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1680, 01 (partie 2, Cérémonies du mariage de Monsieur le Prince de Conty avec Mademoiselle de Blois)
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Uu
-
1 "'- V
îi1£ACeURi~.
II.PARTIE. )
Contenant les Céremonies du Mariage de
Monsieur le Prince de Conty avec Mademoiselle
de Blois; & une Relation de
la Lorraine Espagnolete. .-
A PARIS
AF PALAIS.
ON donnera toujours un Volume
nouveau du Mercure Galant !e"
premier jour de chaque Mois, & on le vendra, aussi bien que l'Extraordinaire,
Trente sols relié en veau, Se
Vingt-cinq sols en parchemin..
A PARIS,
Chez G. DE LUYNE, au Palais, d&ns!t
Salle des Merciers, à la Justice.
;Che» C. BLAGEART, Rue: S. licqucy;
à l'entrée de la Ruë du Plâtre,
Et en sa Boutique Court-Neuve du Palais,
AU DAUPHIN.
~EtT. GIRARD,auPalais,dansla Grande
Salle, à l'Envie.
M. D.LXXX.
JlYÆC PRIVILEGE &V itor.
Extrait du Privilege du Roy. pAr Grace & Privilège du Roy, Donné i-z
S. Germain en Laye le 31.Decembre 1677.
Signé,Parle Roy en son Conseil,JUNQUIERES.
Ilest permis à J. D. Ecuyer,Sieur de Vizé>
de faire imprimer par Mois un Livre intitulé
MERCURE GALANT, presenté à Menfeigneur
LE DAUPHIN,& tout ce qui concerne
ledit Mercure, pendant le temps & espace de
sixannées,à compter du jour quechacun desd.
Volumes fera achevé d'imprimer pour la premiere
fois: Comme aussi defenses sont faites à tous Libraires, Imprimeurs, Graveurs &au.
tres, d'imprimer, graver & debiter ledit Livre.
sans le consentement de l'Exposant, ny d'en
extraire aucune Piece, ny Planches servant à
l'ornement dudit Livre, mesme d'en vendre se.
parément, & de donnerà lire ledit Livre, le
iceutà peine de six mille livres d'amende, &
'ccnHfcation des Exemplaires contrefaits, ainsi
que plus au long il est porté audit Privilege.
Registré sur le Livre Janvier de la Communauté le j; 1678. Signé, E.COUTEROT, Syndic.
Et ledit Sieur D. Ecuyer, Sieur de Vizé,
sacedé& transporté son droit de Privilege à
C.Blageart, Imprimeur-Libraire,pour en joüir suivant l'accord fait entr'eux.
¿J'¡"'IIÎ d'imprimer pour la premièref*i$
Jiif. I/trrvt<r itJe,
Avispour placerles Figures.
LEs deux Plans de laTable du Festin
Royal, doivent regarder la page
7i.
Le Plan de rEtimée du Buen-Retiro,
doitregarder la page 2.07^
t---/àE-,R-Cil-Il~,1--m *JANVIER itSo.
SECONDE PARTIE. 1
JTSt
E reprens la - plume,
Madame, & continuë
la Lettre qu'il me fut
impossible de finirle trenteuniéme
de l'autre Mois.
J'aurois souhaité me voir en
état de satisfaire plûtost
vostre curiosité sur les deux
Relations que vous attendez
de moy; mais quand le
temps ne m'auroit point
manqué pour la premiere,
ôc qu'elle eust esté toute
faite comme la seconde, que
la Lorraine Espagnolete a
écrite entiere, le grand
nombre de circonstances
curieuses rend ces deux Articles
si étendus, que je
n'eusse pû les faire entrer
dans cette derniere Lettre,
sans estreobligé d'en retrancher
plusieurs autres qui
devoient y trouver place.
Voila, Madame, ce qui m'a
fait prendre le dessein de luy
donner une suite. Je vous
ay appris dans la premiere
Partie que je vous en ay déja
envoyée, tout ce qui est arrivé
pendant le Mois, ôc j'ay
crû que vous n auriez pas
de peine à me pardonner
le retardement de quinze
jours, pour les deux Articles
que j'ay reservez, puisqu'en
diférant jusqu'à aujourd'huy
à vous faire part des Cerémonies
duMariage de Monteur
le Prince de Conty,
je prenois du temps pouf
m'instruire plus à fond de
beaucoup de choses dont je
ne vous aurois pu rien dire
d'abord. L'éclaircissement
que j'en ay reçeu, vous fera
connoistre quetoutes celles
dont il plaist au Roy de se
mesler, sont d'une magnificence
à laquelle rien ne
peutestreadjoûté. SileRégal
qu'il donna lejour de ce
grand & illustre Mariage,
avoit esté fait chez quelque
Nation Etrangere, le bruit
en auroit couru par tout six
Mois avant qu'il se fiift
donné. Toutes les Lettres
& les Nouvelles publiques
auroient elle pleines des
préparatifs qu'on auroit faits
pour cela, & le Prince qui
auroit voulu en prendre le
soin, se seroit vû obligéd'envoyer
chercher hors de ses
Etats la plûpart des choses
dont il auroit eu lxÍÕin. Il
n'a point fallu s'éloigner
beaucoup de S. Germain
pour fournirà ce luperbe
Repas. Tout s'y est trouvé
aussitost en abondance,&
quoy qu'il fust d'une somptuosité
Royale,ils'est donnécomme
un Repas ordinaire
qui n'eust demandé aucun
apprest. Vous n'enferez
point surprise, estantaussi
persuadée que vous l'estes
de l'ordre admirable qui accompagne
tout ce qui sefait
pour Sa Majesté, & de la
promptitude avec laquelle
toutes ses volontez sont exécutées.
Mais je m'échape
insensiblement, & j'oublie
que j'aybeaucoup dechoses
à vous marquer avátquede
venir à la description de ce
Repas. Si je vous enay parlé
d'abord, c'est parce qu'il
entre un air de grandeur si
particulier dans tout ce que
fait le Roy,qu'un objet si éclatant
emporte les premieres
réfléxions, sans qu'on soit
frapé d'aucune autre chose.
"t Il semble, Madame, qu'à
l'occasion du Mariage de
Monsieur le Prince deConty,
je devrais icy vous faire
un détail de ce quiregarde
l'augusteMaisondont il defcend.
C'estaussi par là que jecommencerois cet Article,
si. lors que je vous
appris la mort de feue Madame
de Longueville sa
Tante, je vous avois laiflfé
quelque chose à souhaiter
là-dessus.Iln'estdonc point
question dejustifier la gloire
de sa Naissance par ses Ancestres
les plus reculez. Il
faut venir aux avantages qui
luy sont particuliers, & vous
dire que tout le monde remarque
avec admiration,
qu'ilal'esprit, le mérite, la
pieté, & enfin toutes les vertus,
non feulement de ceux
de sa Maisonquisont aujourd'huy
vivans,mais encor
de ceux qu'il n'y a pas longtemps
que nous avons veu
mourir, & dont la mémoire
vivra éternellement.
Ce Prince est Fils d'Armand
de Bourbon, Prince
de Conty, qui sir paroistre
une telle vivacitéd'esprit dés
son plusbasâge, qu'il n'y
avoit pcrfonne qui rben fuit
surpris. Il fit ses études au
College de Clermont, où l'ér
ducation qu'il eut, contribua,
fort à le remplir des belles
&: utiles connoissances dont
il a tiré tant d'avantages. Je
ne vous dis rien de savaleur,
elle estconnuë,&c'est quel":
que chose en luy d'assez sur--
prenant, que la Nature luy
ayant refusf"é' un Corps capable
des fatigues de la
guerre, il n'ait pas laissé de
l'y soûmettre, & l'ait à la fin
accoûtumé aux plus pénibles
travaux dont elle eil:
suivie. Quantàla solide pieté
dont il a donné de si éclatantes
marques non pas
dans les derniers jours de là.
vie seulement, comme il
arrive à beaucoup qui ne
quitent leurs desordres que
quand ils ne sont plus en
pouvoir de les commettre,
mais pendant plusieurs annéesqu'il
a passées dans un
repentir continuel de ce qui
l'avoit séparé de Dieu, que
pourrois-je en dire qui approchast
de ce qu'on en
sçait? Toute la Terre, ôc
particulièrement le Languedoc
qui adore sa mémoire,
pourroit rendre témoignage
decette glorieuse
verité, aussi-bien que les,
Provinces de Guyenne, de
Berry, & plusieurs autres.
dans lesquelles il a fait distribuer
de grandes sommes
avant sa mort, pour réparer
ce qu'on avoit pû faired'injuste
sousl'autorité de forï
nom. Il avoirépousé Marie-
Anne Martinozzi, dont lof
Mereest morte en
odeur de
sainteté. Elle estoit Fille du
Comtede ce nom, issu d'une
des plus grandes Maisons de
Rome, Soeur de Madame la
Duchesse de Modene, que
toutel'Italieadmire aujourd'huy
pour la belle éducation
qu'elle donne au Duc
son Fils, <3c Niéce de Mrle
Cardinal Mazarin,quiayant
esté chargéduMinistere
sous LOÜIS LE GRAND, a
eu l'avantage d'estre le premier
à s'apercevoir des merveilles
qu'ondevoit attendre
de cet incomparable Monarque.
Il n'en parloit
qu'avec admiration, &on
luy a entendu dire en mourant,
qu'onseroitsurpris des
grandes choses qu'il feroit
pendant son Regne,ayant
toutes les lumieres, ~&laplus
judicieuse conduite qu'on pust
souhaiter dans un Souverain.
La fuite a fait voir que ce
clairvoyant Ministre ne se
trompoit pas, quand il afruroit
que cePrinceavoit eu de
l'esprit dés le berceau. En
effet, il n'y apersonne qui
n'ait remarqué que mesme
dés ses plus jeunesannées, il
avoit la prudence que nous
ne voyons que dans les
Hommes les plus consommez,
qui est de ne pas faire
connoistre tout ce que l'on
sçait, pour apprendre ce que
sçavent ceux avec qui l'on
traite, & avoir plus de facilitéà
découvrir la portée de
toute sorte d'Esprits. Je reviens
à feuë Madame la
Princesse de Conty.
Il y avoit peu de Personnes
à la Cour d'une aussi
g?rande beauté.Sataille & son erspritrépondoi ientà cet
avantagede laNature, mais
ses vertus alloient beaucoup
au delà. Elle estoitla Mere
des Pauvres,le recoursdes
Affligez,le modelle des
MeresChrestiennes,&l'exemple
de tout le monde.
Ainsisajeunesse,& sa beau-
:té,., n'ont servy qu'à faire
voir qu'une Princesse peut
estre jeune, belle, & Chrêtienne
tout ensemble. Son
principal soinpendant son
Veuvage, estoit de donner
aux deux jeunes Princes ses
Fils une éducation digne de
la pieté, & de leurnaisosance.
Elle ne vendoit jamais de
Charges à ceux sur la probité
desquels elle sereposoit de
la justicequi devoit estre
renduë dans ses Terres. Ai
contraire, elle les rachetoit
à quelque prix que ce fust
de certaines Gens qu'elle
croyoit capables d'en abuser,
ne lesconfiantqu'à des
Personnes seûres&fidelles,
quipussent appuyer ses
pieux desseins, ôc luy aider
a faire la guerre à l'injustice.
Elle a racheté plusieurs
Chrestiens des mains des
Barbares, & soûtenu des
Missions dans le Nouveau
Monde. Sa charité a patté
d'Europe en Afrique. Elle a
esté juique dans les Cachots
d'Alger & de Tunis tirer des
Esclaves,& de là jusque dans
le fonds de l'Amérique ôc
de l'Orient, délivrer d'une
captivité encor plus déplorable,
des Peuples quin'avoient
aucune lumiere de la
Foy. On ne doit point s'étonner,
Madame, sile jeune
Prince qui vient de se marier,
estant Fils de deuxPersonnes
d'une si éminente
vertu, a déjàporté si loin les
belles & grandes qualitez,
qui luy ont acquis l'estime
de toute la France. Mais s'il
luy est glorieux d'estre né
d'un Sang illustre de toutes
manieres, il ne luy est pas
moins avantageux de se voir
Neveu de S. A. S. Monsieur
le Prince. Je n'entreprens
point de faire l'éloge de
ce grand Homme. Toute
sa vie a estésiéclatante, que
les Nations les plus éloignées
sont instruites des prodiges
de valeur qu'il a fait
paroistre. C'est une force &
une pénétrationd'esprit sur-
-
prenante,&onpeut dire que
rien n'enégale la vivacité
que la promptitude avec laquelle
il vole auxactions qui
font les Héros. Tout en
parle, & je me tais. Monsieur
le Prince de Conty
peut encor trouver des
exemples de grandeur à suivre
dans les Princes du Sang
dont il sort. Il n'a qu'à jetter
les yeux for MonGeur- le
Duc, pour y découvrirune
ame aussiélevée que saNiiC
sance,& qui estant natutellementlibérale
,le fait
aller jusqu' au magnifique
dans les moindres choses
qu'il entreprend. Mais s'il
n'est pas étonnant, comme
je vous l'ay déjà dit, que le
jeune Prince dont je vous
parle, regle sa conduire sur
lesgrands exemples que feu Mle Prince & Madame la
Princesse de Conty luy ont
donnez, il y a du moins
beaucoup de sujet d'estre
surpris,devoir qu'il s'attache
si fortement à lesimiter dans
un âge qui estant proprementceluy
des plaisirs,semble
rejetter ce qui les écarte.
Au milieu de la plus florissante
Cour de l' Europe,
carressé de la Fortune, s'il
estvray que laFortune puisse
quelque chose pour les Princes
de son rang, il a toujours
secouru les Misérables, ôc
c'etf ce que personne n'auroit
encor sçeu
",
si la verité
qui découvre tout n'avoit
pas esté plus forte que samodestie.
Ila mesme fait des
Présens de la meilleure grace
du monde,àdes Gens d'une
Naissance tres-considérable
dont les besoins ne luy estoient
point cachez, &il a
offert tout ce qu'il avoit jusqu'à
des Princes qui n'auroient
manqué de rien, s'il
n'y avoit eu desraisons particulières
pour les laisser
dans la nécessité de quelque
secours. Si vous examinez
toutes ces choses, vous y
trouverez de la pieté, de la
- libéralité, & de la grandeur
d'ame. Quant à ce qui regarde
la valeur, quoy qu'il
n'ait pas encor eu
occasion
de faire parler de lu y de ce
costé-là, son adresse dans
ses Exercices, l'ardeur qu'il
y fait paroistre, le plaisir
qu'il prend à la Chasse
,
&
les grands Noms qu'il se voit
obligé de soûtenir, font
âssez connoistre qu'il marchera
sur les traces desHéros
de sa Maison. Je m'arreste
icy. Auffibien tout ce que
je pourrois dire à son avantage,
seroit beaucoup au
dessous du témoignage que
Sa Majesté a rendu de luy
en peu de paroles. Vous
sçavez avec combien de
justese le Roy s'explique
sur toutes choses. Ce grand
,
& sage Monarque,que le
faux mériten'éblouitjamais,
& qui connoist parfaitement
celuy de Monsieur le
Prince de Conty, dit en parlant
de son Mariage, qu'il
avoit remarqué en luy toutes
les vertus des Princes, sans
qu'elles fussent me/leés dtt
leursdéfauts, se que s'ilavoit
connu un plus honneste Homme
au Monde, il luy eust
donnéMademoisellede Blois.,
Avoüez, Madame, qu'un
pareil éloge forty de la bouche
de Sa Majesté, passe
routes les loüanges qu'on
peutrecevoir d'ailleurs. Ce
jeunejeune
Princel'a bien mérité,
puis qu'outre ce que je vous
ay déja dit de ses grandes
qualitez
,
il a de la modération;
qu'ilsçait beaucoup,
qnuii'iialnet,lt. bon, doux, bien-
& d'une dévotion
qui n'a aucun faite. Il est
vray que quoy qu'il soitnaturellement
porté au bien,
l'éducation de Monseigneur
le Dauphin,dont:ilapresque
toûjours esté rétnoin, n'a
pas moins contribue à le
rendre ce qu'ilest, que l'éducation
particulière qu'il a
receuë de ses Maistres. Il a
profité de tout, & comme
les bonnes choses ont toujours
fait grande impression
sur son cesprit, il s'est appliqué
les instructions dont il
, a pu tirer avantage.
Il faut vous parler présentement
de la jeune Princesse
qu'il aépousée
; mais
que puis-je vous en dire que
vous ne sçachiez ? Y a-t-il
quelqu'un en France qui
puisse ignorer qu'elle est
toute aimable,&toute belle,
qu'elle a de la douceur& de
l'esprit, & que jusqu'aux
moindres choses qu'elle fait,
<'cft toujours de si bonne
cgeruaxcqe,uqiu'elle enchante tous
la voyent.Joignez
à cela qu'elle a esté élevée
par Madame Colbert, c'est
tout dire.. Mademoiselle de
Blois ayant tous les avantages
que je viens de vous
marquer, fut regardée de
toute la Cour dés sa plus
tendre jeunesse, comme un
Chefd'oeuvre admirable de
la Nature, tant pour les
charmes du corps que pour
la vivacité de l'esprit. Monsieur
le Prince de Conty fut
du nombre de ceux qui ladmirerent,
mais son admiraton
se changeainsensiblement
en amour & comme il
estoit encor fort jeune, il cit
à croire qu'il l'aima longtemps
sans sçavoir ce qu'il
sentoit pour cette Princene.
Cependant illuy rendit des
soins si assidus, & si empressez,
que le veritable
amour ayant toujours dela
peine à (e cacher, il n'y eut
personne qui ne s'aperçeust
de sa passion. Elle a toûj ours
augmenté,
,
& comme un
fort grand mérite joint a ce
que la beauté a deplus toiichant
l'avoit fait naistre
,
il
ne faut pas s'étonner si elle
aestéde longue durée. Ce
qu'il y a de particulier, c'eâ
que Mademoiselle de Blois
peut dire qu'au milieu d'une
grande Cour, Monsieurle
Prince de Conty n'a jamais
VvU qu'elle, que tous tes
foins ont esté pour elle, &
que l' ayant aimée avant
mesme que d' estre en état
d'aimer, cet amour a esté
dans la suite la premiere
choseque sa raison luy ait
conseillée. Apres des conseils
si dignes d'estre luivis5>
ce jeune Prince redoublases
assiduitez, & ses complaisances
pour la belle Princesse
qui avoit gagné son
coeur, & dont il voyoit que
la feule possession estoit capable
de le rendre heureux.,
Mademoiselle de Blois eut
pour luy toutes les civilitez
qui sont deuës aux Princes
de saNaissance; mais elle
avoit trop d'esprit, & elle
estoit trop bien élevée pour
faire paroistre qu'elle [entiit.
autre chose que de l'estime,
quoy qu'il sufl: vray que les
belles qualitez de ce jeune
Prince eussent fait pour luy .-
d'assez favorables impresfioris
sur son esprit. C'est
en quoy on ne la sçauroit
trop admirer, & vous l'admirerez
sans douteaussibien
que toute la Cour, quand
vous sçaurez que cette Princesse
ayant appris que son
Mariage estoit résolu, &
voyant que toutes choses fp
préparoient pour cela, dit
obligeamment pour Monsieurle
Prince de Conty,
quelleavoittoujours eu beaucoup
d'inclination pour luy,
mais qu'elle nen auraitjamai*
untémoignésile choixdu Roy
n'eust pai autorise ce qu'elle
sentoit. Il y avoit déja sont
longtemps qu'ons'appercevoit
de l'amour du Prince,
ëc comme on ne doutoit
point que Mademoiselle de
Bloisn'y fust sensible quand
illuy seroit permis delaisser
agir ses sentimens, tout le
monde entroit dans leurs
interests, & il n'y avoit personne
qui ne Bit des voeux
pour leur bonheur. LeRoy
cependant examinoit tout
& ne disoit rien. Il estoit
bien aise de découvrir ce qui
6 passoit dans le coeur de
l'un,& de l'autre,& après
qu'il en flit connu tout le
ÍeGt-et, le plaisirqu'il trouve
àrendre heureux ceux qui le.
méritent,luy fit prendre le
dessein de s'expliquer. Ilfit,
appeller Mademoiselle de
Blois, & luy. dit qu'il avoit
résolu de la marier avec
Monsieur le Prince de Conty.
Cette Princesse ne put
s'empécher de répandre
quelques larmes. Le Roy,
luy demanda si elle n'estoit
pascontente de ce Mariage.
S-c-s pleuraredoublement. Elle
luybaisala main., &luy
répondit en suite, qu'elle
estoit tellement touchée des
bontez que sa MajefléarrJoit
pour elle,qu'elle en werfoit
des Ur?)ies de joye. Mais ce
n'estoit pasassezque Mademoiselle
de Bloissçeust cette
nouvelle. Il falloit en faire
part à Monsieur le Prince de
Conty, & dans la crainte
qu'on a toûjours de n'obtenir
pas ce qu'on souhaite,
elle ne luypouvoit paroistre
croyable, s'il ne l'apprenoit
de la bouche mesme de Sa
Majesté. Le Roy luy fit
connoistre le dessein quii
avoit de le marier; &aunom
de l'aimable Princesse qu'il
luy destinoir, ce jeune Prince
futsifort saisy de joye,
qu'il en demeura tout interdit,
s$ansqu'il pust prononcer
une parole. C'estoit plus
dire que s'il eust parlé. Le
silence fait souvent entendre
beaucoup, & dans ces
fortes d'occasions, le coeur
n'eut jamais un plus fidelle
interprete. Enfin apres s'estre
un peu remis, il fitsesremercîmens
d'un air quimarquoit
l'obligation qu'il avoit
au Roy, &: la joye extraordinaire
& preique incroyable,
qu'une si agreable nouvelle
luy avoit causée. Il demanda
s'il luy estoit permis
de publier son bonheur,&
il en obtint la permission.
Sa Majesté luy dit seulement,
qu'iln'allast chez Mademoiselle
de Blois que sur
les six heures du soir, & qu'il
-
y seroit conduit par Monsieur
le Duc. Il sortit apres
cet ordre, le coeur si remply
de joye, qu'illuy fut impossible
de lacontenir. Ilenfit
part à ceux qui le rencontrerent,
& s'estant retiré
chez luy, il envoya incontinent
avertir ses plus particuliers
Amis de ce que le
Roy avoit résolu en sa saveur,
& défendit qu'on laisfait
entrer personne. Il se
douta bien que mille Gens
le viendroient féliciter,&il
n'appréhendoit rien tant
que leurs visites. Il vouloit
s'abandonner tout entier
aux douces pensées qui le
nacoicnc;& quoyqu'il connust
que laconversation ne
pouvoit rouler que sur l'assurance
qu'il avoit reçeuë de
son bonheur, il croyoit ne
pouvoir l'envisager assez fortement
en compagnie. Ainsi
il s'enferma pour y resver
seul, & ce fut alorsque les
transportsde sa joye n'eurent
plus de bornes. Il en
gousta toutes les douceurs
pendant quelquetemps;
mais enfin illuy sembla qu'il
ne les goustoit qu'imparfaitement,
puis qu'il estoit éloigné
de ce qu'il aimoit. Il
comptoit chaque moment
pour un siecle, & ne pouvant
estre maistre de luy-111êllne,
quelquesviolens efforts qu'il
se fist pour surmonter fou
impatience, il sortit accompagné
de son seul amour, &
se rendit chez Mademoiselle
de Blois, où il n'estoit attenduque
ssir les six heures.
Comme il n'y avoit point
d'ordre avant ce tempsJà"
& qu'on ne voyoit point
Monsieur le Duc qui le devoit
aller prendre, on ne
voulut point d'abord le laisfer
paser jusqu'à laChambre
de cette Princesse; mais
il toucha tellement ceux qui
[e creûrentobligez deluy
résister, qu'il leur fut impôt
sible de luy refuser logtemps
l'entrée. Il courut se jetter
aux pieds de Mademoiselle
de Blois avec des transports
de joye qu'il n'y a personne
qui pust bien décrire, ôc que
les coeurs mesmes les plus
amoureux auroient de la
peine à se bien représenter.
Illuy fit mille protestations
d'une tendresse eternelle;
mais quelques passionnées
qu'elles fussent, ce que luy
disoient ses yeuxl'emportoit
encor sur les plus vives expressions
qu'il pust trouver.
Le bruit de ce Mariage
-
Vcftant répandu dans toute
sa Cour, on, entendit dire
>:OU[ d'unevoix, qu'il estoit ;êlon les/voeux les dt/irs
~e chacun, au gré de Dieu
cJ des Hommes. Je ne change
rien aux termes. Ce sont es mesnes dont on se Ièr--
vit de tous costez.
Depuis le jour que Sa
Majesté se fut: declarée,
jusquesà celuyduMariage,
Monsieur le Prince de Conluy
marqua par l'extraordinaire
empressement de ses
soins,qu'il estoit le plus garant
& le plus amoureux de
tous les Hommes; mais
quelque violent quefust son.
amour, il estoitégalé par
son respect, & il avoit pour
Mademoiselle de Blois des
déferences si particulieres,
que quand il entroit chez
elle, il ne pouvoit soufrir
sans se plaindre qu'elle se
levait pour le recevoir. Comme
la libéralité & l'amour
font presque toûjours inséparables,
& que ceux-mesmes
qui ne sçavant ce que
c'estt qu'estre galans, ont
accoûtumé de le devenir,1
quand ils sont prests de se
-:marier, tout ce que faisoit
Monsieur de Conty estoit
d'un Amant passionné, &
d'un Prince libéral. C'ef-
!
toient des devoirs dont il
sacquitoit de la meilleure
grace du monde. Cependant
il ne laissoit pas de
prier sans cesse Madame
Colbert qui gouvernoit toûjours
la jeune Princesse, de
luy dire s'il ne manquoit
point en quelque choie. Il
.vouloit plaire, ôc il croyoit
ne faire jamais assez.
La Cerémonie de son Mariageavantestéa.
rrcfte£-
pour leMardy 16. de l'autre
mois, le Contract en fut signé
le jour qui le précéda.
Apres que toute la Maison
Royale se fut assemblée
dans la Chambre , de la
Reyne, le Roy y entra sur
les sept heures du foir, &
passa en suite dans la sienne
, où tous les Princes &
Princessesl'accompagnerent.
Monsieur le Prince
de Conty donnoit la main
à Mademoiselle de Blois.
La queuë de la Mante de
cette Princesse avoit cinq
aunes de long, & estoitportée
par Mademoiselle de
,
Nantes. Le Roy se plaça à
l'un des bouts d'une Table
qui estoit contre la muraille.
La Reyne se mità sa
gauche;& en suite Monseigneur,
Monsieur, Madame,
Mademoiselle, Ma,
demoiselle d'Orléans, Ma,
dame la Grand'Duchesse
de l'oscane, Madame de
Guise, Monsieur le Prince,
Monsieur le Duc, Madame
la Duchesse, Monsieur le
Prince de la Roche-sur-
Yon, Mademoiselle de
Bourbon,Madamela Prnu
1.
L.
cesse de Carignan, Monsieur
le Comte de Vermandois,
Monsieur le Duc du
Maine, Mademoiselle de
Nantes, & Mademoiselle
de Tours, se rangerent tous
en demy-cercle au devant
de cette Table. Monsieur
le Prince de Conty se mit
vis-à-vis avec Mademoiselle
de Blois au dedans du demy
cercle. Alors Mrle Marquis
de Segnelay s'approcha,
& commença à lire le
Contract tout haut. Une
partie des qualitez ayant
estéleuë, le Roy luydit que
c'estoitassez, & le signa.
La Reyne, Monseigneur,,
Monsieur, Madame, Mademoiselle,
& tous les Princes
& Princesses de la Maison
Royale, le signerent apres le
Roy. Cela fait, Monsieur le
Prince de Conty (e mit dans
son rang, au dessous de Madame
la Duchesse, & au
defliis de Monsieur le Prince
de la Roche-sur-Yon; &-
Mademoiselle de Blois se
Inir. au dessous de Monsieur
le Comte deVermandois.
Aussitost on vit paroistre
Monsieur le Cardinal de
Boüillon, qui s'avança jufl.
qu'au milieu de la Chambre.
Il estoit en Rochet &
en Camail. Mr l'Abbé de
S. Luc, Aumônier du Roy,
quelques Ecclesiastiques de
la Chapelle, & Mrle Curé
de S. Germain, l'accompagnoient.
Monsieur le Prince
de Conty, & Mademoiselle
de Blois, s'estans approchez
de luy, il commença la
Cerémonie des Fiançailles.
Vous sçavez qu'elle consiste
à prendre le consentement
des Parties. Ainsi ce Cardinal
demanda à Monsieur le
Prince
Prince de Conty, s'il pro~
mettoit de prendre pour
Femme Anne - Marie e' de
Bourbon qui estoit présente.
Ce jeune Prince fit une profonde
revérence au Roy,
une autre à la Reyne, &
une troisiéme à Monsieur le
Prince son Tuteur, pour
sçavoir s'ils luy en donnoient
la permission. Vous
pouvez juger avec quelle
oye il répondit si-tostqu'il
eutobtenue. Mademoiselle
de Blois fit aussi une pro- onde revérence au Roy, &
une à la Reyne, avant que
de répondre sur la demande
fqiut,e le mesme Cardinalluy
si elle promettent de
prendre pour son Mary
Louis-Armand de Bourbon,
Prince de Conty, qu'elle
voyoit là present. Les Fiançailles
estant achevées,toute
cette auguste Compagnie
alla prendre le' divemuement
de l'Opéra deBellérophon.
Le lendemain, qui
estoit le jour du Mariage,
Monsieur le Prince de Conty
rencontra la Reyne quel-
:
ques heures avant celle,
quon avoit marquée pour
en faire laCerémonie. Cette
Priricesse dont la pieté n'a
pointd'exemple, luy dit,
quelle allaitfaire ses Devez.
tions pour demander à Dieu
qu'il voulust benir son Mariage.
L'heure de cetteCerémonie
estant venue, les
mesmes Personnes qui s'et:
toient trouvées le jour préredent
aux Fiançailles, &
que je vous ay déjà nommées,
sortirent dela Chambre
de la Reyne, où elles
s'estoient rendues,pour aller
lie là dans la Chapelle. Le
rond de l'Habit de Monsieur
le Prince de Conty;
estoit de Satin couleur de
paille, brodé de Milleret
noir, rehaussédeDiamans,
autour desquelsil y avoit
de la découpure de Velours
noir. Le Manteau en estoit
couvert environ trois quartiers
de haut, & les Chauffes
toutes remplies de branchagesnoirs
relevées de Diamans.
La doublûre de son
Manteau estoit de Velours
noir,&sa Garniture d'un
Ruban couleur de feu ôc
blanc velouté. Il avoit un
Chapeaunoiravec un Bouquet
de plumes couleur dr
feu,mouchetéde blanc; ô£
sur lesSouliers, des noeuds
couleur de feu&blanC,lTIOU---
chetez de Diamans. Son
Cordon enesroit,aussibien
-que l'Attache de son Chapeau,
ôc son Ceinturon &cton
Epée en estoientcouverts.
L'Habit de Mademoiselle
de Blois estoit
blanc, &tout lizeréde Diamans
& de Perles;&comme
c'estla coûtume des Mariées
de rhettre derriere leurteste
une maniere de petite Couronne
de Fleurs qu'on ap--
pelle le Chapeau, cette Prinr.
cesse en avoit une de cinq
rangs de Perles au lieu de
Fleurs, & ce fut la Reyne
qui luy fit l'honneur de les
attacher.CesillustresMariez
avoient mis un Habit noir
lé jour de leurs Fiançailles..
La Cerémoniedu Mariage
fut faite par Mrle Cardinal
de Boüillon. Comme
elle est la mesme par tout, il me seroit inutile de décrire
icy deschosesqui ne se font
pas autrement parmy les
Grands, que parmy les Personnes
les moins élevées.
Tout ce que jevous en puis
dire de particulier, c' est
sqiue'uern cette occasion Monle
Prince de Conty
voulut avoir des déférences
pour Mademoiselle de Blois,
ausquelles Sa Majesté s'opposa.
Il est des rencontres
où pour paroistrevéritablement
amoureux, un Amant
d oit tout déferer à uneMaîstresse;
mais il est aussi des
temps où la solemnité des
Cérémonies, demande nécessairement
qu'on y paroissedans
le rang qu on
doit tenir. Celle du Mariage
estant achevée, Monsieurle
Prince & Madame la Princesse
de Conty se mirent à
genoux aupres de l'Autel.
Le Roy&: la Reyne estoient
seuls sur une ligne, Monseigneur
le Daup&hin derriere
Leurs Majestez. Apres
luyestoient Monsieur, Madame,
& Mademoiselle; en
fuite Mademoiselle d' Orleans,
Madame la Grand"
Duchesse, & Madame de
Guise, & ainsi de tout le
reste. On dit la Messe,
apres laquelle Monsieurle
Cardinal de Boüillon fit la
Cerémonie du Baptesme de
Monsieur le Duc de Bourbon,
Fils de S. A. S. Monsieur
leDuc. LeRoy futson
Parrain, &le nommaLoüis.
Madame estoit la Marraine.
Ce jeune Prince avoit ce
jour là un Habit de lames
d'argent,brodé de Cordonnet
d'argent, & enrichy
d'une Garniture d'unRuban,
aussid'argent. Ses Gands
estoient blancs, garniset r> frange d'argent, & il avoit
des Bas de soye & des Souliers
de mesme couleur. Il
fait les études au Collegede
Clermont, & l'esprit de fit
Maison paroist tellement
dans tout ce qu'il dit, qu'il
donne de jour en jour de
nouveaux-sujetsdel'admirer.
Au sortir de la Chapelle, le
Roy alla dîner chez la Reyne,
avec Monseigneur,Monsieur,
Madame, Monsieur
le Duc de Chartres, Fils de
Son Altesse Royale, Mademoiselle,
Mademoiselle
d'Orleans,Madamela Grande
Duchesse, Madame de
Guise, & Madame la Princesse
de Conty. Apres le
Dïné'Cli.,Lcun s'alla préparer
pour les Divertissemens du
fair; & sur les approches de
la nuit, les Princes & les
Princesses s assemblerent
chez laReyne. 0n yattendit
l'heure de la Comédie,
&: quand on fust prest de la
commencer , cette grande
& auguste Compagnie se
rendit dans la Salle des Balets.
Toute la Maison Royale
k plaça sur une ligne, ôc
tous les Princes du Sang
vis-à-vis sur une autre ligne.
La Troupe Royale représenta
l'Iphigénie de M Ra-
> cine
,
qu'on entremesla de
Mu sique dans lesEntr'actes,
La Comédie estantfaite, Mr
le Cardinal de Boüillon alla
fairelaBénédiction du Lit
desMariez.Il benitaussila
Table. C'est ce qui se pratiqueordinairement,
quand
il y a un Festin Royal.
Sur les dix heuresdu soir,
toute la Maison Royale, &
les Dames qui avoient cfte.
conviées de la part du Roy
pour celuy que Sa Majesté
devoit donner, se rendirent
auChasteau-neuf. La Table
du Soupé estoitdressée dans
la Galerie de ce
Chasteau.
rCn avoit élevé au dehors
quatre Escaliers de, bois,
deux du costé du petit Jardin,
& deux du collé de la
Terrasse,afin que le service
se fit plus commodement.
Ces quatresEscaliers répondoientàautant
de Fenestres,
parce qu'il auroit eilé impossible
que pres de six cens
grands Plats eussent esté
portez & raportez sans confusion,
s'il eust salu les faire
paffer tous par la Porte. Il
fut mesme résolu pour un
plus grand ordre, que les
Suisses porteroient les Plats
jusqu'aux Fenestres de la
Galerie, sans qu'ils y --en-!
trassent, & qu'ils les livreroient
aux Officiers & aux
Pages du Roy qui devoient
servir.Tout le dehors du
Chasteauestoit remply d'une
infinité de Lampes pour
éclairer ceux qui partatgeoient
le foin de ce grand Régal-. Dans le Sallon qui.1
sert de passage à la Galerie.
où le Couvert estoit mis, on
avoit allumé plusieurs LuC.
tres ôc Bras d'argent, avtcj
deux grands Candelabres de
mesme matiere; ils
avoient
x branches chacun, &hult.
neufpieds de haut. Dece;
allôn on entroit dans la Gaeriequi
éstoit illuminée tout
KI tour,d'un tres- grand
nombre de Bougies, disposées
en sîmétrie sur le rebord
le la Boisure. Chaque enrecroifée
estoit garnie de
puinze Flambeaux, entre
lesquels celuy du milieu. ec.
soit plus haut que ceux des
deux bouts. Les autres et
boientde la grandeur ordinaire.
On sçait de quelle
~beauté,&de quelle pesannaire
sont ces Flambeaux;.iJ.-¡
ont esté faits par le feu Sr
Balin. Outrecette prodigieusequantité
de lumieres,
il y avoit plusieurs Lustres
d'argent suspendus au dessus
de la Table, tous sur une
mesme ligne.
Le jour précédent, on
avoit dressé un Bufet d'une
magnificence extraordinaire
, mais on fut contraint de
l'oster, à cause du trop de
place qu'il occupoit, & on
en mit un autre qui ne contenoit
que les choses nécesfaires.
La Table estoit séparée.
de ce Bufet parunecloison
qui avoit deux Portes, au
dessus desquelles estoient
trois grandes Plaques d'argent
à trois Bougies chacune.
Cette cloison estoit
revétuë d'un riche Tapis de
Velours violet en broderie
d'or aux Armes de France.
L'autre bout de la Galerie
par où l'onentroit,estoit de • lamesme simétrie. La Table
avoit cinquante quatre
pieds de long, sur six pieds
huit pouces de large. Le
milieu en estoit orné d'une
maniere toute singuliere, &
qui avoit quelque chosede
galant, de magnifique,&
de surnaturel tout ensemble,
à considerer la saison où l'on
estoit. Dix-neuf Corbeilles
à jour, tantdorées que d'argent,
regnoient sur toute la
longueur de cette Table.
Elles estoientrempliesd'Annémones,
d'Hyacintes, de
Jasmins d'Espagne, deTulippes,
&de Feüilles d'O'
ranger; & de petits Festons;
de Fleurs couroient par dessus.
Iln'y avoitrien que de
naturel, & en voyant ces;
Corbeilles, il estoitdifficile
de le souvenir qu'on sust au
seiziéme de Janvier. Les
Etrangers qui virent ces
Fleurs, crûrent longtemps
qu'elles estoient feintes, &
s'ils ne les eussent vûs de
plus près quand on défervit,
on n'auroit jamais pû leur
persuader, qu'elles eussent
esté véritables. Entre les
Corbeilles, il y auoit des Girandoles
de six Bougies,avec
des Flambeaux de vermeil
doré aux quatre coins des
mesmes Corbeilles. Ainsi
chacune se trouvant entre
deux Girandoles, & quatre
Flambeaux, estoit environnéedeseize
lumieres vqui
jointes à celles des Lustres
d'argent, qui estoient Cufpendus
le long de la Table,
faisoiét admirablement briller
le vif coloris d'un si
grand nombre de Fleurs.
Douze Chandeliers de deux
pieds de haut chacun, d'un
admirable travail, & garnis
de lumieres d'une grosseur
proportionnée à leur grandeur
,
donnoient encor un
nouvel éclatà tout ce que je
viens de vous décrire. Toutes
ces Corbeilles demeurerent
sur la Table jusqu'à
la fin de ce superbe Repas,,
pour réjouir la veuë & l'odorat,
pendant que le goust
estoit occupé, & par ce
moyen la plupart des sens
pouvoient se satisfaire tout ai
lafois..
Il y eut trois Services decent
soixante Plats chacun,
sçavoir un Plat de neuf
marcs,entre quatre Ecuelles
desix marcs ôc demy,chacune
avec deux petits Plats
dorez hors d'oeuvre. Tous
les Plats de chaque Service,
montoient à quarante-six
moyens Plats de neufmarcs,
a quatre-vingts quatorze
Plats appellezt) Ecuelles de
six marcs & demy chacun,
& à cinquante-six Plats de
vermeil doré, hors d'oeuvre.
Le premier Service estoit
moitié Potages, moitiéEntrées
; & le secon d
,
moitié
Entremets, & moitié Raft"
dont les plus grosses pieces
estoient fort petites, &
il y avoit pour seize mille
livres d'Ortolans. L'Entremets
estoit dans des Porcelaines
posées sur des Plats.
Le troisiéme Service estoit
le Dessert. Je vous envoye
deux Plans de ce grand
Repas, dansla mesme Planche.
Le premier marqué At
dans lequel il yale moins
d'écriture, est celuy des
deux premiers; &: le second
marqué B,est celuy que
j'ay fait
graver pour le Des-
1ert. Ce qui eH: marqué
Soûcoupe, estoit remply dequantité
d'Eaux glacées &
de Liqueurs dans des Gobelets
d'argent. Quant aux
Compotes, elles estoient
dans des Porcelaines fines.
Quoy qu'il y eust grand
nombre de Personnes à
rablc, comme vous allez
voir par le nom des Dames
qui eurent l' honneur d'y
estre reçeuës, toutes les
Assietes estoient de vermeil
doré, & furent changées
plusieurs fois. Les Officiers
qui servirent, estoient Mr
Sanguin Premier Maistred'Hostel,
& MrdeValentiné
Controlleur General. Mt,
Groteau Controlleur ordinaire,
servit du costé du
Roy. Mrs Gimat, Vandervek
,
Leschallas
,
Royer,
Moreau, & Boucau, Controlleurs
Clercs d'Office,
servirent
servirent aussi. Il y avoit un
tres-grand nombre de Soûcoupes
pour donner à boire
à toutes les Dames. Plusieurs
Pages les servoient;
& il y en avoit un dessiné
pour deux ou trois.Quoy
que vous ayez déjaveu dans
un des Plans quelques noms
des Personnes quiestoient à
table, je croy vous en devoir
donner une Lifte entiere.
N'y cherchez point d' ordre.
Les rangs qui se trouvent
lans ces fortes de Relations
ne reglent rien, & ne tirent
point à conséquence.
LE ROY.
LaReyne.
Monseigneur.
Monsieur.
Madame.
Monsieur le Duc de Chartres.
Mademoiselle.
Mademoiselle d'Orléans.
Madame la Grand' DUi
chesse de Toscane.
Madame de Guise.
Madame la Duchesse.
Madame la princesse de
Conty.
Mademoiselle de Bourbon.
-
Madame la Princesse de -
Carignan.
Mademoiselle de Nantes.
Mademoiselle de Tours.
Madame la Princesse
1 d'Harcourt.
- Madame la Duchesse de
Crussol.
Madame laDuchesse de
Richelieu.
Madame de Montespan.
Madame laDuchesse de
Bracciano.
MademoiselledeNoirmontier
sa Soeur. :
Madame la Duchesse de
Créquy.
Madame la Duchesse de
Lesdiguieres.
Madame la Duchesse de
Rohan.
MadamelaMaréchale de
la Mothe.
Madame la Duchesse
d'Aumont.
Madame la Duchesse de
la Ferté.
Madame la Duchesse de
Noailles.
Madame laDuchesse de
Gramont. ;
Madame la Duchesse de Villeroy.. *
Madamela Duchesse de
Duras.
Madame Colbert.
Madame la Duchesse de
-
Chevreuse.
Madame la Duchesse de
Beauvilliers.
Madame la Duchesse de
Il Mortemar.
Madame laMarquise de
Scgnelay.
Madame la Princesse de
Tingry.
Madame la Maréchale de-
Humieres.
Mesdemoiselles de àHu-
11" mieres ses Filles.
Madame la Marquise de
Louvoys.
:.J'
Madame deThiange.
Madame la Comtesse de
Cramont.
Madame de Grançey.
Madame la Comtesse de
Guiche.
Madame de Clerambaut.
Madame de Gourdon..
Madame la Marquise
d'Effiat.
Madame duBouchet,
Mademoiselle du Bouchet
sa Fille.
Madame de Sainte-Mesmes.
MademoiselledeLevy.
Mademoiselle de Théobon.
Mademoiselle des Adrets.
Mademoiselle Poitiers.
Mademoiselle de Chasteautiers.
Madame de Maintenon.
Madame la Marquise de
Sourches.
Madame la Marquise de
leValiere.
Mademoiselle de la Valiere
sa Fille.
Madame d'Albret.
Mademoiselle de BrevaL
Madame de la Vieuville..
Voila,Madame, tout ce
que ma mémoire me peut
fournir. Il m'échape assurément
quelques noms qu'il
m'estimpossible de rappeller.
Ce que je sçay de certain,
c'est qu'on ne pouvoit
rien voir deplus brillantque
toutes ces Dames, tant elles
estoient couvertes de Pierreries.
On ne demeura à table
que deux heures, c" qui
marque que tout fut servy
sÇdciervy avec grand ordre,
niaîeré lenombreextraordinaire
de Plats qu'il salut
mettre & oiter. Monsieur
le Prince, qui depuislongtemps
ne vit que de Lait>;
soupa dans la Chambre de.
Monsieur le Prince de Conty,
avec Monsieur le Duc,
Monsieur le Prince deConty,
Monsieur le Prince de la
Roche-sur-Yon, &Monsieur
le Comte de Vermandois.
Le mesme soir, Leurs
Majestezsirent l'honneurà..
Monsieur &: à Madame de
Conty de leur donner la
Chemise. Le lendemain ôc
les jours suivans,ces iliusties.
Mariez reçeurent visite du
Roy, de la Reyne, de Monseigneur,
de Monsieur,de
Madame, & de toute la
Cour, qui leur marqua la
joye qu'elle ressentoit de
leur Mariage. Cette joye
avoit déja tant éclaté par
tout, qu'ils n'eurent point à
douter qu'elle ne fuit telle
qu'on la fit paroistre. Jamais
on ne vit tant d'empressement
pour en témoigner,
ny tant de foin de [e mettre
dans une parure qui répondist
à la grandeur de la Feste.
Outre la dépenie qui en a
esté faite par le Roy, avec
la magnisicence qui luy cftsi
naturelle, Sa Majesté a
donné à Madame la Princesse
de Conty le Duché de
Vauj ours, & un million d'argent
comptant, avec cent
mille francs de Pension, ôc
un tres-grand nombre de
Pierreries. Elleaaussidonné
à Monsieur le Prince de
Conty cinquante mille Ecus
d'argent comptant,&vingtcinq
mille de Pension.Monsieur
le Prince dela RochesurYon,
a eu une Pension
de vingt mille Ecus dans le
mesme temps. Les bontez -
du Roy pour Madame la
Princesse de Conty, ne Ce
{ont pas terminéesaux dons -
que je viens de vous marquer.
Il a pris le loin deluy
choisir une Dame d'Honneur,
dont le mérite fuit
ogénéralement reconu. C'est
Madame la Comtesse de
Bury, Fille de Messire Anttooliin-
ieeddee RRoosfltaaiinn,,gr d'Etuirrrrec,*,
Marquis d' Aiguebonne,
Gouverneur des Ville de Citadelle
de Cazal,Lieutenant
GeneraldesArmées duRoy,,
& Veuve de Messire François
de Roitaing, Frere de
Madame de Laverdin,Mere
deMr de Laverdin. La Maison
d'Eurreestillultre dans
leDauphiné.ElleaM1 leMafr
quis de S. Martin pour Chef.
Madame la Comtesse de
Burydont je vous parle, est
demeuréeVeuvefort jeune;
ôc quoy qu'elle soit encor
belle& tres-bien faite, elle
n'ajamais pensé à un fécond
Mariage. Lacôduite qu'elle
a euë dans son Veuvage, a
toûjoursestéd'unerégularité
exemplaire. C'est une veritable
pratique des vertus,
qui ira ny ostentation ny
contrainte; une pieté foîide,
une égalité d'humeuradmirable
, & une douceur qui
la fait aimer de tous ceux qui
la connoissent. Elle estoit
dans ion Chasteau d'Onzin
à six lieuës de Bloisy où elle
passoit ordinairement une
partie de l'année, comme
dans une espece de retraite,
lorsqu'elle reçeut les ordres
du Roy. Elle demeura d'autant
plus surprise de voir
qu'on l'appelloit à la Cour,
qu'elle ne s'y estoit proposé
aucun Etablissement.
Ainsi ce n'estqu'à son
seul méritequ'elle doit le
rang qu'elle va tenir. Mr
de Champval a esté mis
Ecuyer de Madame la Princette
deConty.Ilcommandoit
les Grenadiers duRégiment
de Conty, où il y
a vingt-cinq ans qu'il est
Capitaine. C'est un Corps
quis'est toujours distingué
par sa valeur, Ôc qui a eu une
tres-glorieuse part dans les
plus importantes occasions
de la-Guerre.
Apresvous avoir parle de
tout ce qui regarde ce grand
Mariage, je croirois qu'il
manquerait quelque chose
à cet Article, si'jenadjoûtois
icy un Madrigal dont
il afourny le sujet,& qui
m'est tombé entreles mains.
Il ell de Mr Pradon.
SUR LEMARIAGE
DE MONSIEUR
LE
PRINCE DE CONTY
AVEC
MADEMOISELLE DE BLOIS. QUe le Flambeaude l'H}--;-
menee
!:!si s'allume en cettejourne1e,
jcune Prince, njons rend h(urcux.'
Vous possedez enfin cette illufire
princrflè)
Dont labeauté,l'esprit,~&lajeunejft,
-Sbnt tunique objetde vos voeax,
Etleprix de vofre tendresse.
ous esses digne d'elle, elleestdigne
-.de vous,
- Frince clyarmant,galant Epoux,
e Cielunitfin coeur avec le vofire;''
Vue de plaisirs pour'vous dans ce
beau jour!
L'Amourvou64faitsl'un pour
l'autre,
EtvoHs essesfaitspour l'Amour.-
Ilmereste1vous tenir
larole sur ce que je vous aryr
irômis touchantlaLorraine
Upagnolete. La matiere de
i Rclationquej'en ayre-
.cue, ne iera pas tout-à-faic~ touvelle pourvous, puis que;
dans ma Lettre de Décembre
je vousaydéjà marqué
allez exactement- tous les
lieux où avoitpasle laReyne
d Espagne, depuis qu'elle
estoit entrée dans les Etats
du Roy Catholique: Àussi
en vous fàisant part de cette
Relation,, je ne prétenspas
vous apprendre ce qui vous
est inconnu.,mais ce que
vous ne sçavez pas dans routes.
ses circonstances..Vous
en trouverez beaucoup de
fort curicufes dans ce que
cette spirituclle Personne
ma fait la graçe de madresser.
Quand il n'y auroit
que la maniéré d'écrire, tout
ce qui part de sa plume est
Il gal1amment tourne, que
vous ne regreterez pointle
temps que vous aurez donné
à cette letturc Je iuprime
le commencement
de sa Letrre, qui ne parle
que de la Maisonbâdedans
l'Isle des Conférences pour
la cerémonie de las EntregtU,
& de l'affluence extraordinaire
de monde qui y
estoit accouru de toutes
parts. Voicy comme elle
gourluit.
RELATION
DELALORRAINE.
ESPAGNOLETE, *
Touchant le Voyage de la Rcyne
d'Esagne,depuis son entrée
dans les Etats du Roy Catho- lilueàfin arrivée à
Madrid. QUatre heures avantque
la*Reyne d'Espagne ar- rivafi sur la Frontiere, Mrle
Marquis d'Astorga attendoit
sur
le bord de la Rivière
deBidalloajavecles Gcns&-
ceux dela Maison de cette
Princesse, qui parurent ce
jour-là tous avec des Habits.
de la derniere propreté. Le s
Dames de la Reyne,& lcs.#
Gentilshommes de sa Maison,
les Menines, & mesme
les Pages,brilloient en Pierreries
& en Broderie d'or
ôc d'argent. Il n'y avoit pas
jusques aux Valets de Pied,
Palfreniers,& Muletiers des
Officiers de la Reyne,qui ne
fuffentveftus de Velours de
diférentes couleurs, suivant
lesdiférentesLivrées, less
l i
quelles s'accordaient toutes
en cela
,
qu'elles estoient
chamarrées de gros Galons
d'or & d'argent, d'une lar-
1
, geur, & d'une épaisseur ex- traordinaire. Le reste de
l'Equipagen'êtoit pas moins
riche. Les Couvertures des
Mulets estoient de Velours
en fine Broderie d'or, d'argent
, &desoye
; & lesPlaques,
Bastons, & Sonnettes,
d'argent:mamf Le grand
nombre de toutes ces cho-
Tes en augmentait la richesse
, & la magnificence; car il n'y
avoit pas un Officier principal
de la Maiion Royale,
qui n'eust plus de ioixante,
& mesme quelques-uns
quatre-vingts Valets de Livrée,
dix-huit ou vingt Pages,
quarante -
huit Mulets
chargez; les Chevaux de
main, & le reste de l'Equipage
àproportion. 'esten
quoy les Grands d'Espagne
se piquent de se faire diL.
tinguer,& leur point.d'hon.
neur va si loin dans ces sorte
s de rencontres, que souve
nt ils (è ruinent&devienne
nt extrêmement pauvres,
à fo rce de vouloir faire pa:
roiftre qu'ils sontriches.
Mrle Marquis d'Astorga
Grand-Maistre
,
M1 le Duc
d'Ossune Grand Ecuyer, ôc
Madame la Duchesse de
Terranova Camarera Mayor,
c'est à dire Sur-Intendante
de la Maison de la Reyne,
avoient fait faire chacun
cinqLivrées pour tous leurs
Gens. La premiere, qui estoit
fort belle, parut à leur
départ de Madrid. La seconde
estoitdestinée pour
le Voyage. La troisiéme"
qui estoit la plus magnifique,
sutemployée à l'arrivée
de
de laReyne sur la Frontière.
La quatrième devoit sèrvir
pour le retour, & l'on garde
la cinquième pour le jour de
l'Entrée solemnelle, que Sa
Majesté doit faire en cette
Cour.
Les Grands d'Espagne &
les Gentilshommes de la
Chambre du Roy, qui ont
suivy Sa Majesté pour aller
a la rencontre dela Reyne,
ont fait faire aussi trois Livrées,
toutes fort riches; &
mesme quelques-uns y en
dans toutes les diverses rencontres,
où la coutume des
Espagnolslesengage à don- i
ner de nouvelles marques de
leur galanterie. Le moin- 1
dre de leur Equipageestoit
de vingt, vingt- quatre, ou,
trente Mulets chargez. Il
est vray que la sterilité du 1
Païs les oblige à faire cette
dépense, & que s'ils navoient
la précaution defaire
porter avec eux tout ce qui
peut servirauxnecessitez du
Voyage,ils se trouveroient
exposez à passer de fort mauvaises
nuits dans les Auberges
d'Espagne, qui n'ont pas
à beaucoup prés les commoditez
de celles de France.
Si-tost qu'on eut averty
Mr le Marquis d'Astorga,
que laReyne,qui estoit partie
ce jour-là de S. Jean de
Lus, approchoit du lieu où
il l'attendait,
f ce Ministre
sit embarquer tous ceux de
la Cour, qui estoient à les
ordres; & la Duchesse de
Terranova fit faire la mesme
choie à toutes les Dames
d'Honneur, Demoiselles &
autres Filles, qui devoient
paroistre en cette occasion.
Le Marquis entra dans une
Barque fort somptueuse,préparée
pour luy,&fît conduire
à collé de cette Barque
celle de la Reyne, que
l'on appelloit la Gondola,
Real, & que les Députez des
Etats de Biscaye avoient
fait faire pour servir à Sa
Majesté. L'on n'avoir rien
épargné pour la rendre magnifique.
Elle estoitdorée
au dehors, & garnie au dedans
d'Etofesextrêmement
riches, rehaussées de Broderie
&: de Plaques d'argent
en diférens endroits, & la
cizelure y paroissoit admirable
dans toutes les Corniches.
L'on ne permit pas
que personne y mist le pied
avant la Reyne, & l'on y fit
attacher d'autres petitesBarques
pleines de Rameurs
fort proprement habillez,
qui la saisoient avancer à
mesureque celle du Marquisavançoit.
Cefinencet
équipagequ'il aborda à
Fille de la Conférence avec
sa galanre Flote. Dés que
la Reyne y parut, il s'avança
respetueusèment, mitun
genouil en terre,luy baisa la
main à la façon d'Espagne,
&: s'estanir couvert un moment
apres, en qualité de
Grand, illuy fit son premier
Compliment au nom du
Roy. La Reyne y répondit
d'une maniéré fort obligeante,
& d'un airplein de
grâce & de majellé, qui
charma toute l'Assèmblée,
& qui acheva de gagner les
coeurs de tous les Espagnols
&: des Espagnoleres, qui
eurent l'honneur de s'y trouver.
M le Marquis d'Allorga
fit aussi compliment à
Mlle Prince d'Harcourt &;
aux principaux de la NoblesseFrançoiie
qui l'a
compagnoit; & apres les
premières civilitez renduës
de part & d'autre, le Secrétaire
d'Etat lût les pleinsPouvoirs
des Ambassadeurs Extraordinaires
des deux Roys,
en vertu desquelsMrle Prince
d'Harcourt execura les ordres
qu'il avoit de remettre
à Ml le Marquis d'Astorga
la Royale Perionne de Sa
Maj este, qui apres avoir reçeu
les soumissions & les
respectsaccoutumez de tous
les Seigneurs & Dames de
laCour,qui estoient présens,
entra un moment apres dans
la Gondole, suivie de son
Grand-Maistre d'Hostel.de
Madame la Duchesse de
Terranova, de Mrle Prince
& Madame la Princesse
d'Harcourr,& de M'le Marquis
& de Madame la Marquife
de losBalbales. Toutes
les autres Dames Espa.-
gnoles & Françoises enrrérent
dans leurs Barques.Les
Cavaliers en firent de mesme;
& parmy les acclamations
d'un Peuple inflny,
dont toute la Riviere & les.
deux bords eitoient couverts
, au bruit des Trompetes,
des Timbales, des
Hautbois, des Talnbours,&
de plusieurs Concerts d'Instrumens,
qui le saisoienr
entendre de toutes parts,
cette belle Troupe descendit
vers Yron,à la faveur de
la Marée, & du courant de
la Riviere. Mais par malheur
elle se trouva si baffe
en ce temps-là, qu'à peine
pût-on faire aborder la Barque
de Sa Majesté au lieu
destiné pour la descente.
Ainsi il salut combler de
Faicines les inégalitez du rivage,
& le servir de Planches
pour avoir lieu de porter
jusques à la Barque la Chaise
de la Reine, ou Sa Majesté
entra apres avoir reçeu
le Compliment de Mr le
Duc d'Ossune son Grand-
Ecuyer, lequel n'ayant pu
avoir, comme il le prétenr.
doit, la principale part dans
cette fonction, estoit relié à
cheval au bord de la Riviere
du costéd'Espagne, avec
tous les Officiers & Gens
de ion Commandement, &
les Equipages de l'Ecurie de
la Reine. Il ne vit pas plûtost
arrester la Barque de Sa
Majesté,qu'il mit pied à terre,
& luyalla rendre ses de,
vairs; après QLioy,luyôe Mr
le Marquis d'Astorga, accompagnement
;à pied la
Chaise de laReyne,saisant
gloire en cette occasion, de
marcher dans les boues, &
estimant plus la nouvelle eiU
pece de Broderie qu'elles H.
rent sur leurs Habits, que
tout l'éclat des Diamans,
dont ils estoient couverts. Il
ne faut pas s'étonner, Mon-
{îeur^ de la plaisante réflexion
queje viens de faire.
C'cft une galanterie fort
ordinaire aux Cavaliers Espagnols,&
les plus grands
Seigneurs delaCournerencontrent
jamais la Chaise
d'une Dame de leur connoissance,
quand elle seroit
mefrne d'une qualité insérieureà
la leur, qu'ils ne sautent
de leur Carrosse au milieu
des bouës de Madrid,
pour accompagner à p"cd".
&lechapeau bas). la Chaise
de la Dame, jusques à ce
qu'ils l'ayent remise chez
elle. Vous pouvez juger par
là, si ces deux Grands d'EC
pagne ne se sirent pas un
singulier plaisir,d'accompagnerune
Grande Reyne en
~cceett eéctaatt,malgré l'incom-
9
inaitP. 11-incommodité
du terrain.
Sa Majesté se fil porter
droit à la grande Eglise
d'Yron, pour y rendre grades
à Dieu du suiccés de ion
Voyage & de son heureuse
arrivéeen Espagne. Elle fut
receuë à la porte par Mr
l'Evesque de Pampelune,
à la teste de son Clergé. Ce
Prélatluy donna de l'Eau.
Beniste, & Sa Majestés'ejt
tant avancée prés du Grand
Autel, où l'on luy avoit préparé
un Prie-Dieu fort magnifique,
fous un Dais de
Velours cramoisy en Broderie
d'or, l'on entonna le
Te Deum en Musique, meslée
de Voix&dInstrumens;
& quoy que la métodeEspagnole
soit fort diférente
de la Françoise, comme elle
a aussi les agrémens,tout le
monde trouva
celle-làfort
bélle,&laReyne en fut tressatisfaite.
Sa Majeslé, la
Cérémonie achevée, voulut
aller à pied, de l'Eglise au
Palais, qui luy avoit esté préparé,
pour donner à tout le
mondela satisfactiondevoir
àfon aise leur nouvelle Reyne.
Comme il estoit fort
tard, ce fut à la clarté des
Flambeaux qu'elle fit cette
maniéré d'Entrée,où sa taille
admirable, & son port majeftueux,
parurent avec tous
leurs charmes. Les acclamations
redoublèrent de
toutes parts, à la veuë de
cette incomparable PrinceC
[e; & elle arriva ainsi au milieu
des voeux & des bénédictionsdesesnouveauxSujets,
à l'Hôtel quiluy devoit
servir de Palais, & où tout
estoit préparé dans la derniere
magnificence. De
toutes les Dames de laCour,
il n'y eût presque que la Duchesse
de Terranova &Madame
la Princesse d'Harcourt,
qui purent Cuivre Sa
Majesté. La plûpart desautres
estoient restées dans
leurs Barques, attendant la
nouvelle Marée, pour avoir
lieu de descendre à terre,
& il se passa beaucoup de
temps, avant qu'elles fue.
sent toutes débarquées,particulierement
les Dames Et
pagnolcs, qui neont pas accoutumées
à ces sortes de
fatigues & qui avec l'embarras
de leurs Habits, ne
pouvoient marcherqu'à pis
mesurez, & avec beaucoup
d- peine. La crainte quelles
ont aussi de faire voir le bout
de leurs Souliers, en montant
ou descendant d'un
Carrosse, d'une Chaire, ou
d'une Barque,leur fait prendredes
précautions qui ont
besoin de beaucoup de
temps & de loisir. Les Françoiics/
mi ne ion!: pas si fempuleuses
en ces fortes d'occasions,
se tirérent bien plûtost
d'affaires en celle-cy.
Mais enfin par le secours des
Cavaliers François&Elpagnols,
quise trouvérent dans
leurs Barques & sur le rivage,
les unes &les autres forent
en état de se rendre
toutes à la Cour sur les dix
heures du foir. Cette premiere
nuit se passa àYron,
moitié à régaler les nouveaux
venus, & moitié à se
reposer.
Le lendemain4. Novembre,
la Reyne voulut encor
demeurer au mesme lieu,
pour, donner le temps à son
Grand-Maistre d'Hostel de
faire préparer les choses nécessaires
pour le Voyage..
Ce retardement le mit en
pouvoir de régaler les François.
Le Repas futmagnifique.
L'on y but au bruit des
Trompetes ôc des Timbales,
les Royales Santez de Leurs
Majestez, des deux Maisons
d'Austriche,de celledeFrance,
& de celle d'Angleterre,
qui sont les quatre Tiges
Augustes d'où le Roy 6c la
Reynefont sortis.
Ce futencecélébré jour
£>ue l'on vit l'Espagne é" la
France,
Invoquantchacune àfon tour,
TantolfBacchut, tantofilAmour,
Renouveller leur Alliance,
Etjurer en dépit de Mars,
De neplusfaired'autre guerre
£>uecelle qu'onsefait,sans courir
de hasards.
Otlpdrles amoureux regards,
Ouparl'aimable choc du Verre;
Nyse laissirjamais charmer
qu'auplaisirdeboire&d'aimer
Apres ces beaux firmens, l'on but à
Tassespleines
Toutes les Royales Santez
Des quatre Maisons Souveraines
D'où descendent Leurs Majestez,.
Tout ce jour se passa donc
en Festins ôe en Réjouïssances
; mais le lendemain5.
Novembre, la Reyne partit
d'Yron, pour continuer son*
Voyagea elle sit cette journée
en Littiere jusques à
Hernany,qui n'est qu'un petit
Bourg de150. Ma*lfons,où
Sa Majesté coucha.
Le6. elle partit d'Hernany
pour Tolosa. C'est une petite
Ville située dans un fond
entre lesMontagnes des Pirenées,
ou l'on garde les prétieuses
Archives de la Noblesse
des Biscayns
,
qui
n'ont besoin pourl'acquérir
que de commencer avoir le
jour danscesMontagnes,où
les Maures n'ont jamais pu
pénétrer. L'on y voit aussi
une belle fabrique d'Armes
à feu,d'oùl'on tire ces Moufquets
de Biscaye, si renommez
par toute l'Europe.
Comme il faisoit fort beau
temps ,
& que les chemins
n'estoient pas propres pour
les Carrosses, Sa Majesté
souhaita de faire cette journée-
là à cheval; & quoy
que cette façon de voyager
ne soit pas fort commode
-
pour les Dames Espagnoles,
qui n'y sont pas accoûtumées,
Madame laDuchesse
de Terranova ne laissa pas
de suivre laReyne avec beaucoup
de resolution & de vigueur
pour ion âge.
La Cour coucha à ToIoCî"
& le Marquis d'Aftorga envoya
de là un Gentilhomme
au Roy, pour informeren
détail Sa Majcité de ce qui
s'estoit paffé jusques alors,
depuis l'arrivée de la Reyne
à la Fronriere. Là, & dans
toutes les autres Villes &
Villages de Biscaye, par où
la Reyne passa,SaMajefté
eut le divertissement de voir
les Dances rustiques des petites
Basques, qui témoignérent
à leur façon par cent
fortes de Jeux champétres,
l'extréme joye que leur causoit
l'honneur de voir une si
grande & si belle Prince (le
en leur Païs. Ce sont des
Filles extrêmement gayes,
la plûpart fort jolies, quoy
qu'un peu brunes, parées à
leur mode & couronnées de
Guirlandes de Mirtes, & de
Fleurs, qui parlentunjargon
que perionne n'entend, &
qui au sondes Castagnetes
&¿
& desTambours de Riss
ques,qu'elles touchent avec
uneextréme vîtesse & une
cadencefort juste,fontmille
tours & détüUfS, meslant
leurs voix au bruit de leurs
Instrumens
,
& -
faisant des
cris de joye & d'acclamations,
qui divertissent extrémement
les Etrangers.Ce
furent les premieres Festes
que les Espagnols donnerentà
leur Reyne,qui lesreçeut
avec d'autant plusde
satisfaction, que ne tenant
rien de li magnificence,d
licatesse& galanterie affectée
de la Cour, le coeur des
Peuples exprimoit plus naturellement
à leur Souveraine
la joye que son augustepré.
sence leur causoit.
Le7. Sa Majesté alla coucher
à Villafranca, & le 8. à
Villareal, qui sont deux petites
Villes dans la Province
de Guipuscoa, úruées à peu
prés de la mesme façon que
Tolosa, & qui régalerent la
Cour de la mesme maniere,
comme fit aussila Ville d'Ognate,
où la Reyne arriva
le 9. Ce fut làque SaMajeté
avant que d'achever de paf
ferles Pirenées, résolut d'envoyer
au Roy un Présent galant
de quelque chose qui
eust servyà saPersonne pendant
le Voyage; & en effet
le lendemain 10. comme elle
s'habilloit pour commencer
la journée la plus difficile de
toute la route, à cause des
mauvais chemins & des
Montagnes qu'il falloit tra-.
verser,SaMajesté détacha
une belle Cravate d'un riche
Point de France,qu'on venoit
de luy mettre au col,&
prenant sur sa Toilette une
Montreenrichie de Pierreries,
qui luy avoir servy à régler
les heures de son Voyage,
elleenvoya l'une& l'autre
au Roy, par un Gentilhomme
nomméDonAndré
Cicinelli, General deBataille,
accompagnant ce beau
Présent d'une Lettre pleine
-
de sentimens dignes de la
Princesse qui l'écrivoit &de
lauguste Personneàqui elle
estoit adressée.
Je me sens si fort sollicitée
par ma Mufe,que jenepuis
l'empescher d'interrompre
en cet endroit ma Relation
pour celebrer par quelques!
Vers la galanterie du Présent
dont je~oviens de vous parler.
GrandRoy, cette Montrefidelle,
Porteuse de bonne nouvelle,
vientvous annoncer le momens tii vOUJ doit rendre heureux
Amant.
l'officequ'elle avait aupres de la
Dont le rare mérite a sçeu vont enftamer>
La rendpour vous d'unprix assez
*
propreà charmer
Vostre impatiente tendresse.
§}â
Chaquejour elle avoitgrandfoin de
iavertir
~3 Dans laderniere exjclitude.
DeL'heurequ'ilfalloitpartir;
C'estoit là toute son étude,
sefaisant un plaisirfort doux
D'aiderparces avis à l'approcher
de vom. ~m.
Son employ désormais serapendant
ïabfencey
De rendre compteà vostre amour
Des momens que l'impatience
Vousobligeàcompter,~& Umitï er
lejour. m,
Consultez,-la,jeuneMonarque,
*• Sans-doute vousy trouverez,
Parmyles heures qu'ellemarque,
Cette heure que vom desirez.
˧L
R',-av(z.la donc avec joye
Commeungage charmant,
jguj VOIM doitavertir du bienheti*
rrux imment
t<!!/ vouspourc&baiftrU main ,,.ï
vous l'envoye. - Ce jour-là 10.la Reyne alla
coucher à Salinas, qui n'est
qu'un petit Village entre des
Rochers escarpez, d'où
montant par un endroit d'une
demie lieuë de hauteur,
extrêmementdifficile, elle
acheva de passer les Pirenées
le Samedy II. Novembre, &
arriva le mesmejour à Victoria
entre trois & quatre
heures du sfoir, malgré le
mauvais temps qu'il faisoit
en ce Païs-là & la pluye
continuelle qui dura tout le
jour. Le desordrequ'elle
causa-dans les Equipages,&
l'incommodité qu'elleaportoit
à la Reyne &auxGens
desa suite, nepermit pasà
Sa Majesté de fairece jQurlà
une Entrée réguliere dans
cette Capitale de la Province
d'Alava. Onne laissa pas
d'y voir toutes lesRuesornées
de riches Tapisseries,
d'oüir detoutes partslesacclamationsduPeuple,
8c de
rencontrerpar tout desmarques
éclatantes del'allegresse
publique. Onfitlesoirà
huit heures unfortbeau Feu
d'artifice dans la grande
Place prés du Palais, où logeoit
Sa Majesté.
Comme la plûpart des
Dames le trouvèrent incommodées
du mauvais
temps, & que la Reynemême
eut un mal de teste, qui
ne luy permit pas de voir le
Combat de Taureaux,qu'on
luy offrit le lendemain de la
part de la Ville, Sa Majesté
résolut d'y rester deux ou
trois jours, pour y prendre
un peu
@
de repos, & donner
en mesmetemps lieu à son
Grand-Maistre d'Hostel de
se remettre d'une siévre, qui
l'avoit surpris, & qui par
bonheur ne luy dura que
vingt-quatre heures. Le
lendemain de son arrivée,la
Reyne eut dessein de faire
son Entréesolemnelle, mais
le mauvais temps, qui continua
avec la mesmeviolent
ce que le jour précedent,ne
le luy permit pas, & elle fut
obligée de se contenter d'aller
à la grande Eglise, à la
Porte de laquelle on la vint
recevoir fous un Dais magnifique.
On chanta le Te
Deum, en action de graces
de son heurcuse arrivéeaudeça
desPirenées. Ce futen.
cette occafionque Sa Majesté
parut la premiere fois habillée
à l'Espagnole; & quoy -
qu'il foit assez malaisé d'attraper
d'abord l'air d'un habit
& d'une coëffure étrangere,
cette Princesse, qui.
sçait faire toutes choses également
bien, n'eut pas de
peine à apprendre les maniéres
propres dé l'habillement
qu'elle portoit.. Tout le
monde en fut charméeôe les
Espagnols commencèrent
déslorsàlarecônoistre veritablement
pour leur Reyne.
La Noblesse & la Bourgeoifie
de Viactoria sur tout marquèrent
par des cris dejoye
leurs sentimensde reconnoissance,
pour la complaisance
que Sa Majesté avoit
bien voulu avoir de changer
d'habillement à leur considération
,
quoyqu'elle ait
trouvé bon de reprendre depuis
ion premier Habit jusques
à Burgos, ayant souhaité
d' estre habillée à la
Françoise la premiere fois
qu'elle devoit paroistre aux
yeux du Roy.
L'aprefdinée de ce jour-là
il [c fit un Combat de Taureaux,
où la Reynene fut pas
présente pour la raison que
j'ay déjà rapportée, quoy
quelle voulust bien avoir la
complaisance de voir une
Comedie Espagnole, qu'on
luy reprélenta cette nuit-là.
On luy donna encor le diverttissement
d'un nouveau
Feu d'artifice,aussi bien
que le lendemain, qui fut la
veille de son départ.
Pendant le sejour que Sa
Majesté fit à Victoria, elle
y reçeut par les mains du
Marquis de laVega le Bijou
que la Reyne Mere luy
envoyoit, qui vaut, a ce que
l' on affure, plus de douze
millePistoles.
Le Comte de Fuenfalida,
Vice-Roy de Navarre, vint
airssi de Pampelune avec
un Train superbe& une
grandefuite dePersonnesde
qualité de ceRoyaume-là,
pour assurer Sa Majesté de
[cs respectufes soumis
-
îfons ,& luy faire compliment
sur son arrivéeauvoisinage
de son Gouvernement.
Mrl'Eveique de Calahorra
vint enmesme temps rendre
ses devoirsà Sa Majesté, &
prit la liberté de luy présenterune
Boëtepleine deReliques
garnie de Diamans.
Les Députez de la Ville
de Victoria offrirent aussià
Sa Majestéau lieu de Bijoux
une Boursede quatre mille
Pistoles,quelleeut la bonté
de recevoir, comme un témoignage
duzele,de çePcu£
ple-la.
,
Puis que je suis sur le chapitre
des Présens,je ne dois
pas oublier de vousdire,que
suivant la galante coûtume
des Espabn'7"ols, Mrle Marquis
d'Astorga n'a pas manqué
un seul jour depuis l'arrivée
de la Reine à,Yron,
jusques au lieu où le Roy
l'estallé rencontrer, qu'il ne
se soit donnél'honneur de
faire à Sa Majesté des Présens
fort riches &: fort galans,
tantost: de Vases de Porcelaines
enrichisdor & de
pierreries,& remplisdefines.
Pastilles de feu & de bouche;
d'autres fois des Boëtes &
autres piéces de Toilete, travailléesenFiligranes,&
plu
sieurs autres curiositez de
:ette façon, entre lesquelles
3neftime fortune belle Sta-
:ued'argent, quireprésente
unS. Antoine, & dont l'ouvrage
est admirable.
Le 14. Sa Majesté partit
de Victoria pour aller cou- ter à Miranda de Ebro,qui
estune petite Ville d'environ
ânq cens maionsf]tu*'e fili
le bord de la fameuse Riviere
, dont elle porte le nom.
L'on y arriva fort tard, &
ony trouva toutes les Ruës
éclairées d'une grande quan
cite de Flambeaux & d'un
Château de Feu d'artifice,.
qui commença à éclater en
Fuséesàlarivée de laReyne.
Elle reçeut en ce lieu-là les
fréponses aux Lettres quiaccompagnoient
le Présent
qu'elle avoit envoyé au Roy,
&elle apprit avec plaisir,par
le retour de Dom André
Cicinelli, que le Roy avoit
paru en public avec le Cravate
de laReyne lejour met
me qu'ill'avoit reçeu.
1 Le 15. cette Princesse paf-",
sa de Miranda à Pancorvo,
-
où elle fut reçeuë le moins
mal que la sterilité du Païs
le pût permettre. C'est un
petit: lieu fort desert entre
deux Montagnes extrêmement
élevées, dont les Rochers,
qui à tous momens
paroissent aller tomber, femblent
menacer la Ville d'un
accablement infaillible. La
Reyne fit ces deux dernieres
journées en Litiere, à cause
du mauvais temps, qui fut si
fâcheux depuis le jourqu'elle
acheva de passer les Pirenées
, que la plûpart des
Gens de sa fuite tombérent
malades, & qu'il n'y resta
presque que laDuchesse de
-
Terranova, & quelques
autres Dames principales,
pour la servir à Miranda &
à Pancorvo. ,,,,,,,', Le 16. Ton vint coucher à
Birvîefca,petite Ville du
Connétable de Castille, où
l'on s'estoit préparéàrégaler
SaMijeste d'une Feste de
Taureaux, si le temps l'eust
pu permettre. .t
rl
De-là-clle se rendit le 17.
à un petit Village; dont le
nom estéchapé a ma mémoire;
& enfin le 18. elle ar-,.
riva de bonne heure à Quintaju-
Palla
;
qui effc un autre
lieu peu considérable,à trois
lieues de Burgos -,
mais fort
nom, qui jusques à présent
n:a pas esté connu, ferarle'ndu
immortel dans toute Etpagne, par les choies qui
y sont arrivées, & dont je -
vous vay faire le récit.
M le Marquis d'Astorga
ayant donné part au Roy de
l'arrivée,de la Reyne à Quintana-
Palk, Sa Mijesté prit
d' clle-mef:rie> & de son propre
mouvement, une refoliu
tion qui paroistra, surprenante
a ceux qui sont informcz.
des maniérés. d'Elpa-»
gne, ôc qui [çavent que les
Roys de Castille ne font
jamais aucune nouveaute,
dans toutes les actions qui
regardent leur conduite extérieure
moins encor dans
les fonctions publiques, Ôc
les cérémonies d'éclat. L'on
a vu souvenccélébrer à Burgos
des Mariages de Roys.
C'est la Ville Capitale de
Castillelavieille.Lelieu paroist
digne d'une astion de
cette importance. Ilyamesme
une Chapelle Royale
destinée à cela, & on l'avoit
préparée avec tous les soins
imaginables,&toute la magnificence
possible, pour y
celebrer la iolemnité de la
Ratification du Mariage du
Roy. Chacun s'attendoit à
y voir la pompe de cette
Feste,mais touscespréparatifs
furent inutiles., Sa
Majesté fit tout à coup appeller
le Patriarche des Indes
, & luy ordonna de Ce
rendre encor le mesme soir
dix-huitiéme Novembre à
Quintana-Palla, avec ceux,
du Clergé qui devoient l'as
sister en cette occasion, d'y
aranlporter les Ornemens:
de la Chapellepoury faire la
cerémonie du Mariage,&enfin
de dôner part à la Reyne
de cette révolutio,que leRoy
devoit aller le lendemain au
matin executer en persone.
Ce futune galanterie que
Sa Majelle voulut faireala
Reyne, pour s'acquirer en
que Ique façon de n'estre pas
allé pius loinà sa rencontre,
ce que le mauvais temps, &
l'indisposition que Sa Majestéavoiteue
à Lerma quelques
jours auparavant,neluy
avoir pas permis d'effectuer
selon qu'elle l'avoit résolu.
Le Patriarche fort surpris
de cet ordre, ne laissapas d'y
obeïr. Il partit dés le soir
mesme,&lelendemain dixneuvième
qui fut un jour de
Dimanche, le Roy ayant
donné ordre quepersonne
ne le suivit, à la réserve des
Officiers de la Couronne, &
de ceux de sa Mason, quies.
toientabiolumcnt necessaires
en cette occasion, il
monta enCarrosse sur les
dix heures) & faisant les trois
lieues de chemin qu'il y avoit
jusqu'à Qaintana-Palla,
avec la diligence d'un Prince
amoureux, plutost que d'un
Roy d'Espagne, il le rendit
au lieu desiré, un peu après
onze heures. Dés le moment
qu'ilfutarrivé, il
fauta du Carrosse avec une
- agilité toute extraordinaire,
sans donner le loisir à ses
Gens d'observer les formalitez
que l'on fait en ce Païs
quand les Roys mettent
pied àterre. LaReyne qui
s'attendoit à cette îllustre visite,
regardoit par une Fe-;
nestre grillée lors que le4
Roy descendist du Carrosse, .1
& ce sust dans ce moment
uelle vit la premiere fois
lugusteOriginal, dontjuc.
u'alors elle n'avoit vu que
's Portraits. Le Marquis
'Aflorga se trouva àla Porere
quand Sa Majorémie
Led à terre, & Elle luy téloigna
en peu de paroles,
lais fort obligeantes,l'exeme
satisfaction quElle
voit de sa conduite, & du
)in qu'il avoit eu de luy
mener si heureusement la
rinceue, que son amour
iy faisoit attendre avec tant
impatience.
Aussi-tost apres, le Roy
,en'rra dans laMaison qui tenoit
lieu de Palais à la Reyne,
& cette Princesse vint
recevoir Sa Majesté à la
Chambre d' entrée.,se jettant
à ses pieds, comme il se
pratique ordinairement en
abordant les Roys d'EL
pagne la premiere fois, ou
apres une absence
3
& au
retour de quelqueVoyage
sans que les Meres mesmes
des Roys se dispensent de
cet actedesoûmission. Sa
Majesté qui se souvenoit
moinsd'estre Roy, que;:
d'estre Amant, releva auJE-I.
oft laReyne,&l'ayat saluée
l'une maniéré pleine d'estine
& de tendresse, Ton m'a
assuré qu'il luy tint ce discours,
Aie doya mi mifmo3
Senora
)
mil parabienes dct
buen-gusto de mi accrtada
cion,puesreconofco que lafumayelpincel han agraviado
Jumamente Lu altas
brendas^ éincomparable bel-
\e%& de Vuestra Mxgeflad*
C'estàdire en Langue Françoise
le meftïme heureuxy
Madamey d'avoirfait un ~si
b~oonn f&5sJiiddiiggnnee cchhooiixx),dd aauu--
~txntplus queje reconnais qur
la Renommée mesme, g) It
Pinceau, bien lain d'avoir
flatéVostreMajeste,ontfait
tort àsa beauté, &aux rares
'lualite'Z que je remarque en
fai personne. A quoy la Reyne
sit une réponie digne de
la delicatesse de son eiprit;
adjoûtant, que Leplus grand
bonheur ~qu'ellepouvaiteffererencemonde,
estoitceluy
de pouvoirplaire à Sa :Ma-,
jessé, ~& qu'elle luy restoit
tellement obligéeduchoix
quil luy avoit plû faire de
saPersonne, pour luy donner
un coeur quelle estimoit mille
foi* plus que la Couronne que
SA Majestéluy mettoitsur la
teste,qu'quelle tacheroitdeméritér
cet honneur par ses
soins t5 sa reconnoissance, ~&
de ne pas donner Lieuà Sa
Majestédese repentir defin
choix.
Ces deuxaugustes Pcrsonnes
s(e direntencor d'autres
choies fort obligeantes;
e) & comme l'un & l'autre parloit
sa Langue naturelle, Mr
le Marquis de Villars Ambaffadeur
de France en cette
Cour, qui se trouva présent
a cette premiere entreveue,,
$c qui parle Efpagnoi avec
autant de délicatesse,& de.
facilité que les Espagnols.
mesmes, servit à Leurs Majestezd'un
illustre & galant.
Interprete en cette fameuse.
rencontre; &il s'acquita de
cetemploy avec toutt'esprit,
lejugement,&;radresse qui
luyont attirédepuis longtempsl'estime
universelle de
toute la Cour.
Apres les premiers Complimens
, le Roy prit la
Reyne par la main, &; la
mena droitàkChapellequi
avoitestépreparéedepuisle a,voit-efté preparéedepuisle
matin,où le Patriarche des
Indes célébra la Messe, &:
<à^nna à Leurs Majestez les
Bénédictions ordonnées par
l'Eglise, pour la Ratification
des Mariages des Souverains.
Apres laCerémonie
qui fut aussi solemnelle que.,
le temps & le lieu le pûrent -
perlneEtPe_-,. Leurs Majestez
passerent dans la principale
Chambre de la Maison, qui
devoit servir de Salle d'audience,
& là s'estant assis
fous un Dais Royal, elles
reçeurent les hommages de
tousles Grands d'Eipagne^
Titrez de Castille, Vautres
Personnes de qualité de la
Cour, qui vinrent tous baifer
la main à leur nouvelle
Reyne, l'un des genoux en
terre,& se couvrirent apres,
du moins ceuxà qui la qualité
de Grands donne le privilege.
Cette fonction achevée,
l'ondressa la Table dans
la Chambre voisine, & l'on
apporta la Viande à Plats
couverts, accompagnez des
Gardes, ôc avec toutes les
formalitez qui se pratiquent
à la Cour.
Le Roy & la Reyne Ce
mirent à table, & mangerent
ensemble contre la
coûtumeduPalais, ou
les Roys mangent toûjours
seuls, par une espece
deLoy ôc d'Observancequi
vient par succession de la
Maison deBourgogne,&
que l'on appelleicy, la Etiqueta.
Il a esté un temps
où l'on auroit mieux aimé
perdre une Province,que
d'enfraindreenunseul point laLoydel'Etiquete; mais
le Roy qui n'est pas siscrupuleux
en ce pointque ses
Prédecesseurs, voulut bien
se relâcher
-
de cette Obife
vance, en faveurdune Princesse
qui avoir pris tant de
peines, & essuyé lesfatigues.
d'un si long Voyage, pour
venir trouver Sa Majesté.
Les Officiers dela Reyne
servirent ce jour-là, comme
estant ceux qui faisoient les
honneurs de la Maison. Le
Connétable de Castille
",¡ Grand-Maistre du Roy; le
Duc de Médinacéli, Grand
Chambellan; se Marquis,
d'Allorga, Grand-Maistre
delaReyne 7; le Comte d'OEopeza;
le Comte de losAr£
os,!eT)iic d'Uceda,Grands
d'Espagne; le Comte de Talara,
premier Ecuver en
l'absence duGrand Ecuyer;
le Comte d'Altamira; Don
Antonio de Toledo, Fils du
Duc d'Albe; Don Pedro
-de Leyva, &plusieurs autres
Personnes de qualité, furent
présens à ce Royal Festin
de Noces, & demeurerent
debout derriereLeurs M-ajestez,
admirans les belles
& noblesmanières de la
Reyne, &ne pouvant se
laiTeJ: de considerer avec
joye cet auguste Pair,qui
leur donnoit de si belles espérances
de perpétuer la
Royale Succession dans la
Monarchie.
Le Roy estoit habillé ce
jour-là à l'Espagnole
, avec
la Golille & le Manteau. La
Reyne estoit parfaitement
bien mise àla Françoise, &
l'un & l'autre avoit une
grâce merveilleuse, chacun
à la mode de la Nation.
Il n'y avoit que la diférence
du langage qui apportoit
quelque embarrasàce testeà-
teste. La Reyneentendoit
fort bien l'Espagnole mais
"lie ne le parloit pas encor
avec assez de facilité, pour
)[er confier la délicatesse de
ses pensées aux équivoques
d'une Langue étrangère;de
maniéré que le langage le
plus ordinaire entre ces deux
Royales Personnes, estoit
celuy des yeux, qui est commun
à toutes les Nations.
Ce fut en cette rencontre,
que les deux Freres qui sont
allegoriquement repréfentez
dans l'Histoire Eniçmiatique
du dernier Mercure
Extraordinaire, firent en
mesme temps voir leur
adresse, & leur pouvoir. La
beauté & lavivacité des
yeux de laReyne charmoit
ceux duRoy.LaReyne avoit
aussi une curiosité fort légitimede
remarquer les traits
du visage de Sa Majesté;
mais ils ne se confidéroient
l'un l'autre quedans ces momens
dérobez, où l'on tâche
deregarder sans estre regardé;&
si par hazard leur
yeux se rencontrant v
noient à se surprendrea
-cette recherche mutuelle
une petite rougeur, que t
pudeur fait naistre ordinaiement,
succedoità cesrejaris.,
Sefaitoit cesser pour
n temps la curiosité de part
z cancre. Sij'avois eu l'honeur
d'estre présenteàcette
ntrevûë, je pourrois vous
lire mille particularitez
greables, que l'on nepeut
pprendreparleraportd'auruy
y- car chacun ne s'atache
àconsiderer ce qui
est de ion inclination, &
[ arrive toujours que les cirenilixcesles
plusbelles &
es plus délicatesrechapent
,'.ceuxqui ne s'attachent -
[iàÀ ce qui faute aux yeux.
Cependant c'estoit une
choie assez curieuse àvoir,
qu'un Repas où un jeune
Roy se trouvoit avec une
jeune Reyne,qu'il venoit
d'épouser, qu'il n'avoit jamais
vue quen peinture, qui
estoit habillée d'une sucon
toute diférente de celle de
son Royaume, qui parloit
une Langue étrangère, qui
estoit belle, bien faite,&
fort propre à inspirer des
sentimens de rendreire; &
pour derniere circonstance,
que ce Repas se foit fait en
public,&àla vûë de toute
une Cour composée d'un
grand nombre de Personnes
de qualité de deux Nations
diférentes, & assez contraires
dans leurs manieres.
Pour moy, je croy qu'il y
avoit des momens,
Où, ces deuxjeunes coeurs, ma1lgré
lem Royauté,
Portoient unesecrete envie
Aux douceurs de la vie
Q~u'unBeIrger-goûte en liberté.
Cettepompe des Roysert d'obstacle
aux plaisirs.
Si l'éclat qui les environne
Embellit leur Couronne,
Souventilcontraint leurs desirs.
.991
Combien defois lesGrands au milieudes
honneurs
T>'unefourniffionprofonde
,_me leur rendtoutle monde,
Sefont-ilsplaint deleurs grandeurs!
âa*
Un Tircis a desjoursplus heureux
millefois,
Assissurlaverte Fougere,
Auprès desa Bergère,
£)ue l'on n'enpasseaupres des
RoÚ.,
Là sans chercher longtemps leur
secret dans leursyeux,
Avec une tendresse extréme,
ilspeuventdire, j'aimc,
Etne craignentpointlesFâcheux*
99
Ils n'ont dans leurs desirs à prendre
aucun détour,
Rien £embarajfant ne les gesne,,
Et leur Loysouverains
Estlaseule Loy de l'Amour.
-
Mais les Gens de la Cour ontd'imponunségards
£hùles incommodentsanscesse,
Et lefeulnomd'AlteJfcy
RendF/clavejufqu'aux regards.-
il n'en fautpas douter, puis que
Leurs Majestez,
MalgrélasuprémePuissance
Ontfaitl'expérience
De cesfàcheuses veritez.
Un peu avant la fin du
Repas, le Marquis d'Astorga
pria tous les Gi-ands, êc
autres Personnes de qualité
qui Je trouvoient là; de paCfer
à son Quartier où il les
régala avec une magnificence
digne deluy, & de
ces illustres Conviez. Il fautravoüer
à la gloire de ce
Ministre.Ila parfaitement
bien soûtenu l'honneur de
son Maistre pendant tout le
Voyage de la Reyne;& par
la dépense prodigieuse qu'il
a fait en cette occasion, il
a bien faitvoirque c'estoit
avec, joye, qu'il employoit
rur le lèrviqe de Sa Ma
jesté, les avantages qu'il
pouvoit avoir tirez de [a.
Vice-RoyautédeNaples.
A peine le Roy donna-t-il
à ces Meilleurs le loisir de
profiter des premieres somptuositez
du Festin qu'on leur
avoit préparé; car Sa Majesté
neresta pas longtemps
sans faire donner le signal
du départ, qui surprit tous -
les Conviez du Marquis au
plusbel endroit de la Feste.
Chacun se leva pourtant; &
les Dames melmes, que la
Duchesse de Terronova faisoit
régaler à part, se mirent
d'abord en état de suivre la
Reyne, les uns& les autres
laissant aux Subalternes de
la Cour, dequoy réparer ce
jour-là les manquemens que
la sterilité du Païs, & la
pauvreté des lieux où l'on
avoit passé, leur avoit pû
•
causer pendant le Voyage.
Il eiroic deux heures apres
midy lors que la Cour partit
de Quintana-Palla. LeRoy
&la Reyne entrerent seuls
dans un mesmeCarrosse,&
firent ensemble les trois
lieues de chemin qui ref-1
toient jusqu'à Burgos, où1
Leurs
-•i
Leurs Majestezarriverent
incognito sur les cinq heures
du soir, laissant assez loin
derriere Elles une partie de
a suite,& tous les Equipages.
Elles descendirent au Palais
des anciens Roys de Caf-
~tille, &passerent droit au
Quartier dela Reyne, où le
Roy mena Sa Majesté,&
~apres luy avoir fait un nouveau
compliment sur son
heureusearrivée, illa Jailli
avec ses Dames, & se retira
au Cabinet des Dépêches,
pour écrireà la Reyne Mere,
& luy donner part de ce qui
s'estoitpassé ce jour-là.
L'heure du Soupé estant
venue, le Roy voulut tenir
compagnie à la Reyne, comme ilt r avoitfaitàdîner-
& quoy que l'Etiquete porte
- que les Roys doivent se
coucher précisément à huit 1
heures, & qu'en ce point Sa 1
Majesté auroit bien voulu
suivre exactement l''Observance,
cependant aux
inel
tantes prieres de la Reyne,
l'heure de la retraite fut remiseà
dix
*,
mais en échange,
le Roy obtint à son tour
que l'on ne se leveroit auaE
qu'à dix heures le lendemain,
ainsi qu'il arriva.
Retirez-vous, Museindiserete,
Ne venez point mal apropos
Mefairetroubler le repos
De deuxjeunes Amans, dont lajoye
efl parfaite.
Si de cegrandrecitj'aysouffert
quelquefois
Jjhte vostre verve téméraire
Yinfiparfis méchans Vers gâter les
beaux endroits;
Sçachez,qu'icy l'un doitse taire,
Et qu'ilfautrespecterlesacréLit
des ROJs.
¡ldlltres auront lesoinde cet Epithalame;
Mais il ne jiedplU bien à vous
De vouloirparler d'unefiante,
J&i doit estreunsecretpournous.
- Le lendemainLundy20.
Novembre, fut le jour deftiné
à l'Entréesolemnelle de
la Reyne à Burgos, àune
heure apres midy. Elle alla
avec ses Dames d'Honneur,
&les principaux Officiers de
sa Maison, à une Abbaye
de Dames de Fondation
Royale? qtie--l'on appelle
El Real Convento de Us
HuelgâS)ou Sa Majestéreceur
encerémonielesComplimens
de la Cité Royale
- de Burgos. Le Duc de Médina-
Celi,
comme Chef
perpétuel du Magistratde
cette Ville-là, fut ccluy qui
porta la parole à' la cette de
quarante RégidorsouEchevins,
reveftus de grandes
Robestraînantes, qu'ils
portent ordinairement en
de pareilles rencotres. L'audiencefiniey
ils allèrent en
Corps attendre Sa Majesté
au lieu où elle devoit monter
à. cheval, & la Reyne fra. au Quartier de FAbbesse,
où Elle &' toutes ses
Dames furent régalées d'une
Collation magnifique;
êc entre trois & quatreheuresdusoir,
SaMajestémonta
en Carrosse, pour aller
jusques au Pont de Sainte
Marie, où elle devoit monter
à cheval, & où elle trouva
tout le Corps du Magistrat,
& les principaux Seigneurs
de la Cour, qui Tattendoient
chacun en fôn
rtange,pourgluy serveir de C.or- Sa Majesté defcendanH
de Carrosse, se servit par
formalité d'un richeMarchepied
qui luy avoit esté
esté préparé; d'oùelle monta
- comme une Amazone
sur un beau Cheval d'Espagne,
superbement équipé,
ion Grand-Maistre luy présentant
le Tabouret, & l'un
des autres Officiers de sa
Maison, nommé Don Juan
déVillavicenclo,luy servant
de Grand-Ecuyer en l'abfence
du Duc d'Ossune.
Sa Majestéestoit habillée
& coëffée à l'Espagnole, &
jamais elle n'avoit paru plui
belle que ce jour-là. Elle
estoit toute brillante en Pierrcrics,
& avoit un Bonnet
garny de Plumes blanches
& incarnates,attachéesavec
de gros noeuds de Diamans.
Comme elle a un air extrêmement
dégagé, & quelle.
icait fort bien gouverner un
Cheval, tout le monde fut
charmé de la voir en cet
état, & sa Personne seule
pendant toute la Cavalcade
occupa les regardsde la NobleÍfe,
de la Bourgeoisie,Se
du Peuple de Burgos, qui
rempliffoient tous les Balcons
des Ruës par où elle
passa. Les principaux du
Magistrat portoient le Dais;
Royal. Le plus, ancien Ecuyer
tenoit les cordons dw-
Cheval, & quatre MSénins.
de Sa Majesté marchoient
à pied deux d'un collé, &
deux de l'autre. L'un estoit
Don Bernardino de Gusman,
Fils du Marquis de
Villamanrique; l'autre, Don.
Antonio de Bracamonte,
Fils du Marquis de Fuentelfol;
& les deux autres eftoient
les Fils du Marquis
de Palacios. Les Ménins en
ce Pais font comme les Ensans
d'Honneur des Roys
&: des Reynes, qui sont
d'un rangsupérieur aux Pages
& doivent estre toûjours
des Fils de Grands,ou
d'autres Personnes d'une
qualité considérable.
Immédiatement apres la.
lteyne,.l'oB voyoit à cheval,
la Duchesse de Terranova,
suivie des Dames d'Honneur
Elpagnoles aussi à cheval,
& entr'autres de Dona
Francisca Henriques, FiUê
du Marquis d'Alcanice;
Dona Maria de
-
Gusman,
Fille du Marquis de Villamanrique;
Dona Josepha.
de Figueroa,Fille du Comte
de los Arcos; Dona Manuela
de Velasco, Fille duA
Marquis de Jodari Dona
Franciica de Portu-gal,Soeur du Duc de Veraguas, Me1-
mAi.nlea;goôcn,DGonnaardL*aMuraayadre,
d'estàdire comme Gouvernante
des Dames.
Le Comte d'Orapesa, le
Comte d'Altamira, ôc le
Duc de Hijar, tous trois
fort magnifiquemenvêtus,
marchoient devant le Dais,
sur de tres-beaux Chevaux;,
ôc le Marquis d'Astorga en.
qualité de Grand-Maistre,
paroissoit seul apres eux, ôc
immédiatement devant la
Keyney luy & son Cheval
tout couverts d'or&de pierreries.
,
Les Livrées de tous les
Seigneursde la Cour, furent
ce jour-la de la derniere magniflcence,
&elles parurent
toutes ou chamarrées d'or,
ou enrichies de broderie.
Celle du Grand Maistre
estoit d'une fine Ecarlate
toute couverte de gros £a-
Ions d'or de Milan. Les.
HabitsdesPagesestoient
de Satin cramoisy,les Manches
brodées d'or; & tout
le restedel'Equipage paroissoit
avec le melme éclat
'Sa Majesté (uivieJSC préedée
de ion Cortege, dans
ordre que jeviens de dire,
entradans la Ville par la
Porte du Pont, qui de mes.
ne que toutes les Ruës par
où elle devoit passer,estoit
ornée de riches Tapisseries,
le Statues, de Tableaux, &
l'Emblémes. Les Gardes
Espagnoles marchoient à la
elle de la Cavalcade, fous
e cõmandement du Comte
le los Arcos Capitaine aux
Gardes,ëede Don Joseph
vianrique Lieutenant.
La Reyne alla droità l'Eglise
Métropolitaine, où elle
fut reçeuë par leDoyen&
par les Chanoines, qui la
conduisirent avec la Croix,
jusques au magnifique Prie-
Dieu qui luyestoit préparé
sousunDais. L'Archevesque,
qui par malheur mou
rut le mesme jour de cette
Entrée, fut légitimement
dispensé de se trouver à
teste de son Chapitre,pour
y faire les fonctionsde fl
Dignité. L'onchanta !
Te DtMm-,&jamais TonnaJ
voit oiïy à Burgos uneMu
sique si belle, ny des ConJ
certs si achevez de Voix&
d'Instrumens.
Sa Majesté ayant fait ses
dévotions, remonta à cheval
à la Porte de l'Eglise, &
prit la route du Palais, où le
Roy l'alla attendre, apres
avoir eu la satisfaction de
voir incognito passer sa Reyne
en triomphe, ayant eu
le loisir de la bien considérer
d'une Grille secrete, pratiquée
à dessein dans une
Fenestre pres de l'Eglise.
Sa Majestéallarecevoir
la Reyne à la Porte du Palais,
d'oùmontant à leur
Apartement avec toute la
Cour,Leurs Majestez y reçûrent
denouveaulesComplimens
respectueuxdetous
les Grands; & comme il
estoit déjàtard, l'on fitj
commencer les Feux d'arti-
Bee" que Leurs Majestez
virent avec plaisir Ac leur
Balcon, d'où elles passerent
dans la Salle desComédies,
pour y voir représenter 1
premiere Journée ( c'est le
premier Acte) de laComédie
en machines de Narcisse
& d'Echo,carafctëm
par.-le
Lon y avoir adjoûté un
Prélude en Musique, qu'ils
appellent icy la Lait" dont
la solemniré du Jour faisoit
le sujet.
Le Mardy21. fut encor
celebre par deux Avions
d'éclat qui se firent à Burgos,
l'une le matin, &l'autre
le soir. La premiere fut
!:' Entrée de Mr le Prince
d'Harcourt en qualité dÀrobassadeur
Exrraordinaire de
France, envoyé de la part
de Sa.:Majrlté' Tres-Chrestienne
à l'occasion du Mariage
duRoy Catholique
Cette Entrée fut fort ma.Z
gnifique, & elle le devoir
estre, pour avoir le succés
qu'elle eut aprescelle du
jourprécedent, &paroistre,
comme elle fit, digne d'un
Prince de laMaison de Lorraine.
j
L'autre Action fut la Cerémonieaveclaquelle
se
couvrit la premiere fois devant
le Royen qualité de
nouveau Grand d'Espagne
le Duc de S.Pierre, Beaufils
du Marquis de losBalbasésj
Tous les Grandss'y trouver
rent? pour faire lionn
ce Duc; ôc l'occasion qui
avoit assemblé deux Cours.
Royales à Burgos, luy fut
extrémemét favorable pour
rendre plus celebre la prise
de possession de (1 nouvelle
Dignité.
L'on fit aussi le mesme
jour deux Festes, que l'on
appelle icyMifCArM. L'une
estoitcomposée de soixante
&deuxPersonnes déguisées;
qui alloient deux à deux autour
du Palais & par les
Ruës de la Ville, & qui rempraéusxednteoiceUntfearueattaen
§^t fdp'Aencie-s.'
ou d'autres personnages t) cçyro- tesques, dont la bizarrerie,,
quoy que peu conforme au
goût de vostre Cour, nelaissa
pas de plaire aux Gens;
de ce Pais. Il est vray que
leur génie s'accommode aisez
de ces sortes de choses.
L'autre Mascarade se fit le
soir, &ce fut uneCouse de
pare/as .dontje vous ay déjà-,
fait la description en d'autres
rencontres. Elle estoit
composée de seize Quadrilles
de Gentilshommes du
Païs,richement habillées de
diférentes couleurs. La Lirée
des uns estoit vert ôc
)r; celle des autres, bleu 6c;
argent. Les troisiémes asoient
choisy pourleur coueur,
jaune & argentj. & les;
derniers,incarnat& argent.
es Parrains de la Course
surent le Conneliable de
Castille Protecteur de Burros,
&le Comtede 1os ArcosCapitaine
des Gardes..
Les réjouissances de cette
Journée s'acheverent par
un beau Feu d'artifice,&
par une Comédie, comme
e soir précèdent.
Le22. la Ville deBurgos
régala Leurs Majestez d'un
Combat de Taureaux,où
deux Gentilshommes, dont
l'un s'appelle Don Joseph
de Hoz,& l'autre Don Louis
deMelgosa, furent les Assaillans.
Ils attaquerent vigoureusement
à cheval ces
farouches Animaux
,
& [c
tirerent fort heureusement
d'affaires, a deux ou trois.
Chevaux pres, qui furent
blessez fous eux, & une legere
atteinte que Melgosa
reçeut à la cuisse. Le Roy
& la Reyne estoient à leur
Balcon sur Il grande Place
du Palais. Les deux Grands-
Maistres y firent leur sonction
ordinaire, & Don Joseph
de Silva, Frere du Duc
de Pastrane, distribua les
ordres de Sa Majesté en
qualité de Premier Ecuyer,
& en l'absence de l'Admirante
de Castille, qui est le
Grand Ecuyer du Roy. Le
soir du
mesmejour,
il y eut
encor Comédie au Palais,
&: des Feux d'artifice à la
Place.
Mrle Prince d'Harcourt
eut ce jour-là son Audience
de congé, & il se disposaà
son retour en France, avec
Madame la Princesse d'Harcourt,
Madame de Grançey,
& la plûpartdesautres
Personnes de qualité
quiavoient suivylaReyne.
Le Roy sit faire à tous de
riches Présens, & Sa Majesté
donna ses ordres pour
le retour de la Cour à Madrid.
L'on divisa la Marche
en trois routes diférentes,
pour adoucir les incommoditez
du Voyage, qui sont
grandes en Castille. Le Roy
choisit celled'Alcala pour
saPersonne, pourcelle de la
Reyne,
Reyne, & les Officiers indispensables
des Maisons
Royales. Sa Majesténevo
ut pas passer par Valladoid,
nonobstant les instantes
artères que ceux de la Ville
uy en avoient fait faire par
eurs Députez; & quoy que
ce refus rendistinutiles tous
es préparatifs qu'ils avoient
mrs pour la reception de
Leurs Majestez, leRoy ne
ugea pas à propos de leur
accorder cette grace, pour
.voir lieud'arriver plutostà
Madrid, où la présence de
Sa Majesté est fort nécessaire
au bien de son Etat.
Le départ de Burgos fut
le 23. Novembre; &comme
de là jusques à la derniere
journée du Voyage, il n'est
rien arrivé de considérable
pendant la Marche, ny dans
toute la route, je me contenteray
de vous dire en peu
de mots, que le Roy & la
Reyne monterent en Carrosse
à la Porte du Palais,
avec laDuchesse de Terranova,
& qu'ayant passé les
Portes de Burgos, Leurs
Majeitez se mirent en Liii^
re jusques à Lerma, où
elles coucherent cette nuità.
Le lendemain elles irritèrent
à Aranda de Duero,
)ù la Reyne eut un petit
liai de teste, qui retarda le
Voyage seulement d'un demy
jour. Le 25. la Cour se
endit à San -
Estevan de
Gormas. Le2.6. àBerlanga.
jz 2 7. à Altienza. Le 18. à
Xadraque.. Le 29.àYta; &
e 30. à Guadalajara. Le
emps fut fort beau tous ces
ours-là; & presque dans
ous les lieux que je viens de
ous nommer, l'on avoit
oréparé pour le divertissement
de Leurs Majestezdes
Combats deTaureaux mais
l'envie qu'Elles avoient de
se voir bientoltàMadrid, ne
leur permit pas de rester
nulle-prt pour aucune consi
deration.
L'on apprit à Guadalajara
qu'il y avoit des maladies
contagieuses à Alcala,
ce qui obligea Leurs Majestezde
se détourner par
Torrejon de ArdOi1,oÙ Elles
arrivèrent le premier de
ce mois. La Reyne Mere
se rendit en meme temps
en ce Bourg-là, qui est à
crois lieuës d'icy, pour y aller
témoigner à Leurs Majetez
la, joyequ'elle avoit
de revoin le Roy son Fils en
parfaite Cuiteyôcd'embraCser
pour la première foisl'incomparable
Reyne qu'elle
avait attenduë avec tant
d'impatience.
Les Complimens furent
obligeans 8e tendres de part
& d'autre,quoy que lavisite
fut assez courte, parce que
la Reyne Mere devoit encor
retourner, comme elle
fit, le mesme soir à Madrid,
ny ayant pas en ce lieu-là
du logement pour trois Mair
fons Royales; mais avant
que de se séparer, elle fit
présent à la Reyne sa Fille
d'une riche Toilete en broderie
d'or, & de Rubis, que
Sa Majesté a travaillée ellememe.
Elle la pria de recevoir
aussi de sa main un galant
& richeEquipage de
Chasle, qui est un Présent
fort conforme aux inclinations
de la Reyne. Enfin
elle luy donnann beau Manchon
de Marte
, que l'Empereur
son Frere luy avoit;
envoyé. Tout celax à ce
qu'on affure, passe la valeur
de cinquante mille écus.
SaMajesté reçeut ces Pré-.
sens avec tousles témoignages
de reconnaissance pos
sibles, & s'estant dit adieu
l'une à l'autre pour un terme
fort courtelles se séparerent
en se donnant des marques
obligeantes d'une extrême
tendresse. La Reyne
Mere retourna à Madrid,
& Leurs Majestez resterent
à Torrejon, d'où elles partirent
le lendemain Samedy
i. Décembre, dans un trèsbeauCarrosse,
& arrivcrent
à trois heures après, midy au
Buen-Retiro, qui est unet
Maifan., R oyale aux Portes
de Madrid, fort biensituée,
où les Roys vont souventpasser
la belle faison du
Printemps.
Quoy que leRoy& la
Reyne entraient incognito,
tx presque lans luite, &iàna
équipages, tout Madrid ne
laissa pas d'aller à leur rencontre,
& pendant plus de
deux lieues de chemin Leurs
Majeilez eurent le plaisir de
voir deux rangs de Carrosses,
qui estoienten haye de part
& d'autre du chemin Jufques
aux Portes de Madrid,
remplis, de tout ce qu'il y a
de Gens de considération de
l'un& de l'autre Sexedans
cette Capitale de leurs.
Royaumes.
-
La Reyne parut admirablement
bien à tous les
Elpagnols,de mesme qu'aux
Etrangers,tant pour sa beauté
que pourlàtaille, son air,
&: ses façons, sans qu'on eust
égardàlaprodigieuse quantité
de Pierreries, qui lais
soient à peine discerner de
quelle couleur estoit [OUi
Habit. En un mot chacun
s'en retourna fort satisfait
de l'avoirvue arriver heureusement
au lieu où elle
estoit attenduë depuis si
longtemps.
Je vous ay parlé si souvent
des Combats de Taureaux
dans cette Relation,
qu'il semble quejefoisobli,
gée de vous décrire une de
cesFestes; maiscetteLettre
est déjà si longue, que je n'y
fçaurois rien adjoûter sans
la rendre fort ennuyeuse.
L'on ne sçait pas encor
précisémentquâd la Reyne
fera son Entrée solemnelle.
encetteCour. L'on avoit pris
jour pour le vingt-deuxième
de ce Mois
y
mais il semble
que la chose soit diferée, &
sile mauvaistemps survient,
ilest à craindre que l'on ne
remetre cette Cerémon e
jusqu'à la belle Mon. Si je
suis encor en cette Cour
quand elle (è fera, je ne
manqueray pas de vous donner
part de tout ce qui s'y
passera,sans oublier de vous
envoyermeme, s'il se peut,
le Plan des Arcs de Triomphe
que l'on prépare au
nombre de cinq, ausquels
on travaille depuis six mois.
Mais comme il y a de l'apparence
que rÊtoille des,
Personnes dont la mienne
dépend, me rapellera bientost
en France, je crains fort
que ce changement de Païs,
ne mette fin à nostre commerce,
puis que renonçant
aux Habits, à la Coëhire, à
la Langue,&aux façons Espagnoles,
je n'auray plus.
lieu de vous écrire fous le
nom de
LA LORRAINE ESPAGNOLITE.,
Cequi suit,sertàéclaircir
l'endroit de cette Relation,
où j'ay parlé des deux Freres
de l'Histoire Enigmatique,
qui est la feule Piece que
j'ayercçeuë de vôtre dernier
Mercure Extraordinaire.
Pourvoirlesensmistérieux
Devotre Histoire Enigmatique,
Sansconfultcr/esLivres curieux
D'une Bibliotequeantique, Ilnemefautqu'ouvrir lesYeux.
»
- Ce qui s'est passé dans le
Paradis Terreltre au commencement
du Monde, &
par toute la Terre au temps
du Deluge; comme aufIl la
situation, le pouvoir, les
conquestes, & le langage
desYeux; tout cela fait déveloper
aisément le mistere
de cette Enigme.
Madrid, 12. Décembre 167i-
Voila, Madatne., que
m'a écrit la Lorraine Espagnolete,
sur le Voyage dont
je vous avois déjà fait le dé2
tail jufqua Burgos. Je ne
doute point tjue la nouvelle
Relation quelleme promet,
de l'Entrée publique de la
Reyned'Espagneà«
nevousdonnedela joye. Je
l'attens dejour en. jour, &
comme il y a grande apparçnce
qu'elle arrivera bientost,
vous la trouverez dans
ma Lettre de ce Mois. Cependant
je vous envoye le
Planàu,Bmn-K£tiroyoù.vo\is
venez de lire qu'on avoit
menécette Princesse.Jel'ay
fait graver sur un bon Original.
LeBuen-Retiroest
une Maison de Plaisance,
que le Comte Duc d'Olivarés
fit bastir sans aucun dessein
formé, à un des bouts
de Madrid, dont il n'y a
que le Cours qui la sépare.
Elle fut nommée d'abord
Galinero à cause de certaines
Poules extraordinaires
qu'on luy donna,qu'il fit
mettre dans une petite Maison
& Jardin, de l'autre costé
del Prado. C'est le lieu où
se fait le Cours; mais quoy
qu'il soit remply de Fontaines,
comme le Retiro est
au dessus, il a salu une depenseprodigieuse
pour y
faire venir l'eau, particulierement
dans ungrand quarré
& un grand Canal qui cH:
dans le Parc. Il va tout autour
du Convent des Hyeronimites,
& s'étend jusques
à Nostre-Dame de Atocha.
Jevous ay déja parlé de cette
Eglise dans quelque Relation,
&del'Image miraculeuse
qu'on y conserve. Elle
est tres-riche en Argenterie,
aussi-bien que la plupart des
autres Eglisesd'Espagne.
Quantaux Hyeronimites, ce
sont des Religieux qui font
une tres-austere profession
de closture. Ils sont habillez
de blanc. Le Pape Gregoire
XI. en approuva les
Constitutions en 1374. & ce
furent deux Hermites Ita*
liens qui commencerent à
vivre ainsi solitairement das
un lieu nomméSissa au pres
de Tolede. Le Parc du Re
tiro a plus d'une lieue. Il ya
de grandes Allées dont les
Arbres ne sont pas fort gros.
Il est aisé de s appercevoir
qu'il a extrémement cousté
à les faire droites.On y voit
un fort grand Etang,sur lequel
plusieurs petits VaiC1
seaux peuvent voguer dans
le mesme temps. Divers
Hermitages séparez sont
tout autour. Ce seroientd'as
fez jolisBâtimens pour des
Particuliers. Ilyamesmeun
Théatre&uneSalle deComédie,
qui estd'un dessein
fort agreable.
-On y trouve
un autre Etang de moindre
grandeur, avec une Tour
dans le milieu,dupied de
laquelle sortent de tresbeaux
Jets d'eau. On voit
nne Fontaine tres-haute au • devat de l'Hermitage,qu'on
appellede S. Paul. Joignez
àcela deux quarrez deBâtk
mens, &deux autres Corps
-de Logis qui avancent en
formedeGaleries. Tout
cela est réply de Tableaux.
Le Comte Duc d'Olivarés y
fit mettre la Statuë de broze
de Philippe II. à cheval. Elle
est rare, en ce que le Cheval
ne se tient que far les pieds
de derriere. Quelque irrégularitéqui
se trouve dans
le Retiro, on prétend qu'il
a coustéun milion plus que
l'Escurial. Adieu, Madame.
Je finis ma Lettre pour en
commencer une nouvelle.
-
1 "'- V
îi1£ACeURi~.
II.PARTIE. )
Contenant les Céremonies du Mariage de
Monsieur le Prince de Conty avec Mademoiselle
de Blois; & une Relation de
la Lorraine Espagnolete. .-
A PARIS
AF PALAIS.
ON donnera toujours un Volume
nouveau du Mercure Galant !e"
premier jour de chaque Mois, & on le vendra, aussi bien que l'Extraordinaire,
Trente sols relié en veau, Se
Vingt-cinq sols en parchemin..
A PARIS,
Chez G. DE LUYNE, au Palais, d&ns!t
Salle des Merciers, à la Justice.
;Che» C. BLAGEART, Rue: S. licqucy;
à l'entrée de la Ruë du Plâtre,
Et en sa Boutique Court-Neuve du Palais,
AU DAUPHIN.
~EtT. GIRARD,auPalais,dansla Grande
Salle, à l'Envie.
M. D.LXXX.
JlYÆC PRIVILEGE &V itor.
Extrait du Privilege du Roy. pAr Grace & Privilège du Roy, Donné i-z
S. Germain en Laye le 31.Decembre 1677.
Signé,Parle Roy en son Conseil,JUNQUIERES.
Ilest permis à J. D. Ecuyer,Sieur de Vizé>
de faire imprimer par Mois un Livre intitulé
MERCURE GALANT, presenté à Menfeigneur
LE DAUPHIN,& tout ce qui concerne
ledit Mercure, pendant le temps & espace de
sixannées,à compter du jour quechacun desd.
Volumes fera achevé d'imprimer pour la premiere
fois: Comme aussi defenses sont faites à tous Libraires, Imprimeurs, Graveurs &au.
tres, d'imprimer, graver & debiter ledit Livre.
sans le consentement de l'Exposant, ny d'en
extraire aucune Piece, ny Planches servant à
l'ornement dudit Livre, mesme d'en vendre se.
parément, & de donnerà lire ledit Livre, le
iceutà peine de six mille livres d'amende, &
'ccnHfcation des Exemplaires contrefaits, ainsi
que plus au long il est porté audit Privilege.
Registré sur le Livre Janvier de la Communauté le j; 1678. Signé, E.COUTEROT, Syndic.
Et ledit Sieur D. Ecuyer, Sieur de Vizé,
sacedé& transporté son droit de Privilege à
C.Blageart, Imprimeur-Libraire,pour en joüir suivant l'accord fait entr'eux.
¿J'¡"'IIÎ d'imprimer pour la premièref*i$
Jiif. I/trrvt<r itJe,
Avispour placerles Figures.
LEs deux Plans de laTable du Festin
Royal, doivent regarder la page
7i.
Le Plan de rEtimée du Buen-Retiro,
doitregarder la page 2.07^
t---/àE-,R-Cil-Il~,1--m *JANVIER itSo.
SECONDE PARTIE. 1
JTSt
E reprens la - plume,
Madame, & continuë
la Lettre qu'il me fut
impossible de finirle trenteuniéme
de l'autre Mois.
J'aurois souhaité me voir en
état de satisfaire plûtost
vostre curiosité sur les deux
Relations que vous attendez
de moy; mais quand le
temps ne m'auroit point
manqué pour la premiere,
ôc qu'elle eust esté toute
faite comme la seconde, que
la Lorraine Espagnolete a
écrite entiere, le grand
nombre de circonstances
curieuses rend ces deux Articles
si étendus, que je
n'eusse pû les faire entrer
dans cette derniere Lettre,
sans estreobligé d'en retrancher
plusieurs autres qui
devoient y trouver place.
Voila, Madame, ce qui m'a
fait prendre le dessein de luy
donner une suite. Je vous
ay appris dans la premiere
Partie que je vous en ay déja
envoyée, tout ce qui est arrivé
pendant le Mois, ôc j'ay
crû que vous n auriez pas
de peine à me pardonner
le retardement de quinze
jours, pour les deux Articles
que j'ay reservez, puisqu'en
diférant jusqu'à aujourd'huy
à vous faire part des Cerémonies
duMariage de Monteur
le Prince de Conty,
je prenois du temps pouf
m'instruire plus à fond de
beaucoup de choses dont je
ne vous aurois pu rien dire
d'abord. L'éclaircissement
que j'en ay reçeu, vous fera
connoistre quetoutes celles
dont il plaist au Roy de se
mesler, sont d'une magnificence
à laquelle rien ne
peutestreadjoûté. SileRégal
qu'il donna lejour de ce
grand & illustre Mariage,
avoit esté fait chez quelque
Nation Etrangere, le bruit
en auroit couru par tout six
Mois avant qu'il se fiift
donné. Toutes les Lettres
& les Nouvelles publiques
auroient elle pleines des
préparatifs qu'on auroit faits
pour cela, & le Prince qui
auroit voulu en prendre le
soin, se seroit vû obligéd'envoyer
chercher hors de ses
Etats la plûpart des choses
dont il auroit eu lxÍÕin. Il
n'a point fallu s'éloigner
beaucoup de S. Germain
pour fournirà ce luperbe
Repas. Tout s'y est trouvé
aussitost en abondance,&
quoy qu'il fust d'une somptuosité
Royale,ils'est donnécomme
un Repas ordinaire
qui n'eust demandé aucun
apprest. Vous n'enferez
point surprise, estantaussi
persuadée que vous l'estes
de l'ordre admirable qui accompagne
tout ce qui sefait
pour Sa Majesté, & de la
promptitude avec laquelle
toutes ses volontez sont exécutées.
Mais je m'échape
insensiblement, & j'oublie
que j'aybeaucoup dechoses
à vous marquer avátquede
venir à la description de ce
Repas. Si je vous enay parlé
d'abord, c'est parce qu'il
entre un air de grandeur si
particulier dans tout ce que
fait le Roy,qu'un objet si éclatant
emporte les premieres
réfléxions, sans qu'on soit
frapé d'aucune autre chose.
"t Il semble, Madame, qu'à
l'occasion du Mariage de
Monsieur le Prince deConty,
je devrais icy vous faire
un détail de ce quiregarde
l'augusteMaisondont il defcend.
C'estaussi par là que jecommencerois cet Article,
si. lors que je vous
appris la mort de feue Madame
de Longueville sa
Tante, je vous avois laiflfé
quelque chose à souhaiter
là-dessus.Iln'estdonc point
question dejustifier la gloire
de sa Naissance par ses Ancestres
les plus reculez. Il
faut venir aux avantages qui
luy sont particuliers, & vous
dire que tout le monde remarque
avec admiration,
qu'ilal'esprit, le mérite, la
pieté, & enfin toutes les vertus,
non feulement de ceux
de sa Maisonquisont aujourd'huy
vivans,mais encor
de ceux qu'il n'y a pas longtemps
que nous avons veu
mourir, & dont la mémoire
vivra éternellement.
Ce Prince est Fils d'Armand
de Bourbon, Prince
de Conty, qui sir paroistre
une telle vivacitéd'esprit dés
son plusbasâge, qu'il n'y
avoit pcrfonne qui rben fuit
surpris. Il fit ses études au
College de Clermont, où l'ér
ducation qu'il eut, contribua,
fort à le remplir des belles
&: utiles connoissances dont
il a tiré tant d'avantages. Je
ne vous dis rien de savaleur,
elle estconnuë,&c'est quel":
que chose en luy d'assez sur--
prenant, que la Nature luy
ayant refusf"é' un Corps capable
des fatigues de la
guerre, il n'ait pas laissé de
l'y soûmettre, & l'ait à la fin
accoûtumé aux plus pénibles
travaux dont elle eil:
suivie. Quantàla solide pieté
dont il a donné de si éclatantes
marques non pas
dans les derniers jours de là.
vie seulement, comme il
arrive à beaucoup qui ne
quitent leurs desordres que
quand ils ne sont plus en
pouvoir de les commettre,
mais pendant plusieurs annéesqu'il
a passées dans un
repentir continuel de ce qui
l'avoit séparé de Dieu, que
pourrois-je en dire qui approchast
de ce qu'on en
sçait? Toute la Terre, ôc
particulièrement le Languedoc
qui adore sa mémoire,
pourroit rendre témoignage
decette glorieuse
verité, aussi-bien que les,
Provinces de Guyenne, de
Berry, & plusieurs autres.
dans lesquelles il a fait distribuer
de grandes sommes
avant sa mort, pour réparer
ce qu'on avoit pû faired'injuste
sousl'autorité de forï
nom. Il avoirépousé Marie-
Anne Martinozzi, dont lof
Mereest morte en
odeur de
sainteté. Elle estoit Fille du
Comtede ce nom, issu d'une
des plus grandes Maisons de
Rome, Soeur de Madame la
Duchesse de Modene, que
toutel'Italieadmire aujourd'huy
pour la belle éducation
qu'elle donne au Duc
son Fils, <3c Niéce de Mrle
Cardinal Mazarin,quiayant
esté chargéduMinistere
sous LOÜIS LE GRAND, a
eu l'avantage d'estre le premier
à s'apercevoir des merveilles
qu'ondevoit attendre
de cet incomparable Monarque.
Il n'en parloit
qu'avec admiration, &on
luy a entendu dire en mourant,
qu'onseroitsurpris des
grandes choses qu'il feroit
pendant son Regne,ayant
toutes les lumieres, ~&laplus
judicieuse conduite qu'on pust
souhaiter dans un Souverain.
La fuite a fait voir que ce
clairvoyant Ministre ne se
trompoit pas, quand il afruroit
que cePrinceavoit eu de
l'esprit dés le berceau. En
effet, il n'y apersonne qui
n'ait remarqué que mesme
dés ses plus jeunesannées, il
avoit la prudence que nous
ne voyons que dans les
Hommes les plus consommez,
qui est de ne pas faire
connoistre tout ce que l'on
sçait, pour apprendre ce que
sçavent ceux avec qui l'on
traite, & avoir plus de facilitéà
découvrir la portée de
toute sorte d'Esprits. Je reviens
à feuë Madame la
Princesse de Conty.
Il y avoit peu de Personnes
à la Cour d'une aussi
g?rande beauté.Sataille & son erspritrépondoi ientà cet
avantagede laNature, mais
ses vertus alloient beaucoup
au delà. Elle estoitla Mere
des Pauvres,le recoursdes
Affligez,le modelle des
MeresChrestiennes,&l'exemple
de tout le monde.
Ainsisajeunesse,& sa beau-
:té,., n'ont servy qu'à faire
voir qu'une Princesse peut
estre jeune, belle, & Chrêtienne
tout ensemble. Son
principal soinpendant son
Veuvage, estoit de donner
aux deux jeunes Princes ses
Fils une éducation digne de
la pieté, & de leurnaisosance.
Elle ne vendoit jamais de
Charges à ceux sur la probité
desquels elle sereposoit de
la justicequi devoit estre
renduë dans ses Terres. Ai
contraire, elle les rachetoit
à quelque prix que ce fust
de certaines Gens qu'elle
croyoit capables d'en abuser,
ne lesconfiantqu'à des
Personnes seûres&fidelles,
quipussent appuyer ses
pieux desseins, ôc luy aider
a faire la guerre à l'injustice.
Elle a racheté plusieurs
Chrestiens des mains des
Barbares, & soûtenu des
Missions dans le Nouveau
Monde. Sa charité a patté
d'Europe en Afrique. Elle a
esté juique dans les Cachots
d'Alger & de Tunis tirer des
Esclaves,& de là jusque dans
le fonds de l'Amérique ôc
de l'Orient, délivrer d'une
captivité encor plus déplorable,
des Peuples quin'avoient
aucune lumiere de la
Foy. On ne doit point s'étonner,
Madame, sile jeune
Prince qui vient de se marier,
estant Fils de deuxPersonnes
d'une si éminente
vertu, a déjàporté si loin les
belles & grandes qualitez,
qui luy ont acquis l'estime
de toute la France. Mais s'il
luy est glorieux d'estre né
d'un Sang illustre de toutes
manieres, il ne luy est pas
moins avantageux de se voir
Neveu de S. A. S. Monsieur
le Prince. Je n'entreprens
point de faire l'éloge de
ce grand Homme. Toute
sa vie a estésiéclatante, que
les Nations les plus éloignées
sont instruites des prodiges
de valeur qu'il a fait
paroistre. C'est une force &
une pénétrationd'esprit sur-
-
prenante,&onpeut dire que
rien n'enégale la vivacité
que la promptitude avec laquelle
il vole auxactions qui
font les Héros. Tout en
parle, & je me tais. Monsieur
le Prince de Conty
peut encor trouver des
exemples de grandeur à suivre
dans les Princes du Sang
dont il sort. Il n'a qu'à jetter
les yeux for MonGeur- le
Duc, pour y découvrirune
ame aussiélevée que saNiiC
sance,& qui estant natutellementlibérale
,le fait
aller jusqu' au magnifique
dans les moindres choses
qu'il entreprend. Mais s'il
n'est pas étonnant, comme
je vous l'ay déjà dit, que le
jeune Prince dont je vous
parle, regle sa conduire sur
lesgrands exemples que feu Mle Prince & Madame la
Princesse de Conty luy ont
donnez, il y a du moins
beaucoup de sujet d'estre
surpris,devoir qu'il s'attache
si fortement à lesimiter dans
un âge qui estant proprementceluy
des plaisirs,semble
rejetter ce qui les écarte.
Au milieu de la plus florissante
Cour de l' Europe,
carressé de la Fortune, s'il
estvray que laFortune puisse
quelque chose pour les Princes
de son rang, il a toujours
secouru les Misérables, ôc
c'etf ce que personne n'auroit
encor sçeu
",
si la verité
qui découvre tout n'avoit
pas esté plus forte que samodestie.
Ila mesme fait des
Présens de la meilleure grace
du monde,àdes Gens d'une
Naissance tres-considérable
dont les besoins ne luy estoient
point cachez, &il a
offert tout ce qu'il avoit jusqu'à
des Princes qui n'auroient
manqué de rien, s'il
n'y avoit eu desraisons particulières
pour les laisser
dans la nécessité de quelque
secours. Si vous examinez
toutes ces choses, vous y
trouverez de la pieté, de la
- libéralité, & de la grandeur
d'ame. Quant à ce qui regarde
la valeur, quoy qu'il
n'ait pas encor eu
occasion
de faire parler de lu y de ce
costé-là, son adresse dans
ses Exercices, l'ardeur qu'il
y fait paroistre, le plaisir
qu'il prend à la Chasse
,
&
les grands Noms qu'il se voit
obligé de soûtenir, font
âssez connoistre qu'il marchera
sur les traces desHéros
de sa Maison. Je m'arreste
icy. Auffibien tout ce que
je pourrois dire à son avantage,
seroit beaucoup au
dessous du témoignage que
Sa Majesté a rendu de luy
en peu de paroles. Vous
sçavez avec combien de
justese le Roy s'explique
sur toutes choses. Ce grand
,
& sage Monarque,que le
faux mériten'éblouitjamais,
& qui connoist parfaitement
celuy de Monsieur le
Prince de Conty, dit en parlant
de son Mariage, qu'il
avoit remarqué en luy toutes
les vertus des Princes, sans
qu'elles fussent me/leés dtt
leursdéfauts, se que s'ilavoit
connu un plus honneste Homme
au Monde, il luy eust
donnéMademoisellede Blois.,
Avoüez, Madame, qu'un
pareil éloge forty de la bouche
de Sa Majesté, passe
routes les loüanges qu'on
peutrecevoir d'ailleurs. Ce
jeunejeune
Princel'a bien mérité,
puis qu'outre ce que je vous
ay déja dit de ses grandes
qualitez
,
il a de la modération;
qu'ilsçait beaucoup,
qnuii'iialnet,lt. bon, doux, bien-
& d'une dévotion
qui n'a aucun faite. Il est
vray que quoy qu'il soitnaturellement
porté au bien,
l'éducation de Monseigneur
le Dauphin,dont:ilapresque
toûjours esté rétnoin, n'a
pas moins contribue à le
rendre ce qu'ilest, que l'éducation
particulière qu'il a
receuë de ses Maistres. Il a
profité de tout, & comme
les bonnes choses ont toujours
fait grande impression
sur son cesprit, il s'est appliqué
les instructions dont il
, a pu tirer avantage.
Il faut vous parler présentement
de la jeune Princesse
qu'il aépousée
; mais
que puis-je vous en dire que
vous ne sçachiez ? Y a-t-il
quelqu'un en France qui
puisse ignorer qu'elle est
toute aimable,&toute belle,
qu'elle a de la douceur& de
l'esprit, & que jusqu'aux
moindres choses qu'elle fait,
<'cft toujours de si bonne
cgeruaxcqe,uqiu'elle enchante tous
la voyent.Joignez
à cela qu'elle a esté élevée
par Madame Colbert, c'est
tout dire.. Mademoiselle de
Blois ayant tous les avantages
que je viens de vous
marquer, fut regardée de
toute la Cour dés sa plus
tendre jeunesse, comme un
Chefd'oeuvre admirable de
la Nature, tant pour les
charmes du corps que pour
la vivacité de l'esprit. Monsieur
le Prince de Conty fut
du nombre de ceux qui ladmirerent,
mais son admiraton
se changeainsensiblement
en amour & comme il
estoit encor fort jeune, il cit
à croire qu'il l'aima longtemps
sans sçavoir ce qu'il
sentoit pour cette Princene.
Cependant illuy rendit des
soins si assidus, & si empressez,
que le veritable
amour ayant toujours dela
peine à (e cacher, il n'y eut
personne qui ne s'aperçeust
de sa passion. Elle a toûj ours
augmenté,
,
& comme un
fort grand mérite joint a ce
que la beauté a deplus toiichant
l'avoit fait naistre
,
il
ne faut pas s'étonner si elle
aestéde longue durée. Ce
qu'il y a de particulier, c'eâ
que Mademoiselle de Blois
peut dire qu'au milieu d'une
grande Cour, Monsieurle
Prince de Conty n'a jamais
VvU qu'elle, que tous tes
foins ont esté pour elle, &
que l' ayant aimée avant
mesme que d' estre en état
d'aimer, cet amour a esté
dans la suite la premiere
choseque sa raison luy ait
conseillée. Apres des conseils
si dignes d'estre luivis5>
ce jeune Prince redoublases
assiduitez, & ses complaisances
pour la belle Princesse
qui avoit gagné son
coeur, & dont il voyoit que
la feule possession estoit capable
de le rendre heureux.,
Mademoiselle de Blois eut
pour luy toutes les civilitez
qui sont deuës aux Princes
de saNaissance; mais elle
avoit trop d'esprit, & elle
estoit trop bien élevée pour
faire paroistre qu'elle [entiit.
autre chose que de l'estime,
quoy qu'il sufl: vray que les
belles qualitez de ce jeune
Prince eussent fait pour luy .-
d'assez favorables impresfioris
sur son esprit. C'est
en quoy on ne la sçauroit
trop admirer, & vous l'admirerez
sans douteaussibien
que toute la Cour, quand
vous sçaurez que cette Princesse
ayant appris que son
Mariage estoit résolu, &
voyant que toutes choses fp
préparoient pour cela, dit
obligeamment pour Monsieurle
Prince de Conty,
quelleavoittoujours eu beaucoup
d'inclination pour luy,
mais qu'elle nen auraitjamai*
untémoignésile choixdu Roy
n'eust pai autorise ce qu'elle
sentoit. Il y avoit déja sont
longtemps qu'ons'appercevoit
de l'amour du Prince,
ëc comme on ne doutoit
point que Mademoiselle de
Bloisn'y fust sensible quand
illuy seroit permis delaisser
agir ses sentimens, tout le
monde entroit dans leurs
interests, & il n'y avoit personne
qui ne Bit des voeux
pour leur bonheur. LeRoy
cependant examinoit tout
& ne disoit rien. Il estoit
bien aise de découvrir ce qui
6 passoit dans le coeur de
l'un,& de l'autre,& après
qu'il en flit connu tout le
ÍeGt-et, le plaisirqu'il trouve
àrendre heureux ceux qui le.
méritent,luy fit prendre le
dessein de s'expliquer. Ilfit,
appeller Mademoiselle de
Blois, & luy. dit qu'il avoit
résolu de la marier avec
Monsieur le Prince de Conty.
Cette Princesse ne put
s'empécher de répandre
quelques larmes. Le Roy,
luy demanda si elle n'estoit
pascontente de ce Mariage.
S-c-s pleuraredoublement. Elle
luybaisala main., &luy
répondit en suite, qu'elle
estoit tellement touchée des
bontez que sa MajefléarrJoit
pour elle,qu'elle en werfoit
des Ur?)ies de joye. Mais ce
n'estoit pasassezque Mademoiselle
de Bloissçeust cette
nouvelle. Il falloit en faire
part à Monsieur le Prince de
Conty, & dans la crainte
qu'on a toûjours de n'obtenir
pas ce qu'on souhaite,
elle ne luypouvoit paroistre
croyable, s'il ne l'apprenoit
de la bouche mesme de Sa
Majesté. Le Roy luy fit
connoistre le dessein quii
avoit de le marier; &aunom
de l'aimable Princesse qu'il
luy destinoir, ce jeune Prince
futsifort saisy de joye,
qu'il en demeura tout interdit,
s$ansqu'il pust prononcer
une parole. C'estoit plus
dire que s'il eust parlé. Le
silence fait souvent entendre
beaucoup, & dans ces
fortes d'occasions, le coeur
n'eut jamais un plus fidelle
interprete. Enfin apres s'estre
un peu remis, il fitsesremercîmens
d'un air quimarquoit
l'obligation qu'il avoit
au Roy, &: la joye extraordinaire
& preique incroyable,
qu'une si agreable nouvelle
luy avoit causée. Il demanda
s'il luy estoit permis
de publier son bonheur,&
il en obtint la permission.
Sa Majesté luy dit seulement,
qu'iln'allast chez Mademoiselle
de Blois que sur
les six heures du soir, & qu'il
-
y seroit conduit par Monsieur
le Duc. Il sortit apres
cet ordre, le coeur si remply
de joye, qu'illuy fut impossible
de lacontenir. Ilenfit
part à ceux qui le rencontrerent,
& s'estant retiré
chez luy, il envoya incontinent
avertir ses plus particuliers
Amis de ce que le
Roy avoit résolu en sa saveur,
& défendit qu'on laisfait
entrer personne. Il se
douta bien que mille Gens
le viendroient féliciter,&il
n'appréhendoit rien tant
que leurs visites. Il vouloit
s'abandonner tout entier
aux douces pensées qui le
nacoicnc;& quoyqu'il connust
que laconversation ne
pouvoit rouler que sur l'assurance
qu'il avoit reçeuë de
son bonheur, il croyoit ne
pouvoir l'envisager assez fortement
en compagnie. Ainsi
il s'enferma pour y resver
seul, & ce fut alorsque les
transportsde sa joye n'eurent
plus de bornes. Il en
gousta toutes les douceurs
pendant quelquetemps;
mais enfin illuy sembla qu'il
ne les goustoit qu'imparfaitement,
puis qu'il estoit éloigné
de ce qu'il aimoit. Il
comptoit chaque moment
pour un siecle, & ne pouvant
estre maistre de luy-111êllne,
quelquesviolens efforts qu'il
se fist pour surmonter fou
impatience, il sortit accompagné
de son seul amour, &
se rendit chez Mademoiselle
de Blois, où il n'estoit attenduque
ssir les six heures.
Comme il n'y avoit point
d'ordre avant ce tempsJà"
& qu'on ne voyoit point
Monsieur le Duc qui le devoit
aller prendre, on ne
voulut point d'abord le laisfer
paser jusqu'à laChambre
de cette Princesse; mais
il toucha tellement ceux qui
[e creûrentobligez deluy
résister, qu'il leur fut impôt
sible de luy refuser logtemps
l'entrée. Il courut se jetter
aux pieds de Mademoiselle
de Blois avec des transports
de joye qu'il n'y a personne
qui pust bien décrire, ôc que
les coeurs mesmes les plus
amoureux auroient de la
peine à se bien représenter.
Illuy fit mille protestations
d'une tendresse eternelle;
mais quelques passionnées
qu'elles fussent, ce que luy
disoient ses yeuxl'emportoit
encor sur les plus vives expressions
qu'il pust trouver.
Le bruit de ce Mariage
-
Vcftant répandu dans toute
sa Cour, on, entendit dire
>:OU[ d'unevoix, qu'il estoit ;êlon les/voeux les dt/irs
~e chacun, au gré de Dieu
cJ des Hommes. Je ne change
rien aux termes. Ce sont es mesnes dont on se Ièr--
vit de tous costez.
Depuis le jour que Sa
Majesté se fut: declarée,
jusquesà celuyduMariage,
Monsieur le Prince de Conluy
marqua par l'extraordinaire
empressement de ses
soins,qu'il estoit le plus garant
& le plus amoureux de
tous les Hommes; mais
quelque violent quefust son.
amour, il estoitégalé par
son respect, & il avoit pour
Mademoiselle de Blois des
déferences si particulieres,
que quand il entroit chez
elle, il ne pouvoit soufrir
sans se plaindre qu'elle se
levait pour le recevoir. Comme
la libéralité & l'amour
font presque toûjours inséparables,
& que ceux-mesmes
qui ne sçavant ce que
c'estt qu'estre galans, ont
accoûtumé de le devenir,1
quand ils sont prests de se
-:marier, tout ce que faisoit
Monsieur de Conty estoit
d'un Amant passionné, &
d'un Prince libéral. C'ef-
!
toient des devoirs dont il
sacquitoit de la meilleure
grace du monde. Cependant
il ne laissoit pas de
prier sans cesse Madame
Colbert qui gouvernoit toûjours
la jeune Princesse, de
luy dire s'il ne manquoit
point en quelque choie. Il
.vouloit plaire, ôc il croyoit
ne faire jamais assez.
La Cerémonie de son Mariageavantestéa.
rrcfte£-
pour leMardy 16. de l'autre
mois, le Contract en fut signé
le jour qui le précéda.
Apres que toute la Maison
Royale se fut assemblée
dans la Chambre , de la
Reyne, le Roy y entra sur
les sept heures du foir, &
passa en suite dans la sienne
, où tous les Princes &
Princessesl'accompagnerent.
Monsieur le Prince
de Conty donnoit la main
à Mademoiselle de Blois.
La queuë de la Mante de
cette Princesse avoit cinq
aunes de long, & estoitportée
par Mademoiselle de
,
Nantes. Le Roy se plaça à
l'un des bouts d'une Table
qui estoit contre la muraille.
La Reyne se mità sa
gauche;& en suite Monseigneur,
Monsieur, Madame,
Mademoiselle, Ma,
demoiselle d'Orléans, Ma,
dame la Grand'Duchesse
de l'oscane, Madame de
Guise, Monsieur le Prince,
Monsieur le Duc, Madame
la Duchesse, Monsieur le
Prince de la Roche-sur-
Yon, Mademoiselle de
Bourbon,Madamela Prnu
1.
L.
cesse de Carignan, Monsieur
le Comte de Vermandois,
Monsieur le Duc du
Maine, Mademoiselle de
Nantes, & Mademoiselle
de Tours, se rangerent tous
en demy-cercle au devant
de cette Table. Monsieur
le Prince de Conty se mit
vis-à-vis avec Mademoiselle
de Blois au dedans du demy
cercle. Alors Mrle Marquis
de Segnelay s'approcha,
& commença à lire le
Contract tout haut. Une
partie des qualitez ayant
estéleuë, le Roy luydit que
c'estoitassez, & le signa.
La Reyne, Monseigneur,,
Monsieur, Madame, Mademoiselle,
& tous les Princes
& Princesses de la Maison
Royale, le signerent apres le
Roy. Cela fait, Monsieur le
Prince de Conty (e mit dans
son rang, au dessous de Madame
la Duchesse, & au
defliis de Monsieur le Prince
de la Roche-sur-Yon; &-
Mademoiselle de Blois se
Inir. au dessous de Monsieur
le Comte deVermandois.
Aussitost on vit paroistre
Monsieur le Cardinal de
Boüillon, qui s'avança jufl.
qu'au milieu de la Chambre.
Il estoit en Rochet &
en Camail. Mr l'Abbé de
S. Luc, Aumônier du Roy,
quelques Ecclesiastiques de
la Chapelle, & Mrle Curé
de S. Germain, l'accompagnoient.
Monsieur le Prince
de Conty, & Mademoiselle
de Blois, s'estans approchez
de luy, il commença la
Cerémonie des Fiançailles.
Vous sçavez qu'elle consiste
à prendre le consentement
des Parties. Ainsi ce Cardinal
demanda à Monsieur le
Prince
Prince de Conty, s'il pro~
mettoit de prendre pour
Femme Anne - Marie e' de
Bourbon qui estoit présente.
Ce jeune Prince fit une profonde
revérence au Roy,
une autre à la Reyne, &
une troisiéme à Monsieur le
Prince son Tuteur, pour
sçavoir s'ils luy en donnoient
la permission. Vous
pouvez juger avec quelle
oye il répondit si-tostqu'il
eutobtenue. Mademoiselle
de Blois fit aussi une pro- onde revérence au Roy, &
une à la Reyne, avant que
de répondre sur la demande
fqiut,e le mesme Cardinalluy
si elle promettent de
prendre pour son Mary
Louis-Armand de Bourbon,
Prince de Conty, qu'elle
voyoit là present. Les Fiançailles
estant achevées,toute
cette auguste Compagnie
alla prendre le' divemuement
de l'Opéra deBellérophon.
Le lendemain, qui
estoit le jour du Mariage,
Monsieur le Prince de Conty
rencontra la Reyne quel-
:
ques heures avant celle,
quon avoit marquée pour
en faire laCerémonie. Cette
Priricesse dont la pieté n'a
pointd'exemple, luy dit,
quelle allaitfaire ses Devez.
tions pour demander à Dieu
qu'il voulust benir son Mariage.
L'heure de cetteCerémonie
estant venue, les
mesmes Personnes qui s'et:
toient trouvées le jour préredent
aux Fiançailles, &
que je vous ay déjà nommées,
sortirent dela Chambre
de la Reyne, où elles
s'estoient rendues,pour aller
lie là dans la Chapelle. Le
rond de l'Habit de Monsieur
le Prince de Conty;
estoit de Satin couleur de
paille, brodé de Milleret
noir, rehaussédeDiamans,
autour desquelsil y avoit
de la découpure de Velours
noir. Le Manteau en estoit
couvert environ trois quartiers
de haut, & les Chauffes
toutes remplies de branchagesnoirs
relevées de Diamans.
La doublûre de son
Manteau estoit de Velours
noir,&sa Garniture d'un
Ruban couleur de feu ôc
blanc velouté. Il avoit un
Chapeaunoiravec un Bouquet
de plumes couleur dr
feu,mouchetéde blanc; ô£
sur lesSouliers, des noeuds
couleur de feu&blanC,lTIOU---
chetez de Diamans. Son
Cordon enesroit,aussibien
-que l'Attache de son Chapeau,
ôc son Ceinturon &cton
Epée en estoientcouverts.
L'Habit de Mademoiselle
de Blois estoit
blanc, &tout lizeréde Diamans
& de Perles;&comme
c'estla coûtume des Mariées
de rhettre derriere leurteste
une maniere de petite Couronne
de Fleurs qu'on ap--
pelle le Chapeau, cette Prinr.
cesse en avoit une de cinq
rangs de Perles au lieu de
Fleurs, & ce fut la Reyne
qui luy fit l'honneur de les
attacher.CesillustresMariez
avoient mis un Habit noir
lé jour de leurs Fiançailles..
La Cerémoniedu Mariage
fut faite par Mrle Cardinal
de Boüillon. Comme
elle est la mesme par tout, il me seroit inutile de décrire
icy deschosesqui ne se font
pas autrement parmy les
Grands, que parmy les Personnes
les moins élevées.
Tout ce que jevous en puis
dire de particulier, c' est
sqiue'uern cette occasion Monle
Prince de Conty
voulut avoir des déférences
pour Mademoiselle de Blois,
ausquelles Sa Majesté s'opposa.
Il est des rencontres
où pour paroistrevéritablement
amoureux, un Amant
d oit tout déferer à uneMaîstresse;
mais il est aussi des
temps où la solemnité des
Cérémonies, demande nécessairement
qu'on y paroissedans
le rang qu on
doit tenir. Celle du Mariage
estant achevée, Monsieurle
Prince & Madame la Princesse
de Conty se mirent à
genoux aupres de l'Autel.
Le Roy&: la Reyne estoient
seuls sur une ligne, Monseigneur
le Daup&hin derriere
Leurs Majestez. Apres
luyestoient Monsieur, Madame,
& Mademoiselle; en
fuite Mademoiselle d' Orleans,
Madame la Grand"
Duchesse, & Madame de
Guise, & ainsi de tout le
reste. On dit la Messe,
apres laquelle Monsieurle
Cardinal de Boüillon fit la
Cerémonie du Baptesme de
Monsieur le Duc de Bourbon,
Fils de S. A. S. Monsieur
leDuc. LeRoy futson
Parrain, &le nommaLoüis.
Madame estoit la Marraine.
Ce jeune Prince avoit ce
jour là un Habit de lames
d'argent,brodé de Cordonnet
d'argent, & enrichy
d'une Garniture d'unRuban,
aussid'argent. Ses Gands
estoient blancs, garniset r> frange d'argent, & il avoit
des Bas de soye & des Souliers
de mesme couleur. Il
fait les études au Collegede
Clermont, & l'esprit de fit
Maison paroist tellement
dans tout ce qu'il dit, qu'il
donne de jour en jour de
nouveaux-sujetsdel'admirer.
Au sortir de la Chapelle, le
Roy alla dîner chez la Reyne,
avec Monseigneur,Monsieur,
Madame, Monsieur
le Duc de Chartres, Fils de
Son Altesse Royale, Mademoiselle,
Mademoiselle
d'Orleans,Madamela Grande
Duchesse, Madame de
Guise, & Madame la Princesse
de Conty. Apres le
Dïné'Cli.,Lcun s'alla préparer
pour les Divertissemens du
fair; & sur les approches de
la nuit, les Princes & les
Princesses s assemblerent
chez laReyne. 0n yattendit
l'heure de la Comédie,
&: quand on fust prest de la
commencer , cette grande
& auguste Compagnie se
rendit dans la Salle des Balets.
Toute la Maison Royale
k plaça sur une ligne, ôc
tous les Princes du Sang
vis-à-vis sur une autre ligne.
La Troupe Royale représenta
l'Iphigénie de M Ra-
> cine
,
qu'on entremesla de
Mu sique dans lesEntr'actes,
La Comédie estantfaite, Mr
le Cardinal de Boüillon alla
fairelaBénédiction du Lit
desMariez.Il benitaussila
Table. C'est ce qui se pratiqueordinairement,
quand
il y a un Festin Royal.
Sur les dix heuresdu soir,
toute la Maison Royale, &
les Dames qui avoient cfte.
conviées de la part du Roy
pour celuy que Sa Majesté
devoit donner, se rendirent
auChasteau-neuf. La Table
du Soupé estoitdressée dans
la Galerie de ce
Chasteau.
rCn avoit élevé au dehors
quatre Escaliers de, bois,
deux du costé du petit Jardin,
& deux du collé de la
Terrasse,afin que le service
se fit plus commodement.
Ces quatresEscaliers répondoientàautant
de Fenestres,
parce qu'il auroit eilé impossible
que pres de six cens
grands Plats eussent esté
portez & raportez sans confusion,
s'il eust salu les faire
paffer tous par la Porte. Il
fut mesme résolu pour un
plus grand ordre, que les
Suisses porteroient les Plats
jusqu'aux Fenestres de la
Galerie, sans qu'ils y --en-!
trassent, & qu'ils les livreroient
aux Officiers & aux
Pages du Roy qui devoient
servir.Tout le dehors du
Chasteauestoit remply d'une
infinité de Lampes pour
éclairer ceux qui partatgeoient
le foin de ce grand Régal-. Dans le Sallon qui.1
sert de passage à la Galerie.
où le Couvert estoit mis, on
avoit allumé plusieurs LuC.
tres ôc Bras d'argent, avtcj
deux grands Candelabres de
mesme matiere; ils
avoient
x branches chacun, &hult.
neufpieds de haut. Dece;
allôn on entroit dans la Gaeriequi
éstoit illuminée tout
KI tour,d'un tres- grand
nombre de Bougies, disposées
en sîmétrie sur le rebord
le la Boisure. Chaque enrecroifée
estoit garnie de
puinze Flambeaux, entre
lesquels celuy du milieu. ec.
soit plus haut que ceux des
deux bouts. Les autres et
boientde la grandeur ordinaire.
On sçait de quelle
~beauté,&de quelle pesannaire
sont ces Flambeaux;.iJ.-¡
ont esté faits par le feu Sr
Balin. Outrecette prodigieusequantité
de lumieres,
il y avoit plusieurs Lustres
d'argent suspendus au dessus
de la Table, tous sur une
mesme ligne.
Le jour précédent, on
avoit dressé un Bufet d'une
magnificence extraordinaire
, mais on fut contraint de
l'oster, à cause du trop de
place qu'il occupoit, & on
en mit un autre qui ne contenoit
que les choses nécesfaires.
La Table estoit séparée.
de ce Bufet parunecloison
qui avoit deux Portes, au
dessus desquelles estoient
trois grandes Plaques d'argent
à trois Bougies chacune.
Cette cloison estoit
revétuë d'un riche Tapis de
Velours violet en broderie
d'or aux Armes de France.
L'autre bout de la Galerie
par où l'onentroit,estoit de • lamesme simétrie. La Table
avoit cinquante quatre
pieds de long, sur six pieds
huit pouces de large. Le
milieu en estoit orné d'une
maniere toute singuliere, &
qui avoit quelque chosede
galant, de magnifique,&
de surnaturel tout ensemble,
à considerer la saison où l'on
estoit. Dix-neuf Corbeilles
à jour, tantdorées que d'argent,
regnoient sur toute la
longueur de cette Table.
Elles estoientrempliesd'Annémones,
d'Hyacintes, de
Jasmins d'Espagne, deTulippes,
&de Feüilles d'O'
ranger; & de petits Festons;
de Fleurs couroient par dessus.
Iln'y avoitrien que de
naturel, & en voyant ces;
Corbeilles, il estoitdifficile
de le souvenir qu'on sust au
seiziéme de Janvier. Les
Etrangers qui virent ces
Fleurs, crûrent longtemps
qu'elles estoient feintes, &
s'ils ne les eussent vûs de
plus près quand on défervit,
on n'auroit jamais pû leur
persuader, qu'elles eussent
esté véritables. Entre les
Corbeilles, il y auoit des Girandoles
de six Bougies,avec
des Flambeaux de vermeil
doré aux quatre coins des
mesmes Corbeilles. Ainsi
chacune se trouvant entre
deux Girandoles, & quatre
Flambeaux, estoit environnéedeseize
lumieres vqui
jointes à celles des Lustres
d'argent, qui estoient Cufpendus
le long de la Table,
faisoiét admirablement briller
le vif coloris d'un si
grand nombre de Fleurs.
Douze Chandeliers de deux
pieds de haut chacun, d'un
admirable travail, & garnis
de lumieres d'une grosseur
proportionnée à leur grandeur
,
donnoient encor un
nouvel éclatà tout ce que je
viens de vous décrire. Toutes
ces Corbeilles demeurerent
sur la Table jusqu'à
la fin de ce superbe Repas,,
pour réjouir la veuë & l'odorat,
pendant que le goust
estoit occupé, & par ce
moyen la plupart des sens
pouvoient se satisfaire tout ai
lafois..
Il y eut trois Services decent
soixante Plats chacun,
sçavoir un Plat de neuf
marcs,entre quatre Ecuelles
desix marcs ôc demy,chacune
avec deux petits Plats
dorez hors d'oeuvre. Tous
les Plats de chaque Service,
montoient à quarante-six
moyens Plats de neufmarcs,
a quatre-vingts quatorze
Plats appellezt) Ecuelles de
six marcs & demy chacun,
& à cinquante-six Plats de
vermeil doré, hors d'oeuvre.
Le premier Service estoit
moitié Potages, moitiéEntrées
; & le secon d
,
moitié
Entremets, & moitié Raft"
dont les plus grosses pieces
estoient fort petites, &
il y avoit pour seize mille
livres d'Ortolans. L'Entremets
estoit dans des Porcelaines
posées sur des Plats.
Le troisiéme Service estoit
le Dessert. Je vous envoye
deux Plans de ce grand
Repas, dansla mesme Planche.
Le premier marqué At
dans lequel il yale moins
d'écriture, est celuy des
deux premiers; &: le second
marqué B,est celuy que
j'ay fait
graver pour le Des-
1ert. Ce qui eH: marqué
Soûcoupe, estoit remply dequantité
d'Eaux glacées &
de Liqueurs dans des Gobelets
d'argent. Quant aux
Compotes, elles estoient
dans des Porcelaines fines.
Quoy qu'il y eust grand
nombre de Personnes à
rablc, comme vous allez
voir par le nom des Dames
qui eurent l' honneur d'y
estre reçeuës, toutes les
Assietes estoient de vermeil
doré, & furent changées
plusieurs fois. Les Officiers
qui servirent, estoient Mr
Sanguin Premier Maistred'Hostel,
& MrdeValentiné
Controlleur General. Mt,
Groteau Controlleur ordinaire,
servit du costé du
Roy. Mrs Gimat, Vandervek
,
Leschallas
,
Royer,
Moreau, & Boucau, Controlleurs
Clercs d'Office,
servirent
servirent aussi. Il y avoit un
tres-grand nombre de Soûcoupes
pour donner à boire
à toutes les Dames. Plusieurs
Pages les servoient;
& il y en avoit un dessiné
pour deux ou trois.Quoy
que vous ayez déjaveu dans
un des Plans quelques noms
des Personnes quiestoient à
table, je croy vous en devoir
donner une Lifte entiere.
N'y cherchez point d' ordre.
Les rangs qui se trouvent
lans ces fortes de Relations
ne reglent rien, & ne tirent
point à conséquence.
LE ROY.
LaReyne.
Monseigneur.
Monsieur.
Madame.
Monsieur le Duc de Chartres.
Mademoiselle.
Mademoiselle d'Orléans.
Madame la Grand' DUi
chesse de Toscane.
Madame de Guise.
Madame la Duchesse.
Madame la princesse de
Conty.
Mademoiselle de Bourbon.
-
Madame la Princesse de -
Carignan.
Mademoiselle de Nantes.
Mademoiselle de Tours.
Madame la Princesse
1 d'Harcourt.
- Madame la Duchesse de
Crussol.
Madame laDuchesse de
Richelieu.
Madame de Montespan.
Madame laDuchesse de
Bracciano.
MademoiselledeNoirmontier
sa Soeur. :
Madame la Duchesse de
Créquy.
Madame la Duchesse de
Lesdiguieres.
Madame la Duchesse de
Rohan.
MadamelaMaréchale de
la Mothe.
Madame la Duchesse
d'Aumont.
Madame la Duchesse de
la Ferté.
Madame la Duchesse de
Noailles.
Madame laDuchesse de
Gramont. ;
Madame la Duchesse de Villeroy.. *
Madamela Duchesse de
Duras.
Madame Colbert.
Madame la Duchesse de
-
Chevreuse.
Madame la Duchesse de
Beauvilliers.
Madame la Duchesse de
Il Mortemar.
Madame laMarquise de
Scgnelay.
Madame la Princesse de
Tingry.
Madame la Maréchale de-
Humieres.
Mesdemoiselles de àHu-
11" mieres ses Filles.
Madame la Marquise de
Louvoys.
:.J'
Madame deThiange.
Madame la Comtesse de
Cramont.
Madame de Grançey.
Madame la Comtesse de
Guiche.
Madame de Clerambaut.
Madame de Gourdon..
Madame la Marquise
d'Effiat.
Madame duBouchet,
Mademoiselle du Bouchet
sa Fille.
Madame de Sainte-Mesmes.
MademoiselledeLevy.
Mademoiselle de Théobon.
Mademoiselle des Adrets.
Mademoiselle Poitiers.
Mademoiselle de Chasteautiers.
Madame de Maintenon.
Madame la Marquise de
Sourches.
Madame la Marquise de
leValiere.
Mademoiselle de la Valiere
sa Fille.
Madame d'Albret.
Mademoiselle de BrevaL
Madame de la Vieuville..
Voila,Madame, tout ce
que ma mémoire me peut
fournir. Il m'échape assurément
quelques noms qu'il
m'estimpossible de rappeller.
Ce que je sçay de certain,
c'est qu'on ne pouvoit
rien voir deplus brillantque
toutes ces Dames, tant elles
estoient couvertes de Pierreries.
On ne demeura à table
que deux heures, c" qui
marque que tout fut servy
sÇdciervy avec grand ordre,
niaîeré lenombreextraordinaire
de Plats qu'il salut
mettre & oiter. Monsieur
le Prince, qui depuislongtemps
ne vit que de Lait>;
soupa dans la Chambre de.
Monsieur le Prince de Conty,
avec Monsieur le Duc,
Monsieur le Prince deConty,
Monsieur le Prince de la
Roche-sur-Yon, &Monsieur
le Comte de Vermandois.
Le mesme soir, Leurs
Majestezsirent l'honneurà..
Monsieur &: à Madame de
Conty de leur donner la
Chemise. Le lendemain ôc
les jours suivans,ces iliusties.
Mariez reçeurent visite du
Roy, de la Reyne, de Monseigneur,
de Monsieur,de
Madame, & de toute la
Cour, qui leur marqua la
joye qu'elle ressentoit de
leur Mariage. Cette joye
avoit déja tant éclaté par
tout, qu'ils n'eurent point à
douter qu'elle ne fuit telle
qu'on la fit paroistre. Jamais
on ne vit tant d'empressement
pour en témoigner,
ny tant de foin de [e mettre
dans une parure qui répondist
à la grandeur de la Feste.
Outre la dépenie qui en a
esté faite par le Roy, avec
la magnisicence qui luy cftsi
naturelle, Sa Majesté a
donné à Madame la Princesse
de Conty le Duché de
Vauj ours, & un million d'argent
comptant, avec cent
mille francs de Pension, ôc
un tres-grand nombre de
Pierreries. Elleaaussidonné
à Monsieur le Prince de
Conty cinquante mille Ecus
d'argent comptant,&vingtcinq
mille de Pension.Monsieur
le Prince dela RochesurYon,
a eu une Pension
de vingt mille Ecus dans le
mesme temps. Les bontez -
du Roy pour Madame la
Princesse de Conty, ne Ce
{ont pas terminéesaux dons -
que je viens de vous marquer.
Il a pris le loin deluy
choisir une Dame d'Honneur,
dont le mérite fuit
ogénéralement reconu. C'est
Madame la Comtesse de
Bury, Fille de Messire Anttooliin-
ieeddee RRoosfltaaiinn,,gr d'Etuirrrrec,*,
Marquis d' Aiguebonne,
Gouverneur des Ville de Citadelle
de Cazal,Lieutenant
GeneraldesArmées duRoy,,
& Veuve de Messire François
de Roitaing, Frere de
Madame de Laverdin,Mere
deMr de Laverdin. La Maison
d'Eurreestillultre dans
leDauphiné.ElleaM1 leMafr
quis de S. Martin pour Chef.
Madame la Comtesse de
Burydont je vous parle, est
demeuréeVeuvefort jeune;
ôc quoy qu'elle soit encor
belle& tres-bien faite, elle
n'ajamais pensé à un fécond
Mariage. Lacôduite qu'elle
a euë dans son Veuvage, a
toûjoursestéd'unerégularité
exemplaire. C'est une veritable
pratique des vertus,
qui ira ny ostentation ny
contrainte; une pieté foîide,
une égalité d'humeuradmirable
, & une douceur qui
la fait aimer de tous ceux qui
la connoissent. Elle estoit
dans ion Chasteau d'Onzin
à six lieuës de Bloisy où elle
passoit ordinairement une
partie de l'année, comme
dans une espece de retraite,
lorsqu'elle reçeut les ordres
du Roy. Elle demeura d'autant
plus surprise de voir
qu'on l'appelloit à la Cour,
qu'elle ne s'y estoit proposé
aucun Etablissement.
Ainsi ce n'estqu'à son
seul méritequ'elle doit le
rang qu'elle va tenir. Mr
de Champval a esté mis
Ecuyer de Madame la Princette
deConty.Ilcommandoit
les Grenadiers duRégiment
de Conty, où il y
a vingt-cinq ans qu'il est
Capitaine. C'est un Corps
quis'est toujours distingué
par sa valeur, Ôc qui a eu une
tres-glorieuse part dans les
plus importantes occasions
de la-Guerre.
Apresvous avoir parle de
tout ce qui regarde ce grand
Mariage, je croirois qu'il
manquerait quelque chose
à cet Article, si'jenadjoûtois
icy un Madrigal dont
il afourny le sujet,& qui
m'est tombé entreles mains.
Il ell de Mr Pradon.
SUR LEMARIAGE
DE MONSIEUR
LE
PRINCE DE CONTY
AVEC
MADEMOISELLE DE BLOIS. QUe le Flambeaude l'H}--;-
menee
!:!si s'allume en cettejourne1e,
jcune Prince, njons rend h(urcux.'
Vous possedez enfin cette illufire
princrflè)
Dont labeauté,l'esprit,~&lajeunejft,
-Sbnt tunique objetde vos voeax,
Etleprix de vofre tendresse.
ous esses digne d'elle, elleestdigne
-.de vous,
- Frince clyarmant,galant Epoux,
e Cielunitfin coeur avec le vofire;''
Vue de plaisirs pour'vous dans ce
beau jour!
L'Amourvou64faitsl'un pour
l'autre,
EtvoHs essesfaitspour l'Amour.-
Ilmereste1vous tenir
larole sur ce que je vous aryr
irômis touchantlaLorraine
Upagnolete. La matiere de
i Rclationquej'en ayre-
.cue, ne iera pas tout-à-faic~ touvelle pourvous, puis que;
dans ma Lettre de Décembre
je vousaydéjà marqué
allez exactement- tous les
lieux où avoitpasle laReyne
d Espagne, depuis qu'elle
estoit entrée dans les Etats
du Roy Catholique: Àussi
en vous fàisant part de cette
Relation,, je ne prétenspas
vous apprendre ce qui vous
est inconnu.,mais ce que
vous ne sçavez pas dans routes.
ses circonstances..Vous
en trouverez beaucoup de
fort curicufes dans ce que
cette spirituclle Personne
ma fait la graçe de madresser.
Quand il n'y auroit
que la maniéré d'écrire, tout
ce qui part de sa plume est
Il gal1amment tourne, que
vous ne regreterez pointle
temps que vous aurez donné
à cette letturc Je iuprime
le commencement
de sa Letrre, qui ne parle
que de la Maisonbâdedans
l'Isle des Conférences pour
la cerémonie de las EntregtU,
& de l'affluence extraordinaire
de monde qui y
estoit accouru de toutes
parts. Voicy comme elle
gourluit.
RELATION
DELALORRAINE.
ESPAGNOLETE, *
Touchant le Voyage de la Rcyne
d'Esagne,depuis son entrée
dans les Etats du Roy Catho- lilueàfin arrivée à
Madrid. QUatre heures avantque
la*Reyne d'Espagne ar- rivafi sur la Frontiere, Mrle
Marquis d'Astorga attendoit
sur
le bord de la Rivière
deBidalloajavecles Gcns&-
ceux dela Maison de cette
Princesse, qui parurent ce
jour-là tous avec des Habits.
de la derniere propreté. Le s
Dames de la Reyne,& lcs.#
Gentilshommes de sa Maison,
les Menines, & mesme
les Pages,brilloient en Pierreries
& en Broderie d'or
ôc d'argent. Il n'y avoit pas
jusques aux Valets de Pied,
Palfreniers,& Muletiers des
Officiers de la Reyne,qui ne
fuffentveftus de Velours de
diférentes couleurs, suivant
lesdiférentesLivrées, less
l i
quelles s'accordaient toutes
en cela
,
qu'elles estoient
chamarrées de gros Galons
d'or & d'argent, d'une lar-
1
, geur, & d'une épaisseur ex- traordinaire. Le reste de
l'Equipagen'êtoit pas moins
riche. Les Couvertures des
Mulets estoient de Velours
en fine Broderie d'or, d'argent
, &desoye
; & lesPlaques,
Bastons, & Sonnettes,
d'argent:mamf Le grand
nombre de toutes ces cho-
Tes en augmentait la richesse
, & la magnificence; car il n'y
avoit pas un Officier principal
de la Maiion Royale,
qui n'eust plus de ioixante,
& mesme quelques-uns
quatre-vingts Valets de Livrée,
dix-huit ou vingt Pages,
quarante -
huit Mulets
chargez; les Chevaux de
main, & le reste de l'Equipage
àproportion. 'esten
quoy les Grands d'Espagne
se piquent de se faire diL.
tinguer,& leur point.d'hon.
neur va si loin dans ces sorte
s de rencontres, que souve
nt ils (è ruinent&devienne
nt extrêmement pauvres,
à fo rce de vouloir faire pa:
roiftre qu'ils sontriches.
Mrle Marquis d'Astorga
Grand-Maistre
,
M1 le Duc
d'Ossune Grand Ecuyer, ôc
Madame la Duchesse de
Terranova Camarera Mayor,
c'est à dire Sur-Intendante
de la Maison de la Reyne,
avoient fait faire chacun
cinqLivrées pour tous leurs
Gens. La premiere, qui estoit
fort belle, parut à leur
départ de Madrid. La seconde
estoitdestinée pour
le Voyage. La troisiéme"
qui estoit la plus magnifique,
sutemployée à l'arrivée
de
de laReyne sur la Frontière.
La quatrième devoit sèrvir
pour le retour, & l'on garde
la cinquième pour le jour de
l'Entrée solemnelle, que Sa
Majesté doit faire en cette
Cour.
Les Grands d'Espagne &
les Gentilshommes de la
Chambre du Roy, qui ont
suivy Sa Majesté pour aller
a la rencontre dela Reyne,
ont fait faire aussi trois Livrées,
toutes fort riches; &
mesme quelques-uns y en
dans toutes les diverses rencontres,
où la coutume des
Espagnolslesengage à don- i
ner de nouvelles marques de
leur galanterie. Le moin- 1
dre de leur Equipageestoit
de vingt, vingt- quatre, ou,
trente Mulets chargez. Il
est vray que la sterilité du 1
Païs les oblige à faire cette
dépense, & que s'ils navoient
la précaution defaire
porter avec eux tout ce qui
peut servirauxnecessitez du
Voyage,ils se trouveroient
exposez à passer de fort mauvaises
nuits dans les Auberges
d'Espagne, qui n'ont pas
à beaucoup prés les commoditez
de celles de France.
Si-tost qu'on eut averty
Mr le Marquis d'Astorga,
que laReyne,qui estoit partie
ce jour-là de S. Jean de
Lus, approchoit du lieu où
il l'attendait,
f ce Ministre
sit embarquer tous ceux de
la Cour, qui estoient à les
ordres; & la Duchesse de
Terranova fit faire la mesme
choie à toutes les Dames
d'Honneur, Demoiselles &
autres Filles, qui devoient
paroistre en cette occasion.
Le Marquis entra dans une
Barque fort somptueuse,préparée
pour luy,&fît conduire
à collé de cette Barque
celle de la Reyne, que
l'on appelloit la Gondola,
Real, & que les Députez des
Etats de Biscaye avoient
fait faire pour servir à Sa
Majesté. L'on n'avoir rien
épargné pour la rendre magnifique.
Elle estoitdorée
au dehors, & garnie au dedans
d'Etofesextrêmement
riches, rehaussées de Broderie
&: de Plaques d'argent
en diférens endroits, & la
cizelure y paroissoit admirable
dans toutes les Corniches.
L'on ne permit pas
que personne y mist le pied
avant la Reyne, & l'on y fit
attacher d'autres petitesBarques
pleines de Rameurs
fort proprement habillez,
qui la saisoient avancer à
mesureque celle du Marquisavançoit.
Cefinencet
équipagequ'il aborda à
Fille de la Conférence avec
sa galanre Flote. Dés que
la Reyne y parut, il s'avança
respetueusèment, mitun
genouil en terre,luy baisa la
main à la façon d'Espagne,
&: s'estanir couvert un moment
apres, en qualité de
Grand, illuy fit son premier
Compliment au nom du
Roy. La Reyne y répondit
d'une maniéré fort obligeante,
& d'un airplein de
grâce & de majellé, qui
charma toute l'Assèmblée,
& qui acheva de gagner les
coeurs de tous les Espagnols
&: des Espagnoleres, qui
eurent l'honneur de s'y trouver.
M le Marquis d'Allorga
fit aussi compliment à
Mlle Prince d'Harcourt &;
aux principaux de la NoblesseFrançoiie
qui l'a
compagnoit; & apres les
premières civilitez renduës
de part & d'autre, le Secrétaire
d'Etat lût les pleinsPouvoirs
des Ambassadeurs Extraordinaires
des deux Roys,
en vertu desquelsMrle Prince
d'Harcourt execura les ordres
qu'il avoit de remettre
à Ml le Marquis d'Astorga
la Royale Perionne de Sa
Maj este, qui apres avoir reçeu
les soumissions & les
respectsaccoutumez de tous
les Seigneurs & Dames de
laCour,qui estoient présens,
entra un moment apres dans
la Gondole, suivie de son
Grand-Maistre d'Hostel.de
Madame la Duchesse de
Terranova, de Mrle Prince
& Madame la Princesse
d'Harcourr,& de M'le Marquis
& de Madame la Marquife
de losBalbales. Toutes
les autres Dames Espa.-
gnoles & Françoises enrrérent
dans leurs Barques.Les
Cavaliers en firent de mesme;
& parmy les acclamations
d'un Peuple inflny,
dont toute la Riviere & les.
deux bords eitoient couverts
, au bruit des Trompetes,
des Timbales, des
Hautbois, des Talnbours,&
de plusieurs Concerts d'Instrumens,
qui le saisoienr
entendre de toutes parts,
cette belle Troupe descendit
vers Yron,à la faveur de
la Marée, & du courant de
la Riviere. Mais par malheur
elle se trouva si baffe
en ce temps-là, qu'à peine
pût-on faire aborder la Barque
de Sa Majesté au lieu
destiné pour la descente.
Ainsi il salut combler de
Faicines les inégalitez du rivage,
& le servir de Planches
pour avoir lieu de porter
jusques à la Barque la Chaise
de la Reine, ou Sa Majesté
entra apres avoir reçeu
le Compliment de Mr le
Duc d'Ossune son Grand-
Ecuyer, lequel n'ayant pu
avoir, comme il le prétenr.
doit, la principale part dans
cette fonction, estoit relié à
cheval au bord de la Riviere
du costéd'Espagne, avec
tous les Officiers & Gens
de ion Commandement, &
les Equipages de l'Ecurie de
la Reine. Il ne vit pas plûtost
arrester la Barque de Sa
Majesté,qu'il mit pied à terre,
& luyalla rendre ses de,
vairs; après QLioy,luyôe Mr
le Marquis d'Astorga, accompagnement
;à pied la
Chaise de laReyne,saisant
gloire en cette occasion, de
marcher dans les boues, &
estimant plus la nouvelle eiU
pece de Broderie qu'elles H.
rent sur leurs Habits, que
tout l'éclat des Diamans,
dont ils estoient couverts. Il
ne faut pas s'étonner, Mon-
{îeur^ de la plaisante réflexion
queje viens de faire.
C'cft une galanterie fort
ordinaire aux Cavaliers Espagnols,&
les plus grands
Seigneurs delaCournerencontrent
jamais la Chaise
d'une Dame de leur connoissance,
quand elle seroit
mefrne d'une qualité insérieureà
la leur, qu'ils ne sautent
de leur Carrosse au milieu
des bouës de Madrid,
pour accompagner à p"cd".
&lechapeau bas). la Chaise
de la Dame, jusques à ce
qu'ils l'ayent remise chez
elle. Vous pouvez juger par
là, si ces deux Grands d'EC
pagne ne se sirent pas un
singulier plaisir,d'accompagnerune
Grande Reyne en
~cceett eéctaatt,malgré l'incom-
9
inaitP. 11-incommodité
du terrain.
Sa Majesté se fil porter
droit à la grande Eglise
d'Yron, pour y rendre grades
à Dieu du suiccés de ion
Voyage & de son heureuse
arrivéeen Espagne. Elle fut
receuë à la porte par Mr
l'Evesque de Pampelune,
à la teste de son Clergé. Ce
Prélatluy donna de l'Eau.
Beniste, & Sa Majestés'ejt
tant avancée prés du Grand
Autel, où l'on luy avoit préparé
un Prie-Dieu fort magnifique,
fous un Dais de
Velours cramoisy en Broderie
d'or, l'on entonna le
Te Deum en Musique, meslée
de Voix&dInstrumens;
& quoy que la métodeEspagnole
soit fort diférente
de la Françoise, comme elle
a aussi les agrémens,tout le
monde trouva
celle-làfort
bélle,&laReyne en fut tressatisfaite.
Sa Majeslé, la
Cérémonie achevée, voulut
aller à pied, de l'Eglise au
Palais, qui luy avoit esté préparé,
pour donner à tout le
mondela satisfactiondevoir
àfon aise leur nouvelle Reyne.
Comme il estoit fort
tard, ce fut à la clarté des
Flambeaux qu'elle fit cette
maniéré d'Entrée,où sa taille
admirable, & son port majeftueux,
parurent avec tous
leurs charmes. Les acclamations
redoublèrent de
toutes parts, à la veuë de
cette incomparable PrinceC
[e; & elle arriva ainsi au milieu
des voeux & des bénédictionsdesesnouveauxSujets,
à l'Hôtel quiluy devoit
servir de Palais, & où tout
estoit préparé dans la derniere
magnificence. De
toutes les Dames de laCour,
il n'y eût presque que la Duchesse
de Terranova &Madame
la Princesse d'Harcourt,
qui purent Cuivre Sa
Majesté. La plûpart desautres
estoient restées dans
leurs Barques, attendant la
nouvelle Marée, pour avoir
lieu de descendre à terre,
& il se passa beaucoup de
temps, avant qu'elles fue.
sent toutes débarquées,particulierement
les Dames Et
pagnolcs, qui neont pas accoutumées
à ces sortes de
fatigues & qui avec l'embarras
de leurs Habits, ne
pouvoient marcherqu'à pis
mesurez, & avec beaucoup
d- peine. La crainte quelles
ont aussi de faire voir le bout
de leurs Souliers, en montant
ou descendant d'un
Carrosse, d'une Chaire, ou
d'une Barque,leur fait prendredes
précautions qui ont
besoin de beaucoup de
temps & de loisir. Les Françoiics/
mi ne ion!: pas si fempuleuses
en ces fortes d'occasions,
se tirérent bien plûtost
d'affaires en celle-cy.
Mais enfin par le secours des
Cavaliers François&Elpagnols,
quise trouvérent dans
leurs Barques & sur le rivage,
les unes &les autres forent
en état de se rendre
toutes à la Cour sur les dix
heures du foir. Cette premiere
nuit se passa àYron,
moitié à régaler les nouveaux
venus, & moitié à se
reposer.
Le lendemain4. Novembre,
la Reyne voulut encor
demeurer au mesme lieu,
pour, donner le temps à son
Grand-Maistre d'Hostel de
faire préparer les choses nécessaires
pour le Voyage..
Ce retardement le mit en
pouvoir de régaler les François.
Le Repas futmagnifique.
L'on y but au bruit des
Trompetes ôc des Timbales,
les Royales Santez de Leurs
Majestez, des deux Maisons
d'Austriche,de celledeFrance,
& de celle d'Angleterre,
qui sont les quatre Tiges
Augustes d'où le Roy 6c la
Reynefont sortis.
Ce futencecélébré jour
£>ue l'on vit l'Espagne é" la
France,
Invoquantchacune àfon tour,
TantolfBacchut, tantofilAmour,
Renouveller leur Alliance,
Etjurer en dépit de Mars,
De neplusfaired'autre guerre
£>uecelle qu'onsefait,sans courir
de hasards.
Otlpdrles amoureux regards,
Ouparl'aimable choc du Verre;
Nyse laissirjamais charmer
qu'auplaisirdeboire&d'aimer
Apres ces beaux firmens, l'on but à
Tassespleines
Toutes les Royales Santez
Des quatre Maisons Souveraines
D'où descendent Leurs Majestez,.
Tout ce jour se passa donc
en Festins ôe en Réjouïssances
; mais le lendemain5.
Novembre, la Reyne partit
d'Yron, pour continuer son*
Voyagea elle sit cette journée
en Littiere jusques à
Hernany,qui n'est qu'un petit
Bourg de150. Ma*lfons,où
Sa Majesté coucha.
Le6. elle partit d'Hernany
pour Tolosa. C'est une petite
Ville située dans un fond
entre lesMontagnes des Pirenées,
ou l'on garde les prétieuses
Archives de la Noblesse
des Biscayns
,
qui
n'ont besoin pourl'acquérir
que de commencer avoir le
jour danscesMontagnes,où
les Maures n'ont jamais pu
pénétrer. L'on y voit aussi
une belle fabrique d'Armes
à feu,d'oùl'on tire ces Moufquets
de Biscaye, si renommez
par toute l'Europe.
Comme il faisoit fort beau
temps ,
& que les chemins
n'estoient pas propres pour
les Carrosses, Sa Majesté
souhaita de faire cette journée-
là à cheval; & quoy
que cette façon de voyager
ne soit pas fort commode
-
pour les Dames Espagnoles,
qui n'y sont pas accoûtumées,
Madame laDuchesse
de Terranova ne laissa pas
de suivre laReyne avec beaucoup
de resolution & de vigueur
pour ion âge.
La Cour coucha à ToIoCî"
& le Marquis d'Aftorga envoya
de là un Gentilhomme
au Roy, pour informeren
détail Sa Majcité de ce qui
s'estoit paffé jusques alors,
depuis l'arrivée de la Reyne
à la Fronriere. Là, & dans
toutes les autres Villes &
Villages de Biscaye, par où
la Reyne passa,SaMajefté
eut le divertissement de voir
les Dances rustiques des petites
Basques, qui témoignérent
à leur façon par cent
fortes de Jeux champétres,
l'extréme joye que leur causoit
l'honneur de voir une si
grande & si belle Prince (le
en leur Païs. Ce sont des
Filles extrêmement gayes,
la plûpart fort jolies, quoy
qu'un peu brunes, parées à
leur mode & couronnées de
Guirlandes de Mirtes, & de
Fleurs, qui parlentunjargon
que perionne n'entend, &
qui au sondes Castagnetes
&¿
& desTambours de Riss
ques,qu'elles touchent avec
uneextréme vîtesse & une
cadencefort juste,fontmille
tours & détüUfS, meslant
leurs voix au bruit de leurs
Instrumens
,
& -
faisant des
cris de joye & d'acclamations,
qui divertissent extrémement
les Etrangers.Ce
furent les premieres Festes
que les Espagnols donnerentà
leur Reyne,qui lesreçeut
avec d'autant plusde
satisfaction, que ne tenant
rien de li magnificence,d
licatesse& galanterie affectée
de la Cour, le coeur des
Peuples exprimoit plus naturellement
à leur Souveraine
la joye que son augustepré.
sence leur causoit.
Le7. Sa Majesté alla coucher
à Villafranca, & le 8. à
Villareal, qui sont deux petites
Villes dans la Province
de Guipuscoa, úruées à peu
prés de la mesme façon que
Tolosa, & qui régalerent la
Cour de la mesme maniere,
comme fit aussila Ville d'Ognate,
où la Reyne arriva
le 9. Ce fut làque SaMajeté
avant que d'achever de paf
ferles Pirenées, résolut d'envoyer
au Roy un Présent galant
de quelque chose qui
eust servyà saPersonne pendant
le Voyage; & en effet
le lendemain 10. comme elle
s'habilloit pour commencer
la journée la plus difficile de
toute la route, à cause des
mauvais chemins & des
Montagnes qu'il falloit tra-.
verser,SaMajesté détacha
une belle Cravate d'un riche
Point de France,qu'on venoit
de luy mettre au col,&
prenant sur sa Toilette une
Montreenrichie de Pierreries,
qui luy avoir servy à régler
les heures de son Voyage,
elleenvoya l'une& l'autre
au Roy, par un Gentilhomme
nomméDonAndré
Cicinelli, General deBataille,
accompagnant ce beau
Présent d'une Lettre pleine
-
de sentimens dignes de la
Princesse qui l'écrivoit &de
lauguste Personneàqui elle
estoit adressée.
Je me sens si fort sollicitée
par ma Mufe,que jenepuis
l'empescher d'interrompre
en cet endroit ma Relation
pour celebrer par quelques!
Vers la galanterie du Présent
dont je~oviens de vous parler.
GrandRoy, cette Montrefidelle,
Porteuse de bonne nouvelle,
vientvous annoncer le momens tii vOUJ doit rendre heureux
Amant.
l'officequ'elle avait aupres de la
Dont le rare mérite a sçeu vont enftamer>
La rendpour vous d'unprix assez
*
propreà charmer
Vostre impatiente tendresse.
§}â
Chaquejour elle avoitgrandfoin de
iavertir
~3 Dans laderniere exjclitude.
DeL'heurequ'ilfalloitpartir;
C'estoit là toute son étude,
sefaisant un plaisirfort doux
D'aiderparces avis à l'approcher
de vom. ~m.
Son employ désormais serapendant
ïabfencey
De rendre compteà vostre amour
Des momens que l'impatience
Vousobligeàcompter,~& Umitï er
lejour. m,
Consultez,-la,jeuneMonarque,
*• Sans-doute vousy trouverez,
Parmyles heures qu'ellemarque,
Cette heure que vom desirez.
˧L
R',-av(z.la donc avec joye
Commeungage charmant,
jguj VOIM doitavertir du bienheti*
rrux imment
t<!!/ vouspourc&baiftrU main ,,.ï
vous l'envoye. - Ce jour-là 10.la Reyne alla
coucher à Salinas, qui n'est
qu'un petit Village entre des
Rochers escarpez, d'où
montant par un endroit d'une
demie lieuë de hauteur,
extrêmementdifficile, elle
acheva de passer les Pirenées
le Samedy II. Novembre, &
arriva le mesmejour à Victoria
entre trois & quatre
heures du sfoir, malgré le
mauvais temps qu'il faisoit
en ce Païs-là & la pluye
continuelle qui dura tout le
jour. Le desordrequ'elle
causa-dans les Equipages,&
l'incommodité qu'elleaportoit
à la Reyne &auxGens
desa suite, nepermit pasà
Sa Majesté de fairece jQurlà
une Entrée réguliere dans
cette Capitale de la Province
d'Alava. Onne laissa pas
d'y voir toutes lesRuesornées
de riches Tapisseries,
d'oüir detoutes partslesacclamationsduPeuple,
8c de
rencontrerpar tout desmarques
éclatantes del'allegresse
publique. Onfitlesoirà
huit heures unfortbeau Feu
d'artifice dans la grande
Place prés du Palais, où logeoit
Sa Majesté.
Comme la plûpart des
Dames le trouvèrent incommodées
du mauvais
temps, & que la Reynemême
eut un mal de teste, qui
ne luy permit pas de voir le
Combat de Taureaux,qu'on
luy offrit le lendemain de la
part de la Ville, Sa Majesté
résolut d'y rester deux ou
trois jours, pour y prendre
un peu
@
de repos, & donner
en mesmetemps lieu à son
Grand-Maistre d'Hostel de
se remettre d'une siévre, qui
l'avoit surpris, & qui par
bonheur ne luy dura que
vingt-quatre heures. Le
lendemain de son arrivée,la
Reyne eut dessein de faire
son Entréesolemnelle, mais
le mauvais temps, qui continua
avec la mesmeviolent
ce que le jour précedent,ne
le luy permit pas, & elle fut
obligée de se contenter d'aller
à la grande Eglise, à la
Porte de laquelle on la vint
recevoir fous un Dais magnifique.
On chanta le Te
Deum, en action de graces
de son heurcuse arrivéeaudeça
desPirenées. Ce futen.
cette occafionque Sa Majesté
parut la premiere fois habillée
à l'Espagnole; & quoy -
qu'il foit assez malaisé d'attraper
d'abord l'air d'un habit
& d'une coëffure étrangere,
cette Princesse, qui.
sçait faire toutes choses également
bien, n'eut pas de
peine à apprendre les maniéres
propres dé l'habillement
qu'elle portoit.. Tout le
monde en fut charméeôe les
Espagnols commencèrent
déslorsàlarecônoistre veritablement
pour leur Reyne.
La Noblesse & la Bourgeoifie
de Viactoria sur tout marquèrent
par des cris dejoye
leurs sentimensde reconnoissance,
pour la complaisance
que Sa Majesté avoit
bien voulu avoir de changer
d'habillement à leur considération
,
quoyqu'elle ait
trouvé bon de reprendre depuis
ion premier Habit jusques
à Burgos, ayant souhaité
d' estre habillée à la
Françoise la premiere fois
qu'elle devoit paroistre aux
yeux du Roy.
L'aprefdinée de ce jour-là
il [c fit un Combat de Taureaux,
où la Reynene fut pas
présente pour la raison que
j'ay déjà rapportée, quoy
quelle voulust bien avoir la
complaisance de voir une
Comedie Espagnole, qu'on
luy reprélenta cette nuit-là.
On luy donna encor le diverttissement
d'un nouveau
Feu d'artifice,aussi bien
que le lendemain, qui fut la
veille de son départ.
Pendant le sejour que Sa
Majesté fit à Victoria, elle
y reçeut par les mains du
Marquis de laVega le Bijou
que la Reyne Mere luy
envoyoit, qui vaut, a ce que
l' on affure, plus de douze
millePistoles.
Le Comte de Fuenfalida,
Vice-Roy de Navarre, vint
airssi de Pampelune avec
un Train superbe& une
grandefuite dePersonnesde
qualité de ceRoyaume-là,
pour assurer Sa Majesté de
[cs respectufes soumis
-
îfons ,& luy faire compliment
sur son arrivéeauvoisinage
de son Gouvernement.
Mrl'Eveique de Calahorra
vint enmesme temps rendre
ses devoirsà Sa Majesté, &
prit la liberté de luy présenterune
Boëtepleine deReliques
garnie de Diamans.
Les Députez de la Ville
de Victoria offrirent aussià
Sa Majestéau lieu de Bijoux
une Boursede quatre mille
Pistoles,quelleeut la bonté
de recevoir, comme un témoignage
duzele,de çePcu£
ple-la.
,
Puis que je suis sur le chapitre
des Présens,je ne dois
pas oublier de vousdire,que
suivant la galante coûtume
des Espabn'7"ols, Mrle Marquis
d'Astorga n'a pas manqué
un seul jour depuis l'arrivée
de la Reine à,Yron,
jusques au lieu où le Roy
l'estallé rencontrer, qu'il ne
se soit donnél'honneur de
faire à Sa Majesté des Présens
fort riches &: fort galans,
tantost: de Vases de Porcelaines
enrichisdor & de
pierreries,& remplisdefines.
Pastilles de feu & de bouche;
d'autres fois des Boëtes &
autres piéces de Toilete, travailléesenFiligranes,&
plu
sieurs autres curiositez de
:ette façon, entre lesquelles
3neftime fortune belle Sta-
:ued'argent, quireprésente
unS. Antoine, & dont l'ouvrage
est admirable.
Le 14. Sa Majesté partit
de Victoria pour aller cou- ter à Miranda de Ebro,qui
estune petite Ville d'environ
ânq cens maionsf]tu*'e fili
le bord de la fameuse Riviere
, dont elle porte le nom.
L'on y arriva fort tard, &
ony trouva toutes les Ruës
éclairées d'une grande quan
cite de Flambeaux & d'un
Château de Feu d'artifice,.
qui commença à éclater en
Fuséesàlarivée de laReyne.
Elle reçeut en ce lieu-là les
fréponses aux Lettres quiaccompagnoient
le Présent
qu'elle avoit envoyé au Roy,
&elle apprit avec plaisir,par
le retour de Dom André
Cicinelli, que le Roy avoit
paru en public avec le Cravate
de laReyne lejour met
me qu'ill'avoit reçeu.
1 Le 15. cette Princesse paf-",
sa de Miranda à Pancorvo,
-
où elle fut reçeuë le moins
mal que la sterilité du Païs
le pût permettre. C'est un
petit: lieu fort desert entre
deux Montagnes extrêmement
élevées, dont les Rochers,
qui à tous momens
paroissent aller tomber, femblent
menacer la Ville d'un
accablement infaillible. La
Reyne fit ces deux dernieres
journées en Litiere, à cause
du mauvais temps, qui fut si
fâcheux depuis le jourqu'elle
acheva de passer les Pirenées
, que la plûpart des
Gens de sa fuite tombérent
malades, & qu'il n'y resta
presque que laDuchesse de
-
Terranova, & quelques
autres Dames principales,
pour la servir à Miranda &
à Pancorvo. ,,,,,,,', Le 16. Ton vint coucher à
Birvîefca,petite Ville du
Connétable de Castille, où
l'on s'estoit préparéàrégaler
SaMijeste d'une Feste de
Taureaux, si le temps l'eust
pu permettre. .t
rl
De-là-clle se rendit le 17.
à un petit Village; dont le
nom estéchapé a ma mémoire;
& enfin le 18. elle ar-,.
riva de bonne heure à Quintaju-
Palla
;
qui effc un autre
lieu peu considérable,à trois
lieues de Burgos -,
mais fort
nom, qui jusques à présent
n:a pas esté connu, ferarle'ndu
immortel dans toute Etpagne, par les choies qui
y sont arrivées, & dont je -
vous vay faire le récit.
M le Marquis d'Astorga
ayant donné part au Roy de
l'arrivée,de la Reyne à Quintana-
Palk, Sa Mijesté prit
d' clle-mef:rie> & de son propre
mouvement, une refoliu
tion qui paroistra, surprenante
a ceux qui sont informcz.
des maniérés. d'Elpa-»
gne, ôc qui [çavent que les
Roys de Castille ne font
jamais aucune nouveaute,
dans toutes les actions qui
regardent leur conduite extérieure
moins encor dans
les fonctions publiques, Ôc
les cérémonies d'éclat. L'on
a vu souvenccélébrer à Burgos
des Mariages de Roys.
C'est la Ville Capitale de
Castillelavieille.Lelieu paroist
digne d'une astion de
cette importance. Ilyamesme
une Chapelle Royale
destinée à cela, & on l'avoit
préparée avec tous les soins
imaginables,&toute la magnificence
possible, pour y
celebrer la iolemnité de la
Ratification du Mariage du
Roy. Chacun s'attendoit à
y voir la pompe de cette
Feste,mais touscespréparatifs
furent inutiles., Sa
Majesté fit tout à coup appeller
le Patriarche des Indes
, & luy ordonna de Ce
rendre encor le mesme soir
dix-huitiéme Novembre à
Quintana-Palla, avec ceux,
du Clergé qui devoient l'as
sister en cette occasion, d'y
aranlporter les Ornemens:
de la Chapellepoury faire la
cerémonie du Mariage,&enfin
de dôner part à la Reyne
de cette révolutio,que leRoy
devoit aller le lendemain au
matin executer en persone.
Ce futune galanterie que
Sa Majelle voulut faireala
Reyne, pour s'acquirer en
que Ique façon de n'estre pas
allé pius loinà sa rencontre,
ce que le mauvais temps, &
l'indisposition que Sa Majestéavoiteue
à Lerma quelques
jours auparavant,neluy
avoir pas permis d'effectuer
selon qu'elle l'avoit résolu.
Le Patriarche fort surpris
de cet ordre, ne laissapas d'y
obeïr. Il partit dés le soir
mesme,&lelendemain dixneuvième
qui fut un jour de
Dimanche, le Roy ayant
donné ordre quepersonne
ne le suivit, à la réserve des
Officiers de la Couronne, &
de ceux de sa Mason, quies.
toientabiolumcnt necessaires
en cette occasion, il
monta enCarrosse sur les
dix heures) & faisant les trois
lieues de chemin qu'il y avoit
jusqu'à Qaintana-Palla,
avec la diligence d'un Prince
amoureux, plutost que d'un
Roy d'Espagne, il le rendit
au lieu desiré, un peu après
onze heures. Dés le moment
qu'ilfutarrivé, il
fauta du Carrosse avec une
- agilité toute extraordinaire,
sans donner le loisir à ses
Gens d'observer les formalitez
que l'on fait en ce Païs
quand les Roys mettent
pied àterre. LaReyne qui
s'attendoit à cette îllustre visite,
regardoit par une Fe-;
nestre grillée lors que le4
Roy descendist du Carrosse, .1
& ce sust dans ce moment
uelle vit la premiere fois
lugusteOriginal, dontjuc.
u'alors elle n'avoit vu que
's Portraits. Le Marquis
'Aflorga se trouva àla Porere
quand Sa Majorémie
Led à terre, & Elle luy téloigna
en peu de paroles,
lais fort obligeantes,l'exeme
satisfaction quElle
voit de sa conduite, & du
)in qu'il avoit eu de luy
mener si heureusement la
rinceue, que son amour
iy faisoit attendre avec tant
impatience.
Aussi-tost apres, le Roy
,en'rra dans laMaison qui tenoit
lieu de Palais à la Reyne,
& cette Princesse vint
recevoir Sa Majesté à la
Chambre d' entrée.,se jettant
à ses pieds, comme il se
pratique ordinairement en
abordant les Roys d'EL
pagne la premiere fois, ou
apres une absence
3
& au
retour de quelqueVoyage
sans que les Meres mesmes
des Roys se dispensent de
cet actedesoûmission. Sa
Majesté qui se souvenoit
moinsd'estre Roy, que;:
d'estre Amant, releva auJE-I.
oft laReyne,&l'ayat saluée
l'une maniéré pleine d'estine
& de tendresse, Ton m'a
assuré qu'il luy tint ce discours,
Aie doya mi mifmo3
Senora
)
mil parabienes dct
buen-gusto de mi accrtada
cion,puesreconofco que lafumayelpincel han agraviado
Jumamente Lu altas
brendas^ éincomparable bel-
\e%& de Vuestra Mxgeflad*
C'estàdire en Langue Françoise
le meftïme heureuxy
Madamey d'avoirfait un ~si
b~oonn f&5sJiiddiiggnnee cchhooiixx),dd aauu--
~txntplus queje reconnais qur
la Renommée mesme, g) It
Pinceau, bien lain d'avoir
flatéVostreMajeste,ontfait
tort àsa beauté, &aux rares
'lualite'Z que je remarque en
fai personne. A quoy la Reyne
sit une réponie digne de
la delicatesse de son eiprit;
adjoûtant, que Leplus grand
bonheur ~qu'ellepouvaiteffererencemonde,
estoitceluy
de pouvoirplaire à Sa :Ma-,
jessé, ~& qu'elle luy restoit
tellement obligéeduchoix
quil luy avoit plû faire de
saPersonne, pour luy donner
un coeur quelle estimoit mille
foi* plus que la Couronne que
SA Majestéluy mettoitsur la
teste,qu'quelle tacheroitdeméritér
cet honneur par ses
soins t5 sa reconnoissance, ~&
de ne pas donner Lieuà Sa
Majestédese repentir defin
choix.
Ces deuxaugustes Pcrsonnes
s(e direntencor d'autres
choies fort obligeantes;
e) & comme l'un & l'autre parloit
sa Langue naturelle, Mr
le Marquis de Villars Ambaffadeur
de France en cette
Cour, qui se trouva présent
a cette premiere entreveue,,
$c qui parle Efpagnoi avec
autant de délicatesse,& de.
facilité que les Espagnols.
mesmes, servit à Leurs Majestezd'un
illustre & galant.
Interprete en cette fameuse.
rencontre; &il s'acquita de
cetemploy avec toutt'esprit,
lejugement,&;radresse qui
luyont attirédepuis longtempsl'estime
universelle de
toute la Cour.
Apres les premiers Complimens
, le Roy prit la
Reyne par la main, &; la
mena droitàkChapellequi
avoitestépreparéedepuisle a,voit-efté preparéedepuisle
matin,où le Patriarche des
Indes célébra la Messe, &:
<à^nna à Leurs Majestez les
Bénédictions ordonnées par
l'Eglise, pour la Ratification
des Mariages des Souverains.
Apres laCerémonie
qui fut aussi solemnelle que.,
le temps & le lieu le pûrent -
perlneEtPe_-,. Leurs Majestez
passerent dans la principale
Chambre de la Maison, qui
devoit servir de Salle d'audience,
& là s'estant assis
fous un Dais Royal, elles
reçeurent les hommages de
tousles Grands d'Eipagne^
Titrez de Castille, Vautres
Personnes de qualité de la
Cour, qui vinrent tous baifer
la main à leur nouvelle
Reyne, l'un des genoux en
terre,& se couvrirent apres,
du moins ceuxà qui la qualité
de Grands donne le privilege.
Cette fonction achevée,
l'ondressa la Table dans
la Chambre voisine, & l'on
apporta la Viande à Plats
couverts, accompagnez des
Gardes, ôc avec toutes les
formalitez qui se pratiquent
à la Cour.
Le Roy & la Reyne Ce
mirent à table, & mangerent
ensemble contre la
coûtumeduPalais, ou
les Roys mangent toûjours
seuls, par une espece
deLoy ôc d'Observancequi
vient par succession de la
Maison deBourgogne,&
que l'on appelleicy, la Etiqueta.
Il a esté un temps
où l'on auroit mieux aimé
perdre une Province,que
d'enfraindreenunseul point laLoydel'Etiquete; mais
le Roy qui n'est pas siscrupuleux
en ce pointque ses
Prédecesseurs, voulut bien
se relâcher
-
de cette Obife
vance, en faveurdune Princesse
qui avoir pris tant de
peines, & essuyé lesfatigues.
d'un si long Voyage, pour
venir trouver Sa Majesté.
Les Officiers dela Reyne
servirent ce jour-là, comme
estant ceux qui faisoient les
honneurs de la Maison. Le
Connétable de Castille
",¡ Grand-Maistre du Roy; le
Duc de Médinacéli, Grand
Chambellan; se Marquis,
d'Allorga, Grand-Maistre
delaReyne 7; le Comte d'OEopeza;
le Comte de losAr£
os,!eT)iic d'Uceda,Grands
d'Espagne; le Comte de Talara,
premier Ecuver en
l'absence duGrand Ecuyer;
le Comte d'Altamira; Don
Antonio de Toledo, Fils du
Duc d'Albe; Don Pedro
-de Leyva, &plusieurs autres
Personnes de qualité, furent
présens à ce Royal Festin
de Noces, & demeurerent
debout derriereLeurs M-ajestez,
admirans les belles
& noblesmanières de la
Reyne, &ne pouvant se
laiTeJ: de considerer avec
joye cet auguste Pair,qui
leur donnoit de si belles espérances
de perpétuer la
Royale Succession dans la
Monarchie.
Le Roy estoit habillé ce
jour-là à l'Espagnole
, avec
la Golille & le Manteau. La
Reyne estoit parfaitement
bien mise àla Françoise, &
l'un & l'autre avoit une
grâce merveilleuse, chacun
à la mode de la Nation.
Il n'y avoit que la diférence
du langage qui apportoit
quelque embarrasàce testeà-
teste. La Reyneentendoit
fort bien l'Espagnole mais
"lie ne le parloit pas encor
avec assez de facilité, pour
)[er confier la délicatesse de
ses pensées aux équivoques
d'une Langue étrangère;de
maniéré que le langage le
plus ordinaire entre ces deux
Royales Personnes, estoit
celuy des yeux, qui est commun
à toutes les Nations.
Ce fut en cette rencontre,
que les deux Freres qui sont
allegoriquement repréfentez
dans l'Histoire Eniçmiatique
du dernier Mercure
Extraordinaire, firent en
mesme temps voir leur
adresse, & leur pouvoir. La
beauté & lavivacité des
yeux de laReyne charmoit
ceux duRoy.LaReyne avoit
aussi une curiosité fort légitimede
remarquer les traits
du visage de Sa Majesté;
mais ils ne se confidéroient
l'un l'autre quedans ces momens
dérobez, où l'on tâche
deregarder sans estre regardé;&
si par hazard leur
yeux se rencontrant v
noient à se surprendrea
-cette recherche mutuelle
une petite rougeur, que t
pudeur fait naistre ordinaiement,
succedoità cesrejaris.,
Sefaitoit cesser pour
n temps la curiosité de part
z cancre. Sij'avois eu l'honeur
d'estre présenteàcette
ntrevûë, je pourrois vous
lire mille particularitez
greables, que l'on nepeut
pprendreparleraportd'auruy
y- car chacun ne s'atache
àconsiderer ce qui
est de ion inclination, &
[ arrive toujours que les cirenilixcesles
plusbelles &
es plus délicatesrechapent
,'.ceuxqui ne s'attachent -
[iàÀ ce qui faute aux yeux.
Cependant c'estoit une
choie assez curieuse àvoir,
qu'un Repas où un jeune
Roy se trouvoit avec une
jeune Reyne,qu'il venoit
d'épouser, qu'il n'avoit jamais
vue quen peinture, qui
estoit habillée d'une sucon
toute diférente de celle de
son Royaume, qui parloit
une Langue étrangère, qui
estoit belle, bien faite,&
fort propre à inspirer des
sentimens de rendreire; &
pour derniere circonstance,
que ce Repas se foit fait en
public,&àla vûë de toute
une Cour composée d'un
grand nombre de Personnes
de qualité de deux Nations
diférentes, & assez contraires
dans leurs manieres.
Pour moy, je croy qu'il y
avoit des momens,
Où, ces deuxjeunes coeurs, ma1lgré
lem Royauté,
Portoient unesecrete envie
Aux douceurs de la vie
Q~u'unBeIrger-goûte en liberté.
Cettepompe des Roysert d'obstacle
aux plaisirs.
Si l'éclat qui les environne
Embellit leur Couronne,
Souventilcontraint leurs desirs.
.991
Combien defois lesGrands au milieudes
honneurs
T>'unefourniffionprofonde
,_me leur rendtoutle monde,
Sefont-ilsplaint deleurs grandeurs!
âa*
Un Tircis a desjoursplus heureux
millefois,
Assissurlaverte Fougere,
Auprès desa Bergère,
£)ue l'on n'enpasseaupres des
RoÚ.,
Là sans chercher longtemps leur
secret dans leursyeux,
Avec une tendresse extréme,
ilspeuventdire, j'aimc,
Etne craignentpointlesFâcheux*
99
Ils n'ont dans leurs desirs à prendre
aucun détour,
Rien £embarajfant ne les gesne,,
Et leur Loysouverains
Estlaseule Loy de l'Amour.
-
Mais les Gens de la Cour ontd'imponunségards
£hùles incommodentsanscesse,
Et lefeulnomd'AlteJfcy
RendF/clavejufqu'aux regards.-
il n'en fautpas douter, puis que
Leurs Majestez,
MalgrélasuprémePuissance
Ontfaitl'expérience
De cesfàcheuses veritez.
Un peu avant la fin du
Repas, le Marquis d'Astorga
pria tous les Gi-ands, êc
autres Personnes de qualité
qui Je trouvoient là; de paCfer
à son Quartier où il les
régala avec une magnificence
digne deluy, & de
ces illustres Conviez. Il fautravoüer
à la gloire de ce
Ministre.Ila parfaitement
bien soûtenu l'honneur de
son Maistre pendant tout le
Voyage de la Reyne;& par
la dépense prodigieuse qu'il
a fait en cette occasion, il
a bien faitvoirque c'estoit
avec, joye, qu'il employoit
rur le lèrviqe de Sa Ma
jesté, les avantages qu'il
pouvoit avoir tirez de [a.
Vice-RoyautédeNaples.
A peine le Roy donna-t-il
à ces Meilleurs le loisir de
profiter des premieres somptuositez
du Festin qu'on leur
avoit préparé; car Sa Majesté
neresta pas longtemps
sans faire donner le signal
du départ, qui surprit tous -
les Conviez du Marquis au
plusbel endroit de la Feste.
Chacun se leva pourtant; &
les Dames melmes, que la
Duchesse de Terronova faisoit
régaler à part, se mirent
d'abord en état de suivre la
Reyne, les uns& les autres
laissant aux Subalternes de
la Cour, dequoy réparer ce
jour-là les manquemens que
la sterilité du Païs, & la
pauvreté des lieux où l'on
avoit passé, leur avoit pû
•
causer pendant le Voyage.
Il eiroic deux heures apres
midy lors que la Cour partit
de Quintana-Palla. LeRoy
&la Reyne entrerent seuls
dans un mesmeCarrosse,&
firent ensemble les trois
lieues de chemin qui ref-1
toient jusqu'à Burgos, où1
Leurs
-•i
Leurs Majestezarriverent
incognito sur les cinq heures
du soir, laissant assez loin
derriere Elles une partie de
a suite,& tous les Equipages.
Elles descendirent au Palais
des anciens Roys de Caf-
~tille, &passerent droit au
Quartier dela Reyne, où le
Roy mena Sa Majesté,&
~apres luy avoir fait un nouveau
compliment sur son
heureusearrivée, illa Jailli
avec ses Dames, & se retira
au Cabinet des Dépêches,
pour écrireà la Reyne Mere,
& luy donner part de ce qui
s'estoitpassé ce jour-là.
L'heure du Soupé estant
venue, le Roy voulut tenir
compagnie à la Reyne, comme ilt r avoitfaitàdîner-
& quoy que l'Etiquete porte
- que les Roys doivent se
coucher précisément à huit 1
heures, & qu'en ce point Sa 1
Majesté auroit bien voulu
suivre exactement l''Observance,
cependant aux
inel
tantes prieres de la Reyne,
l'heure de la retraite fut remiseà
dix
*,
mais en échange,
le Roy obtint à son tour
que l'on ne se leveroit auaE
qu'à dix heures le lendemain,
ainsi qu'il arriva.
Retirez-vous, Museindiserete,
Ne venez point mal apropos
Mefairetroubler le repos
De deuxjeunes Amans, dont lajoye
efl parfaite.
Si de cegrandrecitj'aysouffert
quelquefois
Jjhte vostre verve téméraire
Yinfiparfis méchans Vers gâter les
beaux endroits;
Sçachez,qu'icy l'un doitse taire,
Et qu'ilfautrespecterlesacréLit
des ROJs.
¡ldlltres auront lesoinde cet Epithalame;
Mais il ne jiedplU bien à vous
De vouloirparler d'unefiante,
J&i doit estreunsecretpournous.
- Le lendemainLundy20.
Novembre, fut le jour deftiné
à l'Entréesolemnelle de
la Reyne à Burgos, àune
heure apres midy. Elle alla
avec ses Dames d'Honneur,
&les principaux Officiers de
sa Maison, à une Abbaye
de Dames de Fondation
Royale? qtie--l'on appelle
El Real Convento de Us
HuelgâS)ou Sa Majestéreceur
encerémonielesComplimens
de la Cité Royale
- de Burgos. Le Duc de Médina-
Celi,
comme Chef
perpétuel du Magistratde
cette Ville-là, fut ccluy qui
porta la parole à' la cette de
quarante RégidorsouEchevins,
reveftus de grandes
Robestraînantes, qu'ils
portent ordinairement en
de pareilles rencotres. L'audiencefiniey
ils allèrent en
Corps attendre Sa Majesté
au lieu où elle devoit monter
à. cheval, & la Reyne fra. au Quartier de FAbbesse,
où Elle &' toutes ses
Dames furent régalées d'une
Collation magnifique;
êc entre trois & quatreheuresdusoir,
SaMajestémonta
en Carrosse, pour aller
jusques au Pont de Sainte
Marie, où elle devoit monter
à cheval, & où elle trouva
tout le Corps du Magistrat,
& les principaux Seigneurs
de la Cour, qui Tattendoient
chacun en fôn
rtange,pourgluy serveir de C.or- Sa Majesté defcendanH
de Carrosse, se servit par
formalité d'un richeMarchepied
qui luy avoit esté
esté préparé; d'oùelle monta
- comme une Amazone
sur un beau Cheval d'Espagne,
superbement équipé,
ion Grand-Maistre luy présentant
le Tabouret, & l'un
des autres Officiers de sa
Maison, nommé Don Juan
déVillavicenclo,luy servant
de Grand-Ecuyer en l'abfence
du Duc d'Ossune.
Sa Majestéestoit habillée
& coëffée à l'Espagnole, &
jamais elle n'avoit paru plui
belle que ce jour-là. Elle
estoit toute brillante en Pierrcrics,
& avoit un Bonnet
garny de Plumes blanches
& incarnates,attachéesavec
de gros noeuds de Diamans.
Comme elle a un air extrêmement
dégagé, & quelle.
icait fort bien gouverner un
Cheval, tout le monde fut
charmé de la voir en cet
état, & sa Personne seule
pendant toute la Cavalcade
occupa les regardsde la NobleÍfe,
de la Bourgeoisie,Se
du Peuple de Burgos, qui
rempliffoient tous les Balcons
des Ruës par où elle
passa. Les principaux du
Magistrat portoient le Dais;
Royal. Le plus, ancien Ecuyer
tenoit les cordons dw-
Cheval, & quatre MSénins.
de Sa Majesté marchoient
à pied deux d'un collé, &
deux de l'autre. L'un estoit
Don Bernardino de Gusman,
Fils du Marquis de
Villamanrique; l'autre, Don.
Antonio de Bracamonte,
Fils du Marquis de Fuentelfol;
& les deux autres eftoient
les Fils du Marquis
de Palacios. Les Ménins en
ce Pais font comme les Ensans
d'Honneur des Roys
&: des Reynes, qui sont
d'un rangsupérieur aux Pages
& doivent estre toûjours
des Fils de Grands,ou
d'autres Personnes d'une
qualité considérable.
Immédiatement apres la.
lteyne,.l'oB voyoit à cheval,
la Duchesse de Terranova,
suivie des Dames d'Honneur
Elpagnoles aussi à cheval,
& entr'autres de Dona
Francisca Henriques, FiUê
du Marquis d'Alcanice;
Dona Maria de
-
Gusman,
Fille du Marquis de Villamanrique;
Dona Josepha.
de Figueroa,Fille du Comte
de los Arcos; Dona Manuela
de Velasco, Fille duA
Marquis de Jodari Dona
Franciica de Portu-gal,Soeur du Duc de Veraguas, Me1-
mAi.nlea;goôcn,DGonnaardL*aMuraayadre,
d'estàdire comme Gouvernante
des Dames.
Le Comte d'Orapesa, le
Comte d'Altamira, ôc le
Duc de Hijar, tous trois
fort magnifiquemenvêtus,
marchoient devant le Dais,
sur de tres-beaux Chevaux;,
ôc le Marquis d'Astorga en.
qualité de Grand-Maistre,
paroissoit seul apres eux, ôc
immédiatement devant la
Keyney luy & son Cheval
tout couverts d'or&de pierreries.
,
Les Livrées de tous les
Seigneursde la Cour, furent
ce jour-la de la derniere magniflcence,
&elles parurent
toutes ou chamarrées d'or,
ou enrichies de broderie.
Celle du Grand Maistre
estoit d'une fine Ecarlate
toute couverte de gros £a-
Ions d'or de Milan. Les.
HabitsdesPagesestoient
de Satin cramoisy,les Manches
brodées d'or; & tout
le restedel'Equipage paroissoit
avec le melme éclat
'Sa Majesté (uivieJSC préedée
de ion Cortege, dans
ordre que jeviens de dire,
entradans la Ville par la
Porte du Pont, qui de mes.
ne que toutes les Ruës par
où elle devoit passer,estoit
ornée de riches Tapisseries,
le Statues, de Tableaux, &
l'Emblémes. Les Gardes
Espagnoles marchoient à la
elle de la Cavalcade, fous
e cõmandement du Comte
le los Arcos Capitaine aux
Gardes,ëede Don Joseph
vianrique Lieutenant.
La Reyne alla droità l'Eglise
Métropolitaine, où elle
fut reçeuë par leDoyen&
par les Chanoines, qui la
conduisirent avec la Croix,
jusques au magnifique Prie-
Dieu qui luyestoit préparé
sousunDais. L'Archevesque,
qui par malheur mou
rut le mesme jour de cette
Entrée, fut légitimement
dispensé de se trouver à
teste de son Chapitre,pour
y faire les fonctionsde fl
Dignité. L'onchanta !
Te DtMm-,&jamais TonnaJ
voit oiïy à Burgos uneMu
sique si belle, ny des ConJ
certs si achevez de Voix&
d'Instrumens.
Sa Majesté ayant fait ses
dévotions, remonta à cheval
à la Porte de l'Eglise, &
prit la route du Palais, où le
Roy l'alla attendre, apres
avoir eu la satisfaction de
voir incognito passer sa Reyne
en triomphe, ayant eu
le loisir de la bien considérer
d'une Grille secrete, pratiquée
à dessein dans une
Fenestre pres de l'Eglise.
Sa Majestéallarecevoir
la Reyne à la Porte du Palais,
d'oùmontant à leur
Apartement avec toute la
Cour,Leurs Majestez y reçûrent
denouveaulesComplimens
respectueuxdetous
les Grands; & comme il
estoit déjàtard, l'on fitj
commencer les Feux d'arti-
Bee" que Leurs Majestez
virent avec plaisir Ac leur
Balcon, d'où elles passerent
dans la Salle desComédies,
pour y voir représenter 1
premiere Journée ( c'est le
premier Acte) de laComédie
en machines de Narcisse
& d'Echo,carafctëm
par.-le
Lon y avoir adjoûté un
Prélude en Musique, qu'ils
appellent icy la Lait" dont
la solemniré du Jour faisoit
le sujet.
Le Mardy21. fut encor
celebre par deux Avions
d'éclat qui se firent à Burgos,
l'une le matin, &l'autre
le soir. La premiere fut
!:' Entrée de Mr le Prince
d'Harcourt en qualité dÀrobassadeur
Exrraordinaire de
France, envoyé de la part
de Sa.:Majrlté' Tres-Chrestienne
à l'occasion du Mariage
duRoy Catholique
Cette Entrée fut fort ma.Z
gnifique, & elle le devoir
estre, pour avoir le succés
qu'elle eut aprescelle du
jourprécedent, &paroistre,
comme elle fit, digne d'un
Prince de laMaison de Lorraine.
j
L'autre Action fut la Cerémonieaveclaquelle
se
couvrit la premiere fois devant
le Royen qualité de
nouveau Grand d'Espagne
le Duc de S.Pierre, Beaufils
du Marquis de losBalbasésj
Tous les Grandss'y trouver
rent? pour faire lionn
ce Duc; ôc l'occasion qui
avoit assemblé deux Cours.
Royales à Burgos, luy fut
extrémemét favorable pour
rendre plus celebre la prise
de possession de (1 nouvelle
Dignité.
L'on fit aussi le mesme
jour deux Festes, que l'on
appelle icyMifCArM. L'une
estoitcomposée de soixante
&deuxPersonnes déguisées;
qui alloient deux à deux autour
du Palais & par les
Ruës de la Ville, & qui rempraéusxednteoiceUntfearueattaen
§^t fdp'Aencie-s.'
ou d'autres personnages t) cçyro- tesques, dont la bizarrerie,,
quoy que peu conforme au
goût de vostre Cour, nelaissa
pas de plaire aux Gens;
de ce Pais. Il est vray que
leur génie s'accommode aisez
de ces sortes de choses.
L'autre Mascarade se fit le
soir, &ce fut uneCouse de
pare/as .dontje vous ay déjà-,
fait la description en d'autres
rencontres. Elle estoit
composée de seize Quadrilles
de Gentilshommes du
Païs,richement habillées de
diférentes couleurs. La Lirée
des uns estoit vert ôc
)r; celle des autres, bleu 6c;
argent. Les troisiémes asoient
choisy pourleur coueur,
jaune & argentj. & les;
derniers,incarnat& argent.
es Parrains de la Course
surent le Conneliable de
Castille Protecteur de Burros,
&le Comtede 1os ArcosCapitaine
des Gardes..
Les réjouissances de cette
Journée s'acheverent par
un beau Feu d'artifice,&
par une Comédie, comme
e soir précèdent.
Le22. la Ville deBurgos
régala Leurs Majestez d'un
Combat de Taureaux,où
deux Gentilshommes, dont
l'un s'appelle Don Joseph
de Hoz,& l'autre Don Louis
deMelgosa, furent les Assaillans.
Ils attaquerent vigoureusement
à cheval ces
farouches Animaux
,
& [c
tirerent fort heureusement
d'affaires, a deux ou trois.
Chevaux pres, qui furent
blessez fous eux, & une legere
atteinte que Melgosa
reçeut à la cuisse. Le Roy
& la Reyne estoient à leur
Balcon sur Il grande Place
du Palais. Les deux Grands-
Maistres y firent leur sonction
ordinaire, & Don Joseph
de Silva, Frere du Duc
de Pastrane, distribua les
ordres de Sa Majesté en
qualité de Premier Ecuyer,
& en l'absence de l'Admirante
de Castille, qui est le
Grand Ecuyer du Roy. Le
soir du
mesmejour,
il y eut
encor Comédie au Palais,
&: des Feux d'artifice à la
Place.
Mrle Prince d'Harcourt
eut ce jour-là son Audience
de congé, & il se disposaà
son retour en France, avec
Madame la Princesse d'Harcourt,
Madame de Grançey,
& la plûpartdesautres
Personnes de qualité
quiavoient suivylaReyne.
Le Roy sit faire à tous de
riches Présens, & Sa Majesté
donna ses ordres pour
le retour de la Cour à Madrid.
L'on divisa la Marche
en trois routes diférentes,
pour adoucir les incommoditez
du Voyage, qui sont
grandes en Castille. Le Roy
choisit celled'Alcala pour
saPersonne, pourcelle de la
Reyne,
Reyne, & les Officiers indispensables
des Maisons
Royales. Sa Majesténevo
ut pas passer par Valladoid,
nonobstant les instantes
artères que ceux de la Ville
uy en avoient fait faire par
eurs Députez; & quoy que
ce refus rendistinutiles tous
es préparatifs qu'ils avoient
mrs pour la reception de
Leurs Majestez, leRoy ne
ugea pas à propos de leur
accorder cette grace, pour
.voir lieud'arriver plutostà
Madrid, où la présence de
Sa Majesté est fort nécessaire
au bien de son Etat.
Le départ de Burgos fut
le 23. Novembre; &comme
de là jusques à la derniere
journée du Voyage, il n'est
rien arrivé de considérable
pendant la Marche, ny dans
toute la route, je me contenteray
de vous dire en peu
de mots, que le Roy & la
Reyne monterent en Carrosse
à la Porte du Palais,
avec laDuchesse de Terranova,
& qu'ayant passé les
Portes de Burgos, Leurs
Majeitez se mirent en Liii^
re jusques à Lerma, où
elles coucherent cette nuità.
Le lendemain elles irritèrent
à Aranda de Duero,
)ù la Reyne eut un petit
liai de teste, qui retarda le
Voyage seulement d'un demy
jour. Le 25. la Cour se
endit à San -
Estevan de
Gormas. Le2.6. àBerlanga.
jz 2 7. à Altienza. Le 18. à
Xadraque.. Le 29.àYta; &
e 30. à Guadalajara. Le
emps fut fort beau tous ces
ours-là; & presque dans
ous les lieux que je viens de
ous nommer, l'on avoit
oréparé pour le divertissement
de Leurs Majestezdes
Combats deTaureaux mais
l'envie qu'Elles avoient de
se voir bientoltàMadrid, ne
leur permit pas de rester
nulle-prt pour aucune consi
deration.
L'on apprit à Guadalajara
qu'il y avoit des maladies
contagieuses à Alcala,
ce qui obligea Leurs Majestezde
se détourner par
Torrejon de ArdOi1,oÙ Elles
arrivèrent le premier de
ce mois. La Reyne Mere
se rendit en meme temps
en ce Bourg-là, qui est à
crois lieuës d'icy, pour y aller
témoigner à Leurs Majetez
la, joyequ'elle avoit
de revoin le Roy son Fils en
parfaite Cuiteyôcd'embraCser
pour la première foisl'incomparable
Reyne qu'elle
avait attenduë avec tant
d'impatience.
Les Complimens furent
obligeans 8e tendres de part
& d'autre,quoy que lavisite
fut assez courte, parce que
la Reyne Mere devoit encor
retourner, comme elle
fit, le mesme soir à Madrid,
ny ayant pas en ce lieu-là
du logement pour trois Mair
fons Royales; mais avant
que de se séparer, elle fit
présent à la Reyne sa Fille
d'une riche Toilete en broderie
d'or, & de Rubis, que
Sa Majesté a travaillée ellememe.
Elle la pria de recevoir
aussi de sa main un galant
& richeEquipage de
Chasle, qui est un Présent
fort conforme aux inclinations
de la Reyne. Enfin
elle luy donnann beau Manchon
de Marte
, que l'Empereur
son Frere luy avoit;
envoyé. Tout celax à ce
qu'on affure, passe la valeur
de cinquante mille écus.
SaMajesté reçeut ces Pré-.
sens avec tousles témoignages
de reconnaissance pos
sibles, & s'estant dit adieu
l'une à l'autre pour un terme
fort courtelles se séparerent
en se donnant des marques
obligeantes d'une extrême
tendresse. La Reyne
Mere retourna à Madrid,
& Leurs Majestez resterent
à Torrejon, d'où elles partirent
le lendemain Samedy
i. Décembre, dans un trèsbeauCarrosse,
& arrivcrent
à trois heures après, midy au
Buen-Retiro, qui est unet
Maifan., R oyale aux Portes
de Madrid, fort biensituée,
où les Roys vont souventpasser
la belle faison du
Printemps.
Quoy que leRoy& la
Reyne entraient incognito,
tx presque lans luite, &iàna
équipages, tout Madrid ne
laissa pas d'aller à leur rencontre,
& pendant plus de
deux lieues de chemin Leurs
Majeilez eurent le plaisir de
voir deux rangs de Carrosses,
qui estoienten haye de part
& d'autre du chemin Jufques
aux Portes de Madrid,
remplis, de tout ce qu'il y a
de Gens de considération de
l'un& de l'autre Sexedans
cette Capitale de leurs.
Royaumes.
-
La Reyne parut admirablement
bien à tous les
Elpagnols,de mesme qu'aux
Etrangers,tant pour sa beauté
que pourlàtaille, son air,
&: ses façons, sans qu'on eust
égardàlaprodigieuse quantité
de Pierreries, qui lais
soient à peine discerner de
quelle couleur estoit [OUi
Habit. En un mot chacun
s'en retourna fort satisfait
de l'avoirvue arriver heureusement
au lieu où elle
estoit attenduë depuis si
longtemps.
Je vous ay parlé si souvent
des Combats de Taureaux
dans cette Relation,
qu'il semble quejefoisobli,
gée de vous décrire une de
cesFestes; maiscetteLettre
est déjà si longue, que je n'y
fçaurois rien adjoûter sans
la rendre fort ennuyeuse.
L'on ne sçait pas encor
précisémentquâd la Reyne
fera son Entrée solemnelle.
encetteCour. L'on avoit pris
jour pour le vingt-deuxième
de ce Mois
y
mais il semble
que la chose soit diferée, &
sile mauvaistemps survient,
ilest à craindre que l'on ne
remetre cette Cerémon e
jusqu'à la belle Mon. Si je
suis encor en cette Cour
quand elle (è fera, je ne
manqueray pas de vous donner
part de tout ce qui s'y
passera,sans oublier de vous
envoyermeme, s'il se peut,
le Plan des Arcs de Triomphe
que l'on prépare au
nombre de cinq, ausquels
on travaille depuis six mois.
Mais comme il y a de l'apparence
que rÊtoille des,
Personnes dont la mienne
dépend, me rapellera bientost
en France, je crains fort
que ce changement de Païs,
ne mette fin à nostre commerce,
puis que renonçant
aux Habits, à la Coëhire, à
la Langue,&aux façons Espagnoles,
je n'auray plus.
lieu de vous écrire fous le
nom de
LA LORRAINE ESPAGNOLITE.,
Cequi suit,sertàéclaircir
l'endroit de cette Relation,
où j'ay parlé des deux Freres
de l'Histoire Enigmatique,
qui est la feule Piece que
j'ayercçeuë de vôtre dernier
Mercure Extraordinaire.
Pourvoirlesensmistérieux
Devotre Histoire Enigmatique,
Sansconfultcr/esLivres curieux
D'une Bibliotequeantique, Ilnemefautqu'ouvrir lesYeux.
»
- Ce qui s'est passé dans le
Paradis Terreltre au commencement
du Monde, &
par toute la Terre au temps
du Deluge; comme aufIl la
situation, le pouvoir, les
conquestes, & le langage
desYeux; tout cela fait déveloper
aisément le mistere
de cette Enigme.
Madrid, 12. Décembre 167i-
Voila, Madatne., que
m'a écrit la Lorraine Espagnolete,
sur le Voyage dont
je vous avois déjà fait le dé2
tail jufqua Burgos. Je ne
doute point tjue la nouvelle
Relation quelleme promet,
de l'Entrée publique de la
Reyned'Espagneà«
nevousdonnedela joye. Je
l'attens dejour en. jour, &
comme il y a grande apparçnce
qu'elle arrivera bientost,
vous la trouverez dans
ma Lettre de ce Mois. Cependant
je vous envoye le
Planàu,Bmn-K£tiroyoù.vo\is
venez de lire qu'on avoit
menécette Princesse.Jel'ay
fait graver sur un bon Original.
LeBuen-Retiroest
une Maison de Plaisance,
que le Comte Duc d'Olivarés
fit bastir sans aucun dessein
formé, à un des bouts
de Madrid, dont il n'y a
que le Cours qui la sépare.
Elle fut nommée d'abord
Galinero à cause de certaines
Poules extraordinaires
qu'on luy donna,qu'il fit
mettre dans une petite Maison
& Jardin, de l'autre costé
del Prado. C'est le lieu où
se fait le Cours; mais quoy
qu'il soit remply de Fontaines,
comme le Retiro est
au dessus, il a salu une depenseprodigieuse
pour y
faire venir l'eau, particulierement
dans ungrand quarré
& un grand Canal qui cH:
dans le Parc. Il va tout autour
du Convent des Hyeronimites,
& s'étend jusques
à Nostre-Dame de Atocha.
Jevous ay déja parlé de cette
Eglise dans quelque Relation,
&del'Image miraculeuse
qu'on y conserve. Elle
est tres-riche en Argenterie,
aussi-bien que la plupart des
autres Eglisesd'Espagne.
Quantaux Hyeronimites, ce
sont des Religieux qui font
une tres-austere profession
de closture. Ils sont habillez
de blanc. Le Pape Gregoire
XI. en approuva les
Constitutions en 1374. & ce
furent deux Hermites Ita*
liens qui commencerent à
vivre ainsi solitairement das
un lieu nomméSissa au pres
de Tolede. Le Parc du Re
tiro a plus d'une lieue. Il ya
de grandes Allées dont les
Arbres ne sont pas fort gros.
Il est aisé de s appercevoir
qu'il a extrémement cousté
à les faire droites.On y voit
un fort grand Etang,sur lequel
plusieurs petits VaiC1
seaux peuvent voguer dans
le mesme temps. Divers
Hermitages séparez sont
tout autour. Ce seroientd'as
fez jolisBâtimens pour des
Particuliers. Ilyamesmeun
Théatre&uneSalle deComédie,
qui estd'un dessein
fort agreable.
-On y trouve
un autre Etang de moindre
grandeur, avec une Tour
dans le milieu,dupied de
laquelle sortent de tresbeaux
Jets d'eau. On voit
nne Fontaine tres-haute au • devat de l'Hermitage,qu'on
appellede S. Paul. Joignez
àcela deux quarrez deBâtk
mens, &deux autres Corps
-de Logis qui avancent en
formedeGaleries. Tout
cela est réply de Tableaux.
Le Comte Duc d'Olivarés y
fit mettre la Statuë de broze
de Philippe II. à cheval. Elle
est rare, en ce que le Cheval
ne se tient que far les pieds
de derriere. Quelque irrégularitéqui
se trouve dans
le Retiro, on prétend qu'il
a coustéun milion plus que
l'Escurial. Adieu, Madame.
Je finis ma Lettre pour en
commencer une nouvelle.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères