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644
Incipit
LEÇONS de Physique expérimentale, par M. l'Abbé Nollet, de l'Académie royale
Texte
LEÇONS de Phyfique expérimentale ,
par M.l'Abbé Nollet , de l'Académie roya
le des Sciences , Profeffeur de Phyfique
expérimentale au College de Navarre , &c.
tome v. A Paris , chez Guerrin & De Latour
, rue S. Jacques , à S. Thomas d'Acquin
.
Ce volume , que le public attendoit depuis
long-tems , traite de la lumiere & des
couleurs , matiere intéreſſante , & qui
s'affujettit mieux qu'aucune autre partie
de la phyfique aux régles de la Géométrie
& au calcul , mais que l'auteur , obligé de
fuivre la méthode qu'il a embraffée pour
tout l'ouvrage , s'eft appliqué à rendre
fenfible par la voie de l'expérience. Cela
nous met à portée de voir jufqu'à quel
point les faits quadrent avec la théorie ;
& nous voyons que les perfonnes qui commencent
à s'appliquer à cette fcience
prendront facilement par la lecture de
ces leçons des idées claires & méthodiques
qu'elles auroient peine à acquerir autrement.
Nous en avions conçu cette opinion en
confidérant que les principes y font expo
E
98 MERCURE DE FRANCE.
fés avec clarté , que les expériences qui
leur fervent de preuves , font curieuſes
décifives , & très bien repréfentées par les
figures ; mais nous en fommes encore plus
perfuadés , en apprenant par la voie du
public , avec quel intérêt & quelle affiduité
des perfonnes de tout âge & de toute
condition , fe font affemblées pendant les
mois de Juin & de Juillet derniers au
Collége de Navarre , pour continuer d'entendre
M. l'Abbé Nollet , & lui voir exécuter
les expériences qui concernent cette
matiere ; c'est peut- être la premiere fois
qu'on ait entrepris avec fuccès de les faire
voir à soo , à 600 perfonnes en même
terns.
Le volume dont nous parlons , contient
trois leçons ; fçavoir , la quinziéme , la
feizième , & la dix-feptiéme, & voici l'ordre
dans lequel les matieres fe préfentént.
L'auteur expofe d'abord l'état de la que
ftion qu'il fe propofe de traiter , il en fait
l'hiftoire ; & après avoir annoncé des propofitions
, il les établit par des raifons ou
par des expériences dont il a foin de bien
expliquer le méchanifme : après quoi il
fait venir par forme de remarques ou d'applications
les effets naturels qui peuvent
dériver du principe établi , ou avoir quelSEPTEMBRE.
1755. 99
j
que rapport avec les expériences qui ont
fervi de preuves.
Dans la quinziéme leçon , par exemple,
où il s'agit d'abord de la nature & de la
propagation de la lumiere , M. L. N. expofe
au Lecteur les deux principales opinions
qui partagent aujourd'hui les Phyficiens
, celle de Defcartes & celle de
Newton ; il embraffe la premiere avec
quelques modifications , il rend raifon du
parti qu'il prend , il prévient les objections
qu'on pourroit lui faire ; & enfin il
en vient à des expériences par lefquelles
il prétend prouver que la lumiere eft une
matiere fubtile univerfellement répandue
au- dehors , comme au- dedans des corps ,
& toujours prête à devenir fenfible par le
mouvement qu'elle peut recevoir des corps
enflammés , ou par la clarté du jour auquel
elle fe trouve expofée . Ces expériences
donnent lieu à une hiftoire trèscurieufe
des phofphores , où l'on trouve
des nouvelles découvertes .
L'auteur examine enfuite les directions
que la lumiere fuit dans fes mouvemens ,
foit qu'elle vienne directement du corps
lumineux vers nos yeux , foit qu'elle rencontre
en fon chemin un obftacle qui l'oblige
à fe refléchir , foit enfin qu'elle paffe
d'un milieu dans un autre de différente
denfité. E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
Il s'arrête d'abord au mouvement direct
, & après quelques définitions néceffaires
pour l'intelligence de la queſtion ,
il énonce le principe de l'Optique , proprement
dite , en quatre propofitions , dont
voici les deux premieres. 1 ° . En quelque
endroit qu'on préfente un plan vis- à - vis
d'un point radieux , ce plan devient comme
la bafe d'une pyramide de lumiere.
2º. Ce plan eſt moins éclairé à meſure
qu'il s'éloigne du point radieux.
Deux expériences mettent ces faits fous
les yeux , & apprennent en même tems
dans quel rapport fe fait le décroiffement
de la lumiere , & l'accroiffement de l'ombre.
En comparant avec ces deux épreuves
ce qui fe paffe à l'égard de l'oeil qui ſe
préfente vis- à- vis d'un objet éclairé , on
conçoit d'abord & très facilement , comment
plufieurs perfonnes placées en différens
endroits apperçoivent enfemble le
même corps , fi petit qu'il foit ; pourquoi
nous ne pouvons voir qu'en ligne droite ;
par quels moyens nous jugeons de la diftance
quand elle eft petite ; quelle eſt la
caufe des ombres , ce qui régle leur grandeur
& leurs figures ; par quels moyens
la lumiere peut augmenter ou diminuer
pour le même oeil , & c.
SEPTEMBRE . 1755. 101
Les deux autres propofitions font énoncées
ainfi . 3 ° .Si le corps lumineux eft d'une
grandeur & d'une figure fenfibles , le plan
qu'on lui préfente , devient la bafe commune
d'autant de pyramides de lumiere ,
qu'il y a de points radieux tournés vers
lui. 4 ° . Si au lieu d'un plan qui arrête la
lumiere , on fait un trou dans une planche
mince , les pyramides lumineufes qui
viennent des différens points de l'objet
s'y croifent , paffant de droite à gauche
de haut en bas , &c . Deux expériences qui
mettent ces faits fous les yeux , font naître
naturellement les applications fuivan
tes.
,
>
Comment fe forment les images des
objets au fond de l'oeil ? pourquoi nous
voyons ces objets droits , quoique leurs
images foient renversées fur l'organe ;
par quels moyens nous jugeons des grandeurs
& des diftances des corps que nous
appercevons ; d'où vient que deux files de
foldats ou deux murailles paralleles feniblent
fe rapprocher l'une de l'autre , à mefure
qu'elle s'éloignent de nous ; pour
quelle raifon la furface d'un canal femble
s'élever dans l'éloignement ; pourquoi la
figure d'un grand corps apperçu de loin ,
change fuivant la direction de nos regards ?
Şur quelles régles eft fondée la perfpe-
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
&tive ? Comment les mouvemens apparens
des corps qu'on regarde dans le lointain ,
différent des mouvemens réels , tant pour
la direction que pour la vîteffe Dans
quels cas leur viteffe paroit nulle , ou devient
infenfible ? Comment l'habitude , le
préjugé , les connoiffances précédemment
acquifes , nous font juger des grandeurs
& des diftances ? d'où vient que nous
voyons la voûte du ciel comme furbaiffée ,
le foleil & la lune plus grands à leur lever
qu'au zénith , & c.
La feizième leçon comprend la catoptrique
& la dioptrique , c'est - à - dire les
mouvemens de la lumiere refléchie , &
ceux de la lumiere refractée .
L'Auteur commence par une differtation
qui nous a paru curieufe , & dans laquelle
il entreprend de prouver contre
l'opinion commune que la lumiere ne ſe
refléchit point de deffus les parties propres
des corps polis , des miroirs par exemple
, mais de deffus les particules de lumiere
qui font logées & comme enchaffées
dans les pores de ces furfaces. M. L. N.
s'attend bien que cette opinion aura de
la peine à prendre dans l'efprit de fes lecteurs.
J'avoue , dit - il , qu'en embraf-
» fant cette opinion , on fe met dans la
» néceffité de renoncer aux idées les plus
SEPTEMBRE. 1755. 103
33
communes , & de fe roidir contre des
préjugés bien accrédités & bien difficiles
à vaincre. Se perfuadera - t - on , par
exemple , que les corps ne foient pas
vifibles par eux-mêmes , mais feulement
par les points de lumiere , dont les fur-
» faces font parfemées ? qu'à proprement
» parler , nous n'avons jamais rien vû de
" tout ce que nous avons touché : cepen-
» dant , quel moyen de penfer autrement ,
» fi nous ne pouvons rien voir que ce qui
» nous renvoie de la lumiere , & fi les
» rayons qui nous tracent les images des
objets ne peuvent être renvoyés vers nos
»yeux que par les globules de cette ma-
» tiere impalpable qui fe trouve dans la
» même fuperficie , avec les parties pro-
»pres des corps .
Voici une comparaifon qui vient à
l'aide .
d'a
Quand vous jettez la vûe fur un mor-
» ceau de drap teint en écarlatte , continue
" M. L. N. votre premiere penſée n'eft-
"elle pas que vous voyez un tiffu de lai-
» ne , & ne vous revolterez - vous pas
» bord contre quiconque vous foutien-
» droit que vous voyez toute autre chofe
" que cela ? cependant , fi vous y faites
» attention , vous ferez obligé de convenir
que vous n'appercevrez qu'un enduit
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
ور
de cochenille adhérent à la matiere
»propre de l'étoffe , des particules colo-
» rantes incruftées dans les pores de la
» laine ; en un mot , une fubftance étran-
» gere à l'objet que vous avez en penſée ,
» & qui ne vous laiffe voir de lui que fa
"grandeur , fa fituation , fa figure , & nul-
» lement fa matiere propre ... Voilà donc
» des cas avoués de tout le monde , où les
" corps ne font pas vifibles
leur
par
pro-
" pre matiere
, mais par une ſubſtance
» étrangere
qui s'eft logée dans leurs pores.
Il faut voir dans l'ouvrage même
les autres raifons que l'Auteur fait valoir
en faveur de cette hypothèfe , & de quelle
maniere il prévient les difficultés qu'on
pourroit alléguer contre.
On trouve enfuite la defcription d'un
inftrument nouveau & commode pour me
furer l'angle de réflection de la lumiere
dans toutes fortes de cas , & l'on voit par
une premiere expérience qui fert comme
de bafe à toutes les autres du même genre ,
qu'un rayon fimple étant refléchi par un
miroir , fait fon angle de réflection égal
à celui de fon incidence.
Les principales conféquences de ce premier
principe fe rendent fenfibles par des
expériences où l'on emploie fucceffivement
des rayons paralleles , convergens &
SEPTEMBRE. 1755. 105
divergens , d'abord avec un miroir plan ,
enfuite avec un miroir convexe , & enfin
avec un miroir concave ; cela fait neuf
combinaiſons , dont les trois premieres
font connoître , que le miroir plan en renvoyoiant
la lumiere, ne change rien à la fituation
refpective des rayons incidens , &
l'on en tire les raifons des effets fuivans .
On apprend pourquoi un feul miroir
plan ne peut fervir à raffembler les rayons
folaires dans un foyer. D'où vient que
dans un tel miroir l'image fe voit derriere
, & auffi loin que l'objet en eft éloigné
par-devant. Par quelle raifon la grandeur
& la figure apparentes font conformes à
celles de l'objet que l'on regarderoit direêtement
de la même diftance. De quelle
grandeur doit être le miroir plan , pour
qu'on puiffe s'y voir tout entier? Comment
la fituation de l'image fe régle relativement
à celle de l'objet qui eft placé devant
une glace ? Pourquoi & comment les images
fe multiplient entre deux miroirs ? De
quelle maniere on doit expliquer les effets
des miroirs prifmatiques & pyramidaux ,
& c .
Les trois combinaiſons fuivantes fè font
avec un miroir convexe , & font voir : 1º .
que tous les miroirs de cette efpece , petits
ou grands , diminuent pour le moins
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
la convergence des rayons qui tendroient
à fe réunir. 2 ° . Qu'ils rendent divergens
ceux qui ne font que paralleles . 3". Qu'ils
augmentent la divergence de ceux qui en
avoient déja avant que de refléchir. Ce
qui fert à expliquer
Pourquoi de tels miroirs rarefient la
lumiere , & par quelle raifon celle qui
nous vient de la lune & des autres planetes
eft fi foible ? Pourquoi l'image dans
ces fortes de miroirs paroît plus petite que
fon objet , plus près que lui du miroir ,
& fouvent défigurée ?
le
Enfin les trois dernieres combinaiſons.
fe font avec le miroir concave , & montrent
, 1 °. que les rayons paralleles deviennent
convergens. 2 ° . Que ceux qui
font convergens dans leur incidence
font davantage après la réflection . 3 °. Que
ceux qui font divergens , le deviennent
moins , ce qui peut aller jufqu'à les rendre
paralleles , ou même convergens .
›
Ces faits fourniffent des raifons pour
expliquer , pourquoi un charbon ardent
placé au foyer d'un miroir concave , &
excité par le vent d'un foufflet , allume de
l'amadoue au foyer d'un femblable miroir
, élevé parallelement en face du premier
, à la diſtance de trente ou quarante
pieds. Combien les rayons folaires renSEPTEMBRE.
1755. 107
voyés par ces fortes de miroirs , deviennent
capables d'embrafer ou de fondre les
corps les plus durs & les plus compactes :
d'où vient que dans certains cas les images
fe voyent entre la furface réfléchiffante
& l'oeil du fpectateur. Par quelle raifon
l'image y paroît plus grande que l'objet
& renversée , &c .
M. L. N. enfeigne ici par occafion , de
quelle maniere on fait des miroirs concaves
de verre , foit de plufieurs pieces , ſoit
d'une feule glace pliée au feu , & comment
ces derniers fe mettent au tain . Après
quoi il traite des miroirs mixtes , & explique
les effets de ceux qui font cylindriques
& côniques .
Il s'agit après cela des principes de dioptrique
, ou de la lumiere réfractée. L'auteur
déduit les loix de la réfraction , d'une
expérience dans laquelle il employe
une machine très- commode , & qu'il décrit
avec beaucoup d'exactitude : il rap-
-porte les différens fentimens des Phyficiens
fur les caufes de la réfraction , il embraffe
celui des Carthéfiens en expofant
les raifons qui le déterminent , & paffe à
l'explication de certains effets qui ont rapport
à fa premiere expérience.
Il enfeigne pourquoi un bâton en partie
plongé obliquement dans l'eau paroît
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
comme rompu ; par quelle raifon une piece
de monnoye placée au fond d'une cuvette
remplie d'eau , fe fait voir à ceux qui
ne l'appercevoient pas quand le vafe ne
contenoit que de l'air. M. L. N. remarque
comme une conféquence naturelle de
ces effets , que le poiffon qui eft dans un
étang voit au- delà des bords , des objets
qu'il ne pourroit appercevoir en droite
ligne : que nous voyons de même le foleil,
la lune , les étoiles , & c. avant que ces
aftres foient réellement fur l'horton , à
caufe des réfractions de la lumiere dans
l'atmosphere terreftre ; il fait fentir pourquoi
ce dernier effet diminue à meſure que
l'aftre s'éleve ; comment il peut arriver que
le foleil ou la pleine lune paroiffe ovale ,
dans quel cas l'on peut voir la lune éclipfée
, le foleil n'étant pas encore couché :
pourquoi la lune éclipfée paroît à nos yeux
d'un rouge obfcur. &c.
M. L. N. confidérant que les milieux
réfringens ne peuvent être terminés que
par des furfaces planes , concaves ou convexes
, examine dans ces différens cas quels
changemens il doit arriver ; 1 ° à des
rayons paralleles , enfuite à des rayons divergens
, & enfin à des rayons convergens;
ce qui fait encore neuf combinaifons que
l'auteur met en expériences.
SEPTEMBRE. 1755 . 109
Des trois premieres dans lefquelles on
employe un milieu réfringent terminé
par deux furfaces planes & paralleles entr'elles
, il réfulte 1 ° que des rayons qui
font paralleles entr'eux dans leur incidence
, reftent paralleles après la réfraction ,
foit en paffant du milieu le plus rare dans
le plus denfe , foit en paffant de celui- ci
dans l'autre , au moins dans le cas ou le
milieu réfringent n'a qu'une médiocre
épaiffeur : 2 ° que dans le premier de ces
deux cas les rayons convergens le deviennent
moins , & que dans le fecond ils reprennent
le degré de convergence qu'ils
avoient perdu : 3 ° que des rayons divergens
mis à pareille épreuve , perdent d'abord
une partie de leur divergence & la
reprennent enfuite.
On apprend dans deux corollaires qui
fuivent ces expériences , ce qu'on doit attendre
d'un milieu réfringent qui feroit
terminé par deux furfaces courbes , mais
concentriques , ou de celui dont les furfaces
oppofées feroient planes , mais inclinées
l'une vers l'autre .
Par des applications naturelles de ces
faits , on voit pourquoi tout ce que nous
appercevons en regardant dans l'eau , nous
paroît élevé vers la furface ; par quelle raifon
les baffins remplis d'eau nous paroifITO
MERCURE DE FRANCE.
fent moins profonds qu'ils ne le font en
effet , d'où vient que le fond de l'eau , s'il
eft d'une grande étendue nous ſemble courbe
quoiqu'il foit droit ; pourquoi les verres
taillés en prifmes nous changent le lieu de
l'objet , & par quelle raifon ceux qui font
à facettes , nous en multiplient l'image,
& c.
par
Les quatrieme , cinquieme & fixieme
combinaiſons ſe font avec un milieu plus
denfe que l'air , l'air , terminé des furfaces
convexes , & apprennent 1 ° que des rayons
paralleles en entrant dans un tel milieu
deviennent convergents. 2° que fi dans
leur incidence , ils convergeoient au centre
de la ſphéricité du milieu réfringent
il ne leur arrive aucun changement . 3 ° que
leur convergence diminue s'ils tendoient
à fe réunir plus près que le centre , & qu'ellé
augmente au contraire dans le cas oppofé
: 4° que les rayons divergens y perdent
au moins une partie de leur divergence ,
ce qui peut aller jufqu'à les rendre paralleles
, & même convergens.
De cette théorie rendue fenfible par l'expérience
, on tire naturellement l'explication
des faits que voici.
Pourquoi l'ufage des bocaux de verre
remplis d'eau , eft- il fi utile aux artiſtes qui
ont be foin d'une lumiere vive. D'où vient
1
SEPTEMBRE. 1755. III
que les corps plongés dans des vafes de
verre , ordinairement cylindriques , ou à
peu près , nous paroiffent difformes quand
ces vafes font pleins d'eau . Pourquoi les
corps tranfparens & fphériques , raffemblent
les rayons du foleil dans un foyer ; à
quelle diſtance on doit attendre le foyer ;
pourquoi en cherchant à former des foyers,
on a fubftitué les lentilles aux globes , fur
quelles confidérations on a réglé la largeur
des lentilles tranfparentes. Comment les
verres lenticulaires amplifient les images
des objets ; comment dans certains cas
elles nous font voir entr'elles & nous : d'où
vient qu'elles defforment quelques fois ces
images , & c .
>
Par les trois dernieres combinaifons qui
fe font avec un milieu réfringent terminé
par des furfaces concaves , on apprend
1º que par de tels milieux , les rayons paralleles
font rendus divergens ; 2° que
ceux qui font convergens y perdent une
partie de leur convergence , ce qui peut
aller jufqu'à les rendre paralleles ou même
divergens ; 3 ° que des rayons divergens
qui ont leur point de difperfion au centre
même de la concavité du milieu réfringent
, ne fouffrent aucun changement ;
mais que ceux qui viennent de plus loin
que ce centre , augmentent en divergence ,
112 MERCURE DE FRANCE.
<
& qu'il arrive tout le contraire à ceux qui
viennent de plus près.
On voit par là pourquoi les verres concaves
dont fe fervent les perfonnes qui ont
la vûe courte ; font voir les objets plus
petits qu'on ne les voit à la vûe fimple ;
pourquoi l'image eft plus près du verre par
derriere , que l'objet ne l'eſt par-devant ;
d'où vient que ces fortes de verres , diminuent
la clarté de la vifion , & c. 1
Dans la dix- feptieme leçon M. L. N.
commence par traiter des couleurs : « Nous
diftinguons , dit- il , les objets vifibles ,
» non-feulement par leur grandeur , leur
» figure, leur fituation , leur diftance , leurs
dégrés de clarté , & c. mais encore par
» une forte d'illumination qui fait que
» chacun d'eux brille à nos yeux d'une
>>
و ر
façon particuliere , & qui ne dépend
»pas de la quantité de lumiere qui l'éclaire
, c'eft ce dernier moyen de vifibilité
que la nature varie avec une magni-
» ficence fans égale , & dont elle embellit
» toutes fes productions ; c'eft , dis- je ,
» cette apparence particuliere des furfaces
» que nous nommons couleur en général ,
» & dont nous exprimons les efpeces par
les noms de blanc , de rouge , de jaune ,
» de bleu , & c.
Les couleurs peuvent être confidérées
SEPTEMBRE. 1755. 113
1° dans la lumiere à qui elles appartiennent
effentiellement ; 2 ° . dans les corps
en tant que colorés . 3 ° . & dans celui de
nos fens qu'elles affectent particulierement
, & par lequel nous les diftinguons ;
c'eft aufli l'ordre dans lequel l'auteur traite
cette partie ; il préfere le fentiment de
Newton à celui de Defcartes , ou plutôt
il les adopte tous deux , en faifant remarquer
qu'ils ne font pas incompatibles ; &
après avoir rapporté hiftoriquement ce qui
donna occafion aux découvertes du philofophe
Anglois , il remet fous les yeux l'expérience
fondamentale , qui lui fir foupçonner
les deux points capitaux de tout
fon fyftême , fçavoir 1 ° que la lumiere
naturelle eft compofée de fept efpeces de
rayons plus réfrangibles , & plus réflectibles
les uns que les autres ; 2 ° que chacun
de ces rayons a le pouvoir d'exciter conftamment
en nous l'idée d'une couleur particuliere,
D'où il fuit que le défaut de couleur
dans la lumiere naturelle , vient de
l'affemblage complet de tous les rayons
colorés , & que le noir n'eft qu'une privation
de lumiere , plus ou moins parfaite.
M. L. N. rapporte , non pas toutes les
expériences que Newton a faites pour établir
cette doctrine , mais les plus décifives
& les moins difficiles à exécuter , afin , dit114
MERCURE DE FRANCE.
il , que chacun de fes lecteurs puiffe entreprendre
de les répéter , fans craindre de les
manquer. C'eft dans cette vue fans doute ,
qu'il avertit dans des notes , des précautions
qu'il faut prendre en certains cas , du
choix qu'il faut faire des inftrumens & des
manipulations les plus propres à procurer
un heureux fuccès.
A l'occafion de ces expériences , l'auteur
fuivant toujours fa méthode , ne manque
pas de rendre raifon des effets naturels qui
peuvent s'y rapporter. Il apprend par exemple,
pourquoi les objets paroiffent teints
de diverfes couleurs quand on les regarde
au travers d'un prifme de verre , pourquoi
ces couleurs font fituées différemment
quand l'objet eft brun fur un fond clair ,
que quand il eft blanc fur un fond obfcur :
d'où vient qu'une riviere ou un canal vû à
travers un prifme , prend la forme d'un arc
de diverfes couleurs dont la convexité eft
tournée vers la terre : par quelle raiſon un
verre plein d'eau fait paroître dans certaines
occafions avec diverfes couleurs , les
rayons folaires qui le traverfent ; pourquoi
les diamans & les pierres fauffes qui font
brillantées , repréfentent les mêmes couleurs
que le prifme ; enfin comment ſe
forme l'arc-en-ciel , & quelles font les caufes
de fes diverfes apparences.
Après avoir confidéré les couleurs dans
SEPTEMBRE . 1755. 115
la lumiere , M. L. N. examine comment il
peut fe faire que parmi différens corps expofés
à la lumiere naturelle du jour , les
uns fe teignent conftamment des rayons
d'une certaine espece , tandis que d'autres
fe colorent autrement : il penfe que cela
dépend de leurs différentes porofités &
primitivement de la grandeur & de la figure
de leurs parties infenfibles ; car fi les
pores d'une furface font propres à loger
une certaine efpece de lumiere , on conçoit
que les rayons de même nature qui
tomberont deffus , feront réfléchis plus
complettement & en plus grande abondance
que les autres ; & fi c'eft un corps
tranfparent qui foit imbu de cette efpece
particuliere de lumiere , les rayons incidens
de la même efpece , pourront mieux
que d'autres tranfmettre leur action à ceux
qui font au-delà : ainfi , fuivant cette opinion
, tous les corps font pleins de lumiere ;
ceux qui la contiennent avec toutes fes
efpeces , font propres à réfléchir ou à tranf
mettre toutes celles qui fe préfentent à leur
furface , s'ils font opaques ils nous paroiffent
blancs ou brillans , s'ils font tranfparens
, nous les voyons clairs & limpides
comme le verre ou l'eau . Ceux qui n'ont
admis dans leurs pores qu'une forte de
lumiere , ne renvoyent ou ne tranfmettent
116 MERCURE DE FRANCE.
que celle- là , & nous paroiffent rouges ;
verts, bleux , jaunes , & c. Ceux enfin qui
par une contention particuliere de leurs
parties propres ou par le mauvais alignement
de leurs pores , ne peuvent ni renvoyer
ni tranfmettre l'action d'aucune
efpece de lumiere , nous leur avons donné
le nom de noirs ou d'obscurs.
Cette hippothefe eft appuyée par une
fuite d'expériences curieufes , dans lef
quelles on voit 1 ° que deux liqueurs claires
comme de l'eau , étant mêlées enfemble
, fe montrent fous une couleur qu'elles
n'avoient ni l'une ni l'autre. 2 ° . Qu'ane
liqueur fans couleur , fait paffer du
bleu au rouge , ou du verd au violet une
autre liqueur avec laquelle on la mêle .
3 °. Qu'une couleur très- limpide rend
opaque une autre liqueur qui ne l'étoit
pas plus qu'elle ; 4° . enfin , qu'une goute
ou deux d'une certaine liqueur , rend la
limpidité à un mélange qui étoit opaque
& coloré.
A l'appui de ces expériences , arrivent
les obfervations fuivantes , qui s'expliquent
comme elles d'une maniere affez
plaufible , en fuppofant qu'un changement
de porofité fuperficielle ou intime
dans les corps , eft la principale caufe de
leurs changemens de couleur.
2
SEPTEMBRE. 1755 117
On obferve que le papier bleu ou violet,
devient rouge , quand il eft touché par un
acide , que les étoffes fe tachent , par l'attouchement
des matieres qui peuvent en
altérer la texture : que l'action du feu ,
celle du foleil rougit les écreviffes , les
crabes & les autres poiffons cruftalés , que
l'impreffion continuelle de l'air fait prêndre
la couleur verte aux plantes , & qu'en
les en privant on les fait blanchir ; que
plufieurs teintures ou fucs naturels , paffent
d'une couleur à l'autre par la même caufe ;
qu'une legere fomentation fuffit fouvent
pour produire des effets ſemblables , &c .
L'auteur cherche enfuite qu'elle eft la
caufe de la tranſparence des corps : après
avoir remarqué , qu'il n'y a aucun corps .
ni abfolument tranfparent , ni abfolument
opaque , il prouve par plufieurs expériences
& obfervations , qu'un corps , toutes
chofes égales d'ailleurs , trafmet d'autant
mieux la lumiere , que fes parties font plus.
homogenes , ou d'une denfité plus uniforme.
Ces expériences apprennent à ſe défier
de la mauvaiſe foi de certaines gens qui
alterent & changent les écritures , elles
expliquent auffi pourquoi dans certains
tems , le foleil paroît d'un rouge de fang,
= & fe laiffe voir fans bleffer la vûe : par
118 MERCURE DE FRANCE.
quelle raifon la teinture noire eft plus belle
& plus durable quand cette étoffe a été
mife au bleu auparavant.
Le refte de la dix- feptieme leçon roule
fur la vifion , tant naturelle qu'artificielle ;
M. L. N. diftingue ainfi celle qui fe fait à
la vûe fimple de celle qui eft aidée par
quelque inftrument de dioptrique ou de
catoptrique .
par
*
Cette partie commence par une defcription
de l'oeil qui expoſe en détail les parties
de cet organe, leurs différentes fonctions
que l'on imite des expériences
fort curieufes , fort inftructives , & qui
donnent lieu aux explications fuivantes.
Pourquoi la prunelle de l'oeil fe retire
au grand jour , & fe dilate dans l'obfcurité
: comment varient les limites de la
vifion diſtincte ; en quoi confifte le défaut
de la vûe courte , & celui de la vûe longue
: d'où vient que les Myopes , regar- 2
dent de fort près , & les Prefbites de fort
loin : par quelles raiſons l'on croit
que la
vifion s'accomplit fur la choroïde , & non
pas fur la retine : quels moyens contribuent
à la clarté des images , qui fe peignent
au fond de l'oeil. Pourquoi les objets
vifibles qui fe meuvent rapidement ,
produifent des images qui ne leur reflemblent
pas d'ou vient qu'avec les deux
SEPTEMBRE. 1755. 119
yeux nous ne voyons ordinairement qu'une
fois le même objet , quoiqu'il fe peigne
également dans les deux. Comment l'uſage
fimultané des deux yeux nous aide à juger
des petites diſtances. Quelle eft la caufe
duftrabisme ou vûe louche. En quoi confifte
cette maladie de l'oeil appellée cararacle
, comment on y remédie ; pourquoi
dans certaines circonftances on voit tous
les objets teints de la même couleur.
A la fuite de ces obfervations , M. L. N.
explique d'où peuvent naître ces éclats de
lumiere qu'on appeçoit la nuit en ſe frottant
les yeux , ou lorfqu'on fe donne quelque
coup à la tête ; il parle auffi de ces couleurs
que l'on continue de voir , lorsqu'on
ferme les yeux après avoir regardé lé foleik
couchant , ou bien lorfqu'on applique la
vûe pendant quelque tems fur un même
corps de quelque couleur éclatante .
M. L. N. finit , par expliquer les effets
des principaux inftrumens qui fervent à
aider la vûe : « La vifion naturelle , dit-il,
lorfqu'elle eft dans fa plus grande force ,
» dans fon état le plus parfait , eft afſujet-
» tie à des conditions & renfermée dans
» des limites ; fi l'objet n'eft pas découvert
» au point que de lui à nous on puiffe tirer
une ligne droite fans obftacle , nous ne
l'appercevons pas fût-il même conve
120 MERCURE DE FRANCE.
» nablement exposé à nos regards , s'il eft
» trop loin ou trop petit , il nous échappe :
» & c'est encore pis fi l'oeil eft affoibli ou
» mal conformé ; la petiteffe & la diſtance
» le gênent encore davantage.
33
33
33
» Ces inconvéniens ont fubfifté longtems
fans remede ; mais enfin le hazard
» d'un côté , l'induſtrie de l'autre éclairée
& foutenue par l'étude , nous en ont
» affranchis en quelque façon ; par le fecours
des miroirs & des verres taillés
d'une certaine maniere , nous pouvons
» appercevoir ce qui eft caché à nos regards
» directs ; nous découvrons dans le fein de
la nature des êtres qui fembloient devoir
être à jamais imperceptibles pour nous :
» les objets trop éloignés fe rapprochent ,
»pour ainfi dire , & fe laiffent voir dif-
» tinctement : la vûe des vieillards à moitié
» éteinte ſe ranime ; celle qui eft trop
courte devient plus étendue. Enfin ,
quand nos befoins font fatisfaits , les
» mêmes moyens fourniffent encore des
amufemens très-dignes de notre curiofité
n
"
Il eft donc queftion dans cette derniere
partie des lunettes à lire , tant à deux qu'à
un feul verre ; des chambres obfcures , tant
fixes que portatives ; des polemofcopes
grands & petits ; des boëtes optiques ou perf
pectives
1
1
SEPTEMBRE 1755 12r
"
pectives avec des verres convexes , & avec
des miroirs ; des lunettes d'approche à deux
& à quatre verres ; des télescopes de réflection
; des microscopes fimples & compofés ;
du mycrofcope folaire & de la lanterne
magique , « inftrument , dit M. L. N. qu'une
trop grande célébrité a prefque ren-
» du ridicule aux yeux de bien des gens :
on la promene dans les rues , on en
divertit les enfans & le peuple ; cela
» prouve avec le nom qu'elle porte , que
» les effets font curieux & furprenans : &
» parce que les trois quarts de ceux qui les
» voyent , ne font pas en état d'en com-
» prendre les caufes , eft ce une raiſon
» pour ſe diſpenſer d'en inftruire les perfonnes
qui peuvent les entendre ? &c.
En parlant de ces inftrumens , il remon
te aux tems de leur invention , il en défigne
les auteurs , il fait connoître ceux qui
Les ont perfectionnés , & il marque par
des figures bien correctes , la marche des
rayons de la lumiere dans chacun d'eux .
Voilà à peu près les matieres contenues
dans ce cinquieme tome des leçons de phy-
Lique ; leur grande abondance pouvoit faire
craindre qu'elles ne s'y préfentaffent avec
confufion , mais l'auteur en y faiſant régner
beaucoup d'ordre & de précifion , a
fçu éviter cet inconvénient ; & nous
F
#21 MERCURE DE FRANCE.
croyons que le public recevra ce volume
aufi favorablement qu'il a reçu ceux qui
l'ont précédé.
aux
OEUVRES de M. Clermont , Commiffaire
d'Artillerie , en un volume in-4°.
contenant la Géométrie - pratique de l'Ingénieur
, ou l'art de mefurer, ouvrage éga
lement néceffaire aux Ingénieurs
Toifeurs & aux Arpenteurs , avec figures ;
& l'arithmétique militaire , ou l'Arithmétique
pratique de l'Ingénieur & de l'Officier
, divifée en trois parties. Ouvrage
également utile aux Officiers , aux ingênieurs
& aux Commerçans. Nouvelle édition
, corrigée , & de beaucoup augmentée
A Paris , chez Briaffon , rue S. Jacques
,
à la Science. 1755 .
ARCHITECTURE - PRATIQUE , qui comprend
la conftruction générale & particuliere
des bâtimens ; le détail , toiſé & dévis
de chaque partie ; fçavoir , maçonnerie
, charpenterie , couverture , ménuiferie
, ferrurerie , vitrerie , plomberie, peinture
d'impreffion , dorure , fculpture , mar
brerie , miroiterie , &c. avec une explication
des trente- fix articles de la coutume
de Paris fur le titre des fervitudes & rapports
qui concernent les bâtimens , & də
SEPTEMBRE. 1755. 123-
l'ordonnance de 1673 ; par M. Bullet
Architecte du Roi , & de l'Académie roya
le d'Architecture.
: Nouvelle édition , revûe , corrigée , &
confidérablement augmentée , fur- tout des
détails effentiels à l'ufage actuel du toiſé
des bâtimens , aux us & coutumes de Paris
, & aux réglemens des Mémoires , par
M *** Architecte , ancien Infpecteurtoifeur
de bâtiment . Ouvrage très - utile
aux Architectes & Entrepreneurs , à tous
propriétaires de maifons , & à ceux qui
veulent bâtir . A Paris , chez Hériffant &
Savoye , rue S. Jacques ; chez Didot , Nyon
& Damonneville , quai des Auguft. 1755.
Le quatriéme & le cinquiéme tomes des
traités des collations & provifions des Bénéfices
, par M. Piales , Avocat au Parlement
, paroiffent ; & fe vendent à Paris ,
chez Briaffon , rue S. Jacques , à la Science
; & à Chartres , chez Le Tellier , Imprimeur
, au bon Paſteur.
Le quatriéme volume contient les permutations
& réfignations pures & fimples ,
ou démiffions.
Le cinquième comprend les collations
& provifions fur réfignations , avec réſerve
de penfion.
par M.l'Abbé Nollet , de l'Académie roya
le des Sciences , Profeffeur de Phyfique
expérimentale au College de Navarre , &c.
tome v. A Paris , chez Guerrin & De Latour
, rue S. Jacques , à S. Thomas d'Acquin
.
Ce volume , que le public attendoit depuis
long-tems , traite de la lumiere & des
couleurs , matiere intéreſſante , & qui
s'affujettit mieux qu'aucune autre partie
de la phyfique aux régles de la Géométrie
& au calcul , mais que l'auteur , obligé de
fuivre la méthode qu'il a embraffée pour
tout l'ouvrage , s'eft appliqué à rendre
fenfible par la voie de l'expérience. Cela
nous met à portée de voir jufqu'à quel
point les faits quadrent avec la théorie ;
& nous voyons que les perfonnes qui commencent
à s'appliquer à cette fcience
prendront facilement par la lecture de
ces leçons des idées claires & méthodiques
qu'elles auroient peine à acquerir autrement.
Nous en avions conçu cette opinion en
confidérant que les principes y font expo
E
98 MERCURE DE FRANCE.
fés avec clarté , que les expériences qui
leur fervent de preuves , font curieuſes
décifives , & très bien repréfentées par les
figures ; mais nous en fommes encore plus
perfuadés , en apprenant par la voie du
public , avec quel intérêt & quelle affiduité
des perfonnes de tout âge & de toute
condition , fe font affemblées pendant les
mois de Juin & de Juillet derniers au
Collége de Navarre , pour continuer d'entendre
M. l'Abbé Nollet , & lui voir exécuter
les expériences qui concernent cette
matiere ; c'est peut- être la premiere fois
qu'on ait entrepris avec fuccès de les faire
voir à soo , à 600 perfonnes en même
terns.
Le volume dont nous parlons , contient
trois leçons ; fçavoir , la quinziéme , la
feizième , & la dix-feptiéme, & voici l'ordre
dans lequel les matieres fe préfentént.
L'auteur expofe d'abord l'état de la que
ftion qu'il fe propofe de traiter , il en fait
l'hiftoire ; & après avoir annoncé des propofitions
, il les établit par des raifons ou
par des expériences dont il a foin de bien
expliquer le méchanifme : après quoi il
fait venir par forme de remarques ou d'applications
les effets naturels qui peuvent
dériver du principe établi , ou avoir quelSEPTEMBRE.
1755. 99
j
que rapport avec les expériences qui ont
fervi de preuves.
Dans la quinziéme leçon , par exemple,
où il s'agit d'abord de la nature & de la
propagation de la lumiere , M. L. N. expofe
au Lecteur les deux principales opinions
qui partagent aujourd'hui les Phyficiens
, celle de Defcartes & celle de
Newton ; il embraffe la premiere avec
quelques modifications , il rend raifon du
parti qu'il prend , il prévient les objections
qu'on pourroit lui faire ; & enfin il
en vient à des expériences par lefquelles
il prétend prouver que la lumiere eft une
matiere fubtile univerfellement répandue
au- dehors , comme au- dedans des corps ,
& toujours prête à devenir fenfible par le
mouvement qu'elle peut recevoir des corps
enflammés , ou par la clarté du jour auquel
elle fe trouve expofée . Ces expériences
donnent lieu à une hiftoire trèscurieufe
des phofphores , où l'on trouve
des nouvelles découvertes .
L'auteur examine enfuite les directions
que la lumiere fuit dans fes mouvemens ,
foit qu'elle vienne directement du corps
lumineux vers nos yeux , foit qu'elle rencontre
en fon chemin un obftacle qui l'oblige
à fe refléchir , foit enfin qu'elle paffe
d'un milieu dans un autre de différente
denfité. E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
Il s'arrête d'abord au mouvement direct
, & après quelques définitions néceffaires
pour l'intelligence de la queſtion ,
il énonce le principe de l'Optique , proprement
dite , en quatre propofitions , dont
voici les deux premieres. 1 ° . En quelque
endroit qu'on préfente un plan vis- à - vis
d'un point radieux , ce plan devient comme
la bafe d'une pyramide de lumiere.
2º. Ce plan eſt moins éclairé à meſure
qu'il s'éloigne du point radieux.
Deux expériences mettent ces faits fous
les yeux , & apprennent en même tems
dans quel rapport fe fait le décroiffement
de la lumiere , & l'accroiffement de l'ombre.
En comparant avec ces deux épreuves
ce qui fe paffe à l'égard de l'oeil qui ſe
préfente vis- à- vis d'un objet éclairé , on
conçoit d'abord & très facilement , comment
plufieurs perfonnes placées en différens
endroits apperçoivent enfemble le
même corps , fi petit qu'il foit ; pourquoi
nous ne pouvons voir qu'en ligne droite ;
par quels moyens nous jugeons de la diftance
quand elle eft petite ; quelle eſt la
caufe des ombres , ce qui régle leur grandeur
& leurs figures ; par quels moyens
la lumiere peut augmenter ou diminuer
pour le même oeil , & c.
SEPTEMBRE . 1755. 101
Les deux autres propofitions font énoncées
ainfi . 3 ° .Si le corps lumineux eft d'une
grandeur & d'une figure fenfibles , le plan
qu'on lui préfente , devient la bafe commune
d'autant de pyramides de lumiere ,
qu'il y a de points radieux tournés vers
lui. 4 ° . Si au lieu d'un plan qui arrête la
lumiere , on fait un trou dans une planche
mince , les pyramides lumineufes qui
viennent des différens points de l'objet
s'y croifent , paffant de droite à gauche
de haut en bas , &c . Deux expériences qui
mettent ces faits fous les yeux , font naître
naturellement les applications fuivan
tes.
,
>
Comment fe forment les images des
objets au fond de l'oeil ? pourquoi nous
voyons ces objets droits , quoique leurs
images foient renversées fur l'organe ;
par quels moyens nous jugeons des grandeurs
& des diftances des corps que nous
appercevons ; d'où vient que deux files de
foldats ou deux murailles paralleles feniblent
fe rapprocher l'une de l'autre , à mefure
qu'elle s'éloignent de nous ; pour
quelle raifon la furface d'un canal femble
s'élever dans l'éloignement ; pourquoi la
figure d'un grand corps apperçu de loin ,
change fuivant la direction de nos regards ?
Şur quelles régles eft fondée la perfpe-
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
&tive ? Comment les mouvemens apparens
des corps qu'on regarde dans le lointain ,
différent des mouvemens réels , tant pour
la direction que pour la vîteffe Dans
quels cas leur viteffe paroit nulle , ou devient
infenfible ? Comment l'habitude , le
préjugé , les connoiffances précédemment
acquifes , nous font juger des grandeurs
& des diftances ? d'où vient que nous
voyons la voûte du ciel comme furbaiffée ,
le foleil & la lune plus grands à leur lever
qu'au zénith , & c.
La feizième leçon comprend la catoptrique
& la dioptrique , c'est - à - dire les
mouvemens de la lumiere refléchie , &
ceux de la lumiere refractée .
L'Auteur commence par une differtation
qui nous a paru curieufe , & dans laquelle
il entreprend de prouver contre
l'opinion commune que la lumiere ne ſe
refléchit point de deffus les parties propres
des corps polis , des miroirs par exemple
, mais de deffus les particules de lumiere
qui font logées & comme enchaffées
dans les pores de ces furfaces. M. L. N.
s'attend bien que cette opinion aura de
la peine à prendre dans l'efprit de fes lecteurs.
J'avoue , dit - il , qu'en embraf-
» fant cette opinion , on fe met dans la
» néceffité de renoncer aux idées les plus
SEPTEMBRE. 1755. 103
33
communes , & de fe roidir contre des
préjugés bien accrédités & bien difficiles
à vaincre. Se perfuadera - t - on , par
exemple , que les corps ne foient pas
vifibles par eux-mêmes , mais feulement
par les points de lumiere , dont les fur-
» faces font parfemées ? qu'à proprement
» parler , nous n'avons jamais rien vû de
" tout ce que nous avons touché : cepen-
» dant , quel moyen de penfer autrement ,
» fi nous ne pouvons rien voir que ce qui
» nous renvoie de la lumiere , & fi les
» rayons qui nous tracent les images des
objets ne peuvent être renvoyés vers nos
»yeux que par les globules de cette ma-
» tiere impalpable qui fe trouve dans la
» même fuperficie , avec les parties pro-
»pres des corps .
Voici une comparaifon qui vient à
l'aide .
d'a
Quand vous jettez la vûe fur un mor-
» ceau de drap teint en écarlatte , continue
" M. L. N. votre premiere penſée n'eft-
"elle pas que vous voyez un tiffu de lai-
» ne , & ne vous revolterez - vous pas
» bord contre quiconque vous foutien-
» droit que vous voyez toute autre chofe
" que cela ? cependant , fi vous y faites
» attention , vous ferez obligé de convenir
que vous n'appercevrez qu'un enduit
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
ور
de cochenille adhérent à la matiere
»propre de l'étoffe , des particules colo-
» rantes incruftées dans les pores de la
» laine ; en un mot , une fubftance étran-
» gere à l'objet que vous avez en penſée ,
» & qui ne vous laiffe voir de lui que fa
"grandeur , fa fituation , fa figure , & nul-
» lement fa matiere propre ... Voilà donc
» des cas avoués de tout le monde , où les
" corps ne font pas vifibles
leur
par
pro-
" pre matiere
, mais par une ſubſtance
» étrangere
qui s'eft logée dans leurs pores.
Il faut voir dans l'ouvrage même
les autres raifons que l'Auteur fait valoir
en faveur de cette hypothèfe , & de quelle
maniere il prévient les difficultés qu'on
pourroit alléguer contre.
On trouve enfuite la defcription d'un
inftrument nouveau & commode pour me
furer l'angle de réflection de la lumiere
dans toutes fortes de cas , & l'on voit par
une premiere expérience qui fert comme
de bafe à toutes les autres du même genre ,
qu'un rayon fimple étant refléchi par un
miroir , fait fon angle de réflection égal
à celui de fon incidence.
Les principales conféquences de ce premier
principe fe rendent fenfibles par des
expériences où l'on emploie fucceffivement
des rayons paralleles , convergens &
SEPTEMBRE. 1755. 105
divergens , d'abord avec un miroir plan ,
enfuite avec un miroir convexe , & enfin
avec un miroir concave ; cela fait neuf
combinaiſons , dont les trois premieres
font connoître , que le miroir plan en renvoyoiant
la lumiere, ne change rien à la fituation
refpective des rayons incidens , &
l'on en tire les raifons des effets fuivans .
On apprend pourquoi un feul miroir
plan ne peut fervir à raffembler les rayons
folaires dans un foyer. D'où vient que
dans un tel miroir l'image fe voit derriere
, & auffi loin que l'objet en eft éloigné
par-devant. Par quelle raifon la grandeur
& la figure apparentes font conformes à
celles de l'objet que l'on regarderoit direêtement
de la même diftance. De quelle
grandeur doit être le miroir plan , pour
qu'on puiffe s'y voir tout entier? Comment
la fituation de l'image fe régle relativement
à celle de l'objet qui eft placé devant
une glace ? Pourquoi & comment les images
fe multiplient entre deux miroirs ? De
quelle maniere on doit expliquer les effets
des miroirs prifmatiques & pyramidaux ,
& c .
Les trois combinaiſons fuivantes fè font
avec un miroir convexe , & font voir : 1º .
que tous les miroirs de cette efpece , petits
ou grands , diminuent pour le moins
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
la convergence des rayons qui tendroient
à fe réunir. 2 ° . Qu'ils rendent divergens
ceux qui ne font que paralleles . 3". Qu'ils
augmentent la divergence de ceux qui en
avoient déja avant que de refléchir. Ce
qui fert à expliquer
Pourquoi de tels miroirs rarefient la
lumiere , & par quelle raifon celle qui
nous vient de la lune & des autres planetes
eft fi foible ? Pourquoi l'image dans
ces fortes de miroirs paroît plus petite que
fon objet , plus près que lui du miroir ,
& fouvent défigurée ?
le
Enfin les trois dernieres combinaiſons.
fe font avec le miroir concave , & montrent
, 1 °. que les rayons paralleles deviennent
convergens. 2 ° . Que ceux qui
font convergens dans leur incidence
font davantage après la réflection . 3 °. Que
ceux qui font divergens , le deviennent
moins , ce qui peut aller jufqu'à les rendre
paralleles , ou même convergens .
›
Ces faits fourniffent des raifons pour
expliquer , pourquoi un charbon ardent
placé au foyer d'un miroir concave , &
excité par le vent d'un foufflet , allume de
l'amadoue au foyer d'un femblable miroir
, élevé parallelement en face du premier
, à la diſtance de trente ou quarante
pieds. Combien les rayons folaires renSEPTEMBRE.
1755. 107
voyés par ces fortes de miroirs , deviennent
capables d'embrafer ou de fondre les
corps les plus durs & les plus compactes :
d'où vient que dans certains cas les images
fe voyent entre la furface réfléchiffante
& l'oeil du fpectateur. Par quelle raifon
l'image y paroît plus grande que l'objet
& renversée , &c .
M. L. N. enfeigne ici par occafion , de
quelle maniere on fait des miroirs concaves
de verre , foit de plufieurs pieces , ſoit
d'une feule glace pliée au feu , & comment
ces derniers fe mettent au tain . Après
quoi il traite des miroirs mixtes , & explique
les effets de ceux qui font cylindriques
& côniques .
Il s'agit après cela des principes de dioptrique
, ou de la lumiere réfractée. L'auteur
déduit les loix de la réfraction , d'une
expérience dans laquelle il employe
une machine très- commode , & qu'il décrit
avec beaucoup d'exactitude : il rap-
-porte les différens fentimens des Phyficiens
fur les caufes de la réfraction , il embraffe
celui des Carthéfiens en expofant
les raifons qui le déterminent , & paffe à
l'explication de certains effets qui ont rapport
à fa premiere expérience.
Il enfeigne pourquoi un bâton en partie
plongé obliquement dans l'eau paroît
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
comme rompu ; par quelle raifon une piece
de monnoye placée au fond d'une cuvette
remplie d'eau , fe fait voir à ceux qui
ne l'appercevoient pas quand le vafe ne
contenoit que de l'air. M. L. N. remarque
comme une conféquence naturelle de
ces effets , que le poiffon qui eft dans un
étang voit au- delà des bords , des objets
qu'il ne pourroit appercevoir en droite
ligne : que nous voyons de même le foleil,
la lune , les étoiles , & c. avant que ces
aftres foient réellement fur l'horton , à
caufe des réfractions de la lumiere dans
l'atmosphere terreftre ; il fait fentir pourquoi
ce dernier effet diminue à meſure que
l'aftre s'éleve ; comment il peut arriver que
le foleil ou la pleine lune paroiffe ovale ,
dans quel cas l'on peut voir la lune éclipfée
, le foleil n'étant pas encore couché :
pourquoi la lune éclipfée paroît à nos yeux
d'un rouge obfcur. &c.
M. L. N. confidérant que les milieux
réfringens ne peuvent être terminés que
par des furfaces planes , concaves ou convexes
, examine dans ces différens cas quels
changemens il doit arriver ; 1 ° à des
rayons paralleles , enfuite à des rayons divergens
, & enfin à des rayons convergens;
ce qui fait encore neuf combinaifons que
l'auteur met en expériences.
SEPTEMBRE. 1755 . 109
Des trois premieres dans lefquelles on
employe un milieu réfringent terminé
par deux furfaces planes & paralleles entr'elles
, il réfulte 1 ° que des rayons qui
font paralleles entr'eux dans leur incidence
, reftent paralleles après la réfraction ,
foit en paffant du milieu le plus rare dans
le plus denfe , foit en paffant de celui- ci
dans l'autre , au moins dans le cas ou le
milieu réfringent n'a qu'une médiocre
épaiffeur : 2 ° que dans le premier de ces
deux cas les rayons convergens le deviennent
moins , & que dans le fecond ils reprennent
le degré de convergence qu'ils
avoient perdu : 3 ° que des rayons divergens
mis à pareille épreuve , perdent d'abord
une partie de leur divergence & la
reprennent enfuite.
On apprend dans deux corollaires qui
fuivent ces expériences , ce qu'on doit attendre
d'un milieu réfringent qui feroit
terminé par deux furfaces courbes , mais
concentriques , ou de celui dont les furfaces
oppofées feroient planes , mais inclinées
l'une vers l'autre .
Par des applications naturelles de ces
faits , on voit pourquoi tout ce que nous
appercevons en regardant dans l'eau , nous
paroît élevé vers la furface ; par quelle raifon
les baffins remplis d'eau nous paroifITO
MERCURE DE FRANCE.
fent moins profonds qu'ils ne le font en
effet , d'où vient que le fond de l'eau , s'il
eft d'une grande étendue nous ſemble courbe
quoiqu'il foit droit ; pourquoi les verres
taillés en prifmes nous changent le lieu de
l'objet , & par quelle raifon ceux qui font
à facettes , nous en multiplient l'image,
& c.
par
Les quatrieme , cinquieme & fixieme
combinaiſons ſe font avec un milieu plus
denfe que l'air , l'air , terminé des furfaces
convexes , & apprennent 1 ° que des rayons
paralleles en entrant dans un tel milieu
deviennent convergents. 2° que fi dans
leur incidence , ils convergeoient au centre
de la ſphéricité du milieu réfringent
il ne leur arrive aucun changement . 3 ° que
leur convergence diminue s'ils tendoient
à fe réunir plus près que le centre , & qu'ellé
augmente au contraire dans le cas oppofé
: 4° que les rayons divergens y perdent
au moins une partie de leur divergence ,
ce qui peut aller jufqu'à les rendre paralleles
, & même convergens.
De cette théorie rendue fenfible par l'expérience
, on tire naturellement l'explication
des faits que voici.
Pourquoi l'ufage des bocaux de verre
remplis d'eau , eft- il fi utile aux artiſtes qui
ont be foin d'une lumiere vive. D'où vient
1
SEPTEMBRE. 1755. III
que les corps plongés dans des vafes de
verre , ordinairement cylindriques , ou à
peu près , nous paroiffent difformes quand
ces vafes font pleins d'eau . Pourquoi les
corps tranfparens & fphériques , raffemblent
les rayons du foleil dans un foyer ; à
quelle diſtance on doit attendre le foyer ;
pourquoi en cherchant à former des foyers,
on a fubftitué les lentilles aux globes , fur
quelles confidérations on a réglé la largeur
des lentilles tranfparentes. Comment les
verres lenticulaires amplifient les images
des objets ; comment dans certains cas
elles nous font voir entr'elles & nous : d'où
vient qu'elles defforment quelques fois ces
images , & c .
>
Par les trois dernieres combinaifons qui
fe font avec un milieu réfringent terminé
par des furfaces concaves , on apprend
1º que par de tels milieux , les rayons paralleles
font rendus divergens ; 2° que
ceux qui font convergens y perdent une
partie de leur convergence , ce qui peut
aller jufqu'à les rendre paralleles ou même
divergens ; 3 ° que des rayons divergens
qui ont leur point de difperfion au centre
même de la concavité du milieu réfringent
, ne fouffrent aucun changement ;
mais que ceux qui viennent de plus loin
que ce centre , augmentent en divergence ,
112 MERCURE DE FRANCE.
<
& qu'il arrive tout le contraire à ceux qui
viennent de plus près.
On voit par là pourquoi les verres concaves
dont fe fervent les perfonnes qui ont
la vûe courte ; font voir les objets plus
petits qu'on ne les voit à la vûe fimple ;
pourquoi l'image eft plus près du verre par
derriere , que l'objet ne l'eſt par-devant ;
d'où vient que ces fortes de verres , diminuent
la clarté de la vifion , & c. 1
Dans la dix- feptieme leçon M. L. N.
commence par traiter des couleurs : « Nous
diftinguons , dit- il , les objets vifibles ,
» non-feulement par leur grandeur , leur
» figure, leur fituation , leur diftance , leurs
dégrés de clarté , & c. mais encore par
» une forte d'illumination qui fait que
» chacun d'eux brille à nos yeux d'une
>>
و ر
façon particuliere , & qui ne dépend
»pas de la quantité de lumiere qui l'éclaire
, c'eft ce dernier moyen de vifibilité
que la nature varie avec une magni-
» ficence fans égale , & dont elle embellit
» toutes fes productions ; c'eft , dis- je ,
» cette apparence particuliere des furfaces
» que nous nommons couleur en général ,
» & dont nous exprimons les efpeces par
les noms de blanc , de rouge , de jaune ,
» de bleu , & c.
Les couleurs peuvent être confidérées
SEPTEMBRE. 1755. 113
1° dans la lumiere à qui elles appartiennent
effentiellement ; 2 ° . dans les corps
en tant que colorés . 3 ° . & dans celui de
nos fens qu'elles affectent particulierement
, & par lequel nous les diftinguons ;
c'eft aufli l'ordre dans lequel l'auteur traite
cette partie ; il préfere le fentiment de
Newton à celui de Defcartes , ou plutôt
il les adopte tous deux , en faifant remarquer
qu'ils ne font pas incompatibles ; &
après avoir rapporté hiftoriquement ce qui
donna occafion aux découvertes du philofophe
Anglois , il remet fous les yeux l'expérience
fondamentale , qui lui fir foupçonner
les deux points capitaux de tout
fon fyftême , fçavoir 1 ° que la lumiere
naturelle eft compofée de fept efpeces de
rayons plus réfrangibles , & plus réflectibles
les uns que les autres ; 2 ° que chacun
de ces rayons a le pouvoir d'exciter conftamment
en nous l'idée d'une couleur particuliere,
D'où il fuit que le défaut de couleur
dans la lumiere naturelle , vient de
l'affemblage complet de tous les rayons
colorés , & que le noir n'eft qu'une privation
de lumiere , plus ou moins parfaite.
M. L. N. rapporte , non pas toutes les
expériences que Newton a faites pour établir
cette doctrine , mais les plus décifives
& les moins difficiles à exécuter , afin , dit114
MERCURE DE FRANCE.
il , que chacun de fes lecteurs puiffe entreprendre
de les répéter , fans craindre de les
manquer. C'eft dans cette vue fans doute ,
qu'il avertit dans des notes , des précautions
qu'il faut prendre en certains cas , du
choix qu'il faut faire des inftrumens & des
manipulations les plus propres à procurer
un heureux fuccès.
A l'occafion de ces expériences , l'auteur
fuivant toujours fa méthode , ne manque
pas de rendre raifon des effets naturels qui
peuvent s'y rapporter. Il apprend par exemple,
pourquoi les objets paroiffent teints
de diverfes couleurs quand on les regarde
au travers d'un prifme de verre , pourquoi
ces couleurs font fituées différemment
quand l'objet eft brun fur un fond clair ,
que quand il eft blanc fur un fond obfcur :
d'où vient qu'une riviere ou un canal vû à
travers un prifme , prend la forme d'un arc
de diverfes couleurs dont la convexité eft
tournée vers la terre : par quelle raiſon un
verre plein d'eau fait paroître dans certaines
occafions avec diverfes couleurs , les
rayons folaires qui le traverfent ; pourquoi
les diamans & les pierres fauffes qui font
brillantées , repréfentent les mêmes couleurs
que le prifme ; enfin comment ſe
forme l'arc-en-ciel , & quelles font les caufes
de fes diverfes apparences.
Après avoir confidéré les couleurs dans
SEPTEMBRE . 1755. 115
la lumiere , M. L. N. examine comment il
peut fe faire que parmi différens corps expofés
à la lumiere naturelle du jour , les
uns fe teignent conftamment des rayons
d'une certaine espece , tandis que d'autres
fe colorent autrement : il penfe que cela
dépend de leurs différentes porofités &
primitivement de la grandeur & de la figure
de leurs parties infenfibles ; car fi les
pores d'une furface font propres à loger
une certaine efpece de lumiere , on conçoit
que les rayons de même nature qui
tomberont deffus , feront réfléchis plus
complettement & en plus grande abondance
que les autres ; & fi c'eft un corps
tranfparent qui foit imbu de cette efpece
particuliere de lumiere , les rayons incidens
de la même efpece , pourront mieux
que d'autres tranfmettre leur action à ceux
qui font au-delà : ainfi , fuivant cette opinion
, tous les corps font pleins de lumiere ;
ceux qui la contiennent avec toutes fes
efpeces , font propres à réfléchir ou à tranf
mettre toutes celles qui fe préfentent à leur
furface , s'ils font opaques ils nous paroiffent
blancs ou brillans , s'ils font tranfparens
, nous les voyons clairs & limpides
comme le verre ou l'eau . Ceux qui n'ont
admis dans leurs pores qu'une forte de
lumiere , ne renvoyent ou ne tranfmettent
116 MERCURE DE FRANCE.
que celle- là , & nous paroiffent rouges ;
verts, bleux , jaunes , & c. Ceux enfin qui
par une contention particuliere de leurs
parties propres ou par le mauvais alignement
de leurs pores , ne peuvent ni renvoyer
ni tranfmettre l'action d'aucune
efpece de lumiere , nous leur avons donné
le nom de noirs ou d'obscurs.
Cette hippothefe eft appuyée par une
fuite d'expériences curieufes , dans lef
quelles on voit 1 ° que deux liqueurs claires
comme de l'eau , étant mêlées enfemble
, fe montrent fous une couleur qu'elles
n'avoient ni l'une ni l'autre. 2 ° . Qu'ane
liqueur fans couleur , fait paffer du
bleu au rouge , ou du verd au violet une
autre liqueur avec laquelle on la mêle .
3 °. Qu'une couleur très- limpide rend
opaque une autre liqueur qui ne l'étoit
pas plus qu'elle ; 4° . enfin , qu'une goute
ou deux d'une certaine liqueur , rend la
limpidité à un mélange qui étoit opaque
& coloré.
A l'appui de ces expériences , arrivent
les obfervations fuivantes , qui s'expliquent
comme elles d'une maniere affez
plaufible , en fuppofant qu'un changement
de porofité fuperficielle ou intime
dans les corps , eft la principale caufe de
leurs changemens de couleur.
2
SEPTEMBRE. 1755 117
On obferve que le papier bleu ou violet,
devient rouge , quand il eft touché par un
acide , que les étoffes fe tachent , par l'attouchement
des matieres qui peuvent en
altérer la texture : que l'action du feu ,
celle du foleil rougit les écreviffes , les
crabes & les autres poiffons cruftalés , que
l'impreffion continuelle de l'air fait prêndre
la couleur verte aux plantes , & qu'en
les en privant on les fait blanchir ; que
plufieurs teintures ou fucs naturels , paffent
d'une couleur à l'autre par la même caufe ;
qu'une legere fomentation fuffit fouvent
pour produire des effets ſemblables , &c .
L'auteur cherche enfuite qu'elle eft la
caufe de la tranſparence des corps : après
avoir remarqué , qu'il n'y a aucun corps .
ni abfolument tranfparent , ni abfolument
opaque , il prouve par plufieurs expériences
& obfervations , qu'un corps , toutes
chofes égales d'ailleurs , trafmet d'autant
mieux la lumiere , que fes parties font plus.
homogenes , ou d'une denfité plus uniforme.
Ces expériences apprennent à ſe défier
de la mauvaiſe foi de certaines gens qui
alterent & changent les écritures , elles
expliquent auffi pourquoi dans certains
tems , le foleil paroît d'un rouge de fang,
= & fe laiffe voir fans bleffer la vûe : par
118 MERCURE DE FRANCE.
quelle raifon la teinture noire eft plus belle
& plus durable quand cette étoffe a été
mife au bleu auparavant.
Le refte de la dix- feptieme leçon roule
fur la vifion , tant naturelle qu'artificielle ;
M. L. N. diftingue ainfi celle qui fe fait à
la vûe fimple de celle qui eft aidée par
quelque inftrument de dioptrique ou de
catoptrique .
par
*
Cette partie commence par une defcription
de l'oeil qui expoſe en détail les parties
de cet organe, leurs différentes fonctions
que l'on imite des expériences
fort curieufes , fort inftructives , & qui
donnent lieu aux explications fuivantes.
Pourquoi la prunelle de l'oeil fe retire
au grand jour , & fe dilate dans l'obfcurité
: comment varient les limites de la
vifion diſtincte ; en quoi confifte le défaut
de la vûe courte , & celui de la vûe longue
: d'où vient que les Myopes , regar- 2
dent de fort près , & les Prefbites de fort
loin : par quelles raiſons l'on croit
que la
vifion s'accomplit fur la choroïde , & non
pas fur la retine : quels moyens contribuent
à la clarté des images , qui fe peignent
au fond de l'oeil. Pourquoi les objets
vifibles qui fe meuvent rapidement ,
produifent des images qui ne leur reflemblent
pas d'ou vient qu'avec les deux
SEPTEMBRE. 1755. 119
yeux nous ne voyons ordinairement qu'une
fois le même objet , quoiqu'il fe peigne
également dans les deux. Comment l'uſage
fimultané des deux yeux nous aide à juger
des petites diſtances. Quelle eft la caufe
duftrabisme ou vûe louche. En quoi confifte
cette maladie de l'oeil appellée cararacle
, comment on y remédie ; pourquoi
dans certaines circonftances on voit tous
les objets teints de la même couleur.
A la fuite de ces obfervations , M. L. N.
explique d'où peuvent naître ces éclats de
lumiere qu'on appeçoit la nuit en ſe frottant
les yeux , ou lorfqu'on fe donne quelque
coup à la tête ; il parle auffi de ces couleurs
que l'on continue de voir , lorsqu'on
ferme les yeux après avoir regardé lé foleik
couchant , ou bien lorfqu'on applique la
vûe pendant quelque tems fur un même
corps de quelque couleur éclatante .
M. L. N. finit , par expliquer les effets
des principaux inftrumens qui fervent à
aider la vûe : « La vifion naturelle , dit-il,
lorfqu'elle eft dans fa plus grande force ,
» dans fon état le plus parfait , eft afſujet-
» tie à des conditions & renfermée dans
» des limites ; fi l'objet n'eft pas découvert
» au point que de lui à nous on puiffe tirer
une ligne droite fans obftacle , nous ne
l'appercevons pas fût-il même conve
120 MERCURE DE FRANCE.
» nablement exposé à nos regards , s'il eft
» trop loin ou trop petit , il nous échappe :
» & c'est encore pis fi l'oeil eft affoibli ou
» mal conformé ; la petiteffe & la diſtance
» le gênent encore davantage.
33
33
33
» Ces inconvéniens ont fubfifté longtems
fans remede ; mais enfin le hazard
» d'un côté , l'induſtrie de l'autre éclairée
& foutenue par l'étude , nous en ont
» affranchis en quelque façon ; par le fecours
des miroirs & des verres taillés
d'une certaine maniere , nous pouvons
» appercevoir ce qui eft caché à nos regards
» directs ; nous découvrons dans le fein de
la nature des êtres qui fembloient devoir
être à jamais imperceptibles pour nous :
» les objets trop éloignés fe rapprochent ,
»pour ainfi dire , & fe laiffent voir dif-
» tinctement : la vûe des vieillards à moitié
» éteinte ſe ranime ; celle qui eft trop
courte devient plus étendue. Enfin ,
quand nos befoins font fatisfaits , les
» mêmes moyens fourniffent encore des
amufemens très-dignes de notre curiofité
n
"
Il eft donc queftion dans cette derniere
partie des lunettes à lire , tant à deux qu'à
un feul verre ; des chambres obfcures , tant
fixes que portatives ; des polemofcopes
grands & petits ; des boëtes optiques ou perf
pectives
1
1
SEPTEMBRE 1755 12r
"
pectives avec des verres convexes , & avec
des miroirs ; des lunettes d'approche à deux
& à quatre verres ; des télescopes de réflection
; des microscopes fimples & compofés ;
du mycrofcope folaire & de la lanterne
magique , « inftrument , dit M. L. N. qu'une
trop grande célébrité a prefque ren-
» du ridicule aux yeux de bien des gens :
on la promene dans les rues , on en
divertit les enfans & le peuple ; cela
» prouve avec le nom qu'elle porte , que
» les effets font curieux & furprenans : &
» parce que les trois quarts de ceux qui les
» voyent , ne font pas en état d'en com-
» prendre les caufes , eft ce une raiſon
» pour ſe diſpenſer d'en inftruire les perfonnes
qui peuvent les entendre ? &c.
En parlant de ces inftrumens , il remon
te aux tems de leur invention , il en défigne
les auteurs , il fait connoître ceux qui
Les ont perfectionnés , & il marque par
des figures bien correctes , la marche des
rayons de la lumiere dans chacun d'eux .
Voilà à peu près les matieres contenues
dans ce cinquieme tome des leçons de phy-
Lique ; leur grande abondance pouvoit faire
craindre qu'elles ne s'y préfentaffent avec
confufion , mais l'auteur en y faiſant régner
beaucoup d'ordre & de précifion , a
fçu éviter cet inconvénient ; & nous
F
#21 MERCURE DE FRANCE.
croyons que le public recevra ce volume
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