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1680, 12
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Eur. 511
m
-1680,12
Mercure
<36608548250012
I
< 36608548250012
Bayer . Staatsbibliothek
S

MERCURE
GALANT
DEDIE A MONSEIGNEUR
LE DAVPHIN.
DECEMBRE 168 0.
A PARIS.
PALAIS.
Ond
N donnera toûjours un Volume
nouveau du Mercure Galant le
premier jour de chaque Mois, & on
le vendra , auffi -bien que l'Extraor
dinaire , Trente fols relié en Veau,
& Vingt-cinq fols en Parchemin.
A PARIS,
Chez G. DE LUYNE, au Palais , dans la
Salle des Merciers , à la Justice.
Chez C. BLAGEART, Rue S. Jacques,
à l'entrée de la Rue du Plâtre ,
Et en fa Boutique Court -Neuve du Pala is,
AU DAUPHIN.
IT. GIRARD , au Palais, dans la Grande
Salle , à l'Envie.
M. D. LXXX .
AVEC PRIVILEGE DV ROI.
Bayerische
Stawisimbioinek
Munchsa
Extrait du Privilege du Roy.
Ps.Gracein en Laye le 11.Decembre 1677%
Signé, Par le Roy en fón Confeil , JuN QUIBRES..
Weft permis à J. D. Ecuyer, Sieur de Vizé,
de faire imprimer par Mois un Livre intitulé
MERCURE GALANT, prefenté à Monſeigneur
LE DAUPHIN, & tout ce qui concerne
fedit Mercure, pendant le temps & efpace defix
années, à compter du jourque chacun defd.
Volumes fera achevé d'imprimer pour lapremierefois:
Comme auffi defenfes font faites
atos- Libraires, Imprimeurs, Graveurs & autres,
d'imprimer, graver & debiter ledit Livre
fans le confententent de l'Expofant , ny d'en
extraire aucune Piece , ny Planches fervant à
l'ornement dudit Livre, mefme d'en vendre feparément
, & de donner à lire ledit Livre, le
tout à peine de fix mille livres d'amende, &
confifcation des Exemplaires contrefaits , ainfi
que plus au long il eft porté audit Privilege:
Ar Grace & Privilege du Roy, Donné à
Regiftré fur le Livre de la Communauté les;
Janvier 1678. Signé , E.COUTEROT, Syndic,
Et ledit Sieur D. Ecuyer , Sieur de Vizé,
a cedé & tranfporté fon droit de Privilege a
C. Blageart , Imprimeur- Libraire , pour en
jouir fuivant l'accord fait entr'eux,
Achevé d'imprimer pour la premiere fois
le 31. Decembre 1680.
522552252 SESE SSE
TABLE DES MATIERES
contenues dans ce Volume .
Avantpropos,
Converfions,
Convent fondé par M. le Comte &
Madame la Comteffe de Farnac,
Les Ramiers & le Hibou. Fable,
Chaffes,
1
21
25
3F
37
Maison de Grancey, avec les Actions
du Maréchal de ce nom ,
46.
48
Mort de M. le Marquis de Gordes, 44
Mort de M. Lainfné,
Mort de M. de Bon, Premier Préfident
de la Cour des Comptes, Aydes, &
Finances de Montpellier,
Vers pour un Concert,
Reception faite par M. l'Evefque du
Bellay à M.le Cardinal d'Estrées, 62.
Haranguefaite à M. le Cardinal d'Ef
trées,
V
54
-67
Actions charitables faites par M. l'Evefque
de Condom, 78
TABLE.
Mariage de M. de Cotentin avec la:
Fille de M. le Préſident Brion,
Excufe d'Infidelité par Echo,
80
83
87
M. Planque eft choify pour Gouverneur
des Fille & Chateau de Bayonne , &
Lieux circonvoifins,
Survivance de la Charge de Fréfident
V
au Confeil d'Artois, accordée à M..
Scaron de la Longue,
Lettre en Vers & en Profes
91
93
Mort de M.le Marquis de Brouilly; 98!
Mort de Mademoiselle de Braine, 100
Mort de M. Dreux, 103
Mort de M. l'Abbé d'Aubignac, soS.
LeJuge avare, Hiftoire,
Lettre en Profe & en Vers, de M. de
1057
S. Evremont,
Mercuriales , & autres Harangues
faites au Parlement,
117
128
Ouverture de l'Ecole de Medecine faste
par M. Pilon,
Audiance donnée à M. de Guilleragues
par le Grand- Vizir,
Le Chat & la Souris Fable,
136
137
149
Préfent fait au Roy par M. l'Electeur
a
TABLE.
de Brandebourg,
157
158
Amours de Mars & de Venus, repréfentées
parM. Mignard dans le nouveau
Sallon de S. Cloud,
Nouveaux Confeillers d'Etat nommez
pas le Roy,
Ambassadeur de Portugal conduit à
Lisbonne, par M. le Marquis de la
Portede Vezins,

159
163
Honneurs Funebres rendus à feu M.
l'Electeur Palatin,
Mort de M. le Prince Radzevill,
Mort de M. de Langlade,
Mortde M. Salmon,
La Linote & le Moineau, Fable,
164
173
176
176
179
"M. d'Oppede eft nommé par le Roy ſon
Ambaffa leur en Portugal,
191
Soins du Roy pour rendre l'Etude du
Droit plusfloriffante,
Hftoire,
193
196
Thefes foutenues par M. l'Abbé Pellot,
Converfion
,
227
229
Sujets des Prix de l'Eloquence & de
la Poefie , propofez par l'Académie
TABLE.
Françoife, 230
Epiftre en Vers de M. de Lignieres, à
Madame la Ducheffe de Bellegarde,
236
Mort de M. des Bonnets Gouverneur
255
de
Douay,
Gouvernement
de Douay
donné à M.
de Vauban, 258
Gouvernement de la Citadelle de Lile
donné à M. du Metz,
263
Divers fentimens fur les Cometes, 269
Madrigal,
Epitaphe,
278
280
Convalescence de Monfeigneur le Dauphin
, avec les Divertiffemens de la
Cour,
Hiftoire,
281
286
Lieutenance de Roy du Gouvernement
de Champagne , donnée à M. de
Beaupré,
296
M. l'Abbé des Alleurs prefche devant
Leurs Majeftez,
Enigme,
Autre
Enigme,
297
299
302
Mort de Madame la Ducheffe de Lum
TABLE.
xembourg,
Mort de Madame de Lyonne;
304
306
Mort de Mademoiselle de Perigny, 307
· Mort de Mademoiselle Bignon,
Mort de Mademoiselle Courtin,
309
309
Mort de Mademoiselle de Vienne de
Combe,
Mort du Pere Kircher,
Mort du Cavalier Bernin,
Divertiffemens publics,
310
314
375
315
Noms des Perfonnes de qualité qui dancent
au Balet, 317
Explication de l'Ombre Ideale de la
Sageffe Universelle, 328
Modes nouvelles; 330
Belle Action du Roy, 334
Fin de la Table,
2252525 25 2525222
AVIS.
Navertit qu'il ne faut donner
aucun argent pour faire recevoir
les Mémoires qu'on fouhaitera de
yoir employer dans le Mercure Ga-_
lant .
On les mettra tous , pourveu qu'ils
ne defobligent point les Particuliers
par quelques traits fatyriques , & que
les Hiftoires qu'on envoyera n'ayent
tien qui bleffe la modeftie des Dames
.
On prie qu'on affranchiffe les ports
de Lettres, & qu'on les adreffe toûjours
chez le Sieur Blageart , Imprimeur
Libraire, Rue S.Jacques, à l'entrée
de la Rue du Plaftre.
Les Particuliers , ou Libraires des
Provinces, qui fouhaiteront avoir le
Mercure fitoft qu'il fera achevé
d'imprimer , n'ont qu'à donner leur
7
adreffe audit Sieur Blageart, qui a fa
Boutique dans la Court-neuve du Pa
lais , au Dauphin , & il aura foin de
faire leurs paquets für l'heure , & de
les faire porter à la Pofte , ou aux
Meffagers qu'ils luy indiqueront, fans
qu'il leur en coufte rien pour la peine
qu'il en prendra , parce que lesdits
Particuliers ou Libraires qui les recevront
, en acquiteront le port fur
les lieux .
On a déja prié bien des fois ceux
qui envoyent des Mémoires où il
des noms propres , d'écrire ces noms
y a
en caracteres tres bien formez: C'eft
à quoy on manque tous les jours , &
ce qui eft caufe qu'on les met mal. Il
y a auffi des Pieces qu'on ne met
point , parce qu'elles font trop diffi
ciles à lire.
Il refte toûjours quantité de Pieces
qui auront leur tour , ou dans le Mercure,
ou dans l'Extraordinaire . Ainfi
les Autheurs ne fe doivent point impatienter.
Les premieres reçeuës font.
toujours mifes les premieres, à moins
quelanouvelle matiere qu'on envoye,
ne foit tellement du temps , qu'on
ne puiffe diférer.
On avertit que les Mercures qui
s'impriment en Hollande & en quel
ques Villes d'Allemagne , font fort
peu corrects & tronquez en beaucoup
d'endroits.
Ontrouve toujours chez le Sieur
Blageart le Journal de Medecine
de M' de Blegny, lequel pour fatisfaire
à la requifition des Perfonnes de
Province , commencera au premier
jour de l'année prochaine, à le donner
conformément à la premiere inftitution,
c'eft à dire en petit Volume , &
feulement le premier jour de chaque
mois.
"

MERCVRE
GALANT
DECEMBRE 168 0.
E ne doute point , Madame
, que fi voftre zele
eftoit bien connu , il ne
fuft récompenfé comme il
mérite de l'eftre . Quand
j'ay commencé à vous é
crire ,yous ne fouhaitiez mes
Decembre 1680. Α
2 MERCVRE
Lettres que pour le plaifir
que vous donnoit la diverfité
des Nouvelles , & des
Ouvrages galans que j'y fais
entrer ; mais un feul Article
fait naiftre aujourd'huy l'impatience
que vous avez de
les recevoir. La gloire du
Roy vous charme , & dans
L'intereft que vous y prenez ,
ce n'eft jamais affez -toft
pour vous que je fais connoiftre
à toute l'Europe les
nouveaux fujets qu'il nous
donne tous les jours de benir
fon Regne. Ce qu'il y a
de particulier pour cegrand
GALANT 2
Prince , c'eſt que fes éloges
ne font point fondez fur des
paroles choifiés , telles qu'il
s'en trouve dans la plupart
des Panegyriques . Ce font
Faits marquez qui parlent
d'eux-mefmes ; & ayantà le
louier fur fá pieté , je ne me
contente point de vous dire
que parmy fes foins les plus
importans , il eft fans ceffe
occupé des interefts de l'Eglife.
Des termes fr genéraux
ne prouveroient rien ,
mais je vous rends cette vérité
fenfible , en vous ' aprenant
que depuis fort peu de
A ij
4 MERCVRE
jours , le zele qu'il a pour ce
qui regarde la Religion , l'a
fait remédier à deux grands
defordres. Infenfiblement
on avoit toleré jufqu'à aujourd'huy
les Mariages des
Catholiques avec ceux de la
Religion Prétenduë Reformée.
Il en naiffoit des Enfans
, qui prenoient divers
Partis felon la diférence du
Sexe ; & bien fouvent ceux
qui eftoient dans l'erreur,
trouvoient moyen d'y faire
tomber les autres. C'eft un
abus dont Sa Majesté empefche
les fuites , par fon
1
GALANT. 5
·
Edit regiſtré en Parlement
·le deuxième de ce Mois . Cet
Edit défend à tous Catholi
ques de contracter ces ſortes
de Mariages, fous quelque
prétexte que ce foit, & declare
les Enfans qui en proviendront,
illégitimes, & incapables
de fucceder aux
biens meubles & immeubles
de leurs Peres & Meres .
Le mefme jour on regiſtra
une autre Déclaration, portant
que les Juges ordinaires
iront chez les Prétendus Re
formez qui feront dangereufement
malades , pour
A iij
6 MERCVRE
fçauoir d'eux s'ils ne veulent
point changer de Religion,
Cela les met dans l'entiere
liberté de fe convertir, & fera
ceffer les violences qu'on
exerçoit pour ne pas
l'entrée aux Ecclefiaftiques,
que quelques -uns d'eux font
appeller dans les derniers
foufrir
momens de leur vie. Il n'eft
aucun Catholique pour qui
ce ne doive eſtre un fujet de
joye,de voir ce grand Prince
foûtenir fi dignement le glo
rieux Titre de Roy Tres.
Chreftien. Les foins qu'il
prend de contribuer de tout
GALANT. 7
fon pouvoir à l'avancement
de la vraye Religion , affoi.
bliffent tous les jours le Party
contraire. Pluficurs Abjurations
vous l'ont déja fait
connoiftre. En voicy d'autres,
dont j'ay à vous faire
part. Celle de Guillaume-
Jofeph David , Chevalier,
Comte de Villemontade, eft
fort finguliere. Il eſt de Bretagne
, Fils de Mathurin
David,Seigneurde laRoche
bernard , Villemontade, &c.
& de Dame Mathurine
Jumel du Bordage , dans le
Dioceſe de S. Malo. Apres
A
iiij
8 MERCVRE
eftre forty des Etudes , &
avoir achevé fes Exercices,
les réfléxiós qu'il avoit faites
dés fes plus tendres années,
fur l'indifpenfable obligation
de chercher la verité,
fans s'obftiner dans l'erreur
par confidération de Famille
, commencerent à luy
faire fentir de grands troubles
. Il entendit diférens
Sermons dans nos Eglifes,
dont il fut affez touché,pour
s'accoûtumer à des Prati
ques de devotion contraires
à la Religion où il eftoit né.
Elles fervirent à fortifier le
GALANTM ,
deffein qu'il avoit eu de tour
temps de s'éclaircir de fes
doutes. Il confulta les plus
fçavans Miniftres qu'il put
trouver , & n'eftant point fak
tisfait de leurs réponfes , il
fe retira dans le Séminaire de
S. Lazare , où de jour en
jour on luy deffilloit les
yeux . M' de Villemontade
fon Pere , ayant eu avis
qu'il conféroit avec nos
Docteurs , prit un prétexte
éloigné pour le faire revenir.
Si -toft qu'il fut de retour , il
l'enferma dans un lieu , où il
fut traité pendant trois mois
10 MERCVRE
avec toutes les rigueurs ima
ginables. Il en comprit la
raiſon, & n'eut pas de peine
à voir quel eftoit fon crime.
Il foufrit longtemps cette
perfécution fans qu'on le
laiffaft parler à perfonne.
Enfin ayant reconnu que la
feinte feule luy rendroit la
liberté , il déclara que les
Maximes des Catholiques
qu'il avoit voulu fçavoir, n'avoient
fait que l'affermir
dans la Religion de fes
Peres , qu'il prétendoit y
mourir, & que s'il eftoit coupable
, ce ne pouvoit eftre
GALANT. II
que d'avoir efté trop cu
rieux. La fincerité qu'il
affecta ayant adoucy fon
Pere , non feulement il le
tira de priſon , mais il commença
de travailler à fon
élevation du cofté de la Forrune.
Les honneurs qu'il
luy vouloir affurer furent
incapables de l'ébloüir. II
s'échapa dés qu'il en trouva
l'occafion , & apres avoir
confulté tout de nouveau en
diférens Lieux ce qu'il ren
contra de fameux Miniſtres,
fans qu'il en reçeuft aucun
éclairciffement qui le far
12 MERCVRE
tisfift, il ceffa de balancer,
& enfin le 17. de Septembre,
il abjura les erreurs à Avignon
, entre les mains du
Pere de Péruffis , Maistre de
l'Inquifition , qui luy avoit
procuré quelques conférences
avec M' le Vice- Légat.
Cette action faite avec un
zele qui marquoit affez l'attrait
preffant de la Grace,,
fut fuivie d'une autre qu'on
n'attendoit pas. Il réfolut de
quiter le monde , & choifit
le Tiers Ordre de S. François,
par le motif d'un quatriéme
Vou de Pénitence
GALANT. 13
que l'on y fait, outre les trois
folemnels de Religion. C'eſt
par là que les Religieux de
cet Ordre font appellez Pénitens
. On les nomme auffi
Picpus , en beaucoup de
Villes du Royaume , à cauſe
d'un tres - beau Convent
qu'ils ont à Paris , dans
une Rue appellée Picpus.
Ce vertueux Poftulant fut
renvoyé à Lyon , où eſt le
Novitiat de la Province , &
y prit l'Habit le cinquième
d'Octobre dernier , avec le
nom de Frere François-
Marie. Sa ferveurſurprend,
14 MERCVRE
Vi
& comme il eft agé de vingtfix
ans , & qu'il n'a rien fait
qu'apres avoir bien déliberé,
il eft aifé de connoistre que
l'Eſprit de Dieu agit veritablement
en luy.
Pendant le fejour que
M' le Duc de Navailles a
1
fait depuis peu à la Rochelle
, deux jeunes Perfonnes
, Filles de M' Pagez,
d'une des meilleures Familles
de la Ville , ont abjuré
les mefmes erreurs. Le
foupçon qu'on avoit de
leur deffein les ayant fait
obferver , la Cadete ſe tira
GALANT. 15

adroitement de la Maifon
de fon Pere , & vint à celle
de Ville , demander la pro
tection de Madame la Du
cheſſe de Navailles , pour
elle , & pour fon Aînée qui
eftoit dans le deffein de la
.
fuivre. Elle en fut reçeuë
avec toute forte d'affection ,
cette Ducheffe fe faiſant un
plaifir particulier de pro
teger ceux qui luy demandentazile,
& ayant d'ailleurs
l'ardeur la plus empreffée
pour tout ce qui touche la
Religion. Son Aînée trouva
peu de temps apres les
16 MERCVRE
moyens de s'échaper , &
toutes deux apres s'eftre fait
inftruire par M Vignier de
l'Oratoire , Curé de S. Barthelemy
, ont renoncé à
l'Hérefie de Calvin, Ce zelé
Paſteur les a fait mettre aux
Filles de la Providence , où
il a foin qu'elles ne manquent
d'aucune des chofes
qui leur peuvent eſtre ncceffaires.
La principale loüange
de cette bonne oeuvre,
eft deue aux manieres infinuantes
& perfuafives, auffibien
qu'à la pieté d'une
de leurs Soeurs aînées, qui
GALANT. 17
changea de Religion il y
a cinq ou fix mois. Madame
de Muns, Intendante
de Rochefort , à qui elle
avoit communiqué fon deffein
, l'ayant fait conduire à
Xaintes , au Convent des
Filles de Sainte Claire , elle
y embraffa les veritez Catholiques,
dont un fçavant
Recolet luy donna l'inftruction.
Depuis ce tempsM'de
Muns l'a recommandée au
Pere de la Chaife,& en a ob
tenu pour elle une Penfion
du Roy. Sa fage conduite a
toûjours édifié ces faintes
Decembre 1680. B
18 MERCVRE
Religieuses , & enfin elle eft
revenue à la Rochelle , où
M'le Duc, & Madame la Ducheffe
de Navailles , l'avoient
reconciliée avec les Parens ;
mais depuis la Converfion
de fes deux Cadetes , ils ne
veulent plus qu'on leur parle
d'elle. C'eft une Fille d'un
efprit fort avancé , quoy
qu'elle n'ait pas encor dixfept
ans. Madame la Du
cheffe de Navailles l'a confiée
en partant à Madame
de Fontmort , qui eft une
-Dame d'une genérofité fort
peu commune , & auffi
GALANT. 19
connue dans le monde
par les charmes de fon
entretien , que par l'agré
ment qu'elle fçait donner
à toutes fes Lettres . Elle
eft Coufine germaine de
Madame la Marquife de
Maintenon , & Petite- Fille
comme elle du fameux M
d'Aubigny , qui eut tant de
part à la confiance & à la faveur
de Henry le Grand .
Ces Converfions ont efté
fuivies de celle de M' Marie,
Avocat au Parlement ,
apres avoir longtemps combatu,
termina toutes les diffi
qui
Bij
20 MERCVRE
cultez qui l'arreftoient par
la folemnelle Abjuration:
qu'il fit le 17. de l'autre Mois ,
dans l'Eglife du Novitiat des
Jefuites , entre les mains du
Pere du Doy , Directeur
de la Congregation établie
dans cette Maiſon , avec qui
il avoit eu de fréquentes
conférences. Ileft de Grenoble
, & on a efté convaincu
de la fincerité de ſon
changement, non feulement
par les interefts du monde
, aufquels il a genéreuſement
renoncé, abandonant
tous les avantages que luy
4
GALANT 21
ofroient fes Parens , mais
encor par les Motifs qu'il a
prononcez en Robe au pied
de l'Autel, & cela d'une maniere
fi édifiante , qu'il s'eſt
attiré
l'admiration de quan
tité de
Perſonnes de la premiere
qualité, qui ont efté
témoins de cette action,
de ceux
qui Si les foins
contribuent
à tirer d'erreur
les Herétiques
font ſi eſtimables,
quelles louanges ne
mérite pas le zele de M le
Comte & de Mila Comteffe
de Jarnac , qui ont fondé
dans leur Ville un Convent
22 MERCVRE
de Recolets, pour travailler
à convertir les Prétendus
Réformez, qui y font en fort
grand nombre ? La Fondation
eft faite fous le nom de
S. Henry Empereur , & Patron
du Fondateur qui s'appelle
Guy-Henry. L'Eglife
fut benite , & la Croix plantée
le 17. de Novembre . La
Cerémonie commença
par
une Proceffion folemnelle
qu'on fit dans toute la Ville.
La Nobleffe des environs y
affifta , & l'on ne vit de longtemps
un fi grand concours
de Peuple. C'est un établiſ
GALANT. 23
"
fement qui ne peut caufer
qu'un tres grand bien dans
un Lieu où l'Heréfie eft fort
répanduë. M' le Comte de
Jarnac eft Lieutenant Ge
neral pour le Roy des Provinces
d'Angoumois , & de
Xaintonge, & vient de l'illuftre
Maiſon de Chabot,
qui a donné un Admiral a
la France , & un Evefque à
Limoges. Ses Ayeux ont eu
plufieurs Charges & Com
miffions pour le fervice de
l'Etat pendant les temps
difficiles , & il s'eft luy, mef
me diſtingué dans les der
24 MERCVRE
nieres Campagnes de Hollande.
Madame la Comteffe
de Jarnac fa Femme, eft d'un
mérite auffi connu que fon
nom . Elle eft Dame d'honneur
de Mademoiſelle d'Or
leans , & s'appelle Marie-
Claire de Créquy. Ils s'appliquent
l'un & l'autre à détruire
l'Heréfie par la voye
de l'inftruction & des lumieres
Evangeliques, qu'ils
font répandre dans leurVille
de Jarnac, & à la Campagne,
par le miniftere des Religieux
dont je vous viens de
parler. Rien ne prouve
mieux leur pieté.
GALANT: 25
Je vous ay fouvent entendu
dire qu'un peu de fortune
faifoit prendre un fot
orgueil aux Efprits mal faits .
La Fable qui fuit nous en
peut fervir de preuve. Elle
eft de M' le Prieur Pelegrin ,
d'Aix en Provence.
$22552252 SESZ S52
LES RAMIERS
ET LE HIBOU.
D
FABLE.
Eux Ramiers fort paifiblemento
Dans la fente d'un Roc faifoient
commun ménages
Decembre 1680
26 MERCVRE
L'un eftoitjeune encor, l'autre avăcé
dans l'âge,
Mais portez l'un & l'autre à s'aimer
tendrement.
Appellez cela fympatie,
Instinct, rapport d'humcurs , tout
comme il vous plaira,
C'est une Question dont ma philo-
Sophie
Pour lepréfentfe paffera.
Iamais Oyfeaux en compagnie
N'ont menéplus tranquile vie,
Tous deux avoient les mefmesfentimens.
Dans leur gouft point de diférence.
Ils vefcurent ainsipendant pres de
deux ans,
Sans qu'un autre Oyſeau troublaſt
parfa présence
La douceurdes plaifirs charmans
GALANT. 27
"Que donne aux vrais Amis l'étroite
intelligence.
Enfin un malotru Hibou,
D'une humeurgroffiere , incivile,
Par lefroid & la faim abandonnant
fon trou,
Au mefme licu vint chercher un
azile.
Nos Ramiers à l'aspect de ce Moftre
bideux,
Enpenferent mourir tous deux,
Mais à lafin leurfrayeurpaffe.
Ils confultent entre eux,& refolvent
d'abord
De donner au Galant lachaffe.
L'autre ayant entendu ce dangereux
accord,
Faifant une laide grimace,
Morbleu, dit-il, Meffieurs, vous
me faites grand tort
De chicanericy ma place,
Cij
28 MERCVRE
Parce que je fuis le moins fort
Mais fi nous en venons pardevant
la Juſtice ,
On confondra voftre malice,
Car enfin le Lieu m'apartient.
Ce Miférable le foûtient
Par une preuve convaincante
.
Suivez - moy, leur dit-il, venez, &
tout d'un temps
Il les conduit au plus bas de la
fente,
Et leurfait voir de vieille fiente
Quefon Ayeul avoitfait là- dedans
Depuispres de quatre-vingts ans .
Le temps prefcrivoit bien, mais ces
Oyfexux tranquiles,
Qui dans la plaiderie eftoient mal
exercez,
Aiment micux recourir à des moyens
faciles,
Que d'unProcésfevoir embarassez.
GALANT. 29.
De place , dirent- ils , nous en
avons affez ,
Vous aurez foin des utenciles,
Et nous vous fournit ons dequoy
boire & manger
.
Iltope, & pourfigner lapaix univerfelle,
Ilsfont claquer le bec, batent trois
fois de l'aile,
Puis commencent àfe ranger.
Ilfalut cependant augmenter la Cuifine.
Cela plaifantfort au Hibou,
Qui trouvoit à manger au dela de
fonfou,
Ilfe darlote, il fe dodine,
Sans travailler nypew ny prou.
En moins de huit jours le Confrere
Se reffent de la bonne chere.
Il n'avoit , quand il vint , que
plume & la peau;
l'a
C iij
30 MERCVRE
Mais euffiez - vous bien crû que cet
ingrat Oyfeau
Au milieu du repos pût devenir
Superbe?
Luy qu'on avoit tiré,pour dire ainfi
de l'herbe,
Dont n'aguére il faifoit fes plus
friands repas,
Commence à murmurer quand il eft
gros & gras,
Il trouve fa charge trop rude,
Et confultantfon naturel,
Tout enclin à lafolitude,
Cherchez - vous un Maiftred'Hoſtel
,
Dit- il à nos Ramiers, car je ne fuis
point tel
Que tous deux vous avez pû
croire.
Cet employ fait tort à la
gloire
GALANT. 31
Des nobles & puiffans Hibous.
Dont je defcens en droite
ligne ,
Et d'eftre de leur fang je me
croirois indigne,
Si je reftois plus longtemps.
avec vous..
Apres cette harangue impertinente
&folle,
Sans autre compliment cet Etourdy
s'envole,
Et les Ramiers l'ayant bien écouté,
Sans beaucoup de difficulté,
L'un & l'autre fe confole,
Apres avoir tiré cette moralité;
Rien de fi defagreable
Que de voir un Miférable
Avoir de la vanité.
J'aurois à vous parler de
toute la France, fi je voulois
C iiij
32 MERCVRE
vous entretenir des diféren
tes Parties de Chaffe qui
ont efté faites pour celebrer
la Fefte de S. Hubert . Cependant
ce qui a fuivy celle
dont j'ay eu avis de Languedoc
, eft trop fingulier
pour ne vous en pas apprendre
les circonftances. M' le
Comte de Fontenilles, qui a
toûjours eu un grand Equipage,
propofa à fes Amis de
faire une S. Hubert
; & pour
fe mettre à couvert de l'embarras
que la quantité de
monde rend inévitable , il
fut arrefté qu'ils ſe trouveGALANT.
33
roient dans une petite Ville
I appellée Saint Lis , à trois
-lieues de Toulouſe , & à un
quart de lieuë de Fontenilles
qui eft une de fes Terres.
Outre qu'on y fait tresbonne
chere , c'eſt un Lieu
d'une admirable fituation
pour la Chaffe. Vingt Gentilshommes,
tous qualifiez,
ne manquerent pas
de sy
rendre le jour de la Fefte,
avec quelques Dames &
trois de leurs Filles qu'ils en
avoient conviées , & qui y
vinrent auffi proprement
yétues enChaffereffes, qu'el
34 MERCVRE
les y parurent galamment
La journée ſe
montées .
paffa avec beaucoup de plaifir.
Ils avoient une Meute
de cinquante Chiens des
meilleurs de la Province,
& rien ne manqua de ce
qu'on peut fouhaiter pour fe
divertir agréablement dans
une Partie de cette nature.
Le foir on fe retira à S. Lis,
où un grand Repas avoit
efté préparé. Tout ce qui
compofoit cette Affemblée
fe trouva fi bien choify , qu'il
n'y eut perfonne qui ne demandat
la continuation de
GALANT. 35
t
E
la Fefte. M' le Comte de
Fontenilles dit auffi - toft,
qu'il falloit créer un Ordre
ede Chevalerie de S. Hubert;
S à
tout le
monde ayant
quoy
confenty , on nomma des
Officiers , & on fit ce Comte
General de l'Ordre. M' de
Sevin , Confeiller au Parlement
de Toulouſe, en fut dé
claré l'Abbé; M' le Vicomte
d'Erfe , le Prieur , M' de Co
manien , le Sous - Prieur ; &
M' d'Ouvrier , Maiſtre des
Novices. Les Statuts furent,
qu'on s'affembleroit
au mefme
Lieu quatre fois l'année ;
36 MERCVRE
que tous les Chevaliers
&
Chevalieres
porteroiét
pour
marque
de Chevalerie
, un
petit Cor d'argent
pendu au
Jufte-à-corps avec un Ruban
couleur
de feu , les jours
de leurs Affemblées
; que
les Chevaliers
qui voudroient
entrer dans l'Ordre,
feroient
examinéz
par un
Officier, qui jugeroit
de leur
équipage
, & de leur adreſſe
àla Chaffe
, que la premiere
fois qu'on s'affembleroit
, ils
feroient
venir des Violons
,
& apporter
quelques
Bouteilles
de Vin Muſcat
pour
1
GALANT. 37
des
eftre reçeus ; & que les Dames
qui demanderoient
comme eux à eftre reçeuës ,
en feroient quites pour
Confitures. J'efpere , Madame,
que dans trois mois,
qui eft le temps deftinépour
leur premiere Affemblée, je
vous donneray des nouvelles
de l'accroiffement de
l'Ordre , & des galantes cerémonies
qu'on y aura obfervées.
Je me contentay la derniere
fois de vous apprendre
la mort de M' le Maréchal
de Grancey, arrivée le 20.de
28 MERCVRE
Novembre. Il faut vous dire
aujourd'huy ce que je fçay
de particulier touchant fa
Perfonne, & fa Maifon . Elle
vient de Jean Rouxel , S ' du
Pleffis-Morvent, natifd'Angleterre,
à qui Charles VII.
donna plufieurs Terres &
Heritages fituez aux Bailliages
d'Alençon , & de
Caen , en confidération de
fes bons fervices, par Lettres
expediées à Bernay le 14.
Juin 1436. Ce Maréchal s'appelloit
Jacques Rouxel de
Médavy , & eftoit Fils aîné
de Pierre Rouxel , Baron de
GALANT. 39
e Médavy , Lieutenant General
en Normandie , & de
Charlote de Hautemer ,
Comteffe de Grancey. Il a
fervy le feu Roy dans toutes
fes Guerres , tant en Languedoc
, qu'en Piémont,
Flandre , & Lorraine , & fut
fait Maréchal de Camp en
1636. & un peu apres Gouverneur
de Montbelliard,
En 1644. le Roy luy donna
le Gouvernement de Graveline,
le fit Lieutenant General
de fes Armées , & l'honora
du Bafton de Maréchal
de France au Mois de Jan40
MERCVRE
vier 1651. Depuis il fut étably
Gouverneur de Thionville,
& creé Chevalier du S. Efprit
le premier Janvier 166 2.
Il a eu pour Freres , François
Rouxel , nommé Evefque
de Séez en 1651. & Archévefque
de Roüenen Janvier
1671. & Guillaume Rouxel,
Comte de Marey , Maréchal
de Camp, & Capitaine - Lieutenant
des Gendarmes du
Duc de Valois , mort de la
bleffure qu'il reçeut au Combat
de Briare en 1652. &
pour Soeurs Renée Rouxel ,
Femme de François de BiGALANT.
41
e

gars , Marquis de la Londe ,
Charlote Rouxel , Femme
de Jacques de Caftelnau ,
S de Mauviffiere
, & Mere
de Jacques Marquis de Caftelnau,
Maréchal de France
; & plufieurs autres, qui
s'eftant faites Religieufes
,
ont poffedé les Abbayes
d'Almeneches
, de Gomerfontaine
, de Vignats , & de
S. Nicolas de Verneüil. IK
1 s'eft marié deux fois ; & de
Catherine
deMonchy
,Sour
de Charles de Monchy
,
Marquis
d'Hoquincourt
,
Maréchal
de France, fa pre-
Decembre
1680
1 .
}
D
42 MERCVRE
miere Femme qu'il époufa
en 1624. il a eu Pierre Rouxel
, Comte de Grancey;
Georges , Chevalier de Malte
, mort fur les Galeres de
FOrdre ; François- Benedict,
Colonel d'Infanterie , François
, Chevalier de
Grancey ;
Loüife , Abbeffe d'Almeneches
; Marie - Françoife,
Abbeffe de Vignats ; & Bernarde
Rouxel ,
Religieufe .
Il a épousé en fecondes Nôces
Charlote de
Mornay,
Fille de Pierre de
Mornay,
Seigneur de Villarceaux , &
d'Anne Olivier - Leuville,
GALANT. 43
De ce dernier Mariage, font
fortis Hardouin , Abbé de
Grancey ; Jacques , mort en
1667. âgé de huit ans ; Marie-
Loüife Rouxel, mariée l'onziéme
Novembre 1665. à
Jofeph Rouxel , Comte de
Marey fon Coufin , tué au
Siege de Candie en 1668 .
pour le fervice des Venitiens
; quatre autres Filles ,
Religieufes à Gomerfontaine
, à Verneuil , & à Vi
gnats ; & Marie-Loüife, aujourd'huy
Dame d'Atour de
la Reyne d'Eſpagne . Pierre
Rouxel, Comte de Grancey,
Dij
44 MERCVRE
aîné de cette Maiſon
par la
mort de M ' le Maréchalfon
Pere, a eu d'Henriette de la
Palu, Fille de Jean de la Palu,
S' de Bouligneux , & de Gabrielle
de Damas- Thianges,
Jacques- Leonor , Comte de
Médavy , Gabriel , & deux.
Filles ; & trois autres Fils , de
Marie,Fille de M ' du Pleffis-
Belançon , Lieutenant Ge
neral des Armées du Roy,,
& Gouverneur, d'Auxone,
qu'il époufa en fecondes.
Nôces.
M' le Marquis de Gordes,
Comte de Carces , mort le
GALANT. 45

vingt- troifiéme du mefme
mois de Novembre, s'appelloit
François de Simiane de
Pontevez . Il eftoit Chevalier
des Ordres de Sa Majefté
, Grand Senéchal &
Lieutenant de Roy de Provence
, & Chef de l'illuftre
Maiſon de Simiane , l'une
des plus anciennes de cette
Province. Il avoit efté Che--
valier d'Honneur de la
Reyne. Ila efté emporté de
la petite verole , à l'âge de
58. ans , & laiffe un feul Fils.
d'Anne d'Escoubleau de
Sourdis fa Femme. Guillau
46 MERCVRE
me Rambaut de Simiane ,
Marquis de Gordes fon
Pere , eftoit auffi Chevalier
des Ordres du Roy , & a.
poſſedé la Charge de Premier
Capitaine des Gardes
du Corps de Louis XIII .
& eu le Gouvernement du
Pont S. Efprit.
Louis Lainfné, Chevalier,
Seigneur de la Margrie, Confeiller
ordinaire du Roy en
fon Confeil d'Etat & Privé,
& Direction de fes Finances,
eft mort icy dans le mefme
temps. Il avoit efté Confeiller
au Grand Confeil,
GALANT. 47%
I
Maistre des Requeſtes , Intendant
de Juftice & d'Armées
aux Provinces de :
Guyenne, Languedoc, Normandie
, & Bourgogne , &
Premier Préfident au Parlement
de Dijon. C'eſt un
Pofte où les fervices l'avoient
élevé en 1654. & qu'il
quita avec l'agrément du
Roy , pour prendre une
place de Confeiller d'Etat
ordinaire . Il eftoit Fils de
Meffire Helie Lainfné, Seigneur
de la Dourville , & de
la Margrie , Confeiller au
Parlement de Paris , Maiſtre
48 MERCVRE
des Requeftes ordinaire de
l'Hôtel du Roy , Intendant
aux Provinces de Poitou &
de Touraine , Premier Préfident
au Parlement de Pro
vence , & enfuite Confeiller
d'Etat ordinaire, & de Dame
Anne Camus de Pontcarré,
Fille de Geoffroy Camus de
Pontcarré , Confeiller au
Parlement de Paris , Maiſtre
des Requeftes , Intendant
de Juftice en Provence, Languedoc
& Guyenne, & Premier
Préfident au Parlement
de Provence:
La Cour des Comptes,
Aydes
GALANT.. 49
• Aydes & Finances de Montpellier
', a fait une grande
perte en la Perfonne de
- Meffire François de Bon,
qui en eftoit Premier Préfi-
Ident. Il y eft mort fur la fin
e d'Octobre âgé de 84. ans,
apres en avoir paffé foixante
dans les fonctions de Magiftrat
, & préfidé à cette
celebre Compagnie depuis
l'année 1643. Il joignoit les
plus feveres maximes de l'Etat
à celles de la Pieté, que
tout le Clergé de France a
reconnue en luy fi folide,
que cette augufte Affem-
Decembre 1680. E
TO MERCVRE
blée de Prélats a crû le
devoir remercier, de la forte
protection qu'il a donnée en
toutes rencontres à la Religion
Catholique . Il n'a
pas efté moins inébranlable
dans les temps fâcheux pour
les intereſts du Roy, qu'il fe
l'eft toûjours montré pour
ceux de l'Eglife . Son extraor
dinaire application à remplir
tous les devoirs de fa Charge
, qui a duré preſque juſ.
qu'aux derniers jours de fa
vie , a efté accompagnée
d'une intégrité digne des
premiers fiecles. Il a reçeu
GALANT. 51
7
les honneurs funebres deus
à fonrang , & à ſon mérite,
en l'Eglife de Noftre Dame
de Montpellier , où l'E
vefque de cette Ville chanta
le la grand'Meffe. Les larmes
des Pauvres , la douleur des
Peuples , & les regrets de
tous les Corps de la Ville,
firent une triſte partie de fes
Funérailles. L'Oraifon Funébre
fut prononcée par le
Pere Benoift , Prieur des
Dominiquains , qui s'attira
l'approbation de tous ceux
squil'entendirent , en faifant
voir la pieté d'un Evefque
J
X
E ij
52 MERCVRE
dans le coeur de ce zelé Ma
giftrat, le def- intéreſſement
d'un Roy , dans le coeur de
ce grand Juge ; & la neceffaire
feverité d'un Juge, dans
le coeur de ce Politique
Chreftien . Sa Place a efté
remplie par Meffire Philibert
de Bon fon Fils aîné,
à qui le Roy en avoit accordé
la Survivance dés l'année
1659, Sa Majeſté n'ayant
pas lieu de douter le
que
digne Heritier de fes vertus,
ne meritaft de luy fucceder
dans cette importante
Charge.
GALANT. 53
S
Je vous envoye une ma
niere de petite Paftorale ,
qu'un des plus habiles Mai
tres que nous ayons a miſe
en Mufique. Vous en coneviendrez,
quandje vous au
ray nommé Mª d'Ambruys.
Les Vers font de M* Du
rand , & ont eſté faits pour
un Concert d'Hyver , en faveur
d'une reconciliation
apres une petite jaloufie. Il
m'eft impoffible de vous les
donner norez dans cette
Lettre, à caufe du trop grand
nombre de Vers , & des fréquentes
Repétitions .
E üj
54 MERCVRE
25522 55252 525522
VERS
POUR UN CONCERT.
SILENE.
V'on n'entende par tout que
Chants mélodieux,
Ο3
De Voix & d'Inftrumens que ces
Lieux retentiffent;
Que les Jeux, que les Ris, que les
Amours s'uniffent,
Que nos Concerts charmans s'éleventjufqu'aux
Cieux;
Faifons dans nos Hameaux retraite,
Goûtons une douceurparfaite,
Perçons nos Tonneaux,
Buvons nos Fins nouvcaux,
GALANT. 55
Attendant le retour d'une Saifon
plus belle,
Et que d'icy le Printemps nous
rappelle.
LE CHOEUR.
Qu'on n'entedepar 1outque Chants
mélodieux,
De Voix & d'Inftrumens que ces
Lieux retentiffent,
Que les Jeux, que les Ris, que
Amours s'uniffent,
les
Que nos Concerts charmans s'éleventjusqu'aux
Cicux.
SILVIE à TIRSIS.
Déja l'Hyver attrifte la Nature,
Sesnéges ,fesfrimnts nous fot quiter
Bos Champs,
E
uil
56 MERCVRE
Et les Ruiffeaux glacez ont perdu
leur murmure,
Et les Oyfeaux leurs chants.
Pour le retour d'une Saifon plus
belle,
Ie n'aypoint de defirs.
Si mon Berger avoit l'amefidelle,
Il eft dans nos Hameaux d'auffi ton .
chansplaifirs.
TIRSIS à SILVIE .
Si tu voulois, adorable Silvie,
Avoirun coeur pourmoy plus tendre
&moins léger,
Je t'aimerais toute ma vie,
Jamais autreque tog nepourroit n'engager.
SILVIE à TIRSIS .
1
Ie mefais unplaifir extréme.
GALANT. 57
1
D'eftrele doux Objet defes tendres
foncis,
De vivre & de mourir avec mon
cher Tirfis,
Mais il eft l'inconftance mesme.
TIRSIS à SILVIE:
Quand Damon occupe ton coeur,
Pourquoy me faire un fi fenfible
outrage?
SILVIE à TIRSIS.
Tupeux m'abandonner, volage,
Lors que je n'ay pour toy que tědreſſe
& qu'ardeurs
Enſemble,
Pourquoy me faire un fi fenfible
outrage,
58 MERCVRE
Lors queje n'ay pour toy que tědreffe
& qu'ardeur?
DAMON & CLIMENE
enſemble, à Tirfis & Silvie.
Ne craignezrien pourvos amours.
Damon avec Climene
Eft joint depuis longtemps d'une
eternelle chaine;
Rien ne doit troubler vos beaux
jours,
Ne craignez rien pour vos ..
amours.
Le Choeur répete les deux derniers Vers.
Tous quatre enfemble.
Nous brûlons tous d'une parcille
envie,
Paffons ensemble une agreable
vie
GALANT. 59
Rien ne doit troubler nos beaux
jours,
Ne craignons rien pour nos
amours.
Le Choeur répete encor les deux
derniers Vers .
DAMON & TIRSIS,
à Silvie & Climene.
Iejure par tes yeux.
SILVIE & CLIMENE,
à Tirfis & Damon.
Lejure par toy-mefme..
Tous quatre enfemble.
De ne changerjamais..
DAMON & TIRSIS
enfemble
Mon bonheur eft extréme..
60 MERCVRE
SILVIE & CLIMENE.
Mes voeuxfontfatisfaits.
Tous quatre enfemble
.
Que de nos coeurs unis la douce intelligence
Eloigne pourjamais nosfentimens
jaloux,
Et qu'une entiere confidence
Regne maintenant entre nous.
Le Choeur répete cesquatre Vers,
SILENE .
Bergers, fi vous m'en voulez
croire,
Nous neparlerons que de boire;
Puis que vouseftes réunis,
De Bouteilles munis,
Nefongeons qu'à la bonne abere,
GALANT. 61
Laiffez - là l'amoureux myftcre;
Puis que vous eftes réunis,
De Bouteilles munis,
Bergers, fi vous m'en voulez
croire,
Nous neparlerons que de boire.
LE CHOEUR.
Bergers, fi vous m'en voulez
croire,
Vous neparlerez que de boire.
TIRSIS, SILVIE , DAMON,
CLIMENE, enfemble.
Unförtfi charmant &fi doux,
Doit rendre le Printemps jaloux.
SILENE.
Bergers, fi vous m'en voulez
croire,
Nous neparlerons que de boire,
62 MERCVRE
LE CHOEUR.
Qu'on n'entede par tout que Chants
mélodieux ,
De Voix & d'Inftrumens que ces
Licux retentiffent;
Que lesfeux, que les Ris,
Amours s'uniffent,
que
les
Que nos Concerts charmans s'éleventjufqu'aux
Cieux .
Vous avez fçeu le départ
de M le Cardinal d'Eftrées
pour fon voyage de Rome.
M' l'Evefque du Belley
ayant eu avis le 15. ou le 16.
du dernier Mois , qu'il approchoit
de fon Diocele,
GALANT. 63
voulut profiter d'une occafion
fi favorable, pour don
ner à cette Eminence des
témoignages publics de l'eftime
& de la venération qu'il
a toûjours euë pour Elle.
Comme ce Prélat ne fait
rien qui ne réponde à la
grandeur de fon Génie , de
fon Caractere , & de fes Emplois
, il crut que ce n'eftoit
point affez pour marquer
empreffement à ce Ĉardinal
, de l'attendre au Pont
de Beauvoifin , qui comme
vous fçavez, eft en Dauphiné
. Il l'envoya complimen
fon
64 MERCVRE
ter à la Tour du Pin , par M
l'Abbé de Bellefons , de
l'Ordre de Cluny , dont M
du Belley eft Grand Prieur.
Je n'ay pû recouvrer ce
Compliment , dont je fçay
que la lecture vous auroit
donnéun fort grand plaiſir;
mais vous n'aurez pas de
peine à croire qu'il fut admiré,
quand vous apprendrez
, qu'outre la qualité de
Docteur qu'a M' de Bellefons
, fes talens extraordinaires
pour la Chaire ,luy ont
acquis l'approbation de tous
ceux qui le connoiſſent. M
GALANT. 65
.
du Belley reçeut M ' le Cardinal
d'Eftrées à l'entrée de
fon Dioceſe , où il luy eſtoit
venu à la rencontre , pour
l'accompagneravec toute la
Nobleſſe du Païs , juſqu'au
Pont de Beauvoifin . Son
Eminence Y eftant arrivée
aux Flambeaux , M l'E
vefque la régala le foir & le
lendemain , avec une profu
fion fr pleine d'ordre & de
propreté, qu'il euft eſté difficile
de rien ajoûter à cette
magnificence Ce n'eſtoient
que Mets exquis , avec un
mélange tres - agreable de
Decembre 1680. F
66 MEROVRE
Jaſmin , de Fleurs d'Orange,
& de Tubéreuſes, dans tous
les Services . Si- toft que ΜΕ
le Cardinal fut arrivé , M' le
Seigle le vint haranguer au
nom de la Ville . C'eft un
Homme fort eftimé dans
cette Province, qui n'excelle
pas moins dans la Medecine
, dont il fait profeffion ,
que dans plufieurs autres
Sciences qu'il poffede éminemment.
Ileft Frere de M
le Seigle , Chevalier de Malte
, & Chanoine du Temple,
qui occupe icy nos meilleu
res Chaires. Voicy en quels
GALANT. 67
A
0
e, termes fa Harangue eftoit
US conceuë.
MONSEIGNEUR,
Nous avons eu plufieurs
fois l'avantage de voir icy
n V. E ; mais nous n'avons jamais
eu la hardieffe de vous
affurer de nos tres - humbles
respects. Quelque foin que
C nous avons pris pour accou
1 tumer nos yeux à regarder
voftre pourpre , fon éclat
nous a toûjours éblouis , &)
quelque deffein que nous
ayons formé de nous acquiter
de ce devoir, la pensée de
Fij
68 MERCVRE
noftre baffeffe de vostre
élevation nous en a toûjours
detournez, &fans le fecours
de noftre grand Evefque qui
nous préſente à V. E. & qui
nous fert de ce que le Génie
de Socratefervit à ce fameux
Sage,pour entretenirfon commerce
avec fes Dieux , nous
garderions encor noftrefilence
refpectueux. Ce n'est pas,
Monfeigneur , que nous ne
partagions avec tout le Royaume
, les grandes obligations
qu'il vous a , & que nous
ne connoiffions la Maison
Eftrées. Nous fçavons
GALANT. 69
e qu'elle a efté illuftre dans
tous les fiecles de noftre Monarchie
, qu'elle luy a donné
de grands Hommes dans tous,
les temps , & nous voyons
e qu'elle n'eft pas moins féconde
fous le Regne de noftre Invincible
Manarque , que fous les
précedens . Elle nous donne,
a V. E. des Ducs & Pairs , &
des Vice- Admiraux
. Ouy ,
Monfeigneur , Elle nous a
donné un Vice - Admiral incomparable.
Toute la France
connoist fon grand courage,
& tous nos Ennemis le redoutent.
Ils en ont reffenty
70 MERCVRE
fouvent la force en Flandre,
& en Allemagne ; mais comme
ces grands Païs estoient trop
bornez pour la valeur de ce
Heros , il a fallu que les Mers
entieres ayetfervy de Theatre
à toutes les grandes actions.
En effet , Monseigneur , eft- il
quelque endroit fur l'Ocean
où il n'ait donné des Combats,
& où il n'ait gagné des Batailles
contre les Ennemis de
l'Etat ? Combien defois a- t- il
garanty nos Costes de leurs
Defcentes , & nos Provinces
de leurs Irruptions ? Combien
de fois les a-t-il brûlez dans
GALANT. 71
"
leurs Ports ? Enfin combien
de fois les a- t-il attaquez
avec de moindres forces , &
chaffez avec de tres -grands
avantages ? Ce n'eftpas affez
Monfeigneur. Ny la Terre,
ny la Mer , n'ont pû borner
Les Victoires de ce grand
Homme , qui par un defir de
gloire , plus noble que celuy
d'Alexandre, est alléſouvent
1chercher un Nouveau Monde,
poury trouver de nouveaux
Ennemis à combatre , & d
vaincre. Mais pendant que
le Vice Admiral d'Estrées
fait tant de chofes extraordi
·
72 MERCVRE
L
naires pour la France , Monfeigneur
le Duc d'Estrées
voftre Frere, luy rend à Rome
des fervices tres- conſidéra
bles , & tres- importans .
faut connoistre cette Cour, &
L'efprit de fon Gouvernement.
qui change de forme toutes les
fois qu'on y change de Pape.
Il faut,dis -je,fçavoir tous les
divers interefts qui la partagent,
pour connoistre parfaitement
lafuffifance , & le ca
rattere de ce grand Ministre.
Rien n'y échape àfa penétration.
Les autres Ambala
deurs n'y font point de mouremens
GALANT. 73
vement dont il ne devine la
cauſe , & dont il ne prévoye
toutes les fuites . Enfin il
y foutient l'honneur de la
France dans fon plus grand
éclat, & fait rendre dans cette
Cour au Fils Aîne de l'Eglife
tous les bonneurs qui luyfont
dûs. Ilfuit en toute fa conduite
celle du grand Maréchal
d'Estrées , qui par ſa prudence
& parfa vigueur, aprit
dans une fameuse Affemblée , à
I Amb :fideur d'Espagne , à ne
• pas occuper un Rang que perfonne
ne pouvoit prendre avec
justice, que celuy de France.
Decembre 1680. G
74 MERCVRE
à
Il feroit temps , Monſeigneur
, de me taire , carfi l'éclat
de voſtre Pourpre, qui eft
un devos moindres ornemens,
nous a toujours éblouis ,
quoy me dois-je attendre, fi
j'entreprens de regarder d'un
ail fixe tout ce que je vois de
merveilleux dans la vie de
Voftre Eminence ? Tɔutes vos
vertus ſe préſentent à la fois
à mi memoire, & comme vous
n'avez rien oublié dans leur
pratique , chacune veut estre
placée la premiere. Voftre
probité dans toutes
actions , voftre exactitude d
vos
GALANT. 75
remplir tous les devoirs d'un
bon Evefque & d'un éminent
Cardinal , s'avancent afinque
j'enfuffe l'éloge . Mais , Monfeigneur,
je laiffe le foin de
faire celuy de vostre probité,
à ceux qui ont eu l'honneur
de négotier avec Vostre Eminince.
Que le Diocefe de
Laon , qui jouit des fruits de
vos applications à luy former
de bons Curez pour fa conduite
faffe celuy de tous les
exemples de vertu que vous
luy avez donnez le laiffe à
toute la Terre le plaifir d'admirer
celles que vous prati-
Gij
76 MERCVRE
quez dans le haut
rang
on elles
vous
ont
élevé
auſſi- bien
que
vostre
naiſſance
; & pour
les
couronner
toutes
, ne
fuffit- il pas de dire que le plus
grand, le plus auguste , & le
plus éclairé Monarque de la
Terre , vous a choify pour
negotier une des plus importantes,
& des plus délicates
Affaires du monde , aupres
d'un des plus grands Papes
qui aitjamais fuccedé au premier
des Apoftres ?Que ne doit
pas la France, Monseigneur,
à voftre illuftre Maifon ? Car
s'il eft vray que les Etats ne
GALANT. 77
s'agrandiffent que par les
Conqueftes , qu'ils ne fe foûttiennentque
par la Politique,
1
1
& qu'ils ne s'affermiffent que
par la Religion; ne luy a- t- elle
pas donné des Mars , & des
Maifties de la Politique, en
luy donnant le Vice- Admiral,
le Duc d'eftrées , & vous ,
Monfeigneur ? N'estes vous
pas l'Ange tutelaire de la Religion
? Tay pris la liberté de
dire toutes ces chofes , parce
qu'ellesfont les regies du profund
respect que nous avons
pour voftre Eminence , &
qu'elles nous fervent de pref-
G iij
78 MERCVRE
fant motif pour eftre éter
nellement vos tres- humbles,
& tres-obeïffans Serviteurs.
M'I'Evefque de Condom,
s'eftant rendu depuis quelque
temps à fon Abbaye de
S. Lucien aupres de Beauvais
, pour une Cerémonie
de pieté qui s'y eft faire , alla
au Bourg de Granville dont
'je vous ay parlé dans quelqu'une
de mes Lettres , &
qui eft des dépendances de
cette Abbaye. Il y vit le
defaftre caufé par le feu , &
vifita les ruines de l'Eglife.
GALANT. 79
Les Habitans de ce Bourg,
4qui s'eftoient retirez dans
les Villages voifins , y accou
rurent, & s'eftant affemblez
dans la Chapelle que ce
grand Incendie a laiffée encor
debout au milieu du Ci.
metiere, ce Prélat leur fit une
Exhortation fi touchante,fur
le fruit qu'ils pouvoient tirer
de leur patience , & de leur
foûmiffion dans les difgra
ces , qu'il n'y eut perfonne
qui puft retenir les larmes.
Il confola tous ces Malheureux,
non feulement par des
paroles pleines d'amour &
t
(
Gij
80 MERCVRE
par
fes de charité , mais aufli
libéralitez qu'il leur promit
de continuer , afin d'aider
à les rétablir , & à faire rebaftir
leur Eglife, dont l'embrafement
les a plus touchez
que la perte de leurs Biens.
J'oubliay le dernier Mois
à vous aprendre le Mariage
de M' de Cotentin , Fils du
Maitre des Requeftes de
ce nom , avec Mademoiſelle
de Briou . C'eſt un Homme
fort bien fait , eſtimé pour
fon efprit , & qui fait connoiftre
par fes actions que
picté eft heréditaire à tous
la
GALANT. 81
1
S
ceux de fa Famille. Mademoiſelle
de Briou eft une
brune de tres - belle taille,
qui dance bien , & quiayant
beaucoup de délicateffe d'ef
prit , fournit agreablement
à la converfation. Elle eft
3 Petite - Fille de M* le Préfident
Dorieu , & Fille de M
de Briou , fecond Préfident
de la Cour des Aydes. Son
Grand- Pere , & un de fes
Oncles , ont poffedé cette
mefme Charge. La Mere de
M' le Préfident Briou eftoit
Soeur de M' le Gras, Maiſtre
des Requeſtes, qui fut tué à
82 MERCVRE
l'Hôtel de Ville ; & fa
Grand' Mere , Fille de M
Sanguin.
Je vous envoye à mon
ordinaire un Air nouveau de
M'de Baffilly. C'eſt un em
belliffement qu'il veut bien
donner à toutes mes Lettres.
AIR NOUVEAU.
C
Limene, tu te plains de ma
legereté,
Et je meplains detaperfeverance.
Donnant tout à mes feux, tu leur as
tout ofté,
L'amour finit oùfinit l'espérance.
Helas ! Iris me défend d'espérer,
Et pour elle mon coeur ne fait que
Loupirer.
1
Chimene tu teplainderna
6 6 6
*
as tout arte l'amourfin
rer etpourelle mon coeûnefa
99199
afto fund to
GALANT. 83
Quoy que toute excufe
d'infidelité foit odieuſe , en
voicy une que vous trouverez
agreable, par la juſteſſe
avec laquelle M¹ de la Brune
qui en eft l'Autheur, y a fait
parler l'Echo.
5252525 25 252525S
EXCUSE D'INFIDELITE",
PAR ECHO .

E vous l'avonë ingénûment,
J Tirfis, mon amour eft extrémes
T'aime Clorinde éperdûment,
Mais Clorinde àfon tour de mesme,
M'aime.
25
Iepais compterfurla Bergere .
84 MERCVRE
Helas ! combien defois m'a- t-elle dit,
Berger,
Que tufçais bien l'art d'engager!
Mais tu teplains toûjours , cela me
defefpere;
Efpere .
25
Ce n'est pas toutefois qu'il faille
aveuglement
Croire ce que dit une Amante .
Une Amante centfais, pour tromper
un Amant,
Ment.
Mais lors quefur mon Chalumeau,
Couché nonchalamment, je chante
un Air nouveau,
Te voy que la Beauté, cher Tirfis,
qui m'enchante,
Chante ..
GALANT. 85
S&
Lors que je m'apperçois qu'elle eft
toujours contente,
Qu'elle foûrit quandjefoûris,
Qu'elle rougit quand je rougis,
Que l'absence d'unjour comme moy
la tourmente,
Le ne sçaurois croire, Tirfis ,
Que cette Bergere charmante
Mente.
Se
Qu'Iris n'efpere plus retenir ma
tendreffe.
Te trouve icy mes feux récompenfez.
Icfuis las defouffrir qu'une ingrate
Maîtreffe
Me maltraitefans ceffe,
L'ayfouffert tous ces jours paſſez
Aflez.
86 MERCVRE
25
Mais quoy, me direz- vous, uneflâme
nouvelle
Vous fait-elle oublier les tendres
fentimens
Dont vous aviez promis la durée
eternelle?
D'où vient qu'apres tant defermens,
Vous vous féparez, Infidelle,
D'elle?
$2
Tirfis, vous auriez tort, fi vous
trouviez étrange
Quej'aye ofé me dégager.
Apres mille rigueurs , j'ay raiſon
de changer
.
Un Amant qui connoiſt qu'on luy
donne le change,
Change.
GALANT. 87
M'Planque , Gentilhomme
de Montpellier , Lieutenant
General du Regiment
de Rouergue , & qui m'a
donné lieu fi fouvent de
parler de luy pendant nos
dernieres Guerres , a cfté
choify , apres un fervice
affidu de plus de quarante
années , pour eftre Lieutenant
de Roy au Gouvernement
des Ville, Chafteau de
Bayonne , & Lieux circonvoifins.
L'importance
de
cette Place qu'on fortifie
avec de grands foins , eft
une marque bien avanta
88 MERCVRE
geufe de l'eftime que Sa Majefté
fait de fa Perfonne,
& de la confiance qu'Elle
prend en luy. Il eut l'honneur
d'eftre auffi choify par
M' le Maréchal de Créquy,
pour faire cette Expédition
fignalée dont vous avez veu
les circonftances dans l'une
de mes Lettres , & qui fut
conduite avec tant de coeur
& de prudence , que malgré
la réfiftance des Ennemis
affemblez
de toutes parts , il
paffa les Montagnes noires,
les Armes du Roy en
des lieux , où toutes victoporta
GALANT. 89
rieufes qu'elles ont toûjours
efté , elles n'avoient point
encor paru , fit contribuer
ce Païs prefque inacceffible,
avoir executé tous
& apres
fes ordres , revint gloricufement
chargé de butin , &
avec quantité de Priſonniers
qu'il avoit faits . Une Retraite
fi judicieufement ménagée
avec peu de Gens , &
en préfence d'un grand
nombre d'Ennemis , le mit
dans une telle réputation
aupres de fon General , qu'il
luy confia le commande
ment des Forts de Straf
H
Decembre 1680.
90 MERCVRE
bourg. Les fâcheuſes maladies
qui luy enleverent plufieurs
Soldats , & celle mefme
dont il fut dangercufe-
·
ment attaqué , n'empeſcherent
point que le Roy ne fuft
dignement fervy , & ceux
de Strasbourg tres- incommodez,
par les diverſes prifes
qu'il faifoit fur eux , de Bateaux
, & d'Habitans . L'attaque
du Pont de Rinsfeld ,
fut encor faite par luy, avec
M ' le Marquis de la Frefeliere,&
il y donna de fi grandes
marques de courage, que
M' le Maréchal de Créquy
GALANT. 91
luy en témoigna fa joye, &
en écrivit en Cour avec tous
les avantages qui eſtoient
deubs à la fermeté de cette
Entrepriſe. Tant de belles
actions, & beaucoup d'autres
dont je ne vous fais point
icy le détail , méritoient la
récompenfe qu'il vient d'obtenir
, & elle ne luy pouvoir
- manquer fous un Regne
, où
aucun fervice n'eft oublié.
Le Roy a reconnu ceux
de M' Scarron de Longue,
qui exerce la Charge de Préfident
du Confeil d'Artois
depuis dix-huit ans , par
la
Hij
92 MERCVRE
Y
F
Survivance qu'il en a accor
dée à M. Scarron fon Fils. Il
fut reçeu le troifiéme de
ce Mois , avec l'applaudiffement
de toute cette Province.
Cela fait voir combien
il y eft aimé.
Ma Lettre du Mois d'Octobre
vous a fait voir celle
d'un fpirituel Inconnu , qui
ayant reçeu un Préſent galant
le jour de fa Feſte , ne
fçavoit à qui en faire paroiftre
fa reconnoiffance. Il
n'a encor eu aucun éclairciffement
de cette Avanture,
& c'eſt ce qui l'a fait
GALANT. 93
1.
écrire tout de nouveau en
ces termes .
5252525252525225
AV
MERCVRE
E
GALANT .
N vain ,Mercure trop hon
nefte,
Vous avez reçeu ma Requeſte,
En vain par vous mes foibles
Vers
Ont parcouru tout l'Univers ;
En vain contant mon avanture,
Jay voulu, franchemet parlant,
Pour y donner un tour galant,
M'ériger en petit Voiture ;
Tout cela m'a efté inutile,
94 MERCVRE
puis que l'Inconnuë qui celebrafi
galamment ma Feste il
y a deux mois , continue à fe
cacher , & que toute la reconnoiffance
qu'elle a fçeu par
vous que j'en avois , n'a pû
l'obliger, ny à fe faire connoiftre
, ny mefmes à vous
charger de quelque réponſe
qui me le fift efperer. La Malicieufe
fe fait un plaifir de
mon inquiétude ; maisfifon
filence est cruel à mon égard,
il eft criminel au vostre,
obligeant Mercure , & vous
intéreſſe à partager mon ref-
Sentiment.
GALANT. 95
Car qui reçoit d'agreables nou
velles
Par un Dieu, comme vous, galant,
officieux ,
Et qui ne répond rien au Meffager
des Dieux ,
Mérite des peines cruelles.
Sufpendez en toutesfois la
rigueur aupres de cette Inconnue
, car malgré la peine
qu'elle me caufe , une je- ne-
Seay - quelle fecrete inclination
m'engage à craindre pour
elle . Son Préfent fi galant,
fa Lettre, fes Vers fi fpirituels
, me donnent des idées
toutes charmantes defa Per
96 MERCVRE
fonne ; mais au moment queje
la trouve aimable , je la
trouve injufte. Elle excite
en moy des mouvemens oppofez
qui me mettent à la .
gefne ; elle me fait des graces,
& me cauſe du tourment ; elle
irrite en mefme temps mes
defirs & ma colere ; enfin elle
me rend tout ensemble heu
reux, & malheureux.
Vous , mon unique efpérance ,
Donez-moy quelque allégace,
Vouseftes mon feul recours .
Veuillez , obligeant Mercure,
M'accorder quelque fecours
Dans ma bizarre avanture ..
Vous
GALANT. 97
Vous connoiffez mes ennuis,
Peignez à mon Inconnuë,
D'une maniere ingénuë,
Le trifte état où je fuis,
Er faites, s'il eft poffible,
Que fon coeur y foit fenfible.
Mais fi l'Ingrate estoit
affez teméraire pour vous
refufer une réponſe favora
ble , alors ufant de vostre
pouvoir , faites luy sonnoiftre
que la vangeance d'un Dieu
eft redoutable.
Et fi vous vouliez m'obliger
Dans la façon de vous vanger,
Je fçais un feur moyen de rendre
plus traitable
Cette Inconnuë inexorable.
Decembre 1680. I
Deyedschie
Strach
98 MERCVRE!
Intéreffez l'Amour dans mon
fort malheureux,
Faites- luy voir qu'il y va de fa
gloire
D'emporter fur ce coeur une
pleine victoire,.
En le rendant fort amoureux.
Un amour violent ne cherche
qu'a paroiftre,
Un coeur qui le reffent veut le
faire connoiftre;
Ainfi noftre Inconuë aura beau
s'empefcher
De fe rendre viſible.
On ne peut longtemps fe cacher
Aux yeux d'un tendre Amant
pour qui l'on eft fenfible.
François de Brouilly, Marquis
de Wartigny , Vicomte
GALANT. 99
de Villecheron , & Courtemont
, Baron de Bazoche ,
& autres lieux , Lieutenant
General pour Sa Majeſté au
Gouvernement de Champagne
,
agne ‚ eft mort dans fon
a
Hôtel à Paris le 25 de l'autre
Mois, Rien n'eft plus édifiant
que les marques de réfignation
& de pieté, qu'il a
données dans toute fa maladie.
On a embaumé fon
Corps pour le porter à une
de les Terres . Il avoit cinquante
& un an , & entre
plufieurs Enfans qu'il a laiffez,
il y a quatre Garçons.
h I ij
100 MERCVRE
Les trois aînez , quoy qu'ils
foient encor fort jeunes , ne
fe font pas moins fignalez
dans nos dernieres Campagnes,
que M' le Chevalier
de Brouilly -Wartigny a fait
depuis peu, au Combat que
les Galeres de Malte ont
donné contre les Turcs. Il
fauta, l'un des premiers, dans
les Vaiffeaux Ennemis , &
apres s'y eftre fait diftinguer
par fa valeur , il fut fi heureux
qu'il fe fauva à la nage.
La mort de Mademoifelle
de Braine, arrivée auffi
depuis quelques jours, a don,
·
GALANT. Ior
né lieu à bien des
regrets.
Elle eftoit belle , bien faite,
âgée d'environ
vingt ans, &
Cadete de Mademoiſelle
de
la Marck , Fille comme
elle
I de Male Comtedela
Marck,
& Niêce de Mademoiſelle
de la Marck , qui époufa il
y a fix mois M le Marquis
$ de Lannion
. M le Comte
de la Mark , Frere de Madame
la Marquife
de Lannion
, & Pere des deux Soeurs
dont je vous parle, eftoit Fils
de M le Marquis
de la Boufaye
, & de Loüife
de la
Marck feule reftée de la veri
I iij
102 MERCVRE
table Maiſon de Bouillon la
Marck. Henry- Robert de
la Marck fon Pere , Duc de
Bouillon , Prince de Sedan,
Zamets , & Ravecour , Capitaine
des Cent Suiffes , fit
un Teftament par lequel il
inftitua M le Comte de
la Marck Fils aîné de
cette Fille fon Heritier
univerfel , à condition de
porter fon Nom , & fes Armes
, & en cas qu'il mouruſt
fans Enfans måles , il fubftitua
le fecond Fils de la
mefme Louiſe de la Marck
fa Fille , aux mefmes condi

GALANT. 103
tions. Voyla d'où vient le
Nom de la Marck , dont la
Comté eft aujourd'huy pof
fedée par l'Electeur de Bran
debourg. M' le Comte de
la Marck eftoit Colonel du
Regiment de Picardie , &
Maréchal de Camp . Il s'eft
diftingué en beaucoup d'oc
cafions, & particulierement
en Hollande , & al cfté tué xal
à la Bataille de Tréves..
Comme il n'a laiffé aucuns
Enfans mâles , la Subftitution
eft préfentement declarée
ouverte en faveur de M
fon Frere.
I iiij
104 MERCVRE
Nous avons perdu M
Dreux , Doyen du Grand
Confeil, au commencement
de ce Mois , ainfi que 'M'
du Maits , Doyen de la Cour
des Aydes, Ce dernier âgé
de quatre - vingts - trois ans,
avoit efté reçeu Confeiller
en 1622. Ileftoit Fils de Mef
fire Jean du Maits , Trélorier
de l'Argenterie du Roy
& de fa Maiſon , qui avoit
fervy fous Henry IV. & fous.
Louis XIII. & de Dame
Magdelaine Pajot , & avoir
eu pour Fils Meffire Gilles.
du Maits, Confeiller au ParGALANT.
105
re
lement en la Cinquième
Chambre des Enquestes,
fort eftimé dans fa Compagnie
, & mort en 1672. Mr
Gabriel du Maits, Commif
faire General des Galeres
de France, cft auffi fon Fils.
M' l'Abbé d'Aubignac,
Chanoine de S. Germain de
l'Auxerrois, eft mort dans ce
mefme temps. Il eftoit Frere
de M Defvieux Secretaire
du Roy, & de feu M' le
Chancelier d'Aligre.
r

Il est arrivé une autre
mort qui a donné lieu à un
Incident auffi extraordinaire
106 MERCVRE
qu'il y en ait jamais eu . Um
Officier, premier Juge d'une
Ville, s'eftoit fi bien mis en
tefte d'amaffer du Bien , qu'il
n'en refufoit aucune voye.
Vous pouvez croire qu'eftant
de ce caractere , il fai
foit fa Charge avec une entiere
régularité. Cela euft
efté louable du cofté de la
Juftice , s'il n'euft cherché
qu'à la rendre ; mais il n'avoit
que l'argent pour but,
& dans cette avidité , comme
il fe faifoit payer affez
largement de chaque Sentence
, il reſſembloit à M
GALANT. 109
Dandin, qui vous a tant fait
Fire dans les Plaideurs , il vou
loit toûjours juger. Quelque
mal fondé qu'on fuft en prétentions
, on ne le confultoit
jamais qu'il ne fuft d'avis
que l'on plaidaft , & il aimoit
tellement qu'il luy
vinft pratique, qu'il euft volontiers
intenté Procés contre
tous ceux qui le mêloient
d'en accommoder. Malheu .
reuſement pour une belle &
jeune Perfonne , il entendit
dire qu'elle avoit beaucoup
de bien. Il la fit foudain
demander en mariage , &
7
108 MERCVRE
Fempreffement qu'il témoi
gna pour faire conclure, fut
moins un effet d'amour que
d'avarice. Il mouroit d'impatience
de compter dix
mille écus qu'on luy promettoit
, & la plus diforme auroit
efté préférée, fi elle cuft
eu plus d'argent. Comme fa
Charge le rendoit confidé.
rable , on luy accorda la
Belle. La Noce fut faite, &
à petit bruit, & à peu de frais,
& tout le mérite de cette ai
mable Perfonne ne pût ob
tenir qu'il en ufaft bien pour
elle. Son épargne alloit fi
GALANT. 109
loin , qu'il luy refufoit juf
qu'aux chofes neceffaires .
Elle s'en plaignoit, & ce fut
affez pour mériter fon averfion
. Elle devint telle , que
pour l'empefcher de continuer
fes plaintes , il la relé
gua à la Campagne, où elle
ne devoit avoir aucune dé
penfe à faire en Habits. Ce
traitement dont elle eftoit
ſi peu digne , la mit dans
l'excés de la douleur. Elle
n'y pût réfifter , & tomba
malade quelque téps apres.
Son mal eftant dangereux,
elle fit prier fon cruel Mary
"
110 MERCVRE
de la venir voir. Ce fut inutilement.
Il craignit que les
droits de quelque Sentence
ne luy échapaffent, s'il quittoit
la Ville , & ce ne fut
qu'apres avoir fçeu que fa
Femme eftoit à l'extrémité,
qu'il confentit à partir. Il la
trouva toute agonifante , écouta
ce qu'elle luy dit en
ce trifte état , fans en paroiftre
touché , & quand elle
luy tendit la main en luy difant
le dernier adieu , il ne
la prit que pour en tirer une
Bague qu'elle avoit au doigt,
Illa vit mourir un moment
GALANT. III
apres, & demeura infenfible,
tandis que fa mort
fa mort faifoit
fondre en larmes tous ceux
qui eftoient préfens . Il partit
fur l'heure pour aller continuer
les fonctions defa Charge
, & le premier foin qu'il
eut en rentrant chez luy, fut
de s'informer , s'il n'eftoit
venu perfonne pour faire
figner quelques Requeftes.
Cependant les Parens de la
Morte ayant appris qu'il
n'avoit donné aucun ordre
pour l'Enterrement , ſe chargerent
de luy faire rendre
les derniers honneurs. Ils fi112
MERCVRE
rent apporter le Corps dans
un Carroffe de deuil , pour
eftre inhumé au Tombeau
de fes Anceftres
; & quand
on fut averty qu'il eftoit
tout proche, les Paroiffes,
ainfi que les Charitez, avec
le Corps de Juftice en Ra
bes, allerent le recevoir fous
la Porte de la Ville , où le
Cercueil avoit efté tiré du
Carroffe, & mis un moment
couvert d'un Drap mor
tuaire , en attendant qu'on
le portaft à l'Eglife. Le mérite
de cette aimable Perfonne
luy avoit fi bien
ga
GALANT 113
gné tous les coeurs pendant
fa vie , qu'à la veuë de fon
Cercueil il n'y eut perfonne
qui puft retenir les pleurs..
ง Le Mary avoit pris rang parmy
les Parens , & regarda
tout avec un oeil fec. Ily cut
quelque conteftation entre
les Curez pour l'enlevement
du Corps & comme les.
Juges n'eftoient pas fort
loin , on s'adreffa auffitoft
à eux pour avoir un Reglement.
Le plus ancien ne fe
perfuadant pas que le Mary,
quoy que premier Juge , fuft
en état de prendre connoif
Decembre 1680.. K
114 MERCVRE
fance de la Queftion , eftoit
fur le point de prononcer,
quand cet Infenfible quita
fon rang, & fendant la preffe,
protefta contre celuy qui
alloit juger le Diférend , que
sil paffoit outre il le feroit
citer à la Cour , pour avoir
fes intérefts. Celuy- cy n'cut
aucune peine à luy laiffer
excrcer la Charge . Ainfi ce
Mary, apres avoir entendu
les raifons des Conteftans
,
donna comme Juge la Sen
tence qui les mit d'accord
touchant l'inhumation du
Corps de fa Femme. Cette
GALANT 15
dureté fit crier toute la Ville,
& fut caufe que deux Belles,
preftes a fe marier, ayant
reconnu que leurs Amans .
ne manquoient pas d'avarice
, aimerent mieux demeurer
Filles encor quel
que temps , que de s'expofer
à une difgrace dont elles:
voyoient un fi grand exem
ple,
Je vous envoye la Lettre
de M' de S. Evremont
, que.
vous avez tant fouhaitée de
voir , c'eft à dire une Piece
auffi achevée qu'il y en
puiffe avoir en ce genre..
Kij
116
MERCVRE
Ainfi il ne faut pas s'éton
ner fi les Copies qui en courent
font i recherchées..
Elle eft écrite à M² le Comte
de Gramont , fur quelques
bienfaits qu'il avoit reçeus
du Roy . Vous fçavez que
ce Comte , Frere de feu M
le Maréchal Duc de Gramont
, eftant Cadet d'une
fort grande Maiſon , a fait
d'autant plus de gloire de
vivre fans Bien, qu'il n'a pas
laiffé de fe diftinguer tou
jours par des dépenfes dignes
d'un Homme de fa
qualité
GALANT. 117
252525
522525 2225 252525
CLETTRE
DE M
DE S EVREMONT,
A &M LE COMTE
DE GRAM O NT .
I
Marechal de
Créquy , que
Ay appris de Monfieur le
Tesar
vous reftiez devenu un des
plus opulens Seigneurs du
Royaume. Si les
amoliffent le courage , & qui:
fçavent aneantir l'industrie,
ne font pas de tort aux qua118
MERCVRE
litez de mon Héros , je fuis
prest à me réjouir du chan
gement de voſtre fortune ;
mais fi elles ruinent les vertus
du Chevalier, & le mérite
du Comte , je me repens de
n'avoir pas executé le deffein
que j'ay eu tant de fois de
vous tuer pour affurer l'bonneurde
votre mémoire. Que
j'aurois de chagrin, Monfieur,
Le Comte, de vous voir renoncer
aujeu, & devenir indiférent
pour les Dames; de vous
voir referverde l'argent pour
Le Mariage de vostre Fille,
aimer les Rentes, & parler de
GALANT 119
fonds de Terre, comme d'une
chofe neceffaire à l'établiffement
des Maifons ! Quel
changement , fi vous faifiez
tant de cas du fonds de Terre,
4 apres l'avoir abandonné ,
S comme indigne de vous , aux
Pies , aux Corneilles, & aux
• Pigeons ! Quel changement,
fi vous aspiriez à devenir
Monfieurle Baron de Simeac,
pour avoir la Nobleffe de
Bigorre à vostre lever,
entretenir vos Voifins avec
ce faux && heureux brillant
qui gagne tous les coeurs de la
Gafcogne.
*
120 MERCVRE
Ah,que deviendroient cette vie
Tant admirée & pourfuivie!
Que deviendroit tous les
avantages que je vous ay:
donnez ftſouvent fur le plus
fage des Roys !
Ce Sage avec les conoiffances.
Que luy donnoient les plus nobles
Sciences ,
Etle refte de fes talens ,
Sans bien, ainfi que vous, n'euft
pas vefcu deux ans .
Beaux Eloges, vous feriez
effacez de la mémoire des
Hommes; &pour toute loüange
du Comte de Gramont , on
entendroit
GALANT. 121
entendroit dire aux Gafcons
& aux Bearnois , La Maiſon
de M ' le Comte va bien.
On y mange dans le Vermeil
de M de Toulongeon ,
& l'ordre y eft excellent. Si
les chofes continuënt, Mademoiſelle
de Gramont fe
fait un des bons Partys de
la Cour. Sauvez- nous , Scigneur
, de tout difcours de
cette nature - la. Celuy qui a
foin de vos Alloüettes , aura
Join de vos Enfans. C'est à
vous à funger à vostre réputation
, & à vos plaifirs.
Decembre 1680. L
122 MERCVRE
Devenez opulent , Seigneur,
devenez riche ,
Mais ne vous donnez pas un
languiffant repos ;
Vous pouvez n'eftre plus en
amour un Héros,
****
&c.
Que vous ne ferez pas
On peut, on peut encor aujour.
d'huy vous aimer;
Et fi jamais le temps , à tout
inexorable,
Vous oftoir les moyens de plaire
& de charmer,
N'aimez pas moins, Seigneur,
ce qui paroift aimable.
Sa
Un grand Sage, apres vous le
Sage incomparable,
Sur la fin de fes jours fe laiffoit
enflàmer,
GALANT. 123
Et plus il vicilliffoit, plus ce feu
fecourable
Sçavoit le ranimer.
$2
Vvallet , qui ne ſent rien des
maux de la vieilleffe ,
Dont la vivacité fait honte aux
jeunes Gens ,
S'attache à la Beauté pour vivre
plus longtemps,
Et ce qu'on nommeroit dans
un autre foibleffe,
Eft en ce rare Elprit une fage
tendreffe
Qui le fait refifter à l'injure du
temps.
$2
Contre l'ordre du Ciel il refte
fur la Terre,
Et le charme divin
Lij
124 MERCVRE
De celle qui me fait une eternelle
guerre,
Arrefte mon deſtin ,
S2
Du chagrin malheureux oùl'âge
fçait conduire,
Les plus beaux
yeux du monde
ont droit de me fauuer;
Un funcfte pouvoir qui tâche à
me détruire,
En rencontre un plus fort qui
veut me conferver.
S&
Mon corps tout languiffant, ma
trifte & foible maſſe,
Reçoit une chaleur qui vient
fondre ma glace ,
Et la Nature ufée abandonnant
mes jours ,
Je vis fans elle encor par ce nouveau
fecours.
GALANT. 125
-)
23
Je vis , & chez un autre eſt le fond
de ma vie,
Je ne fuis animé que de feux
empruntez,
La machine fe meut
refforts preftez ;
par des
Ma trame defunie
Se reprend & fe lie
Par des efprits fecrets qu'infpirent
les Beautez .
$2
N'en riez pas , Seigneur , ces
innocentes aides
Que nous fçavons tirer de nos
derniers defirs,
Ces fentimens d'amour font
pournous des remedes ,
Et pour vous des plaifirs.
Lij
126 MERCVRE
Se
Noftre exemple pour vous n'eft
pas encor à fuivre ,
Par diverfes raifons nous nous
laiffons charmer ;
Dans l'âge où je me vois , je
n'aime que pour vivre ,
Il vous refte du temps à vivre,
pour aimer.
Je vous fouhaiterois un
Siecle , fi je ne sçavois que
les Hommes extraordinaires
ont plus defoin de leurgloire
que de leurdurée.
25
Soûtenezjufqu'au bout la gloire
d'une vie,
Qui fait l'amour d'un Sexe, &
de l'autre l'envie.
GALANT. 127
Uniffez les talens d'un Abbé
fingulier
Aux rares qualitez qu'avoit le
Chevalier .
Joignez ces qualitez au mérite
du Comte,
Et qu'on trouve un Héros qui
mon Héros furmonte.
25
Abbé, vous fçeuftes plaire à ce
Grand Richelieu ;
Vous pluftes, Chevalier, au Foudre
de la Guerre .
Le Comte a le plus digne lieu;
Ila part aux bienfaits du Maiftre
de la Terre,
D'un Roy que l'Univers regarde
comme un Dieu ;
J'en connois le couroux, c'eft pis
que le Tonnerre ;
Heureux qui peut joüir de fes
faveurs, Adieu.
128 MERCVRE
.
Je vous appris la derniere
fois ce qui s'eftoit fait à l'ouverture
du Parlement , &
vous dis quelque chofe des
Harangues
; mais je ne vous
Farlay point des Mercuriales
qui le font toûjours le Mercredy
qui fuit le jour de cette
ouverture . Vous en devez
fçavoir l'origine dont je vous
ay autrefois entretenuë. M
de Harlay , Procureur General
, s'eft fait admirer dans
cette derniere occafion de
Mercuriales
. Il dit , Qu'il
eftoit de fon Employ de reprendre
mais qu'il falloit
GALANT. 129
eftre
irréprébenfible foy- mefme
pour s'y bazarder , &
qu'ainfi il devoit travailler d
corrigerfes propres defauts;
qu'à l'égard des luges , il les
renvoyoit à leur propre con-
Science, a l'exemple d'un Empereur
qui estant Cenfeur,
n'entroit point dans aucun détail,
renvoyoit à eux -mesmes
les Magiftrats qui ef
toient foumis à son examen;
que le Tribunal de la con-
Science n'eftoit point fufpect,
& qu'il estoit impoffible d'empefcher
que la verité n'y fuft
découverte.
130 MERCVRE
En vous parlant dans le
mefme temps des Harangues
de la Cour des Aydes,
qu'on fait tous les ans le lendemain
de la Saint Martin,
je me contentay de vous
marquer que M ' du Bois,
Procureur General de cette
Cour, avoit fait merveilles,
en traitant le mefme Sujet
qu'avoit choify M' le Camus
, Premier Préfident . Ce
Sujet eftoit l'usage que les
Juges doivent faire du temps
des Vacations , & du relâche
que la Juftice accorde à leur
travail . Voicy ce que j'en ay
GALANT. 131
fçeu de particulier . Il dit,
Que ce n'eftoit point affez de
prendre ce temps `comme un
fimple délaffement ; qu'il le
falloit regarder comme les
bornes du Cirque , où il n'ef
toit permis de s'arrefter que
pour prendre baleine , recueillir
de nouvelles forces
pour mieux fournir la carriere
; que c
; que c'estoit de ce repos
que le luge retiroit toute fa
perfection , parce qu'il apprenoit
dans la retraite à calmer
les paffions que le tumulte
des affaires excitoit tous les
jours, & que les refléxions
132 MERCVRE
qu'ilfaifoit furfa propre conduite
, luy fervoient à prendre
des mesures prudentes &
affurées pour l'avenir ; que de
cette maniere , il travailloit
fans relâche ; que fon loisir
mefme estoit avantageux à la
Iuftice qu'il avoit l'honneur
d'administrer fous Le plus
grand & le plus augufte des
Roys , qui non feulement a
emporté des Places , gagné
des Batailles , mais conquis
mefme des Provinces entières
au milieu des plus rigoureux
Hyvers , malgré les efforts de
plufieurs Nations envieufes
GALANT. 133
de fa gloire , qui ne fongeoient
plus à oppofer au rapide cours
defes Conquestes , que le Ciel
& les Saifons ; qu'ellesfe confeffent
plus vaincuës par la
Paix qu'il leur a donnée , que
par la prise de leurs Villes &
de leurs Provinces ; que fa
puiffance les favorife ; que
fon repos les épouvante ; qu'il
effuye les fatigues de la
Guerre , dans le temps où
l'on diroit qu'il jouit de la
douceur de la Paix ; que lors
qu'il exerce fes Troupes , il
leur infpire autant d'ardeur
que s'ily avoit des Ennemis à
134 MERCVRE
vaincre , & que quand il les
anime parfaprefence , il leur
fait naifire autant d'intrépidité
que s'il n'y avoit perfonne
à combatre ; que cette
égalité d'ame toûjours infati-
' il
gable, toûjours paisible, rend
fon fecret impenetrable à ſes
Ennemis ; que fon loifir les
fait trembler ; que le divertiffement
de fa Cour qu '
mene vifiter fes Conquestes ,
alarme toute l'Europe ; &
que la deftruction de l'Heréfie
que fes Prédeceffeurs n'ont
pú defarmer, est un fruit de
fon repos ; que l'exemple de
GALANT. 135
ce Prince incomparable , qui
a élevé la Monarchie Françoiſe
au plus haut point de
gloire où elle pouvoit afpirer,
anime les Magistrats , & que
de mefme que ce Conquérant
Invincible n'a ce
ceffe de vaincre
fes Ennemis que pour ſe vaincre
luy - mefme , le luge ne
doit ceffer dejuger les autres,
que pour regler ſa propre
conduite , & juger de fes
actions . Tout le monde fortit
charmé , & on n'admira pas
moins la nobleffe & le brillant
des pentées , que la pureté
du ftile , & la force des
expreffions
.
136 MERCVRE
Les Medecins ont eu
fouvent part dans mes Nouvelles
, fans que je vous aye
encor rien dit de l'Ecole de
pro-
Medecine. Il s'y fait tous les
ans un Diſcours celebre, par
celuy qui doit régenter pendant
l'année . On le
nonce à l'ouverture des
Claffes , & c'eft M' Pilon
qui depuis un mois a fatisfait
à cette coûtume. L'Affemblée
eftoit des plus belles &
des plus nombreuſes , & il
s'acquit l'approbation de
tous ceux qui l'écouterent,
en parlant contre les NoGALANT.
137
divateurs
, & fur tout contre
ceux du temps , d'une manicre
fi fine & fi délicate,
que fon Difcours ne fut pas
moins eftimé pour fon éloquence
, que pour l'érudi
tion qu'on y remarqua.
Nous avons appris par
verfes Lettres de Conftantinople
, la maniere agreable
dont M'de Guillerague Ambaffadeur
de France , a esté
reçeu, & la confidération où
il eft aupres de tous les
grands Seigneurs de laPorte,
& de tous les Ambaſſadeurs
& Réfidens des Cours Etran
Decembre 1680. M
138 MERCVRE
geres. Il s'eft fur tout fi bien
attiré l'eftime du Grand-
Vizir , que non feulement
il a eu de luy une Audience
particuliere
prefque en mefme
temps qu'il l'a demandée
, mais mefme fur le Sopha
, ce qui eft d'un bon
augure pour l'Audience
publique
; car du Miniſtere de
ce Vizir aucun Ambaffadeur
n'avoit eu ce Privilege
,
& il eft d'autant
plus glorieux
pour M' de Guillerague
, que d'autres Ambaſſadeurs
ayant demandé Audience
depuis qu'elle luy ♣
GALANT. 139
efté donnée , ils ne l'ont eue
qu'au bas du Sopha. Vous
vous fouvenez , Madame, de
ce que je vous ay dit dans
quelque autre Lettre , que le
Sopha eft une Eftrade couverte
d'un Tapis & de Carreaux,
fur laquelle les Turcs
1 ont accoûtumé de recevoir
leurs vifites . Ce Miniftre de
la Porte trouva tant de belles
qualitez en M' de Guillerague
, & tout ce qu'il luy fit
dire par fon Interprete fr
jufte, qu'apres l'avoir retenu
avec luy le plus longtemps
qu'il luy fut poffible , & luy
F
Mij
140 MERCVRE
a
avoir fait préfenter du Café
& du Sorbet , il dit à un
Bacha de fes Courtifans, lors
qu'il fortoit , c'est dommage
que cet Homme ne fuit Mufulman.
Cet Ambaffadeur
dont le mérite , le zele , &
l'efprit vous font connus
fait de grandes Réjoüiſſances
, dans fon Palais, pour le
Mariage de Monfeigneur le
Dauphin . Auffi - toft qu'il
eut reçeu la Lettre du Roy,
& les Complimens des autres
Ambaffadeurs & Réfidens
qui en avoient auſſi eu
avis, il réfolut de choisir un
GALANT. 141
fut
jour pour en remercier Dieu
publiquement , & montrer
à tous les Miniftres des Princes
de la Chreftienté
, la joye
qu'il avoit d'une fi heureuſe
nouvelle. Le jour de S.Loüis,
Patron du Roy & de Monfeigneur
le Dauphin ,
celuy qu'il deftina , comme
le plus proche à celebrer
cette Fefte ; & parce que
l'Ambaſſadeur
d'Angleterre
eft d'une Religion
contraire à la noftre , il ſe
contenta de le traiter en
particulier avec toute fa
Maifon. Le jour choify ef
142 MERCVRE
tant arrivé , M Gafparini,
Vicaire Apoftolique pour le
S. Siege à Conftantinople,
vint fur les neuf heures du
matin au Palais de France,
avec tous les Religieux de
tous les Ordres , & de toutes
les Nations. L'Ambaffadeur
de Venife , & le Réfident de
Pologne, s'y cftant trouvez
prefque en mefme temps,
le premier alla prendre Madame
l'Ambaſſadrice dans
fa Chambre ; & le fecond,
Mademoiſelle de Guillerague
, qui eft une fort belle
Perfonne , & qui a infini
t
GALANT. 143
ment de l'efprit. Tous s'eltant
rendus dans la Chapelle
Royale du Palais , tenuë
par les Peres Capucins,
M' Gafparini y Officia en
Habits Pontificaux . Il y eut
Sermon apres l'Evangile
par un Capucin qui s'en
acquita avec beaucoup de
fuccés , & la Meſſe eſtant
finie la Mufique chanta le
Te Deum & l'Exaudiat. Au
fortir de la Chapelle, on entra
dans une grande Salle,
où diverfes Tables avoient
efté préparées avec plus de
cent Couverts . Les Reli
144 MERCVRE
gieux s'en retournerent chacun
dans leur Convent , où
ils trouverent
des marques
de la libéralité de M' l'Ambaffadeur
, qui voulant rendre
la Réjouiffance publique
, avoit donné ordre
qu'on leur portaft de quoy
les traiter fplendidement.
M³ Gaſparini demeura à dîner
au Palais, avec l'Ambaffadeur
de Venife , le Réfident
de Pologne , tous les
Gentilshommes François &
Venitiens , & tous les Marchands
de la Nation Francoife
qui font en ce Païs-là.
Le
GALANT. 145
Le Régal fut magnifique, &
M' de Guillerague n'oublia
rien de ce qui pouvoit con
tribuer à faire paroiftre la
grandeur de noftre augufte
Monarque. On y but à la
Santé du Roy , de la Reyne,
de Monfeigneur le Dauphin,
& de Madame la Dauphine,
avec l'aplaudiffement
non feulement des François ,
mais auffi de tous les Etrangers
, qui dans cette occafion
, firent connoiftre à
Fenvy le profond refpect , &
la venération particuliere
qu'on a pour Sa Majefté
Decembre 1580. N
146 MERCVRE
chez toutes les Nations.
Toute la journée ſe paſſa en
Jeux & en Divertiſſemens,
qui eftant des chofes extraor
dinaires chez les Turcs , furprirent
le Grand- Vizir meſ
me , qui ne fçauroit s'empeſcher
de témoigner quelquefois
un peu de chagrin , de
voir une union fi étroite
entre tous les Miniftres de la
Chreftienté , & une admiration
fi univerſelle pour
le Roy , dont M' de Guillerague
luy a fçcu fi bien repréfenter
les grandes qualitez
& la puiffance , que lors
GALANT. 147
*
qu'il donne Audience à un
Miniftre Etranger, bien fouvent
avant que de luy parler
de fon Prince , il luy demande
des nouvelles de
l'Empereur des François.
C'eft un Titre qu'il donne
au Roy feul. Aufli montret-
il affez l'eftime qu'il a pour
Luy dans la Perfonne de fon
Ambaffadeur , qui n'a fou
fert aucune des Avanies,
auíquelles tous les autres
Ambaffadeurs & Réfidens
ont éfté expolez depuis fix
mois. En effet , M' de Guillerague
eft le feul qui ait l'a-
Nij
148 MERCVRE
vantage de s'en eſtre mis à
On le doit attricouvert.
buer à fa judicieuſe & ferme
conduite , qui a fait dire
fouvent au Grand- Vizir. Ce
nouvel Ambaſſadeur de France
a une Tefte de fer , & un
Coeur d'airain .
Je vous prie, Madame, de
faire voir la Fable qui fuit
aux belles Fieres de voſtre
Province , qui s'imaginent
pouvoir toûjours donner de
l'amour , fans aucun péril
d'en prendre. M' Chapuzeaux-
Baugé qui en eft l'Autheur,
en a tiréune Moralité
GALANT. 149
qui ne doit pas leur eftre
inutile .
2552255252 525$22
LE CHAT
ET LA SOURIS.
FABLE.
Ne jeune Souris , de cervelle
étourdie, UN
Malgré tous les confeils des plus
graves Souris,
Affectant d'eftrefort hardie,
Expofoit tous les jours fa vie,
Et regardoit les Chats avec unfier
mépris.
Sa Mere qui l'aimoit, luy reprochoit
Sans ceffe
N iij
150 MERCVRE
Safunefte temérité.
Ingrate, qui m'as tant couſté,
Meveux tu, difoit- elle, accabler
de trifteffe ,
Et récompenfer ma tendreffe
De ton infenfibilité?
Si tu tombes entre les pattes
De nos adverfaires les Chats,
La mort caufera mon trépas,
En vain , cruelle, tu te flates,
Il faut, il faut périr, helast
Point de grace chez eux , noftre
perte eft certaine.
D'abord qu'ils font maiſtres
de nous ....
On ne peut réſiſter au fort qui
nous entraîne .
Ah , je me moque des Matous,
Répondit lajeune Eventée;
J'effuyray leurs plus rudes
coups,
GALANT. 151
Sans qu'on m'en voye épouvantée
.
Un coeur lâche tremble d'abord,
La moindre chofe l'intimide ,
Mais un coeur genéreux voit
approcher la mort
Avec un courage intrépide.
Le mien eft de ce nombre, & les
plus grands dangers
Sont pour luy des travaux
legers ;
Avec ce digne coeur je fuis feûre
de vaincre
L'Ennemy le plus fier
ayons jamais,
que nous
Et je vay
de ce
pas, ma Mere,
vous convaincre
Queje dis moins encor que je
ne fais.
La Mere toute en pleurs s'efforce
vainement
152 MERCVRE
D'arrefter lajeune Infenfée,
Quifans autre raisonnement
Part furl'heure tefte baiffée,
Et gagne le bord defon trou.
Or en ce mefme temps unjeune &
frais Matou
Ayant tout entendu , dit tout- bas en
Tuy -mefme ,
Nous verrons qui fera vainqueur,
Jefuis fubtil , & j'ay du coeur,
Et de plus ma faim eſt extréme;
Cependant joüons au plus
feûr,
Et fervons - nous de ſtratagéme
.
Ilfe couche contre le mur,
Fait le mert, fansfoufler, ne branle
pied, ny patte.
L'action eftoit fcélerate,
GALANT. 153
Mais de tout temps entre Ennemy
L'artifice s'eft veu permis.
La Souris fort; d'abord elle est toute
Surprise,
En voyant ce terrible objet.
Elle rentre, en difant, c'en eft fait,
jefuis prife,
Sije veux fuivre mon projet,
Et fans doute ma deftinée
Par ce Chat fera terminée :
Mais on fe moquera de moy,
Sije me fauve en ma tanniere.
La voila, dira-t- on, cette Souris
fi fiere ,
La moindre viſion la met en
defarroy.
Reviens, mon fuperbe courage
,
Pourrois-tu fuporter ces reproches
honteux?
Non, mon coeur dont la gloire
attire tous les voeux, "
154 MERCVRE
Eft encor en état de mépriſer
l'orage.
eau ,
s'avance à
Elle fort de nouveau
petit pas,
Approche en frémisant noftre Chat
imm bile,
Et mon drôle ne branle pas.
Sans doute il a reçeu , dit-elle,
le trépas,
Exerçons fur luy noftre bile.
Elle jouë autour de fon corps ,
Et retourne en chantant victoire,
Appelle fes Parens pour partager
fa gloire,
Et leur dit que par fes efforts
Le Chat eft au nombre des Morts.
Tout le Peuple Souris accourt à ce
miracle,
Mais belas , l'étrangespectacle !
Noftre Chat reffufcite, & prenant
la Souris,
GALANT. 155
De fon ventre il en fait fa vive
Sepulture,
Et donne la terreur à ce Peuple
Surpris.
Que dites- vous de l'avanture?
Qu'en pensez - vous , trop fiere
Iris?
C'eft voftre histoire toutepure.
En vain vous méprifez l'Amour,
Toft ou tard il aurafon tour.
Vous fçavez les
avantages
qu'ont reçeu les Suedois de
la protection de Sa Majeſté.
Leur jeune Roy dont l'efprit
eft penétrant , & la fermeté
inébranlable , a toûjours
marqué une entiere confiance
en la parole de ce
156 MERCVRE
grand Monarque , & les
effets ont fait voir qu'il s'y
affuroit avec raiſon , ce
Prince ayant renoncé à une
partie de fes plus confidérables
Conqueftes , pour
faire reftituer à la Suede les
Places que le malheur de la
Guerre, & un nombre infiny
d'Ennemis liguez contre elle
luy avoient fait perdre. Elle
en a fait voir fa reconnoiffance
la
Médaille
que
par
je vous envoye. D'un cofté
eft un Globe traversé d'une
Bande fur laquelle eſt écrit
Suecia , & audeffus un Coq
GALANT. 157
vec ces mots , Sub umbra
larum. Dans le Revers, on
roit une Gerbe , qui repréente
les Armes de la Famille
Royale de Suede , & à coſté
font les Illes avec ces paroles,
Gallus Protector.
Monfieur l'Electeur de
Brandebourg a fait au Roy
préfent d'un Miroir eftimé
cent mille francs, quoy qu'il
n'y ait ny or ny argent à la
Bordure , & que la Glace
n'ait rien qui difére de celle
des autres Miroirs . Il eſt
vray que cette Bordure eft
faite de morceaux d'Ambre
158 MERCVRE
d'une grandeur extraordi.
naire ; & comme jamais on
n'en a vû de femblables , on
peut dire que c'eſt un Préfent
qui n'a point de prix .
Le plaifir que vous a donné
la Defcription de la Galerie
de S. Cloud , peinte par Με
M gnard , me fait juger que
c'eftvous donner une agreable
nouvelle , que de vous
apprendre qu'il a enfin achevé
de peindre le magnifique
Sallon qui fait une des beautez
de ce mefine Lieu . Il avoit
pis pour fujet les Amours
d . Mars, & de Vénus,
GALANT. 159
Quand j'auray vû ce fuperbe
Ouvrage , j'entreray
dans le détail de ce qu'il
contient.
Le Roy a nommé deux
Confeillers d'Etat , pour remplir
les deux Places qui vaquoient
dans fon Confeil, &
ces deux Places vont eftre
occupées par M' de la Reynie
, & M Roulié. Ce premier
eft Maistre des Re
queftes , & Lieutenant de
Police . Il me fuffit de l'avoir
nommé pour vous le faire
connoiftre . C'eſt un Magiftrat
infatigable , & d'une
160 MERCVRE
probité exemplaire, reconnu
pour un des plus fidelles , des
plus zélez , & des plus intelligens
Serviteurs du Roy, &
qui outre les devoirs de fes
deux Charges , dont il s'acquite
avec grand honneur,
ne laiffe de fervir encor
pas
Sa Majesté dans des Com .
miffions auffi pénibles qu'-
importantes , & qui demandent
un Juge éclairé, & d'un
efprit penétrant. Je ne vous
dis rien de M' Roulié. Vous
vous fouvenez de ce que je
vous en ay dit en beaucoup
d'occafions. Il faut avoir un
GALANT. 161
fort grand mérite, pour eftre
eftimé autant qu'il l'eft de
tous ceux qui le connoiffent.
Les deux Places de Confeillers
d'Etat qui viennent
d'eftre remplies , ont fait
monter M de Breteüil , &
de Pomercu, qui font devenus
Ordinaires du Confeil.
M' de Breteuil a efté Intendant
de la Genéralité de Paris
, & Controlleur General
des Finances. On ne peut
fervir avec plus de zele , ny
de probité. Il eſt d'une
bonne & ancienne Maiſon ,
& a plufieurs Fils qui font
Decembre 1680. O
162 MERCVRE
dans l'Employ , tant fur les
Vaiffeaux & les Galeres, que
dans les Armées de Terre,
& à la Cour. Je vous ay parlé
en plufieurs rencontres des
actions étonnantes de M' le
Chevalier de Breteuil , & de
l'efprit de M de Breteüil,
Lecteur de Sa Majesté. Pour
M' de Pomereu, vous fçavez
dans quelle réputation l'a
mis fon mérite, & avec combien
de juftice on a admiré
les belles Harangues que fes
Emplois luy ont donné lieu
de faire .
M' le Marquis de la Porte
GALANT. 163.
&
12
1
de Vezius , tres- habile Homme
de Mer , & le mefme qui
a conduit Mª de Guillcrague
à Conftantinople
, a reçeu
commandement
du Roy,
d'armer pour mener l'Ambaffadeur
qui va Fiancer l'Infante
de Portugal , pour M
le Duc de Savoye . C'eſt un
Gentilhomme tres - eftimé,
& qui a fait quantité d'a
ctions fort genéreufes , dans
un grand nombre d'occafions
où il s'eft trouvé pour
le fervice du Roy. Il eſt d'une
Maifon tres - ancienne , &
meilleures din
e allié aux
Royaume.
164. MERCVRE
7
On a rendu les derniers
honneurs à feu M' l'Electeur
Palatin . La Cerémonie
s'en fit à Heidelberg
le Lundy 25. de Novembre.
Voicy dans quel ordre.
Sur les fix heures du foir,
Monfieur l'Electeur aujourd'huy
régnant , defcendit de
fon Chafteau, fuivy de toute
fa Cour , & à moitié du chemin
de la Montagne , tous
les Flambeaux furent allumez,
tandis que vingt - deux
Gentilshommes , qui devoient
porter le Corps , le
poferent fur le Chariot à
GALANT. 165
l'Hôtel des Commiffaires,
en forte que le Chariot fortit,
auffi - toft que Son Alteſſe
Electorale fut arrivée.
Plufieurs Gardes à cheval
commencerent cette Marche
, & précederent le Grand-
Bailly de Stromberg , Seigneur
d'Adelsheim , qui portoit
un Bafton noir, comme
Maréchal. Il eftoit fuivy de
vingt- deux Gentilshommes,
Vaffaux de S. A. E. deftinez
porter le Corps , marchant
deux à deux. On voyoit en
fuite fix Valets- de- Pied en
une ligne , avec des Flam166
MERCVRE
}
beaux de Cire blanche. M
Bernfteim , & M Betten.
dorff , Maréchal de Cour,
alloient derriere en qualité
de Maréchaux , & avec des
Baftons noirs.
A quelques pas de diftance
, paroiffoit le Chariot
de deüil. Il eftoit tiré par
huit Chevaux caparaçonnez
de noir, guidez avec des
Cordons de Crefpe noir par
huit Gentilhommes
, fçavoir,
M ' de Ruifch .
M' Quad de Landſcron.
M" de Romberg, Freres.
M' Perfuis de Lautdorff.
GALANT. 167
M' de Perlips.
M' de Bettendorff.
M' de Schmettau .
Sur ce Chariot eftoit pofé
le Corps de S. A. E. & au
deffus il y avoit un grand
Poël de Velours noir, garny
d'Hermines .
bouts en eftoient portez
par les quatre Chambellans
de Monfieur l'Electeur, qui
= font
Les quatre
M' le Baron de Polheim..
M' Carben de Carben.
M' Zillhard.
M' Crailsheim.
Au deffus du Corps on
168 MERCVRE
voyoit un Dais de Velours
noir , garny d'Hermines,
porté par
3
M
d'Adelsheim , Capitaine
de la Nobleffe ,
fen,
M ' le Colonel Wambolt,
M' le Colonel Haxthau-
M' de Wolffsheel,
M' de Wallbrun, Seigneur
de Portenheim ,
M' le Lieutenant Colonel
Rair,
M' de
Crouberg,
M' de Surcкeim .
Proche du Corps , eftoient
vingt- quatre tant Etudians
que
GALANT. 169
1
S
que Commis de la Chancellerie
de la Chambre
, portant
des Flambeaux de Cire blanche
, & aux deux coſtez quatorze
Valets - de - Picd , &
feize Gardes à cheval.
Apres le Chariot de deüil
fuivoit le Maréchal de la
Cour, précedant Son Alteffe
Electorale Palatine avec un
tres-long Manteau , dont M'
d'Adelsheim
fon Ecuyer portoit
la queue. De l'un &
l'autre cofté marchoient fix
Pages , avec des Flambeaux
de Cire blanche , fix Valetsde-
Pied , & douze Gardes à
Decembre 1680. Р
170 MERCVRE
cheval. Le Grand-Maitre
d'Hôtel de la Cour de S.A.E.
& plufieurs Comtes & Seigneurs
marchoient enfuite,
& apres eux , tous les Officiers
de la Cour , la Chancellerie
, l'Univerſité précedée
de fes Bedeaux , por
Stant deux Sceptres d'où pendoient
des Crefpes noirs, &
fuivie des Etudians en deüil,
les Miniftres & c. Les Officiers
du Bailliage, & les Députez
des Fortereffes de
Manheim , Franckenthal,&
des autres Places du Palatinat.
Le Magiftrat d'Hei
GALANT. 171
delberg alloit le dernier,
furvy de la Bourgeoifie , & la
Marche eftoit fermée par les
Dragons de la Garde.
Outre les Flambeaux dont
j'ay parlé , il en fut encor
diftribué plus de deux cens,
que les Valets de la Nobleffe
porterent des deux
coftez du Corps.
Depuis la Maiſon ou l'Ho
tel des Commiffaires , la
Garniſon eftoit rangée en
bataille avec une partie
de la Bourgeoifie , ayant
deurs Tambours couverts de
X
deüil.
Pij .
172 MERCVRE
Le Corps eftant arrivé à la
Porte de l'Eglife , les Gentilshommes
Vaffaux le tirerent
du Chariot, pour le porter
jufques aupres de la
Cave , où des Gens deſtinez
pour cet employ devoient le
defcendre. S. A. E. fuivit
ainfi que tout le Convoy, &
demeura dans l'Eglife pendant
que le Corps fut defcendu
. Si- toft que cette Cerémonie
fut achevée , la
Bourgeoifie & la Garniſon
firentune Salve, ſur un ſignal
qu'on donna , & Monfieur
Electeur retourna au ChâGALANT;
173
teau accompagné de toute
fa Cour, au bruit d'une fe
conde Salve du gros Canon .
Le lendemain 26. il y cut
des Oraifons Funebres dans
tout le Païs , & le 27. dans
l'Univerfité de Heidelberg
.
LaMédaille que j'adjoûte eft
le Portrait du Prince défunt.
Les Cavalcades de M' le
Prince Radzevill Ambaſſadeur
de Pologne , dont je vous
ay appris les circóftances depuis
quelques mois, ont eſté
bien. toft fuivies de fa mort.
On l'avoit veu tourmenté
d'un fort grand mal de poi-
Pu
174 MERCVRE
trine pendant plus d'un
mois avant fon départ de
Rome, & malgré les Medecins
il s'eftoit mis en che
min , dans la penſée que le
changement d'air pourroit
Juy aider à fe rétablir ; mais
peine fut- il arrivé à Bologne
, qu'il fentit de grands
redoublemens de fon mal,
accompagnez d'une fievre
violente qui l'emporta le 14.
de l'autre Mois. Ce qu'il y
a de fort remarquable, c'eft
que M' le Prince Radze
vill fon Pere eft mort dans la
mefme Ville , dans le mefme
GALANT: 175
Palais, dans la meſme Cham
bre, & au retour comme luy
d'une Ambaffade de Rome,
Je croy vous avoir déja marqué
que c'eftoit un Prince
orné de tres- belles qualitez,
qui parloit parfaitement plufieurs
Langues , & que dans
la Harangue qu'il fit au Pape
en plein Confiftoire, il avoit
fait connoistre qu'il poffedoit
la Latine dans toute fa
pureté. Il s'eftoit acquis
beaucoup de gloire dans les
Guerres de Pologne , où il
avoit toûjours recherché les
occafions les plus périlleuses,
Pij
176 MERCVRE
pour s'y faire diftinguer. Sa
magnificence répondoit à
fon courage, & foûtenoit dignement
l'avantage qu'il
tiroit de la qualité de Prince ,
& de celle de Beaufrere d'un
grand Roy.
M ' de Langlade eft mort,
aufli - bien que M' Tiraqueau
, Seigneur de Montigny,
Confeiller
en la Cour
des Aydes. Ce premier eftoit
autrefois
Secretaire du Cabinet.
M' Salmont, Secretaire du
Roy , & Garde des Rôles
des Offices de France , a
""
GALANT. 177 177
fuivy ceux que je viens de
vous nommer. C'eftoit un
Homme plus connu par fon
mérite' que par fes Charges.
Quantité de Curieux &
Beaux Efprits, s'affembloient
chez luy certains jours de la
Semaine. Ce commerce luy
avoit donné beaucoup d'Amis
. C'eft avec raifon qu'ils
le regretent, le Public faifant
toûjours une grande perte,
quand il perd ceux qui ne
cherchent qu'à luy eſtre
= utiles.
Je vous envoye une Fable,
où beaucoup de Belles trou178
MERCVRE
veront dépeint ce qui leur
eft arrivé. Le chagrin d'eftre
expofées à la médifance, leur
fait fouvent faire de grands
facrifices , & quelque innocent
que foit leurpanchant,
elles n'ofent plus le croire,
dés qu'il commence à faire
parler .
GALANT . 179
5252525252525225
LA LINOTE
ET LE MOINEAU.
D
FABLE.
Ans un Licu fombre &
folitaire,
Mouillé des eaux d'une grande
Riviere,
Et couvert de mille Arbriffeaux,
Loin de la foule des Oyfeaux,
Habite une Linote auffi belle que
fiere,
D'unplumage éclatant, d'une vertu
Levere,
Et quiportefi lain un mérite achevé,
Qu'entre tous les Oyfeaux de diférente
espece,
Bo MERCVRE
Il ne s'en trouve point d'un rang
fi relevé,
Qui puiffe juftement mériter fø
tendreffe.
Se
Mille Amans des Bois d'alentour,
Confiderez par leurplumage,
Tous de bonne Maifon , & d'illuftre
Lignage,
Pour elle ont quitté leurfejour,
Et font venus à tire - d'aile
Soupirer ardemment aux pieds de
cette Belle,
Etpar millefoins amoureux,
Offrir à fes appas un coeur tendre &
fidelle;
Mais elle a méprifé leurs voeux,
Et tous n'ont remporté chez eux
Qu'un grandfond de respect, &
d'eftime pour elle.
GALANT. 181
Sa
Admirez de l'Amour le pouvoir
Surprenant.
Un Moineau de peu d'apparence,
Mais d'un efprit entreprenant,
Ne craignitpointfa résistance.
Son coeur eftoit pour elle ardemment
prévenu,
Et l'on dit qu'il l'aima dés la premiere
veuë;
Il admiroitfon chant, fa douceur,
fa vertu,
Et fon aimable retenue.
Enfin fe fentant confumer
Par une langueur inconnuë,
Cet Oyfeau trop hardy, fansfonger
à l'iffuë,
Refolut de s'en faire aimer.
25
L'entreprife eftoit difficile;
Mille Rivaux devantfes yeux
182 MERCVRE
Etaloientfans espoir unefl'âme inutile;
Mais cet Efprit ambitieux,
Pour en venir à bout, fe crût affez
babile.
$2
Sans autre guide que l'Amour,
Dont il fentoit la force inévitable,
Le Moineau fe rendit au Réduit
agreable
Où noftre Belle a choifyfonfejour.
Làfe glisant aufond de fa demeure
obfcure,
Ileft reçeufans eftre rebuté,
Ilfait defon amour unc vivepeinture,
Et fon ramage est écouté.
25
Apres cette heureufe vifite,
S'applaudiffant defa conduite,
Etflatantfon coeur amoureux,
GALANT. 183
Il ne crût pas fort impoffible
De luyfaire agréerfes feux,
Et de la rendre unjour fenfible.
Enfin fans s'arrefter au détail ennuycux
Des divers progrés defa fl'âme,
Suffit, qu'il fçeut fi bien conduire
cette trame,
Que le fuccés enfutheureux.
25
Ilfitparoiftre aux yeux de fa Maitreffe
Tantde respect, tant defoûmiſſion,
Etfit voir avec tant d'adreſſe
La grandeur defa paffion,
Qu'elle laiffa toucherfon coeur à la
tendreffe.
Elle enfouffrit d'abord quelque confufions
Mais enfin luy rendant carreff pour
carreffe,
184 MERCVRE
Apres millepetits difcours ,
Qui marquoient de leurs coeurs la
parfaite allégreffe,
Ils convinrent tous deux qu'ils s'aimeroient
toûjours.
S&
Ils jouirentlongtemps fans peine
De toutes les douceurs d'une agreable
chaîne:
L'impatient Moineau ne pouvant
foutenir
L'abfence de celle qu'il aime,
Recherchoit en tous lieux avec un
Soin extréme
Le plaifir de la voir & de l'entretenir.
Le Publicfe mefla bientoft de leurs
affaires,
Ils leiffoient éclater un commerce.
fi doux,
Etn'enfaifoientplus de miftere;
GALANT 18
Tart-pis ( cela foit dit feulement
entre nous. ) dal outfi
En effet, le Moineau qui n'avoit
d'ordinaire
Que desplaifirs délicieux,
Eut bientoft fur les bras , par un
deftin contraire,
Des Faloux& des Envieux.
Sz
Leur amourfutconnu,plufieurs s'en
étonnerent,
Tous lesRivaux en murmurerent,
Onfitmille difcours en l'air.
Chaque Oyfeau fuivoit fon géniez
L'un par dépit, l'autre parjalousie,
Tout le monde en voulut parler..
25
Entr'autres certaine Fauvete,
Faloufe du bonheur de noſtre heurcus
Amant,
Anima fa langue indiſcrete
Decembre 1680.
>
186 MERCVRE
Pour troubler lesplaifirs qu'il go
toit en aimant;
Et cette infolente Gazete
Ofa taxer impudemment.
La Linote d'eftre Coqucte.
Quandcette Belle apprit les difcours
odieux
Que l'on répandoit en tous lieux ,
Comme un Oyfeau, diſcrete &
Sage,
L'ame touchée, & le coeur abattu,
Elle fe plaignit de l'outrage..
N'auray -je point le droit que
tant d'autres ont eu,
Difoit- elle , de voir un Oyfeau
plein d'adreffe ,
Un honnefte Moineau , qui fe
fait eftimer
Par fon efprit, par fa tëdreffe,
Dont le ramage doux , & la délicateffe,
GALANT. 187
Peut réjouir, & nous charmer?
Quand un tel Oyfeau nous
carreffe,
Est- ce un grand crime de
l'aimer
L'amour est- il incompatible
Avec les defirs genéreux,
Et croit - on qu'il foit impoffible
.....
D'accorder le coeur tendre avec:
le vertueux ?
$ 2
Buis reprenant fon humeurfiere..
Si l'on condamne mes foûpirs,
Ne fongeons plus, dit- elle , aux
amoureux plaiſirs,
Et reprenons ma conduite premiere
..
A de fauffes douceurs c'eſt trop
de temps perdu,
Qi
188 MERCVRE
Il faut faire un effort digne de
l'entreprendre,
Sacrifions à la Vertu
Ce que mon coeur a de plus
tendre .
25
Et vous, dit-elle, en parlant au
Moineau,
Si vous m'aimez, charmant
Oyfeau,
Etouffez, s'il fe peut, pour jamais
voſtre flâme, ear
Laiffez-moy dans ces Lieux
réclus
Achever une vie innocente &
fans blâme;
Adieu , retirez-vous , & ne me
voyez plus.
se
En difcoursfircmply de froideur
& de glace,
GALANT * 189
Surprend ce pauvre Infortuné,
De mille paffionsfon ame s'embarraffe,
Ilne peut concevoir
cet ordre inopiné;
Mais enfin rappellant fon efprit
étonné,
Ilgémit, il fe defefpere,
Il nomme fa Maîtreffe inconftante
& légere,
Et tombant à fes pieds, d'un air *
paffionné,
Ilfe plaint doucement defa rigueur
extréme.
Vous me quittez , dit- il, & je
vous aime .
Pouvez vous m'ordonner de
m'éloigner de vous,
Moy, qui de vous aimer me fais
un bien fi doux?
Quelle humeur ! quelle fantaifie
!
190 MERCVRE
Où font ces doux tranſports
dontj'eftois fi charme?
Ah ! ce n'eftoit qu'hypocrifie,
Et le pauvre Moineau ne fut
jamais aimé..
Quoy donc, dans le fond de
voftre ame,
N'est- il point de retour favo
rable à ma flâme,
Qui puiffe révoquer cet Arreft
inhumain ?
Helas! vous vous raiſez , Ingrate,
Et mes larmes coulent en
vain .
C'en eft fait, mon malheur par
ce filence éclate ,
Il n'eft point de remede à mes
vives douleurs ,
Vous voulez m'oublier, je vous
aime, & je meurs .
GALANT. 191
$ 2
On dit qu'à ce difcours elle fut attendrie,
Et que defon Amant elle eut quelque:
-pitié.
Cependant le Moineau public,
Qu'apres centfermens elle oublie
Ce qu'elle doit à fa tendre amitié..
Il s'enplaint,foûpire, & proteſte,
Due malgré ce revers funefte,
Que luy caufent defots difcours,.
Ilaime la Linote, & l'aimera toûjours.
Le Roy a nommé M
d'Oppede , Préfident à Mor
tier au Parlement de Pro
vence , Ambaffadeur ordi .
naire en Portugal. Il a efté
Intendant à Meffine. Il eft
192 MERCVRE
લી
bien fait de fa perfonne. Il a
la phifionomic belle & heureufe.
Il eft civil & honneſte.
Ila beaucoup d'intelligence
dans les Affaires, &
fon efprit répond à toutes les
grandes qualitez qu'on remarque
tous les jours en luy
Il eft de la Maifon de Fourbin.
Feu M d'Oppede fon
Pere avoit efté Intendant de
la Province, puis Préfident à
Mortier , & enfuite Premier.
Préfident dans le mefme
Parlement de Provence . Il
eft à remarquer qu'il eftoit
le cinquiéme Baron d'Op
pede
GALANT. 193
pede de la meſme Maiſon,
qu'on avoit và à la tefte de
cet illuftre Corps. Cette
Place eft préfentement remphie
par M Marin, fon Beau
Frere.bendung
Le Roy dont la vigilance
eft continuelle ppour
le bien
de fes Sujets
, ne s'eft pas contenté
du nouveau
Code
qu'il
a fait faire
il y a déja quel
ques
années
. Il a toûjours
travaillé
depuis
ce temps
-là
cà rendre
l'Etude
du Droit
plus
floriffante
, & dans
ce
deffein
, il vient
encor
de
nommer
douze
Docteurs
Decembre
1680.
a
R
194 MERCVRE
agrégez a la Faculté de Paris
Cest Docteurs font M ,
4
Boccager, Paucy, du Gono,
Bazziere , Piolin , du Ru , le
Gendre , Mongin , Bona
mours , Coleſſon , Girard, &
Amyot . Ils prefterent le Ser
ment le vingt huitiéme du
paffé, entre les mains de M"
Boucherat , & de Bezons,
Confeillers d'Etat, Commiffaires
députez par Sa Majefté
, & le lendemain 29 .
M' de Meslles , Syndic & cydevant
Doyen de Charge
de la Faculté du Droit
Civil & Canon de Paris,
GALANT. 195
fit un Difcours public aux
anciennes Ecoles, où il mon
tra, en faisant l'Eloge de M le Chancelier , que de M
le Roy
ne s'eftoit pas moins diftin
gué des autres Princes de
L'Europe par fa prudence , &
par fa juftice , qu'il a fait par
la valeur, par fes victoires, &
par fa clemence, M Pelle
1 dier, Confeiller d'Etat, eftoit
à la tefte de la Faculté , avec
Mr Boucherat, & de Bezons .
- Quoy que l'Aſſemblée fuft
nombreuſe ,elle n'eftoit compofée
que de Perſonnes de
choix , foit pour le rang , ſoit
pour le mérite.
}
196 MERCVRE
Quoy qu'il y ait de la baf
feffe à tromper, il eft des occafions
ou de fort honneftes
Geus ne s'en font aucun
fcrupule. Voyez, Madame,ſi
vous pourrez eftre contre le
Trompeur dans l'Avanture
qu'on m'a appriſe depuis
,
quelques jours. Une Dame
des plus coquetes qu'il y eur
jamais os eftoit tellement
accoûtumée à voir le mon
de , que la moindre folitude
luy paroiffoit le plus grand
de tous les maux . Il falloit
qu'elle vifitaft , ou qu'elle
fult vifitée , & de quelque
GALANT. 197
bouche que puffent fortir
les douceurs qu'on luy difoit
, c'eftoient toujours des
douceurs , & il fuffifoit qu'-
elle y trouvaft de la flaterie ,
pour les écouter avec plaifir.
Comme elle avoit beaucoup
plus de Bien que fon Mary,
& qu'elle eftoit mefme de
plus de naiffance , elle prétendit
avoir droit de dominer.
Il eut beau vouloir régler
fa conduite. Elle ſuivit
fon panchant, & fes remontrances
furent inutiles . Sa
coqueterie augmentant de
jour en jour, & attirant fou
1
R. ij
198 MERCVRE
vent au Mary de fâcheufes
railleries, il en mourut enfin
de chagrin , mais par malheur
pour la Dame, il ne s'avifa
de cette folie que quand
elle cut cinquante ans . Cet
âge , que des ſecours mandiez
avoient peine à déguifer
, la rendoit mal- propre
à faire encor des conqueftes
.
D'ailleurs fes plus grands
charmes n'ayantjamais.confifté
qu'en agrémens de jeuneffe,
il ne luy reftoit du premier
brillant qu'elle avoit
eu , qu'un ridicule enjouement
qui s'accordoit mal
GALANT 199
avec ſes années . Ainfi quoy
que le Veuvage la mift dans
indépendance , elle euft
mal paffé fon temps , fans
une Fille dont les belles qua
litez commençoient à faire
bruit. Elle n'avoit encor que
12. ans, mais fon efprit eftoit
déja fi formé, & un fi grand
éclat de beauté foûterroit cet
avantage , qu'elle s'attira
bientoft une groffe Cour,
Vous pouvez croire que de
l'humeur dont eftoit la Mere
, elle ne ferma la porte
perfonne . Elle voyoit avec
joye la foule d'Amans sac
à
Ruij
200 MERCVRE
croiftre , & dans ce grand
nombre , les mieux reçcus
eftoient ceux qui luy procuroient
plus de plaifirs. Cependant
la Belle , à qui l'a-
1
mour eftoit encor inconnu ,
eut beau avancer en âge.
Chaque
Prétendant avoir fa
tache dés qu'il
s'expliquoits
fur le Sacrement . L'un n'el
toit pas d'une qualité affez
diftinguée . L'autre n'avoit
qu'un bien médiocre. Ce
luy- cy
faifoit une trop gran.
de dépenfe. Celuy- làparoif,
trop refervé. Enfin au. foit
cun d'eux n'eftoit bon pour
GALANT 201
un Mary ; & dans les divers
defauts que leur imputoit
la Mere, tous demandoient, "
& perfonne n'obtenoit. La
Belle
qui avoit infenfible-L
ment attrapé vingt ans, fans
qu'elle euft ceffé d'eftre indiférente
, s'eftoit jufque là
affez bien accommodée de
cette conduite ; mais enfin
un Cavalier auffi bien fait
que fpirituel , s'eſtant attaché
à luy rendre quelques
foins , trouva le fecret de tou
che coeur
. Il eftoit
ri
che, d'une des meilleures.
Maifons de Poitou , & avoit
202 MERCVRE
des
manieres fi
engageantes
, qu'il eftoit impoffible
de le voir fans l'eftimer .
Comme il propofa d'abord
beaucoup
de Parties d'Opéra,
de Comédie , & de Promenades
, il fut tout à fait
au gré de la Mere ; mais
quand fesprétentions
furent
découvertes
, il n'eut plus
pour elle le mefme agrẻ-
ment. Elle le tintlongtemps
en balance , d'autant plus
chagrine de fa déclaration
,
que le Party cftant fort
avantageux
, elle ne fçavoit
fur quelle raiſon fonder fes
GALANT 203
refus . Elle en trouva pourtant
une , en luy oppofant
qu'il demeuroit
en Provin
ce, & qu'aimant la Fille avec
la plus forte paffion, elle ne
pouvoit fe refoudre ny à la
perdre, ny à la fuivre en un
Lieu dont le fejour luy ſeroit
infuportable
apres celuy
de Paris. Le Cavalier of
frit auffitoft de prendre une
Charge en Cour , & ne demada
à fe marier que quand
il feroit reçeu . Elle traita l'ofre
d'artifice , & dit qu'une
Charge qu'il pouvoit ne gar
der que quelques
mois , ne
204 MERCVRE
A
སཙྩཾ
luy répondoit de rien. La
Belle qui aimoit le Cavalier,
commença d'ouvrir les yeux
fur la politique de fa Mere.
Elle connut aifément qu'
ayant gardé l'amour des
plaiſirs malgré les vieilles
années, elle ne trouvoit des
raifons d'exclufion fur tous.
les Partys qui fe préfenient
pour elle , qu'afin que
diférant à la marier, elle puft
jouir par refléxion des complaifances
de fes Amans , &
paffer toûjours d'agreables
heures. Le Cavalier à qui
elle ouvrit fon coeur fur les
GALANT 205
refus de fa Mere , compric
ainsi qu'elle ce qui l'obligeoit
à cette conduite. Son
enteftement
pour toutes les
Modes, fa façon de s'habiller
, & mille affectations,
pardonnables feulement aux
jeunes Perfonnes , luy faifoient
trop voir que le long
temps qu'elle avoit vefcu,
n'avoit encor pû luy meurir
l'efprit. Il ne fçavoit quel re,
mede apporter à fon mal.
heur , & il euft efté peuteftre
contraint
d'abandonner
la partie , fans un Marquis
de fa connoiffance
, qui
206 MERCVRE
ayant appris ſon embarras,
entreprit de l'en tirer. Il ef
toit jeune , avoit l'efprit vif,
les manieres fines , & fur le
portrait que le Cavalier luy
fit de la Dame , il ne douta
point qu'il ne vinſt à bout
de la duper. Il prit fes me
fures avec fon Amy, & apres
qu'il eut efté réfolu qu'ils
feindroient
de ne fe point
connoiftre
l'un l'autre ,
que la Belle ne s'étonneroit
point de le voir agir contre
elle un peu cavalierement,
il rendit vifite , & n'eut pas
de peine à en trouver le pré
&
GALANT. 207
P
texte. Quoy que la Belle luy
paruft toute charmante , il
n'eut pour elle qu'une honnefteté
pleine de froideur,
& s'attacha aupres de la Dame,
dont à tous momens il
louoit l'efprit , & ces agreables
je ne fçay - quoy qui
touchent plus que la beauté
mefme. Il la vit cinq ou fix
fois de la mefme forte , &
toûjours avec un attachement
particulier. La Dame
charmée ne pouvoit affez
s'applaudir de fon bonheur.
La gloire de faire encor à
fon âge une conqueſte im208
MERCVRE
portante , luy paroiſſoit un
triomphe refervé à elle feule,
& dans la crainte de le laif
fer échaper , c'eftoient tous
les jours de nouveaux foins
*pour se fe rendre aimable aux
yeux du Marquis. Heutpour
elle pendant tout un mois des
coplaifances &des affiduitez
extraordinaires
, fans qu'on
puſt croire qu'il fongeaſt à
autre chofe qu'à s'en faire
aimer. Chacun en parloit
avecfurpriſe , & le commerce
augmentant toûjours, il
fe faifoit un plaifir de la fotife
de ceux qui donnoient
ر ه
GALANT 209
A
dans le panneau . Le temps.
Fayant fait entrer dans la
confidence de la Dame , il
luy dit un jour fur l'article:
de fa Fille que tout Homme
qui avoit des yeux devoit
convenir de fa beauté , mais
qu'il luy trouvoit une fierté
ridicule, un efprit fans regle,
& fi peu de pratique du
beau monde, que cherchant
moins le brillant que le fo
ide , il préfereroit toûjours
une Femme de quarante ans.
une Perfonne auffi jeune:
qu'elle. Là- deffus il luy jura
qu'il ne pouvoit croire
Decembre16.80
-*
St
210 MERCVRE
qu'elle en euft plus de
trente - cinq , &paffaiſonna
cette douceur de regards
fi languiffans , & de proteſtations
fi tendres , que
Dame demeura perfuadée
qu'on ne pouvoit eftre plus
amoureux qu'il eftoit l
pourfuivit quelques joursfur
ce mefme ton, & pour venir
à fes fins avec moins d'ob
ftacle , il feignit d'avoir quel
que démellé avec la Belle, &
Caffecta mefme de l'aigreur
en luy parlant. La Dame ſe
rangea de fon party contre
fa Fille , & les chofes eftant
GALANT 211
difpofées de cette forte , le
Marquis qui luy avoit deja
dit plus d'une fois que cette
aimable Perſonne luy eftoit
infuportable , la conjura d'a ,
gréer une Partie de plaifir
fans ce Témoin importun
qui en cult troublé toute la
douceur. La vieille Coquete
y confentie avec joye , &
montant feule en Carroffe
avecfon prétendu Amant,&
June Suivante , ils allerent à
- une lieue de Paris , où un
Repas tres propre eftoit préparé.
CegalantRégal acheva
deluy renverser l'efprit . Faire
Si
212 MERCVRE
dépenfe pour elle, c'eftoit té
moigner une forte paffion..
Apres s'eftre diverty quel
que temps de fa folie , le
Marquis changea d'humeur,
& fit paroiftre un chagrin
dont elle voulut qu'il luy découvrift
la cauſe. Alors prenant
un viſage ſérieux , il luy
dit qu'il n'avoit pû la voir fi
longtemps fans eftre charmé
de fon mérite , & qu'il préfu
moit affez des obligeantes
marques d'estime qu'elle luy
avoit tant de fois données,
pour croire qu'elle pourron
fe réfoudre
à l'époufer
, mais
"
GALANT. 213
que malheureuſement ayant
autant d'averfion pour fa
Fille , qu'il fentoit d'amour
pour elle , il voyoit bien qu'il
devoit renoncer à fon bon
heur , puis qu'aimer la Mere
avec paffion , & ne pouvoirvoir
la Fille fans fe faire une
violence inconcevable , c'ef
toient deux choſes qui n'au
soient jamais rien de compa
ible. Ea difficulté qui ar
reftoit le Marquis eftantfacile
à lever, vous devinez ai
fément la réponſe de la Da
me: Sa Fille avoit des Amans,,
& pour l'ofter d'aupres d'elle
214 MERCVRE
il ne falloit que la marier.
Ce fut peu pour le Marquis.
Il prétendit qu'eftant ma
riée , elle verroit tous les
jours fa Mere , qu'il feroit
blamé s'il l'empéchoir, &
que ne pouvant vaincreſon
antipatie , il auroit toûjours
à foufrir également. Le Ca
valier de Poitou fut auffitoft
propofé. Il devoit mener la
Belle en Province , & le Ma
riage fait, elle partoit de Paris.
C'eftoit où le Marquis atten
doit la Dame. Il luy dit tout
ce qu'un fincere amour peut
infpirer d'obligeant , & fei
GALANT. 215:

gnant qu'il trouvoit de l'in
juftice a la priver d'une Fille
qu'elle aimoit , pour conten
ter ſa bizarerie , il la pria de
luy accorder
trois ou quatre
mois , pendant lefquels il
feroit tous les efforts pour
furmonter
fon averfion
, &
mériter mieux l'extraordi
naire marque de tendreffe
quielle vouloit luy donner,
La Dame flatée du rang de
Marquife , & de la gloire
d'avoir un Mary tout plein
de mérite , proteſta
que ce
facrifice eftoit le moindre
qu'ellefuft prefte à luy faire,
216 MER CVRE
que s'il en fçavoit de plus
importans , il n'avoit qu'à
s'expliquer , & pour luy faire
connoistre qu'il difpoferoit
toûjours abfolument de tou
tes les chofes qui dépen
droient d'elle , elle voulut
qu'il réglaft les avantages
qu'elle devoit faire à la Fille,
eftant bien aife de ne luy
donner en la mariant qu'au
tant qu'il fouhaiteroit, afin
qu'il joüift du nefte. Le Mar
quis luy répondit, que dans
T'amour qu'il avoit pour elle,
il ne regardoit que fa per
donne, & qu'ayant affez de
Bien
GALANT. 217
la
Bien par luy- mefme pour
faire vivre avec éclat , il luy
feroit obligé fi elle faifoit les
conditions de ſa Fille tresavantageuſes
, afin qu'on ne
eluypuft imputer d'avoir affoibly
fon Mariage par des
veuës intereffées. Il ajoûta
i qu'il voyoit grand monde,
qu'ildonnoit fouvent à mangerà
fes Amis, & que fi cette
dépenfe ne luy plaifoit pas,
il renonceroit à tout pour fe
conformer à ſes volontez.
C'eftoit flater agreablement
la Dame, & du caractere
dont elle eftoit, vous jugez
A Decembre 1680. T
218 MERCVRE
bien qu'elle n'avoit garde
de foufrir aucune reforme
fur cet Article . Dés le foir
mefme elle déclara à fa Fille
ce qu'elle avoit réfolu . Le
Contract fut figné le lendemain
, avec des claufes dont
on eut tout lieu d'eftre fatisfait
, & trois jours apres le
Mariage fe fit. Le Marquis
fut de la Nôce , & fit valoir
la Dame les honneftetez
qu'il eut pour la Mariée. Les
Parties eftant d'intelligence
avec le Marquis, & d'accord
entr'elles fur les fentimens
du coeur, il ne faut pas s'étonGALANT.
219
15
le
nerfi la chofe alla fi vifte.
LeCavalier ayant dit d'abord
que d'importantes affaires
rappelloient en Province,
il eft aile de s'imaginer qu'il
n'eut pas de peine à obtenir
permiffion de partir. Il fei
gnit de vouloir faire le voya
ge feul , afin d'épargner à la
Mere & a la Fille le déplaifir
de fe féparer fi toft , mais on
trouva jufte que fa Femmele
faivift . Ils partirent donc, &
ce jour- là mefme la Dame
attendit fon cher Marquis,
avecles empreffemens d'impatience
que donne l'amour
Tij
220 MERCVRE
aux coeurs furannez . Sa com
plaifance eftant épuifée par
le fervice qu'il avoit rendu à
fon Amy , il ne parut point,
& elle envoya fix fois chez
luy, fans qu'on luy puſt dire
ce qu'il eftoit devenu . L'inquiétude
la prit , & la plus
vive douleurfut jointe à l'in
quiétude quand elle paffa
les deux jours fuivans fans
qu'elle en reçeuſt aucune
nouvelle. Elle monta en Car.
roffe , l'alla chercher ellemefme
en diférens lieux , &
revint défefperée de cette
mar u doubly. Tous les
GALANT. 221
Amans de fa Fille ayant de
ferté par fon Mariage , elle
ne voyoit perfonne , & fe repentoit
trop tard d'avoir confenty
à l'exiler. Enfin le Marquis
voulant s'affranchir de
fes trop fréquens meffages,
fongea au dénouement de la
Piece , & le fit par un Billet
dont la raillerie mit le coble
à ſes chagrins . Ce Billet por
toit qu'allant chez elle pour
les Articles qu'ils devoient
Idreffer enſemble , il s'eftoit
fouvenu que croyant mourir
d'une bleffure reçeuë
dans la derniere Campagne,
}
T iij
222 MPROVRE
il avoit fait vou , s'il en écha
poit , de paffer la vie dans le
Célibat , que depuis trois.
jours il avoit confulté tous
les Docteurs de Paris , &
qu'aucun d'eux n'ayant le
pouvoir de le relever de fon
Vau , il eftoit refolu d'en
aller pourfuivre la Difpenfea
Rome ; qu'il la fuplioit de
ne le pas expofer à la douleur
de l'adieu , & que fi elle
avoit affez de conftance pour
luy conferver fon coeur , il
tâcheroit par de nouveaux
foins de le mériter à fon retour.
Cette Lettre fut un
a
GALANT 223
coup de foudre pour
la Dame.
Elle vit bien qu'elle
eftoit jouée , & les plaifans
contes que fit le Marquis de
fon prétendu attachement,
ne luy apprirent que trop
dans quel panneau elle avoit
donne. Une autre qu'elle
feroit morte de chagrin,
mais comme elle aimoit la
vie plus que toutes chofes,
elle trouva à propos de fermer
les yeux fur la tromperie
qu'on luy avoit faite,& partit
pour le Poitou , ne doutant
point qu'elle n'y vift plus.
de monde aupres de fa Fille,
A
To iuj
224 MERCVRE
qu'elle n'en verroit en ref
tant feule Paris. Je croirois
qu'ayant entendu raiſon , &
eftant revenue à elle -mefme,
elle fe feroit divertie à écrire
le Biller qui m'a eſté adreſſé
depuis quelques jours , fi la
Coquete qu'on y fait parler,
ne déclaroit qu'en tâchant
de donner de l'amour à tout
le monde , elle s'eft toûjours
défendue d'en prendre.
Voyez , Madame , fi quelqu'un
de vos Amis voudra
travailler pour fa confolation
Voicy ce que contient le
Billet.
GALANT 225
Quoy que vous
Mpubliyez tout ce que
Ton vous dit , je ne laifferay
pas de vous confier que j'ay
eftétoute ma vie une honnefte
Coquete, qui ay fait monplaifir
de donner de l'amourfans
en prendre. 7'ay mis enufage
tout ce que la Nature m
donné d'adreſſe , pour m'en
faire conter par toutes fortes
de Gens fans exception . Les
Jeunes, les Vieux, les Riches,
Les Bourgeois, & jufqu'aux
- Secretaires & Sommeliers, il
I n'a pas tenu à moy que je
naye, efté leur amuſemens de
226 MERCVRE
coeur, je vous affure que
tant que celaa duré , j'ay paffé
le temps comme une Reyne.
A prefent que je commence à
vieillir , je fuis au défepoir
de ne pouvoir plus me divertir
de la mefme forte.
Tout me paroift fade , & infipide.
Je m'ennuye ,
ne me donne de gouft. Le m'a,
dreffe donc à vous , mon cher
Mercure , non pas pour co
queter avec vous , car quoy
que cefoitun de vos mestiers,
cela ne me fuffiroit pas , mais
pour vous prier de propofer
an Public d'écrire pour con
rien
GALANT. 227
-foler une Caquete qui vieillir,
afin que j'aprenne des Gens
fages , ce queje dois faire pour
m'empefcher de mourir de
chagrin.
Ces jours paffez, M' l'Abbé
Pellot Fils de M Pellot, Premier
Préfident de Normandie,
foûtint au College d'Har
court une Thefe de Philofo
phie , qu'il dédia à M' Colbert.
Le deffein en avoit efté
inventé par M' Mignard , &
exécuté
par M ' Poilly . C'ef
toit le Temps , qui préfentoit
pardes mains de l'Honneur
228 MERCVRE
a
le Portrait de ce grand Miniftre
à l'Eternité. Il n'eft
befoin de vous dire que
pas
ce jeune Abbé s'attira l'admiration
de la plus celebre
Affemblée que l'on ait veuë
depuis longtemps , quand
vous fçaurez qu'il joint à un
efprit vif, une mémoire heureuſe
, & beaucoup d'attachement
pour l'étude . L'on
doit en attendre toutes chofes,
puis qu'avec ces qualitez
naturelles il a aupres de luy
M' Audran , Docteur de
Sorbonne
, qui
ui outre une
grande érudition, aune net
a
GALANT 229
teté admirable qu'il fait pa
roiftre dans les Matieres les
plus épineufes.
Le P. Alexis du Buc, Thea
tin , continuant d'appliquer
fes foins au falut des Ames,
a fait connoiftre à Madame
de Vallegrand & à deuxde ſes '
Enfans, les erreurs de la Reli
gion Prétendue Reformée .
Ils en firent abjuration entre
fes mains le fecond jour de
ce Mois , dans l'Eglife des
grandes Carmelites . La Maifon
de Vallegrand eft une
des premieres de Champa
gne,
230 MERCVRE
Le 25. jour d'Aouft de
l'Année prochaine
1681. M
de l'Académie
Françoife
donneront
le Prix de l'Eloquence
, à celuy qui aura le
mieux réuffy dans un Dif
cours, que tous ceux qui y
prétendront feront obligez
de faire, fur ces paroles que
l'Ange dit à la Vierge en la
faluant , Ave gratia plena
Dominus tecum . Ce Prix doit
eſtre un Crucifix , ou un
S. Louis d'or de cent éus,
& ne fe donne que tous les
trois ans. Je croy vous en
avoir dit les raiſons ailleurs.
GALANT. 231
Feu M ' de Balzac qui l'a
fondé , a auffi marqué les
Sujets fur lefquels il a fou
haité qu'on travaillaſt. Le
Difcours ne doit cftre tout
au plus que d'une demie
heure de lecture , avec une
courte Priere à Dieu , par la,
quelle il faut finir.
Le mefme jour, la meſme
Académie doit donner un
autre Prix pour la Poefie
Françoife , à la loüange du
Roy. Elle a propofé pour
Sujet, qu'on le voit toûjours
tranquille , quoy que dans un
mouvement continuel. Mak
232 MERCVRE
fur
gré le choix qu'elle a fait de
ce Sujet , elle permet à chacun
d'y joindre telle autre
louange qu'il voudra ,
une Action particuliere de
Sa Majefté, ou fur toutes enfemble
; & exhorte d'y faire
entrer par forme de com
paraifon la penféc d'une des
Deviles qui ont efté faites
pour ce grand Monarque.
Le corps de cette Devile eft
le Soleil , avec ces deux mots
pour ame, Quierofimilis . On
doit ajoûter à la fin de cet
Ouvrage une autre Priere à
Dieu pour le Roy , de telle
GALANT. 233
mefure de Vers qu'on la voudra
faire. Le tout ne doit
1 point paffer le nombre de
cent , foit Alexandrins , foit
= d'Ode , ou de Stances . Les
Difcours qui feront faits pour
le Prix de l'Eloquence , doivent
avoir l'Approbation de
deux Docteurs de la Faculté
de Théologie de Paris , qui
yréfident actuellement..
Chacun eft reçeu à travailler
pour les Prix , à l'exception.
des quarante de l'Académie,
qui doivent en eftre les Juges
; & afin qu'on ait le
temps d'examiner les Ou
Decembre 1680.
d
V
334 MERCVRE
vrages , il faut qu'ils foient
mis dans le dernier du mois
de May prochain
entre les
mains de M de Mezeray
,
Conſeiller
du Roy , Hifto
riographe
de France , Secre
taire perpétuel
de l'Acadé
mie, ou entre celles du Sieur
le Petit , Imprimeur
ordinaire
du Roy & de l'Académie
.
On ne doit point y mettre
fon nom , mais feulement
une marque
ou paraphe
,
avec un Paffage de l'Ecriture
Sainte.
Je vous envoyay la der
nicre fois une Lettre en Vers
GALANT 235
de M' de Lignieres à Madame
la Ducheffe de Bellegar
de , par laquelle il prétend
faire connoître que l'Etude
&lArt contribuentplus que
la Nature à faire les Poëtes..
Tyjoignis la Réponſe de cet
te fpirituelle Ducheffe. Voi
cy ce qu'elle a donné lieu au
mefme M de Lignieres d'é
crire tout de nouveau , pour
foûtenir fon opinion..
S&
$ 2
Vi
236 MERCVRE
5252525252525225.
REPONSE
A MADAME
LA DUCHESSE
DE BELLEGARD E.
S'
I l'on m'en avoit crû, Bon
auroit interdit ANS
Le Proverbe Latin, qui d'un baut
ton nous ditid oh saka
Qu'on devient Orateur , &qu'on
eft né Poëto, *
T
w J
Par une qualité dominante , &
fecrete.
Fut-ce de Ciceron, ou de Quintilien,
Bla
Ce mot eftdit en l'air,& n'eftfondé
fur rien.
GALANT 237
Boileau pompeufement , & d'un air
magnifique ,
Parle pour la Nature en fon Art
Poetiques
Horace eftpacifique, & ce grand Chef
de part
Accorde pour les vers la Nature
avec BArtask an
Les liensfur ce fujet fontfolides &
* fermes,
Etje vais,fije puis , les rendre dans
nos termes. mitad vite Pyra
Pour faire de beaux Vers fou
* vent on s'eft enquis,
Si la veine fuffit , oule fçavoir
exquis me care tea
Le fçavoir fert de peu fans une
richeveine, com »
Et la veine a befoin
bayoirla meine
que le fça-
Il faut par un accord ſtable &
perpétuel,
228 MERCVRE
Qu'ils fe préftent tous deux un
fecours mutuel .
Une feconde fois pour l'Artje me
déclare;
I appréhendois d'abord de paffer
pour bizarre,
Maisje ne mefuis point attiré de
mépris,
Et plufieurs ont loué le party que
j'aypris.
Pos Vers fontfibienfaits, queje n'y
puis répondre;
Ducheffe, je les veux publier pour
confondre
Ceux qui ne lifent rien que pourle
cenfurer:
Vos Vers enfe montrant fe feront
admirer.
2016
Pour moy, par un excés d'orgueil &
d'allégreffes
Entefté de l'encens d'une belle Dow
cheffe,
GALANT. 239
Ie mefuis prefque veu tomber en
pâmoifon,
Par cette merveilleufe & douce exbalaifon.
Iefens que j'en auraj l'ame toûjours
ravie,
Le n'ayjamais receu tant d'honneur
en ma vie.
Quy, Duchefſe, vos Vers me rendent
glorieux,
Et Mercure Galant les va dire en
tous licux:
Nos Poëtes n'ont pas le noble don
d'enfaire
De ce tour excellent , ny de ce cara
Etere.
Pourvosperfections, vous remportez
le
prix
Sur les plus beaux objets, & lesplus
beaux Efprits.
L'Art répandfur vos Vers une clarté
fipure,
240 MERCVRE
Qu'il en a tout l'honneur, & non
pas la Nature.
N
Ie ne m'en dédis point, l' Art regne
en nivers,
Sur les Fruits & les Fleurs, ainf
quefur les Vers..
L'Art adjoûte à la Fleur, dont noftre
Join fe charge;
Vous avouez qu'elle eft plusfournie,
&plus large
Que celle que l'on cueille en un Chap
émaillé,
Oùles mains du Printemps ontfeules.
travaillé.
Fignore pour les vers cette pente
Secrete,
Et ce je-ne -feay quoy qui forme
le Poëte.
Eft-il riendans les Vers, que l'Art
n'aitfurmonté,
La Science eftant jointe avec la
volonté?
GALANT 241
4
L'un & l'autre n'a pas besoin de
cette pente,
Je m'en rapporte à ceux que le Parnaffe
vante:
Toujours les plus fçavans yfont
victorieux ,
(ricux
Et la Palme s'y donne au plus labo
Ils volentjufqu'au Ciel de mesme
que des Aigles,
Sans qu'on découvre en eux la contrainte
des Regles.
Leur volparoiftfacile, & par leurs
doctes foins,
Ceux qui travaillentplus,femblent
travailler moins.
C'estdonc l'Art qui nous meut, &
l'Art qui nous difpofe,
Quandnous voulons en Vers mettre
jour quelque chofes
L'Art nousfournit les mots, il motre
à les placer,
Decembre 1680. X
242 MERCVRE
Et pourfurcroift , c'eft l'Art qui nous
faitbienpenfer.
La feience des Vers nous charme, &
nous enflame,
Lors qu'on en a fait voir les beautiz
à noftre ame; a
Onfent que defoy-mefme on ne s'y
porte point,
Etfans que l'on aitpris des Leçons
fur ce point.
L'Amourpour ce Meftier nous vient
par le commerce,
Et les enfeignemens de celuy qui
l'exerce.
L'onfait ainfi des Vers, & je le fçay
par moy,
Mais on effodieux quand onparle
de foy.
Dans les temps où les Vers nous
donnent de lapeine,
Nous nerecevons rien de lapart de
la veine,
GALANT. 243
Mais l'Art intelligent, accompagné
defoin,
Illumine noftre ame, & la fert au
befoin.
La peine que l'onfent pour un Vers
qu'on médite, ods
Eft cet entoufiafme, & ce qui nous
agite;
La Machine s'ébranle & dedans, &
debors,
Par les reflexions que nousfaisons
alors.
Dans ces enfantcmens une Ame
embaraffée
Cherche à bien exprimer une vive
penfée,
Ou veutfaire éclater desfentimens
profonds
Qu'elle tire d'un autre, ou defon.
propre fonds.
Comme les anciens, le Poëte moderne
244 MERCVRE
Sans fondement aux Vers donne un
principe interne beare
Sijel'entreprenois, jepouſſerois à
bout
L'Hommepréoccupé, quifans raison
croit tout.
Les Vers ne nous font point venus
de la Nature, mela
C'est une invention qui met à la
torture,
Ils troublent le repos, &puis qu'ils
fontl'effet
D'un Art pénible& long, c'eſt done
l'Art qui lesfait. Hataw ok
L'autre jourchez Boileau, quefans
ceffe on confulte, AGA
Et dont les Vers limez ne craignent
point d'infulte,
Ie vis un Chevalierplein de coeur,
de renom, M. le C. de Nantouillet .
Et qui parfon esprit afigualéfos
nom.
GALANT. 245
Itfoûtint contre l'Artfouventqu'un
grand Génie
En Vers cédoit au moindre, & c'eft
ce queje nie.
Les Versfont de l'efprit le pluspuif
fant effort;
Celuy donc quifait mieux, l'a plus
vif&plusfort al
Te crains qu'un Orateur, on Philo
Sophe infigne,
Quandj'exalteles Fers, contre moy
ne s'indigne.
Da'ilvantefon Meflier,je vanteray
le mien,
Pais qu'il eft naturel de faire cas
'du fien,
On connoift
que les Fers
veulent
beaucoup
d'attache
aerog
Cette profeffion aux yeux communs
baskfeccache;
Omne démefle point ces mifteres -
abfcurs,
246 MERCVRE
Et les autres talens nous paroiffent
moins durs.
Le Villageous , qui vit dans l'épaiffe
ignorance,
Chante fans eftre inftruit, & fous les
Arbres dance ,
Quoy qu'il n'ait point appris ces
mouvemens divers;
Mais on voit
on voit quefans Maiftre on ne
faitpoint de Verss
Et cette invention eft fipeu naturelle,
Qu'on n'y fongeroit point , fi l'on
neparloit d'elle.
Un Laboureur dira quel Aftre dans
les Cicux
Fait les vents, l'airferain, & le
tempspluvieux.
Il a des notions fans lettres, ny
doctrine,
De la Géometrie, & de la Medecine.
GALANT 247
Dans de fimples Vergers, & d'aimables
Forefts,
La Naturefouvent luy montre des
fecrets,
Et mieux qu'un Philofophe infolent
&Superbe,
Ilfait les Animaux, & les vertus
d'une Herbe;
Mais le Meftier des vers n'eft pas
fi- toft appris,
Et cet Art n'eft donné qu'auxplus
doctes Efprits.
La Suze, dites -nous,
Parente,
voftre illuftre
Et voftre chere Amie , eftoit- elle
ignorante?
Non, car elle avoit lû tous nos bons
Ecrivains,
Etpar des Traducteurs , les Grecs, &
les Romains.
Elle entendoit des Vers lepoids
L'énergie,
248 MERCVRE
Mais elle eftoit fix mais àfaire une¸‹.
Elegie;
Etpourvenir àboutde fes tendres
Chanfons,
Elle tournoit on Vers en plus de
vingtfaçons.
O vous , que je devois alléguer de- r
vant elle,
Pour avoirplus d'esprit, & pour
eftreplus belle, ið sta
Duchefe , les bons vers ne vous.
couftent-ilspas?
De cent queje connox, l'on feroit
plus de cas,
Si leur plume n'eftoit trop vive &
tropfoudaine,
S'ils châtioient leurs Vers, & prenoientplus
de peine.
Comme j'ay déja dit, les plus la-.
boricux
Sont ceux qui de tout temps ont
réuffyle mieux.
GALANT 249
Mettez en paralelle ovide avec
Virgile,
Et regardez Malherbé aupres de
Théophile;
• &
Malherbe Théophile ont fait des
Vers aifez,
Maisles deux autresfont millefois
plus prifcz.
Leurs Ecritsfontjuger que l' Artfeul
nous éclaire,
Erqu'aux Vers lafcience eftfurtout
néceffaire.
Qu'on ne me cite plus l'Antifan
de Nevers,
Quifans Latin, ny Grec, a compofe
des Vers;
Ne remarque-t- on pas en cet Home
loüable w
Qu'il eftoit Philofophe, & qu'ilfça
voit la Fable?
Le neparleray point touchant le naturel,
250 MERCVRE
Puis qu'il cft chimérique , & s'il
eftoit réel,
On ne fentiroit point une terrible
gefne,
Ny les difficultez où le Vers nous
entraîne.
Mais ces difficultez ſe tirent à
l'écart
Par la haute Science, & la force de .
l'Art.
Ces épineufes Loix nefuiventpoint
la Profe,
Etfans nul embarras elle dit toute
chofe:
C'est naturellement que l'on eft
Orateur,
Et le docte travail rend Verfifi- :
cateur;
L'Art avec le Sçavoir ne veut point
qu'on admette,
Nyce je-ne -fçay- quoy, ny de pertu
fecrete.
GALANT. 251
Sans doctrine a- t- onfaitaucun Vers
qui valut?
Et quelqu'un ofe-t-ilfans Ari toucher
un Lut?
Par luy le bruit confus excitéfur
les cordes,
= Entre elles cauferoit d'effroyables .
difcordes.
Cicéron , le plus vafte Esprit de
l'e'nivers,
N'a point, à ce qu'on dit, enfanté
de beaux Vers:
Quad ilfaifoit d'ailleurs des choſes
immortelles,
Ilregarda les Vers comme des bagatelles,
Et de tout autrefoinfon coeur eftoittouché.
Quelquefoispour les Vers on a lefprit
bouché,
Faute de s'appliquer à ce Meflier
pénibles
252 MERCVRE
Mais à l'Homme éclairé le bon Vers
eft poffibles mas
Ilfe rendrafameux dans ce hardy
Meftier,
Quand il defirera s'y donner tout
entier.
any
On verra dans fesVers, loin de la
veine emphaſe
Lapenfée élevée, &le tour, & ta
phrafe:
Par tout y brillera l'ordre , & la
liaifon,
Le bongoust, la juſteſſe, & la droite
raifon.
quo
Lors que l'on écrira fur de parfaits
Modeles,
Les Ouvrages auront des beautez
eternelles.
a
est
C'est par là que vosVersfigrands,
&fifleuris,
Doivent cftre à jamais estimez &
chéris:
GALANT•
253
Ils ont des agrémens dont tout un
coeur s'enchante,
om eftes admirable, & polimens
Sçavante.
Veftre esprit, & vosyeuxfont infiniment
doux,
On ne sçauroit parler , ny plaires
comme vous.
- Suvos rares atraits j'auroisfait
un Poëme,
S'ilne m'avoit fallu foûtenir mon
Sifteme;
Mais que lesVers foientfaits par
Nature, oupar Art,
Par le raifonnement, ou l'aveugle
hazard,
Lefçay cequ'on en dit dans le Siecle
où nousfommes,
-
·Et l'état qu'on enfait chez laplupart
des Hommes.
Ils témoignent aux Vers defurieux
dégoûts,
254 MERCVRE
Et traitent hautement les Poëtes de
fous:
Mais noftre Royn'apas ces barbares
maximes,
Puis qu'il voit de bon oeil tous les
Efpritsfublimes:
Ces Autheurs renommez, pleinement
fatisfaits,
Chantentfes dons fréquens, ainfi
que fes hauts faits.
Tout ce qu'ont dit de Luy nos plus
celebres Plumes,
Produiroit un amas d'innombrables
Volumes.
Le plus parfait bonheur de noftre
Souverain,
C'est qu'il eftfeûr qu'il plaiftà tout
le Genre Humain .
Le Concert eternel qu'onfait defes
louanges
,
Rendfon Nom venerable aus Nàtions
étranges;
GALANT. 255
Mais de tous les Mortels qui vantent
ce Grand Roy,
On n'ensçauroit trouver de plus zelé
que moy.
Il eſt arrivé du change,
#ment dans les Gouvernemens
des Villes de Lile &
Douay , par la mort de M
des Bonnets , Gouverneur
de cette derniere Place. Il
avoit efté long- temps Capitaine
dans le Regiment de
Champagne , dont on le tira
pour le faire Lieutenant
Colonel dans celuy de Louvigny
, enfuite dequoy il fut
fais Infpecteur Général de
256 MERCVRE
toute l'Infanteric de France.
Il s'eſt acquité de cet employ
avec l'entiere approbation
de la Cour , & une bienveillance
particuliere de toutes
les Troupes. Apres eftre
parvenu au pofte de Brigadier
Genéral, il fut choify par
Sa Majefté pour commander
dans la Ville , Citadelle,
& Pais de Dunkerque, dans
un temps où une Place de
cette importance demandoit
un Gouverneur qui eût autant
de fageffe & d'expérien
ce qu'il en avoit. Le Roy le
rappella de Dunkerque
,
GALANT. 257
=
pour le faire fervir de Maréchal
de fes Camps & Armées
aux Sieges de Gand &
d'Ipres . Il fervit avec M' de
Montal au Blocus de Mons
en la meſme qualité, auffibien
qu'à l'Armée de Mª de
Luxembourg , au Combat
de Saint Denys. C'eſtoit um
Gentilhomme Breton , fort
fage , un peu froid , bon Of
ficier , & d'un grand mérite.
Il s'appelloit René de Pe
roufe, Seigneur des Bonnets,
& eft mort à Douay le 3 de ce
mois , âgé de foixante ans,
& Doyen des Chevaliers de
Novembre
1680.
Y
* 258, MERCVRE
Nôtre-Dame du Mont- Carmel
, & de S. Lazare de Jerufalem.
Le Roy luy avoit
donné ce Gouvernement en
propre , & non point par
commiffion de Comman-
"dant, comme celuy de Dunkerque
.
M de Vauban Gouver
neur de la Citadelle de Lile,
l'eft devenu de Douay , en
la place de M' des Bonnets.
C'eft un Gentilhomme de
Bourgogne , qui aprés avoir
fervy quelque temps dans
l'Infanterie en qualité de Ca
pitaine , s'attacha de telle
GALANT. 259
forte aux Mathématiques, &
à l'Art des Fortifications
qu'il s'eft rendu le premier
Ingénieur de l'Europe . Si-
Loft qu'il eut fait connoiſtre
fa capacité & fon mérite , le
Roy l'employa dans toutes
les
occafions qui parurent
importantes. On n'a réparé
ny fortifié de nouveau aucune
Place fans le confulter ;
& à l'égard de celles qu'on
a attaquées , on luy a donné
la conduite de tous les Ou
vrages. Ila mefme tellement
perfectionné l'Art de faire
des Sieges , tant pour avant
Yj
a
260 MERCVRE
cer , que pour rendre infail
lible la prife des Places , de
quelque
maniere
qu'elles
fuffent fortifiées
qu'ilatoû
jours dit , fans fe tromper
,
quel jour elles feroient for
cées à fe rendre. Jamais
Prince n'en fit tant fortifier
que le Roy ; & cependant
il
n'y en a pas une depuis que
Mode Vauban
a efté connu,
dont on n'ait fait lesTravaux
fur fes Deffeins
. Il a entr'autres
donné tous fes foins à la
conftruction
de la Citadelle
de Lile , dont Sa Majesté
le
fit Gouverneur
aprés la prife
GALANT 265
de la Ville en 1667. Aufſi
peut- on dire qu'il en a fait
un chef d'oeuvre , tant pour
la force & la régularité des
Ouvrages , que pour la com
modité & la beauté de la
Place. Il en a fi bien choiſy
la fituation pour la rendre
plus forte , qu'il a donné lieu
en mefme temps d'agrandir
la Ville , qui par ce moyen
eft devenue l'une des plus
belles de toute l'Europe ,
comme elle paffoit déja pour
Fune des plus marchandes.
Ily along- temps que le Roy
l'avoit fait Intendant genéral
262 MERCVRE
des Fortifications du Royau
me. En fuite Sa Majefté luy
donna la Charge de Maréchal
de Camp , & Elle l'a
nommé depuis peu de jours
au Gouvernemét de Douay.
Il a fait depuis la Paix beaucoup
de Voyages fur les
Frontieres , où non feulement
il a fait réparet quel
ques Places , & changé les
Fortifications de quelques
autres , mais il en a fair con
ftruire plufieurs toutes nou
velles , fans qu'on ait rien
trouvé à blâmer dans le
choix des Lieux , ny dans la
M
GALANT. 263
1
bonté & perfection des Delfeins
& des Ouvrages . Menine,
Maubeuge, Longvvy,
Sarlouis , Huninguen , &
Schleftadt, font de ce nombre
, avec beaucoup d'autres:
qu'il eft inutile de vous nommer,
& qui ne ferviront pas
moins à la gloire de M' de
Vauban , qu'à défendre les
Frontieres de la France.
En mefme temps qu'il a
eu le Gouvernement de
Douay , le Roy qui ſe plaiſt
toûjours à récompenfer le
vray mérite , a donné celuy
de la Citadelle de Lile à M
264 MERCVRE
du Metz , Maréchal de Camp
de fes Armées, & Lieutenant
de l'Artillerie en Flandres,
Artois , Hainaut , Païs conquis
& reconquis . Ce Gentilhomme
, dont la Famille
eft de Champagne , a cfté
nourry Page de M ' le Marquis
de la Meilleraye, alors
Grand Maistre de l'Artik
lerie, & à préfent Duc Mazarini.
Ce fut là qu'il prit les
premieres Inclinations, ainfi
que les premiers Elémens de
cette Science , à laquelle il
s'eft depuis appliqué entie
rement. En 1657. au Sjege
de
GALANT. 265
I
de S. Venant , qui eftoit fa
troifiéme Campagne , il
donna des marques de fa
valeur en qualité de Commiffaire
ordinaire de l'Ar
tillerie , & y reçeut un pro
digieux coup de Canon à la
refte , dont il porte de glo.
rieuſes marques au vilage.
Depuis ce temps , il ne s'eft
guére paffé d'Actions en
Flandre & en Hollande , qui
ne luy ayent fourny quel
que occafion de fe fignaler,
& fort peu de Sieges , où il
n'ait eu l'honneur de commmander
l'Artillerie , ou de
Decembre 1680. Z
266 MERCVRE
la faire agir fous les ordres
de M le Duc du Lude qui
en eft Grand- Maiftre, Il eut
l'avantage de ſe trouver à la
tefte de ces Braves qui en
trerent les premiers , d'une
maniere fi furprenante, dans
la Ville de Valenciennes, &
de les commander en qua
lité d'Officier General, lla
reçeu de grandes bleffures
aux Batailles de Senef & de
S. Denys. Celle que je vous
ay déja dit qui a défiguré
fon vilage , fait fon éloge à
ceux-meſme qui ne le con
noiffent que de veuë ; mais
GALANT. 267
ceux qui ont fervy avec
luy , publient genéralement
qu'ils n'ont guére veu d'Officier
plus intrépide dans
les périls , plus infatigable
dans les travaux , plus vigilant
& plus entendu dans
toutes les fonctions de fes
Charges, & dont les fervices
ayent efté fuivis d'un ſuccés
qui ait plus exactement répondu
à ce qu'il
en
avoit
fait efpérer . Le Roy a prefque
toûjours efté témoin de
tout ce qui luy a fait mériter
la réputation où il eft. M
du Metz a deux Freres, dont
Z ij
268 MERCVRE
l'un qui s'eſt jetté dans le
arty de l'Eglife,
Prolife mene une
vie exemplaire , & s'eft acquis
l'approbation de tous
les honneftes Gens . L'autre
eft fi connu , que je ne vous
en puis rien dire que vous
ne fçachiez. Les fervices
qu'il a rendus au Roy
dans plufieurs Emplois avec
un zele, une activité, & une
probité dignes de la confiance
de ce Grand Monarque
, l'ont fait choifir par
Sa Majefté, pour Garde de
fon Trefor Royal . C'est une
Charge dont il y a déja quel
.
GALANT 269
que temps qu'il fait l'exercice,
d'année en année, al
ternativement
avec M de
Bertillat. J'aurois à m'éten
dre fur beaucoup de chofes
qui luy font tres- glorieufes,,
fije n'eftois feûr que fa mo
deftie en foufriroit,
2.
Il paroift icy depuis quel
quesjours un Méteore affez
furprenant. On voit tous les
foirs fur les cinq heures une
traînée de lumiere qui ref
femble à celle que refléchit
une petite nuée éclairée du
Soleil , & qui approche de
la couleur du chemin de lait
Z iij
270 MERCVRE
Elle eft de figure courbe ,
peu pres comme une por
tion de Cercle, & fa largeur
eft prefque égale à la lar
geur apparente de la Lune
Cette largeur eft moindre
vers l'Horifon , & augmente
peu à peu jufqu'à ce qu'elle
finiffe , mais c'eft vers l'Horifon
que la lumiere eft la
plus forte , & en s'en éloi
gnant elle fe perd infen-
Liblement. Ce Méteore
s'étend du Sud au Nord,
comme s'il fortoit de l'Ho
rifon. Voila tout ce que je
puis vous écrire, n'eftant pas
GALANT 271
1
C
affez habile Aftronome pour
l'avoir obfervé felon les regles.
Il n'y a point à douter
que ce ne foit la queue
de quelque Comete , dont
le Corps nous eft caché par
la terre, ou du moins par les
brouillards qui en s'élevant
le foir, empefchent que hous
ne puiffiós le découvrir .Vous
fçavez, Madame, vous à qui
tout eft connu , quelle diverfité
de fentimens il a
fur ce fujet entre les Philo
fophes . Les uns veulent que
les Cometes foient des exhalaifons
enflâmées ; mais
Z iiij
272 MERCVRE
ces feux font fi éloignez dé
nous , & par conféquent
d'une grandeur fi prodi
gieufe , que
, que l'on a dit fort
agreablement , que toutes
les vapeurs de la terre ne
fuffiroient pas pour un de
leurs déjeunez. Les autres
prétendent qu'il y a dans le
Ciel , infiniment au deffus
de toutes nos Planetes,
beaucoup d'Etoiles erran
tes , qui eftant féparées les
unes des autres , échapent
à nos yeux à caufe de leur
éloignement, & de leur pe
titeffe , mais que quand le
GALANT. 273

hazard fait qu'elles viennent

à fe rencontrer , elles for
ment ce corps lumineux,
que nous appellons une Co
mete. Enfin les Cartéfiens,
dont les fentimens font fi
extraordinaires
, & paroif
fent pourtant fi raifonnables.
à la plupart des Gens bien
fenfez , foûtiennent que
toute la matiere de l'Uni
vers eft divifée en une infi
nité d'amas diférens , qu'ils
appellent des tourbillons, !
1 parce que chacun d'eux
tourne fans ceffe autour de
fon centre ; que tous ces :
274 MERCVRE
centres font remplis de la
matiere la plus fubtile & la
plus agitée de tout le tour
billon qui compofe le Soleil
de ce mefme tourbillon ,
que toutes ces Etoiles fixes
qui nous paroiffent la nuit
attachées au Firmament,
font les centres & les Soleils
d'autant de tourbillons pla
cez à diférentes diftances
du noftre , que ces Soleils
fujets comme le nostre à
avoir des taches , staches , peuvent
enfin en avoir de telles qu'
elles viennent à couvrir tout
leur corps ; qu'alors ces ga
GALANT 275
3
ches s'épaiffiffant toûjours,
offufquent tout l'éclat de ce
Soleil , arreftent l'agitation
de toutes les parties , & en
font un corps folide & opa,
que , qui n'a plus la force
d'occuper le centre de fon
tourbillon ; que ce Soleil
ainfi obfcurcy, & chaffé de
fon tourbillon , paffe dans
un autre voifin , où reflé
chiffant la lumiere du Soleil
qu'il y rencontre, il paroift
lumineux, & eft appellé Cometes
qu'il peut encor fortir
de ce tourbillon , & paffer
dans d'autres, jufqu'à ce qu'il
276 MERCVRE
A
en trouve quelqu'un où il
s'arrefte , ou que mefme il
peut errer toûjours, eſtant,
difent- ils , de la majefté de
l'Univers , qu'outre les Soleils
attachez chacun à fon
tourbillon , il y en ait d'au
tres qui n'appartiennent à
aucun tourbillon , & qui
foient les Hoftes de tous.
Quoy qu'il en foit , il eſt
toûjours certain que les Co,
metes les plus affreuses n'ont
rien qui nous doive épou
vanter , & que ce ne font
que des jeux de la Nature,
que noftre ignorance feyle
277
S.
nauiperde
tout
eront
ertir.
n Air
rvir à
voix.
* VOS
LU.
royez
x chur
Philis la voix charmante =
careux aymer quel le elle raait
voue
GALANT. 277
nous repréſente terribles.
Apparemment les mauvais
augures que les Superftitieux
pourront tirer de
celle qui fait icy parler tout
le monde , ne vous feront
pas renoncer à vous divertir.
Ainfi je vous envoye un Air
nouveau qui pourra fervir à
exercer voftre belle voix,
Vous en ferez part à vos
Amies.
AIR NOUVEAU.
P
Etits Oyfeaux , nefoyez
pointjaloux
D'entendre de Philis la voix charmante&
belle;
278 MERCVRE
Ellefait mieux chanter que vous,
Mais vous fçavez mieux aimer
qu'elle.
J'ajoûte l'Avis d'un Amant
jaloux à la Maîtreffe jalouſe .
Si tout le monde pouvoit fe
à s'en fervir l'Aréfoudroit
de
mour ne pas tant
Malheureux .
B
MADRIGAL.
Anniffons nos foupirs jaloux
,
Vivons affurez l'un de l'autre.
Je vous crois toute à moyz vous, a
croyez -moy tout voſtre, rare
Nostrefort enferaplus doux,
Puis que l'Amourfavorable à nes
flames,
GALANT 279
Répad fes douceurs dās nos ames ,
Tandis que mille Amans éprouvent
fa rigueur,
Ne troublonspoint noftre boheur.
Ne craignons rien de l'incoftance,
Et croyos fermement tous deux,
Que l' Amour allumant en nous defi
beauxfeux,
S'eft rendu le garand de leur perfeverance.
M' du Moulin, Avocat à
Bretheüil en Normandie, a
fait l'Epitaphe de l'Amant
infortuné de la belle Veuve ,
dont vous avez lû l'Hiftoire
dans ma Lettre du dernier
ois
Il faut vous le faire
voir. Une paffion auffi forte
280 MERCVRE
que celle de cet Amant ,
mérite bien que la mémoire
en foit confervée.
P
EPITAPHE.
Affans, arrestez- vous, mais
arreftez vos larmes,
Iln'enfautpoint verfer en apprent
le fort
Du glorieux Amant dont vous lifez
la mort.
Ila péry par de trop belles armes.
Les Tombeaux en tout temps deman
dent des douleurs,
Fontpoufferdesfoupirs, &répandre
despleurs;
Mais icy la raifon veutque la dou
Leur cede, “
L'Amant que je renferme a bien
voulu mourir,
GALANT. 281
Car s'it euft de fes maux demandé.
le remede,
Amour qui le bleffa, cherchoit à le
guérir.
Monfeigneur le Dauphin
ayant efté attaqué tour de
nouveau du mefme mali
dont je vous parlay la der
niere fois , & ce mal ayant
continué pendant quelques
jours avec une violence qui
luy caufort un tres grand
abatement , les Medecins .
en ont arreſté le cours par les
Eaux de Forges qu'ils ont fair .
prendre à ce Prince . Ainfi
on a veu revenir ſa ſanté de
Decembre 1680. Aa
22 MERCVRE
& il
jour en jour. Les foins & la
tendreffe du Roy ont fort
éclaté en ce rencontre
,
s eft montré auffi bon Pere,
que toutes les actions nous
le font voir grand Monar
que. Monfeigneur le Dau
phin s'eft diverty pendantſa
convalefcence à faire une
Loterie. Chacun sempre
fant à y porter de l'argent,
le fond s'en eft trouvé bien
plus grand qu'il ne préten
doit le faire. Ila monté jufqu'à
quatre mille Louis. II
n'y avoit que cinquante Bil
Jets noirs fur feize mille.
GALANT. 283
Vous voyez par là que chaque
Billet eftoit d'un quart
de Louis. On a tiré cette
Loterie depuis peur de jours ,
& M' le Chevalier de Lifcoy,
Chambellan de Son Alteffe
Royale , qui avoit pris trespeu
de Billets , a eu le gros
Lot. Il eftoit de cinq cens
Louis M le Marquis de
Dangeau a eu auffi un des
premiers Lots , mais il avoir
douze cens Billets. M Bazin
Intendant en Allema
gne , & M' Felix Chirurgien
du Roy , qui en avoient en
tres petit nombre , fe font
A a ij
284 MERCVRE
trouvez des heureux. Ce
dernier a eu un Miroir de
deux cens Louis. On ne
m'a point dit les noms des
autres. Depuis que Monfeigneur
commence à fe mieux
porter , il y a eu Bal prefque
tous les jours chez ce jeune
Prince . Les Seigneurs de la
Cour qui ont excellé dans la
Dance font M' le Grand
>
& M le Comte de Brionne
fon Fils , M' le Duc de Ville,
roy , & M le Marquis d'A
lincourt fon Fils. Mle Duc
de Mortemar , de retour de
fes Voyages , où il s'eft ace
GALANT. 285

quis beaucoup d'eſtime en
plufieurs Cours Etrangeres,
a auffi paru dans ces Bals
avec de grands avantages ,
foit pour la Dance, foit pour
la maniere de fe mettre de
bon air , qui n'eſt pas une
chofe fort facile , & à laquel
le on foit toûjours en pou
voir deparvenir par la dépen
fe.Iln'eftpoint de termes qui
puiffent bien exprimer avec
quelle grace. Mademoiſelle
de Nantes y a dance. Quel,
aques louanges qu'elle méri
te par là , elle s'en attire tous
des jours de plus gloricufes ,
286 MERCVRE
par les chofes furprenantes
qu'on luy entend dire, & qui
dans un âge fi peu avancés
font des prodiges qu'on a
peine à croire. J'auray tant
d'occafions de vous parlen
de cette Princeffe , que je
coupe court aujourd'huyfur
cet Article , pour vous ap
prendre ce qui s'eſt paſſe
depuis fix jours dans une
affez grande Compagnie. i
Une Dame de Province,
d'un mérite fingulier , paf
fant tous les Hyvers à Paris,
& bien fouvent une partie de
Eté , y eftoit enfin venue
GALANT 287
accompagnée d'une Fille
que fes belles qualitez faifoient
diftinguer
par tout.
C'eftoit une Blonde , qui
avoit le teint tres vif , les
yeux fort brillans , & tant
de douceur fur le vifage ,
que peu de Gens la voyoient
fans prendre pour elle plus
que de l'eftime. Comme
la Mere aimoit les plaifirs
& que toutes les Perfonnes
qualifiées de fon
quartier eftoient de fa connoiffance
, quelques jours
apres fon arrivée on l'atten
doinpour une Partie de Jeu,
288 MERCVRE
dans une Maifon où il venoir
ordinairement un fort grand
monde, quand la Damechez
qui cette Partie eftoit faite,
parla de la Fille qu'elle devoit
amener. Un Cavalier façon
de Marquis , grand parleur,
& de ces Gens à fracas , qui
s érigent en Plaifans , autant
par
effronterie
, que par talent
de railler , dit auffi- toft
que ce devoit eftre quelque
Demoiſelle nouvellement
débarquée , puis qu'il con.
noiffoit la Dame depuis dix
ans , & qu'il ne luy avoit
point encor veu de Fille . Le
débar
GALANT 289
débarquement ayant fait rire
, il fe fervit d'expreffions
depareille force, & peignant
une jeune Perfonne venue
pour la premiere fois à Paris,
comme un Animal d'efpece
nouvelle qu'on pouvoit
ave
35,
Dar
montrer pour de l'argent à
la Foire , il fit efperer de
plaifantes Scenes quand la
Belle arriveroit. Un quartd'heure
apres on la vit paroiftre.
Chacun la trouva
fort à fon gré. Quant au
Cavalier,il n'en voulut point
démordre. Illa garantit
Povinciale depuis les pieds
·Decembre 1680. Bb
290 MERCVRE
Sen
jufques à la tefte , & luy fit
civilité ſur ſa bien venue, en
Homme qui prétendoit fort
s'en divertir. Elle ne difoit
aucune parole qu'il ne repé
taſt avec une glofe ridicule,
& la modeftie de cette ai
ai ,
mable Perſonne luy faifant
d'abord garder le ſilence , il
prioit tout b
tout bas les Dames de
l'obliger à parler. Il rioit en
luy voyant feulement ouvrir
la bouche , & n'attendoit,
pas qu'elle euft achevé pour
dire une impertinence . La
Belle qui avoit infiniment
de l'efprit , connut auffi - toft
da
GALANT 29f

a
fon caractere . Elle eſtoit
d'une Naiffance qui luy
avoit fait voir affez de beau
monde dans la Province ,
pour Pavoir accoûtumée à
ne fe déconcerter d'aucune
rencontre. Ainfi les airs Tur
lupins que le Cavalier prit
avec elle , l'étonnerent peu .
Au contraire , elle affecta des
réponfes ingenues , pour luy
donner lieu d'eftre plus extravagant
, & fe ménagea fi
bien , que gardant fon férieux
, elle Fengagea pen.
dant plus d'une heure a sabandonner
à fes faillies . Cha
Bb ij
292 MERCVRË
cun s'en divertiffoit , & lors
qu'il donnoit la Comédie , il
ne croyoit pas que ce fuft à
fes dépens . Enfin un Abbé
qui auoit l'efprittres- délicat,
eltant furvenu , on com
mença une converfation
fort
agreable . Il y avoit affez de
Dames qui ne joüoient
point , pour former un petit
Cercle. La Belle écouta ,
de
fort refolue de prendre fon
temps pour fe vanger
l'infulte que le Cavalier avoit
prétendu luy faire . L'occa
fion s'en offrit bien-toft.
L'Abbé ayant propoſé une
T
GALANT. 293
Queſtion affez galante , pria
les Dames de la vouloir dé
cider. Chacune en dit fon
avis , & alors le Cavalier s'écria
, qu'il falloit fçavoir le
fentiment de la Belle , & prenant
fon ton railleur , prépa
ra l'Abbé a entendre un raifonnement
tres- fin. La Belle
oppofa qu'il luy eftoit def
avantageux de s'expliquer la
derniere ; & apres s'eftre fait
prier quelques momens, elle
ཌ་ dit des chofes fi nouvelles
fur la Queftion , & la décida
avec tant d'ordre & de netteté
,qu'il n'y eut perfonne qui
Bb.iij
C
fi
294 MERCVRE
ne luy donnaft, mille louanges
. L'Abbé dit au Cavalier
qu'il avoit eu lieu de l'aſſurer
qu'il entendroit une Perfonne
d'efprit , & les Dames
commençant à le railler , fur
le jugement évaporé qu'il
avoit fait de la Belle , il
refta fi interdit , qu'il ne pût
trouver aucune réponſe . La
Belle pouffa la chofe plus
loin , & pour mieux joüir de
fon defordre , elle demanda
fi à fon tour on voudroit bien
luy permettre
de pro ofer
une Queſtion. Il s'agiffoit
de fçavoir qui donnoit le
q old
GALANT 295
ר ע
plus à rire , ou une Provin
ciale qui n'ayant point les
manieres du grand monde ,
tâchoit au moins de parler
raiton ; ou un Etourdy , qui
debitant à grand bruit fes
10
extravagances croyoit é
blouir les Gens par les airs
de qualité. Si - toft qu'elle
eut propoſe la choſe elle
sadrella au Cavalier ,
pour
luy faire dire ce qu'il en penfoit
, & ce fut un tel éclat de
trire de toutes les Dames,
que
ne
*
pouvant tenir contre
, il prit le prétexte d'un
Laquais qu'il vit entrer,pour
Bb iiij
296 MERCVRE
demander un des fiens. En
mefmetemps il s'avançavers
la Porte , comme s'il l'euft
apperçeu , & fedérobant
de la Compagnie , il laiſſa
aux Dames liberté entiere
de décider. Il vous eft aifé
de voir que la Queſtion ne
tourna pas à fon avantage.
La belle Provinciale fut fort
applaudie , & on ne luy rendit
pas moins de juftice fur
fon efprit , que l'on avoit fait
d'abord fur les agrémens
de fa perfonne, youl of
La Lieutenance de Roy
au Gouvernement de Cham
GALANT. 297
pagne , a efté donnée à M
de Beaupré , Gentilhomme
de la mefme Province . C'eft
un Officier tres confidéré ,
& qui a beaucoup de mérite.
Le rang de Colonel qu'il
occupe dans les Troupes de
Sa Majefté , eſt un Poſte
qu'on ne poffede guére aujourd'huy,
fans s'eftre trouvé
en beaucoup d'occafions
importantes
& périlleuses.
Je vous ay fouvent parlé
de M' l'Abbé des Alleurs , à
qui le Roy a donné une
Charge d'Aumônier
de Madame
la Dauphine . Il a

298 MERCVRE
preſché pendant tout l'Avent
à S. Germain devant
Leurs Majeftez , avec fon
fuccés accouftumé
, & la
force de fes expreffions
jointe
à la beauté de fes penfees,
a confirmé ce qu'on avoit
defia veu par mille exemples
, que le Roy fait du bien
aux Gens de mérite , fi-toft
qu'ils luy font connus. ?
Vous n'aurez l'Explication
des Enigmes du dernier
Mois , & les Noms de ceux
qui en ont trouvé le fens,
que dans le douziéme Extraordinaire
, qui paroiftra
GALANT 299
le 15. Janvier prochain. Je
vous en envoye deux nou
velles. La premiere eft de
M d'Ambreville de Lifieux,
& l'autre , du Berger indifé
rent. rob swied alfa
ENIGME..
roxo sila 180 asy nilab
on Corps eft compofe de
Corps tous diférens , M
s Dont les diferentesparties
Sontfouventfibien afforties,
Que fur tout à la Cour je foifonne
en Galans;
Mais pour mepoffeder l'on n'a pas
peu d'affaires;
Tenant, comme je fais, l'estre de
21plafieurs Peres,
Il faut de chacun d'eux avoir les
agrémens
300 MERCVRE
25
Chacun court apres majeuneffe,
Qu'avec mon enbonpoint je pers
dés quej'engraiffes
Ie vieillis mefme en peu de mois.
De mon extraction la fervile baf
Seffe
N'empefche pas qu'on ne s'em--
preffe
De briguer, pour m'avoir, du beau
Sexe le choix;
Et mefme fans crainte de Loix,
L'on voit toûjours ma petiteffe
S'unir à la grandeur du plus Grand
de nos Roys.
25
Des changemens du temps j'éprouve
La difgraces
Monregne chez les Grands n'eft que
de peu dejours;
Cependant l'on me voit toûjours
GALANT. 201
Succeder à moy-mefme, & reprendre
ma place.
Aux Amans dépourveus de grace,
Pres de l'Objet aiméje fuis d'un
grand fecours.
S2
Toy, qui pour me chercher as l'efprit
à la gefne,
F
Lecteur, pour te tirer de peine,
Apprens que celle enfin dont j'emprunte
le nom,
Quoy qu'en rien je ne luy ref
Jimble,
Chez les Neveux d'Enée acquit
un beau renom ;
Et qu'elle devint tout - ensemble,
D'eux & de leur pofterité,
Un exemple autrefois vanté
De vigilance exacte, & defidelité.
302 MERCVRE
AUTRE
N
ENIGME.
240 56 290148-zowplay
Ousfommes grand nombre
desoeurs, f
Prefque toutes de mefme taille,
Flatant également les Grands &
La Canaille, 252935Y
Lors que nous cotons des
des douceurs.
25
Chacune de nous a fon Maistre,
Qui cherche à nousfaireparoistre,
Etqui voudroit chez luy nous voir
a
à tous momcns
Я Позня
Attirer mille Gens,
Surtout, Gens à belle dépence,
Dans l'avare efpérance
Dont il fe fent flate,
D'en tirer de luilite.
$2
Afes defirs pourtant nous fommes
infenfibles;
GALANT 303
h
Nostre élevation rend nos defauts
visibles. A BATUA
Quelques- unes de nous n'ont ny
de nous es
Rofes ny Lys,
Ce n'est que Soucis & qu'Epines;
D'autres font voir dans leur beau
cotoris 234 15gy
Les Graces , les Jeux, & les Ris;
D'autres font vicilles, & badines.
25
Al'égard de nos qualitez,
On n'en fçauroit compter les inéga
litez. 28.
L'une eft Reyne, l'autre Sujette;
L'une eft Ange, l'autre Guenon;
L'une eft Princeffe, & l'autre Peau
d'Afnons
L'une Prude , & l'autre Coquette."
Ainfi tout est m'flé dans ce vafte
Duivers,
304 MERCVRE
Etprefquerien nefe reſemble;
D'ordinaire pourtant nousfommes
fouslesfers,
Toûjours hors de chez nous,&jamais
deux enfemble.
Afcanius , couvert fur la
refte , d'un feu que fon Pere
& fa Mere veulent chaffer
ou éteindre , cache un fens
myftérieux , que je vous
donne à déveloper
.
Il me reste plufieurs morts
à vous apprendre. Celle de
Madame la Ducheffe de
Luxembourg
eft arrivée à
Ligny en Barois , dans les
derniers jours du mois de
GALANT.
35
Novembre. Elle eftoit âgéele
foixante & douze ans .
Henry Duc de
Luxembourg-
& de Piney , Pair de France,
Prince de Tingry , laiffa
deux Filles de Magdelaine de
Montmorency de Thoré fa.
Femme. L'une eftoit Licffe
de Luxembourg , mariće à
Henry de Levy , Duc de
Vantadour , puis Religieufe
à Chamberry & l'autre,
Marguerite- Charlote , Ducheffe
de
Luxembourg & de
Piney. Cette derniere , qui
eft celle dont je vous aprens .
la mort , avoit épousé en
Decembre 1680 .
,
Ca
306 MERCVRE
premieres Nôces Jean d'Al
berts de Brantes , & s'eftoit
remariée avec Antoine de
Clermont-Tonnerré. De ce
fecond Máriage eft fortie
une Fille , qui a épouléns I
de Montmorency ,b Comte
de Bouteville , avec fubftitution
du Nom & des Armes
de Luxembourg C'eft M
le Maréchal Duc de Luxem
bourg d'aujourd'huy 4
Madame de Lyonne eft
morte le 23 de ce Mois , રે
l'âge de vingt- quatre ans ,
fort regretée de tous ceux
qui l'ont connue. Elle s'ap
3
GALANT 307
pelloit Renée de Lyonne de
Claveffon , & eftoit de la
mefme Maifon , & Coufine
de M' de Lyonne fon Mary.
M'de Lyonne Marquis de
Berny & de Claveffon , Seigneur
d'Autung Mercurol ,
Leiffenis , Mareil , &c. Maiftre
de la Garderobe du Roy,
& Gouverneurode Romans,
eft Fils de feu Mi de Lyonné,
Miniftre & Secretaire d'Etat.
Ce Mois a efté fatal à
quantité de jeunes Perfon
nes. Madem oifelle de Perigny
a efté du nombre. Elle
Cc ty
308 MERCVRE
avoit des agrémens qui la
rendoient fort aimable , &
l'efprit tourné d'une maniere
affez peu commune. Feu
M' le Préfident de Perigny
fonPere, eft mort Précepteur
de Monfeigneur le Dauphin,
& s'eftoit acquis beaucoup
de réputation dans le Parle
ment & à la Cour. Madame
de Perigny fa Mere , avec les
avantages d'un efprit délicat
& tres- éclairé fur toute forte
de matieres , a un coeur qui
luy a fait faire pour fes Amis
beaucoup de chofes fort confidérables.
GALANT 309 .
-
Mademoiſelle Bignon,
Fille de M Bignon , Con
feiller d'Etat , qui s'eft ac
quis tant d'eftime dans le
Parlement , où il a exercé
longtemps la Charge d'Avocat
General , eft morte auffi
depuis peu de jours. Elle
n'avoit que dix-fept ans ; &
comme de jour en jour elle
augmentoit en mérite , on
ne peut marquer plus de re
gret , qu'en ont fait voir de
fa mort tous ceux qui la con
noiffoient.
Celle de Mademoiſelle
Courtin n'a pas caufé moins
210 MERCVRE
d'affliction àa tous ceux de fa
Famille. Elle eftoit environ
de ce mefme age , avoit la
taille fort belle , & un air
modefte
" qui luy attiroit
4
l'eftime de tout le monde .
M'Courtin fon Pere eft Maî
tre des Requeftes , & a efté
autrefois Procureur General
au Parlement de Rouen .
Si ces pertes font ſenſibles
pour ceux qu'elles touchent,
la mort de
Vienne ademoiſelle de
de Combe , arrivée
a Pigney en Champagne le
17 de l'autre mois , doit l'eftre
encor davantage pour toute
GALANT zu
cette Maifon . Elle avoit vou
mourir, Mefdemoiſelles de
Vienne- Breviande , & Saint
Victor , fes Soeurs aînées , les
deux années précedentes ;
& eftant devenue heritiere
de leur fortune , ainfi que
de leurs vertus , elle fongeoit
à époufer un de fes Parens,
pour conferver tout le bien
dans fa Famille , mais Dieu
en a difpofé d'une autre maniere.
Pierre de Vienne fon
Pere , Seigneur de Brevian
de & de Combe , avoit efté
Lieuten n de M le Maré
chal d'Aumont, & cftoit Pe312
MERCVRE
tit Fils d'Antoine de Vienne,,
Seigneur de Gentoles & de
Breviande , Capitaine en la
Legion de Champagne, Fils .
de Jean de Vienne , Gentilhomme
de Meffire Antoine
de Luxembourg , qui s'établit
à Pigney , aprés le don
que luy fit ce Prince en 1508..
de quatre Fiefs , qui luy
eftoient venus par la forfaiture
d'un de fes Vaffaux en
cette Terre. Vous fçavez ,
Madame , que Forfaiture &
Felonnie,font des mots effen
tiels , pour fignifier les cri
mes de trahifon que com
meteng
GALANT. 313
mettent les Vaffaux envers
leurs Seigneurs. Nicolas de
Vienne , Ayeul de Jean ,
avoit efté Gouverneur de
Ligny en 1468. pour Meſ
fire Louis de Luxembourg,
Zonneftable de France &
eftoit Petit Fils de Hugues,
Seigneur en partie de Vienne-
le- Chaſteau , & de V.enne
-la - Ville,Terres en Champagne.
Guillaume de Vienne,
Pere de Hugues , affifta
parmy les Seigneurs de cette
Province, à la Cerémonie d'é
l'Hommage qui fut rendu
par le Roy d'Angleterre au
Decembre 1680.
Dd
314 MERCVRE
Roy Philippes de Valois à
Amiens l'an 1329. M'le Marquis
de Vienne , du Comté
de Tonnerre , eft l'aîné de
cette Maiſon , qu'on croit
iffuë de celles de Meffieurs
de Vienne de Bourgogne
.
Nous avons auffi perdu deux
Hommes illuftres , mais dans un
âge fort avancé . L'un eft le
Pere Kirkher Jefuite , Profeffeur
de Mathématique , & fiefti
mé , par le grand nombre d'excellens
Ouvrages qu'il a donnez
an Public . Les Livres de fes
Voyages de la Chine , qui font
fi bien connoître ce Païs-là , par
les Tailles - douces dont ils font
remplis , ont fort fatisfait tous
GALANT. 315
les Curieux. Il avoit quatrevingts
deux ans , & le Chevalier
Bernin , qui l'a fuivy , en avoit
quatre- vingts quatre . Je vous
parleray amplement de ce der
nier dans ma Lettre du mois pro
chain , & vous en donneray une
Médaille.
Le Reméde Anglais , ou Harlequin
Prince de Quinquina , a paru de.
puis trois femaines fur le Théatre
des Italiens. Comme rien
n'eft plus à la mode que ce Remede
, & qu'ils ont traité cette
Comédie felon leurs regles, c'eft
à dire , en y mêlant un fort
grand nombre de Scenes plaifantes
, elle a attiré quan i é de
monde , & auroit efté en or plus
fuivie fans l'incommode rigueur
du froid , qui oblige la plupart
Ddij
316 MERCVRE
ées Dames à renoncer aux plai.
firs publics.
Vers y
Les François repreſenterent
Vendredy dernier l'Afpar de M
de Fontenelle. La beauté des
foûtient par tout celle
des Penfées ; & fi on pouvoit fe
plaindre qu'il y euft trop d'efprit
dans un Ouvrage , c'eft un defaut
qu'on imputeroit peut- eftre
à cette Piece.
Je ne fuis point étonné de
l'impatience que vous me marquez
, d'avoir des nouvelles de
PEfcarboucle dont je vous parlay
la derniere fois . Tout le mon
de a la mefme curiofité ; mais
n'eftant pas encor affez bien
inftruit de la fuite de cette affai- .
re, pour vous en donner l'éclairciffement
que vous ſouhaitez,
GALANT. 317
je remets au mois prochain
vous dire ce que j'en auray apris.
Je vous ay déja mandé qu'on
faifoit de grands apprefts pour
un Balet magnifique , qui a pour
Sujet , Le Triomphe de l'Amour.
Ce n'eft ny un Opéra , ny un
Balet en Machines , mais feulement
une Maſcarade , qui devoit
I eftre dancée à Versailles le jour
de la Fefte de S. Hubert. Lamaladie
de Monfeigneur le Dauphin
ayant obligé de la reculer,
on l'a remife jufqu'au douzième
de Janvier. Je puis vous affurer
par avance , qu'on n'aura rien
veu de plus fomptueux que les
Habits. Les Dialogues qui féparent
les Entrées en plufieurs
cndroits , & que M' de Lully a
mis en Mufique , font d'une
Dd iij
318 MERCVRE
;
beauté qui pafle tout ce qu'on à
veu de cette nature & comme
il n'y aura point de changemens
de Theatre , la Décoration qui
régnera pendant ce Baler , fera
d'une invention toute finguliere.
Il eft composé de vingt Entrées,
dont je vais icy ajoûter l'ordre ,
avec les Noms des Seigneurs &
Dames qui doivent avoir l'hon
neur de dancer avec Monfei
gneur le Dauphin , & Madame
Ja Dauphine. Divers accidens ,
ou de maladie , ou de mort dans
des Familles , ont efté cauſe qu'il
yacu ya eu plufieurs changemens dans
ce Bolet , depuis qu'il a efté réfo-
7
5 & mefmeje ne voudrois pas
repondre qu'il n'y en cuft encor
quelques- uns juſqu'au jour où il
doit eſtre dancé . Je ne vous uis.
GALANT. 319
rien de la Mufique , ne vous envoyant
les Noms de ceux qui
doivent paroître dans ces vingt
Entrés , que parce que vous
m'avez témoigné fouhaiter d'ap.
prendre qui font les Perfonnes
de qualité que Monfeigneur le
Dauphin a voulu choifir pour ce
Divertiffement.
◄ PREMIERE ENTREE .
Trois Graces .
MADEMOISELLE.
Mademoiſelle de Commercy.
Mademoiſelle de Pienne l'aînée.
Quatre Driades.
Madame la Princeffe Mariane.
Mademoiſelle de Tonnerre.
Mademoiſelle de Cliffon.
Mademoiſelle de Poitiers .
Dd iiij
320 MERCVRE
SECONDE ENTREE.
Quaire Nayades.
Mademoiſelle de Rambures.
Mademoiſelle de Chaftcautiers .
Mademoiſelle de Biron.
Mademoiſelle de Pienne , cadete
.
TROISIEME ENTREE .
Huit Platfirs.
MONSEIGNEVR,
on le Sieur Leftang l'aîné.
M. le Comte de Brionne.
M. le Comte de Fieſque.
M. le Comte de Tonnerre.
M. de Mimeurs.
M. de la Troche.
Les Sieurs Faure & Bouteville.
GALANT. 321
QUATRIEME ENTREE..
MARS feul.
M. de
Beauchamp .
Huit Guerriers .
M. le Comte de Nangis.
M. le Marquis de Humieres.
M. de Sainte Frique.
M. de Valantiné .
' M. de Rouffillon .
M. de Bouligneux, cadet.
M. de Francine.
M. de la Roque.
CINQUIEME ENTREE.
Huit Amours.
Monfieur le Comte de Ver.
mandois .
M. le Marquis d'Alincourt.
M. le Comte de Guiche .
M. le Comte de Veruë,
322 MERCVRE
M. de Longueval .
Trois autres Petits Amours.
SIXIEME ENTREE.
Quatre Dieux Marins.
Monfieur le Prince de la Roche
fur-Yon.
M. le Comte de Brionne.
M. le Marquis de Mouy.
"M. de Mimeurs.
Quatre Nereides.
Madame la Princeffe de Conty.
Mademoiſelle de Laval.
Madame de S.Vallier.
Mademoiſelle de Pienne l'aînée.
SEPTIEME ENTREE .
BOREE.
Le Sieur Pecourt.
Quatre Vents.
Les Sieurs du Mirail , Germain
,
GALANT. 323
Leftang l'aîné , & Leftang
cadet .
HUITIEME ENTREE .
ORITHIE feule.
Le Sieur Favre.
Quatre Filles Athéniennes.
Les Sieurs Bouteville
, Magny,
Nobler, & Favier cader.
NEUFVIEME ENTRÉE.
Sept Nymphes de Diane.
MADAME LA DAVPHINE.
Madame de Sully.
Madame de Guimené.
Mademoiſelle de Gontaut.
Mademoifelle de Pienne , ca
dete .
Mademoiſelle de Biron .
Mademoiſelle de Cliffon
324 MERCVRE
DIXIEME ENTREE.
ENDIMION feul.
Le Sieur Favier l'aîné .
ONZIEME ENTREE .
Six Songes.
M. le Prince d'Harcourt.
M.le Marquis de Richelieu .
M. de Humieres.
M. de Mirepoix.
M. d'Autel.
M. de Francine.
DOUZIEME ENTREE .
Huit Cariens.
Les Sieurs Faure , Bouteville,
Magny, Leftang cadet , Germain,
du Mirail , Joubert, &
Favier cadet.
GALANT. 325
TREIZIEME ENTREE.
BACCH V S.
M. le Comte de Brionne.
Six Indiens.
MONSEIGNE VR,
ou Leftang l'aîné.
M. le Comte de Fiefque.
M. de la Troche.
M. de Mimeurs.
Les Sieurs Favier l'aîné , &
Pecourt.
QUATORZ ENTREE .
ARIANE.
Madame la Princeffe de Conty.
Six Filles Greques de la Suite
d'Ariane.
Mademoiſelle de Liflebonne.
Madame de Sully.
Madame de Seignelay.
326 MERCVRE
Mademoif. de Pienne l'aînée.
Madame de S.Vallier.
Mademoiſelle de Laval .
QVINZIEME ENTREE .
APOLLON feul.
Le Sieur Leftang, cadet
SEIZIEME ENTREE.
Quatre Bergers héroïques.
Les Sicurs Bouteville, Germain,
Faure, & Joubert.
DIX-SEPTIEME ENTREE.
PAON feul.
Le Sieur Leftang l'aîné.
DIX - HUIT ENTREE.
Quatre Silvains. ~
Les Sieurs Pecourt , du Mirail,
Favier l'aîné, & Favier cadet. •
GALANT. 327
DIX-NEUFV ENTREE.
Un Zéphir.
MONSEIGNE VR ,
ou M. de Mimeurs.
Six Zéphirs.
Monfieurle Prince de la Roche
fur-Yon.
M. le Comte de Vermandois.
M. le Marquis de Richelieu.
M. de Moüy..
M. d'Alincourt
.
M. d'Amilton
.
VINGTIEME & DERNIERE
ENTREE.
FLORE.
MADAME LA DAVPHINE.
Six Nymphes de Flore.
Madame de Sully.
Madame de Guimené.
328 MERCVRE
Madame de la Ferté,
Madame de Seignelay.
Mademoiſelle de Pienne , ca-.
dete .
Mademoiſelle de Cliffon .
M'de Fontenay, celebre Profeffeur
en Mathématiques , &
Philofophie Françoiſe , apres
avoir difcouru pendant plus de
douze années dans fes Conférences
publiques , prefque fur
toutes les Parties de ces Scien :
ces ,avec une entiere fatisfaction
de ceux qui l'ont entendu , avoit
entrepris dés le commencement
de cette année, d'expliquer au
Public la Nouvelle Encyclopedie
leroglyphique du P.Efprit
Sabbathier Capucin, qui paroiſt
au jour depuis deux ans s le
.
GALANT: 329
nom de l'ombre Ideale de la Sageffe
Univerfelle. Il s'en eft acquité.
avec tant de fuccés , qu'ayant
fait voir par expérience que
cette ingénieufe & fçavante
Piece n'avoit ny l'embarras, ny
l'obfcurité , que la plupart s'y
eftoient figurez , il en va commencér
un Cours cette année
prochaine , pour le continuer
tous les Samedis dans fon Logis
Rue Chriftine , à fon heure ordinaire.
Il y expliquera tous les
Arts libres & mécaniques , &
fera voir àleur occafion tout ce
qu'il y a de plus curieux & de
plus beau dans chacun . Il enfeignera
auffi une Méthode ai
fée de compofer fur le champ
un Difcours foit pourla Chaire,
ou pour le Barreau, fur tel fujet
Dimbre 1680. Ee
330 MERCVRE
qu'on voudra fe propofer , fans
confulter aucun autre Livre que
cette feule Carte , & donnera
“la maniere d'en tirer le deffein,
la divifion , les preuves , & les
railons ; en un mot dequoy foûttenir
folidement , & remplir
abondamment tout fon fujet.
Il vous faut entretenir des
Modes. La plus grande parure
des Hommes confifte en Brandebourgs
& Manteaux , qu'ils
portent fort riches . La plus
grande partie des Manteaux eft
brodée . Ils font de Camelor de
Bruxelles , gris , où d'écarlate,
& doublez de Panne ou de Pluche
de diférentes couleurs . La
couleur de feu eft celle qui eft
le plus à la mode. Les Brandebourgs
fe brodent auffi , mas
GALANT 33
avec cette diférence , que la Broderie
eft feparée, & faite en ma
niere de larges Boutonnieres ..
Ceux qui ne veulent point de
Broderie, font mettre des Boutonnieres
de Point - d'Efpagne
d'or. On voit auffi quelques
Brandebourgs unies de Drap de
Hollande couleur de feu , dou ..
blées de Renard . Quant aux
Habits, on en porte beaucoup
d'unis , de Draps couleur de
Caftor. Il fe fait de ces Draps,
d'une beauté furprenante, &
qui font à deux envers. Ces fortes
d'Habits font ordinairement
brodez , auffi- bien que les Cas
nons , ou de Point de France
toûjours évidez . On fait auffi
des Habits de ces beaux Draps,
avec des Bas roulez. La dou
Ee ij
332 MERCVRE
biure en eft de Panne à carreaux
de toute forte de couleurs. On
met avec ces Habits des Veftes
de riches Etofes de foye , brochées
de cordonnet . Le deffein
de ces Erofes eft toûjours à
grands panaches , mais les der-
Fires font à baftons rompus.
Les Ratines d'Efpagne de Drap
couleur de Mufc, font toûjours
à la mode pour les Habits à Bas
roulez . Ces Habits font doublez
de mefme Ratine. On porte
beaucoup de Baudriers brodez
fans Frange , avec les Ferrures
d'or ou d'acier cizelé. Je paffe
à ce qu regarde les Femmes.
Les dernieres Etofes qu'on a
fit venir pour elles, & dont on
voit à peine les premiers Habits
, font des Velours de toutes
GALANT. 333
façons à petits carreaux , de tou
tes fortes de gris , les uns unis,
les autres avec des filets or &
argent autour des carreaux . Il
y en a auffi à carreaux fans or
by argent, & d'unis , c'eft à dire
fans carreaux . Elles portent
auffi de riches Erofes de foye
brochées de cordonnet , appel
lées des Mofaïques , dont les
deffeins font comme des baftons
rompus . Les Manchons brodez
fur des Pannes de toute forte de
couleurs , qui ont tant regné,
"depuis deux mois commencent
à eftre moins à la mode , & on
les remplit tellement de nouds
de Chenille ou de Ruban, qu'on
n'en fçauroit diftinguer l'Etofe.
Les Femmes, au lieu de Robes
de Chambre, portent chez elle
334 MERCVRE
de grandes Robes que l'on appelle
Innocentes. Elles font-taillées
jufte fur le Corps , marquent
la taille & le fein , & ferment
avec des Rubans , coufus
de chaque cofté depuis le haut
jufqu'au bas.
Vous attendez fans - doute,
Madame , queje vous parle de
Péclatante Action que le Roy
a faite depuis quinze jours , en
donnant la voix contre Luymefme
, dans une Affaire que
ce grand Prince n'a pas voulu
gagner contre fes Sujets . Je croy
que toute la Terre l'apprendra
avec admiration ; mais comme
il me reste trop peu de
temps
pour luy donner toute l'éten
due qu'elle mérite, je la reſerve
pour le commencement de ma
GALANT. 335
Lettre prochaine , qui fera la
premiere de l'Année mil fix cens.
quatre - vingts un. Je vous la
fouhaite heureuſe , & fuis vof
tre , & c.
A Paris ce 31. Decembre 1680.
Ja
APOSTILLE.
E viens d'apprendre que Ma
demoiſelle de Nantes doit
dancer au Balet mais je ne
feay pas encor ce qu'elle répréfentera.
j
Le douzième Tome de l'Ex
traordinaire fe diftribuera le is.
Fanvier 1081.
Avis pour placer les Figures. ··
'Air qui commence par Climene,
tu te plains de ma legereté, doit regarder
la page 82.
L
La Médaille où eft un Coq , doir
regarder la page 156 .
La Médaille qui repréfente l'Ele-
&teur Palatin , doit regarder la
173.
page
L'Air qui commence par Petits
Oyfeaux, doit regarder la page 277 .
L'Enigme en figure , doit regarder
la page 304.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le