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1
p. 572-574
Nouvelles Estampes, [titre d'après la table]
Début :
L'Estampe que nous avons déja annoncée du Portrait historié de [...]
Mots clefs :
Estampe, Portrait, Danseuse, Peintres, Graveurs, Tableau, Mosaïque
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texteReconnaissance textuelle : Nouvelles Estampes, [titre d'après la table]
L'Estampe que nous avons déja annoncée du
Portrait historié de la De Camargo , premiere
Danseuse de l'Opera, est en vente, et le grand débit
qu'on en fait , prouve l'applaudissement du
Public .On lit ces quatre Vers au bas de la Planche,
Fidelle aux loix de la cadence ,
Jeforme augréde l'art les pas les plus hardis.
Ori
MARS. 1731. 573
Originale dans ma danse ,
Je puis le disputer aux Balons , aux Blondis .
Deux nouvelles Estampes qui paroissent depuis
peu , sont très - capables de soutenir et d'augmenter
la réputation des Peintres et des Graveurs
François. Les sieurs Charles Coypel et Lepicier ,
en sont les Auteurs. La premiere est d'après un
Tableau en hauteur , du Cabinet du Comte de
Morville; l'ingenieux Peintre y a répresenté l'Amour
Précepteur , sous la figure d'un jeune Doc
teur , gravement assis , qui explique l'Art d'aimer
à une petite fille , d'autres petites personnes
écoutent et étudient leurs leçons. Cette pensée est
excellemment renduë par des expressions fines et
naïves , par des attitudes et par des ajustemens
aussi galans que modestes. L'habile main qui a
gravé ce Morceau , n'a rien laissé desirer aux
Connoisseurs les plus délicats . C'est une touche
tendre , précise , legere et une entente admirable .
On lit ces quatre Vers au bas .
1
L'airgrave que je fais paroître ,
Belles , ne doit point allarmers
Il caracterise le Maître ,
Et ne le fait pas moins aimer.
La seconde Estampe représente une gracieuse
Veuve dont la Toilette n'est pas fort chargée ,
aussi ses appas sont- ils très- naturels , sans la
moindre pincée d'art ni de coquetterie. Elle rêve
devant son Miroir , dont la glace ne court aucun
risque d'être cassée. On lit au bas.
Entre deux mouvemens sans cesse partagée ,
La Veuve en cet instant les exprime à la fois :
LA
574 MERCURE DE FRANCE.
L'un est la liberté de faire un nouveau choix ,
L'autre la peur d'étre changée, í
Le 23. du mois passé M. Vanloo , Peintre
'Histoire , Agregé de l'Académie Royale de
Peinture et de Sculpture , y fut reçû , et donna
pour sa réception un grand Tableau représentant
Diane et Endymion , qui fut generalement approuvé
, et que quantité de Curieux vont voir
avec plaisir.
On écrit de Rome qu'on exposa le 18. du mois
dernier dans l'Eglise de Saint Pierre , le beau Ta--
bleau en Mosaïque , copié par le Cavalier Pierre
Paul Chriftoferi , d'aprés le Tableau Original de
sainte Petronille , peint par le celebre Guarcino
d'Acento , Disciple des Carraches.
On nous a envoïé de Lyon une grande Estampe
qui y a été gravée depuis peu par le sieut
André Houat , d'aprés un dessein à la plume
du Chevalier de Serre , représentant Ariane et
Bacchus. C'est une fort belle et fort riche com
position
Portrait historié de la De Camargo , premiere
Danseuse de l'Opera, est en vente, et le grand débit
qu'on en fait , prouve l'applaudissement du
Public .On lit ces quatre Vers au bas de la Planche,
Fidelle aux loix de la cadence ,
Jeforme augréde l'art les pas les plus hardis.
Ori
MARS. 1731. 573
Originale dans ma danse ,
Je puis le disputer aux Balons , aux Blondis .
Deux nouvelles Estampes qui paroissent depuis
peu , sont très - capables de soutenir et d'augmenter
la réputation des Peintres et des Graveurs
François. Les sieurs Charles Coypel et Lepicier ,
en sont les Auteurs. La premiere est d'après un
Tableau en hauteur , du Cabinet du Comte de
Morville; l'ingenieux Peintre y a répresenté l'Amour
Précepteur , sous la figure d'un jeune Doc
teur , gravement assis , qui explique l'Art d'aimer
à une petite fille , d'autres petites personnes
écoutent et étudient leurs leçons. Cette pensée est
excellemment renduë par des expressions fines et
naïves , par des attitudes et par des ajustemens
aussi galans que modestes. L'habile main qui a
gravé ce Morceau , n'a rien laissé desirer aux
Connoisseurs les plus délicats . C'est une touche
tendre , précise , legere et une entente admirable .
On lit ces quatre Vers au bas .
1
L'airgrave que je fais paroître ,
Belles , ne doit point allarmers
Il caracterise le Maître ,
Et ne le fait pas moins aimer.
La seconde Estampe représente une gracieuse
Veuve dont la Toilette n'est pas fort chargée ,
aussi ses appas sont- ils très- naturels , sans la
moindre pincée d'art ni de coquetterie. Elle rêve
devant son Miroir , dont la glace ne court aucun
risque d'être cassée. On lit au bas.
Entre deux mouvemens sans cesse partagée ,
La Veuve en cet instant les exprime à la fois :
LA
574 MERCURE DE FRANCE.
L'un est la liberté de faire un nouveau choix ,
L'autre la peur d'étre changée, í
Le 23. du mois passé M. Vanloo , Peintre
'Histoire , Agregé de l'Académie Royale de
Peinture et de Sculpture , y fut reçû , et donna
pour sa réception un grand Tableau représentant
Diane et Endymion , qui fut generalement approuvé
, et que quantité de Curieux vont voir
avec plaisir.
On écrit de Rome qu'on exposa le 18. du mois
dernier dans l'Eglise de Saint Pierre , le beau Ta--
bleau en Mosaïque , copié par le Cavalier Pierre
Paul Chriftoferi , d'aprés le Tableau Original de
sainte Petronille , peint par le celebre Guarcino
d'Acento , Disciple des Carraches.
On nous a envoïé de Lyon une grande Estampe
qui y a été gravée depuis peu par le sieut
André Houat , d'aprés un dessein à la plume
du Chevalier de Serre , représentant Ariane et
Bacchus. C'est une fort belle et fort riche com
position
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Résumé : Nouvelles Estampes, [titre d'après la table]
Le texte annonce la vente d'une estampe représentant le portrait de la danseuse La Camargo, première danseuse de l'Opéra, qui connaît un grand succès public. Cette estampe est accompagnée de quatre vers mettant en avant ses talents de danseuse. Deux nouvelles estampes, réalisées par Charles Coypel et Lepicier, renforcent la réputation des peintres et graveurs français. La première est inspirée d'un tableau du Cabinet du Comte de Morville, intitulé 'L'Amour Précepteur', et est saluée pour sa finesse et son habileté. La seconde représente une veuve rêveuse devant son miroir, accompagnée de vers explicatifs. Le 23 du mois précédent, M. Vanloo a été reçu à l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture avec un tableau de Diane et Endymion. À Rome, une mosaïque copiée par le Cavalier Pierre Paul Chriftoferi a été exposée à Saint-Pierre. Enfin, une grande estampe d'Ariane et Bacchus, gravée par André Houat d'après un dessin du Chevalier de Serre, a été envoyée de Lyon.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 2359-2361
A MLLE CAMARGO, Danseuse de l'Opera. EPITRE ; Au sujet d'une Piece Comique, où l'on a prétendu critiquer ses talens.
Début :
Eh ! quoi, la critique t'outrage, [...]
Mots clefs :
Opéra, Danseuse, Critique
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texteReconnaissance textuelle : A MLLE CAMARGO, Danseuse de l'Opera. EPITRE ; Au sujet d'une Piece Comique, où l'on a prétendu critiquer ses talens.
A MILE CAMARGO,
Danseuse de l'Opera.
E PIT RE ;
Au sujet d'une Piece Comique , où l'on a
prétendu critiquer ses talens.
EH ! quoi , la critique t'outrage „
Et s'efforce de t'abaiffer !
Pour confondre son vain langage,
CAMARGO , tu n'as qu'à danser.
La voix de l'injuste censure ,
Se perd dans ces heureux instans
Et cent suffrages éclatans ,
Etouffent son foible murmare.
Ton triomphe est certain ; crois-moi ,
Regarde voler sans effroi ,
Le trait malin et satirique ,
Il tetombe sur le Caustique,
Qui l'ose lancer contre toi.
Je veux publier ta victoire ,
Ne craint pas qu'en vengeant ta gloire ,
De PREVOST , j'aille bassement ,
Insulter l'illustre memoire ,
Et chicaner sans jugement ,
SALE
2360 MERCURE DE FRANCE
SALLE' , de qui la Renommée ,
Nous apprend qu'Albion charmée ,
Prise comme nous l'agrément.
Non , je ne suivrai point la piste
De maint outré Panégiriste ,
Du bon sens ennemi mortel ,
Qui préferant son goût aux nôtres ;
N'encense jamais qu'un Autel ,
Et veur renverser tous les autres.
Mais songeons à te celebrer ;
Est- ce un ouvrage a differer ?
Que tes attitudes brillantes ,
(Peintures vives et parlantes )
Forment des Tableaux excellens !
On ne connoissoit pas encore
Tous les charmes de Terpsicore ;
Quand on ignoroit tes talens.
Tu n'est que trop sure de plaire
Eh ! comment ne plairois - tu pas ?
Ta jambe seule a plus d'appas ,
Que n'en rassemble tout Cithere ;
Sur la Scene qu'elle est legere !
Que les mouvemens en sont fins !
Tel Zephire dans les Jardins ,
En cherchant les faveurs de Flore ,
Voltige au lever de l'Aurore ,
Sur les Roses et les Jasmins :
Les yeux éblouis sur tes traces
N'em
OCTOBRE . 1731. 2361
N'en suivent qu'à peine le cours ;
Tes pas enviez par les Graces ,
Sont applaudis par les Amours.
En lisant ces deux Vers , peut être ,
D'abord on me reprochera ,
Que dans un moderne Opǝra ,
Je les ai pillés ... j'en suis maître ;
Mon titre est que rien galamment ,
Sur la danse ne s'est pû dire ,
Qui ne te soit dû justement.
Lorsqu'au Théatre où l'on t'admire ,
Apollon vantoit sur sa Lyre ,
Terpsicore et son Art charmant ,
Dans les deux Vers que je répete ,
Il ne parloit pas en Poëte ,
Inspiré par son vertigo ,
Mais en illuminé Prophete ,
Al chantoit la Danse parfaite ;
C'étoit prédire CAMARGO ,
* Ces deux Vers sont du Prologue des Fêtes
Grecques et Romaines ; ils étoient chantez par
Apollon à l'honneur de Terpsicore.
Danseuse de l'Opera.
E PIT RE ;
Au sujet d'une Piece Comique , où l'on a
prétendu critiquer ses talens.
EH ! quoi , la critique t'outrage „
Et s'efforce de t'abaiffer !
Pour confondre son vain langage,
CAMARGO , tu n'as qu'à danser.
La voix de l'injuste censure ,
Se perd dans ces heureux instans
Et cent suffrages éclatans ,
Etouffent son foible murmare.
Ton triomphe est certain ; crois-moi ,
Regarde voler sans effroi ,
Le trait malin et satirique ,
Il tetombe sur le Caustique,
Qui l'ose lancer contre toi.
Je veux publier ta victoire ,
Ne craint pas qu'en vengeant ta gloire ,
De PREVOST , j'aille bassement ,
Insulter l'illustre memoire ,
Et chicaner sans jugement ,
SALE
2360 MERCURE DE FRANCE
SALLE' , de qui la Renommée ,
Nous apprend qu'Albion charmée ,
Prise comme nous l'agrément.
Non , je ne suivrai point la piste
De maint outré Panégiriste ,
Du bon sens ennemi mortel ,
Qui préferant son goût aux nôtres ;
N'encense jamais qu'un Autel ,
Et veur renverser tous les autres.
Mais songeons à te celebrer ;
Est- ce un ouvrage a differer ?
Que tes attitudes brillantes ,
(Peintures vives et parlantes )
Forment des Tableaux excellens !
On ne connoissoit pas encore
Tous les charmes de Terpsicore ;
Quand on ignoroit tes talens.
Tu n'est que trop sure de plaire
Eh ! comment ne plairois - tu pas ?
Ta jambe seule a plus d'appas ,
Que n'en rassemble tout Cithere ;
Sur la Scene qu'elle est legere !
Que les mouvemens en sont fins !
Tel Zephire dans les Jardins ,
En cherchant les faveurs de Flore ,
Voltige au lever de l'Aurore ,
Sur les Roses et les Jasmins :
Les yeux éblouis sur tes traces
N'em
OCTOBRE . 1731. 2361
N'en suivent qu'à peine le cours ;
Tes pas enviez par les Graces ,
Sont applaudis par les Amours.
En lisant ces deux Vers , peut être ,
D'abord on me reprochera ,
Que dans un moderne Opǝra ,
Je les ai pillés ... j'en suis maître ;
Mon titre est que rien galamment ,
Sur la danse ne s'est pû dire ,
Qui ne te soit dû justement.
Lorsqu'au Théatre où l'on t'admire ,
Apollon vantoit sur sa Lyre ,
Terpsicore et son Art charmant ,
Dans les deux Vers que je répete ,
Il ne parloit pas en Poëte ,
Inspiré par son vertigo ,
Mais en illuminé Prophete ,
Al chantoit la Danse parfaite ;
C'étoit prédire CAMARGO ,
* Ces deux Vers sont du Prologue des Fêtes
Grecques et Romaines ; ils étoient chantez par
Apollon à l'honneur de Terpsicore.
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Résumé : A MLLE CAMARGO, Danseuse de l'Opera. EPITRE ; Au sujet d'une Piece Comique, où l'on a prétendu critiquer ses talens.
En octobre 1731, Sale écrit une lettre à Mile Camargo, danseuse de l'Opéra, pour la défendre contre les critiques. Il affirme que la meilleure réponse de Camargo aux détracteurs est de continuer à danser, car son art surpasse les voix de la censure. Sale exalte les qualités exceptionnelles de Camargo, soulignant que ses mouvements et attitudes créent des tableaux vivants et brillants. Il compare sa jambe à la légèreté de Zéphyr et note que ses pas sont admirés par les Grâces et les Amours. L'auteur justifie également l'utilisation de vers tirés du prologue des 'Fêtes Grecques et Romaines', affirmant qu'ils décrivent parfaitement la danse de Camargo.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 810-818
REMARQUES sur l'Estampe de la Demoiselle Camargo.
Début :
Vous serez sans doute surpris, Monsieur, qu'on ose critiquer [...]
Mots clefs :
Estampe, Danseuse, Camargo, Corps, Posture
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texteReconnaissance textuelle : REMARQUES sur l'Estampe de la Demoiselle Camargo.
REMARQUES fur l'Estampe de la
Demoiselle Camargo.
Ous serez sans doute surpris , Mon
sieur , qu'on ose critiquer l'Estampe
de la Dile Camargo. Seroit - il possible
qu'un Ouvrage si applaudi fut susceptible de quelques défauts et comment ces
défauts auront- ils échappé aux yeux des
connoisseurs , sur tout des Maîtres de
l'Art? Rien cependant de plus facile. On
reconnoît aisément dans cette Estampe
les traits de la Demoiselle. Il n'en a pas
fallu davantage pour retracer dans l'imagination les perfections de cette excellente Danseuse ; mais le plaisir que les idées
de l'original ont fait à l'esprit , a empêché
de faire attention aux défauts qui peuvent être dans la coppie : voici ce que
j'en pense.
Es
AVRIL. 1732. 理
La Figure éffaçant à droit , la Tête ne
doit pas suivre l'effacé. Lors qu'on efface
d'un côté ou d'un autre,la Tête doit demeurer dans sa place naturelle; par consequent une figure qui efface à droit , doit
nous montrer une Tête gracieusement
placée vers l'épaule gauche, j'entens dans
le serieux , car dans le comique le gracieux perd ses regles , pour ainsi dire. On
trouve d'ailleurs de la disproportion dans
la hauteur des bras. Les coudes d'un Danseur doivent être , à peu de chose prés
sur la même ligne , ce qui n'est pas ob
servé.
1
Les deux mains paroissent de face :
quand le contraste d'un Danseur est terminé , comme l'est celui de la Dlle Camargo , ses bras ne doivent jamais se faire
voir qu'aux trois quarts , c'est-à- dire , le dedans de la main du bras ouvert , presque tourné vers la terre, et le dedans de
la main du bras fermé presque vers le
Ciel. Les mains ne doivent paroître de face que dans le tems qu'on passe d'un
contraste à un autre.
Je ne crois pas qu'il soit possible de
contraster moëlleusement les bras dans
la situation où sont ceux-ci , sans pren .
dre de fausses paissances ou fausses déterminations? Peut- être l'habile Peintre , car
jc
812 MERCURE DE FRANCE
5
je connois ses grands talens , suppose-t'il
comme la figure représente Flore ) que
son cher Zephire soufle entre les arbres ,
et qu'elle cherche à l'embrasser ; en ce
cas les bras sont fort bien ; mais s'il n'a
pas eu cette intention , ou quelque autre
équivalente , ils pechent contre les regles
de la danse noble et gracieuse.
L'attitude du pouce et de l'Index de
chaque main n'est pas bien ; cette situation de doigts n'est bonne que quand
une figure tient une guirlande ou autre
chose.
pas
On trouve encore que l'attitude n'est
bien dans son équilibre. Si elle y étoit,
une perpendiculaire sur l'horisontalle
( j'appelle horisontalle l'endroit sur quoi
elle danse ) passant par le point d'appuy
de la figure , qui est le milieu du pied
gauche , devroit la couper en deux parties égales ; ce qui ne se trouve pas , puisque cette ligne aboutit à l'oreille gauche,
et cela laisse beaucoup plus de poids sur
la jambe en l'air ; ce qui n'est pas possible , à moins que d'avoir recours à quelque contorsion de hanche. Une preuve
encore que la figure n'est pas bien à son
aise , c'est que le genouil de la jambe qui
la porte , paroît plié. Or il n'est pas natuel qu'une Danseuse qui reste en repos
Sur
A VRIL. 1732. 18rs
sur un Pas , pour donner le temps à un
Peintre de saisir son attitude , puisse demeurer assez de tems sur une jambe dont
le genoüil est plié.
2.
La jambe en l'air seroit la chose qui me
flateroit le plus , après la parfaite ressemblance , si les regles de l'Art , fondées sur
le naturel , pouvoient me laisser supposer
qu'on puisse la tourner en dehors de la
façon de celle- ci ; il est vrai que l'original fait des choses surnaturelles ; mais il
auroit bien de la peine d'imiter sa copie ,
sans se contorsionner , et peut- être sans
se blesser.
Les Estampes des Dies Subligni , Desmatins , &c. antiennes Danseuses de l'Opera , ne sont pas à beaucoup près si bien
gravées , ni si-bien historiées ; mais elles
sont presque sans défauts à l'égard des regles de la Danse.
La belle posture du corps en repos est
sans doute la situation de toutes ses parties dans l'ordre le plus naturel , et ses
mouvemens les plus agréables à la vuë ,
sont ceux qui se font par la voie qui s'en
éloigne le moins , c'est c'est-àà- dire dire ,, par la voïe
la plus simple. Il est même étonnant
nous aïons besoin de Maîtres pour nous
faire appercevoir ces veritez , et qu'il soit
necessaire de se donner tant de peines
que
pour
$14 MERCURE DE FRANCE
pour acquerir ce qui est en nous naturellement : on n'en peut trouver la raison
que dans notre propre ignorance , et notre manque de discernement et de goût.
L'ame commande au corps en maîtresse,
mais elle ignore les voies par lesquelles
ses ordres s'executent. Peu instruite de la
Mechanique simple qui doit produire un
mouvement , elle y employe souvent des
parties qui n'y furent jamais destinées ;
et plus elle trouve de difficulté dans l'execution , plus elle croit devoir employer
de force. Delà naissent presque toûjours
les grimaces et les differentes contorsions
désagréables. On reste souvent dans l'opinion que ces secours étrangers sont necessaires ; l'habitude devient une seconde
nature , et pour comble de disgrace nous
ne nous appercevons point de nos défauts;
la necessité d'en être instruit nous prouve
celle d'avoir recours à des personnes qui
nous les fassent remarquer.
Les pieds doivent être placez environ
à dix pouces de distance l'un de l'autre ;
ils ne doivent être ni plus serrez ni plus
écartez , parce que dans l'une ou dans
l'autre situation la tête de l'os du fermur
ne seroit pas perpendiculairement dans
sa cavité , et de cette façon les jambes ne
soutiendroient pas le corps avec tout l'avantage
AVRIL. 17327 815
vantage qu'il est possible , dans une figure
debout et dans l'inaction.
Les bras n'étant d'aucun usage pour
renir le corps en repos , ils doivent alors
être considerés comme inutiles ; on doit
donc les abandonner à eux- mêmes, et être
assuré qu'en cet état ils occuperont la
place qui leur convient ; mais une
fausse prévention de l'esprit qui croit
qu'il faut employer des forces pour ne
rien faire , nous empêche quelquefois de
mettre en pratique ces veritez : peut- être
aussi quelqu'un par un goût bizarre , our
pour affecter une methode particuliere ,
youdra til faire passer pour bonne une
attitude qui ne sera rien moins que natu
relle. Quand on croit qu'il n'y a point
de regle établie pour une chose , chacun
croit en pouvoir faire à sa fantaisie ; il
est donc à propos de sçavoir à quoy s'en
.tenir.
Il est aisé de voir dans les Observa
tions osteologiques de M. de Winflow
que le bras ne doit point être absolument tendu en ligne droite , qu'on doit
le laisser pendre naturellement , le dedans de la main tourné du côté de la
-cuisse , la main un peu oblique sur la li
gne du bras , et les doigts ni trop serrez
ni trop écartez. Ce sont là les maximes
I des
816 MERCURE DE FRANCE
des meilleurs Maîtres , qui ont parfaitement suivi l'ordre de la nature , peut-être
sans l'avoir trop étudiée. C'est ainsi que
nous admirons fort souvent des consequences dont nous ignorons le principe.
Nous ne sçavons pas combien la verité a
pour nous de charmes , puisqu'il se trouve des occasions où nous l'aimons sans
presque la connoître.
pas
Puisque la situation naturelle du corps
demande que toutes les parties qui le
composent soient tellement disposées que
se soutenans perpendiculairement les
unes les autres , elles souffrent le moins
d'effort qu'il soit possible , il ne faut
qu'il s'en trouve une plus grande quantité d'un côté que d'un autre , ou ce qui
est la même chose , la ligne qui passe par
le centre de gravité du corps,doit doit passer
justement dans son milieu de façon
qu'un plan qui passeroit par cette ligne ,
le couperoit de tous les côtez en deux
parties égales. La maniere de marcher des
personnes qui sont chargées de quelques
poids nous fait sentir la verité de ce
principes elles sont obligées de déranger
da situation ordinaire du corps , et d'en
avancer quelques parties pour faire équi1bre avec le poids ; car si-tôt que tout
est dans un parfait équilibre , tout est
›
aussi
AVRIL. 1732. 817
aussi dans une situation naturelle.
C'est ce second principe qu'on ne doit
jamais perdre de vue dans tous les mouvemens qu'on fait faire au corps , qui re
gle ces mouvemens , et qui leur donne
des bornes : c'est aussi ce même principe
qui fait quelquefois changer de situation
à des parties qui ne paroîtroient pas cependant devoir contribuer au mouvement qu'on a dessein d'executer. Car à
mesure qu'on se trouve obligé de détruire
l'équilibre , en faisant changer de situation à quelque partie du corps , on doit
emploïer une autre partie à le rétablir.
Si on a donc attention en faisant un
mouvement de n'emploïer que les parties du corps qui doivent le produire , et
en même temps celles qui doivent
rétablir l'équilibre que ce mouvement
auroit rompu , on est certain que ce
mouvement paroîtra gracieux , et que
l'on n'y verra rien de contraint et de
gêné. En suivant exactement ce principe ,
soit qu'on marche , ou qu'on danse , on
aura le corps aussi ferme et aussi assuré
sur ses jambes , que si on ne remuoit pas
d'une place.
C'est l'harmonie et la liaison de ces
mouvemens qui font admirer la justesse
etla précision d'un Danseur ; l'art de conI ij duire
818 MERCURE DE FRANCE
duire le corps sans rompre l'équilibre , le
iet en état de tout entreprendre , sans
craindre d'échouer , et la parfaite imitation de la nature qu'il doit suivre , sans
jamais s'en écarter , lui donne toute la
grace qu'il peut avoir. Je suis, Monsieur,
&c.
A
A.Caen , ce 28. Mars 1732.
Demoiselle Camargo.
Ous serez sans doute surpris , Mon
sieur , qu'on ose critiquer l'Estampe
de la Dile Camargo. Seroit - il possible
qu'un Ouvrage si applaudi fut susceptible de quelques défauts et comment ces
défauts auront- ils échappé aux yeux des
connoisseurs , sur tout des Maîtres de
l'Art? Rien cependant de plus facile. On
reconnoît aisément dans cette Estampe
les traits de la Demoiselle. Il n'en a pas
fallu davantage pour retracer dans l'imagination les perfections de cette excellente Danseuse ; mais le plaisir que les idées
de l'original ont fait à l'esprit , a empêché
de faire attention aux défauts qui peuvent être dans la coppie : voici ce que
j'en pense.
Es
AVRIL. 1732. 理
La Figure éffaçant à droit , la Tête ne
doit pas suivre l'effacé. Lors qu'on efface
d'un côté ou d'un autre,la Tête doit demeurer dans sa place naturelle; par consequent une figure qui efface à droit , doit
nous montrer une Tête gracieusement
placée vers l'épaule gauche, j'entens dans
le serieux , car dans le comique le gracieux perd ses regles , pour ainsi dire. On
trouve d'ailleurs de la disproportion dans
la hauteur des bras. Les coudes d'un Danseur doivent être , à peu de chose prés
sur la même ligne , ce qui n'est pas ob
servé.
1
Les deux mains paroissent de face :
quand le contraste d'un Danseur est terminé , comme l'est celui de la Dlle Camargo , ses bras ne doivent jamais se faire
voir qu'aux trois quarts , c'est-à- dire , le dedans de la main du bras ouvert , presque tourné vers la terre, et le dedans de
la main du bras fermé presque vers le
Ciel. Les mains ne doivent paroître de face que dans le tems qu'on passe d'un
contraste à un autre.
Je ne crois pas qu'il soit possible de
contraster moëlleusement les bras dans
la situation où sont ceux-ci , sans pren .
dre de fausses paissances ou fausses déterminations? Peut- être l'habile Peintre , car
jc
812 MERCURE DE FRANCE
5
je connois ses grands talens , suppose-t'il
comme la figure représente Flore ) que
son cher Zephire soufle entre les arbres ,
et qu'elle cherche à l'embrasser ; en ce
cas les bras sont fort bien ; mais s'il n'a
pas eu cette intention , ou quelque autre
équivalente , ils pechent contre les regles
de la danse noble et gracieuse.
L'attitude du pouce et de l'Index de
chaque main n'est pas bien ; cette situation de doigts n'est bonne que quand
une figure tient une guirlande ou autre
chose.
pas
On trouve encore que l'attitude n'est
bien dans son équilibre. Si elle y étoit,
une perpendiculaire sur l'horisontalle
( j'appelle horisontalle l'endroit sur quoi
elle danse ) passant par le point d'appuy
de la figure , qui est le milieu du pied
gauche , devroit la couper en deux parties égales ; ce qui ne se trouve pas , puisque cette ligne aboutit à l'oreille gauche,
et cela laisse beaucoup plus de poids sur
la jambe en l'air ; ce qui n'est pas possible , à moins que d'avoir recours à quelque contorsion de hanche. Une preuve
encore que la figure n'est pas bien à son
aise , c'est que le genouil de la jambe qui
la porte , paroît plié. Or il n'est pas natuel qu'une Danseuse qui reste en repos
Sur
A VRIL. 1732. 18rs
sur un Pas , pour donner le temps à un
Peintre de saisir son attitude , puisse demeurer assez de tems sur une jambe dont
le genoüil est plié.
2.
La jambe en l'air seroit la chose qui me
flateroit le plus , après la parfaite ressemblance , si les regles de l'Art , fondées sur
le naturel , pouvoient me laisser supposer
qu'on puisse la tourner en dehors de la
façon de celle- ci ; il est vrai que l'original fait des choses surnaturelles ; mais il
auroit bien de la peine d'imiter sa copie ,
sans se contorsionner , et peut- être sans
se blesser.
Les Estampes des Dies Subligni , Desmatins , &c. antiennes Danseuses de l'Opera , ne sont pas à beaucoup près si bien
gravées , ni si-bien historiées ; mais elles
sont presque sans défauts à l'égard des regles de la Danse.
La belle posture du corps en repos est
sans doute la situation de toutes ses parties dans l'ordre le plus naturel , et ses
mouvemens les plus agréables à la vuë ,
sont ceux qui se font par la voie qui s'en
éloigne le moins , c'est c'est-àà- dire dire ,, par la voïe
la plus simple. Il est même étonnant
nous aïons besoin de Maîtres pour nous
faire appercevoir ces veritez , et qu'il soit
necessaire de se donner tant de peines
que
pour
$14 MERCURE DE FRANCE
pour acquerir ce qui est en nous naturellement : on n'en peut trouver la raison
que dans notre propre ignorance , et notre manque de discernement et de goût.
L'ame commande au corps en maîtresse,
mais elle ignore les voies par lesquelles
ses ordres s'executent. Peu instruite de la
Mechanique simple qui doit produire un
mouvement , elle y employe souvent des
parties qui n'y furent jamais destinées ;
et plus elle trouve de difficulté dans l'execution , plus elle croit devoir employer
de force. Delà naissent presque toûjours
les grimaces et les differentes contorsions
désagréables. On reste souvent dans l'opinion que ces secours étrangers sont necessaires ; l'habitude devient une seconde
nature , et pour comble de disgrace nous
ne nous appercevons point de nos défauts;
la necessité d'en être instruit nous prouve
celle d'avoir recours à des personnes qui
nous les fassent remarquer.
Les pieds doivent être placez environ
à dix pouces de distance l'un de l'autre ;
ils ne doivent être ni plus serrez ni plus
écartez , parce que dans l'une ou dans
l'autre situation la tête de l'os du fermur
ne seroit pas perpendiculairement dans
sa cavité , et de cette façon les jambes ne
soutiendroient pas le corps avec tout l'avantage
AVRIL. 17327 815
vantage qu'il est possible , dans une figure
debout et dans l'inaction.
Les bras n'étant d'aucun usage pour
renir le corps en repos , ils doivent alors
être considerés comme inutiles ; on doit
donc les abandonner à eux- mêmes, et être
assuré qu'en cet état ils occuperont la
place qui leur convient ; mais une
fausse prévention de l'esprit qui croit
qu'il faut employer des forces pour ne
rien faire , nous empêche quelquefois de
mettre en pratique ces veritez : peut- être
aussi quelqu'un par un goût bizarre , our
pour affecter une methode particuliere ,
youdra til faire passer pour bonne une
attitude qui ne sera rien moins que natu
relle. Quand on croit qu'il n'y a point
de regle établie pour une chose , chacun
croit en pouvoir faire à sa fantaisie ; il
est donc à propos de sçavoir à quoy s'en
.tenir.
Il est aisé de voir dans les Observa
tions osteologiques de M. de Winflow
que le bras ne doit point être absolument tendu en ligne droite , qu'on doit
le laisser pendre naturellement , le dedans de la main tourné du côté de la
-cuisse , la main un peu oblique sur la li
gne du bras , et les doigts ni trop serrez
ni trop écartez. Ce sont là les maximes
I des
816 MERCURE DE FRANCE
des meilleurs Maîtres , qui ont parfaitement suivi l'ordre de la nature , peut-être
sans l'avoir trop étudiée. C'est ainsi que
nous admirons fort souvent des consequences dont nous ignorons le principe.
Nous ne sçavons pas combien la verité a
pour nous de charmes , puisqu'il se trouve des occasions où nous l'aimons sans
presque la connoître.
pas
Puisque la situation naturelle du corps
demande que toutes les parties qui le
composent soient tellement disposées que
se soutenans perpendiculairement les
unes les autres , elles souffrent le moins
d'effort qu'il soit possible , il ne faut
qu'il s'en trouve une plus grande quantité d'un côté que d'un autre , ou ce qui
est la même chose , la ligne qui passe par
le centre de gravité du corps,doit doit passer
justement dans son milieu de façon
qu'un plan qui passeroit par cette ligne ,
le couperoit de tous les côtez en deux
parties égales. La maniere de marcher des
personnes qui sont chargées de quelques
poids nous fait sentir la verité de ce
principes elles sont obligées de déranger
da situation ordinaire du corps , et d'en
avancer quelques parties pour faire équi1bre avec le poids ; car si-tôt que tout
est dans un parfait équilibre , tout est
›
aussi
AVRIL. 1732. 817
aussi dans une situation naturelle.
C'est ce second principe qu'on ne doit
jamais perdre de vue dans tous les mouvemens qu'on fait faire au corps , qui re
gle ces mouvemens , et qui leur donne
des bornes : c'est aussi ce même principe
qui fait quelquefois changer de situation
à des parties qui ne paroîtroient pas cependant devoir contribuer au mouvement qu'on a dessein d'executer. Car à
mesure qu'on se trouve obligé de détruire
l'équilibre , en faisant changer de situation à quelque partie du corps , on doit
emploïer une autre partie à le rétablir.
Si on a donc attention en faisant un
mouvement de n'emploïer que les parties du corps qui doivent le produire , et
en même temps celles qui doivent
rétablir l'équilibre que ce mouvement
auroit rompu , on est certain que ce
mouvement paroîtra gracieux , et que
l'on n'y verra rien de contraint et de
gêné. En suivant exactement ce principe ,
soit qu'on marche , ou qu'on danse , on
aura le corps aussi ferme et aussi assuré
sur ses jambes , que si on ne remuoit pas
d'une place.
C'est l'harmonie et la liaison de ces
mouvemens qui font admirer la justesse
etla précision d'un Danseur ; l'art de conI ij duire
818 MERCURE DE FRANCE
duire le corps sans rompre l'équilibre , le
iet en état de tout entreprendre , sans
craindre d'échouer , et la parfaite imitation de la nature qu'il doit suivre , sans
jamais s'en écarter , lui donne toute la
grace qu'il peut avoir. Je suis, Monsieur,
&c.
A
A.Caen , ce 28. Mars 1732.
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Résumé : REMARQUES sur l'Estampe de la Demoiselle Camargo.
Le texte critique une estampe représentant la demoiselle Camargo, une célèbre danseuse, malgré son succès, présente des défauts techniques. L'auteur reconnaît que les traits de la danseuse sont bien représentés, mais il note plusieurs erreurs dans la représentation de la danse. Parmi les défauts observés, on trouve la position incorrecte de la tête par rapport au corps, la disproportion des bras, et la mauvaise orientation des mains. L'attitude générale de la danseuse est jugée déséquilibrée, et la jambe en l'air est décrite comme contorsionnée. L'auteur compare cette estampe à celles d'autres danseuses, qui respectent mieux les règles de la danse. Il insiste sur l'importance de suivre les règles naturelles du mouvement pour éviter les contorsions et les grimaces. Selon lui, la grâce en danse réside dans le respect de l'équilibre et de l'harmonie des mouvements.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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