Titre
SUITE DE LA TRADUCTION de la Relation Turque, sur les Conferences pour la Paix entre les Turcs et les Persans.
Titre d'après la table
Suite des Conférences sur la paix entre les Turcs et les Persans,
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
1891
Page de début dans la numérisation
16
Page de fin
1906
Page de fin dans la numérisation
31
Incipit
V. CONFERENCE, Tenuë le 9. Janvier, entre Raghib-Effendi et les Ministres de Chah Thamas.
Texte
SUITE DE LA TRADUCTION
de la Relation Turque , sur les Conferences pour la Paix entre les Turcs
et les Persans.
V. CONFERENCE , tenue le 9. Janvier,
entre Raghib- Effendi et les Ministres
de Chah- Thamas.
A négociation n'avançant point , les Plénipotentiaires de la Porte , pour
intriguer les Persans , laisserent couler
quelques jours sans les faire inviter à
continuer les Conférences ; mais ceux- cy
paroissant rester tranquilles chez eux ,
A iiij les
1892 MERCURE DE FRANCE
4
les Turcs se déterminerent à leur envoyer
Raghib-Effendi. Ce Defterdar , conformément aux instructións que ses Collegues lui avoient données , signifia en termes formels aux Ministres de Perse ,
qu'il n'étoit pas possible de déferer aux
prieres qu'ils avoient faites jusqu'alors ,
et que tant qu'ils s'aheurteroient à la restitution des Pays conquis au- delà de l'Araxe , il étoit inutile qu'ils se flatassent
de réussir dans leur Mission. Nous connoissons votre état mieux que vous- mêmes , leur dit-il , à quoi bon vous fixer
à rebattre continuellement les mêmes instances , puisque vous ne pouvez vous
promettre aucun fruit de cette conduite ?
Pour moi je vous parle à cœur ouvert ;
si vous voulez travailler avec succès à
la réunion de nos Souverains , croyezmoi , ne réclamez plus rien de tout ce
que nous avons au- delà de l'Araxe ; car
en faisant la paix et gardant chacun ce
que nous possedons , il se trouvera que
l'avantage sera encore de votre côté.
2
Raghib- Effendi ayant sondé le terrain.
de cette maniere , et s'étant tourné et retourné de tous les sens pour découvrir
les plus secrets sentimens des Ministres
de Perse , et les désabuser de leurs esperances , Mehemet Riza-Khan , répondità
SEPTEMBRE. 1732. 1893
à ce Defterdar. Je vous jure sur la tête
de Mourteza-Ali , * qu'absolument je
n'ai pas le pouvoir de me desister en entier des Pays que vous nous avez enlevez
au-delà de l'Araxe ; cependant en consideration de la Paix , et pour mettre la
derniere main à un ouvrage si salutaire ,
je veux bien risquer de m'attirer tout le
courroux de notre Roy par mon trop de
condescendance , et je vous abandonne
contre ses deffenses précises , tout ce qui
est au- delà de ce Fleuve ; mais que leurs
Excellences , le Seraskier Achmet , ne
prétende plus garder rien des Pays endeçà , car je suis résolu de tout hazarder
plutôt que de me relâcher de la moindre chose sur cet article. Voilà tout ce
que nous avons à vous dire.
VI. CONFERENCE , tenue sous les Pavillons
du Seraskier Achmet- Pacha , où assisterent , outre les Ministres ordinaires , tous
les Visirs qui se trouverent à l'Armée et
les principaux Chefs des Troupes..
Le 11. Janvier , deux jours après la
Ali , Gendre de Mahomet , dont les Persans
suivent la Secte.
** N. B. C'est une politesse de la Langue
Turque, de parler en plurier, quoiqu'on ne patle
qu'à une ou que d'une personne.
Av derniere
1894 MERCURE DE FRANCE
derniere Conference , les Plénipotentiaires de Turquie et de Perse , les Visirs:
et les principaux Officiers de l'Armée
Ottomane s'étant assemblez sous la Tente
du Seraskier Achmet , ce Pacha prit la
parole et dit : Suivant le rapport qu'on
m'a fait jusqu'à present , presque toutes
les Conferences précedentes se sont passées en discours infructueux de part et
d'autres ; mais , graces à Dieu , continuat'il, en regardant les Ministres du Roy de
Perse , vous venez d'augmenter la haute
idée que je m'étois déja faite de votre
sagesse , puisqu'ayant reconnu avant hier
dans votre entretien avec Raghib Effendi , que les propositions que vous nous
aviez faites cy-devant n'étoient pas recevables , vous convintes avec lui de
renoncer à la restitution des Pays que
nous avons conquis au- delà de l'Araxe ; desorte que nous pouvons dire que
ce n'est proprement que de ce jour que
notre négociation a commencé , tâchons.
de la continuer er de la finir même aujourd'hui , à la satisfaction commune ;
il ne s'agit plus maintenant que de disputér sur les Pays qui sont en- deçà de
ce Fleuve ; examinons cette matiere
l'amiable.
Dès que nous avons cedé les Pays au
à
dela
SEPTEMBRE. 1732. 1895
delà , interrompirent les Persans , nous
ne voyons pas qu'il y ait plus rien à regler entre nous , car pour ceux de deçà
ils ne méritent pas , dans la désolation
où vous les avez mis , que nous tenions
une seule Conference à leur sujet.
Nous ne pensons pas de même, reprirent les Turcs , et nous jugeons , au
contraire , que parmi ces Contrées il y a
beaucoup de Lieux et de Places qui de
route necessité , et surtout par rapport
à la convenance doivent être annexez à notre Empire , comme , par exemple , les Ville et Province de Tauris , que
des raisons tres- essentielles nous empê
chent absolument de vous restituer.
>
Nous ne pouvons que vous repeter
roûjours ce que nous vous avons déja
dit tant de fois , répartirent les Persans ;
nous ne sommes pas ici pour disputer
d'égal à égal , sur ce qu'il convient que
vous nous donniez et que nous vous
donnions ; et nous en revenons , à l'ordinaire , à vous supplier de prendre en
consideration notre état , et sur tout
Phonneur de la Porte. Hé ! ne le faisons
nous pas , répliquerent les Turcs ; comment ! quand nous vous rendons la Pro
vince d'Hamadan , qui est si belle et si
grande, cette grace n'est- elle pas assez
A vj Con
1896 MERCURE DE FRANCE
considerable pour vous inspirer plus de
retenue dans vos demandes ?
Nous conviendrons bien , dirent les
Persans , que la restitution de cette Province seroit effectivement une faveur ,
si le Suppliant pour lequel nous parlons ,
n'étoit pas un Roy qui se jette entre les
bras du plus grand Monarque du monde,
son unique réfuge et l'azile de la Foy
Ortodoxe; mais lorsque nous envisageons
votre Empereur sous cette idée sublime ,
il nous paroît qu'il est de sa grandeur de
nous traiter plus favorablement. Enfin ,
c'est de vous que sont partis les coups
qui nous ont terrassez ; nos playes sont
encore toute sanglantes , vous seuls pouvez y appliquer les remedes les plus propres à les guérir promptement ; nous ne
pouvons vous dire rien de plus.
Le Ministre de Chah-Thamas s'en tenant toûjours à renouveller leurs prieres
aux Turcs , et à leur remettre continuellement devant les yeux l'honneur de la
Porte , et le malheureux Etat de la Perse;
ceux- cy leur dirent encore , comme ils
avoient déja fait dans d'autres Conferences , de réfléchir de nouveau sur les prétentions qu'ils formoient , et c'est par- là
que finit cette Séance.
VI
SEPTEMBRE. 1732. 1897
VII. CONFERENCE , qui fut generale.
comme la précedente , et se tint de même.
chez le Seraskier, le 13. de Janvier.
Très-honorez Plénipotentiaires , dirent les Turcs aux Persans , dans la derniere Conference que nous eûmes ensemble , nous vous priâmes de faire de
plus mures refléxions sur l'état de vos
affaires et sur la nature de vos prétentions . Dites-nous donc aujourd'hui à quoi
vous êtes résolus; car enfin si vous pensez
tour de bon à pacifier les troubles qui
agitent votre Monarchie , pourquoi n'agissez-vous pas consequemment , et le
plutôt que vous pourrez , puisque ce ne
peut être que le plus avantageux pour
vous ? la décision de l'affaire est toute entiere entre vos mains ; il ne tient qu'à
vous que nous ne finissions dans un
instant.
Vos Excellences ont vû , répondirent
les Ministres de Perse , qu'en renonçant
pour notre Roy aux Etats que Vous possedez au- delà de l'Araxe , nous vous
avons accordé , pour accelerer l'ouvrage
de la Paix , beaucoup plus que Sa Majesté
ne nous avoit permis de le faire. C'est
à votre tour à suivre notre exemple.
Hé bien ! répartirent les Turcs , quoique
1898 MERCURE DE FRANCE
y
que notre pouvoir ne s'étende pas aussi
à vous restituer rien au delà d'Amadan,
nous voulons bien , pour que vous ayez
lieu d'être tout-à- fait contens de nous , y
ajoûter encore Kirmancha ( 1 ) et le Pays d'Herdelan , au risque des reproches que
notre Empereur pourra nous en faire ,
mais il faut que de votre côté vous vous
désistiez de vos vûës sur la Province/de
Tauris , qu'il nous est impossible de vous:
rendre.
Sur cette derniere proposition , les Ministres de Perse repliquerent : Nous n'avons cessé de vous prier , et de vous supplier de rétablir notre Souverain dans
rous ses Etats, et de faire revivre en lui l'éclat de la gloire de ses Ancêtres; nous vous
avons démontré que cela ne se pouvoit
faire qu'en lui remettant tous les Païs que
vous avez subjuguez dans son Royaume ;
et nous vous avons fait voir qu'en prenant une voïe si honorable , l'Empereur,
votre Maître , s'immortaliseroit , er que
toutes les Puissances de la Terre, témoinsd'un procédé si noble , ne pourroient se
lasser d'admirer et de publier sa clémen-
( 1) Kirmancha , ou Kerman , Ville d'une
Province du même nom , autrefois la Caramanic.
ce
SEPTEMBRE. 1732. 1899
ee et sa générosité. Surpris de trouver vos
Excellences peu sensibles à cette gloire
suprême , qu'il leur étoit si facile d'aquerir , nous avions du moins esperé de les
fléchir , en leur cédant de notre bon gré
1 ) Ghendge , Tiflis , ( 2 ) Erivan , Kiat
Kiartil , le ( 3 ) Daguestan , Chamakić
et d'autresContrées si considérables, qu'elles formeroient chacune un grand Etat ; }
et cependant la sublime Porte, sans avoir
égard à nos miséres , à nos humiliatious ,
et aux efforts que nous faisons , malgré
notre abbatement , pour applanir toutes
les difficultez qui s'opposent à notre ré
conciliation avec elle , s'amuse encore à
vouloir se conserver quelques Cantons
ruinez et des Déserts qu'elle vient de nous
( 1 ) Ghendgé, ou Ghendgea , Ville considérable de la Géorgie , ainsi que Tiflis ou Téflis , qui
en est la Capitale.
(2 ) Erivan ou Irvam, Capitale d'une Provin
ce du même nom , qui fait partie de la grande Armenie. Kiat , et Kiartil sont dans la même:
Contrée.
( 3 ) Le Daguestan, dont Chamakié est la Capitale , est un Païs de Montagnes , comme son
nom le signifie,qui fait partie de la Médie-Atropaterre. Il est habité par les Lesquis , qui dans le
commencement des Troubles , se mirent d'euxmêmes sous la protection des Turcs, pour se ga
rantir des invasions des Moscovites..
prendre
630175
1900 MERCURE DE FRANCE
14
H
prendre en deçà de l'Araxe. Que vos Excellences y pensent-bien , et qu'elles jugent elles mêmes , si tant d'attachement
à des bagatelles , répond dignement à l'élevation du Trône que remplit avec tant
de Majesté, votre auguste Empereur ? Les
Ministres Persans prononcerent ce Discours avec toute la véhémence imaginable , et ajouterent gen se levant , avec un
air plein d'altération , que vos Excellences nous envoient , s'il leur plaît , Raghib- Effendi , nous leur ferons sçavoir, par
són Canal , nos dernieres intentions.
CONTINUATION DE LA VII CONFERENCE
entre le Defterdar Raghib- Effendi , seulement,et les Ministres de Chab-Thamas.
CeDefterdar s'étant rendu chez les Plénipotentiaires Persans , ils lui dirent : De
la même maniere que le Seraskier Achmet Pacha a ordre de votre Maître de
ne pas restituer à la Perse aucun des Païs
au-delà de l'Araxe , nous vous jurons ,
par le Dieu Tout- puissant , que nous
avons aussi ordre du nôtre , de ne pas
ceder à la Porte , un pouce de terre en
deçà. Ainsi , dites à leurs Excellences
ajouterent- ils, que nous leur sommes bien
obligez des soins qu'elles ont pris pour
mettre fin à nos principales disputes, puisque
SEPTEMBRE. 1732. 1955
que tout ce qui nous en reste à vuider ,
ne regarde plus que la possession de Tauris ; mais suppliez - les de notre part , comme nous vous en supplions vous- même,
de lever encore ce leger obstacle , en
nous restituant cette Province, qui n'of◄
fre plus aux yeux que des dégâts et des
mazures ; et si la chose est aussi impossi
ble que le Seraskier nous l'a assuré , engagez du moins cet illustre Pacha à trouver bon que nous congédions la plupart
de nos domestiques , et que nous puissions nous retirer avec ce qui reste de nos
gens à ( 1 ) Gherbelaï - Mahaladé , pour y
passer le reste de nos jours.
Raghib-Effendi ayant rendu compte àses
Collégues de ce que venoient de lui dire
les Ministres de Perse ; ceux de Turquie
laisserent passer deux jours sans leur donner de leurs nouvelles , comme s'ils n'avoient pas daigné faire attention au rapport de ce Defterdar.
La négociation cependant se renoua le
(1) C'est un lieu situé près de Bagdat, où le fils
d'une des filles de Mahomet est inhumé ; sa mémoire est en si grande vénération parmi les Persans , qu'entr'autres superstitions du culte religieux qu'ils lui rendent , ils se font une dévotion de porter des Chapelets d'une espece de
Terre glaise , qui se trouve à l'endroit où est son Tombeau.
163
点
1902 MERCURE DE FRANCE
16 , que se tint la derniere Conférence
avec la même assemblée , et chez le Seraskier.
VIII ET DERNIERE CONFERENCE.
Si vos Excellences , dirent les Plénipotentiaires Turcs , souhaitent véritablement la Paix ; au nom de Dieu , ne perdons plus le temps en Discours superflus,
et cessez de nous faire des propositionsque nous ne puissions pas recevoir ; mais
au contraire finissons tout - à - l'heure ,
comme rien n'est plus facile , si vous en
avez bien envie ?
Nous n'aspirons à autre chose , répon
dirent les Persans , qu'à nous trouver parfaitement d'accord avec vos Excellences
ordonnez, prescrivez - nous ce qu'il faut
que nous fissions ; nous sommes prêts de
concourir de tout notre pouvoir avec
vous , à la conclusion d'un accommodement ferme et durable entre nos deux
Nations.
Vous nous avez priez de vous traiter
favorablement, reprirent les Turcs, et nous
y.avons acquiesce avec plaisir. Premierement , en vous rendant la Province d'Amadan , et ensuite sur de nouvelles instances de votre part , le Païs d'Herdelan ,
et Kirmancha.Contentez - vous de ces graces
SEPTEMBRE. 1732. 1903
ces que nous vous faisons gratuitement ,
sans qu'aucune Loy divine ni humaine
nous y oblige , et ne pensez plus à répéter Tauris sur nous.
Avant que de répondre à vos Excellenecs,reprirent les Ministres de Perse,qu'elles nous permettent de leur faire une
question et une comparaison tout ensemble.Supposons un homme opulent et liberal, à qui un pauvre ayant demandé douze
mille ( 1 )Tomans , les lui auroit donnés
de bonne grace ; dites nous , si l'indigent
avoit encore besoin d'un seul Toman; seroit-il vrai - semblable , et croyez vous ,
que cet homme si généreux le lui refusât?
Votre parallele seroit juste , repartirent les Turcs , si nous pouvions disposer
des Païs que vous nous demandez , comme cet homme le pourroit de son bien
et que nous n'eussions pas de plus for--
tes raisons de retenir Tauris , qu'il en
auroit d'épargner un Toman ; mais nous
ne sommes pas dans le même cas, et quoiqu'il soit vrai , comme nous en convenons , que nous vous ayions cedé des
Provinces d'assez grande conséquence ,
( 1 ) Le Toman vaut environ 45 liv . de notre
monnoye , et n'est pas une espece, mais une ma- niere de compter comme nous disons une Pistole , pour signifier 10 francs.
"
pour
1904 MERCURE DE FRANCE
pour y joindre encore celle- ci qui est ruinée, sans nous faire tant prier , c'est précisément notre résistance inébranlable à
vous satisfaire sur cette restitution , qui
doit vous convaincre qn'elle passe absolument notre pouvoir. Mais il faut sans
doute qu'il y ait quelque chose de surna
turel , caché derriere le rideau de la prédestination , et qui doive bien-tôt se manifester , puisque nous ne saurions parvenir à vaincre l'entêtement avec lequel
vous persistez dans vos demandes ; surquoi
nous ne pouvons vous dissimuler , qu'à
la fin il sera peut-être cause de la rupture
de notre négociation , dont la consommation étoit si prochaine.
L'Empire Ottoman est si puissant, et sa
grandeur si relevée , dirent alors les Ministres Persans , que toutes les adversitez
qui pourront encore nous venir de sa
part , nous seront plus supportables que
les reproches et les mépris que nous aurions à essuyer , non seulement du Roy ,
notre Maître , mais de nos Compatriotes
de tous Etats , jusqu'à la plus vile popu
lace , si nous faisions la Paix aux conditions que vous voulez nous imposer.
Ce n'est pas notre obstination , comme
vous en accusez , c'est l'honneur , mille
fois plus cher pour nous que la vie , qui
nous
SEPTEMBRE. 1732. 1905
nous force à les rejetter ; et nous aimons
encore mieux nous exposer aux maux les
plus terribles , qu'à nous voir flétris pour jamais par le désaveu et l'indignation de
toute la Perse. Du reste , si après nous
avoir tant accordé , vous croyez qu'il y
aille de votre gloire de nous refuser si peu
de chose , et à nous renvoyer , sans avoir
pû rien conclure , nous n'en murmurerons point contre vous , et nous ne nous
plaindrons que du destin ; mais souffrez
qu'avant que de finir cette Conférence ,
nous vous rappellions pour la derniere
fois que Chah-Thamas s'est remis sans restriction , à la clémence et à la générosité
de votre Empereur, et permettez- nous du
moins d'implorer votre intercession auprès de Sa Hautesse. Nous osons encore
nous flater , que si des personnes de votre
rang , et d'un mérite aussi distingué que
le vôtre, veulent bien s'intéresser pour no
tre Roy , et faire à la Porte quelques representations en sa faveur , elles n'auront
pas de peine à lui procurer la triste consolation de recouvrer une Ville et une
Province si ravagées, qu'on ne peut pres
que plus les reconnoître que par le lieu
qu'elles occupent sur la terre.
Immédiatement après la tenue de cette
derniere Conference, qui se termina de la
sorte ,
1906 MERCURE DE. FRANCE
›
sorte , Mustapha-Khan alla rendre visite
à chacun en particulier des Plénipotentiaires Turcs , des Visirs , et autres principaux. Chefs de l'Armée Ottomane. Il
les pressa , les sollicita , les carressa tant
et leur fit de nouveau des Instances si
fortes, d'écrire et d'interceder même pour
leur Maître , qu'à la fin les Ministres du
G. S. persuadez que ceux de Chah- Thamas n'avoient pas le pouvoir de se relâcher sur Tauris , et que n'étant pas non
plus autorisez de leur côté à s'en dessaisir , dresserent un Mémoire détaillé de
tout ce qui s'étoit dit et passé depuis l'ouverture des Conférences, et l'envoyerent
à la Porte.
Il se tint à ce sujet consécutivement
plusieurs Conseils Généraux au Sérail , en
présence de S. H. où la matiere vivement
agitée , partagea souvent les opinions , et
dont le dernier résultat, fut cependant de
rendre Tauris à la Perse , avec tous les autres Païs conquis en deçà de l'Araxe ; au
moyen de quoi la Paix , également désirée des deux Peuples ennemis , fut conclue et signée quelque temps après.
P. V. D.
de la Relation Turque , sur les Conferences pour la Paix entre les Turcs
et les Persans.
V. CONFERENCE , tenue le 9. Janvier,
entre Raghib- Effendi et les Ministres
de Chah- Thamas.
A négociation n'avançant point , les Plénipotentiaires de la Porte , pour
intriguer les Persans , laisserent couler
quelques jours sans les faire inviter à
continuer les Conférences ; mais ceux- cy
paroissant rester tranquilles chez eux ,
A iiij les
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les Turcs se déterminerent à leur envoyer
Raghib-Effendi. Ce Defterdar , conformément aux instructións que ses Collegues lui avoient données , signifia en termes formels aux Ministres de Perse ,
qu'il n'étoit pas possible de déferer aux
prieres qu'ils avoient faites jusqu'alors ,
et que tant qu'ils s'aheurteroient à la restitution des Pays conquis au- delà de l'Araxe , il étoit inutile qu'ils se flatassent
de réussir dans leur Mission. Nous connoissons votre état mieux que vous- mêmes , leur dit-il , à quoi bon vous fixer
à rebattre continuellement les mêmes instances , puisque vous ne pouvez vous
promettre aucun fruit de cette conduite ?
Pour moi je vous parle à cœur ouvert ;
si vous voulez travailler avec succès à
la réunion de nos Souverains , croyezmoi , ne réclamez plus rien de tout ce
que nous avons au- delà de l'Araxe ; car
en faisant la paix et gardant chacun ce
que nous possedons , il se trouvera que
l'avantage sera encore de votre côté.
2
Raghib- Effendi ayant sondé le terrain.
de cette maniere , et s'étant tourné et retourné de tous les sens pour découvrir
les plus secrets sentimens des Ministres
de Perse , et les désabuser de leurs esperances , Mehemet Riza-Khan , répondità
SEPTEMBRE. 1732. 1893
à ce Defterdar. Je vous jure sur la tête
de Mourteza-Ali , * qu'absolument je
n'ai pas le pouvoir de me desister en entier des Pays que vous nous avez enlevez
au-delà de l'Araxe ; cependant en consideration de la Paix , et pour mettre la
derniere main à un ouvrage si salutaire ,
je veux bien risquer de m'attirer tout le
courroux de notre Roy par mon trop de
condescendance , et je vous abandonne
contre ses deffenses précises , tout ce qui
est au- delà de ce Fleuve ; mais que leurs
Excellences , le Seraskier Achmet , ne
prétende plus garder rien des Pays endeçà , car je suis résolu de tout hazarder
plutôt que de me relâcher de la moindre chose sur cet article. Voilà tout ce
que nous avons à vous dire.
VI. CONFERENCE , tenue sous les Pavillons
du Seraskier Achmet- Pacha , où assisterent , outre les Ministres ordinaires , tous
les Visirs qui se trouverent à l'Armée et
les principaux Chefs des Troupes..
Le 11. Janvier , deux jours après la
Ali , Gendre de Mahomet , dont les Persans
suivent la Secte.
** N. B. C'est une politesse de la Langue
Turque, de parler en plurier, quoiqu'on ne patle
qu'à une ou que d'une personne.
Av derniere
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derniere Conference , les Plénipotentiaires de Turquie et de Perse , les Visirs:
et les principaux Officiers de l'Armée
Ottomane s'étant assemblez sous la Tente
du Seraskier Achmet , ce Pacha prit la
parole et dit : Suivant le rapport qu'on
m'a fait jusqu'à present , presque toutes
les Conferences précedentes se sont passées en discours infructueux de part et
d'autres ; mais , graces à Dieu , continuat'il, en regardant les Ministres du Roy de
Perse , vous venez d'augmenter la haute
idée que je m'étois déja faite de votre
sagesse , puisqu'ayant reconnu avant hier
dans votre entretien avec Raghib Effendi , que les propositions que vous nous
aviez faites cy-devant n'étoient pas recevables , vous convintes avec lui de
renoncer à la restitution des Pays que
nous avons conquis au- delà de l'Araxe ; desorte que nous pouvons dire que
ce n'est proprement que de ce jour que
notre négociation a commencé , tâchons.
de la continuer er de la finir même aujourd'hui , à la satisfaction commune ;
il ne s'agit plus maintenant que de disputér sur les Pays qui sont en- deçà de
ce Fleuve ; examinons cette matiere
l'amiable.
Dès que nous avons cedé les Pays au
à
dela
SEPTEMBRE. 1732. 1895
delà , interrompirent les Persans , nous
ne voyons pas qu'il y ait plus rien à regler entre nous , car pour ceux de deçà
ils ne méritent pas , dans la désolation
où vous les avez mis , que nous tenions
une seule Conference à leur sujet.
Nous ne pensons pas de même, reprirent les Turcs , et nous jugeons , au
contraire , que parmi ces Contrées il y a
beaucoup de Lieux et de Places qui de
route necessité , et surtout par rapport
à la convenance doivent être annexez à notre Empire , comme , par exemple , les Ville et Province de Tauris , que
des raisons tres- essentielles nous empê
chent absolument de vous restituer.
>
Nous ne pouvons que vous repeter
roûjours ce que nous vous avons déja
dit tant de fois , répartirent les Persans ;
nous ne sommes pas ici pour disputer
d'égal à égal , sur ce qu'il convient que
vous nous donniez et que nous vous
donnions ; et nous en revenons , à l'ordinaire , à vous supplier de prendre en
consideration notre état , et sur tout
Phonneur de la Porte. Hé ! ne le faisons
nous pas , répliquerent les Turcs ; comment ! quand nous vous rendons la Pro
vince d'Hamadan , qui est si belle et si
grande, cette grace n'est- elle pas assez
A vj Con
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considerable pour vous inspirer plus de
retenue dans vos demandes ?
Nous conviendrons bien , dirent les
Persans , que la restitution de cette Province seroit effectivement une faveur ,
si le Suppliant pour lequel nous parlons ,
n'étoit pas un Roy qui se jette entre les
bras du plus grand Monarque du monde,
son unique réfuge et l'azile de la Foy
Ortodoxe; mais lorsque nous envisageons
votre Empereur sous cette idée sublime ,
il nous paroît qu'il est de sa grandeur de
nous traiter plus favorablement. Enfin ,
c'est de vous que sont partis les coups
qui nous ont terrassez ; nos playes sont
encore toute sanglantes , vous seuls pouvez y appliquer les remedes les plus propres à les guérir promptement ; nous ne
pouvons vous dire rien de plus.
Le Ministre de Chah-Thamas s'en tenant toûjours à renouveller leurs prieres
aux Turcs , et à leur remettre continuellement devant les yeux l'honneur de la
Porte , et le malheureux Etat de la Perse;
ceux- cy leur dirent encore , comme ils
avoient déja fait dans d'autres Conferences , de réfléchir de nouveau sur les prétentions qu'ils formoient , et c'est par- là
que finit cette Séance.
VI
SEPTEMBRE. 1732. 1897
VII. CONFERENCE , qui fut generale.
comme la précedente , et se tint de même.
chez le Seraskier, le 13. de Janvier.
Très-honorez Plénipotentiaires , dirent les Turcs aux Persans , dans la derniere Conference que nous eûmes ensemble , nous vous priâmes de faire de
plus mures refléxions sur l'état de vos
affaires et sur la nature de vos prétentions . Dites-nous donc aujourd'hui à quoi
vous êtes résolus; car enfin si vous pensez
tour de bon à pacifier les troubles qui
agitent votre Monarchie , pourquoi n'agissez-vous pas consequemment , et le
plutôt que vous pourrez , puisque ce ne
peut être que le plus avantageux pour
vous ? la décision de l'affaire est toute entiere entre vos mains ; il ne tient qu'à
vous que nous ne finissions dans un
instant.
Vos Excellences ont vû , répondirent
les Ministres de Perse , qu'en renonçant
pour notre Roy aux Etats que Vous possedez au- delà de l'Araxe , nous vous
avons accordé , pour accelerer l'ouvrage
de la Paix , beaucoup plus que Sa Majesté
ne nous avoit permis de le faire. C'est
à votre tour à suivre notre exemple.
Hé bien ! répartirent les Turcs , quoique
1898 MERCURE DE FRANCE
y
que notre pouvoir ne s'étende pas aussi
à vous restituer rien au delà d'Amadan,
nous voulons bien , pour que vous ayez
lieu d'être tout-à- fait contens de nous , y
ajoûter encore Kirmancha ( 1 ) et le Pays d'Herdelan , au risque des reproches que
notre Empereur pourra nous en faire ,
mais il faut que de votre côté vous vous
désistiez de vos vûës sur la Province/de
Tauris , qu'il nous est impossible de vous:
rendre.
Sur cette derniere proposition , les Ministres de Perse repliquerent : Nous n'avons cessé de vous prier , et de vous supplier de rétablir notre Souverain dans
rous ses Etats, et de faire revivre en lui l'éclat de la gloire de ses Ancêtres; nous vous
avons démontré que cela ne se pouvoit
faire qu'en lui remettant tous les Païs que
vous avez subjuguez dans son Royaume ;
et nous vous avons fait voir qu'en prenant une voïe si honorable , l'Empereur,
votre Maître , s'immortaliseroit , er que
toutes les Puissances de la Terre, témoinsd'un procédé si noble , ne pourroient se
lasser d'admirer et de publier sa clémen-
( 1) Kirmancha , ou Kerman , Ville d'une
Province du même nom , autrefois la Caramanic.
ce
SEPTEMBRE. 1732. 1899
ee et sa générosité. Surpris de trouver vos
Excellences peu sensibles à cette gloire
suprême , qu'il leur étoit si facile d'aquerir , nous avions du moins esperé de les
fléchir , en leur cédant de notre bon gré
1 ) Ghendge , Tiflis , ( 2 ) Erivan , Kiat
Kiartil , le ( 3 ) Daguestan , Chamakić
et d'autresContrées si considérables, qu'elles formeroient chacune un grand Etat ; }
et cependant la sublime Porte, sans avoir
égard à nos miséres , à nos humiliatious ,
et aux efforts que nous faisons , malgré
notre abbatement , pour applanir toutes
les difficultez qui s'opposent à notre ré
conciliation avec elle , s'amuse encore à
vouloir se conserver quelques Cantons
ruinez et des Déserts qu'elle vient de nous
( 1 ) Ghendgé, ou Ghendgea , Ville considérable de la Géorgie , ainsi que Tiflis ou Téflis , qui
en est la Capitale.
(2 ) Erivan ou Irvam, Capitale d'une Provin
ce du même nom , qui fait partie de la grande Armenie. Kiat , et Kiartil sont dans la même:
Contrée.
( 3 ) Le Daguestan, dont Chamakié est la Capitale , est un Païs de Montagnes , comme son
nom le signifie,qui fait partie de la Médie-Atropaterre. Il est habité par les Lesquis , qui dans le
commencement des Troubles , se mirent d'euxmêmes sous la protection des Turcs, pour se ga
rantir des invasions des Moscovites..
prendre
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1900 MERCURE DE FRANCE
14
H
prendre en deçà de l'Araxe. Que vos Excellences y pensent-bien , et qu'elles jugent elles mêmes , si tant d'attachement
à des bagatelles , répond dignement à l'élevation du Trône que remplit avec tant
de Majesté, votre auguste Empereur ? Les
Ministres Persans prononcerent ce Discours avec toute la véhémence imaginable , et ajouterent gen se levant , avec un
air plein d'altération , que vos Excellences nous envoient , s'il leur plaît , Raghib- Effendi , nous leur ferons sçavoir, par
són Canal , nos dernieres intentions.
CONTINUATION DE LA VII CONFERENCE
entre le Defterdar Raghib- Effendi , seulement,et les Ministres de Chab-Thamas.
CeDefterdar s'étant rendu chez les Plénipotentiaires Persans , ils lui dirent : De
la même maniere que le Seraskier Achmet Pacha a ordre de votre Maître de
ne pas restituer à la Perse aucun des Païs
au-delà de l'Araxe , nous vous jurons ,
par le Dieu Tout- puissant , que nous
avons aussi ordre du nôtre , de ne pas
ceder à la Porte , un pouce de terre en
deçà. Ainsi , dites à leurs Excellences
ajouterent- ils, que nous leur sommes bien
obligez des soins qu'elles ont pris pour
mettre fin à nos principales disputes, puisque
SEPTEMBRE. 1732. 1955
que tout ce qui nous en reste à vuider ,
ne regarde plus que la possession de Tauris ; mais suppliez - les de notre part , comme nous vous en supplions vous- même,
de lever encore ce leger obstacle , en
nous restituant cette Province, qui n'of◄
fre plus aux yeux que des dégâts et des
mazures ; et si la chose est aussi impossi
ble que le Seraskier nous l'a assuré , engagez du moins cet illustre Pacha à trouver bon que nous congédions la plupart
de nos domestiques , et que nous puissions nous retirer avec ce qui reste de nos
gens à ( 1 ) Gherbelaï - Mahaladé , pour y
passer le reste de nos jours.
Raghib-Effendi ayant rendu compte àses
Collégues de ce que venoient de lui dire
les Ministres de Perse ; ceux de Turquie
laisserent passer deux jours sans leur donner de leurs nouvelles , comme s'ils n'avoient pas daigné faire attention au rapport de ce Defterdar.
La négociation cependant se renoua le
(1) C'est un lieu situé près de Bagdat, où le fils
d'une des filles de Mahomet est inhumé ; sa mémoire est en si grande vénération parmi les Persans , qu'entr'autres superstitions du culte religieux qu'ils lui rendent , ils se font une dévotion de porter des Chapelets d'une espece de
Terre glaise , qui se trouve à l'endroit où est son Tombeau.
163
点
1902 MERCURE DE FRANCE
16 , que se tint la derniere Conférence
avec la même assemblée , et chez le Seraskier.
VIII ET DERNIERE CONFERENCE.
Si vos Excellences , dirent les Plénipotentiaires Turcs , souhaitent véritablement la Paix ; au nom de Dieu , ne perdons plus le temps en Discours superflus,
et cessez de nous faire des propositionsque nous ne puissions pas recevoir ; mais
au contraire finissons tout - à - l'heure ,
comme rien n'est plus facile , si vous en
avez bien envie ?
Nous n'aspirons à autre chose , répon
dirent les Persans , qu'à nous trouver parfaitement d'accord avec vos Excellences
ordonnez, prescrivez - nous ce qu'il faut
que nous fissions ; nous sommes prêts de
concourir de tout notre pouvoir avec
vous , à la conclusion d'un accommodement ferme et durable entre nos deux
Nations.
Vous nous avez priez de vous traiter
favorablement, reprirent les Turcs, et nous
y.avons acquiesce avec plaisir. Premierement , en vous rendant la Province d'Amadan , et ensuite sur de nouvelles instances de votre part , le Païs d'Herdelan ,
et Kirmancha.Contentez - vous de ces graces
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ces que nous vous faisons gratuitement ,
sans qu'aucune Loy divine ni humaine
nous y oblige , et ne pensez plus à répéter Tauris sur nous.
Avant que de répondre à vos Excellenecs,reprirent les Ministres de Perse,qu'elles nous permettent de leur faire une
question et une comparaison tout ensemble.Supposons un homme opulent et liberal, à qui un pauvre ayant demandé douze
mille ( 1 )Tomans , les lui auroit donnés
de bonne grace ; dites nous , si l'indigent
avoit encore besoin d'un seul Toman; seroit-il vrai - semblable , et croyez vous ,
que cet homme si généreux le lui refusât?
Votre parallele seroit juste , repartirent les Turcs , si nous pouvions disposer
des Païs que vous nous demandez , comme cet homme le pourroit de son bien
et que nous n'eussions pas de plus for--
tes raisons de retenir Tauris , qu'il en
auroit d'épargner un Toman ; mais nous
ne sommes pas dans le même cas, et quoiqu'il soit vrai , comme nous en convenons , que nous vous ayions cedé des
Provinces d'assez grande conséquence ,
( 1 ) Le Toman vaut environ 45 liv . de notre
monnoye , et n'est pas une espece, mais une ma- niere de compter comme nous disons une Pistole , pour signifier 10 francs.
"
pour
1904 MERCURE DE FRANCE
pour y joindre encore celle- ci qui est ruinée, sans nous faire tant prier , c'est précisément notre résistance inébranlable à
vous satisfaire sur cette restitution , qui
doit vous convaincre qn'elle passe absolument notre pouvoir. Mais il faut sans
doute qu'il y ait quelque chose de surna
turel , caché derriere le rideau de la prédestination , et qui doive bien-tôt se manifester , puisque nous ne saurions parvenir à vaincre l'entêtement avec lequel
vous persistez dans vos demandes ; surquoi
nous ne pouvons vous dissimuler , qu'à
la fin il sera peut-être cause de la rupture
de notre négociation , dont la consommation étoit si prochaine.
L'Empire Ottoman est si puissant, et sa
grandeur si relevée , dirent alors les Ministres Persans , que toutes les adversitez
qui pourront encore nous venir de sa
part , nous seront plus supportables que
les reproches et les mépris que nous aurions à essuyer , non seulement du Roy ,
notre Maître , mais de nos Compatriotes
de tous Etats , jusqu'à la plus vile popu
lace , si nous faisions la Paix aux conditions que vous voulez nous imposer.
Ce n'est pas notre obstination , comme
vous en accusez , c'est l'honneur , mille
fois plus cher pour nous que la vie , qui
nous
SEPTEMBRE. 1732. 1905
nous force à les rejetter ; et nous aimons
encore mieux nous exposer aux maux les
plus terribles , qu'à nous voir flétris pour jamais par le désaveu et l'indignation de
toute la Perse. Du reste , si après nous
avoir tant accordé , vous croyez qu'il y
aille de votre gloire de nous refuser si peu
de chose , et à nous renvoyer , sans avoir
pû rien conclure , nous n'en murmurerons point contre vous , et nous ne nous
plaindrons que du destin ; mais souffrez
qu'avant que de finir cette Conférence ,
nous vous rappellions pour la derniere
fois que Chah-Thamas s'est remis sans restriction , à la clémence et à la générosité
de votre Empereur, et permettez- nous du
moins d'implorer votre intercession auprès de Sa Hautesse. Nous osons encore
nous flater , que si des personnes de votre
rang , et d'un mérite aussi distingué que
le vôtre, veulent bien s'intéresser pour no
tre Roy , et faire à la Porte quelques representations en sa faveur , elles n'auront
pas de peine à lui procurer la triste consolation de recouvrer une Ville et une
Province si ravagées, qu'on ne peut pres
que plus les reconnoître que par le lieu
qu'elles occupent sur la terre.
Immédiatement après la tenue de cette
derniere Conference, qui se termina de la
sorte ,
1906 MERCURE DE. FRANCE
›
sorte , Mustapha-Khan alla rendre visite
à chacun en particulier des Plénipotentiaires Turcs , des Visirs , et autres principaux. Chefs de l'Armée Ottomane. Il
les pressa , les sollicita , les carressa tant
et leur fit de nouveau des Instances si
fortes, d'écrire et d'interceder même pour
leur Maître , qu'à la fin les Ministres du
G. S. persuadez que ceux de Chah- Thamas n'avoient pas le pouvoir de se relâcher sur Tauris , et que n'étant pas non
plus autorisez de leur côté à s'en dessaisir , dresserent un Mémoire détaillé de
tout ce qui s'étoit dit et passé depuis l'ouverture des Conférences, et l'envoyerent
à la Porte.
Il se tint à ce sujet consécutivement
plusieurs Conseils Généraux au Sérail , en
présence de S. H. où la matiere vivement
agitée , partagea souvent les opinions , et
dont le dernier résultat, fut cependant de
rendre Tauris à la Perse , avec tous les autres Païs conquis en deçà de l'Araxe ; au
moyen de quoi la Paix , également désirée des deux Peuples ennemis , fut conclue et signée quelque temps après.
P. V. D.
Signature
P. V. D.
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Mots clefs
Domaine