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1688, 04 (partie 1) (Lyon)
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EX BIBLIOTHECA
AUGUSTINIANA
LVGDUNENSI
MERCURE
807156
GALANT
DEDIENA MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN.. AVRIL . 168LONG L
LYON
E
PREMIERES PART
*1893
A LYON ,
Chez THOMAS AMAULRY, rue
Merciere , au Mercure Galant .
M. DC.LXXXVIIL
AVEC PRIVILEGE DU ROY
歩き
LE LIBRAIRE
au Lecteur.
'On continuë à distribuer
toutes les ſemaines le Journal'
des Sçavans pour huit fols cha
cun..
LIVRES NOVVEAVX
du mois d'Avril 1688...
Hiſtoire de Louïs douzié
LHme, de Monfieurde Varillas,
indouze ſix volumes. 10.1..
10. fols .
La même en trois volumes,
inquarto. 18.liv
La Politique de la maiſon
22
d'Autriche , de Monfieur de
Varillas , indouze. 30. fols .
Le Mary jaloux nouvelle,
indouze 30.fols ..
Le Secretaire Turc , contenant
l'Artd'exprimer , ſes penſées
, ſans ſe voir , ſans ſe parler
& fans écrire , avec les
circonstances d'une avanture
Turque , & une Relation-trescurieuſe
de pluſieurs particu-.
laritez, du Serrail , qui n'ar
voientpoint encore été ſçûes,
par Monfieur de Vignan cydevant
Secretaire d'un Ambaffadeur
de France à la Por
to, indouze. 30. fols..
Hiſtoire de Mahomet-quatriéme
dépoſſedé, ou l'on voit
beaucoup de choſes concer..
nant l'Empire Othoman , avec
le Portrait des inclinations du
Sakan déposé , fon Horoscope:
&la revolution de cette Ho
roſcope , les deſcriptions de
toutes les revoltes desIaniſſai
res , ſous vingt - trois Empereurs
Turcs; tout ce qui s'eſt
paſſe de plus particulier à la
Porte , pour dépoſer Mahomet
IV. & élever Soliman III..
fur le Trône , une exacte de..
ſcription de ſon Couronne..
ment,la continuation des tron..
bles dépuis cette ceremonie,,
avec pluſieurs autres chosess
curieuſe, indouze. 20. fols.
Tradition de l'Egliſe Catho
lique , & des Egliſes Heretiques
du dernier Siecle , forda
Doctrine de Janſenius , touchant
le Libre Arbitre de la
Grace, par le Pere Eſtienne
Déchamps de la Compagnie
de Jeſus inoctavo, 2.5. f. 3
Nouvelle Relation de laa
Chine , contenant la. defcri
ption des particularitez les
plus confiderables de ce grand
Empire , compofé en l'année
1688. par le Pere Gabriel de
Magaillans de la Compagnie
de Jesus , avec unegrande figure
, inquarto s . livres.
Hiſtoire des Indes Orientales
, inquarto. 5. livres .
Differtations Ecclefiaftiques,
fur les principaux Autels des
Egliſes , le Iubés des Eglites,
la cloſture du Coeur des Egliſes,
par Monfieur Thiers , indouze.
45.fols..
Hiſtoire naturelle & Politique
du Royaume de Siam , diviſée
en quatre Parties , la premiere
contenant la fituation ,
&la nature du Païs , la feconde
, les moeurs des Habitans,
leurs Loix, & leurs Coutumes,
نا
la troifiéme leur Religion , fa
quatrième ce qui regarde le
Roy qui regne à preſent, & co
qu'il y a de plus particulier
dans la Cour de ce Royaume
inquarto.s . livres .
Entretien ſur la vie des Pein
tres , par Monfieur Felibien
inquarto tome cinquiéme..
Avis pour placer les Figures.
L
Air. qui commence par
L'espoir nourrit la constance.s
doit regarder la page 68.
La Figure du Projet de la
communication des mers part
là Bourgogne , doit regarder la
Page84.
L'air qui commence par,Neme
partezpoint de printemps,dois
regarder la page 199
MERC
MERCURE
GALANT
AVRIL
E
LYON
16/1
E fuis perfuadé ,Madame
, que je ne puis
commencer cette Lettre
d'une maniere
plas agreable pour vous , que
par l'Epiſtre en Versque vous
allez lire. Elle eſt du Pere de
Senleque,PrieurCuré de Garnay
, Chanoine Regulier de
Sainte Geneviève. Ce que je
Avril 1688 . A
2 MERCVRE
vous ay déja envoyé du meſme
Auteur, qui regardoit la gloiredu
Roy , a eſté ſi generalement
eſtimé , qu'il a cru devoir
encore écrire ſur une matiere
qui luy avoit ſi bien réuſſi .
Ce dernier Ouvrage receu icy
de grands applaudiſſemens , &
je ne doute point qu'on ne luy
rende la meſme juſtice dans
voſtre Province.
thinhthịt chìhỉ thìhìn
AU ROY
Roy quifais tout cederau plaifir juste,
Qui jeune faifois voir l'âge avancéd'Auguste
,
Et qui sçavois dés lors , mieux
qu'aucun Roy Chreftien ,
Et regner dans nos coeurs, & triom_
pherdu tien ;
:
:
GALANT.
3
Il est vray qu'à toyfeul tout paroist
rendrehommage ,
Queles vents contre toyn'ofentformer
d'orage ,
Qu'en tafaveurles Mursfemblent
Se renverfer ,
Que les Monts devant toy font
prests à s'abaisser,
Quemeſme les glaçons , loin d'arrestertagloive,
Souvent ferventde Pont àton Char
de Victoire ,
Queton Genie estvaste ,& digne
de ton Coeur,
Quel'on voitplusd'un Roy te de
voir sa grandeur ,
Qu'il n'est point de Heros qui ne
fust temeraire,
S'il tentou lamoitié de ce qu'ont'a
veu faire
Et que l'Histoire unjour en dira plus
detoy (àfon Roy
Qu'aucun Flateur iamais n'en a dit
Az
4
MERCURE
Mais qu'admirera- t- elle avec plus
deſurpriſe?
Les Lauriers que ta main a cüeillis.
pour l'Eglife.
Iusqu'au iourd'huy l'Europe a cru
que pourdompter
L'Hydre qu'en vain l'Enfer voudroit
reſſuſciter ,
Tu ne t'estoisfervy que d'Edits, de
carreſſes ,
De la voix des Docteurs, de pieuſes
largeſſes :
Mais tout cela, grand Roy n'a qu'éfleuré
les coeurs.
Cequi charma l'esprit de tant de
Novateurs ,
C'est que depuis trente ans , ils
voyoient que tonZele
Redonnoit à l'Eglise une beauté
nouvelle.
Ils te voyoient punir le courageux
brutal (d'un Rival.
Qui lavoitfon honneur dans lefang
GALA NT.
5
Iln'estoit plus d'Impie , & tonpouvoirfupréme
Releguoit aux Enfers le Demon du
blaspheme.
Les Soldats ne brúlant que d'une
noble ardeur ,
Iamais fous les Drapeaux n'infultoient
la pudeur.
Tu faisois distinguer Rome d'avecqueRome
,
Et l'intereſt de Dieu d' avec celuyde
l'homme...
Lesçavoir ioint au zele, estoit le
Seuldegré
Par où l'on s'élevoit fur le Trône
Sacré, (pacifique
Et tes loix arrachoient la Veuve
Des Ongles raviſſans de la Chicane
étique.
L'Eglise avoit encor d'autres traits
debeauté,
Dont le Peuple Heretique étoit comme
enchanté.
A 3
6 MER CURE
Des Ecoles de Guerre inftraifoient
la jeuneſſe ,
A ne croiſtre pas moins en vertu
qu'en adreſſes
In Cloiſtre Militaire enfermoit les
Guerriers,
Quine tepouvoient plus amafferde
Lauriers (liberales
Etfaint Cyr enrichy de tes mains
Offroit à la pudeur un Temple ,&
des Vestales .
Comment donc l'Heretique estant
ainficharme , ১.
N'eust- il pas pris plaifir àſe voir
desarmé? ةد
Comment , s'estant fenty tant de
fois l'ame éprise
Desbeautez, dont tes foins rajeu
niffoient l'Eglise ,
Neust-il pas fait rentrer ſous les
loixde lafoy
Son coeurà qui l'orgüeilfervoit d'unique
Loy ? 3/28 1
1
GALANT. 7
Cct Enfant dégoûté revint à la
mammelle.
Cet Apostatfut humble , & redevint
fidelle ;
Ce Peuple , que l'Enfer avoit tant
aveuglé ,
Vitqueparfareforme il s'estoit déreglé.
Il ceſſsa d'erigerfaraiſon en Concile,
Il n'empoisonna plus le lait de l'Evangile;
Enfin cet infenfe devint fage sous
toy ,
Et Souffrit fur fes yeux le bandeau
de lafoy.
Ainsi par mille foins , ainsi par
mille charmes ,
Tu fis ce que cing Rois n'avoient fû
par les armes .
Aprés un tel succés que peux- tu
defirer?
Est-il rien où ton coeur doive encore
aspirer ?
A 4
8 MERCURE
Tu te plaignois devoir que lesplus
fortes Villes
Ne te coutoientsouvent que des af-
Santsfaciles;
Chaque Palme tombois dés que tu la
touchois , [rachois ,
Et tu n'en vouloisplus fitu ne l'ar-
Le Ciel t'en a montré dont tu n'a
pûte plaindre ,
Puis qu'on defefperoit de t'y voir
mesme atteindre ,
Il i'a fait attaquer ces esprits
qu'autrefois
Onvoyoit devenir les Tyrans de nos
Rois.
Il t'afait affieger ces coeurs inacceffibles
Où ton Zele avaincutant d'erreurs
invincibles .
Etsagrace , grand Roy , t'a fait
executer.
Tout ce qu'àpeine un fiecle auroit
pû proietter.
GALANT. -9
Quoy que je vous parle
affez rarement de ce qui arri.
ve aux Particuliersdes Cours
Etrangeres , quelque élevez
qu'ils foient par leurs Digni.
tez & par leur Naiſſance , ce
que j'ay à vous dire de Monfieur
le Comte de Vielopolski ,
grand Chancelier de Pologne ,
montre fi bien le peu de ſtabilité
des chofes du monde , que
la fainteté du temps où nous
ſommes m'oblige à vous le
repreſenter comme un exemple
de leur inconftance . Ce
Comte ayant arreſté le mariage
defon Fils aifné avec la
Fille du Caſtelan de Cracovie,
premier Senateur du Royaume
,la ceremonie en fut faite
par Monfieur le Cardinal Radzievvſki
, Archeveſque de
Gneſne ,avec une pompe
As
10 MERCVRE
extraordinaire Leurs Majeſtez
Polonoiſes , accompagnées
d'une Cavalcade tres nom.
breuſe, ſe rendirent au lieu où
elle ſe fit , & Elles y furent
conduites par Monfieur le
Comtede Vvielopolski.Ilyeut
enfuite un repas fort ſomptueux
, & l'on fervit quatre
tables avec une propreté &
une abondance à laquelle il
euſt eſté difficilede rien ajoûter.
La premiere eſtoit pour le
Roy & la Reine , qui firent
l'honneur aux Mariez de les
y faire diſner. Les quatre Princes
leurs Enfans eſtoient aufſi
à cette premiere table. Il y en
avoitdeux autres où les Perſonnesde
la premiere qualité
prirent place , & la quatrième
fut pour les Gofſpodars. C'eftoientceuxque
leCaftelan de
GALANT. ti
Cracovie & fa Femme ,Pere
&Mere de la Mariée , avoient
priez de les afſiſter pour faire
les honneurs de leur Maiſon ,
felon l'uſage receu en Pologne
, où l'on invite de ſemblables
aides aux Noces , & à tou
tes grandes Affemblées . Les
honneurs dont il eſtoit quef
tion en celle-cy , confiftoient
à ſe lever de table , & à s'al
ler proſterner fur les degrez
de celledu Roy & de la Reine
pour boire à leur ſanté. Le
Roy but enſuite à celle de
tous les Conviez , & les Gofpodars
allerent comme il leur
plut choiſir des perſonnes
pour continuer de boire à la
ſanté de leurs Majeftez , & les
porter àſe réjoüir. Le Feftin ,
qui dura fort longtemps , fut
fuivydu Bal , & le Roy com-
S
A 6
12 MERCVRE
mença les danſes qu'on appelle
Dances de ceremonie , en
menant le Marié. La Reine
mena enfuite la Mariée . Les
Princes & les Princeſſes ,Enfans
du Roy , firent la meſme
choſe ,& ces danſes durerent
juſqu'à trois heures aprés minuit.
Le lendemain tous les
Conviez farent leurs prefensfelon
la coutume. Le Roy &
la Reine commencerent , &
comme chacun fit une harangue
en lesdonnant , & que
les Mariez furent obligez de
répondre à toutes ,la journée
ſe paſſa preſque entiere àrecevoir
& à haranguer. Le jour
ſuivant , le Roy & la Reine
ayant eſte prendre la Mariće
dans leur Caroſſe ,la condui-
Grent à la maiſon de Monfieur
le Comte de Vvielopolski , où
leurs Majeſtez furent traitées
GALANT. 13
magnifiquementavec tous les
Conviez . Ce Comte donna le
Bal , & fit durer ces Feſtes huit
jours , en traitant tous les
Parens & tous les Amis . C'eſt
l'uſage du Pays , où d'ordinaireen
de pareilles occaſions on
n'abandonne la Mariée au Marié
qu'aprés de grandes fatigues
.Peu dejours,aprés iltombadans
une maladie fort dangereuſe
,dont on efpera pendant
quelque temps qu'on
viendroit à bout de le tirer
maisenfinil mourut la nuit du
14. au 15. de Février . La Cour
de Pologne en a pris le deüil.
Il avoit épousé la Soeur de la
Reine , à laquelle il a laiſſé par
ſon teſtament des biens fort
confiderables . Nous l'avons
veu en France , où il eſt venu
enqualité d'Ambaſſadeur Ex14
MERCVRE
T
traordinaire. On cacha fa mort:
à Monfieur le Comte Mielopolski
ſon Fils, qui eſtantparty
avec ſa Femme pouraller prendre
poffeffionde la Staroſtie de
Cracovie , fut furpris d'une
fiévre continuë à quinze
lieuës de Varſovie. Il en eft
mort dans ſa vingt deuxieme
année ,& n'a veſcu que huit
jours aprés fon Pere . lugez ,
Madame , ſi je n'ay pas eu raiſon
de vous dire que ce qui ale
plus d'apparence d'eſtre durable
, n'a rien de certain .
Ie vousay faireſperer quelque
choſe de fort curieux fur
les Médailles ,& je m'acquitte
de ma parole par la Lettre que
je vous envoye..
GALANT.
Ce 14. Février 1688 .
LA découverte des - Trefors
estant une chose peu commune ,
j'aycru que celle qui s'est faite depuis
peu en ces quartiers meritoit
bien d'estre connue du Public. Celuy
dont je veux vous parler est plus:
confiderable parfon antiquité que
parses richesses .Un Paifan de Frefnayla.
Mere,Diocese de Sés,ayant
efté obligépar des raiſons qu'il n'est
pas neceſſaire d'expliquer icy ,de
chercher un autre lien que celuyou.
ildemeuroit , poury bastir une mai-
Son. On luy deftina un endroit dans
cettemesmeParoiffe pour s'y établir.
Ayant commencé àouvrir la
terre , pour y jetter les premiers
fondemensily a un mois ou environ,
il n'eut pasfi- tost creusé la profondeur
d'un pied & demy auprés d'un
foffé, qu'il trouva deuxpetits pots
6 MERCURE
de terre environ de la hauteur de
dix pouces , & de la figure de pots
àmoineaux. Ces petits pots estoient
remplis de quantité de monnoye si
vieille , qu'àpeine en pouvoit - on
diftinguer quelque chose. Elle estoit
à peu prés de la largeur des doubles
dont onsefert aujourd'huy ,& toute
mangée deroüille . Si la découverte
de ce Tresor avoit esté faite il y a
treize ou quatorze cens ans , qui
est àpeu prés le lemps qu'il a esté
caché , elle auroit pú faire la fortune
de celuy qui l'auroit trouvé ;
mais ces pieces demonnoye n'estant
ny d'or ny d'argent , ce tresor n'a
point esté trefor pour le Paysan .
mais feulement pour les Curieux.
Vous pouvez bien croire qu'ilne s'en
tint pas àcette premiere découver.
ze,n'ayant rien trouvé qui lefatisfist.
Il continua de foüiller,& ayant
creusé encore davantage, il trouva
GALANT.
17
d'autres pieces plus grandes qui
le contenterent un peu plus , les
croyant d'argent , parce qu'elles
estoient si bien argentées , qu'on
les auroit priſes pour estre de ce
metal , mais en ayant fait voir
quelques - unes à l'Orfeure de Fa .
laize ,il fut détrompé. Peut - estre
en a- t-il trouve d'autres plus confiderables
qui l'ont confolé de ce
chagrin; maisfi cela eft , iln'en a
rien fait connoistre. Vous nedevez
pas douter que cette Nouvelle
ayant estépubliée , toutes fortes de
perfonnes n'y ayent accouru . Les
Curieux & Sçavans des environs
curent de l'empressement pour voir
ces Medailles. Le Pere Prieur de
l'Abbaye de S. André Engouffier ,
Religieux Bernardin de la Maiſon
&Filiatiou de Clairvaux , fut de
ce nombre. Il est voiſin de ce lieu ,
&ayant connu que le Paysan qui
18 MERCURE
avoit fait cette découverte ,faisoit
peu de cas de ces pieces demonnoye,
qui estoient si enrouillées , qu'il
falloit mesme un marteau pour les
Separerles unes des autres , & qu'il
les donnoit à douzeſols la livre , &
les grandes à trois fols & demy
chacune , il en prit beaucoup à ce
prix - là. Apres avoir fait tous fes
efforts pour les déchifrer , en les
zrempant dans de l'Eau forte , ou
en les faisant boüillir dans du verjus
, il en a trouvé environ cinquante
, parmy deux ou trois cens,
dont on distingue fort bien l'effigie
des Empereurs , le revers des Medailles
, & leurs Deviſes ... Il m'a
fait lagrace de me les montrer, &
m'en adit les particularitez , dont
je vais vousfaire part,mais ilfaut
vous dire auparavant , qu'il y a
grande apparence que ce trefora
esté mis en terre du temps que less
GALANT.
19
Romains affiegerent la Ville de Fa
laize ,qui n'est éloignée que d'une
lieuëdu Village où il a esté trouvé
Cette Ville resistaà Cesar , par le
moyen d'une forte Tour qui y est
encore enfon entier , & parfai
tement belle : & ce qui rend ces
pieces de Monnoye confiderables
c'est qu'ellessont incomparablement
mieux frapées , que toutes les
Monnoyes d'à prefent , & mesme
que celles de Varin , habile Grayeur,
dont les ouvrages font tous les
jours admire.z Comme parmy ces
Medailles il s'en est trouvé de diffe.
rens Empereurs , ily en a aussi pluſieurs
d'un mesme Empereur , mais
elles ont presque toutes differens
revers ,& differentes Inforiptions
on Deviſes.
Les premieres font environ de
la grandeur d'une piece de quinze
ols ,& d'une Alchymie fi biens
20
MERCVRE
argentée , qu'on diroit qu'elles l'ont
eſtédepuispeu de temps. La plus
ancienne de ces grandes est de l'Empereur
Trajan , qui fut élevé à
l'Empire par Nerva qui luy donna
la qualité de Cefar , & d'Auguste
l'an de Nostre Seigneur 98. Cette
Medaillea pour revers une Renom_
mée qui tient dela main droiteune
Couronne, & de l'autre unepalme,
avec cette inscription , Victoria
Aug. Ainsi ily a prés de feize
cens ans qu'elle a estéfrapée. Deux
autres Medailles font marquées au
nom de Gordien . Comme elles font
de differente effigie , il est à croire
que ce font celles du Pere & du
Fils. Ils furent proclamez Empereurs
l'an 239. L'une porte pour
revers une Deeſſe aſſiſe ſur une
espece dechaife à bras ,posée fur
rou:. La Deéfse tient d'une main
unecorne d'abondance , & de l'auGALANT.
21
tre une espece de Sceptre la pointe
en bas . Elle porte pour inscription,
Fortunæ Aug. Le reversde laſeconde
est une Minerve debout ,
qui tient une maniere de rameau ,
&pour devise ,Provid. Aug.
Deux autres de l'Empereur
Iulien , de differente effigie , &
de differens revers. Cet Empereur
avoit acheté l'Empire des Pretoriens
, qui l'aſſaſſinerent l'an 195.
L'une de cesdeux Medailles porte
pourrevers une Themis qui tient
d'une mainſes balances , & de l'autre
une corne d'abondance ,&apour
infcription , Æquitas Aug. L'autre
est une Minerve aſſiſe,qui tient
d'une main comme une auge , & de
l'autre une pipe, Elle a pour infcription
, Romæ Bet. Le reste est
effacé.
Ily a une Medaille de Fille
oude Femme, qui porte pour infcri-
3
2/2 MERCURE
ption Cor . Salonina Aug.
a pour revers une Deeffe affife,&
pour infcription , Pudicitia .
Plus trois Medailles , encore de
cette mesmegrandeur, dont on ne
distingue pas bien l'inscription. La
premiereporte. Imp. Cæf. mant.
Gordi. & a pour revers un homme
armé à la Romaine , avec cette
infcription , Virtus . La seconde ,
Imp. Cæſ..... olus ..... Le revers
est une Deeffe debout qui tient
an rameau; l'inscription ,Pax ang.
Les lettres de la troisième ne font.
pas affez bien marquées pour les
pouvoir live.L'Effigiede l'Empereur
yparoist fortjeune. Elle a pour reversune
Deeffe aſſiſe , & pour infoription
, Principium virtutis .
Toutes les autres font de cuivre
rouge , & ont este autrefois argentées.
Parmy celles- là ily en a quelques-
unes de cuivre jaune , &plu
GALANT.
23
fieurs de Cor.Salonina aug.comme
celle dont je vous ay deja parle,
avec cettefeule difference , que
bEffigie paroist d'une perſonns plus
vieille. Les revers enfont auſſidifferens.
Ily a fimplement aux unes ,
Salonina Aug. & celles -là ont
pour revers une Reine qui montre
un Enfant qu'elle a àses pieds ,
avec ces mots pour inscription ,
Foecunditas Aug. ce qui feroit
crowe que ce seroit une Femme, &
que celle qui porte pour devise ,
Pudicitia , feroit une Fille. Les
autres ont pourrevers un Cerfpaf-
Sant, & pour inscription , Junoni
Conf. Aug.
La plas ancienne de ces dernieres
Medailles , est de l'Empereur
Claude , Onclede Caligula , qui fut
porté au Trône par force l'an 43.&
qui mourut l'an 56.1l s'en est trouvé
plusieurs du mesme Empereur
24
MER CVRE
avec differens revers ,& elles font
toutes des mieux frapées. La
premiere à pour revers la Déesse
Themis , & pour inscription ,
Equitas. Lerevers de la ſeconde
est une Deeffe quitient un Caducée,
& l'inscription , Felicitas . La
troisième un Jupiter tout nud ; l'infcription
eft , Jovi Statori .
Vne autre d'une Deeffe qui tient
comme unmiroir d'une main , & de
l'autreune corne d'abondance. Elle
a pourinfcription , Liberalitas .
Vne autre àpeu prés pareille ,
& pour inscription , Providen .
tia.
Une autre qui tient comme un
épi de bled , & pour inscription ,
Spes publica.
Vne autre toûjours du mesme
Empereur , où il y apour revers un
Autel & des flames deſſus , &pour
infcription , Confecratio.
Vne
GALANT.
25
Une autre qui representeunhom.
me arméà la Romaine , & pour
infcription , Virtus.
Vne autre du mesme , qui porte
pour infcription du coſté de l'effigie,
Divo Claudio , & pour revers un
Aigle. L'infcription est , Confecratio:
Ilyen a beaucoup de l'Empereur
Gallien , élevé à l' Empire en 263 .
&affassiné à Milan avecſon Frere
& ſes Enfans en 269. Elles font
presquetoutes avec differensrevers;
ily en a une dont l'effigie est tournée
de l'autre costé.
La premiere a pour revers une
Deeffe , &pour inscription, Abundantia
aug.
Lasecondeest un Centaure ; &
pour inscription, Apollini Conf.
Un autre un cerf paſſant , &
pour infcription , Dianæ conf..
Une autre un Pegaze , & pour
infcription Soli conf.
Avril 1688 . B
26 MERCVRE
Une autre un bouc , & pour
infcription , Jovi conf.
Vne autre qui est une Déesse ,
pour infcription , Fortunæ.
Vne autre , qui est une biche .
Dianæ conf. :
Vne autre , qui est un lupiter
tenant un foudre , lovi conf.
Vne autre qui est une Deeſſe .
&pour inscription , Salus Aug.
Aquitas,
Une autre qui est une Themis ,
Vne autre qui est une Deeffe ,
Providentia.
Vne autre qui est lafigure d'une
Lionne, pour infcription , Libero
conf.
Vne de l'Empereur Posthume ,
qui porte pour revers une espece
de carcaffe de cheval
animal
Lætitia.
,
, ou autre
& pour inscription .
Deux de l'Empereur Valerien ,
GALANT .
27
qui fut vaincu par Sapor Roy des
Perſes , & traité d'une maniere fi
indigne , qu'ilſeſervoit de ſon dos
pour monterà cheval , elleont l'une
& l'autre differens revers. Celuy
de la premiere est un Jupiter qui
tient un foudre d'une main , & de
l'autre une pique, pour inſcription,
Jovi conf. & celuy de la seconde
est un jupiter d'une autre posture.
Iléleve une main au Ciel ,& tient
de l'autre une boule; on n'en sçauroit
lire l'inscription.
Il y en a une de la grandeur
d'une piece de quinze fols,parfai
tement bien frapée , de l' Empereur
Aurelien. Elle a pour reversun fupiter
debout qui semble donner la
mainà un homme armé à la Romaine
, & couronné , l'inscription
eft , lovi conf. Get Empereur est
del'an 274. Ilfut afſaſſiné par les
Chefs defes Armées en 178.
B 3
2:8 MERCURE
VueMedaille de Quintile ,frere
de l'Empereur Claudus. Ce qu'il
yade confiderable en cette Me.
daille , c'est que n'ayant pas regné
l'espace d'un mois , ils'en doit trouverfort
peu. Ilfut aſſaſſiné parses
Soldats en 271 .
Trois autres Medailles. La
premiere a pour revers ane Deeffe
appuyée sur une colomne , & pour
infcription , Securitas. Laseconde
une Deeffe ; & pour infcription ,
Concordia . L'inscription de la
troifiéme eft Virtus .
Deux Medailles de Victorin ,
qui avoit le titre & les ornemens
Imperiaux , & en fut dépoüillé en
267. La premiere a pour revers
une Renomméequi tient une couron_
ne , & pour inscription , Victori .
Ily en a plusieurs autres dont les
reversfont à peuprès ſemblables ,
mais elles ont differentes inscrip
:
GALANT .
29
tions ; l'une , Pax, l'autre Pietas,
l'autre Providentia
Hilaritas.
د
l'autre
Il y a aussi des Medailles de
Tetrique , quifut honoré des ornemens
Imperiaux en 267. Les Effigies
en font differentes.Les unes paroiſſent
d'un jeune homme, &les
autres d'un Vicillard. Les premieres
ont pony revers une Deeffe qui tient
un èpy de bled , &pour inscription,
Spes. Les infcriptions des autres
font , Salus , Virtus , Lætitia ,
Pax ,Hilaritas , Spes publica ,
Fides.
Voilà, Monsieur tout ce que je
puisvousdire de ces Medailes.Vous
enferez part aux Curieux du licu
où vous eltes , & meferezla justice
de me croire voſtre tres , &c .
R.Deſnoyers ...
Milord Comte de Montaigu
, & Madame fa Femme ,
B 3
30 MER CURE
en
Fille de Milord Herber , aprés
avoir fait un long séjour à
Beaune en Bourgogne ,
font partis depuis peu de
temps , pour aller en Angleterre
prendre poſſeſſion du Gouvernement
de la Province de
Suſſex , que Sa Majesté Britannique
a donné nouvellement à
Monfieur deMontaigu . Ils ont
fi bien ſceu charmer les coeurs
de toutes les perſonnes confiderables
de Beaune & du voifinage
, par leur eſprit & par
leurs manieres , qu'on les y regrete
tous les jours . C'eſt au
ſujet du départ de Madame la
Comteſſe de Montaigu que
Monfieur Móreau Avocat
General de la Chambre des
Comptes de Dijon , qui a eu
part à leur eſtime , a compoſé
les Vers qui ſuivent. Vous,
2
GALANT..
3
connoiſſez par pluſieurs Ouvrages
que vous avez veus de
luy , le calent qu'il a pour la
Poësie .
SUR UN DEPART.
L
Aimable Iris nous abandonne
,
Tout languit en ces lieux, les Oi-
Seauxdansnos champs ,
Par leurs airs plaintifs & touchans
Exprimoient la douleur queson départ
leur donne;
Flore dans nos jardins ne produit
plus defleurs,
Les risſechangent tous en pleurs,
On n'entend plus dans nos Fontaines
Queles Nymphes s'en plaindre ,&
l'onde en murmurer ,
Et les tristes Zephirs errant parmy
lesplaines ,
B4
32 MERCVRE
N'en font que soupirer.
Les Plaisirs,les Amours, tout nous
quitte avec elle.
Ah! puis qu'ilfaut qu'Irisſeſepare
de nous ,
८
Allez , tendres Amours , allez ,
Plaisirsfi doux ,
Partez, volez, & Suivez cette
Belle ;
Vous estes faits pour elle , elle est
faite pour vous ,
Allez , partez , Soyezfon escorte
fidelle.
Tandis que ſous d'autres climats
Ses yeux fur mille coeurs étendront
leur empire ,
Pour charmernos regrets au fon de
noftre Lyre
Nous chanteront icy ſes beautez ,
Ses appas ,
Et tout ce qu'en elle on admire.
GALANT.
335
Tantoſt nous vanterons ſon teint
vif, éclatant ,
Ses beaux yeux dont les traits blef-
Sent enun instant
L'ame à l'amour la plus rebelle
Lablancheur de fes dents ,cette bouchefi
belle
Qui répend l'agreable odeur ,
Etfait voir lavive couleur
D'une rose nouvelle ;
Son beausein , Samain blanche,&
Ses bras faits au tour ;
Lagrace qui toûjours accompagne
Son gefte ;
Son port majestueux.fon air libre &
modeste ,
Qui fait naiſtre à la fois le respect
& l'amour;
Sa tailleſans defaut, ſablancheurr
Sans pareille,
Et la voix qui charme l'oreille..
B
MERCVRE
Tantoſt nous vanterons son entre
tien charmant ,
Son esprit ,ſon discernement ,
Son ame grande & genereuse ,
Dans qui l'on voit briller ce noble
mouvement
Qu'inspire une naissance heureuse ;
Sa bonté qui paroist à tous , àtout
moment ,
Son accueil toûjours favorable ,
Et cette douceur admirable
Qui donneàſa perſonne unsigrand
agrément .
Tantoftdesa maison nous chanterons
la gloire ,
Son beau fang ennobly dusangmême
des Rois,
Ses celebres Ayeux , & les fameux
exploits
Qui les font vivre dans l'Hiftoire.
GALANT .
354
Enfin nous parlerons de ſon illustre
Epoux,
Nous dirons ce qu'il fent d'estime
&de tendreſſe
Pour cet aimable objet deſes voeux
les plus doux ;
Nous vanteronsson nom ,ses vertus
, Sa Nobleſſe ,
Le rang qu'il tient dans une augusteCour
Où tout l'appelle , où tout le follicite
,
Deprefferfon retour :
Poury voir par ſon Roy couronner
Sonmerite.
Ainsi tous cessujets divers..
Servant de matiere à nos Vers
Calmeront les ennuis d'une absence
cruelle, ४
Et fi le fort jaloux éloignant cettes
Belle.
B. 60
36 MERCURE
Nous ête encor l'espoir de la voir
revenir ,
Trop contens,trop heureuxde l'avoir
poſſedée , A
:
Et fans ceffe occupez defa charmante
idée ,
مه
Nous en conſerverons au moins le
Souvenir.
i
Le 8. du mois paſſe il fe fit
icy une Operation auffi finguliere
que ſurprenante , &
l'on ne ſe ſouvient point qu'il
s'en ſoitjamais fait une pareille.
Le SrFrançois Collot , cet
habile Operateur pour l'extraction
de la pierre , dont le nom
eſt ſi connu par les grandes cures
qu'il a faites non ſeulement
dans toute la Frances ,
mais dans la pluſpart des Pays
Etrangers , où il a eſté ſouvent
mandé , s'eftant luy - meſme
,
GALANT.
37
fenty tourmenté depuis neuf
mois de cette fâcheuſe maladie
, dont il guerit fi heureu
fement les autres, s'abandonna
avec une entiere confiance en.
tre les mains du Sr Philippes-
François Collot ſon Fils , qui
par une dexterité naturelle &
hereditaire à cette Famille,qui
excelle dans cet art depuis
plus de deux Siecles , luy fit
cette merveilleufe Operation
avec le plus heureux fuccés
qu'on pouvoit attendre. Elle
fut faite en preſence de plus
ſieurs Medecins & Chirur.
giens , & entre autres de Meffleurs
Fontaine & Raoul , anciens
Medecins de la Faculté
de Paris , & de Monfieur Beffiere
, Chirurgien ordinaire du
Roy , qui n'admirerent pas
moins la force de ſon eſprit
3:8 MERCURE
dans cette action , que l'agilité
de ſes mains. La pierre qu'il
luy tira eſtoit de la groſſeur.
d'un oeuf de Pigeon , en forte
que l'on peutdire que le Fils .
n'a receula vie de ſon Pere,que
pour la luy conſerver à luymeſme
, & pour faire plus.
long temps joüir le Public des
avantages qu'il a toûjours
tirez de l'adreſſe & de la capacité
d'un ſi excellent hom- .
me.
Nous commençons d'en .
trer dans une Saifon où l'ona
doit rendre un Prix magnifique
ſi l'on fuit l'engagement
qui fut prit l'Eſté dernier..
Comme les choses que l'on n'a
point publiées , font toûjours
nouvelles pour tous ceux qui
n'en ont pointentendu parler ,
je puis vous faire la relation
GALANT..
39
de cette Feſte , qui ne doit pas,
vous eſtre moins agreable pour
s'eſtre paffée il ya déja pluſieurs
mois , puis que je ne
vous en ay encorerien mandé ..
Les particularitez en ſont aſſez
remarquables pour meriter
voſtre curiofité.LaVille d'Au--
tum,qui estoit autrefois la Capitale
des Gaules , & la ſeule
qui füft capable de donner de
la terreur à Cefar , cherchant a
ſe diſtinguer dans les exercices,
quiont l'apparence de laGuer
re , propoſa a cinquante Villes
de differentes Provinces , un
Prix à l'Arquebuſe de dix mil-
* le francs ; & un autre de deux
mille au Piſtolet. Monfieur
Dorné, Capitaine choiſi par la
Ieuneſſe , écrivit une Lettre
circulaire aux Chevaliers,pour
les exhorter à prendre part au
40
MERCURE
divertiſſement qu'il offroit.
Cette Lettre eut le ſuccés qu'il
en avoit eſperé ; & il en auroit
eu un plus grand, fi la plûpart
des Invitez n'euffent eſté
occupez à l'élection des Magiſtrats
de leurs Villes , qui ſe
faifoit dans ce mefine temps ..
Cependantle 28. Juin dernier,
ou vit arriver les Chevaliers
de la Ville de Dijon bien
montez , en bel ordre , veſtus
leftement , & ayant chacun des
Plumes blanches . Deux Trompettes
les precedoient , & les
gens de livrées eſtoient à leur
fuite. Ils parcoururent deux à
deux les principales ruës de la
Ville , & le Porte- Etendard
eſtoit ſeul au troifiéme rang..
Ceux de Beaune arriverentle
lendemain dans un ſemblable
équipage , ayant des Plumes
GALANT. 41
rouges , & leur livrée demême
couleur. Ceux de Loüen
eſtoient en plus grand nombre
que les autres.Ils avoient leurs
habits galonnez d'argent d'une
même parure, & estoient montez
ſuperbement , avec quatre
Trompettes , quatre Hautbois ,
& quatre Fifres à leur teſte .
Ceux de Châlons , de Nuids ,
de Montcenis , de Tournu , &
de pluſieurs autres Villes firent
la meſme Cavalcade , & tous
fe retirerent au Champ de
Mars dans les logis qui leur
avoient eſté deſtinez . Monſieur
Dorné leur envoya le vin
de preſent , & Monfieur Rabiot
, Conſeiller , & nouvellement
élu en la Charge de
Vierg , leur envoya celuy de
la Ville. La chaleur demandoit
qu'on leur laiſſaſt le tempsde
42
MERCVRE
ſe rafraîchir, mais l'impatience
genereuſe des Autunois porta
les principaux d'entre eux à
leur aller rendre viſite. On enrenditdeflors
partout le ſon des
Trompettes , des Fifres , des
Tambours, des Violons , & des
autres Inſtrumens qui font capables
d'inſpirer l'humeur
guerriere . Les logis eftoient
diſpoſez dans le Champ de
Mars de telle forte , que les
Chevaliers eſtoient vis- à- vis
les uns des autres. Ils ſe viſiterent
en ceremonie , & les
Sergens de Ville avec ceux de
la Compagnie de Monfieur
Dorné au nombre de dix huit,
commencerentà marcheravec
les Tambours pour affembler
la Compagnie . Ils eſtoient vêtus
d'un grand Juſte-au - corps
rouge , galonné par tout, d'ar
GALAN T. 43
gent , avec des chapeaux bordez
de même ; & à meſure
qu'ils paſſoient par les ruës , la
Jeuneſſe qui eſt fort bienfaite,
& auſſi aguerrie qu'en aucun
autre lieu du Royaume , s'affembloit
en hel ordre , & fe
trouva au nombre de quatre
cens hommes richement armez
, avec des habits en broderie
d'or & d'argent. Les rubans
de la cravate & du chapeau
eſtoient bleus, & les Plumes
répondoient à la beauté
de cet équipage. Ils allerent
prendre l'Enſeigne , qu'ils falüerent
par une décharge de
leur Mouſqueterie , &de là ils
ſe rendirent au logis du Capicaine
, où ils firent un grand
feu . Le Capitaine eſtant forty
la pique à la main alla ramaffer
les. Chevaliers de chaque.
44
MERCURE
Ville,qui marcherent à ſa ſuire
avec leurs Etendards particuliers
, ſe diftinguant par un
peu de distance , & par la difference
de leurs livrées . Le
Champ de Mars eft fitué au
milieu de la Ville , & contient
un fi grand eſpace, qu'on
pourroit baftir une Ville confiderable
dans ſon enceinte .
Le Vierg eſtant logé dans
l'une des extremitez , on alla
le falüer. Un peuple infiny
qui estoit accouru de toutes
parts , occupoit le Champ , ravi
d'admiration pour tant de
magnificence. Le Vierg accompagné
des autres Magiſtrats
, & precedé par fix Sergens
de Ville veſtus de manteaux
rouges , fur les coſtez
deſquels eſtoit un lion en broderie
d'or , & armez à leur or
GALANT.
45
dinaire de grandes pertuisanes
, ſe mit à la ſuite des Chevaliers
, & tous en Corps ils
allerent à l'Hoſtel de Monfieur
le Comte de Rouſſillon , Lieutenant
de Roy dela Province,
où ils le ſaluërent par une décharge
de leur Mouſqueterie,
qui fut ſuivie de celle des Canons
de la Ville. Ce Comte
marcha aprés cette belle Compagnie
avec cinquante Gentilshommes
les plus- leftes de
la Province , qui le conduifi .
rent au lieu deſtiné pour faire
l'ouverture du Prix. Ce lieu
eſt renfermé d'une grande muraille
baſtie à la mosaique , qui
regne tout autour d'un grand
eſpace de terre plus long que
large , au milieu duquel les
Chevaliers d'Autun firent
conſtruire il y a quarante ans,
46 MERCURE
un ſuperbe Edifice , au front
duquel paroiſſent cinq Portiques
ſous leſquels font cinq
voûtes qui ſoûtiennent un
grand Efcalier , couvert d'un
dôme d'ardoiſe & de lames de
plomb , extremement beau .
CetEfcalier eſt fait d'une pierre
de taille , reveſtu d'une baluſtrade
de marbre artiſtement
travaillée ; & c'eſt par là que
l'on va dans les apartemens de
cette ſuperbe maiſon . On voit
aux deux coſtez deux petits
Pavillons tres propres , deſtinez
pour faire tirer les Chevaliers
. Le Portique par où
l'on entre en ce lieu , eſt fait de
pierre de taille,enrichy depluſieurs
ornemens , dans leſquels
on a encrouſtédu Jaſpe qui fait
un tres bel effet à la veuë. L'Effigie
du Roy en marbre eſtau
C
GALANT.
47
deſſus , & dans une table au
deſſous d'un marbre noir , on
lit en caracteres d'or les deux
Versſuivans.
4
Hic exercendis aperit Bellona
palestram
Eduacis, animos auget prafeni
tiaRegis.
Lededans de ce Portique étoit
reveſtu de feüillages verds ,
dont on avoit fait une voûte
ornée de Tableaux , & de
Peintures excellentes. Le long
de la muraille qui fait face à
la maiſon,eſtoient fix Loges de
menuiserie , revéruës de tous
les coſtez une agreable verdure.
Là il y avoit pluſieurs
Marchands qui vendoient toutes
fortes de Confitures , de la
Limonade , des Citrons , des
Oranges de Portugal , & differentes
liqueurs . Quantitéde
Luſtres eſtoient arrangez par48
MERCURE
my des Tableaux qui faisoient
une Perspective admirable .
Du coſté droit on avoit bâty
quinze Loges , compoſées de
chacune d'une Salle & d'une
chambre reveſtuës de verdure
dehors & dedans. La derniere
eſtoit pour le Vierg , &
les autres pour les Chevaliers
des Villes étrangeres. Du côté
gauche regnoient quinze autres
Loges de la meſme ſtructure
, dont les Portiques eſtoient
ronds , embellis de couronnes
élevées en piramide qui compoſoient
un agrément ſurprenant.
La Tente de Monfieur
Dorné , qui estoit ſous les
einq Portiques de la maifon ,
eſtoit reveſtuë au dedans d'un
brocard blanc avec des franges
d'or qui regnoient depuis
Le haut juſqu'au bas, & fervoit
de
GALANT.
49
de Tapiſſerie. Sur le haut de
cette Tente au dehors , on
avoit fait mettre les Armes du
Roy ; plus bas celles de Monſieur
le Prince ; Gouverneur
de la Province ; & plus bas
celles de Monfieur l'Eveſque
d'Autun. On conduiſit Monfieur
le Comte de Rouſſillon
au pas , à la main droite , pour
faire l'ouverture du Prix. Son
coup ayant eſté tiré à l'honneur
des Dames , les Officiers
de chaque Ville en firent autant
, & allerent enſuite arbo .
rer leurs Etendards ſur les
portesde leurs Loges . Ceux de
Dijon avoient pour deviſes
deux Arquebuſes croiſées ,avec
ces mots en lettres d'or ,
Non nifi Nobilibus . Ceux de Chalons
portoient trois Globes
Avril 1688. C
50
MERCVRE
dans leurs Armes , avec cette
Deviſe , Urbi non fufficit Orbis.
Ceux de Belone avoient une
Bellonne armée avec cette infcription
,
Auspice Bellona Bibracte antiquavigebat.
Ceux de Montcenis, à cauſe de
leur ſituation qui eſt au haut
d'une montagne , Per ardua
virtus. Une autre Ville avoit la
repreſentation d'une Bombe
qui éclatoit, avec cette Deviſe
Peream dummurmuremagno.Une
autre avoit un Amour qui tenoitdeux
couronnes de Myrthe
, & de Laurieri, Ambit
utramque. Uneautre avoit une
Grenade preſte à tirer , avec
ces mots , Nulnem'approche fans
danger . Enfin elles en avoient
toutes d'ingenieuſes , & de
tres - convenables au ſujet.
GALANT . si
Monfieur Dorné avoit faic
peindre dans un grand Tableau
à coſté droitde fa Tente,
deux grands Elephans avec
deux petits , & on lifoit ces
mots , Annis hacfaciunt miracula
tribus, voulant dire qu'au bout
de trois années il faifoit des
merveilles à rendre le Prix .
D'autre coſté à gauche il y
avoit des champs de bled avec
des Moiſſonneurs,& cette inſcription
, Cumfænore reddo. Les
Villes ne furent pas plûtoſt
logées dans leurs Loges , que
le Vierg leur envoya du plus
excellent vin dela Bourgogne .
Monfieur Dorné fit la mefme
choſe , & comme il eſt naturellement
genereux , il donna
un grand & magnifique repas
à toute l'Aſſemblée , où l'on
but à la fanté du Roy avec de
C 2 10
52
MERCVRE
grandes acclamations , & en
faiſant des décharges de Moufqueterie
& del Artillerie de la
Ville toutes les fois qu'onbeuvoit
à cette ſanté précieuſe.Le
ſoir eſtant venu , toutes les loges
furent illuminées . Celles
des Marchands qui estoient
dans l'enfonceure , formoient
un objet fort agreable.Les Dames
ſe rendirent en cet endroit
, & vingt- quatre Violons
&douze Hautbois qui s'accordoient
parfaitement bien, s'eftant
fait entendre par les ordres
de Monfieur le Comte de
Rouffillon , on fit un grand
cercle au milieu de la place ,
audedans duquel un des plus
confiderables des jeunes Gens
de la Ville commença le Bal
avec une Demoiselle de la
campagne qui avoit de grands
avantages à la danſe.Ils eurent
۱
GALANT .
53
tous deux l'applaudiſſementde
l'Aſſemblée , qui étoit com
poſée de toutes les Perſonnes
de qualité de l'Autunois , de
l'un & de l'autre ſexe . Ce Bal
ayantfiny à deux heures aprés
minuit, chacun ſe retirajuf.
qu'au lendemain,que les Chevaliers
des Villes eſtant venus
dans leurs Loges au ſon des
Tambours des Fifres , des
Trompettes &des autres Inftrumens
, on s'exerça le reſte
du jour à tirer le Prix . Ceux
de Loüen s'aviſerent de reprefenter
le Roy de Siam , &l'un
d'eux veſtu à la mode de ce
Pays là , eſtant monté ſur un
Char de triomphe , précedé
par vingt- quatre Gardes avec
de fuperbes livrées , armez de
grandes halebardes fort propres
& fort luiſantes , & fuivy
C3
$4
MER CVRE
par ſes Chevaliers , fit le tour
des trente fix Loges , au devant
deſquelles on luy preſentoit
des Confitures & du vin ,
qu'il recent avec la gravité
d'un Roy qui ne ſe fait voir
que rarement à ſes Peuples. Il
avoit fait faire un Trône pendant
la nuit ,& tout le monde
accourut pour le voir dans
cette pompe Madame la Marquiſe
de Montjeu étant entrée
en fa Tente , il luy jetta ſon
mouchoir ,& luy fit dire par
fon Drogman , qu'il l'eſtimoit
affez pour la mettre dans fon
Serrail. Il en fit autantà laleune
Demoiselle qui avoit ouvert
le Bal le foir précedant ,
&la nuit eſtant ſurvenue, il fiu
un tour de Ville ſur ſon Char.
Il paſſa devant le College des
Jeſuites, où les Ecoliers qui s'y
GALANT.
55
trouverent , crierent à haute
voix : Vive , vive le Roy de Siam ,
& il ordonna qu'on leur donnaſt
congé pendant le temps du
Prix; ce que ces Peresluy accorderent
fort honneſtement.
Il voulut enfuite ſouper en pablic,&
les Muficiens de la Vil
leluy donnerent un tres -beau
Concert pendant ce repas . Le
lendemainil monta encore fur
fon Char de Triomphe pour
venir en fa Tente , & aprés
que toutes les Villes furent affemblées
, il ſe fit conduire
chez Mr Dorné , auquel il fit
ſçavoir par fon Interprete ,
qu'ayantappris les merveilles
de la vie du grand Empereur
des François , & qu'il eſtoit
l'un de ſes principaux Capiraines
, il venoit l'inviter de
dire à fon Prince qu'il avoic
C 4
56
MERCURE
quitté ſon Royaume pour venir
admirer fes vertus , & luy
preſenter fes hommages .Monfſieur
Dorné luy répondit que
fon Empereur eſtant auſſi genereux
qu'il l'eſtoit , ne manqueroit
pas de cherir fon amitié.
On le regala enfuite magnifiquement
, & on ordonna
ala Jeuneſſe de luy rendre tous
les honneurs qui luy eſtoient
deus.Celle- cy prompte à obeïr
monta ſur de petits chars de
triomphes , & fur des chameaux
qui ſe trouverent fortuitement
en la Ville; d'autres
monterent fur des chevaux ,
& tous veſtus avec de grandes
veſtes de brocard d'or à la façon
des Armeniens , ayant les
uns le Turban en teſte , les autres
le Bonnet comme les Siamois
, allerent le prendre en ſa
GALANT.
57
Tente , & le conduifirent en
triomphe parmy les ruës , &
dans fon Palais . Le foir lajeune
Demoiselle qui s'étoit déja fait
admirer à la danſe , cut un Bal
reglé chez Monfieur le Lieutenant
general de la Chancellerie
, où tout ce qu'il y avoir
de Gens de qualité ſe trouverent.
On y fervit de la Limonade
en profuſion,des Citrons,
des Oranges de Portugal , &de
toutes fortes de Confitures.Ce
Bal finy , il reſtoit à voir le
lendemain qui emporteroit le
Prix. Le bonheur accompagna.
les Chevaliers de Dijon ; le
Capitaine fut le victorieux .
On luy donna une Medaille
d'or d'une tres grande valeur.
Sur l'un des coſtez eſtoit l'Effigie
du Roy , & fur l'autre les
Armes de la Ville d'Autun.On
CS
58 'MERCURE
le conduifit en armes en fon
logis ; on luy envoya les preſens
de la Ville & du Capitaine
, & ce dernier regala encore
une fois toute l'Affemblée
avec une magnificence & une
propreté ſans pareille.Pendant
les trois joursdu Prix , on envoyoit
en chaque Loge douze
douzaines de bouteilles de vin ,
des paſtez de venaiſon , des
jambons de Mayence , & ce
qu'on pouvoit trouver de plus
propre à réveiller l'appetitdes
Chevaliers. Le Vierg tenoit
table ouverte & Monfieur
Dorné donna deux magnifiques
Colations aux Dames.
Jamais tant de joye n'avois
paru. Jamais on n'avoit veu
tantd'ordre dans une Ceremonie
, ny tant de ſplendeur &
d'éclat dans les habits , &ja
GALANT.
59
mais on n'avoit oüy tant de
fois crier , Vive le Roy , qu'on
l'entendit, pendant tout le
temps de ce grand divertiffement
, qui ſe termina par un
Bal donné chez Monfieur le
Comte d'Aligny , à une belle
Demoiselle du voisinage , qui
avoit tous les agrémens poffibles
de la taille , de la beauté ,
& de la danſe pour meriter cet
honneur. Le quatrième jour ,
les Chevaliers parurent en or
dre pours'en retourner. On les
accompagna en armes juſques
aux portes , & comme ceuxde
Loüen s'eſtoient le plus fignalez
, on les conduifit à une
lieuë de la Ville , dans une
grande plaine ſur leur route
où ils trouverent un magnifi--
que repas ſous une Tente de
feüillages qu'on avoit fait dref
C6
60 MERCURE
fer à ce deſſein. Monfieur le
Marquis de Montjeu les regala
dans ſa belle maiſon de
Montjeu , baſtie ſur une montagne
,au haut de laquelle ſont
deux grands eſtangs ſemblables
à deux lacs , & des lets
d'eau d'une hauteur incroyable.
Il les fit chaſſer dans fon
Parc , & leur donna un fore
beau Concert .
Ce n'eſtoitpas aſſez d'avoir
tiré le Prix à l'Arquebuſe , il
falloit auſſi pour achever la
pompe de cette Feſte , qu'on
ziraſt celuy du Piſtolet. La Nobleſſe
fit l'ornement de l'Af
ſemblée . Monfieur le Comte
d'Aiguli fe mit à la teſte des
Chevaliers du Charolois
Monfieur le Comte de Vauteau
, qui avoit eſté élu de la
Nobleſſe de cette Province là,
GALANT 6
voulut marcher ſous ſon Etendart,
& Meffieurs de Fonte
naille , de Poüilly , le Cler ,de
Boucherin ,&pluſieurs autres
les accompagnerent. Monfieur
Dorné fut le Capitaine des.
Autunois ,ſuivy de Meſſieurs
de Millery , des Poillots , du
Pouriot,la Tour-Guerin,Coneley
, & de pluſieurs autres..
Monfieur de Serandey fut le
Capitaine de la Ville de Luzy
& Meſſieurs de Mazelle, de S.
Prix, de Courvoux,des Chaps
de Trezillon , Courcelle , la
Broſſe au Comte . & pluſieurs
autres furent du meſme party..
Tous ces Meſſieurs pritetleurs
livrées . Celle d'Autun fut le
bleus celle du Charolois le rouge
,& celle de Luzy le Blanc..
L'Etendardd'Autun étoitd'un
brocard bleu avec un Lion.cn
64 MERCURE ;
broderie d'or , & autour il y
avoit cette inſcription , Formidine
cuncta replebo. Celuy de,
Charolois étoit d'un tabis rougeavec
deux couronnes , au
deſſous deſquelles eſtoient les
Armes de France & d'Eſpagne
avec ces mots,Duaproteget unus ..
Celuy de Luzy estoit d'un ſatin
blanc de Gennes , bordé.
d'une crepine d'or , avec de
grands cordons de meſme , &
au milieu une Levrette fans
collier , avec cette inſcription,
le tout en broderie d'or , Vivat
amæna libertatis amor. Ces trois
illuftres Compagnies monterentà
cheval ayant eſté ſaluées
de l'Artillerie de la Ville , &
elles furent conduites deux à
deux en armes parla Jeuneſſe.
d'Autun , qui les falüa par une
décharge de ſa Mouſqueterie
GALANT. 63
L'équipage ſuivoit avec les
chevaux de main , couvert des
Selles en broderie de differentes
figures avec des houffes
qui traiſnoient juſques à terre,.
fur leſquelles eſtoient lesChiffres
des Maiſons des Particuliers
, & aux quatre coins leurs
Armoiries . Comme la Nobleffe
fait profeffion des armes , elle.
eftoit veſtuë cavalierement
les uns d'une étoffe bleuë , les
autres de rouge , & les autres
deblanc. Les Echarpesen broderie
avec des franges d'or &
d'argent de la hauteur d'un
demy pied , &les plumes qu'ils
portoient fur leurs chapeaux,
d'un prix confiderable re
✓ hauſſoient leur bonne mine,&
faifoient remarquer un air qui
inſpiroit de la crainte & du
reſpect. Cinquante grands
64 MERCVRE
Laquais qui ſuivoient portoient
les piſtolets dont on devoit
ſe ſervir pour tirer le prix...
Leurs livrees accompagnoient
merveilleuſement bien les.
couleurs que leurs Maiſtres
avoient choiſies .Quatre trompettes
precedoient la marche
de chaque Compagnie, & l'ordre
étoit tekqu'on pouvoit l'attendre
de gens accoûtumez à
ne le jamais rompre dans les
occaſions les plus perilleuſes ..
Ils arriverent aux Tentes que
l'on avoit preparées , & aprés
une courſe legere pour faluer
les Dames, on arboreles Etendards
fur les Tentes qui ſe
trouvoient extremement pro
pres pour la Saiſon . Mõſieur le
Comte d'Aiguli ouvrit le prix
par un coup au noir , & tous
les Chevaliers tirerent chaGALANT.
65
cunle leur pourles Dames . En
meſme temps Monfieur Rabiot
envoya les preſens de vin par
les Valets de Ville,& Monfieur
Dorné en fit autant par les Sergens
, & par les Tambours de
fa Compagnie. On fervit enſuite
un grand Repas où l'on
but à la ſanté du Roy avec les
fanfares des Trompettes,& les
décharges des Canons & de
Mousquets . Toute la Ville
accourut à cette réjoüiſſance;
n'entendoit autre choſe
que des cris de Vive le Roy.
Les Chanoines de la Cathedrale
envoyerent leur Mufique
, & les Violons firent un
Concert tres harmonieux. Enfin
tout Autun eſtoit uny dans
les voeux qu'il faifoit pour
fon Auguſte Monarque , qui
par la paix luy procuroit un fi
on
66 MER CURKE
profond repos , & les moyens
d'avoir des divertiſſemens fi
agreables . On propoſa aux
Chevaliers de nommer chacun
ſa Dame. Le hazard voulut
qu'ils les choifirent avec
distinction , & fans que l'un
priſt celle de l'autre . Le lieu
fut éclairé d'une quantité de
flambeaux , on danſa ſans faire
un Bal reglé , & le lendemain
on tura le prix en quatre volées
qui fut remporté par Mr
de Siry de Serandey. C'eſt un
Gentilhomme de bonne mine ,
& qui n'a pas moins d'eſprit
que de coeur . Ila fervy longtemps
dans les Armées de Sa
Majesté , en qualité de Capitaine
de Chevaux. Il alla faire
compliment à la Dame qu'il
avoit choiſie , comme ayant
eſté animé par elle pour bien
GALANT.
67
tirer , & il luy donna le Bal où
elle parut avec beaucoup d'avantage
. La nuit s'eſtant pafſée
en toutes fortes de divertiſſemens
, on donna parole de
- rendre le Prix au Printemps
prochain . Le jour fuivant , la
Compagnie de MonfieurDorné
conduifit en armes Monfieur
de Serandey juſques àla porte
dela Ville .Cent Cavaliers l'accompagnerent
à deux grandes
lieuës, ou chacun ſe ſepara ,
avec promeſſe de fe revoir au
premierPrix qui feroitdonné
こVous avez eſté ſi ſatisfaite
de tous les Airs que je vous ay
envoyez de Monfieur de Montailly
, que je ne doute poine
que vous ne receviez de celuycy
, qui eſt encorede ſa compofition
, le meſme plaifir que
vou's ont donné les autres ..
68 MERCVRE
AIR NOUVEAU .
L'Espoir nourrit la constance
Et l'amourfans efperance
Ne dureroitpas un tour.
Iaime avec une ardeur extrême ,
Mais je veux trouver du retour
:
Quand i'aime ;
Autrement teſuis bien- toft las ,
Et la beautémesme
Sans amourne meplairoit pas.
L'Ouvrage qui fuit a paru
icy trop agreable , pour neme
pas donner lieu de croire que
la lecture vous divertira. Ie
neſçay point le nom de l'Auteur.
1
EPITHALA ME.
Allons,ma Muse, accordans
nous
;
GALANT. 69
Voicyla grande&fameuse iournée,
Où nous devons publier l'Hymenée
De la Beauté pour qui nos chants
furent fi doux.
C'est cet objet charmant , dont la
tailledivine ,
Avec mille talens divers ,
Fait depuis fi long-temps le ſujet
demes Vers;
En un mot ,c'est mon Heroïne.
Cette nouvelle t'interdit .
Taſurpriſe paroist extrême ;
Fen ay paru cent fois plus étonné
moy- mesme ,
Quand un petit Amourm'enafait
lerecit.
Cct Enfant tout aimable avec ſa
treffe blonde ,
(Je ne sçay pas comment dans ma
chambre introduir )
Eſt venu m'éveiller au milieu de la
nuit ,
Tandis que je dormois dans une
paix profonde ;
70
MERCVRE
है
Il m'afait le discours qui fuit
D'un airle plus galantdu monde.
Ie viens icy mal àpropos
Vous troubler , m'a-t- il dit , dans
voſtre doux repos .
Le ſçay que je vous importune',
Mais vous le pardonnerezbien.
Lors que je vous diray que lacharmante
Brune,
Qui fait de vostre efprit le plus
doux entretien ,
Vient d'engager ſon coeur dans le
Sacrélien.
Cecoeur quiparoiſſoit peu tendre ,
Qu'on croyoit exempt de defirs ,
Sepâme dans les douxplaifirs
Que de l'Hymen on peut atten.
dre.
Le viens d'eſtretémoindeſes tendres
ardeurs.
Mille Amours comme moy voltigeansſurſa
couche ,
GALANT .
71
Comme un Effaind' Abeillesfur
des fleurs,
Taloux de voirprodiguerſes faveurs
A l'heureux Amant qui la touche ,
S'efforcent en volant d'attraper fur
Sa bouche ,
Mesmes plaisirs,mesmes douceurs.
A l'envy tout tâche àleurplaire,
Dans cette nuit pour eux plus belle
que le jour ;
On prendroit l'Amant pour l'Amour
,
Et la Maiſtreſſe poursa Mere.
Nous qui fuivons par tout les pas
De ces Divinitezſuprèmes ,
Nous nous y tromperions nous
mesmes
Tant ces deux Amansont d'appas ,
Nevous voyant point de lafeste ,
I'ay quittéles Amours, les Graces
&les Ieux ,
Pour venir icy teste à teste
Fous dire les plaisirs de ces coeurs
amoureux.
72
MERCURE
Si de leurs doux accords le recit
vous éveille ,
Et cauſe en vostre coeur du trouble
&de l'effroy
i
,
Que leDieu qui fait qu'on fommeille
Vous rende viſite après moy.
22
En achevant cette parole
Cet Enfant fi mignon ,si bean ,
Prend ſoin de tirer monrideau ,
Metournele dos , & s'envole.
Aprés un tel difcours , belas!
Pouvois-ve être un momenttran
quille?
Vainement lesommeilm'auroit tendules
bras ,
f
Sespavots n'avoient rien pour moy
que d'inutile.
Mestroubles estoient exceffifs ,
De moment en momentje crois qu'on
melutine ,
Mes ennuis deviennent plus vifs,
Avec
GALANT..
73
Avec peine je m'imagine ,
Que l'on marieuneHeroine
Sans d'éclatans préparatifs .
Je croy pour m'outrager que la nuit
Se prolonge ,
Mon esprit veut fortir de cette ob-
Scurité,
Le jour vient enfin ,je me plonge
Dans de nouveaux soupçons dont je
fuis agité ,
MonSoucys'augmente & me ronge,
Et tout ce que j'ay crun'eſtre la nuit .
qu'un fonge ,
Elt le jour une verité.
le vais voir la Beauté de mille at
traits pourveuë ,
Qui cauſe mes ennuis & monem.
perſſement ,
Et quand je ſuis entré dansſon appartement
Cequi frape d'abord ma verë
Et le Portrait defon Amant.
Avril 1688 . D
74
>
MERCURE
ilme paroist toutfier deſavictoire,
Et contraint de baiſſer les yeux.
Ie ne puis plus douter que le plus
beau des Dieux ,
Contentantſes defirs , ne l'ait com
bléde gloire ,
Ie paſſe plus avant , & dans la
chambre entré ,
De cette Beauté qu'il adore ,
Sesyeux pleins du beau feu dont il
est penetré ,
Defon bonheur charmant m'inſtrui-
Sent mieux encore.
Elle veut en vain le celer ,
Tout ſçait mieux quefa bouche en
ellem'en parler,
Elle paroitfi fort embarassée;
Que leſoin qu'elle prend de le diffi
muler ,
Nefert qu'à trabirſapensée ,
A découvrir le feu dont fon coeur
Sçait bruler,
Et comme la nuit s'est passée.
GALANT.
75
Ie demeure auprés d'elle interdit &
reſveur ,
Moins agitéd'amourque de colere.
Quoy !m'avoir caché cemistere ,
Quand j'aurois deu sçavoir lesfecretsdefon
coeur!
Que ne puis - ie à mon tour me
taire!
Maisbelas ! bien loin de lefaire,
T'explique tout en ſa faveur ,
Et jeſçay que dans certe affaire,
Elleavoulum'épargner la douleur
De la voir dans les bras defon beureuxvainqueur.
Tandis que tant defoins &de veilles
l'accufent
De trop d'ingratitude& de mépris
pourmoy,
IeSens pourtant je ne sçayquoy
Qui parlentpour elle ,& l'excu
Sent ,
Malgré son traitement fi dur &
fi cruel ,
D2
76 MERCVRE
Ienepuism'empécher dans l'ardeur
qui m'anime ,
Deluy marquer encor l'excés de mon
estime ,
Etrendre par mes chants ce jour
plusfolemnel.
e
Mais toyque ie vis toujours prefte
De mefeconder au befoin ,
MaMufe tu ne prens nul foin
De celebrer pour elle unefi grande
Feste?
C'est un crime d'estre muet,
Sur unesi belle matiere ; ....
Sans fonger à ce qu'on nous fait ,
Rempliffons bien noſtre carriere .
Nous avons trop bien commencé ,
Pourne pas achever de mesmes
Et bien ou malrécompensé
Vn grand coeur doit avoir une con-
Stance extréme.
Ayant dessentimensfidoux
Pourune Beautéfi cruelle ,
と
GALANT.
77
Elle n'aura pas lien defe plaindre
de nous ,
Et nous pourrons nous plaindre
a
T
Que le ciel donc puiſſe à jamais
Benir des noeuds ftpleins d'attraits ,
Et que deces Amans l'unà l'autre
fidelle
L'ardeur chaquejour renouvelle!
Que tout previenne leurs defirs ,
Et malgré les jaloux d'unefi douce
wie;
A
Qu'elle ne ſoit jamaisfuivie
Que des Graces , des Ris des Ieux ,
&des Pla (irs.
Nous avons perdu fur la
fin du dernier mois quelques
Perfonnes confiderables , dont
voicy les noms .
Meffire François Gatien ,
receule 13. Juillet 1685. Con.
D3
78 MERCVRE
feiller au Parlement de Paris ,
en la ſeconde Chambre des
Requeſtes du Palais. Il avoit
eſté auparavant Conſeiller au
Chaſtelet .
Meſſire Loüis Roſe de Coye,
Secretaire du Cabinet du Roy,
& Confeiller au Parlement de
Mets . Il a laiſſe des Enfans de
Dame .... de Bailleul , Fille
de Meffire Louïs de Bailleul ,
Marquis de Chasteau Gontier
, & Prefident au Mortier
au Parlement de Paris, & petire
Fille de Meffire Nicolas de
Bailleul , auſſi Preſident au
Mortier dans le même Parlement
, & Surintendant des
Finances de France . Monfieur
de Coye eſtoit Fils de Meſſire
Touſſaint Roſe , Preſident en
la Chabre des Comptes de Paris
, & Secretaire du Cabinet
GALANT. 79
du Roy. C'eſt un homme d'un
merite tres - diftingué ; vous
ſçavez qu'il eſt de l'Academie
Françoife.
د
Dame Madeleine Dangucchin.
Elle estoit Veuve de
Meſſire Paul Hay , Marquis du
Chatelet Confeiller d'Etat
ordinaire , qui efſtoit de l'Academie
Françoiſe , & d'uneancienne
Famille de Bretagne.
La Famille des Danguechin a
donné divers Officiers au Parlement
, & plufieurs Procureurs
Generaux à la Cour
des Aides de Paris , & porte
d'argentà trois teftes de Corbeaux
defable.
Meffire Baltazar Phelypeaux
d'Herbault. Il eſtoit Aumônier
du Roy , Abbé de Bourgmoyen
de Bleis , &de Saint Lau
rent lez Cone,& Fils de Mef-
D4
80 MERCURE
,
fireBaltazar Phelypeaux, Sieur
d'Herbault mort Conſeiller
d'Estat , & de Dame Marie le
Feron Fille de Raoul le Feron
Maistre des Comptes , & de
Renée Hennequin. Son Ayeul
eſtoit Remond Phelypeaux ,
Sieur d'Herbault &dela Vril .
liere , Secretaire d'Etat , & fon
Ayeule , Claude Gobelin ,
Fille de Baltazar Gobelin, Prefidenten
la Chambre des Compres
. Il y a eu pluſieurs Secretaires
d'Etat de ce nom qui ont
tres fidellement ſervy
Rois , & fe font rendus confi-
-derables par leur merite particuliers
, qu'ils ont fait paroiſtre
en diverſes Negociations
importantes , où ils ont réufi
à l'avantage de cette Couronne.
Monfieur l'Abbé d'Herbault
qui vient de mourir ,
nos
GALANT . 81
eſtoit Neveu de feu Meſſire
Louis Phelypeaux de la Vrilliere
, Secretaire d'Etat , Pere
de Mr de Chateauneuf , digne
Succeſſeur de cette Char
ge. Il laiſſe un Frere , Meffire
François Phelypeaux , Sieur
d'Herbault , Conſeiller honoraire
en la Grand' Chambre
du Parlement de Paris , dont
la Fille Marie Anne Phelypeaux
eſt morte peu de jours
aprés fon Oncle , Phelypeaux
porte écartele au 1. & 4, d'azur ,
femé de quatre feuilles d'argent aw
franc d'Hermines, au 2. & 3. d'ar
gent à trois lezards de Sinople. Ils
font alliez aux de Rochechoüart
, de Tonnecharante ,
du Blé d'Uxelles , deBaude de
Palluau de Frontenac , Cre--
vant - d'Humieres , Garrault ,.
de Beau-harnois de Miramion,
D
82 MERCVRE
le Feron, Hennequin , Loiſel,
Mangot de Villarceau , Talon ,
Bignon , Habert de Montmort,
Gobelin, de Raconis,de Neufville
- Bury , de Fourcy , Particelly
d'Hemery , de Hodicqde
Marly , de Villebois , &
autres.
Ie vous envoyay il y a deux
mois une Lettre fort curieuſe
du fameux Monfieur Bernier.
Elle a trouvé des Admirateurs
&des Critiques , mais ces derniers
ne l'attaquent point en
toutes ſes parties , ils en combattent
ſeulement quelquesunes
, & ils le font de cette
maniere honneſte,qui fait ſouvent
plaiſir à ceux qui font attaquez
, puis qu'elle leurdonne
lieu de faire paroiſtre ce
qu'ils ſçavent. Ainſi l'on peue
dire que les querelles qui arri
GALANT.
83
১
ces
vent entre les gens de Lettres,
ſont preſque toûjours à l'avantage
, & des Aggreffeurs, &de
ceux qui ſe defendent
fortes de differends eftant pour
les uns & pour les autres de
favorables occaſions de faire
briller leurs differentes lumieres
. Ce que je vous envoye eſt
du celebre Monfieur de Comiers
, dont l'érudition eft
connue , & qui eſt eſtimé de
tous les Sçavansde l'Europe.
:
D65
84 MERCURE
LETTRE DE M. COMIER ,,
à M. Hardy , Seigneur de
Beaulieu, contenantla Conduite
, l'Elevation des Eaux
&tout ce qui concerne les
-letsd'eau.
pauvre
Ous demandez, Monsieur,bien
des choses à lafois à un
aveugle ; premierement , mes reflexions
ſur la Lettre de Monsieur
Bernier inferée dans leMercure de
Février dernier , dans laquelle il
fare que l'eauparſaſeule volubilité&
pesanteurcoule d'un bout à
L'autre d'un canal parfaitement à
niveaudefix àsept lieuës de lonqueursans
aucune pente ;secondement
, tous les moyensde trouver les
Sources d'can , & ensuite ce qui est
A
THEQUE DE
BIBLIOT
NOAI
84
LE
xio
Ber
Fer
lite
D'ai
nir
BUL
me
GALANT.
85
neceſſaire desçavoir pour la conduíte
des eaux ; les Machines pour les
éleverdans des Refervoirs , &mon
abregéde tout ce qui concerne les
Lets d'eau , leur hauteur & leur
dépense.
mouvement
Bien que vous ayezune parfaite
connoiſſance de toutes ces choses,&ب
meſme la pratique dansvostre belle
maison de Beaulieu prés Chartres ..
où vous élevez vos eaux de fources
vives par la Machine d'une nou
velle application du principe de
, qui se trouve enfin
dans la derniere perfection , plus
parvostre propre connoissance &
penetration d'esprit , quepar aucun
de mes avisfondezsur mes longues
experiences & sur celles de few
Monsieur de Francine nôtre bom
amy , ( car vostre machine estant
Sans manivelle ny frotement des
parties elle est incomparablement
86 MERCURE
plus belle , & avec une moindre
puissance,elle a un plus grand effet
qu'aucune desMachinesqui ayent
encore paru à Versailles ou ailleurs
je veux neantmoins vous fatisfaire
, afin qu'on ne croye pas
gu' ayant perdu la veue jefois tombédans
Loiſivetèfans lettres, qui est
le Sepulchre des hommes vivans ,
Otium fine litteris ſupultura
hominis viventis . le commence
par l'examen de ce que Monfieur
Bernier Chefdes Philofophes Gaffendiſtes
, a debité au sujet du
grand Canalde Languedoc,qui fait
lacommunication des deux Mers
où ildit , qu'ily a un canalde fix
àfept lieuës de longueur de pur niveau,
où l'eau coule d'un bout àl'au
trefansaucune pente. Ie dis ,que la
Phyſico - Mathematique n'est pas
Seulement la plus belle étude des
veritables Scavants , elle est encore
GALANT. 87
tres utile & même neceſſaire au
bien de l'Etat ,& avantageuse à
chaque particulier. Ils'agit icy de
Lefaire connoistrepar la conduite des
caux,laquelle depend d'un parfait
nivellement , ſans lequel les
deffeins les plus importans avorteroient
aprés la dépense inutile de
pluſieurs millions ,si on entreprend
ces grands Ouvrages furle dire de
Monsieur Bernier , qui aſſure
qu'il n'estpas necessaire de donner
de la pente àl'eau pourla conduire
où l'on desire..
2
Monsieur Bernier ne parle pas.
en Maîtreen la conduite des Eaux..
Voicyfes termes. Je ſuis icy , ditil
, où ſe rendentles Eaux de la
Montagne noire , pour faire la
communication des deux Mers ,
de ce fameux Canal , qui eft
ſoutenu à my - côte pendant
40. lieuës delong
88 MERCURE
CommeMonfieur Berniernefait
pas autrement la defcription de
ce fameux Canal , je veux bien y
Suppléer.
i
L'execution de ce grand ouvrage
medité par les Empereurs
Romains , & examiné pendant
tant de Siecles , étoit refervée au
regne de LOVIS LE GRAND , à
qui rien n'est impoſſible , qui agit
par tout en mesme temps , dont
l'esprit éclate comme le Soleil dans
tous lescoins de l'Univers , & dont
Lapuiſſance peut estre comparéeà
l'Ocean , qui estant immense en
foy - mesme , avance ſes bras par
tous les endroits de la Terre. Vous
neferezdonc pas faché, queparla
生necessité de faire mes justes reflexions
sur la Lettre de Monfieur
Bernier , ie fois obligé de vous envoyerenpeu
de mots tout ce qui
concerne cegrand Canal artificiel,
GALANT. 89
qui fait la communication des deux
Mers , puisque par son moyen tes
plus grandes Barquespeuvent pas.
fer en quatorze jours au plus , de la
Mer Oceane dans laMediterranée.
Monsieur Riquet ayant étudie
lapoſſibilité& les moyens de faire
cette communication , reconnut que
la petite Eminence de Naurouſſe ,
qui eſtålateste des deux Valons ,
Seroit le point de partage, par le
moyen des deux petites Rivieres ,
qui ont leurs fources à latestede ces
deux Valons à demy - lieüe l'une
de l'autre. La Riviere de Fresque
coule àl'Orient dans l'Aude & la
Riviere de Lers au couchant .
Monfieur Colbert dont l'application
estoit infatigable pour faire
fleurir les Arts , les Sciences ,& le
Commerce , ayant esté convaincu de
la poſſibilité de cette lonction des
१० MERCVRE
deux Mers, on commença àytra
vailleren 1666. Les Eaux de fix
Rivieres dela Montagnenoire ont
eſté conduites par des Canaux au
Refervoirde Saint Feriel, qui estun
Etangd'un Valon,la Chauffée allant
d'une Montagne à l'autre. Il est à
demy- lieuë au deſſus de la Ville de
Revel. Cet Etangen fournit le
Baffin de Naurouffe , point de partage,
d'oùl'eau defcend par deux
Canauxdans lesſources de Frefque
de Lcrs.
Ce Baffin eft de pierre de taille,
fafigure eſt octogone ovale ,fongrand
diametre eft de deux cens toiſes,&
lepetit de cent cinquante.
Le Canal d'Occidenta dix - huit
Ecluſes tant doubles que simples ,
qui font vingt-sept Corps d'Eclu-
Jes dans l'espace de 28142. toises ,
qui font douze licies communes de
France de 25. au Degré.Apres ces
GALANT.
91
te longueur depuis le point de partage,
le Canal entre dans la Garonne
. Le Canal d'Orient à 99443 .
toises jusqu'à l'Etang de Thau ,
quiſont 43. lieues & demie , plus
89. toiſes , & dans cette longueur
ily a 46. Ecluſes tant doubles ,
triples , &c. Depuis l'Etang de
Thau on entre dans le Port de Cete
prés de Frontignan par un Canul
de 800. toiſes de longueur ,fait à
Travers la Plage.
CeCanalfut commencé en 1666-
&achevé en 1681 .
La premiere navigationfut commencée
par l'ordre du Roy le 15.
May 1681. par Monsieur d'Aguesseau
, Intendant de Languedoc.
Il partit de Toulouſe avec quelques
Meſſieurs des Etats , & s'estant
rendu àl'embouchure du Canaldans
La Garonne it le monta dans و
une Barque Royale le 17. May
ſuivy de vingt- trois Barques da
92
MERCVRE
Bordeaux, chargées de marchandi-
Sespourla Foirede Beaucaire. Le
19. il arriva à Castelnaudari , oùse
rendit Monsieurle Cardinal de
Bonzi , President né des Etats de
Languedoc.
Les Eclufes font au nombre de
59. dans la longueur de 76645 .
toiſes , qui font 33. lieues & demie
plus 131. toises. Le 13. toutes
ces Barques navigerentfur le Pont
de Repudre , qui a soixante . Sept
toiſes de longueur , ayant esté fait
pour donnerpaffage au deſſous à un
torrent de mesme nom , qui croife
le Canal.
On navigea ensuite le longde la
Digue ou Chauffée de Ceffe du nom
de la Riviere qu'elle arreste . Elle
a 112. toifes de longueur , cinq de
hauteur , & quatre & demie de
largeur.
Le 24. onpaſſale Mal- paffe.
GALAN T.
93
C'est une voûte de quatre - vingt
toiſes de longueur , de quatre &
demie de hauteurfur quatre toises
de largeur de Canal , outre une
Banquette de chaque costé large de
trois pieds pour le tirage des Barques.
Cette voûte eft taillée dans
LeRoc d'une montagne à une
lieuë de Befiers. Cette Ville& fon
paysagefontfibeaux , qu'ils femblent
qu'ils agent estéfaits pourla
demeure des Dieux , ce qui a donné
lieuà ce Proverbe Latin ,
SiDeus in terris vellet habitare
, Biterris .
Au fortir de cette voûte on se
trouvaàlapremiere des huit Eclu-
Ses ascolées , c'est à dire faites de
Suite, quifontparconsequent com
me autant de degrezou marches
d'une montagne d'eau . Pour bien
comprendre la maniere des Ecluſes ,
jevons envoye le Livre de Simon
94
MERCVRE
Stevin de Bruges , & vous renvoye
àcellesdu Canal de Briare.
Ces Ecluſes estantpaffées,la Compagnieſeſepara
à causedes Festes
de la Pentecoste , mais Monsieur
l'Intendant defcenditparle Canal
dans la Riviere d'Herau par l'Ecluſe
ronde ,& ayant traversé l'Etangde
Thau & le Canal , il arriva
au Portde Cete le 25. May .
sourdela Pentecofte 1681. deforte
que Monsieur l'Intendant nefutfur
le Canal que neuf jours ;sçavoir,
deux jours depuis fon embouchure
dans la Garonne iusqu'à Castelnaudari
, &delà enſept iours ilfut
danslePortde Cete. Et comme de
L'Oceanon peut en fix iours entrer
par la Garonne dans le Canal,la
navigationd'une Merà l'autre ne
fera au plus que de quatorze à
quinze jours en paſſant par cent
quatre Ecluſes, dont plusieurs estant
GALANT.
95
accolées , c'est à dire ,faites defuite&
prés àprés ,font 65.stations ,
quine retardent quede trente heu
res au plus la navigation.
Ie reprens la Lettre de Monfieur
Bernier. Je ne veux pas , dit - il,
oublier une circonſtance tresconfiderable
, en ce qu'elle regarde
ceux qui s'occupent à
la conduite des Eaux . Le fait
eſt , qu'entre ce grand nombre
de differens Canaux , qui font
le Canal entier , il y en a un de
6.à 7.licuës de lõg dans lequel
l'Eau coule d'un bout à l'autre
depur niveau , ſans qu'il y ait
aucune pente ; & cela , à mon
avis , par fon poids & par fa
volubité , plûtoſt que par le
pouſſement, cequi eſt contraire
aux fentimens de feu Mefſieurs
Picard & Mariotte , &
de quelques -uns de nos Amis
1
96 MERCURE
qui font encore pleins de vie ;
car je les ay toûjours vû demander
une certaine pente
ſenſible , comme par exemple,
un pied tout au moins fur chaquelieuë
; mais leur ſentiment
n'empeſche pas que ce que je
dis ne foit veritable . Or cela
eftant , ajoûte- t- il , il n'euſt pas
eſté beſoin de ſe mettre ſi fort
en peine , comme on a fait , de
faire venirla Riviere d'Eure à
Verſailles ny la Riviere d'Ourgue
à Paris.
Iefais icy une petite reflexion,
qui est que les Eaux de la Riviere
d'ourgue ont toûjours paſſéſous les
Ponts de Paris , mais aprés s'eftre
meſlées aux Eaux de la Marne&
de la Seine. Le deffeinde Monſicur
Riquet estoit de la conduire par un
Canal artificiel au pied du Troue
ou Art de triomphe ,Superbepar la
Statuë
GALANT.
97
Statüe de LOUIS LE GRAND ,
auquelsujet j'ayfait ces diſtiques.
Quis fuper ? eſt Mavors magni
fub imagine Regis ,
Teſtatur Facies , magnaque
facta probant.
Legrand Dieu des Combats anime
ce grandRoy ,
Son grand airle fait voir , fes
grandsfait en fontfoy.
Puisqueje vous ay fait un petit
détaildu Canal de Languedoc , il
est bien iuste que je vous diſe icy
quelque chose de l'Aqueduc Royal
de la Riviere d'Eure à Versailies.
Il ne manquoit au plus beau lieu
du monde , c'est à dire à Versailles,
qu'uneprodigieuse quantité d'eau
pourfourniràla depenſe d'un mil
lion de Iets , de Fontaines & de
Avril 1688 . E
98 MERCURE
Cafcades . Monseigneur de Louvois,
vir fupra titulos , qui a une parfaite
connoissance de tout ce qui est
de grand dans les Sciences ayant
conſideré luy-meſme le cours de la
Riviere d'Eure qui entre dans la
Seine vers le Pont - de- l'Arche aprés
avoir roulé les eaux de ſes ſources
avec rapidité pendant 45. lieuës
conclud d'abord qu'on pouvoit prendre
fes eaux a quelques lieñes au
deſſus de Chartres , & les conduire
à Versailles . Ilordonna à Monfieur
de la Hire , de l' Academie Royale
des Sciences d'enfaire le nivellement.
Ce grand Philofophe - Mathematicien
fi connu dans l'Empire
des Lettres , reconnut que lateste du
Canal devoit eftre au Chateau de
Pongoin , qui est à sept lieues au
dessus de Chartres , & 22. lieues
de Versailles , & paffer par Maintrouva
par son nivelle-
IVON
GALANT.
LYD
17
ment que la Riviere d'Eurefe
à Pongoin estoit I110. piedsplus élevée
que le rez de chauffée de la
plus haute partie du Chasteau de
Versailles. Tout l'Empire Romain
depuis sa Fondation n'auroit encore
ozé entreprendre ce qu'on voit d'achevé
depuis quatre ans de cefurprenant
Aqueduc ; aussi est- ce un
échantillon des Merveilles de
LOUIS LE GRAND .
Monfieur Bernier pour blâmer la
grande exactitude avec laquelle on
-a nivelé depuis la Riviere d'Eure
jusqu'à Versailles , dit qu'il n'étoit
pas beſoin de ſe mettre ſi
fort en peine, comme on a fait;
puis qu'une fort mediocre
cheute d'eau dans un Canal
auroitfuffi . Il eſt vray que l'eau
ne coulera pas ſi viſte ; mais
faites le canal plus large à proportion
de la pente & de la vi100
MERCURE
ſteſſe que vous ſouhaiteriez ,
donnant ainſi plus de face à
l'eau , & vous aurez remedié
à l'Inconvenient ; du reſte , je
croirois bien qu'il faudroit enfin
dans une grande longueur
donner quelque choſe à la
ſphericité de la terre. Mais ſept
lieuës , mais trente ou quarante
lieuës qu'il y aura de la Riviere
d'Eure à Versailles , ou
de Liſi à Paris , qu'est - ce que
cela fur neuf à dix millequ'en
peut avoit le Globe de la terre?
Voicy , Monfieur, mes reflexions ,
article par article,fur les point de
la Letire de Monfieur Bernier, qui
obligeroit Quintilien de s'écrier ,
Fælices effent Artes , fi de illis
foli Artifices judicarent.
Premierement , il devoit expliquer
ce qu'ilentend par ces termes
GALANT. 101
de pur niveau dece Canalde cing
àfixlieuës fans aucune pente , car
une ligne purement à niveau est
un Arc d'un grand Cercle de la
Terre , & tous fes pointsfont par
confequent également distants du
centre des Graves. Ainsi dans un
Canal de pur niveau , l'eau auroit
tous les points deſaſuperficieSpheriphe
également distants du centre
de la terre ,& l'ean demeureroit
fans mouvement puis qu'il n'y
auroit pas plus de raison qu'elle
coulaſt d'un bout à l'autre.
Si lefond du Canal est un plan
droit, ou ce planfera tangent par
un bout,ou vers le milieu à un grand
Cercle delaterre . S'il est tangent
à un bout , l'autre bout fera plus
élevé, par conſequent l'eau coulerade
ce bout au plus bas , ou le
plan aurade la pente..
Si le point d'attouchement est
E3 3
102 MERCURE
4
au milieu du plan du Canal ,
Jes deux parties seront deux
tangentes , &le point d'attouchement
ou le milieu de la longueur
du Canalfera plus bas estant plus
près du centre de la terre , & par
confequent l'eau de chaque bout
du Canalcouleroit vers ce milieu ,
pour prendreſa ſphericité , qui est
le pur& veritable niveau . Tout ce
que deffus eft d'une verité Geometrique
, Ainfi il eſt du tout impoſſible
que l'eau dans un Canal coule par
un bout , si le plan du Canaln'està
ce bout plus bas que l'autre bout
que le Canal estant rempli,& l'eau
foutenue élevée à chaque bout , on
ouvre l'un des bouts , auquel cas
l'eau coulera par cette cuverture ,
par ce que l'eau qui est audeſſus de
l'ouverture , tombe en bas n'estant
plusfoutenue , & voila ce qui fera
couler l'eau du Canal ,jusqu'a tant
que ce qui restera d'eau dans le
,
016
GALANT . 103
Canal faſſeune superficie Spherique
estant à ces deux bouts égale
ment éloignée du centre de la terre,
Il est vray que pour avoir un plus
grand cours d'eau nous demandons
avec Vitruve dans fon huitiéme
Livre Chap.fept , une plus grande
pente , & comme j'ay dit en 2684.
dans mon Traité du Nivellement
inferédans le Mercure extraordinaire
tome 27. page 210. Il faut
toûjours quelque peu de pentes afin
que l'eau puiſſe couler, ce que Scammozzi
dans la premiere partie
d' Architecture Chap . 27. confirme
en ce termes , Nel condur , o
fopra , o ſotto terra , è biſogno
darle qualche poco di decaduta
, & Philanderde Chatillon fur-
Seine dansſes Annotationsfur Vi
truve disoit en 1940. que l'usage
moderne estoit qu'un pouce de pente
fuffit pour fix cent pieds , longe
E 4
104 MER CURE
aliter noſtre ztatis libellatores,
nam in ſexcentos peder, unum
tantum pollicem deprimunt ,
afin que l'eau puiſſe couler. Enfin
Petrus Cataneus dit , qu'ilsuffit de
donner quatre onces , c'est à dire
guatre pouces de pente fur mil-
Lepas. Ainsi ilfaut deneceſſité que
Leplan d'un Canalait quelque penze
du coſtéque l'eau coule ,& cela
principalement lors que l'eau n'a
Pasun long cours , ce que Scammoz-
Li entend par ces mots , ħabbiamo
offervato i fiumi de Poleſſini ,
che vannocon mezzo piede de
caduta maſſime ſi hanno ſeguitodi
aqua .
L'erreur de Mr Bernier vient
d'avoir prispour le pur &veritable
niveau , qui est un Arc d'un
grand cercle de la Terre , le niveau
apparent du Canal , qui eft
un plan touchant au grand cercle
de la terre ,&par confequent l'ex
GALANT.
1051
tremitédu Canalde fept lieuës de
longueur cflant du point de Partage
plus éloigné de 39. toises 4. pouces..
& huitlignes du centre de la terre,
que l'autre bout , l'eau y defcend
mesme avec rapidité à cause de la
gradepente du Canal & de la fuite
de l'eau; auſſi voit- on que le cours
des Rivieres est plus rapide amefure
de leur pente & de la crue
des eaux.
Quand mesme par impossible
l'eau couleroit d'un bout à l'autre
d'un Canal de pur niveau & Sans
aucune pente, on n'auroit , n'endéplaiſe
à Mr Bernier , fçeu trop
prendredeſoin & tropsemettre en
peine de niveler depuis la Riviere
d'Eurejusqu'à Versailles ,pour ſcavoirlequel
des deux lieux est le plus
élevé..
Puis mesme qu'il s'agiſſoit du
Service du Roy, & que dans lave
S
106 MERCVRE
Sainte Ecriture Ieremie chapitre 4.
verſet 10. prononce , Maledictus,
qui facit opus Domini negligenter
, il falloit sçavoirsi Pongoin
& Versailles estoient de pur
niveau , c'est à dire , autant éloignez'un
que l'autre du centre de
laterre ; auquel casficequeMon
fiear Bernier debite estoit verita...
ble , que l'eau dans un Canal de
fix à sept lieuës de pur niveau ,...
coulefans aucune pente d'un bout à
l'autre , l'eau de Versailles auroit
pu s'écoulerdans la Riviered'Eure,
aussi-toft que l'eau de la Riviere
d'Eure venir dans le Reservoir de
Versailles ; de plus , il falloit toû
jours reconnoiſtre le niveau de ces:
deuxlieux carfi Versailles s'estoit
trouvé plus haut quela Riviere
d'Eure , l'eau n'yseroit jamais mon
tée. Ainsi tres - neceffairement ,
quay qu'en dife MonfieurBernier
F
GALAN T.
107
il estoit beſoin de se mettre enpeine
comme on a fait , pour faire venir
la Riviere d'Eure à Versailles , afin
de ne hazarder pas la dépense de
pluſieurs millions, Partantles Arts
feront heureux , comme dit Quintilien
, lors qu'il n'y aura que les
Maistres qui s'enmélent.
L'expedient que donne Monsieur
Bernier , pour avoir avec peu de
penteune grande quantité d'eau,
est d'une rave imaginative. Fai
tes , dit- il , le Canal plus large,
donnantplus de face à l'eau à
proportion de la pente & de
la viteſſe que vous ſouhaite
riez. Ainsiàfon sentiment , pour..
avoir la mesme quantité d'eau que
fourniroit un Canalde quatre pieds
de large &de quatre pieds dehauteur,
qui font seize pieds de face?
d'eau dans fa fection , il faud
droit fairele Canal de Seize
E6
108 MERCVRE
pieds de large & un pied de hauteur;
mais la quantioé d'eau qui
coulera , fera beancoup moindrepar
le manque de hauteur ,& de plus
dans la longueurde quarante lieuës
qu'ildit estrela Riviere d'Eure à..
Versailles, le terrain échauffépar le
Soleil d'Esté ,& la partie qu'il en
feroit évaporer dans la faiſon où
l'on auroit plus beſoin d'eau à Ver...
Jailles,en diminueroït la plus gran.
de partie , outre que la dépensede
lalargeurde l'Aqueduc feroit quatre
foisplus grande.Voila quelfruit
on tireroit , pour remedier à l'in
convenient d'unepentesuffisante.
Donc nonobstant le dire de Mon
fieur Bernier, il fera à perpetui
sé d'une verité notoire , & purement
Geometrique, qu'il est absolu
ment neceffaire , que pour faire
couler l'eau du bout d'un Canal
àl'autre sily ait de la pente&
GALANT. 109
1
que leniveau apparent, qui est une
lignedroite tangente augrand cercle
de la terre , ait du hauffement
par deſſus leveritable niveau , qui
estun arcdumefme cercle , qui est
lepur&naturelniveau. En voicy
des exemples.
Lalongueur duniveau apparent
estant de 87. toiſes , deux pouces
neufligues,son hauſſement par def--
fus le veritable niveau fera d'une
ligne..
A
Eſtantde 301. toiſes deux pieds
neufpouces & une ligne ,son hauf
Sementſeraunpouce..
Eſtant de 1044. toiſes un pieds
khuit pouces & demy son hauſſement :
Seraunpied.
Eſtant de 2567.toiſes g. pieds
9 pouces &5.lignes ,son hauffementfera
d'une toife..
N'eſtant que d'une lieuële
HO MERCURE
hauffementferade 4. pieds9. pouces
&4. lignes.
Eſtant de trois lieves fon hauffementfera
7. toifes un pied & 7 .
lignes.
Eſtant de cinq lieües ,fon haus-
Sement ferade 19. toiſes cingpieds.
Sept pouces .
Eſtant de ſept lieues ,fon hauf-
Semensfera de 39. toiſes 4. pouses
huit lignes.
Eſtant de dix lieües,fon bauf-
Sementfera de 79. toiſes 4. pieds
4. pouces& 2. lignes .
Eſtant de 20. licines ,font hauf
fementfera de 3.18 . toises 5.pieds
4. pouces &une ligne.
Enfin , la longueur du niveau
apparent estant de40. lieuës , fors
bauſſementferade 1275. toises 2.
pieds 3. pouces & deux lignes .
Tout ce que deſſus eftant d'une
muerite geometrique , je ne vois pas
GALANT.
"
comment Monsieur Bernier a osé
dire , que dans un Canalde pur niveau
de fept licües de longueur ,
L'eau coule d'un bout à l'autreſans
aucune pente , puis quefi ce Canal
eſtoit d'un veritable niveau , l'eau
y demeureroit immobile. Il reste
donc que ſon pur niveau dont parle
Monsieur Bernier , foit un niveau
apparent , dont le hauffement par
deffus le pur & veritable niveau
eft de 39. toises 4. pouces & 8. lignes
, & par consequent un bout de
ce Canal de 7. lieñes a plus de hau
teur pardeffus l'autre , que n'en ont
LesTours de Nostre - Dame , qui
n'ont que 34. toiſes de hauteur de
puis lepavéde l'Eglife iusqu'au pa
raper. Il est comme impossible de
deviner ce qu'il veut dire par ces
zermes ſurvans. Il fautdans une
grande longueur donner quelque
choſe à la ſphericité de la
terre
3122 MERCURE
Il est encore impoſſible depene
trer ce qui l'a obloged'ajoûter ,que
ſept, trente ou quarante lieuës
ne font rien fur neuf ou dixt
millelieuës que peut avoir le
Globe de la terre ; car puis qu'il
s'agit d'une ligne qui mefure la longueur
d'un Canal , on ne la peut
comparer àlafuperficie du Globe de
laterre , mais bien à la circonferen
ce d'un grand cercle. Deplus.Monfieur
Bernier n'a pasfait reflexion
que le rapport on raison de 40....
lieuës à neuf mille , qui est le ve
ritable circuit de la terre , est la
mesme raison qu'entre un & 225.
puis que 40. fois 225. lieuës font:
Its neufmille du circuitde la terre..
Orla 225. partie du grand tour de
laterre , est tres- confiderable. Exa..
minons maintenant tous les differens
fens& applications qu'on peut don
mer an termes de Monsieur Ber
GALANT.
113
!
nier , qu'est ce que quarante lieuës.
en comparaison de neuf mille du
Globe de la Terre ? Suppofons donc
qu'ilfut vray que la distance depuis
la teſte du Canal de la Riviere
d'ourgue, priſeà Lizijusqu'au pied
du Trône , ou Arc de triomphe , au
haut du Fauxbourg S. Antoine ,
fuft de quarante lieuës , comme le
debite M. Bernier.
1.Si ces quarante lievës font me-
Surées sur la circonference d'un
grand cercle dei terre ,cirsen
comprendront la 225. partie , c'est
àdire un arc d'un degré& trentefixminutes
; &fi le Canald'Ourgue
au Trône estoitfaitsuivant cetarc,
l'eau y demeureroit fans mouve
ment , ayant fon pur , parfait &
naturel niveau.
2. Si le Canal estoit fait suivant
la corde de cet arc , l'eau couleroit
de chaque bout au milieu defalon
114
MERCURE
gueur , & fi les bords du Canal y
estoient suffisamment hauts pour
Soûtenir l'eau , afin qu'elle pust
prendrefa Sphericité , elle s'y éléveroit
& accumuleroit jusqu'à la
hauteur perpendiculaire de 318 .
toiſes , 5. pieds 10. pouces 7.lignes.
Si ces 40. lieuës font en ligne
droite , en forte que le point dumi-
Lieu de fa longueur touche un grand
cercle de la terre , il y aura deux
niveaux apparents ou tangentes
d'egale longueur , & l'eau couleroit
de chaque bout de ce Canalvers le
milicu de sa longueur , ou fi les
bords estoient fuffisamment hauts ,
elle s'éleveroit jusqu'à la hauteur
perpendiculaire de 318. toiſes , J.
pieds , 4. pouces & une ligne.
Que si ces 40. lienës font mefurées
sur le niveau apparent on
ligne droite tangente , un Canal
GALANT .
115
faitsuivant cette ligne droite aura
un bout plus élevé que l'autre de la
hauteur de 1275. toiſes , 2. pieds
3. pouces & 2. lignes , & l'eau couk -
Lera avec tres-grande rapidité par
une fi grande pente.
Par ces calculsMonfieur Bernier
verra combien grande est la difference
du niveau apparent , aupur ,
veritable & naturel nivellement .
La verification de tout ce que
deſſus eft facile sur les principes
que j'ay établis dans mon Traité du
Nivellement ( inferé dans le 27 .
Tome du Mercure extraordinaire
quartier de fuillet 1684. ) qu'un
degré d'un grand cercle de la Terre
contient 57100. toiſes ou 25.lieuës
de 2284. toises chacune.
Vorcytrois Problemes importans.
I. Lehauffement de la tangente
estant donné , trouver la longueur
ou distance en ligne droitedu point
116 MERCVRE
de la Station au point miré.MultiplieZ5653305328
. Diametre de
la terre en lignes , par le nombre des
lignes du hauſſement. Auproduit ajoutez
le quarré du mesme bauffement.
Tirez la racine quarrée
detoute laſomme , vous aurez la
Longueur requise du nivean apparent.
I I. Trouver par quelle ligne reguliere
ayant fucceſſivement àchaque
point Mathematiqueune pente
infenfible, on potrroit par la voye
la plus courte , & dans un mesme
plan vertical ,faire couler la Riviere
d'Eure dans le Rerſervoir de
Versailles. Ie dis que c'est par un
Arcd'un cerele dont lefemidiametreferoitplus
grand que celuy du
grand cercle de la Terre, qui abou.
tiroit au Reservoir de Versailles .
Vous trouverezle centre de cet Arc,
Sidu milieu de la ligne droite duPonGALANT.
117
goin au Reservoir de Versailles ,
vous élevez une perpendiculaire
iuſqu'à la rencontre du Diametre
de la Terre , qui aboutiroit au Rea
Servoir.
III. Determiner si l'eau peut
coulerpar un Canal fait en ligne
droite d'un bout plus élevé au plus
bas. Ie dis 1. quefi lehauſſement est
ègalou plus grand que le hauffement
de la tangente du mesme arc ,
l'eau coulera avec rapidité.2. Que
ſi le hauſſement est moindre que ce
luy de la tangente , l'eau ne coulera
pas du plus haut au plus
bas de ce Canal fait en droite
ligne. Ainfifuppofant avec Monfieur
Bernier que de la Riviere
d'Ourgue priſe à Lisiily eust quavante
licuësiusqu'au pied du Trône,
& que la Riviere priſeà Lisi eust
go pieds de hauteur par deſſus le
pied du Trône , l'eau n'y pourroit
118 MERCVRE
arriver par un Canal fait en ligne
droite , que juſques à 5822. toiſes
5. pieds & 4. lignes , àcompter du
pied du Trône , parce que là le fond
de ce Canalseroit s.toiſes , unpied
un pouce & deux lignes plus bas que
le boutdu Canal au pied du Trône.
Le calculse trouve par la penultiéme
propofitiodu troiſiéme Livre des
Elemens d'Euclides . Enfin pourfinir
j'employe la Deviſe de Societé Royaled'
Angleterre,qui apour corps une
table blanche d'attente & pour
ame ces trois mots , Nullius in
verba ; qu'il nefaut croire legerement
aux Philofophes Geometres
fur leur parole , puis qu'ils ne peuvent
demeurer d'accord entr'eux ,
quoy qu'après tant de fiecles ils
ayentfaitfi grand bruit dans l'Ecole
,que les Paſſans croyoient que ,
Omnia , mors , miles , fanguis&
ignis erat .
GALANT.
119
C'est une guerreſans pareille ,
Les Armesfontde grands Ergos ,
Qui frappant l'air & les Echos
Bleffent le poumon & l'oreille.
l'ay finy avec M. Bernier , au
fuiet defon prétendu Canal de pur
- niveau fans pente , je vous parle
maintenant de la facile lonction
des deux Mers , en passant par la
Bourgogne, par le moyen des ſources
& Rivieres de Poulli en Auxois ,
par lafacile jonction de la Riviere
d' Armanfon à la Riviere d'Ouſche.
Cedeſſein avoit esté mis autrefois
Sur le tapis , & on l'avoit trouvé
fort faisable. Il faudroit couper
depuis la ſource d'Armanson iss
quedans le ruiſſeau d'Andeneſſe ,
ou bien dans la Riviere de Crugez,
qui tombe dans l'Ousche ; il n'ya
120 MERCURE
que demy lieue de terre à couper,
toutesterres labourables , & aisées
aremuer. Dans le plus haut entre
les deux Rivieres , le terraineſt de
niveau de cinqcens toiſes de longueur
; mais ily adela pente plus
avant du coſté d'Occident , aussibien
que du coſté d'Orient, nean
moinson peut trouver des moyens
pour cela , car en creuſant laprofondeur
d'environ dix toiſes,on pourra
faire un Canaldormant depuis la
Source de la Riviere d'Armanſon à
La Riviere de Crugez ; & pour
mille écus on fera la dépense neceffaire
poury amener la Fontaine de
Baume , laquelle en toutefaiſon
fait tourner trois moulins , & on
peutfaire un Baffin beaucoup plus
grand que le Baffin de Naurouffe
du Canalde Languedoc. Ie vous
envoye laplanche du projet de cette
communication des Mers par la
BourGALANT.
121
Bourgogne le l'avoisfaite pour l'eme
ployer dans mon histoire general
de la communication des Eaux,tant
parles Canaux naturels &fouterrains,
que par les Canaux artificiels
Sur lafurfacedelaterre. Ie m'aperçois
que ma Lettre commenceà
estre trop longue. Vousen aurez les
autres parties dans une autre occafion,
le ſuis, Monsieur, tout àvous
: L'Aveugle Comiers
d'Ambrun, P.D.T.
Quand je vous appris la
mort de Monfieur le Marquis
delCarpio, Viceroy de Naples,
je croy vous avoir marqué
qu'il ne laiſſoit qu'une Fille ,
unique heritiere de tous fes
biens. Cette Fille , appellée
Dona Catalina de Haro , &
Gufman , ayant eſté conduite
Avril 1688 . F
1
1
1
1
1
C12 MERCVRE
n Eſpagne , ne manqua pas
d'eſtre recherchée par les plus
riches Partis. Elle a preferé
Dom Francifco de Tolede , fecond
Fils du Duc d'Albe , &
ce mariage s'eſt fait à Madrid
le 28. de Février dernier .
Vous ſçavez qu'aprés la
mort da Viceroy de Naples fon
Pere , Monfieur le Conneſtable
Colonne a exercé cette
Viceroyauté par interim en
attendant l'arrivée de Monſieur
le Comte de S. Iſtevan ,
auparavant Viceroy de Sicile .
Pendant le ſejour que ce Conneſtable
a fait à Naples , il ya
conclu le mariage de Dom
Giuliano Colonne ſon Neveu ,
Fils du feu Prince de Sonnino
fon Frere , avec la Fille d'un
riche Negociant Hollandois ,
établyen cette Ville-là.Elleluy
1
GALAN T.
123
apporte trois cens mille écus
de dot , &Monfieur le Conneſtable
Colonne donne à fon
Neveu deux Terres dans la
Calabre , qu'il eſpere faire
ériger en Principauté par le
Roy d'Eſpagne . Vous voyez ,
Madame , que le grand bien
tientlieu de naiſſance . Ona
peine à approuver qu'un homfort
riche & de qualité épouſe
une Demoiselle qui n'a aucun
avantage du coſté de la fortune
,& fur tout on luy fait un
crime qu'on ne peut luy pardonner
lors qu'il épouſe une
Fille qui n'a ny bien ny naiffance
, ſeulement un veritable
merire qu'on ne veut compter
à rien. Au contraire on ne
manque point de luy applaudir
comme ayant fait une bont
affaire , quoy que l'allianc
F 2
224
MERCURE
ſoit fort inégale , lors qu'en
épouſant une Roturiere, il a
trouvé moyen d'ajouter des
biens immenfes à ceux qu'il a
déjatres - abondamment.On ne
s'informe ny de l'humeur de
l'Epouſe , ny des qualitez qui
peuvent faire excufer fon peu
de naiſſance . Qu'elle n'ait ny
jeuneſſe ny beauté , il ſuffit
qu'elle foit riche pour meriter
d'eſtre preferée à la perſonne
la plus accomplie , qui n'aura
pour dor que de l'eſprit , de la
qualité & de la vertu . Grande
marque de l'aveuglement naturel
des hommes, qui ne peuvent
voir en quoy conſiſte le
veritable bonheur !
Vous connoiſtrez par le ſujet
Cont traittent les Versque je
envoye ſous le titre Ous
Efſſay de Pastorale , qu'il y a
GALANT.
225
déja du temps qu'ils ont eſté
faits. Vous ne laiſſerez pourtant
pas de les lire comme
nouveaux & ils le font en
effet puis qu'ils n'ont point
encore eſté veus .
F3
226 MERCVRE
ふわふわれれれれれ
ESSAY
DE PASTORALE ,
Pour un Concert à Madame
la Dauphine.
La Scene est dans les Campagnes de
Versailles.
L'HIMEN ET L'AMOUR .
L'AMOUR .
C'ESTicy des Bergers le commun
rendez - vous ,
Icy chaque troupeau s'aſſemble.
L'Himen .
Ce lieu dans le deſſein de nous unir
ensemble,
Me paroift fait pour nous.
GALANT.
117
L'Amour.
CeHerosſi connu qui sçait regner
L
&plaire ,
Aime& protege ceſejour ;
Jecroisque l'Himen & l'Amour
Pourront s'ysatisfaire.
L'Himen .
Celle dont les Dieux ont fait
choix,
Pour estre laſourcefeconde,
De tant de Heros de Roys ,
Qui porteront l'Empire des François
.
Iusqu'aux extremitezdu monde.
Se laiſſe admirer quelquefois
Dansces campagnes & ces bois.
L'Amour.
Iefçayqu'en ce Palais cetteEpouse
charmante ,
Defon aimable Epoux attend l'heureux
retour ;
Mais belas ! pendant cette attinte
F4
228 MERCURE
Que peuvent l'Himen & l'Amour?
L'Himen .
Le jeune demy - Dieu que le Ciela
fait naître, [paraître ,
Et l'agreable espoir de voir bien- toft
L' Auguste Frere qui lefuit ,
Font les plus doux momens du jour
&de la nuit ,
De cette admirable Princeſſe.
L'Amour.
Depeur que l'ennuy ne la preſſe
Aſſemblons les ris& les jeux.
Vniffons nos conquestes ,
Faiſonsnaitre des Festes ,
Ecoutons tous les voeux
DesBergers amoureux .
Vniſſons nos conquestes
Meflons nous avec eux..
Vniſſons nos conquestes
Preffons les instans
Quiles rendent contens.
Uniſſons nos conquestes ;
-
GALANT.
219
Faiſons naiire des Festes.
Tous Deux.
Bergers , honorez l'heureux jour
Qut 10int l'Himen avec l'Amour.
Celebrëz l'heurenfeiournée
Qui ioint l'Amour à l'Himenée;
Dansce doux & charmantfeiour
La paix entr'eux s'est terminée.
Un choeur de Bergers & de Ber- ,
geres repete .
Bergers , honoróns l'heureux jour ,
&c.
- Un Berger & deux Bergeres .
Le concert des Oiseaux ,
Des Zephirs & des eaux
Allume dans nos ames ,
Mille innocentesflâmes ..
DeuxBergers&deux Bergeress
• De nouvelles ardeurs
Ont embrazé nos coeurs 3
Allons fous ce feüillage fombr
Ionir du filence &de l'ombre...
ES
130
MERCURE
Deux Bergers .
Quand l'Himen& l'Amour ont re-
Solud'agir ,
On ne doit plus rougir
Des tendresSentimens que la nature
inspire ;
Tout ce qu'on voitsoupire.
Deux Bergeres .
Quelles émotions ,
Dans nos coeurs qui s'agitent
Partant d'illusions
Al'amournous incitent !
Quand l'Himen& l'Amour ont re
Solud'agir
On nedoit plus rougir ,&c.
DeuxBergers.
Quand l'Himen & l'Amour ,&c.
Peut-on refister aux amours
Quand l'Himen vient à leur
Secours.
* Deux Bergeres repetent..
Quand l'Himen ,& c.
GALANT.
131
Deux Bergers & deux Bergeres
Peut on refifter & c .
Le Choeur reprend.
Peut-on refifter , &c .
L'Himen & l'Amour.
Deces beaux Pâturages ,
Fortunez habitans ,
De mille foins reconnoiſſans
Goûtez les tendres témoignages.
Deux Bergers & deux Bergeres
Dieux , comment pourrons - nous
Vous rendre les honneurs qui font
dignes de vous ?
Le Choeur repete ..
Dieux comment , &c.
L'Amour & l'Himen ..
L'Himen
aifement se contente,
L'Amour
Il ne demande que vos voeux ;
Il veut toûjours vous rendre
beureux
EG
132 MERCURE
Pourvû que le coeury conſente.
Le Choear repete .
SL'Himen
aiſementse contente , &c .
L'Amour
Que dans tous les lieux d'a.
l'entour , :
Retentiffent les noms & d'Himen
& d'Amour.
Les Bergers & Bergeres .
Que dans tous les lieux......
Le Choeur reprend .
Que dans tous les lieux......
L'Himen.
Quefur ce climat l'abondance
Puiſſe à jamais verserfa plus riche
influance.
L'Amour.
Que toujours de nouveaux
plaifirs,
Previennent iusqu'à vos defirs
L'Himen & l'Amour.
GALANT.
133
Ne vous étonnez pasfi d'un destin
fidoux ,
LesplusfameuxHameaux vont devenir
ialonx :
Vn iour les Divinitez mesmes
Quitteront lefeiour des Cieux
Et leurs grandeurs suprémes ,
Pour venir avec vous habiter en ces
lieux.
Deux Bergers & deux Bergeres
O plaisirs ! ô douceurs extrémes!
Que dans tous les lieux d'al'entour
,
T
Retentiffent les noms & d'Himen&
d'Amour.
Choeur.
Que dans tous lieux , &c..
VnBerger& tune Bergere.
Mais quel trouble s'excite
Tout s'émeut , tous s'agite.
Quels soudains mouvemens
Redoublent nos contentemens
...VneBergere..
34
MERCVRE
Mille naiſſantesfleurs embelliſſant
la Terre,
Des lieux les plus deferts font un
riche parterre.
Vn Berger.
D'un murmure agreable & nouveau
Pentens couler ce doux ruis-
Seau.
VneBergere.
D'un feuillage plus vert tous les
arbres fe parent.
Tous enſemble ..
A l'abord du plus grand des
Dieux ,
Tant de nouveautez fe préparent
,
Ou Loüis de retour arrive dans ces
lieux. :
QuelquesDivinitez puiſſantes
Forment enſa faveur ces beautez
étonnantes.
Le Coeur repete..
GALANT .
35
A l'abord du plus grand , &c ..
Bergers & Bergeres.
Ah , réioüiffons- nous ,
N'ayons plus de triſteſſe..
Noftre grande Princeſſe
Va recevoir ſon Epoux .
N'enſoyons plus en peine ,
Le Vainqueurle ramene.
Le Choeur.
Qu'on n'entende par tout que
chants melodieux ,
Devoix &d'instrumens que lesairs
retentiffent ,
Que les jeux & les ris , que les
amours s'uniſſent ,
Que nos concerts s'élevent infqu'aux
Cieux.
Bergers..
Avant la fin du iour
Nousverronsde ces lieux leMaistre
de retour.
Choeur..
Qu'on n'entende , &c..
136
MERCURE
Ie vous avois bien dit Madame
, que le Teſtament de
Mademoiselle de Guiſe me
donneroit lieu de faire un fecond
Article , pour vous inſtruire
de la maniere dont cette
Princeſſe a diſpoſe de ſes
Biens . Ce Teftament , qui eſt
du 6. Février 1686. avoit eſté
precedé d'une donation entre
vifs , faire le premier jour de
*ce mefme mois , en faveur de
Meffire Charles de Stainvil-
Ie , Comte de Couvonge. Vous
fçavez ſans doute que les donations
entre vifs
qu'on ſe reſerve juſques à la
mort la jouiſſance des biens
que l'on donne , different des
Testamens , en ce que pour
rendre ces fortes de donations
valables , il eſt neceſſaire que
celuy à qui on donne , accepquoy
GALANT. 137
te& faffe inſinuer la donation
dans les quatre mois, aprés
leſquels celuy ou celle qui a
donné n'eſt plus en pouvoir
de la revoquer. Il n'en eſt pas
de la meſme forte à l'egard
des Testamens. Le Teſtateur
demeure maiſtre de ſon bien
juſques à la mort , & peut en
tout temps revoquerce qu'ila
fait. Par la donation entre vifs
dont j'ay commencé à vous
parler, Mademoiselle de Guiſe
donne à Monsieur leComte de
Couvonge, dans toutes les formes
que peut demander une
donation de cette nature , le
Duché de Guiſe , la Principauté
de Joinville , les Baronnies
d'Eſclaron , d'Ancerville
& de Roches , les Terres de
Marchais & de Lieſſe, la Terre
&Baronnie de Montreſor , le
138 MERCVRE
2
Comté d'Aux , & l'Hoſtel de
Guife ; plus cent fix mille livres
de rente à elle deuës par
leRoy pour partie de l'échange
des Principautez de Chateau
Renard & de Linchamp ,
trois mille fix cens livres de
rente à elle aufſſi deuës fur
l'Hoſtel de Ville de Paris, avec
Ics appartenances , circonftances
, dependances & annexes
de toutes ces Principautez
Duché , Baronnies , Hoſtel de
Guife ,& Terre , leurs Bois &
Foreſts droits refcindats & refcifoirs
, ſe reſervans la iouif
fance de tous cesbiens jufques
au jour de fa mor,s mais feulementà
titre d'ufufruit & de
precaire , à la charge qu'aprés
le déceds de cette Princeſſe ,
les revenus des Terres , & fes
arrerages des rantes dontil eſt
GALANT. 139
parlé , enſemble les revenus
&arrerages de ſes autres biens
& rentes , mefme de ceux dont
elle aura diſpoſé par Teſtament
, ſans avoir expreſſement
ordonné que les Legataires en
joüiront du jour de ſa mort,
feront employez de la maniere
qui fuit : c'eſt à ſçavoir , que
Monfieur le Comte de Couvonge
, Donataire , retiendra
fur les revenus de chaqueannée
juſqu'à ce que les diſpofitions
que fera enfuite Mademoiſelle
de Guiſe , le privent
dela jouiſſance des biens donnez
, la ſomme de trois mille
livres pour ſa perſonne , & celles
qui feront neceſſaires pour
faire faire le recouvrement de
ces revenus & arrerages , pour
l'entretien de l'Hoſtel deGuife
, & des bâtimens & ufſines
des Terres , & pour ſoûtenir
140
MER CURE
les droits de ces mêmes Terres
& biens donnez ; &
"que tout ce qu'il aura receu
de ces revenus & arrerages au
delà de ces ſommes , fera par
luy employé au payement de
tous les droits qu'il faudra
paver à cauſe de cette dona-
<tion aux Seigneurs , ou autres ;
à l'acquittement annuel des
Fiels , Aumônes ,Fondations &
charges réelles des Terres ; au
- payement des gages des Officiers
de ces mêmes Terres ;
à celuy des arrerages des
Doüaires de Madame la Du-
: cheſſe de Guiſe , & de Madame
de Joyenſe au payement des
Penſions viageres dont elle
voudra gratifier quelques perſonnes
par fon Testament , par
lequel elle ſe reſerved'en afſfurer
juſqu'à quinze millelivres
de rente,& enfin au payement
GALAN Τ . 141
د
des intereſts & arrerages courans
des dettes par elle contractées
,qui feront encoredeus
le jour de fa mort ; voulant de
plus que ce qui ſe trouvera de
reſte des revenus & arrerages
des biens par elle donnez , à la
fin de chaque année , conjointement
avec ceux de ſes autres
biens & rentes foient
employez au payement des
dettes à une fois payer , qui
feront exigibles en ce tempslà
, & dont l'origine ſera ante.
rieure au jour de la donation ;
au payement des legs qu'elle
aura faits à ſes Officiers & Do...
meſtiques juſqu'à la ſommede
deux cens mille livres , à l'amortiffement
des forts principaux
des rentes par elle deuës;
au payement des Fondations
executées juſqu'à la concur
142
MERCURE
rence de ces ſommes, tant des
revenus des biens donnez ,que
de ceux qui ſe trouveront appartenir
à cette Princeſſe le
jour de ſa mort , Monfieur le
Comte de Couvonge Donataire
, joüira entierement des
fruits & revenus des biens qui
luy ſont donnez , dont Mademoiſelle
de Guiſe luy tranfporte
en outre tous droits de
proprieté , fonds , tres fonds ,
noms , raiſons & actions , ſaiſines
& poſſeſſions , declarant
que dans la reſerve qu'elle a
faite des revenus , pour eftre
employez en la maniere qu'il
a eſté dit , ſon intention n'a
point eſté de comprendre l'Hoſtel
de Guiſe , dont le Donataire
aura la pleine joüiſſance
du jour du decés de cette Princeffe.
Il eſt porté ſur la fin de
GALANT.
143
د
cette Donation, que Monfieur
le Comte de Couvonge l'accepte,
& qu'ilen remercieMademoifelle
de Guiſe , promettant
de l'executer de point en
point aux conditions qui y
ſont marquées , à la charge que
fes biens
autres que ceux
qu'elle a bien voulu luy donner
, n'y feront point affectez .
Le meſme jour 1. Février
1686. aprés que cette Donation
eut efté reconnuë pardevant
Notaires , Mademoiſelle
deGuife & Monfieur le Comte
de Couvonge , paſſerent un
Acte particulier , par lequel ils
demeurerent d'accord qu'elle
avoiteſté faite aux conditions
qui ſuivent. Cet acte porte ,
que cette Princeſſe ayant fait
reflexion que les Terres dont
je vousay déja parlé font for144
MERCURE
ties des Ducs de Lorraine ,
qu'elles ont eſté poſſedées par
leurs Defcendans , & ont toujours
eſté le partage des Chefs
de la Maiſon de Lorraine en
France , & croyant qu'il eſt de
la juſtice & de la gloire de cette
illustre Maiſon , de faire que
celuy qui les poſſedera apres
elle , ſoit iſſu de Monfieur le
Prince Charles de Lorraine ,
elle fubſtituë le Duché de
Guiſe, laPrincipauté de Ioinville
, les Baronies d'Eſclaro ,
Dancerville & de Rouges , les
TerresdeMarchais & deLieſſe,
&l'Hostel de Guife, leurs appartenances
, & generalement
tout ce qui fait partie de ces
Terres & de cet Hoſtel; aux
Puiſnez mafles de ce meſme
Prince , & à leurs Deſcendans
mafles , pour commencer à en
joüir
GALANT.
145
joüir du jour que l'on aura fatisfait
aux payemens qu'elle a
declaré devoir eſtre faits du
revenude ces meſmes Terres ,
par la Donation faite à Monſieurle
Comte de Couvonge .
Voicy l'ordre qu'elle veut qui
ſoit gardé dans cette Subſtitution.
L'Aiſné des Puiſnez de
Monfieur le Prince Charles ,
qui ne fera point engagé dans
l'Egliſe , eſt le premier appellé
à la Subſtitution de ces Torres,
&de l'Hoſtel de Guiſe à la
charge qu'il prendrale nom de
Duc de Guiſe. La mort de ce
premier appellé eſtant arrivée,
ces meſmes biens appartiendront
à l'Aiſné de ſes Enfans
maſles , & aprés luy à l'Aiſné
qui naiſtra de cet Aifné , &
ainſi d'Aifné en Aiſne , &de
mafle en maſle , tant qu'ily en
Avril 1688 . G
146 MERCURE
1
T
aura de la defcente de celuy
qui aura eſté appelle le premier
à la Subſtitution ; & en
cas que l'Aifné des Puifnez de
Monfieur le Prince Charles lai
refuſaſt , ou mouruſt ſans En
fans maſles aprés l'avoir acceptée
, ces biens appartiendront
au meſme titre de Subſtitution
à celuy des Puiſnez de ce
meſme Prince , qui ſe trouvera
le plus proche de l'Aiſné de la
Maiſon de Lorraine , & quine
fera point engagé dans l'Egliſe
, à ſes Aiſnez de mafle en
mafle ; & au defaut d'Enfans
mafles , à l'Aifne des Freres!
de celuy qui aura poſſedé le
dernier les Terres ſubſtituées,
à la charge qu'ils porteront le
nomdeDuc de Guife. Si Monfieur
le Prince Charles de Lorraine
n'avoit qu'un Fils qui
T
GALANT 147
euſt des Enfans mafles , elle
appelle à la Subſtitution les
Puiſnez de ce Fils & leurs Def.
cendans , au meſme ordre que
je vous ay expliqué , en forte
que ce ſoit un Defcendant de
cePrince qui poffede tous ces.
biens , & qui foit en Francele
Chefde la Maiſon de Lorraine
, juſqu'à ce que celuy qui
qui ſera appellé pour remplir
cette Subſtitution aujour de fa
mort , ſoit en eftat de s'établir
en France , elle veut que les
revenus de tous les biens fubſtituez
aprés qu'on en aura
pris les ſommes neceffaites
pour en faire le recouvrement,
payer les gages des Officiers ,
les fiefs & aumônes , & les
charges réelles , entretenir
le Guife ,&& les bafti-
,
l'Hoſtelde
mens & ufines des Terres , &
G 2
148 MERCVRE
qu'il aura eſté payé à Monfieur
de Couvonge Donataire , la
fomme de trois mille livres de
Penfion viagere , foient cmployez
à acquerir des Terres
en France qui appartiendront
auPrince ſubſtitué , afin qu'il
foit plus en eftat de ſoûtenir
la gloire de la Maiſon de Lor
raine en France , à quoy Mademoiselle
de Guiſe joint en
faveur de celuy qui les poſſedera
en vertu de ſa Subſtitution
, les trois mille fix cens
liv. de rente qui luy ſont dûës
fur l'Hoſtel de Ville de Paris,
& foixante & fix mille livres
de rente , faiſant partie de cent
fix mille livres à elle deuës par
le Roy , & dont elle a fait
don à Monfieur de Couvonge ,
leſquelles rentes elle veut qui
ſoient ſubſtituées aux mêmes
1
i
5
GALANT. €149
conditionsdesTerres , &pour
les meſmes perſonnes. Quant
aux quarante mille livres de
rente faiſant le ſurplus des cent
fix mille , elle les ſubſtitue à
Monfieur le Prince de Commercy
, Fils aifné de Monfieur
le Prince de Liflebonne , &
aprés ſa mort à ſon Fils aifné;
&s'il n'avoitpoint d'Enfans , à
Paifné de ſes Freres entre les
Defcendans deſquels elle ſouhaite
que l'ordre d'aiſneſſe ſoit
gardé entre les maſles. Elle
ſubſtituë pareillement lesTersres
de montrefor & d'Aux au
Fils aifné de Monfieur d'Armagnac
, & à ſes Deſcendans
mafles , entre leſquels ont préferera
toujours l'aifné. Toutes
ces Subſtitutions font faites
à la charge que les Princes
ſubſtituez n'entreront en pof
G3
MERCURE
feffion des biens donnez chacunaleur
égard , que du jour
que Monfieur de Couvonge
Donataire auroit commencé
Là joüir entierement des reve
nus& arrerages de ces biens,
aux termes de la Donation à
Juy faite , s'il n'y avoit point
eu de Subſtitutions ; que le
Prince qui ſera appellé à celle
des Terres de Marchais & de
Lieffe , en laiffera la jouiffance
en ufufruit à Madame la
Ducheffe de Guiſe , pour en
-jouir durant la vie ſeulement,
& que tous ceux qui feront
Proprietaires des Terres ſubſtituées,
ne pourront deftituer
aucun des Officiers qu'ils trou-
- veront reveſtus des Charges
-de ces Terres , & qu'aprés leur
mort ils ne pourront vendre
-kes Charges,cette Princeffe
εθ
GALANT αγα
youlant qu'elles foient données
à l'avenir à ceux que les
Seigneurs ſubſtituez en trouveront
les plus dignes, gratuiment
, & fans finances . Monfieur
le Comte de Couvonge
approuve& accepte toutes ces
conditions , ſous lesquelles il
reconnoist que la Donation
luya eſté faite. Mademoiselle
de Guiſe la Iny confirma par
nouvel acte, le 8.Janvier 1688.
le tout reconnut par devant
Notaires, upon of
Le Teftament de cette Princeffe
eſt du 6. Février 1686.
T'en laiſſe les termes ordinai
res ,& paffe à l'eſſentiel . Elle
fouhaite que foncorps doit
inhumé aux , Capucines de
Paris,dans leur Sepulture ,
qu'il y ſoit porté fans nulle
pompe ,& fan coeur à Mont
G4
152 MERCURE
martre avec ceux de ſes proches',
défendant expreſſement
qu'on faffe aucune ceremonie
dans les Services qu'on celebrera
pour le repos de ſon ame .
Elie ordonne qu'il foit dit
le plus promptement qu'il ſe
pourra, dix mille Meſſes , dans
les lieux qui ſe trouveront
nommez par un memoire particulier
,& qu'on diftribue aux
Pauvres immediatement aprés
ſa mort,la ſomine de vingt mille
livres , ſelon qu'on le trouvera
écrit dans un autre Memoire
particulier d'Aumônes ;
que la ſomme de dix mille livres
foit miſe auſſi-toſt aprés fa
mort, entre les mains de M.I'A
bé de S. Mihel ,ou de celuy qui
ſera Prieurde la même Abaye ,
pour eſtre diſtribuée aux Pauvres
des Duchez de Bar & de
GALANT. 153
Lorraine ;qu'une pareille fomme
de dix milles livres foit
diſtribuée aux plus pauvres
dans toutes ſes Terres , & que
tous les Maiſtres & Maiſtreſſes
d'Ecoles , qui ſe trouverontpar
elle établis dans ces meſmes
Terres au jour de fa mort , ye
foient entretenus à perpetuité,
à raiſon de deux cens livres
pour chaque Maistre d'Ecole ,
&de cinquante eeu pour cha
que Maistreffe , & qu'il foit
faitunfond fur fesbiens, dont
lerevenu égale la dépenſe neceffaire
pour leur entretien.
Elledonne auſſi deux cens écus
de rente à la Maiſon établie à
Paris , àla charge de fournirles
Mantreſſes d'Ecoles dans tou
tes fesTerres où elle les aura
Ciabliestis ach solnedos
Elle donne à l'Abbaye de
154
MERCVRE
+
Montmartre cent cinquante
mille livres , pour eſtre em
ployées en fond de terre , dont
lenrevenu ferve à l'entretien,
de vingt jeunes Demoiselles,
des Duchez de Lorraine & de
Bar, & deſes Terres, tant qu'il
s'y en trouvera de bien appel
lées à eftre Religieuſes , aprést
que leur vocationLaura eſté
examinée par les trois Perfonnes
nommées pour l'execution
des leg's pieux qu'elle fait , sou
par ceux qu'ils auront ſubſti
tuez à leur place , & par l'Abbeſſe:
Sales Religianfest de
Montmartre quirecevrontcest
File's fansalicune dor , & lors
que le nombrene fera pas remply,
le forplus du revenu da
ce fond fera remployé à faico
apprendre des Métiers de
pauvres Filles desmelinesDus
chez & Torres..
GALANT 255
ト
Elle donne auſſi la fomme de
cent mille livres pour fonder
& baſtir un Seminaire ou feront
entretenus & inſtruios
douze jeunes Gentilshommes,
pauvres, qu'elle veut eſtre établis
dans un Monastere des
mefmes Duchez aufquels l'ob
ſervance fost fidellement,gar
dée. Ce Monastere doit eſtre
choiſy par les trois perſonnes.
nommées pour l'execution de
fes legs pieux , qui avec le
Prieur du Monastere , nomme
ront ces douze jeunes Gentils-l
hommes entre ceux qu'ils ju
geront les plus propres à fer
vir bien dans l'Estat Ecclefiae!
• frique.b olan bahsdam
Elle donne aux Capuciness
deux mille Ecus payables uner
feale fois.coach Loan
Aux Religieux de l'Abbayc
20
G6
156
MERCVRE
ب
1
de Saint Mihel mille livres de
rente annuelle & perpetuelle
pour l'entretien de deux Religieux
qui appliqueront toutes
leurs Meſſes pour le repos
de fon Ame & de celles de ſes
Predeceſſeurs dont plufieurs
font inhumez dans ce Monaſtere
, & de plus àla charge de
faire chanter une Meſſe haute
tous les Vendredis de l'année
pour honorer la Relique de la
vraye Croix qu'elle y a don.
née.Cette Meſſe s'appliquera à
l'intention de remercier Dieu
des Victoires qu'il a données
aux ArmesChreftiennes fous
la conduite de Monfieur le
Prince Charles dans la dernie
reGuerre contre les Tures, &c
pour obtenir pour tous les
Princes de la Maiſon de Lor
mine la perfeverance dans la
GALANT. 157
Religion Catholique , & la
gracedeleur augmenterle zele
de la maintenir.
Aux Religieufes deValdone
trois cens livres de rente annuelle
& perpetuelle , à la
charge de celebrertous les ans
un Service pour le repos de
fonAme.
Aux Religienfes de SaintUrbain
cent livres de rente , &
autant à ceux de Montierenderf,
aux mefmes conditions
d'un Service annuel, Jab
› A l'Abaye de Sainte Houel
le proche de Bar , cinquante
livrés de rente pour continuer
les Services dont la rente eft
perduerabund
Ala Parroiſſe de Joinvilley
trois eens livres de rente pour
celebrer quatre Services par
ann ,à la chargede donner for
ceue fomme vingt- cinq li-
1
MERCVRE
vres à chaque Service aux plus
Pauvres de la Paroiſſe...
Deux mille livres de rente
pour fonder dans Efclaron un
Hoſpital ou feront receu tous
les Pauvres du lieu , & de fes
autres Terres de Champagne ,
qui feront hors d'état de gagner
leur vie , excepté ceux de la
Ville deGinville qui ont un
Hoſpital caso mind
quatre
A l'Abaye de Montmartre ,
par deſſus la Mette fondée par
Madame ſa Mere , dont Mademoiſelle
de Guiſea acquité
la Fondation ,&c les deux au
wes qu'elle a fondées par un
Contrat particulier
cens livres de rente pour faire
dire uneMeſſe tous les jours
pour le reposde foni Ame ,ide
celledeMadame de Montmar
tre fa Soeur ,&de tous ſes Pre
deceffeurs au mo uos
GALANT 159
A la Paroiſſe de Saint Jean
en Greve , la ſomme de mille
livres , & aux Pauvres de la
mefine Paroiſſe celle de mille
écus pour leur eſtre diſtribuée
felon la plus grande neceſſité
incontinent apres ſon decés .
A l'Hospital General trois
mille livres , & autant à l'Hoſtel
- Dieu , le plus promptement
qu'il ſe pourra.
3
AMadame de Montmartre
mille livres de penſions viagere,
outre celle de mille livres
dont ellea paffé Contrat avec
La Communautéотнома
A tous les Domestiques so.
mille écus , & 15. mille livres
derente en penſions viageres ,
felon unEftat écrit de la main..
}
-Ensuite alle declare quelle
veut que les Meubles dantelle
n'aura pas diſpoſe ſoient vena
dus apli coſt, aprés la morti
160 MERCURE
1-
que fur le prix quien revien
dra , l'on prenne les Meſſes &
les Aumoſnesqu'ellea ordonné
eſtre faites promptement ; que
les arrerages courans des detres
conſtituées eſtant acquittez
, la fomme leguée à ſes
Domeſtiques foit payée fur le
plus clair revenu de ſes biens ,
&qu'aprés avoirfatisfait àtoutes
ees chofes tous les revenus
des biens en fonddont elle difpofe
par fon Testament , &
toutes les rentes des conftitutions
dont elle a auffi diſpoſe
parceTeſtament,ou par donation
entre vifs ; comme aufli
tous les revenus des Terres
ſpecifiées dans cette donarion
, foient earployez au payement
des intereſts ; & enfuire
des capitaux de toutes
fes dettes , leſquelles eftant
acquitées ,l'on accomplira les
GALANT. 161
1
legs pieux , Fondations &
donations faites entre vifs ,
par Teftament , ou par Codicille
. Lors qu'on aura fatisfait
àtoutes ces charges , les Donataires
entreront en jouiſſances
des biens donnez , fa vo
lonté eſtant qu'aucun n'y entre
avant ce temps-là , à l'exception
de celuy des Enfans
-deMonfieur le Prince Charles
de Lorraine qui portera le nom
de Guiſe , auquel elle donne
une penfion de douze mille
écus de rentepour ſon entretien,
juſqu'à ce qu'il entre en
poſſeſſion des biens qu'elle lay
a leguez par donation entre
wifs , fur leſquels cette pens
fion de douze mille écus ſera
priſe.
Defirant que tous les biens
dontelle a diſpoſé foient libres ,
1
162 MERCVRE
e
quand ſes Donnataires com
menceront à en joüir , elle veur
que les Executeurs de fonTef
tament continuent à recevoir
les revenus de tous ſes Biens ,
juſqu'à ce que toutes ſes dettes
folent acquitées , & qu'on ait
fatisfait à toutes les diſpoſitions
qui doivent eſtre payées par
aprivileges aprés quoy ils employeront
ces revenus à acheter
des fonds pour fubvenir
Atous les legs pieux,&les don.
neront enfuite àceux qui ſoront
obligezode fatisfaire aux
charges de ces meſmes legs ,
foit pour fondations , ou pour
autres choses; & à l'égard des
Penſionsviagerès , elles feront
acquitrées par celuy qui fera
Duc de Guiſe ,tant qu'elles
dureront , & éteintes à fon
profinasiollahermos
GALANT. 163
८
Elle veurque tous les Meu-
-ables d Hyver & d'Eſté, qui fervent
auxappartemens de l'Hoſtel
de Guiſe, y foient laffez ,
c'eſt à dire,les Meubles de Bois ,
Tapiflerie, lits & fieges ,& elle
les donne à celuy à qui elle a
donnéla Maiſon , avecles Portraits
originaux de tous les
Princes de la Maiſon de Lorraine
qui s'y trouveronto
Elle donne ſa Tapiſſerie des
Ages ,& fon Lit de broderie
de Perles, à Monfieur lePrince
Charles & fapetite maiſon de
olaVierge ,avec tout cequi eft
dedans, à la Reine Doüairiere
de Pologne , ſon Epoufe.
1
Au Filside Monfieurle Prin-
2 ceCharles, qui portera le nom
de Guiſe , trente - cinq mille
livresde rente, qu'elleaàpren-
C
dre fueles Gabelles de Languedoc.
1
164 MERCURE
!
A Monfieur d'Armagnac ,
Grand Ecuyer de France , les
Terres de Lambafq & Orgon ,
leurs appartenances & dependances.
A chacune de Meſdemoiselles
de Liflebonne , la ſomme
de cent mille livres en cas
qu'elles ne foientpas mariées ,
&non autrement , ce qui fera
acquitté comme unede ſes dettes
, aprés qu'on aura fatisfait
aux autres .
Elle veut que les trentecing
mille livres de rente for
les Gabelles de Languedoc , le
Duché de Joyeuse , & les
Terres de Lambeſq & Orgon ,
•foient ſubſtituées en la mefine
forme que les autres Terres
qu'elle a données entre vifs ,
aux mefmes Princes à qui elle
donne celles-cy par ſonTeſtament.
ooting
GALANT..
165
1
Monfieur de Roquette,Evêque
d' Autun, Dom Henry Henezon
, Abbé de S. Mihel , &
Monfieur Dubois , font nommez
pour avoir ſoin de toutes
les fondations , legs pieux ,
charitez & aumônes . Elle les
prie d'en ſubſtituer eux- mefmes
de leur vivant chacun un
qui leur fuccede aprés leur
decés , & ceux - cy de s'en ſubſtituer
d'autres , & ainſi à perpetuité
, les conjurant inſtamment
de faire fuivre toutes fes
intentions avec une entiere
exactitude.
Elle donne cinquante mille
livres , que ſes Executeurs
doivent employeren fond . Le
revenu en ſera diſtribué chaque
année à des Preſtres ſçavans
, & à de zelez Religieux ,
ou autres , pour faire des Mif
166 MERCVRE
TA
fions dans toutes les Terres ,
en forte qu'il y en ait tous les
trois ans dans chacune.
Elle nomme pour ſes Executeurs
Teftamentaires Monſieur
le Prince de Commercy ,
Monfieur le Comte de Couvonge
, & Monfieur Favieres ,
Avocat au Parlement, auſquels
elle donne conjointement ou
àceluy destrois qui ſera choiſi
par les deux autres , tout
pouvoir d'agir pour l'execution
de ſes volontez .
Elle donne à Monfieur de
Couvonge une Bague de mille
ecus & le prie de l'agréer
pour marque de ſon eſtime .
2311
AMonfieur Favieres deux
mille piſtoles, pour reconnoifſance
des ſoins qu'il donnera
à faire accomplir ce qui eſt
porté par fonTestament , vou-
1
GALANT.
167
lant que luy & ſes autres Executeurs,
folent indemnifez des
frais qu'ils feront obligez de
faire pour l'executer .
A Mademoiselle , dont elle
avoit l'honneur d'eſtre Tante,
tous ſes Criſtaux , Agates , &
Pierres fines , conſervées dans
deux armoires de fon Cabinet,
la fuppliant tres- humblement
de les agréer pour marque
de fon reſpect & de fon affection.
Elle ſupplie auffi Madame
de Guiſe d'agréer ſon Crucifix
d'or , où il y a deux Figures
d'or , de la Vierge & de S. lean
au pied.
CONSPOD 29141
91
Elledonne à Monfieur d'Armagnac
, Grand Ecuyer de
France, la Vierge ddeeRaphaël,
& ſa Samariaine de Monficur
V20
Mignard ,& en cas qu'elle ne
V
1
1
1667
I
5 MERCVRE
fions dans toutes les Terres ,
en forte qu'il y en ait tous les
trois ans dans chacune.
Elle nomme pour ſes Executeurs
Testamentaires Monſieur
le Prince de Commercy ,
Monfieur le Comte de Couvonge
,&Monfieur Favieres
Avocat au Parlement, auſquels
elle donne conjointement ou
à celuy destrois qui ſera choiſi
par les deux autres , tout
pouvoir d'agir pour l'execution
de ſes volontez .
Elle donne à Monfieur de
Couvonge une Bague de mille
ecus & le prie de l'agréer
pour marque de ſon eſtime .
2.
د
1
AMonfieur Favieres deux
mille piſtoles,pour reconnoifſance
des ſoins qu'il donnera
à faire accomplir ce qui eſt
porté par ſon Teftament , vou
GALANT.
169
lonne ce
lant que luy & fes autres Executeurs,
folent
indemnizas
frais qu'ils ferontagez ce
faire pour l'executer.
AMademci
avoitThonneer fere Tam
1.
gnieres,
as livres
Caroffes
luy faic
tous fes Crifax ,
eau &
Pierres fines ,
copierres, nors
niers
deux,armoires de Cal
vres de
la fuppliant tres
de les agréer pour on , fon
de fon reſpect & vres de
ction. lle écus
Elle fupplle
me
de Guife d'agréer de n, fon
fix d'or,
oulyade pen
d'or delaVierge
aupied.
Elle donne -
Agentde
sdepen
France, laVierge
niagnac , Grand Eccer se SA
ademoi
& fa
Samarizine de ivres de
Mignard, & en ca H
168
MER CURE
luy alt pas rendu les Tableaux
fur leſquels elle a fait écrire
qu'ils luy appartiennent , elle
veut qu'ils luy ſoient rendus
auſſitoſt aprés ſa mort.
En 1688. Mademoiselle de
Guiſe fit trois Codicilles .Parle
premier , qui eſt du 28. de Février
, elle veut que l'on employe
aux Prieres qu'elle a ordonnées
par ſon Teftament
juſqu'à la ſomme de vingt mille
livres.
Elledéclare qu'elle veut que
le legs qu'elle a fait par ce mefme
Testament à ſes Officiers
& Domeſtiques ; de quinze
mille livres de rente viagere ,
ſoit augmenté juſques àla ſomme
de vingt mille livres ,
& celle de cinquante mille
écus à une fois payer , juſques
à deux cens vingt mille li
vres,
GALANT. 169
vres : fur quoy elle donne ce
qui fuità chacun d'eux.
AMonfieur de Gaignieres,
ſon Ecuyer , douze cens livres
de penſion outre ſes Catoffes
&un attelage dont elle luy fait
don.
,
A Meſſieurs Millereau &
Lambert , ſes. Aumôniers
chacun cinq cens livres de
penfion.
A Monfieur Gourdon , fon
Secretaire , cinq cens livres de
penfion , & deux mille écus
une foispayer.
A Monfieur le Brun , fon
Treforier , mille livres de pen-
ว
AMonfieurBeſſei , Agent de
ſes affaires , mille livres depen.
fion , & deux mille écus . A
A Monfieur & à Mademoi-
- felle Péan , cinq censlivres de
Avril 1688.Ң
170 MERCURE
penfion ,&deux mille écus .
A Monfieur Preſidy , Chirurgien
quatre cens livres de
penfion.
AMonfieur Martine , Contrôleur
, cinq cens livres de
penſion ,& dix mille francs.
AMonfieur Bertrand , Argentier
, cinq cens livres de
penfion & huit mille franes .
Au Sieur Mercier , Tapifier
&Valet de chambre , fix mille
francs.
Au Sicur Jacob , Valet de
chambre,fix cens livres de pen
fion ,& deux mille écus.
Au Sicur Munier , Valet de
chambre , deux mille écus .
Au Sieur Martine , Valetde
chambre , quatre mille francs .
Au Sieur Eftienne , Valet de
chambre , trois mille livres .
AMademoiselle de la Bour
GALANT 171
diere , Fille d'honneurs , dou
ze mille livres .
A Mademoiselle de la Hu
miere ſa Soeur , huit milles livres
.
A Madame Madeleine', fa
premiere Femme de chambre
& à Mademoiselle Henriette ,
Femme de chambre, neuf cens
livres de penſion,& trois mille
livres à chacune.
A Mademoiselle le Riche ,
l'une de ſes Femmes , troiscens
livres de penſion , & quatre
mille francs. رد
A Mademoiselle Iſabelle ,
trois cens livres de penfion,&
cing mille francs .
A Meſdemoiselles Manon
& Brion , chacune cing mille
A Meſdemoiselles Grandmaiſon,
Tabou &Guyot, cha
H
172 MERCURE
cune quatre mille livres .
A la Dame Lambert , trois
cens livres de penſion .
A la Dame Gombault,douze
cens livres une fois payer.
A la Dame Benoiſe , huit
cens livres .
Au Sieur du Laurent , Chef
de cuisine , cinq mille livres.
-Au Sieur Beſnard , Officier
de cuiſine , trois mille livres .
Au Sieur le Jeune , deux
mille livres..
1
7
Au Sieur Labillarde , Chef
d'Office , cing mille livres .
AMonfieurDamades , douze
cens livres de penſion.ir
A Monfieur Morin, ſon Me
decin , deux mille livres de
penfion. 4
A Monfieur Dubois , pour
les bons & agreables ſervices
qu'il luya rendus depuis vingt-
:
GALANT. 173
deux ans , quatre mille livres
de penſion , & deux mille écus.
A Monfieur Favieres , fon
Avocat & Conſeil,trente mille
livres.
A Meſſieurs Louillier , Beaupuis
, Collin & Bauſan , Muficiens
, chacun mille écus .
A Meffieurs Carlier & Anroine
, Muficiens , chacun
deux mille livres .
A Monfieur Montailly auſſi
Muſicien , trois cens livres de
penfion.
Je paſſe pluſieurs autres
ſommes données à differens
Domeſtiques , qui toutes enſemble
reviennent à celle de
deux cens vingt mille livres,
ou environ , qu'elle veut eſtre
payées des premiers deniers
que toucheront ſes Executeurs
,& par privilege à toutes
H3
174 MERCURE
autres diſpoſitions,& notament
fur le prix des meubles qu'elle
entend eſtre vendus ſans exception
,dérogeantàcet égard
à l'article de ſon Testament,
par lequel elle en auroit défendu
la vente , à la referve de la
Tapifſferie des Ages , & du Lit
de broderie avec des Perles
qu'elle ne veut point qui ſoient
yendus , ordonnant que les
legs qu'elle en a faits par fon
Teftament , foient executez ,
& que les penſions viageres
ayent cours du jour de ſa mort,
& qu'on les paye par demyannée
.
Elle declare que ſa volonté
eft, que tous ſes Domeſtiques
qui ont des logemens dans fon
Hoſtel , les confervent leur vie
durant.
Elle donne & legue mille
GALANT. 175
livres de penfion viagere à
Monfieurdela Chaiſe , qu'elle
veutjeſtre payée comme les
précedentes, ſans qu'ellespuifſe
eſtre ſaiſie par les Creanciers
qu'il peut avoir.
A Madame du Breüil , Religieuſe
à Reims , trois cens
livres de penfion .
Au Fils de Madame de Proi
fi , trois cens livres de penfion
tant qu'il étudiera.
Elle déclare qu'au cas quelle
n'euſt pas affuré par Acte entre
vifs , la penfion dela Soeur des
Martyrs , Religieufe à Montmartre,
& Soeur de Mademoifelle
Henriette l'une de fes
Femmes , qu'elle a payée jufqu'alors
,elle veut qu'elle ſoit
continuée ſur ſes biens.
Outre le legs qu'elle a fait
par ſon Teftament , à Made
Η 4
176 MERCVRE
demoiselle de Liſlebonne & à
Mademoiselle de Commercy ,
elle leur donne & legue à chacune
la ſomme de deux cens
mille livres .
Au Seminaire d'Autun,pour
achever de le baſtir , ou pour
employer en oeuvres pieuſes
dans le Dioceſe,vingt- cinq
mille livres.
Aux Religieux dela Mercy,
par maniere de fondation de
Ja chapellequ'ils ont donnée
à cette Princeſſe , trois cens
livres de rente , au payement
de laquelle elle affecte le DuchédeGuife
.
Elle declare qu'ayant nommé
pour ſes Executeurs Teftamentaires
Monfieurle Prince
de Commercy , Monfieur
de Couvonge , & Monfieur
GALANT .
177
de Favieres , elle les déchar.
ge tous trois de cette execution
, à cauſe de l'absence de
Monfieur le Prince de Commercy
, confirmant tous les
legs qu'elle leur a faits par
ſon Testament , ſoit à titre
d'Executeurs , ou autrement ,
parce que celuy de vingt mille
livres qu'elle a fait à Monſieurde
Favieres par fon Teftament
,. demeurera acquitté
en luy payant la ſomme de
trente mille livres portée par
fonCodicille.
En leur lieu & place elle
nomme pour Executeurs de
fon Testament & de ce Codic
cille , Meffieurs les Aminiſtrateurs
de l'Hoſtel Dieu de Paris
,qu'elle ſupplie d'en vouloir
prendre la peine , & d'agréer
chacun un Diamant de
H
178 MERCURE
cent Loüis d'or qu'elle leur
legue.
Elle donne cinquante mille
livres aux Pauvres de l'Hoſtel-
Dieu , à la charge que cette
fomme ne ſera touchée qu'aprés
que les autres legs portez
par ſon Testament & Codicille
ayent eſté payez .
Le ſecond Codicille de
Mademoiselle de Guiſe eſt du
premier jour de Mars 1688 ..
&porte qu'elle leve la défenſe
formelle qu'elle avoit faite
par le premier , de vendre la
Tapifferie des Ages , & fon
Lit de Broderie de Perles ; elle
veut qu'ils foient vendus ainſi
que ſes autres meubles .
Elle donne encore à M.
Damades mille livres de Penfion
, outre celle qu'elle luy a
leguée par fon 1. Codicille
GALANT. 179
'
Aux Pauvres de la Charité
de l'Egliſe S. Jean ſa Paroiffe,
dix mille livres .
: Aux Charitez qui ſe font
pour le foulagement des Provinces
, par Madame Chevalier
, la ſomme de dix mille
livres , qui luy ſera miſe entre
les mains..
A M. Iourdan , Preſtre demeurant
à Montmartre , cing
cens livres de penfion..
A la Niepce de la Soeur de
S.Michel , Religieufe àMontmartre
, quatre cens livres une
fois payer.
Elle ordonne que M. Defnots
, fon Notaire , foit employé
dans les affaires de ſa
Succeifion.
Elle declare qu'en confideration
de la priere que luy a
faite feu M. de Roquette fon
H. 6.
180 MERCURE
Intendant , d'acquitter pour
luy , par maniere de reconnoiffance
de ſes ſervices , la ſomme
de vingt-deux mille livres,
à laquelle montentles Principaux
des rentes qu'il doit ;
Içavoir neufmille livres à M.
de la Reynie , ſept mille livres
à M. Rodot , Conſeiller en la
Cour des Aides , & fix mille
livres à la Veuve & aux Heri
tiers Gabriel , auſquelles rentes
M. l'Evêque d'Autun eſt
onligé avec feu M. de Roquctte,
elle veut que ces trois rentes
foient rachetées ; à l'effet
de quoy elle donne & legue
aux Creanciers de ces rentes,
la ſomme de vingt deux mille
livres .
Le lendemain 2. de Mars,
Mademoiselle de Guiſe fit un
troifiéme Codicille par le
GALANT. 18
quel il eſt porté qu'en repaffant
dans fa memoire tout le
cours de fa vie , & n'y ayana
pas trouvé un moment dans
lequel elle n'ait receu des gracesde
ſa Majesté , elle ſouhaiteroit
eſtre en estat d'en faire
paroiſtre ſa reconnoiſſance à
toute l'Europe ; mais que come
me on ne peut témoigner plus
de foumiſſion à fon Souverain
qu'en luy demandant de nouvelles
marques de ſes bontez,
elle ſupplie tres - humblement
le Roy de vouloir accepter le
legs qu'elle luy fait de ſa Tapiſſerie
des Ages & du Lit en
broderie de Perles , auquel elle
a travaillé plus de dix ans de
fes mains , comme une preuve
de fon zele & de fon refpect
, & en l'acceptant , donner
unemarque publique qu'il
18 MERCVRE
ne dédaigne pas les dernieres
volontez d'une Princeffe , qui
a eu toute ſa vie un atta
chement refpectueux pour ſa
Perſonne; à l'effetde quoy elle
revoque la diſpoſition de fon
Codicille du jour precedents.
par lequel elle en avoit ordonné
la vente..
Elle donne à Madame la
Princeffe d'Harcourt cent mille
livres , & la décharge &
Monfieur le Prince d'Harcourt,
fon Mary , de la ſomme
dequarante mille livres qu'ils
eftoient obligez de luy payer
par le Contrat du 29. Aouſt
1685. qui contient la vente de
Roquemaur.
- A la Maiſon Profeſſe des
Jefuites , ruë S. Antoine , dix
mille livres , laquelle ſomme
fera employée par les ordres
GALANT. 183
du R. P. de la Chaiſe , auquel
elle fait don des Tableaux ,,
Porcelaines , & autres propretez
de fon petit appartement
des Hermites , & qui ne font
point attachez , & ne fontpas
corps avec le lambris.
AMonfieur de la Bourdiere
trois cens livres de rente ..
A Monfieur Muſnier , Eccle
fiaſtique demeurant à Montmartre
, deux cens livres de
penfion , outre ce qu'il doit
avoir pour la retribution de la
Meſſe qu'il celebre , declarant
qu'elle reduit à quatre cens livres
la penſion de cinq cens
livres leguée à Monfieur Jour
dan par ſon ſecond Codicille .
A la Scoeur Marguerite Nodot
, Religieuſe à Montmar
tre , trois cens livres de rente..
Mademoiselle de Guiſe aprés
184 MERCVRE
avoit fait ce troifiéme Codi
cille , mourut le lendemain 3-
de Mars , fur les dix à onze
heures du matin.
-
Comme vous aimez les ſen
timens genereux , vous prendrez
fans doute part à l'heureuſe
fortune d'un amant qui a
merité par ſa conſtance tous
les avantages dont elle a eſté
récompenfée. Un vieux Gentilhomme
tres riche , venu à
Paris pour quelques affaires ,
entendit parler d'une Heritiere
de quinze à ſeize ans, qu'on
faiſoit paffer pour un party fort
confiderable. Son Pere ayant
amaffé beaucoup de bien en
divers emplois qu'il avoit eus ,
l'avoit laiſſé par fa mort fous.
la Tutelle d'un Oncle qui n'eftoit
pas dans une grande opulence.
La Demoiselle n'avoit
GALANT.
185
aucun agrément dans ſa perſonne;
l'eſprit luy manquoit
auſſi bien que la beauté , & il
n'y avoit à confiderer en elle .
que les avantagesd'une grande
dot , mais les richeſſes tenant
toûjours lieu de veritable merite
, elle ne laiſſoit pas d'eſtre
recherchée par des Perſonnes
d'une affez haute naiſſace pour
obliger ſon Tuteur à balancer
fur le choix . Le Gentilhomme
qui n'avoitqu'un Fils qu'ileuſt
bien voulu arreſter auprés de
luy au retour d'un voyage d'I
talie qu'il venoitde faire, fongeaà
le marier, & ce qu'onluy
dit des grands biens de l'He .
ritiere luy ayant fait voir dans
cette alliance un établiſſement
fort avantageux , il fit connoiſſance
avec le Tuteur , &
luy propoſa le mariage. Le
186 MERCVRE
Tuteur luy répandit qu'il
avoit déja des engagemens
qu'il ne pourroit rompre fans
• beaucoup de peine , & ces obſtacles
ayant redoublé fon
empreſſement , le Gentilhomme
luy fit quelques offres qui
commencerent à le faire entrer
dans ſes intereſts . Comme il
avoit à menager ſon eſprit , il
alloit le voir ſouvent , & il ne
luy rendit pas beaucoup de
viſites ſans remarquer une
Fille unique qu'il avoit, & que
la nature ſembloit avoir pris
foin de recompenfer de l'injuſtice
que la fortune luy avoit
faite.Elle estoit belle , brillante
, enjoüée; & les grands dé.
fauts de ſa Parente ſervoient
à faire éclater toutes les graces
qui l'accompagnoient.Le Gentilhomme
qui n'eftoitveufque
GALANT . 187
depuis trois ans , & qui n'en
avoit point encore foixante
neput reſiſter à tant de charmes
. Il ſentit ſon coeur touché
& l'intereſt de ſon Fils ſervant
de pretexte à ſa foibleſſe , il
crut qu'il gagneroit plus aifément
le Tuteur ſur le mariage
dont il eſtoit queſtion , s'il luy
promettoit d'épouſer ſa Fille.Il
Juy découvrit ce qui luy eſtoit
tombé en penſée , & en même
temps il le pria de luy
garder le ſecret , ne voulant
pas meſme qu'il en parlaſt à
fa Fille , juſqu'à ce que le
mariage de ſon Fils eſtant confommé
, il fuſt en pouvoir
d'executer ce que l'amour luy
faiſoit promettre. Le Tuteur
voyant dans ce qu'il luy propoſoit
de grands avantages
pour la Fille, prit de luydes
188 MERCVRE
aſſeurances qui devoient l'indemnifer
s'il luy manquoit de
parole , & luy dit enſuite qu'il
n'avoit qu'à faire venir fon
Fils , & qu'il n'auroit pas de
peine à obliger ſa Pupille de
ſe déclarer en ſa faveur. Le
Gentilhomme partit fort rem.
ply d'amour , & fit valoir à
ſon Fils ce qu'il avoit fait pour
fon établiſſement. Sa paffion le
preſſant de hafſter l'affaire ,
puiſque ſa concluſion devoit
le mettre en eſtat de travailler
à ſe rendre heureux , il luy
dit qu'il n'y avoit point de
temps à perdre , parce que la
Demoiselle , qu'il ne luy peignit
ny belle ny laide , avoit
des Amans de conſequence ,
& qu'il devoit craindre qu'on
ne la donnaſt au plus emprefſé.
Le Cavalier qui n'avoit
GALANT . 189
rien dans le coeur , ſe fit d'abord
une idée aſſez agreable.
&affez fatisfaiſantedes grands
biens de l'Heritiere , & n'enviſageant
que de belles Terres
, il s'imagina qu'il n'eſtoit
pas neceſſaire d'avoir de l'amour
pour eftre heureux en
ſe mariant . Il remercia fon
Pere des ſoins qu'il prenoit
pour ſes avantages , & vint à
Paris pour en recueillir le
fruit, mais il n'eut pas fi toſt
veu la Demoiſelle qu'il s'en
trouva dégouté ,& il le fut
encore beaucoup plus lors
qu'il l'eut entretenuë. L'oppoſition
des agrémens tant du
corps que de l'eſprit qui faifoient
briller ſa belleParente,
contribua fort à ce dégoût.
Plus il la vit ,plus fon merite
fit d'impreſſion fur luy. L'en
2
190 MERCURE
gagement où ſon Pere l'avoit
mis fervant à autoriſer ſes vifites
affiduës , il ne voulut:
point le rompre pour n'eſtre
pas obligé de renoncer au
plaifir de voir ce qui le touchoit
ſenſiblement.Il dit mille
chofes obligeantes à cette aimable
Perſonne , & ayant connu
par ſes manieres que les
diſpoſitions de ſon coeur luy
eſtoient tres- favorables, il s'abandonna
fi fort à ſa paſſion,
qu'il ne fongea plus qu'à la
fatisfaire . Il dit au Tuteur
qu'il luy rendoit ſa parole à
l'égard de l'Heritiere , & qu'il
eſperoit qu'il ne ſeroit pas
bleffé de la fincere declaration
qu'il luy faiſoit, puis que
c'eſtoit pour luy demander ſa
Fille, dont il preferoit la poffeffion
à tous les trefors du
GALANT. 191
monde. Le Tuteur receut
une propoſition ſi avantageuſe
, avec beaucoup de
marques de reconnoiffance ,
mais ce qu'il avoit déja re
folu nele laiſſant pas en pouvoir
de l'accepter , il dit au
Chevalier qu'eſtant en parole
avec ſon Pere pour le ma-si
riage de ſa pupille ,il ne pouvoit
ſans engager ſon honneur,
luydonner ſujet de l'accufer
d'avoir corrompu ſes ſentimens
, en autoriſant une pafſionqui
eſtoit contraire à fes
intereſts , que ſa Fille n'avoit
preſque point de bien ,
qu'un peu de beauté & de
jeuneſſe ne devoit point l'emporter
ſur'ce qu'on cherchoit
dans un mariage préferablement
à toutes choses. Ces re
montrances ne firent aucun
192 MERCURE
effet ſur l'eſprit du Cavalier. Il
proteſta que s'il s'obſtinoit à
luy refuſer ſa Fille , il renonceroit
à ſe marier; & aprés s'eſtre
aſſuré du coeur de la Belle par
les ſermens qu'il luy fit d'une
conſtance & d'une fidelité inviolable
, il alla trouver ſon
Pere , eſperant aſſez de ſa tendreſſe
pour ſe flater qu'il le feroit
confentir à ſon bonheur.
LeGentilhomme nele vit pas
plûtoſt de retour , qu'il luy
demandas'il avoit mis toutes
choſes en eſtat , & s'il falloit
qu'il partiſt pour venir ſigner
le Contrat demariage .Le Cavalier
ne luy cacha point ſes
ſentimens , & aprés luy avoir
exageré l'éloignement qu'il
avoit pour l'Heritiere
laquelle il ne pourroit vivre
L
avec
que tres malheureux , il luy
avoüa
GALANT.
193
avoüa qu'ileſtoit charmé de ſa
Parente , & qu'il luy devoit
toutle bonheur de ſa vie s'il
luy permettoir del'épouſer. Le
Gentilhomme qui ne pouvoit
ſe reſoudre à condamner ce
qu'il pretendoit fait approuver
pour luy-meſme , dit à ſon Fils
qu'il eſtoit vray que cette Parente
eſtoit affez belle & affez
bien faite pour faire excufer
une violente paſſion , mais qu'il
nedevoit regarder que fa fortune
: que le mariage de l'Heritiere
le pouvoit conduire aux
grandes Charges ; & que d'ailleurs
ayant donné ſa parole,
c'eſtoitàluy àla dégager .Aprés
un long entretien , le Cavalier
voyant qu'il continuoit toujours
à luy faire une eſpece
d'obligation indiſpenſable de
dégager ſa parole ,luy ditqu'il
Avril 1688 .
I
১
194
MERCVRE
pouvoit demander l'Heritiere
pour luy - meſme , puis qu'il
eſtoit encore dans un âge qui
luy permettoit un ſecond engagement
, l'aſſeurant que le
Tuteur en reconnoiffance dat
confentement qu'il donneroit
à fon mariage avecſa Fille,difpoſeroit
aiſement ſa Pupille à
l'épouſer. Le Gentilhomme
qui ne vouloit pas ſe décou
vrir, répondit qu'il ſe rendroit
ridicule de pretendre qu'à fon
âge il puſt ſe faire écouter
d'une perſonne qui pouvoit
choiſir dans un grand nombre
d'Amans , & traitant toûjours
fon Fils fort honneſtement , il
le pria de ſe faire quelque
effort , & de fonger ſerieuſe .
ment que la plus belle perfonne
eſtoit ſujette à des changemens
facheux , au lieu que le
GALANT .
195
bien eſtoit folide , & qu'il faiſoit
parvenir à tous les honneurs
qui pouvoient flater
l'ambition . Le Cavalier ayant
perdu tout eſpoir de le voir
changerde fentimens , feignit
de partir dans le deſſein de ſe
vaincre ; mais en effet il retourna
auprés de la Belle , plus
refolu que jamais de luy
prouver ſon amour par tout
ce qui l'en pourroit convaincre
en attendant que le
temps euſt mis les choſes dans
une autre ſituation qu'elles
n'eſtoient . Cela devoit arriver
quand l'Heritiere ſeroit mariée.
Il pria fon Tuteur d'en
- diſpoſer pour tel party qu'il
- voudroit , & s'acquit entiere-
- ment ſon eſtime par la gene-
- roſité qu'il eût de luy jurer
de nouveau qu'il partageroit
,
1 2
196 MERCURE
ſa fortune avec ſa Fille quand
il en ſeroit le Maiſtre. Cét
excés d'amour fut bien- toſt
recompenfé. L'Heritiere qui
n'eſtoit pas d'un fort bon temperament
, tomba dangereuſement
malade. Les plus experts
Medecins furent appellez
, & malgré tout le ſecours
de leur art , elle mourut en
fort peu de jours . Il n'y avoit
pas ſujet d'en eſtre faché . Elle
n'avoit nulles bonnes qualitez
,& fon Tuteur eſtant Frere
de ſon Pere , les grands
biens qu'elle laiſſoit regardoient
ſa Fille. Beaucoup d'efprit
, de jeuneſſe & de beauté
foutenant cet avantage ,
luy fit la cour de toutes parts ,
mais ceux qui ne l'avoient
point confiderée quand tout
fon merite eſtoit renfermé
on
GALANT.
197
A
dans ſa perſonne , ne furent
point écoutez . Son Pere ſe fit
un honneur de reconnoiſtre
les manieres deſintereſſées du
Cavalier. Tout ce qui l'embarraſſoit
eſtoit l'amour qu'il ſçavoit
que le Gentilhomme
avoit pour ſa Fille. Il n'en dit
rien à ſon Fils , qui n'étant
point informé de ſon ſecret ,
ſe tint affeurée d'obtenir fon
agrément , puis qu'il s'agiſſoit
du meſme bien , & d'une perfonne
plus aimable. Son amour
l'obligeant à s'empreſſer de luy
aller rendre compte de tout ce
qui ſe paſſoit , il l'aborda d'un
air fatisfait ,& fut ſurprisdele
trouver fort mélancolique. Le
Gentilhomme ne pouvant ſe
déguiſer la baſſeſſe qu'il feroit
s'il levoit le maſque pour le
traverſer dans une pretention
I 3
198 MERCVRE
fi legitime, cacha ſon chagrin
fous un faux mal dont il ſe
plaignit, & témoigna cependant
qu'il eſtoit bien - aiſe que
les chofes euſſent tourne ſi heureuſement
pour luy . Quand
le temps du mariage fut arrivé
il luy donna tout le pouvoir
dont il cut beſoin , & le
diſpenſa d'eſtre preſent à cette
ceremonie . Elle ſefit avec une
Sentiere joye des deux amans.
Ils font toûjours charmez l'un
de l'autre , & leur union ne
peut eſtre plus parfaite .
Les beaux jours qui ont enfin
commencé , m'engagent à vous
envoyer un Printemps qui n'a
eſté fait que depuis trois jours,
Vous connoiſtrez aisément
qu'il eſt d'un habile Maiſtre.
5
LYON
vre , qui non retmen
en fera ſouvenir , ma
rendra preſent à vos y
BLUE
LYON
le
I
d
C
P
P
21
e
e
V
C
1
GALANT. 1991UE
DEL
AIR NOUVEAU.
LYON
Ne me parlez point du Prinia
temps ,
L'absencem'aprivé de l'objet que
j'adore.
Les Fleurs qui commencent d'éclore
Peuvent plaire à des yeux contens
,
Maisles frimats pourmoy durent
encore.
Ne me parlez point du Prine
temps ,
L'absence m'a privé del'Objet que
j'adore.
Apropos de Printemps , j'ay
à vous faire preſent d'un Livre
, qui non ſeulement vous
en fera ſouvenir , mais qui le
rendra preſent à vos yeux tou-
14
1200
MERCURE
,
tes les fois que vousle lirez .
Il n'en faut pas davantage
pour celles qui ont l'imagination
auſſi vive que vous l'avez.
Ce Livre eſt intitulé . La Connoiffance
, & culture parfaite des
Tulipes rares des Anemones
extraordinaires , des Oeillets fins ,
& des belles Oreilles d'Ours
-panachées. On croit qu'il eſt
de Monfieurde Valnay , Contrôleur
de la Maiſon du Roy.
Il enſeigne le moyen de connoiſtre
la beauté de toutes ces
Fleurs , la terre qui leur eſt
propre , comment il les faut
gouverner depuis qu'elles font
en terre juſques à la fleur , &
mille choſes curieuſes ſur ce
ſujet , & tres utiles à ceux qui
aimentles Fleurs. L'on trouve
auſſi dans ce meſme Livre l'hi-
-ſtoire de toutes les Fleurs dont
il parle, leur origine , & quand
८
GALANT. 201
e
1
&comment on a commencé
à en voir en France.
:
Si les Fleurs plaiſent à la
veuë dans les Parterres , & fi la
pluſpart flatent l'odorat , elles
ont encore un autre avantage..
Lesbelles Perſonnes s'en fervent
pour ſe parer , & il femble
qu'elles donnent plus de
- brillant à leur teint. C'eſt cer
- uſage qui a donné lieu à ce
Madrigal...
Charmantes Fleurs , quittez cess
lieux ,
Vn Dieu , le plus puissant dess
Dieux
Vous deſtine à climene..
Dés que vous paroiſtrezvous plairez
àfesyeux; 4
Sans exciter fon courroux ny fo
haine..
Yous baiferez fa belle main
:
/
| IS
202
MERCURE
Vous vous placerezſurſonſein.
Quoydonc ?à ce recit vous demeurez
paiſibles ,
Les deſtins ennemis vous ont fait
infenfibles;
Chrmantes Fleurs,helas ! que n'a
vez-vous mon coeur ,
Ou que n'ay -je vostre bonheur ?
On peut dire que la magnificence
de Monſeigneur le
Dauphin n'eſt pas ſeulement
pour ce qui regarde fa Perfonne
, mais qu'elle ſe repand
auſſi ſur les autres . Ce Prince
aimant beaucoup la Chaffe ,&
fur tout celle du Loup , a fait
preſent d'un équipage pour
cette Chaffe à tous les jeunes
Seigneurs qu'il l'y accompagnent
ordinairement...
Il confifte en un Juſte- au-corps
de drap bleu charmarré d'un
GALANT. 203
gros galon d'or & d'argent ,
moucheté de noir & d'incarnat
, & une Veſte fort riche
dont le fond eſt rouge ; des
gands à frange d'orjun chapeau
bordé d'or avec une plume
blanche;un couteau de Chaffe ;
un ceinturon , & une houffe de
cheval . Tout cetéquipage eſt
tres - magnifique , & digne du
Prince qui l'a ordonné.
Les habits des Gentilshommes
ordinaires de la Venerie
du Loup font auffi fort riches.
Le fond eſt bleu ; & la chamarure
de gros galons d'or.Ceux
des Piqueurs & du reſte de
l'Equipage , font beaux à pro--
portion des autres . Voicy les
noms de tous ceux qui ontde
ces habits diftinguez pour la
Chaſſe du Loup , Je vous les
envoye fans que les rangss
204
MERCURE
foient preſque obſervez .
Monfieur le Duc de Bourbon .
Monfieur le Prince de Conty.
Monfieur le Duc du Maine.
Monfieur le Duc de Vandofme.
Monfieur le Prince de Riche.
mont .
Mr le Comte de Brionne.
Mrle Prince Camille ..
Mr le Prince de Tingry .
Mr le Marquis de Florenſac .
Mr le Marquis d'antin.
Mrle Comte de Mailly .
Mr le Marquis de Thiange.
Mrd'Vrfé.
Mr le Comte de Sainte Maus
re.
Mr le Comte de Quelus .
MrleMarquisde Bellefonds..
Mr le Marquis de la Chaſtre .
Mrde Biron .
Mr le Comte de BroglioFils..
GALANT. 209
Mr de Morné.
Mr le Marquis de Vilarceaux..
Mr le Comte de Chemeraut..
Mr d'Albergoti .
Mr leMarquis d'Heudicourt
GrandLouvetier de France ..
Mrle Chevalier d'Heudicourt
fon Fils ..
Mr du Mont,Ecuyer ordinaire
du Roy , & de Monfeigneur
le Dauphin .
Quand je vous parlay il y
a quelques mois du nombre
&de la beauté des Coureurs
de Monſeigneur le Dauphin ;
& que je vous dis que jamais
Prince n'en avoit tant eu , je
n'entendois parler que des
chevauxdélite & de la la der
niere beauté , ce Prince en
ayantbeaucoupd'autres , dont
je n'ay rien dit , quoy qu'ils
puiſſent pafferpour beaux.On
206 MERCVRE
ne peut eſtre plus magnifique
qu'ill'eſt naturellement , ny ſe
plaire davantage à faire du
bien , ny le faire de meilleure
grace. Monfieur de Vandofme
partant il y a quelque temps
pour Anet , ce Prince luy fic
preſent d'une ſomme confiderable
, mais d'une maniere fu
honneſte , qu'on euſt dit qu'il
eſtoit obligé à Monfieur de
Vandofme , de ce qu'il vouloit
bien le recevoir ; il luy dit que
ce n'eſtoit point un preſent ,
mais feulement de quov tra--
vailler à quelques embelliſſemens
d'Anet..
Ie ne doute point que vous
ne preniez part à la perte que
l'Etat vientde faire en la perfonne
de Monfieurde Rochechoüart
Duc de Mortemart ,
Pair de France , Prince de
GALANT .
207
Tonnecharente &General
des Galeres . Il n'avoit pas
encore vingt cinq ans , &
s'eſtoit pourtant acquis dans
cette importante Charge qu'-
il avoit en ſurvivance de
Monfieur le Mareſchal Duc
de Vivonnefon pere, une reputation
qui l'a fait regreter
du Roy,qui eftimoit beaucoup
ſa perſonne & qui par l'éclat de
ſes premieres actions jugeoit
des ſervices que le Royaume
en pouvoit attendre . Il s'eſtoit
trouvé aux deux Expeditions
d'Alger. On ne peut trop louer
la valeur,la conduite & l'intrepidité
, qu'il a fait voir dans
L'affaire de Gennes . Il porta la
terreur par tout dans la defcente
qu'il fit en l'un de ſes.
Fauxbourgs , & étonna tellement
les Genois par ſa fermeté
au milieu des plus grands ,
.
208 MERCURE
dangers que puiſſe courir un
Capitaine qu'on ne peut contribuer
davantage qu'il fit au
fuccés de cette fameuſe journée
. Cet intrepide General a
paru deux fois devant Cadis
en commandant les Vaiſſeaux
du Roy,& par cette même fermeté
qu'on avoit déja admirée
tant de fois en luy,& par la fageſſe
de ſa conduite, il déconcerta
tous les deffeins des Ef
pagno's, en forte qu'ils ne purent
ſe tirer d'affaires que par
une prompte foumiſſion aux
ordres qu'il leur portoit d'un
Monarque qui n'entreprend
rien qu'avec justice. Aprés
que le Roy cut fait voir qu'il
eſtoit touché de la perte de
ce jeune Heros , ſa Majeſté
dit beaucoup de choſes à fon
avantage ,& fit connoiſtre
GALANT.
209
qu'il s'eſtoit toûjours acquirté
des Emplois qui luy avoient
eſté confiez , d'une
maniere dont on voyoit peu
d'exemples , & qu'il en avoit
toûjours rendu compte avec
une tres - grande exactitude.
Le Roy joignit à cela de grandes
loüanges. Il ſuffiroit de les
rapporter icy pour faire lePanegyrique
de ce jeune Duc;
mais tout ce que dit ce Prince
a un tour fi agreable , &
qui exprime ſi bien ce qu'il
veut dire , qu'on ne peut l'expliquer
fans luy ofter beaucoup
de fa force. Enfin je ne
vous ſçaurois vanter le merite
de feu Monfieur le Duc de
Mortemar , & ce qui est tresrare
, & dont on s'étonnera
encore davantage , c'eſt qu'il
eſtoit dans une eſtime gene
210 MERCURE
rale à la Cour , à la Ville &
parmy les Eſtrangers . Il avoit
épousé une des Fules de feu
Monfieur Colbert , Secretaire
&Miniftre d'Etat . On ne peut
trop admirer la conduite de
cette jeune Dame , no donner
trop de loüanges à la maniere
dont elle a vécu avec fon
Mary pendant tout le cours
de ſa maladie , qui a duré pluſieurs
mois. Si- toſt qu'il fut
mort le Roy envoya faire
compliment à toute ſa Famille
par Monfieur Torf , Gentilhomme
ordinaire de ſa Maifon;
& Monfieur fit l'honneur
aux Dames d'aller luy-meſme
leur rendre viſite ſur cette
mort. Je devrois vous parler
icy de la Maiſon de Rochechoüart
, dont cét illuſtre Défunt
eſtoit , mais je vous en
GALANT . ΣΕ
1
e
1
ay entretenuë pluſieurs fois
& d'ailleurs elle eft generalement
connuë. J'ajoûteray ſeulement
qu'elle n'eſt point de
celles qui laiffent douter de
beaucoup de choſes , & qui
ſubſiſtent par des viſions que
la tolerance & d'autres raiſons
ſoûtiennent. Je vous ay déja
marqué que Monfieur le Duc
de Mortemar eſtoit Filsde Mr
le Maréchal Duc de Vivonne,
General des Galeres , Gouverneur
de Champagne & de
Brie , autrefois Viceroy de Sicile
, & qui a eſté long- temps
premier Gentilhomme de la
Chambre de ſa Majesté . La
Paix eſtant generale fur Terre
aprés le Traité des Pyrenées,
Monfieur de Vivonne qui ne
vouloit pas demeurer oifif,prit
le party de la Mer , où aprés,
212 MERCURE
t
pluſieurs expeditions , & la
fameuse canonnade de Candie
qui emporta tant de Turcs , il
fit des actions dont tous les
Ennemis de la France furent
étonnez . Il faudroit pour bien
fçavoir la reputation que ces
actions luy ont acquife , lire
les Lettres , & les Memoires
interceptez parles Anglois, les
Eſpagnols & les Hollandois.
Ce Duc ayant vu qu'il n'y
avoit plus rien à faire fur Mer
pour le ſervice du Roy , chercha
à ſe ſignaler fur terre , &
fit les Campagnes de 1667 .
& 1668. & celles de 1672. &
1673. pendant leſquelles il ſe
trouva à tout ce qu'on fit de
plus éclatant. La gloire qu'il
s'y acquit le fit nommer Viceroy
de Sicile , & il fit dans ce
Royaume - là des choſes que
GALANT. 213
-
la poſterité aura peine à croire
, ſi elle examine le peu de
Troupes qu'il avoit , mais ſa
valeur & l'ardeur de ſon zele
pour le Roy le conduiſoient , &
il n'y a rien qu'on ne puiſſe
executer avec de ſemblables
guides. Ie vous diray icy une
choſe qui merite une grande
reflexion ; c'eſt que foit fur
Terre , foit ſur Mer , il ne
s'eſt fait aucune Campagne où
Monfieur de Vivonne ne ſe
ſoit trouvé depuis que l'âge
luy a permis de ſupporter les
fatigues de la Guerre , & que
toutes les fois qu'il a pû s'en
exempter il a cherché le peril
où ſes emplois nel'appelloient
pas . Si on cherche de pareils
exemples , on en trouvera fort
peu. Il ne faut pas s'étonner ſi
Monfieur le Duc de Mortemar
214 MERCVRE
eſtant Fils d'un tel Pere , paroiſſoit
un Capitaine confommé
dans un âge où peu d'autres
ont commencé leur premiere
Campagne.
Les Pauvres ont fait une
grande perte en la perſonne de
Meſfire François Gendron Abbé
de Noftre- Dame de Mezieres
, qui mourut à Orleans au
commencement de ce mois. Il
avoit la connoiſſance de pluſieurs
remedes que ſa charité
luy faiſoit employer gratuitement
au ſecours de ceux qui
eſtoit dans l'indigence. Le Roy
le fit venir à la Cour pendant
la maladie de la feuë Reyne
Mere , & il y demeura longtemps
. Sa Majesté ayant eſté
fatisfaite de ſes ſervices , l'en
recompenſa par le Benefice
qu'il poſſedoit lors qu'il eſt
mort.
GALANT .
215
Nous avons perdu icy dans
le meſmetemps MeffireCharles
de Faucon Seigneur de
Charleval . C'eſtoit un homme
d'un fort grand merite , &
qui joignoit à une delicateſſe
d'eſprit admirable toutes les
lumieres qui peuvent donner
le vray gouft des bonnes choſes
. Il eſtoit Oncle de Monſieur
de Faucon de Ris , pres
mier Preſident au Parlement
de Normandie , & quoy qu'il
foit mort dans un âge fort
avancé , tout le monde demeure
d'accord qu'il eſt mort trop
toſt. Vous trouverez la peinture
de ſon eſprit dans l'Epitaphe
que vous allez lire .
Cy gift qui n'eust jamais d'égal
En don deplaire , enpoliteffe,
Dont l'esprit estoit un Canal
216 MERCURE
D'où couloit la délicateſſe;
Que fur les rives du Permesse
N'avoit qu' Apollon pour Rival ,
Et dont la mort fait perdre aux
Muses bien du lustre.
Tu demandes, Paſſant,le nomde cet
Illuftre ,
Ne vois - tu pas qu'ilfaut que ce soit
Charleval?
Ce Madrigal eſt de Monfieur
Petit de Roüen , Autheur des
Dialogues Satyriques & Moraux ,
dont le ſieur Guerout commence
à debiter le ſecond
Volume. J'ay leu avec beaucoup
de plaifir le Dialogue
queje vousay mandé qui plairoit
, parce qu'il regarde des
perſonnes que vous eſtimez.
C'eſt tout ce que j'en ſçavois
alors. Il eſt entre le Public &
l'Academie Françoiſe , & contient
GALANT. 217
i
tient ſans aucune injure , &
d'une maniere fort honneſte,
toutes les raiſons qui ont em-
د
peſché juſques à preſentMefſieurs
de l'Academie de donner
leur Dictionaire au Public
contre ce que Monfieur
l'Abbé de Furetie.
re en a dit dans ſes Factums.
L'autheur paroiſt bien
inſtruit de la verité du fait , &
justifie la lenteur de cetravail,
par le témoignage mefme de
feu Monfieur Colbert , qui
eſtant venu prendre ſa place
dans la Compagnie , en fortit
fort perfuadé qui estoit impoffible
d'aller plus viſte , à cauſe
du grand examen qu'on eft
obligé de faire fur chaque mot.
Il fait connoiſtre qu'on na proprement
commencé à s'apli
quer de la bonne forte à cet
Avril 1688 . K
:
218- MERCVRE
ouvrage , que depuis que ce
grand Miniſtre y a eu attention
,& raporte ce qui s'eſt paffé
chez Monfieur le premier
Preſident , lors qu'on ya convaincuMonfieurl'Abbé
de Furetiere
d'avoir toûjours cherché
à s'approprier ce qui appartenoit
veritablement
Dictionnaire de l'Academie.
Outre ce Dialogue qui répond
à la pluſpart des Objections de
cet Abbé , il y en a neuf autres
dans cette ſeconde partie de
Monfieur Petit , dont je vais
vous expliquer le ſujet .
au
I. Dial . Que l'Uſage eſt une
choſe pernicieuſe , ſi on ne le
foumet à la raiſon , & qu'il
n'y en a aucune affez forte
pour autoriſer le luxe.
II . Que l'Epée doit eſtre
preferée à la Robe .
GALANT. 219
III. Que bien que l'or foit
en proye aux larions , il ne
laiſſe pas d'eſtre le plus à craindre
& le plus grand de tous les
larrons.
• IV. Que la reputation d'une
belle Prude aupres de qui un
ſeul homme ſe rend affidu , ne
court pas moins de riſqueque
celle d'une Coquette environnée
d'une foule d'Adorateurs.
V. Qu'un Directeur qui ne
donne ſon temps qu'aux Dames
de qualité , ſonge moins à
travailler pour la gloire de
Dieu que pour la fienne.
VI . Que tout Auteur qui
donne ſes Ouvrages au public,
doit ſe preparer fans chagrin
aux attaques de la Critique .
VII . Que les Auteurs anciens
doivent eſtre preferez
K 2
220 MERCURE
aux modernes , & particulierement
Homere , & mefme que
peu de modernes auront l'avantage
de veillir , &d'être du
nombre de l'élite des Anciens
qui font toûjours jeunes à la
mode .
د
VIII . Que les ſciences curieuſes
, quelque hautes qu'elles
foient ne valent pas la
peine qu'on ſe donne pour les
acquerir ; qu'elles accablent
l'eſprit , & ruinent le corps , &
que la plus belle & la plus feure
de toutes , & qui nous apprend
à vivre tranquillement,
ſe puiſe dans le Livre du bon
fens , qui vaut incomparablement
mieux que tous les Livres
enſemble des plus grandes
Bibliotheques.
IX. Que pour faire une
grande fortune , il faut s'acGALANT.
221
commoder aux fauſſes maximes
du Siecle , dont la premiere
& la principale eſt de
ſecoüerle joug dela confcience&
de la raiſon .
Je ne ſçay , Madame , fi en
vous parlant de la mort de
-Monfieur le Marquis de Feuquieres
, Ambaſſadeur en Efpagne
, je vous ay marqué qu'il
étoit Conſeiller d'Etat d'épée.
Le Roy a donné ſa place à Mr
le Comte de la Vauguion , qui
a paru avec beaucoup d'éclat
dans pluſieurs Ambaſſades.
Ainſi on peutdire que ce choix
eſt judicieux & juſte , puis
qu'il récompenfe un homme
qui afervy , & qui a faitbeaucoup
de dépenſe pour ſoutenir
la dignité de fon caractere . II
n'y aque trois Conſeillers d'Etat
d'Epée , & autant d'Eglife.
K 3
222 MERCURE
Il vaque par la mort de Mr
le Comte des Marais , Grand
Fauconnier de France , une
des plus belles Charges de la
Maiſon de Sa Majesté , & fur
laquelle il y a un Brevet de re .
tenuë d'une fomme confiderable.
Le Roy a eu la bonté d'accorder
cette grace à ce Comte ,
Ipeu de temps avant ſa mort. Il
avoit épousé Mademoiselle de
Villemore , Fille d'honneur de
iMadame .
- Comme Madame la Dauphine
aime beaucoup la Mufique
, qu'elle s'y connoiſt parfaitement
, qu'elle a la voix
belle , & qu'elle chante meſme
enpartie , chacun s'empreſſe à
travailler pour la divertir.C'eſt
ice qui eft cauſe qu'il y a eu
ſouvent à Versailles de petits
concerts en forme d'Opera ,
GALANT.
223
fans habits & fans theatre . Les
deux derniers dont la Cour a
eu le divertiſſement , font de
Monfieur Moreau & de Monſieur
Matho . Ils ont paru tous
deux fort agreables , & on y'a
trouvé de fort belles choſes .
Vous devez eſtre perfuadée
que Monfieur Matho eſt treshabile
, puis qu'il a eſté choiſi
pour montrer à chanter à cette
Princeffe.
:
Je ne vous feray point le
détail des occupations du Roy
pendant la Semaine - fainte.
Quoy que l'office ſoittres- long
en ce temps - là , ce Prince a
aſſiſté generalement preſque à
toutes les fonctions de l'Eglife
, & a entendu le Sermon de
la Paſion , du Pere Soanen qui
a preſché pendant tout le Carefme
à Verſailles. Sa Majesté
K 4
224 MERCURE
en fut fi contente , qu'Elle dit
tout haut , qu'Elle venoit d'en
tendre un beau Sermon . Ce Prin
ce toucha le Samedy Saint
prés de treize cens Malades ,
& cette fatigue ne l'empefcha
point de vaquer à tout l'Officedu
jour. Il fit plus , & comme
il tient tous les jours des
Confeils pourle bien de l'Etat,
& qu'ayant fait ſes devotions
ce jour-là , il ne vouloit parler
que d'affaires de pieté , il tint
conſeil de confcience pour la
diſtribution des Benefices , &
trouva par là le moyen de ne
laiſſfer paffer aucun jour fans
travailler pourſes Sujets. Voicy
les noms de ceux à qui
les Benefices vacans ont eſté
donnez .
A Monfieur l'Abbé Phelypeaux,
Agent generaldu Cler-
:
GALANT.
225
gé , l'Abbaye de Bourgmoyen,
Ordre de S. Augustin , Diocefe
de Chartres . Il eſt Parent
de Monfieur l'Archeveſque
de Bourges & de Monfieurde
Chateau- neuf, Secretaire d'E
tat. Je ne vous dis rien de fa
Perſonne ; on ne peutmeriter
d'eftre Agentgeneral duClergé
, ſansavoir des qualitez qui
rendent recommandables ceux
qui font pourveus de cét Em
ploy. 2
AMonfieur l'Abbé Daquin,
Frere de Monfieur Daquin
premiet Medecin du Roy
FAbbaye de S. Laurent,Ordre
de SaintAuguſtin. Il eſt depuis
pluſieurs années Chanoine de
S.. Thomas du Louvre , & a
toûjours remply les fonctions
de fon Canonicat aveo beaucoup
d'affiduité , & d'une mat
K
226 MERCVRE
piere à ſervir d'exemple.
A Monfieur l'Eveſque d'Oleron
, l'Abbaye du Luc Ordre
de Saint Benoist, Dioceſe d'Oleron.
A Monfieur l'Abbé Charlan,
l'Abbayede S. Paul de Sens ,
Ordre de Premonſtré .
AMonfieur l'Abbé Rabreüil,
Grand - Vicaire de Monfieur
l'Eveſque de Poitiers , l'Abbaye
de Valence Ordre de Ciſteaux
, de ce meſme Diocefe .
Il a travaillé aux Converſions
avec beaucoup de fuccés & a
receu de grands applaudiſſemens
en Poitou dans tout le
temps qu'il y a preſché...
A Monfieur l'Abbé Legier ,
l'Abbaye de Cagnotes , Ordre
deCifteaux , Dioceſed'Aix.
A Monfieur l'Eveſque de
Chalon fur Saone , l'Abbaye de
GALANT.
227
Mazieres Ordrede Cifteaux ,
de fon meſme Dioceſe. Il eſt
frere de Monfieur Felix , Premier
Chirurgien de ſaMajesté,
Je vous ay ſouvent parlé de
luy , quand j'ay commencé à
vous écrires. Il remet auRoy
fa Treforerie de la Sainte Chapelle
de Vincennes , & a toutes
les qualitez neceffaires
pour remplir les devoirs du
grandPofte qu'il occupe.
A Monfieur l'Abbé Bidal
l'Abbaye de la Vieuville , Ordre
de Ciſteaux , Diocese de
Dol. Il eſt frere de Monfieur
le Baron d'Hasfeld , qui foit à
l'Armée , fort dans les Negociations
, fert ſa Majefté avec
beaucoup de valeur &d'eſprit.
Le choix de ce grand Monar
que prouve le merite de ceux
dont je ne vous ay rien ditde
K6
228 MERCVRE
particulier, le temps m'amanqué
pour m'en inſtruire ..
L'Abaye de Chelles , Ordre
de S. Benoist , Dioceſe deParis,
a eſté donnée à Madame de
Coffé, de la Maiſon de Briſſac..
Elle eſt profeſſe de cette Ab--
baye , & en avoit déja eſtéAbbeffe.
Le meſme iour le Roy
donna pluſieurs Canonicats,&
Monfieur le Guay , Sacriftain
de S. Thomas du Louvre , en
eut un d'une maniere qui a
quelque choſe de ſingulier. Il
alla trouver le Pere de la Chai
ſe ,& luy dit qu'il venoit luy
apporter un Placet pour leRoy,
fans avoir ny parens ny amis ,
ny ſervices qui parlaſſentpour
luy à ſa Majesté , autres que
ceux qu'il avoit rendus depuis
pluſieurs années à l'Egliſe en
qualité de Sacriftain, de Saint
GALANT..
229
Thomas du Louvre , qu'il y
avoit un Canonicat vacant , &
que comme les Chanoines témoignoient
être fatisfaits de fa
conduite , il prenoit la liberté
de le demander ; que ce qui
luy faiſoit avoir cette hardief
fe étoitparce qu'il ſçavoit que
lePere de la Chaiſe n'écouton
pas moins favorablement ,
ceux qui n'avoient point de
recommendations auprés de
luy, que ceux quiluy faifoient
faire de grandes follicitations.
Le Pere de la Chaiſe recent
fon Placer , en luy diſant qu'il
en parleroit au Roy , qu'ilcro
yoit que Sa Majesté feroit quel
que choſe pour luy , puisqu'il
eſtoit juſte que ceux qu'il fervoient
l'Eglife fuffent recompenfez
par l'Eglife. Il a eu le
Canonicat , ce qui fait voin
230
MERCURE
que ce Prince a plus d'égard
au merite qu'aux recommandations
, & que ceux qui font
chargez des affaires de Sa Majeſté
, ne negligent pas de luy
parler de celles qui ne leur font
point recommandées .
Tandis que je fuis fur les
Benefices , vous ne ferez pas
fachée d'apprendre que Monfieurl'Abbé
de Brou , nommé
àl'Eveſché d'Amiens voulant:
imiter fon Predeceſſeur qui a
preſché trente - trois ans de
fuite le jour de Paſque dans
fa Cathedrale , y a fait la mefme
fonction cette année , &
que la reputation qu'il s'eſt acquiſe
par ſes Predications
avantque d'étre nommé à l'Epiſcopat
, y attira une telle:
foule , que la nef, quoy qu'une
des plus grandes du Royaume,
GALANT 231
cut de la peine à contenir tous
fes Auditeurs . Ce Sermon furpaſſa
l'attente de tous ceux
qui purent y trouver place ,
quoy qu'ils ſe fuſſent preparez
à entendre de belles chofes,ce
qui fit dire à tous ſes Dio.
cezains qu'ils eſtoient bien
obligez au Roy de leur
avoir donné un Eveſque d'un
fi grand merite. Avant qu'il
montaſten Chaire , il fit paroiſtre
une humilité digne d'eftre
remarquée. LeDoyendu Chapitre
eſtant allé le prendre au
Palais Epifcopal pour luy fairehonneur
, & le conduire à
l'Eglife, il voulutque ceDoyen
luy donnaſt la Benediction ,
quoy que le Chapitre luy euft
fait dire qu'il pouvoitprefcher
fans la recevoir. 3
PendantqueleRoydonnoit
232
MERCVRE
dans un temps fa faint des
exemples de pieté à toute ſa
Cour , Monfieur en donnoit
ailleurs , ce Prince ayant voulu
aſſiſter aux premiers Offices
celebrez par les Miſſionnaires
qu'il a établis pour deſſervir la
Chapelle de ſa delicieuſe Maifon
de Saint Cloud . C'eſt un
établiſſement digne , non feulement
d'un grand Prince ,
mais auſſi d'un Prince pieux
puis qu'ayant fes Aumôniers il
luy eſt entierement inutile, &
qu'il ne le fait que pour les
Officiers de ſa Maiſon . C'eſt
ce qui luy a fait choiſir des
Miſſionnaires , la modeſtie &
lafainte ſeverité de tous ceux
de ce Corps , eſtant d'une édification
qui ne peut produire
qu'an grand bien. le vous ay
parlé d'un grand établiſſement
GALANT.
233
que fit le Roy il y a quelques
années , des meſmes Miffionnaires
pour ſa Chapelle de
Verſailles . Celle du Roy d'Angleterre
à Londres , eft aufn
deſſervie par des Miffionnaires,
Le jour de Paſques , Monfieur
entendit le Sermon da
Pere Bourdalouë , qui a pref
ché tout le Carême à S. Euſtacheavec
une ſigrande affluence
de monde , & des applaudiſſemens
fi extraordinaires ,
qu'il eſt difficile que jamais
Predicateur en ait davantage.
l'oubliay à vous dire le mois
paſſé que Mademoiſelle avoit
receu le Sacrement de Confirmation
avec une ferveur Sc
une pieté exemplaire. Mon.
ſieur l'Eveſque du Mans , premier
Aumônier de Monfieur ,
234
MERCVRE
luy adminiſtra ce Sacrement ,
en prefence de Monfieur le
Duc de Chartres , qui s'eſtoit
rendu au Val-de -Grace où
cette ceremonie fut faite . Mr
l'Abbé de la Rocque y prefcha
fur ce fujet d'une maniere qui
fatisfit beaucoup fon Auditoire
, & la ceremonie ſe termina
par un Salut.
Il me reſte à vous apprendre,
avant que de finir un Article
fi remply d'actions de pieté ,
que Monfieur l'Abbé de Lorraine
a ajouté depuis peu deux
grands titres à ſa naiſſance,
l'un eſt de Docteur de Sorbonne
, & l'autre de Preſtre . Joignez
le merite & i'eſprit à tout
cela , & vous tomberez d'accord
que c'eſt dequoy aller
aufii loin qu'aucun Prince dela
Maiſon de Lorraine ait jamais
fait dans l'Eglife.
GALANT.
235
La premiere des deux Enigmes
du mois paffé avoit pour
vray fens la Plante des Pieds.
Ceux qui l'ont trouvé font
Meſſicurs de Voulges : Royer:
Racier : Perfchaye de la ruë
de la Harpe : Trublet de Saint
Malo : Meſdemoiselles Moufle
&Potin : Lambert de S. Malo :
Cabeüil & Edme de la ruë S.
Denis : de Voulges & Royer :
le Chevalier des Maronniers
de la ruë de l'Arbre mort : le
Marquis deFreſquiere leplus
petit des Pages du Roy de la
ruë des deux Ecus : le Gentilhomme
imaginaire du quartier
de l'Univerité : l'Amy de l'Epinay
Buret : l'Amant fidelle de
la petite Janneton de la rue S.
Jacques : l'Hiſtorien du Vi-
-vient; le Directeur du Palais.
de Venus de la ruë de l'Arbre-
ةوق
236
MERCURE
P.
fee : Jean Larrivé de Caën :
l'Afpirant à la gloire , de la ruë
de la Belle Croix d'Argentan :
le Coeur volant de Belles en
Belles , de la rue des Noyers :
Pellerin . Truocnarab retourné
: l'inconftante Manon de la
ruë des vieilles Etuves : l'aimable
Manon de la Porte S. Martin
:Marton l'Amoureuſe de la
ruë des Preſcheurs : la Veuve
fans pareille de la ruë de la
Boudebrie :l'indifferente Veuve
aux yeux bleus de la ruë de
la Cerifaye : l'amoureux Fan .
chon& fatendre ranchonette:
les deux aimables Sooeurs de la
Porte de Buffy ,& la Bamboche
de la ruë S. Germain .
La feconde estoit fur le Canevas
, & ce mot a eſté trouvé
parl'Amant fincerede l'adorable
Margoton de la ruë de l'Indifference
: Laurent la Savo
GALANT.
237
nete du Pont S. Michel : Mon
Bon & fa groffe femme: la Belle
du Faux Bourg S. Marceau à
l'Anagrame ; On t'aime her :
la groffe Mere & fa bonne Fille,
de laruëdu Four.
Ceux qui ont expliqué l'une
& l'autre dans leur vray
fens , font Monfieur le Baron
d'Olieres , Seneſchal de Siſteron
: l'Abbé Viette : le Chevalier
de S. Romain : l'Abbé Séjourné
Provinois : le Marquis
de Vivien ; Harfon de S. Malo
: de Villedieu de la Place
Royale : Julien le Roy , Secretaire
de Monfieur le Commiffaire
de la Marinede S. Malo :
de Solle l'aifné : du Four de
Boos de Roüen : Meriel Maî
tre à Chanter àCaën : le Chevalier
D. L.T. Digeon de la
Fontaine des Blancs - Man
238 MERCVRE
teaux : Lourdet : Couldreau ,
Penſionnaire au College de
l'Abbaye de Tiron : Gautier
de la ruë Poupée : l'EpinayBuretde
Vitré le Roy du Griffon
d'or : le Colonel Privernas
: Morel d'Apremont : Mefdemoiselles
Louiſe Lucie de
Surinam , de Châtillon en Bazois
: de Creffonville de la
vieille ruë du Temple : lajeune
Mariane de Montmejan, du
Port Sainte Marie fur la Rivicrede
Garonne : deChamp-
Renaud d'Orleans : le Capitaine
des Autruches de la ruë
S. Jacques : l'Amanttrop conſtant
de la trop auſtere Georgette
de Saint Malo : le proche
Voiſin de la nouvelle Place
Royale de Poitiers : les deux
Vivans de Loches de la Porte
de Bauvais d'Amiens : Firmi
GALANT .
239
ni de la ruë de Geſvres : le
nouveau débarqué de la ruë
S. Iacques : l'Avocat Pilate de
la ruë de la Bouclerie : l'Abbé
dela Hure , Amant de la petite
Blonde d'Egypte de la
Montagne Sainte Genevièver
le Solitaire de la rue des Morfondus
: Ellodad Sivol : le petit
Trente - deux : l'Homme
armé de la rue des Blancs-
Manteaux
:
Valantin Ma
chaud , Directeur de l'Academie
du galand Coufinage : la
Creſpiniere de Bourlehou prés
Quimper : le Phrigien à l'Anagramme
, Un tendre amourva plus
loin qu'on ne penſe : l'infortuné
Charlet de la Roche - Bernard
en Bretagne : le Voiſin de la
fiere Brune de la Porte de Paris
: le Voiſin de l'Arche de
Noé du meſme lieu : Colin la
یک
240 MERCURE
poule blanche & Louiſon fon
Amie: l'aimable lean de Bonne
foy de la ruë du Mouton :
l'aimable Lanras de Morlaix :
la Belle au Coffre de la ruë des
Morfondus : la Brune claire malade
, de la ruë Neuve S. Auguſtin
: la jeune Maiſtreſſe
d'Academie, de la rue du Mouton
: la Societa Italiana dellaſtrada
Simone il Franco : la Dame Franco
- Batave à l'Anagramme ,
Pureimagede vertu : Diane de la
Forest d'Alcleon : les deux
Soeurs du Port S.Landry:Claudine
des Goelles , Protectrice
del' Academie du galantCoufinage
: l'aiſnée des Voiſines du
Temple de Compiegne:la petite
Soeur Thoinon de la rue
Tarechape : la charmante Solitaire
labelle Clarice de la rue
du Temple , la charmante de
T'Hoſtel
GALANT.
241
THoſtel de Soiſſons : l'incomparable
Brune C G. & fon
Tircis de Ville franche en
Beaujolois ; la Spirituellede la
rue Baillet: l'Amant paſſionné
de la belle Fanchon : le Drôlle
aux belles dents : la plus aimable
Perſonne de la rue Saint
Loüis du Marais : la nouvelle
Apoticaire de la ruë de l'arbreſec
, & leanne Françoiſe Poudrous
variante de la meſme
ruë.
La difficulté de bien expliquer
l'Enigme touchant les
belles & Sçavantes Lyonnoiſes
eſt cauſe qu'on n'a pû decerner
la pomme d'or & la Couronne
de Myrte à la plus charmante
Iris .... à fortaprochédu
ſens ;& l'on ne doute pas que
ſi elle eſt de concert avec
Daphnis.... où Cleante... elle
Avril 1688 . L
242
MERCURE
ne vienne à bout de cette explication
galante ... il faut pour
cela quelle faſſe mieux fon de .
voir... puiſqu'elle y doit trouver
fc bonne ou mauvaiſe de
ſtinée .... ſuivant qu'elle ſe
comportera. Devinez ce que je
pense.
4
*Ie vous envoye deux Enigmes
nouvelles. La premiere
eſtdu meſme Autheur que celle
du Canevas . C'eſt un Abbé
d'une Famille toute pleined'ef
prit.
M
ENIGM E.
AFigure est affezbizarre,
Undes bouts de mon corps est étroit
&pointu ,
L'autre est double&plus itendu.
GALANT. 243
Pour m'employer ilfaut que l'on
fepare ,
Etqu'on rejoigne deux anneaux,
Mon corps tient le milieu de ces
bouts inegaux ;
Il est creux , échancrépar devant,
par derriere.
Je dois mon eſtre àla lumiere ,
Et cependant je ne fers que la
nuit
Aquiveut s'en paſſer bien souvent
il en cuit ,
Etfefervant de moy fi l'on fait le
contraine
De ce que l'onpretentdoitfaire,
On seme o en couroux , & d'autre
fois onrits
Celuy qui commet cette faute
Ena toûjnurs quelque depit.
Quandj'ayServy, mon corps en dedansſenoircit
Mais c'est une noirceur que fans
peine l'on m'ofte.
La
244 MERCURE
AUTRE ENIGME.
DAns les vaſtes climats où j'ay
monorigine.
Chacun estime mon pouvoir;
Parmy lesplaisirsje domine ,
Et tout lemonde aimeà mevoir.
Ien'avois pointailleurs d'entrée;
Làſebornoit tout monrenom ,
Ou si j'estois connu dans quelque
autre contrée,
Iene l'estoit que par mon nom.
Mais depuis que par tout fur la
terre&Sur l'onde
I'aydesgrandes intelligences
Onmeconnoiſtdel'unàl'autrebout
dumonde 1
Parmy tous les honneſtesgens.
Lefuis fans me wanter de bonne
compagnie,
Le fers àla fociete.
i
GALANT. 245
Et quand la Bellehumeur enfemble
estre bannie ,
Le luy rendsſa vivacité.
:
Mais belas admirez malgré ma
renommée,
L'Etrangemalheur qui mesuis
Lay beaufairedu bien , ma veriu
n'est aimée
Qu'à mesure qu'on me détruit
Ilfaut pour obeiràmonfort,merefoudre
Pendant que je suis encor frais,
D'estre briséde coups, grillé, réduis
en poudre ,
Sansautre formedeprocé.s.
Ie meſuis trompé Madame
dans ma Lettre de Février, lors
qu'en vous parlant du- mariage
de Monfieur le Marquis
du Roure avec Mademoiselle
L3
246 MERCURE
de la Force , je vous ay mande
que ce Marquis eſtoit d'une
Maiſon d'Italie. La Maiſon du
Roure eft originaire de Languedoc
dans le Gevaudan. H
eft vray qu'ayant donné un
Souverain Pontife à l'Egliſe
il y a quatre cens ans ſous le
nom d'Urbain V. ce pape maria
, & établit richement en
Italie l'un de ſes Neveux qui
eſtoit Cadet de fa maifon , &
c'eſt de la que font venuës
des branches fort confiderables
en biens & en dignitez
qui ont donné deux autres
Souverains Pontifes au Siege
deRome , Jules II . & Sixte IV .
La plus élevéede ces branches
aeſté celle des Ducs d'Urbin,
dont l'Heritiere eſt Madame
la Grande Ducheſſe de Tofcane
, Mere de Monfieur le
GALANT.
247
Grand Duc d'aujourd'huy . Le
Pere d'Vrbain V. qui eſtoit
Baron du Roure , de Grizac, &
de pluſieurs autres Places , eftant
encore vivant lors que ſon
Fils fut élevé au Pontificat ,
obtint du Roy Jean un affranchiſſement
general de toutes
Tailles , Subſides , Contributions
de gens de Guerre,
en faveur de ſes Vaſſaux , &
generalement de tous ceux
qui relevoient de ſes Terres,
qui font encore toutes poffedées
par Monfieur le Comte
du Roure , & font quatorze
grandes Paroiffes en Languedoc
, où ce meſme privilegea
toûjours lieu . Le Roy ayant
approuvé le mariage de monfieur
le marquis du Roure ſon
Fils , l'accompagna de graces
extraordinaires , en donnant
1
L4
248 MERCVRE
àMademoiselledela Force des
fommes & des Penſions confiderables
, & à ce jeune Marquis
la ſurvivance de la Lieutenancegenerale
en Languedoc
, & du Gouvernement de
la Ville & Citadelle du Pont
S. Eſprit , que poffede Monfieur
le Comte du Roure fon
Pere. Ces Charges , dont
fes Seigneurs de cette maifon
joüiffent depuis longtemps
, font une marque des
ſervices importans qu'ils ont
toûjours rendus à l'Etat. Auffi
ont- ils eſté ſouvent honorez
du Collier des Ordres de nos
Rois.
:
Les nouvelles publiques vous ont
appris la mort du Doge de Venife ,
j'ay beaucoup àvous dire fur ce qui
régarde cette Dignité ; mais comme il
faut du temps pour aſſembler tant de
chofes curieuſes,je les remets juſqu'an
mois prochain.
GALANT. 249
Jecroyois vous parler des Modes
nouvelles , mais la Saiſon n'ayant pas
encore donné lien de quitter les habits
d'Hiver , je ne vous en entretiendray
que dans ma Lettre de May.
Le Roy a eu quelques accés de fiévre
comme ce n'eſtoit que l'effet d'un Rhumatiſine,
& qu'il n'eſtoient cauſez que
par accident , cette fiévre n'a point eu
de ſuite ,& le mal a eſté bien-toſt ſurmonté
par le bon temperament de Sa
Majesté , & par ſon travail , ce Prince
n'ayant point ceffé de s'appliquer aux
affaires de l'Etat .
Monfieur a eu aufſi quelques accés
de fiévre , mais plus violens . Cependant
la fiévre l'a quitté. Monſcigneur
l'eſt venu voir à Paris où ce
Prince eſtoit malade , & le Roya
ſouvent envoyé ſçavoir des nouvelles
deſaſanté.Ic fuisMadame,Voftre,&c.
AParis ce 30. Avril 1688 .
250 MERCURE
4
LE
A
L
LIBRAIRE
au Lecteur.
E lecteur trouvera une feconde
partie jointe à ce Volume inti
sulée , Hiftoire de Mahomet
IV . dépoffedé , où l'on voit
beaucoup de choſes concernant
l'Empire Othoman , avec
lePortrait des inclinations du
Sultan déposé , ſon Horoscope;
les defcriptions de toutes les
Revoltes des laniſſaires fous
vingt- trois Empereurs Turcs ,
tout cequi s'eſt paſſfé de plus
particulier à la Porte pour dépoſer
Mahomet IV. & élever
Soliman III . fur le Trône; une
exacte defcription de ſon Couronnement;
la continuationdes
GALANT. 251
!
Troubles depuis cette Ceremonie
, avec pluſieurs autres
choſes curieuſes . Il eſtreſté tant
de choses à l'Auteur touchant les
Mouvemens arrivez à Constantinople
, qu'il en donnera encore un
fecond Volume au Public , qui fervira
de Seconde partie au Mercure
prochain , qui fera celuy de Iuin ,
&que je ne separeray point , non
plus que celuy- cy. Quoy qu'il ait la
pluſpart des Relations qui ont eſté
envoyées de Constantinople.comme
ilpeut neanmoins luy en manquer
encore quelques - unes , ie recevray
pour luy toutes celles qu'on me vou
dra adreſſer , & le Publicfera obli
géà ceux qui en envoyeront puis
que cela donnera lieu de faire un
corpsplus parfait de l'Histoire de
cette grande Rebellion. Les Relations
les plus fteriles peuventfournir
quelques lignes qui ne se trouvent
252
MERCVRE
pas dansles plus exaites. L'Aus
reur en a souvent fait l'épreuve ,
ayant trouvé des circonstances nouvelles
dans trente Relations d'une
mesme affaire. Ainsi ceux qui en
ont ,font priez d'en envoyer , quand
mesme ils ne les croiroient pas confiderablesen
comparaison de celtes.
qui leur paroiſſent plus amples,&
qui courent dans lemonde.. A
HBOOR
DEZAVIL
LYON
TABLE.
Prelude.
Epiſtre en Vers au Roy.
***
2
Ceremonies obfervées aux Mariagesfait
en Pologne. 9
LLeettttrreeccuurriieeuusseetouchant ladécouvertede
plusieurs Medailles an-
IIS
VersfurledepartdeM. le Comte&
tiques.
deMadamela Comteſſe deMon-
SejourenBourgogne.
Operationfinguliere
4. taigu , après avoirfait un long
31
36
A
Prixde l'Arquebuse proposéà cinz
quante Villes differentesparMrs
de laVille d'Autun.
Epithalame, 168
Morts.
38.
77
TABLE.
Lettre deM.de Comiers , touchant
la Conduite , & Elevation des
Eaux ,& tout cequiconcerne les
Ietsd'eau, 84
Mariage d'un Prince avec la Fille
d'un Marchand. 122
Essayde Pastorale pour un Concert.
126
Testament deMademoiselle de Gui-
Se 136
Histoire. 184
Parfaite connoissance des Fleurs.
199
Madrigal. 201
Nomsdesvingt -fix Seigneurs dela
Cour à qui Monseigneur a fait
preſent d'un magnifique équipage
de Chaffe.
Autre liberalité de Monseigneur le
Dauphin. 206
Mort de M.leDucdeMortemar,
207
MortdeM.Gendron. 214
TABLE.
Mort de M. de Charleval. 215
Sujets des Dialogues de la Seconde
Partie des Dialogues Satyriques
Moraux. 216
Benefices donnezpar le Roy, 224
Actión de SaMajestétouchant cette
distribution , digne d'estre remarquée,
228
Sermon preſché par M. l'Abbe de
Brou nommé à l'Eveſché d'Amiens.
230
Etabliſſement des Miſſionairesfait
par Monsieur pour deffervir la
Chapelle du Chasteau S.Cloud,
avec les devotions de ce Prince
pendant la Semaine Sainte . 231
Mademoiselle reçoit le Sacrement
de Confirmation aux Religieuses
du Val-de grace, 233
M. l'Abbé de Lorraine est recen
Docteur de Sorbonne , & ditſa
premiereMeffe. 234
TABLE.
Noms de ceux qui ont expliqué les
Enigmes.
Enigmes nouvelles,
Maison du Roure.
Monfieur.
235
242
245
Retour de la Santé du Roy &de
249
1
Fin de la Table.
AUGUSTINIANA
LVGDUNENSI
MERCURE
807156
GALANT
DEDIENA MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN.. AVRIL . 168LONG L
LYON
E
PREMIERES PART
*1893
A LYON ,
Chez THOMAS AMAULRY, rue
Merciere , au Mercure Galant .
M. DC.LXXXVIIL
AVEC PRIVILEGE DU ROY
歩き
LE LIBRAIRE
au Lecteur.
'On continuë à distribuer
toutes les ſemaines le Journal'
des Sçavans pour huit fols cha
cun..
LIVRES NOVVEAVX
du mois d'Avril 1688...
Hiſtoire de Louïs douzié
LHme, de Monfieurde Varillas,
indouze ſix volumes. 10.1..
10. fols .
La même en trois volumes,
inquarto. 18.liv
La Politique de la maiſon
22
d'Autriche , de Monfieur de
Varillas , indouze. 30. fols .
Le Mary jaloux nouvelle,
indouze 30.fols ..
Le Secretaire Turc , contenant
l'Artd'exprimer , ſes penſées
, ſans ſe voir , ſans ſe parler
& fans écrire , avec les
circonstances d'une avanture
Turque , & une Relation-trescurieuſe
de pluſieurs particu-.
laritez, du Serrail , qui n'ar
voientpoint encore été ſçûes,
par Monfieur de Vignan cydevant
Secretaire d'un Ambaffadeur
de France à la Por
to, indouze. 30. fols..
Hiſtoire de Mahomet-quatriéme
dépoſſedé, ou l'on voit
beaucoup de choſes concer..
nant l'Empire Othoman , avec
le Portrait des inclinations du
Sakan déposé , fon Horoscope:
&la revolution de cette Ho
roſcope , les deſcriptions de
toutes les revoltes desIaniſſai
res , ſous vingt - trois Empereurs
Turcs; tout ce qui s'eſt
paſſe de plus particulier à la
Porte , pour dépoſer Mahomet
IV. & élever Soliman III..
fur le Trône , une exacte de..
ſcription de ſon Couronne..
ment,la continuation des tron..
bles dépuis cette ceremonie,,
avec pluſieurs autres chosess
curieuſe, indouze. 20. fols.
Tradition de l'Egliſe Catho
lique , & des Egliſes Heretiques
du dernier Siecle , forda
Doctrine de Janſenius , touchant
le Libre Arbitre de la
Grace, par le Pere Eſtienne
Déchamps de la Compagnie
de Jeſus inoctavo, 2.5. f. 3
Nouvelle Relation de laa
Chine , contenant la. defcri
ption des particularitez les
plus confiderables de ce grand
Empire , compofé en l'année
1688. par le Pere Gabriel de
Magaillans de la Compagnie
de Jesus , avec unegrande figure
, inquarto s . livres.
Hiſtoire des Indes Orientales
, inquarto. 5. livres .
Differtations Ecclefiaftiques,
fur les principaux Autels des
Egliſes , le Iubés des Eglites,
la cloſture du Coeur des Egliſes,
par Monfieur Thiers , indouze.
45.fols..
Hiſtoire naturelle & Politique
du Royaume de Siam , diviſée
en quatre Parties , la premiere
contenant la fituation ,
&la nature du Païs , la feconde
, les moeurs des Habitans,
leurs Loix, & leurs Coutumes,
نا
la troifiéme leur Religion , fa
quatrième ce qui regarde le
Roy qui regne à preſent, & co
qu'il y a de plus particulier
dans la Cour de ce Royaume
inquarto.s . livres .
Entretien ſur la vie des Pein
tres , par Monfieur Felibien
inquarto tome cinquiéme..
Avis pour placer les Figures.
L
Air. qui commence par
L'espoir nourrit la constance.s
doit regarder la page 68.
La Figure du Projet de la
communication des mers part
là Bourgogne , doit regarder la
Page84.
L'air qui commence par,Neme
partezpoint de printemps,dois
regarder la page 199
MERC
MERCURE
GALANT
AVRIL
E
LYON
16/1
E fuis perfuadé ,Madame
, que je ne puis
commencer cette Lettre
d'une maniere
plas agreable pour vous , que
par l'Epiſtre en Versque vous
allez lire. Elle eſt du Pere de
Senleque,PrieurCuré de Garnay
, Chanoine Regulier de
Sainte Geneviève. Ce que je
Avril 1688 . A
2 MERCVRE
vous ay déja envoyé du meſme
Auteur, qui regardoit la gloiredu
Roy , a eſté ſi generalement
eſtimé , qu'il a cru devoir
encore écrire ſur une matiere
qui luy avoit ſi bien réuſſi .
Ce dernier Ouvrage receu icy
de grands applaudiſſemens , &
je ne doute point qu'on ne luy
rende la meſme juſtice dans
voſtre Province.
thinhthịt chìhỉ thìhìn
AU ROY
Roy quifais tout cederau plaifir juste,
Qui jeune faifois voir l'âge avancéd'Auguste
,
Et qui sçavois dés lors , mieux
qu'aucun Roy Chreftien ,
Et regner dans nos coeurs, & triom_
pherdu tien ;
:
:
GALANT.
3
Il est vray qu'à toyfeul tout paroist
rendrehommage ,
Queles vents contre toyn'ofentformer
d'orage ,
Qu'en tafaveurles Mursfemblent
Se renverfer ,
Que les Monts devant toy font
prests à s'abaisser,
Quemeſme les glaçons , loin d'arrestertagloive,
Souvent ferventde Pont àton Char
de Victoire ,
Queton Genie estvaste ,& digne
de ton Coeur,
Quel'on voitplusd'un Roy te de
voir sa grandeur ,
Qu'il n'est point de Heros qui ne
fust temeraire,
S'il tentou lamoitié de ce qu'ont'a
veu faire
Et que l'Histoire unjour en dira plus
detoy (àfon Roy
Qu'aucun Flateur iamais n'en a dit
Az
4
MERCURE
Mais qu'admirera- t- elle avec plus
deſurpriſe?
Les Lauriers que ta main a cüeillis.
pour l'Eglife.
Iusqu'au iourd'huy l'Europe a cru
que pourdompter
L'Hydre qu'en vain l'Enfer voudroit
reſſuſciter ,
Tu ne t'estoisfervy que d'Edits, de
carreſſes ,
De la voix des Docteurs, de pieuſes
largeſſes :
Mais tout cela, grand Roy n'a qu'éfleuré
les coeurs.
Cequi charma l'esprit de tant de
Novateurs ,
C'est que depuis trente ans , ils
voyoient que tonZele
Redonnoit à l'Eglise une beauté
nouvelle.
Ils te voyoient punir le courageux
brutal (d'un Rival.
Qui lavoitfon honneur dans lefang
GALA NT.
5
Iln'estoit plus d'Impie , & tonpouvoirfupréme
Releguoit aux Enfers le Demon du
blaspheme.
Les Soldats ne brúlant que d'une
noble ardeur ,
Iamais fous les Drapeaux n'infultoient
la pudeur.
Tu faisois distinguer Rome d'avecqueRome
,
Et l'intereſt de Dieu d' avec celuyde
l'homme...
Lesçavoir ioint au zele, estoit le
Seuldegré
Par où l'on s'élevoit fur le Trône
Sacré, (pacifique
Et tes loix arrachoient la Veuve
Des Ongles raviſſans de la Chicane
étique.
L'Eglise avoit encor d'autres traits
debeauté,
Dont le Peuple Heretique étoit comme
enchanté.
A 3
6 MER CURE
Des Ecoles de Guerre inftraifoient
la jeuneſſe ,
A ne croiſtre pas moins en vertu
qu'en adreſſes
In Cloiſtre Militaire enfermoit les
Guerriers,
Quine tepouvoient plus amafferde
Lauriers (liberales
Etfaint Cyr enrichy de tes mains
Offroit à la pudeur un Temple ,&
des Vestales .
Comment donc l'Heretique estant
ainficharme , ১.
N'eust- il pas pris plaifir àſe voir
desarmé? ةد
Comment , s'estant fenty tant de
fois l'ame éprise
Desbeautez, dont tes foins rajeu
niffoient l'Eglise ,
Neust-il pas fait rentrer ſous les
loixde lafoy
Son coeurà qui l'orgüeilfervoit d'unique
Loy ? 3/28 1
1
GALANT. 7
Cct Enfant dégoûté revint à la
mammelle.
Cet Apostatfut humble , & redevint
fidelle ;
Ce Peuple , que l'Enfer avoit tant
aveuglé ,
Vitqueparfareforme il s'estoit déreglé.
Il ceſſsa d'erigerfaraiſon en Concile,
Il n'empoisonna plus le lait de l'Evangile;
Enfin cet infenfe devint fage sous
toy ,
Et Souffrit fur fes yeux le bandeau
de lafoy.
Ainsi par mille foins , ainsi par
mille charmes ,
Tu fis ce que cing Rois n'avoient fû
par les armes .
Aprés un tel succés que peux- tu
defirer?
Est-il rien où ton coeur doive encore
aspirer ?
A 4
8 MERCURE
Tu te plaignois devoir que lesplus
fortes Villes
Ne te coutoientsouvent que des af-
Santsfaciles;
Chaque Palme tombois dés que tu la
touchois , [rachois ,
Et tu n'en vouloisplus fitu ne l'ar-
Le Ciel t'en a montré dont tu n'a
pûte plaindre ,
Puis qu'on defefperoit de t'y voir
mesme atteindre ,
Il i'a fait attaquer ces esprits
qu'autrefois
Onvoyoit devenir les Tyrans de nos
Rois.
Il t'afait affieger ces coeurs inacceffibles
Où ton Zele avaincutant d'erreurs
invincibles .
Etsagrace , grand Roy , t'a fait
executer.
Tout ce qu'àpeine un fiecle auroit
pû proietter.
GALANT. -9
Quoy que je vous parle
affez rarement de ce qui arri.
ve aux Particuliersdes Cours
Etrangeres , quelque élevez
qu'ils foient par leurs Digni.
tez & par leur Naiſſance , ce
que j'ay à vous dire de Monfieur
le Comte de Vielopolski ,
grand Chancelier de Pologne ,
montre fi bien le peu de ſtabilité
des chofes du monde , que
la fainteté du temps où nous
ſommes m'oblige à vous le
repreſenter comme un exemple
de leur inconftance . Ce
Comte ayant arreſté le mariage
defon Fils aifné avec la
Fille du Caſtelan de Cracovie,
premier Senateur du Royaume
,la ceremonie en fut faite
par Monfieur le Cardinal Radzievvſki
, Archeveſque de
Gneſne ,avec une pompe
As
10 MERCVRE
extraordinaire Leurs Majeſtez
Polonoiſes , accompagnées
d'une Cavalcade tres nom.
breuſe, ſe rendirent au lieu où
elle ſe fit , & Elles y furent
conduites par Monfieur le
Comtede Vvielopolski.Ilyeut
enfuite un repas fort ſomptueux
, & l'on fervit quatre
tables avec une propreté &
une abondance à laquelle il
euſt eſté difficilede rien ajoûter.
La premiere eſtoit pour le
Roy & la Reine , qui firent
l'honneur aux Mariez de les
y faire diſner. Les quatre Princes
leurs Enfans eſtoient aufſi
à cette premiere table. Il y en
avoitdeux autres où les Perſonnesde
la premiere qualité
prirent place , & la quatrième
fut pour les Gofſpodars. C'eftoientceuxque
leCaftelan de
GALANT. ti
Cracovie & fa Femme ,Pere
&Mere de la Mariée , avoient
priez de les afſiſter pour faire
les honneurs de leur Maiſon ,
felon l'uſage receu en Pologne
, où l'on invite de ſemblables
aides aux Noces , & à tou
tes grandes Affemblées . Les
honneurs dont il eſtoit quef
tion en celle-cy , confiftoient
à ſe lever de table , & à s'al
ler proſterner fur les degrez
de celledu Roy & de la Reine
pour boire à leur ſanté. Le
Roy but enſuite à celle de
tous les Conviez , & les Gofpodars
allerent comme il leur
plut choiſir des perſonnes
pour continuer de boire à la
ſanté de leurs Majeftez , & les
porter àſe réjoüir. Le Feftin ,
qui dura fort longtemps , fut
fuivydu Bal , & le Roy com-
S
A 6
12 MERCVRE
mença les danſes qu'on appelle
Dances de ceremonie , en
menant le Marié. La Reine
mena enfuite la Mariée . Les
Princes & les Princeſſes ,Enfans
du Roy , firent la meſme
choſe ,& ces danſes durerent
juſqu'à trois heures aprés minuit.
Le lendemain tous les
Conviez farent leurs prefensfelon
la coutume. Le Roy &
la Reine commencerent , &
comme chacun fit une harangue
en lesdonnant , & que
les Mariez furent obligez de
répondre à toutes ,la journée
ſe paſſa preſque entiere àrecevoir
& à haranguer. Le jour
ſuivant , le Roy & la Reine
ayant eſte prendre la Mariće
dans leur Caroſſe ,la condui-
Grent à la maiſon de Monfieur
le Comte de Vvielopolski , où
leurs Majeſtez furent traitées
GALANT. 13
magnifiquementavec tous les
Conviez . Ce Comte donna le
Bal , & fit durer ces Feſtes huit
jours , en traitant tous les
Parens & tous les Amis . C'eſt
l'uſage du Pays , où d'ordinaireen
de pareilles occaſions on
n'abandonne la Mariée au Marié
qu'aprés de grandes fatigues
.Peu dejours,aprés iltombadans
une maladie fort dangereuſe
,dont on efpera pendant
quelque temps qu'on
viendroit à bout de le tirer
maisenfinil mourut la nuit du
14. au 15. de Février . La Cour
de Pologne en a pris le deüil.
Il avoit épousé la Soeur de la
Reine , à laquelle il a laiſſé par
ſon teſtament des biens fort
confiderables . Nous l'avons
veu en France , où il eſt venu
enqualité d'Ambaſſadeur Ex14
MERCVRE
T
traordinaire. On cacha fa mort:
à Monfieur le Comte Mielopolski
ſon Fils, qui eſtantparty
avec ſa Femme pouraller prendre
poffeffionde la Staroſtie de
Cracovie , fut furpris d'une
fiévre continuë à quinze
lieuës de Varſovie. Il en eft
mort dans ſa vingt deuxieme
année ,& n'a veſcu que huit
jours aprés fon Pere . lugez ,
Madame , ſi je n'ay pas eu raiſon
de vous dire que ce qui ale
plus d'apparence d'eſtre durable
, n'a rien de certain .
Ie vousay faireſperer quelque
choſe de fort curieux fur
les Médailles ,& je m'acquitte
de ma parole par la Lettre que
je vous envoye..
GALANT.
Ce 14. Février 1688 .
LA découverte des - Trefors
estant une chose peu commune ,
j'aycru que celle qui s'est faite depuis
peu en ces quartiers meritoit
bien d'estre connue du Public. Celuy
dont je veux vous parler est plus:
confiderable parfon antiquité que
parses richesses .Un Paifan de Frefnayla.
Mere,Diocese de Sés,ayant
efté obligépar des raiſons qu'il n'est
pas neceſſaire d'expliquer icy ,de
chercher un autre lien que celuyou.
ildemeuroit , poury bastir une mai-
Son. On luy deftina un endroit dans
cettemesmeParoiffe pour s'y établir.
Ayant commencé àouvrir la
terre , pour y jetter les premiers
fondemensily a un mois ou environ,
il n'eut pasfi- tost creusé la profondeur
d'un pied & demy auprés d'un
foffé, qu'il trouva deuxpetits pots
6 MERCURE
de terre environ de la hauteur de
dix pouces , & de la figure de pots
àmoineaux. Ces petits pots estoient
remplis de quantité de monnoye si
vieille , qu'àpeine en pouvoit - on
diftinguer quelque chose. Elle estoit
à peu prés de la largeur des doubles
dont onsefert aujourd'huy ,& toute
mangée deroüille . Si la découverte
de ce Tresor avoit esté faite il y a
treize ou quatorze cens ans , qui
est àpeu prés le lemps qu'il a esté
caché , elle auroit pú faire la fortune
de celuy qui l'auroit trouvé ;
mais ces pieces demonnoye n'estant
ny d'or ny d'argent , ce tresor n'a
point esté trefor pour le Paysan .
mais feulement pour les Curieux.
Vous pouvez bien croire qu'ilne s'en
tint pas àcette premiere découver.
ze,n'ayant rien trouvé qui lefatisfist.
Il continua de foüiller,& ayant
creusé encore davantage, il trouva
GALANT.
17
d'autres pieces plus grandes qui
le contenterent un peu plus , les
croyant d'argent , parce qu'elles
estoient si bien argentées , qu'on
les auroit priſes pour estre de ce
metal , mais en ayant fait voir
quelques - unes à l'Orfeure de Fa .
laize ,il fut détrompé. Peut - estre
en a- t-il trouve d'autres plus confiderables
qui l'ont confolé de ce
chagrin; maisfi cela eft , iln'en a
rien fait connoistre. Vous nedevez
pas douter que cette Nouvelle
ayant estépubliée , toutes fortes de
perfonnes n'y ayent accouru . Les
Curieux & Sçavans des environs
curent de l'empressement pour voir
ces Medailles. Le Pere Prieur de
l'Abbaye de S. André Engouffier ,
Religieux Bernardin de la Maiſon
&Filiatiou de Clairvaux , fut de
ce nombre. Il est voiſin de ce lieu ,
&ayant connu que le Paysan qui
18 MERCURE
avoit fait cette découverte ,faisoit
peu de cas de ces pieces demonnoye,
qui estoient si enrouillées , qu'il
falloit mesme un marteau pour les
Separerles unes des autres , & qu'il
les donnoit à douzeſols la livre , &
les grandes à trois fols & demy
chacune , il en prit beaucoup à ce
prix - là. Apres avoir fait tous fes
efforts pour les déchifrer , en les
zrempant dans de l'Eau forte , ou
en les faisant boüillir dans du verjus
, il en a trouvé environ cinquante
, parmy deux ou trois cens,
dont on distingue fort bien l'effigie
des Empereurs , le revers des Medailles
, & leurs Deviſes ... Il m'a
fait lagrace de me les montrer, &
m'en adit les particularitez , dont
je vais vousfaire part,mais ilfaut
vous dire auparavant , qu'il y a
grande apparence que ce trefora
esté mis en terre du temps que less
GALANT.
19
Romains affiegerent la Ville de Fa
laize ,qui n'est éloignée que d'une
lieuëdu Village où il a esté trouvé
Cette Ville resistaà Cesar , par le
moyen d'une forte Tour qui y est
encore enfon entier , & parfai
tement belle : & ce qui rend ces
pieces de Monnoye confiderables
c'est qu'ellessont incomparablement
mieux frapées , que toutes les
Monnoyes d'à prefent , & mesme
que celles de Varin , habile Grayeur,
dont les ouvrages font tous les
jours admire.z Comme parmy ces
Medailles il s'en est trouvé de diffe.
rens Empereurs , ily en a aussi pluſieurs
d'un mesme Empereur , mais
elles ont presque toutes differens
revers ,& differentes Inforiptions
on Deviſes.
Les premieres font environ de
la grandeur d'une piece de quinze
ols ,& d'une Alchymie fi biens
20
MERCVRE
argentée , qu'on diroit qu'elles l'ont
eſtédepuispeu de temps. La plus
ancienne de ces grandes est de l'Empereur
Trajan , qui fut élevé à
l'Empire par Nerva qui luy donna
la qualité de Cefar , & d'Auguste
l'an de Nostre Seigneur 98. Cette
Medaillea pour revers une Renom_
mée qui tient dela main droiteune
Couronne, & de l'autre unepalme,
avec cette inscription , Victoria
Aug. Ainsi ily a prés de feize
cens ans qu'elle a estéfrapée. Deux
autres Medailles font marquées au
nom de Gordien . Comme elles font
de differente effigie , il est à croire
que ce font celles du Pere & du
Fils. Ils furent proclamez Empereurs
l'an 239. L'une porte pour
revers une Deeſſe aſſiſe ſur une
espece dechaife à bras ,posée fur
rou:. La Deéfse tient d'une main
unecorne d'abondance , & de l'auGALANT.
21
tre une espece de Sceptre la pointe
en bas . Elle porte pour inscription,
Fortunæ Aug. Le reversde laſeconde
est une Minerve debout ,
qui tient une maniere de rameau ,
&pour devise ,Provid. Aug.
Deux autres de l'Empereur
Iulien , de differente effigie , &
de differens revers. Cet Empereur
avoit acheté l'Empire des Pretoriens
, qui l'aſſaſſinerent l'an 195.
L'une de cesdeux Medailles porte
pourrevers une Themis qui tient
d'une mainſes balances , & de l'autre
une corne d'abondance ,&apour
infcription , Æquitas Aug. L'autre
est une Minerve aſſiſe,qui tient
d'une main comme une auge , & de
l'autre une pipe, Elle a pour infcription
, Romæ Bet. Le reste est
effacé.
Ily a une Medaille de Fille
oude Femme, qui porte pour infcri-
3
2/2 MERCURE
ption Cor . Salonina Aug.
a pour revers une Deeffe affife,&
pour infcription , Pudicitia .
Plus trois Medailles , encore de
cette mesmegrandeur, dont on ne
distingue pas bien l'inscription. La
premiereporte. Imp. Cæf. mant.
Gordi. & a pour revers un homme
armé à la Romaine , avec cette
infcription , Virtus . La seconde ,
Imp. Cæſ..... olus ..... Le revers
est une Deeffe debout qui tient
an rameau; l'inscription ,Pax ang.
Les lettres de la troisième ne font.
pas affez bien marquées pour les
pouvoir live.L'Effigiede l'Empereur
yparoist fortjeune. Elle a pour reversune
Deeffe aſſiſe , & pour infoription
, Principium virtutis .
Toutes les autres font de cuivre
rouge , & ont este autrefois argentées.
Parmy celles- là ily en a quelques-
unes de cuivre jaune , &plu
GALANT.
23
fieurs de Cor.Salonina aug.comme
celle dont je vous ay deja parle,
avec cettefeule difference , que
bEffigie paroist d'une perſonns plus
vieille. Les revers enfont auſſidifferens.
Ily a fimplement aux unes ,
Salonina Aug. & celles -là ont
pour revers une Reine qui montre
un Enfant qu'elle a àses pieds ,
avec ces mots pour inscription ,
Foecunditas Aug. ce qui feroit
crowe que ce seroit une Femme, &
que celle qui porte pour devise ,
Pudicitia , feroit une Fille. Les
autres ont pourrevers un Cerfpaf-
Sant, & pour inscription , Junoni
Conf. Aug.
La plas ancienne de ces dernieres
Medailles , est de l'Empereur
Claude , Onclede Caligula , qui fut
porté au Trône par force l'an 43.&
qui mourut l'an 56.1l s'en est trouvé
plusieurs du mesme Empereur
24
MER CVRE
avec differens revers ,& elles font
toutes des mieux frapées. La
premiere à pour revers la Déesse
Themis , & pour inscription ,
Equitas. Lerevers de la ſeconde
est une Deeffe quitient un Caducée,
& l'inscription , Felicitas . La
troisième un Jupiter tout nud ; l'infcription
eft , Jovi Statori .
Vne autre d'une Deeffe qui tient
comme unmiroir d'une main , & de
l'autreune corne d'abondance. Elle
a pourinfcription , Liberalitas .
Vne autre àpeu prés pareille ,
& pour inscription , Providen .
tia.
Une autre qui tient comme un
épi de bled , & pour inscription ,
Spes publica.
Vne autre toûjours du mesme
Empereur , où il y apour revers un
Autel & des flames deſſus , &pour
infcription , Confecratio.
Vne
GALANT.
25
Une autre qui representeunhom.
me arméà la Romaine , & pour
infcription , Virtus.
Vne autre du mesme , qui porte
pour infcription du coſté de l'effigie,
Divo Claudio , & pour revers un
Aigle. L'infcription est , Confecratio:
Ilyen a beaucoup de l'Empereur
Gallien , élevé à l' Empire en 263 .
&affassiné à Milan avecſon Frere
& ſes Enfans en 269. Elles font
presquetoutes avec differensrevers;
ily en a une dont l'effigie est tournée
de l'autre costé.
La premiere a pour revers une
Deeffe , &pour inscription, Abundantia
aug.
Lasecondeest un Centaure ; &
pour inscription, Apollini Conf.
Un autre un cerf paſſant , &
pour infcription , Dianæ conf..
Une autre un Pegaze , & pour
infcription Soli conf.
Avril 1688 . B
26 MERCVRE
Une autre un bouc , & pour
infcription , Jovi conf.
Vne autre qui est une Déesse ,
pour infcription , Fortunæ.
Vne autre , qui est une biche .
Dianæ conf. :
Vne autre , qui est un lupiter
tenant un foudre , lovi conf.
Vne autre qui est une Deeſſe .
&pour inscription , Salus Aug.
Aquitas,
Une autre qui est une Themis ,
Vne autre qui est une Deeffe ,
Providentia.
Vne autre qui est lafigure d'une
Lionne, pour infcription , Libero
conf.
Vne de l'Empereur Posthume ,
qui porte pour revers une espece
de carcaffe de cheval
animal
Lætitia.
,
, ou autre
& pour inscription .
Deux de l'Empereur Valerien ,
GALANT .
27
qui fut vaincu par Sapor Roy des
Perſes , & traité d'une maniere fi
indigne , qu'ilſeſervoit de ſon dos
pour monterà cheval , elleont l'une
& l'autre differens revers. Celuy
de la premiere est un Jupiter qui
tient un foudre d'une main , & de
l'autre une pique, pour inſcription,
Jovi conf. & celuy de la seconde
est un jupiter d'une autre posture.
Iléleve une main au Ciel ,& tient
de l'autre une boule; on n'en sçauroit
lire l'inscription.
Il y en a une de la grandeur
d'une piece de quinze fols,parfai
tement bien frapée , de l' Empereur
Aurelien. Elle a pour reversun fupiter
debout qui semble donner la
mainà un homme armé à la Romaine
, & couronné , l'inscription
eft , lovi conf. Get Empereur est
del'an 274. Ilfut afſaſſiné par les
Chefs defes Armées en 178.
B 3
2:8 MERCURE
VueMedaille de Quintile ,frere
de l'Empereur Claudus. Ce qu'il
yade confiderable en cette Me.
daille , c'est que n'ayant pas regné
l'espace d'un mois , ils'en doit trouverfort
peu. Ilfut aſſaſſiné parses
Soldats en 271 .
Trois autres Medailles. La
premiere a pour revers ane Deeffe
appuyée sur une colomne , & pour
infcription , Securitas. Laseconde
une Deeffe ; & pour infcription ,
Concordia . L'inscription de la
troifiéme eft Virtus .
Deux Medailles de Victorin ,
qui avoit le titre & les ornemens
Imperiaux , & en fut dépoüillé en
267. La premiere a pour revers
une Renomméequi tient une couron_
ne , & pour inscription , Victori .
Ily en a plusieurs autres dont les
reversfont à peuprès ſemblables ,
mais elles ont differentes inscrip
:
GALANT .
29
tions ; l'une , Pax, l'autre Pietas,
l'autre Providentia
Hilaritas.
د
l'autre
Il y a aussi des Medailles de
Tetrique , quifut honoré des ornemens
Imperiaux en 267. Les Effigies
en font differentes.Les unes paroiſſent
d'un jeune homme, &les
autres d'un Vicillard. Les premieres
ont pony revers une Deeffe qui tient
un èpy de bled , &pour inscription,
Spes. Les infcriptions des autres
font , Salus , Virtus , Lætitia ,
Pax ,Hilaritas , Spes publica ,
Fides.
Voilà, Monsieur tout ce que je
puisvousdire de ces Medailes.Vous
enferez part aux Curieux du licu
où vous eltes , & meferezla justice
de me croire voſtre tres , &c .
R.Deſnoyers ...
Milord Comte de Montaigu
, & Madame fa Femme ,
B 3
30 MER CURE
en
Fille de Milord Herber , aprés
avoir fait un long séjour à
Beaune en Bourgogne ,
font partis depuis peu de
temps , pour aller en Angleterre
prendre poſſeſſion du Gouvernement
de la Province de
Suſſex , que Sa Majesté Britannique
a donné nouvellement à
Monfieur deMontaigu . Ils ont
fi bien ſceu charmer les coeurs
de toutes les perſonnes confiderables
de Beaune & du voifinage
, par leur eſprit & par
leurs manieres , qu'on les y regrete
tous les jours . C'eſt au
ſujet du départ de Madame la
Comteſſe de Montaigu que
Monfieur Móreau Avocat
General de la Chambre des
Comptes de Dijon , qui a eu
part à leur eſtime , a compoſé
les Vers qui ſuivent. Vous,
2
GALANT..
3
connoiſſez par pluſieurs Ouvrages
que vous avez veus de
luy , le calent qu'il a pour la
Poësie .
SUR UN DEPART.
L
Aimable Iris nous abandonne
,
Tout languit en ces lieux, les Oi-
Seauxdansnos champs ,
Par leurs airs plaintifs & touchans
Exprimoient la douleur queson départ
leur donne;
Flore dans nos jardins ne produit
plus defleurs,
Les risſechangent tous en pleurs,
On n'entend plus dans nos Fontaines
Queles Nymphes s'en plaindre ,&
l'onde en murmurer ,
Et les tristes Zephirs errant parmy
lesplaines ,
B4
32 MERCVRE
N'en font que soupirer.
Les Plaisirs,les Amours, tout nous
quitte avec elle.
Ah! puis qu'ilfaut qu'Irisſeſepare
de nous ,
८
Allez , tendres Amours , allez ,
Plaisirsfi doux ,
Partez, volez, & Suivez cette
Belle ;
Vous estes faits pour elle , elle est
faite pour vous ,
Allez , partez , Soyezfon escorte
fidelle.
Tandis que ſous d'autres climats
Ses yeux fur mille coeurs étendront
leur empire ,
Pour charmernos regrets au fon de
noftre Lyre
Nous chanteront icy ſes beautez ,
Ses appas ,
Et tout ce qu'en elle on admire.
GALANT.
335
Tantoſt nous vanterons ſon teint
vif, éclatant ,
Ses beaux yeux dont les traits blef-
Sent enun instant
L'ame à l'amour la plus rebelle
Lablancheur de fes dents ,cette bouchefi
belle
Qui répend l'agreable odeur ,
Etfait voir lavive couleur
D'une rose nouvelle ;
Son beausein , Samain blanche,&
Ses bras faits au tour ;
Lagrace qui toûjours accompagne
Son gefte ;
Son port majestueux.fon air libre &
modeste ,
Qui fait naiſtre à la fois le respect
& l'amour;
Sa tailleſans defaut, ſablancheurr
Sans pareille,
Et la voix qui charme l'oreille..
B
MERCVRE
Tantoſt nous vanterons son entre
tien charmant ,
Son esprit ,ſon discernement ,
Son ame grande & genereuse ,
Dans qui l'on voit briller ce noble
mouvement
Qu'inspire une naissance heureuse ;
Sa bonté qui paroist à tous , àtout
moment ,
Son accueil toûjours favorable ,
Et cette douceur admirable
Qui donneàſa perſonne unsigrand
agrément .
Tantoftdesa maison nous chanterons
la gloire ,
Son beau fang ennobly dusangmême
des Rois,
Ses celebres Ayeux , & les fameux
exploits
Qui les font vivre dans l'Hiftoire.
GALANT .
354
Enfin nous parlerons de ſon illustre
Epoux,
Nous dirons ce qu'il fent d'estime
&de tendreſſe
Pour cet aimable objet deſes voeux
les plus doux ;
Nous vanteronsson nom ,ses vertus
, Sa Nobleſſe ,
Le rang qu'il tient dans une augusteCour
Où tout l'appelle , où tout le follicite
,
Deprefferfon retour :
Poury voir par ſon Roy couronner
Sonmerite.
Ainsi tous cessujets divers..
Servant de matiere à nos Vers
Calmeront les ennuis d'une absence
cruelle, ४
Et fi le fort jaloux éloignant cettes
Belle.
B. 60
36 MERCURE
Nous ête encor l'espoir de la voir
revenir ,
Trop contens,trop heureuxde l'avoir
poſſedée , A
:
Et fans ceffe occupez defa charmante
idée ,
مه
Nous en conſerverons au moins le
Souvenir.
i
Le 8. du mois paſſe il fe fit
icy une Operation auffi finguliere
que ſurprenante , &
l'on ne ſe ſouvient point qu'il
s'en ſoitjamais fait une pareille.
Le SrFrançois Collot , cet
habile Operateur pour l'extraction
de la pierre , dont le nom
eſt ſi connu par les grandes cures
qu'il a faites non ſeulement
dans toute la Frances ,
mais dans la pluſpart des Pays
Etrangers , où il a eſté ſouvent
mandé , s'eftant luy - meſme
,
GALANT.
37
fenty tourmenté depuis neuf
mois de cette fâcheuſe maladie
, dont il guerit fi heureu
fement les autres, s'abandonna
avec une entiere confiance en.
tre les mains du Sr Philippes-
François Collot ſon Fils , qui
par une dexterité naturelle &
hereditaire à cette Famille,qui
excelle dans cet art depuis
plus de deux Siecles , luy fit
cette merveilleufe Operation
avec le plus heureux fuccés
qu'on pouvoit attendre. Elle
fut faite en preſence de plus
ſieurs Medecins & Chirur.
giens , & entre autres de Meffleurs
Fontaine & Raoul , anciens
Medecins de la Faculté
de Paris , & de Monfieur Beffiere
, Chirurgien ordinaire du
Roy , qui n'admirerent pas
moins la force de ſon eſprit
3:8 MERCURE
dans cette action , que l'agilité
de ſes mains. La pierre qu'il
luy tira eſtoit de la groſſeur.
d'un oeuf de Pigeon , en forte
que l'on peutdire que le Fils .
n'a receula vie de ſon Pere,que
pour la luy conſerver à luymeſme
, & pour faire plus.
long temps joüir le Public des
avantages qu'il a toûjours
tirez de l'adreſſe & de la capacité
d'un ſi excellent hom- .
me.
Nous commençons d'en .
trer dans une Saifon où l'ona
doit rendre un Prix magnifique
ſi l'on fuit l'engagement
qui fut prit l'Eſté dernier..
Comme les choses que l'on n'a
point publiées , font toûjours
nouvelles pour tous ceux qui
n'en ont pointentendu parler ,
je puis vous faire la relation
GALANT..
39
de cette Feſte , qui ne doit pas,
vous eſtre moins agreable pour
s'eſtre paffée il ya déja pluſieurs
mois , puis que je ne
vous en ay encorerien mandé ..
Les particularitez en ſont aſſez
remarquables pour meriter
voſtre curiofité.LaVille d'Au--
tum,qui estoit autrefois la Capitale
des Gaules , & la ſeule
qui füft capable de donner de
la terreur à Cefar , cherchant a
ſe diſtinguer dans les exercices,
quiont l'apparence de laGuer
re , propoſa a cinquante Villes
de differentes Provinces , un
Prix à l'Arquebuſe de dix mil-
* le francs ; & un autre de deux
mille au Piſtolet. Monfieur
Dorné, Capitaine choiſi par la
Ieuneſſe , écrivit une Lettre
circulaire aux Chevaliers,pour
les exhorter à prendre part au
40
MERCURE
divertiſſement qu'il offroit.
Cette Lettre eut le ſuccés qu'il
en avoit eſperé ; & il en auroit
eu un plus grand, fi la plûpart
des Invitez n'euffent eſté
occupez à l'élection des Magiſtrats
de leurs Villes , qui ſe
faifoit dans ce mefine temps ..
Cependantle 28. Juin dernier,
ou vit arriver les Chevaliers
de la Ville de Dijon bien
montez , en bel ordre , veſtus
leftement , & ayant chacun des
Plumes blanches . Deux Trompettes
les precedoient , & les
gens de livrées eſtoient à leur
fuite. Ils parcoururent deux à
deux les principales ruës de la
Ville , & le Porte- Etendard
eſtoit ſeul au troifiéme rang..
Ceux de Beaune arriverentle
lendemain dans un ſemblable
équipage , ayant des Plumes
GALANT. 41
rouges , & leur livrée demême
couleur. Ceux de Loüen
eſtoient en plus grand nombre
que les autres.Ils avoient leurs
habits galonnez d'argent d'une
même parure, & estoient montez
ſuperbement , avec quatre
Trompettes , quatre Hautbois ,
& quatre Fifres à leur teſte .
Ceux de Châlons , de Nuids ,
de Montcenis , de Tournu , &
de pluſieurs autres Villes firent
la meſme Cavalcade , & tous
fe retirerent au Champ de
Mars dans les logis qui leur
avoient eſté deſtinez . Monſieur
Dorné leur envoya le vin
de preſent , & Monfieur Rabiot
, Conſeiller , & nouvellement
élu en la Charge de
Vierg , leur envoya celuy de
la Ville. La chaleur demandoit
qu'on leur laiſſaſt le tempsde
42
MERCVRE
ſe rafraîchir, mais l'impatience
genereuſe des Autunois porta
les principaux d'entre eux à
leur aller rendre viſite. On enrenditdeflors
partout le ſon des
Trompettes , des Fifres , des
Tambours, des Violons , & des
autres Inſtrumens qui font capables
d'inſpirer l'humeur
guerriere . Les logis eftoient
diſpoſez dans le Champ de
Mars de telle forte , que les
Chevaliers eſtoient vis- à- vis
les uns des autres. Ils ſe viſiterent
en ceremonie , & les
Sergens de Ville avec ceux de
la Compagnie de Monfieur
Dorné au nombre de dix huit,
commencerentà marcheravec
les Tambours pour affembler
la Compagnie . Ils eſtoient vêtus
d'un grand Juſte-au - corps
rouge , galonné par tout, d'ar
GALAN T. 43
gent , avec des chapeaux bordez
de même ; & à meſure
qu'ils paſſoient par les ruës , la
Jeuneſſe qui eſt fort bienfaite,
& auſſi aguerrie qu'en aucun
autre lieu du Royaume , s'affembloit
en hel ordre , & fe
trouva au nombre de quatre
cens hommes richement armez
, avec des habits en broderie
d'or & d'argent. Les rubans
de la cravate & du chapeau
eſtoient bleus, & les Plumes
répondoient à la beauté
de cet équipage. Ils allerent
prendre l'Enſeigne , qu'ils falüerent
par une décharge de
leur Mouſqueterie , &de là ils
ſe rendirent au logis du Capicaine
, où ils firent un grand
feu . Le Capitaine eſtant forty
la pique à la main alla ramaffer
les. Chevaliers de chaque.
44
MERCURE
Ville,qui marcherent à ſa ſuire
avec leurs Etendards particuliers
, ſe diftinguant par un
peu de distance , & par la difference
de leurs livrées . Le
Champ de Mars eft fitué au
milieu de la Ville , & contient
un fi grand eſpace, qu'on
pourroit baftir une Ville confiderable
dans ſon enceinte .
Le Vierg eſtant logé dans
l'une des extremitez , on alla
le falüer. Un peuple infiny
qui estoit accouru de toutes
parts , occupoit le Champ , ravi
d'admiration pour tant de
magnificence. Le Vierg accompagné
des autres Magiſtrats
, & precedé par fix Sergens
de Ville veſtus de manteaux
rouges , fur les coſtez
deſquels eſtoit un lion en broderie
d'or , & armez à leur or
GALANT.
45
dinaire de grandes pertuisanes
, ſe mit à la ſuite des Chevaliers
, & tous en Corps ils
allerent à l'Hoſtel de Monfieur
le Comte de Rouſſillon , Lieutenant
de Roy dela Province,
où ils le ſaluërent par une décharge
de leur Mouſqueterie,
qui fut ſuivie de celle des Canons
de la Ville. Ce Comte
marcha aprés cette belle Compagnie
avec cinquante Gentilshommes
les plus- leftes de
la Province , qui le conduifi .
rent au lieu deſtiné pour faire
l'ouverture du Prix. Ce lieu
eſt renfermé d'une grande muraille
baſtie à la mosaique , qui
regne tout autour d'un grand
eſpace de terre plus long que
large , au milieu duquel les
Chevaliers d'Autun firent
conſtruire il y a quarante ans,
46 MERCURE
un ſuperbe Edifice , au front
duquel paroiſſent cinq Portiques
ſous leſquels font cinq
voûtes qui ſoûtiennent un
grand Efcalier , couvert d'un
dôme d'ardoiſe & de lames de
plomb , extremement beau .
CetEfcalier eſt fait d'une pierre
de taille , reveſtu d'une baluſtrade
de marbre artiſtement
travaillée ; & c'eſt par là que
l'on va dans les apartemens de
cette ſuperbe maiſon . On voit
aux deux coſtez deux petits
Pavillons tres propres , deſtinez
pour faire tirer les Chevaliers
. Le Portique par où
l'on entre en ce lieu , eſt fait de
pierre de taille,enrichy depluſieurs
ornemens , dans leſquels
on a encrouſtédu Jaſpe qui fait
un tres bel effet à la veuë. L'Effigie
du Roy en marbre eſtau
C
GALANT.
47
deſſus , & dans une table au
deſſous d'un marbre noir , on
lit en caracteres d'or les deux
Versſuivans.
4
Hic exercendis aperit Bellona
palestram
Eduacis, animos auget prafeni
tiaRegis.
Lededans de ce Portique étoit
reveſtu de feüillages verds ,
dont on avoit fait une voûte
ornée de Tableaux , & de
Peintures excellentes. Le long
de la muraille qui fait face à
la maiſon,eſtoient fix Loges de
menuiserie , revéruës de tous
les coſtez une agreable verdure.
Là il y avoit pluſieurs
Marchands qui vendoient toutes
fortes de Confitures , de la
Limonade , des Citrons , des
Oranges de Portugal , & differentes
liqueurs . Quantitéde
Luſtres eſtoient arrangez par48
MERCURE
my des Tableaux qui faisoient
une Perspective admirable .
Du coſté droit on avoit bâty
quinze Loges , compoſées de
chacune d'une Salle & d'une
chambre reveſtuës de verdure
dehors & dedans. La derniere
eſtoit pour le Vierg , &
les autres pour les Chevaliers
des Villes étrangeres. Du côté
gauche regnoient quinze autres
Loges de la meſme ſtructure
, dont les Portiques eſtoient
ronds , embellis de couronnes
élevées en piramide qui compoſoient
un agrément ſurprenant.
La Tente de Monfieur
Dorné , qui estoit ſous les
einq Portiques de la maifon ,
eſtoit reveſtuë au dedans d'un
brocard blanc avec des franges
d'or qui regnoient depuis
Le haut juſqu'au bas, & fervoit
de
GALANT.
49
de Tapiſſerie. Sur le haut de
cette Tente au dehors , on
avoit fait mettre les Armes du
Roy ; plus bas celles de Monſieur
le Prince ; Gouverneur
de la Province ; & plus bas
celles de Monfieur l'Eveſque
d'Autun. On conduiſit Monfieur
le Comte de Rouſſillon
au pas , à la main droite , pour
faire l'ouverture du Prix. Son
coup ayant eſté tiré à l'honneur
des Dames , les Officiers
de chaque Ville en firent autant
, & allerent enſuite arbo .
rer leurs Etendards ſur les
portesde leurs Loges . Ceux de
Dijon avoient pour deviſes
deux Arquebuſes croiſées ,avec
ces mots en lettres d'or ,
Non nifi Nobilibus . Ceux de Chalons
portoient trois Globes
Avril 1688. C
50
MERCVRE
dans leurs Armes , avec cette
Deviſe , Urbi non fufficit Orbis.
Ceux de Belone avoient une
Bellonne armée avec cette infcription
,
Auspice Bellona Bibracte antiquavigebat.
Ceux de Montcenis, à cauſe de
leur ſituation qui eſt au haut
d'une montagne , Per ardua
virtus. Une autre Ville avoit la
repreſentation d'une Bombe
qui éclatoit, avec cette Deviſe
Peream dummurmuremagno.Une
autre avoit un Amour qui tenoitdeux
couronnes de Myrthe
, & de Laurieri, Ambit
utramque. Uneautre avoit une
Grenade preſte à tirer , avec
ces mots , Nulnem'approche fans
danger . Enfin elles en avoient
toutes d'ingenieuſes , & de
tres - convenables au ſujet.
GALANT . si
Monfieur Dorné avoit faic
peindre dans un grand Tableau
à coſté droitde fa Tente,
deux grands Elephans avec
deux petits , & on lifoit ces
mots , Annis hacfaciunt miracula
tribus, voulant dire qu'au bout
de trois années il faifoit des
merveilles à rendre le Prix .
D'autre coſté à gauche il y
avoit des champs de bled avec
des Moiſſonneurs,& cette inſcription
, Cumfænore reddo. Les
Villes ne furent pas plûtoſt
logées dans leurs Loges , que
le Vierg leur envoya du plus
excellent vin dela Bourgogne .
Monfieur Dorné fit la mefme
choſe , & comme il eſt naturellement
genereux , il donna
un grand & magnifique repas
à toute l'Aſſemblée , où l'on
but à la fanté du Roy avec de
C 2 10
52
MERCVRE
grandes acclamations , & en
faiſant des décharges de Moufqueterie
& del Artillerie de la
Ville toutes les fois qu'onbeuvoit
à cette ſanté précieuſe.Le
ſoir eſtant venu , toutes les loges
furent illuminées . Celles
des Marchands qui estoient
dans l'enfonceure , formoient
un objet fort agreable.Les Dames
ſe rendirent en cet endroit
, & vingt- quatre Violons
&douze Hautbois qui s'accordoient
parfaitement bien, s'eftant
fait entendre par les ordres
de Monfieur le Comte de
Rouffillon , on fit un grand
cercle au milieu de la place ,
audedans duquel un des plus
confiderables des jeunes Gens
de la Ville commença le Bal
avec une Demoiselle de la
campagne qui avoit de grands
avantages à la danſe.Ils eurent
۱
GALANT .
53
tous deux l'applaudiſſementde
l'Aſſemblée , qui étoit com
poſée de toutes les Perſonnes
de qualité de l'Autunois , de
l'un & de l'autre ſexe . Ce Bal
ayantfiny à deux heures aprés
minuit, chacun ſe retirajuf.
qu'au lendemain,que les Chevaliers
des Villes eſtant venus
dans leurs Loges au ſon des
Tambours des Fifres , des
Trompettes &des autres Inftrumens
, on s'exerça le reſte
du jour à tirer le Prix . Ceux
de Loüen s'aviſerent de reprefenter
le Roy de Siam , &l'un
d'eux veſtu à la mode de ce
Pays là , eſtant monté ſur un
Char de triomphe , précedé
par vingt- quatre Gardes avec
de fuperbes livrées , armez de
grandes halebardes fort propres
& fort luiſantes , & fuivy
C3
$4
MER CVRE
par ſes Chevaliers , fit le tour
des trente fix Loges , au devant
deſquelles on luy preſentoit
des Confitures & du vin ,
qu'il recent avec la gravité
d'un Roy qui ne ſe fait voir
que rarement à ſes Peuples. Il
avoit fait faire un Trône pendant
la nuit ,& tout le monde
accourut pour le voir dans
cette pompe Madame la Marquiſe
de Montjeu étant entrée
en fa Tente , il luy jetta ſon
mouchoir ,& luy fit dire par
fon Drogman , qu'il l'eſtimoit
affez pour la mettre dans fon
Serrail. Il en fit autantà laleune
Demoiselle qui avoit ouvert
le Bal le foir précedant ,
&la nuit eſtant ſurvenue, il fiu
un tour de Ville ſur ſon Char.
Il paſſa devant le College des
Jeſuites, où les Ecoliers qui s'y
GALANT.
55
trouverent , crierent à haute
voix : Vive , vive le Roy de Siam ,
& il ordonna qu'on leur donnaſt
congé pendant le temps du
Prix; ce que ces Peresluy accorderent
fort honneſtement.
Il voulut enfuite ſouper en pablic,&
les Muficiens de la Vil
leluy donnerent un tres -beau
Concert pendant ce repas . Le
lendemainil monta encore fur
fon Char de Triomphe pour
venir en fa Tente , & aprés
que toutes les Villes furent affemblées
, il ſe fit conduire
chez Mr Dorné , auquel il fit
ſçavoir par fon Interprete ,
qu'ayantappris les merveilles
de la vie du grand Empereur
des François , & qu'il eſtoit
l'un de ſes principaux Capiraines
, il venoit l'inviter de
dire à fon Prince qu'il avoic
C 4
56
MERCURE
quitté ſon Royaume pour venir
admirer fes vertus , & luy
preſenter fes hommages .Monfſieur
Dorné luy répondit que
fon Empereur eſtant auſſi genereux
qu'il l'eſtoit , ne manqueroit
pas de cherir fon amitié.
On le regala enfuite magnifiquement
, & on ordonna
ala Jeuneſſe de luy rendre tous
les honneurs qui luy eſtoient
deus.Celle- cy prompte à obeïr
monta ſur de petits chars de
triomphes , & fur des chameaux
qui ſe trouverent fortuitement
en la Ville; d'autres
monterent fur des chevaux ,
& tous veſtus avec de grandes
veſtes de brocard d'or à la façon
des Armeniens , ayant les
uns le Turban en teſte , les autres
le Bonnet comme les Siamois
, allerent le prendre en ſa
GALANT.
57
Tente , & le conduifirent en
triomphe parmy les ruës , &
dans fon Palais . Le foir lajeune
Demoiselle qui s'étoit déja fait
admirer à la danſe , cut un Bal
reglé chez Monfieur le Lieutenant
general de la Chancellerie
, où tout ce qu'il y avoir
de Gens de qualité ſe trouverent.
On y fervit de la Limonade
en profuſion,des Citrons,
des Oranges de Portugal , &de
toutes fortes de Confitures.Ce
Bal finy , il reſtoit à voir le
lendemain qui emporteroit le
Prix. Le bonheur accompagna.
les Chevaliers de Dijon ; le
Capitaine fut le victorieux .
On luy donna une Medaille
d'or d'une tres grande valeur.
Sur l'un des coſtez eſtoit l'Effigie
du Roy , & fur l'autre les
Armes de la Ville d'Autun.On
CS
58 'MERCURE
le conduifit en armes en fon
logis ; on luy envoya les preſens
de la Ville & du Capitaine
, & ce dernier regala encore
une fois toute l'Affemblée
avec une magnificence & une
propreté ſans pareille.Pendant
les trois joursdu Prix , on envoyoit
en chaque Loge douze
douzaines de bouteilles de vin ,
des paſtez de venaiſon , des
jambons de Mayence , & ce
qu'on pouvoit trouver de plus
propre à réveiller l'appetitdes
Chevaliers. Le Vierg tenoit
table ouverte & Monfieur
Dorné donna deux magnifiques
Colations aux Dames.
Jamais tant de joye n'avois
paru. Jamais on n'avoit veu
tantd'ordre dans une Ceremonie
, ny tant de ſplendeur &
d'éclat dans les habits , &ja
GALANT.
59
mais on n'avoit oüy tant de
fois crier , Vive le Roy , qu'on
l'entendit, pendant tout le
temps de ce grand divertiffement
, qui ſe termina par un
Bal donné chez Monfieur le
Comte d'Aligny , à une belle
Demoiselle du voisinage , qui
avoit tous les agrémens poffibles
de la taille , de la beauté ,
& de la danſe pour meriter cet
honneur. Le quatrième jour ,
les Chevaliers parurent en or
dre pours'en retourner. On les
accompagna en armes juſques
aux portes , & comme ceuxde
Loüen s'eſtoient le plus fignalez
, on les conduifit à une
lieuë de la Ville , dans une
grande plaine ſur leur route
où ils trouverent un magnifi--
que repas ſous une Tente de
feüillages qu'on avoit fait dref
C6
60 MERCURE
fer à ce deſſein. Monfieur le
Marquis de Montjeu les regala
dans ſa belle maiſon de
Montjeu , baſtie ſur une montagne
,au haut de laquelle ſont
deux grands eſtangs ſemblables
à deux lacs , & des lets
d'eau d'une hauteur incroyable.
Il les fit chaſſer dans fon
Parc , & leur donna un fore
beau Concert .
Ce n'eſtoitpas aſſez d'avoir
tiré le Prix à l'Arquebuſe , il
falloit auſſi pour achever la
pompe de cette Feſte , qu'on
ziraſt celuy du Piſtolet. La Nobleſſe
fit l'ornement de l'Af
ſemblée . Monfieur le Comte
d'Aiguli fe mit à la teſte des
Chevaliers du Charolois
Monfieur le Comte de Vauteau
, qui avoit eſté élu de la
Nobleſſe de cette Province là,
GALANT 6
voulut marcher ſous ſon Etendart,
& Meffieurs de Fonte
naille , de Poüilly , le Cler ,de
Boucherin ,&pluſieurs autres
les accompagnerent. Monfieur
Dorné fut le Capitaine des.
Autunois ,ſuivy de Meſſieurs
de Millery , des Poillots , du
Pouriot,la Tour-Guerin,Coneley
, & de pluſieurs autres..
Monfieur de Serandey fut le
Capitaine de la Ville de Luzy
& Meſſieurs de Mazelle, de S.
Prix, de Courvoux,des Chaps
de Trezillon , Courcelle , la
Broſſe au Comte . & pluſieurs
autres furent du meſme party..
Tous ces Meſſieurs pritetleurs
livrées . Celle d'Autun fut le
bleus celle du Charolois le rouge
,& celle de Luzy le Blanc..
L'Etendardd'Autun étoitd'un
brocard bleu avec un Lion.cn
64 MERCURE ;
broderie d'or , & autour il y
avoit cette inſcription , Formidine
cuncta replebo. Celuy de,
Charolois étoit d'un tabis rougeavec
deux couronnes , au
deſſous deſquelles eſtoient les
Armes de France & d'Eſpagne
avec ces mots,Duaproteget unus ..
Celuy de Luzy estoit d'un ſatin
blanc de Gennes , bordé.
d'une crepine d'or , avec de
grands cordons de meſme , &
au milieu une Levrette fans
collier , avec cette inſcription,
le tout en broderie d'or , Vivat
amæna libertatis amor. Ces trois
illuftres Compagnies monterentà
cheval ayant eſté ſaluées
de l'Artillerie de la Ville , &
elles furent conduites deux à
deux en armes parla Jeuneſſe.
d'Autun , qui les falüa par une
décharge de ſa Mouſqueterie
GALANT. 63
L'équipage ſuivoit avec les
chevaux de main , couvert des
Selles en broderie de differentes
figures avec des houffes
qui traiſnoient juſques à terre,.
fur leſquelles eſtoient lesChiffres
des Maiſons des Particuliers
, & aux quatre coins leurs
Armoiries . Comme la Nobleffe
fait profeffion des armes , elle.
eftoit veſtuë cavalierement
les uns d'une étoffe bleuë , les
autres de rouge , & les autres
deblanc. Les Echarpesen broderie
avec des franges d'or &
d'argent de la hauteur d'un
demy pied , &les plumes qu'ils
portoient fur leurs chapeaux,
d'un prix confiderable re
✓ hauſſoient leur bonne mine,&
faifoient remarquer un air qui
inſpiroit de la crainte & du
reſpect. Cinquante grands
64 MERCVRE
Laquais qui ſuivoient portoient
les piſtolets dont on devoit
ſe ſervir pour tirer le prix...
Leurs livrees accompagnoient
merveilleuſement bien les.
couleurs que leurs Maiſtres
avoient choiſies .Quatre trompettes
precedoient la marche
de chaque Compagnie, & l'ordre
étoit tekqu'on pouvoit l'attendre
de gens accoûtumez à
ne le jamais rompre dans les
occaſions les plus perilleuſes ..
Ils arriverent aux Tentes que
l'on avoit preparées , & aprés
une courſe legere pour faluer
les Dames, on arboreles Etendards
fur les Tentes qui ſe
trouvoient extremement pro
pres pour la Saiſon . Mõſieur le
Comte d'Aiguli ouvrit le prix
par un coup au noir , & tous
les Chevaliers tirerent chaGALANT.
65
cunle leur pourles Dames . En
meſme temps Monfieur Rabiot
envoya les preſens de vin par
les Valets de Ville,& Monfieur
Dorné en fit autant par les Sergens
, & par les Tambours de
fa Compagnie. On fervit enſuite
un grand Repas où l'on
but à la ſanté du Roy avec les
fanfares des Trompettes,& les
décharges des Canons & de
Mousquets . Toute la Ville
accourut à cette réjoüiſſance;
n'entendoit autre choſe
que des cris de Vive le Roy.
Les Chanoines de la Cathedrale
envoyerent leur Mufique
, & les Violons firent un
Concert tres harmonieux. Enfin
tout Autun eſtoit uny dans
les voeux qu'il faifoit pour
fon Auguſte Monarque , qui
par la paix luy procuroit un fi
on
66 MER CURKE
profond repos , & les moyens
d'avoir des divertiſſemens fi
agreables . On propoſa aux
Chevaliers de nommer chacun
ſa Dame. Le hazard voulut
qu'ils les choifirent avec
distinction , & fans que l'un
priſt celle de l'autre . Le lieu
fut éclairé d'une quantité de
flambeaux , on danſa ſans faire
un Bal reglé , & le lendemain
on tura le prix en quatre volées
qui fut remporté par Mr
de Siry de Serandey. C'eſt un
Gentilhomme de bonne mine ,
& qui n'a pas moins d'eſprit
que de coeur . Ila fervy longtemps
dans les Armées de Sa
Majesté , en qualité de Capitaine
de Chevaux. Il alla faire
compliment à la Dame qu'il
avoit choiſie , comme ayant
eſté animé par elle pour bien
GALANT.
67
tirer , & il luy donna le Bal où
elle parut avec beaucoup d'avantage
. La nuit s'eſtant pafſée
en toutes fortes de divertiſſemens
, on donna parole de
- rendre le Prix au Printemps
prochain . Le jour fuivant , la
Compagnie de MonfieurDorné
conduifit en armes Monfieur
de Serandey juſques àla porte
dela Ville .Cent Cavaliers l'accompagnerent
à deux grandes
lieuës, ou chacun ſe ſepara ,
avec promeſſe de fe revoir au
premierPrix qui feroitdonné
こVous avez eſté ſi ſatisfaite
de tous les Airs que je vous ay
envoyez de Monfieur de Montailly
, que je ne doute poine
que vous ne receviez de celuycy
, qui eſt encorede ſa compofition
, le meſme plaifir que
vou's ont donné les autres ..
68 MERCVRE
AIR NOUVEAU .
L'Espoir nourrit la constance
Et l'amourfans efperance
Ne dureroitpas un tour.
Iaime avec une ardeur extrême ,
Mais je veux trouver du retour
:
Quand i'aime ;
Autrement teſuis bien- toft las ,
Et la beautémesme
Sans amourne meplairoit pas.
L'Ouvrage qui fuit a paru
icy trop agreable , pour neme
pas donner lieu de croire que
la lecture vous divertira. Ie
neſçay point le nom de l'Auteur.
1
EPITHALA ME.
Allons,ma Muse, accordans
nous
;
GALANT. 69
Voicyla grande&fameuse iournée,
Où nous devons publier l'Hymenée
De la Beauté pour qui nos chants
furent fi doux.
C'est cet objet charmant , dont la
tailledivine ,
Avec mille talens divers ,
Fait depuis fi long-temps le ſujet
demes Vers;
En un mot ,c'est mon Heroïne.
Cette nouvelle t'interdit .
Taſurpriſe paroist extrême ;
Fen ay paru cent fois plus étonné
moy- mesme ,
Quand un petit Amourm'enafait
lerecit.
Cct Enfant tout aimable avec ſa
treffe blonde ,
(Je ne sçay pas comment dans ma
chambre introduir )
Eſt venu m'éveiller au milieu de la
nuit ,
Tandis que je dormois dans une
paix profonde ;
70
MERCVRE
है
Il m'afait le discours qui fuit
D'un airle plus galantdu monde.
Ie viens icy mal àpropos
Vous troubler , m'a-t- il dit , dans
voſtre doux repos .
Le ſçay que je vous importune',
Mais vous le pardonnerezbien.
Lors que je vous diray que lacharmante
Brune,
Qui fait de vostre efprit le plus
doux entretien ,
Vient d'engager ſon coeur dans le
Sacrélien.
Cecoeur quiparoiſſoit peu tendre ,
Qu'on croyoit exempt de defirs ,
Sepâme dans les douxplaifirs
Que de l'Hymen on peut atten.
dre.
Le viens d'eſtretémoindeſes tendres
ardeurs.
Mille Amours comme moy voltigeansſurſa
couche ,
GALANT .
71
Comme un Effaind' Abeillesfur
des fleurs,
Taloux de voirprodiguerſes faveurs
A l'heureux Amant qui la touche ,
S'efforcent en volant d'attraper fur
Sa bouche ,
Mesmes plaisirs,mesmes douceurs.
A l'envy tout tâche àleurplaire,
Dans cette nuit pour eux plus belle
que le jour ;
On prendroit l'Amant pour l'Amour
,
Et la Maiſtreſſe poursa Mere.
Nous qui fuivons par tout les pas
De ces Divinitezſuprèmes ,
Nous nous y tromperions nous
mesmes
Tant ces deux Amansont d'appas ,
Nevous voyant point de lafeste ,
I'ay quittéles Amours, les Graces
&les Ieux ,
Pour venir icy teste à teste
Fous dire les plaisirs de ces coeurs
amoureux.
72
MERCURE
Si de leurs doux accords le recit
vous éveille ,
Et cauſe en vostre coeur du trouble
&de l'effroy
i
,
Que leDieu qui fait qu'on fommeille
Vous rende viſite après moy.
22
En achevant cette parole
Cet Enfant fi mignon ,si bean ,
Prend ſoin de tirer monrideau ,
Metournele dos , & s'envole.
Aprés un tel difcours , belas!
Pouvois-ve être un momenttran
quille?
Vainement lesommeilm'auroit tendules
bras ,
f
Sespavots n'avoient rien pour moy
que d'inutile.
Mestroubles estoient exceffifs ,
De moment en momentje crois qu'on
melutine ,
Mes ennuis deviennent plus vifs,
Avec
GALANT..
73
Avec peine je m'imagine ,
Que l'on marieuneHeroine
Sans d'éclatans préparatifs .
Je croy pour m'outrager que la nuit
Se prolonge ,
Mon esprit veut fortir de cette ob-
Scurité,
Le jour vient enfin ,je me plonge
Dans de nouveaux soupçons dont je
fuis agité ,
MonSoucys'augmente & me ronge,
Et tout ce que j'ay crun'eſtre la nuit .
qu'un fonge ,
Elt le jour une verité.
le vais voir la Beauté de mille at
traits pourveuë ,
Qui cauſe mes ennuis & monem.
perſſement ,
Et quand je ſuis entré dansſon appartement
Cequi frape d'abord ma verë
Et le Portrait defon Amant.
Avril 1688 . D
74
>
MERCURE
ilme paroist toutfier deſavictoire,
Et contraint de baiſſer les yeux.
Ie ne puis plus douter que le plus
beau des Dieux ,
Contentantſes defirs , ne l'ait com
bléde gloire ,
Ie paſſe plus avant , & dans la
chambre entré ,
De cette Beauté qu'il adore ,
Sesyeux pleins du beau feu dont il
est penetré ,
Defon bonheur charmant m'inſtrui-
Sent mieux encore.
Elle veut en vain le celer ,
Tout ſçait mieux quefa bouche en
ellem'en parler,
Elle paroitfi fort embarassée;
Que leſoin qu'elle prend de le diffi
muler ,
Nefert qu'à trabirſapensée ,
A découvrir le feu dont fon coeur
Sçait bruler,
Et comme la nuit s'est passée.
GALANT.
75
Ie demeure auprés d'elle interdit &
reſveur ,
Moins agitéd'amourque de colere.
Quoy !m'avoir caché cemistere ,
Quand j'aurois deu sçavoir lesfecretsdefon
coeur!
Que ne puis - ie à mon tour me
taire!
Maisbelas ! bien loin de lefaire,
T'explique tout en ſa faveur ,
Et jeſçay que dans certe affaire,
Elleavoulum'épargner la douleur
De la voir dans les bras defon beureuxvainqueur.
Tandis que tant defoins &de veilles
l'accufent
De trop d'ingratitude& de mépris
pourmoy,
IeSens pourtant je ne sçayquoy
Qui parlentpour elle ,& l'excu
Sent ,
Malgré son traitement fi dur &
fi cruel ,
D2
76 MERCVRE
Ienepuism'empécher dans l'ardeur
qui m'anime ,
Deluy marquer encor l'excés de mon
estime ,
Etrendre par mes chants ce jour
plusfolemnel.
e
Mais toyque ie vis toujours prefte
De mefeconder au befoin ,
MaMufe tu ne prens nul foin
De celebrer pour elle unefi grande
Feste?
C'est un crime d'estre muet,
Sur unesi belle matiere ; ....
Sans fonger à ce qu'on nous fait ,
Rempliffons bien noſtre carriere .
Nous avons trop bien commencé ,
Pourne pas achever de mesmes
Et bien ou malrécompensé
Vn grand coeur doit avoir une con-
Stance extréme.
Ayant dessentimensfidoux
Pourune Beautéfi cruelle ,
と
GALANT.
77
Elle n'aura pas lien defe plaindre
de nous ,
Et nous pourrons nous plaindre
a
T
Que le ciel donc puiſſe à jamais
Benir des noeuds ftpleins d'attraits ,
Et que deces Amans l'unà l'autre
fidelle
L'ardeur chaquejour renouvelle!
Que tout previenne leurs defirs ,
Et malgré les jaloux d'unefi douce
wie;
A
Qu'elle ne ſoit jamaisfuivie
Que des Graces , des Ris des Ieux ,
&des Pla (irs.
Nous avons perdu fur la
fin du dernier mois quelques
Perfonnes confiderables , dont
voicy les noms .
Meffire François Gatien ,
receule 13. Juillet 1685. Con.
D3
78 MERCVRE
feiller au Parlement de Paris ,
en la ſeconde Chambre des
Requeſtes du Palais. Il avoit
eſté auparavant Conſeiller au
Chaſtelet .
Meſſire Loüis Roſe de Coye,
Secretaire du Cabinet du Roy,
& Confeiller au Parlement de
Mets . Il a laiſſe des Enfans de
Dame .... de Bailleul , Fille
de Meffire Louïs de Bailleul ,
Marquis de Chasteau Gontier
, & Prefident au Mortier
au Parlement de Paris, & petire
Fille de Meffire Nicolas de
Bailleul , auſſi Preſident au
Mortier dans le même Parlement
, & Surintendant des
Finances de France . Monfieur
de Coye eſtoit Fils de Meſſire
Touſſaint Roſe , Preſident en
la Chabre des Comptes de Paris
, & Secretaire du Cabinet
GALANT. 79
du Roy. C'eſt un homme d'un
merite tres - diftingué ; vous
ſçavez qu'il eſt de l'Academie
Françoife.
د
Dame Madeleine Dangucchin.
Elle estoit Veuve de
Meſſire Paul Hay , Marquis du
Chatelet Confeiller d'Etat
ordinaire , qui efſtoit de l'Academie
Françoiſe , & d'uneancienne
Famille de Bretagne.
La Famille des Danguechin a
donné divers Officiers au Parlement
, & plufieurs Procureurs
Generaux à la Cour
des Aides de Paris , & porte
d'argentà trois teftes de Corbeaux
defable.
Meffire Baltazar Phelypeaux
d'Herbault. Il eſtoit Aumônier
du Roy , Abbé de Bourgmoyen
de Bleis , &de Saint Lau
rent lez Cone,& Fils de Mef-
D4
80 MERCURE
,
fireBaltazar Phelypeaux, Sieur
d'Herbault mort Conſeiller
d'Estat , & de Dame Marie le
Feron Fille de Raoul le Feron
Maistre des Comptes , & de
Renée Hennequin. Son Ayeul
eſtoit Remond Phelypeaux ,
Sieur d'Herbault &dela Vril .
liere , Secretaire d'Etat , & fon
Ayeule , Claude Gobelin ,
Fille de Baltazar Gobelin, Prefidenten
la Chambre des Compres
. Il y a eu pluſieurs Secretaires
d'Etat de ce nom qui ont
tres fidellement ſervy
Rois , & fe font rendus confi-
-derables par leur merite particuliers
, qu'ils ont fait paroiſtre
en diverſes Negociations
importantes , où ils ont réufi
à l'avantage de cette Couronne.
Monfieur l'Abbé d'Herbault
qui vient de mourir ,
nos
GALANT . 81
eſtoit Neveu de feu Meſſire
Louis Phelypeaux de la Vrilliere
, Secretaire d'Etat , Pere
de Mr de Chateauneuf , digne
Succeſſeur de cette Char
ge. Il laiſſe un Frere , Meffire
François Phelypeaux , Sieur
d'Herbault , Conſeiller honoraire
en la Grand' Chambre
du Parlement de Paris , dont
la Fille Marie Anne Phelypeaux
eſt morte peu de jours
aprés fon Oncle , Phelypeaux
porte écartele au 1. & 4, d'azur ,
femé de quatre feuilles d'argent aw
franc d'Hermines, au 2. & 3. d'ar
gent à trois lezards de Sinople. Ils
font alliez aux de Rochechoüart
, de Tonnecharante ,
du Blé d'Uxelles , deBaude de
Palluau de Frontenac , Cre--
vant - d'Humieres , Garrault ,.
de Beau-harnois de Miramion,
D
82 MERCVRE
le Feron, Hennequin , Loiſel,
Mangot de Villarceau , Talon ,
Bignon , Habert de Montmort,
Gobelin, de Raconis,de Neufville
- Bury , de Fourcy , Particelly
d'Hemery , de Hodicqde
Marly , de Villebois , &
autres.
Ie vous envoyay il y a deux
mois une Lettre fort curieuſe
du fameux Monfieur Bernier.
Elle a trouvé des Admirateurs
&des Critiques , mais ces derniers
ne l'attaquent point en
toutes ſes parties , ils en combattent
ſeulement quelquesunes
, & ils le font de cette
maniere honneſte,qui fait ſouvent
plaiſir à ceux qui font attaquez
, puis qu'elle leurdonne
lieu de faire paroiſtre ce
qu'ils ſçavent. Ainſi l'on peue
dire que les querelles qui arri
GALANT.
83
১
ces
vent entre les gens de Lettres,
ſont preſque toûjours à l'avantage
, & des Aggreffeurs, &de
ceux qui ſe defendent
fortes de differends eftant pour
les uns & pour les autres de
favorables occaſions de faire
briller leurs differentes lumieres
. Ce que je vous envoye eſt
du celebre Monfieur de Comiers
, dont l'érudition eft
connue , & qui eſt eſtimé de
tous les Sçavansde l'Europe.
:
D65
84 MERCURE
LETTRE DE M. COMIER ,,
à M. Hardy , Seigneur de
Beaulieu, contenantla Conduite
, l'Elevation des Eaux
&tout ce qui concerne les
-letsd'eau.
pauvre
Ous demandez, Monsieur,bien
des choses à lafois à un
aveugle ; premierement , mes reflexions
ſur la Lettre de Monsieur
Bernier inferée dans leMercure de
Février dernier , dans laquelle il
fare que l'eauparſaſeule volubilité&
pesanteurcoule d'un bout à
L'autre d'un canal parfaitement à
niveaudefix àsept lieuës de lonqueursans
aucune pente ;secondement
, tous les moyensde trouver les
Sources d'can , & ensuite ce qui est
A
THEQUE DE
BIBLIOT
NOAI
84
LE
xio
Ber
Fer
lite
D'ai
nir
BUL
me
GALANT.
85
neceſſaire desçavoir pour la conduíte
des eaux ; les Machines pour les
éleverdans des Refervoirs , &mon
abregéde tout ce qui concerne les
Lets d'eau , leur hauteur & leur
dépense.
mouvement
Bien que vous ayezune parfaite
connoiſſance de toutes ces choses,&ب
meſme la pratique dansvostre belle
maison de Beaulieu prés Chartres ..
où vous élevez vos eaux de fources
vives par la Machine d'une nou
velle application du principe de
, qui se trouve enfin
dans la derniere perfection , plus
parvostre propre connoissance &
penetration d'esprit , quepar aucun
de mes avisfondezsur mes longues
experiences & sur celles de few
Monsieur de Francine nôtre bom
amy , ( car vostre machine estant
Sans manivelle ny frotement des
parties elle est incomparablement
86 MERCURE
plus belle , & avec une moindre
puissance,elle a un plus grand effet
qu'aucune desMachinesqui ayent
encore paru à Versailles ou ailleurs
je veux neantmoins vous fatisfaire
, afin qu'on ne croye pas
gu' ayant perdu la veue jefois tombédans
Loiſivetèfans lettres, qui est
le Sepulchre des hommes vivans ,
Otium fine litteris ſupultura
hominis viventis . le commence
par l'examen de ce que Monfieur
Bernier Chefdes Philofophes Gaffendiſtes
, a debité au sujet du
grand Canalde Languedoc,qui fait
lacommunication des deux Mers
où ildit , qu'ily a un canalde fix
àfept lieuës de longueur de pur niveau,
où l'eau coule d'un bout àl'au
trefansaucune pente. Ie dis ,que la
Phyſico - Mathematique n'est pas
Seulement la plus belle étude des
veritables Scavants , elle est encore
GALANT. 87
tres utile & même neceſſaire au
bien de l'Etat ,& avantageuse à
chaque particulier. Ils'agit icy de
Lefaire connoistrepar la conduite des
caux,laquelle depend d'un parfait
nivellement , ſans lequel les
deffeins les plus importans avorteroient
aprés la dépense inutile de
pluſieurs millions ,si on entreprend
ces grands Ouvrages furle dire de
Monsieur Bernier , qui aſſure
qu'il n'estpas necessaire de donner
de la pente àl'eau pourla conduire
où l'on desire..
2
Monsieur Bernier ne parle pas.
en Maîtreen la conduite des Eaux..
Voicyfes termes. Je ſuis icy , ditil
, où ſe rendentles Eaux de la
Montagne noire , pour faire la
communication des deux Mers ,
de ce fameux Canal , qui eft
ſoutenu à my - côte pendant
40. lieuës delong
88 MERCURE
CommeMonfieur Berniernefait
pas autrement la defcription de
ce fameux Canal , je veux bien y
Suppléer.
i
L'execution de ce grand ouvrage
medité par les Empereurs
Romains , & examiné pendant
tant de Siecles , étoit refervée au
regne de LOVIS LE GRAND , à
qui rien n'est impoſſible , qui agit
par tout en mesme temps , dont
l'esprit éclate comme le Soleil dans
tous lescoins de l'Univers , & dont
Lapuiſſance peut estre comparéeà
l'Ocean , qui estant immense en
foy - mesme , avance ſes bras par
tous les endroits de la Terre. Vous
neferezdonc pas faché, queparla
生necessité de faire mes justes reflexions
sur la Lettre de Monfieur
Bernier , ie fois obligé de vous envoyerenpeu
de mots tout ce qui
concerne cegrand Canal artificiel,
GALANT. 89
qui fait la communication des deux
Mers , puisque par son moyen tes
plus grandes Barquespeuvent pas.
fer en quatorze jours au plus , de la
Mer Oceane dans laMediterranée.
Monsieur Riquet ayant étudie
lapoſſibilité& les moyens de faire
cette communication , reconnut que
la petite Eminence de Naurouſſe ,
qui eſtålateste des deux Valons ,
Seroit le point de partage, par le
moyen des deux petites Rivieres ,
qui ont leurs fources à latestede ces
deux Valons à demy - lieüe l'une
de l'autre. La Riviere de Fresque
coule àl'Orient dans l'Aude & la
Riviere de Lers au couchant .
Monfieur Colbert dont l'application
estoit infatigable pour faire
fleurir les Arts , les Sciences ,& le
Commerce , ayant esté convaincu de
la poſſibilité de cette lonction des
१० MERCVRE
deux Mers, on commença àytra
vailleren 1666. Les Eaux de fix
Rivieres dela Montagnenoire ont
eſté conduites par des Canaux au
Refervoirde Saint Feriel, qui estun
Etangd'un Valon,la Chauffée allant
d'une Montagne à l'autre. Il est à
demy- lieuë au deſſus de la Ville de
Revel. Cet Etangen fournit le
Baffin de Naurouffe , point de partage,
d'oùl'eau defcend par deux
Canauxdans lesſources de Frefque
de Lcrs.
Ce Baffin eft de pierre de taille,
fafigure eſt octogone ovale ,fongrand
diametre eft de deux cens toiſes,&
lepetit de cent cinquante.
Le Canal d'Occidenta dix - huit
Ecluſes tant doubles que simples ,
qui font vingt-sept Corps d'Eclu-
Jes dans l'espace de 28142. toises ,
qui font douze licies communes de
France de 25. au Degré.Apres ces
GALANT.
91
te longueur depuis le point de partage,
le Canal entre dans la Garonne
. Le Canal d'Orient à 99443 .
toises jusqu'à l'Etang de Thau ,
quiſont 43. lieues & demie , plus
89. toiſes , & dans cette longueur
ily a 46. Ecluſes tant doubles ,
triples , &c. Depuis l'Etang de
Thau on entre dans le Port de Cete
prés de Frontignan par un Canul
de 800. toiſes de longueur ,fait à
Travers la Plage.
CeCanalfut commencé en 1666-
&achevé en 1681 .
La premiere navigationfut commencée
par l'ordre du Roy le 15.
May 1681. par Monsieur d'Aguesseau
, Intendant de Languedoc.
Il partit de Toulouſe avec quelques
Meſſieurs des Etats , & s'estant
rendu àl'embouchure du Canaldans
La Garonne it le monta dans و
une Barque Royale le 17. May
ſuivy de vingt- trois Barques da
92
MERCVRE
Bordeaux, chargées de marchandi-
Sespourla Foirede Beaucaire. Le
19. il arriva à Castelnaudari , oùse
rendit Monsieurle Cardinal de
Bonzi , President né des Etats de
Languedoc.
Les Eclufes font au nombre de
59. dans la longueur de 76645 .
toiſes , qui font 33. lieues & demie
plus 131. toises. Le 13. toutes
ces Barques navigerentfur le Pont
de Repudre , qui a soixante . Sept
toiſes de longueur , ayant esté fait
pour donnerpaffage au deſſous à un
torrent de mesme nom , qui croife
le Canal.
On navigea ensuite le longde la
Digue ou Chauffée de Ceffe du nom
de la Riviere qu'elle arreste . Elle
a 112. toifes de longueur , cinq de
hauteur , & quatre & demie de
largeur.
Le 24. onpaſſale Mal- paffe.
GALAN T.
93
C'est une voûte de quatre - vingt
toiſes de longueur , de quatre &
demie de hauteurfur quatre toises
de largeur de Canal , outre une
Banquette de chaque costé large de
trois pieds pour le tirage des Barques.
Cette voûte eft taillée dans
LeRoc d'une montagne à une
lieuë de Befiers. Cette Ville& fon
paysagefontfibeaux , qu'ils femblent
qu'ils agent estéfaits pourla
demeure des Dieux , ce qui a donné
lieuà ce Proverbe Latin ,
SiDeus in terris vellet habitare
, Biterris .
Au fortir de cette voûte on se
trouvaàlapremiere des huit Eclu-
Ses ascolées , c'est à dire faites de
Suite, quifontparconsequent com
me autant de degrezou marches
d'une montagne d'eau . Pour bien
comprendre la maniere des Ecluſes ,
jevons envoye le Livre de Simon
94
MERCVRE
Stevin de Bruges , & vous renvoye
àcellesdu Canal de Briare.
Ces Ecluſes estantpaffées,la Compagnieſeſepara
à causedes Festes
de la Pentecoste , mais Monsieur
l'Intendant defcenditparle Canal
dans la Riviere d'Herau par l'Ecluſe
ronde ,& ayant traversé l'Etangde
Thau & le Canal , il arriva
au Portde Cete le 25. May .
sourdela Pentecofte 1681. deforte
que Monsieur l'Intendant nefutfur
le Canal que neuf jours ;sçavoir,
deux jours depuis fon embouchure
dans la Garonne iusqu'à Castelnaudari
, &delà enſept iours ilfut
danslePortde Cete. Et comme de
L'Oceanon peut en fix iours entrer
par la Garonne dans le Canal,la
navigationd'une Merà l'autre ne
fera au plus que de quatorze à
quinze jours en paſſant par cent
quatre Ecluſes, dont plusieurs estant
GALANT.
95
accolées , c'est à dire ,faites defuite&
prés àprés ,font 65.stations ,
quine retardent quede trente heu
res au plus la navigation.
Ie reprens la Lettre de Monfieur
Bernier. Je ne veux pas , dit - il,
oublier une circonſtance tresconfiderable
, en ce qu'elle regarde
ceux qui s'occupent à
la conduite des Eaux . Le fait
eſt , qu'entre ce grand nombre
de differens Canaux , qui font
le Canal entier , il y en a un de
6.à 7.licuës de lõg dans lequel
l'Eau coule d'un bout à l'autre
depur niveau , ſans qu'il y ait
aucune pente ; & cela , à mon
avis , par fon poids & par fa
volubité , plûtoſt que par le
pouſſement, cequi eſt contraire
aux fentimens de feu Mefſieurs
Picard & Mariotte , &
de quelques -uns de nos Amis
1
96 MERCURE
qui font encore pleins de vie ;
car je les ay toûjours vû demander
une certaine pente
ſenſible , comme par exemple,
un pied tout au moins fur chaquelieuë
; mais leur ſentiment
n'empeſche pas que ce que je
dis ne foit veritable . Or cela
eftant , ajoûte- t- il , il n'euſt pas
eſté beſoin de ſe mettre ſi fort
en peine , comme on a fait , de
faire venirla Riviere d'Eure à
Verſailles ny la Riviere d'Ourgue
à Paris.
Iefais icy une petite reflexion,
qui est que les Eaux de la Riviere
d'ourgue ont toûjours paſſéſous les
Ponts de Paris , mais aprés s'eftre
meſlées aux Eaux de la Marne&
de la Seine. Le deffeinde Monſicur
Riquet estoit de la conduire par un
Canal artificiel au pied du Troue
ou Art de triomphe ,Superbepar la
Statuë
GALANT.
97
Statüe de LOUIS LE GRAND ,
auquelsujet j'ayfait ces diſtiques.
Quis fuper ? eſt Mavors magni
fub imagine Regis ,
Teſtatur Facies , magnaque
facta probant.
Legrand Dieu des Combats anime
ce grandRoy ,
Son grand airle fait voir , fes
grandsfait en fontfoy.
Puisqueje vous ay fait un petit
détaildu Canal de Languedoc , il
est bien iuste que je vous diſe icy
quelque chose de l'Aqueduc Royal
de la Riviere d'Eure à Versailies.
Il ne manquoit au plus beau lieu
du monde , c'est à dire à Versailles,
qu'uneprodigieuse quantité d'eau
pourfourniràla depenſe d'un mil
lion de Iets , de Fontaines & de
Avril 1688 . E
98 MERCURE
Cafcades . Monseigneur de Louvois,
vir fupra titulos , qui a une parfaite
connoissance de tout ce qui est
de grand dans les Sciences ayant
conſideré luy-meſme le cours de la
Riviere d'Eure qui entre dans la
Seine vers le Pont - de- l'Arche aprés
avoir roulé les eaux de ſes ſources
avec rapidité pendant 45. lieuës
conclud d'abord qu'on pouvoit prendre
fes eaux a quelques lieñes au
deſſus de Chartres , & les conduire
à Versailles . Ilordonna à Monfieur
de la Hire , de l' Academie Royale
des Sciences d'enfaire le nivellement.
Ce grand Philofophe - Mathematicien
fi connu dans l'Empire
des Lettres , reconnut que lateste du
Canal devoit eftre au Chateau de
Pongoin , qui est à sept lieues au
dessus de Chartres , & 22. lieues
de Versailles , & paffer par Maintrouva
par son nivelle-
IVON
GALANT.
LYD
17
ment que la Riviere d'Eurefe
à Pongoin estoit I110. piedsplus élevée
que le rez de chauffée de la
plus haute partie du Chasteau de
Versailles. Tout l'Empire Romain
depuis sa Fondation n'auroit encore
ozé entreprendre ce qu'on voit d'achevé
depuis quatre ans de cefurprenant
Aqueduc ; aussi est- ce un
échantillon des Merveilles de
LOUIS LE GRAND .
Monfieur Bernier pour blâmer la
grande exactitude avec laquelle on
-a nivelé depuis la Riviere d'Eure
jusqu'à Versailles , dit qu'il n'étoit
pas beſoin de ſe mettre ſi
fort en peine, comme on a fait;
puis qu'une fort mediocre
cheute d'eau dans un Canal
auroitfuffi . Il eſt vray que l'eau
ne coulera pas ſi viſte ; mais
faites le canal plus large à proportion
de la pente & de la vi100
MERCURE
ſteſſe que vous ſouhaiteriez ,
donnant ainſi plus de face à
l'eau , & vous aurez remedié
à l'Inconvenient ; du reſte , je
croirois bien qu'il faudroit enfin
dans une grande longueur
donner quelque choſe à la
ſphericité de la terre. Mais ſept
lieuës , mais trente ou quarante
lieuës qu'il y aura de la Riviere
d'Eure à Versailles , ou
de Liſi à Paris , qu'est - ce que
cela fur neuf à dix millequ'en
peut avoit le Globe de la terre?
Voicy , Monfieur, mes reflexions ,
article par article,fur les point de
la Letire de Monfieur Bernier, qui
obligeroit Quintilien de s'écrier ,
Fælices effent Artes , fi de illis
foli Artifices judicarent.
Premierement , il devoit expliquer
ce qu'ilentend par ces termes
GALANT. 101
de pur niveau dece Canalde cing
àfixlieuës fans aucune pente , car
une ligne purement à niveau est
un Arc d'un grand Cercle de la
Terre , & tous fes pointsfont par
confequent également distants du
centre des Graves. Ainsi dans un
Canal de pur niveau , l'eau auroit
tous les points deſaſuperficieSpheriphe
également distants du centre
de la terre ,& l'ean demeureroit
fans mouvement puis qu'il n'y
auroit pas plus de raison qu'elle
coulaſt d'un bout à l'autre.
Si lefond du Canal est un plan
droit, ou ce planfera tangent par
un bout,ou vers le milieu à un grand
Cercle delaterre . S'il est tangent
à un bout , l'autre bout fera plus
élevé, par conſequent l'eau coulerade
ce bout au plus bas , ou le
plan aurade la pente..
Si le point d'attouchement est
E3 3
102 MERCURE
4
au milieu du plan du Canal ,
Jes deux parties seront deux
tangentes , &le point d'attouchement
ou le milieu de la longueur
du Canalfera plus bas estant plus
près du centre de la terre , & par
confequent l'eau de chaque bout
du Canalcouleroit vers ce milieu ,
pour prendreſa ſphericité , qui est
le pur& veritable niveau . Tout ce
que deffus eft d'une verité Geometrique
, Ainfi il eſt du tout impoſſible
que l'eau dans un Canal coule par
un bout , si le plan du Canaln'està
ce bout plus bas que l'autre bout
que le Canal estant rempli,& l'eau
foutenue élevée à chaque bout , on
ouvre l'un des bouts , auquel cas
l'eau coulera par cette cuverture ,
par ce que l'eau qui est audeſſus de
l'ouverture , tombe en bas n'estant
plusfoutenue , & voila ce qui fera
couler l'eau du Canal ,jusqu'a tant
que ce qui restera d'eau dans le
,
016
GALANT . 103
Canal faſſeune superficie Spherique
estant à ces deux bouts égale
ment éloignée du centre de la terre,
Il est vray que pour avoir un plus
grand cours d'eau nous demandons
avec Vitruve dans fon huitiéme
Livre Chap.fept , une plus grande
pente , & comme j'ay dit en 2684.
dans mon Traité du Nivellement
inferédans le Mercure extraordinaire
tome 27. page 210. Il faut
toûjours quelque peu de pentes afin
que l'eau puiſſe couler, ce que Scammozzi
dans la premiere partie
d' Architecture Chap . 27. confirme
en ce termes , Nel condur , o
fopra , o ſotto terra , è biſogno
darle qualche poco di decaduta
, & Philanderde Chatillon fur-
Seine dansſes Annotationsfur Vi
truve disoit en 1940. que l'usage
moderne estoit qu'un pouce de pente
fuffit pour fix cent pieds , longe
E 4
104 MER CURE
aliter noſtre ztatis libellatores,
nam in ſexcentos peder, unum
tantum pollicem deprimunt ,
afin que l'eau puiſſe couler. Enfin
Petrus Cataneus dit , qu'ilsuffit de
donner quatre onces , c'est à dire
guatre pouces de pente fur mil-
Lepas. Ainsi ilfaut deneceſſité que
Leplan d'un Canalait quelque penze
du coſtéque l'eau coule ,& cela
principalement lors que l'eau n'a
Pasun long cours , ce que Scammoz-
Li entend par ces mots , ħabbiamo
offervato i fiumi de Poleſſini ,
che vannocon mezzo piede de
caduta maſſime ſi hanno ſeguitodi
aqua .
L'erreur de Mr Bernier vient
d'avoir prispour le pur &veritable
niveau , qui est un Arc d'un
grand cercle de la Terre , le niveau
apparent du Canal , qui eft
un plan touchant au grand cercle
de la terre ,&par confequent l'ex
GALANT.
1051
tremitédu Canalde fept lieuës de
longueur cflant du point de Partage
plus éloigné de 39. toises 4. pouces..
& huitlignes du centre de la terre,
que l'autre bout , l'eau y defcend
mesme avec rapidité à cause de la
gradepente du Canal & de la fuite
de l'eau; auſſi voit- on que le cours
des Rivieres est plus rapide amefure
de leur pente & de la crue
des eaux.
Quand mesme par impossible
l'eau couleroit d'un bout à l'autre
d'un Canal de pur niveau & Sans
aucune pente, on n'auroit , n'endéplaiſe
à Mr Bernier , fçeu trop
prendredeſoin & tropsemettre en
peine de niveler depuis la Riviere
d'Eurejusqu'à Versailles ,pour ſcavoirlequel
des deux lieux est le plus
élevé..
Puis mesme qu'il s'agiſſoit du
Service du Roy, & que dans lave
S
106 MERCVRE
Sainte Ecriture Ieremie chapitre 4.
verſet 10. prononce , Maledictus,
qui facit opus Domini negligenter
, il falloit sçavoirsi Pongoin
& Versailles estoient de pur
niveau , c'est à dire , autant éloignez'un
que l'autre du centre de
laterre ; auquel casficequeMon
fiear Bernier debite estoit verita...
ble , que l'eau dans un Canal de
fix à sept lieuës de pur niveau ,...
coulefans aucune pente d'un bout à
l'autre , l'eau de Versailles auroit
pu s'écoulerdans la Riviered'Eure,
aussi-toft que l'eau de la Riviere
d'Eure venir dans le Reservoir de
Versailles ; de plus , il falloit toû
jours reconnoiſtre le niveau de ces:
deuxlieux carfi Versailles s'estoit
trouvé plus haut quela Riviere
d'Eure , l'eau n'yseroit jamais mon
tée. Ainsi tres - neceffairement ,
quay qu'en dife MonfieurBernier
F
GALAN T.
107
il estoit beſoin de se mettre enpeine
comme on a fait , pour faire venir
la Riviere d'Eure à Versailles , afin
de ne hazarder pas la dépense de
pluſieurs millions, Partantles Arts
feront heureux , comme dit Quintilien
, lors qu'il n'y aura que les
Maistres qui s'enmélent.
L'expedient que donne Monsieur
Bernier , pour avoir avec peu de
penteune grande quantité d'eau,
est d'une rave imaginative. Fai
tes , dit- il , le Canal plus large,
donnantplus de face à l'eau à
proportion de la pente & de
la viteſſe que vous ſouhaite
riez. Ainsiàfon sentiment , pour..
avoir la mesme quantité d'eau que
fourniroit un Canalde quatre pieds
de large &de quatre pieds dehauteur,
qui font seize pieds de face?
d'eau dans fa fection , il faud
droit fairele Canal de Seize
E6
108 MERCVRE
pieds de large & un pied de hauteur;
mais la quantioé d'eau qui
coulera , fera beancoup moindrepar
le manque de hauteur ,& de plus
dans la longueurde quarante lieuës
qu'ildit estrela Riviere d'Eure à..
Versailles, le terrain échauffépar le
Soleil d'Esté ,& la partie qu'il en
feroit évaporer dans la faiſon où
l'on auroit plus beſoin d'eau à Ver...
Jailles,en diminueroït la plus gran.
de partie , outre que la dépensede
lalargeurde l'Aqueduc feroit quatre
foisplus grande.Voila quelfruit
on tireroit , pour remedier à l'in
convenient d'unepentesuffisante.
Donc nonobstant le dire de Mon
fieur Bernier, il fera à perpetui
sé d'une verité notoire , & purement
Geometrique, qu'il est absolu
ment neceffaire , que pour faire
couler l'eau du bout d'un Canal
àl'autre sily ait de la pente&
GALANT. 109
1
que leniveau apparent, qui est une
lignedroite tangente augrand cercle
de la terre , ait du hauffement
par deſſus leveritable niveau , qui
estun arcdumefme cercle , qui est
lepur&naturelniveau. En voicy
des exemples.
Lalongueur duniveau apparent
estant de 87. toiſes , deux pouces
neufligues,son hauſſement par def--
fus le veritable niveau fera d'une
ligne..
A
Eſtantde 301. toiſes deux pieds
neufpouces & une ligne ,son hauf
Sementſeraunpouce..
Eſtant de 1044. toiſes un pieds
khuit pouces & demy son hauſſement :
Seraunpied.
Eſtant de 2567.toiſes g. pieds
9 pouces &5.lignes ,son hauffementfera
d'une toife..
N'eſtant que d'une lieuële
HO MERCURE
hauffementferade 4. pieds9. pouces
&4. lignes.
Eſtant de trois lieves fon hauffementfera
7. toifes un pied & 7 .
lignes.
Eſtant de cinq lieües ,fon haus-
Sement ferade 19. toiſes cingpieds.
Sept pouces .
Eſtant de ſept lieues ,fon hauf-
Semensfera de 39. toiſes 4. pouses
huit lignes.
Eſtant de dix lieües,fon bauf-
Sementfera de 79. toiſes 4. pieds
4. pouces& 2. lignes .
Eſtant de 20. licines ,font hauf
fementfera de 3.18 . toises 5.pieds
4. pouces &une ligne.
Enfin , la longueur du niveau
apparent estant de40. lieuës , fors
bauſſementferade 1275. toises 2.
pieds 3. pouces & deux lignes .
Tout ce que deſſus eftant d'une
muerite geometrique , je ne vois pas
GALANT.
"
comment Monsieur Bernier a osé
dire , que dans un Canalde pur niveau
de fept licües de longueur ,
L'eau coule d'un bout à l'autreſans
aucune pente , puis quefi ce Canal
eſtoit d'un veritable niveau , l'eau
y demeureroit immobile. Il reste
donc que ſon pur niveau dont parle
Monsieur Bernier , foit un niveau
apparent , dont le hauffement par
deffus le pur & veritable niveau
eft de 39. toises 4. pouces & 8. lignes
, & par consequent un bout de
ce Canal de 7. lieñes a plus de hau
teur pardeffus l'autre , que n'en ont
LesTours de Nostre - Dame , qui
n'ont que 34. toiſes de hauteur de
puis lepavéde l'Eglife iusqu'au pa
raper. Il est comme impossible de
deviner ce qu'il veut dire par ces
zermes ſurvans. Il fautdans une
grande longueur donner quelque
choſe à la ſphericité de la
terre
3122 MERCURE
Il est encore impoſſible depene
trer ce qui l'a obloged'ajoûter ,que
ſept, trente ou quarante lieuës
ne font rien fur neuf ou dixt
millelieuës que peut avoir le
Globe de la terre ; car puis qu'il
s'agit d'une ligne qui mefure la longueur
d'un Canal , on ne la peut
comparer àlafuperficie du Globe de
laterre , mais bien à la circonferen
ce d'un grand cercle. Deplus.Monfieur
Bernier n'a pasfait reflexion
que le rapport on raison de 40....
lieuës à neuf mille , qui est le ve
ritable circuit de la terre , est la
mesme raison qu'entre un & 225.
puis que 40. fois 225. lieuës font:
Its neufmille du circuitde la terre..
Orla 225. partie du grand tour de
laterre , est tres- confiderable. Exa..
minons maintenant tous les differens
fens& applications qu'on peut don
mer an termes de Monsieur Ber
GALANT.
113
!
nier , qu'est ce que quarante lieuës.
en comparaison de neuf mille du
Globe de la Terre ? Suppofons donc
qu'ilfut vray que la distance depuis
la teſte du Canal de la Riviere
d'ourgue, priſeà Lizijusqu'au pied
du Trône , ou Arc de triomphe , au
haut du Fauxbourg S. Antoine ,
fuft de quarante lieuës , comme le
debite M. Bernier.
1.Si ces quarante lievës font me-
Surées sur la circonference d'un
grand cercle dei terre ,cirsen
comprendront la 225. partie , c'est
àdire un arc d'un degré& trentefixminutes
; &fi le Canald'Ourgue
au Trône estoitfaitsuivant cetarc,
l'eau y demeureroit fans mouve
ment , ayant fon pur , parfait &
naturel niveau.
2. Si le Canal estoit fait suivant
la corde de cet arc , l'eau couleroit
de chaque bout au milieu defalon
114
MERCURE
gueur , & fi les bords du Canal y
estoient suffisamment hauts pour
Soûtenir l'eau , afin qu'elle pust
prendrefa Sphericité , elle s'y éléveroit
& accumuleroit jusqu'à la
hauteur perpendiculaire de 318 .
toiſes , 5. pieds 10. pouces 7.lignes.
Si ces 40. lieuës font en ligne
droite , en forte que le point dumi-
Lieu de fa longueur touche un grand
cercle de la terre , il y aura deux
niveaux apparents ou tangentes
d'egale longueur , & l'eau couleroit
de chaque bout de ce Canalvers le
milicu de sa longueur , ou fi les
bords estoient fuffisamment hauts ,
elle s'éleveroit jusqu'à la hauteur
perpendiculaire de 318. toiſes , J.
pieds , 4. pouces & une ligne.
Que si ces 40. lienës font mefurées
sur le niveau apparent on
ligne droite tangente , un Canal
GALANT .
115
faitsuivant cette ligne droite aura
un bout plus élevé que l'autre de la
hauteur de 1275. toiſes , 2. pieds
3. pouces & 2. lignes , & l'eau couk -
Lera avec tres-grande rapidité par
une fi grande pente.
Par ces calculsMonfieur Bernier
verra combien grande est la difference
du niveau apparent , aupur ,
veritable & naturel nivellement .
La verification de tout ce que
deſſus eft facile sur les principes
que j'ay établis dans mon Traité du
Nivellement ( inferé dans le 27 .
Tome du Mercure extraordinaire
quartier de fuillet 1684. ) qu'un
degré d'un grand cercle de la Terre
contient 57100. toiſes ou 25.lieuës
de 2284. toises chacune.
Vorcytrois Problemes importans.
I. Lehauffement de la tangente
estant donné , trouver la longueur
ou distance en ligne droitedu point
116 MERCVRE
de la Station au point miré.MultiplieZ5653305328
. Diametre de
la terre en lignes , par le nombre des
lignes du hauſſement. Auproduit ajoutez
le quarré du mesme bauffement.
Tirez la racine quarrée
detoute laſomme , vous aurez la
Longueur requise du nivean apparent.
I I. Trouver par quelle ligne reguliere
ayant fucceſſivement àchaque
point Mathematiqueune pente
infenfible, on potrroit par la voye
la plus courte , & dans un mesme
plan vertical ,faire couler la Riviere
d'Eure dans le Rerſervoir de
Versailles. Ie dis que c'est par un
Arcd'un cerele dont lefemidiametreferoitplus
grand que celuy du
grand cercle de la Terre, qui abou.
tiroit au Reservoir de Versailles .
Vous trouverezle centre de cet Arc,
Sidu milieu de la ligne droite duPonGALANT.
117
goin au Reservoir de Versailles ,
vous élevez une perpendiculaire
iuſqu'à la rencontre du Diametre
de la Terre , qui aboutiroit au Rea
Servoir.
III. Determiner si l'eau peut
coulerpar un Canal fait en ligne
droite d'un bout plus élevé au plus
bas. Ie dis 1. quefi lehauſſement est
ègalou plus grand que le hauffement
de la tangente du mesme arc ,
l'eau coulera avec rapidité.2. Que
ſi le hauſſement est moindre que ce
luy de la tangente , l'eau ne coulera
pas du plus haut au plus
bas de ce Canal fait en droite
ligne. Ainfifuppofant avec Monfieur
Bernier que de la Riviere
d'Ourgue priſe à Lisiily eust quavante
licuësiusqu'au pied du Trône,
& que la Riviere priſeà Lisi eust
go pieds de hauteur par deſſus le
pied du Trône , l'eau n'y pourroit
118 MERCVRE
arriver par un Canal fait en ligne
droite , que juſques à 5822. toiſes
5. pieds & 4. lignes , àcompter du
pied du Trône , parce que là le fond
de ce Canalseroit s.toiſes , unpied
un pouce & deux lignes plus bas que
le boutdu Canal au pied du Trône.
Le calculse trouve par la penultiéme
propofitiodu troiſiéme Livre des
Elemens d'Euclides . Enfin pourfinir
j'employe la Deviſe de Societé Royaled'
Angleterre,qui apour corps une
table blanche d'attente & pour
ame ces trois mots , Nullius in
verba ; qu'il nefaut croire legerement
aux Philofophes Geometres
fur leur parole , puis qu'ils ne peuvent
demeurer d'accord entr'eux ,
quoy qu'après tant de fiecles ils
ayentfaitfi grand bruit dans l'Ecole
,que les Paſſans croyoient que ,
Omnia , mors , miles , fanguis&
ignis erat .
GALANT.
119
C'est une guerreſans pareille ,
Les Armesfontde grands Ergos ,
Qui frappant l'air & les Echos
Bleffent le poumon & l'oreille.
l'ay finy avec M. Bernier , au
fuiet defon prétendu Canal de pur
- niveau fans pente , je vous parle
maintenant de la facile lonction
des deux Mers , en passant par la
Bourgogne, par le moyen des ſources
& Rivieres de Poulli en Auxois ,
par lafacile jonction de la Riviere
d' Armanfon à la Riviere d'Ouſche.
Cedeſſein avoit esté mis autrefois
Sur le tapis , & on l'avoit trouvé
fort faisable. Il faudroit couper
depuis la ſource d'Armanson iss
quedans le ruiſſeau d'Andeneſſe ,
ou bien dans la Riviere de Crugez,
qui tombe dans l'Ousche ; il n'ya
120 MERCURE
que demy lieue de terre à couper,
toutesterres labourables , & aisées
aremuer. Dans le plus haut entre
les deux Rivieres , le terraineſt de
niveau de cinqcens toiſes de longueur
; mais ily adela pente plus
avant du coſté d'Occident , aussibien
que du coſté d'Orient, nean
moinson peut trouver des moyens
pour cela , car en creuſant laprofondeur
d'environ dix toiſes,on pourra
faire un Canaldormant depuis la
Source de la Riviere d'Armanſon à
La Riviere de Crugez ; & pour
mille écus on fera la dépense neceffaire
poury amener la Fontaine de
Baume , laquelle en toutefaiſon
fait tourner trois moulins , & on
peutfaire un Baffin beaucoup plus
grand que le Baffin de Naurouffe
du Canalde Languedoc. Ie vous
envoye laplanche du projet de cette
communication des Mers par la
BourGALANT.
121
Bourgogne le l'avoisfaite pour l'eme
ployer dans mon histoire general
de la communication des Eaux,tant
parles Canaux naturels &fouterrains,
que par les Canaux artificiels
Sur lafurfacedelaterre. Ie m'aperçois
que ma Lettre commenceà
estre trop longue. Vousen aurez les
autres parties dans une autre occafion,
le ſuis, Monsieur, tout àvous
: L'Aveugle Comiers
d'Ambrun, P.D.T.
Quand je vous appris la
mort de Monfieur le Marquis
delCarpio, Viceroy de Naples,
je croy vous avoir marqué
qu'il ne laiſſoit qu'une Fille ,
unique heritiere de tous fes
biens. Cette Fille , appellée
Dona Catalina de Haro , &
Gufman , ayant eſté conduite
Avril 1688 . F
1
1
1
1
1
C12 MERCVRE
n Eſpagne , ne manqua pas
d'eſtre recherchée par les plus
riches Partis. Elle a preferé
Dom Francifco de Tolede , fecond
Fils du Duc d'Albe , &
ce mariage s'eſt fait à Madrid
le 28. de Février dernier .
Vous ſçavez qu'aprés la
mort da Viceroy de Naples fon
Pere , Monfieur le Conneſtable
Colonne a exercé cette
Viceroyauté par interim en
attendant l'arrivée de Monſieur
le Comte de S. Iſtevan ,
auparavant Viceroy de Sicile .
Pendant le ſejour que ce Conneſtable
a fait à Naples , il ya
conclu le mariage de Dom
Giuliano Colonne ſon Neveu ,
Fils du feu Prince de Sonnino
fon Frere , avec la Fille d'un
riche Negociant Hollandois ,
établyen cette Ville-là.Elleluy
1
GALAN T.
123
apporte trois cens mille écus
de dot , &Monfieur le Conneſtable
Colonne donne à fon
Neveu deux Terres dans la
Calabre , qu'il eſpere faire
ériger en Principauté par le
Roy d'Eſpagne . Vous voyez ,
Madame , que le grand bien
tientlieu de naiſſance . Ona
peine à approuver qu'un homfort
riche & de qualité épouſe
une Demoiselle qui n'a aucun
avantage du coſté de la fortune
,& fur tout on luy fait un
crime qu'on ne peut luy pardonner
lors qu'il épouſe une
Fille qui n'a ny bien ny naiffance
, ſeulement un veritable
merire qu'on ne veut compter
à rien. Au contraire on ne
manque point de luy applaudir
comme ayant fait une bont
affaire , quoy que l'allianc
F 2
224
MERCURE
ſoit fort inégale , lors qu'en
épouſant une Roturiere, il a
trouvé moyen d'ajouter des
biens immenfes à ceux qu'il a
déjatres - abondamment.On ne
s'informe ny de l'humeur de
l'Epouſe , ny des qualitez qui
peuvent faire excufer fon peu
de naiſſance . Qu'elle n'ait ny
jeuneſſe ny beauté , il ſuffit
qu'elle foit riche pour meriter
d'eſtre preferée à la perſonne
la plus accomplie , qui n'aura
pour dor que de l'eſprit , de la
qualité & de la vertu . Grande
marque de l'aveuglement naturel
des hommes, qui ne peuvent
voir en quoy conſiſte le
veritable bonheur !
Vous connoiſtrez par le ſujet
Cont traittent les Versque je
envoye ſous le titre Ous
Efſſay de Pastorale , qu'il y a
GALANT.
225
déja du temps qu'ils ont eſté
faits. Vous ne laiſſerez pourtant
pas de les lire comme
nouveaux & ils le font en
effet puis qu'ils n'ont point
encore eſté veus .
F3
226 MERCVRE
ふわふわれれれれれ
ESSAY
DE PASTORALE ,
Pour un Concert à Madame
la Dauphine.
La Scene est dans les Campagnes de
Versailles.
L'HIMEN ET L'AMOUR .
L'AMOUR .
C'ESTicy des Bergers le commun
rendez - vous ,
Icy chaque troupeau s'aſſemble.
L'Himen .
Ce lieu dans le deſſein de nous unir
ensemble,
Me paroift fait pour nous.
GALANT.
117
L'Amour.
CeHerosſi connu qui sçait regner
L
&plaire ,
Aime& protege ceſejour ;
Jecroisque l'Himen & l'Amour
Pourront s'ysatisfaire.
L'Himen .
Celle dont les Dieux ont fait
choix,
Pour estre laſourcefeconde,
De tant de Heros de Roys ,
Qui porteront l'Empire des François
.
Iusqu'aux extremitezdu monde.
Se laiſſe admirer quelquefois
Dansces campagnes & ces bois.
L'Amour.
Iefçayqu'en ce Palais cetteEpouse
charmante ,
Defon aimable Epoux attend l'heureux
retour ;
Mais belas ! pendant cette attinte
F4
228 MERCURE
Que peuvent l'Himen & l'Amour?
L'Himen .
Le jeune demy - Dieu que le Ciela
fait naître, [paraître ,
Et l'agreable espoir de voir bien- toft
L' Auguste Frere qui lefuit ,
Font les plus doux momens du jour
&de la nuit ,
De cette admirable Princeſſe.
L'Amour.
Depeur que l'ennuy ne la preſſe
Aſſemblons les ris& les jeux.
Vniffons nos conquestes ,
Faiſonsnaitre des Festes ,
Ecoutons tous les voeux
DesBergers amoureux .
Vniſſons nos conquestes
Meflons nous avec eux..
Vniſſons nos conquestes
Preffons les instans
Quiles rendent contens.
Uniſſons nos conquestes ;
-
GALANT.
219
Faiſons naiire des Festes.
Tous Deux.
Bergers , honorez l'heureux jour
Qut 10int l'Himen avec l'Amour.
Celebrëz l'heurenfeiournée
Qui ioint l'Amour à l'Himenée;
Dansce doux & charmantfeiour
La paix entr'eux s'est terminée.
Un choeur de Bergers & de Ber- ,
geres repete .
Bergers , honoróns l'heureux jour ,
&c.
- Un Berger & deux Bergeres .
Le concert des Oiseaux ,
Des Zephirs & des eaux
Allume dans nos ames ,
Mille innocentesflâmes ..
DeuxBergers&deux Bergeress
• De nouvelles ardeurs
Ont embrazé nos coeurs 3
Allons fous ce feüillage fombr
Ionir du filence &de l'ombre...
ES
130
MERCURE
Deux Bergers .
Quand l'Himen& l'Amour ont re-
Solud'agir ,
On ne doit plus rougir
Des tendresSentimens que la nature
inspire ;
Tout ce qu'on voitsoupire.
Deux Bergeres .
Quelles émotions ,
Dans nos coeurs qui s'agitent
Partant d'illusions
Al'amournous incitent !
Quand l'Himen& l'Amour ont re
Solud'agir
On nedoit plus rougir ,&c.
DeuxBergers.
Quand l'Himen & l'Amour ,&c.
Peut-on refister aux amours
Quand l'Himen vient à leur
Secours.
* Deux Bergeres repetent..
Quand l'Himen ,& c.
GALANT.
131
Deux Bergers & deux Bergeres
Peut on refifter & c .
Le Choeur reprend.
Peut-on refifter , &c .
L'Himen & l'Amour.
Deces beaux Pâturages ,
Fortunez habitans ,
De mille foins reconnoiſſans
Goûtez les tendres témoignages.
Deux Bergers & deux Bergeres
Dieux , comment pourrons - nous
Vous rendre les honneurs qui font
dignes de vous ?
Le Choeur repete ..
Dieux comment , &c.
L'Amour & l'Himen ..
L'Himen
aifement se contente,
L'Amour
Il ne demande que vos voeux ;
Il veut toûjours vous rendre
beureux
EG
132 MERCURE
Pourvû que le coeury conſente.
Le Choear repete .
SL'Himen
aiſementse contente , &c .
L'Amour
Que dans tous les lieux d'a.
l'entour , :
Retentiffent les noms & d'Himen
& d'Amour.
Les Bergers & Bergeres .
Que dans tous les lieux......
Le Choeur reprend .
Que dans tous les lieux......
L'Himen.
Quefur ce climat l'abondance
Puiſſe à jamais verserfa plus riche
influance.
L'Amour.
Que toujours de nouveaux
plaifirs,
Previennent iusqu'à vos defirs
L'Himen & l'Amour.
GALANT.
133
Ne vous étonnez pasfi d'un destin
fidoux ,
LesplusfameuxHameaux vont devenir
ialonx :
Vn iour les Divinitez mesmes
Quitteront lefeiour des Cieux
Et leurs grandeurs suprémes ,
Pour venir avec vous habiter en ces
lieux.
Deux Bergers & deux Bergeres
O plaisirs ! ô douceurs extrémes!
Que dans tous les lieux d'al'entour
,
T
Retentiffent les noms & d'Himen&
d'Amour.
Choeur.
Que dans tous lieux , &c..
VnBerger& tune Bergere.
Mais quel trouble s'excite
Tout s'émeut , tous s'agite.
Quels soudains mouvemens
Redoublent nos contentemens
...VneBergere..
34
MERCVRE
Mille naiſſantesfleurs embelliſſant
la Terre,
Des lieux les plus deferts font un
riche parterre.
Vn Berger.
D'un murmure agreable & nouveau
Pentens couler ce doux ruis-
Seau.
VneBergere.
D'un feuillage plus vert tous les
arbres fe parent.
Tous enſemble ..
A l'abord du plus grand des
Dieux ,
Tant de nouveautez fe préparent
,
Ou Loüis de retour arrive dans ces
lieux. :
QuelquesDivinitez puiſſantes
Forment enſa faveur ces beautez
étonnantes.
Le Coeur repete..
GALANT .
35
A l'abord du plus grand , &c ..
Bergers & Bergeres.
Ah , réioüiffons- nous ,
N'ayons plus de triſteſſe..
Noftre grande Princeſſe
Va recevoir ſon Epoux .
N'enſoyons plus en peine ,
Le Vainqueurle ramene.
Le Choeur.
Qu'on n'entende par tout que
chants melodieux ,
Devoix &d'instrumens que lesairs
retentiffent ,
Que les jeux & les ris , que les
amours s'uniſſent ,
Que nos concerts s'élevent infqu'aux
Cieux.
Bergers..
Avant la fin du iour
Nousverronsde ces lieux leMaistre
de retour.
Choeur..
Qu'on n'entende , &c..
136
MERCURE
Ie vous avois bien dit Madame
, que le Teſtament de
Mademoiselle de Guiſe me
donneroit lieu de faire un fecond
Article , pour vous inſtruire
de la maniere dont cette
Princeſſe a diſpoſe de ſes
Biens . Ce Teftament , qui eſt
du 6. Février 1686. avoit eſté
precedé d'une donation entre
vifs , faire le premier jour de
*ce mefme mois , en faveur de
Meffire Charles de Stainvil-
Ie , Comte de Couvonge. Vous
fçavez ſans doute que les donations
entre vifs
qu'on ſe reſerve juſques à la
mort la jouiſſance des biens
que l'on donne , different des
Testamens , en ce que pour
rendre ces fortes de donations
valables , il eſt neceſſaire que
celuy à qui on donne , accepquoy
GALANT. 137
te& faffe inſinuer la donation
dans les quatre mois, aprés
leſquels celuy ou celle qui a
donné n'eſt plus en pouvoir
de la revoquer. Il n'en eſt pas
de la meſme forte à l'egard
des Testamens. Le Teſtateur
demeure maiſtre de ſon bien
juſques à la mort , & peut en
tout temps revoquerce qu'ila
fait. Par la donation entre vifs
dont j'ay commencé à vous
parler, Mademoiselle de Guiſe
donne à Monsieur leComte de
Couvonge, dans toutes les formes
que peut demander une
donation de cette nature , le
Duché de Guiſe , la Principauté
de Joinville , les Baronnies
d'Eſclaron , d'Ancerville
& de Roches , les Terres de
Marchais & de Lieſſe, la Terre
&Baronnie de Montreſor , le
138 MERCVRE
2
Comté d'Aux , & l'Hoſtel de
Guife ; plus cent fix mille livres
de rente à elle deuës par
leRoy pour partie de l'échange
des Principautez de Chateau
Renard & de Linchamp ,
trois mille fix cens livres de
rente à elle aufſſi deuës fur
l'Hoſtel de Ville de Paris, avec
Ics appartenances , circonftances
, dependances & annexes
de toutes ces Principautez
Duché , Baronnies , Hoſtel de
Guife ,& Terre , leurs Bois &
Foreſts droits refcindats & refcifoirs
, ſe reſervans la iouif
fance de tous cesbiens jufques
au jour de fa mor,s mais feulementà
titre d'ufufruit & de
precaire , à la charge qu'aprés
le déceds de cette Princeſſe ,
les revenus des Terres , & fes
arrerages des rantes dontil eſt
GALANT. 139
parlé , enſemble les revenus
&arrerages de ſes autres biens
& rentes , mefme de ceux dont
elle aura diſpoſé par Teſtament
, ſans avoir expreſſement
ordonné que les Legataires en
joüiront du jour de ſa mort,
feront employez de la maniere
qui fuit : c'eſt à ſçavoir , que
Monfieur le Comte de Couvonge
, Donataire , retiendra
fur les revenus de chaqueannée
juſqu'à ce que les diſpofitions
que fera enfuite Mademoiſelle
de Guiſe , le privent
dela jouiſſance des biens donnez
, la ſomme de trois mille
livres pour ſa perſonne , & celles
qui feront neceſſaires pour
faire faire le recouvrement de
ces revenus & arrerages , pour
l'entretien de l'Hoſtel deGuife
, & des bâtimens & ufſines
des Terres , & pour ſoûtenir
140
MER CURE
les droits de ces mêmes Terres
& biens donnez ; &
"que tout ce qu'il aura receu
de ces revenus & arrerages au
delà de ces ſommes , fera par
luy employé au payement de
tous les droits qu'il faudra
paver à cauſe de cette dona-
<tion aux Seigneurs , ou autres ;
à l'acquittement annuel des
Fiels , Aumônes ,Fondations &
charges réelles des Terres ; au
- payement des gages des Officiers
de ces mêmes Terres ;
à celuy des arrerages des
Doüaires de Madame la Du-
: cheſſe de Guiſe , & de Madame
de Joyenſe au payement des
Penſions viageres dont elle
voudra gratifier quelques perſonnes
par fon Testament , par
lequel elle ſe reſerved'en afſfurer
juſqu'à quinze millelivres
de rente,& enfin au payement
GALAN Τ . 141
د
des intereſts & arrerages courans
des dettes par elle contractées
,qui feront encoredeus
le jour de fa mort ; voulant de
plus que ce qui ſe trouvera de
reſte des revenus & arrerages
des biens par elle donnez , à la
fin de chaque année , conjointement
avec ceux de ſes autres
biens & rentes foient
employez au payement des
dettes à une fois payer , qui
feront exigibles en ce tempslà
, & dont l'origine ſera ante.
rieure au jour de la donation ;
au payement des legs qu'elle
aura faits à ſes Officiers & Do...
meſtiques juſqu'à la ſommede
deux cens mille livres , à l'amortiffement
des forts principaux
des rentes par elle deuës;
au payement des Fondations
executées juſqu'à la concur
142
MERCURE
rence de ces ſommes, tant des
revenus des biens donnez ,que
de ceux qui ſe trouveront appartenir
à cette Princeſſe le
jour de ſa mort , Monfieur le
Comte de Couvonge Donataire
, joüira entierement des
fruits & revenus des biens qui
luy ſont donnez , dont Mademoiſelle
de Guiſe luy tranfporte
en outre tous droits de
proprieté , fonds , tres fonds ,
noms , raiſons & actions , ſaiſines
& poſſeſſions , declarant
que dans la reſerve qu'elle a
faite des revenus , pour eftre
employez en la maniere qu'il
a eſté dit , ſon intention n'a
point eſté de comprendre l'Hoſtel
de Guiſe , dont le Donataire
aura la pleine joüiſſance
du jour du decés de cette Princeffe.
Il eſt porté ſur la fin de
GALANT.
143
د
cette Donation, que Monfieur
le Comte de Couvonge l'accepte,
& qu'ilen remercieMademoifelle
de Guiſe , promettant
de l'executer de point en
point aux conditions qui y
ſont marquées , à la charge que
fes biens
autres que ceux
qu'elle a bien voulu luy donner
, n'y feront point affectez .
Le meſme jour 1. Février
1686. aprés que cette Donation
eut efté reconnuë pardevant
Notaires , Mademoiſelle
deGuife & Monfieur le Comte
de Couvonge , paſſerent un
Acte particulier , par lequel ils
demeurerent d'accord qu'elle
avoiteſté faite aux conditions
qui ſuivent. Cet acte porte ,
que cette Princeſſe ayant fait
reflexion que les Terres dont
je vousay déja parlé font for144
MERCURE
ties des Ducs de Lorraine ,
qu'elles ont eſté poſſedées par
leurs Defcendans , & ont toujours
eſté le partage des Chefs
de la Maiſon de Lorraine en
France , & croyant qu'il eſt de
la juſtice & de la gloire de cette
illustre Maiſon , de faire que
celuy qui les poſſedera apres
elle , ſoit iſſu de Monfieur le
Prince Charles de Lorraine ,
elle fubſtituë le Duché de
Guiſe, laPrincipauté de Ioinville
, les Baronies d'Eſclaro ,
Dancerville & de Rouges , les
TerresdeMarchais & deLieſſe,
&l'Hostel de Guife, leurs appartenances
, & generalement
tout ce qui fait partie de ces
Terres & de cet Hoſtel; aux
Puiſnez mafles de ce meſme
Prince , & à leurs Deſcendans
mafles , pour commencer à en
joüir
GALANT.
145
joüir du jour que l'on aura fatisfait
aux payemens qu'elle a
declaré devoir eſtre faits du
revenude ces meſmes Terres ,
par la Donation faite à Monſieurle
Comte de Couvonge .
Voicy l'ordre qu'elle veut qui
ſoit gardé dans cette Subſtitution.
L'Aiſné des Puiſnez de
Monfieur le Prince Charles ,
qui ne fera point engagé dans
l'Egliſe , eſt le premier appellé
à la Subſtitution de ces Torres,
&de l'Hoſtel de Guiſe à la
charge qu'il prendrale nom de
Duc de Guiſe. La mort de ce
premier appellé eſtant arrivée,
ces meſmes biens appartiendront
à l'Aiſné de ſes Enfans
maſles , & aprés luy à l'Aiſné
qui naiſtra de cet Aifné , &
ainſi d'Aifné en Aiſne , &de
mafle en maſle , tant qu'ily en
Avril 1688 . G
146 MERCURE
1
T
aura de la defcente de celuy
qui aura eſté appelle le premier
à la Subſtitution ; & en
cas que l'Aifné des Puifnez de
Monfieur le Prince Charles lai
refuſaſt , ou mouruſt ſans En
fans maſles aprés l'avoir acceptée
, ces biens appartiendront
au meſme titre de Subſtitution
à celuy des Puiſnez de ce
meſme Prince , qui ſe trouvera
le plus proche de l'Aiſné de la
Maiſon de Lorraine , & quine
fera point engagé dans l'Egliſe
, à ſes Aiſnez de mafle en
mafle ; & au defaut d'Enfans
mafles , à l'Aifne des Freres!
de celuy qui aura poſſedé le
dernier les Terres ſubſtituées,
à la charge qu'ils porteront le
nomdeDuc de Guife. Si Monfieur
le Prince Charles de Lorraine
n'avoit qu'un Fils qui
T
GALANT 147
euſt des Enfans mafles , elle
appelle à la Subſtitution les
Puiſnez de ce Fils & leurs Def.
cendans , au meſme ordre que
je vous ay expliqué , en forte
que ce ſoit un Defcendant de
cePrince qui poffede tous ces.
biens , & qui foit en Francele
Chefde la Maiſon de Lorraine
, juſqu'à ce que celuy qui
qui ſera appellé pour remplir
cette Subſtitution aujour de fa
mort , ſoit en eftat de s'établir
en France , elle veut que les
revenus de tous les biens fubſtituez
aprés qu'on en aura
pris les ſommes neceffaites
pour en faire le recouvrement,
payer les gages des Officiers ,
les fiefs & aumônes , & les
charges réelles , entretenir
le Guife ,&& les bafti-
,
l'Hoſtelde
mens & ufines des Terres , &
G 2
148 MERCVRE
qu'il aura eſté payé à Monfieur
de Couvonge Donataire , la
fomme de trois mille livres de
Penfion viagere , foient cmployez
à acquerir des Terres
en France qui appartiendront
auPrince ſubſtitué , afin qu'il
foit plus en eftat de ſoûtenir
la gloire de la Maiſon de Lor
raine en France , à quoy Mademoiselle
de Guiſe joint en
faveur de celuy qui les poſſedera
en vertu de ſa Subſtitution
, les trois mille fix cens
liv. de rente qui luy ſont dûës
fur l'Hoſtel de Ville de Paris,
& foixante & fix mille livres
de rente , faiſant partie de cent
fix mille livres à elle deuës par
le Roy , & dont elle a fait
don à Monfieur de Couvonge ,
leſquelles rentes elle veut qui
ſoient ſubſtituées aux mêmes
1
i
5
GALANT. €149
conditionsdesTerres , &pour
les meſmes perſonnes. Quant
aux quarante mille livres de
rente faiſant le ſurplus des cent
fix mille , elle les ſubſtitue à
Monfieur le Prince de Commercy
, Fils aifné de Monfieur
le Prince de Liflebonne , &
aprés ſa mort à ſon Fils aifné;
&s'il n'avoitpoint d'Enfans , à
Paifné de ſes Freres entre les
Defcendans deſquels elle ſouhaite
que l'ordre d'aiſneſſe ſoit
gardé entre les maſles. Elle
ſubſtituë pareillement lesTersres
de montrefor & d'Aux au
Fils aifné de Monfieur d'Armagnac
, & à ſes Deſcendans
mafles , entre leſquels ont préferera
toujours l'aifné. Toutes
ces Subſtitutions font faites
à la charge que les Princes
ſubſtituez n'entreront en pof
G3
MERCURE
feffion des biens donnez chacunaleur
égard , que du jour
que Monfieur de Couvonge
Donataire auroit commencé
Là joüir entierement des reve
nus& arrerages de ces biens,
aux termes de la Donation à
Juy faite , s'il n'y avoit point
eu de Subſtitutions ; que le
Prince qui ſera appellé à celle
des Terres de Marchais & de
Lieffe , en laiffera la jouiffance
en ufufruit à Madame la
Ducheffe de Guiſe , pour en
-jouir durant la vie ſeulement,
& que tous ceux qui feront
Proprietaires des Terres ſubſtituées,
ne pourront deftituer
aucun des Officiers qu'ils trou-
- veront reveſtus des Charges
-de ces Terres , & qu'aprés leur
mort ils ne pourront vendre
-kes Charges,cette Princeffe
εθ
GALANT αγα
youlant qu'elles foient données
à l'avenir à ceux que les
Seigneurs ſubſtituez en trouveront
les plus dignes, gratuiment
, & fans finances . Monfieur
le Comte de Couvonge
approuve& accepte toutes ces
conditions , ſous lesquelles il
reconnoist que la Donation
luya eſté faite. Mademoiselle
de Guiſe la Iny confirma par
nouvel acte, le 8.Janvier 1688.
le tout reconnut par devant
Notaires, upon of
Le Teftament de cette Princeffe
eſt du 6. Février 1686.
T'en laiſſe les termes ordinai
res ,& paffe à l'eſſentiel . Elle
fouhaite que foncorps doit
inhumé aux , Capucines de
Paris,dans leur Sepulture ,
qu'il y ſoit porté fans nulle
pompe ,& fan coeur à Mont
G4
152 MERCURE
martre avec ceux de ſes proches',
défendant expreſſement
qu'on faffe aucune ceremonie
dans les Services qu'on celebrera
pour le repos de ſon ame .
Elie ordonne qu'il foit dit
le plus promptement qu'il ſe
pourra, dix mille Meſſes , dans
les lieux qui ſe trouveront
nommez par un memoire particulier
,& qu'on diftribue aux
Pauvres immediatement aprés
ſa mort,la ſomine de vingt mille
livres , ſelon qu'on le trouvera
écrit dans un autre Memoire
particulier d'Aumônes ;
que la ſomme de dix mille livres
foit miſe auſſi-toſt aprés fa
mort, entre les mains de M.I'A
bé de S. Mihel ,ou de celuy qui
ſera Prieurde la même Abaye ,
pour eſtre diſtribuée aux Pauvres
des Duchez de Bar & de
GALANT. 153
Lorraine ;qu'une pareille fomme
de dix milles livres foit
diſtribuée aux plus pauvres
dans toutes ſes Terres , & que
tous les Maiſtres & Maiſtreſſes
d'Ecoles , qui ſe trouverontpar
elle établis dans ces meſmes
Terres au jour de fa mort , ye
foient entretenus à perpetuité,
à raiſon de deux cens livres
pour chaque Maistre d'Ecole ,
&de cinquante eeu pour cha
que Maistreffe , & qu'il foit
faitunfond fur fesbiens, dont
lerevenu égale la dépenſe neceffaire
pour leur entretien.
Elledonne auſſi deux cens écus
de rente à la Maiſon établie à
Paris , àla charge de fournirles
Mantreſſes d'Ecoles dans tou
tes fesTerres où elle les aura
Ciabliestis ach solnedos
Elle donne à l'Abbaye de
154
MERCVRE
+
Montmartre cent cinquante
mille livres , pour eſtre em
ployées en fond de terre , dont
lenrevenu ferve à l'entretien,
de vingt jeunes Demoiselles,
des Duchez de Lorraine & de
Bar, & deſes Terres, tant qu'il
s'y en trouvera de bien appel
lées à eftre Religieuſes , aprést
que leur vocationLaura eſté
examinée par les trois Perfonnes
nommées pour l'execution
des leg's pieux qu'elle fait , sou
par ceux qu'ils auront ſubſti
tuez à leur place , & par l'Abbeſſe:
Sales Religianfest de
Montmartre quirecevrontcest
File's fansalicune dor , & lors
que le nombrene fera pas remply,
le forplus du revenu da
ce fond fera remployé à faico
apprendre des Métiers de
pauvres Filles desmelinesDus
chez & Torres..
GALANT 255
ト
Elle donne auſſi la fomme de
cent mille livres pour fonder
& baſtir un Seminaire ou feront
entretenus & inſtruios
douze jeunes Gentilshommes,
pauvres, qu'elle veut eſtre établis
dans un Monastere des
mefmes Duchez aufquels l'ob
ſervance fost fidellement,gar
dée. Ce Monastere doit eſtre
choiſy par les trois perſonnes.
nommées pour l'execution de
fes legs pieux , qui avec le
Prieur du Monastere , nomme
ront ces douze jeunes Gentils-l
hommes entre ceux qu'ils ju
geront les plus propres à fer
vir bien dans l'Estat Ecclefiae!
• frique.b olan bahsdam
Elle donne aux Capuciness
deux mille Ecus payables uner
feale fois.coach Loan
Aux Religieux de l'Abbayc
20
G6
156
MERCVRE
ب
1
de Saint Mihel mille livres de
rente annuelle & perpetuelle
pour l'entretien de deux Religieux
qui appliqueront toutes
leurs Meſſes pour le repos
de fon Ame & de celles de ſes
Predeceſſeurs dont plufieurs
font inhumez dans ce Monaſtere
, & de plus àla charge de
faire chanter une Meſſe haute
tous les Vendredis de l'année
pour honorer la Relique de la
vraye Croix qu'elle y a don.
née.Cette Meſſe s'appliquera à
l'intention de remercier Dieu
des Victoires qu'il a données
aux ArmesChreftiennes fous
la conduite de Monfieur le
Prince Charles dans la dernie
reGuerre contre les Tures, &c
pour obtenir pour tous les
Princes de la Maiſon de Lor
mine la perfeverance dans la
GALANT. 157
Religion Catholique , & la
gracedeleur augmenterle zele
de la maintenir.
Aux Religieufes deValdone
trois cens livres de rente annuelle
& perpetuelle , à la
charge de celebrertous les ans
un Service pour le repos de
fonAme.
Aux Religienfes de SaintUrbain
cent livres de rente , &
autant à ceux de Montierenderf,
aux mefmes conditions
d'un Service annuel, Jab
› A l'Abaye de Sainte Houel
le proche de Bar , cinquante
livrés de rente pour continuer
les Services dont la rente eft
perduerabund
Ala Parroiſſe de Joinvilley
trois eens livres de rente pour
celebrer quatre Services par
ann ,à la chargede donner for
ceue fomme vingt- cinq li-
1
MERCVRE
vres à chaque Service aux plus
Pauvres de la Paroiſſe...
Deux mille livres de rente
pour fonder dans Efclaron un
Hoſpital ou feront receu tous
les Pauvres du lieu , & de fes
autres Terres de Champagne ,
qui feront hors d'état de gagner
leur vie , excepté ceux de la
Ville deGinville qui ont un
Hoſpital caso mind
quatre
A l'Abaye de Montmartre ,
par deſſus la Mette fondée par
Madame ſa Mere , dont Mademoiſelle
de Guiſea acquité
la Fondation ,&c les deux au
wes qu'elle a fondées par un
Contrat particulier
cens livres de rente pour faire
dire uneMeſſe tous les jours
pour le reposde foni Ame ,ide
celledeMadame de Montmar
tre fa Soeur ,&de tous ſes Pre
deceffeurs au mo uos
GALANT 159
A la Paroiſſe de Saint Jean
en Greve , la ſomme de mille
livres , & aux Pauvres de la
mefine Paroiſſe celle de mille
écus pour leur eſtre diſtribuée
felon la plus grande neceſſité
incontinent apres ſon decés .
A l'Hospital General trois
mille livres , & autant à l'Hoſtel
- Dieu , le plus promptement
qu'il ſe pourra.
3
AMadame de Montmartre
mille livres de penſions viagere,
outre celle de mille livres
dont ellea paffé Contrat avec
La Communautéотнома
A tous les Domestiques so.
mille écus , & 15. mille livres
derente en penſions viageres ,
felon unEftat écrit de la main..
}
-Ensuite alle declare quelle
veut que les Meubles dantelle
n'aura pas diſpoſe ſoient vena
dus apli coſt, aprés la morti
160 MERCURE
1-
que fur le prix quien revien
dra , l'on prenne les Meſſes &
les Aumoſnesqu'ellea ordonné
eſtre faites promptement ; que
les arrerages courans des detres
conſtituées eſtant acquittez
, la fomme leguée à ſes
Domeſtiques foit payée fur le
plus clair revenu de ſes biens ,
&qu'aprés avoirfatisfait àtoutes
ees chofes tous les revenus
des biens en fonddont elle difpofe
par fon Testament , &
toutes les rentes des conftitutions
dont elle a auffi diſpoſe
parceTeſtament,ou par donation
entre vifs ; comme aufli
tous les revenus des Terres
ſpecifiées dans cette donarion
, foient earployez au payement
des intereſts ; & enfuire
des capitaux de toutes
fes dettes , leſquelles eftant
acquitées ,l'on accomplira les
GALANT. 161
1
legs pieux , Fondations &
donations faites entre vifs ,
par Teftament , ou par Codicille
. Lors qu'on aura fatisfait
àtoutes ces charges , les Donataires
entreront en jouiſſances
des biens donnez , fa vo
lonté eſtant qu'aucun n'y entre
avant ce temps-là , à l'exception
de celuy des Enfans
-deMonfieur le Prince Charles
de Lorraine qui portera le nom
de Guiſe , auquel elle donne
une penfion de douze mille
écus de rentepour ſon entretien,
juſqu'à ce qu'il entre en
poſſeſſion des biens qu'elle lay
a leguez par donation entre
wifs , fur leſquels cette pens
fion de douze mille écus ſera
priſe.
Defirant que tous les biens
dontelle a diſpoſé foient libres ,
1
162 MERCVRE
e
quand ſes Donnataires com
menceront à en joüir , elle veur
que les Executeurs de fonTef
tament continuent à recevoir
les revenus de tous ſes Biens ,
juſqu'à ce que toutes ſes dettes
folent acquitées , & qu'on ait
fatisfait à toutes les diſpoſitions
qui doivent eſtre payées par
aprivileges aprés quoy ils employeront
ces revenus à acheter
des fonds pour fubvenir
Atous les legs pieux,&les don.
neront enfuite àceux qui ſoront
obligezode fatisfaire aux
charges de ces meſmes legs ,
foit pour fondations , ou pour
autres choses; & à l'égard des
Penſionsviagerès , elles feront
acquitrées par celuy qui fera
Duc de Guiſe ,tant qu'elles
dureront , & éteintes à fon
profinasiollahermos
GALANT. 163
८
Elle veurque tous les Meu-
-ables d Hyver & d'Eſté, qui fervent
auxappartemens de l'Hoſtel
de Guiſe, y foient laffez ,
c'eſt à dire,les Meubles de Bois ,
Tapiflerie, lits & fieges ,& elle
les donne à celuy à qui elle a
donnéla Maiſon , avecles Portraits
originaux de tous les
Princes de la Maiſon de Lorraine
qui s'y trouveronto
Elle donne ſa Tapiſſerie des
Ages ,& fon Lit de broderie
de Perles, à Monfieur lePrince
Charles & fapetite maiſon de
olaVierge ,avec tout cequi eft
dedans, à la Reine Doüairiere
de Pologne , ſon Epoufe.
1
Au Filside Monfieurle Prin-
2 ceCharles, qui portera le nom
de Guiſe , trente - cinq mille
livresde rente, qu'elleaàpren-
C
dre fueles Gabelles de Languedoc.
1
164 MERCURE
!
A Monfieur d'Armagnac ,
Grand Ecuyer de France , les
Terres de Lambafq & Orgon ,
leurs appartenances & dependances.
A chacune de Meſdemoiselles
de Liflebonne , la ſomme
de cent mille livres en cas
qu'elles ne foientpas mariées ,
&non autrement , ce qui fera
acquitté comme unede ſes dettes
, aprés qu'on aura fatisfait
aux autres .
Elle veut que les trentecing
mille livres de rente for
les Gabelles de Languedoc , le
Duché de Joyeuse , & les
Terres de Lambeſq & Orgon ,
•foient ſubſtituées en la mefine
forme que les autres Terres
qu'elle a données entre vifs ,
aux mefmes Princes à qui elle
donne celles-cy par ſonTeſtament.
ooting
GALANT..
165
1
Monfieur de Roquette,Evêque
d' Autun, Dom Henry Henezon
, Abbé de S. Mihel , &
Monfieur Dubois , font nommez
pour avoir ſoin de toutes
les fondations , legs pieux ,
charitez & aumônes . Elle les
prie d'en ſubſtituer eux- mefmes
de leur vivant chacun un
qui leur fuccede aprés leur
decés , & ceux - cy de s'en ſubſtituer
d'autres , & ainſi à perpetuité
, les conjurant inſtamment
de faire fuivre toutes fes
intentions avec une entiere
exactitude.
Elle donne cinquante mille
livres , que ſes Executeurs
doivent employeren fond . Le
revenu en ſera diſtribué chaque
année à des Preſtres ſçavans
, & à de zelez Religieux ,
ou autres , pour faire des Mif
166 MERCVRE
TA
fions dans toutes les Terres ,
en forte qu'il y en ait tous les
trois ans dans chacune.
Elle nomme pour ſes Executeurs
Teftamentaires Monſieur
le Prince de Commercy ,
Monfieur le Comte de Couvonge
, & Monfieur Favieres ,
Avocat au Parlement, auſquels
elle donne conjointement ou
àceluy destrois qui ſera choiſi
par les deux autres , tout
pouvoir d'agir pour l'execution
de ſes volontez .
Elle donne à Monfieur de
Couvonge une Bague de mille
ecus & le prie de l'agréer
pour marque de ſon eſtime .
2311
AMonfieur Favieres deux
mille piſtoles, pour reconnoifſance
des ſoins qu'il donnera
à faire accomplir ce qui eſt
porté par fonTestament , vou-
1
GALANT.
167
lant que luy & ſes autres Executeurs,
folent indemnifez des
frais qu'ils feront obligez de
faire pour l'executer .
A Mademoiselle , dont elle
avoit l'honneur d'eſtre Tante,
tous ſes Criſtaux , Agates , &
Pierres fines , conſervées dans
deux armoires de fon Cabinet,
la fuppliant tres- humblement
de les agréer pour marque
de fon reſpect & de fon affection.
Elle ſupplie auffi Madame
de Guiſe d'agréer ſon Crucifix
d'or , où il y a deux Figures
d'or , de la Vierge & de S. lean
au pied.
CONSPOD 29141
91
Elledonne à Monfieur d'Armagnac
, Grand Ecuyer de
France, la Vierge ddeeRaphaël,
& ſa Samariaine de Monficur
V20
Mignard ,& en cas qu'elle ne
V
1
1
1667
I
5 MERCVRE
fions dans toutes les Terres ,
en forte qu'il y en ait tous les
trois ans dans chacune.
Elle nomme pour ſes Executeurs
Testamentaires Monſieur
le Prince de Commercy ,
Monfieur le Comte de Couvonge
,&Monfieur Favieres
Avocat au Parlement, auſquels
elle donne conjointement ou
à celuy destrois qui ſera choiſi
par les deux autres , tout
pouvoir d'agir pour l'execution
de ſes volontez .
Elle donne à Monfieur de
Couvonge une Bague de mille
ecus & le prie de l'agréer
pour marque de ſon eſtime .
2.
د
1
AMonfieur Favieres deux
mille piſtoles,pour reconnoifſance
des ſoins qu'il donnera
à faire accomplir ce qui eſt
porté par ſon Teftament , vou
GALANT.
169
lonne ce
lant que luy & fes autres Executeurs,
folent
indemnizas
frais qu'ils ferontagez ce
faire pour l'executer.
AMademci
avoitThonneer fere Tam
1.
gnieres,
as livres
Caroffes
luy faic
tous fes Crifax ,
eau &
Pierres fines ,
copierres, nors
niers
deux,armoires de Cal
vres de
la fuppliant tres
de les agréer pour on , fon
de fon reſpect & vres de
ction. lle écus
Elle fupplle
me
de Guife d'agréer de n, fon
fix d'or,
oulyade pen
d'or delaVierge
aupied.
Elle donne -
Agentde
sdepen
France, laVierge
niagnac , Grand Eccer se SA
ademoi
& fa
Samarizine de ivres de
Mignard, & en ca H
168
MER CURE
luy alt pas rendu les Tableaux
fur leſquels elle a fait écrire
qu'ils luy appartiennent , elle
veut qu'ils luy ſoient rendus
auſſitoſt aprés ſa mort.
En 1688. Mademoiselle de
Guiſe fit trois Codicilles .Parle
premier , qui eſt du 28. de Février
, elle veut que l'on employe
aux Prieres qu'elle a ordonnées
par ſon Teftament
juſqu'à la ſomme de vingt mille
livres.
Elledéclare qu'elle veut que
le legs qu'elle a fait par ce mefme
Testament à ſes Officiers
& Domeſtiques ; de quinze
mille livres de rente viagere ,
ſoit augmenté juſques àla ſomme
de vingt mille livres ,
& celle de cinquante mille
écus à une fois payer , juſques
à deux cens vingt mille li
vres,
GALANT. 169
vres : fur quoy elle donne ce
qui fuità chacun d'eux.
AMonfieur de Gaignieres,
ſon Ecuyer , douze cens livres
de penſion outre ſes Catoffes
&un attelage dont elle luy fait
don.
,
A Meſſieurs Millereau &
Lambert , ſes. Aumôniers
chacun cinq cens livres de
penfion.
A Monfieur Gourdon , fon
Secretaire , cinq cens livres de
penfion , & deux mille écus
une foispayer.
A Monfieur le Brun , fon
Treforier , mille livres de pen-
ว
AMonfieurBeſſei , Agent de
ſes affaires , mille livres depen.
fion , & deux mille écus . A
A Monfieur & à Mademoi-
- felle Péan , cinq censlivres de
Avril 1688.Ң
170 MERCURE
penfion ,&deux mille écus .
A Monfieur Preſidy , Chirurgien
quatre cens livres de
penfion.
AMonfieur Martine , Contrôleur
, cinq cens livres de
penſion ,& dix mille francs.
AMonfieur Bertrand , Argentier
, cinq cens livres de
penfion & huit mille franes .
Au Sieur Mercier , Tapifier
&Valet de chambre , fix mille
francs.
Au Sicur Jacob , Valet de
chambre,fix cens livres de pen
fion ,& deux mille écus.
Au Sicur Munier , Valet de
chambre , deux mille écus .
Au Sieur Martine , Valetde
chambre , quatre mille francs .
Au Sieur Eftienne , Valet de
chambre , trois mille livres .
AMademoiselle de la Bour
GALANT 171
diere , Fille d'honneurs , dou
ze mille livres .
A Mademoiselle de la Hu
miere ſa Soeur , huit milles livres
.
A Madame Madeleine', fa
premiere Femme de chambre
& à Mademoiselle Henriette ,
Femme de chambre, neuf cens
livres de penſion,& trois mille
livres à chacune.
A Mademoiselle le Riche ,
l'une de ſes Femmes , troiscens
livres de penſion , & quatre
mille francs. رد
A Mademoiselle Iſabelle ,
trois cens livres de penfion,&
cing mille francs .
A Meſdemoiselles Manon
& Brion , chacune cing mille
A Meſdemoiselles Grandmaiſon,
Tabou &Guyot, cha
H
172 MERCURE
cune quatre mille livres .
A la Dame Lambert , trois
cens livres de penſion .
A la Dame Gombault,douze
cens livres une fois payer.
A la Dame Benoiſe , huit
cens livres .
Au Sieur du Laurent , Chef
de cuisine , cinq mille livres.
-Au Sieur Beſnard , Officier
de cuiſine , trois mille livres .
Au Sieur le Jeune , deux
mille livres..
1
7
Au Sieur Labillarde , Chef
d'Office , cing mille livres .
AMonfieurDamades , douze
cens livres de penſion.ir
A Monfieur Morin, ſon Me
decin , deux mille livres de
penfion. 4
A Monfieur Dubois , pour
les bons & agreables ſervices
qu'il luya rendus depuis vingt-
:
GALANT. 173
deux ans , quatre mille livres
de penſion , & deux mille écus.
A Monfieur Favieres , fon
Avocat & Conſeil,trente mille
livres.
A Meſſieurs Louillier , Beaupuis
, Collin & Bauſan , Muficiens
, chacun mille écus .
A Meffieurs Carlier & Anroine
, Muficiens , chacun
deux mille livres .
A Monfieur Montailly auſſi
Muſicien , trois cens livres de
penfion.
Je paſſe pluſieurs autres
ſommes données à differens
Domeſtiques , qui toutes enſemble
reviennent à celle de
deux cens vingt mille livres,
ou environ , qu'elle veut eſtre
payées des premiers deniers
que toucheront ſes Executeurs
,& par privilege à toutes
H3
174 MERCURE
autres diſpoſitions,& notament
fur le prix des meubles qu'elle
entend eſtre vendus ſans exception
,dérogeantàcet égard
à l'article de ſon Testament,
par lequel elle en auroit défendu
la vente , à la referve de la
Tapifſferie des Ages , & du Lit
de broderie avec des Perles
qu'elle ne veut point qui ſoient
yendus , ordonnant que les
legs qu'elle en a faits par fon
Teftament , foient executez ,
& que les penſions viageres
ayent cours du jour de ſa mort,
& qu'on les paye par demyannée
.
Elle declare que ſa volonté
eft, que tous ſes Domeſtiques
qui ont des logemens dans fon
Hoſtel , les confervent leur vie
durant.
Elle donne & legue mille
GALANT. 175
livres de penfion viagere à
Monfieurdela Chaiſe , qu'elle
veutjeſtre payée comme les
précedentes, ſans qu'ellespuifſe
eſtre ſaiſie par les Creanciers
qu'il peut avoir.
A Madame du Breüil , Religieuſe
à Reims , trois cens
livres de penfion .
Au Fils de Madame de Proi
fi , trois cens livres de penfion
tant qu'il étudiera.
Elle déclare qu'au cas quelle
n'euſt pas affuré par Acte entre
vifs , la penfion dela Soeur des
Martyrs , Religieufe à Montmartre,
& Soeur de Mademoifelle
Henriette l'une de fes
Femmes , qu'elle a payée jufqu'alors
,elle veut qu'elle ſoit
continuée ſur ſes biens.
Outre le legs qu'elle a fait
par ſon Teftament , à Made
Η 4
176 MERCVRE
demoiselle de Liſlebonne & à
Mademoiselle de Commercy ,
elle leur donne & legue à chacune
la ſomme de deux cens
mille livres .
Au Seminaire d'Autun,pour
achever de le baſtir , ou pour
employer en oeuvres pieuſes
dans le Dioceſe,vingt- cinq
mille livres.
Aux Religieux dela Mercy,
par maniere de fondation de
Ja chapellequ'ils ont donnée
à cette Princeſſe , trois cens
livres de rente , au payement
de laquelle elle affecte le DuchédeGuife
.
Elle declare qu'ayant nommé
pour ſes Executeurs Teftamentaires
Monfieurle Prince
de Commercy , Monfieur
de Couvonge , & Monfieur
GALANT .
177
de Favieres , elle les déchar.
ge tous trois de cette execution
, à cauſe de l'absence de
Monfieur le Prince de Commercy
, confirmant tous les
legs qu'elle leur a faits par
ſon Testament , ſoit à titre
d'Executeurs , ou autrement ,
parce que celuy de vingt mille
livres qu'elle a fait à Monſieurde
Favieres par fon Teftament
,. demeurera acquitté
en luy payant la ſomme de
trente mille livres portée par
fonCodicille.
En leur lieu & place elle
nomme pour Executeurs de
fon Testament & de ce Codic
cille , Meffieurs les Aminiſtrateurs
de l'Hoſtel Dieu de Paris
,qu'elle ſupplie d'en vouloir
prendre la peine , & d'agréer
chacun un Diamant de
H
178 MERCURE
cent Loüis d'or qu'elle leur
legue.
Elle donne cinquante mille
livres aux Pauvres de l'Hoſtel-
Dieu , à la charge que cette
fomme ne ſera touchée qu'aprés
que les autres legs portez
par ſon Testament & Codicille
ayent eſté payez .
Le ſecond Codicille de
Mademoiselle de Guiſe eſt du
premier jour de Mars 1688 ..
&porte qu'elle leve la défenſe
formelle qu'elle avoit faite
par le premier , de vendre la
Tapifferie des Ages , & fon
Lit de Broderie de Perles ; elle
veut qu'ils foient vendus ainſi
que ſes autres meubles .
Elle donne encore à M.
Damades mille livres de Penfion
, outre celle qu'elle luy a
leguée par fon 1. Codicille
GALANT. 179
'
Aux Pauvres de la Charité
de l'Egliſe S. Jean ſa Paroiffe,
dix mille livres .
: Aux Charitez qui ſe font
pour le foulagement des Provinces
, par Madame Chevalier
, la ſomme de dix mille
livres , qui luy ſera miſe entre
les mains..
A M. Iourdan , Preſtre demeurant
à Montmartre , cing
cens livres de penfion..
A la Niepce de la Soeur de
S.Michel , Religieufe àMontmartre
, quatre cens livres une
fois payer.
Elle ordonne que M. Defnots
, fon Notaire , foit employé
dans les affaires de ſa
Succeifion.
Elle declare qu'en confideration
de la priere que luy a
faite feu M. de Roquette fon
H. 6.
180 MERCURE
Intendant , d'acquitter pour
luy , par maniere de reconnoiffance
de ſes ſervices , la ſomme
de vingt-deux mille livres,
à laquelle montentles Principaux
des rentes qu'il doit ;
Içavoir neufmille livres à M.
de la Reynie , ſept mille livres
à M. Rodot , Conſeiller en la
Cour des Aides , & fix mille
livres à la Veuve & aux Heri
tiers Gabriel , auſquelles rentes
M. l'Evêque d'Autun eſt
onligé avec feu M. de Roquctte,
elle veut que ces trois rentes
foient rachetées ; à l'effet
de quoy elle donne & legue
aux Creanciers de ces rentes,
la ſomme de vingt deux mille
livres .
Le lendemain 2. de Mars,
Mademoiselle de Guiſe fit un
troifiéme Codicille par le
GALANT. 18
quel il eſt porté qu'en repaffant
dans fa memoire tout le
cours de fa vie , & n'y ayana
pas trouvé un moment dans
lequel elle n'ait receu des gracesde
ſa Majesté , elle ſouhaiteroit
eſtre en estat d'en faire
paroiſtre ſa reconnoiſſance à
toute l'Europe ; mais que come
me on ne peut témoigner plus
de foumiſſion à fon Souverain
qu'en luy demandant de nouvelles
marques de ſes bontez,
elle ſupplie tres - humblement
le Roy de vouloir accepter le
legs qu'elle luy fait de ſa Tapiſſerie
des Ages & du Lit en
broderie de Perles , auquel elle
a travaillé plus de dix ans de
fes mains , comme une preuve
de fon zele & de fon refpect
, & en l'acceptant , donner
unemarque publique qu'il
18 MERCVRE
ne dédaigne pas les dernieres
volontez d'une Princeffe , qui
a eu toute ſa vie un atta
chement refpectueux pour ſa
Perſonne; à l'effetde quoy elle
revoque la diſpoſition de fon
Codicille du jour precedents.
par lequel elle en avoit ordonné
la vente..
Elle donne à Madame la
Princeffe d'Harcourt cent mille
livres , & la décharge &
Monfieur le Prince d'Harcourt,
fon Mary , de la ſomme
dequarante mille livres qu'ils
eftoient obligez de luy payer
par le Contrat du 29. Aouſt
1685. qui contient la vente de
Roquemaur.
- A la Maiſon Profeſſe des
Jefuites , ruë S. Antoine , dix
mille livres , laquelle ſomme
fera employée par les ordres
GALANT. 183
du R. P. de la Chaiſe , auquel
elle fait don des Tableaux ,,
Porcelaines , & autres propretez
de fon petit appartement
des Hermites , & qui ne font
point attachez , & ne fontpas
corps avec le lambris.
AMonfieur de la Bourdiere
trois cens livres de rente ..
A Monfieur Muſnier , Eccle
fiaſtique demeurant à Montmartre
, deux cens livres de
penfion , outre ce qu'il doit
avoir pour la retribution de la
Meſſe qu'il celebre , declarant
qu'elle reduit à quatre cens livres
la penſion de cinq cens
livres leguée à Monfieur Jour
dan par ſon ſecond Codicille .
A la Scoeur Marguerite Nodot
, Religieuſe à Montmar
tre , trois cens livres de rente..
Mademoiselle de Guiſe aprés
184 MERCVRE
avoit fait ce troifiéme Codi
cille , mourut le lendemain 3-
de Mars , fur les dix à onze
heures du matin.
-
Comme vous aimez les ſen
timens genereux , vous prendrez
fans doute part à l'heureuſe
fortune d'un amant qui a
merité par ſa conſtance tous
les avantages dont elle a eſté
récompenfée. Un vieux Gentilhomme
tres riche , venu à
Paris pour quelques affaires ,
entendit parler d'une Heritiere
de quinze à ſeize ans, qu'on
faiſoit paffer pour un party fort
confiderable. Son Pere ayant
amaffé beaucoup de bien en
divers emplois qu'il avoit eus ,
l'avoit laiſſé par fa mort fous.
la Tutelle d'un Oncle qui n'eftoit
pas dans une grande opulence.
La Demoiselle n'avoit
GALANT.
185
aucun agrément dans ſa perſonne;
l'eſprit luy manquoit
auſſi bien que la beauté , & il
n'y avoit à confiderer en elle .
que les avantagesd'une grande
dot , mais les richeſſes tenant
toûjours lieu de veritable merite
, elle ne laiſſoit pas d'eſtre
recherchée par des Perſonnes
d'une affez haute naiſſace pour
obliger ſon Tuteur à balancer
fur le choix . Le Gentilhomme
qui n'avoitqu'un Fils qu'ileuſt
bien voulu arreſter auprés de
luy au retour d'un voyage d'I
talie qu'il venoitde faire, fongeaà
le marier, & ce qu'onluy
dit des grands biens de l'He .
ritiere luy ayant fait voir dans
cette alliance un établiſſement
fort avantageux , il fit connoiſſance
avec le Tuteur , &
luy propoſa le mariage. Le
186 MERCVRE
Tuteur luy répandit qu'il
avoit déja des engagemens
qu'il ne pourroit rompre fans
• beaucoup de peine , & ces obſtacles
ayant redoublé fon
empreſſement , le Gentilhomme
luy fit quelques offres qui
commencerent à le faire entrer
dans ſes intereſts . Comme il
avoit à menager ſon eſprit , il
alloit le voir ſouvent , & il ne
luy rendit pas beaucoup de
viſites ſans remarquer une
Fille unique qu'il avoit, & que
la nature ſembloit avoir pris
foin de recompenfer de l'injuſtice
que la fortune luy avoit
faite.Elle estoit belle , brillante
, enjoüée; & les grands dé.
fauts de ſa Parente ſervoient
à faire éclater toutes les graces
qui l'accompagnoient.Le Gentilhomme
qui n'eftoitveufque
GALANT . 187
depuis trois ans , & qui n'en
avoit point encore foixante
neput reſiſter à tant de charmes
. Il ſentit ſon coeur touché
& l'intereſt de ſon Fils ſervant
de pretexte à ſa foibleſſe , il
crut qu'il gagneroit plus aifément
le Tuteur ſur le mariage
dont il eſtoit queſtion , s'il luy
promettoit d'épouſer ſa Fille.Il
Juy découvrit ce qui luy eſtoit
tombé en penſée , & en même
temps il le pria de luy
garder le ſecret , ne voulant
pas meſme qu'il en parlaſt à
fa Fille , juſqu'à ce que le
mariage de ſon Fils eſtant confommé
, il fuſt en pouvoir
d'executer ce que l'amour luy
faiſoit promettre. Le Tuteur
voyant dans ce qu'il luy propoſoit
de grands avantages
pour la Fille, prit de luydes
188 MERCVRE
aſſeurances qui devoient l'indemnifer
s'il luy manquoit de
parole , & luy dit enſuite qu'il
n'avoit qu'à faire venir fon
Fils , & qu'il n'auroit pas de
peine à obliger ſa Pupille de
ſe déclarer en ſa faveur. Le
Gentilhomme partit fort rem.
ply d'amour , & fit valoir à
ſon Fils ce qu'il avoit fait pour
fon établiſſement. Sa paffion le
preſſant de hafſter l'affaire ,
puiſque ſa concluſion devoit
le mettre en eſtat de travailler
à ſe rendre heureux , il luy
dit qu'il n'y avoit point de
temps à perdre , parce que la
Demoiselle , qu'il ne luy peignit
ny belle ny laide , avoit
des Amans de conſequence ,
& qu'il devoit craindre qu'on
ne la donnaſt au plus emprefſé.
Le Cavalier qui n'avoit
GALANT . 189
rien dans le coeur , ſe fit d'abord
une idée aſſez agreable.
&affez fatisfaiſantedes grands
biens de l'Heritiere , & n'enviſageant
que de belles Terres
, il s'imagina qu'il n'eſtoit
pas neceſſaire d'avoir de l'amour
pour eftre heureux en
ſe mariant . Il remercia fon
Pere des ſoins qu'il prenoit
pour ſes avantages , & vint à
Paris pour en recueillir le
fruit, mais il n'eut pas fi toſt
veu la Demoiſelle qu'il s'en
trouva dégouté ,& il le fut
encore beaucoup plus lors
qu'il l'eut entretenuë. L'oppoſition
des agrémens tant du
corps que de l'eſprit qui faifoient
briller ſa belleParente,
contribua fort à ce dégoût.
Plus il la vit ,plus fon merite
fit d'impreſſion fur luy. L'en
2
190 MERCURE
gagement où ſon Pere l'avoit
mis fervant à autoriſer ſes vifites
affiduës , il ne voulut:
point le rompre pour n'eſtre
pas obligé de renoncer au
plaifir de voir ce qui le touchoit
ſenſiblement.Il dit mille
chofes obligeantes à cette aimable
Perſonne , & ayant connu
par ſes manieres que les
diſpoſitions de ſon coeur luy
eſtoient tres- favorables, il s'abandonna
fi fort à ſa paſſion,
qu'il ne fongea plus qu'à la
fatisfaire . Il dit au Tuteur
qu'il luy rendoit ſa parole à
l'égard de l'Heritiere , & qu'il
eſperoit qu'il ne ſeroit pas
bleffé de la fincere declaration
qu'il luy faiſoit, puis que
c'eſtoit pour luy demander ſa
Fille, dont il preferoit la poffeffion
à tous les trefors du
GALANT. 191
monde. Le Tuteur receut
une propoſition ſi avantageuſe
, avec beaucoup de
marques de reconnoiffance ,
mais ce qu'il avoit déja re
folu nele laiſſant pas en pouvoir
de l'accepter , il dit au
Chevalier qu'eſtant en parole
avec ſon Pere pour le ma-si
riage de ſa pupille ,il ne pouvoit
ſans engager ſon honneur,
luydonner ſujet de l'accufer
d'avoir corrompu ſes ſentimens
, en autoriſant une pafſionqui
eſtoit contraire à fes
intereſts , que ſa Fille n'avoit
preſque point de bien ,
qu'un peu de beauté & de
jeuneſſe ne devoit point l'emporter
ſur'ce qu'on cherchoit
dans un mariage préferablement
à toutes choses. Ces re
montrances ne firent aucun
192 MERCURE
effet ſur l'eſprit du Cavalier. Il
proteſta que s'il s'obſtinoit à
luy refuſer ſa Fille , il renonceroit
à ſe marier; & aprés s'eſtre
aſſuré du coeur de la Belle par
les ſermens qu'il luy fit d'une
conſtance & d'une fidelité inviolable
, il alla trouver ſon
Pere , eſperant aſſez de ſa tendreſſe
pour ſe flater qu'il le feroit
confentir à ſon bonheur.
LeGentilhomme nele vit pas
plûtoſt de retour , qu'il luy
demandas'il avoit mis toutes
choſes en eſtat , & s'il falloit
qu'il partiſt pour venir ſigner
le Contrat demariage .Le Cavalier
ne luy cacha point ſes
ſentimens , & aprés luy avoir
exageré l'éloignement qu'il
avoit pour l'Heritiere
laquelle il ne pourroit vivre
L
avec
que tres malheureux , il luy
avoüa
GALANT.
193
avoüa qu'ileſtoit charmé de ſa
Parente , & qu'il luy devoit
toutle bonheur de ſa vie s'il
luy permettoir del'épouſer. Le
Gentilhomme qui ne pouvoit
ſe reſoudre à condamner ce
qu'il pretendoit fait approuver
pour luy-meſme , dit à ſon Fils
qu'il eſtoit vray que cette Parente
eſtoit affez belle & affez
bien faite pour faire excufer
une violente paſſion , mais qu'il
nedevoit regarder que fa fortune
: que le mariage de l'Heritiere
le pouvoit conduire aux
grandes Charges ; & que d'ailleurs
ayant donné ſa parole,
c'eſtoitàluy àla dégager .Aprés
un long entretien , le Cavalier
voyant qu'il continuoit toujours
à luy faire une eſpece
d'obligation indiſpenſable de
dégager ſa parole ,luy ditqu'il
Avril 1688 .
I
১
194
MERCVRE
pouvoit demander l'Heritiere
pour luy - meſme , puis qu'il
eſtoit encore dans un âge qui
luy permettoit un ſecond engagement
, l'aſſeurant que le
Tuteur en reconnoiffance dat
confentement qu'il donneroit
à fon mariage avecſa Fille,difpoſeroit
aiſement ſa Pupille à
l'épouſer. Le Gentilhomme
qui ne vouloit pas ſe décou
vrir, répondit qu'il ſe rendroit
ridicule de pretendre qu'à fon
âge il puſt ſe faire écouter
d'une perſonne qui pouvoit
choiſir dans un grand nombre
d'Amans , & traitant toûjours
fon Fils fort honneſtement , il
le pria de ſe faire quelque
effort , & de fonger ſerieuſe .
ment que la plus belle perfonne
eſtoit ſujette à des changemens
facheux , au lieu que le
GALANT .
195
bien eſtoit folide , & qu'il faiſoit
parvenir à tous les honneurs
qui pouvoient flater
l'ambition . Le Cavalier ayant
perdu tout eſpoir de le voir
changerde fentimens , feignit
de partir dans le deſſein de ſe
vaincre ; mais en effet il retourna
auprés de la Belle , plus
refolu que jamais de luy
prouver ſon amour par tout
ce qui l'en pourroit convaincre
en attendant que le
temps euſt mis les choſes dans
une autre ſituation qu'elles
n'eſtoient . Cela devoit arriver
quand l'Heritiere ſeroit mariée.
Il pria fon Tuteur d'en
- diſpoſer pour tel party qu'il
- voudroit , & s'acquit entiere-
- ment ſon eſtime par la gene-
- roſité qu'il eût de luy jurer
de nouveau qu'il partageroit
,
1 2
196 MERCURE
ſa fortune avec ſa Fille quand
il en ſeroit le Maiſtre. Cét
excés d'amour fut bien- toſt
recompenfé. L'Heritiere qui
n'eſtoit pas d'un fort bon temperament
, tomba dangereuſement
malade. Les plus experts
Medecins furent appellez
, & malgré tout le ſecours
de leur art , elle mourut en
fort peu de jours . Il n'y avoit
pas ſujet d'en eſtre faché . Elle
n'avoit nulles bonnes qualitez
,& fon Tuteur eſtant Frere
de ſon Pere , les grands
biens qu'elle laiſſoit regardoient
ſa Fille. Beaucoup d'efprit
, de jeuneſſe & de beauté
foutenant cet avantage ,
luy fit la cour de toutes parts ,
mais ceux qui ne l'avoient
point confiderée quand tout
fon merite eſtoit renfermé
on
GALANT.
197
A
dans ſa perſonne , ne furent
point écoutez . Son Pere ſe fit
un honneur de reconnoiſtre
les manieres deſintereſſées du
Cavalier. Tout ce qui l'embarraſſoit
eſtoit l'amour qu'il ſçavoit
que le Gentilhomme
avoit pour ſa Fille. Il n'en dit
rien à ſon Fils , qui n'étant
point informé de ſon ſecret ,
ſe tint affeurée d'obtenir fon
agrément , puis qu'il s'agiſſoit
du meſme bien , & d'une perfonne
plus aimable. Son amour
l'obligeant à s'empreſſer de luy
aller rendre compte de tout ce
qui ſe paſſoit , il l'aborda d'un
air fatisfait ,& fut ſurprisdele
trouver fort mélancolique. Le
Gentilhomme ne pouvant ſe
déguiſer la baſſeſſe qu'il feroit
s'il levoit le maſque pour le
traverſer dans une pretention
I 3
198 MERCVRE
fi legitime, cacha ſon chagrin
fous un faux mal dont il ſe
plaignit, & témoigna cependant
qu'il eſtoit bien - aiſe que
les chofes euſſent tourne ſi heureuſement
pour luy . Quand
le temps du mariage fut arrivé
il luy donna tout le pouvoir
dont il cut beſoin , & le
diſpenſa d'eſtre preſent à cette
ceremonie . Elle ſefit avec une
Sentiere joye des deux amans.
Ils font toûjours charmez l'un
de l'autre , & leur union ne
peut eſtre plus parfaite .
Les beaux jours qui ont enfin
commencé , m'engagent à vous
envoyer un Printemps qui n'a
eſté fait que depuis trois jours,
Vous connoiſtrez aisément
qu'il eſt d'un habile Maiſtre.
5
LYON
vre , qui non retmen
en fera ſouvenir , ma
rendra preſent à vos y
BLUE
LYON
le
I
d
C
P
P
21
e
e
V
C
1
GALANT. 1991UE
DEL
AIR NOUVEAU.
LYON
Ne me parlez point du Prinia
temps ,
L'absencem'aprivé de l'objet que
j'adore.
Les Fleurs qui commencent d'éclore
Peuvent plaire à des yeux contens
,
Maisles frimats pourmoy durent
encore.
Ne me parlez point du Prine
temps ,
L'absence m'a privé del'Objet que
j'adore.
Apropos de Printemps , j'ay
à vous faire preſent d'un Livre
, qui non ſeulement vous
en fera ſouvenir , mais qui le
rendra preſent à vos yeux tou-
14
1200
MERCURE
,
tes les fois que vousle lirez .
Il n'en faut pas davantage
pour celles qui ont l'imagination
auſſi vive que vous l'avez.
Ce Livre eſt intitulé . La Connoiffance
, & culture parfaite des
Tulipes rares des Anemones
extraordinaires , des Oeillets fins ,
& des belles Oreilles d'Ours
-panachées. On croit qu'il eſt
de Monfieurde Valnay , Contrôleur
de la Maiſon du Roy.
Il enſeigne le moyen de connoiſtre
la beauté de toutes ces
Fleurs , la terre qui leur eſt
propre , comment il les faut
gouverner depuis qu'elles font
en terre juſques à la fleur , &
mille choſes curieuſes ſur ce
ſujet , & tres utiles à ceux qui
aimentles Fleurs. L'on trouve
auſſi dans ce meſme Livre l'hi-
-ſtoire de toutes les Fleurs dont
il parle, leur origine , & quand
८
GALANT. 201
e
1
&comment on a commencé
à en voir en France.
:
Si les Fleurs plaiſent à la
veuë dans les Parterres , & fi la
pluſpart flatent l'odorat , elles
ont encore un autre avantage..
Lesbelles Perſonnes s'en fervent
pour ſe parer , & il femble
qu'elles donnent plus de
- brillant à leur teint. C'eſt cer
- uſage qui a donné lieu à ce
Madrigal...
Charmantes Fleurs , quittez cess
lieux ,
Vn Dieu , le plus puissant dess
Dieux
Vous deſtine à climene..
Dés que vous paroiſtrezvous plairez
àfesyeux; 4
Sans exciter fon courroux ny fo
haine..
Yous baiferez fa belle main
:
/
| IS
202
MERCURE
Vous vous placerezſurſonſein.
Quoydonc ?à ce recit vous demeurez
paiſibles ,
Les deſtins ennemis vous ont fait
infenfibles;
Chrmantes Fleurs,helas ! que n'a
vez-vous mon coeur ,
Ou que n'ay -je vostre bonheur ?
On peut dire que la magnificence
de Monſeigneur le
Dauphin n'eſt pas ſeulement
pour ce qui regarde fa Perfonne
, mais qu'elle ſe repand
auſſi ſur les autres . Ce Prince
aimant beaucoup la Chaffe ,&
fur tout celle du Loup , a fait
preſent d'un équipage pour
cette Chaffe à tous les jeunes
Seigneurs qu'il l'y accompagnent
ordinairement...
Il confifte en un Juſte- au-corps
de drap bleu charmarré d'un
GALANT. 203
gros galon d'or & d'argent ,
moucheté de noir & d'incarnat
, & une Veſte fort riche
dont le fond eſt rouge ; des
gands à frange d'orjun chapeau
bordé d'or avec une plume
blanche;un couteau de Chaffe ;
un ceinturon , & une houffe de
cheval . Tout cetéquipage eſt
tres - magnifique , & digne du
Prince qui l'a ordonné.
Les habits des Gentilshommes
ordinaires de la Venerie
du Loup font auffi fort riches.
Le fond eſt bleu ; & la chamarure
de gros galons d'or.Ceux
des Piqueurs & du reſte de
l'Equipage , font beaux à pro--
portion des autres . Voicy les
noms de tous ceux qui ontde
ces habits diftinguez pour la
Chaſſe du Loup , Je vous les
envoye fans que les rangss
204
MERCURE
foient preſque obſervez .
Monfieur le Duc de Bourbon .
Monfieur le Prince de Conty.
Monfieur le Duc du Maine.
Monfieur le Duc de Vandofme.
Monfieur le Prince de Riche.
mont .
Mr le Comte de Brionne.
Mrle Prince Camille ..
Mr le Prince de Tingry .
Mr le Marquis de Florenſac .
Mr le Marquis d'antin.
Mrle Comte de Mailly .
Mr le Marquis de Thiange.
Mrd'Vrfé.
Mr le Comte de Sainte Maus
re.
Mr le Comte de Quelus .
MrleMarquisde Bellefonds..
Mr le Marquis de la Chaſtre .
Mrde Biron .
Mr le Comte de BroglioFils..
GALANT. 209
Mr de Morné.
Mr le Marquis de Vilarceaux..
Mr le Comte de Chemeraut..
Mr d'Albergoti .
Mr leMarquis d'Heudicourt
GrandLouvetier de France ..
Mrle Chevalier d'Heudicourt
fon Fils ..
Mr du Mont,Ecuyer ordinaire
du Roy , & de Monfeigneur
le Dauphin .
Quand je vous parlay il y
a quelques mois du nombre
&de la beauté des Coureurs
de Monſeigneur le Dauphin ;
& que je vous dis que jamais
Prince n'en avoit tant eu , je
n'entendois parler que des
chevauxdélite & de la la der
niere beauté , ce Prince en
ayantbeaucoupd'autres , dont
je n'ay rien dit , quoy qu'ils
puiſſent pafferpour beaux.On
206 MERCVRE
ne peut eſtre plus magnifique
qu'ill'eſt naturellement , ny ſe
plaire davantage à faire du
bien , ny le faire de meilleure
grace. Monfieur de Vandofme
partant il y a quelque temps
pour Anet , ce Prince luy fic
preſent d'une ſomme confiderable
, mais d'une maniere fu
honneſte , qu'on euſt dit qu'il
eſtoit obligé à Monfieur de
Vandofme , de ce qu'il vouloit
bien le recevoir ; il luy dit que
ce n'eſtoit point un preſent ,
mais feulement de quov tra--
vailler à quelques embelliſſemens
d'Anet..
Ie ne doute point que vous
ne preniez part à la perte que
l'Etat vientde faire en la perfonne
de Monfieurde Rochechoüart
Duc de Mortemart ,
Pair de France , Prince de
GALANT .
207
Tonnecharente &General
des Galeres . Il n'avoit pas
encore vingt cinq ans , &
s'eſtoit pourtant acquis dans
cette importante Charge qu'-
il avoit en ſurvivance de
Monfieur le Mareſchal Duc
de Vivonnefon pere, une reputation
qui l'a fait regreter
du Roy,qui eftimoit beaucoup
ſa perſonne & qui par l'éclat de
ſes premieres actions jugeoit
des ſervices que le Royaume
en pouvoit attendre . Il s'eſtoit
trouvé aux deux Expeditions
d'Alger. On ne peut trop louer
la valeur,la conduite & l'intrepidité
, qu'il a fait voir dans
L'affaire de Gennes . Il porta la
terreur par tout dans la defcente
qu'il fit en l'un de ſes.
Fauxbourgs , & étonna tellement
les Genois par ſa fermeté
au milieu des plus grands ,
.
208 MERCURE
dangers que puiſſe courir un
Capitaine qu'on ne peut contribuer
davantage qu'il fit au
fuccés de cette fameuſe journée
. Cet intrepide General a
paru deux fois devant Cadis
en commandant les Vaiſſeaux
du Roy,& par cette même fermeté
qu'on avoit déja admirée
tant de fois en luy,& par la fageſſe
de ſa conduite, il déconcerta
tous les deffeins des Ef
pagno's, en forte qu'ils ne purent
ſe tirer d'affaires que par
une prompte foumiſſion aux
ordres qu'il leur portoit d'un
Monarque qui n'entreprend
rien qu'avec justice. Aprés
que le Roy cut fait voir qu'il
eſtoit touché de la perte de
ce jeune Heros , ſa Majeſté
dit beaucoup de choſes à fon
avantage ,& fit connoiſtre
GALANT.
209
qu'il s'eſtoit toûjours acquirté
des Emplois qui luy avoient
eſté confiez , d'une
maniere dont on voyoit peu
d'exemples , & qu'il en avoit
toûjours rendu compte avec
une tres - grande exactitude.
Le Roy joignit à cela de grandes
loüanges. Il ſuffiroit de les
rapporter icy pour faire lePanegyrique
de ce jeune Duc;
mais tout ce que dit ce Prince
a un tour fi agreable , &
qui exprime ſi bien ce qu'il
veut dire , qu'on ne peut l'expliquer
fans luy ofter beaucoup
de fa force. Enfin je ne
vous ſçaurois vanter le merite
de feu Monfieur le Duc de
Mortemar , & ce qui est tresrare
, & dont on s'étonnera
encore davantage , c'eſt qu'il
eſtoit dans une eſtime gene
210 MERCURE
rale à la Cour , à la Ville &
parmy les Eſtrangers . Il avoit
épousé une des Fules de feu
Monfieur Colbert , Secretaire
&Miniftre d'Etat . On ne peut
trop admirer la conduite de
cette jeune Dame , no donner
trop de loüanges à la maniere
dont elle a vécu avec fon
Mary pendant tout le cours
de ſa maladie , qui a duré pluſieurs
mois. Si- toſt qu'il fut
mort le Roy envoya faire
compliment à toute ſa Famille
par Monfieur Torf , Gentilhomme
ordinaire de ſa Maifon;
& Monfieur fit l'honneur
aux Dames d'aller luy-meſme
leur rendre viſite ſur cette
mort. Je devrois vous parler
icy de la Maiſon de Rochechoüart
, dont cét illuſtre Défunt
eſtoit , mais je vous en
GALANT . ΣΕ
1
e
1
ay entretenuë pluſieurs fois
& d'ailleurs elle eft generalement
connuë. J'ajoûteray ſeulement
qu'elle n'eſt point de
celles qui laiffent douter de
beaucoup de choſes , & qui
ſubſiſtent par des viſions que
la tolerance & d'autres raiſons
ſoûtiennent. Je vous ay déja
marqué que Monfieur le Duc
de Mortemar eſtoit Filsde Mr
le Maréchal Duc de Vivonne,
General des Galeres , Gouverneur
de Champagne & de
Brie , autrefois Viceroy de Sicile
, & qui a eſté long- temps
premier Gentilhomme de la
Chambre de ſa Majesté . La
Paix eſtant generale fur Terre
aprés le Traité des Pyrenées,
Monfieur de Vivonne qui ne
vouloit pas demeurer oifif,prit
le party de la Mer , où aprés,
212 MERCURE
t
pluſieurs expeditions , & la
fameuse canonnade de Candie
qui emporta tant de Turcs , il
fit des actions dont tous les
Ennemis de la France furent
étonnez . Il faudroit pour bien
fçavoir la reputation que ces
actions luy ont acquife , lire
les Lettres , & les Memoires
interceptez parles Anglois, les
Eſpagnols & les Hollandois.
Ce Duc ayant vu qu'il n'y
avoit plus rien à faire fur Mer
pour le ſervice du Roy , chercha
à ſe ſignaler fur terre , &
fit les Campagnes de 1667 .
& 1668. & celles de 1672. &
1673. pendant leſquelles il ſe
trouva à tout ce qu'on fit de
plus éclatant. La gloire qu'il
s'y acquit le fit nommer Viceroy
de Sicile , & il fit dans ce
Royaume - là des choſes que
GALANT. 213
-
la poſterité aura peine à croire
, ſi elle examine le peu de
Troupes qu'il avoit , mais ſa
valeur & l'ardeur de ſon zele
pour le Roy le conduiſoient , &
il n'y a rien qu'on ne puiſſe
executer avec de ſemblables
guides. Ie vous diray icy une
choſe qui merite une grande
reflexion ; c'eſt que foit fur
Terre , foit ſur Mer , il ne
s'eſt fait aucune Campagne où
Monfieur de Vivonne ne ſe
ſoit trouvé depuis que l'âge
luy a permis de ſupporter les
fatigues de la Guerre , & que
toutes les fois qu'il a pû s'en
exempter il a cherché le peril
où ſes emplois nel'appelloient
pas . Si on cherche de pareils
exemples , on en trouvera fort
peu. Il ne faut pas s'étonner ſi
Monfieur le Duc de Mortemar
214 MERCVRE
eſtant Fils d'un tel Pere , paroiſſoit
un Capitaine confommé
dans un âge où peu d'autres
ont commencé leur premiere
Campagne.
Les Pauvres ont fait une
grande perte en la perſonne de
Meſfire François Gendron Abbé
de Noftre- Dame de Mezieres
, qui mourut à Orleans au
commencement de ce mois. Il
avoit la connoiſſance de pluſieurs
remedes que ſa charité
luy faiſoit employer gratuitement
au ſecours de ceux qui
eſtoit dans l'indigence. Le Roy
le fit venir à la Cour pendant
la maladie de la feuë Reyne
Mere , & il y demeura longtemps
. Sa Majesté ayant eſté
fatisfaite de ſes ſervices , l'en
recompenſa par le Benefice
qu'il poſſedoit lors qu'il eſt
mort.
GALANT .
215
Nous avons perdu icy dans
le meſmetemps MeffireCharles
de Faucon Seigneur de
Charleval . C'eſtoit un homme
d'un fort grand merite , &
qui joignoit à une delicateſſe
d'eſprit admirable toutes les
lumieres qui peuvent donner
le vray gouft des bonnes choſes
. Il eſtoit Oncle de Monſieur
de Faucon de Ris , pres
mier Preſident au Parlement
de Normandie , & quoy qu'il
foit mort dans un âge fort
avancé , tout le monde demeure
d'accord qu'il eſt mort trop
toſt. Vous trouverez la peinture
de ſon eſprit dans l'Epitaphe
que vous allez lire .
Cy gift qui n'eust jamais d'égal
En don deplaire , enpoliteffe,
Dont l'esprit estoit un Canal
216 MERCURE
D'où couloit la délicateſſe;
Que fur les rives du Permesse
N'avoit qu' Apollon pour Rival ,
Et dont la mort fait perdre aux
Muses bien du lustre.
Tu demandes, Paſſant,le nomde cet
Illuftre ,
Ne vois - tu pas qu'ilfaut que ce soit
Charleval?
Ce Madrigal eſt de Monfieur
Petit de Roüen , Autheur des
Dialogues Satyriques & Moraux ,
dont le ſieur Guerout commence
à debiter le ſecond
Volume. J'ay leu avec beaucoup
de plaifir le Dialogue
queje vousay mandé qui plairoit
, parce qu'il regarde des
perſonnes que vous eſtimez.
C'eſt tout ce que j'en ſçavois
alors. Il eſt entre le Public &
l'Academie Françoiſe , & contient
GALANT. 217
i
tient ſans aucune injure , &
d'une maniere fort honneſte,
toutes les raiſons qui ont em-
د
peſché juſques à preſentMefſieurs
de l'Academie de donner
leur Dictionaire au Public
contre ce que Monfieur
l'Abbé de Furetie.
re en a dit dans ſes Factums.
L'autheur paroiſt bien
inſtruit de la verité du fait , &
justifie la lenteur de cetravail,
par le témoignage mefme de
feu Monfieur Colbert , qui
eſtant venu prendre ſa place
dans la Compagnie , en fortit
fort perfuadé qui estoit impoffible
d'aller plus viſte , à cauſe
du grand examen qu'on eft
obligé de faire fur chaque mot.
Il fait connoiſtre qu'on na proprement
commencé à s'apli
quer de la bonne forte à cet
Avril 1688 . K
:
218- MERCVRE
ouvrage , que depuis que ce
grand Miniſtre y a eu attention
,& raporte ce qui s'eſt paffé
chez Monfieur le premier
Preſident , lors qu'on ya convaincuMonfieurl'Abbé
de Furetiere
d'avoir toûjours cherché
à s'approprier ce qui appartenoit
veritablement
Dictionnaire de l'Academie.
Outre ce Dialogue qui répond
à la pluſpart des Objections de
cet Abbé , il y en a neuf autres
dans cette ſeconde partie de
Monfieur Petit , dont je vais
vous expliquer le ſujet .
au
I. Dial . Que l'Uſage eſt une
choſe pernicieuſe , ſi on ne le
foumet à la raiſon , & qu'il
n'y en a aucune affez forte
pour autoriſer le luxe.
II . Que l'Epée doit eſtre
preferée à la Robe .
GALANT. 219
III. Que bien que l'or foit
en proye aux larions , il ne
laiſſe pas d'eſtre le plus à craindre
& le plus grand de tous les
larrons.
• IV. Que la reputation d'une
belle Prude aupres de qui un
ſeul homme ſe rend affidu , ne
court pas moins de riſqueque
celle d'une Coquette environnée
d'une foule d'Adorateurs.
V. Qu'un Directeur qui ne
donne ſon temps qu'aux Dames
de qualité , ſonge moins à
travailler pour la gloire de
Dieu que pour la fienne.
VI . Que tout Auteur qui
donne ſes Ouvrages au public,
doit ſe preparer fans chagrin
aux attaques de la Critique .
VII . Que les Auteurs anciens
doivent eſtre preferez
K 2
220 MERCURE
aux modernes , & particulierement
Homere , & mefme que
peu de modernes auront l'avantage
de veillir , &d'être du
nombre de l'élite des Anciens
qui font toûjours jeunes à la
mode .
د
VIII . Que les ſciences curieuſes
, quelque hautes qu'elles
foient ne valent pas la
peine qu'on ſe donne pour les
acquerir ; qu'elles accablent
l'eſprit , & ruinent le corps , &
que la plus belle & la plus feure
de toutes , & qui nous apprend
à vivre tranquillement,
ſe puiſe dans le Livre du bon
fens , qui vaut incomparablement
mieux que tous les Livres
enſemble des plus grandes
Bibliotheques.
IX. Que pour faire une
grande fortune , il faut s'acGALANT.
221
commoder aux fauſſes maximes
du Siecle , dont la premiere
& la principale eſt de
ſecoüerle joug dela confcience&
de la raiſon .
Je ne ſçay , Madame , fi en
vous parlant de la mort de
-Monfieur le Marquis de Feuquieres
, Ambaſſadeur en Efpagne
, je vous ay marqué qu'il
étoit Conſeiller d'Etat d'épée.
Le Roy a donné ſa place à Mr
le Comte de la Vauguion , qui
a paru avec beaucoup d'éclat
dans pluſieurs Ambaſſades.
Ainſi on peutdire que ce choix
eſt judicieux & juſte , puis
qu'il récompenfe un homme
qui afervy , & qui a faitbeaucoup
de dépenſe pour ſoutenir
la dignité de fon caractere . II
n'y aque trois Conſeillers d'Etat
d'Epée , & autant d'Eglife.
K 3
222 MERCURE
Il vaque par la mort de Mr
le Comte des Marais , Grand
Fauconnier de France , une
des plus belles Charges de la
Maiſon de Sa Majesté , & fur
laquelle il y a un Brevet de re .
tenuë d'une fomme confiderable.
Le Roy a eu la bonté d'accorder
cette grace à ce Comte ,
Ipeu de temps avant ſa mort. Il
avoit épousé Mademoiselle de
Villemore , Fille d'honneur de
iMadame .
- Comme Madame la Dauphine
aime beaucoup la Mufique
, qu'elle s'y connoiſt parfaitement
, qu'elle a la voix
belle , & qu'elle chante meſme
enpartie , chacun s'empreſſe à
travailler pour la divertir.C'eſt
ice qui eft cauſe qu'il y a eu
ſouvent à Versailles de petits
concerts en forme d'Opera ,
GALANT.
223
fans habits & fans theatre . Les
deux derniers dont la Cour a
eu le divertiſſement , font de
Monfieur Moreau & de Monſieur
Matho . Ils ont paru tous
deux fort agreables , & on y'a
trouvé de fort belles choſes .
Vous devez eſtre perfuadée
que Monfieur Matho eſt treshabile
, puis qu'il a eſté choiſi
pour montrer à chanter à cette
Princeffe.
:
Je ne vous feray point le
détail des occupations du Roy
pendant la Semaine - fainte.
Quoy que l'office ſoittres- long
en ce temps - là , ce Prince a
aſſiſté generalement preſque à
toutes les fonctions de l'Eglife
, & a entendu le Sermon de
la Paſion , du Pere Soanen qui
a preſché pendant tout le Carefme
à Verſailles. Sa Majesté
K 4
224 MERCURE
en fut fi contente , qu'Elle dit
tout haut , qu'Elle venoit d'en
tendre un beau Sermon . Ce Prin
ce toucha le Samedy Saint
prés de treize cens Malades ,
& cette fatigue ne l'empefcha
point de vaquer à tout l'Officedu
jour. Il fit plus , & comme
il tient tous les jours des
Confeils pourle bien de l'Etat,
& qu'ayant fait ſes devotions
ce jour-là , il ne vouloit parler
que d'affaires de pieté , il tint
conſeil de confcience pour la
diſtribution des Benefices , &
trouva par là le moyen de ne
laiſſfer paffer aucun jour fans
travailler pourſes Sujets. Voicy
les noms de ceux à qui
les Benefices vacans ont eſté
donnez .
A Monfieur l'Abbé Phelypeaux,
Agent generaldu Cler-
:
GALANT.
225
gé , l'Abbaye de Bourgmoyen,
Ordre de S. Augustin , Diocefe
de Chartres . Il eſt Parent
de Monfieur l'Archeveſque
de Bourges & de Monfieurde
Chateau- neuf, Secretaire d'E
tat. Je ne vous dis rien de fa
Perſonne ; on ne peutmeriter
d'eftre Agentgeneral duClergé
, ſansavoir des qualitez qui
rendent recommandables ceux
qui font pourveus de cét Em
ploy. 2
AMonfieur l'Abbé Daquin,
Frere de Monfieur Daquin
premiet Medecin du Roy
FAbbaye de S. Laurent,Ordre
de SaintAuguſtin. Il eſt depuis
pluſieurs années Chanoine de
S.. Thomas du Louvre , & a
toûjours remply les fonctions
de fon Canonicat aveo beaucoup
d'affiduité , & d'une mat
K
226 MERCVRE
piere à ſervir d'exemple.
A Monfieur l'Eveſque d'Oleron
, l'Abbaye du Luc Ordre
de Saint Benoist, Dioceſe d'Oleron.
A Monfieur l'Abbé Charlan,
l'Abbayede S. Paul de Sens ,
Ordre de Premonſtré .
AMonfieur l'Abbé Rabreüil,
Grand - Vicaire de Monfieur
l'Eveſque de Poitiers , l'Abbaye
de Valence Ordre de Ciſteaux
, de ce meſme Diocefe .
Il a travaillé aux Converſions
avec beaucoup de fuccés & a
receu de grands applaudiſſemens
en Poitou dans tout le
temps qu'il y a preſché...
A Monfieur l'Abbé Legier ,
l'Abbaye de Cagnotes , Ordre
deCifteaux , Dioceſed'Aix.
A Monfieur l'Eveſque de
Chalon fur Saone , l'Abbaye de
GALANT.
227
Mazieres Ordrede Cifteaux ,
de fon meſme Dioceſe. Il eſt
frere de Monfieur Felix , Premier
Chirurgien de ſaMajesté,
Je vous ay ſouvent parlé de
luy , quand j'ay commencé à
vous écrires. Il remet auRoy
fa Treforerie de la Sainte Chapelle
de Vincennes , & a toutes
les qualitez neceffaires
pour remplir les devoirs du
grandPofte qu'il occupe.
A Monfieur l'Abbé Bidal
l'Abbaye de la Vieuville , Ordre
de Ciſteaux , Diocese de
Dol. Il eſt frere de Monfieur
le Baron d'Hasfeld , qui foit à
l'Armée , fort dans les Negociations
, fert ſa Majefté avec
beaucoup de valeur &d'eſprit.
Le choix de ce grand Monar
que prouve le merite de ceux
dont je ne vous ay rien ditde
K6
228 MERCVRE
particulier, le temps m'amanqué
pour m'en inſtruire ..
L'Abaye de Chelles , Ordre
de S. Benoist , Dioceſe deParis,
a eſté donnée à Madame de
Coffé, de la Maiſon de Briſſac..
Elle eſt profeſſe de cette Ab--
baye , & en avoit déja eſtéAbbeffe.
Le meſme iour le Roy
donna pluſieurs Canonicats,&
Monfieur le Guay , Sacriftain
de S. Thomas du Louvre , en
eut un d'une maniere qui a
quelque choſe de ſingulier. Il
alla trouver le Pere de la Chai
ſe ,& luy dit qu'il venoit luy
apporter un Placet pour leRoy,
fans avoir ny parens ny amis ,
ny ſervices qui parlaſſentpour
luy à ſa Majesté , autres que
ceux qu'il avoit rendus depuis
pluſieurs années à l'Egliſe en
qualité de Sacriftain, de Saint
GALANT..
229
Thomas du Louvre , qu'il y
avoit un Canonicat vacant , &
que comme les Chanoines témoignoient
être fatisfaits de fa
conduite , il prenoit la liberté
de le demander ; que ce qui
luy faiſoit avoir cette hardief
fe étoitparce qu'il ſçavoit que
lePere de la Chaiſe n'écouton
pas moins favorablement ,
ceux qui n'avoient point de
recommendations auprés de
luy, que ceux quiluy faifoient
faire de grandes follicitations.
Le Pere de la Chaiſe recent
fon Placer , en luy diſant qu'il
en parleroit au Roy , qu'ilcro
yoit que Sa Majesté feroit quel
que choſe pour luy , puisqu'il
eſtoit juſte que ceux qu'il fervoient
l'Eglife fuffent recompenfez
par l'Eglife. Il a eu le
Canonicat , ce qui fait voin
230
MERCURE
que ce Prince a plus d'égard
au merite qu'aux recommandations
, & que ceux qui font
chargez des affaires de Sa Majeſté
, ne negligent pas de luy
parler de celles qui ne leur font
point recommandées .
Tandis que je fuis fur les
Benefices , vous ne ferez pas
fachée d'apprendre que Monfieurl'Abbé
de Brou , nommé
àl'Eveſché d'Amiens voulant:
imiter fon Predeceſſeur qui a
preſché trente - trois ans de
fuite le jour de Paſque dans
fa Cathedrale , y a fait la mefme
fonction cette année , &
que la reputation qu'il s'eſt acquiſe
par ſes Predications
avantque d'étre nommé à l'Epiſcopat
, y attira une telle:
foule , que la nef, quoy qu'une
des plus grandes du Royaume,
GALANT 231
cut de la peine à contenir tous
fes Auditeurs . Ce Sermon furpaſſa
l'attente de tous ceux
qui purent y trouver place ,
quoy qu'ils ſe fuſſent preparez
à entendre de belles chofes,ce
qui fit dire à tous ſes Dio.
cezains qu'ils eſtoient bien
obligez au Roy de leur
avoir donné un Eveſque d'un
fi grand merite. Avant qu'il
montaſten Chaire , il fit paroiſtre
une humilité digne d'eftre
remarquée. LeDoyendu Chapitre
eſtant allé le prendre au
Palais Epifcopal pour luy fairehonneur
, & le conduire à
l'Eglife, il voulutque ceDoyen
luy donnaſt la Benediction ,
quoy que le Chapitre luy euft
fait dire qu'il pouvoitprefcher
fans la recevoir. 3
PendantqueleRoydonnoit
232
MERCVRE
dans un temps fa faint des
exemples de pieté à toute ſa
Cour , Monfieur en donnoit
ailleurs , ce Prince ayant voulu
aſſiſter aux premiers Offices
celebrez par les Miſſionnaires
qu'il a établis pour deſſervir la
Chapelle de ſa delicieuſe Maifon
de Saint Cloud . C'eſt un
établiſſement digne , non feulement
d'un grand Prince ,
mais auſſi d'un Prince pieux
puis qu'ayant fes Aumôniers il
luy eſt entierement inutile, &
qu'il ne le fait que pour les
Officiers de ſa Maiſon . C'eſt
ce qui luy a fait choiſir des
Miſſionnaires , la modeſtie &
lafainte ſeverité de tous ceux
de ce Corps , eſtant d'une édification
qui ne peut produire
qu'an grand bien. le vous ay
parlé d'un grand établiſſement
GALANT.
233
que fit le Roy il y a quelques
années , des meſmes Miffionnaires
pour ſa Chapelle de
Verſailles . Celle du Roy d'Angleterre
à Londres , eft aufn
deſſervie par des Miffionnaires,
Le jour de Paſques , Monfieur
entendit le Sermon da
Pere Bourdalouë , qui a pref
ché tout le Carême à S. Euſtacheavec
une ſigrande affluence
de monde , & des applaudiſſemens
fi extraordinaires ,
qu'il eſt difficile que jamais
Predicateur en ait davantage.
l'oubliay à vous dire le mois
paſſé que Mademoiſelle avoit
receu le Sacrement de Confirmation
avec une ferveur Sc
une pieté exemplaire. Mon.
ſieur l'Eveſque du Mans , premier
Aumônier de Monfieur ,
234
MERCVRE
luy adminiſtra ce Sacrement ,
en prefence de Monfieur le
Duc de Chartres , qui s'eſtoit
rendu au Val-de -Grace où
cette ceremonie fut faite . Mr
l'Abbé de la Rocque y prefcha
fur ce fujet d'une maniere qui
fatisfit beaucoup fon Auditoire
, & la ceremonie ſe termina
par un Salut.
Il me reſte à vous apprendre,
avant que de finir un Article
fi remply d'actions de pieté ,
que Monfieur l'Abbé de Lorraine
a ajouté depuis peu deux
grands titres à ſa naiſſance,
l'un eſt de Docteur de Sorbonne
, & l'autre de Preſtre . Joignez
le merite & i'eſprit à tout
cela , & vous tomberez d'accord
que c'eſt dequoy aller
aufii loin qu'aucun Prince dela
Maiſon de Lorraine ait jamais
fait dans l'Eglife.
GALANT.
235
La premiere des deux Enigmes
du mois paffé avoit pour
vray fens la Plante des Pieds.
Ceux qui l'ont trouvé font
Meſſicurs de Voulges : Royer:
Racier : Perfchaye de la ruë
de la Harpe : Trublet de Saint
Malo : Meſdemoiselles Moufle
&Potin : Lambert de S. Malo :
Cabeüil & Edme de la ruë S.
Denis : de Voulges & Royer :
le Chevalier des Maronniers
de la ruë de l'Arbre mort : le
Marquis deFreſquiere leplus
petit des Pages du Roy de la
ruë des deux Ecus : le Gentilhomme
imaginaire du quartier
de l'Univerité : l'Amy de l'Epinay
Buret : l'Amant fidelle de
la petite Janneton de la rue S.
Jacques : l'Hiſtorien du Vi-
-vient; le Directeur du Palais.
de Venus de la ruë de l'Arbre-
ةوق
236
MERCURE
P.
fee : Jean Larrivé de Caën :
l'Afpirant à la gloire , de la ruë
de la Belle Croix d'Argentan :
le Coeur volant de Belles en
Belles , de la rue des Noyers :
Pellerin . Truocnarab retourné
: l'inconftante Manon de la
ruë des vieilles Etuves : l'aimable
Manon de la Porte S. Martin
:Marton l'Amoureuſe de la
ruë des Preſcheurs : la Veuve
fans pareille de la ruë de la
Boudebrie :l'indifferente Veuve
aux yeux bleus de la ruë de
la Cerifaye : l'amoureux Fan .
chon& fatendre ranchonette:
les deux aimables Sooeurs de la
Porte de Buffy ,& la Bamboche
de la ruë S. Germain .
La feconde estoit fur le Canevas
, & ce mot a eſté trouvé
parl'Amant fincerede l'adorable
Margoton de la ruë de l'Indifference
: Laurent la Savo
GALANT.
237
nete du Pont S. Michel : Mon
Bon & fa groffe femme: la Belle
du Faux Bourg S. Marceau à
l'Anagrame ; On t'aime her :
la groffe Mere & fa bonne Fille,
de laruëdu Four.
Ceux qui ont expliqué l'une
& l'autre dans leur vray
fens , font Monfieur le Baron
d'Olieres , Seneſchal de Siſteron
: l'Abbé Viette : le Chevalier
de S. Romain : l'Abbé Séjourné
Provinois : le Marquis
de Vivien ; Harfon de S. Malo
: de Villedieu de la Place
Royale : Julien le Roy , Secretaire
de Monfieur le Commiffaire
de la Marinede S. Malo :
de Solle l'aifné : du Four de
Boos de Roüen : Meriel Maî
tre à Chanter àCaën : le Chevalier
D. L.T. Digeon de la
Fontaine des Blancs - Man
238 MERCVRE
teaux : Lourdet : Couldreau ,
Penſionnaire au College de
l'Abbaye de Tiron : Gautier
de la ruë Poupée : l'EpinayBuretde
Vitré le Roy du Griffon
d'or : le Colonel Privernas
: Morel d'Apremont : Mefdemoiselles
Louiſe Lucie de
Surinam , de Châtillon en Bazois
: de Creffonville de la
vieille ruë du Temple : lajeune
Mariane de Montmejan, du
Port Sainte Marie fur la Rivicrede
Garonne : deChamp-
Renaud d'Orleans : le Capitaine
des Autruches de la ruë
S. Jacques : l'Amanttrop conſtant
de la trop auſtere Georgette
de Saint Malo : le proche
Voiſin de la nouvelle Place
Royale de Poitiers : les deux
Vivans de Loches de la Porte
de Bauvais d'Amiens : Firmi
GALANT .
239
ni de la ruë de Geſvres : le
nouveau débarqué de la ruë
S. Iacques : l'Avocat Pilate de
la ruë de la Bouclerie : l'Abbé
dela Hure , Amant de la petite
Blonde d'Egypte de la
Montagne Sainte Genevièver
le Solitaire de la rue des Morfondus
: Ellodad Sivol : le petit
Trente - deux : l'Homme
armé de la rue des Blancs-
Manteaux
:
Valantin Ma
chaud , Directeur de l'Academie
du galand Coufinage : la
Creſpiniere de Bourlehou prés
Quimper : le Phrigien à l'Anagramme
, Un tendre amourva plus
loin qu'on ne penſe : l'infortuné
Charlet de la Roche - Bernard
en Bretagne : le Voiſin de la
fiere Brune de la Porte de Paris
: le Voiſin de l'Arche de
Noé du meſme lieu : Colin la
یک
240 MERCURE
poule blanche & Louiſon fon
Amie: l'aimable lean de Bonne
foy de la ruë du Mouton :
l'aimable Lanras de Morlaix :
la Belle au Coffre de la ruë des
Morfondus : la Brune claire malade
, de la ruë Neuve S. Auguſtin
: la jeune Maiſtreſſe
d'Academie, de la rue du Mouton
: la Societa Italiana dellaſtrada
Simone il Franco : la Dame Franco
- Batave à l'Anagramme ,
Pureimagede vertu : Diane de la
Forest d'Alcleon : les deux
Soeurs du Port S.Landry:Claudine
des Goelles , Protectrice
del' Academie du galantCoufinage
: l'aiſnée des Voiſines du
Temple de Compiegne:la petite
Soeur Thoinon de la rue
Tarechape : la charmante Solitaire
labelle Clarice de la rue
du Temple , la charmante de
T'Hoſtel
GALANT.
241
THoſtel de Soiſſons : l'incomparable
Brune C G. & fon
Tircis de Ville franche en
Beaujolois ; la Spirituellede la
rue Baillet: l'Amant paſſionné
de la belle Fanchon : le Drôlle
aux belles dents : la plus aimable
Perſonne de la rue Saint
Loüis du Marais : la nouvelle
Apoticaire de la ruë de l'arbreſec
, & leanne Françoiſe Poudrous
variante de la meſme
ruë.
La difficulté de bien expliquer
l'Enigme touchant les
belles & Sçavantes Lyonnoiſes
eſt cauſe qu'on n'a pû decerner
la pomme d'or & la Couronne
de Myrte à la plus charmante
Iris .... à fortaprochédu
ſens ;& l'on ne doute pas que
ſi elle eſt de concert avec
Daphnis.... où Cleante... elle
Avril 1688 . L
242
MERCURE
ne vienne à bout de cette explication
galante ... il faut pour
cela quelle faſſe mieux fon de .
voir... puiſqu'elle y doit trouver
fc bonne ou mauvaiſe de
ſtinée .... ſuivant qu'elle ſe
comportera. Devinez ce que je
pense.
4
*Ie vous envoye deux Enigmes
nouvelles. La premiere
eſtdu meſme Autheur que celle
du Canevas . C'eſt un Abbé
d'une Famille toute pleined'ef
prit.
M
ENIGM E.
AFigure est affezbizarre,
Undes bouts de mon corps est étroit
&pointu ,
L'autre est double&plus itendu.
GALANT. 243
Pour m'employer ilfaut que l'on
fepare ,
Etqu'on rejoigne deux anneaux,
Mon corps tient le milieu de ces
bouts inegaux ;
Il est creux , échancrépar devant,
par derriere.
Je dois mon eſtre àla lumiere ,
Et cependant je ne fers que la
nuit
Aquiveut s'en paſſer bien souvent
il en cuit ,
Etfefervant de moy fi l'on fait le
contraine
De ce que l'onpretentdoitfaire,
On seme o en couroux , & d'autre
fois onrits
Celuy qui commet cette faute
Ena toûjnurs quelque depit.
Quandj'ayServy, mon corps en dedansſenoircit
Mais c'est une noirceur que fans
peine l'on m'ofte.
La
244 MERCURE
AUTRE ENIGME.
DAns les vaſtes climats où j'ay
monorigine.
Chacun estime mon pouvoir;
Parmy lesplaisirsje domine ,
Et tout lemonde aimeà mevoir.
Ien'avois pointailleurs d'entrée;
Làſebornoit tout monrenom ,
Ou si j'estois connu dans quelque
autre contrée,
Iene l'estoit que par mon nom.
Mais depuis que par tout fur la
terre&Sur l'onde
I'aydesgrandes intelligences
Onmeconnoiſtdel'unàl'autrebout
dumonde 1
Parmy tous les honneſtesgens.
Lefuis fans me wanter de bonne
compagnie,
Le fers àla fociete.
i
GALANT. 245
Et quand la Bellehumeur enfemble
estre bannie ,
Le luy rendsſa vivacité.
:
Mais belas admirez malgré ma
renommée,
L'Etrangemalheur qui mesuis
Lay beaufairedu bien , ma veriu
n'est aimée
Qu'à mesure qu'on me détruit
Ilfaut pour obeiràmonfort,merefoudre
Pendant que je suis encor frais,
D'estre briséde coups, grillé, réduis
en poudre ,
Sansautre formedeprocé.s.
Ie meſuis trompé Madame
dans ma Lettre de Février, lors
qu'en vous parlant du- mariage
de Monfieur le Marquis
du Roure avec Mademoiselle
L3
246 MERCURE
de la Force , je vous ay mande
que ce Marquis eſtoit d'une
Maiſon d'Italie. La Maiſon du
Roure eft originaire de Languedoc
dans le Gevaudan. H
eft vray qu'ayant donné un
Souverain Pontife à l'Egliſe
il y a quatre cens ans ſous le
nom d'Urbain V. ce pape maria
, & établit richement en
Italie l'un de ſes Neveux qui
eſtoit Cadet de fa maifon , &
c'eſt de la que font venuës
des branches fort confiderables
en biens & en dignitez
qui ont donné deux autres
Souverains Pontifes au Siege
deRome , Jules II . & Sixte IV .
La plus élevéede ces branches
aeſté celle des Ducs d'Urbin,
dont l'Heritiere eſt Madame
la Grande Ducheſſe de Tofcane
, Mere de Monfieur le
GALANT.
247
Grand Duc d'aujourd'huy . Le
Pere d'Vrbain V. qui eſtoit
Baron du Roure , de Grizac, &
de pluſieurs autres Places , eftant
encore vivant lors que ſon
Fils fut élevé au Pontificat ,
obtint du Roy Jean un affranchiſſement
general de toutes
Tailles , Subſides , Contributions
de gens de Guerre,
en faveur de ſes Vaſſaux , &
generalement de tous ceux
qui relevoient de ſes Terres,
qui font encore toutes poffedées
par Monfieur le Comte
du Roure , & font quatorze
grandes Paroiffes en Languedoc
, où ce meſme privilegea
toûjours lieu . Le Roy ayant
approuvé le mariage de monfieur
le marquis du Roure ſon
Fils , l'accompagna de graces
extraordinaires , en donnant
1
L4
248 MERCVRE
àMademoiselledela Force des
fommes & des Penſions confiderables
, & à ce jeune Marquis
la ſurvivance de la Lieutenancegenerale
en Languedoc
, & du Gouvernement de
la Ville & Citadelle du Pont
S. Eſprit , que poffede Monfieur
le Comte du Roure fon
Pere. Ces Charges , dont
fes Seigneurs de cette maifon
joüiffent depuis longtemps
, font une marque des
ſervices importans qu'ils ont
toûjours rendus à l'Etat. Auffi
ont- ils eſté ſouvent honorez
du Collier des Ordres de nos
Rois.
:
Les nouvelles publiques vous ont
appris la mort du Doge de Venife ,
j'ay beaucoup àvous dire fur ce qui
régarde cette Dignité ; mais comme il
faut du temps pour aſſembler tant de
chofes curieuſes,je les remets juſqu'an
mois prochain.
GALANT. 249
Jecroyois vous parler des Modes
nouvelles , mais la Saiſon n'ayant pas
encore donné lien de quitter les habits
d'Hiver , je ne vous en entretiendray
que dans ma Lettre de May.
Le Roy a eu quelques accés de fiévre
comme ce n'eſtoit que l'effet d'un Rhumatiſine,
& qu'il n'eſtoient cauſez que
par accident , cette fiévre n'a point eu
de ſuite ,& le mal a eſté bien-toſt ſurmonté
par le bon temperament de Sa
Majesté , & par ſon travail , ce Prince
n'ayant point ceffé de s'appliquer aux
affaires de l'Etat .
Monfieur a eu aufſi quelques accés
de fiévre , mais plus violens . Cependant
la fiévre l'a quitté. Monſcigneur
l'eſt venu voir à Paris où ce
Prince eſtoit malade , & le Roya
ſouvent envoyé ſçavoir des nouvelles
deſaſanté.Ic fuisMadame,Voftre,&c.
AParis ce 30. Avril 1688 .
250 MERCURE
4
LE
A
L
LIBRAIRE
au Lecteur.
E lecteur trouvera une feconde
partie jointe à ce Volume inti
sulée , Hiftoire de Mahomet
IV . dépoffedé , où l'on voit
beaucoup de choſes concernant
l'Empire Othoman , avec
lePortrait des inclinations du
Sultan déposé , ſon Horoscope;
les defcriptions de toutes les
Revoltes des laniſſaires fous
vingt- trois Empereurs Turcs ,
tout cequi s'eſt paſſfé de plus
particulier à la Porte pour dépoſer
Mahomet IV. & élever
Soliman III . fur le Trône; une
exacte defcription de ſon Couronnement;
la continuationdes
GALANT. 251
!
Troubles depuis cette Ceremonie
, avec pluſieurs autres
choſes curieuſes . Il eſtreſté tant
de choses à l'Auteur touchant les
Mouvemens arrivez à Constantinople
, qu'il en donnera encore un
fecond Volume au Public , qui fervira
de Seconde partie au Mercure
prochain , qui fera celuy de Iuin ,
&que je ne separeray point , non
plus que celuy- cy. Quoy qu'il ait la
pluſpart des Relations qui ont eſté
envoyées de Constantinople.comme
ilpeut neanmoins luy en manquer
encore quelques - unes , ie recevray
pour luy toutes celles qu'on me vou
dra adreſſer , & le Publicfera obli
géà ceux qui en envoyeront puis
que cela donnera lieu de faire un
corpsplus parfait de l'Histoire de
cette grande Rebellion. Les Relations
les plus fteriles peuventfournir
quelques lignes qui ne se trouvent
252
MERCVRE
pas dansles plus exaites. L'Aus
reur en a souvent fait l'épreuve ,
ayant trouvé des circonstances nouvelles
dans trente Relations d'une
mesme affaire. Ainsi ceux qui en
ont ,font priez d'en envoyer , quand
mesme ils ne les croiroient pas confiderablesen
comparaison de celtes.
qui leur paroiſſent plus amples,&
qui courent dans lemonde.. A
HBOOR
DEZAVIL
LYON
TABLE.
Prelude.
Epiſtre en Vers au Roy.
***
2
Ceremonies obfervées aux Mariagesfait
en Pologne. 9
LLeettttrreeccuurriieeuusseetouchant ladécouvertede
plusieurs Medailles an-
IIS
VersfurledepartdeM. le Comte&
tiques.
deMadamela Comteſſe deMon-
SejourenBourgogne.
Operationfinguliere
4. taigu , après avoirfait un long
31
36
A
Prixde l'Arquebuse proposéà cinz
quante Villes differentesparMrs
de laVille d'Autun.
Epithalame, 168
Morts.
38.
77
TABLE.
Lettre deM.de Comiers , touchant
la Conduite , & Elevation des
Eaux ,& tout cequiconcerne les
Ietsd'eau, 84
Mariage d'un Prince avec la Fille
d'un Marchand. 122
Essayde Pastorale pour un Concert.
126
Testament deMademoiselle de Gui-
Se 136
Histoire. 184
Parfaite connoissance des Fleurs.
199
Madrigal. 201
Nomsdesvingt -fix Seigneurs dela
Cour à qui Monseigneur a fait
preſent d'un magnifique équipage
de Chaffe.
Autre liberalité de Monseigneur le
Dauphin. 206
Mort de M.leDucdeMortemar,
207
MortdeM.Gendron. 214
TABLE.
Mort de M. de Charleval. 215
Sujets des Dialogues de la Seconde
Partie des Dialogues Satyriques
Moraux. 216
Benefices donnezpar le Roy, 224
Actión de SaMajestétouchant cette
distribution , digne d'estre remarquée,
228
Sermon preſché par M. l'Abbe de
Brou nommé à l'Eveſché d'Amiens.
230
Etabliſſement des Miſſionairesfait
par Monsieur pour deffervir la
Chapelle du Chasteau S.Cloud,
avec les devotions de ce Prince
pendant la Semaine Sainte . 231
Mademoiselle reçoit le Sacrement
de Confirmation aux Religieuses
du Val-de grace, 233
M. l'Abbé de Lorraine est recen
Docteur de Sorbonne , & ditſa
premiereMeffe. 234
TABLE.
Noms de ceux qui ont expliqué les
Enigmes.
Enigmes nouvelles,
Maison du Roure.
Monfieur.
235
242
245
Retour de la Santé du Roy &de
249
1
Fin de la Table.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères