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105
Page de début dans la numérisation
780
Page de fin
111
Page de fin dans la numérisation
786
Incipit
La Philosophie applicable à tous les objets de l'esprit & de la raison ; ouvrage
Texte
A Philofophie applicable à tous les
vrage en réflexions détachées . Par feu M.
l'Abbé Terraffon , de l'Académie Françoife
, & Affocié à celles des Sciences de Paris
& de Berlin , 1754. A Paris , chez Prault
fils , quai de Conti , à la defcente du Pont
neuf, deux petits volumes in- 12 .
Il y a dans ce recueil que tout Paris a
lû , plufieurs penfées communes & beaucoup
de chofes fenfées , fines & philofophiques
en voici quelques- unes .
L'homme qui n'a point de philofophie ,
n'a point d'efprit à lui , il n'a que celui des
autres ; il parle comme ceux qui l'ont précédé
, au lieu que le Philofophe fera parler
comme lui ceux qui le fuivront.
Une infinité de gens ne recevront la
Philofophie , qui n'eft pas encore généralement
établie , que lorfqu'elle aura pour
elle la pluralité des voix ; alors elle n'entrera
dans leur efprit que fous la forme de
prévention .
Les Grecs fçavoient parler , les Latins
fçavoient penfer , & les François fçavent
raifonner. Le progrès des tems a fait le fe-
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
cond dégré ; le progrès des tems & Defcartes
ont fait le troifiéme.
L'oppofition à tout ce qui fe préfente
de nouveau , a cela d'utile , qu'elle eft caufe
qu'il ne s'établit rien que de bon.
Chacun doit prendre fon exterieur dans
le monde , & fon interieur dans la religion
& dans la fageffe .
Ceux qui méprisent le monde fans l'avoir
connu , en parlent mal , mais en penfent
juste .
Les paffions font les vents qui font aller
notre vailleau , & la raifon eft le pilote qui
le conduit : le vaiffeau n'iroit point fans
les vents , & fe perdroit fans le pilote .
L'ambition qui eft prévoyante , facrifie
le préfent à l'avenir : la volupté qui eft
aveugle , facrifie l'avenir au préfent ; mais
l'envie , l'avarice & les autres paffions lâches
empoifonnent le préfent & l'avenir.
La grande poltronnerie fufpend chez
plufieurs hommes les effets de la grande
méchanceté .
La profpérité qui rend plus fiers & plus
durs les hommes médiocres , humanife
les grands hommes .
Les particuliers font fiers dans une République
; mais la nation l'eft bien davantage
dans une Monarchie..
Un frondeur eft un homme qui paffe fa vie
DECEMBRE. 1754 707
à être fâché de ce que la Seine va du côté de
Rouen , au lieu d'aller du côté de Melun.
Le Juge ordinaire doit comparer la punition
avec le crime : l'homme d'Etat ne
doit comparer la punition qu'avec le fruit
de la punition.
On reproche aux Auteurs Italiens la fubtilité
des pensées , aux Efpagnols la rodomontade
, aux Anglois un air de férocité
: il me femble qu'on ne reproche aux Aureurs
François aucun vice de terroir . Si la
chofe eft ainfi , c'eft à eux à cultiver cet
avantage , & à tâcher de prendre ou de
conferver toujours le ton de la nature & de
la raiſon.
J'ai entendu remarquer par d'habiles
gens , que les habitans des pays chauds
étoient plus adonnés aux femmes , & que
ceux des pays froids avoient plus d'enfans.
L'efprit doit être regardé comme un
inftrument, & non comme un objet : ainfi il
ne faut point parler ou écrire pour montrer
de l'efprit ; mais il faut fe fervir de fon
efprit pour dire ou pour écrire des chofes
bonnes & utiles .
Une des plus grandes preuves d'équité
d'efprit , c'eft de n'avoir aucun égard dans
le jugement que nous portons des autres à.
celui qu'ils portent de nous.
Parler beaucoup & bien , c'eft le talent
Evj
108 MERCURE DE FRANCE:
du bel efprit ; parler peu & bien , c'eſt le
caractere du fage ; parler beaucoup & mal ,
c'eft le vice du fat ; parler peu & mal , c'eſt
le défaut du fot.
Un jeune homme n'ira jamais des mauvais
difcours aux bons qu'en paffant par
le filence.
Le trivial conſiſte à dire ce que tout le
monde dit , & le naturel confifte à dire ce
que tout le monde fent. Voilà par où le trivial
ne fçauroit être neuf , au lieu que le
naturel peut l'être beaucoup .
Vérité dans la chofe , fineffe dans l'obfervation
, hardieffe dans l'énoncé : voilà
ce qui fait les expreffions du génie.
Le ftyle le plus parfait eft celui qui n'at
tire aucune attention comme ſtyle , & qui
ne laiffe que l'impreffion de la chofe qu'on
a voulu dire.
Il ne faut point d'efprit pour faivre
l'opinion qui eft actuellement la plus commune
; mais il en faut beaucoup pour être
dès aujourd'hui d'un fentiment dont tout
le monde ne fera que dans trente ans.
La Jurifprudence demande un efprit
droit , la politique un efprit étendu , & la
guerre un efprit préfent.
On a mis à la tête du Recueil que nous
venons de parcourir , deux morceaux trèspiquans
& très-philofophiques ; le premier,
;
DECEMBRE . 1754. 109
de M. Dalembert ; & le fecond , de M. de
Moncrif. Le but de ces deux Ecrivains célebres
, eft de développer le caractere vrai ,
naïf & tout-à-fait fingulier de M. l'Abbé
Terrallon .
S. Auguftin contre l'incrédulité , où
difcours & penfées recueillies des divers
écrits de ce Pere , les plus propres à prémunir
les fideles contre l'incrédulité de
nos jours. A Paris , chez Lottin , rue S. Jacques
, au Coq'; 1754 , 1 vol . in- 12.
Les défenfeurs de la religion font fagement
de puifer leurs preuves dans les ouvrages
des Peres , de S. Auguftin fur - tout .
Ce grand homme avoit dans l'efprit de
l'étendue , de l'élévation , de la force & ,
ce qu'il faut
fingulierement de nos jours ,
beaucoup de métaphyfique.
MEMOIRE pour fervir à la culture
des mûriers & à l'éducation des vers à foye.
A Poitiers , chez Jean Faulcon ; 1754 , in-
12 , pag. 86. On le trouve à Paris , chez
Martin.
Il n'y a pas un mot à perdre de cet important
mémoire. Un extrait tel que nous
le pourrions donner ne feroit pas fuffifant
; & nous exhortons l'Auteur du Journal
économique à l'inferer tout entier
dans fon recueil. Le Gouvernement a deFIO
MERCURE DE FRANCE.
puis quelques années l'attention de rendre
communs les ouvrages dont l'objet inté
reffe le bien public.
M. l'Abbé Coyer vient de publier chez
Duchefne , Libraire , rue S. Jacques , trois
Differtations. La premiere , fur la différence
de deux anciennes religions , la
Grecque & la Romaine , c'eft un morceau
bien fait , mais de pure curiofité. La feconde
& la troifieme , fur le vieux mot de patrie
, & fur la nature du peuple , ont un but
férieux. Cet Ecrivain après nous avoir raillé
agréablement , vivement & plaifamment
fur nos ridicules , commence à attaquer
nos vices. Nous lui fouhaitons plus de fuccès
dans la carriere qu'il commence que
dans celle qu'il vient de finir . Si je ne me
trompe , nous fommes à peu près tels que
nous étions avant l'Année merveilleufe , la
Pierre philofophale , & c .
ENTRETIENS fur les Romans. Ouvrage
moral & critique , dans lequel on
traite de l'origine des Romans & de leurs
différentes efpeces , tant par rapport à l'efprit
que par rapport au coeur . Par M. l'Abbé
Jacquin ; 1754 , 1 vol . in - 12 . A Paris,
chez Duchesne , rue S. Jacques.
M. l'Abbé Ladvocat dit dans l'approDECEMBRE.
1794 1747
bation qu'il a donnée à ce livre , que l'Auteur
y donne une jufte idée de l'origine &
des différentes efpeces de Romans , tant
anciens que modernes , & qu'il y prouve
très-bien qu'en général la lecture de ces
fortes de livres eft au moins frivole , qu'el
le ne fert le plus fouvent qu'à gâter le
goût , & qu'elle est très- dangereuse pour
les moeurs.
OBSERVATIONS & découvertes faites furt
des chevaux , avec une nouvelle pratique
fur la ferrure . Par le fieur Lafoffe , Maréchal
des petites Ecuries du Roi , avec des
figures en taille- douce. A Paris , chez Hochereau
le jeune , quai des Auguftins , au
coin de la rue Gift -le - Coeur ; 1754 , 1 V
-8° . Cet ouvrage paffe pour fort bon.
vrage en réflexions détachées . Par feu M.
l'Abbé Terraffon , de l'Académie Françoife
, & Affocié à celles des Sciences de Paris
& de Berlin , 1754. A Paris , chez Prault
fils , quai de Conti , à la defcente du Pont
neuf, deux petits volumes in- 12 .
Il y a dans ce recueil que tout Paris a
lû , plufieurs penfées communes & beaucoup
de chofes fenfées , fines & philofophiques
en voici quelques- unes .
L'homme qui n'a point de philofophie ,
n'a point d'efprit à lui , il n'a que celui des
autres ; il parle comme ceux qui l'ont précédé
, au lieu que le Philofophe fera parler
comme lui ceux qui le fuivront.
Une infinité de gens ne recevront la
Philofophie , qui n'eft pas encore généralement
établie , que lorfqu'elle aura pour
elle la pluralité des voix ; alors elle n'entrera
dans leur efprit que fous la forme de
prévention .
Les Grecs fçavoient parler , les Latins
fçavoient penfer , & les François fçavent
raifonner. Le progrès des tems a fait le fe-
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
cond dégré ; le progrès des tems & Defcartes
ont fait le troifiéme.
L'oppofition à tout ce qui fe préfente
de nouveau , a cela d'utile , qu'elle eft caufe
qu'il ne s'établit rien que de bon.
Chacun doit prendre fon exterieur dans
le monde , & fon interieur dans la religion
& dans la fageffe .
Ceux qui méprisent le monde fans l'avoir
connu , en parlent mal , mais en penfent
juste .
Les paffions font les vents qui font aller
notre vailleau , & la raifon eft le pilote qui
le conduit : le vaiffeau n'iroit point fans
les vents , & fe perdroit fans le pilote .
L'ambition qui eft prévoyante , facrifie
le préfent à l'avenir : la volupté qui eft
aveugle , facrifie l'avenir au préfent ; mais
l'envie , l'avarice & les autres paffions lâches
empoifonnent le préfent & l'avenir.
La grande poltronnerie fufpend chez
plufieurs hommes les effets de la grande
méchanceté .
La profpérité qui rend plus fiers & plus
durs les hommes médiocres , humanife
les grands hommes .
Les particuliers font fiers dans une République
; mais la nation l'eft bien davantage
dans une Monarchie..
Un frondeur eft un homme qui paffe fa vie
DECEMBRE. 1754 707
à être fâché de ce que la Seine va du côté de
Rouen , au lieu d'aller du côté de Melun.
Le Juge ordinaire doit comparer la punition
avec le crime : l'homme d'Etat ne
doit comparer la punition qu'avec le fruit
de la punition.
On reproche aux Auteurs Italiens la fubtilité
des pensées , aux Efpagnols la rodomontade
, aux Anglois un air de férocité
: il me femble qu'on ne reproche aux Aureurs
François aucun vice de terroir . Si la
chofe eft ainfi , c'eft à eux à cultiver cet
avantage , & à tâcher de prendre ou de
conferver toujours le ton de la nature & de
la raiſon.
J'ai entendu remarquer par d'habiles
gens , que les habitans des pays chauds
étoient plus adonnés aux femmes , & que
ceux des pays froids avoient plus d'enfans.
L'efprit doit être regardé comme un
inftrument, & non comme un objet : ainfi il
ne faut point parler ou écrire pour montrer
de l'efprit ; mais il faut fe fervir de fon
efprit pour dire ou pour écrire des chofes
bonnes & utiles .
Une des plus grandes preuves d'équité
d'efprit , c'eft de n'avoir aucun égard dans
le jugement que nous portons des autres à.
celui qu'ils portent de nous.
Parler beaucoup & bien , c'eft le talent
Evj
108 MERCURE DE FRANCE:
du bel efprit ; parler peu & bien , c'eſt le
caractere du fage ; parler beaucoup & mal ,
c'eft le vice du fat ; parler peu & mal , c'eſt
le défaut du fot.
Un jeune homme n'ira jamais des mauvais
difcours aux bons qu'en paffant par
le filence.
Le trivial conſiſte à dire ce que tout le
monde dit , & le naturel confifte à dire ce
que tout le monde fent. Voilà par où le trivial
ne fçauroit être neuf , au lieu que le
naturel peut l'être beaucoup .
Vérité dans la chofe , fineffe dans l'obfervation
, hardieffe dans l'énoncé : voilà
ce qui fait les expreffions du génie.
Le ftyle le plus parfait eft celui qui n'at
tire aucune attention comme ſtyle , & qui
ne laiffe que l'impreffion de la chofe qu'on
a voulu dire.
Il ne faut point d'efprit pour faivre
l'opinion qui eft actuellement la plus commune
; mais il en faut beaucoup pour être
dès aujourd'hui d'un fentiment dont tout
le monde ne fera que dans trente ans.
La Jurifprudence demande un efprit
droit , la politique un efprit étendu , & la
guerre un efprit préfent.
On a mis à la tête du Recueil que nous
venons de parcourir , deux morceaux trèspiquans
& très-philofophiques ; le premier,
;
DECEMBRE . 1754. 109
de M. Dalembert ; & le fecond , de M. de
Moncrif. Le but de ces deux Ecrivains célebres
, eft de développer le caractere vrai ,
naïf & tout-à-fait fingulier de M. l'Abbé
Terrallon .
S. Auguftin contre l'incrédulité , où
difcours & penfées recueillies des divers
écrits de ce Pere , les plus propres à prémunir
les fideles contre l'incrédulité de
nos jours. A Paris , chez Lottin , rue S. Jacques
, au Coq'; 1754 , 1 vol . in- 12.
Les défenfeurs de la religion font fagement
de puifer leurs preuves dans les ouvrages
des Peres , de S. Auguftin fur - tout .
Ce grand homme avoit dans l'efprit de
l'étendue , de l'élévation , de la force & ,
ce qu'il faut
fingulierement de nos jours ,
beaucoup de métaphyfique.
MEMOIRE pour fervir à la culture
des mûriers & à l'éducation des vers à foye.
A Poitiers , chez Jean Faulcon ; 1754 , in-
12 , pag. 86. On le trouve à Paris , chez
Martin.
Il n'y a pas un mot à perdre de cet important
mémoire. Un extrait tel que nous
le pourrions donner ne feroit pas fuffifant
; & nous exhortons l'Auteur du Journal
économique à l'inferer tout entier
dans fon recueil. Le Gouvernement a deFIO
MERCURE DE FRANCE.
puis quelques années l'attention de rendre
communs les ouvrages dont l'objet inté
reffe le bien public.
M. l'Abbé Coyer vient de publier chez
Duchefne , Libraire , rue S. Jacques , trois
Differtations. La premiere , fur la différence
de deux anciennes religions , la
Grecque & la Romaine , c'eft un morceau
bien fait , mais de pure curiofité. La feconde
& la troifieme , fur le vieux mot de patrie
, & fur la nature du peuple , ont un but
férieux. Cet Ecrivain après nous avoir raillé
agréablement , vivement & plaifamment
fur nos ridicules , commence à attaquer
nos vices. Nous lui fouhaitons plus de fuccès
dans la carriere qu'il commence que
dans celle qu'il vient de finir . Si je ne me
trompe , nous fommes à peu près tels que
nous étions avant l'Année merveilleufe , la
Pierre philofophale , & c .
ENTRETIENS fur les Romans. Ouvrage
moral & critique , dans lequel on
traite de l'origine des Romans & de leurs
différentes efpeces , tant par rapport à l'efprit
que par rapport au coeur . Par M. l'Abbé
Jacquin ; 1754 , 1 vol . in - 12 . A Paris,
chez Duchesne , rue S. Jacques.
M. l'Abbé Ladvocat dit dans l'approDECEMBRE.
1794 1747
bation qu'il a donnée à ce livre , que l'Auteur
y donne une jufte idée de l'origine &
des différentes efpeces de Romans , tant
anciens que modernes , & qu'il y prouve
très-bien qu'en général la lecture de ces
fortes de livres eft au moins frivole , qu'el
le ne fert le plus fouvent qu'à gâter le
goût , & qu'elle est très- dangereuse pour
les moeurs.
OBSERVATIONS & découvertes faites furt
des chevaux , avec une nouvelle pratique
fur la ferrure . Par le fieur Lafoffe , Maréchal
des petites Ecuries du Roi , avec des
figures en taille- douce. A Paris , chez Hochereau
le jeune , quai des Auguftins , au
coin de la rue Gift -le - Coeur ; 1754 , 1 V
-8° . Cet ouvrage paffe pour fort bon.
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Domaine