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Titre

LETTRE de Constantinople, écrite le 20. Septembre 1733. sur le Passage des Tartares en Perse.

Titre d'après la table

Lettre de Constantinople,

Fait partie d'une section
Page de début
2886
Page de début dans la numérisation
577
Page de fin
2892
Page de fin dans la numérisation
583
Incipit

Le passage des Tartares en Perse, n'est plus problêmaque, Monsieur, les nouvelles qui

Texte
LETTRE de Constantinople , écrite le
20. Septembre 1733. sur le Passage des
Tartares en Perse.
E
problêmatique , Monsieur , les nouvelles qui
en sont venues le 14. de ce mois , dans une Lettre
écrite au Grand- Visir , par le Pacha de Ghend.
gé en Géorgie , sont si positives , qu'à moins de
faire une profession outrée du Pyrrhonisme, on ne
peut plus révoquer en doute ce passage , d'autant
plus que le G. V. a fait venir exprès à la Porte
Mrs les Résidens d'Allemagne et de Moscovie ,
pour le leur notifier et leur communiquer la Lettre
qui en contenoit le détail ; mais avant que je
II. Vol. ✰ vous
1
DECEMBRE. 1733. 2887
vous le communique aussi , il faut que je me re-.
leve moi - même sur deux erreurs qui me sont
échappées en suivant une mauvaise Carte et des
Memoires mal conçus , quand je vous écrivis le
6. de ce mois . Je vous marquai alors qu'on présumoit
que les Moscovites n'auroient pû disputer
long- temps le passage de Derbentaux Tartares ,
ni les empêcher d'entrer dans le Daghestan , et
de- là en Georgie , & c.
Premierement les Tartares allant de Crimée en
Perse , il a fallu qu'après avoir passé le grand et
le petit Cabarta , Pays qui fait partie de la Tar
tarie Circassienne , ils soient tombez dans le
Daghestan , et qu'ils Payent traversé avant que
d'arriver à Derbent , qui est dans le Chirvan ,
Province contigue à celle du Daghestan , ainsi il
ne pouvoit plus être question de les empêcher
de penetrer dans cette derniere Province , puisqu'ils
l'avoient déja passé , et en second lieu , il
étoit ridicule de faire entrer les Tartares du Daghestan
dans la Géorgie , puisque par rapport à
la route qu'ils avoient à faire , la Georgie se
trouvant à côté , et de plus sous la domination
du G. S. ils se seroient tout à la fois détournez
de leur chemin et de leur objet , qui étoit d'aller
piller en Perse . Je reviens à la Lettre du Pacha
de Ghendgé , que voici en subttance
Les Tartares , après les divers combats avec les
Moscovites , dont je vous ai parlé dans ma Lettre
du 6. de ce mois , * continuant leur marche
par le Daghestan , au nombre de 30000. hommes
, arriverent près d'une Peuplade de Lesghis ,
Imprimée dans le Mercure de Novembre,
page 2471 .
II. Vol. appellez
2888 MERCURE DE FRANCE
appellez Imas , de nom du Ima , que porte le
principal lieu de leur canton , qui n'est éloigné
de Derbent que de trois journées . Le Chef
de ce Peuple , sur l'avis qu'il eut de l'approche
des Tartares , s'empressa d'envoyer son fils audevant
d'eux pour leur offrir d'unir ses forces
aux leurs et de les mener lui - même en Perse par
un chemin qu'il sçavoit.
Le Sultan Fethi - Ghuirai , General des Tartares
, accepta volontiers de si belles offres , et les
Imas l'ayant joint en grand nombre avec leur
Chef , les deux Armées marcherent ensemble ;
mais au bout de trois jours il fut bien surpris de
se voir dans un Village à une lieuë de Derbent
seulement.
Les Imas qui passent pour les plus scrupuleux
de tous les Mahometans de ces Contrées , et qui
par motif de Religion , trouvent le joug de la
Moscovie d'autant plûs insupportable , ne respirant
que la révolte , avoient exprès conduit les
Tartares dans cet endroit , dans l'esperance que
ne pouvant plus reculer , la necessité les obligeroit
à tout entreprendre et à fondre avec eux sur
les Moscovites pour s'ouvrir un passage en Perse
par Derbent. Ils se tromperent cependant dans
leurs conjectures.
Fethi-Ghuirai ne voulut jamais se rendre
aux sollicitations qu'ils lui firent de profiter de
cette occasion , et se retranchant toujours sur les
* Les Imas , les Komouks et beaucoup d'autres
petits Peuples du Caucase , du Daghestan et du
Chirvan , sont tous Lesghis d'origine , de moeurs et
de Religion , et ne different entre eux que par le
nom que chaquePeuplade a pris de celui du Ċamon
où elle s'est établie.
II. Vol. ordres
DECEMBR E. 1733. 2889
ordres précis qu'il avoit de la Porte , de ne point
attaquer les Moscovites le premier , il résolut
de camper aux environs de ce Village et d'essayer
d'obtenir duCommandant de Derbent , par la voie
de négociation, la permission de passer . Il y eut
effectivement plusieurs pour parler à ce sujet ,
mais le Commandant Moscovite , après avoir
amusé long-temps Fethi - Ghuirai , lui ayant à la
fin refusé nettement ce qu'il demandoit , et le
Chef des Imas voyant qu'il ne pouvoit persuader
à ce Sultan de se faire un passage par la force
des armes , il lui dit qu'il sçavoit un autre route
dans une Montague du Caucase ; qu'il n'avoit
pas voulu s'en servir d'abord , parce qu'il y avoit
douze heures de chemin à monter ; qu'elle étoit
d'ailleurs fort difficile et pleine de défilez , gardez
par des détachemens de Moscovites , mais
que puisqu'il étoit déterminé à ne vouloir pas
s'ouvrir le passage par Derbent, quoiqu'il l'assuroit
encore du succès de cette entreprise , s'il la
vouloit tenter , il n'y avoit plus d'autre parti à
prendre que celui de traverser la Montagne dont
il venoit de lui parler ; que cependant , outre les
difficultez qu'ils y rencontreroient , ils devoient
s'attendre à trouver de l'autre côté dans la Plaine
de gros corps de Moscovites , qui leur opposeroient
un pareil obstacle qu'à Derbent, il lui paroissoit
necessaire d'écrire à Soulkai , Khan de
Chamakié , pour le prier de venir avec le plus de
Troupes qu'il pourroit , pour les aider à sortir
de cet embarras , et d'attendre la réponse de ce
Khan , avant que de se mettre en chemin .
Le General Tartare ayant goûté ces dernieres
propositions , le Chef des Imas expedia cinq ou
six hommes, qui connoissant tous les sentiers détournez
de ces Rochers , porterent heureusement
II. Vol. les
2890 MERCURE DE FRANCE
les dépêches de Fethi-Ghuirai au Khan de Cha
makié.
Il est à propos de remarquer ici à l'occasion
de ce Khan , que suivant le Traité des Limites ,
signé le 8. Juillet 1724. entre les Turs et les
Moscovites , par la médiation de M. le Marquis
de Bonnac , alors Ambassadeur du Roy à la Porte
Ottomane , les Lesghis qui se trouvent dans le
Chirvan , s'étant soumis d'eux - mêmes , comme
Mahometans , au G. S. dont ils reclamerent la
protection ; Si Hautesse leur envoya un Khan
pour les commander , auquel il assigna la Vule
de Chamakié pour Capitale de cette nouvelle
Principauté , avec un Territoire qui s'étendoit
d'un côté jusqu'au Confluant du Cur et de l'Araxe
, et que le commencement des confins ayant
été fixé dans ce point de la jonction des deux Fleu
ves , il fut decidé que le côté qui est vers la Terre,
Ferme appartiendroit aux Turcs , celui qui re
garde la Mer , aux Moscovites , et le troisième ,
où est le Guilan , à la Perse.
Le Khan de Chamakié ayaur reçû les Lettres de
Fethi-Ghurai , il fit réponse à ce General qu'il
aloit rassembler les Lesghis et marcher à son
secours, en prenant les Moscovites par les derrie
res. Sur cette réponse , le Sultan er le Chef des
Imas décamperent de leur Village , où ils avoient
- demeuré 34. jours, et prirent le chemin de la
Montagne ; ils y rencontrerent effectivement ca
plusieurs détroits de petits Détachemens de Moscovites
, avec lesquels ils escarmoucherent er
qu'ils mirent en fuite sans s'arrêter : mais quand
ils eurent presque descendu cette Montagne ils
apperçûrent de loin dans la Plaine beaucoup de
Troupes Moscovites.
Le General Tartare persistaut toujours à ne
II. Vol. vouloir
DECEMBR E. 1732. 2891
Vouloir point en venir aux mains avec eux que
dans le cas d'une nécessité inévitable , leur envoya
demander le passage , ce qui lui ayant été
refusé , il continua de descendre jusqu'au pied
du Mont, où il se retrancha pour y attendre en
sureté des nouvelles du Khan Soulkaï , qui ne
paroissoit point encore ; mais après trois jours
d'attente , il le vit venir en bon ordre à la tête
d'une nombreuse troupe de Lesghis. Il sortit
alors de ses retranchemens et mit ses gens ea
bataille pour marcher aux Moscovites , qui
voyant qu'on les alloit mettre entre deux feux et
qu'ils avoient affaire à trop forte partie , se reti-
1erent promptement et laisserent le Champ libre
aux Tartares et aux Imas. Ces deux Peuples se
joignirent bien- tôt aux Lesghis et poursuivirent
leur route vers Chamakié , d'où l'on juge qu'ils
n'auront pas tardé à se répandre tous ensemble
dans le Guilan et dans les autres Provinces de
Perse qui sont au- delà de l'Araxe ,
Dès que le G. V. cut reçû cette nouvelle , il
s'informa des noms des Mirzas et des principaux
Officiers de l'Armée Tartare , et il dépêcha des
Couriers pour leur porter
des présens , avec des
ordres de prendre le chemin d'Amadan,pour unir
leurs forces à celles de Topal Osman Pacha , que
l'on dit avoir déja pris la route de Sina , qui n'est pas fort éloigné d'Amadan.
P. S. du 15. Novembre 1733 .
P. V. D ,
J'avois differé,Monsieur , à vous envoyer la Les
tre que vous venez de lire , par ce que des personnes
qui se croyoient interessées à soutenir que le
passage des Tartares en Perse éloit impossible
par le chemin qu'ils avoient pris , se sont donné
II. Vol
tant
2892 MERCURE DE FRANCE
tant de mouvement et de soins pour répandre
de fausses nouvelles à cet égard dans le Public ,
que je ne sçavois plus moi- même que croire de
ce passage , malgré sa certitude si bien établie par
la Lettre du Pacha de Ghendgé et la démarche
du G. V. auprès de Mrs les Résidens d'Allemagne
et de Russie ; mais l'Aga que la Porte avoit
chargé d'accompagner ces Troupes dans leur
route , étant depuis peu de retour ici de Tauris ,
où il les avoir laissées , je n'hésite plus à vous
envoyer ma Relation , qui est entierement conforme
pour l'essentiel au compte que cet Aga a
rendu de sa Mission à la Porte,
P. V. D.
Signature

P. V. D.

Nom
Collectivité
Faux
Date, calendrier grégorien
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Provient d'un lieu
Remarque

Datée du 20 septembre 1733, la lettre contient un post-scriptum daté du 15 novembre.

Soumis par lechott le