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Titre

RÉPONSE à la Lettre où l'on a eu envie de critiquer un Livre qui a pour titre : Refléxions sur la Poësie en general, sur la Fable, sur l'Elegie, sur la Satyre, sur l'Ode, sur le Sonnet, Rondeau, Madrigal. Suivies de trois Lettres sur la décadence du Goût en France. Par M. R. D. S. M.

Titre d'après la table

Réponse à la Lettre au sujet des Refléxions sur la Poësie en general, sur la Fable, &c.

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690
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Incipit

Sçavez-vous bien, Monsieur, qu'il n'y a rien de plus flateur pour M.

Texte
REPONSE à la Lettre où l'on a
eu envie de critiquer un Livre qui a
pour titre Refléxions sur la Poësie ent
general , sur la Fable , sur l'Elegie ,
sur la Satyre , sur l'Ode , sur le Sonnet,
Rondeau , Madrigal . Suivies de trois
Lettres sur la décadence du Goût er
France. Par M. R. D. S. M.
S
Çavez - vous bien , Monsieur , qu'il
n'y a rien de plus flateur pour M.
nya rien
R. D. S. M. que la Critique que vous
avez faite de son Ouvrage. Aussi y a - t'il
quantité de gens fort raisonnables qui
n'ont point pris le change. Ils disent
hautement que vous êtes ami de l'Auteur
, et que pour ôter aux louanges la
fadeur qui en est presque inséparable ,
vous avez voulu donner à votre Lettre
un air de Critique ; qu'il est bien vrai
qu'on y voit par cy par là quelques
ironies , mais que vous sçaviez bien qu'on
les trouveroit mauvaises ; qu'à l'égard
des falsifications qui sont en fort grand
nombre , vous étiez bien sûr qu'elles ne
porteroient aucun préjudice à la réputation
de l'Auteur , parce que la lecture
de
AVRIL. 1734 691
de son Ouvrage les feroit bien-tôt disparoître.
Je ne vous rends compte , Monsieur ,
de l'effet de votre Lettre, que pour vous
faire sentir que le but n'en est pas net.
C'est trop peu pour un Eloge , ce n'est
pas assez pour une Critique. Il falloit aller
attaquer l'Auteur dans ses principes ,
les dépouiller des graces et de l'agrément
qu'il leur a donnés , les remettre
dans leur secheresse naturelle ; vous auriez
eu le mérite de les appercevoir , et ,
si vous aviez pû , l'honneur de les détruire
; mais il vous a parû plus commode
de dire que l'Auteur aimoit l'Eglogue
à la folie , qu'on le séduiroit
avec le murmure d'une Fontaine , quil
étoit bien aise que tout le monde vécût,
que quant à lui il n'avoit pas la moindre
envie de mourir ; et enfin pour achever
le dénombrement de ses goûts , vous
nous avez appris qu'il aimeroit mieux
avoir fait un Sonnet que quatre Tragédies.
Vous êtes un galant homme , Monsieur
, tout le monde le dit ; et après
une déposition si generale, il n'est point
permis d'en douter . Cependant permettez
moi de vous dire qu'il y a quelque
chose d'irrégulier dans votre conduite.
Tirer quelques paroles d'un Auteur , les
séparer
62 MERCURE DE FRANCE
séparer de ce qui les environne , de ce
qui en change ou modifie le sens , faire
un assortiment bizare de ce qu'il y a
dans un Ouvrage de sérieux et de badin,
charger l'Auteur d'un pareil assortiment;
et pour qu'il en soit plus sûrement chargé
, mettre le tout en lettres italiques ,
c'est un procedé qui n'a pas d'exemple
dans la République des Lettres , où l'on
ne se picque pas neanmoins d'une Morale
bien severe.
La même bonne foi , le même esprit
de sincerité regne dans votre Lettre d'un
bout à l'autre .
A l'imitation du pour et contre , dont
à cela près que vous êtes un peu plus
poli , vous suivez assez exactement les
traces , vous accusez l'Auteur des Reflé.
xions sur la Poësie , d'avoir pris dans son
Morceau sur le Sublime , trois pages entieres
de M. Despreaux. Il falloit donc
extraire ces trois pages. Dailleurs accordez
-vous avec l'Auteur du Pour et Contre
; il prétend lui que le Morceau du
Sublime est pris dans M. Nicole . Ne
sentez vous pas que cette accusation de
vol n'étant pas prouvée, il en résulte une
absolution entiere pour M. D. S. M. qui
n'a pas la réputation de s'être enrichi des
dépouilles d'autrui.
Voilà
AVRIL. 1734- 693
Voilà , Monsieur , tout ce que j'ai à
dire sur votre Lettie , car vous n'y dites
rien . Je sçai bien que vous avez à repliquer
que vous avez fait une espece
d'Extrait de chaque morceau de l'Ouvrage
en question ; mais si l'Extrait est
infidele , je ne dois point y répondre
parce qu'alors ce ne sera pas l'Ouvrage
que vous aurez critiqué ; parce que je ne
suis point obligé à prendre le parti d'un
fantôme que vous avez fait tel qu'il vous
le falloit pour vous ménager le plaisir
d'en triompher.
Il faut convenir , Monsieur , que vous
êtes bien malheureux. Vous avez eu envie
de critiquer l'Auteur des Refléxions
sur la Poësie , vous n'avez pû en venir à
bout , votre dessein étoit de loüer M. de
Fontenelle , et vous l'avez critiqué ; car
entre nous , c'est le critiquer et faire
pis encore , que de dire qu'on reproche
ce bel Esprit de manquer de génie.
Avec votre permission , M. D. S. M.
ne l'a point dit , et quand ( ce que je
ne sçai pas ) une pareille consequence
couleroit sourdement de ses principes ,
pourquoi , vous , Monsieur , avez - vous
la malice de la tirer ? D'ailleurs, pourquoi.
ne point mettre de distance entre M. de
la Motte et M. de Fontenelle ? L'Auteur
D des
694 MERCURE DE FRANCE
des Refléxions ne s'est point caché de
l'admiration qu'il avoit pour l'un , et
peut- être n'a- t'il que trop exprimé le
mépris qu'il avoit pour l'autre. Enfin ,
comment avez - vous osé dire en face au
» Public , qu'il a toujours comparé les
» Fables de M. de la Motte à celles de´la
» Fontaine , ses Tragédies à celles de Cor-
» neille et de Racine , ses Operas à ceux
» de Quinault , et qu'enfin il a assigné à
>> ses Discours d'Eloquence et à toute sa
» Prose , une classe à part , pour ne la
»comparer qu'à lui- même.
C'est au Public à vous donner sur cela
un démenti , s'il le juge à propos . Je reviens
moi au Livre qui a fait l'objet de votre
Critique , et c'est sur cela que j'ai quelques
refléxions à vous faire faire.
Si vous aviez sérieusement envie de
critiquer M. D. S. M. il falloit lire son
Ouvrage avec toute l'attention dont un
homme d'esprit comme vous est capable
, il falloit tâcher d'en penetrer les
principes , en bien embrasser toutes les
consequences , sur tout , et c'est ce qui
étoit le plus necessaire , il falloit vous
bien mettre son but dans la tête. Vous
auriez vû que l'Auteur , pour bien remplir
son projet , avoit été obligé de ne
prendre que la fleur de ce qu'il avoit à
dire;
AVRIL. 1734-
695
dire ; que dans le dessein où il étoit d'instruire
, sans pour cela renoncer à plaire ,
il avoit été réduit à ôter à ses principes.
le faste et la secheresse ordinaire qui les
accompagnent ; ce qui , en les adoucissant
peut quelquefois les avoir rendus méconnoissables.
N'en doutez point , Monsieur , une
attention sérieuse sur le but de l'Auteur
, vous auroit épargné bien des injustices
. Vous n'auriez pas dit, par exemple
, que l'Auteur des Refléxions s'est
dévoué tout entier au sentiment, et qu'il
trouve fort mauvais qu'on raisonne . Hé ,
Monsieur , lisez l'Ouvrage , vous verrez
qu'on y prêche par tout l'accord de la
raison et de l'imagination ; vous verrez
que de toutes les qualitez de l'esprit , celle
que l'Auteur estime le plus , celle qui lui
est la plus chere , c'est la justesse et la
précision ; mais à dire vrai , il la veut
ménagée et temperée par les graces , il
ne la croit point incompatible avec les
tours vifs et les expressions de génie. Y
a-t'il là en verité de quoi lui faire un
procès ?
Il me reste à justifier l'Auteur sur un
reproche que vous lui faites au commencement
de votre Lettre , c'est de s'être
un peu laissé gagner par la contagion ,
Dijet
496 MERCURE DE FRANCE
et comme il l'avoit prévû lui - même , de
n'avoir pas pû être toujours naturel. Je
suis de bonne foi , Monsieur , et je passe
volontiers condamnation sur cinq ou six
expressions , qui , dans le goût où nous
sommes du brillant , sont d'un mauvais
exemple. Mais je vous soutiens que le
stile de l'Ouvrage est en general fort naturel
; je soupçonne qu'on prend le chan
ge , et qu'on ne dit pas bien ce qu'on
veut dire quand on reproche à l'Auteur
de manquer quelquefois de naturel . Une
des grandes attentions de M. D. S. M.
autant que j'ai pû le remarquer , est d'être
serré sans en avoir l'air . Il arrive delà
qu'en certains cas le Lecteur peine ;
et comme ce qui le peine est quelquefois
couvert de fleurs assaisonnées de graces ,
il n'ose s'en prendre à l'idée qu'il voit
ainsi embellie. Il ne songe pas que l'idée
pour être ainsi parée , n'en est souvent
que plus fine et plus déliée ; que d'ailleurs
cette idée étant serrée , son rapport
avec les autres idées , n'est pas assez prononcé
pour lui , qu'on a trop compté
sur sa pénetration , et alors le petit embarras
qu'il éprouve n'étant pas bien analisé
dans son esprit , non plus que ce qui
le cause , il n'y sçait que dire que l'Auteur
n'est pas naturel , il s'en prend à
son
AVRIL 1734. 697
son stile , au lieu de s'en prendre à l'idée
qui , avec le défaut d'être fine , a quelquefois
celui de n'être pas assez épaissie
et assez étendue pour la petitesse de son
intelligence. Faites attention à ce que
j'ai l'honneur de vous dire , vous trouverez
la vraie cause des reproches que
quelques Gens ont fait à M. D. S. M.
pousurr moi je suis persuadé que vous ne
en ferez plus. Vous êtes homme d'esprit
, la prévention vous avoit gagné.
Le petit mal qu'on avoit dit de M. de
la Motte avoit excité votre colere. Vous
avez soulagé votre coeur , et je ne m'en
prends point à votre esprit. J'ay l'honneur
d'être , Monsieur , votre , &c.
Collectivité
Faux
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Soumis par lechott le