→ Vous voyez ici les données brutes du contenu. Basculez vers l'affichage optimisé.
Titre

DISCOURS sur ces paroles: Le Sage profite de ses fautes.

Titre d'après la table

Le Sage profite de ses fautes, Discours,

Fait partie d'une section
Page de début
2806
Page de début dans la numérisation
517
Page de fin
2814
Page de fin dans la numérisation
525
Incipit

L'Homme sujet aux passions et à l'erreur, en devient le joüet, quand il

Texte
DISCOURS sur ces paroles : Le Sage
profite de ses fautes,
L'
'Homme sujet aux passions et à l'erreur , en devient le jouet , quand il
s'y livres orgueilleux autant que miserable il ne rougit pas de sa misere. Il erre
presque à chaque instant , et attentif seulement à se dissimuler ses fautes , il ne
pense ni à les réparer , ni à s'en corriger ;
elles se multiplient cependant , et il s'endort au bord du précipice , où elles vont
bien-tôt l'entraîner.
Mais celui qui a appris à se connoître
soi- même , qui, convaincu de sa fragilité
loin de se flatter ou de s'étourdir sur ses
égaremens , s'occupe du soin d'y remédier ; celui-là est vraiment sage , il s'applique à connoître ses fautes , et il sçaię
en profiter.
I. Partie. Nous fuyons naturellement
tout ce qui peut diminuer en nous l'idée
de notre excellence ; chimere précieuse
que nous portons par tout avec nous , elle
domine sur nos actions et sur nos pensées ; c'est à nos yeux l'empire de la rai
son même ; et si chacun de nous en étoit
{
11. Vol, crû
DECEMBRE. 1932. 2807
crû sur son jugement , tous les autres
hommes reconnoîtroient sa superiorité
sans hesiter , et lui donneroient la préference qu'il se donne lui- même. Or , peuton avec ces principes penser seulement
qu'on soit susceptible d'erreur , et ne panche t'on pas vers l'opinion contraire?
Supposons cependant comme une vérité
connue , que tous les hommes conviennent interieurement qu'ils sont sujets à
faillir , le sentiment est inutile s'il ne les
porte à chercher à connoître leurs fautes
pour travailler à se corriger ; et je dis qu'il
que le Sage qui puisse se résoudre
dans cette vûë , à l'éxamen necessaire
pour les connoître , et que lui seul peut
parvenir à cette connoissance sans s'y
méprendre.
n'est
Quel autre que lui pourroit en être capable ? quel autre peut plier sa volonté
et chercher à découvrir toute sa misere?
Je m'en rapporte à vous hommes du siecle , soyez vous-mêmes les juges du Sage ;
dites-nous ce qu'il lui en coûte et ce qu'il
merite.
Que vous ayez une répugnance extrê
me pour cet éxamen , je n'en suis pas surpris ? car à quoi vous engage- t'il , à des
refléxions qui vous troublent , à des recherches qui vous gênent , que l'amour
II. Vol. Diij pro-
2808 MERCURE DE FRANCE
>
propre désayoüe , et dont il est allarmé ;
vous aimez cette douce indolence dans
laquelle vous avez accoûtumé de vivre
détournant les yeux de tout ce qui nous
choque , pour ne les arrêter que sur ce
qui vous flatte. Pouvez- vous vous en arracher sans effort , et rentrer dans vousmême pour y chercher vos défauts ; repasser sur vos foiblesses , vos caprices, vos
bévûës ; vous regarder, en un mot, par les
endroits les plus humiliants ? de quel
courage n'avez vous pas besoin ? que de
combats à livrer , que d'obstacles à surmonter ; il faut vous vaincre vous- même,
ou, pour mieux dire , il faut soumettre
un Tiran absolu , et quel tiran , l'orgueil
humain ! avouez le , l'entreprise est audessus de vos forces ; certe gloire est ré
servée au Sage.
Direz-vous que vous en avez triomphé,
et qu'il ne s'oppose plus à votre dessein ?
ne vous flattés pas la victoire est grande , il est vrai , mais elle n'est pas complette , tenés-vous toujours sur vos gardes l'ennemi que vous croyés avoir
dompté est ingenieux à réparer ses pertes ; s'il ne vous résiste plus à force ouverte , il employera la ruse et l'artifice
il ne sera pas moins dangereux dans cette
>
I. Vol. espe-
DECEMBRE. 1732. 2809
espece de combat : le Sage même a de la
peine à s'en garantir.
>
Atrendez - vous à le voir faire votre
apologie sur tous vos deffauts ; vous les
représenter au moins comme des qualitez indifférentes , peut être même comme
des vertus. Il vous déguisera vos fautes
cachera , ou ne vous montrera que dans
le lointain celles qu'il ne pourra pas colorer , vous justifiera sur toutes , et les
rejettera sur des causes étrangeres ; sur les
caprices de la fortune , la bizarrerie des
circonstances , la contrainte des bienséances ; en un mot , sur tout ce qui ne dépend pas de vous et vous serez seul
excusable , irréprehensible , loüable même; car ne vous y trompez pas ; si dans
le cours de votre vie vous avez acquis
quelque gloire , ou quelque avantage ,
c'est à votre merite seul que vous devez
l'attribuer ; le bien est venu et viendra
toujours de vous , le mal ne peut venir
que de l'injustice du sort.
C'est ainsi que notre orgüeil nousjoue
il nous aveugle pour nous conduire où il
veut , et comme il lui plaît ; heureux
l'homme qui en a secoué le joug , qui
sçait éviter ses pieges , et se dérober à ses
souplesses ! Cette felicité n'est pas un présent de la Nature , ou du hazard ; elle est
II. Vol. D
le iiij
2810 MERCURE DE FRANCE
le prix de l'étude , des refléxions , et des
efforts du Sage ; prix inestimable dont le
Sage fait un usage digne de lui , en s'appliquant à connoître ses fautes. Degagé
des liens dans lesquels les autres hommes
sont retenus , aucun obstacle ne l'arrête ;
il foüille dans les replis les plus secrets da
son cœur , éxamine , observe , médite
l'amour de la verité l'anime , elle est l'objet de toutes ses recherches , et la connoissance de ses fautes ne fait que l'exciter à des nouveaux progrès. Il ne se borne
pas seulement à les connoître , il a aussi
l'avantage d'en profiter.
II. Partie. Le Sage n'est pas plus susceptible de découragement que de présomption , son égalité ne se dément jamais. Il est moins troublé , moins abba
tu par la connoissance de ses fautes , qu'animé à les réparer. Il n'est occupé du
desir d'avancer de plus en plus dans le
chemin de la vertu , et tendant toujours
à ce but qu'il ne perd pas de vue , il tourne , en quelque sorte , à son utilité , ou à
sa gloire , ce qui fait le désespoir , ou la
honte de l'homme découragé.
Mais de quels moyens se sert il ? quelles sont ses ressources ? le Ciel l'a-t'il
mieux partagé que vous ? ou se trouveil toujours dans des circonstances si faII. Vol. vora-
DECEMBRE. 1732. 2811
vorables , qu'elles ne lui laissent presque
rien à faire pour réussir ? Non ; vous avez
reçû autant que lui ; ce qu'il a de plus il
le doit à lui- même ; c'est un bien acquis
que vous pouvez acquerir comme lui. Sa
prudence , sa fermeté , sa patience , son
activité , sa vigilance , vertus dont les
semences sont en vous comme en lui
mais qu'il a cultivées , lui rendent facile
ce que les vices contraires rendent impossible pour vous,
- D'où vient cette tristesse profonde ? cet
accablement qui vous interdit l'usage des
sens ? quel est l'évenement funeste qui le
cause ? est- ce un malheur irréparable ? je
le vois ; votre imprudence vous a attiré
quelque disgrace , et votre lâcheté ne
vous laisse de sentiment que pour suc-.
comber approchez , homme foible , venez apprendre du Sage , que les coups de
la fortune ne doivent jamais ni vous décourager , ni vous abbattre , et que vos
fautes même peuvent vous être utiles , si
vous sçavez en profiter.
:
Ses leçons vous toucheront si votre veritable interêt vous rouche ; il ne les réduit pas à une théorie stérile ; c'est une
pratique animée , dont il est lui- même
l'exemple Vous le verrez sensible aux divers accidens dont sa vie est traversée :
II. Vole Dy mais
2812 MERCURE DE FRANCE
mais d'une sensibilité ingenieuse qui lui
fournit les ressources , les expédiens et les
consolations qui vous manquent. Il s'applique à découvrir les causes de ces accidens : sont-ils arrivez par sa faute ? c'est
pour lui un sujet d'humilité : mais toujours ferme, toujours actif, il ne néglige
aucun des moyens honnêtes par lesquels
il peut y rémedier ; prudent, il choisit avec
discernement ceux qui sont les plus propres pour son dessein ; patient , il attend
sans murmure le succès qu'il peut se promettre raisonnablement ; modeste , il ne
s'applaudit pas ; la vanité et l'ostentation
n'eurent jamais de part à ses démar
ches.
Son attention s'étend à tout ce que la
combinaison des differentes circonstances
peut lui faire envisager ; rien ne lui échape. Il trouve toujours dans ses fautes même ou les moyens de les réparer , ou la
matiere d'un nouveau merite par l'usage
qu'il en sçait faire , et elles lui' servent
quelquefois à manifester ses talens inconnus jusques-là , et qui peut- être l'auroient
toujours été.
Si le Sage ne peut pas réparer toutes ses
fautes , il peut toujours en profiter , et il
en profite en effet : celles qui peuvent être
réparées occupent son activité , sa vigi- II. Vol. lance,
DECEMBRE. 1732. 2813
lance , sa prudence ; toutes exercent sa
fermeté , sa patience , et son humilité ;
vertus cheries ausquelles il doit cette égalité d'ame quiforme son caractere , et que
rien ne peut alterer ; elles lui tiennent lieu
des consolations les plus douces , et des
dédomagemens les plus désirables , parce
que les espérances et les avantages du siecle ne le touchent qu'à proportion du rapport qu'ils peuvent avoir avec ce bien
précieux qui fait sa felicité.
Mais il a encore d'autres ressources ; accoûtumé à refléchir et à méditer , les refléxions qu'il fait sur ses fautes , lui apprennent à en éviter de nouvelles ; elles lui
servent à former une régle de conduite
qu'il suit éxactement , et qui le garantit
des rechûtes. Ennemi du vice , il fuit les
occasions , et même les apparences du mal.
Zelé sectateur de la vertu , il se porte toujours au bien , et il aspire sans relâche à la
perfection.
C'est là l'objet de tous ses vœux , de
tous ses desirs , de tous ses efforts. Mais
travaillant sans cesse à se rendre meilleur
il est résigné en tout à la volonté de celui
qui couronne la Sagesse. Grand Dieu, faites que nous soyons ses imitateurs , et
donnez- nous un rayon de cette lumiere
qui conduit à la verité , pour qu'avec ce
11. Vol.
Dvj pi
2814 MERCURE DE FRANCE
divin secours nous puissions connoître
les fautes que nous avons commises contre
votre sainte Loy , les détester , et en profiter par une penitence salutaire qui les fasse servir en quelque sorte , à Votre
gloire , à l'édification de votre Eglise , et à notre sanctification.
Par M. D. S.
Signature

Par M. D. S.

Nom
Collectivité
Faux
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Soumis par delpedroa le