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1688, 01 (Lyon)
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EX BIBLIOTHECA
AUGVSTINIANA
LVGDUNENSI

2
807156
MER CURE
GALANT
DEDIE A MONSEIGNE
LE DAUPH
IANVIER
KILLE
UR
1893
N
L
DE
VILLE,
A LYON ,
Chez THOMAS AMAULRY, ruë
Merciere , au Mercure Galant.
M. DC. LXXXVIII.
AVEC PRIVILEGE DU ROY

The who a whs whs whe 安
LE LIBRAIRE
AU LECTEUR.
L'i
' On continuë à diftribuer le
Journal des Sçavans pour 8 .
fols chacun , ilya àprefent quatre
Cahiers.
Je ne vous diray rien du fuccès
de l'Opera de Phaeton , qui fe
reprefente quatre fois la Semaine
à Lyon , puis que vous & vos amis
qui l'ont veu en ont jugez fort
avantageuſement tout ce que je
vous puis mander à preſent, c'eſt
que l'on travaille journellemens
aux Repetitions de Bellerophon ,
du.Sçavant Monfieur de Corneille
5
2
de l'Academie Françoife. Je vous
puis affurer que tout y fera dans
La derniere perfection , & qu'immediatement
la Semaine d'aprés
Pâque l'on le repreſentera.
LIVRES
LIVRES
A
NOUVEAUX
depuis 1687. jufqu'à prefent.
Bregé de la Morale des Actes des Apoftres
des Epitres de S. Paul , des Epif
tres Canoniques , & de l'Apocalipfe , ou
penfées Chrétiennes fur le texte de ces Livres
Sacrez par le R. Pere Quefnel de l'Oratoire
in 12. 2. V. 5. 1.
La devotion du Calvaire du R. Pere
Craffet , 12. 20. f.
Les regles de l'Education des enfans où
il eft parlé en détail de la maniere dont il fe
faut conduire pour leur infpirer les fentimens
d'une folide pieté & pour leur apprendre
parfaitement les belles lettres, 12 .
2. vol . 3.liv.
Oraifon Funebre de Monfieur le Prince ,
par Monfeigneur l'Evêque , Comte de
Châlon , 4. rs. f.
Geta tragedie pár M. de Pechantié , 12 .
as. fols.
La Coquette où la fauffe Prude Comedie
de M. Baron , 12. 25. f.
Education des filles par M. l'Abbé Défenelon
, 12. 30. f.
Hiftoire des troubles d'Ongrie , 12. 5.
v. 7. liv . 10. f.
Oraifon Funebre de M. le Prince , par
M. l'Evêque de Meaux , 4 39. f.
Le voyage de M. le Chevalier Chardin ,
en Perfe & aux Indes Orientales , par la
Ε

Mer noire & par la Colchide , qui contient
le voyage de Paris à Hifpahan , avec dixhait
grandes figures en taille douce , tresbien
gravé & bien imprimé , ce livre n'eft
pas moins urile qu'il est divertiffant traitant
de la meilleure partie de l'Europe ; il eft di
verfifié de plufieurs fortes d'evenemens qui
rempliffe l'efprit & qui le divertiffent en
même temps , 12. 2. v. 4.) .
De la paix de l'ame & du bonheur d'un
coeur qui meurt à luy- même pour vivre à
Dieu , 12. 10. f. Tes
L'eftat de la France où l'on voit tous
Princes , Ducs & Pairs , Marefchaux de
France & autres Officiers de la Couronné
les Evéques , les Cours qui jugent en dernier
reffort , les Gouverneurs des Provinces
les Chevaliers des Ordres & enfemble des
Noms des Officiers de la Maifon du Roy &
les qualitez de leur fervices avec leurs gages
& privileges , & l'explication des fontions
de leurs Charges , comme auffi des
Officiers , des Maifons Royales , de Mon,
feigneur le Dauphin , de Monfeigneur le
Duc de Bourgogne , de Monfeigneur le Duc
d'Anjou & de Monfeigneur le Duc de Berry,
de Monfieur le Duc d'Orleans & de Madafuivant
les Ellars portés à la Cour des
Aydes ; le tout enrichy d'un grand nom
bres de figures , indouze deux volumes ; 4.
liv.
me ,
Nouvelle Bibliotheque des Auteurs
Ecclefiaftiques par Monfieut Dupin , Doteur
de la Faculté de Paris , tome deuxićme
in octavo 4. 1. 10, f.le premier tome fe
Rouve auffi pour 4.1.
Remarques Critiques fur les Oeuvres
d'Horace avec une nouvelle Traduction ,
tome fix & feptiéme , contenant toutes
les Satyres ; indouze deux volumes 4.1.
10. f.
L'Antiquité des temps rétablie & defendue
contre les luifs & les nouveaux Chro->
nologiftes, inquarto 5. 1.
Inftruction au Droit Ecclefiaftique par
Monfieur Fleury , 12. 2. v. 4. 1. Il a donné
plufieurs livres de fa compofition , comme
les moeurs des Chreftiens & Ifraëlites catechifme
historique , & choix des eftudes &
autres.
Annales galantes de Madame de Ville-
Dieu , indouze 4. vol . 3. 1 .
Heroïne Moufquetaire par Monfieur de
Prefchac indouze 4. vol . nouvelle Edition
2.1.
Les Exilés de Madame de Ville Dieu ,
12.6. vol. relié en trois . nouvelle Edition 2 .
1.5. f.
´´ L'Art de l'Aver ou nouvelle maniere de
peindre fur le papier fuivant les coloris des
deffeins qu'on envoye en Cour avec figures
par Monfieur Gautier indouze.15 . f.
Obfervations fur les Fiévres de Monfieur
Spon, Docteur en Medecine agrégé au College
de Lyon , troifiéme Edition , indouze
30. f.
Les Secrets de Madame Foucquet , tome
deuxième, zo. fols , le premier volume fe
trouve aufli dans la mefme boutique pour
20.f.
Voyage de Siam des Peres Iefuites en-
Voyez parle Roy aux Indes & à la ChiR
ne avec leurs obfervations Aftronomiques
& leurs Remarques de phifique ,de Geographic
, d'Hydrographie & d'Hiftoire , in 4.
avec 20. grandes Figures en taille douce,
7.1.
Nouveaux Dialogues des Dieux pour le
divertiffement de Monfeigneur le Duc de
Bourgogne avec plufieurs Figures en tailledouce,
12. 45. f.
Traité du Choix & de la methode des
Etudes par M. Fleury , 12.40. f.
Les Idylles de Bion & de Mofchus traduite
de Grec en Vers François , avec des
Remarques , 12.45.1.
Les Poëfies d'Anacreon & de Sapho, traduites
en Vers François , avec des Remar
ques , 12, 45. f
Relation Hiftorique de la Pologne, contenant
le pouvoir de fes Rois leur Election
& leur Couronnement ; les Privileges de la
Nobleffe,la Religion , la Iuftice , les Moeurs
& les Inclinations des Polonois , avec plu
fieurs actions remarquables par le Sieur de
Hauteville , 12. 40.I.
Defcription nouvelle de ce qu'il y a de
plus remarquable dans la Ville de Paris,feconde
édition , augmentée de plufieurs Recherches
tres-curieufes par M. Brice , 11 .
40. f.
Les Elemens de la perfection Chrétienne
ou les quatre Livres de l'Imitation de Iefus-
Christ , redigez en lieux communs , felon
l'ordre Alphabetique , 12. 40. f.
Hiftoire du Monde › par M. Ghevereau ,
in4. 1. v. 12. 1 .
Abregé des Devoirs de la vie Chrétienne
par M. Cocquelin Chancelier de Paris,
in 12. 40, f.
Hiftoire de l'Animal par Duncan , 8. 30.f
Seconde troisième partie de la Chimie
naturelle de Duncan , 8. 2. 1,
3
Reflexions nouvelles fur les cauſes des
maladies & de leurs Symptomes par M. de
S. André 12, 30. f.
L'Art de Seigner accommodé aux Princi
pes de la Circulation du Sang par un Chi
rurgien de Paris , 12. 30.6.
De Antiqua Ecclefia Difciplina Differtationes
Hiftorica Autoræ Ludovico Ellies
Dupin Sacra facultatis Theologia Parifienfis
Doctore , in 4. 6. 1. c'eft l'Autheur de la
Bibliotheque des Autheurs .
Joannis arduinij Societatis Jefus Presbiterij
de Baptifmo quæftio Triplex de Baptifmo
pro mortuis, de Baptifmo in vino de
Baptifmo in nomine Chrifti , 4. 30. [.
Inftruction fur l'Hiftoire de France & Ro
maines par demandes & par réponſes , avec.
une Explication des Metamorphofes , d'Ovide
& un Recueil de belles fentences tirées
de pluficurs bons Auteurs par M. Ragies
Brecepteur de Monfeigneur le Duc du Maine
, feconde Edition, corrigé & augmenté
de plus d'un tiers, 12. 30. f.
Effais nouveaux de Morale de l'ame de
Hommepremier Effay , 12 45 f
Vie Regle dans le monde par M. de la
Volpilliere de l'Academie, 12. 40 1.
Le bon ufage du Thé, Caffé & Chocolat,
par le fçavant M. de Blegny , Medecin ordinaire
de Monfieur, prepofé parde Roy pour
les Nouvelles Découvertes , avec quatorze
é 30
figures en taille douce , 12. 30. f.
L'Hiftoire du Pontificat S. Leon , par fen
M. Mainbour, 4. C. l.
Idem , 12 , 2. v . Paris 3 liv.
Idem de Lyon auffi en 2.vol . 12,avec
fon Portrait, tres -bien imprimé 2.1 .
Les Dialogues Satiriques & Moraux , par
Monfieur Petit de Rouen , indouze 39. f.
Le Virgile traduit en François par Mon
fieur de Martignac nouvelle Edition reveu
corrigé en beaucoup d'endroits avec plufieurs
belles figures en taille douce Impre.
fion de Paris , indouze trois vol. 5. liv.
Le grand Dictionnaire Hiftorique , ou
melange curieux des chofes facrées , & Prophanes
,& Hiftorique, enrichies des vies des
Patriarches , des Rois , des Papes , & des
Autheurs tant Anciens que Modernes , nouvelles
Edition , augmenté de beaucoup dans
le corps de l'ouvrage par Monfieur Moteri
infolio deux vol , 30. liv.
Le Livre de Jofué , les luges & Ruth, tra
duit par feu M.de Sacy, in 8. 4.1 . 10. f. Tous.
tes autres Livres de la Bible fe trouvent auffi
dans la mefme Boutique.
Les Voyages des Ambaſſadeurs de Siam ,
en France, avec leurs Harangues , & tout ce
qu'il opt vû , 12.4 v. 41.
Second Tome des Lettres du Chevalier
d'Her,par M. de Fontenelle , 12.30.f. Le premier
Tome fe diftribue aufli pour 30.f.
L'Art de Précher la parole de Dieu, conrenant
les Regles de l'Eloquence Chrêtienne,
12. 40. 1.
Examen Iuridicum , 12. 30. f.
Les Exercices de la vie interiente , ou
P'Efprit interieur , dont on doit animer les


actions durant le jour , avec une inftru&ion
*facile pour l'Oraiſon , 12. 29. f.
Lettre d'un Docteur , écrite à un Miffion
naire de la Chine, 12.10.f.
* Oraifon Funebre de Meffire Gafpar de
Semiane la Cofte , par le K. P. Paul , du
Tiers Ordre , Definiteur de la Province S..
Louis, 4.10. f.
Thing
Pratiques pour fe conferver en la prefence
de Dieu, par M. Corbon , in 24.5. C
Meditations pour tous les jours du mois ;
fur la paffion de noftre Seigneur , in 24. sef.
Inftructions familieres fur l'Oraifon
mentale pour ceux qui commencent à pra
tiquer ce faint Exercice , augmenté par M..
Corbon , in 24. 7. f.
*
Juftification des ufages de Francesfur les
mariages des enfans de Famille fans le con
fentemens de leurs parens par M. le Mere
Avocat en Parlement, 12. 30.f..
Honneurs funebres de M.le Prince , où eft:
expliqué toutes les Inferiptions , devifés Ba
tailles & la genealogie de fa mailon , par le
R. P. Meneftrier de la Compagnie de Iefus .
4.20. f. १
Effais de Morale & de Politique , on
ileft traité des Devoirs de l'homme conf
deré comme particulier & comme vivant ,
-en focieté de l'origine des focietez civiles ,.
-de l'Autorité des Princes & du Devoirs de
fujets , 12.2.v.30 f
1
Ambaffades de M. le Comte de Guille-.
ragues , & de Monfieur Girardin auprés du
-Grand Seigneur avec plufieurs Pieces cu
ricules , tirées des Memoires de tous les
Ambaffadeurs de France à la Forte , qui
foot connoistre les avantages que la Reli
gion , tous les princes de l'Europe on tiré
des Alliances faites par les François
avec Sa Hauteffe, depuis le Regne de François
I. & particulierement fous le Regne
du Roy à l'égard de la Religion , enfemble
plufieurs Defcription de Feftes , & de
Cavalcades à la maniere des Turcs , qui
n'ont point encore efté données au Public ,
ainfi que celle des Tentes du Grand Seigneur
, in 12, 20. f.
Philofophia vetus & nova Colbert, 12.6.
V. 9. liv.
Le Code du Confeil ou Reglement concernant
la procedure du Confeil Publié le
2.Juillet 1687.in 24.15.f.
Oraifons Funebre de Monfeigneur le
Prince , par le R. P. Bourdalouë prononcée
en 1687. in 4. 30. f.
Remarques fur la Langue Françoife de
M. de Vaugelas , utiles à ceux qui veulent
bien parler & bien écrire , nouvelle édition
revûë & corrigée avec des Notes par M. de
Corneille de l'Academie Françoife , 12. 2.v.
4.liv. Io fols,
Le Malheur de l'Amour , où Leonord.
d'Yvré , 12.30.f.2
Difcours fur les Anciens de M. Longe
Pierre , auteur de l'Anacreon , 12. 25.f.
Continuation des Effais de Morale , contenant
des Reflexions Morales fur les Epîtres
& Evangiles , 12.3.v. 7. liv.10.f.
Vaité de l'Eglife où refutation du Sifteme
par M. Nicole , in 12. 50. f.
Toutes les oeuvres de M. Varillas fe diftribuent
chez le Sieur.Amaulry , à Lyon ,
Sçavoir ,
Hiftoire de Charle. Neuf , in 4.2.7.12.11.
Idem in 12. 3.v. 3. I. 10. f.
Hiftoire de François premier in 4.2.vol .
12.liv.
Idem in 12. 4. V. 6.1.
Education d'un Prince , 12. 2.v. 3.liv.
L'Hiftoire des Herefies , in 4.4 V. 24. I.
Idem 12. 8. v. 14. liv.
Réponse de M. Varillas à M. Burnet , in
8. 3. liv.
L'Hiftoire de Louis douzième, 4.3.7.18.1 .
La Vie de Salomon , par M. de Choify, in
8. 2. liv.
Défaites des Armées Othomanes , par les
Armées Chrêtiennes en Hongrie & dans la
Morée , avec la prife de plufieurs Places
fur les infidelles , 12. 15. f.
Relation de tout ce qui regarde
la Mofcovie
, ſes Habitans
& leur Grand Duc , tirée
des meilleurs
Auteurs qui en ont parlé
jufqu'à prefent 1. 15. f
La Morale du S. Efprit , où les devoirs
du Chrêtien tirez des feules paroles de l'Ecriture
fainte , in octavo 3. liv.
L'oraifon fans illufions contre les Erreur.
de la faulle contemplation , in 12. 15. f.
Almanach de Milan pour l'Année 1688 . 20. f.
Almanach de Liege pour l'Année 1688. 15 .
fols.
Connoiffance des temps pour l'Année
1688.20. f.
Recueil des pieces de l'Accademie , &
Difcours prononcez à la reprefentation
des Lettres de (provifion de M. le Chancelier
, in 12.15.f.
Relation de l'Inquifition de Goa , rem
veu corrigé & augmenté de plufieurs Cha
pitre , avec plufieurs figures en taille dot
ce , in 12.40. f.
Meditations pour tous les lours de l'Année
fur les Evangiles de chaque Semaine ,
ouvrage tres- utile non- feulement aux perfonnes
Religieufes , & à celles qui cher
chent Dieu , dans le monde , mais auffi aux
Predicateurs & ? particulierement aux
Curez par Meffieurs du port Royal , 12.5 . v.
7. l. 10.f
L'Attrition fuffifante pour la remiffion
des Pechez dans le Sacreinent de Penitence ?
foutenue par les Oracles de l'Ecriture
fainte , par la doctrine des Conciles , &
par les Sentimens des Peres de l'Eglife &
des Theologienr , in 4. 2. v. 6 : l.
Défence des nouveaux Chrêtiens ) & des
Miffionaires de la Chine , du Japon & der
Indes contre deux Livres intulez la Morale ?
pratique des lefuites & l'efprit de M. Ar-.
naud , 12. 40. f.
Les grandes veritez du Chriftianifme
qui donnent la methode de bien vivre &
de bien mourir , par le R. Pere Bal de la
Compagnie de Iefus , 12. 20.f.
" Breve inftruction pour parvenir feurement
à la perfection , in 12. 15.f.
Tabularum Aftronomicarum pars Prior de
motibus Solis Luna , nec- nom de pofitione
fixarum ex ipfis obfervationibus deductis : cum
ufu tabularum cui adjecta eft Geometrica Methodus
computandarum Eclipfium per folam
triangulorum analyfim ad meridianam Parifenfem
Autore Ph. de la Hive , Regio · Mathe
feos Profeffore, Regia fcientiarum Academia
focio , 4. 3.1 .
La vie du Pere Cotonj , de, la Compa
gnie de Iesus , Confeffeur des Roys. Henry
quatrième ; & Louis Treiziéme , par le
Pere Dorleans , inquarto , 4. liv . To, fols.
La maniere de bien penfer dans les Onvrages
d'Efprit Dialogues , inquarto , `s.
livr .
liv.
lob , traduit en François , inoctavo , 4.
Penfées Chrêtiennes fur divers fujets de
'pieté , inoctavo , 30. fols .
Traité des Statuts , des Origines , Noms,
definition & divifion des Statuts , 12.2.1 .
Hiftoire d'une Dame Chrêtienne de la
Chine , ou par occafion les ufages de ces
Peuples , l'établiffement de la Keligion, les
manieres des Miffionnaires , & les exerci-
' ces de Pieté des Nouveaux Chreftiens font
expliquez , indouze , 20. f.
Aphorifmes de Controverfe où Inftructions
Catholiques, tirées de l'Ecriture des
Conciles & des Saints Peres , indouze , 40.
fols.
Hiftoire Poëtique de la Guerre , nouvellement
declarée entre les Anciens & Moder-
*nesį, indouze , 2. liv.
Le quiétifte où les Illufions de la nouvelle
Oraifon de Quiétude , indouze , 30.
fols .
Reflexions fur ce qui peut Plaire où dé
plaire dans le Commerce du Monde , indouze
, z . liv.
Le Chevalier à la Mode Comedie de M.
d'Ancourt , indouze , 25.f.
La Defolation des loueufes de Monfieur
d'Ancourt , indouze , 20 , f,'
J
Oraifon Funebre de M. le Prince de Condé
par le Pere d'Aubenton,Iefuite inquarto,
10. fols.
Lettre curieufe à un Amy dans laquelle
on fait l'Analife de la nouvelle Theologie
Mystique du Docteur Molinos , inquarto ,
10.fols.
Hiftoire des deux Conquerans de la
Chine', 8.50. f.
La Reyne de Luzitanie , indouze 3. vol.
4. liv, 10.f.
Inftruction de M. l'Evêque de S. Pont ,
ind. 30. f.
Difcours fur le Sacerdoce , ind. 40. fols .
Hiftoire des Indes Orientales , 4. 5. liv.
Réponses aux plaintes des Proteftans touchant
la prétendue perfecution de France ,
où l'on expofe le fentiment de Calvin & de
tous les plus celebres Miniftres , ind . 40. f.
Les Devoirs des maiftres & des domeftiques
par M. Fleury , ind . 40. f、
Poefies Paftorales de M. de Fontenelle
autheur du Dialogue des Morts, avec un
traité fur la nature de l'Eglogue & une Digreffion
fur les Anciens & les Modernes ,
ind.30 f.
Caractere de Theophrate , ind. 30. f.
L
Avis pour placer les Figures.
Air qui commence par, petits Oyfeaux
qui chantez vos plaifirs doit regarder
page 52.
La Medaille doit regasder la page 111.
L'air qui commence par profitons du
temps , doit regarder la page 240.
MERCURE
I
MERCURE
GALAN
TREQUE
LYON
JANVIER
1688/893 *
I les Sujets d'un
Prince qui fait les
delices de fon Peu
ple , & l'admiration
de toute la Terre , doivent
chercher à l'envy à mettre fa
gloire dans fon plus beau jour,
& principalement lors qu'il a
porté celle de l'Eftat jufques au
plus haut degré d'élevation où
Ianvier 1688. A
2 MERC VRE
elle puiffe monter , quelle joye
ne dois-je pas reffentir d'avoir
parlé des grandes & incomparables
actions de l'augufte Souverain
qui nous gouverne, au
commencement de prés de
deux cens de mes Lettres , qui
ont paffé jufqu'au fond des Indes
, & qui y font en quelque
confideration , parce qu'elles
y apprennent les merveilles.
d'un Prince, que quelque Monarques
Indiens commencent.
déja à imiter ! On voit dans la
Relation du Voyage de Siam ,
écrite par Monfieur l'Abbé de
Choify , qu'ayant demandé
des Livres à Batavia , on luy
offrit d'abord le Mercure , comme
le plus curieux qu'on cuft
en ce pays là. Il y avoit longtemps
que les Miffionnaires
établi dans ce Royaume l'y faiGALANT.
3
foient venir . Ils en traduifoient
en Siamois , tous les endroits
qui parloient de ce que
Sa Majesté fait de grand , & de
fes Conqueftes , pour les faire
lire au Roy de Siam . Ie n'avance
rien que je n'aye par
écrit. lugez par là , Madame,
combien vous devez eftre contente
de m'avoir engagé depuis
tant d'années à vous écri
re tous les mois ce qui fe paffe
de plus curieux dans le monde,
puis que vous avez contribué
en quelque façon à faire publier
la gloire du Roy. Ie vais
pourfuivre , &
commenceray
à mon ordinaire par une ac
tion éclatante de ce grand
Monarque , qui m'en fournit
toûjours non
falement pour
en faire une peinture à la tefte
de toutes mes Lettres ,
A 2
4 MERCVRE
mais encore pour en embellir
d'autres endroits . Il fembloit
qu'on ne puft rien ajoûter à
tout ce qu'a fait ce Prince en
faveur de ceux de fes Sujets
qui ont le malheur d'étre obligez
de plaider. On a vû pa
roiftre fous fon regne , un
nouveau Code Civil , & un
Criminel , avec une infinité
de beaux Reglemens , & de
fages Ordonnances fur toutes
les chofes qui peuvent donner
fujet à des conteftations . Il
n'y avoit autrefois qu'à fe prefenter
pour eftre receu Avocat
; on ne refufoit perfonne,
& il n'en coutoit qu'une fomme
tres-modique pour quelques
droits qu'il falloit payer.
Il n'en eft plus de mefme aujourd'huy
; on oblige à étudier
trois ans en droit , & fi quelGALANT.
5.
ques Avocats font prefentement
fouffrir les Parties, il faut
que leur pareffe , & quelques
interefts particuliers en foient
caufe . Les Confeillers ne font
receus qu'après avoir fait voir
leur capacité dans plufieurs
Plaidoyers , & on leur fait fubir
un examen affez rigoureux
pour leur faire peine , fi tout
ce qui a efté ordonné là - deffus
n'engageoit pas les plus pareffeux
à fe rendre habiles . Le
Roy a fait auffi de belles &
judicieufes Ordonnances für
les degrez de parenté des Confeillers
, qui pouvoient quelquefois
caufer du préjudice
aux Parties . Comme on ne
peut apporter de trop exactes
précautions pour leur faire
avoir une bonne & prompte
juftice , fans les expofer à
A. S
6 MERCVRE
d'exceffives dépenfes , tant de
Reglemens ont efté faits , que
quoy qu'il y en euft encore
quelques -uns à fouhaiter , il
fembloit qu'on n'en defiraſt
pas davantage . Cependant Sa
Majefté qui veille plus au
bien de fes Peuples , qu'ils n'ofent
eux - meimes l'attendre
de fa bonté , & qui á toûjours
les yeux ouverts fur tous leurs
befoins , s'applique fans ceffe
à chercher de feurs moyens
pour faire que la neceffité de
plaider foit moins onereuſe à
ceux qui ne s'en peuvent défendre.
C'est pour cela que
le 13. du mois paffé il fut donné
un Arreftau Confeil d'Eftat
du Roy , pour la taxe des Offices
de Procureur.Vous fçavez
Madame , qu'il n'y a point de
Profeffion , quelque utile , &
GALANT. 7
quelque parfaite qu'elle foit
par elle - mefme , dans laquelle
les particuliers de la meſme
profeffion n'introduiſent des
abus. Cela ne fe voit que trop
fouvent parmy les Procureurs
dont plufieurs foulent leurs
Parties , par une fâcheufe
multiplicité de procedures extraordinaires
, & inutiles . Enfuite
ils vendent leurs Charfur
ce pied - là , & ceux qui les
achetent
, croyent
faire peu
de mal en les imitant parce
qu'ayant acheté ces Charges
fort cher, ils feroient mal leurs
affaires s'ils en ufoient autrement.
Ileft doux de prendre ,
& les Plaideurs croiroient fe
mettre au hazard de perdre
leurs cauſes , ou du moins ,
qu'elles feroient pourfuivies
avec une dangereufe: negli-
A
4
8 MERCURE
gence , s'ils refufoient quelque
chofe. Ainfi l'on ne doit
pas s'étonner s'il y a des Procureurs
qui s'enrichiffent . Il
fuffic pour cela qu'ils foient
d'humeur à faire quantité de
procedures , & à exiger des
droits. Les Parties qui ont tout
à craindre d'eux , n'ofent leur
rien refufer ; & il y en a méme
beaucoup qui donnent fans
qu'on leur demande , ce qui
incommode fort le donneur,
qui fe trouve prefque toûjours
ruiné , s'il perd fon procés . Le
Roy voit tout , conçoit tout ,
entre dans tout , & comme il
fuit toûjours l'équité , il pourvoit
à tout par des Reglemens
utiles à tous les intereffez .
Ceux qui fervent à foulager
le plaideur , & qui luy donnent
, pour ainfi dire , la vie ,
>
9
GALANT I
en l'empéchant de fe ruiner,
oftent aux Procureurs le moyen
de rien exiger d'injufte,
& dont leur confcience puiffe
eftre chargée . Voicy l'Arreft
dont je viens de vous parler .
Lex
E Roy eftant informé du prix
exceffif des Offices de Procureurs
du Parlement, & Iurifdiction
de l'Enclos du Palais & de ceux,
du Chaftelet de Paris , & des fommes
quefe vendent leurs pratiques,
ce qui ne peut venir en partie que,
de la multiplicité des procedures,
extraordinaires & inutiles , outre,
& au préjudice des Ordonnances,
Edits & Reglemens , & à la foule
& charge des Parties ; A quoy Sa
Majesté voulant pourvoir : Oüy le
Rapport du sieur le Pelletier , Confeiller
ordinaire au Confeil Royal,
Contrôleurgeneral des Finances, Sa
A
S
ΤΟ MERCURE
Majeftéen fon Confeil , a fixéle
prix des Offices des Procureurs du
Parlement , & autres Iurifdictions
de l'Enclos du Palais , à la fomme
de douke mille livres ; & celuy des.
Offices de Procureur poftulans au
Chaftelet de Paris , à la fomme de
huit mille livres , Fait tres - expreffes
défenſes àceux qui les acquerront
à l'avenir , d'augmenter le prix au
deffus desfixations , par contre- lettre
, ou autrement, en quelque forte.
& maniere que ce fait , à peine
contre les Vendeurs de perte defdits
Offices au profit de Sa Majefte; &
contre les Acquereurs de fix mille
Livres d'amende , payable fans déport,
Veut & ordonne Sa Majesté ,
que dans les Contracts qui feront
paffez de la vente defdits Offices
foit mis une claufe expreffe , que
l'Office de Procureur vendu n'excede
point leprix fixé par le prefent
GALANT. IF
Arreſt , dont l'Extraitfera attaché
fous lecontre-feel des Lettres de
provifions quiferont expediées du
dit Office , & fait mention dans
lefdites Provifions : Et à l'égard
des Pratiques , ellesferont vendues
feparément defdits Offices de Procureurs,
à autres Procureurs qu'aux
Acquereurs defdits Offices , aufquels
Sa Majesté fait défenfes de les
achetter fous des noms & perfonnesfuppofées
, ny d'en joüir dire-
Element nyindirectement, à l'exception
toutefois des Enfans , des Gendres
, ou Héritiers ,aufquels Sa Majesté
permet de pouvoir fucceder, &
exercer les Offices de Procureurs ,
avec les pratiques dont leurs peres
ou parens defquels ils heritent ,
eftaient pourveus.
Il a efté enfuite dreffé un
Memoire en execution de l'Ar-
A 6
12 MERCVRE
ticle XII. du Titre X X XI . de
de l'Ordonnance de Sa Majeſté,
du mois d'Avril 1667. pour
cftre examiné , & enfuite procedé
à la cõfection du Tableau,
ou Regiſtre qu'elle ordonne.
Ce Memoire contient trentehuit
Articles pour les falaires
des Huiffiers ou Sergens , &
dix -huit pour ceux des Pro-.
cureurs . Il y en a auffi pour
les falaires & vacations des
Commiffaires , Subftituts , &
Notaires. On y voit encore
plufieurs Reglemens touchant.
la Chambre Civile , les Scellez,
Inventaires , Comptes, & Partages
, ainfi que touchant les..
Procés par écrit , les Criées ,..
les Baux Iudiciaires , & les..
droits du Sceau des Sentences
& du petit Seel.
Il y a vingtans ou environ
1
GALANT. T
13
-
regne,
que le Roy fit faire la pluf
part de ces Reglemens ; mais
comme le temps apporte du
relâchement en toutes chofes
, il a voulu qu'ils fuffent
renouvellez . Doit on s'étonner
aprés cela , & aprés
tant de prodiges qui font
tous les jours admirer fon
fi tout le monde demeure
d'accord que l'Empire de
I'Vnivers ne feroit pas d'une
affez vafte étendue pour fuffire
à un fi grand Prince . Ce ne
font pas feulement les François
qui ont des fentimens fi zelcz
pour fa grandeur , les Etrangers
les partagent avec nous ,
& vous l'allez voir dans ce
Sonnet Italien du Pere Ema
nuël à Martina Capucin du
Royaume de Naples. I vie
la Statue du Roy en paffant
14 MERCURE
par la Place des Victoires , &
cela luy donna lieu de faire
les Vers que je vous envoye .
Vous aurez le foin de les expliquer
à vos Amics .
#sບhາinຈ
ALLA MA ESTA
CHRISTIANISSIMA
DI LUDOVICO XIV .
Il Grande , invitriffimo
Rè delle Francie .
SONETTO.
Mre
Vje del Ciel , da cui Sourani
ardori ,
Prendono il moto , e l'Armonie le
3 ; sfere ,
Kolate : e per ornar le Reggie vere ,
Da Permefiimmortal coglieteFiori
GALANT, 15
Là Regna ilgran Luigi, i cuifplendori
Danno à Barbara luna ombre più
nr
Ond'è raggion , che dall empire e
Schiere
Habbia Serto di fielle , e non d'Allori.
Quinçi de gl'Avi onde rinova il
Zelo
Hà d'Armi illuftri fue il fenfecondo
Accio l'Arabo adufto empia di Lelo
Efe reffe Ponciul de Scettri &
iPondo
Aggiunga Mondi à queſto Mondo il
Cielo
Ch'è picciol Campo al gran Luigi um
Mondo
16 MERCURE
Monfieur l'Abbé d'Argouges
a été nommé à l'Eveſché
de Vennes en Bretagne . Il eft
Docteur de Sorbonne , & s'eft
acquis une grande eſtime dans
ce Corps . Mr d'Argouges
fon Pere a efté Intendant de la
Maifon de la feuë Reyne - Mere
; & premier Preſident du
Parlement de Bretagne . Il eft
du Confeil Royal , & il y a peu
d'hommes dans la Robe d'un
merite auffi diftingué .
En vous parlant dans ma
Lettre de Novembre des Benefices
donnez par le Roy, on
m'a fait connoiftre que je me
fuis entierement trompé dans
le premier article. Je vous ay
die que l'Abbaye de Bebrac
avoit efté donnée à Monfieur
l'Abbé du Four , Frete de Mon-
Leur Petit Bourg , Infpecteur
GALANT 17
de Cavalerie . Ce que je dois à
la verité , hi - toft qu'elle m'eft
connue , m'oblige à reparer
cette faute. L'Abbaye dont
j'ay voulu vous parler , s'appelle
Pibrac , & non pas Bebrat.
Elle eft en Auvergne , & le Roy
en a pourven Monfieur l'Ab
bé du Bourg de Malauzat ,
Frere de Monfieur le Comte
du Bourg de Bozas , Brigadier
dans les Armées de Sa Majefté ,
& Maréchal general des Logis
de la Cavalerie de France . Ce
Gentilhomme eftimé par
valeur & par fon merite , eft
Neveu d'Hector du Bourg.
Capitaine d'Infanterie dans le
Regiment de Caftellan . Aide
de Camp dans les Armées du
feu Roy Louis XIII . fous Monfieur
le Cardinal de la Vallete
Couverneur du Fort de Benes
fa
18 MERCVRE

en Provence , qui fit autrefois
la belle action de Leucate , en
forçant les Ennemis dans leurs
retranchemens à la tefte de
fon détachement où il fut
dangereufement bleffé . Il eſt
auffi petit , Neveu de Iean du
Bourg, Seigneur de Malauzat,
Lieutenant de la Compagnie
des Gendarmes de l'Amiral
d'Annebaut , & Gouverneur
d'Iffoire en Auvergne. Cette
Maifon , qui porte d'aur à
trois tiges d'épines d'argent , eft
originaire de Languedoc , &
a efté tranfplantée par diverfes
branches en Auvergne
,
Provence , Guyenne Champagne
, & Xaintonge . Elle a
donné de grands hommes dans
les emplois militaires , & dans
ceux de la Robe . Parmy ces
derniers fe trouve Antoine du
GALANT. 19
Bourg , Fils d'Anne I. du nom ,
natif de la Ville d'Alais : en
Languedoc, & qui paffant par
tous les degrez où peut mener
le Magiftrature
, parvint par
fon merite extraordinaire à
celuy de Chancelier de France
fous François Premier .
Il s'eft auffi gliffé une faute
dans ma Lettre du mois paffé ,
où en parlant de l'Abbaye de
Baffefontaine , donnée à Monfieur
l'Abbé de Bouthillier de
Chavigny, Chanoine de l'Eglife
de Tours, on a mis Rou
thillier de Champigny , au lieu
de Chavigny .
le vous ay dit dans la méme
Lettre que Monfieur le Marquis
de Nefle eftoit Colonel
du Regiment de Navarre , &
l'on m'affure qu'il eft Colonel
du Regiment de Condé . Il
20 MERCVRE
peut y avoir quelques autres
fautes fur des noms propres,
que ceux qui envoyent des
Memoires
, ne prennent pas
foin d'écrire correctement ..
La Charge d'Aumônier de
Sa Majefté qui vaquoit par la
nomination de Monfieur l'Abbé
de Brou à l'Evefché d'Amiens
, a efté donnée à Monfieur
l'Abbé de Vaubecourt ,
Docteur de Sorbonne . Tous
les Docteurs de cette Maifon ,
tant anciens que nouveaux,
parlent de luy avec de grands
avantages . Monfieur le Comte
de Vaubecourt fon Pere , eftoit
un homme de fervice , & c'eft
le premier Gouverneur François
qui ait efté mis dans Perpignan
aprés la reduction de
cette Place fous l'obeiffance
de Louis XIII.Cet Abbé a un
GALANT. 2 r
Frere Lieutenant general des
Armées du Roy , Gouverneur
de Châlons , & Lieutenant
general en Champagne , & aux
Gouvernemens des Villes &
Evefchez de Mets , & de Ver
dun , de forte
l'on
que peut
dire que cette Maifon fe diftingue
dans l'Eglife & dans
les Armes. Ce n'eft pas affez
de vous aprendre qu'une
Charge d'Aumônier vient d'étre
donnée à Monfieur l'Abbé
de Vaubecourt , il faut, Madame
, vous faire remarquer une
chofe qui me donneroit fujet
de m'étendre fur les louanges
de Sa Majefté , fi toutes fes
actions n'en meritoient pas
Ainfi je ne fais le plus fouvent
que vous les raconter fans en
tirerl'Eloge qu'elles meritentl .
Les Charges d'Aumônier du
22 MER CURE
Roy fe vendoient autrefois
tres-cher ; & comme c'eftoit
un degré prefque infaillible
pour parvenir aux premieres
Dignitez de l'Eglife , chacun
s'empreffoit pour acheter de
ces Charges , & ne regardoit
point à l'argent , quoy que le
revenu n'en fuft pas confiderable.
L'honneur qu'on avoit
d'approcher fouvent de Sà
Majefté , faifoit qu'on quittoit
rarement ces Charges fans
avoir un Eveſché & l'on vendoit
alors la Charge d'Aumônier
, pour s'attacher aux devoirs
d'Evefque. Ce n'eft plus
aujourd'huy la mefme chofe .
La confcience du Roy eft fi
delicate que dans la crainte
qu'il a qu'en achetant une
Charge d'Aumônier , on n'ait
trop en vûë la dignité de l'EGALANT.
23
pifcopat , ce Prince paye les
Charges de ceux qui font obligez
de s'en défaire & en fait
prefent à des perfonnes de mcrite.
Un pareil preſent eft fort
glorieux à Monfieur l'Abbé de
Vaubecourt , qui vient d'eftre
pourveu de celle de Monfieur
Ï'Abbé de Biou ; à qui le Roy
la payée , ainfi qu'il a déja fait
à l'égard d'une partie de ces
mefmes Charges en forte
qu'elles feront bien - toft tou
tes à luy.
Comme tout ce qui regarde ·
la pieté en eft bien receu , &
qu'on n'en fçauroit donner de
marques qui ne plaiſent à co
Prince , les Muficiens de Sa
Majefté , qui n'avoient jamais
folemnifé la Fefte de Sainte
Cecile , ont commencé cette
année à la celebrer. La folem24
MERCVRE
nité s'eft faite dans l'Eglife
Paroiffiale de Verfailles. Elle
eftoit magnifiquement parée ,
& toute brillante de lumieres .
Tout ce qu'on y chanta depuis
les premieres jufques aux fecondes
Vefpres , eftoit de la
compofition de Monfieur de la
Lande , l'un des quatre Maiftres
de Mufique de la Chapelle
du Roy , & receut de
grands applaudiffemens . Mons
fieur l'Abbé de Maurpas y fit le
Panegyrique de Sainte Ćecile
avec beaucoup de fuccés , &
tous ceux qui l'entendirent ,
rendirent juſtice à fon éloquence.
Le Roy ayant fccu la
refolution que Monfieur de la
Lande , & la pluſpart des Muficiens
de fa Chapelle , avoient
priſe de celebrer cette Fefte ,
ordonna qu'aucun d'entre eux
ne
GALANT, 25
ne manquaft de s'y trouver.
Cette Ceremonie fe doit faire
tous les ans à pareil jour.
Les actions du Roy font
fi éclatantes , fi glorieuſes , ſi
utiles à fes Peuples , & font
tant de bruit dans toute la
*
terre , que nous voyons aujourd
huy ce que nous n'avons
point d'exemple qui foit
arrivé fous aucun regne. On
a fondé des Panegyriques de
cet augufte Monarque qui fe
doivent faire tous les ans dans
de nombreufes Affemblées .
Ceux qui ne fe font jamais
mêlez d'écrire , deviennent
Orateurs ou Poëtes , pour
avoir la fatisfaction de parler
de fes grandes actions ; elles
infpirent de l'efprit , & font
faire des Ouvrages qui font
au deffus de l'âge de ceux qui
Janvier 1688. B
>
1
26 MERCURE
les compofent ; les Dames
mefme s'en mélent, & la beauté
de la matiere fair qu'elles y
réuffiffent. Tous les fujets des
prix d'Eloquence & de Poëſie ,
propofez par les Academies ,
font tirez des actions de ce
Prince ; l'Academie Françoiſe
n'en propoſe point d'autres depuis
plufieurs années ; & l'Academie
d'Angers qui a toûjours
fait la meſme choſe depuis
fon établiſſement , vient
encore d'en propofer deux . Le
premier eft pour celuy qui aura
le mieux réuffi dans la compofition
d'un Difcours dont
le fujet fera, Lesføges Ordonnances
du Roy pour la reformation de
la Justice , & l'établissement des
Leçons publiques du Droit François
dans les Univerfitez du Royaume.
Le fujet du fecond Prix qui
eft pour la Poëfic Françoiſe ,
GALANT. 27
eft fur les fentimens de refpect &
d'admiration dont les Peuples les
plus éloigne ont donné des témoignages
au Roy par de celebres ambaffades.
Ces deux Prix font deux
Médailles d'or qui feront don
nées par Monfieur de Bechameil
, Marquis de Nointel ,
Maistre des Requeftes , Intendant
de la Generalité de
Tours , & l'un des trente Academiciens
de l'Academie
d'Angers, nommez par le Roy .
Ils feront diftribuez dans l'Academie
le 14. de May prochain
, jour où ce Prince a
commencé à regner. Le Difcours
ne fera au plus que de
demy heure de lecture . Les
Vers
n'excederont point le
nombre de cent . Les Autheurs
en choiſiront la meſure , & le
B 2
28
MERCURE
Difcours & les Vers finiront
par une priere pour Sa Majefté.
Ils obferveront de ne pas
mettre leur nom àleurs Pieces
; mais feulement une Sentence
, avec un Paraphe ou
quelque autre marque , qui
fervira à diftinguer le Difcours
, & les Vers qui auront
remporté le Prix . Toutes fortes
de persones feront receues
à y pretendre, à la reſerve des
trente Academiciens qui jugeront
des Ouvrages . Il faut
qu'ils foient mis dans le dernier
jour de Mars entre les
mains de Monfieur Gourreau,
ancien Confeiller au Prefidial
d'Angers , & premier Secretaire
de l'Academie , demeurant
à Angers. I en donnera
fon reçû à ceux qui voudront
l'avoir , & le mois de
GALANT. 29
Mars finy ; toutes les Pieces
qu'on luy pourra prefenter fe
rout rejettées . On ne sçauroit
trop louer le choix que tant
d'Illuftres Academiciens ont
fait des matieres , propofécs
pour les prix & l'on peut dire
que tant qu'ils les puiferontdans
les actions du Roy , ils enauront
toujours d'éclatantes .
Ce qu'ila fait pour la Religion
en fournira eternellement ,
puifque nous voyons tous les
jours les nouveaux Convertis
s'affermir dans la vraycroyance
, & que la plufpare
de ceux mefmes qui avoient
quitté la France pour repren
dre leurs erreurs , ouvrantenfin
les yeux à la verité , fe
trouvent forcez par elle à fe
convertir tout de nouveau
Je vous ay déja parlé plufieurs
A 3
30 MERCVRE
fois de ces fortes de Converfions
que l'on ne peut foupçonner
d'avoir efté faites avec
contrainte , & vous en trouverez
encore un grand exemple
dans la Lettre que vous allez
lire.
X
(
REFLEXIONS SOLIDES
d'an nouveau Converty
en Païs de liberté.
Vor
V´S avez feeu , Monfieur
, que i'eftois en France
durant ces grands , mouvemens
qui font arrive au fuiet de la
Religion Proteftante ; mais vous
ignorez peut- eftre encore , à caufe
de votre éloignement qu'eftant
autorisé par l'exemple du grand
GALANT. A 3
nombre , i'ay fuivy le torrent impe
tueux des Converfions , & que i'a !
abiuréfincerement & de bonne for
la Religion dont i'ay eflè autrefois
unfizelé & ardent protecteur. Il
eft vray que cette action , qui eft.
pourmoy une Epoque confiderable ,
me couta beaucoup de larmes ; mais
i'ay vefcu depuis fans inquietude,
étudiant la Religion Catholique
Romaine avec toute l'application
dont j'estois capable, jusqu'à ce que
voyant plufieurs de mes Amis
ébranle chancelans dans la
Foy que j'avois embraſſee , je pris
avec eux la refolution de quitter.
la France ,pour aller chercher un
Pays où je puffe choisir librement
des deux Religions , de la Romaine
ou de la Proteftante , celle qui m'aecommoderoit
le mieux , & quiferoit
le plus felon mon gouft ; mais je fus
bien trompé dans mes esperances ,
B
4
32
MERCVRE
le Port où je m'eftois retiré comme
un Ionas fugitif, afin d'y trouver le
calme & la paix , me parut une-
Mer agitée de furieufes tempeftes
, & mon efprit alarmé ainfi
qu'un Vaiffeau abandonné du Pilote
, battu des vents & de l'orage,.
ne fçavoir quel party prendre , ng
quoy fe refoudre. Car d'un cofté
je fentois un charme Secret & un
panchant rapide qui me pouffoit
violemment à retourner dans ma
premiere Religion , qui m'a allaité,
mourry & élevé , d'un autre cofté ie
ne pouvois démentir les veritez
conftantes de la Religion Catholique
Romaine. Dans cette irrefolution
embaraffante qui déchiroit mon
coeur , & qui partageoit men efprit
en cent pensées differentes , ie lus
& relus les Livres de Controverfe
de M. Armand & de Monfieur
GALANT. 33
8
Claude , avec ceux de nos plus
fameux Autheurs ; mais toute cette
étude accablante bien loin de
fixermon choix , & d'éclaircir mes
difficultez , me ietta au contraire
dans des tenebres encore plus obfcures
, ie ne trouvois rien qui fuft capable
de me déterminer entierement
dans ces fortes de combatsfpirituels,
où i'admirois la force , le feu , la
délicateffe & le brillant de ces
grands genies qui font triompher
leur éloquence & leur profonde
érudition ; mais après tout , ie n'y
trouvois pas mon compte , cela ne
me déterminoit point , & iene con
fiderois ces fameux Combattans ;
que comme on regarde de celebres
Avocats dans le Barreau qui foûtiennent
leur reputation avec beau
coup d'éclat és quiplaidēt admira_
blement bien en leurfaveur , mais
prefque toûjours aux dépens de leurs ;
B₁ S
34
MERCURE
Parties , qui fouvent ſe ruinent
pour leur faire honneur . Plus leurs
raifons me parorffotent terraffantes
de part & d'autre , plus ie demeurois
incertain dans mon choix , &
la Iurifprudence de leurs Arrefts
décififs à leur iugement , fourniffoit
encore à mon efprit douteux des
-moyens d'un appel comme d'abus &
d'un appel tres- bien fondé felon
monfens.
la
La Religion Proteftante me
paroiffoit à certains égards , favorable
à l'amour propre, & agreable
À la nature , & il me sembloit
qu'elle avoit un airplusfimple, plus
modefte & plus Réformé que
Religion Catholique Romaine qui
donne plus à la Foy , à la Grace , &
àl'autorité des Peres . Il est vray,
que celle- cy a une pompe & une,
magnificence exterieure dans fes
Ceremonies qui ne revient pas à
GALANT.
35
1
tout le monde ; mais fi on en pene .
tre le fond , on reconnoiftra qu'ily
a dans fa Communion une pieré
folide , une fainteté de moeurs , &
une foy tres-épurée de tout ce qu'on
appelle Idolatrie c'est ce que je
fuis obligé de confeffer à la gloire
de la verité , & ce qui n'échape
pas aux bons connoiffeurs & aux
efprits clairvoyans , qui jugent
des chofes fans préoccupation , &
fans enteftement. Quand je vous
parle de laforte , Monfieur , vous
me devez d'autant plus croire que
vous vousfouvenez bien que vous
m'avez veu autrefois dans un dé
gouft furprenant ,& dans une averfron
épouvantable pour tout ce qui
venoit de la Religion Catholique
Romaine ; & cette mauvaisefituation
d'efprit où j'estois à ſon égard
eftoit fi injufte & fi deraifonnable ,
que je ne voulois iamais examiner
B 6.
36
MERCVRE
lesmatieres de cette Eglife àplein.
fond , mais ie les reiettois d'abord
dés leur premiere veuë, ex quoy vous
m'avaüerez que j'avois tres grand
tort de condamner ainfi ma partie
adverfe , fans vouloir l'entendre
dansfes défenfes. Les chofes font
tellement changées , & les verite
de cette Communion mefrapent &
me penetrent fi vivement , que ic
fens une violence terrible dés qu'il
me vient en pensée de rompre avec
elle ,pour retourner dans la Religion ,
Proteftante , à quii'ay de fenfibles.
obligations , au iugement des luges
du monde. Dans cet eftat flottant .
i'ay cherchépourenfortir une Ananie
,favant dans la Loy de Dieu ,
homme de tefte & de bon fens , &,
defintereffe , qui connoiffant par
faitement le fort & le foible , por....
tast les deux prift en main la balan
se iufte pour me faire connoistre fi
GALANT. 37
pourfaire mon falut ie devois refter
dans la Religion Romaine que i'an
vois embraẞée , ou rentrer dans la
Proteftante que ie venois d'abiurer-
Dieu n'a fait la grace de trouver
cet homme firare , qui par laforce
de fes raifons m'a déterminé à
prendre le party le plus feur Voicy
comme ils'y eft pris ...
<
Ne foyez pas furpris , me dit cet
efprit fi folide , fi penetrant , &fi
éclairé , non , ne foyez pas furpris
de la guerre inteftine qui fe paffe.
dans vous mefme. Je l'ay reffentie
comme vous ; ie parle par experience,
mais ce qui m'a determiné à
embrasser le party de la Religion,
Catholique Romaine qui a procuré
la paix à mon ame , ce n'eft pas. feulement
la fauffeté viſible de la Prophetie
de Monfieur lurien , qui n'a
fervi qu'à duper les fimples , &
qu'à tromperles ignorans , mais ça
38
MERCURE
efté la vive application que i'ay
euë à lire & àrelire plufieurs fois
la fimple expofition de la Foy , telle
que l'Eglife Romaine la profeſſe.
L'efprit de Dieu avec lequel te l'ay
tenë , m'en a donné l'intelligence
& ay reconnu qu'on fe trompera
eternellement ft on luy attribue les
abus qu'elle condamne , & fi l'on.
ne diftingue comme il faut ce qui
luy eft effentiel & capital d'avec:
ce qui ne left pas. Il est vray qu'ily
a en apparence quelque chofe de rebutant
pour nous autres nouveaux
Convertis mais fi nous en penetrons
l'efprit & le veritable caractere,
dès làvon eft obligé d'avoüer
qu'elle renferme une pureté de for
&une fainteté de moeurs qui
tent admirablement dans une infinité
de bons Religieux & Religieufes
quifuivent la voye des confeils,
& quipratiquent avec amour
éclaGALANT.
39
le faint Evangile au pied de la
lettre qui vivifie. Quoy qu'on en
puiffe dire, fes prieres &fes Orai-
Jons , qui finiffent toûjours par J.C.
nous marquent qu'elle le reconnoift
pour fon unique Mediateur &fon
feul Sauveur. Et qu'y a- t- il encore
je vous prie , de plus pur & de plus
faint que le zele infatigable de fes
Miffionnaires Apoftoliques , qui au
peril de leur vie vont porter la Foye
iufqu'aux extremitez de l'Univers,
pourlafeule gloire de noftre Dieu,
& par le mouvement du Saint
Efprit , fans confulter cet efprit
dominant qu'on attribuefans raifon
ala Cour de Rome ?
La Confeffion auriculaire, contre
laquelle ie mefuistant defois récrié,
n'eft- elle pas auffi unefage & falutaire
difcipline , qui a fait dire à
Pacien Evefque de Barcelone ,.
que l'Eglife Catholique Romaine ,
40
MERCURE
·
quia de veritables Preftres , eft la
feule Eglife qui puiffe s'attribuer legitimement
le pouvoir de remettre.
les peche , pouvoir fi utile , fi
neceffaire & fi confolant pour des
hommes pecheurs,nulle autre Eglife
n'ayant iamais ofé s'arroger ce
pouvoir tout divin donné parI. C..
mefme à fes Apoftres , & à tous
leurs fucceffeurs ?:
Que le Pain Euchariftique foit
changé au Corps de I. C. par fes
propres paroles , qui peut encore
douter de cette importante verité?
Pour may , ilmefemble que je rifque
tres-peufiie la crois , mais que je
rifque beaucoup en ne la croyant pasi
car fi jela crois , c'estparce que I....
El'a dit d'une maniere fi claire
&fi intelligible , quefi cela n'eftoit
pas , i'aurois lieu de luy répondre en
fon iugementlors qu'il me voudroie
condamner pour l'avoir cru comme
#
GALANTA
4
l'Eglife Catholique . Ie l'ay fait ,
Seigneur , appuyé fur l'autorité
infaillible de voftre divine
parole , fans y ajoûter aucun
Commentaire, & fans y mettre
rien du mien , c'eft pourquoy
fjay manqué dans cet article
de ma Foy , j'ofe dire , Seigneur
, que c'eft vous - méme
qui en eftes la caufe puis que
pour me faire croire que vous
eftes réellement dans l'adora-
Ble Euchariftie
parlé fi nettement , & d'une
maniere fi claire , que j'aurois
befoin de toute ma foy , pour
ne pas croire une verité fi certaine
& fi conftante . En effet , la
dogme de laprefence réelle n'a poins
devenin , au fentiment mefme de
M. Daillié , cet habile Miniftre...
>> vous avez
Al'égard de la participation :
de la Coupe que nous demandons,,
42 MERCURE .
nous avons nous - mefmes reconnus
qu'elle n'eftoit pas effentielle au
Sacrement de la Cene , puis que par
les regles de noftre difcipline , approuvées
dans nos Sinodes , nous
avons permis à ceux qui ont de
l'averfion pour le vin , d'aprocher
feulement leurs lévres de la Coupe
fans en rien prendre , pourved que
cela nefe falle pas par mépris . Et
fila Coupe eftoit abfolument effentielle
au Sacrement de la Cene, il
by auroit point d'occafion où on l'a
pourroit retrancher legitimement,
nulnepouvantfeparer ce que Dieu
a ioint , & malgré toutes nos répugnances
naturelles ilfaudroit abfolumentboire
de la Coupe , pour acsemplir
le Precepte de f. C. Lors
qu'il adit , Beuvez- en tous.
Mais voicy , Monfieur , ce qui
m'a defarmé , & pourquoy ie me
fuis rendu un enfant tres foumis
GALANT. 43
de l'Eglife Catholique Romaine.
C'eft fon Antiquité reconnuë il y
a fi long- temps , de l'aveu mefme
des Heretiques. Ne lifons - nous pas
dans l'Hiftoire que l'Empereur Con-
Stance qui perfecutoit faint Athanafe
, deffenfeur de l'ancienne Foy,
de la Foy Orthodoxe , fouhaitoit
qvet ardeur , au raport d'Ammian
Marcellin , de le faire condamner
par l'autorité qu'avoit l'Evefque
de Rome audeffus des autres. Or il
eft certain qu'en recherchant de
s'appuyerdecette authorité principate,
il fentoit & faifoit fentir
aux Payens & aux Heretiques
se qui manquoit à fa Secte &
bonoroit l'Eglife dont les Ariens
seftorent feparez. C'eftoit cette
mefme Eglife que les Empereurs
Infidelles attaquoient de toute leur
force dans les percutions ; ils ne
connoifforent qu'elle pour l'Eglife
44
MERC VRE
>
de Fefus - Chrift ; & quoy qu'on lug
arrachaft quelques branches , fa
bonne feve ne fe perdvit pas pour
cela ; elle reparoit fes pertes en
pouffant par d'autres endroits. Cette
Eglife ainfi toujours attaquée
jamais vaincuë toûjours combattuë
& toujours triomphan
te , eft un miracle perpetuel &
& un témoignage éclatant de l'im
mutabilité des Confeils de Dieu.
Au milieu de l'agitation des chofes
humaines , elle fe foutient toujours
Avec une force invincible par toute
la Terrez mais particulièrement
en France , où depuis douze cens
ans nos Rois & leur Royaume ont
toujours efté Catholiques unis à
L'Eglife Romaine, & au Succeffeur
de Saint Pierre. Les autres Eglifes
au contraire ont un fait malheureux
pour elles , que jamais elle
n'ont pu couvrir , qui eft celuy de
Leur nouveauté. Qu'on en dife ce

GALANT. 45
que l'on voudra , il paroiftra tou-
Yours aux yeux de toute la Terre,
que la Secte qu'ils ont establie fe
fera détachée de ce grand Corps,
de cette Eglife Catholique que
Jefus Chrift a fondée , où faint
Pierre & fes Succeffeurs tiennent le
premier rang, dans laquelle toutes
les Sectes les ont trouvez eftablis; le
moment de la feparation fera conftant
, car c'est le foible inévitable
detoutes les Sectes que les hommes
ont établies. La feule Eglife Ca
tholique, Apoftolique & Romaine,
remplit tous les ficclesprecedens, à
compter iufqu'à fefus- Chrift , par
une fuite qui ne luy peut eftre conseftée.
Les plus anciens Temples,
& les plus belles Eglifes de l'Europe
ont d'abord appartenus à cette
Eglife, & files Proteftans enpoffedent
auiourd'huy ce n'est pas par
un droit legitime , mais par force
46 MER
CURE
& par ufurpation . C'est là où nous
trouvons les cendres de nos Peres qui
eftoient Catholiques , & qui font
morts dans la Communion de Rome
que nous avons quittée il n'y a pas
long. temps fans aucunfondement.
Mais ily avoit , dit - on de la corru
ption ; & bien, il falloit s'efforcer
dereformer les maoeurs , & non pas
rompre l'unitéde la Foy , cette Robe
de Iefus- Chrift fans coûture, Ilfaloit
s'attacher à la pure doctrine des
Peres de l'Eglife qui ont vécu , qui
ont écrit d'une maniere fi fainte
& fi chreftienne ; il faloit aller
jufqu'au vif, c'est à dire , qu'il
faloitfe joindre & s'unir avec la
partie la plus faine des Fidelles ,
qui estoient toujours lickavec le
Chefvifible de Iefus - Chrift ; mais
ilne faloit pas fe feparer. C'eftoit
affurément une mauvaise refource
que d'allerfe ranger fous l'EtenGALANT.
47
dart d'un Novateur & d'un homme
particulier , fans authorité , fans
Miffion, & qui à parler modeftement
; n'eftoit pas fans crime.
Falloit- il le croire lors qu'il difoit
Venez , le Chrift eft icy.N'eftoitce
pas un nouveau Ieroboam qui
fefeparoit du Temple , qui faifoit
bande à part , & qui fuivant fon
caprice, fon humeur & fes interefts
particuliers vouloit s'eriger en Reformateur,&
fe faire Chefde Parti.
A voftre avis , en ufer comme il a
fait , n'est -ce pas imiter la conduite
cruelle & barbare d'une per
fonne, qui voulant corriger & punir
des Enfans dereglez , étoufferoit
Leur propre Mere ?
Voilà , Monfieur , ce que me dit
cet homme de tefte , & il n'en
falat pas davantage pour me déterminer
entierement à demeurer
ferme dans la foyde l'Eglife Catho48
MER CVRE
lique , Apoftolique & Romaine
Ces raifons fi convaincantes & ces
reflexionsfi folides quifrappent au
but , me toucherent le coeur fifortement
& fi vivement , que j'embraffay
mon Ananie & mon Bienfaicteur,
avec une ioye & une confolation
inexplicable , luy difant
ces paroles que faint Pierre dit à
l'Ange qui avoit rompu fes chaifnes
& qui l'avoit tiré de Prifon.C'eft
maintenant que je reconnois
que le Seigneur m'a envoyé
fon Ange pour me tirer de captivité
, & pour procurer la
paix à mon ame. Ainfi aprés
avoir pris de iuftes mesures , nous
nous déterminafmes, malgré les refpects
humains , à quitter la Hollande
& à retourner en France , noftre
bienaimée Patrie , poury there
iouir enfemble de la veritable liberté
des Enfans de Dieu .
Meffire
GALANT .
649
Meifire
François de
Grolée ,
Comte de Peyre , a efté
nommé
par Sa Majefté
l'un des Lieutenans
Generaux au
Gouvernement
de
Languedoc . Il est
d'une
ancienne
Famille du Bugey
, où eft fitué le Château de
Grolée, qui luy donne fon nom.
La
branche aifnée s'eft
éteinte
de nos jours , en la
perfonne
de Iean -
François
Comte de
Grolée
mort
jeune & fans
pofterité .Marie- Claire de Gro-
Jée ,fa Soeur, a efté mariée à Noble
Ioachim du Gros , & luy a
porté les biens de fa
Maiſon ;
Renée
Beatrix de
Grolée , autre
Soeur de
Iean -
François
époufa
Claude
d'Apchon , Seigneur
de Saint
André . De tant
de
branches qui ont
compofé
la
Famille de
Grolée ; il ne refte
que celles du
Comte de Viri-
C
Ianvier 1688 .
50 MERCVRE
ville Dauphiné , & du Comte
de Peyre . Celle du Baron de
Chafteaufort est tombée en
quenouille au commencement
de ce ficcle ; les Maifons de
Monfaucon & de Moilte en ont
herité. La Branche des Seigneurs
de Mefpieu en Dauphiné,
a finy par Alexandre de
Grolée , mort en 1680. qui n'a
laiffé qu'une Fille . Celle des
Barons de Breffieu a paffé dans
la Famille de Morges ; de Gerboules
, dans la Maifon de
Rame , & de Gelas - Leberon ;
celle de Paffin , dans les Familles
de des - Roys , & de Copiez .
Ces deux là eſtoient auffi en
Dauphiné . La branche de
Saint André de Briord en Brefſe
, eſt entrée en Viry & en
Briord . Je ne parle point des
Alliances qui font confideraGALANT.
I
bles ; je vous diray feulement
qu'il y a eu de grands hommes
- de ce nom , fçavoir , Antoine ,
Seigneur de Grolée , Chevalier
de l'Ordre de Savoye en
1410. Claude Comte de Grolée
, Chambellan du Duc de
Savoye en 1600. & Capitaine
de cent Lances ; Guy de Grolée
, Seigneur de Neyrieu ,
Confeiller & Chambellan du
Dauphin de Viennois en 1318.
Iean de Grolée fon Fils , Bailly
de Maſcon en 1349. Antoine.
de Grolée - Mevillon , Lieutenant
au Gouvernement de
Dauphiné en 1498. Humbert
de Grollée , Seigneur de Viriville
Senéchal & Gouverneur
de Lyon , Maréchal de Dauphiné
en 1429. Charles fon
Fils , Chambellan du Roy
Gentilhomme ordinaire de fa
C 2
·52 MERCVRE
Chambre en 1472. François
de Grolée Comte de Viriville,
Chevalier de l'Ordre du Roy
en4555 . Monfieur le Comte de
Peyre a époufé la Fille de
Charles de Senecterre , Mar ·
quis de Chateau - neuf , & de
Marie de l'Eprance , & Niece
du Maréchal de Senecterre .
La Genealogie de la Maifon
de Grolée , que Monfieur Allard
, Prefident en l'Election
de Grenoble , a compofée , &
qui doit eftre bien - toft mife
fous la preffe , en apprendra
davantage . C'eft de luy que
j'ay fceu ce que j'en dis aujourd'huy
. Cette Famille porte gi
ronné d'or & de fable.
Les paroles & le chant de
l'Air nouveau que vous trouverez
icy , font de Monfieur
de Guillegault , Ordinaire de
la Mufique du Roy.
GALANT . 53
AIR NOUVEAU.
Petit
Etits Oyfeaux qui ekantez
vos plaifirs ,
L'Amour qui comble vos defirs
signe de vos coeurs le trouble &
la fouffrance.
Vous fuivez une douce log ;
risfi vous reffenticz les douleurs
de l'abfence.
at eftre feriezvous auffi triftes
que moy.
Vous avez veu dans nïa
Lettre de Novembre la réponſe
qu'avoit faite une Demoifelle
à une perfonne qui luy confeilloit
d'aimer. Voicy une replique
à cette réponſe . Elle eft
galamment tournée , & je fuis
perfuadé que vous la lirez
avec plaifir.
C
3
54
MERCURE

STANCES.
Our iuger fainement desplaifirs
Pouringer
de l'Amour
Ilfaut eftre fous fon empire,
Auprés de ce grand Dieu c'est mal
fairefa Cour
De n'en parler que par oùy dire
Rendez- vous , belle Iris , réponde
àsa voix ,
Et ceffez de craindre fes peines ;
On ne voit queplaifirs , que tranf
portsfous fes loix ,
Si- toft qu'il n'est plus d'inhumaines.
Le choix d'un genereux , & fidelle
Vainqueur
Vousparoift une grande affaire ;
GALANT.
55
Laiffe en liberté foûpirer vostre
coeur "
Ce choix chez luy n'eft pas àfaire.
Vous voudrie en vain nous le
diffimuler ,
Non , ce coeur n'eft point inflexible
;
Des dangers de l ' Amour ilfait trop
bién parler
Pour n'avoir pas estéfenfible.
Laiffez-là , croyez - moy , ces iniustes
Soupçons
Dont vous pretende vous défendre
;
Si nous pechons , ce n'est qu'en fuivant
les leçons
Que chez vous nous allons apprendre..
Sans vous toujours foûmis nous
Aurions en tout temps
C 4
56 MERCVRE
Vanté nos premiers efclavages ,
Et l'on n'euft en amour iamais ven
d'Inconstants
>
S'il n'enft point eflè de volages.
32223
>
Si malgré tous fes foins , un caur
tendre ,
amoureux
Ne peut fléchir une Cruelle
Doit-il , quand il connoift qu'onfe
rit de fesfeux,
>
Brûler d'une flâme eternelle ?
Souvent une Beauté
• pour une
:
nouveau venu ,
Méprifera tous fesfervices .
Faudra-t-il que toujours pour elle
prevenu ,
Il adorefes injuftices ?
Il foupire , il languit , il fè fent
déchirer
Autemps mefme qu'il faut qu'il
change.
GALANT. $ 7
Malgré tout fon dépit il voudroit
demeurer ,
Mais fon honneur vent qu'il fe
vange ..
Recherchez les débris de quelqae
engagement.
Voyez une flame enfoibleſſe ,
La faute n'est jamais du cofté de
l'Amant ,
Mais du coftéde la Maistreffe.
Avec voftre Vainqueur mette
vous- bien d'accord ,
Oftez-luy tout lieu defe plaindre ?
Conftante ,fans foupçons , aimez
jufqu'à la mort,
Vous n'aurezjamais rien à crain
dre..
2220
Si pendant tout le cours de cette
paffion
Vous avez pour luy mefme zele,,
G
5
5.8
MERCVRE
le reponds corps pour corps , & feray
caution
Qu'il vous fera toujours fidelle ..
`
Aimez donc , belle Iris , aimez à
voftre tour
Necherchez plus aucune excufe ,,
En croyant fefauver des pieges de
l'Amour
Souvent la plus fine s'abuse..
Vous n'avez oüy parler de--
puis trois mois que des Conqueftes
de l'Empereur dans
l'Efclavonie qui a efté reduite
prefque entiere fous fon obeïffance
, & des ayantages qu'il
retire d'avoir engagé le Princede
Tranfilvanie à donner des
quartiers d'Hyver à une partie
રે
de fes Troupes, & à les entretenir
jufqu'à l'ouverture de la
Campagne prochaine . Cela
GALAN T.
59
vous ayant fait fouhaiter
d'apprendre
ce que c'est que l'Efclavonie
& la Tranfilvanie
, je
vay vous entretenir
de l'une
& de l'autre en peu de mots , &
vous faire voir dans quel em-'
barras fe trouve Miche Abaffi ,
Prince de Transilvanie
, qui
ayant fes Etats fituez entre
deux puiffans Voifins, ne peut
fubfifter
fans une neutralité
à laquelle il fant que ces deux
Voifins confentent
, ou du
moins fans une Alliance avec
le plus fort des deux , ce qui
eft caufe qu'on l'a veu fouvent,
tantoft dans les interefts
de
l'un , & tantoft dans ceux de
l'autre. Il a mefme quelque,.
fois efté contraint
de donner
des oftages de fa fidelité .
Ie ne vous parleray point de
a6
GO MERCURE
>
l'Esclavonie qu'on appelle Ge-.
nerale & fous laquelle on
comprend tout ce qu'ily a de
la Riviere de Dravve jufques .
à la Mer Adriatique , depuis .
qu'on a confondu les bornes de
la Pannonie & de l'illerie , c'eſt
à direla Hongrie, l'Eſclavonie
particuliere , la Croatie, la Dalmatie
, la Rofnie , la Servie , &
la Bulgarie . Je vous diray feu-
Icment que l'Efclavonie particuliere
eft proprement la partie
de l'ancienne Pannonie
qui eft renfermée entre les .
deux Rivieres de Dravve &.
de Savve , Pofega , Zagabria,.
Kopranitz , Gradifcha . Dovahacz
, Zanco , Valkovvacz ,
Vvalpon , laffenoos , Bonmonfter,
Petrovitha , & Sopplonka ,
en font les Villes les plus confiderables
. On tient que less
GALANT: 61
Efclavons font fortis de la Scythie.
Au commencement ils
eurent des Rois de leur Na
tion , & furent enfuite affujettis
aux Hongrois , aufquels ils .
payoient Tribut.Ils font extremement
belliqueux , & c'eft:
de ceux d'entre eux qui ont
efté faits Prifonniers pendant
leurs Guerres , que nous eft:
venu le mot d'Efclave. Leur
langue exprime beaucoup , &
on la parle dans toutes les Provinces
voisines. Ils font pref
que tous Chrêtiens Romains .
La Transilvanie eft une partie
de l'ancienne Dace . Elle eft
fituée au Couchant de la Hon .
grie , & au Levant de la Mo-.
ravie , & elle a la Valachie all
Midy , & le Mont Carpathe
au Septentrion . Les Romains
qui en furent Maiftres fous ,
622 MERCURE
Trajan , luy donnerent le nom
de Tranfilvanie à caufe des
Forefts dont elle eft environnée
auffi -bien que des Montagnes.
Les Allemands l'appellent
Sibenburgen , qui veut dire, fept
Villes à caufe des fept Villes
qu'y baftirent les Saxons . Less
principales font Hermanftad ,
Claufembourg.Vveifembourg.
ou Albe-Jule , & c . D'autres
Peuples que les Saxons fe font
établis en ce Pays- là , mais
ceux cy: l'ont mieux cultivé
que tous les autres . Sa longueur
& fa largeur font chacune
de quatre journées . Il
a efté uny dans la fuite au
Royaume de Hongrie , & il
en fut feparé en 1541. Aujour
d'huy les Princes font Electifs.
& ils ont efté jufqu'à prefent
Tributaires du Grand Sei
gneur .
·
GALANT..
632
f
Quelque plaifir que l'on
prenne à voir des Animaux .
Etrangers, foit parce qu'ilsfont
rares , foit par leur beauté ou
par quelque autre confideration
, on fait toûjours fage--
ment de s'en défier , lors qu'ils
font d'un naturel furieux &
traiftre. Ils ont beau paroiftre
apprivoifez , il fe trouve tou--
jours des momens , où ils retombent
dans la ferocité avec
laquelle ils font nez. Le Lyon
ne fçauroit ceffer d'eftre Lyon,,
& on vient de l'éprouver par
un accident funefte atrivé à
Grenoble le 4. de ce mois . On
y faifoit voir aux Curieux pour c
de l'argent deux jeunes Lyons ,,
tres -beaux & de belle taille ,
avec d'autres Animaux. L'un
de ces Lyons qui s'eftoit accoûtumé
à recevoir les careffess
1
}
64. MERCURE
d'un jeune Enfant , fans luy
avoir jamais fait le moindre
mal , ne fe trouva pas fi docile
ce jour là , & cet Enfant s'en
eftant approché à l'ordinaire ,
il s'en faifit , & luy écrafa la
tefte . Sa mort dont le bruit ſe:
répandit auffi toft , obligea
Monfieur le Marquis de Virieu
Saint André , Premier Prefidentau
Parlement de Dauphiné
, Commandant en cette
Province en l'abfence du Gou--
verneur & du Lieutenant General
, à y donner ordre . Il crut
avecfa prudence accoutumée
qu'il eftoit dangereux de laiffer
vivre des animaux fi difficiles
à apprivoifer, & qui pouvoient
caufer encore de nouveaux
malheurs . Ainfi préfera lafeureté
publique aux interefts de
celuy qui gagnant fa vicales :
GALANT .
65
faire voir , voulut les racheter
par une fomme confiderable
qu'il offrit pour l'Hofpital
general , il les envoya tuer
tous deux par plufieurs Moufquetaires
ou Soldats de la Milice
du quartier le plus proche.
2
Les Lions font faits pour
habiter les Deferts de la Libie ,
& non pas pour
eftre amenez
en France où l'on ne voit
que des Loups pour tous animaux
feroces. Il n'y en a plus
guere prefentement
aux environs
de Paris , Monfeigneur
le
Dauphin les en a purgez . La
Challe continue toûjours à faire
un de fes plaifirs . Ce nobleexercice
eft bien digne d'un
Prince , puis que la Chaffe eft
une vraye image de la guerre ,,
& qu'elle demande de l'adreffe
66 MERCURE
& de la vigueur . Monfeigneur
a beaucoup de l'une & de l'autre.
Il a quatre - vingt Coureurs
qui font les plus parfaits
de l'Europe , & peut cftre du
monde .. Il n'y a point d'exemple
, que jamais aucun Prince
en ait tant eu , ny de fi beaux.
Vous trouverez ce nombre
fort grandiors que vous ferez.
reflexion que je ne parle que
des feuls Coureurs . Il fait con--
noiftre la parfaite intelligence
de Monfieur du Mont , Efcuyer
ordinaire de Monfeigneur le
Dauphin , dans la Charge qu'il
exerce & les grands foins qu'il
prend pour répondre à fes defirs.
Ce Prince alla voir ie mois
paffé tant de beaux Chevaux ,
Il paffa dans tous les rangs , &
les trouva tous au meilleur
eftat qu'il puft fouhaiter. Ces
GALANT. 67
chevaux font l'admiration de
tout ce qu'il vient icy d'Etrangers,
qui ne peuvent fe défendre
d'avouer, que la Frace feule.
peut aujourd'huy fournir dequoy
donner de l'eftonnement
à toutes les Nations du monde ..
Les Vers fuivans font de
Monfieur l'Abbé de Roquetaillade
. C'eft un jeune Gentilhomme
des meilleures . Maifons
de Languedoc. Il écrit à
un de fes Amis für fon irrefolution
à fe marier , & fur les
ruptures eternelles des mariages
qu'on luy propoſe
A MONSIE VR .
Q
Voy c'est donc vainement ques
tout lemonde en peine.
68 MERCVRE
Te cherche une Moitié , Baron, qui
te revienne?
Par d'injuftes dégouſts tu fais teûiours
fi bien
Qu'enfin tous ces grands foins n'aboutiffent
àrien.
Te voy que tu voudrois une époufe
parfaite ;
Pour rendre là-deffus ton amefatisfaite
Attens donc que le Ciel ait tout
exprés tire
D'une cofte nouvelle une Femme à
ton gré.
Mais , cher Baron , veux tu que
je t'ouvre mon ame ;
Ta raifon eft bleffée en matiere de
Femme
Tout t'arrefte & remply d'une vaine
vapeur.
Quand il s'agit d'Hymen , les ombres
te font peur ?
Les Femmes font , croy moy , des
Animaux traitables.
GALANT. 69
Pourquoy te les peinstu fous des
traitsformidables?
Il nefaut pourtant pas aller fans
examen .
En ieune homme étourdy contracter
un Hymen ;
Mais lors que l'on a pris tous les
foins neceffaires ,
Il ne faut pas auffi fe former des
chimeres ,
Et pardes vifions , des troubles ennuyeux
:
D'un agreable Hymenfaire un monftre
odieux.
Tant de précautions d'un homme un
peu trop fage
Prefagent rarement un heureux
mariage;
Quand un Hymen au Ciel
deftin eft fait
par
le
L'on s'y fent entraifner par un
instinct Secret,
Et loin que de ces nauds noftre coeur
s'épouvante ,
70
MERCURE '
Il apeine au contraire à retenirſa
pente ;
Pour fe bien marier , leparty le
meilleur
C'est d'oublier le refte , & de fuivre
fon coeur.
Regle toy là- deffus, prend,fans tarder
, la femme ;
Qu'à toy-mefme en fecret te demande
ton ame?
Et fans de millefoins s'aller entretenir
Sur lesbiens & les maux qui t'en
peuvent venir ,
Songe que pour aller où le Cielnous
appelle ,
Baron , nos voeux fecrets font un
guide fidelle.
Mais encore une fois ne tefigure
point
De trouver une Femmeaccomplie en
tout point.
Ce n'est qu'aux feuls Romans qu'on
voit des Heroines ,
GALANT. 71
Point de Décffe ailleurs, ny de Femmes
divines ,
Point de ces noms pompeux qu'on
fait fonnerfi haut ,
A Toulouſe à Paris , chacune à fon
défaut.
L'une prodigue tout enfa magnificence
,
L'autre ne peut fouffrir laplus infte
dépense ,
L'une avide de bien nuit & iour eft
débout ;
L'autre enfa douce humeur laiffe
diffiper tout ,
L'autre voulant passer pour fort
Spirituelle
Ne vous parle jamais que cercle &
que ruelle ,
L'autre ,fotte , & n'ofant paroiflre
ny parler ,
Mene une vie obfcure , & ne fait
que filer.
Mais crois -tu qu'un Mary làdeffus
s'embarraffe ?
72 MERCURE
Ilfait tout doucement tout ce qu'il
faut qu'ilfaffe ;
Etfans craindre autrementfa Femme
, ou la prier , [ crier,
Quand elle crie , ilfort & la laiffe
Et loin d'eftre chagrin va dans les
compagnies
Rire avecfes Amis de toutes fes manies.
Mais je te prèche en vain , & ma
Mufe cft à bout,
Et cependant ton coeur à rien ne fe
refout.
Ah je vois j'omettois le point qui
te fait peine,
Tuprévois pour ton front quelque
difgrace humaine ,
Etfenfible aux affronts , tu crains
d'eftréfurpris
Dans les pieges tendus à toute heure
aux Maris ;
Vne Femme toujours, diras- tu ,n'eft
pasfage.
GALANT.
73
Ola belleraifon pour fuir le mariage
Que mauditfoit celuy dont l'efprit
tenebreux
Ofapour nos pechefemer ce fonge
creux ,
Et tournant àfon gré l'Homme vifionnaire
Luy fit un mal réel d'un mal imaginaire
!
Fadis, quand les humains n'eftoient
pasfi méchants >
On n'avoit d'autre loy que fes fecrets
penchants ,
On n'obligeoit jamais perfonne àſe
contraindre ,
Chacun fe marioit à fon gréfans
rien craindre;
Mais en ce temps maudit, depaniques
terreurs
Mettent à tout moment à la gefne
les coeurs.
Délivres - en le tien ; nefaifant rien
de lâche
Janvier 1688.
>
D
74 MERC VRE
Des fottifes d'autruy tu n'auras
nulle tâche.
Ie vous ay promis une Defcription
fort exacte de tout
ce qui s'eft paffé au Couronnement
de l'Archiduc Iofeph
aujourd'huy Roy de Hongrie .
le vous tiens parole , & vous
en envoye une plus ample &
plus remplie de particularitez ,
qu'aucune de celles que vous
pouvez avoir vûës . Je pourrois
vous dire tout ce qui a précedé
le Couronnement de ce
jeune Roy , & vous parler des
demandes qui ont efté faites
par les Eftats de Hongrie ;
mais comme ce détail m'engageroità
vous dire trop de
chofes , & que d'ailleurs je
fçay qu'on travaille à un fixié
me volume de l'Hiftoire de
GALANT,
75
Hongrie , je laiſſe à cette Hiftoire
à vous en entretenir . Le
jour de la Ceremonie du Couronnement
ayant efté arreſté ,
& l'Empereur & l'Imperatrice
s'eftant rendus à Profbourg, où
elle devoit fe faire , leurs Majeftez
Imperiales entendirent
la Meffe le 9. du mois paffé ,
dans la Chapelle du Chateau,
& entrerent fur les dix heures
dans un magnifique Caroffe ,
attelé de huit chevaux , pour
aller à l'Eglife Cathedrale de
S.Martin . Les Seigneurs Hongrois
& Allemands , tous fort
richement veftus , & montanţ
de très -fuperbes chevaux , fę
trouverent à la Place du Palais
, & commencerent la mar
che. L'Archiduc Jofeph eftoit
auffi dans un Carolle des plus
magnifiques , attelé de méme
fe
D 2
76 MERCURE
de huit chevaux , & precedoit
leurs Majeftez Imperiales qui
eftoient environnées de la
Garde des Archers du Corps .
Elles arriverent en cet ordre
à la porte de l'Eglife , au bruit
des trompettes , des tambours
& des timbales , & aux acclamations
de tout le Peuple .
L'Eglife eftoit ornée d'un
grand nombre de Tableaux ,
des Peintres les plus eftimez
tant Anciens que Modernes ,
& tendue de riches Tapifferies
. Un magnifique Theatre
à plufieurs marches avoit efté
dreffé dans la Nef , & en occupoit
plus de la moitié.Trente-
fix colomnes le foûtenoient,
& c'eftoit fur elles qu'eftoit
pofée toute la Machine . L'ordre
eftoit Dorique , & les Embelliffemens
avoient de quoy
arrefter les regards des SpectaGALANT
.
77
"
> Nonce
teurs. L'Archevefque
de Strigonie
receut leurs Majeftez
Imperiales & l'Archiduc , hors
de l'Eglife , & les conduifit à la
Sacriftie , accompagnées
du
Cardinal Bonvifi
Apoftolique
du Cardinal.
Collonits , de l'Ambaffadeur
d'Efpagne : & de celuy de Venife.
Il eftoit à la tefte de douze
Evefques , de quatorze Prelats
& Abbez , tous en habits Pontificaux
, & de tout le Clergé
de la Cathedrale . Pendant que
leurs Majeftez y furent revéftues
des ornemens Imperiaux ,
il fe fit une décharge de tout le
Canon du Chateau & de la
Ville . Elles fortirent de la Sacriftie
, & furent conduites
au Trône qu'on leur avoit
preparé . Deux Herauts d'armes
de l'Empire avec leurs con- L
D 3
78
MERCVRE
tes d'armes tiffuës d'or aux
Aigles Imperiales devant &
derriere , marchoient les premiers.
Ils eftoient fuivis des
autres Herauts du Royaume
de Hongrie , & des Provinces
qui en font fujettes , avec tous
les ornemens qui convenoient
à leurs Charges . Aprés eux venoient
les Gardes du Corps de
leurs Majeftez Imperiales, Archers
& Trabans , aayyaanntt leur
livrée de velours noir , garnie
de jaune à l'Imperiale , & derriere
cux les Comtes de Mans .
feld & de Coloredo leurs Capitaines
, veftus fomptueufement
avec des habits parfemez
de pierreries. Les Pages & les
Eftafiers fuivoient avec la même
livrée . Ils precedoient le
Clergé , qui venoit avec les
Evefques , Abbez & Prevofts,
I
GALANT. 79
tous en Chapes , & ayant la
Mitre en tefte . On vit enfuite
les Miniftres , les Princes , &
les Grands de la Cour , avec
les deux Cardinaux & les deux
Ambaffadeurs que je viens de
vous nommer. Ils marchoient
immediatement devant l'Em .
pereur , qui avoit le manteau
Imperial fur les épaules , & la
Couronne fur la tefte . Il étoit
au milieu de deux Evêques ,
& l'on portoit devant luy tous
les ornemens Imperiaux. Le
Prince de Schvvarzemberg
portoit le Sceptre fur un Couffin
d'or. Le Comte de Czeil
portoit l'Epée , & repreſentoit
le grand Maréchal de l'Empire.
Le Prince de Hoenzollen ,
auquel appartenoit cette fonction
par un droit hereditaire,
portoit un Globe qui reprefentoit
le Monde , & le Comte
D 4
80 MERCURE
de Zinzendorf , la Coupe fur
laquelle on met la Couronne
Imperiale quand elle n'eft
point fur la tefte de l'Empereur.
Ce Prince eftoit accompagné
de l'Imperatrice qui .
avoit auffi les habit Imperiaux,
avec la Couronne fur la teſte ,
& ils allerent fe placer au Trône
qui avoit efté preparé pour
eux. Cela eftant fait , les Evefques
& Abbez , & tout le
Clergé en Corps retournerent
à la Sacriftie où
l'Archiduc Jofeph , ils le conduifirent
à un Trône élevé
prés de l'Autel , & feparé de
celuy de leurs Majeftez Imperiales
. Les Heraults d'Armes
du Royaume de Hongrie avec
leurs cottes d'Armes relevées
d'or , ayant devant & derriere
toutes les marques qui pou
voient les faire connoiftre
, ayant
falué
GALANT. 8F
"
pour les Heraults de ce Royaume
, & des dix Provinces qui
en dépendent , precedoient la
Garde , les Eftafiers & les Pa
ges de ce jeune Prince , qui
avoient tous une livrée magnifique.
Ils eftoient fuivis
des Grands duRoyaume , qui
marchoient devant les Evef
ques , les Abbez & le Clergé.
Dix Seigneurs Hongrois des
plus diftinguez portoient chacun
un Etendard à la main , &
ces Etendards reprefenteient
les dix Provinces qui relevent
de la Couronne . Enfuite parut
le jeune Archiduc au milieu
de deux Evefques . Il eftoit
veftu à la Hongroife , & derriere
luy marchoient le Comte
Efterhafi , Palatin ; le Comte
Eftienne Ciaki , Iuge fupréme
du Royaume de Hongrie ; le
D S
8.2 MERCURE
Comte Nicolas Erdeodi , Ban
(
de Croatie ; le Comte lean
Draskovvitz , Maiftre de la
Cour , & le Comte Adam
Zrini , Maréchal de Hongrie.
Si-toft que ce jeune Prince fe
fut placé fur le Trône , l'Archevefque
de Strigonie ; Primat
du Royaume , commença
la Meffe , & lors qu'on fut à
l'Epiftre , le Palatin , & le Maréchal
de Hongrie , firent une
profonde reverence devant le
Trône de leurs Majeftez Imperiales
, & devant celuy de
l'Archiduc , au pied duquel ils
l'allerent recevoir pour le conduire
à l'Autel . Il y fit un acte
de Profeffion de Foy , aprés
l'Archevefque le benit ,.,
& le facra , par des onctions .
qu'il luy fit à la main , au bras ,
& enfuite fur l'épaule. Les
quoy
3
GALANT. 83
onctions eftant achevées , le
Palatin qui tenoit la Couronne
entre fes mains , fe tourna du
cofté des Seigneurs Hongrois,
& du Peuple , & la leur montra
, en criant trois fois à haute
voix en Langue Hongroife ,
Voulez- vous que l'on couronne le
Prince Jofeph , Archiduc d'Auftriche
, & le reconnoiſſez - vous
pour Roy de Hongrie ? Ils répondirent
trois fois unanimement,
& avec de grandes marques de
joye , Qu'il foit couronné. Alots
l'Archevefque de Strigonic luy
mit le Manteau Royal de S.
Eftienne fur les épaules . Le
Maréchal du Royaume luy
donna l'Epée , & aprés qu'on
luy eut mis le Sceptre à la
main , le Palatin donna la Couronne
à l'Archevefque , qui la
mit fur la tefte du jeune Prin-
Du 60
84
MERC VRE
A
>
ce. Incontinent tous les Affiftans
le proclamerent Roy de
Hongrie avec un applaudiffement
general , au bruit des
trompettes & des timbales , qui
fut fuivy d'une décharge de
tout le Canon de la Ville & du
Chafteau . Lors qu'il fe fut remis
dans fon Trône ayant tous.
les ornemens Royaux on
-chanta folemnellement le Te
·Deum en action de graces à
Dieu de ce que la Hongrie alloit
recevoir les loix d'un fi digne
Prince . Le Manteau Royal
de S. Eftienne , dont je viens.
de vous parler , eft celuy méme
qui fervit au Sacre de ce
premier Roy de Hongrie , &
que l'on garde avec beaucoup
de veneration . S. Eftiennel.de
ce nom , fucceda à fon Pere
-Geifa en 997. & a esté le preGALANT.
85
*
mier Roy Chrétien , auquel
ce Royaume ait efté foûmis . Il
s'empreffa avec tant de zele
pour y établir la Religion Catholique,
qu'il en eft confideré
comme l'Apoftre . Quelquesuns
tiennent qu'il obtint le
nom de Roy du Pape Silveftre
II . l'an icoo . mais la plus
commune opinion eft que ce
fut l'Empereur Henry II . qui
le luy donna vers Fan 1020 .
Les Loix qu'il fit publier font
diftinguées en cinquante- cinq
chapitres , & il vefcut avec
- tant de marques de fainteté ,
& d'une vie toute pure , qu'il
merita d'eftre mis au Catalo
gue des Saints . H mourut à
Bude en 1038. aprés en avoir
regné quarante & un , & fut
enterré dans l'Eglife qu'il avoit
fait baftir à Albe- Royale en
-86 MERCURE
ou
l'honneur de l'Affomption de
la Vierge.Depuis Saint Eftiennejufqu'à
Louis II . dit le jeune
, qui perit en 1526. dans les
Marais de Mohacs , il y a cu
trente - huit Rois de Hongrie .
Je ne compte point Iean de
Zapol ny lean - Eftienne
Sigifmond , qui en difputerent :
la Couronne aprés fa mort...
Ferdinand I. Frere de l'Empereur
Charles- Quint , fe rendit
Maistre de ce Royaume au
droit d'une Soeur de Louis le
jeune qu'il avoit épousée , & il
eft demeuré jufqu'à aujourd'huy
dans la Maifon d'Autriche
, où il a commencé d'eftre
Hereditaire en la perfonne de
l'Archiduc Iofeph , qui eft le
quarante fixiéme Roy de Hongrie
..
Aprés que le Te Deum cut :
GALANT. 87

efté chanté , l'Archevefque.
continua la Meffe & " lors
que l'on fut à l'Evangile , l'Empereur
fe leva , tenant le Sces .
ptre de la main droite , & le
Globe de la gauche , & il de
meura ainfi debout juſques à
la fin de l'Evangile. Le nouveau
Roy communia lors que
l'Archevefque Celebrant eut
communié . Quoy que ce Prelat
foit âgé de quatre - vingtfix
ans , fa joye fut fi grande
d'avoir pû fervir à la ceremonie
du Couronnement du nouveau
Roy , que la Meffe eftant
finie , il voulut marquer fes
fentimens par un
par un Difcours Latin
qu'il luy fit , avec des expreffions
trés- tendres & des
fouhaits pleins d'un zele paternel
pour
la felicité de fon Regne.
Il finit par le Cantique
88 MERCVRE
de S. Simeon , en difant , Nunc
dimittisfervum tuum Domine , ce
qui arracha des larmes de tous
ceux qui l'entendirent . Aprés
qu'il eut ceflé de parler , leurs
Majeftez Imperiales eftant defcendues
du Trône , allerent
à la Sacriftie où Elles quitterent
les Ornemens Imperiaux,
& retournerent de là au Chaf
reau. Dans ce mefme temps,,,
le nouveau Roy toûjours en
habit Royal , & ayant la Cou
ronne fur la tefte , fe rendit
-proceffionnellement à l'Eglife
des Recolets , eftant precedé
des Evefques , du Clergé & de
tous les Ordres des Etats . Une
multitude infinie de Peuple
& de Bourgeoifie fermoit cette
marche , & toutes les ruës
par où il paffa eftoient tapiffées .
de drap , rouge , blanc & vert.
>:
GALANT. 89
Lors qu'il fut dans cette Eglife ,
il fit Chevaliers foixante Seigneurs
& Gentilshomes Hongrois
& Allemands , & comme
il y avoit déja 4 heures que ces
diverfes Ceremonies duroient,
on le fit entrer dans le Refetoire
où il déjeuna . Il monta
enfuite à cheval precedé de la
mefine Cavalcade qui avoit
déja paru . Dix Seigneurs portoient
les dix Etendarts des
dix Provinces fujettes, fçavoir
les Comtes Tean Efterhazi ,
Emeric .... Nicolas Keglevich
, Adam Kollonitz , Thomas
Nadafti. , Vvolfang
Kohari , Simon Forgaze Nicolas
Berzeni , Ferdinand Keri ;
& Ladiflas Karoli . Ceux -cy
eftoient fuivis d'autres Grands
du mefme Royaume , avec tou
tes les marques qui appartien-
>
༡༠ MER CV.RE
nent à la Royauté . Le Baftom
de commandement étoit porté
par le Comte Jean Draſcovitz ;
l'Epée , par le Comte Adam
Srini , Maréchal du Royaume ,.
la Paix , par le Comte Erdeodi;,
le Globe du Monde , par › par le
Comte Nicolas Erdeodi , Ban
de Croatie ; le Sceptre , par le
Comte Eftienne Ciaki , & la
Croix de S. Etienne , par le
Palatin . Ce dernier cftoit le:
plus proche du jeune Roy , qui
fortit de la Ville en cet ordre ,
par la porte de S. Michel , toujours
accompagné du Prince
de Salme , Grand - Maiftre de
fa Maiſon . Il y trouvale Regiment
d'Infanterie , de Staremberg,
& celuy de Cuiraffiers .
de Palfi , en Bataillons , & en:
fcadrons , & s'eftant avancé
jufqu'à un magnifique
GALANT. 91*
Theatre qu'on avoit dreffé vis
à vis du Convent des Freres
de la Mifericorde, il mit pied à
terre , & fe plaça fur le Trône
fous un Dais de drap d'or. Alors
ce Prince prefta le ferment de
conferver tous les privileges
du Royaume felon les condi- .
tions que l'on avoit arrétées ,
cequi fut fuivy d'une nouvelle
décharge de tout le Canon.
Auffi -toft aprés il remonta à
cheval , & vint à la Porte des
Poiffons › par laquelle eftant .

accouru à toute bride vers un
Theatre qu'on y avoit élévé ,
il mit fon Sabre à la main , & en
fit quatre figures de Croix
vers les quatre parties du
Monde › pour marquer qu'il
défendroit le Royaume de
Hongrie contre tous fes Ennemis.
Le Camergrave des Citez:

92 MERCVRE
des Montagnes , & le Baron
Confeiller de la Viecter
Chambre Imperiale des Finances,
accompagnerent ce Prince
dans toutes ces fonctions , &
jetterent aux Peuples diverfes
Médailles , & autres efpeces
de Monnoye d'or & d'argent,
fur lefquelles on foit les Inf
criptions fuivantes,
Dabo Jofepho terram hanc in
Poffeffionem fempiternam . Gen.
48 .
Dabo Jofepho partem de terra quam
tuli de manu hoftis in gladio.
Gen. 48 .
IofephVs prIMVs , Inferloris
atqVefVperlorIs Vngarlæ
REX , PIVS , Fortls , aVgVftVS ,
ArChIDVX AVſtrlæ .
Lejeune Roy s'eftant apperceu
en retournant au Château ,
que fon Manteau Royal caGALANT.
93
choit fon épée dit qu'on le relevaft
en forte qu'elle puſt eſtre
veuëdu peuple ; ce qui fut pris
pour une marque du courage
avec lequel il s'aprête à défendre
les Sujets . Il entra
dans le Chasteau au bruit de
toute l'artillerie , & alla d'abordaux
Appartemens de
leurs Majeftez Imperiales , accompagné
de tous les Seigneurs
des deux Nations , aprés
quoy il fe retira dans le fien ,
où il fut receu & falué comme
Roy. Il eftoit cinq heures lors
qu'on cut finy toutes ces ceremonies
; & un peu aprés ,
quatre - vingts Tables furent
fervies aux Eftats avec beaucoup
de magnificence. Leurs
Majefté Imperiales prirent
place au haut bout de celle
leur avoit efté préparée . Elles
qui
94
MERCURE
eftoient fous un Dais de toille
d'or. A la droite de l'Empereur
eftoit le jeune Roy dans un
fiegé d'or fous le mefme Dais;
& fort loin de luy , du mefme
cofté , le Cardinal Bonvifi , le
Cardinal Collonitz , l'Ambaffadeur
d'Espagne , & l'Ambaf
fadeur de Venife , fur des fieges
de velours roge . A la gauche
, du cofté de l'Imperatrice ,
eftoit l'Archiducheffe aiſnée
Marie-Elizabeth , fur un fiege
à dos de velours rouge , & un
peu plus bas , l'Archevefque
de Strigonie , & le Palatin de
Hongrie. Pendant le Repas on
diftribua au peuple le Boeuf
rofty entier , dont une piece
couverte de fleurs avoit été
ferviefur la table de l'Empereur
, & quantité de fontaines
de vin commencerent à couler
J
GALANT.
95
en divers endroits de la Ville
& du Chateau . Sa Majefté Imperiale
fut fervie par le Prince
Gundaccar de Dietrichftein
Grand Maistre de fa
Maifon ; l'Imperatrice par le
Comte Charles de Valftein ,
ayant la même Charge dans la
Maifon de cette Princeffe , &
le Roy de Hongrie, par le Prince
de Salme . Quantité de Seigneurs
Hongrois firent la fontion
d'Ecuyers Tranchans , &
il y en eut quelques - uns qui
fervirent les deux Cardinaux
& les Ambaffadeurs d'Eſpagne
& de Venife. Outre les tables
qui furent fervies dans le
Palais en mefme temps que
celle de l'Empereur , pour les
Prelats , la Nobleffe de Hongrie
, & les Etrangers ; il y en
eut encore deux cens autres
>
96 MERCVRE
pour les perfonnes moins confiderables
, & pour les Domeftiques
des Seigneurs , Hongrois
, & Allemans . Aprés que
Sa Majefté Imperiale eut commencé
la premiere fanté , qui
fut beuë au bruit du Canon ,
le jeune Roy en porta une
autre feparément à tous ceux
qui estoient de ce repas , pour
la grandeur & profperité du
Royaume de Hongrie L'Empereurfurpris
que dans un âge
G peu avancé il eut eu cette
penfée , voulut fçavoir qui luy
avoit donné ce confeil. Il répondit
qu'il l'avoit pris de
Juy-mefme , & que comme un
Etat ne peut eftre heureux fi
les Sujets ne font toûjours
prefts à obeïr à leur Souverain
il avoit cru qu'un Roy devoit
auffi faire voir l'amour qu'il eft
obligé
GALAN T.
97
obligé d'avoir pour fes peuples
Leurs Majeftez Imperiales
parurent extrémement attendries
de cette réponſe , & les
Hongrois donnerent mille
louanges au jeune Prince , dont
ces fentimens leur font augurer
toute forte de bonheur
pendant fon regne. Il n'a

pas
encore dix ans , eſtant né le
27. Juillet 1678. du troifiéme
Mariage de l'Empereur avec
Anne Marie-Iofeph de Neubourg,
Fille de Philippes - Guillaume
Prince Palatin de Neubourg,
à prefent Electeur Palatin
, & d'Elifabeth Amalie de
Heffe , fa feconde Femme .:
Vous vous fouvenez , Madame
maxime d'un
de
des plus beaux Opera de Mr
Quinaut ,
Ianvier 1688
Ex
98
MERCVRE
Bentendre
engagement
va plus
.
LOTER
loin qu'on ne penfe.
Elle ne s'eft jamais trouvée fi
veritable que dans l'avanture
dont je vais vous faire part.
Vn Cavalier d'une Province
des plus éloignées , eſtant à
Paris pour quelque affaire, fut
mené chez une Dame, dont le
merite & les belles qualitez
auroient fuffi à luy attirer une
groffe Cour , quand elle n'auroit
point eu une fille toute
aimable , & par fon efprit &
par l'agrément de fa perfonne.
Auffi cette Dame avoit elle
quantité d'amis . On s'empreffoit
à la voir, & on trouvoit
ordinairement tant d'honneftes
gens chez elle, qu'il euft
efté difficile de s'ennuyer en fi
bonne Compagnie. Le Cava
fut des plus affidus . Les
IYON
7893 *
THEQUE
hd
BE
DE
GALANT.
ODYON
93
foins qu'il rendoit en fire
examiner le motif , & on s'ap
perceut bien- toft dans fes manieres
qu'il eftoit touché de
la beauté de la Fille. Il cherchoit
toûjours à l'entretenir,
& quand quelqu'un l'empef
choit de prendre place auprés
d'elle , fon inquiétude & fes
regards fembloient luy parler
de fa paffion . La Mere la vit
naiftre avec plaifir , & la Belle
contribua par fa complaifance
& par mille honneftetez à l'engagement
qu'on luy voyoit
prendre.Il eftoit d'une Maifon
fort confiderable; & fon Pere ,
homme auffi avare qu'il en fuſt
jamais , luy devoit laiffer une
fucceffion affez grande pour le
mettre un jour en eftat de faire
une trés - belle figure.On avoit
pris foin de s'en informer ,
VILLE
E 2
100 MERCURE
la connoiffance qu'on en avoit
eue , le faifoit traiter avec l'agrément
qu'il trouvoit dans fes
vifites . Enfin aprés que les affurances
du plus fort amour
reïterées de jour en jour à la
Belle, n'eurent plus laiffé douter
qu'il ne fuft entierement
affermy dans les tendres fentimens
qu'il faifoit paroiftre , la
Mere le pria de s'expliquer fur
le motif de fes foins . Il luy dic
d'abord que fa maifon étant ouverte
à tous les honneftes gens ,
il avoit cru que le refpect qu'il
avoit pour elle , & la profeffion
particuliere qu'il faifoit
de l'honorer , pouvoient meriter
qu'on le fouffrift , & que
fi elle vouloit examiner
conduite , il fe flatoit qu'elle
n'y trouveroit rien qui luy
puft donner fujet de ſe plainGALANT
. Jor
"
dre. Elle repliqua qu'elle l'eftimoit
infiniment , & qu'elle
voyoit en luy tout ce qu'elle
pouvoit fouhaiter dans un parfaitement
honnefte homme
mais que la plupart de ceux
qui venoient chez elle eftant
gens fans confequence , puis
qu'ils n'y venoient que pour.
le jeu , ou pour le plaifir de la
converfation , chacun avoit
remarqué qu'il s'attachoit uniquement
à la fille , & que cét
attachement pouvant luy cftre
préjudiciable , il falloit pour
l'intereft de fa gloire , ou qu'il
ceffaft de la voir , ou qu'il declaraft
fes prétentions . L'alternative
luy eftoit fâcheufe , &
ne fe fentant pas en eftat de
prendre le premier party, il fut
contraint de donner une réponſe
préciſe . Il avoüa que les
E
3
102 MER CURE
charmes de la Belle avoient
fait fur luy une telle impreffion
, qu'il la regardoit comme
la feule perfonne qui estoit ca
pable de le rendre heureux , &
que ne pouvant avoir pour
elle que des penfees legitimes ,
il l'auroit déja demandée en
mariage , fi la dureté de fon
Pere , inflexible pour le bien ,
ne l'avoit pas forcé de fe taire.
Il ajoûta que l'on avoit fait
pour luy plufieurs propofitions
fort avantageufes qui n'avoient
pû réülir , faute des
avances qu'il luy avoit toûjours
refufées , & que mefme
la dépense qu'il faifoit venoit
du fecours d'une perfonne
qui l'aimant affez pour le vouloir
faire fon heritier › luy
donnoit dequoy pouvoir paroiſtre
felon fa naiffance ; que
GALANT.
103
cependant il employeroit de
nouveau tout ce qu'il avoit
d'Amis pour obtenir qu'onluy
donnaft quelque Terre , afin
qu'il puft faire voir combien
fes intentions étoient finceres,
& qu'il prioit qu'on vouluſt
bien luy donner un peu de
temps pour venir à bout de
cette entrepriſe . La maniere
dont il parla eftoit fi ouverte
& fi engageante que la Mere
fe contenta de prendre parole
qu'il n'auroit jamais d'autre
Femme que fa Fille. S'il aimoit
beaucoup , il luy eftoit aifé
de connoiftre qu'il n'eftoit pas
moins aimé , & il commença à
s'eftimer d'autant plus heu
reux que toute forte d'affiduité
luy devint permiſe. Six mois
fe pafferent & les chofes demeurant
toujours au méme
(
E
4
104 MERCURE
eftat,la Mere qui trouvoit dans
ce party de grands avantages
pour fa Fille , craignit que le
Cavalier n'agit pas de bonne
foy , & pour fe tirer d'inquictude
, elle voulut l'obliger à :
faire un mariage fecret. Il
avoit trente ans , & c'eftoit.
un âge qui le mettoit en pouvoir
de difpofer de luy- mefme .
Il s'en défendit fur la bizarre
humeur de fon Pere , qui découvrant
qu'il fe feroit marié
à une Fille qui n'auroit pas.
tous les avantages qu'il pou-
>
voit pretendre
eftoit capa-.
сара-
ble de donner fon bien à une
Soeur qu'il avoit , & de le desheriter.
Il accompagna cette
efpece de refus de mille raifons
qui la fatisfiret.Elle ne put
pourtant s'empefcher de dire
qu'il falloit qu'il ne fuft pas fi
GALANT.
amoureux qu'il le paroiffoit ,
puis qu'il refufoit ce que d'autres
auroient recherché avec
de grandes inftances . Cet obftacle
qui chagrinoit fort la
Merc & la Fille , fut levé un
mois aprés. Le Pere du Cava
lier fut emporté d'une fievre ,
& la nouvelle qu'on receut de
cette mort , caufa des effets
bien differens . La Belle qui ne
l'avoit jamais veu , en eut une
joye fecrete que fa modeftie
luy fit cacher , & le Cavalier
en parutfi abatu qu'on ne pou
voit affaz admirer qu'il regre
taft tant un Pere qui luy avoie
marqué fi peu de tendreffe.
Dans les premiers jours onl'a
bandonna à fa douleur , mais
comme il avoit de grandes raifons
pour fe confuler on fut
fort furpris de le voir toujours
E 5.
106 MER C VR E
refveur & mélancolique . Il en
réjerta la caufe fur des embarras
d'affaires aufquels il eftoit
mal propre , & fur la neceffité
où il fe voyoit d'aller en Province
y donner fes foins .. On
luy dit qu'il luy pouvoit eftre
aifé d'adoucir ces embarras en
faifant le voyage avec la perfonne
qu'il aimoit , & qu'on
le croyoit trop honnefte- homme
pour vouloir partir fans.
avoir tenu parole fur le mariage
dontil ne s'étoit défendu
que par la crainte d'irriterfon
Pere.Il réponditque ce mariage
eftoit la chofe du mondequ'il
fouhaitoit le plus ardemment,
mais que pour en mieux
goûtertoute la douceur , il vouloit
avoir l'efprit entierement:
libre , & qu'il faloit pour cela ,
qu'il cuft finy toutes les affaiGALANT.
107
,
res , à quoy il donneroit
ordre
avec tout le foin & toute la
promptitude
poffible
. Cette réponſe
furprit
,mais on s'étonna
beaucoup
davantage
, quand
luy ayant
demandé
qu'il fignaft
au moins
un Contract
,
il s'offença
de cette demande
comme
d'une injure
qu'on luy
faifoir
en le foupçonnant
d'eftre
capable
de manquer
à fa promeffe.La
Belle qui laiffoit
toûjours
parler
fa Mere ,
ne put luy cacher
fur ce refus,
qu'elle
voyoit
bien qu'il fe repentoir
de l'engagement
qu'il
avoit pris , puis qu'il montroit
tant de repugnance
pour tou
tes les chofes
qui pouvoient
les rendre
feur. Il' fe jetta à fes
pieds ,luy fit mille
nouvelles
proteftations
de l'aimer
éternellement
plus que luy - meſ.
E6
108 MERCVRE
me , & on ne sçavoit comment
accorder un violent amour ,
avec le chagrin qu'il faifoit
paroiftre . I eftoit pourtant
toûjours refolu de partir fans
rien conclurre; & la Mere continuant
à luy faire de fâcheux
reproches , il luy dit enfin
qu'il eftoit jufte d'arrefter fes
défiances ; ce qu'il fit le lendemain
, en luy apportant dix
mille écus qu'il déclara donner
à fa Fille , s'il avoit la lâcheté
de violer les fermens
qu'il luy avoit faits . Ce dépoft
raffura l'efprit de la Mere , mais
il ne fatisfit point l'amour de
la Fille , qui vit partir fon
Amant avec une douleur incroyable.
Il luy promit de
luy écrire fouvent & il le
fit avec une exactitude mer
veilleufe. Toutes les Let
1
GALANT. 109
t
tres avoient un air de tendreffe
qui fembloit répondre de la
fincerité de fon coeur , mais il
ne revenoit point ; & aprés fix
mois d'abfence, la Mere ayant
rencontré quelqu'un de ce
Pays - là , voulut fçavoir quel
procés l'y arreftoient fi longtemps.
On luy répondit qu'il
n'y avoit aucune apparence
qu il en euft,que fon Pere eftoit
mort fans nulles dettes , & que
jamais homme n'avoit laiffé
fes affaires en fi bon eftat .
Grandes plaintes de la Belle à
fon Amant. I répondoit que
des difcuffions d'interefts à fai
re dans une Famille eftoient
fouvent plusembaraffantes que
de vrais procés que l'on vuidoit
en luftice , & qu'il ne
perdroit pas un moment pour
venir faire connoiftre qu'il
110 MERC VRE
n'y avoit que luy feul qui
fceuft bien aimer. Vn an fe
paffa de cette forte , & dans
ce temps - là, une Dame de cette
mefme Province , qui n'avoit
pû reuffir à fe faire aimer
du Cavalier , vonlut voir la
Belle qui l'avoit charmé . Elle
fit quelque liaifon avec la
Mere , & l'occafion s'êtant
offerte de parler de luy, elle dit
malicieufement , mais fans
montrer d'affection , qu'il eftoit
fort affidu à faire fa cour à une
Comteffe fort riche , & que
dans le temps qu'elle estois
partie , le bruit s'eftoit répandu
que le mariage alloit fe faire.
Jugez combien ce difcours »
- fit fouffrir. la Belle . Elle écrivit
auffi -toft au Cavalier avec
un emportement inconceva-
Ble. Elle le traita de fcelerat &
!
GALANT.
de traiftre , & luy donna tous.
les noms dont la prétenduë
infidelité le rendoit digne . It
tarda peu à faire réponſe. It
luy manda qu'il falloit laiffer
parler les ridicules qui fe plaifoient
à faire des contes ; que
les affaires qui l'inquietoient
depuis plus d'un an , eftoient
fur le point d'eftre terminées ,
& qu'il viendroit au plûcoft
luy faire l'hiftoire de la Com
refle dont affurément elle
riroit. Cette Lettre n'éclairciffoit
rien , & pour fürcroift
d'infortune la Belle tomba
dans de nouveaux embarras..
Vn homme de cinquante ans ,,
qui avoit beaucoup de bien
s'avifa de la demander en nariage
, & comme l'impatience:
eft toûjours fort grande dans,
un.vieillard amoureux , il offric
"
112 MERCURE
tous les avantages qu'on fouhaiteroit,
pourveu que l'on fift
l'affaire en fort peu de jours.La
Mere dona fa parole fans en cofulter
fa Fille , & ce fut enfuite
une perfecutio extraordinaire ..
Elle voulut luy perfuader que
tous les retardemens du Cavalier
faifant affez voir qu'il ne
fongeoit point à revenir , il net
falloit pas laiffer échaper une
eccafion fi favorable ; en tout
cas , dit-elle , on luy rendra fes
dix mille écus. La belle accablée
au dernier point , écrivit
fur l'heure à fon Amant , &
luy fit fçavoir ce qui fe paffoit.
Il la conjura par fa réponſe
della maniere la plus tendre
& la plus touchante , de ne pas
l'abandonner , l'affurant qu'il y
alloit de fa vie , & qu'il feroit:
auprés d'elle dans fort peu.de
GALANT . 113
temps. Ce fut affez pour luy
faire avoir de la fermeté . Touc
eftoit en mouvement ; felon
l'intereft particulier que cha
cun avoit. Le nouvel Amant
preffoit la Mere ; la Mere gron
doit fa Fille , & la Fille enduroit
tout fans fe laiffer ébranler.
Enfin le Cavalier arriva , & fut
receu un peu froidement . II
eftoit en deuil , & ce deuil qui
paroiffoit tout nouveau , ayant
obligé la Mere & la Fille à demander
quelle mort étoit encore
arrivée dans fa Famille , il
répondit en riant , que quelque
envie qu'il cuft toûjours
euë de revenir promptement,
il n'avoit pu fe tirer d'affaire
que par l'habit qu'elles luy voyoient.
Il leur fallut éclaircir
Î'Enigme , & l'éclairciffement
fut ,que fon Pere ne luy ayant
114 MERCVRE
>
jamais voulu faire aucune
avance , chofe tres- fâcheufe
aux jeunes gens qui aiment
toujours à depenfer , il y avoit
fix ans qu'une Comteffe , qui
en avoit alors tout au moins
foixante & quinze l'avoir
trouvé à ſon gré , & moyennant
un mariage fecret luy
avoit offert cent mille francs
en argent comptant , avec plufieurs
autres avantages ; que
dans le chagrin de fe voir fans
bien, il s'eftoit refolu à fe char
ger de la Dame pour avoir l'argent
, & que l'ayant épousée
fans que perfonne l'euft fceu,
il n'avoit plus efté en pouvoir
de fatisfaire fon coeur fur les
propofitions qu'on luy avoit
faites que ce premier mariage
savoit caufé les refus qui l'avoient
fait foupçonner de
GALANT.
115

manquer d'amour , & que la
mort de fon Pere, arrivée beaucoup
plutoft qu'on ne l'avoit
creu , l'avoit d'autant plus embaraffé
, que n'ayant plus de
prétexte honnefte pour ſe di
penfer de tenir parole , il avoit
craint qu'on n'euft rompu avec
luy , fi l'on cuft apris l'état où
eftoient les chofes qu'il avoit
feint des affaires pour
aller attendre
qu'elle fin auroit la langueur
de la Comteffe , que le
nombre des années retenoit
au lit depuis quelque temps ,
& qu'enfin elle eftoit morte
aprés avoir declaré fon mariage
; qu'il en avoit encore eu
plus de deux cens mille francs
tant en meubles qu'en argent,
& qu'il venoit les offrir avec
tout le reste de fon bien à la
charmante perfonne qui pou,
116 MERCURE
voit feule faire fon bon - heur. "
Lerecit de l'avanture dévelopá
le miftere qu'on n'avoit fçû penetrer.
On n'eût pas befoin de
beaucoup de tems pour voir
quel party l'ondevoit prendre..
Le vieil Amant fut remercié
& le Cavalier , plus amoureux
que jamais , époufa la Belle
avec des tranfports de joye
qu'on ne fçauroit exprimer.
Quand tout ce qui part de
FIlluftre Madame des Houlieres
ne feroit pas d'une beauté
achevée , la faifon où nous
fommes m'obligeroit à vous
envoyer le nouvel Idiile de fa
façon que vous allez lire.Ainfi
vous aurez tous fes ouvrages ,
répandus feparément dans mes
Lettres felon les temps qu'elle
en a bien voulu donner des
copies. Ce dernier cft adreflé à
GALANT, 117
M. Lucas . C'eft un homme
d'efprit & de merite fort connu
& eftimé des gens de Lettres ,
& quia efté plufieurs années
Lieutenant general de l'Admi
rauté de Normandie .
* thin
L'HYVER.
Idille de Madame des Houlieres
, à Mr Lucas.
L'
'Hyver fuivy des vents ,
frimats , desorages ,
des
De ces aimables lieux trouble l'heureufe
paix ;
Il a déja ravy par de cruels outrages
Ce que la Terre avoit d'attraits.
Quelles douloureufes images
Le defordre qu'ilfait imprime dans
l'efprit!
r18
MERCURE
Helas ! ces Prez fans fleurs , ces
Arbres fans feuillages ,
Ces Ruiffeaux glacez , tout nous
dit
Le temps fera chez vous de femblables
ravages
.
Comme la terre nous gardons
Fufques au milieu de l'Automne
Quelques - uns des appas que le
Printemps nous donne ,
L'Hyver vient-il , nous les perdons.
Pouvoir , Thréfors, Grandeurs, n'en
exemptent perfonne ;
On fe déguife en vain ces trifles
veritez ;
Les terreurs , les infirmitez ,
De la froide vieilleſſe ordinaires
compagnes ,
Font fur nous ce que font les Autans
irritez ,
Et la neige fur les Campagnes.
Encor fi comme les Hyvers
GALANT. 119
Dépouillent les Forefts de leurs
feuillages verds ,
L'âge nous dépouilloit des paffions
cruelles ,
Plus fortes à dompter que ne lefont
les flots,
Nous goufterions un doux repos
Qu'on ne peut trouver avec elles.
Mais nous avons beau voir détrui
re par
le temps
La plus forte fanté , les plus vifs
agrémens ;
Nous confervons toujours nos premieres
foibleffes .
L'Ambitieux courbé fous le fardeau
des ans ,
Dè la fortune encore écoute les promeffes
;
L'Avare en expirant regrette moins
Le
jour
Que fes inutiles
richeffes
,
301
Et quijeune a donné toutfon temps
à l'amour,
120
MERCURE
Unpied dans le Tombeau , veut encor
des Maiftreffes.
Il refte dans l'efprit un gouft pour
les plaifirs ,
Prefqu'auffidangereux que leurplus
doux ufage.
Pour eftre heureux ,pour eftrefage
Ilfaut fçavoir donner un frein à
fes defirs.
Mieux qu'un autre , fage Timandre
,
De cet illuftre effort vous connoiffez
le prix.
Yous , en qui la nature a joint une
ame tendre
Avec un des plus beaux Efprits ;
Vous qui dans lafaifon des graces &
des ris ,
Loin d'éviter l'Amour ,faifiezgloire
d'en prendre ,
Et qui par effort de raifon
Fuyez de fes plaifirs la folle inquietude
Avant
GALANT.
121
Avant
que l'arriere Saifon
Vous ait fait reffentir tout ce qu'elle
a de rude .
}
Je vous envoye une Medaille
que Monfieur le Comte
d'Avaux ,
Ambaffadeur Extraordinaire
du Roy en Hollande
, a fait fraper , pour marquer
la joye qu'il a reffentie du
retour de la fanté du Roy . Le
portrait de Sa Majefté eft à la
face droite . Les autres fe font
contentez de faire des réjouiffances
publiques dans une
occafion où toute la France à
fait voir fon zele , & cet Ambaſſadeur
a voulu faire paroiftre
le fien par des
témoignages
dont la pofterité ne puſt
perdre la memoire . Vous fça-
-vez , Madame , l'affliction où
il eft
prefentement , par la pet-
Janvier 1688. F
122
MERCVRE
te qu'il a faite en la perſonne
de Monfieur le Prefident de
Mefmes fon Frere. Il mourut
fubitement le 9. de ce mois ,
pendant lequel il y a eu quantité
de morts de mefme nature.
Quoy que celle de cet illuftre
Magiftrat ait efté la feule qui
ait fait du bruit , parce qu'il
eftoit le plus confiderable de
de tous ceux qui ont finy leur
vie de cette forte ; la mort des
autres n'a pas laiffé de produire
dans leurs quartiers , les triftes
effets que les morts précipitées
ont accoutumé de caufer.
On a plaint les malheureux
; on a craint pour foy ; on
fait des reflexions qui ont
fait refoudre à fe mettre en
eftat de ne point craindre &
aprés que l'on en a parlé quelque
temps , ces idées fe font
infenfiblement effacées de l'efGALANT
. 123
prit , ainfi qu'il arrive en toutes
chofes . Georges de Mef
mes , Seigneur de Caixchen
en l'Evefché d'Aire , defcendu
d'une ancienne Nobleffe de
ce Pays- là & d'Anceftres , dont
plufieurs s'eftoient fignależ
dans les Armées de Sa Ma
jefté , fut Pere de Iean Jacques
de Mcfmes , l'un des plus fçavans
hommes de fon Siecle , &
fort confideré de François F.
Celuy- cy vint s'établir à Paris ,
acquit la Seigneurie de Roiffy
en France , & fut Lieutenant
Civil , Maistre des Requeftes ,
Confeiller d'Eftat , & Ambaffadeur
en Allemagne . Il époufa
Nicole Hennequin , Fille de
Chriftofle Hennequin , Seigneur
de Dammartin , de laquelle
il eut Henry de Mef
Seigneur de Roiffy ,
mes >
F 2
I24 MERCURE
-
>
>
Fille
Confeiller d'Eftat Chancelier
du Roy de Navarre , Chef &
Surintendant de la Maiſon de
Ja Reyne Loüife de Lorraine ,
Femme de Henry III . marié
à leanne Hennequin
d'Oudart Hennequin Seigncur
de Boinville . De ce
mariage fortit lean lacques
de Mefines , Seigneur de Roif
fy , Doyen des Confeillers
d'Etat , qui ayant épousé Antoinette
Groffaine , Fille de
Hierôme Groffaine , Seigneur
d'irval & d'Avaux en Champagne
, laiffa Iean Antoine
de Mefmes,Seigneur d'Avaux ,
Prefident au Mortier du Parlement
de Paris , aprés y avoir
efté Confeiller , Maître des
Requeftes > & Confeiller
d'Eftat . Ce Prefident avoit
GALANT. 125
époufé Anne Courtin , Fille
de François Courtin , Baron
de Givry , Maiftre des Requeftes
, & de leanne Lefcalopier,
Soeur de Nicolas Lefcalopier ,
Prefident dans le mefme parlement
, & il en eut Meffire
lean -lacques de Meſmes
Chatelain & Vicomte de
Neufchatel , Marquis de Saint
Eftienne , Seigneur de Cramayel
& autres lieux , Prevoft
& Maiftre des Ceremonies
des Ordres du Roy , Prefident
au Mortier , qui vient
de mourir , & Meffire Antoine
de Meſmes , Comte d'A·
vaux , Conſeiller d'Eftat, Ambaffadeur
Extraordinaire en
Hollande , cy- devant Ambaffadeur
pour le Roy à Veniſe ,
& Plenipotentiaire pour la
Paix à Nimegue . Monfieur le
F 3 .
126 MERC VRE
Prefident de Mefmes a efté
inhumé en la Chapelle de fes
Anceftres aux Auguftins du
Grand Convent de Paris . Il
avoit efté Le&eur de la Chambre
du Roy , & eftoit l'un des
quarante de l'Academie Françoife.
Il fut receu Preſident
au Mortier le 27. Avril 1672 ..
aprés avoir efté Maiſtre des
Requeftes , & a fait parciftre
dans tous fes emplois , un tresgrandzele
pour le fervice de Sà
Majefté . Il n'a fait en cela que
fuivre l'exemple de ceux dont
il eftoit defcendu . Il avoit
époufé la Fille de Monfieur
Macé de la Baziniere , Prevost
& Maistre des Ceremonies des.
Ordres du Roy , & Tréforier:
de l'Epargne . Il en a laiffé plufieurs
Enfans. Monfieur de
Neuchatel fon Fils aifné a eſté
GALANT. 127
receu depuis peu
"
de
temps
Confeiller au Parlement , &
comme il a beaucoup de merite
je ne doute point que je n'aye
fouvent occafion de vous en
entretenir. Il me refte à vous
parler de deux Oncles qu'avoit
feu Monfieur le Prefident de
Meſmes dont l'un eftoit
Henry de Mefmes , Seigneur
´de Roiffy , Prefident au Mortier
du Parlement de Paris , qui
n'a laiffe qu'une Fille unique,
Antoinette Loüife de Mefmes ,
Dame de Roiffy , Femme de
Louis Victor de Rochechouart
Vivonne , Duc de Mortemar ,
Pair & Maréchal de France .
L'autre Oncle étoit Claude de
Mefmes ,Comte d'Avaux , Confeiller
d'Etat Ordinaire , Ambaffadeur
à Rome , & vers la
plupart des Princes de la Chrê
T
F 4.
128 MER CVRE
tienté , Sur- intendant des Finances
, & Plenipotentiaire à
Munfter pour la Paix generale
, qui a fi utilement fervy.
l'Estat en plufieurs Negociations
importantes . De Mefmes
porte écartelé au premier d'or , au
Croiffant montant de fable , aux
deux trois d'argent à deux
Lyons Leopardez de gueules pofez
l'unfur l'autre , au quatrième d'or
à une Etoile de Sable coupé en pointe
ondéd'azur , au chef de gueules.
Dame Charlotte Brulart
eftoit morte auffi fubitement
quelques jours auparavant ,
& le jour qui preceda celuy
de la mort de M. de Mefmes ,
il avoit conduit le denil à l'Enterrement
de cette Dame . Elle
avoit époufe Meffire lean-
Baptifte Amelot , Seigneur de
"
GALANT. 129 :
Biffeuil , Maiftre des Requeftes
, & eftoit de la Famille des
Brulart qui a donné plufieurs
Branches. Elles defcendent
tontes de lean Brulart , Baron
de Herez & d'Agners au Comté
d'Artois , Confeiller au Parlement
de Paris ,mort en 1519.
Il époufa leanne Iaier , petite
Fille d'un Procureur General
de ce mefme Parlement , & il
en eut Pierre Brulart , Confeiller
au Parlement de Paris ,
& Noël Brulart Procureur
>
Generalau mefme Parlement .
La branche aifnée des Mar :
quis de Sillery defcend de ce :
Pierre Brulart , Confeiller au
Parlement de Paris , de laquel
le étoit Nicolas Brulart , Marquis
de Sillery , Vicomte de
Puifieux , Prefident au Mor
tier , & enfuite Chancelier de
F S
130
MERCVRE
France , dont le Fils Pierre Bru
lart , Marquis de Sillery , Vicomte
de Puifieux , Seigneur
de Berny , Grand Treforier
des Ordres de Sa Majefté , &
Secretaire de fes Commande- ›
mens , époufa Madeleine de
Neuville Villeroy , dont eft
venu Louis Brulart , Marquis .
de Sillery, qui a épousé Marie-
Ifabelle de la Rochefoucault ,
Fille de François de la Rochefoucault
, Duc & Pair de France.
>
La feconde branche des Ba
rons de la Borde , vient de Noël
Brulart , Procureur general au
Parlement de Paris dont je
viens de vous parler . Elle a
donné plufieurs premiers Pre-
Gidens au parlement de Bour-.
gogne , Barons de la Borde ; &.
eft de cette branche qu'eftoit
GALANT. J31
Madame Amelot de Biffeuil ,
dont je vous apprens la mort.
La troifiéme branche des
Marquis de Genlis , defcend
de Pierre Brulart de Genlis , Secretaire
d'Eftat ; autre rils de
NoëlBrulart , Procureur general.
Cette Famille de Brulart porte
de gueules à la bande d'or, char
gée d'une traifnée de cing Bariques
defable. Elle eft Alliée aux de
la Rochefoucault , des Urfins ,
de Longueil , Neuville - Villeroy
, Cauchon de Maupas ,
Haluvin de Piennes , Bourdin' ,
Hennequin , le Picart,Durant,
de Villegangnon , Danvert des
Marets , de Believre , d'Eftampes
, Aleaume , Baillet , Aurillot
, de Sautavannes , Robertet
& Maillot.
Quant à Monfieur Amelor
de Biffeüil,il eft de la troifiéme
F6
132
MERCVRE
f
branche de la Famille des Amelot
, furnommée de Chaillou
, Frere de Jacques Amelot
Sieur de Chaillou , Maiſtre des
Requeſtes , Oncle de Michel
Amelot de Chaillou , Confeiller
en la deuxième Chambre
des Requeftes du Palais , Fils
de feu Denis Amelot,Seigneur
de Chaillou Doyen des Maî
tres des Requeftes , & de Marguerite
du Drac.
La branche aifnée des Marquis
de Mauregard - Amelot
defcend de Jacques Amelot ,
Prefident aux Requestes du
Palais , dont le Fils , lacques
Amelot Marquis de Mauregard
, Seigneur de Carnetin
le Mefnil- Madame - Rance , &
Autres lieux , premier Prefident
de la Cour des Aides , a
laiffé deux Fils , fçavoir , lacques
-Charles Amelot, qui luy
GALAN T. 133
fucceda à la Charge de premier
Prefident en la Cour
des Aides , qui eft decedé , &
Charles Amelot , à prefent
Marquis de Mauregard - Amelot
Seigneur des mefmes
lieux , Prefident en la Troifiéme
Chambre des Enquestes du
Parlement de Paris .
,

La feconde branche des
Marquis de Gournay , vient de
Iean Amelot de Gournay ,Maître
des Requeftes , & Prefident
au Grand Confeil; & c'eft
de cette branche que font
Michel-Ican Amelot , Marquis
de Gournay , Maiftre des Requeftes
, Ambaffadeur en Por.
tugal , & cy - devant a Venife,
& .... Amelot fon Frere , Aumônier
du Roy . Ces trois Freres
, lacques Amelot de Carnetin
- Mauregard , Prefident
134
MERCVRE.
aux Requeftes du Palais , Iean
Amelot de Gournay , Maiftre
des Requeftes , & Prefident au
Grand Confeil , & Denis Amelot
de Chaillou , Doyen des
Maiftres des Requêtes , étoient
Fils de Iean Amelot , Prefident
aux Enquestes du Parlement ,
& auparavant Maiftre des Requeftes
. Amelot porte d'azur à
trois coeur d'or , furmontez d'un foleil
de mefme. Ils font alliez aux
de L'hofpital , d'Aumont , dé
Beon- du- Macé , Vialart , Poncet
, Chippard de la Grand'
Maiſon , Chaffebras - du - Breau
& de Cramailles , Briçonnet ,
Maignart de Bernieres , de Mar
le , Girard du Tillay , le Tonnelier
- de - Conty , de S. Ger
main , de Fouquet , de Creil ,
du Prey , Lionne , Tronfonde-
Vaurmontel , & c.i.
GALANT . 135
Dame Geneviève le Coigneux
eft morte environ dans
le mefme temps . Elle avoit
époufe en dernieres nopces
Meffire Chriftophe Catelan
Sieur de Sablonnieres , Bailly
& Capitaine des Chaffes de la
Varenne du Lovvre , & eftoit
auparavant Veuve de Michel
Particelly , Seigneur de Tho
ré, Prefident aux Enqueftes du
Parlement de Paris
Michel Particelly Seigneur
d'Hemery , Sur - Intendant des
Finances de France . Iacques le
Coigneux , Prefident au Mortier
du Parlement de Paris ,
mort depuis peu , Fils de laca
ques le Coigneux , auffi Prefident
au Mortier, & Chance
lier de feu Monfieur le Duc
d'Orleans , eftoit fon Frere..
Son Ayeul Antoine le Coi-
Fils de
136
MER
C VRE
gneux Maistre des Comptes
à Paris , avoit époufé Marie
de Longueil , de la branche
des Vicomtes d'Argeville , &
fon Grand - Oncle Jacques le
Coigneux , Seigneur de Sandricourt
Confeiller en la
Grand'Chambre du Parlement
de Paris , s'eftoit marié à Geneviève
de Montholon , Fille.
de François de Montholon ,
Seigneur d'Aubervilliers , Garde
des Sceaux de France , dont
font venus René le Coigneux ,
Confeiller Clerc au Parlement
de Rouen , & Edouard le Coigneux
, Sieur de Sandricourt
& de Befonville , Confeiller au
Parlement de Paris , dont defcend
Charles le Coigneux
,
Sieur de Befonville, Confeiller
au Chaftelet de paris . Cette
Famille des le Coigneux eft
GALANT. 137.
alliée à celles des le Gendre ;
Durant , Marefchal , Angran,
Bitault , Cerifier , Huot . rei .
deau-des-Vcfures , le Maiftre-
Belle -jamé , le Fevre - d'Or
meffon , de la Bouliere , Sachot,
Gourry de Girolles , Bourdin ,
de Thumery de Boilize , de
Vien , & c . Elle
trois Epics d'or.
porte
d'azur
à
La mort de Meffire Denis
le Camus , Seigneur d'Hemery ,
Courcerin , Malnouë , & autres
lieux , prefident en la Cour
des Aides , où il fut receu
en 1683. eft aufì arrivée au
Parlement de Mets . Cette Fa
mille a donné plufieurs Offciers
de confideration au parlement,
Grand Confeil, Chambre
des Comptes , Cour des
Aides & Chaftelet de paris.
138
MERC
VRE
C'eft d'elle que font Meffire
Eftienne le Camus , Docteur en
Theologie de la Faculté de
Paris , cy- devantAumônier du
Roy , Cardinal , Evefque &
Prince de Grenoble ; & Meffire
Nicolas le Camus , Seigneur
de la Grange & de Rilly , premier
prefident en la Cour des
Aides , où il a efté procureur
general,aprés avoir efté , Confeiller
au Grand - Confeil , tous
deux Freres de Meffire lean le
Camus , Lieutenant Civil au
Chaſtelet de paris , & Seigneur
de Beaurnais & du port.le m'étendrois
davantage fur cette
grande ramille , fi je ne vous
en avoit pas entretenue amplement
depuis quelques mois.Le
Camus porte degueules au Pelican
d'argent,au Chefcoufudalur, char
gé d'une Fleur de Lys d'or.
GALANT . 139
Le Roy qui veille fans ceffe
au bien de fes. Peuples , vou
lant contribuer tout enſemble
à la pieté des Catholiques , &
à la Converfion des Lutheriens
de Strasbourg vient d'y
établir trois Paroiffes . La premiere
eft fous l'Invocation de
Saint Etienne , & il l'a donnée
aux Chanoines Reguliers de
Saint Auguſtin , de la Congre
gation de Saint Antoine , lef
quels feuls de tous les Religieux
Sa Majesté a remis en
poffeffion de leur Eglife & de
leur Maiſon , lors qu'Elle entra
dans cette Ville pour y rece
voir les foûmiffions des Habitans
. La feconde a efté donnée
aux Chanoines Reguliers de
Saint Auguftin , de la Congre
gation de Noftre Sauveur , dite
de Matincourt , & l'ouvertu
140
MERCURE
re s'en devoit faire vers le milieu
de ce mois . On travaille
à mettre la troifiéme en eftat ,
& elle doit eftre fous le titre
de S. Marc. La Ceremonie de
l'ouverture de la Paroiffe de S.
Eftienne fe fit le Dimanche 21 .
du mois paffé . Le jour precedent
on avoit beny deux Cloches
, l'une fous le nom de
Saint Louis , l'autre fous le
nom de Saint Eftienne , & toutes
deux données par Sa Majefté
ainsi que le font connoi-
Atre leurs Infcriptions . On
avoit auffi reconcilié l'Eglife ,.
dont les Ornemens , de meſme
que les réparations publient
l'application finguliere du
Roy pour le Culte du vray
Dieu . Le lendemain on expofa
le Saint Sacrement , & la
Meffe Paroiffiale fut celebrée
GALANT. 141
aprés Tierce fur les neuf heures
& demie , par Monfieur
l'Abbé de Cartigny , Grand
Vicaire , & Official du Diocefe
de Strasbourg, afifté de Diacre,
Sousdiacre , & Maiſtre des
Ceremonies , avec quatre Seminariftes
. Il y eut au Choeur,
outre ceux de la Maiso ,& quelques
autres du Voifinage , trois
Religieux d'augmentation
pour lefquels Sa Majefté donne
trois cens écus de Penfion ,
& l'excellente Mufique de la
Cathedrale s'y fit entendre.
Monfieur de Chamilly , Gouverneur
de la Ville , s'y trouva
accompagné de plufieurs Of ,
ficiers . Entre les Communians.
qui furent en fort grand nombre
, Madame de Chamilly
Gouvernante
2
& Monfieur
Obrecht , Préteur Royal de
>
142 MERC VRE
4

Strasbourg , & Chef de la Paroiffe
fe diftinguerent
par
leur pieté. Aprés la grand
Meffe , l'on commença un
Sermon François fur le fujet
de la Ceremonie. Le Predi
cateur qui eftoit le pere Alexis
du Frefne , Chanoine Regulier
de Saint Auguſtin de la
Congregation Saint Antoine
Superieur de la Maifon, & Curé
de cette paroiffe de Saint Eftienne
, s'attacha à inftruire fes
Auditeurs du deffein de Dien
dans l'établiſſement des Eglifes
& des devoirs qu'il y exige des
Chreftiens , & comme il y fit
entrer d'abord l'Eloge du Roy,
je croy que vous ferez bien
aife d'apprendre en quels termes
il parla de ce grand Monarque.
Il choifit pour fon Texte
ces paroles du 7. chap . des
GALANT. 143
"
Paralippomenes . Elegi locum
istum mihi in domum Sacrificy , &
dit enfuite , Dieu a toujours parw
jaloux de fa gloire dans l'ancien
Teftament. Il a rigoureusement
vangé la prophanation de fon Tem
ple, & au commencement du nouveau
il est entré dans une indignation
auffi fainte que jufte contre
les Impies qui en avoient fait une
Maifon de Commerce . Ces exemples
de feverité , que Dieu afait éclater
fur les Prophanateurs de fes Temples
, font une image fenfible des
châtimens , dont fa colere peutfraper
à tous momens les Ennemis des
Aurels érigez à fa gloire ; car la
Juftice divine n'a pas moins de
panchant pour la vangeance dans
cefiecle , qu'elle en a eu dans ceux
de l'enfance de la Synagogue , &
de l'Eglife , & l'on verroit de nos
jours ce que l'on a veu dans le paffé,
144
MERCURE
fi Dieu par une condefcendance
pleine de bonté envers lespecheurs,
n'avoit changé de conduite depuis
que fa nouvelle Alliance avec les
hommes, commencée dans l'Incarnation
, aefté confirmée fur le Cal
vaire par l'effufion de fon Sang.
Dans lepremier de ces deux temps:
il n'eftoit pour les hommes qu'un
Dieu de vangeance & defeverité,
il ne parloit à fon peuple qu'au mi-
Lieu de l'obfcurité des nuées , de la.
lueur des Eclairs , du bruit du
Tonnerre. Moyfe luy- mefme ne
L'écoutoit , & ne foutenoit fa prefence
qu'avec unrefpectueux trem.
blement. Dans le fecond au contrai
re il n'est plus pour ces mefmes
hommes qu'un Dieu de mifericorde
& de clemence ; fa Iuftice ne corrige
les pecheurs qu'avec condefcendance
& douceur, & loin de vanger
par des châtimensfeveres cotre
profanation
GALANT , 1.45
profanation de fes Temples , que le
Schifme fait regner depuis plus
d'un fiecle dans cette cité fameufe,
il fe fert du Zele du plus grand &
du plus pieux de tous les Monarques,
pour introduire dans fes Tomples
profanez le vray culte dont
veut eftre adoré dans la Loy de
grace. C'eft LOUIS le Grand
Meffieurs , ce Prince incomparable ,
dont la pieté ne fait pas moins de
miracles dans la Religion , que fa
valeur a fait de prodiges dans la
Guerre , ce Fils aifne de l'Eglife
dont la foy à détruit l'Herefie & le,
Schifme dans fon Royaume , en y
établiffant parmy fes peuples cetie
precieufe unité de croyance qui doit
regner parmy toutes les Nations
avant lafin desfiecles; ce Monarque
triomphant dont la Renommée fait
retentir la gloire jusqu'aux extremitez
les plus reculées de la terre;:
Janvier 1688.
G
146 MERCVRE
pour quile nom de tres - Chreftien
feraun éloge immortel, & dont la
Liberalité & la magnificence font
revivre de nos jours l heureux fiecle
du Grand Conftantin,fiecle degrace
dans lequel le Chriftianifme fe répanditpar
tout le monde. L'Orient
& l'Occident fe trouverent remplis
de Temples érigez à la gloire du
vray Dieu , on vit l'Empire du Sanveur
s'étendre chez les Nations les
plus barbares, l'Eglife joüir d'une
paix profonde , & les richeffes dont.
ellefut comblée , furpaffer la gloire
&la grandeur de tous les Royaumes.
Ce qui arriva dans ce tempslà
, eft une peinture de ce que nous
voyons aujourd'huy . LOVIS LE
GRAND , l'appuy & le foûtient du
Mondefidelle portefes foins jufque
dans le fein de l'idolatrie & du Paganisme,
toutes les parties de l'Vni.
vers quifot inftruites des merveilles
defonregne reçoivetfa Religion, &
GALANT . 147
fouffrent , ou l'établiſſement , on la
reftauration de fon Dieu ; les Apofres
qui y publient les veritez du
falut , y font écoute , parce qu'on
ly revere& tout le monde vort avec
admiration que le Trefors de ce
Monarque , plus recommandable
par fa pietéque parfon Trône, font
toûjours ouverts, lors qu'il s'agit de
bâtir des Temples , ou de reparer
ceux que l'Herefie ou le Schifme ont
ruinez , d'orner & d'enrichir ceux
qu'ils ont dépouillez & où il
ne reste que les triftes veftiges
de leur avarice & de leur fureur.
C'eſt ainsi , Meffieurs , que
noftre Invincible Monarque , moins
Zelé pour la gloire de fon Empire
que pour celle defon Dieu , s'appli
que a elever l'Eglife de nos jours à
ce comble de grandeur où elle fe vit
fouslefameux regne du grand Confantin.
C'eft ainfi qed travaille à
G2
148 MERCURE
reduire au centre de la Foy les plus
petits d'entrefes peuples qui enfont
encorefeparez . C'eft ainſi en-un mot
que ja magnanimité met tout en
ufage pour les faire rentrer dans le
fein decette Eglife que le Sauveur
a établie fur la terre , aprés avoir
pris chair humaine dans le fein
d'une Vierge , qui devient un Temple
d'Amour & de grace au mo
ment qu'un Ange luy dit , Ave ,
& C.
Je ne vous diray rien de particulier
de cét : Eloge , finon
qu'il fut également fouſtena
& applaudy , chacun demeurant
d'accord que le predica
teur avoit farpaffé ce qu'on
en attendoit , quoy que l'on
s'en fuft promis beaucoup. 11
entra en matiere , difant , que
Dieu ayant eu des Adorateurs dés
lemoment qu'il avoit eu des créa,
GALANT.
149
" ཨ་ །
tures , ils'eftoit choifi des lieux pour
grecevoir leurs hommages , le Ciel
pour les Angesle Temple de Ierufalem
pour les Iuifs , le fein de Marie
pour le Verbe Incarné, & nos Eglifes
pour les Chreftiens & mais que
Dieu ne fe faifoit confacrer des
Autels par la pieté des Rois que
pour y affembler lesfidelles , & pour
faire tout à la fois & te depoft facré
de fa juftice , & le trône amoureux
de fa mifericorde , & le dépoft
facré de fa grace: de forte querefi
dent d'une façon plus finguliere
avec les enfans des hommes dans
cette demeure commune , que dans
tous les lieux particuliers de ce va
fte Univers , il demandoit principalement
trois chofes aux Chrétiens
qui s'y affembloient , c'est à
dire qu'il vouloit y eftre adoré
qu'il vouloit y eftre craint , qu'il
vouloit y estre prié; qu'il vouloit y
G
3
150 MERCURE
eftre adoré comme Dieu , qu'il vouloit
y eftre craint commeJuge, qu'il
vouloit y estre prié comme bienfaieur
; qu'il vouloit y eftre adoré
comme Dieu avec une profonde veneration,
qu'il vouloit y eftre craint
comme luge avec un respectueux
tremblement , qu'il vouloit y estre
prié comme bienfaicteur avec un
fervent amour.
Il ajoûta fur la fin de fon
difcours , que dans un fiecle où
l'Eglife eftoit dans cette tranquilité
parfaite que luy acquirent autrefois
le fang du Sauveur du Monde
, & celuy des Martyrs , &fous
un regne où elle eftoit protegée par
Le plus Chreftien de tous les Mo- ·
narques , les Chreftiens eux-mefmes
formant leur conduite fur unfi be as
modele , devoient travailler par
leurs prieres , & par leurs lærmes
à la converfion de leurs Freres feGALANT..
151
parez. L'aprefdinée , lors que
Fon eut chanté Vefpres , le
Pere Antoine Gritz , Chanoine
Regulier de S. Auguſtin de la
Congregation S. Antoine , précha
en Allemand avec fuccés
devant un tres - nombreux Auditoire
. Illoüa d'une maniere.
délicate & fervente les prodiges
de la pie é & de la ma-,
gnificence du Roy envers l'Eglife
. Monfieur & Madame de
Chamilly ,Monfieur le Préteur
Royal , & la plupart des per-.
fonnes confiderables
qui
avoient entendu le premier
Sermon , fetrouverent encore à
celuy cy ,& la mefme Mufique
chanta dans le temps de la
bencdiction qui fut donnée par
Monfieur l'Abbé de Cartigny.
On chanta auffi le Domine falvumfac
Regem,ainsi qu'on avoit
G
4
752 MERCURE
fait à la fin de la Meffe Paroif
,
fale , & qu'on fera à toutes les
aurres les jours de Diman -
thes & Feftes . Le public témoigna
beaucoup de joye de
Perection que Sa Majesté a
faite de cette paroiffe , & il
y a lieu d'efperer qu'elle ne
contribuera pas peu à la converfion
de plufieurs Lutheriens.
Monfieur le Marquis du
Chatelet a époufe ces jours
paffez Mademoifeile de Bellefond
. Ce Marquis eft Chef
du nom de l'illuftre Maifon des
Maréchanx hereditaires de
Lorraine, & Chevaliers de l'ancienne
Chevalerie de ce Duché
. La Maifon du Chatelet eft
Huë de celle de Lorraine , &
elle a pretendu eftre de la
branche des Aifnez. Hy à eu
GALANT . 153.
-

autrefois conteftation là - defi
fus , & le Roy de France ,au
lieu des trois Alerions d'argent
dont la bande de gueules eft
chargée aux Armes de Lorraine
, luy donna trois Fleurs
de Lys d'argent , que ceux de
cette Maifon ont confervées
depuis ce temps là : Mademoifelle
de Belle - fond et Fille de
Monfieur le Maréchal de Bellefond
, premierEcuyer de Madame
la Dauphing . Ie ne vous
dis rien de fes Belles qualitez .
Vous trouverez fon portrait en
Vers dans les Madrigaux de la
Relation quejay faite du dermier
Carroufel. '
Enfin,Madame , après avoir
eu fouvent de fauffes nouvelles
d'Agria rendus , nous avons
fecu avec certitude que cette
Place eft rentrée fous Foberf
GS
.
154
MERCURE
fance de l'Empereur. Elle eſt
dans la haute Hongrie fur une
Riviere de ce mefme nom qui
fe jette dans la Teiffe à trois
lieues de là . La Ville eft petite
, mais trés -bien fortifiée .
Elle a efté autrefois le Siege
d'un Evefché , fuffragant de
Strigonie , & on l'appelloit le
boulevart de la Chrétienté.
Les Turcs l'affiegerent en
1552. Leurarmée eftoit de ſoixante
& dix mille hommes ;
mais quoy que la Place ne fût
forte alors , ny par la nature ,
ny par l'art , le courage de la
garnifon fut une defenfe qu'ils
ne purent furmonter. Outre
deux mille Hongrois qui eftoient
dedans , il y avoit foixante
Gentils - hommes de la
premiere Nobleffe qui s'y
eftoient enfermez avec leurs
1
GALANT. FIF
femmes , leurs enfans , & ce
qu'ils avoient de plus riches
meubles . Le ferment qu'ils
firent de ne fe point rendre , à
quelques fâcheufes extremitez
qu'ils fallent reduits , les
obligea de mettre toutes leurs
provifions dans des Magaſins
publics , & lors qu'ils furent
fommez , ils firent voir pour
toute réponſe un cercueil fur
les creneaux des murailles ,
pour faire connoiftre que la
mort eftoit le party qu'ils choififfoient.
Cinquante pieces de
Canon battirent la ville. quarante
jours fans difcontinuer ,.
& les Affiegez ne perdirent pas
courage. Il y eut jufqu'à huit
milie Turcs de tuez en trois
affauts que les Ennemis don -
nerent en un mefme jour , &.
la vigueur avec laquelle ils fu
G6
156
MERCURE
rent toûjours repouffez , les.
contraignit d'admirer la valeur
de ceux qu'ils attaquoient. La
vertu des femmes éclata fur
toutes chofes dans un combat
fi rude & fi opiniaftré . L'une
d'entr'elles combattant avec
fon mary qui fut tué auprés
d'elle , famere qui l'avoit ac
compagnée les armes à la
main , luy dit qu'elle en emportaft
le corps pour le faire.
enterrer à quoy cette coura--
geule femme répondit, qu'elle
vouloit le vanger auparavant .
Auffi -toft elle prit l'épée & le
bouclier de fon mary mort , fe
jetta au milieu des ennemis ,
& ne fortit du combat qu'aprés
avoir donné la mort à trois
Tures . Une autre femme , prefte
à jetter une groffe pierre
fur les Ennemis , eut la tefte.
GALANT.
157
emportée d'un coup de canon ..
Sa fille qui la fuivoit prit cette
pierre , teinte du fang de fa
merc , & la jetta fur ceux qui
tâchoient de monter fur la mutraille
. Les Turcs étonnez de
ces exemples d'intrepidité , leverent
le Siege le 19.Octobre,
& furent fuivis par les Affiegez
, qui en taillerent en pieces
un fort grand nombre , &.
prirent la plufpart de leur bagage.
Cette Ville qui avoit
bravé les forces de Soliman^ ,,
ne pût refifter à celles de Ma .
homet III. qui l'affiegea en
perfonne en 1990. Son Armée
eftoit de cent cinquante mille
hommes. Comme on refolut :
d'attaquer la place par cinq
endroits , on éleva pour cela.
cinq gros Baftions , où toute :
FArtillerie fut placée. Les Baf
158 MERCVRE
fas Giaffer, Ibrahim , Cigale &
Affan commanderent quatre
des Attaques , ie quartier de
Mahomet occupoit le cinquiéme
lieu. Les Turcs firent des
affauts continuels , & la Ville
ayant efté abandonnée ; on fe
retira dans la Citadelle . Elle
eftoit converte d'un gros Boulevard
, qui fut foudroyé de
coups de Canon . Les brèches
ayant obligé d'aller à l'affaut ,
les Infidelles en donnerent
quatre confecutifs , où ils furent
repouffez toûjours avec
perte. Cette voye leur femblant
trop longue , ils curent
recourts aux Mines. Il y avoit
un foflé entre cette Citadelle
& une montagne cultivée en
vignoble, Mahomet le fit rem
plir de bois & d'autres materiaux
, afin d'en venir plus fa
GALANT.
159
cilement aux mains.Ce travail
fut ruiné par les Affiegez , qui
ayantfait une vigoureufe fortie,
contraignirent les Ennemis
de fe retirer . Ils furent piquez
de cet affront , & honteux que
la prefence de leur Empereur
ne les puft faire venir à bout
de leur entreprife , ils marcherent
pour la cinquième fois à
l'affaut avec tant d'impetuofité ,
que n'eftant point refroidis par
le grand nombre de morts qui
tomboient de tous coftez , ils
fe rendirent maiſtres du vieux
Chafteau. Huis cens Chre-
Aiens y perirent. L'aga des
Ianiffaires fit couper la tefte à
la plufpart , & l'on en porta
quarante à Mahomet. La prife
du vieux Chafteau fit que la
Garnifon fongea à fe rendre ..
Niarius & Terskius , qui y
160 MERCURE
"
commandoient en qualité de
Gouverneur & de Sergent
Major , ayant reprefenté aux
Soldats que le fecours eftoit à
leurs portes , & que quand ils
accepteróiem une compofition
ce ne feroit que pour eftre
- égorgez par des Infidelles , qui
promettoient tout pour ne rien
tenir , ils les obligerent à foutenir
encore fept affants ; mais
le fecours ne paroiffant point
au bout de dix jours , & douze
Mines ayant renverfe la plufpart
des fortificatiós de la Pláce
, les Soldats capitulerent le
Octobre , malgré les prieres
& les menaces de leurs Chefs .
Les conditions furent qu'ils
fortiroient vies & bagues fauves
, & que Niarius & Terskius,
& deux Colonels demeureroient
prifonniers de guerre ,
pour cftre échangez contre des .
A
13.
GALANT. 161
Tarcs prifonniers de leur quafité
. On ne leur tint point ce
qu'on leur avoit promis. A peine
furent ils à deux lieuës du
Camp , que douze mille Turcs
& Tartares les inveftirent , &
Fes tailleren en pieces faus
vouloir donner la vie à pas un
Les quatre Chefs , à qui on na
voit point voulu accorder la
liberté , furent menez à Mahomet
,qui ayant efté averty dr
carnage qu'on avoit fait de la
Garnifon , dont on accufoit
Allan Baffa , & l'Aga des la
nillaires , fit mettre ce dernier
en pieces devant les yeux ,
& pour faire voir qu'il n'autorifoit
point cette perfidie , il
commanda qu'on euft à publier
dans fon Camp , que fur peine
de la Vie, on mit en liberté tous
ceux de la Ville qui feroient
encore dans les fers.
162 MER C VRE
Voilà , Madame , ce que
'Hiftoire nous apprend des
deux Sieges de cette Place .
On avoit refolu il y a environ
trois ans ,de s'en rendre maiftre
en la tenant feulement bloquée
. Quoy que le projet de
prendre ainfi des Places ne foit
pas nouveau , les fuccés de ces
fortes d'entrepriſes ne laiffent
d'eftre rarement heureux , puis
que de ccnt à peine en voit - on
réuifir une . Il eftoit non feule .
ment befoin pour venir à bout
de celle - cy, qu'on gagnast une
Bataille ; mais il falloit encore
que cette Bataile entraînaft la
perte de plufieurs Villes , &
que cette perte fuft caufe d'une
defolation generale dans l'Empire
Turc . Tout cela eft heureufement
arrivé , & Agria
s'eſt rendu , trois mois aprés
GALANT .
163
que toutes les Troupes Othomanes
étant devenues rebelles
à leur Souverain , ont ab.n.
donné les pays qu'elles devoient
défendre , pour l'aller
dépoffeder. Il y avoit prés de
fept mois que la Place manquoit
de pain , & qu'il n'y en
avoit pas mefme pour le Gouverneur.
Il eft pourtant à préfumer
qu'il en auroit pu coferver
pour fa perfonne ,mais comme
rien n'excite tant à fouffiir
l'indigence que l'exemple d'un
Chef, qui endure luy- mefme
ce qu'elle peut avoir de plus
rude , il y a de l'apparence
que le Commandant de cette
Place qui a paru brave & intelligent
, a efté affez politique
pour vouloir fouffrir avec
ceux qui luy aidoient à la dé .
fendre , afin de les empefcher
164
MERCVRE
de montrer plus d'impatience
de fe rendre qu'il n'en témoiguoit.
Pendant que cette gran
de difette a daré , il eft entré
dans la Ville en plufieurs occafions
quelques facs de bled
que des parfans fujets de l'Empereur
,
attirez par le grand
gain , ne laifoient pas d'y
porter , malgré les perils où ils
s'expofotent à caufe des défenfes
rigoureufes qu'il y avoit d'y
en faire entrer . On leur don
noit cent écus de chaque fac ,
mais cela n'arivoit que rarement.
Il euft mefme efté à fouhaiter
qu'il n'en fuft point entré
dans la Ville , pour le defordre
que pouvoit caufer ce
petit foulagement . Mais on
dit , que le Gouverneur en a`
toûjours ufé en ces -rencontres ,
avec une politique & une pruGALANT.
165
dence , qui luy attiroient l'eftimé
de tous ceux dont il avoit
à ménager les efprits , puis qu'il
faifoit diftribuer ces grains
aux plus foibles , aux plus infirmes
, & aux convalefcens .
On fe nourriffoit de Mil dans
la Place , & on n'en avoit pas
fuffifamment . La chair de cheval
y eftoit mefme fort rare
quand la Ville s'eft renduë , &
elle s'y eft vendue plus d'un
écu la livre. Le Gouverneur
fe voyant obligé de fe rendre
pour empefcher le peuple de
Ja Place & la Garnifon de perir
par la faim , a pris toutes
les précautions poffibles pour
obtenir une capitulation honorable
, & pour empefcher
que la Garnifon qu'il vouloit
fauver ne fuft mal - traittée , &
mefine maffacrée aprés eftre
1
166 MERCURE
fortie de la Place , comme elle
le fut fous Mahomet III. Il demanda
que l'Empereur fignaft
la capitulation , à cauſe du
refpcct qu'on doit avoir pour
les chofes qui font fignées de
la propre main des Souverains,
de forte qu'il falut pour cela
aller à Prefbourg, où ce Prince
eftoit alors pour faire couron
ner Roy de Hongrie l'Archi
duc Jofeph fon fils . Sa Majefté
Imperiale figna la capitulation ,
& l'on fit ce qu'on put pour
mettre la garnifon d'Agria en
eftat de fortir le mefme jour
que l'Archiduc Jofeph devoit
eſtre couronné , mais les méchans
chemins rompirent les
mefures que l'on avoit prifes
pour cela , & au lieu du 9. du
mois que la Garniſon devoit
fortir , qui eftoit le jour du
GALANT. 167
deux
Couronnement , elle ne fortit
que le 16. Ainfi l'Hiftoire ne
marquera point ces
grands évenemens dans un
mefme jour , comme on avoit
pretendu , l'Empereur ayant
dic pour cét effet que nonobftant
la capitulation qu'il avoit
fignée , on laiffaft fortir les
Turcs de la maniere qu'ils vou
droient , afin que rien ne retardaft
leur évacuation de la
Place , & qu'elle fe puft faire le
jour du Couronnement du
Prince fon Fils. Aprés qu'on
eut arrefté la capitulation ,
quelques Troupes eftant en.
trées dans la Place avant la
fortie de la Garniſon , les Im ÷
periaux fournirent aux Turcs
des vivres jour par jour , ce
qui caufa quantité de morts ,
à caufe que beaucoup man1-
68. MERC VRE
gerent avec trop d'avidité . Il
eft difficile d'exprimer la diferte
qui avoit eſté dans la place
On affeure que les trois der
niers jours avant la capitulation
, il n'y avoit plus de vivres
, pas mefme pour le Gouverneur.
Voicy de quelle maniereon
dit que les Turcs en
font fortis . Le bagage eftoit à
la tefte de tout. La femme du
Gouverneur paroiffoit enfuite
, les laniffaires venoient
aprés fans Tambour , & avec
leurs Enfeignes pliées.Huffein
Bacha Commandant de la Pla
ce,les fuivoit avec trois chevaux
. On battoit devant luy
une petite quaiffe oui tambour,
les Spahis fermoient la marche,
des Troupes qui eftoit
environ de fept cens hommes;
& aprés eux il fortit prés de
quatre
GALANT. 169
1
quatre mille Habitans , les
femmes & les enfans compris.
Il demeura dans la Place deux
cens malades , avec un grand
nombre de Chrétiens Efclaves.
que l'on mit en liberté & dont
la plufpart n'eftoient pas en
eftat d'en fortir , ny de rendre
ancun fervice, ayant encore été
plus mal nourris que la Garnifon
qui manquoit de vivres .
Il refta auffi trois cens Habitans
, qui fe font mis fous la
protection de l'Empereur , &
ont demandé le Baptefme .
On y trouva cent cinquante
pieces de Canon de toutes
grandeurs , fept Mortiers , &
quantité de provifions de
guerre , parce que n'ayant
point eu de Siege à foutenir ,
ils n'en avoient confumé que
ce qui leur avoit fervy pour
Ianvier 1688 . H
170
MERC VRE
4
1
quelques forties . Les Turcs
avoient preparé neuf Mines
pour les faire jouer , en cas
qu'aprés un long Siege, ils viffent
la Place reduire aux
abois . Il y eft mort de faim &
de maladie plus de dix mille
perfonnes pendant le blocus .
Tous les Comtez , Bourgs , &
Villages qui font de la dépendance
de la Place , font rentrez
fous l'obeiffance de l'Empereur.
Le Gouverneur d'Agria
Sayant trouvé hors la porte le
Comte de Caraffa qui commandoit
les Troupes de S.M.
Imperiale, luy prefenta les clefs
des Châteaux , de la Ville , &
des Archives , & luy témoigna
que quoy qu'il préviſt les malheurs
de l'Empire Othoman , il
n'auroit jamais rendu la Place
que fon Maitre luy avoit
GALANT. 171
confiée , s'il ne luy avoit pas
efté impoffible de la conferver;
mais qu'il la rendoit aprés y
avoir arrêté pendant trois ans
les Troupes qui la bloquoient ,
& y avoir fouffert pendant fix
mois une difette extraordinaire
de toutes fortes de munitions
de bouche & particulierement
de pain. Il ajoûta que fi
malgré tout cela , il avoit eu
lieu d'efperer quelque fecours ,
il auroit pery plutoft que de
fe réfoudre à capituler , mais
que n'en pouvant attendre aucun
, il n'avoit pas cru devoir
expofer le reste de la Garnifon,
& les Habitans aux malheurs
inévitables de ceux qui ne
parlent de fe rendre qu'aprés
la derniere extremité . Comme
le merite plaift toûjours ,
& qu'on le doit eftimer jufque
H 2
172 MERCVRE
dans fon Ennemy, le Comte de
Caraffa donna beaucoup de
louanges à ce Gouverneur. Il
l'embraffa , le traita magn fiquement
à difner, & luy donna
trois beaux chevaux avec
deux chariots attelez , & chargez
de toutes fortes de munitions
de bouche. Il regala auffi
quelques autres des principaux
Turcs , de divers rafraifchiffemens
, & fit eſcorter la
Garniſon par deux cens Chevaux
& une Compagnie de
Huffarts , jufques au grand
Vvaradin . Les Turcs ont laiffé
des oftages qui répondent du
retour de cette Escorte . On
leura auffi fourny trois cens
chariots pour le bagage , &
pour les Femmes & les Enfans .
Depuis que M. le Marquis
de Lavardin Ambaffadeur
>
GALANT.
173
A
de
Extraordinaire du Roy vers
Sa Sainteté , eft arrivé à Rome
il a veu avec Madame l'Ambaffadrice
tout ce qu'il y a
plus remarquable dans cette
celebre Ville . Le 24. du mois
paffé , il alla entendre la Meffe
de Minuit en l'Eglife de S.
Louis , Paroiffe de la Nation-
Françoife , & ily fit fes devotions
. Tous les honneurs qu'on
doit à fon caractere luy furent
rendus dans cette Eglife , ainfi
qu'à Sainte Marie Majeure, où
il alla enfuite , & où les Chanoines
le receurent avec les
mefmes honneurs . Le 26.il fut
fort furpris d'apprendre que
l'on avoit affiché à la porte de
l'Eglife de Saint Louis , un Placard
en forme de Sentence qui
déclaroit cette Eglife foûmife
à l'Interdit, fur ce que ce Mar-
H 3
174 MERC VRE
quis eftant notoirement excommunie
, ainfi qu'on le pretendoit
à caufe d'une Bulle du
12. May de l'année derniere, le
Curé & les Ecclefiaftiques n'avoient
pas laiffé de le recevoir
à l'Office divin & aux Sacremens
. Le lendemain Monfieur
lé Marquis de Lavardin fit la
Proteftation que vous allez
lire , & il en envoya des Copies
aux Cardinaux , aux Prelats
& à toutes les perfonnes
d'un rang diftingué . Il eft aifé
de connoiftre qu'elle a efté
dreffée felon les prudentes.
inftructions du Roy , qui en
toutes fortes d'affaires , foit de
Religion foit de Guerre, a toujours
une conduite également
ádmirable . Cette Piece eft fi
remplie de fageffè & de juge..
ment , & les importantes veriGALANT.
175
tez que l'on y trouve font fi
delicatement
demeflées , que
ceux mefmes qui voyent avec
chagrin la profperité de la
France , ne peuvent s'empefcher
d'en parler avec éloge .
Quoy qu'elle foit devenuë
blique , & qu'il n'y ait prefque
perfonne qui ne l'ait veuë , elle
merite d'étre confervée , &
vous ferez bien - aife de la retrouver
un jour dans mes Lettres
. En voicy les termes.
·
pu-
HENRY Charles , Sire de
Beaumanoir , Marquis de Lavardin
, Ambaffadeur extraordinaire
du Roy Tres - Chreftien auprés du
Pape Innocent X1. ne peut croire
que certain placard imprimé qui
court , fe debite , & fe voit affiché
dans Rome fuppofant excommuni
cation notoire contre luy , en vertu
de certaine pretendue Bulle à luy
H
4
176 MER C VRE
inconnuë, & non publiée en France,
puiffe eftre émanée de Sa Sainteté
mefme ; & il y aura peu
de gens
raifonnables dans toute la chretiente
, exempts de paffion & d'a
nimofitécontre la France , qui puif
Tent s'imaginer que dans le temps
que Sa Majesté employe avec tant
defuccés tousfes fains & fon auto
rité à ramener fes Sujets au giron
de l'Eglife , & à faire adorer &
fervir Dicu par tout où fon pouvoir
s'étend , dans la pureté de la Religion
Catholique ,
Apoftolique &
Romaine, un Pape , dont elle a defiré
l'exaltation , par l'estime qu'elle
a fait de fa vertu , je porie de
Luy-mefme àrefufer toute Audience
à
l'Ambassadeur d'un fi grand
Roy , Fils aifné de l'Eglife , qui a
autant & plus merité d'elle que fes
auguftes Anceftres , aufquels elle eft
redevable de la plus
confiderable .
GALANT. 177
partie de fa grandeur temporelle ,
& qui, mefme dans cette conjoncture
de continuelsfujets de mecontentemens
que luy donnent les Minitres
du Pape , n'a rien recommandé
plus expreffement à fon dit Ambaffadeur
, que de bien témoigner à
La Saintete le respect filial qu'il
aura toûjours pour Elle , & d'employer
tous fes foins à rétablir une
parfaite intelligence entre le Pape
& luy. Il paroift encore plus éloigné
de toute vray femblance , que
fa Sainteté ait voulu , fans forme,
caufe ,fansraifon , & fans l'avoir
entendu , interdire l'Eglife de
S. Louis , & le qualifier d'excommu--
nié notoirement , avant qu'il ait
rien fait qui puiffe attirer la moindre
cenfure , & qu'on ait mefme pû ·
fçavoir quelsfont les ordres dont il
eft chargé, quipartant de lafageffe
& de la preté d'un Roy Très Chrê
H& S
fans
178
MERC
VRE
ftien , ne le peuvent jamais expofer
à la peine d'excommunication , dont
auffi fon caractere reprefentant la
Perfonne Sacrée d'un fi grand Monarque
le doit toûjours mettre à
couvert. A Dieu ne plaife auffi que
leditfieur de Lavardin puiffefoup-.
çonner fa Sainteté d'un procede fi
extraordinaire & fi infoûtenable.
Il voit bien qu'il n'a fujet de fe
plaindre que de l'infolence & de la
temerité de ceux qui abufant de
la confiance , que les incommo--
ditez d'un âge auffi avancé qu'eft.
celuy de fa Sainteté , l'obligent
de prendre aux perfonnes qui
L'approchent , & dont Elle fe
fert pour eftre foulagée d'une
partie de fes foins , fe prevalent de
la creance qu'Elle a en cux , pour
luy faire prendre des engagemens.
directement oppofez aux fentimens
GALANT . 179
d'affection paternelle , que les plus
Saints Papes ont toujours euë pour
les Rois de France ; & donnant de
fauffes couleurs à tout ce qui paſſe
par leur canal, trompent les lumieres
de Sa Sainteté , & s'appliquent
à ne luy rien laiffer voir qui ne l'aigriffe
contre la France . C'est ce qui
leur a fait redoubler tous leurs
efforts, pour empefcher quefa Saintete
ne pust estre defabufee par tout
-ce que le Marquis de Lavardin
doit luy reprefenter au nom de Sa
Majefté ; Et il n'auroit pas de
peine à faire voir à fa Sainteté,
que lespretextes dont ils fefervent,
n'ont aucun fondement ; car non
feulement ledit Ambaffudeur n'eft·
pas venu pour troubler la jurisdi-
Etion temporelle de fa Saintese,
mais au contraire il peut protefter
avec verité de la part du Roy fon
Maistre , que , ficile eftoit attaquée
H 6
180
MERCURE
à
par qui que ce foit , Sa Majesté
employeroit les forces & la puiffance
que Dieu luy a mifes en main ,
pour maintenir le faint Siege ,
T'exemple des Rois fes Predeceffeurs,.
dans fes prerogatives & poffeffions ,
à l'augmentation defquelles ils ont
toûjours contribué. C'est auffi ce qui
doit obliger fa Saintetéà empécher,
comme Prince Souverain , qu'il ne
foit apporté dansfes Eftats aucune
diminution au refpect qui a toujours .
eftégardé envers les Ambaffadeurs
de France, & comme le Marquis
de Lavardimne pretend pas l'éten
dre au delà de la poffeffion imme--
moriale , dans laquelle lesdits Am-..
baffadeurs ont toujours efté , & que
Les Ducs de Crequy , de Chaulnes
& d'Eftrées fefont confervée , au
vû & fçû defa Sainteté , non feulement
en vertu de cette ancienne ·
Prerogative de la Couronne de
France dans la patrie commune de..
"
7
GALANT. 18.12
toute la Chreftienté , dont elle a
toûjours efté le plus ferme appuy,
mais auffien confequence du Traité
de Pife , à l'execution duquel le
Papen'eft pas moins obligé, que ce-
Luy qui l'a contracté , il n'y aura.
perfonne de bonfens qui puiffe prefumer,
que cette pretendue excommunication
puiffe regarder ledit
Ambaffadeur ; Et fans entrer dans
toutes les raifons qui ont eftéfifou
vent dites far la Bulle In Coena
Domini,contre laquelle toute l'Eglife
Gallicane affemblée à Tours en
15.10.a reclamé,come eftant infoûtenable
àl'égard de la Fråce‚¿ publiéepar
un Pape qui s'en étoit declaré
ennemy capital , ny dans tout
ce qu'on peut dire contre les autres
Bulles qui fervent.de fondement à
celle que l'on preted efire de ja Sain
seté , laquelle ne peut jamais eftre
publiée ny receue dans le Royaume,
པི
1182 MERCURE
lors
ilfuffit de dire que le Marquis de
Lavardin eft Ambaffadeur de fa
Majesté Tres Chreftienne , & par
confequent exempt de toutes Cenfures
Ecclefiaftiques , tant qu'il fera
revestu de ce caractere , & qu'il
executera les ordres du Roy fon
maistre. Ainfi il ne juge pas necef
faire d'appeller de cette pretenduë
excommunication du Pape mal informé
à fa Sainteté mefme ,
qu'elle fera defabufée , dans l'Audience
qu'Elle luy accordera , des
fauffes impreffions , que luy ont don
nées des efprits brouillons , & ènnemis
de la France , qui ne travaillent
qu'à rompre le bon concert qui
doit eftre entre le faint Siege & fa
Majesté. Il'eftime auffi qu'il eft inutile
d'en appeller au futur Concile
legitimement affemble ; & nean
moins dés- à- prefent & en tant que
GALANT.
183
befoin feroit , il proteste de nullité
de tout ce qui pourroit avoir esté.
fait , ou eftre à l'avenir prononcé ,
publié ou affiché contrefa perfonne,.
La famille , fes domestiques ou autres,
& defe pourvoir ainfi que de
raifon , declarans quefi quelqu'un,
de quelque qualité que ce puiffe
eftré , manque au respect & aux
égards quifont dus à fon caractere,
ilferendra refponfable envers Dieu
& les hommes de tous les malheurs,
que peut attirer après fog l'offenfe
faite àfa Majesté , en vio
lant le droit des Gens en la perfonne
de fon Ambassadeur : Fait à Rome
le 27. Decembre , milfix cens hui .
tante-fept..
L'Ordonnance affichée à
Rome le 26.Decembre, cftant
venue en la connoiffance de
Monfieur le Procureur Gene ,.
184
MERCURE
ral du Parlement de Paris , il
fit venir le 22..de ce mois au-
Parquet de Meffieurs les Gens
'du Roy , Monfieur Mouffinot
l'Aifné , Notaire Apoftolique ,
par devant lequel il declara en
prefence & par l'avis de Monfieur
Talon , & de Monfieur
de la Moignon , Confeillers
d'Eftat , & Avocats Genéraux .
de Sa Majefté dans le mefme
Parlement , qu'ayant vû il y a
quelque temps des Exemplaires
d'une Bulle donnée le 12.
May dernier , par noftre S..
Pere le Pape Innocent XI.touchant
les Franchifes dont certaines
Perfonnes font en poffeffion
de jouir dans Rome , if
n'avoit pû croire que Sa Sainteté
euft eu le deffein de comprendre
les Ambaffadeurs
le Roy voudroit bien luy en--
ya
que
GALANT.
185
voyer , dans les menaces generales
d'excommunication qui
s'y trouvent inferées , contre
l'ufage obfervé dans les Bulles
faites fur ce mefme fujet par
d'autres Papes ; qu'il avoit ef.
peré que fi Elle perdoit le fou
venir du pouvoir fouverain
que des Rois , Predeceffeurs
de Sa Majefté , avoient exercé
dans Rome , des liberalitez
qu'ils ont faites au faint Siege ,
& de la protection qu'ils ont
donnée à plufieurs Papes , au
moins , en qualité de Chef vifible
de l'Eglife , Elle feroit
touchée de la pieté du Roy ,
qui par des prodiges prefque
incroyables , a réüny dans le
fein de cette Mere commune
des Fidelles , un nombre infiny
d'Enfans qui s'en eftoient éloignez
, & qu'Elle ne luy conte186
MERCVRE
fteroit pas des droits qui n'avoient
receu aucune atteinte ,
mefme fous fon Pontificat, depuis
plufieurs années . Mais
qu'ayant appris que le Cardinal
qu'Elle a pour Vicaire à
Rome , avoit eu ordre de declarer
l'Eglife de S. Louis , & les
Ecclefiaftiques qui la deffervent
, interdits pour
avoir re-
,
ceu à l'Office & aux Sacremens
Monfieur le Marquis de Lavardin
,Ambaffadeur Extraordinaire
de France , qui eftoit
venu y faire fes Devotions le
24. Decembre Veille de
Noël , fuppofant par l'Ordonnance
renduë fur ce fujet qu'il
eftoit notoirement excommunié
, ce feroit manquer à fon.
devoir que de demeurer plus
long- temps dans le filence . Que
ce qui avoit donné lieu à un
GALANT. 187
tel excés regardoit la lurifdiction
Ecclefiaftique qui appartient
au Pape , il feroit voir
aifément les erreurs commifes,
en procedant contre une perfonne
quela Bulle ne dénomme
particulier , à qui l'on n'en
a point fait connoiftre les difpofitions
depuis fon arrivée à
Rome, & qui avoit pûles ignorer
en France , où cette Bulle
n'a pas efté publiée ; que le
Pape n'avoit pu condamner
comme Ambaffadeur , puis.
qu'outre que fon caractere le
garanciffoit de ces foudres à
Fégard de fes fonctions Sa Sainteté
ne l'avoit voulu entendre
ny reconnoître en cette qualité
, quelque inftance qu'il en
euft pu faire ; & que par les regles
mefme du Droit Canoni
que, il falloit que les Perfonnes
188 MERCVRE
d'une Dignité aufì éminente
que la fienne , euffent efté défignées
nommément dans des
Bulles de cette nature , avant.
que de pouvoir encourir les
peines qu'elles prononcent ;
mais que le Pape s'eftant fervy
dans celle cy pour une matiere
purement tempor lle , comme
font les Franchifes des Ambaffadeurs
du Roy , des armes
fpirituelles qui luy font
uniquement confiées pour
la conduite , & pour l'édification
de l'Eglife , & s'eftant
constitué luge dans fa
propre caufe , l'Excommunication
que le Cardinal Vicaire
de Sa Sainteté énonçoit avoir
efté encouruë ,, eftoit abfolument
nulle , qu'aucune procedure
n'eftoit neceffaire pour
Paneantir , & que ceux qu'on
GALANT.
189
y pretendoit comprendre, n'en
devoient pas mefme recevoir
l'abfolution , quand elle leur
feroit offerte chez eux . Que
luy , Procureur General du
attendoit
ainfi que
Roy ,
2
tous les François , de la feule
puiffance de. Sa Majefté , la
reparation que demandoit un
tel procedé , & la conſervation
de ces Franchifes , qui eftant
des droits de la Couronne , ne
pouvoient recevoir d'autre diminution,
que celle que la moderation
de ce grand Prince
leur pourroit donner ; Que
rien ne pouvant contribuer
davantage à affoiblir dans l'efprit
des foibles ou des libertins
, la veneration qui eft
deuë au pouvoir de l'Eglife ,
quele mauvais ufage qui en
pouvoit être fait par fes Minif
190 MER CVRE
tres , il déclaroit en qualité de
Procureur General de Sa Majefté
, qu'il eftoit appellant ,
comme de fait il appelloit par
le prefent Acte , de l'uſage
abufif que l'on avoit fait de ce
pouvoir dans lesdites Bulle &
Ordonnance , non pas à noftre
faint Pere le Pape Innocent
XI. mieux informé , comme
on l'avoit pratiqué à l'égard
de quelques - uns de fes Predeceffeurs
, lors qu'ayant de
veritables idées de leur puiffance
, & agiffant par euxmefmes
, fans eftre accablez
de l'âge , ils donnoient lieu
d'efperer que le temps leur
feroit connoiftre la Iuftice &
la verité des plaintes qui leur
eftoient adreffées , & que la
qualité de Pere commun de
tous les Chreftiens l'emportoit
GALANT. 191
fur les partialitez de ceux
qu'ils honoroient de leur confiance
, ou fur des préventions
en faveur de leur patrie , proteftant
de relever fon appel
fur ce grief, & fur les autres
qu'il expliqueroit en temps &
lieu , au premier, Concile general
qui fetiendroit , comme
au Tribunal veritablement
fouverain & infaillible , auquel
fon Chef viſible eft fou
mis , ainsi que fes autres membres
dans lequel Concile il
pourfuivroit entre autres chofes
, un reglement qui l'empéchaft
d'employer une autorité
fi fainte , à des ufages
auffi éloignez de ceux pour
lefquels elle a esté confiée à
l'Eglife en la perfonne de faint
Pierre , qui fift fouvenir le
;
192 MERCURE
Pape que Dieu ayant feparé les
deux puiffances du Sacerdoce.
& de l'Empire , Sa Sainteté ne
pouvoit fe fervir de l'autorité
de la premiere pour des droits
qui dépendent de la feconde ;
qu'Elle devoit poffeder fuivant
les loix du fiecle ces
grands Etats que les Papes fes
Predeceffeurs ont receus de la
liberalité des Princes du fiecle,
& particulierement de celle
de nos Rois & qui luy remiſt
devant les yeux cette verité
écrite à l'un de fes Predeceffeurs
par un grand Archevefque
de France , qu'un Prelat ,
qui excommunioit un Chreftien
contre les regles , & pour
des droits d'un Royaume de
la terre , ne pouvoit priver de
la vie éternelle celuy à qui
il faifoit cette injuſtice , fi
fes
GALANT: 193
I
fes pechez ne le rendoient pas
indigne de la mifericorde de
Dieu .
·
Le lendemain. , 23. de ce
mois , la Grande- Chambre &
la Tournelle s'eftant affem .
blées , Meffieurs les Gens du
Roy entrerent , & Monfieur
Talon , Avocat General , qui
portoit la parole ,fit un difcours
tres judicieux & tres- élo
quentfur la mefme Bulle , &
l'Ordonnance du Pape qui
avoient donné fujet à l'Acte
d'Appel interjecté le jour precedent
par Monfieur le Procu
reur General. Après avoir die
d'abord qu'entreprifes faites
par la Cour de Rome en pluż
fieurs occafions , pour donner
atteinte aux Libertez de l'Eglife
Gallicane , aux droits &
Janvier 1688. I
194
MER CVRE
preéminences
de la Couronne
de France , l'hiftoire des Siecles
paffez ne marquoit rien de
femblable à ce qui s'eftoit paffe
fur la fin du dernier mois , il
parla des foins qu'avoit pris le
Roy de s'opposer aux progrés
d'une Herefie naiffante , & de
faire executer les Decrets d'Innocent
X. & d'Alexandre
VII.
ce qui avoit efté fuivy de la
réunion de prés de deux cens
mille perfonnes rentrées dans
le fein de l'Eglife , qui reconnoiffent
aujourd'huy
la puif
fance legitime du Siege de
Rome , dont ils avoient auparavant
fecoué le joug.Il dit que
lors que Sa Majefté devoit attendre
des accroiffemens
de
graces & de faveurs de la part
du Pape , en reconnoiffance
de
la protection
fi puiffante & fi
GALANT, 195
>
efficace qu'Elle donnoit à l'Eglife,
Sa Sainteté prévenuë par
des Efprits factieux avoit
voulu prendre connoiffance
des Declarations faites par
le Royau fujet de la Regale' ,
fans confiderer que ce droit ,
l'un des plus éminens de la
Couronne , avoit efté reconnu
par un tres-grand nombre de
fes Predeceffeurs , qui n'a- .
voient jamais pretendu y mettre
de bornes. Il fit connoiftre
la bonté du Roy , qui prenant
la Iuftice pour regle de toutes
fes actions , avoit bien voulu
affembler le Clergé de France,
pour écouter les remontrances
& les prieres des Prelats , aufquels
il avoit accordé la meit
leure partie de ce qu'ils luy
avoient demandé confentant
de diminuer quelque chofe de
I 2
196
MERCURE
fon autorité en faveur de la
diſcipline . Il ajoûta que les
Evefques ayant efté avertis
que les Docteurs Ultramontains
, & les Emiffaires de la
Cour de Rome , fe fervoient
de toutes fortes de moyens
pour répandre dans le Royaume
les opinions nouvelles de
l'infaillibilité du Pape, & de la
puiffance indirecte que Rome
s'efforce d'ufurper fur le temporel
des Rois, cette Affemblée
n'avoit pas pretendu former
une décifion d'une Controverfe
douteufe , mais rendre un
témoignage public & autentique
d'une verité conftante
que tous les Peres de l'Eglife
avoient enfeignée , & que tous
les Conciles , & fur tout ceux
de Conftance & de Bafle avoient
determinée ; que le
GALANT.
197
"
Cardinal de Lorraine affiftant
au Concile de Trente , avoit
déclaré publiquement que la
Faculté de Theologie de Paris
& les Vniverfitez du Royaume
, eftoient perfuadées , ainfi
que toute la France , que le
Pape bien loin d'être infailli
ble , devoit eftre foumis aux
décifions des Conciles , fans
qu'il euft paru que la Cour de
Rome euft regardé cette déclaration
comme une injure faite
à fon authorité , & qu'on ne
pouvoit voir fans eftonnement
que Sa Sainteté s'en trouvaft
bleffée , en forte que le Roy
ayant nommé à l'Epifcopat
quelques-uns de ceux qui ont
allifté à cette Affemblée on leur
avoit refufé des Bulles fous
pretexte qu'ils ne faifoient pas
profeffion d'une faine doctri-
I 3
198
MERCURE
ne . Il fit voir les confequences
de cet injufte refus puis que fi
le fondement en eftoit folide ,
tous les Ecclefiaftiques du
Royaume , & particulierement
ceux qui prennent dans les
Univerfitez les degrez neceffaires
pour parvenir à la Prelature
, fotitenant avec une fermeté
invincible les propofitions
dont fe plaint le Pape ,
nous n'aurions plus d'Evêques
à l'advenir, trente - cing Cathe
drales eftant déja deſtituées de
Paſteurs, & cela dans un temps
où la prefence des Evefques
eft tres - neceffaire dans leurs
Diocefest à caufe du grand
nombre de nouveaux Convertis
qui ont besoin d'inſtruction
pour eftre fontifiez dans la
creance Orthodoxe . Il paffe
delà au deffein que Sa
ALQUE
GALANT.
Sainteté , jalouſe de ignal
fon
Pontificat par quelque
nouveauté faftueufe , avoit
conceu de détruire les Franchifes
des Ambaffadeurs des
Têtes couronnées. Il avoüa que
Jules III. Pie IV . Gregoire
-XIII. & Sixte V. avoient cherché
des expediens pour faire
ccffer ou diminuer l'abus que
commettoient quelques - uns
des Miniftres des Princes par
l'azile qu'ils donnoient dans
leurs quartiers à des perfonnes
coupables de crimes énormes
; mais il dit enfuite , que
malgré l'effort qu'ils avoient
fait pour abolir les Franchiſes,
ils avoient reconnu par leurs
Bulles que les Miniftres des
Princes étoient en cela fondez
fur une ancienne poffeffion ,
qui ne leur pouvoit eftre dif-
I 4
200 MERCVRE
putée. Il fit connoître que les
Préeminances de la Couronne
de France eftant appuyées fur
des titres autentiques , il y
avoit de l'ingratitude aux Papes
à n'en pas tomber d'accord ,
& à oublier qu'ayant efté longtemps
perfecutez , retenus prifonniers
, envoyez en exil ,
tantoft par les Empereurs de
Conftantinople , ou par les
Exarques de Ravenne , tantoft
par les Rois des Lombards Pepin
& Charlemagne , aprés les
avoir affranchis de cette hontcufe
fervitude , leur avoient
encore donné ce qu'on appelle
aujourd'huy le Patrimoine de
Saint Pierre , & que le fecours
que l'Eglife,& fur tout le Siege
de Rome avoit en tout temps
receu de nos Rois , leur avoit
fait meriter le nom glorieux de
GALANT: 201
Fils Aifnez de l'Eglife ; qu'ainfi
les Ambaffadeurs de nos Rois
s'eftoient toûjours maintenus
en poffeffion des Franchifes , &
que Sa Majefté s'eftant plainte
de l'infulte faite dans le quartier
, & à la Famille de Monfreur
le Duc de Crequi fon
Ambaffadeur , le Neveu du Pape
eftoit venu en qualité de
Legat luy en faire des excufes
, qu'on avoit caffé le Regiment
des Corfes , Auteurs de la
violence , qu'on avoit erigé à
Rome une Piramide pour fer
vir de Monument à la fatisfa
dion du Roy, & que le Traité
de Pife porte qu'on rendra aux
Ambaffadeurs du Roy. Tres-
Chreftien le refpect & la déference
qui leur eft duë . Monfeur
Talon vint enfuite aux
menaces d'excommunication
201 MERCVRE
contenuës dans la Bulle que
revoque les Franchifes , & aprés.
avoir marqué qu'il eftoit inconteftable
que nos Rois ny
leurs Officiers ne peuvent eftre
fujets à aucune excommuni .
cation pour tout ce qui regarde
Fexercice de leurs Charges , it
dit , que fuppofé qu'il fe fuft
formé quelque different entre
le Roy & le Pape , touchant
les Franchifes du quartier de
Ambaffadeur de France, cette
conteftation ne regardant ny la
Foy ny la doctrine de l'Eglife ,,
c'eftoit une affaire toute temporelle
, du nombre de celles
que les Souverains traitent
entr'eux à l'amiable par leurs .
Miniftres & qu'on ne pouvoit
affez s'étonner que dans une
matiere purement prophane, le
Pape fe fervift des Armes fpiGALANT.
203
2
rituelles & de la puiffance de
lier & de delier ; que la Bulle
de Jules 111. qui condamnoit
la Franchife des quartiers,tant
à l'égard des Miniftres des
Princes que des Cardinaux,
exhortoit les Officiers de Iuftice
de faire leurs charges dans
toute l'étendue de la Ville ,
pour rechercher les coupables,
& déclaroit ceux qui leur refifteroient
criminels de leze
Majefté , ce qui faifoit voir
que cette Bulle dans laquelle il
n'y a aucun veftige d'excommunication
& de cenfure ,
n'eftoit qu'un Reglement de
Police fait par le Pape , comme
Prince Temporel & dont l'execution
eftoit commife aux.
luges Seculiers . I parla auffi
des Decrets de Pie IV . de
Gregoire X111 & de Sixte V,
I 6
204
MERCURE
qui avoient efté ſemblables , &
qui n'avoient pas empefché
nos Ambaffadeurs de conferver
la Franchiſe de leur quartier,
dont feu Monfieur le Duc.
d'Eftrées avoit jouy fans aucun
trouble jufques à fa mort ,.
quoy que toutes ces Bulles impofaffent
des peines trés- re-,
doutables , & aux luges qui to--
lereroient la Franchife des
Quartiers , & aux Sujets du
Pape qui fe ferviroient de ces
Aziles , pour éviter de payer,
leurs debtes ou de fubir le châtiment
deu à leurs crimes . II
dit , que Sa Sainteté , non con.
Lente de renouveller ces anciens
Decrets , avoit marqué
fon aigreur & fon efprit de domination
, en inferant dans la
Bulle des claufes d'excommu̟-
nication qui excedoient l'e
GALANT: 205:
xercice d'une puiffance legitime
; que pour pretexter une
nouveauté fi fcandaleufe , elle
rappelloit la difpofition de la
fameufe Bulle in Cena Domini,
ainfi appellée , parce qu'elle fe
lit à Rome tous les leudis de
la Semaine Sainte ; que fi ce
Decret par où les Papes fe declarent
Souverains Monarques
du monde , cftoit legitime
, la Majefté Royale feroit.
dans la dépendance de leur
Thiare ; qu'il fembloit que
Rome vouluft aujourd'huy
fuivre les traces de Iules II. &
renouveller fes
emportemens
contre la France , fans fe fouvenir
qu'il a laiffé une memoi
re odieufe dans la Republique .
Chreftienne; que quand Gregoire
IV. voulant fe rendre
Arbitre du differend qui eftoit
206 MERC VRE
entre Louis le Debonnaire &
& fes Enfans , avoit menacé
nos Evefques de les excommunier
s'ils n'entroient dans
fes fentimens , un procedé fi
contraire aux Canons , les avoit
obligez de répondre avec cou
rage qu'ils ne luy obeïroient
point , & que s'il venoit dans
le deffein de les excommunier
, il s'en retourneroit luy
mefme excommunié , que le
mauvais ufage que les Papes
avoient fait en tant de rencontres
de l'autorité dont ils font
dépofitaires, en la reglant feulement
fur leur volonté , avoit
efté la fource des maux pref
que incurables dont l'Eglife eft
affligée , & le pretexte le plus
fpecieux des Herefies & des
Schifmes du dernier Siecle , &
GALANT 107
qu'un des plus grands obftacles
qui s'oppofaffent à la conver
fion des particuliers , & mefme
dés Provinces entieres , venoit
de la feule idée de l'infaillibi .
lité & de la puiffance indire
ête que la complaifance des
Docteurs Italiens attribueirau
Siege de Rome fur le temporel
des Princes étant évident
>
qu'on ne fçauroit trop infinuer
dans les efprits , que ces
opinions nouvelles ne font
point partie de la doctrine de
VEglife Univerfelles que pref
que tous les Cardinaux qui
compofent le Sacré College ,
avoient fait tous leurs efforts .
pour détourner le Pape de publier
la Bulle qui revoque les
Franchiſes des Ambaffadeurs,
& qu'ils ne l'avoient fignée
que par une obeïffance aveu208
MERCVRE
gle à fes ordres . Que quoy
qu'elle n'euft pointefté publiée,
en France , ny fignifiée à Monhieur
le Marquis de Lavardin ,
que Sa Majesté avoit deftiné
pour fon Ambaffadeur à Rome,
fi-toft qu'il étoit entré fur les
Terres foumifes à la domination
du Pape , le Legat de Boulogne
& les autres Gouver
neurs de l'Estat Ecclefiaftique ,.
avoient receu des défenfes de
luy rendre en aucun lieu les,
honneurs - deus à fon caractere ,
& les Cardinaux de le vifiter,
& d'avoir avec luy aucun com-,
merce dans Rome, quoy qu'on,
ne fccuft. pas quels ordres le
Roy fon Maiftre luyavoit don
nez que refufer l'Audience à
l'Ambaffadeur
d'un Prince
beaucoup plus recommandablepar
fa pieté & par les foins
GALANT .
209
qu'il prend de rétablir dans fes
Etats le veritable culte de
Dieu,que par toutes fes autres.
grandes qualitez , c'eftoit le
traiter plus mal qu'on ne traiteroit
un Envoyé de l'Empe-
-reurdes Turcs, du Roy de Per-
-fe , ou d'un autre Prince Infideile
; Que les Ambaffadeurs
& les autres Miniftres des
Princes Chreftiens qui refident
à Rome , quoy qu'ils euffent
entendu publier la Bulle ,
avoient regardé les menaces
d'excommunication que l'on y
voit inferées , comme le mou-
-vement impetueux d'une cha-
- leur immoderée qui n'auroit
aucun effet , & n'avoient pas
laiffé de reconnoître Monfieur
: de Lavardin comme Ambafladeur
du Roy & de luy rendre
vifite ; Que non ſeulement le
f
210 MERCVRE
Pape avoit perfeveré dans le
refus d'écouter un Miniftre de
Paix , envoyé à Rome par le
Roy Tres Chretien , Fils aifné
& protecteur de l'Eglife , mais
que Monfieur de Lavardin, reveftu
da caractere d'Ambaffadeur
de Sa Majefté , ayant affifté
au Service divin la Veille
de Noël , & fatisfait aux devoirs
d'un vray Chreftien , Sa
Sainteté obfedée par les Ennemis
de la France , avoit envi .
fagé cette action toute fainte
comme une profanation de nos
-plus auguftes Mifteres , & qu'on
avoit affiché à Rome un Piacard
qui déclaroit l'Eglife Paroiffiale
de S. Louis interdite ,
parce que le Curé & les Miniftres
de cette Eglife , avoient
receu à la participation des
Sacremens , Henry des BeanGALANT.
211
manoir, Marquis de Lavardin ,
notoirement excommunié , ce
qui eftoit fi odieux & fi contraire
à l'efprit de l'Eglife , &
aux Decrets des Conciles , que
tout le monde eftoit convaincu
, que le dépit & le reffentiment
, & non pas le zele de
la Maifon de Dieu , avoient
excité la publication de ce
Placard , qui n'avoit produit à
Rome que de l'indignation
contre ceux qui infpiroient au
Pape des confeils fi pernicieux.
Monfieur Talon dit encore que
le Papeayant attaqué par des
Cenfures publiquement fulminées
, les Officiers du Roy d'tfpagne
à Naples , qu'il pretendoit
avoir fait des entre .
prifes fur l'autorité Ecclefiaftique
, ils avoient méprifé avec
-raifon ces vaines excommuni212
MERCURE
cations , & continué d'affifter
au divin Service , fans que Sa
Sainteté cuft fongé à interdire
aucune des Eglifes de
Naples marque évidente que
cet Interdit prétendu n'avoit
autre fin que de faire infulte
à l'Ambaffadeur du Roy . H
ajoûta que toute la conduite du
Pape montroig tant de partialité
en faveur des Ennemis ou
Jaloux des profperitez de cette
Couronne , & tant d'affectation
de donner du dégouft à la France
en toutes chofes , qu'il eftoit
mal aifé de concevoir que Sa
Majesté fuft demeurée & longtemps
dans les bornes d'une
-moderation exacte ,mais que le
fcandale que le Placard affiché
à Rome devoit produire , par
tout l'Empire Chreftien ne
permettoit plus que l'on gar-
9
GALANT.
213
daft le filence , & qu'on ne
i pouvoit fans une honteufe prevarication
, fouffrir les atteintes
que la Cour de Rome
s'efforçoit fans ceffe de donner
à l'autorité du Roy, aux Droits
de fa Couronne , & aux libertez
de l'Eglife Gallicane ; Que
le Pape ne pouvoit ny diminuer
les préeminences
qui appartiennent au plus
grand Roy de la Terre , my
ofter à fes Ambaffadeurs les
Franchifes , fondées fur des
titres autentiques & fur une
poffeffion de plufieurs Siecles ;
que s'il fe commettoit quelque
abus dans leur ufage , on devoit
croire de la pieté & de la
juftice du Roy , qu'il entreroit
avec plaifir dans tous les exspediens
raisonnables qui empefcheroient
l'impieté des
grands crimes ; que la Bulle de
7
t
f
214
MERCVRE
Sa Sainteté , qui menaçoit
d'excommunication ceux qui
voudroient maintenir les
Franchiſes étoit nulle de plein
droit , & qu'en cette occafion
les foudres du Vatican n'avoient
rien de redoutable , que
la meilleure proteftation qu'on
pouvoit faire contre cette Bulle,
eftoit d'en interjetter appel
fimple , & comme d'abus , qu'il
"eftoit perfuadé que pour reprimer
la licence que les Papes fe
donnoient d'employer le pouvoir
qui leur eft commis pour
édifier & non pour détruire ,
on pouvoit avoir recours à un
Concile, avec cette precaution
que l'on ne pretendoit point
que les Franchifes qui appartiennent
à l'Ambaffadeur du
Roy , puffent eſtre la matiere
d'une controverfe fujette au
GALANT .
215
le > Tribunal
Ecclefiaftique
Roy ne tenant fon Sceptre &
tous les privileges qui y font
attachez que de la main de
Dieu feul , & n'y ayant point
de puiffance fur la terre qui
puiffe bornerfon autorité ; que
l'on interjettoit appel au
Concile futur des cenfures
contenues dans la Bulle , c'étoit
parce que les Décifions
des Papes & leur perfonne
mefme , quand ils manquoient
à leur devoir dans le gouvernement
de l'Eglife , eftoit foûtmife
à la correction & àla reformation
du Concile General,
en ce qui regarde la Foy & la
Difcipline. Enfuite il parla du
Concordat fait entre François
1. & Leon X.par lequel on avoit
reglé la maniere de pourvoir
aux Eveſchez & aux Abbayes,
216 MERCURE
par le
les Cha-
& fit connoiftre de quelle façon
, avant qu'on cuft fait ce
Concordat , ceux qui estoient
éleus par le Clergé , &
Peuple , & depuis par
pitres , étoient ordonnez . Il dit
quepuis que le Pape refufoit
de joindre le concours de fon
pouvoir à la nomination du
koy à l'égard des Evefchez ,
on pouvoit prefumer qu'il fe
vouloit décharger d'une partie
du fardeau penible qui l'accabloit
, & que fes infirmitez.
ne permettant pas qu'il étendift
fa vigilance Paftorale fur
toutes les parties de l'Eglife
Vniverfelle , la dévolution qui
fe faifoit en cas de negligence ,
quelquefois mefme du fuperieur
à l'inferieur , pouvoit
autorifer les Evefques à donner
l'impofition des mains à
ceux
GALANT.
217
ceux que Sa Majesté nommeroit
aux Prelatures ; que fi une
refolution femblable avoit befoin
de quelque temperament
qui demandaft qu'on la concertaft
avec les Evefques , on
pouvoit fupplier le Roy d'af
fembler les Conciles Provin
ciaux , ou mefme un Concile
National , pour y prendre les
deliberations convenables au
befoin de l'Eglife Gallicane ,
que comme dans un mal qui
fembloit preffant , il y auroit
du peril à s'expofer aux retar
demens infeparables de la
tenue d'un Concile National,
Sa Majefté pouvoit affembler
de fes principaux Officiers, des
Evefques , & des perfonnes
confiderables de tous les Ordres
du Royaume › pour
les écouter
fur une affaire
de cette
Ianvier 1688 .
K
218 MERCVRE
importance. Il déplora la prévention
du Pape , qui quoy
qu'il duft fonger principalement
à conſerver la pureté de
la Foy , & à rompre le progrés
des opinions nouvelles , n'avoit
pas ceffé depuis ſon exaltation
au Pontificat , d'entretenir
commerce avec tous ceux qui
s'eſtoient declarez publiquement
difciples de Ianfenius ,
dont fes Predeceffeurs avoient
condamné la doctrine . A quoy
il dit que l'on pouvoit ajoûter
, qu'au lieu de s'appliquer
tous entier à étouffer dans leur
naiffance les erreurs des Quietiftes
, il demeuroit à cet égard
dans une espece d'affoupiffement
& de lethargie. Monfieur
Talon finit en difant , que malgré
tous les efforts que pouvoient
faire les Efprits faGALANT.
219
cieux dont Sa Sainteté étoit
obfedée , les François demeu
reroient toujours infeparablement
unis au faint Siege , qu'ils
reconnoiftroient le Succeffeur
de S. Pierre comme le premier
& le Chef des Evefques , qu'ils
conferveroiết tres - religieufement
la communion & la correfpondance
avec l'Eglife de
Rome , mais qu'ils fe défendroient
avec autant de moderation
que de vigueur , des
infultes , des entrepriſes & des
nouveautez contraires aux
droits du Roy , à la dignité de
fa Couronne , aux Décrets des
Conciles , à la Police generale
de l'Eglife , & à leurs Libertez ,
& que toutes ces raifons l'obligeoiét
de requerir, qu'ilplût à la
Cour lerecevoir appelant come d'abus
de la Bulle datéedu mois deMai
K 2
220 MERC VRE
dernier , & de l'Ordonnance donnée
en confequence ; faifant droit fur
l'appel declarer lesdites Bulle &
Ordonnance nulles & abufives; faire
defenfes à toutes perfonnes de les
debiter dans le Royaume , à peine
d'eftre procedé contr'eux extraordi
nairement ; enjoindre à tous ceux
qui en ont des exemplaires , de les
rapporter au Greffe de la Cour pour
eftre fupprimez ; Comme pareille.
ment d'ordonner que l'Acte d'appel
interietté par Monfieur le Procureur
general , au futur Concile , feroit
enregistré au Greffe de la Cour ,& le
Roy trés- humblement fupplié d'employer
fon autorité pour conferver
Les Franchifes & Immunitez du
Quartier de fes Ambassadeurs à
Rome , dans toute l'étenduë qu'elles
ont euë jufqu'à prefent ; Que Sa
Maiefté feroit encore fuppliée d'or
donner la tenue des Conciles Provin
GALANT. 221
ciaux , mefme d'un Concile National
, fi befoin eftoit , ou l'Affemblée
des Notables de fon Royaume , &
aprés avoir entendu leurs Avis
choifir les moyens qu'Elle estimeroit
les plus convenables pour empefcher
les defordres que produit la vacance
deplufieurs Archeveſchel& Eveschez
dans le Royaume , & leprogrés,
dan mal fi dangereux ; Requeroit
auffi que
le Roy fuft fupplié de defendre
à fes Suiets de n'avoir aucun
commerce à Rome , & d'y envoyer,
aucun argent , & d'interpoferfur ce
fon autorité en la maniere que Sa
Maiefte le trouveroit à propos; &
qu'il fuft ordonné par la Cour que
l'Arreft qui interviendroit fur fes
Conclufions feroit affiché dans les
Places publiques , & par tout où be-
Join feroit. Meffieurs les Gens
du Roy s'eftant retirez , la Cour
ayant veu un Exemplaire im-
K.
3.
222 MERCURE
primé à Rome d'une Bulle concernant
les Franchifes des
Quartiers , & de l'Ordonnance
rendue en confequence le 26 .
Decembre dernier , enſemble
l'Appel interjetté au futur Concile
, par Monfieur le Procureur
General , le 22 de ce mois,.
& les Conclufions par luy prifes
par écrit , la matiere fut
mife en deliberation , & il y
eut Arreſt donné conformément
aux Conclufions de
Meffieurs les Gens du Roy.
7
Monfieur l'Electeur de Cologne
ayant demandé un Coadjuteur
, à caufe de fon grand
âge , le Chapitre refolut de
proceder à cette Election le 7 .
de ce mois . Il y a dans ce Chapitre
vingt- quatre Capitulaires,
M. le Cardinal de Furftemberg
qui eft de ce Corps ,
GALANT . 2230
·
eut prefque toutes les Voix..
Vne Election d'un confentement
fi unanime , ne fe peut
faire fans que ce luy fur qui
elle tombe ait un fort grand
merite, & qu'il foit mefme univerfellement
reconnu ; auffi
ne peut- on nier que ce choix
n'ait efté fait avec toute la juf- ,
tice poffible. M. de Furſtem - 1
berg eft parent de M. l'Electeur
de Cologne qui demandoit un
Coadjuteur , il entend parfaitement
bien les affaires , & furs
tout celles de cet Electorat . Ik
eft agiffant , il a l'efprit vif , &
toutes les qualitez qu'il faut
pour gouverner , & il eſt aimé
des peuples , qui le doivent
avoir pour Souverain ; ce qui
parut par les acclamations publiques
qui fe firent entendre
auffi- toft qu'on l'eût éleu.Tou-
K 4
224 MERCVRE
tes ces chofes font à la gloire
de ceux qui ont fait ce choix ,
auffi bien qu'à la fienne ; & marquent
qu'ils ont beaucoup de
connoiffance , de prudence &
de juftice . Je n'ajoufte rien à ce
que je vous ay dit plufieurs fois/
de la maifon de M. le Cardinal:
de Furftemberg.
Ie vous ay déja parlé de la
perté que nous avons faite ce
mois cy de quelques perfonnes
confiderables . Nous en
avons encore perdu plufieurs :
autres , dont voicy les noms .
Meffire François Frezon ,
Confeiller en la Cour des Aydes
, où il fut receu en 1681. I
eftoit fils de Meffire François
Frezon , Confeiller en la Grand
Chambre du Parlement de
Paris .
Meffire François de BongueGALANT.
225
ret , Prieur de Conflans Sainte
Honorine & Chanoine
en l'Eglife de Paris . Il eftoit
Frere de M. de Bongucret
Doyen de l'Eglife de Paris , &
Neveu de feu M. de Contes ,
Doyen de la mefme Eglife , &
Confeiller d'Eftat ordinaire .
Meffire Nicolas Courtin ,
Seigneur de Rozay , Vallette
& Latingy , Doyen des Confeillers
Honoraires du Parlement
de Paris . 11 eft mort
dans fa quatre- vingt- onzième
année , & eftoit Fils de François
Courtin , Baron de Bruxelles
, Maiſtre des Requeſtes,
& Frere d'Anne Courtin ,Femme
de Iean Antoine de Mefmes
d'Irval, Prefident au Mortier.
Madame Briçonnet, Femme
de M. Briçonner , Prefident
aux Enqueftes , eft fa
fille .
K-S
226 MERCURE
K
Meffire Nicolas Coynard ,
fieur de la Malmaiſon & des
Coutures , Confeiller honoraire
au Parlement de Paris, & en
la Grand'Chambre, auparavant
Confeiller en la premiere Chabre
des Requeftes du Palais , où.
il fut reçû en 1649.Il eftoit fils .
d'un Maiftre des Comptes à
Paris . Meffire Eftienne Coynard
fon Fils , fieur des mefmes
lieux , eft à prefent Confeiller
au Parlement en la deuxième
Chambre des Enqueftes,
où il fut receu le 29.Avril
1674.
Dame Genevievé le Brun,
veuve de Meffire Philippes
Genou , Seigneur de Guibevile.
Confeiller en la Grand
Chambre du Parlement de
Paris. Elle laiffe entr' autres .
Enfans Meffire Antoine GeGALANT
. 227
nou ,fieur de Guibeville , Confeiller
au grand Confeil , &.
Dame .... Genou , femme de
M. Veydeau de Grandmont
Confeiller en la deuxième
Chambre des Enquestes du
Parlement de Paris , fils de feu
François Veydeau de Grammont,
Confeiller au Parlement,.
où il fut receu en 1635. Feu M..
Genou , Confeiller en la grand' ,
Chambre, eftoit fils de Claude.
Genou , Confeiller , Secretaire ,
du Roy, & de Marie du Puy
foeur des Illuftres Meffieurs du
Puy, Bibliothequaires du Roy,
& fille de Clement du Puy
Confeiller au Parlement de
Paris .
Dame Marie Bouette , Veuve
de Meffire Edouard de Ponf
femothe de Leftoille , Seigneur
de Chenouft , Maitre des Com
K 6
228 MERCVRE

ptes à Paris , & auparavant
Maistre des Comptes à Montpellier,
Cadet de la Famille des
Ponffemothe , Seigneurs de
Thierfanville , qui ont efté
Maiftres des Requeftes, & Procureurs
Generaux des Rois de
Navarre . Elle eftoit Fille d'un
Confeiller de la Cour des Aides
, & d'une Famille qui a
donné des Confeillers au Par-.
lement & à la Cour des Aides
depuis plus de cent ans , & à eu
trois Fils & deux Filles ; fçavoir
, M. de Ponffemothe- de-
Leftoille , Seigneur de Montbrifeüil
, Prefident à la deuxié.
me Chambre des Requeſtes du
Palais , & à prefent Confeiller:
Honoraire en la Grand'Cham-.
bre du Parlement de Paris.
Jean Edouart de Ponffemothe
de Leftoille, Seigneur de Che
GALANT. 2299
nouft & de Graville , Maiftre
des Comptes à Paris , qui a
époufé la Fille de M. de la
Grange , prefident en la deuxiéme
Chambre des Requêtes
du palais, Le troifiéme Fils eft
Abbé de S.Acheüil d'Amiens .
Des deux Filles l'une a eſté
Religieufe , & l'autre a épousé
Mefire Louis François Hennequin
, Seigneur de Charmont.
Procureur General aus
Grand Confeil . L'aifné de cette
Famille eft Charles de ponffemothe
, Seigneur de Thierfanville
; dont le fils eft Chevalier
de Malthe , & a donné
des preuves de fon courage .
dans les Armées de la Religion
contre les Infidelles . De ponf
femothe porte d'azur à trois Lis
de lardin d'argent , enté en pointe ·
de fable à l'Eftoille d'or.
230 MERCVRE
Meffire paul- Auguftin de las
Trimoille , Seigneur de Hanches
,Houx- Charny , & autres,
Heux , mort le 24. de ce mois
âgé de cinquante - trois ans . Il
portoit le nom l'Abé de la Tremoille
, & eftoit frere aifné de
M. le Marquis de Royan , Chef
de la feconde branche de l'Iluftre
Maifon de la Tremoille ..
Deux Animaux , l'Afne & le
Lapin , eftoient les vrais mots
des deux dernieres Enigmes.-
La premiere a efté expliquée
par Meffieurs Merie de Caën ,
la prairie Cairon ; Badoufe ; le
Compere de Loueft ; l'Amoureux
de la belle Coufine de la
ruë de Bethify ; l'Indifferent.
de la rue Beaubourg ; le plus .
grand Bear du ponteaudemer
la Tefte noire de l'Oratoire ; le
Chevalier du Caftor , de la ruë
GALANT. 2371
S. Jacques ; le Troublefefte.
de la ruë de la Pelleterie ; le:
petit Belarget de la rue Champfleury
, âgé de douze ans ; l'aimable
Notaire de la ruë du
mouton ; le Conquerant ordinaire
; le Beauparleur amane
de la rue du Meurier , & du.
Monfacre, de la rue de Clery},
Mefdemoiselles de Fontoville
de Saint Leger de Praux ; Boquet
de Diepés l'aimaible Nanon
du chapeau rouge de la
rue des Lombards ; la Belle en
fon temps ; la Famelotte ; la
jeune Procureufe au vieux
mary ;l'Amante infortunée de
la Croix - Blanche de Quimper.

-
Ceux qui ont trouvéle vray
fens de la feconde , font Mef
fieurs le Monnier de Caude-.
bec le Duc , Avocatau méme
2:32
MERCURE
lieu le jeune Tamirifte ; le
Blond - Clere de la rue Sainte
Avoye ; le Compere Michon
de la rue des Lombards ; Moulin
Pierrot de Coulombe ; le
Compere à tout le monde ;
l'Aimable Clion de la rue Mauconfeil
; le fubtil Genie de la
rue de Charonne ; le joyeux
Lionnois de la rue des Lombards
; le Notaire indifferent
de la rue S. Antoine ; la charmante
Quefteufe de l'entrée
de la rue S. Victor .
Voicy les noms de ceux qui
ont trouvé le fens de l'une &
de l'autre . Meffieurs Lourdet ;
Goffemant,de Troye en Champagne
, Avocat en la Cour ;
de Villedieu ; Digeon de la
fontainedes Blancs -manteauxs
l'Epinay- Buret de Vitray; Bobane
prés Caudebec , de CluGALANT.
233
fel pouget Philofophe , rue
S.Germain l'Auxerrois; l'Eminent
Aftronomede la Tourelle
de Bray; Medard Sivol; L.Bouchet,
ancien Curé de Nogentle
- Roy ; Dumefnil , autrefois.
Alcidor du Havre , Pregent
de la rue Sainte Avoye ; Pelletier
de la Margerie ; l'Orga
nifte Lorrain ; les deux Freres
de la rue de Vaux de . Vitry le
François , Tamirifte de la rue
de la Cerifaye ; le petit Blondin
, le Chevalier des Maronniers
, de la rue de l'Arbrefec ; le
Directeur du Palais de Bacchus
, de la mefme rue ; le
beau Commis ; l'Indifferent:
malgré luy , l'Amant conftant
de la divine E.de la Place Maui
bert ; l'Amant de la plus aima
ble des deux Soeurs de la porte
S. Martin , l'Hiftorien Duvi
234
MERC VRE
vient de la rue de l'Arbrefecile
Prodige inconnu de l'Ifle Noftre-
Dame ; le Coeur affranchy
le Prefcheur d'Hymenée »
les quatre Affociez de la ruë
Poupée ; le nouvel Oedipe de
Poitiers; le Bourgeois genereux
, civil , & obligeant de la
rue Cocatrix de Paris ;le Palais
de Venus de la ruë Bailleur du
grand Louis, le petit Bon- homme
deli'fle Noftre - Dame;Faulere
amy de Fizicau . Louchet,
Autheur de la piece Sicrée ,
l'Ingenieur amoureux 9. B. N.
357. le preux & valeureux.
Chevalier des creffins , de la
ville d'Amiens , l'Abbé de
Siam ; les deux Cadets taffis de
la Porte de Beauvais d'Amiens
, le Voifin de la belle
femme maigre de la rue S.
Denys , le plus jeune Commis
GALANT . 235
au greffe; & l'Amy du Levraut
Provinois , la celebre affemblée
nocturne de la rue du Meu
rier , l'Abbé Boiffeau de la rue
Neuve S. Louis , le petit Brochot
; de Boiſtel de S. Romain
de la rue de Buffi ; de Beaure
gard ; du Flot ; le Ialoux fans
amour ; la petite Affemblée Indienne
, les Intereffez au Betel
de Siam ; les Amans parfaits;&
le nouveau Ferrois . Mefdemoifelles
Guillot de la ruë. S.
Martin Gaillard de Melun F.
Ferry la charmante Demoifelle
attenant la Fontaine de la
rue Sainte Avoye , les petits
Pugnaux & leur Tity de la rue
Saint Dominique , Fauxboug
S. Germain , Gloquet du Ponteau
de mer , la belle de la rue ruë
de Jouy à l'Anagrame , Tameri
tes magrace ; l'aimable Clarice :
de la vieille rue du Temple ; la
236 MER
CVRE
charmante Brune de la rue Sa
Martin , voisine du grand Argus
; la Penelope & la Minerve
de la rue de l'Arbre fec;l'aimable
Lolotte de Picardie : l'aimable
Peſcheufe des coeurs d'Ab- ,
beville : la fidelle Maiftreffe de
Ninon du Palais Royal : la plus
aimable des Galleries du Louvre
:la Societé du Cloiftre S.
Iacques de la Boucherie : la
Belle du Faux - bourg. S Marcel
à l'Anagramme , On t'aime bier
l'Afne les Precienfes Ridicules
de la rue des Lombards , la
petite Rebelle plus cherie
qu'Amour du quartier de la ruë
des Soucheries , ruë S. Honoré .
Deux jeunes Lyonnoifes ont
heureufement expliqué les
deux Enigmes du Mercure precedent
fur l'Anele Lapin je
l'aimable & fçavante brune de
GALANT. 237
Bellecourt l'a expliquée en
beau Vers , & la charmante
blonde de rue Merciere en
Profe.
La premiere des deux nouvelles
Enigmes que je vous envoye
, eft de Monfieur Rault
de Rouen comme on n'a point
dit le nom de celuy qui a fait
l'autre .
ENIGME.
E fuis male aujourd'huy` , quoy
qu'autrefois femelle , Je
J'avois le grand art de charmer ,
Et des Dieux je me fis aimer ;
Pour eftrejeune aimable &belle .
Mais je coufte aujourd'buy du
fang,
238 MERCVRE
-
Et les Heros du premier rang
Mettent en moy toute leurgloire
Il n'eft pas jufqu'aux grands efprits,
Qui de m'avoir eftant épris,
Se font entr'eux une Victoire.
On me tiendroit bien malheureux,
* Sijeperdois mes beaux cheveux,
Comme mes Compagnons le font
en leur Campagnels
Quoy que le Cielfoit en couroux
Par un deftin qui m'accompagne ,
Ma tefte eft en tout temps à l'abry
de fescoups.
AUTRE ENIGME.
IE fuis une Fille fans Pere
Nous naiffons plufieurs Soeurs d'une
égale couleur ,
Mais de differente groffeur ,
GALANT.
239
Et nous ne reffemblons jamais à
noftre Mere.
Sans douleur elle nous fait naifire,
Quoy que fouvent tres - jeune elle
ait le flanc ouvert ;
Et quand long-temps l'air par
elle eft fouffert,
Dures , vieilles déja nous nous faifons
paroistre.
Quand on me prend dans mon
jeune âge ,
Je me couvre le front toûjours d'un
vert bandeau ;
Et quand j'approche du tombeau,
Mateste tout à nad m'eft un trifte
prefage.
Quelquefois iefuis fort cachée
Dans une prifon blanche où l'on ne
peut me voir,
Car ilyfait pour moi noir,
15
240 MERCVRE
Qu'on me trouve avec peine aprés
m'avoir cherchée.
Quand j's fuis il n'eft plus de
portes ;
Il faut mettre en morceaux mon
étroite prifon ,
Cherches.en, Lecteur , la raifon,
In employ diftingué t'attend fi tu'
m'emportes.
Voicy un fecond Air nouveau
; il eft comme tous les
autres que je vous envoye ,
d'un tres - habile Muficien .
:
AIR AIR NOVVE AV.
"
Rofitons du temps
Quand il eft commode ,
Vniffons nos Amours , Iris , vivons
contens
Ces longs foupirs ne font plus à
la mode,
On
GALANT. 241
11
11
On badine en Hyver , Iris comme
au Printemps.
Profitons du temps
Quand il eft commede ,
Vniffons nos defirs , Iris , vivons
contens.
A
Monfieur le Comte de Flo .
renfac , l'un des jeunes Seigneurs
que le Roy entretient
auprés de Monfeigneur le
Dauphin , époufa le 20. dece
mois Mademoiſelle de Senederre
, Fille de Madame la
Marquife de Seneterre , dont
la vertu & le merite vous eft fi
connus.La maniere obligeante
& les termes dans lefquels le
Roy a donné fon approbation
à ce mariage, en le louant,auffi
bien
que ceux qui
l'avoir imaginé , ne me laiffent
prefque rien à vous en dire
Janvier 1688. L
3
242 MERCURE
Monfieurle Marquis de Flo- ,
renfac eftFrere de Monfieur le
Duc d'Viez. Ila marqué fa valeur
en plufieurs rencontres ,
& a paffé par tous les degrez
de la guerre, aux Gardes , Garde
du Corps , Moufquetaire ,
Cornete des Moufquetaites
pendant que M. le Comte de
Marfan en eftoit Enſeigne ,
aprés quoy il a eu un Regiment
de Cavalerie . Iamais perfonne
n'eut un caractere plus modefte
& plus honnefte : auffi s'eft- il
attiré une eftime generale.On
ne fçauroit exprimer avec
combien de grandeur d'ame &
de nobleffe dans le procedé.
Monfieur le Duc & Madame
la Ducheffe d'Vfez ont agy en
ce rencontre.Ils ont voulu faire
la nopce dans l'Hoſtel de Montaufier
, & l'on cuft dit qu'ils
GALANT.
243
marioient un de leurs Enfans .
Vous jugez bien que M.le Duc
de Montaufier y tenoit auffi
lieu d'un veritable pere . Chacun
connoift les manières de
cette Maifon , qu'on auroit
peine à trouverailleurs . Il y eut
illumination , fimphonie &
Bal. L'illuftre Maifon de Cruffol
, donteſt Monfieur le Mar- 1
quis de Florenfac , prend fon
nom de laTerre de Cruffol, qui
eft dans le Vivarets , avec titre
de Comté . Charles IX. érigea
Ufez en Duché & Pairie vers
l'an 1577. en faveur d'Antoine
de Cruffol , premier Duc d'V
fez . Mademoiſelle de Senecterre
eft petite Niepce de feu
Monfieur le maréchal de la
Ferté & Madame fa mere eft
del'ancienne & illuftre Maifon
deLongueval en Picardie . Ie
L
244
MERCURE
ne vous diray rien du merite
de cette nouvelle Mariée. Ie
Vous envoye feulement les
Vers que j'ay faits pour elle
dans ma Relation du dernier
Carroufel , dont elle eftoit.
POUR MADEMOISELLE
de Senecterre.
De lafeuneſſe, une illuſtre naiſ- DE
fance,
De l'égalité dans l'humeur ,
De la beauté, de la douceur,
Des cheveux blonds en abondance,
Bon- airen tout, bien à cheval,
Celafait un merite, à peu d'autres
égal,
Et c'eft la Peinture fidele
De ce quife rencontre en elle,
Les plus vives couleurs dont la na
ture peint.
GALANT .
245
Dans nos Iardins les fleurs les
plus brillantes ,
Paroiffent bien moins éclatantes,
Que celles qu'on voit fur fon
teint.
Son efprit eft doux , agréable ,
Elle en fait tout ce qu'elle veut .
D'un charmefi puiffant fe defende
quipeut ,
Fort est celuy qui s'en trouve capable.
Que de conquestes ! quel fracas,
S'il arrivoit qu'elle cherchaft à
plaire!
Maiselle marche fur les pas ,
D'une fage & prudente Mere
Dont la vertu reglant tout ce qu'elle
doit faire ,
Ne fouffre pas.
Qu'elleforte d'un caractere,
Où la gloire luyfait rencontrer tant
d'appast
"
L
3
-246 MERC VRE
Jeudy dernier 14. de ce mois ,
Monfieur le Prefident le Pelle
tier , époufa Mademoiſelle de
Rofambaut , riche Heritiere
de Bretagne. Elle eft grande ,
bien faite & fpirituelle . Madame
fa Mere eft de la Maifon
du Goelau du Tremeur, & cette
maifon & celle de Rofambault
font d'une tres- bonne & ancienne
Nobleffe de cette Province
. M. le Pelletier a du merite
, il fçait beaucoup , & eft
parfaitemment honnefte homme.
le n'ay qu'un feul mot à
ajoûter pour vous en faire un
fort grand Eloge . Il fuit les
traces de Monfieur le Controleur
General fon Pere , dont je
vous entretins amplement
lors qu'il fut nommé par
le Roy pour remplir ce poſte..
GALANT . 247
Vous fçavez. Madame , combien
il eft important , & qu'il
demande un homme éclairé ,
fidelle & laborieux .
le vous envoyeles Poëfies Pa
ftorales de Monfieur de Fontenelle,
que le fieur Guerout debite
, c'eft à dire , trois Ouvrages
en un feul , puis que ces
Poelies où les Connoiffeurs
trouvent toutes les beautez
que demande la fimplicité de
la Bergerie , font accompa
gnée d'un Traité , auffi agreable
que curieux , fur la Nature
de l'Eglogue . L'Auteur y a
joint fon fentiment fur l'injuftice
que font aux Modernes
ces zelez Adorateurs de l'Antiquité,
qui ont pour les Grecs
& les Latins une veneration fi
refpectueufe , qu'ils les admi
rent jufqu'en leurs defauts : &
L. 4
248 MERCURE
je croy ,
Madame › que vous
luy fçaurez quelque gré d'avoir
fait voir que non feulement
nous pouvons égaler les
Anciens , mais mefme qu'il ne
nous eft pas défendus de
nous flater que nous pouvons
aller au delà de ce qu'ils ont
fait de plus merveilleux .
T
On reprefente depuis un
mois avec beaucoup de fuccés.
une Tragedie intitulée Regu
lus . Les plus grands hommes
avoient tafté ce fujer , & quoy
que l'action de ce Romain, qui
retourna à Cartage , affeuré
de la mort qui luy étoit preparée
, leur euft paru fort tou
chante , ils avoient trouvé des
obftacles qui leur fembloient
invincibles à la reduire au
Theatre.Monfieur Pradon a cu
moins de fcrupules , ou peuteftre
plus de lumieres , & pour
GALANT. 249
faire mieux briller une fi belle
action , il a prefté à l'Hiſtoire
des chofes qu'elle ne luy fourniffoit
pas, & il l'a méme changée
dans les circonstances de
l'action principale . Ce que fit
Regulus eft fi éclatant & part
d'une fi grande ame , qu'on ne
peut l'entendre fans l'admirer
Vous pouvez juger par là qu'il
doit y avoir de grandes beau
tez dans cette piece .
L'Autheur du Chevalier à la
Mode en prepare une Commique
en cinq Actes pour la fin
du Carnaval . Si elle reuffit aus
tant que cette agreable Comedie
, les reprefentations n'en
finiront de fix mois , puis que
celles du Chevalier à la mode
continuent encore . Cette Piepas
efté moins heureuſe
fur le papier , & il femble que
~ ce n'a
LS
250
MERC VRE
l'impreffion y faffe connoiftre
tous les jours des beautez nouvelles
, tant on a d'empreffement
à la rechercher. Voila
l'avantage qui fe trouve à écri
re purement , & à dire les chofes
d'une maniere naturelle ,
fans groffir les Scenes par ce
qui fort du fujet.
Ie n'ay pas grand'choſe à
vous mander touchant les Modes
. On fait toujours des draps
rayez , & comme c'eftun établiffement
qui ne fait que
commencer , & que plus on
travaille , plus ces draps deviennent
bons , ily a grande apparence
que l'ufage en durera .
On en voit depuis peu à carreaux,
& on en aura bien . toft
en zigzac . Les Femmes portent
une espece d'habillement
qu'on appelle Sultane . La gorge
GALANT . " 251
eft taillée comme les Veſtes
qu'elles portoient autrefois . Il
ya pardevant des agraffes d'or,
d'argent , ou de pierreries . Les
manches font en bottes , & relevées
par quelques - unes de
ces agraffes . Il y a des Femmes
qui portent des Amadis avec
cet habillement , mais ce
n'eft pas general. Les Points de
Maline font fort en regne: ainfi
que les Coëffes nommées lardinieres
, & les manches plates
de chemiſes dont les dentelles
font fort hautes. On les nom →
me Engageantes. On y met des
Points tres-hauts & fort pliffez
avec des pieds .
On écrit de Conftantinople
que les Ianiffaires y eftoient
entrez au nombre de quinze
mille, & qu'après avoir encore
demandé fept ou huit teftes
&
252 MER CVRE
"
des principaux Officiers , ils
avoient auffi demandé le refte
de leur paye au nouveau Sul.
tan , qui prit d'abord la refolution
de les faire charger : mais
comme il manquoit de Troupes
& d'argent pour cela , fon
Confeil fut d'avis qu'on arref
taft les plus gros Marchands
de la Ville , & qu'on les mift
à la torture pour fçavoir d'eux
où eftoit leur argent. On en
tira quatre millions qu'on
donna aux Troupes , dont le
Dombre fe trouva beaucoup
plus grand pour les recevoir,
qu'il n'avoit efté en demandant
de l'argent , Cette fomme receue
ces Troupes ne laifferent
pas de piller plufieurs Maifons
de la Ville , aprés quoy elles
fe diffiperent. Iugez par là de
GALANT. 253
l'eftat des affaires de cet Empire
. le vous en entretiendray
plus amplement le mois prochain
, & fuis , Madame, voftre
& c. THEQUE DE
LYON
DE
LA
VILLA
A Paris le 31.
(anvier 1688 .
1
P
TABLE.
Rélude.
PReReglements enfaveur desplaideurs.
Sonnet Italien.
9
14
16
Evefche de Vannes donné à Monfieur
l'Abbé d'Argouges.
Fautes furvenues dans l'impreffion
du Mercure de Novembre.
17
Charges d'Aumônier du Roy , donnée
à Monfieur l'Abbé de Vaubecour.
20
Fefte de Sainte Cecile celebrée
pour la premiere fois à Verfailles
par les Muficiens du
Roy.
23
TABLE.
27
Prix propofezpar Meffieurs de l'Academie
d'Angers.
Reflexions folides d'un nouveau
Converty en Pays de liberté.
30
Monfieur Grolée Comte de Peyre
eft nommé Lieutenant General
au
Gouvernement du Langue.
doc.
Stances.
49
54
Defcription de l'Esclavonie , & de
la Tranfilvanie.
74
Accident arrivé dans la Ville de
Grenoble. 62
Nombre & beauté des Coureurs de
Monfeigneur le Dauphin. 65
Lettre en Fers à un Amy irrefolu
s'il fe marieroit , 67
Defcription exacte du Couronnement
de l'Archiduc Iofeph ,
auiourd'huy Roy de Hongrie
74
TABLE.
Hiftoire.
L'Hyver , Idille.
Morts.
Etablissement de trois Paroiffes
Strasbourg , avec les Ceremo
nies de l'ouverture de celle de
S. Eftienne, & le difcours qui
a efté prononcé en cette occa-
139
fion.
Mariage de Monfieur le Marquis ,
du Chatelet , & de Mademoi-
Selle de Bellefond. 152
Tout cequi s'eft paffé à la reduction
153
d'Agria.
Eftat des affaires de Rome, 172
Ce qui s'eft paffé au Parlement touchant
les mefmes affaires . 185
Monfieur le Cardinal de Furftemberg
eft eleu Coadiuteur de Cologne.
Morts.
222
224
Noms de ceux qui ont expliqué lès
Enigmes.
232
Enigmes
TABLE.
Enigmes nouvelles . 237
kriage de Monfieur le Marquis
1 sde Florenfac avec Mademoiſelle
de Senecterre. 241
riage de Monfieur le Prefident
sble Pellesier avec Mademoiselle
de
Rofambaut. 246
Poific Paftorales de Monfieur de
Fontenelle.
Regulus , Tragedie.
Modes nouvelles .
247
249
250
Nouvelles de Conftantinople. 251
Fin de la Table.
*
31 1
or adumigaz
I
09. nov.r
Extrait du Privilege du Roy .
Ar Grace & Privilege du Roy , donné à
Chaville le 18 , Juillet 1683. Signé , Par
le Roy en fon Confeil luNQUERES. Il eſt
permis à L. D. Ecuyer , Sieur de Vizé de
faire imprimer tous les Mois un Livre intitulé
MERCURE GALANT contenant
plufieurs Pieces , Relation, Hiftoires Avantures
, &
,
31
ages hiftorique
, cu-- rieux & galans , pour la fatisfaction
de nôtre cher & tres amé Eils LE DAUPHIN pepdant
le temps & efpace de dix années. à compter
du jour que chacun
defdits. Volumes
fera achevé d'imprimer
pour la premiere
fois Comme auffi défenfes font faites à tous Libraires
, Imprimeurs
Gra- veurs & autres , d'imprimer
graver & debiter
ledit Livre fans le confentement
de l'Expofant
, ny d'en extraire aucune Piece, ny:
Planches
fervant à l'ornement
dudit Livres
mefme d'en vendre feparément
, & de donner- à lire ledit Livres le tout à peine de fix.
mille livres d'amende
contre chacun des contrevenans
, & confiſcation
des Exem.
plaires , contrefaits
; ainfi que plus au long i eft porté audit Privilege
.
Regiftréfur le Livre de la Communauté le 14%
septembre 1683.
Signé ANGOT , Syndic.
Et ledit Sieur 1. D. Ecuyer , Sieur de
Vizé , a cedé & tranfporté fon droit de
Privilege Thomas Amaulry , Libraire à
Lyon , por enjouir ſuivant l'accord fait::
Catr'eux.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le