Titre
SUITE de la Lettre de M. P. le Roy, sur l'Horlogerie.
Titre d'après la table
Suite de la Lettre de M. le Roy sur les Pendules, &c.
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
1262
Page de début dans la numérisation
445
Page de fin
1274
Page de fin dans la numérisation
457
Incipit
Mr. Thiout s'exprime en ces termes dans la Lettre sur l'échapement
Texte
SUITE de la Lettre de M. P. le Roy
sur l'Horlogerie.
M
R. Thiout s'exprime en ces termes
dans la Lettre sur l'échapement
de ma Pendule .
La justesse des Pendules ne paroissant
pas assez sufisante avec échapement ordinaire
, M. le Roy dit avoir imaginé pour
augmenter cette justesse , un nouvel échapement
qui consiste en une seule palette et deux
Rochets , en arbres , sur ce même axe &c. ›
Je veux bien , à mon tour , rendre à
M. Thiout , la justice de croire qu'il ne
veut point en imposer. J'ai seulement
dit dans ma Lettre que j'avois imaginé
une autre maniere de faire les paletes de
la verge du balancier qui rend les frotemens
des dents de la roue de rencontre
sur ces palettes , beaucoup plus doux
et moins susceptibles de changement et
qui rend la justesse de l'échapement
beaucoup plus durable. Il n'est point
question dans ce que j'ai écrit , du nouvel
échapement , ni d'une seule palette
avec deux roues de rochets sur un même
arbre , mais bien d'un échapement
9
11. Vol.
ordinaire
JUIN. 1734: 1263
ordinaire avec des palettes nouvelles ,
par le soin que j'ai apporté pour rendre
les frotemens plus doux et l'échapement
plus durable.
Vous avez , sans soute , vû , Monsieur,
l'échapement à deux rochets et une
seule palette , dont parle M. Thiout ;
les experiences que nous en avons faites
me mettent en état de faire voir que le
jugement de M. Thiout ne sçauroit se
soutenir.
Bien loin que cet échapement ait un
défaut en ce que l'action du rouage ne
s'exerce qu'une fois sur la palette en
deux vibrations , vous reconnoîtrez sans
peine que c'est en cela même qu'il est
plus parfait , car la vibration qui se fait
sans l'action du rouage , est exempte des
inégalitez que la puissance motrice pourroit
lui communiquer , y donc avec
cet échapement , la moitié des vibrations
, dont rien ne trouble la justesse ,
par consequent la Pendule doit être une
fois plus juste.
La grandeur que M. Thiout reproche
à la palette , et qu'il dit que je suis obligé
de lui donner , pour reparer le défaut
d'action sur la moitié des vibrations ,
pourroit en imposer à ceux qui n'auroient
point vû cet échapement ; mais le
II. Vol. A iiij repro1234
MERCURE DE FRANCE
reproche tombera bien tôt , si l'on en
fait la comparaison , avec l'échapement à
deux verges dont les palettes sont presqu'aussi
longues.
Quoique le rouage n'exerce son action
sur la palette , ou pour mieux dire
sur le Pendule , qu'une fois en deux vibrations
, il lui communique cependant
autant d'action que dans les autres
échapemens ; car s'il ne l'exerce
qu'une fois en deux vibrations , il l'exerce
sur un espace double. De plus ,
comme de deux vivrations il n'y en a
qu'une où le rouage s'oppose au mouvement
qu'il a communiqué à ce Pendule ,
il ne peut lui retrancher que la moitié du
mouvement qu'il lui retranche dans les
échapemens ordinaires , et par consequent
il en reste davantage au Pendule.
La preuve s'en trouve tout naturellement,
en ce que l'on peut avec cet échapement
emplir les lentilles de plomb , pour les
rendre plus pesantes et moins susceptibles
du changement de resistance du milieu
, sans craindre que la Pendule s'arrête
, ce que l'on ne peut pas faire avec les
autres échapemens . De plus ; cet échapement
a moins de frotemens que les
échapemens ordinaires , parce que l'on
peut faire agir la dent du rochet sur la
I Vol.
palette,
JUIN. 1734. 1265
palette , sous les plus petits angles qu'il
est possible , et si on la fait un peu plus
longue , c'est seulement pour que le branle
du Pandule ne devienne pas trop grand.
Je passe donc à M. Thiout , que la palette
est un peu plus longue que celle des
autres échapemens ; mais examinons si
elle empêche la Pendule d'avoir toute la
regularité.
1
Chaque jour qu'on augmente la puis
sance motrice d'un Pendule , les vibrations
deviennent plus grandes , et lorsque
les grandes vibrations sont moins de
tems à se faire que les petites , l'on peut
dire que l'échapement est mauvais , puisqu'il
n'y a point d'autre maniere de rendre
les vibrations isochrones, qu'en changeant
quelque chose à l'échapement.
Lorsque les grandes vibrations sont
plus de tems à se faire que les petites , l'échapement
est toujours bon ; car c'est ainsi
que doivent être les vibrations libres , et
c'est une preuve que les inégalités de la
puissance ne trouble point la regularité
des vibrations : Ce seroit pourtant un défaut
si on ne pouvoit point les rendre
isochrones par une courbe appliquée à la
suspension du Pendule.
L'échapement que M. Thiout desaprouve
est dans le dernier cas , en supprimant
Ay la
I. Vol.
1266 MERCURE DE FRANCE
la courbe qui est à la suspension , lors.
que le ressort est au haut, la pendule retarde,
et elle avance, quand il est au bas. Enfin
les vibrations deviennent isochrones
quand on remet la courbe à sa place . Dans
tout ceci je ne vois rien qu'on ne doive
approuveret même qui n'oblige à donner
la préference à cet échapement. Vous
voyez donc clairement , Monsieur , que
le reproche que fait M.Thiout doit necessairement
tomber.
L'attention qu'il a faite pour reconnoître
la façon dont je m'y prends pour rendre
l'action des grands ressorts plus égala
, ne l'a pas mené au but , du moins
pour la construction ; car la maniere de
la faire , qu'il croit la seule après la fusée,
ne l'est point ; il y en a au moins une seconde.
Celle que soupçonne M. Thiout
a un inconvenient ; car si on fait passer la
roue d'arrêt entre la grande roiie moyenne
et le barillet , ce barillet en devient
plus bas , la puissance morrice diminuë ,
ce qui est toujours un défaut. Si la roue
d'arrêt ne passe point entre le barillet et
la grande roue moyenne , cette role
moyenne devient plus petite , et par
Consequent ses dents trop foibles . Si on
lui veut donner un nombre de dents convenable
pour agir sur un pignon de huit
II. Vol. Ou
J.UIN. 1734. 1267
ou de dix , ou si on veut conserver la force
des dents , on diminue le nombre des
aîles du pignon de longue tige , ce qui
fait un autre défaut. On ne peut pas non
plus noyer la roue d'arrêt dans la roue du
barillet , comme M. Thiout le dit , elle
est trop foible pour cela ; et si l'on vouloit
donner une épaisseur suffisante pour
noyer cette roüe , la force motrice diminueroit
également.
L'attention de M. Thiout a été plus
loin , et ju qu'à nous apprendre qu'en
faisant le premier pignon du mouvement
plus petit qu'à l'ordinaire , et en grossisant
les autres à proportion , on corrige
les inégalités d'action du grand ressort,
mais il n'a pas apparemment pris garde
qu'on ne peut changer que la grosseur
du premier et du second pignon , et que
ce changement n'a aucun rapport avec
l'action du grand ressort , quoiqu'il dise
que plusieurs Horlogers se servent de ce
moyen pour corriger les inégalités des
il me permettra de kur rendre
assez de justice pour ne les pas croire capables
de donner dans de pareilles erreurs .
ressorts ,
A l'égard du bouton dont je me sers
pour tourner le cercle d'équation sans ouvrir
la porte, il faut qu'il y ait long-temps
que je l'ai imaginé , puisque je l'avois
11. Vol. A v avant
128 MERCURE DE FRANCE
avant M. Thiout , et qu'il dit qu'il y a
six ou sept ans qu'il l'a mis en usage.
Quoique ma Lettre soit déja bien longue
, je ne puis la finir , M. sans quelques
reflexions sur les Ouvrages que
M. Thiout a donnés pour être de son invention
. En 1727. il répandit dans le public
un imprimé , qui commence par ces
termes. Thiout , Maître Horloger à Paris,
connu pour avoir imaginé trois differentes
Pendules d'équation , vient d'en finir une
pour le Roy de Portugal , & c.
De ces trois Pendules que M.Thiout dit
avoir imaginées, il n'en a executé qu'une,
et l'on a trouvé qu'il avoit agi sagement;
car les projets des deux autres , qui ne
different que par un petit retranchement,
sont trop embarassés pour pouvoir raisonnablement
en entreprendre l'execution.
Les descriptions de ces deux projets
que l'on trouvera , à ce que je crois ,
dans le R cueil que M. Gallon donne au
Public des machines approuvées par
I'Académie
de Sciences , seront des preuves
suffisances de ce que j'avance. A l'égard
de la troisième , sûr de la réussite , par
des raisons que je dirai ailleurs , il ne ba
lança pas à l'executer , et il a toujours continué
à faire ses Pendules d'équation sur
le principe de celle ci .
II. Vol. La
JUIN. 1734 12Gr
La Pendule de M. Thiout a 5. aiguilles
concentriques ; une pour les secondes,
deux ,
, pour le tems moyen , et deux pour
le tems vral. Comme toutes ces aiguilles
ont des queues pour les mettre en équilibre
, on voit dix rayons qui partent ,
tous du centre du Cadran , et qui font
demander , quelle heure est-il , à ceux
qui regardent cette Pendule.
M. Thiout met deux aiguilles pour le
temps vrai ; l'une , dit- il, pour les heures
vrayes , l'autre pour les minutes et secondes
vrayes : je ne crois pas que M. Thiout
demande que l'on croye que sa Pendule
marque les secondes du tems vrai , comme
nos Pendules à secondes marquent celles
du tems moyen ; il faut seulement entendre
par- là , qu'il a divisé chaque minute
de son Cadran en 6. 10. ou 12. parties ,
pour avoir le tems vrai de 10. en 1o. secondes
, où de 6. en 6. ou de 5. en 5. Ces
aiguilles , dit M. Thiout , retardent ou
avancent uniformement tous les jours de
l'année , d'autant de secondes que fait le
Soleil , suivant présisément l'équation.
M. Thiout ne nous donne pas là une grande
idée de la connoissance qu'il a du mouvement
uniforme ; car si ces aiguilles retardent
et avancent sur celles du tems
vrai , suivant l'équation , le retardement
II. Vol.
et
1170 MERCURE DE FRANCE
et l'avancement qui leur arrive ne se fait
pas uniformement.
Je ne comprends pas non plus que
vous , M. et c'est une question à faire à
M. Thiout , pourquoi il dit que les Pendules
de nouvelle invention , qui ont été
faites jusqu'à present , non point l'utilité
de la sienne ; car sans doute par ces mots,
toutes les Pendules , il comprend toutes les
Pendules à équation . Voici les raisons qui
me font douter qu'il soit convaincu de
ce qu'il dit. 1 ° . Dans toutes les Pendules
à équation , on voit distinctement les
heures et les minutes du tems vrai beaucoup
mieux que dans celle de M. Thiout,
car on ne sçauroit se méprendre aux aiguilles.
2° La Pendule de M. le Prieur de
S. Cernin , qui est faite avant celle de
M. Thiout , marque les heures et les minutes
du tems vrai et du tems moyen par
3. ou 4. aiguilles concentriques ; ainsi
voilà au moins une Pendule qui auroit dû
empêcher M. Thiout de s'avancer si har
diment. Il y a plus , c'est que la Pendule
de M. Thiout n'est qu'une copie de la
Pendule de M. le Prieur de S. Cernin ,
autrefois Vicaire de S. Cyr , comme vous
en allez être convaincu ,
L'équation se fait dans la Pendule du
Prieur de S. Cernin , et dans celle de
II. Vol. M.
JUIN. 1734
1271
M. Thiout , par le moyen d'une cage qui
tandis
tourne dans une heure sur un canon fixe
au centre de la platine. Au pied de ce canon
est un pignon fixe et aussi concentrique
, et ce pignon engraine dans une des
roues qui dépendent de la cage mobile
les nombres sont disposés pour que la
courbe d'équation fasse au dedans de cette
cage un tour ,
que la cage en fait
876. ensorte que la courbe fait 8761 .
tours en 365. jours. Il y a dans ces deux
Pendules un rateau dont le talon repose
toujours sur la courbe , et comme ce ra
teau se meut avec la cage dans laquelle il
est , et qu'il engraine dans la roue de minute
du tems vrai , il fait avancer et retarder
cette roue de minute suivant la
construction de la courbe.
Voilà , Monsieur , l'idée generale que
l'on doit avoir de ces deux Pendules ; comme
elles n'ont aucune difference dans le
principe de leur composition , je ne vois
pas comment M. Thiout peut se dire l'inventeur
de la sienne , à moins qu'il ne se
veuille faire un titre du changement qu'il
a fait dans le nombre des roues et des pignons
, comme de mettre quelques vis
sans fin qui ne sont que des pignons de 1 .
en la place de pignons plus nombrés , que
M. le Prieur a employés ; mais vous m'a-
II.Vol. VOR1172
MERCURE DE FRANCE
voüerez , M. que c'est là se dire Inventeur
à bon marché.
M. Thiout dit que voyant ces Pendules
bien reçûës , il s'est cru obligé , pour
en augmenter la nouveauté et l'utilité .
d'y ajouter les sonneries pour l'heure
vraye;mais M.Thiout n'a aucun merite en
cela , car en mettant la cheville qui doit
lever la détente sur la roue de minute du .
tems vrai , au lieu de la mettre sur celle
du tems moyen , la Pendule sonnera le
tems vrai. Il auroit pû se dispenser de
nous faire
part de cette addition prétenduë
, dont personne n'est l'Inventeur.
>
M. Thiout nous dit que sa Pendule est
plus conforme aux principes de la Phýsique
et de la mécanique qu'aucune autre
, en ce que toute la quadrature qui fait
le sujet de cetre nouvelle construction
ne fait qu'un corps très leger qui est en
équilibre et qui se meut sur un arbre fixe,
ce qui procure au mouvement beaucoup
plus de liberté que si la Pendule étoit simple.
Il n'est point question de Physique
dans la quadrature de M. Thiout ; mais
qui eût jamais cru qu'il eut entrepris de
nous persuader qu'une cage à faire tourner
toutes les heures , procure de la liberté
à une Pendule : Voilà un Paradoxe de
méchanique qui ne nous donne pas un pré-
II. Vol. jugé
JUIN. 9734. 1273
jugé avantageux des lumieres de l'Auteur,
et qui pourroit bien lui faire refuser la
confiance qu'il demande par son imprimé.
Cette cage , dit M. Thiout , est un corps
très- leger , mais c'est pourtant une cage
qui doit être assez solide pour être durable
pour contenir les roües , et une courbe
d'équation as cz épaisse . Cette cage avec
les roues , la courbe et le rateau dont
elle est chargée , ne sont donc pas si legers,
ou n'ontpoint de solidité . M. Thiout
met , dit il, tout en équilibre , c'est une
attention qu'il est obligé de donner à une
construction qui ne lui réussiroit point
sans cela ; ce n'est donc pas un merite dans
sa Pendule , c'est une necessité . Mais exaninons
un peu ce corps en équilibre.
1° . La cage de M. Thiout est rivée à
un canon qui tourne sur un autre canon ,
il faut du jeu pour ce mouvement , sa
cage est toujours poussée d'un côté plus
de l'autre , à cause de l'engrainage
dans le pignon fixe , et par consequent la
cage construite en équilibre n'y est plus
que
dans le mouvement.
2°. Le rateau change toujours de situation
en suivant la courbe avec son talon,
ainsi , à moins que le rateau ne soit luimêmê
en équilibre dans la petite cage
tournante ce qui n'est point , la cage
II. Vol.
›
1274 MERCURE DE FRANCE
ne sera pas toujours en équilibre. Je
suis , & c.
sur l'Horlogerie.
M
R. Thiout s'exprime en ces termes
dans la Lettre sur l'échapement
de ma Pendule .
La justesse des Pendules ne paroissant
pas assez sufisante avec échapement ordinaire
, M. le Roy dit avoir imaginé pour
augmenter cette justesse , un nouvel échapement
qui consiste en une seule palette et deux
Rochets , en arbres , sur ce même axe &c. ›
Je veux bien , à mon tour , rendre à
M. Thiout , la justice de croire qu'il ne
veut point en imposer. J'ai seulement
dit dans ma Lettre que j'avois imaginé
une autre maniere de faire les paletes de
la verge du balancier qui rend les frotemens
des dents de la roue de rencontre
sur ces palettes , beaucoup plus doux
et moins susceptibles de changement et
qui rend la justesse de l'échapement
beaucoup plus durable. Il n'est point
question dans ce que j'ai écrit , du nouvel
échapement , ni d'une seule palette
avec deux roues de rochets sur un même
arbre , mais bien d'un échapement
9
11. Vol.
ordinaire
JUIN. 1734: 1263
ordinaire avec des palettes nouvelles ,
par le soin que j'ai apporté pour rendre
les frotemens plus doux et l'échapement
plus durable.
Vous avez , sans soute , vû , Monsieur,
l'échapement à deux rochets et une
seule palette , dont parle M. Thiout ;
les experiences que nous en avons faites
me mettent en état de faire voir que le
jugement de M. Thiout ne sçauroit se
soutenir.
Bien loin que cet échapement ait un
défaut en ce que l'action du rouage ne
s'exerce qu'une fois sur la palette en
deux vibrations , vous reconnoîtrez sans
peine que c'est en cela même qu'il est
plus parfait , car la vibration qui se fait
sans l'action du rouage , est exempte des
inégalitez que la puissance motrice pourroit
lui communiquer , y donc avec
cet échapement , la moitié des vibrations
, dont rien ne trouble la justesse ,
par consequent la Pendule doit être une
fois plus juste.
La grandeur que M. Thiout reproche
à la palette , et qu'il dit que je suis obligé
de lui donner , pour reparer le défaut
d'action sur la moitié des vibrations ,
pourroit en imposer à ceux qui n'auroient
point vû cet échapement ; mais le
II. Vol. A iiij repro1234
MERCURE DE FRANCE
reproche tombera bien tôt , si l'on en
fait la comparaison , avec l'échapement à
deux verges dont les palettes sont presqu'aussi
longues.
Quoique le rouage n'exerce son action
sur la palette , ou pour mieux dire
sur le Pendule , qu'une fois en deux vibrations
, il lui communique cependant
autant d'action que dans les autres
échapemens ; car s'il ne l'exerce
qu'une fois en deux vibrations , il l'exerce
sur un espace double. De plus ,
comme de deux vivrations il n'y en a
qu'une où le rouage s'oppose au mouvement
qu'il a communiqué à ce Pendule ,
il ne peut lui retrancher que la moitié du
mouvement qu'il lui retranche dans les
échapemens ordinaires , et par consequent
il en reste davantage au Pendule.
La preuve s'en trouve tout naturellement,
en ce que l'on peut avec cet échapement
emplir les lentilles de plomb , pour les
rendre plus pesantes et moins susceptibles
du changement de resistance du milieu
, sans craindre que la Pendule s'arrête
, ce que l'on ne peut pas faire avec les
autres échapemens . De plus ; cet échapement
a moins de frotemens que les
échapemens ordinaires , parce que l'on
peut faire agir la dent du rochet sur la
I Vol.
palette,
JUIN. 1734. 1265
palette , sous les plus petits angles qu'il
est possible , et si on la fait un peu plus
longue , c'est seulement pour que le branle
du Pandule ne devienne pas trop grand.
Je passe donc à M. Thiout , que la palette
est un peu plus longue que celle des
autres échapemens ; mais examinons si
elle empêche la Pendule d'avoir toute la
regularité.
1
Chaque jour qu'on augmente la puis
sance motrice d'un Pendule , les vibrations
deviennent plus grandes , et lorsque
les grandes vibrations sont moins de
tems à se faire que les petites , l'on peut
dire que l'échapement est mauvais , puisqu'il
n'y a point d'autre maniere de rendre
les vibrations isochrones, qu'en changeant
quelque chose à l'échapement.
Lorsque les grandes vibrations sont
plus de tems à se faire que les petites , l'échapement
est toujours bon ; car c'est ainsi
que doivent être les vibrations libres , et
c'est une preuve que les inégalités de la
puissance ne trouble point la regularité
des vibrations : Ce seroit pourtant un défaut
si on ne pouvoit point les rendre
isochrones par une courbe appliquée à la
suspension du Pendule.
L'échapement que M. Thiout desaprouve
est dans le dernier cas , en supprimant
Ay la
I. Vol.
1266 MERCURE DE FRANCE
la courbe qui est à la suspension , lors.
que le ressort est au haut, la pendule retarde,
et elle avance, quand il est au bas. Enfin
les vibrations deviennent isochrones
quand on remet la courbe à sa place . Dans
tout ceci je ne vois rien qu'on ne doive
approuveret même qui n'oblige à donner
la préference à cet échapement. Vous
voyez donc clairement , Monsieur , que
le reproche que fait M.Thiout doit necessairement
tomber.
L'attention qu'il a faite pour reconnoître
la façon dont je m'y prends pour rendre
l'action des grands ressorts plus égala
, ne l'a pas mené au but , du moins
pour la construction ; car la maniere de
la faire , qu'il croit la seule après la fusée,
ne l'est point ; il y en a au moins une seconde.
Celle que soupçonne M. Thiout
a un inconvenient ; car si on fait passer la
roue d'arrêt entre la grande roiie moyenne
et le barillet , ce barillet en devient
plus bas , la puissance morrice diminuë ,
ce qui est toujours un défaut. Si la roue
d'arrêt ne passe point entre le barillet et
la grande roue moyenne , cette role
moyenne devient plus petite , et par
Consequent ses dents trop foibles . Si on
lui veut donner un nombre de dents convenable
pour agir sur un pignon de huit
II. Vol. Ou
J.UIN. 1734. 1267
ou de dix , ou si on veut conserver la force
des dents , on diminue le nombre des
aîles du pignon de longue tige , ce qui
fait un autre défaut. On ne peut pas non
plus noyer la roue d'arrêt dans la roue du
barillet , comme M. Thiout le dit , elle
est trop foible pour cela ; et si l'on vouloit
donner une épaisseur suffisante pour
noyer cette roüe , la force motrice diminueroit
également.
L'attention de M. Thiout a été plus
loin , et ju qu'à nous apprendre qu'en
faisant le premier pignon du mouvement
plus petit qu'à l'ordinaire , et en grossisant
les autres à proportion , on corrige
les inégalités d'action du grand ressort,
mais il n'a pas apparemment pris garde
qu'on ne peut changer que la grosseur
du premier et du second pignon , et que
ce changement n'a aucun rapport avec
l'action du grand ressort , quoiqu'il dise
que plusieurs Horlogers se servent de ce
moyen pour corriger les inégalités des
il me permettra de kur rendre
assez de justice pour ne les pas croire capables
de donner dans de pareilles erreurs .
ressorts ,
A l'égard du bouton dont je me sers
pour tourner le cercle d'équation sans ouvrir
la porte, il faut qu'il y ait long-temps
que je l'ai imaginé , puisque je l'avois
11. Vol. A v avant
128 MERCURE DE FRANCE
avant M. Thiout , et qu'il dit qu'il y a
six ou sept ans qu'il l'a mis en usage.
Quoique ma Lettre soit déja bien longue
, je ne puis la finir , M. sans quelques
reflexions sur les Ouvrages que
M. Thiout a donnés pour être de son invention
. En 1727. il répandit dans le public
un imprimé , qui commence par ces
termes. Thiout , Maître Horloger à Paris,
connu pour avoir imaginé trois differentes
Pendules d'équation , vient d'en finir une
pour le Roy de Portugal , & c.
De ces trois Pendules que M.Thiout dit
avoir imaginées, il n'en a executé qu'une,
et l'on a trouvé qu'il avoit agi sagement;
car les projets des deux autres , qui ne
different que par un petit retranchement,
sont trop embarassés pour pouvoir raisonnablement
en entreprendre l'execution.
Les descriptions de ces deux projets
que l'on trouvera , à ce que je crois ,
dans le R cueil que M. Gallon donne au
Public des machines approuvées par
I'Académie
de Sciences , seront des preuves
suffisances de ce que j'avance. A l'égard
de la troisième , sûr de la réussite , par
des raisons que je dirai ailleurs , il ne ba
lança pas à l'executer , et il a toujours continué
à faire ses Pendules d'équation sur
le principe de celle ci .
II. Vol. La
JUIN. 1734 12Gr
La Pendule de M. Thiout a 5. aiguilles
concentriques ; une pour les secondes,
deux ,
, pour le tems moyen , et deux pour
le tems vral. Comme toutes ces aiguilles
ont des queues pour les mettre en équilibre
, on voit dix rayons qui partent ,
tous du centre du Cadran , et qui font
demander , quelle heure est-il , à ceux
qui regardent cette Pendule.
M. Thiout met deux aiguilles pour le
temps vrai ; l'une , dit- il, pour les heures
vrayes , l'autre pour les minutes et secondes
vrayes : je ne crois pas que M. Thiout
demande que l'on croye que sa Pendule
marque les secondes du tems vrai , comme
nos Pendules à secondes marquent celles
du tems moyen ; il faut seulement entendre
par- là , qu'il a divisé chaque minute
de son Cadran en 6. 10. ou 12. parties ,
pour avoir le tems vrai de 10. en 1o. secondes
, où de 6. en 6. ou de 5. en 5. Ces
aiguilles , dit M. Thiout , retardent ou
avancent uniformement tous les jours de
l'année , d'autant de secondes que fait le
Soleil , suivant présisément l'équation.
M. Thiout ne nous donne pas là une grande
idée de la connoissance qu'il a du mouvement
uniforme ; car si ces aiguilles retardent
et avancent sur celles du tems
vrai , suivant l'équation , le retardement
II. Vol.
et
1170 MERCURE DE FRANCE
et l'avancement qui leur arrive ne se fait
pas uniformement.
Je ne comprends pas non plus que
vous , M. et c'est une question à faire à
M. Thiout , pourquoi il dit que les Pendules
de nouvelle invention , qui ont été
faites jusqu'à present , non point l'utilité
de la sienne ; car sans doute par ces mots,
toutes les Pendules , il comprend toutes les
Pendules à équation . Voici les raisons qui
me font douter qu'il soit convaincu de
ce qu'il dit. 1 ° . Dans toutes les Pendules
à équation , on voit distinctement les
heures et les minutes du tems vrai beaucoup
mieux que dans celle de M. Thiout,
car on ne sçauroit se méprendre aux aiguilles.
2° La Pendule de M. le Prieur de
S. Cernin , qui est faite avant celle de
M. Thiout , marque les heures et les minutes
du tems vrai et du tems moyen par
3. ou 4. aiguilles concentriques ; ainsi
voilà au moins une Pendule qui auroit dû
empêcher M. Thiout de s'avancer si har
diment. Il y a plus , c'est que la Pendule
de M. Thiout n'est qu'une copie de la
Pendule de M. le Prieur de S. Cernin ,
autrefois Vicaire de S. Cyr , comme vous
en allez être convaincu ,
L'équation se fait dans la Pendule du
Prieur de S. Cernin , et dans celle de
II. Vol. M.
JUIN. 1734
1271
M. Thiout , par le moyen d'une cage qui
tandis
tourne dans une heure sur un canon fixe
au centre de la platine. Au pied de ce canon
est un pignon fixe et aussi concentrique
, et ce pignon engraine dans une des
roues qui dépendent de la cage mobile
les nombres sont disposés pour que la
courbe d'équation fasse au dedans de cette
cage un tour ,
que la cage en fait
876. ensorte que la courbe fait 8761 .
tours en 365. jours. Il y a dans ces deux
Pendules un rateau dont le talon repose
toujours sur la courbe , et comme ce ra
teau se meut avec la cage dans laquelle il
est , et qu'il engraine dans la roue de minute
du tems vrai , il fait avancer et retarder
cette roue de minute suivant la
construction de la courbe.
Voilà , Monsieur , l'idée generale que
l'on doit avoir de ces deux Pendules ; comme
elles n'ont aucune difference dans le
principe de leur composition , je ne vois
pas comment M. Thiout peut se dire l'inventeur
de la sienne , à moins qu'il ne se
veuille faire un titre du changement qu'il
a fait dans le nombre des roues et des pignons
, comme de mettre quelques vis
sans fin qui ne sont que des pignons de 1 .
en la place de pignons plus nombrés , que
M. le Prieur a employés ; mais vous m'a-
II.Vol. VOR1172
MERCURE DE FRANCE
voüerez , M. que c'est là se dire Inventeur
à bon marché.
M. Thiout dit que voyant ces Pendules
bien reçûës , il s'est cru obligé , pour
en augmenter la nouveauté et l'utilité .
d'y ajouter les sonneries pour l'heure
vraye;mais M.Thiout n'a aucun merite en
cela , car en mettant la cheville qui doit
lever la détente sur la roue de minute du .
tems vrai , au lieu de la mettre sur celle
du tems moyen , la Pendule sonnera le
tems vrai. Il auroit pû se dispenser de
nous faire
part de cette addition prétenduë
, dont personne n'est l'Inventeur.
>
M. Thiout nous dit que sa Pendule est
plus conforme aux principes de la Phýsique
et de la mécanique qu'aucune autre
, en ce que toute la quadrature qui fait
le sujet de cetre nouvelle construction
ne fait qu'un corps très leger qui est en
équilibre et qui se meut sur un arbre fixe,
ce qui procure au mouvement beaucoup
plus de liberté que si la Pendule étoit simple.
Il n'est point question de Physique
dans la quadrature de M. Thiout ; mais
qui eût jamais cru qu'il eut entrepris de
nous persuader qu'une cage à faire tourner
toutes les heures , procure de la liberté
à une Pendule : Voilà un Paradoxe de
méchanique qui ne nous donne pas un pré-
II. Vol. jugé
JUIN. 9734. 1273
jugé avantageux des lumieres de l'Auteur,
et qui pourroit bien lui faire refuser la
confiance qu'il demande par son imprimé.
Cette cage , dit M. Thiout , est un corps
très- leger , mais c'est pourtant une cage
qui doit être assez solide pour être durable
pour contenir les roües , et une courbe
d'équation as cz épaisse . Cette cage avec
les roues , la courbe et le rateau dont
elle est chargée , ne sont donc pas si legers,
ou n'ontpoint de solidité . M. Thiout
met , dit il, tout en équilibre , c'est une
attention qu'il est obligé de donner à une
construction qui ne lui réussiroit point
sans cela ; ce n'est donc pas un merite dans
sa Pendule , c'est une necessité . Mais exaninons
un peu ce corps en équilibre.
1° . La cage de M. Thiout est rivée à
un canon qui tourne sur un autre canon ,
il faut du jeu pour ce mouvement , sa
cage est toujours poussée d'un côté plus
de l'autre , à cause de l'engrainage
dans le pignon fixe , et par consequent la
cage construite en équilibre n'y est plus
que
dans le mouvement.
2°. Le rateau change toujours de situation
en suivant la courbe avec son talon,
ainsi , à moins que le rateau ne soit luimêmê
en équilibre dans la petite cage
tournante ce qui n'est point , la cage
II. Vol.
›
1274 MERCURE DE FRANCE
ne sera pas toujours en équilibre. Je
suis , & c.
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Mots clefs
Domaine
Constitue la suite d'un autre texte
Est probablement rédigé par une personne