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Texte
LE NOUVEAU
MERCURE
GALANT ,
CONTENANT TOUT
ce qui s'eft paffé de curieux ,
depuis le premier de Janvier
, jufques au dernier
Mars 1677 ..
Suivant la Copie imprimée
A PARIS ,
Chez THEODORE GIRARD,
au Palais , dans la Grande Salle,
à l'Envie. 1677.
A U
LECTEUR.
O
N donnera un Tome du
Mercure Galant , lepremier
jour de chaque Mois
fans aucun retardement .
Je n'affure pas que le Sonnet
qui a paru fous le nom de Monfieur
Peliffon , foit de luy.
BIBLIOTHECA
REGIA.
MONACENSIS.
TATABLE
DES
MATIERES
Co
contenues en ce Volume.
Sonnet par
Onverfation fur le fujet du Mercure.
Echo & fans aucune Rime.
Lettrefur tout ce qui a paru au Theatre
François Italien depuis le premier de
Fanvier.
Vers de M. de Corneille l'aifné , au Roy .
Placet du mefme , au Roy.
Bal de l'Inconnu.
Bals de Monfieur le Prince de Furftemberg .
&fon Mariage avec Mademoiselle de Ligny.
Bal de Monfieurde Chasteauneuf; Confeiller
au Parlement .
Divertiffemens donnez au Public par Monfieur
Olier-Verneuil , Confeiller au mefme Corps.
Avanture arrivée à Monfieur le Marquis
D. dans un Bal Bourgeois.
Bal chez M. de Menevillette.
Bal chez M. du Houffet.
Bal chez M. Ranchain.
Mort de M le Duc de Lefdiguieres .
Mort de M. le Comte de Fonfac.
Mort de M le Marquis de Bade- Dourlach.
Mort de M. le Comte de Coffe .
Mort de M. de Bridieu .
Mort de M. Poncet Archevefque de Bourges.
A 2
Mort
TABLE .
Mort de M. l'Abbé de Montaigu.
Requefte de l'Amour au Roy , fur le bruit de
Jon Départ pour l'Armée.
Mariage de Mademoiselle de Mouchy , avec
M le Prince d'Izinghien.
Mariage de Monfieur le Prince d'Elbeuf, &
de Mademoiselle de Vivonne.
Mariage de M. le Marquis de Cavoye , & de
Mademoiſelle Cologon.
Mariage de M. de Bercy , & de Mademoiſelle
de Bretonvilliers.
Mariage de M. du Tillet , & de Madem ifelle
Brunet.
Sacre de M. l'Abbé d'Urfé , Evefque de Limoges.
Sacre de M. l'Abbé de Fieux , Evefque de Toul.
Sacrede M. l'Abbé Matignon , Evefque de Lifieux.
Le Roy choifit M. l'Evefque de Tules pourprefcher
au Louvre.
Prefent de la Reyne à M. l'Archevefque
d'Ambrun, Evefque de Mets.
Acte de Refumpte foûtenu par M. l'Abbé
de Noailles.
Reception de M. le President de Mefmes en
l'Academie Françoife , & tout ce qui s'y eft
passe
Etabliffemens de plufieurs Academies de Scul
pture & de Peinture en France.
Son Alteffe Royalo và chez M. Mgnart , voir
fes beaux Ouvrages .
Madamela Grande Ducheffe prefente à Leurs
MaTABLE.
Majeftez Madame la Ducheffe de Bracciaro.
M de Breteil eft reçeu Lecteur du Roy .
Lettre en Vers d'une Amante à fon Amant,
fur ce qu'il fe preparoit à partir pour l'Armée.
Charge de Lieutenant des Gardes du Corps,
donnée à M. du Repaire.
Gouvernement de l'Ile de Rê , donné à M. de
Pierrepont.
Le Roy donne une Charge d'Enfeigne des Gardes
à M. de Batiment.
M. de Maulmont prend des Poftes aux envi».
rons de S Omer.
Mort de M. le Marquis de Genlis.
La Chaffe donnée aux Espagnols par M dis
Quene , & M. le Marquis de Preülly
d'Humieres.
Plufieurs Barques font brûlées par Meſſieurs
les Chevaliers Defgouftes , & de Noailles,
M.de S. André Montmejan.
Prife de la Cayenne par Monfieur le Comte
d'Eftrées.
Noms de tous les Officiers Generaux nommez
cette année par le Roy.
Vers fur le D part de Sa Majesté.
Siege de Valenciennes contenant plufieurs
Particularitez qui n'ont point encore eft
fçeues , & les Noms de tous ceux qui ſe
font fignalez, des Morts , des Bleffez , &de
ceux dont la Valeur a esté récompensée.
Prije de deux Fortereffes , l'une en Allemagne
A 3 par
TABLE.
par M. le Comte de Monclar , & l'autre en
Lorraine par M. de Revel.
Défaite d'un Party commandé par le Baron de
Mercy,par M. le Chevalier de Renel.
Feu d'Artifice chez M. le President de Pomereuil.
Monseigneur le Dauphin va à l'obfervatoire.
Reception faite au Louvre à Monfieur le Cardinal
d'Eftrées..
Converfation qui fert de Conclufion à ce Volume.
Fin de la Table .
LE
NOUVEAU
7
MERCURE
GALAN T.
N s'eftoit affemblé pour
une Partie de Jeu chez une
aimable Ducheffe , & en
attendant quelques Dames
qui en devoiết eftre, comme les chofes
les plus importantes font d'abord l'ordinaire
fujet desConverſations
,on mit
fur le tapis les Affaires de la Guerre ; &
les furprenantes fatigues qu'a déja effuyées
le Roy dans ce commencement
.
de Campagne , ayant donné lieu de
parler des merveilleufes
qualitez qui.
le rendent le plus grand des Hommes.
Pour moy , dit un des plus fpirituels
de la Compagnie , je trouve que ce
que fait tous les jours ce grand Monarque,
eft tellement au deffus de toutes
fortes d'expreffions , que l'entreprife
de le louer devroit faire peur à
ceux-mefmes qui poffedent l'Elo-
A 4 quen8
LE MERCURE
quence la plus vive : Il faudroit pour
répondre dignement aux nobles idées
qu'il nous donne , avoir l'Eſprit auſſi
éclairé qu'il a l'Ame grande , & je
doute qu'il y ait perfonne capable
d'atteindre jufques- là ; outre qu'on
s'eft déja tellement épuisé là deffus
qu'on ne fçauroit prefque plus rien
dire qui foit nouveau , quoy que fa
gloire nous fourniffe à toute- heure de
nouvelles matieres d'admiration ; &
c'est ce qu'il y a de furprenant , que
nous foyons en quelque façon bornez
dans nos manieres de parler , &
qu'il ne le foit pas dans les grandes
chofes qu'il execute . J'avoue , répondit
une jeune Marquife , qu'il eft bien
difficile de louer le Roy , fans repeter
quelque chofe de ce qui s'eft déja dit à
fa gloire ; mais on y peut
donner un
tour fin qui ne des- honore pas tout-àfait
la richeffe de la matiere, & c'eft ce
qu'a trouvé fort ingenieufement
Monfieur Peliffon , dans le Sonnet
que nous avons depuis peu de luy. Il
eft
GALAN T.
9
eft d'une nouveauté toute particuliere
, par Echo , & fans aucune Rime;
mais l'invention en eft fi heureuſe, que
peut-eftre il vaut bien les Sonnets les
plus reguliers . Vous nous parlez d'un
Homme qui a fort peu de femblables,
dit la Ducheffe chez qui la Converfation
fe faifoit ; & pour perfuader du
merite de quelque Ouvrage , c'eſt af
fez de dire que Monfieur Peliffon en
eft l'Autheur : Mais voyons ce Sonnet,
je vous prie , on m'en a déja parlé
⚫ avec beaucoup d'eftime , & je meurs
d'envie de l'entendre. Volontiers , dit
la Marquife , & il ne yous coûtera
que la peine de m'écouter un mo
ment.
SONNET PAR ECHO ,
SANS RIME.
Toujours au milieu du Salpefire ,
Eftre,
Percer par tout comme un Eclair, L'air ,
Ne fe plaire qu'où la Trompete ,
Pete ,
De bon ail les Soldats qui font bien leur
devoir,
Voir.
Rencontrer par tout la Fortune ,
Une.
A 5
Porter
ΤΟ LE MERCURE
Porter un faix de foins dont on verroit Atlas.
Las ,
Et trouver les Vertus mefme dans les Rebelles ,
C'eft ternir les Heros paffez
Belles.
Affez .
C'est aux futurs fervir d'exemple , Ample.
Quepar ce Conquerant vous eftes embellis, Lys!
Son Nom , quoy qu'éclatant bien moins que fa
Perfonne, Sonne.
Chacun prendra de luy, charmé defes Exploits ,
Loix.
Quiconque à le louer , employer Vers ou Profe,
Ofe ,
Ignore qu'on y voitles plus brillans Efprits Pris.
Tout le monde rendit à ce nouveau
genre de Sonnet la juftice qui luy
eftoit deuë , & l'on admira fur tout la
jufteffe avec laquelle les mots qui fervoient
d'Echo entroient dans le fens
des Vers. Vous aviez raifon de dire
que l'invention en eftoit heureuſe , reprit
la Ducheffe en regardant la Marquife
; Mais ce que je trouve de fâcheux
pour ces Jeux d'eſprit , & d'autres
petites Pieces Galantes qui paroiffent
de temps en temqs , c'eſt que
tout cela fe perd , faute de trouver
quelGALANT.
II
quelqu'un affez zelé pour prendre le
foin tous les ans de nous en donner un
> Recueil. Sçavez- vous , Madame
reprit la Marquife , dans quel Livre
ces petites Pieces dont vous me parlez
auroient admirablement bien trouvé
leur place pour eftre confervées : C'eſt
dans le Mercure Galant , dont y a
quatre ou cinq ans qu'on nous donna
fix Volumes. Je m'étonne que cet
Quvrage ait esté abandonné , car le
deffein en eftoit agreable , & il plaifoit
tellement , qu'on m'a dit qu'il n'a pas
efté feulement imprimé dans la plus
grande partie des Provinces de France,
masis auffi dans les Païs Etrangers
, où l'on fe fait une joye de nos
plus particulieres Nouvelles : Ce que
je fçay , c'eft que tant de Gens en demandoient
tous les jours la Suite ,
qu'il n'y a peut- eftre point de Livre
dont le fuccés fut plus affuré. Je me
fuis étonné comme vous , repartit la
Ducheffe , de la difcontinuation de
cet Ouvrage ; & quand j'en ay de-
A 6 mandé
12 LE MERCURE
mandé la raiſon , quelqu'un m'a dit
que l'Autheur avoit eu une longue
Maladie , & des Affaires qui l'avoient
empefché d'y travailler ; mais pour
peu qu'il fut prefentement à luy - mefme
, je luy confeillerois fort de le
reprendre , il eft capable de beaucoup
d'agrémens par la diverfité des Matieres
, & c'est ce qui me fait dire qu'il
n'y a point à douter qu'il ne réüffit , le
malheur de la plupart des Livres n'arrivant
que parce qu'il eft impoffible
de choisir un Sujet qui foit affez du
gouft de tout le monde , pour eftre
generalement approuvé ; au lieu que
n'y ayant rien qui ne pût entrer en
celuy- cy , chacun y trouveroit au
moins par quelque Article de quoy fatisfaire
fa curiofité. On y parleroit de
Guerre , d'Amour , de Mort , de
Mariages , d'Abbayes , d'Evefchez :
On affaifonneroit cela de quelque petite
Nouvelle Galante , s'il arrivoit
quelque chofe d'extraordinaire qui
pût eftre tourné en Hiftoriette , & l'on
pourGALANT.
13
pourroit mefme nous donner quelque
leger Examen de tous les Ouvrages
d'Efprit qui fe feroient . Mais vous ne
fongez pas , Madame , interrompit
le mefme qui avoit déja parlé , à quoy
on s'expoferoit par l'Examen que
vous demandez ? Les Autheurs ont
une délicateffe inconcevable fur ce
chapitre ; & ils font tellement contens
de tout ce qu'ils font , qu'on ne
fçauroit trouver le moindre defaut
dans leurs Livres, qu'ils ne fulminent
auffi- toft contre l'Ignorant qui les re
prend. Je ne voudrois pas auffi , adjoûta
la Ducheffe , que l'Autheur du
Mercure Galant nous donna fon fentiment
particulier , il y auroit de la
présomption à s'établir Juge dans une
Caufe où on pourroit dire en quelque
forte qu'il feroit Partie intereffée ; car
tous ceux qui fe meflent d'écrire font
naturellement jaloux les uns des autres
: Mais pourveu qu'il ne fit que
recueillir les fentimens du Public , je
ne voy pas que Meffieurs les Autheurs
pûffent
A 7
14
LE MERCURE
pûffent avoir rien à luy imputer , au
contraire je croy qu'ils luy feroient
obligez , puis qu'ils recevroient la
récompenfe de leur travail , parce
qu'il feroit connoiſtre ce qu'il y auroit
de beau dans leurs Ouvrages , &
qu'ils apprendroient à fe corriger
pour d'autres de ce qu'ils fçauroient
que le Public y auroit condamné.
Pour moy , dit la jeune Marquife , ſi
le Mercure Galant fe continuoit, j'y
demanderois un Article particulier
pour les Modes , afin que j'y pûffe
renvoyer quelques Amies de Provinces
, qui m'accablent continuellement
de leurs Lettres , pour fçavoir comment
on s'habille , de quelles Etoffes
on fe fert , & mille autres chofes qui
regardent l'ajuſtement des Femmes.
Les Etrangers y pouroient trouver
leurcompte , & je ne fçay pas mefme
fi beaucoup de Perfonnes qui demeurent
à Paris ne fe ferviroient pas volontiers
des Avis qu'on leur donneroit
là-deffus. Je fuis ravy , Meldames,
GALANT .
15
mes , de vous voir dans ce fentiment,
dit alors un Chevalier de Malthe qui
avoit écouté toute cette Converfation
fans rien dire ; l'Autheur du Mercure
Galant eft de mes plus particuliers
Amis , & je l'ay tellement preffé
par toutes les raifons que vous venez
d'aporter , qu'il s'eft enfin refolu
de le poursuivre ainfi vous aurez
bien-toft le premier Tome du Nouveau
Mercure Galant , qu'il appelle
Nouveau , à caufe des fix autres qu'il
a déja fait imprimé , & dont celuycy
ne fera pas tout - à -fait la fuite, puis
qu'il ne traitera que de ce qui s'eft
paffé dans les trois premiers Mois de
cette Apnée . Chacun ayant témoigné
de la joye de cette nouvelle ; Je
puis dire , adjoûta le Chevalier , que
ce Livre fera pour tout le monde :
Outre les chofes curieufes dont on le
remplira , & qui pourront fervir de
memoire à ceux qui travailleront un .
jour à l'Hiftoire de noftre Siecle , on
n'y oublîra rien de ce que vous avez
deman16
LE MERCURE

demandé; On y femera toutes les petites
Pieces agreables qui auront cours
dans le monde ; On y parlera des
Livres , des Sciences , des Modes , des
Galanteries , du merite de ceux qui
en ont ; on fera connoiftre en quoy
ils excellent ; & peut- eftre qu'au bout
de quelques années , il n'y aura pas
une Perfonne confiderable dont ceux
qui auront tous les Volumes du Mercure
ne puiffent trouver l'Eloge , celuy
de chaque Particulier pouvant
donner lieu à s'étendre ſur ſa Famille.
A l'égard du beau Sexe , toutes celles
que l'Efprit , & la Beautérendent
dignes qu'on les diftingue des autres,
y trouveront leur Portrait , & je ne
defefpere pas qu'avec le temps nous
n'y apprenions les Galanteries des
Cours Etrangeres , & de quel merite
peuvent eftre ceux qui y tiennent le
premier Rang Mais , dit quelqu'un ,
n'y a- t- il rien à craindre du cofté de
ceux qui ont le Privilege de la Gazette
? car il faudra neceffairement
que
GALANT. 17
1
que le Mercure employe quelques
uns de leurs Articles. Vous faites bien
de dire quelques- uns , répondit le
Chevalier , car le nombre en fera petit.
La Gazette ne parle , ny des Modes
, ny des Affaires du Parnaffe ,
qui jointes aux Pieces Galantes qui
auront cours dans le monde , & qui
feront en quelque réputation , rempliront
prefque tout le Mercure . Çela
n'empefchera pas, pourſuivit- il , qu'on
ne fe ferve de quelque Article de Ga
zette®; mais comme ce ne fera jamais
qu'apres qu'elle en aura parlé , & que
ce que nous avons vendu , & dont.
nous avons reçeu l'argent n'eft plus
à nous , ces Meffieurs n'auront aucun
fujet de fe plaindre ; mais ces Articles
mefmes ne laifferont pas d'avoir quelque
chofe de nouveau , puis qu'on y
trouvera des particularitez que la Gazette
ne peut expliquer à caufe de la
quantité de Nouvelles dont elle eſt
remplie , & c'eſt à quoy le Mercure
fupléera , en faifant voir l'Origine de
la
18
LE
MERCURE

que
la plus grande partie des chofes dont
il y fera parlé. Ce qui doit fatisfaire
fur tout les Curieux , c'eſt que l'Autheur
qui n'en donna d'abord les premiers
Volumes dans des temps
affez éloignez , en donnera un Tome
immancablement , ( fi je puis
m'expliquer ainfi ) le premier jour
de chaque Mois , & vous voyez par
que vous n'aurez pas encor longtemps
à attendre celuy qui fera le
premier du Nouveau Mercure. Je
voudrois , reprit la Ducheffe , que fon
Libraire me le voulut vendre dés aujourd'huy
, car je meurs d'envie de
voir ce qu'il dira de certaines Gens
dont il ne fe difpenfera pas de parler.
Puis que vous eftes fi curieufe , répondit
le Chevalier , voyez fi vous pourez
vous réfoudre à jouer une heure
plus tard ; car l'Autheur m'a confié
toutes les Feuilles imprimées de fon
Livre , & il ne tiendra qu'à vous que
je ne vous en faffe la lecture. Toute
la Compagnie joignit fes prieres à celles
GALAN T... 19
les que fit la Ducheffe au Chevalier
de leur vouloir donner ce divertiffement
, & il commença de cette forte.
Le Vendredy premier jour de l'An ,
les Comédiens de l'Hôtel de Bourgogne
donnerent la premiere Reprefentation
de la Phedre de Monfieur Racine
; & le Dimanche fuivant, ceux de
la Troupe du Roy luy oppoferent la
Phedre de Monfieur Pradon . Je croy
ne pouvoir mieux entretenir le Public
, qu'en luy faifant part d'une lettre,
qui m'eft tombée entre les mains,
adreffée à une Perfonne de qualité ,
par laquelle on luy rend compte non
feulement de ces deux Pieces , mais
de tout ce qui a paru fur le Theatre
François & Italien , depuis ce commencement
de l'Année juſques à la
fin du Carnaval.
A
20
LE MERCURE

?
A MADAME
la Marquife de **
Puis que vous fouhaitez , Madame ,
que je vous mande des nouvelles
de tout ce qui a paru de nouveau au
Theatredepuis le premier de Janvier,
je vous parleray d'abord des deux
Phedres : Elles ont fait icy beaucoup
de bruit , & j'ay peine à concevoir
d'où vient qu'on s'eft avifé d'en vouloir
juger parcomparaifon de l'une à
l'autre , puis qu'elles n'ont rien de
commun que le nom des Perſonnages
qu'on y fait entrer ; car je tiens qu'il
y a une fort grande diference à faire,
de Phedre amoureufe du Fils de fon
Mary , & de Phedre qui aime feulement
le Fils de celuy qu'elle n'a pas
encor épousé. Il eft fi naturel de préferer
un jeune Prince à un Roy qui
en eft le Pere , que pour peindre la
paffion de l'une , on n'a befoin que
de fuivre le train ordinaire des chofes;
c'eft un Tableau dont les couleurs
font
GALAN T. 2.I
font faciles à trouver, & on n'eft point
embaraffé fur le choix des ombres qui
le doivent adoucir : mais quand il faut
repreſenter une Femme qui n'envifageant
fon amour qu'avec horreur ,
oppofe fans ceffe le nom de Belle- mere
à celuy d'Amante , qui déteſte ſa paffion
, & ne
& ne laiffe pas de s'y abandonner
par la force de fa deftinée , qui voudroit
fe cacher à elle mefme ce qu'elle
fent , & ne foufre qu'on luy en arrache
le fecret que dans le temps où elle
fe voit prefte d'expirer ; c'est ce qui
demande l'adreffe d'un grand Maiftre;
& ces chofes font tellement effentielles
au Sujet d'Hippolyte , que c'eft
ne l'avoir pas traité , que d'avoir éloigné
l'image de l'amour inceftueux
qu'il faloit neceffairement faire paroiftre.
Ainfi , Madame , je ne voy
point qu'on ait eu aucune raifon d'examiner
laquelle des deux Pieces intéreffe
plus agreablement l'Auditeur ,
puis qu'elles n'ont aucun raport enfemble
du cofté de la principale matiere.
1
22 LE MERCURE
re. Il eft vray qu'il n'y a pas la meſme
horreur dans le Sujet de la Phedre du
Fauxbourg S. Germain ; mais , comme
je vous ay déja dit , ce n'eſt pas le
veritable Sujet que l'Autheur de cette
derniere a traité ; & puis qu'il s'eft permis
d'y changer ce qu'il y avoit de
plus effentiel , il eft d'autant plus refponfable
de tout ce qui a pû bleffer les
délicats. Vous jugerez vous- mefme
du refte par la lecture de ces deux Pieces
qu'on acheve d'imprimer , & que
je vous envoîray la Semaine prochaine.
Je ne doy pas oublier de vous dire
qu'on a fait revivre une Piece dont
vous n'ofiez dire il y a cinq ou fix ans
tout le bien que vous en penfiez , à
cauſe de certaines chofes qui bleſſoient
la délicateffe des Scrupuleux : Elle en
eft à preſent tout- à- fait purgée , & au
lieu qu'elle eftoit en Profe , elle a eſté
mife en Vers d'une maniere qui a fait
dire qu'elle n'a rien perdu des beautez
de fon Original , qui mefmes y en a
faittrouver de nouvelles. Vous voyez
bien
GALANT. 23
1
bien que c'eft du Feftin de Pierre du
fameux Moliere dont je vous parle.
Il a efté extraordinairement fuivy
pendant les fix Repreſentations qui en
ont efté données ; & il auroit efté fansdoute
fort loin , fi les Comédiens qui
font plus religieux qu'on ne les veut
faire croire , n'euffent pas pris d'euxmeſmes
la Publication du Jubilé pour
un Ordre de fermer le Theatre. Le
grand fuccés de cette Piece eft un effet
de la prudence de Monfieur de Corneille
le jeue , qui en a fait les Vers , &
qui n'y a mis que des Scenes agreables
en la qlace de celles qu'il en a retranchées.
Il me fouvient , Madame , que
vous m'avez autrefois demandé pourquoy
cette Piece s'appelloit le Feſtin
de Pierre , n'y trouvant rien qui convinft
parfaitement à ce titre. Vous
aviez fujet de ſoûtenir qu'il n'y avoit
pas d'apparence que ce fut parce que
le Commandeur tué par D. Jean fe
nommoit D. Pedre , ou . Pierre.
Un Cavalier qui a fait le Voyage
d'Efpa24
LE MERCURE
d'Espagne , m'en apprit il y a quel
ques jours la veritable raiſon . C'eſt là
qu'il prétend que cette Avanture foit
arrivée , & on y voit encor (dit- il ) les
reftes de la Statue du Commandeur ;
mais cela ne conclud pas qu'il foit vray
que cette Statue ait remué la tefte , &
qu'elle ait efté fe mettre à table chez le
D. Jean de la Comédie , comme on
l'affure en Espagne. Ce qu'il y a de
certain , c'eſt que les Eſpagnols font
les premiers qui ont mis ce Sujet fur
le Theatre , & que Tirfo.de Molina
qui l'a traité , l'a intitule El Combidado
de Piedra , ce qui a efté mal rendu
, en noftre Langue par Le Feftin de
Pierre ; ces paroles ne fignifiant rien
autre chofe que le Convié de Pierre ,
c'eft à dire la Statuë de marbre conviée
à un Repas. Apres vous avoir
parlé des Eſpagnols , je doy vous dire
deux mots des Italiens : Ils nous ont
donné cet Hyver trente Repreſenta
tions d'une fort agreable Comédie ,
qui a pour titre , Scaramouche &
ArGALAN
T.
25
Arlequin , Juifs errans dc Babylone :
Elle eft de l'invention de Monfieur
de S ... Autheur des Trompeurs
trompez . Elle a non feulement fait
rire le Peuple , mais elle a attiré en
foule toute la Cour , qui fembloit
ne fe pouvoir laffer de s'y venir divertir.
Je croy qu'on ne peut rien dire
de plus avantageux pour cette Piece
: Elle finit par un Recit qu'Arlequin
fait d'une maniere fi agreable &
fi divertiffante,que tous ceux qui l'ont
oüy font demeurez d'accord que ce
n'eft pas fans raison que ce merveil
leux Acteur attire tous les jours tant
de monde au Theatre Italien . Il ne
me reſte plus qu'à vous parler de celuy
qu'on a nouvellement ouvert au
Marais , dont les Acteurs font appellez
Banboches. Ce mot eft dans la
bouche de bien des Gens qui n'en fçavent
pas l'origine. Banboche eft le
nom d'un fameux Peintre qui ne faifoit
que de petites Figures que les Curieux
appelloient des Banboches , &
B il
26 LE MERCURE
il fut donné depuis indiféremment à
toutes les petites Figures de quelque
Peintre qu'elles fuffent . Je n'ay encor
rien à vous dire de celles du Marais
; mais peut- eftre que fi on les laiffoit
croiftre , elles feroient parler d'elles
: elles fe font déja perfectionnées ,
elles ne dançent pas mal , mais elles
chantent trop haut pour pouvoir
chanter bien longtemps ; & fi on devient
confidérable quand on commence
à fe faire craindre , il faut qu'elles
ayent plus de merite que le Peuple
de Paris ne leur en à crû : mais tout
fait ombrage à qui veut regner feul ;
cependant il eſt tres - certain que lors
qu'on travaille trop ouvertement à
détruire de méchantes chofes , on les
fait toûjours réüffir.
L'Opéra eftant en France fur le
pied de la Comédie , & les fuccés de
tous ceux qu'on nous donne de
nouveaux , n'eftans grands que felon
qu'ils ont plus ou moins de beautez
, je ne doy pas oublier de vous dire
GALAN T. 27
re qu'Ifis Opéra nouveau a efté reprefenté
à St. Germain pendant une partie
du Carnaval . Si cet Ouvrage merite
quelque gloire , elle eft deuë à
Monfieur Quinaut. Le Sujet & les
Vers de cette Tragédie font dignes de
cet illuftre Autheur , & ne luy ont
point fait perdre la réputation qu'il
s'eft acquife, Monf. de Lully en a fait
la Mufique ; il ne peut étre comparé
à perfonne , puis qu'il eft le feul dont
on en voit aujourd'huy en France. Je
ne parle point de la beauté de ce dernier
Ouvrage de fa compofition ; fon
génie eft fi connu , qu'il a fait oublier
celuy de tous les autres ; je m'arrefte
à ce que la Cour en a dit. Elle eft
fi éclairée , que je fuis perfuadé que
perfonne ne doit appeller de fon jugement.
Le grand nombre d'Inftrumens
touchez par les meilleurs Maiftres
de France , a fait trouver des
beautez dans la fymphonié de cet Opéra,
& il eft impoffible que tant d'Inftrumens
entre les mains de tant d'ex-
B 2
cel28
LE
MERCURE
des
cellens Hommes ne produifent pas
toûjours cet effet. Les Habits ont efté
trouvez admirables , foit pour ce qui
regarde la richeffe , foit pour ce qui
regarde l'invention , & ils ont fait un
des plus beaux ornemens de ce Spé-
&tacle . Monfieur Berain qui poffede
prefentement la Charge de feu Monfieur
Jeffay Deffignateur du Roy , en
avoit donné les deffeins , ainfi que
Coëffures. Les Habits des Opéra de
Thefée & d'Atis font auffi de fon invention.
Meffieurs Beauchamps &
Dolivet , qui depuis plufieurs années
font toutes les Entrées des Balets
du Roy , ont travaillé à leur ordinaire
pour ce dernier , c'eſt à dire tresbien.
Les beautez de cet Opéra n'ont
point fait perdre au Roy & à toute la
Cour le fouvenir des inimitables Tragédies
de M. de Corneille l'aîné , qui
furent repreſentées à Verfailles pendant
l'Automne dernier. Je vous envoye
la Copie que vous m'avez demandée
des Vers que fit cet illuftre
AuGALAN
T. 29
Autheur pour en remercier Sa Majefté.
Je fuis , Madame, &c.
E
AUROY.
Stil vray , Grand Monarque , &puis -je
me vanter ,
Que tu prennes plaifir à me reffufciter ?
Qu'au bout de
Horace ,
quarante ans Cinna , Pompée,
Reviennent à la mode retrouvent leur place,
Et que l'heureux brillant de mes jeunes Rivaux,
Nofte point le vieux luftre à mes premiers travaux
?
Acheve , les derniers n'ont rien qui dégenere ,
Rien qui les faffe croire Enfans d'un autre Pere ;
Ce font des malheureux étouffez au Berceau ,
Qu'unun feul de tes regards tireroit du tombeau .
Déja Sertorius , OEdipe , Rodogune ,
Sont remispar ton choix dans toute leur fortune,
Et ce choix montreroit qu'Othon & Surena
Ne font pas des Cadets indignes de Cinna.
Le Peuple, je l'avoue la Cour les dégradent,
I'affaiblis , ou du moins ils fe le perfuadent ,
Pour bien écrire encore , j'ay trop longtems écrit ,
Et les rides du front paffent jufqu'à l'Efprit;
Mais contre un tel abus , que j'aurois defuffrages
,
Si tu donnois le tien à mes derniers Ouvrages !
Que de cette bonté l'impérieuse loy
Rameneroit bientoft & Peuple & Cour vers
B 3
moy!
Tel
30
LE MERCURE
Tel Sophocle à cent ans charmoit encor Athenes, -
Tel bouillonnoit encor fon vieux fang dans fes
veines ,
Diroient- ils à l'envy . Lors qu'OEdipe aux abois,
De cent Peuples pour luy gagna toutes les voix.
Ie n'iray pas fi loin , & fi mes quinze luftres
Font encor quelque peine aux Modernes illuftres ,
S'il en eft defâcheuxjufqu'à s'en chagriner ,
Je n'auray pas longtemps à les importuner ;
Quoy que je m'en promette , ils n'en ont rien à
craindre ,
C'est le dernier éclat d'unfeupreft à s'éteindre ,
Sur le point d'expirer il taſche d'ébloüir ,
Et nefrape lesyeux que pour.
• s'évanoüir :
Souffre , quoy qu'il ensoit , que mon ame ravie,
Te confacre le peu qui me refte de vie,
le fers depuis douze ans , mais c'eſt par d'autres
bras
Que je verfepour toy dufangdans les Combats:
J'en pleure encor un Fils , & trembleray pour
l'autre ,
Tant que Mars troublera ton repos & le noſtre,
Mes frayeurs cefferont enfin par cette Paix ,
Qui fait de tant d'Eftats les plus ardens fou
baits :
Cependant s'il eft vray que mon zele te plaife ,
SIRE, un bon mot , de grace , au Pere de la
Chaife.
Ces Vers , dit la Ducheffe en inté
zompant la lecture du Chevalier, font
d'une
GALAN T. 3 I
d'une netteté admirable , & je préfere
de beaucoup ces fortes d'expreffions
faciles & naturelles , au ftile pompeux
qui approche fort du galimatias . Je
fuis de voftre fentiment , reprit la
Marquife , mais j'avouë que je n'entens
point les deux derniers Vers
qu'on nous vient de dire , n'y trouvant
aucune liaiſon avec ceux qui les
précedent. Vous n'avez donc pas veu ,
luy dit une Dame qui eftoit aupres
d'elle , un Placet que Monfieur de
Corneille prefenta au Roy ily a quelques
mois, & dont tant de Gens prirent
copie ? Je vay vous le dire, afin
qu'il ferve d'explication à ce que vous
n'entendez pas. Quoy qu'il n'y ait
point de penfées , il y a je- ne - fçayquoy
d'aile qui l'a fait eftimer de tout
le monde.
PLACET AU ROY.
Pumpusquatreans promis un Be-
Lafe au Roy ne plus oublier
a
nefice ,
Et qu'il avoit chargé lefeu Pere Ferrier
B 4
De
32
LE MERCURE
De choisir un moment propice ,
Qui put me donner lieu de l'en remercier.
Le Pere eft mort , mais j'ofe croire
Quefi toûjours Sa Majesté
Avoitpour moy mefme bonté,
Le Pere de la Chaife auroit plus de memoire ,
Et le feroit mieux fouvenir
Qu'un Grand Roy ne promet que ce qu'il veut
tenir.
J'avois déja veu ce Placet , dit la Ducheffe
, & je voudrois que Monfieur
le Chevalier le donnaſt à ſon Amy
pour le mettre dans fon Mercure , car
le grand Corneille fera toûjours inimitable
, & les moindres chofes de
luy font à conferver. Le Chevalier s'eftant
chargé de ce qu'on fouhaitoit ,
continua de lire ce qui fuit.
Les Bals eftans les divertiffemens
qui fuivent ordinairemeut la Comédie
, je croy qu'ils peuvent icy tenir
leur place. Je ne parleray pas de tous
ceux qui meriteroient qu'on en dit
quelque chofe , parce que n'ayant pas
encor deffein de pourfuivre le Mercure
dans les temps qu'ils ſe font donnez ,
je
GALAN T. 33
je n'ay pas pris tous les foins neceffaires
pour fçavoir ce qu'il en faudroit
dire; c'eft pourquoy je me contenteray
de parler des fuivans.
On ne voit guéres regner la Galanterie
dans les Etats où il y a de
grandes guerres qui occupent feuls
les Cavaliers , à qui il ne refte point
de temps à donner aux Dames : mais
la France eft un Royaume bien diférent
des autres , & la Nobleffe n'y devient
pas farouche , pour eſtre une
partie de l'année dans les Armées parmy
les horreurs que caufent les incendies
, les defordres , les violences , &
le fang . Nos braves François ne regardent
pas auffi la guerre comme un
meftier , mais comme un chemin feulement
par où l'on peut acquerir de la
gloire ; ce qui fait qu'ils ne s'accoutument
point au carnage , & qu'ils
paroiffent toûjours polis , civils & galants
, quand ils ont le loifir de l'eftre :
On en a veu des marques ce Carnaval
dernier , qui a produit des avantu-
B 5
res
+
34
LE MERCURE
pour
res agreables ; & l'on a bien connu
que nos jeunes Héros furpaffent ,
quand ils fe veulent mefler de galanterie
, tous ceux que les Faifeurs de
Romans leur ont voulu donner
modelle. Il y a eu pendant plufieurs
Semaines dans la Rue de Richelieu un
Bal magnifique dans une Maiſon particuliere
, que la difcretion d'un Cavalier
faifoit changer tous les jours de
Maiftre , pour empefcher qu'on ne
découvrit la Dame qui eftoit l'objet de
fes foins. On a remarqué feulement
que la Salle ne s'éclairoit qu'au moment
qu'une Perfonne d'une taille admirable
& veftuë d'une maniere auffi
galante que magnifique , y paroffoit
avecles Compagnes qu'elle choififfoit
pour mener à cefte Fefte où le Cavalier
venoit peu apres toûjours avec un
Habit nouveau , & toûjours avec un
air , une magnificence , qui ont fait
croire qu'il n'eftoit pas un Homme ordinaire.
Les Spéctateurs que le bruit
de ce Bal & d'un grand nombre d'excelGALAN
T. 35
cellens Violons y attiroit , admiroient
ces deux Amans quand ils dan`
çoient ; on ne pouvoit s'en acquiter
avec plus de grace , & ils intéreffoient
tout le monde dans leurs affaires par le
plaifir qu'ils donnoient à les voir . On
remarquoit fur toutes chofes un chagrin
cruel dans les yeux du Cavalier
(ce que le Mafque n'empefchoit pas de
diftinguer) quand la Dame eftoit obligée
de dancer avec un autre ; & quand
il ne pouvoit fe défendre d'en faire autant
, il dançoit luy - meſme d'un air fi
mélancolique , & avec tant de langueur
, qu'il fe faifoit plaindre de tout
le mode , & faifoit fouhaiter qu'à la fin
du Bal , & apres un magnifiqne Régale
qui accompagnoit toûjours de
femblables Feftes , il fe pût voir feul
avec fa Maiftreffe fans eftre éclairé de
ces Gens fâcheux qui troublent toûjours
de pareilles avantures . On a fur
tout admiré la grande précaution du
Galant pour cacher l'Autheur de ces
Divertiffemens myfterieux , afin d'empe36
LE MERCURE
peſcher qu'on ne parlaſt peu favorablement
de la Dame à qui il prenoit
foin de plaire.
Monfieur le Prince de Furftemberg
, Neveu de Monfieur l'Evefque
de Strasbourg, a pareillement donné
plufieurs fois le Bal pendant les derniers
jours du Carnaval ; & quoy
qu'il n'ait pas paru tant de myſtere
dans les grands Divertiffemens qu'il a
donnez , ils n'ont pas laiffé d'eftre accompagnez
de toute la galanterie , &
de toute la magnificence imaginable.
Leurs Alteffes Royales s'y font trouvées
avec un nombre infiny de Perfonnes
de la plus haute qualité. L'éclat
, le grand air , & la bonne mine
de Monfieur le Prince de Furftemberg
, y ont toûjours efté remarquez :
auffi faut il avouer que ce n'eft
fans raifon que tout le monde demeure
d'accord que ce Prince eft parfaitement
bien fait . Il a depuis peu épousé
Mademoiſelle de Ligny , Niéce de
Monfieur l'Evefque de Meaux : elle
eft
pas
GALAN T.
37
eft alliée de vingt -deux Familles des
plus illuftres du Royaume ; elle a de
l'efprit infiniment , le teint admirable
, & joue tout- à- fait bien du Claveffin.
Les Gens de guerre ne font pas les
feuls qui faffent gloire de n'eftre point
fauvages , quand la complaifance
qu'on doit au beau Sexe les engage à
eftre galans. Ceux que l'employ de
la Robe attache continuellement à des
Occupations defagreables pour les
intéreſts des autres , ne s'en laiffent
pas tellement poffeder l'efprit , qu'ils
ne confervent dans l'occafion toutela
politeffe , qu'infpire l'air du grand
monde ; c'eft un caractere qui ne s'efface
pas aifément ; & Monfieur de
Châteauneuf qui a quitté les Etats de
Savoye pour le venir faire Confeiller
au Parlement de Paris , l'a fait affez
connoiftre par la Fefte qu'il a donnée
chez luy un des derniers jours du Carnaval.
Il eft Petit- Fils de ce fameux
Preſident de Caftagniere , dont la
B 7
ré38
LE MERCURE
réputation par les grandes Affaires qui
luy ont paffé entre les mains à Chamberry
, s'eft répandue en France avec
tant degloire pour luy , & Monfieur
de Châteauneuf la foûtient fi avantageufement
par toute l'intégrité qu'un
Juge treseclairé peut faire paroiſtre ,
qu'elle luy a fait meriter la confiance
de Madame Royale , qui l'employe
cette Cour dans toutes les choſes où
elle peut avoir quelque intéreſt . C'eſt
ce qui a porté Madame la Princeffe de
Carignan à luy vouloir faire le mefme
honneur qu'elle a fait à tous ceux
de fa Famille , en les allant furprendre
chez eux , pour ne les pas engager
à une Reception préparée . Mon-
Geur de Châteauneuf en fut averty fi
tard , qu'il eut à peine le temps de
donner les ordres neceffaires pour le
Souper , qui ne laiffa pas d'eftre fervy
avec une propreté admirable .
Madame de Carignan y mena Madame
la Princeffe de Bade , Monfieur
L'Evefque de Strasbourg , le Prince
PhiGALAN
T.
39
la
Philippe , le Chevalier de Carignan,
le Prince & la Princeffe de Furſtemberg
, avec l'Envoyé de Bavieres ,
& Madame fa Femme , qui tous ne
pûrent affez loüer la magnificence
de ce Repas. Apres le Souper on
commença le Bal , qui fut donné à
Mefdemoiſelles de Soiffons avec tant
d'ordre dans les Salles , foit pour
quantité de lumieres , foit pour tout
ce qui pouvoit empefcher la confu
fion , qu'on peut dire qu'il n'y manquoit
rien. Monfieur & Madame y
vinrent en Mafque , ainfi que Madame
la Comteffe de Soiffons ; & tout
le monde convint que de longtemps.
il n'y avoit eu aucune Fefte fi digne
des Illuftres Perfonnes à qui elle ſe
donnoit.
Si tous ces Divertiffemens ont fait
du bruit ; ceux que Monfieur de
Verneuil Confeiller au Parlement , a
donnez libéralement au Public pen
dant tout le Carnaval , n'ont pas
moins fait d'éclat. Tout Paris a parlé
40
LE MERCURE
lé de fa magnificence & de fa genérofité
. On repreſentoit chez luy
deux où trois fois la Semaine , une
Comédie dont les Intermedes eftoient
remplis de Balets & de Chanfons.
Les Entrées eftoient admirables , &
compofées par M. des Broffes , c'eft
tout dire. Les Paroles qu'on chantoit
, partoient de la veine de M. de
Verneuil , & plufieurs les croyoient
de M. Quinaut ou de M. de Frontiniere
, qui font les deux plus fameux
Autheurs que nous ayons pour
'ces fortes d'Ouvrages . Elles eftoient
mifes en Mufique par le Sieur l'Alouette
, qui batoit la Mefure à l'Opéra.
Comme il eftoit à M. de Lully
, & qu'il a copié fes Airs pendant
plufieurs années , ceux qu'il compoſe
ont tant de raport avec ceux de ce
grand Maiftre , qu'on voit bien qu'il
a étudié fous luy . L'Ecole eft bonne
, mais il n'eſt pas temps de faire
voir tout ce qu'on y a appris.
Je croy qu'en parlant des DivertiffeGALAN
T. 4I
de
tiffemens publics , je pourois dire
quelque chofe des Avantures que le
hazard y a fait quelquefois naiſtre :
mais comme je n'ay parlé que de
tres-peu de Bals, je me contenteray
dire que le foir de Carefme -prenant
M. le Marquis d'Eftrades étant déguifé
avec une Cappe ( la plûpart
des Hommes s'eftant ainfi mafquez
ce Carnaval) eut une avanture toute
diférente de celles où la Galanterie
a la meilleure part. Ce Marquis êtant
entré pour attendre un de fes Amis
dans une Affemblée qui ne pouvoit
attirer le monde que par le bruit
des Violons , il y fut infulté par quelques
Gens inconnus , qui fe dirent
apres Officiers d'un Regiment d'Infanterie.
Comme il fe trouvoit feul &
fans armes , il leur parla d'abord fort
honneftement ; ils ne laifferent pas de
continuer à le poufer de forte , qu'il
fut obligé de fe faire connoiftre à un
jeune Cavalier nommé M. de Malou
, l'un des Ecuyers de Madame la
Prin42
LE MERCURE
Princeffe de Carignan , qui eftoit
dans cette Affemblée avec M. le Chevalier
de Carignan , & deux Dames .
Ce Gentilhomme ayant reconnu le
Marquis , fut auffitoft à fon fecours;
& s'eftant d'abord faifi de l'Epée de
celuy qui le preffoit davantage , il le
pouffa fi vigoureufement , qu'il l'obligea
fur le champ à faire fatisfaction
de l'infulte qu'il avoit faite à la
veuë de plufieurs de fes Camarades,
qui furent furpris de la hardieffe &
de la vigueur de ce jeune Gentilhomme
mais comme il fut obligé
de fuivre les Dames & le jeune Prince
qu'il accompagnoit , & qu'il vit bien
que s'il laiffoit le Marquis d'Eftrades,
il feroit en danger quand il feroit feul ,
fans armes , & fans perfonne qui le
connut , il l'obligea à fortir avec luy ,
& à attendre fon Amy dans fon Carroffe
; à quoy il eut beaucoup de
peine à fe réfoudre , parce qu'il paroiffoit
qu'il y eut de la foibleffe :
mais M. de Malou l'emporta par fes
prieGALAN
T. 43
prieres , & par fes raifons , qui luy
firent voir une neceffité abfoluë d'en
ufer ainfy.
Je croyois avoir finy l'Article des
Bals , mais je ne me puis empefcher
de parler encor de trois ; ils ont fait
tant de bruit , qu'ils méritent bien de
trouver icy leur place.
L'Affemblée qui fe trouva à celuy
qui fe fit chez Monfieur de Mannevillette
Secretaire des Commandemens
de Monfieur , fut grande :
Leurs Alteffes Royales y furent en
Mafque , & jamais Bal n'en a efté fi
remply que le fut celuy- là . Il ne faut
pas s'étonner de ce concours ; comme
on fçait qu'il y en a tous les ans
dans le mefme lieu , que rien n'y
manque , & que tout y eft magnifique
, chacun y court avec empreffement.
Monfieur de Houffe , Chancelier
de Monfieur en a auffi donné un à
Mademoiſelle de Valois , feconde
Fille de Son Alteffe Royale , qui y
dan44
LE MERCURE
dança avec une grace admirable.
Toute la Jeuneffe de la premiere
qualité , & à peu pres de fon âge ,
s'y trouva. On ne vit jamais rien de
fi brillant ; & Madame la Marquife
de Nangis , Fille de Madame la Marefchale
de Rochefort , âgée de treize
ans , fit par ce Bal ſon entrée dans le
Monde : elle y parut avec beaucoup
d'éclat , & elle eftoit mife d'un fi bon
air , que la maniere dont elle eftoit
parée nene fut pas moins remarquée que
la richeffe de tout ce qui fervoit à fon
ajuſtement. On a peu veu de Perfonnes
de fon âge avoir autant d'efprit
, & elle charme tous ceux qui ont
le bonheur de l'entretenir.
Jamais la propreté , le bon ordre ,
& la magnificence , n'ont plus paru
enfemble , qu'ils firent au Bal qui a
efté donné chez Monfieur Ranchain ;
La Compagnie eftoit belle & bien
choifie , rien n'y manquoit , on n'y
fouhaitoit rien , & l'on peut dire que
c'eftoit un Bal de bon goût.
II
GALAN T. 45
I
Il n'eft pas toûjours temps de rire ,
& apres les Bals & les Divertiffemens ,
il faut quelquefois fonger à des choſes
plus férieufes Difons donc que -la
mort de Monfieur le Duc de Lefdiguieres
, Gouverneur de Dauphiné , ~
a fait paffer ce Nom illuftre , ainfi que
fes grands Biens & fes Gouvernemens
, à Monfieur le Comte de Saulx
fon Fils , digne Heritier du Grand
Conneftable de Lefdiguieres , & du
Marefchal de Créquy , fes Grands Peres
.
La Mort n'attaque pas feulement
ceux qui ont vefcu longtemps , puis
que Monfieur le Comte deJonfaca
fuivy Monfieur le Duc de Lefdiguieres
; il avoit de la qualité , il eftoit
brave , & faifoit connoiſtre par fon
Efprit que la valeur n'eft pas toûjours
le feul partage des Gens de guerre ;
aimoit les Vers , & il en faifoit fort agreablement.
La Mort qui ne l'a pas
épargné , a auffi ofté aux Ailemans
Monfieur le Marquis de Bade- Douril
lach ,
46 LE MERCURE
lach , General des Cercles de l'Empire.
Jamais Homme n'a tant aime que
ce Prince à faire grand feu , & l'on
peut dire que partout où il eftoit , le
Canon fe faifoit entendre ; cependant
il n'en a point trouvé qui pûffent le
garantir de la mort. Elle a auffi pris
Monfieur le Comte de Coffé ; il eftoit
Lieutenant General des Armées du
Roy , Grand Pannetier de France ,
& Chevalier des Ordres de Sa Majefté
, qu'il a tres - bien fervie tant
qu'il a eu de la fanté. Il eftoit de la .
Maifon de Briffac , & pour faire un
Eloge en peu de mots , on peut dire
qu'il eftoit tres-galant Homme.
Monfieur de Bridieu , Lieutenant
General des Armées du Roy , & Gouverneur
de Guife , a fait place , auffibien
que quelques - uns de ces Meffieurs,
aux nouveaux Lieutenans Generaux
que Sa Majesté vient de faire .
C'eftoit un Homme de bonne mine ,
qui avoit fervy longtemps , & qui
s'eftoit acquis beaucoup de gloire en
déGALAN
T.
1
47
défendant Guife avec tant de prudence
& de valeur , que les Ennemis furent
contraints de lever le Siege . II
avoit fervy Monfieur de Guife dans
fon Combat contre Monfieur d'Andelot
, & il a toûjours efté fort confi .
deré de tous les Princes de cette Maifon.
2
Monfieur l'Archevefque de Bourges
, Frere de Monfieur Poncet Confeiller
d'Etat , quoy que Docteur de
Sorbonne & d'une Famille toute
pleine d'efprit , n'a pû ſe défendre
d'accompagner ces Guerriers ; &
fa Science n'a pas eu plus de pouvoir
que leur Epée , pour l'empeſcher de
les fuivre.
Monfieur l'Abbé de Montaigu ,
Milord d'Angleterre , mourut auffi
ces jours paffez :Il a efté employé dans
plufieurs Négotiations importantes
pendant la vie du feu Roy fon Mailtre
, & du Duc de Buquinquan fon
Favory; & apres avoir pris le Party de
l'Eglife , & eftre retourné en Angleter-
1
48
LE
MERCURE
terre apres la mort du feu Roy , pour
y travailler au rétabliffement de la
Religion , il fut arrefté & mis dans la
Tour de Londres , d'où il fortit par
l'entremise de la feuë Reyne Mere de
France. Il a pendant toute fa vie fait
des actions continuelles de pieté , &
des charitez fans nombre. Apres avoir
perdu la Reyne Mere de France fa
Protectrice , il perdit encor la Reyne
Mere d'Angleterre , dont il eftoit
Grand Aumônier. La Fortune joignit
à cette perte celle de feue Madame
, dont il eftoit Premier Aumônier,&
luy fit perdre en mefme temps,
un Frere qui luy eftoit cher , mais
dont la mort le toucha d'autant plus ,
qu'il eftoit encor envelopé das les nuages
de l'Heréfie. L'argent qu'il reçeut
de fa Charge de Premier Aumônier de
Madame , qu'il vendit lors que Monfieur
fe fut remarié une feconde fois ,
fut employé à la Fondation d'un
Convent de Religieufes Angloiſes à
Pontoife. Il fe retira quelque temps
apres
GALAN T.
49
apres dans les Incurablcs , où il vivoit
avec les Adminiſtrateurs de cet Hôpital
dans une pieté exemplaire, pour avoir
la confolation de mourir parmy
les Pauvres.
Rien n'ayant tant de charmes que
la diverfité , nous devons paffer d'une
matiere auffi trifte que celle dont
nous venons de parler , à une plus
divertiffante ; & je croy que nous ne
pouvons faire plus agréablement ,
que par la Piece qui fuit , puis qu'il
y a déja quelque temps qu'elle fait
du bruit dans les plus belles Ruelles
de Paris.
le
DE
REQUESTE
L'AMOUR
,
AURO Y.
Sur le bruit de fon Départ pour
l'Armée.
Je me dit- on de tous coftez ?
2 Est- ce pourmefaire querelle ?
De mille Amans qu'unit l'a deur la plus
fidelle ,
C P
50
LE MERCURE
Par mon ordre les voeux font prefis d'eftre acceptez
;
Et fans attendre icy que la Saifon nouvelle
Dans le Camp de Mars vous rappelle
Tout à-coup , Grand Roy , vous partez?

On fait que s'agissant d'attaquer une Place,
Il n'eft rien qui vous puiſſe arreſter un moment,
Et que lors qu'aux Soldats vous allez fierement
Par vostre exemple inſpirer de l'audace ,
Vous eftes dans votre élement ;
Mais qui fait tout trembler , à loiſir ſe délaſſe ,
Et vous peuvez devant envoyer la menace ,
Sans la fuivre fi promptement .
A peine vos Guerriers dont la Gloire difpofe
Sous la faveur de votre appuy,
(Car la Gloire & Vous aujour- d'buy
Ce n'eft plus qu'une mefme chofe )
A peine aupres de moy ces Guerriers de retour,
Commencent d'efperer la douceur d'un beau
jour ,
Que l'ardeur de vous fuivre à mes foins les
arrache.
En vain en les flatant je tafche d'obtenir
Que l'amour du repos à moy feul les attache,
Si vous partez aucun d'eux ne me cache
Que rien ne les peut retenir.
Ainfi voila par tout mon attente trompée ,
Par tout mes deſſeins avortez :
Pour reduire des Libertex ,
Mon
GALAN T. 51
Mon adreffe en ces lieux a beau s'eftre occupée ,
Chacun fe rend en foule aux Emplois de l'Epée;
Et dés qu'on peut aller combatre à vos cofter,
De mes trais les plus vifs l'ame la mieux frapee.
Fuit mes douces oyfirvetez.
Cependant combien de tendreffes
Par voftre éloignement des coeurs fe vont bannir?
Combien d'Amans à leurs Maiftreffes
Ont fait d'agreables Promeses ,
Qu'ils vont eftre par vous hors d'eftat de tenir?
L'un pour unbel Objet faifant gloire de vivre ,
Des Parens oppofez devoit venir a bout ,
Contre un coeur qui bientoft à cederfe refout :
L'autre ayant commencé s'obtinoit à pourfuivre
;
Mais vous partez , & pour vous fuivre
On fe croit dégagé de tout .
Le plus mortel chagrin que reçoivent les Belles,
Qui croyoient qu'un accord auffi tendre que
doux ,
Rendroit de leurs Amans les chaifnes eternelles,
C'eft de les voir courir aux coups
Avec bien plus d'ardeur ponr vous ,
Qu'ils n'en eurent jamais pour elles.
Pour obtenir qu'ils ne s'éloignent pas,
Elles ont bean verfer des larmes ,
Ces larmes n'ont que d'impuiſſans appas.
Braver auprez de vous les plus rndes alarmes,
Chercher dans les périls l'honneur d'un beau
trépas ,
Ce font leurs veritables charmes :
C 2 Si52
LE MERCURE
Si-toft que vous prenez les armes ,
Vivent pour eux la Guerre & les Combats.
Le mal eft que par tout ces Belles affligées
Me conjurent d'entrer dans leurs reffentimens.
Ie les rencontre à tous momens 9
Qui dans de vifs ennuis plongées
Me viennent fatiguer de leurs gemiffemens .
T'ay tort de les avoir fous mes Loix engagées ,
Et je ne fuis qu'un Dieu de Chanfons , de Romans
,
Si vous laiffant enlever leurs Amans,
Fe fouffre que par vous elles foient outragées.
En vainpour affoiblir l'ardeur de ces Guerriers,
le combats le panchant qui vers vous les entraine
,
Du Champ de Mars dignes Avanturiers ,
Ils dédaignent pour vous ma grandeur fouveraine
,
Et mes plus beaux Mirthes à peine
Valent un feul de vos Lauriers.
Fe rougis , puisqu'il faut avoiier ma foibleſſe
De voir que contre vous faisant ce que je puis ,
Ces Belles vainemeni implorent mon adreſſe ,
Ec pour leur épargner les fenfibles ennuis,
Où les laiffe languir l'impuiffance où jefuis,
Je dis que c'est à vous qu'il faut que l'on s'a
dreffe ;
Mais ellesfçavent trop par quels fermes appuis ,
Pour la Glaire en tout temps voftre coeur s'intéreffe
;
Ellesfavent que c'eft voftre unique Maiftreffe,
Et
GALANT 53
21
.
Et que vous luy donnez & vos jours & vos
nuits :
Si toft que la fervir eft un foin qui vous preſſe .
Pleines de vos Exploits , elles n'ignorent pas
Que quittant les Plaifirs , les Jeux& les
Feftes,
Malgré la glace & les frimats,
On vous a veu déja pour de nobles Conqueftes,
Au milieu d'un Hyver avancer à grand pas.
Quel est donc l'avantage où voftre efpoirfe-fonde?
Eft-ce que vous voulez que l'Amour ne foit rien?
Vous vous nuifez, pensez y bien.
Et que vous fervira la fageffe profonde
Qui vous acquiert un Nom plus fameux que
le mien ,
Cette infigne valeur qui n'a point de feconde ,
Si ne pouvant des cours me rendre un feur lien,
Fe laiffe dépeupler le Monde ?
Voyez combien vous hazardez ;
Avec moy , qu'en cela vous ferez bien de croires
Si vous ne vous raccommodez ,
Fe laifferay finir le Monde , & voftre Gloire,
Et de vos Actions la merveilleufe Hiftoire
N'ira pas auffi loin que vous le pretendez.
Fe pourois mefme par vangeance ,
Pour vous after l'apuy de Mars ,
Sur quelque autre Venus arrefter fes regards ,
Et l'empefcher par là d'avoir la complaisance
De marcher fous vos Etendarts ;
Mais qu'en vain contre vous j'employrois fa
Puiffance!
C 3
Vous
54
LE MERCURE
Vous avez toute fa Vaillance
Pour affronter fans luy les plus mortels hazards
,
Et vous le paffez en prudence.
Le plus feur pour vous retenir ,
C'eft de defcendre à la priere ,
Accordez un peu moins à cette ardeur guerriere
,
Qui de ces lieux fi-toft s'empreſſe à vous bannir,
Attendez le Printemps qui s'en va revenir ,
Et de votre pouvoir , quoy que l'on puiſſe faire,
Jamais vous ne verrez le mien fe def- unir,
Je ne chercheray qu'à vous plaire ,
Qu'à rendre de vos Loix chaque coeur tributaire
,
Contre vous par mes foins rien ne pourra tenir .
Cette offre ne vous touche guere ;
Mais qu'eft ce auffi que j'en efpere ,
Et que peut- elle m'obtenir ?
Pour allumer des feux qui nepuiffent finir,
Vous m'eftes bien plus neceffaire
Que je ne vous le fuis à les entretenir ;
Ainfi c'est à moy de me taire ,
Et d'attendre à votre retour
Tout ce que vous vous voudrez ordonner de
l'Amour:
Le Chevalier s'appreftoit à pourfuivre
, lors que la Ducheffe luy dit de
n'aller pas fi vifte ; que cette Galanterie
GALANT . 55
terie méritoit bien qu'on y fiſt quelque
refléxion , & que les Vers en
eftoient fort naturels . Il eft vray , répondit
la Marquife , & j'ay fait une
remarque en l'écoutant lire , à laquelle
perfonne n'a peut- eftre penfé . Nous
parlions tantoft , pourſuivit - elle , de la
maniere de louer le Roy , &je trouve .
que les louanges que nous en venons
d'entendre font fort ingénieufement
données : elles entrent fi naturellement
dans cette Piece , qu'il ne paroift pas
mefmes qu'on ait deffein de le loüer ;
& tout ce que l'Amour dit à fa gloire,
n'eft qu'en fe plaignant de luy . La
remarque eft jufte , reprit une autre
Perfonne de la Compagnie ; & quand
on louë ainfi quelqu'un , il faut que
ce que l'on en dit foit fi vray , que
perfonne ne l'ignore.. Il n'eft pas fi
facile que l'on penfe de loüer ainſi ,
intérrompit la Ducheffe ; & tous ces
Efprits guindez & peu galants qui ne
peuvent louer les grands Hommes
qu'en les comparant aux Alexandres
C 4
&
56
LE MERCURE
& aux Céfars , n'en viendroient pas
facilement à bout . Elles alloient encor
pouffer cette Converfation , lors
qu'elles jetterent les yeux fur le Chevalier
qui regardoit les Cahiers qu'il
tenoit avec une attention qui leur fit
connoitre qu'il fouhaitoit de pourfui .
vre la lecture qu'il avoit commencée ;
ce qui les obligea de fe taire. Elles eurent
à peine ceffé de parler , qu'il continua
de la forte.
Puis que nous fommes fur le Chapitre
de l'Amour , il feroit mal- aifé
de trouver un endroit plus propre
pour parler des Mariages qu'il a fait
faire depuis peu ; car il faut toûjours
croire que c'eft luy feul qui unit tous
ceux qui fe marient , & que la Politique
ne fe meflejamais des chofes dont
1'Amour doit feul eftre le maiſtre.
Mademoiſelle de Mouchy , Fille
de Monfieur le Marefchal d'Humieres
, aépoufe Monfieur le Prince d'Izenghien
, Fils de Monfieur le Prince
de Mamine. Il y a tant de chofes à dire
à
GALANT. 57
à l'avantage de ces Illuftres Mariez ,
queje ne puis prefentement parler que
des Honneurs du Louvre que le Roy
" leur a accordez. Cette faveur eſt une
marque de leur mérite & tous les
Princes Etrangers ne l'obtiennent pas
facilement : mais comme on fait bien
des chofes pour les Gens qui fervent
avec autant de fidelité que de valeur ,
il ne faut pas s'étonner fi le Roy a voulu
reconnoiftre par là les grands fervices
de Monfieur le Marefchal d'Humieres
.
Monfieur le Prince d'Elbeuf . Fils
du Duc de ce nom , Chef prefentement
de la Maifon de Loraine en
France , a auffi époufé la Fille de
Monfieur le Marefchal Duc de Vivonne
, l'un & l'autre iffus de Maifons
Souveraines , le premier des
Maiftres de la Loraine , & l'autre des
anciens Comtes de Limoges. Les
Alliances de l'un & de l'autre Party
avec les plus grandes Maifons de l'Eu.
& prefque toutes les Têtes
C 5
rope ,
Cou*
LE MERCURE
58
Couronnées , eſtant connuës , il n'eſt
pas neceffaired'en parler. On ne peut
promettre plus que fait lejeune Prince
dans un âge fi peu avancé , n'ayant
encor que quinze ans & demy. 11 a
déja fait plufieurs Campagnes , & fait
fentir qu'ily eftoit. Feu Monfieur de
Turenne fon Grand Oncle , l'avoit
crû digne de fes foins , & l'avoit mené
avec luy dans fes derniers Expéditions
d'Allemagne. La Princeffe fa
Femme avec une qualité qui ne voit
rien au deffus d'elle que les Princes du
Sang & les Souverains , avec les charmes
d'une beauté merveilleufe , a une
fageffe qui furprend fon âge
vivacité , & une délicateffe d'efprit ,
qui ne paroiffent jamais que lors qu'il
eft néceffaire , & enfin tout ce qu'on
peut fouhaiter d'agrémens & de perfections
, fans avoir aucun empreffement
de les faire paroiftre , ne fe piquant
d'autres chofes que de faire celles
aufquelles elle croit eftre obligée.
Ce Mariage a efté fuivy de celuy
"
une
de
GALANT. 59
de Monfieur de Cavoye & de Mademoifelle
de Cologeon , qui eft d'une
Famille tres - illuftre . Elle a fait voir
une chofe quijufques icy avoit efté inconnue
, qui eft une honnefte Fille
aimer à la veuë de toute la Cour un
Gentilhomme avec toute la délicateffe
pour luy que pouroit avoir pour une
Maiftreffe l'Amant le plus galant & le
plus paffionné , fans faire la moindre.
bréche à fa réputation : Auffi s'eft- elle
toûjours fait plaindre , lors que fon
amitié n'avoit pas tout le fuccés qu'elle
méritoit ; & lors que fa conftance a
couronné fon amour , toute la Cour
luy en a témoigné fa joye. Le Roy
qui fe plaift à faire la fortune des Gens
de mérite , a donné la Charge de
Grand Marefchal des Logis , qui eft
une des plus belles de fa Maifon , à ce
nouvel Epoux : On peut affurer qu'il
a toutes les qualitez d'un honnefſte
Homme , qu'il eft brave , difcret ,
fage , bien fait , & tres- induſtrieux
àfervir tous ceux qu'il eftime , & tous
C 6 les
бо LE MERCURE
les honneftes Gens qui s'adreffent à
luy. Son mérite fe peut connoiftre par
le grand nombre d'Amis & d'Amies
qu'il a , entre lefquelles on peut compter
prefque toutes les premieres Perfonnes
du Royaume.
On ne voit pas feulement de
grands Mariages à la Cour , il s'en voit
auffi à la Ville ; & Monfieur de Bercy
Maiftre des Requeftes , a époufé depuis
peu la Fille de Monfieur de Brétonvilliers
Preſident de la Chambre
des Comptes : ils font connus par des
endroits fi confiderables , qu'il feroit
inutile d'en parler , puis qu'on diroit
feulement ce qui eft fçeu de tout le
monde . Monfieur du Tillet Confeiller
au Parlement , a auffi épousé Mademoiſelle
Brunet ; c'est un party fort
avantageux , & dont on ne peut dire
que beaucoup de bien . Paffons à ceux
qui fe font depuis peu liez pour toute
leur vie d'une maniere bien diférente.
Monfieur l'Abbé d'Urfé nommé
par fa Majefté à l'Evefché de Limoges,
a
GALANT. 61
aefté Sacré depuis peu de jours : Il eft
d'une naiffance illuftre , & fon Nom
n'eft pas feulement connu en Foreft ,
fur les bords du Lignon , mais encor
dans tous les lieux où il y a des Gens
qui aiment les Perfonnes de mérite. II
a efté retiré du Seminaire de Saint Sulpice
, où depuis plufieurs années il avoit
acquis une grande réputation
pour eftre Coadjuteur de Monfieur
I'Evefque de Limoges . On a forcé fa
modeſtie à recevoir un Employ digne
de fa naiffance, de fa pieté, & de fa do-
&trine , en le faifant fucceder à un Prélat
, qui avec les avantages
d'une grande
naiffance avoit tous ceux d'un
grand Evefque.
Monfieur l'Abbé de Fieux a auffi
efté Sacré Evefque de Toul , avec l'aplaudiffement
de tous ceux qui le connoiffent
, & qui voyant en luy tout
ce qui peut rendre un grand Homme
digne d'eftre nommé à l'Epifcopat ,
fouhaitoient il y a longtemps qu'il
plût au Roy luy donner cette marque
C
7
de
62 LE MERCURE
de fon eftime. On ne doute point que
les Peuples qui luy font commis ne reçoivent
de grands avantages de fa conduite
, puis qu'il n'a pas moins de pieté
que de fçavoir, & que fon exemple fera
d'un grand poids pour les faire profiter
des falutaires inftructions qu'il leur
prépare. Il eſt Frere de Monfieur de
Fieux Maiſtre des Requeftes, & ils font
tous les jours affez connoiftre l'un &
l'autre que le véritable mérite eft auffi
bien que l'efprit , un privilege attaché
à leur Famille.
Voila , intérrompit la Ducheffe , ce
que j'avois envie qu'on dift de Monfieur
l'Evefque de Toul ; car quoy
qu'il foit de mes Amis , je ne croy pas
me rendre fufpecte de préoccupation
, en parlant de luy comme d'un
des plus honneftes Hommes que je
connoiffe. La vivacité de fon efprit eft
grande , agreable , & utile mefme à
ceux qui ne l'écoutent que pour apprendre.
I raiſonne fortement fur
toutes fortes de matieres ; & ce qu'il y
a
GALAN T. 63
a particulierement de recommandable
en luy , c'eft qu'eftant fort officieux
pour les Perfonnes qu'il eftime,
il n'a jamais plus grande joye que
quand il peut trouver occafion de leur
en donner des marques. Mais , Monfieur
le Chevalier , continuez, je vous
prie , & ne me condamnez pas , de
n'avoir pû refuſer à l'amitié cette petite
intérruption. Le Chevalier pourfuivit
ainly.
La Reyne ayant voulu donner à
Monf. l'Abbé de Matignon , nommé à
l'Eveſché de Lifieux , des marques de
l'eftime particuliere qu'elle fait de luy,
honora dernierement de fa préfence le
Sacre de cet Evefque ; il eftoit Aumônier
du Roy.Il eft d'une naiſſance tresilluftre
, & fon mérite eft connu .
Je croy , puis que nous fommes fur
le Chapitre des Evefques , pouvoir
parler icy de Monfieur de Tulles : ce
fameux Prédicateur , fi connu fous le
nom du Pere Mafcaron , a efté obligé
de venir a la Cour , & de quiter fon
Dio64
LE MERCURE
Dioceſe , où il a mis un ordre fi grand,
que Leurs Majeftez ont crû qu'ils l'en
pouvoient faire revenir pour preſcher
P'Evangile devant Elles pendant ce
Careſme . La délicateffe des Courtifans
, & le gouft qu'ils ont pour les
bonnes chofes , oblige le Roy à choifir
pour ces Emplois des Hommes tous
extraordinaires , comme il avoit fait
pour l'Avent dernier Monfieur l'Ab .
bé Flechier , qui confirma par fes
Sermons à la Cour la grande opinion
que fes Ouvrages & les Oraifons
Funebres qu'il a faites pour les premieres
Perfonnes de l'Etat , avoient
données de luy , & l'idée qu'on en devoit
avoir dés que Monfieur le Duc
de Montaufier Gouverneur de
Monfieur le Dauphin , ayant connu
le mérite de cet excellent Homme , le
retira aupres de luy pour eſtre de la
Cour de ce jeune Prince , dont l'é- .
ducation luy a efté confiée par un Roy
qui comme il eft le premier Prince de
la terre , eft auffi l'Homme du monde
qui
GALAN T. 65
quia le olus de difcernement , & ſçait
mieux connoiftre les Gens.
Nous pouvons encor parler icy
d'un Prélat dont les grands Emplois
ont fait connoiftre le merite & l'efprit.
Monfieur l'Archevefque d'Ambrun.
Evefque de Mets , ayant fait
préſent à la Reyne d'un petit Crucifix
d'or , dont l'ouvrage furpaffoit de
beaucoup la matiere ; cette grande
Princeffe , bien moins pour marquer
fa reconnoiffance, que l'estime qu'elle
fait de ce Prélat , luy a donné une
Croix de diamans d'un tres grand
prix.
Apres avoir parlé d'Evefques , difons
quelque chofe d'un illuſtre Abbé,
qui par fa naiffance , fa grande modeftie
, fon efprit , fa fageffe , & fa
doctrine profonde , mérite de tenir
dans l'Eglife un rang des plus cónfidérables
, puis qu'il a toutes les qualitez
neceffaires pour le remplir dignement
.
Meffieurs de Sorbonne ont obtenu
un
66 LE MERCURE
un Arreſt du Confeil d'Etat , qui confirme
leurs nouveaux Statuts , par
lefquels tous ceux qui feront reçeus
Docteurs à l'avenir , ne pouront préfider
aux Actes , ny fe trouver aux
Affemblées de la Faculté , ou joüir
d'aucun autre de ſes Privileges, qu'a
pres l'Acte de Réfumpte qui n'avoit
point efté fait depuis Monfieur Roſe
Evefque de Senlis , qui fut le dernier
qui le fit le 23. de May 1602. Cet
Acte confifte à répondre à dix Do-
Eteurs , qui feuls ont droit de difputer
fur les plus difficiles Queſtions du
Vieil & du Nouveau Teftament , &
fur les principales Matieres de l'Ecriture
qui font en controverfe avec les
Herétiques depuis fept heures du
matin jufques à midy. Il fe faifoit autrefois
par les Docteurs , qui vouloient
avoir le titre de Docteurs Régens ,
aufquels feuls il eftoit permis de faire
l'Office de Grands- Maiftres , c'eſt à
dire de gouverner les Bacheliers ,
pourſuivoient les Degrez dans la Faculté;
qui
GOAL AN. T. 67
culté ; mais ces nouveaux Statuts y af
fujettiffans tous les Docteurs de la derniere,
Licence , Monfieur l'Abbé de
Noailles , Fils de Monfieur le Duc de
Noailles , n'a point voulu s'en difpenfer
, & il s'eft acquité de cet Acte
avec tant de fuccés , que la grande
Affemblée qu'attire ordinairement
une Perfonne de fa naiffance , n'a pû
affez admirer la capacité avec laquelle
il a réfolu les plus fortes difficultez,
& la modeftie qu'il a fait paroiftre dans
fes Réponses.
En parlant de ceux dont le mérite
eft extraordinaire , je ne doy pas oublier
que Monfieur de Meſmes Prefident
au Mortier , illuftre par la gloire
de fes Peres qui ont poffedé les premieres
Charges de la Robe , mais plus
illuftre encor par les grandes qualitez
qui le rendent digne de fes Emplois ,
marchant fur les pas de ces grands
Hommes , à qui leur intégrité , leur
amour pour les Sciences , & la protection
qu'ils ont toûjours donnée aux
Gens
68 LE MERCURE
Gens de Lettres , ont acquis une réputation
qui ne laiffera jamais mourir
les noms de Mefmes & d'Avaux, a efté
reçeu dans l'Academie Françoiſe ,
pour remplir la place de Monfieur
Defmarets , un des plus fameux Académiciens
de noftre temps , & qui
mériteroit toute la gloire que ces
beaux Ouvrages luy donnent , quand
il n'auroit point eu d'autre avantage
que celuy d'avoir efté choify par le
Cardinal de Richelieu Fondateur de
l'Académie , pour rendre Meffieurs
fes Neveux dignes du grand Nom
qu'il leur a laiffé . Une affluence extraordinaire
de monde fe trouva dans
la Salle du Louvre le jour de cette reception
. Monfieur le Prefident de
Meſmes fit un remercîment digne de
la gravité de celuy qui le prononçoit,
& de l'attention de quantité de Perſonnes
qui l'écouterent , & parla avec
une délicateffe merveilleufe de l'honneur
que le Roy foit à cette celebre
Compagnie d'en vouloir eftre le ProteGALAN
T. 69
tecteur. Monfieur de Benferade qui
en eftoit le Directeur , luy répondit
avec une grace toute particulier , &
n'oublia rien pour luy marquer la joye
qu'ils avoient tous de voir un fi grand
Homme dans leur Corps. Apres
quoy, Monfieur l'Abbé Tallemant
le jeune prononça un Difcours dont la
netteté & l'éloquence furent admirées
de tout le monde ; il tâcha de prouver
à l'avantage de noftre Langue ,
qu'on s'en doit fervir pour faire les
Infcriptions des Monumens publics
contre l'opinion du R. P. Lucas Jefuite
, qui a pris le party du Latin avec
une force de raifons qui femblent
n'avoir point de replique . Cette Queftion
avoit efté déja agitée par Monfieur
Charpentier un des plus dignes
Sujets de l'Académie Françoife , qui
a fait imprimer un Livre fort fçavant
fur cette matiere , par lequel il exclut
la Langue Latine des Infcriptions . Ce
diférend poura avoir encor de la fuite,
& nous aurions à fouhaiter que chacun
s'ac70
LE MERCURE
s'accordaft pour prononcer en faveur
des François ; mais cependant on a
fait depuis peu de grandes dépenfes
pour les Portes de S. Denis , de S.
Martin , & de S. Bernard , & pour
le Quay Royal qui eft d'une fi grande
utilité pour Paris , & nous n'y
voyons par tout que des Infcriptions
Latines.
Apres avoir parlé d'une Académie ,
nous pouvons parler de plufieurs autres
, & dire qu'encor qu'il ne foit pas
ordinaire de voir fleurir les beaux Arts
dans un Etat dont le Souverain doit
ne fonger qu'à la Guerre , jamais ils
n'ont paru avectant d'éclat qu'ils font
en France , & que le Roy ne laiffe
pas de travailler pour leur gloire , encor
qu'il ait a foûtenir les efforts d'une
grande partie de l'Europe , qu'on va
par fes ordres & par les foins de Mon-
Geur Colbert , & de Meffieurs le Brun
& Regnaudin établir des Académies
de Sculpture & de Peinture dans les
principales Villes du Royaume , &
que
GALAN T.
71
que
celle de Paris a efté depuis peu unie
à celle de Rome . Il n'eft pas neceffaire
d'en dire davantage pour faire
connoiftre qu'elle doit eftre remplie
des plus grands Hommes du Monde
pour ce qui regarde leur Art.
On peut affurer en parlant des
beaux Arts , qu'ils ont de tout temps
fleury à Rome , & que les Papes & les
Cardinaux ont depuis plufieurs fiecles
honoré de leurs visites ceux qui ont
excelé en quelque Art , & qui avoient
chez eux des Ouvrages de leur
main dignes d'eftre admirez. On en
ufe aujourd'huy de mefme en France;
& fon Alteffe Royale , quelques jours
avant fon depart pour l'Armée , fut
chez le Sieur Mignart de Rome , où
elle admira plufieurs Ouvrages de ce
grand Maiftre. On peut dire qu'il a
chez luy des Originaux parfaits , &
qui ne fe peuvent copier. Je croy que
lors queje parle du mérite de ceux que
Rome a longtemps eu le bonheur de
poffeder , je doy dire que Madame la
Grand'
4
72
LE MERCURE
Grand' Ducheffe a preſenté à Leurs
Majeftez Madame la Ducheffe de
Bracciano Veuve de feu Monfieur de
Chalais , & Fille de feu Monfieur le
Duc de Noirmonftier : elle en a efté
reçeuë ainfi que fon rang & fon mérite
luy devoient faire efperer. Monfieur
de Breteuil , Fils de Monfieur de
Breteuil Confeiller d'Etat ordinaire ,
en a auffi efté traité d'une maniere
dont il a lieu d'eftre fort fatisfait ; &
apres avoir fervy fous Monfieur Colbert
& Monf. le Marquis de Seignelay
, il a eu l'agrément de la Charge
de Lecteur de Sa Majefté , qui l'a préferé
a pluſieurs autres. Il eft bien fait ,
il a del'efprit , & des Lettres , & s'eft
toûjours fait un tres- grand plaifir
d'obliger fes Amis quand il a efté en état
de les fervir..
Apres avoir parlé de tant de Perfonnes
illuftres , difons quelque chofe
d'une Belle affligée , ou plutoft
d'une Lettre écrite par une Amante à
fon Amant , fur ce qu'il fe préparoit à
parGALAN
T. 73
partir pour ſe rendre à l'Armée. Cette
Lettre a tellement efté applaudie par
tout où elle a efté leuë , que je croirois
qu'on auroit fujet de fe plaindre du
Mercure,fil'on ne l'y rencontroit pas.
La voicy.
JULIE
A LEANDRE
.
IL eft donc vray , Cruel , que fans querienvous
touche ,
Vous vous preparez à partir ?
T'aybeaufaire , l'honneur eft un Tyranfarouche,
Qui vous force d'y confentir.
Il vous rend des Amans le plus impitoyable ,
Pour qui jamais aima le mieux ,
Et vous flatant d'un nom , malgré le temps durable
,
Il vous éloigne de mes yeux.
Helas ! ignorez vous quelle vaine chimere
Eft cet honneur qui vous feduit ,
Et d'un bien effectif, un bien imaginaire
Doit- il vous dérober le fruit?
Aux plus mortels dangers quand voftre vie offerte
Payera quelque Exploit entrepris,
D Peut74
LE MERCURE
Peut- eftre unjour ou deux on plaindra voſtreperte
,
Et c'enfera là tout le prix.
Vivez, par fes confeils la Gloire vous abuſe.
Quoy qu'elle vous promette un jour ,
Pour ne l'écouterpas , peut-on manquer d'excufe
*
Lors qu'on ne manque point d'amour ?
Vous n'avez qu'à vouloir , & vous en aurez
mille
Pour rompre ce cruel départ.
Quand l'Amour en raiſons ne feroit pasfertile
Il a toujours fes droits à part.
S'il eftfier quelquefois , impétueux , terrible,
S'il donne de fanglans Arrefts ,
1l cherche le repos , & devient doux , paiſible ,
Selon fes divers interefts.
Dans cette occafion , ou confuſe , tremblante ,
l'attens ou la vie , ou la mort :
Il veut que vous cediez auxfoûpirs d'une Amante
Dont vouspouvez regler le fort.
Songez vous à quels maux voftre rigueur m'expofe,
Si vous ofez vous éloigner ?
Et peut-onde ces maux fe rendre exprés la caufe ,
Quand on me les peut épargner?
le veux bien , s'ille faut , compter à rien l'abfence,
QuoyGALAN
T. 75
Quoyqu'infuportable aux Amans ;
Que ne plaift- il au Ciel de borner maſouffrance
Afes plusrigoureuxtourmens ?
Du moins unfeur retour , dansfa douleur extréme,
Confole l'Amour aux abois ;
Mais avoir à trembler toûjourspour ce qu'on ai
me,
Combien eft- ce mourir de fois ?
Chaque pas avancé , chaque Tranchée ouverte ,
Me va glacer le coeur d'effroy ,
Et d'nn heureuxfuccez l'image en vain offerte ,
M'y peindra mille maux pour moy .
N'euft la plusforte Place emporté qu'une teſte ,
Dont le bruit vienne juſqu'à nous ,
Vous croyant aufi-toft le prix de la Conquefte ,
Mrs larmes couleront pour vous.
Toûjours impatiente , & toûjours allarmée ,
Si je voy qu'on fe parle bas ,
le m'imagineray que parlant de l'Armée ,
On me cache voftre trépas.
Dans l'ardeur d'eftre inftruite , & ledoute d'entendre
Ce qui feroit mon defefpoir ,
Incertaine en mes voeux , je brûler ay d'appren
dre
Ce que je craindray de fçavoir.
Qui l'auroitjamais eru ? Majoye eftoit parfai
te!
D 2
Aa
76€
LE MERCURE
Au bruit des Triomphes du Roy ,
Rien n'auroit pû me rendre infidelle Sujete ,
Et je vay l'eftre malgré moy.
Je voudrois quefa gloire à nulle autrefeconde,
Entaffaft Exploits fur Exploits ,
Qu'ainsi que de nos coeurs ilfut Maistre du
Monde ,
Que tout y reconnut fes Loix ,
Cependantjefens bien dans les rudes allarmes
Ou voftre fort me plongera ,
Que je feray reduite à répandre des larmes
Chaque fois qu'il triomphera.
Qu'ilabaiffe l'orgueil des plusfuperbes teftes,
Sans que vos yeux en foient temoins ;
Aura t- il plus de peine à faire des conqueftes ,
Pour avoir un Guerrier de moins ?
A ne le fuivre pas où toûjours la Victoire
S'empreffe à luy faire fa cour
Eloigné des périls vous aurez moins de gloire ,
Mais vous montrerez plus d'Amour.
Qu'on blame ce deffein dont l'ardeur de meplaire
Vous doit avoir fait une Loy ,
Eft -ce, quoy qu'on en dife , une peine à vousfai
re ,
Si vous ne vivez que pour moyy ?
Quand d'unfeu veritable on a l'ame enflamée ,
Aimer eft noftre unique bien ,
Et pourveu que l'on plaife à la Perfonne aimée ,
On
GALANT.
77
On compte tout le reste à rien.
Cent fois vous m'avez dit que de la Terre entiere,
Sans moy vous feriez peu de cas :
Vous m'en pouvez convaincre écoutant måpriere,
Pourquoy ne le faites vous pas ?
Si de vous fignaler par quelque grandfervice ,
Le defir vous tient partagé ,
Vn coeur comme le mien vaut bien lefacrifice
D'un peu de renom negligé.
L'Amour vous le demande , il eft bon de ſe rendre
A qui brûle tout de fes feux ;
Et ce qu'ont fait Cefar , Annibal , Alexandre ,
Vous le pouvez faire comme eux .
Ils n'ont crûrien ofler à l'éclat de leurgloire ,
Enfaisant triompher l'Amour ;
S'ils luy laiffoientfur eux emporter la victoire ,
Il les faifoit vaincre à leur tour .
Apres ces Conquerans , vous luy pouvez fans
honte
Abandonner voftre fierté ;
Soumettez- li , pourvu qu'il vous en tienne
compte
Vous en aura- t- il trop coûte?
Il a pour quiconfent à luy rendre les armes ,
Des Biens qu'on ne peut exprimer;
Pourgoûter purement leurs plusfenfibles charmes
,
Vous n'avez qu'àfçavoir aimer.
En
78 LE MERCURE
En verité , dit la Marquife , quandle
Chevalier euft achevé de lire , on a
raifon de trouver cette Lettre- la belle;
Ce n'eft pas que je n'en fois furpriſe ,
car comme elle a plus de bon fens , que
de ce brillant qui dupe aujourd'huy
tant de Gens,je n'aurois pas crû qu'elle
dût eftre fi genéralement applaudie.
Je fuis de voftre fentiment, repartit la
Ducheffe , & cette Epiftre me paroift
tellement du ftile de celles d'Ovide
, que je croyois entendre lire les
Epîtres choifies de ce Poëte ingénieux
, qui ont efté ſi bien traduites en
Vers François par Monfieur de Corneille
le jeune. Elles n'en dirent pas
davantage , afin de donner au Chevalier
le temps de pourfuivre ; ce qu'il
fit ainfy.
Monfieur du Pas , fort connu des
Gens de guerre , pour avoir donné
des marques de fa valeur en plufieurs
endroits , & fur tout en Pologne , où
il a efté longtemps avec feu Monfieur
le Comte de Guiche , n'eſtant plus en
état
GALANT. 79
état de fervir avec la mefme vigueur,
a remis entre les mains du Roy ,
qui l'en a récompenfé , fa Charge de
Lieutenant des Gardes du Corps ; &
Sa Majefté l'a donnée à Monfieur du
Repaire , qui avoit un Regiment qu'il
a quitté pour eftre plus pres d'un fi
grand Prince.
Monfieur de Pierrepont , Homme
d'efprit , de coeur , & de qualité, qui
a efté noury Page de la feuë Reyne
Mere , & qui a fervy plus de vingt
ans en qualité de Lieutenant des Gardes
du Corps , a efté pourveu du
Gouvernement de l'lfle de Ré ; ce
qui a fait Monfieur de Batiment Exempt
des Gardes , à la Charge d'Enfeigne
. C'est un Gentilhomme fort
bien fait. & qui a beaucoup de qualité.
Laiffons- le s'aprefter à fervir le
Roy , & parlons de Monfieur de
Maulmont Capitaine aux Gardes , &
Brigadier d'Infanterie : Ila efté Moufquetaire
du Roy ; & Sa Majesté ayant
reconnu fa valeur , n'a pas efté long-
D 4 temps
80 LE MERCURE
temps fans la récompenfer ; il en donne
tous les jours de nouvelles preuves,
& il s'eft depuis peu faify de plufieurs
Poftes aux environs de S.Omer. Monfieur
le Marquis de Genlis , Meftre
de Camp du Regiment de la Couronne
, Neveu de Monfieur de Genlis
Lieutenant General , à efté tué en
forçant une Redoute aupres de la
mefme Place ; Sa valeur trop boüillante
à efté caufe de fa mort. C'eft le
troifiéme Frere qui l'a rencontrée à la
tefte du mefme Regiment. Le Roy
l'adonné à un quatrième.
La valeur de ceux qui font pres de
nous , ne doit pas nous faire oublier
celle des Braves qui vont chercher les
périls dans des lieux plus éloignez ,
où ils ont fouvent à combattre la
fureur des Elemens les plus furieux.
Monfieur du Quefne , & Monfieur
le Marquis de Preüilly - d'Hu
mieres , Frere du Marefchal de ce
nom , tous deux Lieutenans Generaux
, font de ce nombre ; tous les
VaifGALAN
T. 81
Vaiffeaux Espagnols fuyent devant
eux ; & l'intelligence qu'ils ont de la
Marine , jointe à leur valeur , les fait
redouter de tous ceux qu'ils ont à
combattre fur Mer. Monfieur de S.
André-Montmejan , & Meffieurs les
Chevaliers de Noailles & Defgoutes ,
Capitaines des Vaiffeaux , ont brûlé
par leurs ordres fix grandes Barques
chargées de Blé fous le Canon de
Piombino.
Monfieur le Comte d'Estrées Vice-
Amiral de France , dont la réputation
eft établie fur Mer , & qui n'a
pas moins de valeur que de bonne
conduite , a repris la Cayenne , que
les Hollandois avoient furpriſe l'année
derniere. Il n'appartient qu'aux
François preffer des Places avec tant
de vigueur , qu'on apprend leur prife
prefque dans le mefme temps qu'on
publie qu'elles font affiegées.
Retournons fur la Terre , nos plus
grandes affaires y font ; & par des Officiers
Generaux que Sa Majesté a
D 5
nom82
LE MERCURE
nommez avant fon depart . Ceux qui
les ont donnez au Public , en ont oublié
beaucoup. Je ne feray peut- eftre
plus fidelle dans ce que j'en vay dire ;
mais fi j'apprens queje me fois trompé
en quelque chofe , je marqueray
dans le Volume ſuivant ce qui fera
venu à ma connoiffance.
Il y aplus de trois mois que Sa Majefté
a nommé Lieutenans Generaux
pour fervir en Sicile , Monfieur le
Marquis de la Tour de Montauban ,
& Monfieur de Mornas ; ce dernier
y commandoit déja en qualité de Mareſchal
de Camp , & Monfieur de
Montauban eftoit Lieutenantdu Roy
de la Comté. Ila efté Gouveneur de
Zutphen & Nimegue, & il s'eft tellement
fait aimer des Peuples qui ont
dépendu de luy , que ceux de Zutphen
mirent fon Portrait dans leur
Hoftel de Ville lors qu'il les quitta , avec
deffein de l'y laiffer toûjours, malgré
la guerre qui eft entre les deux Nations.
On doit avouer que la pruden-
се
GALANT.
83
ce du Roy & des Miniftres eft grande ,
de choisir un Homme fi agreable aux
Peuples , pour envoyer dans un lieu
où ceux qui n'auroient pas le fecret de
fe faire aimer , y ruineroient les Affaires
de France. Paffons aux autres
nouveaux Officiers Generaux que Sa
Majesté nomma quelques jours avant
que de partir. Je ne les mettray pas icy
felon les rangs que chacun peut prétendre
par fa naiffance : les rangs n'eftans
point réglez en France , ce n'eft
pas à moy a décider là - deffus.
Lieutenans Generaux.
Monfieur le Prince de Soubife.
Monfieur le Comte d'Auvergne.
Les Comtes du Pleffis ,
De Biffy ,
De Chazeron ,
De Montbron ,
& De Gaffion .
Les Marquis de Genlis ,
De Joyeuſe ,
De Rannes ,
D 6 De
84
LE MERCURE
De la Trouffe ,
& Monfieur de Monclar.
Marefchaux de Champ .
Monfieur le Comte d'Ayen.
Monfieur le Prince Palatin de Birckenfeld.
Meffieurs les Marquis de Lambert ,
De Renty ,
De Schomberg ,
De Tilladet ,
De Boufflers ,
De Quincy ,
& De la Rabliere.
Mefieurs les Chevaliers Fourbin ,
& De Tilladet.
Monfieur le Comte de Broglio.
Meffieurs d'Albret ,
De Bocquemare ,
De Cezan ,
D'Ortys ,
De
Pertuys ,
De
Ranché,
De
Revillon ,
D'Afpremont ,
De
GALANT. 85
De Lançon ,
Des Bonnets ,
& De la Villedieu .
Brigadiers de Gendarmerie.
Monfieur deJonvelle.
Monfieur de la Fitte.
Brigadiers de Cavalerie.
Mefieurs les Marquis
De Nonnan ,
De Bufenval ,
De la Salle ,
De la Valette ,
De Montrevel ,
De S. Gelais ,
Du Bordage ,
& De Livourne.
Meffieurs les Comtes de
S. Aignan ,
& De Tallart.
Monfieur le Chevalaier de Grignan.
Mefieurs de la Serre ,
De S. Rut ,
De Vivans ,
De Langallerie ,
D 7
&
86 LE MERCURE
& Cheverau .
Brigadiers d'Infanterie.
Meffieurs les Marquis
De Nefle ,
D'Uxelles ,
De la Pierre ,
& De Souyray.
Meffieurs de Villechauvre ,
De Varennes ,
De S. André ,
De Phisfer ,
Catinet ,
Chimene ,
& Marans .
Voila un grand nombre d'Officiers
Generaux ( dira- t- on ) fans ceux qui
ont efté faits depuis que la guerre dure
; mais on doit confidérer que fi l'on
n'en a pas tant veu dans les Regnes
précedens , les Armées eftoient moins
nombreuſes qu'elles ne font aujourd'huy.
Cette raifon feule n'a pas obligé
le Roy à donner cette qualité à tant de
braves
GALAN T. 87
braves Gens ; il y en a plufieurs dont
le Roy a befoin autre part qu'à l'Armée
, & à qui ce titre eft neceffaire
pour avoir plus d'autorité dans les
Provinces où ils demeureront. Je
feray connoiftre dans un autre Volume
quelles font les fonctions des
Lieutenans Generaux , Marefchaux
de Camp , Brigadiers , & Aydes de
Camp , afin que tous ceux de l'un &
de l'autre Sexe qui les ignorent , fçachent
dequoy ils parlent fi fouvent ,
& dequoy ils félicitent leurs Amis ou
leurs Parens, lors que le Roy a reconnu
en eux toute la prudence & toute
la valeur neceffaire pour eftre élevez à
l'un de ces grands Emplois . Tous ceux
qui les doivent remplir cette année
ayant eſté nommez , le Roy fut coucher
à Compiegne le dernier jour de
Fevrier. Monfieur de Louvois eftoit
party deux jours auparavant , comme
un éclair qui de vance la foudre.Voicy
des Vers qu'on fit fur ce qu'il tonna
lejour que Sa Majeſté partit.
Grand
88 LE MERCURE
..
Grand Roy , porte en tous lieux la
Guerre
La Fortuneguide tes pas ,
Le Dieu Mars te prefte fonbras ,
Et Jupiter te prefte fon Tonnerre.
Les fecours qu'il reçoit de tant de Divinitez
, font bien moins confidérables
que les fervices que luy rend
Monfieur de Louvois ; on n'a jamais
veu une activité pareille à la
fienne , & il conduit avec tant de prudence
toutes les chofes qu'il entreprend
, qu'il ne faut pas s'étonner fi
elles luy reüffiffent toûjours ſi heureufement.
Sa grande application aux
Affaires , fon extraordinaire prévoyance
, & fes foins continuels , ont
fait fleurir , pour les Armées du Roy
feulement , les mois de Juin dés la
fin de Fevrier , & ( ce qui n'avoit jamais
efté veu ) a étonné cette année
tous les Peuples qui en ont oüy parler;
& cinquante mille Hommes de Cavalerie
& d'Infanterie , ont trouvé toutes
fortes de proviſions , & fur tout
des
GALAN T. 89
"
des fourages , dans une Saifon peu avancée
, dans un Païs ruiné , & fur
des terres encor couvertes de neiges :
Cependant rien n'a manqué , tout a
marché malgré les mauvais chemins ,
les Travaux fe font fait malgré les injures
de l'air ; & une Place où rien ne
manquoit , qui eftoit conſidérable
par fes Fortifications , difficile à prendre
à caufe de fa fituation , défenduë
par un brave Gouverneur qui avoit
toute la réſolution qu'il faloit pour
foûtenir un long Siege , & par une
Garnifon nombreufe , compofée
d'Espagnols , de Walons , d'Italiens ,
d'Allemans , & de quantité de Nobleffe
du Païs , fans compter les Bourgeois
choifis qui portoient les armes ;
une Place , dis je , fi forte & fi bien
pourveuë de toutes chofes , a efté prife
d'affaut apres huit jours de tranchée
ouverte. C'est ce qui paroiftra incroyable
aux Siecles futurs , & qui
ne fera pas
leur &la parfaite intelligence du Roy
feulement admirer la vaau
90
LE MERCURE
au Meſtier de la guerre ; mais fa prudence
à choisir des Miniftres habiles &
zélez pour fon fervice , & dont la
prévoyance a toûjours efté fi grande ,
qu'il n'a jamais manqué de trouver en
abondance & l'argent , & toutes les
autres choſes neceffaires pour l'execution
des grandes entrepriſes qu'il a
méditées. Le Siege de Valenciennes
eftant une des plus confidérables
qu'on pût faire , par toutes les raifons
que nous avons dites cy- deffus ; fi- toft
que le Roy fut arrivé au Camp , il
reconnut la Place , & l'on peut dire
que les ordres qu'il donna , furent d'un
Capitaine confommé , puis qu'ils ont
fi bien reüffy. Les Bourgeois fiers de
tout ce que nous avons marqué qui
fervoit à leur défenfe , donnerent fur
leurs Rampars lejour de Carefme.
nant , les Violons , pour fe moquer
des Troupes qui avoient invefty la
Place ; mais on leur répondit quelques
jours apres avec d'autres Inftrumens
qui leur ofterent l'envie de dan-
-preger.
GALAN T. 9f
1
çer. Le Mardy qui fuivit l'Aubade ,
la Tranchée fut ouverte. Voicy les
Noms des Officiers Generaux qui
pendant les huit jours que le Siege a
duré, y ont monté la Garde.
Premiere Garde.
Elle fut montée par Monfieur le
Marefchal de Schomberg , Monfieur
le Comte de Magaloti Lieutenant
General , Monfieur le Comte de S.
Geran Marefchal de Camp. Monfieur
de Rubantel Brigadicr , & Monfieur
le Marquis d'Angeau Ayde de
Camp du Roy. Monfieur de Jonvelle.
Brigadier eftoit à la tefte de la Cavalerie
On fit plus de fix cens pas de
travail,
Seconde Garde
Monfieur le Marefchal Duc de la
Feüiliade , Monfieur le Marquis de
Renel Lieutenant General , Monfieur
le Marquis de Tilladet Marefchal
de Camp , Monfieur le Marquis
de Revel Brigadier de Cavalerie ,
Mon•
LE MERCURE
92
Monfieur d'Aubarede Brigadier d'Infanterie
, & Monfieur le Prince
d'Harcour Ayde de Camp du Roy ,
entrererent dans la Tranchée à la place
de ceux qui en fortirent . On l'avança
beaucoup , & l'on fit des Places
d'armes.
Troifiéme Garde.
La feconde Garde fut relevée par
Monfieur le Duc de Luxembourg,
Monfieur le Marquis de la Cardonniere
Lieutenant General , Monfieur
le Chevalier de Sourdis Marefchal de
de Cap , Monfieur de Bertillac Brigadier
de Cavalerie , Monfieur de
Tracy Brigadier d'Infanterie
Monfieur le Marquis de Chiverny
Ayde de Camp du Roy.
Quatrième Garde.
" &
Ceux qui la monterent furent
Monfieur le Marefchal de Lorge ,
Monfieur le Comte du Pleffis Lieutenant
General , Monfieur d'Albret
Marefchal de Camp , Monfieur le
MarGALAN
T. 93
Marquis de Livourne Brigadier de
Cavalerie , Monfieur le Marquis de
Bourlemont Brigadier d'Infanterie ,
& Monfieur le Marquis de Cavoye
Ayde de Camp du Roy. Le Canon
& les Carcaffes firent grand feu . On
infulta une Redoute , & l'on prit un
Fauxbourg.
Cinquiéme Garde.
Les officiers Generaux qui releverent
la Garde précedente , furent
Monfieur le Marefchal d'Humieres,
Monfieur le Comte d'Auvergne
Lieutenant General , Monfieur le
Chevalier de Tilladet Marefchal de
Camp , Monfieur le Chevalier de
Grignan Brigadier de Cavalerie, Monfieur
de S. Georges Brigadier d'Infanterie
, & Monfieur le Chevalier
de Nogent Ayde de Camp du Roy.
Le Canon ruina des Defences ; on fit
de Grandes Places d'armes , & les
Carcaffes mirent le feu à plufieurs
Maiſons . Le feu de ces Carcaffes ne fe
peut éteindre , il brûle dans l'eau ,
elles
94 LE MERCURE
elles font remplies de Grenades & de
Canons de Moufquet chargez de
Balles.
Sixiéme Garde.
Elle fut montée par Monfieur le
Marefchal de Schomberg , Monfieur
le Duc de Villeroy Lieutenant General
, Monfieur le Prince Palatin de
Birckenfeld , de la Maiſon Palatine,
Lieutenant General , Monfieur le
Marquis de Montrevel Brigadier de
Cavalerie , Monfieur le Marquis de
la Pierre Brigadier d'Infanterie , &
Monfieur le Marquis d'Arcy Ayde de
Camp du Roy.
Septiéme
Garde.
Monfieur le Marefchal de Schomberg
, & les officiers Generaux de la
Garde précedente , furent relevez par
Monf.le Marefchal Duc de la Feüillade
, Monf. le Comte de Montbron
Lieutenant General , Monf. Stoup
Marefchal de Camp , M. le Marquis
de Revel Brigadier de Cavalerie ,
MonGALANT.
95
Monfieur le Marquis d'Uxelles Brigadier
d'Infanterie , & Monfieur le
Prince d'Elbeuf Ayde de Camp du
Roy. On avança les Batteries & les
Mortiers ; la Tranchée étenduë en
trois branches , ênvironna l'Ouvrage
qu'on vouloit attaquer , & l'on fit
des Places d'armes affez grandes pour
mettre un bon Corps d'Infanterie à
Couvert.
Huitiéme Garde.
Ceux qui eurent le bonheur de
monter la Garde le jour de l'Attaque ,
furent Monfieur le Duc de Luxembourg
, Monfieur le Marquis de la
Trouffe Lieutenant General , Monfieur
le Comte de S. Geran Marefchal
de Camp,& Monfieur le Chevalier
de Vendofme Ayde de Camp du
Roy. Les Troupes qui monterent la
Tranchée avec eux , furent trois Bataillons
des Gardes Françoifes , commandez
par Monfieur de Rubantel
Brigadier & Capitaine de ce Regiment.
96
LE MERCURE
1
ment. Monfieur de Magaloti qui
qui n'eftant point Lieutenant General
de jour n'y devoit point entrer , ne
pût fe réfoudre à perdre une fi belle
occafion de fe fignaler , & il y fut en
qualité de Lieutenant Colonel des
Gardes. Les autres Commandans firent
de mefme , & fe mirent àla tefte
des Détachemens de leurs Corps fans
yeftre obligez . Meffieurs . les Marquis
de Bourlemont & de la Pierre , furent
de ce nombre , & commanderent les
Bataillons détachez de Picardie & de
Soiffons. Les Détachemens des Mouf
quetaires blancs & noirs , furent commandez
par Monfieur le Chevalier
Fourbin , & par Monfieur le Marquis
de Jonvelle. Ils pouvoient s'en
difpenfer , non feulement comme
Officiers Generaux qui n'étoient pas
de jour , mais encor parce qu'ils n'eftoient
pas obligez de commander des
Détachemens : cependant leur courage
l'emporta fur toutes ces raifons,
& ils fe mirent à la tefte des MoufqueGALAN
T.
97
quetaires. Les autres Troupes qui
partagerent la gloire de cette grande
Journée , furent la Compagnie des
Grenadiers de la Maiſon du Roy ,
commandée par Monfieur Riotot ,
quarante deux Compagnies de tous,
les Bataillons de l'Armée , & les Carabins
des Gardes. Le Roy ayant
donné les ordres à tous les Officiers
Generaux , Monfieur de Luxembourg
accompagné de tant de braves
Gens , & de tous les Officiers qui
commandoient les Détachemens ,
vifita pendant toute la nuit les lieux
qu'on devoit infulter. Le Signal
fut donné à huit heures du matin ;
l'Ouvrage couronné fut attaqué par le
front par le Marquis de la Trouffe &
le Comte de S. Geran , qui eftoient à
tefte des Gardes & de Picardie. On
n'attaque ordinairement ces fortes
d'Ouvrages que par le devant ; on s'y
loge peu à peu , on en eft chaffé , on
les reprend , & c'eft ce qui fait la
longueurdes Sieges ; mais les François
E ani98
LE
MERCURE
animez par la préſence de leur Roy ,
n'en ufent pas ainfy. L'Ouvrage fut
en mefme temps attaqué & par la
gorge , c'eft à dire prefque par derriere
, & fur le bord du Foffé , ou l'on
effuye le feu des Rampars.Ceux qu'on
commanda pour la droite , furent les
Grenadiers de la Maifo du Roy, foûtenus
des Moufquetaires de la Premie-
Compagnie , & d'un Détachement
des Gardes commandé par Meffieurs
de la Tournelle & d'Avegeant. Le
cofté gauche fut attaqué par les Grenadiers
de Picardie , les Moufquetaires
de la Seconde Compagnie , & un
Détachement de Picardie. Ces Troure
pes
forcerent tous les Dehors ; & les
Ennemis eftant non feulement attaquez
par le front , mais fe voyant encor
pris en flanc des deux coſtez , fe
fauverent de Pofte en Pofte , & gagnerent
la Ville , où nos Gens entrerent
avec eux ; ils poufferent la Cavalerie
qui eftoit en Bataille , jufques
dans la Place d'armes , & fe barricaderent
GALANT.. 99
&
rent contre elle & contre les Bourgeois.
Un Commiffaire d'Artillerie,
dont je voudrois fçavoir le nom , pour
luy rendre icy la gloire qui luy eft
deuë, eut l'efprit affez préfet pour fuivre
tant de braves Gens , & pour tourner
le Canon qui eftoit fur les Rampars
contre la Ville. Meffieurs Fourbin
, Jonvelle , Maupertuis , le Marquis
de Vains , Moiffac , de Barriere
, de la Hoguette , & de Rigoville,
Officiers des Moufquetaires , & Meffieurs
Riotot , Boitirou , & quelques
Officiers des autres Corps , furent
quelque temps dans la Ville en petit
nombre. Le Roy n'eut pas fi toft appris
que les Troupes commençoient
à entrer , qu'il ordonna qu'on empeſchaft
le pillage , & l'on ne trouva
point de meilleur moyen pour arrefter
les Soldats , que de crier , voila
le Roy. Cés paroles leur infpirerent
d'abord une crainte refpectueuse qui
les retint ; & fi fa préſence avoit fait
prendre fi promptement une Place
E 2 fi
100 LE MERCURE
fi importante , il n'a efté befoin que
de prononcer fon nom pour la garantir
du pillage. Sa Majesté a fait grace
a tous les Habitans , qu'elle a remis
dans tous leurs Privileges, & ils fe font
obligez de bâtir une Citadelle à leurs
defpens.
La conduite & la valeur que Monfieur
le Duc de Luxembourg a fait
voir dans cette occafion , où il a eſté ,
legerement bleffé , luy ont acquis
beaucoup de gloire. Ce n'eft pas qu'il
n'en fut déja couvert , & qu'on ne fe
fouvienne encor des importantes Places
qu'il a prifes en fi peu de temps
lors qu'il commandoit un Détachement
des Troupes de France avec celles
de Munſter : On n'a pas oublié
l'Affaire de Bodengrave , fur laquelle
on aura peine à croire l'hiftoire; & l'on
parle encor aujourd'huy de la Courſe
qu'il fit jufques aupres de la Haye , où
le dégel l'empefcha d'entrer. Toutes
ces grandes Actions luy donnerent la
voix du Peuple pour le Bafton de MareGALAN
T. 101
refchal de France , dont Sa Majefté
reconnut fes fervices quelque temps
apres , & elle adjoûta mefme au Bafton
qu'elle luy donna ,l'une des Charges
de Capitaine de fes Gardes .
Monfieur le Chevalier de Vendofme
n'étant point de jour , ne laiffa
pas
de fe trouver comme Volontaire à
l'Attaque de l'Ouvrage couronné : Il
ne faut pas s'en étonner, c'eft unLyon
dans le Combat ; & ce qu'il fit en
Candie dans un âge fi peu avancé , eft
une grande marque de fa valeur.
Monfieur le Marquis de Coeuvres
s'eft pareillement fignalé à la tefte du
Détachement de fon Regiment.
Monfieur le Comte de S. Geran a
efté bleffé d'une Grenade , en donnant
des marques d'une valeur extraordinaire.
Monfieur le Marquis de Sevigny a
auffi efté bleſſé à la tefte des Dauphins
en portant des Fafcines , avec une intrépidité
fans exemple .
Meffieurs de Champigny Capitai-
E 3
ne
102 LE MERCURE
ne aux Gardes , le Marquis du Charmel
, Boudet , & de Cailleries , ont
acheté par la perte d'un peu de fang, la
gloire qu'ils ont acquife.
Monfieur de Sainte Catherine
Commiffaire de l'Artillerie , a efté tué,
auffi - bien que Monfieur le Marquis
de Bourlemont Brigadier d'Infanterie
& Meftre de Camp de Picardie. Ce
dernier avoit donné des marques d'une
valeur extraordinaire en plufieurs
rencontres , & fur tout en Allemag.
ne.Jamais Officier n'a efté plus regreté.
Monfieur de Harcour de Bevron,
quia fi bien fervy à Maftric , a eu fon
Regiment. Plufieurs eftans embaraffez
par le nom de Harcour , je croy
devoir expliquer icy que Harcour eft
un nom de Famille , & Bevron d'une
Terre ; au lieu que dans la Maiſon de
Loraine , Harcour eſt le nom d'une
Comté. Le Fils de Monfieur le Marefchal
d'Humieres a eu le Regiment
d'Harcour.
Le Roy adonné le Gouvernement
de
GALANT. 103
de Valenciennes à Monfieur de Magaloti
. Nous avons parlé de fon mérite
; c'eft un Homme propre àgouverner
un grand Peuple , & ce choix
fait voir que Sa Majesté ne fait rien
fans l'avoir examiné , & qu'avec un
jugement & une prudence admirables
.
Monfieur Foucaut Lieutenant
Colonel du Regiment de Bourgogne,
a eu la Lieutenance de Roy , & ce
Prince a voulu reconnoiftre par là les
fervices qu'il luy a rendus. La Majorité
a efté donnée à Monfieur de Chazerat
Capitaine dans Navarre , treshabile
Ingénieur. Monfieur Genty
Brigadier des Gardes du Corps , a effé
fait Ayde- Major , & Monfieur le
Comte de Quincy Grand Bailly.
Le Roy apres la prife de la Place , ayant
efté vifiter les Travaux qu'ilavoit
ordonnez pendant le Siege , a
efté fi fatisfait , qu'il a fait donner
vingt- cinq mille Écus à Monfieur de
Vaubanqui les avoit conduits.
E 4 Mef104
LE MERCURE
Meffieurs de Jonvelle , de Vains
Maupertuis , de la Hoguette , des
Banieres , Rigoville , & de Moiffac,
ont eu non feulement beaucoup de
loüanges de Sa Majefté , mais ils ont
mefme eu fur l'heure des récompenfes
dignes de leur valeur. On promettoit
autrefois à là Cour ; mais aujourd'huy
on donne fans avoir promis.
Le Chevalier s'arrefta en cet endroit
pour reprendre haleine , & chacun
raifonna fur ce qu'il venoit d'entendre
. La Marquife dit qu'elle avoit
appris les noms de plus de douze Officiers
Generaux qui avoient efté oubliez
dans plufieurs Liftes qui en
avoient couru , & qu'elle avoit remarqué
un grand nombre de particularitez
touchant le Siege & la prife de
Valenciennes , dont le Public n'avoit
point efté inftruit . D'autres dirent
que fans le Mercure ils n'auroient
pas fçeu les noms d'une partie
de ceux que le Roy avoit fi bien récompenfez
, & que ce Livre fervoit à
12-
GALAN T. 105
ramaffer bien des chofes qui pour la
gloire de ce Grand Monarque ne devoient
pas eftre ignorées. Le Chevalier
ayant témoigné qu'il n'avoit plus
que trois ou quatre pages à lire, on luy
prefta filence , & il acheva de cette
forte .
On a pris en Allemagne & en Loraine
deux Fortereffes confidérables ;
la premiere eft celle d'Achfpourg, aux
environs de Saverne , quia efté prife
par Monfieur de Monclar ; & la feconde
, le Chafteau de Dabo , pres
de Phalfbourg , dont Monfieur de
Boifdavid s'eft rendu maitre avec
cinq cens Fantaffins , & fixvingts Chevaux
.
Monfieur le Chevalier de Renel a
entierement défait pres de Fribourg
un Party confidérable qui eftoit
commandé par le Baron de Mercy ,
qui paffe chez les Ennemis pour un
fameux Partifan.
Tout Paris a témoigné beaucoup
de joye de la prife de Valenciennes,
mais
106 LE MERCURE
mais celle qu'en a fait voir Monfieur
le Preſident de Pomereüil , Confeiller
d'Etat ordinaire , & Prevoft des
Marchands , a fait beaucoup d'éclat.
Lejour que le Te Deum fut chanté , il
fit faire un Feu d'Artifice devant fon
Logis : Il ne faut pas s'en étonner , c'eſt
un des plus zelez Serviteurs du Roy ,
& des plus beaux Efprits que nous
ayons.
Monfeigneur le Dauphin a efté
voir l'Obfervatoire . Il y a tant de chofes
à dire fur ce fujet , que je fuis obligé
de les referver pour le premier Volume
, dans lequel on apprendra tout
ce que l'on y voit de curieux
les Noms de tous les Illuftres qui compofent
cette efpece d'Academie.
&
Monfieur le Cardinal d'Eftrées ,
qui n'avoit point encor veu la Reyne,
ny Monfeigneur le Dauphin depuis fa
Promotion au Cardinalat , leur a efté
prefenté par Monfieur de Bonneüil ,
Introducteur des Ambaffadeurs.Ceux
qui n'en fçavent pas la raifon , apprendront
GALANT.
107
dront qu'il a efté reçeu comme Cardinal
d'une Nomination étrangere.
9
Il eft vray , dit la Ducheffe quand
le Chevalier eut achevé de lire ,
qu'on aprend dans le Mercure mille
petites chofes particulieres qu'on
ne pourroit mettre autre-part ; & ce
que je viens d'entendre m'oblige encore
plus fortement à me declarer
pour ce Livre , que je n'avois fait auparavant.
Mais dites- moy , je vous
prie , continnua- t- elle en s'adreffant
au Chevalier comment faudra- t- il
faire pour inftruire l'Autheur de certaines
chofes qu'il ne pourra fçavoir, à
moins de quelques Avis particuliers ?
Il ne faudra , répondit le Chevalier ,
qu'envoyer les Memoires qu'on voudra
luy faire tenir , dans la Salle neuve
du Palais , à l'Image S. Louis. Mais,
interrompit la Marquife en hauffant
la voix d'où vient qu'il n'a point
parlé des Modes nouvelles ? C'eft, luy
repartit le Chevalier , parce que le
temps de Jubilé n'eftoit pas propre
2
pour
108 LE MERCURE
pour cette matiere ; mais vous ferez
fatisfaite là - deffus dans le premier Volume
, où l'Autheur doit mettre une
Galanterie affez agreable qui commence
à courir dans le monde , intitulée
la Maladie de l'Amour. Comme
il eftoit déja tard, on nejoïìa point ,
& la Compagnie fe fepara apres avoir
finy la Converſation par où elle avoit
efté commencée , c'eft à dire par les
Nouvelles de la Guerre .
FIN.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Remarque

Contrefaçon dite « à la sphère » du Mercure de Paris.

Soumis par lechott le