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Titre

COMÉDIE ITALIENNE.

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COMÉDIE Italienne.

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Incipit

ON trouve chez Duchesne à Paris un Extrait imprimé de l'Amour paternel,

Texte
COMÉDIE ITALIENNE.
ONN trouve chez Duchefne à Paris un
Extrait imprimé de l'Amour paternel ,
Comédie Italienne dont nous avons parlé
dans nos précédens Mercures. Cer
Extrait , ainfi que les Lettres du Traducteur
, fuffit pour faire connoître à
ceux qui n'auroient pas lu les OEuvres
de M. GOLDONI , combien cet Auteur
mérite la célébrité qu'il s'eft acquife.
L'habitude où nous fommes de ne nous
plaire , de ne rire & de ne prêter quelqu'attention
qu'aux fcènes où paroiffent
ce qu'on appelle les Mafques ; d'ailleurs,
les grands talens des Acteurs qui les portent
actuellement , entr'autres l'Arlequin
& le Pantalon , tout cela n'a pas
permis à M. GOLDONI de les bannir
ici
AVRIL 1763. 193
,
ici comme il a fait de fon Théâtre patriotique
. Malgré cette efpéce de fervitude
, qui affujettit au comique un peu
chargé , il n'en a pas mis moins d'intrigue
, moins de conduite & d'enchaî →
nement dans la plupart des Scènes
moins d'ordre , & d'éloquence naturelle
dans le ftyle . Comme de nouvelles difficultés
font ordinairement créer de nouveaux
moyens aux véritables génies ,
celui - ci a tourné en plufieurs endroi's
de fes nouvelles Piéces , le Lazi au
profit du Sentiment ; c'eft particuliérement
ce qu'on ne peut conteſter dans
une Scène de l'Amour paternel , où
l'art confommé de M. CARRELIN eft
admirablement fecondé par l'heureux
naturel de Mlle CAMILLE . On peut
dire la même chofe de plufieurs parties
des rôles de Pantalon dans cette Comédie
& dans celles qui l'ont fuivie ,
-éxécutées avec un pathétique admirable
dans le genre par M. COLALTO , Acteur
Italien de ce Théâtre .
Dans, la Comédie Italienne en un
A&te , intitulée Arlequin cru mort ,
M. GOLDONI s'eft prêté encore
plus aux Spectateurs François en mettant
les fcènes plus étendues entre l'Ar-
I. Vol. I
194 MERCURE DE FRANCE.
lequin & le Scapin , qui font dans l'ufage
de parler François dans les Comédies
Italiennes . On fent , malgré cette
conformité avec les farces fur Canevas,
combien l'efprit de l'Auteur & fon génie
pour le vrai comique ajoutent d'agrément
à cette nouvelle fcène, par l'ordre
des idées & par l'efprit qui orne
les plaifanteries , conditions fans lefquelles
il n'y a nulle- part de plaifanterie
que pour ceux qu'il eft quelquefois
humiliant d'amufer. Cette Piéce donnée
pour la premiere fois le 25 Février , a
donc eu un fuccès plus étendu dans
tous les ordres des Spectateurs , même
parmi ceux qui ne peuvent plus s'amufer
que de l'Opéra- Comique : Avantage
fans doute fort au -deffous des talens
de l'Auteur & du mérite de fes Ouvrages
, mais qui doit être auffi précieux
pour lui que l'étoit autrefois pour Mo-
LIERE , l'honneur d'introduire la Comédie
, en la mafquant quelquefois des
livrées de la farce . Ceci doit s'appliquer
auffi à une Comédie en cinq Actes du
même Auteur , intitulée Arlequin Valet
de deux Maîtres , repréfentée pour la
rrefois le 4 Mars.Cette Piéce contient un
Imbroglio foutenu avec un Génié fin-
.:
AVRIL. 1763. 195
gulier & qui produit des Scènes fort comiques
. Elle a été fuivie & a paru réuffir
généralement.
n'a
Le 28 Février , on a donné pour la
première fois le Bucheron ou les trois
Souhaits , Comédie en Vers & en un
Acte , mêlée d'Ariettes ; elle fut unaniment
applaudie. Ce fuccès tres - mérité
tant par la Mufique que par la conftitution
agréable & riante du Poëme ,
fait qu'augmenter. Le Public l'a toujours
revue , jufqu'à la clôture de ce Théâtre ,
avec un nouveau plaifir ; nous en aurions
nous-mêmes à nous étendre davantage
fur cette Nouveauté , fi nous n'en
avions déja parlé dans les Spectacles de
la Cour. ( a ) Elle est tirée d'un Conte
de PERRAULT , imprimé à la tête de
la Piéce. Nous croyons que nos Lecteurs
en verront l'Analyfe avec plaifir.
EXTRAIT DU BUCHERON.
, fort d'une BLAISE le Bucheron
foret , un fagot & une cognée fur
l'épaule , une bouteille d'ofier à la
main. Il fe repofe ; tandis qu'il déplore
les peines de fon état , il en
( a ) Voyez ci-deffus l'Article des Spectacles de
la Cour.
I ij
196 MERCURE DE FRANCE .
ra ,
tend gronder le tonnerre , il tremble ;
MERCURE paroît fur un nuage : ah !
Seigneur , lui dit BLAISE , que je
fouffre toujours pourvu que je vive !
MERCURE , après l'avoir raffuré , lui
annonce qu'il aura trois Souhaits à former
qui feront accomplis , & lui recominande
en partant , de profiter de la
bonté de JUPITER . BLAISE exprime
d'abord fon étonnement , il fe livre
à la joie , il rêve à ce qu'il fouhaiteil
est bien embaraffé , tout ce qu'il
fe propoſe , il le rejette. Il avale le
refte de fa bouteille , comptant que cela
lui ouvrira l'efprit. MARGOT , fa femme,
le furprend , elle le gronde fur fon
oifiveté , lui reproche fon peu d'amour
pour elle pour fes enfans lui dit
qu'il ne fonge point à établir SUZETTE
, leur fille , que SIMON , riche Fermier
la demande en mariage ; à ce
nom BLAISE , hauffe les épaules ,
MARGOT , queftionne , & on la met
affez difficilement au fait de l'heureufe
avanture qui fait méprifer SIMON. Elle
fe radoucit,flatte fonMari autant qu'elle
l'a querellé ; il fort pour confulter le
BAILLI & appaifer fes Créanciers .
MARGOT , feule , fe fait un portrait
extravagant de fa grandeur future , &
,
AVRIL. 1763. 197
faute de joie ; SIMON vient s'informer
quand il époufera SUZETTE ?pour toute
réponse on lui rit au nez . Arrivent un
CABARETIER & une MEUNIERE ,
qui font les Créanciers ; on les reçoit
de même ; au mot de tréfor que lâche
MARGOT , ils ceffent leurs menaces ,
lui font les offres les plus obligeantes
& fe retirent perfuadés qu'elle a trouvé
un tréfor. SIMON eft auffi dans cette
erreur , SUZETTE la confirme en venant
parler gaîment de la richeffe prochaine
de fon père , MARGOT lui impofe
filence , & lui enjoint de ne plus
penfer à SIMON : elle avoue ingénument
qu'elle n'y a jamais penfé ; & fur
ce que la mère dit qu'elle lui réferve
quelqu'un qui fera mieux fon fait , la
jeune fille , qui a paru dans la première
Scène avec COLIN, fon amant , croyant
qué c'eft de lui qu'il eft queftion , le
nomme ; MARGOT s'emporte. SIMON
qui triomphe de la voir traverfée , rit ,
& SUZETTE s'obſtine à vouloir Co-
LIN. L'abfence de BLAISE inquiette
l'ambitieufe MARGOT , elle fort pour
l'aller rejoindre , en ordonnant à fa fille
de refter avec SIMOM , homme d'àge,
qu'elle ne craint pas comme le jeune
COLIN . Empreffemens & fleurettes de
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
la part de SIMON , éloges contraftés de
COLIN , cet amant furvient ; le bon
Fermier touché de leurs amours naïfs,
fait un retour fur lui-même & promet
de les feconder auprès de BLAISE.
>
BLAISE améne le BAILI , homme
qui vante beaucoup fes confeils &
qui ne fait que boire & manger en
préfcrivant toujours la modération. Le
BUCHERON rempli de fes idées de
fortune , entend avec peine une propofition
de mariage qui retarde l'accompliffement
de fes trois Souhaits , il fe
débarraffe de SUZETTE & de COLIN
par des promeffes vagues , & retient
SIMON qui le complimente. MARGOT
revient on fe met à table , chacun
donne un avis conforme à fon goût ,
on mange quelques petits poiffons ,
BLAISE excite fes convives & furtout
le BAILLI ; " encore , s'écrie- t-il , que
» n'avons je à la place , car je fçai que
» vous les aimez …….. là .... une belle
» anguille ! il en paroît une dans le plat
toute accommodée . BLAISE fe dépite
, MARGOT l'invective , le BAILLI
& SIMON mangent & boivent. La colère
& le déluge de propos de la femmé
réduifent le mari qui ne peut l'adoucir
parles deux fouhaits qu'il dit avoir encore
AV- RIL. 1763.. 199
à former , à fouhaiter fans y fonger .
qu'elle devienne muette ; elle veut continuer
fes injures , mais en vain ; de
rage elle renverfe les bancs & fort défefpérée
. Le BAILLI Confeille , BLAISE
fe défole & SIMON plaifante. SUZETTE
arrive tout en pleurant , elle fe plaint
que fa mère l'a battue , elle fe confole
dans l'efperance qu'on la mariera avec
COLIN , & s'afflige après l'explication
des deux malheurs , fçavoir l'anguille
& la perte de la parole. COLIN vient
demander fi MARGOT confent enfin à
l'accepter pour gendre , on le renvoye
à BLAISE , qui gémit de n'avoir plus
qu'un fouhait . MARGOT reparoît amenée
par une Commère qui lui fert d'interpréte
; Blaife propofe à fa femme de
la faire Reine , par fon dernier fouhait,
Reine & ne point parler , dit le
BAILLI , non , non. Cela met dans une
grande perplexité le mari , il s'attendrit ;
il maudit fon indifcrétion . Tout le monde
fe joint pour l'engager à rendre la
parole à la pauvre MARGOT ; il héfite
longtemps ; il céde , elle ne tient plus
en place , ce font des remercîmens , &
un caquet infinis . SIMON rit à gorge
déployée ; le BAILLI , dont la manie
eft de fe montrer le maître dit à
I iv
2.00 MERCURE DE FRANCE.
BLAISE que le fouvenir de fes dettes
tourmente , qu'il arrangera cette affaire
& obtiendra du temps des Créanciers.
Tout fe pacifie , le Bucheron reprend fa
cognée en chantant l'amour du travail
& des biens naturels , on fe difpofe à
unir COLIN & SUZETTE. La Piéce eft
terminée par un Vaudeville qui en dérive
, & dont le refrain eft : Trop de pe
tulance gâte tout.
REMARQUES.
On trouve dans ce petit Drame , une conduîte
fage , un ftyle proportionné au Sujet , des plaifanteries
unes , une gaité franche , des traits
même de Morale , mais jettés fans prétention }
les Ariettes y font adroitement enchâllées , & la
Mufique , qui eft de M. Philidor , eft de la plus
grande beauté. Les plaintes du Bucheron fur fa
mifére , le plaifir enfuite d'avoir trois fouhaits à
former , bonheur qui lui paroît un fonge , le
Quatuor des Créanciers , &c. le Trio des Confultations
, le Septuor de la fin , Morceau détaillé
fans la moindre confuſion & les airs de Sur
zette & de Colin tout cet enfemble faifit &
frappe par la vérité des caractères de chaque Interlocuteur
établis dans cette Mufique pittoresque.
>

Il n'y a que les Exemplaires pour la Cour
qui portent le nom de M. Guichard ; mais il
nous a écrit qu'il étoit fâché de le voir nommer
feul dans une Piéce faite cnnjointement avec M.
C***, qui lui en a infpiré l'idée d'après le Conte' ;
que même leur intention à tous deux étoit de
AVRIL 1763 .
201
garder l'Anonyme , fentant bien que le fuccès
des Comédies à Ariettes appartient plus de droit
aux Muficiens qu'aux Poëtes. Nous ne pouvons
qu'applaudir à la modeftie de l'un & de l'autre
& à l'équité de M. Guichard.
La Mufique de cette Piéce fait d'autant plus
d'honneur à M. PHILIDOR , déja fi connu par
fes précédens ouvrages ; qu'à la fcience de l'harmonie
, fur laquelle il a reçu des éloges fans
contradiction , il a joint en cette occafion l'ufage
du goût qui affortit le genre muſical_aux détails
des paroles. Sans ceffer d'être auſſi Harmonifte
, iikl a tourné fon génie à cette mélodie
agréable & phragée que notre Langue exige , &
à laquelle on reviendra toujours , malgré même
quelques fuccès dans un genre qui dénature en
même temps l'efprit de la Langue & celui dela
Mufique qu'on y veut adapter.
Tous les Acteurs ont joué dans cette Piéce
avec beaucoup de feu & d'intelligence . M.CAILLOT
, M. DE LA RUETTE , M. CHAMPVILLE &
M. CLAIRVAL , Miles LA RUETTE , BERAUD &
DESGLANDS en exécutoient les rôles,
>
Un Acteur nouveau , dans les rôles
de chant , a débuté für ce Théâtre
le 1 Mars par celui du Prince dans
Nintete à la Cour & par celui du Mπ-
ficien dans le Magafin des Modernes ,
avec beaucoup de fuccès ; le Public
a confirmé ce 1er fuffrage dans tous
les rôles par lefquels il a continué fon
début jufqu'à la clôture , qui ne s'aſt
pas faite comme celle de l'Opéra
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
& du Théâre François , le dernier
jour avant la Semaine de la Paffion ,
mais le Samedi veille du Dimanche
des Rameaux. Pendant cette dernière
Semaine depuis le Dimanche , vingt ,
jufqu'au vingt- fix Mars , inclufivement ,
excepté le jour de la Fête de l'Annonciation
, on a éxécuté le Bucheron ,
dont on vient de parler & plufieurs
autres Spectacles mêlés de Mufique ,
du Répertoire de ce Théâtre & de celui
de l'Opéra - Comique , lefquels ont
été alors tous intitulés fur les Affiches ,
Piéces mêlées d'Arriettes.
On a donné le jour de la clôture
la quartorziéme repréfentation du Bucheron
, précédé du Roi & le Fermier.
On ne peut avoir un plus grand
concours de Spectateurs qu'en a eu
ce Spectacle , auquel la foule a toujours
été incroyable pendant cet hyver.
Collectivité
Faux
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Soumis par eljorfg le