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Titre

SEANCE PUBLIQUE De l'Académie des Sciences & Belles-Lettres de Dijon.

Titre d'après la table

Séance publique de l'Académie de Dijon,

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Incipit

Le 18 du mois d'Août 1754 , l'Académie tint à l'ordinaire fon affemblée

Texte
SEANCE PUBLIQUE
De l'Académie des Sciences & Belles- Lettres
de Dijon.
E 18 du mois d'Août 1754 , l'Académie
tint à l'ordinaire fon affemblée LE
publique pour la diftribution du prix.
>
La féance fut ouverte par M. Lantin
de Damerci , Académicien honoraire .
qui fit l'éloge de M. Hector - Bernard Pouffier
, Doyen du Parlement de Bourgogne
& fondateur de l'Académie. Ce difcours
fait autant d'honneur au coeur qu'à l'efprit
de M. de Damerci , qui s'y montre partout
auffi bon citoyen qu'Académicien zélé.
En louant fon héros de ce qu'il a fait
pour la patrie , par deux établiſſemens auffi
nobles qu'ils font avantageux ( la donation
faite au Doyenné du Parlement , & la
fondation de l'Académie ) , il rend un tribut
légitime de louanges aux Bourguignons
célebres qui ont tenu un rang diftingué
dans la république des Lettres , & aux citoyens
illuftres , qui plus encore par leurs
vertus que par les places éminentes qu'ils
occupent, font l'honneur & la gloire de leur
pays . Parmi ces noms refpectables on voit
110 MERCURE DE FRANCE.
avec plaifir ceux de M. de Berbifey , ancien
premier Préſident du Parlement , qui
après avoir été trente ans à la tête de cette
compagnie , plein de jours & comblé de
gloire , réfolut de paffer fes jours dans une
heureufe tranquillité , en défignant pour
le remplacer , le grand Magiftrat qui eft
aujourd'hui le chef du Parlement ; de M.
Vitte , Doyen du Parlement , & premier
Directeur de l'Académie , & de M. Joly
de Fleury , Intendant de Bourgogne , dont
les ancêtres ont rempli avec éclat les places
les plus diftinguées du Parlement de
Dijon. L'Orateur le loue avec autant de
difcernement que de délicateffe , & le peint
d'un feul trait en lui appliquant ce vers de:
Boileau ...
Soutient tout par lui-même , & voit tout par fes
yeux.
Ce difcours imprimé à Dijon in-4° . chez
J. Cofte , Imprimeur de l'Académie , eft
digne de la curiofité des Lettres & des
Arts. Outre l'érudition diftinguée qui y
regne , on y trouve plufieurs anecdotes
intéreffantes , & des réflexions fages fur les
établiffemens publics.
M. Gelot , Procureur du Roi du Domaine
, Académicien penfionnaire de la claſſe
de morale , chargé de la diftribution du
FEVRIER. 1755 111
prix , lut enfuite un difcours fur le fujer
propofé ; fçavoir quelle eft la fource de
Pinégalité parmi les hommes , & fi elle eft approuvée
par la loi naturelle.
Il y fait la critique de la méthode qu'ont
fuivie le grand nombre d'Auteurs qui ont
concouru , & dont les piéces ont été rejettées.
7
» Les Auteurs , dit M. G. qui ont traité
» de l'inégalité des conditions , plus ingé-
» nieux qu'exacts , ont orné leurs fujets ,
» mais ils ont manqué la reffemblance.
» Leurs écrits forment , fi l'on veut , une
» fuite d'idées brillantes ; mais on ne peut
» fe diffimuler que l'expérience de tous les
» fiécles & l'hiftoire de toutes les nations
» les démentent : .... La liberté qu'ils ac-
» cordent à l'homme , dégénere en licence
» effrénée ; il n'eft aucune fubordination
qu'ils ne traitent d'efclavage intoléra-
»ble... Aucun d'eux n'a daigné recourir
à l'Hiftoire : quel guide plus éclairé pouvoit
mieux leur indiquer la route qu'ils
» devoient fuivre pour parvenir à la vérité ?
Ainfi la cenfure de M. G. tombe fur
tous les difcours qui ont concouru ș fans
cependant avoir pour objet celui qui a été
couronné , & celui qui l'a approché de
plus près , dont il fera parlé plus bas .
Il dit enfuite qu'il a exifté & qu'il
"
112 MERCURE DE FRANCE.
exifte encore des fociétés où la nature fe
montre fans nuages , que fes reffources &
fes foibleffes s'y laiffent aifément faifir par
l'obfervateur impartial. Les Scythes & les
Germains , dans des fiécles plus reculés ; de
nos jours , les peuples de l'Amérique of
frent une multitude de preuves , de faits ,
de circonstances , qui apprennent à connoître
l'état primitif de la fociété ja les
défauts vifibles & groffiers où le manque
de fubordination précipita autrefois , & retient
encore les nations barbares citées en
exemple , forment autant de principes ,
defquels il eſt naturel de conclure avec
M. G. » que dans toute fociété perfection-
» née , je veux dire celle où les loix , les
" fciences & les arts fleutiffent , l'inégali-
» té des conditions eft néceffaire , qu'elle
» eft liée à la conftitution de cette fociété ,
» qu'elle en eft la bafe & le foutien ; &
par une feconde conféquence de ce prin-
» cipe fondée fur l'expérience de toutes
» les nations , que cette inégalité de condition
eft conforme à la loi naturelle.
Il va plus loin ; il expofe les dangers
continuels de cet état de barbarie , où l'on
ne peut efperer ni fûreté ni agrémens ,
d'où les talens & les arts fort bannis , &
où l'efprit & l'intelligence, qui font la meil
leure portion de notre exiſtence , éprouveFEVRIER.
1755. II}
و د
roient bientôt le même fort. » Ceux donc
qui ont regardé l'inégalité des conditions
comme contraire à la loi naturel-
» le , ne font tombés dans cette erreur que
» faute d'avoir connu la loi naturelle , &
» de lui avoir donné toute l'étendue qu'elle
>> doit avoir.
» L'homme eft né pour la fociété ; la
négative de cette propofition feroit une
» abfurdité ... S'il eft un cas où un hom-
"
"
me exifte fans faire partie d'aucune fo
» ciété , il eft fingulier , & ne peut être ici
» d'aucune confidération ... Mais donnez
» à cet homme un compagnon de folitude ,
≫ vous verrez bientôt les préceptes & les
obligations de la loi naturelle s'accroître
» à leurs égards. Multipliez ce nombre
» d'hommes , cette même loi naturelle reçoit
de nouvelles explications , prefcrit
» de nouveaux devoirs , qui fe combinent
» & fe multiplient conformément à tous
» les cas & à toutes les fituations où les
» membres de la fociété peuvent fe trou
» ver ... De là fe forment les rangs & les
» diſtinctions , en un mot l'inégalité des
» conditions .
و ر
"
·
» La fociété n'eft peut-être pas auffi par
» faite qu'elle pourroit l'être ; mais il feroit
injufte de la juger fur les abus qu'elle
» tolere , plutôt que fur les biens qu'elle
*
114 MERCURE DE FRANCE.
procure... Ce font des hommes qui la
»compofent & qui la régiffent ; ils ne peu-
» vent toujours le dépouiller de leurs paf-
» fions , de leurs foibleffes & de leurs erreurs
; les loix de cette fociété font leurs
» ouvrages , quelquefois ils portent le ſceau
» de l'humanité.
La différence des caracteres eft une des
preuves naturelles dont M. G. fe fert pour
établir l'inégalité des conditions ; il fait
fentir aux Philofophes orgueilleux , qui
ont déclamé contre ce principe fondamental
de toute fociété , combien eux-mêmes
ils feroient à plaindre fi leurs fophifmes
acqueroient affez de crédit pour changer
l'état des chofes. Il termine fon difcours
par cette fage conclufion : » Que chaque
membre de la fociété jouiffe avec modé-
» ration des avantages qu'elle lui procure ,
qu'il évite avec prudence l'effet de quel-
» ques abus qu'elle eft forcée de tolérer ,
» mais que dans tous les cas il refpecte
l'ordre établi.
Le problème intéreffant de l'inégalité
des conditions l'eft devenu davantage , par
la maniere ingénieufe & fage avec laquelle
M. Talbert , Chanoine de l'Eglife de Befançon,
& membre de l'Académie de la même
ville , l'a développé dans le difcours
que l'Académie couronne aujourd'hui. Son
FEVRIER. 1755. IIS
ftyle , fes preuves & fes réflexions annoncent
par-tout un philofophe éclairé , un auteur
chrétien , & un orateur élégant.
Sa religion a aidé fa raifon dans fes
»recherches , & leurs lumieres réunies lui
» ont fait trouver dans le coeur de l'hom-
» me même la folution du problême.
Pour ne rien ôter aux beautés de ce difcours
, il faudroit le rapporter en entier;
mais comme M. Talbert eft difpofé à le
faire imprimer , le public jugera par luimême
des talens de l'auteur & des motifs
qui ont déterminé l'Académie à le cou-
Fonner:
M. Etaffe , étudiant en Droit à Rennes ,
eft le feul concurrent que l'Académie ait
jugé digne d'entrer en lice avec M. Talbert.
Son difcours a pour devife , Urget
amor patria laudumque immenfa cupido.Pour
faire fon éloge , il fuffit d'annoncer qu'iba
fuivi le même plan , & faifi les mêmes
idées que fon rival ; mais il a été moins
heureux dans l'expofition , & n'a pas feu
répandre fur fon fujet autant de beautés
réelles que M. l'Abbé Talbert.
Collectivité
Faux
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Domaine
Résumé
Le 18 août 1754, l'Académie des Sciences et Belles-Lettres de Dijon organisa une séance publique pour la distribution du prix. La séance débuta par un discours de M. Lantin de Damerci, académicien honoraire, qui rendit hommage à M. Hector-Bernard Pouffier, doyen du Parlement de Bourgogne et fondateur de l'Académie. De Damerci souligna les contributions de Pouffier à la patrie, notamment par la donation au Doyenné du Parlement et la fondation de l'Académie. Il loua également des figures illustres de Bourgogne, telles que M. de Berbisey, ancien premier Président du Parlement, M. Vitte, doyen du Parlement et premier directeur de l'Académie, et M. Joly de Fleury, intendant de Bourgogne. Ensuite, M. Gelot, procureur du Roi du Domaine et académicien pensionnaire, lut un discours sur l'inégalité parmi les hommes et sa conformité avec la loi naturelle. Il critiqua les auteurs ayant traité de l'inégalité des conditions, les jugeant plus ingénieux qu'exacts, et souligna que leurs écrits étaient démentis par l'expérience des siècles et l'histoire des nations. Gelot affirma que l'inégalité des conditions est nécessaire dans une société perfectionnée, où les lois, les sciences et les arts fleurissent. Il conclut en exhortant chaque membre de la société à respecter l'ordre établi. Le problème de l'inégalité des conditions fut également développé par M. Talbert, chanoine de l'Église de Besançon et membre de l'Académie de la même ville, dont le discours fut couronné par l'Académie. Son style, ses preuves et ses réflexions témoignèrent d'un philosophe éclairé, d'un auteur chrétien et d'un orateur élégant. M. Etaffe, étudiant en droit à Rennes, fut le seul concurrent jugé digne d'entrer en lice avec M. Talbert, mais son discours fut moins réussi dans l'exposition.
Soumis par kipfmullerl le