Titre
L'INSTALLATION du Comte d'Albon, Prince d'Yvetot, dans la Charge de Lieutenant de Roi de la Province de Foretz.
Titre d'après la table
Installation du Comte d'Albon dans la Charge de Lieutenant de Roy dans la Province de Foretz,
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
1092
Page de début dans la numérisation
273
Page de fin
1104
Page de fin dans la numérisation
285
Incipit
La Maison d'Albon est connuë pour une des plus anciennes du Royaume,
Texte
L'INSTALLATION du Comte d'Albon
, Prince d'Yvetot , dans la Charge
de Lieutenant de Roi de la Province de
Foretz.
L
A Maison d'Albon est connue pour
une des plus anciennes du Royaume ,
et ceux qui connoissent particulierement
M. le Comte d'Albon avoue que ses qualités
personnelles sont encore au- dessus
de sa naissance . Le Roi vient de lui accorder
des Provisions pour la Lieutenan
ce de Roi de la Proviuce de Foretz , va
cante par le décès du Comte de Verdun .
La Ville de Roanne , Capitale de la pe
tite Province de Roannois , qui fait partie
du Foretz , se felicite d'avoir vû naître
le Comte d'Albon , qui s'y rendit au
commencement de l'hyver dernier , et
voyant la Noblesse et les Corps disposés
à lui rendre les honneurs dûs à la Digni
té pour laquelle il venoit de prêter serment
entre les mains de Sa Majesté , sa
modestie lui fit differer de les recevoir
jusqu'après son installation ; cependant
il donna aux Dames pendant le Carna
val plusieurs Fêtes galantes, dont la der-
1. Vola
niere
JUIN. €734- 1079 ,
niere fut distinguée par l'abondance et la
somptuosité. Cent dix- huit personnes invitées
à un grand répas , furent servies
avec autant d'ordre et de propreté, que de
délicatesse et de goût .
Les R. P. Jesuites , pour contribuer à
la joye publique , firent représenter par
leurs Ecoliers la Tragedie du Sacrificce
d'Abraham , de la composition du P. Brumoy.
Les Acteurs surpasserent les talens
ordinaires des Enfans de leur âge , par l'intelligence
et la précision de leur déclamation
, et cette Représentation procura à
M. le Comte d'Albon les premiers complimens
publics. Ces mêmes Peres prépa -1
rent actuellement un jeune Ecolier à soutenir
une These publique de Litterature
qui lui sera dédiée, et qui terminera tout
ce qui se sera passé à cette occasion .
s ,
Dès les premiers jours d'Avril le Comte
d'Albon ayant fait sçavoir à la Ville
de Monbrison le jour qu'il y arrivercit
pour l'enregistremsnt de ses Provisions
et pour prendre possession de sa nouvelle
Dignité, il partit de Roinne, accompagné
de la plus grande partie de la Noblesse de
la Ville et du voisinage , de la Maréchaussée
, de ses Gardes , et d'un grand nombre
d'Officiers et de Domestiques de sa
Maison ; la Bourgeoise des petites Villes
I. Vol.
qiu
C
1994 MERCURE DE FRANCE
qui sont sur la route vint à cheval audevant
de lui , le complimenta et l'accompagna
de Ville en Ville.
Il alla coucher de Roanne à Leigneux ,
Maison et Chapitre de Chanoinesses de
la premiere distinction ; il fut reçû avec
les marques du plus vif empressement ,
complimenté par le Chapitre et par la Noblesse
du voisinage qui s'y étoient rendus
en grand concours . Il en partit le lende
main avec le même cortege , et la Noblesse
qui l'avoit accompagné de Roanne ,
se trouva encore augmentée par celle
qui s'étoit rendue à Leigneux. Le Lieutenant
du Prévôt de la Maréchaussée de.
Monbrison, à la tête de ses Brigades, vint
jusques près de Leigneux, le complimenta
, et l'accompagna jusqu'à Monbrison .
Sur les limites de la banlieuë de cette
Ville , le Lieutenant General du Bailliage
avec la Noblesse de la Ville et des environs
, plusieurs Officiers de ce Siege ,
de l'Election , et des autres Corps vinrent
à cheval au devant de lui .
A son entrée dans la Ville , on fit une
décharge de Fauconneaux et de Boëtes ,
dans le tems que les Echevins firent leur
compliment. La Milice Bourgeoise sous
les Armes , Tambours battans , Enseignes
déployées , formant une double haye de-
1. Vol.
puis
JUIN.
1095
1734.
puis les Portes de la Ville jusqu'à l'Hôtel
qui lui avoit été préparé . Il s'y rendit aux
acclamations du Peuple et au bruit de la
mousqueterie , entouré de huit Drapeaux
de la Bourgeoisie , les Dames magnifiquement
parées étant aux fenêtres. Il trouva
à son Hôtel une infinité de personnes de
distinction , que l'âge ou les infirmités
empêchoient de donner des marques plus
vives de leur zele. Le soir on alluma des
feux dans les rues et dans les Places
bliques , et presque toutes les maisons curent
des illuminations ; on y vit sur tout
quantité de lanternes ingenieusement
faites et peintes aux Armes de la Maison
d'Albon .
pu-
Le lendemain la Milice Bourgeoise se
mit en double haye depuis l'Hôtel du
Comte d'Albon jusqu'au Palais . Les Echovins
, en habit de ceremonie , avec les
Officiets de la Ville , le vinrent prendre;
il étoit précedé dans sa marche par une
Compagnie Franche de 30. hommes d'élite
, en habits uniformes , d'un grand
nombre de Gentilshommes , d'Officiers
Militaires, et d'une infinité de personnes
disringuées ; ses Gardes marchoient immediatement
devant lui , et les Echevins
à ses côtés. La marche étoit fermée par
un nombre égal de trente hommes de la
I. Vol. Cij même
1096 MERCURE DE FRANCE
même Compagnie Franche ;, il fut ainsi
conduit au bruit des Fauconneaux , des
Boëtes , de la Mousqueterie et des Tambours
.A la Porte duPalais il reçut un compliment
du Doyen du Bailliage , qui l'ac
compagna jusqu'au fauteuil qui lui étoit
préparé au milieu du Parquet , et dans
lequel il se plaça , ayant à ses côtés les
Echevins et les Officiers de Ville sur des
chaises ordinaires. La salle d'Audiance
étoit extrêmément ornée , les Dames richement
parées , et beaucoup de personnes
s'y étoient rendues pour assister à la
ceremonie.
L'Huissier Audiancier ayant donné le
signal , le Sieur de Pomerolle , celcbre
Avocat, prononça un três - beau Discours
sur le sujet de la Séance ; il s'étendit sur
l'ancienne origine de la Maison d'Albon
, que l'Histoire assûre être sortie des
Dauphins de Viennois , sur le nombre des
Illustres personnages qu'elle a donnés à
l'Eglise de Lyon depuis l'onziéme siecle.
L'éloge de M. l'Abbé Comte d'Albon
qui est le quatriéme Archidiacre de cette
Eglise de son nom , ne fut point oublié;
ses grandes qualités le rapprochent si fort
de M. son Frere, qu'il semble ne lui ceder
que par la seule circonstance d'être son
puîné.
3
I. Vol. L'OraJUIN.
1734. 1097
L'Orateur rappella la memoire du fameux
Antoine d'Albon , Archevêque de
Lyon , et Commandant pour le Roi dan's
le Gouvernement ; il fit mention de tous
ceux de cette Maison qui avoient rempli
les Dignités de cette Eglise , ainsi que
des quatorze Abbés de Savigny , de plusieurs
Chevaliers et Commandeurs de
Malthe , de deux Gouverneurs du Lyonnois
, Jean et Jacques d'Albon ;, ce dernier
étoit Chevalier des Ordres du Roi
et de la Jarretiere, Favori des trois Rois ;
et si connu dans l'Histoire sous le nom
de Maréchal de Saint André. Il parla de
plusieurs autres Illustres Guerriers , et cafin
du fameux Gosselin d'Albon , Marquis
de Saint Forgeux , duquel M. le Comte
d'Albon décend de Pere en Fils , lequel
se rendit si recommandable dans les premieres
Croizades , et qui rapporta de la
Tetre Sainte le Corps de S. Antoine
dont il fit present à l'Abbaye de cet Ordre.
Il parla aussi de la Transaction faire
entre Jean d'Albon et Humbert Dauphin
de Viennois , qui regle la legitime du premier
. Et en retraçant les differentes Alliances
de cette Maison , il finit par celle
de Camille d'Albon , Marquis de S. Forgeux
, avec Françoise - Julie de Crévant ,
qui a fait entrer dans cette Maison la Prin-
1. Vol. Ciij cipauté
1098 MERCURE DE FRANCE
cipauté Souveraine d'Yvetot en Normandie.
L'Orateur fut particulierement applaudi
lorsqu'il parla des qualités personnelles
de M.le Comte d'Albon , c'est-a- dire
, sa generosité , sa magnificence ,sa pieté,
sa charité, qui lui a merité le titre précieux
de Pere des Pauvres , sa douceur,
son équité , sa politesse , son esprit de
paix qui lerend arbitre des differens , & c.
Ce Discours fut suivi de celui de M.
Thoynet , Procureur du Roi , qui ne
parla pas avec moins d'Eloquence et de
dignité sur le même sujet , et plut infiniment
par sa netteté et par sa précision .
Ensuite M. Demaux , Lieutenant General
, ayant recueilli les voix , prononça
l'enregistrement des Lettres et de l'Acte
d'Installation .
M. le Comte d'Albon s'étant levé et
ayant salué la Compagnie , se remit en
marche dans le même ordre. Le Peuple
fut regalé de plusieurs tonneaux de vin
qui coulerent avec profusion .
Arrivé chez lui il reçût les complimens
de tous les Députés des Corps de la Ville
de Monbrison , et des autres Corps du
département de Forez , ausquels il répondit
avec l'esprit et la politesse qui lui
sont si naturels , et sur tout avec une bonté
de coeur que personne ne se lasse d'admirer.
PenJUIN.
1734 1099
Pendant cinq jours que le Comte d'Albon
a passés à Monbrison , il a tenu deux
tables de vingt- cinq couverts chacune
servies avec la même magnificence , le
même ordre et la même profusion , ce qui
ne l'a pas empêché de faire sentir aux malheureux
que sa generosité et sa charité
étoient inépuisables . Les accommodemens
qu'il a faits ont annoncé que la paix
et l'union ont été ses premieres vûës dans
l'exercice de sa Charge.
Avant son départ les Officiers de Monbrison
lui donnerent uneFête magnifique.
Son retout à Roanne fut celebré par les
mêmes honneurs ; les principales Dames ,
très- parées , allerent dans leurs carosses
au devant de lui à plus d'une lieuë. Une
troupe de plus de cinquante Cavaliers formée
par les principaux de la Ville , propre
ment vêtus et très - bien montés sur des
chevaux richement harnachés , avoit précedé
le carosse des Dames , et étoient
allés à plus de trois lieuës au- devant du
nouveau Lieutenant de Roi . Un Trompette
marchoit à la tête de la Troupe ;
celui qui la commandoit le salua de Fépée
, et lui fit un compliment militaire
qui fut très- goûté et parfaitement bien
reçû.
Le Lieutenant de la Maréchaussée de
1. Vol. Ciiij Roanne
1100 MERCURE DE FRANCE
Roanne fut aussi à la tête de ses Brigades
à quatre ou cinq lieuës au devant de lui;
mais ce qui parut le plus remarquable fut
uneCompagnie de douze jeunes Demoiselles
des plus distinguées et des plus brillantes
, une Dame à leur tête , toutes en habit
d'Amazones , escortées par un pareil
nombre de jeunes Cavaliers , parfaitement
bien montés , qui furent aussi audevant
de lui à près de deux lieuës ; et
après le compliment que lui fit la Dame
qui les conduisoit , elles lui firent cortege
jusqu'a son Hôtel . Son arrivée à Roanne
fut annoncée comme à Monbrison ,
par le bruit des boëtes , de la Mousqueteric
, des Tambours , & c.
La Bourgeoisie sous les Armes forme
une double haye depuis l'entrée de la Ville
jusques chez lui , où il reçût le compli
ment des Echevins et des Officiers du
Corps de la Ville . Il reçut ensuite les
complimens de tous les Corps Ecclesiastiques
, Seculiers et Reguliers , des Officiers
du Bailliage , de l'Election , et des
autres Compagnies .
Les Jesuites y conduisirent un nombre
chosi de leurs Ecoliers , qui firent leurs
complimens en Prose et en Vers François
, en Latin et en Grec. Il retint plus
de soixante personnes à souper ; il y eut
I. Vol. trois
JUIN. 1734. ΙΙΟΙ
trois tables de vingt couverts chacune
servies avec la même magnificence et le
même ordre.
Le lendemain une troupe de jeunes
Garçons de distinction , de l'âge de sept
à huit ans , un des Fils du Lieutenant general
du Baillage à leur tête , et portant la
parole , lui vint faire un compliment en
vers qui lui plut beaucoup. Ce Seigneur
eut la bonté de lui faire present et de le
ceindre d'une magnifique épée, en répondant
à son compliment avec la derniere
politesse.Le jeune Enfant sensible au-delà
de l'expression à l'honneur qu'il avoit
reçû , pressa vivement M. son Pere de
lui composer un remerciement qu'il apprit
toute la nuit , et qu'il alla reciter le
endemain.
Le surlendemain le Comte d'Albon fit
inviter à dîner tous les Corps , au nombre
de plus de 60. personnes , ainsi que
les Officiers Militaires ; la même délicatesse
et la même abondance s'y firent
remarquer.
Une partie des jeunes Cavaliers et des
Amazones qui allerent au devant de lui,
pour terminer toutes ces fêtes parun spectacle
vif et brillant,a fait dresser un Théâtre
magnifique dans le jeu de Palme de
la Ville , sur lequel ils ont represent la
I. Vol. Cy Tra1102
MERCURE DE FRANCE
Tragedie d'Andromaque , suivie de la petite
Piece des Vendanges de Surenne , avec
tous les ornemens , mêlés de danses. Les
Acteurs ont passé l'attente desSpectateus ;
et le Marquis de C .... qui s'est chargé
de les exercer , doit s'applaudir de ses
soins , encore plus de ses talens pour la
déclamation .
On peut dire que dans toutes ces Fêtes
rien n'a manqué de la part de la Province,
pour prouver à M. le Comte d'Albon
combien les coeurs lui sont dévoüés ; et
de la part de ce Seigneur , combien il a
été sensible aux empressemens qu'on lui
a témoignés.
Voici le compliment du Fils de M. Huť
de la Curée , Lieutenant General au
Bailliage de Roanne.
SEigneur , les jeux , les ris , les fêtes , l'allo
gresse ,
Ont été de tout tems amis de la jeunesse ;
Permets donc qu'Apollon secondant nos transports ,
Pour les mieux exprimer nous prête ses accords.
› Ta Noblesse, ton Sang , ton coeur ton caractere
T'acquirent de tout tems le doux talent de plaire ;
Et de tes qualités sincere admirateur ,
Chacun t'ofre à l'envi l'hommage de son creur.
Nos braves Citoyens par leur ardeur guerriere ,
I. Vol.
Sem17'
4. 1103
Semblent aux champs de Mars s'ouvrir une car◄
riere ;
Au bruit de leurs Tambours , au son de leurs Clairons
"
¿
On voit à chaque instant grossir leurs Bataillons
Et d'une double file honorant ton passage,
De leur filelité leur ardeur est le gage ,
Empressés de prouver que sous tes étendarts
Leur valeur défendra leurs antiques remparts.
Des Echevins zelés à leur devoir dociles ,
T'ofrent les clefs des coeurs avec celles des Villes.
Et vientnent t'assûrer de leur attachement ,
Par la solemnité d'un auguste serment ;
De toute part l'écho de la voix populaire ,
Benit l'heureux instant où tu vis la lumiere.
Mille et mille soukaits portés jusques aux Cieux
pour toi des jours sains et nom- Leur demandent
breux .
Resterons- nous muets, tandis que tout s'anime ?
Non , non >
nous allons tous d'une voix unanime
Crier dans nos transports longissimè vivat ;
Voilà nos voeux , Seigneur , Deus exaudiat.
Suit le Remerciement du même jeune
Homme , sur l'épée dont M.d'Albon
lui a fait present.
SEigneur , mon coeur reçoit avec reconnoissance
Ce present que je dois à ta magnificence .
1.Vol. Cvj Tu
1104 MERCURE DE FRANCE
Tu m'armes Chevalier : Ceux des siecles passés
Vont voir par mes exploits tous les leurs effacés..
Je sens avec mon sang circuler le courage ,
Et mon ardeur prévient les forces de mon âge ;
Les Renauds , les Rollands , et les deux Amadis,
Instruits de mes projets en feroient interdits.
Le trait n'est point Gascon ; car aux ames bien
nées
La valeur n'atsend pas le nombre des années ;
Et quand par toi , Seigneur , on voit armer son
bras,
On brave les périls et l'horreur du trépas.
Paroissez , fier Germain , paroissez , Moscovite,
Je fçaurai vous dompter , vous réduire à lafuite
J'enjure par ce fer que j'ai reçû de toi ,
Par lafidelité que je dois à mon Roi,
Par l'amour paternel , par celui de la gloire ,
Enfin par le désir de vivre dans l'histoire.
Mais ce fer me seroit encor plus précieux
Si pour toi je pouvois l'employer à tes yeux.
, Prince d'Yvetot , dans la Charge
de Lieutenant de Roi de la Province de
Foretz.
L
A Maison d'Albon est connue pour
une des plus anciennes du Royaume ,
et ceux qui connoissent particulierement
M. le Comte d'Albon avoue que ses qualités
personnelles sont encore au- dessus
de sa naissance . Le Roi vient de lui accorder
des Provisions pour la Lieutenan
ce de Roi de la Proviuce de Foretz , va
cante par le décès du Comte de Verdun .
La Ville de Roanne , Capitale de la pe
tite Province de Roannois , qui fait partie
du Foretz , se felicite d'avoir vû naître
le Comte d'Albon , qui s'y rendit au
commencement de l'hyver dernier , et
voyant la Noblesse et les Corps disposés
à lui rendre les honneurs dûs à la Digni
té pour laquelle il venoit de prêter serment
entre les mains de Sa Majesté , sa
modestie lui fit differer de les recevoir
jusqu'après son installation ; cependant
il donna aux Dames pendant le Carna
val plusieurs Fêtes galantes, dont la der-
1. Vola
niere
JUIN. €734- 1079 ,
niere fut distinguée par l'abondance et la
somptuosité. Cent dix- huit personnes invitées
à un grand répas , furent servies
avec autant d'ordre et de propreté, que de
délicatesse et de goût .
Les R. P. Jesuites , pour contribuer à
la joye publique , firent représenter par
leurs Ecoliers la Tragedie du Sacrificce
d'Abraham , de la composition du P. Brumoy.
Les Acteurs surpasserent les talens
ordinaires des Enfans de leur âge , par l'intelligence
et la précision de leur déclamation
, et cette Représentation procura à
M. le Comte d'Albon les premiers complimens
publics. Ces mêmes Peres prépa -1
rent actuellement un jeune Ecolier à soutenir
une These publique de Litterature
qui lui sera dédiée, et qui terminera tout
ce qui se sera passé à cette occasion .
s ,
Dès les premiers jours d'Avril le Comte
d'Albon ayant fait sçavoir à la Ville
de Monbrison le jour qu'il y arrivercit
pour l'enregistremsnt de ses Provisions
et pour prendre possession de sa nouvelle
Dignité, il partit de Roinne, accompagné
de la plus grande partie de la Noblesse de
la Ville et du voisinage , de la Maréchaussée
, de ses Gardes , et d'un grand nombre
d'Officiers et de Domestiques de sa
Maison ; la Bourgeoise des petites Villes
I. Vol.
qiu
C
1994 MERCURE DE FRANCE
qui sont sur la route vint à cheval audevant
de lui , le complimenta et l'accompagna
de Ville en Ville.
Il alla coucher de Roanne à Leigneux ,
Maison et Chapitre de Chanoinesses de
la premiere distinction ; il fut reçû avec
les marques du plus vif empressement ,
complimenté par le Chapitre et par la Noblesse
du voisinage qui s'y étoient rendus
en grand concours . Il en partit le lende
main avec le même cortege , et la Noblesse
qui l'avoit accompagné de Roanne ,
se trouva encore augmentée par celle
qui s'étoit rendue à Leigneux. Le Lieutenant
du Prévôt de la Maréchaussée de.
Monbrison, à la tête de ses Brigades, vint
jusques près de Leigneux, le complimenta
, et l'accompagna jusqu'à Monbrison .
Sur les limites de la banlieuë de cette
Ville , le Lieutenant General du Bailliage
avec la Noblesse de la Ville et des environs
, plusieurs Officiers de ce Siege ,
de l'Election , et des autres Corps vinrent
à cheval au devant de lui .
A son entrée dans la Ville , on fit une
décharge de Fauconneaux et de Boëtes ,
dans le tems que les Echevins firent leur
compliment. La Milice Bourgeoise sous
les Armes , Tambours battans , Enseignes
déployées , formant une double haye de-
1. Vol.
puis
JUIN.
1095
1734.
puis les Portes de la Ville jusqu'à l'Hôtel
qui lui avoit été préparé . Il s'y rendit aux
acclamations du Peuple et au bruit de la
mousqueterie , entouré de huit Drapeaux
de la Bourgeoisie , les Dames magnifiquement
parées étant aux fenêtres. Il trouva
à son Hôtel une infinité de personnes de
distinction , que l'âge ou les infirmités
empêchoient de donner des marques plus
vives de leur zele. Le soir on alluma des
feux dans les rues et dans les Places
bliques , et presque toutes les maisons curent
des illuminations ; on y vit sur tout
quantité de lanternes ingenieusement
faites et peintes aux Armes de la Maison
d'Albon .
pu-
Le lendemain la Milice Bourgeoise se
mit en double haye depuis l'Hôtel du
Comte d'Albon jusqu'au Palais . Les Echovins
, en habit de ceremonie , avec les
Officiets de la Ville , le vinrent prendre;
il étoit précedé dans sa marche par une
Compagnie Franche de 30. hommes d'élite
, en habits uniformes , d'un grand
nombre de Gentilshommes , d'Officiers
Militaires, et d'une infinité de personnes
disringuées ; ses Gardes marchoient immediatement
devant lui , et les Echevins
à ses côtés. La marche étoit fermée par
un nombre égal de trente hommes de la
I. Vol. Cij même
1096 MERCURE DE FRANCE
même Compagnie Franche ;, il fut ainsi
conduit au bruit des Fauconneaux , des
Boëtes , de la Mousqueterie et des Tambours
.A la Porte duPalais il reçut un compliment
du Doyen du Bailliage , qui l'ac
compagna jusqu'au fauteuil qui lui étoit
préparé au milieu du Parquet , et dans
lequel il se plaça , ayant à ses côtés les
Echevins et les Officiers de Ville sur des
chaises ordinaires. La salle d'Audiance
étoit extrêmément ornée , les Dames richement
parées , et beaucoup de personnes
s'y étoient rendues pour assister à la
ceremonie.
L'Huissier Audiancier ayant donné le
signal , le Sieur de Pomerolle , celcbre
Avocat, prononça un três - beau Discours
sur le sujet de la Séance ; il s'étendit sur
l'ancienne origine de la Maison d'Albon
, que l'Histoire assûre être sortie des
Dauphins de Viennois , sur le nombre des
Illustres personnages qu'elle a donnés à
l'Eglise de Lyon depuis l'onziéme siecle.
L'éloge de M. l'Abbé Comte d'Albon
qui est le quatriéme Archidiacre de cette
Eglise de son nom , ne fut point oublié;
ses grandes qualités le rapprochent si fort
de M. son Frere, qu'il semble ne lui ceder
que par la seule circonstance d'être son
puîné.
3
I. Vol. L'OraJUIN.
1734. 1097
L'Orateur rappella la memoire du fameux
Antoine d'Albon , Archevêque de
Lyon , et Commandant pour le Roi dan's
le Gouvernement ; il fit mention de tous
ceux de cette Maison qui avoient rempli
les Dignités de cette Eglise , ainsi que
des quatorze Abbés de Savigny , de plusieurs
Chevaliers et Commandeurs de
Malthe , de deux Gouverneurs du Lyonnois
, Jean et Jacques d'Albon ;, ce dernier
étoit Chevalier des Ordres du Roi
et de la Jarretiere, Favori des trois Rois ;
et si connu dans l'Histoire sous le nom
de Maréchal de Saint André. Il parla de
plusieurs autres Illustres Guerriers , et cafin
du fameux Gosselin d'Albon , Marquis
de Saint Forgeux , duquel M. le Comte
d'Albon décend de Pere en Fils , lequel
se rendit si recommandable dans les premieres
Croizades , et qui rapporta de la
Tetre Sainte le Corps de S. Antoine
dont il fit present à l'Abbaye de cet Ordre.
Il parla aussi de la Transaction faire
entre Jean d'Albon et Humbert Dauphin
de Viennois , qui regle la legitime du premier
. Et en retraçant les differentes Alliances
de cette Maison , il finit par celle
de Camille d'Albon , Marquis de S. Forgeux
, avec Françoise - Julie de Crévant ,
qui a fait entrer dans cette Maison la Prin-
1. Vol. Ciij cipauté
1098 MERCURE DE FRANCE
cipauté Souveraine d'Yvetot en Normandie.
L'Orateur fut particulierement applaudi
lorsqu'il parla des qualités personnelles
de M.le Comte d'Albon , c'est-a- dire
, sa generosité , sa magnificence ,sa pieté,
sa charité, qui lui a merité le titre précieux
de Pere des Pauvres , sa douceur,
son équité , sa politesse , son esprit de
paix qui lerend arbitre des differens , & c.
Ce Discours fut suivi de celui de M.
Thoynet , Procureur du Roi , qui ne
parla pas avec moins d'Eloquence et de
dignité sur le même sujet , et plut infiniment
par sa netteté et par sa précision .
Ensuite M. Demaux , Lieutenant General
, ayant recueilli les voix , prononça
l'enregistrement des Lettres et de l'Acte
d'Installation .
M. le Comte d'Albon s'étant levé et
ayant salué la Compagnie , se remit en
marche dans le même ordre. Le Peuple
fut regalé de plusieurs tonneaux de vin
qui coulerent avec profusion .
Arrivé chez lui il reçût les complimens
de tous les Députés des Corps de la Ville
de Monbrison , et des autres Corps du
département de Forez , ausquels il répondit
avec l'esprit et la politesse qui lui
sont si naturels , et sur tout avec une bonté
de coeur que personne ne se lasse d'admirer.
PenJUIN.
1734 1099
Pendant cinq jours que le Comte d'Albon
a passés à Monbrison , il a tenu deux
tables de vingt- cinq couverts chacune
servies avec la même magnificence , le
même ordre et la même profusion , ce qui
ne l'a pas empêché de faire sentir aux malheureux
que sa generosité et sa charité
étoient inépuisables . Les accommodemens
qu'il a faits ont annoncé que la paix
et l'union ont été ses premieres vûës dans
l'exercice de sa Charge.
Avant son départ les Officiers de Monbrison
lui donnerent uneFête magnifique.
Son retout à Roanne fut celebré par les
mêmes honneurs ; les principales Dames ,
très- parées , allerent dans leurs carosses
au devant de lui à plus d'une lieuë. Une
troupe de plus de cinquante Cavaliers formée
par les principaux de la Ville , propre
ment vêtus et très - bien montés sur des
chevaux richement harnachés , avoit précedé
le carosse des Dames , et étoient
allés à plus de trois lieuës au- devant du
nouveau Lieutenant de Roi . Un Trompette
marchoit à la tête de la Troupe ;
celui qui la commandoit le salua de Fépée
, et lui fit un compliment militaire
qui fut très- goûté et parfaitement bien
reçû.
Le Lieutenant de la Maréchaussée de
1. Vol. Ciiij Roanne
1100 MERCURE DE FRANCE
Roanne fut aussi à la tête de ses Brigades
à quatre ou cinq lieuës au devant de lui;
mais ce qui parut le plus remarquable fut
uneCompagnie de douze jeunes Demoiselles
des plus distinguées et des plus brillantes
, une Dame à leur tête , toutes en habit
d'Amazones , escortées par un pareil
nombre de jeunes Cavaliers , parfaitement
bien montés , qui furent aussi audevant
de lui à près de deux lieuës ; et
après le compliment que lui fit la Dame
qui les conduisoit , elles lui firent cortege
jusqu'a son Hôtel . Son arrivée à Roanne
fut annoncée comme à Monbrison ,
par le bruit des boëtes , de la Mousqueteric
, des Tambours , & c.
La Bourgeoisie sous les Armes forme
une double haye depuis l'entrée de la Ville
jusques chez lui , où il reçût le compli
ment des Echevins et des Officiers du
Corps de la Ville . Il reçut ensuite les
complimens de tous les Corps Ecclesiastiques
, Seculiers et Reguliers , des Officiers
du Bailliage , de l'Election , et des
autres Compagnies .
Les Jesuites y conduisirent un nombre
chosi de leurs Ecoliers , qui firent leurs
complimens en Prose et en Vers François
, en Latin et en Grec. Il retint plus
de soixante personnes à souper ; il y eut
I. Vol. trois
JUIN. 1734. ΙΙΟΙ
trois tables de vingt couverts chacune
servies avec la même magnificence et le
même ordre.
Le lendemain une troupe de jeunes
Garçons de distinction , de l'âge de sept
à huit ans , un des Fils du Lieutenant general
du Baillage à leur tête , et portant la
parole , lui vint faire un compliment en
vers qui lui plut beaucoup. Ce Seigneur
eut la bonté de lui faire present et de le
ceindre d'une magnifique épée, en répondant
à son compliment avec la derniere
politesse.Le jeune Enfant sensible au-delà
de l'expression à l'honneur qu'il avoit
reçû , pressa vivement M. son Pere de
lui composer un remerciement qu'il apprit
toute la nuit , et qu'il alla reciter le
endemain.
Le surlendemain le Comte d'Albon fit
inviter à dîner tous les Corps , au nombre
de plus de 60. personnes , ainsi que
les Officiers Militaires ; la même délicatesse
et la même abondance s'y firent
remarquer.
Une partie des jeunes Cavaliers et des
Amazones qui allerent au devant de lui,
pour terminer toutes ces fêtes parun spectacle
vif et brillant,a fait dresser un Théâtre
magnifique dans le jeu de Palme de
la Ville , sur lequel ils ont represent la
I. Vol. Cy Tra1102
MERCURE DE FRANCE
Tragedie d'Andromaque , suivie de la petite
Piece des Vendanges de Surenne , avec
tous les ornemens , mêlés de danses. Les
Acteurs ont passé l'attente desSpectateus ;
et le Marquis de C .... qui s'est chargé
de les exercer , doit s'applaudir de ses
soins , encore plus de ses talens pour la
déclamation .
On peut dire que dans toutes ces Fêtes
rien n'a manqué de la part de la Province,
pour prouver à M. le Comte d'Albon
combien les coeurs lui sont dévoüés ; et
de la part de ce Seigneur , combien il a
été sensible aux empressemens qu'on lui
a témoignés.
Voici le compliment du Fils de M. Huť
de la Curée , Lieutenant General au
Bailliage de Roanne.
SEigneur , les jeux , les ris , les fêtes , l'allo
gresse ,
Ont été de tout tems amis de la jeunesse ;
Permets donc qu'Apollon secondant nos transports ,
Pour les mieux exprimer nous prête ses accords.
› Ta Noblesse, ton Sang , ton coeur ton caractere
T'acquirent de tout tems le doux talent de plaire ;
Et de tes qualités sincere admirateur ,
Chacun t'ofre à l'envi l'hommage de son creur.
Nos braves Citoyens par leur ardeur guerriere ,
I. Vol.
Sem17'
4. 1103
Semblent aux champs de Mars s'ouvrir une car◄
riere ;
Au bruit de leurs Tambours , au son de leurs Clairons
"
¿
On voit à chaque instant grossir leurs Bataillons
Et d'une double file honorant ton passage,
De leur filelité leur ardeur est le gage ,
Empressés de prouver que sous tes étendarts
Leur valeur défendra leurs antiques remparts.
Des Echevins zelés à leur devoir dociles ,
T'ofrent les clefs des coeurs avec celles des Villes.
Et vientnent t'assûrer de leur attachement ,
Par la solemnité d'un auguste serment ;
De toute part l'écho de la voix populaire ,
Benit l'heureux instant où tu vis la lumiere.
Mille et mille soukaits portés jusques aux Cieux
pour toi des jours sains et nom- Leur demandent
breux .
Resterons- nous muets, tandis que tout s'anime ?
Non , non >
nous allons tous d'une voix unanime
Crier dans nos transports longissimè vivat ;
Voilà nos voeux , Seigneur , Deus exaudiat.
Suit le Remerciement du même jeune
Homme , sur l'épée dont M.d'Albon
lui a fait present.
SEigneur , mon coeur reçoit avec reconnoissance
Ce present que je dois à ta magnificence .
1.Vol. Cvj Tu
1104 MERCURE DE FRANCE
Tu m'armes Chevalier : Ceux des siecles passés
Vont voir par mes exploits tous les leurs effacés..
Je sens avec mon sang circuler le courage ,
Et mon ardeur prévient les forces de mon âge ;
Les Renauds , les Rollands , et les deux Amadis,
Instruits de mes projets en feroient interdits.
Le trait n'est point Gascon ; car aux ames bien
nées
La valeur n'atsend pas le nombre des années ;
Et quand par toi , Seigneur , on voit armer son
bras,
On brave les périls et l'horreur du trépas.
Paroissez , fier Germain , paroissez , Moscovite,
Je fçaurai vous dompter , vous réduire à lafuite
J'enjure par ce fer que j'ai reçû de toi ,
Par lafidelité que je dois à mon Roi,
Par l'amour paternel , par celui de la gloire ,
Enfin par le désir de vivre dans l'histoire.
Mais ce fer me seroit encor plus précieux
Si pour toi je pouvois l'employer à tes yeux.
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Mots clefs
Domaine
Remarque
Le texte se termine par deux compliments versifiés d'un jeune homme au comte d'Albon.