→ Vous voyez ici les données brutes du contenu. Basculez vers l'affichage optimisé.
Fichier
Nom du fichier
1699, 10
Taille
7.60 Mo
Format
Nombre de pages
295
Source
Année de téléchargement
Texte
807156
MERCURE
GALANT
DEDIE A MONSEIGNE
AUR
LYON
*1893*
LE DAUPHIN
OCTOBRE
1699.
DE
LA
A
PARIS ,
Chez MICHEL BRUNET , Grande Salle du
Palais au Mercure Galant.
ON
N donnera toujours un Volume
nouveau du Mercure Galant le
premier jour de chaque mois , & on le
vendra trente fols relié en Veau , &
vingt-cinq fols en Parchemin,
A PARIS,
Chez G. DE LUYNES , au Palais , dans
la Salle des Merciers , à la Juſtice .
E MICHEL BRUNET , grande Salle
du Palais , au Mercure Galant
M. DC . XCIX.
Avec Privilége du Roy
AU LECTEUR.
ILy a lieudecroire qu'on
ne lit plus l'Avis qui a
efté mis depuis tant d'années
aucommencement de chaque
Volume du Mercure , puis
que malgré les prieres réiterées
qu'on afaites d'écrire en
caracteres lifibles les noms
propres quife trouvent dans
les Memoires qu'on envoye
pour eftre employez , on neglige
de le faire , ce qui eft
caufe qu'il y en a quantité
A ij
AU LECTEUR:
de défigurez, eftant impoffible
de deviner le nom d'une Terre
, ou d'une Famille , s'il
n'eft bien écrit. On prie de
nouveau ceux qui en envoyent
d'y prendre garde ;
s'ils veulent que les noms
propres foient corrects . On
avertit encore qu'on neprend
aucun argent pour ces Memoires
, & qu'on employera
tous les bonsOuvrages àleur
tour, pourvû qu'ils ne defobligent
perfonne , & que
ceux qui les envoyeront en
affranchissent le port.
t
DE
L
VILLE,
MERCVRE
GALANT
OCTOBRE 1699.
L
THEATE
LYON
'AMOUR que les
Peuples ont pour le
Roy , les engageant
à fe faifir de toutes les occafions
qui leur donnent lieu
de parler de ce Prince , on ne
doit pas eftre furpris fi l'on
A iij
6 MERCURE
vû tant de Vers fur la nouvel
le Statuë de Sa Majesté . En
voicy qui ont efté faits en
Gafcon.
EPISTRE AU ROY!
FNbain, en bain ce Vronze eft
deftiné, LOUIS ,
Pour eftre un monument de tes
faits inoüis !
Le's Vronzes les plus durs biennent
à fe détruire ,
Le temps par fa durée a pouboir
de leur nuire.
Tout luy cede , Grand Roy , mais
Les auguftes faits ,
GALANT.
7
Meprifantfes efforts ne pafferons
jamais.
Onparle tous les jours de Cefar,
d'Alexandre ?
Plusfameux qu'eux cent fois que
debons nous attendre ?
O cadedis , je crois
que
tant que
l'on bibra ,
Ton nom grand fameux tou ;
jours fubfiftera.
Quoy , dira ton , paroleu , que
Louis eftoit vrabe !
La Bictoire à fes pieds reffemvlois
fon Efclabe.
Il en difpofoit , diaule , au gré de
Jesfouhaits .
Arvitre de la Guerre, arvitre de la
A iiij
Paix.
8 MERCURE
Tout l'Unibers cedoit à fa grande
baillance.
Cadedis quel eftoit le vonheur de la
France.
Lors qu'elle receboit la loy de ce
Heros,
Il mefemble , morvleu , que j'en.
rens ces propos .
Je n'en fuis que trop feur , &
pour banter ta gloire,
Voileau n'a pas vefoin de tracer
ton hiftoire.
De dépeindre en veaux Bers ta
vraboure ; ton coeur ,
Tes trabaux , ta prudence & ta
grande baleur.
L'Europe eft de tes faits une Hif.
toire bibante ;
GALANT.
4
Ony boit de taBie une Imageécla
tante .
Tant de Vaftions à vas , tant de
murs renberfez
Tant d'Ennemis baincus , tant
d'Hidres terraffez,
Tant de Probinces , Ciel ! que l'on
te boit foumifes ,
Tant de baſtes Pays , tant de Billes
conquifes ,
Tant de Comvats gagnez , enfin
tant de Lauriers
Grabent mieux qu'un Kurin tous
tes Exploits guerriers ;
Et ce Trabail feroit tout à fait
inutile ,
·
Si l'on n'aboitdeffein aujourd'buy
dans la Bille
to MERCURE
De tefaire connoiftre à quel point
tes Sujets
Portent pour toy, grand Roy , leurs
baux leurs refpects.
Parlez, bous, Magiftrats , quel
deffein bous engage
A dreſſer à Louis un fi fuperves
Oubrage ?
Eft ce poury graber comme dans
un Tableau ,
Tout ce qu'il a fait boir & d'au¬
gufte de veau ?
Et comme fi rien plus ne parloitde
fa gloire,
Mettre par là fon nom au Temple
de memoire ?
Non ( au boftreplutoft bous dreffez
un Autel.
GALANT. IF
Trabailler pour Louis c'eſt ſe rena
dre immortel)
Mais c'est pour celevrer la Pais
dont fa clemence
Aux dépens de fa gloire a fait
jouir la France :
Marquerque bos fonbaitsferoieng
quefes veaux jours ,
De ce Vronze fameux égalaſſens
le cours .
Pourmoy , fi je poubois , &fi les
deftinées
Au gré de mes defirs prolongeoienų
Les années.
Ce Vronze pafferoit , mais les
jours de LOUIS
Subfifteroient autant que fes faits
inonis.
12 MERCURE
Ces Vers ont efté faits par
M' Reboul , de Riez en Prorence
.
Vous trouverez le Projet
d'une Hiftoire du Rouffillon ,
dans la Lettre de M' l'Abbé
Raguet, que je vous envoye.
MONSIEUR.
Vous fouhaitez donc que je
Vous rende compte de mon
Hiftoire du Rouffillon , & que
j'aye l'honneur de vous apprendre
par quelle aventure
je l'ay entrepriſe, la methode
GALANT: 13
que j'y obſerve , les fecours
que j'ay trouvez pour pou
voir efperer d'y réuffir , l'utilité
qui en pourra revenir au
Public , & enfin où j'en fuis
de mon travail ? Voſtre defir
m'eſt fi avantageux
, que
fi je ne tâchois d'y répondre ,
je me condamnerois
moymême
comme l'Homme du
monde qui ignore le plus fes
intereſts ; ainfi , Monfieur ,
j'y fatisferay de mon mieux
par cette Lettre.
1. Vous fçavez que M ' l'Evêque
d'Elne m'honoroit d'une
bien veillance particuliere
14 MERCURE
longtemps avant ſa nomination
à cet Evêché ; & que ce
fut cette bienveillance qui
m'attira en Rouffillon en 1696 .
Je n'y fus pas plutoft arrivé ,
que je penſay à me donner
une occupation qui puſt me
délaffer de quelqu'autre
plus
ferieufe , & remplir certaines
heures de la journée , qu'on
paffe ordinaire ment ou à ne
rien faire , ou à fe divertir, fous
prétexte de reprendre fes forces.
L'Hiftoire du Pays me
parut un fujet d'autant plus
propre à mon deffein , que je
mefouvenois parfaitement
de
GALANT.
15
fa
e qu'un Intendant de Province
, celebre par ſa ſageffe ,
& par une connoiffance profonde
de la belle Antiquite';
m'avoit dit peu auparavant
mon départ de Paris , fçavoir,
Que le Rouffillon eftoit une Province
encore vierge , & à laquelle
perfonne n'avoit touché. Et quoy
que dans l'intention de
l'Homme Illuftre qui avoit
parlé , cette penſée ne regardaft
que les Médailles , & les
autres monumens anciens ;
quelques momens de reflexion
me perfuaderent aifément
qu'elle pouvoit s'éten16
MERCURE
dre à tout le refte ; fi bien q
là - deſſus je me déterminay à
entreprendre un Ouvrage ,
dont la nouveauté feule feroit
capable , à ce qu'il me fem ,
bloit, de faire plaiſir aux honneftes
gens
.
Je n'ignorois pas que M'de
Marca n'euft parlé du Rouf
fillon dans fon fameux Limes
Hifpanicus ; je fçavois que Pujadés
ne l'avoit pas oublié
dans fa Chronique , ny Eſtevan
de Corbera dans fa Catalana
Illuftrata , ny Micer Bosch ,
dans le Livre qu'il a composé
fur les privileges de fa Patrie ,
GALANT. 17
mais loin que la connoiffance
que j'avois de leurs Ouvrages,
fervift à me décourager , elle
m'anima au contraire par la
difference extrême qu'il y auroit
toujours entre ce qu'ils
avoient fait , & ce que je me
propolois de faire .
En premier lieu , ces Meffieurs
ont écrit en Langue
étrangere ; M' de Marca en
Latin , Eftevan de Corbera en
Caftillan, Pujade's & Boſch en
Catalan ; & moy j'eftois réfolu
d'écrire en François
.
Secondement , ils n'accor
dent au Rouffillon qu'une
Octobre
1699. B
18 MERCURE
mediocre partie de leurs foins;
& ce feroit parler avec affez
de jufteffe , que de dire que
cette Province n'occupe qu'
environ le quart de leurs E
crits , la Principauté de Catalogne
en emportant une moitié
, & la Cerdagne l'autre
quart : & moy je choififfois le
le Rouffillon pour mon prin
cipal fujet.
Enfin je méditois de com
poſer une Hiftoire complette,
ce qu'aucun de ces Auteurs
n'a fait , la mort ayant furpris
Corbera , Pujadés , & le fçavant
M' de Marca, avant qu'ils
GALANT. 19
fuffent même fort avancez
dans l'execution de leur deffein
, quel qu'il fuft , & Boſch
meritant avec plus de juftice le
titre de Juriſconſulte que celuy
d'Hiftorien.
Vous ne doutez pas , Monfieur,
que cette comparaifon
de mon projet avec leurs travaux
, ne m'inſpiraft pour eux
plûtoft les fentimens d'une
jufte reconnoiffance , que la
moindre envie de les regarder
comme gens qui m'euffent
dérobé la matiere & l'occafion
d'eftre utile au Public. La
place que les Extraits qu'ils
Bij
20 MERCURE
m'ont fournis , tiennent dans
mes recueils , me fait en effet
bien fentir combien je leur
fuis redevable ; & il me
femble quelquefois que ces
Meffieurs , & fur tout M' de
Marca , n'ayent cherché ,
n'ayent ramaffé , n'ayent mis
en ordre tant de Memoires
, qu'en faveur d'un Homme
qui auroit un deffein
comme le mien. Cecy m'engageroit
infenfiblement à
vous parler des fecours qui
facilitent mon entrepriſe ;
mais , Monfieur , vous me
prefcrivez de vous entretenir
GATANT. 21
auparavant de la methode que
je me fuis propofée .
2. Je pense que par metho
de vous entendez la maniere
dont les parties d'un fujet fe
diftribuent , & avec laquelle
on les expofe à l'efprit d'un
Lecteur.
La premiere choſe que je
fis , fut de chercher un ordre
fous lequel je puffe commodement
ranger mes recueils ,
& je crus l'avoir trouvé en
réduisant tout ce que j'avois
à dire du Rouffillon à quatre
chefs ; fçavoir , à fon Hiftoire
Naturelle , à fon Hiftoire To
22 MERCURE
pographique , à fon Hiftoire .
Politique , & à fon Hiftoire
Ecclefiaftique. Cette divifion
me parut épuiſer exactement
mon fujet , le premier mem
bre comprenant tout ce que
le Createur a mis dans cette
Province , le fecond , ce que
les Hommes y ont conftruit ,
letroifiéme
, ce qu'un nombre
extraordinaire
de Nations
y ont fait, foit en Paix , foit en
Guerre ; & le quatrième
, ce
qui s'y eft paffé par rapport
à la Religion .
On verra dans l'Hiftoire
Naturelle tout ce que cette
GALANT:
23
partie des Monts . Pyrenees ,
qui s'avance dans la Mer Méditerranée
, renferme de curieux
, tout ce qu'il y a de remarquable
dans la plaine , &
fur la Cofte Maritime qui eft
compriſe entre Leucate & le
Cap de Creus , & l'on fera
pleinement inftruit du genie,
des moeurs , des Coutumes
& de la Langue des Rouffillonnois.
Les penfées des an
ciens Naturaliſtes n'y feront
pas oubliées , quand ils aurons
fait mention du fujet qu'on
traite ; je tâcheray de les concilier
avec ce que nous voyons
24 MERCURE
maintenant ; & quand l'occa
fion de raiſonner fur quelque
Phenomene ſe preſentera , je
feray mon poffible pour me
conformer aux opinions les
plus receuës par les gens
d'efprit.
L'Hiftoire Topographique
expofera d'abord aux yeux du
Lecteur le dénouement de
quelques queftions importantes.
Par exemple , fi le Rouffillon
eft en deçà de la partie
des Pyrenées , dont les anciens
Geographes faifoient l'entredeux
de l'Eſpagne & de la
Gaule ; fi le Rouffillon a jamais
GALANT.
25
mais fait partie de la Catalogne
, & fi les Rouffillonnois
font Catalans , & c . On parlera
des Villes anciennes , comme
Rufcino , Illiberis , & plu
fieurs autres ; des Edifices celebres
dont il refte quelques
veftiges, comme font les Trophées
de Pompée , le Monu
ment dreffé àl'honneur de Gor
dien Pie, &c . On fera l'Hiftoire
particuliere de Perpignan , Capitale
duRouffillon , & celle des
principales maiſons & établis,
femens que cette Ville ren◄
ferme. Les defcriptions de
Ceret , de Prades , d'ille , &
Octobre c699. C
26 MERCURE
des autres Villes , viendront à
leur tour. Enfin on entretiendra
le Lecteur des Places bâties
, ou fortifiées par les or
dres de Louis le Grand , telles
que font Mont -Louis , Villefranche
, Prats de Mollo , le
Fort des Bains , Bellegarde ,
Colioure , Salfes , & la Citadelle
de Perpignan
.
L'Hiftoire Politique ne fera
qu'un tiffu perpetuel de guérres
, de révolutions & de
grands évenemens , & je puis
vous affurer , Monfieur , qu'il
n'y a peut - eftre aucune Cóntrée
dans l'Europe , où il foit
,
GALANT:
27
Arrivé plus de chofes dignes
de la memoire des hommes .
Les differens Siecles y ont vû
aborder les Celtes , les Pheni .
ciens , les Grecs , les Volces , les
Cartaginois , les Romains , les
Vandales , les Vifigoths , les
Mores & plufieurs autres Nations.
Des Roitelets, des Repu.:
bliques , des Comres , des Rois
ont gouverné fucceffivement
le Rouffillon ; & par combien
de mains n'a- t il point paffe,
feulement depuis Charles -
Martel , qui en
commença la
conquefte furiles Mores , juf
ques à Louis XIII ? Les Com-
Cij
28 MERCURE
tes le tranfmettent aux Rois
d'Arragon ; ceux-cy aux Rois
de Majorque , pour les en
dépouiller aprés. Nous l'enlevons
aux Arragonnois, & nous
le leur remettons en main fous
des conditions aufquelles ils
manquent. Les Caftillans leur
fuccedent , & nous le reprenons
fur eux. De fi frequens
changemens de Domination
ont efté accompagnez d'une
longue fuite de Combats , de
Seditions , de Revoltes , de
Traitez , d'intrigues , qui donneront
à cette Hiftoire toute
la beauté & tout l'éclat dont
GALANT. 29
Hiftoire d'une Province eft
fufceptible. Les autres Hiftoires
particulieres font fujettes
à de grands vuides . On y trouve
des Siecles entiers , pardeffus
lefquels on paffe , parce
qu'il n'eft rien arrivé de confiderable
; mais on peut s'attendre
qu'il n'en fera pas toutà
fait ainfi de celle du Rouf
fillon , parce que fa fituation
entre l'Espagne & la France
l'ayant rendu l'unique paffage
commode d'un Royaume à
Pautre , le Rendez - vous des
Troupes des deux Partis , &
le theatre où leurs guerres ont
C iij
30 MERCURE
prefque toujours commence
& fini ; tous les évenemens fe
fuivent d'affez prés , depuis
une antiquité fort avancée ,
juſques à la derniere Paix .
L'Hiftoire Ecclefiaftique
du Dioceſe d'Elne , lequel outre
le Rouffillon proprement
dit , comprend le Valfpir & le
Conflant , ne fera peut eftre
pas moins curieuſe. On expofera
l'eftat de la Religion dans
ce Pays là , d'auffi haut qu'on
pourra remonter jufques à
prefent . On donnera la Lifte
des Evêques d'Elne , avec un
Abregé de leur vie autang
GALANT.
31
qu'il fera poffible. On parlera
des Conciles qui fe font tenus
dans ce Dioceſe , & de ceux
aufquels les Evêques d'Elne
ont affifté , foit au delà , foit
en deça des Pyrenées . On fera
des Differtations fur les fujets
qui fembleront le meriter ; fur
le lieu , par exemple , où s'eft
affemblé le fameux Concile
d'Eliberis , lequel on place or
dinairement , & peut , eftre
mal à propos , dans la Bætique
, fur la veritable Metropole
de l'Eglife d'Elne , &c.
On s'étendra fur certains faits
connus , mais dont on a dé-
Ciiij
32 MERCURE
Couvert de nouvelles circon
ftances dans les Archives de
Rouffillon. Il ne m'en vient
point àprefentàl'efprit d'exem
ple plus propre à vous citer ,
que l'abdication du Souverain
Pontificat , à laquelle toutes
les Puiffances de la Terre voulurent
contraindre Benoist
XIII. dans Perpignan . J'ay
trouvé dans les Archives de
cette Ville un détail aſſez cu .
rieux qui regarde cette affaire .
On racontera enfin par qui , &
comment toutes les Abbayes
& les Eglifes principales du
Dioceſe d'Elne ont eſté fon
GALANT.
33
dées,fans oublier de faire une
mention fuffifante des Martyrs
, & des autres Saints dont
on y honore les Reliques. Au
refte , le tout fera placé ſelon
l'ordre Chronologique , avec
autant d'exactitude & de fideles
perfonnes raiſon- lité
que
nables pourront le fouhaiter .
Ce que vous venez de voir,
Monfieur , vous donne une
idée generale des matieres
dont je traite, & de leur diftri
bution ; il faut maintenant
vous dire un mot de la maniere
dont je tâche de les déduire
, afin qu'on les puiffe lire
34 MERCURE
avec quelque plaifir . Je ne
neglige rien pour faire regner
la clarté par tout ; je marque
les chofes précisément comment
comme je les connois ;
je ne fors de mon fujet , que
pour éclaircir mon fujet même
, & je tâche de faire en
forte que le Lecteur ne life
jamais longtemps de fuite
fans tomber fur quelque chofe
qui égaye fon imagination,
& réveille fa curiofité. C'eft ce
que j'obferve principalement
dans l'Hiftoire Naturelle , qui
fans ce petit foin , auroit , felon
toutes les apparences ,
GALANT: 35
Couru rifque d'ennuyer cerrains
efprits pour qui
les matieres ferieules n'ont
point de charmes , à moins
qu'on n'y mefle de temps en
temps quelque reflexion agréable
, ou quelque Hiſtoriette.
Comme les Figures
font toujours plaifir , & que
bien fouvent elles font neceffaires
pour l'intelligence
parfaite de ce qu'on raconte,
je n'épargne ny le crayon ny
le pinceau . Pour ce qui eft du
ftile , je ne pense qu'à le proportionner
à ce que je dis , les
autres décideront s'il eft bon
ou mauvais,
36 MERCURE
3. Je ne feray pas long
vous marquer les fources d'ou
j'ay puifé mes recueils ; car je
ne vous drefferay affurément
point un Catalogue de tout ce
que j'ay efté obligé de lire . Il
fuffit que par rapport aux Livres
imprimez , vous fçachicz
que les Auteurs Espagnols &
Catalans m'ont fourni une
infinité de connoiffances
, qu';
on chercheroit inutilement
dans les Auteurs François ; &
qu'en revanche j'ay trouvé
dans ceux - cy un nombre confiderable
de chofes curieufes
& importantes , aufquelles les
GALANT:
37
Elpagnols ne paroiffent pas
avoir affez fait de reflexion ,
fur tout en ce qui regarde les
Negociations anciennes , &
les Droits de la Couronne .
Les marges des Hiftoires
Topographique & Ecclefiaftique
du Rouflillon , vous diront
affez un jour combien les
travaux de M'de Marca m'auront
efté avantageux. Vous
avez fans doute jetté les yeux
fur l'Appendix du Limes Hif
panicus , & admiré la confequence
& le nombre des Ac.
tes anciens que le fameux &
infatigable M de Baluze y a
38 MERCURE
compilez . Je l'ay fait com
me vous ; mais j'admiray en
core plus la fidelité de ces
Actes , lors qu'en confrontant
avec leurs Originaux les Pieces
dont j'avois à faire , j'y
trouvay une conformité par
faite .
Cecy vous fait déja appercevoir
que l'on a bien voulu
m'ouvrir la porte des principales
Archives du Rouffillon ;
& j'avoue que j'ay tiré de là
tout ce que j'ay ramaffé de
plus rare , la diligence des
Rouffillonnois à conferver des
Actes & des Memoires des
GALANT: 39
principales chofes arrivées
dansleur Pays, ayant toujours
efté extrême. Outre les Livres
du Chapitre d'Elne , & ceux
des trois principales Abbayes
du Rouffillon , dont M' de
Baluze a publié les meilleurs
morceaux , on me verra tresfouvent
citer des Manufcrits
de la Communauté des Preftres
de Saint Jean, & quelquefois
ceux de l'Hôpital de la
Ville de Perpignan , & ceux de
l'ancien Monaftere de Leule ,
qui m'ont efté communiquez
de fort bonne grace. J'ay auffi
des Extraits confiderables de
40 MERCURE
quelques anciens Livres de
Memoires qui fe confervent
parmy les Papiers de l'Abbaye
de Saint André de Surede , &
parmy ceux de la Communauté
d'Elne. Je paffe ſous filence ,
que plufieurs Convents , plufieurs
Maiſons anciennes , &
quelques Particuliers , m'ont
donné des Remarques auffi
utiles pour eux , qu'elles pour
ront eftre agréables aux autres.
Mais ce qu'il ne faut point
vous cacher icy , c'eſt l'obli
gation que j'ay à Meffieurs les
Confuls de Perpignan
.
Ces illuftresMagiftrats ont
GALANT. 4!
-
-
prebien
voulu m'introduire dans
les Archives de l'Hoftel de
Ville , & me donner une entiere
liberté de profiter de la
lecture d'une multitude incroyable
d'Actes tres
cieux , tres anciens , & tresbien
tenus. Je me fuis plufieurs
fois étonné qu'un fi riche trefor
euſt échapé à l'attention
de M' de Marca , auffi bien
que la belle Bibliotheque de
Manufcrits qui ſe garde dans
la maiſon du Domaine à Perpignan
. Jay tiré de ce dernier
endroit beaucoup de lumieres
touchant les métaux cachez
D Octobre
1699.
42 MERCURE
fous les Monts Pyrenées . J'ou
bliois de vous dire , que les Actes
de la Maifon de Ville de
Colioure m'ont beaucoup fervi
pour me mettre en eſtat
d'éclaircir plufieurs points des
Hiftoires Topographique &
Politique du Rouffillon .
4. Je fuis prefque tenté ,
Monfieur , de ne vous rien
répondre fur l'article de l'utilité
de l'Ouvrage qui fait le
fujet de cette Lettre , parce
qu'il me femble que j'ay déja
fatisfait à cela par le feul plan
que je viens de vous en met tre
devant les yeux. Cependant
GALANT :
43
puis que vous voulez que j'aye
l'honneur de vous dire auffi làdeffus
une partie de ce que je
penfe , il faut vous obéir .
Ne tomberez - vous point
d'accord avec moy , qu'il n'eft
point du toutglorieux à noftre
Nation , de laiffer ignorer au
refte du monde , & d'ignorer
elle même les merveilles de
toute efpece que Dieu a miſes
dans l'étendue de ce Royaume
? N'est - il pas vray qu'une
bonne Hiftoire Naturelle de
toute la France feroit un Livre
abfolument neceffaire , & que
nous devrions fupporter tres-
Dij
44 MERCURE
impatiemment qu'un Ouvra
ge comme celuy là fuft enco
re à executer ?
Ne conviendrez - vous point
auffi que
le moyen de réüffir
dans un travail fi important
& fi indifpenfable , feroit de
le partager entre plufieurs perfonnes,
qui prendroient , pour
ainfi dire , chacun leur more
ceau de terre à défricher ?
Si cela eftainfi , Monfieur,
vous tiendrez pour utilement
employée la peine que j'ay
prife , & les dépenfes que j'ay
faites , en parcourant plufieurs
fois le Rouffillon , pour en
GALANT
45
fouiller jufqu'au moindre re
coin. C'est toujours autant de
fait & autant de diminué de
l'Ouvrage general , fans par
ler du refte . Vous remarquerez
en paffant , que le feulendroit
où j'indique des mines
d'or , d'argent , d'azur , & d'autres
metaux ou mineraux , ne
fera peut. ettre fi inutile , qu'
on n'y penfe ferieufement plus
d'une fois.
La Geographie ancienne &
moderne du Royaume , eft demeurée
jufques à preſent fi
imparfaite , que l'on ne fçauroit
mieux faire que d'y tra
46 MERCURE
vailler fur nouveaux frais.
Quelle difference , Monfieur,
entre les nouvelles Cartes particulieres.
& celles qu'on nous
donnoit auparavant pour tresexactes
! On ne connoift pas
affez , ny les Edifices anciens
qui font dans les Provinces ,
ny l'origine des Villes , ny la
figure & la fituation des Places
de guerre. Jufques à preſent
le
Rouffillon , pays rompu ,
difficile à fuivre , & éloigné
du Monde fçavant , ſembloit
avoir efté beaucoup plus difgracié
en cela que toutes les
autres parties de la France, &,
GALANT: 47
à ce que j'efpere , il le paroiftra
beaucoup moins dans quelque
temps. Ce feroit là le principal
fruit que fon Hiftoire To
pographique produiroit , fi la
décifion de quelques queftions
plus importantes , dont
j'ay touché quelque chofe
cy ..deffus , n'eftoit pas encore
d'une utilité plus éviden
te.
A la verité nous avons un
nombre affez confiderable
d'Ecrivains Politiques , dont
on appelle les Ouvrages, Hiftoires
de France , comme par
excellence. Mais on jugera
48 MERCURE
par l'Hiftoire Polique du
Rouffillon , s'ils parlent pertinemment
de ce qui s'eft paffé
dans cette Province ; s'ils rendent
juſtice à la valeur , à la
conduite des Generaux de nos
'Armées , tant anciens que
nouveaux & s'ils mettent
dans un affez grand jour les
Droits inconteftables de nos
Rois fur les Royaumes d'Arragon
& de Valence , fur la
Catalogne , & fur tout ce qui
dépendoit anciennement des
Rois de Majorque.
Ne feriez - vous pas peureftre
d'humeur
de demander
dequoy
GALANT:
49
dequoy fe mêle l'Hiftorien du
Rouffillon , de fe préparer ainfi
à parler de chofes qui femblent
fi éloignées de fon fujet
? Elles le font fi peu , Monfieur,
que la liaiſon ne fçauroit
eftre plus grande , ny plus naturelle
; & fans me mettre en
peine de vous en faire maintenant
convenir , je vous diray
par avance , que je pretens ne
rien negliger pour éclaircir
les Droits de la France , reconnus
en Catalogne depuis
que les Mores en furent chaffez
jufques à l'an 1180 , affermis
Octobre 1699. E
50 MERCURE
par la felonie d'Alphonſe I.
Roy d'Arragon , renouvellez
en divers temps , & legitimement
étendus fur tous les Etats
voiſins.
la
Ils furent renouvellez à
l'égard du Rouffillon , par
vente que Jacques III . Roy
de Majorque, fit de cette Province
à Philippes de Valois ;
par la ceffion des Droits de
Charles d'Anjou, faite à Louis
XI.par le tranfport queJean II.
Roy d'Arragon , fit de cette
Comté au même Louis XI.
& par l'infidelité de Ferdinand
II. à tenir les paroles
GALANT .
ST
données à Charles VIII.
Ces droits furent étendus
à tous les Etats d'Arragon ,
fous Dom Pierre I. qui mou
rut au Siege de Muret ; fous
Dom Pierre II . Vaffal du
Saint Siege ; par la mort de
Jean I. par celle de Dom Martin
, qui merita autant le nom
d'Ufurpateur , que celuy d'Ecclefiaftique
qu'on luy donnoit
; par celle d'Alphonfe
IV. & c .
Pour leur donner toute leur
force , on prouvera clairement
que jamais ces Droits n'ont
ceffé d'eftre reclamez
par
la
E ij
j2 MERCURE
France que jamais aucun
Traité n'a pû les abolir , que
jamais ils n'ont fouffert la
moindre apparence
de pref
cription .
Croyez - vous , Monfieur ,
que dans le temps où nous
fommes , ces droits bien expliquez
& réunis enſemble ;
pour achever de rendre invin.
cibles les pretentions
que la
France a fur les Royaumes
d'Espagne , ne fiffent pas une
grande & heureuſe impreſſion
fur des Nations , qui , comme
l'Eſpagnole & la Catalane , ne
fe menent que par la raifon
GALANT.
53
Car il ne faut point enviſager
ces Peuples comme la plufpart
des autres , qui naturellement
mépriſent tout ce qui leur fem ,
ble avoir vieilly. L'antiquité
d'un Droit bien averé ne fait
que le rendre plus refpectable
en Eſpagne ; & je vous répons
que les droits de Blanche de
Caftille remis fur le tapis , ne
nuiront jamais en ce pays - là ,
à ceux de la feuë Reine , dont
Monfeign , le Dauphin herite.
Si vous avez de la peine à croire
ce que j'ay l'honneur de vous
dire du genie de cette Nation ,
par raport aux preuves que les
E iij
1
le
54 MERCURE
autres regarderoient volon
tiers comme ufées par
temps , lifez de quelle maniere
les Auteurs Catalans s'y prirent
, lorfque fous l'autre regne
, ils prouverent que la
Ville de Barcelonne , & la
meilleure partie de la Catalogne
, n'avoit rien fait que de
jufte , en fe jettant entre les
bras de Louis XIII . & vous
verrez qu'ils remonterent tous
jufqu'à l'ancien droit acquis
fur cette Province par Charlemagne
, & par Louis le Debonaire
. Comme cette veneration
finguliere que les £f
1
GALANT:
55
pagnols confervent pour l'An
tiquité , eft jointe à une opinion
affez avantageufe, & pour
l'ordinaire affez équitable , de
ce qui vient d'eux mêmes ; je
fortifie prefque tout ce que
j'avance fur cette matiere , par
l'autorité de leurs propres
Hiſtoriens.
Je ne vous diray rien de
l'utilité de l'Hiftoire Ecclefia :
ftique du Dioceſe d'Elne ; cela
parle de foy même .
5. Reste à vous marquer ,
Monfieur , où j'en fuis d'un
travail qui dure depuis troist
ans. L'Hiftoire
Naturelle eft.
E iiij
16 MERCURE
achevée , & mife au net ; la
Topographique s'avance de
jour en jour ; les deux autres
font un peu plus qu'ébauchées
en certains endroits , &
demeureront en cet eftat jufqu'à
ce que je fois comme
affure de n'avoir plus de memoires
à eſperer de nulle part,
à moins qu'il ne me furvienne
quelque raifon de me pref
fer.
Si vous pouviez me ménager
la bienveillance de Monfieur
**
qui eft fi curieux , fi
plein d'elprit , & qu'on m'a
affuré avoir de fi bons Papiers
GALANT:
57
fur toutes fortes de fujets , je
vous ferois tres fenfiblement
obligé.
Je vous envoye la Relation
d'une Fefte donnée à Stokolm
par le Roy de Suede , le 6 .
Aouft dernier.
Sa Majefté Suedoife defi
rant donner à la Famille Roya
le le divertiffement d'une Maf
carade , & la chaleur eftant
encore trop grande pour la
faire dans les appartemens
»
le Jardin du Roy fut choiſi
comme le lieu le plus conve-
>
58 MERCURE
nable pour cette réjouïffance.
Sur les fix heures du foir les
Maſques commencerent à y
paroiftre , & en moins d'une
heure ily en eut environ mille
qui fe firent admirer par la diverfité
, &la magnificence de
leurs.habits
, ainfi que par la
maniere bizarre & nouvelle
dont plufieurs eftoient ventus.
Sur les fept heures , le
Roy , la Reine Douairiere ,
leurs Alteffes Royales , Madame
la Ducheffe d'Holſtein ,
& Madame la Princeſſe fa
Soeur , ainfi que Mile Duc¸.
GALANT.
59
d'Holftein , & leurs Alteffes
le Prince & la Princeffe de
Wolfembutel, arriverent avec
plufieurs Confeillers d'Eftat ,
& leurs Femmes , mais tous
fans eftre mafquez.
Aprés qu'ils eurent fait
quelques tours dans leJardin ,
à quoy la beauté de la foirée
fembloit inviter , & aprés s'eftre
divertis parmy cette gran
de foule de Mafques , l'on alla
à l'Orangerie. Elle a cent foixante
pieds de longueur , &
fait face à la grande allée , elle
eftoit toute reveſtuë de verdure
, auffi bien que les deux
·
60 MERCURE
Sallons octogones qui font
aux deux bouts. Le tout enfemble
formoit une tres - agréable
feüillée , dans laquelle
y avoit beaucoup de Miroirs
, dont les bordures étoient
compofées de fleurs , qui rendoient
un éclat extraordinai .
re , à caufe de la reverbera .
tion du grand nombre de
lumieres.
Au milieu de l'Orangerie
il y avoit une Table de quarante
fix pieds de longueur ,
laquelle eftoit fervie de toutes
fortes de viandes , fruits , liqueurs
& confitures ; elle
GALANT.
n'eftoit occupée que par leurs
Majeftez, les Princes , les Princeffes
, les Confeillers d'Etat ,
& leurs Femmes..
Aprés qu'on fe fut mis à
table, la Simphonie
ſe fit enrendre.
Les Violons
eftoient
rangez aux deux coftez de l'entrée
du Sallon à droite , & les
Hautbois
de l'autre cofté fur
des Balcons élevez , au bas
defquels eftoient dreffez quatre
Buffets. Les Trompettes
avec des Timballes
eftoient
dans leJardin .
Le Roy fut fervi par les
trois Graces . Pomone avec
62 MERCURE
quatre Nimphes , Flore avec
quatre Zephirs ; Cerés avec
quatre Bergers, & Diane avec
quatre Chaffeufes , fervoient
la Famille Royale. Ces perfonnages
eftoient repreſentez
par les Dames de la Cour de
la premiere qualité , aufquelles
ce déguiſement
donna un
nouvel éclat. Bacchus avec
fes Bacchantes, Silvains , Faunes
, Satires & Bergers , formoient
le refte de la bande
concertée.
Ily avoit une grande Table
dans chaque Sallon ; mais
comme la nuit s'approchoit ,
GALANT:
63
& que le Jardin eftoit illumi
né par tout , l'on ne reſta
longtemps à table.
#
pas
Le Roy fe rendit à l'autre
bout du Jardin , vis à vis de
l'Orangerie , où l'on avoit
dreffé un Theatre , dont la
décoration eftoit formée de
Vafes , & des caiffes d'Oran
gers . Plufieurs Dames & Ca
valiers de la Cour danferent
un Balet fur ce Theatre , &
receurent de tres grands ap .
plaudiffemens . Le Balet fini ,
toute l'Affemblée fe difperfa
de cofté & d'autre. Leurs Majeſtez
, les Princes & Princef-
I
1
64 MERCURE
fes fe retirerent les uns aprés
les autres pour s'aller déguiſer ;
& ce qui augmenta beaucoup
le plaifir de ce divertiffement ,
fut qu'au retour perſonne ne
fe connoiffoit plus , tant les
déguiſemens eftoient bizarres
& grotesques.
Pendant ce temps - là le Bal
commença dans l'Orangerie,
&
contiuua jufques à quatre
heures du matin .
Dans l'allée à droite il y avoit
une espece de grotte fort ample,
& toute reveſtuë de verdure
, dans laquelle ily avoit
une grande profufion de tou
GALANT. 65
34
tes fortes de Liqueurs , qui
fervit de rafraifchiffement au
Mafques.
LeRoy eftoit alors déguilé
en Chinois , & difparut fans
eftre connu . Ce Prince revint
vêtu en Egigtien; &aprés avoir
paru quelque temps fous cet
habit , S. M. voulut bien fe
faire connoiftre .
L'on n'avoit eu que quatre
jours pour le préparer
à
cette Fefte ; mais par les foins
de M le Baron de Teffein
Surintendant
des Baltimens
du Roy, qui en avoit la conduite
, tout réuffit à la fatisfa
Oct.
1699.
8
F
66 MERCURE
ction de leurs Majeftez , &
furpaffa l'attente de tout le
monde.
Voicy deux Madrigaux dé
M' Dader , dont les Ouvrages
ont fouvent eu le bonheur de
vous plaire.
A M' L'ABBESSE D ...
Sur la Feſte de S. Loüis, dong
elle porte le nom.
P Army l'éclat du Trône , &
fous le Diadême ,
Voftre auguste Patronfut maiſtre
dufon coeur ;
GALANT. 67
Et pour mieux regner fur luy .
même
Ilfceut fouler aux pieds fa fuprême
grandeur ;
Cet exemple à nos yeux par vous
Se renouvelle ,
Et fans avoir de Couronne à
quitter,
Animé d'unfemblable zele ,
Voftre coeur nous apprend comme il
faut l'imiter.
La vanité par tout s'érige en
Souveraine ,
Il est tres- peu de coeurs qui ne fuivent
fa loy.
Du plus chetif Mortel elle fçait
faire un Roy,
Fij
68 MERCURE
Etfouvent d'une esclave elle fait
unc Reine ;
Contre fesfaux attraits toujours
enfeureté ,
L'éclat qu'elle promet n'a rien qui
vous furprenne ,
Vous n'aimez que l'humilité.
A MADEMOISELLE D .. ;
pour le jour de ſa Fefte,
B Elle Philis ,
n'attendez pas
Que j'aille ramaffer
les fleurs les
plus charmantes
:
Pour rendre hommage à vos
appas ,
Ces marques d'amitiéme femblent
peu touchantes,
рец
GALANT.
69
Et les Bouquets font des prefens
Dont lelangage eft trop vulgaire
Pour exprimer ce que je fens,
C'eft à mon tendre coeur d'expli
quer ce miftere,
Luy feul peut bien s'en acquitter.
Il vous parle . Philis , daignez
donc l'écouter,
Ce langage eft le plus fincere.
Je vous envoye deux Impromptu
, & un Madrigal de
M ' de Vertron .
70 MERCURE
Sur l'Eclipfe du Soleil, arrivée
le 13. Septembre.
IMPROMPTU.
Pourquoygenons- nous noftre
vûë
Dans le miroir ou dans la nuë?
La belle Iris , cet objet fans pareil
,
Poffede tout l'éclat qu'a perdu le
Soleil,
Autre fur le même sujet.
Pour entendre les Vers fuivans
, il faut fçavoir que l'EGALANT.
71
clipfe du Soleil , qu'on nomme
auffi Apollon ou Phoebus , fc
fait par l'oppofition de la Lune
entre le Soleil & la Terre,
MADRIGAL,
B ElleIris , vous voulezſçavoir
L'origine du Pot - au- noir,
En deux mots la voicy , l'hiftoire
en eft fincere ,
Je la fçay de magrande Mere.
bû du Nectar ,
Phoebus
ayant
Liqueur qui rend l'efprit gaillard
,
En vifitant la Terre cut pour
bonnefortune
#
72 MERCURE
La rencontre de Dame Lunes
Ils joüerent tous trois ; enfin lepur
bazard
Fit que le Dieu du jour devins
Colin-maillard.
M'Mallement de Meffange
ayant fait des Vers fur les
fept Pechez Capitaux , ils ont
efte trouvez fi propres à inf
pirer l'horreur qu'on doit avoir
pour le Peché , qu'ils ont
efté placez dans plufieurs
Communautez , & dans plufieurs
Cloiftres , afin qu'eſtant
expoſez aux yeux du Public , il
puft profiter de leur lecture.
lls
GALANT:
73
Ils font dédiez à Madame la
Comteffe d'Eftrées. Voicy
ceux que l'Auteur luy adreffe.
Des fources du peché jeune fa
ge Ennemie,
Dont l'ame eft des vertus l'heroï
que fejour.
Contre ces monftres fiers ,ſouffrez
que je m'appuie
D'un nom , dont l'équité fait fon
plus tendre amour, sud
Ce nom pour les fraper rendmon
audace extrême.
Heureux , fi je pouvois par l'effort
de mes coups ,
Octobre 1699 G
74 MERCURE
Les détruire en autruy , les détrui ;
re en moy méme,
Comme dés le Berceau vous avez
fait
en vous.
Ces Vers font de l'Impri
merie de Jean - Baptiſte Cuffon
, rue Saint Jacques , au
Nom de Jefus , vis- à vis Saint
Yves.
Je vous envoye
une Lettre
fort curieuſe
. Elle eft de M' du
Mont , Chirurgien
Juré à
Auch .
La
'Avanture de l'Homme
aux Excremens petrificz,
de Paris , eft un prodige furGALANT.
75
prenant ; neanmoins il n'y a
point de partie dans noftre
corps , où il ne fe puiffe engendrer
des pierres ; car l'efto.
mach , le foye , la veficule du
fiel , les inteftins , le méfantere
, la matrice , le poulmon ; le
coeur , le cerveau , la langue ,
les yeux , les nerfs optiques ,
les vaiffeaux éjaculatoires , &
les articles n'en font pas
exempts . C'eſt pourquoy les
corps étrangers n'ont point
de matries particulierement
deſtinées à leur generation ,
puis qu'il s'en eft trouvé affez
de fois dans toutes ces parties;
Gij
76
MERCURE
mais il faut avouer que les
deux cens foixante- quinze
pierres , que le Maistre d'Ho
ftel de M' de Caraman à rendues
par le fondement , ſont un
prodige furprenant , tant par
leur groffeur , que par leur
varieté de couleurs . Il en fort
du feu comme des pierres à
fufil , & ellesfont unies comme
des glaces . L'on peut donc
voir par là combien la nature
eft admirable dans fes produ
ctions extraordinaires , & on a
déja yû affez de prodiges ,
pour croire qu'il en peut arriver
de plus furprenans que
GALANT.
77
à&
tout ce qu'on peut s'imaginer,
Tous ces étranges déreglemens
de la nature ne font rien ,
eu égard à ce qu'elle produit
aujourd'huy , & on ne peut
douter de la verité de ce Phenomene
, puis qu'il eſt arrivé
peu prés un pareil cas dans
ce pays cy , fur une Femme
attaquée d'une diffenterie ;
car elle rendit par le fondement
une vingtaine de pierres
groffes comme des noix , &
j'en ay trouvé moy même dans
la veficule du fiel , & trois petits
os blancs, folides & pointus
fur la ſurface cendrée , &
G iij
78. MERCURE
corticale du cerveau ; de fortè
que la petrification de la bile
avoit formé dans la veficule
une infinité de pierres du
res & inégales , grofles com
me des noifettes , qui en occupoienttoute
la capacité,l'ayant
même étendue confiderablement
au delà de fa dimention
naturelle ; & ces trois petits
os avoient caufé un dé
rangement dans la pie -mere,
dans la furface interne de la
dure mere , & dans la fubftance
cendrée & corticale du
cerveau. Ce Siftême , dans lequel
je me forme quelque idée
GALANT. 79
pour prouver que pour la generation
de tant de pierres de
differentes couleurs , le foye , la
veficule du fiel , le canal hepatique
, & choledoque , & le
canal merſupin , fourniffent
aux inteftins greflez & gros ,
une matiere tartareuſe , gypfée
& fablonneufe
, on pourroit
dire fans doute que ces
pierres avoient un principe feminal
lapidifique dans les inteftins
, fingulierement dans
le colon , & dans le rectum ,
oùréfidoit un efprit petrifiant,
car leur generation & produ
ction paroift tout à fait extra
Giiij
80 MERCURE
ordinaire. L'experience pour
tant nous apprend qu'elles fe
peuvent former dans les corps
des animaux , comme dans les
entrailles de la terre , eſtant
differemment modifiées felon
la quantité & l'arrangement
de leurs principes . Le Siftême
qu'on peut établir vray-femblablement
pour la generation
de la pierre , eft un fuc
qui fe petrifie, joint à un cortain
efprit petrifiant naturel à
ce fuc , c'est à dire , une ma.
tiere terreftre , meſlée à une
certaine proportion de fel .
Nous prenons enfin ce fuc
GALANT. 8i
qui fe trouve par tout dans la
terre avec les alimens que
nous mangeons. Si donc la
coction ou l'excretion ne s'en
fait pas bien , tant par la foi
bleffe des levains & des fermens
, ou à cauſe de la trop
grande quantité qui s'en trouve
dans les alimens , ce fuc
paffant des inteftins greflez
dans les gros avec les matieres
groffieres & excrementeu
fes , il prend petic à petit la
figure d'un fable meflé avec
des glaires ; & fi les cellules
du colon font fleſtries & làches
, & d'un fentiment grof:
82 MERCURE
fier , obfcur & foible , le fable
qui s'y engendre , y demeure
jufqu'à ce que s'uniffant plu
fieurs enſemble, elles forment
la pierre , & les parties terre .
ftres & tartareufes mal me.
langées avec les aqueules,
glaireufes & vifqueufes , reftent
dans les cellules du colon
, où eftant elles fe convertiffent
en pierre, par la difpo
fition qu'elles ont à ſe coagu,
ler: de même que nous voyons
que les petits grains de fable
proche des rivieres ,fe forment
en petites pierrettes, quigrof.
fiffent parfucceffion de temps,
GATANT. 81
& de là s'engendrent des pierres.
Il y a dans les cellules du
colon , comme dans le baffin
des reins & dans la veffie , un
efprit acide volatile , lequel fe
meflant avec une fubftance
huileufe, faline & tartareuſe , il
fe fait une fermentation &
effervescence , & en enfuite
une coagulation , parce que
cet efprit acide volatile s'embaraffe
dans les petits rameaux
de la matiere , & penetrant
fort avant les pores du tartre
qui fe trouve dans le gros inteftin
, il s'en forme du fable
par fon mélange avec la ma ,
84 MERCURE
tiere tartareufe , à peu prés de
même qu'il s'en fait dans la
pierre de Befoard , qui eft tou
jours faite de plufieurs couches
de matiere les unes fur
les autres . Pour appuyer enfin
ce Siftême , & pour en expli
pliquer la generation de la
pierre , il eft abſolument ne .
ceffaire qu'il y ait deux fortes
de matiere , l'une vifqueule ,
glaireufe , tartareufe , gypfée
& fablonneuſe ; & l'autre un
efprit acide volatile , & penetrant
,pour faire par leur union
& par leur mélange un corps
dur & compacte ; c'eſt pour-
}
1
GALANT 85
(
quoy
il ne fe fait point de pe
trification fans un efprit acide
& falin. Quoy qu'il en soit ,
un tel Phenomene
averé d'u
ne production
fi extraordinai
re , meriteroit
bien les refle
xions de M's les Medecins de
Paris , que je refpecte & honore
infiniment , puis qu'ils
ont affifté à l'accouchement
de ce prodige , & ont démêlé
eux -mêmes les pierres des exè
cremens.
A Auch le 14. Aouſt 1699 .
Voicy ce qu'on a imprimé
d'Arreſts , d'Edirs & de Décla
86 MERCURE
rations depuis le dernier arti
cle que je vous en ay envoyé.
Arreft de la Cour de Parledu
22. Aouft , rendu en
faveur des Religieux de l'Abbaye
Royale de Saint Riquier,
Ordre de Saint Benoist , gros
ment ,
Decimateurs de la Paroiffe de
Caux , contre Meffire Jean
Watebled , Curé de ladite Pa-
>
roiffe , qui diftingue l'ancien
fond du Domaine des Cures ,
d'avec le nouveau & juge
qu'il n'y a que les fonds de
l'ancien Domaine qui foient
exempts du droit des Dixmes ,
& que les fonds donnez , leGALANT.
87
Y
guez , ou acquis depuis la
dotation des Cures , & qui
forment le nouveauDomaine ,
ne font point exempts dudit
droit de Dixmes .
Declaration portant peine
de neuf ans de Galeres contre
les Particuliers
qui faciliteront
avec force & port d'armes ,
l'entrée des marchandiſes

fenduës, donnée à Marly le 25 ,
Aouft.
Arreft du Confeil d'Etat du
Roy en faveur de la Nobleffe,
Du 8. Aouft.
Declaration du Roy , concer
nant les achats de Bleds par
88 MERCURE
les Boulangers de Paris , donnée
à Versailles le premier Se
ptembre.
Declaration du Roy, concer
nant les Meſureurs de grains
& farines de Paris , donnée à
Verſailles le premier Septembre.
Fugemement fouverain des Requeftes
de l'Hoftel , portant condamnation
contre les Offi .
ciers de Mante , rendu le premier
Septembre
.
Declaration du Roy , portant
peine de Galeres contre
ceux de la R. P. R. ou Réunis
à l'Egife , qui fortiront
du
GALANT 89
Royaume fans permilion ,
donnée à Fontainebleau le 13 .
Septembre.
Declaration du Roy , qui
ordonne l'execution
de la
Conftitution
de N. S. P. le
Pape , en forme de Bref , du
12. Mars 1699. portant condamnation
d'un Livre intitu-
!
lé , Explication des Maximes des
Saints , fur la Vie interieure ,
compofé par M l'Archevêque
de Cambray , donnée à
Verfailles le 4 Aouſt⋅ 4.
Arreft de la Cour des Aides ,
portant reglement general
entre les Officiers du Grenier
H Octobre
1699.**
90 MERCURE
à Sel , pour leurs fonctions ,
donné le 14. Aouft .
?
Arreft de la Cour de Parlement
portant reglement
pour les Mariages contractez
& celebrez fans le confentement
des Peres & Meres , Parens
& Tuteurs , du 17. Aouft .
Declaration du Roy concernant
la nouvelle Tremie
établie dans les Greniers à
Sel des Gabelles de France,
donnée à Verfailles le 18.
Aouft.
Declaration du Roy, portant
reglement
fur la maniere de
faire le trafic des Bleds dans le
GALANT:
91
Royaume , donnée à Verſailles
le dernier jour d'Aouſt.

le
M' Dacunha eut la premie-
27.
re Audience à Fontainebleau
du mois paffé , & il an.
nonça au Roy & à toute la
Maiſon Royale , la mort de la
Reine de Portugal. Il eftoit
Conſeiller au Parlement de
Liſbonne , quand le Roy de
Portugal le nomma Secretaire
de l'Ambaffade extraordinaire
en France , pour partager avec
l'Ambaffadeur le foin des affaires
qui regardent cette Couronne.
Comme les Secretaires
des Ambaffadeurs que ce
Hij
92 MERCURE
Prince choifit , font ordinai
rement d'une naiffance diftinguée
& d'une experience
confommée dans les Negociations
& dans les affaires , il
leur donne prefque toûjours
le caractere d'Envoyez aprés
le départ des Ambaffadeurs.
C'est ce que nous voyons en
la perfonne de M ' Dacunha .
Le Roy ayant depuis peu
accordé à M' Berrin , Deflinateur
ordinaire de fon Cabinet
, le Privilege de faire feul
des Luftres de Cristal fondu ,
qui imitent le Criſtal de roGALANT.
93
43
che , il a prefenté Requeſte
au Parlement pour l'enregi
ftrement de fes Lettres Patentes
, & la Cour a ordonné
qu'elles feroient communi .
quées à M d'Argenſon , Licutenant
General de Police >
pour donner fon avis fur le
contenu. M'd'Argenfon a dit ,
aprés avoir examiné le Luftre
que M' Berrin avoit fait voir
à Sa Majesté , qu'il eftoit obligé
de reconnoistre que cette maniere
nouvelle de fondre le Cristal , g
d'en compofer des Luftres , & des
girandoles , eft une des plus heureufes
découvertes de l'Induftrie
94 MERCURE
Françoife , & qu'il eftoit furprenant
qu'on premier effay appro
chaft fi fort de la perfection . En
efft , rien n'imite mieux la
perfection du Criſtal de roche
, & tous ceux qui ont vu
ce Luftre chez M' Berrin aux
Galeries du Louvre , en font fi
charmez , que plufieurs en
demandent avec grand empreffement
, en forte qu'il eft
d'autant plus mal aifé de fatisfaire
la curiofité de tous.
ceux qui en veulent avoir dans
le même temps , que plufieurs
Princes Etrangers en ont fait
demander.
GALANT.
95
Eftienne Picard , Graveur
du Roy , rue Saint Jacques, au
Bufte de Monſeigneur le Dauphin
, prés les Mathurins , &
Nicolas le Clerc , rue Saint
Jacques , proche Saint Yves ,
à l'Image Saint Lambert , &
qui demeuroit cy- devant fur
le Quay proche des Augnftins,
vendent depuis quelquesjours
le fecond tome du Livreintitulé
, Cabinet des fingularite
d'Architecture , Peinture , Scul
pture& Graveure , ou Introdu .
tion à la connoiffance des plus
beaux Arts , figurezdans les Tableaux
,les Statues & les Eftam.
pes.
96 MERCURE
0
Tout ce qui fe peut dire des
Ecoles modernes de Florence,
de Rome, de Venife , de Lombardie
, de Boulogne , par
rapport à la vie des plus illu
ftres Peintres, & des jugemens
qu'ils ont faits des Ouvrages
des uns & des autres .
La Vie & les Ouvrages des
plus fameux Peintres Ultramontains
, ce qui fera fuivi
de differens autres Peintres
Etrangers .
Deux Planches en bois
pour la connoiffances des dif
ferens caracteres
ou marques
étrangeres d'Italie , & autres
des
GALANT:
97
des Pays Bas , avec des Chifres
& des Difcours pour l'explication.
Les Catalogues en détail ;
& bien divifez par matieres ,
de tout ce qui a efté gravé
d'aprés ou par Claude Mellan ,
Antoine Tempefte , Willelme
Bauxn , les Bloemaerts , Cal
lot , la Beffe , les Sadelers en
partie , & l'oeuvre de M' Pouf
fin.
Cet Ouvrage eft de M ' Florent
le Comte , Sculpteur &
Peintre à Paris . Le premier
Volume a esté fi bien reçû ,
qu'a fait fouhaiter le fecond ,
Octobre
$699. I
98 MERCURI
qui vient de paroiſtre.
La beauté de la Saiſon a fait
cette année venir à Bourbon
plufieurs Dames diftinguées
par la qualité & par le merite.
Les unes n'y venant que pour
de legeres incommoditez , &
les autres pour accompagner
feulement quelques - unes de
leurs Parentes , ou de leurs
'Amies , elles ont toutes formé
des affemblées tres brillantes
. Un Cavalier , qui fait
jolimnt des Vers , s'y eft trouvé
dans le même temps . On
l'a engagé à écrire pour toutes
les Dames ; il l'a fait , & fes
TRAVE
BE
LYON
1893
VILLE
GALANT:
S
14
-I
e
Vers ont fait plaifir , fur
dans un pays où les amufemens
font affez rares.
Chanfonfur l'Air deJoconde.
Bourbon eft , à mon ſentiment ,
Le plus beau lieu du monde ;
J'en veux celebrer l'agrément
Sur le ton de Joconde.
Mille Beautez qu'en ce ſejour
Un même foin amene ,
Nous font croire que de l'Amour
C'eft icy la Fontaine .
2
Vaffé , de vos premiers regards
On ne peut le défendre ,
On court encor plus de hazards
Quand on peut vous entendre.
Nous fentons mille feux nouveaux
I ij
100 MERCURE
Semparer de nos ames :
De Bourbon les bains & les eaux
N'éteignent point ces flâmes .
&
Avec ce teint vif & fleury ,
Ces yeux fi feurs de plaire ,
La belle Lauzun eft icy ,
Dieux qu'y vient - elle faire ?
Vient-elle chercher la fanté
Dans le fein de cette onde
Ou par les rraits de fa beauté
Ybleffer tout le monde ?
S
Avoir de l'aimable Montfort
Et l'air & la nobleſſe ,
Qui de nous ne croiroit d'abord
Que c'eft une Déeffe ?
Diane a moina de majeſté ,
La Reine de Cithere
A mille fois moins de beauté ,
Et fçait moins l'art de plaire.
GALANT:
ΙΟΣ
$
Nous aurions beſoin du Berger
Qui jugea les Déeffes .
Pour pouvoir dans ce lieu juger
Entre nos deux Ducheffes
Des Amours , des Ris & des Jeux
La troupe le partage ,
Et l'on ne fçait chez qui des deux
On en voit davantage .
$
Les jours paffent comme un moment
Avec l'Ambaſſadrice : *
Chacun àſon eſprit charmant
A l'envi rend juftice.
Les Jeux , les Plaifirs empreffez
Sont toujours fur les traces .
Ciel! vient-il des climats glacez
Tant de feu , tant de graces ?
* Me de Meyercron , Danotfe.
I iij
102 MERCURE
S
Charmante Abbeffe , *en ce fejour
Quand chacun vous revere ,
Croyez -moy , l'on cache l'amour ,
Sous ce refpe & fincere.
A voftre esprit comme à vos yeux
Qui ne rendroit les armes ?
Mais c'eft feulement pour les Dieux
Que font faits tant de charmes .
* Me de Frontevaux.
2
Vous avez pour nous enflâmer
Undroir trop legitime :
Vous voir , & ne vous pas aimer ,
Comteffe , c'eſt un crime ,
Mais auffi.roft qu'on voit vos yeux ,
Un certain trouble aimable
Nous fait trop fentir qu'en ces lieux
Perfonne n'eft coupable .
Me de Sors
GALANT. 103
2
La jeune de Sors fur ces bord's
Paroift incomparable
Elle joint aux charmes du corps
Un efprit adorable .
Que fon entretien eft charmant ,
Noftre ame en eſt ravie .
Qui peut la voir un feul moment ,
L'aime toute fa vie.
S
Jeune Pellard , dans mesportraits
Voltre efprit , voftre grace ,
Voftre douceur & vos attraits
Demandent une place :
Mais j'ay de trop foibles couleurs
Pour un fi bel ouvrage .
C'est l'amour qui dans tous les coeurs
Gravera voftre Image .
$
Mufe , il nous faut trouver encor
Quelques graces nouvelles .
I iiij
104 MERCURE
Peignons un précieux trefor
De graces naturelles .
Un efprit amufant & doux ,
Une beauté touchante,
Ces traits font reconnoiftre à tous
L'aimable Lieutenante.
Me Pafquier, Lieutenante Particulie
re du Chastelet .
$
Ah, que l'on goûte de douceur
Lorsque l'on vous écoute !
Que vostre voix de noftre coeur
Découvre bien la route !
Mais vous confacrez aux Autels
Ces talens admirables.
Helas , pour les foibles Mortels
Ils font trop redoutables.
Me Rafard , Religieuse de Vernon
dont la voix eft admirable,
GALANT.
105
Pour Madame la Ducheffe de
Monfort ,
VOEU A LA NIMPHE
qui préfide à la Fontaine
de Bourbon.
Toy , qui des Mortels es le plus
feur
recours ,
Toy qui fçais de leurs maux calmer
la violence
Et leur donner de prompts fe
cours ,
Nimphe , qui tiens fous ta puil
fance
Cette Fontaine de Jouvence,
Où l'on vient rallumer le flambeau
de les jours
106 MERCURE
J'ay fenti de tes eaux la force falutaire.
Je parts , je vais par tout publier tes
bienfaits ;
Mais tous mes voeux encor ne font
pas fatisfairs ,
Ecoute ceux que je viens faire,
S
Tu vois l'adorable Montfort
Trifte , languiffante & plaintive ,
Qui contre la rigueur du fort ,
Cherche du fecours fur ta rive.
Dieux , qui peut l'accabler avec tant
de rigueur ?
N'en doutons point , qulque Immortelle
Jalouſe dela voir trop belle ,
Caufe fa farale langueur.
Pfiché n'eftoit pas fi charmante,
Lors que la Mere de l'Amour ,
GALANT. 107
Jaloufe des attraits de fa beauté nailfante
,
Luy voulut arracher le jour.
GG
Nimphe , tu feras attendrie ,
De l'aimable Montfort viens contempler
les yeux ,
Ces yeuxpour quites plus grands
Dieux
,
S'ils pouvoient expirer , voudroient
perdre la vie ,
Ces yeux malgré les maux toujours
victorieux ,
Vois prés d'elle l'Amour qui pleure ;
qui foupire ,
Qdibrife fes traits , fon bandeau,
Et craint de perdre ,
objet fi beau
helas , dans un
Ces attriits qui dans ſon empire
Arrêtoient chaque jour quelque cap
¡if nouveau.
108 MERCURE
S
Verras tu perir tant de charmes ?
Nimphe , redouble tes efforts ,
Diffipe tous les maux & bannis nos
allarmes
,
Un fuccés fi flateur doit illuftrer tes
bords.
Quede coeurs charmez de tagloire
Prendront foin de la celebrer !
Agi , qu'ainfi Vichy te cede la victoire
,
Qu'aucune Nimphe à toi ne s'ofe
comparer,
2
A l'objet de nos voeux montre toi
favorable .
Content de ta vertu , de fes
chanté,
yeux en
Alors tu m'entendras fur un ton plus
aimable
Chanter ta force & fa beauté.
GALANT 109
Vers écrits de Bourbon à une Dame
qui accufoit l'Auteur de
ne pas affez parler morale .
Icy d'un Chafteau ruiné Cy
Nous voyons fur un Roc la trifte
decadence .
C'eft-là que le tems mutiné
A fait fentir fa violence .
Les rampars les plus hauts font tombez
fous les coups .
Au mepris des grands noms que cent
Peuples reverent ,
Nous voyons nicher des Hibous
Ou Jadis les Bourbons logerent.
Parmi ces debris éclatans
De ces vainqueurs fameux rappelant
la memoire ,
Tio MERCURE
Souvent feul ( vous aurez de la peine
à le croire
Je moralife ainfi fur la Mort & le
Tems.
S
Que font - ils devenus ces Maiſtres
de la terre ?
Rien ne nous refte , helas ; de tous ces
grands Heros.
En vain nous évitons les dangers de
la Guerre ,
Et fuyons l'empire des flots.
En vain des Aquilons nous craignons
l'influence ;
Aux foins que nous prenons la mort
n'a point dégard ,
Et nous cedons à la puiffance ,
Un peu plus toft, un peu plus tard .
Prés de cette fource feconde.
Où chacun vient,& croit rencontrer
dufecours ,
GALANT.
IIT
Je voi que l'on finit fes jours ,
Ainfi qu'aux autres lieux du monde..
Par ces raifonnemens je cherche à
m'aguerrir
Contre l'affreufe mort qui femble me
pourſuivre ;
Mais quels que foient les maux où
mon deftin me livre ,
Jaime mieux encor les fouffrir.
Ah , qu'il eſt facheux de mourir
Lorsqu'auprés de vouson peut vivre
!
Il eft de la prudence de s'éloigner
le plus que l'on peut
des lieux où il y a fujet de
craindre que l'air ne foit infecté
; mais on a beau ſe ſervir
de cette precaution pour
112 MERCURE
fe garantir des maux dont on
a l'idée trop imprimée dans
l'efprit. La fource en eft dans
le fang , & fi la frayeur le trouble
, on s'attire par cette foibleffe
ce qu'on voudroit éviter
aux dépens de toutes choſes.
Ce qui eft arrivé depuis deux
mois en est une preuve convainquante.
Deux Amies s'étoient
affociées pour le Jeu ,
& ce que l'une gagnoit ou
perdoit regardoit l'autre pour
une moitié , quoy qu'elles
joüaſſent en differentes maifons.
Ce traité avoit toûjours
efté obfervé de bonne foy , &
GALANT: 13
comme aucune des deux n'é
toit malheureuſe , elles s'en
eftoient d'autant mieux trouvées
qu'elles joüoient ordinairement
un affez gros jeu .
Un jour que l'une des deux
fe trouva fans fon Amie chez
quelques Dames de fon voifinage
, aprés qu'on eut paffé
quelque temps à debiter des
nouvelles , & à faire les petites
medifances qui entrent ordinairement
dans la converfation
, on propofa , pour épar
gner le prochain , de joüer au
Lanfquenet aux pieces de quatre
fols. C'eftoit feulement
Octobre
1699. K
114 MERCURE
pour s'amufer en attendant
qu'on fe feparaft. La Dame
qui avoit une moitié ,fut longtemps
fans complaifance pour
ceux qui la prierent de vouloir
eftre de cette partie . Elle s'excufa
fur le petit jeu qui ne
valoit pas la peine qu'elle prift
des cartes , mais enfin preffée
par les autres Dames , qui ne
vouloient pas qu'elle demeuraft
oifive , elle fe laiffa perfuader
, en declarant que puifqu'il
s'agiffoit feulement de
petites pieces , elle ne joüoit
que pour fon compte. Le jeu
quoy que petit s'échauffa , &
GALANT. 115
Comme c'eftoit ce qu'elle
avoit fouhaité , on couvrit infenfiblement
les cartes de tant
de jettons , qu'elle faifoit un
affez gros gain lors que fon
Amie entra. Cette Amie en
ayant fait voir de la joye
quelqu'un luy dit que fi elle
s'en réjoüiffoit dans la penſée
d'avoir la moitié du gain elle
eftoit trompée , la Dame
ayant declaré qu'elle ne joüoit
que pour elle feule. Ce fut
un tres grand fujet de plainte
pour celle qui arrivoit . Son
Amie luy dit naturellement
qu'elle s'eftoit miſe au jeu
Kij
116 MERCURE
contre fon gré , & qu'elle n'avoit
pas cru la devoir affocier
pour des pieces de quatre fols,'
qui estoient fi peu de chofe ,
qu'elle avoit traité ce jeu d'a
muſement fimple & de bagatelle.
L'Amie la voyant toûjours
gagner continua de ſe
plaindre, & fortit un peu aprés
fans luy rien dire . Son air
chagrin qui avoit paru , fit rire
la Compagnie , & l'on moralifa
jufqu'à s'étonner que l'amitié
la plus forte ne puft tenir
contre l'intereft. La Dame
gagnante dit en riant qu'afin
que ce different n'euſt point
GALANT. 117
de fuite , elle alloit tant rif
quer fur toutes les cartes ,
qu'elle fortiroit du jeu fans
rien emporter , mais elle eut
beau faire. Son bonheur ne
diminua point , & plus elle
voulut hazarder , plus elle ga-.
gna, Son Amie ne fut pas
longtemps fans revenir. Elle
rentra en difant qu'elle venoit
fçavoir fi elle n'auroit point
le plaifir de la retrouver en
perte. Elle n'apprit le contraire
qu'avec un nouveau témoignage
de dépit . Son Amie
fouftenant toûjours qu'elle
fe plaignoit injuftement de ce
18 MERCURE
qu'elle n'avoit pas voulu la
faire entrer de moitié dans un
jeu qui n'auroit eſté d'aucune
importance fi on ne s'eſtoit
pas piqué , elle répondit qu'
elle ne le foucioit plus qu'elle
en euft fi mal ufé pour elle ,
puifqu'elle eftoit affuré de s'en
vanger. En mefme temps elle
s'approcha de fon oreille , &
luy parla bas. La Joüeufe s'écria
auffi toft qu'elle eftoit
perdue , & qu'elle ne l'auroit
jamais crue capable de vouloir
l'affaffiner. Chacun fut furpris
de ces paroles , & comme on
la vit pafle & toute tremGALANT.
119
blante , on demande à la Dame
ce qu'elle avoit pû luy
dire. L'envie de l'apprendre
fut d'autant plus vive que fon
Amie tomba en foibleffe , &
parut dans un eftat à faire
pitié. Sans s'expliquer davantage
quand elle fut un peu
revenue , elle pria qu'on la remenaft
promptement chez
elle. Elle n'y fut pas pluſtoſt
arrivée , qu'eftant faifie d'une
violente fievre , elle fe fit
mettre au lit. Ce qui avoit
caufé tout ce défordre , c'eſt
que fon Amie qui avoit esté
dans une maiſon voifine où
120 MERCURE
l'on devoit luy rendre raiſon
de quelque affaire , luy avoit
dit tout bas à l'oreille , que
pour fe vanger de fon mau-)
vais procedé, elle luy apportoit
la petite verole , & que,
pour cela elle venoit de voir
une Dame qui en eftoit attaquée.
Cette menace avoit fait
une impreffion fi forte fur elle,
que tout fon fang s'en eſtant
troublé , elle ne s'eftoit plus.
connue elle mefme.
Amie la voyant veritablement
malade , eut beau luy jurer
que c'eftoit une malice qu'elle
avoit voulu luy faire pour l'inquieter.
*
Son
GALANT. 12t
quieter. Son imagination
eftoit bleffée , & l'idée d'un
mal affreux qu'elle apprehendoit
plus qu'aucun autre , la
remua tellement , que quoy
qu'on puft faire pour difliper
fa frayeur , elle fut prife effectivement
de la petite verole.
Son Amie au defeſpoir de s'en
voir la cauſe , fans avoir cru
que l'inquietude qu'elle avoit
cherché à luy donner , deuſt
produire ce mauvais effet , ne
voulut point la quitter . Elle
s'enferma avec elle , & en eut
des foins dont la parfaite ami .
tié peut eftre feule capable.
Octobre 1699. L
122 MERCURE
le mal
Comme elle avoit l'efprit fer
me , & que rien ne l'étonnoit,
quelques precautions dont
on l'obligea de ſe ſervir , l'empefcherent
de gagner
de fon Amie , à qui il n'en eft
refté que d'affez legeres marques.
Ainfi elle repara , autant
que la choſe fut en fon
pouvoir , un malheur caufé
par ſon imprudence , & il ne
tint pas à elle qu'elle ne fuft
de moitié fur la petite verole ,
puifqu'elle s'y expofa pour la
fecourir.
Je vous envoye un Journal
GALANT. 123
du voyage de Fontainebleau
où la Cour arriva le 3. du mois
paffé. Cou
Le 4. le Roy alla' tirer, &
trouva beaucoup de Gibier.
-Monſeigneur courut le Loup,
-& Meffieurs les Princes coururent
le Liévre avec l'équi
page de M' le Comte de Toulouze.
Le s . il y eut chaffe du Cerf.
Madame la Ducheffe de Bourgogne
y accompagna Sa Majefte
, ainfi que dans toutes
les autres Chaffes du Cerf qui
fe font faites pendant le féjour
qu'elle a fait dans ce Chasteau .
Lij
124 MERCURE
Les Comediens repréſente
rent le foir l'Andromaque &
Crifpin Médecin , où Monſeigneur
& tous les 'Princes &
Princeffes affifterent. Le Roy
nomma le foir M de Pontchartrain
à la Charge de Chancelier
, & M ' de Chamillard à
celle de Controlleur General
des Finances.
Le Dimanche 6. il y eut
promenade
en Caroſſe
.
Le Lundy 7. le Roy alla
tirer , & Monfeigneur courut
le Loup .
Le Mardy 8. le Roy ne
fortit point , & Monſeigneur
courut le Cerf.
GALANT. 125
Le Mercredy 9. Monfieur
le Chancelier prêta ferment
entre les mains du Roy. Sa
Majeſté alla tirer l'apréfdinée,
& le foir la Comedie du Tartuffe
fut repreſentée.
Le Jeudy 10. il y eut grande
Chaffe du Cerf pour le Roy;
tous les Princes s'y trouve .
rent.
Le Vendredy 11. le Roy alla
tirer à quatre lieuës de Fontainebleau
, & Monſeigneur
courut le Loup.
Le Samedy 12. il y eut
Chaffe du Sanglier dans les
Toiles , & enfuite promenade
Liij
126 MERCURE
en Caroffe autour du Canal ,
& le foir la Comedie de Phedre
qui fut fuivie du Grondeur.
Le Prevoft des Marchands
, les Echevins & autres
Officiers de la Ville vinrent ce
jour- là faire leurs complimens
à M' le Chancelier.
Le Dimanche 13. il y eut
grande promenade en Caroffe
fur les bords du Canal & dans
les plus belles routes du Parc,;
& l'on s'arrefta quelque temps
aux bords d'un Baffin pour
voir la pefche des Cormorants
. Madame la Ducheffe
de Bourgogne eſtoit dans le
GALANT 127
Caroffe de Sa Majeſté..
Le Lundy 14 ilyeur grande
Chaffe du Cerf.
Le Mardy 15. le Roy alla
tirer, & Monſeigneur courut
le Loup. Le Roy & la Reine
d'Angleterre arriverent à huit
heures du foir par la Cour du
Cheval blanc. Le Roy accompagné
de tous les Princes
& Princeffes , & generalement
de toutes les perfonnes de
confideration de la Cour, de
l'un & de l'autre Sexe , les receut
au haut de l'Escalier ap
pelle le fer à Cheval , & les
conduifit dans l'Appartement
The
Liiij
128 MERCURE
de la Reine mere , qui leur
avoit efté préparé , & où L. M.
fe repoferent jufqu'au fouper,
qui fut fervi dans l'antichambre
du Roy , ainfi que tous
les repas fuivans. Le Roy les
receut à la porte , & les y reconduifit
aprés la fortie de
table ; ce qui s'eft pratiqué
de la même maniere pendant
leur fejour à Fontainebleau .
La table eftoit quarrée , avec
trois fauteuils d'un cofté . La
Reine d'Angleterre avoit celuy
du milieu , le Roy d'Angleterre
eftoit à ſa droite , &
le Roy à fa gauche. Les PrinGALANT.
129
ces & Princeffes de la Maifon
Royale eftoient affis felon leur
rang .
Le Mercredy 16. tous les
Princes & Princeffes , Sei
gneurs & Dames de la Cour ,
fe trouverent à midy à la Toi
lette de la Reine d'Angleterre.
Le Roy s'y rendit à midy &
demi , & donna la main à la
Reine , pour la conduire à la
Meffe dans la Chapelle des
Mathurins en bas. Le Roy
d'Angleterre marchoit de l'au
tre costé , & leurs Majeſtez
eftoient précedées de tous les
Princes & Seigueurs , & fui130
MERCURE
vies de toutes les Princeffes &
Dames de la Cour , en leur
rang , & fe placerent fur le
Prie dieu. La marche fur
dans le même ordre au fortie
-
par
la de la Meffe , & l'on alla
Gallerie des Réformez dans
l'antichambre du Roy fe mettre
à table pour le dîner . L'apréſdînée
, Madame la Ducheffe
de Bourgogne donna
audience dans fon Cabinet à
La Princeffe de Montbelliard ,
qui avoit falüé le Roy le ma
Il y eut fur les cinq heures
grande promenade en Caroffe
fur les bords du Canal , &
GALANT . 131
dans les roures du Parc. Leurs
Majeftez Britanniques , Madame
la Ducheffe de Bourgogne,
Monfieur & Madame,
Madame la Ducheffe du Lude
& Madame de Tyrconel ,
eftoient dans le Caroffe du.
Roy. Tous les Caroffes des
Princes & Princeffes , des Seigneurs
& des Miniftres Errangers,
formerent un tres- nombreux
cortege
.
Le Jeudy 17. il y eut Chaffe
du Cerf , & leurs Majeftez
Britanniques y allerent dans
5 le Caroffe du Roy , ainfi
qu'aux Chaffes fuivantes . Le
132 MERCURE
foir , Monſeigneur & Meffeigneurs
les Princes fe divertirent
à la Comedie du Menteur.
Le Vendredy 18. le Roy
d'Angleterre , & Monseigneur
allerent de bonne heure à la
Chaffe du Loup. Il y eut le
matin grande Toilette chez
Madame la Ducheffe de Bourgogne
, où Madame la Chan .
celiere prit le Tabouret. Let
Roy alla tirer l'apréfdînée , &
Meffieurs les Princes couru •
rent le Liévre , Il y eut le foir
des Appartemens chez le Roy
pour la premiere fois . L'on y
GALANT 133
2
[
chanta une partie de l'Opera
de Coronis , dont les Vers
font du fieur Morel , & la Mufique
du fieur Mataut , tous
deux Ordinires de la Mufique
du Roy. Le Roy ny leurs Majeftez
Britanniques n'entendirent
point cette Mufique ,
qui fut trouvée fort belle.
Le Samedy 19. il y eut
Chaffe du Cerf.
Le Dimanche 20. le Roy
alla tirer , & le foir les Comediens
reprefenterent Mithridate
& lé Florentin .
Le Lundy 21. le Roy alla
firer ; leurs Majeftez Britanni134
MERCURE
3
ques ne fortirent point ; il y
eut le foir des Appartemens
,
où Monfeigneur entendit ce
qui avoit efté déja executé de
l'Opera de Coronis .
Le Mardy 22 , il y eut Chaffe
du Cerf,
Le Mercredy 23. une partie
de la matinée fut employée à
obferver l'Eclipfe du Soleil. Il
y eut fur les cinq heures promenade
en Caroffe fur les
bords du Canal. Jamais on n'y
vit un plus nombreux cortege
de Caroffes.
Le Jeudy 24. il y eut Chaſſe
du Cerf, & l'on reprefenta le
GALANT . 137

foir pour la premiere fois la
Comedie des Fées , faite exprés
pour Fontainebleau , par
le fieur d'Ancourt, Comedien,
& ornée d'un Prologue & d'Intermedes
de Mufique & de
Danfes. La Mufique eftoit de
M ' de la Lande , Surintendant
de la Mufique du Roy , & les
entrées de Balet du fieur Beauchamp.
Les habits eftoient du
deffein de M'Berrin .
Le Vendredy 25. il y eut
grande Toilette chez Madame
la Ducheffe de Bourgogne
, où les Dames parutent
pour la premiere fois en coif#
36 MERCURE
fures d'une forme nouvelle ,
c'eft à dire beaucoup plus
baffes . Le Roy alla tirer ,
Monfeigneur le promena fur
les bords du Canal , & Mef
feigneurs les Princes coururent
le Lièvre . Il y eut le foir
des Appartemens . L'on y
chanta le Prologue & le premier
Acte de l'Opera nouveau
de Martéfie , dont la mu
fique eft de M'des Touches ,
qui a compofé les Opera
d'iffé & d'Amadis de Grece.
Cette derniere fut generalement
applaudie.
Le Samedy 26. le Roy alla
GALANT. 137
tirer , Monfeigneur courut le
Loup , & Meffeigneurs les
Princes coururent le Liévre.
Le Dimanche 27. le Roy alla
tirer , & il y eut le foir Comedie
, qui fut Crifpin мuficien.
L'Envoyé de Portugal avoit
fait part le matin de la mort
de la Reine de Portugal.
Le Lundy 28. le Roy prit
le deüil en violet pour la Reine
de Portugal , & il y cut
l'apréfdinée Chaffe du Cerf,
on en courut deux .
Le Mardy 29. le Roy alla
tirer , & Monſeigneur courut
le Loup. Il y eut le foir des
Octobre 1699. M
128 MERCURE
1
Appartemens , & l'on chanta
plufieurs endroits choifis de
l'Opera de Martéfie , qui ne
furent pas moins applaudis
que ce qu'on avoit déja entendu
.
Le Mercredy 30. il y eut
Chaffe du Cerf.
I.
Le Jeudy 1. d'Octobre toute
la Cour fe trouva à neuf
heures dans l'Appartement
de la Reine d'Angleterre. Le
Roy s'y rendit à neuf & demie
, & conduifit leurs Majeftez
à la Meffe dans la Chapelle
en bas , puis à leur Caroffe,
qui eftoit au bas de l'EfGALANT.
139.
,
calier du Fer à cheval , dans
la cour du Cheval blanc où
fe firent les adieux. Il y eur
l'apréfdînée Chaffe du Cerf,
Le Vendredy 2. il y eut ens
core Chaffe du Cerf , & Appartement
le foir. L'on Y
chanta le Prologue de Phaë
ton.
Le Samedy 3. Monfieur,
Monfieur le Duc de Chartres,
& Madame la Ducheffe de
Chartres , accompagnez
de
plufieurs Dames , allerent à
Montargis , pour quelques
jours. Le Roy alla tirer , &
Monfeigneur courut le Loup .
Mij
140 MERCURE
Le Dimanche 4. le Roy alla
tirer..
Le Lundy 5 Monseigneur
alla à Montargis , accompagné
de Madame la Princeffe de
Conty ; de Monfieur le Prince
de Conty , & de quelques Dames
11 y eut chaffe du Cerf, &
le Roy en courut deux .
Le Mardy 6. il y eut Chaffe
du Chevreuil.
Le mercredy 7. le Roy ne
fortit point, & il n'y eut rien le
foir. Monfeigneur revint de
Montargis.
Le Jeudy 8. il y eut Chaffe
du Cerf, & le foir la Comedie
GALANT. 147
des Fées. Je vous donneray le
refte de ce Journal avant que
de fermer cette Lettre .
Mademoiſelle l'Heritier n'a
pû voir élever la Statue Eque
ftre du Roy dans la Place de
Louis le Grand , fans donner
des marques ordinaires de
fon zele. Je vous envoye ce
qu'elle fit dans le temps que
cette Statuë fut découverte.
SONNET.
TEl qu'on a vú LOUIS dans
fa courfe rapide ,
Fendre les flots du Rhin d'un bras
victorieux
,
142 MERCURE
Tel qu'on vit aux combats ce
Conquerant pieux
Eftre l'heureux appuy de la Foy
qui le guide.
Tel qu'on le voit enfinfage , grand,
intrepide,
Dans cette Image augufte il paroift
à nos yeux ;
On y litfurfon front quefesfaits
glorieux
Terniffent les exploits d'Alexan
dre d'Alcide.
$
De tout ce que jamais ont élevé les
Arts,
Pour immortalifer les plus fameux
Cefars,
GALANT: 143.
Ge noble Monument vient effacer
la
gloire.
Sal
LOUIS
a fceu
dompter
la Terre
&
les Enfers
.
'Si ce Bronze parlant n'autoriſoit
l'Hiftoire ,
L'avenir croiroit il ces miracles,
divers?
M' Guftier de Maffery, Avocat
au Parlement
a fait
fur cette même Statue Eque.
ftre le Madrigal que vous
allez lire.
144 MERCURE
I Cy l'étonnement
viene faifir
nos regards.
Ilfuffit que l'Airain reprefente ce
Mars.
Tout marquefa grandeur ,fa fage
vigilance ,
Soit à faire un projet ,fsit à l'executers
Mais noſtre efpritſe perd lors qu'il
met en balance,
De la tefte ou du bras lequel doit
l'emporter,
La grande beauté a des privileges
particuliers , & il ne
faut pas vous priver du plaifir
de
GALANT. 145
de voir un Sonnet Italien , fair.
par M' de Gavarin , Secretaire
d'Ambaffade de Monfieur le
Duc de Savoye , à la loüange
de Mademoiſelle d'Armagnac
.
BELLEZZA INESPLICABILE
DI MADA MIGELLA
D'ARMAGNAC ,
Intefa fotto nome di Nice.
NIce , le Grazie , onde il tuo
Bel s'infiora
,
Al traſpirar di tua Virtude interna
,
Octobre 1699. N
146 MERCURE
Non han nome quà giù , che le
windifcernaz;!ubary
Nowharinse ilPennel,fè le colora,
&
Quel, che frattanto ogni pupilla
adora .
Par lampo in te de la Bellezza
Eterna ;
E puo ammirar ne la tuaforma
efterna
Si gran parte del Cielo il Cielo
ancora.
Ma fe ritsar non fo de prigi
tuoi ,
Quanto ilVifo me moftra a l'occhio
mio
r
ne
GATANT.. 147
Quel , che non otteneſti , udir ben
puoi.
6209
Sol quai tratti al tuo Bel mancar
cred' io ,
Che fur d'huopo là sù , per farne
a Noi
Anco il piacer di novitade in
Dio.
Les Vers qui fuivent font
de Ml'Abbé de Poiffi . Il les
M de Chamillard ,
fit pour M' de
lors qu'il fut fait Contrôleur
General des Finances.
Nij
148 MERCURE
MADRIGAL.
Q V'il eft doux , Chamillard,
que le plus grand des Rois
Vous éleve aux premiers em
plois!
Vous les devez àfon eftime.
Pour eftre digne defon choix
Il ne falloit pas moins qu'un merite
fublime.
Quandlebien de l'Etat à vosfoins
eft commis
Par cejudicieux Monarque ,
C'est une indubitable marque
Qu'il aimefor Peuple & The
mis .
GALANT. 149
Ce même Abbé a adreffé
cet autre Madrigal à M' de
Segrais , de l'Academie Françoife
, & Chef de celle de
Caën , fur la Statuë qu'il a élevée
à Malherbe , dont il eft
Parent , & Adorateur de fes
Ouvrages.
P
Arlons un peu de borne foy ,
Cher Segrais , lors qu'au grand
Malherbe
L'on te voit élever un Monument
Superbe,
Tu fais bien moins pour luy, que
su nefais pour soy.
Niij
250 : MERCURE
On écrit de Rome que le
S. du mois paffé un Gentilhomme
Allemand , de la famille
des Comtes Dechb , abjura
l'Herefie , ayant efté inftruit
par le P. du Buc Theatin,
qui fait de grands fruits en
Italie pour faire rentrer dans ,
le fein de l'Eglife ceux qui
s'en font devoyez . Sa Sain
teté qui en fait une cftime.
fort particuliere , luy a donne
ordre de travailler à la converfion
d'un fameux Calvi ,
nifte Hollandois , qui eſt malade
à l'extremité .
Le 28. du mefme mois ,
"GALANT 51
Meffire Charles Hubert de
Mefgrigny , Marquis de Vandeuvre
, Vicomte de Troyes
& Baron de Lorme , Confeiller
au Parlement enha
cinquiéme Chambre des Enqueles
, époufa Damoiselle
Efperance Fontaine , fille
d'Antoine Fontaine , Sieur
des Montées , Confeiller &
Secretaire V de Sa Majeſté
Soeur de Charles Fontai .
ne des Montées , Confeiller
Clerc, au Parlement de la feconde
des Enqueftes & , Niece
de Jean- Lambert Fontaine ,
Sieur des Bordes , Confeiller
Niiij
752 MERCURE
au Grand Confeil. M'de Mef
grigny eft fils de Jean François
de Melgrigny Marquis de
Vandeuvre , Baron de Cou
chey Grand Tranchant du
Roy , & Cornette - Blanche
de France , & de Françoiſe-
Henriette du Mefnil. Simon
Beaujeu , Petits fils de Jean
de Mefgrigny , Marquis aufli
de Vandeuvre , Vicomte de
Troyes , Baron de Colombey,
Confeiller au Grand Confeil,
Maiftre des Requeftes , Premier
Prefident au Parlement
de Provence , puis Conſeiller
d'Eftat ordinaire , & de Renée
GALANT. 155
de Bucy , & Arriere- petit fils
de Jean de Mefgrigny Marquis
dudit lieu , Vicomte de
Troyes , Maiftre des Comp .
tes , & de Marie Boughier ,
qui defcendoit d'un des Fondateurs
de la Maiſon & College
de Boiffi de la Ville de
Paris.
Voicy les noms de quelques
autres perfonnes diſtinguées
, mortes depuis peu.
Mellire Jean Baptifte- Bonaventure
de Bannes d'Ave.
jan , Prieur de Saint Sauveur
ide Gaillac , âgé de vingt ans
ou environ. Il eftoit Fils de
154 MERCURE
Meffire Denis de Bannes
Comte d'Avejan , Lieutenant
Colonel du Regiment des
Gardes du Roy , Grand Croix
de l'Ordre de Saint Louis ,
Maréchal des Camps & Ar
mées de Sa Majefté , & de N,
Vallot , Soeur de Me flire E
doüard Vallot , Evêque de
Nevers , & Fille d'Antoine
Vallot , Sieur de magnant &
d'Andeville , premier Medecin
de Sa Majesté & de Catherine
Gayant.az
Dame Marie - Therefe de
Lubert , Epouſe de meffire
Cardin le Bret , Seigneur de
GALANT. ISS
Flacourt & de Pantin , Maiſtre
des Requeſtes , & Fille de M
Lubert,Treforier de la marine.
· Dame Charlotte de Neubourg.
Elle eftoit Veuve de
Meffire Charles Halle , Confeiller
au Parlement de la
Troifiéme Chambre des En.
queftes.
Damoiselle Jeanne - Marie
Aimée de Bragelongne , âgée
de quinze ans ou environ . Elle
eftoit Fille de Godefroy - Dominique
de Bragelongne ,
Confeiller au Parlement de
Mets puis Confeiller en la
Cour des Aides , & à prefent
#
156 MERCURE
Maiftre des Requeſtes , & de
Aimée d'Epinoy de Soigny ;
Petite- fille de Thomas de Bragelongne
, Seigneur d'Engerville
, Iffy , Pourpry , & autres
lieux,Confeiller au Parlement ,
Preſident des Enqueſtes , puis
premier Prefident au Parlement
de mets , & de marie-
Hector de Marle de Vertigny,
& Arriere- petite - fille de Martin
de Bragelongne , Lieutenant
Particulier , Civil & Cris
minel du Chaſtelet, & Prevoit
des Marchands de Paris , & de
Marguerite Chefnard .
Meffire Pierre de Laiſtre , an .
GALANT. 157
cien Chanoine de l'Eglife
Cathedrale de Tours , âgé de
foixante & dix huit ans. Il
eftoit Frere de Jofeph de Laiftre
, Secretaire du Roy , & du
Confeil Royal de Sa Majesté ,
tous deux Fils de défunt M' de
Laiftre , Confeiller Secretaire
du Roy , & Greffier en chef
de la Cour des Aides .
Dame Marie- Anne Boder ;
Epoule de мeffire Jofeph Akakia
, marquis de Saint Oüen.
Elle eftoit Fille de Jacques
Bodet , Sieur de Lifle , & de
Catherine Bergeron , Nourri
ce, & premiere Fenime de
18 MERCURE
"
Chambre de feue Madame
Marie-Anne , Fille de France .
Dame Catherine Marlot ,
Epoufe de Vincent de Beaufergent
, Secretaire du Roy , &
Treforier General des Gardes
Françoiles.
On a écrit de Valogne que
M' l'Abbé de la Luthumiere Y
eftoit mort le 15.du mois paffé ,
dans le Seminaire qu'il avoit
fondé & bafti entierement ,
l'ayant rendu une des plus
belles maifons que l'on puiffe
voir pour une Communauté .
Ily a paffé la plus grande partie
de fa vie à fervir Dieu &
GALANT.
159
les Pauvrés , fans avoir jamais
voulu accepter aucun Benefice
, ny aucune Dignité , quoy
qu'on luy en ait offert de tresconfiderables
en France & en
Italie. Il eftoit d'une des plus
anciennes & illuftres Famille's
de Normandie , & avoit renoncé
à plus de cinquante
mille livres de rente qu'il avoit
en belles Terres , en faveur de
Dame Françoiſe de la Luthu
miere , fa Soeur , qui épouſa
Meffire Henry de Matignon ,
Comte de Thorigni , Lieutenant
de Roy en Normandie .
Sa charité; fon humilité , & le
160 MERCURE
1
zele qu'il a eu toute fa vie
pour l'inſtruction & pour l'entretien
des pauvres Ecclefiaftiques
, l'ont fait regarder
dans toute la Province , &
dans les autres voisines , com
me un autre Saint Charles
Borromée . Il eft mort daus fa
quatre vingt quatriéme année
, regretté de tout le monde
pour les vertus extraordi
naires.
Mile Baron de Pointis a efté
fait Chef d'Efcadre des Armées
Navales de Sa Majesté.
Vous fçavez qu'il avoit eu le
GALANT. 161
1
Commandement de la Flote
envoyée contre Cartagéne
& qu'il s'y eftoit extrémemnt
fignalé. C'eft fur cette glo ,
ricufe récompenfe dûë à ſon
merite , que M' Perachon ,
dont le nom vous eft connu
par beaucoup de beaux Qu .
vrages , a fait celuy dont je
vous fais part.
STANCE S.
OUy
Pointis
, il eft vray
, tout

le monde s'étonne
Qu'avec peu de Guerriers ton il
luftre Perfonne
Octobre €699.
162 MERCURE
Air réduit Cartagéne & fes Forts
fous nos loix 3
Mais puifque tu combats pour l'hon
neur de la France ,
Que l'amour de LOUIS anime
ta vaillance
Je m'étonne un peu moins de res :
fameux exploits .
$
Ta Flote peu nombreuſe eft fous
toy fi vaillante ,
Qu'une vafte Cité tres riche & tres
puiffante
Sous l'effort de tes coups fuccombe
en peu de jours .
Tu paffes au travers d'une plus gran
de armée
Qui craignant ta valeur à vaincre ac
coûtumée
"
Ne peut avec la force interrompre
ton ' cours.
GALANT 163
$
Ce n'eft pas d'aujourd'huy que
eintes vertus fublimes i col d
T'ont fait executer des deffeios magnanimes
,
Que nul autre que toy n'auroit ofé
tenter.
Ta fçavante valeur foumettant la
fortune ,
Tudonnes mieux qu'aucun des foudres
à Neptune , L
Qui font plus de fracas que ceux de
Jupiter. 2
C'est ainsi que par toyda fiére Barbarie
Sur fa grande Cité reffentant leur
furie,
T'admiroit en fouffrant ces foudres
inouïs.
C'eft ainfi que par toy , dans Gennes
la fuperbe,
O ij
164 MERCURE
On a vû ſes Palais tomber plus bas
que l'herbe ,
Et fon Prince à genoux aux pieds
du grand LOUIS
$
La valeur de Jaſon fut jadis admirée
,
[dorée,
Par le gain perilleux
d'une Toifon
Turemportes
de l'Inde un bien plus
vray trefor.
Tu tires de fes Forts fa dépouïlle
brillante ,
Et ton pouvoir plus grand rend
l'Espagne impuiffante
De fauver de tes mains fa riche Toi
fon d'or.
Les monftres de la Mer , les peftes,
les tempeftes ,
Mrde Pointis fut malade dr la peſte.
GALANT: 165
Ne peuvent point donner de frein à
tes Conqueftes...
Hercule avoit vaincu cent Monftres
furieux ;
Mais il ne put fléchir l'Ocean Atlan-
Mastique.
20
Tes exploits furprenans dans la riche
Amerique ,
Ont porté bien plus loin ton Nom
plus glorieux.
2
'Alexandre autrefois fe plaignit que
ce monde
Avoit trop renfermé la valeur fans
feconde
Qui ne pouvoit s'étendre à des mondes
nouveaux.
Tes exploits en cê point plus dignes
de memoire ,
Jufques au nouveau monde ont fait
briller ta gloire ,
166 MERCURE
Qui triomphe par- tout fur la terre
& les eaux.
1
19021
baka Marɔ wɔany slova phon H
Ainfi , fameux Pointis , ta valeur
incroyable !
Surpaffe des Heros , & l'Hiftoire &
la Fable ,
1
Puifqu'on trouve enotes fairs du
grand , du merveilleux ,
1
Que la Pofterité ne pourra point
comprendre ,
Et que ceux de Jafon , d'Hercale ,
& d'Alexandre
Quoy que tres éclatans font obfcur
cis par eux .
S
}
Faut - il donc s'étonner fi le plus
grand des Princes
dê Recompenfe dans toy l'appuy de
Les Provinces
GALANT. 167
I
Que tu fçais enrichir par d'utilea
lauriers
Heros , qui doit encore enrichir
noftre Hiftoire 2
Si dans un temps de Paix on voit
encore ta gloire?
Où n'ira-t-elle point dans le temps
des Guerrierstub andling en
Voicy une Lettre que je
fuis fort feur que vous lirez
avec grand plaifir , puis qu'-
elle eft de M l'Abbé Geneft,
de l'Academie Françoife, Ill'a
écrite de Chaftenay , & elle
porte le 17. de ce mois pour
date,
168 MERCURE
A MADEMOISELLE
DE SCUDERI.
¿Es jeux que la fageſſe admes
dans fon Empire
,
Ces plaifirs doux & purs que
defire ,
la
Gestranquilles plaifirs , ils eftoient
envolez ,
Sans queperfonnepuft nous dire
En quels lieux ils eftoient allez;
Mais en quel endroit de la terre
Loin de ces bords heureux pouvoient
ils fe cacher ?
Si parmy les Vainqueurs , par le
bruit de la guerre
lls
GALANT. 169
Ils ont paru s'effaroucher ;
Sur des bords frapez du tonnerre
,
Chezles Peuples vaincus ,falloit
il les chercher?
·
Par tout où j'allois j'avois
beau regarder , & tâcher d'en
découvrir les traces ; je ne les
trouvois plus ces divertiffemens
ingenieux , où la raifon
a tant de part ; ces nobles
plaiſirs qui ne fe
rencontrent
point parmy le tumulte & le
defordre des
paffions , & tels
qu'on les voit ,
Mademoiſelle ,
dans ces belles
Promenades
que vous nous avez décrites ,
Octobre 1699 . P
170 MERCURE
ou dans ces aimables & fages
converfations que vous nous
avez données. Je ne pouvois
croire toutefois qu'ils fuffent
fortis de la France , où l'efprit
& les connoiffances de la Sçavante
Grece , & de la victorieufe
Italie , fe font venus établir
avec eux depuis longtemps.
En effet , j'ay trouvé
que ces plaifirs y font toûjours
, quoy que moins recherchez
& moins connus
qu'ils n'eftoient peut - eftre ,
il y a quelques années.
Ouy ,je découvre enfin leur retraite
ignorée,
GALANT: 171
Je ne m'abuse point, iln'eft rien de
plus vray.
Des tranquilles plaifirs la Troupe
eft retirée
Dans le paisible Chaftenay.
Madame la Ducheffe du
Maine les y a tous amenez
avec elle , & va rendre à jamais
célébre par fon féjour le
Village de Chaftenay. Il y a
plufieurs Maiſons aſſez belles .
Cette Princeffe a choifi celle
de M' de Malezieu , qui n'eſt
pas la plus grande ; mais qui ,
fur tout à prefent , me paroiſt
la plus jolie .
Si vous defirez fçavoir ,
Pij
172 MERCURE
Mademoiſelle , ce qui engage
Madame la Ducheffe du Maine
à aimer cette maiſon , c'eſt
principalement le merite de
celuy à qui elle appartient , &
la confiance étroite qu'il s'eft
attirée de S. A. S. Monfieur le
Duc du Maine par un attaches
ment plein de zele , & par les
foins qu'il a pris de fon éduca
tion . Il a une infinité de talens
, & il excelle en tous . Jurifconfulte
, Philofophe , мathematicien
au premier degré,
il poffede parfaitement les belles
Lettres , il parle à charmer ,
& il écrit comme il parle.
GALANT. 173
"
Monfeigneur le Duc de Bourgogne
, à qui il vient de montrer
les mathematiques , n'a
pas efté longtemps à reconnoiftre
ces qualitez en luy ;
& Madame la Ducheffe du
Maine , tout enfant qu'elle
eftoit , les fçut difcerner dés
les premieres années de fon
mariage.
La vûë dé cette petite maifon
eft charmante . Tout ce
qui eft aux environs ne fem .
ble fait que pour elle . On di .
roit que Sceaux & Berni n'ont
efté faits que pour luy rendre
hommage de leurs Parterres ,
Piij
174 MERCURE
de leurs Jardins , & de leurs fuperbes
Bâtimens , qu'ils ne
font qu'un ornement attaché
à cette maiſon , & n'ont efté
placez que pour luy offrir une
agréable Perspective .
Le Pays n'abonde pas en
eaux ; mais il eſt varié. Il y a
des Bois & de belles Prairies ;
il y a d'excellentes Fontaines ;
la terre y produit de tres bons
fruits ; l'air y eft tres pur &
tres fain. Madame la Ducheffe
du Maine y demeure depuis
que la Cour eft partie de Verfailles
, les incommoditez de
fa groffeffe l'empêchant d'alGALANT.
175
Cette ler à Fontainebleau.
Princeffe fe plaift icy , & a beau .
coup de raiſon de s'y plaire ,
puifqu'en effet fa fanté y eft
meilleure , & qu'elle y goufte
un aimable repos .
Quel dommage , Mademoifelle
, que vous ne foyez pas
témoin de tout ce qui fe paffe
icy , vous qui avez tant fait
valoir Atys , qui avez mêlé aux
defcriptions immortelles des
beaux lieux que vous avez habitez
, & des galantes Feftes
où vous cftiez appellée , rant
d'heureux caractéres de vos
illuftres amis ! Que ne puis - je
P iïij
176 MERCURE
au moins emprunter aujour
d'huy voftre merveilleux Genie
, pour vous faire des recits
& des peintures qui fuffent
dignes de vous , & des fujets
que je veux vous reprefenter
!
Que vous feriez ravie , ma
demoiſelle , de voir madame
la Ducheffe du Maine , un
efprit tres aimable , & tres cultivé
, propre non - ſeulement à
connoiftre ce qu'il y a de plus
beau dans les beaux Arts; mais
ce qu'il y a de plus difficile & de
plus fublime dans les Sciences.
Elle vous étonneroit dans les
GALAŃT.
177
}
jeux d'efprit , où elle s'exerce
fouvent. Sa vivacité & fa penetration
font à peine croyables
.
Sa preſence répand l'allegreffe
dans tout ce Pays , & y
attire une affluence de Peuple
continuelle ; mais pour moy,
ce que je ne conçois pas , c'eft
qu'elle femble avoir transforméune
petite cabane en unvafte
&pompeux édifice .On voit
cette Maiſon avec d'autres
yeux depuis qu'elle l'habite.
La multitude du monde qui
s'y trouve , au lieu de la faire
paroiftre plus petite , la fait
178 MERCURE
paroiftre grande ; & je me reprefente
la cabane de Baucis
& de Philemon , changée en
un magnifique Temple . C'eſt
un concours perpetuel , reglé ,
paiſible. Tout s'y occupe tranquillement
& agreablement ,
& pour ne point quitter les
idées de la Campagne , c'eſt
une ruche où les Abeilles reviennent
employer l'efprit qu '
elles ont cuëilli des plus douces
fleurs .
- A voir auffi comment rout
eft empreffé pour le ſervice &
le divertiffement de cette Prin
ceffe,
GALANT. 179
Rege incolumi mens omnibus
una eft.
Vous croiriez voir comme
au travers de ces ruches de
verre , les Abeilles autour de
leur Roy.
Illum admirantur, & omnes
Circumftant fremitu denfo , flipantque
frequentes.
Je vous diray encore plus ;
dans cette petite maiſon , &
dans le joly Jardin qui y ré .
pond par fa mediocre étendue ,
on eft toûjours à la vûë les uns
des autres . Il n'y a point de
fecret. Ce féjour est une vraye
image de l'âge d'or ; ou bien ,
180 MERCURE
.
fans parler le langage de la
Fable , on peut dire que l'innocence
des premiers jours
du monde renaift icy. Je la
réconnois en effet à la paifible
vie qu'on y méne & aux beaux
jours que nous avons eus , à la
douceur de l'air , aux beautez
de la Campagne , aux arbres
chargez de plus de fruits que
de feuilles. Je me perfuade
que le monde a commencé
ainfi , que nos premiers parens
trouvérent la terre ainfi difpofée
à leur offrir ce qui eftoit
neceffaire à leur nourriture :
& dans l'agréable afpect de
GALANT. 18
tout ce qui m'environne , je
ne puis m'empêcher , malgré
➤ Virgile , de donner la préférence
à l'Automne fur le Printemps
, en me fervant de fes
propres paroles , car où en
trouverois je d'auffi belles ?
Non alios prima nafcentis origine
mundi
Illuxiffe dies , aliumve habuiffe
tenorem
Crediderim .....
Mais ,
Mademoiſelle , quoy
que je vous dife de l'innocen
ce de cette vie champestre ,
çe n'eft que pour les moeurs
& pour les paiſibles occupa182
MERCURE
tions ; car je vous affure que
les plaifirs ne laiffent pas d'y
eftre diverfifiez & choifis , &
que la raifon qui les conduit
eft éclairée & agiffante. Je
m'en vais vous dire comment
les jours font diſtribuez ; &
fi voftre bonté , comme je
m'en flate , daigne s'intereffer
à ce qui me regarde en mon
particulier. Voicy mes matinées.
Mane Deum exoro ......
Inde lego , Phoebmmque cio , mu-
Jamque laceffo.
Les jours ont efté fi beaux
que j'ay fait mon Cabinet du
Jardin.
GALANT 183
la
On attend ainfi le temps
de voir la Princeffe . Enſuite
les tables font abondamment
& délicatement
fervies , où
Compagnie
eft gaye; la Mufique
s'y mêle ou mêle ou y fuccede.
Il y a des flutes , des hautbois ,
des violons , des claveffins ,
des trompettes
même dont
le -fon femble s'adoucir pour
s'unir aux autres Inftrumens .
L'aprefdinée, ceux qui ne chaf
fent point ont la promenade
dans les Jardins des Maifons
voifines , dans les Bois ou dans
les belles Prairies dont je vous
ay parlé d'abord . On fe raf184
MERCURE
femble vers le foir ; la Prin
ceffe tient fon Cercle. Aprés
la converſation le Jeu eft ouvert.
C'eſt un Jeu affez piquant.
Vous connoiffez fans
doute le Hocca , mais la malignité
en eft corrigée par la
fageffe de celle qui y préfide.
La fureur du Jeu qui femble
s'eftre débordée dans ce
temps cy , & qui eſt un defordre
auffi commun qu'il eft pernicieux
; cette fureur qui s'allume
même par la neceffité
qui devroit l'éteindre , ne regne
point en ce lieu : ce Jeu
vorace , où l'on exerce plutoft
GALANT. 185
une piraterie , & une cruelle
guerre , qu'un commerce agréable
& amufant , où l'argent
ne paroift méprifé que
parce qu'il eft defire trop avidement
, où l'avarice la plus
âpre fait la plus infenfée prodigalité
; & renonce à ce qu'il
ya de plus neceffaire & de
plus indifpenfable dans la vie ,
& oublie toutes les loix pour
n'écouter qu'une temeraire envie
du gain ; tout cela,dis je, eft
banny des Jeux de Chaftenay.
Icy l'oeil avide & jaloux
Ne void point des monceaux de
ces jaunes idoles ,
Octobre 1699. Q
186 MERCURE
Que le Foueur avare adore à deux
genoux :
Ou ne voit point icy ces tours &
ces bricoles
Quidu fort impofteur déterminent
les
coups,
Ny la dupe expofée à la gueule des
loups
Plaindre l'affreux revers de fes
espoirsfrivoles,
Rebut de l'Ufurier & jouet des
Filoux
N'ayant plus le credit de trouver
deux oboles
Defolée, enragée , aprés fespentes
folles
Chercher un arbre des licous .
GALANT. 187
1
Icy loin des tranfports de rage
de couroux
Que leFou devorant exerce en fes
écoles
On n'entend ny fermens , ny piquantes
paroles ,
Le fort le plus fatal n'y peut eftre
que doux
Et les Pieces de quatre fous
Sont Pieces de quatre Piftoles.
En effet , on le pique uniquement
fur les caprices ou
fur les faveurs de la fortune ,
fans prendre garde à ce que
l'on perd , ny à ce que l'on
gagne ; & l'on le divertit fans
faire de mal aux autres ny
Qij
188 MERCURE
à foy- même; ce qui devroit, à
mon avis , eftre la regle de
tous les Jeux formez pour
délaffement , & pour l'amuſement
de l'efprit .
le
Nous avons auffi le Jeu de
l'Oye renouvellé des Grecs ,
& qui eft encore multiplié en
mille autres qui n'en font que
des imitations , ou des copies.
Ce font tous ces differens Jeux
qui occupent auffi l'un aprés
l'autre les foirées , avec une
application d'autant plus plaifante
qu'on ne les fçait pas , &
qu'on étudie chaque coup à
mefure qu'on le joüe , ce qui
GALANT. 189
caufe des furpriſes toûjours
nouvelles , & affez divertiffantes
.
Voila comme fe paffent
d'ordinaire les journées , mais
l'on peut dire que les nuits fe
paffent encore plus agréable.
ment , & je puis alleguer à propos
ces Vers.
Il eft des nuits brillantes
Plus belles que les plus beaux
jours
Le croirez - vous fur mon
recit
Mademoiſelle ! Il n'y a
point de nuit qui ne foit fignalée
par quelque brillant
fpectacle , dont l'éclat annon190
MERCURE
ce même noftre ſurpriſe &
noftre joye à tous les lieux
d'alentour. Depuis que je fuis
icy , il n'a pas manqué une
feule foirée d'y avoir un feu
d'artifice également agreable
& ingenieux . Madame la Ducheffe
du Maine aime ces
fortes de spectacles , qui en
effet font nobles & magnifiques
, & l'on s'occupe à luy
en preparer toûjours de nouveaux
.
Je ne fçai pas fi c'eft un
Prince qu'elle porte en fon
fein , mais fi c'en eſt un , il
y a apparence qu'un jour il
1
GALANT 191
ne craindra pas le feu . La
qualité de grand Maistre de
l'Artillerie ne luy fiera pas
mal non plus qu'au Prince
fon Pere , & ce jeune Aiglon
eft accouftumé de bonne
heure au bruit & à la lueur
de la foudre , s'il eft deftiné
a porter celle de Jupiter . On
diroit qu'à prefent que la
Guerre ne fait plus d'ufage
de ces feux terribles , celuy
qui en eft le dépofitaire les
veut tous employer à faire
éclater le triomphe & le regne
de la Paix.
Nous avons icy un excel192
MERCURE
lent Auteur de ces brillantes
productions . C'eſt un Gentilhomme
qui a fervi long- tems ,
& qui aprés eftre parvenu à
la tefte du Regiment de Piémont
, s'eft retiré avec la réputation
d'un des plus braves
& des meilleurs Officiers
du Royaume . If joint à cela
le merite d'une rare probité ,
& d'un fçavoir exquis ; je
vous en dirois davantage s'il
n'étoit pas mon ami.
C'est donc ce Gentilhomme
, apellé M de Villeras ,
qui ordonne & qui conduit
tous ces feux , & qui les rend
aufli
GALANT.
193
auffi étonnans par leur diverfité
inépuisable que par leur
beauté ; il y melle toûjours
du deffein & de l'invention ,
& ces fpectacles font toûjours
quelques grandes Images qui
attachent l'efprit aufli bien
que les yeux.
Prothée fçavoit fe transfor
mer en tous les élemens
mais je n'aurois pas cru que
le feul élement du feu devint
fufceptible de tant de
differentes formes. En matiere
de feux les hiperboles du
galant Voiture , & les mente.
ries du Menteur. , ne feroient
Octobre 1699. R
194 MERCURE
icy que la pure verité . Que
diriez vous Mademoiſelle
d'un tournoy de feu ? Un en-.
chanteur paroift , & dans une
grave harangue à Madame la
Ducheffe du Maine annonce
le combat de deux Chevaliers
dont l'un fouftient que
Mademoiſelle de Luffan , qui
eftoit alors auprés de la Prin .
ceffe , eft la plus charmante
& la plus accomplie Damoifelle
qui étoit au monde . Les
champions paroiffent avec des
lances de feu , des plumes de
feu fur leur cafque , des armes
éclatantes de feu ; Les
GALANT. 195
5
Chevaux jettent du feu par
les yeux & par les nazeaux :
leurs crins font des flames
ondoyantes , ils font mille
tours , mille paffades & mille'
caracoles en rempliffant l'air
tout de feu , enfuite fe battent
avec des épées flambo -
yantes : tout le réduit en feu ,
& ainfi fe termine le combat ,
ou l'enchantement ; Jamais je
n'avois rien vû de plus beau
que cette idée , & rien ce me
femble , ne feroit plus digne
d'un divertiffement Royal ,
en faifant ainfi des Quadrilles
& des Troupes de Cheva-
Rij
196 MERCURE
liers ardens combattans avec
des armes de feu .
Une autrefois c'est une
Ville qu'on affiege , ou qu'on
deffend , ou l'on fait de part
& d'autre un feu terrible : je
ne pus voir cette attaque que
d'une feneftre éloignée . , parce
que j'eftois incommodé
d'une chute que j'avois faite ·
mais j'ay eſté recompensé par
autre fpectacle comme
un
vous verrez dans la fuite de
mon recit .
Je ne pus affez admirer
Samedy dernier un Soleil que
je vis briller tout à coup dans
GALANT . 197
la nuit fur le haut d'une colonne
, aux deux coftez parurent
deux Globes femez d. Aftres
refplendiſſans , & qui
aprés s'eftre enflâmez tout àfait
s'ouvrirent , éclaterent &
firent une image auffi vive
que furprenante de ce qu'on
nous enfeigne de l'embrazement
de l'univers .
Hier je fus furpris comme
fi je n'avois encor rien veu .
Aprés l'effort de quantité de
belles Fufées qui retomberent
en Eftoilles dans le Jardin ,
les allées & le parterte parurent
tout en feu avec leurs
Riij
498 MERCURE
compartimens . L'Air eftoit
paifible , mais couvert de nuages
, fi bien que l'on auroit
dit que toutes les Etoiles du
Ciel étoient en effet defcen .
duës fur la Terre & avoient .
été rangées dans un nouvel
ordre , & avec des diſtances &
des figures régulieres . On croyoit
voir mille fleurs enflamées
placées artiftement par un habile
Deffinateur. Le Marin auroit
bien eu raifon de dire cette
fois. Il terren ftellato. L'afpect
étoit admirable de tous coftez ,
& aprés avoir eu le plaifir de regarder
des feneftres de la mai .
THEAL
DE
GALANT.
x9on
fon ce Ciel de haut en bash
y avoit encore un autre plai
fir de fe promener dans ces
routes lumineufes parmy ces
nouvelles conftellations .
Je ne finirois jamais , Mademoifelle
, fi je voulois tout di
re en détail ; mais je ne puis
m'empêcher de vous particularifer
un peu la Feite , ou plu.
toft plufieurs Feftes enfemble
, qui fe donnerent icy Dimanche
paffé. M' le Duc du
Maine eftoit venu de Fontaine-
bleau , & demeura trois .
jours auprés de Madame la
Ducheffe du Maine. Il y a
200 MERCURE
bien des chofes à dire de ce
Prince , mais elles ne peuvent
eftre ignorées . On fçait qu'il
a tout l'efprit imaginable , une
capacité & une application
extrême pour s'acquiter de
tous les devoirs de fes grandes
Charges , & il releve toutes
ces qualitez par une vertu
réguliere & folide . Il a édifié
icy les peuples par fa pieté &
par la douceur , autant qu'il
leur a donné lieu de le benir
par fes charitez : & entr'autres
par un don confiderable qu'il
a fait pour l'inftruction & le
foulagement des pauvres de ce
Village.
GALANT . 201
La veritable devotion de
ce Prince ne luy ofte pas une
humeur agreable , & un tour
naturellement fin & njoué ,
qu'il a dans l'efprit ; au contraire
, elle redouble plutoft
fcs aimables complaifances
pour une Princeffe qu'il aime
uniquement & qui en eft fi
digne. Il cherche avec foin
tout ce qui peut la divertir .
Il a veu que dans les temps
qu'elle eftoit obligée à garder
la Chambre , elle s'amuferoit
& feroit quelque exercice en
joüant des Comedies à quoy
elle fe plaiſt beaucoup . Il en
202 MERCURE
reprefente avec elle , & l'on
peut dire qu'il eft également
Îoüable par le motif & par
l'execution
. Il est fi vray
d'ailleurs que tout peut ekre
rectifié par un bon uſage
que ces divertiffemens font
là mille fois plus agréables
,
que
fur les Theatres publics ,
fans en avoir aucun des défauts
. La dignité des Acteurs
les releve , & il y a une certaine
nobleffe dans leurs per
fonnes & dans leurs actions
qui corrige tout ce qui eft à
craindre dans ces fpectacles.
On joua le Medecin mal .
GALANT. 203
gré luy. Tout le fel & toute
la vraye plaifanterie en furent
goûtez ; fans que rien y fuft.
fenti d'indecent & de nuifi -
ble ; M de Malezieu dont je
viens de vous parler y joüoit
le rolle le plus difficile . Avec
tout ce que je vous en ay dit,
il eft encore un des meilleurs
Acteurs qu'on ait jamais veus
Ilfe revelt de tous les perfonnages
, foit ferieux , foit comiques
: de forte que ce ne font
point des images mais la chofe
méme qu'il reprefente. Madame
Manneville , Dame
d'honneur de Madame la Du204
MERCURE
cheffe du Maine , joua auffi
fort bien. Leurs Alteffes n'eurent
pas de peine à trouver
dans leur mailon , auffi bien
que dans la famille de M ' de
Malezieu , qui eft aimable &
nombreuſe , ce qu'il leur falloit
encore de bons Acteurs ,
& la piece fut tres bien exe-
Cutée.
Madame la Princeſſe , pour
qui fe faifoit la Fefte , y étoit
venue avec Mademoiſelle
d'Anguyen . L'indifpofition
de
Mademoiſelle
de Condé fift
doublement regretter ſon ab.
fence. Madame la Princeffe
GALANT. 205
&
Mademoiſelle
d'Anguyen
parurent tout à fait contentes
de la repreſentation . Le
jeu du Hocca vint enfuite.
C'eft icy qu'on peut voir un
utile exemple de moderation
& de frugalité de jeu . On s'y
divertit fort. Monfieur le Duc
du Maine fe plaignit en fortant
du Jeu , qu'il avoit perdu
deux Ecus ; Les Princeffes
louerent leur fortune ' d'en
avoir gagné environ autant .
Apiés le foupé , Madame
la Princeffe fut invitée d'aller
en Carroffe à quelques pas
de la Maiſon; Eile vit à la clarté
206 MERCURE
des flambeaux un Fort, & vis- àvis
de deux grands Navires qui
paroiffoient à l'Ancre dans un
Pré.Onôta les chevaux , les Caroffes
furent ainfi changez en
Amphitheatre.
Les Navires diftinguez par
leurs fanaux s'approchérent du
Fort , & commencérent à le
cannoner , & à le bombarder.
Le Fort répondit auffi par des
boulets rouges : les Vaiffeaux
revirérent diligemment , &
tirérent de nouvelles bordées .
On voyoit le cercle des Bombes
, & la trace directe des boulets
, qui eftoient des fufées ,
GALANT. 207
1
gliffant le long des cordes tendues
pour cet ufage . Tout cela
eftoit compaffé avec une jufteffe
incroyable. Enfuite les
Troupes de terre attaquerent
le Fort à plufieurs repriſes , & la
défenſe ne fut pas moins vi .
goureufe que l'attaque . On
lançoit de part & d'autre une
infinité de fufées qui imitoient
le feu des grenades . Les Attaquez
paroiffoient à la lueur du
feu. Enfin le feu fe prit aux
Vaiffeaux , ils fautérent en
élançant dans les airs une
double girandole. De même
le feu fe mir aux Magafins du
208 MERCURE
Fort , & il fauta en élançant
auffi une Girandole , qui égala
fans doute celle qu'on voit
tous les ans au Chafteau Saint
Ange à Rome.
Je me reffouviens des Af.
fauts des Maftrik & de Cambray
, que j'ay vûs ; & cette
agreable finte m'a rappellé
des images tres vives qui me
font demeurées dans l'efprit ,
ce que je ne croyois pas qu'on
puft fi bien me reprefenter.
Il faut remarquer , Mademoifelle
, que la Lune dero .
boit icy quelque chole à l'éclat
des feux ; mais cependant elle
GALANT. 209
contribua beaucoup à la beau.
té du ſpectacle. La ferenité
du Ciel , auſſi - bien que . le
bruit de la Fette , avoit
attiré tous les Habitans des
Villages circonvoisins. Les
Champs eftoient couverts de
Spectateurs , & cette fombre
lumiere , qui ne laiffoit voir
que des coiffures & des cravaites
blanches , en cachant
tous les défauts des vifages &,
des habillemens , faifoit que'
tout paroiffoit beau & propre :
Mille voix d'admiration & de
joye fuivoient le mouvement
Octobre 1699. S
1
120 MERCURE
de chaque Fufée ; & au retour
on ne voyoit que des danfes
& on n'entendoit que des
chants par toute la Campagne
; ce que Monfieur le Duc
du Maine regarda avec plaifir
s'intereffant avec tendreffe à
voir les Peuples commencer
à goûter quelques fruits de la
Paix.
Je finis , Mademoiſelle , &
je fuis fûr que fi je ne me hâte
'de vous envoyer ma Lettre ,
toute imparfaite & peut eftre
toute ennuyeufe qu'elle eft ,
demain il s'offriroit quelque
chofe pour l'augmenter , &
GALANT. 211
pour m'embaraffer de nou
veau . Ce M' de Villeras eft un
étrange homme , il ne tart
point.
Je veux feulement conclure
, comme j'ay commencé ,
que les plaifirs tranquiles &
innocens font retirez ici . Où en
verroit on ailleurs de ſemblables
Les plaifirs de la Cour ,
j'en jurerois , ne font pas
exempts de trouble & d'inquiétude
, & pour vous prouver
mieux toute l'innocence
de ceux qu'on goûte à Chaftenay
, il fuffit de vous dire que ,
l'on a M' le Curé pour témoin
Sij
212 MERCURE
de tout ce qui s'y fait : c'eſt un
fort honnelte homme , plein
de capacité , & qui a toutes les
vertus Paftorales . Il s'appelle
M' le Riche , & eft riche en
bonnes oeuvres. Depuis dixfept
ans il fait mille biens dans
fa Paroiffe , & me fait la grace
de me loger.
Au refte , Mademoiſelle ,
je crois que vous me fçaurez
quelque gre d'avoir interrompu
l'agréable repos que l'on
goûte icy par le foin de vous
en rendre compte. Je voudrois
bien pouvoir reparer par
toutes mes omillions paffées.

GATANT.. 213.
Vous m'aurez peut eftre accúfé
de negligence , fur ce que
je n'ay point eu l'honneur de
vous écrire depuis longtemps ,
mais vous vous fouviendrez
que vous avez dû prendre mon
filence pour une marque que
je n'eftois pas à la Cour , d'où
je n'aurois pas manqué de
vous écrire , comme vous me
l'ordonuez , Il y a long temps.
que je fais de petites courſes à
la Campagne , & queje ne fuis
point à portée de vous mander
de nouvelles Je fuis inca .
pable de manquer jamais vo .
lontairement à ri.n qui puiffe
214. MERCURE
vous plaire Je me promets
que voftre bonté n'aura pas
de peine à vous en perfuader ,
& que vous regarderez moins
au défaut du recit que je vous
envoye , qu'à l'empreffement
que j'ay cû de prendre cette
occafion de vous faire fouvenir
de mon reſpect & de mon
zéle.
Je ne doute point que vous
n'ayez de l'impatience de fçavoir
au vray comment on fe
coiffe à la Cour , depuis que.
les coiffures y font baiffées .
Comme on eftoit en deül
lors que ce changement des

B
Erlinger f
A
A
B
B
D
D
GALANT. 215
modes eft arrivé , j'ay fait graver
deux teftes coëffées en
deüil , & je vous les envoye .
L'une eft d'une perfonne vêtuë
en corps de juppe . En
voicy l'explication .
A Cheveux .
B Nompareille noire .
C Ruban large de Tafetas
blanc , rayé de fatin blanc .
D Petit bonnet fraizé de
mouſſeline avec de l'Efilé .
La feconde Tefte eft d'une
peronne en deshabillé.
A Cheveux .
B Bourgogne de Baptifte clai
re .
C Effile.
216 MERCURE
D Coëffe de gaze blanche à
fleurs.
Depuis la
promotion
de Monfieur le Chancelier ,
M' fon Fils , qui portoit
le nom de Comte de Maurepas
, a pris celuy de Comte de
Pontchartrain. Il exerçoit la
Charge de Secretaire d'Etat
en lurvivance de M ' fon Pere,
depuis 1693. & il en faifoit déja
la pluſpart des fonctions .
mais à prefent il l'exerce dans
toute son étendue . Son dé .
partement eft compoſe de la
Maifon du Roy , de la Mari .
ne, des Galeres , des Colonies ,
des
GALANT. 217
des Haras , du Commerce maritime
, & de toutes les Compagnies
qui y ont rapport .
dont il eft le Chef & le Prefident
de tout ce qui concerne
la Navigation . Il a outre cela
la Ville de Paris , & plufieurs
Provinces du Royaume , & le
foin des Academies , Françoife
, des Sciences , des Infcriptions
, & de la Fabrique des
Médailles. Ainfi M' le Chancelier
a la fatisfaction de voir
un Fils , qui à l'âge de vingtcinq
ans , fe trouve par l'application
qu'il a donnée au
travail des le temps qu'ila cu
Octobre 1699.
Tored
218 MERCURE
la furvivance de cette Charge,
en eftat de s'en acquitter au
contentement du Roy , & à la
fatisfaction du Public , qui le
voit avec joye dans une place
qui a efté fi dignement remplie
par M' le Chancelier. Je
ne vous en diray pas davantage
, vous en ayant parlé en
plufieurs occafions , & principalement
lors de fa furvivance
& de fon mariage avec Mademoiſelle
de Roye . Vous vous
fouviendrez auffi qu'il eft le
feptiéme Secretaire d'Eftat de
fa Maiſon , où cette impor
tante Charge ſemble devenue
hereditaire .
ου
GALANT. 219
Je fatisfaits volontiers vo
ftre curiofité , eenn vous envoyant
un journal exact de
ce qui s'eft paffé pendant fix
joursque la Cour de Monfieur
a efté à Montargis. Ce Prince
partit de Fontainebleau le Sá,
medy. 3. de ce mois , à onze
heures du matin. Il avoit trois
Garoffes à huit chevaux , & les
illuftres perfonnes qui les
rempliffoient avec S. A. R.
eftoient Monfieur & Madame
de Chartres , Madame & Ma.
demoiſelle d'Armagnac , Madame
la Maréchale dé Rychefotr
, Meſdames de Montau-
Tij
220 MERCURE
ban, de la Ferté, Mere & Fille,
de Sforce , de Foix , de Rafeteau
, de Caftries , de S. Pierre,
& de Fontaine Martel. On arriva
à Montargis à quatre heu-
& Monfieur fut receu
dans les dehors de la Ville par
la Maréchauffée , & autres
Officiers , & au dedans du
res
Chateau , par le Lieutenant
General , accompagné de fes
Officiers , & par le Clergé ,
compofé de quelques perfon
nés de chaque Communauté.
Toute la Bourgeoisie , qui le
trouval à la deflcente des Ca
roffes, témoigna affez par fon
GALANT. 221
empreffement & par fes ref
pects , la joye qu'elle avoit de
voir ce grand Prince dans une
Ville , où l'on fouhaitoit fi ar,
demment fa prefence.
On fervit à fon arrivée une
Colation qu'il avoit ordonnée
dés Fontainebleau . Elle eftoit
de toutes fortes de fruits , de
confitures & de paftes , autour
defquels regnoit un double
cordon de petits plats remplis
-de tout ce qui pouvoit le fervir
en un jour maigre. Il eftoit
cinq heures quand on la fervit
, & fitoft qu'on fut forti de
table , Monfieur prit la peine
Tij
222 MERCURE
de conduire les Dames dans
leurs Appartemens , où elles
n'ont manqué de rien , ny pour
elles , ny pour leurs Femmes ,
qui ont toutes efté logées
tres commodement.
Il n'eft pas besoin de vous
faire remarquer combien
d'Appartemens differens ce
Chateau peut fournir ➤ par
rapport au nombre des Dames
que je viens de vous nom .
mer , & de celles qui arriverent
le Lundy avec Monfeigneur
, & des Courtifans qui
l'accompagnerent , outre les
Officiers en fervice auprés de
fa Perfonne .
GALANT
223
t
On commença le Jeu fur
les neuf heures. Il y avoit une
grande table ronde au milieu
de la chambre où l'on joüa
au Lanfquenet , & plufieurs
petites en differens endroits ,
où il fe fit des parries d'Hombre
, & d'autres Jeux . Pour
arriver à cette chambre du
Jeu , l'on paffoit d'abord par
cette magnifique & celebre
Salle,qui a trente huit toiles &
demie de long fur huit & demie
de large, & qui eft d'une élevation
de ceintre prodigieuſe ,
avec fix cheminées. De cette
Salle on paffoit dans celle
Tiiij
234 MERCURE
des Gardes , & enfuite dans
une autre , où eftoient les
Buffets , puis dans l'antichambre
où l'on a mangé , d'où
l'on entroit dans la chambre
du Jeu
.
Ön ceffa de jouer à minuir.
Monfieur & les Dames vinrent
fe mettre à table , & l'on
fervit le Medianoche à deux
fervices de trente plats chacun.
Le Dimanche , Madame la
Ducheffe de Chaftillon arriva.
Pendant le dîner & le fouper
les Trompettes de Monfieur,
& lesHautbois de m'de Rofma
GALANT. 225
dec,fon premierGentilhomme
de la Chambre, fe firent enten;
dre. Les occupations de ce
jour furent le Jeu & la Prome
nade.
La bonne chere & la magnificence
des repas demanderoient
une relation pariculie
re. Tout ce qu'on en peut
dire , c'eft que Monfieur, dont
le gouft eft exquis , & qui fçait
montrer en tout la grandeur
Royale , témoigna à ceux de
fes Officiers qui eftoient chargez
de ce foin , qu'il en eftoit
fatisfait.
Le Lundy , Monfeigneur
226 MERCURE
arriva fur les quatre heures , &
avec luy Madame la Princeffe
de Conty Douairiere , Monfieur
le Prince de Conty , Mademoiſelle
de Liflebonne ,
Mefdames d'Urfé , de la Val
liere , & Marquife de Chatillon
. Madame & Mademoiſelle
d'Armagnac retournerent ce
même jour à Fontainebleau .
Monfieur , Monfieur le Duc
de Chartres , & toute leur
Cour , allerent au devant de
Monfeigneur, qui fut receu au
fon de toutes les cloches , &
aux acclamations de tout le
Peuple. Toutes ces Dames
GALANT. 227
trouverent chacun leur Appartement
. Je ne parle point
de celuy de Monſeigneur , &
je me contente de dire que luy
logé , il y eut un grand Appartement
de refte , ce qui doit
faire comprendre le logement
prodigieux de ce Chaſteau , où
Monfieur le Prince de Conty,
M' le Duc de Roquelaure ,
Mrs d'Antin , de Rouſly ,
de Sainte Maure & de la Valliere
furent logez , auffi bien
que
les Perfonnes de la fuire
de Monſeigneur . Il y eut le
foir des feux dans toutes les
rues , & des Illuminations à
228 MERCURE
toutes les feneftres . Les Recol
lets & les Urfulines en firent
une magnifique , qui tenoit
tout le cofté de leur maifon
qui regardoir le Chaſteau , depuis
le haut jufqu'au bas . Aufſi.
toft que Monfeigneur fut ar
rivé , on commença un tres
gros Jeu , & fur les dix heures
on luy fervit un foupé d'une
magnificence furprenante . M
de Frefquieres eut l'honneur
de le fervir à ce repas comme
Maistre d'Hoſtel en quartier,
le premier Maitre d'Hoſtel
eftant obligé de tenir la table
dans le même temps. Il y eut
GALANT.
229
encore un gros jeu aprés
foupé.
anLe Mardy Made Matharel
, premier Maiſtre d'Hoſtel
fervit Monfeigneur au dîné ,
qui fut de la même magnificence
, & M' de Frelquieres
fervit Monfieur, a
Aprés le difné , мonſeigneur
monta à Cheval , accompagné
de M le Marquis Deffiat ,
Gouverneur du Chateau de
Montargis & des autres Seigneurs
déja nommez . Il alla
chaffer à la portée du Piftolet
du Cháfteau à la vûë des
Dames , qui des feneftres où
230 MERCURE
elles eftoient , eurent tout le
plaifir de la Chafle. On y fit
une espece de battuë , & ſans
perdre le Chasteau de veuë on
tua plus de deux cens Lievres
& plus de cent: Perdreaux . Au
retour de Monfieur , on commença
un tres gros Jeu , qui,
fur fuivy du foupé , fur les
dix heures. M'de Frefquiere
eut encore l'honneur de fervio
Monfeigneur à ce foupé..
M de Matharel ayant tenu
fa Table dans le même
temps .
La petite Verole qui de :
puis trois mois à fait de fi
GALANT.
231
grands ravages , avoit été caufe
que par précaution pour tant
de Dames d'un rang
diftingue
on avoit donné des ordres feveres,
pour empêcher le Peu
ple de Montargis d'entrer dans
les
Appartemens .
Cependant
il brûloit d'envie de voir man
ger Monſeigneur & les Dames
. M' Dantin qui vit fon
impatience , demanda à Monfeigneur
pendant le foupé la
permiffion de faire entrer tout
un monde qui attendoit dans
la
Grande Salle . Ce Prince
ayant confenti à ce qu'il luy
demandoit , en même temps
1
1
232 MERCURE
qua
le lieu où l'on mangeoit pa
rut inondé . Jamais on ne
vit tant de joye dans les yeux
des Spectateurs . On y remard'affez
jolies perſonnes ,
& Monfieur à qui rien n'é .
chape , s'apperçut que pour
avoir l'honneur de voir une
fi Illuftre Compagnie , plufieurs
d'entr'elles , ayant ouy
parler de la nouvelle mode
des Coiffures , avoient abaiſſé
la leur . Monfieur le demanda
a une des plus aimables ; elle
en convint , & le rouge qui
luy monta au vilage, la fit regarder
avec plaifir,
GALANT. 233
"
$
Le Mercredy Monfeigneur
fe leva de tres bonne heure , &
partit de montargis à fept heures
& demie . Comme il de-
1
voit courir Loup en s'en retournant
à Fontaine bleau , &
que les équipages de Chaffe
Fattendoient à moitié chemin
, il monta dans fa Chaife
de Pofte pour les joindre. Il
• donna avant que de partir quaarance
Louis, au ficur Conftanrin
Concierge , vingt Louis au
S Milles Tapiflier de Monfieur
, dix Louis a l'Officier
de S. A. R. qui diftribuoit
le Caffé , & une fomme con-
Octobre 1699.
Ꮮ .
224 MERCURE
fiderable aux Barnabites , fans
compter ce qu'il a donné aux
pauvres de la Ville.
Madame la Princeffe de
Conty & les Dames qui l'accompagnoient
partirent
ce
même jour à dix heures , aprés
avoir redit cent fois à Monfieur
que rien n'avoit jamais
égalé la bonne chere qu'il leur
avoit faite. L'aprêdînée
de ce
jour , Monfieur & les Dames
allerent voir les éclufes de Sepoy
à une lieuë de montargis ,
& on leur donna le plaifir de
faire remonter un Batteau. On
recommença
le Jeu avant le
GALANT: 235
2
foupe , & il continua encore
apres.
Je ne puis m'empêcher de
vous parler icy d'un endroit
où la galanterie & la politeffe
de Monfieur fe firent louer
également. C'eftoit un réduit
charmant , dans lequel on paffoit
de la Chambre du Jeu. 11
étoit orné de plufieurs Portraits
de Dames fur une Tapifferie
de Damas blanc à bandes
de Satin bleu brodé d'or.
Là Monfieur avoit fait mettre
une table couverte de
Vafes & de Soucoupes de
Porcelaine , & l'on y diftri-
Vij
1
>
236 MERCURE
buoit tout le jour avec pro
fuſion , du Thé , du Caffé
du Chocolat , & des eaux de
toutes façons. Les Officiers de
ce Prince commis à ce sujet
feconderent fi bien l'intention
de leur Maiſtre , que tous les
gens de la fuite de Monfer
gneur ne ceffoient de publier
à leur retour à Fontainebleau
,
les bons traitemens
qu'ils
avoient receus à Montargis
,
& la magnificence
de S. A. R.
M' le Marquis Deffiat , premier
Ecuyer de Monfieur , a
tenu foir & matin une table
de vingt couverts . M' MathaEx
GALANT
. 237
rel , premier Maistre d'Hoſtel,
une de pareil nombre de couverts
; M' de Frefquieres , Me
d'Hoftel de quartier , & M
de Luthel , Controleur General
, deux autres de quinze couverts
chacune . Rien n'a manqué
dans toutes ces tables , ny à
la profufion ny à la délicateffe ,
& chacun y a été receu avec
toute la politeffe & l'honneftete
poffible.
Le Jeudy il plut toute la
matinée , ce qui n'interrompit
point les plaifirs de ce beau
lieu. Le Ciel fe découvrit
l'aprefdifnée , & l'on alla à la
# 38 MERCURE
promenade. Le foir on recommença
le jeu juſqu'au fou .
pé, & quand on fut hors de
table , les Hauts - bois qui
avoient joué à ce repas , inviterent
la Compagnie a entrer
dans la Grande Salle qui étoit
éclairée par vingt quatre
Chandeliers à plufieurs branches
. Monfieur permit que
l'on dançaft , & il fe fit une
eſpece de petit Bal tres-agréa
ble.
*
Le Vendredy 5. A. R. partit
de Montargis à midy &
demi , tous ceux de fa fuite
faifant paroiftre fur leurs viGALANT.
239
a
fages la peine qu'ils fouffroient
a quitter un lieu où les jours
s'étoient écoulez fi vifte dans
la joye & dans les plaifirs.
Tous les repas pendant ce
voyage , ont efté à trois Services
, tant à difner qu'à fouper
; le premier de vingt quatre
plats en potages & entrées
& au milieu le fur tout ; le
fecond auffi de vingt quatre
plats en roft , entremets &
hors d'ouvres , & le troifieme
de vingt huit Plats en
fruit cru , fruit fec , compotes
& four. Les femmes de
Madame la Ducheffe de Char240
MERCURE
tres , de Madame la Princeffe
de Conti & de Madame
d'Armagnac ont efté fervies
tres - proprement chacune
dans leurs appartemens
, &
les femmes des autres Dames
de même. On ne peut
rien ajouter à l'exactitude
de Madame Haranger , Pourvoyeufe
de Monfieur , & à
la bonté des chofes qu'elle
a fournies. Vous fçavez que
le Chasteau de Montargis
eft
un des plus anciens & des
plus beaux du Royaume . Il
eſt ſurprenant de voir à quel
point il eft changé depuis
8
GALANT. 241
*
trois ans que Monfieur y fait
travailler. Toute la Cour de
Monfeigneur & Monfeigneur
même fut , furpris de fa
beauté , de fa grandeur &
de la maniere dont font meublez
les appartemens qui font
en grand nombre.
Le 6 du mois paffé le Prin
ce Philippe Ercolani , Italien ,
qui eft etabli en Allemagne ,
époufa à Modene Mademoifelle
de Mouy , Fille d'hon -
neur de la Reine des Ro
mains. Elle eft de la grande
maifon des Mouy en
Normandie fille de M
Octobre 1699. X
242 MERCURE
C
de Mouy Seigneur d'Elbeuf
en Bray , & de N ... Hum.
belot . Mefdames les Ducheffes
de Brunfwic & de Mo.
dene ont fait cette Noce avec
toute la magnificence poffible.
Il n'y manqua que les Bals ,
à caufe de la mort de madame
la Ducheffe Douairiere de
Modene Madame de Brunfwic
fit preſent à la mariée d'une
Toilette de vermeil d'oré eftimée
plus de deux mille écus ,
& Madame de modene luy
donna une paire de Boucles
d'oreilles , de gros Diamans ,
garnie de fix pendeloques
GALANT 243
d'environ mille piftoles. A prés
qu'on eut arrefté le mariage,
Empereur envoya à mademoifelle
de Mouy , qui n'étoit
alors qu'accordée , de tresbelles
Boucles d'oreilles eftimées
deux mille piſtoles , le
Roy des Romains , un gros
Diamant pour mettre dans
les cheveux , & la Reine des
Romains , une attache de
Diamans , eftimée aufli plus -
de deux mille piſtoles. Les
Mariez font partis de Modene
pour retourner à Vienne , &
ont receu beaucoup d'autres
prefens de diverfes perſonnes
X ij
244 MERCURE
de qualité . Le marié de fon
cofté a fait de grandes liberalitez
dans toutes les maifons
des deux Ducheffes , & a dona
né entr'autres à Madame la Du,
cheffe de modene , qui a aċcompagné
la nouvelle Mariée
jufqu'à Boulogne , une riche
Croix de Diamans d'une beauté
furprenante. Il s'eft fair à
Boulogne une reception magnifique
aux Mariez à leur
arrivée , & des réjouiffances
publiques.
M Dappongny Seigneur
de la Guiette , à époufé depuis
peu mademoiſelle Bache,
GALANT. 245 .
Ier , fille de M Bachelier
Receveur General des Finance's
à Orlean . Le Marié eft fils
de Mr Dappongny
Con
feller Secretaire du Roy , & a
pour freres & feurs м' Dappongny
Capitaine de Dra -
gons , M Dappongny Chanoine
de S. Germain de l'Auxerrois
, le P. Dappongny Religieux
de Sainte Croix de lu
Bretonnerie , N. Dappongny
Epouſe de Mr Pecot , Seigneur
de S. Maurice , Con
leiller au Parlement de la qua
trieme des Enqueftes , & N.
Dappongny , Epouſe de M
X iij.
246 MERCURE
Mareicot , fils de mareicor !
Maistre des Requeſtes,
F'oubliay le mois paffé de
vous aprendre la mort de
Madame de Boiffeleau , arrivée
fur la fin d'Aouft . Elle s'appelloit
Françoife Choart , &
eftoit Veuve de мeffire Ale-:
xandre de Raynier Seigneur de
Boiffeleau , Chevalier de l'Or
dre de S. Louis , Maréchal des
Camps & Armées du Roy ,
Gouverneur de Charleroy ,
& cy - devant Capitaine aux
Gardes. Elle eft motte à fa
Terre de Boiffeleau auprés de
Blois , & laiffe cinq Filles .

GALANT. 247
Elle eftoit Seeur de Jean - Bap
tiſte Choart , Docteur de Sor ,
bonne , Curé de S. Germain
le vieil, & de Gabriel Choart ,
Surintendant General de la
Maifon de Madame la Dauphine
, fiile de Mr Choare
Treforier des Ponts & Chauffées
de France , & de Philippe
de Fénis , & petite fille de Nicolas
Choart , Correcteur des
Compres , & de N. miron.
Voicy les noms des perfon.
nes diftinguées de l'un & de
Fautre fexe que nous avonsperdues
depuis le commence
X iiij
248 MERCURE
ment de ce mois , ou fur la fin
de Septembre.
3. Meflire Simon Arnauld de
Pomponne , Chevalier , Marquis
dudit Pomponne , Sire
& Baron de Ferrieres , Chambrois
& Auquinville , Miniftre
d'Eftat , Surintendant General
des Poftes & Relais de :
France , & cy - devant Secretaire
d'Etat , & Ambaffadeur:
Extraordinaire en Suede & en
Hollande . Il eft mort à Fontainebleau
le 26. du mois paffé ,
d'où fon corps a esté apporté
à Paris ; & inhumé à S. Merry,
dans la Chapelle de ſa Famille.
GALANT. 249
II eftoit Fils de l'illuftre Ro
bert Arnauld , Seigneur d'Anv
dilly , fi celebre celebre par fes belles
traductions , & de N. de la
Boderie , Fille de M de la
Boderie, Ambaffadeuren Angleterre.
Il est mort dans fa
quatre - vingt & uniéme année,
& avoit époulé mademôifelle
Lavocat.2laiffe
pour Enfans Nicolas Simon
Arnauld , Marquis dé Pom - 1
ponne , Brigadier des Armées?
du Roy Lieutenant General,
& Commandant
pour Sa Ma
jefté auGouvernementde l'lfle
de France, cy devant Colonel
240 MERCURE
du Regiment d'Artois , & En- "
voyé Extraordinaire prés l'Ele - i
cteur de Baviere, qui a époufé
Conftance de Harville , Fille.de :
François de Harville des Urfins
, Marquis de Palaiſeau & .
de Trenel , & d'Anne de Comans
d'Altri ; Henry - Charles ,
Arnauld , Abbé de Saint medard
de Soiffons , & Aumô
nier du Roy ; Charlote Arnauld
de Pomponne , Reli-.
gicufe à malnouë , & Cathe
rinese Felicité Arnauld de
Pomponne , Epouſe de Jean .
Baptifte Colbert , Marquis de
Torcy, Ministre & Secretaire
GALANT.
25x
d'Etat, Commandeur & Treforier
des Ordres du Roy , qui :
vient d'eltre gratifié par Sa
Majefté de la Surintendance
des Poftes & Relais de France ,
qu'avoit feu M'de Pompon- ,
ne. Le Roy a donné douze
mille livres de penſion à Madame
de Pomponne. Je vous
ay parlé amplement de cette
Famille dans mes Letrres des
mois de Juin 1692. & de Decembre
1693 .
Dame Gillonne de Harcourt,
Veuve de Charles Leon
de Fiefque , Comre de Lavagne
& de Caleftan ,, Baron de
252 MERCURE
Breffuire , S de Leuroux , &
auparavant Veuve de Louis de
Prouilly , Marquis de Pien
nes. Elle eftoit âgée de quas
tre -vingts ans , & eftoit Fille
de Jacques de Harcourt , Mar
quis de Beuvron , Comte de
Cofnac , Capitaine de Cava
lerie , & Gouverneur de la
Ville & Chasteau de Falaiſe ,
& de LeonoreChabot de Saint
Gelais , Comteffe de Cofnac ,
Petite-fille de Pierre de Harcourt
, Marquis de Beuvron ,
Chevalier de l'Ordre du Roy,
Gentilhomme ordinaire de fa
Chambre , Confeiller en fes
Confeils d'Etat & Prive , CaGALANT.
258
pitaine de cent hommes d'ar
mes des Ordonnances de Sa
Majefté, & Garde de l'Oriflame
de France , & de Gillonne de
Matignon , & Arriere petitefille
de Guy de Harcourt , Baron
de Beuvron , auffi Garde
de l'Oriflame de France , &
de Marie de Saint- Germain ,
Dame de Frefnay. Cette maifon
de Harcourt eft affez
connuë fans que je m'y étende
davantage. Madame la Comstefle
de Fiefque a eu de fon
premier mariage une Fille ,
appellée . Mademoiselle de
- Piennes , qui a époulé M ' le
Comte de Guerchy , & elle
214 MERCURE
14
Jaiffe pour Enfans du ſecond
lit , Jean Louis , Comte de
Lavagne & de Fielque , & deux
Filles Religieufes , dont l'une
eft Abbeffe de Noftre Dame
de Soiffons.
Meffire Edouard Colbert,
Marquis de Villacerf & de
Payens , Seigneur de Saint-
Méfmin , & autres lieux , Confeiller
du Roy en fon Confeil
d'Etat , premier Maitre d'Ho .
ftel de la feuë Relne , & de
Madame la Ducheffe de Bour.
gogne , cy - devant Surintendant
& ordonnateur Ge -
neral des Baftimens du Roy.
GALANT. 255
#
Il avoit environ 70 ans , &
avoit époulé Geneviève l'Archer,
fille de Michel l'Archer
Marquis de Stenay , Prefident
en la Chambre des Comptes, &
de Marie Merault , dont il laiffe
pour Enfans Charles Maurice
Colbert de Villacerf , Abbe
de S. André en Gouffer , & de
S. Pierre de Neaufle- le - vieil ,
Prieur de Sainte Marie d'Elincourt
, Agent General du
Clergé de France ; Pierre Gilbert
Colbert de Villacerf ,
nommé Chevalier de Malthe ,
lequel eftant devenu l'aisné
par la mort de deux de fes
Freres tuez au Service du Roy,
256 MERCURE
a épousé Mademoiſelle de la
Ferté , fille de M le Marquis
de la Ferté , & Anne Marie
Colbert de Villacerf. Il avoit
encore eu Marguerite- Genevieve
Colbert de Villacerf qui
mourut en Decembre 1696.
étant Veuve de Jean Baptiſte
François de Montlefun , Marquis
de Befmaus , Mestre de
Camp de Cavalerie , & premier
Cornette des Chevaux-
Legers de la Garde du Roy ,
dont eft restée une fille , unique
. M Colbert de Villacerfqui
vient de mourir , étoit
fils de Jean Baptifte Colbert
GALANT
257
Seigneur de S. Pouange , maiftre
des Comptes , м d'Hoftel
ordinaire du Roy , puis
Confeiller en fes Confeils d'Eftat
privé , & Intendant de Jutice
en Lorraine , & de Claude
le Tellier , Soeur de feu
Mle Chancelier le Tellier.
M' le Marquis de Villacerf for
fils , a efté fait premier maiſtie
d'Hoffel de Madame la Ducheffe
de Bourgogne en la
place de M fon Pere.
Dame Anne Boucot , Veuve
de Jean Robinet , Ecuyer S
de Villiers Lieuteuant pour le
Royau Gouvernement de Ma
Octobre 1699
.
258 MERCURE
riembourg , & Maistre d'Ho
ftel de Madame la Dauphine .
Elle eftoit Soeur de Nicolas
Boucot , cy- devant Receveur
de la Ville de Paris , & tante
de Jacques Boucot à preſent
Receveur de cette Ville , &
de N. Boucor , Epoufe de Jacques
Fournier , Capitaine- Colonel
des trois Compagnies
des Gardes & Archers de cette
même Ville de Paris
Meffire Guillaume de Loi
pis , Chevalier de la Fare , Maréchal
des Camps & Armées
du Roy , & Gouverneur
de Schéleftat , cy- devant
GALANT. 259
Gouverneur de Nice .
Meffire Henry Baudrand ,
Docteur en Theologie de la
Faculté de Paris , ancien Curé
de S. Sulpice. Il eft mort présd'Orleans
, âgé de foixante &
deux ans , & avoit réfigné fas
Cure il y a quelques années à
-Meffire Joachim Trotti de la
Chétardie , qui mene une vie
Paftorale , auffy réguliere &
exemplaire que fon Prédeccffeur.
Il étoit d'une bonne
famille de Lion , dont nous
avons à Paris M Baudrand,
Doyen des Subftituts de M
le Procureur General do
9
Y ij
260 MERCURE
la Cour des Aides , & ancien
Echevin de Paris , & м' l'Ab
bé Baudrand qui nous a donné
un fçavant Dictionnaire
Geografique Latin en deux
Tomes in folio , & qui fue
Conclavifte de m' le Cardinal
le Camus , dans le tempsde
l'Election du Pape Innocent
XII.
On vient d'Imprimer une
Traduction nouvelle de l'Oraifon
de Ciceron pour la Loy
de Manilius avec des remar
ques Historiques & Geogra
phiques , & des explications.
fur tous les endroits difficilesGALANT.
265
où l'on peut aprendre facilement
les Regles de l'Eloquen
ce. Cet ouvrage fe vend à
Paris chez le S Pierre Augu-

ftin le Mercier rue du Foin
à S. Ambroife , & chez le S
Nicolas le Clerc rue S. Jacques
à l'image S. Lamberti
L'Auteur s'eft appliqué à fai
re une traduction fidelle , mais
fon principal deffein à été de
donner une nouvelle metho
de pour fçavoir en peu de
temps l'Art de la Rhétorique.
Ila defini exactement en Fran .
çois les figures que l'Orateur
employe ; & fait voir que
262 MERCURE
Ciceron les a mifes en prati
que dans certe Harangue, d'u
ne maniere plus fenfible que
dans les autres Oraifons , &
qu'il a réduit l'exorde & les
autres parties du difcours à
unfimple raiſonnement, ce qui
eft un des meilleurs moyens
pour apprendre fans beau
coup de peine les Regles
de l'Eloquence.
Le S Brunet debite un Li
vre nouveau qui fait bruit. I
a pour titre , Le Theophrafte
molerne,ou Nouveaux caracteres
fur les mours Ils ont efté faits
à l'imitation de ceux de feu M
GALANT. 263
de la Bruyere, que l'Auteur die
avoir pris pour regle , lesayan e
foumis à fon jugement , par
Famitié qui eftoit entre eux.
Comme la matiere eft grande,
& en quelque forte inepuifa
ble , parce que les defauts at
tachez à l'homme , donnent
heu à des reflexions prefque
infinies , on trouvera beaucoup
de choſes nouvelles dans ces
derniers caracteres. Le ftile
en eft net , vif& concis , & il
eft malaité d'en commencer
une fection ou un chapitre
fans vouloir aller jusqu'à la fin,
sant tout y eft bien penfé , &
264 MERCURE
fait de plaifir à lire. L'Auteur
qui protefte contre les interprétations
malignes , a raiſon
de dire que ceux qui voudronr
attribuer certains caracteres à
de certaines perfonnes , doi ,
vent faire un examen ferieux
de leur conduite , & voir fi
leurs moeurs ne leur donnent
pas fujet de faire de plus juftes
applications . Qui eft ce en
effer qui les peut toujours af
lez bien regler , pour ne fe
reconnoiftre pas dans les por
traits que l'on expofe à fes
yeux , & pourquoy imputer à
d'autres des defauts qu'il eft
fouvent.
GALANT . 265 *
·
fouvent impoffible de ne pas
voir en foy- même ? Cet Ouvrage
eſt tres digne d'eſtre
lû. Heureux qui ne le lira que
dans le deffein d'en profiter.
Il paroift un autre Livre
nouveau , que debite le S ' de'
Luynes , Libraire au Palais ,
fous le titre de Nouveau Voyage
d'Italie. Il n'y faut pas chercher
la defcription des Villes
& des lieux les plus remarquables
que ce titre ſemble promettre.
Il ne contient que des
avantures de galanterie , que
le Voyageur a cuës en divers
endroits .
Octobre
1699.
Z
266 MERCURE
Je vous tiens parole , en
vous envoyant la fuite du Jour..
nal du Voyage de Fontainebleau
.
Le Vendredy 9 le Roy alla.
tirer , Monfeigneur courut le
Cerf avec l'Equipage de M'le
Duc du Maine , & мeffeigneurs
les Princes coururent le Lié .
vre avec les chiens de M' le
Comte de Toulouse . Il y eut
le foir Appartemens .
Le Samedy 10. il y eut
Chaffe du Loup , & le foir la
Comedie de Surena , fuivie des
Plaideurs.
Le Dimanche 11. le Roy
GALANT. 267
1
1
alla tirer , & le foir il y eut
pour Monfeigneur grande répetition
de la mufique de l'O .
pera de martéfie , dans la Galerie
des Cerfs .
Le Lundy 12. il y eut Chaffe
du Cerf , & Appartemens
le
foir.
Le Mardy 13. le Roy alla tirer.
Monfeigneur courut le
Loup , & les Comediens reprefenterent
le foir le Geolier
de foy - même.
1
Le mercredy 14. le Roy ne
fortit point , & entendit à
fon foupé le Prologue & le
premier Acte de l'Opera de
Zij Ꮓ
268 MERCURE
Martéfie , du S ' des Touches.
Le Jeudy rs. il y eut Chaffe
du Cerf, & le foir Appartemens.
Le Jeudy 16. le Roy alla tirer,
Monfeigneur courut le
Chevreuil , & Meffeigneurs
les Princes coururent le Liévre.
Les Comediens reprefenterent
le foir la Sophoniſbe de
l'Ainé Corneille , & l'Efté des
Coquettes du S' Dancour .
Le Samedy le Roy alla tirer
, Monfeigneur courut le
Loup , & Meffeigneurs les
Princes , le Liévre . On chanta
pendant le foupé du Roy ,
GATANT.. 269
plufieurs morceaux de l'Opera
de Martefie .
Le Dimanche 18. le Roy ne
fortit point , & il y eut le foir
Appartemens , où l'on chanta
le Temple de la Paix .
Le Lundy 19. le Roy alla
tirer , & Monfeigneur courut
le Chevreuil. Le foir les Comediens
repreſenterent la Mere
Coquette de m' Quinaur
qui fut precedée d'une Scene
nocturne des deux fils du S.
Allard , l'un en Scaramouche
& l'autre en Arlequin , qui firent
des faults merveilleux.
Le Mardy 20. il y eut chaffe
Z iij
270 MERCURE
du Cerf l'apréfdifnée , & le
foir il n'y eut aucun divertiſſe
ment.
Le mercredy 21. le Roy alla
tirer , & Monfeigneur courut
le Loup . Le foir les Comediens
repreſenterent les Horaces
& le Medecin malgré
luy..
Le Jeudy 22. le Roy vine
tout d'une traite de Fontainebleau
à Versailles , ayant
trois Relais. Ce même jour
fut celuy de la confommation
du mariage de monſeigneur le
Duc de Bourgogne
.
Le Roy a permis â ce jeuGALANT.
271
ne Prince d'entrer au Confeil
de Depefches qui fe tient tous
les Lundis matin , & il y alla
pour la premiere fois le Lun-
I dy 26 de ce mois . S. M. à nommé
pour eftre toûjours prés de
fa perfonne , m' de Sommery ,
ey devant fous Gouverneur
de ce Prince , Gouverneur dė
Chambord & des Ifles de fainte
Marguerite & de S. Honno
rat , Neveu de feu M'Colbert
Secretaire & miniftre d'Eftat .
M' le Marquis de Cheverni,
cy - devant envoyé Extraordi.
naire à la Cour de l'Empereur ,
Fils de m ' de Clermont Mar-
C
1
Z.iiij
272 MERCURE
*
quis de Monglat , & de Che
verni , Comte de Provins &
Mailtre de la Garderobe du
Roy , & Chevalier de fes Ordres
, & M' le Marquis d'O. ,
Gouverneur de S. A. S. Mon.
fieur le Comte de Touloufe
dont les Anceftres ont poffedé
les plus grandes Charges
de la Cour , & les premiers
emplois de l'Eftat . La fageffe
& la probité de ces trois perfonnes
étant connuës au Roy,
S. M. ne pouvoit faire un choix
plus judicieux pour l'employ
quluy a plu de leur deftiner.
Elley a attaché douze mille li .
vres de penſion pour chacun .
1
GALANT. 273
J'ajoufte icy une fuite des
Arrefts , Edits , & Declarations
du Roy..
Declaration du Roy portant
Reglement de ce qui doit eftre
obfervé en la Vente de la poudre
& du plomb , donnée à
1 Fontainebleau
le 1. Octobre .
Edit du Roy , portant Crea
tion des Lieutenans
de Police
, donné à Fontainebleau
dans le même mois.
Edit du Roy , portant Réduction
des fix vingt Huifs
fiers , Prifeurs & Vendeurs du
Chaftelet à foixante , & que
les Greffiers des Chancelleries
274 MERCURE
4
payeront un fuplement
de
Finances , donné à Fontainebleau
au mois d'Octobre.
Declaration
du Roy , concernint
les Officiers des Traites,
donné à Fontainebleau
let 17
du même mois.
Arreft du Confeil d'Etat du
Roy , du même jour , qui ordonne
qu'il ne fe fabriquera
plus en France que de deux efpeces
& qualitez de Chapeaux .
Arreft du Confeil d'Etat du
Roy qui augmente dans
les Monnoyes du Royaume ,
le marc des Reaux à 30 livres
12 f. & des Piftoles d'EfGALANT.
275
pagne à 484 livres 10 fols .
Fixe dans les Bureaux des
Recettes , les Reaux de poids
à 3 livres 8 fols , & les Pifto
les d'Efpagne a 13 livres 5 f.
Ordonne à l'égard de l'Alde
&
I face que dans la monnnoye
Strasbourg , le marc des
Reaux fera payé 34 liv. 2 fols,
& les Piftoles d'Espagne , 530
livres 5 f.
st
.
2 I
Fixe ces efpeces dans les
Bureaux des Recettes , les
Reaux à 3 liv. 16 f. & les Pi
ftoles 14 liv . 10 f. la piece.
Le Roy à gratifië M
le Marechal Duc de Ville256
MERCURE
roy , de la fomme de cent
mille Ecus , payables en fix
années par
la Ville de Lion.
La grandeur de ce Moharque
paroit dans la ma,
gnificence de les dons , &
ce prefent fait connoistre
qu'il eft fatisfait des Services
de ce Maréchal , &
de la grande dépence qu'il
a fait en tenant Table ouverte
, pendant qu'il a comman
dé fa principale Armée en
Flandre.
La nouvelle eftant venuë
en Bretagne , de l'élevation de
M'de Pontchartrain à la Char
GALANT. 277
О
J
ge de Chancelier de France ,
M'de Keramprac , Confeiller
Garde Scel de la Chancellerie
de cette Province , reſolut
de donner une Fefte magnifique
pour en témoigner fa
joye. Il fit travailler pendant
plufieurs jours à mettre en ordre
un fort beau Buffet pour
un grand foupé , qu'il donna
le Lundy 16. de ce mois . Auffitoft
qu'on fuc à table , & que
l'on eut prononcé le nom de
M'de Pontchartrain , on entendit
cinquante coups de
Canon qui furent tirez. A
l'entrée
du fruit on falüa la
1
278 MERCURE
fanté de Madame la Chanceliere
, & dans l'inftant on tira
encore cinquante coups de
Canon. Un peu après les feux
d'Artifice obligerent tous les
Conviez à mettre la tefte aux
feneftres , & ils virent tout en
feu dans le jardin . On jetta
par les feneftres plus de cent
baffins de fruits & de confitures
, ce qui fut un regale pour
le Peuple, que le bruit de cette
fefte avoit attiré. Entre plus
fieurs fufées qui femblerent
ramener le jour , il y en eut
deux qui firent un tres- grand
effet , l'une reprefentant les
GALANT
279
Armes de M' le
Chancelier ,
avec un Soleil au deffus , qui
les éclairoit, vint tomber dans
un Bateau fur la riviere , d'où
fortirent une infinité de petits
Soleils ; l'autre portoit aux
nuës les Armes de Madame la
Chanceliere , & alla tomber.
dans le même Bateau . Il en
fortit auffi toft une troifiéme
fufée , qui rejoignit enſemble
les Armes de l'un & de l'autre.
Les plaifirs ayant duré julques
à minuit , on fe rendit dans
une grande Salle , où l'on dan .
fa jufqu'au jour. Le Portrait
de M' le
Chancelier peint de

280 MERCURE
fa hauteur , faifoit l'ornement de ce
lieu - là fur un piedeſtal fort élevé. La
bordure en eftoit tres - magnifique.
La Fefte dura plus de quinze jours ,
pendant lefquels plus de quatre cens
coups de Canon ont efté tirez Tout
s'y est toujours trouvé tres-bien ordonné
par les foins de Mrde Keram .
prac , & l'abondance a paru dans
tous les repas. L'applaudiffement
que l'on a donné tout d'une voix à
cette réjouiflance , fait connoiftre
combien Mr de Pontchartrain s'eft
fait aimer en Bretagne , dans le temps
qu'il a efté premier Prefident du
Parlement de cette Province.
Le mot de l'Enigme du mois
paffé étoit la Barbe, ceux qui l'ont
trouvé font. MIS Renard du Mans ,
Grige , Charles de la rue de l'Arbre
fec , Bardet & fon amy du Plef.
GALANT . 281
2
fis de l'Hofpital du Mans , le Solitaire
de la rue Coqueron . Mademoiſelle
Javotte Ogier du coin de
la rue de Richelieu , Meldemoifelles
le Tafar Roffigné de la fuè
Coquilliere Marguerite de Vienne ,
la charmante Catin de la rue des
deax Boulles , Lantelle , & fa compagnie
de la rue des Petits-champs ,
la fidelle vieille de Niort.
Vous propoſerez , s'il vous plaift
à vos amies l'Enigme nouvel que
je vous envoye .
ENIGM E.
Souvent la nuit , un inviſible ,
Partant du Ciel pour troubler mon™
repos ,
Vient me heurter d'une façon terrible.
Tout ce que je puis faire eft de tourner
le dos ,
Octobre
1699.
A a
283 MERCURE
Si quelquefois le jour il me tourmente ,
Quoyque fa rage arrive au dernier
point ,
Elle à beau devenir cruelle & violente ,
On y prend garde affez , mais on ne me
plaint point.
L'Auteur de la Lettre ou du Projet
fur l'Hiftoire de Rouffillon qui
eft au commencement de ma Let .
tre , demeure chez Mr l'Evêque
de Perpignan rue des Quatre fils
au Marais.
Ie vous envoyeray le mois prochain
un autre Projet d'Hiftoire qui
regarde le Diocele de Bayeux. Il eft
de Mr de la Fevrerie.
On vient de m'aprendre la mort
de Madame la Marquise de Mon.
chevreuil. Je remets jufqu'à ma pre.
miere Lettre ce que j'ay à vous en
dire, & fuis Madame, Voftre tres & c,
A Paris , ce 31 Octobre 16 9 9 .
୨୨ LYON
1293
TABLE
At
P
Relude.
Epiftre au Roy.
6
12
Projet d'une Hiftoire de Rouffillon.
Relation d'une Fefte donnée à Stokolm
par le Roy de Suede. 67
7:
Madrigaux.
66
Versfur les fept Pechez capitaux . 72
Lettre curieufe. 74
Arrefts , Edits , 85
91
Declarations
Audiance donnée à Mr Dacunha
Nouvelle Manufacture de Cristaux. 92
Second Tome du Livre intitulé , Cabinet
desfingularitez d'Architecture , Pein-
`ture , & Gravûre
94
chanfon fur l'Air de foconde , fur toutes
les Dames qui fe font trouvées aux
Eaux de Bourbon .
La petite Verole , Hiftoire .
ن و
III
Journal du Voyage de Fontainebleau. 123
Sonnetfur la Statuë Equestre du Roy. 141
Madrigal fur le mêmesujet.
Sonnet Italien.
Madriganx.
Converfion .
144
14y
148
150
TABLE.
Mariages.
Morts.
&
150 241
153247
Mrde Pointis nommé Chefd'Efcadre. 160
161 Stances.
Lettre de Mr l'Abbé Geneſt à Maderno:-
felle de Scudery. 167
Mr le Comte Pontchartrain exerce en Chef
la Charge de Secretaire d'Etat. Départementde
cette Charge.
Journal de Montargis .
256
219
Traduction nouvelle de l'Oraifon de Ciceron
, pour la loy de Manlius.
260
Le Theophrafte Moderne , ou nouveau x
Caracteresfur les Moeurs.
Nouveau Voyage d'Italie.
Suite du fournal de Fontainebleau.
262
266
266
Mrle Duc de Bourgogne entre an Confeil
!
· des Depefches.
270
Perfonnes nommées pour eftre toûjours
auprés de ce Prince. 271

Suite des Arrefts, Edits & D :cl.du Roy, 273
Prefent fait par le Roy. 275
Fefte donnée en Bretagne.
276
Enigmes.
280
Mortde Mede Montchevreuil. 282
WALIO
TER
LYON
* 18934
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le