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1681, 01, t. 13 (Extraordinaire) (Lyon)
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EXTRAORDINAIRE
DU 807157
MERCURE
GALAN T.
QUARTIER DE JANVIER
168 1.
LYON
# 1893
ME XIII.
À LYON ,
Chez THOMAS AMAULRY,
ruë Merciere.
M. DC. LXXXI.
AVEC PRIVILEGE DU ROY
1
L
Avis pourplacer les Figures.
A Figure où eft reprefentée la Cafa
Real de la Zarzuela , doit regarder
la page 113.
La Figure où eft repreſentée la Cafa
Real de Pardo , doit regarder la page
222
J
Le Libraire au Lecteur.
E vous envoye, cher Lecteur, le
treiziéme Extraordinaire , où
Vous y trouverez un Traité fur
l'Eſcarboucle , avec un Catalogue
des trois Mois à l'ordinaire.
Tous ceux qui envoyeront des Pieces pour
le Mercure ou Extraordinaire qui ne payeront
pas les ports, leurs Ouvrages n'y feront pas mis,
& on y doit prendre garde. Les Mercures
fe vendront toûjours , fçavoir ceux de 1677 .
pour 12. fols le volume. Ceux de 1678. 1679 .
1680. & 1681, pour 20. fols ; & les Extraordinaires
pour 30 fols chaque volume.
LIVRES NOUVEAUX
des Mois de Janvier, Fevrier, & Mars 1681 .
L
Es Satyres de Juvenal , indouze , 2. vol .
Traduction nouvelle.
Memoires touchant le Mariage de Charles I I.
Roy d'Espagne avec la Princeffe Marie- Louife
d'Orleans, indouze.
Histoire de Dom Quichot de la Manche , Traduction
de ces Meffieurs , indouze, 4.vol . de mon
impreffion, s . livres .
Les Amours de Catulle de l'Abbé la Chapelle,
indouze, 4. vol. 5o.fols.
Legrand Soliman , Tragedie, 12. 15.fols.
L'Eglife Romaine , reconnuë toûjours des Lutheriens
des Pretendus Reformez pour vraye
á ij
Eglife de JESUS - CHRIST , en laquelle, chacun
peutfairefon falut, in- octavo, 30. fols.
Inftitutiones Juris Canonici par M. de Roye,
imprimé par ordre de M.le Chancelier, 12. 40f.
Heures nouvelles, imprimées par ordre de Ma
dame la Dauphine, 18. en maroquin, 45. fols.
Les Satyres de Juvenal, 12. 2.vol . de la traduction
dufçavant M. de la Valtrie, 12. 2.v. 5.1.
Lesfaux Divertiffans de M.Poiffon , 12. 15.fols.
La Comedie de la Comete , indouze, 15. fols!
Plaidoyez de M.Jofeph Barrel , fur une inftitution
univerfelle faite par un Pere enfaveur de
l'Eglife des Peres Iefuires , inquarto, 20.fols.
Instructions Chreftiennes fur les Miſteres de N.
Seigneur JESUS CHRIST, nouvelle Edition , au
gmentée& corrigée en beaucoup d'endroits , inoctavo,
vol. 18. livres .
Moyen defeguerir de l' Amour , Converfation
galante, indouze, 20. fols.
Traité du Droit de Chaffe, indouze , 20.fols.
Zaide Tragedie par M. l'Abbé de la Chapelle
Autheur des Amours de Catulle , 12. 15.fols.
·De Marca Opufcula, in - octavo, 3. livres.
Cofmographie aisée, contenant la Sphere, l'uſage
du Globe terrestre, & la Geographie en faveur de
de la Nobleffe, indouze, 30.fols.
La Vie du Pere Charles Spinola de la Compagnie
de Jesus , in douze, 25.fols.
La douce fainte Mort, par le Pere Craffet de
la Compagnie de Jesus , indouze, 30. fols.
La Science & la pratique du Chrestien par
Monfieur Boudon , indouze, 15. fols.
La Philofophie des Gens de Cour , indouze.
Le Medecin d'Armée, indouze,
EXTRA
་་་ ་་་
EXTRAORDINAIRE
DUE
DE
MERCURE
GALANT
QUARTIER DE JANVIER 1681 .
TOME XIII.
OICT, Madame , la
treiziéme Lettre Extraordinaire
que je
vous écris , depuis que
j'ay commencé à faire un Recueil
pour vous des galans Ouvrages que
me donne le Public. Ie ne doute point
Q. de Janvier 1681 . A
2 Extraordinaire
quecette Année , dont nous achevons
le premier Quartier, ne mefoit auffi
heureuse pour ces fortes de Recueils ,
que me l'ont efté les trois precédentes.
I'ay d'autant plus lieu de m'en
flater, que trouvant accés dans toutes
les Cours où l'on entend noftre
Langue , ils yfont receus affez favorablement
pour engager les Etrangers
mefmes à travailler fur les
matieres
que l'on y propofe. La
Dame , qui fous le nom de la Solitaria
del Monte Pinceno , m'a
fait la grace depuis plufieurs Mois
de me donner des nouvelles de ce qui
Sepaffe deplusremarquable
à Rome,
m'a envoyé fes Réponses fur deux
Questions de l'oniéme Extraordinaire
; & commefa Lettre finit par
un Article où vous avez intereft,
ilfera bon que vous la voyiez entiere.
C'est par elle queje commence
la mienne.
A
du Mercure Galant .
3
A Rome ce 18. Dec. 1680 .

E ne fçay , Monfieur , fi la peur que
me caufa le Songe dont je vous
écrivis les particularitez dans ma Lettre
du 4. de ce Mois , a efté capable de me
faire tomber malade. Quoy qu'il en foit,
j'ay efté tourmentée depuis ce temps là
d'une petite fiévre lente , qui ne m'a
quittée que depuis deux jours. J'ay pris
auffitoft la plume pour vous écrire , &
répondre à la premiere & à la troifiéme
des Queftions propofées dans l'Extraordinaire
du Quartier de Juillet.
Si un amour fecret recompenfé de
faveurs, eft à preferer à un amour
d'éclat qui donne de la gloire
fans aucun plaifir.
iconque ale coeur ambitieux , &
fe contente d'un bien imaginaire,
préferera fans- doute un amour d'éclat,
qui donne de la gloire fans aucun plaifir,
A ij
4
Extraordinaire
celuy qui feroit recompenfé de faveurs
fi on le tenoit fecret. Ce n'eft pas
affez pour un Amant d'eftre heureux ,
dira- t- il , fi fon bonheur ne paroiſt aux
yeux des autres. Eftré crû favorifé d'une
Belle , quelque indiférente qu'elle foit,
eft quelque chofe de plus agreable, que
de l'eftre en effet fi perfonne n'en a
connoiffance . Un honnefte Homme eft
né pour la gloire , & non pas pour les
plaifirs. Il doit au moins conferver une
partie de fa liberté à quelque prix que
ce foit , & ne pas ramper en Efclave aux
pieds d'une Maiftreffe , & attendre du
fecret qu'on luy prefcrit, & qu'il promet
de garder, des faveurs qui ne font deuës
qu'à fon amour . Quelle gloire pour un
Amant , de faire connoiltre qu'il a pû
toucher le coeur d'une Belle , & qu'il
l'a rendu fenfible à fa paffion ! Que
peut-il faire qui foit plus capable de luy
gagner l'eftime des honneftes Gens ,
qu'en faifant voir qu'une Femme d'eſprit
, dont la vertu luy avoit fait ignorer
jufqu'au nom mefme de l'amour, fe
foit laiffé vaincre à fon merite ? Un
Homme au contraire dont l'efprit eft
plus
da Mercure Galant.
plus tranquille , & moins ambitieux,
préfere ailément des plaifirs folides à
ceux qui ne le font qu'en apparence , &
trouve plus à propos de garder le fecret,
& de mériter par fon obeïffance les faveurs
qu'on veut bien luy faire , que de
fe laiffer éblouir à l'ombre d'une gloire
imaginaire , & le mettre en danger de
s'attirer fon indifcretion par un mal capable
de ruiner entierement fa fortune
encor mal établie. Il fonge que cette
fortune peut eftre d'autant plus facilement
renversée , qu'elle n'eſt ſoûtenuë
d'aucunes faveurs , & qu'une Maiſtreſſe
qui n'a rien à fe reprocher du cofté de
fon Amant , & dont la vertu a toûjours
fervy de regle à fes actions , eft difpofée
à changer au moindre fujet qu'il luy
en donne. Vous voyez , Monfieur , que
l'un & l'autre a fes taifons. Je ne puis
prononcer pour aucun d'eux fans me
rendre fufpecte. On fçait que les Femmes
aiment le fecret dans leurs plaiſirs,
& que rien n'eft plus capable de leur
faire tort que ce qui fait bruit. C'eft
qui doit obliger un Amant qui veut témoigner
de la complaifance à fa Maî
A iij
6 Extraordinaire
treffe , & venir à bout de toucher fon
coeur, à ne fe point laiffer entefter d'une
vaine gloire , & à préferer d'agreables
& fecretes faveurs , à un éclat qui ne
donnant aucun plaifir , peut caufer des
fuites fâcheufes pour l'un & pour
l'autre.
Si
pour une liaifon de tendreffe , il
eft plus agreable de s'attacher à
une Perfonne de feize ans , qu'à
une de trente.
L'A
'Amour fe nourrit de tendreffe . Cet
Enfant aime le jeu , la bagatelle , &
fe plaift à mille petites badineries , qui
ne font gueres le fait d'une Femme de
trente ans. Une Fille qui n'en a que
quinze ou feize , eft ce qu'il luy faut.
C'est un jeune coeur dont tous les mouvemens
font tendres ; qui n'a que fon
plaifir dans la tefte , qui rit , qui chante ,
qui danfe , & dont la mélancolie ne
vient jamais alterer la joye. Que peuton
fouhaiter de plus agreable pour une
liaifon de tendreffe ? Qui s'attache à ce
bel âge , s'attache bien . Un Amant qui
caufe
du Mercure Galant , 7
cauſe à cette jeune Beauté les premiers
transports de l'amour , outre fon plaifir
particulier, a la gloire d'avoir triomphé
le premier de ce jeune coeur , & de luy
avoir enfeigné fans peine la chofe du
monde la plus charmante. Il s'aplaudit
de fon choix , & de fes petits foins , &
goûte dans fa victoire ce que l'amour
peut faire fentir de plus délicat. Mais
pour toucher le coeur d'une Femme de
trente ans, il faut bien d'autres mifteres.
Il faut fouffrir quelquefois de l'indiférence.
Il faut effuyer milles chagrins , &
fouvent celuy d'avoir un Rival plus favorablement
écouté. Il faut enfin le
rendre fujet aux caprices d'une Femme
qui croit fçavoir beaucoup , parce que
fon âge luy donne quelque expérience,
& qui connoiffant tout ce qu'elle a de
mérite , prétend faire la fortune d'un
honneſte Homme en luy donnant place
en fon coeur , dont les mouvemens n'ont
plus toutefois cette délicateffe , & ces
tranſports fi neceffaires à l'amour . Pour
moy je tiens que cet âge eft plus propre
pour un commerce d'efprit , que pour
une liaiſon de tendreffe , puis que celle-
A iiij
8 Extraordinaire
cy ne demande aucune experience , &
fe fatisfait d'un coeur tout neuf ; & que
l'autre au contraire a befoin d'un âge
plus avancé , qui luy fourniffe des lumieres
capables de l'entretenir.
Si je n'ay pas pris le bon party, & fi
mes raifons font foibles , je fuis excuſable
. C'est l'effet d'une petite maladie . Il
eft difficile que l'efprit ait de la force
quand le corps eft affoibly , & particu
lierement dans une Femme , qui n'a jamais
, à ce qu'on dit, beaucoup de folidité.
J'aurois écrit fur la feconde des Queftions
du même Extraordinaire,fi j'avois
eu plus de temps , & j'aurois conclu infailliblement
, que l'on doit aimer l'efprit
, avant que de fe laiffer charmer de
la beauté. Je le connois par ma propre
experience , & je fais gloire de vous
avouer que je me fens un panchant tout
extraordinaire pour cette belle Dame
à qui vous écrivez tous les Mois , &
que j'admire la vivacité de fon efprit
dans plufieurs belles difficultez , qu'elle
témoigne vous propofer de la part de
fes Amies, mais qui font affurément les
Gennes .
du Mercure Galant.
9
fiennes. Une preuve de ce que je foûtiens
, c'est qu'un éloignement de plus
de trois cens cinquante lieuës , n'empefche
pas qu'on ne foit charmé , comme
je le fuis , de l'efprit d'une Femme,
& que le bruit que fait la Beauté,
n'infpire pas auffitoft de l'amour , mais
feulement une fimple curiofité de la
voir.
On a découvert depuis cinq ou fix
femaines une Comete fur noftre Horifon.
Vous la verrez reprefentée dans la
Planche que je vous envoye , & qui a
efté gravée depuis trois ou quatre jours
feulement ; mais ce que l'on a trouvé
d'extraordinaire , ce font trois Oeufs de
diférentes Poules , dans lefquels on voit
diftinctement les mefmes Signes que
Vous pouvez remarquer dans cette
Planche. C'eft une chofe curieuſe , &
qui mérite l'application de vos Sçavans.
Je fuis voftre , &c.
LA SOLITARIA DEL
MONTE PINCENO .
A V
10 Extraordinaire
SENTIMENS SUR TOUT
ce qui est proposé dans le dernier
Extraordinaire.
Lequel eft le plus à plaindre , ou
un Mary jaloux , ou la Femme
d'un Mary jaloux .
L
LE Mary peutfans rien craindre,
S'éloigner de fa Femme , & courir en
tous lieux ;
Mais elle est toujours fous ſes yeux,
Et bien plus à plaindre,
Qu'il n'eft malheureux.
Lequel doit eſtre eftimé le plus
malheureux , ou l'Aveugle né,
ou celuy qui a perdu la veuë.
II.
Ve le fort de l'Aveugle eft triste
& déplorable ! Q
Qu'il
du Mercure Galant . II
Ce
Qu'il me paroift infortuné !
Cependant le plus miferable
N'eft pas l'Aveugle né.
que doit faire une Belle qui
eft preffée de fe déclarer par
deux Amans,dont l'un a beaucoup
d'amour & peu de mérite
, & l'autre beaucoup de mérite
avec peu d'amour.
II 1.
'Engageante Vacefmonde
Pourroit trouver dans le monde
Mille Amans comme il luyfaut ;
Elle dira le contraire,
Mais c'eft fa vertu fevere
Qui leur trouve du defaut.
De l'Origine de la Chaffe .
A
I V.
Parler comme il faut de ce noble
Exercice ,
Aimé
I 2 Extraordinaire
Aimé par tout avec juſtice,
Qui pourroit l'avoir inventé,
Si ce n'eft leplaifir , on la neceffité?
De la Superftition , & des
Erreurs populaires.
DE
V.
Epuis la chute des Anges reprouvez
, ces Miferables animez de rage
contre leur Createur, luy déclarerent.
une guerre immortelle ; mais voyant
bien qu'avec tous leurs efforts ils ne
pouvoient donner aucune atteinte à fa
parfaite felicité , ils chercherent du
moins à fe faire des compagnons dans
leur effroyable malheur . Adam avoit
efté creé à l'image de fon Createur , &
ce premier Homme toûjours heureux.
das l'état d'innocence, auroit ignoré juſqu'aux
termes de peine ,de douleur, & de
tourmés , fi le Diable par fa noire malice
ne l'eût obligé à pecher contre fon Maî
tre & fon Bienfaicteur , & en le rendant
coupable, ne luy eût fait meriter la mort
eternelle. I
du Mercure Galant.
13
Il eft à croire que l'Impotteur s'applaudit
de cet avantage que Dieu voulut
bien luy permettre de remporter, & qu'il
eut alors quelques legers fentimens de
plaifir ; mais qui pourroit s'imaginer fa
confufion, lors que Dieu prononça que
la feméce de la Femme briferoit la tefte
du Serpent ? Si toft qu'il eut ouy ces paroles,
fa haine & fa fureur redoublerent
contre l'Homme, & le regardant comme
l'unique but où devoient porter tous les
traits, il n'eft rien depuis qu'il n'ait tenté,
& qu'il ne tente encor tous les jours,
pour le faire tomber dans le precipice.
C'eft luy qui pouffa le déteftable Caïn
à tremper fes mains parricides dans le
fang du jufte Abel fon Frere . C'eft luy
qui par les feux impurs qu'il alluma
dans le coeur des Habitans de Sodome
& de Gomorre , attira fur eux la colere
du Ciel , & caufa leur ruine & leur defolation
entiere. Mais pourquoy vouloir
entrer dans le détail de tous les maux
qu'il a faits ? Ne fuffit- il pas de dire
que c'eft luy qui a détourné les Homines
du fervice du vray Dieu , pour luy
fubftituer celuy des Idoles & des fauffes
Divini
14 Extraordinaire
Divinitez ? D'où viennent ces épaifles
tenebres qui empefchent tant de Nations
de reconnoiftre ce vray Dieu ,
dont la creation de l'Univers preſche ſi
hautement l'effence & la perfection , ſi
ce n'eft du Prince des tenebres ? On
apprend par les Relations des Indes
qu'il tourmente d'une maniere rigoureufe
& cruelle les Peuples de ce Païslà
, & que leurs aufteritez paffent toute
imagination. Celles des Religieux
Turc, quoy que moindres , font neantmoins
étonnantes , le Pere du menfonge
perfuadant à ces pauvres Aveugles que
la vraye pieté confifte dans ces fortes de
chofes , & que c'eſt par là feulement
qu'ils peuvent s'acquerir le bonheur de
l'autre vie .
La Religion des Payens eftoit toute
extérieure , & pleine de mille fuperſtitions
, dont prefque toutes les erreurspopulaires
tirent leur origine . Ils s'arreftoient
fcrupuleufement au vol des
Oyfeaux , à leur chant , au marcher de
plufieurs Beftes, & faifoient confcience
d'en tuer & d'en manger. L'on épargne
aujourd'huy les Roffignols & les Hirondelles
,
du Mercure Galant.
delles , parce qu'on s'imaginoit autrefois
que des Femmes avoient efté changées
en ces Oyfeaux , & l'on s'abſtient
de la chair de plufieurs Animaux par la
mefme raiſon.
Si une Pie vient de fon fatiguant
caquet importuner quelqu'un , ayant la
tefte tournée de fon cotté , elle luy apporte
, dit on , de bonnes nouvelles ,
autrement elle luy en apporte de méchantes
. La rencontre d'une Belette qui
traverſe le chemin , eft d'un finiftre
préfage. Celle d'un Serpent qui le traverfe
fans qu'on le puiffe tuer , marque
que l'on a des Ennemis fous la haine
defquels on doit fuccomber. La veuë
d'un Corbeau étonne ; celle d'un Hybou
épouvante , le cry d'un Orphraye fait
fremir d'horreur. De treize qui feront
à une mefme Table , quelqu'un mourra
dans l'année ; mais de vingt- fix , il n'en
mourra aucun , parce fans- doute
que le
nombre en eſt une fois auffi grand . Il
ne faut pas oublier icy la Saliere renvérfée
, la Chemiſe donnée à l'envers ,
les Songes , la foy qu'on y ajoûte , &
l'explication qu'on leur donne . Je ne
parle
16 Extraordinaire
parle pas des Songes particuliers & divins
, mais feulement des ordinaires,
lors que l'imagination rappelle dans
l'efprit les idées des objets du jour , &
de ceux qui ne font que de fimples
effets de la crainte & de l'efpérance.
Toutes ces erreurs , & beaucoup
d'autres femblables , ne devroient jamais
faire aucune impreffion dans l'ef
prit des Chreftiens , mais ils devroient
fe defabufer principalement de celle
qu'ils ont de vouloir des objets fenfibles
d'adoration dans une Religion toute
de foy , fi fimple & fi pure. Les Do-
&teurs parlent, prefchent, & crient contre
cet abus ; le Peuple naturellement
fuperftitieux , ne peut s'en défaire , &
tres exact dans la pratique des choſes
extérieures , la plûpart vaines & inutiles,
il neglige les effentielles, la Foy , la
Charité, l'Espérance, l'Eſprit, & la Verité.
De
du Mercure Galant . 17
De l'Origine des Bagues.
FABLE.
V I.
E t'aime plus que ma vie,
Difoit Tyrcis a Sylvie ,
Et tu voudrois me changer
Pour un barbare Etranger ?
Ha ! luy répond la Bergere ,
Je ne fus jamais legere ;
Si je difpofois de moy ,
Jamais nul autre que toy
N'auroit mes voeux , ny ma foy ,
Mais j'obeis à mon Pere.
le n'ay donc plus rien à faire ,
Repliqua ce pauvre Amant
Tout remply d'accablement s
Qu'à déplorer ma miſere .
Chaffe& bannis de ton coeur
Toute amoureufe langueur.
Berger , interrompit - elle ,
Aime-moy comme ta Soeur
Et d'une amitiéfidele
18 Extraordinaire
Je te promets tout le zele
Qu'infpire une vive ardeur.
C'est à peupres le langage
Que tenoient ces Malheureux,
Lors que Damon vint vers eux ;
Ce Pere avare & pen ſage,
Qui vouloit le mariage.
De fa Fille avec Crantor,
Homme rustique & Sauvage ,
Et dont le feul avantage
Estoit d'avoir beaucoup d'or.
Ma parole eft engagée,
Et ne peut eftre changée,
Dit-il au jeune Tyrcis
Qu'il voit rongé de foucis.
Chagrin , déplaifir , trifteffe ,
Pleurs ,foupirs , amour , tendreffe,
Tout eft inutile & vain,
Pourfuivit cet Inhumain ,
Il emmene la Bergere
Apres ce cruel discours,
Et toûjours rude & ſevere,
Il la livre enfa colere
A Crantor en peu de jours.
Elle devient la victime
D'un faloux , d'un Furieux ;
Elle n'ofe ouvrir lesyeux,
Qu'il
du Mercure Galant. 19
Qu'il ne l'accufe d'un crime .
De l'amour qu'eut fon Amant,
Il parle , gronde, murmure,
Et compte pour une injure
Ce premier engagement .
Tous les Hommes du Village
Viennent à luy faire ombrage :
Il met fes meilleurs Amis
Au rang de fes Ennemis .
Enfin le coeur plein de rage ,
Voulant avoir l'avantage
D'eftre un falouxfans pareil ,
Il luy choifit pour demeure
Une Chambre où le Soleil
N'éclaire pas un quart - d'heure.
Mais il n'eft pasfatisfait
De cette rigueur extréme ,
Et raisonnant en luy- mefme,
Quipeut répondre , & qui fçait,
Dit il , fi quandje repofe ,
Celle que je tiens enclofe
Ne va point adroitement
Chercher quelque jeune Amant ?
Alors il penfe & repense
A l'arrefterfeûrement ,
Et pratiquant la fcience
D'un habile Serrurier ,
IL
20 Extraordinaire
Il luyfait faire un Collier,
Avec une groffe Chaîne ,
Qu'il attache par un clou ;
Et puis fans beaucoup de peine,
Il met ce Collier au con
De l'innocente Sylvie
Laquelle il tient affervie
Sous un jongfi rigoureux,
Qu'il n'eft point de Malheureux
Quine plaigne la mifere
De cette pauvre Bergere.
Le bruit courut en tous lieux
De cette étrange folie
Qu'à l'envy chacunpublic;
Et lors que quelque Berger
Avoit deffein d'engager
UneFille au mariage,
Et que pour luy rendre hommage
Il vouloit s'humilier ;
Ie ne veux point de Collier ,
Luy difoit la Fille fage.
C'estoit là tout le langage
Que l'on luy voyoit tenir.
Mais afin qu'à l'avenir
L'on ne puft difconvenir
Qu'une Fille qui s'engage
Se foûmet à l'esclavage ,
On
du Mercure Galant. 21
On réfolut d'une voix ,
Queceluy qui d'une Dame
Pour l'épouser feroit choix,
Au lieu d'un Collier infame,
Luy mettroit dans l'un des doigts
Quelque Annelet d'importance,
Et qu'elle , en reconnoiſſance
D'une entiere obeïſſance ,
Le recevrait de fa main
Comme de fon Souverain.
Si l'Eau minérale , en quelque
maniere qu'elle foit prife , eft
utile ou dangereufe .
L

VII.
'Eau vive d'une Fontaine ,
Et fort agreable au gouft,
Eft bien meilleure & plus faine
Que celle dont l'odeur nous caufe du
dégouft.
SEGUINIERE - POIGNANT .
AVAN
22 Extraordinaire
AVANTURE TRAGIQUE
D'UN SINGE.
Ce 13. Janvier 1681 .
I vous avez jamais fceu , Monfieur,
par quelque funefte experience ,
combien la perte de ce qu'on aime eft
touchante , vous jugerez aisément de
ma douleur par l'affection que vous
fçavez que je portois à mon Singe , qui
femble avoir voulu en mourant enlever
tous mes plaifirs , puis que fans compter
ceux dont fa mort me prive, il a entraîné
avec luy la perte de ce Vin délicieux
dont je vous ay tant de fois entendu faire
l'éloge , & qui feul auroit pû me
confoler de l'abfence de ce divertiffant
Animal. L'Avanture eft trop plaifante
( pour tout autre que pour moy ) pour
ne vous en pas faire le détail . Si vous
n'eftes depuis fix femaines demeuré enfermé
dans les Poëlles d'Allemagne ,
Vous
du Mercure Galant.
23
1
vous n'ignorez pas que la froidure extraordinaire
qui a couvert la terre d'une
fi grande abondance de neiges , glacé
les Rivieres , & fait mourir les Hommes
& les Animaux dans la Campagne ,
obligé tout le monde à chercher quelque
lieu qui le puft garantir des injures
de la faifon. Vous jugez affez que dans
ce commun danger , je ne fus pas négligent
à chercher un azile à mon petit
Animal. Ma Cave me fembla propre
pour ce deffein . Mais , ô malheur ! Ce
qui en apparence devoit faire fon faluţ
& fa confervation , caufa fa perte & fa
mort ; car il n'eut pas plutoft obfervé la
maniere dont ma Servante tiroit le Vin
du Tonneau ( & peut- eftre luy donnat-
elle quelque mauvais exemple ) que
le drôle voulut l'imiter ; mais il beut
tant qu'il en créva , & s'enfevelit , dans
le refte du Vin qui luy coula fur le corps .
Jufqu'à prefenc j'avois crû vray le Proverbe
que l'on cite ordinairement aux
Yvrongnes , qu'il faut boire en Befte;
mais la mort de mon Singe > me fait
voir que les Beftes boivent quelquefois
plus qu'elles ne doivent , auffi- bien
que
24
Extraordinaire
que
les Hommes . Si vous avez encor
quelque refte d'amitié pour la Perfonne
du monde qui vous honore le plus , venez
au plutoft me confoler de mes pertes.
Voftre converfation fera toûjours
le feul refuge que je chercheray dans
mes afflictions , & j'oublîray & mon
Singe & mon Vin , dés le moment que
je pourray vous dire en vous embraffant
, que je fuis de tout mon coeur,
voftre , &c.
DISCOURS
Sur le bien , ou fur le mal
que la fréquente Saignée
peut faire.
A Question que le Mercure propofe
fur le bien , ou fur le mal que la
fréquente Saignée peut faire , merite
fans doute qu'on y falſe de grandes refléxions
; car ce remede n'eft pas de peu
de conféquence dans la pratique de la
Medecine, puis qu'il foulage les Malades
dans
Du Mercure Galant.
25
1
dans leurs maux les plus preffans .
Mais ce qui confirme encor l'importance
de la Saignée , c'eft que la Nature
elle- mefme s'en fert , quand elle fe fent
accablée, car elle excite fouvent des hémorrhagies
pour fe relever de l'accablement
où elle fe trouve. Ainfi elle nous
montre par là qu'on peut foulager les
Malades par de femblables évacuations .
C'eft pourquoy , puis que la Saignée eft
d'une grande conféquence , on a bien
fait de propofer la chofe qui eft en que .
ftion. D'où vient que je vay d'abord
m'appliquer à faire connoiftre le fang
en luy mefme, comme auffi les moyens
dont la Nature fe fert pour le fermenter
, & je tâcheray en fuite de penétrer
le principe vivant qui l'anime. Quand
j'auray fait ces recherches , il ne faut
-point douter qu'on n'entende plus nettement
les raifons des effets qui fuivent
la frequente Saignée.
Si on confulte la Chymie, quand elle
z opere fur le fang humain , on fçaura
qu'il eft composé de beaucoup d'eau &
d'efprit , qu'il eft médiocrement chargé
de fel & de foulfre , & qu'il contient
L.de Ianvier 1681 .
B
26.
Extraordinaire
tres- peu de terre.Quoy que cette Science
démontre clairement les principes
naturels du fang , elle ne marque point
la fituation , ny l'ordre que ces principes
gardent entr'eux dans le fang d'un
Animal vivant. Cependant il feroit à
fouhaiter qu'on en eut quelque connoiffance,
parce que le tempérament
de
cette liqueur dépend fur tout de l'arrangement
de les principes.
S'il eftoit permis de donner des conjectures
fur cette matiere, on diroit que
le fel s'unit avec le foulfre, pour empefcher
ce dernier élément de s'exhaler
trop vifte , & que tandis que la terre
occupe quelques recoins qui fe forment
neceffairement de l'union du fel avec le
foulfre , l'eau & l'efprit achevent de
remplir les autres vuides. Ceux qui le
fervent de Microſcope pour examiner
de pres la tiffure des parties du fang humain
, n'avancent rien qui s'oppose à
cette conjecture , au contraire ce qu'ils
en raportent femble la favoriler ; car ils
y obfervent avec cet Inftrument un
grand nombre de fibrilles courtes & deliées
, qui paroiffent former comme un
rets
du Mercure Galant.
27
rets par les noeuds qu'elles font ; c'est
pourquoy ils y remarquent auffi plufieurs
efpaces ou cellules , qui fe forment
de l'enlacement de ces fibrilles , &
qui font pleines d'une férofité imbud
de plufieurs atomes rouges. Ces fibrilles,
qu'on apperçoit par cette découverte
fine & adroite, ne font apparemment
que les fels & les foulfres du fang avec
quelques parties terreftres qui les accompagnent.
Quant aux atomes rouges,
on jugeroit peut- eftre affez jufte , fi on
les prenoit pour les efprits vitaux.
> Cette anatomie du fang infinuë afſez
que le fang bout dans les vaiffeaux où il
eft enfermé , parce que le nombre des
efprits agite tous fes principes divers,
Ainfi quand on confidérera que l'ébullition
ou la fermentation du fang eft
d'une fi grande utilité , qu'elle donne
-naiffance aux principales fonctions de
Poeconomie animale , on jugera fans
peine que la Nature a fourny des moyés
pour entretenir cette fermentation ; mais
-parce que ces moyens font principalement
la lymphe , le chyle , le mouvement
du coeur , & l'air que nous refpi-
Bij
28 Extraordinaire
rons , il eft à propos de faire quelque
refléxion particuliere fur chacune de ces
cauſes.
En premier lieu , la lymphe, & entr'autres
celle qui fourd des glandes
conglobées , fe doit confiderer comme
un puiffant levain , dont le ſang ſe ſert
pour fe fermenter ; car on obferve que
quand les obftructions en fupriment le
cours , & qu'elles empefchent l'entrée
dans le fang , les Perfonnes deviennent
languiffantes , afthmatiques , & quelquefois
mefme hydropiques . D'ailleurs
quand on ouvre les Cadavres de ces
Perfonnes , & qu'on les examiné , on
trouve fouvent dans le coeur & dans les
vaiffeaux un fang figé , qu'on appelle
communement polype . Or puis que le
fang fe fige , & qu'il devient comme
bourbeux , quand il eft privé de la lymphe
, il eft clair que la lymphe eft neceffaire
pour le fermenter & pour le
rendre fluide.
En fecond lieu , le chyle qui diftile
prefque à toute heure du canal thorachique
dans la veine foûclaviere, n'eft peuteftre
pas moins neceffaire que la lymphe
pour
du Mercure Galant. 29
pour fermenter le fang ; car apres qu'il
s'eft meflé avec le fang , & que les principes
actifs de cette derniere liqueur
ont travaillé comme autant de petits
Forgerons fur les parties du chyle , le
fel , le foulfre , & l'efprit de ce chyle,
fe relâchent & fe détachent ; mais
quand ce fel , ce foulfre , & cet efprit,
ont une fois acquis la liberté de leur
mouvement , ils s'affocient promptement
avec les principes du fang , qui
font d'une mefme & femblable nature.
Ainfi le fang repare fes pertes , en chan- ,
geant le chyle dans fa propre fubftance,
& le chyle en mefme temps entretient
la fermentation du fang , en luy communiquant
fes principes actifs .
En troifiéme lieu , le mouvement
du coeur contribuë fans -doure beaucoup
à fermenter le fang ; car ce mufcle
par fes vibrations le froiffe & le
fubtilife toutes les fois qu'il l'exprime
hors de fes cavitez . D'ailleurs quand
le fang s'eft élancé du coeur dans les
arteres , il fe brife encor dans ces vaiffeaux
; car à mesure qu'il gagne leurs
extrémitez , il fe déplie de plus en plus
B iij
30
Extraordinaire
le long de leurs branches les plus menuës
, & il fourd enfin comme un nombre
innombrable de petites fources
dans des cellules membraneufes, ou dans
de petites glandes ; mais comme ce's
cellules ou ces glandes produifent de
petits filamens creux , qui s'embouchent
avec les veines , le fang conti
nuë fon chemin par là , & fe décharge
dans les veines ; en fuite il s'avance
vers le coeur avec moins de precipitation
qu'il ne s'en éloigne , quand il entre
dans les arteres . Puis que la rapidité
avec laquelle le fang coule dans les
Animaux parfaits , eft une des principales
caufes qui entretient la fermen
tation du fang , je rapporteray une expérience
qui marquera affez précifement
la viteffe avec laquelle le fang fe
porte du coeur dans les arteres , des arteres
dans les veines , & des veines dans le
coeur . Apres avoir coupé les deux arteres
cervicales d'un grand Chien , il faut ou -
vrir en mefme temps le cofté gauche de
la poitrine vis - à - vis le coeur , pour
preffer le tronc de l'aorte avec la main
au deffous du coeur , & il faut encor
lier
du Mercure Galant.
31
lier auffitoft les artères des deux jam
bes de devant. Quand on a ainfi tout
apprefté , on eft turpris de ce que tout
le fang de cet Animal s'écoule par les
arteres cervicales dans la vingtiéme
partie d'une heure. Il eft pourtant
neceffaire que tout le fang de cet Animal
ait paffé par le coeur dans cet efpace
de temps.
2
En quatriéme lieu, file fang fe brife,
& fe fermente à caufe de la rapidité
avec laquelle il circule , il fe fubtilife
auffi , & s'échaufe à caufe de l'air , qui
par fa propre pefanteur ſe précipite
dans la poitrine , quand on refpire,
Les diffections des Animaux qu'on a
étranglez éclairciffent cette verité ;
car quand on examine leur poitrine
immédiatement apres leur mort , on ne
trouve dans leur coeur ou dans leurs
poulmons , qu'un fang froid & grumelé
, qui marque affez que le défaut de
l'air l'a mis dans cet état. Puis que
fang fe fige & devient froid au moinent
que l'air ne paffe plus dans la poitrion
eft contraint d'avouer que
l'air fert à agiter & à échaufer le fang.
ne ,

le
Bij
32 Extraordinaire
Je n'ay pas fait voir jufques icy que
l'air s'y mefle pour l'agiter ; mais l'expérience
qui fuit , le fera voir clairement
, car elle démontre évidemment
que l'air fe mefle avec le fang dans les
poulmons. On n'a qu'à prendre un;
Chien fort & robufte , & l'étrangler ;:
tandis que fon fang fera encor liquide,
qu'on luy ouvre la poitrine ,, de forte
qu'on puiffe chaffer commodément le
fang de la veine cave dans le ventricu
le droit du coeur , & de là dans l'artere
& dans la veine du poulmon. Quand
on aura ainfi ouvert la poitrine , qu'on
falle un trou avec l'efcalpelle à l'embouchure
de la veine du poulmon
& on verra incontinent fortir par ce
trou un fang noir , femblable au fang
veinal ; mais fi apres cet appareil on
lie fur le tuyau d'un Souflet l'âpre ar
tere , & qu'on enfle les poulmons en
agitant le Souflet , on aura le plaifir
de voir que le fang qu'on exprime de
l'artere du poulmon dans la veine du
mefme vifcere , fort vermeil & brillant,
femblable au fang arteriel , par l'ouverture
qu'on a faite à l'embouchure de
>
cette
du Mercure Galant. 33
cette mefme veine. Ainfi puis que le
changement qui fe remarque dans le
fang de ce Chien , ne fe fait que
quand on foufle de l'air dans les poulmons
il eft clair que cet état nouveau
du fang n'arrive que parce que
l'air s'y mefle..
>
Cette explication des caufes les plus
genérales & les plus effentielles de la
fermentation du fang , démontre affez
le grand foin que la Nature prend à
l'entretenir ; c'eft pourquoy il eft à
croire que fes productious ou fes effets
font d'une grande utilité dans la vie ;
car la Nature n'auroit fans- doute jamais
cherché tant de moyens pour fomenter
cette effervefcence , fi elle n'avoit
préveu les avantages que la vie en devoit
recevoir.
Le premier & le plus confidérable
avantage qui naift de l'ébullition du
fang ,femble eftre le développement de
fes atomes rouges , dont je n'ay par
lé cy deffus qu'en paffant. Il feroit
pourtant à fouhaiter qu'on les examinat
de prés , parce qu'ils font d'un grand
ufage dans la vie.
·
B V
34
Extraordinaire
Il n'y a point de doute que ces atomes
ou ces petits globules rouges du
fang , ne foient excitez par l'ébullition
de cette liqueur ; car auffi - toft que
fon ébullition ceffe , la plupart de ces
atomes difparoiffent & s'éteignent ,
au lieu qu'ils fe raniment & fe fortifient
à mesure qu'elle continue ; mais
parce que cette ebullition eft fur tout.
fomentée par les quatre caufes qui
précedent , on fe perfuadera aifément
que ces caufes concourent enfemble à
la formation de ces globules rouges.
Cependant l'air femble y avoir plus de
part que les autres , parce qu'au mo
ment qu'on fuprime fon cours dans le
fang , le fang devient noir , & n'eft
teint que d'un petit nombre d'atomes
rouges , au lieu que quand il y entre
Fibrement , le fang devient vermeil &
tout parfemé de ces atomes.
Avant que d'examiner comment l'air
extrait ces atomes rouges de la maffe
du fang , il feroit à propos de connoî◄
are en particulier la matiere que l'air
fournit au fang , & qui a la proprieté
dy accroiftre le nombre de ces atomes ;
Can
du Mercure Galant.
35
car il ne faut pas s'imaginer que la
maffe entiere de l'air foit propre à fermenter
le fang , & à y produire les
atomes , qui le teignent en rouge , puis
que quand on met un Animal vivant
dans un globe de verre , & qu'on empefche
que l'air de dehors ne fe communique
avec celuy qui eft dans le
globe , l'Animal meurt en tres- peu de
temps , quoy qu'il foit environné d'air.
Cette expérience enfeigne évidemment
qu'il y a dans l'air une matiere qui fermente
le fang , & qui entretient la vie,
& que cependant cette matiere n'eft pas
l'air tout entier.
Pour découvrir quelle eft cette matiere
, il faut auparavant fçavoir que
le feu commun & la vie des Animaux,
le foûtiennent par les mefines particules
de l'air ; c'eft pourquoy fi on veut
eftre convaincu de cette verité , on n'a
qu'à fufpendre de la matiere combuftible
dans un globe de verre. , apres y
"avoir mis un Animal vivant car fi on
fcelle bien ce globe , on voit que l'Animal
meurt quelques momens apres
mais fi apres la mort de l'Animal on
s'efforçoit
36
Extraordinaire
s'efforçoit d'allumer la matiere combuftible
avec un Miroir ardent, on n'yfçauroit
du tout réüffir;d'où vient que le feu
& la vie des Animaux tirent de l'air une
feule & même matiere pour s'entretenir .
Apres cette expérience , il n'eft plus
difficile de determiner qu'elles fon:
les particules de l'air qui vivifient les
Animaux ; car fi on penfe que le foul fre
tout feul ne peut brûler dans un lieu
vuide d'air , mais qu'il s'enflâme fort
bien dans ce mefme lieu quand on y a
meflé du nitre , on ne peut s'empefcher
de conclure que le foulfre , lors qu'il
eft expofé à l'air libre , ne brûle tout
feul que parce que l'air luy fournit une
matiere nitreufe ; mais puis que. l'air,
comme on l'a déja obfervé , donne à
la vie des Animaux pour la fomenter , le
mefme principe qu'au feu , il eft clair
que le nitre eft cette matiere particuliere
que l'air fournit pour l'entretient de la
vie des Animaux.
Quand on s'allure que les efprits ni
treux font la matiere de l'air qui fe mefle
avec le fang pour empefcher que les
Animaux ne meurent , on eft certain
auff
du Mercure Galant .
37
"
auffi en mefme temps qu'ils entrent
dans la compofition de fes globules
rouges ; car il a déja efté remarqué que
ces globules font en plus grand nom
bre dans le fang , lors que les efprits nitreux
y ont leur entrée libre , que quand
cette entrée leur en eft fermée. D'ailleurs
on obferve auffi que ces globules
font bien plus brillans & plus nombreux
au moment que les efprits nitreux
fe font meflez avec le fang , que quand
il y a déja quelque temps qu'ils circulent
enfemble. C'eft ce qu'on remarque
dans le fang arteriel , qui s'eftant chargé
nouvellement de l'efprit de l'air
dans fes poulmons , paroift bien plus
étincelant & plus animé que le fang
veinal parce que ce dernier s'elt
defait de fes efprits étherez: durant fa
circulation.
9.1 Puis que par le raifonnement on eft
- yenu à connoiftre la matiere étherée
qui fait une partie des globules du fang,
on peut efperer de découvrir par la
mefme voye une autre matiere qui
fe lie encor avec l'efprit de l'air pour
achever la compofition des globules.
Pour
38 Extraordinaire
ne faut
Pour découvrir cette autre matiere , il
que faire refléxion fur ce que le
nitre ne s'enflâme point qu'il ne foit
meflé avec quelque foulfre ; c'eft ce
qu'on apprend quand on met du nitre.
dans un creufet rougy au feu , car il ne
s'enflâme jamais , à moins qu'on n'y
jette quelque matiere fulfurée. D'où
vient que fi on examine tant-foit-peu
cette verité , on croira qu'un foulfre
pur eft la matiere qu'on recherche , &
qui concourt avec le nitre à former les
globules du fang ; car ces globules ne
lont en apparence que des corpufcules
ignées , comme il eft aisé de le voir, fi
on compare les conditions que le feu
demande pour ſe reproduire, avec celles
que la vie des Animaux exige pour fe
foûtenir ; car puis que les conditions
neceffaires à fomenter le feu & la vie ,
font les mefmes, il n'y a point de doute
que les globules du fang ne foient autant
de corpufcules ignées, & qu'ils ne
foient par conféquent compofez d'un
foulfre & d'un nitre purs & dégagez.
Apres avoir fçeu que les globules
rouges du fang font faits de nitre & de
foulfre,
du Mercure Gatant.
39
foulfre , il faudroit voir comment ils
s'engendrent dans cette liqueur. S'il eftoit
permis de laiffer agir librement fon
imagination fur cette matiere, on pourroit
dire qu'auffitoft que l'efprit de l'air
s'eft communiqué au fang par la refpiration
, ily frape & heurte ça & là par
de continuels trémouffemens fa partie
falino- fulfurée, qui n'eft qu'un foulfre,
-un fel , & un peu de terre, liez enfemble
& mal digérez, d'où vient qu'il dévelope
par fon action le foulfre de la
partie falino fulfurée , & qu'il le dégage
tout- à- fait de la partie faline & terrestre
, avec lefquelles il eftoit auparavant
confondu ; c'eft pourquoy d'impur
qu'eftoit ce foulfre , il devient une
matiere affinée propre à s'unir & à s'allumer
en mefme temps avec l'efprit de
l'air.
Si on confidere que la vie ne peut
fubfifter , quand l'air ne donne point
au fang d'efprit nitreux , ou quand les
-alimens ne luy fourniffent point de
foul fre , on doit penfer que la vie dépend
abfolument de ces deux principess
mais parce que l'efprit de l'air & les
foul
40
Extraordinaire'
foulfres des alimens ne fe rencontrent
point dans le fang qu'ils ne s'allument
quand ils font purs, il eft à croire que la
flâme qui en résulte eft ce qui rend le
fang animé & vivant. Cependant encor
que le fang foit animé par la douce flåme
de fes globules , il n'a pourtant pas
la proprieté de fentir,parce que ces globules
enflâmez & vivans font interrompus
dans leurs irradiations par plufieurs
matieres de diférente nature.
Si l'on pouvoit trouver une partie
dans nous-mefmes, qui nous fut propre
à ne recevoir que ces globules vivans ,
& qui n'admift aucune matiere capable
d'affoiblir la vivacité de leurs rayons,
on remarqueroit fans doute que ces glo-
-bules ne feroient pas feulement animez ,
mais qu'ils auroient encor du fentiment.
Pour achever de découvrir comment ils
- pourroient fentir , il refte à rechercher
ce qui filtre ces globules animez . L'obfervation
qu'on a faite de tout temps fur
ce que nous ne fentons que par l'entretremife
des nerfs , peut marquer aifément
la partie qui crible ces globules,
& qui les fépare des matieres étrangeres
du Mercure Galant .
41 .
res avec lesquelles ils fe trouvent confondus
dans le fang ; car puis que les
nerfs prennent leurs racines dans le
cerveau mefme , & qu'ils reçoivent de
ce vifcere le principe du fentiment, on
doit juger que le cerveau eft la partie
qui fepare les globules vivificans de la
maffe du fang , & qui donne par ce
moyen à ces mefmes globules la prérogative
du fentiment .
Pour ne rien omettre de ce qui regarde
l'explication de cette flâme vivante
& fenfitive , à qui on donne le
nom d'ame, on confidérera encor qu'elle
fe filtre dans le cerveau à tous les batemens
du coeur ; car felon les loix de la
circulation, le fang nouvellement vivifié
dans les poulmons , fort du coeur , &
fe porte avec précipitation dans toutes
les parties du corps ; c'eft pourquoy il
s'élance dans les arteres carotides & vertebrales
, & coule à plein canal dans
toutes leurs ramifications , jufqu'à ce
qu'il en ait atteint les extrémitez , mais
parce que la plupart des branches de
ces arteres fe terminent dans de petites
glandes qui forment la fubftance grife
ou
42
Extraordinaire
cu cendrée du cerveau , on doit regarder
toutes ces petites glandes , commer
autant de cribles, dont la Nature fe fert
pour extraire de la maffe du fang ce feu
vivifiant & fenfitif qui fe répand de là
dans toutes les parties du corps le long
des canaux nervēux.
On objectera peut-eftre que les globules
ou les efprits vitaux doivent fentir
dans le fang , de mefine qu'ils fentent
quand ils font filtrez dans les nerfs;
car puis qu'ils ont les uns & les autres
une feule & mefme effence, il n'y a pas
d'aparence que ceux qui occupent les
nerfs ayent la proprieté de fentir , &
que ceux qui reluifent dans le fang ne
l'ayent pas. Quoy que j'aye déja répondu
à cette objection , lors que j'ay dit
que les efprits vitaux ne fentent point
dans le fang , parce que leurs rayons y
font interrompus à tous momens je
rapporteray icy une expérience que
Boyle a faite fur la lumiere , & qui n'éclaircira
pas peu cette raifon. Apres
qu'il eut pris un globe de verre, & qu'il
en eut tiré l'air tout d'un coup avec une
pompe, il remarqua que le verre devint
incon
du Mercure Galant.
443
incontinent obfcur , & qu'il fe remplit
comme d'un brouillard : il y apperçent
pourtant quelquefois une certaine lueur
qui ne duroit qu'un moment. Pour penétrer
la raison de cette expérience , il
faut dire que les particules de l'air qui
refterent dans le verre, apres qu'on l'eut
pompé , le dépliérent & s'étendirent à
la onde , parce qu'on avoit fuccé l'air
qui les preffoit ; c'eft c'eft pourquoy les
rayons de lumiere furent interrompus
par le mouvement déreglé des particu
les de l'air , ce qui fe confirme , parce
que quand les parcelles de l'air vinrent
à occuper leur place fans fe brouiller ,
les rayons de lumiere fe firent fentir , &
le verre devint tranfparent. Ainfi puis
que les particules de l'air qui interrompent
les rayons directs de la lumiere ,
font bien capables par cette (eule action
de leur faire perdre la proprieté qu'ils
ont de nous faire fentir la lumiere ; de
mefme les diférentes matieres qui compofent
la maffe du fang , font bien capables
auffi de priver de fentiment les
efprits vitaux,lors qu'elles en interrompent
la liaiſon & la fuite.
Les
44 Extraordinaire

Les refléxions que je viens de faire
fur les différens principes du fang, furfa
fermentation , & fur fes globules animez,
donneront fans doute beaucoup de
jour pour expliquer la Queftion du bien
& du mal , que la fréquente Saignée
peut faire . Or le fang ne pouvant pecher
que dans fa quantité , ou dans fon
mouvement , ou dans fon temperament,
je vay examiner comment la Saignée
produit de bons , ou de mauvais effets,
felon qu'il péche de quelqu'une de ces
manieres.
Il n'y a pas de doute que le plethore,
ou la trop grande abondance du fang
dans les vaiffeaux , ne marque la neceffité
qu'il y a de faigner , puis qu'alors le
fang ne circule pas librement , & qu'il
eft à craindre que fa flâme n'en foit ſuffoquée.
Il eft encor à craindre que le
fang dans cet état ne s'ouvre de nouveaux
chemins das les vifceres , ou qu'il
ne fe falfe jour au dehors par quelque
hemorrhagie , qu'il feroit difficile d'arrefter.
C'est pourquoy pour prévenir
ces accidens il eft à propos de defemplir
les vaiffeaux , par une prompte &.
abon
du Mercure Galant.
45
abondante Saignée , & de la reïterer
mefme une feconde , ou une troisième
fois , fi la plethore eftoit fuivie de fymptomes
preffans .
Cependant on fe doit bien garder de
tirer du fang dans toute forte de plenitude,
comme quelques- uns le pratiquét;
car on obferve que ceux qui ont cettte
mauvaiſe habitude , font plus fujets à la
fiévre auffi bien qu'à la plenitude à laquelle
ils voudroient remedier. Ainfi
on ne doit jamais employer la Saignée
fans un grand befoin ; car quand on en
: eft fi prodigue, elle ne fait plus dans les
occafions preffantes , les inefies effets
qu'elle feroit fi l'on n'en abuſoit point.
Si on demandoit comment la Saignée,
- qui eft fi contraire à la fièvre & à la
plenitude ,
, peut caufer ces deux indifpofitions
, lors qu'on l'employe trop
fouvent ; on pourroit répondre que
-fréquente Saignée fait tant perdre des
principes actifs du fang , que ceux qui
reftent font trop affoiblis , & n'ont pas
affez de vigueur pour agir fur le chyle , &
pour en déveloper les principes ; c'eſt
pourquoy la plupart des parties du chy-
6
la
le
46 Extraordinaire
le demeurent compactes & ferrées enfemble
, d'où vient qu'elles ne fe diffipent
pas autant qu'il faudroit par les
reins ; ou par la tranfpiration. Ainfi les
écoulemens qui devroient fe faire lors
que le chyle fe change en fang , eftant
empéchez , augmentent la quantité de
la malle du fang , & la difpofent quelquefois
à bouillir , comme elle bout
dans la fiévre.
On ne doit pas auffi toûjours faire
tirer du fang, quand fon mouvement eft
plus impétueux qu'à l'ordinaire. Mais
pourtant quand on obferve qu'il court
avec tant d'impétuofité dans les vaiffeaux
, qu'il les enfle trop , ou qu'il ſe
pratique de nouveaux chemins, il n'y a
pas de doute que la Saignée ne foit excellente.
C'est pourquoy on en voit de
bons fuccés dans les grandes douleurs
de tefte , dans les affoupiffemens , dans
l'équinancie , l'afthme , dans la pleuré
fie , dans les douleurs néfretiques , &
en un mot dans toute forte d'inflâmations.
Car à mefure que la Saignée diminuë
la quantité du fang , fon mouvement
impétueux s'arrefte peu- à- peu ,
d'où
du Mercure Galant .
.47
d'où vient que le fang mine & ravage
moins qu'auparavant la nourriture des
parties folides, & qu'il abforbe infenfiblement
la férofité qui s'eft débordée .
De plus comme la Saignée retranche
auffi une partie de la matiere , qui n'a
nul raport avec les principes du fang,
& qui s'enflâme trop , elle le difpofe à
pouffer dehors le refte de cette matiere
étrangere, ou à les pétrir de forte qu'il
les rende d'une nature femblable à fes
propres principes ; mais parce que
les
inflamations font des maladies preſſantes
, & qu'une feule Saignée n'eſt
pas ordinairement capable de les guérir
, il eft bon alors de la reiterer fou-
-vent felon le Medecin le juge à
que
-propos.
>
Ce n'eft pas toujours l'abondance du
fang , ny les parties étrangeres & élaſtiques
, qui accelerent fon mouvement;
des vaiffeaux qui l'enferment hâtent encor
fouvent la circulation . L'hiftoire
que Vvillis raporte de la maladie d'une
Dame qu'il avoit traitée, eft une prenve
que les vaiffeaux du fang font quelquefois
rouler cette liqueur avec une
impe
48 Extraordinaire
impétuofité extraordinaire ; car apres
que cette Dame eut efté longtemps fujette
à une cruelle colique, & à des mouvemens
convulfifs , il ordonna à cauſe
de fon poulx qui batoit vigoureuſemét,
qu'on y tirat en fa prelence quatre
onces de fang à la jugulaire. On luy
piqua auffi toft la veine, & on fut forpris
de voir la violence avec laquelle le
fang en fortoit ; mais eftant morte d'apopléxie
quelques heures apres , Vvillis
en fit l'ouverture dés le lendemain , &
-femarqua entr'autres chofes , qu'il n'y
avoit pas quatre onces de fang dans tout
fon corps. D'où vient qu'il n'eft pas aisé
de croire que fi peu de fang fuft capable
de faire des impreffions allez fréquentes,
& affez fortes fur les tuniques ner-
Iveufes & intérieures du coeur , & des
arteres, pour obliger ces vaiffeaux à le
faire circuler avec tant d'impetuofité .
Ainfi il y a beaucoup d'aparence que le
coeur & les vaiffeaux , pouffoient euxmefmes
le fang , fans qu'ils y fullent
déterminez par le fang mefine , comme
ils le font naturellement. S'il falloit apporter
d'autres preuves, pour confirmer
que
du Mercure Galant.
49
que les canaux du fang avancent quelquefois
avec trop de précipitation le
mouvement de cette liqueur , on n'auroit
qu'à faire reflexion fe paffe dans les
paffions violentes , comme font la joye,
la colere ,&c. Car il femble que le fang
ne précipite alors fon mouvement , que
parce que les efprits lumineux & fenfitifs
, qui font beaucoup plus émeus qu'à
l'ordinaire , l'élancent avec trop de vi
teffe du cerveau dans les canaux nerveux
, & fur tout peut- eftre dans ceux
qui diftribuent leurs branches au coeur,
& aux vaiffeaux , qui dépendent de ce
vifcere.D'où vient que les contractions
du coeur & des vaiffeaux en font alors
bien plus fréquentes , & que le fang en
avance fon mouvement avec plus de
rapidité.
Lors que la trop grande viteffe avec
laquelle le fang roule dans les vaiffeaux,
n'eft excitée que par les mouvemens
convulfifs du coeur & des arteres , il y
auroit de l'imprudence
d'employer la
Saignée auffi fréquemment
que dans
les inflâmations. Cependant on pourroit
bien quelquefois dans ces rencon-
Q. de fanvier 1681.
C
50
Extraordinaire .
tres tirer un peu de fang , lors que les
forces le permettent , & que le mal paroift
preflant ; car on empefche avec
ce remede que le fang ne fourniffe au
cerveau & aux nerfs autant d'efprits
qu'auparavant , & l'on retranche en
mefme temps un bon nombre de parties
fulfureofalines, qui fe feroient infinüées
dans les pores des fibres charneufes du
coeur , & des arteres . C'eft pourquoy
puis que la Saignée fuprime une partie
de ces efprits , & de ces matieres ful fureofalines
, qui font propres à agiter de
mouvemens convulfifs le coeur & les
arteres , quand elles s'y rencontrent,
on voit comment ce remede guérit ces
convulfions, qui excitent le coeur & les
arteres à chaffer le fang avec impétuofité.
Neantmoins il feroit mal-à- propo's
de tirer beaucoup de fang dans la feule
veuë qu'on auroit de retrancher la matiere
qui caufe les convulfions , parce
qu'on doit furtout avoir égard aux forces
, que les convulfions diminuent
beaucoup , & que la Saignée pourroit
abatre tout-à- fait .
Pour achever d'expliquer quand il
eft
du Mercure Galant.
SI
M
eft à propos d'employer la Saignée , il
ne reste plus que d'examiner le tempérament
du fang, & de penétrer comment
ce tempérament s'altere. Quand le fel
& le foulfre prennent fi fort le deffus ,
qu'ils l'emportent fur les efprits vitaux
ou les globules animez , il eſt bon alors
es d'employer la Saignée.D'où vient qu'on
l'employe heureufement dans les intempéries
chaudes , dans la plupart des fiévres
, dans la jauniffe , dans le fcorbut,
&c. La raifon du bon fuccés de la Saignée
dans ces rencontres , confifte non
feulement en ce qu'elle ofte une partie
de la matiere qui cauſe le mal ; mais
auffi en ce qu'elle excite dans le fang
une nouvelle fermentation , qui délie les
efprits vitaux des chaînes qui empéchoient
leur action , & qui en fait naître
de nouveaux. Ainfi quand ces efprits
ont repris leur premier mouvement, ils
rayonnent par toute la maffe du fang, &
foumettent le foulfre & le fel , qui avoiết
auparavant pris le deffus, c'eft pourquoy
ils donnent à ces principes le rang qu'ils
doivet avoir naturellemét, & rétabliffent
par ce moyen le temperament du fang.
Cij
52
Extraordinaire
2
1
Mais fi la conftitution du fang devenoit
mauvaife , parce que les efprits &
les foulfres feroient envelopez par les
autres principes , d'une forte qu'ils
n'auroient pas la force de s'en débaraffer
, il feroit alors tres- mal à propos
d'employer la Saignée ; car alors elle
ne fçauroit donner aucune efperance
de rétablir le fang tout crud & aqueux,
comme je le fupole , au contraire elle
abattroit encor d'avantage le peu de
vigueur qui luy refteroit. C'eft pour
cela qu'on évite la Saignée, avec grand
foin dans l'hydropifie , dans la cacochymie
, & dans les maladies où on
ne mange que des chofes extravagantes.
-9 Il ne faut pas paffer fous filence certaines
rencontres , où l'on peut douter
fi on employera la Saignée , car puis
qu'il y va quelquefois de la vie ou
de la mort , d'en faire un bon ou un
mauvais ufage , la matiere merite bien
qu'on l'examine . C'eft pourquoy fi le
fang dans une fiévre- continue s'échaufe
fi fort , qu'il falle fentir fon feu par
tout le corps , qu'il altere les, Madu
Mercure Galant.
53
e
lades qu'il leur caufe des infomnies &
des ardeurs dans le gozier on feroit
mal dans cette occafion de n'employer
pas la Saignée , pourvû neanmoins
que le Malade ne fue point , & qu'il
ne parpille aucune tache de pourpre.
Quand le fang encor a recueilly dans
fon fein affez de matiere brûlée , il
faut obferver s'il s'en défait bien- toft
par les fueurs , par les urines par le
fiegery ou par les autres voyes. S'il
chaffe cette matiere par ces moyens or
dinaires , il ne faut point faigner ;
mais au contraire fi elle demeure , &
qu'il y ait à craindre qu'il ne fe falle
quelque tranfport au cerveau ou ail
leurs , il eft à propos d'employer la Saignée
; car dans cette conjoncture elle
détourne laanatiere brûlée du fang ,
& empefche que cette matièresine
fe décharge dans le cerveau ou dans
quelqu'autre vifcere. Mais enfin fi cette
matiere s'émeut , ou s'agite fi fort,
qu'elle fe porte dans les vifceres du bas
ventre , ou à la circonference du corps,
elle y excitera tantoſt des vomiſſemens,
des, dyfenteries étranges
оц ou
Ciij
54
Extraordinaire
tantoft des puftules comme on en voit
dans la rougeole & dans la petite verole.
C'eſt dans ces dernieres occafions
que la Saignée eft toûjours dangereuſe,
parce que li l'effort que la Nature fait
ett bon & critique , il ne faut point -le
troubler avec la Saignée , & s'il eft mau.
vais & fymptomatique, il ne faut point
encor le rendre plus mauvais avec ces reniede.
Ainfi il ne faut point employer
1 Saignéeven ces occafions fi on n'en
veut recevoir du def- honneur I
Puis qu'ily a du danger de l'employer
dans la rougeole , dans la petite vérole ,
dans la dyfenterie, &c. où le fang paroift
eftre grumelé, il faut croire par la même
raifon qu'on ne fait pas bien d'ufer de
ce remede dans toutes les mélancolies,
où le fang fe fige , c'est pourquoy on le
défend dans les fièvres malignes & peftilentieles
, comme auffi dans la pefte ;
car ces maladies prennent fouvent leur
origine d'un fang caillé , qui eft peuteftre
femblable à celuy d'un Chien,
quand on a infusé de Beaus forte sourde
l'efprit de vitriol dans fes veines. On
remarquera icy en paffant contre le
fenti
du Mercure Galant.
55
fentiment de plufieurs Perfonnes do-
&tes , que l'abondance du nitre qui fe
trouve quelque- fois dans l'air , n'eſt
pas la matiere qui fige le fang ; car Malpighi
ayant pris un Chien qui n'eftoit
pas des plus robuftes , & luy ayant infusé
dans la veine jugulaire , autant de
nitre que fix onces d'eau en pûrent diffoudre
, il n'obſerva dans cet Animal
aucun changement fenfible , fi ce n'eſt
une grande abondance d'urine qu'il fit.
D'où vient qu'il eft probable que le
nitre n'eft pas la matiere qui fige le
fang. Quoy qu'il en foit, la raifon pourquoy
on ne tire point de fang dans les
fiévres malignes & peftilentielles, s'expliquera
toûjours de mefme ; car puis
que les efprits venimeux ont la proprieté
avec leurs figures crochues de
lier les fibrilles du fang , & d'en faire
de petits plotons , ils empefchent par çe
mefme moyen qu'il ne fe forme de
nouveaux efprits ; d'où vient que la
maffe du fang languit , & que les forces
chancellent. Ainfi on doit alors
éviter la Saignée , parce qu'elle retrancheroit
une partie des globules vivans,
C iiij
56
Extraordinaire
1
qui contribuent encor à donner au fang
le peu de fluidité qui luy refte. D'ail
leurs comme ces fiévres malignes & peftilentielles
excitent par tout le corps
des taches pourprées , des puftules , des
bubons , &c. la Saignée ne manqueroit
pas de faire rentrer au dedans les impuretez
venimeufes qui forment ces
tomeurs. D'où vient que fi on l'employoit
, elle feroit caufe que le fang
s'infecteroit encor davantage , & que
fa flâme avec ce qu'il a de plus pur, s'é- ·
teindroit enfin tout- à- fait.
Il n'y a pas d'apparence que tous les
venins ayent les mefmes proprietez, car
il y en a qui caillent le fang , il y en..
peut avoir auffi qui le rendent trop fluide.
L'experience qui fuit a donné lieu
à cette conjecture. Fracafleti ayant pris
un Chien , infufa dans fes veines du
fel de tartre refoût. Apres cette inje-
&tion cet Animal fe plaignit beaucoup,
enfla , & puis mourut. Quand il en eut
fait l'ouverture , il trouva que fon
fang eftoit beaucoup plus fluïde , &›
plus vermeil qu'il ne le devoit eftre.
Cette experience enfeigne qu'il peut
8
I
y
du Mercure Gälänt.
5.7
y avoir des venins , qui tuent en rendant
le fang plus liquide qu'il ne doit
eftre. Ainfi quand il arrive qu'une fiévre
maligne & peftilentiele s'excitent
par des venins qui diffolvent , & qui
embrafent la maffe de fang plûtoft qu'ils
ne la glacént , la Saignée alors pourroit
peut - eftre bien donner du foulagement
; car c'eft apparament dans une
fiévre peftilentielle de cette nature, où
Riviere ſe trouva fi bien de la Saignée,
comme il l'apprend dans fon Traité des
Fiévres malignes. La Saignée ett d'un
bon ufage dans de ſemblables fiévres ;
parce que fi on ne l'y employoit pas ,
il feroit à craindre que les efprits venimeux
qui embrafent alors les globules
du fang par excés , ne les éteigniffent
entièrement ; car la Saignée fouftrait une
partie du feu devorant qui eft dans
les veines , & elle en affoiblit le
venin de telle forte , que le fang en
albien plus de force pour fe rétablir.
En voila peut eftre affez pour fatisfaire
à la Queftion du Mercure , puis
qu'on a expliqué combien il eft mau-
3
C V
5.8
Extraordinaires
vais d'entreprendre mefme une feule
fois de tirer du fang dans certaines
indifpofitions , & combien au contraire
il eft bon de faigner , & de faigner
mefme fouvent dans d'autres maladies.
C'eft pourquoy comme on eft convaincu
par la raifon & par l'expérien
ce, que la Saignée fait fouvent de bons
effets , on ne fe mettra point en peine
du fentiment de Van- Helmont , & de
fes Sectateurs , qui ont crû qu'on ne
devoit jamais employer la Saignée ;
parce , difent-ils , qu'elle eft injurieufe
à la Nature , qui peut d'elle- mefme
fans ce fecours furmonter toutes les
maladies ou du moins en venir à
bout quand elle eſt aidée de leurs remedes
; mais fans m'arrefter à cette
chymere qu'ils fe forment , quand ils
difent que la Saignée eft injurieufe à
la Nature , il feroit à fouhaiter de fçavoir
quels font leurs grands remedes
qui ont la proprieté de diminuer la
maffe du fang, quand elle regorge dans
les vaiffeaux , & qu'elle s'en déborde
comme elle fait dans l'équinancie, dans
l'inflamation des poulmons , dans la
pleu
du Mercure Galant.
59
pleurefie , & c. car s'ils employent au
commencement de ces maladies des remedes
qui pouffent par les fueurs , par
les urines , par le fiége , ou par d'autres
voyes ; il eft certain que l'action de
ces remedes augmentera le mal , à cauſe
de l'effervefcence extraordinaire qui
s'excite alors dans le fang. Les Cordiaux
qui raniment les efprits , & qui
augmentent la fermentation du fang,
ne produiroient pas auffi de meilleurs
effets. Enfin les narctiques , comme eft
FOpium , & c. qui font dormir , & les
remedes qui fixent l'humeur qui agite
le fang avec trop de vehemence , comme
le Quinquina, & c. ne peuvent alors
fe mettre en ufage qu'avec beaucoup
de rifque , parce que ces remedes ne
diminuent point l'abondance du fang,
laquelle fait principalement qu'il s'échape
hors de ces vaiffeaux. Ainfi , comme
il y auroit encor des inconveniens
à employer d'autres remedes que la Saignée
au commencement de ces maladies
, on doit juger contre le fentiment
de Van- Helmont , que la Saignée eft
fouvent un grand remede.
On
.60 Extraordinaire
On m'a feulement envoyé quatre Madrigaux
fur les Enigmes du Mois de
Decembre , dont les Mots eftoient la
Petite- oye, & les Enfeignes.
L
I.
Il faut pour cette Enigme un eſprit
Pour moy , bien loin je la renvoye .
Helas, comment pourrois- je en découvrir
le fond ?
Je ne puis en venir jufqu'à la Petite- oye .
F. HA . DU MESNIL , de Chambrais
en Normandie.
A
II.
Uxdefirs du Public Mercure s'accommode.
Onfouhaitoit fçavoir la mode ;';
Il a fur les Habits parlé fert galamment
;
Et tant il donne avis de tout obligeamment
,
Pour en trouver l'Etoffe avec la Petiteoye
,
Dans fes Enigmes il envoye
Jusqu'à l'Enfeigne du Marchand.
LA BLONDINE GUERIN .
IIL
du Mercure Galant. 61
Pourquo
III.
Ourquoy devenir fi chagrine,
Pour avoir d'une Enigme en vain cherché
le fens ?
Mercure , qui felon fa coûtume raffine ,
En a caché le Mot , Nanon , dans vos
Rubans.
L'HERMITE DE SACE ',
pres Pontorfon
.
I V.
Ercure eft doublement galant,
Dans ce Mois je vous l'enfeigne, Mr
Voyez fa Petite- oye ; ayant l'heureux
talent
De la prendre à la bonne Enſeigne,
Mercure eft doublement galant,
Dans ce Mois je vous l'enfeigne.
M. ou le Poulet perdu recouvert de
la Belle Mouton d'Alençon.
A
ELEGI E.
Imable & belle Olympe , apres huit
ans d'abfence,
le
62 Extraordinaire
Le revoy malgré moy le lieu de ma naif-
Sance ;
Ce Païs que l'on vante en mille endroits
divers,
Où l'on n'a jamais ven que de charmans
Hyvers ;
Ce Pais où l'on vit dans une Paix pro
fonde,
Où les Femmes fe font aimer de tout le
monde j.
Enfin dans ce Pais tout remply d'agrément
,
le ne trouve qu'ennuy , que peine , que
tourment.
Freres , Parens , Amis , tout icy m²embaraffe
,
Les plus rares Objets m'y paroiſſent ſans
grace,
Et depuis le moment que le Ciel en courroux
M'obligea , chere Olympe , à m'éloigner
de vous,
Il n'eft point de plaiſir , il n'eſt point de
remede,
Quipuiffe foulager le mal qui me poffede.
Tout ce que la langueur , le chagrin , &
l'ennuy, Ont
du Mercure Galant .
6:3
Ont de plus rigoureux , je le fens aujourd'huy.
Mespeines, mes tranſports, augmentent
à toute heure,
Sans ceffe je foûpire , & fans ceffe je
pleure,
Et fi je n'efpérois de vous revoir un jour,
Ie mourrois en ces lieux de douleur , &
d'amour.
Puiffe venir bientoft , cher Objet que
j'adore,
Ce jour qui doit finir l'ennuy qui nous
devore !
1
Puiffe venir bien - toft ce jour fi soushaité,
Où nous pourrons tous deux avec fincerité,
Par de muets difcours, dans les bras l'un
de l'autre,
Moy vous nommer mon coeur , vous m'apeller
le vostre !
Où nous pourrons tous deux , tendrement
transportez ,
Sans craindre vos Parens , unir nos volontez!
Mais, helas , ces cruels , fans pitié , fans
tendreffe,
A
64
Extraordinaire
A nos juftes defirs s'oppoferont fans
ceffe ,
Et ce jour attendu depuis pres de trois
ans ,
N'arrivera peut- eftre encore de longtemps.
Dans ce funefte état , que résoudre ? que
faire ?
Faut- il toûjours pleurer?faut- il toûjours
nous taire ? 1
N'oferons- nous , helas , jamais nous déclarer
,
Et toûjours en fecret faudra-t-il foûpirer
?
Non, non, dés ce moment ceffons de nous
contraindre, >
Il eft temps de parler , il ne l'eft plus de
feindre ;
Aces ingrats Parens n'avez vous pas
rendu
Cent fois plus de refpect qu'il ne leur
eftoit dû ;
Iufques-là que craignant leur injuste
colere ,
Ilfaut, me dites- vous , Amant tendre &
fincere,
Pour plaire à nos Tyrens , vous éloigner
d'icy ? L'obeïs,
du Mercure Galant.
65
L'obeïs , je pleuray , vous pleurastes /
auffy .
Que tu nous fais fouffrir , fatale complaisance!
A
Olympe , croyez- moy , plus d'égards
plus d'abfence ,
Cherchons les vrais moyens de devenir
heureux,
Ordonnez que je parte , & voila tous:
mes voeux.
Ze voleray Soudain fur les Rives de
Loire,
Et là de tous nos maux nous perdron's
la memoire ,
Pour ne fonger jamais qu'aux plaifirs
infinis
T
Que reçoivent deux coeurs quand ilsfont
bien unis.
BALMIER , de la Ville d'Ulés.
DES EFFETS
DE L'EAU MINERALE.
AR
Peine les Hommes cominencentils
de naiftre , qu'ils le trouvent
66 Extraordinaire.
vent accablez de mille maux , & de
mille infirmitez diférentes . Leur fort
feroit beaucoup plus à plaindre que celuy
des autres Animaux , fi la Nature
qui les a rendus fujets à tant de maladies
, que ceux - cy ne connoiffent pas ,
ne leur en avoit donné les remedes dans
les chofes mefme les plus commu
nes.
L'Eau , toute fimple qu'elle eft , ne
leur eft pas moins utile pour la fanté ,
que pour la vie. Elle humecte les parties
où elle coule , elle éteint le feu devorant
qui les confomme ; elle calme l'agitation
des humeurs , elle les adoucit
quand elles font aigres, acres, ou falées;
elle les épaiffit lors qu'elles font trop
coulantes & trop fluides ; elle les attenue
quand elles font trop épaiffes.
Ceux qui font travaillez de la goute ,
de la migraine , des fuffocations , & c.
reçoivent un foulagement confiderable
de l'ufage de cette liqueur. Les Buveurs
d'Eau font ordinairement plus
fains , & vivent plus longtemps que les
autres.
L'eau n'a pas moins de vertu quand
on
du Mercure Galant. 67
on s'y baigne , que lors qu'on la boit.
Elle ouvre les pores de la peau ; elle
facilite la tranfpiration infenfible ; elle
s'infinuë doucement dans toutes les par
ties ; elle les humecte , & les rafraî
chitjellé les délaffe ; elle appaiſe la
violence des douleurs qui les accablent;
en un mot elle guérit , comme dit Ga❤
lien, L.2. Defanitate tuendâ , les ma
ladies les plus difficiles , & prévient
toutes celles qui nous menacent.
Si l'Eau commune a tant de force , de
combien d'effets plus grands n'eft- elle
pas capable quand elle fe trouve une
fois emprainte de la vertu des Minéraux
? Elle devient fi puiffante ,
qu'elle dompte les maux les plus rebelles
& les plus invéterez ; elle emporte
la caufe qui les produit ; elle dé .
truit les levains qui les entretiennent.
Mais pour mieux connoiftre la ver
tu de cet admirable Remede , examinons
de quelle façon la Nature le compoſe
dans les entrailles de la terre.
Ilfe trouve en beaucoup de lieux
un fel un peu acide , qui fe diffout
dans l'Eau comme les autres fels . Quand
elle
68 Extraordinaire n'h
elle len eft une fois emprainte elle eſt
fi active & fi penetrante, qu'elle diflout
les corps les plus durs , les plus compacts
, & les plus folides. Si elle paffe
dans quelque Mine de Médals, elle sla
corrode en mefme temps, & s'en charge
plus ou moins , fuivant qu'elle ett plus
ou moins imbue de ce fel . o
-S'il ne coule qu'une petites quantité
de cette Eau dans une Miniere 35 elle
s'attache à la partie la plus pute du mis
neral qu'elle trouve , & fe coagule avec
elle fous la forme de fel , comme jay
fait voir dans mes Entretiens fur l'Aci
de & l'Alkali , en expliquant la maniel
re dont fe fait le Vitriol de Mars , & les
autres fels mineraux compofez. Si elle
s'y jette en abondance , elle paſſe au
travers , & entraîne avec elle la partie
du mineral qui alle plus de raport avec
le fel dont elle eft empraintes Les craf
-fes qu'elle laiffe dans les lieux où elle
fort font connoiftre la nature du mineral
qui la compofe.
Les Eaux minerales ne font pas toutes
de la mefme nature. Il y en a de falées,
d'âpres, d'acides , & c. Il s'en tencontre
du Mercure Galant. 69
6
.
Me
contre de chaudes & de froides ; les
unes fervent à baigner le corps , les
autres fe boivent. Quand ces Eaux coulent
dans une Mine de fel commun , ou
de fel gemme , elles deviennent falées.
Lors qu'elles paffent dans une d'Alun
ou de Nitre , elles acquierent une acidité
approchante de celle de ces Sels.
Si elles trouvent quelque Mine de
Métal , ou de Marcaffite , elles prennent
diférentes faveurs , felon qu'elles
fe chargent plus ou moins de ces
corps. a jup 2833 7
2
Quand ces Eaux fe meflent avec
quelque terre foulfrée , elles bouillonnent
auffito & deviennent chaudes
par l'agitation qui fe fait des parties
acides ou ignées de cette terre.
sou
S'il arrive qu'elles coulent dans quelque
Mine d'Orpiment, d'Arfenic, & c.
elles font venimeufes ,& caufent, quand
on les boit , les mefines accidens que
ces Mineraux. Elles prennent de la
mefme maniere, les qualitez des autres
corps qu'elles diffolvent , & produifent
les memes effets, 2
asia
2
Il fe rencontre en beaucoup de
lieu
70 Extraordinaire
lieux plufieurs Mineraux mélez enſemble
, qui augmentent la force & la vertu
de ces Eaux, & qui les rendent propres
à davantage de maladies. Plus elles s'en
chargent, plus elles font bonnes.
Ce n'eft pas d'aujourd'huy que les
Eaux minérales font en uſage. Les effets
furprenans qu'elles produifent , les ont
autorifées depuis plufieurs fiecles. On
les boit , on s'en lave ; mais de quelque
maniere qu'on les prenne , elles
guériffent , ou foulagent du moins
confidérablement ceux qui s'en fervent.
qui
Les Eaux minerales chaudes ne font
pas feulement propres corriger les
vices de la peau , à deffécher les ulceres,
les galles , les puftules , les dartres , &c.
l'infectent , & à réfoudre les tumeurs
qui s'y forment ; elles paffent au
travers de fes pores , & penétrent
imperceptiblement toutes les parties.
Elles y portent une douce chaleur
qui les fortifie ; elles diffipent les humiditez
qui les affoibliffent ; elles réfolvent
les humeurs tenaces & vifqueufes
qui les embarraffent ; en un mot
elles
du Mercure Galant .
71
elles les rétabliſſent dans leur premiere
force & leur vigueur naturelle. C'eft
ce qui fait qu'elles font bonnes aux foibleffes
des nerfs , aux tremblemens des
membres , à la paralyfie , aux maladies
des jointures, à la colique, à la gravelle,
à la nephrétique , à l'hydropifie , aux
obftructions , & à toutes les maladies
que l'on croit froides & humides... t
Ces Eaux ont plus ou moins d'effet,
felon qu'elles font plus ou moins chaudes.
Onles prend ordinairement deux
fois chaque jour , une le matin , & l'autre
le foir. On les laiffe un peu refroidir
quand elles font trop chaudes . On
y reste une heure de temps ou envi
TON.
Les Eaux minérales froides font bonnes
aux meſmes maux aufquels le minéral
dont elles font chargées eft propre.
Elles ont mefme beaucoup plus de
force & de vertu , parce qu'elles n'emportent
que la partie la plus pure du
corps qu'elles diffolvent, lequel devient
plus ouvert & plus penétrant , & par
conféquent plus capable d'action.
Ces Eaux n'ont pas moins d'effet
que
72
Extraordinaire.
que les chaudes . Elles corrigent l'intempérie
des vifceres ; elles les rafraî
chiffent, elles les nettoyent,& les fortifient.
On s'en fert dans toutes les maladies
croniques. Il n'y a que celles de
poitrine , & les aiguës , où elles ne
foient point en ufage.
Je ne diray rien du temps & de la
maniere qu'on doit les prendre , ny du
régime que l'on obferve en les buvant.
Comme les Eaux minérales ont toutes
des qualitez diférentes , que les
unes font propres à certains maux , les
autres à d'autres , il eft de la prudence
du Medecin qui les ordonne , d'examiner
la nature de chacune en particulier,
de confiderer le temps, la faifon , l'âge,
le fexe , les forces , & le tempérament
du Malade , la nature , la grandeur , &
la qualité de la maladie. Elles ne peuvent
ainfi avoir que de tres-bons effets
; & bien loin d'eftre dangereufes
, elles feront toujours utiles & falutaires.
LE PHILOSOPHE INCONNU ,
de Coutance.
REPON
da Mercure Galant. 73
REPONCE AUX TROIS
premieres Questions du dernier
Extraordinaire.
A MADAME ***
Ous voulez , Madame , que je réponde
aux Questions proposées
dans le dernier Extraordinaire , & l'ordre
que vous m'en donnez fuffit pour
me le faire entreprendre avec joye. Je
ne prétens point que mes Réponſes
paffent pour des Décifions & pour des
Jugemens fouverains & fans appel. Je
vous les envoye comme des choſes indifferentes
dont vous croirez ce qu'il
vous plaira. Voicy ce que l'on propoſe
d'abord. Lequel eft plus à plaindre , ou
un Maryjaloux, ou la Femme d'un Mary
jaloux.
Pour moy , je n'hésiteray point à dire
que c'eft le Mary. Si la Femme eft
coquete , & fi elle a l'humeur portée à
la galanterie , quelques precautions que
ce jaloux Mary prenne pour mettre fon
Q.de Ianvier 1681 .
D
74
Extraordinaire 5
honneur en feûreté, quelques foins qu'il
apporte à tenir fa Femme étroitement
enfermée , & à ne luy donner que trespeu
de liberté , elle fçait gagner , foit
par de belles promeffes,foit par des préfens
confiderables , les Domeftiques les
plus dévouez au fervice de leur Maiftre,
faire tenir des Lettres à fon Galant, ménager
des rendez vous , & fe confoler
avec luy des mauvaifes heures qu'il faut
qu'elle paffe avec ſon Bouru . Si au con- ,
traire la Femme eft vertueuſe , fa vertu
luy fert de confolation , & fon devoir
dont elle a toûjours fuivy les regles les:
plus aufteres , luy donne une fecrete joye .
qui luy fait oublier en quelque façon
les chagrins que luy cauſe la jaloufie de
fon Mary. Mais un jaloux ne goûte ja-b
mais aucunes douceurs, Tout eft poifon,
tout eft amertuine pour luy. Il ne paffe ,
point de bonnes heures , il ne paffe pas
mefme d'heureux momens , Il ne cher
che ' qu'à troubler fon repos. Il fe fait
des Monftres effroyables d'une bagatel- :
le , & fouvent d'un rien . La complai
fance de fa Femme qui devroit luy ren- !
dre l'efprit tranquille , eft ce qui l'al
aal larme
du Mercure Galant.
75
larme davantage. Il croit que fes caref
fes ne font
que feintes , que fa tendreffe
eft concertée , & que toutes fes manieres
font remplies d'une diffimulation
qu'elle inet en ufage pour l'éblouir.
Enfin il eft fon propre Bourreau. Il invente
tous les jours de nouveaux fupplices
pour le tourmenter foy-mefme,
& il fait naître en fon coeur des feux qui
le brûlent , qui le devorent , & qui le
confomment enfin entierement.
Je croy , Madame , que fi la pitié
qu'on a d'ordinaire pour les Perfonnes
de fon Sexe qui font dans le malheur,
vous empefche d'eftre de mefme fentiment
que moyfur la premiere Queſtion ,
vous pourrez bien ne pas agir de la même
maniere touchant la feconde , où
l'on demande , Lequel doit estre estimé
le plus malheureux , ou l'Aveugle né,
On celuy qui a perdu la veuë. On les
fuppofe tous deux à l'âge de raison , & le
dernier dans cet âge de raison quand il
eft devenu aveugle.
Vous pourrez , dis- je , Madame,
eftre de mon fentiment , quand je
vous auray fait connoiftre que celuy qui
Dij
76 Extraordinaire
a perdu la veuë , eft plus malheureux
que l'Aveugle né ; car pour fçavoir fi
quelque chofe eft un bien , il faut en
avoir goûté les plaifirs . L'Aveugle né:
n'a jamais goûté les plaifirs de la veuë.Il
n'a jamais difcerné de quelle utilité elle.
eftoit aux Hommes. Il eft né, il a vefcu
dans l'aveuglement. Jamais il ne s'eft
trouvé dans autre état , & c'est ce qui
luy fait croire qu'il n'y en a point de
plus heureux. Mais celuy qui a perdu
la veuë apres en avoir jouy , eft enlevely
dans une douleur profonde de fe voir
privé d'un grand bien , dont il femble
n'avoir connu parfaitement tous les
avantages , que pour en trouver la perte
plus amere, & plus fenfible. Quel chagrin
n'a-t- il pas quand il vient à confiderer
qu'il a befoin de tout le monde,
& qu'il ne peut prefque rendre aucun
fervice à qui que ce foit ? Quelles rigueurs
netrouve- t'il pas dans fon deftin,
eftant expofé aux injures, des Brutaux,
à l'infolence des Domeftiques, & quel- ,
quefois mefine aux railleries froides des
mauvais Plaiſans ? Apres s'eftre mélé
dans tous les plaifirs , apres avoir vécu
long
*
du Mercure Galant .
77
long- temps à la Cour ,ou parmy le grand
monde , enfin apres avoir goûté toutes
les douceurs de la vie , quelle amertume
ne reffent point cet Homme quand
il s'en trouve feparé , & quand il n'a
plus , au lieu d'une compagnie nombreufe
, qu'une folitude cruelle & infuportable
? Comme il ne quitte le monde
que par contrainte , plus il eft éloigné
de fon commerce, plus ce commerce luy
paroift doux & avantageux. Il a peu
d'efperance, beaucoup de chagrins , des
douleurs infinies. Il eft agité de mille
paffions differentes. Le fouvenir des
biens qu'il a perdus le defefpere , & luy
caufe des peines cruelles , qui fouvent
ne finiflent qu'avec fa vie.
Si l'illuftre Monfieur de ** n'eftoit
point voftre Epoux , s'il n'eftoit encor
que voftre Galant , fi j'eftois fon Rival
, & que vous vinffiez me demander
mon fentiment fur la troifiéme Queftion
; comme je ferois feûr de conclure
contre moy en concluant pour l'Amant
qui auroit plus de mérite , je ne
manquerois pas de vous dire que le plus
amoureux eft preferable aux autres.
D iij
78
Extraordinaire
J'étalerois toute ma rhétorique pour
vous prouver qu'il n'eſt point de plaiſir
égal à celuy d'eftre aimée paffionnément,
& je vous dirois,
Adorable Philis , dans ce fiecle barbare
Où la conftance eft rare ,
Doit- on confidérer , quand on fait un
Amant ,
S'iljoint un vray merite à beaucoup d'agrément
?
ba
Pourveu qu'il ait un coeur tendre, difcret,
fidelle ,
Pourveu qu'il fçache bien aimer,
Ponrveu qu'il ait beaucoup de zele,
Philis , belle Philis , cet Amant doit
charmer.
Mais , Madame ; comme une amitié
pure, fincere, fans mélange , & bienre
glée , eft l'unique noeud qui nous attache
, je vous répondray que je conſeillerois
à une Belle qui fe verroit preſsée
de s'expliquer par deux Amans , dont
l'un auroit beaucoup d'amour & peu de
merite , & l'autre beaucoup de merite
& peu d'amour ; je luy confeillerois ,
dis- je,
du Merture Galant.
79
dis-je, de fe declarer en faveur de celuy
qui auroit beaucoup de merite , non pas
ouvertement , mais en luy faifant connoître
jque s'il eftoit plus paffionné , fi
fes foins eftoient plus empreffez, fi l'on
- eftoit plus perfuadé de fa fidelité & de
fa paffion, fi l'on eftoit affuré qu'il vouluft
prendre un engagement de coeur
folide & veritable , on pourroit bien
rifquer quelque chofe , & s'engager
même dans la fuite.Car quoy qu'on diſe,
Madame, qu'il eft bien doux de fe voir
aimée tendremét , vous m'avouerez qu'il
eft bien plus avantageux d'avoir pour
-Amant un Homme de merite, qui foit un
peu moins paffionné, ne fuft ce que pour
avoir la gloire de paffer dans le monde
pour une Perfonne qui fçait faire un
digne choix .Joignez à cela , qu'un Homme
qui a du merite , fe picque prefque
toûjours d'aimer conftamment. Si dans
la fuite du temps il reconnoift des defauts
dans la Perfonne qu'il aime , s'il n'y
trouve plus tout ce que d'abord il y avoit
veu d'agreable , fes foins ne diminuent
pas pour cela , & il trouve tant de marques
de bonté dans la preference que
D iiij
80 Extraordinaire
la Belle luy a donnée fur fes Rivaux , que
quoy qu'il faffe il n'eft jamais content
de luy- mefme , & ne croit point avoir
affez fait pour luy en marquer fa reconnoiffance.
Mais un Homme fans merite,
comme il ne connoift point les delicateffes
de l'amour,fouvent fa paffion tient
de la brutalité , & prefque toûjours de
l'emportement. Comme il ne cherche
en aimant que fa propre fatisfaction, que
fon plaifir particulier , fi-toft que ce qui
luy donnoit cette fatisfaction , ou ce
plaifir , s'évanouit , fi - toft que la Belle
vient à perdre fes charmes , il perd la
tendreffe qu'il avoit pour elle. Ses empreffemens
diminuënt, & il abandonne
honteulement une Perfonne qui l'avoit
choify comme un Amant dont les premieres
affiduitez l'avoient charmée, dans
l'efperance qu'elles dureroient toûjours.
Voilà , Madame , quels font mes fentimens
fur les trois premieres Queftions.
Pour les autres , je les laiffe à decider à
ceux qui fe feront un plaifir de l'entreprendre
; car quoy que j'aime la Chaffe,
je ne me fuis jamais attaché à en chercher
l'origine. Je traite tous les Superftitieux
du Mercure Galant.
ftitieux de ridicules, de vifionnaires, &
d'efprits chimeriques ; & enfin fur le
chapitre de la Medecine , quand on devroit
me faire paffer pour criminel de
leze- Faculté , je vous avoüeray que je
fuis un peu impie , & que je n'y crois
que de bonne forte. Je fuis , Madame,
voftre, &c.
Le Rat du Parnaffe,du C.S.Mederic,
La Lettre qui fuit a esté écrite à une
Princeffe plus confiderable encor par fes
belles qualitez que par fon rang. Le nom
de l'Auteur que vous trouverez au bas,
porte une recommandation fort avantagenfe.
A MADAME
***
I le Ciel me rendoit une heureuſe jeu-
Silereffe.C
foferois vous aimer, adorable Princeſſe;
En toute humilité mon facrifice offert ,
Loin d'eftre rebuté , pourroit eftrefouffert
3
Car on fçait fçait que jamais une Dame
n'abhorre
D v
82 Extraordinaire
Le feu refpectueux de quiconque l'adore.
Malgré tous vos appas je commande à
mon coeur ›
Qu'il ne foit feulement que vostre Admirateur
,
Mais un Admirateur qui vous vante.
fans ceffe ;
Pour vos perfections ma Mufe s'intereſſe
;
Elle aime àpublier que dans tous les Climats

Dans ceux où le chaud regne , & dans
ceux des frimats ,
Il n'eft point de beauté que la vostre
n'efface.
Dés que vous paroiffez , on vous cede la
place ;
On vous voitfurpaffer les Objets les plus
beaux ,
Comme noftre Grand Roy , les plus fameux
Héros,
Et vos yeux éclatans , en triomphesfertiles
,
Gagnent antant de Coeurs , qu'il a conquis
de Villes ,
Noftre Profe & nos Vers ne finiroient
jamais
Sur
du Mercure Galant. 83
Sur les Faits de LOUIS , & ves divins
attraits.
Je fuis ravy, Madame, que mes Vers
ayent l'honneur de vous plaire , & d'apprendre
que vous ne trouverez pas
mauvais que Mercure Galant les expofe
aux yeux du Public ; mais vous ne defi
rez pas eftre nommée , & vous voulez
paroiftre incognito. Ce m'eft un déplaifir
mortel , que voftré Nom ne foit
pas à la tefte de ce petit Ouvrage .
Mes Vers en feroient illultrez ; Mercure
Galant auroit topé avec plaifir aux
louanges que je vous aurois données ,
& il auroit enchery deffus , car il eſt
éloquent & bon Panegyrifte . Permettez
d'ailleurs Madaine , que majoye,
delate , & que je me vante hautement
que je ne fuis pas malhabile , d'avoir
fait des Vers qui foient au gré d'une
Princeffe jeune , bien faite , & toute
pleine d'efprit. Il n'eft pas aisé de contenter
les Dames. On a toûjours quelque
chofe à refaire , & elles ne donnent
pas moins de peine aux Poëtes, qu'à leurs
Tailleurs , à leurs Cordonniers , & à
tous
84 Extraordinaire
tous les Ouvriers qui travaillent pour
elles. On m'a dit qu'il n'y avoit qu'un
mot feulement qui vous déplaifoit dans
mes Vers.Des Connoiffeurs les ont leus
& releus. La faute ne leur a point ſauté
aux yeux. Il a fallu que je la leur aye
marquée. Auffi -toft on s'eft rangé de
voſtre côté , & l'on a critiqué le mot,
en loüant voftre jufteffe & vôtre délicateffe.
Je palle condamnation , & fuis
avec tout le refpect qui vous eft dû ,
Madane , voftre tres-humble & tresobeïffant
Serviteur,
DE LIGNIERES.
Si tous les Traitez que je vous ay envoyez
de Monfieur Ranle de Roüenfur
diferentes matieres vous ont donné
beaucoup deplaifir , parce que vous les
avez toûjours trouvez pleins de recherches
curieufes , vous ne devez pas vous
enmoinspromettre du Difcours que vous
allez voir touchant les Anneaux . Il eft
de ce mefme Autheur , & ne laiſſe rien
àfouhaiter à ceux qui veulent eftreen
tierement éclaircis fur cefujer. we
、』
21.
DE
du Mercure Galant. 85
DE L'ORIGINE DES
Anneaux , de leur matiere , &
de leurs ufages; & de la vertu
des plus rares Pierres qui y font
enchaffées.s
2
Uoy que le Mercure n'ait proposé
l'origine des Anneaux ou Bagues
,que pour donner lieu à des Fables,
le fujet m'en a femblé affez curieux
pour en parler autrement , comme auffi
de leur matiere & de leur ufage , felon
lés temps & les Nations , & pour en
fuite dire quelque chofe de la vertu
des Pierres les plus rates & les plus
précieufes que l'on y enchaffe.
E
Selon la Fable , Promethée qui des
les premiers temps avoit découvert un
grand nombre de Secrets , ayant efté
délivré des chaînes dont il eftoit attaché
au Mont Caucafe pour avoir déarobé
le feu du Ciel en reconnoiffance
de cette faveur qu'il avoit reçeuë
de Jupiter, fe fit de ces mefmes chaînes
un
86 Extraordinaire
un Anneau , dans le chaton duquel il
reprefenta la figure du Rocher où il
avoit efté détenu , ou plutoft , comme
dit Pline , il y enferma un morceau du
meline Rocher , & le mit à fon doigt.
Voila le premier Anneau , & la premiere
Pierre.
>
Mais on apprend d'ailleurs que l'uſage
des Anneaux eft fort ancien , & que
les Egyptiens en ont efté les premiers
Inventeurs , ce qui fe confirme par la
perfonne de Jofeph , comme on voit en
la Geneſe 41. du temps de Pharaon ,
puis que pour avoir interpreté le
Songe de ce Roy , Al reçût non feulement
la liberté mais il fut récompenfé
de l'Anneau de ce Prince , d'un
Collier d'or & de la Surintendafice de
l'Egypte. For no sup amat be
w l
24 Jofephelau troifiéme Livré des Antiquitez
Judaïques , dit que les Ifraëlités
en avoient l'ufage apres leur paffage de
-la Mer rouge , puis que Moile au retour
-du Mont Sinai trouva) qu'ils avoient
-forgé des Anneaux où Bagues de leurs
Femmes , le Veau d'ory 5:
2 Lemefme Moife ( ce qui fut plus de
quatre 41.1
du Mercure Galant. 87
de quatre cens ans avant la guerre
Troye ) permit aux Preftres qu'il avoit
établis , l'ufage des Anneaux d'or , enrichis
de Pierres pretieufes ; & le Grand
Pontife portoit fur fon Ephod , qui
eftoit une espece de Camail , de riches
Anneaux qui luy fervoient d'Agrafes ,
entre deux defquels eftoit enchaffée
une large Emeraude , où eftoient gravez
des noms myfterieux , outre l'Anneau
qu'il portoit au doigt , qui eftoit
d'un prix inestimable , & d'une vertų
celefte.
Aaron Souverain Pontife des Hebreux,
n'avoit- il pas au doigt un Anneau,
dont le Diamant par fa vertu operoit des
chofes prodigieufes Car il changeoit
fon vif. éclat en une couleur obfcure
& noire , lors que les Hebreux de
voient eftre punis de mort pour leurs
pechez ; & quand ils le devoient eftre
par le glaive , il paroiffoit fanglant.
S'ils eftoient innocens , il brilloit à fon
ordinaire. C
On remarque que les Anciens He
breux fe fervoient d'Anneaux du
temps mefme de la guerre de Troye;.
&
88 Extraordinaire
& la Reyne Jezabel pour perdre Naboth
, comme il eft rapporté au troifiéme
Livre des Roys , fe fervit de l'Anneau
d'Achab Roy des Ifraëlites , fon
Epoux , pour cacheter les fauffes Lettres
qui ordonnoient la mort de ce
malheureux. Juda , comme il eft dit en
la Geneſe 38. n'abufa-t- il pas de Thamar
fa Bru , qui s'eftoit déguisée , en
luy donnant fon Anneau & les Bracelets
pour gage de la foy qu'il luy avoit
promiſe ?
Quoy que le grand Homere ne faffe
aucune mention des Anneaux tant en
fon Odyffée qu'en fon Iliade , ils ne
laiffoient pas d'eftre en ufage du temps
des Grecs & des Troyens, & c'eft d'eux
que plufieurs autres Nations l'ont receu.
Les Lacedemoniens , comme rapporte
Alexander ab Alexandro , felon
les Ordonnances de leur Roy Lycur
gus , ne fe fervoient que d'Anneaux
de fer , ayant à mépris ceux d'or , foit
que ce Roy leur eut voulu retrancher
en cela le luxe , ou qu'il n'en permiſt
pas l'uſage,
L'An
Du Mercure Galant. 89
L'Annéau eftoit chez certaines Nations
une marque de liberalité , d'eftime
& d'amitié, & principalement chez
les Perfes, où il n'eftoit pas permis d'en
porter , à moins qu'ils n'eutfent efté
donnez de la main mefme du Prince.
C'eft ce qui fe remarque auffi en la perfonne
d'Apollonius Tyanée , qui pour
une finguliere eftime & infigne libéralité
en receut un d'une vertu prodigieufe
du grand Jarchas Prince des
Gymnofophiftes , qui estoient des anciens
Preftres des Indes , habitans dans
les Forefts à la façon de nos Druides,
où ils s'adonnoient à la ſageſſe & à la
fpéculation du Ciel & des Aftres. Ce
Philofophe par le moyen de cet Anneau
, apprenoit chaque jour les plus
grands fecrets du monde.
Quoy que l'Anneau que trouva Gyges
Pafteur du Roy de Lydie , tienne
plutoft de la fable qué de la verité , il
ne fera pas hors de propos de rapporter
ce qu'en ont dit Herodote, Cælius apres
Platon , & Ciceron au troifiéme Livre
de fes Offices.
Ce Gyges , apres une grande ravine
d'eaux,
go
. Extraordinaire
d'eaux , penetra fort avant dans la terre,
où ayant trouvé dans le ventre d'un
Cheval d'airan , qui avoit une large
ouverture , un Corps humain d'une
grandeur démesurée , il en tira du doigt
un Anneau d'une vertu étonnante , car
la Pierre qui eftoit au chaton rendoit
celuy qui la portoit invifible , quand
il avoit tourné le chaton au dedans
-de fa paulme de la main , de forte qu'il
pouvoit voir tout le monde fans eltre
veu ; ce que Gyges ayant expérimenté
; il crût que c'eftoit un moyen pour
venir au Trône de Lydie , car ayant
gagné la Reyne par ce fecours , il réüffit
dans fon deffein , ayant tué Candaules
fon Roy. Le Corps mort qui
portoit cet Anneau , eftoit celuy d'un
ancien Brachmane , qui de fon temps
eftoit le Chef de tous.
↑ Les Anneaux chez les Anciens fervoient
fouvent de Cachet, puis qu'Aléxandre
le Grand apres la défaite & la
mort de Darius , fe fervoit de l'Anneau
de ce mefme Roy pour cacheter les Lettres
qu'il envoyoit en Afie ; & pour cel.
les de l'Europe il y employoit le fien .
On
du Mercure Galant . 91
On remarque auffi que les plus
grands Perfonnages portoient dans le
chaton de leurs Anneaux des Pierres
qu'on ne pouvoit eftimer pour leur rareté,
foit qu'elles fuffent naturelles pour
les figures qu'elles repréfentoient , ou
qu'elles fuffent gravées. Les premiers
qui ont pris l'ulage des Anneaux en
Egypte , y portoient les figures de leurs
Dieux , ou d'autres hyeroglyphes.
Seleucus, comme dit Aléxandre, avoit.
un Anneau fatal , dans le chaton duquel
eftoit la figure d'une Ancre , laquelle
marque devint naturelle à fa
pofterité , puis que fes Defcendans la
portoient imprimée fur la cuiffe en
naillant.
Jofephe fait mention que le Roy des
Lacedémoniens , nommé Arius , portoit.
en fon Anneau la figure d'une Aigle tenant
un Dragon entre les ferres , & que.
cette figure eftoit naturelle .
Clearque Capitaine des Grecs , qui
porterent les armes pour le fervice de
Cyrus, au raport de Plutarque , avoit en
la Pierre de fon Anneau une Diane naturellement
exprimée , dançant avec
fes
92 Extraordinaire
fes Nymphes , & avec autant de diftintion
, que fi l'Art y avoit paffé , & en
mourant il en fit préfent à Ctéfias de
Gnide. C'eftoit un Taliſman .
Les Cyréniens donnerent à Battus
Fondateur de leur Ville , pour marque
de leur reconnoiffance , un Anneau dont
la Pierre portoit en fa graveure une efpece
d'herbe appellée Sylphe , qu'on
tient la plus rare & la plus précieuſe
de toutes.
Mules
Pyrrhus, Roy d'Epire , portoit un
Anneau inestimable pour fon Agathe,
qui naturellement repréfentoit un Apollon
tenant fa Harpe , affis au milieu des
tellement diftinguées , comme
fi le tout avoit efté difpofé à deffein,
& c'eft en quoy la Nature s'eftoit agreablement
jouée. Ce Roy ayant efté vaincu
par les Romains , ils en ont gardé
l'Anneau dans le Temple de la Concor
de , comme la chofe la plus précieufe
qu'ils euflent de luy . On a crû que cet
Anneau eftoit un Talifinan.
Le grand Pompée avoit en fon Anneau
un Lion gravé , tenant une Epée.
Sylla au fien portoit l'Image deJugurtha
du Mercure Galant. 93
tha Roy de Numidie , parce qu'il en
ayoit triomphé. Scipion l'Africain étoit
reprefenté en l'Anneau de fon Fils..
Pline le jeune Proconful , portoit en
fa Bague un Char attelé de quatre
Chevaux.
Les Difciples d'Epicure , par vené
ration & pour un heureux augure , y
avoient la figure de leur Maiftre gravée.
Mithridate qui dans le chaton de fon
Anneau portoit du poifon enfermé ,
pour eftre maiftre de la vie quand il le
voudroit , ne le pût eftre, parce que dés
fes jeunes ans il avoit accoûtumé ſon
corps aux Antidotes, & ſe fit tuer par un
Gaulois.
Mais que dira-t- on de l'Anneau de
Polycrate, Roy de l'Ile de Samos , dans
lequel une Emeraude qui n'avoit point
de prix eftoit enfermée ? Ce Roy
ayant toute la vie efté favorifé de la
Fortune , en voulut faire une expérience
vifible en jettant cet Anneau dans
la Mer ; mais par une merveille affez
furprenante , il fut fi heureux que le
mefme Anneau fe trouva dans le ventre
d'un grand Poiffon , qui luy fut fervy à
table
94
Extraordinaire
res ,

table le lendemain . Doit- on attribuer
cette merveille au bonheur de ce Prince
, ou à la vertu de la Pierre de cette
Bague puis qu'il eft des Pierres
qui ont des vertus toutes particulie
comme nous avons dit & le'
dirons ? Cecy arriva en l'année 230.
de la fondation de Rome , & on garde
encor cet Anneau au Tréfor Royal
dans le Temple de la Concorde , avec
celuy de Pyrrhus. L'on le tenoit pour un
Taliſman.
·

Si toft que l'ufage des Anneaux
eut efté apporté de la Grece , en Italie,
les Romains n'en porterent pas à
mefme temps d'or , mais feulement
de fer. Romulus n'en prit pas l'ufage
dés la fondation de Rome ; mais
feulement on en trouve aux doigts des
Statues de Numa - Pompilius & de
Servius- Tullus , Roys fes Succeffeurs.
Toute-fois on remarque dans Florus,
que dés ces temps - là les Anneaux
& les Bracelets eftoient affez commúns
chez les Sabins , puis que la Vierge
Tarpeja , une des Veftales, allant puifer
de l'eau pour le Sacrifice , livra une
des
du Mercure Galant. 95
des Portes du Capitole à Tatius , Roy
des Sabins, & demanda pour recompenſe
les Anneaux cou Bracelets , que les
Soldats avoient en leur main gauche ;
mais eux feignant qu'elle leur avoit
demandé leurs Boucliers , l'en accable-;
rent & entrerent dans la Ville , s'acquitant
par là de leur promeffe.
Y
C'eftoit la coûtume à Rome , que,
l'Epoux avant le Mariage envoyalt à
fon Epouſe un Anneau de fer , fans Chaton
& fans Pierre , pour marquer la,
durée de leur unions & la frugalité
qu'ils devoient garder enſemble ; mais ,
le luxe y prit bien-toft naiffance , &'
l'on fut contraint de le modérer. Cajus
Marius ne s'en fervit d'or , que dans
fon troifiéme Confulat ; & Tibere ,
comme dit Suetone , apporta une regle
à l'autorité de porter des Anneaux,
car il voulut qu'outre la liberté de la
naiffance , l'on euft un revenu confidé- ,
rable , tant de la part du Pere que de
l'Ayeul nok dete M.
1
Les Chevaliers Romains estoient
diftinguez des Senateurs , par leurs
Anneaux d'or; & l'on avoit coûtume d'en
donner
96 Extraordinaire
donner aux Ambaffadeurs pour marque
d'honneur , quand ils recevoient l'or
dre du Senat d'aller chez les Nations
Etrangeres.
Ce fut en fuite une marque de liberté
à Rome , de porter l'Anneau d'or,
parce que l'affranchy eftoit reputé com
me une Perfonne de libre naiffance,
qui avoit receu le droit d'Anneau, parce
qu'il pouvoit entrer dans les Dignitez,
monter aux Charges publiques, & prendre
enfin le nom de Chevalier.
Du temps de la guerre de Carthage.
& de Rome , Annibal pour marque de
la fignalée Victoire qu'il avoit remportée
fur l'Armée Romaine , qui fut taillée
en pieces en la Bataille de Cannes , envoya
à Carthage trois boiffeaux d'Anneaux
, qu'on avoit tirez des doigts de
la Nobleffe, & des Chevaliers Romains
qui eftoient demeurez fur la place. C'eft
dont parlent Juvenal & Florus .
Les mefmes Carthaginois recompenfoient
leurs Soldats felon le nombre
de leurs expéditions , de plufieurs
Anneaux , ce que les Romains faifoient
avec des Couronnes. Les Romains
avoient
du Mercure Galant.
27
avoientcoûtume de mettre bas leurs Anneaux
d'or, & de n'en porter que de fer
dans les funerailles, & dans les accidens
funeftes.
Quoy que les anciens Gaulois , & les
premiers habitans de l'Ecoffe & de l'Angleterre
, euffent accoûtumé de
porter
leurs Anneaux au doigt du milieu , l'ufageenfin
a prévalu chez toutes les Nations,
de les mettre au doigt le plus proche
du petit de la main gauche , qui de
là a pris fon nom d'Annulaire, parce que
comme difent Macrobe dans les Saturnales
, Appion dans fes Egyptiaques, &
apres luy Gellius , il y a un petit nerf,
felon l'opinion des Egyptiens, qui prend
du coeur à ce doigt
Quelques-uns eftiment que les Pierres
pretieufes qui font enchaſsées dans
les Anneaux , pour faire agir plus for
tement leurs vertus fur les Perfonnes
qui les portent , doivent toucher au
doigt , c'eft à dire , que le chaton en
doit eftre percé à jour dans le fond.
Maintenant il eft question de la vertu
des Pierres les plus rares, que l'on a coûtume
d'y renfermer.
Q. de Janvier 1681 .
E
98. Extraordinaire
·
Le Diamantea toûjours efté eftimé
chez les Anciens la Pierre la plus rare,
& la plus précieufe de toutes, foit pour fa
dureté , fon beau feu , ſon eau , ou fes
vertus. Comme il eft victorieux du feu,
auffi refifte- t- il aux chofes les plus dures.
Les plus beaux viennent de Bifnaga
& de Décam , Provinces des Indes
Orientales . La Mer de Tanjam dans
Malaca en fournit de fort rares , ainfi
que fait l'Arabie Heureufe, Ruëns
affure que le Diamant en engendre sun
autre , & qu'une grande Princeffe de
la Famille des Luxembourg, en avoit
deux hereditaires , qui en produifoient
en certain temps d'autres ; ce qui fe
remarque facilement quandils font proches
d'en engendrer d'autres. Cecy eft
auffi rapporté par Bootius.
La vertu de cette Pierre eft contre les
venins , la pefte , les terreurs paniques,
les infomnies , lleess pprreeſfttiiggeess , & les
enchantemens . Elle calme la colere , &
fomente l'amour entre l'Epoux & l'Epoufe
; on lappelle de la Pierre de
réconciliation. Quelques- uns luy donnent
la vertu des Talifmans ; quand
fous
du Mercure Galant. 99
fous une favorable conftitution de l'afpect
du Ciel , & fous la Planete de
Mars, la figure du Dieu Mars ou d'Hercule
furmontant l'Hydre , y eft gravée ;
car cel qui la porte eft toûjours affuré
de victore en quelque nombre que
formis.
on aue toutefois une qualité
à la Pe Diamant tellement pernicieufe
, qu'elle ne peut eftre corrigée ,
foit qu'elle foit extrêmement froide , ou
pour eftre corrofive ; & l'on tient que
Theophrafte Paracelfe , tout grand Medecin
qu'il eftoit, en a efté empoisonné .
Comme la chaleur peut corrompre la
fplendeur & l'éclat du Diamant , Vvolphangus
& André Baccius font d'avis
que le foir avant que de fe coucher , il .
le faut tirer du doigt , & le mettre ſur
quelque marbre , ou en quelque lieu
froid. Le Symbole du Diamant eſt la
Conftance , la Force , l'Innocence , &
les autres vertus héroïques. Les deux
grands Prophetes Zacharie & Ezechiel
ont fait tant d'état du Diamant , qu'ils
l'ont bien voulu employer dans leurs
Ecrits.
Eij
100 Extraordinaire
>
L'Efcarboucle eft une Pierre fi rare
& fi pretieufe , qu'il eft difficile d'en
recouvrer. Si quelques- uns ont voulu
dire qu'elle n'eftoit pas dans la nature
des chofes, ils fe font entierement abufez
, puifqu'il eft certain qu'il s'en eft
trouvé & qu'il s'en trouve encor.
Garcias ab Horto , Medecin du Viceroy
des Indes , écrit qu'il a veu luy - même
chez ce Prince , des Efcarboucles
dont l'éclat eftoit fi prodigieux, qu'elles
fembloient autant de charbons embrafez
qui brilloient au milieu des tenebres
. Louis Vertoman , Romain , rapporte
que le Roy de Pegu , qui eft la
Capitale des Indes, en portoit pour l'ordinaire
une d'une telle grandeur , &
d'un éclat ſi vif & fi perçant , que quiconque
regardoit ce Roy au milieu de
la nuit , ille voyoit briller comme s'il
euft efté environné des rayons du Spfeil.
Si donc la Nature produit des Pierres
de cette qualité , qui brillent avec
tant d'éclat dans la nuit , & en diffipent
l'obfcurité , ce doivent eftre autant
d'Eſcarboucles ; & c'est ce feu qui les
doit diftinguer des autres Pierres pretienfes.
du Mercure Galant . ΙΟΙ
tieuſes . Si cette mefine Nature a donné
un fi beau feu à un petit Vermiffeau ,
qui dans la faifon de l'Eté perce de fon
éclat les tenebres de la nuit , & illumine
les objets d'autour de luy , pourquoy
un corps plus folide , plus purifié , &
où la Nature a pû travailler durant plu̟-
fieurs fiecles , n'aura - t- il pas ce meſme
feu avec plus de brillant , eftant un ouvrage
plus achevé , & dont le merite , à
la referve de la vie , paffe celuy du Ver
luifant ?
Mais voyons ce que rapporte Elian
au Livre 8. Chap. 2 2. de l'Hiftoire des
Animaux , fur une merveille auffi furprenante
qu'il en ait jamais efté , à l'occafion
d'une Efcarboucle . Une jeune
Cycoigne ayant efté guerie d'une cuiffe
rompue par une Femme venuë de la
Ville de Tarente , Capitale de la grande
Grece , nommée Heraclée , en reconnoiffance
du foin qu'elle avoit pris
de luy fournir d'aliment , & d'en avoir
efté pensée , peu de temps apres luy
laiffa tomber dans le fein une pretieufe.
Eſcarboucle qui brilloit au milieu
de la nuit comme un flambeau
د
E iij
102 Extraordinaire
1
ardent. Il ne faut pas donc douter que
les Dragons qui en portent pour s'éclairer,
ne les connoiffent, puis que les Oyfeaux
fçavent les diftinguer d'avec les
autres Pierres , & les trouver dans les
lieux où elles naiffent , & l'on voit par
là qu'elles ne peuvent pas eftre dans la
tefte des Dragons.
Il y en a de divers genre , & de divers
fexe ; mais les plus nobles l'emportent
toûjours fur les autres. La nature
de cette Pierre eft de jetter un feu
brillant au dehors d'elle- mefme, & qui
éclate davantage que plus l'obfcurité eft
grande. Elle renferme auffi des goutes
d'or , qui font comme autant d'Etoiles
au dedans , & ce font là les plus rares
Efcarboucles qui viennent d'Ethiopie.
Les Chaldéens avoient une fi grande
venération pour cette Pierre, qu'ils
s'en fervoient dans leurs Cerémo
nies. Ce qui eft encor remarqua
ble , on ne peut contrefaire une Eſcarboucle.
Les vertus de cette Pierre , font de
réfifter au feu d'arrefter les fluxions
des yeux , de divertir les fonges & les
illu
du Mercure Galant.
1031
с
illufions nocturnes ,& de fervir d'antidote
contre l'air peftilent, & corrompu.
Le Ruby differe beaucoup. de , PEL
carboncler, quoy que quelques- uhsi
n'y ayent pas voulu mettre de. diftinction.
Le premier eft brillant à la veris
té , mais iln'a rien du feu de l'autre . 11
eft diaphane , marqueté de petites taches
d'azur au milieu de fa couleur de
pourpre ou de Laque des Indes.
Moins le Ruby a d'azur , il en paroiſt
plus beau, & en eft plus noble. Il y en
à de plufieurs éfpeces , & elles dégenerent
les lines des autres. Le vray Ruby
approcherplus de l'Efcarboucle que des
autres qui font moindres. Les plus nobles
naiffent dans l'Ifle de Zeilan , &
dans le Fleuve Pegu . Ceux de Bifnaga,
de Calécut & de Cambaia, font moins
eftinez. Celuy que l'Empereur Rodolphe
II. avoit ettoit égal en groffeur à
un petit ceuf de Poule , & eftoit eſtimé
foixante mille Ducats. L'on tient qu'il
ne s'en eft jamais vu un plus gros en
Europe, & qu'il luy eftoit venu par fucceffion
d'une Sour , Veuve d'un de nos
Roys de France .
E
iiij
104
Extraordinaire
Les vertus du Ruby fe remarquent
à reſiſter au venin , à preferver de la
peſte , à bannir la trifteffe , à reprimer
la luxure , & à détourner les mauvaiſes.
pensées. S'il change de couleur , il annonce
les malheurs qui doivent arriver
, & il la réprend fi toft qu'ils font
paffez .
L'Amethifte eft d'un fi grand merire
pour fes rarerez , qu'elle tient une
des premieres places entre les Pierres
pretieufes. L'on en trouve dans les Indes
qui approchent de la couleur du
Vin clairet; mais les plus belles tirent
fur la couleur violete , & ce font les plus
eftimées. L'Arabie , Thafo , l'Arménie,
l'Ethiopie , Chypre , & autres lieux
Orientaux , en fourniffent de celebres,
mefme l'Allemagne & la Bohëme
en ont d'affez rares. Plus leur couleur
eft enfoncée , & moins tranfparente,
elles en font en plus grande eftime. Elle
eft nommée Améthifte pour la cou
leur dont elle eſt reveſtuë , & parce
qu'elle empefche l'yvreffe. C'eft là fon
propre caractere. Elle divertit les mauvaifes
pensées , rend l'efprit heureux,
&
du Mercure Galant .
105
& fait gagner la faveur des Princes.
L'Améthifte appliquée fur le nombril ,
attire la vapeur du Vin & en diffipe les
fumées. C'eftoit la Pierre la plus cherie
des Dames Romaines.
L'Hyacinthe eſt du nombre des Pierres
les plus rares ; & celles qu'on tient
les plus belles , brillent comme les flâmes
du feu , & imitent la couleur de
l'écarlate , ou du vermillon naturel.
Les plus nobles viennent de l'Orient,
de Cananor , de Calecut , & de Cambaïa
, quoy qu'il s'en trouve dans la
Siléfie , & dans la Bohëme , ˆmais elles
n'ont pas tant de feu , ny de vertu
. Leur principal ufage eft contre la
peſte, eſtant pendues au col ; elles fortifient
le coeur , garantiffent de la fotdre
, & augmentent les richeffes, l'horneur
, la prudence & la fagefle. Il s'en
trouve de quatre efpeces , & voila la
plus eftimée.
L'Emeraude entre les Pierres pretieufes
eft la plus parfaite , la plus helle
, & la plus gaye. Les plus confiderables,
viennent des Indes , de Perfe , & du
Pêrou. Ce n'est pas qu'il ne s'en trouve
E v
106 Extraordinaire
dans l'Egypte , dans la Scythie , & dans
l'Europe ; mais elles n'ont pas tant d'éclat
, ny de beauté. L'on en fait deux.
efpeces , les unes Orientales , & les
autres Occidentales , & les dernieres
fe divifent encor en deux autres eſpe-
Ges. On leur donne divers noms felon
la vivacité de leur couleur , la Prafine
, la Néroniane , & la Domitiane..
Suétone écrit , que Néron avoit coutume
de regarder les Jeux des Gladiateurs
au travers.de fon Emeraude. Les.
vertus de cette rare Pierre font d'empefcher
les fyncopes du mal caduc ; & fi
le mal eft fi violent qu'elle ne le puiffe
vaincre , elle fe brife. Si elle eft
liée à la cuiffe de la Femme enceinte ,
elle en hafte l'enfantement. La poudre
de la franche Emeraude eftant buë,
arrefte la dyfenterie & tout flux de
fang, & remédie aux morfures des Animaux
venimeux. Saint Jean a tant
honoré cette Pierre , qu'il en a voulu
faire mention dans fon Apocalypfe.
L'Opale, dont on fait quatre efpeces,
sient un grand rang entre les Pierres
prétieules , parce qu'elle participe de
la
du Mercure Galant.
107
+
C
la beauté de toutes les autres , & *
qu'elle ne peut eftre contrefaite. Elle
a quelque peu du feu de l'Eſcarboucle
la pourpre de l'Améthifte , le
verd de l'Emeraude , & un agreable
mélange de bleu , de jaune , de noir,
& de blanc , & cette beauté naift dé
la réflexion des couleurs entr'elles
comme l'on voit dans l'Iris . Les plus.
belles viennent des Indes , quoy qu'il
s'en trouve dans l'Arabie , l'Egypte , la
Galatie , Thalo , la Hongrie , & dans
l'Ile de Chypre. La vertu de l'Opale
, eft de recréer les efprits du coeur,
de préferver contre les venius & les
contagions de l'air , de chaffer la trif
teffe , d'empefcher la fyncope , les
maux de coeur , & les malignes affe-
Aions. Cette Pierre ne peut eftre contrefaite.
Autrefois les Opales eftoient
en fi grande eſtime chez les Romains,
que Nonius Sénateur aima mieux eftre
privé de fa Patrie & de fa Charge
, que de donner fon Opale à Marc-
Antoine , qui en avoit une envie extréme
. Elle eftoit eftimée vingt- mille
Sterces , qui font à noftre fuputation,
108 Extraordinaire
tation , un million cinq cens mille livres
; mais le prix de ces Pierres eſt
tout-à- fait déchû.
L'Agathe , qui n'a pas les beautez
des autres Pierres de prix , ne laifle pas
d'avoir des vertus particulieres , & il
ne faut pas aller aux Indes pour en découvrir.
La France , l'Angleterre , la
Sicile , le Liege , l'Allemagne , &da
Bohéme, en fourniffent. Ses vertus font
de conforter le coeur , de repouffer l'air
contagieux , & de réfifter aux morfures
des Viperes & des Scorpions.
Nous terminerons ce Difcours par
la Pantarbe , dont Philoftrate dans la
Vie d'Apollonius raconte des merveilles.
Comme cette Pierre eft incompa
rable en beauté , auffi l'eft- elle en vertul
, car elle a un certain éclat fi pené
trant , & un feu fi vif , que comme
une Efcarbouele , elle allume le jour
au milieu de la nuit ; mais ce qu'on
admire davantage , cette lumiere eft un
efprit qui a tant d'effet , qu'il fe répand
dans la terre , pour attirer infenfiblement
les autres Pierres en rond
autour
du Mercure Galant. 109
"
*
autour de foy ; & mefme autant que cette
vertu s'éténd , autant a-t- elle de force
, & toutes ces Pierres dont elle fe
fait une ceinture , reffemblent à un
Effain d'Abeilles qui environnent leur
Roy. Mais de peur qu'un fi riche tréfor
ne devinst trop vil , la Nature l'a
non feulement caché dans les plus
occultes entrailles de la terre , mais
luy a mefme donné une faculté particuliere
de s'échaper des mains de
ceux qui voudroient la prendre , à
moins que de fe bien précautionner.
Quelques-uns l'appellent Aymant d'or,
parce qu'elle attire ce métal. Elle prend
La naiffance dans cette Partie des
Indes où l'or s'engendre , & par le
point de la décuffation des lignes
cette Pierre eft capable de découvrir
les veines de ce métal dans les lieux
où il fe forme , & d'indiquer les Tréfors.
Héliodore en fon Hiftoire de
Theagene & de Cericlée , dit qu'elle
garantit du feu ceux qui la portent , &
que Cariclée en fut préfervé par ce
fecours , malgré les fureurs & la vangeance
d'Arface Reyne d'Ethiopie ; &
"

V l'on
110 Extraordinaire:
l'on a tenu que c'eftoit un des premiers
Talifinans que Théagene ait poffedé
dans l'Egypte.
•2003 2003 8063 EES
A UN AMY ,
Qui peignoit merveilleufement
bien des Fleurs en miniature,
& qui faifoit mal des Vers.
EPIST RE.
Aiffez les Vers, faites des Fleurs;
L'An lien d'encre , fez des couleurs;
Apollon n'est point à vos gages
A Flore rendez vos bommages ; t
Le premier vous bait, il vous fuit zu
¿L'autre vous aime , elle vous fuit. suas à
A rimer vous n'eftes pas maiſtrey ol
-Pour peindre , le Ciel vous fit naistres
Peignez nuit & jour deformais,
Mais aux Vers ne touchez jamais
Soit justice , foit fantaisie,
La Peinture & la Poësie
Quoy que Soeurs ne s'accordent pas
A trouver en vous des appas.
Ces
du Mercure Galant. III
Ces vieilles, mais belles Déeffes ,
Dont vous vous faites des Maîtreſſes ,
Ont encore affez de talent
Pour avoir chacune un Galant.
C'est bien affez d'en fervir une ,
N'allez point laffer la Fortune ;
Elle a fait de reste pour vous ,
Paix- donc , croyez- moy , file doux
Pour un Chreftien quelle infamie ,
Detenter la Polygamie !
Sipour un Turc ce n'est que jeu ,
En France cela fent le feu?
Comme un Amant adroit & fage
Satisfait de vostre partage,
A la Peinture nuit & jour
Faites donc vostre unique cour.
Plus qu'aucun la Belle vous aime,
Plus qu'aucune aimez- la de meſme,
Laiffez àfa Soeur fes Amans·
Luy pouffer les beauxfentimens.
Il n'eft rien en vous qu'il luy plaife,
Peigne , peignez tout à veftre aife ,
Et fans plus mettre au jour des Vers
Rempliffe de Fleurs l'Univers.
DELONGES , Avocat à Lyon.
L'A
112 Extraordinaire
*
L'AMANT AVEUGLE .
MADRIGA L.
Vou
Om voir , ou vous entendre,
C'eft affez pour estre charmé,
Et je croy, belle Iris, que le coeur le moins
tendre
Ne pourroit , fans estre enflâmé ,
Vous voir , ou vous entendre.
Pour moy, qu'une tropfombre nuit
Priva du doux plaifir d'admirer tous
vos charmes,
Je me voy toutefois réduit
A vous rendre les armes ;
Voftre entretienfeul m'a charmé,
Et c'eft ce qui me fait comprendre,
Qu'on ne peut, fans estre enflâmé,
Vous voir, ou vous entendre.
Avant que de vous mener à Aranjuez
, qui est une des plus confidérables
Maifons du Roy d'Espagne , il faut encor
vous en faire voir deux autres qui
font aux environs de Madrid. La premiere
THEQUE
DE
LYONE
LYOA
L
la
du Mercure Galant . 113
. miere en eft à une lieuë & demie , &
s'appelle Cala Real de la Zarzuela. Je
ne m'arresteray point à vous en faire la
defcription. Vous vous la ferez aifement
vous mefme , en vous attachant à regar
der cette Planche .
2
La Chaffe fait le divertiffement de
tant de Gens , que le Traité que vous allez
voir ne peut manquer de Lecteurs , cha
cun cherchant toûjours à s'inftruire de ce
qui eft le plus de fon gouft. Monfieur
Germain eft l'Autheur de ce Traité. C'eft
un Ecclefiaftique de Caën , qui a ramaſſé
avec beaucoup d'étude & d'efprit tout ce
qu'on peut dire fur cette matiere.
DE LA CHASSE.
Q
Uoy que la Chaffe foit quelque
chofe d'affez connu dans le monde
, & qu'il n'y ait point de Contrée
fur la terre où il ne fe rencontre des
Gens qui en faffent leur occupation ,
il eft certain neantmoins qu'il en eft
beaucoup , & de ceux mefmes qui s'en
meflent
**
114 Extraordinaire 2
0
meflent le plus , qui feroient affez em
baraffez fi on les vouloit obliger à dire
ce que c'eft en effet que cet Exerci
ce qu'elles en font les efpeces , quelle
origine il a euë , & qui font ceux que
l'on en reconnoift pour les premiers
Inventeurs. J'avoue qu'en ce dernier
point il y a grande diverfité d'opinions
parmy les Autheurs quisont écrit fur
cette matiere ..
,
Xénophon qui felon Eufebe vivoit
dans la 95. Olympiade , veut dans le
commencements de fon Cynégitique ,
que les premiers Inventeurs de la Chaf
fe ayent été les Dieux , & particu
lierement Apollon & Diane difant
que la Chaffe eft une invention & un
don venu de leur past, dont ils honorérent
particulierement Chiron Prince
de Theffalie Homme celebre pour
fa fageffe & pour fon adreffe toute
finguliere à toutes fortes d'Exercices,
lequel fleuriffoit vers l'an du monde
2770. Quelques-unsi veulent que ce
Chiron fuft un Centaure, Fils de Satur-
The & de Phyllite Nymphe Theffalienne
, Fille de l'Ocean , qui ayant acquis
beau
du Mercure Galant.
115
beaucoup de réputation par ſa prudence
& fon induftrie à toutes fortes d'Arts,
fut choify pour Précepteur des plus
grands Princes de fon fiecle , parmy
lefquels on compte Hercule , Meleagre,
Caftor & Pollux , Achille , Thefée,
Jafon , Pâris , & plufieurs autres. Ou
tre qu'il eftoit parfaitement bien ver,
fé dans les Sciences d'Aftrologie &
de Medecine , il n'excelloit pas moins
dans la Mufique & les Inftrumens , que
dans l'exercice de monter à cheval , &
de chaffer à toutes fortes de Beftes ,
& mefme aux Lions , de la moëlle
defquels il fubftentoit quelquefois fes
Nourriffons.
Eufebe , cité par Polidor Virgile ,
Lib. 3. de Invent, rerum, cap. 5. dit que
les Pheniciens furent les premiers qui
s'aviferent de la chaffe , tant aux Beftes
qu'aux Oyſeaux , & de la peſche mefine
des Poiffons. Jean de Sarefbery 4. Poli
crat. cap.4. & Pierre de Blois Epift. 16.
rapportent l'invention de cet Exercice
aux Thébains . Corneille Agrippa,
Lib, de vanit. fcient. caps 77. eft de
leur fentiment , & dit que les Thébains
l'appri
116 Extraordinaire
l'apprirent aux Phrygiens ; ceux - cy
aux Athéniens , qui l'enfeignerent
en fuite à tous les autres Peuples de la
Grece.
D'autres particularifent davantage,
& felon eux , Perfée Fils de Jupiter
& de Danaé Roy d'Argos , fut le premier
qui alla à la chaffe des Chévreüils .
Caftor monta le premier à cheval
pour courir le Cerf. ( C'est ce que
marque Stazin dans fon Hiftoire de
Chypre en Vers Grecs. ) Pollux connut
auffi le premier par les Limiers
la trace des Beftes courantes . Meleagre
, Fils d'Oenée Roy de Calydon ,
inventa les Epieux contre les Sangliers
& autres fortes de Beftes féroces.
Hyppolite , Fils de Thefée , &
d'Hyppolite Reyne des Amazones ,
les Toiles , les Pans , & les Retz . Et
enfin Orion , procrée felon la Fable,
de l'urine de Jupiter, de Neptune , & de
Mercure , s'avifa de dreffer des Meutes
⚫ de Chiens.
Toutefois laiffant à part le témoignage
de ces Autheurs , & de quelques
autres plus fabuleux que veritables,
il
du Mercure Galant.
117
il faut dire que la Chaffe eft encor
plus ancienne qu'ils ne difent , puis
qu'il eft vray qu'elle eft auffi vieille
que le monde ; Caïn , le fecond de tous
les Hommes , en ayant efté le premier
Chaffeur , puis qu'il fut le premier
qui maffacra les Hommes & les
Beftes ., Lamech , un de fes Defcendans
& fon femblable en humeur
& en cruauté , s'adonna auffi au mefme
exercice vers l'an du monde 700.
Nemroth , Gxiéme Fils de Chus , petit-
Fils de Noé par fon Pere Cham, qui vivoit
l'an du monde 17 50.fuivit la même
occupation , & c'eft le premier que les
Saintes Pages appellent un puiffant
Véneur devant le Seigneur , Erat robuftus
Venator coram Domino , Gen.10 .
& apres luy Efau Fils d'Ifaac , qui vivoit
l'an du monde 2200. & c'est tout
ce que l'on
peut apporter de plus ancien
& de plus certain touchant l'origine
de la Chaffe.
Quant à fa diviſion , ſon
partage
le
plus general fe peut faire en trois efpeces
, dit Platon , felon les trois genres
d'Animaux qui peuplent les trois principaux
118 Extraordinaire
cipaux Corps élementaires, ou les trois
Régions de l'Univers. Eft enim vènatio
Animalium , vel aquatilium , vel
volucrum, vel terreftrium , Plato 7. de
Leg. c'eft à dire les Oyfeaux en l'air,
les Beftes fur la terre , & les Poiffons
dans l'eau ; lefquelles trois efpeces d'Animaux
fe prennent ordinairement par
trois fortes de Chaffes,fçavoir, les premiers
par la Volerie , les feconds par la
Vénerie & les derniers par la Peſche,
Je ne parle icy que des deux premieres
fortes de Chaffes , laiffant la derniere,
qui n'en porte le nom qu'improprement
& qui n'a que tres- peu de raport
aux deux autres.
,
Pour la Volerie , il n'eft pas aifé de
dire en quel temps precisément elle
a commencé d'eftre en ufage parmy
les Hommes ; car quoy qu'elle foit aujourd'huy
en fi grande vogue chez -toutes
les Nations un peu civilisées , il
femble toutefois qu'elle ait efté prefque
inconnue, ou au moins tres- peu en
pratique chez les Anciens. On le conjecture
en ce que ny Ariftote , ny Pline
, que nous reconnoiffons pour les
deux
du Mercure Galant. 1119
N
deux Autheurs qui ont traité le plus à
fond de la nature & des proprietez des
Oyfeaux de proye , n'ont point parlé
du moyen , ny de la maniere que les
Hommes ont employée pour les inftruire
& les dreffer à cette forte d'exercice
; & l'on ne trouve point d'Autheur
qui en dife quelque chofe , &
qui foit plus ancien que Jules Firmique
, qui vivoit du temps de l'Empereur
Conftantin , Fils de Conſtantin
le Grand , car c'eft le premier qui ait
touché cette matiere , comme on le
peut voir dans fon cinquiéme Livre,
chap. 8 .
Il eft bien vray que Pline dans le dixiéme
de fon Hiftoire naturelle , chap.
8. dit que dans certaine Contrée de la
Thrace , au deffus d'Amphipolis , ou
Cedropolis felon Ariftote , ( que l'on
croft eftre Chryfopolis , Ville fituée
entre la Thrace & la Macedoine , ou
Albanie , les Oyfeaux de proye faifoient
par le feul inftinct de la Nature
, & fans y avoir efté inftruits , une
efpece de chaffe aux autres Oyfeaux; fe
joignant pour cela de compagnie avec
les
120 Extraordinaire
les autres Habitans de ces lieux ; ' car
pendant que ceux - cy batoient les Buiffons
pour en faire fortir les Oyfeaux ,
ceux - là rodoient par deffus , afin d'empefcher
qu'ils ne s'envolaffent ; & la
Chaffe eftant finie , on ne manquoit
pas d'en laiffer la part aux Oyfeaux
qui y avoient contribué. Cet Autheur
ajoûte , que lors que la faifon & le
temps eftoient propres pour chaffer,
ces Oyfeaux ne manquoient point d'en
venir avertir les Chaffeurs par un cry
particulier , & par un certain batement
d'ailes , qui leur apprenoit qu'il y avoit
du Gibier en campagne. Pline n'en
feroit pas fort croyable , fi la meſme
choſe ne fe lifoit dans Ariftote au Livre
qu'il a fait des Chofes merveilleufes
qui fe rencontrent dans la Nature ; 'mais
ny l'un ny l'autre de ces Autheurs ne
dit point que ces Peuples fe donnaffent
aucun foin de dreffer ces Oyfeaux,
ny de les inftruire à la chaffe des
autres.
Nous voyons cependant quelque apparence
de l'ufage de cet exercice dans
quelques endroits des Saintes Lettres,
comme
du Mercure Galant. 121
comme dans le 17. Chapitre du Levitique
, où l'on remarque ces paroles , Si
venatione, atque aucupio ceperit feram,
vel avem ; ce qui donne quelque conjecture
que dés le temps mefme de
Moïse, les Hébreux fe fervoient d'Oyfeaux
de volerie pour chaffer ; & cela fe
peut encor confirmer par un Paffage du
Prophete Baruch , chapitre 3. où parlant
des occupations & des divertiffemens
des Princes & des grands Seigneurs
de fon temps , il dit entr'autres,
qu'ils prenoient leurs plaifirs à chaffer
aux Beftes de la Terre , & à faire voler
les Oyfeaux du Ciel ; Ubifunt Principes
Gentium , & qui dominantur fuper
Beftias , qua funt fuper terram , qui in
avibus coeli ludunt ?
Quoy qu'il en foit , Pierre de Creſcence
dans fon dixiéme Livre de l'Agriculture
, chap. 10. attribuë l'invention
de la Volerie à je- ne - fçay quel Roy,
fans dire de quelle Contiée , qu'il nomme
Daucus , ou Dacus , difant que ce
fut le premier qui la mit en ufage parles
Hommes. Corneille Agrippa ,
au Livre que j'ay déja allegué , fait
Q. deJanvier 1681 .
my
F
122 Extraordinaire
Uliffe Inventeur de la haute Volerie ,
& dit que pour cet effet il apporta en
Grece apres la prife de Troye, des Faucons
, Autours , & Laniers , & autres
fortes d'Oyfeaux qu'il avoit inftruits à
la chaffe des autres , afin que ce divertiffement
recreaft un peu l'efprit de
ceux d'entre les Grecs qui avoient perdu
leurs Parens ou leurs Amis pendant
la guerre. Albert Leandre en fon Hiftoire
d'Italie, dit que celuy qui l'a mife
le plus en vogae, ç'a efté Frederic I.
furnommé Barberoufle , Empereur
d'Occident. Et Calenutius dans fon Hiftoire
Napolitaine , chapitre 4. attribuë
cette gloire à Henry I. auffi Empereur
d'Occident.
L'on compte quatre efpeces principales
d'Oyfeaux de volerie , fçavoir , le
Faucon , le Gerfaut, le Sacre,& le Lanier.
Les autres Oyfeaux moindres, font l'Epervier
, l'Autour , l'Emerillon , le Falquet,
le Hobereau , &c. dans toutes lefquelles
efpeces les femelles s'appellent
Formes, & les mâles Tiercelets. On diftingue
auffi de trois fortes de Volerie,
haute, moyenne, & baffe.
Pour
du Mercure Galant.
123 '
7
Pour la Venerie , elle comprend
univerſellement toute forte de Challes
de Beftes à poil, foit fauves, foit noires.
Pour lefquelles Chaffes on fe fert der
plufieurs fortes de Chiens , que l'on diftingue
communément en Dogues, Liniers
, Levriers , Chiens courans , Baffets
, Epagneux , & autres efpeces. L'on
eftime entr'autres une espece de Chiens
courans que l'on a en France , & que
l'on appelle Baux ou Greffiers, lefquels
font (dit- on ) defcendus originairement
d'un certain Chien blanc venu de
Batbarie , nommé Soüillard , dont on
fit prefent à Madame Anne de France ,
Fille de Louis XI. grande Chaffereffe
. On dit que ces fortes de Chiens
ne courent qu'apres les Cerfs , mais
qu'ils courent toujours , & ne fe laffent
jamais.
"
"
Quoy que l'exercice de la Chaffe
n'ait pas toujours efté fi en vogue chez
les Anciens , qu'il l'a efté depuis , &
l'eft encor aujourd'huy parmy toutes les
Nations du monde ; il eft pourtant certain
qu'il a efté de tout temps fort en
ufage chez les trois plus celebres Peu-
Fij
124
Extraordinaire
.
ples de la terre , qui font les Perfes , les
Grecs, & les Romains .
Pour les premiers , il ne faut que lire
ce qu'en rapporte Justin dans le premier
Livre de les Hiftoires , & particulierement
dans la Vie d'Aftyage & de
Cyrus , tous deux Roys de Perle ; & ce
qu'en écrit Corneille Tacite , Livre 2 .
des Annales , chap . 2. où parlant de Vonone
Roy des Parthes, il dit qu'il eftoit
méprisé de fes Peuples , parce que
contre la loüable coûtume de fes Predeceffeurs
, il n'alloit que fort rarement
à la Challe , qu'il eftoit fort peu curieux
de Chevaux , n'aimant qu'à le faire
porter en Litiere , & dédaignant les
façons de vivre du Païs. Xenophon,
Livre 8. dit que la Chaffe eftoit la plus
grande occupation & le principal exercice
où s'adonnaffent non feulement
les Roys de Perfe , mais encor à leur
exemple , tous les Nobles & les Seigneurs
du Royaume ; & Muret dans
fon Commentaire fur Tacite , dit que
les anciens Parthes , qui ne faifoient
qu'un mefme Peuple avec les Perfes , y
eftoient tellement adonnez , qu'ils ne
man
du Mercure Galant.
125
mangeoient prefque point d'autres vian
des que celles des beftes qu'ils avoient
prifes à la Challe ; Cum Parthi prope
affidui in venatione effe foleant , neque
aleis ferè carnibus vefcantur , quam ferarum
quas venando ceperunt .
L'inclination de ces Peuples pour
la Chaffe , fe remarque encor en ce
qu'ils avoient bâty fur une haute Montagne
, appellée San bulos , un Temple
à l'honneur d'Hercule , qu'ils revéroient
comme le Dieu des Chaffeurs ,
où ils celebroicnt tous les ans une Fefte
folemnelle , avec un grand concours
de Peuple qui s'y rendoit de toutes
parts. Pendant cette Fefte , ce Dieu pré-i
tendu avertiffoit en fonge les Preftres
du Temple de faire feller bon nombre
der Chevaux , d'attacher às leurs Selles
des Carquois remplis de Fleches , &
puis de les laiffer aller ainfi équipez fans
aucun Guide dans la prochaine Foreſt.
Ces Beftes y ayant couru quelque
temps , s'entrevenoient d'elles - mefmes
vers leurs Maiftres , fans avoin plus aúcunes
Fleches dans les Carquois ; ce
qui cftant fait ceux qui eftoient
Fij
126 Extraordinaire
de la Fefte , couroient à leur tour dans
la Foreft , où ils ne manquoient pas de
trouver toutes fortes de Beftes de venai–
fon ,comme de Cerfs , de Dains , & de
Lievres, tuez à coups de Fleches , mais
en fi prodigieufe quantité , qu'ils en
rapportoient des Chariots tous pleins.
C'est ce que rapporte le P. Pierre de
S. Romuald , Thr. Chronol . Tome 1 .
fans citer les Autheurs fur la foy defquels
il debite une fi merveilleufe Hif
ftoire. !
Les Perfes ne font pas moins affectionnez
prefentementà la Chaffe qu'ils
Leftoient dans ce temps- là , comme on
le peut voir dans leurs Hiftoires , mais
ils ne s'adonnent à aucune avec plus
de paffion qu'à celle du Cerf , du Leo
pard du Gazal du Tygre , de l'Ours;
& autres Animaux feroces à la pour
fuite defquels, dit le Sieur Herbert dans
fon Voyage de Perfel & des Indes , Lis
vre 2.ils fe piquent de faire voir leur
courage, & l'adteffe qu'ils ont à avapier
l'Arc & à lancer le Javelot ; eſtant d'ail
leurs fort curieux de leurs Oyfeaux de
Volerie , & employant l'or & des pier
reries
du Mercure Galant. 127
reries en quantité, à en garnir les Leurres,
Jets , Vervelles , & Chaperons.
Les Grecs ne fe font pas moins rendus
recommandables dans l'exercice de
la Chaffe, que les Perfes. On peut voir
là -deffus Ariftote en fon Hiftoire des
Animaux , Livre 9. chap. 36. Ælian ,
Livre 2. chap. 8. Plaute dans les Comedies,
& Martial en plufieurslieux de
fes Epigrammes. Homere dans le 4. Livre
de fon Odyfl . dit que Thelemaque,
Fils d'Uliffe , fe faifoit quelquefois
voir dans les Alfemblées publiques des
Princes & des Seigneurs de la Grece,
accompagné de 120. Chiens de Chaffe;
& il rapporte encor la mefme chofe
de Scamandre Fils d'Hector & d'Andromaque
, dans le Livre 5. de fon
Iliade.
le
9.
7
Pour ce qui eft des Romains , outre
le témoignage de Pline le jeune dans
Livre de fes Epiftres , de Seneque
dans la 99. des fiennes , il ne faut qu'écouter
Virgile , qui dans le 8. Livre
de l'Eneïde , dit que lors de la naiffance
de Rome , ils ne vivoient que de ce
qu'ils prenoient à la Chaffe.
C
F iiij
128 Extraordinaire
Du temps de nos premiers Ayeux ,
Lors que Rome n'estoit encore qu'en bas
age ,
Les Generaux Latins n'exerçoient leur
courage
Qu'à des emplois laborieux.
Eloignez des molles delices ,
Qui les ont à la fin entraînez dans les
vices ,
La Chaffe eftoit leur élement :
Et pour tant de ragonsts dont fument
nos Cuifines ,
Leur plus ordinaire aliment
Eftoient la Venaifon , les Fruits , & les
Racines.
Ciceron , Lib. 2. de Nat. Deor. dit
que c'eftoit la coûtume chez les Romains
, de s'adonner à la Chaffe dans le
temps de Paix , afin de s'y façonner au
meftier de la Guerre , Venatione ferarum
nos exercemus ad fimilitudinem bellica
difciplina.
Quand la Paix, de noftre Milice
Arreftant les travaux guerriers ,
L'empefche pour un temps de cueillir
des Lauriers,
La
du Mercure
Galant .
129
.
La Chaffe faitfon exercice :
C'est par cet Art labórieux
Qu'apprenant à dompter les plus fau-
7631 vages Beftes ,
Elle va s'inftruisat àfaire les Conqueftes,
Qui rendent nôtre nom par tout fi glorieux.
A
t
Les mefmes Romains ont fait affez
voir le plaifir qu'ils prenoient à cetexer.
cice , par ce fuperbe Colyfée , ou vaſte
Parc , plûtoft qu'Amphitheatre , qu'ils
firent conftruire dans l'enceinte de leur
Ville , & dans l'efpace qui eft entre les
déux Portes , qu'on nomme prefentement
de S. Laurent & de S. Agnes. Ils
y nourriffoient routes fortes de Beftes
fauvages , que l'on faifoit amener à
grands frais de tous les Cantons de la
Terre , pour en faire des Chaffes publi
ques dans les Spectacles que les Confuls
ou les Empereurs , donnorent
pour le divertiffement du Peuple. On
y voyoit quelquefois de ces Beftes en
fi grande quantité , que les Hiftoriens
raportent entr'autres, que
lorsque
Pompée le Grand fit fon Feftin , & fes
Jeux , à fon fecond Confulat , il donna
1
F v
130
Extraordinaire .
le divertiffement d'une Chaffe de fix
cens Lions , & une autre fois , de quatre
cens dix Pantheres, avec un Rinocerots
Sylla le Dictateur , de cent Lions ;
Jules Célar , de quatre cens ; Augufte,
de quatre cens vingt Tygres ; Scaurus,
de cent cinquante avec un Crocodile ;
Lucius Metellus apres la défaite des
Carthaginois en Sicile , de cent quarante-
deux Elephans ; Célar à fon troifiéme
Confulat , de vingt , contre cinq
cens Hommes de pied ; & une autre
fois lors qu'il dédia le Temple de Vénus
Victorieufe , de vingt chargez chacun
d'une Tour de bois , avec trois Hom- .
mes dans chaque Tour pour leur dé-,
fence , contre cinq cens Hommes de
cheval & autant de pied ; Domitius
Qenobarbus , de cent Ours avec autant
de Véneurs de Numidie , & plufieurs
autres Chaffes femblables , que l'on
peut voir dans l'Hift . Nat. de Pline
Liv. 8
} [ 2
Mais non feulement les Perfes , les
Grecs & les Romains, fe font adonnez à
l'exercice de la Chaffe, mais les François
encor s'en font fait de tout temps un
"
diver
du Mercure Galant.
131
divertiffement particulier. Pour les Anciens,
il ne faut que lire Ammian Marcellin
, dans fon Hift . des Gaules. Et
ç'en eft, ce mefemble, une preuve aflez
autentique que ce que raporte Monumétenfis
, cité par du Fouilloux dans
fa Vénerie fçavoir , que l'an du
Monde 2920. Brutus , Fils de Silvius ,
Roy d'Albe la Grande , ayant quitté
fon Pais pour avoir tué par mégarde
fon Pere , eftant à la Chaffe , fe retira
en Grece avec une Troupe de jeunes
Volontaires qui le fuivirent ; par l'aide
defquels & à force d'armes , il retira
les Troyens d'entre les mains des
Grecs , qui les retenoient Captifs depuis
le facagement de leur Ville , defquels
ayant aflemblé un grand nombre,
il les obligea par Serment de ne jamais
retourner en leur Patrie , qui ne
leur pourroit plus eftre qu'un, fejour
de douleur, apres la perte que leurs Peres
y avoient faite de leurs biens & de
leur vie , & les amena enfuite par Mer,
avec une grande Meute de Levriers &
Chiens courans , jufques dans la Minche
Britanique , où eſtant il vint abor-
A
A
der
132 Extraordinaire
der en la Province Armorique des Gau
les , qu'il conquit en peu de temps , &
la nomma de fon nom , Bretagne. De
forte que fur la foy de cet Autheur, qui
rapporte cette avanture dans fes Annales
de Bretagne , l'on peut dire que dés
lors les Peuples de France s'adonnoient
à l'exercice de la Chaffe , & que les Levriers
& Chiens courans furent en
uſage chez eux , peu de temps apres la
Ruine de Troye. '
Mais fi la Chaffe eftoit dés ce temps
en vogue parmy ces Peuples , elle a
non feulement
continué d'y eftre dans
les fiecles fuivans , mais elle y a toujours
augmenté en recommandation
,
comme
l'experience nous le montre
tous les jours. Petrarque , qui vivoit il
y a pres de 400. ans, dit que les François
eftoient eftimez les plus grands Chaffeurs
de tous les Peuples de l'Europe,
& que quoy que cet exercice euft efté
jadis l'occupation
particuliere des Romains,
il eftoit devenu dans la fuite des
temps le divertiffement
le plus fingulier
des François , comme il fe voit,
difoit- il, par l'experience. Er pour ne
rien
du Mercure Galant. 133
rien dire , pourfuit- il , des Roys de cette
Nation, dont toute la vie n'a efté proprement
qu'une Chaffe continuelle , il
eft certain que celuy qui regne encor
aujourd'huy ( c'eft du Roy Jean qu'il
entend parler , parce qu'il vivoit de
fon temps ) & qu'on peut appeller le
plus grand de tous les Princes d'une fi
floriffante Monarchie , employe à chaffer
tout le loifir que la guerre luy peut
donner; & tout proche mefme qu'il eſt
du cercueil , il femble qu'il veuille par
cet exercice fe refaire de la laffitude, &
des incommoditez de la vieilleffe . Ce
qui doit fembler étrange , principalement
en un Roy fçavant , & qui n'eſt
point ennemy de l'étude ; mais on dit
qu'il tient en cela de la Race , & de la
Nation.
L
Ce que ce fçavant Homme dit des
François , fe dit auffi par Buchanan,
dans fon Hiftoire d'Ecoffe Livre 4. à
la gloire de fa Nation , affurant que lá
Chaffe a toûjours fait la principale , &
la plus ordinaire occupation des Ecolfois.
C'eft ce qu'il repete encor , mais
d'une maniere pompeufe dans l'Epitalame,
134
Extraordinaire
lame , ou le Poëme Latin qu'il fit en
l'honneur du Mariage de François IL.
Roy de France , avec Marie Stüart
Reyne d'Ecoffe. Voicy à peu prés de
quelle maniere il parle.
Percer les plus fombres Forefts,
Grimper les plus hautes Montagnes ,
Courir les plus vaftes Campagnes
Sans route , ny chemin , au travers des
guérets ;
313
Paffer à nage les Rivieres,
Franchir Faffez , Buiffons , Bruyeres ,
Apied comme à cheval , jour & nuit, en
tout temps ;
De la Chaffe en un mot fuivre les exercices
,
Et de l'oifiveté fuir ainfi les delices,
Cefont des Ecoffois les plus doux paffetemps.
Giorgenits Livre 2. Chap. 2. Titre
de la Chaffe , dit qu'il n'y a point de
Nation fous le Ciel , qui prenne plus de
plaifir à cet exercice que les Turcs en
forte qu'il n'y a Foreft , Rocher , ou
Montagne , où ils ne fe falfent paf-
Lage , pour pourfuivre par tout la Proye
qu'ils
du Mercure Galant. 135
qu'ils aurontune fois fait lever. Cela eft .
confirmé par B. de Vigenere dans fes Il
luftrations fur l'Hiftoire de Calcondyle,
où il dit qu'il n'y a Gens au Monde plus ,
grands Challeurs que les Turcs ; & que
le Grand Seigneur entretient pour la
Chaffe feule une tres-grande quantité
d'Officiers, qui ont fous eux un nombre
prodigieux de Véneurs , & de Faucon
niers , dont les plus confidérables font , le
Sermenbachi , ou Grand . Veneur, qui a
fous luy mille Piqueurs à cheval, & au-,
tant de Valets de chiens à pied, qui me
nent chacun une leffe de deux Levriers.
Le Tagarzibachi qui commande fur les
Braques & Chiens courans , lequel a fous
luy mille Janiflaires , chacun defquels en .
gouverne & conduit deux ou trois couples.
Et pour la Fauconnerie , il y a le
Doganzibachi , ou Grand- Fauconnier,
qui a fous luy mille Fauconniers entretenus,
qui portent ordinairement chacun
deux Oyleaux fur le poing. Ce qui fait,
une exceffive dépenfe, moindre toutefois ,
que celle que ce mefme Autheur dit que
faifoit Bajazet I. qui entretenoit d'ordi
naire fept mille pieces d'Oiseaux , avec
des
136
Extraordinaire
des Fauconniers à proportion, & jufqu'au
nombre de fix mille Chiens;
"
T
a
Les Tartares font cependant encor
plus grands , & plus courageux Chaffeurs
que les Turcs , car outre qu'ils
nourriffent un nombre infiny de Chiens
pour cet exercice , ils ont encor l'induf
trie d'y dreffer des Lions, des Tygres , &
des Loups Cerviers , avec lefquels ils
chaffent aux groffes Beftes. Le Grand
Cham qui eft leur Empereur , donne
ordinairemet aux plus grands Seigneurs
de la Cour, aux Princes du Sang, & à fes
Freres mefines , les principaux Offices!
qui regardent la Fauconnerie ,
& fa
Vénerie , comme les plus nobles & les
plus confidérables Dignitez de l'Empire,
fous la dépendance defquelles eft une
effroyable quantité de Véneurs , & de :
Fauconniers , avee encor une plus grande
quantité de Chiens & d'Oiseaux . Ce
Prince eft fi jaloux de ce plaifir , qu'il
défend fur de tres rigoureufes peines à
tous fes Sujets, de quelque haute qualité
qu'ils puiffent eftre , de faire voler
P'Oiseau, ny courirles Chiens, plus pres
de cinquante lieues du lieu où ilfe troui
... ve,
du Mercure Galant . 137
ve , ny de chaffer en aucun lieu du
Royaume depuis Mars , jufqu'en Octobre,
afin que le Gibier puiffe peupler &
fe nourrir pendant ce temps là.
Ce que l'on dit des Tartares , fe doit
dire auf des Mofcovites leurs voifins,
& par proportion de toutes les autres
Nations prefque de toute la Terre , n'y
en ayant point qui ne faffe fon plaifir de
cet exercice , qui pour eftre fi univerfel
parmy les Hommes (ce qui feul pourroit
fuffire à le rendre recommandable) n'eſt
pas cependat approuvé de tout le monde;
car il fe trouve bien des Gens qui en
condamnent l'ufage , quoy.que le nombre
foit beaucoup plus grand de ceux
qui le croyent licite & honorable.
Ceux qui reprouvent l'uſage de la
Chaffe , difent premierement , que cét
exercice infpire la cruauté aux Hommes
, & les rend fanguinaires. C'eſt le
fentiment de Corneille Agrippa , Lib.
de Vanit. Scient. cap. 77. Il l'appelle
pour cela un Art cruel & tragique , où
l'on le fait un plaifir de fang & de cari
nage, & où par une volupté plus que barbare
, on fe repaift le coeur & les yeux
du
138 Extraordinaire,
du defaftre & de la mort des pauvres
Animaux, qui ne l'ont aucunement meritée
; un exercice tout- à- fait deteftable,
& qui n'a pû eftre inventé que par
des Monftres de cruauté fous la figure
d'Hommes , comme l'ont efté Cain ,
Lamech,Nembrot, Ismaël, Efaü , & autres
leurs femblables .
Cet exercice leur paroift d'ailleurs
blamable , en ce qu'il femble n'eftre
fait que pour porter dommage à autruy,
& que les Chaffeurs , menent une vie
qui a beaucoup de rapport à celle des
Larrons, ne s'y trouvant difent - ils , antre
diférence , finon que les Chaffeurs
font des Voleurs honneftes, au lieu que
les Larrons font des Chaffeurs infames.
Et de fait , Ariftote fe fert du mefme
mot Grec, pour fignifier la Chaffe & le
Larcin. C'est pour cela, continuent - ils,
qu'Efau eftant Larron,parce qu'il eftoit
Chaffeur, fut odieux au Seigneur , comme
le dit l'Ecriture ; & que le préfent
qu'il fit au Patriarche, Ifaac fon Pere,
ne luy fervit de rien pour obtenir le
droit de primogéniture , ny fa benediction
, parce qu'eftant un préfent de
chaffe,
du Mercure Galant.
1391
chaffe, c'eftoit un préfent de larcin, qui
ne pouvoit eftre agreable à Dieu ; &
par conféquent les Chaffeurs repréfen
tez par Efau, ne fçauroient , non plus
que luy,eftre en eftat de luy plaire.
Is adjoûtent que l'ufage de la Chaf
fe eft condamné par les Peres de l'Eglife
comme il paroift entr'autres par
S. Jerôme dans l'explication du Pfaume
go . par S. Gregoire dans les . Livre
de fes Morales , & par S. Ambroife fur
le Pleaume 118. qu'il faut bien que
l'Eglife trouve que cet ufage foit pernicieux
& criminel, puis qu'elle l'interdit
fous de groffes peines à tous fes Miniftres
, & qu'elle excommunie mefme
ceux qui s'y adonnent ; ce qui paroift
par une tres- grande quantité de Conciles
; & qu'enfin pour connoiftre que
Dieu mefme l'a en horreur , il ne faut
que regardér les funeftes accidens où il
asfouvent permis que foient tombez
ceux qui s'en font fait une occupation
ordinaire furquay l'on nous fait une
lengue énumération de quantité d'illuftres
Malheureux que la Chaffe a fait
périr ; & confondant la Fable avec
S
l'Hiftoi
140
Extraordinaire
l'Hiftoire , on nous rapporte les triftes
exemples des celébres Chaffeurs du furieux
& renommé Sanglier de Calydon
, qui caufa la mort à un grand nom
bre des plus braves Seigneurs de lap
Grece , avant que de pouvoir eftre abatu
par le genéreux Meleagre , qui eut
feul la gloire d'en venir à bout à coups.
d'Epieu ; encor fut ce une gloire bien
trifte pour luy,puis qu'elle ley coufta tar
vie, comme le raconte Ovide dans le 8.
de fes Metamorphofes. La Chaffe fut
encore funefte au Prince Hyppoméne
petit- Fils de Neptune, & à la belle Atalanté,
l'un & l'autre ayant efté devorez
par deux Lions qui les furprirent dans
la Caverne où la laffitude de cet exercice
les avoit fait retirer pour prendre ;
un peu de repos . Elle le futà Practis !
Fille d'Erictée Roy d'Athenes , qui fut
tuée innocemment par fon Mary Cé
phales qui croyoit tirer fon Arc contre
une Befte fauvage. Elle le fut au beb
Adonis, qui y eut le vétre déchiré par les
défences d'un Sanglier, qu'il attaqua témerairement
, contre les avertiffemens:
que Vénus luy avoit donnez , de ne fe
»
"
point
du Mercure Galant. 1412
point comettre avec ces fortes de Beſtes.
Enfin la Chaffe fut fatale au malheureux
Acteon , lors que chaffant dans la
Foreft de Mégare , & rencontrant fans
deffein la chafte Diane qui fe baignoit
avec les Nymphes dans la Fontaine du
Val de Gargaphe, il fut métamorphofé
en Cerf par cette Déeffe , & devoré en
fuite par fes propres Chiens.
be
Alteon, pour avoir ofé
Jetter une aillade prophane
Sur la nudité de Diane,
En Cerffut métamorphofé.
Sous cette bideufe apparence
Ses Chens perdant la connoiffance
De leur infortuné Seigneur,
Sur luy tout à-coupse jetterent,
Et par une horrible fureur,
A belles dents le déchirerent.
Voila une partie des infortunes que,
la Fable nous marque eftre arrivées aux
Chaffeurs ; mais fi celles-là font rejettées
, nous dit-on , parce qu'elles n'ont
que l'apparence de la verité .il n'eft pas
malaifé d'en trouver d'auffi funeftes
dans
142
Extraordinaire
dans l'Hiftoire, de la certitude defquelles
on ne fçauroit raisonnablement douter
. Ne lifons- nous pas que Sylvius
Roy des Albains , rencontra fa mort à lai
Chaffey ayant efté tué par fon Fils
Brutus, penfant lancer fon Javelot contre
un Cerf qu'ils pourfuivoient ? A.
Bouchard , Annales de Bretagne , Livre
1. chap. 3. Que Mempricius , un '
des premiers Roys de la Grand' Bretagne
, fut déchiré & mangé des Loups,
pour s'eftre écarté de fes Gens à la
Chaffe , Annales d'Angleterre. Que
Nicias , un autre Roy dont parle Elian,
fans dire de quelle Nation , courant
apres un Cerf, écarté pareillement de
fon monde , tomba dans une Charbonniere
ardente , & y fut brûlé tout vif,
quelque effort que fiffent fes Chiens de
le retenir par fes habits avec les dents,
afin de le fauver , Alian Livre 1. ch.9 .
Que Bafile I. furnommé le Macédonien,
Empereur d'Orient , fut tué par un
Cerf, qui luy planta un de ſes andouil
liers dans le ventre , lors qu'il penſoit
l'enferrer de fon Epieu , Hiftoire Romaine,
Que Theodebert Roy de Mets ,
?
s'eftant
du MercureGalant.
143
s'eftant mis derriere un Arbre pour af
fener un Taureau fauvage avec fon
Epieu , ce furieux Animal s'élançant
contre cet Arbre , y donna un coup de
tefte fi rude, qu'il le mit par terre, ainfi
que ce pauvre Prince , qu'un éclat bleſſa
fi violemment, qu'il en mourut le mefme
jour. Agathias Hiftoire de l'Empire
de Juftinian ; Que Loüis, furnommé de
Baviere , prétendu Empereur d'Occident,
courant apres un Ours dans une
Foreft d'Allemagne, proche de Munich,
tomba de fon Cheval , fe rompit la jambe,
& fon fang s'eftant trop échaufé par
cette courfe, il fut faify d'apoplexie , &
mourut au meſme lieu , Hiftoire Romaine
, Livre 26. An . 1347. Que Jean,
dit le More , Empereur de Conftantinople,
décochant une Fleche empoifonnée
fur un Sanglier , s'en bleffa un peu
à la main , & tomba mort auffitoft, Fulgos
Livre 9. Que Grimoald Roy des
Lombards , décochant de mefme une
Fleche contre une Befte à la chaffe,
s'ouvrit la veine du bras , dont on luy
avoit tiré du fang depuis peu , & que ce
fang ne fe pouvant étancher, le fit mourir
144
Extraordinaire
rir fur le cham , Fulgos ibidem.Qu'Aftolphe
Roy des mefmes Lombards , fut
tué à la Challe par un Sanglier ; Que
Foulques Roy de Jerufalem , tomba fi
rudement de fon Cheval en courant un
Liévre , qu'il fe rompit le col , Hiftoire
de France Belle foreft , Livre 2. & 3.
Que Robert II. Fils de Guillaume le
Conquérant, Roy d'Angleterre & Duc
de Normandie , chaffant dans une Foreft
de cette Province, fut étranglé par
une Ronce qui fe lia autour de fon col ,
& l'étoufa ; l'Abbé Robert en fon Cronicon.
Que Guillaume le Roux, pareillement
Roy d'Angleterre & Duc de
Normandie , chaffant dans la neuve
Foreft proche de Vvinceſtre, fut tué par
un de fes Favoris , d'un coup de Fleche
qu'il penfoit tirer fur un Cerf qu'ils
pourſuivoient , Du Moulin Hiftoire de
Normandie. Qu'enfin Charles IX.
Roy de France , s'avança la mort par les
trop violens & continuels exercices de
la Chaffe , qui altererent & corrompi
rent la fubftance de fes poulmons, Hiltoire
de Matthieu Livre 6. fans parler
d'une
du Mercure Galant.
145
d'une infinité d'autres , à qui la Chaffe
n'a pas efté plus heureufe , & qui ont
éprouvé à leurs dépens que c'eft un
exercice qu'il eft rare de fuivre longtemps
fans malheur & fans infortune
?
Ce font à peu prés les principales,
& les plus fortes raifons qu'aportent
ceux qui veulent réprouver entierement
l'ufage de la Chaffe , comme odieux à
Dieu , nuifible au prochain , & pernicieux
pour l'ordinaire à ceux qui s'en
meflent. Il en eft d'autres qui ne le
traitent pas à la verité fi rudement, mais
qui ne laiffent pas d'y trouver beaucoup
redire. Le docte Petrarque eft de ce
nombre , & voicy comme il en parle
dans fes Entretiens fur la bonne &
mauvaiſe fortune , Dialogue 3 2. La
Chaffe, dit- il , eft un exercice qui n'eft
propre qu'à ces Gentilshommes du bas
ordre (Seminobilium ultimi ordinis exercitium
) que la faineantife & la défiance,
compagnes de la lâcheté , détournent
des plus grands emplois ; comme la
honte & la fuperbe, les éloigne des plus
petits. Ainfi n'eftant propres à rien qui
Q.de Lanvier 1681. G
146
Extraordinaire
;
foit honnefte , ils demeurent dans les
Bois, non pas pour y mener une vie ſolitaire
, car ils fçavent bien qu'ils font
auffi mal propres à cela , qu'à la politique
mais pour vivre de compagnie
avec les Chiens & les Oiseaux ; ce
qu'ils ne feroient jamais , s'ils ne leur
eftoient unis par quelque forte de reffemblance
. Que fi ces fortes de Gens
ne s'adonnent à cet exercice qu'à defſein
d'y prendre du plaifir, ou feulement
pour paffer plus facilement le temps,
F'un ou l'autre les rendent également
fous, s'ils y trouvent par hazard le contentement
qu'ils y cherchent, ils ne s'é
tabliront pas par là , en reputation de
Gens d'efprit & de magnificence. Car
apres tout, quelle gloire y a- t- il , je ne
dis pasfeulement pour des Princes, mais
pour des Perfonnes nobles ou feulement
libres , de fe plaire à une occupation
purement méchanique , & tout- àfait
fervile ?
Petrarque fait bien voir par ce diftours
qu'il ne tenoit pas la Chaffe pour
un exercice noble , mais qu'il eftoit du
´fentiment de Saluſte, qui dans la Préface
Du Mercure Galant. 147
ce de la Conjuration de Catilina, difoit
que c'eftoit un Art fervile & mécanique
; & de fait il paroift qu'il eftoit
eftimé tel de fon temps chez les Romains
, la plupart des Nobles de cette
floriffante République n'y occupant
que leurs Efclaves , aimant mieux employer
leur valeur & leur adreffe à la
chaffe des Hommes , & à la conqueste
des Villes & des Provinces , que s'occuper
a la pourfuite & la prife des Befter.
Et c'est peut- eftre de là qu'ils ont exclus
cet exercice du rang des Arts libéraux
pour ne luy donner , felon quelques-
uns , que le fecond licu entre les
Mécaniques , ou mefme felon d'autres ,
n'eu faire que la feconde portion de
l'Agriculture , qu'ils divifent en trois
parties , la Bergerie , la Chaffe , & la
Peſche.
Monfieur de la Hoguete n'eft guére
plus favorable à cet Art que l'a efté Pétraque
, car dans fon Teftament , ou le
Livre des Confeils fidelles d'un Pere à
fes Enfans, chapitre 7. il dit qu'il n'ofe
confeiller le divertiffement de la Chaſſe,
pour avoir en foy quelque venin ca-
Gij
148
Extraordinaire
ché ; car encor bien , dit cet Autheur,
que cet exercice rende l'Homme actif,
vigilant & laborieux, il y a je - ne-fçayquel
poifon qui s'y mefle , & qui femble
en quelque forte enchanter > &
abrutir mefine celuy qui s'y adonne
par trop. Outre que fi les apparences
en font chaftes , honneftes, & innocentes
, comme on fe figure l'eftre l'imaginaire
Divinité qui y préfide, ( il veut
dire Diane que les Chaffeurs Payens
ont reconnue de tout temps pour leur
Déeffe & leu Protectrice, ) fon effet eft
ftérile , & n'engendre non plus qu'elle .
Adjoûtez › que celuy qui a la meſme
paffion de ce fameux Chaffeur de l'Antiquité
, s'expoſe à ſa meſme infortune;
car fouvent apres avoir bien chaffé , il
trouve à la fin que l'Idole de fon plaifir
eft une choſe bien nuë , & que tout le
fruit qu'il en retire , c'eft qu'il devient
quelquefois , comme la Befte qu'il
chaffe, la proye de fes propres Chiens;
& manque d'avoir affez de revenu ou
d'oeconomie pour en nourrir le grand
nombre que fa folle paffion le pouffe
d'y entretenir , il y confume la plupart
de
du Mercure Galant .
149
de fon vaillant , & réduit quelquefois
par là à une extreme difette , il fe
voit effectivement devoré par fes
Chiens.
>
Cependant , quoy qu'en difent ces
trop feveres Cenfeurs d'un Exercice
approuvé par une infinité de Gens raifonnables
, il eft certain que l'ufage en
eft non feulement permis & licite , mais
de plus qu'il eft honorable & utile
pour ceux qui font d'état & de condi-:
tion à le fuivre , n'y ayant point d'honnefte
Homme qui ne s'y puiffe occuper
avec honneur, pourveu que l'occupation
qu'il y donne fe puiffe accominoder
avec la Profeffion , que cet exercice ne
nuife point à fa fanté , & qu'enfin il ne
foit point un empeſchement à d'autres
affaires plus importantes ; car on ne
fçauroit nier qu'il ne contribue beaucoup
à exciter le courage,& à façonner
un Homme au meftier & aux rufes de
la guerre , dont la Chaffe eft comme
une espece d'Ecole & d'Académie . C'eſt
le nom que luy donne le Prince des
Philofophes dans le premier Livre de
fes Politiques , chap.4. Venationes funt
G iij
150
Extraordinaire
quafi quadam bellorum progymnafmata:
bis nempè quibufdam quafi tyrociniis à
ferarum cade ad necem hominum animus
inardefcit , atque inflammatur. C'eft
pourquoy le divin Platon dans plufieurs
endroits de fon 7. Livre de fa République,
ne ceffe de le recommander aux
Gens de guerre , & particulierement
aux jeunes , qui ne font pas encor
tout- à- fait expérimentez dans les rufes
& les pratiques de la Milice ; leur
difant la Chaffe a cela de propre,
que
qu'elle rend un Homme plus vigoureux,
& plus adroit à l'exercice des Armes
, plus robufte à en fupporter tous
les travaux , parce qu'elle endurcit le
corps à la fatigue , & forme l'efprit à
tous les ftratagémes , qui font fouvent
mieux réüffir à la guerre , que la
force & le courage. Tous ces avantages
font rapportez plus au long par Jull.Pollux
dans fon Onomafticon , dedié à
l'Empereur Commode, & par plufieurs
autres Autheurs .
Cambyfe , Roy des Perfes & des
Medes , & Pere du Grand Cyrus , en
estoit bien perfuadé , puis qu'au raport
du Mercure Galant.
151
port de Xénophon , il avoit grand foin
d'y exercer fes Soldats , & de s'y exercer
luy- mefme , lors qu'ils n'eftoient
point occupez àà la guerre , afin , dit cet
Autheur , de les former , par la chaffe
des Beftes , & par les plus laborieu
fes & induftrieufes pratiques de ce noble
exercice , à tout ce qu'ils auroient
à faire en temps de guerre pour attaquer,
pour furprendre , & pour vaincre plus
facilement leurs Ennemis.
Ce que ce grand Prince pratiquoit
& faifoit pratiquer à fes Soldats pour
les former de plus en plus à l'exercice
de la guerre , fut foigneufement obfervé
à fon exemple tant par l'invincible
Cyrus fon Fils, que par les autres
Monarques qui font venus apres luy,
comme on le peut voir dans les Vies
des Hommes Illuftres de Plutarque, où
cet Hiftorien nous apprend entr'autres ,
que le Conquérant du Monde, le grand
Aléxandre , ne paffoit prefque aucun
jour de loifir fans s'exercer à la Chaffe;
Que Pélopidas , ce renommé Capitaine
general de la Grece , apprit luymefme
, & en fuite à fes Soldats , par le
G iiij
152
Extraordinaire
moyen de la Chaffe , tout ce qui le rendit
depuis fi redoutable en la guerre;
Que Philopémen en fit de mefme , &
une infinité d'autres Princes & grands
Capitaines , qui n'ont pas efté moins
genéreux Soldats , que fameux Chaffeurs.
Cela fait voir que Pétrarque n'a
pas jugé de la Challe fort fainement ,
quand il a dit qu'elle n'eftoit que l'occupation
des Lâches & des Faineans;
ny Mr de la Hoguete non plus , quand
il a avancé que hors la perfonne du
grand Cyrus , d'un grand Chaffeur il ne
fe fit jamais un grand Conquérant, puis
qu'il eft certain que l'on a veu dans
Toutes fortes de temps quantité de Roys
& de Princes, qui n'ont pas laiffé d'eftre
tout enſemble & grands Chaffeurs , &
grands Capitaines. Il feroit facile de le
juftifier par le rraappoorrtt des Hiftoriens anciens
& modernes,
Mais n'en avons- nous pas une preuve
éclatante
Dans le plus augufte des Roys ?
LOVIS , le Grand LOVIS , pour
chaffer quelquefois..
Ex
du Mercure Galant.
153
En a- t- il l'ame moins vaillante ?
Si la Chaffe fuccede àſes travaux guerriers,
Peut-elle flétrirfes Lauriers,
Ou le rendre moins invincible ?
Et n'est - il pas toujours également
Héros,
Egalement fier & terrible,
Soit qu'il ait la Cuiraffe , ou le Corfur
le dos ?
Quant à ce que difent les Peres,
qu'on ne voit point dans les Saintes
Lettres de Chaffeur qui n'ait efté méchant
, on peut répondre que ce n'eft
pas une regle fi genérale , qu'elle ne
fouffre fon exception , & particulierement
dans la perfonne du plus juſte de
tous les Roys de l'Ancien Teftament,
c'eft David , que l'on ne sçauroit nier
avoir efté Chaffeur , pour peu qu'on
life ce qu'il avance de luy- mefme dans
le premier Livre des Roys , chap. 17.
Cependant il n'a pas laiffé pour cela
d'eftre Saint , & cela n'a point empefché
que Dieu ne l'ait appellé l'Homme
felon fon coeur. D'ailleurs, s'il eft vray
G Y
154
Extraordinaire
que fon Fils , le plus fage de tous les
Hommes , ait voulu gouter de tous les
plaiſirs & de tous les divertiffemens qui
leur font propres, comme il en fait luymefme
l'aveu , il eft à croire qu'il n'a
pas dédaigné celuy de la Chaffe. ( Du
moins ne fçauroit-on difconvenir que
tous les jours fa Table Royale ne fuſt
fervie de Viandes de venaifon , & particulierement
de Cerf, de Chevreüil, &
de Buffle , comme il eft expreffément
marqué dans le 4. Chapitre du 3. Livre
des Roys. ) Et pour cela l'on ne peut
pas dire qu'il en fult ny moins fage,
ny moins agreable aux yeux du Seigneur.
Car pour répondre à ce que prétendent
les Ennemis de la Chaffe , que
Dieu a cet exercice & ceux qui le fuivent
, en horreur , on peut dire que
le contraire paroift en ce que Dieu
femble mefme l'avoir autorifé ,lors que
dés le commencement du monde , &
dans la Loy de Nature , il dit à Adam ,
& apres le Deluge à Noé , & en
leurs perfonnes à tous leurs Defcendans
, qu'ils feroient les maiftres des
Poiffons
du Mercure Galant. Iss
Poiffons de la Mer , des Oyfeaux du
Ciel , & de tous les Animaux qui marchent
fur la Terre; & que dans le temps
de la Loy écrite , parmy les Préceptes
moraux qu'il dicta à Moïfe , pour
eftre obfervez par les Enfans d'Ifraël ,
où toutes les chofes qui leur eftoient
ou permifes , ou défendues , font fpécifiées,
lors qu'il y eft fait mention des
Viandes dont il leur eftoit loiGble d'u
fer , celles de Venaifon & des Beftes
qu'ils auroient priſes à la Chaffe , y font
nommément marquées comme permifes
; c'eft dans le 17. du Levitique. Et
qu'enfin , la Chaffe eftoit criminelle
devant Dieu , il n'eft pas à croire que le
S. Patriarche Ifaac euft eu tant de ten-
= dreffe pour fon Fils Efau , parce qu'il
eftoit Chaffeur , par préference à Jacob,
qui ne l'eftoit pas , ny qu'il euft mangé
auffi fouvent qu'il faifoit du Gibier
qu'il luy apportoit d'ordinaire de la
Chaffe , l'Ecriture marquant expreffément
l'un & l'autre dans le 25. & 27.
Chap. de la Genefe. On peut adjoûter,
que bien loin d'abhorrer cet Exercice ,
Dieu femble luy donner fa benédition,
156
Extraordinaire
ction , comme il paroift dans le Pfeaume
131. au Verfet qui porte , Viduam
ejas benedicens benedicam , où felon les
Interpretes,au lieu de ce terme viduam,
il faut lire , conformement à l'Hébreu
& au Grec, venationem , fuivant la judicieuſe
remarque du docte Perérius Jefuite,
fur le 25. Chap.de la Geneſe.
Que fi l'on objecte que les effets ne
femblent pas répondre à cette divine
benédiction , veu les malheurs & les infortunes
arrivées tant de fois aux Chalfeurs
, on peut répondre que ces accidens
fe peuvent auffi bien rencontrer
dans l'ufage des autres exercices de la
vie des Hommes, que dans celuy- cy ; &
que cela arrivant également dans les
uns & dans les autres, on ne les doit pas
toûjours prendre pour des effets de la
colere & de la punition de Dieu ; outre
que fi la Chaffe a efté funefte
pour quelques uns , elle a efté heureufe
pour quantité d'autres , tant
pour le bonheur temporel , que pour
tout ce qui touche le falut. Car pour ne
dire que peu de chofe de l'un & de
l'autre de ces avantages, ne fçait- on pas
au
1
du Mercure Galant.
157
au regard du dernier , qui est le plus
important , que le genéreux Martyr
S.Euſtache eftoit Chaffeur , & que les
Bois & la Chaffe , dit S.Jean Damafcene,
Lib.3.de Imaginib.furent le fujet de
fa converfion à l'Evangile ? C'eft pourquoy
Métaphrafte dit , que ce grand
Saint avoit bien lieu de fe réjouir dans
le Ciel d'avoir efté Chaffeur fur la terre,
puis que la Chaffe avoit efté pour luy
un inftrument de grace , un moyen de
fainteté, & une voye qui l'avoit conduit
à la gloire immortelle . L'heureuſe avanture
qu'il y eut, eft trop connue pour la
rapporter icy..
S. Hubert , Seigneur d'Aquitaine,
& Evefque de Liege , fut auffi appelle
à la Foy par une avanture femblable
à celle de S. Euſtache ; car l'Histoire
de la Vie fait foy , qu'eftant un jour à
la Chaffe , qui faifoit fon plus ordinaire
exercice , le Sauveur du Monde luy ap- ,
parut fous la figure d'un Crucifix fur la
tefte d'un Cerf qu'il pourfuivoit ; &
l'ayant terraffé , comme un autre Saint
Paul , de Payen qu'il eftoit , il en fit un
fidelle Chreftien, & l'appella de l'occupation
158
Extraordinaire
4
pation de la Chaffe , aux fonctions de
l'Epiſcopat, Baron. Annal.Tom.8 . C'eſt
en memoire de cette heureufe vocation,
qu'à Tréveres en Flanders , dont ce
Saint eft Patron , les Chaffeurs du
Païs , qui le reconnoiffent pour leur
Tutelaire , ne manquent point de celébrer
tous les ans au jour de fa Fefte une
Chaffe folemneile à fon honneur , où
tous les Seigneurs & Gentilshommes,
tant de Flandres que d'ailleurs , fe trouvent
en grand nombre. Pendant qu’-
on fait cette Chaffe , il eft permis à
tous, de quelque condition qu'ils foient,
de chaffer librement à toutes fortes de
Beftes , tant pour le profit que pour le
plaifir ; la coûtume de tous les Nobles
eftant de luy dédier les premices
& la dixme de la Chaffe qu'ils ont faite
ce jour-là. Fefte & Affemblée qui
fe fait non- feulement en ce lieu , mais
encor dans tous les Cantons de France
, où l'on fait profeffion de cet
Exercice.
Témoin celles dont le Mercure
Nous a déjafait tant defois
La
du Mercure Galant. 159
Lagalante & riche peinture
Dans fes Lettresde chaque Mois;
Entr'autres celle qu'il raconte,
Faite par un illuftre Comte,
Qui mérite que l'Avenir
En conferve le fouvenir.
Car outre la galanterie,
Qui cette Fefte accompagna ,
Al'honneur du Saint , l'on créa
Un Ordre de Chevalerie,
Oùla Nobleffe du Canton,
Des Dames auffi - bien que les Hommes:
dit- on ,
Sous la genérenfe conduite
D'un General plein de merite,
Voulut s'enroller à l'envy.
Cet enrollement fut fuivy
De l'élection des Offices ;
De l'Abbé, du Grand Commandeur,
Du Prieur, & du Sousprieur,
De l'Examinateur , & Maistre des
Novices.
Il fut dit entr'autres Statuts,
Que tous ceux quiferont reçus
Dans cet Ordre nouveau s'entend de
noble Race ,

Quatrefois l'an fe rendront tous,
Et
160 .
Extraordinaire
Et ce fur peine de difgrace,
En bel équipage de Chaffe ,
Où l'on aura marqué le rendez vous ;
Que chaque Chevalier , auſſi propre que
Leste
Aura fon Cor d'argent d'un Ruban
attaché ,
Pour la marque de l'Ordre au lieu le
moins caché
Du fuftaucorps , ou de la Veſte,
Et que nul ne pourra prétendre d'estre
admis ,
Que l'Officier à ce commis
N'ais fait auparavant enqueste,
Pour fçavoir fi le Postulant
Dont on a reçeu la Requefte,
D'un Chaffeur veritable a le noble
talent ;
Apres quoy , payant les Epices,
On luy donnera place au nombre des
Novices , C
Pour faire enfin Profeſſion
A la premiere occafion .
La Chaffe fut encor heureufe pour
le regard du falut , au Fils de l'Em-.
pereur Frederic , puis qu'elle luy fervit
d'occa
du Mercure Galant. 161 :
d'occafion de renoncer au monde , &
de fonder la Chartreufe de Sylve
en Dauphiné , où ce Prince quittant
la Pourpre , prit l'Habit de Religieux ,
& y vefcut & mourut faintement. On
n'en peut décrire l'Avanture avec
plus de pompe que l'a fait Monfieur
Perrin dans fa Chartreuſe , ou
fainte Solitude. Voicy de quelle maniere
il en parle .
Lors que Frederic Empereur
Vangeoit une illuftrefolie , *
Et que fa barbare fureur
Inondoit toute l'Italie ;
Dans ce Royaume feparé ,
Unfien Fils s'eftoit retiré,
Laffé de guerre & de carnage ,
Et vivoit comme confiné
En cet endroit du Dauphiné,
Qu'il choifit pourfon apanage.
* L'affront fait par les Milanois
à l'Impératrice fa Femme.
Pour éviter en ce loifir
De s'emporter dans lesdelices ,
La Chaffe eftoit tout fon plaifir ,
Et
162 Extraordinaire
Et fes plusfrequens exercices ;
Tous les Echos eftoient troublez
- Des Cors & des cris redoublez,
Et l'on entendoit ces Contrées
Bien loin retentir des abois
-
Des Chiens échapez dans les Bois
Apres les Beftes rencontrées.
Un jour, comme dans les Forefts
Voifines de ces blanches Croupes,
De courfe , de cris , & de traits ,
Ilfuivoit lesfuyantes Troupesz.
Il vit dans unfonds entaffez
Douze Cerfs en harde amaſſez,
Hauts de ftature & de ramage,
Et de qui la blanche toifon
Excedoit fans comparaison
Celle du Cygne enfon plumage.
Auffitoft les Chiens détachez ,
A travers Buiffons & Fougere,
Defureur au butin lâchez,
Attaquent la Troupe legere;,
Mais ils la preffent vainement,
Elle s'écarte en un moment,
Etfe mefle parmy les branches ,
Comme dans le fombre de l'air
La
du Mercure Galant.
163
La prompteflame d'un éclair
Confondroit fes lumieres blanches.
Jufques à trois diverfes fois
Le Prince revient à la Chaffe,
Trois fois au mefme endroit du Bois
Il les apperçoit & les chaſſe ;
Mais toujours en vain & ſans fruit
La Meute ardente les pourfuit ;
Ilsfont pareils à ces Phantômes,
A ces Spectres mal affermis,
Qui devant nosyeux-endormis
Promenent leurs frêles atômes.
Confus de cet évenement ,
Et du prodigieux fpectacle,
Il reconnut fenfiblement
La divinité du miracle ;
Et lors enfon ame il comprit ,
Qu'un celefte & divin Eſprit
Luy défignoit par ces mysteres,
Qu'il devoit en ce mesme lieu
Fonder & confacrer à Dieu
Douze de ces bons Solitaires.
Dés l'heurefans plus s'opposer
Ace mouvement falutaire;
Dans
164
Extraordinaire
Dans ce lieu mefme il va pofer
Lesfondemens d'un Monastere,
Qu'il nomme Sylve , de ces Bois,
Et fous l'aufterité des Loix
Ayant fagrandeur aſſervie ,
Renfermé dans cette Prifon,
Au fervice de la Maifon
Paffe le reste de fa vie.
pas
Si la Chaffe a efté fi avantageufe à
ces illuftres Perfonnes pour les mettre
dans les voyes de leur falut , elle ne
l'a pas moins efté à quantité d'autres
pour établir leur fortune temporelle.
L'Exemple de l'Empereur Henry
III. eft trop illuftre , pour ne le
apporter icy , fur la bonne -foy de Naucler
& de Bernard Corius , de la màniere
à peu pres qu'ils nous l'ont laiffé
dans la Vie de ce grand Prince.Leopold,
Comte de Razu en Allemagne , fuyant
la colere de l'Empereur Conrad I I.
fat obligé de fe retirer avec la Comteffe
fa Femme qui eftoit enceinte ,
dans la Foreft noire. Son azyle fut la
Cabane d'un pauvre Bucheron où
apres avoir fejourné quelque temps, fans
eftre
du Mercure Galant.
165
eftre connu de perfonne , il arriva que
l'Empereur eftant un jour allé à la Chaffe
dans cette mefme Foreft , pourfuivit
une Beſte avec tant d'ardeur , qu'il s'écarta
de fes Gens. La nuit qui furvint,
le contraignit à demander le couvert
dans la mefme Cabane , où Leopold
faifoit fa retraite. Ce Comte en eftoit
pour lors abfent pour quelques affaires.
Cette mefme nuit , la Comteffe,
que l'Empereur avoit prife pour la
Femme du Bucheron , accoucha d'un
Fils ; & dans le moment que cette infortunée
Fugitive accouchoit , Conrad
fit un fonge , pendant lequel il
crût entendre une voix qui luy dit.
A Conrad , il t'eft né un Succeſſeur. Ce
= Prince eftant éveillé , apprend avec
beaucoup de furprife , que fon Ho-
= fteffe pretenduë venoit de mettre un
Garçon au monde. Ce fut affez pour
luy faire croire que cet Enfant pourroit
bien eftre celuy que la voix luy
avoit voulu marquer pour fon Succeffeur.
Sur ce foupçon , il part dés le
point du jour pour chercher fes Gens,
qu'il rencontra prefque auffi toft , la
·
peine
166 Extraordinaire ".
peine où ils eftoient de la perte de leur
Maiſtre , les ayant épandus de tous les
coftez de la Foreft pour en avoir des
nouvelles. Il conte fon avanture à deux
de ceux en qui il fe confioit le plus , &
leur ordonne d'aller fur l'heure au mêine
lieu d'où il venoit de partir , d'en
lever l'Enfant du Bucheron , & de le
faire mourir. Ceux- cy moins inhumains
que leur Maiftre , s'eftant faifis
de l'Enfant , au lieu de le tuër comme
il leur avoit ordonné , le vont cacher
dans le creux d'un Arbre ; & afin que
l'Empereur ne doutaft point qu'ils ne
fe fuffent acquittez de cette cruelle
commiffion , ils luy preſenterent à leur
retour le coeur d'un Animal , que la
Providence leur fift rencontrer. A peine
a-t-on exposé l'Enfant , que le Duc
de Sueve , qui chaffoit dans la Foreſt,
paffe par le mefme lieu. Il entend les
cris de cette petite Creature , s'approche
de l'Arbre où elle eftoit , la prend
entre les bras , & charmé de ſa beauté,
la fait emporter dans fon Palais . Com
me il n'avoit point d'Enfans , il fait
prendre foin de fon education , & cet
Enfant
du Mercure Galant.
167
Enfant croiffant en mérite auffi- bien
qu'en âge , il l'adopte pour fon Fils , &
luy donne le nom de Henry. Sous ce
nom il eft produit à la Cour , où fes
belles qualitez donnent bien- toft de la
jaloufie. L'Empereur, à qui on apprend
qu'il n'eft que le Fils adoptif du Duc,
fe met dans l'efprit qu'il pourroit bien
eftre le Succeffeur que la voix nocturne
luy avoit defigné. Sur ce foupçon, il
refout de s'en défaire , & fous le prétexte
de quelque affaire importante , il
le depeſche vers 1 Imperatrice la Femme
, qui eftoit pour lors à Spire , avec
une Lettre qui entr'autres chofes contenoit
ces termes. Si la confervation de
ma vie vous eft chere , faites mourir le
Porteur de cette Lettre fecretement,
pour des raisons que je vous diray. Henry
, qui ignoroit , comme Urie , qu'il
portaft l'Arreft de fa mort , ſe met foudain
en chemin pour aller trouver l'Imperatrice
, & ne pouvant arriver le même
jour , il va loger à deux ou trois
lieuës de Spire , dans une Maiſon qui
appartenoit au Grand Doyèn de la Čathedrale
, à qui il conte que l'Empereur
168 Extraordinaire
reur l'envoyoit fans qu'il fçeût pour .
quoy. Le Doyen qui eftoit fort curieux,
forme auffi toft le deffein de s'êclaircir
du fujet de fon voyage , & la
nuit pendant qu'il dort, il prend fa Lettre,
la lit , & concevant une horreur extréme
du procedé de Conrad, comme il
avoit pour Henry une eftime finguliere
, & qu'il eftoit tres - adroit en toutes
fortes d'écritures , il efface fubtilement
les mots qui portoient l'Arreft de ſa
mort , au lieu deſquels , d'un caractere
parfaitement contrefait , il écrit ceuxcy,
Donnez promptement , & fans bruit,
noftre Fille en mariage à ce Porteur
apres quoy ayant refermé la Lettre fort
proprement , il la remet en la poche de
Henry, qui le lendemain la rend à l'Imperatrice.
Cette Princeffe luy fait époufer
fa Fille dés le jour fuivant , ravie
que l'Empereur euft fait un fi digne
choix. Jugez dans quelle furpriſe ſe
trouva Conrad, quand il connut que les
moyens qu'il avoit pris pour perdre.
Henry , n'avoient fervy qu'à le conferver.
Il fçeut non feulement que c'eftoit
le mefme Enfant dont il avoit ordonné
la
du Mercure Galant. 169
la inort au moment de fa naiffance , mais
encor qu'il eftoit le Fils du Comte de
Razu ; & adınirani les fecrets refforts
de la Providence qui avoit fi bien renversé
tous les deffeins , il confirma le
Mariage de Henry & de fa Fille , & fit
baftir dans le mefme lieu de la Cabane
unefuperbe Abbaye , que l'on appella
Vifane. Voila de quelle maniere la
Chaffe fut heureuſe pour ce Prince.
Elle ne le fut pas moins à Henry I.
Empereur d'Occident , qu'on furnomma
l'Oyfeleur , pour le fingulier plaifir
qu'il prenoit à la Fauconnerie , puis
que ce fut dans le temps qu'il eftoit occupé
à ce noble Exercice , qu'on luy
porta la nouvelle de fon election à
l'Empire ; en memoire duquel bonheur
, on dit qu'il continua tant qu'il
vefcut d'en faire fon principal divertiffement
, fans diminuer rien du foin des
affaires de fon Etat , Hiftoire Romaine,
Tome 2. Joignez à cela ce que Greg‹ire
de Tours raconte eftre arrivé à Gontran
Roy d'Orleans , Fils de Clotaire.
Ce Prince , dit eet Autheur , eftart
un jour allé chaffer dans une Foreft de
2. de Janvier 1681. H
170
Extraordinaire
la Touraine , lafsé d'avoir couru une
partie du jour , fe repofoit fur le bord
d'une Fontaine d'où couloit un petit
ruiffeau , le long duquel eftant couché ,
il fe laiffa furprendre au fommeil. Pendant
qu'il dormoit la bouche ouverte,
fon Ecuyer en vit fortir une petite Beſte
blanche comme la neige , qui courant
de tous côtez le long du ruiffeau , paroiffoit
avoir envie de paffer à l'autre
bord. Cet Ecuyer voulant luy aider,
mit fon Epée de travers. Elle s'en fervit
comme d'une Planche , courut au
pied d'une petite Montagne voiſine , &
entra dans une Caverne qui y eftoit ,
d'où fortant un peu apres , elle reprit
fon mefme chemin , & rentra dans la
bouche du Roy. Dans ce mefme temps
les Chiens & les Veneurs qui arrive
il en
rent , ayant éveillé ce Prince
marqua du chagrin , difant qu'on l'avoit
tiré d'un fonge fort agreable , dans lequel
il luy fembloit avoir paffé une Riviere
fur un grand Pont de fer , & que
de là eftant entré dans une Caverne,
il y avoit découvert un grand Tréfor.
L'Ecuyer voyant le raport que le fongè
du
du Mercure Galant.
171
du Roy avoit à la vifion qu'il avoit euë,
la luy raconta ; furquoy le Roy ayant
conferé avec les plus avifez de fon Confeil
, il fit par leur avis creufer dans le
mefme lieu où l'Ecuyer avoit veu entrer
la petite Beſte blanche , & l'on y
trouva la verité de fon fonge , c'eſt à
dire un Tréfor inestimable . La mefme
: Caverne , dit - on , paroift encor aujourd'huy
, & s'appelle la Mothe du
Tréfor.
1
C
On peut conclure de là, que la Chaf
fe eft un Art vrayment Royal , puifque
les plus grands Monarques fe font fait
de tout temps une espece d'honneur de
s'y occuper , & qu'à leur exemple quantité
de Reynes & de Princelles en ont
= fait le plus ordinaire de leurs divertiſfemens
; jufques - là qu'il s'en eft trouvé
des nôtres qui ont voulu avoir auffi bien
qu'eux , des Grands Veneurs parmy les
Officiers de leur Maifon , témoin ce que
rapporte du Tillet au regard des Reynes
Annes & Claude de Bretagne , deux
- genereufes Heroïnes , qui ne prenoient
pas moins de plaifir à chaffer , que le
faifoit autrefois la vaillante Zenobie,
H ij
172
Extraordinaire.
·
cette incomparable Reyne des Palmiréniens
, laquelle au rapport de Trebellius
Pollio, perçoit avec une vigueur infatigable
les Forefts les plus épaiffes , &
d'un courage intrepide chaffoit avec le
Roy Odenat fon Mary aux Beftes les
plus feroces ; & ce que fift apres elle
Marie de Bourgogne , Femme de l'Empereur
Maximilian I. & une infinité
d'autres.
Outre qu'on ne peut pas dire qu'un
Art ne foit veritablement Royal, en faveur
duquel les Roys même n'ont point
crû qu'il fuſt indigne de leur fupréme
grandeur , de compofer des Livres , &
de dreffer eux-mefmes les regles & les
manieres de le bien pratiquer. C'eft ce
qu'ont fait entr'autres , Dornadille IV.
Roy d'Ecofle , qui vivoit il y a pres de
deux mille ans , & qui, felon le rapport
de Baleus Sudovolca , dans fon Livre
des Ecrivains de Bretagne, prit la peine
de compofer un beau Traité de la Chaf
fe , & de toutes les Loix qu'il y falloit
obferver. Ses Sujets les trouverent fi judicieufes
, qu'ils les ont toûjours religieufement
gardées , & les gardent en
cor
du Mercure Galant.
173
cor aujourd'huy . L'Hiftoire Romaine
nous apprend la mefme choſe de Frederic
I. Empereur d'Occident ; & celle de
France en dit autant d'un des plus fçavans
& des plus laborieux de nos Roys.
C'eft Charles IX . qui nous a laiſsé un
excellent Livre fur cette matiere , intitulé
, la Chaffe Royale , dans lequel il a
furpaſsé de fort loin , dit Belle foreft , tout
ce que les autres ont écrit avant luy fur
ce Royal Exercice. Il l'aimoit , dit Mathieu
Livre 6. avec une paffion fi forte ,
qu'il en méprifoit le fejour des Villes,
appellant les Maifons , les Sepulchres des
Vivans, & difant fouvent que pour s'adonner
avec plus de liberté à cette genereufe
occupation , il euft volontiers
agreé d'eftre condamné à demeurer toûjours
dans les Bois.
Les Enigmes du Mois de Ianvier ,
dont les Mots eftoient la Baffete , & le
monofyllabe On , ont donné lieu à ces
Explications.
LI.
L'on mecroit de vos Favoris,
On
Mercure ; mais pour moy que faut-il que
Hij
j'en croye?
174
Extraordinaire
Pay deviné deux Enigmes de prix,
Les Enfeignes , la Petite- oye ,
Et parmy les Trouveurs l'on ne m'a
point compris.
Vous m'oftez quelquefois cette innocente
joye
Ien fuis chagrin , j'enfuis furpris.
En Figure , en Vers comme en Profe,
Vne Enigme éclatante est pour mey quelque
chofe,
Et j'auroisperdu mon argent
Au traiftre leu de la Baffete,
Que j'en eftimerois le coup moins affligeant
Que cefilence negligeant
De voftregalante Gazete.
I I.
1 .
GARDIEN.
E voftre Enigme d'abord
On découvre le miftere .
Do
le croy la chofe fort claire ,
Vous me me direz fi jay tort.
DE LISLE , Tréforier ancien des
Gardes du Corps du Roy.
III.
SEigneur Mercure, en bonne -foy ,
N'apprehendez-vous pas que quelqu'un
vous arrefte ? Quoy,
du Mercure Galant.
175
Quoy , vous ofex malgré l'Edit du Roy
Introduire encor la Baffete ?
S
LE PRIEUR PELEGRIN .
I V.
Ans fatiguer mon pauvre Efprit
Sur cette Enigme trop obfcure,
le vay l'expliquer , je vous jure,
Prefque auffi bien que celuy qui la fit.
l'enfeap le Mot , On me l'a dit.
Le meſme .
V.
Ay reconnu d'abord la dolente Baffete
;
Puisfongeant aux affronts qu'afoufferts
mon gouffet,
D'un maudit affaffin qui tous les jours
me guete ,
Et qu'on nomme le Lanfquenet ,
Pourquoy pour un Edit , ne fait- il pas
retraite,
Ay-je dit ? & quel grand méfait 1
A pû commettre la pauvrete ,
Que cet Enragé-là n'ait fait ?
Mais la feconde a mis mon efprit à la
gefne ,
Elle m'a fait ronger mes doigts,
Hij
176
Extraordinaire
Et contr'elle pester cent fois ;
le renonçois enfin à ma recherche vaine,
Quand On m'a fait tirer de peine.
Le Nouveau Bourgeois
de la Rochelle.
V I.
Endant ce Carnaval chacun ſe dia
vertit ,
On n'entend qu'Inftrumens ; Violons , Ó
Mufetes ;
Maisdans l'Enigme en Vers le Mercure
avertit
Qu'un grand Prince défend le Ieu de
Ο
la Baffete.
VII.
DE P. LE J.
Nva dans tous les lieux , On eft
de tous les temps,
Et ce cher Enfant de la France
Eft un Mot aujourd'huy d'une telle
importance ,
Qu'en noftre Langue il tient les premiers
rangs .
Mefme fans confulter fi c'est aves prudence,
Souvent il dit tout ce qu'ilpenfe,
Et parle librement des Petits & des
Grands.
On
du Mercure Galant.
177
Onfçait , On connoift toutes chofes,
Des diféres effets On pénetre les cauſes,
On pratique le mal , On pratique le
bien,
Bref, Onfait toûjours tout , & l'Homme
ne fait rien.
Mad. F. BouvARD , de Chartres.
VIII.
' Autre jour la belle Lifete
L'Difoit a fon Amant,
Quittons le Mercure Galant ,
l'aime le leu de la Balfete ,
Le temps le veut , il nowy faut jouer.
LOVIS , luy répond- il , en afait la
défence
Dans une nouvelle Ordonnance,
On ne fçauroit trop l'en loüer ;
Car bien des Gens feroient réduits à la
Beface ,
Quiparmy les Aifez trouvent encor
leur place.
LE CHEV. DE LAMPSICOURT .
I X.
Ous voulez que je vous expli-
VO que ,
Belle & jeune Philis , l'Enigme de ce
Mois?
Hv
178
Extraordinaire
Cette Reyne du leu , que le plus grand
des Roys
A fait bannir ainsi qu'une Publique,
Eft la Balfete , afſurement,
Qui meritoit trop bien ce jufte châtiment.
L'Amant Inconnu de la belle
Philis de Rouen .
X.
Bulez - vous tout fçavoir ? voulezous
tout écrire ?
Voulez.
Defire dous tout faire, & voulez- vous
out dire ?
On fait ce grand fecret ,
On eft fage & difcret.
Allez àfon Ecole ,
On peut vous l'enfeigner ,
On ne demande rien , On ne veut rien
gagner,
Non pas mefme un Obole.
On eft trop genéreux , & ne veut rien
dé vous,
T
On fçait tout, & ce n'est que pour l'ap
prendre à Tous ;
Mais quoy qu'On Sçache bien toutes
fortes de Langues.
Et
du Mercure Galant. 179
Et quoy qu'en tout langage On faffe des
Harangues ,
On ne sçauroit parler qu'en langage
François ;
Car parlant autrement , Allemand ,
Ecoffois,
Anglois , Italien , Eſpagnol , ou Boheme,
Quittantfa propre Langue, On fe perdroit
luy-mefme.
FORMENTIN d'Abbéville.
Do
X I.
Une Enigme eftre l'Interprete,
C'eſt , ce me semble , un jeu fort engageant
,
Et l'on n'y perd pas fon argent
Comme à celuy de la Ballete.
SEFFRIE DE S. JOSEPH.
XII.
L'Enigme que eu viens de live,
N'oblige pas longtemps l'esprit à s'appliquer;
Il eft aifé de l'expliquer ;
Car c'est tout ce qu'On voudra dire,
CAUDRON
, d'Abbeville,
M
XIII.
Ercure; je vous mets fouvent dins
ma Caffete ,
Mais
180 Extraordinaire
Mais vous chercherez gifte ailleurs pour
cette fois ;
Si je vousy fouffrois avecque la Balfete,
Seroit- ce , comme je le dois ,
Obeir auplus grand des Rops ?
Non, puis que ce Prince admirable
Afait donner contre elle Arreft fi fagement
,
Ce feroit me rendre coupable,
D'engarder un Ieu feulement.
XI V.
PHILONICE .
ONcroit, On dit, Onfait, On écrit
mille chofes,
On eft Ambassadeur , Monarque , Magistrat,
On eft Homme de guerre , On eft Homme
d'Etat ,
On invente à fon gré mille métamorphofes.
On fait tout , On far tout fe promene
&
s'applique
,
On fait fracas au monde , On brille de
renom ,
On
du Mercure Galant. 181
On fe fait confulter , On dit qu'en dira-
t-On ?
Mercure , cependant voftre Enigme On
PHil
explique.
L.BOUCHET , ancien Curé
de Nogent le Roy.
X V.
Hilis , qu'en vous voyant mon ame
eft fatisfaite !
De vous oir chanter que le plaifir eft
doux !
Trop content de vous voir , & deparler
à vous ,
Je nepuis regreter le feu de la Baſſete ,
L'Amant de la charmante Mad.
la Grange de Rouen .
Les fentimens qui fuivent font de
Monfieur Panthot , Doct . Med. & Profeffeur
Aggregé,an College de Lyon.
$1
182 Extraordinaire
SI L'EAU MINERALE
en quelque maniere qu'elle foit
prife , eft utile ou dangereuse .
A MADAME A. D.
A Lyon , ce 23. Mars 1681 .
I j'avois crû , Madame , que vous
Sel euffiez fouhaité mes fentimens fur
les biens & les maux que peuvent caufer
les Eaux minerales , je n'aurois pas
attendu fi longtemps à vous fatisfaire ,
fur une matiere qui demande plus d'application
& de loifir , que celuy de répondrefur
le champ à une Propofition
de fi grande importance.
Je m'eftois perfuadé que le petit
Traité des Dragons & des Efcatboucles
, que j'ay composé par vos ordres ,
tiendroit lieu d'une excufe legitime.
Neantmoins puis que vous me l'ordonnez
, je paffe fur toutes les refléxions
qui devroient m'arrefter en cette ren
contre & particulierement fur l'im
promptu,
du Mercure Galant . 183
promptu, pour vous fatisfaire fur ce Re
mede , qui eft (comme tous les autres )
fort bon à ceux qui en ufent bien , &
tres- mauvais à ceux qui en ufent mal .
Les Eaux minerales dont vous me
demandez l'utilité & les dangers , font
de ce nombre , & bien fouvent incer
taines , lors que les caufes qui en mar
quent la neceffité & les précautions , ne
font pas obfervées dans toutes les circon
ftances qui les rendent bonnes ou mauvaiſes,
& quand d'un Remede particu
lier , on en veut faire une Medecine
univerfelle .
Mais avant que décider la Queſtion
que vous me propofez des Eaux miné
rales , il faut établir que l'on entend par
ce nom , toutes celles qui retiennent
confidérablement le gouft , & la vertu
des Métaux, ou des Minéraux contenus
dans les lieux où elles paffent , comme
l'on obferve à plufieurs Sources qui ſe
font rendues fi fameufes , par le fecours
que tant de Malades prefque defefperez
y ont trouvé en peu de temps.
On en compte dans ce Royaume un
tres-grand nombre de froides & de
chau
184
Extraordinaire
chaudes , propres à boire & à baigner,
dont les premieres, participent extrémement
du Fer, du Vitriol,& de l'Alun ,
feparément ou mélez ; les fecondes , du
Soulfre, du Bitume , & de divers autres
mélanges qui ont efté reconnus par
l'Anatomie qui a efté faite des fels,
dont ces Eaux fe chargent , dans le fejour
& le paffage qu'elles fe font en ces
lieux foûterrains.
Je ne m'arrefte point à vous donner
les noms, les diférences, & les facultez
de toutes les Eaux minérales de France,
& de plufieurs autres lieux; encor moins
à rechercher les premiers Autheurs qui
en ont écrit , ny mefme ceux qui ont
commencé à mettre ce Remede dans la
réputation & dans l'eftime , qui fait le
grand concours des Mourans & des
Malades , fi fort empreffez d'aller renaiftre
dans ces Fontaines falutaires.
Toutes ces generalitez , quoy que
curieuſes, ne ferviroient qu'à diferer la
fatisfaction particuliere que vous attendez
fur tous les doutes, où vous ont jettée
les opinions diférentes de ceux qui
donnent leur approbation , ou defapprouvent
du MercureGalant. 185
prouvent fans raiſon, & qui n'ont point
d'autre regle dans leur conduite , que
l'exemple , & le caprice des moins intelligens.
Les Eaux minerales , fans contredit,
ont produit de fi merveilleux effets dans
les maux les plus defefperez , & des
guérifons fi furprenantes en tant de
grandes & rebelles maladies , que perfonne
ne peut douter apres ces heureux
fuccez & ces épreuves admirables , qu’-
elles ne foient tres-utiles quand elles
font données bien à propos .
Vous pouvez juger , Madame , par
voftre propre expérience , que ce Remede
eft d'une tres- grande & tresimportante
utilité , où tous les autres
ont échoué abfolument , car elles
gueriffent
fouvent en moins de trois femaines
, ce qu'on n'a pû faire en trois annees,
& donnent en peu de temps beaucoup
de fanté à ceux qui n'en ont eu de
leur vie.
Elles ont une faculté finguliere d'atténuer,
d'incifer, & de diffoudre les humeurs
les plus groffieres & les plus engagées
, qui forment ces maladies fi rebelles
,
186 Extraordinaire
belles,& ces pernicieux empefchemens
fi oppoſez à la feparation du pur , & de
l'impur , où réfide la fource de la fanté
& de la vie , quand il arrive , commę
elle eft le principe de la caufe de tous
nos maux lors qu'elle manque.
On boit les Eaux minérales , & particulierement
les chaudes , pour dégager,
& vaincre par ce puiffant Remede,
les obftructions, & les engagemens que
les ordinaires n'ont pû furmonter &
guérir , parce qu'elles préparent & évacuent
tout enſemble les humeurs qui
font plus de refiftance , & les rendent
fluides , & obeïffantes au Remede qui
difpofe & à la Nature qui expulle
.
Les Eaux minérales reüffiffent facilement
, quand le corps a efté preparé
par les Bains domeftiques, qui fondent
& détrempent les impuretez plus fortement
engagées dans les parties naturelles
, & les conduits deftinez à les évacuer.
On fuit en cette occafion la penfée
du Prince de la Medecine , qui confeille
de rendre les humeurs fluïdes &
coulantes quand on veut purger , & de
les
du Mercure Galant .
187
les difpofer de telle maniere que l'action
du Remede ne fe rende point inutile,
par la rebellion des excremens qui luy
refiftent.
Les biens & les foulagemens qui
proviennent des Eaux minérales , ne
procedent pas feulement des évacuations
, & des dégagemens qu'elles produifent
, car leur effet ne diféreroit pas
de celuy des autres Remedes , qui
vuident & chaffent les impuretez , ny
mefine des Eaux des Fontaines & des
Rivieres , mais plus particulierement
d'une notable impreffion de force qu'-
elles laiffent dans les parties où elles
paffent , à caufe des fels , & des vertus
dont elles font chargées.
C'est pourquoy elles rétabliſſent fi
parfaitement ces mortelles langueurs ,
& ces mourantes foibleffes des vifceres
naturels , cauſées par la relaxation des
fibres & des membranes qui les compofent.
Elles font renaitre bien-toft
la vigueur qui leur eft neceffaire , &
reparent en peu de temps le propre
temperament , la réunion & la confiftence
naturelle des parties .
La
188 Extraordinaire
.
La feconde intention pour laquelle
on donne les Eaux minérales , eft d'éteindre
de fâcheufes intempéries qui ne
font pas accompagnées d'engagemens
trop confidérables , où la feule raifon
d'éteindre ces grands feux, qui ne peuvent
eftre corrigez par d'autres voyes,
l'emporte fur celle de beaucoup évacuer.
On a plus de recours en ce cas aux
Eaux froides, qu'à celles qui font chaudes,
parce que leur feule froideur actuelle
eft un foulagement , & une guériſon
merveilleuſe par la raifon des contraires
, quand meſme la qualité minérales
ne s'y rencontreroit point, qui n'eft pas
la feule caufe de la facilité qu'elles ont
à paffer.
L'experience de plufieurs Perfonnes
incommodées qui ne peuvent fouffrir
l'odeur, ny le gouft des minéraux ; celle
d'un fi grand nombre de Pauvres , que
la mifere reduit à l'impuiffance d'aller
fur les lieux , ou d'en acheter , aufquels
les Eaux des Rivieres & des Fontaines,
ont auffi bien paffé par leur propre
poids, & produit d'auffi bons effets que
les
du Mercure Galant . 189
7
les Eaux minerales les plus fortes , &
les plus cheres , en font une grande
preuve.
Il faut donc convenir que les Eaux
chaudes font plus propres à vaincre les
grands & rebelles engagemens , qui
font aux rheins, à la veſcie ,au foye, à la
ratte , aux poulmons , à l'eftomac , aux
inteftins , à la matrice , aux affections
mélancholiques, aux fiévres quartes, à la
difpofition prochaine de l'hydropifie,
de la phtifie , & à la plus grande partie
des coliques.
Les froides au contraire conviennent
mieux où il faut médiocrement évacuer,
corriger les intemperies les moins compliquées
, & rétablir les dommages qu'-
elles ont produit. Leur utilité eft moindre
& quelquefois oppofée , où les parties
membraneufes fouffrent, & dans les
circonftances attribuées aux chaudes
qui produifent des effets contraires .
Elles ont pourtant leurs vertus , comme
les chaudes,de fortifier les parties affoiblies
, & ont la faculté de rétablir en
aftreignant les fibres & les membra
nes , qui avoient efté relaxées par les
cauſes,
190
Extraordinaire
caufes , que je n'entreprends pas d'expliquer,
laiflant cette Decifionaux Medecins,
que les Malades doivent confulter
, pour en faire une juſte application.
Le fecond ufage des Eaux minéra
les , confifte à l'application exterieure
que l'on en fait fur les parties affoiblies ,
ou qui manquent de chaleur naturelle
lors que les nerfs font bouchez , & que la
diftribution des efprits animaux ne fe
peut plus faire. Ce defordre procede
ordinairement
par la prefence d'une
humeur fluxionnaire impacte , & attachée
dans les conduits , qui privent en
cet eftat les organes des facultez de fentir,
& de fe mouvoir .
Elles ne produisent pas feulement de
grands effets à tant d'autres indifpofitions,
par leurs vertus balfamiques, où
il est neceffaire de prévenir ainfi les fâcheufes
fuites , dont l'on voit naiſtre les
avantcoureurs & les commencemens;
mais encor dans les véhémentes douleurs
des jointures , & des parties nerveuſes
, caufées par les mauvaiſes im
preffions qui restent des rhumatiſmes ,
des
du Mercure Galant. 191
des coups, des chutes, des arquebufades,
& des autres bleffures,pourveu qu'elles
ne foient participantes d'aucune cauſe
maligne.
On reçoit l'Eau dans fa fource fur la
partie malade , où elle eſt trempée plufieurs
jours , & l'on y demeure chaque
fois jufqu'à ce que la fueur commence
à fortir , avec cette précaution de ne
point moüiller le ventre, & la poitrine.
Cet inconvenient feroit dangereux , &
cauferoit infailliblement de plus grandes
maladies que celle que l'on veut
guérir.
L'effet des Bains & des Eaux chaudes,
eft de procurer des fueurs , de diffiper
par ce moyen les ferofitez qui fomentent
les maladies , & de réfoudre
particulierement celles qui font imbibées
dans les parties malades. Elles laiffent
par ce moyen une grande imprefhion
de force par tout où elles touchent
, & rappellent fi bien la chaleur
naturelle , & l'aliment , que celles qui
eftoient impuiffantes & extenuées, s'engraiffent
& fe fortifient.
Les fueurs provoquées dans les Etuves
192 Extraordinaire

ves ou par les Reinedes ordinaires , ne
produisent pas les mefmes foulagemens,
parce qu'elles n'ont pas la mefme vertu
de fortifier la partie malade, comme ces
Eaux falutaires. Elles animent tellement
par leurs effets merveilleux les facultez,
qui femblent abfolumét éteintes & privées
de vie, qu'elles ne font pas moins
admirables par la force qu'elles ont de
guérir promptement, que par celle d'empeſcher
les retours & les rechutes.
On peut conclure par tous ces avantages
, & les biens confidérables que
procurent les Eaux minérales au foulagement
, & à la guérison de tant de
maux , qui ont méprifé l'effet & le ſecours
des autres Remedes , que quand
elles font données bien à propos , elles
font tres-utiles à la fanté , & ne font
dangereufes que dans le mauvais ufage
qu'on en peut faire.
Si j'avois eu plus de loifir, Madame ,
j'aurois écrit davantage , & vous auriez
connu par mon exactitude , combien je
fuis voftre , & c.
PANTHOT , Doct. Med.
SEN
du Mercure Galant.
193
SENTIMENS SUR
les Queſtions du dernier
Extraordinaire.
1.
Yrcis eft devenu jaloux
Defa jeune & nouvelle Epouse,
Et la Belle de fon Epoux
Eft devenue auffi jalouſe.
On demande lequel des deux
Eft en ce point plus malheureux ?
Ie les trouve tous deux à plaindre ,
Mais un Epoux a tout à craindre
Lors qu'il fait que fa Femme a fait un
Favory ;
Car tel eft l'ufage du monde ,
Une Femme jamais ne répond d'un
Mary ,
Mais il faut qu'un Mary d'une Femme
réponde.
Q.de Janvier 1681 .. I
194
Extraordinaire
A
II.
Veugle né , confolez- vous ,
D'estre toûjours dans les tenebres
;
On ne voit icy-bas que des Objets fu
nebres,
Et les plus Clair- voyans ne font que des
Hibous.
Ils ne peuvent fouffrir l'éclat de la lumiere
,
Le jour leur devient odieux ;
Voftre efprit éclairé, bien d'un autre manicre
,
Voit ce que nous voyons , & le comprend
bien mieux.
Et vous qui vous plaignez comme un
autre Tobie,
Que vous avez perdu les douceurs de la
vie,
En perdant l'ufage des yeux ,
Vous pouvez voir encor par la Philo-
·Sophie
Tout ce que la Nature a de plus curieux.
Veftre ame deformais ne fera plus émeuë
De
du Mercure Galant.
195
De ces Objets fâcheux qui choquoiene
vostre veuë,
De ces fauffes Beautez dont les charmes
trompeurs
Enchantent la raifon, & corrompent les
moeurs.
C'est ainsi qu'un Aveugle fage
Se confole par fa vertu.
La veuë eft un bien inconnu
A qui n'a pas cet avantage;
Et quiconque en jouit doit estre pré
venu
>
Qu'il ne faut prefque rien pour en per-,
dre l'usage.
III.
Parengageante
Our répondre en fort peu de mots
A l'engageante Vacefmonde,
Quifans doute d'un grand Héros
"Eft l'Héroïne fans feconde ;
Voicy quel est mon fentiment
Sur le doute qui met fan eſprit en balance.
Je ſuis pour la tendreſſe & la perféverance,
Quand on n'aime que foiblement
I i
96 Extraordinaire
Lesbelles qualisez font de peu d'impor
tance ,
29:156
Car le mérite d'un Amant
Eft de fe faire aimer , & d'aimer tendrement
.
I-V.
›' Eft des ' Phéniciens , s'il en faut
croire Pline,
C'E
Que la Chaffe & la Peſche ont pris leur
30
origine ;
Mais chacunfçait que les Hébreux
Ont chaffé longtemps'avant eux,
Et que Cainmeurtrier de fa Race
Eft le premier quiſe plût à la Chaſſe.
Je ne condamne point cet innocent plaifir,
Que l'on peut appeller une guerre fauvage,
pinsan
Où dans lefang & le carnagè
Un Homme courageux contente fois
defir sons
Mais lors qu'on en corrompt Busage,.
Ce divertiffement n'arien que de brutal,
Et fouvent l'Homme le plus fage,
En devenant Chaffeur , devient un
Animal.mp3 ง .
du Mercure Galant. 197
V.
31225
Ve le Peuple ignorant eſt une
Q étrange Beſte Area infuz
Il est enfemble impie & fuperftitieux, i
Afe perfécuter il est ingénieux,
Rien ne le defabufe , il ne croit que fa
tefte.
Il vit toûjours en crainte , & dans l'awveuglement,
sal
Et de tous fes malheurs l'Autheur &
le Prophete,
Il mérite le châtiment
Que fon efprit crédule attend de la
Comete.
V I.
"
Comme je mesens peu capable
D'inventer fur la Bague une nouvelle
Fables
le vaisfans affectation
Poursuivre le panchant où ma Muſe eft
portée,
Rimer icy la Fiction plane sh
Qu'on raconte de Promethée.
I iij
198 Extraordinaire
Tandis que ce grand Homme au Caucafe
attaché,
Par un cruel fuplice expioit fon peché,
Et des Dieux irritez appaifoit la colere,
Voicy comme il fortit d'affaire.
Iupiter amoureux de labelle Thetis,
Cherchoit un jour à fatisfaire
Avec ellefes appetits ;
Les Parques auffitoft ( Femmes pour l'orw.
dinaire
Parlent toûjours de quelque affaire)
Conclurent fur ce point qu'il en naîtroit
un Fils
Quiferoit plus grand que fon Pere.
Promethée écoutant par hazard leur
devis,
A Iupiter en donne avis,
Et luy découvre le miſtere.
Ce Dieu fur fa tendreſſe ayant fait un
retour,
A Thétis ne fift plus la cour, s
Et craignit la mefme infortune
Qu'il avoit fait fentir à fon Pere Saturne.
Ce qui nous apprend en ce jour,
Que dequelque ardeur qu'onfe pique,
Iln'eft point de fi forte amour
Qui
du Mercure Galant . 199
Qui ne cede à la Politique.
Mais enfin Iupiter auffi bon que puif
Jant ,
Voulut eftre reconnoiffant
D'un avis de cette importance.
Envers ce Criminel il ufa de clemence,
Fft ceffer fon fupplice , & rompit fes
liens,
Et le combla de mille biens
Au delà defon efperance ;
Mais à condition qu'il feroit un Anneau
De la Pierre du Mont , & du Fer de fa
Chaîne,
Qu'il porteroit au doigt comme un gage
nouveau
De fon bienfait & de fa peine ;
Et depuis ce temps-là les Bagues ont efté
Dans tous les lieux du monde, une marque
certaine
Ou de reconnoiffance, ou defidelité.
VII.
Uffitoft que Noé par un bonheur
infigne
Eut trouvé lefecret de cultiver la Vigne,
I iiij
200 Extraordinaire
Et de rendre commun ce fus délicieux,
Qui fait la volupté des Ieunes & des
Vieux,
L'Eau honteuse s'enfuit, & fe cacha fous
terre ;
Elle ne conla plus qu'à l'ombre des Rofeaux
;
Et le Fontenier qui l'enferre
Et l'arrefte dans fes Canaux,
Reconnoift malgré fes travaux,
Que toujours à regret elle embellit le
monde,
Et cache avec plaisir & ſaſource &ſon
onde.
Mais elle fevange bien mieux,
Lors que s'attribuant une vertu nouvelle
,
> L'Homme accablé de maux quitte le
Vin pour elle,
Et va la chercher en tous lieux.
Elle eftoit autrefois & faine & neceffaire,
Mais il n'en eftoit pas content ;
Elle devient apres par un effet contraire,
Plus nuifible que falutaire,
Et c'est lors qu'il en boit d'antant.
DE BOISGRIMOT .
Dés
du Mercure Galant. 201
Dés que la troifiéme de ces Queftions
fut proposée par l'engageante Vacefmonde
, qui a demandé , Ce que doit
faire une Belle preffée de se déclarer par
deux Amans , dont l'un a beaucoup d'amour
& peu de mérite , & l'autre beaucoup
de mérite & peu d'amour on
m'envoya cette Réponſe au nom de
Monfieur d'Arlay la B.
2
A Pefte & le Buveur foûpirent pour
L Mélite,
Et de ces deux plaifans Pasteurs ,
Lespremiers plein d'amour n'a pas un
grand mérite,
L'autre plein de mérite ade tiedes ardeurs.
Tous deux preffent pourtant cet Objet
adorables
De répondre à leurs voeux.
Que fairepour eftre équitable ?
Attendre, ce me femble , à contenter leurs
feux,
-5 Que la Peitefoit plus aimable, ov
97 Ousle Buveur plus amoureux, erotik,.
eral
La feconde Planche que je vous envoye,
I v
202 Extraordinaire
vous offre la veuë de l'autre Maifon
Royale d'Espagne que je vous ay dit eftre
aux environs de Madrid. Elle n'en eft
éloignée que de deux lieuës, & s'appelle
Cafa Real del Prado. Vous pourrez examiner
à loisir ce qu'elle a de remarquable.
Je viens à la Lettre du Spirituel Berger
des Rives du Tarn , qui fous un fens
découvert en cache un autre que perſonne
n'a pu découvrir. Ily avoit en cela
une espece d'impoffibilité,parce qu'elle eft
écrite fur trois Alphabets > tous trois
tranfpofez , & qui répondent à noftrè
Alphabet commun . La Lettre qui fuit
contient ces trois Alphabets , & donne
la Clefde tout le fecret .
Sur les Bords du Tarn , ce 19.
Mars 1681.
ن ا
E vous envoye , Monfieur,le déchifrement
de la Lettre du 24. Septembre
dernier,contenue dans le douzième Toane
de voſtre Extraordinaire. Les avis
donnez
du Mercure Galant.
203
donnez dans cette Lettre , avec l'explication
des deux précedentes,qui eft dans
le mefme Tome , en auront fans - doute
facilité l'intelligence , puis que cette
Lettre, auffi - bien que celle du onzième
Tome , avoit eſté faite à l'imitation de
celle de Mr de Vienne- Plancy . Ces
trois Lettres fe trouvant ainfi à peu- pres
femblables , le déchifrement de l'une
aide à celuy de l'autre.Toute la diférence
qu'il y a, confifte aux Alphabets.Celle
que vous aviez donnée , Monfieur,
eftoit chifrée fur l'Alphabet ordinaire-
Pour ce qui regarde celle de Mr de
Plancy, avant d'eftre chifrée, les lettres
en avoient efté tranfpofées fur l'Alphabet
renverfé; & pour celle- cy, avant
auffi d'eftre chifrée , les lettres en ont ,
efté tranfpofées fur trois diférens Alphabets
reglez par la date de la Lettre
du 24. Septembre 1680. lefquels trois
chifres,fuivant la maxime de la Lorraine
Efpagnolete, font 6,7 , & 15 , qui eſt
lé contrechifre & marque des trois Alphabets
employez dans cette Lettre,
defquels le premier eft fait en telle maniere,
que la fixième lettre qui eft F, ſe
trouve
204
Extraordinaire
1
trouve mife en la place de la lettre A,
& la douzième qui eft M, au lieu de B;
& la dix-huitiéme qui eft S , au lieu de
C; & ainfi confecutivement de fix en
fix,continuant apres Z, à recommencer
par A,qui dans le fecond tour ou fecond
compte fe trouve la vingt- quatriéme
lettre , & par confequent au lieu du D,
& ainfi en continuant toûjours à compter
jufques à ce que les vingt- trois
lettres fe trouvent toutes employées.Le
fecond Alphabet eft fait de mefme,à la
referve qu'on compte de fept en fept.
Ainfi G, qui eft la feptiéme lettre , eft
miſe pour
pour A; la lettre O , qui eft la quatorziéme,
pour B ; & ainfi des autres;&
par mefme moyen le troifiéme Alphabet
fe trouve ainfi compofé de fes let-"
tres de quinze en quinze. Ainfi P, qui
eft la quinziéme lettre , fe rencontre au
lieu de la lettre A , & la lettre G, qui en
continuant à compter fe trouve la trentiéme
, eft mife pour B ; & continuant
ainfi jufques à ce que les Alphabets
foient entierement remplis , ils fe trouvent
tels qu'ils font ainfi repréfentez .
Premier
fm
Premier Alphabet par 6.
fagntbhou
cip xd kq yel rz
Second Alphabet
par 7.
qz
c1idtufracfpybkngxhoem
g
TArlopihfaibéemte .1p5ar
tuxnoPeflgmcydfxbri
q
oA. rldpihnaabierte
ABCDEF
12345 6
hz
GHIKLMNOPQRSTVXYZ
78910 111213141516 17181920212223
206 Extraordinaire
Ces Alphabets ainfi rangez , on prend,
pour commencer à déchifrer , les premiers
Mots de la Lettre du Marchand,
qui font,
7,4,y, r, c , c , e, u, d, e, v, o, u, s, &c.
Apres on ramaffe les chifres de la même
Lettre , dont les premiers font
18. 1.4. 23.15.2 1. 2. 2. 22.23.
14. 3. 18. 21. & c.
En fuite on compte dans l'Alphabet
ordinaire , joignant le premier chifre à
la premiere lettre en cette maniere . La
dix-huitiéme lettre apres I, eft D,la premiere
apres A , eſt B ; la quatriéme
apres r, eft C ; la vingt-troifiéme apres
R, eft Relle- mefine, & ainfi des autres ;
ou bien , comme vous l'avez remarqué
dans l'Explication de voſtre Lettre , on
joint la lettre 1, qui vaut 9 , avec le
chifre 18 , ce qui fait 27 ; & à cauſe
qu'il n'y a pas ce nombre de lettres dans
Alphabet , on ofte de 27 le nombre
de 23 , & refte 4 , qui donne dans l'Alphabet
ordinaire la lettre D , qui eft
du Mercure Galant.
207
-
la melme que le precedent compte avoit
donnée ; & continuant par l'un ou par
l'autre de ces deux comptes , il fe trouvera
que les mots de la Lettre du Mar
chand expliquez par les chifres de la
mefme Lettre , donneront premierement
ces Lettres,
d, b, c, r, u, a, g ,V, c‚ ¢ ‚l ; r;p ; q, & c.
Lefquelles lettres font les premieres de
celles qui avoient efté tranſpoſées fur
les trois Alphabets cy - deffus , dans
lefquels cherchant , fçavoir dans le
premier Alphabet tranfpofé , la lettre
D , qui eft la premiere tranſpoſée , on
trouvera qu'elle répond dans l'Alphabet
ordinaire à la lettre Q, qui eft la
premiere du fens caché ; & cherchant
la lettre B dans le fecond
Alphabet tranſpoſé , on trouvera qu'el-
Je répond dans l'Alphabet ordinaire à
la lettre qui eft la feconde du fens
caché , & continuant 'on trouvera
que la lettre C du troifiéme Alphabet
tranfpofé répond à la lettre O dans
l'Alphabet ordinaire , qui eft la troifiéme
lettre du fens caché. En fuite la
lettre R du premier Alphabet tranſpoſé
>
( car
13
208 Extraordinaire
.
( car il faut recommencer du troifiéme
au premier , toutes les lettres eftant
alternativement prifes d'un Alphabet .
apres l'autre ; ) la lettre R, dis - je , dur
premier Alphabet, répond à la lettre
r de l'Alphabet ordinaire , qui eft
la quatrième du fens caché , & : qui
jointe aux trois précedentes ,. font le
premier mot du fens caché qui eft
Quey; & continuant par le mefme
déchifrement , on trouvera que lesi
mots de la Lettre du Marchand , qui
eftoient tels , Fay reçeu de vous , Moufieur
, diverfes femmes , &c. avec les
chifres qui y eftoient adjoûtez , mar+ :
quent les mots fuivans. Quoy que nous
foyons dans an Siecle où rien n'empefche
les François, on ne laiſſe pas de leur pré-
Jenter un Chifre , qui pourroit bien pendant
quelque temps arréter les plus curieux.
Chacun de ces mots eftoit feparé
par les articles de la recepte & de l'employ
des fommes contenues dans la Lettre
du Marchand , chaque article marquant
un mot , ce qui en devoit faciliter
le déchifrement. Ce qu'il y avoit
encor à remarquer , c'eft que dans les
10 )
premiers
du Mercure Galant. 209
5
premiers mots de la Lettre 7'ay reçen de
vous , &c. il n'y avoit pas tant de lettres
dans le fens à découvert , comme il y en a
dans le fens caché ; mais pour remedier à
cela, la derniere lettre du fens à découvert
, qui eft S, avoit efté redoublée autant
de fois que le nombre des chifres
furpaffe celuy des lettres du fens à décou
vert, lefquels chifres furpaffant jufqu'au
nombre de cinq les lettres du fens à découvert
, cette mefme lettre S avoit eſté.
I multipliée autant de fois , afin de pou
voir avec cette mefme lettre, & les cinq
derniers chifres , trouver les dernieres
lettres du mot curieux , qui eft le dernier
du fens caché. Je m'affure que ce qui
vient d'eftre dit , avec ce qui a déja efté
marqué pour les précedentes Lettres ,
donnera un affez grand éclairciffement
pour le déchifrement de celle- cy.
LE BERGER DES RIVES DUTARN .
* Ces fortes de Chifres , quoy que merveil
leux entre deux Particuliers qui en ont la
Clef, & qui s'enpeuvent fervir utilemet,
font trop difficilespour le Public , qui nonfeulement
n'en peut prefque jamais trouvor
210 Extraordinaire
ver le fecret , mais qui a befoin d'une
trop forte application , quand fur l'éclairciffement
qui luy est donné , il veut
déchifrer les Lettres qui luy ont esté
proposées , la diverfité des Alphabets
estant une chofe qui l'embaraſſe toûjours.
Il eft mefme extrémement difficile que
les Autheurs de ces Lettres , en changeant
ainfi toûjours d'Alphabet , ne fe
trompent quelquefois dans le juste rapport
de chaque chifre , il m'aparu en
examinant celle - cy, qu'il y en a quelquesuns
manquez. Je pourrois m'estre moymefme
trompé , en m'embaraſſant particulierement
fur ces mots, plaira l'examiner
, & trouvant fix chifres au lieu de
cing , plus qu'il n'y a de lettres dans le
fens à découvert ; ce qui brouille tout
caufe du changemet des Alphabets; mais
enfin il feroit à fouhaiter que ceux qui
m'ont fait la grace de m'envoyer de
Mets , d'Alençon , & d'autres lieux, de
ces Chifres difficiles , qu'ils nomment
eux-mefmes indéchifrables , vouluſſent
bien fe donner la peine d'en inventer
d'autresfur un Alphabet unique , afin
qu'on euft le plaifir de n'en pas chercher
>
inuti
du Mercure Galant. 211
inutilement la Clef, ou que du moins
l'explication qu'ils en donneroientfuft
fort aisée à estre comprise. C'est par là
que le nouveau Chifre que je vous envoye
eft auffi agreable qu'ingenieux. Il
eft de Monfieur Miconet de Châlons ,
qui fuppofe qu'un Receveur écrit ainſi à
fon Maistre.
Lettre dans laquelle unfens parfait
eft cachéfous un autre Sens
parfait.
ONSIEUR ,
Meme
Je me feray toûjours un tresgrand
plaifir d'obeir exactement à tout
ce que vous me ferez l'honneur de me
commander.
\
Vous me demandez un compte fuccint
de ce que j'ay reçeu & dépensé
pour vous , & fuivant vos ordres , l'année
derniere. Le voicy auffi court &
fuccint que vous le pouviez fouhaiter,
puis que pour le rendre tel , je vous
rapporte feulement les fommes que j'ay
receuës,
212 Extraordinaire
reçeuës , & les noms de ceux de qui
je les ay reçeuës , fans vous dire au long
pourquoy elles vous font deuës , voftie
Manuel & vos Rentiers vous en inſtruifant
affez.
Premierement , j'ay reçeu de voftre
Fermier d'Argenteuil le 11. de Mars
800l . Plus du mefme le 7. d'Avril
130l. & encore dudit Fermier le 11.
dudit mois 180 l..
Le 26. du meſme mois j'ay reçeu
Milly 181. de rente fonciere .
de
Le 3. de May je reçeus de Grillet
230 1. & 9 f. de cenfe.
Le 10. je reçeus du fieur de Marigny
10 l . pour cenfes & rentes. 24 CA
Le 2. de Juin je reçeus du fieur d'Autricourt
150l . pour arrerages,,
Le 5. je reçeus 3 2 1. de Dubuiffon
en déduction de plus.
Plus 28 1. 7. de Gallet pour plufieurs
années de cenſe.
Le 21. je reçeus du fieur de Montfort
2001. pour 8 années de la rente
fonciere qu'il vous doit fur fa Maifon.
Plus de Guillot 7 fols 4. deniers de
cenfe.
Le
du Mercure Galant.
213
Le 1. de Juillet 1 50 l . du fieur d'Arfon
pour arrerages..
Le 11. je réçeus 1 10 1. du Fermier
de Poiffy , 160 l . d'arrerages du fieur de
Serinville , & 8 fols 2. deniers de cenfe
de Pegilly.
Le 20. je reçeus go 1. du fieur
Jacquet. Plus 10 l . 1of.is den. de Buffilly
, & 11 l. 16 f. 5 den. de Carlet
Le 14. de reçeus de Monfieur de
Rouffignac 2700 l . qu'il vous devoit,
& luy rendis fon Billet.
Le 2. d'Aouft sool. rof. de Mad , de
Gerbigny.ol v sup
Le 12. je reçeus 2001. de Monfieur
de la Martiniere, & 20 1. de la Paliffe.
Le 13. de Septembre 30 l. de Ri
chard. zov taev. ll egando ob dass
Le 8. d'Octobre 91. 13. du fieur
Berger.
Le 26 je reçeus 200 l . du Fermier
de Poiffy. Hovs sov h'up stets
Le 3. de Novembre
1. de Jannin,
& 23 1. 2 fa den . de Bricourt pour!
cenfes & rentes.
Le 20. je reçeus encore 901. du Fermiér
de Poillyalı 0 on 2006
21 Lei
214
Extraordinaire
Le 9. Decembre 601. 10 f. du fieur
Caftin en déduction .
Le 23. dudit mois 38 1. 12f. 3 den .
de cenfe de plufieurs Particuliers.
Le 7. de Janvier de la préfente année
1800 l . du Fermier d'Argenteüil, &
71, 10 f. de Chauvet.
Le 7. de Fevrier 450 l. du fieur
Bouchard.
5. Et le 9. de Mars 22 l. 18 f. 10. den.
du fieur Georget.
Voila , Monfieur , un état fidele &
exact detout ce que j'ay reçeu pour vous,
voicy en fuite ce que j'ay fourny & dépenfé
par vos ordres.
Le 9. de Mars de l'année derniere je
fis toucher à Monfieur vôtre Fils 2700l.
par Lettre de change ſuivant vos ordres
du 19. de Fevrier.
Le 6. d'Avril je comptay 200 l . à
voftre Tailleur pour un Habit de Drap
d'Angleterre qu'il vous avoit envoyé.
Le 31. de May 260 l . au Tailleur dé
Madame , à laquelle j'envoyay le 9. de
Juin les Etoffes , Points & Dentelles contenus
en fon Memoire , en valeur de
1200 l . avec une Garniture de gris -delin
de sol .
Le
du Mercure Galant.
215
Le 9. de Juillet je vous envoyay
1000 l . par vos ordres du 30. de Juin .
Le 7. de Septembre je comptay
1100 1. à Monfieur de Gaffilly par vos
ordres du 16. d'Aouſt.
Le 29. de Decembre je donnay à
Monfieur voftre Fils le cadet 390 1. fuivant
vos ordres fans date.
J'ay encore débourfé 160 l. tant pour
les Mercures que pour plufieurs autres
Livres nouveaux que j'ay envoyez à
Madame fuivant les ordres,
Je vous laiffe , Monfieur , le foin de
fuputer à quoy monte la recepte , & à
quoy la dépenfe , pour reconnoiftre fi je
fuis en refte ou non ; & vous prie de
continuer à m'honorer de vos commandemens
, par la prompte execution defquels
je tâcheray toûjours de vous convaincre
que je fuis, & c.
Cette Lettre contient un Avis fecret
qu'un Amy,fous le nom d'un Receveur on
d'un Homme d'affaires , donné à un de
fes Amis , du deffein que l'on a pris
de
l'arrefter fur les faux raports que fes
Ennemis ont fait de luy au Prince. Iln'y a
que
216 Extraordinaire
que ces premieres lignes , Je me feray
toûjours un tres grand plaifir d'obeir
exactement à tout ce que vous me ferez
l'honneur de me commander ', qui
cachent l'avis fecret . Tout le reste eft inutile
, à la referve des chifres employe
dans le Compre fupposé , lesquels chifres
valent leur valeur ordinaire & naturelles
c'est àdire que 1 2 vaut douze, 38 trentebuit
, 7 fept , & c. mais tous les zerofont
inutiles. Ainfi 20 ne vaut que deux ;
8o ne vaut que buit ; 2700 que vingt-
Sept 500 que cinq, & ainfi du refte, Il
faut excepter le chifre so, qui vaut effe-
Etivement cinquante, & non pas cinq.
Le vray Mot de l'Hiftoire Enigmatique
du dernier Extraordinaire , eftoit
le Neant, on Rien. Il eft lepremier prin
cipe de toutes chofes, puis que tout a esté
fait de Rien. Il n'y a guere de mot qu'on
repete plus souvent que celuy de Rien.
On nefçauroit expliquerfa nature, qu'en
difant que c'est le Neant , c'est à dire un
Non- Eftre , ou la privation de l'Eftre. Il
n'y avoit rien avant la creation de tour ce
grand Espace , où le Monde a efté fait.
Selon
du Mercure Galant.
217
Selon les Cartéfiens , on ne sçauroit plus
trouver de Vuide dans la Nature , ( le
Vuide eft lamefme chofe que Rien , ) bien
quefelon les Gaffendiftes il y ait de petits
Vuides prefque par tout.Plufieurs Riens
nefont jamais qu'un Rien. Les Zero en
chifre , qu'on peut appeller fes Confins
germains , n'ont aucune valeur d'euxmefmes,
quoy qu'ils augmentent celle des
nombres apres lefquels ils font mis.
Cette Explication eft de Monfieur de
Ville- Chalver , qui a inventé cette Hiftoire
Enigmatique. Monfieur Bouchet
ancien Curéde Nogent le Roy, l'a expli
qué fur le Cahos par les Vers qui fuivent
.
CEpompeux embarras de la marche
des Grands ,
Ces Chevaux, ces Mulets , ces Sommiers,
ce Bagage ,
Ces Pages , ces Laquais , ce Train , cet
Equipage,
Cette confufion de Palets diferens ;
Cette bruyante ardeur de Gens fuivans
La Cour ,
Q. de Janvier 1681 . K
218 Extraordinaire
Qui par leur mouvement excitent la
pouffiere,
Qui dérobe aux derniers l'obligeante lumiere
Que donnoit aux premiers l'Aftre qui
fait le jour ;
L'impenetrable
abysme oùse trouvoit le
Monde ,
Avant que fon Autheur par fa vertu
feconde
Euft formé ce grand Tout , & mis tout
en repos ;
Mercure induftrieux , tout cela nous indique
Que vostre Histoire Enigmatique
Nous a ramené le Cahos.
Les trois Madrigaux que j'adjoûte
icy , font de Monfieur de Maffeville de
Coutance.
Ors que noftre efprit s'applique
Lors
Sur cette Hiftoire Enigmatique
Comme pour démefler quelque Nænd
Gordien ,
IL
Du Mercure Galant. 219
Inefe trouve enfin qu'une Ombre phantaftique
;
Car la tenant , l'on ne tient Rien.
C'E
AUTRE.
'Eftoit un vieux Réveur que défunt
Epicure ,
Car il ne fut jamais de Vuide en la Na-

ture ;
Ilen faut excepter pourtant
Certain agreable Neant
Que l'on trouve dans le Mercure.
LA DISPUTE DES DEVINEURS.
C
Ette Enigme eft l'Amour. Non,
c'est la Quinteffence.
Vous étes fous tous deux , je penfe ,
Lefens del'Enigme eft un Chien ,
Voicy l'autre qui fait l'Homme d'intelligence.
Ah! Meffieurs, briſons - là ,finiſſons l'em
co tretien.o
Ilfaut rompre le feu lors que l'on s'enchiatr'offence
, ch 201
Et d'ailleurs à quoy bon tant conteſter
pour Rien ?
Kij
2.20 Extraordinaire
Cette mefme Hiftoire a esté encor expliquée
fur le Neant, ou Rien , par Madame
de la Tufte & par Meffieurs Gardien
, Blanchard de Chasteauroux, Hutuge
d'Orleans, & le Bon Clerc de Châ.
lons fur Saône.
Au lieu d'une nouvelle Hiftoire de
cette nature , je vous envoye une Enigme
en Profe , dont Monfieur de Vienne-
Plancy eft l'Autheur.
ENIGME
EN PROSE.
I
E fuis François pour la vie ; & fuis
neanmoins comme les Italiens & les
Efpagnols , prefques toûjours vétu de
noir.
Deux principales parties forment
mon eftre , comme le tien ( Lecteur. )
L'une eft fimple ; & l'autre , composte.
La fimple a quelque chofe de commun
avec l'Ange ; & la composée a quelque
chofe des quatre Eleinens.
Ne me croy pas de nouvelle & de
baffe extraction. Je fuis né dans un Palais
, & fur la Pourpre ily a longtemps;
mais
du Mercure Galant . 221
mais quelque temps qu'il y ait , je ne
penfe pas que je meure fi-toft .
"
Je ne te dis rien de mon Pere , tu ne
le connois peut - eftre pas ; il eft d'un autre
Païs que moy , & bien que je fois
plus grand que luy , je ne laiffe pas de
luy reffembler extremement . Il n'a pas
un trait que je n'aye ; mais à la verité
j'en ay qu'il n'a pas.
Ne t'étonne point d'apprendre que
je fois de l'un & de l'autre Sexe ; je
tiens davantage de l'Homme que de la
Femme. Ce qui te furprendra , fans
doute , c'eft de fçavoir que j'ay trois
parties de mon corps faites comme un
Monftre ; la tefte , le col , & le ventre
renverfez dans l'eftomach , une jambe
de Gruë, & une queuë de Renar.
Nete va pourtant pas imaginer fur
cette figure , que je fois une chofe fort
extraordinaire & fort épouvantable , il
n'eft rien de plus commun que moy.
On me voit en mille endroits , &
prefque toujours avec plaifir.J'entre dans
la plupart des converfations galantes du
Pais où j'ay pris la naiflance , & mon
employ eft d'y faire connoiftre un Pere
Kiij
222 Extraordinaire
& une Fille , qui font grand bruit dans
le monde .
Il eft vray que les petits Enfans me
montrent au doigt , & que les jeunes
Perfonnes du beau fexe ne me regardent
ordinairement qu'avec émotion ;
mais il n'en eft pas de mefme des grandes,
& des efprits forts.
Que te diray- je davantage , Lecteur ?
Comme je donne fouvent de l'exercice
aux Echos & aux Preffes , je me trompe
fort fi je ne t'en donne auffi un peu à
me deviner , quelque habile Devin que
tu fois.
Sur la premiere Question de l'Extraordinaire
d Octobre 1680 .
Sition ,
I l'on veut plaifanter fur cette Queftion
, il y aura affez de folies à
imaginer ; mais à la traiter fericufement
, l'on n'y pourra trouver qu'une
verité , qui eft que l'Epoufe d'un Ma .
ry jaloux fans fujet , eft digne de grande
compaffion , & luy de beaucoup de
blâme;
*
UE
DE
LYON
du Mercure Galant. 223
blâme ; & que reciproquement l'Epoux
d'une Femme qui tient une conduite
gauche , eft bien à plaindre & elle
grandement à blâmer.
2
SUR LA SECONDE.
Cec de ces deux Aveugles , m'eft
CEEtte mefme pensée fur la diferen
venue en écrivant fur la Queftion , lequel
des cinq Sens contribue le plus à
la fatisfaction de l'Homme . Il femble
d'abord que la perte d'un bien,
doive eftre beaucoup plus fenfible à
qui l'a autrefois poffedé , que la privation
de ce bien , à qui n'en a jamais
joiy , & qui mefme ne le connoift pas.
Auffi ne ferois-je point de difficulté de
fonder mon avis fur ce raifonnement ,
fi l'on fuppofoit ce défaut de connoiffance
tellement abfolu dans noftre
Aveugle né, qu'il n'y euft en luy quoy
que ce foit capable d'y réveiller deux
mouvemens des plus naturels à l'Homme
, par l'un defquels il fouhaite toûjours
de pouvoir découvrir ce qui luy
eft caché , & par l'autre , s'il ne defire
K iiij
224
Extraordinaire
pas tout-à-fait de s'élever für tous les
autres Hommes , du moins ne peutil
qu'avec peine fe reconnoiftre leur
inférieur, principalement dans les chofes
qui font du partage commun de tout
le Genre-humain . C'eft donc avec juftice
que dans la prefente Queftion,
F'on fuppofe l'âge & l'ufage de raiſon
dans ces deux Affligez ; car s'ils eftoient
l'un & l'autre affez ftupides pour ne
point faire de réflexion fur leur eftat ,
ils feroient dans une égale indolence,
& il n'y auroit point de difcution à faire
, ou fi l'un d'eux feulement eſtoit de
ce caractere obfcur , il ne s'agiroit plus
de les comparer ; mais en nous les donnant
tous deux pourvûs d'un bon entendement
, j'eftime que celuy qui a vû
elt moins à plaindre , en ce que s'il n'a
plus la faculté de voir par le fens extérieur,
au moins il conferve dans le fens
interieur les idées de tout ce qu'il a vû ,
& par elles une connoiffance intellectuelle
des chofes qu'il ne voit plus.
Dans cet état qui le laiffe maistre d'un
tréfor, qui ne luy peut eftre enlevé que
par la mort, ou troublé par le délire , il
fait
du Mercure Galant.
225
<
9
2
> foit
fait à chaque occafion l'aplication neceffaire
de ces idées , aux objets qui fe
préfentent à fes autres fens , & qu'il
fe trouve obligé de démeЛler
pour les befoins foit pour fes plaifirs
; & quelque defectuofité qu'il
puiffe rencontrer dans ce fecond ufage ,
il ne laiffe pas d'en tirer beaucoup de
confolation & de foulagement ; mais
l'Aveugle né , me paroift dans la plus
importune de toutes les indigences , &
je le tiens d'autant plus à plaindre que
plus il aura de delicateffe d'efprit . Ilfentira
toûjours qu'il ne connoiſt pas affez
ce qui luy manque pour pouvoir en tirer
quelque fatisfaction , & qu'il ne le
connoift que trop pour en fouffrir un
chagrin continuel , non feulement de fe
fçavoir privé d'un fi grand bien , & de
ne pouvoir jamais en faire la moindre
épreuve mais encor de fe reconnoître
en cela difgracié , & maltraité de
la bonne Mere Nature , qui femble
n'eftre devenue Maraftre que pour
luy.
K v
226 Extraordinaire
SUR LA TROISIES ME.
Lmefme fon
'Amour
ſe vante
affez
qu'il eft luymefme
fon propre
mérite
,fa melure,&
fa récompenfe
. Voulez
- vous
eſtre
aimé
? Aimez
, nous chante
- t- il chez les
Poëtes
; Cherchez
- vous
à gagner
un
coeur
? L'amour
fe paye par amour
, nous
fait- il entendre
par la voix qui fait les
proverbes
, je veux dire par la voix commune
. Voila
en apparence
de beaux
privileges
; mais qui par malheur
pour
beaucoup
d'Amans
& par bonheur
pour quelques
autres
, fouffrent
exception
en bien
des rencontres
. Avec
ces prétendus
avantages
, & ces droits
ainfi
fondez
tandis
qu'il marchera
feul ,
& que la bonne
fortune
ou la vertu
ne
luy tiendront
pas compagnie
, il n'avancera
guére
fes affaires
. Ne voyons
- nous
pas que mefines
chez
les fots & chez
les foibles
, il faut qu'au
moins
il foit
fecondé
du faux brillant
, ou du caprice
?
Mais que s'il veut triompher
par tout,
& principalement
aupres
des Perfonnes
de coeur
, & de bon fens , il ne le peut
qu'eftant
du Mercure Galant.
227
qu'eftant accompagné d'un grand merite.
Helas , difoit nn jour la charmante
Uranie apres avoir longtemps défédu fon
coeur,quel moyen de te refifter , Amour,
pour foible que tu fois , quand tu es
foûtenu de probité, de valeur , d'honneſteté,
& de bonne grace ? Adire la verité
,l'amour dans une Perfonne de peu de
merite, eft comme un feu dans une matiere
groffiere & terreftre , qui pour
grand qu'il foit , ne donne guere plus
de flâme que de fumée ; c'est un or
meflé , & chargé de tant de craffe , que
pour l'en dégager, la dépenſe égale prefque
le profit ; c'eft un Diamant qui fera
,fi vous le voulez , affez épais , mais mal
taillé & plein de gendarmes . Au contraire
dans une Perfonne d'un mérite
excellent, ce feu qui agit fur une matiere
tendre & deliée , rend une flâme claire
& nette . Cet or , bien qu'en petite
quantité, eft un or tout épuré & preſt à
mettre en oeuvre ; ce Diamant qui ne
fera que d'un poids & d'un volume mediocres
, eft neantmoins fi bien taillé, fi
fin, & fi brillant, qu'il ne manquera pas
de faire honneur à une belle main qui
s'en
228 Extraordinaire

,
و
à
s'en voudra parer . Je confeille donc à la
Dame qui fe trouve preffée de fe déterminer
, de ne point balancer en fon
choix , & de préferer pour fa gloire,
& pour fa plus grande fatisfaction , la
Perfonne en qui fe rencontre un grand
mérite avec moins de tendreffe
l'Homme d'un merite mince avec
fon gros amour. Et ne peut- il pas en
effet eftre fi gros cet amour qu'il ne
pourra plus croiftre , & qu'à la continue
il deviendra pefant , s'endormira
à toute heure , & ne fera plus
bon à rien ? Là où nous avons fujet
d'efperer que noftre petit amour eſtant
bien traité, croîtra avec le temps , que
fe fentant un Enfant de bonne maifon ,
il fera toûjours galant , civil , complaifant
, & ne fera point rougir nôtre
Belle , pourvû qu'elle ne le negli- .
gepas. Car enfin, quoy qu'affurément
l'amour , à parler en general , foit un
bon Etuvifte & fort propre à décraffer
ceux qui luy paffent par les mains,
l'experience neantmoins nous fait voir
qu'il eft bien plus aifé à une belle Perfonne
douée d'ailleurs de grandes
د
qua
du Mercure Galant.
229
qualitez , de donner de l'amour à un ga
lant Homme, que de faire venir du merite
à celuy qui n'a point encor fçeu en
faire une bonne provifion .
Fictionfur l'Origine des Bagues .
A MADAME ***
Puis que ce n'eft pas la verité de
l'origine des Bagues que vous voulez
fçavoir , mais feulement une Fable
que vous demandez fur ce fujet , & encor
une Fable d'invention , je ne vous
diray rien de tout ce qui s'en voit chez
les Autheurs , non plus que de Promethée
dont la Statuë ayant un Anneau
de fer au doigt , en memoire de celuy
dont il fut attaché fur le Mont
Caucaſe, a donné lieu à l'ufage des Bagues
dont le fervirent premierement les
Roys , puis les Senateurs , enfuite les
Chevaliers , & enfin les Perfonnes
de toutes conditions indiféremment,
à la referve des Efclaves à qui cet ornement
fut long- temps défendu , peuteftre
parce que les Anneaux de leurs
Chai
230
Extraordinaire
Chaînes n'eftoient que trop fuffifans
pour les charger. Ce que je vay vous
dire icy , ne fe trouve point ailleurs , &
je l'ay tiré d'un vieux Manufcrit que
m'a communiqué un Grec qui fe dit
eftre né en Cypre.
Cette Ifle fi renommée où la Mere
des Amours aborda peu de temps apres
celuy de fa naiffance , fut toûjours
depuis fon plus ordinaire fejour en
Terre , lors qu'elle s'y venoit delaffer
de la pompe du Ciel . C'est là que
plus qu'en aucun autre lieu du Monde,
elle fe plaifoit à recevoir des offrandes
& des adorations. Ce fut auffi
dans cette Il bien - heureufe , qu'apres
avoir remporté en Phrigie le Prix
de la Beauté fur les deux Déeffes fes
concurrentes , elle voulut en perpétuer
la memoire par une Fefte annuelle,
dont elle daigna bien preferire ellemefme
les circonftances. Voicy une
partie du détail de ce qui s'y obfervoit
pour fatisfaire à fes ordres. Pendant.toute
une année , les Preftres & les Preftreffes
de fon fuperbe Temple de Paghos
, faifoient faire par toute l'lfle
la
du Mercure Galant .
231
4
la recherche de ce qu'il y avoit de plus
beau entre les Belles , dont le temps
de l'Himenée eftoit proche. De ce
nombre l'on en tiroit les trois , dont
la beauté fe trouvoit furpafler fans
conteftation celle de toutes les autres
; & le jour deftiné à la Cerémonie
eſtant venu , elles eftoient amenées
au Parvis de ce Temple magnifique.
Là , pendant que fe tenant debout
elles faifoient leurs Voeux & leurs
Prieres à la Déeffe , devant fon Image
qui eftoit encor plus belle , & plus parfaite
, que la Vénus Eléphantine que
vous voyez dans Philoftrate ; Les mefmes
Miniftres de cette Divinité poſtez
dans une espece de Tribune peu élevée,
& qui eftoit à une diſtance raifonnable
, s'appliquoient à examiner foi
gneufement de l'oeil , tout ce que
dans ces trois belles Perfonnes ils pouvoient
remarquer s'éloigner , ou approcher
le plus de la perfection ; &
apres en avoir conferé enfemble , ils
rendoient leur jugement en faveur de
celle qui avoit esté trouvée la plus belle.
Dans ce confeil on donnoit entrée
à
232 Extraordinaire
à trois Amans , pris du nombre de
ceux qui s'eftoient declarez pour chacune
de ces belles Filles ; & comme
il eftoit toûjours tres- grand, l'empreffement
à fe préſenter l'eftoit auffi ; mais
le fort décidoit entr'eux de cet avantage.
Ils n'avoient point de voix déliberative
dans cette Affemblée , mais
feulement la liberté de faire remarquer
tout ce qui relevoit la beauté de leurs
Maiftrefles ; il eft à croire que la
Déeffe avoit eufes raifons pour l'ordonner
de la forte . Lors que le juge
ment eftoit rendu , ces trois belles
Perfonnes fans en fçavoir le résultat,
eftoient mifes chacune feparément dans
quelques Chambres des Preftreffes ;
& les deux qui n'avoient pas eu le meſme
avantage , avoient au moins celuy
d'eftre magnifiquement conduites
à deux autres Temples des plus celebres
de l'lfle , pour y recevoir de
grands honneurs. La Déeffe qui eft la
douceur mefine & l'ennemie de
tout chagrin , en avoit ainfi difpofé
, afin qu'au jour de fa plus grande
Fefte toutes ces trois Perfonnes qui
,
Y
du Mercure Galant.
233
y avoient fait une figure fi confidérable
pour fon fervice , euffent fujet de
fe louer de fes bontez. A l'égard de celle
qui avoit obtenu la préference ,
elle paffoit le reste du jour dans le
Temple à faire conjointement avec la
Grand' Preftreffe les fonctions de cette
Charge , & apres en avoir receu la
Couronne , & la Pomme , qui avoient
fervy à l'Image depuis la derniere
Fefte , la Belle eftoit remenée avec
pompe à fa demeure ordinaire , où
elle apportoit avec ces glorieufes
marques un honneur éternel pour toute
fa Maiſon. Ce beau jour eſtant
donc venu > au temps que Doralife
, & deux autres Nimphes , furent
choifies comme les trois plus belles
de toute l'ifle , Philemon qui eſtoit
éperduement amoureux de Doralife,
ne manqua pas de fe prefenter à la
Tribune , & il eut en effet le fort favorable
pour y eftre admis à foûtenir les
interefts de l'Objet de fa paffion. Ce
ne fut pas fans beaucoup de joye , non
plus que fans beaucoup d'inquietude
, qu'il vit fouvent les Juges incliner
234
Extraordinaire
ner en faveur de cette Belle , & quelquefois
auffi s'arrefter trop à fon gré à
quelques petits fcrupules , que comme
yous pouvez bien penfer , il traitoit en
fon ame d'abfurdes & de frivoles. Il
eftoit dans cette agitation , lors que,
foit apres une refléxion affez digerée ,
foit par un pur effet d'une amoureuſe
temerité , il propofa un expédient qui
de quelque part qu'il luy fut infpiré,
eut tout le fuccés qu'il en pouvoit attendre.
Hé , facrez Miniftres , leur dit- t il ,
comment pouvez vous balancer un moment
avec de fi bons yeux , & à la veuë
de certe Image de noftre celefte Souveraine
? Ne voyez vous pas qu'entre cette
Figure , & Doralife , il n'y a point
d'autre diférence , finon que l'une ett
une Copie inanimée de noftre divine
Cipris , & que lautre en eft une vivante
& fi parfaite , que l'on pourroit la
prendre pour l'Original ? Confiderez,
confiderez , je vous prie , dans l'une, &
dans l'autre , l'égalité de la taille , les
mefmes traits de vifage, la mefme beauté
du col & de la gorge , la mefme proportion
& le mefme tour de leurs beaux
bras ,
du Mercure Galant .
235
bras & de leurs belles mains ;approchez
l'une de l'autre , mefurez & voyez fi je
vous en impoſe. Alors la Preftreffe qui'
préfidoit à ce Confeil , & tout le refte
des Juges , donnerent louanges à l'Amour
qui avoit infpiré un moyen fi propre
à les déterminer . L'on fit avancer
Doralife , & fes deux Compagnes , &
à la faveur de certains Joncs qui fe trouvent
d'une beauté finguliere en cet endroit
, l'on fit fur chacune des trois
l'expérience des belles proportions de
cette Image facrée , & leur rapport ne
fe trouvant parfait qu'en Doralife , le
Prix de la Beauté luy fut adjugé ; mais
le jugement n'en fut prononcé que peu
de temps apres qu'on les eut fait reti
rer au Temple. Doralife reçeut avec de
grands applaudiffemens les honneurs
attribuez à cet avantage ; & de plus la
Preftreffe en luy mettant la Couronne
fur la tefte , & la Pomme à la main , luy
fit préfent des Joncs qui avoient fervy à
décider de fa gloire. Elle l'exhorta même
à en porter dorefnavant quelquesuns
fur la Perfonne, pour fervir de marques
éclatantes des graces qu'elle avoit
reçeues
236 Extraordinaire
receues de la Déelle . Je vous laffe à
penſer , Madame , frla Belle fut fâchée
de trouver dans un commandement de
cette autorité , un fi legitime prétexte à
fon ambition, & un fi favorable moyen
de fauver l'amour propre à l'ombre de
la religion & de l'obeïffance , Elle ſe mit
au col , & aux bras les Joncs qui avoient
fervy à en faire la cõparaiſon;& dans le
deffein que fa tendreffe auffibien que fa
reconnoiffance luy firent prendre , de
rendre bien- toft Philemon heureux ,elle
voulut recevoir de luy à l'un de fes
doigts , un des Joncs qui en avoient
marqué le beau tour. Philemon luy mit
à celuy des doigts , qui depuis en a efté
appellé l'Annulaire , le mefme Jonc qui
y avoit esté appliqué ; il crût l'avoir
fait au hazard , comme il l'avoit fait
fans choix , mais il en fut defabufé ,
& reconnut bien que l'Amour s'estoit
encor meflé de cette avanture , quand il
eut appris que ce doigt a une correfpondance
particuliere avec le coeur , fiegé
de la joye & de l'amour. Ce fut entre
ces deux aimables Perfonnes le gage de
leur foy mutuelle ; les autres Amans
les
du Mercure Galant. 237
les imiterent en cet uſage , qui s'eft rendu
commun aux deux Sexes , & qui a
paffé à touteforte de Perfonnes ; & quoy
que ces Anneaux ayent changé de mas
tiere , ils n'ont point changé de nom,
& on les appelle encor aujourd'huy des
Joncs lors qu'ils font fimples , & plus
conformes à leur premier état. Dans la
fuite des temps , l'art , le luxe , & la po
liteffet, ont beaucoup ajoûté à l'invention
; on les fait des plus riches métaux;
on y joint les Portraits des Perfonnes
les plus chéries on y grave des Chifres
ingénieux, propres ou à garder le fecret
des chofes que l'on y veut tenir cachée,
ou à autorifer d'execution des volontez
que l'on veut eftre connues ; enfin on
les charge de Pierres les plus précieufes,
& le fymbolele la bonne foy , eft pref
que toûjours comme dés fon commencement
un inftrument de la vanité.
Vous ne me demandez , Madaine , que
l'origine des Bagues , me blâmerezvous
de vous y avoir auffi fait trouver
celle des Coliers, & des Bracelets ? J'ay
crû n'en devoir point faire à deux fois,
& que vous auriez affez d'indulgence
pour
238
Extraordinaire
pour ce petit excés , en faveur du panchant
que vous avez pour les Fables.
Helas que n'en avez vous un peu pour
de certaines veritez que l'on pourroit
vous dire, ce me femble, avec autant de
refpect , mais tout d'un autre air que
celle par où je finis à la maniere ordinaire
, en vous affurant que je fuis plus
que perfonne , &c 54
GARDIEN .
Je vousmanday la derniere fois que les
vrays Mots des deux Enigmes en Vers
propofées dans ma Lettre de Fevrier,
eftoient les Cordes d'un Inftrument de
Mufique la Bourſe . Il me reste a vous
envoyer les noms de ceux qui les ont trou
vez. Les Madrigaux quevous allez voir,
vous en apprendront une partie.
L'Enigme des Soeurs eft bizarre,
A la chercher j'ay perdu mon Latin ;
Et s'ilfe faut pendre à la fin , l
Le prends des Coides de Guitarre,
LE COMTE D'ORBREF.
II.
du Mercure Galant.
239
M
I I.
Ercure eft un efprit fubtil,
Des nouveautezil eft la fource,
Homme galant , & fi civil,
Qu'il offre à tout Parisfa Bourfe.
Le mefme.
III.
Mercure en
diverses façons
Sur les Cordes d'un Luth frédonnoit à
merveille ;
Mais le Drêle avec fes Chanfons
Cherchoit plus à toucher la Bourfe que
l'oreille.
M
L'ABBE DU FOUR ; Grand
Archidiacre de Troyes en
Champagne.
IV.
A Guitarre eftoit demontée,
Mercure , depuis quatre mois;
Mais de vos Cordes rajustée,
l'en ay déja joüé deuxfois.
M
31
Mad. de
VIELLEVIGNE,
de Mirebeau .
Ercure eft un galant Autheur,
Des Arts il poffede la fource ;
I
Mais
240
Extraordinaire
Mais s'il nous enchante le coeur ,
C'est pour nous mieux couper la Bourſe .
M. la Marquife des Barrieres.
V I.
A Belle Henriette de Dreux,
Qui ne veut pas par modeftie
Qu'on fçache qu'un Efprit heureux
Fait d'elle une bonne partie,
Trouve pourtant toûjours lefens
De chaque Enigme que propoſe
Le Mercure depuis trois ans ,
Sans en dire la moindre choſe.
Gertain Amy, moins chery d'elle
Qu'il ne l'aime & ne la cherit,
Dansfon impatience a dit
Qu'il ne pouvoit voir que la Belle
Euft en partage tant d'efprit ,
Sans en apprendre la nouvelle.
Il veut donc qu'on fçache par tout,
Avec le fecours du Mercure,
Comme Henriete vient à bout
De l'Enigme la plus obfcure
Et qu'elle a trouvé cettefois
De celles du précedent Mois
L'explication dans leur fource,
Celle de l'une justement
1 Dans
du Mercure Galant .
241
Dans les Cordes d'un Inftrument,
Celle de l'autre dans la Bourle.
LA BELLE HENRIETE de Dreux.
Slv
" VII.
I vous avez bien pû , Philis , vous
faire aimer
Avec des Inftrumens qui font tous en
difcordes,
Vous devez efperer de pouvoir tout
charmer,
Lors que de voftre Latb vous changerez
les Cordes . 2
C
GRIFFON , Confeiller au Siege
Prefidial de la Rochelle.
VIII.
Her Mercure, ne pleure pas, ?
Dema Maifon jay pris la courſe,
Pour te dire chez toy tour- bas
Que je viens de trouver ta Bourſe.
Mad.CHAILLEU , de la Rue
de la Harpe.
I X.
Emonde n'eft guere obligeant ,
Life way prefque plus de refource
Depuis que je manque d'argent;
Mercure, ilfaut rendre la Bourſe .
La mefme.
·
$
Q. de Janvier 1681.
L
242
Extraordinaire.
X.
Adis d'une manière bonneste
Du vigilant Argur vous coupaftes la
tefte ,
Aufon du Flageolet endormant fes cent
yeux.
Pour moy, je n'en ay rien que deux,
Mais gardons- les depareille avature.
Quand vousfaitesfonner fi haut le doux
murmure
Des Cordes de voftre Inftrument,
Seroit - ce point,Seigneur Mercure ,
Pour couper ma Bourfe en dormant ?
ALA JEUNE ACIDALIE
J
" de Troyes.
X I.
Efuis Dave, & non point Oedipe,
Sipourtant mon efprit ne me joue & me
pipe,
Je crois avoir atteint au but,
En difant que le Mot eft les Cordes
d'un Luth
LEON DE LA BRUSLERIE , de
Châlons en Champagne.
XII.
Ercure , en fe jouant , denne de
bons avis, ME
Et
du Mercure Galant.
243
Et certes s'ils ne font fuivis,
Quellepeut eftre la refource
De tout Homme qui perd fon argent &
fa Bourfe?
XIII.
Le mefme.
Slay bien expliqué la Baſſete &
noftre On ,
Sans eftre ny Sorcier , ny forty de la
Source,
Je puis de ces deux- cy vous dire encor le
nom ,
Ce font Cordes de Luth, j'en répons, &
la Bourſe .

L'ABBE ARNAULT,
Chanoine de Blois,
Ан
XIV.
H qu'il eft dangereux
De vous voir & de vous entendre ,
Carpour peu qu'on foit tendre
On ne peut s'en défendre,
Ilfaut eftre amoureux.
En vous voyant , Philis
s'enflame,
Philis , mon coeur
Vos traits ne manquent pas de fraper à
ce but ,
Et quand je vous entends, vous enlevez
mon ame, Lij
244
Extraordinaire
En pinçant doucement les Cordes de ce
Luth.
ALLARD , de Pontoife.
X V.
S'llestun Dien Mercure
au nombre
des Filoux,
Qui deffus noftre argent adreſſe tous fes
coups
Pour nous l'enleverfans reſource,
On doit hair cet Infolent ;
Mais pour le Mercure Galant,
Il ne prend que le coeur , & nous laiffe
la Bourfe.
XVI.
Le meſme.
Raignez , tremblez , Filoux,
Mercure fans refource,
CA
Pour vous détruire tous,
Donne les Cordes & la Bourfe.
( E. FOYNEAU , Souchantre de
la Cathédrale de Vennes.
JA
XVII.
Avois longtemps rêvé fur ces Soeurs
déguifées,
Et toutes mes penfées
>
Ne découvroient rien qui me plût
Quand par une rencontre heureuse
Ie
du Mercure Galant.
245
Ie les vis dans les mains d'une Dame
amoureuſe,
Qui charmoit fes ennuis fur les Cordes
d'un Luth.
DE MONTPELLIER .
XVIII.
On impofture,
To
Galant Mercure,
Sceut jadis duper les plus fins ;
Mais en vain aujourd'huy tu caches tes
· larcins ,
On voit la Bourſe à ta ceinture.
Q
XIX.
Le mefme.
V'avez - vous là, Seigneur Mercure
?
Ce n'eft paspour vous faire injure,
Et je ne prétens pas vous accufer de rien,
Mais ce que vous cachez fi bien ,
Avoüez le, n'est- ce pas une Bourfe ?
Vous ne fiftes jamais de courſe,
Sans y jouer adroitement des doigts..
Vous fouvient- il comme autrefois
Au pauvre Apollon , fans rien dire,
Vous aviez excroqué la Lire ?
Franchement, c'eft hazard s'il n'est encor
dupé,
Lij
246
Extraordinaire
Car jay peur que fans dire gare ,
D'unefubtile main vous n'ayez attrapé
Les Cordes defon Luth , ou bien de fa-
Guitarre.
LA BELLE ARTHENICE de Troyes.
A
X X.
H parbleu, la chofe eft bizarre,
Et Mercure eft affez plaiſant;
Des Cordes me manquoient pour monter
ma Guitarre,
Il m'en a fait préfent.
XXI.
'On dit qu'on a volé Mercure ,
Luy quifaifoit de fi bons coups.
C'eft eftre fabril , je vous jure,
Que d'avoir pris la Bourſe au Maiſtre
des Filoux.
XXII.
V Ieu ce Carnaval j'ay perdu mon
Αν argent,
Ie fuis au defefpoir de me voir fans re-
Source,
De mes plus chers Amis jay fait tarir
ia fource,
Tous ceux qui m'ont prefté , refufent à
préfent. /
Mercure feul ce Mois me fait don d'une
Bourſe, Mais
du Mercure Galant. 247
Mais las pour mon malheur , elle eft pleine
de vent.
Sont-ce-là pour un Dien les biens que tú
m'accordes ?
Tu fis changer Argus , calme du moins
mes fens
Par le fon de ta Flute , ou d'autres Inftrumens,
Car je n'ay pas le fol pour acheter des
Cordes.
A
L'ALBANISTE de Rouen.
XXIII. The
Pres avoir longtemps rêvé,
Mercure, je n'ay rien trouvé
Que les Cordes d'une Guitarre,
Dont le deftin foit fi bizarre.
A
LINCONNU , d'Argenton-
Chafteau.
XXIV .
Voleur , au Voleur , arrefte,
arreste, arreste,
Mercure a pris ma Bourſe , belas ! g'en
eft donc fait:
Car quand il a volé , joyeux & farisfait
,
Ils'envole bie- baut avec quefa coquefte.
FORMENTIN ,d'Abbeville.
Lij
248 Extraordinaire
X X V.
Ve chacun à fon gré bornant tous
Q
fes
defirs ,
D'une Flute ou d'un Luth fe faffe cent
plaifirs,!
Que toujours pres d'Iris un Amant plein
de vie
Aime à fe voir mourir , en dépit de
l'envie,
Ie le croy bien ;
Mais que d'un tendre Objet le dangereux
retour.
Aitfeul dequoy remplir le coeur le plus
bizarre,
Et qu'une pleine Bourſe, auffi- bien qu'à
l'amour
Ne donne Lagrément aux Cordes de
Guitarre ,
le n'en crop rien .
L'Inconnu de la Belle Mad.
de Mions de Poitiers,
XXVI.
છ વા Es Soeurs qui parlent & qui
chantent, CE
Ces Seurs dont les accords nous femblent
ficharmans,
401
Et
du Mercure Galant.
249
Et qui fans ceffe nous enchantent,
Ne font que Cordes d'Inftrumens.
PLINAUTS , de Rouen.
XXVII.
Ercure , je fuisfans refource,
·Car jay perdu tout mon argent.
Que peut donc me fervir ta Bourſe,
Si ce n'est pour mettre du vent ?
XXVIII.
Le mefme.
PLusles
Guitarres font
legeres,
Mieux en fait- on fonner les Cordes,
dites- vous.
Helas ! mon fort feroit bien doux !
Loin d'envier le bonheur de mes Freres,
Et de les voir d'un oeil jaloux,
Si la legeretéfaifoit valoir ma Bourſe ,
Je verrois à mes maux une prompte refource
,
Et je m'estimerois le plus heureux de
tous.
CAUDRON , d'Abbeville.
XXIX .
IE nefery ,Mercure Galant ,
Si jay trouvé le Mot de ta premiere
Enigme ;
Mais plus penfe , plus j'eftime .
L v
250 Extraordinaire
Que ces Soeurs que tu dis parler diféremment
,
Sont les Cordes d'un Inftrument .
Le Secretaire bien nourry,
demeurant à Tournay.
XXX .
Our la premiere fois que je me trouve
en courſe ,
Ie pourrois bien eſtre Devin ;
Mercure, mon Amy , pourquoy faire le
fin ?
Voftre feconde Enigme a bien l'air d'une
Bourſe.
XXXI.
Le mefme .
Ercure, fans ouvrir la Bourſe,
Veut trouver des Cordes de
Luth;
Je ne connois rien àfon but ,
Il a toujours quelque refource.
DURAND le Cadet , de Rhetel
en Champagne , Avocat en
Parlement.
Q
XXXII.
Vellesfont donc ces Soeurs quifont
toûjours enfemble,
Sans que pas une fe reſſemble &
Ah ,
du Mercure Galant.
251
Ah, je croy les fçavoir , ces Soeurs affurément
Sent les Cordes d'un Inftrument .
Le Soleil du Quartier
S.Mederic .
XXXIII.
Estant au Palais l'autre jour,
Ie fentis une main qui me jouoit un tour.
Sur les pas du Voleur je prisfoudain må
courfe,
Mais il fçent difparoiftre ; ainfi n'en
pouvant plus,
le retournois chezmoy , trifte, interdit,
confus,
Quand Mercure obligeant me vint ren-
A
dre ina Bourfe.
XXXIV.
Le mefme.
U Voleur , au Voleur , Amis, fongez
a vouss
Tandis qu'au fon des Cordes de Guitarre
Vous vous laiffez charmer par quelque
al Roton bizarre, "jas tal
Ab , vous ne voyez pas l'adreffe des
moli Filoux of
Mais d'en est fait le mal eft sas refource ;
Mer
252 Extraordinaire
Mercure adroit & diligent,
A déja pris tout vostre argent,
Et pour vous confoler ,
Bourſe..
il vous laiffe la
LE SOLITAIRE de la Ruë
. des Arcis.
XXXV.
Omme on a toûjours dit que les
Cordes d'un Luth
Charment par leurs accords les coeurs
les plusfeveres,
Je cherche par le mien, pour finir mes
miferes,
A vous charmer, Philis ; c'est mon unique
but.
Le Chevalier Solitaire
de Rennes.
XXXVI.
MAfoy, Mercure eft bien galant,
Et fait de tres- bons coups quand il eft
en fa courſe.
Rufé comme un Renard , & fier comme
un Roland,
Il furprend les Paffans , & leur ofte la
Boutfe,
BOETARD, Phyficien
à Rouen.
XXXVII.
du Mercure Galant.
253
XXXVII.
CM
E nom de Galant oubliez,
Mercure , ou vous juſtifiez .
En venir à la piperie ,
C'eft paffer la galanterie.
Vous difcourez fort plaiſamment
Sur les Cordes d'un Inftrument ,
En nous contant leur origine ;
Mais noftre Mufe eft affez fine
Pour penetrer voftre deffen,
Et reconnoiftre l'aſſaſſin
Du pauvre Argus , car c'est vous - mefme
Qui voulez nous duper de meſme.
Comme à luy vous nous en contez ,
Mais on fçait vos fubtilitez.
Oü , vous en voulez à la fource
Denoftre vie, & c'est la Bourfe.
L'Amant malgré luy, Medecin
de Montpellier.
XXXVIII.
En'eft point une chofe rare,
Que Mercure toûjours galant, Co
Pour nous montrer en tout fon merveilleux
talent,
Se mefle de toucher des Cordes de Guitarre
Le Chalte Amant de Poitiers.
XXXIV .
254
Extraordinaire
XXXIX.
Ous eftes, Mercure, un Voleur,
Car chaque Mois à grade courſe
Vous venez nous couper la Bourfe ;
Mais qui n'y feroit pris , agreable Trom-
Ο
peur
?
X.L.
Le mefme.
Viconque a pû trouver & la Baſſete
& l'On ,
L'une défunte , & l'autre un Et de
raison ,
Pourroit fans une longue course,
Trouver Cordes de Luth, & Bourſe .
Le Nouveau Bourgeois de
la Rochelle .
Q
XLI.
Vand voftre voix, Philis , & voftre
belle main,
S'exercentfur le Claveffin,
Vous pourriel émouvoir les Souches .
Ie mefens enchanté des merveilleux ac- .
cords
Dont vous faites parler ces diférentes
Touches
Par tant d'invifibles refforts.
Ces Touches font les Soeurs que le Galant
Mercure Ca
du Mercure Galant .
255
·
Cache fi finement fous l'Enigme du
Mois
Auffi crois-je , Philis , que la premiere
fois
Vous en retiraftes vos doigts ,
De peur de les gafter d'une fale peinture.
, Au reste du vivant du pauvre feu
Corbean,
Quide ces doux refforts eft & l'Ame &
le Pere,
Ces Plumes n'eftoient que mifere ;
Maintenant leur fort eft plus beau ,
D'animer fur un Air nouveau
Et les doigts & la voix d'une Beautéfi
fiere.
Ton
L'Amant Inconnu de la Belle
Philis de Rouen.
XLII.
On corps n'a que la peau, quoy que
fans os, fans chair ;
L'on te met aux liens pour te tenir Efclave.
Si par la foye & l'or on te veut rendre
brave,
On prend grandfoin de te cacher.
Comment donc te trouver , fi Mercure
¿fans ceffe,
Et
256 Extraordinaire
Et les fiens avec leurfoupleffe,
Apeine peuvent t'aprocher ?
Mais on ne manque point d'adreſſe,
Et l'on te poffede foudain,
Quand on a la Bourle à la main,
M
CHONTAR de Châlons
en Champagne.
XLIII.
Ercure, vous courez trop loin ,
Et prenez trop de peine à chercher en
un coin,
Par voftre adreffe naturelle ,
Quelque Bourfe à couper fans bruit.
Le Mercure Galant en porte une affez
belle ,
Prenez, il la donne avec fruit.
L'Olivier des Cholets.
XLIV.
MErcure a bien des agrémens,
C'eſt toûjours Muſique nouvelle,
Il a chez luy pour divertirfa Belle,
Des Cordes à monter les plus doux-
Inftrumens.
L'Amant de la Belle Coufine
à Madame Eftor.
XLV.
du Mercure Galant. 257
Faut- il
XLV.
Aut-il que je fois fans refource;
Et quand le leu me rend fec, indigent,
Faut-il que j'attrape une Bourle
Où je ne trouve point d'argent
A
XLVI.
Lemefme.
Greable plaifir , d'enfermer en ſa
Bourfe
Les Croix , les Fleurs de Lys , les Portraits
de nos Roys !
Si l'or merend content, fans offencer les
Loix,
Ie m'en puis defirer une éternelle Source.
Mon ame s'abandonne à de triftes tranfports
,
Lors que ma Bource perd fa tumeur ordinaire
,
Et fi le tout eft pris par un coup mercenaire
,
le ne fouhaite plus que le bonheur des
Morts.
GUEPIN , de Rennes .
XLVII.
T
"Vtouches ; cher Amy , fi delicatement
Les
258 Extraordinaire
Les Cordes tour- a- tour de ce bel Inftrument,
Que je trouve , en perdant , une douce
resource
Contre le Sort fatal qui m'a vuidé la
Bourſe.
F
K. R. de la Ruë de Bouret
à Morlaix.
XLVIII
Iloux, tous vos détours font vains,
Lefçay vos rufes, vos deſſeins ,
Et me ris de tous vos mysteres.
Ma Bourſe eftant vuide d'argent,
Jefaute devant le Sergent,
Et pour vous ,je ne vous crains guéres..
C'E
DE LA CROIX DE BEAUREGARD
, de Tours.
XLIX.
Eft tres - bien deviner , agréable
Sylvie,
Ie n'ay jamais veu de ma vie
Fraper fi juftement au but ,
Que donner dés l'abordfur les Cordes
d'un Luth.
ALCIDOR, du Havre de Grace.
L.
du Mercure Galant. 259
L.
Il faut pour deviner cette Enigme
feconde,
Vne connoiffance profonde;
Autrement c'eft n'avoir rienfait.
Je vous le dis tout franc , je vous vois
fans refource,
Si vous ne trouvez dans la Bourfe
Ce mot tant recherché dont l'ame eft au
A
Buffer.
LI.
Le mefme.
Greable Mercure , eft - il rienfous
les Cieux
Si délicat que vous , &fi judicieux,
Soit dans tous vos recits , foit en contant
fleurette ?
Vous nous avez montré le Ieu de la
Baffete ,
Et par un noble foin qu'on ne peut trop
loйer ,
Vous donnez une Bourſe à qui veut y
joüer.
Go N , d'Amiens .
LII.
Q
Ve de trifteffe & de chagrin
Lors que je vois ma Bourſe !
Mais
260 Extraordinaire
Mais par un changement foudain,
Que je ris , quoy que plus timide,
Quand je luy vois le ventre plein!
V
L'Inconnu d'Argenton-
Chafteau .
LIII.
Eut - on des tours adroits ? Mercure
en eft la fource,
Bien fin eft qui fe peut défendre de fa
main.
Tel échape aujourd'huy , qu'il attrape
demain ;
Prenez donc garde à vous , il en veut à
la Bourſe.
L'Abbé de Dommartin en Artois.
M
LIV .
Ercure à tenir la Baſſete ,
A fait , dit- on, un grand profit.
Il eft adroit , & plein d'efprit,
A rendre une Bourfe fort nete.
L'Amant de la petite Incrédule de
la Rue des Chanoines à Vennes.
L V.
M
Ercure , ( qui le pourroit croire?)
Au milieu de toute la gloire ,
Dont l'appuy des beaux Arts le fait par
tout jouir,
Fait
du Mercure Galant. 261
Fait encor un Meftier infame dans fa
course.
Quand on croit avec luy pouvoir fe
réjouir,
On l'entend tout - à- coup qui demande
la Bourſe.
F. HA ..... Du MESNIL , de
Chambrois en Normandie.
LV I.
Ercure , qui jamais n'a manqué de
refource,
En tout ce qu'ilfait a ſon but.
Pour attirer les Gens , & leur couper
la Bourſe,
Ilfe fert de Cordes de Luth.
Le Solitaire de la Place de Sorbonne.
M
LVII.
Ercure avec délicateffe
Touche les Cordes de fon Luth ;
Et fi le Galant a pour but
De fléchir , de gagner le coeur de fa
Maiftreffe,
Par ces doux & charmans accords ,
lly réüffira , j'en répons corps pour
corps.
LE RAT DU PARNASSE , du
Cloiftre S. Mederic.
LVIII.
262 Extraordinaire
LVIII.
L'Autrejour il me prit certaine fantaifie
D'aller me divertir à voir la Comédie.
·F'y fus ; & me trouvay pres d'un fat de
Marquis ,
Qui m'entretint de beaux Efprits ,
De Vers , de Profe , d'Ecriture.
Enfuite il parla du Mercure,
Et me dit qu'il s'eftoit longtemps rongé
les doigts
Pour tacher d'expliquer l'Enigme de ce
Mois;
Mais qu'il fe trouvoit fans refource.
Flautin qui l'écouteit , luy dit fort plai-
Samment,
Monfignor , Monsignor , donnez- moy
vostre Bourfe,
Je vais vous l'expliquer , & tout préfentement.
Le Fat trouvant fon Mot , dit , parbieu,
que je meure ,
le veux reconnoistrefur l'heure
Le grand plaifir que tu me fais ;
Mais ilfut quitte àpeu defrais,
Car un peu de Tabac de Rome
Fut le rare préfent que fit ce galant
Homme Au
du MercureGalant. 263
Aupauvre malheureux Flautin,
Lequel riant tout- bas , le traitoit de
Faquin.
LIX.
le mefme .
CE
Es Enigmes , Seigneur Mercure,
Les deux en Vers , l'autre en
Figure,
Nous marquent par un tour adroit
Vostre conduite en noftre endroit.
Ouy , ces Cordes de Luth , fimbole d'ELoquence,
Et cette Bourfe , & ces Cizeaux ,
A vous dire ce que j'en penfe,
Nous déclarent affez qu'avec vos Airs
nouveaux ,
Et tout ce qui nous vient de vostre riche
Source ,
Probléme , Profe , Vers , Histoire,
Fiction ,
Vous avezfçeu trouver , pour nous couper
la Bourſe ,
Une galante invention.
L X.
GARDIEN.
E Mercure évitez l'esprit ingé-
DE nieux ,
Sous
264
Extraordinaire
Sous fes plus belles Fleurs eft un Serpent
qu'il cache ,
D'Argus , avec fa Flûte , il n'endormit
·les yeux,
Que pour luy deroberſa Vache.
Ce Voleur fçait fi bien parvenir à son
..but
Qu'il ne manque point de refource;
S'il touche pres de vous les Cordes de
fon Lut ,
Garde que les Cizeaux n'atteignent
voftre Bourſe.
LA BLONDINE GUERIN de Provins.
LX I.
MIlle beautez , Mercure, en vos def-
Emeraudes , Rubis , fans compter l'Efcarboucle
,
Rofe de Diamans , Enfeigne , Aigrete,
Boucle ,
Vefte d'or, riche Point avec profufion .
୧୯୬
L'ony trouve de plus d'innocentes Cometes
;
Ces Oeufs mistérieux, prodiges in onis,
Marquant de celle- là qui s'eft jointe aux
Planetes,
Qu'elle
du Mercure Galant .
265
Qu'elle vient publier la grandeur de
LOUIS.
Rome a produit ces Oeufs , cette ville
choifie ,
Ce Centre univerfel de la Religion,
Contre lequel jamais plus de rebellion,
e LOUIS détruit en tout lieu
l'Heréfie.
Puis
que
୧୯୯ :୨୭
Tels Exploits pour le Ciel raviffent le
Bon Clerc,
Ils nefont pas de ceux qui reffentent la
Corde ,
Comme Bourfe , Cizeaux , Cordes à
fraper l'air,
Il n'eft que de grands maux qu'à ceuxcy
l'on accorde.
Le Bon Clerc de Châlons
fur Saône.
les
Vous
remarquerez, Madame , que
trois dernieres de ces Explications renferment
avec les vrais Mots des deux
Enigmes en Vers , celuy de l'Enigme en
Figure de Fevrier , dont je ne vous ay
encor rien dit. Ce font les Cizeaux. Les
2. de Janvier 1681.
M
266 Extraordinaire
deux Anneaux au bout defquels font les
Taillans, s'y voyent reprefentez par les
deux Geans arinez de Coutelas ; & le
petit Cloud qui les arrefte , eft le Nain
qui fe jette fur les gardes de ces Coutelas
. Ce que l'on peut obferver en cette
Enigme, outre la fimplicité, c'eft qu'encore
que la figure de la chofe fignifiée y
foit prefque à découvert, elle n'en eft
pour cela plus aifée à expliquer.
pas
Des deux en Vers , dont je viens de
vous faire voir un affez grand nombre
d'Explications, la premiere a efté encor
expliquée par Meffieurs l'Abbé Laifné
du Poteau- de- Mer; L'Abbé de la Croix;
Chapelain Royal de Blois ; I.B.du Moulin,
de la Rue S. Denys ;Rouffel, Prêtre
à Conches ; Auguftin France, de Roüen ;
Le Philofophe inconftant ; Le Petit Jurifte
de la Rue Neuve N. Dame; Le Solitaire
occupé de la Rue des Nobles à
Morlaix ; L'Abbé de Grays , proche de
Caen , L'Amant de la Belle Poitevine;
& le Solitaire de l'Ile N. Dame. Les
autres fens qu'on luy a donnez, onteſté,
un Cofre, les Heures du Cadran, les Lettres
Alphabetiques , les Notes de Muſique,
& les Cartes.
du Mercure Galant. 767
Ceux qui ont encor trouvé le Mot de
-la Bourfe pour la feconde de ces deux
Enigmes , font Meffieurs Regnier de S.
Martial; Le Chevalier Defville , du Ponteau-
de- Mer ; De S. Jofeph , d'Andely
en Vexin ; Le Cellier, P.de C. pres Vernon;
& Tamirifte, de la Rue de la Cerifaye
. On l'a auffi expliquée fur ces Mots,
la Mufete, la Bouteille , le Raifin, la Lettre
cachetée, & une Caffete.
Je n'ay plus qu'à vous nommer ceux
qui ont trouvé le vray fens de l'une &
de l'autre.Ce font Meffieurs de la Mare-
Chenevarin , de Rouen ;d'Arbringeaut;
Potin , de la Rue Clocheperfe ; André ,
de la même Rue ; Le Tourneur ; Hiet;
Le Chevalier du Tolcoet , de Morlaix ;
L'Abbé de Bionne , pres d'Orleans ;
L'Abbé de la Filée , de la Rochelle ;
L'Abbé de Puirideau, de la même Ville ;
Girard; Rouffelet; Coulange ; D. la F. de
Naradac , Avocat au Parlement de Bretagne;
Coquillart Bourguignon; De Plémont
, Capitaine Reformé, de la Foreft
de Lions en Normandie ; L'Illon , ou
de l'Ifle du Gaft , le jeune , de Conforgien
en Bourgogne, âgé de dix ans ; Des
Mij
268 Extraordinaire
་ ་
Pattes , Sieur de Valtigny;Blanchard ,de
Chateauroux; Groüault , Sieur de Boviles
; I. F. Jarres, de Paris ; Samfom , d'Abbeville
; De Gifeux , du Païs d'Anjou , Le
Gay Durand , du Pavillon Royal de
Blois ; Durand le cadet , de Rhetel en
Champagne, Avocat au Parlement ; La
Tronche, de Rouen ; De S.Placide ; C.
Hutuge, d'Orleans , demeurant à Mets ;
Le Chevalier Blondel , De Choify le
cadet ; L'Abbé Arnaut , Chanoine de
Blois ; Le Blanc , de la Ruë Simon le
Franc ; L'inconnu de la Rue S.Jacques;
Les Reclus d'Aunoy lez Provins ; Mefdemoiſelles
de la Martiniere de la Fleche
, & de Roth :non de Thouars ; Sylvie
du Havre; Paquete ; Les Aimables de la
Sencerie de Dreux ; Madaine de Grand-
Maiſon , Abbeffe de l'Abbaye Royale
de Brienne en Lyonnois ; Jean des
Bottes , de Lyon ; Mademoifelle de
Mollieu de Calais ; de préfent à Lyon ;
Garnier de la Marine , pour le Roy à
Toullon ; L'Abbé de Carry de Marfeille
; L'Hardy de l'Arconal de Toullon ;
Philonice ; L'Amante fans amour ; La
Belle Reclufe ; L'Aimable Euterpe ;
,
Plautine
du Mercure Galant. 269
Plautine la cadete ; Le Complaifant ;
L'Inconftant de profeffion ; Le Perroquet
des Mufes ; Le Sincere Herminius ;
Les Gays Paftoureaux de la Ruë S.Antoine
; L'Amoureux de la Blonde , du
Quartier de la Guierche de Tours ; Le
Solitaire de la Rue Caffete ; & A. de
Poitiers.
3
QUESTIONS
St
A DECIDER.
I.
' Il eft plus avantageux à une Femme
d'eftre aimée dés la premiere fois
qu'on la voit , ou de ne l'eftre qu'apres
qu'on a eu le temps d'examiner fon
mérite.
I 1.
Si une Femme qui aime toûjours un
Amant dont elle a efté trahie , doit
écouter la paffion ou fa gloire , quand
cet Amant tâche à obtenir le pardon de
fon infidelité.
III.
Comment l'Ame eftant purement
M iij
270
Extraordinaire
fpirituelle , eft touchée par la Mufique
qui eft une chofe fenfible.
I v .
Si la Santé peut eftre alterée par les
Paffions. Cette Question a esté agitée
dans l'Ecole de Medecine , Monfieur le
Bely préfidant.
V.
Lequel des Peintres anciens eft
eftimé le meilleur , & par quelle raiſon ,
avec une defcription des manieres des
plus fameux Peintres.
V I.
On prie d'écrire fur la Magie naturelle.
V I I
On demande des Madrigaux fur la
liberalité du Roy, qui donne au Public
les cent mille francs qu'il a gagnez à la
Loterie.
VIII.
On fouhaiteroit la defcription d'un
beau Printemps , des belles Affemblées
qui fe trouvent le foir au Thuilleries
dans cette faifon , des Modes nouvelles
que ceux qui s'y promenent y font remarquer
, & de la galanterie & de la
richeffe de leur ajustement.
IX.
du Mercure Galant .
271
I X.
On dit avec raifon en parlant d'un
galant Homme , qu'il doit eftre , toûjours
Civil , rarement Complaifant, & jamais
Dupe. On feroit bien d'avoir une Devife
, ou une Emblême fur ce fujet . Outre
que
la Deviſe n'en eft pas aifée , à
caule que les vertus de l'Homme ne
peuvent à la rigueur y eftre bienrepréfentées
par les chofes inanimées, ou par
les brutes , l'Emblême s'y trouve plus
propre , parce que fon but eft d'enfeigner.
L'on demande auffi fur le mefme
fujet , s'il ne feroit pas mieux de dire ,
fouvent Complaifant , que rarement Com.
plaifant , y ayant ce femble des raiſons
pour l'un & pour l'autre .
Je vous referve pour le XIV. Extraordinaire
de fort beaux Traitez fur la
Superftition, fur l'Origine & les Armes
de quelques Familles de France , fur la
Chaffe , fur l'Eau minerale , & fur la
nature des Méteores , & fuis toûjours
voftre tres , & c.
A Paris ce 15. Avril. 1681 .
EX
EXTRAIT DV PRIVILEGE
du
Roy.
་་་
PAr Grace & Privilege du Roy , donné à
Germain Laye le 31. Decembre
1677. Signé Par le Roy en fon Confeil , Jun-
QUIERES . Il eft permis à J.D. Ecuyer , Sieur de
Vizé , de faire imprimer par Mois un Livre intitulé
MERCURE GALANT , prefenté à
Monfeigneur L & DAUPHIN , & tout ce qui
concerne ledit Mercure , pendant le temps &
efpace de fix années , à compter du jour que
chacun defd. Volumes fera achevé d'imprimer
pour la premiere fois : Comme auffi defenſes
font faites à tous Libraires , Imprimeurs , Graveurs
& autres , d'imprimer , graver & debiter
ledit Livre fans le confentement de l'Expofant,
ny d'en extraire aucune Piece , ny Planches
feryant à l'ornement dudit livre , mefme d'en
vendre feparément , & de donner à lire ledit
Livre , le tout à peine de fix mille livres d'ad
mende , & confifcation des Exemplaires contrefaits
, ainfi que plus au long il eft porté audit
Privilege .
Regiftré fur le Livre de la Communauté le
5.Janvier 1678.Signé E. CoUTEROT . Syndic.
Et ledit Sieur D. Ecuyer , Sieur de Vizé a
cedé & tranfporté fon droit de Privilege à
Thomas Amaulry Libraire de Lyon , pour
en jour fuivant l'accord fait entr'eux .
Achevé
BEAUE primer pour la premiere fois le
DE
LYON
1893
VILLE
Mars 1681 .
1.
1
Ex libris Bibliothecæ
quam Illuftriffimus
Archiepifcopus
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le