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Titre

CINQUIÈME LETTRE de M. D. L. R. écrite à M le Marquis de B. dans laquelle, à l'occasion d'Oran, et d'André Doria, il est parlé d'une nouvelle Edition des Oeuvres de Sigonius, &c.

Titre d'après la table

Cinquiéme Lettre sur Oran, André Doria, &c.

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96
Incipit

Je ne vous parle plus, Monsieur, d'Oran, ni de Marsalquibir. Vous êtes suffisamment instruit

Texte
CINQUIEME LETTRE de M. D.
L. R. écrite à M le Marquis de B.
dans laquelle , à l'occasion d'Oran , et
d'André Doria, il est parlé d'une nouvelle
Edition des Oeuvres de Sigonius , &C.
J
2
E ne vous parle plus , Monsieur , d'Oran ni
de Marsalquibir. Vous êtes suffisamment ins
truit de toutes les circonstances de la conquête
de ces deux Places, et des suites qu'elle a eues jus
qu'à présent. La saison où nous sommes défend
L'attendre d'autres progrès avant le retour du
Printemps. Vous sçavez , sans doute , Monsieur , que dès le commencement du mois de
Septembre la Mer Mediterranée n'est presque
plus praticable du côté de la Barbarie , et qu'il
en coûta cher à l'Empereur Charles V. lorsqu'il
entreprit en personne, au mois d'Octobre 1541 .
La Conquête d'Alger , avec une puissante Flote
qui périt miserablement sur ces Côtes. Laissons
donc pour quelque- tems les Affaires d'Affrique.
Oran sçaura bien- en attendant , se soutenir
avec un si brave * Gouverneur, contre les foibles
efforts des Maures. C'est inutilement qu'ils ont
attaqué depuis quelques tems le Fort de S. André , c'est avec aussi peu de succès qu'ils ont
cru faire une diversion importante en engageant
le Roi de Maroc à faire de nouveaux efforts contre la Ville de Ceuta , efforts favorisez par la
*Le Marquis de Santa-Crux.
D v
déser-
1 2390 MERCURE DE FRANCE
* désertion et par la trahison d'unSeigneur Espagnol , que sa conscience punit peut être déja , et
que le Ciel confondra un jour. Mettons plutôt
Monsieur , à la place d'Exploits guerriers , qui
ne sont pas de saison , quelque chose qui ne soie
guéres moins de votre ressort , et qui puisse vous
Occuper agréablement dans le séjour que vous continuez de faire dans vos Terres.
>
Un sujet se présente ici naturellement , et qui
un raport indirect à celui que je suis obligé de
quitter ou de suspendre. J'ai eu l'honneur de
vous parler dans ma derniere Lettre du Sçavant
Jesuite , Charles Sigonius , Auteur de la vie d'André Doria , et je vous ai dit , ce me semble
qu'il n'est pas aisé d'assembler tous ses Ouvra→
ges , qui sont cependant considérables , cet Au- teur n'ayant traité que de grands sujets et
Payant toujours fait habilement, ils manquent aut
jourdhui dans plusieurs bonnes Bibliotheques , et
les Provinces en sont presque entierement de
pourvûës. Comme je me plaignois de cette disette,
et que je faisois des vœux pour une nouvelle Edia
tion , j'ai été agréablement surpris par la récep
tion d'un Imprimé latin de 8. pages in- 4. pu
blié à Milan il y a quelques mois , qui contient
le plan d'une belle Edition de Sigonius , laquelle
se fait actuellement dans cette Ville. C'est, Monsieur , de quoi j'aurai l'honneur de vous rendre
compte dans ma Lettre d'aujourd'hui.
L'Auteur de cette entreprise est M. Argelati ,
Homme du premier mérite , et des plus connus
dans la République des Lettres , singulierement par la part qu'il à au vaste Recueil des Ecrivains
de l'Histoire d'Italie Il est Directeur de la Sa
*Le Duc de Riperda.
cieté
NOVEMBRE. 1732 2391
cieté Palatine , Académie des plus celébres de
l'Europe , fondée à Milan par le Comte Archin
to , Neveu du Cardinal- Archevêque de ce même ´nom.
M. Argelati commence dans son Ecrit adressé
à tous les Sçavans de l'Europe , par relever le
mérite litteraire de Sigonius , reconnu de tout
le monde sçavant , et le prix de ses Ouvrages ,
imprimez plus d'une fois , tant en Italie que
dans le reste de l'Europe , ce qui n'a pas empê
ché , dit-il , qu'ils ne soient devenus enfin d'une
grande rareté , au regret des habiles gens , et
surtout des amateurs de l'Antiquité. Il y a longtems que notre Sçavant s'étoit proposé de remé
dier à cet inconvenient, en donnant une nouvelle
Edition de Sigonius ; il s'y est enfin déterminé ,
et il a mis la main à l'œuvre dans les conjonctures , et par les considerations énoncées assez au
long dans son Programme que je me dispense de répéter ici.
Je n'obmettrai pas cependant une circonstance bien louable , qui marque un grand désinteressement et un pareil amour pour les Lettres ,
c'est que pour accelerer cette Edition, et pour le
ver toute difficulté , M. Argelati s'est mis en
état de fournir de son propre fonds tout ce qui
peut être nécessaire à l'éxecution de son entreprise , pour ne faire aucun tort aux Membres de
Ja Societé Palatine ni au Public , ne Palatinorum
Sociorum , dit- il , rationes diverterem in aliam causam , vel postrema comuni cura priorem aliquantisperpublico cum incommodo turbarem.
Le premier soin du sçavant Editeur a été de rechercher et d'assembler en un corps , non- seulement tous les Ouvrages imprimez de Sigonius ,
dont quelques-uns sont devenus très-rares , mais
D vj encore
2392 MERCURE DE FRANCE
encore ceux qui n'ont jamais vu le jour : ce qu'il n'a pû faire par lui-même a été éxecuté par des
Amis sçavans et éclairez. Visite de Bibliotheques, d'Archives publiques et particulieres , rien
n'a été oublié ; ce qui a été suivi d'un succès
auquel M. Argelati avoue que la grande réputa tion de Sigonius a eu beaucoup de part , particulierement à l'égard des Ouvrages Manuscrits de
notre Auteur , dont cette nouvelle Edition sera enrichie dans les derniers volumes.
L'ordre et la coutume demandoient de mettre
à la tête de l'Edition un abregé de la vie du celébre Sigonius. Personne ne pouvoit mieux s'en
acquitter , dit M. Argelati , que M. L. A. Muratori , qui outre son rate sçavoir et sa sagacité ,
se trouve être de la même Ville de Modene , Paarie de Sigonius , et par conséquent plus à portée
qu'un autre de prendre des instructions domesiques et sûres. Le succès de ce travail a été audelà de tout ce qu'on pouvoit attendre de M. Muratori. Ceux qui aiment à s'instruire de l'Histoire Litteraire et personnelle de certains Sçavans ,
trouveront, sans doute,de quoi se contenter dans le travail dont il s'est chargé au sujet de Sigonius. Sur quoi M. Argelati lui marque une parfaite reconnoissance.
Le premier volume de la nouvelle Edition commence par les Fastes Consulaires de cet Auteur.
Tout le monde connoît l'importance et la necessité des Fastes Consulaires , on sçait aussi en combien d'embarras et de difficultez ils ont souvent jetté les amateurs de l'Antiquité. On avoit
lieu de croire que cet Ouvrage , si pénible en soi,
avoit été rendu parfait par le travail de Sigonius:
mais comme depuis sa mort , on a déterré quan
tité de Monumens Antiques , et qu'on en désouyre
NOVEMBRE. 1732. 2393
couvre encore tous les jours , on s'en est servi
pour perfectionner encore davantage , pour corriger même en plusieurs endroits l'Ouvrage du docte Ecrivain, C'est un soin dont a bien voulu
se charger , à la priere de M. Argelati , le R. P.
Joseph- Marie Stampa de Côme , Clerc Régulier
de la Congrégation des Somasques , qui a fait entrer dans cette Edition toutes les Observations
des plus célebres Critiques sur le sujet en question, sçavoir celles du P. Petau, de Pighius , d'Almelowen , qui ont plus servi à confirmer qu'à
corriger les Fastes de Sigonius , celles de Mezabarba , du P. Pagi , de M. de Tillemont , du P. Blanchini , et suivant l'ordre des tems , celles
du Cardinal Noris , de M. Reland , de Cuspinien , et de Panvinius , sans oublier les propres
Observations du P. Stampa , qui n'a pas toujours
souscrit à toutes les Remarques de ces grands
Critiques , et qui a donné de son fonds une belle
Dissertation préliminaire , et d'autres Discours
remplis d'érudition sur cette matiere , à quoi il
faut ajoûter la continuation des mêmes Fastes ,
qu'il a conduits depuis la mort d'Auguste , Epoque où Sigonius s'étoit arrêté , jusqu'à l'Empire
de Diocletien et de Max imien. Autre Epoque où
commence un second Ouvrage de notre Auteur,,
dont on va parler , et qui acheve de remplir le
premier Tome.
Cet Ouvrage , divisé en plusieurs Livres , est
tout historique , et regarde l'Empire d'Occident ,
de Occidentali Imperio. Il a été revû et illustré
par un sçavant Benedictin du Mont- Cassin, nommé le P. Dom Janvier Salinas , Napolitain.
M. Arlegati fait ici un court éloge de la capacité
de ce Religieux , dont le travail immense doit Stre
2394 MERCURE DE FRANCE
1
être d'un grand secours
à ceux qui étudieront cet
autre Quvrage de Sigonius
.
Le second Volume contiendra en XX
. Livres
P'Histoire du Regne d'Italie
, de REGNO ITALIE
C'est la revision de ce grand Ouvrage
, qui occupe actuellement M. Argelati , aidé des lumieres et du travail infatigable de M. Joseph- Antoi
ne Saxi
, Préfet de la Bibliotheque Ambroisienne. Ce travail sera sans doute d'une grande utilité à cette partie de l'Edition de Sigonius , on
en peut juger par le témoignage qu'en rend l'Editeur , il est magnifique et fort étendu dans le
Programme Latin
.
,
M. Argelati déclare ensuite qu'il n'a fait encore aucun arrangement à l'égard des autres
Ouvrages de Sigonius
, mais que chacun de ces
Ouvrages paroîtra dans cette Edition avec les
Notes et les Observations qui lui conviennent
soit anciennes et déja publiées
, soit nouvelles et
fournies par de sçavans Hommes
. Par exemple
,
à l'égard des Traitez intitulez de Antiquo Jure Civium Romanorum , Italia ac Provinciarum,
de Judiciis. De Binis Comitiis et Lege curiata.
On aura dans la nouvelle Edition
, non
-seulement les Annotations de Grævius , répandues
dans son Trésor des Antiquitez Romaines
, mais
encore les Prolegomenes du sçavant Horatius
Blanci
. Jurisconsulte Romain
, et les Commentaires suivis de Jean Maderni de Milan , autre
fameux Jurisconsulte
.
,
et.
Pour ce qui regarde les Livres de Atheniensium,
eorumque ac Lacedamoniorum Temporibus
, P'Illustre Editeur nous apprend qu'ils ont occupé la
capacité d'un Homme de Lettres des plus versez dans la connoissance des Langues Orientales , et
dans celle de l'Histoire
, lequel s'est enfin renda
NOVEMBRE. 1732. 2395
du à ses instances réïterées , à condition qu'il ne
seroit point nommé ; rare exemple de modestie , consentant avec peine qu'on nommât seulement la Compagnie de Jesus , dont il est mem
bre. Surquoi M. Argelati prend occasion de
marquer en ces termes , sa reconnoissance generale et particuliere : Hoc erit perpetua laudis argumentum; nam sicut cœtus iste Lucidissimas quot in cœlo stellas doctrinarum omnium faces enumerat.
ita cuique me devotum beneficiorum acceptorum memoria perpetuo profiteor.
Sigonius ne s'est pas contenté de traiter l'Histoire et l'Antiquité prophane. Il a aussi écrit sur
la Republique des Hebreux , et des Commentaires
sur l'Histoire de Sulpice Severe , qui ont été publiez de son vivant ; sans compter huit Livres entiers de l'Histoire de l'Eglise , qu'il avoit composez , et qu'on ne desespere pas de retrouver. Le
tout ensemble pourra former un volume entier ,
séparé des autres , suivant le plan de l'habile Editeur , qui a eu soin d'enrichir les deux premiers Ouvrages des Notes et des Eclaircissemens dont
ils avoient besoin.
Il marque là-dessus sa parfaité reconnoissance
envers M. l'Abbé Laurent Maffei , si connu par
ses Ouvrages , et particulierement par ses Re- marques sur le 4° Tome d'Anastase le Bibliotequaire. Ce Docte Abbé s'est en effet donné de
grands soins pour ce qui regarde les Livres de
la République des Hebreux , et les Commentalres sur Sulpice Severe , lesquels servent beaucoup pour l'intelligence du premier Ouvrage.
Nul n'étoit plus propre que lui pour ce travail
ni plus à portée de profiter de plusieurs secours ;
singulierement de celui de la Biblioteque du Comte Charles Archinto , l'une des plus belles et des
mieux fournies dè l'Italic,
Majs
2396 MERCURE DE FRANCE
Mais ce que M. Argelati a le plus affectionné
entre les Ouvrages de Sigonius , c'est ce que cet
Auteur a écrit de la Ville de Boulogne , Patrie de
l'Editeur , qui a quelque rapport à l'Histoire
tant sacrée que prophane. Il s'est présenté plusieurs Sçavans Boulonnois , que le même amour
de la Patrie a portés à concourir là - dessus, avec
M. Argelati. Deux de ces Sçavans , Auteurs de
plusieurs Ouvrages imprimez , ont principalement mis la main à l'œuvre : sçavoir , le R. P.
Louis Rabbi Servite , qui a revû tout ce qui concerne l'Histoire Sainte ; et M. Alexandre Machiavelli, fameux Jurisca soulte , qui s'est donné
le mêmesoin pour l'Histoire prophane.
A l'égard de la Vie du Celebre André Doria
écrite par Sigonius, M Argelati ne s'est déchargé sur personne du soin de la revoir et d'y faire
les augmentations convenables ; il s'est attaché
sur tout à y ajouter les Traitez, les Négociations
et les autres Actes publics des affaires importan
tes ausquelles ce grand Capitaine a eu part. Ces Monumens ont été tirez des Archives de la République de Gennes, et obligemment communiquez par M. Mutius , à qui la Garde en est confiée , et qui aime beaucoup les Lettres et les
Sçavans.
Je ne doute pas , Monsieur , que M. Argelati
ne voye aussi , avec plaisir , peut-être avec quel- que profit,certaines circonstances de la Vie d'André Doria , qui sont dans les Lettres que je me suis donné l'honneur de vous écrire au sujet de
la conquête d'Oran , et qui sont omises dans
Sigonius : La Médaille , par exemple , frappée
en son honneur , que j'ai fait graver , et la Statue de Marbre qui lui a été érigée , qu'on peut
• Mercure de Septembre 1732.
faire
NOVEMBRE. 1732. 2397
faire graver dans la nouvelle Edition ; à quoi je
dois ajoûter deux beaux Portraits du même An
dré Doria , qui ont été peints , l'un par Sébas
tien Vénitien Frate del Piombo , vers l'année
1540 et l'autre par Agnolo Bronzino , Peintre
de réputation , Eleve de Piantorme , vers 1550.
lesquels doivent être à Gennes , dans le Palais
Doria.
Sigonius ayant aussi écrit la Vie de Scipion , et celle de P. Emile , sur les Monumens Histori-'
ques , Grecs et Latins , M. Argelati s'est pareillement appliqué à les revoir et à les perfectionner.
Enfin le Sçavant Editeur s'est entierement prêté
à la revision, à la Critique et à l'illustration du Traité , intitulé : Judicium de Romana Historia
Scriptoribus : Ouvrage que plusieurs Critiques ont douté être veritablement de Sigonius. M. Argelati y a épuisé sa patience et n'a rien oublié pour le rendre utile ; nouvelles Cartes Géographiques ,
plus exactes que les premieres , Tables et Indices
tres amples , enfin tout ce qui peut concourir à
rendre un Ouvrage parfait , a été employé.
Voilà , Monsieur , l'Exposition la plus exacte
et la plus abrégée que je puis vous faire de l'entreprise et du labeur de M. Argelati , sur les Euvres de Sigonius , tirée de son Programme Latin.
Je ne doute pas que vous n'en soyicz édifié , ainsi
que de sa générosité et de son désinteressement. Ilfinit , en marquant sa parfaite reconnoissance
envers Sa Majesté Imperiale , Auguste Protec
trice de la Société Palatine de Milan , sous les
Auspices de laquelle , lui et tous les Membres de
cette Académie , travaillent heureusement à l'avancement des Lettres , et en particulier à la perfection de l'Histoire, Je suis , Monsieur , &c.
A Paris , ce 25 Octobre 1732
Signature

A Paris, ce 25 Octobre 1732.

Genre
Collectivité
Faux
Lieu
Date, calendrier grégorien
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Domaine
Est probablement rédigé par une personne
Provient d'un lieu
Soumis par delpedroa le