Titre
EPITRE A M. L'Evêque de ..... qui avoit engagé l'auteur qu'il protégeoit à passer six mois dans la pension de .... pour se former à l'Ecriture. / FABLE. Le lierre avec le coudrier
Titre d'après la table
Epître à M. l'Evêque de ...
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54
Page de début dans la numérisation
61
Page de fin
57
Page de fin dans la numérisation
64
Incipit
PAR votre ordre, illustre Prélat,
Texte
EPITRE
A M. l'Evêque de..... qui avoit engagé
l'auteur qu'il protégeoit à paffer fix mois
dans la penfion de .
l'Ecriture.
.... pour se former à
PAR votre ordre , illuftre Prélat ,
Changeant d'exercice & d'Etat ,
Dans une folitude affreufe ,
Plus rigide qu'une Chartreuse ,
J'ai par anticipation ,
Pour mériter votre protection ,
Paffé dans le jeûne & la peine
Beaucoup plus rude quarantaine ,
Que celle que l'Eglife impofe tous les ans
Pour purifier fes enfans.
Des Peres du défert l'antique pénitence ,
De Citeaux l'étroite obfervance
N'ont fur nos jeunes accablans
Que la préférence du tems .
Notre boiffon n'eft qu'une eau pure ,
A laquelle on joint par figure ,
Quelque peu de vin frélaté ,
En fi petite quantité
Qu'à la Trape le folitaire
Sans fcrupule en feroit fa boiffon ordinaire.
OCTOBRE. 1755. 55
Le potage qui fait les trois quarts du repas ,
N'eft fouvent ni maigre ni gras ,
Et pour dire ce que j'en penfe ,
L'on peut en tout tems fans offenfe ,
Réſerver pour le vendredi
La foupe qu'on fert le jeudi .
Encor fi l'on paffoit , exempt de toute affaire ,
Le matin à dormir , le foir à ne rien faire .
Pour furcroit de mifere il faut le jour entier ,
Sans ceffe griffonner , barbouiller du papier.
Des maux qu'en ces lieux on endure ,
Ce n'est là , Monfeigneur , qu'une foible peinture
.
Devenu par raifon philofophe à quinze ans ,
Pour paffer une heure de tems ,
J'allois dans la forêt prochaine ,
A l'ombre d'un hêtre , ou d'un chêne ,
Cenfurer , Moliere à la main ,
Les travers de l'eſprit humain.
Illuftre Prince de l'Eglife ,
C'est là qu'un jour avec furpriſe ,
Fait rimeur , fans fçavoir comment ,
Je fis l'apologue fuivant.
FABLE .
LE lierre avec le condrier
Vivoient enſemble à l'ombre d'un grand chêne.
Depuis long- tems , le premier fur l'arene
Triftement ferpentoit , tandis que le dernier
Haut de dix pieds au plus , d'un air fat , pédantefque.
Cent fois par jour à fon voifin
Vantoit fa hauteur gigantefque.
Ton fort , lui difoit- il , ami , me paroît doux.
Tu peus , plus fortuné que nous
Le nez colé contre la terre ,
Braver & les vents furieux ,
Et le rédoutable tonnerre
Que lance le maître des Dieux.
Sans craindre les revers de la profpérité ,
Dans une heureuſe obſcurité
Tu paffes doucement la vie.
Ton état me fait preſque envie ;
Et pour t'ouvrir en voifin familier ,
Ici mon ame toute entiere ,
Si je n'étois pas coudrier ,
Je voudrois au moins être lierre,
Peu fenfible à ce compliment ,
Le pauvre arbuste cependant
Jufques au pied du chêne arrive en fe traînant .
D'un air refpectueux l'aborde , & le falue
OCTOBRE.
$ 7
1755 .
Fait fon compliment en deux mots ,
Puis grimpant le long de fon dos ,
Va bientôt avec lui fe cacher dans la nue.
Pour acquerir de l'honneur & des biens ,
De les talens une humble défiance ,
D'un Mécene puiffant l'efficace affiftance ,
Furent toujours d'infaillibles moyens.
H. C. A Senlis.
A M. l'Evêque de..... qui avoit engagé
l'auteur qu'il protégeoit à paffer fix mois
dans la penfion de .
l'Ecriture.
.... pour se former à
PAR votre ordre , illuftre Prélat ,
Changeant d'exercice & d'Etat ,
Dans une folitude affreufe ,
Plus rigide qu'une Chartreuse ,
J'ai par anticipation ,
Pour mériter votre protection ,
Paffé dans le jeûne & la peine
Beaucoup plus rude quarantaine ,
Que celle que l'Eglife impofe tous les ans
Pour purifier fes enfans.
Des Peres du défert l'antique pénitence ,
De Citeaux l'étroite obfervance
N'ont fur nos jeunes accablans
Que la préférence du tems .
Notre boiffon n'eft qu'une eau pure ,
A laquelle on joint par figure ,
Quelque peu de vin frélaté ,
En fi petite quantité
Qu'à la Trape le folitaire
Sans fcrupule en feroit fa boiffon ordinaire.
OCTOBRE. 1755. 55
Le potage qui fait les trois quarts du repas ,
N'eft fouvent ni maigre ni gras ,
Et pour dire ce que j'en penfe ,
L'on peut en tout tems fans offenfe ,
Réſerver pour le vendredi
La foupe qu'on fert le jeudi .
Encor fi l'on paffoit , exempt de toute affaire ,
Le matin à dormir , le foir à ne rien faire .
Pour furcroit de mifere il faut le jour entier ,
Sans ceffe griffonner , barbouiller du papier.
Des maux qu'en ces lieux on endure ,
Ce n'est là , Monfeigneur , qu'une foible peinture
.
Devenu par raifon philofophe à quinze ans ,
Pour paffer une heure de tems ,
J'allois dans la forêt prochaine ,
A l'ombre d'un hêtre , ou d'un chêne ,
Cenfurer , Moliere à la main ,
Les travers de l'eſprit humain.
Illuftre Prince de l'Eglife ,
C'est là qu'un jour avec furpriſe ,
Fait rimeur , fans fçavoir comment ,
Je fis l'apologue fuivant.
FABLE .
LE lierre avec le condrier
Vivoient enſemble à l'ombre d'un grand chêne.
Depuis long- tems , le premier fur l'arene
Triftement ferpentoit , tandis que le dernier
Haut de dix pieds au plus , d'un air fat , pédantefque.
Cent fois par jour à fon voifin
Vantoit fa hauteur gigantefque.
Ton fort , lui difoit- il , ami , me paroît doux.
Tu peus , plus fortuné que nous
Le nez colé contre la terre ,
Braver & les vents furieux ,
Et le rédoutable tonnerre
Que lance le maître des Dieux.
Sans craindre les revers de la profpérité ,
Dans une heureuſe obſcurité
Tu paffes doucement la vie.
Ton état me fait preſque envie ;
Et pour t'ouvrir en voifin familier ,
Ici mon ame toute entiere ,
Si je n'étois pas coudrier ,
Je voudrois au moins être lierre,
Peu fenfible à ce compliment ,
Le pauvre arbuste cependant
Jufques au pied du chêne arrive en fe traînant .
D'un air refpectueux l'aborde , & le falue
OCTOBRE.
$ 7
1755 .
Fait fon compliment en deux mots ,
Puis grimpant le long de fon dos ,
Va bientôt avec lui fe cacher dans la nue.
Pour acquerir de l'honneur & des biens ,
De les talens une humble défiance ,
D'un Mécene puiffant l'efficace affiftance ,
Furent toujours d'infaillibles moyens.
H. C. A Senlis.
Signature
H. C. A Senlis.
Lieu
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Provient d'un lieu