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1691, 06
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Texte
Eur
7511
m
en la
, de
voi
16916
Mercure
l'AP
que t
S.C
pi
ܕ
ilfic
eq
feu
Ma
MERCURE
GALANT
DEDIE A MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN
JUIN 1691.
A PARIS ,
GALERIE - NEUVE DU PALA 13,
Ndonnera toujours un Volume
nouveau du Mercure Galant´au
premier jour de chaque Mois , & on
le vendra Trente fols relié en Veau ,
& Vingt-cinq fols en Parchemin,
A PARIS ,
Chez G. DE LUYNE , au Palais , dans la
Salle des Merciers , à la Justice,
T. GIRARD , au Palais , dans la Grande
Salle , à l'Envie .
E MICHEL GUEROUT , Galerie- neuve
du Palais , au Dauphin.
M. DC. XCI
AVEC PRIVILEGE DU ROY.
Bayerische
Staatsbibliothek
München
Ο
AVIS.
Velques prieres qu'on aitfai
tes jufqu'à prefent de bien
écrire les noms de Famille employez
ce Mercure , on ne laiffe pas d'y manquer
toûjours. Cela eft cause qu'ily a
de temps en temps quelques- uns de
ces Memoires dont on ne fe peut fervir.
On reitere la mesme priere de
bien écrire ces noms , enforte qu'on
ne s'y puiffe tromper. On ne prend
aucun argent pour les Memoires , G
l'on employera tous les bons Ouvrages
à leur tour , pourvu qu'ils ne
defobligent perfonne , & qu'il n'y
ait rien de licentieux. On prie feulement
ceux qui les envoyent, &fur
dans les Memoires qu'on
en
m
A ij
A VIS.
tout ceux qui n'écrivent que pouT
faire employer leurs noms dans l'article
des Enigmes , d'affranchir leurs
Lettres de port , s'ils veulent qu'on
faffe ce qu'ils demandent. C'eftfort
peu de chofe pour chaque particulier,
& le tout enfemble est beaucoup pour
un Libraire.
Le fieur Guerout qui debite prefentement
le Mercure , a rétably les
chofes de maniere qu'il est toujours
imprimé au commencement de chaque
mous. Il avertit qu'à l'égard des
Envois qui fe font à la Campagne ,
il fera partir les paquets de ceux
qui le chargeront de les envoyer avant
fon commence à vendre icy le
Mercure. Comme ces paquets feront
plufieurs jours en chemin , Paris ne
laiffera pas d'avoir le Mercure longtemps
avant qu'ilfoit arrivé dans
que
AVIS,
les Villes éloignées , mais auffi les
Villes ne le recevront pas fi tard
qu'elles faifoient auparavant. Ceux
qui fe le font envoyer par leurs Amis
fans en charger ledit Guerout , s'expofent
à le recevoir toûjours fort tard
par deux raifons. La premiere , parce.
que ces Amis n'ont pas Join de le
venir prendre fi-toft qu'il est imprimé,
outre qu'il le fera toujours quelques
jours avant qu'on en faffe le
debit ; & l'autre , que ne l'envoyant
qu'aprés qu'ils l'ont leu , eux &
quelques autres à qui ils le preftent ,
ils rejettent la faute du retardement
fur le Libraire , en difant que la
vente n'en a commencé que fort
avant dans le mois . On évitera ce
retardement par la voye dudit Sicur
Guerout, puis qu'il fe charge de faire
lespaquets luy-mefme & de les faire
A iij
AVIS.
t
porter à la pofte ou aux Meſſagers
fans nul intereft , tant pour les Particuliers
que pour les Libraires de
Province , qui luy auront donné leur
adreffe. Ilfera la mefme chofe generalement
de tous les Livres nouveaux
qu'on luy demandera , foit qu'il les
debite , ou qu'ils appartiennent à
d'autres Libraires , fans en prendre
pour cela davantage que le prixfixé
par les Libraires qui les vendront.
Quand il Je rencontrera qu'on demandera
ces Livres à la fin du mois,
il les joindra au Mercure , afin de
n'en faire qu'un mefme paquet. Tout
celafera executé avec une exactitu
de dont on aura tout lieu d'eftre
content.
MERCVRE
GALANT
JUIN 1691.
O
N ne ceffe point de
loüer le Roy , &
c'est toujours avec
beaucoup de juſtice, puis que
jamais Souverain n'a fait des
chofes fi furprenantes, & en fi
grand nombre. Cela eft caufe
A iiij
8 MERCURE
que la maniere ordinaire de
luy donner des loüanges
commençant enfin à eſtre épuifée,
on s'attache à chercher
des tours nouveaux
, pour
rendre à fes actions toutes
merveilleuses
, la justice qu'on
leur doit. Le zele qu'on a pour
la gloire de cet Augufte Monarque
, qui fait les delices de
fon Siecle , ne peut eftre ralenty
par la difficulté des expreffions
qui font toujours
beaucoup au deſſous de tout
ce qu'on voudroit dire ; & ſi
l'on fe voit dans l'impuilfance
d'en trouver , ou qui
GALANT. -9
n'ayent point encore efté
employées, ou qui répondent
affez à la grandeur du fujet
qu'on traite , on tâche du
moins d'y donner de l'agrément
par la maniere nouvelle
de le traiter. C'est ce qui a
fait naiftre l'idée du Cantique
que je vous envoye . Elle
a efté fort heureuſement exc
cutée , & je croy que vous ne
fercz pas moins contente de
l'Original Latin , que de l'Imitation
en Vers François
qui en a eſté faite.
Jo MERCURE
CANTICUM
GALLIE TRIUMPHANTIS.
O triumphe , o Galli , Io
triumphe ! Ter Deo noftro
jucunde cantemus Io trium-
,
phe.
Dedifti , Domine , Gallorum
Populo Regem pium , juſtum & :
fecundum cor tuum ; Regem
fortem , invictum , & te adjuvante
, invincibilem.
GALANT. II
CANTIQUE
DES TRIOMPHES
O
de la France.
Peuplecombléde gloire,
O François à qui tout rit ,
Pouffez des chants de Victoire
Vers le Ciel qui vous cherit.
2
Ce Roy fi doux aux bons , aux
méchans fi terrible ,
Ce Roy, par voftre appuy fi grand,
fi fortuné ,
Ce Roy de voſtre gouft , pieux ,
jufte , invincible ,
C'est vous , Seigneur , c'eſt vous
qui nous l'avez donné.
12 MERCURE
Zelus domus tuæ poffedit eum;
& ideò inimicis tuis factus eft
inimicus.
Non fuftinuit Hæreticos in
terra fua diutius immorari ; aut
enim dociles adoptavit ut filios,
aut contumaces ut degeneres abdicavit.
Expulfi funt à Regno Chrif
tianiffimo Iconoclastæ , & IcoGALANT.
13
S
Son coeur fans balancer prenant
voſtre querelle ,
Toûjours d'un zéle ardent fut pour
vous dévoré ;
Toûjours de vos Amis le Prote-
&teur fidelle ,
Et de vos Ennemis l'Ennemi
declaré.
2 .
On l'a veu de l'Etat guérir la frenefie,
Extirper fagement un mal enraciné ,
Et parmi les Sujets infectez d'héréfie
,
Adopter le docile , & bannir l'obftine.
2
› Voeux facrez , ennemis des voluptez
flateuſes ,
Sacremens, de la Foy nourriture &
foûtien ,
14 MERCURE
nomachi , omnes impii contemptores
Sacramentorum.
Ejecti funt qui Hierarchiam
Catholicam
evertere meditabantur,
qui Monarchicum
Imperium
inviti fubiebant
.
Perfecit LUDOVICUS
fine cade intra fi- fine bellis
nes unius anni , quod Majores
fui toto plus quàm facuto in va-
Bum cupierunt & tentaverunt.
GALANT.
15
Et vous, Sermons müets des Images
pieuſes,
Nous vous perdions belas ! fans ce
Héros Chrétien .
&
Des mutins éxilez l'infolente entrepriſe
Sembloit avoir en but la feule Papauté
;
Mais les coups qu'ils portoient au
Prince de l'Eglife
Attaquoient dans le cocur l'Augufte
Royauté.
S
Six de nos Rois armez & de fer &
de flame ,
Pour abbatre cette Hydre ont en
vain combattu.
Sans répandre aucun fang
pefte de l'ame
2 cette
Cede à LOUIS armé de fà
feule Vertu .
16 MERCURE
Io Triumphe , o Galli , Io
triumphe ! Ter Deo noftro jucunde
cantemus , Io triumphe.
Lumen tanta virtutis offendit
oculos fuperborum ; zeli tam
efficacis gloria Hareticorum, &
Principum Europa odium & invidiam
fufcitavit.
Convenerunt in unum Germanus
, Iberus , & Allobrox ,
adverfus Chriftum Domini ,
primogenitum Ecclefia.
GALANT.
17
S
Peuple comblé de gloire ,
O François à qui tout rit ,
Pouflez des chants de Victoire
Vers le Ciel qui vous cherit.
$
L'orgueil s'en eft émû , la jalouſe
arrogance Nations,
A fait contre mon Roy frémir les
Et cent Princes Liguez que tant
d'éclat offenſe ,
Ont tenté d'cbfcurcir les grandes
actions.
2
L'Ibere & le
Germain
attaquent fa
fortune , ( roux fe joint ;
L'Impuiffant
Allobroge à leur cou-
Contre le Fils aîné de leur Mére
commune
Les Frères font armez , & n'en
rougiffent point.
Juin 1591 .
B
18 MERCURE
Conjuncti funt Rebellibus
Anglia Hollandia Confoederatis
adhæferunt : non erubuerunt
Principes Catholici fociari
cum iniquo & Hæretico Throni
Britannici Invafore
.
Factus eft Magnus LUDOVICUS,
Protector vera Religionis
& vindex: Regia dignitatis
affertor acerrimus.
Omnes ifti unanimiter impeGALANT.
19
2
Au lâche Uforpateur du Trôned'Angleterre
,
Aux Bataves ingrats leur foibleffe
a recours :
Tout prefts à foulever le centre de
la terre
Si l'Enfer à leur rage cuft pû donner
fecours .
Diu feulfoûtient Louis contre
tant d'adverfaires ,
Et fa haute Valeur redoublant fes
Exploits ,
Au nom de Défenfeur de la Foy
de nos Péres ,
Joint le titre éclatant de Prote&eur '
des Rois.
2
La France impenetrable aux efforts
de ces Princes
Bij
20 MERCURE
tum fecerunt in Gallias frustrà: -
opertifunt confufione , & cum
ignominia repulfi funt .
Citenato Rheno gemit Ger
mania , Eridanus confractis cornibus
luget : Belgii nobis penetrale
referant fubject Montes
Hannonia ; maria victricibus
Francorum Navibus obtempefant.
Io
Io Triumphe , o Galli
Triumphe ! ter Deo noftro jucunde
cantemus , lo Triumphe.
GALANT. 21
Repouffe fiérement tant de traits
conjurez ,
Et jufque dans le Centre attaquant
leurs Provinces ,
Les accable des maux qu'ils nous
ont préparez .
Nos Vaiffeaux des deux Mers ne
font qu'un feul Empire ,
Nos Ennemis vaincus tremblent
de toutes parts ,
Le Pô gemit aux fers , le Rhin captif
foupire ,
Mons aux yeux de Naffau voit
forcer fes remparts.
S
O Peuple comblé de gloire ,
O François à qui tout rit ,
Pouffez des chants de Victoire
Vers le Ciel'qui vous cherit.
22 MERCURE
Cet Ouvrage a efté compofé
en Latin fur les Victoires
du Roy , à l'imitation des
Cantiques de Moyfe , & de
plufieurs autres femblables ,
par Mr de Senecé , ancien
Lieutenant General au Préfidial
de Mafcon. C'eft un
homme qui a trouvé le fecret
de joindre une profonde
Litterature
& une grande politeffe
, à l'exacte connoiffance
des Loix & de tout ce qui
concerne l'adminiſtration de
la Juftice , qu'il a exercée
pendant cinquante ans avec
une réputation de fçavoir &
GALANT.
23
·
d'integrité qui vivra longtems
aprés luy.Ila déja donné
des marques de fon zele pour
le Roy dans plufieurs Ouvrages
, & particulierement dans
fon Apollon François , où
par une fecondité merveilleufe
, il a raffemblé plus de
cent Deviſes de fa façon ,
compofées à la loüange de
Sa Majefté , qui ont toutes le
Soleil pour corps , & qui font
accompagnées d'autant de
difcours remplis de beaucoup
d'érudition. Il a voulu faire
voir à l'âge de prés de qua
tre- vingt ans que fon ardeur
"
24 MERCURE
pour fon Maistre n'eft point
encore ralentie . Les Vers François
font de M' de Senecé fon
Fils , dont je vous ay envoyé
plufieurs Ouvrages , que vous
n'avez pas moins cftimez que .
le Public.
L'ufage des Prieres pour le
Roy eft auffi devenu fort à
la mode, & l'ardeur de parler
de ce grand Prince , & de
faire des voeux au Ciel pour
la confervation de fa Perfonne
facrée , a donné fujet d'en
compofer de divers Paſſages
joints enfemble . En voicy
une de cette nature . Vous n'y
devez
GALANT. 25
devez regarder que l'invention
& le zele de l'Auteur
qui a fceu en faire un corps ,
& leur donner une fuite.
525 222555225552 22
PRIERE POUR LE ROY,
fur les Victoire qu'il a
remportées.
C'est pour le Roy que je compofe
mes Ouvrages . Pf.44.
D
IEU tout puissant , Seigneur
du Ciel & de la gneur duCielo de
Terre , nous fommes maintenant
profternez aux pieds de vofire di-
Juin 1691 . C
26 MERCURE
vine Majesté , & extraordinairement
humilie pour vous adreffer
nos voeux & nos prieres pour
la profperité de noftre grand Roy,
le Fils aîné de vostre Eglife ; &
en mefme temps , ô Dieu , pour
yous rendre nos tres - humbles
actions de
graces ,
des Victoires
que fes Armes juftes & legitimes
ont remportées non feulement fur
nos Ennemis , mais auffi fur les
Ennemis de voftre Eglife . Nous
connoiffons bien , Grand Dieu ,
que vous avez toujours pris en
voftre Sainte Garde , & fa Sacrée
Perfonne , & fon Eftat'; mais il
faut que nous avoyons que
GALANT. 27
voftre Protection Paternelle s'est
particulierement declarée en faveur
de noftre Roy tres- Chreftien
contre toute apparence & efperance
humaine , ce qui doit convaincre
à l'avenir toute la chrétienté
que comme un autre Joseph
vous regardez d'un oeil favorable
le facré Fils aifné de l'Eglife
, le delivrez des mains
tiranniques de fes . Freres dénaturez
; & que vous les obligerez,
comme autrefois , à luy
venir demander le froment de
paix de reconciliation . Vous
avez , grand Dieu , étably
ce Roy pour eftre le Legisla
.
Cij
28 MERCURE
1
teur de vostre Sainte Republique,
le Restaurateur des bréches
de Ferufalem , afin que tout
l'Universfoit averty que le plus
puiffant Roy du monde a parfon
zele par fa pieté vaincu les
ennemis de I. C. auffi bien que
les fiens propres. Les merveil
lenfes & illuftres Conquestes
que noftre Auguste Monarque
a faites les armes de F. C. à la
main , doivent imprimer dans ●
tous les coeurs , que c'eſt l'Arg:
Exterminateur qui a detruit les
Ennemis de vostre gloire de
la fienne. Les dons extraordinaires
que vous avez départis en fa
GALANT. 29

faveur luy faifant porter ce glorieux
titre de Deffenfeur de la
Foy , ne perfuaderont- ils jamais
les hommes que vous l'avez appellépour
réedifier Sion, la Maifon
du Dieu vivant & pour
eftre icy-bas l'Arbitre Souverain
de tous les Peuples ? Vous fçavez,
Dieu des Armées , que fes
armesfont legitimes, & qu'il ne
les a pas prifes pour agrandir fes
Estats , mais feulement pour
la deffenfe de vostre caufe , le
foin de vostre Maifon l'occupant
continuellement , & pour rétablir
fur le Trône un grand Roy
qui en a efté tiraniquement chaf-
C iij
30 MERCURE
fé par la cruauté de fes Sujets .
Vous fçavez encore , Dieu de
Paix , que tout couvert de lauriers
il a donné la Paix à toute
l'Europe , qu'il a aimé la Paix
afemé dans cette Paix les
fruits de la Justice. Ce magnanime
& invincible Princes
qui veille du haut defon Trône
fur les plus grandes affaires de
Europe, & qui leur donne le
branle qu'il luy plaiſt, eſtant affisté
de voftre fainte Grace ; ce
grand Roy qui regne fi abfolulument,
non feulement dans le
coeur des Villes, mais encore dans
le coeur des Hommes , a pour le
GALANT.
31
bien public de la Chreftienté ,
confenty contre fes propres interefts,
que fes Ennemis reculaffent
leurs bornes , voyant qu'il s'agiffoit
de delivrer de la tirannie de
l'Ennemy commun de la Chrétienté
un nombre infiny de Fidel
les. C'est pourquoy , Seigneur du
Ciel de la Terre , ncus redoublons
icy nos Prieres & nos
Supplications pour la confervation
de la Perfonne Royale de nôtre
invincible Monarque , & auffipour
Monseigneur le Dauphin ,
vous priant tres- humblement de
faire profperer les armes qu'il a
en main, en les faiſant triompher
Ciiij
32 MERCURE
par tout , afin que nous puissions
dire un jour avec le Prophete,
Combien font beaux fur les
Montagnes les pieds de celuy
qui public la Paix, qui apporte
de bonnes nouvelles touchant
le falur , & qui dit à
Sion , voſtre Dieu regne.
Qu'il vous plaife , Dieu de mifericorde
, ouvrir les yeux aux
Princes Liguez , afin qu'ils rentrent
en eux- mefmes , & que
voyant nofire incomparable Souverain
regner fi abfolument dans
ces grands & vaftes Estats , avec
un tel droit de Royauté & une
telle ſplendeur de Majefté, une
GALANT.
33
fi grande autorité puiſſance,
ils le reconnoiffent pour le plus
brillant portrait de la Divinité
qui ait jamais porté le Diadême
& viennent en foule demander
la Paix à celuy qui la
peut donner de toutes parts , afin
que de cette Paix naiffe lefoulagement
des Peuples, le bon- beur,
le repos, & la tranquillité de tous
les
Chrétiens , & que la France
foit à fon ordinaire le magazin
des commoditez des Nations cir
convoisines. Qu'il vous plaife
auffi donner à noftre invincible
Prince un favorable fuccés en
fes entreprifes , le garantir de
34 MERCURE
tous les accidens qui menacent la
nature humaine , & conferver
fa Sacrée Perfonne en longueur
de jours & multitude de bene
dictions , verfantfur fes Couronnes
vos plus precieufes influences.
Qu'il vous plaife vous plaife encore , Pere de
grace & de verités conferver une
Tefte fi importante àl'Estat, &
une main fi glorieuse , dont le
Sauveur du Monde fe ferviras
s'il luy plaift , pour nous faire
fentir usilementfa faveur, & le
fecours de fa main toute puiffante.
Daignez enfin , ô Dieu,
répandre fur fa Royale Perfonne
une telle abondance de touGALANT.
35
9
tes vos Graces celeftes, que nous
puiffions voir ce grand Roy eftre
en nos jours le Reftaurateur des
bréches de l'Eglife , la merveille
des Rois , & les délices du genre
humain : & qu'aprés avoir regné
long- temps & glorieusement
enfes Etats , Sa Majesté puiſſe
tranfmettre àfa Royale posterité,
le Sceptre & l'Empire qu'Elle
poſſede icy- bas , pour y
tant qu'il y aura des jours
que lors qu'Elle quittera les Cou
Tonnes qu'Elle poffede , ce foit
regner
continuer
dans le Ciel,
pour
aller
& en recevoir une éternelle &
incorruptible de la main de celuy
36 MERCURE
qui eft le Roy des Rois , & le
Seigneur des Seigneurs .
Je vous envoye des Vers
dont je devrois vous avoir
fait part plûtoft , mais les
Ouvrages qui n'ont pas encore
cité vûs , eftant toujours
nouveaux pour ceux
qui les lifent , celuy- cy doir
la
grace
de
avoir pour vous la
la nouveauré. Il eft de M'
Andry , Docteur en Theologie
, & Directeur des Dames
Religieufes de la Ville- l'E
vefque.
GALANT. 37
·
AU ROY,
Pendant le fejour de Sa
Majefté devant Mons.
3
Ugufte Conquerant , Heros
inimitable ,
A
in
Prince à tes Ennemis fans ceffe redoutable
,
Unique Protecteur de nos facrez
Autels ,
LÒVIS , fans contredit , le plus
grand des Mortels ;
Laiffe à tes Generaux le foin de tes
conqueftes,
Nous avons pour tes mains des Palmes
toutes preftes ,
Pour couronner ton front nous avons
des lauriers ,
Cueillis exprés pour toy par le Dieu
des Guerriers.
38 MERCURE
Loin d'un Peuple foumis , fidelle,
& qui t'adore ,
Peux- tu ne pas fçavoir l'ennuy qui
le devore ?
Helas ! ignores- tu la peur , le tremblement
Dont on le voit faifi de moment en
moment ?
Doutes-tu que toy feul n'en fois la
juste cause,
Quand il fçair les hazards où ta
valeur t'expofe ?
Tel qu'on voit un Troupeau , dont le
bardy Berger
Vole pour fa défense au devant du
danger ,
Lors qu'un Loup ravissant paroist
dans la prairie ,
Et veut fur fes Brebis déchargerfa
furies
Tel que l'on apperçoit ce timide Trou
peau .
GALANT: 39
Languir nonchalamment à l'abry d'un
côteau ,
Tandis quefon Berger,ſon défenſeur
fidelle ,
Affrontant le peril prend en mainfå
querelle ,
Telle eft de ton PARIS , Monarque
glorieux,
La langueur & letrouble éloigné de
tes yeux.
Ouy , tandis que pour luy , pour
l'honneur de la France ,
Tu vas des Alliez reprimer l'infolence,
Prendre Mons à leurs yeux , en forcer
les ramparts ,
Et t'ouvrir des chemins chez eux de
toutes parts ,
Ce Paris , ces Sujets dont tu fais les
delices ,
De ta Campagne heureuse admirant
les prémices ,
40 MERCURE
Ne peuvent toutefois paroistre fans
effroy ,
Au récit des perils où s'expoſe leur
Roy.
Ah ! reviens promptementfur les
bords de la Seine ,
Reviens , Prince charmant , ſoulager
noftre peine !
Bannis par ton retour la crainte &
le foucy ,
Où tu nous as plongez en t'éloignant
d'icy.
Fais pour quelque temps grace au refte
de la Flandre ;
Auffi- bien l'auras- tu quand tu la
voudras prendre ,
Et déja la moitié t'ayant pour Souverain
,
Unfemblablefuccés pour l'autre t'eft
certain.
Il dépendra de toy d'en marquer la
journée ,
GALANT.
41
Un motque tu diras fera fa deſtinée,
Et malgréfes efforts , quand tu l'ordonneras
,
Il faudra qu'elle cede aux efforts de
ton bras.
Quitte doncfans regret fes Forts
&fes Murailles ,
Viens revoir tes Aiglons élèvez dans
Versailles;
Leur montrer de tes yeux le brillane
Sans pareil ,
C'eft les accoutumer aux regards du
'Soleil ,
Et ces jeunes Heros ,fans filler la
paupiere,
Venant à foutenir ces fources de lumiere
,
Inftruits par ton exemple , & marchant
fur tes pas
De leurs vaftes deftins que n'atten
dra-t- on pas ?
Juin 1691 .
D
42 MERCURE
De fi dignes objets , invincible
Monarque:
Doivent de ta tendreffe obtenir cette
marque,
Pere auffi-bien que Roy d'eux & do
tes Sujets ,
Interromps pour un temps le cours
de tes projets.
Souviens- toy que toujours maistre de
la Victoire ›
Tu ne fçaurois plus rien ajoûter à ta
gloires
Mais que Pere adoré , par un juste
retour ,
Tupeux & dois pour eux augmenter
ton amour.
Tu n'en fçaurois donner un plus
grand témoignage ,
Qu'en hâtant le retour de ton heureux
Voyage.
GALANT.
43
Chaque inftant qui retarde un bien
fi prétieux ,
Eft un terme pour nous auffi long
qu'ennuyeux ;
Et pour rendre à nos coeurs le repos
&la joye
Ilfaut que dans ces lieux au plutoft
on te voye.
Parmy tant de Sujets qui vivent
fous ta loy,
L'honneur d'eftre du nombre, eft tout
mon bien , grand Roy.
A te parler ainfi ce titre m'autorife,
Et cette liberté me doit estre permife ,
Puis qu'en fait de fouhaits pour ton
heureux retour ,
Je ne le cede pas aux premiers de ta
Cour.
Dij
44 MERCURE
Ic vous ay appris la mort de
Me Charles de Faucon, Seigneur
de Ris , Premier Prefident
au Parlement de Rouën,
& vous ay mandé que quand
le Roy le nomma pour cette
importante Charge , je vous
en avois parlé fort amplement.
Puifque cela ne vous
fuffit pas , je vous diray qu'il
avoit efté d'abord Confeiller
au Parlement de Normandie,
& enſuite Maiſtre des Requeftes
, Intendant de Juftice à
Moulins & à Bordeaux
, & que
dans tous ces Emplois il avoit
fait voir fa capacité & fon
GALANT.
45
zele. pour le fervice du Roy ,
àl'imitation de fes Anceftres ,
eſtant le quatrième de fa famille
qui a exercé cette Charge
de Premier Prefident . Il
eftoit filsde Meffire lean Louis
de Faucon, Seigneur de Ris;
Marquis de Charleval , qui
aprés avoir efté Conſeiller au
Parlement de Rouën , puis
Maiſtre des Requeſtes & Intendant
de Juſtice à Lyon ,fut
fait Premier Prefident du Parlement
deNormandie, & petit
fils de Meffire Charlesde Faus
con , Seigneur de Frainville ,
confeiler au mêmeParlement,
46 MERCURE
Maiftre des Requeſtes , & enfuite
Premier Preſident , qui
mourut fubitement à Diéppe
où il eftoit allé haranguer le
Roy. Ce dernier eftoit frere
de Meffire Alexandre de Faucon
, Seigneur de Ris , qui
avoit cfté premier Prefident
avant luy. Cette famille
eftoit originaire de Florence ,
où elle a donné des Gonfanoniers
dés l'an 1333. Falco de
Faucon fut le premier qui vint
s'établir en Fiance fous le regne
de Charles VIII. Il y a
eu de cette Famille Jacques
de Faucon, Evêque d'Orleans,
GALANT. 47
puis de Carcaſſonne
; Claude
de Faucon , Confeiller d'Eftat
fous Henry III. & François
de Faucon , Chevalier de l'Or
dre de Saint Jean de Jerufa
lem , appellé le Commandeur
de Ris , qui s'eft fignalé contre
les Turcs en plufieurs
combats , & a efté . General
des Vaiffeaux de cet Ordre.
Faucon de Ris
écartelé
porre
au 1. & 4. de gueules , à la patte
de griffon d'or pofé en bande au
2. 3. d'argent , au Taureau de
fable, portant au col un écu d'argent
à la croix de gueules.
48 MERCURE
Je vous ay parlé dans ma
Lettre de Mars dernier , de ce
qui s'eftoit paffé quand M¹ de
Marfolier , Chanoine de la
Cathedrale d'Uzés , & Frere
de M' de Marfolier , Confeiller
au Grand Confeil , fut receu
à l'Academic Royale de
Nifmes. On m'a donné une
copic du Difcours qu'il y fit
en ce temps-là , & je vous
l'envoye.
RFMERGALANT.
49.
225525 2552255255&
REMERCIMENT
Fait à l'Academic Royale
de Nifmes .
M
ESSIEURS, EUR .
Je n'eus pas plûtoft appris à
Paris , où j'eftois alors , l'honneur
que vous aviez bien voulu
me faire en me recevant dans
voftre illuftre Academie , que je
me donnay celuy de vous en
faire par Lettre mes tres - bumbles
remercimens . Ce fut comme
Juin 1691 . E
So MERCURE
un premier mouvement de reconnoiffance
que je ne pûs retenir ,
je me trouvay ſi penetré ,
de la grace que vous veniez de
m'accorder , des circonftances
obligeantes dont vous aviez eu
la bonté de l'accompagner
, que
ne pouvant renfermer dans moymefme
tous les fentimens qu'un
honneur fi peu merité y avoit
excitez , il fallut en laiſſer échaper
quelque chofe. Aujourd'huy
qu'il m'est permis de regarder de
plus près cette mefme grace ; que
l'éloignement qui diminue tous
les objets , qui affoiblit l'action
des chofes les plus agiffantes , ne
GALANT. Fr.
m'empefche plus de la voir dans
toute fon étenduë, de la reffentir
dans tout ce qu'elle a de plus touchant
, dans tout ce qu'elle a
pour moy de plus glorieux & de
plus doux , que puis je penfer,
Meffieurs , que dois - je fentir ?
Quel concours dans ce moment
mesme où j'ay l'honneur de vous
parler , ne fe fait point dans
mon coeur , d'eftime pour vos
Perfonnes , de veneration pour
voftre illuftre Compagnie , de reconnoiffance
, mais d'une reconnoiffance
éternelle , pour la place
que vous avez bien voulu m'y
accorder !
Eij
52. MERCURE
Fe l'ay fouhaitée , cette place §
elle faifoit depuis longtemps l'objet
de mon ambition , & cette
ambition eft trop glorieuse pour la
defavoüer ; car aprés tout , Meffieurs
, qui ne feroit agreablement
flaté de fe voir affis avec
les Sages , avec tout ce que cette
Province , où l'air même que
l'on y refpire femble donner de
l'efprit , a de plus fin , de plus
delicat , de plus fçavant, de plus
capable enfin de foutenir la réputation
d'une Academie qui a
la gloire d'avoir esté fondée par
LOUIS LE GRAND?
Il faut l'avouer , Meffieurs ,
voftre Academie a des avantaGALANT
53
ges qu'on ne luy peut contefter.
Nee fous un Ciel plus pur ,fous
des influences plus heureufes que
par tout ailleurs, elle fe voit établie
dans une Ville celebre par
fon antiquité , par fa grandeur ,
par fes richeffes ; Ville que les
Mufes mefme auroient choifie
pour leur fejour, fi elles n'eftoient
pas les Citoyennes de toute la
terre ; Ville où l'on refpire encore
cet air Romain , cet air genereux,
cet air noble que le long fejour
qu'y ont fait ces Maifires du
Monde ,
que leurfang qui coule
encore dans les veines de fes Citoyens
y arépandu , & que tant
E iij
54 MERCURE
de fiecles qui fe font écoulez
n'ont pû encore effacer.
Que de lumiere , que d'érudi
de delicateſſe ne doittion
,
que
on point attendre d'une Academie
formée dans une Ville , où
le Genie de l'ancienne Rome , ce
Genie fi favorable aux belles
Lettres , femble encore préfider ;
d'une Academie composée de tout
ce qu'il y a de plus poly dans
tous les Ordres d'une Province
qui eft elle mefme fi fpirituelle,
d'une Academie conduite, pour
ainfi dire , animée par l'illuftre
Prelat * qui en eft le Protecteur,
* M . Fléchier , Evefque de Nifmes, l'un des
quarante de l'Academie Françoiſe,
GALANT. 55
& qui le feroit aujourd'huy de
tout l'Empire des Lettres , fi cet
Empire pouvoit fe réunir fous
un feul Protecteur , ou fi cette
qualité n'estoit jamais donnée
qu'au merite aux grands talens
!
Ces avantages , Meffieurs ,
font particuliers à vestre Academie
. Ils font grands , mais elle
n'en a point qui la releve davantage
, ny qui luy donne un droit
plus folide à l'immortalité , que
d'estre l'ouvrage du plus grand
Roy du monde , d'avoir este formée
pour estre comme la dépofitaire
de cette gloire immortelle à
E iiij
16 MERCURE
laquelle il acquiert tous les jours
de nouveaux droits , & de pouvoir
eftre comptée entre les projets
de ce Heros ; projets quifemblentforme
Z, conduits , executez
par la fageffe mefme ; projetsfur
lefquels le temps n'aura point de
prife , & qui font feurs de paffer.
avec gloire à la Pofterité la plus
éloignée.
Ouy, Meffieurs, quand l'Hi
ftoire décrira la Vie de LOUIS
LE GRAND , on y verra
des Batailles gagnées , des Villes
forcées , des Provinces fubjuguées
, des Flottes diffipées , l'Ocean
affujetty, les Mers domp
GALANT:
57
ptées , des Ligues déconcertées ,
des Rois protegez , des Hommages
libres on force des Nations
Etrangeres . L'on y verra lesLoix
rétablies , la Licence réprimée ›
les belles Lettres honorées , la Religion
vangée , l'honneur rendu
aux Autels , Eglife pacifiée , la
France au plus haut point de
gloire où elle puiffe monter ;
Pieté , la Sageffe , la Valeur, toutes
les Vertus furle Trône . L'Academie
Royale de Nifmes fera
placée parmy les Monumens de
ce merveilleux Regne ; elle aura
rang parmy les Statuës , les Arcs
de triomphe , les Trophées ; elle
la
18 MERCURE
fera comptée entre les monumens
de la gloire de ce grand Roy.
Quel avantage pour vous ,
Meffieurs d'avoir comme une
liaifon neceffaire avec l'immortalité
de ce Heros ! Quel honneur
pour vos noms devenus immortels,
d'aller à la fuite du fien
dans le Temple de la Gloire ?
C'est à cet honneur , Meffieurs ,
que vous m'aſſociez aujourd'huy.
C'est ce qui fait l'effentiel , &
pour ainfi dire , le fond du Remerciment
que je vous dois.
Mais de combien de circonstances
obligeantes cette grace que
wous m'accorde n'eft- elle point
GALANT.
59
accompagnée ? Abfent , éloigné ,
dépouillé de ce merite éclatant
dont je vous vois tous revestus ,
j'obtiens , Meffieurs , fur une
premiere demande , ce que j'aurois
cru n'avoir pas trop acheté
quand j'aurois employé plufieurs
années à la folliciter . quand
j'aurois donné foins , veilles ,
Amis , credit , recommandations
pour l'obtenir.
Il eft vray que ces derniers
moyens ne font guere propres à
obtenir un rang que vous n'accordez
jamais qu'à l'érudition &
aux belles Lettres. En vain feroit-
on prefenté par la fortune
60 MERCURE
mefme. C'est le merite feul qui
donne l'entrée ; c'est le fçavoir
qui diftribue les places dans cette
illuftre Affemblée. Je voudrois
bien pouvoir dire que c'est à eux
feuls que je dois celle que vous
voulez bien que j'y occupe ,
mais je me connois trop pour ne
pas avoüer
que
la grace a bien
plus de part que le merite à
T'honneur que vous me faites.
C'eft ce qui redouble , Meſſieurs,
l'obligation que je vous ay ,
qui m'y rendra toute ma vie
infiniment fenfible , & ce qui
m'engage à une reconnoiffance
éternelle.
ce
GALANT. 61
Il m'eft aifé de juftificr
ce que je vous ay dit plu
fieurs fois , que l'on écrit par
tout pour le Roy. L'Ouvra
ge qui fuit m'a efté envoyé
d'Avignon . L'Auteur qui en
eft , s'appelle M' Guintrandi ,
& vous trouverez en le lifant
que la plufpart de fes Vers
ont un tour particulier , &
qu'on peut dire veritable,
ment Poétique.
62 MERCURE
$25252 SS522522252
ODE
Sur les dernieres Victoires
du Roy .
D
Octes Habitans du Parnaffe,
Et vous, celeftes Déitez
Dont les Cignes de Grece en nos
temps fi vante ,
Je
Ont chanté les faits &la race :
ne demande point vos faveurs
pour mes Vers , !
Ils feront bien fans vous le tour de
l'Univers ;
LOVIS eft mon Heros mon bonheur
eft extrême.
Je prens pour Apollon ce Mars victorieux.
GALANT.
63
A quoy bon invoquer d'autre Dieu
que luy-mesme >
Quand on a dans luy feul enfemble
tous les Dieux ?
S
LOUIS, daigne voirmon ouvrages
C'est pour toy que je l'entreprens ;
Autrefois on a vû de fameux Conquerans
Donner à des Vers leurfuffrage.
Alexandre eftima ceux du Chantre
Thebain ;
Scipion applaudit le Comique Af
fricain ;
Auguſte ſe plaifoit aux chanſons de
Virgile,
Mais que dis -je ? Grand Roy , ne
fais-tu pas plus qu'eux ?
Ton Louvre n'est- il pas des sciences
L'azile ?
Et quel Docte fous toy fe voit- il
malheureux ?
64 MERCURE
Vous, que
S
la charmante Courriere
De l'Aftre qui chaffe la nuit ,
Colore lespremiers de l'ordont elle luit
Sur un char de riche matiere:
Et vous, qui du Soleil bornant l'oblique
tour ,
Voyez fur l'Ocean ensevelir le jour,
Prefte à mes accords une attentive
oreille.
Heureux , fije pouvois tendre auffi
hant mon Lut ,
Que mon Roy qui fait voir merveille
fur merveille,
A des plus vieux Héros paffé le
noble but.
S
Où vit-on jamais plus de gloire,
Plus de vertus , plus de bonheur,
Qu'on en voit en LOUIS , dont
La noble valeur
GALANT.
65
A pour compagne la Victoire ?
Combien
a-t-il de fois par fes puiffans
regards
Forcé d'un Peuple fier les orgueilleux
Remparts ;
Fait trembler fur leurs bords le Rhin,
P'Efcaut, la Meufe ,
Etranimé fes Gens d'un rayon impreven
,
Qui rend comme un Soleil fa face
lumineuse ,
Et qui fait qu'on luy cede aufi-toft
qu'on l'a veu !
2
L'infatigable Miffagere ,
Qui fans ceffe va difcourant
Des Exploits inouis de ce grand
Conquerant
Remplit l'un & l'autre Hemisphere.
Attentive & charmée èlle ouvre fes
cent yeux ,
Juin 1691 .
F.
66 MERCURE
Pour compter du Héros les Exploits
glorieux ;
Le moindre pas qu'il fait eft digne
de remarque.
Mais quoy qu'elle ait toujours fur luy
les yeux tendus,
Quand ilfaut reciter les beaux Faits
du Monarque
,
Le nombre l'embaraffe , & le choix
encor plus.
S
Ce qu'on craint pour luy de nuifible,
C'eft le nombre de tant d'Exploits ,
Qui le font le plus jufte & le plus
grand des Rois ;
Un tel Héros femble impoffible
En vain en parlons - nous comme
la verité ,
Nous ne ferons point crûs chezla
Pofterité :
Mais non, l'on croira tout defa haute
vaillance.
GALANT .
K
67
Vous , Places , qui bornicz noftre
Empire avant luy ,
Vous montrant à nos Fils dans le
coeur de la France,
Neprouverez- vous pas ce qu'ilfait
aujourd'huy?
$
Lors quefa fagi e profonde,
Preferant l'olive aux lauriers ,
A voulu defarmer les mains de nos
Guerriers ,
Pour donner le repos au monde ;
L'envie auxyeux ardens fraversant
ce deffein
Et s'opposant au cours d'un came fi
are tot
ferein,
Mon Roy s'eft vû contraint de reprerdre
la foudre.
Il marche ; & les Titans punis de
leur crgucil

Fiij
68 MERCURE
Sous leursforts Baftions d'abord res
duits en poudre
Trouvent en expirant un funefte
cercueil.
S
Mais voici ce qui plas m'étonne.
Lorfque toute l'Europe en corps ,
Pour fondrefur la France, unit tons
fes efforts,
LOUIS craint-il pourfa Couronne?
Non ; quand le fier Tiran qui
commande aux Anglois ,
Pouffé par le defir de perdre le François
,
Fouleve contre luy l'Empire & l'Allemagne
,
Qu'il eft dans ce deffein fecondé du
Piémont ,
Suivy de la Hollande , ainfi que de
l'Espagne ;
GALANT. Zg
LOUIS voit à couvert les lau
riers de fon Front.
S
Ainfi quand fur l'Onde écumeuſe
Les vents , l'effroy des Matelots,
Soulevant tout à coup des montagnes
de Flots
Forment une tempefte affreuses
Que pouffant à l'envi les nuages
épars ,
Ils rempliffent les airs de tenebreuse
brouillars,
Phoebus craint-il de perdre un rayon
de lumiere ?
Leurs deffeins furieux ne sçauroient
réuffer ;
Et ce bel oeil du jourpoursuivant ſa
carriere ,
Sçait bien toft diffiper qui l'ofoit obfcurcir.
1
70 Jo MERCURE
2
De même , Partifans d'Envie,
LOUIS fe rit de vos projets ;
Il connoît fa valeur , il connoît fes
Sujets ,
Et le Ciel veille pour fa vie.
Vous apprendrez bien- toft que fon
brasfçait punir
Tous ceux qui contre luyfeflatent de
tenir.
Oubliez- vous déja fes famenfes Conqueftes
?
Autant de fois liguez , autant de
fois foumiss
L'Hydre que vous formez a vû couper
fes teftes ,
Et luy s'eft vu Vainqueur d'un monde
d'Ennemis.
2
Déja le deftin de la Guerre
Alluméfès triftes flambeaux ;
GALANT. 71
Je vois déjafloter dans les airs nos
drapeaux ,
Et Marsfait gronderfon Tonnerre.
Catinat d'une part , ce Guerrier valeureux
,
Suivi de nos Soldats hardis & gene
reux ,
Entre dans le Picmond , y porte l'é
pouvante;
Bellone aut front altier , ``marche
Et faifant refonnerfa trompette tonnante,
De tous nos Ennemis rend les efprito
troublek
S
L'effet de nos juftes menaces
Nefçauroit effre diverty ;
Pour deffendre l'orgueil de l'injufte
Parti
Eft-il aße de fortes Places ?
72 MERCURE
Vainement leurs Châteaux veulens
nous refifter;
La justice punit qui l'ofoit infulters
Je vois déjaplierVilles & Citadelles:
Ville-franche fe rend , Saint Sofpire
eft à nous ,
Mont-alban fuit de prés, & nos Troupesfidelles
Ne trouvent point d'obstacle à leur
noble couroux .
S
Tu lefçais , fier Chafteau de Nice,
Toy qui te flatois , mais en vain
Par la difficulté de ton rude terrain ,
De nous fervir de precipice.
Ouy, tu fçais maintenant , s'il eft
rien d'affez fort
Qui puiffe refifter au vif & prompt
effort ,
Dont tu viens de fentir la terrible

Secoufe.
Troublez
GALANT .
73
Tremblez , lâches mutins , par ce.
commencement ,
Un Fort qui fceut braver Anguien
& Barberouffe ,
Pris en moins de fix jours, vous est
un monument,
Tandis que
2.
la Savoye en larmes
Deplore fon fort malheureux,
LOUIS dont laJustice accompagne
les voeux ,
Donne à Mons de vives alarmes.
Son Fils en qui du Pere on voit le
vifportrait,
Qui jeune eut la valeur d'un Conquerant
parfait ,
Y montre avec Philippe un courage
d'Alcide.
Unfeul de ces Heros peut mettre
Mons à bas :
Juin 1691 . G
74 MERCURE
Mais attachez tous trois à l'honneur
qui les guide ,
Ce leurferoit fouffrir que ne combattre
pas.
20
Qu'il eft beau de voir à la Tefte
De nos Bataillons avancez
Ces Princes genereux par la gloire
pouffez ,
Braver les coups de la Tempefte !
Qu'il est beau de les voirfur d'agiles
Chevaux
Tantôt de leurs Soldats vifiter les
travaux >
Et tantôt de l'honneur leur ouvrir la
barriere !
LOUIS fur tout agit puiſſamment
fur les coeurs ,
Sa prefence adoucit la plus rude carriere
,
Et tous veulent fous luy vivre of
mourir-vainqueurs.
GALANT.
75
నాకు
A quoy penfes-tu , fiere Ville ,
D'ofer tenir contre mon Roy ?
Non, ne te flate point , tu dois fubir
fa Loy
Ta refiftance eft inutile.
Tu ne dois rien fonder fur tes Retranchemens
;
A peine pourront- ils tenir quelques
momens ;
F'entens déja tonner fon redoutable
foudre.
Ab , quel horrible bruit ! Quel
étrange fracas !
On ne voit dans tes murs quefang ,
que feu , que poudre,
Affreux & trifte objet de cent cruels
trépas.
Quand tes Habitans pleins de
crainte
Gij
76 MERCURE
1.
Frappez de ces terrible's coups ,
Font vomir les Canons qu'ils tournent
contre nous ,
NosGens en craignent ils l'atteinte?
Le Demon des François volant parmy
les airs ,
De fumée épaiffis , rouges de mille
éclairs ,
D'une main agiffante en détournent
l'orage :
Tandis que nofire feu redoublantfon
effort ,
Frappe , éclate , envelope , ébrante ,
abat ,
ravage
,
Etfait par tout marcher le defordre
& la mort.
S
Lors que nos Gens de vive force,
A travers le plomb & le fer ,
Aux yeux de mon Heros marchent
pour triompher ,
4
GALANT. 77
Ah , que le peril a d'amorce !
Ab , quel champ de valeur , quand
il est question
D'arborer nos Drapeaux fur quelque
Baftion ,
Où le fier Défenseur ne craint rien de
contraire !
On les voit tous courir d'un pas précipité,
Chacun vole à l'affaut , & leurjufte
colere
S'ouvre mille chemins à l'immortalité.
2
En vain les Piques herißées,
En vain les effroyables faux
Tâchent de repouffer les vigoureux
aßauts ,
Faux Piques font renversées .
Comme l'on voit des bleds applanir
les fillons
Giij
78 MERCURE
Par la grêle qui tombe en affreuse
tourbillons,
Ainfi l'on voit plier le Belge redoutable
;
Et fi dans cet effort quelques -uns de
nos Mars
Fléchiffent fous la main de la Parque
indomptable ,
Leur fort eft envié des Manes des.
Cefars..
2
Mons', tu ne fçaurois te défendre,.
On te pouffe trop vivement.
Attens-iu du fecours ? C'eft inutilement
!
Que peut-il contre un Alexandre?
Le fier Guillaume en vain tâche à
te fecourir ,
Il voit que s'approcher , c'eft chercher
à mourir:
Un Heros comme luy doit craindre ·
le Tonnerre.
GALANT. 79
Qu'ilparte, de nos faits il fera le
témoin.
Ne penfez pas qu'il trouble une fi
-jufte guerre ,
S'il vient voir nos exploits , c'eft
Seulement de loin.
2
Vain Prince , élevé par le crime »
A qui l'équitable Deftin
S'en va bien- toft filer une nuit fans
matin ,
Nuit funefte , trifte victime.
Gruel Ufurpateur , approche , &
viens de prés
Voir noftre heureux triomphe , & les
triftes Ciprés
Qui de tes Alliez ombragent les
murailles.
Voy Mons bouleversé , voy fes toits
démolis ,
Giiij
80 MERCURE
Voy ton pavé couvert de mille fune
railles ,
Et voy fur fes dehors briller deja
nos Lis .
23
Enfin Mons eft hors de défenſe ,
Voy- le de forces épuisé ;
Il cede à nos efforts , honteux d'avoir
osé
S'attirer les Armes de France.
Voy comme nos Guerriers , d'un pas
victorieux
>
Entrant dans cette Ville arrêtent tous
les
yeux.
L'Envie à leur abord voit fa torche
étouffée.
·L'Orgueil déconcerté montre un front
palifant ,
Et les débris des toits nous dreffent
un trophée
Que le Lion dompté regarde en rugifant
!
GALANT. 81
S
O vous , dont le noble courage.
Fait fi-toft l'Ennemy plier ,
Que ne puis-je auffi haut vos exploits
publier,
Queje vois haut voftre partage!
La Victoire contente , affife fur vos
fronts s
Vous étale des prix de toutes les
façons ,
Je vous vois tout couverts du jour
qui l'environne.
Allez, braves Guerriers dont le fort
eftfi beau ,
Pourfuivez le chemin que vous montre
Bellonne
Par vous bien-toft l'orgueilfera mis
au tombeau.
2.
Toy , l'objet de ma Poësie ,
LOVIS , vray temple des vertus ,
82 MERCURE
Qui fais quefous tespieds les vices
abbatus
Expirent avec l'Herefie.
Pardonne , toy qui fçais aisément
pardonner,
Sij'ay par mes chanſons osé t'importuner
s
Mon zele eft indifcret, grand Prince,
je l'avoue ;
Mais ce crime eft commun dans la
bouche de tous;
Chacun veut te chanter , tout le
monde te loue ,
Et ce crime eft fi beau que tu m'en
vois jaloux..
Vous m'avez mandé que
vous avez leu avec beaucoup
de plaifir le Dialogue
intitulé , Le Hollandois dans
GALANT. 83
la Barque de Caron , qui cft
dans ma Lettre du mois d'Avril
. En voicy un autre qui
ne vous plaira pas moins. Il
eft encore fur les matieres du
temps , & du mefme Auteur..
255222 522 52522225
JUPITER
A SA FENESTRE
V
DIALOGUE...
JUPITER .
Ous eftes de franches
querelleufes. C'est à
84 MERCURE
Junon , Pallas , & Venus que
je parle. On ne vous voit ja
mais d'accord , & il faut que
j'aye à toute heure la tefte
rompuë de vos bagatelles . Si
vous continuez à me chagriner
, je mangeray à petit couvert
, & vous irez chercher le
Nectar, & l'ambrofic où vous
pourrez. Viens , Mercure ,
laiffons les difputer, & allons
nous promener dans la Galcrie
qui a veuë fur la Terre.
Peut -etre y verrons - nous
quelque chofe qui nous defennuyera.
GALANT.
85
MERCURE .
Allons , je ne vous quitteray
point .
JUPITER .
Oh , le bon air qui vient de
là-bas ! Approche - toy de certe
fenêtre pour le refpirer a
vec moy. Quelle eft la partie
du Monde qui fe prefente à
nos yeux ? C'eſt fi rarement
que je viens icy, que je n'y
reconnois plus rien .
MERCURE.
C'est l'Europe , qui a pris
ce nom pour éternifer celuy
d'une de vos Favorites ; & c'est
le Pays que je frequente le

86 MERCURE
plus volontiers , parce qu'on
y cultive les beaux Arts , &
que les Peuples y font fort
polis.
JUPITER.
Bon , tu as la mine d'eftre
bien informé de ce qui s'y
paffe . Fais moy connoistre en
quelle fituation y font les
affaires.
MERCURE.
On s'y bat à toute outrance
, & les Princes , jaloux les
uns des autres s'y font une
cruelle guerre. Il y a parmy
eux un Louis le Grand , Roy
de France, qui y tient le mêGALANT:
87
me rang que vous tenez parmy
nous autres . Ils le voyent
de mauvais oeil , à caufe de
cela , & à l'heure qu'il eft
il y a contre luy une Ligue ,
femblable à peu prés à celle
que les Titans formerent
autrefois contre vous.
JUPITER .
Comment s'en démêle il ?
Crois-tu qu'il puiſſe éviter
leur fureur?
MERCURE .
Illes foudroye les uns aprés
les autres ; il fe rend leur Maître
par mer & par terre
il
les chaffe de leurs Provinces ,
88 MERCURE
1
& je ne fais aucun doute qu'il
n'en forte auffi glorieufement
que vous eftes forty de l'entreprife
des Titans.
JUPITER.
Qu'aperçois- je là- bas proche
de la mer ? Il me femble que
c'eſt une grande Ville que je
n'ay pas accoutumé d'y voir;
mais elle n'eft point fermée
de murailles.
MERCURE.
C'est la Haye , licu fort confiderable
dans la Hollande.
On tient que c'est le plus
beau Village du Monde . Ce
n'eft quede puis peu qu'on y a
GALANT. 89
bafty , & il n'y a pas plus
d'un Siecle qu'il commence
à fe peupler.
JUPITER.
J'y voy rouler , ce me femble
, beaucoup de carroffes.
Y en a-t- il tant pour l'ordinaire
dans les Villages
?
MERCURE .
Ce n'est que par hazard
qu'il s'y en trouve un fi grand
nombre , & ils y ont efté
amenez par les Députez de
tous ces Princes, qui fe font
liguez contre le Roy de Fran-
'ce .
Juin 1691.
H
90 MERCURE
1
JUPITER .
Eh ,
que › que font- ils là ?
MERCURE
.
Ils y dépensent l'argent de
leurs Maiftres , à déliberer inutilement
comme ils pourront
nuire à ce puiffant Roy, & cepédant
les Soldats de ces Princesmanquent
d'habits > & ne vivent
la plupart que de pillage ..
JUPITER .
Belle oeconomie ! Y feront
ils encore long- temps ?
MER CRE .
Autant qu'il plaira au Prin
ce d'Orange , qui eft le grand-
Mobile de cette Ligue , &
GALANT. 9
"
für la volonté de qui fe reglent
les volontez de tous les
autres.
JUPITER.
Prince d'Orange ! N'eft - ce
pas ce Roy de nouvelle fabrique
, contre qui Themis
m'a prefenté requeſte il y as
déja du temps ? Je le connois,.
& je la luy garde bonne . Si
ce maraut de Vulcain avoit
eu l'efprit de bien pointer le
Canon , dont le boulet l'atteignit
en Irlande l'Efté paffé ,
nous en cuffions dépêtré le
monde. Je voudrois bien le ·
connoistre de vifage .
Hij
92 MERCURE
·
MERCURE.
Pourveu que nous demeu
rions icy quelque temps, vous
⚫pourrez le voir en original ,
car il doit venir dans peu à
la Haye,
JUPITER.
Ne le vois - je pas là qui
court la poſte?
MERCURE.
Non , c'eft un Allemand ,
qu'on appelle Electeur de
Brandebourg
.
JUPITER.
Ces noms d'Electeur &
d'Electorat me déplaiſent. Ce
font des titres nouveaux que
GALANT. 93
je ne reconnois point. Qu'ils
foient Rois , ou rien . Ordon
ne de ma part à Leopold , Roy
de l'Allemagne , d'abolir toutes
ces nouveautez .
MERCURE.
Si fon pouvoir alloit auffi
loin que les fouhaits , cela
feroit déja fait . Quant à moy,
je voudrois de bon coeur , que
tous ces titres chimeriques
fuffent réduits à ·l'ancien pied .
Quand il meurt quelquesuns
de ces Electeurs, & qu'il
faut que
que je les conduife aux
Enfers , nous en avons toû
jours Caron & moy pour
94 MERCURE
;
une heure à contefter. Il fait
l'étonné il demande ce
que c'eft qu'un Electeur , &
croit leur faire trop de grace
que de les mettre à fond de
Cale . Eux au contraire , glorieux
comme des demi- grands
Seigneurs , veulent eftre aux
premiers rangs. Enfin c'eſt
une peine étrange , & je vous
affure que voftre fervice en
eft quelquefois bien retardé .
JUPITER.
Laiffe moy faire, j'y don
neraybon ordre ? Quel homme
eft- ce que ce Brandebourg
?
GALANT. 55
MERCURE..
On ne le connoiſt pas bien
encore . Il avoit pour Pere un
tres- habile Prince , auquel il
n'a fuccedé que depuis peus
mais pour luy , je ne l'ay veu
paroiftre qu'a Bonn , qu'il
bombarda longtemps inutilement
, & mefme il y feroit
encore,fi le Prince de Lorraine
n'eftoit venu le relever de
fentinelle. Le bruit a couru:
qu'il ne tint qu'à fort peu
que les François ne le priffent
dans les vignes . Cependant
il ne leur en marque aucun
reffentiment , & la Cam96
MERCURE
pagne derniere qu'il eftoit en
Flandre fur le pied de Chef de
la Ligue , il a eu pour eux
l'honnefteté de les Y laiffer
promener tout à leur aife
l'épée au cofté , & le Moufquet
fur l'épaule , fans les
obliger à prendre de ſes Paffeports
.
JUPITER.
C'eſt eftre bien civil en
temps de
guerre .
Où va- t- il
fi vifte ?
MERCURE.
A la Haye , pour y preparer
les Appartemens
du Prince
d'Orange , afin qu'il trouve
tout
GALANT.
97
four preft quand il y arrivera.
Appercevez - vous bien cet autreCourrier
qui le fuit de prés ?
C'est l'Adminiftrateur deWirtemberg.
Sauve les bagages ..
JUPITER.
Me prens-tu pour un fourd,
à
me
extravagant que tu es ,
crier ainfi aux oreilles ? Que
veux- tu dire avec tes bagages?
MERCVRE.
Je veux dire que comme le
Deftin & moy nous caufions
ces jours paffez avec l'Avenir,
il nous affura que ce Prince devoit
perdre les bagages au retour
de la Haye , & que les
Juin 1691 .
1.
98 MERCURE
François les luy pilleroient ..
Je l'en avertis afin qu'il s'en
donne de garde,
JUPITER.
Que ne prend- il une bon
ne fcorte ?
MERCURE.
Il
n'a
pas de quoy
la
JUPITER .
payer.
Et cet autre, qui eft il ?
MERCURE.
C'est le
Landgrave .
JUPITER.
Repere ce nom , je ne l'ay
pas bien entendu .
MERCURE.
C'eft le Landgrave de Heffe
Caffel
GALANT.
୨୭
JUPITER.
Je ne fçaurois le prononcer.
Que maudits foient les Allemans
avec leurs noms heteroclites
. Je veux abolir ce baraguoin
fait en dépit des gens .
Sçais- tu bien , Mercure , que
je n'exauce pas la moitié de
leurs prieres , faute de les entendre?
MERCURE.
Place, place à cet autre qui
pourroit bien le caffer le col
en courant fi vifte . C'eft un
Courrier Bannal , & je le rencontre
toûjours par voye ou
par chemin.
I ij
100 MERCURE
JUPITER
Tu l'appelles ?
MERCURE.
L'Electeur de Baviere . Il va
comme les autres à la Haye .
JUPITER
Jl me femble qu'il s'eſt acquis
quelque reputation .
MER CURE.
Ouy , contre les Turcs à
Mohaks & à Belgrade : &
comme il eſt jeune , ces premiers
avantages luy avoient
enflé le coeur jufqu'à vouloir
aller de pair avec le Prince de
Lorraine.
GALANT. 1ΟΙ
JUPITER.
Le petit temeraire !
MERCURE.
Il faut bien à preſent qu'il
en rabatte. Tout grand Coureur
qu'il eft , il n'a pû pourtant
trouver en de belles
plaines dans l'Allemagne , le
Dauphin de France , qui la
Campagne
derniere y a efté
prendre de bons repas avec
tout fon train , my l'obliger
à payer fon écor.
JUPITER.
Ne trouves tu pas cela bien
vilain dans ce Dauphin, d'aller
ainfi vivic aux dépens
I iij
102 MERCURE
d'autruy , tandis qu'il a une fi
bonne table chez foy ?
MERCURE.
à
Il eſt affez à propos qu'il
s'accoutume de bonne heure
manger du pain d'Allemagne
; nous ne fçavons pas ce
qui en arrivera. Voyez - vous
Cette Flotte qui vogue fur la
mer? Elle porte le Prince d'Orange
, qui vient d'Angleterre
à fon rendez- vous.
JUPITER.
Qu'il eft pafle & défait !
On le prendroit pour un……..
MERCURE.
Totu défait qu'il eft, on ne
GALANT. 103

laiffera pas de le recevoir en
Hollande avec un grand applaudiffement
, & comme s'il
en eftoit le Dieu tutelaire .
Tous ces grands préparatifs ,
ces Arcs de triomphe , ces
feux d'artifice , tout cela l'attend
. Si vous m'en croyiez,
nous luy ferions une malice .
JUPITER .
Et que ferois - tu d'avis que
nous luy fiffions ?
MERCURE.
Vous pourriez amaffer en
l'air tant de nuages & tant
de brouillards
, le jour qu'il
deftine à fon Triomphe,qu'il
I iiis
104 MERCURE
ne pourroit ny voir , ny eftrẻ
vcu .
JUPITER.
Tiens cela. pour fait . Voilà
un joly train qui arrive.
MERCURE.
C'est celuy du
Gouverneur
General de ce que le Roy
d'Espagne poffede en particulier
dans les Pays- bas . Voilà
des équipages dignes du Marquis
de Caftanaga ; voilà ce
qu'on appelle fçavoir fe faire
valoir dans l'occafion , & donner
à connoiftre à chacun
que tout Pays eft un Peron
pour les Efpagnols. Il n'eft
GALANT. 105
2
tien tel qu'un Gouverneur de
cette Nation , pour trouver
par tout des Mines d'or . Il en
découvriroit au milieu des
cailloux , & fçauroit s'en faire
des trefors. Que la Chronique
ſcandaleuſe vienne aprés cela
nous dire que cet homme eft
entré gueux dans la Flandre ,
& qu'il cft toujours reſté tel
tandis qu'il n'a eſté que M
d'Agourto ; nous ne le crois
rons jamais , car il n'eft pas
poffible que dans le peu de
temps qu'il y a qu'il occupe
ce pofte , dont perfonne ne
veut fe charger , il ait pû
106 MERCURE
amaffer dequoy ſe parer fi
bien luy & fes Mulets .
JUPITER
.
Ces gens là tiennent de
longues Conferences . Je m'imagine
que le refultat portera
bien du préjudice au Roy
des François
.
MERCURE.
Pas tant qu'on pourroit
penfer. Ils s'accorderont admirablement
bien à boire , à
manger , & à chaffer ; mais
quant au refte, ils feront comme
à Ratisbonne , où l'on
délibere toujours , & où l'on
ne conclut jamais .
GALANT. 107
JUPITER.
Je voy , ce me femble , un
Hollandois
qui fe prefente
à
l'audience
du Prince d'Orange
. Cet homme
a bonne phifionomic
, & il me paroift
capable de bien des choſes.
Le connois-tu ?
MERCURE .
C'est l'Amiral Tromp, le
feul homme de confequence
qu'il y ait en Hollande . C'eſt
là ce qu'on appelle un bon
Republicain. Les de Wic ne
l'estoient pas plus que luy.
Auffi n'eft il pas l'homme
du Prince d'Orange , qui l'a
108 MERCURE
toujours écarté des grands
emplois car il ne luy faut
que des Waldecks . L'Amiral
Tromp va à cette audience
fur les ordres du Prince d'Orange
, qui luy doit donner
avis qu'on l'a choisi pour
commander la Flotte Hollandoife
la Campagne prochaine
; mais ce n'eſt qu'à fon
corps défendant qu'il luy doit
donner cet employ , & parce
que toute la Hollande le demande
. Auffi n'en tirera-t- on
pas tout le fervice que l'on
en attend , & dont il eft capable
; car le Prince d'OranGALANT.
Iog
ge aura foin de luy mettre en
tefte des Officiers fubalternes
pour le contrepointer dans
les Confeils & dans l'execution
, & il fera fi fort limiter
fes pouvoirs , qu'il l'empêchera
de réüflir.Si vous voyez
arriver le contraire , & que
Tromp ait la carte blanche,
dites hardiment que le Prince
d'Orange aura perdu plus de
la moitié de fon credit en
Hollande . Mais j'ay bien peur
que le pauvre Amiral Tromp
ne monte pas fur la Flotte,
car je croy avoir entendu dire
au Deftin quelque chofe làdeffus.
110 MERCURE
JUPITER .
Selon ce que tu m'as dit ,
le Prince d'Orange n'en feroit
pas trop faché . Mais le voilà
qui part pour la Haye .
MERCUR E.
Et le Marquis de Bouflers,
pour aller inveftir Mons.
Voyons qui des deux fera
meilleure prife.
JUPITER .
Que veux tu dire ?
MERCURE.
Levez , levez les yeux , &
tournez- les du cofté de cette
montagne que vous voyez
environnée de marais. Cette
GALANT. III
Ville fi bien fortifiée que
vous voyez deſſus , s'appelle
Mons . Voilà un gros de Cavalerie
qui s'en approche pour
fe rendre maiftre des avenuës,
& j'en vois bien d'autres en
marche pour venir les joindre ;
ils feront dans peu plus de
cent mille hommes .
·
JUPITER .
Ne voy- je pas auffi le Roy
de France qui vient grand'erre
fur cette route ? Ŏ la belle
Cour , & qu'il eft glorieux
d'avoir fous fon commandement
des gens de fi bonne
mine ! Pourquoy prend il
112 MERCURE
percant
de peine ? Aprés avoir
effuyé tant de fatigues , & fi
bien payé par tout de fa
fonne , il eft en droit de refter
chez luy fans craindre de
paffer pour un Fainéant .
MERCURE .
C'eſt un Prince infatigavous
le
ble. Tel que
voyez
, il
vient
au Siege
pour
s'y don
ner autant
de peine
qu'un
fimple
Officier
. Il y amene
ce
qu'il
a de plus cher
au monde
. Ses Miniftres
l'ont
devancé
de quelques
jours
, & il
trouvera
tout en bon ordre
en
arrivant
. Vous
allez
voir beau
+
GALANT
113
pas
jeu , & voftre Boiteux de Fils
bien occupé. Il ne fortit
tant de flâmes de Troye du
rant fon incendie , qu'il en
fortira de cette Ville. Nous
entendrons d'icy le bruit du
Canon.
JUPITER.
Je tremble de frayeur,
MERCURE
.
Qu'est-ce qui vous peur
alarmer ainfi
JUPITER .
Ne vois- tu pas ce vilain
Canonnier qui braque fon
Canon pour faire tomber le
boulet directement fur ce
Juin 1691.
K
114 MERCURE
Roy ? Vole , Mercure , & và
rompre ce coup qui m'affligeroit
infiniment .
MERCURE,
J'ay fuivy voftre ordre , &
du feul fouffle de mon chapeau
j'ay détourné ce boulet
fatal , qui de dépit cft allé
mertre en pieces le cheval du
pauvre la Chenaye .
JUPITER.
Je fuis content , & j'auray
toujours l'oeil fur ce Prince,
pour le garantir des dangers
qui le menaceront . Recommande-
luy pourtant de fe
moins expofer , & fais - luy
GALANT. IIS
entendre que je veux que la
France luy ait l'obligation
d'avoir monté fous fa fage
conduite au plus haut point
de gloire où elle puiffe afpirer.
Retournons à nos Chaf.
feurs. Je trouve leur nombre
augmentée-
MERCURE.
Ce nouveau Chaffeur eft le
Duc de Zell . Il vient chercher
dans le Prince d'Orange
un Protecteur contre les Rois
de Suede & de Dannemark ,
qui veulent prendre connoiffance
de la fucceffion de La-"
wembourg , dont il s'eft em-
Kij
116 MERCURE
paré par droit de bienfeance,
tandis que le Duc de Saxe qui
y a de fortes pretentions ,
s'amufoit à tirer fa poudre
aux moineaux le long du
Rhin.
JUPITER.
Je voy venir du cofté de Flan
dre un homme qui a la mine
d'un Courrier.
MER CURE.
C'est celuy qui vient leur
donner avis que Mons eft invefti
, & que le Roy de France
eft venu en perfonne en
former le Siege.
GALANT. 117
JUPITER.
Qu'ils font étonnez ! Le
Prince d'Orange paroift fe
-poffeder mieux que les au
tres .
MERCURE.
Je ne fuis pas furpris des
differentes impreffions que
cette Nouvelle fait fur leurs
efprits . Ces bons Allemans
qui ont quelque chofe à perdre
& qui s'apperçoivent
bien qu'ils courent du rifque,
fi la Flandre , dont Mons eft
la clef , tombe au pouvoir
des François ; ces bons Allemans
, dis-je , craignent avec
1.8 MERCURE
raiſon que cette Ville ne puiſfe
fe fauver , & c'est cette
crainte qui les décontenance
fi fort . Mais le Prince d'Orange
, qui , graces à la fortune
, n'y a prefque rien à perdre
du fien , ne s'embaraffe
pas beaucoup du fuccés de ce
Siege. C'eft ce qui fait qu'il
cft plus maistre de luy . Le
voila meſme qui les aſſure , &
qui leur promet de le faire
lever.
JUPITER.
Quelle effronterie ! luy qui
fçait bien qu'il n'a pas des
forces fuffifantes pour cela ,
GALANT. 119
& d'ailleurs , que le Roy de
France ne manque jamais à
fes mefures. Donnons - nous
le regale de le fuivre dans
l'execution de ce hardy def
fein, Je le voy qui monte à
cheval . Iroit- il droit à Mons
MERCURE.
Non , fur ma parole ; au
contraire , il y va tourner le
dos pour fe rendre à la Haye,
où il donnera fes ordres pour
affembler l'Armée de la Liguc
.
JUPITER.
Eft -ce que cette Armée eſt
aux environs de la Haye ?
Izo MERCURE
MERCUR E.
Point du tout ; elle eft dans
le voifinage du lieu où ce
Prince faifoit fa Chaffe.
JUPITER.
Que n'y refte- t - il donc ,
luy qui n'a des ordres ny des
confeils à prendre de perfonne
?
MERCURE.
C'est toujours autant de
temps paffé à couvert . Tandis
qu'il s'amufera à parcourir la
Hollande , fous prétexte d'affembler
l'Armée, il n'aura pas
à craindre que quelque Party
François le vienne enlever .
Le
GALANT. 12 I
Le voicy enfin qui vient à
Bruxelles , & l'Armée de la
Ligue qui fe rend à Hall de
toutes parts .
JUPITER.
Comptons combien de
jours durera leur marche de
Hall à Mons. Je m'imagine
qu'ils décamperont demain ,
car tout eft preft , excepté
quelques provifions qu'il fera
facile d'envoyer de là à l'Armée
, quand elle feroit avancée
d'une journée ou de d...x.
MERCURE.
Eft- ce que vous vous perfuaderez,
qu'avec une poi-
L
Juin 1691.
122 MERCURE
"
gnée, de gens ils aillent entreprendre
de forcer des Lignes,
où, s'ils ofoient s'y prefenter,
on les enfeveliroit tout vivans ,
rant elles fent profondes ?
Vous allez voir qu'on demeurera
tranquillement
à
Hall. Le Prince d'Orange
plein de refpect pour les Deftinées
, qui donnent affez à
connoiftre qu'elles veulent
livrer Mons aux François , réfervera
fa chere perfonne , &
fa timide Armée , ad meliora
tempora ; & mefme par une
generofité inoüie dans un
Chef d'Armée qui va faire
9
GALANT. 123
lever un Siege , il fe retranchera
dans fon Camp pour
couvrir Hall & Bruxelles , en
cas que les François faffent
un détachement pour lesvenir
faccager. C
appelle unc
ce qu'on
ce confommée
, & un men feur
pour mourir paifiblement
dans fon lit entre les bras de
fęs Amis ,
JUPITER .
J'entens pourtant crier d'icy
qu'on va defafflieger Mons.
MERCURE.
Ouy , à Bruxelles , où l'on
parle un méchant François ,
Lij
124 MERCURE

& où le Peuple credule à l'excés
, place le Prince d'Orange
parmy les Heros .
w
JUPITER.
Tu devines jufte, car j'entens
battre la made à Mons ,
ore le Prince
& je voy
d'Orange
à Hall . Voilà
la
Garnifon
qui fort , & le Dauphin
de France
qui luy fait
l'honneur
de la voir paffer.
Que fera le Prince
d'Orange
?
MERCURE
.
2
Ce qu'il verra faire aux
François , dont il tâche d'eftre
le Singe . Le Roy de France
va s'en retourner à Versailles ,
ET
GALANT .
125
& mettre les Troupes en quartier
de rafraichiffement juf
qu'à l'ouverture de la Campagne
; & le Prince d'Orange
va fe mettre en chemin
pour retourner à Londres , &
donnera fes ordres pour met
tre l'Armée de la Ligue en
de bons rafraichiffemens . Ils
luy font bien dûs , car les
Troupes ont beaucoup fouffert
à Hall .
JUPITER.
Tu penfes railler?
MERCURE.
Point du tout , & je fuis
perfuadé que des gens dont le
Lij
126
MERCURE
& coeur eft faifi de
frayeur ,
qui
craignent à tous momens
qu'on ne les vienne infulter
,
pâtiffent plus de corps & d'ef
prit , que d'autres qui font un
grand travail , quand c'eftde
bon coeur qu'ils s'y appliquent
.
JUPITER.
En verité , c'eſt un grand
trompeur que ce Prince d'Orange
, Ne fe definfatuerat
on jamais de luy , & fera- t- il
dit encore
longtemps , que
pour les beaux yeux tant
d'honneftes
gens fe feront la
guerre fans pitié ?
.
GALANT. 127
MERCURE.
C'eft à vous à y mettre
ordre ...
JUPITER.
Patience , Mercure , j'y veux
metrtre une fin qui faffe voir
que je ne fuis pas un Dieu de
paille . Allons- nous en de ce
pas tenir confeil avec les au
tres Dieux , & deliberer fur
ce que nous ferons de ce
Brouillon .
MERCURE.
Comme il n'yarien de plus
agreable que l'accent Provençal
, & que je fçay que vous
lc prenez fi bien quand il
Liiij
128 MERCURE
vous plaift , qu'il femble que
vous foyez une veritable Provençale
, je vous envoye une
Chanfon qui vient de ce Payslà.
L'Air eft de M' Garnier.
Le titre qu'elle a vous en applend
le fujet.
COMPLEINTO
Sur l'état préfent deis affairès
dau Duo de Savoyo.
CANSOUN NOUVELO
FJqu'à Venizo avés courrut
Senfo gagna ley joyo ,
Vous fias foulamen mourfoundut,
Pauré Duc de Savoyo.
:
GALANT. 129
S
Lou Piemont dey Souldats Francés
Es vengut la proyo ,
Yeas coumo Caiinat l'a mês ;
Pauré duc de Savoyo.
S
Niço n'és plus ce qu'és iſtat ,
Car n'és qu'uno mounjoyo ,
Soun famou Cafteou få pietat ,
Pauré Duc de Savoyo.
&
Poudés ty ben vous garanti
Dau Grand Lojis quand foudroyo ?
Revenez donc au boüen parti ,
Pauré Duc de Savoyo.
S
Veiren leou tous voüeftrey Barbés
Emé la boueno voyo ,
Supoufas que n'en pendoun gés ) 1X
Pauré Duc de Savoyo .
W
130 MERCURE
S
Vins d'un troués de voüeftreis Etats
A fach de fuecs de joyo ,
Segur leis amouffarez pas ,
Pauré Duc de Savoyo.
S
Vefez que tout és abima ,
Et d as encarefoyo
Efperas que tout fié crema ,
Pau Duc de Savoyo.

Voüeftreis Poplés fauto depey
Soun reduits à l'Anchoyo.
Per que trabiffias noüeftré Rey .
Pauré Duc de Savoyo de
Fau ty que de paurey Sujets
Souffroun de voüeftrey moyo ?
Mettez aufuec voüeflrey proujets
Pauré du de Savoyo .
GALANT. 131
2
N'aurez plus quede Lendenous
De Gus , de lichofroyo ,
Si noun vous mettez à ginous ,
Pauré Duc de Savoyo .
S
Lou tems coumo chacun vai crés,
N'és plus coumo fouloyo :
t
Noun vous rendran pluscequ'anprés,
Paure Duc de Savoyo.
S
Verceil , Carmignolo & Thurin
Ten ran pas tan que Troyos
Va prendren tout un beou matin ,
Pauré Duc de Savoyo.
2
Voüeftro grand glory tous leisjours
S'efcarpo coumo Croyo
Avés beou cridar an fecours
Pauré Duc de Savoyo
132 MERCURE
S
La Liguo n'en poou déja plus ,
Car és mancheto & goyo ,
Non lyfaut pas conta deffus ,
Pauré Duc de Savoyo.
Ly'an efcarpina tous ley peous »
Et femblo uno nɩnojo i
Contentas- vous de fey confeous ,
´Pauré Duc de Savoyo.
S
Quand vous prenguet an quichoped
:
Vous traté en fadoyo ,
Sias abima fi tenez ped,
Pauré Duc de Savoyo .
H
Leis Aliats vous an peiſſut ,
Fufque icy de baboyo ,"
May chacun s'és recounciffut ,
Pauré Duc de Savoyo .
GALANT. 133
2
Guillaumé vous avié proumés
De gens & de mounoyo ,
May fabez coumo Mons l'amis
Pauré Duc de Savoyo .
S
Doncper fauva voueftré Pays ,
Per avé pax & joyo ,
N'ya qu'à plega davan LOVIS ,
Pauré Duc de Savoyo .
Je vous ay parlé plufieurs
fois de M' l'Abbé Deflandes,
Grand Archidiacre & Chanoine
de Treguier . & je vous
fait part de quelques-uns de
fes Ouvrages, que vous m'avez
témoigné avoir lûs avec plaifir
. C'eft ce qui m'engage à
ay
134 MERCURE
qui
vous envoyer la Lettre q
fuit. Comme il l'a écrite fur
les affaires prefentes , elle regarde
le Roy , & il n'y a
point de matiere qui vous
plaife davantage .
A M GOUREAU,
Secretaire de l'Academic
d'Agers
.
C
Eft de nos ar iers , Monfieur
, qu'il faut apprendre
les bonnes nouvelles . Nous
allons avoir commerce avec les
bonnestes
gens
de la Cour &
des Provinces , & gard: z- vous
GALANT. 135
bien de croire que ce foit de nous
autres Bretons que vostre Amy
Horace à voulu voulu
maniere fi odien parler d'une
fi konteufe.
Il eft conftant qu'il parle des Anglois
qu'il traite de Sauvages.
Vilam Britannos hofpitibus feros.
Nos Armateurs Bretons ne
font rien moins que des Sauva
ges. Comme on ne peut rien
voir de plus intrepide dans le
* combat , on nepeut auffi rien voir
de pluspoly dans la conversation,
ny de plus reglé dans la con luite.
Ce font de ces chofes qui ne
Se font veues que fous le Regne
de Louis le Grand , l'Empereur
126 MERCURE
des François , le Roy de la
Mer. Un Armateu de mes
Amis qui a amené dans nos Havres
de Barre quatre gros Vaiffeaux
pris fur les Ennemis ,
m'ayant mandé qu'il vouloit
fe fervir de mon ministere pour
demander à Dieu la confervation
de ce Monarque , je me rendis
fon Bord. Ily avoit dans un des
quatre Vaiffeaux plufieurs Offciers
Hollandois , avec qui j'eus
converfation . Nous allâmes diner
fur un Efcore. C'est le nom que
nous donnons à un Rocher qui
s'avance dans la mer. Les Tablettes
d'un de ces Officiers é
GALANT. 137
tant tombées de fa poche ; S'il
m'estoit permis de lire , luy dis- je
aprés que je les eus ramaaffées , je
fçaurois fans doute des nouvelles
de voftre coeur. Lifez , me répondit-
il, tout vous eft pern is .
Fouvris ces Tablettes , & Ĵy
leus ces vers.
Il faut finir mes jours dans l'amour
d'Uranie >
L'abſence ny le temps ne m'en
fçauroient guérir ,.
Et je ne vois plus rien qui me
puft fecourir ;
Ny qui fceuft rappeller ma liberté
hannie .
Confilence pour confidence
me dit l'Officier en repren
Juin 1691 .
Line fes
M
138 MERCURE
tablettes ;
montrez ·
moy
les
voftres
. Je
ne fis point
de diffi
culté
de les
luy
donner
, & ily trouva
les
vers
fuivans
.
Cette Aigle en rapines fameufe,
Ne vole plus infolemment
Aux bords du Rhin & de la
Meufe
Qu'elle a bravez fi longuement .
Mon Prince luy coupa les ailes,
Quand de fes atteintes cruelles
L'Allemagne penſoit mourir.
Cela eft bien vray ,
dit cet
Officier , continuant de lire's
il trouva ce Madrigal.
L'Aftre dont la courfe ronde
Tous les jours voit tout le monde
GALANT. 139
N'aura point achevé l'an ,
Que tes conqueftes ne rafent
Tour le Piémont , & n'écrafent
La couleuvre de Milan.
a On vit à cette lecture le Hol
landois tout penfif , ce qui donna
lieu de parler de la pensée.
On demanda fi la pensée dans.
Phomme le diftinguoit d'un Lion,
quelle pouvoit eftre la différence
de la pensée dans l'Homme
, d'avec la pensée dans une
Intelligence. Tandis que chacun
pouffoit la matiere felon fa capacité
, un Pilote Flamand pris en
guerre fit une autre question . Il
vouloitfçavoir fi l'Aurore & le
Mij
140 MERCURE
Crepufcule eftoient cenfez eftre,
ou du jour , ou de la nuit . On
parla enfuite du flux & du reflux
de la mer. Nôtre Armateur
jura par la ruche de fon Vaiffeau
toûjours victorieux, que le Soleil
en eftoit la vraye caufe. Ce ne
peut eftre la Lune , continua- t- il ,
puis qu'elle ne produit ny
chaleur
ny froideur. Le flux de la
mer ne vient d'autre chose que
de ce que l'eau fe rarefie par la
chaleur , & fe condenſe par le
froid. Ce fitime paroiſt aſſ=Z
ray -fmblable , luy réponditon
, mais rend Z - nous raison
pourquoy le Soleil faifant le
GALANT. 141
a
beures
tour de la terre en vingt-quatre
beures , le flux & reflux ne fe
font qu'en vingt - quatre
quarante - huit minutes.
Jem'adresse à vous, Monfieur,
afin que vous prononciez fur toutes
ces questions , car je regarde
voftre Illuftre Compagnie avec le
même respect que cet Etranger ,
dont parle Stobée, regardoit le Senat
d' Athenes.Charmé
de l'eftime
generale que s'eftoit acquife cette
Republique de Magistrats , il
quitta fa Patrie pour aller écouter
ces Senateurs . C'est de vos
cèlebres Academiciens qu'ilfaut
apprendre à louer Louis le Grand .
142 MERCURE
Comme il n'appartenoit qu'à ce
Monarque d'achever tant de
glorieufes entreprifes, il n'appar
tient auffi qu'à ces bommes éloquent
d'en parler, & d'en conferver
la memoire à tous les fiécles.
Vous fçavez , Monfieur,
que je n'ay jamais esté de l'epinion
de ceux qui ont creu que
L'éloquence avoit épuisé toutesſes
forces , & qu'on ne pouvoit plus
rien dire de nouveau à la gloire
de Sa Majesté.Y a- t- il rien qui
puiffe luy en donner davantage,
que le zele ardent de fes Sujets ,
qui bruflent par tout de donner
leur vie , pour contribuer , s'ils
GALANT. 143
pouvoient à fa grandeur ?Fe me
fouviens d'avoir leu dans Her
mogenes , le fujet d'une Decla
mation qui m'a paru fort nouveau.
Un Peintre ayant expo-
Se fur le port la peinture d'un
Naufrage qui eftoit une merveil
leufe piece , cette reprefentation
caufa tant de frayeur aux Marchands
, & mefme aux Soldats
de la Marine , que les uns feretirerent
du commerce & les
autres dufervice. Le Magiftrat,
en qualité de Vangeur Public ,
fit venir le Peintre en jugement.
Je ne fçaypas bien ce qui fut decidé
, mais ce que je fçay, & ce
144 MERCURE
qui eft bien certain , c'est que
les naufrages effectifs ne font
qu'exciter les courages de nos
Bretons , dont les Anceftres ont
fait les premieres Découvertes
dans le Nouveau Monde . Je ne
puis vous en donner de meilleures
preuves qu'en vous difant ,
que dans le moment que je vous
écris , plufieurs jeunes Gentilhommes
veulent que je me charge
de ce Placet , le faire pre-
Senter au Roy.
;
pour
Croy moy , contente , l'envie
Qu'ont tant de jeunes Guerriers ,
D'aller expoler leur vie ,
Pour t'acquerir des Lauriers .
Les
GALANT. 145
Les prodiges que ce grand
Monarque afaits iufqu'icy , nous
permettent d'en efperer d'auffi
grands. Ce fera fans doute par
fon application que les infpirations
du Saint Efprit ne feront
plus combattuës par l'artifice de
nos Ennemis , qu'il s'élevera
des caurages dignes de l'ancienne
Italie , pour défendre la Religion
& la Caufe commune. Ce
Jera par fa prudence qu'un nuage
obfcur, formé de differentes
vapeurs , fera diffipé. Ce fera
enfin par fa fermeté que l'Empire
des François fera le plus
beureux de tous les Empires . Un
Juin 1691 . N
146 MERCURE
fameux Academicien a comparé
la Ligue d'Aufbourg à ce nuage
dont je viens de vous parler.
Pour moy , je l'ay comparée à
ce Mal- adroit dont parle Trebellius
- Pollio , qui en dix coups
de javelot ne put toucher un
Taureau . L'Empereur Gallien ,
qui estoit prefent , cherchant à fe
divertir , prononça en fa faveur,
luy envoya le Prix du combat
des Bestes , parce qu'à fon
jugement il avoit fait la chofe
du monde la pus mal- aisée . Toties
Taurum non ferire difficile
eſt. Je ne penſe jamais à
certe Ligue contre la France ,
GALANT. 147
qu'il ne me souvienne en mefme
temps de ce que j'ay lù dans
Coiffeteau. Cet Historien fi efti
mé & fi connu . dit que Rome
fe railla de la confpiration
de
plufieurs Nations qui s'allierent
avec les Samnites
, & qui mena
cerent hautement d'effacer le
nom Romain . On détruifit la
Ville de Samnium
& aprés
tant de Victoires & vingt - quatre
Triomphes , il n'en parut prefque
aucun veftige. Qui eft l'homme
de bon sens qui pust regarder
cette Ligue comme un lien d'amitié
entre des Nations fi differentes
de Religions & d'inclina-
Nij
148 MERCURE
tions ? On ne verra pas dans
peu de temps qu'il y en ait aucun
d'eux qui pare les coups pour
fon Compagnon. Ce font les
François , ce font les Alliez de
Louis le Grand qui combattant
pour la vraye Religion , pour les
Autels
,
pour
gloire , font comme ces Soldats
dont parle le Taffe.

la
Patrie ,
pour la
Arte di fchermo nova , & non
più udita ,
Ai magnanimi Amanti ufar vedrefti.
Oblia di fe la guardia , & l'altrui
vita
Difende intentamente , & quella
e queſti .
GALANT. 149
La
Pofterité ne fera- t- elle pas
effrayée
, quand
elle verra
dans
Fhiftoire
de Sa Majefté
, que des
Princes
, qui ne font Princes
, de
leurpropre
aveu , que par le refpect
que leurs
Ancefires
ont eu
pour
la vraye
Religion , ayent
eu aſſez de foiblesse
, tt aſſez
d'aveuglement
pour entrer
dans
une Ligue
contre
l'unique
Protecteur
de cette
Religion
qui les a
mis fur le Trône
Les Souverains
Pontifes
qui rempliront
le Saint
Siege jufqu'à
la fin des fecles ,
admireront
le zele , la pieté ,
l'exceffive
moderation
de Louis
le Grand
; & Sancti
benedi
.
Niij
250 MERCURE
cant tibi . Ils beniront fans doute
le regne de ce Monarque. Gloriam
regni tui dicent , & poteftatem
tuam loquentur. Je
fuis , &c.
Il n'y a prefque rien de plus
important dans la vie que ce
qui met les hommes à couvert
des injures du temps , & leur
donne lieu de travailler commodement
, fuivant la profeffion
qu'ils ont embraffée . Les
Baftimens empefchent que
confufion ne fe trouve parmy
eux , & ces demeures des particuliers
, qui uniffent les familles
, font d'autant plus nela
GALANT. 151
ceffaires , que ce font elles qui
forment les Villes , comme les
Villes forment les Etats dont
le Monde eft compofé . Ainfi
fi ceux qui s'apliquent à ce qui
regarde leur conftruction,font
confiderez comme des perfonnes
fort utiles au public ,
on eft encore bien plus obligé
à ceux qui veulent bien faire
cette dépenfe,puis qu'ils contribuent
à ce qui nous met en
focieté , & fixe les hommes
dans un mefme lieu . Mr Bulet
, Architecte du Roy , &
l'un de ceux qui compofent
l'Academie Royale d'Archi-
)
N iiij
192 MERCURE
tecture, a crû leur faire plaifir
en leur donnant un livre intitulé,
Architecture pratique , qui
comprend le détail du Toifé
& du Devis des Ouvrages de
Maçonnerie , Charpenterie ,
Menuiferie , Serrurerie , Plomberie
, Verrerie , Ardoife ,
Tuille , Pavé de grais , & im.
preffion . Comme ce livre parle
dela conftruction de toutes
les fortes d'ouvrages dont un
bâtiment eft compofé : & qu'-
en inftruifant ceux qui font
bâtir , il les doit empefcher
d'eftre trompez , on peut affeurer
qu'il leur fera d'une
grande utilité . Il eft rempli
GALANT.
153
de figures , & fe vend chez
Eftienne Michalet, Imprimeur
du Roy , rue St Jacques , à l'image
St Paul . On trouve
auffi dans le mefme livre une
explication de la Coûtume ,
fur le Titre des Servitudes ;
& rapports qui regardent les
bâtimens .
Ceux qui ont joué un grand
perfonnage fur le théatre du
Monde , donnent toûjours
beaucoup d'envie de fçavoir
ce qu'il y a eu de plus particu
lier dans leur vie . Teleft Olivier
Cromwel ,
fameux par
le titre de Protecteur de la Re
publique d'Angleterre dont
154 MERCURE
ila jouy depuis l'exécrable attentat
commis en 1649. en la
perfonne de Charles I. jufqu'à
fa mort,arrivée en 1658. L'Hiftoire
de fa domination qui n'a
été que trop abfoluë, doitplaire
d'autant plus aux Curicux ,
qu'il eft difficile de trouver
un temps plus favorable pour
la mettre au jour , puifque ce
qui fe paffe aujourd'huy en
Angleterre , doit faire fouhaitter
d'aprendre ce qui s'y
paffoit du temps du Tiran qui
la gouvernoit alors . Mille, &
mille Ecrits en parlent , mais
nous n'avions point encore
GALANT. 155
1
d'Hiftoire , comme
de
corps
celuy que M' Raguenet vient
de donner au Public . Il l'a
compofé
fur les
Ouvrages
$

quarante Auteurs , la pluſpart
contemporains , & dont il
marque les noms , ainfi que le
temps de l'édition de leurs
ouvrages , afin qu'on les puiffe
aifément trouver . Il s'eft
auffi fervi des Manufcrits de
feu M. l'Abbé de Montaigu
,
grand Aumonier de la Reine,
d'Angleterre défunte , & des
Mémoires de M ' le Marquis
de Ruvigni , autrefois Deputé
General des Eglifes Préten156
MERCURE
duës Reformées de France, &
de ceux de M ' de Chamberlaine,
de la Societé Royale de
Londres , qui a écrit de l'Etat
d'Angleterre . Il a encore employé
dans cette Hiftoire
quantité de circonstances
qu'il a apprifes de perfonnes
dignes de foy , qui eſtoient à
Londres du temps de Cromwel
, qui l'ont vû , & qui ont
cfté témoins de fes actions . Il
a joint à tout cela beaucoup
de faits qu'il a tirez d'un Manufcrit
de feu M' de Broffe
Docteur de la Faculté de Paris
, qui avoit cfté de la ReliGALANT
. 157
gion Prétenduë Reformée ,
& qui avoit demeuré cinq
années en Angletere , à rechercher
tout ce qui pouvoit
l'éclaircir fur la vie de Cromwel
. On trouve de plus dans
cet Ouvrage tout ce qui s'eft
écrit de plus mémorable pour
fervir à cette hiftoire , tant en
Angleterre & en Hollande ,
qu'en France , en Eſpagne &
en Italie. Les curieux doivent
fçavoir gré à l'Auteur d'avoir
recherché
, & fait graver toutes
les Medailles qui ont efté
frapées à l'occafion des actions
de Cromwel , ou des
158 MERCURE
affaires importantes qui fe
font faites de fon temps en
Angleterre.Enfin l'on ne fçauroir
faire plus de recherches
pour la verité d'une Hiftoire ,
ny la travailler avec plus de
foin qu'a fait Mr Raguenet.
Vous vous fouvenez peut
cftre que la derniere fois qu'il
y cut des Prix diftribuez à
l'Academie Françoiſe, il remporta
celuy d'éloquence . Il
eft fort jeune , & un homme
de fon 'âge qui réuffit autant
qu'il a fait dans une entrepri
fe auffi difficile, que celle qu'il
a fi heureufement executée
"
GALANT. 159
merite beaucoup de gloire.
Cette Hiftoire de Cromwel fe
vend au Palais chez le fieur
Barbin,
Quoy que je ne me fois pas
étendu fur les réjoüiffances
qui ont efté faites dans toutes
les Villes de France ,
pour les dernieres conquestes
du Roy , je puis néanmoins
vous affurer qu'il s'eft fait des
chofes extraordinaires, & qui
font connoiftre avec combien
d'ardeur ce grand Prince
eft aimé de fes Sujets . La Ville
de Dieppe s'eft fort diftin.
guée. Tout Y fut en armes ,
& rien n'y manqua de ce qu'-
160 MERCURE
on peut faire de plus écla
tant , foit pour la ceremonie
du Te Deum , foit pour la
beauté des Feux de joye.
L'Eloge du Roy fut prononcé
dans la grande Eglife par
le Pere Michel - Ange de
Roüen,Gardien des Capucins,
& ce Difcours luy attira de
grands applaudiffemens .
La Ville d'Agen a marqué
fon zele.par tout ce qui peut
accompagner ces fortes de
Feftes. Tous les Bourgeois fe
mirent fous les armes , & l'on
ne vit par tout que Devifes ,
Infcriptions , Tableaux , IlluGALANT.
161
minations , & ce qui ne s'eft
point encore pratiqué , les
Tableaux qui ont fervi à faire
voir la gloire du Roy , ont
efté mis dans la grande Chambre
du Confeil de l'Hoftel
de Ville , afin qu'on les ait
toujours prefens , & qu'on fe
fouvienne éternellement des
actions merveilleufes de cer
Augufte Monarque.
La Ville de Chaftillon fur
Seine , qui s'eft toujours fignalée
en de pareilles occafions
, a fait des choſes ſi particulieres
, qu'il a fallu un
volume pour les rendre pu-
Juin 1691.
Ο
162 MERCURE
bliques . Mr Pyon , Bachelier
en Theologic , & Principal
du College de la mefme Ville,
s'eft donné la peine de le
faire . Ainfi le trop de matiere
m'empefchant de vous don
ner une deſcription de cette
Fefte & de vous envoyer un
Livre dans une Lettre , je me
contenteray de vous dire
en peu de mots que Mr le
Chapt , Prevolt Royal &
Maire du mefme lieu , pouffé
par un zele dont l'ardeur le
rend toujours ingenieux , a
fait connoiftre qu'on ne peut
pouffer plus loin la paffion

GALANT. 163
qu'il a pour la gloire de ſon
Prince. Dés qu'il cut appris
que le Roy eftoit party pour
aller affieger Mons, il fit celebrer
à fes dépens une Meſſe
folemnelle pour la confervation
de Sa Majesté . Le jour
qui fut choisi pour le Te
Deum , on trouva une allée
d'arbres qu'il avoit fair élever,
& qui alloit depuis l'Ho
ftel de Ville jufques à l'Eglife.
Ces arbres eftoient d'une
verdure naiffante
, & tout
couverts de fleurs & de fruits ,
qui furent diftribuez au Peuple.
Les deux bouts de cette
O ij
164 MERCURE
allée cftoient terminez par
deux grands Tableaux remplis
d'éloges du Roy en Profes
& en Vers . Il y cut des
Concerts, & des Jeux faits à
la gloire de ce Monarque »
dont Mr le Chapt fon Fils
prononça le Panegyrique
dans la Tribune, qui ſe trouva
tapiffée de verdure. Ce
Panegyrique eftoit de la compofition
du Pere , & reprefentoit
fibien la grandeur de
Sa Majesté que lors qu'il
finit , les Auditeurs qui en
furent penetrez , remplirent
l'air de cris de Vive le Roy
>
GALANT. 165
La Moufqueterie fit alors plu
fieurs décharges , & la Jeus
neffe de la Ville parut en mê
me temps fous les armes .
Deux Fils de M' le Chapt
portoient des Guidons tout
femez d'Emblêmes , fur la
Ligue & fur la prife de Mons.
Ils eftoient précedez de trois
Déeffes , qui repreſentoient la
Force , la Juftice , & la Pruden
ce . Elles arrefterent le Corps
du Bailliage & de la Magiftrature
, au bruit de plufieurs
Inftrumens & firent trois
Difcours à la gloire du Roy,
qui furent écoutez teste nuë.

166 MERCURE
>
Les Difcours finis , cette Jeuneffe
continua fa marche vers
la principale Eglife , où auffitoſt
l'on vit arriver , au bruit
des fanfares , une Compagnie
de Dames , veſtuës en Ama .
zones , & dont la magnificence
égaloit le zele . Quand rous
les Corps & toutes ces brillantes
Troupes furent entrées
dans l'Eglife , on entonna le
Te Deum , qui fut chanté avec
des violons & des Aûtes dou
ces .On chanta enfuite un Motet
tiré de l'Ecriture Sainte , &
qui fembloit avoir cfté fait
exprés pour la prise de Mons.
GALANT. 167
Il avoit cfté mis en mufique
par M' Morot. Les Jeux & les
Concerts à la gloire du Roy
qui devoient fe faire aprés le
Te Deum, furent remis à dix
heures du foir , à cauſe de la
trop grande affluence du
peuple , qui n'auroit pû y
trouver place. Le tout eftoit
de l'invention de M² le Chapt ,
& files Dames s'acquiterent
bien de leur employ d'Amazones
, la Fille de ce zelé Magiftrat
y parut avec diftinction
. Cette Fefte fe termina
par un magnifique regale qu'i
donna aux Dames . Tous le
168 MERCURE
autres Magiftrats donnerent
auffi des marques particulieres
de leur joye , ainſi que
tous les Bourgeois , & gene
ralement tout le Peuple. Les
Feuillans qui font particulicrement
attachez à la Maiſon
Royale , finirent la Feſte par
un beau feu d'Artifice .
Caën eſt une Ville trop
confidérable pour n'avoir pas
cherché à fe diftinguer . Aprés
le Te Deum chanté , & des
feux de joye allumez par tout
dés le Dimanche 6. du mois
paffé , on renouvella les réjoüiffances
le Jeudy fuivant.
On
GALANT . 169
On les
commença par une
Loterie d'une invention nouvelle
qui fut tirée ce jour là
dans la Maifon d'un Particu-:
lier. L'argent des billets avoit
efté destiné pour foulager les
befoins des Pauvres , & les Lots
ne
confiſtoient qu'à rencon
trer des ordres de faire quelque
jolic chofe en l'honneur du
Roy.Toute la Ville étant fous
les armes
on chanta le Te
Deum dans l'Eglife de S Pierre,
au bruit du Canon du Château
, en prefence de M ' de
Beuvron & de Matignon ,
Lieutenans de Roy de Nor-
Juin 1691.
,
P
#
170 MERCURE
mandie ,
accompagnez
de
toute la Nobleffe & de M
Foucault, Intendant , à la tefte
de toute la Juftice . M' l'Evefque
de Bayeux y affilta
avec tout le Clergé . Le foir il y
cut une illumination generale
dans toute la Ville , & dans
tous les Clochers . On ne
voyoit que des tables dans les
ruës ; & pour le beau monde ,
il fut invité à fouper au Pavillon
de la Foire Franche qui
donne fur les prez . Il ne manqua
rien à la magnificence
repas , & comme la Ville
en faifoit les frais, M ' Ic Mardu
1
I
F
GALANT.
171
quis de Breffole, en qualité de
premier Echevin , affifté de
M' de la Motte , Lieutenant
General , en fit les honneurs.
La Fête finit par plufieurs feux
d'artifice , dont les effets furent
furprenans.
Les
Particuliers n'ont pas
oublié de marquer
leur zele ,
& ce qui fe fit dés le 16. d'Avril
dans la Paroiffe
d'Herenguerville
, Diocefe
de Coutan-
се en eſt une preuve . M
de Berenger
qui en eft Seigneur
& Patron , avoit invité
tous les Ecclefiaftiques
& toutes
les perfonnes
qualifiées de
,
Pij
172 MERCURE
fon voisinage de l'un & de l'aufexe,
d'affilter à cette Feste , qui
commença par une grande
diftribution de pains qui fuc
faite aux Pauvres , & par plu
fieurs Meffes, à la fin defquel
les on chanta toûjours le Te
Deum . Il fut encore chanté
folemnellement l'apreſdinée
,
& enfuite on alla voir les buchers
que l'on avoit préparez
pour cette réjoüiffance . Ils
étoient au nombre de quatre
d'une moyenne grandeur
qui en entouroient un plus
grand . Il eftoit quarré , &
l'on y voyoit quatre Tableaux
>
GALANT. 173
-
en deux étages , qui reprefentoient
les efforts inutiles du
Prince d'Orange & des Allicz
contre le Roy. On avoit
peint tout autour un Jupiter
qui d'un coup de foudre tariffoit
un Fleuve & écrafoit
un rocher , avec ces paroles
Tout luy cede. Autour des
quatre petits buchers brilloit
un Soleil qui diffipoit
des nuages avec ces mots ;
Rien d'impur ne luy plaifi . On
défera
l'honneur d'y mettre
le feu à une perfonne du beau
fexe , & Madame de S. Jean ,
l'une des plus confiderables
Piij
174 MERCURE
du Canton, ne put fe défendre
de l'accepter . Je ne vous parle
point du repas qui fe fit enfuite
; vous jugez bien que
rien n'y fut épargné.
Vous vous plaindriez fans
doute fi je manquois à vous
envoyer des Vers qui ont elté
faits fur la conquefte de Mons,
& qui ont acquis icy une
eftime generale. Ils font du
fameux M' de la Monnoye ,
dont la reputation vous eſt
connuë .
GALANT.
175
$ 25252 SS522522232
SUR LA PRISE
DE MON S.
IDYLLE.
LOVIS ,
Conqueffe deduLHoairnaIust,>Mons,
Rens grace au Ciel de ta défaite .
Du mefme bras qui te maltraite
Attens aprés un rude affaut,
Une tranquillité parfaite.
S
De ton Maistre nouveau l'heroïque
vigueur
Te fera deformais un Fort inébranlable
;
D'un Siege à tes murs redoutable
Piiij
176 MERCURE
On ne te verra plus éprouver la rigueur.
Pris une fois par ce Vainqueur
Tu vas devenir imprenable.
S
Tu ne craindras point fous fes loix
Qu'en ton fein l'Herefie impunement
prétende
Elever de profanes toits ,
D'où jufqu'à tes Autels fon poifon
fe répande.
De ce mélange impur que l'Eglife apprehende
LOVIS te garantit parfes heureux
exploits .
2
Germain farouche , aveugle Ibere ,
Que fert de foulever & la terre &
les mers ,
L'Erreur , la trahison , l'envie , &
la colère ,
GALANT. 177
Toutes les fureurs des Enfers
Contre un Roy qui vous defefpere ?
Il affronte luy feul tous ces Monftres
divers ;
Et femblable au fameux Persée ,
Comme fi de fon bouclier
La Medufe fortoit de Serpens herißée,
A peine pour humilier
De fes fiers Ennemis la force rAmaßée
Il attaque de Mons les fuperbes
remparts
Qu'il voit d'abord àfes approches,
Transformez en autantde roches
Aigles , Lions , & Leopars .
S
Quand la nombreuſe Ligue opposée
à fa gloire ,
Pourroit en balancer le poids ,
Pour tant d'Etats , pour tant de
Reis.
178 MERCURE
Le fuccés feroit-il fi.digne de memoire
?
Icy , bravant fes envieux ,
LOVIS triomphe ſeul de l'Europe
ennemie.
Pour le Prince Vainqueur quel éclat
glorieux !
Pour les Vaincus quelle infamie !
2
Ils devoient, ces braves Guerriers ,
Fufque fur les bords de la Seine
Venir moiffonner des lauriers.
L'un s'emparoit de l'Aquitaine ,
L'autre le long du Rhin étendoit fon
domaine ,
L
La Bourgogne de l'un flatoit l'ambition
Tandis
que l'autre à Mets , plein de
fa frenefie ,
Alloit prendre poffeffion
De la Couronne d'Auftrafic.
GANLAT.
179
S
Ainfi , quand d'un Malade accablé
de douleurs ,
De veilles & de laffitude ,
Lefommeil vient parfes douceurs
A fufpendre l'inquietude ,
Un Songe au malheureux offre de
beaux vergers
,
Où fur un verd tapis , au pié des
Orangers ,
D'une claire fontaine il entend le
murmure.
Là de charmans oiseaux forment de
doux concerts ;
Les fleurs y parfument les airs ,
Et prefentent aux yeux leur riante
peinture s
Mais bien-toft un fâcheux réveil
Détruit de ces plaifirs l'agréable im
pofture ,
Et le trifte Malade endure
180 MERCURE
Une longue fatigue aprés un court
fommeil.
S
Tels à vaincre la France &
& par terre
Dans le Cabinet attentifs
On a vu des Princes oififs
par mer
Rouler de vains projets de guerre.
Cependant le Heros que menaçoient
leurs coups ?
Sur Mons fait tomberfon tonnerre.
Le Songe fe diffipe , & la Place eft
a nous.
2
Du Trône paternel
perfide ,
Ufurpateur
Né hardy Seulement pour un lâche
attentat ,
N'ofe, indigne Ennemy d'un Monarque
intrepide ,
Tenter le hazard du Combat .
GALANT. 181
Il n'a fait dans fa marche errante ,
irrefoluë ,
Que montrer fa foibleffe à la Flandre
éperdue ,
Il fuit , couvert de honte , avec fes
legions.
La foudre eft partie àfa veuë ,
Fufque fur luy s'étend la nuë ,
Et la tempefte encor pourfuit fes efcadrons.
2
Mais que du voile épais des ombres
les plue noires
Il couvre fon front odieux ,
S'il échape au Victorieux ,
Il n'échapira pas au bruit de fes victoires.
Qu'une juste. frayeur précipitant fes
pas
L'emporte aux plus lointains climats
,
182 MERCURE
La gloire de LOVIS volera devant
elle ,
Et d'un long ennuy devoré ,
Le Parricide, l'infidelle ,
De la perte de Mons déja defefperé
Va d'un autre en fuyant apprendre
la nouvelle.
Les deux Sonnets que vous
allez lire , font du Pere de la
Rouffie , Jefuite.
SUR LA PROSPERITE'
des Armes du Roy.
C
Ent Princes conjurez pour
batre un feul Roy ,
ab-
Ontformé le deffein de conquerir la
France ;
GALANT 183
Leur orgueil leur fait voir fon Etat
fans défenfe ,
Et qu'il leur eft aisé de luy faire la
loy.
Se flattant que par tout ils porteront
l'effroy ,
Que partout on Craindra leurs Traittez
d'Alliance
Leurspuiffans armemens, leursfonds
pour la dépense,
Ils rifquentfur ce pied leur honneur
leur foy.
S
Mais où vont ces projets ? à tromper
tout le monde ;
Les Aggreffeurs battus fur la terre
&fur l'onde
Au gré de leur Vainqueur vont expofer
leur fort.
184 MERCURE
2
Pour défendre l'Eglife & dompter
l''Allemagne ,
Avec bien plus de gloire , avec bien
moins d'effort,
LOVIS LE GRAND fera ce que fit
Charlemagne.
SUR L'ASSEMBLE'E
de la Haye , & fur le Siege
de Mons.
Pour
Ourquoy ce Conquerant revientil
d'Angleterre ?
Pourquoy ces Alliez arment-ils tant
de bras ?
Pourquoy ces Souverains quittent- ils
leurs Etats ?
Ce fecret important touche toute la
Terre.
GALANT. 185
2
Est- ce pour achever une fanglante
guerre ?
Eft-ce pour bazarder de perilleux
Combats ?
Eft- ce pour mettre enfin leurs Ennemis
à bas ,
Qu'ils fontfonnér fi haut le bruit
de leur tonnerre ?
2
Non , mais embaraffez des deffeins
de LOVIS ,
Etourdis des fuccés de fes faits
inoüis ,
Ils difent ; Fera - t -il les chofes impoffibles
?
&
Aprés tout , les François ne font
point des Demons.
Allons donc à la Haye , & là , témoins
paisibles ,
Juin
1691 e
186 MERCURE
Regardons defangfroid comment il
prendra Mons.
LA PREFERENCE
HONTE VSE.
MADRIGAL:
N trouve , dites- vous étrange ,
Que le petit Prince d'Orange
Ofe comparer fes exploits
A ceux du GRAND ROY des Fran
çois.
A dire le vray , la partie
Paroift un peu mal affortie.
Cependant il faut accorder
Que ce nouveau Roy-Statouder
En un fens a la preference.
Sur le Monarque de la France's
Et s'il faut dire franc & nôt
GALANT. 187
Ce que c'est que ce privilege ,
LOVIS jamais n'a levé Siege
Et Guillaume en a livéfept.
DE LORME , Avocat au Parle .
ment de Grenoble.
SONNET.
Ous qu'on voit à la Haye enenfer
une Idole,
Vom
Princes Confederez , n'en rougiffezvous
pas ?
Ce culte injurieux au facré Capitole
Reproche á vefire rarg des fentimers
trop bas.
S
Si vous déliberez fur le moyenfrivole
De reparer l'honneur de trois divers
Combats
,
Q ij
188 MERCURE
Allez Secourir Mons , LOVIS LE
GRAND y vole >
Allez, & contre luy méſurez voſtre
Mais
bras.
2
quoy ?fiers des projets d'une
vaine entreveuë ,
Vous tremblez , vous fuyezfon approche
imprevuë ?
Agiffez , il eft il est temps , & quittez
voftre effroy.
S
Si ce Prince à vos yeux remporte
une Victoire ,
A la luy difputer vous aurez plus
de gloire
Qu'à vous mettre au deffous d'un
fantôme de Roy.
DE LA GRANCHE , de l'Academie
Royale de Nifmes.
GALANT. 189
MADRIGAL.
Ons étoit , on le fçait , une
M° Ville orgueilleufe ,
LOVIS feul contre tous va , l'affiege ,
& la prend.
Des Dames la coëffure étoit prodigieufe
,
LOVIS parle auffi-toft la coëffure defcend.
Ces fuccés confondent nos ames ,
Grand Roy , c'en est trop à la fois.
· Reduire enfemble Mons & la tefte des
Femmes !
Rien n'eftoit moins poffible à foumettre
à tes loix.
Je finis cet article par trois
pieces de M Broffard de
Montancy. Toutes celles que
Igo MERCURE
vous avez veuës de luy vous
ont fait connoiftre combien
il cft diftingué parmy ceux
qui travaillent en Poëfie . J'ay
feparé dans mes Lettres d'Avril
& de May les Ouvrages
qui m'ont efté envoyez fur
les dernieres Conqueftes du
Roy. Je fuis fâché de ne pouvoir
donner place à tous
mais il n'y a pas moyen de
rappeller toûjours la mefme
matiere.
,
GALANT. 19Ï
SUR LA RETRAITE
du Prince d'Orange .
Ο
Vand le Roy- Statouder , dans
un fauteuil placé , •
De fes futurs exploits endormoit
l'Affiftance ,
Et qu'à la Haye on eftoit empreffe
A difpofer l'attaque & la défence ,
Il vient un bruit fâcheux du cofté de
la France ,
Qui par malheur trouble la Conference,
Et fon Heros en est embarrassé.
Mons en peril , tout s'alarme, tour
tremble
Ilfaut courir à ce preffant befoin.
Laiffez-le faire , il n'ira pasfort
loin,
Left fougueux beaucoup moius
qu'il ne femble.
192 MERCURE
Il va pourtant , & s'approche de
Mons,
Quand tout à coup soupçonnant
quelque piege ,
Prenons confeil , ne foyons pasfi
prompts

Alte , dit-il à fon nombreux
Cortege.
Quelque accident pourroit nous
arriver ,
Lay du courage , &je fçay le
prouver
Lors qu'à propos ilfaut lever un
Siege
Mais il s'agit de le faire lever ,
Et franchement j'entens peu ce
manege.
SUR
GALANT. 193
SUR LE RETOUR
du Prince d Orange en
Angleterre , & la fin de
l'Affemblée de la Haye.
N foin preffant occupe la Hol-
UN lande ,
Guillaume
Le
Roy
Cour.
و
vient tenir fa
De toutes parts on ſe haſte , on accourt
,
Apparemment la foire fera grande :
Princes & Ducs viennent tous d
t'offrande ,
Pour s'attirer quelque regard benin
De ce Heros qui regle leur deftin .
Il va bien toftfaire un beau plan de

guerre, ( pris.
Dont les François fe trouveront fur-
Juin 1691 .
R
194 MERCURE
Force Soldats amenez d'Angleterre ,
S'il le commande, iront jusqu'à Paris.
Dés qu'on l'aura conclu dans l'Af-
Semblée
Que vont tenir tant de graves efprits
,
Villes , Châteaux , il prendra tout
d'emblée.
Peu ferviront le mur & le rempart ,
Au premier choc la France eft accablée
,
C'est un coup feur à ce nouveau
Cefar
Dans cette veuë , on l'encenfe , on
l'admire.
Les Harangueurs s'empreffent de luy
dire
Ce qu'il a fait de beau depuis un
an i
Que c'est par luy que l'Europe refpire.
GALANT. 195
Aufond de l'ame il eft tenté d'en
rire ,
Mais il s'obferve , & plus fier qu'un
Sultan ,
Nonchalamment étendu dans fa
Chaife ,
Il les écoute , & regarde àſon aife
Ces bons Seigneurs qu'il voit bas &
foumis.
Rien n'eft fi beau que la ceremonie ,
Mais à fon point fi-tofl qu'il les a
misi
Bien, grandmercy, dit- il , mes bons
Amis ,
Partez en paix , car la farce eft
finie.
อง
Rij
196 MERCURE
AU PRINCE D'ORANGE

Sur la prife de Mons.
Vis , Prince malheureux , re-
F tourne en Angleterre ,
La Flandre à ton honneur eſt un Païs
fatal.
Quitte un illuftre employ dont tu
t'acquites mal ,
Trompe , opprime , trahis , & ne fais
point la guerre.
&
En vain pourfauver Mons preft à
tomber.
par terre ,
Tupromets à la Ligue un effort mar
tial ;
Entre LOVIS & toy tout eft trop inégal,
1
Tu n'as que trop fenty le poids de
Son tonnerre.
GALANT. 197
S
Tu fçais juſques au bout pouſſer
un attentat ,
Tu fçais malgré les loix renverser
un Etat ,
En fourbe confommé tu conduis une
brigue.
S
Tu dois à cent forfaits le rang
dont tujouiss
Mais les lâches complots , l'imposture
& l'intrigue
Sont d'un foible fecours pour com,
battre LOVIS.
Voicy les noms des Perfonnes
confiderables de l'un
& de l'autre Sexe , mortes depuis
ma derniere Lettre ."
Meffire Guy d'Alogny de
Rij
198 MERCURE
Bois - Morant , Chevalier de
l'Ordre de S. Jean de Jerufalem
, Grand- Bailly de la Morée
& de Cury, Commandeur
de S. Jean de Latran à Paris ,
& de la Feüillée . La Maiſon
d'Alogny , defcend de Pierre
d'Alogny , S de la Milandiere
, qui vivoit fous Charles
V. & qui époula Aglan
tine de la Tremoille , Dame
de Rochefort , dont vint Guillaume
d'Alogny , S ' de Rochefort
, qui fe maria avec
Jacquette Courande . De celuy-
cy eft venu un autre Guillaume
d'Alogny , S' de Ro-
1
GALANT. 199
chefort & de la Milandiere ,
qui cut pour Femme Margue
rite de la Toufche , Dame de
Nivelle . C'eft d'eux que defcend
toute la Maifon d'Alogny,
qui a donné plufieurs
Perfonnes fignalées par leurvaleur,
entre autres , Pierre d'Alogny
, S'de Rochefort & de
la Milandiere , Guidon de la
Compagnie des Gendarmes
du Comte de Charny, vivant
fous François I. Il époufa
Marguerite de Salignac, Fille
du Seigneur de la Roche - Beluffon
, & il en eut Antoine
d'Alogny , Chevalier de l'Or-
R iiij
200 MERCURE
dre du Roy, & Gentilhomme
de la Chambre de Henry III .
qui de Lucrece de Perion ,
Fille du Seigneur de la Grange
, cut Louis d'Alogny ,
Marquis de Rochefort , Baron
dc Craon , Bailly de Berry ,
que le feu Roy fit Chevalier de
fes Ordres. D'Alogny porte
de gueules à trois Fleurs de lis
d'argent
.
Mademoiſelle Chabot . Elle
eftoit Soeur de Henry Chabor,
S' de Sainte Aulaye , qui en
1645. épousa Marguerite, Ducheffe
de Rohan , Princeffe
de Leon , & Comteffe de PorGALANT
· 201
hoët. Elle a fait des legs en
faveur
de les trois Nieces
,
Filles du feu Duc de Rohan
fon Frere , qui font Madame
la Princeffe
de Soubife
, Madame
la Marquife
de Coërquen
,
& Madame
la Princeffe
d'Epinay
, & a esté enterrée
aux
Celeftins , où font les corps
de l'Amiral
Chabot
, & de
Leonor
Chabot
. Grand
- E
cuyer de France
.
M ' le Marquis de Monfuron
. Il eftoit de la Maifon
de Valbelle , & Grand Bailly
des Montagnes de Dauphiné.
Le Roy a donné cette Charge
202 MERCURE
à Meffire Bruno de Valbelle-
Monfuron fon Frere , Chevalier
de Malte , Commandeur
de la Tronquiere, & Capitaine
d'une des Galeres de Sa Majeſté
.
Dame Renée de la Marfeliere
, Veuve de Meffrre Jacques-
Augufte de Thou , Prefident
en la premiere Chambre
des Enqueftes du Parle
ment de Paris , & Ambafladeur
pour Sa Majefté en Hollande.
Cet Ambaffadeur , qui
avoit épousé en premieres
Noces Marie Picardet, Fille
de Hugues Picardet , Procu
GALANT. 203
reur General au Parlement de
Bourgogne , dont il a eu un
Fils Abbé, & des Filles , eftoit
Fils de Jacques- Augufte de
Thou , Baron de Merlay, Prefident
à Mortier au Parlement
de Paris , qui dans fes
Voyages & dans fes Negociations
d'Eftat en Italie , Allemagne
, Flandre & Venife ,
avoit acquis une entiere connoiffance
des Droits des Prin
ces, & des moeurs des Etrangers
. C'eft luy qui compofa
IHiftoire
de fon temps , en
plufieurs volumes Latins, que
toutes les Nations ont reccue
204 MERCURE
avec cftime. Il avoit amaffé
une celebre Bibliotheque
,
remplie de grand nombre de
Volumes rares , & fort estimée
de tous les Sçavans . Il mourut
en 1617. en fa foixantequatrième
année . La Mere de
Mr de Thou , Ambaſſadeur
en Hollande, fut Gafparde de
la Chaftre , Fille de Gafparde
de la Chaftre, Comte de Nancey
, Capitaine des Gardes du
Corps du Roy. Son Aycul ,
Criftophe de Thou, Seigneur
de Bonnoeil & de Cely, avoit
époufé Jacqueline de Tulleu ,
Fille de Jacques de Tulleu,
Seigneur de Ċelv . Il fut pre-
·
GALANT. 205
mier Prefident au Parlement
de Paris , & Chancelier des
Ducs d'Orleans & d'Alençon,
& mourut en 1582. âgé de
foixante & quatorze ans . Son
Bilayeul , Auguftin de Thou,
fut Prefident àMortier au Parlement
de Paris , & prit alliance
avec Claude de Marle ,
Fille de Claude de Marle ,
Seigneur de Verfilly, & d'Anne
du Drac, & Petit fils d'Arnault
de Marle , Prefident à
Mortier. Son Trifaycul , Jacques
de Thou , mort en 1504.
avoit efté Avdcat General en
la Cour des Aides à Paris . Il y
206 MERCURE
a eu de cette Famille Nicolas
de Thou , Evefque de Char
tres , qui en 1594. eut l'honneur
de facrer le Roy Henry
IV. à Chartres . Il eftoit
Frere de Chriſtophe de Thou ,
premier Prefident. De Thou
porte d'argent au chevron de
fable, accompagné de trois taons,
ou mouches à miel de mefme.
Meffire Adrien le Hardy ,
Marquis de la Trouffe, Lieutenant
General des Armées du
Roy, & cy- devant Grand Maître
,Mefureur & Arpenteur de
France . Il eftoit Fils ou Petitfils
de Sebaſtien le Hardy ,
GALANT. 207
S' de la Trouffe , Grand Prevoft
de l'Hoftel, & de Loüife
Hennequin , Fille de René
Hennequin , S de Sermoiſes,
Maistre des Requeftes.
Meffire Henry de Creil ,
Seigneur de Bournezeau , Maiftre
des Requeftes. Il eftoit
Fils de Louis de Creil , Confeiller
en la Cour des Aides ,
& avoit époufé Françoiſe
Bardin , dont il a eu Meffire-
Jean de Creil , Seigneur de
Bournezeau , Confeiller au
Parlement , puis Maistre des .
Requeftes en 1676. Intendant
de Juſtice à Orleans . De Creil
208 MERCURE
porte d'azur au chevron d'or,
accompagné de trois clouds de
mesme.
L'ufage eftant de fraper
des Medailles pour tout ce
qui fe fait de memorable
dans les Etats des Souverains ,
je vous envoye celle qui a
efté frapée à l'occaſion du
mariage du Roy d'Espagne .
Les paffions violentes font
beaucoup fouffrir . Heureux
qui eft affez maistre de foy.
mefme , pour ſe tenir toujours
en eftat de les furmonter
. Un Cavalier , que la qualité
de fort honnefte homme,
GALANT. 209
& les avantages du bien & de
la naiffance rendoient un par
ty confiderable , cftant allé
voir une Dame de fes Amies ,
qui logeoit dans un quartier
entierement éloigné du fien ,
trouva chez elle une affez
jeune Perfonne, qui attira fes
regards auffi- toft qu'il fut entré.
C'eſtoit une Brune d'unc
taille aifée & fine , dont le
teint uny , les yeux noirs &
pleine de feu , la bouche ad<
mirable , & les autres traits
formez à proportion , laiffoient
peu de coeurs dans l'indifference
quand on la voyoit
Juin 1691.
S
210 MERCURE
un peu fouvent . Une fort
grande douceur eftoit répandue
fur fon viſage , & il y
regnoit un air modefte qui
ne plaifoit guere moins que
fa beauté . Elle eftoit venuë
avec fa Mere , qui n'ayant encore
que quarante- cinq ans ,
montroit d'agreables reftes
de ce qu'elle avoit eſté dans
fon jeune âge. Le Cavalier ,
aprés avoir fourny quelque
temps à l'entretien general ,
profita fi bien de l'occafion ,
que s'eftant enfin placé auprés
de cette belle Perfonne , il en
cut un particulier avec elle .
E
GALANT. 211
Il luy dit mille chofes obligeantes
, & fes réponſes, également
fages & judicieuſes ,
furent pour luy un charme
nouveau. Elle parloit peu ,
mais toujours jufte , & ne difoit
rien qui ne fift connoiftre
que dans le foin que l'on avoit
pris de fon éducation , elle
avoit receu d'utiles leçons.
Elle ne fut pas plûtoft fortie,
que le Cavalier s'informa qui
elle eftoit. L'empreffement
qu'il eut à le demander, obligea
la Dame avec qui il eftoit
demeuré feul, à luy répondre
que fa curiofité luy fembloit
Sij
1
212 MERCURE
cftre d'Amant , & qu'il devoit
prendre garde à ne pas
s'abandonner trop aveuglement
aux premieres impreffions
qu'elle pouvoit avoir
faites fur fon coeur ; que tout
ce qu'elle avoit à luy en
dire , c'eft qu'elle eftoit fa
voifine environ depuis un
an ; qu'elle voyoit peu de
monde , & avoit une conduite
extremement réguliere ;
que fa Mere qui ne la quittoit
prelque jamais , citoit
une Veuve de Province , &
qu'on jugeoit à la maniere
dont elles vivoient , qu'elles
GALANT.
213
>
avoient quelque bien. Le Ca
valier repliqua qu'il ne defavoüoit
pas qu'il avoit trouvé
beaucoup de merite dans
cette belle Perfonne mais
que l'on devoit penfer , que
ne pouvant prendre d'enga
gement veritable fans le confentemenr
de fon Pere dont
il attendoit de grands avantages
, il n'étoit pas a
nemy de la fortune , quel,
ques douces habitudes qu'il
puft pratiquer , pour former
jamais d'autre deffein que celuy
d'avoir quelquefois où
s'amufer pendant quelques
affez en214
MERCURE
heures inutiles . Cependant l'idée
qu'il conferva de la Belle
le fit aller chez la Dame beaucoup
plus fouvent qu'il n'avoit
accoûtumé. Il l'y vit encore
cinq ou fix fois, & toûjours
avec un redoublement
d'eftime qui alla plus loin qu'il
ne penfoit. Ces entreveuës
fuffifant pour l'autorifer à luy
rendre une vifite , il alla chez
elle , & il fut receu de la Mere
& de la Fille avec toute la ci
vilité qu'il en pouvoit eſperer
, mais quand il leur en cut
encore rendu trois ou quatre
autres en fort peu de temps ,
GALANT. 315
on le pria de retrancher l'af
fiduité. Ce fut alors que fa
paffion , dont il s'eftoit déguifé
la force , fe fit ſentir
dans toute fa violence . Les
bornes que l'on donna à fes
foins luy furent infupportables
, & il commença à s'appercevoir
qu'il ne pouvoit vivre
heureux , privé du plaifir
de voir ce qu'il preferoit à
toutes chofes. Il fe plaignit de
l'ordre cruel qu'il eftoit forcé
de fuivre , & il ne put obtenir
qu'on le revoquaſt . Un jour
qu'il rêvoit à elle dans lesTuilleries,
il la vit dans une allée ,
216 MERCURE
qui fe promenoit avec faMere.
Il courut les joindre , les entretint
jufqu'à ce qu'elles fortirent
, & aprés qu'illes eut remenées
dans leur Carroffe, un
de fes Amis qui l'avoit veu
avec elles , le felicita fur fon
heureufe fortune. Il le fit d'un
ton fi malicieux , que le Cavalier
jugeant qu'il les connoiffoit
, le pria de luy en
vouloir dire des nouvelles.
Cet Amy ne fe fit pas fort
prier pour luy apprendre qu'il
avoit efté trois ou quatre ans
dans leur voiſinage , où elles
faifoient une figure des plus
mediocres ;
<
GALANT. 217
mediocres ; qu'un Marquis
qu'il luy nomma leur avoit
rendu des devoirs fort affi .
dus, & que depuis ce tempslà
elles eftoient allées lo
ger au Marais , où il avoit
Iceu qu'elles avoient équipage
, ce qui luy faifoit penfer
que le Marquis avoit contribué
par fes liberalitez à
cet heureux changement de.
leur fortune. Cette nouvelle
mit le Cavalier dans un fort
grand trouble. La Dame qui
luy avoit parlé de la Belle ,
la luy avoit peinte comme
une perfonne d'une conduite
Juin 1691 .
T
218 MERCURE

fort fage , & ce que fon Ami
luy apprenoit fembloit contraire
à cette fageffe . Il voulut
s'en éclaircir par luymefme
, & n'en trouva point
de meilleur moyen , qu'en
tâchant de faire recevoir
quelques prefens . Si la Belle
étoit intereffée , c'étoit un infaillible
fecrer pour faire fouffrir
fes foins quelque ´empreffez
qu'il les vouluft rendre.
Il conduifit la chofe d'une
maniere qu'il cut des occafions
de fe montrer liberal,
& il s'en fervit ; mais tous fes
prefens furent refuſez , & mêGALANT:
219
me avec affez de hauteur ,
pour luy devoir faire quelque
peine. Il crut d'abord que l'on
n'agiffoit de cette forte que
pour l'obliger à une dépense
plus confiderable , & fon amour
l'engageant à n'épargner
rien pour réuffir , il cfpera
d'en venir à bout , s'il
pouvoit joindre la galanterie
la liberalité . Voicy ce qu'il
fit dans cette penſée . Une
Revendeufe eftant venuë
chez la Belle dans le temps
qu'il y eftoit , luy montra
un lit fort propre , dont la
Mere offrit un certain prix.
a
Tij
220 MERCURE
Le marché ne fe
put faire, &
on la laiffa
fortir
, en luy difant
feulement
que fi elle n'en
pouvoit
trouver
davantage
, elle n'auroit
qu'à
le rapporter.
Dans
ce moment
, le Cavalier
qui n'avoit
ofé fe mêler
de cet achat
, ayant
appellé
un de fes Laquais
, luy donna
ordre
de dire en fecret
à la Revendeufe
qu'elle
vint
chez
luy le foir
. & luy apportat
le lit. La chofe
fe fit comme
il l'avoit
ordonné
. Le Cavavalier
parla
à la Revendeuſe
,
qui trois
jours
aprés
alla chez
la Belle
, où elle laiffa
le lit ,
GALANT 221
dont le prix luy fut payé.
On voulut le tendre
quelque
temps aprés , & ce fut un
grand fujet de furpriſe de
trouver dedans pour mille
piftoles de Pierreries . On ne
douta point que le Cavalier
ne les cuft données , & non
feulement on luy en fit de fort
grandes
plaintes , mais on
voulut le forcer à les
reprendre.
Il nia la chole obitinément
, & d'une maniere qui
l'auroit fait croire , s'il ne
s'eftoit pas trouvé auprés de
la Belle la
premiere fois qu'-
on luy avoit apporté le lit.
Tiij
222 MERCURE
Cependant comme il eftoit
impoffible de le convaincre
fans le témoignage de la Revendeufe
que l'on ne connoiffoit
pas , on fut obligé de
garder les Pierreries , jufqu'à
ce qu'à force de foins , on
vint à bout de la déterrer par
le portrait qu'on en fit à d'autres
Femmes qui fe mêloient
du mefme trafic. Le Cavalier .
fut au defefpoir de l'avanture.
Non feulement on luy rendit
fes Bijoux qu'il ne put faire
accepter , quelque inſtance
qu'il en fift , mais on s
ça de fon entrepriſe , comme
s'offenGALANT.
223
eftant contraite à l'opinion
qu'il devoit avoir de la vertu
de la Belle. Il y eut plus . La
force de fon amour qui s'augmentoit
toujours par la refiftance
, l'ayant fait recommencer
à rendre des vifites
affidues , la Mere s'y oppola
avec plus d'empire qu'elle
n'avoit fait auparavant , &
lors qu'il voulut les autorifer
par l'exemple du Marquis.
dont on luy avoit parlé , elle
luy dit qu'il eftoit vray qu'il
avoit cu libre accés chez elle
pendant quelque temps , parce
qu'il avoit d'abord propofé
Tiiij
224 MERCURE
un mariage , mais que les chofes
n'ayant pû s'accommoder,
on avoit fait avec luy rupture
entiere fans qu'on l'euft reveu
depuis. La fermeté de la Mere,
jointe à la fageffe de la Fille ,
qui ne fe démentoit point , &
qu'il ne voyoit jamais en particulier
irritant fa paffion
dont il n'étoit plus le maître,il
declara qu'on pouvoit fouffrir
fon empreffement, puifque fes
deffeins avoient toujours efté
legitimes ; que s'il avoit differé
juſque lภà s'expliquer
c'eft qu'il craignoit que fon
Pere qui luy devoit laiffer de
GALANT. 225
grands biens , ne fuft pas content
de fon amour ; qu'étant
dans un âge extrémement
avancé , il ne pouvoit
vivre encore long - temps
mais que fi on faifoit difficulté
d'attendre fa mort , le
bien de faMere qui eftoit confiderable
, & dont il avoit
la jcüiffance, pouvoit le mettre
en eftat d'époufer la Belle ,
quand mefme fon Pere luy refuferoit
fon confentement.
La Mere prenant la parole ,
tandis que la Fille faifoit voir
par une rougeur modefte ,
que la declaration ne luy eftoit
226 MERCURE
pas defagreable , fit connoître
au Cavalier que les fentimens
qu'il leur témoignoit
la touchoient
tres-vivement
,
mais qu'elle fe croiroit indigne
de l'honneur qu'il vouloit
faire à fa Fille , fi l'impatience
d'en jouir la rendoit
affez injufte pour fouffrir qu'il
s'expofaft à fe mettre mal
avec fon Pere ; qu'elle le prioit
de ne luy rien dire d'un engagement
qui pourroit le chagriner
, & qu'elle attendroit
fans aucun
murmure qu'il
fuft en eftat de difpofer de
luy mefme , pour y fatisfaire ;
GALANT. 227
luy
fit
que cependant il devoit garder
beaucoup de mefures dans
fa paffion pour ne donner aucun
lieu à la médifance . Si
la declaration du Cavalier ne
pas obtenir une entiere
liberté de voir la Belle auffi
fouvent qu'il l'euſt ſouhaité,
du moins il eut celle deluy
pouvoir dire tout ce que
l'amour luy faifoit fentir , ce
qui luy eftoit un forr grand
foulagement. La Belle l'affeuroit
de fon côté qu'elle avoit
pour luy l'eftime la plus parfaite
, & lors qu'il luy demandoit
un aveu moins refer
228 MERCURE
vé des fentimens de fon coeur,
elle répondoit en rougiſſant,
qu'elle fe trouvoit dans un
eftat où elle n'ofoit fe rien
permettre de plus ; qu'il fuffifoit
qu'il y cuft alors un obftacle
effentiel qui les empêchoit
de rien conclure ; que
cet obftacle leroit peut eftre
fuivy de changemens qu'ils ne
prévoyoient ny l'un ny l'autre
, & qu'au hazard de parler
contre elle mefme , elle ne
pouvoit le deffendre de luy
dire , que s'il eftoit fage , il
donneroit fur luymoins d'em
pire à un amour qu'il pour
GALANT. 229
·
roit fe voir obligé d'éteindre.
Cette réponſe qui l'enflamoit
encore davantage
produifoit entre eux de fort
agreables conteftations. Il
luy reprochoit que la rupture
ne pouvant le faire que
par elle feule , puis qu'il eftoit
refolu de l'époufer quand elle
voudroit, fans attendre même
la mort de fon Pere , il falloit
que le confeil qu'elle luy donnoit
de fe rendre maistre de
fa paffion , pour l'étoufer s'il
arrivoit qu'il en fuft befoin ,
vinft de ce qu'elle fe fentoit
le coeur peù favorablement
230 MERCURE
difpofé pour luy , & l'incertitude
où elle fembloit mettre
par là ſon bon- heur , luy
eftoit un vray fupplice . La
mort du Pere qui arriva peu
de temps aprés ,ayant finy cette
forte de difpute , le Cavalier
n'eut plus à douter qu'il ne
deuft avoir le plaifir d'entendre
dire qu'il eftoit aimé
parfaitement.
Il vint offrir à la
Belle une fortune tres - confiderable
, & il la trouva toûjours
modefte ; c'est à dire ne
s'expliquant qu'à demy fur
tous autres fentimens que ceux
de reconnoiffance . Une auffi
GALANT. 231
grande fucceffion que celle
qu'il avoit à recueillir faifant
toûjours naiftre des affaires , il
demanda fi on vouloit bien
luy donner un mois ou deux
pour les terminer,afin qu'en fe
mariant enfuite il puft goufter
fon bon-heur fans embarras.
On voulut ce qu'il voulut ,
& il luy fembla que l'on confentoit
trop facilement au re
tardement du mariage . Il crut
pourtant voir le coeur de la
Belle fe developer infenfiblement
en fa faveur. Il luy
échapoit toûjours quelques
marques de tendreffe qui luy
232 MERCURE
mes
répondoient , qu'il pouvoit
beaucoup fur elle, & fi elle refufoit
de s'expliquer en des teres
auffi forts que ceux dont
il fe fervoit , ce refus luy donnoit
lieu de tant deviner , qu'il
avoit fujet d'être content . Enfinaprés
qu'il eut donné ordre
à tout,rien ne pouvant plus le
détourner de travailler à fe
rendre heureux , il propofa de
faire dreffer un Contrat de
mariage , mais quelle fut fa
furpriſe , lors qu'à cette propofition
il vit la Mere & la
Fille qui fe regardoienr fans
luy répondre Il demanda
GALANT.
233
l'explication de ce miſtere ,
& la Belle fe vit enfin forcée
de luy dire que s'il vouloit
bien fe fouvenir des confeils
qu'elle avoit cru luy devoir
donner , il ne l'accuferoit pas
quand il apprendroit qu'elle
n'avoit agi de la forte , que
parce qu'elle eftoit mariée
fecrettement.Il ne fe peut rien
imaginer de pareil au deſeſpoir
que montra le Cavalier.
On le laiffa feaindre d'abord
fans combattre fa douleur
, & quand il fe fut un peu
foulagé par là , la Mere luy
dir que s'il vouloit l'écouter ,
Juin 1591.
V
234 MERCURE
elle eftoit perfuadée qu'il fe
trouveroit bien moins malheureux
qu'il ne croyoit. Il
ne pouvoit concevoir que
cela puft eftre , puis qu'il
voyoit tout perdu pour luy ,
& fe refolvant comme malgré
luy à luy laiffer dire ce
qu'elle affeuroit qu'il feroit
bien aife de fçavoir , il apprit
d'elle qu'aprés qu'elle cut congedié
le Marquis , dont on
luy avoit découvert l'attachement
, un vieux Gentilhomme
qui avoit du moins
foixante & quinze ans , eftoit
venu la1 trouver pour fçavoir
GALANT.
235
d'elle fi quarante mille écus
qu'il étoit preft de donner
comptant , pourroient obliger
fa Fille à le vouloir époufer
; que le peu de bien qu'elles
avoient leur avoit fait accepter
la chofe , que quoy
qu'il n'euft point d'enfans ,
il avoit voulu la tenir fecrete
, pour éviter le reproche
qu'on luy auroit fait de fe
trouver encore fenfible à l'amour
dans un âge où il devoit
eftre à couvert de fes
foibleffes ; qu'un peu aprés
l'affaire concluë , elles avoient
changé de quartier a-
Vij
236 MERCURE
1
fin qu'on n'euft point à raifonner
fur le changement de
leur fortune ; que le Gentilhomme
qui ne les voyoit jamais
que la nuit , & qui vcnoit
fans aucune fuite , s'étoit
caché avec tant de foin à ellesmefmes
, qu'elles ne le connoiffoient
que par un nom ,
qui apparemment eftoit un
nom fuppofé , puis que toutes
leurs recherches ne leur
avoient pû faire découvrir
qui le portoit ; que malgré l'amour
qu'il avoit toûjours
marqué pour fa Fille , il y
avoit prés de trois mois qu'clGALANT.
1
237
les n'avoient entendu parler .
de luy , quoy qu'il cuſt accoûtumé
de les venir voir
tous les trois ou quatre jours ,
& qu'une fi longue negligence
leur donnoit fujet de
croire qu'il eftoit mort. Le
Cavalier à qui la confidence
de cette avanture rendit l'efperance
, demanda le nom que
s'étoit donné le vieux Gentilhomme
, & il cut beau s'informer
, il n'en put
avoir aucunes
nouvelles. Trois mois
paffez fans qu'il euft paru étoient
prefque une affeurance
qu'il ne vivoit plus , mais on
238 MERCURE

!
ne pouvoit fe determiner à
rien , à moins qu'on ne l'euſt
entiere , & l'impoffibilité où
l'on fe trouvoit de s'éclaircir ,
les mettoit tous dans une
terrible inquietude
. Quoy que
la Belle fuft elle - mefme perfuadée
de la mort du Gentilhomme
, la rigidité de ſa vertu
luy faifoit traiter de foi
bleffe criminelle les fentimens
favorables qu'elle témoignoit
au Cavalier , & elle
fe reprochoit jufqu'aux moindres
complaifances , où il l'engageoit
à force d'amour . Il
les meritoit par fes manieres
GALANT . 239
pleines de tendreffe , mais fi
fon Mary eftoit vivant , elle
ne pouvoit les avoir pour luy,
& cette idée fuffifoit pour la
laiffer fans repos . Il luy eftoit
pourtant impoffible
de ne
point aimer le Cavalier. Il la
voyoit tous les jours , & loin
de l'en empefcher , elle auroit
efté fachée qu'il ne l'euft pas
veuë. Il luy propofa un jour
de la mener à une fort jolie
maifon qu'il avoit à quatre
lieues de Paris , & la Mere
ayant conſenty à cette partie ,
il donna fes ordres pour les
regaler. Aprés un repas fort
240 MERCURE
propre , il les pria d'entrer
dans un Cabinet , qui ouvroit
fur le Jardin , & d'où la veuë
le portoit fort loin . Ce Cabinet
eftoit remply de Tableaux
, & la Belle les ayant
parcourus en un moment ,
arrefta fes yeux fur un Portraic
qui luy fit faire un
grand cry. La Mere qui regarda
le mefme portrait, dit toute
furprise , que c'eftoit celuy
du Gentilhomme
, Mary de
fa Fille , & ces paroles furent
comme un coup de foudre
pour le Cavalier . Ce portrait
eftoit celuy de fon Pere qu'il
avoit
GALANT. 241
avoit fait faire depuis quelques
mois , & le rapport du
temps de fa mort au temps
qu'il y avoit qu'on n'avoir
point veu le Gentilhomme ,
luy reprefenta en un moment
tout l'excés de fon malheur. ↑
Il fut partagé fenfiblement.
par la Mere & par la Fille , que
la peinture qu'il fit des manieres
de fon Pere , outre la
reffemblance des traits du Portrait,
ne convainquit que trop
de la verité . Il leur en vint un
témoignage affeuré peu
jours aprés . Un Religieux revenu
d'un long voyage , remit.
·Juin 1691 .
X
de
242 MERCURE
entre les mains de la Belle un
papier
cacheté que le Gentilhomme
l'avoit
chargé
de luy
apporter
lors qu'il feroit
mort .
C'eftoit
une déclaration
en
bonne
forme
, toute
écrite
de
fa main , par laquelle
il la reconnoiffoit
pour
fa Femme ,
& ordonnoit à fon Fils de
prendre foin d'elle , & de la
faire jouir d'un douaire qu'il
limitoit. Le Cavalier à qui
l'écriture eftoit connuë , confentit
à tout , & cut pour cette
aimable Perfonne tous les
égards qu'il devoit à la Veuve
de fon Pere , mais ne pouvant
GALANT. 243
plus foûtenir fa veuë, qui con.
tribuoit toûjours malgré luy
à entretenir fa paffion , il fe
refolut à faire un voyage en
Italie , d'où il n'eft point encore
revenu .
J'efpere vous mander le
mois prochain de grandes
nouvelles touchant les Flotes
qui font prefentement
en
Mer. On s'attendoit que
les
Ennemis feroient un fort détachement
pour traverser nôtre
Convoy d'Irlande , commandé
par M ' de Nefmond ,
Y a beaucoup d'appamais
il
rence qu'ils en ont
efté
em-
X ij
244 MERCURE
peſchez par leur foibleſſe , &
qu'ils fe fouviennent du Combat
de Bantric , & de celuy de
la Manche de l'année derniere
. S'ils ont quelque autre
raifon , on ne la penetre pas.
Vous fçavez que M' de Nefmond
a pris à fon retour deux
Vaiffeaux Anglois qui faifoient
route aux Barbades.
On pretend que les Ennemis
feront cette année fuperieurs
en nombre de Vaiffeaux ,
mais les nostres l'emporte
ront affurement par la force
de leurs Equipages qui font
complets , par celle de nos
GALANT. 245
Vaiffeaux , par le calibre de
l'Artillerie , par le nombre de
bons Matelots , & de Soldats ,
& enfin par celuy des Offi .
ciers qui font admirablement
bien executer tout ce qui eft
du fervice , & avec une vivacité
& une diligence fi
grande , que dans le Combat
de la Manche , nos Vaiffeaux
faifoient trois décharges contre
une des Ennemis , fans aucun
embarras ny mouve
ment extraordinaire , au lieu
que les Ennemis faifoient une
manoeuvre plus marchande
que de guerre , & que leurs
X iij
246 MERCURE
Matelots & leurs Officiers pa
roiffoient lourds & pefants
dans le fervice, Voicy la Lifte
des Vaiffeaux qui compoſent
noftre Armée Navale avec
l'ordre de Bataille .
VAISSEAUX
Qui compoſent l'Armée Navale
du Roy , commandée par M
le Comte deTourville.
ESCADRE BLANCHE ET BLEUE . CADRE
Commandans. Vaiffeaux. Can.Equip.
Mrsde Relingues . Le Fou- 84. 600
droyant.
Le Chevalier L'Ardent. 70. 420
d'Infreuille-
Le Chev.de Rho- Le Fidelle. $ 4. 30.0
des .
GALANT. 247
De Pallas. Le Conftant . ༡༠. 450
De Pannetić ,
Du Challard,
Le Grand, 86. 600
Le Triomphant,
78. 500
Du Rivauthuet, L'Excellent , 64 . 375
De Caffiniere , Le Neptune . so. 300
Le Ch. de Genlis . Le Brave .
62. 375
Le Chevaliet de
Montbron . L'Affuré.
64. 400
De Mericourt L'Ecueil. 70.. 420
De Perinct, Le Bourbon. 64- 400
DE CHASTEAU- LE DAUPHIN
RENAULD, ROYAL
100 . 800
Le Chev. de Bel Le Bellilefontaine
, queux, 78. foo
Le Chevalier de
Rofmadec, Le Fier. 6 500
Marc,
Le Chev.de Cha-
De Colbert Saint- Le Courtifteau-
Renauld . Le Vigilant . $ 4.
fan. 64. 400
375
Le Chev. d'Her.
vaut Le Precieux . 60. 350
Le Ch. de Combes
, Le Brillant. 64. 380
Le Baron Defadrets,
Le François .
52. 300
De Combes, L'Illuftre . 76 . foo
De Forant, Le S. Philippe
84.
X
iiij
248 MERCURE
De Belle-Ifle , Le S. Efprit, 70. 420
De la Roque-
Percin ,
Le Ch . dn Palais, Le Temerai-
Le S. Louis,
60 . 380
62 . 380
De Rouvroy ,
re
Le Bon . 56. 360
ESCADRF BLANCHE.
Commandans. Vaiffeaux Can.Equip.
Mrs deSerquiny , Le Furieux .
60 . 375
De Forbin - Gardaune
, La Perle .
56 . 350.
De Montbant,
Le Hardy. $ 4. 330
De Cogolin , Le Superbe. 70 . 420
De Villette , Le Victorieux
. 96 . 800
De Vaudricourt , Le Terrible , 80 . 500
Du Quelne Mof- L'À¡c - ennier.
Ciel . 54. 310
drets,
Le Chev . de la
Rongere ,
Le Chev . Defa-
De Pallieres ,
Le Fort. ·60.
375
L'Arrogant.
60. 375
L'Apollon .
62. 400
De Blenac, Le Serieux . 62. 400
De Coëtlogon , Le Magnifique,
86. 600
Mr DE TOUR LE SOLEIL
VILLE, ROYAL IC6 . 900
GALANT. 249
Le Chevalier de
Villars.
De la Porte ,
De l'Arteloire,
De Champigny,
Le Conquerant
.
Le Henry,
84.600
66 . 400
Le Gaillard , 66 .
380
Le S. Michel.
60 .
360
De Beaugets . L-A quilon . 56. 350
D'Ivry , Le Moderé .
56 . 350
Le Chevalier de
la Guiche, Le Sage . 54. 330
L'Aimable. 70, 400
Le Magnanime.
と84. 150
LaCouronne. 76. . 500
Le Ferme . 64. 400
Le Sans pareil
. 60 . 370.
Du Magnon ,
De Flacourt,
De S. Hermine ,
De Chavigny ,
De Levy ,
ESCADRE BLEUE.
Commandans . Vaiffeaux.Can. Equip.
Le Fleuron- 60. 360
L'Indien .
L'Entrepre
Mrs le Chev . de
Montgon,
De Ferville ,
14. 330
De Sevigné ,
De la Galiffon- nant . 60. 370
niere , La Sirene . 60. 400
De Langeron , Le Souverain . 84 . 600
De Bidault, L'Invincible . 70 .
-
430
De Roche-Alart, Le Trident, 54 . 330
250 MERCURE
Le Chev.de Feuquieres
,
De Bagneux,
Jean Baert ,
Le Diamant . 60 . 370
Le Prince. 60 . 340
L'Entendu . 66 . 400
De S. Pierre , Le Content 66. 400
De Sebeville ,
DAMFREVILLE ,
DeSeptemes,
Le Floriffant . 75. 500
L'ORGUEILLFUX
.
98. 800
Le Tonnant . 82. 500
Le Chev. d'Amfreville
,
Le Vermandois.
60. 375
Le Ch. d'Ailly, L'Agreable. 64. 400
La Motte-Ge- Le Couranouille
,
geux.
60. 370
La Vigerie , Le Fendant.
$6. 350
De Réals , Le Laurier. 64. 350
Des Francs , L'Heureux .
70. 420
D'Aligre S. Lic. Le Pompeux. 76. 500
De Nefmond , Le Monarque.
92 7.50
Le Chevalier des
Augers > Le Maure . 60.
380
De Machaut, Le Parfait. 66. 400
L'Amblimoat,
Le Ch. de Cha-
L'Intrepide .
80. 460
fteau-Morant. Le Glorieux. 68. 420
BRULOTS .
Mrs Naudy ,
Gualdin
Le Drofle.
Le Dur.
GALANT.
251
Longchamp,
La Motte-Louvart,
Le Ch. Damont ,
Boifonge
La Broufle >
Marin ,
Mofnier ,
Cadenoft
Serpaut
Verguin ,
Covier ,
Deslauriers ,
Robert ,
Rully ,
La Lande
Coulomb
Longchamp Montandre
,
LT Jolie.
La Maligne.
L'Espion.
L'Infenfé.
L'Ameçon.
L'Impertinent.
La Friponne.
Le Facheux.
La Vieille.
Le Petillant .
Le Renard .
L'Extravagant
.
Le Serpent.
Le Rafé.
Le Deguife.
L'Inquiet.
Le Fanfaron.
Moriau ,
Tourteau ,
Le Boutefeux.
Le Dangereux .
On ne peut jetter les yeux
fur cette Lifte fans étonnc<
ment, & fans admiration , tous
les Rois de France enfemble
n'ayant jamais mis en Mer
une Flotte fi formidable. II
252 MERCURE
I
y a fur le Vaiffeau Amiral
trois Capitaines fous Mr le
Vice- Amiral , quatre Lieute-.
quatre Enfeignes , &
nans
و
cinquante Gardes ou Cadets
de Marine ; autant fur le
Royal Dauphin , & pour Officiers-
Majors trente Gardes
feulement ; fur les Lieutenans
Generaux & Chefs d'Efcadre,
deux Capitaines en fecond ,
deux Lieutenans , deux Enfeignes
& dix Gardes . Ces
Gardes font la plufpart de
tres-bons Officiers , & tresbraves
, & il y en a parmy eux
qui ont fix années de fervice ,
GALANT. 253
& qui font auffi habiles que
beaucoup de Capitaines .
Il faut vous parler des Liegeois.
Aprés qu'ils eurent fait
un Traité de Neutralité avec
le Roy , non feulement ils
le rompirent quelque temps
aprés ; mais leur infidelité fut
fi grande , qu'ils voulurent
la fignaler en contribuant au
pillage d'un Convoy confiderable
que les François avoient
dans leur Ville . Cette
perfidie fit du bruit dans toute
l'Europe , & comme il
eftoit de la grandeur & de
la juftice du Roy de les châ--
254 MERCURE
tier , pour faire connoistre que
les temeraires , qui fans nul
reſpect ofent s'attaquer à de
puiffans Souverains , doivent
toûjours attendre ce qui eft
dû à leurs perfidies , on étoit
d'autant plus attentif à voir
des effets de la vangeance de
Sa Majesté , que les Loix
de la Guerre permettent ces
fortes de chaftimens. Mais
ce Monarque voulant punir
doublement un peuple fi fcelerat
, laiffa exprés gronder
la foudre long- temps , afin
que l'apprehenſion fiſt ſouffrir
ceux qui avoient ofé luy
GALANT. 255
manquer de foy , avant qu'il
leur fift fentir le coup. Il ne
craignoit point les précautions
qu'ils pouvoient prendre
pour
s'en garantir , & il
eftoit feur de venir à bout de
ſes deſſeins quand il luy plairoit
de les faire executer . Aprés
avoir pris la Ville de
Mons pendant l'Affemblée
des Alliez à la Haye , ce qui
les devoit mettre en pouvoir
de la fecourir avec d'autant
plus de promptitude , qu'il
n'eftoit point neceffaire d'envoyer
de Couriers en divers
Etats pour déliberer fur les
256 MERCURE
mefures qu'on avoit à pren.
dre , puis que la plus grande
partie des Chefs de la Ligue
eftoient fur les lieux , le Roy
voulut chaftier la Ville de
Liege dans le temps melme
que leur Armée eftoit en
Corps , afin que cette jufte
punition , nonfeulementimarquaft
fa fuperiorité fur fes
Ennemis , mais qu'Elle fift
voir aux Princes liguez , que
toute leur protection ne fçauroit
mettre à couvert de fa
colere ceux qui s'en font rendus
dignes.
M' le Marquis de Bouflers
GALANT. 257
ayant receu l'ordre pour cette
execution , on vit auffi-toft
arriver des Troupes de tous
coftez pour le joindre , & il
fe trouva en tres - peu de temps
à la tefte d'une Armée confiderable
, & munie de toutes
les chofes neceffaires pour
l'expedition dont le Roy l'avoit
chargé. La France en
fait toûjours trouver de cette
maniere- là par tout cù elle
peut en avoir beſoin , &
quelquefois des Aimées femblent
naiftre dans des lieux ,
où il n'y avoit peu auparavant
aucune apparence qu'on
Juin 1691,
Y
258 MERCURE
duft voir le moindre Corps
de Troupes . Celles de M ' de
Bouflers ayant efté affemblées
de la forte entre Marche &
1
Rochefort
partirent le 30. du
mois dernier pour s'approcher
de Liege , & la tefte de
cette Armée n'en eftoit qu'à
deux lieuës le premier jour
de ce mois . Elle occupa les
hauteurs de la Chartreuse , où
les Ennemis avoient mis beau
coup de Troupes. Ils avoient
mefme
retranché ce pofte par
un foffe , dans le fond duquel
eftoit une paliffade , & ils avoient
fait devant le foffé des
GALANT 259
un
Redans fraifez & palisadez
en forme de Demy lune. Ils
occupaient pareillement
Fort qu'ils avoient fait au
Chefnay , & où il y avoir
300. hommes , & ils eftoient
encore retranchez dans les
Fauxbourgs voisins des Chartreux.
A peine Mr de Bouflers fut .
il arrivé qu'il fit travailler à
des ouvrages pour avancer
les batteries , & en fit faire
une à Robermont pour
battre la muraille des Chartreux.
Elle fut achevée la
nuit de ce mefme jour. Le
Y ij
260 MERCURE
Samedy 2. de ce mois , le
canon fe fit entendre dés le
matin , & continua juſqu'à la
nuit. On pouffa la grande
garde des Ennemis ; on dreffa
la nuit une feconde batterie
de quatre pieces , avec laquelle
on croifa fur la muraille
tout le Dimanche , & l'aprésmidy
il y avoit une breche de
quarante pas . On occupa le
fond de la Jupille pour
furer du gué de la Meufe qui
eft de ce colté- là .M' . de Bouflers
fit pofter le Regiment de
Dragons de M. le Chevalier
de Grammont entre le Fort de
s'af..
GALANT. 261
Chefnay & le Fauxbourg qui
en eft le plus voifin , & les
Troupes ennemies , qui étoient
dans le Fort,ayant vou
lu l'abandonner , furent coupées
par ce Regiment. Il y en
eut quatre-vingt tuez fur la
place, & le refte des trois cens
qui eftoient dans le Fort , fe
jetta dans la riviere où plufieurs
furent noyez. Toutes
les batteries ayant efté achevées
le Dimanche fur le midy,
tirerent avec tant d'effet qu'elles
firent perdre aux ennemis
la refolution de fe conferver
dans la Chartreuſe. On fe pré262
MERCURE
para à l'attaquer , l'on fit
l'on
fit por
ter des fafcines, mais lors qu'à
l'entrée de la nuit on y voulut
marcher , il ne s'y trouva
plus perfonne. Les ennemis
n'ofant plus fe hazarder à défendre
les Faux- bourgs les abandonnerent
, & ils furent
entierement pillez . Le Lundy
4. à fept heures du matin , on
fit avancer les batteries qui
devoient tirer des boulers rouges
, & les batteries de bombes
qui découvroient la Ville étant
en eftat , douze mortiers
ne cefferent point d'en jetter
jufques au Mardy midy , fans
GALANT. 263
>
qu'il y cuft qu'une heure ou
deux de relâche.Le même jour
à quatre heures aprés midy,on
tira des boulets rouges , ce qui
dura tout le Mercredy matin.
On vit de grands feux en cinq
ou fix endroits de la Ville
particulierement dans la gran.
de Place . Le Mardy s. fur les
fept heures du foir , quatre
cens Dragons rouges des Ennemis
qui eftoient poftez dans
des maifons du Fauxbourg
d'Amercour , & couverts de
petits retranchemens , cftant
fortis pour s'avancer du cofté
de la Chartreuse , & encloüer
le canon , furent repouſſez &
264 MERCURE :
chaffez par des Grenadiers ,
& par les détachemens qui
eftoient poftez aux environs .
On affure qu'il n'en reving
que quatorze . M. de Cligny ,
Lieutenant Colonel du Soiffonnois,
fur bleffé en cette occafion
, auffi bien que M' de
Baffelande , Capitaine , & M
Fautrier , Lieutenant du Dau
phin . Mr de la Barre, Capitaine
dans Vaubecourt , fut tué.
Une Bombe tomba dans la
Chapelle des Flamans de l'Eglife
de Saint Lambert , & il
en coufta une jambe à M' de
Bel air , fils de M' Roffieux ,
Echevin.
GALANT. 265
Echevin. Une femme fut emportée
, & le Treforier de
Saint Lambert tué. Il y cut
auffi une bombe qui tomba
dans la chambre de l'Evêque
& Prince de Liege.
La nuit du s . au 6. un détachement
d'Infanterie , & le
Regiment de Dragons de M
le Chevalier de Grammont ,
attaquerent les Ennemis qui
cftoient poftez dans plufieurs
maifons le long de la
Meufe , en allant de la Ville
au Chefnay . On les en chaffa
, & l'on brufla plus de cinquante
maifons. Les Ennemis
Juin 1691.

266 MERCURE
tirerent quatre coups de canon
de fer de la Citadelle.
L'Evêque & le Grand Doyen
qui s'eftoient refugiez dans
un Convent à l'extremité de
la Ville , ne s'y croyant pas
en feureté , en fortirent la
mefme nuit pour aller coucher
dans la Citadelle . Le 6 .
à deux heures du matin , les
Troupes du Roy attaquerent
la Bouverie que cinq cens
hommes des Troupes de Brandebourg
deffendirent avec
beaucoup de vigueur jufques
à cinq heures du matin . Les
feux continuerenr toute la
GALANT. 267
nuit , & toute la matinée du 7 .
Mr. de Bouflers , qui n'avoit
plus rien à faire pour rendre
fon expedition complette , &
qui avoit fait partir M. le
Marquis d'Harcourt le 6. avec
quatorze Elcadrons, fe mit en
marche le 7. à cinq heures du
matin avec le refte de l'Armée,
& huit pieces de canon qu'il
avoit refervées pour s'en fervir
à l'arriere garde , en cas
qu'elle fult attaquée par les
Ennemis. Ils fe prefenterent
fur le bord de la Meufe avec
deux bataillons , & plufieurs
Efcadrons , dont trois paf-
Z ij
268 MERCURE
ferent la riviere au gué , comme
s'ils cuffent eu envie de
charger les troupes qui étoient
campées vis - à - vis ,
mais ils fe retirerent à l'approche
de quelques Carabiniers
qui tirerent fur eux.
Il n'y a jamais eu d'exem .
ple que l'infidelité d'une Ville
ait efté punic plus feverement
en fi peu de temps
que celle de Liege . On y a
tiré en une heure jufqu'à cent
foixante bombes ,fuivant les
Relations écrites de la Ville
mefme , par divers particuliers.
Il eft impoflible de fçaGALANT.
269
voir le dommage que leur
coufte leur perfidie , & leur
obftination, puifque plufieurs
mois ne fuffiront qu'à peine .
pour le faire connoistre entierement
aux intereffez mêmes
. Plufieurs chofes ont
contribué à laiſſer agir le feu
dans toute la violence . Les
Bourgeois trop effrayez de la
quantité & du grand effet des
bombes , ont prefque tous
abandonné leurs maifons
aimant mieux hazarder leurs
leur vie , & quand
·
biens
que
ils
auroient
voulu
la
rifquer
,
ils
n'auroient
travaillé
que
Z iij
270 MERCURE
pour les Soldats qui les pilloient
, fous pretexte de les
en
vouloir fecourir. D'ailleurs ,
il cftoit mal aifé que ce feu
ne fe communiquaft , les
maifons eftant trop preffées
& les rues de traverfe trop
étroites, outre que le canon
tiroit fi
frequemment
mefme temps qu'on jettoit
des bombes , qu'on ne pouvoit
travailler à en éteindre le
feu fans s'exposer à uneperte
manifefte. Auffi les Troupes
de la Garnifon pilloient- elles
moins les maifons où le feu
avoit pris que les autres : ce
GALANT. 271
qui leur eftoit facile , parce
qu'elles s'eftoient répanduës
dans les ruës , dans les marchez
, dans les grandes places,
& fur tout dans toutes les
avenuës , afin d'empêcher que
les Bourgeois ne s'affemblaffent
pour parler d'accommodement.
Ainfi pour peu qu'-
elles s'entendiffent , il leur étoit
aifé de piller des quartiers
entiers . C'est à quoy elles
n'ont pas manqué , & fur tout
les Troupes de Brandebourg.
On affeure mefme qu'il eftoit
défendu aux Bourgeois de les
en empécher fur peine d'eftre
Z iiij
272 MERCURE
pendus , nyl de prendre les
armes. Jugez de l'état où cette
Ville s'eftoit miſe par ſa
faute, puifque d'un cofté elle
n'avoit point de plus grands
Ennemis que ceux qui devoient
veiller à fa conferva .
tion , & qu'elle eftoit obligée
d'en tout fouffrir , de crainte
qu'ils ne caufaffent fa. ruine
entiere , & que d'un autre
coftéfe reprochant ce qu'elle
avoit fait contre le Roy , &
devant encore en apprehender
d'autres chaſtimens , elle
ne pouvoit fe refoudre à prendre
les armes contre ce MoGALANT.
273
narque . Des Relations écrites
mefme par des Habitans de
Liege , portent que les deux
ruës les plus marchandes ont
efté entierement ruinées , &
qu'il y a peu de maiſons qui
n'ayent efté tout à fait reduites
en cendres , ou qui ne
foient fort endommagées
.
Une partie de l'Eglife Cathedrale
de faint Lambert a
cſté brûlée , ainſi que de la
Maifon de Ville. L'Eglife de
fainte Catherine
a efté enveloppée
dans l'embrafement
.
Le bas du Pont des Arches ,
la Madeleine , le fouverain
274 MERCURE
Pont , & generalement tout
ce qui eft outre Meufe , les
environs de la Place où logeoient
les plus gros Marchands
qui avoient de grands
Magazins de toutes fortes de

Marchandifes, ont efté entic .
rement confumez & l'on
pretend qu'une feule Marchande
en a perdu pour plus
de cent mille écus . Les flames
fe voyoient de Maſtric ,
où ceux qui pûrent ſe ſauver
fe refugierent . Ainfi non feulement
ils ont perdu leurs
Marchandifes, mais leur commerce
fe trouve par là ruiné
GALANT. 275
pour longtemps. On avoit
vuidé des Magazins entiers
pour en remplir des caves .
mais le feu n'ayant point efté
éteint , les voûtes ont enfoncé
, & tout ce qu'on croyoit
fauver a cfté réduit en cendre,
de forte que la perte va audelà
de tout ce qu'on peut
s'imaginer. Les Alliez n'ou
blient rien pour en cacher la
plus grande partie , & l'on ne
voit que des Relations qui
déguifent la verité. Ils ont
raifon de le faire , puis que
rien ne leur eft plus honteux
que le chaftiment
que le Roy
276 MERCURE
a fait fentir à la Ville de Liege.
Non feulement Sa Majesté
s'en eft vangée par cette punition
, mais Elle a fait voir
la foibleffe de fes Ennemis à
ceux qui fe mettent fous leur
protection. Cette protection
eft dangereufe , puis qu'elle
devient inutile dans l'occafion
, & qu'elle augmente
'mefme le mal de ceux qui
font affez credules , & affez
imprudens pour en efperer
quelque fecours .
Je vous envoye une Lettre
que M' le Vicomte de la
GALANT. 277
Neuville , Envoyé du Roy
de Pologne à la Cour de Hanover
, & au Gouverneur des
Pays-bas , à écrite à un de ſes
Amis à Paris . Elle vous fera
connoiſtre que tous les Alliez
ne font pas fort contens les
uns des autres.
A Lingen ce 22. May 1691 .
je
vousfaſſe reſſouvenir
d'un
A Gréez,Monfieur,que je
de vos ferviteurs qui fe fait un
fort grand plaifir de marcher
tous les jours pour avoir bientoft
l'honneur de vous voir , &
de vous rendre compte de bouche
278 MERCURE
de tout ce qu'il a entendu dire
de vous à Monfeigneur le Duc
d'Hanover , & à toute fa Cour,
de qui j'ay esté receu le plus
agreablement du monde , & qui
auroit voulu me faire oublier que
le Roy mon Maistre m'envoye
exprés de Varfovie à Bruxelles
pour ses affaires , au fujet de
quelques Vaiffeaux de fes : Sujets
pris & arrestez à Oftende,
dont il demande , non feulement
reftitution , mais mefme fatisfaction,
fans quoy il declare qu'il
ne penfera nullement à fe mettre
cette année à la Tefte defon Armée,
comme l'Empereur l'en fait
GALANT: 279
prier tres- inflamment par le Comte
de Thun qu'il luy vient d'envoyer
à cet effet. Voilà , Monfieur,
ce qui me fera voir bien
toft mes amis ; car je croy que
la bonne fortune des Alliez, &
l'espérance de cette Campagne les
rendra fi fiers , qu'ils ne feront pas
grand cas des plaintes de leurs
Alliez contre les Turcs . Le Roy
m'ayant chargé d'une lettre de
créance pour Monfigncur le Duc
d'Hanover au fujet de la mort
du Prince Augufte fon fils , ce
Prince ne s'eft pas contenté de
faire rendre au caractere les honneurs
accoustume , mais par un
280 MERCURE
excés de bonté pour moyil m'a
fait défrayer pendant monfajour
à fa Cour , & regalé d'un prefent
à mon départ , avec mille
inftances deféjourner encore quelque
temps. Vous ne ferezpoint
Turpris qu'il ait ainfi traité l'Envoyé
du Roy de Pologne . Peuteftre
auffi ne le ferez- vous point
des graces qu'il a faites à celuy
qui eft parfaitement Voftre, &c.
Mr le Duc de Noailles ,
General de l'Armée du Roy
en Catalogne , ayant deffein
de faire le Siege de la Ville
d'Urgel en Cerdagne,, appelGALANT.
281
lée La Seu d'Urgel , le Siege
d'Urgel , à cauſe de l'Eveſché
qui y eft détacha M' le
Comte de Chaferon , Licutenant
General , avec fix Batailtaillons
, & mille Chevaux ou
Dragons que ce Duc avoir
fait demeurer à cette intention
dans le Capfir , en entrant
par le Pays de Foix. Mr
de Chaferon inveftit la Place
la nuit du 4. au 5. aprés avoir
paffé le Pont de bois avec
I'Infanterie , compofée d'un
Bataillon de Normandie , de
trois Bataillons d'Erlac , d'un´
Bataillon du Gaft , & du Re-
Juin 1691.
A a
282 MERCURE
giment de Noailles . La Cavalerie
eftoit compofée de
fix Compagnies de Poinfegut,
du Regiment de Montbas ,
de fix Compagnies de Dragons
de la Salle , des Miquelets
, & des Barratins . Les Ennemis
ayant rompu les chemins
ordinaires , on travailla
à les raccommoder
. D. Jofeph
d'Agullo qui commandoit
dans Urgel , obligea les Chanoines
de demeurer dans la
Ville , dont l'Eglife eft forte
& paliffadée. Il avoit fait
fait cune espece de Demy- lune
de rerre devant la Porte , &
GALANT. 283
L
beaucoup de Payfans & de
Miquelets y eftoient entrez
par fon ordre . Cependant
M' de Noailles marcha avec
l'Armée par Mont- Louis &
Puycerda , & fit l'entrepoft
du Siege à Belver , qui eſt
l'entrée des Montagnes
, à
quatre lieuës de Mont- Louis .
Il y cut de grandes difficultez
à faire mener le Canon ,
& l'on ne put le faire avancer
fans fe fervir de la Mine
pour rompre des rochers en
plufieurs endroits , ce qui ,
fut caufe que le Viceroy cut
le temps d'affembler le plus
A a ij
284 MERCURE
de Troupes qu'il put. M' de
Noailles , qui par la grande
connoiffance qu'il a du Pays
comprit au mouvement des
Ennemis , qu'ils avoient deffein
d'entrer en Cerdagne ,
& d'y attaquer le poste de
Belver , qui eftoit ce qu'ils
pouvoient faire de plus utile
pour eux , refolut de demeurer
dans ce mefme pofte,pour
leur faire tefte de ce cofté- là ,
rien ne luy pouvant eſtre fi
important que de le conferver
, puis qu'il luy eftoit tresneceffaire
,, non feulement
pour garder la communicaGALANT.
285
tion avec Mont - Louis d'où
il tiroit toutes fes Munitions
de guerre & de bouche , mais
encore pour affeurer ſon retour.
Il fit faire un grand
amas de farines & de munitions
dans fon Camp pour les
Troupes qu'il avoit avec luy,
& pour celles du Siege . Il fit
venir auffi quatre petites picces
de Mont- Louis , & fe mit
en eftat de ne pouvoir eftre
forcé de quitter ce pofte . M
de la Princherie avoit marché
avec tous fes Miquelets du
cofté de la Seu d'Urgel par le
Val de Ribe . Nos Fufeliers de
286 MERCURE
Montagne fe batirent contre
les Ennemis avec beaucoup
d'avantage . Ils firent quelques
Prifonniers & outre
plufieurs Bleffez , il y eut un
Capitaine de Miquelets d'Efpagne
tué. Il s'appelloit Cap
de Furte. Le Viceroy mefme
qui eftoit à Vich où eftoit le
rendez - vous de fes Troupes ,
s'avança jufqu'à Bergue , &
fembloit par cette marche
vouloir attaquer Mr de Chaferon,
quoy que les paffages
fuffent extremement diffici
les ; mais s'en cſtant retourné
à Vich , Mr de Noailles conGALANT.
287
nut avec certitude que cette
marche n'avoit cfté qu'une
feinte , pour luy faire abandonner
le Pofte qu'il occupoit
, & qu'il n'avoit garde
de quitter. Cependant comme
il cftoit important de preffer
le Siege , ce Duc envoya deux
Bataillons avec Mr de Juvigny
, Brigadier , outre les
deux de Leifler quiefcortoient
le Canon, & ayant appris que
M' de Chaſeron ſe trouvoit
indifpofé de quelque attaque
de goutte , il fut fur le point
de monter à cheval pour aller
au Siege faire attacher leMi288
MERCURE
neur , & donner l'affaut fans
attendre le Canon ', qui eſtoir
depuis deux jours à un quart
de lieuë de la Place , dans
l'incertitude
fi on pourroit
l'amener aux Batteries ; mais
fur la reflexion qu'il fit que
le fuccés du Siege dépendoit
abfolument de la confervation
du pofte de Belver,il crut plus
à propos d'y demeurer pour
impoſer aux Ennemis , & leur
faire croire qu'il avoit un
grand Corps de Troupes , qui
leur feroit craindre de l'attaquer.
Lors qu'il eut pris cette
refolution , il envoya M ' de
Quinfon ,
GALANT. 289
Quinfon , Maréchal de Camp
au Siege, & demeura feulavec
un Bataillon de Navarre tiré
des Garniſons , un de Joull
Etranger , mille Irlandois
trois Regimens , & la moitié
d'un de Cavalerie avec M' de
Poinſegut , Brigadier . Enfin
le Canon arriva devant la
Place., & comme la Tranchée
étoit fort prés, que les Bombes
avoient mis le feu dans quelques
maiſons , & que le Canon
avoit commencé de faire breche
, le Peuple & les Milices
craignant un aſſaut , obligerent
le Commandant à faire
Juin 1691 .
Bb
290 MERCURE
battre la Chamade le huitiéme
jour de l'ouverture de la
Ttanchée. La Capitulation
qu'il put obtenir fut de demeurer
Prifonnier de guerre
avec toute la Garniſon , compofée
de plus de neuf cens
hommes de Troupes reglées,
parmy lefquels il y avoit cent
trente-fix Officiers ; le Regiment
qu'ils appellent de Los
Colorados , qui eft des meilleures
Troupes d'Eſpagne ; une
partie de celuy de Los Amarillos
, qui eft auffi un vieux
Regiment , & douze cens
Payfans. D. Jofeph d'Agullo,
GALANT . 291
Officier general , tenoit licu
de Gouverneur dans la Place,
où il s'eftoit jetté par ordre
du Viceroy. Tous ces Prifonniers
ont efté envoyez en
Languedoc. Une Bataille perdue
n'auroit pas couté fi
cher aux Efpagnols , & l'on
eftime beaucoup plus la prife
de tant d'Officiers , & des
Troupes que je viens de vous
nommer, que celle de la Ville
qui n'a que deux foffez fecs,
& des murailles avec quelques
tours. Cette Conqueſte
fait voir la fuperiorité que les
Armées du Roy ont par tout
Bb ij
292 MERCURE
où les Ennemis ofent envoyer
dos Troupes pour s'oppofer
aux juftes deſſeins de ce Monarque.
Voicy un état de celles d'Ef.
pagne , tant Officiers que Sol .
dats , qui ont efté faits prifonniers
de guerre dans la Seu
d'Urgel le II . de ce mois .
Dom Jofeph d'Agullo , Officier
general , qui commandoit
dans la Place .
Un Major .
Un Aide Major.
Officiers de Cavalerie , 9
Officiers da Terce de Los
Colorados. 117
GALANT. 293
Officiers du Terfe de Los
Amarillos. 26
Capitaines de Miquelets, 7
Cavaliers ,
46
Soldats du Terfe de Los
Colorados , 500
Soldats du Terfe de Los
Amarillos,
Miquelets ,
Soldats à l Hôpital .
Total ,
164
38
17
924
Il y avoit outre cela douze
cens Payfans , à qui M' de
Noailles a permis de fe retirer
chez eux .
Je vous envoye un Madrigal
quia efté fait ſur la prise d'Ur-
B bij gel.
294 MERCURE
N
Qailles farfant faire auprés
du Rouillon ,
A fon Armée en toute occafion ,
Tout ce que feroit la plus grande,
Apprend aux plus braves Soldats,
Que leurforce eft moins dans leurs
bras
,
Que dans le Chef qui les commande.
Voicy un Journal de tout
ce qui s'eft paffé en Flandre
depuis que la Campagne cft
ouverte. Les Troupes destinées
pour former le corps d'Armée
que Mile Maréchal Duc
de Luxembourgy commande,
GALANT
.
295
s'étant affemblées entreMenin
& Courtray , ce General fe
rendit le 15. du mois paffé
au Camp de Kuerne , où
elles eftoient auprés de cette
derniere Place. Il eftoit accompagné
de Mr le Grand
Prieur , & de Mr le Duc de
Montmorency fon Fils . Son
équipage qu'il avoit laiſſé à
Valencienues ne le joignit à
ce camp que le 17 au foir. Il
ne s'y paffa rien de particulier
jufqu'au 19. les Ennemis
en eftant trop éloignez , &
n'eftant pas mefme encore
affemblez . Si toft que Mr le
Bb iiij
2.96 MERCURE
Marefchal fut averty que leur
rendez - vous étoit prés de Bruxelles
, l'envie de s'approcher
d'eux l'obligea d'aller camper
ce même jour 19.à Hauterive ,
d'où il ne décampa que le 25.
pourvenir à Arnay . C'eft une
petite Ville qui appartient à la
Maifon deNaffau . On n'y cam
pa que par la feule neceffité du
pallage . Le 26. l'Armée campa
à Leffine , où les Troupes repoferent
un jour franc . Elle
campa le 28. à Anguyen qui
appartient au Duc d'Afcot,
& où eft ce beau Parc fi agreable
, & fi renommé par
GALANT. 297
les Jardins & par les Parterres
qu'il contient . On y voit les
plus belles paliffades , & avec
le plus bel ordre qui foient
dans aucun lieu de plaifance
de l'Europe , ſi l'on excepte
Verfailles , à qui rien ne pour
ra jamais eftre comparé. L'Armée
en decampa le 29. au
matin , & M le Duc de Luxembourg
, qui avoit envoyé
Mr de Montmorency fon Fils
au devant de M' le Duc de
Chartres avec une groffe Efcorte
de Cavalerie pour l'accompagner
jufqu'au Camp ,
attendit fon arrivée pour par
298 MERCURE
tir. Ce Prince ayant
joint ,
tout alla du cofté de Thubife,
où l'Armée avoit marché
avec tous les bagages , fans
fçavoir qu'elle devoit avancer
jufques à Hall , parce que Mr
de Luxembourg voulant furprendre
les Troupes qui étoient
en garnifon dans ce
pofte , & les attaquer en bonneforme
, avoit donné l'ordre
pour Thubife , qui eft fur le
chemin à plus d'une lieuë &
demie de Hall . Le campement
fut ordonné de telle
maniere que la droite s'étendoit
jufqu'à la portée du
GALANT. 299
moufquet de cette Place , que
le Prince d'Orange avoit fait
fortifier aprés la prise de
Mons , afin de pouvoir couvrir
Bruxelles . Les Fortifications
en eftoient fort bonnes,
& trois mille hommes qui fe
montrerent d'abord fur les
Remparts firent mine de fe
vouloir affez bien deffendre,
pour ne fe rendre qu'en perdant
la vie. Le foir, M ' de Luxembourgfit
un détachement
de deux mille hommes , &
ordonna qu'on ouvrift une
Tranchée afin de les prendre
par aflaut le lendemain au
300 MERCURE
matin . On executa cet ordre.
Mr le Comte de Luxe , Colonel
du Regiment de Provence
, & Fils de M' le Duc
de Luxembourg, fit ouvrir la
Tranchée fur les onze heures
de nuit , pour faire l'attaque
du cofté de la porte de Bruxelles
. Un chemin creux &
couvert qui va de la droite
du Camp jufqu'au bord du
foffé favorifa ce deffein. Les
Travailleurs furent conduits
le plus proche de la Place ,
& auffi avant qu'il fut poffible
, & ouvrirent un boyau .
Pendant ce temps, les EnneGALANT:
301
mis tiroient
quelques coups ,
& crioient de tous les poftes
en gens allarmez , Qui Vive.
Tout d'un coup ils cefferent
de tirer , & quelques
Sentinelles
réitererent le Qui Vive.
La terreur dont ils fe trouverent
faifis ne leur permit plus
de demeurer
dans la Place .
Ils en fortirent par une porte
de derriere qui les jettoit dans
un Beis , & leur fuite fut fi
cachée aux Bourgeois , qui
avoient eu ordre fous peine
de la vie de fe renfermer
dans
leurs maiſons , & de ne point
paroiftre jufqu'au lendemain
,
>
302 MERCURE
que l'on n'auroit point interrompu
nos Travailleurs qui
continuoient toujours leurs
Travaux , fi deux Ecclefiaftiques
qui s'échapperent n'en
fuffent venus donner avis .
Si toft qu'une Sentinelle
les cut amenez au Corps
de Garde , on les conduifit
au quartier de M' de Luxembourg.
Cependant M
le Comte de Luxe s'eftant
·
avancé jufques à la palif
fade , & ayant paffé le Fof
fé , s'apperçut que la Garnifon
ne faifoit nul mouveGALANT.
303
ment , ce qui luy faifant conjecturer
qu'elle avoit aban
donné la Place , il entra dedans
avec quelques Officiers ,
& M ' l'Abbé de Riqueti qui
l'accompagnoit . Comme il
avoit efté refolu , en cas qu'elle
refiftaft, de prendre la Ville
par affaut & de la laiffer piller
, cet Abbé , qui eft auprés
de M le Duc de Luxembourg
, l'avoit prié de luy ac
corder la permiffion d'aller
avec Mr le Comte de Luxe ,
qui devoit commander les
Grenadiers , & monter à l'affaut
, afin d'entrer dans la
304 MERCURE
1
Place en mefme temps qu'il y
entreroit , & de faire fes efforts
pour fauver l'Eglife , &
empefcher qu'on ne pillaſt la
Maiſon des Peres Jefuites qui
deffervent la Chapelle de
Nôtre- Dame de Hall , où il y
a une Image miraculeuse
de
la Vierge. Il obtint d'autant
plus facilement ce qu'il fouhaitoit
que l'intention de Mr
de Luxembourg
eftoit qu'on
exemptaft les Eglifes , & qu'-
on n'y commift aucun defordre
. Ainfi quelque rifque
qu'il y cuft pour luy d'eftre
meflé parmy des Soldats a.
GALANT. 305
charnez , & que l'esperance
du butin rendoit moins propres
à écouter la raiſon , il ne
manqua point de ſe trouver
auprés de M le Comte de
Luxe qui faifoit ouvrir la
Tranchée ; mais la fuite de
la Garnifon ayant fait heureufement
avorter le deffein
de l'affaut & du pillage , &
Mr le Maréchal ayant envoyé
ordre de mettre des Corps de
Garde à toutes les portes , &
fur la Place , il alla d'abord
avec deux des Gardes de ce
General fe pofter dans l'Egli
fe , cù il demeura jufqu'à ce
Juin 1691. Cc
306 MERCURE
1
que les Corps de Garde ayant
efté mis comme on l'avoit
ordonné , il eut affurance qu'il
n'y avoit plus rien à craindre
pour ce faint lieu . M¹ de Luxembourg
entra dans la Place
le matin fur les cinq heures ,
& ordonna que l'on démoliſt
les Fortifications que les Ennemis
y avoient faites . Deux
ou trois mille Allemans ou
Suiffes furent employez à
cette expedition, & ils y trouverent
de l'ouvrage pour cinq
ou fix jours , les travaux & les
poftes de défenſes s'étant
trouvez meilleurs que l'on
GALANT. 307
n'avoit crû. Pendant qu'on
faifoit cette démolition fi
injuricufe au Prince d'Orange
, M de Luxembourg
averty que l'Armée des Ennemis
eftoit campée à Ander-
1
lechk , & que leur gauche s'étendoit
jufqu'à Bruxelles , alla
luy-mefme les reconnoiftre ,
& commanda le Piquet , la
Maiſon du Roy , & la plus
grande partie de l'Infanterie
pour le fuivre , dans le deffein
de les attaquer dans leur
Camp , ou de leur prefenter
la Bataille . Peu de temps aprés
, l'Armée entiere ayant
Cc ij
3c8 MERCURE
eſté commandée , toute l'Infanterie
joignic , à l'excep.
tion de ce qui eftoit neceffaire
pour garder le Camp.
L'Armée fut mife en bataille
à la veuë de celle des Ennemis
qui eftoit far une hauteur
, & qui fit en ce tempslà
un mouvement affez fier ,
pour le mettre auffi en Bataille
à la refte de leur
Camp. Ellos demeurerent en
veuë l'une de l'autre à la portée
du canon , & l'on crut pendant
deux heures que quelque
grande action alloit fe paffer.
Le terrain n'eftoit pas propre
GALANT. 309
pour une Bataille , mais on auroit
pû y donner un grand
combat, comme celuy de Senef.
Cependant on fe retira
fans rien faire , parce que les
Ennemis avoient l'avantage
d'un Ruiffeau
, & qu'on ne
pouvoit aller à eux fans paffer
un defilé . M ' de Luxembourg
tint Confeil de Guerre , &
aprés avoir écouté l'avis de
tous les Officiers Generaux ,
il trouva qu'il eftoit de la
dence de ramener fon Armée
au Camp de Hall . La principale
raifon qui l'obligea d'en
ufer ainfi , c'cit que les Ennepru310
MERCURE
mis eftoient poftez de telle
maniere , qu'il pouvoit ne
nous eftre pas avantageux de
les attaquer ne nous ayant
pas efté poffible de les obliger
à fe déplacer , quelques mouvemens
que nous cuffions
faits . Le Prince d'Orange n'arriva
à l'Armée que le 2. de ce
mois , & depuis ce temps il
luy eft venu beaucoup de
Troupes. Les noftres decamperent
de Hall le 5. & vinrent
camper à Braine le Comte.
Lors qu'on y fut arrivé , M
de Luxembourg détacha M
Janet, Capitaine du Regiment
GALANT. 311
de Bourgogne , & fils du Colonel
du Regiment de Milice
de Provence
, pour aller apprendre
des nouvelles du
mouvement que faifoient les
Ennemis . Il fceut en marchant
qu'ils eftoient au fourage ce
qui luy fit former le deffein
d'aller s'embufquer à portée
du lieu où ils venoient fourager
, & fur les cinq heures du
matin, les Ennemis paroiffant,
il donna fur les fourrageurs à
la veuë de leur eſcorte , & leur
prit trente chevaux , & fit
quinze prifonniers . Noftre
Armée eftoit encore le 21. à
312 MERCURE
Braine le Comte , attendant
toûjours que les Ennemis filfent
quelque mouvement . Ils
en firent un du cofté de Digon
entre Louvain & Bruxelles
, & fur cela M' de Luxembourg
avoit fait un gros détachement
de quarante Elcadrons
du cofté de Leuze ,
pour eftre à portée des lignes
où l'on difoit qu'ils avoient
fait auffi un détachement . M
le Duc de Choifcul commandoit
le noftre , & fur un faux
avis qu'on receur, on y envoya
un renfort confiderable fous
les ordres de M de Joycufe.
M

GALANT. 313
Mr le Duc de Chartres y voulut
aller , & M le Duc du Maine
, M ' le Prince de Turenne
, & Mr le Duc de Montmorency
le fuivirent , mais
un Partifan de retour ayant
afſuré M¹ de Luxembourg que
les Ennemis n'avoient fait aucun
détachement
vers les li
gnes , tout eft revenu , & nos
Troupes font à obferver ce
qu'ils feront pour choifir un
autre Camp , parce qu'il n'y
a plus de fourrages à portée de
celuy où elles font, & qu'il eft
incommode d'aller fourager
plus loin. Nos Partis battent
Juin 1691.
Dd
<
314 MERCURE
tous les jours les leurs. La nuit
du 20 au 21. nous leur en bat
times un de deux cens che
vaux avec cent cinquante des
noftres . On leur en prit quarante
, & l'on fit plus de cinquante
prifonniers, parmy lef
quels il y a huit Officiers . Le
Prince d'Orange vient de faire
des mouvemens comme s'il
vouloit affieger Dinan ou
Philippeville , ou du moins le
faire croire. Il a laiffé dix Bataillons
à Bruxelles où les peuples
font fort confternez dans
l'aprehenfion qu'ils ont qu'on
n'aille les bombarder.
GALANT. 315
La Prife de quatre Places
importantes en Italie , dans
une faifon où les feuls François
font aujourd'huy des
Sieges , n'a pas empêché qu'
ils n'ayent ouvert la Campagne
dans le temps accoûtumé
par de nouvelles Conqueftes .
M' de Carinat partit de Suze
le 27. du mois paffé avec l'Armée
qu'il commande,& ayant
pris le chemin de Veillane , il
fe rendir en deux jours devant
cette Place. Les Bourgeois
avoient abandonné la
Ville. Le Gouverneur du Chafteau
ayant réſolu de fe bien
Dd ij
316 MERCURE
défendre , fitgrand feu de fon
Canon fur noftre Cavalerie ,
dont un Capitaine de Carabiniers
fut tué . Le 29. Mr de
Carinat ordonna trois atta.
ques , & fit dreffer une Batte
rie de cinq pieces de Canon
fur une hauteur de l'autre
cofté de la Ville . On détacha
fix cens hommes des Regimens
de la Marine , de Feuquieres
, & de Sault , avec les
Grenadiers de ces Regimens
pour monter la Tranchée, &
attaquer la premiere paliffade,
aprés quoy
forcer plufieurs Redans au
il y avoit encore
GALANT. 317
pied du Chasteau , qui eft fitué
fur un roc fort élevé . Ces Re
dans eftoient foutenus avec
de la Maçonnerie feche , &
traversez par un tres- grand
nombre de paliffades . Le Canon
fut inutile pour cette
Conquefte , les Troupes commandées
ne luy laiffant pas le
temps d'agir. En effet , elles
monterent fi promptement
jufqu'à la feconde paliffade ,
malgré les bombes , les grenades
, & les pots à feu qu'on
rouloit de haut en bas, qu'elles
couperent le chemin à
ceux qui défendoient la pre-
Dd iij
318 MERCURE
du
miere paliffade , & ne leur firent
aucun quartier. Le Gouverneur
ayant perdu la plus
grande partie de la Garniſon ,
refufa d'ouvrir la porte
Chafteau à ceux qui avoient
échapé , parce qu'eftant ſuivis
des François qui les menoient
battant, il apprehendoit qu'ils
n'entraffent pefle- mefle avec
cux , de forte qu'il fit battre
la chamade , & demanda des
Oftages , mais il fut obligé
de fe rendre Prifonnier de
guerre avec cent quatre- vingt
hommes qui luy reſtoient ,
tantPiémontois qu'Allemans.
GALANT . 319
Ils fortirent le 30. au matin ,
pour eftre conduits à Suze ,
& de là à Briançon. M' le
Comte de Teffé , qui commandoit
cette attaque en qualité
de Maréchal de Camp , y
fut bleſſé d'un éclat de grenade
. M ' le Comte de Grancey
y fervoit de Brigadier.
Les deux derniers jours de
May , & les deux premiers de
ce mois le pafferent à faire
fauter les fortifications de la
Ville, auffi bien que celles du
Chafteau, où l'on trouva quatre
pieces de Canon de fonte ,
& d'où l'on retira vingt cha-
D d inj
320 MERCURE
retées de méche, 15 . milliers de
poudre 20 milliers de plomb,
& des provifions de bouche
pour trois mois . Le 3 l'Armée
décampa , & alla paffer à Rivoli
,Maifon de Plaisance de
M'de Savoye . Comme ce lieu
avoit refufé de contribuer ,
Mr du Pleffis y fit mettre le
feu , felon l'ufage de la guerre.
& abandonna le Bourg au pillage
, ainſi que dix autres qui
n'avoient point apporté les
contributions. Toute cette
journée , & la nuit fuivante,
l'Armée marcha par des défilez
, coftoyant toujours Turin
GALANT. 321
pa
d'une licue & demie , & cam
le 4. à deux heures du matin
fur deux lignes , à trois
lieues de cette Place . Elle cut
ordre pcu de temps aprés de
marcher à Carignan , & de fe
faifir du paffage du Pô . On en
approcha d'une demi - licuë
cette nuit - là , & le s. fur les
9. ou 10. heures du matin on
arriva devant Carignan avce
l'Artillerie & les Pontons par
fix chemins differens , l'Artil
leric au milicu . M'S du Pleffis
& de S. Silveſtre y joignirent
l'Armée avec la Cavalerie &
les Dragons, & pafferent à mi322
MERCURE
dy le Pô à gué au deffous de
Carignan,vis à vis un petitbois
où l'on croyoit que les Enne
mis eftoient embufquez . La
Cavalerie & les Dragons pouf
ferent jufqu'aux Portes de
Carmagnole , où ils donne
rent la chaffe à deux Com
pagnies de Gendarmes du Duc
de Savoye , & aux Barbets qui
eftoient dans les Fauxbourgs,
fans perdre que deux Dragons
de Bretagne , & cinq Chevaux.
Cependant toute l'Armée
qu'on avoit laiffée le
jour precedent , fuivit & paffa
le Po , n'ayant de l'eau qu'au
GALANT. 323
genoüil , & alla camper à une
lieuë de Carmagnole , fans a
voir trouvé aucun party ennemy.
Le 6 à quatre heures
du matin , M' de Catinat fit
un détachement de tous les
Grenadiers , & de la Cavalerie
& Dragons pour ferrer la
Ville. Če jour- là fe paffa à
pofer la grande Garde . On
fit plufieurs efcarmouches ,
& le Canon des Ennemis nous
tua quelques Chevaux . Enfin
l'Armée arriva & campa fur
une ligne tout autour de la
Place , en ligne de circonvallation.
Mr le Marquis de Bi324
MERCURE
2
ron Colonel , cftoit à la
Garde avancée fur le chemin
de Pignerol , & receut M' de
Feuquieres qui en arrivoit avec
les Regimens de Vendofme
& de Gerfey & des Ca
nons & Mortiers. Le 7. fe
paffa encore en efcarmouches
, & la nuit de ce jour- là
les Regimens de la Marine,de
Feuquieres & de Sault ouvrirent
la Tranchée en trois endroits
à cent pas de la Contrefcarpe.
Les Officiers Generaux
eftoient M ' de Bulonde,
Lieutenant General , M' de
Feuquieres , Marefchal de
GALANT. 325
Camp , & M le Duc de la
Ferté , Brigadier . Les Affiegez
ayant fait un feu terrible
de leurs Canons chargez à
cartouches tuerent cinquante
Soldats de Feuquieres , & blef
ferent M ' de Vraynes , Lieutenant
Colonel de ce Regis
ment , & deux Capitaines,
Pendant ce temps - là , la Ma
rine avança fès travaux du
cofté des Capucins , & Sault
du coſté du Moulin.fans perdre
perfonne. La nuit du 8.
au 9. M de Saint Silveftre ,
Marefchal de Camp , & M
de Famechon , Brigadier , re
326 MERCURE
feverent la Tranchée avec le
fecond bataillon de la Marine
, & les Regimens d'Artois
& de Bretagne . Ils pouf
ferent leurs Travaux fi vivement
qu'ils en vinrent à la
Paliffade , malgré le feu continuel
d'environ trois mille
hommes de Garnifon & de
dix pieces de Canon chargées
à cartouches , de forte
qu'elles auroient pû s'établir
la nuit fuivante fur l'angle
de la Contrefcarpe du Baſtion
gauche , & fur celuy de la
Place d'Armes de la Demy.
lune ; mais le Gouverneur fit
GALANT. 327
battre la Chamade le 9. à dix
heures du matin. Il y eut des
oftages donnez . Le Major du
Regiment de Piémont Ducal
fortit par la Demy-lune
du Fauxbourg , & l'on envoya
M de la Chaffagne ,
Lieutenant Colonel de Bretagne.
Les Ennemis demandoient
de fortir avec 36. Chariots
couverts, quatre Canons ,
armes & bagages pour toute
la garnifon ; mais M¹ de Catinat
ayant fait voir que la Place
feroit prife & pillée la meſme
nuit , permit feulement aux
Troupes reglées de fortir avec
328 MERCURE
leurs armes . Les milices & les
Barbets ne joüirent point du
même honneur, & il ne leur accorda
ny bagage ny canon. Ce
même jour àtrois heures aprés
midy, le Regiment de la Marine,
prit poffeffion de l'une des
portes de la Ville , & les Allemans,&
le refte de la garnifon,
compofée des Regimens de la
Croix blanche , & de Piémont
Ducal , fortirent le 10. pour
aller à Turin. La Villefetrouva
en bon état , nos canons
& nos bombes n'ayant pas
eu le temps de l'endommager.
Les Milices qui fortirent fans
GALANT. 329
armes , avoient à leur tefte le
Capitaine Sebaſtien Fachin , fameux
par la deffence qu'il a
faites les années dernieres de
la Ville de Mondovi contre la
Duc de Savoye , & qui commande
aprefent les milices
de ce quartier là pour ce méme
Duc. On a trouvé dans la
Place dix picces de canon de
fonte , & quantité de munitions
de Guerre & de bouche,
M de Catinat aprés y
avoir étably M' le Marquis du
Pleffis Belliere pour Commandant
, fit occuper les Portes de
Saluffes & de Savillan . Ainfi
Juin
1691.
Ec
330 MERCURE
voilà déja cinq places confi
derables prifes depuis le commencement
de la feconde
Campagne que les Troupes du
Roy ont ouverte cette an
née en Italie . Je vous ay déja
parlé de Veillane , & de la
bonté de fon Chafteau.
Carmagnole eft dans le
Marquifat de Saluffes à 8.ou
9. milles de Turin , & à deux
milles du Po. Elle à toûjours
paffé dans le Pays pour une
Place importante à caufe de
fa Fortereffe. Charles Ema➡
nuel Duc de Savoye s'en empara
pendant les Guerres CiGALANT.
331
viles de France , & le Duc de
Savoye a fait travailler tout
l'hyver à fes fortifications ,
fans avoir pû la deffendre
que deux jours.
Carignan eft en Piémont .
C'est une Ville qui a titre de
Principauté. Elle eſt ſituée
fur le Po , entre Turin & Carmagnole.
Savillan eft auffi enPiémont.
Charlesquint eftimoit beaucoup
fon affiette , que de
grands Capitaines ont jugée
la plus commode de l'Italie .
On tient que Philbert Ema
nuël , Duc de Savoye , avoit
Ee ij
332 MERCURE
refolu d'en faire la Capitale
de fes Eftats .
Saluffes , Ville & Marquifat
d'Italie , eft proche des
Alpes . Henry IV . l'échangea
en 1600. pour la Breffe avec
Charles Emanuël , Duc de Savoye.
La ville de Saluffes eft
l'Auguſta Vagiennorum des anciens
. Elle eft fituée fur une
agreable colline , & a un fort
beau Chafteau .
Mr de Catinat ayant cu avis
que le Regiment de Saluffes
des Troupes de M ' de Savoye,
aufquelles s'eftoient joints
deux mille cinq cens homGALANT.
333
mes des Milices du Pays ,
avoit refolu de fe jetter dans
Conis , en envoya donner
avis à M' de Feuquieres qui
fait le Siege de cette Place ,
qui détacha aufi- toft M
de Baudor , Lieutenant Colonel
du Regiment de Grammont
Dragons , avec trois
cens Maiſtres pour tâcher
d'en apprendre des nouvelles,
રે peu prés dans l'endroit où
l'on fçavoit qu'ils devoient
paffer , & prit des mefures
pour le foutenir , ſuivant les
avis qu'il recevroit . M' de
Baudot fepara fes Troupes en
334 MERCURE
deux , & n'eut pas fait cinq
cens pas qu'il rencontra un
Soldat de Saluffes , qui luy dit
que les Troupes qui fe devoient
jetter dans la Place ,
n'eftoient pas à plus de cinq
cens pas de là. Il envoya chercher
les cent cinquante Che
vaux qu'il avoit envoyez pour
les découvrir d'un autre ço
fté. Ils fe joignirent en trespeu
de temps . Il envoya avertir
M' de Feuquieres de ce
qui fe paffoit , & cependant
comme le temps preffoit , il
prit le party de charger les
Ennemis; ce qu'il fit fi vigouGALANT.
335
reufement qu'il y en eut plus
de cinq cens tuez fur la place.
Le refte fut culbuté & mis en
déroute . Il les a pourſuivis
pendant deux heures, en forte
qu'à peine en eft- il refté deux
enfemble. Quelques - uns demeurerent
prifonniers
quelques autres fe jetterent
dans la Place. Il y eut un Capitaine
de Dragons bleffé dangereuſemeut
, un Cornette, &
cinq ou fix Dragons tuez .

&
Mr de Catinat cftoit encore
campé le 17. à un quart de
licuë de Carignan , de l'autre
coſté du Pô qu'il a à ſa gau,
336 MERCURE
1
che. Sa droite s'étend du côté
de Villaſtelon . Les Ennemis
occupent tout ce qu'il y a
depuis Turin jufqu'à Moncalier
, & nos Gardes & les leurs
ne font qu'àune lieuë les unes
des autres .
L'Enigme du mois paffé a efté expliquée
fur la feconde, la troifiéme,
& la cinquiéme des voyelles qui
font l'e l'i & l'u, & qui forment ces
deux mots , jeu & vie , jeu & vie , par Mef
Beurs Rouffel Curé de Saint Eftienne
de Conches: Rouffel fils du Procureur
du Roy de la mefme Ville :
A. Turreault de la Coffonniere ,
Chanoine de l'Eglife Royale & Col
legiale de Saint Pierre d'Amiens
Gourdin , Ingenieur du Roy à la
Rochelle
:
GALANT. 337
Rochelle Pecheur ; de Befferotte
Lionnois: de la Tronche de Rouën:
Gobert de la rue des deux boules ;
G. le Boeuf, & J. Morandé, Lecteurs
Mercurialiſtes de la rue Saint Denis :
Jacques à trois lieues de Montargis:
Richard le Spirituel de la rue Saint
Martin : le Miquelet Parifien : le
petit Intendant de la rue Poupée :
I'Enfant gafté de la chaife de Mais :
La Guenuche de nion bon Seigneur:
le Jaloux bannal : le Trop fage Abbé
, le Propre Longavene & fon
bon amy Bordier Pilon Apotiquaire
& fon Gendre , tous deux
de Blois le Bourguignon traverlé
dans fes amours ; & la charmante
Veuve vangée de fon infidelle : le
Mulier Sieur de Beauvais , ancien
Mayeur de la ville de Semur : L'EG
prit de Saint Julien de la Ville d'AJuin
1591 .
Ff
338 MERCURE
valon , & l'aimable Madelon : le
Chanoine de Saint Gobert : Bellier
Cartinier M. & A. Bellier : Le
Joly Brunet du Bureau de Dreux :
le Spirituel Amant tranfi de l'Hôtel
de Ville : L. Burrau : le Conquerant
des coeurs de la rue aux
Fers : N. Pioche & fon aimable
Compagnie du Fauxbourg Saint Denis
: le Berger à l'union defirée ſufpenduë
: de Spirituel Avocat d'llliers,
les trois foeurs de la rue de
l'Evéché de Dreux , & le fpirituel
Avocat leur bon amy , le Conquerant
des Fauxbourgs de la meime
Ville, le trop bon Mouton & fa Brebis
trop cruelle du mefme lieu : le
tout aimable de la Jaquiniere de
Montargis : l'aimable Jannot de la
rue des Bourdonnois ; le fincere
amy des finceres de la Raquete ; le
GALANT. 339
:
veritable amy de la charmaute Blonde
Caqué la petite belle Gaudiche
le grand Tervobalde & fon
grand amy Labouret ; l'agreable
Blondin de la Cour de la vieille
Pofte de Normandie , & le gros
Bachus du mefme endroit ; Aubert,
ordinaire de la Mufique du Roy :
le Comte de Quermenoa ; & Marchand
de la rue de la Bucherie :
C. Hutuge d'Orleans : Le Commis
du mary - content & fa belle
blonde : Dufour Receveur du Domaine
du Roy à Moulins : Du
Four Controlleur : Gillet Apotiquaire
du mefme lieu : des
Chaftelliers : Tayleman , Paget
d'Avignon le Chaffeur feeret de
la belle Foreft de la Samaritaine :
Meſdemoiſelles Baillou de Blois :
Dufay, & fa Bonne- Amie de Vien-
:
FL ij
340 MERCURE
ne : de Marville de Vernon : Manon
Houdard , & M. Ducheſne :
la Spirituelle Manon Charpentier :
L'Abbeffe de Caffaux : l'aimable
Guyon de la rue au Lait de Dreux :
la belle Prude de la rue Serpente :
la Sapho de l'Academie d'Autun :
la plus aimable Brune de la rue aux
Féves la Dolente du quay de la
Tournelle , & fa Soeur de la Providence
la Belle toujours mafquée
de la rue S. Jacques de la Boucherie,
& la coufine à tout le monde de la
iue de Gefyre : N. D. de l'Hoftel
de Benhard : la Belle Iphigenie de
la rue Saint Avoye , & lon Achille ;
& les deux Spirituelles Soeurs du
Venitien de la rue des Foffoyeurs .
La nouvelle Enigme que je vous
envoye eft de M. le Tourneur, Regent
au College d'Avranche.
1
GALANT. 341
$25 222555225552 22
ENIGME.
S'Ei
par
I par un funefte deffein ,
Ε une injuftice extrême
Mon Pere ne me fait que pour m'em
plir le fein
Du poifon dont je dois me détruire
moj -même ;
C'eft que dans l'ordinaire employ
Où mon fâcheux fort me deftine ,
Le bien que l'on attend de moy
Ne dépend que de ma ruine i
Etpar un deftin trop fatal ,
Je ne fais aucun bien fi je ne fais
du mal.
Le Printemps dont vous allez
lire les paroles merite bien que vous
F iij
342 MERCURE
vous faffiez un plaifir de le chanter.
AIR NOUVEAU.
CEL
' Eft pour vous feuls , petits
oifeaux,
Que le Printemps a des charmes..
Parmy vos tendres coeurs l'amour eft.
fans alarmes ,
Vous gouftez fes plaifirs fans reffentir
fes maux.
S
C'est pour vous feuls petits oifeaux,
Que le Printemps a des charmes .
Vous me demandez ce que c'eft
qu'un petit Livre en Dialogues qui
fait tant de bruit depuis quinze
jours. Je vous diray à cela que c'eſt
une fuite des Affaires du Temps,
GALANT.
343
dont il a le Titre , & que le premier
Dialogue ou Entretien qui paroift
prefentement , contient les Plaintes
de l'Europe contre le Prince d'Orange.
L'Auteur , pour informer le Public
de fon deffein, dit dans fa Preface,
qu'aprés avoir fait au commencement
de srevolutions d'Angleterre
, dix Volumes des Affaires du
Temps , où quantité de pieces originales
font renfermées , le trop
grand & continuel travail avoit fait
ceffer cet ouvrage , quoy que la
fuite en fuft demandée avec empreffement
; qu'enfin pour fatisfaire
les curieux ; & avoir un peu plus
de temps pour travailler , il a refolu
de divifer par Entretiens chaque
Volume qui fuivra les dix qui ont
efté déja publiez ; qu'il donnera un
Entretien le 15. de chaque mois , en
Ff iiij
344 MERCURE
forte qu'au bout de fix mois ceux
qui voudront faire relier ces fix Entretiens
enſemble , auront de quoy
faire un volume complet, qui fera la
onzième partie des Affaires du
Tems , ce qui fera d'autant plus
facile , qu'au lieu de recommencer
à chaque Entretien les chifres qui
marquent le nombre des pages ,
on les continuera jufqu'à la fin du
fixiéme aprés quoy on recommencera
dans le même ordre la douziéme
partie desAffaires du Temps ,
afin de donner deux Volumes chaque
année. Qu'il poursuivra cet ou
vrage , tant que les affaires feront
dans une fituation à fournir une
importante matiere ; Que ces Entretiens
pourront n'eftre pas toû-
гой-
jours du mefme ftile , mais plus ou
moins ferieux , fuivant les fujets
GALANT. 345
qu'on y mettra des figures , lors
qu'elles y pourront trouver place
naturellement , & que le defir de
dire des choſes agreables & divertiffantes
, ne le fera jamais parler
contre la verité , à moins qu'elle ne
foit tellement envelopèe , qu'il foit
impoffible de la découvrir . J'ajouteray
à cela qu'on ne paye que
fept fols de cet Ouvrage , dont la
fuite paroiftra le 15. de Juillet avec
des Figures tres- curieufes ; Que le
titre Général fera toûjours , Affaires
du Temps ; mais qu'on changera
fouvent les titres & les fujets des
Entretiens , & qu'il n'y en aura
jamais plus de deux fous le mefme
titre .
Je viens d'apprendre que M. de
la Hoguette , à la tefte de fept Bataillons
, & de deux Regimens de
346 MERCURE
>
Dragons, eftant forti de la Taren
taiſe, pafla la nuit du 17. au 18. de
ce mois la montagne du petit
S. Bernard pour entrer dans la vallée
d'Aoufte , nommée par les Habitans
du Pays , Valdote , Il trouva
les Ennemis retranchez à Pont Seran
, dont ils avoient rompu le
Pont. Nos Troupes pafferent la
Doëre àgué l'eau eftoit peu groffe,
mais rapide , & ſon lit eftoit rempli
de cailloux.Il y eut un Dragon &
deux chevaux de noyez . Les Ennemis
firent affez de refiftance , ce
qui leur couta quelques Soldats , &
fut caufe du pillage. Les Dragons
commencerent & acheverent l'af
faire. Nos Troupes s'eftant avancées
vers Tuille , en trouverent le
Pont coupé mais comme la Ri
viere y eft partagée en divers petits »
GALANT. 347
bras , elles y firent plufieurs petits
Ponts . M.le Marquis d'Antin étant
paffé fur un de ces Ponts avec l'ardeur
qu'il fait paroiftre dans toutes
les occafions, tomba dens la Riviere
, & l'on crut pendant quelque
temps qu'il luy en couteroit la vie.
M. de la Hoguette trouva à propos
de faire fejourner l'Armée le 19.
Le 20. les fuyards de Pont Seran
& de la Tuille ayant jetté l'épouvante
parmy les Ennemis , qui gardoient
les montagnes , nos Troupes
n'y trouverent point d'autre
refiftance que celle que la Nature
ya mife. On n'y peut aller plus de
trois de front , entre une montagne
fort élevée & un precipice , au
fond duquel il Y a une Riviere. Le
chemin finit avant que d'entrer
dans la Valdote , dans un lieu ap
348 MERCURE
pellé le Pont - levis de pierre taillée,
où il y a effectivement un Pontlevis;
de forte qu'on ne trouve plus
ny chemin , ny montagne pour
avancer , & qu'on ne voit que
des précipices devant foy. M. de la
Hoguette fit prendre à gauche par
deffus les montagnes . On avança
beaucoup le 21. & l'on força des
retranchemens que les Ennemis
avoient fur ces montagnes. Le 22.
nos Troupes entrerent dans la vallée
d'Aoufte , & les Députez de la
Ville appellée auffi Aoufte en apor、
terent les clefs à M.de laHoguette.
Il y entraquelques Troupes , & le refte
campa au pied des murailles , qui
ont efté baſties par Cefar Augufte.
On y voit un Arc de Triomphe
prefque entier du même Empereur,
un Colylée , & plufieurs autres
1
GALANT. 349
Monumens de la grandeur des Romains.
Le 23. M. de la Hoguette
ayant décampé , marcha du coſté
d'Ivrée , & envoya M. de Gravefon
, l'un de fes Aides de Camp .
& Moufquetaire dans la Compagnie
, porter au Roy la nouvelle
de cette expedition .
>
Rien n'égale l'ardeur de nos
Troupes , qui ne trouvent rien
d'impoffible , & qui fe font fait des
paffages par des endroits que l'on
avoit jufqu'icy crus inacceffibles.
Ils ont trouvé dans la Valdote une
grande quantité de boeufs , de moutons
, de vaches , & de mulets , de
forte qu'on les donnoit dans le
Camp pour fort peu de chofe. Mr
de Thoy, Commandant de Chambery
, qui accompagnoit Mr defla
Hoguette , a receu ordre d'y reve350
MERCURE
mir pour y commander en fon abfence
, auffi bien' que dans toute la
Savoye , & fous fon autorité lors
qu'il fera de retour. Il eft demeuré
dix Bataillons en Savoye.
Toute la Flote du Roy eft en
mer dés le 25. Mr de Luxembourg
décampa le 27: de fon Camp de
Braifne le Comte , pour venir
camper à Hailne - S . Pierre & Haifne
S. Paul . On eft au chemin couvert
de Conis , & felon toutes les
apparences , les Troupes du Roy
doivent prefentement eſtre dans
la Place. Les Allemans commencent
à s'affembler à trois lieuës de
Philifbourg.
La Lettre de M. de la Brofle ,
que je vous envoyay il y a quelques
mois , vous en a fait fouhaiter une
feconde. Il m'en eft tombé une enGALANT.
35I
tre les mains , mais la trop grande
quantité de matiere dont j'ay eu à
Vous entretenir , me la fait referver
pour le mois prochain, Je fuis,
Madame , vaftre , & c.
A Paris ce 31. Juin 1691.
>
On m'affure que M. le Marquis
de la Trouffe dont je vous
mande la mort dans cette Lettre ,
eft encore vivant.
Le Sieur Guerout vend une Explication
de la Galerie de Verfailles
, en Vers , qui pourra fatisfaire
la curiofité de ceux qui ne peuvent
aller voir ces beaux Tableaux de
Mr le Brun .
22S525 25522SSESSE
Pelud
TABLE.
Cantique des Triomphes de la
France. ΤΟ
Priere pour le Roy , composée fur divers
paffages.
Vers adreffez au Roy.
Maifon de Ris.
24
37
44
Remerciementfait à l'Academie Royale
de Nifmes.
ode.
49
61
Jupiter à fa feneftre. Dialogue. 82
Lettre de M. l'Abbé Deflandes à M.
Goureau , Secretaire de l'Academie
l'Angers.
Architecture Pratique.
Hiftoire de Cromvvel.
Réjouiffances,
133
250
153
159
TABLE.
Idille. 174
Sonnets. 182
Madrigaux & Sonnets.
186
Ouvrages de M. Breffard de Montaney.
Morts.
Hiftoire.
189
197
208
Etat de noftre Armée Navale avec
l'ordre de Bataille,
243
Journal de tout ce qui s'eſt paßé au
bombardement de Liege. 253
Lettre de M. le Vicomte de la Neu-
247
ville.
Relation
de ce qui s'eft paffe
en Catalogne
à laprise de la Seu d'Ur
286
gel .
Fournal de tout ce qui s'est paffe en
Flandre depuis l'ouverture de la
294
Campagne.
Journal de tout ce qui s'eft passé dans
le Piémont , depuis l'ouverture de
Gg Juin 1691.
TABLE.
l'a Campagne.
Enigmes.
d'Orange.
315
336
Plaintes de l'Europe contre le Prince
342
Détail de ce qui s'eft passé à la priſe
de la Valdote. 345
Dernieres Nouvelles des Armées du
i Roy.
350
L
Avis pourplacer les Figures
A Chanfon Provençale doit
regarder la page 128 .
La Medaille doit regarder la page
208.
L'Air qui commence par , c'eft
pour vous feuls, petits oiſeaux, doit
regarder la page 342.
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meurs qui font les caufes des Maladies
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Lettres galantes de M. le Chevalier
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3.1.
3. liv.
La Ducheffe d'Eftramene. 2. Vol
2. liv.
3.1.
Les Dames Galantes.
Caracteres de l'Amour. 1. 1. 10. f.
Sentimens fur les Lettres & fur
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Le Mary Jaloux.
L'Illuftre Genoife .
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de l'Academie Royale d'Arles .
Le Chevalier à la Mode. 1. 1. 10. f.
La Défolation des Joüeufes.
La Devinereffe.
Artaxerxe.
La Comete.
1. 1.
1. 1.
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10. f.
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Soumis par lechott le