale
,
Pcpee Delphinale&l'anneau Delphinal,
qui sont les trois marques
d'honneurque receut dans. le
Cloistre desFreresPrescheurs de
Lyon, Charles, Fils de Jean de
France, Duc de Norrnandie,&
petit fils du Roy Philippe, furnommé
de Valois, du titre qu'il
avoic avant qu'il parvinst à la.
Couronne. La grande Inscription
dumesmeArc, placée aumilieu
du Corps Attique
, invitoit les
Princes par ces mots, à entrer
dans la Ville des Graces.
Gratiarym Vrbem inyredimini^
LudoviciMagni27epotçs32VoJ?iliffimi
CoefaresyLvdovici*Dei-*
phini Rçgia[oboles5G.iUicoeJuycntutis
Principes,regnifpcsal-
7terapop'ul-orum amor&defide- Fratreni). 44
plurescoronas vocatum;, deduxïftis
adfolium Gentis hericæ. Hic
in Delphinatium cordibus régna- reincipitc3futurialiquando Patres
PatrÙe&rezni decus.
'A la clefde la voute de cet Arc
estoitla Figure du Roy fous la representationduSoleil,
comme le
Chef principal, la source & le
fondement de toute la grandeur
de ces jeunes Princes, les petits
Fils. Entre les deux ceintres qui
s'élevaient sur les Impostes, estoit
la Medaille de Monseigneur avec
un revers de deux Dauphins,
montans & courbez devant un Soleil.
Il y avoir au tourde cette teste,
Ludovicus Delphinus, & au revers
Principes Juventutis Gallicoe,
pour les deux Princes designez
par les deux Dauphins,qui regar- j
doientle Soleil d'une maniere réf.
pectueuse. Deux grands Bas-reliefs
accompsgnoient la grande
Inscription principale. En l'un les
anciens Dauphins à cheval alloient
au devant des Princes
pour les recevoir dans la Province
où ils ont regné ,& une devise
qui se rapportoit àceBas-relief
* avoit pour corps trois ruisseaux
quifaisoient de grandes rivieres
en leur embouchure, avec cette
fin de vers, Efi exitusampliorortu.
Ces quatre vers en donnoient
l'explication. *t.Quelquehaute que.foit lasource
Dontlemondenous vitsortir>
Nous sommes bien plus grands an
boui de nofire course
3 Que nous n'ejiiolls aux lieux dont on
nousvitpartir.
-
LeBas-reliefopposéàceluy des
anciens Dauphins, estoit pour
Monseigneur le Duc de Berry,
à qui le Roy, & le Roy Henry
IV. montroient Robert Comte
de Clermont, & dernier fils de
saint Louis, qui par le fort de sa
,naiffarce,, se voyoit fort reculé
des grandeurs où (ès aînezestoient
appellez. La devise qui répondoit
à ce Bas-relief, estoit le Soleilau
signe desPoissons, quiestledernierdes
lignes, oùles jours fbne
les plus courts; mais où le Soleil
n'estnymoins lumineux ny moins
grand qu'auxautres signes, avec
ces mots, Splendori nilserior officit
ortus, & ces quatre vers françois
pour les expliquer.
Prince, continuez, de su- ivre vol
..Aycux
Pour
pourejlrc entréplus tarddanshlluftrc
carriere,
Ne craignez^pas d'avoir un for:
moitis glorieux.
Zcseulordre des temps ne fait pas
la ilimiere.
Sur les deux ouvertures des arceaux
collateraux,on voyoit d'un cosse
le Roy fous la figured'Apollon
Delphique, assis sur un Dauphin.
Deux vers imitez de ceux d'Ovide h ses Fastes, estoient écrits en caracteres
d'or,sous cette figure, èc
exprimoientlajoye des peu pIes,
de voir que nostre Apollon est
d'auilî bon augure pour nous,que
le futAugustepour les Romains.
Jrloc tu perterras,q?:od in æthrrcCynth
alto TC C)' ~7t l..;~!
Í -~o
7$cmenh-iba,rco?;m tu Pa- i>* tCTlilCt*011.
Ce qu'on avoir exprimé à peu
prés par ces autres vers en nostre
Langue.
Sous PAugufle Louis que de
viensà lafoisi
Ainji que le Soleil il éclaire le
monde.
L'un Pcre de la terres en la ren~
dant feconJcJ
Voit l'autre lePere des Roisi
A l'opposite de ce Bas - relief
d'AppollonDelphique,estoit celuy
d'un Neptune, tenant d'une
main son Trident,&de l'autre un
Dauphin. Il avoit l'air&levisagede
Monseigneur, à qui le Roy
a confié la conduitede les Troupes
duranttrois Campagnes, ce
que disoit cette Inscription.
- Armil vuhicia inviclo Principi
feliciter revenda tradidit Ludovieus
Magws>triumphatorperpetuus,
utvirtutis dvitææmulttJn
,
fortune
ac magnitudinis habeat aliquand)
confortent.
Ces vers l- 'expliquoienten nostre
Langue.
Louis toujours vifloricux.
Ayant confie son tonnerre
r:Afun Augufle Fils
?
digne de ses
Ayeux, En a fait un foudre de guerre. il veut qu'il marchefrirsespas
pour aller à la gloire où son grand
coeur Rappelle
Et qu'il apprenneà vaincre au milieu
des combats
Avant que de regnersur un peuple
fidelle.
Les Metopes de la frise entre
les trigliphes de cet Arc d'Ordre
Dorique, estoient remplies des
Medailles des Dauphins du Sang
de France,depuis Charles, filsde
Jean Duc de Normandie,jusqu'au
Roy Louis XIII. Sous les voutes
des deux arceaux on lisoit ces
deuxinscriptions.
0 Vtin Luaovi-co Magno
}
majores
omnes GiUi^e Reges revivifeunt, fie
in Ludovico Delphine
,
Delpbini
omnes. - Louis deses Ayeux renouvellela
gloire
Et son Fils des Dauphinsil~»
lufire la memoire.
L'autre Inscriptionestoit pour
Monseigneur le Duc de Bourgogne.
A veteribus Burgundcs orti ol-im
Delphinatus froceres in novo BurguïïàioeDuce,
Delphiniprimogenito
ynovum accus, fplendorem .'lO.
vum accipiunt,
Du Sang des Bourguignons dû*
; rantcinquante lufires3
Si les premiers Dauphins regnerentautrefois,
C'cft un Duc de Bourgogne, issa
duSangdesRois,
Fils Miné d'un Dauphin,1tli, les
rendplus illnftres.
On avoit placé sut le retour du
mesme Arc, Castor & Poillux,
avec leurHasteà la main, & leur
étoile sur le front, pour marquer
quelavenuedesdeux Princes estoitd'unaussi
heureux presage à
la Ville de Grenoble, que la vu"ë
de ces deux Astres, appellez les
feux St.Elme par les Matelots,leur
font de bon augure. On y lisoit
,cette Inscription. Adventui felici.llimo Frdtrunz
AtlgltftorNm
)
faujla omnia votis
fublicisapprceantur. S P. ÇKG.
J^enez^ Afire bénins qui calmez^
lestempêtes,
Vous presagez la paix&lafe*
;
renitè ;
Tantquevousferet^surnoi
tefles
Nous aurons le repos & la prof
pertte.
Sur la clefdu grand Arc du milieu,
estoitle BustedeMonseigneur,
à qui la Ville de Grenoble
adressoit ce vers d'Horace, pour
le prier de vouloir estre son Pere,
comme il est son Seigneur.
Hic ames âici Pater atque
Princeps.
Le grand Bas-reliefdu milieu;
peint en camayeu de serpentin
dont la couleurrepresente celle des,
campagnes; faisoit voir les deux
Princes assis sur des fauteuils sous
un Dais, & les Villes du Dauphiné,
par lesqu'elles ils n'ont pas
passé, qui venoient leur rendre
leurs hommages, conduites par
celle de Vienne,ancienne Capitale
des Allobroges,& premier titre
des Dauphins,nommezDauphins
de Viennois. Dans les deux grandes
Tables qui flanquoient ce
Bas-relief, estoient deux Inscriptions
en vers Latins, dont l'une
s'adressoit aux Princes, &: l'autre
à la Ville de Grenoble. La première
a esté renduë en nostre Langue
par ce Sonner.
Recùvezjesrefpecls&les humbles
hommagey
De ce peuplefideUeà vos ordres
fournis
Prince, ,Prince3qquitiidda.~nz~snç lleerraanngg ooùù le
Cielvousamis
Avez reccu de luy de si grands
avantages.
Quevo(lreFrere & VOltS, estes
de feurs presages
D'unsolide bônheur,malgré nos
ennemis !
Au Sang dont vousflrnz ce destin
estpromis,
Efiant de nos Meràs de si 'vive'S
images.
Jamts3retirez^ vousj vos deux
fronts opposez.
Nous font apprebender les mafJx
que vous causez)
Quandau calmesereinfiuccede la
tempejqe.
Deux Afires plus bénins eficlairent
l'univers >
Peur nous bien gouvernerccsiassezd'une
teste,
Aux enfins (1"un Dauphin tous
nos coeursfont ouverts.Les
Les cantons du grand Arc estoient
remplis de deux revers de
Medailles pour Monseigneur. En
l'unon levoyoit à cheval au milieu
de deux Trophées avec Is
Rhin & le Necre effrayez, & cette
legende Mars bis ultor. L'autre
lerepresentoit en pied armé, avec unesponton à la main devant deux
places qu'il couvroit, & ces mots,
Apatre partatuetur. Les cantons
des autres arceaux estoient remplis
de voeux pour le Roy, pour
Monseigneur & pour lès Princes.
Dans les Metopes de la frize estoient
les Armoiries de plusieurs
Maisons illustres duDauphiné qui
depuis deux siecles, ontservy nos
Rois dans leurs guerres.
Sous la grande voute de l'Arc,
on voyoit un grand Soleil qui
occupoit toute la largeur, & qui
estoit comme couronné d'un cercle
qui servoit de sphere à quatre
estoiles heliotropiques qui font
leur cours autour du Soleil. Ces
Astres estoient accompagnez de
ce vers.
Afoie &foli proximiora nitent,
plus proche du Soleilquifaittout
leur èciat.
Pour faire entendre que Monseigneur
& ses trois Fils sont les
Princes de la maison de France
qui touchent au Royde plus prés,
& qui en tirent aussi un plus
grand éclat.
Quatre parelies aux quatre
angles estoient d'autres simboles
de ces mesmes Princes, & quatre
miroirs où le Soleil se peignoiç
luy-mesme
,
aussi bien que dans
les parelies, avec cette fin de vers
imité d'un vers de Virgile. Et ipse
videturinillis. Le miroir quirepresentoit
Monseigneuravoit une
bordure de Dauphins &. de fleurs
de lys; celuy du Roy d'Espagne
desLyons & des Chasteaux,avec le,
collier de laToison fait de fusils.
Celuy du DucdeBourgogneavoit
deux LL entrelaffées en chifres avec
de petites Couronnes à lfeur
delys,&celuy duDucdeBerryen
avoit une denteléede ses armoiries
avec des CCentrelassez & sur
tout cela regnoient ces trois mots
de Virgilequi estoient l'âme de
tous les desseins de ces decorations
Solis avi specimen, & cet
Oracle du Roy Prophete,Pro
patribus tuis nati sunt tibi filii s
cdnßitues eos principessuper omnem
terramce qui estoit exprimé par
ce sonnet.
Grand Roy de vos Ayeux &
l'honneur & la gloire>
Vous avez^tellement leurs beaux
faits furpaflcz,
Que nous voyons par tout vos
lauriers entajfez^,
Et vous nous rappellez^de leurs
temps la memoire.
Charlemagne & Clovis qui
vivent dans l'Hijioire
De leurs fameux travaux font
bien recompenfez^,
De voir leursennemis à vospieds
terrajfe^,
Et la France emporter ViBoire
sur ViE/Dire.
DtleurAuguJlefang tant
de Princesfortis
Sous diversEtendars d-fous divers
partis,
Ont acquis à leur nom unegloire immortelle.
Pour vous d'autres chemins au
trône font ouverts j
Vous voyezvos Enfans par des routes
nouvelles)
Appeliezà régir tout ce vasseUnivers.
Comme les Anciens appendoientaux
voutes desTemples,les
voeux qu'ils addressoient au Ciel
pour laprosperité& pour la conservationdeleursSouverains,
laVille
deGrenoble voulut par une Inscription
qui étoit gravée dans la
voute du grand Arc de la porte
triomphale,destinéeà l'entrée des
Princes, & qui en marquoit le
tjmps & les autres circonstances
, dédier à l'honneur du
Roy, tout l'appareil de cette entrée.
L'Inscripcion estoit conçûë
en ces termes.
Ludovico Magno3Ludovicijufii3
P. F F. Menrici Magni Gailia
reflauratoris Nepoti3fexaginta
Regum & forti.ffîmorumFleroum
Abnepotiproegloriojïffimo, Religionis
avitoe -vindici acerrimo,perducllionis,
Hærcfcos, Fraudis ,fcelerum
,fingularium certaminum ac
bellorum externorum pluriumque
monfirorum domitori, & citra fabulayHerctdiChriflianiffïmo}
ob
res bene armis conjîlioquc gestas d""
Rempublicam pacatam 3
Portam
hanc triumphalem ingreffuris Ne.
fotibus3apertam Gratianopolis civitas
,
Velphinatium AllobrogumcaPNt.
D. D.C. Novi &fèlicisineuntis
sæculi mense quarto, felicioribus
auspiciis ab aperta Augg.
Principp. T)ccumana Gaïïioe Porta
Aprili in perpetuum nuncupando
,
novaqueGeminorumsynorideinposterum
celebrando. CetteInscripcion
", faisoit allusion au mois d'Avril qui
a esté celuy de l'Entrée des Princes
, & qui est le temps ou le So,
leil entre au signedesjumeaux. La -
VilledeGrenobleestDecumanaGallioeporta,
l'entrée de laFrance ducôtédesAlpes
quand on vient d'Italie.
Les Grecsdonnoient lenom de
Synoride aux signes doubles ou de
deuxfigures,comme ceux des jumeaux
, des Poissons &duCapricorne.
La Ville de Grenoble avoit fait
aussiélever un Phareau milieu du
pont de l'Isere, le plus proche de
la porte de France. Ce Phare
estoit une Tour à quatre faces Glevée
sur des Montagnes qui reprefenroient
les Alpes. La premiere
face montroit aux jeunes
Princes la Grandeur & la Majesté
du Roy leur Ayeul
, comme le
guide le plus seur pour parvenir à
la gloire. La seconde reprefentoic
l'élevation à laquelle eU parvenu
Monseigneur leDucd'Anjou, leur
Frere, à present Roy Catholique.
La troisiéme leur proposoit les
exemples de Monseigneur le Dauphin
,
si exact à suivre les routes
que leRoyluya ouvertes,& la
quatrième tournée au courant de
la riviere contenoit des enseignemens
& d'heureusesdestinées
qu'on leur presageoit.Laface de
ce Phare apposée au couchantrepresentoit
un Soleil montant sur
l'horison avec ces mots du Pseaume
71. Replebiturmajestatecjus
omnis terra.
Son éclat remplirabientofitout i' Univers.
Au dessous & sur un tas de Morbtagnes
qui representoient les Alpes
,
s'élevoient deux Chesnes
d'enorme grandeur, dont les branches
s'entrelassoient en berceau
pour faire un arc de Triomphe,
comme à leurs troncs &. à leurs
branches les plus bassesestoient
attachées des armes & des déspeorüilles
en trophées. Pour oppoles
travaux du Roy AUX deux
colomnes d'Hercule & au mot de
la Devise de ces colomnes, Non
flit* ultra, on avoit mis sur ces
trophées, &- adjiciet ultra. Le
grand Camayeu rondposé au deffous
du Soleil, le representoit assis
sur un Trône,& diverses Nations
qui venoienr luy rendre hommage,
Siamois, Tunquinois, Algériens,
Iroquois,Chinois,Ambassadeurs
de Guinée, Chiaoux,Turcs &
autres. L'Inscription estoit une
parodie du Chapitre 60. d'Isaye,
où l'on avoir changé le nom deJTerusalem
e t en celuy d'Europe. Surge3 illuminarc,Europa
3
quia
venit lumen tuum ,
& glarÙI super
te orta cfi.Ambuliibunt Génies in lumine
tuo
3
& Reges in fplendore ortus
tui. Leva in circuittt oculos tuos
& vide. Omnes isis congregati funt3
venerunttihi
3
Filii tui delonge ventent3vidébis&
afllutJ, mirabitur, & dilatabitur cor tuum.
Cette parodie estoit expliquée
par ce Sonnet-
Europe, ouvrez.lesyeux, l'.Astre
qui vous éclaire
Vient repandre sur vous ses rayons
les plus beaux.
Faites sortir vos Rois de leurs (ombres
tombeaux
Pour voir , regner LOUIS, sur
ce grand Hemifphcre.
Il rïefl point de bon-hcttr que la
terre nefpere
$ous cetAjrc benin
3
dont les nobles
travaux
Paroissenttoujours grands, & font
toujours nouveaux
Aux yeux des Nations qui ne s'en
peuvent taire.
On les voit sempresser de cent
climats divers,
Pour venir a sessieds du bout de
FUnivers
Rendre à tant de Vertus leurs plus
humbles hommages.
Ses Enfans voyageurs qui le
font admirer
:) Portent par toutsa gloire:) & des
Princesfifages
Jusquà nos ennemis se font fait
deftrer.
Quatre medaillss exprimoient
ce que le Roy a fait pour la Religion
dans les quatre parties du
monde. Il a rétabli dans tous ses
Etats l'empire de J. C. par Pextinction
de l'Heresie. Le progrez
de la Religion, dans la Grece &
l'Asie mineure
,
estoit representé
par les jaunes Grecs, Armeniens,
Cophtes,Surièns &autresqu'ilfait
élever dans son College de Paris-,
pour aller ensuite travailler àl'instruction
de ceux de leur Pays. Le
progrezdela Foy dans la Chine,
dans le Tunquin, & en divers autres
lieux des Indes/m S. M. a envoyé
des Missionnaires ausquels
elle a fourni dequoy bastir desEglises
avec de riches ornemens,& des
va(es sacrez pour nos saints Ministeres,
estoitmarquedansces Medailles,
ainsi que l'établissementde
nouveaux Eveschez dans leCanada. àQuebec,àBlois&àAlais,&de plusieurs
Séminaires à Strasbourg,à
Brest
,
à Toulon & à Rochefort
pour la Marine. Enfin les inscriptions
des boucliers, des c'en-'
darts
,
des cottes d'armes
,
des
acroteres de Vaisseaux ,& des Pavillons
dont ces trophées estoient
composez, faisoient connoistre k
Grandeur du Roy,soit pour la
Religion,soit pour ses conquestes,
soit pour la sagesse de sonGouvernement,
foit pour sa magnificence.
Sur le tronc de l'un des chesnes
qui les portoient on lisoit; 06,
populosservatos. Sur l'autre: Obpacem
sæpiusorbi datum,&entre les
deux arbres, cette fin de Vers.
jQuale hoc tibi, Magne, trophætim!
La seconde face du Phare, tournée
contre la Ville & à l'Orient,
representoit l'élevation de Monseigneur
le Duc d'Anjou sur Je
Trône de la Monarchie des Espagnes,
pourlaquelleona fait depuis
un siecle cettemagnifiqueDevise,
Cui foli Sol semper, feule pour qui
leSoleil ne se couche jamais. Cette
face presentoit aux yeux des
(peétateurs) deux colomnes semblables
aux deux colomnes d'Hercule,
l'une semée de Lys & de
Dauphins, l'autre de Chasteaux
& de Lions, l'une soutenuë d'un
Globe François,surmonté de la
Couronne de nos Souverains, &
l'autre portant le Globe d'Espagne
avec sa Couronne. Entre ces
deux colomnes,la France& l'Espagne
fous un grandArc-en-Ciel
,
,
le donnoient la main en signe d'alliance
,
& tenoient un caducée
avec ces mots:Pax æterna. Dans
l'Arc-en-Ciel estoit ce Vers de
Manilius.
Rads opus magnos natutte condit in
usus.
Dans le grand Bas-relief qui
occupoit l'entre-deux des Colomnes
, on voyoit un Trône semé
blable à celuy de Salomon,avec
cette différence qu'il n'y avoit que
douze Lions qui bordoient les six
marches du Trône de Salomon.
& celuy-cy avoit onze marches,
avec vingt-deux Lions assis, qui
tenoient au devant d'eux, vingtdeux
Ecuflons,"a-urant de Royaumes
de la Monarchie d'Espagne.
Le Roy faisoit voir ce Trône à
Philippes d'Anjou son petit fils,
l'exhortant à imiter la sagesse de
Salomon,pourla conduite de tant
de Royaumes. Cette inscriprion
étoit au dessous.
Faccffe binc,, Trajane,cumambitiofis
tuis titulis
3
quibusjaRas
olim a te regna ailignata. Zudovieus
Magtius,pietate^jufiitia
j
fapientia&
fortitudine longe major,
regnaviginti duo que partiri potuit,
l{epotum aiteti matuitservare
Integra. Sic berioeparens & Pater
Patrioe , quos ante velut hostes terruit,
nunc infantes amat.
Ce Sonnet explique cette Inscription.
TRajan^quivousvante^-d..'eflre
Maifire- du monde,
Prétendant égaler la pui(Janee des
Dieux,
Cejez, de vous fiater de ce titre odieux
Dedisposer de tout sur la terre &
sur l'onde.
Loüis
,
dont la puissance 5
nulle autre fécondé,
Fait voir à ses Sujets un regne glorieux,
A toujours meprisè ces noms ambi
tieux
C'estsurfort équité que sonrègnesi
f'onde.
Surun tas de Lauriers, où l'on
le voit a/Jis,
Il voitmonterau Trbneun deses
petits Fils
Qtion appelle à regir l'un & l'au-,
tre Memifpbere ; , Et pouvant partager de si vasles
Etats1 Ilprcfere en Heros le beau titre de
Pere,
A celuy de vainqueur de tous les
n
Potentats.
Dans le panneau du Piedesta
dela colomne Françoise,on voyoit
un Autel antique sur lequel
estoit representé un Neptune avec
son trident, & des Matelots à genoux
qui luy offroient leurs rames,
pour avoir esté délivrez des
naufrages, avec ce Vers de Virgile.-
Servati votum fo- l-vunt in littore
Nauta.
Par les Matelots on entendoit
les Espagnols qui doivent leur Salut
au Roy, par l'acceptation qu'il
a faite du Testament du Roy
Charles IJ. en renonçant aux
droits que ce Monarque 6c Monseigneur
le Dauphin pouvoient
avoir à la Couronne d'Espagne.
* Un autre Bas-reliefdansle panneau
du Piedestal de la colomne
Espagnole, representoit Phryxus
passant la mer sur un belier avec
sa soeur Hellé. On le voyoit tombant
dans les flots, 6e n'ayant
plus qu'un pied sur le belier, dont
la peau fut depuisla toison d'or
,
lors qu'il fut élevé au Ciel pour
faire le premier des douze signes.
Deux vers latins rendus par ceuxcy
en nostre langue,faisoientl'application
de ce Bas-relief.
J?hryxusbaissant lesyeux, dit à FAstre
du monde,
Se voyant enlever fin prétendu treÎOr1.
il faut avec ma Soeeur
9
mJenflvclir.
dans l'Onde,
Fui/que l'un de vos Fils mosse la
Xoifon d'Or.
QuatreDevises accom pagnoienc
legrand Bas-retief,& l'inscription
principale. La premiere estoit lcx
Soleil au premier point du signe
du Belier, qui est appelle l'Exaltation
duSoleil parlesAstronomes.
C'est ce qu'exprimoientces mots:
Hinc exaltatio
La constellation. ou le signe du
Sagittaire avec la Couronne Australe
representés sur les Globes
auxpiedsdeceSagittaire qui tenoit
son arc tendu au dessus, faisoit le
corps de la seconde Devise
, avec
ces mots, pour ame,Séctura hoc
protectore corona.
La troisiéme estoitlaconstellation
delaFleurdelys,placéedans
le Cielyimmédiatement surlessignes
du Belier, & ces mots, bint
utrique deius. t »

La quatriéme
3 un Grenadier
sur lequel on voyoit deux Grenades
bien formées & couronnées,
une troisiémeen balostre,& deux
autresseulement en fleurs avec ces
mots. Succedent aliis aliæ.
r La troisiéme face du Phare, destinée
à representer le bonheur dç
Monseigneur le Dauphin, faisoit
voir ungrandBas-relief,où l'Amour
monté sur un Dauphin, le gouvernoit
avec un filet d'or, & tenoit de
l'autre main une Fleurdelys. Au
dessous de ce Bas-relief ,on avoit
mis une Epigramme Grecque que
l'on a renduë par ces deux Vers.
jLeDauphin&le lys queson blason
enferre3
Font voir qu'il doit régner& sur
- mer &sur terre.
QuatreDevises accompa-
gnoient ce Bas-relief.La premiere
estoit un grand Dauphin avec
trois autres petitsautour de luy,
& ces mots: Loetatur genuissepa.
res.
Troispetits Dauphins qui suivoient
leur Pere, faisoientle corps
de la secondé Devise qui avoir ces
mots d'Horace j- pour ame.Ut
(ltmque precedet, ibimus, ibimus.
La troisiéme estoit de deux Dauphins
se lançant en l'air, p<w respirer
, avec ces mots d'Ovide.
jtfudcfit'fettlhreinàtirds:
La quatrième estoit formée de
Dauphinsqui sejouoient au milieu
des tempestesmalgre la fureur
des Vents:Nequicquam insurgentibusAustris.
Gomme la quarriéme face du
Phar^eftoir tournée contre le
cours de la Riviere,& parconsequent
tropéloignée de la vûë pour
en bien discerner les figureson
s'étoit contenté d'y placer une
Inscripcion de lettres cubitales,qui
pouvaient estre leuës des deux
bords de la Riviere. Cette Inscription-
estoit dans une grande
Table,audessusde laquelle l'Ifere.
&le Drac estoient couchez, l'Iseretenant
unSerpent pour marquer
les divers replis que cette Riviere
fait dans la Vallée de Graisinodan
qu'elle serpente, & le Dracayant
àses costez un Dragon,dont on
luya donné le nom à cause des
lgeradnedsravages qu'ilfaitdanslaVil- Grenoble
au temps de la fonte
des neiges & des grandes pluyes.
Lt'ienscrripmtion éetoitsco.nçûë en ces Avo RegumMaximo,Parenti
régia fobole fehcijjinao
}
geminis
Auguftis Fratri/us, ortu indole
3 monbus&froeftantia corporis ornatijjîmis3
domus Auguftoefecuritatem
ftabilijjîmam é,-, fchcitâtemperpétuam
3
quamdiulfuetIfara
3 gra~
tulatur cf vovet3 S. P. f2¿G. u
Ilyavoit trois Arcs dressez dans
la place de saint André, & devant
l'Hostel de Lesdiguieres où logerent
Messeigneurs les Princes. Le
sujet de la decoration de cesArcs,
estoit l'entrée des petits fils du Soleil
dans le Palais de leur Ayeul.
Le premier qu'on avoit pole à
l'entrée de l'Eglise Collégiale de
saint André,estoit décoré d'une
Inscription conçue en ces termes.
Divi AndréaApofioli3Burgundia
Ducum & Delphinorumpatroni
proecipui>sacramBasilicam ingrejjurircgiiDelphim
Filiipublicis
Dephinatiumvs^aoccetdiite' Avo
?
Rege & Parenti JDelphino
3
vitam
nobifcumapprecaturi immortalem.
LeDauphin, Guy André, &
Beatrix son Epouse, Fondateurs
de l'Eglise de S. André, renoient
cetteInscription,l'un tenant d'une
autremainl'ancienne Banniere de
Bourgogne, de la Croix de S.
André dont il portoit le nom,8c
auquel il dédia cette Eglise,& l'autre
tenant de l'autre cofté un
Sceptre, marque de son autorité.
Sur le toitde la Corniche estoit
un grand bouclier d'or qui avoic
la figure de S.André,Apostre,s'appuyant
sur sa Croix,&: ces mots
autour de l'ovale, Burgundia
ancile sacrum. Ce bouclier qu'on
voyoit environné de Palmes pour
les victoires remportées fous la
protection de Ce saint Apostre,
estoit accompagné de Dauphins
dont les queues aboutissoient à des
fleurs de lys, pour faire entendre
que le Dauphin a esté transporté
à la maison Royale de France, &
marquer les trois differens Etats
de cette Province, qui aprèsavoir
fait une partie du Royaume de
Bourgogne, fut le patrimoine des
Dauphins, & est à present le titre
des filsaînez de France. Sur les
costez de cette Inscription étoient
les images des deux Princes, accompagnées
des voeux des Dauphinois,
avec ces vers fous celle
de Monseigneur le Duc de Bourgogne.
Prince dent les vertus égalent la
naissance
3 Et la grandeur de vos
Ayeux
3 Vous esses des François la plus
belle esperance
3 Et vous nous promette,unsiecle
glorieux.
Le nom que vousportezjjournous
de bon augure3
Nousrapelle le fang de nos pre
miers Dauphins:
Mais on attend de-vous une race
future
De plus grandsSouverains.
Sous l'Image deMonseigneur
le Duc de Berry,on lisoit ces autres
Vers.
Prince3foyez^un Cbarlemagne
Pour rendre illustre vktre
nomi Jfïftre Frere élevé sur le Tront
d'Espagne
Vous laiJJe le Septentrion.
C'ejq-là que du Berri les Troupes
Jnvincibles
fous les foinsd*unjeuw
Héros
Sorti dufang d'un Roy, par leurs
nobles travaux,
Acent Peuples du Nordsi rendirent
terribles.
Cejeune Conquérant par [esexploits
Guerriers.
Fondaplus d'une colonie,
Et de la Forefi Mercinie Fit , uneForefi deLauriers.
L'Arc placé au revers deceluy
de la Religion estoit la porte
de la Justice. Cet Arc estotc
d'ordre lonique, qui est le moyen
entre le Dorique & le Corinthien
, ainsi que la Justice
doit toujours tenir le milieu de la
raison. Le grand Bas-Relief representoit
leRoyassis sur son Trône
ou lit de Justiice,dont les appuis
étoient des Dauphins. Il presentoit
à Monseigneur une Courons
ne qui a esté inventée pour luydés
sa naissance. Elleestcomposéede
quatre Dauphins qui en font les
ceintres sur des fleurs de lys, avec
ces mots de S. Paul,mibireposita eftcorona
justitiæ. Souscegrand Basrelief
on lisoit ces vers qui s'addressoient
à ce Prince.
Par les droits de vofire rtaiffance
Pour le Trône vous esses nê9
Et pour le bon-heur de la
France,
Vous esses à regner,grand Princey
deJliné.
C'ejl a vous que le Ciel reserve la,
Couronne)
Par celle de Dauphin vous aves,.
commencé.,
c¡ooùe,mvo,pir.ev.gnftref- merite aprèsre- :- De celle que la gloire donne.
'/4ll_ez^, heureux, Rival3 du Héros le
.$tus grand *.Quele monde ait encor veu - :
Quand vous aureztotlt fait ce que
le monde attend3
Vousfaurez^en efireleMaifire\
Sur la droite dugrand bas relief,
on en voyoit un plus petit ,où
LoüisXI. n'estantencore que
Dauphin, changea le Conseil
Delphinal en Parlement, ce qui
estoit representé par la main de
Justice, l'épée & la balance qu'il
mettoit entre les mains du President.
1
: Alagauche estoit un autre basrelief,
où l'on voyoit des Princes
Etrangers recourir au Parlement
de Dauphiné, sur la reputation
de son équité, ce que firent en
1613. les Archiducs de Flandre , & le Duc de VVirtemberg pour
terminer quelque differend.
Deux Devises representoient
la justice & l'équité de ce Parlement.
Le corps de l'une estoit le
firmament qui ne s'altere point;
il avoit ces mots pour ame Micat
immutabile. L'autre estoit un trebuchetàpeser
lesmonnoyes, avec
cette fin de vers de Manilius
Iniquum separas tCquo.
L'Arc de la porte de l'Hostel
de Lesdiguieres estoit d'Ordre
Toscan "le plus simple & le plus
modeste, mais aussi le plus solide.
Au plus haut du fronton efibiç
le Roy fous la figure du Soleil,
monté sur son char tiré par quatre
chevaux, dont il tenoit les renes
pour regler leurs pas; simbole de
la moderation que doivent avoir
les Souverains dans le pouvoir de
tout faire, ce que declaroient ces
mots d'Ovide écrits au dessus du
Char, Egetmoderaminemulto.
Sur les ceintres de cet Arc estoient
placées deux Devises qui
faisoient connoistre les avantages
qui reviennent au Dauphiné de
- l'attachement fidelle de Monseigneur
le Dauphin à tous les ordres
du Roy. L'une estoit un
Aigle avec de jeunes Aiglons qui
regardoient fixement le Soleil,
& ces mots pour ame,Patris ad'
exemplum. L'autre estoit de quatre
horloges à poids, à roues
& à pendules, avec ces paroles
Unius ad nutus Solis.
Deux bas reliefs donnoient une
saginstruction aux Jeunes Princes
& marquoient le pouvoir du
Roy. En l'un on voyaitl'Arc
d'Ulisseexposé sur une table & de
jeunes estourdis estendus à terre
pour avoir voulu toucher à cet
Arc,ce que Telemaque Fils d'Ulisse
regardoit avec furprik. Ces
mots exprimoient ce que signifiait
cette embleme. Nondumfas-
Arcum tentare panenum.
Dans le second on voyoitUlisse
l'épée à la main, qui chassoit de
sa maison la troupe de ceux qui
avoient pretendu aux noces de
Penelopedurantson éloignement,
avec cet éloge de la sage modérauon
du Roy, accompagné de
beaucoup de vigueur, quil'a fait
triom pher des envieux de sa gloire
dans la conjuration de toute
l'Europe liguée contreluy.
Nec quideyn Herades contra
duos. Solu<sUlisses virtute &prudentiancc
planbu<rimpur.
Cet éloge estoit expliqué par
ces quatre vers sur la depoüille
d'unLyon
,
simbole de ses ennemis
vaincus.
Contre deux Ennemis si les.
forces d'Alcidc,
Tout Meros. quilefioit, ne
luysuffisoient pas, Lenofire a faitsentir la force
de son bras,
A plus de Conjurez que les.
troupes d'Elide.
Commec'estoit la coustume des
Anciens d'appendre dans les
Temples des Boucliers votifs pour
remercier les Dieux des heureux
succez qu'on avoit eus, on en
avoit attaché six dans les entredeux
des colomnes de cet Arc
consacré à la moderation du Roy,
pour inspirer aux jeunes Princes
une noble émulation de marcher
sur les pas de ce Monarque, leur
augusteAyeul. En l'un de ces boucliers
votifs on voyoit deux LL
liées & entrelassées d'une Couronne
)
qui font chacune lechifre
- de cinquante& qui font celuy de
cent quand elles font jointes ensemble.
On y avoir adjousté ces
mots Soeculifoelicitas, pour faire
entendre que l'union du Roy Se
de Monseigneur le Dauphin nous
saie un siecle de bonheur.
*
Dans une autre estoit une Couronne
d'Olivier tout à l'entour
avec ces fruits & ces mots du
.,Pfeaume 17. Filiituisicutnovelleoe
in circuitu.
Dans le troisiéme le Soleil [Se
- quatre grandes Etoiles,Solemque fuu seasydera norunt.
Dans le quatriéme une guirlande
de diverses fleurs que les Anciens
nommoient Coronaires;parçe
qu'ils en faisoient des couronnes,
Se coronant invicem.
Dans le cinquiéme & dans le
sixiéme ces deux mots,Moderatio
jU PaxAwçuftd.
Que peltt- onfoubaiter enfaveur
de nos Princes,
Que de voir l*Vniverssefournit*
treà IcursLoix;
jPuifquilsontpour Ayeulleplus
puissant des Rois,
Et p-ourPere un Dauphin chery
dans nos Province
Le 7. d'AvrilMesseigneurs les
Princes ayant entendu la Messe,
partirent de Grenoble, & vinrent
couchera laFretre,oùMrleMaréchal
de Noailles leur donna à souper.
La table estoit de vingt couverts.
On peut dire qu'il donna à'
souper presque à toute la Cour,
parce qu'il y avoit dans uneautre
chambre deux autres tables de
vingt couverts aussi chacune,ou
mangerent lesOfifciersdesGardes
du Roy, & la pluspartdes Officiers
des Princes. Il y eut grande
musique, & grande fimphonie à
ce souper, où Messeigneurs les
Princes, sans sortir du caractere
qu'ils doivent toûjoursconserver,
parurent fort enjoiiez. Le 8. on
vintàHerieux, où Mr. l'Archevesque
de Vienne & les Consuls
eurent l'honneur de les salüer.
Ce fut là que Mr. de Bouchu les
quitta.Il donna auparavant un
grand déjeuner aux jeunes Seigneurs
,& à toute la fuite de la
Cour. Il avoit toûjours tenu trois
tables dans la route,&cinq à Grenoble
à cinq services.
J'ay oublié de vous dire, que
ce fut à Montelimar que cet Intendant
commença à tenir ces tables
,
qui ontesté toujours magnifiquement
servies
,
& que le
premier jour d'Avril, ce mesme
Intendant donna un grand Bal à
Valence. Il y avoit deux Reines,
l'une blonde & l'autre brune, sçavoir
Mademoifellede Villefranche
& Mademoisellede Bayane,toutes
deux d'une tres-grande beauté.
Comme il y avoit deux Reines, ily
eut aussi deux Rois. L'un fut Mr.le
Marquis de Livri,& l'autre Mr.le
Comte de Quintin.
Je remets au mois prochain la
suite de ce Journal
, qui commencera
par l'arrivée de Messeigneurs
les Princes à Lyon.
Je crois devoir à l'estime generaie
que tout le monde fait de Mr.
l'Abbé de Rohan de Soubise, une
plus ample explication de tout ce
qui s'est passé, lorsque Sa Sainteté
a envoyé des Lettres d'eligibiliré,
qui donnoient pouvoir au
Chapitre de Strasbourg, d'élire
unCoadjuteuràMr.le Cardinal
deFurstemberg. Il
Il ya peu dedignitez dansl'Eglise,
aussi distinguées que celle
d'estre Evesque & Prince de Strasbourg,
à cause des extraordinaires
titres denoblesse,dontilfaut
estre revestu pour y pretendre;
mais je puis dire que la maniere
avec laquelle Mr. l'Abbéde Soubise
vient d'y estre destiné,surpasic
encore tout ce qui se trouve en cecyde
plus glorieux; & je ne crois
pas mesme que la maison de Rohan,
si illustrepar une continuité
de splendeur depuis plus de dix
siécles, ait jamais eu plus de satisfaction
dans les augustes alliances
qu'elleafaites avec plusieurs de
nos Rois,& des autres Potentats
de l'Europe, que dans la presente
conjoncture.
Le choix d'un Roy, tel que
Loüisle Grand porteavecsoitout
i'cloge qu'on le peut imaginer;
mais quand à cet avantage la voix
universelle se trouve unie, que
tout Parisque toute la France,
que Rome, que toute l'Europe
publie avec profusion,si foreaioli
parler, lemerite sublime de Mr.
l'Abbé de Soubise, c'est une gloire
à laquelle peu de personnes ont
droit de pretendre.
Avant que d'entrer en matiere,
il est bon de donner une idée du
Cha pitre, de Strasbourg. Il est
~composé de vingt-quatre Chanoines
dont il y en a douze de Capitulaires
, & douze de Domiciliaires.
Les uns &les autres doivent
estre nez Princes ou Comtes Souverains,
nobles de trente-deux
quartiers, seize du costé Paternel
..& autant du maternel, sans admettre
aucune noblesse acquise
par les charges de Robbe. Les Ca-
: pitulairesontseuls droit d'entrer
-
auChapitre, d'élire un d'entreeux
pour leur Evesque; joüissant
des revenus,& desautres prerogatives
attachées à leur Dignité.
Les Domiciliaires n'ont aucun de
ces droits. Le seul avantage qu'ils
-
ont,cil:qnele plus ancien rempli
la place du Capitulaire quivient à
manquer, Voicy les noms des Capitulaires
d'aujourd'huy.
Le Prince Henry Osvvald de la
Tour d'Auvergne Duc de Boüillon
, Coadjuteur de Cluny; il est
Prevost du Chapitre. Philippe
Eberhard ,Prince de Murbac Se
de Ludere,ComtedeLoüenstein,
Doyen. HermanFrederic,Comte
deHohenzolleren, le Senieur
ou le plusancien. Erneste Dominique,
Comte de Manderscheid,
FalcKenstein,Custode. Maximilien
Philippe, Comte de Manderfcheid
,
FalcKenstein. Charles Gobert,
Comte d'Aspremont & de
RecKeim.Guillaume, Comtede
Salm& de Rifferscheid. François
Gobert, Comte d'Aspremonr&
de RecKeimJean Erneste, Comte
de Loüenstein, Ecolatre. Le
Prince Armand Gaston de Rohan
de Soubise,maintenant Coadjuteur
de Strasbourg. Jean Maurice
Gustaye,Comte de Manderscheid&
BlancKenheim.
Le quatriéme & le cinquiéme
capitulaire semblent porter un
mesme nom, car les fils de Princes
font tous appellezPrinces, en cela
differens des Ducs, Marquis
& autres qui ne peuvent faire porter
leurs titres à leurs enfans, à
moins que ces titres ne se trouvent
commeen Allemagne appartenir
à des Souverains.
* Les Chanoines domiciliaires font
Hugues François, Comte de Konigsegg
,&deRotenfels. Philippe
Charle Erneste,Comte de
Furstemberg MosKirch. Leopold
Jean Truchsesse, Comte de Qeil
Baron de Vvaldburg. Le PrinceJ,
Frederic Constantin de la Tour
d'Auvergne, Duc de Boüillon.
Vvolfang Henry,ComtedeManderseheid
FalcKenstein. Emanuel
Theodosedela Tourd'Auvergne,
Cardinal de Boüillon. Felix Loüis
de Crussol d'Uzez. Rulmann, Comte de Salm
,
& Rifferscheid.
Guillaume Landgrave de Hasse
Rheinfels. Christian Landgrave
deHaiTeRheinfels. Joseph Clement,
Archevesquede Cologne,
Prince Electeur Duc de Baviere.
Il y a comme on voit une douziéme
place de Chanoine Domici-
-
liaire à remplir.
Mr. le Cardinal de Noailles,
r
;Archevesque de Paris, estoit à Rpme,quand sa Sainteté receut
la presentation que le Roy faisoit
<: de Mr. l'Abbé de Soubise, pour
estre Coadjuteur de Strasbourg,
Je vous laisseà penser avec combien
de joye le Chef de l'Eglise
receutcet offrl-li luy quiestoit déja
prevenu par la renommée des
vertus,&delafciencede ce Prince.
Qu'il eut de plaisird'entendre
de la bouche d'un Prélat, pour
qui il a tant d'estime, tout le bien
que Mr. le Cardinal de Noailles
die de Mr.l'Abbé de Rohan, qu'il
avoit fait un des Chefs de son
Conseilà l'Archeveschépendant
son absence r Il reconnutl'importancequ'il
y avoit de placerun si
grand merite dans l'n des plus
eminenspostesdel'Eglise, puisque
sa droiture pour toutes choses, sa,
haure pénétration
,
sa naissance
, cette estime universelle de tous
les hommes, estoient des preuves
incontestables de l'avantage que
devoit attendre d'un tel Pasteur letroupeaudeJesus-Christ.
Le pouvoir d'élire ne fut pas
plûtost arrivé à Strasbourg
, que
bien loin de déliberer pour le
choix, tous les Chanoines s'empresserent
à prier Mr.l'Abbé de
Soubise, de vouloir bien estre le
Coadjuteur de Mr. deFurstemberg.
Jamais joye ne fut plus grande.
L'election se fit donc le i£
Fevrier dernier parles Chanoines
Capitulaires, en presence dedeux
témoins, qui furent Mr. l'Abbé
de Camilly
,
Grand Vicaire de
Strasbourg,&deMr. l'Abbé de
Esten-Munster. Tout ce qu'il y
eutd'Oiffciersdes plus distinguez
de la garnison de la Ville
,
se fitun
merite d'y assïster pour faire honneur
à Mr. l'Abbé de Soubise. On
ne pouvoitassurementmieux répondre
à l'envie que tout le monde
avoit de voir honorer un Prince
qui est l'objet d'une estime, &
si juste
,
& si generale. ",
On a fait un petit Ouvrage en
vers latins à la gloire de Mr. de
Rohan
RohandeSoubise,ilaestémis en
nostre Langue par ces vers.
Enfin,choixglorieux duplusgrdnd
Roy du monde,
Que Rome justifie3 & que le Ciel
fécondé,
Strasbourg fait aujourdhuyfon e
poirleplus doux
f-
D'avoir poursonPrélat un Prince
tel que vous.
Le Rhin)qui vous connoit, tremblesurson
rivages
Le seul nomde Rohan étonne son
courage,
Et du grandEurftemberg le digne
(Ncceffiur
Leforceà refpeBerlaFrance3 &sa
grandeur.
AinJi tout contribue à voflre gloire extrême
Prince3 grand par le sanz, mait
pltt* grandparvous-mcfme5
Oiïy ,
chacun à l'envyjointson fin*
tendre amour
Aux saints empressemens du Cler
de Strasbourg.
2?Alface en apiaudit fou beureufe
Province
Yoy-ant renaître*nvousson Pasteur,&
fin Prince;
',)Jt tout vous appelianten cet auguf
te lieu
3 £a voix du peuple enfin devient la
.voix de Dieu.
Les habitans desVillesen deça
de Lyon, ont esté tres-mortifiez
du changement de route de Messeigneurs
les Princes. Les grands
exemples qu'ils avoient eus des
réceptions quileur avoient este
faites,& leur inclination naturelle
à donner despreuves de leur
zele & de leur attachement à la
Famille Royale, les avoientdisposez
à faire tout ce qui leurestoit
permisdansune pareilleocca- - sion. Ceux de Moulins, de Nevers,
de la Charité &de Montargis
en avoient fait la principale
dépense.
Le Roy & la Reine d'Angleterre
arriverent à la Charité le 13. de
ce mois; ils y furent receus 5c
complimentez à la porte de la Ville
par Mr. de Charand, Maire,à
lacettedu Corps de Ville, tous les
Officiersenrobbesde ceremonie,
estantpresentez par Mr. le Marquis
d'Urfé, qui avoit donné tous
les ordres necessaires; pour les
honneurs qui devoient estre rendus
à leurs Majestez.Ellesse rendirent
au logement preparé
,
&
passerent au milieu dedeux lignes
deMilice Bourgeoise fous les armes
en tres-bon ordre. Elles receurent
les presens de vin & de
confitures que la Ville leur presenta
, & furent complimentées
par les Officiers du Bailliage
le Lieutenant General , portant la
parole. Les Officiers de l'Electionleur
rendirent les metmes devoirs.
Le 14. elles sejournerent, &
leurs exercices ordinaires de pieté
leur tinrent lieu de divertissement.
Le15.ellesenpartirent,&
trouverent le Maire& les Eschevins
en robbes, quivinrent prendre
congé de leurs Majestez,comme
il fè pratique pour les têtescouronnées.
Ils furent remerciez tresfavorablement
par le Roy & par laReine qui parurent fort satisraits,
La Bourgeoisie qui avoitfait
garde continuelle, formoit deux
lignes jusques à la porte de la Ville
par où ils sortirent, & les Officiers
quila commandoient,furent
congratulezdu bon ,ordre dans
lequel ils avoient mis leur troupe.
Ils arriverentlesoir à Nevers, où les mesmes honneurs leur forentrendus
; les presensdeVille
y furent magnifiques; & proportionnez
aux revenus de cette Ville,
& à la richesse des habitans,
qui font des plus laborieuxdu Royaume.
Mr. deNointel,Intendant
de la Province, s'yestoitrenduavec
tous les préparatifs convenables
à la grande reception
qu'ilvouloit fàir-eà leurs Majestez.
Il fit servir plusieurs tables avec
unemagnificence extraordinaire,
& doit faire lamesme chose dans
tous les lieux de sa Généralité,
par où leurs Majestez passeront.
On ne peut estre plus content que
le Roy & la Reine ont paru l'être
en partant, &ilyalieu de croire
que les eaux de Bourbonachèveront
de remettre le Roy dans un&
santé parfaire.
Le 9.dece mois, Mr. le Chancelier,
scella des Provisions d'A.:.;
vocat General au Parlement de
Tournay pourMr. Vvaymel. C'est
le premier qui va remplir cette
Charge,elle a esté jtifqt-t'à presentinconnuëen
ce Parlement où lesaudiences , ne font point établies.
Le Roy ayant établi urv
Conseil Souverain en la Ville de
Tournay, pour ses conquestes cii,
1*667. ne crea point la charge
d'Avocat General; mesme dansla
suite des temps, ayant érigé ce-
Conseil Souverain en Parlement,
cette Charge n'avoit point encore
estécréée;mais Si Majesté
y ayant augmenté le nombre des
Juges en 1693. par un Edit qui a
rendu les Charges héréditaires,
créa en mesme-temps an Avocat
General > l'Officecependant
ne fut point levé qu'en 1699. Celuy
qui s'en estoit fait pourvoir
a lors, retint ses provisions sansse
faire recevoir, & au mois de Décembre
dernier,il en disposa an
profit d'une personne qui n'en put
obtenir l'agrement de Mr. le
Chancelier. Enfin Mr.Vvaymel
en aesté pourveu,commeune personne
agréable à Mr. le Chancelier
par les recommandationsqu'il
avoir de son Parlement, dont ri
s'estoitacquis l'estimepar treize
ans de travail assidu en plaidoyez
& en écritures avec beaucoup de
succez:il est fort aimé de saCompagnie
3
& digne de ceremploy.
Outre les Te Deum dont je vou'-s
ay parlé dans ma Lettre,dont celle-
cy fait la fuite,ces deux Lettres
:
doivent vousestre rendues ensemble,
parce qu'elles font toutesdeux
datées du mesme jour, les Dames
de l'Union Chrestienneenont fait
chanter un, de la composition de
Mr.Campra. On peut juger par
le profond savoir,& parlaréputation
de ce MaîtredeMusique, de la beauté de ce Te Deum, & du
desir que les Dames de l'Union
Chretienne avoient defaire éclater
leur joye, en marquant leur
pieté.
Mrs. du Chapitre de St. Germainde
l'Auxerrois,enontaussi
chanté un de la composition de
Mr. Bernier,leur Maistre de Musi
que. Il fut executé par un grand
nombre debelles voix, qui
furent
bien fecondées par la bonté d'un
très-grand nombre d'instrumens.
Lal réputation de Mr.dernier est si.
bienestablie, & tout ce qu'il fit
chanteràFontainebleau pendant
l'Automne dernier, receutde si
grands applaudissemens de route
la Cour, & deMonseigneur le
Dauphin,que je ne dois rien dire
davantage pour vous le faire con-
Boiftre.
Les M.irgu' lliers de l'Oeuvre
des saints lnnocens, n'ont pas
montré moins d'ardeur dans un (I
pieux devoir. Le lundy 18. de ce
mois,ils firent chanter un Te
Deum..& l'Exaudiat dans leur Eglise,
pour la conservation de la sancede
Sa Majesté, & pour l'heur
reux restablissement de celle de
Monseigneur le Dauphin. Mi,
l'Abbé de Cabale, leur Maistre
de Musique, quia un talent merveilleux,
& un goût tres-fin pour
la composition,s'y acquit beau;..
coup de gloire: il avoit les meilleurs
Musiciens de chez- le Roy,
de Nostre-Dame,dela sainte
Chapelle,de saint Germain de
l'Auxerrois &de l'Opera. La simphonie
estoit composée de Timbales,
Trompettes, Haubois, Flu.
tesd'Allemagne,Basses de viole,
Violons,&de toutesorte d'autres
instrumens. Il avoit déja sait
chanter le Magnificat & O Filii
hfilioe dans la mesmeEglise avec
la mesme fimphonie
r
le- Dimanche
de Quasimodo. Mr.de Cabassole
estsisecond
r que la composition
de tout cela neluy a coûté
que trois jours: ilestd'Aix en Provence
,Docteur en Theologie, 8;
quoy qu'il n'ait pas encore trente
ans, il adéja atteint 1-aperfedioty,
des plusconsommez, qui font foiv
tis long-temps avant luy de cette
Province, si fertile en beauxesprits
,
&qui produit tant d'hommes
celebres, en toutes fortes
d'Arts & de sciences.
La ceremonie qui fut faite le
27. du mesme mois dans l'Eglisedes
Peres de l'Oratoire de la
ruë saint Honoré
, pour remercier
Dieu, de la continuation de
la fanré du Roy & de la parfaite
convalescence de Monseigneurle
Dauphin,aesté une des plus magnifiquesde
cette nature, qui ait
estéveuë depuis long-temps.L'Academie
Royale de Musique chanta
le Bcnedittus, &le Te Deum de
feu Mr. de Lully, avec un DominesalvumsacRegem
,
& une Priere
particuliere ou Motet, dont
vous trouverez les paroles à lafin
decet article, composes par le
Pere le JayJesuite,
,
l'un & l'autre
mis en Musiquepar Mr. Marests
Ordinairedela Chambre du Roy,;
qui a conduit cetteaction avec
rout le succez imaginable. 11 y
avoit deux cens ct&cuànte Musiciens
ou joueurs 4'inftrumerisj
M~i~vc~que de Meaux,qui ai
eue cy-devant Precepteurde
Monseigneur le Dauphin, y officia
en habits Pontificaux. L'affemblée
fut des plus nombreuses,
& des plus belles, composée d'un
g »nd nombre de Prélats, d'Ambassadeurs,
de Ministres estrangers,
6c d'une infinité de Seigneurs,&
Dames de la premiere
qualité de la Cour, &delaVille.
L'Eglise estoit tenduë de riches
tapisseries
,
& éclairée par un
grandnombre de lustres, 6c de
girandoles, & pour rendre à jamais
immortelle la memoire de
cette a&ion, & le zele de l'Académie
Royale deMusique
,
elle
avoit fait faire un Tableau magnifique,
que l'on avoit élevé
au fond de l'Eglise
,
& qui
touchoit presqu'à la voute,où Cftoit
representéMonseigneur le
Dauphin sur un lit de repos, implorantlesecours
du Ciel. La
Franceestoità genoux, environnée
d'un grand peuple, & faisoit
des voeux pour le mesme sujet.
Saint Michel, Patron du Royaume,
joignoitson intercession, Se
Dieu dans sa gloire accompagné
de la Vierge & de tous les Anges,
fléchy par tant de prieres, parois.
soit audessus des nuës, rendant à
Monseigneur unesanté également
chere& necessaire àl'Eglise& à rEtat.
Ce Tableau quia esté peint sur
lesdesseinsde Mr. Berrin
, qui a
aussi pris le foin de la decoration
du lieu où cette ceremonie s'ést
faite, est demeuré dans l'Eglise
de l'Oratoire,enmemoiredu peril
extrême dont la France s'est
vue menacée, &: en reconnoissance
des bontez infinies de Dieu
envers ce Royaume.
JevousenvoyeleMotet tiré de
l'Ecrituresainte, dont je viens de
vous parler. VLNA VOX. Evavit Populusvocem suam 1
& flevit.1. Reg. II.
CONCENTV - - to): S«. DVARVM VOCVM., QuidhabetPopulus quodplorat
Ibid.
VNA YOX.
+
Num ignoratis quoniam Princeps
& Maximus cecidit hodie?
Infirmata est altitudo populi
terræ. 2. Reg. c. 3.If c. %4*
CHORVS.
Rex lugebit, & magnus populi
conturbabuntur. Ez.ech. c. 7.
VNA VOX.
Domine Deus, qui das salutem
Regibus. Ecce quem amas infirmatur.
Sanitasest orbisterrarum.
PfaL^. Joan.c. 10.Sap.
ch.6.
CONCENTVS TRIVM
- VOCVM.
Qui sperat in Domino, sanabitur.
Prov. ch. 28.
VNA vox.
Consolamini, consolamini.
Ad vefperum demorabitur fletus,
&ad matutinum lætitia. Quia
hæc dicit Excessus & Sublimis,
habitans
habitans Æternitatem : Vias ejus
vidi, &sanavi eum ; & reduxi, Se
reddidi consolationes ipsi, & lugenti,
busejus.If.c.40.Pf.29.If.57. CHORVS.
Cantate Domino,& benedicitenomini
ejus, annunciate de
dis in diem salutare ejus. Pf. 5)5^
VNA vox.
s Dedit Deus salurem magnam
Populo fuo. Paral. c.11.
CHORVS*
Canrate Domino & benedicite
nominiejus;annunciate dedieint>
diemsalutareejus. Pf.95,
Les paroles de ce Motet ont estetraduites
ainsi en nostre Lan- gue. -
UNE VOIX. LJESPeuples viennent defaire
entendre leurs cris: leurs lar*
mesfont des marques de leur douleur.
DEUX VOIX.
Qu^efi-ce quifaitlefldet deIcui;"
trifieffi &deleurs pleurs?
UNEVOIX.
quoy, neff?lVC-Z-VOUi pas le trist
te accidentqui vient d'arriver aujourd*
Jh>huy dP' ( à ce grand Prince?
Leplusglorieux Peuplede laArre
estabbatu^fft malade ensa perfonnc.
CHOEUR.
Le Roy enferd touchéjusquaux
Idrmei; & toutfin Peuple en fera,
dans Lt confiernation.
UNE VOIX.
Seigneur, grand Dieu, qui fativentesRois>
Celuy que vous
aime^efi malade. Sa fantc efi
celle de toute la terre. -
TROIS VOIX.
Celuyquiespere dans le Seigneur,
fera bitntoflguéri.
UNE VOIX.
w
Conîolez,:vous confolesç vous. ; les larmes que vous répandezce
jfooiryyfeero.nt dès le matin changées ert Car voicy ce que dit le
Très-fiant, ce Dieuftlblimt, qui
habite dans Céternité:J'ay conjidere
ses voyes, &je L'ay guéri: Je l,ay
fait revenir des fortes de la mort i
2*Vay ÇonfoiérZéUy}&touïfbnpcuplci
CHOEUR.
Cbantezjes louantes du Seigneury,
beniffez^fon nom: continuezàlerc- ,connoifireÀpour l'Auteur d'une santês
fiprècieufe.
UNE VOIX.
Le Seigneuren luy rendantlafanté,
la rend en me/me temps atoutfor®
peuple.
CH OEUR.
Chantexiles loilanges du Seigneur,
heniffez^fon nom 5 continuezà le reconnoifirepour
tAtticur d'unefanté;
jïprêcïcufc.
- La Paroisse de S. Louis dans-
Lisle n'avoit garde de manquer a
un devoir aussi juste qu'étoit celuyderendre,
desactions de grâces à.
Dieu pour la parfaite santé du
Roy, & pour l'entiere convalescence
de Monseigneur le Dauphin.
C'est la feule Paroissede
Paris dédiée à Dieu fous l'invocation
de S. Louis
J
Patron,& un
des Ayeuls deSa Majesté. Elle se
sentit d'autant plus obligée à ce
devoir, que Sa Majesté a fait poser
en son nom la premiere pierre
de la nouvelle Eglise, & a contribué
de sommesconsiderables pour
ce Bâtiment ,ce qui fait qu'elle a
la qualité& le nom de Paroisse
ROYtzle. Mrs les Curez&Marguilliers
y firent chanter le dixiéme
d'Avril un Salut solemnel, où loal
fit plusieurs Prieres pour là conservationdelapersonnesacréede
Sa Majesté, & pour la Paix. Le1
[ Te Deumfut chanté enactions du
graces du rérablissement de la
santé de Monseigneur. L'Autel
estoit paré magnifiquement, & éclairé
d'ungrand nombre de luminaires.
Tout le Clergéde la
Paroisse y assista
, & il s'y trouva
une foule incroyable de peuple , tant de cette Paroisseque des Paroisses
voisines. La Ceremonie finit
par une Procession du saint Sacrement
qui se fit autour del'Eglise,
après quoy les Paroissiens
marquerent leur joye pardesfeux
qu'ils allumerent,&par des boëtes
qui furent tirées. ,.:. Je vous envoye un Madrigal de
Mr Dader,sur l'accident qui a fait
trembler toute la France,en me- -
naçant la vie de Monseigneur If-
Dauphin, -:,
Je ris de voir la Medecine,
Sedebatre sur l'origine,
De ce mal qu'afoujfertnojîre augu^
fie Dauphin.
Pénétré du plaisir desa convalef*--
ceJv
Sans efire Philosophe, Artisse 011.'
Medecin , Mn peu de mots voicy ceque j'er
pense..
Peuples, quon vittoutabatus
Cmindrepour ce vrand Prince une
atteintemortelle,
Trisses François , ne pleurez^
plus,
Le Cielqui lesit naijlre avec tant
de vertus
N'a voulu parfin mal quéprouver
noflre zele.
Ces autres Vers font sur le
mesme sujet, & ont esté faitspa^
un Gentilhomme du Païsde Caux
en Normandie.
Prince> vojîre accidentmyafaitver- Ja des larmes3
£fr tandisquala Ourtout cfioiten
alarmes3
Par 'mille voeux secrets j'implorois
,
le secours
> Du Seigneurtout-putîant enfaveur
de vos jflurs.
Qui ne feroitpour vous plein ddlmour
S" de zele l
Des plus rares vertus vous esses le
:
modde
Vous ave3z Pefprit doux, le coeur
grand) genereux , Eame compati(fante au fort desmalheureux,
£tsemblable à L0U1 S de qui
vous tenez,. tejbc',
pburje bonheurpublicylc Ciel vous:
4fait naijlre, Qtsk
Quel Prince
>
bêlas ! g:-\r/?d Dieu l'fÍ~;" _.HJ. ;:;".,1.' ¿
nous eu.fjiez^vcusostè!
lcy j'entends louer texcez de sa
bonté
3 ,Ztlj'ciltcns publierque désfatendre
enfance
Il faitson seu>l bonheur du bonheur
-
de la Frtince.
J'entens dire plus loin que ce divin
I-£eros
2Ve s'endormitjamais dans un lâche ,repeS.
On l'a vuy poursuit-on
J
environné
degloire
Au , travers des périls courir à la
ViEfoirc,
.Etmettre aprèssans peineau nang
de (es dmis,
Ceux -qtl/iLavaitdom.ptczcommefej
ennemis.
Ce Prince modéré, bienfaisant
3
magnanime,
A de tout l'univers. & l'amour &
Peftime,
Heureux ceux dont le fort efl d'eîire
incessamment
'Attachezàservirun PrinceJi charmant.
pour moy 3fi je pouvois
3 du gré de
mon envie,
L'adrnirer, le servirtout le tempt
de ma vie,
ZZ''oonn me verroit coinyfîiaanntt lluay marquer
tour à tour
Mon z^ele3 mon respect3 p.eît, majjoye ,& oye
mon amour.
Ce Madrigal que j'ajouste est
parti de la même veine. Ilest
sur le grand evénement de la succession
d'Espagne, & adressé à
M. le Duc de Beauvilliers.
Ta vertu s
Beauvilliers >&tarare
prudente,
Meritoient bien la recompense
Dont le Ciel & Louis t'ont feu fa*
vorifery
Gouverneur de plujieurs Provinces
Et choisi pour former lajeuncffè des
Princes,
C'est dequoy t'immortaliflr.
Ces trois Princes d'unfang que re..
fpelle Bellonne, (Garde d'en douter un moment9
Tu le vois déjà bienpar ce commencement)
Auront avec le temps chacun une
couronne,
De LOUI Sst fameuxpar tant
de grands exploits
Ilnepeut venir que des Rois.
Cet autre Madrigal est du-mcnie
j & sur le même sujet.
rAinsique le Soleil tebaufe tout le
monde3
,
Etparsa lumierefeconde
Teut seul
donner
le jour à cent peuples
divers;
Demêmed'un Héros d'une gloire
immortelle,
X)e toutes les vertus leplusparfait
modele
Ze fang m3éritéseulderemplir l'univers.
Vous sçavez avec combien
de distinction Mr de la Haye a
servi le Roy dans plusieurs Ambassades
,
& sur toutdanscellede
Constantinople, où il a pasé plus
de vingeannées.Il estoit Ambassadeur
à Munic dans le temps
du mariage de Madame la Dauphine,&
c'étoituneAmbassadequi
demandoit unMinistre de confiance.
Aprés avoir encoreexercé celle
de Venise avec beaucoup de succés,
il a demandé à sa Majesté
qu'illuy plust de le rappeller, &
Elle a nommé pour remplir sa
place, Mr Hennequin de Charmond
,
Secretaire du Cabinet,qui
s'estoit acquis auparavant beaucoup
de repuration dansla charge
de Procureur General au grand
Conseil.Les Hennequins sont originaires
de Troyes en Champagne.
Ilsont donné des Officiers
à toutes les Compagnies superieures,.&
ily a eu dans cette maison
des Presidens à mortier, plusieurs
Maistres des Requestes, des Eveques
de Senlis, deTroyes,deSoissons
& de Rennes. Elle est aliéeà
plus de vingt familles distinguées
& des meilleures de l'épée
& de laRobe. Le Gouvernement de Foix vacant
depuis la mort de Mr le Marquis
de Mirepoix
, a esté donné
avec le revenu des deux années ;
qui estéchu depuis la more dece
MarquisàMrle Comte de Tallard,
Lieutenant General des Armées
du Roy&cy-devantAmbasfadeur
en Angleterre.S.M.l'aaussi
nommé pour estre reçû Chevalier
de ses Ordres à la premierepromotion.
Le Roy reconnoist par là les
services que ce Comte luy a ren- 0'
d'us dans ses Armées & dans le
Cabinet.
"0 (
Mr le Prince de Bournonvillea
eul'agrément pour la sous-Lieutenance
des Gendarmes dontMrde
Busenval se défair, & Mr de Boisla-
Roche,qui enestoit Guidon,a
eu l'agrémentdel'Enseigue qu'avoit
Mr le Prince de Boumonville.
Le 18. Février les Sieurs
Thomas Haye, ingenieur & fabricateur
des Instrumens de Mathematiques,
& Jérôme Marrinot,
Horloger, Valet de Chambre du
Roy, presentérent à Sa Majesté
une Sphere Armillairemobile, en
cuivre doré,où l'on voit à tous
momens quelleestasituationapparente
du Ciel & de quelle maniere
le Soleil ôc la Lune sont emportez
en vinge-quatre heures
par le premier mobile
,
d'Orient
en Occident
y
pendant que ces
Astres font leurs révolutions sous
le Zodiaque, c'est-à-dire le Soleil
en trois cens soixante & cinq jours,
& la Lune en vingt-neufjours;le
premier mobile a environ vingesix
pouces de diametre. Le mouvementestattaché
auPole arctique.
La Lune faisantsarévolution synodique
selon l'ordre des signes
,
tourne d'un sens contraire pour
presenter toûjours au Soleil sa partie
eclairée. Cela est executé si
adroitement, que les plus habiles
en Mechanique ont peine à en
découvrir l'artifice. Tous les Phénomenes
qui arrivent dans le Ciel
par rapport à ces deux astres, à
l'exception des Eclipses, sont representez
dans la machine, & la, ce- par le simple mouvement dit
premier mobile. Elle est montée
sur un pied de bois doré, orné - de
quantité de figures allégoriques,.
Surl'estradedece piedil y a une
boussolequisert à orienter lamachine,
& au milieu de la boussole
un ruban voltigeautour d'une teste
qui reprelente le Soleil
3
8;
donc le visage est le portrait du
Roy,& sur ce ruban est écrite cette
deviseSufficitorbi. Le Si Haye
a la réputation d'estre fort versé
dans l' Astronomie, &de travailleravec
beaucoup dejufteiïe les
instrumensde sa profession.
Il y a long-temps que voussçavez
la mort deMrl'Evêque,Comce
deNoyon,qui a laissé une place va.--
cantedans l'Académie Françoises
Depuis ce tems-là
,
il y en a vaqueune
seconde, par celle de Mr
de Segrais,arrivée a Caën le 24
Mars. Ces deux Places furent
remplies le Jeudy 18. d'Avril, par
le choix que fie cet illustre corps
de Mr de Malezieu pour la premiere
& de Mr Capistron pour la
feconde. Je vous parleray du merité
de l'un & de l'autre quand je
vous apprendray leur reception.
Je vous diray feulement aujourd'huy,
àl'égarddefeuM.deSegrais,
qu'il a esté generalement regrette
à Caën
,
où la douceur de ses Vers
Je faisoit regarder comme un digne
successeurdufameux Malherbe,qui
estoitné dans lamême Ville. Vousn'ignorez
pas combien son excellentetraduction
de l'Eneïde en vers
François, luy a acquis deréputation.
Ladroiture de son coeur & la
bonté de les moeurs égaloienc la
beauté de son esprit.Ilavoit établi
uneespeced'Academie,&plusieurs
personnes considerablés par leur
sçavoir & par leur merire s'y assembloient
toutes les semaines.
Mr Foucault Intendant de la Province,
avoit avec luy une liaison étroite.
C'èstce quia donné lieu à
Mr. de laMonnoye de Dijon, si
connu par ses beaux Ouvrages de
Poësie, de fairecetteEpitaphe.
Cy gist qui toûjours cher aux Fil--
les de Mémoire, De l'illujlrc Foucault mérita Us
regrets Y
Si ce nefioitaffez^du fcul nom de.
Scgrais
3 Le feulnom de Foucaultfuffroitpoursa
gloire..
Voici d'autres vers qui ont esté
faits sur cette mort.
QuandScgrais affranchi des ter-,
reftres liens
Descendit plein de gloire dl/X'
ChampsËltfiens,
Virgile en beau Franfois luy fit
une haranguej
Et comme à ce Discours Scgrais
parutsurpris,
Sijefçay3 lui dit-ily lefin devos
tre langue3
Cesivous quimel'avexappris.
Mr. Dalon,premier President
du Parlement & de la Chambre
des Comptes de Pau,y est mort.
Il avoir esté Avocat General au
Parlement de Bordeaux. Cette
Chargeest rempliedepuis qulques
annéesparMr. son filsaîné.
Dame Marie de Villebois, est
morte àParis,âgée de soixante-&-
dix-neufans, & regretée generalementdetous
ceux qui connoissoient
son merite. Sa charité a.
égalé tous les avantages dont
Dieu l'avoit pourvuë,& on la connoît
par plusieurs legspieux qu'elleafaits
desesépargnes. Elleestoit
fille de Messire Jacques de
Villebois Maistre d'Hostel du feu
Roy,dontla maison est originairede
Gascogne, alliée aux maisons
de l'Etrille, Malle, de Manou
Raguin, deMesme,deFauchet
Logueval
,
de Neufville &
Villers. Celle de Dame Jeanne
-
de saint Yon
,
sa mere, eU si ancienne
, qu'au onziéme siécle, ses
Ancestres portoient la qualité de
Baron. Elleest alliée aux maisons
.de Crequy,de Rubenpré deHec-
.ques Chauvelin, & Chaillon.
Madame de Villebois estoit veuve
de Messire Antoine Phelyppeaux,
Seigneur du Verger, Conseiller
d'Estat,Intendant de JuC
tice à Moulins, d'où font lilus
MessireRemond Baltazar Phelypeaux
Maréchal des Camps &
Armées du Roy,sonAmbassadeur
extraordinaire à Turin, & Messirejacques
Antoine Phelypeaux,Evêque
de Lodeve. Cette maison
porte pour armes,en Champ â%a-
Zgr un Chasseau d'argent avec deux
arbres d'or.
On a eu avis de Chartres que
le 24. d'Avril Mr de Cysternay,
Chanoine del'Eglise de Chartres,
yheusit mort aagé de quatre-vingtans,
sans avoir ressenti aucune
des incommoditez qui accompagnent
d'ordinaire un aage si a..
vance. li en a passé soixante &
quatre à remplir ses fondions de
Chanoine avec édification.
Il n'y a personne qui ne sçache
qu'elle efl l'utilité du Dictionnaire
Historique de Morery. Les Libraires
deParis qui ont débité en
très peu de temps la derniere édition
qu'ils en avoient faite,travaillent
actuellement a en donner
une nouvelle. Pour ne rien omettre
de ce qui peut la rendre
plus parfaite, Mr Vautier
, qui
s'est chargé de la revoir, & qui
avoit déjàpris foin de la precedente
,vient de publier un projet
qu'il soumet au jugement du
public. Ceux qui voudront bien
luy faire part de leurs lumieres
pour la correction & l'augmentation
de ce Livre,ou qui auront
quelquesmémoires àluyfournir
sur les Genealogies qui y font contenus,&
sur celles qu'on y pourroit
ajouter, font priez de les addresser
aux Sieurs Herissant , Goignard&Mariette Libraires à
Paris, chez quileProjetse distribue
gratis.
Je vous ay promis de vous envoyer
tout ce qui me feroit échapé
des choses qui se sont paffées
dans la route de Messeigneurs
les Princes. C'est ce qui m'oblige
vous faire part de cette Harangue
qui leur a esté faite par les
Consuls de Montpellier. 1
M
ONSEIGNEVR,
Quelle joye, quel bonheur pour
les Hahitans de cette Ville, de voir
en vofire personne un Prince3 qui
fait les delices de la France,l'admiration
de toute l'Europe, & à
qui les Nations étrangèress'empreint
d'offrir leurs hommages ! Jjetonnement, dontnosesprits font
fraPe\.>nefipa-smoindre,que cette
joye
,
q1/.lnd nous considerons avec
quelle grandeur d\ime, vous avez
bien vouLt vous dépouiller de vos
droits ,pourétablir le repos de l'Europe
, pour unir les coeurs de deux
JVcitions jjiloufes
3 pour donner des
Couronnes à un Frere
,
& un Roy àlinejiercNation,
qui le demande-,-
C1efisans doute, MONSET"
ONEVR , pour faire connoistre
aux François tamour) & l'estime
que vous avez,.pour eux, c'efi pour
faire voirà. toute la terre, que vous
preferez. le plaisir de regnerunjour
sur un peuple
sir regnerunjour
peuplesifidelle, éi- (îbelliqueux
y
à la gloire de po/Jeder des
Royaumes dans toutes les parties
du monde. La France n'oubliera
jamais cette preference,&cette
affection i & que nepourrez^vous
point entreprendre k la tesie d'une
Nation martiale, epleine de retonnoiffance
; sur tout après que
vous vous ferez^formè dans le gouvernement,
& dans l'.Art militaire)
sur de bienplus parfaits modeles
quAlexandre , ne l'avoit estè
y
fous
Philippe jquand il entreprit dest
rendre le Maifire deÏVniven l
Mais si l'EJPagne
3
cette fiere
Nation3 n'a pas crû trouver de
meilleur moyen pour establir safureté
&son bonheur, que dese choiftrun
Souverainparmi nosPrincesY
si digne du fang de France3 n'avons
-nous pas lieu d'attendre,
MONSEIGNEVR , que quelque
Peuple au/Ji fagelnent inspirè,
ne voudra d'autre Maistre
3 que
Monseigneur le Duc de Berry)
s'il reste encore quelque Couronne
quienfoit digne? La vivacité de
son esprit, l'élevation desongénie,
son grand coeur, le-fangdont il est
fprti
,
font Autant d'heureux présages)
que nos voeux feront un jour
accomplis.
Si nous n'avons pas la fatisfaHion
de vrir nous-mesmesdesi
frands èvenemens
>
du moins nous
aurons celle de porter nos voeux, 0"
,#re vie
nos , (~- desirsau-delà de nostre vie, &
dJejJre autant quelle durera3avec
une parfaitefourniJJïon, (J. un profond
refpcîi, MONSEIGNJ..VR)
vos tres -
humbles &très - obeïssans
Serviteurs.
Vousvoudrez bien entendre
parler le Thé, à l'illustre Mademoisellede
Scuderi.
Sapho, je minteresse à vos ¡favantes
veillcf;
De mes feuilles le suc vousplaist
avec raisôn.
QueriGnt-elles pourvous les ver-.
tus sans pareilles)
De celles que lÆedée employa*
pour sEson f
Ce quatrain futrendu à ima,
demoiselle de Scuderi avec une
boëtedeThé. Il est deMr. Moreau
de Mautour
,
qui a fait
une Parodie sur la loure de l'Opera
d'Hesione, pour une Dame
de la premiere, qualité, dont le
mary a un des premiers & des
plus considerables emplois de
l'Armée. Cette Parodie peut convenir
aux Epouses tendres dont
les Maris doivent partir pour
l'Armée.
Sur l'air,AimableVainqueur^
&c.
A MADAME LA COMTESSE
D. L. F.
Sur le bruit de la Guerre.
Jtîelas3 mon amour,
Aufindît tambour -
Rcffent milleailarmes ;
Le bruit des armes.
Rappelle ce jour,
Ou ma confiance
Eprouva l'absence.
Quel trisse retour,
Lorsque dans lapaix
L"Epouxqui m1enchante?
D'une Epouse amante
Gousse les attraitsl
Faut~iltoujoursy
Pour des bùnssicourts 0 gloire fatale, r
Superbe Rivale>
Des tendres amours,
Troubler des coeurç, QuerHymen regale
De mille douceurs. y
Voicy des Vers qui devroient
estre de quelque utilité au Public,
en faisant ouvrir les yeux aux
Courtisans qui pourroient rendre
autant de service à ceux qui ont
besoin de trouver des Protecteurs,
qu'a toujours fait feu Mr. Bontemps.
-
Ëontemps efi mort,tout le regrette.,
Tout plaint sa perte & la ressent>
Depuis le Sceptre tout - puissant,
Jusques a la foibU houlette..
Vous qui pouve;.par vos emploiss
Rendreservice auprès desRois,
Et qui n'envoulezjamais re:
drey
Les reyrets qu'ilfeeut mériter-
Parlentà vous, tafchez
prendre
A'vous faire ainsi rcgretter.
Mr. le Cardinal de Coistin
ayantreceu l'Ordre du S.Esprit
qui est attaché à sa charge de
GrandAumônierde France ,celuy
qu'il possedoit estant demeuré
vacant, le Roy l'a donné à
Mr. l'Evesque de Metz-neveu de
ceCardinal
,
& la placequi vaquoitparmy
les Commandeurs
du mesmeOrdre,par la mort de
Mr.l'Evesque Comte de Noyon, aestédonnée à Mr. de Conac
Archevesque d'Aix,cy-dèvant
Evesque de Valence. Ce Prelat
di d'une des meilleures Familles
de Guienne & a infiniment de
refprit.
l'esprit. Je ne vous dis rien qui
ne soit generalement connu.
Voussçavezcequelamodestie
a fait faireà M.l'Archevesque de
Sens, au sujet de cette dignité. Il
s'est tellement élevé en s'abaissant,
que quelques vertus que l'on
reconnusten luy
, on en a encore
découvert de nouvelles, qui font
voir qu'on ne peut donner trop
de loüanges à une aussî grande
humilité que celle que ce modeste
& sçavant Prelat a fait paroistre.
Ce qui s'est passéen cec-'
te occasion est une preuve manifeste
que le Roy ne s'attache
qu'au merite dans les choix qu'il
fait, & que ce Prince les fait de
luy-mesme, puifqu'il n'est pasvray
semblable qu'on refusast une chose
qu'on auroit (bilicicëe.;
Apres les demandes exor bitantes
qui ont esté faites au Roy,
sans qu'on eust aucune raison
de les faire que celle de vouloir
ce que l'on trouve à sa bienseance
3
Sa Majesté
, quoy que
toûjours resoluë de ne pointtroubler
la Paix qu'elle a
bien voulu
donner à l'Europe,voyant les préparatifs
qu'on fait contre le Roy
d'Espagne son Petit-Fils, qu'Elle
efl: obligée de secourir
, a crû de,
voir se mettre en estat de luy aider
à repousserses Ennemis, pour
n'estre pas surprise elle-mesme par
ceux qu'on ne sçauroit guérir de
la peur, sans leur donner ce qui
ne leur est pas deu. C'est par ces
raisons que le Roya pris ses precautions
pour se défendre, s'il e/l
attaqué, & qu'il a levé des Trou-
V -V
pes. Voicy la liste des Officiers
Généraux qu'il vient de nommer.
Je ne leur donne ni rang ni qualité
, & ne garantis pas mesme
qu'il n'yen ait point doubliez, ôc
qu'on n'ait point mis dans une
Armée quelques-uns de ceux qui
doivent servir dans l'autre. Tout
cela arrive ordinairement dans
une pareille occasion
)
sur tout
quand ces fortes de liftes n'ont
pas esté copiées sur les originaux
mesmes.
ZISTE DES OFFICIERS
Généraux qui doivent servir
dans PArmée d'Allemagne.
Monseigneur le Duc de Bourgogne,
Généralissime.
Mr le Maréchal de Villeroy;
général.
Zieutenans Généraux-
MESSIEURS
D'Uxelles.
De Tallard.
De Villars. (Il commandera Ig
Cavalerie.
DeBusca.
De Mélac.
De Vins.
De Barbezieres:
De Crequi.
Maréchaux de Camp;
MESSIEURS
DeLoëmaria.
De Varennes,
DeDruy.
DeMédavi.
D'Albergotti.
De Luxembourg.
De la Roche,yoii'
De Villeroy.
Du Bourg.
De CharoH:.
DeRigoville.
De Mongon.
De Liancourt.
DeMaignac.
Mr.D'Avaret commandera les
Dragons.
Mr. De la Frezeliere commandera
l'Artillerie;
Mr. De Vandeüil commandera les
Gardes de Monseigneur le
Duc de Bourgogne.
ARME'E DE FLANDRE,
Mr. le Maréchal de Bouflers General.
Zieutehans Generaux;
Monsieur le Duc du Mayne.
Monsieur le Comte de Toulouze,
Il commandera la Cavalerie.
MESSIEURS
De Gassion.
De Montrevel.
D'Usson.
Milord Barvvich.
De Chimenes.
D'Artagnan.
De Coignies.
De Roquelaure.
De Gassé.
J[taréchaux de Camp.
MESSIEURS
De Lagnon.
D'Alaigre.
De Bezons.
D'Hautefort.
Du Rosel.
DeSurville,
De SurbecK.
De Surlaube.
De Courtebonne,
De Greder.
De Roussy.
D'Antin.
DelaMothe.
Raynol.
Davejan.
Mr. Le Duc de Guiche commaiv*
1 dera les Dragons.
Mr. DeVigny commandera l'Artillerie.
ARME'E D'ITALIE.
Monsieur le Duc de Savoye, Généralissime.
Mr. le Maréchal de Catinat, Général.
Mr. le Comte de Tessé Capitaine
général.
Lieutenant Generaux.,
MESSIEURS
De Crenan.
De Vaubecourt.
Le Chevalier de Tcflé.
Maréchaux de Camp.
MESSIEURS
1 De Marcin.
De Pracontal.
De S.Frc'niont.
De Cavoye.
DeThouy.
De Vilpion.
Mr. Du Cambout commandera
les Dragons.
'ZJEnigme du mois paffé avoit ejh;
faitsur le Peigne. Ceux qui ont
trouvé ce mot, fontMcflîeurs
, DE Verneüil de l'Hostel du
Mayne à Versailles; David
le fils marchand au coin de la ruë
du Plaisir du mesme lieu, de
Gestes, la Guinaudierre Guerry,
le P. Coüaillé
,
Jean Baptiste
Chastelain d'Aurillac en Auvergne,
Saffray du Quay de la
la Vallée de misereà la Croix de
Jerusalem
,
du Parc & sa Javote
,
Jean de Massy sieur de Baftarault
& de Tournevillere,Mollet
des Fontenelles,Richard du
Luard & Chedor du Mans, Bardet
& du Plessis de l'Hospitalde
la mesme Ville, Charles de la
Rue de l'Arbre-sec, -
Antoine
Nereau Conseiller du Roy Prevoit
en Charge de la Basochedu
Chastelet de Paris,de Colombes
son Secretaire & Mre Nicolas
Lallemant Comte de Moranville,
l'AbbéFaubertsieurde Palliere
Licentié en Theologie, Guyart,
Duclos & Mlle Thibaut, Melle
Dautigny & son Amant trann,
le jeune Mallair du cul- de-sac
de la ruë du Cocq & son meilleur
ami, les Clercs de Mr Janot Notaire
, le petit Brun de S. Maur,
& son incomparable Société, la
jeune Brune du Beuveur & son
frere, l'Intelligente de la ruë des
Fontaines, ôcj avotte de l'Hostel
d'Yvron, Tamiriste & ses deux
filles,l'invisible hors le Lundv
) le petit Prophete de la ruë de "la
Harpe, Lavocat ami des prudes
& non des coquettes de IIfis du
Palais, l'Amant secret des aimables
soeurs du Pilory de Poitiers
, le sçavant Grec jusqu'à
l'augment, de la vieille ruë du
Temple, le petit Cerf volant de
la ruë Monceau S.Gervais, celuy
cjui ne se nomme point, le charmant
Jomier de la ruë S. André,
le Pere Supérieur des Augustins
d'Amiens, le Papa de chez M*
Guignon, le Voile heritier du
Guerrier à la mode, le Corps
amant de la belle Gabrielle,
Charlotàbasse deviole, les deux
Nymphes potageres de l'Intendence
,
& le Mats de Picardie
, Bourgeoisd'Arras, du Hamel
de Viliiers, la Marguerite faite à
piaifîr, la belle Foras du chasteau
dor,vis-à-vis la place aux Chats
ruë S. Honoré, & la belle Mollet
de la ruë des Fourreurs, le jeune
Marquisdela vieilleruë du Temple
, le beauParisien demeurant
à Alençon & sachereM.Desprez,
l'Amant de sa belle cousineprés
S. Saturnin à Chartres en Beaus-
-
se, le bergerCloridor & la grôite
Picarde son hostesse du Marché
neuf, le fidelle Cleandre de la
ruë du - Foin, la contemplative
du cadran de saintSeverin, Cristalin Langlois du coin de
la ruë du Plaisir à Versailles,
des Pavosts, premier valet de
pied de Madame la Duchesse
du Mayne, du mesme lieu, l'Amant
de la plus belle bouche
du quartier de la Madelaine,
- la Brune à la Devise, le petit Rabat
vaut mieux que le grand, le
grand Mogol François de la ruë
du Plaisir de Versailles, les trois
Clercs de Mr Fera Procureur au
Parlement à l'Hostel des Ursins
, les Garçons de nopce ,
Louvac
de Marne,Begat de Manne, le
jeune Comte deBierge,Simonnet
de Beaucourt
, & le jeune
Marquis de saint Julien, de la.
Chine de la ruë Dauphine, &de
la Chine Abbé de S. Domingue,
le petit Pasté & ses Confreres de
chez Mrle FévreNotaire ruë saint
Denis devant la Fontaine la Roy-,
ne, le fidelle serviteur de l'agréable
Mannon, le Buisson prudent
& pacifique de prés le Chasse-
Midy, & le charmant Serin dans
sa nouvelle cage à Versailles, le
Chevalier desAngloux & sa grosse
Gouvernante, le sage de Cerby
& son aimable amy,Ativa
Robinot & son Eleve aux cheveux
blonds de la ruë de Brague,
l'Amantrebuté des deux plus
belles soeurs de la ruë d'Argenteuil,
la plus spirituelle brune de
la ruë Calandre, & la plus aimable
veuve de la ruë des grands
Augustins. Le Pensionnaire muet
de la ruë dela Huchette, le Taciturne
de la Table prés le Palais,
le Plaisant de la fuë du Foin
l'agreable , & complaisant Jean
Fumée sieur du petit Hoquet, ruë
saint Denis à Meaux, Melle Javotte,
jeune Muse, du coin de la
ruëde Richelieu, Amiot de desfus
le petit pont,Dumont, &
Marie Poirier de la Porte du
grand Monarque, vis-à-vis saint
Innocent, le beau Micot de Beaune,
la belle Gantiere du Quay
des Orfévres,Boulé, M, Dupont
&: Melle Marinier sa maistresse,
M~ Bougy & son petit Conseiller
des Essards. La petite Dame
voisine du Nouvelliste de Beauyais
,
la charmante Manon de
l'Isle Nostre-Dame, & sa petite
Maman duMarais,la Marchande
de vin à son grandregret de l'orme
faine Gervais,sa belle soeur,
& leur cousin le futur Bailly de
saint Maur,l'Avocat Borderel
de laruë du Mouton
,
& son intime
Aubert de la ruë de laVerrerie
, la jeune Parisienne du
Bourgde saint Martin à Verdof—
me i
& la vraye devote du mesme
lieu. La petite Margot de la fUt:,
dela Paroisse à Versailles, les-,
deux Brunes des trois maisons
, la belle Indifferente de la ruë de
saint Martin, la jeune Nymphe
italique, la Solitaire Marie Andrée
de la ruë Chapon,la toute
aimable D'leManoin delaruëdela
Harpe proche la ruë du Foin'
&fou fidelle Esclave du bas de
- - -- la«
la mesme ruë, l'indifférente Brune
des galeries du Louvre & Lisonnet,
du mesme lieu. Les Brunes
& les Coquettes des deux
Académies du mesmequartier,
le Godard Gaillard, la belle Accordée
, & sa voisinel'Aspirance.
-' Mr & Mmede la Salle du grand
Commun de Versailles
,
l'aimable
veuve Mme Marie B. ou Meli&
Robert, le bon Lauman son frere
& son ami. Banque Grify Praticien
par force, des ruës du Scw
pulcre & Tarane. Le Begue & le
Moine, les bons Clercs de Mr.
Bonhomme Notaire de la ruë de
Bulry, Dugné
,
la source des Liqueurs
à la Devise Royale,de la
mesme ruë, Laumeau &sa charmante
épouse de la ruë ducoeur
qui ne luy appartient pas, lesinseparables
amis Julien, Chagrin,
Thomas& Laurent de S.Sulpice,
les bons Directeurs de S. Alban
de l'année 1699. & 1700. Le sieur
le Guintre, Melle sa fille & son
voisin Mellet de la ruë de Tournon.
Lesieur Deuxmille delaruë
de Grenelle & MeUe Vertueuse
fille
,
le sieur Barbé Doyen de
l'art de Peinture & Scul pture,
Mr & Melle: Ramire
,
MeUes Ambroise,
Madelaine &HilaireLucot
Cour du Palais , le Vacher,
Melle Renée & Marie le Vacher
du Palais Royal
,
l'aimable &
bon Danseur Mr Corozet le fils,
saint Criquebeuf, Melle Catherine
Marais
,
dite Mme le Vacher, du
Palais Royal, le bon Normand
Broquet & le petit Pere Tibour,
les Clercs du sieur BarbierProcureur
de la Cour, ruë Pavée
proche S. André, le bon Martin
& son aimable épouse du cloistre
saintJean en Greve, & les Clercs
de son Etude, la charmanteAnne
Cornil & le sieur Defin son Amant.
Melle le Clerc & l'aimable
Historien
,
proche l'Hostel des
Ursins
,
le bon Cent Suisse de
leurs A. R. Monsieur, Madame,
de laruë Baillive, Melle Tiremont e sa Maraine, le nouvel Huissier
des Requestes de la mesme ruë,
MmeMarguerite deCaux, l'Epouse
du Rhetoricien MrduJaxy,
le sieur Morant Tailleur de violon
aux Dames, le Samaritain du
Palais Royal,& Melleson Epouse,
le bon Si franc coeur d'ami,lesieur
Daugémarchand Distilateur,de
la ruë des Boucheries,& les sieurs
Pierre
3
Guillaume, Crou ppe,
Goulin, Chardin, Rohais, Boüillet
& S. S. R. L. B.dit lame
heureuse.
L'Enigme nouvelle que je vous
envoye servira de divertissement
à vos amies.
E NIG M E. DEuxpieds3 deuxjambes3 un&
tejie,
Me composent entierement,
Mais je ne ffaurois un moment
'Me tenirsurmespieds,siquelqu'un
ne m'arreste.
Que si l'on me donne la main5
D'une agilitésansféconds
3
Jefais3 quand on le veut, un terriblechemin
,
Car en quelquesmomens je faisle
tourdumonde.
Je fuisutile à bien des gens,
,Sa,ns moy les plus savans que tout;
le monde admire,
Ainsi que tous les ignorans,
Ne feront jamais rien ou l'on ne
trouve à dire;
£ts'ils riempruntent mon fe*
cours)
On les critiquera toûjours. Il rieflpointdejuflejfe à la mienne
pareille, Etquand de ma (tJmfdgneaul/ijufte
quemoy
On veutsuivre la Loy Avec , nous deux on fait mer
• veille,
Quand je marche) je nefat*
Defaux fas,
Si l'on me guide bien 5 autrement
sansadresse <*.>J
Avecque moy l'on se mifcompte
fort,
Mais ce riesi pas mafautt, & l'on
auroitgrand tort
De me disputerlajustesse.
Vous continuez à me demander
des nouvelles de la guerre , & de la paix, 6c vous voulez que
je me declare, ou pour l'une, ou
pour l'autre. Nous sommes,dites-
vous, dans le temps où l'ouverture
de la campagne se fait
ordinairement, & toutes les Puisfancesqui
semblent devoir entrer
en guerre sont armées. Vous entendez
dire que leurs troupes
marchent, que la Hollande continue
à vouloir que la France ôc
l'Espagneluy donnent des remedes,
contre un mal, pour lequel
il est impossible d'en trouver, puisqu'il
n'y en a jamais eu pour
guerir de la peur. On ajouste que
l'Empereur pretend que le Milanez
luy appartient, & qu'il croit
avoir assez de troupes sur pied
pour en faire la Conqueste; que
l'Angleterre doit entrer dans les
interests des Hollandois, 8c leur
donner des vaisseaux
,
& des
troupes de terre; que les Hollandois
, outre les grandes levées
qu'ils ont faites, ont achetté des
troupes de tous costez
;
queles
Ducs d'Hanover & de Zéll
, Ôc
ItEleéteur de Brandebourg leur
endonnent; qu'ils sont resolus
à perir si on ne leur accorde
la plus grande partie des
demandes qu'ils ont faites
,
qu'ils
ne desarmeront point sans ce- la,& que l'Empereur dont les
troupes font nombreuses
, ne
mettra point les armes bas
qu'il n'obtienne du moins une
partie de ce qu'il demande.
Je demeure d'accord que les affaires
font dans cette firuation r
que la foudre paroist preste
de tous costez à crever sur la.
France, puisque l'Espagne
,
n'e.J
stant pas encore revenuë de la*
grande foiblesse où elle a este
depuis peu, n'attend de secours
que de cette Couronne;mais je"
dois vous dire en mesme tempSA
qu'il.
qu'il semble que le Ciel ait permis
pour la gloire du Roy que les
affaires soient dans cette situation.
Sa conduite a paru dans
toutes les guerres, où il a joüé
le principal ..& le plus glorieux
personnage depuisqu'il regne par
luuyy-mesme. Il a toûjours ttrriioomm--
phé comme il a voulu ): il a toûjours
fi4it la paix comme il luy
a plu,&il a salu souscrire à ses
volontez demesme qu'ila salu
ceder à la force de ses armes.
Il a esté question de se distinguer
d'une autre maniere
,
depuis qu'il
TI acceptéleTestament du feu
Roy d'Espagne. Il veut maintenir
la Paix de l'Europe que tant
de Puissances cherchent à troubler.
Il y a travaillé, estant le
Chef de (on Conseilluy-mesme
si je puis parler ainsi il ne s'y eIl:
point trouvé de Ministres qui
eussent interest de vouloir la guerre
, ny d'assez instruits dans les
affaires pour luy donner des lum
ieres, puifqu'il les a tous formez,
&qu'ilestoit ce que nous
les voyons aujourd'huy,avant que
tous les
Ministreseussent
la premiere
teinture des affaires du cabinet.
Ainsi tout ce qui s'y est fait
depuis l'acceptation du Tefla^
ment de Charles II. est son ouvrage,
& ce qui est surprenant;
c'est qu'on trouvera , si, on l'examine
de prés, que jusqu'à present
il n'a pas fait un faux pas,
& que tout ce qu'il a entrepris
a reussi de la maniere dont il l'a
souhaité
, tant il est vray que le
Ciel seconde les desseins d'un Mo,
narque qui ne travaille que pour
la paix. Il a voulusauver le Milanez,
& empescher pour le repos
de toute l'Italie, que l'Empereur
ne portast ses armes de ce costélà.
Ila sceu engager les Puissances
qui pouvoient s'y opposer
, & s'établir
dans des postes, avec lesquels
il peut mettre obstacle aux
projets de l'Empereur. Du reste,
il ne peut estre garant des evenemens;
ils dependent du Dieu des
armées. Il est venu à bout de ce
costé-là par son habileté, & par
ses vives penetrations de ce qu'une
fage politique luy a inspiré de
faire, & n'a pas esté moins heureuxdansl'entreprise
qu'il a faite
d'empescherque l'Empereur n'allumast
la guerre du costé du Rhin,
Ilasceu persuader à Mr l'Electeur
de Baviere, à Mrs. les Electeurs
Ecclesiastiques
, aux Cercles de
Suabe&de Franconie, ainsi qu'à
plusieurs autres Puissances, dont
dépend le repos du Rhin, d'observer
une exacte neutralité, qui empefchera
,
où qui du moins doit
vray semblablement empescher quel'Empereur , ne fasse la guerre
de ce costé-là:je disvray semblablement,
car il n'est pas hors d'exemple
de voir tenter des entreprises,
où l'on risque tout,& mesmeavec
assez de certitude, pour
ne pouvoir douter qu'on nereüssira
pas. On les tente quelquefois,
feulement pour faire un coup de
defepoir. Si le Roy, par les sages,
& judicieuses instructions qu'il a
données à ses Ministres dans les
CoursEtrangeres, a comme fçr,-
mé la portedel'Italie,& le palfigedu
Rhin aux Troupes de l'Empereur
,
il a par le traité qu'il a
menagé, pour les Espagnols, avec
les Portugais, osté la retraiteaux * VaisseauxHollandois dans les
Ports de Portugal, & comme la
France, l'Espagne,£c le Portugal
font maîtres de tous ceux dont
les Hollandois auroient besoin
dans laMediterranée,pourlaguerre
qu'ils entreprendroient, il faudroitqu'ils
cherchassentà se perdre,
s'ils y envoyoient des Vaisseauxquin'y
pourroient avoir de
retraite.
Ce n'est pas la feule raison qui
doit retenir leurs armes. Le Parlement
d'Angleterre, dont les lumieres
sont penetrantes, ayant
reconnu par la sage conduite du
Roy de France , que ce Monarque
ne veut point la guerre, mais
qu'il s'est mis en estat de la faire
avantageusement, s'il etL attaqué,
ne croit pas devoir entrer dans
les interests des Hollandois aussi.
aveuglément qu'ils le fouhaitenr.
31 faudroit qu'au lieu de chercher
des fonds pour s'acquitter
de ce que l'A ngleterre doit, il en
sistde nouveaux pour entrer dans
une guerre où l'Estat n'est point
interessé. Cette guerre mettroit
l'Angleterre dans un estat capable
de la ruiner,puisqu'il seroit
malaisé de trouver jamais a(Tes
de fonds pour payer les anciennes
6c les nouvelles dettes
, ce qui feroit
cause que dans la fuite ce
Parlement perdroit tout son credit.
La consequence en est si importante
qu'iln'iroitpas moins
que de la ruine entiere de tout
l'Estat, au lieu que l'Angleterre
peut tirer un grand bien de la
conjoncture presente, en cas que
la Hollande suive son aveuglement
& sa paillon) en entreprenant
la guerre,puisque les Anglois
auroient l'avantage de faire seuls
tout le Commerce qu'ils auroient
partagé avec les Hollandois, qui
avant que de tenter un coup
qui peut les perdre sans ressource
,
doivent considerer combien
ils ont servi le Roy de France
par les demandes exorbitantes
qu'ils ont faites, & qui ont esté
trouvées telles dans toute l'Europe
, & mesme par leurs Alliez.
Elles ont paru si peu recevables à.
tous les François
, pour ne pas
dire plus, car on ne parlejamais
en France contre aucun
Estat , quelque suj et qu'on ait
de s'en plaindre, que depuis le
plus petit jusques au plus grand,
tous se font écriez d'une voix
commune ,
& mesme avec un
transport plein de zele & d'affection
pour le Roy, quon pouvoit
leur imposer telle capitation qu'il
plairoit à Sa Masjesté. & qu'ils
estoientprests de lapayerpoursoûtenir
sa gloire & celle de PEIiat.
Voila la veritable situation des
affaires sur laquelle vous pouvez
decider de la paix & de la guerre.
Ce que je vous envoye , prouve
ce que je viens de dire touchant
la situation des affaires,
d'aujourd'huy.
piopojitions. de M.T. le Comte di.
Schlick,,Generaldes arméesdel*Empereur
à fort Altesse Electorale de
Cologne. A Bonn, le 10. Avril
J071.
Mr.leComtedeSchlicK Generaldes
armées de l'Empereur, estant
arrivé icyjeudy au foir, eut
audience le lendemain 8. sans ceremonie,
dans laquelle, aussi bien
que dans les conférences tenuës
ensuite avec luy, il dit, quesa '¡
JzCtijcfièlmpcrialeayant des raisons
indispensables pour poursuivre ses
droits à la Monarchie d'Espagne 3
par toutes les voyespossibles
,
elle •
souhaitoitquesonAltesse Elctora- • le ne prist aucun engagement avec
despuiffances qui les luy disputent,
qu'en cas de rupture,elle s'unist avec
Sadite Majesté Imperiale, & fes1
/llliezji y devant ejlre excitée par
deux puissans motifs, dont ffin efl
l'estroite alliance que la maifort
Eleclorale de Bavieres aavec l'attgufte
maisond-Autriche:& l'autre,
l'intercftgénéralde tout l'Empirey
auquel les Couronnes deFrance &
d'£.(pagnc veulent fouflraire les
Pays-Bas,& le Duchéde Milan , estant à craindre que par leur union
Elles nese mettent en eflat de fubjugfteravec
le temps le rcfte de i'Empi..
restles Princes qui en font membres
neseferventpas del'occafîonfour les
empefeher
3
laFrancenefiant p-as si
redoutable qu'elle veut paroistre. Il
a representéde plus)que Sa Majef
Jmperiale n'efiantpas occupée dit
cofjLé delàHongrie3 pourroit employer
toutes ses forces contre cette
Couronne avec plus de luccez que
jamais:&qued'autrepart les Anglois
6" les HoUandoisferont les
,derniers efforts
3 pour feconder Sa
Mdjefiè Impériale en tous ses desseins,
tantpourse venger du mépris
qu'on afait du Traite de partltge,
que pour maintenir leur Religion
leurlibertéy & leur , (ommerce; &
quesi SaditeAltesseElecloraie vouloit
entrer en alliance avec Sa Maje/
ié Impériale& avec eux> ilavait
ordre3 luy qui parloit, de convenir
avec elle en leur nom, de tous les
avantages, & de toutes les conditions
quelle pourroit souhaiter:se
promettant une resolution (avorable
,puis qtlillagissoit de maintenir
la liberté de j'Europe, & principalement
celle des Princes de
l'Empire3 qui couroient risque autrement
de perdrepour toujours leur
Souveraineté
>
& d'estre traitez^k
l'avenir d'unemanierepeu convenait*
ble à leur dignité
-'
6- aux égards
quon leur doit. II a*IoL'ita,queficontre
toute attente, son Altesse Electorale
ne vouloit pas se rendre d1
toutesces raisons, ilseroit à crain,
dre que quand les Etendarts des
Puissances alliées, se déployeroienr:
aux environs de ses Pays, on ne\
pourroitplus avoirpourelle lesme[~
mesconsiderations qu'on auroitsi elle
[eligfioit avec lesdites Puissances.
Voila la substance de ce qu'il representa
; mais ilfut bien surprise
quand au lieu de recevoir la réponse
favorable qu'il attendoit
JI on luy dit, queson Altesse EleHorale)
s'eslantchargée deses Archeveschezjfr
Eveschez,enprefereroit toit.:
joursles avantagesà ceux desaproic
freMaison, & Parenté, quandils
fie pourroient s'accorderles uns avec
les autres:& que si elle vouloit
agirparlaproximitê du Sang, il
feraitàexaminer si les Princes de
France descendus de Madame la
Dauphinefa Soeur, ne luy font pas
aujjtproches que les Archiducs
d'Autricheypourqui ilauraneanmoinssans
cesse, toute l'ejlilne, &
toute la vénérationimaginable. Que
fource quiregardoitl'Empire, elle
àssuroit sa MajefiêJmperiale , quelle ne s'en fepareroit jamaisJ
lorsque les François, ou tes EsPagnols
prefumcroientd'attaquer les
droits del'Erfipire5 mais que comme
jusqu'kprefent ils ont proteflé dereconnÕiflreduditEmpire,
toutceque
les Roisd'Espagne en ont reconnu, il
fieluyfcmbloitpas que de lapartdô
IEmpire, on eufi lieu de defaprouver
leurconduiteà cet égard,nidesemêler
des affairesparticulieres,quifont
entre les Maisons de Bourbon &
£Autriche, afin de ne pas troubler
lereposcommun: que les Cercles de
Franconie & de Suabe, sur cepiedlà
, avoient trouve bon de s'associer,
& d'inviterplusieurs autres Cercles'
& Princes,desejoindre avec eux,
pour conserverla tranquilitèdont ils
jouissent depuis la derniere Paixf,
& dont Sa Majefiè Tres-Chreftien-•
ne,promet de leur laissèr goûterleSi
douceurs>quesila Courdeplienne,,
comme plus éloignée ne trouve pas ài
present les forces de la France redoutables3
ces Pays-cy , qui font\
plus expofez^ ont dlautautplus de*
fsuujjeettddeelleessaapprehender que lorfquet
cy - devantFEjfcagne efioit joints}
avec les autres AllieSa Majestê
Tres-Ckreftiennefeule riap-as laijJé
de faire tcftc à presque toutes les
PUi/Jances de l'Europe: qu'outre cela
si Sa Majefié Imperialeriefi pas
obligée d'entretenirunearmée contre
les Turcsyellefera contraintefelon
[esprojets,d'en envoyer une en Italie
aussi considerable3 que celle quelle
avoit en Hongrie, quilfaut avouer
cependant que par tunion des Anglois
, & des HoBandois avec plusieurs
Princes& Etats Protefians,
onpourroit mettre de grandes forces
surpied j mais qu'on avoit vu dans
la derniereguerre3 ce que les Catho.
liques,&principalement les Ecclefiaftiqucs
>
avoient gagné) dont il
resse encoredefunefies marques dans
lespays de Cologne, & de Ziege :
que le Roy d'Angleterre estoit un
Prince d'uiiefintépeuflable, & Id
NationAngloiseépuisée aujourtishuy:
que les Hollandois avoient
toujours opiné pour la guerre3 &
qu'enfuite
>
ils avoient esiè les pre..
'niers à traiterfeparémenty au grand
de[avantâge de tous leursAlliez^:
que de tout temps le Pays de Liège
sefioit très-bien trouve des neutralité^&
quepour l'unique fois qu'il
s'estoitdéclaré3 il avoïtesiésimat
-traité, que les Etats avoient treshumblement
supplié Son Altesse.
Electorale3 de leurprocurerentoute1
maniérédans cette conjoncture une
bonne neutralité3 dontsi le nom, cfi !
odieux3 on pourroit se contenter des:
effets: qu'au refle S. A» E, a trouvé
* propos de s'uniravec.Mejftigncûrs<
les autres Electeurs Ecclefiafliqaes,(
dans une affemblée tenueà Zceein,.
'- on\i
eri ton avoitconclu deJejoindre avec
les Cercles & Princes affociez^dam
la penfée que Sa Majefié Imperiale
rienfieroitpasmoinsfiatisfaite,queU
leatémoignél*eftredel'ajjodation
des deux Cercles fus mentionnez.
&quenfin Son Altesse Electorale*
se confiant dans l'équité, & la justice
de Sa Majefiè Inzperiale, ne
peutpas croire quelle veuille concourir
à faire maltraiter les Electeurs,
&autres Princes de lEmpi;,e,
quipar lefoin qu'ils ont delàconfiervation
de leurs Eftals, ne voudraientpass'engager
dans une querelle
, qui ne regarde pas jufiqu'à
frefent le Corps de l'Empire.
- L'entrée - publique du Roy
Philippe V. sefit à Madrid, le
14.d'Avril,comme il avoit esté
résolu. L'heure ayant esté marquéeà
trois heures après midy,
on partit du Retiro. Les trompettes
des plaisirs precedoient celles
du Corps de Ville. Tous les Directeurs
estoient habillez en robbe
à la Romaine,d'une estosse
blanche& argent, & allerent jusqu'àl'Arco.
C'est-làques'estoient
assemblez les differens Ordres Mi.,.
litaires en habits de couleur, avec
la Golilla & des plumes differentes.
Tous les Chevaliers avoient
de tres-beaux chevaux, & leurs
harnois faisoient éclater une égale
magnificence. Les Gentilshommes
de la maison & de labouche
les suivoient. La premiere No-;
blesse, & les Grands du Royaume
venoient ensuite tous à cheval, en
habits à l'Espagnole en broderie
y ou chamarrez de dentelles de soyer.
sans or ny argent. Ils marchoient
devant Sa Majesté Catholique
9 qui montoit un cheval Alezan,
dont elle moderoit la fougue pas
son adresse. Elle estoit précédée
par sa garde Espagnole, Flamande,
Allemande, 8c par les gardes
du Corps à pied, & estoit vestuë
fortsimplement à la reserve des
pierreries qui estoient sur son habit.
Si-tost que le Roy parut à
l'Arco, la Ville en corps vint le recevoir.
DomFrancisco Ronquillo,
Corregidor, luy en offrit les clefs.
Sa Majesté osta son chapeau pour
les recevoir; & se mettant fous le
Dais qu'onluy offrit,on marcha
jusqu'à l'Eglise de sainte Marie.
Sa Majesté descenditde Cheval à
la porte decette Eglise
5
& yentrapour
faire les actions de graces- -
Le Cardinal Portocarrero officia
au Te Deum qui fut chanté.
Apres cet acte de Religion
,
Sa
Majesté continua sa route,& trouva
à quelque distance de-là un arc
de triomphe élevé à sa gloire dans
toutes les regles de l'Art. Des
Choeurs de Nimphes l'y attendoient,
&le conduisirent avec
une charmante melodie jusqu'à;
fort Palais, en chantant ses loüanges
à ses deux costez, On avoir
disposé cette grande ruë en trois
chemins differens. Celuy du milieu
estoit celuy ou passoit le Roy
&ceuxqui composoient sa suite
Des barrieres à droit& à gauche,
les separoient de la foule, à hauteur
d'a puy. Les Comediens Scies
Filles de la Musique marchoienc
de chaque costé avec les ink
trumens de muisque, qui accompagnoient
leurs voix.
Il faudroit un volume entier
pour décrire les Arcs de triomphe,
les Portiques,les Domes& les
differens morceaux d'Architecture
qu'on avoit distribuez dans les
places ôc dans les principaux endroitsparoùpassoitleRoy.
Les
ruësestoient par tout richement
tapissées, & les balcons couverts
de magnifiques tapis. Ainsi l'on
peut dire que toutes les richesses
de l''Espagne furent répanduës
dans les ruës de Madrid, & ce jour
là, & les deux jours qui le suivirent.
Il y eut pendant ces trois
jours un feu d'artifice dansla Place
du Palais.
- Tous les Theatres avoient esté
fermez depuisla mort du feu Roy.
Les Comediens donnèrent un
magnifique spectacle le 1 5. Ils
avoient quatre grands Chariots,
qui representoient les quatre Parties
du monde, & les principales
Nations qui les habitent estoient
dedans,figurées au naturel. Ils
joüerent pendant les trois jours , foir & matin,chose qui ne s'estoit
jamais pratiquée.
Le 16. Sa Majesté retourna à
Nostre-Dame d'Atocha, & passa,
par d'autres endroits de la Ville
qu'elle n'avoit y pas veus encore.
Le Corps des Orfevres, qui est regardé
à Madrid avec beaucoup de
consideration
,
avoit estalé dans
la ruë de l'Orfevrerie une quanti.
téd'argenterie, qui jusque-là ne
s'est jamais vuë ensembleà Ma-
4rid. Les Orfevres , outre,celle
deleurMagasin
,
avoient encore
emprunté celle des Grands & des
maisons les plus riches. Ils avoient
d'ailleursassèmblé des pierreries
pour des millions, & les avoient
disposées avec beaucoup d'arc Se
meslées avec cette argenterie. Le
Samedy, le Roy revint de Nôtre-
Dame d'Atocha à l'entrée
dela nuit dans un grand carrosse
richement brodé, où pouvoient
entrerquatorzepersonnes. S. M.
passa par la place Mayor, & fut
charmée del'illumination qu'elle
y trouva. Les maisons y ont cinq
estages d'une égale symetrie, 8c
-
tous les cinq estages estoient également
illuminez.
Mr.le Duc d'Harcour s'estant
trouvé attaqué d'une fièvre double
tierce avec des redoublement
a receule Viatique, mais suivant
lesdernieres nouvelles de Madrid
il se portoit beaucoup mieux, U
surle ra pport de sa maladie, envoyé
icy par ses Médecins, ceux de
France ont dit qu'ils le croyoient
hors de danger. On en sçaura davantage
quand vous recevrez ma,
Lettre. Mr. le Cardinal Portocarrero
a marqué dans celle qu'il
a écrite icy touchant cette maladie
,
qu'il écrivoit les larmes aux
yeux, & que ce Duc estoit la pierre
angulaire, èj- le lien auguste des
deuxNations. Illuy donne beaucoup
d'éloges dans fès Lettres.
Sa Majesté Catholique a nommé
Mr. le Duc de Beauvilliers,
Grand de la premiere classe. Il
a traité ce Duc,comme Charles
Quint traita Mr. le Marquis de
Chievres,
Chievres. Ce titre de Grandcaê
du premier rang, est pour Mr. le
Duc de Beauvilliers, & pour &
Posterité, c'est-à-dire, pour les
premiers nez desmasles, & au défaut,
pour les aînez des femelles.
L'Espagne ne peut trop honorer
celuy quia pris lesoin del'éducation
, d'un Monarque qui fait le
sujet de son amour & de son admiration
,
6c qui bien qu'il doive
à son Sang auguste, les grandes
qualitez qui le font admirer de
tout le monde, ne laissepasde devoir
beaucoup à son éducation.
J'oubliois à vous dire que Sa
Majesté Catholique, ayant écrit
il ya déjà quelque temps auRoy
d'Angleterre, pour luy donner
part de son élevation sur le Trône
d'Espagne, Sa Majesté Britanique
luy a fait réponse par une
grande Lettre de sa propre main,
ôc luy a écrit comme elle auroit
fait au feu Roy d'Espagne c'est-à-dire , , comme si ce Monarque
avoir esié toujours sur le
Trône.
LeRoy a donné deux milleécus
depensionà Mr. le Chevalier de
Luxembourg. Sa naissance
,
les
services de feu Mr. le Mareschal,
Duc de Luxembourg son Pere, 8c
les soins qu'il a pris,de mericer;
cette gratification
,
luy donnoientsujet
del'esperer. Sa Majesté
en a donné une de trois mille
livres à Mr. d'Antragues, Colonel
du Regiment de la Marine, & a
témoigné publiquement qu'elle
souhaiteroit que toutes les pen-j:
sions qu'elle donne,fussent auUZ£
A 4
bien appliquées que celle-là, ce
que tous les Officiers qui en ont,
la meritassent autant que Mr.
d' Antragues.
Sa Majesté a donné le Regiment
deCavalerie de la Tournelle,
vacant par la mort de ce
Colonel, à Mr. le Duc de la Feüillade.
Ce Ducest brave, vif, vaillant
&a beaucoup d'esprit.
Le Guidon de la seconde Corn-}
pagnie des Gens-d'Armes Ecossois,
ayant vaqué par la mort de
Mr. de Lançon, Sa Majesté Par
donne à M?, le Chevalier de Flamarin
, qui levoit à ses dépens
une Compagnie de Dragons. Sa
Majesté. qui sçavoit qu'il estoit
peu en estat de soûtenir cette dépense,
a voulu recompensèr son
fcele, en luy faisant le present que
je viens de vous marquer. Ce
Chevalier est sage, & joint beaucoup
de douceur avec beaucoup
de valeur.
S. M. a honoré quatre fous-
Lieutenants de la Gendarmerie
du titre de Mestre de Camp; Ce
sont Mrsde Linieres,deChauvert,
de Rians & de Bussy. On peut
dire que ce Prince ne laisse passer
aucun jour sansrepandre lès bienfaits
sur plusieurs personnes de distinction
, ce qu'il fait d'une maniere
dont ils font plus charmez
qu'ilsneforte touchez des grâces
qu'ils en reçoivent.
Quoyque vous ne deviez recevoir
ma Lettre que le douzième
de May, elle est néanmoins achevée
dés le septiéme. Ainsi je ne
puis vous dire ce qui se passera
aujourd'huy en Sorbonne, où Mr
l'Abbé deVilleroy doit soûtenir
des Theses pour la Mineure ordinaire
,
mais vous devez estre persuadé
qu'ayant autant d'esprit
qu'il ena, il paroistra avec distinctiondans
cette action publiques
Depuis que cet Abbé a pris le
parti de l'Eglise, il ne s'estécarté
en rien de sa route,où il a toujours
marché avec toute la regularité
possible. Je ne vous dis rien
qui ne soit dans la bouche de
tous ceux qui le connoissent. Il
a esté long-temps au Séminaire
de Saint Magloire où il s'est
fait estimer & aimer, n'ayant
pas moins de conduite& d'esprit
\; pour la vie civile que de pieté
pour servir d'exemple dans la.
profession qu'il a embrassée. la
luis vostre, &c.
AParis,ce 7. Mdy.1701.
Avis. L'Auteur a réceu en finiflantr
ce volume, plusieurs Harangues
, de tres beaux ouvrages U
quelques relations qui luy filanquoient,
le cout regardant ce qui
s'est passé dans la route de Messeigneurs
les Princes pendant le voyage
qu'ils ont fait
,
ensorte que
ce qu'il a , peut remplir un volume
entier, c'est ce qui l'a obligé
d'en promettre encore deux le
mois prochain. On ne doitpoint
estre surpris qu'on parle.du voyage
de Messeigneurs les Pr-nçesunmois
après leur retour. Ce Voyage
est un morceau d'Histoire trèsbeau
6c très- curieux, & l'on se doit
plustostétonnerdecequ'onledonne
presentement, que si on le donnoit
dans cinqou,six mois. Cequi
est regardé comme Histoire, peut:
n'estredonné au public que quelques
années après l'évenement,&
ilest à croire, que plus l'Auteur
a eu du temps pour l'instruire
plusl'ouvrage qu'il donne est fidel5.
le & étendu. Ceux qui ont encore
des mémoires à donner surle 0
voyage de Messeigneurs les Princes&
desharanguesàenvoyer,doivent
se presser sans perdre un momentde
temps. Toutel'histoire de
ce voyage se trouverarenfermée en
sept volumes du Mercure à commencer
par celuy de Décembre
,., & le tout ensemble vaudra bien
.J
le voyage deFrancele plus curieux,
& la fera mieux connoistre,ce qui;
s'entend à l'égard des lieux où les
Princes ont passé
,
qui en font la
plus considerable partie.
Les affaires commencent àprendre
un train qui donne lieu de
croire que la face qu'elles ontaujourd'huy
, pourra estre toute
changée,quand ces deux volumes
commenceront à se debiter puisqu'il
se passera quatre ou cinq
jours du jour qu'ils seront achevez
d'imprimer, jusqu'à celuy
24Î
Jifr Hcnnequin de Charmond c/l
nomme a /'Amhajfade de Vcnife.
^.44*
Gouvernement de Foix donnéà Mr
.Ie Comte de Tallard. t4ê-
Agremens dflnnezpour des Charges.
247
$phe.re armiîlaire presentèe au Roy.
147
Places remplies dans l'Academie
Francoise. Epitaphe 347 de Mr de Serrais. 25*
Morts. 252
Nouvelle Edition du Diffionnairt
, de Moreri. 255
Harangue des Consuls de Montpellier
à Messeigneurs les Princee.
257
JLe Thé à Melle de Scuderi. 260
Verssur le bruit de la Guerre. 161
Madrigal aux Court1sans. 263
Places vacantes parmi les Commandeurs
de tOrdrerenzpÙcs
par S. M. 264
Situation des affaires d'aujourd'huy
: 186
Tropojïtions faites à l'Eleéleur àe
Cologne. 296
Entrée publique du Roy rlEsPagne aMadrid. 305
Cûnvalefcence deMr leDuc £Harcour.
311
Mr le Duc de Beauvittiers estfait
Grand rfEspagne de la premiere
Classe. 311
Le Roy dyAngleterre écrit au Roy
dEf'.pagne & le reconnoift.315
Pensions données par le Roy, 314
Regimens
3
Charges, & Titres
ahonneur donne^parS. M. 315
The[essoutenuês parM.r VAbbé de
Villeroy. 316
Avispourplacer les Figues.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le