Titre
Tres-humble Adresse presentée à la Reine de la Grande Bretagne par le Deputé du Magistrat de Dunkerque auprés de sa Majesté.
Titre d'après la table
Trés-humble Adresse presentée à la Reyne de la Grande Bretagne par le Deputé du Magistrat de Dunkerque auprés de sa Majesté.
Fait partie d'une livraison
Page de début
217
Page de début dans la numérisation
223
Page de fin
248
Page de fin dans la numérisation
254
Incipit
MADAME, Le sieur TUGGHE Deputé du Magistrat de Dunkerque auprés
Texte
Très-humbleAdreffi presentée à
la Reine de la Grande Bretagnepar
le Députédu Milgistrat
de Dunkerqueauprés
deSaMajesté.
MADAME,
Le sieur T U G G H E Deputé
du Magistrat de Dunkerque
auprès de Vôtre Majiltc
, pour implorerVotre
Clemence au fuictd, la Démolition
resoluë de cettc
Ville & de son Port, avoit
cfperé que par les tres soumises
representations qu'il
avoit osé faire,touchant la
misereextrême où cette Demolition
va reduire dix- huit
mille Familles dont cette
Ville cft composée, la misericorde
de Votre Majesté
auroir pû être ébranlée, &
que suivant sa tres re spectucufedemande
il auroit pû
en obtenir Ja conservation
des seulesJetées de ce Porr.
Mais My Lord Vicomte de
Bolingbrockevotre Secrétaire
dEtat vient de le fraper
d'un coup de foudre, en lui
annonçant que Votre Majesté
n'apas trouve à propos
de rienchanger dans la Seno
tence terrible qu'elle a prononcéecontrecetteVille,
ÔC
qu'elle veut que cette Sentence
soit exécutée dans toute
son éccnduë. Etourdi de ce
coup, le sieur Tugghe ne
laisse pas de s'approcher encore
une fois de votre Tiône
redoutable, rassuré en
cela par les bienfaits que vo- treClemenceen ftic découler
sur tous les Peuples de la
Terre. Et de representer en
tremblant à Votre Majesté,
qu'il ne demande point que
les Travaux qui peuvent servir
à Dunkerque soit pour
sonattaque, soit pour sa défence
soient conservez, ni
du côté de la Terre, ni du
côté de la Mer. La magnificence
de ces Travaux, la
terreur qu'ilspouvoient inspirer
à tous ceux qui les
voyoient, ne touchent plus
ses malheureux Habitans. Il
ne demande que la confervarion
des feules jetées qui
forment & qui entretiennent
son Port, pour pouvoir par
là conserver à son Peuple
une subsistance seulement
nécessaire, en le mettant en
état de continuer sa Pêche
du Harang
, & quelqueautres
petits Commerces le
Jong de la Côte.
Votre Majesté pleine d'une
Clemence naturelle
J
&
d'uneCharité Chrétienne
dont toutes les Nations ressentent
les effets, ne veut
point le mal pour le mal,
4c elle ne l'admet dans fcs réfolurions
qu'autant qu'ilest
indispensable & necessaire
selon ses vûës politiques&.
suivant le bien de ses propres
Sujets. Le sieurTuggheosera
sure observer à Votre Ma;
jette, que lacon conservation du
Port de Dunkerque, dans
l'etatnud où il vient d'être
representé, ne fera non seulement
pascontraire, niaux
vûës politiques de l'Angleterre
, ni au bien des Sujets
de la Grande Bretagne, mais
quelle fera même favorable
l, &' 1, aun à l'autre.
Dunkerque à eu le malheur
de devenir l'objetdelà
colere de la Grande Bretagne
,
soit par ses armemens
que le Roi y a faits, &qui
ont pû pendant les dernières
Guerres, traverser la tranquilité
de vos Royaumes, &
retarder l'éxecutiondes projets
de Votre Mjjcitc
,
soit
aussi par la course qu'ont faite
ses Habitans
,
laquelle à
souvent interrompu,& sou.
vant endommagé le commerce
de vos Sujets. Mais
dans l'état où le Suppliant
demande que son Port soit
réduit,c'est à dire, dépouillé
de tous ses Travaux
,
&
confervé dans les feules jetées
, il ne pourra plus, quelque
Guerre qui survienne
( , ce qu'il plaise à Dieu dedetourner)
ni former dobstacleaux
projets deVotre Majesté,
ni interrompre lecommerce
de vos Sujets, puisqu'alors
se sera une Ville toute
ouverte du côté de la Terre
& de la Mer; abandonnée
au premier occupant; sans défense pour celui qui
l'ocupera; & où toute Nation
Ennemie pourra entrer
par Mer & par Terre pour y
brûler, & les Vaissauxqu'on
pourroit y armer,&la Ville
& le Port même. Ainsi
danscet état, Dunkerquene
fera plus contraire
, & ne
pourra plus 1 être,ni aux vuës
politiquesde Votre Majesté
ni au bien de ses Sujets.
La conservation c'u Port
de Dunkerque sans Travaux
& sans défenses
) pourra être
dans les suites) également
utile, & devenir même abfolument
nécessaire & aux
vûës politiquesde Votre Majesté,
& au bien de ses Su jets.
Les vûësPolitiquesdeVotre
Majesté, sur tout en tems
de Paix, se renferment toutes
dans l'augmentation du
commerce de ses Sujets,
comme le bien de ses Sujets
cHtôur réarmedans laug-
- tmncennrtaattiioonn dauu ccoommmmeerrccee..
AJnfi en prouvant que laCol-bi
/crvaiionilu Port de Dunkerque
fera, non seulement
âvantageuse, mais aussi nécessaire
au commerce des
Peuplesrde la Grande Bretagnejle
Suppliant prouvera
tout ce qui est contenu dans
sa seconde proposition
i°. Dunkerque n'est devenu
l'objet de la jalousie des
Hollandais,& les Hollandois
n'ont desiré sa destruction
j que dans la vûë des'atribucr
à eux seuls tous le
commerce du PAYS- Bas AUU
trichien
,
& roue celuide
l'Allemagne;&ils ontcraint
que cesdeux commerces ne
fussent partagez avec eux par
lesautresNations, si le Port
-
de cette Ville étoit confervé
; parce que ce Port là ca
le seul de la Côte depuis OC.
tende en tirant à tOu.st
,
par où les Marchandises des
autres Pays Etrangers puissent
être introduites dans ces
Pays-là
,
qu'ils veulent entourer
comme d'une Mer
d'Airain pour s'enconserver
toute la consommation par
l'Escaut, par la Lys, & par
le Rhin. Er comme il importe
infiniment à l'Angleterre
de nêtre pas exclue de ces
deux commerces, il luiimporte
beaucoup aussi de conserver
le Port de Dunkerque,
quiest la feulevoye par
ou elle puisse s'y maintenir.
2.
°. Supposé que les Sujets
de VotreMajestépussent
malgré , les vûës des Hollandois
,
continuer leur commerce
dans le Pays Bas Autrichien
par les Ports d'Ostende
& de Nieuport, ils ne
pourront pas l'y soûtenir
Jung tems en concurence a..
Vec eux ,
à cause des fdCili",
tez &de la moindre dépense
que les premiers trouveront -
en faisant le leur par l Escaut
& par la Lys, & des grands
détours que les autres seront
obligez de prendre. Au lieu
qu'en conservant le Port de
Dunkerque,les Anglois trouveront
par cette voye des
facilitez presqueégalesàcelles
qu'auront les Hol landais,
liir. tout si Votre Majcfté
vouloît,comme elle le peut
aisement, obtenir du Roi
un Tranfic libre. & exempt
detous droits pour les Mar.
chandises d' Angleterre, depuis
Dunkerque jusques dans
le Pays Bas Autricien, par
Lille & par Drii>y.
3
°. Si l'on comble,ainsi
que Votre Majesté l'aresolu
,
le Port de Dunkerque, vos
Sujets setrouveront par là,
non seulement exclus du
commerce du Pays Bas Austric
hien, maisaussi de celui
de la Flandre Françoise, du
Hinaut, de l'Artois, &
d'une partie de la Picardie,
pucequilsn'auront plusde
Porc sur toute cette Côte
pour introduite leurs Marchandises
dans ces quatre
Provinces, celui de Calais ne
pouvant pas servir à ce commerce.
4° Si la démolition du
Port de Dunkerque ne rebute
pas les SujetsdeVotre
Majesté du commerce de la
Flandre Françoise
,
du Hainaut,
de l'Artois, & d'une
partie de la Picar die, &
qu'ilsentreprennent d'y sup-
.pîérV p ar les Ports d'Octende
& de Nieuport seront ce
commerce avec des incommoditez
infinies, & rendront
par cettevoye kuis Marchandises
incommerçable
par les frais de voiture qa
seront triplez, & par les triplesdroitsqu'elles
auroient
payées, sçavoit à la Maison
d'Autriche en entrant dans
fcs Ports, aux Hollandois
en passant par Furnes, par
Ipres
, par M;.-nin ,& autres
Villes de leur Domination,
& au Roi en entrant
dans son Pays. Aulieu qu'en
passent par Dunkerque dans
ces quatre Provinces, Icurt
frais de voiture seront légers,
à cause de la commodité des
Canaux,&ils ne payeront
que le seul droit d'entrée au
Roi.
ParleTraité de commerce
établi entre Votre Majesté
&famaieflé TresChretienne,
le Tarif de 1671. a été
conservé au Pays conquis. Ce
Tarif est beaucoup plus favorable
que celui de 1664.
qui doit être suivi dans tous
les autres Ports de la Côte de
Ponanr; & par consequent
la conservation du Port de
Dunkerque importe beaucoup
au commerce- de vos
Sujets
J.
puisque ce Port la
les fera jouïr de ce Tarif pour
toutes les Marchandées qui
feront par eux destinéespour
la consommation des Provinces
de Flandre
3
d'Artois.
& du Hainaut, au lieu qu'en
passant par les autres Ports,
ces mêmes Marchandises
payeront les droits suivans
le Tarif de 1664.
6". Pour confirmer à Votre
Majesté l'avantage que
trouve le commerce de ses
Sujets par le Port de Duo.,
kerque, le sieur Tugghca
l'honneur de lui presentes
une Liste de deux cens dix:
huit Vaisseaux Anglois, qui
depuis le 16.ou 17. Août
1712. jusqu'au12.ou ij*
May ïyi font venus dans
cePort-là,&yont déchargé
des Carguaifons montant à
plus de deux millions de livres
tournois ; en lui faisant
en mê/4.'me tems cLbsrerver. ï~
Que comme la France étoit
pendant ces neuf mois làen
Guerre;-avec la Hollande,
fcês Marchandées ne peuvent
point avoir passé dans
les Provinces Auftnchiennes
qu'elles o£cllpoic:)' qtfVlles
n'ont pûêtre consommées
que dans les provinces Françoises
de la Flandre, du
Hainaut & de l'Artois, &
qu'en tems de Paix cette consommation
& par con sequent
le commerce de l'Angleterreseront
bien plus
forts. 2° Quecomme Dunkerque
n'a pû fournir en
retour des Marchandises
qu'il a reçû pendant ces neuf
mois, ni Manufacture, ni
denrées de son crû
J parce
qu'il n'en a pointil a fallu
qu'il les ait entièrement
payées en argent, & qu'il
faudra qu'il les paye toujours
de illême) ce qui eu
un avantage tres-considerable
dans toutes sortes de
commerces.
7° Comme il n'est pas
impossible que dans ses suites
il arrive quelque rupture
cnrre l'Angleterre & la Hollande
, l'Angleterre pendant
ces tems, qu'il plaise à Dieu
de détour ner,se trouvera absolument
privée du commerce
de laFlandreFrançoise,
du Hamaut, de l'Artois, &
d'une partie de la Picardie,
puisqu'alors elle ne pourra
plus le faire par les eor4
oOucnde ni de Nieuport
avecmême toutes les difficultez&
toutes les depenses
ausquelles ces deux Ports les
assujetiroient naturellement
Parce que ces Marchandises
ne pourroient de ces deux
Porc là ècre transportées
dans les Provinces Françoises
qu'en passant dans les
places ocupées par les Hollandois
, qui vrai- semblablement
ne leurouvriroient
pas leurs portes. Ainsi dans
ce tems làaumoins,laconservarion
du Port de Dunkerque
fc trouvera nécessaire
au commerce des Sujets de
Votre Majesté.
.il 8° La franchise du Port
& de la Ville de Dunkerque,
si Votre Majesté veut bien
laisser flechir laresolution fevere
qu'elle a prise contre
ses Jetées, mettra vos Sujets
en état de faire leur commerce
avec plus de commo-
- dité qu'aucuneautreNation
dans les Provinces de ssandre;
du Hainaut, & du Brabanc
Autrichien
,
dans les
Provinces Françoises de la
«
Flandre, du Hunaut
tde
l'Artçns., de la Picardie ôc
dans l'Allemagne même ,
par les Magazins de dépôt
qu'ils pourrontyavoir, &
qui leur donneront la commodité
de faire leurs envois
en tous ces Pays là à point
nommé & dans les lems propres. 2°Suppose que les contradictions
qu'ont trouvées
-
dans la Chambredes Communes
du Parlement de votre
Royaume, le 8. &!J. Articles
du Traité de commerce
conclu par Votre Majesté
avec la France
,
eussent lieu,
& qu'elles détruisissent
-
les
raisons
raisons ci dessus alleguées en
faveur du commerce d'Angleterre
par Dun kerque dans
les Provinces Françoises, cellesalléguées
en faveur de ce
v. o
même commerce par Dunkrque
dans le Pays-Bas Austrichien
, & en Allemagne
au moyen d'un Transirlibre
& exempt de tous droits subsisteroient
tou jours, &fj/flriront
pour faire voir
LVotte
Majesté, que la conservanon
de ce Port dans ses seules
J tées dénuées de toutes désfenses,
fera non seulement
d'une utilitétrès-avantn^euse,
mais même dune necessité
absolue au commerce
de l'A ngleterre,
JOU Tous ceux qui ont
quelque connoissance de la
Navigation, sçavent que les
Vaisseaux qui sont à lajvfer,
De sauroient jamais avoir fous
le Vent assez de lieux de retraire,
soit pour s'y mettre
à l'abri des Tempêtes, lorsqu'ils
en sont accueillis, foie
pour s'y rajuster après les avoir
soutenües sans naufrage.
Le Port de Dunkerque
cft une de ces retraites desirables
pour les Vaisseaux qui
font leur route pour aller
dans le Non, oupour
en revernit. Et quoi que
l'Angleterre ait sur sa Côte
quantité de lieux de relâche,
il pourra néanmoins souvent
arriver aprésladémolition
des Jetéespourlesquelles ont
demande grace à Vostre
Majesté, que le Vaisseaux de
les Sujets se trouvent Affalez
à la cosse de Dunker quc
par de tels vents, que ne
peuvent gagnct la leur, ils
feront réduits à regretir inutilement,
comme routes les
autres Nations commerçant
tes dans le Nort, ce Port de
Salut dont on les aura privez,
& que la seule pitié
due aux périls des Navigateurs,
auroit dû, fuivanr les
sentimens les plus ordinaires
de l humanité, leur faite
confetver.
Pour toutes ces raisons,
c'est à dire, pour le peu de
dommage que pourra faire
aux Sujets de Vostre Majesté,
ni à ceux de sesAlli 2,
le Port de Dunkerque dépouillé
de toutes ses démolitions,
tant du cosse de la
Mer,que du costé de 1*
Terre; pour l'utilité que le
Commerce d'Angleterre
trouvera dans la conservation
de cc même Porc en
l'étatci-dessusexpliqué, &
par la perte inutilement ruïneuse
que souffriront de sa
démolition les malheureux
Habitans decette Ville. Le
Magistrat de Dunkerque, &;
le sieur Tugghe son Deputé,
esperent que Vostre Majesté
voudra bien revoquer une
partie de sa Sentence, en
faisant tomber sa foudre sur
les seulstravaux de guerre
qui ont pu attirer fan indigna
ion, & en lassant subfilJcr
ses seules Jetées, qui
nuës comme elles feront rOC
pourront plus estre qu'un
objet de pitié. Elles feront
même un monumentéternel
de vostre gloire, puis qu'en
rapellanr sans cesse le souvenir
des ornemeus redoutales
dont vostre feule volonté les
aura dépouillées elles rappelleront
en même tems un éternel
souvenit de vostre clemence
qui les aura conserveés
aux larmes & aux gemissemens
des Peuples de cette
Ville, abîmée dans la douleur.
C'tll par ces larmes &
par ces gemissemens,que ce
Magistrat & son Deputé
prosternez aux pieds de
vostreTrône, également
clement & redoutable, vous
demandant la conservationde
leur Port. Et supphant
vostre Majesté de vouloir
bien tourner ses regards piroiables,
sur dix huit mille
Familles qui vont estre errantes
& dispersées, si par
l'execution entiere & severe
de vos Odres, elles sont obligées
d'abandonner leurs
Foyers, pour aller chercher,
ou flûcoc mandier, le pain
que vous leur aurez ossé.
Que vostre main toûjours
bien faisante, ne soit pas
l'instrument de leur misere
& de leur dispertion. Er que
le Peuple de Dunkerque ne
soit pas le seul Peuple du
monde qui puisse Ce plaindre
derigeur d'une REINE,
donc toutela terre adore, &
la sagesse, & la clémence.
la Reine de la Grande Bretagnepar
le Députédu Milgistrat
de Dunkerqueauprés
deSaMajesté.
MADAME,
Le sieur T U G G H E Deputé
du Magistrat de Dunkerque
auprès de Vôtre Majiltc
, pour implorerVotre
Clemence au fuictd, la Démolition
resoluë de cettc
Ville & de son Port, avoit
cfperé que par les tres soumises
representations qu'il
avoit osé faire,touchant la
misereextrême où cette Demolition
va reduire dix- huit
mille Familles dont cette
Ville cft composée, la misericorde
de Votre Majesté
auroir pû être ébranlée, &
que suivant sa tres re spectucufedemande
il auroit pû
en obtenir Ja conservation
des seulesJetées de ce Porr.
Mais My Lord Vicomte de
Bolingbrockevotre Secrétaire
dEtat vient de le fraper
d'un coup de foudre, en lui
annonçant que Votre Majesté
n'apas trouve à propos
de rienchanger dans la Seno
tence terrible qu'elle a prononcéecontrecetteVille,
ÔC
qu'elle veut que cette Sentence
soit exécutée dans toute
son éccnduë. Etourdi de ce
coup, le sieur Tugghe ne
laisse pas de s'approcher encore
une fois de votre Tiône
redoutable, rassuré en
cela par les bienfaits que vo- treClemenceen ftic découler
sur tous les Peuples de la
Terre. Et de representer en
tremblant à Votre Majesté,
qu'il ne demande point que
les Travaux qui peuvent servir
à Dunkerque soit pour
sonattaque, soit pour sa défence
soient conservez, ni
du côté de la Terre, ni du
côté de la Mer. La magnificence
de ces Travaux, la
terreur qu'ilspouvoient inspirer
à tous ceux qui les
voyoient, ne touchent plus
ses malheureux Habitans. Il
ne demande que la confervarion
des feules jetées qui
forment & qui entretiennent
son Port, pour pouvoir par
là conserver à son Peuple
une subsistance seulement
nécessaire, en le mettant en
état de continuer sa Pêche
du Harang
, & quelqueautres
petits Commerces le
Jong de la Côte.
Votre Majesté pleine d'une
Clemence naturelle
J
&
d'uneCharité Chrétienne
dont toutes les Nations ressentent
les effets, ne veut
point le mal pour le mal,
4c elle ne l'admet dans fcs réfolurions
qu'autant qu'ilest
indispensable & necessaire
selon ses vûës politiques&.
suivant le bien de ses propres
Sujets. Le sieurTuggheosera
sure observer à Votre Ma;
jette, que lacon conservation du
Port de Dunkerque, dans
l'etatnud où il vient d'être
representé, ne fera non seulement
pascontraire, niaux
vûës politiques de l'Angleterre
, ni au bien des Sujets
de la Grande Bretagne, mais
quelle fera même favorable
l, &' 1, aun à l'autre.
Dunkerque à eu le malheur
de devenir l'objetdelà
colere de la Grande Bretagne
,
soit par ses armemens
que le Roi y a faits, &qui
ont pû pendant les dernières
Guerres, traverser la tranquilité
de vos Royaumes, &
retarder l'éxecutiondes projets
de Votre Mjjcitc
,
soit
aussi par la course qu'ont faite
ses Habitans
,
laquelle à
souvent interrompu,& sou.
vant endommagé le commerce
de vos Sujets. Mais
dans l'état où le Suppliant
demande que son Port soit
réduit,c'est à dire, dépouillé
de tous ses Travaux
,
&
confervé dans les feules jetées
, il ne pourra plus, quelque
Guerre qui survienne
( , ce qu'il plaise à Dieu dedetourner)
ni former dobstacleaux
projets deVotre Majesté,
ni interrompre lecommerce
de vos Sujets, puisqu'alors
se sera une Ville toute
ouverte du côté de la Terre
& de la Mer; abandonnée
au premier occupant; sans défense pour celui qui
l'ocupera; & où toute Nation
Ennemie pourra entrer
par Mer & par Terre pour y
brûler, & les Vaissauxqu'on
pourroit y armer,&la Ville
& le Port même. Ainsi
danscet état, Dunkerquene
fera plus contraire
, & ne
pourra plus 1 être,ni aux vuës
politiquesde Votre Majesté
ni au bien de ses Sujets.
La conservation c'u Port
de Dunkerque sans Travaux
& sans défenses
) pourra être
dans les suites) également
utile, & devenir même abfolument
nécessaire & aux
vûës politiquesde Votre Majesté,
& au bien de ses Su jets.
Les vûësPolitiquesdeVotre
Majesté, sur tout en tems
de Paix, se renferment toutes
dans l'augmentation du
commerce de ses Sujets,
comme le bien de ses Sujets
cHtôur réarmedans laug-
- tmncennrtaattiioonn dauu ccoommmmeerrccee..
AJnfi en prouvant que laCol-bi
/crvaiionilu Port de Dunkerque
fera, non seulement
âvantageuse, mais aussi nécessaire
au commerce des
Peuplesrde la Grande Bretagnejle
Suppliant prouvera
tout ce qui est contenu dans
sa seconde proposition
i°. Dunkerque n'est devenu
l'objet de la jalousie des
Hollandais,& les Hollandois
n'ont desiré sa destruction
j que dans la vûë des'atribucr
à eux seuls tous le
commerce du PAYS- Bas AUU
trichien
,
& roue celuide
l'Allemagne;&ils ontcraint
que cesdeux commerces ne
fussent partagez avec eux par
lesautresNations, si le Port
-
de cette Ville étoit confervé
; parce que ce Port là ca
le seul de la Côte depuis OC.
tende en tirant à tOu.st
,
par où les Marchandises des
autres Pays Etrangers puissent
être introduites dans ces
Pays-là
,
qu'ils veulent entourer
comme d'une Mer
d'Airain pour s'enconserver
toute la consommation par
l'Escaut, par la Lys, & par
le Rhin. Er comme il importe
infiniment à l'Angleterre
de nêtre pas exclue de ces
deux commerces, il luiimporte
beaucoup aussi de conserver
le Port de Dunkerque,
quiest la feulevoye par
ou elle puisse s'y maintenir.
2.
°. Supposé que les Sujets
de VotreMajestépussent
malgré , les vûës des Hollandois
,
continuer leur commerce
dans le Pays Bas Autrichien
par les Ports d'Ostende
& de Nieuport, ils ne
pourront pas l'y soûtenir
Jung tems en concurence a..
Vec eux ,
à cause des fdCili",
tez &de la moindre dépense
que les premiers trouveront -
en faisant le leur par l Escaut
& par la Lys, & des grands
détours que les autres seront
obligez de prendre. Au lieu
qu'en conservant le Port de
Dunkerque,les Anglois trouveront
par cette voye des
facilitez presqueégalesàcelles
qu'auront les Hol landais,
liir. tout si Votre Majcfté
vouloît,comme elle le peut
aisement, obtenir du Roi
un Tranfic libre. & exempt
detous droits pour les Mar.
chandises d' Angleterre, depuis
Dunkerque jusques dans
le Pays Bas Autricien, par
Lille & par Drii>y.
3
°. Si l'on comble,ainsi
que Votre Majesté l'aresolu
,
le Port de Dunkerque, vos
Sujets setrouveront par là,
non seulement exclus du
commerce du Pays Bas Austric
hien, maisaussi de celui
de la Flandre Françoise, du
Hinaut, de l'Artois, &
d'une partie de la Picardie,
pucequilsn'auront plusde
Porc sur toute cette Côte
pour introduite leurs Marchandises
dans ces quatre
Provinces, celui de Calais ne
pouvant pas servir à ce commerce.
4° Si la démolition du
Port de Dunkerque ne rebute
pas les SujetsdeVotre
Majesté du commerce de la
Flandre Françoise
,
du Hainaut,
de l'Artois, & d'une
partie de la Picar die, &
qu'ilsentreprennent d'y sup-
.pîérV p ar les Ports d'Octende
& de Nieuport seront ce
commerce avec des incommoditez
infinies, & rendront
par cettevoye kuis Marchandises
incommerçable
par les frais de voiture qa
seront triplez, & par les triplesdroitsqu'elles
auroient
payées, sçavoit à la Maison
d'Autriche en entrant dans
fcs Ports, aux Hollandois
en passant par Furnes, par
Ipres
, par M;.-nin ,& autres
Villes de leur Domination,
& au Roi en entrant
dans son Pays. Aulieu qu'en
passent par Dunkerque dans
ces quatre Provinces, Icurt
frais de voiture seront légers,
à cause de la commodité des
Canaux,&ils ne payeront
que le seul droit d'entrée au
Roi.
ParleTraité de commerce
établi entre Votre Majesté
&famaieflé TresChretienne,
le Tarif de 1671. a été
conservé au Pays conquis. Ce
Tarif est beaucoup plus favorable
que celui de 1664.
qui doit être suivi dans tous
les autres Ports de la Côte de
Ponanr; & par consequent
la conservation du Port de
Dunkerque importe beaucoup
au commerce- de vos
Sujets
J.
puisque ce Port la
les fera jouïr de ce Tarif pour
toutes les Marchandées qui
feront par eux destinéespour
la consommation des Provinces
de Flandre
3
d'Artois.
& du Hainaut, au lieu qu'en
passant par les autres Ports,
ces mêmes Marchandises
payeront les droits suivans
le Tarif de 1664.
6". Pour confirmer à Votre
Majesté l'avantage que
trouve le commerce de ses
Sujets par le Port de Duo.,
kerque, le sieur Tugghca
l'honneur de lui presentes
une Liste de deux cens dix:
huit Vaisseaux Anglois, qui
depuis le 16.ou 17. Août
1712. jusqu'au12.ou ij*
May ïyi font venus dans
cePort-là,&yont déchargé
des Carguaifons montant à
plus de deux millions de livres
tournois ; en lui faisant
en mê/4.'me tems cLbsrerver. ï~
Que comme la France étoit
pendant ces neuf mois làen
Guerre;-avec la Hollande,
fcês Marchandées ne peuvent
point avoir passé dans
les Provinces Auftnchiennes
qu'elles o£cllpoic:)' qtfVlles
n'ont pûêtre consommées
que dans les provinces Françoises
de la Flandre, du
Hainaut & de l'Artois, &
qu'en tems de Paix cette consommation
& par con sequent
le commerce de l'Angleterreseront
bien plus
forts. 2° Quecomme Dunkerque
n'a pû fournir en
retour des Marchandises
qu'il a reçû pendant ces neuf
mois, ni Manufacture, ni
denrées de son crû
J parce
qu'il n'en a pointil a fallu
qu'il les ait entièrement
payées en argent, & qu'il
faudra qu'il les paye toujours
de illême) ce qui eu
un avantage tres-considerable
dans toutes sortes de
commerces.
7° Comme il n'est pas
impossible que dans ses suites
il arrive quelque rupture
cnrre l'Angleterre & la Hollande
, l'Angleterre pendant
ces tems, qu'il plaise à Dieu
de détour ner,se trouvera absolument
privée du commerce
de laFlandreFrançoise,
du Hamaut, de l'Artois, &
d'une partie de la Picardie,
puisqu'alors elle ne pourra
plus le faire par les eor4
oOucnde ni de Nieuport
avecmême toutes les difficultez&
toutes les depenses
ausquelles ces deux Ports les
assujetiroient naturellement
Parce que ces Marchandises
ne pourroient de ces deux
Porc là ècre transportées
dans les Provinces Françoises
qu'en passant dans les
places ocupées par les Hollandois
, qui vrai- semblablement
ne leurouvriroient
pas leurs portes. Ainsi dans
ce tems làaumoins,laconservarion
du Port de Dunkerque
fc trouvera nécessaire
au commerce des Sujets de
Votre Majesté.
.il 8° La franchise du Port
& de la Ville de Dunkerque,
si Votre Majesté veut bien
laisser flechir laresolution fevere
qu'elle a prise contre
ses Jetées, mettra vos Sujets
en état de faire leur commerce
avec plus de commo-
- dité qu'aucuneautreNation
dans les Provinces de ssandre;
du Hainaut, & du Brabanc
Autrichien
,
dans les
Provinces Françoises de la
«
Flandre, du Hunaut
tde
l'Artçns., de la Picardie ôc
dans l'Allemagne même ,
par les Magazins de dépôt
qu'ils pourrontyavoir, &
qui leur donneront la commodité
de faire leurs envois
en tous ces Pays là à point
nommé & dans les lems propres. 2°Suppose que les contradictions
qu'ont trouvées
-
dans la Chambredes Communes
du Parlement de votre
Royaume, le 8. &!J. Articles
du Traité de commerce
conclu par Votre Majesté
avec la France
,
eussent lieu,
& qu'elles détruisissent
-
les
raisons
raisons ci dessus alleguées en
faveur du commerce d'Angleterre
par Dun kerque dans
les Provinces Françoises, cellesalléguées
en faveur de ce
v. o
même commerce par Dunkrque
dans le Pays-Bas Austrichien
, & en Allemagne
au moyen d'un Transirlibre
& exempt de tous droits subsisteroient
tou jours, &fj/flriront
pour faire voir
LVotte
Majesté, que la conservanon
de ce Port dans ses seules
J tées dénuées de toutes désfenses,
fera non seulement
d'une utilitétrès-avantn^euse,
mais même dune necessité
absolue au commerce
de l'A ngleterre,
JOU Tous ceux qui ont
quelque connoissance de la
Navigation, sçavent que les
Vaisseaux qui sont à lajvfer,
De sauroient jamais avoir fous
le Vent assez de lieux de retraire,
soit pour s'y mettre
à l'abri des Tempêtes, lorsqu'ils
en sont accueillis, foie
pour s'y rajuster après les avoir
soutenües sans naufrage.
Le Port de Dunkerque
cft une de ces retraites desirables
pour les Vaisseaux qui
font leur route pour aller
dans le Non, oupour
en revernit. Et quoi que
l'Angleterre ait sur sa Côte
quantité de lieux de relâche,
il pourra néanmoins souvent
arriver aprésladémolition
des Jetéespourlesquelles ont
demande grace à Vostre
Majesté, que le Vaisseaux de
les Sujets se trouvent Affalez
à la cosse de Dunker quc
par de tels vents, que ne
peuvent gagnct la leur, ils
feront réduits à regretir inutilement,
comme routes les
autres Nations commerçant
tes dans le Nort, ce Port de
Salut dont on les aura privez,
& que la seule pitié
due aux périls des Navigateurs,
auroit dû, fuivanr les
sentimens les plus ordinaires
de l humanité, leur faite
confetver.
Pour toutes ces raisons,
c'est à dire, pour le peu de
dommage que pourra faire
aux Sujets de Vostre Majesté,
ni à ceux de sesAlli 2,
le Port de Dunkerque dépouillé
de toutes ses démolitions,
tant du cosse de la
Mer,que du costé de 1*
Terre; pour l'utilité que le
Commerce d'Angleterre
trouvera dans la conservation
de cc même Porc en
l'étatci-dessusexpliqué, &
par la perte inutilement ruïneuse
que souffriront de sa
démolition les malheureux
Habitans decette Ville. Le
Magistrat de Dunkerque, &;
le sieur Tugghe son Deputé,
esperent que Vostre Majesté
voudra bien revoquer une
partie de sa Sentence, en
faisant tomber sa foudre sur
les seulstravaux de guerre
qui ont pu attirer fan indigna
ion, & en lassant subfilJcr
ses seules Jetées, qui
nuës comme elles feront rOC
pourront plus estre qu'un
objet de pitié. Elles feront
même un monumentéternel
de vostre gloire, puis qu'en
rapellanr sans cesse le souvenir
des ornemeus redoutales
dont vostre feule volonté les
aura dépouillées elles rappelleront
en même tems un éternel
souvenit de vostre clemence
qui les aura conserveés
aux larmes & aux gemissemens
des Peuples de cette
Ville, abîmée dans la douleur.
C'tll par ces larmes &
par ces gemissemens,que ce
Magistrat & son Deputé
prosternez aux pieds de
vostreTrône, également
clement & redoutable, vous
demandant la conservationde
leur Port. Et supphant
vostre Majesté de vouloir
bien tourner ses regards piroiables,
sur dix huit mille
Familles qui vont estre errantes
& dispersées, si par
l'execution entiere & severe
de vos Odres, elles sont obligées
d'abandonner leurs
Foyers, pour aller chercher,
ou flûcoc mandier, le pain
que vous leur aurez ossé.
Que vostre main toûjours
bien faisante, ne soit pas
l'instrument de leur misere
& de leur dispertion. Er que
le Peuple de Dunkerque ne
soit pas le seul Peuple du
monde qui puisse Ce plaindre
derigeur d'une REINE,
donc toutela terre adore, &
la sagesse, & la clémence.
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Mots clefs
Domaine
Est adressé ou dédié à une personne
Provient d'un lieu