Titre
ASTRONOMIE. LETTRE de M. DELALANDE, de l'Académie Royale des Sciences, à M. DE LA PLACE, sur une Anecdote Littéraire.
Titre d'après la table
ASTRONOMIE. LETTRE de M. Delalande, à M. De la Place.
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
95
Page de début dans la numérisation
318
Page de fin
99
Page de fin dans la numérisation
322
Incipit
Vous avez appris déja, Monsieur, avec satisfaction, les preuves que le
Texte
ASTRONOMI E.
LETTRE de M. DELALANDE , de
l'Académie Royale des Sciences , à
M. DE LA PLACE , fur une Anecdote
Littéraire.
Vous ous avez appris déja , Monfieur
avec fatisfaction , les preuves que le
Grand- Seignenr nous a données en
dernier lieu de fon goût pour les Sciences.
Le détail de ce petit événement fera
plaifir aux Gens de Lettres. Il eft d'ail96
MERCURE DE FRANCE.
leurs honorable à l'Académie des Sciencés
, & vous y trouverez peut -être une
raifon d'efpérer qu'un jour la Turquie
cette belle partie de l'Europe , fortira
de l'engourdiffement où elle eft depuis
la deftruction de l'Empire Grec.
I
Les Juillet dernier 5 M. le Chevalier de
Vergennes , Ambaffadeur de France à
Conftantinople , eut une vifite de l'interprété
de la Porte , qui venoit de la
part du Grand- Vifir. Cet Interprête lui
dit que le Grand-Seigneur avoit été informé
qu'il y avoit en France des Aſtronomes
célébres qui avoient publié nouvellement
des ouvrages généralement
eftimés . Sa Hauteffe ( ajouta- t-il ) qui a
du goût pour ce genre d'étude , defire
qu'on lui faffe venir avec le moins de
délai qu'il fera poffible , les meilleures
Tables d'Aftronomie , les obfervations
les plus parfaites & les découvertes les
plus récentes qui ont paru. Pour cet
effet le Grand-Vifir requit M. l'Ambaffadeur
de vouloir bien expédier un
Courier exprès pour les demander en
France & pour les rapporter . M. de Vergennes
l'affura de fon empreffement à
fe conformer aux ordres de fa Hauteffe ,
& à fatisfaire fon goût. Il promit d'en
rendre compte à M. le Duc de Praf.
,
lin
JANVIER. 1763 . 97
lin , Ministre des affaires étrangères ,
ne doutant pas qu'il ne donnât fes foins
pour que cette commiffion fut faite avec
autant de choix que de promptitude.
Les Couriers ne pouvant paffer à
Vienne en Autriche , fans être affujettis
à une longue quarantaine , M. de Vergennes
dépêcha un Janiffaire fur la frontière
de Turquie , avec une recommandation
de M. de Schwacheim au Commandant
Impérial à Semlin , pour le
prier de faire paffer par un Staffette fon
paquet à M. le Comte du Chatelet , Ambaffadeur
de France à Vienne , qui devoit
l'envoyer à Paris. M. de Vergennes,
pria M. le Duc de Praflin de lui faire
parvenir fa réponſe par la même voie ;
l'objet de la diligence qui lui étoit fi fort
recommandée pouvant être rempli fans
beaucoup de dépenfe par M. le Comte
de Kaunitz, qui ordonneroit l'expédition
d'un Janiffaire attaché au fervice de la
Poſte Impériale : il y a toujours plufieurs
de ces Janiffaires à Belgrade.
M. de Vergennes demandoit principalement
les obfervations du paffage de
Vénus fur le foleil , les ouvrages faits
fur les cometes depuis quelques années ,
& les découvertes nouvelles relatives à
l'Aftronomie. Les Turcs auroient bien
II. Vol. ES
98 MERCURE DE FRANCE.
voulu qu'il y joignît quelques ouvrages
d'aftrologie judiciaire & de prédiction
fur l'avenir ; mais il répondit décidément
qu'on n'en trouveroit point en
France , parce que ces fortes d'études Y
étoient totalement décriées .
*
Le Roi ayant appris l'empreffement
& la curiofité du Sultan , voulut lui
donner en cette occafion une marque
de complaifance & d'amitié ; & M. le
Comte de S. Florentin me fi : l'honneur
de me charger , en conféquence des
ordres du Roi , de remettre un état de
tout ce qui pouvoit être raffemblé à ce
fujet à M. Bignon , Bibliothécaire du
Roi , & de concerter avec lui l'envoi
de Livres qui pourroient plaire au Grand
Seigneur. Je m'acquittai avec empreffement
de cette commiſſion : mais vous
favez , Monfieur , qu'il n'y a en France
que trois Traités d'aftronomie élémentaire
, ceux de M. Caffini , de M. Le
Monnier & de M. de la Caille. J'y joignis
des traités particuliers , tels que ceux
de la figure de la terre , de M. de Maupertuis
, de M. de la Condamine , de
M. Bouguer & de M. Clairaut , les
tables aftronomiques de Halley , dont
j'avois donné en 1759 une feconde édition
, mon expofition du calcul aftronoJANVIER.
1763. 99
1
mique , la connoiffance des temps de
plufieurs années , où il eft parlé du paffage
de Vénus , le traité des cometes de
M. Clairaut , le traité de navigation de
M. de la Caille , & c. Tout cela fut relié
avec toute la propreté imaginable , &
envoyé à Marseille , d'où le Grand Seigneur
a reçu cet envoi avec une extrême
fatisfaction .
Il n'eft pas fort étonnant ,
fort étonnant , Monfieur
que les travaux , les voyages , les entreprifes
de l'Académie des Sciences , fous
la protection d'un Miniftre éclairé
ayent étendu la réputation littéraire de
la France jufques dans ces climats.
Il l'eft au contraire bien davantage
que l'efprit de recherche , d'obfervation
& de curiofité n'ait pas fait des
progrès plus rapides du côté du Levant.
On a vu dans les Etats de l'Impératrice
Reine , des Mathématiciens célébres, tels
que le P. Hell , enfeigner les Mathématiques
jufqu'aux confins de la Turquie ;
& l'on favoit à peine dans Conftantinople
à quoi ces études pouvoient fervir.
Puiffe le goût & la curiofité de Muftapha
II produire en faveur des Sciences
une heureufe révolution !
J'ai l'honneur d'être & c.
DE LA LANDE.
LETTRE de M. DELALANDE , de
l'Académie Royale des Sciences , à
M. DE LA PLACE , fur une Anecdote
Littéraire.
Vous ous avez appris déja , Monfieur
avec fatisfaction , les preuves que le
Grand- Seignenr nous a données en
dernier lieu de fon goût pour les Sciences.
Le détail de ce petit événement fera
plaifir aux Gens de Lettres. Il eft d'ail96
MERCURE DE FRANCE.
leurs honorable à l'Académie des Sciencés
, & vous y trouverez peut -être une
raifon d'efpérer qu'un jour la Turquie
cette belle partie de l'Europe , fortira
de l'engourdiffement où elle eft depuis
la deftruction de l'Empire Grec.
I
Les Juillet dernier 5 M. le Chevalier de
Vergennes , Ambaffadeur de France à
Conftantinople , eut une vifite de l'interprété
de la Porte , qui venoit de la
part du Grand- Vifir. Cet Interprête lui
dit que le Grand-Seigneur avoit été informé
qu'il y avoit en France des Aſtronomes
célébres qui avoient publié nouvellement
des ouvrages généralement
eftimés . Sa Hauteffe ( ajouta- t-il ) qui a
du goût pour ce genre d'étude , defire
qu'on lui faffe venir avec le moins de
délai qu'il fera poffible , les meilleures
Tables d'Aftronomie , les obfervations
les plus parfaites & les découvertes les
plus récentes qui ont paru. Pour cet
effet le Grand-Vifir requit M. l'Ambaffadeur
de vouloir bien expédier un
Courier exprès pour les demander en
France & pour les rapporter . M. de Vergennes
l'affura de fon empreffement à
fe conformer aux ordres de fa Hauteffe ,
& à fatisfaire fon goût. Il promit d'en
rendre compte à M. le Duc de Praf.
,
lin
JANVIER. 1763 . 97
lin , Ministre des affaires étrangères ,
ne doutant pas qu'il ne donnât fes foins
pour que cette commiffion fut faite avec
autant de choix que de promptitude.
Les Couriers ne pouvant paffer à
Vienne en Autriche , fans être affujettis
à une longue quarantaine , M. de Vergennes
dépêcha un Janiffaire fur la frontière
de Turquie , avec une recommandation
de M. de Schwacheim au Commandant
Impérial à Semlin , pour le
prier de faire paffer par un Staffette fon
paquet à M. le Comte du Chatelet , Ambaffadeur
de France à Vienne , qui devoit
l'envoyer à Paris. M. de Vergennes,
pria M. le Duc de Praflin de lui faire
parvenir fa réponſe par la même voie ;
l'objet de la diligence qui lui étoit fi fort
recommandée pouvant être rempli fans
beaucoup de dépenfe par M. le Comte
de Kaunitz, qui ordonneroit l'expédition
d'un Janiffaire attaché au fervice de la
Poſte Impériale : il y a toujours plufieurs
de ces Janiffaires à Belgrade.
M. de Vergennes demandoit principalement
les obfervations du paffage de
Vénus fur le foleil , les ouvrages faits
fur les cometes depuis quelques années ,
& les découvertes nouvelles relatives à
l'Aftronomie. Les Turcs auroient bien
II. Vol. ES
98 MERCURE DE FRANCE.
voulu qu'il y joignît quelques ouvrages
d'aftrologie judiciaire & de prédiction
fur l'avenir ; mais il répondit décidément
qu'on n'en trouveroit point en
France , parce que ces fortes d'études Y
étoient totalement décriées .
*
Le Roi ayant appris l'empreffement
& la curiofité du Sultan , voulut lui
donner en cette occafion une marque
de complaifance & d'amitié ; & M. le
Comte de S. Florentin me fi : l'honneur
de me charger , en conféquence des
ordres du Roi , de remettre un état de
tout ce qui pouvoit être raffemblé à ce
fujet à M. Bignon , Bibliothécaire du
Roi , & de concerter avec lui l'envoi
de Livres qui pourroient plaire au Grand
Seigneur. Je m'acquittai avec empreffement
de cette commiſſion : mais vous
favez , Monfieur , qu'il n'y a en France
que trois Traités d'aftronomie élémentaire
, ceux de M. Caffini , de M. Le
Monnier & de M. de la Caille. J'y joignis
des traités particuliers , tels que ceux
de la figure de la terre , de M. de Maupertuis
, de M. de la Condamine , de
M. Bouguer & de M. Clairaut , les
tables aftronomiques de Halley , dont
j'avois donné en 1759 une feconde édition
, mon expofition du calcul aftronoJANVIER.
1763. 99
1
mique , la connoiffance des temps de
plufieurs années , où il eft parlé du paffage
de Vénus , le traité des cometes de
M. Clairaut , le traité de navigation de
M. de la Caille , & c. Tout cela fut relié
avec toute la propreté imaginable , &
envoyé à Marseille , d'où le Grand Seigneur
a reçu cet envoi avec une extrême
fatisfaction .
Il n'eft pas fort étonnant ,
fort étonnant , Monfieur
que les travaux , les voyages , les entreprifes
de l'Académie des Sciences , fous
la protection d'un Miniftre éclairé
ayent étendu la réputation littéraire de
la France jufques dans ces climats.
Il l'eft au contraire bien davantage
que l'efprit de recherche , d'obfervation
& de curiofité n'ait pas fait des
progrès plus rapides du côté du Levant.
On a vu dans les Etats de l'Impératrice
Reine , des Mathématiciens célébres, tels
que le P. Hell , enfeigner les Mathématiques
jufqu'aux confins de la Turquie ;
& l'on favoit à peine dans Conftantinople
à quoi ces études pouvoient fervir.
Puiffe le goût & la curiofité de Muftapha
II produire en faveur des Sciences
une heureufe révolution !
J'ai l'honneur d'être & c.
DE LA LANDE.
Signature
DE LA LANDE.
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Mots clefs
Domaine
Est adressé ou dédié à une personne
Est rédigé par une personne