→ Vous voyez ici les données brutes du contenu. Basculez vers l'affichage optimisé.
Titre d'après la table

Les Enfans Trouvez, Parodie,

Fait partie d'une section
Page de début
2868
Page de début dans la numérisation
579
Page de fin
2883
Page de fin dans la numérisation
594
Incipit

Le 9. Décembre, les Comédiens Italiens donnerent la première Représentation

Texte
PECTACLE S.
LEE 9. Décembre , les Comédiens Italiens donnerent la premiere Représentation des Enfans Trouvez , ou le Sultan poli par l'Amour , dont les Sieurs Dominique , Romagnesy et Riccoboni, sont.
les Auteurs. Cette Piece fut reçue peu favorablement du Public à la premiere Représentation , et on prétend qu'une assemblée tumultueuse mêlée de quelques
personnes mal intentionnées , en fut la
cause. La Piéce fut écoutée beaucoup plus
tranquillement à la seconde Représentation , et elle a toujours été de plus en
plus goûtée et applaudie. Nous allons tâcher de mettre le Lecteur en état d'en
juger.
ACTEURS..
Themire,
Fatime ,
la Dlle Sylvia.
la Dlle la Lande.
Diaphane , Roi de Tripoli , le sieur RoAlcidor , Pere de Themire , le sieur Domagnesy
minique.
Ale 11.
Cara
Volcan
DECEMBR E. 1732. 2869
Carabin , frere de Themire , le sicur RicOrosmin , Visir ,
Un Esclave ,
coboni.
Arlequin.
le sieur Sticotti.
Fatime ouvre la Scene , et paroît surprise de voirThemire plus gaye et plus contente qu'à l'ordinaire ; elle lui en demande la raison , et dit :
Quoi ! vous ne tournés plus les yeux vers les climats ,
Qu ce vaillant François devoit guider nos pas ?
Vous ne me parlés plus des plaisirs que la
France
Permet à notre Sexe avec tant de licence ,
Vous ne l'ignorés pás ; c'est là que les maris
Vivent d'intelligence avec les Favoris ;
Que la femme y bravant la contrainte fa- tale ,
Est prude avec renom dale.
" coquette sans scan◄
Themire lui répond que le Serrail fait
aujourd'hui tout son bonheur , et ajoûte :
Chez les Mahometans dès l'enfance enfermée ,
A leur façon d'agir ils m'ont accoûtumée.
II. Vol. Tout
2870 MERCURE DE FRANCE
Tout le monde en convient , le Roi de Tri
poli ,
Est malgré sa moustache , un Seigneur trèspoli.
Fatime représente à Themire que ce
jeune Officier qui est parti , et qui va revenir pour briser leurs fers , se donnera
de la peine en vain. Themire répond que
cet Officier est Gascon , &c. et découvre
en même tems à sa Confidente l'amour
qu'elle a pour le Sultan , et lui apprend
qu'il doit l'épouser dans la journée , Fati
me l'en félicite , et lui dit :
Mais ce cœur qui se livre à de si doux trans
* ports
En épousant un Turc , n'a-t'il point de re mords ?
Carabin vous a dit cent fois par la fenêtre ,
Que le sang d'un François vous avoit donné l'être ,
Que vous et vos parens dans un combat faq tal ,
Aviez subi le joug d'un Corsaire brutal.
Ne vous souvient - il plus que dans une Gag lere....
Themire.
Ma foi , s'il m'en souvient , il ne m'en souvient
guére.
II. Vol. Themi
DECEMBRE. 1732. 2877
Themire continuë , et fait le Portrait
du Sultan.
Oui , si le Ciel aux fers eut condamné sa
vie ,
Si l'Affrique à mes loix se voyoit asservie ,
Ou mon amour me trompe , ou Themire au
jourd'ui ,
Pour l'élever à soi descendroit jusqu'à lui.
Fatime.
r le faut avouer , cette pensée est belle ,
Mais convenés aussi qu'elle n'est pas nou
velle,
Diaphane arrive , et dit à Themire qu'il
pourroit lui faire un long discours ,lui
parler de ses Ayeux et des malheurs des
Sultans , ses Confreres.
Au sein des voluptez bien loin que je m'endorme ,
Si je tiens un Serrail > ce n'est que pour la
forme ;
Les loix que dès long-tems suivent les Mahomets ,
Nous deffendent le vin , moi je me le per
mets,
Tout usage ancien céde à ma politique,
Et je suisun Sultan de nouvelle fabrique,
Parlons seulement de l'amour que j'ai
II.Vel pour
2872 MERCURE DE FRANCE
pour vous poursuit-il . ) Je jure de vous
prendre pour Maîtresse et pour Femme
est-ce assez ? Oui, répond Themire, je ne
veux rien de plus , &c.
Orosmin vient annoncer au Sultan le retour de Carabin.
Pourquoi n'entre- t'il pas , dit le Sultan,
Orosmin.
Vous sçavez que toujours votre porte est fer mée.
Le Sultan.
Oui , c'étoit autrefois la régle accoûtumée ,
Mais , il faut que d'entrer , on ait permis- sion ,
Si tu veux qu'au Sérrail se passe l'action.
Carabin dit au Sultan qu'il apporte de
France de l'argent comptant , et continue :
Grace au Ciel , c'en est fait , et la somme est
complette ;
Commence par lâcher la fille et la soubrete ,
Nous choisirons après dix autres prisoniers.
Quant à moi je demeure , étant court de de niers ;
Qu'ils partent sur le champ , je resterai pour
gage,
II. Vol. Le
DECEMBRE. 1732 2873
Le Sultan.
N'en rachete que neuf, et met - toi du voya
ge.....
Embarque cent Captifs , si tu veux , dit
le Sultan , mais pour Themire , ne croy
pas que tout l'or du monde puisse m'engager à re la rendre. Carabin est fort surpris que le Sultan veuille manquer à sa
parole , à quoi le Sultan répond :
Lorsque je te promis d'accorder ta demande ,
Ce n'étoit qu'un Enfant , à présent elle est
grande....
Du moins ,, dit ' le Gascon , ne me refuse
pas ce malheureux Vieillard , puisqu'il n'a
peut-être pas une heure à vivre. Le Sultan
consent de le rendre pourvû qu'il meure
auparavant , &c.
Themire reste avec Carabin , et lui dit
qu'elle est fâchée de ne pouvoir partir
avec lui , mais qu'il peut compter qu'elle
aura toujours beaucoup de déference pour
tous les François , &c.
Alcidor , ce venerable Vieillard , arrive ;
il est soutenu par deux François , sa vue
est si troublée , et son corps est si foible
qu'à peine il peut se soûtenir ; il deman
de où il est , et à qui il doit le bonheur
de revoir la lumiere, Themire répond
II. Vol. que
2874 MERCURE DE FRANCE
que c'est à ce Cavalier ( en montrant
Carabin. )
Alcidor.
Des Chevaliers Gascons je reconnois l'ardeur ,
S'ils n'ont pas de grands biens , ils ont tous de l'honneur.
Themire demande au Gascón com nent
Il a pû faire pour trouver une somme si considérable. Il répond :
Echapé de mes fers , chose impossible à croire ,
Arrivant au pays je me fis Grenadier,
On ne s'enrichit point à ce noble métier ;
Je me remis sur Mer , et l'ingrate fortune ,
Ne me traita pas mieux dans le sein de Neptune,
Je fus repris , Madame , et par un grand bon heur ,
Je vous vis au Serrail malgré le Grand Sei
gneur ;
Eunuques blancs et noirs , Bostangis , Jannis- saires ,
Ne m'empêcherent point de vous parler d'af
faires;
Le trait est surprenant , mais passons là - dessus.
Or , comme en mon Pays on craint peu les refus ,
Fallai voir le Sultan , lequel sur ma parole ,
Me laissa repartir pour un projet frivole,
II.Vol. Avec
DECEMBRE 1732 2875
Avec lui cependant , je m'étois engagé ,
De revenir bien-tôt payer votre congé.
> De retour dans la France une veuve fring
gante ,
Me prit en mariage aux bords de la Cha- rante.
Elle mourut bien-tôt , une autre succeda ,
Et cette autre en trois mois à son tour déceda.
Je convolai bien- tôt avec une troisiéme ,
Qui mourut en Avril , je ne sçais le quan tiéme ?
Heritier de leurs biens , et plus content qu'un
Roi ,
J'ai vendu trois Châteaux qui n'étoient moi.
pas à
Alcidor leur demande s'ils ne pourroient
leur donner des nouvelles de deux de
ses Enfans , et dit :
pas
Mon fils fut fait esclave , et sa sœur plus petite ,
Au Serrail avec lui , par des Turcs fut con.
duite.
Il m'arriva reprend le Gascon ) même chose
jadis.
A l'âge de quatre ans par les Turcs je fus
pris ,
Mené dans le Serrail avec cette personne ,
Et d'être tant soit peu ma sœur,
çonne.
je la soup
II. Vol. G. Themire
2876 MERCURE DE FRANCE
Themire.
Qu'entends-je !
Alcidor étonné.
Ce minois , cet air vif et coquet ,
De ma défunte femme est le vivant por trait ,
Même à ce que je crois , ce Gascon me res
semble.
Dans quel tems , s'il vous plaît , fûtes-vous pris
ensemble ?
Je ne prétens ici rien décider en l'air :
Surtout en fait d'enfans , on ne peut trop vois clair.
Carabin.
Je fus , il m'en souvient , pris en mil sept cent
seize.
Alcidor.
Epoque trop heureuse , et qui me comble d'aise ,
Et quel âge avez-vous à présent ?
Carabin.
J'ai vingt ans.
Alcidor.
Et vous ?
Themire.
J'en ai dix-huit.
Alcidor.
Baisez-moi, mes Enfans.
II.Vol. La
DECEMBRE. 1732 2877 La reconnoissance se fait d'une maniere très-comique , le pere embrasse ses enfans , et poursuit :
Quand je songe en quels lieux je la vois retea nuë ,
Je n'ose sur ma fille ensor jetter la vuë ,
Ojour qui me la rens , comment me la renstu ?
Tu pleures , je t'entends..... tu n'as plus de
vertu !
Themire avoue ingénument àson pere
que le Sultan l'adore et doit bien tôt l'épouser. Alcidor lui fait de sanglans reproches , et se retire outré de désespoir.
1
Themire reste avec Carabin , qui l'engage à le suivre , après lui avoir représenté son crime.
Themire y consent après
avoir combattu quelque tems , et dit à
son frere :
Mais du moins tu devrois aller voir notre
Pere
Nous le laissons mourir d'une étrange mad
niere.
Bon , répond Carabin , je le compte
pour mort ; il fait promettre en mêmetems à sa sœur de se tenir prête pour fuïr
avec lui,et se retire. Themire reste seule,
s'éxamine et se demande à elle- même , si
II. Vol. Gij elle
2878 MERCURE DE FRANCE
elle est Turque ou Françoise , et ne pouvant pas bien se définir , elle termine son
Monologue par ces Vers qu'elle adresse au
Sultan.
Ah ! puisque ta devois m'épouser dès ce soir ,
Pourquoi m'apprenoit-on aujourd'hui mon de
voir ?
Frere trop rigoureux , du moins pour me l'apa
prendre ,
Jusqu'à demain matin tu pouvois bien at
tendre.
Le Sultan arrive à la fin du Monologue pour conduire avec lui Themire à la
Mosquée : venez , lui dit- il ,
Themire l'appercevant,
Où me cacher !
Le Sultan.
Que dites-vous ?
Themire.
Je n'ose,
Le Sultan.
Vous n'osez ?
Themire,
Non, Seigneur.
Le Sultan.
Et pourquoi donc ?
II. Vol Themire
DECEMBRE. 1732. 2875
Themire:
Le Sultan.
Pour cause.
Ah ! je vois ce que c'est , sans doute la pu deur....
Themire.
Non, ce n'est point cela ; vous vous trompez ;
Seigneur..
Elle prie le Sultan de vouloir bien dif
ferer cet Hymen , le Sultan s'emporte et
dit , lorsque Themire se retire :
Je n'y comprens plus rien pourquoi partir si-tôt ?
Dites-moi vos raisons...
Themire en s'en allant.
Je les dirai tantôt.
Le Sultan reste avec le Vizir ; il commence àsoupçonnerThemire d'inconstance , et Carabin d'être son Rival , le Vizir lui dit :
Prenez- vous ce Garçon , Seigneur , pour une bête ,
Vous les avez laissés ensemble tête à tête.
Le Sultan.
Je ne le ferai plus.
II. Vol. G iij Le
2330 MERCURE DE FRANCE
Le Vizir.
Vous aurez bien raison ,
Ah ! que la prévoyance est ici de saison !
tain. ...
Themire revient , le Sultan lui fait encore des reproches , et lui dit qu'il ne la
reverra jamais. Quoi , Seigneur , répond
Themire , est-il bien assûré que vous ne
m'aimez plus ? Non , rien n'est plus cerque j'aimai... que je hais. . . .
Themire éclate de rire,le Sultan lui dit avec
transport,Themire vous riez...elle répond:
Eh !qui pourroit s'empêcher de rire de
toutes vos extravagances et de mon incertitude ? le Sultan toujours plus amoureux,
ne pouvant pas se contraindre , lui avoüe
qu'il l'aime plus que jamais , et que tout
ce qu'il lui a dit , n'étoit que pour rire.
Themire prie le Sultan de lui accorder du
moins une grace. Et de quoi s'agit-il a
répond le Sultan.
Themire.
Permettés que je sorte;

Le Sultan.
Quoi toujours me quitter , et de la mêms sorte !..
Themire lui dit en sortant, quedemain
II. Vol. tous
DECEMBRE. 1732. 2881
tous ses secrets lui seront revelez. Le Sultan reste avec le Vizir ; un Esclave lui apporte une Lettre adressée à Themire , par
laquelle Carabin lui marque de se rendre
vers la Mosquée par un sentier obscur."
Le Sultan se livre à toute sa fureur , et
ordonne au Vizir d'aller poignarder l'infidelle, puis le retient, en disant :
Je prétends lui parler , qu'on le fasse venir.
Le Vizir.
Encor un entretien , Seigneur !
Le Sultan.
C'est pour finit.
Finissez sans cela , répond le Visir. ...
mais il me vient une bonne idée , faites
remettre cette Lettre entre les mains de
Themire , et qu'elle ne sache point que
vous l'avez ouverte. Le Sultan approuve
fort le conseil du Vizir , qui promet de
recacheter la Lettre et de la faire rendre
à Themire. Le Sultan resté seul, dit :
Le Vizir a raison , et de cette maniere ,
La conduite sera beaucoup plus réguliere;
Car si je la voyois , il faudroit lui prouver
Qu'elle m'est infidelle , et cherche à se sau- ver. I
, .II. Vol. Ginij Mais
2882 MERCURE DE FRANCE
Mais je n'en ferai rien , et n'osant lui répon➡ dre ,
J'oublirois les moyens que j'ai de la confon- dre ;
Je connois ma foiblesse , et sans les employer
On me verroit sans fruit encor la renvoyer.
Le Vizir arrive avec empressement ; il
'dit au Sultan qu'il a fait rendre la Lettre
à Themire, qui a promis de venir bien- tôt
aurendez-vous trouver Carabin.Themire
y arrive, conduite par Fatime; on entend
quelque bruit ; elle dit est-ce vous Carabin ? lequel répond , êtes-vous là , ma
sœur ? Le Sultan qui s'étoit avancé à l'arrivée de Themire pour la poignarder, s'écrie avec étonnement :
Ma sœur ah ! j'allois faire une belle so- tise !
Cet éclaircissement m'épargne une méprise.
Themire.
Que vois-je , le Sultan !
Carabin.
Nous sommes découverts,
Ah ! Sandis , nous allons retomber dans les
fers.
Le Sultan à Carabin.
Est- elle bien ta sœur ?
II. Vol. Carabin
DECEMBRE. 1732 288 3
Carabin.
Alcidor est son pere.
Je suis fils d'Alcidor , ergo , je suis son frere.
Le Sultan fait encore des reproches à
Themire, et dit ensuite qu'il est trop délicat pour la garder ; qu'elle peut partir ,
&c. le Vizir ajoûte:
C'est fort bien fait , Seigneur , renvoyés la Ma toise ;
Qu'elle fasse à Paris l'amour à la Françoise.
Le Sultan dit ensuite que puisquil faut
necessairement que quelqu'un meure , il
va se tuer, mais Carabin l'arrête , en lui
disant :
Ah ! ne vous tuez pas avant notre voyage ;
Car si vous expirez on nous remet en cage ,
Que de la mort au moins nous soyons ga rantis.
Le Sultan,
Hé bien ! je metuerai quand vous serés partis.
Collectivité
Faux
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Soumis par delpedroa le