Titre
LETTRE d'un Chirurgien de Soissons, à M. FOUBERT, Maître Chirurgien de Paris, sur l'Opération de la Taille.
Titre d'après la table
Lettre sur l'opération de la Taille.
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
2166
Page de début dans la numérisation
301
Page de fin
2170
Page de fin dans la numérisation
305
Incipit
Vous connoissez sans doute, Monsieur, une Lettre de M. Morand,
Texte
LETTRE d'un Chirurgien de Soissons,
à M. FOUBERT, Maître Chirurgien
de Paris , sur l'Opération de la Taille.
V
Ous connoissez sans doute , Monsieur , une Lettre de M. Morand
Chirurgien de Paris , insérée dans le Mercure d'Aoust , et qui contient le détail de
quelques Tailles faites selon la Méthode
de M. Cheselden. J'ai appris avec étonnement par cette Lettre , que vous aviez
fait deux Tailles , selon la Méthode Angloise , ou du moins avec si peu de changemens , que M. Morand se croit en droit
de rapporter à la Méthode de M. Cheselden , le succès de vos Opérations.
Seroit
OCTOBRE. 1732. 2167
Seroit-il donc vrai , Monsieur , que
vous auriez abandonné la Méthode dont
je vous ai cru l'inventeur , et queje vous
vis pratiquer icy il y a quelques mois ?
Au premier coup d'œil elle me parut
pour le manuel entierement differente
de celle de M. Ch selden; mais vous eûtes
la bonté de me faire connoître que le lieu
de l'incision la rendoit encore plus diffé
rente ; en effet , vous incisicz , si je ne me
trompe, le corps même de la Vessie , au
dessus des Prostates ; et au contraire , M.
Cheselden , dans son Opération , coupe le
col de la Vessie , la Prostate et le com-"
mencement de l'Uretre.
Ces deux Opérations sont si differentes
que je ne puis me persuader que M. Morand les ait regardées comme semblables;
mandez moi donc , je vous supplie , ce
qui vous détermine à quitter votre ancienne façon d'opérer.
Au reste , le malade que je vous ai vû
tailler se trouve parfaitement guéri ; mais
c'est moins sur ce succès que sur les raisons que vous me donnâtes dans le tems
que j'ai jugé de la bonté de votre opération.
Je vous avouerai que l'argument qu'on
voudroit tirer d'un grand nombre de guérisons faites par une méthode , est , à
mon
2168 MERCURE DE FRANCE
mon avis , l'argument le moins décisif
qu'on puisse employer pour prouver que
cette Méthode mérite la préference sur
toutes les autres.
Pour qu'on pût décider de l'excellence
d'une Méthode , sur ce qu'elle auroit
operé des guérisons plus nombreuses , il
faudroit que le concours des circonstances se fut trouvé précisement le même .
dans les opérations faites selon les unes et
les autres Méthodes , ce qui est moralement impossible ; aussi arrive- t'il souvent
qu'après la guérison , une cicatrice cache
aux yeux des plus habiles gens , les fautes
qui ont peut-être été commises dans une
opération ; lors qu'au contraire on trouve
quelquefois dans l'ouverture du cadavre
de quoi justifier pleinement et l'Operareur et la Methode qu'on a suivie.
Les illustres Lithotomistes que vous
possedez à Paris , sentent bien, à ce qu'il
paroît , Monsieur , le peu de fondement
qu'on doit faire sur les listes semblables
àcelles que produit M. Morand: sans cela
nous verrions les nouvelles publiques
remplies de leurs promesses. Mais si les
listes dont il s'agit font peu d'impression
sur l'esprit des gens éclairés , ou de ceux
qui libres de préjugés et d'interêts , cherchent sincerement la verité , elles servent
du
OCTOBRE. 1732. 2169
du moins à faire observer avec attention
ceux qui les fournissent.
Pour moi , j'approuve beaucoup les efforts qu'on fait pour se rendre habile ;
mais je voudrois que le bien general' n'en
souffrit jamais ; cependant rien ne me paroît plus dangereux que de prévenir le
Public en faveur d'une opération à laquelle il ne doit néanmoins donner sa
confiance que lorsque les gens les plus
fameux dans l'Art l'auront approuvée.
Donner avec appareil dans le Mercure des
listes de guérisons , ce n'est pas sculement
vouloir remettre au Public la décision
d'une question sur laquelle il ne peut ju
ger; c'est presque , j'ose le dire , le séduire , en lui présentant l'état de la question dans un point de vûë tout different
de celui dans lequel il conviendroit de
l'envisager.
Les guérisons que M. Morand publie ,
sont des faits qu'il n'est peut- être pas
inutile de conserver ; j'en conviens avec
vous , Monsieur , mais je pense qu'il eut
encore mieux valu les laisser dans l'oubli
que de les divulguer sans mettre le Public en garde contre l'abus qu'il en peut
faire. Pourquoi ne se pas contenter d'annoncer ces cures aux gens de la Profession ? Votre Académie de S. Côme ne
D de-
2170 MERCURE DE FRANCE
devoit-elle point naturellement en être
la dépositaire , elle de qui le Public attend la perfection de la Lithotomie, comme celle de toutes les autres opérations
de Chirurgie. J'ai l'honneur d'être , &c.
F. J.
A Soissons , le 14 Septembre 1732
à M. FOUBERT, Maître Chirurgien
de Paris , sur l'Opération de la Taille.
V
Ous connoissez sans doute , Monsieur , une Lettre de M. Morand
Chirurgien de Paris , insérée dans le Mercure d'Aoust , et qui contient le détail de
quelques Tailles faites selon la Méthode
de M. Cheselden. J'ai appris avec étonnement par cette Lettre , que vous aviez
fait deux Tailles , selon la Méthode Angloise , ou du moins avec si peu de changemens , que M. Morand se croit en droit
de rapporter à la Méthode de M. Cheselden , le succès de vos Opérations.
Seroit
OCTOBRE. 1732. 2167
Seroit-il donc vrai , Monsieur , que
vous auriez abandonné la Méthode dont
je vous ai cru l'inventeur , et queje vous
vis pratiquer icy il y a quelques mois ?
Au premier coup d'œil elle me parut
pour le manuel entierement differente
de celle de M. Ch selden; mais vous eûtes
la bonté de me faire connoître que le lieu
de l'incision la rendoit encore plus diffé
rente ; en effet , vous incisicz , si je ne me
trompe, le corps même de la Vessie , au
dessus des Prostates ; et au contraire , M.
Cheselden , dans son Opération , coupe le
col de la Vessie , la Prostate et le com-"
mencement de l'Uretre.
Ces deux Opérations sont si differentes
que je ne puis me persuader que M. Morand les ait regardées comme semblables;
mandez moi donc , je vous supplie , ce
qui vous détermine à quitter votre ancienne façon d'opérer.
Au reste , le malade que je vous ai vû
tailler se trouve parfaitement guéri ; mais
c'est moins sur ce succès que sur les raisons que vous me donnâtes dans le tems
que j'ai jugé de la bonté de votre opération.
Je vous avouerai que l'argument qu'on
voudroit tirer d'un grand nombre de guérisons faites par une méthode , est , à
mon
2168 MERCURE DE FRANCE
mon avis , l'argument le moins décisif
qu'on puisse employer pour prouver que
cette Méthode mérite la préference sur
toutes les autres.
Pour qu'on pût décider de l'excellence
d'une Méthode , sur ce qu'elle auroit
operé des guérisons plus nombreuses , il
faudroit que le concours des circonstances se fut trouvé précisement le même .
dans les opérations faites selon les unes et
les autres Méthodes , ce qui est moralement impossible ; aussi arrive- t'il souvent
qu'après la guérison , une cicatrice cache
aux yeux des plus habiles gens , les fautes
qui ont peut-être été commises dans une
opération ; lors qu'au contraire on trouve
quelquefois dans l'ouverture du cadavre
de quoi justifier pleinement et l'Operareur et la Methode qu'on a suivie.
Les illustres Lithotomistes que vous
possedez à Paris , sentent bien, à ce qu'il
paroît , Monsieur , le peu de fondement
qu'on doit faire sur les listes semblables
àcelles que produit M. Morand: sans cela
nous verrions les nouvelles publiques
remplies de leurs promesses. Mais si les
listes dont il s'agit font peu d'impression
sur l'esprit des gens éclairés , ou de ceux
qui libres de préjugés et d'interêts , cherchent sincerement la verité , elles servent
du
OCTOBRE. 1732. 2169
du moins à faire observer avec attention
ceux qui les fournissent.
Pour moi , j'approuve beaucoup les efforts qu'on fait pour se rendre habile ;
mais je voudrois que le bien general' n'en
souffrit jamais ; cependant rien ne me paroît plus dangereux que de prévenir le
Public en faveur d'une opération à laquelle il ne doit néanmoins donner sa
confiance que lorsque les gens les plus
fameux dans l'Art l'auront approuvée.
Donner avec appareil dans le Mercure des
listes de guérisons , ce n'est pas sculement
vouloir remettre au Public la décision
d'une question sur laquelle il ne peut ju
ger; c'est presque , j'ose le dire , le séduire , en lui présentant l'état de la question dans un point de vûë tout different
de celui dans lequel il conviendroit de
l'envisager.
Les guérisons que M. Morand publie ,
sont des faits qu'il n'est peut- être pas
inutile de conserver ; j'en conviens avec
vous , Monsieur , mais je pense qu'il eut
encore mieux valu les laisser dans l'oubli
que de les divulguer sans mettre le Public en garde contre l'abus qu'il en peut
faire. Pourquoi ne se pas contenter d'annoncer ces cures aux gens de la Profession ? Votre Académie de S. Côme ne
D de-
2170 MERCURE DE FRANCE
devoit-elle point naturellement en être
la dépositaire , elle de qui le Public attend la perfection de la Lithotomie, comme celle de toutes les autres opérations
de Chirurgie. J'ai l'honneur d'être , &c.
F. J.
A Soissons , le 14 Septembre 1732
Signature
F. J. A Soissons, le 14 Septembre 1732.
Lieu
Date, calendrier grégorien
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Mots clefs
Domaine
Est adressé ou dédié à une personne
Provient d'un lieu