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Eur.
511
m
1700.3
Eur.
511m
17003
Mercure
<36624505390011
<36624505390011
Bayer. Staatsbibliothek
33

MERCURE
GALANT
DEDIE A MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN
MARS 1700 .
A PARIS ,
Chez MICHEL BRUNET , Grande Salle du
Palais au Mercure Galant.
Ono
N donnera toujours un Volume
nouveau du Mercure Galant le
premier jour de chaque mois , & on le
vendra trente fols relié en Veau , &
vingt-cinq fols en Parchemin.
A PARIS ,
Chez G. DE LUYNES , au Palais , dans
la Salle des Merciers , à la Juftice.
Et MICHEL BRUNET , grande Salle
du Palais , au Mercure Galant
M. DCC .
Avee Privilége´du Rep.
Bayerische
Staatsbibliothek
München
Y
AU LECTEUR.
ILya lieu de croire qu'on
ne lit plus l'Avis qui a
efté mis depuis tant d'années
au commencement de chaque
Volume du Mercuré , puis
que malgré les prieres réite
rées qu'on afaites d'écrire en
caracteres lifibles les noms
propres quife trouvent dans
les
Memoires
qu'on envoye
pour eftre employez , on neglige
de le faire , ce qui est
caufe qu'il y en a quantu
Aij A ijs
AU LECTEUR,
de
de defigurez eftant impassible
de de viner le nom d'une Terre
, ou d'une Famille , sil
n'eft bien écrit. On prie
nouveau ceux qui en envoyent
d'y prendre garde,
s'ils veulent que les noms
propres foient corrects . On
avertit encore qu'on neprend
aucun argent pour ces Memoires,
que l'on employera
tous les bonsOuvrages àleur
tour , pourvu qu'ils ne defobligent
perfonne , & que
ceux qui les envoyeront en
affranchissent le port.
MERCVRE
GALANT
MARS 1700.
Uis que vous avez
envie de voir les plus
belles
Inſcriptions La
tines qui ont efté faites fur la
Statue Equeftre du Roy , je
tâcheray de vous fatisfaire , &
je commence aujourd'huy par
A iij
6
• MERCURE .
vous envoyer celles qui font
du Pere Dom Jofeph Rofer ,
Religieux de la Congregation
de Saint Maur.
I.
Hic Lodoix Magnus cognomine ,
maximus actis ,
Et quo majorem fæcula nulla
ferent. 24NR
Voyez LOUIS , ce fameux Conquerant
, 21 U
Que tout le monde a furnommé
le G and.
Tres-Grand , eft un fornom plus
beau , plus magnifique ,zpeit
Qui convient encor mieux
Prince Heroïque.
affurer ; aucun ficcle ja- On le
peut
mais
GALANT. 7
Ne fera voir un Roy plus grand par
les hauts faits.
11.
Hic pace & bello Lodoicum fuf
pice Magnum.
7
Magna bac Effigies , magnus
at ille magis.
Tout grand qu'à tes regards ce grand
Prince paroit
Prince grand dans la Paix ainfi que
dans la Guerre,
Il eft plus grand qu'on ne le croir,
parmy les Sujets , Grand pat
Grand
toute la terre.
III.
Martius ignis ineft oculis , quo
terrizal hoftess
Aiiij
8 MERCURE
Blandus ineft & amor, quo
patria Pater eft.
Ses Ennemis dans fes regards
Découvrent tout furpris l'air & le
feu de Mars.
Son Peuple , loin d'y voir quelque
choſe d'auftere ,
N'y voit que la douceurd'unPere.
$ 41
IV.
Hic Lodoix decimus quartus ,
quem Gallia Magnum,
Famaquejure vocat , grandia
facta probant.
Confiderez Louis quatorziéme du
nom ,
A qui non fans grande raiſon ,
En France , comme ailleurs , le nom
de Grand on donne.
Il luy convient mieux qu'à per-
Sonne.
GALANT.
9
Puis
que
de fes hauts faits l'illuftre
⚫ fouvenir
Paffera dans tout l'avenir.
V.
Quifquisaves rectas regnandi dif
cere leges,
Sufcipe , eas hujus Regis in ore
leges.
Vous qui voulez fçavoir les loix de
bien regner ,
Examinez ce Prince , il peut les enfeigner.
Elles font fur fon front , fi vous y
[çavez lire ,
Vous y rencontrerez ce qui peut
vous inftruire .
VI.
Ars hicmateriam fuperat, Lodoicus
utramque.
ΤΟ MERCURE !
Quantus enim eft , illum fingere
nemo poteft .
VII.
Magnus hic eft Lodoix , quem to
tus nuncftupet orbis ,
Seraque posteritas magis ac magis
ipfa ftupebit.
VIII.
Magnus adeft Lodoix , nullo fat
nomine magnus ,
Semper enim quovis nomine
major erit.z
IX.
Magnus hic eft Lodoix , hic eft
mirabilis Heros,
Lux Regum , patria gloria ,
plebis amor.
U GALANT. II
X.
Cui Mars arma dedit , palmas
Victoria , Virtus
Ingentes animos , Magnus bie
eft Lodoix
XI.
Regum Prototypus , laus regni,
gloria gentis,
Splendor Borbonidum,Magnus
bic eft Lodoix.
XII. n
Hocipfo Lodoix magnanimus
-fibi
Exegit monimentum are perennius.
Boffi MDH )
Virtutum manibus fulco obe
rit mibil
12 MERCURE
f
Livor , tempus edax nihil.
Ce que vous allez lire fera
fans doute de vostre gouft ,
puis qu'il eft de M ' de la Févrerie.
SUITE
DES SENTIMENS
fur la queftion du Siecle futur.
A
Peine avois je envoyé ·
à l'Auteur du Mercure
Galant , mon fentiment fur
la queftion du Siecle , que je
receus de la part de M' l'EvêGALANT.
13
L
que ' de Limoges , un petit Livre
d'un Ecclefiaftique de lon
Diocefe , qui eft de l'opinion
contraire. Le Sytteme qu'il
avance & les hypothetes
dont il fe fert pour l'établir,
m'ont obligé de retoucher
cette matiere , & d'ajoûter
de nouvelles reflexions aux
précedentes , dont j'efpere
que ceux de mon Party feront
fatisfaits , fi les autres
n'en font pas entierement
: convaincus. Ce Livre eft im.
primé à Limoges , & intitulé,
La fin du Siecle , par un Anti.
critique malgré luy ; ce qui mar
12 MERCURE
Livor
tempus
edax nihil.
Ce que vous allez lire fera
fans doute de voſtre gouft ,
puis qu'il eft de M' de la Févrerie.
SUITE
DES SENTIMENS
fur la question du Siecle futur.
A
·
Peine avois je envoyé
l'Auteur du Mercure
Galant , mon fentiment fur
la queftion du Siecle , que je
receus de la part de M' l'EvêGALANT
.
13
que de Limoges , un petit Livre
d'un Ecclefiaftique de lon
Diocefe , qui eft de l'opinion
contraire. Le Sylteme qu'il
avance
& les hypothetes
dont il fe fert pour l'établir,
m'ont obligé de retoucher
cette matiere , & d'ajoûter
de nouvelles reflexions, aux
précedentes , dont j'efpere
que ceux de mon Party feront
fatisfaits , fi les autres
n'en font pas entierement
: convaincus. Ce Livre eft im .
primé à Limoges , & intitulé,
La fin du Siecle , par un Anti.
critique malgré luy ; ce qui mar
3
14 MERCURE
...
que affez le caractere de l'Auteur
. Jamais homme n'a paru
plus content d'avoir eu l'oc
cafion de faire un Livre. Il fe
bat les flancs comme le Lion
pour ſe mettre en colere , &
dans fa fureur il s'enferre des
armes de fes Ennemis ; & on
peut dire que s'il eft Anticritique
, ils font Antivictorieux.
Tout ce qu'il fçait de Chronologie
, d'Aftronomie & de
Mathematique
, eft pour luy
un meuble inutile , & prouve
feulement ce que j'ay avancé,
que jamais queftion de la nature
de celle cy n'a efté plus
GALANT.
5
mal séſoluë que par ceux qui
fe piquent de la vouloir décider
dans les termes de l'art.
Voicy fon Syfteme en peu
de mots. Le Siecle commence
par un point , & après avoir
fait un tour de cent années , il
1 finit au même point où il a
commencé . Le dix - septiéme
Siecle a commencé au point
. que l'on changea 5. en 6. &
qu'on a dit 1600. & il finira
quand on ceffera de le dire ,
&
que l'on changera 6. en 7.
au point que l'on commence.
ra le Siecle fuivant. Comme
quand l'horloge fonne douze
e
16 MERCURE
heures , le moment qui coule
aprés eft du jour fuivant, quoy
qu'on nomme cette heure -là ,
la douzième juſqu'à ce que la
premiere foir finie & ſonnée;
le Siecle doit finir au moment
que l'on comptera 1700. Quel
pitoyable railonnement eft ce
là ? Il eft indigne de toute ré
ponſe. Quand douze heures
font fonnées , & qu'on me
demande quelle heure il eft ,
je répons à la verité qu'il eft
douze heures , quoy qu'il foir
peu eftre quelques minutes
davantage , mais fi on me demande
quelle heure il fonne-
·
GALANT. 17
ra , je répondray une heure ,
parce que le premier moment
qui coule aprés douze heures,
appartient à l'heure qui fuit.
L'Aureur devoit longer que
quand l'horloge fonne, une
heure , cette hure eft paffée
& finie , mais que quand l Almanac
marqueune année ,
elle ne fait que commencer
& c'est la difference qu'il y a
entre la fupputation des années
& celle des heures Quand
l'horloge fonne douze heures ,
la douziéme heure eft paffée
& finie , & celle qui fuit eft la
treizième à la mode d'Italie ,
B
Mars
1700.
18 MERCURE
ou la premiere à la maniere
de France ; quoy que l'on
compte encore douze heures
jufqu'à ce qu'elle foit écoulée.
Mais c'est une façon de par
ler qui marque feulement le
temps paffé , comme lors qu'-
une perfonne calcule plufieurs
parties , elle repete toujours
le nombre où elle en eft demeurée
, de peur de l'oublier ,
jufqu'à ce qu'elle ait ajoûté
une autre fomme Mais il n'en
eft pas de même des années
que des heures . L'année que
l'on compte eft la même qui
coule , & qui diftingue le
GALANT.20«19
temps prefent du temps paflé.
Si on demande à l'Anticritique
pourquoy il compte l'an
1699. puis qu'il pretend eftre
déja en 1700 il croit fe tirer
d'affaire par fa comparaiſon ,
qu'il applique toujours fort
mal à propos . La Montre ou
la Pendule eft une bonne pårité
en Arithmetique , mais
elle ne vaut rien en Aftrolo.
gie Il n'y a que l'horloge
de table qui pourroit faire
entendre la maniere de compter
de l'Almanac , qui ne
trompe pas les gens , car il dit,
Pour l'an 1700 , c'eft à dire

Bij
20 MERCURE
pour ce qui concerne l'année
1700. qui ne fait que commencer
, & qui eft feulement
nommée
. Quand je retourne
une horloge de fable pour la
feconde fois , je compre deux
pour m'en . fouvenir , & pour
marquer que c'est la feconde
heure qui coule .
Ne fera ton jamais entendre
à l'Anticritique & à ceux
de fon Party , que l'on ne
compte point les années.comme
les heures ? Il eft vray que Hleft
lors que nous comptons les
années d'une maniere arithmetique
, pour marquer le
GALANT. 21
<
:
·
---
temps paffé , nous comptons
l'année precedente avec ce
qui eft écoulé de l'année fuivante.
Ainfi nous difons douze
ans & demy , comme dou
>ze Lunes & demie ,
mais pour
le temps prefent , une année
nommée n'eft pas une année
paffée, comme une heure fonnée
est une heure écoulée. Il
faut qu'une chole foit , dit il ,
pour la nommer, pour en parler
; on compte 1700; donc il
elt 1700. C'eſt fort bien con .
clurre, car il eft veritablement
1700. depuis que Lannée eft
entrée , mais elle n'eft pas
22 MERCURE
.
#
paffée , quoy qu'on la nomme
déja . On ne parle pas d'une
choſe qu'on ne prévoit point,
ou qui ne peut arriver ; mais
on parle tres- fouvent d'une
chofe qui peut eftre , & que
l'on attend , quoy qu'elle ne
foit pas encore. Ainfi on parle
tous les jours de l'année
prochaine , & mille gens ont
déja dit :fe feray un voyage in
1791. Je baftiray en 1702.
On ne demande point quelle
année il eft , parce qu'on la
nomme auffi toft qu'elle eft
´entrée , & à chaque moment
qu'elle s'écoule ; mais on deGALANT.
23
=
.
-
mande fouvent quelle heure
il eft , parce qu'on ne la nomme
point qu'elle ne foit fon
née. On répond auffi plus
juſte & plus préciſement de
l'année que de l'heure , parce
qu'on ne nomme plus l'année
quand elle eft paffée , & quê
l'on nomme encore toujours
l'heure qui eft finie On ne dit
" point , il eft quatre- vingt dixneufans
un mois , comme on
dit , il eft neuf heures un quart.
Il eft vray qu'il n'eſt pas mi
Inuit que la derniere minute
de douze heures ne foit paffée,
de mème le Siecle n'eft pas
24 MERCURE
fini & révolu , que le dernier
moment de la centième année
ne foit écoulé , mais midy ou
minuit n'eft pas une Epoque
arbitraire , ny une fupputation
arithmetique , comme le Siecle.
C'est une obfervation af
tronomique , fenfible & na .
turelle de la durée du jour &
de la nuit , qui eſt diviſée en
deux parties égales de douze
heures chacune au lieu que
la durée du Siecle n'est qu'un
certain nombre d'années qu'
on a fixé comme on a voulu
à cent , ou à cent dix ans , &
qui ne le compte pas comme
les
GALANT.
25
de
les heures. Je me fuis un peu
étendu fur cette hypothefe
l'Anticritique , dont il
eft fi enchanté , qu'il la repete
à chaque page de fon Livre ,
parce qu'il y a un grand nombre
d'Horiftes comme luy , qui
font dans la même erreur.
La comparaison qu'il rapporte
encore fi exactement
d'un Marchand qui meſure
dų drap ou du ruban , ne fait
• pas moins contre luy . L'aune
que ce Marchand compre
aprés quatre- vinge , dix neuf ,
fait à la verité cent ; mais elle
eſt entière , complette , par-
Mars 1700. C
26 MERCURE
faire , il en eft le Maitre Si
en touchant feulement un des
Bouts de l'aune avec le ruban
fans l'étendre juſqu'à l'autre
bout , il coupoit en comptant
cent , ne feroit il pas un fripon
, puifqu'il n'y auroit que
quatre vingt dix - neuf aunes ,
au lieu de cent à la piece de
drap ou de ruban ? Il en eft de
même pour compter un fiecle
, il faut qu'il y ait cent ans
accomplis & revolus , & on
feroit un fourbe en Chrono .
logie comme en Arithmeti .
que, fion comptoit un fiecle
d'abord que la centiéme anGALANT.
27
nee eft entrée. Nous compton's
avec raifon 1700. puifque
la fept- centiéme eft commencée
; mais il faut qu'elle
: foit finie avant que le dix-
Leptiéme Siecle foit paffé . Qui
diroit auffi avec quelques
Chronologues , que l'année
qui finit le fiecle commence
l'autre , reffenibleroit au Mar-
C chand qui en mefurant deux
cens aunes de drap , foûtien,
S droit que la centiéme aune
finiroit la premiere centai
ne & commenceroit l'autre ,
Belle fubtilité pour dérober
une aune d'étofe , ou pour
0
Cij
28 MERCURE
ſupprimer une année !
La plus forte objection de
l'Anticritique , eft que le Siecle
ayant commencé en 1600,
il doit abfolument finir en
1700. mais c'est un cercle d'erreur
où il demeure comme
dans un cercle magique , duquel
il ne peut fortir . Cependant
un rayon de bon fens le
tireroit de cet enchantement,
ou plûtoft un peu moins d'enteftement
& d'oftentation. Il
fuppoſe toûjours ce qui eft
en queſtion , & ne voit pas
qu'en changeant de Siecle &
de nombre , c'est toujours la
GALANT: 29
même choſe. Qui luy a dir ,
& qui eft demeuré d'accord
avec luy , que le dix feptiéme
Siecle ait commencé en 1600?
Il a commencé en 1601. & par
confequent il ne finira qu'avec
l'année 1700. Il ne s'agit
-pas de changer dans cette
Epoque du Siecle le s. en 6.
oule 6 en pour commencer
ou pour finir le icize ou le dixfeptiéme
Siecle. Quand on
marque 1600. ou 1700. on
veut dire feulement qu'on eft .
entré dans la fix centiéme ou
dans la fepr- centiéme année;
mais non pas que le Siecle eft
Ciij
30 MERCURE
fini &que l'autre eft compien
cé. L'Anticritique convient
que le premier jour d'aprés
cent ans eft le premier jour
du Siecle fuivant Le premier
jour du dix - huitiéme Siecle
ne commencera donc qu'aprés
que l'an 1700. fera écoulé,
c'eft à dire , le premier de Janvier
1701
Le Serpent qui le mord la
queuë , & qui fait un cercle ,
eft un hierogliphe des Anciens,
quire prefente fort bien
T'année qui n'a ny commencement
, ny fin , c'est à dire , qui
finit où elle a commencé
, à
GALANT.
31
un point qui eft imperceptible.
Il n'en eft pas tout à fait
de même du Siecle , qui eft
marqué par une Epoque fenfible
, où il commence , &
laquelle il revient . Ainfi il a
un commencement & une fin
bien marquez. Cependant,
puis que nous avons divifé
l'année en douze mois ; on
peut dire qu'elle eft compofée
de douze mois comme le
Siecle eft compofé de cent
années. Je demande donc à
l'Anticritique , fi quand il
compte douze moisà l'entrée
de Decembre , l'année eft fi-
>
Cii
32
MERCURE
>.
nie & la prochaine commencée,
à laquelle de ces deux
années appartient ce douziéme
mois , à l'ancienne ou à
la nouvelle Il fera contraint
d'avouer qu'il appartient tout
entier à l'année précedente.
Il en eftde même de l'an 1700 .
qui appartient encore tout
entier au Siecle où nous fommes
, je veux dire au dix feptiéme
Siecle . Il definit un Siecle
un cercle , ou une révolution
de cent ans , aprés lefquels recommence
un autre Siecle.
Quand les cent ans font - ils
finis , n'eft - ce pas aprés la
GALANT. 33
centieme année révolue ? Et
quand l'autre Siecle commence-
t- il , n'ft ce pas l'année fuivante
? 1700. finira donc ce
Siecle , & 1701. commencera
le Siecle futur . Il est vray que
le Siecle eſt un cercle , qui
revient toujours àfon premier
point , c'eſt à dire , à fon Epoque.
C'est pourquoy Horace
dans fon Poëme Seculaire ,
l'appelle Orbis ; mais le point
qui le joint eft vifible & bien
marqué.
Ce que j'ay déja dit fur le Car
men feculare d'Horace , m'ayant
obligé de lire les Remarques
34 MERCURE
que M' Dacier y a fertes ;
j'y ay trouvé plufieurs choles
qui combatent l'opinion de
l'Anticritique , & qui m'ont
redreffé en quelques endroits
où ' ay pu me tromper en par
lant de cette ancienne ceremonie
des Romains ; car je
fais gloire d'eftre du fentiment
de ce docte Interprete
des Aureurs Grecs & Latins .
On ne s'adreffoit pas
à Apollon & à Diane dans les
Jeux Seculaires , mais aux autres
Dieux Protecteurs de Rome
& de l'Empire : & ce n'étoit
que le dernier jour que
1
d'abord
GALANT.
35
l'on chantoit l'Hymne du
Siecle , par où l'on terminoit
cette grande Fefte . Horace
compofa fon Poëme Seculaire
que M' Dacier appelle fon
Chef d'oeuvre , par l'ordre
d'Augufte , qui celebra ces
Jeux avec plus de pompe &
de magnificence qu'ils ne l'a
voient encore efté , & qui fu.
rent Tolemnifez par les Suc.
ceffeurs julqu'au regne de
Conftantin & de Conftantius,
qu'ils furent entierement abo .
lis , à quoy quelques Hiſtoriens
ont attribué la décadence
de l'Empire. On celebroit
36 MERCURE
ces Jeux dans le Champ de
Mars , ils duroient trois jours
à l'honneur de Diane , & des
Parques, La nuit precedente
on élevoit trois Autels fur le
bord du Tibre , qu'on arrofoit
du fang de trois Agneaux . Le
lieu eftoit une espece de Scene
illuminée d'un nombre infini
de feux , & de flambeaux. Ho.
race appelle ce temps- là fa
cré.
Semper & culti date quæ preca·
mur
Temporefacro.
M' Dacier exp'ique admi.
rablement bien la difficulié
GALANT.
37
que ay faite fur le mot de
Luftre dans la dix - feptiéme
Strophe de ce Poëme Seculai
re. Il dit que Luftre fignifie
icy la même chole que le mot
d'Evum du Vers fuivant, &
qu'alterum in Luftrum veut dire
jufqu'à un autre fiecle . La rais
ton qu'il en donne eft fort bel
le. C'est parce que le com
mencement du fiecle qui fuivoit
les Jeux Seculaires fe rencontroit
toûjours au com .
mencement du vingt - troifié
me Luftre , qu'on appelloit
pour cela le grand Luttre`, auquel
temps l'année recom38
MERCURE
mençoit avec le Soleil & le
premier jour du Luftre le trou .
voit eftre le même que celuy
où les Luftres avoient efté inftituez.
Voicy , comme M
Dacier fait parler le Poëte à
Apollon, & à Diane . Confervez
l'Empire dans cet eftar florif
fant , jufqu'à un autre Siecle ,
s'il eft poffible , ajoutez quelque
chofe àfa grandeur , ce qui a du
rapport au fouhait qu'il fait
dans fa fixiéme Strophe , où il
leur demande qu'aprés dix
fois onze années , le Siecle futur
ramene ces Chants & ces
Jeux folemnels ; car M ' Da,
GALANT. 2
39
cier At undenos decies per annos ,
pour ut dengs comme Lambin
& Torrentius ; mais il n'en
rend point de raiton non plus
qu'eux. Il dit feulement que
les Jeux Seculaires ne fe cele
broient pas tous les centans ,
comme quelques Sçavans
l'ont prétendu ; mais felon la
Loy , ou f'Oracle des Sibilles ,
qui ordonnoit qu'on celebre
roit ces Jeux, lorfque le Siecle ,
qui eft la plus longue meſure
de la vie des hommes , & qui
fait fon tour en cent dix ans
feroit venu : & comme il n'y
en a pas eu un fi grand nom
40 MERCURE
1
"
bre , il en fait la fupputation
pour le prouver par la pratique
même. Les premiers Jeux
furent celebrez , dit il , l'an de
Rome 248. fous le Confulat de
M. Valerius , & de S. P. Virginius.
Les feconds l'an 408 ,
fous le Confulat de Valerius
Corvinus , & de Petilius. Les
troifiémes , l'an 517. fous le
Confulat de Lentulus & de
Varus ; les quatrièmes l'an
626. fous le Confulat d'Emilius
Lepidus , & d'Aurelius
Oreftes , & les cinquièmes ,
qui font ceux d'Augufte que
chance Horace , l'an 736. fou ;
GALANT. 4.I
*
le Confular de Furnius &
de Silanus. Ainfi depuis leur
inftitution jufqu'à ce tempslà
, on trouve qu'il y a toujours
cent dix ans d'un Siecle à l'autre.
Mais M'Dacier demeure
d'accord que les Succeffeurs
d'Augufte n'oblerverent pas
ce même efpace de temps ;
ce qui a donné lieu à l'opinion
contraire , que ces Jeux le ce.
broient de cent ans en cent
foir
que les ans . Mais enfin ,
Romains ayent compolé le
Siecle de vingt ou de vingtdeux
Luftres , en le commençant
par le 23. qui eftoit le
Mars 1700
. D
42 MERCURE
plus folemnel , on a toujours
raifon de conclure contr
l'Anticritique , que le Siecle a
toujours eftécompofé de cent
ou de cent dix ans entiers &
accomplis , & qu'il a toujours
commencé par un , puis qu'il
commençoit par la premiere
année du vingt troifiéme Luftre
jufqu'au regne d'Augufte;
& par la premiere du vingt un,
fous les autres Empereurs qui
luy fuccederent. N'eft ce pas
une contradiction manifefte ,
de vouloir compter le dixhuitiéme
Siecle pendant que
l'on compte encore le dixGALANT.
43
C
S
C
1
ſeptjéme ? Car enfin on dira
ce qu'on voudra , mais 1700 .
que dix fept Siecles ,
ne font
~9
& non pas dix huit. Si on ne
cherchoit que la verité dans
cette difpute, la queſtion feroic
bientoft decidee , puis qu'elle
ne confifte qu'à fçavoir ce que
c'eft qu'un Siecle ; or tous les
Auteurs conviennent que
c'est un tour regulier de cent
ansaccomplis &révolus. Iefaut
donc convenir auffi de bonne
foy , que le dix- feptiéme Siecle
ne fera entier & parfait
qu'à la fin de cetteannée 1700 .
qui fait la dix fept centiéme,
Dij
44 MERCURE
& que le dix huitième siècle
ne commencera que l'année
prochaine 170 1. qui fera la
premiere. Ceft le fentiment
de l'Academie Françoile fur
cette question, qui eft mixte ,
& qui la regarde , auſſi bien
que l'Academie Royale des
Sciences , dont elle a pris la
decifion qu'elle a faite du mot
de Siecle.
Pourterminer ce differend
Son témoignage doit fuffire ;
peus on mieux qu'elle dé- Car
crire
Le Siecle de Louis le Grand,
C'eſt auſſi l'opinion de la GaGALANT.
45
zette de Hollande , quia formellement
decidé que l'année
1700. eft la derniere du Siecle .
Mais l'Anticritique , & ceux
de fon Parti , ne font pas des
gens à fe rendre à ces autori
tez. Le plaifir de difputer eft
uniquement ce qu'ils cherchent.
Quand j'ay blâmé la curiofité
qui a fait naiſtre la que.
ftion fur le commencement
du Siecle futur , ou la fin de
celuy cy , je n'ay voulu parler
que de la maniere dont quelques
uns l'ent traitée ; car elle
eft digne de l'aplication & des
46 MERCURE
recherches des Sçavans dans
la Chronologie & dans Hif
toire, & de tous ceux qui fe
piquent d'efprit & d'érudi
ation. 7
Il nefaut pas eftrefurpris
Que cette question foit agitée en
France ;
Entre tous les plus beaux ef.
prits ,
De la Province , & de Paris ;
Elle merite quiony penfe:: ..
Car enfin il s'agit d'apprendre à.
nos Neveux
En quel temps a fini ce Siecle fi
fameux
Où Louis le Grand prit naiffance,
GALANT.
47
Et que fon regne glorieux d
Rendra fi remarquable à tous les
Curieux.
Il eſt vray , comme a fort
bien remarqué Madame la
Viguiere d'Alby , que le Siecle
eft une invention des hom.
mes , à laquelle Dieu n'a attá .
ché aucune vertu , ny aucune
grace particuliere ; non pas
même à l'Epoque de fa naiffance
, mais ne peut on pas
dire , comme l'experience en
fait foy , par les revolutions
qui arrivent dans le monde à
la fin de chaque Siecle ; & qui
peuvent eftre caufées par le
48 MERCURE
cours des Planetes , & parÏIn-
Aluence des Aftres ; ne peut on
pas , dis je , ſuppoſer, qu'on a
inventé los Epoques feculaires
pour marquer ces revolu .
tions , & ces changemens ?
Du moins il eft certain que
l'Ecriture a confacré cette Invention
en mille endroits de
l'ancien & du nouveau Teftament
, pour fignifier la durée
de l'Univers , l'Eternité de
Dieu , l'immenfité de fa Gloi .
re , les peines &les récompenfes
qu'il deftine aux hommes
dans l'autre vie. S'il prend la
qualité de Seigneur des Armées
,
GALANT. 49
".
mées , il prend auffi le titre de
Roy des Siecles , & l'Eglife
femble luy avoir voulu confacrer
ces Hymnes Seculaires
dans fon Office, où elle repete
fansceffe , Loüange , honneur
& gloire foient rendus à Dieu
= dans tous les fiecles des fie.
cles. Enfin le Siecle n'eft pas
moins myſterieux dans la Religion
Chreftienne que dans
le Paganifme.
}
·
Les Chreftiens n'ont que
deux Epoques confiderables ,
la naiffance de Jefus Chrift ,
& le fiecle de l'Eglife , où le
grand Jubilé , car ce qu'on ap-
Mars
1700: E
50 MERCURE
3
1
pelle l'Indiction Romaine ou
de l'Empereur Conftantin qui
eft la premiere Epoque Chré.
a tienne , & dont les Papes fe
font accommodez , n'eft plus
sen ufage, que dans leurs Bulles
& dans le Breviaire . Ce n'eft
-qu'une petite Epoque de quin
ze ans , inventée fous le Bas
Empire, pour le payement des
tributs que l'on accordoit aux
Empereurs , dont le tarif . fe
fatloit de quinze en quinze
ans. Il faut donc mettre l'Indiction
au nombre des Epó
ques moyennes de l'Eglite ,
comme le nombre d'Or , qui
GALANT . FL
e une revolution lunaire de
dix-neufannées pour connoître
les nouvelles Lunes, qu'el
le a priſe d'un certain Meton ,
Mathematicien , qui vivoit du
temps de Jules Cefar , & qui
a cu grande part à la Periode
Julienne . Cette Epoque qui
fert pour accommoder les
mois aux Lunaifons , fut marquée
en chifres d'or . Elle a
efté appellée dans la fuite le
Nombre d'or ; mais il faut
renvoyer cette Epoque , qui
eft proprement Aftrononiique
, au Breviaire & à l'Almanac,
où elle cit encore d'ufage.
E ij
52 MERCURE
L'inftitution du Jubilé n'a
pas efté longtemps une grande
Epoque dans l'Eglife Ro .
maine , depuis qu'on l'a mis
de vingt - cinq en vingt cinq
ans,&qu'il ya eu quatreJubilez
pendant un Siecle . Ce n'a plus
efté qu'une Epoque moyenne,
& même qui n'eft pas fixe &
certaine , parce que les Papes
avancent ou reculent le Jubilé
felon l'occurence des temps ;
ce qui n'eft jamais arrivé des
Jeux Seculaires , qu'on celebroit
toujours invariablement
de cent ans en cent ans , dans
le temps marqué. Ajoûtez à
GALANT.
53
cela que les Papes accordent
encore d'autres Jubileź pour
les befoins de la Chreftienté ,
& qu'i's en donnent toujours
un à preſent , à leur exaltation
au Pontificat . Mais au refte ,
l'Epoque des Jeux Seculaires ,
ou du grand Jubilé ne fait rien
à la queſtion ; car qu'on les
ait celebrez au commencement
ou à la fin de la centiéme
année, il y a toûjours cent
ans d'un fiecle à l'autre. L'objection
que fait l'Anticritique
eft puerile , qu'il n'y a pas d'ap.
parence que le Pape vouluſt
commencer une chofe d'une
E iij
54 MERCURE
auffi grande importance que
le Jubilé , la derniere année du
Siecle , & que des Peuples qui
oht coûtume de faire leurs
devotions les premiers jours
du mois , confentiffent de celebrer
une fi grande Feſte la
derniere année que le Siecle fi .
nit, comme fi laderniere année
du fiecle n'étoit pasauffi fainte
que la premiere, & qu'il ne fuft
pás plus naturel en fuivant l'ufage
desJuifs dans leur Jubilé,
de gagner les Indulgences , &
de s'affranchir de toutes dettes.
fpirituelles envers le Seigneur
à la fin du Siécle qu'au commencement;
mais on accomGALANT.
55
ן
·
mode tout à fon opinion
quand on veut difputer .
Que les Historiens & les
Chronologues commencent
chaque Siecle par cent , & le
finiffent par quatre - vingt dix .
neuf; enfin , qu'ils comptent
par un ou par un zero , cela
ne fait rien à la chofe ; cent ,
font toûjours cent L'année de
l'Epoque fe compte toûjours
feule , & ne fe mêle jamais
avec les autres . Ainfi je dis
cela arriva l'année du grand
Jubilé , & fi je marque quel
que événement qui ſoit arrivé
cette année là , je dis qu'il eſt
E iiij
,
56 MERCURE
arrivé la premiere , la feconde
année depuis le grand Jubilé,
Enfin il fuffit de raconter ce
qui s'eſt paffé dans chaque
fiecle , & non pas de mefurer
& de calculer le fiecle. Lezero
, ou l'un , par où l'Hiſtorien
commence , luy tient lieu d'E
poque , & il trouvera toujours
fon compte , parce que de 99 .
juſqu'à 99.
temps en revenant au même
point , & cet intervale comil
y a le mème
prend également la durée du
fiecle. Cela ne va tout au plus
qu'à déranger quelques évé ,
nemens qui dépendent d'un
GALANT.
57
fiecle , & qu'on place dans un
autre , ce qui n'eft pas de gran .
de importance pour l'Anticritique
, & pour ceux qui foutiennent
fon opinion .
Les premiers Chreftiens
commencérent l'année à Noel
avant que de la commencer à
Pafques , & de fuivre l'Ere des
foixante & dix Interpretes.
Certes ils avoient raiſon de fe
diftinguer par là d'avec les
Juifs , & la naiffance de Jefus
Chrift devroit eftre encoreau
jourd'huy l'Epoque particulie
re de chaque année , pu's
qu'elle est l'Epoque generale.
58 MERCURE
que
de tous les fiecles . Mais enfin ,
l'année ait commencé à
Noel ou à Paſques , il n'importe.
Comme elle eft compoſée
de douze mois entiers
& revolus , le fiecle doit estre
composé de cent années revoluës
, & completes . Il en eft de
même de la Periode Dionifienne.
Qu'elle ait placé la
naiffance de Jefus- Chritt qua .
tre ans plutoft ou quatre ans
plus tard , cela retranche quatre
ans des dix fept fiecles qui :
font paffez depuis cette Epoque
, mais cela empefch - t il
que la durée d'un fiecle ne
GALANT.
59
doive pas eftre de cent ans
entiers , & faut il luy dérober
une année , & le finir à 99 ? car
on ne demande pascombien il
ya d'années ou de fiecles que
noftre - Seigneur eft venu au
monde. La queftion eft defçavoir
uniquement la meſure &
la durée du fiecle , s'il commence
par un zero , ou par un,
& s'il finit par la 99. ou par la
100. année . Quand on ſera
convenu de cette fupputa.
tion , on conviendra bien toſt
que le commencement
du
fiecle futur ne fera qu'en 1701 .
que la naiſſance de Je- Enfin
60 MERCURE
fus Chrift qui fait noftre Epo
que comprenne une année
de huit jours ou de douze
mois , left cerrain qu'elle ne
le compte point , & ce ne feroit
au reste qu'une année de
plus ou de moins fur tous les
fiecles qui l'on: fuivie . Quand
on date un Acte ou une Lettre
, foit que l'on compte avec
l'Epoque ou fans l'Epoque ,
elle n'entre point en nombre ,
& même on date toujours de
l'année qui court , & jamais de
l'année qui eft paffee.
La naiffance ou la mort des
grands hommes font des Epo
GALANT. 61
ques fort communes dans la
Chronologie Sainte , comme
dans la Chronologie profane.
C'est ainsi que Saint Martin
de Tours eftune Epoque con.
fiderable dans noftre Hiftoire
de France , foit Ecclefiaftique
ou Politique , mais qui y a
caufé beaucoup d'erreur , parce
que la mort de ce Saint eft
incertaine , & que les Hiſtoriens
n'en conviennent
pas.
Cette liberté que chacun s'eft
donnée de faire des Epoques
à fa fantaisie , & de calculer les
temps à la mode , eft cauſe de
l'étrange galimathias qu'on
62 MERCURE
trouve dans l'Hiftoire , & dans
les Actes publics , qu'il eft impoffible
de de broüiller. Il n'y
a pas juſqu'à la chicane & à la
procedure , qui n'ait fa fupputation
particuliére
, qu'on appelle
Stile du Palais , qui eft
fort differente de l'Arithmeti
que , & qui femble plus conforme
à la Chronologie , Les
Poëtes & les Orateurs ont leur
fupputation qui leur eſt propre
, auffi bien que les Procureurs
& les Notaires , mais plus
élegante & plus figurée . Ils
comptent par Siecles , par
Luftres , & par Olympiades
GALANT. 63
qui font des termes Poëtiques
& fublimes , qui rempliffent le
vers & la Periode .
Le calcul ordinaire eft trop bas
eropfade ,
lis comptent tout par Luftre , " ou
par Olympiade ;
L'hyperbole leur plaift , & comme
les Amans ,
Tout eftfiecles pour eux , ou bien
tout est momens.
Le Livre de l'Anticritique
m'obligeroit à faire encore
plufieurs autres reflexions.qui
ne leroient peut - eftre pas fans
utilité, & fans agrément mais
je ne prétens pas faire une
64 MERCURE
Contre - critique , & j'en ay
affez dit fur cette matiere. Je
laiffe volontiers les gens dans
leur fentiment , & je n'ay garde
de trouver mauvais que
chacun ait le fien fur une
queftion comme celle- cy , ou
chacun a la liberté d'abonder
en fon fens. Le ridicule n'eft
pas d'eftre d'une opinion contraire
aux autres , mais de vouloir
affujettir les autres à fon
opinion. Je ne fuis donc ny
Critique ny Anticritique . Si
j'eftois de cette humeur là , je
a'aurois pas épargné les deux
Differtations aufquelles ce
GALANT. 65
Livre a répondu ; non plus
que l'Auteur badin du Pont
Saint Michel à Paris , qui
a voulu fe divertir aux dépens
de ces deux Ecrivains
féculaires , dans un écrit de
dix fept pages , qu'on peut reduire
en dix fept lignes , puifqu'il
ne contient que leur opinion
, qu'il a rapportée en peu
de mots , & qu'il condamne
fans en donner une ſeule railon
. Toute fa Critique aboutit
à leur reprocher de s'eftre fervis
d'une auffi baffe comparaifon
que celle de boeufs & de
moutons.Qui ajamaisentendu
Mars 1700.
F
44
66 MERCURE
a
comparer , fe réc ie- t it , les
années & les fiècles , à des
moutons & à des boeufs ? Mais
où a efté élevé cet Auteur ,
qui ne fçait pas le Songe
de Pharaon des fept vaches
graffes , & des fept vaches
maigres , qui repreſentoient
fept années abondantes , &
fept années fteriles dans l'Egypte
, comme luy expliqui
Jofeph . Si l'Ecriture dans le
file figuré, & metaphorique
a bien comparé les années à
des vaches , à plus forte raiſon
un Bachelier
en Theologie
,
dans le ſtile ſimple
, & propre
à l'Arithmetique
, peut bien
GALANT. 69
comparer les années & les fiecles
à des boeufs & à des moutons
; & compter cent boeufs
ou cent moutons , fans crain :
dre de deshonorer
la faculté ,
ainſi que l'en accuſe ce Cri
tique . Mais finiffons ; c'eft
trop nous arrefter fur ces ou
vrages de Co poteuis & de !
contrebande
.
.
21
Je croy vous faire plaifir
d'ajoûterà cette Lettre ce qui
a efté écrit d'Angers fur cette
niême matiere , fous le nom
de D. T. de L. A R.
Fij
(8 MERCURE
A MONSIEUR
***
Voy que j'aye appris que
la difpute fur le rang que
l'on doit donner à l'année où
nous ſommes , eft enfin terminée
, & que ceux qui vouloient
que nous commençaſfions
un nouveau fiecle , fe
font rendus à la raiſon , je croy .
qu'il n'eft pas inutile de faire
remarquer , ce qui a donné
lieu à une conteftation , qui
eft devenue fameufe afin
;
qu'on voye combien il eſt facile
aux hommes de fe former
GALANT.
69
des difficultez fur rien , & de
difputer fans entendre bien
les choles dont ils di'putent.
Sion n'avoit point fait de fau- ,
te contre les regles de la Langue
, on ne le feroit jamais
imaginé que nous euffions
fini le dix - feptiéme Siecle.
Voicy donc , Monfieur , l'origine
de l'erreur . Nos Chrono .
logiftes François & nos No.
taires marquent les années par
les nombres cardinaux , & il
les faut marquer par les nombres
ordinaux . Ils difent feize
cens trente , au lieu de dire
feize cens trentiéme , feize
70 MERCURE
cens quarante cinq , au lieu
de dire feize cens quarante
.
cinquième , & on écrit aujour
d'huy trofieme jour de Février
mil fept cens , au lieu de
dire mil fept centiéme ; car
il y a bien de la difference :
entre compter & marquer des
Epoques , des dates , & les
temps des évenemens. Lors
que l'on compte les jours , les
mois , les années , on les met
révolues , & on fe fert des
nombres cardinaux , & lors
que l'on marque les temps
des évenemens
, on marque
feulement
un rang , que tien
L
GALANT. "I
nent entre les autres les années
aufquelles ils font arrivez , &
il le faut fervir des nombres
ordinaux . Les jours , les mois
& les années où les chofes arrivent
,font des jours courans ,
des mois courans , & des an
nées
courantes & non pas
révolues & accompli s . Aujourd'huy
troifiéme jour de
Fevrier,l'an mil feptcentréme,
veut dire le troifié me jour ·
courant , du mois de Février
courant , de l'an mil feptcentième
courant . Or cela
fuppolé , je croy , Monfieur ,
que toutes les railons de ceux
72 MERCURE
qui tiennent le mauvais Parti,
s'évanouiffent ; car je n'ay lû
aucun des Ecrits qui fe font
faits fur cette matiere , je me
fuis contenté d'en entendre
parler avec beaucoup de chaleur
de part & d'autre ; je croy,
dis- je , que toutes leurs raifons
s'en vont en fumée. Ceux mê.
mes quiriennent le bon Parti
auront une espece de confufufion
d'avoir tant employé
de ſcience & de temps , pour
éclaircir une difficulté qui
n'avoit point d'autre fondement
qu'une faute de langage,
& de l'envie qu'ont euë les
Chro
GALANT:
73
Chronologiftes & les Notaires
d'abreger les mots . Si vous
trouvez cette obfervation fo .
lide , & qu'elle merite d'eftre
publiée , afin de rendre les
hommes plus aviſez dans les
difputes, & plus retenus , vous
eftes le Maiftre . Je luis , & c.
Un Cavalier de Province
envoya le premier jour de
cette année , le Madrigal fuivant
à une Dame qu'il avoit
veuë le jour précedent. On en
a trouvé le tour galant.
Si e'eft depuis le Siecle ou depuis
l'an paßé,
Mars 1700.
G
74 MERCURE
724 Que je ne vous ay veuë,
Ceft un calcul embaraßé
Où plus d'un Docteur fuë.
Je doute un peu moins doctement
Ilfemble à mon efprit vulgaire
Que c'eft depuis l'an paẞe feule.
ment ;
Mon coeur foutient l'àvis contraire.
J'oubliay le mois paffé de
vous apprendre que le Roy
avoit nommé Madame Dau
phine de Vogué , à l'Abbaye
d'Alais en Languedoc , de
l'Ordre de Saint Bernard . Elle
GALANT.
75
avoit fait fa profeffion dans le
Monaftere du même Ordre à
Bagnols , fi illuftre par tant
de Filles de la premiere qualité
de cette Province du Languedoc
, diftinguées autant
par leur vertu & par leur ef.
prit que par leur naiſſance . La
Maifon de Vogue eft une des
plus anciennes du Vivarez ,
puis qu'elle a confervé depuis
l'an 900. le même nom & les
mêmes armes , fans aucun
changement. Elle porte un
Coq d'or en champ d'azur , écretelé
étarbelé de gueules ,foutenu
par deux Lions effare , & pour
Gij
76 MERCURE
Devile , Fortitudine & vigilans
tia. Bertrand de Vogue & Ber.
monde, fa Femme , ont donné
en l'année 900. de grands
biens pour la fondation du
Monaftere des Dames de la
Ville- Dieu , & de celuy de
Saint Maurice , de l'Ordre de
Saint Benoist , dans le Diocefe
de Viviers ; & l'an 1080 .
Pierre de Vogué confirma
cette donation. George de
Vogué , Grand- Bailly du Vivarez
, & Commiffaire du Roy
dans les Etats particuliers de
ce Pays- là , a ſervi longtemps
fous Louis XIII , en qualité
15
GALANT: 27
de Colonel d'Infanterie. Il fut
marié avec Françoiſe du Roure
, Soeur de M¹ le Comte du
Roure , Lieutenant General
en la Province de Languedoc,
Chevalier des Ordres du Roy,
& Gouverneur de la Ville &
Citadelle du Saint Efprit , duquel
mariage eft né Melchior,
Grand Bailly du Vivarez , &
Colonel d'Infanterie . Il a fervi
longtemps pendant le regne
de SaMajefté ,& a fair pour fon
Rfervice deux Compagnies de
Cavalerie, Tune pendant les
80
guerres d'Italie avant la Paix
generale , en l'an 1656 & l'au .
G iij
78 MERCURE
tre aux premieres Guerres
de Hollande , où il mourut.
Louis & Charles de Vogué ,
fes Freres , Chevaliers de Mal
te , s'y trouverent auffi ; enfuite
dans les dernieres guer,
res , Melchior II . eut un Re
giment d'Infanterie. Il fervit
la plupart du temps en Cata
logne , fous M le Maréchal
Duc de Noailles , avec beau
coup de diftinction , & a époufé
Gabrielle de Moitier de
Champetieres , deſcenduë de
Gilbert Moitier de la Fayette,
Marefchal de France , Lieu
tenant general du Lyonnois
GALANT. 79
&Maſconnois. De ce mariaarut
ge font fortis deux Fils & plugué
fieurs Filles . L'aîné des Fils ,
Mal âgé de leize ans , nommé Seed
Ra
rvit
ata
chal
rice François, eft actuellement
Lieutenant dans le Regiment
du. Roy , & l'aînée des Filles
eft mariée avec M ' le Marquis
de Pomerol , de la Maifon de
Modene en Provence. Les autres
font Religieufes , & c'eſt
l'une d'elles , Içavoir Dauphi
ne de Vogué , dont le Roy
vient de recompɩnfer le merite
, l'ayant nommée à l'Ab
eu baye d'Alais . Sa douceur , fa
Dis pieté & fon genie l'ont fait
2u
de
de
-te,
G iiij
80 MERCURE
admirer de tout le monde
dans l'Abbaye de S. Bernard
de Bagnols .
La Maiſon de Gourdan fait
une féconde Branche , dans
laquelle Louis de Vogué eft
prefentemenr le Chef. Il a
epoufe Mademoiſelle de Villars
, Fille de M' le Comte de
Villars , Chevalier des Or
dres du Roy , & Soeur de
M le Marquis de Villars ,
Lieutenant General , Envoyé
Extraordinaire en Allemagne,
& Mestre de Camp general
de la Cavalerie.
Le Traité qui fuit n'eft pas
GALANT 8t
1
indigne de l'attention des Curieux,
DISCOURS
Sur le prefent Hiver.
Oprefent
Hiver les 42 43.
Neft furpris que dans le
44. & 45. degrez de latitude
loient glacez , & que titant
vers le Nord depuis le 45 .
juſqu'au 60. degré il ne fe
trouve point de glace . Cela
cependant n'eft pas fans exemple
, & la caufe en eft affez
naturelle , puis que les vents
82 MERCURE
en font la fource , & produi
fent ces differences de froid
& de chaud.
Noftre Globe terreftre eſt
envelopé d'un Athmosphere.
Dans cet Athmoſphere font
enfermées les vapeurs & les
exhalaifons qui fortent de la
terre. Il peut y avoir deux on
ou trois lieuës en hauteur de
la terre au fommet de cette
envelope , & les vents naiffent,
fouflent , & s'entre coupent
de toutes parts en mille endroits
differens dans l'étenduë
de toute la furface de la terre.
Ces vents font formez par les
GALANT. 83
exhalaifons de la terre & des
mers ; ces vapeurs forment
les nuages ; ces nuages eftant
élevez trouvent un air fuperieur
tres - pur , qui les chaffe
çà & là dans cet Athmolphe
re , & les renvoye fur la furface
de la terre .
Comme la terre est un corps
fpherique , les vents ne vont
que par ricochets , & en bondiffant
dans le tourbillon qui
environne ce corps fpherique.
Les vents peuvent en fix
heures courir d'un Pole à l'autre
ce qui arrive pourtant
krarement , parce qu'ils font
84 MERCURE
arreftez ordinairement ou
coupez
par les calmes de la
Zone torride , & que dans cette
Zone torride , depuis la creation
de la terre il y regne tous
les jours un vent d'Eft à
l'Oüeft , qui arrefte & brife ,
pour
ainfi dire , les vents des
deux Poles. C'est pourquoy
ce
vent eft tres proprement
appellé
dans la Zone torride , la
Brifée. Il ne s'agit donc que
des vents de noftre Hemif
phere , dpuis le Tropique
de
l'Ecreviffe
jufqu'au
Pole Ar.
&tique .
Nous avons quatre princiGALANT:
85
1
paux vents qui en compoſent
foixante & quatre, Nord , Sud,
Eft, Oüeft. Les vents du Nord
partent & le forment au de flus
dél horiſon du Pole Arctique .
Ceux du Sud fe forment vers
les Tropiques , & tous les deux
enfilent ordinairement un ou
plufieurs Meridiens, & vont du
Pole au Tropique , & du Tro .
pique au Pole.
Le Vent d'Ouest regne plus
que les autres dans les climats
de la Zone temperée . Il fe for.
me dans tous les lieux de cette
Zone , & tourne autour quel
que fois quinze jours entiers ,
86 MERCURE
& même plus ,fans eftre inter
rompus par celuy du Nord ou
duSud , & fi ce vent d'Oueſteft
toûjours mol pour la France ,
pour l'Allemagne , & pour les
autres Pays voisins des Mers ,
ce font les vapeurs de ces
Mers que nous recevons les
premiers qui nous le rendent
ainfi. Au contraire , il eft fec
pour la Tartarie , la Moſcovie
, & la Chine qui fe trouve
dans la Zone temperée , ces
vapeurs s'eftant diffipées dans
ce long continent depuis l'O .
cean jufques à la Chine .
Le Vent d'Eft regne moins
GALANT: 87
1
icy que les autres , il eft fec
pour nous & mol pour les Tartares
, Mofcovires , & autres
Peuples par la même raiſon .
Il est donc effentiel de fçavoir
qu'un vent de Sud formé
fous le Tropique , lors qu'il
enfile & fuir un ou plufieurs
Meridiens , frape & effleure
environ douze ou quinze degrez
de la furface de noftre
globe terreftre , & ce vent
continuant la route en droite
ligne , va fraper & effleurer le
fommet de l'Athmoſphere
pendant douze ou quinze degrez
; ce qui met trois cens
88 MERCURE
lieues de noftre terre à couvert
de ce vent. Enfuite ce même
vent eft chaffé & repouffé par
l'air fuperieur , & retombe fur
la terre ; en forte qu'un Quragan
formé au vingtroisième
degré , ou fous le Tropique de
l'Fcreviffe , touche d'abord
environ douze ou quinze degrez
de la terre. Enfuite comme
par un ricochet il vient
retomber fur noftre cinquantiéme
degré , ou à peu près , &
jufqu'au loixante ou foixante
& cinquième degré la violence
de cet Ouragan ſe fait
fentir.
GALANT. 89
Il en eft de même aujourd'huy
dans cet Hiver à l'égard
e du Nord. Tout le mon de fçait
que le Pole Arctique n'eft jamais
fans glace . Ces glaces
dans les mis de Decembre ,
- Janvier & Février s'étendent
plus ou moins tous les ans , &
les vents qui en viennent font
toujours froids.
A compter de l'Equateur
juſqu'au Pole il y a quatré-
I vingt dix degrez de vinge cinq
lieues chacun , qui font le
1 quart des trois cens foixante
dont le cercle de noftre terre
eft divifé. Lors que le vent fe
Mars 1700
. H
90 MERCURE
forme à deux cens lieues du
Pole , au 8o. degré , ou au 75.
il enfile & effleure par un ou
plufieurs Meridiens douze ou
quinze degrez de latitude de
la furface de la terre, Voilà
quinze degrez frapez de ce
vent froid , lequel courant en
droite ligne va fraper le fom:
met de l'envelope de la terre,
& laiffe quinze degrez fans
vents , puis retombe fur les
45.44.43 & 42. degrez. Ainfi
dans le mois de Decembre
dernier les vents font partis du
foixante & quinzième degré,
Ils ont glacé ce qu'ils ont
*
GALANT. 91
effleuré jusqu'au foixantiéme
degré , & par le renvoy de l'air
fuperieur , aprés avoir quitté
la terre au loixantiéme degré,
ils font retombez fur les climats
des 45 44 43. & 42.
degrez
, qui en ont efte glacez;
& comme nous fommes icy
au cinquantième degré de latitude
moins quelques minu
tes , nous avons efté à couvent
de ces gelées ; & les climacs
du foixantiéme juſqu'au quarante
- cinquième degré ont
efté, comme nous , entre deux
- gelées toujours couverts de
broüllards , de vapeurs &
Hij
92 MERCURE
d'exhalaifons , qui n'ont fait
que tourner au deffous de leur
horiſon.
&
Il n'eft pas furprenant qu'il
gele quelquefois fortement à
Conftantinople , à Vienne ,
même fur le Rhin , & qu'il ne
gele pas icy , quoy que nous
loyɔns preſque au même degré
de latitude. La raiſon eſt,
que le vent du Nord peut en.
filer & fuivre les meridiens de
ces contrées , pendant que noftre
Meridien , malgre le voifinage
, eft enfilé par un vent
oppofé. Mais cette année au
deffus de Hambourg il gele
GALANT 93
fortement , & ce froid en fuivant
fon Meridien , dans lequel
nous fommes , eft allé
retomber fur Lion fans nous
fraper dans fon paffage , puis
qu'il a dû paffer par deffus nos
terres effleurant le Zenith des
degrez & des habitans qui
jufqu'au quarante cinquième
degré . Pour nous faire des gelées
fortes & leches , il faut
que le vent paffe directement
de l'horifon du Pole , pour
retomber fur nous par la reflexion
de l'air fuperieur ; ou
bien parte de Suede ou de
Dannemark, fuppofé que les
94 MERCURE
mers y foient glacées , & en
ce cas ce vent doit effleurer
la terre jufqu'au quarante cin
quiéme degré. Pour lors la
Provence & le Dauphiné fe
trouvent fans froidure , le
vent paflant par deffus leur
terre lans les toucher , même
juſques aux coftes de Barbarie
, où il retombe ; & cette
partie Septentrionale de l'A
frique par fa proximité du Soleil
, reçoit ce vent comme
nous le reffentons dans le
mois de May..
Il n'y a donc point d'ap
parence de gelée pour cer
7
GALANT.
95
Hiver , puis que nos mers voifines
ne font pas glacées à
deux cens & à trois cens lieuës
de nous. Nous n'aurons que
des vapeurs & des exhalaiſons
fraîches au deflus de noftre
horifon , jufqu'à l'Equinoxe de
Mars , que le Soleil diffipera ,
pour donner à la France le
plus agréable de tous les Prin
4 temps.
Voicy les noms de quel
ques Perfonnes diftinguées
mortes fur la fin du mois
• paffé
.
4 Meffite Louis Tronfon ,
96 MERCURE
Superieur du Seminaire de S.
Sulpice , Prieur Seigneur de
Chandieu , Conſeiller & Au .
mônier du Roy , mort à fʊixante
dixhuit ans . Il eftoit Fils
de Louis Tronfon , Intendant
des Finances , & Secretaire du
Cabinet de Sa Majeſté , & de
Claude de Seve , Soeur d'Alexandre
de Seve , Seigneur
de
Chinrignonville , Conieiller
d'Etat , & Prevoft des Marchands
. Je vous ay parlé amplement
de la Famille des
Tronlon , dans ma Lettre de
Février 1682. à l'occafion de
la mort de Charles Tronfon ,
Confeiller
GALANT. 97
7
C
[
Confeiller de la Grand'Chambte,
Frere de M -Tronſon qui
vient de mourir. L'Infituteur
& Fondateur du Seminaire de
S. Sulpice a efté Jean Jacques
Ollier , Bachelier en Theologie
, Prieur de Bazinville , &
Curé de la Paroiffe de S. Sul ..
pice , qui en a efté premier Su
perieur , & eft decedé au mois
d'Avril 1657. Le ſecond a efté
Alexandre le Ragois de Bretonvilliers,
auffi Curé de Saint
Sulpice , decedé au mois de
Juin 1676 & le troifiéme eftoit
Louis Tronlon , dont je vous
apprens la mort. Ces trois .
Mars 17.00.
98 MERCURE
-
Superieurs font inhuniez dans
la Chapelle du Seminaire.
Mellire Claude Lombard ,
Confeiller Secretaire de Sa
Majefté . Haiffe fa veuve Marie-
Magdeleine du Tel , &
deux enfans , fçavoir un Garçon
, qui a efté Secretaire
d'Ambaffade
pour la France ,
auprés du Roy de Portugal , &
une Fille qui a épousé Meffire
Yves Louis - Dieu donné
Mallet , Seigneur du Luzart ,
Confeiller au Parlement de la
Premiere Chambre des Enqueftes
, & auparavant Avocat
du Roy au Chaftelet . M' Lom.
bard laiffe une Soeur , Dame
·
GALANT. 99
Elizabeth Lombard , Epouſe
de Meffire François Pidou ,
Seigneur de Saint Olon , Chevalier
de l'Ordre de Noftre-
Dame du Mont Carmel , & de
Saint Lazare de Jerufalem ,
Gentilhomme
ordinaire du
Roy , cy devant Envoyé Extraordinaire
à Gennes , & depuis
Ambaffadeur
pour Sa
Majefté vers le Roy de Maroc,
dont font iffus unGarçon ,
Charles-Henry Pidou de Saint
Olon , & une Fille Demoiſelle
Elizabet Pidou.
Meffire Jacques Ladvocar ,
Aumônier ordinaire du Roy ,
I ij
100 MERCURE
Licentié en Theologie de la
Maifon de Sorbonne , Prieur
& Seigneur de Saint Marting
de la Garenne. Il eft mort
âgé de foixante- dix - huit ans ,
& eftoit Frere de Meffire Antoine
Ladvocat , Maistre des
Requeftes , cy devant Confeiller
au Grand Confeil , &
Raporteur des differens du
Point - d'honneur devant les
Maréchaux de France , de feuë
Dame Françoiſe Ladvocat ,
Epouſe de Meffire Pierre- André
Hebert , fieur du Buc , aujourd'huy
, Maitre des Re .
queftes , Pere & Mere de N.
Hebert du Buc , Epouſe de feu
GALANT. for
M' Bignon de Blanzy , Confeiller
d'Etat & Intendant des
Finances, de Dame Catherine
Ladvocat , Epoule de feu Meffire
Simon Arnaud , Marquis
de Pomponne , Miniſtre & Secretaire
d'Eftat , & de N. Ladvocat
, Epouse de M' le Marquis
de Vins , Chevalier de
Saint Louis , Gouverneur de
Broüage , Lieutenant General
des Armées du Roy , & Capi .
taine Lieutenant de la Seconde
Compagnie des Moufque
taires de Sa Majesté.
-
Dame Anne Marie de la
Barde , Veuve de Meffire Jean
I iij
102 MERCURE
de Brion , Marquis de Combronde
, Baron de Salvert , &
autres lieux , Confeiller au Par
lement de Paris . Elle eft morte
à foixante quatre ans , & eftoit
Soeur de Meffire Denis de la
Barde , Docteur de Sorbonne,
Archidiacre de Jofas , Chanoine
de l'Eglife de Paris ; & Prefident
de la Premiere Cham?
bre des Enqueftes , tous deux
Enfans de Jean de la Barde ,
Marquis de Marolles , Seigneur
de Molteux , Ambaffadeur
Extraordinaire
pour le
Roy vers les Suiffes & Grifons ,
& de Dame Anne Regnouard ,
GALANT. 103
1aquelle Anne Regnoüard
eftoit Soeur de Dame Marguerite
Regnoüard , premiere,
Femme de M le Prefident
Charreton , & de MeЛlire Noël
Regnoüard , Maistre des Compres,
marié avec Dame Antoinette
Charreton. Madame de
Brion laiſſe trois Enfans , qui
font , Jean Antoine de Brion ,
Confeiller au Parlement de la
Troificme des Enqueftes
Nosl François de Brion
Chanoine de l'Eglife de Paris ,
& Antoinette de Brion , Epou-
.fe de Charles Amelot , Prefident
en la Troifiéme Cham-
·
I iiij
104 MERCURE
bre des Enqueftes. Cette Day
me eftoit d'un merite diftin
gué , & fon efprit & fa pieté
folide luy avoient acquis une
eftime univerfelle.
Dame Madeleine Guillart
Veuve de Meffire Jean Baptif
te Voifin , Seigneur de la Noraye
, Confeiller du Roy en
tous les Confeils , Maiftre des
Requeftes ordinaire de fon
Hoſtel , Intendant en la Generalité
de Tours . Elle eftoit
Soeur de défunt Claude Guil.
lart , mort Sous Doyen des
Confeillers du Parlement dans
le mois de Janvier dernier.
GALANT: 105
Elle laiffe entr'autres Enfan's
Meffire Claude Charles Voifin
de la Noraye , Confeiller
d'Etat , & N. Voifin de la No
raye , Epouse de Meffire Jean-
Baptifte des Mareſts de Vaubourg
, Maiftre des Requeftes,
Neveu de feu M Colbert ,
Miniftre d'Étar, & Contrôleur
General des Finances.
M' Perrault d'Armancour
Lieutenant dans le Regiment
Dauphin. Il eftoit Fils de M
Perrault , ancien Contrôleur
general des Baftimens du Roy,
l'un des quarante de l'Academie
Françoife , dont nous a
106 MERCURE
vons quantité d'Ouvrages de
galanterie & d'érudition , trescftimez.
Dame Marie Rolland , Epouſe
de Meffire Jean Baptifte
le Coq , Marquis de Goupil.
lieres,Confeiller au Parlement
de la Seconde des Requeftes
du Palais , qui eft de la Famille
des le Coq , une des plus an
ciennes , & qui a donné un
grand nombre d'Officiers de
diftinction dans l'Epée & dans
la Robe. Elle eftoit Soeur de
Meffire Germain Pierre Rol.
land, Confeiller au Parlement
de la premiere Chambre des
Enquestes.
GALANT. 107
Dame Françoiſe Sifle . Elle
eftoit Veuve de Meffire François
- Paul de Godichard , Mar.
quis de Quierieux.
Je vous ay déja parlé du
Livre de M ' Feüillet touchant
la Danſe. Vous ne ferez pas
fachée de lire la Lettre que
M' du Perron a écrite à Madame
la Comteffe d Yarville, en
luy envoyant ce Livre.
J
E fçay, Madame , que vous
avez refuſé un Maiſtre à
danfer des mains de M ' de la
Sale,mais je fuis perfuadé que
108 MERCURE
danvous
ne refuferez point des
miennes celuy que je vous en.
voye. Il vous paroistra trop
utile pour ne le trouver pas
agreable. J'avoue avec vous
que les Mailtres du bel áir,
qui l'apprennent à de jeunes
Demoiselles , font un peu
gereux , & que plufieurs avantures
, qu'on n'ignore pas dans
le monde , autorifent voftre
crainte , mais fuffiez vous encore
plus fcrupuleufe que vous
ne l'eftes , M Feüillet ne vous
paroittra point redoutable .
Vous luy donnerez une libre
entrée dans l'appartement de
GALANT. 109
Meldemoiselles vos Filles , &
vous ne ferez point ſcandalizée
qu'elles paffent avec luy
le jour & la nuit pour s'inftruire
des nouvelles Danſes qu'elles
fouhaitent apprendre avec
tant de paffion . Auriez vous
peur d'un livre qui ne parle
point de galanterie , & dont la
merveilleule invention façonne
le corps , & perfectionne
les difpofitions de toutes les
perfonnes qui aiment à danfer
? Vous aimez trop vos enfans
, & je fuis fûr qu'à prefent
vous ferez la premiere à les
preffer de cultiver les agré
110 MERCURI
mens que la nature leur à
donnez .
Ne refufez donc pas ce Maitre
,
Sonfublime fçavoir doit vous intereffer
;
Vos Filles peuvent le connot
tre ,
Sans craindre qu'il leur puiſſe apprendre
qu'à danfer.
Si vous fçaviez , Madame ,
combien de perfonnes m'ont
demandé ce livre , vous me
fçauricz gré du prefent que je
vous en fais. Les Maiftres de
l'Art l'eftiment , & j'en connois
un des plus habiles de
GALANT. I
noftre Province , qui fe croit
heureux de l'avoir , parce qu'il
y apprendra , fans aller à Paris ,
toutes les danfes nouvelles .
En verité , on ne fçauroit trop
loüer cet Auteur , ny fa methode
fi facile à comprendre.
On n'a qu'à lire fon ouvrage ,
les moindres genies le conçoi
vent & le peuvent réduire en
pratique . Cette facilité, à mon
avis , en fait le grand & le merveilleux.
Je ne doute point
même que les Sçavans ne l'admirent
, qu'ils ne luy donnent
la gloire attachée aux premieres
inventions , & dont les
12 MERCURE
Auteurs font confacrez à la
Pofterité Je n'ay pû le lire
lans me reffouvenir de beaux
Vers de feu m' de Brebeuf, à la
loüange de cette Nation qui
inventa l'écriture , & fans les
appliquer à m' Feüiller en y
changeant peu de choſe.
C'eft de luy que nous vient cet
Art
ingenieux
De nous peindre
la Danfe
parler auxyeux ,
de
D'apprendre le bon air par des lignes
tracées ,
Qui montrent qu'elles ont du corps
&des penfees.
J'efpere , Madame , que
GALANT. 113
Vous me permettrez d'aller
admirer Mefdemoiselles vos
Filles. Je ne les verray qu'en
prefence de leur Maistre , il
vous rendra compte de ma
conduite , & vous reconnoîtrez
que je fuis toûjours avec
refpect . Voftre , & c .
Meffire Claude Bofc , Sei.
gneur d'lvry fur Seine , Procureur
General de la Cour des
Aides , & auparavant Con -1
feiller au Parlement , ayant
eſté continué quatre fois Pre
voft des Marchands , le Roy a
nommé pour remplir fa placer
de Prevoft des Marchands , à
Mars
1700.
K
114 MERCURE
commencer au mois d'Aouft
prochain , Meffire Charles
Boucher ; Seigneur d'Orſay ,
du Mefnil Blondel , & autres
lieux , Confeiller au Parlement
de lacinquiéme Chambre des
Enquestes . C'est un Sujet d'un
merite diftingué , & d'une des
meilleures Familles du Parle
ment , dont nous voyons une
fuite d'Officiers de plus de
trois cens ans , alliez à plufieurs
Chanceliers , & à quantité
des meilleures Maifons
du Royaume . Meffire Charles
Boucher , fon Grand- Pere ,
Seigneur d'Orſay , Maiſtre des
GALANT. ne
Requeftes , & Preſident au
Grand Confeil , fut auffi Prevoft
des Marchands en l'année
1590.
KUSH
Il femble que les Philofophes
Amateurs de la fageffe,
& par confequent ennemis
des paffions , ne doivent rien
craindre des furprifes de l'Amour.
Cependant l'Avanture
dont vous allez lire le détail ,
vous feravoir le contraire.
Kij
116 MERCURE
22525525 :252525552
LE PHILOSOPHE
E
AMOUREUX.
Nfoncé dans la folitude ,
Timante n'eut jamais que d'innocens
plaifirs ;
Tant qu'il fçut borner fes defirs
Aux doux progrés de ſon étude,
Avide de fçavoir, rien ne flatoit fon
coeur
Que le trefor de la Science ;
Et c'eſt à vaincre l'ignorance
Qu'il faifoit confifter fagloire & fon
bonheur .
Les plaiſirs du refte des hommes
Eftoient infipides pour luy ;
GALANT. 117
Different de ce que nous fommes,
Ce qui nous divertit luy cauloit de
l'ennuy .
Le Jeu , le Bal , & le Spectaclet
Qui font l'amufement de la plufpart
des gens .
Pour Timante n'eftoient qu'une per
te de temps ,
Où la vertu trouvoit un dangereux
obſtacle .
Tout occupé de fon devoir ,
Il n'eftoit point d'heure perduë
Où librement on puft le voir;
Il lit ,il étudie , il compofe , il fe tuë ,
Il veut tout apprendre à la fois .
Tantoft fur l'Ecriture il arrefte fa
vûë ,
Et tantoft fur les Loix .
Rempli d'ardeur pour la Chymie,
Son coeur en eſt tout enchanté ;
Et fans égard pour la fanté )
118 MERCURE
Trop charmé de fon ennemie ,
Il fe deffeche les poumons
En foufflant trop fur les charbons.
Entefté de l'Aftronomie ,
Souvent lorfque fon corps repofe en
ces bas lieux ,
Son efprit court aprés tous les Aftres
des Cieux .
Geometre , il cherit les figures qu'il
trace
Par fa plume ou par fon crayon ;
Tantoſt en élevant le plan de quelque
Place
Tantoft celuy d'une Maiſon .
Nombres , calculs , lignes , figures
Sont d'innocentes voluptezea» .
Qui luy font prendre les mesures
Des differentes quantitez.
Quand il nous parle de l'Hiftoire
Qu'il aima toûjours tendrement ,
GALANT.
119
Il femble qu'elle n'ait embelli fa memoire
Que pour s'en faire un logement.
La fçavante Chronologie
Qui fixe les évenemens ,
De fes trefors les plus charmans
Scut enrichir ce beau genie .
Souple , vif, étendu , rien ne l'ems
baraffa ;
Medecine , Theologie ,
Belles Lettres , Geographie ,
Egalement il embraffa ,
Mais fur tout la Philofophic
Qu'avec honneur il profeffa .
Un efprit de ce caractere
Sembloit n'eftre pas fait pour l'amoureux
miftere.
Témoin de fes travaux , tel fut mon
jugement ;
Mais l'Amour plus habile en jugeoit
autrement :
120 MERCURE
Dans les vaftes projets il n'épargne
perfonne ;
Tout fléchit , tout fe rend , lorfque
ce Dieu l'ordonne ,
En tous lieux il tend fes filets
Contre tous les Mortels il décoche
fes traits
Ne croyez pas que la Science
Soit un obftacle à la puiffance ."
Le Do &te comme l'Ignorant
Reconnoift de l'Amour le pouvoir
invincible.
Philofophe , ton coeur paroift indifferent
,
Mais comme un autre il eft fenfible
;
Ton maintien eft fufpect , ton dehors
affe&té
Voudroit envain nous faire entendre
Que ton coeur de l'Amour ne peut .
eltre agité.
Timante
GALANT. 121
Timante te dêment , il n'a pû s'en
défendre ,
Luy , que l'on entendoit déclamer
chaque jour
Contre les charmes del'Amour ;
Luy ,qui ne put fouffrir qu'on parlaft
de tendreffe ,
Dont le coeur s'allarmoit au feul nom
de Maiftreffe ,
Par un caprice tout nouveau
Il a donné dans le panneau ,
Et comme un autre Alcide aux pieds
´de fon Omphale , [ ravale .
*
A fe rendre à l'Amour fon ame fe
Mais penfer que fon coeur ſe fuſt rendu
d'abord ,
Seroit luy faire trop de tort.
L'Amour depuis longtemps médita
fa conquefte ;
Pour en venir à bout il fit plus d'un
effort ,
Mars
1700.
L
122 MERCURE
Et ce coeur fut battu de plus d'une
tempeftey
Vertu , politique , raiſon ,
Honte , devoir , profeſſion ,
Tout confperoit contre la flame.
Atteint da premier coup , il voit la
Verité, deb
Elle porte l'effroy jufqu'au fond de
fon ame ;
Elle , qui n'eft pour luy que douceur,
que bonté ,
N'a pourluy que mépris ,n'a pourluy
que fierté ,
Et dans l'ardeur qui la tranfporte
Elle luy parle de la forte.
Je ne puis plus fouffrir ton infidelité .
Tu me dois ta vertu , tu me dois ta
fageffe ,
Mes tendres foins t'ont élevé ,
Et tu méconnoista Maîtreffe
Quand ton bonheur est achevé.
GALANT. izz
Ingrat Enfant , indigne Eleve ,
Puifque tu veux me quitter en ce
jour ,
Je veux te quitter à mon tour ;
Que fans égard pour moy ton lâche
coeur acheve
Le triomphe de fon amour.
Un reproche fi jufte allarma fort
Timante
D'un remords violent fon coeur fut
combattu j
Il fe plaint , il foupire , il pleure , il fe
tourmente ,
Mais un refte de ſa vertu ,
Qui paroifloit prefque mourante
Sçeut relever fon courage abbattu
.
Sa paſſion naiſſanteeſt preſque ſuffoquée
;
La Verité luy défille les yeux ,
Et fa raiſon moins offufquée
Lij
124 MERCURE
De fon flambeau l'éclaire mieux .
Plus tranquille , il paroift échapé du
naufrage .
Fy de l'Amour , dit- il , ce n'eft qu'un
efclavage.
Mes yeux ne craignent plus fon funefte
bandeau ;
Il ne troublera plus mon coeur , ny
mon cerveau . [ ge :
Je fens de mon
efprit
diffiper
le nua-
Moy
qui ne puis fouffrir
ces jeunes
libertins
Dont les coeurs corrompus , dont les
efprits malins ,
Efclaves du libertinage ,
Paffent le temps du plus bel âge ,
A fuivre le torrent de leurs folles
amours ,
Irois -je d'une ameinégale
Singe d'un jouvenceau ,le tuivre dans
fon cours ?
GALANT. 125
Démentirois je la Morale
Que je répans dans mes difcours ?
Aquoy bon cestrefors d'une antique
fageffe ?
A
quoy bon cet amas des plus rares
talens ?
Si j'avois le malheur de foüiller mes
vieux ans
Par les plaifirs honteux qui perdent
la Jeuneffe .
Moy , qui de la Vertu cultivoslies
moiffons
Moy , qui portois les coeurs à luy
baftir des Temples ,
Pourrois- je à cinquante ans par mes
mauvais exemples ,
Corrompre tout le fruit de mes bone .
nes leçons ?
Eh , que diroient ces hommes fa
ges ,
Qui m'honorent de leurs fuffrages ?
Liij
126 MERCURE
Ou devenus mes ennemis.
Ils condamneroient mon caprice ;
Où dans le même précipice
Ma chute entraîneroit ces fidelles
'Amis.
Quelle feroit la raillerie
2 De tant de jeunes étourdis,
Qui traînez en enfer par l'Amour
en furie
De fes fauffes douceurs , fe font un
Paradis ?
Eft-ce là , diroient - ils , ce Timante
fevere ,
Qui fit toûjours profeffion
De la vertu la plus auftere ?
Elclave de l'Amour, il fuit fa paffion
O Ciel , luy qui par tout prêchoit la
continence ,
Peut- il s'abandonner à cette extravagance
?
Il a beau nous traiter de fous ;
GALANT. 27
lior
it
ce
lles
Tou
ר ג ת מ
Ileft cent fois plu's fou que nous.
Il veut de la vertu nous enfeigner la
route ;
Mais égaré dans fon chemin
Alavertu lay-même il a fait banqueroute...
Quelle honte pour moy ! quel mal-
Cheur
quel chagrin
!
Ah , j'aime mieux ceffer de vivre
Que trahir la vertu , que ceffèr de la
fuivre.

Empelchons les de murmurer ,
Gardons-nous de nous égarer
Erdu plaifir de noſtre étude
Reprenons la douce habitude.
Inutiles raifonnemens !
Vains projets & difcours frivoles !
Peu ferme dans les fentimens
L'homme n'a trop fouvent que de
vaines paroles :
Il faut l'attendre aux actions

L iiij
128 MERCURE
Lorfque l'on veut le bien connotre
A nos yeux , tel qu'il eft , elles le font
paroiftre , arep bei
Et nous peignent fes paffions. A
Voila la regle la plus fure :
Pour en juger folidement ,
Tout le refte n'eft qu'imposture.
Ou l'esprit fe prévient , ou l'efptit fe
dément ,
Et lorfque l'un fuit la droiture
L'autre prefque toujours eft dans l'égarement.
Timante nous fournit une preuve
certaine
De cette trifte verité,
Il condamne l'Amour , il veut rompie
fa chaîne ,
Et ne peut accomplir ce qu'il a pro
jetté. plique ,
Ç'eft inutilement que fa ráifon s'exGALANT.
129
Son coeur eft déja pris ,
Et fa vertu philofophique
Ne fçauroit triompher des charmes
de Cloris.
L'Amour fçut l'engager à revoir la
Coquette;
Timante plus touché l'apperçóir &
- s'arrefte .
Interdit & dans l'embarras
Il avance , il recule , il aime , il n'aime
pas ;
Son coeur voudroit tenir fa paffion
fecrette
Il fait tous fes efforts pour contraindre
fon feu :
Mais la langue trop indifcrette
Ne fçauroit plus longtemps en differer
l'aveu.
Belle Cloris , dit-il , croyez que
vous aime ,
Que je nevois rien fous les Cieux
7
130 MERCURE
De plus aimable que vos yeux,
Quel feroit mon bonheur , fi vous
e m'aimiez de même ? p
Timante , dit Cloris , ne me jouezvous
pas ? νους
Eh , quand j'aurois affez d'appas
Pour efperer voſtre conqueſte ,
Voftre coeur vers l'Amour ne fçauroit
faire un pas:
Et je ne fuis pas aſſez beſte
Pour croire qu'asce point il puiffe
s'oublier.
Il eft trop enteſté de la Philoſophie.
Je vous aime , dit-il , & veux le publier
.
Cloris , mal à propos voftre ame fe
défie .
Mon amour eft fans fard , & n'eft
pas indifcreti
Souffrez qu'en ce moment il forte
dù fecret ,
I
GALANT. 731
Son filence trop long eft un poids
qui m'accable [ aimable.
En parle qui voudra, vous etes route,
Ergo , fans en rougit mon coeur peut
Vous aimer.
Si voftre coeur eft équitable
Il doit comme le mien fe laiffer enflamer
C
Noftre fort doit eftre femblable,
Et vous devez brufler pour moy ;
Mais d'une flame auffi durable
Que l'Amour donr je fuy la loy.
Timante , dit Cloris , voftre raifon
s'égare .
Moy ,je dois vous aimer , & fouffrir
voftre amour ?
J'aimerois mieux perdre le jour,
Voſtre arreft , dit Timante , eft un
peu tropbarbarem
Je vous le prouveray , mais tres-folidement
,
132 MERCURE
Si vous voulez , Cloris ,
un moment.
m'écouter
Igique ,
Je n'ay pas oublié mes regles de Lo-
Ny la forme Sillogiſtique ,
Soit Baroco foit Barbara
Vous choifirez , Cloris , celle qu'il
vous plaira.
Pour moy ce n'eft pas une peine ,
Et je vous prouveray de toutes les
façons
Que fivous ne m'aimez , vous eftes
inhumaine.
Je n'entens rien , dit- elle , à ces arabes
noms.
Eh quelle fureur vous tranfporte ?
Fait on l'amour de cette forte ?
Au lieu d'ardens foupirs , au lieu de
complimens
Vous me pouffez des argumens.
Timante , à mon avis fi voftre
coeur fe fic ,
GALANT. 133
Vous ne quitterez pas voftre Philo .
fophie ,
Je ne veux rien vous déguifer ,
Les plaifirs de l'Amour ne font pas
voftre affaire ,
Vous n'avez pas le don de plaire
Vous ne fçavez qu'ergotiler.
Vos manieres font fi bizarres
Queje ne puis les ſupporter :
Et vos termes font fibarbares
Que je ne puis les écouter,
Vous ne fçauriez toucher le coeur
d'une Maiftreffe .
Defabnfez - vous fur ce point :
Il faut pour réuffir certaine politeffe
Que le College n'apprend point .
C'eſt dans un cercle prés des Belles
Que l'on en trouve les modeles
;
C'eft dans l'ufage de la Cour
134 MERCURE
Qu'un coeur fe forme pour l'Amour
;
Et ce n'est pas dans quelque livte
Q'un galant homme apprend à
vivre ,
Je ne fçay quel deffein voftre coeur
a fur moy.;
Mais fivous etperez de recevoir ma
foy ,
Quittez un espoir fi frivole.
Vos difcours impolis déplaifent à
mon coeur
Je ne fçaurois fouffrir qu'un Pedant
me cajole .
O le dégoutant cajoleur !
Timante fort furpris d'entendre ce
langage ,
Reprit tout fon air fombre & fon
humeur lauvage
,
Et fans prendre congé brufquement
la quitta.
GALANT.
235
Rentré dans fon logis fa douleur
éclata .
Son coeur trop las de le contraindre
,
Dés qu'il le trouva leul , commença
de fe plaindre ;
Mais cette torrent de pleurs qui cou .
la de les yeux.
Loin d'éteindre ſon feu , fait qu'il en
ble mieux .
En vain à son fecours il appelle la
baine :
Pour le vanger de l'inhumaine
Malgrétant de rigueurs , malgré tant
de mépris
,
Il aime toujours fa Cloris ,
Et de la Coquette rufèë
Il est la fable & la rilée .
Efprits forts qui bravez l'Amour,
Defabulez - vous en ce jour.
Ne le traitez plus de foibleffe ,
136 MERCURE
Timante pour le vaincre eut trop
peu de fagefle ,
Vos coeurs comme le fien gemitont
à leur tour.
La plus faine Philoſophie ,
Quand l'Amour le prétend , degenere
en folie ,
Et cet autre Zenon , par fon défeglement,
Nous le prouve trop clairement .
Cet Ouvrage eft de M
Dader , qui a fait auffi ce Madrigal.
GALANT. 137
A
MADEMOISELLÉ D .;
EN LUY
ENVOYANT
un
Bouquet.
Allez, charmantesfleurs, all
lez trouver Silvie.
Dites luy que mon coeur touchéde
Jes appas ,
1 ·Ne pourroit plus aimer la vie,
Si j'avois le malheur de ne luy
plaire pas
Elle merite voftre
hommage ;
Ne differez doncplus , explique
vous fi bien,
Qu'elle approuve
voftrelanga
ge,
Mars
1700. Mi
138 MERCURE
Et que fon coeur réponde an
mien.
Le 25. du mois de Janvier
dernier , on fit à Stockholm ,
Capitale de Suede , une gran
de Mafcarade , dont je vais
vous faire le détail dans les
mêmes termes que la Rela
tion m'en a eſté envoyée
Cette Mafcarade eftoit com.
pofée de Nations Afiatiques ,
Affriquaines , & de quel.
ques unes Européennes . Les
habillemens eftoient magnifi
ques & bien entendus, Chacun
s'eftoit piqué de briller
GALANT. 139
dans le caractere où il fe
rencontroit par le fort des
billets qu'on avoit tirez trois
femaines auparavant. La Salle
où l'on devoit fouper & dan.
fer, eftoit une Rotonde , dans
le milieu de laquelle il y avoit
une table ronde & évuidée au
centre. Il y avoit une autre
grande table qui regnoit autour
de la Salle , accompagnée
du cofté du mur d'un banc ,
où eftoient affis ceux qui foupoient
; de l'autre cofté , d'un
gradin & d'un banc, fur lequel
eftoient placez des Termes
d'hommes & de Femmes , de
Mij
140
MERCURE
5
dix pieds de haut , dorez &
bronzez , tous
diverſement
drapez , les
hommes de gaze
d'or, & les Dames de gaze verdâtre,
bordée & attachée avec
des galons d'or. Ces Termes,
derriere chacun defquels l'on
avoit pratiqué un petit buffet,
foutenoient un balcon , qui
entouroit la Salle , & douze
Pagodes aflifes fur de riches
dont les habille- carreaux
mens diverſifiez eftoient de
gaze blanche , & d'autres étofes
legeres brodées d'or &
d'argent. Ce balcon, qui eftoit
orné de douze riches tapis de
GALANT: 14
velours bleu , brodez d'or ,:
fervit pour une partie des
Maſques à voir fouper les autres
, & pendant le Bal il fut
rempli de differens Spectateurs
qui n'eftoient pas venus
pour danfer.
Ce qu'il y avoit de mieux
imaginé , eftoit le Plafond de
la Salle , qui eftoit en forme
de pavillon peint à la Chinoi--
fe , avec des figures & des
ornemens grotelques . partie
de couleur , & partie rehauffez
d'or , le tout fur un fatin
de la Chine blanc , avec une
haute & riche crêpine d'une
145 MERCURE
invention particuliere. Le toure
de ce pavillon , par le moyen
d'un contrepoids , fe baiffoit
& fe hauffoit quand on le
vouloit Rien ne pouvoit eſtre
plus divertiffant, & plus con .
venable au caractere de la
Fefte que la fingularité de
cette invention .
Il y avoit une autre machine.
C'eftoit une elpece de
piramide de glaces , fufpenduë
au milieu de la Salle. Sur chacun
de fes étages la réverbera
tion de chaque bougie eftoit
trois fois reiterée , au moyen
de quoy , comme auffi par une
GALANT. 143
ouverture que l'on avoit faite
derriere la rofe du pavillon ,
la Salle fe trouvoit parfaites
ment éclairée fans aucune fumée
. Derriere lès Guaines ou
Termes , il y avoit des bougies
au haut des petits buffets,
pour empêcher que les Termes
ne portaffent ombre fur
les perfonnes affifes à table
derriere ces Termes . Il y avoit
vingt - quatre glaces à bordu .
res dorées entre ces Termes ,
attachées au mur , fur lefquelles
les lumieres du grand Luftre
, & celles des douze buffets
faifoient d'autant plus
$44 MERCURE
d'effet , que les réverberations
fe réuniffoient au centre de la
Salle.
L'on commença à s'affembler
fur le foir dans un Hoftel
attenant le Palais Royal , où
les Maſques fe rendirent en
differens appartemens
. Depuis
cet Hoftel , jufqu'au Palais
la marche que l'on avoit à fai
re eftoit de trois cens pas . Il y
avoit une barriere couverte
de drap bleu , tant fur le pavé
que l'on avoit relevé , & couvert
de charpente , que fur les
deux appuis. Les deux coftez
en eftoient bordez de Gardes
avec
GALANT. 145
avec des flambeaux & des armes
; dans la cour du Palais
il y avoit des bancs relevez
des deux coſtez pour les Spe-
&tateurs .
La
marche
commença par
cinquante
Mafques
, chaque
homme
conduifant
fa Dame ,
précedé
de Timbales
& de
Trompettes
, avec un pareil
nombre de
мalques , parmy
lefquels
la Reine
, leurs Altef
fes Royales
, & les Princeffes
de Meckelbourg
, fuivies
de
trente- quatre
petits
мores ,
tous
femblables
, la plufpart
Pages
de la Cour , & placez
Mars 1700. N
146 MERCURE
en cet endroit de la marche
pour éviter la confufion dans
la Salle , où ils devoient fervir
à table. Aprés eux marchoient
encore huit Hautboistraveftis ,
qui précedoient cinquantedeux
Mafques , parmy leſquels
eftoient le Roy , & Son Alteffe
le Duc de Holſtein , fuivis
d'une Troupe de petites Egyptiennes
, dont une partie por.
toit les juppes traînantes .
Deux cens Malques que le ha
fard avoit aflemblez fermoient
cette marche.
Les Violons au nombre de
trente - quatre , donnérent un
GALANT. 147
pre- agréable concert dans la
miere grande Salle , au travers
de laquelle la marche
paffa . Les premiers cent мafques
ayant fait le tour de la
Salle ronde , & eftant fortis
par une autre porte , y revinrent
en ſe rangeant en haye
pour les cent autres qui les
fuivoient , lefquels eftant entrez
dans la même Salle ron .
de , trouvérent la table ſervie ,
& y prirent auffi toft leurs pla .
ces . A la table du milieu il
y
avoit des deux coftez quaran
te- deux perfonnes affiles , & à
celle qui regnoit autour de la
Nij
148 MERCURE
Salle , il y en avoit foixante.
Tout ce qui devoit estre au
Souper eftant dans la Salle ,
les ouvertures qui fervoient
d'entrées , furent fermées , &
le cercle de la table continué
fans interruption
.
Aprés avoir refté environ
une heure & demie à table , l'on
paffa dans les autres Salles du
Palais , que l'on trouva remplies
de Maiques de la Ville qui
danfoient . Cependant on detfervit
, & les tables furent ôtées
dans la Salle ronde . L'ony
laiffa feulement les bancs qui
accompagnoient la grande
GALANT. 149
table , qui eſtoient couverts
de grands carreaux de damas
bleu , à frange d'or . La tenture
de la Salle dans les entredeux
des glaces , eftoit du même
damas , lequel eftant uni
faifoit un fond convenable
par fon oppofition à la diver
fité des couleurs des мafques.
Le Bal y commença par les
branles. La place du milieu
fut toûjours confervée vuide ,
de forre que les Danfeurs ne
s'y trouvérent point incommodez
, & l'on examinoit à
loifir l'air & le déguiſement
d'un chacun, L'on continua
N iij
150 MERCURE
juſqu'au lendemain que l'Au
rore difperfa la Felte , qui
réüffit au contentement de
tout le monde.
Comme on ne parle pref
que plus prefentement que de
Lotteries , je croy que vous
trouverez cette Lettre de fai.
fon . Elle eft de M ' de Vertron,
Academicien de l'Academie
Royale d'Arles & des Ricovrati
de Padouë .
AMADEMOISELLE DE L
V
Ous avez raifon , Mademoifelle
, de croire que
GALANT. 15 I
les Boëtes de Lotterie ne font
pas femblables à celle de
T'ancienne Pandore , d'où fortoient
tous les malheurs : mais
pomoy je croy , fans craindre
d'eftre accufé de fuperfti
tion , qu'il en eft de nous
comme des jours ; qu'il y en
a d'heureux & de malheureux .
Perfuadé que je fuis. de cette
verite par une longue & facheufe
experience , je n'ay pas
jugé à propos de mettre à la
Lotterie de l'Hôpital general
fous mon nom , où il fe rencontre
deux R , lettre fatale
dans l'opinion de quelques-
Nij
152 MERCURE
uns . Cependant , à la follicita
tion de plufieurs perfonnes de
mes Amis , & pour fuivre vô
tre exemple , .Mademoiselle
j'ay enfin rifqué deux Louis
d'or , & ay fait remplirles nu
mero de deux Vers . Le premier
eft.
Avec unfeul Louis je puis payer
mes dettes,
Le ſecond vous plaira , ſans
doute , davantage , & parce
qu'il m'a plu auffi , je l'ay accompagné
de trois autres ,
qui tous enfemble font un
Quatrain. Le voicy .
GALANT. 153
Fattends tout de Louis , & rien
de la Fortune
Elle a fçu mepouffer à bout.
;
Elle est aveugle , & luy , voir
tout ;
La bonté, la justice , en mon Roy
nefont qu'une.
Pour ces deux Billers , j'ay
choifi l'un des Directeurs qui ,
comme vous fçavez , en font
la diftribution ; c'eft M ' Col.
lin.
Peut etre que fa main meportera
bonheur.
Vous pouvez faire , Mademoifelle
, quand il vous plaira,
celuy d'un galant homme.
154 MERCURE
Vouseftes belle , jeune , riche,
&c. Si j'ay le gros Lot , je vous
promets de vous le porter ,
Four en difpofer , comme
la perfonne qui eſt déja par
avance route à vous.
de
Eh bien !fi vous l'avez enfereZvous
de même ?
Vous pouvezdés ce jour commen .
cer mon bonheur;
En attendant ce Lot , dites moy ,
je vous aime
Gagner des Lots vaut mains que
gagner voftre coeur.
Pour vous plaire , Made .
moiselle , j'ay remp'y fur la
Lotterie , qui eft le sujet que
GALANT. 195
vous avez propofe , vos Boutsrimez
, l'Amour qui fait toû
jours des merveilles & des metamorphofes
m'a fait devenir
Poëte. J'ay tâché de reprefenter
l'eftat de mon coeur & de
ma fortune dans ce Sonnet
-
que je vous envoye par le
Porteur de vos rimes.
Tout beau , me direz vous , c'eft.
làle coup d'un Maiftre.
Si je ne le fuis pas ,je veux tenter
de l'eftre ;
Ma Belle, enattendant le bonnet
de Docteur,
Jefuis voftre Difciple , & voftre
Serviteur.
156 MERCURE
Je vous envoyay dans ma
Lettre de Janvier dernier , la
Relarion de la maladie d'une
Fille qui a décru d'un grand
pied dans l'Hôpital de Saint
Jacques de Touloufe ; mais
comme on m'a fait connoiftre
qu'elle n'eft pas exacte dans
fes circonstances
, je vous en
envoye une autre plus fidelle ,
qui eft de M' Lambert , Do-.
cteur en Medecine de la Fàculté
de Touloufe , & Medecin
ordinaire de cet Hôpital .
En voicy les termes. Souve
nez vous que c'eft M ' Lam .
bert qui parle.
GALANT. 157
Bernarde d'Armaignac , de
la Paroiffe de la Daurade à
Toulouſe , fut placée comme
Orpheline à l'Hôpital Saint
Jofeph de la Grave , de 11. de
Novembre 1688. à l'âge de huit
ou neuf ans , & en qualité de
Malade dans l'Hôtel Dieu de
S Jacques , le 17. Mars 1698. Elle
y demeura jufqu'au jour de
fon decés , qui fut le 19. Novembre
de la même année.
Lors qu'elle y entra , elle
cftoit d'une taille mediocre ;
& y vint à pied , fe foutenant
fur fos jambes , & fon corps
failant tous les mouvemens
158 MERCURE.
ordinaires & naturels , & par
confequent les os avoient leur
folidité naturelle .
Le jour qu'elle fut reçuë
dans l'Hoftel- Dieu de S. Jac
ques , comme malade , elle
fut attaquée d'une fiévre putride
avec de grands redoublemens
, refverie , mouve
mens convulfifs , langue fé
che & noire , & le poux inegal.
Elle revint de cette fiévre dans
dix huit ou vingt jours , par le
fecours des remedes , & de.
meura dans un état affez tran.
quille pendant environ un
mois ; aprés lequel temps elle
¿
GALANT . 159
fut tourmentée plus d'un mois
de fuffocations de matrice fi
cruelles, qu'elle perdoit durant
plus de deux fois vingt - quatre
heures la connoiffance , la
parole , la vûë , l'oüie , & le
mouvement , avec une oppref
fion de poitrine fi grande ,
qu'on la crut fouvent morte.
On ne manqua pas de luy adminiftrer
tous les Sacremens ,
& de luy faire fouvent la
recommandation de l'ame.
Neanmoiselle revint de tous
ces accidens contre l'attente
de tout le monde par le fecours
des faignées au pied ;
160 MERCURE
des fangfuës aux hemorides,
des potions hystériques , des
purgatifs violens , où l'émeri
que ne fut pas épargné , & par
divers autres remedes.
Un mois environ aprés
eftre revenue de ces accidens ,
elle garda toûjours une petite
fiévre accompagnée de redoublemens
de temps en temps ;
& fe plaignoit qu'elle s'eftoit
démis par une chute à l'Hôpital
de la Grave , avant que
de venir à celuy de Saint Jac
ques , l'os de la cuile gauche ,
& foûtint que l'os du femur
n'efloit pas remis . Le fitur
GALANT . 161
Larié , Maiſtre Chirurgien de
l'Hôtel - Dieu de S. Jacques ,
examine cette partie , trouve
que l'os n'eftoit pas dans la
boëtte , tâche de l'y remettre.
Cette Fille foûtient que l'os
n'eft pas encore remis , ce qui
donna lieu de la faire voiraux
fieurs Lapierre & Larié Pere ,
Chirurgiens Jurez , qui trouvérent
l'os dans fa boëtte ; mais
les ligamens fi relâchez par
une fluxion de ferofitez qui les
abreuvoient , que l'os ne pouvoit
pas eftre retenu par fon
articulation. On luy fit divers
remedes , foit
topiques pour
Mars
1700.
162 MERCURE
fortifier ces parties , foit internes
pour détourner la fluxion ;
mais en vain. Bien loin que cet
os fe raffermift , elle feplaignoit
prefque chaque jour du dé.
boitement de quelqu'autre ,
& les Soeurs ne pouvoient pas
la toucher pour luy donner le
'fecours neceffaire à fes befoins
, qu'elle ne fe plaigniſt
qu'on luy caffoit les os , &
qu'on les luy démettoit . Enfin
, ce qui eft inoui , cinq ou
fix mois avant fon decés , il
arriva qu'elle n'avoit aucun os
aux bras , aux avant bras , aux
mains , aux doigts , aux cuif .
GALANT 163
fes, aux jambes , aux pieds , aux
doigts , & à toute la longueur
des vertebres , qui ne fuit démis
Si bien que quand on la
remuoit ou pour la nettoyer,
ou pour la changer de place ,
il fembloit qu'on remuaft de
Ja patte, 1l falloir pour la nour.
rir luy mettre les alimens dans
la bouche , & elle ne pouvoit
les mâcher , s'ils eftoient folides
à caufe de la molleffe de
fes machoires Elle eftoit devenue
toute voutée & contrefaite
du derriere & du devant
du corps. Elle le plaignoit
fouvent d'oppreffion de poi-
O ij
164 MERCURE
trine qui la menaçoit de la
mort , de palpitation de coeur,
& de douleurs vagues. Elle
eut auffi fort fouvent à diver
fes repriſes la diarrhée ou le
cours de ventre , & cinq ou fix
fois la diffenterie. Elle faignoit
bien des fois du nez , &
crachoit beaucoup ; elle avoit
diminué lors de fon decés de
p'us d'un pan & demy de fa
taille ordinaire. Il ne faut pas
oublier qu'elle n'eut jamais
fes mois pendant le féjour
qu'elle fit à l'Hôpital Saint
Jacques. Cette Fille eftoir d'un
temperament fanguin & bi
lieux.
GALANT: 165
J'eus la curiofité de voir
l'ouverture de fon cadavre . Le
S Larié , Maistre Chirurgien
dudit Hôpital , l'ouvrit . Nou's
fûmes furpris qu'un.rafoir é
mouffe feparaft les coftes plus
facilement que les chairs , ce
qui nous donnant lieu d'exa
miner les chofes de plus prés,
nous vîmes que toutes les cotes
, tant vrayes que fauffes ,
avec l'os fternum & les clavicules
, eftoient plus molles que
des cartilages
..
Les deux omoplates les
- clavicules , les os des bras, des
166 MERCURE
avant bras , du carpe , du mé
tacarpe , des mains & des phalanges
des doigts , foit dans
leurs apophiles ou épiphifes ,
foit dans leur continuation ,
eftoient fi mous , que la chair
faifoit plus de réfiſtance au .
-rafoir émouffé , & on ne trouva
aucune moelle dans casos,
ny aucune caviréz, mais tous
les os paroifloient fpongieux ,
& mous en forme de cire ramollie.
Ce qu'on dit d'un bras,
ou avant bras , ou d'une main
avec les doigts , il en eft de
même desbaut eos . , doés vertebres
du col , de l'épine du dos ,
GALANT. 167
I & de l'os facrum , en un mot,
toutes eftoient de la même
-molleffe.
1
Lors que nous voulûmes ou
vrir-la tefte , nous n'eûmes pas
befoin de la fcie. Le même
rafoir commença facilement
l'ouverture du crane , & il
trouva plus de reſiſtance à la
peau qu'aux es . Nous achevames
enfuite avec une mechante
fpatule de féparer le fommet
ou le rond dů crane du
refte des os de la tefte. Le di..
ploë eftoit confondu avec les ·
deux tables des os , & faifoient
enfemble une efpece de chair
168 MERCURE
baveufe. Le rond du crane
feparé eftoit d'une fi grande
molleffe , qu'il fe plioit comme
une caoce de cire ramol.
lie...
Les deux os pariétaux , les
deux temporaux , le coronal
, l'occipital , le ſphenoi
de , & l'ethmoïde , eftoient de
la même maniere. Les deux
os Zigoma , tous les os des
machoires inferieures & fupe.
rieures & du nez , eftoient fort
fpongieux & de la même mo
leffe . Il n'y avoit que les dents
dans leurs alveoles qui avoient
confervé leur folidité naturel
le ;
AGALANT. 169
le ; & c'eftoit fans doute par
cette raison que cette Fille
ne pouvoit mâcher aucun
aliment un peu folide à cauſe
de la molleffe de ſes machoires.
Ajoutez à cela que toute
la chair des gencives eftoit
corrodée , & même à domy
confumée .
Eftant defcendus aux parties
inferieures , l'os ifleon , l'os
ifchium , & l'os pubis, eſtoient
auffi mous que le beurre , &
le feul rafoir émouflé sépara
fans peine l'os pubis .
Les deux femurs des cuiffes
eftoient de la même molleffé ,
Mars
1700.
Р
170 MERCURE
foit dans leurs apophifes , foit
dans leur continuation , avec
cette difference pourtant entre
ces deux os , qu'il y avoir
un grand abcés à l'articulation
de l'apophiſe du femur
droit à l'iſchion , d'où il coula
de la matiere fereuſe , puru.
lente & puante ; & qu'au milieu
de l'os du femur gauche
on ne trouva point d'os de la
longueur de quatre ou cinq
travers de doigt , mais à fa pla
ce une chair molle , fpongieule
& fort rouge de la longueur
de quatre ou cinq travers
de doigt.
GALANT. 171
}
Les deux rotules , les deux
tibia , les deux peronez ou petits
fociles , les os du tarfe ,
du metatarfe , & des phalanges
des doigts des pieds
eftoient auffi de la même molleffe.
En un mot , tous les os
de fon corps , à la referve des
dents , eftoient d'une molleffe
femblable à celle du beurre
ou de la cire ramollie.
Il faut obferver que les os
des deux omoplates , les deux
humerus , les deux cubitus ,
les deux radius , les os du
carpe , du metacarpe , & des
phalanges
des doigts des
Pi
172 MERCURE
mains , les deux femurs , les
deux tibia , les deux peronez ,
avec les os du tarfe , du metatarfe
, & des phalanges des
doigts des pieds, eftoient dé .
boitez , & hors de leur fitua
tion naturelle .
*
Tous les cartilages , les tendons
& ligamens de cette fille
eltoient comme de la boüil
lie , & toutes les chairs qui
eftoient fort molles & relâ.
chées , paroiffoient comme
oedemateules .
M' Lambert qui a donné
cette relation au Public , l'a
embellie de fçavantes RefleGALANT.
173
xions , dont je vous feray parc
le mois prochain.
Son Alteffe Electorale de
Brandebourg aimant naturellement
les Sciences & les
Arts , on ne doit point eftre
furpris de fa magnificence
pour tout ce qui les regarde.
Je vous ay envoyé la Medaille
que ce Prince a fair fraper
pour l'établiffement de l'Aca- .
demie des Arts & des Sciences.
Il ena fait auffi fraper une pour
l'érection de l'Univeafité de
Halle ; mais comme il ne s'en
trouve plus , & que je ne puis
Pill
174 MERCURE

vous l'envoyer gravée , je vous
diray ſeulement que, la ſurface
droite de cette Medaille reprefente
le Bufte de Son Altelle
Electorale , avec cette le.
gende tirée de Juvenal ,
Refpexit trifles hac tempeftate
$
camanas
fort de
pour marquer que cette Uni.
té a efté fondée au plus
de la guerre. On voit
dans le revers Pegaze ouvrant
, comme la Fable le dir ,
par un coup de pied dans le
Mont Helicon , la nouvelle
Fontaine Hippocrepe , avec
ces paroles , Fama novifontis,
GALANT: 175
Encore que ce corps foit fore
parlant de foy- même , il ne
laiffe pas d'avoir un fens beau
coup plus étendu , en le déterminant
fur bien des circon
Atances. Le mot fama , avec la
figure de Pegaze , qui en elle
même eft un fimbole de la
Renommée, marque la gloire
qui ſe répandra par tout de
cette fondation , jufqu'à attirer
à Son Alteffe Electorale
l'admiration de Pallas & de
tous les Courtisans , des Guerriers
& des Sçavans. Et pour
le mot de novi fontis , il ne
fpecifie pas feulement fort
P iiij
176 MERCURE
diſtinctement la fondation d'une
nouvelle Univerfité , ce qui eft
tres neceflaire, mais il donne
encore à connoiftre que Son
Alteffe Electorale en poffede
d'autres , à fçavoir celles de
Conigfberg , de Francfort &
de Duisbourg , & explique par
confequent en peu de mots
une fi heureuſe circonftance
de fa grandeur ; outre que ce
Novi fontis , renferme encore
un fens nouveau & particu .
lier par rapport à la Ville de
Halle même, foit qu'on regar
de les Salines , ou le College
qu'elle a de tout temps ; car
GALANT. 177
-
le Lecteur s'en fouvenant eft
agréablement furpris de voir
que ce Novi eft opposé àfon .
tibus antiquis , & trouvera
encore par confequent avec ,
plaifir cette finguliere égalité
de la Ville avec le Parnafle ;
fçavoir , que comme le Par
naſſe avoit déja une fontaine
Caftalis , & que Pegaze en fit
une nouvelle nommée Hippocrene
fur l'autre fommer ,
hujus Bijugi montis , de même
la Ville de Halle avoit efté
augmentée d'une nouvelle
fontaine , & d'une Univerſité,
aprés avoir poffedé longtemps
178 MERCURE
fontes antiquos , des Salines
& un College .
Outre la Medaille dont je
viens de vous parler , on frapa
auffi un Jetton , qui fut jetté
parmy le peuple le jour de la
dédicace de l'Univerfité de
Halle . On voit fur la face
droite de ce Jetton le Chifre
de Sa Serenité Electorale , &
la gauche reprefente en racourcy
le revers de la grande
Medaille .
On a auffi frapé une Medaille
pour Monfieur le Prin
ce Electoral de Brandebourg,
afin de faire voir les grandes
GALANT. 179
༢༧
efperances que l'on conçoit
de la jeuneffe de cè Prince.
Pour les bien reprefenter on
a choifi un jeune Aiglon , qui
de fon nid , fitué fur un rocher
élevé , regarde fixement le
Soleil en tournant la tefte vers
cet Aftre , avec ces mots ,
Patrios jam concipit ignes.
On ne pouvoit reprefenter ce
Prince par aucun fimbole qui
luy fuft plus propre , l'Aigle
qui eft fouvent le fimbole des
grands Princes , faifant auffi
les Armes de Brandebourg &
de Pruffe. On trouve outre
cela la jeuneffe reprefentée
180 MERCURE
*
dansla
Medaille
par
celle
de
l'Aiglon
, le
lieu
de
fon
édu
cation
,
c'est
à
dire
le
Palais
Electoral
par
le
nid
; enfin
la
grandeur
&
la
nobleſſe
de
fon
augufte
Maiſon
par
l'élevation
du
rocher
.
Cet oifeau n'eft pas repre
fenté comme
recevant par
hazard la lumiere du Soleil ;
mais on luy donne une attitu
de qui marque un propos déliberé
de regarder cet Aftre ,
& qui fignifie l'inclination
que ce Prince a pour les grag.
des chofes.
On peut auffi concevoir par
GALANT. 181
là les efperances que donne la
jeuneffe de ce Prince. Comme
les Aiglons en regardant le
Soleil prouvent qu'ils ne dégenerent
point de la vertu des
Aigles qui les ont fait naiſtre ;
ainfi Monfieur le Prince Electoral
donne par fon applica- .
tion à imiter les vertus de les
Peres , une parfaite affurance
qu'on verra briller en luy lé.
clat des vertus heroïques de
ſes Anceſtres.
Le mot Ignes dans l'Emiſtiche
latin, en exprimant
le naturel
des Aigles , fignifie auffi
une qualité propre à la Mai182
MERCURE
fon de Brandebourg , qui ,
comme on croit , a tiré fon
nom du naturel ardent & tout
de feu du Fondateur Brennus.
1
Le mot de Patrias détermi
ne les feux dont il s'agit dans
la Medaille , en difant que ce
font les feux de fes Anceftres ,
& ce même mot a tant d'éner
gle, qu'outre cela , il peut eftre
heureufement appliqué à Son
A.E.
Les difpofitions heroïques
de Monfieur le Prince Electoral
, & les eſperances qu'elles
fontnaiftre ne pouvoient gueGALANT.
183
re eftre appliquées plus modeftement
, ny d'une maniere
qui convint mieux au ſujet,
que par ces mots Jam concipit,
car on n'envifage pas encore
les difpofitions , comme une
perfection entiere , mais on
les confidere telles que ce
Prince les poffede aujour
d'huy , & comme des acheminemens
à une parfaite imitation
des vertus de fes Anceftres.
C'est ce que le mot de concipit
exprime fort bien . Les
Latins ont accoûtumé de fe
fervir de ce terme lors qu'il
184 MERCURE

s'agit de l'efperance. Ainfi ce
mot en parlant des feux que
conçoit le jeune Prince dont
je vous parle , fait auffi fentir
l'efperance que la Cour de
Brandebourg conçoit de fes
inclinations heroïques. Ce
Prince en eft en partie rede
vable à M' le Comte de Doná
,fon Gouverneur , Miniſtre
d'Etat & Lieutenant General
des Armées de Sa Serenité
Electorale de Brandebourg.
Jamais homme n'a efté plus
capable de l'inftruire , fur tout
ce qui regarde la guerre , & le
gouvernement de l'Etat , & il
GALANT 185
Tent
OC C17 100 10
a
y a fi bien reüfi jufqu'à preque
ce Prince fair à juffe
titre , l'efperance & les delices
de tout le Brandebourg. On
lit ces mots dans l'Exergue de
la Medaille qui le regarde, Au
gufta fpei que les Anciens appliquoient
autrefois aux Princes
deftinez à fucceder à leurs
Empereurs , ce qui donne à
cette Medaille un air d'Antique,
& repreſente de plus fort
exactement tout ce qu'on peut
exiger dans un fymbole , de
Monfieur le Prince Electoral
Brandebourg. Ces Medailles
Mars 1700,
186 MERCURE
ainfi que celle que je fis gra
ver le mois paffé , font du même
M de Beffer dont je vous
ay déja parle , & dont la modeftie
ne fçauroit fouffrir aucuns
éloges .
On a auffi frappé une
Medaille pour Madame l'Electrice
de Brandebourg . Elle
elt de l'invention de M¹ Spanheim
, Envoyé de Son Alteffe
Electorale à la Cour de France
. Le Bufte de cette Princeffe
eft d'un cofté , & elle y paroift
de l'autre accompagnée d'un
petit Amour. On y lit les pa
roles fuivantes :
LH
-D
RFALTZ
CONCIPI
PATRIS
LAM
AVGVSTA SPEL
IGNES.
&
.co
M
GALANT. 187
Inunafede morantur, Majestas ,,
& Amor.
On ne peut regarder cette
belle Princeffe fans y remar
quer tout ce qu'une douce
majeſté a de plus ébloüiffant ,
& tout ce que l'Amour a de
plus piquant. Ainfi cette Prin
ceffe eftantfur fon Trône , on'
peut dire que l'Amour & la!
majefté le rempliffent en mê
me
temps.
Je devrois vous parler en
core d'une autre Medaille fra
pée à Berlin , dont le Sçavant !
M. de Cramer eft l'Auteur:
Elle a efté faite , ainfi que celle-
Qij
188 MERCURE
dont je vous ay déja parlé pour
l'érection de l'Univerfité de
Halle , & fait connoiftre que
cette Univerfité a efté fondée
pendant la guerre , ce qui
eft fort glorieux pour Son A.
Electorale de Brandebourg,
& ce quifait voir que ce Prince
a travaillé au bien de ſes Sujets
, dans un temps où les
Souverains doivent plutoft
demander que donner àleurs
Sujets.
Le Samedy 13. de ce mois
la Communauté des Imprimeurs
& Libraires de Paris ,
GALANT. 189
fit celebrer un Service (olemnel
, pour feu M' le Chancelier
Boucherat , comme Protecteur
des Lettres & des
Sciences , dans l'Eglife des Peres
de la Redemption des
Captifs , appellez communement
Matharins. Elle eftoit
tenduë de drap noir juſqu'aux
voutes , avec une repreſenta
tion élevée fur une eftrade de
plufieurs degreź , & entourée
de quantité de cierges aux Armes
de Boucherat le tout fous
un haut Dais fufpendu . M ' le
General de l'Ordre celebra la
Meffe, qui fut réponduë par
190 MERCURE
un Choeur des meilleurs Mufi
ciens ,fous la conduite de M
Campra , Chanoine de Saint
Jean le Rond , & Maiſtre de la
Mufique de Nôtre Dame.
Les Parens de feu M le Chan“
celier s'y trouvérent , avec un
grand nombre de Perfonnes
de Qualité.
Dame Sufanne de Beau
dean de Parabere , Fille aînée
du Comte de Neüillan , Gou
verneur de Niort , & Veuve de
Philippe de Montaut de Benac
, Duc de Navailles , Ma
réchal de France , Chevalier
GALANT. 19t
des Ordres du Roy , mourut
le 15 du mois paffe , âgée de foi
xante & quatorze ans , aprés
avoir fort longtemps fouffert
d'une hydropifie formée . Sa
vertu parut dans fa violente
maladie , & fa fermeté à s'eftre
toûjours attendue de mourir ,
aprés s'eftie munie de tous les
Sacremens qu'elle demanda
fans aucun danger preffant , &
qu'elle reçut avec une édification
exemplaire . Elle avoit
efté Dame d'honneur de la
Reine , & avoit eu de fon Ma.
riage feu M' le Marquis de
Montaut, mort fansalliance ;
192 MERCURE
feue Madame l'Abbeffe de
Sainte Croix de Poitiers ; Madame
l'Abbeffe de la Sauffaye;
Françoile de Montaut de Bè.
nac , Veuve de Charles de Ler.
raine , Duc d'Elbeuf, Pair de
France , Gouverneur de Picardie
, dont elle a deux Princef.
fes ; feue N. de Montaut de
Benac , Veuve de feu Mle
Marquis de Rothelin , Enfei
gne des Gend'armes de la Gar
de du Roy , mort des bleflures
reçues au Combat de Leu
ze ; & N. de Montaur de Benac
, mariée à M' le Marquis
de Pompadour & de Laurieres,
Senefchal
?
GALANT. 193
Seneschal de Perigord. Feue
Madame de Rothelin a laiffé
M le Marquis de Rothelin ,
Colonel du Regiment d'Ar .
tois , Alexandre d'Orleans de
Rothelin , & deux Filles , dont
l'une a époulé Charles Martel,
Comte de Clore , Fils de feu
M' le Comte de Clere , Chevalier
des Ordres du Roy , &
l'autre a efte mariée à M' le
Marquis de Briquemaut.
La Terre & Vallée de Beau .
dean dans les Monts Pirences
en Bigorre , a donné le nom à
la Maifon de Beaudean , que
l'ontient eftre iffuë de la race
Mars 1700. R
194 MERCURE
des anciens Rois de Navarre.
La Branche aînée de la Maifon
de Beaudean , eft tombée
dans celle de Momas,une des
plus anciennes de Bearn . La
puifnée qui eft celle de Para
bere, s'eft continuée . Simon
de Beaudean , S " de Parabere
& d'Aux , Confeigneur de Rabafteins
, Seneschal de Bigor.
te , eut de Françoife de Momas
faFemme,Arnaud Guilles
de Beaudean , Seigneur de Parabere
, Confeigneur de la Vil
le de Rabafteins , Fils puifné ,
qui épousa Chriftine d'Andoins
, dont il eut Louis de
Beaudean , Seigneur de ParaGALANT.
195
bere, Colonel d'un Regiment
d'infanterie au fervice des
Rois de Navarre , & tué au
Siege de Pampelune , ceux de
cette Maiſon ayant toujours,
efté attachez aux Rois de Na
varre, qui leur faifoient l'honneur
de les traiter de Coufins
en leur écrivant . Il laiffa de
Catherine du Four Bernard
de Beaudean , Seigneur de
Parabere , qui de Jeanne de
Caulios , dont les deux Freres
furent tuez au siege de Metz
en 1552. eut Pierre de Beau .
dean & Jean de Beaudean.
Pierre de Beaudean , Seigneur
Rij
196 MERCURE
de Parabere , Gouverneur de
Beaucaire , homme d'un merite
fingulier , fut aflaffiné à
Beaucaire . Un Hiftorien de
ce temps . là rapporte les motifs
de cette action , & la maniere
dont elle fe paffa . Il ne
fut point marié. Jean de Beaudean
, Comte de Parabere ,'
Marquis de la Mothe - Sainte
Heraie , Seigneur de S. Sauran
& de Roche , Chatelain de la
Roche Rufin , de Salles & de
Fougerai , Lieutenant General
des Armées du Roy , & feul
Lieutenant general du haut &
bas Poitou , fut toujours fidel,
lement attaché au Roy HenGALANT.
197
ry IV . qu'il fervit dans toutes
Les expeditions. Il fut honoré
de la bienveillance de ce Prince
, qui luy donna les deux
Lieutenances generales de la
Province de Poitou , qui furent
réunies en fa perfonne , ayant
efté feparées jufqu'à luy.comme
elles l'ont encore efté depuis.
Il mourut dans un âge
fort avancé , peu de temps
aprés s'eftre fait Catholique , &
avoir efté nommé Maréchal
de France par Brevet de Sa
Majefté. Il fut marié avec
Louiſe de Giliers , Veuve de
François de Sainte - Maure de
Riij
198 MERCURE
Montaufier , dont elle avoit
eu Leon de Sainte Maure , Pe
re de Charles de Sainte Maure,
Duc de Montaufier , Pair de
France , Gouverneur de Mon
feigneur le Dauphin . Du mariage
de Jean de Beaudean ,
Comte de Parabere , avec
Louiſe de Giliers , nâquirent
Henry de Beaudean , Comte
de Parabere , & Charles de
Beaudean , Comte de Neüil .
lan. Henry de Beaudean ,
Comte de Parabere , Chevalier
des Ordres du Roy , Marquis
de la Mothe Sainte He
raie , Baron de Pardeilhan ,
Seigneur de Caftelnau , d'Eau,
GALANT. 199
zan , de la Fortelle , & de Roche
, Gouverneur de Poitou ,
Lieutenant general des Provinces
& Pays d'Angoumois ,
de Xaintonge , Aunis & Ja
Rochelle , Gouverneur des
Villes & Citadelles de Coignac
, d'Eauzan & de Manciet,
fut marié à Catherine de Pardeilhan
- d'Armagnac , Fille
& heritiere de François Jean-
Charles de Pardeilhan d'Armagnac
, Comte, Seigneur de
Danjas , Baron de Pardeilhan ,
Seigneur de Caftelnau d'Eau .
zan , de la Forcelle , de Neflela
Gilberde , de Villeberde , &
Riiij
200 MERCURE
de la Barrere , Capitaine de
cinquante hommes d'armes
des Ordonnances du Roy ,
Confeiller en fes Confeils
d'Etat & Privé , Meftre de
Camp du Regiment de Guienne
, Gouverneur d'Eauze & de
Manciet , pays d'Eauzan , bas
Armagnac , & Rivierre baffe,
& de Jeanne de Monceaux de
Tignonville , Dame d'honneur
de Madame la Ducheffe
de Bar , Soeur unique du Roy
Henry IV.
Catherine de Pardei hand'Armagnac,
Femme de Henry
de Beaudean , Comte de
GALANT 201
Parabere , a efté la derniere
de la Maifon d'Armagnac ,
iffue des anciens Ducs de Gafcogne.
Cette branche portoit
le nom de Pardeilhan avec
celuy d'Armagnac , fuivant la
convention du Contrat de
Mariage de Roger d'Arma
gnac avec Sclarmonde , Fille
& heritiere de Bertrand Ba
ron de Pardheilhan , & de Sibore
, Vicomteffe , de Julliac.
Roger d'Armagnac eftoit fils
puifné de Gaſton d'Armagnac
, Viomte de Fezenfaguet,
& de Valpurge de Rhodez ,
& Petit fils de Geraud Comte
202 MERCURE
d'Armagnac , & de Mathe de
Bearn.A
Du mariage de Henry de
Beaudean , Comre de Parabe.
re,& de Catherine de Pardeil .
han, nâquirent Jean de Beau.
dean , Comte de Parabere ,
Marquis de la Mothe Saint-
Heraye , Premier Baron d'Armagnac
, Baron de Montaut ,
de Pardeilhan , & de Grammont
, Lieutenant General du
Haut Poitou , mort le 12 Mars
1695 fans enfans , d'Henriette
de Voifins de Montaut
, fa
premiere Femme , ny de Françoiſe
de Sancerre , qu'il avoit
GALANT. 203
époufée en fecondes Noces ;
Alexandre de Baudean . Comte
de Pardeilhan , a continué
la Pofterité. Philippe de Beau
dean , Chevalier de l'Ordre
de Saint Jean de Jeruſalem ,
tué au Combat de Retime ,
dans le Bataillon de Malte , au
fecours des Venitiens. Cefar
de Beaudean , Abbé de Saint
Vincent de Mets , de la Reole
en Bigorre , & de Noyers ,
mort Charles Louis de Beaudean
, mort fans alliance . A
chille , Chevalier de Malte ,
mort. Henry , Capitaine de
Cavalerie dans le Regiment
204 MERCURE
Meltre de Camp general ;
mort fans alliance . Loüife de
Beaudean , mariée à David
Comte de Souillac , Marquis
d'Aferac , & de Caftelnaud'Eauzan
, Seigneur de Rouffi .
gnac , iffu des Comtes de Tu .
renne & de Quercy , fortis de
même rige qui W:fred Com .
te de Bourges , duquel ma .
riage vinrent Madeleine de
Souillac , mariée à Louis de
Narbonne , Comte de Clermont
, dont elle n'a laiffé qu '
une Fille , & Jacques Loüis de,
Soüillac , marié à Role de Pu
jol , dont il a laiffé Jacques.
GALANT. 205
·
Jofeph Augufte , Marquis
d'Aferac , & de Cattelnau
d'Eaulan , Baron de Caixon ,
& Louiſe de Souillac , morte
en 1686. fans avoir efté ma .
riée . Catherine Berenice de
de Beaudean , mariée à Louis
Bouchard d'Aubeterre , Mar
quis de Saint Martin , Seigneur
de Solles , iflu d'un Puifné
des Vicomtes d'Aubeterre,
delcendus de Seigneurs de
l'ifle Bouchard , dont elle euc
Henriette Bouchard d'Aube.
terre , mariée à Louis d'Elparbez
de Luſſan , Marquis d'Au .
beterie , Charlote de Beau206
MERCURE
dean , Abbeffe de la mothe, &
Catherine Religieufe à la мothe.
Alexandre de Beaudean ,
Comte de Pardeilhan & de
Parabere, Baron du petit Château
de Vourans , Seigneur de
la Rouffeliere - Rouhault
d'Antigni , de Bazoges , & de
la Foffe , Lieutenant General
des Armées du Roy , & cydevant
Lieutenant general
dans le Bas Poitou , a époulé
Jeanne . Thereſe de Mayaud ,
dont il a eu Jean - Henry de
Beaudean , Comte de Parabere
, Capitaine de Cavalerie
GALANT. 207
dans le Regiment du Roy ,
mort à Namur en Décembre
1692. Cefar Alexandre de
Beaudean , Comte de Parabe
re , à prefent Capitaine de Ca
valerie dans le Regiment du
Roy, Alexandre de Beaudean,
dit le Chevalier de Parabere ;
Henry de Beaudean , Sclar
monde de Beaudean , Reli
gieufe Ordre de Fontevraud ,
au Convent de Cerifiers
Henriette Dorothée de Beaudean
, & Marie de Beaudean ,
Religieufes à Sainte Croix de
Poitiers , & Jeanne . Thereſe ,
Religieule à Cerifiers.
;
208 MERCURE
Charles de Beaudean , Com
ie de Neüillan , Seigneur de
Saint Sauran , la Roche- Ruf.
fin , Sainte Souline , & des
Moulieres , Confeiller du Roy
en fes Confeils d'Etat & Privé,
Capitaine de Cinquante hom.
mes des Ordonnances , Goùverneur
de la Ville & Chafteau
de Niort , fils puiſné de
Jean de Beaudean , Comte de
Parabere & de Louiſe de Giliers
, époufa Françoiſe de Tiraqueau
, Veuve de N. du Puidu
-Fou , Seigneur de la Severie
, dont elle avoit eu Françoile
du Pui du Fou , mariée à
GALANT. 209
Hilaire , Marquis de Laval de-
Lezay , Aîné de la Maifon de
Laval , dont elle ne laiffa point
d'enfans. Du mariage de Charles
de Beaudean, & de Françoi
fe Tiraqueau, vinrent Charles
de Beaudean , Gouverneur de
Niort , tué à la Bataille de
Lens Capitaine de Cavalerie,
fans avoir efté marié , Sufanne
de Beaudean , Ducheffe de
Navailles qui vient de mourir,
& Angelique de Beaudean ,
mariée à Charles , Comte de
Froullé , Chevalier des Ordres
du Roy , & Grand maréchal
des Logis de la Maiſon de Sa
Mars 1700.
S+
210 MERCURE
Majefté , dont elle laiſſa feu
M' le Comte de Froullé , Lieutenant
de Royau Pays du mai .
ne , & Enfeigne des Gend'armes
de la Garde , M's les Chevaliers
de Froullé , & deux Filles
, l'une mariée à m' de Breteuil
de Mons , & l'autre à M
le Baron de Breteuil , Introducteur
des Ambaffadeurs.
Madame la Ducheffe de
Navailles dont je vous aprens
la mort , a fait pour cinquante
mille livres de legs pieux , tant
à fa Paroiffe qu'aux pauvres
de fes Terres . Elle a fondé un
Hôpital dans fon Comté de
GALANT. 320
Saint Sauvant en Poitou , &
plufieurs Chapelles au Duché
de la Vallette, & au Marquifat.
de Debenac, & Baronnie de
Boucart Quelque modeftie
qu'elle ait ordonnée pour fon
Enterrement , cent pauvres
avec chacun un flambeau ,
l'éclairerem depuis fon Hoſtel
jufqu'à l'Eglife de S. Sulpice
fa Paroiffe , dont le Cure , précedé
de fa Communauté des
plus nombreuſes , vint lever
le corps dans une grande Salle
tendue dé deuil fans aucu
nes Armoiries , mais tres- illuminée
, où elle fut expofée
Sij
212 MERCURE
fur fon Litde parade ,fous un
riche poële , avec la Courone
Ducale , cachée par un voile
de crefpe. De l'Eglife de Saint
Sulpice le corps fut tranſporté
en celle des Jacobins du Fauxbourg
Saint Germain , où elle
avoit deftiné la fepulture de
Mi le Duc fon Epoux , la fienne,&
celle de oute la Famille,
& où elle a fait faire un beau
& riche Maufolée derriere le
maiftre Autel , qu'elle avoit
auffi fait faire quelques années
aprés la mort de M' le Maréchal
fon Epoux ; dont le corps
fut tranfporté le même jour
GALANT. " 213
A
des Capucins du Fauxbourg
Saint Jacques , où il eftoit en
dépoft depuis le 6. Février
1684 ainfi qu'elle l'avoit fouhaité
, afin qu'il fut uny en
même temps avec le fien , ce
qui fut executé entre neuf &
dix heures du foir ; & leurs
coeurs furent auffi portez dans
le même inftant aux Carme
lites du même Fauxbourg
Saint Germain , où elle a fait
faire une piramide tres- magnifique.
Le même jour 15. Février
mourut Dame Elizabeth-
Louiſe de Villérs dans fa
214 MERCURE
Terre d'Aurolles en Bourgo
gne , âgée de foixante & dix
ans . Elle eftoit Veuve de Mel .
fire Edme de Moreau , Seigneur
d'Aurolles , Pont du
Bar , & de Jauge en partie.
Cette Dame d'une vertu &
d'une charité exemplaire , é
toit d'une ancienne Maiſon de
Flandre , qui poffedoit en 1402.
le Chafteau de Villers ,fitué entre
Lifle & Armentieres , & qui
vint s'établir en France en
1540. où elle s'eft alliée à
beaucoup de Familles de No.
bleffe diftinguée . Ses Armes
ſont de fable à trois Lions d'ar
GALANT. 215
gent 2. 1. écartelées de l'alliance
de la Vienville.
Cette mort a efté fuivie de
celle de Dame Marie Madeleine
de Bautru , Veuve de
Meflire Edouard , François
Colbert ', Commandeur des
Ordres du Roy , Comte de
Maulevrier , Baron de la Fró.
gerie , Seigneur de la Foreftearie
, la Charte bouchere , Villepreux
, la Hayebergerie , &
autres lieux , Capitaine des
Moufquetaires du Roy , &
enfuite Lieutenant general
de fes Armées , Gouverneur
des Ville & Citadelle de Tour.
216 MERCURE
nay & Tournefis . Elle eftoir
Fille de Guillaume de Bautru ,
Comte de Serrant , Confeiller
ordinaire du Roy en les Confeils
, Chancelier , Garde des
Sceaux , & Chefdu Confeil de
Monfieur Frere unique de Sa
Majefté , mort en 1665. & de
Marie Bertrand de la Baziniere
, decedée en 1655. M ' Col.
bert de Maulevrier
fon Mary ,
eft mort en May 1603 leftoit
Frere de M' Colbert,Miniftre
d'Etat , & Controlleur general
des Finances. Madame de
Maulevrier
laiffe pour enfans ,
François - Edouard Colbert de
Maulcyrier
GALANT. 217
Maulevrier , Colonel d'un Re .
giment d'Infanterie , qui a
époufé N. Froulay de Teffé ,
Fille de M ' le Comte de Teffé,
Chevalier des Ordres du Roy,
Lieutenant general de fes Armees
; Henry Colbert , Chevalier
de Malte ; & Marie-
Therese Colbert , Epoufe de
Jacques Eleonor de Rouxel
de Médavy , Comte de Grancey
, Maréchal des Camps &
Armées du Roy , & Gouverneur
de Dnnkerque
.
Je vous ay parlé en plufieurs
rencontres de m ' le Marquis
d'Aronchez , Prince Senefchal
T
Mars
1700 .
218 MERCURE
de Ligne , Ambaſſadeur
Extra:
ordinaire du Roy de Portugal
à la Cour de l'Empereur
. Je
ne me fuis pas trompé dans
lidée que je vous ay donnée
de luy , & de l'affaire qui luy
eltoit arrivée à Vienne . Cette
grande affaire vient d'eſtre
décidée à la Meza de Conciencia
, où le décident en Por
tugal toutes celles qui font
de cette importance . Ce Tribanal
a prononcé ſouverainement
& en dernier reffort fur
us les chefs de l'accufation
que les Paren's du feu Comte
d'Alvey avoient voulu jetter
fur м le Marquis d'Arónchez
,
tous
GALANT. 219
Sa Majesté Imperiale n'a jamais
voulu eftre dans cette affaire
ny Juge ny Partie. Elle
s'eft contentée d'écrire au
Roy de Portugal ce qui eftoit.
arrivé à Vienne , fans y prendre
aucun parti , & de luy envoyer
les plaintes des Parens
& le Memoire des preuves &
des Témoins d'une elpece
d'information faite de leur
chef, fans aucune forme dé
Juftice . Ce font là les feules
pieces qui ont efté produites
dans ce grand Procés. La Me
zales a examinées dans toutes
leurs circonftances. Elle
}
Tij
220 MERCURE
fat voir d'abord la nullité
des preuves & l'infuffifance
des Témoins . Aucun de ceux
que l'on cite n'eft irreprochable
, & ce qu'ils declarent
ne charge pas plus l'Accufé
qu'un autre ; cette dépofition
d'ailleurs n'ayant rien de legal
ny de juridique. La Meza
entre enfuite dans le peu de
rapport qu'il y a entre la plain-.
te des Parens & ces Informa .
tions faites fans aucune forme.
Les faits n'y font pas conformes
, &les allegations s'y con
tredifent dans les circonftances
, comme la Meza le fait
GALANT. 221
voir dans le difpofitif de fon
Arreft . Ce Tribunal , aprés
s'eftre -inftruit de tout le détail
de cette affaire , prononça
enfin le 4. du mois paffé , &
déclara m ' le Marquis d'Aron .
chez libre & abfous de toure
accufation Le Juge des Chevaliers
en avoit connu en premiere
Inſtance , & en avoit
porté le méme Jugement ;
mais depuis quelques mois ce
même Juge avoit donné une
feconde Sentence, qui n'eftoit
pas auffi favorable à l'Accufé .
On en avoit appellé à la Meza ,
& le Promoteur y avoit ren-
Tiij
· 222 MERCURE
voyé la décifion du fecond
fait qui regardoit la prétenduë
defertion de l'Ambaffade. Ily
avoit de plus un ordre exprés
du Roy de prononcer fur l'accufation
du crime ; mais cet
ordre ne parloit point de cette
défertion. La Meza auſſi en
caffant & revoquant la derniere
Sentence du Juge des
Chevaliers , déclare que c'eſt
mal à propos que le Promoteur
fait mention de ce que
cet Ambaffadeur
avoit quitté
fonEmploy. La Meza fait voir
par des raifons convaincantes
qu'en bonne politique un
GALANT.
223
homme de ce rang & de ce caractere
, ne devoit & ne pouvoit
pas en ufer autrement.
Elle entre dans le détail des
infultes manifeftes dont on le
menaçoit, & elle conclut que .
cet Ambaffadeur , s'il ne s'eftoit
retiré , auroit expofé la dignité
de fon caractere , & l'autorité
du Roy fon Maiftre. Le peuple
de Vienne en fureur , excite
par quelque efprit feditieux ,
alloit infulter l'Ambaſſadeur
dans fon Hoſtel , Ce Miniſtre
voyoit bien que , fi l'infulte
eftoit tombée fur la propre
perfonne , il mettoit le Roy
Tiiij
224 MERCURE
fon Maitre dans l'obligation
d'en demander une vraye réparacion.
La Meza conclut
donc qu'il a eu raiſon de fe
dérober à la fureur du peuple,
& qu'il en aufé avec prudence
quand il eft forti de Vienne ,
pour ne pas rendre le mal plus
grand. Ainfi m' le Prince Senefchal
de Ligne eft juftifié
dans tous les chefs . Il eft en
Portugal tout ce qu'il y eftoit
auparavant. Il n'avoit pû fe
refoudre d'y paroiftre en criminel.
Les gens d'une naiffance
auffi illuftre que la fienne
ne font pas faits pour don
GALANT. 225
paner
ny pour foûtenir de
reilles idées. Tous ceux qui
ont porté ce grand nom , en
ont donné de bien oppofées à
celles là. M¹ le Marquis d'Aronchez
eft donc rappellé à la
Cour de Portugal pour y joüir
de tous fes privileges
, & pour
baifer la main du Roy.
Vous ne ferez pas fâchée
d'apprendre les dernieres
nouvelles qu'on a cuës de
Perle.
226 MERCURE
D'Hamadanle 6 Aouft 1699.
Na écrit de Spaham
que le Grand Sofy y a
fait une reception magnifique
à l'Archevelque d'Ancyre ,
Ambaffadeur du Fape , & de
l'Empereur , lequel celebra
Pontificalement le jour de S.
Pierre dans la belle Eglife des
Peres Jefuites,avec un figrand
concours qu'on ne pouvoit s'y
mettre à genoux. Ce Prelat
va toûjours accompagné de
deux Trompettes , faifant por
ter devant luy deux EtenGALANT
. 227
darts , l'un du Pape , l'autre de
l'Empereur, & la Croix élevée.
Le Sofy l'a déja regalé en trois
divers lieux , une fois de jour ,
& deux fois de nuit. L'une de
ces feftes fut folemnifée dans
une des Maiſons de plaifance
de Sa Majesté , avec illuminations
& feux d'artifice . Dans
la derniere Audience il eur
une Conference fecrette avec
Sa Majefe , de plus d'une heu-
⚫re & demie.
L'inondation du fleuve de
Spaham a efté fi grande au
Printemps , qu'elle a ruiné un
Pont , appellé des Mariniers ,
228. MERCURE
& abbaru plufieurs mailons
du grand Fauxbourg de Zulpha.
Un grand Elephant du Sofy
eftant devenu enragé , Sa Ma
jefté ordonna qu'on s'en défift
il s'enfuit dans l'eau , & en
fortant il ruina vingt Bouti
ques , & fut enfin tué par
dou.
ze Fuzeliers , dont chaque fu
zil eftoit chargé de quatre
bales . Le Sofy a fait emplir fa
peau de foin , & l'a fait mettre
dans fon Serrail.
Les Perlans difent qu'ils
ont bien battu le Prince Curde
Solyman Beigh , & qu'ils
GALANT. 229
l'ont obligé de fuïr vers les
Turcs , ayant même envoyé
beaucoup de teftes à Hifpahan.
Ils ajoûtent que leurs
Troupes font entrées dans fon
Pays , où elles ont mis tout à
feu & à fang , fans diftinction
d'âge ny de fexe-
Voicy les noms des Chevaliers
de Saint Louis , qui furent
faits le 21. du mois paffé. S'il
en manque quelques - uns
c'eft en petit nombre . Je les
mets fans aucun rang, & fans
les diftinguer par les qualitez.
Il peut y avoir à quelques uns
230 MERCURE
des lettres mifes pour d'au
tres , à quoy ceux qui les connoiffent
n'auront pas de peine
à fuppléer.
MESSIEURS ,
Le Marquis d'Alegre.
Du Peré. L
De Gouffier.
Comte Deftain.
Camus de Mortin .
Le Comte de la Mothe.
Gebaudiere .
Haumont.
Fonboifard.
Chartogne.
Varetines .
Chevalier de Plancy.
GALANT 231
Marquis du Chatelet .
La Noüe de Vayer.
Dhicry.
Sery.
Thoy.
Princé.
Du Cambout.
Macqueville.
Du Frefne
kan
Marquis de Crequy .
La Javie.
Lecuffan
.
Belfunfe .
Marquis de Rouville,
Marefcot
.
Gaffart .
Villiers.
232 MERCURE
Comte de Gacé.
Bondy.
Moulineaux.
Dauriac.
Chevalier de Sainte - Maure.
Poinſegur.
Belcourt.
Jolly.
Sainte- Hermine.
Dangofle.
Efclainvilliers.
Vantelet.
Seiguier.
Caftejat.
Barbefieres.
Courtebonne.
Marivaut.
GALANT. 233
Raudor.
Fouville.
Marquis de Biffy.
Comte d'Aubeterre.
Boulenne.
Grandvilliers.
Clerac de la Mafmie.
Margou.
Bouleville.
Dolive.
D'Houdreville.
Puyrobert.
Chavenne.
Mars.
Baudot.
Planque.
Fonteville.
Mars
1700.
224 MERCURE
La Bretoche .
Tournevire .
Prades .
La Foffe.
Du Montet .
LaLane.
Taradelle.
Danglure.
Du Tot.
Defmareft.
Cocq Fontaine .
Joffreville.
Muſcat.
De Selve .
Dorgemont.
Valliere.
Digulville,
GALANT 235
De Suarts..
Sulskemberg.
Tonteros.
Bernard.
Bourneuf.
Eſtagnot .
Chevalier d'Arcy.
La Boulaye.
Labbé.
Villars.
Sainte Croix .
Legalle.
Saint Victor.
Ville Sablon, innote a ni
Chamlin
.
Du Diffand.
Le Bar.
Vij
236 MERCURE
Darguet.
La Touche.
Vaubenard.
Montplaifir.
Loëmaria.
Gravezon.
Gevaudan .
Saint Loup.
Saint Pierre.
La Souche de Cheyladet.
Coulanges.
Dolet.
Vraigne.
La Bretonniere.
Peyrat.
Tourville.
Peyrand,
GALANT 237
LaLande.
De Fillh.
Cuvilly.
Streiff de Seveiftins.
Chevalier de Nelle.
La Favrière.
Vadeüil.
Lallier.
Imeçourt.
Du Bourguet.
Chenevriere.
Dormoy.
Montbriffon.
Roifor,
Du Sran .
Hauterives.
Du Tronquoyganla
238
MERCURE
Chevalier de Bauni.
La Comelaye.
Montgeorges.
Bragelongne .
La Fond,
Dupuy.
Peyrat.
Du Barail.
De Felh .
Feneftrange.
Sainte - Marie.
Saller.
Du Terrat.
Delbrangeries.
་ ། "
7
Des Perriers Saint Marc.
Chevalier de Reinfort,
Champercantenoit #G
GALANT. 239
Deloze.
Chevalier de Genne.
Grandmaifon .
Buzelet.
Barkeval.
Chevalier du Montel.
Darnaud.
Brendelet.
Stoppe.
Caftella .
Travers,
De f'lfle.
Cales.
Chevalier de la Fare.
Ferrand .
·
Baron des Viviers. T
Du Tronchotang A¿Q
240 MERCURE
Tournefort du Livier.
Bremon .
La Chaſtaigneraye.
Maifoncelle.
De Langé.
•Montplace .
Sazy.
La
Bruyere.
Marcognet
.
Caixon-
Du
Boquet.
Joubert
.
Bara .
Villars.
Villebroffe.
Breteüil..
Des Arennes.
La
GALANT. 24?
La Mothe.
La Lande.
Des Fourneaux .
Chevalier de Guignes.
Des Treffe .
Chevalier de Teffé.
Saint Simon .
Briçonner .
Dalanzy.
Crefmay.
De France.
La
Rocque.
La Surier.
Baron .
Miquet.
Saint Louis .
La Combe.
Mars 1700. X
242 MERCURE
Valory.
Robert.
Girval.
Curten , Colonel Suiffe.
Courten .
Greder .
Werdt , Capitaine Suiffe.
Ximenes.
Marquis de Montrevert.
Marquis de Clerambault.
Caftan.
Delville.
Balivier.
Marquis de Praflin .
De Cliffon.
La Fouriere.
Durban.
GALANT. 243
Mr le Gendre , Chanoine
de l'Eglife de Paris , a entre
pris de nous donner l'Hiſtoire
entiere de tous nos Rois.
On a fujet d'attendre beaucoup
de luy par l'application
que l'on voit qu'il a , à
rechercher tous les faits qui
font de quelque importance.
Il a commencé par le regne
des Rois des deux premieres
Races , qu'il vient de faire
paroiftre en trois volumes in
done. Quoy qu'il ſemble
que ce ne foit qu'un Abregé,
les évenemens ne laiffent pas
d'y avoir leur étendue à prox
ij
244 MERCURE
&
portion qu'ils en meritent ;
c'eft en quoy il eft eft fört a
eftimer. Son ftile eft clair &
ferré , mais quoy que précis ,
il ne life rien a fouhaiter
de tour ce qu'un Hiftorien ,
qui écrit une Hiftoire genera
le , y doit faire entrer . La le
ature de ces trois premiers
volumes donne de l'impatien
ce pour en voir la fuite , & il
n'y a rien qui convainque dá
vantage qu'on en eft conrent.
On les trouve chez le S ' Guignard
, rue S. Jacques , à lima
ge S. Jean .
On y trouve auffi deux au
GALANT.
245
tres petits Livres nouveaux ,
dont l'un eft intitulé , Inftru.
tion pour les nouveaux Catholi
ques , imprimé par l'ordre de
M l'Evêque de Mets . C'eft
un Catechilme un peu étendu
fur les principaux points de la
Religion , qu'on a divifé en
deux parties. La premiere ele
un examen des plus importans
articles de Foy des Proteftans
de France, dans lequel on leur
fait fentir qu'ils ne peuvent
apporter aucune preuve des
articles oppotez à la doctrine
de l'Eglile Romaine. La fe .
..
X ij
246 MERCURE
conde eſt un abregé des prins
cipaux points de la Doctrine
Catholique de l'Eglife Romai.
ne , que l'on prouve par l'Ecri
ture Sainte , ou par quelque
raifon folide .
L'autre petit Livre que debite
encore le S' Guignard , a
pour titre , Motifs de la converfion
de Madame la Marquife de
la Vienville en Bretagne. Cette
Dame ayant fait profeffion
ouverte de la Religion Ca.
tholique Apoftolique & Romaine
, au mois de Mars de
l'année derniere , un de fes
Amis qui l'avoit veuë entieGALANT.
247
rement enteftée de la Reli
gion pretenduë reformée,lur
pris d'un changement fi inopiné
, l'engagea à luy mander
ce qui l'avoit obligée à faire
Cette démarche. La Lettre
qui en contient les raifons ne
Içauroit faire qu'un tres bon
effet pour les nouveaux Ca,
tholiques , qui n'ayant peuteftre
encore qu'one foy chan
celante , pourront profiter des
lumieres que la mifericorde
de Dieu a communiquées à
cette Dame.
Le foin de bien élever les
Enfans eftant une des choles
Xij
248 MERCURE
les plus importantes de la vie,
les Peres & les Meres ont
grand intereft de lire une Dif
fertation qui vient d'eftre fai
te fur l'utilité des Colleges , on
les avantages de l'Education pu
blique comparée avec l'Education
particuliere. Ce petit Ouvrage ,
que debite le St le Clerc , Libraire
rue Saint Jacques, a efte
fait à l'occafion d'une Thele
qui fut foutenue en 1693. chez
feu Mile Chancelier Bouche
rat, par M ' Barillon de Moran
gis, fon petit Fils . Entre autres
Queſtions qu'on y agita , on
demanda quelle eftoit la meil
GALANT. 249
leure Education pour les En
fans , ou celle qui fe donnoit
I en public dans des Colleges ,
ou celle qui fe donnoit en par
ticulier dans les maiſons pa
ternelles. Aprés plufieurs cho
fes tres utiles dites pour &
contre , Mile Blond , Profef
feur de Philofophie au College
de la Marche , conclut avec le
fameux Quintilien en faveur
de l'Education publique , la
préferant de beaucoup à celle
qui fe donne en particulier,
Les raifons qui furent appor
tées alors de part & d'autre ,
font ramaffées dans ce petit
250 MERCURE
Traité , où l'on examine la
maniere de bien élever les Enfans
par
rapport à quatre
points principaux
, à la pieté,
au fçavoir
vivre , à l'étude &
à la fanté.
a
Le S Brunet , Libraire au
Palais , debite la feconde partie
du Livre intitulé L'honnefte
bomme le Scelerat , qui en eft
la conclufion. Ce fecond volu
me contient l'hiftoire de Ca.
copilte , où l'Auteur fait voir
routes les friponneries dont
un fcelerat fe trouve capable.
Cacopilte en fait le détail à
fon Parent Agathandre , qui

GALANT. 251
ayant toujours refufé d'acques
rir du bien par des voyes honteufes
& illicites , eft enfin
récompenfé de fa probité par
une bonne fortune , qui le
rend heureux , tandis que Ca
copifte accafé de tous coſtez,
voyant tous le crimes découverts
eft contraint d'abandonner
fon pays , & finit fes
jours miferablement , peine
qui ne manque point de fuivre
levice.
Il paroift un petit Livre.in .
titule , Le bon ufage du Tabac
en poudre , les différentesmanieres
de le préparer de le parfumer,
&
252 MERCURE
avec plufieurs chofes curieuses,
Quoy que l'Auteur ait entrepris
la défenſe du Tabac , qu'il
en faffe l'éloge , & qu'il en
approuve l'ufage moderé , il
y a mis la traduction de la cu
ricufe & fçavante Thefe qui
en condamne le frequent
uſage , & qui fut foutenuë
l'an paffé dans les Ecoles de
Medecine , par M' Berger,
Neveu de M' Fagon , premier
Medecin du Roy. Ce petit Livre
fe vend chez la Veuve
Quinet dans la grande Salle
du Palais , attenant le Bureau
du Tabac en poudre.
3
C
GALANT. 253
Au commencement de ce
mois , Monfeigneur , Monſeigneur
le Duc de Bourgogne ,
& Madame la Ducheffe de
Bourgogne , vinrent à la Foire
de S. Germain , & · êntrérent
dans les plus belles Boutiques
où ils jouérent beaucoup de
choles. Monfeigneur & Madame
la Ducheffe de Bourgogne
allérent enfuite voir les
Danfeurs de corde , qui font
cette année des chofes prodigieufes
. Monfeigneur le Duc
de Bourgogne ne les accom .
pagna point , & alla voir FO .
pera d'Atys. Madame la Da254
MERCURE
cheffe de Bourgogne fit
fit del
grandes liberalitez aux Pauvres
de cette Ville.
**
Ces Princes , & cette Prin.
ceffe ayant fait un fecond
voyage à Paris , quelques jours
aprés , vinrent defcendre au
Palais Royal , où Monfieur
leur fit yoir tous les Apparte
temens , qu'ils trouvérent ma
gnifiquement meublez & d'un
tres-bon gouft . Monfieur leur
donna un dîner avec la magnificence
qui eft ordinaire à ce
Prince. Ils allérent rous enfemble
l'aprefdinée chez le
fieur François Miroitier ruë
16
C
GALANT
255.
du Roule , où ils virent un
miroir des plus grands des
plus riches qu'on ait encore
vûs: Ils allérent enfuite chez
Madame le Brun , ruë de la
vieille Monnoye , où ils virent
beaucoup d'étofes & de
bijoux . Ilsy joüérent une fort
belle piece d'érofe eftimée
cent Pistoles , elle fut gagnée
par m ' le Marquis Durfé. On
alla au fortir de chez Madame
le Brun , chez le fieur d'Autel.
Monfeigneur y acheta deux
girandoles , & Madame la Ducheffe
de Bourgogne , un cabaret
, & plufieurs porcelai
I
562 MERCURE
nés. Ils allérent aprés chez le
frear d'Anet , ruë Dauphine ,
pour voir deux Luftres
dont le plus confiderable eft
eftimé cinquante mille livres.
On le rendit enfuite au Palais
Royal , où l'on trouva le
grand Appartement de Monfieur
éclairé , & l'on y joüa juf
qu'à huit heures , qu'on retourna
à Verſailles .
Le
troifiéme
voyage que
Madame la Ducheffe
de Bour
gogne a fait ce mois cy à Paris
n'a efté que pour aller voir ma
dame de la Valiere aux Carmelites
Les acclamations
furent
GALANT . 257
grandes dans tous les lieux où
paffa cette Princefle , & où
elle n'avoit point encore efté.
M le Marquis de Souvré
s'eftant démis volontairement
de fon Regiment , le Roy en
a donné l'agrément à м le
Marquis de Beringhen , & ce
Regiment portera dorefnavant
le nom de ce marquis.
left fort jeune encore, mais
il y a lieu d'en efperer beaucoup
, s'il eft aufli fage que
ceux dont il a l'avantage de
defcendre , & auffi brave que
feu m de Beringhen fon Frere,
qui fut tué d'un coup de Cas
Mars 1700 ,
Y
258 MERCURE
non au Siege de Besançon
en Franche - Comté Le Roy
avoit refolu de ne plus donner
l'agrément d'aucun Regim
nt , qu'à ceux qui auroient
fervi longtemps dans fes Armees
, mais on ne peut rien refuier
aux enfans dont on efti.
me les peces pour leurs fervi
ces , fur tout lorfqu'ils ont fait
élever ces enfans d'une maniere
à faire efperer qu'ils mar ,
cheront fur leurs traces .
J'ay oublié de vous appren
dre une mort arrivée dés le
mois paflé. C'eft celle de мeffire
Jacques Dominique d'EfGALANT.
259
tampes , Mai quis de Valençay,
de Fiennes , & autres lieux . Il
a fon Frere cadet , Chevalier
de malte . Ils font Petits fils
de Dominique d'Eftampes ,
Marquis de Valençay , & de
Marguerite de Montmoren
cy , Soeur de feu M ' le Maréchal
de Luxembourg , & de
Madame la Princeffe de Meckelbourg
L'Illuftre Maifon
d'Estampes eft trop connuë
pour avoir befoin d'entrer icy
dans le détail des Perfonnes de
marque qui en font venuës.
Je vous ay parlé au commencement
de cette Lettre de la
Y ij
260 MERCURE
mortde MadameleCoq, fil'e de
feu M Rolland , Grand Mai- .
ftre des Eaux & Forefts du Parlement
de mets ; mais je croy
Vous avoir dit peu de chofes
fur la Famille de M ' le Coq,
fon Mary , qui fans contredit
eft l'une des meilleures de la
Robe. Jean le Coq, fon quin.
ziéme Ayeul , eftoit Secretaire
d'Etat , & Surintendant des
Finances du Roy Jean . Il avoit
deux Freres , l'un appellé Robert
le Coq , Evêque & Duc
de Laon , premier miniftre de
ce même Roy , dont il foutint
les interefts & ceux de l'Etat
GALANT 261
pendant fa priſon , avec une
vigueur & une fermeté qui luy
attirerent l'admiration & les
loüanges de tous les bons
François. Són autre Frere s'ap
pelloit Oudart. Il fut un des
quinze Confeillers laïques qui
compoferent le Parlement de
Paris , lors que le Roy Philip
pes de Valois le rendit fedentaire
en 1344 Le Fils de Jean
le Coq fut Avocat General du
Parlement de Paris Il eft con
nu parmy les Sçavans fous le
nom de Joannes Galli , & les
doctes Recueils qu'il nous a
laifftz , font connciſtre la
262 MERCURE
haute capacité. Tous les au
tres Deſcendans de Jean le
Coq ont occupé jufqu'à prefent
les premieres Charges
de la Robe , & s'en font aci
quittez avec une probité &
une capacité diftinguées. M's
le Coq n'ont pas moins fait
paroiftre de zele pour la Religion
que d'amour pour la
Juftice . Chriftophe le Coq ,
Chevalier de Saint Jean de Je
rufalem , fut tué en défendant
l'ifle de Rhodes fous le Grand
Maistre d'Aubuffon Hugues
le Coq fonda une Cellule dans
le Convent des Chartreux de
GALANT. 263
Paris l'an 1350. & leur donna
un domaine confiderable en
Brie , dont ils joüiffent encore
aujourd'huy , & qui leur pro
durt un gros revenu . Enfin
depuis prés de quatre cens ans
ils ont toujours fourni desMa
giftrats au Parlement de Paris
fans difcontinuation d'une
feule année. M' le Coq de
Corbeville , Ayeul de M' le
Coq d'aujourd'huy , mourut
en 1683. Doyen du Parlement
de Paris. Il rendit au Roy des
fervices tres confiderables
pendant les Guerres Civiles
& les troubles de la Minorité.
264 MERCURE
Mr le Coq fon Fils mourut
Confeiller de la Grand'Chambre
en 1691 C'etoit un Ma.
giftrat d'un fçavoir profond ,
& d'un merite peu commun.
Il eut de Dame Charlotte le
Goux de la Berchere , Fille de
M' de la Berchere , Premier
Prefident du Parlement de
Dauphiné , quatre enfans , qui
font encore vivans , fçavoir :
trois Filles , dont une eft Chanoineffe
de Pouffan en Lorrai
ne , l'autre eft mariée à M' de
Macheir ,Confeiller au Parle
mene de Dijon , la troifiéme
eft Religieuſe , & un Fils qui
eit
t
GALANT: 265
eſt M ' le Coq qui reſte ſeul
de cette ancienne Famille.
Madame fa Femme ne luy a
laiffé qu'une Fille.
Voicy ce qu'il y a de nouveau
concernant les Arrefts ,
Edits , & Declarations du
Roy.
Arreft du Confeil d'Etat.
Sa Majesté y eftant , rendu fur
l'avis de Mile Chancelier , qui
maintient au Droit de Com.
mittimus les Eglifes , Chapi
tres , Abbayes , Pricurez ,
Corps , &Communautez , qui
ont obtenu des Arrefts & Lettres
Patentes de maintenue ,
Mars 1700.

266 MERCUR E
en confequence de l'Arreft
du Confeil du 22. Janvier 1678 .
Arrefts de Parlement qui
les Promoteurs des
ont jugé que
Officialu
ne peuvent
obtenir de
condamnation
de dépens , ny de
rémbourſement
defrais neceſſaires
pour l'inftruction
des Procés ,,foir
pour les dépens ou frais de leurs
Officialuez
, en premiere
Inftance
,
fout pour ceuxfaits dans les Officialite
fuperieures
en cause d'appel.
Edit du Roy portant établif.
Tement d'une Farifliction Confud'une
Chambre de Com Taire
"merce à
Dunquerque. a
-
GALANT. 267
Declaration du Roy por
tant exemption de tous Droits
d'Entrée de Sortie pour les
Marchandises
entrant & fortant.
par Mer de la Ville , Port & Ha .
vre de
Dunquerque.
Edit du Roy portant crea
tion d'une Prevosté Royale à Iffoi
re en „
uvergne.
Declaration du Roy con
cernant les Greffiers en Chef
du Parlement , Procureurs , &
les Grethers des Requeſtes de
l'Hotel .
Declaration du Roy concernant
les Droits d'Amortif
Z ij
268 MERCURE
fement , nouvel Acqueft , &
Franc Ficfs .
Bil
Declaration du Roy qui or
donne que tous Porteurs de Let.
tres & Billers de Change,
lets payables au Porteur , feront
tenus aprés les dix jours de l'é.
cheance de ch cune defdites Let
tres ou Billets d'enfaire demande
aux Debiteurs finon & à faute
de ce faire , qu'ils feront tenus des
diminutions qui pourrontſur venir
furles fpeces en vertu dès Arrefts ·
du Confeil de Sa Majesté.
{
E dit du Roy ; portant reglement
pour lor & l'argent qu'on)
employe tant en varffelle que fun
d
GALANT. 269
tous les meubles , habits , caroffes ,
&c.
Le bien que vous avez oüi
dire de Jonathas ne me furprend
point. Il a efté reprefenté
plufieurs fois à la Cour
le Carnaval dernier , par des
Acteurs du premier rang , qui
en ont fait paroiftre toutes les
beautez , avec beaucoup d'avantage
pour l'Auteur Puif
que fon nom vous elt incon
nu , je vous diray que cette
Piece qui vient d'etre impri
mée & que debite le Sicur
Ballard , rue S. Jean de Bauvais
, eft de M'Duché , diftin-
Zij
270 MERCURE
gué par beaucoup d'autres ou
vrages.
lc
L'Enigme du mois paffé
eftoit le Chanvre , ce qui a fait
dire , Malheur à quifefert de moy
lejour qu'il meurt , parce que
chanvre fert à faire de la conde
, & qu'il n'y a point un malheur
plus grand que de perir
par la corde , foit qu'on y foit
condamné , foit qu'on choi
fiffe ce genre de mort par
defefpoir. Ceux qui ont trou
vray fens de cette Enigme
, font Mrs l'Abbé Niery ,
de la rue des Blancs - man.
teaux ; .Girardaut de la ruë des
vé le
GALANT 271
Monnoyes ; Chenon de la rue
du Puis ; Michelin , Bourgeois
de Châlons en Champagne
;
Simon de la même Ville ; Bourlemonde,
Profident de la Bour
le ; les Amans au defefpoir du
quartier $ . Laurent, & de la rue
du Puis les deux unis de la rue
de Richelieu . Meldemoiſelles
Javotte Ogier , du coin de la
même rue ; l'Inconftance voilée
du Palais Royal ; la fideile
Blonde du Puits . Certain ;
l'Aimable Indifferente de la
ruë Saint Laurent , avec la
Mere & la charmante Amie
de Beauvais , Laurence Ma-
Z ilij
272 MERCURE
manc ; la Soeur de l'Ecolier du
Phenix .
L'Enigme nouvelle que je
vous envoye eft de M' Diéreville.
ENIGME.
ENcor que je naiffefans vie,
Je la donne à chaque vi.
vant ,
Et l'on me cherchefortfou vent 4
Dans le temps d'unem stadie.
Bien que je fois utile aprés , comme
*
devant .
Quelquefois je n'ay point de
pere,
GALANT. 273
Alors je ne dois point mo neftre à
fon amour
Erje nais fans bleſſer ma mere,
Quoy qu'elle crie en me donnant
le jour.
Ce qui doit le plus vous fur.
prendre ,
C'est que fouvent par elle on me
voir enfance
Sans perdre fa virginité ,
· -
Comment pourrez vous le
comprendre?
Comme une femme ille accouche
en fon lit.
Lajeuneffe eft mon avantage,
Plus je vieillis ,plus on mefuit;
La robe blanche eft mon parta.
274 MERCURE
Erjela porte en tout tempsjour
&nuit
Il est pourtant certaine Fefte
Où l'on me fait changer d'ha.
bit
,
Et le rouge m'en prendfans avoir
une tefte.
Devinez qui je fuis ,je vous en ay
trop dit.
Le
4. de ce mois Madame
la Ducheffe du Maine accoucha
tres- heureuſement d'un
Prince , à Versailles. Ce fut par
un effet de la prudence de
Monfieur le Duc du Maine ,
qui avoit , avec grande raifon ,
GALANT. 275
confié la conduite de la gróf
feffe , & de l'accouchement
la Princeffe fon Epoufe , à M
Mauriceau , celebre Chirur
gien Accoucheur , affez connu
par les Ouvrages qu'il a
donnez au Public , touchant
toutes les matieres qut regar
dent la Profeflion , dont il a
une ſcience & une experience
tour à fait confommée Monfieur
le Duc & Madame la
Ducheffe du Maine ont ref
fenti d'autant plus de joye dé
la naiffance de ce gage de
leur amour , qu'il n'y a jamais
eu d'union plus parfaite que
276 MERCURE
celle qui eft entre ce Prince
& cette Princeffe , auffieft elle
admirée de toute la Cour ,
qui elle fert d'exemple.
à
Madame la Ducheffe de
de Bourgogne voyant que les
Pauvres ont beaucoup profité
des grandes Lotteries qui fe
font faites en France & en
d'autres Etats , refolur d'en fai
re une de vingt mille Louis
d'or en faveur des Pauvres de
Verſailles , dont ils devoient
avoir le dixiéme , mais les
deux Perfonnes qui avoient
efté nommées pour en rece,
GALANT. 277
voir l'argent , fe font trouvées
fi accablées de ceux qui en
ont apporté qu'on a esté obli
gé de joindre encore deux
Receveurs aux deux premiers,
& même d'augmenter le
fonds de la Lotterie de mil'e
Loüis. Je ne vous apprens
cette nouvelle que comme
une chofe curieufe , & non
comme une chofe quiffe
vous eftre utile , puifque vous
ne l'apprendrez qu'aprés que
que cette Lotterie fera remplie
, mais j'ay eſté bien aiſe
d vous faire voir par là , la
confiance qu'on a aux foins
278 MERCURE
de Madame la Ducheffe de
Bourgogne , dont les manie
res & les bonnes qualitez ne
peuvent trop attirer l'admiration
du Public .
L'on fait auffi une Lotteric
à la Rochelle. Elle eft en faveur
des Pauvres de l'Hôpital
General , pour qui l'on prend
dixar cent fur tous les Lots ,
& elle fera tirée au mois de
Juillet prochain. Le fonds eſt
-de feize mille Louis . Il y a
trois cens vingt Lots , le plus
fort cft de quinze cens Louis ,
* le fecond de mille , le troifié
GALANT: 279
me de fept cens , le quatrième
de fix cens , &c. Je fuis , Madame
, voltre , & c.
AParis , ce 31. Mars 17.00,
AVIS.
Page 174 ligne 2 au lieu
de furface , lifez face . L'espace
d'un mois eft fi court pour
l'impreffion d'un volume , qu'il
.ne faut pas s'étonner s'il s'y
giffe quelquefois des fautes .
On ne les marque pas , parce
que l'on croit le Lecteur afſe z
éclairé
pour diftinguer les
280 MERCURE
fautes que l'Auteur pourroit
avoir faites , d'avec celles de
-l'impreffion. Cependant on
marque celle qui eſt à la teſte
de cet Avis , parce que quel
ques uns pourroient croire
qu'on a veritablement voulu
mettre lafurfaced une Medaille,
Ice qui ne fe dit point.
JJAT
ok ok ok okule.
TABLE. 2 .
Nfariptions fur la Figure Equeftre
du Roy.
6
Suite des fentimensfur la Queſtion
dedu fiecle futur.
12
Lettre touchant ce qui a donné
lieu à cette conteftation
.
67
Madrigal à l'occafion de cette
p's's question. rod
Maifonde Vogue
73
74
Difcours fur leprefent Hiver, 81
Morts.
12 95
Le Philoſophe amoureux , Avan-
Mars
1700 .
A a
TABLE.
ture. 115
Mafcarade faite à Stockholm 138
Lettre en Profe & en Vers. 15I
Seconde Relation de la maladie
d'une Fille qui a décrú.
Médailles
Second article de Morts.
156
173
190
Arreft quijuftifie Mrle Marquis
d'Aronchez, Prince Senéchal
de
Ligne
217
Nouvelles de Perfe
225
Noms des nouveaux Chevaliers
de Saint Louis
229
Catholiques.
Hiftoire de France, okno]
Inftruction pour les nouveaux
Motifs de la Converfion de Ma-
243
2: 245
TABLE.
246
dame la Marquise de la Vieville
de
Bretagne
.
L'utilité des Colleges , ou les avian.
tages de l'éducation publique.
comparée avec l'éducation par
ticuliere.
48
Le bon ufage du Tabac en por
dre , avec les differentes ma-
& miéres de le parfumer & de le
253
preparer.
Voyages de Madame la Ducheffe
de Bourgogne à Paris .
Agrement du Regiment de Souvré
donné à Mrle Marquis
de Beringben.
Autre Article de Morts.
257
258
A a ij
TABLE
Arrefts , Edits & Declarations.
Le Jonathas.
Article des Enigmes .
265
269
270
Couche de Madame la Ducheffe
Vadu
Mayne. 274
Lotterie de Madame la Ducheffe
de Bourgogne.
276
Autre Lotterie.
778
Avis. 278
Avis pour placer les Figures:
La Medaille doit regarder la
page 178.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le