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1681, 02
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BIBLIOTHEQUE
" Las
Permalice
"
SJ
60
- CHANTILLY
OYS

MERCURE
GALANT
DEDIE' A MONSEIGNEUR
LE DAVPHIN.
FEVRIER 1681 .
A PARIS.
PALAIS.
A V
N donnera toujours un Volume
ON
premier jour de chaque Mois , & on
le vendra , auffi-bien que l'Extraor
dinaire , Trente fols relié en Veau,
& Vingt-cinq fols en Parchemin ,
A PARIS,
Chez G. DE LUYNE, au Palais , dans la
Salle des Merciers, à la Juſtice .
Chez C. BLAGEART , Rue S. Jacques,
a Pentrée de la Rue du Plâtre,
Eren fa Boutique Court- Neuve du Palais ,
AU DAUPHIN.
Et T. GIRARD, au Palais, dans la Grande
Salle , à l'Envie.
M. D.C. LXXXI .
AVEC PRIVILEGE DV ROI.
$25252 5222525225
TABLE DES MATIERES
contenues dans ce Volume.
A
Vant-propos,
Madrigal,
Plufieurs Converfions,
Embrazement,
Dialogue,
4
IS
19
Mariage du Prince Gaëtan,& de Ma
demoiselle Barberin,
Mort du Cardinal Vidoni,
26
27
Mort de Madame de Courtagnon, 28
Mort de M.d Hillerin Sous- Doyen de
la Cinquième Chambre des Enquestes,
༡༣ ་
Faux Mémoires corrigez touchant la
Genealogie de Parabere,
Plufieurs Madrigaux,
La Comete, Hiftoire,
Sonnet für la Comete,
43
47
sa
71
Traduction d'une Ode d'Horace, contre
L'empressement curieux de penétrer
L'avenir, 74
á ij
TABLE.
76
Madame la Marquise de Clerambaut
Dame d'Honneur de Madame en la
place de Madame la Maréchale du
Pleffis,
Honneurs funebres rendus à cette Ma-
1 réchale,
177
Réjouiffances faites à Grenoble apres le
Serment prefté par M. de Virieu
71 pour la Charge de Premier Préfident
du Parlement de la mefme Ville, 79
Plaidoyerpour M.Baudry du Buc, prétendu
Religieux Cordelier, 87
Hiftoire,
Métamorphofe & Alectrion en Coq, 107
Ordre de la Faretiere donné à M. le
Prince Palatin, avec l'origine de cet
Ordre , & les raifons pour lesquelles
l'Empire eft devenu électif,
Divertiffement donné gratuitement au™ •
Public chez M. Malo,
III
BI
Etabliſſement du Droit François à
Cain ,
167
Billet compofe de plufieurs Mors à la
mode,
Mort de Madame de Gordes
175
179
TABLE.
Mort de Madame de Tonné- Charante,
182
Mort deM. Brigalier Avocat du Roy
an Chaſtelet,
Mort de Mademoiselle Parfait, 183.
Accouchement de Madame la Ducheffe
de Foixe os and
183
Réponse à l'Histoire du Coeur, intitulée
Hiftoire de mes Conqueftes, 184
Plufieurs Opéra de Venise, avec la Def
Ccription de la Maifon de Piazzola,
appartenante à M. de Contarini Pro-
& curateur de S.Mare,
Madrigal
Epigramme,
Plufieurs Converſions,
213
251
252
253
262.
Ce qui s'eft paſſe à Paris pendant le
-Carnaval,
Divertiffemens de S-Germain pendant
le Carnaval, avec les noms de ceux
qui ont efte des Maſcarades , & la
defeription de leurs Habits,
Mariage de M.le Duc de Lude, 300
Frégates bâties à Versailles fur un nouvean
deffein,
277
302
TABLE.
Lettre de M. de Belmont touchant Ef
carboucle,
305
Explication en Vers de la premiere Enigme
du Mois paſſe, 313
Noms deceux qui en ont trouvé leMor,
314
Explication en Vers de la feconde Enigme,
312
Noms de ceux qui en ont trouvé le vray
fens
Enigme,
Autre
Enigme,
Enigme enfigure 12. 21
319
320
322
Ta323
Mort de M.Nau, Confeiller en la Troifiéme
des Enqueftes,
Mort du Pere Gonet,
Mort de M. de Céfan,
324
324
326
Majorité desGardes donnée à M.d. Ar-
330 tagnan,
Gouvernement de Cambray donné àM.
de
Montbron,
the
onl 330
Lieutenance Catonelle des Gardes donnée
à M. de Rubantel, 35
Gouvernement de Thionville donné à
M.
Despagne, -3333
TABLE.
Voyage de Monfeigneur le Dauphin &
de Madame la Dauphine à Paris,
avec le Régal qui leur a efté donné
chez M. Malo,
Abbaye donnée à M. Picot,
Benefices donnez par Monfieur,
334
335
336
M. le Chevalier des Gouttes fait fes
Voeux dans le Temple, 337
Prédicateurs nommez par le Roy pour
prefcher tour à tour leCarefme devant
Leurs Majeftez,
Loterie faite à S. Germain,
Fin de la Table,
338
339
N trouve toujours chaque mois
chez le St Blageart un nouveau
Journal de Medecine ; & l'on y trouve
encore tous les autres Ouvrages de
M' de Blegny, qui en eſt l'Autheur.
Avis pour placer les Figures
Air qui commence par Vous vous
plaignez qu'Iris eft trop severe,
doit regarder la page 46 .
1
La Figure de la Comete & des trois
Oeufs, doit regarder la page 177.
L'Air qui commence par Que je
fens de rudes combats, doit regarder la
page 250.
Lider
La Figure out eft écrit , Vista del
Jardin de la Cafa del Campo, doit regarder
la page 299.
L'Enigme
la page 323.
en Figure doit regarder
svion y no lo pochodz
ob
univi O etme cal
M ...A do a , Ps
MERCVRE
GALANT
FEVRIER 1681,
E n'ay point douté,
Madame, que la peinture
, quoy que tres ,
informe , que je vous ay
faite de la derniere Action
du Roy , n'attiraft de vous
l'admiration que vous me
Fevrier 1681. A
}
2 MERCVRE
marquez
. Elle
eft le fujer
de mille
louanges
qui retentiffent
dans
tout
le Royaume
, & ceux
qui n'ont
point
de part
aux avantages
qu'en
ontreçeu
les Intereffez
, ne
montrent
pas moins
d'empreflement
à publier
que
rien
n'approcha
jamais
de la
grandeur
d'ame
de noftre
augufte
Monarque
. Ainfi
quand
on fonge
à la
volontaire
de ce Procés
que
l'exacte
rigueur
de la Juſtice
lay euft fair gagner
, il n'y a
perfonne
qui n'entre
dans
les fentimens
de l'Autheur
perte
GALANT
3
du Madrigal que vous allez
voir, & qui ne diſe avec luy,
D
domptétes
flots,
V Rhin impétueux avoir
Avoir foumis l'orgueil de lafiere
Allemagne,
A demander la Paix avoir réduit
l'Espagne,
Avoir du Monde entier affuré le
reposs
Grad Ray, tous ces Exploitsferoient
plus d'un Héross
Mais avoir contre toy pris en main
la Balance,
Contre toy de ton Peuple avoirpris
la défence,
T'eftre toy-mefme condamné,
Ces Exploits inconnus aux Héros
del'Histoire,
A
ij.
4 MERCVRE
Fontbienvoir quepar toutin trouves
la victoire,
Puis que mefme en perdant elle r'a
2 couronné
.
Combien
de chefd'oeu
yres nous verrions
, s'il eftoit
une éloquence
affez vive
pous bien exprimer
avec
quelle fage prévoyance
le
Roy entreprend
tout ce
qu'il fait ! Le bien que produifent
fes diverfes
Ordonnances
, nous en montre
affez l'utilité. Jevous ay parlé
de la Déclaration qui enjoint
aux Officiers de Juftice
de fe tranfporter dans les
MA
GALANT. 5
Maiſons des Malades de la
Religion Prétenduë Refor
mée, pour fçavoir d'eux s'ils
ont deffein d'y mourir , &
leur donner par ces fortes
de vifites une entiere liberté
d'expliquer leurs fentimens.
Elle fut regiftrée le Jeudy
23. de l'autre Mois , en
l'Audience du Préfidial de
Niort, & deux jours apres it
y'eur occafion d'en tirer du
fruit. Marie Meftayer, Fem
me de Louis Vilain S de
Grandmaiſon , dangereufement
malade , eftoit fi fort
obfedée de fes Miniftres,
A iij
6 MERCVRE
que quelque envie qu'elle
témoignaſt de s'éclaircir de
beaucoup de doutes , elle ne
pouvoit trouver moyen de
faire appeller aucun Catholique.
"M' de Fontmor Préfident
& Lieutenant
Ge
neral de la Ville , fe rendit
chez cette Femme, en vertu
de la Déclaration
dont je
viens de vous parler. Elle
luy marqua la joye qu'elle
avoit de ce que fa prefence
luy donnoit la liberté de fatisfaire
à ce que Dieu vouloit
d'elle , & luy déclara
devant M' le Procureur du
GALANT 7
Roy, que jamais elle n'avoit
efté bien perfuadée de la
Religion qu'elle profeffoit.
Alors ce Préfident prenant
la parole , luy dit les choles
du monde les plus tou
chantes , & employa des raifonnemens
fi forts pour luy
faire connoiftre
la verité,
qu'eftant pleinement convaincue
de ſes erreurs , elle
demanda à y renoncer. On
fit venir auffit Cer. On
le Pere
Gardien des Capucins qui
en reçeur l'Abjuration , &
qui luy donna les inftru
ctions dont elle eut befoin.
A iiij
8 MERCVRE
M de Fontmort ne la quita
qu'apres de grandes marques
de liberalité qu'il laiffa
chez elle. Il les reitera le
lendemain par quantité de
rafraîchiffemens qu'il fit
porter à cette Malade . Elle
ne fut pas la feule qui abjura
l'Heréne. Son Mary voulut
fuivre fon exemple , & prit
des Lettres de recommandation
de ce Président pour
aller à Poitiers fe faire inftruire.
Cela nous fait voir
combien il eftoit neceffaire
que par une fi juſte précaution
Sa Majefté pourveuft
GALANT.
aux contraintes , dans lef
quelles les Malades de la
Religion de Calvin font
prefque toujours retenus
par leurs Parens qui les obfedent
au lit de la mort.
Il en eft beaucoup qui
n'attendent pas ces derniers
momens pour
ſe tirer d'un
Party où le péril eft fi manifelte.
Ce ne font par tout
que Converſions , & le Pere
Tiburce de Copiac Capucin
, & quelques Religieux
de ce mefme Ordre , en ont
fait un fort grand nombre
dans leur Miffion de Lunel
*
10 MERCVRE
en Languedoc. C'eſt une
Ville du Diocefe de Montpellier.
Parmy les Religionnaires
de l'un & de l'autre Se-
-xe qu'ils ont convertis ,il s'en
trouve trois des principaux
de la Ville. Le premier eft
Noble François de Cadolle,
Seigneur de Cannau , Capitaine
dans le Regiment de
Champagne, & Major dans
la Citadelle de Montpellier
..
Il a fervy depuis vingt- cinq
ou trente ans dans les Armées
de Flandre , d'Allemagne
& de Catalogne , &
a eu divers CommandeGALANT.
It
mens aux Sieges des Villes..
Les playes dont tout fon
Corps eft couvert en font
une preuve.Ila plufieursFreres
Capitaines. L'Aîné qui
demeure à Montpellier
, &
qu'on appelle M de Cadolle
, a fait la mefme Abju
ration avec Madame fa
Femme & tousleurs Enfans,
dont il y en a qui ſont Officiers
dans les Armées . M
de Cadelle font d'une Nobleffe
tres- cófidérable dans
le Languedoc , & Co-Seigneurs
avec le Roy de la
Ville de Lunel.
*
12 MERCVRE
M de Nicol s'eft converty
dans le mefme temps .
Il eft à préfent le premier
Conful de Lunel , & a fait
fon entrée aux Etats du Languedoc
qui fe font tenus
dans Montpellier , où il a
efté reçeu à l'Office de Correcteur.
C'est une Charge
des plus importantes dans
la Cour des Aydes, Mef
fieurs des Etats luy ont mar
qué une extréme joye de cet
heureux changement.
Elle n'a pas efté moindre
pour celuy de M de Boſenguet
, l'un des plus honGALANT.
13
neftes Hommes, & des plus
riches de toute la Ville. Son
exemple a efté fuivy de fes
Enfans qui font en grand
nombre. Ila un Fils Lieutenant-
Major dans un Regiment.
Tous les Catholiques
de Montpellier en ont fait
des réjouiffances publiques
par dés Feux allumez devant
leurs Portes apres le Te
-Deum chanté folemnellement.
Ces utiles Miffions
font voir le foin que M
l'Evefque de Montpellier
prendde fon Troupeau . On
ne doit pas moins eftimer le
14 MERCVRE
zele de M' l'Evefque de
Nifmes , qui eftant voiſin,
& s'appliquant tout entier à
ce qui peut eftre avantageux
àl'Eglife , a donné pouvoir
aux mefmes Miffionnaires
de recevoir l'Abjuration de
ceux de fon Dioceſe.
Il s'eft faitune autre Mil
fion à Bourges avec beaucoup
de fuccés. M' l'Abbé
Hervé , Fils de M' Hervé,
Confeiller en la Grande
Chambre du Parlement de
Paris , qui a fait en tant de
Lieux des Converfions admirables,
en eftoit le Chef.
GALANT. K
Cette Miffion fut terminée
le 12. de l'autre Mois par un
excellent Difcours que M
Laurent Chanoine prononça
dans la Métropoli
taine. Ce Difcours , qui
eftoit adreffé à M' l'Arche
vefque de Bourges , fit voir
que ce grand Prélat eftoit
le Fleuve de l'Ecriture qu'on
vit changé en Lumiere & en
Soleil.
Quoy qu'il n'y ait rien de
plus beau que la lumiere, elle
eft bien épouvátable quand
c'eſt quelque embraſement
qui la produit. Celuy de
16 MERCVRE
L'Abbaye de Beaumont pres
de Tours , qui eft un Convent
de Religieufes des plus
confiderables
de France ,
aura peut - eftre fait bruit
dans yoftre Province . Une
étincelle de feu venuë du
Chaufoir de cette Communauté,
s'eftoit attachée à une
Poutre pourrie dans le coeur,
& revétue de Maçonnerie,
& s'y eftant confervée pendant
quelque temps , le feu
parut tout d'un coup , & fit
fes ravages avec tant de violence,
que le Refectoir, Dortoir
, & autres lieux réguliers
GALANT. 17
furent embrazcz en un moment.
Les Religieufes fortoient
alors de Complies. Si
ce malheur fuft arrivé trois
heures plus tard , la plûpart
d'elles fe fuffent trouvées
enfevelies dans les flâmes ..
Toute la Cour a écrit à Madame
l'Abbeffe de Beaumont
fur cet accident. C'eftune
Perfonne auffi pieufe
que belle , & dont la Naiffance
eft des plus illuftrès :
Vous le croirez quand je
vous auray appris qu'elle:
s'appelle Anne de Bethune,
Elle eft Fille de Madame la
Fevrier 1681.
B
..
18 MERCVRE
Comteffe de Bethune , Da
me d'Atour de la Reyne , &
Soeur de M' le Marquis de
Bethune , Beaufrere de Sa
Majefté Polonoife , & Ambaffadeur
dans cette Cour.
Il eſt aſſez remarquable
qu'il y a préfentement en
France quatre Ducs & Pairs
-du nom de Bethune . Ce.
font M' le Duc de Sully,
Prince d'Enrichemont ; M
les Ducs de Charoft, Pere &
Fils ; & M' le Duc d'Orval.
Quelque fierté dont s'arment
les Belles , il eft difficile
qu'elles fe défendent
rs
GALANT. 19
longtemps de témoigner
qu'elles font fenfibles ,
quand un Amant digne
d'eftre aimé , fçait faire va
loir fes plaintes. Vous l'allez
connoiftre par ce Dialogue .
TIRCIS , PHILIS.
TIRCIS.
Hilis , vous fuyez qui vous
aime, Pame
En vain je vousfuispas à pas.
Sipourmoy vousfaifiez le mefme,
Helas ! je ne vous fuirois pas.
m'accablez - vous d'un Pourquoy
traitement fi rude? *
Eft- ce le prix de mon amour?
Bij
20 MERCVRE
Philis, c'est une ingratitude
Dontje verray le Ciel vous punir
quelque jour.
PHILIS.
Je ne crains point cette injuſte
menace,
L'Amourn'a jamais pûme ranger
fousfa Loy;
Tu dis quetu n'aimes que moy,
Tircis, que veux-tu quej'yfaffe?
Peut-eftre fij'aimow, un autre au-
Toit ma foy,
Peut- eftre auffi n'aimerais -je que
toy.
C'estle Deftin qui veut quejefois...
TIRCIS.
Inhumaine!
GALANT. 21
PHILIS ..
Dis- moy , t'ay -jepromis, quefenfible
à ta peine,
lefoulagerois tes ennuis?
Le teplains de m'aimer, c'eft tont ce
quc je puis ..
Le te fouhaite un coeur qui réponde
à taflâme,
Un coeurplus tendre que le mien,
Un coeur que ton amour enflâme;
Comptes-tu tout cela pour rien?
TIRCIS.
C'est beaucoup en effet, &ma trifte
mémoire
N'oublîra jamais ce bienfait;
Mais fimon coeur m'en vouloit
croire ,
IL vous pourroit épargner ce fou
haiti
22. MERCVRE
Car enfin qu'efpérer de voftre indiférence?
Vous m'accablez de mille maux,
Et vous ne meplaignez de ma per-
Sevérance,
Que pour m'en canfer de nouveaux
.
Ou ceffez à l'Amour de vous montrer
rebelle,
Et modérez voftre rigueurs
Ou confeffer enfin que d'une main
cruelle
Vous vous plaifez à mepercer le
coeur.
Je vous aime, Philis, est-il rien de
plus tendre?
Quelcrimepeut commettre un coeur
en vous aimant?
L'Amour vous follicite en faveur
d'un Amant,
Voulez-vous toûjours vou désfendre?
P GALANT. 23:
PHILIS..
Fierté , mépris , ceffez de vous:
cacher,
Mon coeur commence à fe laiffer
toucher,
Preftez-moy de nouvelles forces
Pour éteindre mes premiers feux.
de mon repos, ennemy
Et toy,
gereux,
dan_
Va-t-enporter ailleurs tes trompeufes
Amorces.
Mon coeur renonce à tes plaiſirs,
C'eſten vain que tufais tes efforts .
pour me nuire,
C'est en vain qu'employant mille
tendres defirs,
Tu crois,flateur Amour, à lafin meféduire.
Fierté , mépris , ceffez de vous
cacher,
24 MERCVRE
Mon coeur commence àfe laiffer
toucher
TIRCIS.
Pourquoy vous montrer inhumaine,
Etpourquoy m'accabler d'une nou
velle peine?
Qu'ay-jefait que de vous amer?
Mon coeur vous adore fans ce
Si vous voulez qu'on vivefans
tendreJe
Pour ces beaux yeux qui fçaven't
tout charmer,
Pourquoy, Philis, nous enflâmer?
Pourquoy d'un doux regard aſſujetir
nos ames?
Pourquoy nousfaire aimer un coeur
qui n'aime rien ?
PHILIS
GALANT. 25%
PHILIS.
Mon coeurplus tendre que le tien,
S'efforce d'éteindrefesflames;
Cependant...
TIRCIS.
Ah, Philis, pourfuivez.
PHILIS.
Ie ne puis,
Adieu,ferme lesyeux fur le trouble
oùjefuis.
A te bien oublier je mets tout en
ufage,
Ie ne le celepoint,je voudrois te
hair,
Mon coeur à mafiertér fase d'obeir,
Tircis, que veux - tu davantages:
Fevrier 1681. C
26 MERCVRE
ProCe Dialogue a esté fait
par une Perfonne dont le
nom vous eft connu . Il eft de
la Solitaria del Monte Pinceno.
Vous voyez par là que je
l'ay reçeu de Rome On y a
fait depuis peu un illuſtre
Mariage. C'est celuy de M
le Prince Gaëtan , qui a époufe
Mademoifelle Barbe
rin , Fille de Mle Prince
de Paleſtrine , Petit- Neveu
d'Urbain VIII. & Neveu
des fameux Cardinaux
, François
& Antoine Barberin .
Il y a préfentement un
vingt quatriémeLieu vacant
GALANT. 27
au Sacré College, par la mort
de Mle Cardinal Vidoni,
arrivée les de l'autre mois.
Il- eftoit d'une noble & an
cienne Famille de Crémone,
dans le Duché de Milan.
Urbain VIII. & Innocent X.
luy avoient confié plufieurs
Emplois tres confidérables ;
& ce dernier eftant mort
peu de temps apres luy avoir
donné la Nonciature de Pologne,
Alexandre VII . le fit
Cardinal le 5. Avril 1660. à
la Nomination du feu Roy
Cazimir, dont il eftoit Créature
. Auffi eft il mort Pro-
Cij
28 MERCVRE
tecteur du Royaume de Po
logne.
2
On a eu avis de Rheims,
que Madame de Courtagnon
y eftoit morte depuis
un mois , âgée de quatre- ,
vingts deux ans , & fort regretée
du Public & de fes
Proches. Les exemples de
pieté & de charité qu'elle a
donnez depuis l'âge de
vingt - quatre ans qu'elle
eftoit demeurée Veuve de
Meffire Hierôme de Vergeur
Seigneur de Courta
gnon , Nanteüil - la - Foſſe,
Aty fur Marne, &c . la fai
GALANT. 29
foiet regarder de tout le mon
de avec admiration ; & fi les
hautesAlliances qu'elle avoit
avec les meilleures Maifons
du Royaume , la rendoient
confidérable
, ces avantages
cédoient de beaucoup à lef
time qu'on avoit pour fa
-vertu Elle eftoit Grand-
Mere de M le Marquis de
Bouflers , Colonel General
desDragons , & de Meffieurs
le Comte & Chevalier de
Lery, & Soeur de feu Meffire
François le Danois , Marquis
de Joffreville , Vicomte de
Roncher, Gouverneur de la
C iij
30 MERCVRE
Ville de Rocroy , qu'il défendit
dans ce fameux Siege
où Monfieur le Prince remporta
une fignalée Victoire
fur les Efpagnols. Meffire
Philebert le Danois fonPere,
avoir eu ce mefme Gouver
nement , & eftoit Fils de
Jeanne Rolin, Grande - Maréchale
de Hainaut, Fille de
Meflire François de Rolin ,
Seigneur de Beauchamp,
qui avoit épousé Jeanne de
Bourbon. Ce François Rolin
eftoit Fils de Guillaume
Rolin, & de Marie de Levy ,
& Petit Fils de Nicolas RoGALANT.
31
lin, Chevalier, Baron de Nanteuil-
la- Foffe, Confeiller de
la Cour, Intendant des Af
faires du Duc de Bourgo
gne, & depuis fon Chancelier
en Bourgogne & aux.
Pais-Bas. Il y a eu un Jean
Rolin Cardinal..
"
J'aurois beaucoup à vous
dire de la Maifon des Danois
. C'eft une des plus illuftres
de la Province de
Champagne , par fon ancienneté,
& par la grandeur
de fes Alliances. Ils defcendent
de Pere en Fils, de Bernard
le Danois , iffu de Ber
C iiij
32 MERCVRE
trand le Danois, Comte de
Senlis, lequel Bertrand eftoit
Fils d'un autre Bernard le
Danois , auffi Comte de
Senlis , Oncle & Tuteur du
dernier Duc de Normandie.
On voit dans l'Hiftoire, que
ce dernier Duc venoit de
Raoul le Danois , Premier
Duc de Normandie , qui fe
fit Chreftien , & épouſa Gilete
de France, Soeur du Roy .
-Ce Raoul eftoit iffu de Gautier
le Danois, Roy de Dan-
-nemarck, & Fils de Guyon
le Danois, Premier Roy de
Dannemarck , & Frere d'O
GALANT. 33
gier leDanois, Pair de France
du temps de Charlemagne.
Le Danois porte pour Armes
, une Croix d'argent
fleurdelifée
d'or , au champ
d'azur , écartelé de Rolin &
de Bourbon. Cette Maiſon
eft divifée en deux Branches
en Champagne. L'une eft
celle du Marquis de Joffreville
; & l'autre , du Comte
de Cernay L'une & l'autre
a des Alliances tres illuftres
tant en France qu'aux Païs-
Bas. 21 2
M d'Hillerin , Seigneur
de Bazoges , Petille , &c .
34 MERCVRE
Sous-Doyen de la Cinquiéme
Chambre des Enqueftes
du Parlement, eft mort aufſi
depuis quinze jours. Apres
s'eftre marié d'abord avec
une Coufine germaine de
fon mefme nom , dont il n'a
point eu d'Enfans , il époufa
Mademoiſelle Charreton ,
troifiéme Fille de M' le Préfident
Charreton , fi connu
par les fervices qu'il rend
dans fa Charge depuis pres
de cinquante- fix ans avec
une aprobation univerfelle,
De ce fecond Mariage il
n'eft forty qu'une Fille qui
GALANT 35
eft encor en bas âge. M
d'Hillerin eftoit d'une Maifon
originaire de Poitou , ou
elle a poffedé & poffede encor
aujourd'huy de tres - belles
Terres , aufli bien que
dans l'Anjou. Elle eft alliée
aux plus confidérables, Familles
de ces deux Provinces,
& a donné deux Confeillers
au Parlement de Paris, dont
T'un eft mort ConfeillerClerc
de la Grand Chambre, apres
avoir refufé l'Evefché d'Angers.
Elle a auffi donné deux
Chanoines de Paris,des Confeillers
au Parlement de Bre36
MERCVRE
སྒྱུར་
C
tagne , des Sur - Inten dans
des Baftimens
de la Reyne
,
des Maiftres- d'Hoftel chez
le Roy, des Lieutenans
Generaux
, & des Tréforiers
de
France à Poitiers.
Cette mort a efté précedée
de celle de Henry de
Bancalis, S' de Pruines , qui
eft mort d'apoplexie le 15. de
Janvier, dans fa foixantiéme
année. C'eftoit un Gentilhomme
des plus anciennes
Maifons de Rouergue. On
ne peut rien adjouter à l'exactitude
avec laquelle il
s'eft acquité des divers Em-
4
GALANT. 37
plois qui luy ont eſté donnez.
Il fut d'abord Capitaine
de Chevaux . Legers
dans le Regiment de S. Simon
, & en fuite Capitaine-
Exempt des Gardes du Corps
du Roy. Havoit l'efprit vif,
le jugement tres- folide , &
s'eftoit acquis par fes longs
fervices l'eftime particuliere
de Sa Majesté. La confiance
qu'Elle eut en luy en fut une
preuve , quand Elle le choifit
entre tous les Officiers defa
Maiſon pour l'honorer de
la Charge de Commandant
des Gardes de la Reyne,
38 MERCVRE
qu'il a exercée plufieurs années
pendant l'abfence du
Roy , qui eftoit alors à la
tefte de fes Troupes . La
Reyne le confidéroit , & il
s'eftoit fait aimer de toute
la Cour. Pour récompenfe
de fa fidelité & de fon zele,
Sa Majefté luy donna la Majorité
de Senlis, avec la Licutenance
des Chaffes de la
Capitainerie Royale de la
mefme Ville , dont Monfieur
le Prince eft Capitaine ; &
à M'de Prunes fon Frere,
l'Abbaye de Noftre- Dame
d'Ardores aut Dioceſe de
GALANT 39
Caltres. Cet Abbé qui a
porté autrefois les armes
avec beaucoup de fuccés,
donne tous les jours des
exemples de piets & de vertu
qui le font eftimer de tout
le monde. Celuy dont je
vous apprens la mort, a laiffé
deux Garçons & une Fille.
L'Ainé a cfté nourry Page
de la Grande Ecurie, & ne
fut pas plutoft forty de ce
pofte , qu'il entra dans les
Gardes du Corps, où il fe fit
diftinguer des fa premiere
Campagne par une action
de bravoure qui eut d'illuf40
MERCVRE
tres Témoins . Ce fut à la
fameufe Bataille de Senef.
Un Officier Ennemy fortit
de fes Rangs , & s'avança
vers nos Troupes pour faire
le coup de Piſtolet. M' de
Pruines fe détacha auffitofti
de fon Efcadron, courut vers
cet Officier , effuya fes deux
coups de Pistolet , luy appuya
le fien dans les reins,
8 le tua fur la place. La mort
de M' de Pruines fon Pere
la mis en poffeffion de la
Charge de Capitaine- Exépt,
dontle Roy luy avoit donné
la furvivance. C'est particu
GALANT. 41
#
lierement dans la perte qu'il
vient de faire , que Leurs
Alteffes Seréniffimes
luy
ont marqué l'estime qu'Elles
font de fa Perfonne par
le Préfent de la Lieutenance :
des Chaffes de Senlis . Com--
me la Charge de Capitaine-
Exempt des Gardes du Corps
L'oblige d'eftre fouvent à la
Cour , & d'aller à l'Armée,
Monfieur le Prince a donné
un Brevet honoraire de Lieutenant
des Chaffes à M' de
Pruines fon Oncle , afin qu'il
puiffe exercer cette Charge
en fon abfence. Le Cadet
Fevrier 1681. Ꭰ
42 MERCVRE
dont je ne vous ay encor
rien dit , a eſté pourveu pár
le Roy depuis trois ans de
l'Abbaye de Boifaubry au
Diocefe de Tours . Ce jeune
Abbé fe fait voir le digne
Heritier des belles qualitez
de M fon Pere. Il a l'efprit
Mfon
auffi fin , les manieres auffi
délicates, beaucoup de facilité
pour les belles Lettres ,
la mémoire heureuſe, & enfin
tout ce qu'on peut ſouhaiter
pour faire un treshonnefte
Homme.
On m'avertit qu'en vous
apprenant la mort de MaGALANT
43
dame la Comteffe de Parabere
dans ma Lettre du mois
d'Octobre , je vous ay parlé
de la
Genealogie de cette
Maifon fur des Mémoires
peu juftes , en vous difant
que M le Comte de Parabere
fon Mary eftoit Lieutenant de
Roy du Haut Poitou , Frere de
M le Marquis de la Motte-
Sainte Heraye , Lieutenant de
Roy du Bas Poitou , Fils de
Henry de Baudean, Comte de
Parabere
Lieutenant de Roy
du Haut & Bas Poitou , &
qu'il falloit dire que cette
Comteffe eftoit Femme de Iean
Dij
44 MERCVRE
de Baudean, Comte de Parabere
, Marquis de la Motte-
Sainte Heraye, Lieutenant Genéral
pour le Roy au Gouver
nement du Haut Poitou , Frere
de M' le Comte de Pardeillan,
Lieutenant General dans les
·Armées de Sa Majesté, & au
Gouvernement du Bas Poitou;
Fils de Henry de Baudean,
Comte de Parabere , Chevalier
des Ordres du Roy, & Gouver
newren
Chef de la Province
de Poitou, qui eftoit Fils de Tean
de Baudean , Comte de Parabere
, Lieutenant de Roy du
Haute Bas Poitou, mort avec
44
GALANT. 45
-un Brevet de Maréchal de
France.
Vos Amis qui aiment
tant voftre belle voix , ont
eu raifon de vous dire que
la Chanfon du dernier mois,
qui commence par Dans nos
Bois, Tircis, & c.fe chante icy
depuis quelque temps. J'ai
me mieux ne vous les pas
envoyer toutes nouvelles,
& eftre affuré qu'elles font
des plus grands Maîtres.
Du moins je vous les donne
notées , & fort correctes,
avant que perfonne en ait
de Copies. Je ne doute poing
46 MERCVRE
que vous ne chantiez
cellecy
avec plaifir.
V
AIR...
Ous vous plaignez qu' Iris
eft tropfevere,
Quejamais elle n'aimera.
Aimez-latendrement
, prenez foin
de luy plaire,,
Amour vous aidera,
Laiffez - le faire.
$2
Engagez -la dans ce tendre miftere,
Toute fa rigueurfinira..
Aimez- la tendrement, &c.
Voicy des Vers qui ont
efté faits pour une belle Per
GALANT 47
fonne, en luy envoyant une
Corbeille de Fleurs pendant
la rude Saifon. Ils font du
Drüide de Saumur.
A MADEMOISELLE P*
L
!
A terre, des glaçons ne craint:
point les rigueurs,
Quand elle vous doit rendre un
tribut de fes Fleurs,
Rien n'en peut contre vous ruiner
l'abondance.
C'eft en vain que le froid la veut
couvrir d'effroy.
Helas! de nos deftins voyez la dis
férence,
Tout eft Printemps pour vous, tout
eft Hyverpour moy.
48 MERCVRE
Les deux Madrigaux qui
fuivent font du mefme Autheur,
& pour la mefme Perfonne,
iar tant, sing dinafi
SUR LE DEPART D'UNE
Belle , dans le temps qu'on
voyoit paroître la Comete.
UN
Ne Etoile fatale alarme
Univers, T
Tous les Esprits en font desjugemens
divers NO DINI
Chacun s'efforce à la dépeindres
Pourmoyje ris de fon boxreur,
Lefeu ne mefaitpoint de peur,
Etj'ay d'autres malheurs à crain
drea mend showing all th
Iris à résolu de quiter ces beaux
Lieux
GALANT. 49
Elle a mefme déja commencéfes
adicux,
Ce funefte départ me trouble &
m'inquiete,
C'est là ce qu'ilfaut craindre , &
non pas la Comete.
POUR LA
MESME.
Sur ce que les Glaces ont retardé
fon départ.
L
Eges , frimats, glaçons, horreur
de la Nature, NE
San's raifon contre vous on s'emporte,
on murmure;
Graces à vos rigueurs , Iris ne s'en
vapas .
Neges, frimats, glaçons, que vous
avez d'appas!
Vostre plus grande horreur eft un
charme à ma veuë.
Fevrier1681 E
To: MERCVRE
Je vous aime bien mieux que le plus
beau Printemps ,
Par ves foins obligeans Iris eft
retenuë;
Hyver, charmant Hyver, helas,
durez longtemps
.
Ce qui eft marqué dans
l'un de ces Madrigaux de
l'apparition
de la Comete,
me fait fouvenir que je vous
ay promis le Recit d'une
Avanture fur cette matiere.
Jevay vous tenir parole .
Une fort jolie Perfonne,
noble de naiffance , mais
manquant de Bien , s'eftoit
attachée en qualité de SuiGALANT.
SI
vante aupres d'une Dame
d'un rang diſtingué. La Dame
qui avoit toûjours eu
une conduite affez réguliere
, & que l'âge mettoit au
deffus de l'ordinaire fcrupule
des Femmes , dont la
plûpart ne veulent point aupres
d'elles des Filles bien
faites qui pourroient les effacer
, aimoit à fatisfaire fes
yeux , & avoit choify celle
dont je vous parle, préferablement
à beaucoup d'autres.
Il y avoit environ trois
ans qu'elle eftoit chez elle,
& les fervices qu'elle en re-
E ij
52 MERCVRE
cevoit luy donnant tout lieu
d'en eftre contente, elle auroit
efté ravie d'aider à la
marier , s'il fe fuſt offert un
Party avantageux . La Suivante
s'attiroit affez de douceurs
de tous ceux qui la
voyoient, mais fi -toft qu'on
remarquoit qu'elle eſtoit incapable
de s'attacher qu'en
faveur d'un Homme qui
voudroit fonger au Sacrement,
les plus fortes protef
tations ceffoient , & fon
manque
de fortune
la fai
fit trouver moins belle. Un
jour qu'on la pria d'une Nô-
SIGHT !
GALANT. 53
ce , elle
elle y parut avec tant
d'éclat, qu'un Parent du Marié
en fut ébloüy. I eftoit
riche, maître
de luy mefme
,
& preft à prendre
une Charge
, qu'il pouvoit
payer ar-
Pendant gent comptant.
tout ce jour il entretint l'aimable
Suivante
, & luy fit
d'autant plus d'honneftetez
,
que fa naiffance paroiffant
dans fes manieres
, & tout
ce qu'elle difoit eftant fort
jufte , il ne trouvoit
pas
moins de plaifir à l'entendre
qu'à la voir. Ce plaifir luy
fut fenfible
, & ne pouvant
E iij
54 MERCVRE
ày fe réfoudre à y renoncer fi
toft , il luy demanda en la
remenant , s'il ne pourroit
point quelquefois luy rendre
vifite. La Belle luy dit
qu'elle avoit des heures dont
on vouloit bien qu'elle difpofaft
, & conta a fa Maî
treffe, dans la feule veuë de
la divertir , la demy - conqueſte
que le hazard luy
avoit fait faire. La Dame
ayant fçeu que le nouveau
Soupirant demandoit à voir,
luy ordonna de le recevoir
quand il viendroit , & ne
douta point qu'en le ména
GALANT. 55
que
geant adroitement , elle ne
trouvaft le fecret de l'engager
à quelque propofition:
de Mariage. L'Amant vint
deux jours apres . La Belie
la Dame autorifoit , le
fit monter dans fa Chambre,
& fçeur fi bien le charmer,
qu'infenfiblement
il fe ren
dit affidu . Cependant com
me pour ne pas l'effarou
cher, elle crût devoir ne luy
rien dire d'abord de trop
preffant fur le deffein qu'il
pouvoit avoir , il fe conten
toit de l'affurer que fa veuë
faifoit fa plus forte joye. La
E j
56 MERCVRE
connoiffance qu'il avoit de
fa vertu , le tenoir dans un
reſpect dont il voyoit bien
qu'il ne pouvoit s'éloigner
fans eftre banny , mais quebe
ques tendres proteſtations
que fon amour luy fit faire,
il ne venoit point aux mots
décififs, La Belle qui trou
voit fon compte à
l'époufer,
& qui commençoit à n'eftre
point indiferente pour luy,
tâchoit de parvenir à fes fins
par toutes les marques d'eftime
que l'intéreſt de fa
gloire luy pouvoit permettre,
quand le hazard termina
GALANT
l'affaire. L'Amant avoit paffe
une apreidînée preſque tout
te entiere dans la Chambre,"
& fur le point de luy dire
adicu , il s'avifa de luy de
mander fi elle avoit veu la
Comere. Elle fe montroit
feulement depuis deux jours ,
& comme toutes les chofes
extraordinaires frapent fortement
, cette nouvelle apparition
faifoit parler
er tout
Paris. La Belle qui avoit
déja appris qu'on voyoit
uneComete , témoigna beaucoup
d'envie de fçavoir par
elle - mefme comment eftoit,
58 MERCVRE
{
que
faite cette longue Queue qui
effrayoit tant de Gens. L'Amant
luy dit aufficoft ,
fans aller loin , elle pouvoit
avoir ce plaifir ; qu'il ne falloit
que monter au lieu le
plus haut de la Maiſon, qui
eftoit tres- élevée, & que de
là , il luy feroit aifé de fe fatisfaire.
La Belle voulut con
tenter fur l'heure l'humeur
curieufe qu'elle avoit mar
quée, & faiffant prendre la
lumiere à fon Amant , elle
monta avec luy jufqu'au
Grenier , d'où elle vit fort
commodement cette nouGALANT.
59
velle Planete. Apres l'avoir
regardée autant qu'il luy
plût, elle prit le Chandelier
pour retourner dás fa Chambre
; mais ce fut avec fi peu
de précaution, qu'en le panchantpar
mégarde, la Chandelle
s'échapa , & s'éteignit
en tombant. Cet incident
luy parut fâcheux.Quoy que
tout le monde fuft perfuadé
de l'exactitude de fa conduite,
elle n'eftoit pas bien aife
qu'on lafurprift fans lumiere
avec un Homme qui paffoit
pour fon Amant. Tandis
qu'elle examinoit fi'elle de60
MERCVRE
voit defcendre feule ou accompagnée
, elle entendit
tout-à-coup cinq ou fix Perfonnes
qui montoient. C'eftoit
fa Maîtreffe, que la mef
-me curiofité amenoit, & qui
fuivie de quelques Amis, ve-
Grenier
pour noit auffi au Grenier
voir la Comete. Ce contretemps
mit la Belle au defef
poir. Elle ne pouvoit fe laiffer
furprendre avec fon Amant
dans un lieu fecret,
fans s'expofer à des railleries
qui alarmoient fa fierté, Son
innocence avoit beau parler
pour elle. La Chandelle é-
"
GALANT. 61
teinte eftoit la conviction
d'une entreveuë condamnable
, & les moins fujets à
prendre les choſes au criminel,
en auroient jugé fur les
ces . Comme il n'y
avoit aucun temps à perdre,
elle obligea fon Amant à ſe
cacher. Il s'enfonça dans le
Foin le mieux qu'il luy fut
poffible , & elle alla au devant
de ſa Maîtreſſe , à qui
elle dit qu'en regardant la
Comete , le vent l'avoit laif
fée fans clarté. Apres qu'on
eut obfervé pédant un quart
d'heure la figure & la fitua
62 MERCVRE
tion de ce nouvel Aftre , la
Dame craignit que les Domestiques
, qui eſtoient en
fort grand nombre , ne de--
vinflent curieux à fon exemple,
& comme elle avoit de
grandes précautions pour
prévenir tous les accidens
du feu, en fortant, elle ferma
elle - mefme le Grenier , &
en emporta la Clef, dont la
Suivante sofrit inutilement.
à eftre dépofitaire. Elle voulut
la garder , & la mettant
dans fa poche , laiffa cette
aimable Fille fort embaraf .
fée de fon Prifonnier. Quand
GALANT. 63
en fe couchant, elle ne l'euft
pas cachée fous fon chevet,
la Suivante n'euft pû éviter
d'eftre découverte, en allant
fi tard le tirer de fa prifon.
D'ailleurs , qu'en euft - elle
fait tout le refte de la nuit,
puis que le Portier tenoit
toûjours la Maiſon fermée
fi- toft qu'on avoit foupé
Il falut donc le réfoudre à
laiffer les chofes comme elles
eftoient. Tout ce qu'elle
pût pour confoler fonAmant
de fa difgrace, fut d'aller luy
dire à la porte du Grenier,
qu'il prift patience, & qu'elle
64 MEROVRE
lay tiendroit compte des
méchantes heures qui luy
reftoient à paffer. Le Pofte
avoit dequoy luy déplaire,
mais enfin la chofe eftoit
fans remede, & il eut befoin
de l'amour qui l'échaufoit,
pour moins fentir le grand
froid de la faifon . Il fe fit une
maniere de Loge au milieu
du Foin , la plus commode
qu'il pût , & y demeura fort
inquiet de la fin de l'Avantu
re Jugez de quelle longueur
luy parut la nuit. Le lendemain
, le Cocher ayant efté
demander la Clefà la Dame,
GALANT +65.
ouvrit le Grenier fur les dix
heures pour prendre la provifion
de fesChevaux. Apres
cinq ou fix botes de Foin
jettées dans la Court, il en
prit une à l'endroit où l'Amant
s'eftoit caché, & en la
tirant, il aperçeut une de fes
jambes. Il ne douta point
que ce ne fuft un Voleur,
& craignant de n'en pouvoir
eftre maître s'il cuſt voulu
l'arrefter , il fortit incontinent
, ferma le Grenier tout
de nouveau , & alla chercher
un Commillaire, fans dire à
perfonne ce qu'il avoit veu ,
Fevrier 1681.
A
F
66 MERCVRE
"
Il en parla feulement quand
le Commiffaire fuivy de tous
les Laquais monta au Gre
nier. Le bruit d'un Voleur
caché, qui paffa foudain de
bouche en bouche , ayant
fait connoître à la Suivante
que fon Amant eftoit décou
vert, elle courut à la Cham,
bre de la Dame , l'inftruifit
de ce qui s'eftoit paffé le foir
précedent touchant la Comete,&
fe jettant à fes pieds,
la conjura d'empeſcher
qu'on ne fift infulte à un
honnefte Homme. Dans ce
mefme temps onluy amena
GALANT. 67
l'Amant de la Belle .. 'Tous
ceux du Logis l'ayant reconnu,
il avoit prié le Commiffaite
de luy faire voir la
Dame , qu'il vouloit entre
tenir en particulier . La Da
me prévint ce qu'il avoit à
buy dire. Comme fa prife:
avoit fait éclat, & qu'en rappellant
les circonstances ,
l'honneur de laBelle s'y trou
voit intéreffé , elle dit d'a
bord à ce prétendu Voleur,
qu'il avoit trop bonne mine
pour pouvoir croire qu'il fd
fuft caché dans aucun maus
vais deffein , & tombant de
Fij
68 MERCVRE
là fur le commerce ſecret de
luy & de la Suivante , dont
il ner
pouvoit difconvenir,
apres qu'on l'avoit trouvée
le foir fans lumiere dans le
mefme lieu où il venoit de
paffer la nuit , elle adjoûta
qu'eftant Demoiselle , &
d'une naiffance
qui méri
toit bien qu'il fermaft les
yeux fur fon manque de for
tune, il ne devoit point pré
tendre qu'on luy permiſt de
fortir, qu'il n'euft reparé en
l'époufant le tort qu'il faifoit
à la réputation. L'Amant
qui ne fongeoit à rien moins
GALANT. 69
qu'à le marier fi -toft, & qui
peut- eftre n'y euft jamais
fongé tout- de- bon , fe vit
obligé de parler François..
Quoy que fon commerce,
fult innocent , ce qui eftoit
arrivé fervoit contre luy de,
preuve. Il avoit affaire à une
Femme dont le crédit pouvoit
tout. La Belle eftoit
rres- aimable , avoit beau
coup de vertu , & dans le
fond de fon coeur l'Amour,
parloit fortement pour elle .
Toutes ces raifons l'empef
chant de balancer , il figna
fur l'heure un Traité de Ma
>
1
70 MERCVRE
la
riage, & trois jours apres,
Cerémonie s'en fit . La Dame
paya les frais de la Nôce,
& tout s'y pafla avec une
égale fatisfaction des deux
Parties. Vous voyez par
qu'on n'a pas raifon de dire
que les Cometes ne prélagent
rien que
reux , puis que celle- cy a
contribué au bonheur d'une .
de malheu

Perfonne, à qui la Fortune
avoit efté jusque-là tres-peu
favorable,
Nous commençons d'en
trer dans un temps qui nous
engage aux plus pieufes reGALANT
71
fléxions. Ainfi , Madame, je
croy qu'il ne fera point hors
de propos de vous faire part
d'un Sonnet que fit Mademoiſelle
de Caftille lors que
la Comete commença de fe
montrer. Vous vous fou
viendrez que ce fut vers les
Festes de Noël.
SUR LA COMETE.
Q
SONNET.
and du Sauveur naiſfant ▲
nous celebrons les Festes,
Quelfeu nouveau ternit tous lesfeux
dela nuit?
Toute-puiffante Main du Dieu qui
Pa produit,
72 MERCVRE
Enfeigne-nous quels biens, quels
maux tu nous aprestes?
ALA $2
Vient- il nous menacer de nouvelles
tempeftes?!
De nos faintes ardeurs annonce t-il
lefruit?
Eft- ce un Chemin de Lait qui vers
Toy nous conduit?
Ef-ce un Torrent defeu quifondra
A fur nos teftes?
Eft- ce l'heureux Flambeau qui conduifit
les Rais?
Ou ce Glaive enflamé , qui punit
autrefois
L'infolent attentat de noftre premier
Pere?
25
S'il vient encor punir les fuperbes
Humains,
N'en
GALANT 73
N'en frape que leurs coeurs dans ta
jufte colere,
Et leurs larmes , Seigneur, l'éteindront
dans tes mains.
L'excellent Difcours que
vous avez veu fur les Cometes
dans ma Lettre du
dernier mois , fait affez connoiftre
qu'il n'y a rien de
plus trompeur que l'Aftrologie.
Horace eft cité parmy
les fameux Autheurs qui
traitent de crime l'empreffement
curieux de penétrer
l'avenir. L'Ode dans laquelle
il s'en explique, a efté
traduite depuis peu d'une
Fevrier 1681. G
74 MERCVRE
maniere fi agreable, que je
croy vous faire plaifir de
vous l'envoyer .
TRADUCTION DE
l'Ode XI . du Livre d'Horace ,
qui commence par Tu ne quafierisfeire:
D
* terme de nosjous nefoyons
point enpeine,
C'eft un fecret, Philis, qui n'eft que
pour les Dieux.
Méprifez ces Trompeurs, dont la
faience vaine
•·Se vantefollement de lire dans les
Cieux.
25
Attendons en repos l'ordre des Def
tinées;
GALANT. 75
Prefts à lour obeir, en tous lieux,
en tout temps;
Soit qu'il nous reste encor un grand
nombre d'années,
Ou qu'enfin nous touchions à nos
derniers momens ;
25
Ne fongcons qu'aux plaifirs que
donne la Feuneffe;
Nos joursdurent trop peu pour de
fi grands deffeins.
Le temps, cet heureux temps ,fe dérobefans
ceffe,
Etfuit bien loin de moy pendant que
je m'en plains.
Se
Profitez en ce jour des douceurs de
la vie;
Songez-bien qu'il s'en vapour ne
plus revenir;
Gij
76 MEROVRE
Et qu'apres tout, Philis , c'eftfaire
Tunefolie ,Min d.angob
Deperdre le préfent à chercher l'avenir.

I Madame la Marquiſe de
Clerambault , qui en premieres
Nôces avoit épousé
Mile Comte du Pleffis - Pralin,
& qui eftoit reçenë en
furvivance de la Charge de
Dame d'Honneur der Son
A. R. Madame, l'exerce préfentement
en chef par la
mort de Madame la Maréchale
du Pleffis fan Belle-
Merel &C'eft uneb Perfonne
qui joint beaucoup de meGALANT
: 77
rite aux evantages que luy
donne fa Naiffance. Son
nom eft le Loup de Bellenave.
De fon mariage avec
M' le Comte du Pleffis , il
neluy refte qu'un Fils qu'on
appelle M' le Duc de Choifeul.
Ce jeune Seigneur a
des qualitez qui ne laiffent
point douter qu'on ne trouve
en luy un tres - digne Succeffeur
de fes illuftres Anceftres
.
Le Lundy 10. de ce Mois,
Madame l'Abbeffe du Sau
voir,Fille de Madame la Maréchale
du Pleffis dont je
G
iij
78 MERCVRE
vous viens de perler , luy fit
rendre les derniers honneurs.
dans fon Eglife , par un Ser
vice folemnel , où toute la
Ville affifta. L'Oraiſon Funebre
y
fut prononcée
par
M' l'Abbé Vaudin , Cha
noine de la Cathédrale de
Laon , avec l'applaudiffe.
ment de tous ceux qui l'en
tendirent. Son ftile eft fort
juite, & il donne à fes penuite,
our
fées un tour aifé ,
*
qui
fait
affez voir que ce n'eft pas
d'aujourd'huy qu'il eſt maître
de la Chaire. L'Abbaye
du Sauvoir lez - Laon , eft
GALANT. 79
unee fort belle Maifon fituée
dans le bas de la Montagne
,
fur le Chemin de Noltre-
Dame de Lieffe . Elle eft renommée
pour le grand
nombre de Religieufes Benédictines
Reformées , qui
yviyent avec une pieté tresexemplaire.
Vous avez appris par
quelqu'une de mes Lettres
la Reception de M * le Mar- A
quis de Saint André Virieu ,
En la Charge de Premier
Préfident au Parlement de
Grenoble. Il en eſt venu
prefter le Serment entre les
G
iiij
8 MERCVRE
mains de Sa Majefté, dont
ila efté reçeu avec tous les
témoignages d'eftime qu'il
pouvoit attendre del ce
grand Monarque. Ilauſé de
beaucoup de diligence pour
fon retour , & s'y seft crû
obligé , non feulement comme
Chef d'une augufte
Compagnie , mais encor
comme Commandant dans
I Dauphiné,en l'abſence dé
Mr le Duc de Lefdiguieres
qui en eft Gouverneur, & du
Lieutenant de Roy, Il partit
de Grenoble temps des
Vacations d'Octobre , & y
GALANT Sp
retourna pour la premiere
Audience de l'ouverture des
Roys. Cette Ville qui a na
turellement de l'inclination
à 'honorer fes Magiftrats § ' a
des obligations tres - particu.
heres de revérer cet illuftre
Chef de fon Parlement , par
les foins continuels qu'il
donne à la
tranquilité pu
blique , & à la Police , par
l'application qu'il fit paroiftre
des années dernieres
pour établir le bon ordre,
contre les miferes de la dil
fette des grains , & par la
pieté qu'il joint à celle de M

82 MERCVRE
le Camus , Evefque de la
mefme Ville , pour l'entre
tien du grand Hôpital. Auffi
tous les Ordres coururent
chez luy en foule , pour luy
faire compliment à fon retour.
Les Officiers de la Mifice,
qui en diférentes occa
fions l'ont eu pour leur Com
mandant , ne furent pas les
derniers à luy en marquer
leur joye. Ils fe rendirent
ehez luy en Corps, ayantM
Baudet Pere du Confeiller
de ce nom à leur tefte, comme
le plus ancien Capitaine,
devancez & fuivis par les
GALANT. 83
Sergens des Quartiers qui
portoient leurs hallebardes ,
& marchoient chacun fuivant
le rang de chaque
Quartier. Le foir il y eut des
détachemens d'un certain
nombre de Moufquetaires.
de routes les Compagnies
Ils furent rangez dans la
grande Court des Peres Do
miniquains, par les foins de
M' le Clair qui fait la fon
tion d'Ayde- Major, & qui
joignit aux Détachemens
dont je vous parle une fort
agreable Symphonie de
Hautbois , Violons , Mu
*
1
84 MERCVRE
-
fetes , & autres Inftrumens.
Tout cela marcha avec une
partie des Officiers à la lueur
d'un grand nombre de Flambeaux
, & alla occuper la
Rue de l'Apartement de M
de S. André , où les Salves
& la Symphonie firent un
effet merveilleux . Voila , Madame
, quelles ont efté les
Réjouiffances de la Ville de
Grenoble pour le retour de
fon Magiftrat. Les Feftes
publiques qu'on peut regar
der en quelque façon comme
un devoir du Public
envers les Perfonnes qui reGALANT.
85
préſentent l'autorité du Souverain
, font d'ailleurs d'une
grande utilité par le zele
qu'elles les engagent à redoubler
pour le fervice du
Roy , & pour le bien de fes
Peuples . Je ne vous dis rien
du mérite pafticulier de ce
Premier Prefident
, vous en
entretenuë
en
ayant
defions
. Je ne
d'autres occafions.
Vous
puis me fouvenir
fi en vous
parlant
de luy , je vous
ay
marqué
qu'il eft Petit- Fils
du fameux
Artus
Prunier
,
quifut
Premier
Préſident
au
mefme
Parlement
de Gre86
MERCVRE
noble , & qui l'avoit eſté du
Parlement de Provence , où
le Roy l'avoit auparavant
employé pour appailer les
divifions que le prétexte de
da Religion y avoit formées.
C'eftoit un prodige de fçavoir.
Ce qu'il y a de tresremarquable
en ce grand
Homme , c'eft qu'il fut
choify dans le mefme temps
des divifions civiles par la
Nobleffe du Dauphiné, toute
illuftre & nombreufe
qu'elle eft , pour commander
dans la Province apres la
mort du Gouverneur , juf
GALANT. 87
qu'à ce qu'il eut plû au Roy
d'y pourvoir. Sa Majeſté
"
confirma ce choix . M' le
Marquis de S. André eſt
auffi Perit - Fils du celébre
Chancelier de Bellievre .
En vous parlant d'un Chef
de Juſtice, il me fouvient que
vous me demandaftes il y a
quelques mois, des nouvelles
d'un Procés qui faifoit alors
grand bruit , & pour lequel
tout Paris fembloiteftre pattagé.
Il s'agiffoit de la Succeffion
de feu Jacques Baudry,
Ecuyer S du Buc , & de
Dame Marie des Hayes, de88
MERCVRE
mandée par M Baudry du
Buc leur Fils, prétendu Religieux
Cordelier ; contre diférens
Coheritiers de cette
mefme Succeffion . Le de
tail qu'il auroit falu vous
faire de toutes les difficultez
quiſe rencontroient dans ce
Procés, eftoit fi grand, qu'il
ne me fut pas poffible de fatisfaire
voftre curiofité dans
ce temps- là. Vous n'aur
plus rien à fouhaiter là - def
fus , puis que je vous envoye
aujourd'huy le Plaidoyé de
M Lordelot. Il contient
l'Hiftoire de la Vie de M
a
aurez
420. YEYUS 1
GALANT. 89
Baudry , pleine d'incidens
fort rares , avec un Traité
touchant la validité des
Voeux des Religieux. Tous
ceux qui l'ont vû , affurent
qu'il n'a rien perdu fur le
papier de la beauté l'on
que
y trouva , lors qu'il fut prononcé
en la Grand Chambre.
Il a efté lû avec plaifir,
& mefme à la Cour , où les
Ouvrages de cette nature ne
font pas ordinairement fort
recherchez
.
>
Ceux qui croyent qu'un
amour tres-violent ne peut
naître tout d'un coup, feront
Fevrier 1681. H
90 MERCVRE
convaincus de leur erreur,
par ce qui eft arrivé depuis
Tix femaines. Une Dame de
Province venue à Paris pour
quelques affaires de Famille,
alla peu de jours apres en-
"tendre la Meffe aux Minide
la Place Royale . es
Dans le temps qu'elle defcendoit
de fon Carroffe, un
Cavalier tres- bien fait def.
cendoit auffi du fien . Il fut
frapé des ce meſme inſtant
de la beauté de la Dame.
Malgré la rigueur de la faifon,
elle avoit un teint dont
Féclat éblouiffoit , & ce qui
GALANT 91
le
le rendoir plus admirable,
c'eft qu'on voyoit bien qu'il
eftoit tres naturel . Des yeux
bleus , auffi brillans que fpirituels
, une belle bouche,
un nez des mieux faits , des
traits délicats , & un tour de
vilage merveilleux , vous font
portrait de cette aimable
Perſonne. Joignez à cela
une taille des plus fines , &
un air fi remply de majeſté,
qu'elle cuſt inſpiré du refpect
aux plus hardis, Tant
de charmes ne laifferent pas
un moment le, Cavalier en
pouvoir de confulter fa rai-
Hij
92 MERCVRE
fon. H abandonna fon cour
à fa paffion naiffante &
ayant fuivy cette belle Da
me dans l'Eglife pour la
mieux comfidérer , quand il
la vit prefte d'en fortirpilfe
mit fur fon paffage, & la falüa
d'une maniere qui luy
fit connoître qu'elle en avoir
efté obfervéelle euft bien
voulu luy offrir la main pour
la conduire jusqu'à fon Car
roffe, mais il craignit que la
civilité ne fuft mal reçeuë ,
& le contenta de la faire fui
vre pour fçavoir qui elle ef
toit , & avec qui elle avoit
GALANT 93.
des habitudes . On luy rap
porta qu'elle eftoit Femme
d'un Gentilhomme
fort riche
qui seftant retenu en
Province par quelque incommodité,
l'avoit envoyée
à Paris pourfuivre un Procés
avec un Vieillard de fes Pareus
; qu'elle ne fortoit prefque
jamais , à moins que fes
affaires ne l'y obligeaffent,
ou qu'elle n'allaſt chez une
Veuve de fes Amies , & que
cette Veuve eftoit une Femme
fort retirée. Cette régu
larité de conduite donna
grand chagrin au Cavalier ,
94 MERCVRE
par l'impoffibilité qu'il trou
voit à faire conoiffance avec
la Dame. Son amour nien
pût pourtant eſtre refroidy ..
Il fit pofter un Laquais aupres
du Logis de cette belle
Perfonne, pour eftre raverty:
des lieux où elle alloit à la
Meffe. C'eftoit ordinairemét
à une petite Eglife voiſine , &
affez peu fréquentée . Le Cavalier
ne manquoit pas de s'y
rendre , fitoft qu'il avoit re
çeu l'avis . Il y alla plufieurs,
fois ,fans tirer de tous fes foins
autre avantage que celuy de
voir . Enfin ayant un jour ap
GALANT. 95
perçen fon Loup qui eftoit
rombé, il le releva, & le préfentant
à cette belle Perfone,,
il luy marqua la joyequ'il auroit,
s'il eftoit affez heureux
pour trouver l'occafion de
fuyrendre un plus important
fervice La Dame luy répódit
fort civilement, & le Cavaliervoulant
profiter d'un mo
ment fi favorable , noua une
petite coverfation, qui luy fit
connoître, quoy qu'elle parlaft
fort peu, qu'elle n'eftoit
pas moins eftimable par fon
efprit que par fa beauté. Il
auroit continué l'entretien
96 MERCVRE
plus qu'il ne fit , fi elle ne
luy cuft témoigné
qu'elle
n'eftoit pas bien aile de
parler dans un lieu où elle
croyoit ne pouvoir jamais
avoir affez de refpect . Il fe
ne
pas
interrom
retira , pour ne
pre fa devotion , qui fut ce
jour là tres- longue . Elle vou
loit l'ennuyer, afin qu'il fortit
fans elle; mais enfin voyant
qu'il s'obftiuoit à l'attendre,
elle fe leva pour s'en aller.
Il vint à elle auffitoft, & luy
préfenta la main, qu'elle accepta,
jugeant à fa Suite qu'il
eftoit d'un rang à n'eftre
point
en.
97
GALANT 97
sint refufe
. Il luy aida
monter dans fon Carroffe,
bo hold and PTIO
& l'euft fuivic au Palais ou
elle fe fit mener , s'il n'euft
JISTIL , HOVITI DA OTVO
11 , 1590191 SO NOME HOW
craint de luy déplaire. Il rentra
chez luy tout remply de
fon mérite , & employa le
jui kup' , noBoy E
reſte du jour à s'examiner
fur ce qu'il fentoit. Quoy
que la vertus effich
fa vertu le laiffaft fans
pérance , & qu'il la v
dans une retraite
vift
peu
favo
a
rable à ſa paſſion, il ne pou
voit affoiblir ces fentimens
pleins d'ardeur qui la luy
peignoient la plus aimable
des Femmes . Le lendemain
Fevrier 1681.
I,
98 MERCVRE
il alla l'attendre dans la mef
me Eglife où il la trouvoit
tous les matins fur les onze
heures, mais il y reſta inuti
lement jufqu'à ce qu'on la
fermaft. Elle n'y vint point,
& comme il s'imagina qu'-
elle alloit ailleurs pour l'éviter,
le jour fuivant il renvoya
le mefme Efpion, qui l'aver
tiffoit de fa fortie . Cet Efpion
luyvint dire , qu'apres avoin
fait le guet jufqu'à midy
avoit fçeu d'un Voifin qu'
elle eftoit allée à S.Germain.
Il s'y rendit le jour meſme,
& en arrivant , il eut le chaGALANT
99
grin d'apprendre qu'elle ef
toit partie pour retourner à
Paris. Cette difgrace luy fut
d'autant plus fenfible , qu'il
fe vit contraint de demeurer
à la Cour pendant quelque
temps pour une Affaire importante.
Il en eut tant de
£
douleur, qu'il fit paroître fon
abatement fur fon vifage,
Tous fes Amis qui s'en apperçeurent
, luy en demandoient
la caufe , & aucun
d'eux ne pouvoit comprendre
le prompt changement
de fon humeur
. Si- toft qu'il
cut terminé l'Affaire qui
I ij
100 MERCVRE

l'arreftoit , il retourna à Pa
ris , où il arriva fort tard.
Ainfi il fut obligé de remettre
au lendemain à s'infor
mer de la Belle. Il fçeut qu'
elle estoit allée aux Jefuites
de la Ruë S. Antoine. Il y
courut auffitoft , & la cher
cha dans toute l'Eglife. Il
n'y vit rien qui luy reffemblaft,
& defefperoit deja de
la rencontrer , lors qu'une
Dame de fon air & de fa
taille, fortit tout à coup d'un
Confeffionnal. Elle eftoit
équipage de Veuve , &
sil la fuivit
fqu'au
BalufGALANT.
101
*
tre, ce fut plutoft par la curiofité
que luy donna ce raport
de taille , que dans aucune
penfée que ce fuft la
Dame qu'il venoit chercher,
Il fe mit affez pres d'elle, &
fur quelque temps fans pou
voir la voir. Son vifage eftoit
couvert de Voiles de crêpe,
Enfin elle les leva , & n'en
Jaiffant qu'un, elle découvrit
auCavalier ces mefmes traits
que l'Amour avoit fi bien
gravez dans fon coeur , Jugez
avec combien de furpriſe il
la vit dans un état fi diférent
de celuy où il l'avoit toû
I iij
102 MERCVRE
jours veuë . Ses Habits lu
gubres p'avoient rien dimis
nué de fes premiers charmes,
& il la trouva auffi touchante
avec un Bandeau de Veuve,
qu'il l'avoit trouvée aimable
dans fa plus grande parure.
L'attention
avec laquelle il
la regardoit , luy fit remar
quer des larmes qui moüilloient
fes joues . Il en fut
tout penétré , & partagea fa
douleur , malgré la fecrete
joye qu'il pouvoit avoir de
ce qu'elle eftoit en liberté
de répondre à fon amour.
Auffitoft qu'il fut chez luy,
GALANT. 103
il envoya s'informer
fi le
changement
de fa fortune
n'en apportoit
point à fes
Affaires
On luy apprit qu'
elle partoit dés le lendemain
,
& retournoit
en Province.

Cette nouvelle fut pour luy
un coup de foudre. Le déplaifir
de la perdre le fit reft
ver quelque temps, & enfin
il réfolut de la fuivre , ne doutant
point que des fentimens
auffi tendres & auffi refpé,
ctueux que ceux qu'il avoit
pour elle , n'euffent le pouvoir
de toucher fon coeur,
Il eftoit tour preſt d'exécuter
I iiij
104 MERCVRE
3.
ce deffein , quand la mort
précipitée d'une Parente qui
le fit fon Heritier , mit obftacle
à fon depart. Il fe vit
mefme obligé d'aller ailleurs,
pour des Affaires preffantes.
qui regardoient la Succeffion
& dans le chagrin
d'eftre éloigné de la Dame ,,
il ne trouvoit à fe confoler
que quand il fongeoit que
fa fortune augmentée le rendoit
plus digne d'en eftre
écouté favorablement. Ce
pendant le déplaifir de l'ab
fence á efté fi grand pour
luy , qu'il en eft tombé ma
GALANT 105
lade dans une Ville , où un
intéreft tres confidérable le
tient arrefté. Il n'y voic
qu'un feul Amy qui fçait
fon fecret, & quis eff chargé
d'apprendre à la Dame l'état
malheureux où l'a réduit
fon éloignement. Si cette
aimable Perfonne fe recon
noît à ces circonstances,,
comme il luy fera aifé , puis
qu'il n'y en a aucune inven
tée , elle doit fe tenir feûre
d'avoir un Amant tres- paffionné,
qui feroit tout fon
bonheur de pouvoir la rendre
heureuſe
106 MERCVRE
Je paffe à d'autres amours
à vous
dont le
recit
vous plaira,
quoy que Avanture n'ait
rien de nouveau pour vous .
Il eſt naturel, & d'une Mufe
qui a des expreffions aifées .
Peut-eftre avez -vous quel
ques Amies dans voſtre Province
, qui s'éveillant quelquefois
au chant du Coq,
ne fçavent pas que la neceffité
de fe faire entendre
quand le jour approche, eſt
un châtiment qu'il s'eft attiré.
CeCe petit Ouvrage eft
d'une Perfonne de qualité,
dont le mérite répond à l'ef
prit..
GALANT. 107
$22552252 S25ESSE
METAMORPHOSE
D'ALECTRION
MOD EN COQ
LEConteditquele Dien
Rebuté come un vieux Gendarme
De la fatigue & des hazards
Que la Guerre de toutesparts
Traine avec defigrads vacarmes,
Réfalut defe repofer,
Et pourfe divertir, voulut galan
tifer.
Suivant ce beau deffein, dans l'Ifle
de Cythere
Il choifit un Quartier de rafrai
the chiffement. 1.1900 21
108 MERCVRE
La Dame du Pais le reçeut galam-
Sendment,
Et luyfit, dit-on, chere entiere.
Unfoir qu'il avoit rendez - vous
Avecque fon Hoſteſſe auffi tendre
que belle,
De crainte des Filoux,
On du Maryjaloux,
Ilfe fit cfcorter par un Valet fidelle
Qu'on appelloit Alectrion ,
D'autant qu'en pareille affaire
Un peu de précaution
Eft toujoursfort neceffaire:
Mais comme le Dieu des Combats
Sans -doute ne s'ennuyoit pas
Pres de la belle Cytherée,
Il s'oublia dans les plaifirs,
Et la nuit toute entiere , au gré defes
defirs,
Parut de fort courte durée.
Cependant le Prince dufour
GALANT. 109
Quifoûpiroit pour la Déeffe,
Sanspouvoir gagnerfa tendreſſe,
Plein d'inquiétude & d'amour,
Remontafur noftre Hémisphere
Unpeuplus- toft qu'à l'ordinaire.
Ses rayons curieux, fort indiferetement
Entrerent trop matin dans un Apartement,
Où le Galant& la Belle
Parloient de leurpaffion,
Car lepauvre Alectrion
S'endormit enfentinelle.
Il enfut auffibattu
D'une terrible maniere;
Son Maître eftoitfi bourru,
Qu'ilcut cent coups d'étriviere.
Enfin dans le couroux dont Mars
fut embrazé
Par cettefunefte avanture,
Le pauvre Alectrion fut métamor
phofe.
110 MERCVRE
On luy donna d'un Cog la forme &
la figures
Mais en changeant de nature,
Ilfefit plus avifé,
Carfa difgracepaffec
Sans ceffe occupantfa penfée,
On voit toûjours dés le minuit
Bien que dans l'Univers tout repofefans
bruit)
Que quand l'Aftre du Jour veut
quiter l'autre monde
Pour rendre à celuy- cy fa lumiere
féconde,
Dés qu'il approche l'Horizon,
Le Coqfefouvenant du fort d'Ale-
Etrion,
Auffitoft fe met à l'erte,
Et chantant à gorge ouverte,
D'un empreffement
nompareil,
Il annonce aux Mortels le retour
Soleil.
GALANT. III
Ie ne vous diray pointfi c'eſt Hiftoire
ou Fable,
Te le tiens cependant d'un Autheur
approuvés rendit lat
Si le cas n'eft pas véritable,
Ilparoift affez bien trouvé.
Le dernier de l'autre mois,
M l'Electeur Palatin fut reçeu
Chevalier de l'Ordre de
la Jaretiere. La Cerémonie
s'en fit en Angleterre dans
la Chapelle du Chaſteau de
Vindfor , par M' le Comte
d'Oxford, & M' le Duc d'Albemarle
, Chevaliers de ce
mefme Ordre, en qualité de
Commiffaires de Sa Majefté
112 MERCVRE
Britannique. Cer Electeur
fut reprefenté par M dde
Comte de Craven. L'Infti
tution de cet Ordre eft con
nuë prefque de tout le mon
de. Elle a efté faite en 1351.
par Edouard III. Il aimoit
la Comteffende
Sarifbury,
& un jour la Jaretierende
cette Dame eſtant tombée
dans le temps qu'elle dançoit,
il la releva. Quelquesuns
de fes plus familiers
Courtisans
qui s'en apperçeûrent
, luy ayant dit en
riant , que l'amour faifoit
eftimer les moindres chofes,

GALANT. 113
il leur répondit , qu'avant
qu'il fuft peu ils rendroient
honneur à cette Jaretiere.
Quelques jours apres il fit
fix -vingts Chevaliers , & les
là à
toute
obligea de porter des Jare
tieres bleues à la jambe gau
che, avec ces paroles écrites
deffus en lettres d'or , Honny
fois qui mal ypenfe , voulant
faire entendre par
La Cour, qu'on avoit jugé de
luy & de la Comteſſe autrement
qu'on ne devoit, Cette
origine eft bien plus proba,
ble que ce que difent quel
quesAutheurs, que cePrince
Fevrier 1681. K
114 MERCVRE
établit l'Ordre de la Jarel
tiere par la confidération de
la fameufeBataille qu'il avoit
gagnée à Crecy. Je ne vous
répete point ce que je vous
dis il y a quelques mois de
Monfieur l'Electeur Palatin,
en vous apprenant la mort
du feu Electeur fon Perel
Je vay feulement répon
dre à deux Queſtions que
vous me fiftes alors. Vous
vouliez fçavoir fi l'Empire
avoit toûjours efté électif,
& fi jamais les élections des
Empereurs ne s'eftoient faites
par un plus grand nom

GALANT 115
bre d'Electeurs que nous ne
voyons aujourd'huy de Princes
qui ont cette Dignité.
Charlemagne
qu'un mérite
extraordinaire avoit placé
fur le Trône Impérial, transfera
l'Empire à fes Defcen
dans par droit de fucceffion ,
Ils en jouirent fans trouble,
tant qu'ils retinrent quelque
chofe de fa vertu ; mais lors
qu'on les vit dégenerer , on
l'alla offrir à Othon de Saxe
qui le refuſa. A fon refus on
jetta les yeux fur Conrad
Duc de Franconie , auquel
fucceda Henry Fils d'Othon
Kij
16 MERCVRE
de Saxe Son Fils fut Em
pereur apres luy fous le nom
d'Othon I. & ce droit de
fucceder de Pere en Fils dura
jufqu'à Henry IV. qui fut
déclaré indigne des régner,
& mefme excommunié par
le Pape Gregoire VII. Alors
les Allemans qui jufque-là.
avoient eu grand foin de
conferver l'Empire à la Race
de leur Prince , aboliren, le
droit de fucceffion , en s'at
tribuant celuy d'élire les
Empereurs. Ce n'eft pas
qu'avant Henry IV. il n'y
euft une maniere d'Election,
GALANT. H7
mais elle n'eftoit qu'appa
rente. Les Empereurs , &
mefme ceux de la Maiſon
de Charlemagne
, voulant
déclarer leur
Succeffeur, faifoient
affembler les plus
confidérables de l'Empire,
pour fçavoir d'eux fi ce Suc
ceffeur leur agréoit. Cette
Demande
qui eftoit toû
jours fuivie de leur approba
tion , avoit quelque
chofe
d'approchant
des élections
ordinaires. Quand l'Empire
fut devenu électif , ces életions
fe firent d'abord par
tous les Princes tant Secun8
MERCVRE
liers qu'Ecclefiaftiques , par
les Seigneurs , les Prélats , &
les Villes mefmes. Ainfi , au
raport de l'Abbé d'Urfperg,
Henry V. fut éleu par le fu
frage de tous . Lotaire II .
par deux Archevefques , huit
Evefques , plufieurs Prélats
& Seigneurs. Conrad HI .
par un fort grand nombre
des principaux de l'Empire ,
fans qu'on appellaft le Duc
de Saxe, ce qui fait voir que
le College Electoral n'eftoit
pas encor étably comme il
l'eft préfentement, puis qu'il
eft porté par une Ordon
GALANT ng
nance expreffe , que l'Ele
&teur de Mayence convoquera
fes Collegues, & n'en
omettra aucun , fous peine
de nullité, Tous les Princes.
Allemans éleurent Frideric
Barberouffe . Philippe fut

élevé à l'Empire par les Ba
varrois , les Saxons , & les
Suabes ; & Othon IV. par
ceux de Strasbourg , de Cologne,
& de quelques autres
Villes. Cet
Empereur ayant
efté
excommunié , le Roy
de Boheme, les Ducs d'Autriche
& de Baviere , le Landgraue
de Turinge , & plu
120 MERCVRE
و ا
fieurs autres Princes , éleu
rent Frideric Roy de Sicile,
qui fut Frideric II. Infenfiblement
les plus puiffans
avoient exclus tous les au
tres de ce droit d'élire , & la
confufion qui naiffoit de ce
grand nombre d'Electeurs,.
le fit réduire à celuy de fept,.
en faveur de ceux qui pof
fedoient les Charges émi
nentes à la Cour Impériale,,
Tous les Ecrivains demeurent
d'accord que cette réduction
ne fe fit qu'apres
l'élection de Frideric II . dont
je viens de vous parler, à qui
on.
GALANT. 121
on donna la place d'Othon
IV. au commencement du
treiziéme Siecle. L'Empereur
Charles IV. la confirma
par le Reglement qu'il fit
en 1356. dans fon Ordon
nance appellée la Bulle d'or.
Les Electeurs font préfentement
trois Ecclefiaftiques
,
& cinq Séculiers. Ceux de
Mayence , de Treves , & de
Cologne , font Archeveſques
& Archichanceliers,
premier en Allemagne , le
fecond en France , & au
le
Royaume d'Arles ; & le troifiéme
en Italie , mais ces
Fevrier 1681. L
122 MERCVRE
deux derniers ne font Archichanceliers
que de nom.
Cette Charge d'Archichancelier
rend l'Electeur de
Mayence tres confidéra
ble , parce qu'elle met entre
fes mains les Archives de
l'Empire, & le rend Dépofi
taire des Loix Univerfelles.
Les cinq Séculiers , font le
Roy de Boheme , Grand
Echanfon ; le Duc de Baviere,
Grand-Maître , le Duc
de Saxe , Grand Maréchal
ou Conneftable
, le Marquis
de Brandebourg , Grand
Chambellan , & le Prince
.I
GALANT. 123
Palatin du Rhin , Sur- Intendant
des Finances de
#
l'Empire. Le huitiéme Ele
&teur eftoit inconnu avant la
derniere Paix d'Allemagne
.
Fridéric V. Comte . Palatin
, ayant accepté la Cou
ronne de Boheme que les
Proteftans
de ce Païs luy
envoyerent
offrir , l'Empereur
Ferdinand
II . à qui
elle apartenoit
, conçeut une
telle indignation
de ce procedé,
qu'il transfera la dignité
Electorale
de ce Comte
à Maximilien
de Baviere.
Cet Acte de Souveraineté
,
Lij .
124 MERCVRE
& quelques autres que fit
Ferdinand, fans prendre l'avis
de tous les Etats de l'Empire,
porterent les Princes à
fe liguer. Ils appellerent les
Etrangers à leur fecours . La
guerre fut longue & fanglante
, & enfin les deux
Partis eftant las de voir répandre
du fang, on s'aſſembla
à Munſter pour y conclure
la Paix. Les Ambaffadeurs
fe trouvoient embaraf
fez , parce qu'il falloit fatisfaire
aux deux principales
Branches de la Maifon Palatine.
Chacune prétendoit
GALANT. 125
l'Electorat ; la premiere , par
les avantages d'une poffef
fion de plufieurs fiecles ; &
la feconde par fes grands fervices.
Pour finir ce diférent,
on accorda le premier Ele
ctorat à Maximilien Duc de
Baviere & à fa Pofterité , &
on en créa un huitiéme pour
Charles- Louis Prince Palatin
du Rhin , Fils du Comte
Fridéric V. à condition que
fi la Branche de Maximilien
manquoit avant l'autre , ces
derniers rentreroient dans
leur ancien Electorat , & le
nouveau feroit entierement
L iij
126 MERCVRE
aboly. En matiere de Civil,
les Empereurs s'eftant obligez
à quelque Juftice , l'Electeur
Palatin eft leur Juge,
mais quand ils font accufez
d'avoir mal adminiftré
l'Empire, le Jugement
en appartient à tout le College
Electoral ; & alors , l'Electeur
Palatin eft Directeur
du Procés , & non celuy de
Mayence , quoy qu'il foit
Doyen du College Electoral.
La préfeance n'eft dif
putée par aucun à ce dernier .
C'eft luy qui preferit le jour
& le lieu de l'Election , lors.
GALANT. 127
que l'Empereur eft mort, ou
qu'il faut créer un Roy des
Romains. L'Electeur Palatin
& celuy de Saxe , ont ce
Privilege, que quand l'Empire
eft vacant , ils en font
les Vicaires , & peuvent faire
tout ce qui eft au pouvoir de
l'Empereur, à l'exception de
donner l'Inveftiture
grands Fiefs , fans rendre au
cun compte de leur Adminiftration.
Cependant, quoy
que la dignité Electorale foit
tres-éminente , elle n'égale
point la Royale. On le connoift
par l'ordre meſme des
des
Liiij
128 MERCVRE
Electeurs . Celuy de Boheme
n'eftant que Duc , eftoit le
dernier , & dés qu'il eut ob
tenu le titre de Roy , il préceda
fes Collegues. En l'Election
de Leopold - Ignace
qui regne aujourd'huy , le
Roy de Boheme le trouva
une feule fois à l'Affemblée,
& eut une Chaife de Drap
d'or , lors que fes Collegues
n'en avoient que de Velours
cramoify. Les Electeurs Ecclefiaftiques
n'ont point de
voix paffive dans les Affemblées
d'Election. Ainfi ils
peuvent nommer un autre,
GALANT 129
mais ils ne sçauroient eftre
nommez. Les Séculiers fe
peuvent donner leur voix à
eux- mefmes. C'eſt ce que fit
Sigifmond de Luxembourg,
Roy de Bohême , qui eftant
dans l'Affemblée pour élire
un Empereur apres la mort
de Robert de Baviere , parla
le premier felon la coûtume,
dit qu'il ne connoifſoit perfonne
qui meritaft mieux
l'Empire que luy , & en ſe
donnant fa voix , il s'attira
celles des autres. L'Habit
que portent les Electeurs
dans cette Cerémonie , eſtà
130 MERCVRE
.
*
peu prés comme celuy des
Préfidens
à Mortier. Les
Ecclefiaftiques
ont une Ro
be de Drap de laine, teint en
écarlate ; & celle des Séculiers
, eft de Velours rouge
cramoify. Elles font fourrées
d'Hermine
, & leur Bonner
a le ply retrouffé , qui laiſſe
voir une partie de la Fourrure.
Le Roy de Bohëme au
lieu du Bonnet Electoral,
portoit une Couróne Royale
fur fa tefte dans la derniere
Election .
+
Voila, Madame,tout ce que
jay pû recueillir fur cette
GALANT 131
matiere. Je viens à un Article
de divertiſſement. M
Malo, & quelques-uns de fes
Amis qui ont paffion pour
la Mufique , ne voulant rien
épargner pour le donner ce
plaifir , ont fait toute la dé
penfe qui pouvoit eſtre neceffaire
pour méler d'agreables
Intermedes de Chants,
& de Dances , à l'Amphitrion
du fameux Moliere.
Cette Comédie a efté repréfentée
plufieurs fois ce Carnaval
, fur un fort galant
Theatre dreffé chez M' Malo
, en préſence d'un fort
1
132 MERCVRE
grand nombre de Perfonnes
de qualité invitées à ce Spectacle
. Les Acteurs
et
des Particuliers , qui fe font
tous acquitez admirablement
de leurs rôles. La
Mufique des Intermedes
qui ont divifé les Actes,
eft de M Lallouete , Eléve
de M' Lully. C'eft affez
dire pour répondre de fa
bonté. Voicy en quoy confiftent
les Ornemens qu'on
a preftez à la Piece . L'ouverture
du Theatre fe fait
par la Seine , qui commence
le Prologue. Elle eft fuivie
GALANT 133
de ſes Nymphes , deux def
quelles chantent ces Vers.
So
Ortons, fortons de nos Grotes
profondes,
Cejour pour nous eft unjourglorieux;
Le Dieu qui régne fur ces Ondes,
Doit bietoft paroiftre en ces lieux.
La Seine répond.
Qu'àfeconder mes foins voftre zele
s'empreffe,
Que vostre heureuse adreffe
Donne à vosyeux un nouvel agrément;
Qu'en vos chants,qu'aux tranſports
a'une pleine allégreffe ,
Eclate le bonheur d'unfejour fi char-
A
mant.
Apres que le Choeur des Nymphes
a répeté ces deux derniers
134 MERCVRE
Vers, & qu'elles ont toutes exprimé
leur joye par leurs Dan
ces , deux d'entr'elles
chantent
ce quifuit, diced
On dit qu'il faut aimer les peines
Que l'Amourmeste afes douceurs.
Laiffons ces Biens trompeurs
A qui veutporter des Chaines,
Laiffons ces Biens trompeurs
A qui veut verferdes pleurs.
Sa
Lapeur d'une Chaîne cruelle
Ne mefait point craindrefa Loys
Mais il n'eft plus defoy,
On rougit d'eftrefidelles
Mais il n'estplus defoy,
Il vautmieux n'aimerquefoy.
Neptune paroift ſuivy des Tritons
. La Seine va au devant de
çe Dieu avec les Nymphes , &
GALANT. 135
tous enſemble , ils font cette
Scene.
LA SEINE.
Quelle faveur pour ces heureux
Climats!
Quelfujet, Dieu puiſſant, attire icy
tes pas ?
NEPTUNE.
Ie viens voir deplus pres tagloire
fansfeconde,
Le viens eftre à mon tour témoin de
ton bonheur,
Et montrer icy quel honneur
Moy-mefmeje me fais du tribut de
ton Onde.
C'eft fur tes Rivages fameux
Que le plus grand des Roys, en tout
ce qu'il médite,
Charme parfa haute conduite
Ses Peuples qu'il rendheureux ,
L'Univers qu'il étonne, & lesDieux
qu'il imite.
136 MERCVRE
Sa
Quelcharme de le voir à fon Peuple,
àfa gloire,
D'un coeur fifatisfait immolerfon
reposs
Etfaire oublier ces Héros,
Ou qu'aformez la Fable, ou quevante
l'Histoire!
LA SEINE .
Que le Gange orgueilleux ,jaloux
d'un fortfibeau,
Sur des Arenes d'or roule fon onde
fiere,
Que du Dieu de la Lumiere
Ses flots foient le brillant Berceaus
A voir ce que mes Bords étalentd'abondance,
l'ay droit de mépriser tout l'or defes
fablons;
Et d'un fi grand Héros l'éclat&la
présence,
GALANT. 137
Du Soleil à mes yeux valent bien
les rajons.
Tous enſemble.
Le bruit defa gloire extréme
AcentPeuples charmezfaitfouhaiter
fes Loix.
On nepeut nombrer fes Exploits.
La Renommée elle - mefme
S'eftveuë enpeine avecquefes cent
voix.
UN TRITON à la Seine.
Nul nepeut mieux que toy defa rare
valeur
Montrer icy les preuves.
Tandis que Mars en fureur
De l'Europe troublée alarmoit tous
les Fleuves,
D'horribles cris gémiffoient leurs
Echos,
Lefangfouilloit leurs eaux leurs
rivages.
Fevrier 1681. M
I
128 MERCVRE
Ce Grand Roy cependant affuroit
ton repos ,
Et toujours tes libresflots
Portoient au Dieu des Mers tes paifitles
hommages.
UNE NYMPHE.
Par ce calme constant de ces ondes
fivives by
On peutjugerquel's attraits
Une profonde Paix
Entretient
fur ces Rives.
$&
Sans ceffe mille Concerts
En ces aimables Lieuxfont retentir
"les airs.
Une allégreffe en tiere
N'y laiffe plus pouffer que d'amou
reux foupirs,
Et la Trompete guerriere
De cette heureufe Paix fert encor aux
plaifirs..
GALANT. 139
NEPTUNE & UN
TRITON .
Que ces aimables Lieux
Soiet toûjours exempts d'alarmes.
Le Choeur répete ces deux Vers .
NEPTUNE.
Que la faveurdes Dieux
En maintienne fans ceffe, en aug-\
mente les charmes.
UN TRITON...
Pour les Voifins jaloux foient le
trouble & les larmes.
DEUX NYMPHES.
De ces juftes fouhaits l'effet n'eft
point douteux.
Le destin de LOVIS, la terreur de
fes armes,
Enfont defeurs garands à fes Penples
heureux.
Tous enfemble.
Que ces aimables Licux
Mij
140 MERCVRE
Soient toujours exempts d'alar
mes..
Apres que ces Vers ont eſté
chantez , les Tritons forment une
Entrée avec les Nymphes. Elle
eft fuivie de ces deux Couplets.
que chante la Seine .
Iey l'Amourfait aimerfapuiſſance,
Ces Lieux charmansy portent nos
defirs.
Suivons fes Loix. Que fert la
refiftanee?
Toujours les maux précedentfes
plaifirss
Mais quand un coeur voitpayer fa
Se conftance,
Regrete -t -ilfa peine & fes foupirs?
Sa
Quanddes Amans onfait le tendre
hommage,
GALANT. 141
Scait-on jouir des droits de fa
beauté?
Quelsfont les biens que gouste un
coeurfauvage? To so
Doit-il vanter fa trifte liberté?
Que de plaifirs il perd dans le
bel age!
Qu'un
jour
ce temps
fera
bien
re-...
greté
!
Ce Prologue eftant finy , les:
Acteurs repréſentent le Premier
Acte de la Comédie d'Amphitrion,
dont Jupiter emprunte la
forme pour le faire aimer d'Alc
mene. C'eſt là-deſſus qu'eſt fait
l'Intermede qui fuit cet Acte..
L'Amour y vient s'applaudir de
la victoire qu'il a remportée fur
le Souverain des Dieux. Vénus.
paroift avec luy. Il eft fuivy des
Plaifirs, & elle des Graces.
142 MERCVRE
VENUS.
Celebrez de l'Amour la victoire
nouvelle,
Chantezfa gloire immortelle.
CHOEUR.
Celebrons de l'Amour la victoire
nouvelle,
Chantons fa gloire immortelle.
L'AMOUR.
Que Jupiter vante à mes yeux
Sonpouvoir redouté des Hommes &
des Dieux;
Defes mains, quandje veux , j'arrache
le tonnerre,.
Ilquite les Cicuxpour la Terre ,
Et trouve dans mes fersfon deftin
glorieux.
CHOEUR.
Celebrons de l'Amour, &c.
UN PLAISIR .
Réfifter à l'Amour est une triste
gloire.
GALANT. 143
En vain d'unfier orgueil onfe croit
faire honneur; \
Pour unjeune coeur
La défaite vaut mieux cent fois que
la victoire.
VENUS .
La Ieunefe
Sans tendreffe,
Eft un Printemps fansfleurs .
Gardez- vous bien de traiter de foibleffe
Les amoureufes langueurs.
La Ieuneffe
Sans tendreffe,
Eft un Printemps fansfleurs.
Al'Amour ilfaut ſe rendre.
Cedez- layfans attendre,
Pour goufter plus longtemps fes
douceurs .
La Ieuneffe
Sans tendreffe,
1444 MERCVRE
Eft un Printemps fansfleurs...
TROIS PLAISIRS,
Si vous croyez toujours une Fierté
cruclle121 AT MO
Vous vous épargnerez des ennuis, A
des foupirs.
Si vous voulez proire un Amant V
zam fidelle, nisiq ariqua môj 20 €
Vousgousterez les plus charmans
plaiſirs, 2xllin2xulq vol and
UNE GRACE.
-29403
Toucher une Beauté que fa propre
douceurs
orioly wee
Conduit auxfentimens qu'on veut
luy faire prendre, ´ MIL
C'est un triomphe aifé qu'on doit
tout au bonheurs
Mais defarmer un coeur
Qui des traits de l'Amour s'est toujoursfçeu
défendre,
C'est vaincre avec honneur.
GALANT. 145
VENUS.
Au pouvoir de l'Amour, rendez,
rendez les armes.
UN PLAISIR.
Rien nepeut rien ne doit réſiſter à
fes coups.
VENUS & UN PLAISIR.
Dans fon Empire plein de charmes
Il eft des momens moins doux ,
Mais les plaifirs ailleurs ne valent
pasfeslarmes.
VENUS.
Votre gloire en cédant doit estre
fans alarmesa
UN PLAISIR .
Il afoúmis des coeurs
Qui n'ont point eu d'autres vainqueurs.
L'AMOUR.
Amans, fi l'orgueil de vos Belles
Seble d'abord à vos ardeursfidelles
N Fevrier 1681.
146 MERCVRE
Ne promeure pourfruit que de trifte
regrets, sity and forec
Nevous laffez point devos chaînes.
Soyez constans,Soyez difcrets,
Bientoft das les plaifirsvous oublirez
ad vospeines, 9129 & 2001 I
AUTRE, GRACE.
A Un coeur qui faitfe taire,
Scait conduire une affaire,
Danslefort le plus doux eplus doux's
Plaignez- vous d'un malheur extréme.
Un bonheur bien caché ne craint
point les Taloux,
Il ne faut estre heureux que pour
l'objetqu'on aime.
L'AMOUR.
Toignez vos voix & vostre zele,
stress Que laTerre & les Cieux
Retentiffent
du bruit de ma gloire
immortelle,
Buv GALANT. 147
Suivez toujours
mes Loix , cett
imiter les Dieux.
Mira abante
auntyes
Le Choeur répete , Toignons
nos voix, &c. Apres quoy les
Plaifirs & les Jeux font une Entrée
, pour marquer la part qu'ils
prennent à la victoire de l'Amour
. La Dance finie , un des
Plaifits chante ce qui fuit.
Ne croyez pastoutes lesplaintes
Qu'on fait de l'Empire ambu-
7 = 44sX 4, seva ,
Teux.
Un coeu
coeur bien diferet fous ces,
feintes
Souvent veut cacher le bonheur
de fesfeux.
Ne croyez pas toutes les plaintes
Qu'on fait de l'Empire amou
reux.
Nij
148 MERCURE
Quefans aimer, la vie est trifte !
Cédons à l'Amour, cédons tous.
Tout aime àfont tours un coeur qui
refiste, inqal raconian Ma
" S'attire l'effort des plus rudes coups.
Quefans aimer, ta vie esttriste!
Cédons àl' Amour, cédons tous .
andina vaudƆ 2001 zmob13
Les Acteurs ayant repréſenté
le Second Acte d'Amphitrion,
dás lequel Jupiter trouve moyen
de fe raccommoder avec Alcmene,
Mercure amene des Mu
ficiens & des Danceurs veftus
en Bergers & en Faunes , pour
la Fefte que des
Dieux fait préparer aux Officiers
de l'Armée . L'ouverture
de cet Intermede fe fait parMer
Cure, qui chante ces Vers.
cens
GALANT. 149
Meffieurs, c'est icy qu'à loifir
Vouspouvez préparer votre galante
Qui du Feffin qu'on apprefte'
Doit achever le plaifir
e
Que vos Teux animez par le Dieu
tatiandes Bouteilles,
Charment les yeux & les oreilles,
Et dans vos Chants celebrez tour-
Le Dieu du Vin, & celuy de l'Amour.
BERGER CONSTANT.
Aimable liberté, charme d'un coeur
tranquile,
esbaron
Un Amant malheureux trouve en
toy fon azile,
p
+
Nul chagrinfous tes Loix ne le fait
et murmurersbutAloh zko
Et moy das lesplus rudes chaînes,
Accablé de millepeines,
Nij
150 MERCVRE
1
le meursfans te pouvoirfeulement
defires 6 odredjart
BERGER INCONSTANT.
De tes mortels chagrins jeplains la
violence; AZ MO
Pour t'enguérir, éprouve l'inconſ_
tance..
spalaus
Qu'un Inconftant est heureux!
Quefa Bexgere
Soit ingrute ou légere,
Il n'en a point de
moment
fâcheux.
plus
Qu'un
Inconftant el men tant est heureux !
S'ilfe trouve maldansfa chaîne,
D'abord ilen brife les nauds,
Et confolé d'unfortqu'ilreparefans
peine, Tanahsitus of t
En va chercher ailleurs unefelonfes
yg xx x xnx .
Qu'un Inconftant efthoureux!
GALANT 151
BERGER CONSTANT. 9
Iris eft infenfible à mon amour
fidelle,MOO KIDAI
Mais je ne puis aimerqu'elle. A
UN FAUNE.
Méprife les confeils de cet Amant
volage,
Defon aveuglement tu dois te garamkin.
૧૬૯૦૦ ), Ek T
Changer d'efilavage,
Ce n'estpasenfortira
Tous les Faunes ayant répété
ces deux derniers Vers , deux
d'entr'eux chantent, 3
Pourguérir ton chagrin, C
Ne cherche que le Dieu du Vin.
Fais ton azile d'uneTreille,
C'est là que tupeux tèfauver. A
L'Amour net'y viendra trouver
Quepourpartagerta Bouteille.
Niiij
152 MERCVRE
"
BERGER
CONSTANT
Iris eft
infenfible à mon amour
fidelle, 2000
яÃÐÅÏ
Mais je nepuis aimer qu'elle
BERGER
INCONSTANT..
Effaye, effage une fois 18
Lesplaifirs d'un coeur volage
LES
FAUNES.
Suy Bacchus comme nous , fuyfes
aimables Loix.
BERGER
INCONSTANT ,
& UN
FAUNE.C
Tu changeras bientoft de fort & de
dasar s langage.
BERGER
CONSTANT
.
Ah, fi vous connoiffiez la Beauté
quejefers, ang tow
Vous
partageriez mesfers.
BERGER
INCONSTANT,
l'ay veu cette Beauté qui fe rit de
tespeines, have an aetatibu
GALANT 13
Cependantfes appas ne peuvent rien
furmoyen
BERGER CONSTANT.
Ilfaut donc qu'un Rocher foitplus
tendre que toy . 454
BERGER INCONSTANT.
Non, mais une Beauté qui n'ofre que
des chaînes A
N'aura jamais mafoy.
THAUN FAUNEDS
Bacchus ne défendpas d'aimer,
De beaux yeux quelquefois ont bien
fçeu me charmer; SADMA
Mais quand l'Amour devient trop
puiſſantfurmon ame,
Ie mets une Bouteille au devant de
fes
coupss
Et le vin dans mon coeur, pourmo
dérerfa flame, a gorg
Allume unfeuplusdoux.
154 MERCVRE
LES FAUNES.!
Vive le Dieu du Vin, vivefon douxempire..
Ses charmantes douceurs
Ne coustentpoint de pleurs,
an poffede auffitoft tout ce que l'on :
defire.
Vive le Dieu du Vin, viveſon doux
Empire.
BERGER CONSTANT.
Unfeut regard d'Iris mefme fewere,
Vaut à mon coeur lesplaifir's les plus
doux .
Si ce regard eftoitdefarmé de colere,
Grands Dieux, de mes transportsje
vousrendroisjaloux.
BERGER INCONSTANT..
Efetave malheureux duTyran que
tufers,
Il ne tefautque despleurs & des
fers..
GALANT. 155
LES FAUNES
Ka porter tes ennuis ailleurs
Et quels quefoient les maux dont tu
fens les atteintes,
Ne trouble point icy nosjeux par ies
sto clameurs Notifiue st
Ou le bruitde tes plaintes
Ne fera qu'exciter nos ris & tes
douleurs
Les Faunes commencent icy
a dancer & en fuite chantent
ces Vers.
Fuffiez- vous accablé de mille foins
confus,
Quandl'Amour, un Proces, & tous
vos Biens perdus,
Vous donneroient du dégouft pour
Tela vie,
Voulez- vous rire encor malgré le
Sortjaloux?
Voulez- vous voir tous les Rays
Lans envie?
156 MERCVRE
i bined
hovez
, enyvrez- vous
Buvez,
AYS Refineth I sup tu I
Eh bien, ces jeux& cesplaifirs
Ne valent-ilspas bien res pleurs &
tes foupirsend
b
BERGER CONSTANT.
Iris eft infenfible à mon amour
fidelle,
Maisje ne puis dimer qu'elle.
BERGER INCONSTANT.
Efclave malheureux du Tyran que
tu fers,
Il ne tefaut que des pleurs & des
fers and
fers.
BERGER
CONSTANT
.
Tantqu' Amour gardera fenpouvoir
furles ames.
LES FAUNES.
Tant que Bacchus chafferale cha
grin.
GALANT 157
BERGER INCONSTANT .
Tant que l'Amour conftant fera
craindre fesflames. ( 833.
Tous enfemble.
Bacchus, le feul Bacchus, reglera
Iris, la belle Iris,
L'aimable changement
A mon &
deftin.
Jupiter s'eftant fait connoiſtre
pour l'Amant d'Alcmene dans
le troifiéme Acte , les Thébains
finiffent la Piece, en exprimant
par leurs dances & leurs chants
la joye qu'ils ont que leur Ville
ait efte honorée de la prefence
de ce
Dieu.
CHOEUR DE THEBAINS
Iupiter pour ces Lieux
Quite lefejourdes Dieux.
DEUX THE BAINS.
De ce grandjour gardens bien la
mémoire,
158 MERCVRE Encens
on
Que tous lienx fume
fur nos Autels, amma 254two!
CHOEUR DE THEBAINS.
Quelee reste des Mortels .
now
Soit jaloux de nostre gloire.
DEUX THEBAINS.
Ces Lieux ont pour luy des appas
Qu'au Ciel il ne trouvoitpas.
DEUX AUTRES
THEBAIN'S. 25.1
Concevons un bonheurfupréme
Sur le charmant espoir qu'il nous
donne tup- mefme.
fme
of
UN THE BAIN.
Tremblez, Ennemisjaloux,
Il va naître parmy nous
UnHéros dont les Faits doivent
remplir la Terre.
Vous reconnoistrez à fes coups
Le Fils da Maitre du Tonnerre,
Tremblez, Ennemis jaloux.
GALANT 159
AUTRE THEBAIN .
Jeunes Beautez, dont les rigueurs
extrémes
AUACHO
Sonttout le fruit de nos ardeurs,
Foyez condamner vos coeurs
Par l'exceple desDieux mefmes,
cak Eft-il honteux
De bruler de leursfeux?
DAME THEBAINE.
A
Les Dieux aux transports amoureux
Peuvent trouver des charmes.
Tous les plaifirs font faits pour
Denxs & ift 7
Ils n'ont point dans leurs voeuxe
De cruelles alarmes.
Ce n'eft point aux Mortelsjaloux
D'efpérer un fort fi doux.
THEBAIN .
Quitez une erreur fi vaine,
LesDieux enprenantune chaîne,
166 MERCVRE
Nefont pas exempts defoupirs.
Un peu depeined at 20
Fait mieux goufterles plaifirs..
DAME THEBAINE .
Il n'eft point de tourment cruel
Qui puiffe mettre à bout leur cou
rage immortel,
Mais de mafermeté mon amefe
défie. 45KCH
I'ay veu de cent Beautez le malheur
éclatant. And , tagry?
S'il m'en arrivoit autant,
Ce feroitfait de ma vie.
DEUX DAMES
THE BAINES .
Fuyons ,fuyons & Amour, craignons
On ne peut contre luy garder trop
2 bien fon coeur
ce Dieu trompeur 3
( THE BAIN.
Si la crainte desfoupirs
GALANT . 161
Vousfaitfuir les plaifirs
Où le belâge vous convie,
D'un Amant éprouvé faites un heureux
choixs
\ Pourfuivre defi douces Loix,
Ce vousfera trop peu que toute votre
vie:
LES THE BAINS.
Aimez, jeunes Beautcz, aimez,
De vosfers, de vosfeux, vos coeurs
feront charmez.
DAME THEBAINE.
Il est tropmalaifé de faire un choix
beureux.
AUTRE THEBAINE .
·Tout estplein aujourd'huy de Trompeurs
dangereux .
AUTRE THEBAINE.
On ne les connoitplus; ils ont tous
lelangage
Des coeursbienamoureux.
Fevrier1681
162 MERCVRE
THEBAINES. ADEUX
Gardons , gardens toujoursuneficrté
Sauvage, Miros
Il est trop malaifé defaire un choix
heureux. sjeda amplamp
21/ THEBAINISHT
Il estdes Amansinfidelles,
Maïs riſquous-nõus moins
En vousofrent nosfoins? rin?
Lesfeintes ause ooeurs des Belles
Sont-elles mains naturelles?
www.DEUX THEBAINS .
Aimons, aimons; que nulle crainte
N'empefche de nous engager.
DEUX AUTRES
THEBAINSA
-
On démefle difément une ame bien
gongasteinte, sul setc) smag ser nú
D'avec un coeurléger, soid
AUTRESTHEBAIN.
Etquandonydevroit courir quelque -
danger,
GALANT 163
Lêprix que l'Amour nous propofe
Efisil'un prixfi bass 2Nobo
Qu'ilne vaille pasm
D'uncoeur pour l'acquérirhazarde
quelque chofe? world
THEBAINS & THEBAINES
29llenfemble 25 12511
THE BAIN S
Suivez ,fuivezt Amour, aimez ce
doux Vainqueursregentet und
THE BAINES 802
Füyons, fuyous l' Amour, craignons
** ice
ce Dien trompeursti ,uttasushi,
THEBAINSM
On ne peut contre luy garderlongtemp'sfon
coeur. HT
THE BAIN E SAh 66
On ne peut contre luy garder trop ·
bien fon coeurs 390 '
Ce Dialogue eft ſuivy ďune
Entrée que dance le Peuple de
Oi
164 MERCVRE
Thebes , apres quoy une Thé
baine chante ces Paroles .
Lors que nouspaffons la vie
Sans quelque amoureux defir,
Que nosjours font peu d'envie!!
Ilsfontpour nousfansplaiſir,
Lors que nous paffons la vie
Sans quelque amoureux defir.
S &
Le retour de la verdure.
qu auxfoins de l'Amour.
Si tout rit dans la Nature,
C'eft que toutluyfait la Cour.
Le retour de la verdure
N'eft du qu'aux foins de l'Amour.
DEUX THEBAINS .
Rendons- nous
Quand l'Amour nous inſpire; -
Rendons- nous,
P Tout doit aimer fes coups.
Le Choeur répete , Rendons
nous,&c.
GALANT. 165
DEUX THEBAINS .
Le vain honneur de braver fon
empire,
Nousconfteroit nos plaifirs lesplus
doux.
TROT LON 30
Le Choeur répète Le vair
honneur, &c. & on chante le
Coupler qui fuit de la mefme
forte..
Sont
for
os beaux
ans
.
faitspour la tendreffe,
Nos beaux ans
Ne durent qu'un
Printempsi
Aimons, aimons; fi c'est unefoibleſſe,
ALT
Poureftrefage, on n'a que trop de
temps:
Avoüez , Madame , que
pour des Particuliers, rien ne
166 MERCVRE
fçauroit eftre plus glorieux,
que de fe donner à eux, & a
leurs Amis , un divertiffe
ment affez peu cómun pour
attirer tout Paris, fi l'entrée
du Lieu avoit efté libre pour
de l'argent. Le bruit qu'il
a fait ayant fait naître l'en
vie à Monfeigneur le Daus
phin de voir ce galant Spectacle
, il le
*
Jours
cheerilyà
trois
Malo, accom
pagné de Madame la Dau
phine, de Monfieur, de Madame,
de Mademoiſelle
, &
fuivy d'une partie de la Cour.
La Comédie fur fi bien
GALANT. 167
jouée , & les Intermedes
chantez d'une maniere fi
d
jufte , que ce Prince témoi
gna tout haut, que de longtemps
il n'avoit rien veu
qui luy cuft paru fi agreable.
L'établiffement du Droit
François s'est fait à Caen,
ainsi qu'à Paris . Vous voyez
par là , que le Roy ne ſe laſſe
at de travailler au Dien
point
commun de ſes Peuples. Le
Mercredy 1o, de ce Mois M
Meliand , Intendant de la
Genéralité de Caën , eftant
venu dans l'Ecole de Droit,
qu'on avoit ornée de tres168
MEROVRE
beaux Tapis , les Compagnies
du Préfidial & Bailhage
s'y trouverent en Robes
, ainſi que les Echevins.
Plufieurs Docteurs de toutes
les Facultez de l'Univerfité;
& la plupart des Officiers
des autres Corps de Juſtice
de la Ville, s'y rendirent cha
cun en particulier , avec
preſque tout le beau monde
de Caen. Vous fçavez, Madame
, que c'eft une des
Villes de France où l'on
trouve le plus de Gens d'efprit
, & que les Dames y ont
une politeffe qui ne fene
point
GALANT. 169
point la Province . Les Compagnies
ayant pris leurs pla
ces , MlIntendant fit faire
à haute voix la lecture de
l'Arreft du Confeil du Roy,
qui nommoit M le Courtois
TDocteur
aux
aux Droits
,
Avocat au Préfidial & Bailhage
de Caen, pour Docteur
Profeffeur du Droit François
en
l'Univerfité, & le
mefme M Courtois , avec
M' Fleury, Preftre, Chanoine
du S. Sepulcre ; M Seveftre
, le Coq , & le Gras
auffi Avocats au
Bailliage
& Siege Préfidial , M le
Fevrier 1681.
P
170 MERCVRE
Tremançois , Ecuyer, Avocat
en Vicomté à Caen , M
Halley lejeune,& M'Pyron,
Profefleur de l'Eloquence,
pour les huit Docteurs aggrégez
aux Facultez de
Droit. Cette lecture eftant
faite , M Meliand leur fit
prefter le Serment , & donna
place aux Docteurs , aggrégez
, qui estoient veftus de
Robes noires avec le Chaperon
rouge, au rang des
quatre anciens Docteurs des
Facultez de Droit , qui portoient
des Robes rouges . A
L'égard de M le Courtois,
GALANT. 171
dont la Robe eftoit de cette
mefme couleur , il le mit en
poffeffion de la Chaire de
fit
Droits
own
tres
-beau
Difcours qui luy attira l'applaudiffement
de tout le
monde. Il fit voir les foins
que noftre augufte Monarque
avoit toujours eus pour
le bien defes Sujets , & dit
"Qu'il n'avoit pú mieux couron-·
ner toutesfesVictoires aprestant
de Provinces conquifes , que lors
qu'il avoit fait publier des Edits,
des Déclarations , & des Ordonnances,
pour établir dans tout
le Royaume une Iuftice invio-
Pij
172 MERCVRE 172
ure
table qui miſt
qui mift le repos dans les
Familles . Enfuite, il expliqua
1 Ordonnance
de Charles
IX. touchant
les Tranfactions
& Accords
de Procés
, qui ne font point fujets
au relevement
s'il n'y a dol
perfonnel
, & cette explica
tion fut appuyée
de preuves
& autoritez
fi fortes , que
chacun
fut obligé
d'avouer
que l'étude
du Droit
François
eftoit d'une grande
utilité
, pour porter
ceux qui
la font à la haine des Procés ,
dont la penfée ne peut ja
mais eftre qu'odieufe
, s'ils
1
GALANT. 173
ne font abfolument necef
faires. Son Difcours eftant
finy , M Meliand , dont il
loua fort l'application continuelle
à ce qui regarde les
interefts de Sa Majefté , &
le bien public , luy fit occuper
la feconde Place parmy.
les quatre anciens Docteurs
Profeffeurs aux Facultez de
Droit , fuivant l'Arreſt du
Confeil. Le choix de ceux
qu'on vient d'aggréger , a
eſté reçeu avec d'autant
plus de joye, qu'ils font tous
d'un mérite particulier. M'
Fleury s'acquite avec une
Pij
174 MERCVRE
entiere exactitude de LOf
fice de Promoteurs qu'il
exerce en l'Officialité de
Caen . Mile Courtois Se
veftre , le Coq , le Gras , &
le Tremançois font des
Avocats confumez dans l'é
tude du Droit, & des affaires
du Barreau , où ils paroiffent
avec de grands avantages;
& M Pyron qui profeffe
dans l'Univerfité depuis fort
longtemps , s'y eft acquis
une eftime generale .
11 fe fit ces derniers jours
une Converfation tres agrea
ble entre plufieurs Perfon
GALANT 175
nes d'efprit , touchant cer
tains mots , ou manieres de
parler, dont on a voulu amener
la mode. Un fort galant
Homme qui s'en eftoit di
verty comme les autres , priz
de là occafion de les em
ployer dans ce Biller qu'il
envoya le lendemain à la
Dame , chez qui l'examen
s'en eftoit fait.
I'M
BILLET.

Mpraticable
Beauté. l'aurois
vieillyfans vous avec un coeur
tout neuf. Cependant depuis que
je me fuis embarqué à vous aimer,
je n'aypûfçavoir la defti-
Piiij
176 MERCVRE
Le
nation du voftre , & il est toujours
indéchifrable pour moy.
Puis que je me fais une vraye
affaire de vous aimer , pourquoy
prendre des airs de chagrin quand
vous me voyez ? le fuis d'une
bonne pafte d'Homme, & l'on
en peut faire une bonne paſte
d'Amant le vous aime d'un
amour diftingué, & je vous
trouve une Beauté à manger.
Pour le coup vous aveztort, &
Vous ne devezpas eftre avecmoy
du droit, & du dédaigneux dont
vous eftes. Vous avez de violentes
douceurs pour d'autres, qui
ne feroient pas du gouft du fu-
+
177
dun
1
pas
ous,
&
une
&
que
Treffe
je ne
e la
eufs
veus
que
Letje
je
en
176
nati
jour
Pui
affa
pren
von
bon
en
ds
am
trou
Pot
20%
·du
von
lent
ne]
GALANT 177
blime. Iefuis un Homme d'un
bon commerce , &fi je n'ay pas.
affez gros
un
bien
pour
vous,
jay du moins un gros amour , &
comme je vous aime avec une
groffe délicateſſe , jefouhaite que
vous ayez une groffe tendresse
pour moy , finon croyezque je ne
vous aimerayjamais plus.
A
Je reçeus
la Figure
de la
Comete
, & des trois Oeufs
extraordinaires
qu'ona veus
à Rome
, dans le temps
que
j'achevois
ma derniere
Lettre.
Cela fut cauſe que je
me contentay
de vous en
178 MERCVRE
faire la deſcription . Je vous
envoye aujourd'huy cette
Figure , gravée fur celle de
Rome , afin quevous voyiez
par vous - mefme ce que je
puis vous avoir repréſenté
imparfaitement. On a imputé
à l'apparition de cette
Comete , le froid extraordi
naire qu'on a fouffert cette
année en Italie. Il a efté
grand en France , mais nous
n'y avons éprouvé aucun
malheur general dont la Comete
puiffe eftre accufée.
Les Particuliers
peuvent
avoir eu leurs fujets d'affliGALANT.
179
&tion. Cela eft ordinaire
dans chaque Famille, où la
mort apporte toûjours de
grands changemens, omos
Celle de Madame la Marquife
de Gordes a fort furpris
, quoy qu'il femble qu'
elle n'ait pas efté impréveuë
pour elle. La perte de M
de Gordes fon Mary arrivée
depuis deux mois , la toucha
fi vivement, qu'elle dit déslors
qu'il luy reftoit peu de
temps à vivre. Ce preffenti
ment, fondéfur l'excés de fa
douleur, l'obligea de mettre
ordre à fes affaires, non feu180
MERCVRE
lement pour fa sconfcience,
mais encorepour fon Tel
tament , qu'elle fitte dans
une pleine fanté trois sou
quatre jours avant l'accident
qui l'emporta tout d'un
coup. Elle fut ouverte, & on
luy trouva le fiel crevé. Elle
eftoit de la Maifon d'Efcoubleau
- Sourdis, qui fans contredit
eft une des plus illuftres
du Royaume. Il y a eu
un Cardinal de cette Mai
fon. Mademoiſelle de Gordes
fa Fille , qu'elle avoit
retirée du Couvent depuis
quelque temps , a mille bon
GALANT 18
nes qualitez qui la font aimer
de tous ceux qui la
connoiffentous
Cette mort a efté fuivie de
celle de Madame de Tonné-
Charante, Fille de M' de la
Vrilliere Secretaire d'Etat,
& Veuve de Meffire Jean-
Claude de Roche Choüart,
Chevalier, Seigneur de Ton,
né Charante , Comte de
Vivonné , Marquis de l'Ifle-
Dieu , Seigneur d'Orgere,
Colonel du Regiment de
la Marine. C'eftoit une Dame
d'une tres-grande vertu .
Elle en a donné d'éclatantes
182 MERCVRE
marques par la patience &
la réſignation toute Chref
tienne avec laquelle elle a
foûtenu les longues douleurs
dont fu inaladie a efté accompagnée
. Elle fut enterrée
à S. Euſtache le 17. de ce
mois , 12 205 oxist suppor
Le mefme jour on enterra
M Brigallier à S. Sulpice .
Il eftoit Premier Avocat du
Roy au Chaftelet, & ancien
Echevin de Paris . Il exerçoit
cette Charge depuis l'année
1640. & avoit eu le chagrin
-de perdre depuis affez peu
de temps un Fils & une Fille
GALANT: 183
qu'ilavoit Ainfi M' Brigallier
fon Frere eft fon Heritier
alompat.bove suns
La grande jeuneſſe ne
donne aucun privilege contre
les attaques de la mort.
Mademoiselle Parfait n'avoit
que feize ans . Sa beauté
faifoit grand bruit , & elle
eft morte , ayant à peine
commencé de vivre. Elle
eftoit Fille de Madame la
Marquife de Vandeuvre.
La groffeffe de Madame
la Ducheffe de Foix avoit
cauſé grande joye. M' le
Duc de Foix fon Mary, qui
C
284 MERCVRE
fouhaitoit fortun Fils , la
reſſentoit vivement. Cepen
dant s'eftant bleffée en tom
bant dans une Chaife à Por
teurs elleq eft accouchée
d'un Enfant mort. Ce malheur
les afflige d'autant plus,
que c'est le feul qu'ils ont
eu depuis dix ans qu'ils font
mariez. 1shapon noli tuluay
Il y a grande apparence
que la liaifon que je vous
dis la derniere fois qui commençoit
à fe former entre
deux Perfonnes qui ont autant
de délicatefle que d'ef
prit, fera de durée, par la
GALANT 185
maniere dont vous allez voir
qu'elle s'établit La Dame
que le Cavalier avoit régalée
de l'Hiftoire defon coeur,
ne fe contenta pas de luy témoigner
le lendemain qu'-
elle fe tenoit obligée de la
confidence qu'il luy avoit
faite de fes Intrigues. Elle
voulut àfon tour fe faire con
noiftre, & luy envoya deux
jours aprés une Réponſe qui
contenoit ce quifuit,& avoit
ce Titre .
Fevrier 1681 .
&
186 MERCVRE
25 $2525255222525
HISTOIRE
MES CONQUESTES
.
elov iup É
PEST 29b Xu9Q
E fuis fi contente de la
que vous m'avez
! marquée en m'ent
voyant l'Hiftoire de voſtre
coeur , que je veux fuivre
voſtre exemple, & vous con
ter auffi de bonne - foy tou
tes les petites avantures de
ma vie ; mais avant que
commencer cer mon Hiftoire
,
il faut que j'acheve la voſtre,
de
GALANT 187
Yous
& que j'y ajoûte une Piecequi
y manque , c'eft à dire
mon Portrait , qui devoir
bien tenir la place parmy
ceux des Belles , à qui vous
us eftes attaché. Vous
connoiffez ma perfonne, &
vous dites qu'elle vous plaift,
ainfi je n'en dis rien , mais
pour le coeur & l'efprit , j'ay
peine à croire que vous me
connoifliez affez par ces endroits
- la . Jay eu une édu
cation tres-capable de m'é,
touffer l'efprit , cependant
je n'ay pas laiffé d'en écha
per , & d'en fauver quelque
Qij
188 MERCVRE
chofe. Il me reste affez de
fineffe & de délicateffe dans
mes penfées, mais peut eftre
j'y gagnerois , fondles pour
voit deviner fans que je les
exprimaffe . Il y avoit en
moya des commencemens
de plus d'efprit que je n'en
ay. L'intention de la Nature
eftoit que l'Art achevaft ce
qu'elle avoit laiffé à achever,
mais l'Art n'en a rien fait.
Si vous voulez cependant
que je vous dife ce qu'en
penfent quelques Connoiffeurs
qui parlent des moy
plus avantageufement , ils
GALANT. 189
m'ont affurée que la Nature
m'avoit donné tout l'efprit
qu'elle me pouvoit donner,
mais que l'Artime pouvoit
donner quelques apparen
ces d'efprit, qu'à la verité il
ne m'avoit pas données . On
dir que je penfe mieux que
tous ceux qui parlent mieux
quelmoyo, & que j'écris
mieux que tous ceux qui ne
penfent qu'auffi-bien . Ne
me demandez point dans la
converfationbdes médifancès
& des contes agréables,
des traits d'une imagination
bien vive , des expreffions
190 MERCVRE
>
extraordinaires & ufurpres
nantes. Il faut s'il vous.
plaift , vous paffer de tout
cela , mais contentez- vous
d'une mélancolie douce qui
regne fur tout ce qu'on dit;
de quelques pensées fines
femées de temps en temps,
& à propos ; d'un certain air
de bonté & de fincerité rés
pandu juſques fur les moindres
difcours ; enfin d'un
agrément qui part plûtoft
du coeur que de l'efprit , &
peut-eſtre trouverez - vous
Compte
avec moy.
Me voila infenfiblementve
GALANT. 191
C
nue à l'article de mon coeur.
Je vous avertis que fi j'en
parle beaucoup , j'en diray
du bien. Je l'ay naturellement
tendre & délicat , &
difpofé à aimer d'une certaine
maniere , qui fait que
je ne puis jamais aimer beaucoup
de Gens, Si je m'em
eftois crue , ma stendreffe
euft reffemblé à celle de la
plupart des Femmes. Elle
euſt efté jalouſe , inquiete,
ombrageufe , mais un peu de
raiſon y a donné ordre. Vous
allez croire que la raifon ne
peut le méler de ce qui re
192 MERCVRE
garde la tendreffe, fans l'af
foiblir beaucoup
. Je ne fuis
point de cet avis. La délicas
teffe des fentimens
n'eft pas
incompatible
avec leur nos
bleſſe . Mon coeur prend les
confeils de ma raiſon . Auffi
n'eſt- ce pas une raiſon farouche
. Elle approuve de
certains engagemens , &
mefme les fortifie. Elle eft
de moitié avec le coeur à
goûter fes plaifirs. Sans cela
je ferois fort à plaindre dés
que j'aimerois , car je me
fouviens que ma raifon m'a
donné d'étranges peines,
quand
GALANT. 193
quand elle a eſté ſeulement
pour quelques momens d'un
autre party que mon coeur.
Songez à ce que vous faites
en m'aimant. Je ne me
trouve preſque jamais affez
aimée. A vous dire le vray,
je me fuis quelquefois furpriſe
moy-mefme dans des
inftans , ou c'eftoit la vanité
qui produifoit en moy ce
fentiment. Quelquefois auffi
ce n'eftoit pas elle. A propos
de vanité , j'y donnerois
quelquefois , li je n'y prenois
garde. Je ſuis affez capable
d'entendre raifon . Il
Fevrier 1681. R.
194. MERCVRE
femble que ce ne foit pas là
faire un grand éloge de
moy-meſme , mais à moy il
me paroift que c'eſt un fi
grand mérite que de pouyoir
entendre raifon , que je
n'oſe preſque me le donner,
Voila à peu prés tout le bien
& tout le mal que je puis
vous dire de moy. Je viens
à mes avantures . J'eftois
encor fort jeune. Je répondois
parfaitement aux ef
pérances d'une Mere, qui
avoit pris tous les foins imaginables
à me rendre fort
fimple, & fortinnocente. Je
GALANT. 195
n'avois jamais rien yû , & ne
fçavois pas qu'il y cuft rien
à voir. Enfin j'étois une trespetite
Fille , lors qu'avec un
peu de teint , & des yeux
affez paffables, quoyque mal
conduits, je ne faiffay pas de
faire une conquefte. C'estoit
un jeune Homme, toûjours
affez bien mis ; mais qui du
refte n'avoit aucun - cara→
cere. Il n'eftoit ny mélancolique
ny enjoué , ny com↓
plaifant , ny opiniâtre ny
agreable, ny ridicule On ne
fçavoit ce que c'eftoit . Ilme
rendoit des foins . Il eftoit
R ij
196 MERCVRE
affidu anpres de moyb & je
ne fentois rien. Je me de
mandois quelquefois à moy.
mefme , mais d'où vient que je
ne prens point de plaifir à le
voir ? Neft- il pas offez bien
toujours fort propre?
a
fait
Ouy Que luy manque -t- il
done ? Je n'en fçavois rien
alors car je ne fçavois pas
qu'il y avoit quelque chofe
qui s'appelloit efprit & agrément.
J'appris enfin ce que
c'eftoit un jour que je ren!
contray dans une vifite un
jeune, Cavalier qui avoit
affez de réputation dans le
-A
GALANT. 197
monde. Je connus auffitoft
ceb qui manquoitrea mon
Amant, & je vis fort bien à
quoy iltenoit que je ne l'ai
maffe. Lautre parloit une
langue que je n'avois jamais
ouy parler , & que j'enten
dois pourtant Cela répon
fafe
doit à une certaine idée con
que j'avois dans la tefte.
Je n'avois jamais vu d'Hom
me d'efprit , & je fentis bien
qu'il l'eftoit. Au fortir de cet
te vifite, mon Amant me devint
infuportable. Je fongeay
au plaifir que j'aurois d'eftre
aimée du Cavalier que je
Riij.
198 MERCVRE
venois de voir , mais j'y fon
geay comme j'aurois fait au
plaifir d'eftre Reyne , car la
chofe ne me paroiffoit pas
poflible. J'envifageois une
diſtance épouvantable entre
fon efprit & le nien , & je
me trouvois une tres petite
Creature. Je ne croyois pas
qu'il puft m'aimer , & cependant
je fentois bien que
je ne pouvois plus fouffrir
d'eftre aimée que de luy. Je
fus plus heureufe queje n'ef
pérois. Voicy tout d'un coup
le Cavalier à mes pieds. Ces
yeux , ce teint , cet air de
GALANT. 199
ན་ ལྟ,
jeuneffe , tout cela avoit fait
fon effet. Je m'apperçeus
,
bien qu'il ne me trouvoit
tout au plus que belle . J'en
eus du dépit en moy-meſme .
Je voulus élever mon mérite
jufqu'à l'efprit , mais c'eftoit
une affaire qui n'alloit pas
fivilte. Je penfois affez - bien ,
& je faifois des efforts pour
pouffer mes pensées hors de
ma tefte , mais j'avois beau
faire . Je demeurois toûjours
riche de mille jolies chofes
que je n'avois point dites .
Mon nouvel Amant avoit
par bonheur affez de penẻ-
Rij
200 MERCVRE
tration. Il démeſlace qui ſe
paffoit chez moy, &me tint
compte de l'efprit queje ne
pardiffois pas encor avoir,
Enfin je començay à parler.
Il m'échapa des chofes affez
heureuſes , & qui furent fort
applaudies . Il le trouva que
j'avois de l'efprit. Jamais je
ne fus fi étonnée. Ma répu
tation feeforme. Me voila
dans le monde fur le pied de
Filletres fpirituelle . Mon
nouvel Amant deuient fou
du mérite qu'il m'avoit prefque
donne , puis qu'il me
l'avoit découvert . Enfin tout
GALANT. 201
me reüffit , tout profpere ..
Vous ne trouverez pas naduvais
que pour avoir de l'efprit
, il en ait coufté quelque
choſe à mon coeur. La rel
connoiffance m'y auroit engagée
au defaut de l'inclination.
L'Amant dontje vous
parle ioy eftoit d'un caratere
fort particulier , &une
des principales chofes qu'on
luy reprochaſt , c'eftoit cela
mefme, qu'il eftoit trop particulier.
Il aimoit les plaifirs,
mais non point comme les
autres . Il eftoit paffionné,.
mais autrement que tout le
202 MERCVRE

I
monde. Il eftoit tendre, mais
à la maniere. Jamais ame ne
fut plus portée aux plaifirs
que la fienne, mais il les vou
loit tranquilles, plaiſirs plus
doux , parce qu'ils eſtoient
dérobez. Plaifirs affaifonnez
par leur difficulté, tout cela
luy paroiffoit des chimeres.
Ainfi ce qui me perfuada le
plus de fa tendroffe pour
moy , c'eft que je luy coû
tois quelque chofe . Il avoit
une efpece de raiſon droiter
& inflexible , mais non past
incommode, qui l'accompa
gnoit prefque toûjours. On
GALANT: 203
negagnoit rien, avec luy
pour en eftre aimée. Il n'en
voyoit pas moins les défauts
des Perfonnes qu'il aimoit,
mais il n'épargnoit rien pour
les en guérir , & il ne s'y
prenoit pas mal. Des foins,
des affiduitez , des manieres
honneftes & obligeantes,
des empreffemenstant qu'il
vous plaira , mais prefque
point de complaifance finon
dans les chofes indiférentes.
I difoit qu'il auroit une com
plaifance aveugle pour les
Gens qu'il n'eftimeroit gué
re, & qu'il voudroit tromper
204 MERCVRE
>
mais que pour les autresi
vouloit les accoutumer
n'exiger pas des choſes peu
raiſonnables
, & à n'eftre pas
les dupes de ceux qui les feroient.
A ce compte là , vous
voyez bien que la plûpart
des Femmes qui font impérieufes
& déraisonnables,
ne fe fuffent qué e accommodées
de luy à moins qu'il
ne fe fult longtemps contraint
; ce qu'il n'eftoit pas
capable de faire. Il eftoit
d'une fincérité prodigieufe
,
jufque là que quand je le
prenois àfoy & à ferment , il
GALANT. 205
n'ofoit me répondre que de
la durée de fon eftime & de
fon amitié , & pour celle de
l'amour , il ne la garantiſſoit
pas abſolument. Il avoit toûjours
, ou un enjoüement
affez naturel , ou une mélancolie
affez douce. Dans la
converfation, il y fourniſſoit
raifonnablement , & y eftoit
plus propre qu'à toute autre
chofe , encor faloit- il qu'elle
fuft un peu reglée , & qu'il
raifonnaft , car il triomphoit
en raiſonnemens , & quel
quefois mefme dans des con
verfations communes , il luy
..
206 MERCVRE
arrivoit d'y planter des chofes
extraordinaires
, qui dé
concertcient
la plupart des
Gens . Ce n'eft pas qu'il n'en
tendiſt bien le badinage. Il
l'entendoit mefme trop finement.
Il divertiſſloit , mais il
ne faifoit guére rire. Son extérieur
froid luy donnoit un
air de vanité , mais ceux qui
connoiffoient
fon ame dé
méloient aisément que c'ef
toit une trahison de fon extérieur.
Je vous en fais un fi
long portrait , & il ſemble
que j'ay tant de plaifir à par
ler de luy , que vous croirez
7
GALANT
207
peut-eftre que noftre intelligence
dure encor. Non ,
elle eft finie , mais ce n'eſt
ny par la faute , ny par la
mienne. L'amour avoit fait
de fon cofté tout ce qui
eftoit neceffaire pour rendre
noftre union éternelle . La
fortune a renversé tout ce
qu'avoit fait l'amour, J'eftois
fa feule Maîtreffe , & la premiere
de fes Amies. Ileftoit
mon feul Amant , & le premier
de mes Amis. Jugez
par là de quelle nature eftoit
noftre commerce . Un troifiémeAmant
vint prendre fa
208 MERCVRE
place , & effaya inutilement
de la remplir tout- à -fair. Ce
n'eft pas que fa Perfonne ne
fuft affez agreable , qu'il
n'euft de la vivacité d'ima
gination, & de certains tours
dans l'efprit tres divertiffans,
mais quand on l'examinoit
un peu à fond , on trouvoit
que fes manieres faifoient
honneur à fon efprit. Qui
auroit ofté aux chofes qu'il
difoit , l'air , & le ton dont il
les difoit, leur cuft peut- eftre
ofté tout leurs agrement
C'eftoit fur cet air , & fur ce
ton , que rouloit fon badi
GALANT 209
nage. Ilamufoit les Gens
plus qu'il ne les entretenoit.
Il y avoit dans fa phifiono
mie je ne fçay - quoy qui
m'eftoit fufpect en fait de
tendreffe , & quand je le
voyois mon coeur m'avertiffoit
que je ne me fiaffe
point trop à luy. Il ne me
Lembloit point Homme à
eſtre la dupe d'une paffion;
& fon coeur , autant qu '
Pil
m'eftoit poffible d'en juger,
n'eftoit pas de nature à fe
laiffer embarquer dans de
mauvaiſes affaires . Il n'avoit
pas l'air tendre , il affectoit
Fevrier 1681 .
ST
210 MERCVRE
mefme quelque rudeffe d'ef
prit ; & pour le perfuader
qu'on en fuft aimée , il falloit
eftre prévenue d'amour pour
luy. Les réfléxions que je fis
fur fon chapitre, furent caufe
qu'il ne fit jamais que me
divertir , fans venir à bour
de m'engager ; mais je penfay
entrer dans un commerce
de coeur plus particulier
, avec un autre Amant
qui s'attacha à moy dans ce
temps - là . C'eftoient les ma
nieres du monde les plus
tendres , l'air le plus doux.
Rien ne paroiffoit plus proGALANT
21f
pre à une paffion . Deshonneftetez,
des complaifances,?
des empreffemens
,Дaurant
qu'on en pouvoit fouhaiter;
tout cela luy tenoit lieu de
vivacité d'imagination
, &
d'enjouement dans l'entre
tien , & empéchoit en que!- >
que forte qu'on ne s'aper
çeuft que ces chofes- là luy
manquoient. L'ufage du
monde l'avoit un peu gâté. >
Il s'imaginoit que les Gens
vouloient eftre trompez
, &'
fur ce pied-là il prodiguoit
les douceurs affez indiféi
remment ; mais fon adreffe
Sij
212 MERCVRE
paroiffoir, & par conséquent
elle n'eftoit plus adreffe Jer
trouvay en l'aprofondiffant,
qu'il avoit l'efprit ombrageux
, & défiant jufqu'à l'excés
, & la peine que j'aurois
eue à le perfuaderde matendreffe,
fut caufe que je n'en
conçeus point pour luy
Vous me connoiffez préfen
tement auffi bien queje me
connois moy - mefme. Jes
vous ay confié toutes mes
avantures , & tous mes fenti- ,
mens. Prenez vos mefures
là - deffus. Si nous ne fommes
pas le fait l'un de l'autre , le
&
GALANT- 2136
plûtoft que nous pourrons .
nous en avifer , ceffera le
mieux ,
buotoiqst to yavuong
-idmo ghT 3075
Je vous parlay l'année
derniere de l'Opéra intitulé
Les Amazones dans les Illes,
Fortunées , que M Contarini,
Procurateur de S.Marc, avoit
fait repréſenter en préſence
d'un nombre infiny d'Auditeurs
illuftres, dans fa belle
Maifon de Piazzola , Only
a repréfenté encor cette année,
avec un autre, qui a eu
pour titre , Berenice vindicative.
Piazzola, Madame, n'eft
214 MERCVRE
autre chofe qu'un Bourg
dix milles de Padoue , où cer
Noble Venitien, qui eſt tres- >
riche , a fait bârir un Palais
fuperbe. Il y a cinq ans que
l'on y travaille , mais quoy
que le principal Corps de
Logis foit du Deffein du fa- 9
meux Palladio , miracle
d'Architecture eft preſque
effacé par les ornemens dont
M' Contarini a pris foin de
l'embellir , & par les Bâti
mens qu'il y a fait adjoûter
des deux coftez.
ce
Ce Palais eft dans une fi
tuation affez élevée . Il a au
GALANT 215
*
devant une Avenue de pres
d'un mille , & qu'on doit
continuer encor plus loin .
Sa largeur eft d'environ cent
pieds , ce qui produit un tresagreable
effet quand on ar-'
rive. Les Murailles de la
Court font tres-belles, & tout
le Palais eft environné de
Canaux d'une eau courante,
qui fervent auffi de Refervoirs
, & qui fe déchargent
tous dans un grand Baffin
de figure ronde, entouré de
grandes Portes, ou Arcades
ornées de Statues . Ce Baffin
a tant d'étendue & de pro216
MERCVRE
fondeur , que l'on y peut
naviger avec de petites Barques
ou Gondoles. C'eſt
dans ces Gondoles que M
Contarini donne des Sere
nades & des Concerts de
Muſique pendant l'Eté. La
Court qui depuis la grande
Porte jufqu'à l'Escalier a
deux cens cinquante pieds,
en a cinq cens de largeur.
Elle eft entourée de trente
Voûtes ou Grotes ornées de
Coquillages , avec des Niches
garnies de Statuës, qui
feront dans peu de temps
autant de Fontaines , dont
on
GALANT. 217
on ne peut trop louer le
deffein. Le Palais eft compofé
de quatre Etages , fans
compter le bas ou rais de
chauffée, Trois Statues fervent
d'ornement à chaque
Feneftre , avec des Feftons
de fleurs & de fruits . On
voit au premier Etage deux
grandes Loges ou Balcons
couverts. De groffes Codomnes
foûtiennent ces Loges.
Il y en a auffi deux au
fecond Etage , d'un deffein
auffi noble qu'il eft extraordinaire.
Du cofté droit eft
une Aîle de cent foixante &
Fevrier 1681. T
218 MERCVRE
dix pieds de longueur . Le
bas en eft embelly de Gre.
teſques de diférentes couleurs
. Au deffus il y a de
grandes Feneftres féparées
par des Figures Gigantefques
de marbre, hautes en
viron de dix -huit pieds . Elles
foûtiennent une fort grande
Corniche auffi de marbre,
fur laquelle on voit un autre
Ordre de petites Colomnes
qui fervent de baze à des
Statues ifolées . Du cofté
gauche il y a une autre Aîle
du mefme deffein, pareille à
certe premiere. lb so
GALANT 219
Quand on eft entré dans
le Palais , on fe trouve dans
un grand Sallon de ſtructure
Fonde , avec des Statues , &
au deffus, des Colomnes, fur
lefquelles il y a un Corridor
pour aller autour, & voir du
premier Etage dans le fecond.
A chaque coſté de ce
Sallon on voit quatre grandes
Chambres , & deux magnifiques
Efcaliers qui ſe
regardent l'un l'autre. En
traverfant le Sallon , on découvre
un petit Bois de Ci-

tronniers , & en fuite , on
>Don
entre du cofté gauche dans
Tij
220 MERCVRE
que
un Sallon quarré, dont chacoſté
eft long d'environ
cinquante pieds. De
haut en bas, ce ne font que
Stucs & Figures de relief.
Le Platfond & les coftez
font ornez de Tableaux des
plus fameux Peintres du Siecle
paffé. Au fortir de là, on
entre dans fix autres grandes
Chambres, dont la derniere
a un grand Balcon,
embelly de Colomnes de
marbre, d'où l'on apperçoit
une tres -belle Cafcade . Au
deffous font fix autresChambres
foûterraines , qui doi
GALANT. 221
vent fervir pour divers artifices
d'eau , aufquels on travaille
actuellement. De là,
par un tres - bel Efcalier
qu'on trouve au milieu de
ces fix Chambres , on def
cend dans une longue Galerie
, pavée de petites pierres
, qui repréfentent diverfes
Figures. Les Murailles
font incruftées de Rocailles,
& d'autres chofes tirées de
-la Mer, & ont des Satues &
des Stucs pour ornement.
De cette Galerie on monte
dans le grand Sallon dont
j'ay parle , par un autre Ef-
T iij
222 MERCVRE
>
calier remply de Statuës, &
d'un deffein tres particulier.
Au deffus de cette premiere
invent
Galerie , on en doit conf
truire une autre qui fera
pleine de Tableaux anciens
& modernes &ndans- laquelle
on a deffein de placer
une Biblioteque de toute
forte de Livres. Au deffus il
a des Chambres pavées de
Carreaux vernis de diverfes
figures & couleurs. Le Platfond
& les coftez en feront
enrichis d'orishup subs
Au fortir de ces grands
Apartemens , en allant au
$ZIE
GALANT 223
coſté droit , on trouve huit
autres grandes Chambres
pareilles à celles du cofté
gauche. On voit de là un
fecond Bocage de Citronniers
femblable au premier.
Ces Chambres doivent eftre
ornées de Stucs , de Paftes
colorées , de Marbres fins,
de Mofaïque , & de Miroirs.
Les Portes de toutes ces
Chambres forment une En
filade , qui eft aufſi longue
que la Court eft large, c'eft
à dire, qui a cinq cens pieds,
en forte que l'on ne pourroit
reconnoître une Perfonne
T iiij
224 MERCVRE
d'un bout à l'autre. Au milieu
de ces dernieres Champas
encor bres qui ne font
achevées , ily a un fuperbe
Efcalier orné de Statuës, qui
conduit à quatre Corridors,
où le jour entre par des ou
vertures rondes qui font au
haut. Dans ces Corridors,
font vingt- quatre Chambres
pour les Domestiques. Ce
mefme Efcalier conduit dans
une grande Salle d'Armes,

heen
trouve
de
toutes
manieres, Sous cette Salle
fera une Galerie ornée de
Sculpture. Au deffous des
GALANT: 225
Chambres il doit y avoir des
Bains. On travaille inceffamment
à ce cofté qui ré
pond au grand Baffin , par
lequel j'ay commencé la
defcription de ce Palais . II
ya auffi un Balcon qui répond
à celuy que je vous ay
dit eftre dans l'autre cofté.
De ce Balcon, on va, par un
petit Efcalier de marbre , à
un Corridor batty fur les
Murailles de la Court , &
d'où l'on peut aller au Theatre.
Ce Corridor eft embelly
de part & d'autre de Colomnes
de marbre, accom226
MERCVRE
pagnées de Statues de mefme
matiere. Ces Colomnes
foûtiennent
le Toit couvert
de plomb , & font féparées
par les Feneftres , qui doivent
eftre garnies de Vitres
de criſtal travaillé à figures ,
avec leurs Cages ou Jaloufies
dorées, pour les défendre de
la grefle . On travaille de
l'autre cofté à un Corridor
femblable , avec le mefme
ordre de Colomnes
, de Statuës
, de Toit , & de Fenef
tres. Les deux autres Corridors
qu'on doit faire en
face du Palais , auront des

GALANT. 227
1
Statues & des Colomnes,
mais ils n'auront ny Toit ny
Feneftres , afin de ne pas
empeſcher la veuëolq so
Je ferois trop long , ſi je
voulois vous marquer tou
tes les beautez de ce Palais.
Au fecond Etage, il y a quatre
Apartemens , avec des
Salles tres amples, & capables
de loger de Grands
Seigneurs. Je paffe les Licux
qui doivent fervir à Pufage
domeftique . On trouve au
troifiéme Etage unè Galerie
, où fe voyent toutes les
fortes d'Inftrumens de Mu
228 MERCVRE
fique que l'on peut s'imagi
ner, avec tous les Opéra qui
ont esté veusjufqu'à préſent,
foit à Venife , ou ailleurs .
L'Hercule fait par le S Cavali
, & repréfenté à Paris
pour le divertiffement de
Sa Majefté , y tient fa place
parmy les autres . Il ne faut
point s'étonner de cet amas ,
puis que pour avoir les Inf
trumens les plus particu
liers, M' Contarini n'a épar
gné aucune dépenfe. Les
deux Loges dont j'ay parlé
au
commencement , font
aux deux coftez de la Gale
2
C
GALANT. 229
rie , avec des manieres de
Tribunes
tout autour , pour
y mettre des Choeurs de Mu
fique & d'Inftrumens
, afin
de divertir pendant
le repas.
De l'un & l'autre cofté de
ces Loges, il y a deux Ter
raffes, avec des Colomnes
&
des Statues ifolées . Ces Ter
raffes fe joignent avec les
Galeries & les Loges, & for
ment une ſeconde Enfilade
de cinq cens pieds , pareille
à celle des Chambres
. Dans
ce mefme Etage ſont divers
endroits pour y loger &
coucher . Le quatrième
eft
230 MERCVRE
compofé de Chambres pour
les Domeftiques, & pour la
commodité de la Maiſon,
avec deux petites Rotondes
ou Dômes qui leur fervent
d'ornement. A compter
toutes les Chambres de ce
fomptueux Palais , on y en
trouve juſques à deux cens.
Le refte des Bâtimens pour
divers ufages , comme les
Remifes de Carroffes , les
Ecuries , les Greniers , les
Moulins pour moudre le
Bled, pour fcier des Planches
, pour filer & pour préparer
la Soye à la maniere
GALANT. 231
qui
s'
de Bologne , pour fouler les
Draps , pour batre du Fer,
& pour d'autres Inventions
ui s'exécutent
toutes par
la force de l'eau qu'on y employe
avec divers artifices;
tous ces Bâtimens , dis-je,
font prefque innombrables,
& répondent à la magnificence
des autres Ouvrages
que je viens de vous décrire.
Les Jardins , les Bois de Citronniers
, les Allées couvertes
, les Labyrinthes , les
Mines ou Chambres foûterraines,
& enfin les Lieux où
l'on éleve des Cailles & des
232 MERCVRE
Faifans , ont quelque chofe
de fi merveilleux, qu'ils paſ
fent tout ce qu'on s'en peur
imaginer. Au dehors de la
Court de ce Palais , on doit
faire une grande Place ova
le , avec cent Boutiques autour
, & des Portiques doubles.
Le Deffein qu'on en
a fait eft tres- fingulier.
M' Contarini, qui eft ma
gnifique en toutes chofes,
accompagne les grandes
qualitez d'une pieté folide ,
& en a donné de nobles
marques , en faisant bâtir à
fes dépens l'Eglife du Bourg,

GALANT
233
& luy donnant des Revenus
qui fuffifent pour entretenir
Archipreftre, & les autres.
Preftres dont il a la nomination.
Ila de plus fait conftruire
un Lieu en forme de
Monaftere , avec une Court
environnée de Portiques
foûtenus de Colomnes de
marbre , des Apartemens
dans le bas pour l'uſage &
les néceffitez de la Maifon,,
& des Chambres au deffus.
Il y a fait bâtir une Eglife
encor plus belle & plus.
grande que celle du Bourg.
On éleve dans ce Lieu
Fevrier 168.1. V
234 MERCVRE
T
9
trente- trois pauvres Filles
de Famille honneſte , Lauf
quelles likɔ entretientibdes
Femmes pour en avoir foin,
& ppour leur enfeigner les
Ouvrages ordinaires aux
Perfonnes de deur Sexe , &
des Maîtres pour leur ap
prendre la Mufique , qu'il
aime avec paffion . Comme
il s'eft trouvé parmy ces
Filles de tres- belles Voix, il
réfolutauffitoft de faire conf
truire un magnifique Thea
tre pour des Opéra qu'il fait
compofer exprés . Ce Thea
tre a cent quatre vingts
GALANT. 235
3
pieds de long. Sa largeur
eft de foixante
. Ily a quatre
Ordres on Erages de Loges
difpoféessen demy cercle,
tirant fur l'ovale. On y mon
re par des Efealiers de mar
bre ,pornez & foûtenus de
Statues. Les Murailles & les
Loges font peintes à Frefque
, & les ouvertures tresbien
travaillées Le Parterre,
qui contient cinq cens Perfonnes
, eft tout fait de bois
avec des degrez percez à
jour pour recevoir le frais.
L'eau paffe deffous . Il y a
auprès de là pour le mefme
Vij
236 MERCVRE
effet une Chambre foûterraine
, qui fert à donner du
vent en Eté à tous les endroits
de ce fuperbe Theatre.
Les Loges peuvent auffi
contenir cinq cens Perſonnes
. Elles font toutes ornées
de Statues de relief dorées.
Le Ciel ou le Lambris eft
tout travaillé à fleurs & à
feuillages , avec
avec un tresgrand
nombre de Miroirs,
qui refléchiffent la lumiere,
& la renvoyant de tous côtez
, font un effet furpre
nant.
Ce fut fur ce beau Thea
GALANT 237
tre que pour la feconde fois
on repréfenta
l'Opéra des
Amazones
le 1 , où 11. de
Novembre
, Vingt Torches
de cire blache l'éclairoient
,
Le Rideau qui en cachoit la
Décoration
, eftoit de Velours
cramoify à poil , avec
des Coûtures couvertes
de
Trainetes
ou petits Paffemens
d'or,
or, que la lumiere
rendoit tres-brillans . LesSpéctateurs
eftoient la plupart
d'une qualité fort relevée,
puis qu'on y voyoit leDuc de
Mantoue , le Prince de Bozzolo,
leLandgrave
de Heffe
238 MERCVRE
& beaucoup d'autres , & les
Ambaffadeurs
de l'Empe
reur,de France , & d'Espagne,
avec toute leur Suite , quoy
que des Miniftres y fuffent
incónus, de mefme que plu
fieurs Procurateurs & Senateurs
de Venife . Les Dames
Venitiennes y parurent au
nombre de deux cens , &
autant deNobles . Les Etran
gers de l'un & de l'autre Se
xe, eftoient encor en plus
grand nombre, en forte que
les Loges & tous les autres
endroits en furent remplis
autant qu'ils le pouvoient
GALANT. 239
eftre . M'Contarini fit diftri
buer à tous indiféremment
des Livres de l'Opéra , u &
des Bougies pour les dire,
parce qu'avant qu'on levaft
la toile, on éteignit les vingt
Torches, & l'on ne laiffa allumées
que celles qui eftoient
dans des divers Etages
des Loges , jufques au commencement
de las Représ
fentation . Elle dura trois
heures & demie avec beau
coup de varieté, & un aplau
diffement univerfel. Parmy
les chofes extraordinaires
qui y parurent, on y remar
3 .
240 MERCVRE
qua trois cens Acteurs , fçal
voir , cent Femmés Ama
zones , cent Hommes dé
guifez en Mores, cinquante
Hommes à cheval qui firent
une tres belle montre , des
Pages, des Eftafiers , des La
quais, & des Coches , qui à!
la fin de la Piece conduifi
rent fur le Theatre un Car
roffe tout couvert de Bro
derie d'or , tiré par fix des
plus beaux Chevaux qu'on
puiffe voir. Les Scenes que
Fon admira le plus , furent
celles d'un grand Cabiner,
dottoutes les Pieces eftoient
* relevées
GALANT 241
relevées en Broderie , & une
autre de Tentes ou Pavil
lons brodez. Il y en avoit
pour le moins quarante.
Le lendemain fur le foir,
on fe promena
dans l'Avenuë
qui eft au devant du Palais
, avec les
Seigneurs &
les Dames qui y
parurent
tous dans leurs Carroffes à
fix Chevaux , au nombre de
plus de cent cinquante. En
fuite on donna le Bal , où
Fonvit de tres fuperbes Habits
, & des Picrreries qui
n'ont point de prix .
Le jour fuivant on alla au
Fevrier 1681. X
242 MERCVRE
'
Cours dans l'Avenuë , & à
quatre heures de nuit , on fe
rendit au Theatre que l'on
trouva rencor éclairé par
vingt Torches de cire blanche
, mais celles - cy eftoient
torfes & dorées . La Toile
qui cachoit le lieu de la
Scene , eftoit de Velours cramoify
à fleurs à fond d'or.
On diftribua des Bougies
dorées , & dans les Livres
qu'on donna à tout le monde
, chaque Scene ſe voyoit
repréſentée enTaille- douce.
Les Spectateurs furent les
mefmes du jour précedent.
GALANT.
243
La Repréfentation dura depuis
fix heures jufqu'à onze,
mais avec une admiration
fi
continuelle qu'aucun
Opéra ne fut jamais aplaudy
avec tant de marques d'une
entiere fatisfaction . Quoy
que le premier fuft beau,
celuy-cy, qui eftoit Berénice
vindicative , le furpafla de
beaucoup par la magnificence
des Entrées , & par la
richeffe des Habits . On y
comptajufques à cinq cens
Acteurs ; fçavoir , cent Pi
quiers , cent Femmes , cent
Cavaliers montans des Che
X ij
244 MERCVRE
vaux bardez , foixante Hallebardiers
, des Chaffeurs , des
Eftafiers , des Pages , qui
parurent tous dans la premiere
Scene du Triomphe.
Rien ne pouvoit mieux re
préſenter les fameux Triomphes
des Empereurs Romains.
On yvoyoit fept fu
perbes Chars pleins de Trophées
, & un entr'autres tiré
par quatre Chevaux, vivans
qui marchoient de front. La
Reyne Berénice eftoit affife
fur ce dernier , qui eftoit
haut de vingt pieds, & orné
de Stucs dorez & argentez
# X
GALANT 245
d'une beauté admirable. Sur
le derriere eftoit un grand
Aigle , qui defesaîles faifoir
ombre à cette Reyne. Devant
ce Char qu'avoient précedé
cent Femmes , toutes
magnifiquement vétuës, on
2
voyoit marcher celuy où fon
Ennemy vaincu eftoit en
chaîné. On admira le bel
ordre de ce Spectacle
, qui
quoy que tres -grand, fe termina
fans confufion. Ce qui
étonna le plus , ce fut une
veritable Chaffe de Cerfs,
d'Ours , & de Sangliers vivans,
qui furent tuez par les
X iij
246 MERCVRE
Chaffeurs: Pour les Scenes
feintes , on remarqua partis
culierement une grande Pla
ce , un Temple , une Ecurie
avec cent Chevaux vivans
& quantité de Palefreniers ;
une Chambre toute garnie
de Point de Venife d'une dépenfe
extraordinaire ; un
Carroffe qui parut à la fin
du fecond Acte , dont l'Impériale,
les Rideaux, les Por
tieres, les Houpes , & les Cou
vertures des Chevaux , ef
toient de ce mefme Point;
un autre tout couvert de
fleurs de foye , un autre de
GALANT. 247
Pierres fines , un autre embelly
de Buftes d'or , un
autre enrichy de Diamans
& de Miroirs , & un autre
orné de Stucs tous dorez .
Ces fix Carroffes , remplis de
Dames & d'Hommes qui
chantoient de petits Airs
galans, alloient en tournant
fur le Theatre , de la meſme
forte que l'on fe
8
promene
Jau Cours. Les diverfes Dé
-corations
ne changeoient
pas à la maniere ordinaire.
Elles fortoient de deffous la
terre , & celles meſme qui
eftoient en place fe per-
X iiij
248 MERCVRE
doient , & s'abîmoient avec
tant de promptitude que les
yeux eftoient trompez. Tout
ce qui fervit au nouvel Opé
ra de Berénice , fut diferent
de ce que l'on avoit veu le
premier jour à celuy des
Amazones . Ainfi , ce furent
nouveaux Habits , nouvelles.
Décorations , & nouveaux
Muficiens. Ces admirables.
Repréſentations devoient
eftre continuées encor qua
tre fois , mais la chute d'un
Bâtiment depuis peu conftruit
, empécha d'executer
ce deffein. C'eftoit une ef
GALANT 249
pece de Magazin , dans lequel
on gardoir tous les Habits
des Entrées , & des Perfonnages
. Les Chars de
Triomphe en furent brifez ,
avec les Carroffes dont je
viens de vous parler.
Voila , Madame , ce que
contient une fort exacte Re
lation envoyée par une Perfonne
tres digne de foy , qui
s'eft trouvée à toutes ces
Feftes, La Mufique y fut
charmante . Vous fçavez
que c'eſt en quoy les Italiens
excellent. M Char
pentier qui a demeuré trois
250 MERCVRE
ans à Rome , en a tiré de
grands avantages . Tous ſes
Ouvrages en font une preuve.
Je vous envoye la fuite
de ce qu'il a commencé.
SECOND COUPLET
DES STANCES DU CID,
mis en Air.
2
Ο
Vejefens de rudes com-
Q
bas
bats !
Contre mon propre honneur mon
amour s'intéreffe.
Ilfaut vanger un Pere, ou perdre
une Maîtreffe;
L'un m'anime le coeur, l'autre retient
mon bras .
Réduit au trifte choix, ou de trabir
maflame,
GALANT. 251
Ou de vivre en Infame,
Des deux coftez mon mal eft infiny.
O Dieu, l'étrangepeine!
Faut-il laiffer un affront impuny?
Faut- ilpunir le Pere de Chimene?
Il eft peu de Gens qui
n'aiment , & bien fouvent
c'eſt un rien qui fait aimer.
M' Sanfon d'Abbeville , a
fait là - deffus un fort joly
Madrigal
,
A UNE BELLE,
Sur une Mouche qu'elle avoit
mife .
L
'Amour naift de caprice ; un
bet il peut charmer,
Mais auffi tres-fouvent c'estun rien
qui nous touche.
252 MERCVRE
L'ay vcu-tous vos appas centfoisfans
m'alarmer,
Et furunpied de Mouche,
Aujourd'huyje m'avife , Iris , de
vous aimer.
Une Mouche fait icy
naître l'amour , & fi nous ene
voulons croire Anacreon ,
l'Amour luy mefme s'eft
plaint d'une Mouche. Voyez
de quelle maniere M le Préfident
de la Tournelle , de
Lyon, a exprimé la penfée de
ce Poëte Grec .
EPIGRAMME.
U
Njour cueillant une Rofe,
Amourfepiqua la main,
Et vit avecgrandchagrin
GALANT. 253
Qu'une Abeille en eftoit cause.
Ils'en alla tout en pleurs
Inftruire defes douleurs
La Déeffe de Cythere.
Mon Fils, ce nefera rien,
Lay dit cette bonne Mere .
Si vous reffentez fi bien
Une piqueure légere,
Un Amant que doit-ilfaire?
Le zele que le Roy fait
éclater en toutes rencontres
pour les chofes qui
regardent l'intéreſt de la
vraye Religion , eft vifiblement
récompenfé
par les
grandes pertes que fait tous
les jours la Prétendue Réformée.
Il eft furprenant
254 MEROVRE
d'avoir veu deux cens Perfonnes
enabjurer les erreurs
toutes à la fois. C'est ce qui
vient d'arriver dans les Villages
de Chenay & de Chey,
Diocefe de Poitiers . Ceux
de ce Party devroient bien
par là rentrer en eux - mefmes,
& s'appliquer tout- debon
à chercher la verité, qui
fe découvre toûjours , lors
que l'obftination ne la cache
point. La Converſion
de Madame de Gritin en eft
pour eux une preuve. Cette
Dame, qui par l'étendue de
fes lumieres fembloit forti
GALANT 255
her leur
aveuglement , apres
avoir combatu pédant deux
ans , a efté enfin contrainte
à fe rendre. Vous pouvez
juger de fon efprit par la
belle Lettre que je vous envoyay
au mois de Novembre
, dans laquelle eft contenue
l'Hiftoire
extraordinaire
de cette jeune Perfonne
, que fes Parcns avoient
forcée à fe marier. C'eft elle
qui l'a écrite. Le long temps
qu'elle a employé à contef
ter, nous fait affez voir que
fi elle a changé de Religion,
ce n'a pas efté fans connoif
.
256 MERCVRE
fance de cauſe. Nous devons
fon changement, ainfi que
celuy de M' de Gritin fon
Mary, aux foins de M' Vi
gnier , qui y a travaillé avec
une affiduité extraordinaire,
& qui ne l'a point voulu
abandonner , qu'il ne lait
tirée du précipice où elle
eftoit , pour la faire entrer
dans le bon chemin. Elle
abjura au commencement
de ce mois dans l'Eglife de
M" de la Miffion de Riche
lieu, & on peut dire qu'elle a
pratiqué le confeil de l'E
vangile, puis qu'elle a quité
GALANT. 257
Parens & Amis , & qu'elle
s'eft mefme brouillée avec
Madame fa Mere, pour qui
elle a toûjours eu un tresgrand
refpect , & dont elle
eftoit aimée avec toute la
tendreffe imaginable. "
Le Mardy u . de ce mois,
Mademoiſelle de la Mote
de la Godinelaye fit la mefme
abjuration dans l'Eglife
des Religieufes Urfulines de
Rennes. Elle eft âgée de
vingt- trois ans. Madame fa
Mère s'eftoit remariée au

Miniftre de l'Eglife des Prés
tendus Réformez , & avoit
Février 1681. Y
258 MERCVRE
mis aupres d'elle une Gou
vernante des plus obftinées
dans fes erreurs . Cette jeune
Demoiselle n'a pas laiffé de
venir à bout de la convertir,
apres avoir efté convaincue
des veritez de noftre Religion
par l'excellent Livre de
M ' l'Evefque de Condom ,
que luy avoit expliqué M
du Pleffis - Bardoul , Gentilhomme
de fes Voifins à la
Campagne. Elle avoit dit
fort longtemps , qu'elle ef
toit de la Religion du Livre
de M de Condom , mais elle
fe croyoit bien fodée à croire
GALANT 259
que la ReligionRomaine n'y
eftoit pas conforme. On luy
afait venir toutes les Atteftations
qui ont efté données
pour ce Livre, & on l'a fi pleinemét
éclaircie de quelques
Points qui l'embarafſoient,
qu'elle n'a pû davantage
fermer les yeux à la verité.
Je vous ay parlé dans ma
Lettre de Decembre , de
Madame de Fontmort, Préfidente
à Niort , à qui Madame
la Ducheffe de Navailles
en partant de la Ro
chelle , avoit confié Mademoiſelle
Pagez apres ſa Con-
Y ij
260 MERCVRE
verfion. Cette Dame, dont
la vertu eftoit tres - connue,
amena icy dans ce mefme
mois trois de fes Niéces de
le Religion Prétenduë Réformée
, dans l'efpérance de
la leur faire abjurer en préfence
de la Cour. Elle a
employé toutes fortes de
moyens pour venie à bout
de ce deffein , & n'a réuffy
que pour la Cadere , que
Madame la Marquife de
Maintenon fa Parente , a
prife aupres d'elle . Les deux
Aînées n'ayant voulu entrer
en aucune explication fur les
GALANT 2611
Points cotroverfez, Madame:
de Fontmort s'eftoit yeuë
scontrainte de les remener
en Poitou , où de tres- pref
fantes Lettres les rappelloient.
Elle cfpéroit les gagner
avec le temps , & c'eftoit
par là qu'elle n'avoit
pû les laiffer partir fans leur
tenir compagnie , mais elle
n'a fait qu'une partie du
voyage, ayant efté attaquée
au Port de Pile d'une apo
pléxie fi violente dans la nuit
du 12.au 13. de ce mois, qu'
elle en eft morte fix heures .
apres. C'eftune perte confi
262 MERCVRE
dérable pour les beaux Efprits
de la Province, & pour
tous ceux dont elle pre - 1
noit les intérefts . Elle eftoit
d'une libéralité fans exemple,
& peu de Perfonnes luy
ont demandé fa protection ,
fans qu'elle leur ait donné
des marques d'une genéro
peu commune,Avalyn
Il eft temps de vous parler
de ce qui s'eft fait ce Carnaval.
Vous ne doutez point,
Madame, qu'on ne l'air paffé ,
agréablement dans la Capitale
d'un Royaume, qu'une
glorieufe Paix rend abonfité
GALANT. 263
dant en plaifirs ainfi qu'en
toute autre chofe . Ils y ont
régné parmy les Grands &
parmy les Peuples , & plu
Leurs Miniftres Etrangers
fe font joints avec quelques
Seigneurs de la Cour des
plus qualifiez , pour fe divertir
entr'eux , &
pour divertir
le Public en recevant
des Mafques . Ces Meſſieurs
eftoient au nombre de dixhuit
. Voicy leurs noms . M
de Strasbourg , M les Ambaffadeurs
de Suede & de
Venife , M'Savel Envoyé Extraordinaire
d'Angleterre,
264 MERCVRE
rs
Ms les Ducs de Lefdiguie
res , d'Aumont , de Nevers,.
& de Gefvres , M ' les Comtes
d'Auvergne & de Bethune
, M' le Prince de Monaco
, M les Chevaliers de
Tilladet & Cornaro , le der
nier eft Venitien ; M ' le Marquis
de Grillon , M ' de Lo
rance, Noble Venitien ; M"
de Langlée & Deformes, &
M' Moriel Gentilhome Provençal.
Ces Meffieurs faifoient
entr'eux chaque jour
une espece de Loterie . Toust
lės Billets eftoient noirs,
mais ils coûtoient beaucoup
plus
GALANT. 265
plus cher que des blancs,
parce que chaque Biller contenoit
ce que ceux qui les
tiroient devoient payer pour
le Divertiffement du foir. La
premiere Affemblée ſe fit
chez M l'Ambaſſadeur de
Venile , qui loge au Marais
. Vous fçavez quelle eft
la beauté de fa Maiſon , puis
que c'eft celle que M' Aubert
a fait bâtir. Apres un
tres-grand Soupé , l'on joia
1 Andromaque de M' Racine,
Tréforier de France, &
la petite Comédie de la Comete.
Pendant ce temps les
Fevrier 1681.

266 MERCVRE
Maſques vinrent en foule
de tous les Quartiers de Pa
ris. Le Bal commença
en
fuite & toute la nuit fut
employée à dancer. Huit
jours apres ( car ces Feſtes
ne fe faifoient que tous les
Jeudis ) l'Hôtel de Nevers
fut le lieu de l'Affemblée .
Tous ces grands Apartemens
eftoient richement
meublez , & on les voyoit
briller d'un nombre prefque
infiny de lumieres . Le Cinna
de M de Corneille l'aîné,
fut repréſenté. Quelques
Voix des plus belles de l'O
GALANT. 267:
péra en
diftinguerent les
Actes , & tout cela fut fuivy
de pluſieurs Scenes plaiſantes
des Italiens . On ouvrit
enfuite aux
Maſques qui
avoient des Billets pour entrer.
Comme l'on s'eftoit
fort diverty chez M ' l'Ambaffadeur
de Venife , & que
ces Affemblées plaifoient ex
trémement au Public , on
avoit crû avec
beaucoup de
raifon que le nombre des
Maſques feroit tres- grand.
On ne fe trompa point.
Aufli avoit- on eula précaution
de faire éclairer tous les
Zij
268 MERCVRE
beaux Apartemens de ce
grand Palais , & de mettre
des Violons ou des Hautbois
dans toutes les Chambres,
en forte que chacune eftoit
un lieu d'Affemblée . Jugez,
Madame , fi cette agreable
confufion de Mafques, tous
tres- bien mis , fe peut trouver
ailleurs qu'à Paris . La
Collation fut magnifique, &
Ton dança jufqu'au jour.
Le Jeudy de la femaine fuivante
, cette mefme Compagnie
fe rendit chez M' de
Strasbourg. Vous fçavez
trop de quelle maniere ce
GALANT. 269
&n
ch
Prince fait les chofes , pour
n'eſtre pás perſuadée que
tout y eftoit fuperbe , & en
abondance. Il y eut Comédie
Italienne. Apres le Soupé
, Monfieur , & Madame,
honorerent cette belle Af
femblée de leur préſence, &
on leur fervit une galante
Collation , où vous pouvez.
croire que rien ne manqua.
Les Divertiffemens eftant
de toutes conditions , & de
tois âges en de certains
temps , il faut vous entretenir
de celuy qu'ont pris des
Perfonnes du premier rang
Z üj
270 -MERCVRE
22
d'un âge moins avancé. Son
A. Sereniffime Madame la
Ducheffe , qui fe plaift fur

tout avec fa Famille , a fait
chez elle une Mafcarade de
M le Duc de Bourbon fon
Fils , & de Mefdemoiſelles
les Princeffes fes Filles . Cette
Mafcarade
que l'on regardoit
d'abord comme un jeu
d'Enfans , eft devenue infenfiblement
une maniere
de Fefte , qui a donné beaucoup
de plaifir. Ils eftoient
dix- huit ou vingt déguiſez,
dont les plus vieux ne pouvoient
avoir que quatorze
GALANT. 271
S
ans. C'eftoit peut eftre la
premiere fois qu'ils s'eftoient
divertis de cette miniere.
Ainfi ils parurenttous
fi fatisfaits , qu'il eftoit impoffible
en les voyant de ne
pas fentir une partie de leur
joye. Auffi Madame la Ducheffe
y prit elle tant de part,
qu'elle leur permit de fe déguifer
plus d'une fois. Mademoiſelle
de Bourbon inventa
un Habit de Bergere,
qu'elle fit faire pour
1
lerfecond
jour, fans en rien dire
à perfonne. Elle fut admirée
dans cet Habit. Madame la
Z iiij
272 MERCVRE
Ducheffe luy en fit faire un
troifiéme pourlenMardygras
, tres- beau , & tres - ri
che , tant pour l'Etofe , que
pour les Pierreries dont il
eftoit tout couvert. On n'y
changea rien de la maniere
du fecond , que cette jeune
Princeffe avoit inventé. Je
vous dirois inutilement qu'
elle a infiniment de liefprit
& du délicat , cela eft connu
de tout le monde. Elle a une
taille des plus fines, & quoy
qu'elle ne foitpas bien haute,
on ne la flate point en difant
qu'elle eft auffi bien faite
GALANT 273:
que Princeffe de la Cour.
Ses façons d'agir obligean
tes & honneftes ,témoignent
affez que rien ne manque
à ſon éducation . Monfieur
le Duc de Bourbon fon
Frere , parut auffi dans la
Mafcarade avec de tresbeaux
Habits. Rien n'eftoit
plus magnifique que celuy
qu'il mit le Mardy - gras . On
fut furpris de la propreté
de la petite Mademoiſelle
d'Enguyen , qui n'a encor
que quatre ans. Ses petites
manieres font toutes charmantes
, & on ne peut voir.
274 MERCVRE
une plus aimable Enfant.
Ils fe mafquoient d'ordinaire
fur les quatre heures
jufqu'à neuf ou dix du foir..
Ils alloient chez Monfieur le
Prince , qui leur faifoit apporter
de fort belles Collations
, & retournoishtenfuite
dancer chez Madame la Dacheffe
. Je ne vous ay rien
dit de Mefdames les Princeffes
de Brunfvic
, qui ont
efté toutes trois de ce galant
Divertiffement. Elles
eftoient richement vétues ,
la Princeffe Charlote en Bohëmienne,
la Princeffe HenGALANT.
275
riete en Polonoife, & la Princeffe
Willemene en Bergere.
Elles font fort belles,
& bien faites pour leur âge.
La continuation de la Maf
carade allant au delà d'un
jeu d'Enfans , Madame la
Ducheffe de Hanover leur
Mere en fit fcrupule à cauſe
de fon deuil, & ne voulur
point permettre qu'elles s'y
trouvaffent le Mardy-gras.
Mademoiſelle de Bourbon
eftoit la premiere fois en
Egyptienne , & Monfieur le
Duc de Bourbon de mefme,
la feconde fois tous deux en
276 MERCVRE
Berger & en Bergere , & la
troifiéme, Mademoiſelle de
Bourbon encor en Bergere,
mais avec bien plus de magnificence
, & Monfieur le
Duc de Bourbon en Avocat..
Mademoiſelle Richou parut
auffi en Bergere la premiere
fois , & la feconde, en
Perfienne . Son Habit eftoit
tout de Dentelle or & ar
gent , & garny de Pierreries.
Comme elle eft une des plus :
jolies Naines que l'on puiffe
voir , & qu'elle dance tresbien
, on la regarda avec
beaucoup de plaifir. M les
GALANT 277
Chevaliers de Blanfort , de
Longueville , & de Soubife,
cftoient auffi tres - galamment
habillez , ainfi que tous
ceux de cette illuftre & charmante
Troupe.
Je vous ay dit quelque
chofe la derniere fois de la
maniere dont on fe diver
tiffoit à Saint Germain. On
a continué de la mefme forte
le refte du Carnaval , & on
n'y a laiffe paffer aucun jour,
fans prendre quelques-uns
des plaifirs qui font ordinaires
dans cette faifon . Le
Balet , la Comédie , les Maf
278 MERCVRE
carades , & les Bals , en
ont fervy alternativement à
toute la Cour. La Mafcarade
qui préceda celle du Mardygras
, fut tres éclatante.
Monſeigneur le Dauphin
eftoit Chefd'une Troupe de
fept Indiens , ou Sauvages.
Des Plumes de quatre couleurs
en compofoient tout
l'Habillement . Celles qui
eftoient fur le corps , les bras,
& les chauffes , eftoient de
petites Plumes d'Oyfeau attachées
par des nuances de
diférentes couleurs . LeTour
du col, celuy des épaules,
GALANT. 279
les Tours de bras , la Ceinture
, & les Jaretieres , eftoient
de Plumes d'Autru--
che affez grandes, fur le pied
deſquelles on voyoit une
Chaîne de Rubis & de Diamans.
Le Tonnelet & les
Lambrequins eftoient auſſi
de Plumes de diférentes
couleurs , avec une nervûre
de Plumes noires dans le
milieu de ces Lambrequins.
On avoit enchaffé fur cette
nervûre des Rubis & des
Diamans , dans des Rofes
de Broderie d'or. Le mefme
deffein paroiffoit obfervé
>
280 MERCVRE
dans la Coifure. Les Bas &
les Souliers eftoient de couleur
de feu, brodez d'argent,
& le Mafque de la meſme
couleur. Monfeigneur le
Dauphin avoit fait la dépenfe
de ces fept Habits,
M' le Duc de Vermandois
fe fit Chef le mefme jour,
d'une Bande de Perfans. On
n'eut pas de peine à le diftinguer
, tant il eftoit magnifique.
Il parut beaucoup
dans cet équipage de Perfan
, auffi -bien que M' le
Duc de Mortemar. Mademoiſelle
de Nantes fe fit ad
GALANT. 281
mirer au Bal avec un Habit
auffi riche que galant. Elle
eftoit veftue à la Grecque,
mais quelque éclat que luy
donnalt fon Habit, ce n'cltoit
pas ce qui la faifoit regarder
; & fi les yeux de
quelques uns eftoient attirez
par les agrémens de fa
Perlonne , les autres qui la
connoiffoient plus particulierement
, eftoient beaucoup
plus furpris de ce qu'à ,
fept ans & demy ( qui eft
fon vray âge ) elle fçait autant
de chofes , que la plus
parfaite en pourroit fçavoir
Fevrier 1681. A a
282 MERCVRE
༢ àvingt. La plupart des Comédies
que l'on a jouées à
S. Germain , ont eſté repréfentées
dans l'Antichambre
de Madame la Dauphine
.
Le Roy entierement occupé
des foins de l'Etat, aufquels
ce Prince fe donne avec une
applications inconcevable ,
ne s'eft trouvé à aucune.
Sa Majefté a veu ſeulement
la Repréſentation de la Devinereffe
, qui s'eft joüée ſur
le Theatre du Balet.
Je viens au dernier jour
du Carnaval. Vous fçavez,
Madame, que toute la Cour
GALANT. 283
mafque ce jour-là , & qu'il
yeastoûjours Bal le foir. Il
commença à dix heures,
apres le Soupé du Roy, dans
la grande Salle des Balets,
qui avoit efté préparée pour
cela , & qui eftoit éclairée
d'un nombre infiny de lu
mieres. Elles aidoient fort
à faire briller les Habits des ,
Maſques fpectateurs , dont
tous les Amphitheatres eftoient
remplis , & comme il
n'y en avoit aucun qui ne fe
fuft mis dans la derniere
magnificence, on peut dire
qu'il eft peu d'occaſions où

A a ij
284 MERCVRE
l'on voye tout -à -la -fois tant
de Pérfonnes fi fuperbement
parées. Le Roy quine prend
ces fortes de divertiffemens
que dans le deffein de les
donner à fa Cour, ne mit
ce foir- là qu'une Robe de
Chambre tres - riche , & un
Chapeau avec un Bouquets
de Plumes . Jamais la Reyne
n'avoit paru fi bien mife .
Son Habit eftoit à la Grec
que , & orné des plus belles
Pierreries de la Couronne.i
Madame la Dauphine
ſe
déguifa en Venitienne , mais
d'une maniere fi galante,
5
GALANT 285-

qu'elle furptic toute l'Affem ..
blée. Il feroit difficile d'ex
pliquer tous les agrémensi
qui entroient dans cette maniere
d'ajustement.Toute
parure eftoit de Diamans
fins , employez avec tant )
d'art & de propreté dans les
endroits néceffaires , qu'on
ne pouvoit fe laffer de l'admirer.
Un petit Turban de
Velours tailladé , & orné de
Diamans , faifoit la Coifure
de cette Princeffe. Du mi
lieu de ce Turban s'élevoit
une Aigrete de Diamans!
d'une beauté furprenante.
286 MERCVRE
Il n'y avoit que des Plumes ,
blanches dans cette Coi
furemstmono & 250 for
Monfeigneur le Dauphin
repréſentoit un Arabe Le
deffus de fon Habit eftoit
d'un Brocard broché d'or,
avec de grands Compartil
mens noirs , ornez® autour
d'un point de France or &.
argent , au milieu duquel
eftoit une Bande de Marte
Zibeline. Le Lacis du Tour
de fes Manches eftoit de
Rubis , & le deffous de fon
Habit, d'un Brocard couleur
de feu , & or, avec des BouGALANT.
287
Y
tonnieres d'or tres - relevées ,
& tres- riches , mellées de
noir. Ces Boutonnieres ef
toient ornées de Pierreries,
& les Manches de l'Habit,
d'un Point de Venife d'or ,
avec un oriche Point de
France entrétoile , d'une
maniere fi extraordinaire,
qu'on n'a rien veu jufques à
préfent de plus magnifique.
Le Turban de ce Prince eftoit
d'un Brocard de Venife
à grandes fleurs d'or , lacé
d'une Chaîne de Pierreries.
Ses Plumes eftoient couleur
de feu & blanc,
103
ust
288 MERCVRE
Monfieur avoit une Vefte
toute couverte de Dentelle
& de Diamans , avec de grandes
Manches qui pendoient
fort bas. Elles eftoient ra-'
tachées à fa ceinture, & tomboient
jufques à terre . La
richeffe & la galanterie de
1Habit de Mademoiſelle,
avoient dequoy fe faire ad
mirer. Les Pierreries ybril
loient de tous coftez .
Son Alteffe Seréniffime
Monfieur le Duc avoir un
Habit Hongrois. Le deffous
eftoit de Velours couleur de
feu , tout couvert de Den---
telles
GALANT. 289
telles or & orgent , coufuës
en Coquilles. Il avoit par
deffus une Vefte à la Turque
de Drap d'or & vert, doublée
d'un Tiffu d'or , le tout enrichy
de Dentelles & de
Frange d'or , & garny de
Pierreries comme la Coëfure.
Monfieur le Prince de
Conty vint à cette Maſcarade
, accompagné de M' le
Prince de la Roche - fur -Yon ,
de M le Duc de la Ferté , &
de M les Marquis d'Alincourt
, de Nangy, & de Molac.
Ce Prince
repréfentoit
Fevrier 1681. Bb
290 MERCVRE
un Perfan, Sa Vefte de Bro-:
card or & vert, eftoit re
trouffée fur les devans. Il
avoit fous cette Velte un Fun
Tonnelet
couleur de feu, or
& argent, des Manches
pendantes
d'un tres - riche Point
de France pareillement
or
& argent , & tout fon Habit
de mefme. Rien n'égaloit
la beauté de fon Echarpe . Il
avoit de grandes Boutonnieres
toutes de Pierreries
,
& un Turban de Brocard
or & blanc , avec un Fronteau
de Velours noir enrichy
de Pierreries
. Les Plumes
GALANT. 291
qui couvroient fon Turban,
eftoient de couleur de feu
& blanc , accompagnées
d'une tres- belle Héronniere.
L'Habit de Mle Prince de
la Roche fur - Yon , eftoit
tout pareil , aufli-bien que
ceux des Seigneurs qui les
fuivoient. Il n'y avoit que
M de la Ferté qui fe fuft mis
d'une autre maniere. Ce
Ducavoit un Habit d'ombre
or & noir, couvert de Den
telles d'or. Celuy de M' le
Comte de Vermandois ef
toit auffi fingulier queriche.
Sa Veſte de Brocard or &
Bb ij
292 MERCVRE
vert , paroiffoit route converte
de riches Dentelles , &
pour agrément on voyoit fur
ces Dentelles une bande de
Velours noir large djun
doigt, & toute brillante de
Pierreries . L'Habit de def
fous eftoit un Brocard cou
leur de feu & or , avec plu
heurs Dentelles pliffées. Un
Turban de Velours noir tout
à jour , garny de Plumes , &
orné de Pierreries , faifoit fa
Coëfure. Mile Duc de Cruf
fol avoit un tres bel Habit à
la Turcque . Il menoit d'il
luftres & jeunes Bohemien
GALANT 293
nes , fçavoir, Mademoifelle
de Nantes , Mademoiſelle
de Cruffon, Mademoiſelle
de Noailles , Meldemoifelles
d'Epinoy , & Mademoiſelle
d'Eudicour
. On n'a jamais
rien vû de plus galant que
Mademoiſelle de Nantes en
Bohemienne. Ses cheveux
boucles eftoient étendus, &
flotoient für fes épaules . Par
deffus elle avoit un Point de
France qui luy fervoit de
Coëfure , & dont les bouts
pendoient à la négligence.
Cette charmante Princeffe
fut l'admiration de cetté au-
B`b iij
294 MEROVRE
gufte Affemblée , où celles
de fa Suite parurent beaucoup.
M le Duc de S. Aignan
eftoit vetu en Baſſa. Il
luffit de le nommer pour perfuader
de fa bonne mine , &
de la magnificence de fon
Habit. Mile Duc de Noailles
s'eftoit déguifé en Polonois
. Il avoit une Robe de
Brocard or & argent &
couleur de feu, de ces Etofes
dama quinées du S Charlier
qu'on eftime tant. La
Robe au- ffibien que le Bonnet
, qu'il avoit fait faire de
la mefme Etofe, eftoient
GALANT 295
garnis de Marte Zibeline,
le tout enrichy de Franges
d'or , d'Echarpes , & de tous
lesornemens neceffaires
pour l'Habit. Mile Marquis
de Tillader eftoit à peu prés
de lá mefme forte. Mille
Duc de Mortemart avoit un
Habit à la Perfane . Les Brocards
or & argent, les Dentelles
, & les Pierreries , ne
Juymanquoient pas . Depuis
le peu de temps qu'il eft
dans le monde , il a fçeu ſe
diftinguer , & a fait paroiftre
en tout de la grandeur
d'ame. Mefdemoiselles de
B b iiij.
4
296 MERCVRE
Liflebone ne
s'attirerent pas.
moins de regards par la galanterie
de leurs Habits , que
par leur magnificence
. L'une
eftoit en Perfane , & l'autre
en Bergere. Madame
la Ducheffe
de Mortemart, & Madame
de Segnelay, repréſen
coient auffi des Perlanes ,
avec des Habits tres riches,
mais forts diférens. Je ne
vous dis point que Madame
de Grancey parut beaucoup.
dans cette Affemblée. On
fçait qu'elle n'a pas beſoin
d'ornemens
pour fe faire remarquer.
Madame
la PrinGALANTA
297
3
ceffe Marianne fatadmirée,
tant pour la maniere ex
traordinaire dont elle eftoit
mife , que pour fon ajuſte
ment. Elle avoit une Veſte
di plus riche Brocard or &
argent , dont les tailles , les
bords , & les lez , eftoient
ornez de Marte avec des
agrémens de Diamans & de
Rubis aux deux coftez. Ses :
Boutonnieres
eftoient auffi
de Diamans. Elle porroit fes
Manches ouvertes en deux
pointes tombantes , d'une
tres - belle Etofe , avec des.
Dentelles pliffées autour, &
51
298 MERCVRE
une Houpe tres -riche à cha
que pointe de Manche. Son
Turban lacé de deux Etofes,
,
l'une noire & or , & l'autre
couleur de feu & argent , faifoit
un tres- bel effet. Illy
avoit cinq ou fix Plumes fur
ce Turban , & une Heron
niere au milieu , fur la tige
de laquelle on voyoit une
Enfeigne de Diamans d'un
tres-grand prix. Cet Habit
fur trouvé auffi magnifique
que bien entendu .
M
On a écrit icy de Madrid
que le Roy & la Reyne d'Ef
pagne ont pris fort fouvent
1
af
les les
Dur
Gille
ans
eut
ent
s de
Paisft
la
$ 10.4
Cette
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Buen
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Campo ieu, &
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for
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ce
nie
de
Enf
trest
fur
que
O
quec
pagn
GALANT 299
le divertiffement de la Chaf
fe , & que les Seigneurs les
ayant complimentez le jour
que l'Archiduchcffe , Fille
de l'Empereur, entroit dans
fa treizième année , il y cut
le foir de grandes réjoüif
fances au Palais . Je vous ent
voye la Veuë des Jardins de
ce qu'on appelle en ce Païslà
Cafa del Campo . C'eſt la
Ménagerie du Roy. Cette
Maiſon eft un peu décheuë,
depuis qu'on a bâty El Buen
Retiro , qui en eft tout pro,
che. Cependant on pouvoit
faire un tres - beau Lieu , &
y
309 MERCVRE
avec peu de dépenfe. Les
Arbres yviennent fort bien.
On y voit un grand Etang,
autour duquel il y en a encor
d'affez beaux . Dans le
Jardin eft une Statue de
lune
bronze , où le Roy Philippe
TV. eft tres - bien re
préſenté à cheval.
M'de Daillon , Duc du
Lude Grand Maistre de
l'Artillerie de France , alépouſé
depuis peu Madame
la Coteffe de Guiche, Veuve
de M. le Comte de Guiche,.
Fils aîné de feu Mle Ma
réchal Duc de Gramont.
GALANT 301
Comme ce Mariage s'est fait
fans ceremonie , je ne vous
en diray rien , non plus que
de la Maifon de Daillon . Il
faudroit le tiers de ma Lettre
pour vous en parler comme
je devrois. Elle est fort illuftre
, & a de tres - grandes
Alliances. J'auray d'autres
Occafions de vous en entretenir,
Madame la Comteffe
de Guiche, aujourd'huy Du
cheffe du Lude , s'appelle
Marguerite- Loüife de Bethune,
& eft Fille de Maximilien
François de Bethune
VIII.du nom , Duc de Sully,
302 MERCVRE
& de Charlote Seguier, Fille
du feu Chancelier de ce
nom.
Il y a des Charpentiers à
Verlailles , qui travaillent à
bâtir une Frégate d'un nouveau
deffein , approchant
pourtant de la fabrique Angloife
, fur laquelle on prétend
avoir rafiné , tant pour
la mafture que pour l'affiete,
qui feront d'une maniere à
faire bien porter les Voiles,
& à la rendre legere , quoy
que chargée de beaucoup
d'Artillerie. Cette Frégate,
qui ne doit avoir que trente
GALANT 303
pieds de quilles, fera neantmoins
percée pour foixante
Pieces de Canon . C'eft M'le
Chevalier de Tourville qui
a la direction de cet Ouvra
ge. Si par l'exécution de ce
deffein on voit réüffir ce
qu'on s'en promet , on bâtira
à l'avenir toutes les autres
Frégates fur ce modelle.
M ' du Quefne , qui eft
arrivé en Cour apres avoir
defarmé en Provence , en a
apporté une autre qu'il a fait
faire en petit , & qui eft de
fon deffein . Il ne luy donne
304 MERCVRE
que quinze pieds de quilles,
au lieu de trente qu'aura la
premiere, & prétend que la
Fregate portera autant d'Ar
tillerie. Il en fera bâty une
fur ce deffein , & on ſe ré
glera en ſuite felon le fuccés,
pour le modelle des aus
tres. Momo un 25 ploy
Je vous ay promis des
nouvelles
de l'Eſcarboucle
.
Il faut vous tenir parole. Je
ne le puis mieux qu'envous
failant part d'une Lettre de
M' de Belmont qui pouffe
l'affaire. C'eſt un Gentil.
homme de probité & de
3 1st birt
GALANT 305
mérite , & le Païfan qui a
cette Pierre eftant arrefté
par ordre du Roy , vous
voyez bien que quelque
extraordinaire que foit la
chofe , je n'ay rien avancé
fur cet Articles dont je ne
puiſſe vous rendre raiſon .
Voicy ce qu'écrit M de
Belmont.
$22552252 SESESSE
A Lyon le 19. Fevrier 1681 .
J'ai vousne
E ne doute point , Monfieur,
que vous nefoyezfurpris du
peu d'exactitude que jay eu à
vous informer préciſement de
Fevrier 1681. Cc
36 MERCVRE
tout ce que j'apprendrois de la
découverte de l'Efcarboucle, dans
le temps que je m'y eftois engage.
M le Maréchal de Duras
ayant en la bonté de me dire que
Fon conduifoit le Paysan à la
Cour, je partis de Paris un pen
à la hafte , & me rendis à
Lyon,fur d'autres avis que j'eus
qu'on le retiendroit quelque
temps à Châlons fur Sione . Eftant
arrivé , je le trouvay à la
Citadelle , dans la plus grande
confternationdu monde. De vous
dire quel eft le confeil, la politique
de cet Homme , c'eſt où les
plus éclairez ne connoiffent rien.
GALANT. 307
On tache partoute forte de voyes
dedécouvrir la verité d'une chofe
, qu'il n'est plus au pouvoir
de cet Obftine de tenir cachée.
Les offres confidérables qu'on tuy
afaites , ne font pas plus d'impreffion
fur fon efprit , que la
maniere pleine de rigueur dont
on le tient au pain & à l'eau
au fond d'un Croton. Ses ré
ponſes ambigues & diferentes,
font croire qu'effectivement il eft
encor poffeffeur de l'Efcarboucle.
On a dreffe plufieurs Procés verbaux
tant du côtédu Prevoft qui
s'enfaifit , que de la part deM
Toly , qui eft celuy qui avoit les
Cc ij }
308 MERCVRE
ordres du Roypour cela. L'on y
a inferé ce qu'ila dit àsaprife.
Toutes les déclarations qu'il a
faites confirment la verité du
fait. Il a avoué au long de
quelle maniere il a tué le Dra
gon, & est demeuré d'accord de
la couleur , groffeur , forme, &
brillant de cette Pierre ; & le
tout, de la maniere dont je vous
en ay fait le recit. Il a fait trois
dépofitions de cette force, les a
fignées , & en a paraphé toutes
les feuilles. A la fin de fa premiere
dépofition , ildit avoir mis
la Pierre envelopée d'unpapier.
dans un pot de tere, & l'avoir
GALANT 309
enterrée enfuite dans fa Cave·
fous un Cuvier. On en fit lavecherche
en mefme temps avec
grande exactitude, fans qu'on
trouvast rien. Dans la feconde,
il dit l'avoir donnée à garder à
une Femme de fon Village . La
Femme qui fut faifie auffi-tost,
répondit qu'elle n'avoit rien à
luy ; qu'il eftoit vray que depuis
quatre mois ou environ, elle avoit
prefté à ce Payſan une Pierre
qu'elle avoit achetée , & qui a
la proprieté de guerir certaines
maladies dontles Boeufsfont at
taquez & qu'il la lay avoit
vendue. On le confronta avec
310 MERCVRE
fil cette Femme, pour fçavoir fi la
Pierre eftoit la mefme dont il
avoit entendu parler. Il dit que
oùy , qu'il avoit crû qu'onfe contenteroit
de cela, & que par ce
moyen il auroit efté exempt de livrer
la veritable ; qu'il l'avoit
enterrée en un autre endroit, &
que fi on luy donnoit la liberté
de l'aller chercher luy - mefme
avec efcorte , il eftoit affuré de la
trouver. C'est ce qu'on ne luy
voulut point permettre dans
l'appréhension que l'on eut qu'il
ne s'échapaft . On ne laiffa pas
d'aller au lieu qu'il avoit marqué;
maispour la fecondefois ce
GALANT. 34"
furent des pasperdus. Onfe faifi
du Coufin germain du Payfan,
Preftrefervant à la Paroiffe, qui
luyfoûtint qu'il eftoit vray qu'il
avoit la Pierre, & qu'il nepou
voit refufer de la donner. Apres
cette confrontation on lesfepara,
& l'on conduifit le S Boucquin
fon Parent, qui eft celuy qui avoit
négotié cette affaire avec
plufieurs, à la Citadelle du Pont
S. Esprit , & le Paysan à celle
de Chalons, où il est encor. On
a des dépofitions de plus de qua
tre- vingts Perfonnes dignes de
foy , qui ont veu & diftingué
ces Animaux volans , portant
a
312 MERCVRE
leurs Pierres entre leurs dents,
depuis mefme que le Dragon a
efté tué,& qui affurent avoirtn.
tendu dire au Payfan qu'il avoit
la Pierre. Il a encor fait un
troifiéme Billet pofteritur aux
miens, à un Bourgeois de ce Pays
là , par lequel il s'engage à ne
fe défaire de cette Pierre qu'entre
les mains de Sa Majesté, ou dé
M de Louvoys . Voila, Monfieur,
tout ce que vous peut dire
furcette affaire vostre très dire
Sc.
DE BELMONT
J'avois cru que le vray
Mot de la feconde Enigme
andu.
GALANT 313
du dernier Mois, ne pourroit
eftre trouvé , mais rien n'échapa
à la penétration de
ceux qui fe divertiſſent à ce
jeu d'efprit . Le Fils du Fort
Maftin d'Abbeville a expliqué
ainfi la premiere dans
fon veritable fensagján
M Ercure eft devenu Joueur,
C'eft en vain qu'il en fair une affaire
Com fecrere.
Euffiez- vous jamais crû qu'il eust
efté d'humeur
Atenir chez luy la Baffeter

THE CORM
20 Plufieurs Perfonnes ont
trouvé ce mefme Mot de
Dd Fevrier 1681.
24 MERCVRE
la Baſſere, Ge font M- Blan¬
chard, de Chasteauroux De
Gifeustody Pais d'Anjou ; I
Le Chevalier du Gatuléz du
Ponteau- de- mer , Clarer, de
Roüent ; D, Laurene Raguienne,
Prieur de Bethune;
Ha... du Mefail, de Cham.
brais en Normandie , Le
Hot, Avocat à Caën ; Daurould,
Bachelier en Sorbonne
, d'Abbeville , Hutuge,
d'Orleans ; Le Solitaire de
Gimbrois lez Provins , Les
gays Paftoureaux de la Ruë
S. Antoine , Le Solitaire de
la Porte S. Michel , Samfon,
GALANT 215
d'Abbeville , Le Rat du Par
naffe, du Cloitre S.Mederic,
L'Inconftant de profeffion,
Le Sincere Herminius , Le
Solitaire de la Rue Caffete;
Le Perroquet des Muſes,
L'Aimable Euterpe ; LAmante
fans amour , La Belle
Reclufe , Plautine la cadete ;
La petite Silvic de la Rue
de Bouret à Morlaix . Elle
a eſté expliquée en Vers par
M's Gardien, Le Chevalier
Lamplicourt , de Rouen ,
Buillon Avocat en Parlement,
De P. le J. Selfrie de
S. Jofeph , d'Andely en Ve
Ď dvij
de
M
316 MERCVRE
xm ;! L'Amant delda Belle
Poëtevine , Le grand Coureur
de Sermons L'Amant
de la charmante Mademoit
felle de la G. de Rouen , Le
Reclus d'Aunoy? lez Provins
L'Inconnu d'Argenton
- Chaſteau , L'Amant inconnu
de la belle Philis de
Roüen ; L'Albaniſte de la
meſme Ville ; Le Solitaire
de la Rue des Arcis Philonice
, & Paquete. Ind
On a expliqué cette mefme
Enigme fur la Guerre,
le Duel , la Fortune , le Sort,
le Poifon le Hoca,& la Comédie
Burleſque
.
7
2
GALANT. 317
L'Explication
de l'autre
Enigme, dont le Mot eftoit
le monofyllabe On , eft dans
les Vets que vous allez voir .
Ils m'ont efté envoyéz au
nom du Soleil du Quartier
S. Medericoɔn
! I am y
Nvitdans tous les lieux, On
eft dans tous les tempss Ο
On a pris toutefois fon origine en
France.
On femeflepartout avec toute affu
rance,
SAW
On parle librement des Petits &
des Grands .
S&
Tous les Philofophes antiques
Dont vous voyez remplirles plus
rares Boutiques, a
Dd iij
318 MEROVRE
Ces fameurs Orateurs que l'on voit
aujourd'huy, s tem
N'en ontjamais tantfewque luy.
ى ف
Sa fcience eft univerfille,
Maw il nefaitparler qu'en langage
Il écrit, fait, & dit cent chofes
lafois,
Thapporte de tout la premiere nou-
The velle,pasDA
Aux plusfçavansDocteurs, aux plus
rares Efprits,
Il donne de la tablature,
Et vous- meme, Galant Mercure,
Vous vousfervez fouvent de cet On
queje dis.
25
Mais vous ne faites pas ( vous:
avez raison)
"GALANT! 319
› Comme ces langues indifereres,
Quipourfaire éclater des Intrigues
paidfecretes,wha
Difant ce qui leurplaiſt ,ſe déchargentfur
On... d
Mademoiſelle F. Bouvard
de Chartres , a trouvé ce
mefme Mor, aufli bien que
M" de Lifle Tréſorier ancien
des Gardes duCorps duRoy;
L. Boucher, ancien Cure de
Nogent le Roy , Formentin
& Caudron , d'Abbeville,
qui ont tous expliqué cette
Enigme en Vers . La Gazete,
le Mercure Galant , la Renoml'Enigme
, font d'au-
D` d iiij
mée,
320 MERCVRE
tres le
rs
es fens qu'on
luy a donnez
. M™ Regnier
, & Coquillart
Bourguignon
, ont trouvé
celuy
de lune
& de l'au-
35 eup oblarsk
tre. 2 ) 35 sup
by Je vous en envoye deux
nouvelles, dont la premiere
eft de M de Gramont de
Richelieula ajo f, bil
ENIGME.....

OusfommesplufieursSoeurs
enfemble,
Sans quepas - unefe reffemble,
Quoy que nous avons mefmefort.
L'une parle toujours diféremment
de l'autres
Cependant il n'eftpoint d'accord...
GALANT: 320
Qu'on puiffe comparer au noftre..
25
Noftre deftinpourtant eft tellement
bizare,
Et noftre avanture firare,
Que telle qui de fes beaux doigts
N'ofoit nous toucher autrefois,
Tant elle eft propre & délicate,
Sans craindre de fefaire tort,
Tantoftavecplaifir nousflate,
Tantoft fe divertit à nous batre bien
fort.
WM25
Pendant le vivantde nos Peres,
Noussommes en mauvaise odeur;
Maisfi-toft qu'ilsfont morts , par
un rare bonheur,
D'officienfes mains nous tirent de
miferes,
Ét nousfont acquérir une telle dou
ceur,
322 MERCVRE
Que nouspouvons charmer les coeurs
les plusfeveres
AUTRE ENIGME.
ADmi Dmirez mon étrangefort;
Je faisdonner la vie, & puis caufer
la mort..
Demon corps, s'il eft plein, naist la
crainte & lajoyes
S'il eft vuide, il réduit les plus gays
aux abois. 1
Toutefois, s'il faut qu'on m'en
croye,
L'emprisonnefouvent les Princes &
les Roys.
Se
M
Mon corps n'a que la peaus quoy que
fans os, fans chair,
L'on le met aux liens, pour me tenir
efclaves


GALANT. 323
Si par la foye & lor on me veut
rendre brave,
On prendgrandfain de me cacher ;
Car Mercure quifait tous les tours
defoupleffe,
Par lesfiens mepourfuitfans ceffe,
Etfait, s'ilspeuvent m'approcher,.
Sur moytriompherfon adreffe.
C'eftbien piss'ilsfondentfoudain
Sur moy les armés àlamain. 13
Quant à l'Enigme en figure
, vous voyez icy deux
Géans repréſentez , l'un &
l'autre armé de Coutelas,
& un Nain qui s'eft jetté fur
les gardes de leurs armes,
qu'il femble avoir deffein
d'arrefter. Je llaaiiſfſfee à vostre
324 MERCVRE
curiofité d'en chercher le
Mot .
M' Nau Confeiller
de la
Troifiéme des Enqueftes,
eſt mort fort riche , & fans
Enfans. Il a fait les Pauvres
fes principaux Heritiers , &
en nommant Mr le Boultz
Confeiller en la Grand
Chambre
fon Executeur
teftamentaire
, il luy a laiffé
vingt mille livres.
**
Nous avons perdu un des
plus grands Hommes de
l'Ordre de S. Dominique,
par la mort du Pere Gonet,
arrivée à Beziers lieu de fa
GALANT. 325
naiffance le 24. de l'autre
mois. Sa Theologie luy avoit
une tres- haute répuacquis
une tresgers,
tation dans les Païs Etran
& fur tout à Rome, ou
i eftoit extrémement eftimé.
Auffi Mª l'Evefque de
Beziers , convaincu de fon
mérite , ordonna à tous les
Religieux d'affifter en Corps
à fon Inhumation . M's du
Préfidial de la mefme Ville,
& les Confuls , s'y trouverent.
Ce qu'on admire dans
fes Ouvrages, eftune grande
netteté d'efprit, & une profondeur
de fcience extraor
326 MERCVRE
edu
dinaire. Ils fevendent à Paris
chez le S ' de Luyne , au Pa
lais , à laJuſticefto allsupul
J'ay encor à vous apprent
dre la mort de M' de Célan,
Major General de l'Armée
du Roy , & Major du Regi
ment des Gardes. C'eftoit
un Gentilhomme du Païs
de Forefts, qui s'eftant donné
à la Profeffion des Armes
dés fa plus tendre jeuneſſe,
parving par fes fervices &
par ſon courage, à eſtre fait
Capitaine dans le Regiment
de l'Alteffe. Depuis faré
putation le fit pourvoir de
GALANT. 327
la
la Charge de Lieutenant au
Regiment des Gardes , de
laquelle eftant monté à celle
de Capitaine dans le meſme
Regiment , fon mérite luy
attira l'eftime de Sa Majefté
& de feu M' de Turenne. IP
ſervoit en Allemagne ſous
ce fameux General en qu
qua!
lité d'Ayde de Camp en
1674. &- ayant elle commandé
par
luv baut recon-
*
noiftre Saintzim avec un
Détachement d'Infanterie,
il en commença l'Attaque,
& l'acheva glorieufement
par la prife de ce Polte. En
328 MERCVRE
1676. le Roy luy donna le
Gouvernement
de Condé,
Ville frontiere
voifine de
Valenciennes
, qui avoit befoin
d'un Homme
d'une en
tiere vigilance
. L'année
ſuivante,
Sa Majefté ayant fait
la conquefte
de Cambray
,
le fit Gouverneur
de cette
importante
Place. Pendant
les quatre années qu'il a poſ
fede ce Gouvernement
, il a
gagné l'eftime & l'affection
non feulement
de toute la
Ville,
ille, mais auſſi de tout l'Etat
de la petite Province
du
Cambrefis
. Il y a veſcu avec
GALANT 329
une déferece honnefte pour
le Clergé, La Nobleſſe a
trouvé un accés favorable
aupres de luy à toutes les
heures ; & les Bourgeois de
Cambray, auffi - bien que les
Paifans du voifinage , l'ont
confideré comme un Protecteur
toûjours preft à les
entendre . Il est mort au
commencement
de Fevrier,
pleuré de tous les Ordres de
la Ville, & a laiffé le Portrait
du Roy à M' l'Archevefque
de Cambray , des mains de
qui il avoit reçeu les Sacremens
; & à Mª de Dreux ,
Fevrier 1681. Ee
1330 MERCVRE
Lieutenant de Roy de la
mefme Ville , un de fes Carroffes
, avec un Attelage de
fix Chevaux . Son Gouver
nement vient d'eftre donné
à M ' le
bron de Mont
dont les fervices font
connus de tout le monde.
Il a commandé la Seconde
Compagnie des Moufquetaires
olgend 5 motaegn
Comme M de Célan ef
toit demeuré pourveu de la
Majorité du Regiment, des.
Gardes, le Roy en a gratifié
M d'Artagnan , Neveu de
feu M' d'Artagnan , qui a
E GALANTO
??1
comandé la Premiere Com
pagnie des Moufquetaires,
& qui fut tué en le figna-
Jana Siege de Maltric .
Le Neven le montre digne.
Heritier du courage & de la
condaire de l'Oncle. Il ef
toit un des Aydes Majordes
Gardes , & s'eft fi bien .
acquité des fonctions qui
regardent cet Employ, qu'il
a obtenu la Majorité
* L'attachement de M' le
Comte Bardi Magalotti pour
le fervice du Roy dans fon
Gouvernement de Valenciennes
, ne pouvant luy per.
Ee ij
232 MERCVRE
mettre de garder la Lieute
nance Colonelle des Gardes,
elle farefté donnée à Mrde
Rubantel , Capitaine raux
Gardes . Ce nom eft connu,
ainfi que lezele que tous
ceux qui l'ont porté ont fait
paroiffre pour le fervice du
Roys no hump ) , orenet
M de Cafaux qui avoit
cfté nommé au Gouvernement
de Thionville , n
point jouy de cette avantage
. La mort l'a furpris dans
temps qu'il en alloit pren
dre poffeffion . Ce Gouver
nement a efté donné depuis
Je
n'a
*
1
GALANT 333
C
peu de jours àM' Defpagne,
Lieutenant de Roy de la
meline Villeby baclongtemps
qu'on le voit dans le
fervice.laefté Major dans
le Regiment de la Ferté. On
ne peut manquer de fe rendre
habile dans le métier de
la Guerre , quand on a fervy
fous un aufli grand Maiftre
que M le Maréchal de la
Ferté. Auffi M Defpagne
s'eftoit-il toûjours fi avantageufement
diftingué , qu'il
avoit mérité par la valeur &
par fa conduite, de commander
dans Bomel, dans Gray,
& dans Dole.
334 MEROWICE
Madame la Dauphine qui
n'avoit point encor veu la
Foire de Saint Germain , 9
alla Mardy dernier apres
avoir dîné au Palais Royal,
où Son Aleffe Royale traita
Monſeigneur le Dauphin .
Ce fut de là que ce jeune
Prince,accompagné de cette
Princeffe , de Monfieur, de
Madame , & de Mademoi
felle , fe rendirent chez M
Malo pour la Repréfenta
tion & les Intermedes en muique
de la Comédie d Amhitrion
, dont je vous ay déja
parlé dans cette Lettre . On
GALANTA 335
leur fervit une fuperbe Collation
dans
quarante Cor
beilles d'argent. Toute cette
augufte Cour n'en fut pas
moins
fatisfaite que du com
pliment de M Malo, Con
feiller au Parlement de Mets .
Ils font trois Freres , dont
l'un eft Confeiller à la
Grand
Chambre , & l'autre
Abbétam ab 3 (
ansbiM
Le Roy qui aime à récom
penfer les Perfonnes
de Let
tres & de Verru , auffi - bien
que ceux qui le fervent dans
fes Armées , eftant informé
du mérite / fingulier de M

336 MERCVRE
Picot , Docteur & Profef
feur de Sorbonne , luy a
donné depuis peu l'Abbaye
d'Hermieres à dix lieues de
Paris. C'eft un Homme
d'une érudition profonde,
& qui mene une vie tresexemplaire.
Sa Majefté a auffi donné,
fur la Nomination de Monfieur,
l'Abbaye de Braine à
M ' l'Abbé Merille. Comme
il poffe doit celle de la Court-
Dieu , illa remife entre les
mains de S. A. R. qui en a
gratifié M. l'Abbé Fages
Docteur de Sorbonne, l'un
de
GALANT. 337
de fes
Aumôniers de quartier.
L'Abbaye
de Braine
eft fituée dans le Bourg de
ce nom entre Filmes & Soif
fons , dans le Duché de Valois.
Elle eft de l'Ordre de
Prémontré.
M' le Chevalier des Gouttes
, Commandant l'un des
Vaiffeaux de Sa Majefté, fit
fes Voeux au Temple ccs
jours paffez, entre les mains
de Mile Bailly Colbert, qui
luy donna l'Habit . Mle
Chevalier de Noailles luy
mit l'Eperon d'or.
M. l'Evefque d'Aire, cy
Fevrier 1681. Ff
338 MERCVRE
devant Abbé de Fromentieres ,
avoit efté choify pour précher
devant Leurs Majeftez,trois fois
la femaine pendant le Carefine ;
mais une indifpofition ' impréveuë
ne luy ayant pas permis de
fatisfaire à ce glorieux employ,
& tous les bons Prédicateurs
eftant choifis pour remplir les
Chaires de Paris , le Roy qui
n'en a voulu ofter aucun tout à
fait à fes Sujets , en a nommé
plufieurs qui prendront tour à
tour la place de ce Prélat . Ces
divers Prédicateurs qui doivent
précher à S. Germain , font le
Pere GaillardJefuite ( il y précha
Dimanche dernier avec
grand fuccés; ) le Pere Chauffemer
, Provincial des Jacobins ,
le Pere Baudran , le Pere MeGALANT-
339
K.
st
*
neftrier, le Pere Patouiller, tous
trois Jefuites , le Pere Hubert,
Preftre de l'Oratoire; Dom Jean
de S. Laurens , Feuillant , M
l'Evefque d'Autun . M l'Abbé
de Brou- Feydeau , Aumônier du
Roy , doit précher le jour de la
Cene , & M' l'Evefque de Condom
, le jour de Pafques.
On fait une Loterie à S. Germain
, qui ne devoit estre que de
deux cens mille francs ; mais l'exacte
fidelité qui s'y obferve ,
ayant obligé un tres-grand nombre
de Particuliers à y porter de
l'argent , on a efté obligé de la
faire de cent mille Ecus . Elle feroit
peut eftre d'une fomme
encor plus confidérable , fi on
vouloit toûjours recevoir. Le
gros Lot fera de cent mille
340 MER GAL.

francs.Je vous le fouhaite fi vous
y avez envoyé de l'argent, comme
ont fait beaucoup de Per
fonnés de Province , & fuis
voftre , & c.
A Paris ce 28. Fevrier 1681.
Dans l'Article de ma derniere Lettre
où il eft parlé des Commanderies de
S. Lazare, Page 38. ligne 4. au lieu de
M. le Comte du Luc , Capitaine de
Vaiffeau , lifez de Galere. Dans la
mefme Page , ligne 6. au lieu de M.
Isangoulin, lifez M. de Cogolin . Page
44. ligne 11. au lieu de M. Daiffe,
Moufquetaire Blanc , lifez Moufquetaire
Noir, Page 49. ligne s . au lieu dé
M. de Guigneville , Capitaine Refor
mé dans Sainte- Maure , lifez M, de
Guigneville , Major de Lichtemberg
en Alface,
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le