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1783, 03, n. 9-13 (1, 8, 15, 22, 29 mars)
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MER
DE FRANCE.
( No. 9. )
SAMEDI I MARS 1783 .
A PAR I S.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
LIVRES NATIONAUX A Amiens , chez J. B. Caron l'aîné,
I'Ani des enfans; par M. Ber- Impr . du Roi , rue S. Martin's &
quin , volume de Fever 1783. à Paris , chez Onfroy , Libr, qual
Un fouferit à Paris , au Bureau des Auguftins
du Journal , rue de Univerfité , Quvres de J. B. Robert Boiftel au coin de celle du Bacq , N° . 28. d'Wiese
Badre fer à M. le Prin
La foufcription
4 pour Paris, & de
pour la Province.
contenant Antoine &
Direct. Cléopatre; Irène , ceuvres diver
13 liv . fes vol. in- 8°. de 211 pages br.
liv.4fols 2 liv. 8 fols . Chez les mêmes .
Les entretiens de Phocion fur.
le rapport de la morale avec la po
litique ; parM. l'Abbé de Mably:
nouv . edit. 3 vol . in 18. meme
formar , papier & caractère que
les Moralifies : br . 9 liv. A Paris,
chez Lamy, Libr. quai des Auguftins.
Difcours prone cé à la féance
publique de l'Acad. des Sciences,
Belles - Leurres & Arts d'Amiens,
ie : Ackt 1781. parM. d'Agay,
Intendant de la Province , furles
avantages de la navigation inté
rieure, auquel on a font la carte
de communication de la mer Mé On trouve chez le même , Rediterranée
avec la merdi. Nerd , marques fur lesfièvres en générat
par le casal projette en Bourgo- & en pariter fur celle de E
gre, & par les citat de Picardies tamne 1780 1781 7891
кому . 2. de si p. le fois.
vramiera Epictere , grec &
françois , en papier ordinaire , z
liv. 8 f. en papier d'Annonay 41 .
Il en a été tiré quelques Exemplaires
fur vélin . Chez le même.
Hiftoire du grand duché de
Tofcane , fous le gouvernement
des Medicis , traduite de l'italien
de M. Riguccio Galluzzi ;
tomes V & VI: in - 12 . br . liv.
rel. 6 liv . A Paris , rue & hotel
Serpente.
La Méchanique appliquée aux
arts , aux manufactures , à Fagriculture
& à la guerre ouvrage
orné de 12e planches ; par M.
Berthelot , Ingénieur- Mechanicien
du Roi. Tome II . A Paris
cher l'Auteur, rue de la Marche
au marais , maifon dufieur Maffe;
chet Demonville , Impr. rue
Chriftine.
dinaire de MONSIEUR; repré
fentée à Verfailles devant LL.
MM . le Jeudi 16 Janvier 1783
& à Paris , le Lundi 20 du même
mois , par les Comédiens
François. A Paris , chez P. Fr.
Guefier , Lib.- Impr . aubas de la
rue de la Harpe , à la Liberté.
AVIS.
Piffot , Libr. quai des Auguf
tins , a reçu de Londres :
Tryals for adultery , 70 Numé
ros , in- 8 . fig. Lond . Shenflone-
Green ; or the new Paradife loft,
being a history of human nature:
vol . in. 12. London.
The Sylph, a novel : 2 vol. in- 12.
London.
12.
The royal regifter containing
obfervations on the principal characters
of the church , the state
and the court , male and fema
Les vrais principes de la lectu- le , &c. &c. with annotations by
re , de l'orthographe , de la pro- Another Hand : 7 vol. in
nonciation françoife , de feu M. London.
Viard , revus & augmentés par
M. Luneau de Boisjermain : 4
parties , in- 8 °. port franc , liv .
A Paris , chez l'Auteur , au Bu..
reau de l'abonnement littéraire, rue
S. André- des- Ares.
Pierre Théophile Barrois le
jeune , Libr. rue du Hurepois,
a reçu de Londres :
The new annual regifter or
general repofitory of hidory , polities
and litterature for the year
1781 , Londen , 1782 , in-8°.
The royal kalendar or come
for England , Scotland , Ireland
and America for the year ; 1783 .
London , in 12 .
Relation d'un voyage dans la
mer du Nord , aux côtesd Iflande
, du Groenland , de Ferro , deplete and correct annual regifter
Schertland , des Orcades & de
Norwege , fait en 1767 & 1768 ,
par M. Kerguelen : in-4 , avec
36 fig . en taille-douce : broch.
en carton , 9 liv. A Paris , chez
Lamy , Lib , quai des Auguftins.
On peut fe faire inferire chez
le même Libraire pour recevoir à
la fin du mois le Traite de la con
folation de Bocce en latin , revu
sma
Boyer's royal dictionary abridged
in two parts , 1 french &
english , 2 english & french , to
which are added , the accents of
the english words to facilitate
their pronunciation to foreigners,
the fifteenth edition , carefully
corrected and improved , with a
& collationné fur great many additions , by J. C.
nuferits . Il y en aura
plaires du fo mat des Auteurs
imprimes par les Elzevirs , & de
ceux imprimés par
MM. Barbou.
Prieur. London , 1783 ; 2 vol.
in - 8 °.
Bibliotheca croftfiana , a cata-
Le Roi Lear , Tragédie en logue of the curious and diftineinq
actes ; par M. Ducis , del'A- guished library of the late revecadémie
Françoite , Secrétaire or Frend and learned Thomas Crofte
MERCURE
DE FRANCE
( No. 1o . )
SAMEDI 8 MARS 1733 .
A PARIS.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE
LIVRES NATIONAUX.
Bibliographic infective; tome
ture confidérée fous les différens
afpects : br . de 62 pages . A Paris,
XI , conrenant la parte eltiman- chez Lamy , Libr. quai des Auguft .
vedu prix des livres rares & précieux
: 8.grand format de 40
pages furr pap, vélin de France ,
Le Faune François , ou Traité
hiſtorique de tous les animaux
terreftres ,
to liv- in - 4°. forle même papier. & velamphibies
21 liyem , fur pap . d'Holl . 24
iv. A Paris , chez M. Retourné ,
rue de Poitou , au marais.
France ;
par M. Buc'hoz , Médecin de
MONSIEUR, &c. Tome lin
Chez l'Auteur , rue de la Harpe.
-
Catalogue des livres latins Hiltone Unive felle depuis le
françois , italiens , efpagnols , commencement du monde jalportugais
, turcs , perfans & ara- qu'à préfent , complée en
bes, de fucceffion de M. Pelle- glois par une fociere de Gens de
rin , dont la vente fe fera Mercre Lettres , nouvellement traduite en
a Mars &jours fuivans , tue S.Français par une fociete de Gens
Florentin , No. 4. A Paris , chez de Lettres ; enrichie de figures &
Barois le jeune , Libr. quai des
Auguftens,
Extrait de l'histoire générale
& économique des trois regues
partie des annonces ; ou de la nade
cartes. Tome L, formant le X.
Ide Plut. Moderne , contenangla
fuire del Hin de l'Indouftan , ou
de l'Empire digand Mogol , &
partie de celle des pays compris
dans la prefqu'ille de l'Inde , en
deçà du Gange in 8. A Paris ,
chez Moutard , Impr.- Libr, rue des
Mathurins.
Notes fur le génie , la difcipline
militaire & la tactique des
Egyptiens , des Grecs , des Rois
d'Alie , des Carthaginois & des
Romains ; & c. par M. le Comte
de Saint-Cyr , Cornette- Blanc :
vol. in-4 . rel , en veau. 18 liv . br.
Is liv. A Paris, chez Lottin l'aîné,
Impr.-Libr. rue S. Jacques ; &chez
Ceilor , Impr .- Libr. rue des grands
Arguftins.
veau écaille & dorés fur tranche,
25 liv. A Paris , chez Servière
Libr . rue S. Jean - de- Beauvais..
On trouve chez Lamy , Libr ,
quai des Auguft. les ouvrag. fuiv.
Traitéfur l'art des fiéges & les
machines des anciens , & c. par M.
de Maizeroy
fig. rel . 6 liv.
. 1 vol. in- 8 °. avec
L'Art de faire les ferrures à
fecrets , pour fervir de fupplément
à l'Artdu Serrurier ; 1 vol . in- fol.
avec fig. 9 liv . en pet. pap . & 15
liv. en grand du format des Arts.
Traité des infectes utiles &
nuifibles ; par M: Buc'hoz
12. br. 2 liv. to f.
Tréfor des Laboureurs ; par le
une méthode facile & abrégée de
lever un plan , &c. par M. le C.
de Brühl : in 8 °. avec fig. br. 2 1.
to frel, 3 liv. Iof.
Effai fur la perite guerre , &c.
par M. le Comte de la Roche : 2
vol. in- 12. avec fig . broc. 5 liv.
rel. 6 liv.
Recueil de Généalogies pour fervir
de fuite au Dictionnaire de la
Nobleffe , contenant la fuite des
généalogies , l'hiftoire , la chro- même: in- 12 . br . 2 liv. 10 f.
nologie des familles nobles de Ecole de l'Officier , contenant
France , &c. Tome XIII , ou
premier Recueil : in - 4 .br. 15 liv.
A Paris , chez Lamy, Libraire ,
quai des Auguftins ; & Badiez
Editeur , rue S André- des- Ares .
Réflexions philofophiques fur
le plaifir ; par un Célibataire :
br. de 80 pages , franc de portpar
tour le Royaume. I liv. 4 fols .
Lesexemplaires fur pap . fuperfin
d'Holl. 3 liv, AParis , chez l'Au
teur , rue des Champs - Elyfees ,
fauxb. S. Honoré ; la veuve Duchefne
, Libr. rue S. Jacques ; le
Jay, Libr. rue neuve des Petits
champs; Bailly , Libr, rue S. Ho- 4 . 22 liv.
nore; Defenne, L. au Palais royal.
Suite des Ouvrages de Géo-.
graphie qui fe trouvent chez
Delios , Ingénieur-Géographe ,
rue S. Jacques.
Atlas , ou Tableau de la France
, confidérée fous fes différens
points de vue : 36 cartes , vol. in-
Atlas , l'Indicateur fidèle , ou
Romans hiftoriques , quinziè - le Guide des voyageurs , qui enme
frècle ; Hiftoire fecrette de feigne toutes les routesde France:
Bourgogne; par Mile , de la For- vol . in-4 . 13 liv.
ce : 3 vol. in- 12. br. 18 liv. A Paris
, de l'Impr. de Didot l'aîné ,
quai des Auguftins,
Semonce , ou Difcours pour
'ouverture des féances publiques
de l'Académie des jeux floraux de
Toulouse , 1782 ; par M. l'Abbé
Labar de Mourlens. r2 liv. Chez
Efchenart, Libr . pont N. Dame.
Théâtre de Voltaire , to vol.
in-16 . ornés de 34 fig. y compris
le portrait de l'Auteur : rel . on
Atlas , ou Itinéraire général
contenant toute les routes érrangères
, en 22 cartes : in-4°. enlumine
: 13 liv.
Arlas desgouvernemens géné
raux & des généralites du royaume
de France, en 18 cartes : in-
4 relie, 15 liv.
PP. Théophile Barrois , Libr..
quai des Auguftins , a reçu d'Allemague
:
Caroli A Linné termini boraMERCURE
DE FRANCE.
( No. 11. )
SAMEDI 15 MARS 1783 .
A PAR I S.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
LIVRES NATIONAUX
' Ami des enfans ; par M. Berquin
, vol, de Mars 1783 , No. 3.
On fouferit à Paris , au Bureau
du Journal , rue de l'Univerfité ,
aucoin de celle du Bacq , No. 18.
S'adreffer d M. le Prince , Direct.
La foufcription eft de 13 liv.
4f . pour Paris , & de 16 liv. 4fol.
pour la Province .
4
Architecture hydraulique ; ca
nal des deux mers ; par M. de la
Roche , ancien Ingénieur des
Ponts & chauffées : 13-4° . rel. 12
Jiv. A Paris , chez Demonville ,
LibrImpr rue Chriftine; à Verfeilles
, chez Blaizot , Libr. rue
Satory ; & le trouve en feuilles ,
chez Aur , enclos des Cordelières ,
rue de l'Ourfine,fauxb. S. Marcel.
L'Art des Arpenteurs renda
facile, ou Méthode pour appren-
| dre, par une lecture réfléchie de
trois heures , le moyen de mefurer
exactement toutes les figures
de terreins poffibles , & d'en don
rer lesplans ,fans fe fervir d'autres
inftrumens que de l'échelle
& du compas ; feconde édition ,
orrigée & augmentée , br . in-40
de 13 pages . 1 liv. 4 fols. A Paris .
cker Belin , Libr. rue S. Jacques.
Catalogue d'une bibliothèque
curieufe & choilie , dont la vente
fe fera le Lundi to Mars 1783 , &
les jours fuivans ; chez Gogué &
Née de la Rochelle , Libr, quai des
Auguflins : br . in- 8 ° . de 74 pages.
Le combat fpirituel , compofé
en italien parle R. P. D. Laurent
Scapoli, Clerc Régulier Théatin
, & traduit en françois par le
P.J. Brignon , de la Compagnie
de Jéfus dédié à Mgr . de Madec
chez l'Auteur, rue de la Harpe.
Nouvelle Methode de traiter
les fractures & les luxations ; ou
vrage traduit de l'anglois par M.
Laffus , Membre du College de
Chirurgie de Paris , &c. vol .
in- 12 . de 178 pages , br. 1 livres .
A Paris , chez Méquignon l'aîné,
Libr. rue des Cordeliers.
chault, Evêque d'Amiens : nouv.
édit. rel. en ,veau. 1 hv. 4 fols.
On a tire quelques exemplaires
ceste nouv. edit. fur grand carré,
quife vendron , en feuill . 2 1 .
A Amiens, chez . Caron le jeune ,
Libr. vis- a-vis l'Eglife S. Martin .
Differtation anatomico -acouf
fique, &c. par M. Perrolle, Docteur
en Médecine de l'Univerfité Remarque fur cette espèce de
de Montpellier , & c . br . de 48 paralyfie des extrêmités inférieupages.
18 fois. A Paris , chez Meres , que l'on trouve ſouvent acquignon
i'ains , rue des Cordeliers. compagnée de la courbure de l'é
Etat de la nobleffe, année 178 ,, pine du dos , quieft fuppofée en
pour fervir de fupplément à tous etre la caufe , avec la methode de
les ouvrages hiftoriques , chro- là guérir ; fuivie de plufieurs obmologiques,
héraldiques & genéa- fervations fur la neceffite & les
logiques , & de fuite à la collec- avantages de l'amputation dans
tion des Étrennes à la Nobleffe . certaines circonftances ; par M.
&c. br . 3 liv. rel. 3 liv . 12 fols . 4 Percival Pott , de la Société
Paris , chez Leboucher, Libr. quai Royale de Londres, & c. ouvra
de Gevres ; & chez Onfroy & La- ge traduit de l'anglois , avec des
my, Libr . quai des Auguftins.
obfervations & des additions, par
Idée du monde, ou idées généM Beatenbrock , Docteur
ales des chofes dont un jeune
homme doit être inftruit ; ouvrage
curieux & intéreffant , orne
de 9 planches en taille - douce ;
par M. A. T. Chavignard de la
Pallue , Ecuyer : nouv. édition ,
2 vol . in 12. rel. 6 liv. A Paris
chez Moutard, Impr. Libr , rue des
Mathurins.
Médecine . Affocié au College
Royal des Médecins , & à la Socieré
Royale de Médecine d'Edimbourg
: br. in- 8 ° .de 99 pages .
liv . 4 fols. Chez le même.
Méthode sûre pour apprendre
à nager en peu de jours ; pec
Nicolas Roger , Plongeur
profeflion : broc. de 36 pag . ine
24. 1 liv. 4 fols . AParis, chez Legras
, Libr, quai de Conti
Lettres de M. l'Abbé de S. L** , |
de Soiffons , à M. le Baron de
H*** , far différentes éditions Gauguery, Lib . rue S. Benoir,
rares du XV fiècle. br. in- se , de
40 pages. AParis , chez Hardouin ,
Libr. rue des Prêtres S. Germain
Auxerrois.
Mandement de Mgr. l'Archev .
de Paris, qui permet l'ufage des
eufs pendant le carême prochain
, depuis le Mercredi des
Cendres inclufivément, jufqu'au
Vendredi de la femaine de la Paf
Sion exclufivement in-4 ° . A
Paris , chez Cl. Simon , Impr. de
Mgr. Archev, rue S. Jacques.
Manuel ufuel & économique
des plantes, & c. par M. Buc'hoz ,
I vol . in 12. de 345 pag. APari
vis à -vis la porte de l'Abbaye
S. Germain- des-prés , vient de
recevoir des exemplaires de la
nouvelle édition des Mémoires
pour fervir à l'histoire d'Anne
d'Autriche , époufedeLouis XIII,
Roi de France ; par Madame de
Motteville : 6 vol. in-12 . br. 15 1.
12 fols .
Guillot , Libraire , rue de la
Harpe , prévient le Public qu'il
donnera les OEuvres poftumes de
1. J. Rouffeau , pour fervir de
fupplément aux éditions publiées
pendant fa vie : 9 vol. in de , br.
12 li
MERCURE
DE FRANCE
( No. 12. )
SAMEDI 22 MARS 1783 .
A PARIS.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
LIVRES NATIONAUX.
Almanach mufical pour les années
1781 , 1782 & 1783 , quatre
parties in- 12 . par M. Luneau de
Boisjermain. 6 liv. A Paris , du
Bureau de l'abonnement littéraire,
rue S. André- des- Arcs ,
Bibliothèque orientale; par M.
d'Herbelot , nouv. édit, réduite
& augmentée par M. D*** . 6
vol. in- 8 . A Paris , cher Moutard
, Impr.-Libr. rue des Mathur.
Petits Elémens d'hiftoire , pour
fervir à l'intelligence du tableau
hiftorique & chronologique ,
par M. Bruneteau d'Embreine ,
broc. in-8 °. avec le tableau féculaire.
liv. 12fols , Sans letableau
Jiv. 4fols. A Paris , chez Belin,
Libr. rue S. Jacques.
Les trois Inconnues , Comédie
en trois actes & carvers, melee
d'ariettes ; repréfentée par les
Comédiens Italiens'ordinaires da
Roi. 1 liv . 4 fols. A Paris, chez
Brunet, Libr. rue Mauconfeu .
Euvres paftorales de M. Merthgehn
, trad . de l'allemand , Ipar
M. le Baron de Naubell , 2 vol.
in 16. avec fig. br. 6 liv. En pap .
d'Hollande. 9 liv. A Paris , chez
Belin , Libr. rue S. Jacques.
Voyage littéraire de la Grèce
par M. Guis , troisième édition.
4 vol . - 8 . br. 16 livres, rel. cn
écaille & filets , 21 liv.
On a tiré quelques exemplaires
in-4 , grand papier , dont les
gravures font avant la lettre : 2
vol. in-4 °. br. 42 liv. rel. dorés
fur tranche . 51 liv. A Paris , cheg
la veuve Duchefne , rue S. Jacques.
Nouveaux Effais historiques
fus Paris, par M. le Chevalier
du Coudray tome IV br. 2
liv.
Suite des Effais , contenant les
anecdotes du Comte & de la
Comteffe du Nord : br. 1 liv.
Jo fols .
Ceux qui prendront les deux
ouvrages enfemble , ne les paieront
que 3 liv. chez l'Auteur , rue
de Sorbonne, & Belin , Libr. rue S
Jacques.
la
AVIS.
On trouve à Paris , chez Belin ,
veuve Duchefne , Morin , Lib.
rue S. Jacques ; l'Efclapart , Lib.
pont Notre-Dame ; Lamy , Lib.
quai des Auguftins ; Cellot ,
Libr. rue des grands Auguftics ;
Jombert, Libr. rue Dauphine;
Nyon atné , Libraire rue duJardiner;
& chez M. Bonnot , Vérificateur
de Bâtimens , carrefour
de la Croix Rouge , fauxbourg
S. Germain, l'ouvrage fuivant :
Détail général des fers de bâtimens
, avec leurs prix ; vol.
n-s .br. 6 liv.,
On trouve à Paris , chez Dezauche
, Géographe , rue des
Neyers , les cartes fuivantes :
Carte particulière & très- détaillée
du royaume de Naples , en
deux feuilles .
Carte de l'ifle & royaume de
Sicile.
Carte générale de l'Italie & de la
Sicile; l'une & l'autre par Guill.
Delifle & Phil. Buache : nouvellement
revues & augmentées par
Dezauche , Géographe : chaque
feuille , 1 liv. fols.
Suite des Ouvrages de Géographie
qui fe trouvent chez
Defnos , Ingénieur-Géographe ,
rue S. Jacques .
Atlas élémentaire de Géographie
& d'hiftoire ; par Buy de
Mornas : 4 vol . de differente grandeur
& de prix , qui fe vendent
féparément.
Atlas de la géographie ancienne
,tant facrée que profane , de
puis la création jufqu'à Jéfus
Chrift : relié , 27 liv.
Atlas pour fervir d'intelligence
à l'hiftoire des différens peuples
du monde & des cérémonies religieufes
relié , 14 liv.
Atlas, ou nouveau Plan dè
Paris , de fix pieds , divifé en fes
vingt quartiers , fauxbourgs &
environs : 36 cartes , in-4°. rel .
18 liv.
La fuiteà l'ordinaire prochain.
ARRET S.,
Arrêt du Confeil d'État du
Roi , du 5 Février 1783 , concernant
la fabrication des étoffes
de draperie , fergeterie, & autres
étoffes de laine indiftin &tement .
AParis , de l'Imprimerie Royale,
Arrêt de la Cour de Parlement,
qui ordonné que la diftribution ,
foit en bled , foit en pain, ne fe
fera plus dans la paroiffe de Sarcelles,
le Vendredi de la première
femaine de Carême ; & que la
diftribution fera faite , dans tous
les temps de l'année , aux vieillards
& infirmes , aux veuves
&orphelins , & aux pauvres hors
d'état de gagner leur vie , fuivant
le rôle qui aura été arrêté
par le Curé & les Marguilliers
en préfence du Syndic , & de
deux principaux habitans de la
Paroiffe ; extrait des regiftres du
Parlement , du 26 Février 1783 .
A Paris , chez P. G. Simon ,
& N. H. Nyon, Libr. -Impr, rue
Mignon S. André- des-Arcs.
Arrêt de la Cour de Parlement
, qui homologue une Or
donnance rendue par le Lieute
nant- Général de Police de la
ville de Paris , le 25 Février
1783 , relativement à ce qui doit
être obfervé par les bouchers
rôtiffeurs , cabaretiers , hôteliers,
aubergiftes , traiteurs , & logeurs
en chambres garnies , pour la vente
& le débit de la viande pendant
le carême : extrait des regiftres
du Parlement ,
du 27 Fé
MERCURE
DE FRANCE.
( No. 13. )
SAMEDI 29 MARS 1783 .
A PARI S.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
A Paris , chez Moutard , Impr.-
Libr, rue des Mathurins.
LIVRES NATIONAUX.
L'Agriculture , Poëme dédié
Roi , par M. de Roffet , fe De l'Application de l'électriande
partie : in-4 . de 128 pag. cité à l'art de guérir , Differtabr
. 3 liv . A Paris , de l'Imprim. tion inaugurale , par Jean Bapt.
Royale, & fe trouve chez Mou- Bonnefoy , de Lyon , gradué. intara
, Imp. Lib. r . des Mathurins . 8° . de 163 pages. 1 liv. 16 fols,
Certe feconde partie contient A Lyon , chez Aimé de la Roche
trois nouveaux chants ; favoir , & fe trouve à Paris , chez Megui
les plantes & le potager , les gnon alné, Lib . rue des Cordeliers.
étangs & les viviers, les bofquets
& lesjardins.
La première partie , contenant
les fix premiers chants ornés de
gravures , fe trouve chez le
meme Libr. Le prix eft de 12
liv. broch. & de 15 liv .rel. les
deux parties reliées enfemble ,
18 liv.
Les Amours de Daphnis &
Chloé , trad. nouv. in- 8° . de
218 pag avec vignettes, br. liv.
Les Aprèsfoupers de la fociété,
petit Théâtre lyrique & morale
fur les aventures du jour ;
dix-neuvième cahier , tome V
contenant la Succeffion, Comédie
en un acte & en profe. A Paris ,
chez l'Auteur , rue des Bons- Enfans
, la porte-cochère vis- à- vis la
cour des Fontaines , au Palais
Royal.
Calendrier pour l'année 1783 ,
à l'ufage des élèves qui fréquensent
l'Ecole royale gratuite de
Defin avec le plan & l'élév. de
ladite Ecole.A Paris , ex Eco
les de Den , rue des Cordeliers.
Elévations du Chrétien malade
& mourant , conforme à Jéfus
Chrift , dans les differemes cir
conftances de fa paffion & de fa
mort ; par M. Peronnet : troifième
édit. aug. d'une notice hiftorique
de la vie de l'Auteur : in- 12 .
Tel . 21. 10. A Paris , chez Onfroy,
Libr. quai des Auguftins,
Effai fur l'hiftoire de la fociété
eivile ; par M Adam Fergufon ,
Profeffeur de Philofophie morale
à l'Univerfité d'Edimbourg : ou
vrage trad. de l'anglois , par M.
Bergier : 2 vol . in- 12 . br. 41.12 f.
Tel. 6 liv . A Paris , chez la veuve
Defaint , Libr, rue du Foin Saint
Jacques.
Etrennes lyriques , anaciéontiques
, pour l'année 1783 , feconde
édit. Paris , chez l'Auteur , rue
des Nonaindteres, au coin de celle
de la Mortellerie.
On en a tiré une cinquantaine
d'exemplaires en papier de Hell.
où les épreuvesde l'eftampe font
avant la lettre .
Hécube , première Tragédie
d'Euripide , trad. en franç, avec
des remarques ; par M. Belin del
Ballu : br. 8. de 70 p . 11.4 f.
e Paris , chez Knapen & fils ,
Labr.-Impr. au bes du Pont S.
Michel
Hiftoire des Animaux d'Atif
tate , avecla trad . franç. par M.
Camus , Avocat au Parlement ,
Cenfeur royal in 4. 2 volbr .
36 liv. rel . en veau écail e à filets
d'or 42 liv. A Paris , chez la
reuve Defaint , Libr. rue du Foin
S. Jacques.
OEuvres complettes de M. de
Chamoufler , contenant fes projets
d'humanité , de bienfaifance
& de patriouifme ; précédées de
fen éloge , dans lequel on trouve
une analyle fuivie de fes ouvra
୨
ges ; par M. l'Abbé Cotton des
Houffayes , Decteur & ancien
Bibliothécaire de la Maifon &
Société de Sorbonne , Chanoine
de l'Eglife Métropolitaine de
Rouen , Membre de l'Académie
de la même ville , Affocié de
celles de Lyon & de Caen ::
vol. in-8 °. rel. 9 liv. A Paris , de
l'Impr. de Ph.-D. Pierres , Impr.
Ordinaire du Roi , rue S. Jacques;
& fe trouve à l'Hôtel de la petite
Pofte , rue des Déchargeurs , où
eft le dépôt de la propriétaire
du privilége ; chez la veuve Du
chefne , Libr. rue S. Jacques
Onfroy , Libr. quai des Auguf
tins ; Jombert le Jeune , Libraire,
rue Dauphine ; Belin , Libr rue
S. Jacques ; & Mequignon atné ,
Libr. rue des Cordeliers.
trad. OEuvres de Cicéron ,
nouv. 4 vol , in- 12 . br. 10 liv. re
12 liv .
Ces quatre vol contiennent
la thétorique & les quatre premiers
vol , des oraifons. La fuite
fous preffe .
La collection complette formera
quinze vol. in- 12 . & letout
fera délivré dans le cours de l'année
prochaine 1784
Il a été tiré cent exempla
in fur pap. grand-railin , &
vingt- cinq fur papier grand-jefus,
pourles perfonnes qui voudroient
joindre cette traduction à l'étition
latine in-4 , de l'Abbé d'Olivet
: on délivre actuellement le
premier volume de cette traduction
in-4 . Le prix du format
grand raifin eft de 24 liv. en feuilles
, & celui grand- jélus de 36 1.
A Paris , chez Moutard , Impr
Libre rue des Mathurins.
Euvres de Plutarque , trad.
par Jacques Amyot , propofées
par foufeription : en 24 vol in- 8 ° .
ornés de fig . en taille-douce.
Le prix de l'exemplaire avec
fig . en 24 vol. in- 8 ° fur carré
fin d'Angoulême , fera de işa
Jer . 133 .
MERCURE
DE FRANCE
DÉDIÉ AU ROI ,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES ,
CONTENANT
Le Journal Politique des principaux événemens de
toutes les Cours; les Pièces fugitives nouvelles en
vers & en profe ; l'Annonce & l'Analyse des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Décou
vertes dans les Sciences & les Arts ; les Spectacles ,
les Caufes célèbres ; les Académies de Paris & des
Provinces ; la Notice des Édits , Arrêts ; les Avis
particuliers , &c. &c.
SAMEDI I MARS 1783 .
A PARIS ,
Chez PANCKOUCKE , Hôtel de Thou ,
rue des Poitevins .
Avec Approbation & Brevet du Roi.
+
TABLE
PIÈCES
Du mois de Février 1783 .
Almanach Littéraire ,
3
49
55
IECES FUGITIVES .
Au Miniftre Pacificateur ,
Réponse aux Vers de M. de la
Grange Chancelle ,
હ
Leutre fur Bayonne & fur les
Bafques,
Versfur la Paix ,
Stances à Mlle de Gaudin ,
Vers pour le Portrait de M.
l'Abbé de Reyrac ,
Epitre à Molière ,
Sophronime , Nouvelle Grecque
,
Porte- Feuille d'un Troubadour
,
19
79
Penfées Morales de Cicéron ,
103
120
Etrennes Lyriques Anacréontiques
,
8 Almanach des Muſes ,
97
SPECTACLES.
165
127
101 Concert Spirituel,
145 Académie R. de Mufiq.26,181
Comédie Françoife , 84. 128
150 Comédie Italienne , 42 , 129
Charades , Enigmes & Logo' VARIÉTÉ S.
gryphes , 5,77 , 102 , 164 Lettre au Rédacteur du Mer
NOUVELLES LITTÉR. cure , 90,188 Difcours prononcé à la Séance Avisfur l'Encyclopedie , 188
Publique de l'Académie des Anecdotes ,
Sciences d'Amiens ,
136
7 Annonces & Notices 2 45
Tuvres Pofthumes de M. 93, 138 , iga
Ponteau ,
371
BIBLIOTECA
BEGIA
HACENSIS
<
A Paris , de l'Imprimerie de M. LAMBERT & F. X
BAUDOUIN , fue de la Harpe , près S. Coſme.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI I MARS 1783 .
PIÈCES
FUGITIVES.
EN VERS ET EN PROSE.
VERS à M. DE MAYER. *
Des rives de la Seine aux rives de la Loire
Vous courez , vous courez & par monts & par vaux ,
Portant en croupe , avec les Mules & la Gloire ,
Des Romans , des Amours & des Projets nouveaux.
Pour fervir vos amis vous crevez vos chevaux ;
Vous vous tuez pour vivre au Temple de mémoire...
Pour Dieu ménagez-vous , mon charmant Damoiſel !
Le miel eft doux , mais l'abeille eft cruelle :
Songez à ce pauvre Chapelle ; **
* M. de Mayer eft un des Auteurs de la Bibliothèque
des Romans & de l'Hiftoire des Hommes , & eft occupé
d'autres Ouvrages favans.
** C'eft un Perfonnage d'un Roman de M. de Mayer ,
inféré dans la Bibliothèque des Romans du 15 Janvier
3783.
Aij
4
MERCURE
1
Il en prit un peu trop , ainſi que tel & tel ,
Qui ne battent plus que d'une aile.
Accordez mieux que lui la prudence & le zèle :
On ne donne qu'aux morts le brevet d'immortel ...
Mais mon Chevalier rit à ce mot de prudence
( Pour la timidité nous la prenons en France. )
Un voyage , des bals , des hiftoires , des vers ,
Des courſes , des foupers , un roman , des concerts
Voilà votre Agenda pour l'an qui recommence.
Vos Epîtres font foi de ces projets divers ,
Et votre activité les garantit d'avance ;
D'ailleurs , vous êtes sûr d'avoir en ſurvivancé
La fanté , les talens & le coeur de B....
(Par M. Bérenger. )
le
BOUQUET préfenté à M. MONNET ,
parfa Fille , ágée de huit ans & demi ,
jour defa Fête.
OL beau jour , Papa ! puiffe -t'il être heureux !
Accepte mes bouquets , mon tendre coeur , mes voeux.
Reçois- moi dans tes bras , & que je te raconte
Le peu qu'on m'a dit fur le compte
De Saint - Antoine , tom Patron.
Il éprouva plus d'un orage ,
Du démon reffentit la rage ,
Et pardonna tout au démon.
Fort bien ! j'aime que l'on foit bon.
DE FRANCE.
S.
C'eft en toi , cher Papa , ce qui plaît davantage.
Je veux auffi de même être bonne , être fage ,
Être en tout docile à ta voix.
De ton amour , que de biens je reçois !
Ah ! que toujours ton amour me foutienne ,
Ta fête tous les ans n'arrive qu'une fois ;
Mais moi , moi , cher Papa , c'eſt tous les jours la
mienne :
Du matin jufqu'au foir , je t'aime , je te vois.
COUPLETS compofés par une Dame de
Compiégne , & chantés àfon Mari la veille
de fa Fête , le 24 Août 1782 .
AIR: H faut quand on aime une fois.
CHANTER Il'Amour & l'Amitié ,
C'eft célébrer ta fête.
Mais fois certain quand ta moitié ,
A te fêter s'apprête ,
Que c'eft l'Amour & l'Amitié
Qui couronnent ta tête .
J'ai mon ami dans mon époux ,
Et je fuis fon amic.
Toujours le toi , jamais le vous ,
Le férieux ennuie.
Dans cet accord , charmant & doux ,
Nous filons notre vie.
A iit
MERCURE
MON cher Louis , ton feul bonheur
Peur me rendre contente.
Et fur ce point toujours ton coeur
Me trouvera conftante.
Oui , l'Hymen a cueilli la fleur
Que t'offre ton amante.
Si l'art des vers ma fu charmer ,
Je l'aimai pour toi- même ;
Mon coeur ne fe plaît à rimer
Que pour dire qu'il t'aime.
Pour le coeur qui peut me blâmer,
L'Amour eft un problême.
(Par MM. de M. D. L. M..... )
LETTRE à M. DE LA CREȚELLE , fur
la queftion de favoir fi l'Eloquence eft
utile ou dangereufe dans l'adminiftration
de la Juftice ; par M. DE PASTORET ,
Confeiller de la Cour des Aides.
EN arrivant de la campagne , Monfieur , j'ai
In avec empreffement , dans un des Mercures du
mois d'Octobre , un morceau plein d'intérêt , où
vous examinez fi l'Eloquence eft utile ou dangereufe
dans l'adminiftration de la Juftice. Vous vous
décidez en fa faveur. Cette opinion , je vous l'avoue,
ne fauroit être la mienne. A Dieu ne plaife que je
veuille ici faire la fatyre de l'Éloquence. J'espère
que vous ne me prêterez pas un fentiment auffi
abfurde. Si j'étois affez malheureux pour l'avoir ,
DE FRANCE. 7
vos Ouvrages y répondroient mieux encore que vos
raifons. Je me borne au cas particulier que vous
examinez , & dans ce cas même ce font des doutes
que je propoſe , & non un ſyſtême que je prétends
établir.
Une des Profeffions les plus refpectables de la
fociété eft affurément celle de ces Citoyens courageux
qui , confacrant leur vie à l'intérêt des autres
font toujours prêts à venger l'innocence & à faire
triompher la juftice ; mais jetons un moment les
yeux fur l'origine de ce Miniftère facré. N'a- t- on
pas voulu placer un homme choifi entre la fainteté
de la loi & la violence de nos paffions ? Qu'on
laiſſe aux Parties le droit de défendre leurs cauſes ,
nous allons voir la haine & la vengeance femer
leurs difcours d'imputations étrangères , & diftiller
à grands flors de toutes parts le poifon de la calomnie.
C'est donc pour éviter cet abus qu'on a créé
une fonction honorable. L'Avocat doit être l'organe
impaffible de la vérité ; elle feule doit obtenir
fes hommages : & pourquoi la déshonoreroit- il par
un langage qui lui eft fi fouvent étranger ? Il fuffi-
Toit peut- être que l'Éloquence eût fait quelquefois
triompher le menfonge pour qu'il dût la craindre
& la dédaigner. Interprête du Légiſlateur , qu'il
s'exprime avec fa noble préciſion. L'Art oratoire
fut- il jamais celui de Solon & de Lycurgue ? Ces
grands Philofophes , ces Politiques profonds crurent
pouvoir affurer le repos de leurs concitoyens fans
les charmer par des accords raviffans. Juftinien ,
que je ne cite pas ici pour le comparer aux hommes
fameux que je viens de nommer , Juftinien
donna le même exemple. Ce n'étoit point avec chaleur
que Zoroastre dictoit les loix qu'il impofoit ; il
eût craint de les avilir par cette fauffe énergie . Confucius
mérita la reconnoiffance des Chinois fans
fortir de cette fimplicité augufte qui fut toujours le
A iv
8 MERCURE
premier caractère de la vérité , & Locke n'eut pas
recours à l'Eloquence pour devenir le bienfaiteur
de la Caroline . Pourquoi donc le Citoyen utile ,
dont le devoir eft de rappeler les principes de la
légiflation , fe laifferoit- il féduire par un talent f
dangereux ?
La vérité doit parvenir au Juge fans obftacle &
fans apprêts . Qu'un Orateur facré , qu'un Philofophe
nous inftruifent à la fcience des moeurs , il faut
nous perfuader, & pour cela peut-être ' il faut être
éloquent. Il s'agit en effet d'infpirer la vertu quand
la volupté entraîne . Oui , quelque certains que
foient les principes de la morale , ils font toujours
combattusS par l'intérêt & les paffions des hommes.
Il n'en eft pas de même de ceux de la légiflation ; ils
n'ont pas beſoin d'être perfuadés pour faire la baſe
de nos jugemens ; il fuffit au contraire de les expo
fer pour enchaîner l'obéiffance du Magiftrat & du
Plaideur.
A quoi fert d'ailleurs cet étalage fuperbe de
phrafes, harmonicufes ? I enchante l'oreille , il
flatte l'efprit , je le fais ; mais eft - ce donc pour fe
રિ
livrer à ces plaifirs que le Juge s'affied fur fon
tribunal augufte ? Ne fera-t il pas même forcé ,
quand il donnera fon opinion , d'écarter tout cet
appareil , & de réduire la caufe au fimple fyllogifme
que l'Avocat auroit dû lui préfenter ? Ce laconifme
Je fais qu'on peut m'oppoſer l'exemple de Woden
& de Mahomet. Tous deux affectèrent quelquefois des
extafes prophétiques ; mais cet exemple même fert d'ap
pui à mon opinion . Le Législateur des Goths comme
celui des Turcs & des Arabes , donnoient des loix pieufes
en même-temps que des loix civiles , appuyées l'une &
l'autre fur les principes d'un faux culte ; ils vouloient
cependant faire croire que c'étoit le ciel qui les infpiroit.
Pour tromper ainfi les Peuples , ils devoient avoir recours
à l'Eloquence.
DE FRANCE.
2
paroît effrayant ; mais comment faifons - nous nousmêmes
dans les procès dont nous fommes Rapporteurs
? Une expofition fimple des faits , une froide
analyfe des moyens , le texte de la loi rappelé ,
voilà où ſe borne tout notre ministère : pourquoi
un ufage auffi fimple ne feroit il pas adopté par les
Défenfeurs des Citoyens ?
J
Vous voulez m'échauffer & in'attendrir. Je pour
rois vous répondre que cet état de l'âme eft celui de
tous où elle eft le moins capable d'affeoir un jugement
folide ; mais fi à ce danger fe joint cette
défiance perpétuelle & de vous & de moi que votre
Art doit m'infpirer , je vous le demande alors , quel
eft l'objet de ce fupplice intérieur auquel vous me
condamnez ? Je vaincrai , ajoutez - vous , & ce fera
pour moi un triomphe de plus ; mais d'abord pourquoi
me forcer à cette lutte éternelle entre l'Éloquence
& la vérité ? Pourquoi me déchirer fans
ceffe par des craintes injurieufes à des hommes
eftimables dont je dois révérer les talens & la
bonne-foi ? Et en fecond lieu , fi malgré ma vigi
Jance & l'attention la plus févère je me laiffe
féduire par vos lumières trompeufes , fi ma bouche,
qui ne refpira jamais que pour l'innocence &
la justice , prononce l'avis coupable que vous m'avez
faggéré , mon ignorance ou mon délire peuvent
mériter vos reproches ; mais vous à qui j'ai dû mon
erreur, vous qui m'avez fait trahir le plus faint des
devoirs , répondez à votre tour , croyez -vous être
exempt de crime ?
Je ne me diffimule pas qu'en plaidant , contre l'Éloquence
je plaide contre un de nos plaifirs. Qui
n'a fouvent lû , qui n'a entendu avec avidité les
beaux Difcours des Ecrivains fameux dont s'honore
aujourd'hui le Barreau françois ? Moi - même je
me fais gloire d'être leur admirateur ; mais cette
admiration ve ferme pas mes yeux fur les périls que
A v
10 MERCURE
cette Éloquence entraîne. Ofons- le dire d'ailleurs.
Les Avo ats qui méritent cet éloge, font & doivent
être la partie la plus rare. Il en eft qui y ſuppléent
que quefois par une diffufion fatigante ou par
des perfonnalités déplorables C'eft l'abus de la
chofe , il eft vrai ; mais cet abus eft lié à fon
exiſtence. Il eft impoffible de le détruire , & de
créer une âme , un efprit nouveaux dans ces Défenfeurs
: or , je vous le demande , Monfieur ,
l'avantage même qu'on pourroit retirer d'entendre
ou de lire dix bons Orateurs , doit- il être mis en
opposition avec les longueurs & les dégoûts inféparables
des Plaidoyers ou des Mémoires de ceux
qui ne le font pas ? Pourroit- il balancer
déclamations éternelles dont s'enveloppe fouvent le
défeſpoir de la caufe ou l'ignorance des faits principaux,
& que Cicéron a fi bien caractériſées par ces
mots pleins de fens , loci inanes , nec erudita civitate
tolerabiles.
ces
Au petit nombre des bons Orateurs, on peut joindre
le petit nombre des caufes qui prêtent à l'Éloquence
dans nos conftitutions modernes. Chez les
Grecs , chez les Romains , on parloit dans la Tribune
en préfence d'un peuple nombreux , plus fenfible
aux mouvemens du coeur qu'aux raifonnemens
d'une logique confommée , & on lui parloit de fes
befoins & de fes devoirs ; mais en France il s'agit
prefque toujours d'avantages particuliers , d'intérêts
bornés & folitaires , & alors l'Éloquence peut devenir
auffi ridicule qu'elle eft nuifible ; car , comme
T'obferve Quintilien , nec quifquam illuftrem orationem
facere poteft , nifi qui caufam parem invenit.
Vous connoiffez l'hiftoire de cet Avocat , qui en-
#endant fon Confrère parler avec emphafe de
Troyes & du Scamandre , l'interrompit par ces
mots : La Cour obfervera que ma Partie ne s'appelle
pas Scamandre , mais Michaut, Cette obferDE
FRANCE. IIL
vation ſous un air frivole me paroît renfermer deux
grandes leçons. En voici une autre qui a auffi fon
utilité . Je cite l'anecdote avec d'autant plus de confiance
qu'elle m'eft perfonnelle.
Un jeune Avocat me parloit un jour d'une
caufe dont il étoit chargé. Je ne pus m'empêcher de
lui dire qu'elle ne me fembloit pas foutenable. Je
le penfe comme vous , me répondit- il , mais elle
prête à l'Eloquence , & je puis m'y diftinguer.
Cette phrafe eft le fecret du coeur. D'autres euffent
été moins ingénus peut être ; mais le fond de leur
âme eût renfermé le même fentiment. Le premier
befoin de l'Orateur eft trop fouvent de chercher à
concilier pour lui tous les fuffrages ; & s'il veut
l'emporter fur l'adverfaire qu'il a à combattre , c'elt
fur-tout le fuccès oratoire qu'il envie . Vous laiffez
donc à l'amour - propre , toujours inſatiable , l'attrait
de briller quelquefois par le menfonge.
Ce n'eft pas pour l'Avocat feul que ces efforts
font dangereux. Tandis que, jaloux de tout embellir,
il met longuement fous nos yeux les productions de
fon goût & de fon génie , le temps fuit avec rapidiré
, & dix audiences s'écoulent quand une auroit
pu fuffire. N'eft- il pas vrai cependant que le Magiftrat
doit à fa patrie le compte même de ces
momens qu'on lui fait perdre ? N'eft - il pas vrai
qu'à l'inftant qu'un Orateur célèbre le charme par la
pompeufe harmonie d'une période cadencée , les
bras tendus vers lui , une foule de malheureux attene
dent à la porte du Sanctuaire de la Juftice , & lui
demandent en gémiffant de les arracher & aux angoiffes
d'un jugement incertain , & aux dépenfes
qu'occafionne un féjour forcé loin de leurs poffeffions
& de leurs familles ? En prévoyant cette objection ,
vous avez fenti vous-même qu'il étoit impoffible
d'y répondre ; elle vous a arraché un fuffrage que
ne peut déguifer l'enthoufiafme , fi digne de vous ,
A vi
MERCURE
d'être l'appui des malheureux ; & en effet , Monfieur,
daignez calculer tout le temps dont la perte eft dûe
à l'Eloquence , & j'ofe croire que vous ferez plus
frappé encore de la vérité de mon opinion *.
Je pouffe la chofe plus loin , & je crois qu'il
feroit à defirer que nos loix fuffent affez claires ,
affez précifes , en affez petit nombre pour que le
Magiftrat n'eût pas befoin qu'on lui en rappelât le
fens & l'expreffion. Ce defir eft inutile fans doute ;
dans l'état des chofes il eft abfurde peut-être ; mais
que de biens il produiroit s'il pouvoit un jour fe
réalifer ! Ofons l'efpérer d'un Roi qui nous donne
à chaque inftant de nouvelles preuves de fa bienfaifance
& de fes vertus . C'eft au jeune Titus qui a
rendu tout fon éclat à la Magiftrature Françoife , à
détruire le chaos informe de notre législation , &
Qu'on me permette de joindre ici ce calcul qu'on
' avoit pas fait encore. Il pourra paroître fingulier ; mais
il n'eft inaiheureufement que trop vrai , & je ne crois pas.
qu'un bon Citoyen puiffe le lire fans gémir en fecret de
l'abus qui en eft la fource déplorable .
Il y a en France au moins fix mille Jurifdictions Royales
, en y comprenant tant les Jurifdictions ordinaires que
celles d'attribution , & les Cours Souveraines comme les
Tribunaux inférieurs. Je ne dis rien des Juftices feigneu
riales , parce que je ne crois pas que l'Eloquence y faffe
perdre beaucoup de temps au Magiftrat . Ne fixons l'une
dans l'autre qu'à cent Audiences par an l'exercice de leurs
fonctions , quoiqu'il y en ait plufieurs où il foit journa-
Jier, & porté même quelquefois jufqu'à deux Séances par
jour. Ne fixons encore qu'à deux heures chacune de ces
Audiences, on aura deux cents heures annuellement. Multiplions
fix mille par deux cent , & , fi je ne me trompe ,
nous aurons douze cent mille heures. On ne peut nier
qu'un Orateur n'en faffe perdre au moins les trois quarts
au Magiftrat forcé de l'entendre. Ce font donc neuf cent
mille heures de perdues , & neuf cent mille heures for
ment à peu-près cent trois ans : oui cent trois ans que
Eloquence arrache au Juge chaque année. Au bout d'un
fiècle il aura donc , malgré lui , perdu à- peu -près deux
føis autant de temps qu'il y en a que le monde exiſte. -
DE FRANCE.
nous donner enfin des loix dignes d'un Peuple qu'il
gouverne. Déjà fon coeur généreux a arraché
Phomme à l'esclavage , & l'accufé à des tourmens
féroces qui le forçoient quelquefois à s'avouer cou
pable. Cet effet touchant d'un attendriffement paternel,
eft le préfage de tous les biens que nous
devons attendre d'un Prince ami des moeurs & de
l'humanité.
Adieu , Monfieur ; je vous demande pardon de
vous avoir contredit , & je vais relire vos Ouvrages
pour me confoler de mon opinion.
RÉPONSE de M. DE LA CRETELLE .
JE vous dois des remerciemens , Monfieur , pour
le foin que vous avez pris d'oppoſer votre avis au
mien fur une queftion intéreffante , & pour la
politeffe que vous avez mife dans votre réfutation.
Une réfutation de ce genre , en répandant des
lumières fur l'objet difcuté , honore fon Auteur &
celui qu'elle attaque. Je ne voudrois retrancher de
la vôtre que les expreffions infiniment trop flatteufes
dont vous vous fervez à mon égard .
Il n'eft pas ordinaire de fe plaindre de n'être pas
attaqué d'affez près ; c'eft cependant l'espèce de
plainte que je forme contre vous. Je defiterois que
vous euffiez bien voulu examiner chacune de mes
raifons. Il y auroit déjà plus de chofes éclaircies
entre nous , & celles qui ne le feroient pas le
deviendroient plus facilement ; je n'aurois qu'à voir
quels font les points fur lefquels je puis me rappro
cher de votre avis , & quels font ceux fur lefquels je
crois conferver l'avantage. Vous avez fuivi une
autre marche ; vous vous êtes contenté de motiver
une opinion différente , & je fuis forcé maintenant de
revenir fur ines raiſons pour les comparer aux vôtres
14 MERCURE
J'ai cherché , Monfieur , à confidérer la queftion
dont il s'agit entre nous fous tous les afpects ,
pour la réfoudre toute entière , & j'ai commencé par
la faifir dès fon principe. Tout le monde entend
par l'Éloquence le don de fubjuger l'esprit par la
force du raifonnement , ou d'émouvoir le coeur par
les paffions. On conçoit que ce talent eft libre de fa
nature. On ne peut pas ordonner à un homme né
éloquent de ceffer de l'être , ni même de le vouloir
, & cela lui feroit impoffible Quel moyen
done d'écarter l'Éloquence de l'adminiſtration de la
Juſtice ? Je n'en connois qu'un , c'eſt de la rendre
inutile à la défenfe des Citoyens par des loix
très- claires , très -fimples , très - équitables , par des
Magiftrats très- intègres & très -éclairés , & d'en
prévenir l'ufage par un ordre judiciaire qui ne permette
aux Parties que la fimple expofition de leur
caufe. Vous conviendrez , Monfieur , qu'il n'y a que
de petits Peuples , des Peuples qui réuniffent ce que
l'on voit le plus rarement enfemble , des progrès
avancés dans la civilifation , avec la candeur &
l'innocence des moeurs primitives qui puiffent
jouir à - la- fois de tous ces avantages . Chez toutes
les grandes Nations , les loix font immenfes & les
moeurs font mauvaiſes. On ne peut y prendre une
confiance entière ni dans les lumières des Juges , ni
dans leur droiture, Il faut permettre aux Plaideurs
de raifonner fur leurs droits ou leurs prétentions. Il
importe auffi que l'homme opprimé ait le droit
d'appeler l'Éloquence à fon fecours pour réfifter à
l'afcendant des protections , à l'influence des féductions
que l'on emploie contre lui . L'Éloquence
devient alors , non pas un bien abfolu , mais un
remède utile dans de grands maux. Elle a cependant
des dangers , des inconvéniens ; mais ils font
inévitables , & ils fout moins confidérables qu'on
me le croit . Le plus grand de fes dangers vient
DE FRANCE. 15
de l'empire qu'elle peut prendre fur l'âme du Juge.
Si l'on y fait bien attention , on verra que parmi
nous elle peut beaucoup plus pour foutenir la probité
du Magiftrat que pour l'égarer. L'Éloquence ,
dans nos conftitutions & dans notre ordre judiciaire ,
ne peut plus régner par les paffions ; elle n'agit plus
fur un Peuple affemblé , mais fur des Magiftrats qui
favent s'en défier & lui réfifter ; fi elle vouloit les entraîner
à l'injuftice ou à l'erreur , dès qu'ils s'en appercevroient
, & ils l'appercevroient aifément , elle
pourroit leur plaire encore , elle ne les perfuaderoit
plus ; mais lorfqu'elle parle dans la caufe de
la vertu , & felon la juftice & la raifon , la juftice
, la raiſon , la vertu en deviennent plus aimables
, & par-là plus puiffantes. L'Éloquence infpire
au Magiftrat plus de zèle & de fermeté dans la
volonté du bien. Le plus grand de fes inconvéniens
eft d'employer plus de temps qu'il n'en faudroit à
une expédition rigoureufe de la juftice mais c'eft
une queſtion de favoir fi des loix embarraffées peuvent
fe paffer d'une difcuffion un peu étendue ; &
dès qu'il faut de la difcuffion dans l'explication des
loix , il faut y admettre ou les formes de l'Eloquence
, ou le jargon de la chicane ; & qui pourroit
douter que le ftyle de la chicane ne prenne beaucoup
plus de temps à la justice , & ne lui foit bien plus
dangereux que le langage de l'Eloquence ? Une
foule d'avantages moins effentiels contribue encore
à rendre l'Eloquence précieufe dans nos Tribunaux.
Elle eft pour les malheureux une douce & noble
confolation , en ce qu'elle leur donne un moyen
aſſuré d'obtenir la bienveillance & l'intérêt du Public.
Quand elle parle fur les loix , elle accroît
leur majefté devant le Peuple , elle leur obtient fa
reconnoiffance & fa vénération. La véritable Eloquence
ne peut fe féparer de la bonne Philofophie.
Des difcuffions fur les loix agrandies par la Philofo
16 MERCURE
phie , animées par l'Eloquence , ne feront - elles pas
une heureuſe fource d'inftructions pour le Magiftrat?
D'ailleurs , s'il faut de la folemnité dans l'adminiſtration
de la juftice , qui peut y en apporter davantage
que l'Eloquence ? Et s'il nous importe de confacrer
les Beaux - Arts par un emploi noble & utile , où
pouvons - nous mieux les montrer que dans le Sanc
tuaire des loix ? Quelle plus digne décoration le
Sanctuaire des loix pourroit-il recevoir , que celle
que lui prête la voix d'un homme éloquent ?
Voilà , Monfieur , le précis des vûes qui m'ont fait
conclure que l'Eloquence étoit parmi nous ron
moins utile à la fageffe & à la pureté des décrets
de la juftice qu'à leur pompe. D'après ce réſultat, je
crois que,loin de l'exclure de nos Tribunaux, il faut
chercher à en tirer le meilleur parti qu'il eft pofble.
Les talens font , comme les moeurs , foumis à la
direction que la main habile d'un Législateur fait
leur donner. Il eft de leur effence de fe porter vers
ce qui eft beau & ce qui eft bon. Si vous les y appelez
par des honneurs , par des récompenfes , vous ne
les verrez pas fe proftituer à des objets indignes
d'eux. Ayez donc des Orateurs , récompenfez- les
par des hommages publics , & l'Eloquence deviendra
la lumière des loix , la reffource du foible , la
crainte de l'oppreffeur , l'appui de la justice.
Vous n'en jugez pas ainfi , Monfieur ; votre goût
vous fait aimer l'Eloquence , mais votre conſcience
vous la fait craindre ; vous ne la trouvez utile que
lorfqu'elle s'occupe de perfuader les vertus ; vous la
repouffez de toutes les occupations où il ne faut que
prouver & convaincre. Ce n'eft point par l'Ele
quence que vous eftinez l'inftitution des Avocats
c'eſt par la modération que leur ministère fait régner
dans les débats des Plaideurs ; vous ne leur
permettez pas, de s'échauffer pour la vérité , pour la
vertu.L'homme qui réclame la loi, doit être impaffi
DE FRANCE. 17
→
blecomme clle. - Les Législateurs , en donnant leurs
loix aux Peuples, n'ont pas cru qu'il fût néceffaire de
les appuyer de la force & de l'éclat des beaux dif
cours . Ce n'eft pas pour recevoir un vain plaifir que
le Magiftrat vient s'affeoir fur le Tribunal. - D'ail
leurs l'émotion que l'Orateur veut porter dans fon
âme feroit dangereufe à la jufteffe , à l'impartialité
de fon jugement. Pourquoi le plaidoyer d'un Avocat
n'eft- il pas uniquement un récit clair & méthodi
que , une difcuffion calme & fimple comme le tra
vail d'un Rapporteur ? Qu'arrive - t- il de l'ufage
contraire ? Les Avocats veulent être éloquens. Ce
talent eft rare , & au Barreau les occafions de le
placer ne le font pas moins : de-là des plaidoyers
chargés de mors & vuides de fens ; de-là de longs
difcours , où l'on fonge bien moins à gagner fa
caufe qu'à montrer de l'efprit ; & cependant le Juge
perd à écouter des phrafes un temps qu'il doit à la
prompte expédition de la juftice , le plus grand fervice
de la juftice même. Vous finiffez , Monfieur ,
par defirer des loix affez claires , affez courtes &
affeż fimples pour qu'on n'ait plus befoin du tout
du ministère des Avocats. Il me femble , Monfieur ,
qu'en motivant ainfi votre opinion , vous avez laiffé
fubfifter toutes les raiſons par lesquelles j'en ai établi
une différente ; je puis donc vous oppofer , pour
première réponſe , la difcuffion même que vous avez
combattue. Permettez - moi , Monfieur , pour l'inté,
rêt de la caufe que je foutiens , d'ofer vous ménager
un peu moins , & de vous réfuter par l'examen des
idées que vous venez de développer.
Je crois qu'il résulte de ma difcuffion deux chofes
; l'une , que dans le fyftême de nos loix , dans
l'état de nos moeurs , il est néceffaire de permettre
aux Parties la difcuffion raifonnée de leurs cauſes ;
qu'il eft impoffible d'écarter l'Eloquence de cette
difcuffion , & qu'il eft utile de l'y admettre ; l'autre ,
18 MERCURE
+
que dans l'adminiſtration de la juftice , telle qu'elle
exiſte parmi nous, les avantages ſurpaſſent de beau
coup les inconvéniens .
Vous , Monfieur , vous vous êtes borné à préſenter
quelques-uns de ces inconvéniens , & à offrir le modèle
des difcuffions auxquelles vous voudriez réduire
les Avocats ; mais les inconvéniens que vous
préfentez naiffent- ils effentiellement du droit d'em
ployer l'Eloquence au Barreau , & le genre de plaidoirie
que vous propofez eft il pratiquable en luimême
, & remédieroit-il à quelque chofe ? Voilà ce
que je veux examiner avec vous.
L'Eloquence , dites-vous , eft inutile pour convaincre
; elle ne convient pas à des hommes qui doivent
refter auffi calmes que la loi qu'ils invoquent.
Si vous y faites bien attention , Monfieur , vous
verrez que l'Eloquence convient autant à la convic
tion qu'à la perfuafion , & que ces deux impreffions
de l'Eloquence , quoique différentes , fe féparent
difficilement. Le jugement & la fenfibilité communiquent
fans ceffe dans l'homme , & réagiffent continuellement
l'un fur l'autre . Vous ne toucherez jamais
mon âme, fi vous offenſez ma raiſon ; de même vous
ne fubjuguerez jamais ma raiſon , fi vous n'intéreſſez
mon âme. Je ne puis aimer , fi je ne fuis porté à
approuver, ni approuver , fans être porté à aimer,
Auffi,quand les hommes qui attachent des idées juftes
aux expreffions dont ils fe fervent , emploient , en
les diftinguantces , mots de conviction , de perfuafion
, ils entendent uniquement que le raisonnement
a plus d'effet dans l'une , & le fentiment dans l'autre
Pourquoi y a-t-il une fi grande différence entre
l'homme éloquent , foit qu'il ouvre son âme ,
foit qu'il raifonne , & l'homme qui manque d'Eloquence
? C'est que l'un dit fes fentimens , & que
l'autre les communique ; c'eft que l'un établit
Les raifons , & que l'autre , en les paffionne. Aina
DE FRANCE 19
donc fi vous permettez de convaincre dans les
difcuffions du Barreau , vous permettez auffi d'y
toucher au moins jufqu'à un certain point ; &
quand même il ne s'agiroit que de convaincre ,
il y auroit encore là de quoi être éloquent. Il m'a
toujours paru , Monfieur , que la question ne pouêtre
ici s'il falloit admettre ou non l'Eloquence
au Barreau , mais s'il falloit ou non у interdire
aux Parties la difcuffion de leurs moyens pour
les réduire à la feule expofition des faits ; car dès
que vous permettez une défenfe raisonnée , quel
qu'en foit l'objet & la forme , l'Eloquence peut y'
voit pas
entrer.
Mais vous demandez à l'homme éloquent de
s'interdire l'ufage de ce talent ; vous en faites même
un devoir de fa confcience , & vous lui propoſez
l'exemple du ftyle précis & fimple des Légiſlateurs
dans la promulgation de leurs loix.
Prenez -y garde , Monfieur , il ne peut y avoir
rien de commun entre le Législateur & l'Avocat.
Tous deux , à la vérité, s'occupent des loix , mais l'un
les établit , l'autre les invoque , & cela eft fort différent.
L'autre modèle que vous propofez à l'Avocat
ne lui conviendroit pas mieux. Un Rapporteur ,
qui ne doit qu'expofer les faits d'une caufe & les
moyens des Parties , & motiver enfuite fon avis ,
doit s'impoſer dans ce travail l'impartialité de la
loi , & ne trouve pas les mêmes motifs de s'y échauffer;
& cependant , Monfieur , êtes - vous sûr que jamais
l'afcendant de l'Eloquence ne s'eft fait ſentir
dans ces travaux, non pas d'un Orateur , mais d'ur'
Juge ? L'Eloquence , Monfieur , confifte moins dans
certaines formes que dans une force & un charme
qu'un homme né éloquent imprimé dans tous fes
difcours. L'Avocat, comme le Juge , doit un refpect
entier à la loi ; il ne doit jamais ni la diffimuler , ni
la violer , ni la plier à fes vûes par des interpréta
20 MERCURE
1
tions de mauvaiſe foi ; mais il doit auffi du zèle à
fon client ; il doit tout ce qu'il a d'énergie & de
chaleur à l'innocent opprimé , au malheureux à qui
l'on veut enlever les dernières refſources , fes dernières
confolations. Suppofez - le froid & impaffible:
par fyftême dans la défenfe de ces touchans intérêts ,
& c'eft alors qu'il fera coupable , puifqu'il n'aura
pas fait pour le malheur & l'innocence tout ce qui,
étoit en lui. Penfez - vous que l'Eloquence foit de,
trop pour réfifter au crédit , à la faveur , à toutes les
féductions que les paffions & l'intrigue favent employer
? Et fi l'injuftice triomphe , l'Orateur qui ne,
l'aura pas attaquée affez puiflamment n'en deviendrat-
il pas complice ? Non , Monfieur , loin du protec
teur des foibles & des opprimés cette timide modéra
tion. L'homme de bien doit toute fon éloquence à
la vérité qu'il croit dans fon coeur . Obfervez dail
leurs , Monfieur , une raifon particulière de la difcuffion
tranquille qui doit réguer dans les expofés
des Rapporteurs ; c'eft que ces fortes de difcours ne
fe prononcent que dans l'intérieur du Tribunal , au
lieu que les Avocats parlent devant le Public comme
devant les Magiftrats . Puifqu'on adinet le Public dans
les Audiences , & il y a de bonnes raiſons pour cela ,
il faut bien qu'il y foit compté pour quelque chofe ;.
il faut plus d'appareil & d'intérêt dans des difcours
où le Public affifte . Aulli demande-t -on aux plai-.
doyers des Avocats- Généraux qui parlent entre les
Magiftrats & le Public , plus d'élévation & de chaleur.
Mais chaque pofition pour l'Orateur a les rè
gles & fes convenances. L'Avocat ne doit jamais,
dépouiller,pour l'amufement de fes Auditeurs , la noble
gravité des paroles qu'il adreffe aux Magiftrats ,
& l'homme public ne doit jamais le livrer aux paffions
que l'on permet aux hommes privés ; il ne doit
connoître dans fes difcours comme dans fes décifions,
que l'amour de la juftice , la vengeance des
DE FRANCE. 2
loix & le zèle du bien public : ce font - là les feules
paffions qui lui conviennent,
Vous devez concevoir , Monfieur , d'après les raifons
que je viens de vous préfenter , que ce feroit
faire violence à l'ordre naturel que de réduire l'âme
inquiette , fouffrante & agitée des Plaideurs à ce ton
calme qui doit être le ftyle de leurs Juges. Cela
feroit non-feulement injufte , mais encore impoffible.
Jamais on n'obtiendroit de celui qui expofe fon
malheur ou fon danger , de s'exprimer comme s'il
ne les fentoit pas. Ses plaintes , en paffant par l'organe
d'un Avocat , pourront bien fe modérer , mais
ne doivent pas s'y affoiblir. Qui voudroit d'un Avocat
qui fe piqueroit de n'adopter jamais la fenfibilité
de fon client lorfqu'il le verroit injuftement perfécuté
? Et quelle fauffe & odieufe perfection cer
Avocat chercheroit illà ?
Ce n'est pas tout. J'ofe dire que cette manière de
plaider , qui ne connoîtroit que le calme des fentimens
& la netteté précife de la loi , eft trop difficile à
atteindre pour devenir commune. Si l'Éloquence eft
rare , l'excellente Logique ne l'eft pas moins. De
même qu'en autorifant l'Eloquence il faut s'attendre
à beaucoup de déclamations, en demandant une manière
de raifonner toujours forte par la raifon feulé,
on s'expofe à toutes les fubtilités , toutes les obſcurités
naturelles aux mauvais efprits . Vous aurez donc
dans les difcuffions judiciaires , comme je l'ai déjà
dit , l'ergotage de la fcholaftique au lieu du fratras
de la rhétorique , & l'eſprit de chicane remplacera le
génie de l'Eloquence . Penfez -vous qu'il y auroit
beaucoup à gagner dans cet échange ? Vous favez ,
Monfieur , que la bonne & faine Eloquence est bien
rare au Barreau , qu'elle y laiffe trop régner le ton
de la chicane ; fi nous voulons le purger de tout ce
qu'il a d'abus , ce n'eft pas l'Eloquence qu'il en faut
22 MERCURE
chaffer ; elle y amène plus d'avantages que d'incon
véniens .
Vous n'avez voulu voir que ces derniers. Le plus
important de tous eft le temps conſidérable que les
difcuffions oratoires enlèvent à la juftice. Si l'Elo.
quence eft utile à l'adminiſtration de la justice à
plufieurs égards , il faut bien lui pardonner de la
rendre un peu plus lente. C'eft un médiocre inconvénient
dans un grand bien. D'ailleurs , Monfieur ,
penfez vous qu'avec des loix auffi embarraffées que
les nôtres, il n'y ait pas un grand danger dans des
jugemens très - précipités ? C'eft peut - être un bien
que l'Eloquence fait aux Juges de les retenir plus
long-temps fur l'examen d'une affaire qu'ils faifiroient
mal d'un premier coup d'oeil , & qui faura
mieux que le goût des Orateurs s'arrêter dans des
développemens néceffaires , & rejeter des détails
inutiles ?
·
Vous ajoutez que la prétention de l'Eloquence
fait qu'on veut en montrer dans toutes les caules ,
& qu'on ne fonge qu'à cela . On veut être éloquent
en raifonnant fur le mur mitoyen , & telle caufe
qu'on ne trouve pas jufte , on la plaide néanmoins ,
parce qu'on la juge propre à faire de l'effet . Il eſt
vrai que l'envie de briller peut faire taire la confcience
dans les Avocats ; inais interdiſez -leur l'Eloquence
, ceux qui n'ont pas le coeur honnête &
délicat fe jetteront dans un autre vice bien plus
funefte ; ils ne fongeront qu'à gagner de l'argent.
Ils font fouvent de l'Eloquence unu fage ridicule en
la portant hors de fa vraie place . D'où cela vient-il ?
de ce qu'ils ne connoiffent pas affez l'Eloquence.
Plus on l'encouragera , plus on la pratiquera au Barreau
, plus elle s'y épurera & s'annoblira ; elle y
détruira elle-même une partie des abus qu'on lui reproche.
On apprendra fur - tout à y mieux diftinguer
dans quelles caufes elle peut entrer.
DE FRANCE. 25
Ma réponſe eft devenue bien plus longue que
votre Lettre , & c'est un défavantage de plus que
j'aurai fur vous pour plaire à mes Lecteurs ; mais
' ai cru que puifque j'avois ouvert la.queftion, c'étoit
moi de la difcuter avec une attention férieuſe .
On pourra croire , Monfieur , que nous avons
parlé ici chacun felon l'efprit de notre état. Vous
êtes Magiftrat , & un Magiftrat doit fe tenir en garde
contre les féductions de l'Eloquence. Je ſuis Avocat ,
j'en exerce quelquefois les fonctions , & l'Eloquence
fair un de nos titres à l'eftime publique,
Voilà ce qui pourra nous rendre l'un & l'autre
fufpects de quelque partialité. Il n'eft que trop
commun de ne voir les objets qu'à travers notre
intérêt ou notre penchant , & tout Écrivain pour
qui la vérité eft facrée , doit fe prémunir contre cette
furprife ; je puis me rendre au moins le témoignage
que dans l'examen de cette queftion j'étois tout
prêt à adopter & à établir de toutes mes forces un
réſultat contraire , s'il m'avoit paru le mieux fondé
en raiſons.
J'ai l'honneur d'être , Monfieur , &c.
LACRETELLE.
Explication des Charades , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent .
LE mot des Charades eft Maladroit ; celui
de l'Enigme eft Panckoucke ; celui du Logogryphe
et voile , où le trouvent olive &
viole.
24
MERCURE
CHARA DE S.
I.
Mon premier , né dans Londre , eft très - commun ON
en France ;
Mon fecond , au piquet eft de bonne eſpérance ,
Et mon tout fait cortège à la fière opulence,
I I.
MON premier très- ſouvent fut l'objet d'un larcin ;
Mon fecond , dans les cieux eft un être divin ,
Et mon tout est un fruit du peuple Américain.
I I I.
DANS mon premier fe voit un Prince vénérable ;
Mon fecond, par les Juifs eft banni de la table ,
Et mon tout , des mortels eft le plus mépriſable.
I V.
MON premier quelquefois punit un criminel ;
Mais pour ce mon fecond eft très- effentiel ,
Et mon tout le prépare à monter droit au ciel.
V.
MON premier trouve place en plus d'une ordonnance;
Mon fecond pour le Moine eft un temps d'abſtinence ,
Et mon tout en hiver eft fort de convenance.
(Par Mde *** , Auteur des Amuſemens du Jour.)
ÉNIGME
DE FRANCE.
SI
ENIGME.
Si vous croyez que fans argent
On ne fauroit vivré content ,
C'est bien le comble du délire ;
Peut-on rien trouver de plus foù ?
Pour moi , quand je n'ai pas-
Alors je ne fais plus que rire.
le fou ,
( Par un Capucin d'Andely. )
LOGO GRYPH E.
JE fuis le féau des humains ,
Chacun me fuit & me détefte ,
Et cependant, c'eft par leurs mains
Souvent que je deviens funefte.
Princes & Rois , petits & grands ,
J'attaque tout dans ma colère ;
Tout tremble à mon afpeét févère ,
Et tombe fous mes coups puiffans.
En dérangeant mon exiſtence ,
Vous trouverez , fans nul effort ,
Ce que l'on fent quand je m'avance ;
Ce que l'on eft à mon abord ;
Ce qu'on devient par ma préſence,
Mes fept pieds vous offrent encor
Nº. 9 , 1 Mars 1783 . B
26 MERCURE
H
De Jupiter une maîtreſſe ;
Puis un jeu de force & d'adreffe ;
Ce que chaoun dit qu'il vous eft ;
Ce que toute fille veut être ;
Ce que nulle ne croit paroître ;
Un nombre ; une Déeſſe ; uu mets.
Enfiu , puifqu'il faut tout vous dire ,
Cherchez des outils le plus dur ;
La Capitale d'un Empire ;
Ce qui n'eft plus dans le vin pur ;
L'ornement de votre denture ;
Un Pontife prefqu'adoré ;
Un objet qui , dans la Nature ,
Ne peut être à rien comparé ,
N'ayant ni forme ni figure.
Mais fi tes foins font fuperflus ,
A ta voix fi je fuis rébelle ,
Crois-moi , Lecteur , ne cherche plus ,
Je viens toujours fans qu'on m'appelle.
1
J.
DE FRANCE. 27
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
RECUEIL de Mémoires fur la Méchanique
& la Phyfique, par M. l'Abbé Rochon ,
de l'Academie Royale des Sciences & de
celle de Marine . A Paris , chez Barrois
l'aîné , Libraire , 1783 .
Nous nous bornerons dans cet Extrait à
préfenter le tableau des principaux objets
qui font traités dans cet Ouvrage.
On y trouve , 1 °. des recherches importantes
fur plufieurs points de la théorie de
la vifion .
M. l'Abbé Rochon y prouve par l'expérience
, que nous voyons les objets dans la
direction du rayon qui produit le plus grand
effet , c'eft à - dire , de celui qui eft perpendiculaire
au fond de l'ecil; obfervation importante
déjà faite par M. d'Alembert , &
qui nous paroît néceffaire pour établir la
théorie de l'aberration fur des principes
incontestables.
Il rend compte d'expériences nouvelles
fur la manière dont les deux yeux concou
rent dans la vifion des objets , & dont les
jugemens de l'âme influent dans les fenfations
de la vûe. Par exemple , fi vous placez
l'une au- deffus de l'autre deux images égales
du même objet , l'image fupérieure paroîtra
Bij
25
MERCURE
plus éloignée ; fi vous les placez à côté l'une
de l'autre , ces images paroîtront à des diftan.
es égales , & on ne peut attribuer cette
difference dans la fenfation , qu'à un jugement
fecret de l'âme , qui , dans le premier
cas , fait regarder l'image fupérieure comme
celle d'un objet plus éloigné ; parce que de
deax objets réels placés de manière à produire
la même apparence , le plus élevé feroit
à une plus grande diftance.
2º. La defcription de plufieurs inftrumens
de ftinés à mefurer les angles , dans lefquels
M. l'Abbé Rochon fait ufage de la propriété
qu'ont certains milieux de donner
deux images des objets .
Ces inftrumens lui ont fervi à mesurer
avec précifion les diamètres des planètes . Ils
peuvent être employés avec fuccès à une
foule de déterminations aftronomiques &
d'opérations topographiques ; à reconnoître ,
par une fimple obfervation , la diftance d'un
corps dont on connoît le diamètre , ou le
diamètre de celui dont on connoît la diftance
, & même par deux ftations très - peu
éloignées , la diſtance & le diamètre à la fois.
Ces inftrumens , que l'Auteur appelle
lunettes à prifme , peuvent devenir d'une
très-grande utilité.
Nous renvoyons à l'Ouvrage même. pour
leur defcription & le détail de leurs ufages.
On a voulu difputer à M. l'Abbé Rochon
l'invention de ces inftrumens ; il prouve ici ,
d'une manière convaincante , qu'elle ne peut
DE FRANCE. 29
lui être contefée ; ainsi , les réclamations
qu'elle a excitées ne fervent qu'à prouver
combien elle eft ingénieufe & utile.
3. Des expériences fur les loix de la difperfion
.
Ces expériences font faites avec un inftrument
nouveau , qui les rend fufceptibles
d'une exactitude qu'on n'auroit pu eſpérer
des méthodes connues.
4° . Des recherches fur la décompofition
de la lumière des étoiles fixes .
M. l'Abbé Rochon eft parvenu , en plaçant
un prifme devant l'objectif d'un télef
cope , à donner au ſpectre d'une étoile une
étendue fuffifante pour y diftinguer des couleurs
, & faire voir que leur lumière eft de
la même nature que celle du ſoleil , vérité
inconnue jufqu'ici , & qui eft un pas de plusdans
la connoiffance de la nature.
°. Un inftrument deftiné à épargner aux
Marins une partie des calculs qui fervent à
déterminer la longitude en mer.
6°. Un Mémoire fur la diftillation dans
le vuide. La diftillation fe fait dans le vuide
avec bien moins de chaleur que dans des
vaiffeaux remplis d'air. Cette méthode
offre des moyens d'épargner une grande
quantité de matières combuftibles foit dans la
diftillation de l'eau de mer, foit dans celle des
eaux- de-vic, ce qui rendroit les machines diftillatoires
bien plus commodes pour l'ufage
des vaiffeaux , & diminueroit confidérablement
les frais de la fabrication des caux-
B iij
30
MERCURE
de vie. D'ailleurs , les produits de ces diftillations
font bien moins altérés que ceux des
diftillations ordinaires les mieux ménagées.
Ainfi cette méthode offre un moyen nouveau
pour l'analyse des fubftances animales
& végétales. Certe idée de diftiller dans le
vuide , l'une des plus utiles qui ayent été
propofées dans ce fiècle fi fécond en découvertes
, eft dûe à M. Turgot , dont l'activité ,
comme le génie , s'étendoit fur tous les
objets des connoiffances humaines , & qui a
fait le bien de fon pays , de toutes les manières
dont les talens & les vertus peuvent
être utiles aux hommes , par fes actions , par
fes inftructions & par fon exemple.
7 °. Enfin , une machine à graver. Cette
machine eft deftinée à graver des planches
pour l'impreffion . Par des moyens également
fimples & ingénieux , elle met tout ouvrier ,
un peu exercé dans les travaux des Arts , en
état de graver à un prix modique , & trèspromptement
, des planches qui formeroient
de très belles Éditions. La machine tient
peu de place , & feroit beaucoup plus commode
& moins coûteufe que des imprimeries
portatives. Elle feroit très- utile dans les
camps , dans les vaiffeaux. Elle a de plus
deux avantages précieux que n'a point l'imprimerie;
les planches reftent. Ainfi 1º . l'on
peut ne tirer d'un Livre que les exemplaires
dont on a befoin à chaque époque , ce qui
feroit une très grande économie de papier.
2. L'on peut corriger ces planches , ce qui
DE FRANCE.
permet aux Auteurs de faire difparoître les
fautes typographiques, ou leurs propres fautes
même , après la publication de l'Ouvrage .
En un mot , elle réunit à la fois prefque tous
les avantages particuliers de l'imprimerie en
caractères mobiles , & ceux de la gravure ,
avec quelques autres , que ni l'une ni l'autre
de ces méthodes ne pouvoient procurer.
Nous n'avons parlé ici que d'une
partie des objets traités dans ce Recueil;
mais nous ne pouvons nous empêcher de
dire , en terminant cet article , que nous
connoiffons peu d'Ouvrages où l'efprit d'invention
fe montre davantage , & qui , dans
un auffi petit efpace, contiennent autant de
chofes nouvelles.
LE Négociant Philofophe , traduit de
l'Allemand , par M. Doray de Longrais ,
Officier de Cavalerie. A Amfterdam , &
fe trouve à Paris , chez Savoye , Libraire,
гнe S. Jacques.
L'AUTEUR original de cet Ouvrage eft M.
Hirzel , Confeiller d'État , & premier Phyficien
de la ville de Zurick , connu par d'autres
Écrits eftimés. Il a traduit en Allemand l'Avis
au Peuple , de M. Tiffort ; & on lui doit le
Payfan Philofophe , qu'on a traduit en François
, fous le titre de Socrate Ruftique.
Le but du Négociant Philofophe eft de
faire eftimer le Commerce , d'en développer
les principes , d'en faire connoître les de-
"
Biv
32
MERCURE
voirs ; & l'Auteur , par le plan qu il a adopté,
a échappé à la féchereffe des préceptes , ou
du moins il a mis de l'intérêt dans fes difcuffions
, par le cadre dans lequel il les a
placées.C'eft le père d'une famille nombreuſe,
Arifte ) qui a obfervé les divers caractères
de fes fils , pour décider l'état qui convient
à chacun d'eux. L'intention de l'Auteur eft de
ne parler que de celui de fes fils qui eſt deſtiné
au commerce. Toutes les démarches du père,
les promenades qu'il fait faire à fon fils ,
les amuſemens qu'il lui procure , & les entretiens
qu'il a avec lui , ne tendent qu'à
l'inftruire des avantages , des dangers & des
obligations de cet état . On fent que ce cadre
doit intéreffer le Lecteur par le ſpectacle
d'un père tendre , qui ne refpire que pour
le bonheur de fon fils ; les confcils qu'il lui
donne portent l'empreinte du fentiment qui
l'anime , & prêtent un charme à l'inftruction.
Le moment où ce bon père , qui n'a
jamais dit à fon fils quel état il defire de lui
voir embraffer , de peur de faire violence à
fes goûts , l'invite à déclarer fon penchant ,
réunit l'intérêt & la raifon. « Volontiers
réplique Cléanthe , avec une rougeur qui
décèle cette modeftie qui fied fi bien à la
jeuneffe. L'état de Négociant n'a paru
agréable de préférence , & je vois qu'on
peut y trouver facilement fon bonheur. Les
Occupations toujours variées dans un comptoir
& dans un magalin , me paroiffent
charmantes ; on peut à chaque inftant fe déDE
FRANCE. 33
laffer de l'Ouvrage précédent , en s'occupant
à un nouveau. Au contraire , je trouve l'habitude
des Savans d'être toujours aflis trop
gênante pour l'efprit ; les idées me manquent
dans une étude affidue , & l'ouvrage continuel
d'un Artifan eft trop fatigant pour le
corps. Je me crois trop foible pour T'un &
pour l'autre.≫
Arifte fonde encore quelque temps les
difpofitions de fon fils , pour favoir ti le motif
qui le détermine au choix de cet état ,
eft propre à l'y faire réuflir ; pour voir s'il
n'eft pas plutôt tenté par le luxe ou quelque
autre agrément du commerce , qu'il n'eſt
difpofé à en remplir les devoirs ; & , fatisfait
de fes réponfes , il donne les mains à
fon choix.
L'Auteur de cet Ouvrage a fouvent occafion
de parler des avantages & des inconvéniens
des autres états ; & il a fu par- là
rendre fon Ouvrage utile , même à ceux à
qui il ne paroît pas deſtiné.
SPECTACLES.
COMEDIE FRANÇOISE.
LE Mercredi 12 Février , on a donné la
première repréſentation de la remife des
Deux Amis , Drame en cinq Actes & en
profe , par Ai . de Beaumarchais .
Aurelly , Négociant à Lyon , & M. de
B v
34
MERCURE
1
Melac , Receveur Général des Fermes dans
la même ville , font unis de la plus tendre
amitié. Le premier a une fille naturelle qui
palle pour fa nièce , & qui a infpiré de
l'amour à M. de Saint- Alban , Fermier- Gé- ,
néral. La jeune perfonne aime Mélac fils
dont elle eft adorée. La mort d'un Correfpondant
d'Aurelly eft fur le point d'arrêter
les payemens de ce Négociant , lorfque M.
de Mélac prend dans fa caiffe cinq cent mille
francs qu'il remet au Caiflier d'Aurelly , au
moment même où M. de Saint- Alban vient ,
avec un ordre de fa Compagnie , pour recueillir
fur le champ tous les fonds de la
Province. Mélac ne peut obéir à cet ordre ;
fa probité devient fufpecte. Aurelly eft d'abord
fon juge le plus févère : mais bientôt.
il cède à la voix de fon coeur , fe propoſe
à Saint- Alban pour caution de Mélac , &
lui donne un mandat fur fon Correſpondant ,
dont il ignore le décès. Ce n'eft que fous la
condition d'époufer la nièce d'Aurelly que
Saint Alban confent à garder le filence auprès
de fa Compagnie , & à laiffer Mélac
dans fon emploi . Un mot du Caifher fait
connoître le défaftre d'Aurelly & le mystère
de la conduite de Mélac. Au cinquième Acte ,
le Négociant reçoit de Paris des lettres par lefquelles
il apprend la fatale nouvelle qu'il
ignoroit. Il eft accablé de remords & de
honte. Ce fpectacle , tous les événemens du
jour éveillent la fenfibilité de Saint - Alban .
Ce Financier devient la caution d'Aurelly ,
DE FRANCE.
35
l'ami & le protecteur des Mélac , & renonce
à la main de Pauline ; c'eft le nom de la
fille du Négociant. On unit les deux jeunes
amans , qui jouent dans cette Pièce des rôles
très intéreffans , mais qu'il feroit trop long
de détailler.
Ce Drame a été repréfenté pour la première
fois le 13 Janvier 1770 ; il eut onze
repréſentations , & un fuceès fort équivoque.
On pût même remarquer alors qu'il y avoit
un peu de déchaînement contre cet Ouvrage.
Aufli quand M. de Beaumarchais le fit imprimer
, il prit pour épigraphe ces mots tirés
de la Scène feptième du quatrième Acte :
Qu'oppoferez-vous aux jugemens , à l'injure',
aux clameurs ? RIEN . Cette épigraphe nous
femble un peu fière ; car ce n'eft pas feulement
comme production purement littéraire
que les gens du monde ont jugé ce Drame ,
mais ils l'ont encore envifagé par fon objet
moral; & , à ce dernier titre , il nous paroît
fufceptible d'obfervations critiques très - bien
fondées. M. de Mélac doit à Aurelly fa fortune
& fon bonheur ; il eft reconnoiffant ,'
il veut le prouver : rien de mieux. Mais
exifte - t'il , exiftera t'il jamais une pofition
dans laquelle un homme public puiffe difpofer
des fonds de fes commettáns pour
couvrir la faillite d'un ami ? Non , fans
doute ; & fi le motif d'une pareille imprudence
peut l'excufer aux yeux des gens fenfibles
; dans l'ordre moral & dans l'ordre
civil , une pareille action eft réellement blâ
B w
1
36,
MERCURE
mable. C'eft en vain , que pour défarmer la
févérité des gens auftères , on fait l'énumération
des biens d'Aurelly , & qu'on avance
que la mort d'un Correfpondant eft la feule
caufe de la fufpenfion de fes payemens . Ce
moyen en lui même eft frivole . Ce Corref
pondant peut , à fa mort , laiffer de mauvaifes
affaires. Si cela eft , la fortune d'Aurelly
eft ou détruite ou au moins très- altérée.
Que deviennent alors Mélac , fa répuration ,
les enfans ? Le plus grand effort , l'effort
le plus fublime de l'amitié feroit peut- être
de braver la honte , la misère & l'infamie ,
pour épargner à fon ami tous les maux ,
Tous les chagrins que pent entraîner une
banqueroute ; mais il n'y a qu'un homme.
ifolé qui puiffe faire de pareils facrifices ;
& quand on eft père de famille , on doit à
cette famille le compte de fon honneur public,
avant de rien devoir à fon ami. On n'aime
point à entendre cette phraſe dans la
bouche de M. de Mélac , d'un homme qui
dans le cours de l'Ouvrage eft fouvent honoré
du titre de Philofophe : Avoir à choisir entre
deux devoirs qui fe contrarient & s'excluent.
L'un de ces devoirs , celui de venir au fecours
de fon ami , eft fans doute indifpenfable.
Eh bien ! qu'il y fatisfaffe en fe défaifant
d'une partie de fes biens ; qu'il inftruiſe
fon fils de ce qu'Aurelly a fait pour lui ; qu'il
lui prouve que dans la pofition où fe trouve
ce Négociant , il doit lui facrifier tout ce qui
lui appartient ; que Mélac fils y confente , fe
DE FRANCE. 37
né
*
faffe une jouiffance de tout immoler au bienfaiteur
de fon père , à la bonne heure : mais
ce devoir n'en exclud pas un autre également
refpectable pour Mélac père ; celui
d'être fidèle à la confiance qu'on lui a accordée
, & de ne pas compromettre indifcrètement
fon honneur. La feule chofe fur laquelle
il ne puiffe y avoir de compofition ,
dit Aurelly, Scène cinquième du troifième
Acte , c'est un dépôt....... il faut mourir
auprès. Nous penfons comme lni , & c'eſt
ainfi que penferont toutes les perfonnes qui
fentiront de quelle importance il eft que les
déniers publics ne foient jamais haſardés ,
pour quelque raifon que ce puiffe être. Ces
réflexions , que nous pourrions appuyer par
d'autres , font peut- être la principale caufe
des clameurs contre lefquelles M. de Beaumarchais
femble réclamer par fon épigraphe
; car les Deux Amis méritent des éloges ,
en les confidérant comme Ouvrage purement
Littéraire. Ce Drame eft fortement
intrigué , il y règne un intérêt très- preffant.
La reconnoiffance de Mélac , ce qu'elle lui
fait ofer , les dangers cruels auxquels elle
L'expofe , forment une oppofition très- heureufe
avec la fécurité d'Aurelly , qui ignore
fon malheur. La févérité avec laquelle il
juge un ami qui vient de lui immoler ce
qu'il a de plus cher , excite vivement la curiofité
fur les fuites qu'elle peut avoir. Le
caractère de Saint-Alban eft ce qu'il devoit
être pour produire de l'effet au Théâtre ;
foible un moment par amour & par jalou38
MERCURE
fie , il devient généreux par fenfibilité. En
oubliant ce qu'il doit à fa Compagnie , peutêtre
à la rigueur mérite t'il des reproches, mais
nous ne le conſidérons que comme perſonnage
dramatique. On pourroit defirer que
M. de Beaumarchais fe donnât la peine de
revoir avec quelque foin le ftyle de fon Ouvrage;
qu'il en bannit certaines plaifanteries
affez mauffades & qui ne lui appartiennent
point, quelques inverfions forcées , quelques
locutions vicieufes , & qu'il donnât quelquefois
plus de rapidité & d'aifance au dialogue .
Ce Drame a été revu avec plaifir ; les
Acteurs qui en repréfentent les rôles ont
obtenu des applaudiffemens très- vifs . On
a feulement été furpris d'en voir quelquesans
fe laiffer emporter aux cris dans une
Pièce où un des principaux perfonnages dir :
On ne crie pas la Comédie, ce n'eft qu'en
parlant qu'on la joue bien. »
39
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Jeudi 13 Février , on a donné , pour la
première fois , les Trois Inconnues , Comédie
en trois Actes & en vers mêlés d'ariettes.
L'Amour a étendu fon empire fur tout le
genre humain. Satisfait de fes conquêtes , il
eft fur le point de retourner à Cythère ,
lorfqu'une infcription placée aux pieds de
la ftatue de Bacchus , lui apprend qu'il ne
peut y rentrer qu'après avoir retrouvé les
feurs. Il les cherche long temps en vain ; il
DE FRANCE. 39
commence même à défefpérer de les trouver
lorfque Cyane , femme du Payfan
Strabon , lui apprend que les trois jeunes
perfonnes qu'elle a élevées ne font point fes
filles , qu'elles lui ont été remifes par une
étrangère , & qu'elle les a fubftituées à trois
filles qu'elle a perdues . Mais les foeurs de
l'Amour ne peuvent quitter la cabane de
Strabon , que dans le cas où le Payfan redeviendroit
amoureux de fa femme. Redonner
de l'amour à un mari ! la chofe eft difficile ;
ce Dieu y parvient ; & les trois Grâces paroiffent
au fond du Théâtre , portées fur des
nuages.
Un pareil fonds ne pouvoit fuffire à trois
Actes ; à peine les développemens dont il eſt
fufceptible auroient ils pu jeter quelqu'intérêt
dans un feul. Il eft pourtant préfumable que
fi l'Auteur avoit pris le parti de traiter ce fujet
en un Acte , s'il avoit profité de la vogue dont
le vaudeville jouit encore , il feroit parvenu ,
avec quelques idées galantes , & à l'aide de
quelques couplers tournés avec grâce , à fixer
l'attention du Public; mais l'action , noyée
comme elle l'eft dans une foule de détails parafites
, n'a produit & ne devoit produire
que de l'ennui . Nous ne pouvons point affurer
qu'il ne fe trouve pas des traits
heureux dans les Trois Inconnues ; la repré- ,
fentation en a été fort tumultueufe ; & c'eft ,
avec beaucoup de peine que nous fommes.
parvenus à démêler un peu le fil de l'intrigue.
La musique n'a pas eu plus de fuccès
40 MERCURE
que le Drame. Autant qu'on a pu l'entendre
, on a remarqué que tous les motifs
avoient entre- eux de la reffemblance , que
le chant en étoit difficile , que les accompagnemens
étoient beaucoup trop chargés ,
& que par- tout l'expreffion en étoit vague
& infignifiante. Ou nous nous trompons
fort , ou cette compofition a été écrite trop
rapidement. Ce n'eft pas , comme on fait , le
moyen de bien faire. On l'a dit , nous le répétons
, & nous ne nous lafferons pas de le
répéter .
Le Mardi 18 , on avoit annoncé Sophie
de Francour , Comédie nouvelle en profe
& en cinq Actes. L'affemblée étoit nombreuſe
; les deux premiers Actes de la Pièce
étoient joués , lorſqu'après une attente affez
longue , M. Granger , au nom des Comédiens
, a prié le Public d'attendre quelques
inftans , parce que Mlle Pitrot s'étoit evanouie.
Au bout d'un quart- d'heure , le même
Comédien eft venu dire que l'état de la fanté
de l'Actrice ne lui permettant pas de continuer
fon rôle , on prioit l'affemblée d'accepter
, au lieu de la Pièce nouvelle , l'Offcieux
ou les Deux Jumeaux. A cette propofi
tion ,les Spectateurs ont demandé que quelqu'un
lût le rôle de l'Actrice malade , & ont
refufé tout autre Spectacle. On a baiffé le rideau,
qui s'eſt relevé après une demi - heure ,
& M. Carlin s'eft préfenté. Les cris fe font éle--
t
DE FRANCE. 4-1
vés de nouveau , & on n'arien voulu entendre
pendant quelque temps. Enfin cet Acteur a ha
rangué les Spectateurs dans le langage & avec
les lazzis que permet le coftume d'un Arlequin.
Le Public , divifé en deux partis ,
fifloit d'un côté , applaudiffoit de l'autre.
Peu-à - peu tout s'eft calmé , les Deux Jumeaux
ont été écoutés affez tranquillement ,
& même applaudis , malgré l'humeur dont
on appercevoit de temps en temps des
étincelles.
Plufieurs perfonnes ont blâmé l'opiniâtreté
du Public , & nous croyons qu'elles ont eu
tort. Parmi les gens qui fréquentent le Spectacle
, il en eſt beaucoup qui n'y font conduits
que par air , par habitude , ou par
défoeuvrement : il est donc à peu près indifférent
à cet ordre de Spectateurs qu'une repréfentation
ait ou n'ait pas lieu au jour
indiqué. Mais il eft un autre ordre de Spectateurs,
qui , par amour pour le Théâtre ,
& par une curiofité bien naturelle chez des
gens inftruits , ou qui cherchent à s'inftruire , "
reculent ou preffent leurs affaires , afin d'affifter
à la première reprefentation d'un Ouvrage
dramatique. Il n'eft pas indifférent à
ceux ci de s'être dérangés inutilement , &
d'avoir porté leur contribution dans la caiffe
des Comédiens , fans avoir vu fatisfaire leur
curiofité. Cette claffe d'Amateurs n'eft pas
la moins refpectable ; & comme c'eft celle
qui fait journellement les fonds de la fortune
des Spectacles , c'eft à elle qu'on doit le
42 MERCURE
plus d'égards . Il ne feroit pas jufte néanmoins
que l'on facrifiât le fuccès d'un Ouvrage à
la néceffité de contenter quelques Spectateurs
, & qu'en lifant à froid un rôle important
, qui demanderoit à être joué avec
chaleur , on ne donnât qu'une fauffe idée de
fon caractère , de fon effet & des intentions
de l'Auteur. Mais il eft un moyen bien fimple
d'obvier à tous ces inconvéniens. Chaque
Acteur en chef a fon double ; ce double deyroit
toujours apprendre fon rôle avant les
dernières répétitions , & fe tenir prêt en cas
d'accident. Cet ufage adopté , & fuivi à
l'Opéra , nous paroît fortfage. Il eſt trèsétonnant
que les autres Spectacles , éclairés
comme ils l'ont été ou dû l'être par quelques
événemens défagréables , ne l'ayent pas
adopté à leur tour. Il fatisfait tout - à - la- fois
l'Auteur , le Public & les Comédiens . Tout
devroit donc engager MM . les Supérieurs
des Théâtres François & Italien à y faire
une loi de ce moyen. L'événement dont nous
venons de rendre compte fuffit pour en démontrer
la néceffité .
ANNONCES ET NOTICES.
L.
ETTRE de M. le Baron de Marivetz à M. le
Comte de la Cépède , Colonel au Cercle de Weftphalie
, des Académies & Sociétés Royales de Dijon ,
Touloufe , Rome , Stockholm , Munich , &c . fur
l'Electricité. A Paris , chez Onfroy , Libraire , quai
DE FRANCE. 43
des Auguftins , & chez les Marchands de Nouveautés.
Prix , 1 livre 10 fols .
Prefque toujours querelle de Savans a été une
dénomination injurieufe , parce qu'on a plus fouvent
difputé d'injures que de raifons. M. le Baron
de Marivetz & M. le Comte de la Cépède
donnent un exemple bien contraire à celui qu'ils
ont reçu . Divifés par leurs opinions , ils fe combattent
avec la douceur de deux perfonnes qui
font de même avis. Le fentiment qui les unit
paroît n'en avoir fouffert aucune altération , &
l'amitié embellit leur ftyle de cette politeffe qu'ils
auroient dûe l'un & l'autre à leur honnêteté naturelle.
Dans de pareils combats il refte encore de la
gloire , même à celui qui a été vaincu . C'eſt un
genre de triomphe indépendant du fuccès des
arines. L'amitié , dit M. le Baron de Marivetz , eft
fondée « fur des rapports dans la manière de fen-
» tir , & non fur des rapports entre les opinions.
» On peut , fans s'aimer moins , adopter différens
principes dans les Sciences.... J'ai joui , ajoutet
- il , de l'idée que la vérité appartiendroit peut
» être à l'un de nous deux » . Cette idée annonce
autant de philofophie que de fenfibilité Nous ne
prononcerons point fur le fujet de la difcuffion ;
mais nous croyons devoir dire que les formes n'en
fauroient être plus aimables ni plus intéreffantes .
35
- ÉTRENNES Italiennes , préfentées aux Dames
qui defirent d'apprendre l'Italien par une méthode
qui leur facilite & rende agréable l'étude de cette
Langue; Ouvrage dédié aux mânes du Dante & de
Bocace ; par M. l'Abbé Bencirechi , Tofcan , del
l'Académie des Apatiftes de Florence , de celle des
Arcades de Rome , & Profeffeur de Langue Ita
lienne , avec cette Epigraphe : Plus habet in
receffu , quàm in fronte promittit. Ce Livre , au fond ,
44
" MERCURE
' a plus de folidité que fon titre ne femble le promettre.
Quint. Inft. Orat . A Paris , chez Defños ,
Ingénieur- Géographe & Libraire , rue S. Jacques , &
Molini, Libraire , rue du Jardinet S. André- des- Arcs .
L'Auteur de cet Ouvrage profeffe la Langue Ita
lienne depuis douze ans à Paris , avec le même fuccès
qu'il avoit obtenu à la Cour de Vienne pendant
huit ans. C'eft un préjugé en faveur de la Grammaire
qu'il vient de publier , & ce préjugé eft confirmé
par la lecture de l'Ouvrage même . Nous fommes flattés d'être en cela de l'avis de M. Guidi ,
qui l'a cenfuré, & dont le fuffrage doit être d'un
très grand poids. Voici comme il s'exprime luimême
: « Cette Grammaire ne doit point être
confondue dans la foule de celles qui l'ont précédée ;
elle joint à l'avantage d'être claire & méthodique ,
celui de n'avoir pas la féchereffe rebutante des Livres Élémentaires. L'habile Grammairien a eu
l'art de faire entrer dans les thêmes & les verfions
dont les fujets font inftructifs & piquans , les principales
difficultés qui peuvent avoir lieu dans l'étude
d'une Langue nouvelle. Quoique cet Ouvrage s'annonce
fous un titre un peu frivole , comme l'Auteur
en convient lui- même dans fa Préface , il n'en doit pas moins être recherché par ceux qui veulent
bien connoître la Langue & la Littérature Ita- liennes
. »
Abrégé des principaux Traités conclus depuis le
commencement du quatorzième ſiècle jufqu'à préfent
entre les différentes Puiffances de l'Europe , difpofés
par ordre chronologique , dédié à MONSIEUR ; par
M. L. V. D. L. M. 2 Vol. in- 12 . Prix , 6 liv . brochés.
A Paris , chez Cellot & Jombert , Libraires ,
& chez l'Auteur , cul- de- fac S. Dominique , la première
porte-cochère à droite , d'où on l'enverra
franc de port par la poſte dans tout le Royaume en
1
DE FRANCE. 45
y adreffant , port franc , à M. Bachmann , la lettre
& le prix. L'Ouvrage a cette Épigraphe tirée de
Pope , Effai fur l'homme , Épître 3 Les paffions
» furieufes naquirent & attirèrent contre l'homme
» un animal plus féroce , l'homme même.... Ce
» que la guerre pourroit ravir , le commerce peut
» donner ; au lieu d'être ennemi , on devient ami. ɔ
اع
Ce Recueil utile , & dont la circonstance augmente
l'intérêt , finit au Traité de renouvellement
de l'alliance avec les Suiffes , paffé par M. le Marquis
de Vergennes en 1778. On trouve dans le Dif
cours préliminaire , page 14 , un portrait de l'habile
Négociateur. Le Lecteur en fera aisément l'application.
RELATION de deux Voyages dans les mers
Auftrales & des Indes , faits en 1771 , 1772 , 1773
& 1774 , par M. de Kerguelen , Commandant les
Vaiffeaux du Roi le Berryer , la Fortune, le
Gros-Ventre , le Rolland , l'Orfeau & la Dauphine.
A Paris , chez Knapen & fils , Impr. - Libr.
de la Cour des Aides , au bas du Pont S. Michel ,
Volume in - 8 °. Prix , 2 liv . 10 fols.
Cet Ouvrage utile , mais écrit avec féchereffe ,
eft l'Hiftoire des voyages & des infortunes de fon
Auteur , & peut ajouter à nos connoiffances fur la
Marine. Il réfulte des travaux de M. de Kerguelen
qu'il a découvert une Iſle qui a deux cent lieues de
circuit.
"
TOME XI de la Bibliographie inftructive
partie eſtimative du prix des Livres rares & précieux
, Volume in- 8 ° . de 640 pages fur papier vélin
de France. A Paris , chez Moutard , Imprimeur de
la Reine , hôtel de Cluny , rue des Mathurins .
Ce Volume, qui ne peut être que fort utile aux
Bibliographes , & qu'on propofe par fouſcription ,
46 MERCURE
fe délivrera en Décembre 1783 , au plus tard ,
tous ceux qui auront envoyé d'ici au 30 Juin , franche
de port , à M. Rétourné , rue de Poitou au marais
, au coin de la rue de Limoges , une foufcription
conçue dans les termes fuivans :
Je m'engage à payer 10 livres à M. Rétourné
pour l'Exemplaire que je retiens du Tome XI de
La Bibliographie inftructive , fur papier vélin , femblable
au modèle du Profpectus , & à retirer cet
Exemplaire fur l'avis que ledit Sieur m'en fera
parvenir.
Fait à
ce 178
(Qualités
& demeure
. )
Paffé
le premier
Juillet
prochain
, on ne pourra
plus fe precurer
d'Exemplaire
; & c'eft pour
donner
toutes
les Perfonnes
qui ont la Bibliographie
inftructive
de fe faire inferire
, qu'on
a pris le
long
terme
de fix mois.
le temps
à
Ceux qui voudront des Exemplaires in- 4 ° . papier
de Hollande , le fpécifieront , & les payeront à l'ordinaire
24 livres , parce que ce papier , caffant &
mauvais à l'ufer , eft en outre le plus ingrat de
tous pour l'impreffion. Si l'on préfère d'avoir ce
Volume de format in- 4 ° . fur papier vélin , incom→
parablement fupérieur à celui de Hollande par fa
beauté & fa bonté , on ne le payera que 21 liv .
MEMOIRES pour fervir à l'Hiftoire Univerſelle
de l'Europe depuis 1600 jufqu'à 1716 , avec des
Réflexions , des Remarques , des Notes , par le P.
d'Avrigny, 2 Vol . in - 8 ° . Prix , 7 livres en feuilles ,
7 liv. 1o fols brochés , & 9 liv. reliés proprement.
A Nifmes , chez Beaume , Imprimeur - Libraire ; &
à Paris , chez Defprez , Imprimeur - Libraire , rue
S. Jacques.
L'Ouvrage que l'on annonce au Public eft un
tableau très-intéreffant de tous les mouvemens
& de
DE FRANCE. 47
toutes les révolutions auxquelles les brouilleries
des Couronnes, ont donné lieu en Europe dans ce
période de temps. On n'y trouve ni longues narrations
, ni deſcriptions magnifiques , ni portraits des
grands Hommes , mais un grand nombre de faits.
& d'acteurs qui ont un caractère plus ou moins remarquable
, une phyfionomie plus ou moins animée..
Le P. d'Avrigny ne s'eft pas propofé dans cet
Ouvrage de recueillir fimplement des dates , des
faits , mais de les unir entre-eux par la chaîne du
temps , de les difcuter , & de faire tomber de tous
côtés tous les détails inutiles , toutes les circonftances
fauffes ou fuppofées dont l'ignorance , la prévention
ou la mauvaiſe foi ont de tout temps furchargé
l'Hiftoire de tous les Peuples.
JOURNAL de Harpe , troisième année , nº . 2 ,
avec accompagnement de Violon ad libitum. Ce
Cahier contient une Romance par M. de Saint-
George , un Air de l'Embarras des Richeffes : Que
j'aime mon joli Jardin , accompagnement par M.
X *** , deux Gavottes d'Amadis arrangées par
M. J. Ph. Meyer , & un Air de la nouvelle Omphale
: Je ris d'une Belle qui brave l'Amour.
accompagnement par M. Burchkoffer. Prix , 2 liv.
8 fols. A Paris , chez Leduc , rue Traversière-
Saint Honoré , au Magafin de Mufique. L'abonnement
eſt toujours de is livres pour douze Nu
méros pour Paris & la Province , port franc. On
trouvera à la même adreffe la première & la deuxième
année complettes. Prix , 15 liv. chaque.
PREPARATION Antimoniale de M. Jacquet
Ce Remède avoit été foumis dès 1762 au jugement
de la Faculté de Médecine de Paris , qui l'approuva
d'après le rapport de huit Commiffaires nommés
pour l'examiner. Les atteftations nombreufes des
48 MERCURE
guérifons opérées par ce Remède , prouvent que
c'eft un des meilleurs fondans qu'on puiffe employer
en Médecine. Il combat fans retour les
maladies occafionnées par l'épaiffiffement de la lymphe
, tout vice dartreux , fcrophuleux , vénérien ,
toutes les maladies de la peau , & même la gale la
plus opiniútre.
En 1780 , le jugement de la Faculté fut confir
mé par la Société Royale de Médecine , qui ,
d'après le rapport de MM. Jeanroy & Cornette ,
nommés Commiffaires , autorifa la diftribution de
cette Préparation Antimoniale.
C'eſt alors qu'il a été ordonné par le Miniftre
de la Marine , que ce Remède feroit compris dans le
nouvel état des médicamens qui s'embarquent pour
les Equipages . En conféquence il a été fourni de
cette Préparation aux Ports de Breft , Rochefort &
l'Orient, MM. les Directeurs de la Compagnie des
Indes en ont fait paffer auffi dans leurs Etabliffemens.
豐
TABLE
3
4
gryphe, 24
Recueil de Mémoires fur la
Méchanique & la Phÿfique,
VERS à M. de Mayer ,
Bouquet à M. Monnet ,
Couplers d'une Dame pourfon
Mari,
Lettre à M. de la Cretelle, 6e Négociant Philofophe , 31 :
Réponse de M. de la Cretelle , Comédie Françoife ,
13 Comédie Italienne,
་
Charades , Enigme & Logo - Annonces & Notices ,
APPROBATION..
27
33
38
42
J'AI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 1 Mars. Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion. A Paris
le 28 Février 1783. GUIDI.
1
Jer . 135 .
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI S MARS 1783 .
PIÈCES FUGITIVES .
EN VERS ET EN PROSE.
A Mile DE SAINT- LEGER , à l'occafion
de fon Impromptu inféré dans le N °. 3 .
JEE
n'ai lû que d'hier vos vers mis au Mercure.
Au nom de Saint- Léger , d'honneur je ne favois
Quelle étoit cette Reine aimant tous fes Sujets ,
D'en être aimée encor plus sûre ,
Et leur donnant pour loi le plaifir d'Épicure.
Mais au nom de Minette , ah ! je vous reconnois.
Vous n'avez point changé de nom ni de figure .
L'un & l'autre étoient faits pour inſpirer l'Amour. ,
Mais , dites-le moi fans détour : '
Ces jolis yeux ouverts par l'Amour même ,
Et cette taille faite au tour ,
Ces longs cheveux flottans , dignes du diadême ,
Cette harpe , qui fous vos doigts
No. 10, 8 Mars 1783 .
C
50
MERCURE
S'uniffoit aux accens de la plus douce voix ,
Les avez-vous toujours ? Êtes- vous bien la même ?
Minette , eft- ce déjà pour l'efprit qu'on vous aime ?
D'augmenter, s'il fe peut , votre esprit & vos charmes ,
Un Dieu , ce n'eſt pas trop , aura pris tous les foins;
L'Amour vous a remis fon carquois & fes armes.
Je ne trouve qu'un changement ;
On vous faifoit des vers ; aujourd'hui vous en faites.
Et des Belles & des Poëtes
Vous voulez réunir le double enchantement ;
Le Traducteur d'Ovide a fait affurément
Cette heureuſe métamorphofe.
C***** , avant lui vous parloit galament ,
Et de l'Épine & de la Roſe ;
Après tous ces grands noms me nommer , ah ! je n'ofe.
Mais fi vous vous vantez d'aimer tousvs fujets ,
Sous ce titre , Minette , aimez- moi pour jamais ,
Car ce n'eft que par lui que je fuis quelque chofe .
RÉPONSE.
Je n'oubliai jamais la Rofe * ui l'Épine , **
Ses jolis vers , fon aimable enjoûment ;
Minette a pu changer de mine ,
3
Mais non de coeur affurément.
Toujours folle , toujours la même ,
* Fable compofée dans la Société de Mlle de Saint-Léger.
** Nom de l'Auteur de la Fable.
KATIONSPCA
REGLA
DE FRANCE.
Ja
Chériffant fes amis fans trop voir leurs défauts ,
Voyant leurs agrémens , fenfible à tous leurs maux.
Voilà Minette encor. Il faudra bien qu'on l'aime ,
Mais non pour fon efprit ; Minette en rougiroit ,,
Et fon bon coeur en fouffriroit.
Si je m'applique à l'art d'écrire ,
Ce n'eft point pour cueillir un laurier trop flatteur.
J'éclaire ma raiſon pour mieux guider mon coeur ;
Et je ris de l'enfant qui pourroit me féduire ,
Qui trop fouvent ne doit qu'à nos loifirs
Et notre trouble & nos foupirs.
L'étude , la gaîté le rendent mon eſclave.
Je le chante tout haut , & tout bas je le brave.
Je ne fuis plus coquette : à douze ans je le fus ,
Plaire fans le chercher eft un charme de plus.
Mon coeur parle ; on l'entend. La douceur de ma vie
Eft dans la confiance & le titre d'amie.
Venez donc réclamer ce titre fi flatteur;
A mon premier fujet appartient cet honneur.
Après dix ans d'abſence , & de foins & de peine ,
Si je le revoyois content ,
Je pourrois , comme on dit fouvent ,
Être heureufe comme une Reine .
( Par Mlle de Saint -Léger. )
*
Cij
52 MERCURE
Explication des Charades , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercureprécédent.
LE mot de la première Charade eft Fracas;
celui de la 2º . eft Orange ; celui de la 3º . eſt
Papelard ; celui de la 4. eft Cordelier ; celui
de la s . eft Paravent ; celui de l'Enigme eſt
Sourire ; celui du Logogryphe eft Maladie
où fe trouvent mal , malade , laid , Léda ,
mail , ami , Dame , laide , mil , Délia ,
miel , lime , Lima , lie , émail , Lama , âme.
ÉNIG ME.
LA baffeffe & la lâcheté
En fe cachant m'ont donné l'être ;
Et fi dans la Société
Mon Auteur fe faifoit connoître ,
Il en feroit fi déteſté
Qu'il n'y pourroit plus reparoître.
Le fot orgueil & les noirceurs ,
La ténébreuſe calomnie ,
L'impuiffance & la jaloufie ,
Diftillant leurs poifons vengeurs ,
Et fur les noms & fur les moeurs ,
En font un horrible mêlange ,
Plus vil , plus infect que la fange ,
Et digne en tout de fes Auteurs.
DE FRANCE. 53
Rien de ma dague empoisonnée ,
Rien ne fauroit mettre à l'abri ;
La vertu n'eſt point épargnée :
Par moi , le bon coeur eſt flétri ,
Le talent..... de mon père aigri
Rend la fureur plus acharnée .
Pourfuis. On me trouve au matin
Placé fous ta porte -cochère ;
Crois -moi , donne ordre à ton Frontin
De me livrer au Dieu Vulcain ,
Ou réſerve moi pour en faire.......
Tes papillottes de demain.
L'énigme eft- elle trop peu claire ?
Abject & malheureux bâtard ,
La pofte fouvent me voiture ,
Et quelquefois un Savoyard ,
JEG
Un Décroteur eft mon Mercare.
(Par M. Couret de Villeneuve , Imprimeur
du Roi , Auteur du Journal Orléanois . )
LOGO GRYPH E.
E fuis le nom pluriel d'un acte d'importance ,
Précurseur d'un effet glorieux à la France.
Comme je fuis fort long , fi je prenois le foin
D'annoncer tous les mots qu'en mon fein je resferme ,
Ce détail , cher Lecteur , nous meneroit trop loin ;
Et je ne fais , ma foi , quand nous ferions au terme,
C iij
54
MERCURE
C'eft bien affez que mainte fciffion
Vous offre de mes pieds des fuites continues ,
Ou plus fouvent interrompues ,
Mais fans la moindre inverfion.
Oh ! çà , voici cette nomenclature ,
Que je ne prétends pas épuifer cependant.
Je vous préfente un lieu qui fert à la pâture;
De Mahomet un defcendant ;
Un Officier de Ville ; un Membre
De la plus refpectable Chambre ;
Ce que produit un quatre , & nullement un trois ;
L'un des quatre élémens , & l'un des douze mois ;
Trois des fept notes de muſique ;
Une ville de l'Amérique ;
Autre en Gafcogne , autre en Artois ;
Un ornement du ſtyle poétique ;
Le nom prefque oublié d'une Élégie antique ,
Tournée en forme de chanfon ;
Le double d'un foulier , d'un bas ou d'un chauffon ;
Une paffion dangereufe ;
Une fleur que fon nom rendroit feal précieufe ;
Un outil de fer ; un oiseau ;
Un des Offices de l'Églife ;
Ce qui déplaît dans un tonneau ;
Un grain très- nourriffant , que juftement on priſe,
Sur-tout en certains temps de criſe ;
Une étoffe ; un Dieu prétendu ,
Que jadis on fêtoit par un culte affidu15
DE FRANCE.
•
Un réfervoit dont l'eau n'eft pas fort claire ;
Ce qui groffit le mal ; un endroit fouterrain ,
Propice quelquefois , & quelquefois contraire
Au bien- être du genre humain ;
Un verbe qui désigne un paffe - temps utile
Pour qui cherche à ſe rendre habile.
Adieu , Lecteur , j'ajoute feulement
Qu'en orthographe un homme trop facile
En moi verroit encore un ancien inftrument ,
Qui n'eft dans ce temps- ci connu que foiblement.
( Par M. N.... , d'Arras. )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
NOUVEAU Voyage dans l'Amérique:
Septentrionale en l'année 1781 , & Campagne
de l'Armée de M. de Rochambeau
par M. l'Abbé Robin. A Paris , chez les
Libraires qui vendent les Nouveautés.
Tous les regards font fixés aujourd'hui fur
l'Amérique Septentrionale ; c'eft là que s'agitent
les plus grands intérêts de l'Univers :
c'eft-là que vont fe réunir prefque toutes les .
craintes & toutes les efpérances des deux .
Mondes. L'Anglois y voit fortir à jamais
de fes mains une partie de fa fortune &
de fa puiffançe ; la France y voit accroîtrela
gloire de fès armes ; l'Amérique y forme,
•
Civ
56 MERCURE
les premières Nations que ce nouveau Monde
aura vues fous l'empire des loix & de la
liberté, les Philofophes de toute l'Europe
placent , dans les nouvelles Conſtitutions
qui s'y font élevées au milieu des ravages de
la guerre , la plus belle , & peut- être la dernière
efpérance du genre humain. L'hiftoire
ancienne , fi féconde & fi riche en grands
tableaux , en révolutions inftructives , n'a
point eu d'événemens plus propres à attacher
l'imagination , & à donner aux hommes
d'utiles expériences . Il ne fut donc jamais
un moment plus favorable pour faire paroître
un Voyage dans l'Amérique Septentrionale.
M. l'Abbé Robin doit être bien sûr
d'y entraîner tous les Lecteurs fur fes pas.
Son Ouvrage doit avoir fur tout un intérêt
particulier pour tous les François . C'eft en
fuivant la marche de notre Armée, que M.
l'Abbé Robin a parcouru & obfervé l'Amérique
; & il mêle à chaque inftant , dans fon
récit , les triomphes de nos Troupes & les
curiofités intéreffantes du nouveau Monde.
On peut fe fouvenir qu'ily a à peine deux
ans , que M. l'Abbé Robin nous donna un
Cuvrage , dins lequel il cherchoit à pénétrer
le fecret des myflères de l'antiquité ; nous
annonçâmes fon Ouvrage dans ce Journal :
depuis il a voyagé dans toute l'Amérique ›
Septentrionale ; & il y a déjà près d'un ant
que fon Voyage eft imprimé. Nous rapprochons
ces circonftances pour donner un
exemple de cette inquiétude & de cette cu
DE FRANCE. 57
rioſité qui agite aujourd'hui tous les efprits
en Europe. On veut tout voir , tout fentir
, tout connoître ; & , ce qui est trèsheureux
au milieu de cette curiofité générale,
on fait obſerver. Il y a eu plus de bons
Obfervateurs dans l'Armée que nous avons
dans l'Amérique Septentrionale que dans tout
le nouveau Monde, depuis fa découverte jufqu'à
nos jours , c'est - à - dire , dans l'espace de
deux cent ans . On fait aujourd'hui fe battre
pour la Patrie & penfer pour le monde.
Cette révolution , faite dans les efprits
pourroit être plus urile encore que celle qui
a brifé les fers de l'Amérique ; mais il eſt à
craindre qu'on n'en tire pas le même parti.
66
ود
M. l'Abbé Robin , que la mer a trop incommodé
pour pouvoir faire des obfervations
dans la traversée , a été cependant trèsfrappé
d'un phénomène . Il a vû pendant les
nuits , fur tout lorfqu'on dirigeoit la route
vers le Sud , les mers éclairées d'une multitude
de bluettes qui jailliffent des flots.
Sur-tout lorfque le vent augmentoit la
rapidité du fillage , le vaiffeau fembloit
alors plongé dans des torrens de phofphore
enflammé ; je cherchois à deviner
» la caufe de ce fingulier & commun phénomène
, dont je ne me rappelois pas avoir
jamais oui parler.Etoient - ce les fels dont les
" facettes réfléchiffoient ainfi les rayons de
» lumière ? Eft- ce le foufre de la mer qui
» s'enflamme dans le choc des ondes ? ou
plutôt ce fluide igné , ce feu élémentaire ,
ود
"
99
39
Cy
58
MERCURE
qui entretient la fluidité des eaux , les
» éclaire-t'il auffi de fa lumière ? »
Plufieurs Voyageurs ont été frappés de ce
phénomène , & en ont parlé ; on en trouve
une defcription charmante dans le Voyage
de M. Adanfon. Il me femble que M. de
Saint- Pierre , qui nous a donné un Voyage fi
intéreffant des Ifles de France & de Bourbon ,
en recherche auffi les cauſes , & qu'il en
rapporte plufieurs qu'on ne pouvoit trouver
qu'avec beaucoup de fagacité. Quelques - uns
ont penfé que la mer récèle dans fon fein
unemultitude infinie de petits poiffons phofphoriques
, tels que nos vers luifans , & que
pendant la nuit , ils viennent porter leur
lumière fur la furface des eaux.
"
C'est toujours une grande joie de décou
vrir la terre lorfqu'on a traversé l'Océan ;
mais cette joie doit être bien plus vive encore
, lorfque la terre qu'on découvre eft
Boſton. " De cette rade , femée d'Iſlots agréables
, nous découvrons à travers des arbres
, fur la côte orientale , une magnifique
perspective de maifons en amphi-
» théâtre , le prolongeant en demi- cercle
» dans l'efpace de plus d'une demi- lieue ;
» c'étoit- là Bofton . Ses édifices élevés , ré
» guliers , entre - mêlés de hauts clochers
» nous parurent moins une Colonie mo-
» derne qu'une antique Cité , embellie &
peuplée par le Commerce & les Arts. »
L'intérieur de la ville répond à ce premier
coup-d'oeil , & M. l'Abbé Robin en
93
"
>>
DE FRANCE. 59
fait une defcription agréable. On y compte
fix mille maifons , trente mille habitans ,
dix neufTemples de toutes espèces de ſectes.
Toutes les maifons font de bois , mais d'une
forme élégante , & d'une conftruction fi lé
gère qu'on peut les changer de place. J'en
ai vû , dit M. l'Abbé Robin , de deux étages
qui avoient été tranſportées à un demi - quart
de lieue au moins . On aime à voir l'élégance
des Arts avec une fimplicité qui , rappelle ces
Scythes vagabonds qui habitoient des chars,
roulans. Les moeurs à Bofton rappellent encore
l'antique & auftère fimplicité des premiers
âges.
"3
33
" Le jour du Dimanche y eft obfervé avec
» la plus grande rigueur ; toutes affaires , de
» quelqu'importance qu'elles foient, ceffent ;
» on ne s'y permet pas même les plaifirs les
plus innocens. Bofton , cette ville fi peuplée
, où il règne toujours un fi grand
» mouvement , femble défert ces jours là..
"» OOnn parcourt les rues fans appercevoir per
» fonne ; & fi on fe rencontre par hafard ,
» on n'ofe s'arrêter & fe parler . Un Fran
» çois logé avec moi , s'avifa de jouer de la
» Aûte un Dimanche : le peuple s'ameuta ,
» & alloit le porter à des excès , fi l'Hôte
» ne nous eût inftruit de ce qui fe paffoit.
» On n'entre dans aucune maifon fans y
» trouver tout le monde occupé à lire la
» Bible ; c'eft un fpectacle bien touchant
» qu'un père entouré de fa famille , leur
: C v)
60
MERCUR
- E
و د
expliquant les vérités fublimes de ce Livre
" facré. "
*
On croit être à Jérufalem ou à Samarie ;
& voilà les moeurs qu'un peuple Philofophe
du dix feptième fiècle a tranfporté dans le
nouveau Monde ! Mais il faut se rappeler:
que l'Anglois , dont la philofophie a ébranlé
toutes les Religions , eft naturellement trèsreligieux
lui- même , & que les Colonies de
l'Amérique ont été prefque toutes fondées
par des fectes au moment qu'elles combattoient
pour leurs opinions.
Le croiroit- on ? Il y a dans cette ville fi
religieufe , des Théâtres & des Tragédies ;
mais ceux qui les jouent font des Élèves de
l'Univerfité ; & les fajets des Pièces font
tirés des événemens mênies de cette guerre :
c'eft l'incendie de Charles Town , la prife
de Burgoine , la trahifon d'Arnold . Ces Tragédies
, qui ne valent pas fans doute les chefd'oeuvres
de Racine, & de Voltaire , produi
fent un effet prodigieux fur les Spectateurs.
On fort de ces Spectacles avec plus d'amour
pour la liberté & plus de haine pour les
Tyrans . Ce feroit le moment le plus propre
à appeler tous les Citoyens fous les drapeaux.
Tout à l'heure je me croyois à Jérufalem
, actuellement je me crois à Athènes.
C'eft , comme dit M. l'Abbé Robin , la Tragédie
ramenée à fon antique origine. La manière
dont les François & les Américains
vivent enſemble , les rapports ou les différences
du caractère de deux peuples qui font
DE FRANCE. Gr
faits pour avoir tant de relation enſemble
ont dû être l'objet des obfervations de M.
l'Abbé Robin , & ces détails font très attachans
dans fon Voyage. Avant cette guerre ,
les Américains ne connoiffoient guère les
François que par le portrait que leur en
faifoient les Anglois , & l'on juge que ce
portrait ne devoit pas être flatté. Ils nous
regardoient , dit M. l'Abbé Robin , comme
de petites machines légères qu'un defpote
faifoit mouvoir à fon gré , incapables de
connoître les vertus , les talens & le bonheur
, ne s'occupant jamais qu'à peindre
leur vifage avec du rouge , à frifer & à poudrer
leur chevelure ; fe faifant un jeu de
violer les devoirs les plus facrés de la fociété ,
& ne fe croyant jamais plus aimables que
lorfqu'ils ont ravi une fille à fon père , ou
une femme à fon mari . Les premiers François
qui pafsèrent en Amérique n'étoient pas
très - propres à détruire ces idées ; mais lorfque
M. le Comte d'Estaing y parut, environné
d'une partie de notre jeuneffe Militaire , leur
contenance fière & douce , où la grâce ſe
mêloit à l'air de l'héroïfme, la force & le courage
qu'ils déployoient dans les travaux &
dans les périls , la décence d'une conduite
dont le Chef leur donnoit l'exemple & leur
impofoit le devoir , tout étonna les Américains
, mais fans changer pourtant encore
leurs idées ; ils crurent quelque temps qu'on
leur avoit envoyé l'élite de la Nation pour
62 MERCURET
ود
combattre leurs préventions. Depuis , toute
la conduite des François avec eux , leur a
bien fait perdre ces odieux préjugés. Ils ont
reconnu qu'on pouvoit à la fois être aimable
& avoir des vertus , & remplir exactement
fes devoirs fans négliger une parure qui annonce
du goût , & non pas des vices. Les
Officiers mêmes , élevés au fein des délices
& des grandeurs , marchoient fouvent à pied.
à la tête des troupes ; & l'Auteur cite entreautres
M. le Vicomte de Noailles , qui a fait
toute la route à pied. Ce qui vous étonne-
» roit , ajoute M. l'Abbé Robin , c'eft de
» retrouver toujours la gaîté Françoife au
» milieu de ces marches pénibles . Les Amé
» ricains , que la curiofité amène par milliers
» dans nos camps , y font reçus au fon de la
mufique comme dans un bal. On fait jouer
» pour eux nos inftrumens militaires , qu'ils
» aiment avec paffion . Alors Officiers , Sol-
» dats , Américains , Américaines , tous fe
» mêlent & danfent enfemble : c'eft la fête
» de l'égalité , ce font les prémices de l'al-
» liance qui doit régner entre ces Nations.....
» Ces peuples , encore dans le fiècle heureux
» où les diftinctions de la naiffance & des
99
93
و ر
rangs font ignorés , voient du même oeil le
» Soldat & l'Officier , & demandent fou-
» vent à celui - ci quel eft fon métier dans fa
» Patrie , ne concevant point que celui de
» Guerrier puiffe en être un fixe & perma-
» nent. Le titre de beau - frère du Marquis
» de la Fayette a le plus excité leur refpect ;
H
DE FRANCE. 63 " &
éré са
pour
les jeunes
Américaines
une
» diftinction
flatteufe
d'avoir
danſé
avec le
» Vicomte
de Noailles
. »
M. l'Abbé Robin , qui a joint l'Armée
Françoiſe à Providence , la fuit dans fa marche
jufqu'à Yorck ; & dans cette partie confidérable
du nouveau Monde , il voit partout
des Provinces , des Villes & des Peuples
femés fur la route ; il voit le Connecticut ,
le New- Jerfey , Philadelphie , Baltimore
Williamsburgh , le Maryland. Par tout il
obferve , autant que peut le lui permettre
une marche rapide , la nature du fol , des
productions & des espèces vivantes , la conftitution
des Provinces , le caractère , les
moeurs & les Arts des peuples . Si l'Armée
dans fa marche pofe quelques jours fes tentes
, M. l'Abbé Robin faifit ce moment de
repos pour aller étudier la nature fur une
montagne , ou la légiflation d'une Province
dans fon Sénat. En paffant du Nord au Sud ,
il croit paffer encore d'un monde à l'autre ;
le ciel , la terre , les plantes , les animaux ,
l'homine & fes loix , tout change & prend
de nouvelles couleurs & de nouvelles formes.
Il nous eft impoffible de fuivre M.
l'Abbé Robin dans tous ces détails. Nous
nous arrêterons fur un petit nombre de ceux
qui nous ont paru avoir le plus d'intérêt ou
d'utilité.
Il y a dans les moeurs des Américains des
vertus qui doivent nous paroître bien extraordinaires.
« Ils font grands hofpitaliers ,
64
MERCURE
dit M. l'Abbé Robin ; ils n'ont qu'un
» même lit ; l'épouſe chafte , fût- elle feule ,
» le partage fans remords & fans crainte
» avec fon Hôte. ود
On raconte que les femmes de l'intérieur
de l'Irlande exercent l'hoſpitalité de la même
manière ; & un homme de trente ans , tout
au plus , qui avoit des paflions très violentes ,
m'a conté qu'étant obligé en Irlande de paffer
la nuit dans le lit & à côté d'une jeune fille de
feize ans , cette fimplicité & cette bonne foi
lui avoient infpiré tant de refpect , que l'idée
de la moindre tentative lui eût fait plus
d'horreur que le plus vil incefte. M. l'Abbé
Robin ne nous dit point fi c'eft dans le Sud
ou dans le Nord de l'Amérique qu'il a tronyé
cet ufage. Il eft probable que c'eft dans le
Nord.
Le nom de Penn , fon fondateur , qui a
montré aux hommes des vertus qui leur
étoient inconnues , l'avantage d'être le lieu
où réfide le Congrès & la Légiflation générale
, font de Philadelphie la ville la plus
remarquable de l'Amérique .
ور
ور
» Philadelphie , capitale de la Penfylvanie ,
» eft bâtie fur une plaine élevée & fpa-
» cieufe , dans l'endroit où la rivière Skuikill
mêle fes eaux à la Delhaware. Sa
» forme eft celle d'un parallelogramme , ou
» carré long, s'étendant à deux milles , ayant
» dix huit rues parfaitement alignées , cou
pées à angles droits par feize autres d'un
mille de longueur , également larges &
"
"
DE FRANCE. 65
99
ور
و د
39
"
ود
alignées ; on y a ménagé des intervalles
» pour les édifices publics. Ses deux principales
rues , nominées High Street &
» Broad Street , ont chacune cent pieds de
largeur. Des vaiffeaux de cinq cent ton-
» neaux peuvent mouiller dans un aſſez beau
quai. On y compte au moins trois mille
maifons , plus de la moitié bâties en bri-
" ques , & toutes très belles. La population
» monte à environ vingt mille âmes. Il y a des
Temples de Presbytériens , de Luthériens ,
d'Anabaptiftes , de Calviniftes , & des
Chapelles de Catholiques . La Secte la plus
» nombreufe eft celle des Quakers ; c'étoit
» celle du fondateur de la Colonie . Comme
» cette Secte affecte plus de tolérance , plus
» de rigidité , plus d'égalité , & qu'elle s'eft
» établie en Penfylvanie dans un temps où
la proximité de fa naiffance , les contra-
» diétions & le mépris des autres Religions
» lui avoient confervé toute fon énergie &
» toute l'austérité de fes principes , la lé-
» giflation tendit davantage à rendre ces
» Colons libres , égaux & fimples . La dou-
» ceur du climat , la bonté du fol , des occu-
" pations champêtres , une exiftence ifolée ,
» favorisèrent ces vûes du Législateur , &
la Penfylvanie devint la Colonie la plus
» vertueufe & la plus heureufe, que l'Hiſ-
" toire nous ait jamais fait connoître ; mais
""
و ر
en fe multipliant , en attirant les étran-
" gers , en devenant commerçante , les for-
» tunes fe font agrandies , le luxe s'eft in66
MERCURE
» troduit , les moeurs fe font altérées , & ce,
" ne fera bientôt qu'un éclatant météore.
» qui fe fera montré un inftant à l'Univers. » .
il eft difficile de le croire. Et pourquoi M,.
l'Abbé Robin , qui femble promettre un bonheur
plus durable à toute l'Amérique , en excepte
-t'il la feule Penfylvanie ? Y a t'il moins
de commerce , de luxe & d'étrangers dans lesautres
principales villes ? Cette prédiction.
avoit befoin peut- être qu'on l'appuyât fur
des faits plus pofitifs . On nous a tracé de Philadelphie
des tableaux plus confolans , &
qui offrent de plus longues efpérances . On
ne croiroit pas qu'on pût jamais faire un
parallèle de Paris & de Philadelphie ; on en
a fait un cependant ; & ce rapprochement ,
qui paroît d'abord un jeu d'efprit forcé , eft
plein de fineffe & de philofophie . Que M.:
l'Abbé Robin nous permette de le mettre à
côté des citations de fon Ouvrage ; nous
ignorons de qui il eft; tout ce que nous favons
, c'eft qu'il a été donné par un Docteur,
& qu'en le lifant on eft bien tenté de croire
qu'il eft du Docteur Francklin.
30
Philadelphie , qui n'a pas encore atteint
» à la fin de fon premier fiècle , eft déjà à
l'Amérique , proportion gardée , ce que
» Paris eft à l'Europe , la Capitale d'un état
qui donne le ton à tous les autres :
"
ود
Sic parvis componere magna folebam.
» Paris eft confidéré depuis long - temps
» comme le centre du bon goût dans tous
t
3
DE FRANCE. 67
331
les genres ; à Philadelphie , le goût s'eft
» fixé d'abord fur le bon dans tous les fens
و د
du terme.
»A Paris , on raffine fur tout , & les Beaux-
Arts s'y perfectionnent chaque jour ; à
Philadelphie , on fimplifie tout , & les
» Arts utiles y font des progrès rapides.
ود
"
" A Paris , les moeurs font fi douces , à
Philadelphie , elles font fi pures , qu'on
» peut regarder les François comme les plus
fociables , & les Penfylvains comme les
» plus honnêtes des humains. "
A Paris, il y a une police admirable , &
» rien n'y fent la gêne ; à Philadelphie , on
» fe paffe à merveille de police ; tout y refpire
la liberté & le bon ordre.
» La France n'admet point d'efclaves ; la
» Penfylvanie a affranchi les fiens .
"
39
" Le François a un fentiment d'honneur
» fi délicat , qu'il ne voudroit pas furvivre
à un démenti ; le Penfylvain a des prin-
» cipes de vertus fi auftères , qu'il ne voudroit
pas racheter la vie par un ferment.
» A Paris , le pauvre & le riche ſe livrent
au plaifir avec la même vivacité ; à Philadelphie
, il n'y a ni opulent ni indigent ;
» tous jouiffent d'une aifance honnête avec
» une férénité prefque inaltérable.
t
و د
» Le François rit de tout , & tout rit au
Penfylvain .
» Paris femble aux étrangers un féjour de
délices , & Philadelphie leur paroît le
féjour de la félicité. »
68 MERCURE
Tout ce bonheur eft l'ouvrage des loix ;
mais la Nature ne permet pas aux Américains
d'en jouir très long temps . Chez eux
le vie commune eft généralement beaucoup
plus courte ; & à vingt ans , dit M. l'Abbé
Robin , les femmes n'ont déjà plus la fraîcheur
de la jeuneſſe ; à trente cinq ou quarante
, elles font ridées , décrépites. Les obfervations
de M. l'Abbé Robin , fur la durée
de la vie en Amérique , ont été faites fur les
tombeaux on grave toujours fur la pierre
l'âge qu'avoit celui qu'elle couvre. M. l'Abbé
Robin a vifité avec foin tous les cimetières
depuis Boſton juſqu'à Williamsburgh , eſpace
de près de trois cent lieues , & partout
il a tiré ce réfultat , que le grand nombre
mouroit à 40 ans , un très - petit nombre
à 60 , & que perfonne ne paffoit 70 ans. Il
s'enfuit que la vie commune y eft de trente
ans plus courte qu'en Europe,& qu'on y paffe
beaucoup plus rarement la durée ordinaire.
que la Nature accorde à nos jours. Cette double
différence feroit prodigieufe. L'Auteur
ne nous dit point fi les charmes des femmes ,
qui commencent à fe flétrir à vingt ans , fe
développent de très bonne heure ; il leur
faudroit au moins ce dédommagement. Dans
plufieurs pays de l'Afie , comme on fait ,
elles fe marient fouvent à huit ans , & font
mères à neuf; & le climat agit à cet égard
avec tant de force & de rapidité , qu'il produit
cet effet fur les Européennes à la première
génération. La foeur du Savant Hom-
·
DE FRANCE. 69
berg, née à Batavia , de parens originaires de
la Hollande , étoit mariée à huit ans , &
mère à neuf.
Avec des charmes fi peu durables , les
Américaines font bien heureufes de vivre
dans un pays de liberté & de bonnes moeurs.
Si l'Amérique perd jamais fes vertus & fa
liberté , le defpotifme y fera affreux contre
elles ; on dit cependant qu'elles recherchent
avec avidité nos modes , notre luxe & nos
plaifirs : elles font bien imprudentes ! Pour
être heureufes avec des efclaves corrompus ,
il faut que les femmes foient bien jolies , &
long- temps jolies.
Un Philofophe , qui connoît l'état & les
affaires de l'Univers , comme un particulier
inteliigent connoît les affaires & l'état de fa
maiſon , a imprimé que dans fes plus grands
progrès , la population de l'Amérique Septentrionale
ne s'élevera jamais à plus de dix
millions d'âmes, Quoi ! la Nature fera donc
fi avare d'hommes dans le feul pays du monde
où les loix & la fociété ont affez de fageffe
pour en faire le bonheur ! Elle fe multiplie
fouvent , avec une fécondité cruelle , fous la
hache des defpotes & des bourreaux . On
eût defiré que M. l'Abbé Robin eût connu
& difcuté l'opinion fi affligeante de ce Philofophe
: il n'en parle point du tour , & ,
comme tout le monde , il femble promettre
une population abondante à l'Amérique. Je
croirai avec peine à l'affertion de l'Hiftorien
du Commerce ; mais quand il affirme une
70
MERCURE
chofe , il faut l'adopter ou la combattre
avec force . Dans ces matières l'évidence
feule peut avoir plus d'autorité que fon
nom . Un Souverain de l'Europe , qui venoit
de s'entretenir deux ou trois heures avec lui ,
écrivoit à unautre Philofophe : Cet homme
» connoît le paffé , le préfent & l'avenir des
» deux Mondes ; j'ai cru m'entretenir avec la
» Providence . »
Ces paroles font belles ; elles deviennent
fublimes quand on fait que le Souverain
pouvoit avoir à fe plaindre du Philofophe
dont il parle ainfi.
M. l'Abbé Robin termine fon Ouvrage
par des réflexions fur la tolérance . Qui auroit
imaginé que c'eft dans l'Amérique Septentrionale
, où elle règne depuis plus d'un
fiècle au milieu d'une multitude de fectes
pacifiques & heureuſes , que M. l'Abbé
Robin auroit appris à la craindre ?
Il convient que , jufqu'à préſent , elle ya
fait beaucoup de bien , qu'elle a donné à
l'Amérique une puiffance & une population
rapides ; mais il craint qu'elle ne produiſe à
l'avenir des effets tout contraires. Pourquoi
cette crainte , & d'où peut- elle venir ?
Jufqu'à préfent , dit il , les hommes y ont
été ifolés , & leurs diverfes opinions n'ont
pas pu fe heurter & fe combattre. Mais M.
l'Abbé Robin n'y a pas bien réfléchi ; les diverfes
fectes de l'Amérique ont été , dès le
principe , rapprochées dans les villes ; à
Bofton , à Philadelphie , les Temples fe font
DE FRANCE. ཏོ་
élevés à côté des Temples , & tous font debout
encore.
L'intolérance eft le fignal de la guerre , &
la tolérance eft la déclaration de paix.
-
Comment des Sectes qui ont vécu en paix
à côté les unes des autres , au moment de
leur naiffance , s'armeront elles les unes
contre les autres lorfqu'elles n'auront
plus ce zèle inquiet qu'elles avoient à leur
origine ?
,
La tolérance eft difficile à établir , & facile
à maintenir. Cela tient à la nature de l'efprit
humain.
M. l'Abbé Robin prétend encore qu'en
s'enrichiffant & en s'éclairant , les Américains
deviendront défoeuvrés & fophifticans , &
que la difpute fera de tant de Sectes autant
de fources de guerre. Quelle crainte !
Ce ne font pas les peuples riches & éclairés
qui fe battent pour leur religion , ce font
les peuples pauvres & ignorans. C'eſt dans
fes premiers efforts que l'efprit humain eſt
le plus audacieux & le plus téméraire ; il
femble dédaigner les chofes fenfibles de la
Nature , & veut en pénétrer les myftères : les
Philofophes, les Poëtes , tous veulent deviner
les caufes ; mais à mesure qu'on s'éclaire &
qu'on s'enrichit , les Philofophes étudient la
Nature , les Poëtes la peignent, & tout le mon
'de en jouit. L'imagination n'a plus l'audace
d'interroger l'Être Suprême fur des mystères
qu'il ne doit nous révéler que dans l'éternité.
Plus les religions font éclairées , ajoute ce72
MERCURE
pendant M. l'Abbé Robin , plus elles font
intolérantes. On ne peut être affez étonné
d'une pareille affertion , & l'on fent bien que
nous fommes obligés de fupprimer les meilleures
réponfes qu'on pourroit y faire .
Une religion fauffe fe détruit en s'éclairant
, & la vraie n'a point de progrès dans
fes lumières. En fortant du fein de Dieu,,
fa lumière a plus d'éclat que les hommes ne
pourront jamais lui en donner. La nôtre , au
moment de fa naiffance , a été perfécutée par
les fauffes , & elle les a tolérées .
M. l'Abbé Robin a été embarraffé des
exemples de l'Angleterre & de la Hollande ,
où toutes les Sectes vivent en paix. Il répond
à cela que les Hollandois ne font occupés
que de leur commerce , & que toutes les
Sectes en Angleterre fe réuniffent dans leur
commune haine pour l'Églife Catholique.
Ces réponses ne font point fenfées. L'Églife
Catholique eft trop peu de chofe en Angleterre
; & la haine qu'elle infpire ne peut être
affez forte pour réunir & concilier des Sectes
ennemies. Si l'intérêt du commerce rend les
Sectes pacifiques en Hollande , elles trouvent
auffi le commerce en Amérique ; elles y trou
veront de plus l'Agriculture & les Arts ,
qui portent à la paix autant que le commerce.
M. l'Abbé Robin n'a pas joint à
ces deux exemples celui de la Suiffe ; eft- ce
qu'il lui a paru plus embarraffant ? Il ne l'eft
pas davantage , mais il l'eft beaucoup. La
différence des religions , difoit le Congrès ,
dans
1
DE FRANCE. 73
1
dans un de ces beaux Difcours qu'il adreffoit
aux peuples de l'Amérique , ne peut être
un obftacle à notre réunion . Elle exifle dans les
Cantons Suiffes, ils n'en font pas moins unis.
Quand les Légiflateurs parlent ainsi , les
Peuples penfent de même.
Nous ne pouvons trop blâmer M. l'Abbé
Robin d'avoir terminé par cette difcuffion
affligeante un tableau de vertus , de fagelle &
de bonheur.
Son Ouvrage d'ailleurs fe lit avec intérêt.
Il fait mettre fous les yeux du Lecteur les
objets qu'il a vus lui même . Son ſtyle man ,
que fouvent de correction ; mais il eft na
turel , animé , qualités beaucoup plus précicules
; & quoique la marche de l'Armée
qu'il fuivoit ne lui ait pas laiffé le temps
d'obferver les chofes avec une certaine profondeur
, il montre fouvent de la fagacité &
de la philofophie. Ceux qui ont le plus
étudié les Voyageurs , connoîtront mieux l'Amérique
après l'avoir lû , & ce feul mérite
fait affez l'éloge d'un Voyage.
( Cet Article eft de M. Garat. )
VUBS fur l'Education de la première Enfence.
A Amfterdam , & fe trouve à Paris,
chez Lefclapart , Libraire de MONSIEUR ,
Frère du Roi , Pont Notre Dame. Brochure
de 42 pages,
Il n'y a peut être aucun objet d'utilité qui
N°, 19 , 8 Mars 1733 . Ν .
Ꭰ
74
MERCURE
n'exerce aujourd'hui la plume de nos Écrivains.
En eft- il réfulté tout le bien que l'humanité
doit en attendre ? On ne peut guère
fe décider pour la réponſe affirmative. Mais
il y a tout lieu de penfer que de ces difcuffions
il naît toujours quelques germes heureux
, qui , fufſent- ils jetés au haſard , ſeront
quelque jour développés & fécondés
par la réflexion , le temps & l'expérience.
Il ne fuffit pas de montrer le bien aux
hommes , il faut leur infpirer encore la volonté
de le faire ; & il y a fouvent bien loin
d'une découverte philofophique à un établiſfement
utile. Mais un temps arrive où l'on
ceffe de regarder dans un Auteur la défaite
des préjugés dangereux , comme une beauté
oratoire qui ne mérite & qui ne prétendoit
que nos éloges ; où l'on commence à croire
que la plus digne manière de louer un
Écrivain , c'eft de tourner fes idées , fes
découvertes , au profit de la fociété , où l'autorité
enfin , éclairée par la raiſon, exécute ce
qu'on le contentoit d'applaudir , & fait parlà
de chaque vérité qu'on découvre un bienfait
pour l'humanité.
Malgré le grand nombre d'Ouvrages qu'on
a publiés fur l'Éducation , en voici encore
un qui s'offre au jugement du Public. Il eſt
vrai que l'afpect fous lequel l'Auteur a confidéré
fou fujet , le fait fortir de la route ordinaire.
Il s'eft attaché particulièrement à
l'éducation de la première enfance ; éducation
d'autant plus digne de nos foins ', qu'elle influe
ལས་ ས་་ མ་ ་ལུང་ དག་པ ཏཱཔུ ཏྟ
1
DE FRANCE.
75
fur celle qui doit la fuivre , & qu'elle peut
fervir ou nuire à fon fuccès.
On convient depuis affez long - temps que
l'éducation de l'homme commente quand il
vient au monde ; & cette éducation eft prefque
totalement négligée , abandonnée. Tel
eft l'abus que l'Auteur anonyme a effayé de
détruire. Ilveut que pour accoutumer l'enfant
à faire des idées de fes fenfations , on lui montre
ce dont on veut lui parler , ce dont il doit
parler aufi ; qu'on lui facilite l'étude des
mots par la vûe des chofes mêmes. Voilà
quant à fon efprit.
L'extrême fenfibilité d'un enfant lui donne
une aptitude à recevoir toutes les impreffions
, & lui communique la faculté imitative
, qui peut devenir un reffort toutpuiffant
pour cette première inftitution . Ce
defir de tout imiter, fournit le moyen de
faire entrer dans cette âme toute neuve le
germe de toutes les vertus. " Son effet prin-.
"
"
cipal , dit l'Auteur , eft de donner à l'âme
» ces tournures qui lui conſtituent un ca-
» ractère bon ou méchant , aimable on
..haïffable. En vertu de cette difpofition
» imitative , répandue dans tout notre individu
, les paffions exprimées fur le vifage,
dans les difcours , dans le ton de
» voix , dans les mouvemens de ceux avec
qui l'on le trouve , fe communiquent tou-
» jours à nous. Une perfonne gaie & folâ-
» tre infpire la gaîté ; il ne faut quelquefois
» qu'un fujet triste pour répandre la trifteffe
"
ور
Dij
16
MERCURE
"
27
» dans toute une affemblée. C'eſt ainfi que
» dans une fédition , dans une fête , la fu-
» reur ou la joie gagnent de proche en proche
jufqu'aux perfonnes les plus indiffé-
» rentes ; c'est ainsi , comme il eft affez
connu , que chacun fe forme infenfible-
» ment fur ceux qu'il fréquente d'ordinaire,
» A plus forte raiſon des enfans , bien plus
fenibles que nous , doivent - ils prendre
» un caractère fombre , farouche , colère ,
ou bien riant , doux , humain , fuivant les
modèles qui agiffent continuellement fur
❞ eux . »
Combien de vices & de vertus qu'on croit
innés dans l'homme , ne doivent leur naiffance
qu'à une première impreflion habituelle
! Des fenfations voluptueufes données
à un enfant , en feront peut- être un homme
efféminé , comme les cris & la dureté peuvent
lui donner un caractère lâche ou féroce,
L'habitude de s'occuper d'un même
objet , nous donne fouvent du goût pour les
chofes mêmes qui fembleroient devoir nous
infpirer de la répugnance . Combien de perfonnes
continuent d'exercer un emploi , un
commerce difficile & pénible , lors même
que leur fortune leur permet de s'en paffer,
& que l'âge leur ordonne de s'en affranchir !-
On l'attribue toujours à la cupidité ; & fouvent
il ne faut en chercher la caufe que dans
le plaifir qu'on trouve à s'occuper d'un ebjet
dont on s'eft toujours occnpé. Qu'on juge
donc quels avantages & quels dangers accons
DE FRANCE. 77
pagnent cette difpofition fi naturelle à l'hom
me, & quelle attention on doit y porter,
quand il s'agit de notre premier âge !
La diverfité des tempéramens , plus ou
moins foibles, ne peut être révoquée en doute:
mais elle ne rend pas l'éducation inutile , elle
fournit au contraire l'occafion de conformer
à cette différence la première inftitution
qu'on veut donner à un enfant , & de
coopérer ainfi avec la nature à diriger fes
vertus & à corriger fes défauts . « N'en dou-
» tons point , s'écrie l'Auteur de cet Ou-
» vrage , l'éducation que l'homme reçoit
و د
23
alors , contribue à le rendre orgueilleux
» ou modeſte , dur ou humain , impudent
" ou fage , groffier ou poli , tout auffi bien
» que François , Allemand , Anglois ou Hot-
» tentot. Ah ! fi l'on voit tourner mal tant
» de fujets , même élevés par des Inftituteurs
habiles , ne nous en prenons pas unique-
» ment à la Nature ; & fi quelques - uns
profpèrent en mauvaiſes mains , ne lui en
faifons pas tout l'honneur. C'est que bien
» des Inſtituteurs ont précédé celui qui eft
"
en titre , & ont femé dans l'efprit & dans
» le coeur des jeunes élèves , beaucoup de
" bons & de mauvais grains qui décident
enfuite de la récolte. Combien de perfonnes
, fi elles fe remettoient devant les
» yeuxune partie de leurs premières années ,
" & fi elles pouvoient fe rappeler l'autre ,
fe diroient à elles - mêmes : ce fut cette
nourrice emportée & brutale , ou inatten
Duj
30
78 MERCURE
» tive & dure, qui, par fes fureurs & par for
» lait empoisonné , ou en me laiffant fouf-
» frir & crier fans daigner y faire attention ,
» me fit contracter cette humeur violente
» dont je fuis dominé. Ce fut l'air effronté ,
» le ton impudent de cette femme perdue ,
qui me difposèrent , dès le berceau , à deve-
» nir la honte de mon fexe. Je dois au ſpec-
" tacle de l'admiration & de l'attendriffe-
» ment que caufoit la préfence de cet hom-
» me de bien au milieu de ceux dont il étoit
» le père & le modèle , le commencement
» de ce goût heureux qui m'a de tout tems
porté à la vertu, & qui m'y rappelle avec
» force lorfque les paffions m'en écar
» tent. »
Après avoir prouvé le befoin , la néceffité
de foigner cette première éducation ,
l'Auteur en trace le plan , & la confidère
fous deux afpects , comme particulière &
comme publique. Nous ne le fuivrons
point dans tous les détails qu'il propofe
aux Inftituteurs de la première enfance , &
qu'il faut lire dans l'Ouvrage même . Nous
nous arrêterons feulement à une idée qui
s'éloigne un peu des opinions reçues , & qui
n'en eft pas moins raifonnable . On croit d'ordinaire
qu'il faut toujours confulter un enfant
fur l'état qu'il veut embraffer. Mais , au
fonds , connoît- il affez , pour être en état de
choifir ? Êtes-vous bien sûr que ce fera la
raifon plutôt que le caprice qui déterminera
fon choix ? Au lieu de confulter l'inclination
DE FRANCE. 79
d'un enfant , l'Auteur croit qu'on ne rifque
rien à la fuppofer d'avance , & qu'il eft facile
de la lui infpirer . Il fonde cette opinion
fur ces deux principes : fur le goûr qu'on
prend aux chofes dont on s'eft occupé longtemps
& de bonne heure , & fur cet efprit
d'imitation , qui eft inféparable du premier
âge , il faut donc lui faire connoître & lui
offrir comme amuſement ce qui doit être
un jour fon occupation . L'Auteur n'admet
pour exception à cette règle que les cas , affez
rares d'ailleurs , où la Nature a décidé irrévocablement
la deftination d'un individu ,
& lui a donné ce penchant impérieux que
rien ne peut furmonter . Mais alors la méthode
propofée ne fert qu'à mieux manifefter
ce penchant , en lui oppofant des obftacles;
on eft moins expofé à s'y méprendre , & il
n'y a par conféquent aucun danger à courir.
Cer Ouvrage , fans préfenter des idées
neuves , offre des rapprochemens heureux
& des résultats intéreffans. L'Auteur a de la
méthode , de la fageffe dans les idées , & de
la clarté dans fon ftyle , quoique négligé quel
quefois. Il paroît avoir obfervé avec intérêt les
moeurs de l'enfance , & n'avoir pris la plume
que pour coopérer à fonbonheur . L'Ouvrage
eft accompagné d'une note qui eft l'explication
d'un projet conçu & propofé par l'Auteur.
Comme il n'eft pas poffible , qu'il n'eft
peut- être pas même à defirer que les parens
fe chargent tous de l'éducation de leurs en
Div
MERCURE
fans en bas - âge , il voudroit qu'il y eût des
établiffemens publics, où l'enfance pût recevoir
l'éducation la plus foiguée. Il defireroit
qu'on choisît pour cela une campagne riante .
& bien cultivée , & même , s'il fe peut , une
petite éminence , tout auprès de chaque ville.
Il entre enfuite dans quelques détails fur le
plan qu'il faudroit fuivre , & qui eft conforme
aux principes développés dans le refte
de l'Ouvrage.
CALENDRIERpour l'année 1783 , à l'ufage
des Élèves qui fréquentent l'Ecole gratuite
de Deffin , avec le Plan & l'élévation de
ladite École. A Paris , aux Écoles gratuites:
de Deflin , rue des Cordeliers.
De tous temps on a regardé la Capitale
comme le lieu le plus propre à électrifer le
génie , fur tout à diriger fon effor , & à lui
donner pour compagnon le goût , qui l'embellit
en guidant fa marche. Le choc des opinions
, fi propre à dévoiler la vérité ; le
commerce des hommes célèbres dans tous.
les genres ; les Bibliothèques publiques ; les
Cabinets particuliers , les Écoles , les Académies
, les atteliers ; tout lui préfente à la fois
des lumières & des fecours ; tout contribue
à nourrir l'émulation . Paris enfin a toujours
été tout enſemble & le foyer & le flambeau
des talens & des arts. Mais combien la
fageffe de l'Adminiftration a - t'elle multiplié .
DE FRANCE. 81
•
I
ces avantages depuis quelques années ! combien
d'établiffemens utiles , non -feulement
par les lumières qu'ils répandent fur les ta
lens , mais par des fecours gratuits , propres
à écarter les obftacles que la fortune oppofe
trop fouvent au génie !
Parmi ces établiffemens fi utiles , on doit
compter l'Ecole gratuite de Deffin , qui a le
Roi pour fon Protecteur , & pour Prefident ,
ce fage Magiftrat de Police , moins recommandable
par fa dignité que par une vigilance
auffi infatigable qu'incorruptible ; qui
a lui - même fondé plufieurs établiffemens
utiles aux Arts & à l'Induſtrie ; & qui femble
avoir befoin d'être le zélé protecteur de
ceux qui ont précédéfon Adminiſtration , pour
fe confoler de n'en être pas le fondateur.
On doit l'établiffement de l'École de
Deffin à M. Bachelier , qui n'a pas ceffé d'y
exercer avec diftinction la place de Directeur.
Le Calendrier qu'on vient de publier
a pour objet d'en faire connoître tous les
détails , & de donner des réglemens aux
élèves , c'eft à dire , d'en expliquer l'Adminftration
& l'Inftruction .
Cette École fut ouverte en 1966 , par une
fimple permiffion du Gouvernement ; & au
mois d'Octobre de l'année fuivante , des
Lettres Patentes en ordonnèrent l'établiffement.
Son premier local a été le Collége
d'Autun ; mais en 1776 , le Roi lui a fait donation
de l'ancien amphithéâtre de S. Côme ,
où elle eft établie irrévocablement.
D▾
82 MERCURE
Le but de fon inftitution eft d'enfeigner
gratuitement, aux ouvriers ou aux enfans fans
fortune , les élémens de la Géométrie - pra
tique , de l'Architecture & des diverfes parties
du Delfin , relativement aux Arts mécaniques
, pour leur faciliter le moyen d'exé
cuter , fans le fecours d'autrui , les différens
ouvrages qu'ils pourront imaginer.
Ce Calendrier n'eft point fufceptible
d'extrait. Il faut fe contenter de dire que le
but de cet Ouvrage eft de faire connoître ,
. les avantages de l'établiffement de l'École
gratuite élémentaire de Deflin en faveur des
Arts mécaniques ; 29. les détails de l'adininiftration
relativement à l'inftruction des
élèves , à la manutention des claffes & à la
difcipline qui s'y obferve. 3 ° . L'état des gravures
destinées à l'inftruction des élèves.
On y trouve aufli un Calendrier à l'ufage
de l'École ; les noms des Corps , Communautés
& Fondateurs qui ont contribué à fa
dotation ; les noms & demeures des élèvés
qui ont remporté des maîtrifes ; les noms de
ceux qui ont reçu les grands Prix pour être
admis aux concours des maîtriſes ; & enfin
les noms de ceux qui ont fréquenté l'École
pendant l'année 1782 .
La lecture de tous les détails contenus dans
ce Calendrier, fuffit pour prouver la fageffe
du plan adopté pour cette École , & pour en
démontrer l'utilité.
DE FRANCE.
83
SPECTACLES.
'ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
LE Vendredi 28 Février , on a donné la
première repréſentation de Renaud , Tragédie
Lyrique en trois Actes , paroles de
M. le Boeuf , mufique de M. Sacchini .
La Reine a honoré de fa préſence certe repréfentation
, qui a été très- brillante & trèsnombreuſe.
L'Abbé Pellegrin donna , en 1722 , un
Opéra en cinq Acte avec le même titre , mis
en mufique par Defmarets . C'étoit une fuite
de l'Armide de Quinault : les fuites ne réuffiffent
guère au Théâtre. Le Renaud n'eut
aucun fuccès , & n'en méritoit guère. Le
fond du fujet eft fufceptible d'intérêt ; mais
le plan de Pellegrin étoit mal conçu ; les
principaux caractères fans nobleſſe , l'action
lente , le dialogue lâche , le ftyle foible &
négligé ; mais au travers de tous ces défauts
on trouve des vers heureux , des morceaux
bien écrits , & deux Scènes intéreffantes &
bien conduites .
Quoique M. le Boeuf ait fuivi en général
le plan de Pellegrin , il y a fait des changemens
confidérables , & plufieurs de trèsavantageux.
Sa marche eft plus rapide ,
D vj
$4
MERCURE
& la coupe des Scènes eft mieux appropriée
aux procédes de la mulique moderne.
Nous allons donner une idee du ſujet &
de la conduite de la Pièce.
Renaud , après s'être arraché des bras
d'Armide , a rejoint Godefroy , & a repris
Solyme. Les Rois alliés , que leur amour
pour Armide avoient réunis contre les
Croifes , ne la voyant plus reparoître , fe
laffent d'une guerre qu'ils n'avoient entreprife
que pour elle ; c'eft ici que commence
l'action . Ils témoignent le defir qu'ils ont de
la paix ; Renaud vient la leur offrir de la part
de Godefroy ; ils l'acceptent avec joie. En ce
moment arrive Armide, qui leur fait honte de
leur défection.Étonnée & indignée de trouver
Renaud au milieu d'eux , elle promet fa main à
celui qui lui apportera la tête du perfide . Cette
promeffe ranime le courage des Rois amans.
Renaud fe retire en annonçant la guerre, & les
Rois jurent la mort. Armide leur préſente
de nouveaux defenfeurs qu'elle amène avec
elle ; ce font des Amazones & des Circaffiens,
qui terminent le premier Acte par un Ballet.
Le fecond Acte fe paffe dans la tente d'Armide.
On vient lui apprendre que les Rois ,
au mépris des droits de la guerre , ont attaqué
Renaud avant qu'il fût forti du camp ,
& qu'ils font près de l'accabler fous le
nombre. Armide prend fes armes , vole au
fecours de Renaud , & le ramène dans fa
tente. Renaud eft étonné de reconnoître Armide
dans le Guerrier inconnu à qui il doit
DE FRANCE. 85
la vie. Elle lui reproche fa perfidie ; il s'en
défend vaguement. Dans ce moment on vient
annoncer que les Soldats , indignés de ce
qu'on leur a enlevé Renaud , veulent le maf
facrer dans la tente même d'Armide . Elle
lui dit de fuir , il fuit ; mais , toujours alarmée
fur le danger qu'il court , elle est prête
à appeler les Demons au fecours de ce cher
ingrat , lorfqu'elle apprend que Renaud , à
la tête de fes Guerriers , répand par- tout l'effroi
, alors elle invoque les Demons contre
Renaud. Hidraot , fon père , joint ſa voix à
la fienne ; mais cette invocation eft vaine ;
les Démons , retenus par d'invifibles fers ,
leur déclarent qu'ils ne peuvent fervir fa
vengeance. Hidraot fe dérobe aux inftances
de fa fille , & va combattre Renaud.
Au troifième Acte , le Théâtre repréſente
une forêt , au fond de laquelle on voit combattre
des pelottons de Croilés & de Sarrazins.
Sur le devant , Armide en défordre ,
vû les Chrétiens victorieux , & fes Troupes
fuyent partout ; on lui amène mourant
Adrafte , le principal des Rois fes amans ;
elle craint le même fort pour fon père. Privée
de reffources & d'efpérance , elle ramaſſe un
fer pour s'en percer. Renaud arrive à temps
pour retenir fon bras ; elle lui reproche tous
les maux qu'il lui a faits ; Renaud lui dit enfin
qu'il n'a jamais ceffé de l'adorer , que fa
gloire eft fatisfaite , & qu'il va reprendre
fes premières chaînes.Un Divertiffement des
86 MERCURE
Génies d'Armide & des Guerriers de Renaud
terminent l'Opéra par un Ballet général.
Nous ne nous arrêterons pas fur les vices
de ce Drame ; les principaux appartiennent
à Pellegrin ; on regrette que M. le Boeuf n'ait
pas choifi un meilleur modèle. Le changement
le plus important qu'il y ait fait , eft
dans l'expofition , qui eft rapide & théâtrale ,
tandis qu'elle eft découfue & délayée dans les
trois premiers Actes de Pellegrin.
Dans le Poëme original , Renaud laiffe
voir , dès le premier Acte , tout l'amour qu'il
conferve pour Armide ; mais il le furmonte
pour obéir à la gloire . Il eft vrai que cet
amour eft foiblement développé , plus languiffant
que tendre , plus galant que paffionné
; mais le contrafte de fes fentimens
rend fon caractère plus intéreffant & fon.
rôle un peu plus dramatique que dans le
nouveau Poëme, où il ne répond jamais que
vaguement à Armide , & ne lui déclare qu'au
dénouement ce qu'il auroit dû au moins laiffer
entrevoir beaucoup plus tôt.
Le Ballet d'Amazones & de Circaffiens
que M. Leboeuf a imaginé pour amener de
la Danfe dans cet Acte , qui n'en avoit pas
befoin , a jeté du froid fur l'action , & a
déplu fur-tout par fa longueur.
L'invocation des démons ne produifant
aucun effet pour l'action , termineroit mal
le fecond Acte fi elle n'étoit pas foutenue
par les beautés de la Mufique. Pellegrin n'aDE
FRANCE. 87
voit imaginé cette reffource de magie que
pour amener un Ballet de Démons.
Ces Ballets faifoient toujours plaifir du
temps de Pellegrin . M. le Boeuf a bien fait
de fupprimer celui- ci.
Le tableau du combat par lequel ouvre
le troifième Acte eft d'un bel effet , qui prépare
heureuſement la cataſtrophe ; mais on eft
un peu bleffé de voir que la guerrière Armide
refte oifive fur le devant de la Scène à
déplorer fes malheurs, fans paroître prendre
aucune part à ce combat d'où dépend ſon
fort , celui de fon père & de fon Amant. Le
dénouement a paru froid & languiffant.
Nous croyons que l'Auteur pourroit en retrancher
plufieurs détails inutiles , & qu'en
faifant déclarer beaucoup plus tôt à Renaud
qu'il n'a jamais ceffé d'aimer Armide ,
en développant & en graduant tous les fentimens
qu'ils doivent éprouver à cet inftant
où ils fe réuniffent pour ne plus fe féparer ,
il pourroit en réfulter une Scène plus touchante
, plus animée & même plus muficale
que celles qui terminent l'action .
Nous nous arrêterons peu fur le ſtyle
de cet Ouvrage ; il manque trop fouvent
d'élégance , de propriété & d'harmonie ; on
y remarque auffi une inégalité inévitable ;
l'Auteur à confervé un affez grand nombre
des vers de Pellegrin , & l'on ne peut s'empêcher
de regretter qu'il n'en ait pas confervé
davantage.
Quant à la Mufique , nous n'avons pas
88 MERCURE
befoin de dire qu'elle eft pleine de beautés
du premier ordre. La grande réputation de
M. Sacchini eft etablie dès long - temps dans
toute l'Europe. Comme nous écrivons cet
article après une feule repréfentation , nous
ne nous permettrons pas d'en parler en
détail , & nous attendrons que d'autres
repréſentations nous aient mis à portée
de recueillir l'opinion des gens de goût ,
& d'y joindre les obfervations que Hous
dicteront à nous - mêmes notre zèle pour
les progrès de l'Art , & l'intérêt que tout
homme jufte & fenfible doit prendre
aux fuccès d'un aufli grand Maître que M.
Sacchini ; mais nous nous empreffons de
dire que l'Ouvrage a été généralement applaudi
dans tous les Actes , fouvent même
avec transport.
Nous renverrons auffi au Mercure prochain
nos obſervations fur les différentes
parties de l'exécution de cet Ouvrage.
COMEDIE FRANÇOISE.
LE Vendredi 21 Février , on a remis la
Mort de Céfar, Tragédie de Voltaire , en
trois Actes & en vers.
Il eft vraisemblable que Voltaire connoiffoit
le Jules Céfar de Shakespeare , lorſqu'il
compofa la ragédie dont nous allons parler
. Les deux Ouvrages ont entre- eux quelques
points de reflemblance affez frappans
DE FRANCE. 89
pour le faire préfumer. Il n'eft pas douteux
que les admirateurs enthoufiaftes du Tragique
Anglois ne lui donnent la préférence
fur le Poëte François , & n'acculent même
ce dernier d'avoir négligé les beautés mâles
de Shakespeare , de n'avoir pas fenti le mérite
de cette nature vierge qui infpiroit le
Sophocle de la Grande - Bretagne. Laiffons
aux illuminés le bonheur dont ils jouiffent
en admirant & les inégalités monftrueufes
de Shakespeare , & fes détails populaires ,
&fa nature vierge . Contentons nous de dire
que fi la Tragedie exige de la grandeur , de
la nobleffe , de la raifon ; Voltaire a ſu atteindre
fon véritable but bien plus sûrement
que l'Auteur de Jules Cefar. Ajoutons que
cette accumulation inconcevable d'événemens
dont toutes les Tragédies de Shakefpéare
font furchargées ; ces paffages ſubite ,
d'une ville , & fouvent d'un royaume à un
autre ; enfin l'étendue qu'il donne toujours à
la durée de la repréſentation , choquent la
vraisemblance , fatiguent l'attention , nuifent
à l'intérêt & à l'illufion . Shakeſpeare eft certainement
un homme d'un très grand génie. Sa
manière dramatique peut plaire à des Anglois;
mais elle ne fauroit convenir à des Spectateurs
François : ceux- ci liront avec un vrai plaifir, ils
rendront même la juftice la plus authentique
à quelques Scènes fublimes de cet homme
extraordinaire ; mais ils rejetteront tous les
Drames , parce qu'ils n'y verront ni plan ,
ni fageffe , ni ordonnance. Telles font les
و د
MERCURE
réflexions que nous a infpirées un examen ré
fléchi du Jules Céfar de Shakeſpeare : nous
les abandonnons à la critique de les admirateurs
, & nous les foumettons aux lumières
des Gens de Lettres fans prévention.
Pour ne pas trop étendre cet article , nous
ne rapprocherons ici que deux fituations des
deux Ouvrages. Citons d'abord Shakespeare .
Dans la première de ces deux fituations ,
un des Serviteurs de Brutus remet à ce Conjuré
un billet qu'il a , dit- il , trouvé en cherchant
une pierre à feu fur la fenêtre . Le Romain
refte feul, l'ouvre & lit : Brutus , tu
» dors : réveille- toi, vois qui tu és . Rome fera-
و ر
t'elle.... Parle,frappe ; faisjuftice . Brutus ,
» tu dors , réveille - toi . J'ai trouvé fouvent
» de pareilles exhortations femées fur mon
» paffage : Rome fera t'elle.... Voici ce que
» je dois fuppléer : Romefera- t'elle immobile
de crainte & de refpect fous le regard
d'un homme ? Quoi ! Rome ! ...... Mes an-
», cêtres chafsèrent des rues de Rome le Tar
quin qui portoit le nom de Roi. Parle
frappe , fais juftice. Eft ce moi qu'on ex-
» horte à parler & à frapper ? O Rome ! je
30.
و
t'en fais la promeffe ; s'il eft poffible de
" fairejuftice , tu obtiens ta pleine demande
» de la main de Brutus. » Que l'on compare
cette Scène avec le beau monologue de
Brutus dans l'Ouvrage de Voltaire. Citonsen
quelques vers.
* Traduction de M. le Tourneur .
DE FRANCE. 91
sx
Que vois-je , grand Pompée , aux pieds de ta ftatue !
Quel billet , fous mon noin , ſe préſente à ma vûe !
Lifons: Tu dors , Brutus ! & Rome eft dans les fers.
Rome! mes yeux fur toi feront toujours ouverts ;
Ne me reproche point des chaînes que j'abhorre.
Mais , quel autre billet à mes yeux s'offre encore !
Non , tu n'es pas Brutus. Ah ! reproche cruel !
Céfar ! tremble , Tyran , voilà ton coup mortel.
Non , tu n'es pas Brutus ! je le fuis , je veux l'être.
Je périrai , Romains , ou vous ferez fans maître .
Je vois que Rome encore a des coeurs vertueux ;
On demande un vengeur , on a fur moi les yeux ;
On excite cette âme & cette main trop lente ,
On demande du fang ; Rome fera contente.
Nous croirions faire injure à nos Lecteurs
fi nous faifions ici la moindre réflexion capable
de déterminer auquel des deux Auteurs
on doit la préférence.
La feconde fituation eft celle où Antoine
harangue le Peuple Romain devant le corps
de Célar. Voici comme ce Triumvir s'explique
dans Shakefpéare. « Ici , de l'aveu de
» Brutus & des autres *; car Brutus eft un
» homme d'honneur , & tous les autresfont
auffi des hommes d'honneur , je viens pour
parler aux funérailles de Céfar. Il étoit
» mon ami , il fut fidèle & jufte envers moi ;
» mais Brutus dit qu'il étoit ambitieux ; & ,
» certes , Brutus eft un homme d'honneur....
و د
99
* Traduction de M. le Tourneur.
•
2 MERCURE
12
20
Loffque les pauvres gémilfoient , Cefar
pleuroit. L'ambition feroit formée d'une
» trempe plus dûre . Cependant Brutus , & c .»
Et toujours ce membre de phraſe : Brutus
eft un homme d'honneur , forme le refrein
des réflexions d'Antoine , depuis l'inftant
qu'il commence jufqu'à celui où il ceffe de
parler. Que ce retour perpétuel d'une phrafe
hypocrite & artificieuſe foit une beauté dans
l'éloquence Angloiſe , à la bonne heure ;
mais il eft vraisemblable que peu d'Orateurs
regretteront de n'en pas faire ufage , furtout
s'ils ont auprès d'eux d'autres modèles
. Voltaire ici peur en fervir. Nous allons
encore citer quelques vers du diſcours
qu'il prête à Antoine . Il aimoit trop Céfar),
dit un des Plébeïens .
ANTOIN I.
Oui , je l'aimois , Romains ,
Oui , j'aurois de mes jours prolongé fes deftins , &c.
Ilofe enfuite faire l'éloge des vertus de l'hom
me qu'il a aimé. Saififfant avec adreffe tous les
moyens qui peuvent contribuer à lui gagner
les efprits , il ménage en apparence les meurtriers
de Céfar , mais ce n'eft point en répétant
juſqu'à la fatiété un aveu trop ironique
pour que l'intention n'en foit point apperçue
; il s'explique avec toute l'habileté d'un
fin politique & d'un homme vraiment éloquent.
Contre les affaffins je n'ai rien à vous dire ;
C'eft à fervir l'État que 1 eur grand coeur afpire.
De votre Dictateur ils ont percé le flanc ;
DE FRANCE. 930
Comblés de fes bienfaits ils font teints de fon fang.
Pour forcer des Romains à ce coup déteſtable ,
Il falloit bien pourtant que Céfar fût coupable :
Je le crois ; mais enfin Céfar a t-il jamais
De fon pouvoir fur vous appefanti le faix , &c.
C'est ainsi que par degrés , & toujours
avec des reffources dignes de l'eloquence
tragique , il émeut les efprits , attendrit les
coeurs , & dans les Partifans même des Bru- .
tus & des Callius , trouve des vengeurs à
Gefar , & les ennemis les plus irréconciliables
des conjurés. Nous laiffons encore à
nos Lecteurs le foin de prononcer fur celui
des deux Auteurs qui , dans la même fituation
, a fu le mieux employer les mêmes
moyens , & celui de dire lequel de Voltaire
ou de Shakespeare doit être regardé comme un
modèle par ceux qui croient que les Arts
ont des principes & des limites , que le goût
n'eft point un mot vuide de fens , & que le
beau ideal n'eft point une chinère. Si quelqu'un
nous demandoit pourquoi cette fortie
contre Shakeſpeare , nous répondrions
que nous admirons fincèrement cet homme
de génie , mais que nous croyons devoir
nous élever contre l'enthouſiaſme qu'on a
fu faire naître depuis quelque temps , & que,
l'on cherche tous les jours à propager , en
faveur d'un Écrivain qui , malgré ce qu'on
lui deit de confidération , ne fauroir entrer
en comparaifon avec les grands Poëtes tragiques
de la Scène françoife.
94
MERCURE
La mort de Céfar a produit beaucoup
d'effet à cette repriſe. Indépendamment du
mérite de l'Ouvrage , il faut avouer que cet
effet eft dû en grande partie au talent que
M. de la Rive a déployé dans le rôle de Brutus.
Fier , profond , énergique & fenfible , il
a paru fupérieur à lui-même , & nous ne
pouvons que nous féliciter d'avoir encou
ragé ce Comédien , qui devient de jour en
jour plus intéreffant , & qui juftifie nos
éloges en obtenant de nouveaux fuccès.
Au Mercure prochain, la fuite des Articles
de la Comédie Françoife & ceux de la Comédie
Italienne.
ANNONCES ET NOTICES.
ARCHITECTURE Hydraulique - Canal des deux
Mers , par M. de la Roche , ancien Ingénieur des
Ponts & Chauffées , in - 4° . Prix , 12 liv. relié . On
féra une remife de 3 liv . aux Artiftes , aux Savans
& aux Gens de Lettres , pourvu qu'ils veuillent
bien écrire leur nom en prenant l'Ouvrage , s'ils ne
s'adreffent pas directement à l'Auteur. A Paris ,
chez Demonville , Imprimeur - Libraire de l'Académie
Françoiſe , rue Chriftine , Fauxbourg S. Germain;
à Verfailles , chez Blaizot , Libraire , rue
Satory , & chez l'Auteur ( en feuilles ) enclos des
Cordelières , rue de l'Ourfine , Fauxbourg Saint-
Marcel.
La manière dont cet Ouvrage a été levé & deffiné
mérite de grands éloges ; & par le projet de le
la re- mettre au jour l'Auteur a acquis des droits
connoiffance du Public. On n'avoit encore rien
DE
FRANCE.
d'exact à ce fujet , & ce que le Canal a de plus intéreffant
n'avoit pas encore paru. Les Planches , trèsbien
exécutées dans le genre du Deffin , ne permettent
pas de tirer un grand nombre d'Exemplaires.
ÉTAT de la Nobleffe , année 1783 ,
contenant ,
1º . l'état actuel de la Maiſon Royale de France &
des Maiſons Souveraines de l'Europe dans un nouvel
ordre qui exclut tout double emploi ; 2. leurs
Généalogies
lorfqu'elles n'auront pas été données
dans les Volumes précédens ; 3 les
Généalogies des
Maiſons illuftres & Familles nobles du Royaume qui
feront dans le même cas , leurs Armes en grande
partie gravées & toutes énoncées , les faits qui
tiennent à leur hiftoire , un précis des droits attachés
à leurs terres lorfqu'ils pourront intéreffer par
quelque
circonstance
remarquable ; 4°. un Répertoire
des changemens furvenus pendant l'année
dans chacune d'elles , les corrections à faire , les
honneurs, charges , dignités conférés à la Nobleffe
de tous les États , &c.; enfin , une nouvelle
Table en trois parties , plus commode pour le Lecteur,
pour fervir de Supplément à tous les Ouvrages
Hiftoriques ,
Chronologiques , Héraldiques
& Généalogiques , & de fuite à la Collection des
Étrennes à la Nobleffe , & c. A Paris , chez Leboucher
, Libraire , quai de Gêvres ; Onfroy & Lamy ,
quai des Auguftins.
Le titre de cet Ouvrage , que nous avons tranſ
crit en entier , en fait connoître le plan , & en
prouve l'intérêt pour la claffe à laquelle il eft deftiné.
L'Éditeur , loin d'en exagérer le mérite dans
fa Préface , fe plaint de n'avoir pas reçu encore les
fecours néceffaites pour le
perfectionner. Cette modeftie
n'ôte rien au mérite de fon travail , & elle
doit engager les Perfonnes intéreffées à lui fournir
les matériaux dont il a befoin . Ceux qui voudront
96
MERCURE.
faire inférer des Armes , font priés d'en affranchir
l'envoi , & de faire paffer les frais de gravure , dont
les différens prix font indiqués dans l'Ouvrage
même.
LE DUC DE CRILLON , profil deffiné d'après
nature , par M. Homboure , Secrétaire d'Ambaffade
à Madrid , gravé dans la grandeur des profils de M.
Cochin , par Legrand , rue S. Jacques , n ° . 41. A
Paris , chez l'Auteur . Prix , 1 liv . 16 fols.
Ce Portrait , qui nous a paru reffemblant , & qui
eſt bien gravé , eſt dans la manière rouge Angloife.
→
La
Fautes à corriger au dernier Mercure. Article
Abrégé des Traités , 6 liv. broché ; lifez , s liv.-
Page 6. Par M. M. de ; lifez , par Madame.
Le Logogryphe eft de M. Bremont de V.
demeure du fieur Jacquet eft rue des Saints Pères ,
la troisième porte -cochère par la rue de Grenelle.
24 liv.
Le prix de la boëte eſt de
-
Voyez, pour les Annonces des Livres , de la Mufique & des Eftampes , le Journal de la Librai
rie fur la Couverture .
TABLE
.
A Mlle de Saint-Léger , 49 | Calendrier pour l'année 1783.
Réponse,
Enigme & Logogryphe ,
So
521
à l'ufage des Elèves quifréquentent
l'Ecole gratuite de
Deffin,
So
83
88
Nouveau Voyage dans l'Amé
rique Septentrionale , ss Acad. Royale de Mufiq.
Vuesfur l'Education de lapre- Comédie Françoife ,
mière Enfance,
73 Annonces & Notices,
APPROBATION
.
94
JAI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le Mercure de France , pour le Samedi 8 Mars. Je n'y ai rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion. A Paris ,
le 7 Mars 1783. GUIDI.
4
Jer . 135 .
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 15 MARS 1783.
PIÈCES FUGITIVES.
EN VERS ET EN PROSE.
2912
LE COLIN MAILLARD.
T
J'AIME ce jeu bruyant , d'adreſſe & de hafard
Qui du fort des humains eft l'image fidelle ,
Où la beauté timide & fuyant avec art ,
Tombe enfin dans les bras qu'on étènd autour d'elle ,
Et par un foible cri , par un charmant ſoupir ,
Trahit fa crainte & fon plaifir.
Combien , en la fuivant , s'irrite le defir!
Quand on la faifit , quelle joie !
Toutes les rufes qu'elle emploie ,
Ses pieds légers fur le parquet gliffans ,
fi beaux & fi perçans ,
Ses
yeux
Pour la fauver font impuiffans ;
D'un fimple aveugle elle eft la proie.
Un aveugle fouvent exerce un grand pouvoir ;
N°. 11 , 5 Mars 1783.*
Say itche
Stectsuihkukok
E
98 MERCURE
Son état malheureux touche le cecur des Dames ;
Et fans doute pour émouvoir
Leurs naïves & tendres âmes ,
Mieux vaut bien ſentir que bien voir.
On dira , je le fais , que la raiſon févère ,
•
Dont les yeux font toujours ouverts ,
De fa vive & pure lumière
Doit éclairer tout l'Univers.
*
L'Univers pourtant ne l'eft guère;
Et malgré les nobles regards
De la Déeffe auffi fage qu'altière,
Qui préfide aux vertus , à la gloire , aux beaux - arts ,
La Fortune & l'Amour font deux Colin-Maillards
Que le ciel a chargés de gouverner la terre. 3 1
( Par M. Dupont , Auteur de l'Effai de Traduction
en vers du Roland Furieux de l' Ariofte, * ´)
LES VOYAGEURS , Fable très -vraie, {
CINQ ou fix Voyageurs dans une Hôtellerie
Soupoient enfemble : on penſe bien
Que chacun d'eux parla de fa patrie ,
F que pour la vanter il ne négligea rien.
On débita maintes merveilles ,
Qui quelquefois aux Auditeurs
Firent fecouer les oreilles
* Cet Effai fe trouve chez Al. Jombert jeune , Libraine
He Dauphine .
DIBLIOTHECA
REGIA
MONAGENSIS .
DE FRANCE 99
Sans déranger les raconteurs.
Un François , dans un coin , écoutoit en filence ;
Ce qui fut remarqué , fur-tout par un Anglois.
Ces Meffieurs- là croyent que les François
Ont tous abondamment & parole & jactance.
Enfin on l'interpelle . Eh ! pourquoi , lui dit-on ,
Ne parlez-vous pas de la France ?
Ce
Sans prétendre donner le ton ,
On peut bien , comme nous , dire avec confiance
que dans fon pays on remarque de bon.
Il répond..... Vous favez , comme l'Europe entière ,
Ce qui dans ma patrie eft le plus admiré.
Vingt milliers d'enfans n'ont tous qu'un même père ;
Tel que féparément chacun l'eût defiré.
Étant à peine à la fleur de ſon âge ,
Un defcendant de l'immortel Henri
Eft auffi bon , & certes bien plus ſage ,'
Il eft du peuple auffi chéri.
Après une terrible guerre
Un Monarque de vingt- huit ans
Rétablit la paix fur la terre ,
Lorsqu'il peut efpérer des ſuccès éclatans:
Un vafte Empire , & déjà formidable ,
Lui doit fon exiftence & fa félicité......
Oh ! tout ceci n'eft qu'une fable ,
S'écrie un Allemand incrédule , irrité.
Hélas ! lui dit l'Anglois , cela n'eft pas croyable ,
Mais c'est pourtant la vérité.
( Par M. le C. D. , à Chaillot. ) 4
E ij
100 MERCURE
LE SOUVERAIN BIEN.
AIR: Charmantes Fleurs , &ç. *
ZIPHIRS
ÉPHIRS légers , qui , fur le fein de Flore ,
Volez fans ceffe & changez de lien ,
Il eſt un Bien plus doux cent fois encore ;
Et voir Jeannette eft le fouverain Bien. bis.
CEPHALE aimé de la brillante Aurore ,
Au fort des Dieux crut égaler le fien :
-! Il eft un Bien plus doux , Jeannette , encore ;
Et vous entendre eft le fouverain Bien . ´bis.
BELLE Jeannette , un coeur qui vous adore
Au fort des Dieux peut préférer le ſien ,
Il eft ua Bien cent fois plus doux encore :
Plaire à Jeannette eft le fouverain Bien. bis.
QUE manque- t'il à ce coeur qui l'adore ?
Je vois Jeannette , & même je la tien ,
Dieux ! il eft donc un bien plus doux encore?
Mais taifons -nous fur ce fouverain Bien , bis.
LA voir , l'ouïr , la tenir même encore ,
Triple bonheur , oui , vous fûtes le mien.
* Ces Couplets vont auffi fur l'Air : Daigne écouter , &c.
On trouve , pour l'un & l'autre Air , chez les divers Marchands
de Mufique, un nouvel accompagnement de Guittare,
par le Signor Alberti,
DE FRANCE. 101
Mais Jeanne eft fage ; & l'Amant qui l'adore
Peut tout attendre , hors le fouverain Bien. bis.
( Par M. Poinfinet de Sivry. )
Explication de l'Enigme & du Logogryphe
du Mercure précédent.
LE mot de l'Enigme est la Lettre Anonyme ;
celui du Legogryphe eft Préliminaires , où
fe trouvent pré , Emir , Maire ' , Pair ,
pair ( nombre ) , air , Mai , ré, la, mi ,
Lima , Aire (ville de Gafcogne ) , Aire ( ville
d'Artois ) , rime , lai , paire , ire , lys , lime ,
pie , prime , lie , ris , ras , Lare , mare ,
pire , mine, lire & lyre , que certaines perfonnes
écrivent lire.
CHARADE à Mlle P..... DE LA CH.......
Sox premier t'offre un inftrument
Rempli d'éclat & d'harmonie ,
Que tu vas ordinairement
Applaudir à la Comédie.
L'emploi que j'ai fait de mon coeur
Quand je te vis , belle Glycère ,
De fon fecond eft le mystère ,
Et ce fecond fait mon bonheur.
Lorfque tu tire ta fonnette ,
Son tout badine dans tes doigts ;
Eij
102 MERCURE
Mais à la fin je m'apperçois
Que ma Mufe eft trop indifcrette.
( Par M. P. G. D. R... )
AUTR E.
Mon premier avec bruit roule fur mon fecond :
Al'aide de mon tout un champ devient fécond.
(Par M. Lyon , Etudiant en Réthorique
au Collège de Lifieux. )
ENIGM E.
DANs mes folides bras je reçois en filence
Des êtres pareffeux la paifible indolence.
Souvent dans mon courroux , un regard menaçant
De mes bras arrondis écarte un infolent.
Autrefois inconnue , à préfent à la mode ;
Autrefois très-célèbre , aujourd'hui fans crédit ;
Jadis à me chanter on mettoit fon efprit ;
Dans ce fiècle on fe borne à me trouver commode.
( Par M. de B..., Officier d'Artillerie. )
LOGOGRYPHE.
J'EXERCE mon pouvoir fur tout ce qui refpire;
Par un charme fecret je maîtrife les coeurs ;
Ma préfence bannit les haines , les fureurs ,
DE FRANCE,
101
La paix & l'union fignalent mon empire.
Seule , je rends un couple heureux ,
Et l'hymen n'eft fans moi qu'une chaîne pefante ;
Mais quand j'en ai formé les noeuds ,
Des plaifirs , du bonheur , c'eft la fource conftante.
Dans mes neufpieds , Lecteur , en les arrangeant bien ,
Tu trouveras un Pontife Chrétien ;
Ce qui pour tous paffe trop vîte ;
Un tréfor très-rare en tout tenips ;
De maint levreau le dernier gîte ;
Ce qu'on foule aux pieds chez les Grands ;
Celle qui dans fes mains tient toujours la balance ;
Ce qui dans toi connoît & penfe ;
Deux tons de la mufique ; une exclamation ;
Ce qu'au loin fur les mers on voit d'abord paroître ;
Un mois ; une négation.
Mais c'eft affez , crains de mne trop connoître.
( Par M. l'Abbé Lancelin , de Caën. ) ..
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
• COUTUMES Générales & Locales du
Bourbonnois , avec des notes , par M.
Ducher , Avocat au Parlement . A Paris ,
chez les Libraires au Palais.
ON fe plaint beaucoup , & fans doute
avec raifon , du grand nombre de Cou
E iv
104 MERCURE
tumes qui partagent le Royaume ; de leur
barbarie , qui foumet un peuple éclairé à
des Loix faites dans des temps d'ignorance ;
de leur obfcurité , qui enveloppe dans des
mots qu'on n'entend plus , des décifrons qui
devroient être le guide & la lumière du Citoyen
dans les circonftances les plus impor
tantes de la vie . Mais cependant ces Coutumes
exiftent , elles établiffent nos droits
& nos devoirs , difpofent de nos biens , elles
foumettent le Citoyen à leur puillance ,
& le Juge à leur autorité. On peut les
comparer à des Monarques dont il faut
refpecter le règne , & qui auront le dreit
de commander tant qu'ils feront fur le
trône. Si elles font obfcures , il faut donc
tâcher de les éclaircir ; puifqu'elles forment
la plupart de nos droits & de nos devoirs ,
il faut donc les connoître'; & leurs defauts
mêmes ne font qu'augmenter la néceffité d'en
faire une étude profonde. On ne le croiroit
pas. L'étude de ces Coutumes barbares , écrites
dans une langue plus barbare encore que
leurs difpofitions , a quelquefois plus d'intérêt
encore que d'utilité. Le Philofophe pourroit
les lire par curiofité , quand le Jurifconfulte
ne feroit pas obligé de les connoître
par devoir. Elles préfentent une partie trèsimportante
de l'hiftoire de l'efprit humain ;
ces Loix , qui font barbares pour des fiècles
éclairés , étoient fouvent pleines de fagelfe
pour des fiècles barbares. On aime à recher
cher comment , dans cette nuit profonde ,
DE FRANCE. TOF
l'homme a ſuivi à tâtons fes beſoins loifqu'il
ne pouvoit encore être guidé par fes lumières
; & l'on voit quelquefois avec ſurpriſe
que la logique de l'inftinct a eu autant de
fagacité que la prévoyance du génie. Les
Coutumes des Sauvages & des Barbares font.
très-fouvent à la Légiflation des peuples civilifés
, ce que la ruche des abeilles & les édifices
des caftors font aux monumens de l'architecture
. Montefquieu admiroit le code
des Lombards comme Vitruve & Perrault
l'architecture des caftors ; mais l'orgueil de
nos progrès dédaigne ces chef- d'oeuvres de
l'instinct , & un homme de goût à Paris
croira toujours difficilement au génie d'un
barbare. Quel est aujourd'hui l'Homme de
Lettres dont la délicateffe pourroit foutenir la
lecture de deux pages d'une Coutume ? Le
vrai talent s'énerve & fe perd dans l'exceffive
délicateffe du goût , comme l'énergie de
l'âme & la vigueur du corps dans la molleffe
du luxe. On peut oppofer cependant
aux Sybarites de notre Littérature , des exemples
qu'ils pourroient imiter , fans craindre
de déroger à cette delicateffe dont ils s'énorgueilliffent.
On peut leur citer Montefquieu,
qui peignoit les Grâces dans le Temple
de Gnide , & analyfoit les Loix des Wifigoths
, les Codes Salique & Ripuaire : il eft
difficile de ne pas croire que cela lui coûtoit
bien un peu je fais comme Saturne, difoit- il
lui - même , je dévore des pierres ; mais les
pierres les plus brutes fe transformoient
Ev
106 MERCURE
fous fes mains en diamans & en porphyre. Il
y gravoit des traits de fon génie , & ces
pierres barbares devenoient des autels pour
le goût. Le Préfident Hénault , qui n'etoit
pas le Président Montefquieu , mais qui ,
s'il n'avoit tout avoit au moins l'art de
plaire , lui que
›
Les femmes ont pris fi ſouvent
Pour un ignorant agréable ,
Et le Dieu joufflu de la table
Pour un connoiffeur fi gourmand ;
de nos
ce Préfident , homme fur- tout de plaifir &
de goût , n'a laiffé un nom dans la Littérature
que par un Ouvrage dont le grand mérite
confifte à avoir beaucoup éclairci l'origine ,
la fuite & la nature de nos coutumes ,
inftitutions féodales ; alors les gens en us le
prenoient pour un Savant. M. l'Abbé de
Mably , après avoir long temps jovi du beau
fpectacle de la liberté Grecque & Romaine ,
n'a t'il pas cherché aufli les fondemens de
notre liberté dans la pouffière de nos Chartes
? Voltaire enfin , qui , fuivant l'expreffion
de M. le Chevalier de ...... , que je fuis
bien-aife de citer à propos de la Coutume
du Bourbonnois , avoit le don des in folio
& des langues , Voltaire n'a- t'il pas écrit
la Philofophie de l'Hiftoire , le pauvre Diable
& Candide? La Philofophie de l'Hiftoire n'eft
pourtant qu'une fuite de recherches fur
l'origine des premiers peuples , & fur la naDE
FRANCE. 107
ture & l'efprit de leurs Coutumes .On me dira
que l'exemple de Voltaire ne prouve que fon
génie ; mais on fe trompe, cela prouve encore
que l'étude des Coutumes n'eft incompa
tible ni avec le génie ni avec le goût. Je reviens
à la Coutume du Bourbonnois , ou
plutôt j'y viens ; car je n'en ai point encore
parlé.
"
"
99
es
Coquille difoit : Que l'intelligence & la
" pratique d'une Coutume doit être traitee
fimplement fans grand apparât , fans y appliquer
ces fanfares de diftinctions , l'imitation
, fallacies , & autres difcours qui
» ont plus de fard que de ſubſtance . Afin
» de ne nous rendre ferfs imitateurs
» ferons bien , difoit- il encore , de n'infrafquer
& embrouiller , de n'encombrer
" nos cerveaux ni nos écrits de plaidoieries
» & de confeils , mais nous contenter d'exa-
» miner chacun à part foi la vraie & foñ¬
» cière raifon des textes .
"
99
"
20
L'efprit d'une Coutume , ajoutoit Coquille
, eft caché dans un ftyle concis &
» laconique , & ne fe découvre que par la
liaifon des articles qui fymbolilent enfemble,
par le rapport & la conformité des
terines , employés par les Compilateurs
» pour exprimer leurs penfées.
"
"3
"
Ce langage de Coquille peut un peu nous
furprendre; les fanfares de diftinctions ont de
quoi nous étonner; mais cela ne reffemble
pas mal au cliquetis des antithefes , c'est l'expreflion
d'un homme d'efprit , fi ce n'eft pas
Evj
108 MERCURE
celle d'un homme de goût . Mais ce qu'il y a
de remarquable furtout dans ce peu de
lignes , c'est le bon fens & la raifon.de Coquille.
On voit bien qu'il a mérité le futnom
de judicieux , qui fuit par - tout fon nom , &
qui le diftingue entre tous les Commentateurs.
Il ne feroit pas impoffible de croire
que cette demi page de Coquille a été écrite
par Locke . Elle rend parfaitement compte
de l'efprit dans lequel M. Ducher a écrit le
nouveau Commentaire de la Coutume du
Bourbonnois , & cela feul fuffit pour faire
l'éloge de fon Ouvrage. Dans ce Commentaire
, on fe fert de l'érudition pour expli
quer le texte , mais on n'en abufe jamais ;
M. Ducher fait en faire ufage avec un efprit
très- philofophique & très précis , d'une prétion
même furpienante. Ce n'eft pas
M. Félicien
Qui noie éloqueinment un rien
Dans un fatras de beau langage.
Une note n'eſt ſouvent qu'une phraſe trèsconcife
, mais cette phrafe eft comme un
point lumineux qui éclaire tout ce qui l'environne.
C'eft quelquefois une étymologie ingénieuſe
, mais inconteftable , qui éclaire le
texte .
D'autres fois un trait hiftorique qu'on feroit
bien aife de connoître par curiofité.feulement.
Plus fouvent encore la citation du texte
DE FRANCE. 109
des Ordonnances qui ont abrogé le texte de,
la Coutume ; & alors le commentaire , fans
aucune réflexion même de la part du Com
mentateur , devient une hiftoire intéreſfante
des changemens & des progrès de notre
légiflation.
Quelquefois enfin il découvre un rapport
caché entre une difpofition de la Coutume
& les Loix Romaines , & alors on voit avec
plaifir que le génie de Rome n'étoit pas encore
entièrement éteint dans la nuit de la
barbarie féodale ; il s'en étoit confervé quelque
chofe dans des traditions dont on avoit
perdu la fource.
On ne peut guère faire connoître le mérite
d'un Ouvrage de ce genie par des cita- ,
tions. Il ne s'agit pas ici du mérite de tourner
une phrafe que l'on peut voir dans une feule
phrafe. Le mérite doit être également répandu
dans tout l'Ouvrage , & c'est pour
cela qu'il en eft plus grand.
Les éloges que nous venons d'en faire ,
font le compte le plus exact & le plus fidèle
de l'opinion que nous en avons prife.
Mais il y a une opinion qui doit avoir
bien plus de poids que la nôtre , c'eſt celle
des Plaideurs , des Avocats & des Juges . Au
moment que nous rendons compte de l'Ouvrage
, fon fuccès eft affuré dans tous les
Tribunaux dont cette Coutume forme la
Légiflation ; & cependant aujourd'hui il eſt
bien difficile d'obtenir un fuccès de ce genre.
On eft bien las dans tous les Barreaux &
110 MERCURE
dans tous les Tribunaux, des Commentateurs
& des Commentaires : Chaque Lecteur leur
devient un Coquille.
он
( Cet Article eft de M. Garat. )
LE Danger d'aimer. un Étranger ,
Hiftoire de Myladi Chefter & d'un Duc
François, en quatre Part, in- 2. A Londres,
chez Thomas Hookham , Libraire , Nº.
147 , New- Bande- Street ; & à Paris , chez
la Veuve Duchefne , rue S. Jacques.
CE Roman ne doit pas être rangé dans la
claffe de ces Ouvrages légers & immoraux ,
faits par des Auteurs frivoles , & deftinés à
des Lecteurs défoeuvrés. Nous allons voir >
par une courte analyfe , fi le bur moral
que s'eft propofé l'Auteur eft entièrement
rempli.
Myladi Cléontine Chefter , restée veuve des
très bonne heure , vit dans le fein de fa
famille. Comme fes charmes & fon amabalité
enlèvent des conquêtes à Milf Suki ,
qu'on veut établir , leur oncle commun envoie
pour quelque temps Myladi Cléontine
dans une terre qu'elle a aux environs de
Londres ; & c'est par fa correfpondance avec
fon amie Miff Sévillane Sender , jeune perfonne
très aimable , malgré fon extrême vivacité
, que fe développe l'intrigue de ce Roman.
Il y a beaucoup de longueur dans la
première Partie , qui eft deftinée à faire connoître
les charmes & les vertus de l'héroïne .
DE FRANCE III'
L'intérêt ne commence qu'à la fin de cette
première Partie , au moment où Cléontine
fait connoiffance avec un jeune Duc François
; ce n'eft même qu'alors que l'on diftingue
qu'elle fera l'héroïne de cette Hiftoire.
Elle a témoigné déjà fa répugnance pour un
fecond engagement ; l'amour de Mylord
Comte de Worceftre , homme puiſſant &
riche , qui lui offre l'hommage d'un amour
refpectueux , obtient fon eftime fans toucher
fon coeur; & elle ne peut fe réfoudre
à céder aux inftances de fa famille , qui ,
par des vues d'intérêt , voudroit la marier au
Comte.
Le jeune Duc de Durcé , paffé en Angleterre
pour avoir tué un jeune homme qui
avoit feduit & abandonně ſa ſoeur , eft porté
au château de Myladi après une chûte qui
fait craindre quelque temps pour la vie.
Myladi lui fait donner , & lui donne ellemême
tous les foins néceffaires ; & l'amour
finit par fe gliffer dans fon coeur fous les
traits de la pitié. Ce font les progrès & les
fuites funeftes de cette paffion , auffi vivement
fentie que partagée , qui forment l'intrigue
& le but moral de ce Roman. Cléontine
fe brouille tout à fait avec fa famille ,
par le refus qu'elle fait de Mylord Comte.
Le Duc demande Cléontine à fes parens ,
qui la lui accordent , n'étant pas en pouvoir
de la refufer. Mais auparavant il fe commet
une action atroce , qu'on ne doit pas paffer
fous filence. Les perfécutions qu'effuie
1:12 MERCURE
Cléontine, revenue à Londres auprès de fon
oncle malade , derangent totalement fa fanté.
Le Duc , qui ne peut réuflir à la voir , ni
même à lui faire parvenir une lettre pendant
fa maladie , gagne un des nouveaux domeftiques
, & par fon moyen s'introduit pendant
la nuit auprès du lit de Cléontine ,
qui avoit fait coucher la femme-de chambre
dans un cabinet voifin. Elle venoit de prendre
alors un calmant , dont elle avoit doublé
la doſe par mépriſe , & qui l'avoit jetée dans
un fommeil léthargique. Il la furprend feule
dans un défordre qui irrite fes defirs , & il
ravit à fa maîtreffe ce qu'il ne mérite plus
d'obtenir. La malheureufe Cléontine ne s'eft
point éveillée ; & elle porte déjà dans fon
fein le fruit d'un crime qu'elle n'a point
partagé.
Cependant le Duc , rappelé par fon père ,
qu'on croit mourant , revient à Paris. Le
vieux Duc , dont la fanté fe rétablit , lui
propoſe la main d'une perfonne jeune , jolie
& riche il la refufe d'abord ; mais il finit
par fe refroidir fur l'amour de Cléontine. La
famille de celle- ci , furpriſe de fon filence ,
écrit à Paris pour s'informer de fa conduite
& de fes projets. Tout s'éclaircit ; les perfécutions
recommencent contre Myladi , &
avec d'autant plus de chaleur , qu'on reconnoît
l'état où elle fe trouve ; malheur affreux
qu'elle ne foupçonne pas elle - même , &
qu'on ne peut guère regarder que comme un
crime. L'infortunée Cléontine , chaffée inhu
DE FRANCE. 113
mainement par la famille , inftruite de la
legèreté de fon amant , éclairée même à la
fin fur fon forfait par des circonftances qu'il
ek inutile de rapporter ici , s'abandonne à
tout fon defefpoir. Elle s'er fait avec fa
Femme de chambre & un vieux Domefti
que ; arrive à Paris , prend des habits d'homme
, donne au Duc , fous un nom fuppofé ,
un rendez- vous pour fe battre , le précipite
fur la pointe de fon épée, & tombe mourante
à fes pieds. Son repentir & la mort font reprefentés
avec autant de vérité que d'in ,
térêt. Le fentiment & la raifon marquent
tous les difcours qu'elle tient à fon agonie,
" Dites à tous mes chers amis qu'il a pu
m'en coûter de ne les pas revoir ( ici un
93
"
foupir lui a coupé la refpiration ) mais ,
" a t'elle continué , en confidérant que cette
féparation eft indifpenfable , que li j'euffe
» vécu , j'aurois éprouvé la douleur qu'ils
vont fentir , & qu'elle fe feroit renouvelée
à chaque perte, qu'infenfiblement je ferois
reftée fans lieu , ifolée au milieu du monde
, étrangère au fein de ma patrie, pas un
» coeur ne m'auroit aimée ni connue ; &
après avoir fermé les yeux à tout ce qui
» m'eft cher , les miens fe feroient fermés
» feuls & dans l'abandon . Je trouve donc
» que la Providence a diſpoſe toutes les
chofes pour mon avantage ; & fi c'eft un
bonheur pour moi , ce doit être un motif
de confolation pour eux & pour vous. »
Ces paroles font adreffées à Mylord Comte ,
"
20
22
114 MERCURE
qui , après avoir facrifié fon amour au repos
de Cléontine , finit par mourir de douleur
pour l'avoir perdue.
Il y a des négligences de ftyle dans cet
Ouvrage. Je n'y trouvai pas abfolument
un fiège affez commode pour y refter ; je
les fis tous les uns après les autres ........
J'ens un mal de tête à fendre... J'ai remercié
lespropofitions qui m'ont été faites pour lui ...
Vous m'accufez du projet de vous abandonner,
quand , par le plus cruel effort , je vis
en un feul moment tout le bonheur de ma
vie s'écrouler & s'enfevelir pour jamais dans
cet affreux facrifice..... Fouler aux pieds l'innocente
& célefte victime de votre forfait ,
ce feroit marcher fur votre propre coeur, &
vous écrafer vous- même fous le poids defon
opprobre. » Malgré ces négligences , il y a
des lettres entières , de très - longs morceaux
écrits d'un fort bon ftyle.
Mais le Duc offre une remarque plus importante
à faire fur le fonds de l'Ouvrage.
Ce perfonnage nuit à l'intérêt , par la raiſon
qu'il eft fans caractère , & qu'on lui fait
faire des actions qui en fuppofent un décidé ,
ou qui du moins ne vont pas à la phyfionomie
qu'on lui a donnée. Par exemple , prefqu'au
commencement de fon intrigue avec
Myladi , après avoir prouvé de l'amour &
montré de l'efprit , il cède fa maîtreffe , &
fe laiffe tromper par des menfonges maladroits.
Il revient à Myladi ; & c'eft alors
qu'il commet , fur la perfonne de fa maî
DE FRANCE. IIS
treffe , cet attentat fi peu délicat & fi peu
attendu ; c'est- à dire , que , fans être ni léger
, ni ce qu'on appelle un roué , il fe conduit
plufieurs fois en homme frivole & en
roué. Il eft impoffible de lire ce Roman , &
de ne pas fentir cette difparate. D'ailleurs
cette dernière action , outre qu'elle eft choquante
, eft encore invraisemblable ; car
enfin le Duc , quand il furprend Myladi
ignore la prife & l'effet du calmant ; il doit
par conféquent s'attendre à un prompt réveil.
Lowelace , qui fe trouve dans la même
fituation avec Clarice , a préparé lui -même
le breuvage ; il a prévu tout & pourvu à
tout ; il eft plus coupable , mais plus
conféquent ; & ce trait eft conforme à
fon caractère. Mais dans une pareille pofition
, le Duc n'a pas ce caractère qui peut
le rendre criminel & conféquent tout- à- lafois
; & il n'eft pas naturellement d'une
étourderie à fe montrer auffi inconféquent
avec vraisemblance.
Il n'en eft pas moins vrai que ce Roman
fe lit avec plaifir . Les caractères en font diftincts
& variés. Mylord Comte eft intéreffant
; Myladi Sender eft pleine d'amabilité ;
& le caractère de l'Héroïne eft en foi-même
rempli d'intérêt : elle fent vivement l'amitié,
la nature & l'amour ; & fon coeur n'eft jamais
fermé ni aux confeils de la raison , ni
à l'amour de la vertu . Son agonie eft attendriffante
, quoiqu'elle rappelle un peu celle
de Clarice. Au refte , cette reffemblance
116 MERCURE
n'eft pas la feule qui exifte entre ce nouveau
Roman, & l'immortel Ouvrage de Richardſon .
NECROLOGIE.
LA France & l'Europe ont perdu un des
Savans de notre fiècle , & peut être le Mécanicien
le plus parfait qui ait jamais exifté .Tour
le monde, à ce feul mot, doit reconnoître M.
de Vaucanfon ; & tout le monde nous a pré
venus fur les éloges que l'on doit aux diver
fes créations de fon génie. Ses automates
auroient fuffi pour l'immortalifer. Un Fiûteur
, qui introduit réellement dans la Alûte
un fouffle que le mouveinent de fes doigts
modifie avec jufteffe , & qui exécute huit ou
dix airs avec précifion ; un Canard , dont
l'eftomac digère les alimens qu'il a reçus ,
étoient faits pour amufer tous les curieux ,
& pour étonner les hommes inftruits . Il faut
avouer que fi l'hiftoire de pareils automates
nous eût été tranfmife par quelque Poëte
Grec , on l'eût rangée au nombre des
fictions mythologiques , & qu'on l'eût donnée
pour pendant à l'hiſtoire de Prométhée.
M. de Vaucanfon étoit né à Lyon. Le hifard
développa chez lui , comme chez Pafcal
& chez tant d'autres hommes célèbres ,
le talent que la Nature lui avoit donné . Ayant
été enfermé, encore enfant , dans une chambre
pour y étudier une leçon de grammaire , une
pendule qui fe trouva- là , furprit , captiva
DE FRANCE. 117
fon attention. Son Livre lui tomba des mains ;
il examina la pendule avec beaucoup d'intérêt
, & parvint à en concevoir la mécanique.
Dès lors fon goût pour cette Science
devint pour lui une paffion entraînante , irréfiftible.
Après quelques heureux effais , il
vint à Paris avec le Flûteur & le Canard dont
nous avons parlé , & qui fondèrent fa répu
tation . L'Académie des Sciences fentit le
mérite de M. de Vaucanfon , & lui rendit
juftice , en l'adoptant parmi les Membres
l'an 1746. Il a enrichi de plufieurs Articles ,
juftement eftimés , les Mémoires de cette
célèbre Compagnie, qui lui payera fans doute
un de ces tributs de louanges qu'elle eft dans
l'ufage de diftribuer, & qui ajoutent à la gloire
de fon adoption . Nous nous contenterons
de dire qu'il ne fe borna pas à fes automates
qui, en fervant à fa gloire , auroient été inutiles
à l'humanité, & qu'il dirigea fes talens vers
J'utilité publique. Tout le monde a entendu
parler de ces fameux moulins qu'il avoit
créés & établis dans plufieurs endroits de la
France , qui , en fimplifiant la main d'oeuvre ,
donnent aux organlins une préparation plus
parfaite , & beaucoup moins difpendieufe.
Ayant trouvé des imperfections effentielles
dans les tours à tirer la foie , il y remédia
par une nouvelle machine ; il inventa aufli
un métier fur lequel un enfant pouvoit
faire les plus belles étoffes connues. Ce fut
à Lyon , foit parce que c'étoit fa patrie ,
foit parce que c'eft la ville la plus con18
MERCURE
fidérable de la France pour les Fabriques des
étoffes , qu'il voulut établir fes inventions
économiques ; mais elles rendoient inutile
une foule de bras , & laiffoient fans travail ,
& par conféquent fans reffource , une claffe
nombreuſe d'hommes qui ne vivoient que
de cette branche d'industrie . Les Ouvriers
s'ameutèrent ; & le célèbre Inventeur faillit
payer de les jours fon génie & fon zèle patriotique
; tant il eft vrai qu'un trop grand
bien peut devenir quelquefois un mal réel
pour l'inftant préfent , comme il arrive quelquefois
qu'un corps politique ou focial eft
trop malade pour fupporter les remèdes qui
pourroient le guérir.
M. de Vaucanfon eut encore à combattre
un obftacle qu'il n'a jamais pu vaincre toutà
- fait ; c'eft la routine , ce vieux tyran du
peuple & des fots , qui ont autant de peine à
la quirter , qu'un aveugle à ſe deffaifir de fon
bâton. Une nouvelle méthode déplaît à l'artifan
, par cela feul qu'elle eft nouvelle . La pareffe
naturelle à l'homme fe joint , fans qu'on
y fonge , à l'indocilité de l'ignorance ; & fi
l'on tient à un vieil ufage , c'eft peut être autant
parce qu'on craint la fatigue d'en changer
, que parce qu'on tient aux préjugés de
fon enfance. Cette routine aveugle & inflexible
empêcha l'ufage de fon tour
qui auroit donné à la foie plus d'égalité ,
de folidiré & d'éclat. Ce fut en vain que
principales villes de nos Provinces Méridiomales
s'emprefsèrent de lui en demander le
>
les
DE FRANCE.
modèle , & d'en démontrer le réſultat à leurs
Ouvriers ; l'évidence d'un plus grand avantage
& d'une moindre peine ne put l'emporter
fur le pouvoir de l'habitude.
Un jufte reffentiment devenoit permis à
M. de Vauçanfon ; il eût pu fe venger en retirant
fes bienfaits ; mais il ne pouvoit fe
croire humilié par l'ignorance indocile , &
l'amour du bien l'emporta fur de vaines confidérations
d'amour - propre. On affure que
jufqu'à fes derniers inftans il a formé des
Ouvriers qu'il payoit lui- même ; & qu'il les
a inftruits à faire ufage de fes machines ;
aiafi par ces bras qui lui furvivrent , il a
trouvé le moyen d'être utile à fa patrie ,
même après la mort.
Ce dernier trait donne l'idée d'une âme
fenfible & généreuse , & nous conduit naturellement
aux qualités perfonnelles de M. de
Vaucanfon. Sa mort paroît avoir plongé dans
la douleur tout ce qui l'environnoit ; & il
emporte les regrets de fa famille & de fes
amis. Nous ne pouvons en parler que fur le
témoignage d'autrui ; mais ce témoignage eſt
unanime en la faveur , & il mêle au plaifir
de lui rendre juftice après la mort , le regret
de ne l'avoir pas connu vivant.
( Cet Article eft de M. Imbert. )
120 MERCURE
LETTRE fur la réimpreffion du Plutarque ,
adreffée à M. Bérenger , de l'Académie
de Marfeille , par M. l'Abbé de Rochas ,
-Curé dans le Diocèse d'Orléans.
PERERMMEETTTTEEZ-MOI , mon cher ami , de vous
adreffer quelques réflexions fur la nouvelle Édition
du Plutarque d'Amiot , annoncée dans tous les papiers
publics. Les vrais Amateurs , le Magiftrat , le
Guerrier , le Philofophe , & fur- tout ceux qui
aiment , felon l'expreffion de Montaigne , à voir
l'homme à fond tous les jours , doivent s'intéreſſer à
l'exécution d'un projet conçu fans doute par des
gens éclairés & verfés dans la Littérature grecque.
C'eft un hommage dû à la mémoire de ce favant
Évêque , le père , fi je l'ofe dire , de la Langue françoife,
laquelle, avant lui , étoit plutôt un jargon qu'une
véritable Langue. Sa Traduction d'ailleurs eft lue
par tout Honime de Lettres préférablement à celle
de Dacier, dont la plume eft légère & fans grâce ,
contrafte d'une manière frappante avec le ftyle
plein de naïveré , de franchife & d'agrément du
Précepteur de Charles IX .
Mais quand on dit que cette Edition aura l'avantage
d'étre plus exacte que celle de Vafcofan , il
eft à préfumer qu'on n'entend pas fimplement parler
de la ponctuation , de l'orthographe , de l'arrangement
chronologique des vies ou des repos marqués
& diftingués par des alinea ; je penfe qu'il s'agit
de la clarté du ftyle & de l'exactitude du fens Il
eft sûr que le bon Amiot eft fouvent d'une obfcurité
fatigante , quelquefois même impénétrable. Si
ce défaut n'a fa fource que dans la manière peu
nette & peu facile avec laquelle il s'exprime , il
faut
DE FRANCE. 1211
faut le refpecter prefque autant que Montaigne &
Charron. Ce feroit en effet introduire la confufion
& l'anarchie dans la Littérature, que de toucher
aux textes des Auteurs fous prétexte de les rendre
plus clairs ou plus concis.... Si ce vice naît au contraire
de l'altération du texte original , ou de ce que
le Traducteur n'en a pas toujours bien faifi la penfée
, il eft permis , ce femble , de le réformer quand
il a d'ailleurs , comme Amiot , les excellentes qualités
qui rendent précieuſe une traduction. Tout
mon refpect pour ce laborieux Ecrivain ne me permet
pas de paffer fous filence qu'il tombe fréquemment
dans des erreurs palpables qu'il auroit pu aifément
éviter, ou du moins qu'il feroit facile de corriger.
Rollin, dans fon Traité des Etudes, cite deux
vers du neuvième Livre des Propos de table , qui
fourmillent de fautes. Les noms propres y font mis
pour des noms de Province , & des épithètes pour
des noms propres. C'eft Dom Quichotte qui prend
des moulins pour des montagnes , ou le finge de La
Fontaine qui croit que le Pirée eft un Magiftrat
d'Athènes. Il eft inutile de multiplier les citations ;
on n'a qu'à voir à ce fujet les Commentaires de M.
de Mézeray fur les Epîtres d'Ovide , Edition de la
Haye , 1716.
Je lis dans un Auteur du dernier fiècle , que cet
Ecrivain avoit laiffé en mourant de fort bonnes
Notes manufcrites fur les Vies de Romulus , de
Théfée , de Fabius- Maximus , de Jules- Céfar , &c.
En a- t-on fait part au Public ? c'eft ce que j'ignore.
Le judicieux Critique relevoit , dit- on , une foule
d'inadvertances de notre Traducteur , & rétabliſſoit
en même-temps les corruptions du texte. ( Or il n'y
en a guères de plus maltraité que celui de Plu
tarque. ) J'ai dit inadvertance, car Amiot , quoi
qu'en difent fes détracteurs , étoit très-favant dans la
Langue de ce grand Biographe. Il est vrai qu'en
Nº. 11, 15 Mars 1783.
F
122 MERCURE
" comparant fa traduction avec l'original , on apperçoit
dans beaucoup d'endroits peu de conformité
entre l'un & l'autre . Ceci ne vient pas néanmoins
d'ignorance , mais de ce qu'il corrige fouvent le
texte grec fans en avertir fon Lecteur , tantôt fur la
foi des manufcrits , tantôt d'après l'autorité des
Commentateurs qui l'avoient précédé , ou de fes
contemporains , quelquefois même d'après les propres
conjectures , lorfqu'il croyoit la leçon eftropiée
ou corrompue.
Mais comme l'Avocat n'eft point juge dans la
caufe qu'il défend , qu'il ne lui fuffit pas d'avan-.
cer les faits , mais qu'il doit en adminiftrer les
preuves, je vais indiquer les pièces du procès. On les
conferve, ces pièces effentielles, dans la riche Bibliothèque
des PP. de l'Oratoire de Paris , rue S. Honoré
, où il fera facile de les confulter. Ce font
deux Imprimés format in - folio , contenant les
Vies & les Morales. Ils ont jadis appartenu à ce
Prélat ( Amiot. ) On voit fur les marges des Notes ,
des Remarques critiques fur le texte de Plutarque ,
des variantes ; le réſultat de la confrontation & comparaifon
des manufcrits par Amiot , & à leur défaut
fur quoi il fondoit fes conjectures. Voici des expreffions
écrites de fa main.... Locus ille valdè fufpectus
eft.... Locus hic ita videtur legendus....
Alii malunt , &c .... Hoc ex fide manufcriptorum...
Reliqua ex conjettura , &c. &c. Il s'enfuit de cette
Lettre , & vous en conviendrez , Monfieur , qu'il
feroit à defirer qu'on fît difparoître d'une traduction
de cette importance toutes les fautes d'Amiot.
On pourroit imiter fon ftyle pour lui donner un
même ton de couleur, ou , ce qui, je crois, vaudroit
encore mieux , il faudroit donner au Public un
dix - feptième Volume en fupplément ; on y renverroit
le Lecteur au moyen d'un aftérique.
Quant aux erreurs qui ne viennent que des mauDE
FRANCE. 123
raifes leçons des manufcrits , ou d'un défaut de
critique , ou enfin de la hardieſſe des conjectures que
les divers Commentateurs fe font permifes , on en
purgeroit également ce bel Ouvrage. Il ne s'agiroit
pour cela que de conférer enſemble les manufcrits
les plus authentiques, de fouiller dans les Commentaires
les plus eftimés , de confulter les meilleures.
Editions , & fur-tout celle d'Angleterre. Dacier &
bon nombre de Traités choifis des Morales , traduits
il y a quelques années , foit par M. de la
Porte du Theil, foit par le Père Gaudin , de l'Oratoire
, Vicaire Général de Mariana , &c. &c. &c.
faciliteroient encore ce travail.
de
la
la
Je finis, mon cher compatriote , dans la crainte
de n'attirer de la part des Littérateurs éclairés qui
vont préfider à renaiffance de cette eftimable
production le reproche fait à ce Rhéteur qui s'avila
de parler de l'Art de la Guerre devant Alexandre
(ou Annibal ) ; j'emprunte ici , comme vous le
voyez , une comparaiſon qui tetmine heureufement
votre charmante Differtation fur nos Troubadours,
dont vous défendez fi bien la cauſe en marchant fur
leurs traces . Adieu encore une fois , mon cher ami ,
je n'ajoute plus qu'un mot. Il paroît par les Lettres
qu'on m'écrit ,que votre morceau fur l'Abbé de
Reyrac, inféré dans le Journal de Paris , a fait nonfeulement
plaifir , mais fenfation. On le trouve ( &
je n'en fuis pas furpris , votre coeur vous l'inſpiroit )
trop digne d'être relu & confervé. Une noble fimplicité
, une fenfibilité douce , des détails bien développés
avec choix & fans profufion , l'expreffion de
Famitié & le langage de la vertu font chérir &
l'Ouvrage & l'Auteur , & la mémoire de ce refpectable
Abbé que j'aimois de toute mon âme. Ses
Ouvrages feront lus tant qu'il y aura des âmes fenfibles
; mais , hélas ! fa Société n'exiſtera plus ni
pour fes vertueux amis , ni pour vous , ni pour
Fij
124
MERCUREC
moi. Voilà la perte vraiment irréparable. Je verfe
des pleurs fur fa tombe ; c'eft à vous à l'environner
des cyprès du Parnaffe .
Je fuis avec un parfait attachement ,
Votre , &c.
DE ROCHAS ,
is de Santoy.
Curé
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
ON a continué les repréſentations de Renaud
avec une grande affluence de Spectateurs.
C'eſt après avoir fuivi les trois premières
que nous allons rendre compte des
impreffions que la mufique de cet Ouvrage
a faites fur le Public , & de celles que nous
avons reçues nous - mêmes.
Il n'eft pas queftion de juger ici le talent
de M. Sacchini comme Compofiteur : il y a
déjà long- temps que fon rang eft fixé parmi
les plus grands Maîtres que l'Italie ait produits.
Le fuccès éclatant & foutenu de la
Colonie , une multitude de beaux airs & de
choeurs charmans qu'on a entendus dans
l'Olympiade ou dans les Concerts , ont juſtifié
en France la grande réputation dont il
jouit dans toute l'Europe. L'Auteur de cet
Article a eu de plus l'avantage de voir jouer
& applaudir fur un grand Théâtre étranger
quelques- uns de ſes plus beaux Opéras Ita
DE FRANCE. 125
liens. C'est donc avec les préventions les
plus favorables que nous l'avons vu difpofé
à enrichir notre Théâtre Lyrique des productions
de fon génie ; & nous avons dû en
elpérer de nouveaux modèles pour la perfection
de l'art & pour les plaifircs du Public .
Mais il faut craindre que des préventions
fi avantageufes ne rendent injufte & ne
nuifent au fuccès de l'Artiste même qui en
eft l'objet. M. Sacchini a fait un grand nombre
de beaux Opéras ; mais dans une langue
qui eft la fienne ; fur des Poëmes dont la
coupe eft totalement différente de celle des
nôtres ; pour des Spectateurs accoutumés à
ne porter que des oreilles à ce genre de fpectacle
, à ne chercher dans un Opéra que de
la mufique , & à ne voir guère la mufique
que dans les airs ; à préférer la nouveauté
& la grâce des formes à la vérité & à la
force de l'expreflion , & à fupporter le long
ennui d'une Scène fans action & d'un récitatif
fans intention , pourvu qu'ils en fuſfent
dédommagés par trois ou quatre beaux
morceaux de chant .
• •
En venant en France , M. Sacchini a eu
à étudier notre langue & notre déclamation ,
la forme de nos Poëmes , les moyens de nos
Acteurs , le goût de notre Public ; il a fenti
la néceffité de trouver un récitatif plus accentué
& plus varié ; de donner à ſes airs
plus de vérité , de fimplicité , de rapidité ;
de s'interdire une infinité d'ornemens d'un
effet toujours sûr dans les Opéras Italiens ,
Fiij
126 MERCURE
1
mais déplacés dans les nôtres ; de chercher
enfin cet art , inconnu avant M. Gluck , de
lier & de fondre enfemble le récitatif , les
airs & les choeurs , de manière à ne faire ,
pour ainsi dire , d'un Acte entier qu'un feul
tableau de mufique. Tout le génie du monde
ne fuffit pas pour rompre ainfi d'anciennes
habitudes , & remplir du premier coup toutes
les conditions d'un problême fi compliqué.
Si M. Sacchini s'étoit égaré quelquefois dans
des routes inconnues où il entre pour la première
fois , il feroit très injufte de le juger
à cet égard avec févérité ; il fuffit pour nos
efpérances qu'il ait vû le but , & qu'il ait
montré les moyens d'y atteindre. C'eft ce
dont fon premier effai ne nous permet pas
de douter.
Jetons maintenant un coup d'oeil fur les
principaux effets de la mufique de Re
naud. Si nous ne confidérons que les beautés
propres de l'art, nous y trouvons par- tout la
main du grand Maître. C'eft à chaque inftant
une mélodie agréable , élégante , fenfible
; des airs parfaitement arrondis , où le
motif eft bien fuivi fans effort , développé
fans rempliffage , adroitement foutenu &
embelli par l'accompagnement ; c'eft une
harmonie brillante & pure , riche fans confufion
, claire fans monotonie , avec la plus
belle diftribution de parties & l'emploi le
plus heureux des divers inftrumens. Mais
nous confidérons enfuite l'application de
cette belle mufique aux effets dramatiques a
DE FRANCE. 127
c'eft- à-dire, dans fes rapports avec la décla-,
mation de notre langue , avec le mouvement
de l'action , avec le caractère des perfonnages ,,
avec l'expreffion des fentimens , fans doute
qu'on y trouvera quelque chofe à defirer .
Par exemple , l'ouverture eft une fymphonie
charmante & d'un effet très - brillant
; mais le fecond morceau nous a paru
d'un chant plus paftoral qu'héroïque , &
par -là ne fe lie pas heureufement avec l'action
qui commence la Pièce. Les deux airs que,
chantent Hidraot & Adrafte font d'un chant
naturel & d'un beau caractère . Le choeur
Marsà nosyeuxn'aplus d'attraits, celui où les
Chefs Sarrazins jurent la paix dans les mains
de Renaud , & le ferment que leur fait prononcer
Armide après le départ de fon
ainant , font d'un effet qui juftifie la répu
tation que M. Sacchini a déjà obtenue
dans ce genre de compofition. Nous obferverons
feulement que dans ce vers du dernier
choeur , Du fuperbe Renaud nousjurons,
tous la mort , les Rois répètent le dernier
hémiftiche en piano ; cet effet nous paroît
plus propre à fatisfaire l'oreille que l'efprit,
Ces Guerriers, animés par la préfence d'Armide
, n'ont aucune raifon pour baiffer la
voix en lui jurant la mort de fon ennemi,
Mais cette légère critique ne nous empêche
pas de trouver ce choeur admirable.
Nous croyons que le récitatif de cet
Acte n'a pas toujours l'accent , que notre
déclamation exigeroit , ni fur- tout le mou
Fiv
128 MERCURE
vement & l'intérêt que demanderoient la
Scène. On en peut juger par ce couplet
d'Armide : Vous voyez ce Guerrier dont
Pafpect feul m'outrage , morceau important
, dont la déclamation eft trop vague , &
qui pourtant devoit être exprimé avec autant
de force que de vérité , parce qu'il annonce
& prépare toute l'action du Drame.
Nous pourrions obſerver auffi des défauts
affez fenfibles de ponctuation ; par exemple,
dans ce vers d'Armide : Quand l'amour de
vos coeurs m'afflure la conquête , le chant
coupe le vers par le milieu , & il y'a même
une paufe après vos coeurs , ce qui donne
un faux fens à la phrafe. Cette obfervation
eft minutieuſe ; mais elle peut fervir à prévenir
d'autres négligences de ce genre , fur
lefquelles un homme comme M. Sacchini
n'a befoin que d'être averti.
"
Un défaut plus grave , parce qu'il tient à
l'effet d'un moment intéreffant de l'action ,
c'eſt la manière dont le Compofiteur a exprimé
les mots de furpriſe des différens
Guerriers lorfqu'Armide paroît au milieu
d'eux. Ces mots , par la manière dont ils
font déclainés , font froids & fans aucun
effet ; il nous femble que fi au lieu de leur
faire exprimer l'un après l'autre leur étonnement
, ils fe fuffent écriés tous à- la- fois , chacun
felon le fentiment dont il eft affecté ,
eela eût été plus naturel & plus animé.
Nous prendrons encore la liberté d'obferver
que l'air de Renaud , déjà la tromDE
FRANCE. 129
pette guerrière, quoique brillant & agréable,
n'a pas toute la fierté & le caractère de Renaud
, que les paroles & la fituation ſemblent
exiger; & que les traits des clarinettes & des
hautbois qui l'accompagnent , ont dans quelques
momens un ton champêtre peu d'accord
avec les traits de fanfare par lesquels
la trompette annonce le fujet.
C'eft dans le fecond Acte que M. Sacchini
a déployé toutes les richeffes de la mélodie
; il y a dans le rôle d'Armide trois airs
du chant le plus élégant & le plus fenfible .
La cavatine , il retraçoit à ma mémoire , nous
paroît du meilleur goût ; l'air qui fuit , ah !
que dis- tu? trop foible Armide, eft d'un
mouvement très- animé ; nous defirerions
feulement que les deux derniers vers , & que
le poignard de la haine déchire fon coeur
inhumain , ne fuffent pas répétés auffi fouvent;
que le chant du premier fût plus fimple
& moins précipité , & que dans le mot
déchire l'accent ne portât pas avec tant d'affectation
fur la première fyllabe , où une
longue note répétée plufieurs fois nous
paroît faire un mauvais effet. L'air , cruel
pourquoi m'as-tu trahie , eft d'une expreffion
li belle , fi vraie , fi touchante , que nous
n'ofons pas y relever une petite faute de
déclamation qu'il eût été bien aifé d'éviter,
L'air non moins touchant , barbare amour
&c. mériteroit le même éloge , fi la fituation
& le caractère convenu d'Armide ne nous
paroiffoient pas demander fur ces paroles
Fv
130 MERCURE
une expreffion plus forte & plus paſſionnée.
Le duo entre Armide & Renaud eft d'un
beau chant & d'une grande manière ; le ſujet
en eft bien développé ; la modulation variée &
naturelle , l'expreffion noble & fenfible ; mais
la marche en eft un peu lente pour l'effet de la
Scène , & le morceau d'un mouvementvifqui
le termine , contrafte peut- être un peu trop
avec le caractère de ce qui précède. M. Sacchini
connoît fi bien l'art de fondre & d'adoucir
fes couleurs ; il évite avec tant de foin les
paffages brufques & heurtés , qu'on ne peut
attribuer la légère difparate dont nous par
lons , qu'aux coupures qu'il a été obligé de
faire à ce duo pour accélérer le mouvement
de la Scène.
Nous fommes obligés de dire que l'invocation
des Démons , par Armide , eft abfolument
manquée , & la caufe de ce peu
d'effet eft aisée à expliquer. Après avoir dit :
Des Dieux des Enfers implorons le fecours
c'eft fur un récitatif fimple , préparé par un
trait d'orchestre d'une feule mefure , & en
paffant dans une modulation fi voifine de
celle qui précède , qu'à peine l'oreille en eft
frappée , qu'Armide s'écrie :
Accourez à ma voix , Déités implacables.
Sans prétendre établir aucune comparaiſon
défobligeante , nous ne pouvons nous dif
penfer de dire que ce n'eft pas ainfi que
l'Armide de M. Gluck , dans une fituation
femblable , évoque les Divinités infernales.
DE FRANCE. 131
Nous croyons donc que cette invocation.
devoit être préparée par une ritournelle
d'un caractère un peu magique , s'exprimer
en chant mefuré , & étonner l'oreille par une
modulation fenfiblement contraftée avec celle:
qui précède. Nous nous en rapportons làdeffus
au goût de M. Sacchini lui même.
Le peu d'effet de ce morceau eft bien réparé
par celui du choeur des Divinités infernales
. Le motif en eft fi heureux & fi natnrellement
conduit dans les diverfes parties ;
l'harmonie , concentrée dans les tons graves
& moyens des voix & des inftrumens en eft
fi tranfparente , fi fuave & fi piquante à la
fois , qu'on ne peut l'entendre fans éprouver
une vive émotion de plaifir . Plufieurs
perfonnes lui ont reproché de n'avoir pas
un caractère & des formes de chant affez
fières & même affez rudes pour un chant infernal
; mais M. Sacchini , qui paroît craindre
en général tout ce qui peut heurter trop fort
l'oreille , a cru , en habile homme , pouvoir
profiter de l'éloignement où font fuppofés les
Démons chantans, & de la forte d'oppreffion
où les tient une puiffance fupérieure , pour
adoucir un peu les teintes dures qui caracté
rifent en général un chant de Démons.
Le récitatif de cet Acte nous paroît fufceptible
des mêmes critiques que nous avons
indiquées.
Le combat de nuit qui ouvre le troisième
Acte , offre un Spectacle impofant dont la
mufique rend l'effet plus intéreffant. Le mor
F vi
$132 MERCURE
ceau de récitatif & la cavatine que vient
chanter Adrafte mourant , nous paroiffent
d'un caractère vrai & d'un ſentiment exquis
L'air d'Ariide : Ciel injufte ! ciel implacable !
a de la chaleur & de la nobleffe , & pourroit
fe paffer de l'accompagnement du tonnerre
, qui en trouble l'effet au lieu de le
fortifier. Ces imitations mécaniques ne doivent
être employées que lorfqu'elles font
liées intimement à l'action ; le bruit du tonmerre
peut ajouter à l'effet d'un tableau ;
mais quand il faut exprimer les fentimens
de l'âme , la mufique n'a befoin que des
moyens qui lui font propres. L'air fuivant :
Eh! comment veux- tu que je vive ? eft d'une
tournure élégante & fimple , avec une expreffion
auffi vraie que touchante. On regrette
que l'air de Renaud qui fuccède produife
fi peu d'effet , quoiqu'il nous ait paru
d'un chant agréable & fenfible ; peut-être
cela tient- t'il à la manière dont il eft préparé
& placé. Nous ne dirons rien des dernières
Scènes , nous répétons ce que nous avons
déjà dit , que la coupe de ces Scènes ne permettoit
guère d'y adapter une mufique d'un
grand intérêt.
On reconnoît dans les airs de Ballet la
main d'un habile Compofiteur , quoique ce
foit l'effai de M. Sacchini dans ce genre. Les
Muficiens étrangers y attachent trop peu
d'importance, & peut être y en attachons- nous
trop. L'air que danfe Mlle Gervais au premier
Acte , & ceux que danfent Mlle Dori
DE FRANCE. 133
val avec le fieur Nivelon , & Mlle Guimard
avec le fieur Veftris , au troifième Acte , font
ceux qui ont fait le plus de plaifir.
Il réfulte des détails où nous fommes en
trés fur la mufique de cet Opéra , qu'une
partie des défauts que nous avons cru y remarquer
, tiennent au fond & à la coupe du
Poëme, & quelques uns au peu d'habitude que
M. Sacchini avoit de notre Langue & de notre
Théâtre en compofant cet Ouvrage ; mais que
les beautés nombreuſes & variées qu'on y
admire annoncent un grand Maître , qui réu
nit à un profond favoir , à une manière originale
, un goût exquis & une grande ſenſibilité
; qu'on doit attendre les plus grands fuc
cès de cette réunion de qualités fi rares , éclai→
rées encore par l'épreuve qu'il vient de
faire, lorfqu'il pourra déployer tous les talens
fur un Poëme plus favorable encore à tous les
effets de la mufique dramatique.
Nous aimons à croire que M. Sacchini ne
verra dans nos critiques comme dans nos
éloges qu'une preuve de l'intérêt que nous
prenons à fa perfonne autant qu'à fa gloire ,
& que le defir de lui voir ajouter à ce premier
fuccès , les fuccès plus complets encore qu'il
a droit d'attendre .
Le defaut d'espace a forcé de renvoyer au
Mercureprochain la fin de cet Article , qui
contient les détails de l'exécution de l'Opéra
de Renaud,
134
MERCURE
COMEDIE FRANÇOISE.
LEE Lundi 24 Février , on a joué , pour la
première fois, les Aveux difficiles , Comédie
en un Acte & en vers .
Mélite & Cléante ſe font aimés . L'amant
forcé de voyager, a reçu en partant la foi de
fon amante, & lui a juré de lui garder la
fienne ; mais trois années d'abfence ont
abfolument changé leurs coeurs . Dans le
cours de fes voyages , Cléante a été fubjugué
par les charmes d'une jeune perfonne.
De fon côté Mélite a reçu les affiduités
de Merval , ami de Cléante , & n'a pas
été infenfible aux preuves réitérées qu'il lui
a données de la tendreffe la plus vive & la
plus conftante. Le retour de Cléante jette
Mélite dans un embarras extrême ; il n'éprouve
pas moins d'inquiétude qu'elle. Chacun
d'eux, qui fuppofe que le premier objet
de fon amour a fu garder les fermens, tremble
de déclarer fon infidélité , moitié par honte ,
moitié dans la crainte d'affliger l'amant qu'il
croit encore fidèle. Après une tentative inutile
de part & d'autre , ils prennent le parti de fe
faire l'aveu fatal , l'un par le ministère de fon
valet , l'autre par celui de fa fuivante . On fe
doute bien que les deux amans , furpris d'a,
bord de fe trouver dans la même pofition ,
finiffent par rire de leur embarras , & fe
pardonnent de bon coeur leur infidélité.
DE FRANCE. 135
Cette bagatelle a donné lieu à une querelle
littéraire qui a occupé nos oififs pendant
quelques jours. M. le Baron d'Eftat ,
Auteur de la Somnambule , Comédie repréfentée
fur le Théâtre de la Comédie Italienne
au commencement de l'année der
nière , a réclamé le fonds des Aveux diffi
ciles dans une lettre qu'il a adreffee au Journal
de Paris. M. Vigée a ripofté par une aus
tre , dans laquelle il déclare que ce fujet lui
a été donné par M. Marignié , Auteur de
Zorai. Réplique de M. d'Eftat , qui affure
qu'il a lû fa Pièce à M. Vigée à la fin de l'hiver
de 1781 ; enfin , nouvelle lettre de ce
dernier , qui , tout en affurant que les deux
Ouvrages ne fe reffemblent point , abandonne
néanmoins le fonds du fujet à M. le
Baron d'eftat. Il faut avouer que l'amourpropre
des Auteurs occafionne quelquefois
entre-eux des débats bien extraordinaires.
Dufresny & Regnard fe font difputé le fonds
du Joueur. La choſe en valoit la peine. Une
Comédie de caractère eft un Ouvrage important.
Mais que l'on fe difpute un Opufcule
; que deux amis donnent au Public le
fpectacle de l'amitié facrifiée à toute la gloire
que peut donner la propriété d'une baga
telle en vérité cela eft inconcevable.
Au refte , il y a de la gaîté , de la grâce , de
l'efprit & des étincelles d'un comique trèsagréable
dans les Aveux difficiles . Le ftyle a
fouvent de la facilité , quelquefois un peu
de recherche & d'affèterie. Le dialogue a de
136 MERCURE
la contrainte ; mais au total cet Effai de M.
Vigée annonce du talent & donne des efpérances.
Nous defirons que la Comédie de
M. le Baron d'Eftat , qui doit être , à ce qu'on
affure , repréſentée fur le Théâtre de la Comédie
Italienne , ait un auffi joli fuccès que
celle de fon Rival.
Nous avons gardé & nous continuerons
de garder le filence fur trois débuts qui ont
eu lieu à ce Théâtre depuis fix femaines. Il
feroit impoffible d'en rien dire fans donner
de l'humeur à bien des gens , & l'Art n'y
gagneroit rien. Que de motifs pour ſe taire!
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Mardi 25 , on a joué Sophie de Fran
cour , Comédie en profe & en cinq Actes.
Cette repréſentation eut un fuccès fort équivoque.
La marche de l'action fut trouvée
lente , & l'on remarqua que l'intérêt étoit
toujours atténué par des Scènes ou inutiles
ou trop longuement filées. Du Mardi au
Vendredi fuivant, l'Auteur a refferré l'action
de fon Ouvrage en quatre Actes , & les repréſentations
qui en ont été données depuis
ont eu du fuccès.
M. de Francour, obligé de fuir relativement
à une affaire grave , & pour laquelle il avoit
à craindre les fuites de l'intrigue & de la
calomnie , a laiffé Sophie , fa fille , entre les
mains de Mme Dormont fa foeur . Cette
DE FRANCE. 137
Mme Dormont , veuve , déjà fur le retour ,
a pris de l'amour pour le Marquis d'Orville.
Elle fe propofe de l'époufer , & de
marier fa nièce au Comte de Fierval , oncle
du Marquis. Mais d'Orville , en fortant d'un
bal , a rendu un fervice effentiel à Sophie ,
en eſt devenu amoureux , & a eu le bonheur
de le voir payé de retour. Par un hafard
qui n'eft pas moins heureux , il a fauvé
la vie du fils du Miniftre , & fe trouve en
conféquence dans la plus haute faveur. M. de
Fierval en profite pour fe faire donner le
Gouvernement d'une Place , vacant par l'abfence
de celui qui en étoit pourvu . Ce Gouvernement
eft celui que M. de Francour
s'eft vû forcé de quitter. L'honnête Gentilhomme
revient à Paris fous le nom de Germeuil
, dans l'intention d'éclairer le Minif
tère , & de ſe juſtifier . C'eſt chez d'Orville ,
qu'il a connu en Allemagne , que le vieillard
vient chercher un afyle. Qu'on juge de la douleur
du jeune homme quand il apprend que
c'eft en dépouillant fon ami perfécuté qu'il
a fatisfait fon oncle. Il vole chez le Miniftre
pour réparer la faute. Pendant ce temps
le Comte de Fierval , qui craint la préſence
du vieillard & les effets de l'amitié que
d'Orville lui a vouée , fait intriguer auprès
du Miniſtère , & obtient un ordre d'arrêter
M. de Francour : mais à l'inſtant même
où l'Exempt va conduire l'infortuné en prifon
, le Marquis reparoît avec des ordres
contraires , & dont le Comte doit être la
138 MERCUREJ
victime , ainfi que Mme Dormont. La géné
rofité de M. de Francour peut feule annuller
l'effet des nouveaux ordres ; il pardonne , &
confent à l'union de d'Orville avec Sophie.
Le fonds de cette Comédie eft tiré d'un
Roman qui a paru il y a quinze ans. La
même perfonne eft Auteur des deux Ouvrages.
On a dit fouvent , avec raiſon , que
les données d'un Roman ne pouvoient être
que très-rarement admiffibles dans un Ouvrage
de Théâtre. Sophie de Francour en eft
une nouvelle preuve. La vraifemblance un
peu forcée y nuit fouvent à l'intérêt ; les incidens
en font trop multipliés pour que l'at¬
tention ne fe fatigue pas à fuivre leur enchaînement
; & le dénouement , qui ne s'opère
que par un coup d'autorité , n'a pas
paru très fatisfaifant. Ce qu'il y a d'odieux
dans les caractères de Mme Dormont & de
M. de Fierval , leur reffemblance trop mar
quée ont nui à l'effet des Perfonnages de
d'Orville , de Sophie & de M. de Francour ,
qui ont auffi entre eux quelque reffeniblance.
Il faut pourtant convenir qu'il y
a du mérite dans ce Drame , & que fi
l'ordonnance en eft un peu fautive , les
caractères y font fouvent mis en jeu
avec beaucoup d'adreffe , principalement
ceux du Comte de Fierval & du Marquis
d'Orville. Ce dernier Perfonnage eft repréfenté
par M. Granger avec une fupériorité
de talent qui ne peut qu'ajouter à la répu
tation.
❤
DE FRANCE. 139
Le Mercredi 26 on a donné la première
repréſentation de Henri d'Albret , Comédie
en un Acte & en profe , à l'occafion de la
Paix.
2
Si l'on en excepte une partie du monologue
de Henri , cette Comédie , qui ne mérite
aucune analyfe , eft un tiffu de phrafes
triviales , d'idées communes & rebattues.
Point de plan , point d'action , point d'inté
rêt point de caractères. Le motif qui a
donné lieu à cet Ouvrage , pouvoit engager
les Comédiens , qui l'ont reçu , à beaucoup
d'indulgence ; mais il eft des bornes à tour.
Les Comédiens Italiens feroient très- répréhenfibles
, aux yeux des Ainateurs du Théâtre
, s'ils continuoient d'être auffi indulgens
qu'ils l'ont été depuis quelque temps . Pour
encourager les Auteurs , il ne faut pas dégoû
ter le Public. L'humeur de celui - ci eft bien
plus dangereufe que celle des Écrivains mé
diocres.
ANNONCES ET NOTICES.
ON vient de mettre en vente à l'hôtel de
Thou , rue des Poitevins , Hiftoire Naturelle des
Minéraux , par M. le Comte de Buffon , in - 4° .
Tome I. Prix , 15 liv . en feuilles , 15 liv. 10 fols
broché , 17 liv. relié,
Ce Volume fert de fuite tant à l'Édition in-4® .
avec la partie anatomique, qu'à celle qui a paru fans
140 MERCURE
cette même partie anatomique fous le titre d'Euvres
complettes.
Les années 1776 , 1777 & 1778 de l'Hiftoire &
des Mémoires de l'Académie Royale des Sciences ,
in - 12 , 6 Volumes . Prix , 15 liv . en feuilles , 16 liv.
4fols brochés , 19 liv. 10 fols reliés .
Ces 6 Volumes mettent cette Édition au pair de
l'in-4°.
L'AMI DES ENFANS , par M. Berquin. Le
Volume de Mars 1783 vient de paroître. A Paris ,
rue de l'Univerfité , au coin de celle du Bacq , nº . 28.
S'adreffer à M. Leprince , Directeur. Pris , 13 liv.
4 fols Paris , & 16 liv. 4 pour
la Province
franc de port.
fols pour
DELASSEMENS de l'Homme fenfible . C'eft
fous ce titre que M. d'Arnaud fe propofe de préfen
ter au Public une Collection de nouvelles Anecdotes
indépendantes des Épreuves du Sentiment &
des Nouvelles Hiftoriques. Cette Collection intitulée
Délaffemens de l'Homme fenfible , formera
douze Parties de la groffeur de celles des Epreuves
du Sentiment , in- 12 ; elles compoferont de même fix
Vol. L'Auteur , toujours fidèle à fon objet , fe propoſe
dans ce Recueil de mettre en quelque forte fous les
yeux de la jeuneffe un Cours de Morale en action ;
il a eu foin de raffembler les Anecdotes les plus
propres à entretenir l'amour des vertus , des devoirs,
&c. Les fix Volumes des Délaffémens de l'Homme
fenfible fe diftribueront par douzième Partie de
mois en mois , à commencer du premier Avril
prochain , chez l'Auteur , rue des Poftes , près l'Eftrapade
, maifon de M. de Fouchy . Les douze Parties
parviendront par la pofte , & port franc , pour
la fomme de 18 liv. On aura la complaifance d'affranchir
la remife du montant des foufcriptions ,
DE FRANCE: 141
alafi que les lettres, Les Délaffemens de l'Homme
Jenfible n'empêcheront point la continuation des
Epreuves du Sentiment & des Nouvelles Hiftoriques.
Deux Quvrages dans ce dernier genre vont fe publier
fucceffivement.
On fait quels fuccès M. d'Arnaud a obtenus dans
les Ouvrages de Sentimens. Ces fuccès font un préjugé
favorable & une efpèce de certitude pour la
Collection qu'il annonce au Public.
IDEE du Monde , ou Idées générales des chofes
dont un jeune homme doit être inftruit , Ouvrage.
curieux & intéreffant , orné de neaf Planches en,
taille-douce ; par M. A. T. Chevignard de la Pallue
, Ecuyer , nouvelle Édition , confidérablement
augmentée , & enrichie des Obfervations & des.
Expériences les plus récentes. Prix , 6 livres les deux
Volumes reliés. A Paris , chez Moutard , Imprimeur-
Libraire , rue des Mathurins , hôtel de
Cluny.
.
Etre favant n'eft pas le devoir d'un homme du
monde ; mais être tout- à- fait ignorant eft devenu un
ridicule qu'on ne pardonne plus. Cet Ouvrage renferme
tout ce qu'il eft bon de favoir quand on n'af
pire pas à être un Savant de profeifion . La première
Édition de cet Ouvrage , qui remplit parfaite
ment fon titre , ayant réuffi , les corrections heureufes
& les augmentations confidérables font un
garant que celle - ci n'aura pas moins de fuccès.
INSTITUTION au Droit de Normandie , ou
Conférence des Principes des Inftitutes de Juftinien
avec le Droit François , & en particulier avec le
Droit de Normandie ; par M, J. H. de Rouffel
de la Bérardière , Confeiller Honoraire au Bailliage
& Siège préfidial de Caen , Profeffeur Royal du
Droit François en l'Univerfité de la même Villes
142 MERCURE
1
&c. A Caen , de l'Imprimerie de Jean-Claude Pyron,"
Imprimeur du Roi & de l'Univerfité , in - 12 de .
460 pages.
M. de la Bérardière , dans la place qu'il remplit
avec honneur depuis dix-fept ans , s'étant fouvent
apperçu que les différences qui fe trouvent entre
les Principes du Droit Romain & ceux de Normandie
embarraffoient les Élèves de Droit , & nuifoient
à leurs progrès , a fenti la néceffité d'un Ouvrage
élémentaire qui pût rapprocher les uns &
les autres. L'Ouvrage qu'il vient de publièr fur cette
matière nous a para bien conçu , & remplit l'objet
d'utilité que s'étoit propofé l'Auteur.
Les Antiquités d'Herculanum , avec leurs explications
en François , troifième Volume , Numé
ros 1 , 2 , 3 & 4. A Paris , chez David , Graveur
rue des Noyers , n°. 17.
Rien ne doit être plus intéreffant pour les Ama
teurs & les Artiſtes que les Antiquités d'une grande
Ville , dont la fondation eſt antérieure à celle de
Troyes , placée fous le beau ciel de l'Italie , & qui
eft reftée cachée dans le fein de la terre pendant
plus de dix-fept fiècles.
L'original étoit un grand in -folio , d'un prix
exceffif. M. David s'eft propofé de le réduire aux
formats in-4 . & in- 8 ° . Il a fait entrer jufqu'à cinq
fujets fur la même Planche pour rendre cette Collection
moins coûteufe & moins volumineuſe.
Chaque Cahier eft composé de douze Planches , &
chaque Voluine de l'in-folio n'occupe que fix Cahiers.
M. David a mis toute fon attention à ne rien
faire perdre des beautés des fujets réduits . On doit
les plus grands éloges à fon burin , digne interprête
des beautés antiques , & au Rédacteur du
Texte Italien ( M. Marefchal ) , qui dans fa ver
fion Françoife a confervé tout ce qu'il y avoit de
DE FRANCE. 143
3
favant dans l'original , & qui l'a enrichi encore de
rapprochemens & de parallèles intéreffans & inftruc
tifs. L'on foufcrit pour cet Ouvrage en payant d'avance
les deux derniers Numéros qui termineront le
fixième Volume , & il paroît deux Cahiers tous
les deux mois. Chaque Cahier eft composé de douze
Planches. Prix , 9. liv. l'in- 4° . , & 6. liv. l'in-8.02
ENTRETIENS de Phocion fur le rapport de la
Morale avec la Politique , traduits du Grec de Nicocles
; par M. l'Abbé Mably. A Paris , chez Bailly',
Libraire , rue S. Honoré , & Lamy , Libraire , quai
des Auguftins. De l'Imprimerie de Benoît Morin ,
rue S. Jacques.
Cet Ouvrage eft trop connu pour en porter an
jugement; mais on ne peut refafer des éloges à
l'exécution typographique , qui doit faire honneur
aux preffes de M. Morin. Il fe vend 9 livres. broché
en 3 Volumes, imprimé fur papier d'Annonay, &
avec les caractères de Garamont , même format que
les Moraliftes.
HISTOIRE Phyfique , Morale, Civile & Poli
tique de la Ruffie ancienne & moderne , par M.
Leclerc , D. M. Écayer , Chevalier de l'Ordre du
Roi , & Membre de cinq Académies.
Il paroît deux Volumes de cet important Ouvrage,
qui doit en avoir cinq , & qu'on propofe
par foulcription. L'un de ces deux Volumes eft le
premier de l'Hiftoire ancienne , & l'autre le premier
de l'Hiftoire moderne. Cet Ouvrage nous a paru
très-foigné pour la Gravure & pour la Typographie,
& l'Auteur eft entré dans des détails qui nous femblent
faits pour fatisfaire la curiofité fur cet Empire
intéreffant. Nous nous hâtons d'annoncer ces
deux premiers Volumes en attendant que nous
puiflions en rendre compte. Le prix de la foufcrip
144 MERCURE
tion eft de 120 liv. L'Ouvrage coûtera 160 lv.
ceux qui n'auront pas foufcrit. Les foufcriptions fe
paient d'avance . ou en quatre termes ; favoir ;
30 liv. en retirant les deux premiers Volumes ,
goliv. en recevant le troifième , & 30 liv. en retirant
les deux derniers. On foufcrit à Verſailles ,
chez Blaizot , Libraire ; & à Paris , chez Froulé , Li-
Braire , Pont Notre-Dame.
RETOUR de Chaffe , deffiné & gravé par A. J.
Duclos , en Janvier 1783. Prix , 1 livre 4 fols . A
Paris , chez Godefroy , rue des Francs - Bourgeois-
Saint- Michel , vis - à- vis la rue de Vaugirard.
Cette jolie Eftampe repréfente une de ces petites
anecdotes qui font aimer les Grands & les peignent
mieux que les actions d'éclat ; elle fait pendant à
l'Exemple d'Humanité , qui fe trouve à la même
adreffe.
Pour les Annonces des Titres de la Gravure ,
de la Mufique & des Livres nouveaux , voyez les
Couvertures.
TABLE. -
LE Colin Maillard,
Les Voyageurs, Fable ,
Le Souverain Bien ,
Charades , Enigme &
grypke ,
971 ger
110
98 Necrologie ,
116
Logo-
Plutarque,
100 Lettre fur la réimpreffion du
120
102 Académie Roy, de Mufiq. 124
Coutumes Générales & Locales Comédie Françoife ,
du Bourbonnois , 103 Comédie Italienne ,
Le Danger d'aimer un étran- Annonces & Notices ,
APPROBATIO N.
134
136
139
JAI lu , pár ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 15 Mars. Je n'y al
rien trouvé qui puiflè en empêcher l'impreffion. A Paris ,
le 14 Mars 1783. GUIDL
Jer . 135 .
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 22 MARS 1783 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSÉ.
1 VERS à Mde CLÉRY , de la Mufique de
la Reine , furfon Portrait quej'avoisfait
au Paftel.
Aux Grâces , aux Talens , jaloux de rendre hommage
,
J'ofai , plus zélé que prudent ,
Crayonner votre douce image ,
Je ne prévoyois pas quel feroit mon tourment ;
Mais lorsque je vous vis , fi naïve & fi belle,
M'offrir à tout moment une grâce nouvelle ,
Attendri par le fentiment
Qai varioit les traits de mon modèle ,
Je gémiffois fur mon talent ,
Je maudiffois ma mal- adreffe.
Ah ! de mon art pardonnez la foibleffe ;
Il ne peut fixer qu'un inftant ,
Et vous en avez inille où vous êtes charmante.
No. 12 , 22 Mars 1783 .
G
146
MERCURE
Pour les faifir , mon âme impatiente
A fait des efforts fuperflus.
Ce portrait n'eft pas vous , je ne l'admire plus.
Il eft plein de défauts qu'aifément on dévoile.
Ce n'eft pas vous , il n'eft pas enchanteur ;
Mais qu'il feroit divin , s'il étoit fur la toile
Tracé comme il l'eft dans mon coeur !
(Par M. François , Peintre. )
Explication des Charades , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercureprécédent.
LE mot de la première Charade eft Cordon;
celui de la feconde eft Charrue ; celui de
l'Enigme et Bergère ; celui du Logogryphe
eft Sympathie , où fe trouvent pie , temps ,
ami , pâté , tapis , Thémis , âme ,fi, mi ,
mất , Mai , pas .
CHARADES.
I.
MON premier t'offre une voiture ,
Mon fecond aux Nochers une retraite sûre ,
Mon tout te met l'efprit à la torture.
I I.
Si toujours on defire augmenter mon premier ,
On voudroit dans fon cours arrêter mon dernier
Quant à mon tout , jamais ne le fouhaite :
Las ! quand je crève , adieu panier
Vendanges font faites
GALIOTEMA
REOLA
DE FRANCE. 147 +
I I I.
ADIEU mon tout , fi mon dernier
Te porte à couper mon premier.
JE
(Par M. Bezançon de la Percerie. )
ENIG ME.
E fuis ce qui plaît moins au préfent qu'au futur
Quoi qu'autant quelquefois je plaife .
Or fus , Lecteur , qui fuis - je ? Un Ange ? ... je fuis sûr :
Un diable , dit tout bas la femme de Nicaife.
(Par M. Portier , Curé de Bonnemain ,
en Bretagne. ).
LOGO GRYPH E.
LA célèbre Laïs eut moins d'amans que moi :
Alexandre & Céfar ont été mes esclaves ;
Et lorsqu'à l'Univers ils donnoient des entraves ,
Je favois à mon tour les tenir fous ma lol .
Si tu coupes mon chef , je traverſe la France ;
Et loin du lieu de ma naiffance ,
Je porte un tribut à la mer.
Retranche encor ma queue , & je dors tout l'hiver.
Pour mieux me deviner , coupe , taille , tranſpoſe ,
Et je t'offre à l'inftant mainte métamorphofe..
Ici , mon cher Lecteur , c'est un jeu de hafard ;
Ou , fitu laimes mieux , un oifeau fort criard ;
Gij
148
MERCURE
Là , c'eſt une ordonnance , écrite ou non ; n'importe ,
Le nom de celui qui la porte ;
Un Saint Évêque de Noyon ;
L'inftrument délicat que le galant Horace
Manioit avec tant de grâce ;
Ce que rendoit fi bien la célèbre Clairon ;
La place qu'on payoit pour la voir & l'entendre ;
Un métal chéri d'Harpagon ,
Et pour lequel il veut fe pendre ;
Certain canal que l'on fait à fon gré ,
Pour arroſer ou deffécher un pré ;
De la Rochelle une Ifle fort yoifine ;
Un uftenfile de cuifine ;
Enfin ce qu'un Buveur n'aima jamais à voir,
J'en ai trop dit , Lecteur , bon foir.
( Par M. L. C... de B... , à la Source de la Dive.)
NOUVELLES LITTERAIRES.
LE CORAN , traduit de l'Arabe , accompa
gné de Notes , & précédé d'un Abrégé de
la Vie de Mahomet , tiré des Ecrivains
Orientaux les plus eftimés , par M. Savary,
A Paris , chez Knapen & fils , au bas du
Pont Saint- Michel , & Onfroy , quai des
Auguftins. 2 Vol. in - 8 ° . 1783 .
M. SAVARY écrit le Coran , & non pas
Alcoran , parce que ce feroit répéter l'ars
DE FRANCE. 149
ticle al , fignifiant le. Il eſt toujours temps ,
dit il , de s'affranchir du joug d'un ufage mal
établi ; non , il n'eft pas toujours temps , &
il s'agit avant tout de favoir ce que l'Auteur
entend par mal établi. Si l'ufage n'eft pas
conftant , on peut s'en affranchir . S'il l'eft ,
il fait loi , & on eft obligé de le fuivre , fûtil'
déraisonnable dans le principe . Il s'enfuivroit
de la propofition de l'Auteur , qu'il
faudroit ceffer de dire l'Alcade , un Alcade,
( Officier de Juftice en Eſpagne ) l'Algèbre ,
Alkaëft , l'Alkali , les Alkalis , les Alkalis , l'Alkool ,
l'Almageste de Ptolomée , un Almanach ; il
faudroit en un mot bouleverfer entièrement
l'ufage , relativement à tous ces termes d'origine
Arabe , où l'article eft entré dans le
mot , originairement peut- être par l'effet de
l'ignorance , mais n'importe ; & s'il falloit
changer tous les mots mal formés , foit d'après
les langues étrangères , foit même dans
la langue maternelle , la réforme n'auroit
point de borne ; tenons nous- en à la maxime
d'Horace: Si volet ufus.
Cette nouvelle Traduction de l'Alcoran
( car nous continuerons de dire ainfi ) a été
faite en Égypte , fous les yeux des Arabes ,
au milieu defquels le Traducteur a vécu
pendant plufieurs années ; on fent combien
l'étude des moeurs de ces peuples & du génie
de leur langue , faite fur les lieux , & fortifiée
du fecours continuel de la converfation
, a dû donner de mérite & de prix à
sette Traduction ; M. Savary prouve aifé-
Gij
150
MERCURE
ment que celle de Duryer n'a pas dû l'empêcher
de donner la fienne , & la vie de
Mahomet , par le fameux Comte de Boulainvilliers
, n'allant que jufqu'à l'Hégire ,
n'a pas dû non plus l'empêcher de donner
l'Abrégé de la Vie de Mahomet , qu'on trouve
à la tête de ſa Traduction . D'ailleurs , il y a
peut-être quelque chofe à rabattre de l'enthoufiafime
que Mahomet infpiroit à M. le
Comte de Boulainvilliers. « Il avoir , dit M.
de Voltaire , du goût pour Mahomet. » A
la bonne heure , il ne faut pas difputer des
goûts ; mais on peut en avoir de contrai
res ; quant à M. de Voltaire , il n'en avoit
aucun pour un Marchand de chameaux
qui excite une fédition dans fa Bourgade ;
» qui , affocié à quelques malheureux Ca
» racites ou Coreishites , leur perfuade qu'il
s'entretient avec l'Ange Gabriel ; qui fe
" vante d'avoir été ravi au Ciel, & d'y avoit
» reçu une partie de ce Livre intelligible ,
qui fait frémir le fens commun à chaque
page ; qui pour faire refpecter ce Livre ,
poite dans fa Patrie le fer & la flamme ;
qui égorge les pères ; qui ravit les filles ;
qui donne aux vaincus le choix de fa religion
ou de la mort.
و د
ود
"
"
و ر
"
"
و د
L'Alkoran , dit- il ailleurs , eft une rapfodie
fans liaiſon , fans ordre , fans art.
On dit pourtant que ce Livre ennuyeux
. eft un fort beau Livre ; je m'en rapporte
aux Arabes , qui prétendent qu'il eft écrit
DE FRANCE.
Ifr
avec une élégance & une pureté dont per-
" fonne n'a approché depuis .
"
M. Savary le prétend aufli d'après la connoiffance
qu'il a de l'Arabe , & il explique
comment & pourquoi ceux qui ne connoiffent
l'Alcoran que par la Traduction infidèle
& difforme de Duryer , doivent avoir
une idée très - fauffe & une très mauvaife
opinion de ce Livre. Mais M. de Voltaire
pouvoit le connoître par la Traduction Angloife
de M. Sale , dont il parle , & qu'il dit
excellente ; M. Savary , de fon propre aveu ,
ne fait pas affez l'Anglois pour en juger ,
mais il dit auffi qu'elle doit être excellente ,
à en juger par les Obfervations hiftoriques &
critiques de cet Auteur fur le Mahométifme ,
qui ont été mifes à la tête de la dernière Édition
de Duryer.
M. Savary parle encore d'une mauvaile
verfion Latine de l'Alcoran , par un Moine
nommé Maracci , qui ne le traduifoit que
pour le réfuter , comme fi ce Livre avoit befoin
de réfutation .
Les principes que M. Savary a fuivis dans
fa Traduction , & dont il rend compte dans
fa Préface , nous paroiffent excellens , & fa
Traduction juftifie & rend fenfible ce qu'il
dit de l'original .
A travers toutes les folies myftérieufes de
l'enthousiasme prophétique , à travers l'emphafe
des tournures orientales , on y trouve
des traits remarquables par l'élévation & la
précifion , tels que celui ci :::
Giv
'152
MERCURE
K
Ne donnez point d'égal à Dieu . Il fait ,
» & vous ne favez pas. »
A travers tous les principes fanatiques &
perfécuteurs , on y trouve auffi d'excellens
préceptes.
" Faites le bien. Le Seigneur aime les bienfaifans.
Faites l'aumône le jour , la nuit
» en fecret , en public. L'humanité dans les
paroles & les actions , eft préférable à l'aumône
que fuit l'injuftice. »
L'Abrégé de la Vie de Mahomet , par M.
Savary , ne laiffe pas que d'être un Ouvrage
de 248 pages in 8 ° . C'eft un Ouvrage favant
, tiré des meilleurs Auteurs Arabes ,
principalement d'Abulfeda & des traditions
raffemblées dans le Livre qui a pour titre :
la Sonna ; il y a tout lieu de penser que cette
Vie abrégée eft l'Ouvrage qui donne de Mahomet
l'idée la plus exacte. Ce Prophète
violent commit la plupart des crimes du fanatifme
, du defpotifme & de l'ambition ,
mais il eut quelquefois auffi la modération
& la clémence d'un grand homme ou d'un
homme habile ; il répandit la fuperftition &
l'erreur , mais il diffipa d'autres fuperftitions
& d'autres erreurs , dont quelques - unes
étoient plus funeftes. Les Arabes tuoient
leurs enfans pour les fouftraire à la pauvreté,
ils les immoloient aux autels de leurs
Dieux , comme ont fait tant d'autres peuples
; Mahomet abolit ces ufages barbares ;
ainfi l'humanité lui a des obligations ; & M.
de Voltaire le reconnoît.
DE FRANCE.
153
" Si fon Livre , dit -il , eft mauvais pour
» notre temps & pour nous , il étoit fort
» bon pour les contemporains , & fa reli-
"
ور
"
gion encore meilleure. Il faut avouer
qu'il retira prefque toute l'Afie de l'ido-
» lâtrie. Il enfeigna l'unité de Dieu ..... Chez
lui l'ufure..... eft défendue , l'aumône or-
» donnée. La prière eft d'une néceffité abfolue
; la réfignation aux décrets éternels
» eft le grand mobile de tout, »
و د
L'horrible attentat du quatrième Acte de
la Tragédie de Mahomet , & la catastrophe
funefte du cinquième , n'appartiennent pas
à l'Hiftoire de Mahomet.
و د »Je n'ai pas prétendu , dit M. de Voltaire ,
» mettre fur la Scène une action vraie , mais
» des moeurs vraics ..... j'ai voulu reprefenter
» ce que la fourberie peut inventer de plus
» atroce , & ce que le fanatifine peut exé-
» cuter de plus horrible. Mahomet n'eft ici
autre chofe que Tartuffe les armes à la
»
» main. »
Le reste de la Pièce a du rapport avec
l'Hiftoire ; Zopire eft Abufofian , l'ennemi
le plus conftant de Mahomet. Omar eft
peint avec la plus grande verité ; c'étoit un
fanatique , qui d'abord avoit voulu affatliner
Mahomet , par zèle pour l'idolâtrie , & qui
enfuite changé par la lecture de quelques
morceaux de l'Alcoran , auroit voulu foumettre
la terre entière à fon nouveau Maître ,
& lui facrifier tous fes ennemis ; c'est lui qui
dans la Pièce confeille le meurtre de Zopire ,
Gv
154
MERCURE
& qui indique les moyens de confommer
ce crime ; dans l'Hiftoire , il demande à Mahomet
la tête d'Abufofian ; enfin on retrouve
par tout , dans l'Hiftoire comme dans la
Tragédie de M. de Voltaire ,
Ce farouche Omar,
Que l'erreur aujourd'hui conduit après fon char ,
Qui combattit long- temps le Tyran qu'il adore.
Cer Omar à qui Zopire dit :
Eh bien , après fix ans tu revois ta Patrie ,
Que ton bras défendit , que ton coeur a trahie ;
Ces murs font encor pleins de tes premiers exploits.
Déferteur de nos Dieux' , déferteur de nos Loix ,
Perfécuteur nouveau de cette Cité fainte ,
D'où vient que ton audace en profane l'enceinte ? ……..
Toi même alors , toi- même écoutant la raison ,
Tu voulus dans fa fource arrêter le poiſon ;
Je te vis plus heureux , & plus juſte , & plus brave ,
Attaquer le Tyran dont je te vois l'efclave ;
S'il eft un vrai Prophète , ofas - ta le punir ?
S'il eft un impofteur , ofes - tu le fervir ?
Cet Omar enfin qui répond à Zopire :
Je voulus le punir , quand mon peu de lumière
Méconnut ce grand homme entré dans la carrière.
Mais enfin , quand j'ai vû que Mahomet eſt né
Pour changer l'Univers à fes pieds confterné ;
Quand mes yeux éclairés du feu de fon génie
Le virent s'élever dans fa courfe infinie ,
<t
ct
ht
C
DE FRA N.CE.
IS'S
Eloquent , intrépide , admirable en tout lieu ,
Agir , parler , punir ou pardonner en Dieu ,
J'aſſociai ma vie à fes travaux iminenfes ;
Des trônes , des autels en font les récompenfes.....
Tu me vois après lui le premier de la terre ,
Le pofte qui te refte eſt encore affez beau
Pour fléchir noblement fous ce Maître nouveau.
Ce fut en effet le parti que prit Abufofian
, à fon exemple tout le foumit . « Il étoit
» bien difficile , dit M. de Voltaire , qu'une
religion fi fimple & fi fage ( en compa-
» raifon de l'idolâtrie ) enfeignée par un
» homme toujours victorieux , ne ſubjuguât
» pas une partie de la terre. »
و د
UVRES complettes de Meffire Efprit
Fléchier , Evêque de Nifmes , & l'un des
Quarante de l'Academie Françoife , revues
fur les manufcrits de l'Auteur , augmentées
de plufieurs Pièces qui n'ont jamais été
imprimées , & accompagnées de Préfaces ,
d'Obfervations & de Notes fur tous les
endroits qui ont paru en avoir befoin. Dix
Vol. in 8. Pix , 30 liv . en feuilles , &
40 liv. reliés . A Nifmes , chez Pierre
Beaume , Imprimeur - Libraire , & fe
trouvent à Paris , chez G. Defprez , Imprimeur
du Roi & du Clergé de France ,
rue S. Jacques ; Eſprit , au Palais Royal.
CETTE Édition eft auffi ample & aufli
Gvj
156
MERCURE
exacte qu'il foit poffible . M. du Creux, Chanoine
d'Auxerre, & Chapelain de MONSIEUR,
qui la dirige , a tout revu fur d'anciennes
Éditions & fur les manufcrits de l'illuftre
Prélat , qui lui ont été communiqués par
M. Fléchier , Capitaine de Dragons , le feul
qui refte d'un nom fi cher aux Lettres & à
la Religion . Plusieurs papiers y étoient joints.
On a fait ufage de beaucoup d'anecdotes
qu'il a fournies fur la perfonne de l'Auteur
& fur fes Ecrits.
L'entière Collection forme 10 Vol. le
papier & le caractère en font très beaux , &
F'on doit de la recounoiffance à M. Beaume ,
pour avoir formé une pareille entrepriſe ,
& pour l'avoir exécutée avec autant de
fuccès.
Le titre annonce tout ce que l'Éditeur a
jugé à propos d'y ajouter de fon chef. On
peut regarder fon Difcours fur la Perfonne
& les Écrits de M. Fléchier , comme un éloge.
On n'y relève pas moins fes talens que fes
vertus , en retraçant les principaux événemens
de fa vie.
Il vint à Paris après avoir prononcé , avec
applaudiffement , devant les États de Languedoc
, l'Oraifon Funèbre de l'Archevêque
de Narbonne. Ainfi , en arrivant dans la
Capitale , il avoit l'efpoir des fuccès & des
récompenfes qu'obtiennent tôt ou tard les
talens.
Il fut fucceffivement Précepteur du fils de
M. de Caumartin , Prédicateur du Roi , Au,
:
DE FRANC E. 157
mônier de Madame , la Dauphine , Académicien
, nommé à l'Évêché de Lavaur , après
avoir catéchisé les Proteftans en Bretagne en
1685 , & transféré à celui de Nifmes dans
de triftes circonftances .
La difpute pour la Régale avec la Cour de
Rome , étoit caufe qu'on n'y expédioit point
de Bulles ; & la violence ayant réveillé le
fanatifme , il avoit enfanté la révolte dans
le Languedoc. Le Diocèfe de Nifmes étoit
fur- tout en proie à d'affreux ravages . L'Auteur
du Difcours en trace un tableau fort
vif; & il paroît rendre juftice aux uns & aux
autres. Quel temps d'épreuve , dit il , pour le
coeur fenfible de ce bon Prélat , où le fanatifme
armoit la moitié de fes enfans pour
égorger l'autre ! Ce qui fait de plus en plus
fentir la néceffité de la tolérance civile ; ces
mêmes hommes , qui déchiroient le fein de
leur Patrie avec fureur , auroient donné leur
fang pour elle avee joie , fi on leur eût laiffé
leur tranquillité.
Pendant ces troubles , la patience de l'illuftre
Prélat fut fouvent mife à l'épreuve. If
étoit tolérant comme Fénelon ; mais fon
coeur le fervoit mieux que fes principes. En
fe concertant avec l'Intendant de Bafville ,
fur les réfolutions à prendre pour remédier
aux défordres de la Province , il penchoit
ordinairement vers la douceur , & le Magiftrar
vers la févérité. Sa charité étoit fans bornes.
La ville de Nifmes doit plufieurs établiffemens
à ſa bienfaiſance. Dans le fein de
158 MERCURE
la piété , il cultiva toujours la belle Littérature
; & tout manifefte la delicateffe de fes
goûts & les vertus. Ce grand Évêque termina
fa carrière en 1710 ; il fut univerfellement
regrette.
Ce Difcours et digne de fon fujer . Il tient
comme le milieu entre l'eloge oratoire &
l'éloge hiftorique . Il vaudroit peut être mieux
qu'il fût l'un ou l'autre.
La Préface fur les Oraifons Funèbres pourroit
paffer pour un effai fur ce genre de Littérature.
Le ftyle en eft noble , foutenu , &
l'Auteur a cru , avec raifon , qu'il étoit à
propos d'être éloquent en traitant de l'éloquence
.
Ainfi que l'Editeur de Boffuet , M. du
Creux a ajouté aux Oraifons Funèbres de
fon Auteur , des notices qui mettent dans la
inain du Lecteur le fil des événemens , & le
rendent comme contemporain & de l'Orateur
& des perfonnages qu'il célèbre . Mais il
ne fait qu'y ajouter éloge fur éloge . Une fage
difcuffion , au lieu d'une louange redoublée
, eût ajouté de l'intérêt & du piquant
à ces notices. Le Lecteur eût goûté le plaifir
de connoître au jufte ce que le Héros devoit
au Panégyrifte , & de voir fans mafque le
perfonnage qui n'étoit plus fur la Scène.
Quant aux Ouvrages de M. Fléchier , ils
font connus & jugés. L'Éditeur les juge
pourtant à fon tour ; & quoiqu'il accorde
la préference aux Oraifons Funèbres , il regarde
les autres comme des modèles . L'HifDE
FRANCE. 159
toire de Théodofe , fur- tout ,
lui paroit
digne de grands éloges . Il regrette que l'on
n'ait pas chargé M. Flechier d'un plus grand
nombre d'Ouvrages de ce genre. Tous auroient
été des modèles , des monumens dignes
du beau fiècle de Louis XIV . Il croit
réfuter M. d'Alembert , qui , avec cette
fineffe de tact & ce ton d'honnêteté qui lui
font propres , a fait entendre que le ftyle de
M. Fléchier en Hiftoire s'éloignoit de la fimplicité
du genre. Notre devoir etant de n'être
que juftes , nous dirons ce que nous penfons.
Sans doute le fiècle dernier a peu vu d'Hiftoire
dont le ſtyle foit auffi pur & aufli élé
gant que le ftyle de l'Hiftoire de Théodofe
& même de cel e du Cardinal Ximenès ;
mais il eft aufli quelquefois diffus , fur tout
dans cette dernière , il manque de rapidité
& d'énergie.
Pour s'allurer de la vérité , il ne faut
confulter ni les anciens Hiftoriens ni M. Fléchier
, mais les fairs. En procédant ainsi , on
trouve que les événemens font quelquefois
un contrafte frappant avec ce qu'il dit . Par
exemple , il peint Theodofe aufli chéri qu'admiré
, plus doux , plus clément que Valentinien
n'avoit été fevère. Cependant , outre
que ce même Valentinien avoit rendu l'Empire
refpectable , introduit la difcipline dans
les armees , il avoit aimé la juftice , respecté
les loix , diminué les impôts , mené une vie
irréprochable , éloigné de la Cour la corruption
, montré dans toute fa conduite de
160 MERCURE
l'efprit , du courage , de la politeffe & de la
grandeur. Orthodoxe , il n'opprima jamais
perfonne pour fa Religion , & toutes les
fectes , fous fon Empire , furent contenues
dans les bornes du devoir & de la paix.
Théodofe , d'un caractère bien différend ,
vit dans la pompe & dans les plaifirs , étale
un fafte orgueilleux , il s'entoure de légions
à Conftantinople , règne defpotiquement ,
augmente les impôts , & paroît plus occupé
de matières théologiques que du falut de
l'Empire. A peine eft - il monté fur le trône ,
qu'il ordonne , par un édit , que tout le
monde fe faffe Catholique ; il s'empare avec
violence de toutes les églifes des Ariens qui
dominent à Conftantinople , comme dans
tout l'Orient. Mandoniens , Donatiftes , Eunomiens
, Manichéens , Juifs , Payens , font
également perfécutés , tourmentés par lui . Il
brife les Temples , & pourfuit les troupeaux
comme les pafteurs . Qu'on juge à ces traits.
dans quelle confufion il plongeoit l'Empire
, & s'il méritoit plus d'amour que Valentinien.
Ne doutons point que la haine générale
n'ait eu beaucoup de part à la révolte d'Antioche
, quoiqu'un nouvel impôt en fût l'occafion
, & il fit bien voir qu'il n'étoit pas
moins violent que Valentinien. Dès qu'il a
appris que fes ftatnes ont été renversées , il
veut que cette Métropole de l'Orient foit
détruite de fond en comble , qu'on brûle les
habitans avec leurs maifons. Il eft vrai qu'il
DE FRANCE. 161
finit par pardonner , mais ce ne fut pas fans
peine , & le maffacre de Theffalonique devint
bientôt un monument effroyable des
excès de fa colère .
Du refte , il fut intrépide dans les combats
; il combattit quelquefois pour l'Empire
, plus fouvent pour lui-même , & il
en reçut le prix. Il tira l'églife de l'oppreffion
des Arriens. On doit le louer fur tous
ces points , mais il fut cruel , on ne doit pas
bénir fa mémoire.
L'Hiftoire du Cardinal de Commendon
n'eft qu'une traduction du Latin de Gratiani ,
d'abord Secrétaire de cette Eminence , & fa
créature , puis Evêque d'Amélia , enfin Secrétaire
de Sixte V , & Nonce Apoftolique à
Venife.
Ce Cardinal fut un des plus fameux Négociateurs
de la Cour de Rome. Il fut envoyé
dans prefque toutes les Cours de l'Europe.
La tenue d'un Concile à Trente ayant
été réfolue , on le choifit pour aller inviter
l'Empereur & les autres Princes Allemands
à s'y trouver , ou à y envoyer des Ambaffadeurs.
Il parut même dans l'Affemblée des
Princes Proteftans, qui le tenoit alors à Nanbourg.
Il reparut enfuite à Vienne en différens
temps. Il ofa même y venir malgré les défenfes
de l'Empereur Maximilien II. Ce
Prince foible, fubjugué d'ailleurs par les circonftances
, loin de lui fermer fa Cour , l'accueillit
avec politeffe , reçut de lui la loi
162 MERCURE
avec refpect , & rétracta , felon l'objet de
la miffion du Cardinal , la tolérance civile ,
promife folemnellement aux Proteftans de
fes États. L'Éditeur , on doit l'avouer à fa
gloire , parle là deffus d'une manière fort
iaifonnable , & fupplée ainfi à ce qu'auroit
dû faire M. Fléchier , qui fait voir dans cette
occafion , & dans plufieurs autres , qu'il fe
fouvenoit un peu trop qu'il étoit né ſujet
du Pape.
Cet Ouvrage contient des objets trèsimportans
, tels que l'Élection du Duc d'Anjou
pour le trône de Pologne. Cet article y
eft traité d'une manière intéreffante ; mais .
cette Hiftoire en général eft prolixe . Le ſtyle
en eft quelquefois négligé , la doctrine toute
ultramontaine. On nous parle de la Saint-
Barthélemi , & on eft loin de la blâmer ; ce
qui nous paroît étrange maintenant , & qui
ne l'étoit pas alors.
L'Hiftoire du Cardinal de Ximenès , figure
à une époque bien remarquable , à celle où
l'Efpagne enfin toute réunie fous un même
fceptre , parvint bientôt au comble de la
gloire. Cet Ouvrage a auffi pour ſujet un
perfonnage bien fingulier , né dans l'obſcurité,
homme à fandales, qui annonça toujours
une âme également fière & auftère. Dans
l'ombre du cloître , il affecte le recueillement
, & fe macère. Devenu Provincial de
fen Ordre , il veut le réformer. Confeffeur
de la Reine , il ne change point de moeurs.
Archevêque de Tolède , fous les habits d'un
DE FRANCE. 163
Pontife il conferve ceux d'un Cordelier.
Il réfifta inflexiblement à fes maîtres toutes
les fois que l'occaſion s'en préſenta , & fit
voir qu'il n'étoit pas moins opiniâtre que les
Anfelme & les Thomas Bequet , ni moins
fuperbe que les Grégoire VII , & peut être
encore plus redoutable aux ennemis de
TÉglife Romaine que les Simon de Monfort.
Ce n'eft pas ainfi que le caractérife M. Flé
chier ; mais il étoit tel.
Ximenès déploya le même efprit dans fon
expédition d'Afrique . Il parot au milieu de
l'armée devant Oran , en habits pontificaux ,
à la tête d'une foule de Prêtres , qui chantoient
des hymnes en portant la croix , &
qui , à leurs ornémens facerdotaux , avoient
ajouté la cuiraffe , l'épée & le moufquet
Cet accoutrement bizarre , que nos Prêtres
Ligueurs imitèrent trop bien enfuite , infpira
un enthoufiafme fi véhément aux Soldats
, que la ville d'Oran fut priſe d'affaut
auffitôt qu'affiégée , & traitée avec la même
cruauté que les habitans du Nouveau-
Monde , par ces Soldats pieux ; attendu , dit
l'Auteur , que c'étoient les ennemis de la Religion
, & que l'on croyoit pouvoir perdre
envers eux toute humanité.
Après cela on ne doit point s'étonner
qu'il fut le boulevard de l'Inquifition , dont
il étoit le Chef. Ce Tribunal terrible , à
peine établi , avoit débuté par faire arrêter
quinze mille perfonnes , & par en faire
brûler deux mille. Quel fpectacle !
164 MERCURE
Le genre oratoire eft , fans contredit ,
celui que l'Auteur avoit le plus approfondi.
Ses Oraifons Funèbres pafferont à la poſtérité
la plus reculée . Jamais on ne porta plus
loin l'élégance , l'harmonie , la fineffe dans
les tournures , ni jamais on ne mêla fi bien
les richeffes de l'imagination avec la beauté
de la penfée. Que d'à - propos faifis avec précifion
! que de nuances délicates accompagnent
les grands traits ! quel art de rendre
tout éloquent , de faire parler la Religion à
un Empire au milieu des affaires tumultueufes
du fiècle, de forcer les puiffans à rentrer
en eux - mêmes à l'efpect du néant de
leurs grandeurs. Cependant , cette facilité
fi heureufe & fi féconde , laiffe entrevoir
quelquefois de la ftérilité ; la Nature quelquefois
femble manquer à l'Art . La force ,
la véhémence , la fublimité affignent conftamment
la première place à Boffuet. D'au
tres Orateurs partagent la feconde avec Fléchier
; mais c'en eft affez pour être compté
parmi ces hommes prévilégiés qui illuftrèrent
le grand fiècle.
Les autres Ouvrages de M. Fléchier font
des Panégyriques , des Sermons prêchés avec
un applaudiffement univerfel , des Mande
mens , des Lettres Paftorales , où fe manifefte
plus ou moins , felon les occafions
cette éloquence douce , perfuafive , pleine
d'onction qui lui étoit comme naturelle , &
qui conftitue le véritable Orateur Évangélique
; un Recueil de Confidérations & de
DE FRANCE. 165
Penfees fur divers fujets de morales , des
Mêlanges , un Volume de Lettres , dont plufieurs
n'avoient pas encore paru.
Enfin , il n'eft pas juſqu'à des Poéfies Latines
& Françoifes , qui ne foient intéreffantes
, parce qu'elles font comme les prémices
& les gages de ces talens fupérieurs , qui ont
conduit ce Prélat à l'immortalité,
LA Matinée du Comédien de Perfepolis ;
Proverbe en un Acte & en profe. A Paris ,
chez Cailleau , Imprimeur- Libraire , rue
S. Severin , & chez les Marchands de
Nouveautés,
Cette bagatelle dramatique , dédiée à
MM. les Auteurs du Journal de Paris , eft
précédée d'un Avertiffement analogue au
genre de la Pièce.
"?
" Ce n'eft pas une Pièce de Théâtre que
», l'Auteur donne au Public , c'eft à peuprès
la peinture de l'emploi que les Co-
" médiens faifoient autrefois de leur temps.
» Actuellement que tout eft change , ces
» Meffieurs ne peuvent voir de fatyre dans
» cette petite Pièce. Au contraire , s'ils com-
→ parent leur conduite préfente avec celle
qu'on a tâché de décrire ici , ils s'appercevront
fubitement que c'eft un éloge in-
» direct qu'un homme délicat a voulu leur
ménager, "
20
166 MERCURE
و ر
99
»
Belval , en robe de chambre fuperbe , fe
regardant dans fa glace , récapitule les importantes
occupations de fa journée ..... " A
» quatre heures & demie je m'évade , &-
cours dans ma loge m'écrâfer la tête de
» mon rôle dans cette Pièce nouvelle. C'eſt
» le déplaifant. Pourquoi ne s'en pas tenir à
» ce que nous avons ? Ce n'eft pas ma faute ,
je fais tout ce que je puis pour faire re-
» noncer aux nouveautés. Mais mes cama-
» rades fe laiffent entraîner , & moi je ſuis
» la victime de ces complaifances mal- en-
» tendues. Ce qu'il y a de cruel , c'eſt que ne
pouvant mal jouer , je foutiens feul l'ou-
» vrage , auquel je donne un mérite dont le
» pauvre Auteur ne s'étoit pas douté. » Sophie
, Comédienne , arrive. Belval prodigue
» à la fois les galanteries & les airs de fa-
» tuité. Sophie fe moque de toutes les belles.
proteftations. Brifons là , dit elle , ou je
pars. Parlons de chofes ferieuſes. Et en effet
il lui parle d'un congé pour trois mois , qui
lui eft néceffaire pour arranger fes affaires ;
de fa petite maifon de campagne , qui lui.
coûte tant d'argent ; de fes meubles , de fa
voiture , de la fantailie d'aller voir fiffler .
leur doubles , de s'amufer de la groſſe humeur
du Public , & de mille autres folies.
Au milieu de cette converfation , la Fleur
annonce un étranger qui revient au moins
pour la fixième fois , qui a toujours éré d'une.
patience comme Monfieur l'exige , & qui ,
s'eft en allé bien fouvent fachant que Mon-
"
a
DE FRANCE. 167
fieur y étoit , fans marquer la moindre humeur.
« A la bonne heure , dit Belval , fais-
» le entrer. “ --- Ah ! c'est qu'il eft fi crotté !
-
"
Là , bien crotté ? -11 eft venu à pié par
le temps qu'il fait. C'eft à caufe de cela
qu'il faut le recevoir . L'étranger eft le
» Comte de Meurfeville. Différens billets
» que je vous ai laiffés , ont pu , dit- il , vous
rappeler que vous avez daigné . me promettre
vos foins pour une Pièce que je
» vous ai remiſe il y a près de trois ans.
"3
»
BILVA L.
» Une Pièce ..... Ah ! pardonnez - moi.....
» Vous l'appelez-?
LE COMT E.
» L'oubli de foi-même.
"
BELVA L.
Daignez vous feoir ; je ne faifois pas at-
» tention ....
SOPHIE.
» C'eft un caractère qui promet.
"
LE COMT E.
Oui , Madame , on ne manque pas d'òri
❞ ginaux.
19
BELVA L.
, Oui , je crois que je l'ai lûe ; je m'en
fouviens très-bien. Mais je vous l'avouerai
franchement , elle ne nous convient pas.
168 MERCURE
ور
» Ce n'eft pas qu'elle ne foit bien écrite ; ez
» contraire. Elle montre auffi que Vous avau
» infiniment d'efprit ; mais le fujet de
» morale....
و ر
Déplaît.
LE
COMTE
BELVA L.
» Neth'en voulez pas de ma franchiſe.
LE COM T E.
» Je l'ai toujours trop eftimée pour qu'elle
» me fit quelque peine .
BELVA L.
» Cette réfignation annonce des talens peu
» communs ; exercez- les , Monfieur , fur
» un autre fujet , & vous verrez avec com-
» bien de zèle je m'emploierai.
LE COMT E.
" Ah ! combien de reconnoiffances ! je
» vous quitte , Monfieur , & ne veux point
abufer de vos momens. 20
BEL VAL.
» Quoi ! par un temps auffi mauvais !
LE COMTE.
» Je le prends comme il vient, & fais me
faire à tout. »
Belval fonne. Ses chevaux font à fa voiture.
DE FRANCE. 169
ture. Il prie l'étranger de les accepter. Il fort.
Le Comédien avoue à Sophie qu'il n'a pas
lû la Pièce en queftion . Sophie lui en témoigne
de la furpriſe & de l'humeur. « Il falloit
» la lire , au moins , dit- elle .
و ر
"
BEL VAL.
Ah ! j'apperçois ce que c'eft : vous
» lui trouvez des qualités que je n'ai pas
apperçues. D'ailleurs , il eft bien fait. Ah!
Sophie , fous mes yeux un nouveau penchant
! convenez donc que c'eſt humiliant
» pour moi. »
ce
Au retour de la Fleur , fon Maître lui demande
s'il a conduit l'Auteur à fon cinquième.
LA FLEUR .
A fon cinquième , Monfieur ; c'eſt , je
» vous affure , quelqu'un de grande impor-
» tance. D'ici à votre voiture il m'a fuivi en
» ricannant. Je lui en ai ouvert la portière ;
il l'a regardée avec admiration .
22
" Ah !
"2
""
"
BELVA L.
LA FLEUR
.
C'est- à- dire , en hauffant les épaules.
BELVA L.
Que dis- tu ?
LA FLEUR.
Ah ! rien , Monfieur. Je touffois.
Nº. 12 , 22 Mars 1783 .
H
170
MERCURE
BELVA L.
LA FLEUR
" Oui......
, Oui , Monfieur.
و د
ود
» Achève.
و د
BELVA L.
LA FLEUR.
Enfin il eft monté , & s'eft fait conduire
» à deux pas d'ici dans un hôtel fuperbe ; &
la preuve qu'il en eft le maître , c'eft que
le Suiffe eft venu avec fon baudrier lui
» remettre des lettres ; enfuite il en a tiré
» une de fa poche , qu'il a ouverte , & à
laquelle il a ajouté quelque chofe , &
» m'a recommandé de vous la donner
» avec deux louis qu'il m'a prié d'accepter ;
» vous fentez , Monfieur , avec quel plaifir
je m'acquitte de cette commiffion.
و د
و ر
*
وو
و د
BELVA L.
» Que peut- il dire ? Voyons. Il femble ;
Monfieur , que vous devriez vous défaire
» de l'habitude d'offrir des fervices , que
fecrettement vous vous promettez bien dene
» pas rendre ; ce n'eft que du verbiage que
» cela. Ne me croyez pas votre dupe. Vous
» n'avez pas lû ma Pièce. Ah ! j'aime bien
qu'il en doute. Car je ne vous en ai poin
remife . Quoi ! je ferois .... J'ai voulu vérifier
» fi les plaintes que j'ai entendu faire à un
وو
و د
و و
DE FRANCE. 171
?)
jeune homme de ma connoiffance avoient
quelques fondemens. Vous devez croire
» que je n'ai pas befoin d'autres preuves que
» les confeils que vous avez bien voulu me
» donner ce matin , fur ce qui n'existe pas ,
» pour être convaincu qu'il a raifon. Comme
» ma lettre étoit écrite avant de me rendre
chez vous , fachant à point nommé votre
réception , & mon deffein étant de la laiffer
" en fortant , je n'ajouterai que deux mots.
Je vous remercie de votre voiture , qui eft
fort douce , & plus élégante qu'aucune des
» miennes. Je vous dois cet aveu , pour vous
» prouver ma reconnoiſſance. » Le Comte de
Moeurfeville.
"2
و ر
ود
Tel eft le dénouement de ce Proverbe ,
où les Comédiens , après avoir tant de fois
joué les Auteurs , fe trouvent un peu joués
» eux-mêmes. Quel mal y a t'il?
LES NUMEROS. Seconde Édition
augmentée d'une feconde Partie , qui fe
vendféparément. Prix , 3 liv. 12 fols. br. A
Amfterdam , & fe trouve à Paris , rue &
hôtel Serpente.
CET Ouvrage , par fon titre , préfente une
idée de loterie ; mais il y a moins à rifquer à
celle- ci qu'à beaucoup d'autres , & l'on eft
toujours sûr d'y rencontrer quelques bons
numéros. Il y auroit bien auffi quelques nom
bres à fupprimer ; mais par- tout les bons
numéros font rares.
Hij
172 MERCURE
Au refte , c'est ici l'Ouvrage d'un Obfervateur
moralifte , qui exprime fouvent avec
gaîté , ce qu'il oblerve avec fineffe. S'il y a
des articles minutieux , & qui n'apprennent
rien , il y en a d'autres auffi qui annoncent
une raifon aimable & exercée. Le No. 6 offre
fur la campagne des réflexions très fenfées ;
on y trouve une defcription précile & piquante
de ce qu'on appelle à Paris vivre à
la campagne.
Dans le N°. 10 , l'Auteur fait une fortie
contre l'ufage univerfel des voitures , la fureur
qu'on a d'aller le plus grand train , &
parle des malheurs multipliés qui en résultent,
malgré la vigilance de la Police . Il n'y a pas ,
dit- il , jufqu'aux Médecins , qui ont tant de
moyens de détruire l'efpèce humaine , qui
ne fe permettent encore cette façon de rendre
leur profeffion plus meurtrière. Il regrette
ces temps encore peu reculés , où
le Chancelier de France alloit fur une mule ,
& où le Premier Préfident , en donnant un
de les domaines à ferme , infcrivoit dans le
bail la claufe que le Fermier feroit tenu
tous les Dimanches d'envoyer au château fa
charrette avec de la paille fraîche , pour
'mener Madame la Préfidente à la Meffe. »
L'Auteur coupe quelquefois fes réflexions
par des anecdotes plaifantes. Telle est celle
d'un Provincial , dont le défaut étoit une exceffive
timidité. « Quelqu'un préfenta , il y
a peu d'années , dans une bonne maifon de
Paris , un Gentilhomme de Province qui
DE FRANCE. 173
avoit toutes les qualités requifes pour paroître
avec diftinction dans le monde ; mais
qui étoit malheureufement d'une extrême
timidité. L'Introducteur entre le premier ;:
le Provincial le fuit ; & au premier pas qu'il .
fait dans l'appartement , la timidité le trouble
, l'afpect d'une brillante affemblée le
déconcerte ; il enfonce mal- adroitement fon
pied entre le tapis & le parquet ; il fent un
obftacle , il le force pour avancer ; il emporte
le tapis avec lui , renverfe tous les
fiéges qui l'arrêtent , & arrive à la maîtreffe
de la maifon avec le tapis au cou , en guife
de cravate ; en faluant , il gliffe & tombe fur
elle ; il fe relève , fait fes excufes ; les Laquais
réparent au plutôt ce défordre . On lui offre
un fiége ; il fe méprend , & s'affied dans un
autre , fur la guittare de Madame , qu'il met
en pièces ; il fe drelle , tout effrayé , fe jette
dans un autre cabriolet , & écrafe la petite
chienne ; il tombe en confufion , perd contenince
, & ne voit d'autre parti que celui
de fe fauver fans rien dire ; en fuyant avec
précipitation , il coudoye le Valet - de- chambre
, lui fait tomber des mains le cabaret de
chocolat qu'il alloit fervir à la compagnie ,
caffer toutes les raffes , & renverfer le chocolat
fur les robes de toutes les Dames du
cercle. L'ami fort après lui pour tâcher de le
ramener & de racommoder les chofes ; mais
fon homme a difparu , & court encore . La
honte de cette aventure empêche l'Introducteur
de rentrer lui- même , & le force de
Hiij
174
MERCURE
renoncer à jamais à une maifon dans laquelle
il a eu le malheur de préfenter cet ami deftructeur
, qui y a fait , en un clin d'oeil , autant
de ravage qu'en auroit pu faire une
troupe ennemie qui y feroit entrée à difcrétion.
»
La troisième Partie de cet Ouvrage n'eft
pas inférieure aux deux précédentes. On y
diftinguera le N°. 41 , qui traite de la Fête-
Dieu. Dans le 43 fe trouve une obfervation
piquante par le fond , & rendue avec beaucoup
de vérité. Si la preffe a multiplié les
livres utiles , il faut convenir auffi que la
fabrique des livres , abfolument inconnue
aux anciens , a infiniment multiplié les livres
inutiles & fuperflus ; l'abondance des livres .
a embrouillé les études , & les a rendues
peut être auffi fatigantes qu'elles l'étoient
autrefois par la raifon contraire. Notre fiècle
peut s'attribuer tout l'honneur de cette nouvelle
méthode . Il eft curieux d'examiner
combien de fois le Public achette la même
choſe pour ne rien avoir. D'abord un Amateur
fe procure les Gazettes , qui ne tardent
pas à reparoître dans le Mercure ; peu après
elles forment des corps d'hiftoires qui fubiffent
à leur tour d'autres métamorpholes ; ils
deviennent des Dictionnaires , des Hiftoires
de fiéges , de batailles , de traités , de négociations
, des portraits , des vies de grands -
Hommes. Ils fe transforment même en recueil
d'anecdotes Quand on a imprimé tout
cela jufqu'à la fatiété , on met ces hiftoires
DE FRANCE. 75
en eftampes , au bas defquelles font des notices
au burin. On croiroit que tout eſt fini ;
point du tout ; elles reparoiffent encore ſous
la forme de voyages , d'éloges ; tantôt c'eſt
le Plutarque François , tantôt ce font des
Lettres , tantôt des Mémoires , & dans le
vrai les mêmes faits préſentés dans un cadre
différent. Même marche en Littérature , mêmes
opérations typographiques. Les poéfies
légères embelliffent les feuilles périodiques ;
elles forment enfuite des Almanachs des
Muſes , des Étrennes Lyriques , des Recueils
qui deviennent des Annales Poétiques , des
Bibliothèques. Après un certain temps ,
chaque Poëte reprend fon bien , ramafle
dans une édition fes oeuvres morcelées &
difféminées dans ces divers dépôts , & fe
donne tout entier au Public. Parcourez tous
les genres , vous trouverez les mêmes géné
rations. Les Factums deviennent des Caufes
célèbres , les Caufes célèbres , des hiftoires
de Tribunaux ; les Fabliaux fe changent en
Contes , les Contes en Comédies , les Comédies
en Opéras , les Opéras en Parodies :
dans la métaphyfique & le morale , c'eft bien
autre chofe ; une vingtaine d'idées font délayées
dans cinquante mille Volumes . »
Terminons cet article par une Anecdote
fort gaie , qui fe trouve dans les premiers
Volumes . Telle eft celle d'un Parifien arrivé
en Hollande , fans favoir un mot de la langue
du pays. " Un jeune Parifien allant à
Amfterdam , fut frappé de la beauté d'une
Hiv
176 MERCURE
<c
des maifons de campagne qui bordent le
canal. Il s'adreffa à un Hollandois qui fe
trouvoit à côté de lui dans la barque , & lui
dit : Monfieur , oferai - je vous demander à
qui appartient cette maifon ? Le Hollandois
lui répondit , dans fa langue : Ik kan niet
verftaan , qui fignifie , je ne vous comprends
pas. Le jeune François ne fe doutant pas
même qu'il n'avoit pas été compris , prend
la réponſe en Hollandois pour le nom du
propriétaire. Ah ! ah ! dit il , elle appartient
à M. Kaniferftan Eh bien , je vous affure
que ce Monfieur- là doit être très - agréablement
lcgé ; la maifon eft charmante , & le
jardin paroît délicieux ..... Et il ajoute quelques
autres propos dans le même genre , auxquels
le Hollandois n'entend & ne réplique
rien. Arrivé à Amfterdam , il voit fur le quai
une jolie Dame , à laquelle un Cavaher don
noir le bras ; il demande à un paffant quelle
eft cette charmante perfonne. Celui- ci ré
pond de même : Kan niet verstaan. Comment
, dit il , Monfieur , c'est là la femme
de M. Kaniferftan , dont nous avons vu la
maiſon fur le bord du canal ? Mais vraiment
le fort de ce Monfieur- là eft digne d'envie .
Comment peut- on pofféder à la fois une fi
belle mail & une fi belle compagne ! A
quelques pas delà , les trompettes de la ville
fonnoient une fanfare à la porte d'un homme
qui avoit gagné le gros lot à la loterie de
Hollande. Notre jeune Voyageur veut s'informer
du nom de cet heureux mortel ; on
"
DE FRAN C'E. 177
lui répond encore : ik kan niet verſtaan. Oh !
pour le coup , dit - il , c'eft trop de fortune ;
M. Kaniferftan , propriétaire d'une fì belle
maiſon , mari d'une fi jolie femme , gagne
encore le gros lot à la loterie ! Il faut convenir
qu'il y a des hommes heureux dans ce
bas monde. Il rencontre enfin un enterrement,
& demande quel eft le particulier qu'on
porte à la fepulture : Ik kan niet verflaan ,
lui répond celui à qui il a fait cette question.
Ah ! mon Dieu , s'écrie t'il ! c'eft là ce pauvre
Kaniferftan , qui avoit une fi belle maifon
, une fi jolie femme , & qui venoit de
gagner le gros lot à la loterie ! Il doit être
mort avec bien du regret ! Mais je penfois
bien que fa félicité étoit trop complette pour
être de longue durée . Et il continue d'aller
chercher fon auberge en faifant des réflexions
morales fur la fragilité des chofes humaines.
»
SPECTACLE S.
ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE.
DANS
ANS les trois premières repréſentations
de Renaud , le rôle d'Armide a été rendu
par Mlle Levaffeur, avec l'intelligence , la
nobleffe & la vérité d'expreffion qu'on devoit
attendre de l'Actrice qui a joué pendant
fix ans avec tant de fuccès & de fupériorité
les rôles les plus forts & les plus intéref-
Hv
178
MERCURE
·
fans de ce Théâtre ; mais nous ne pouvons
pas diffimuler que dans la partie du chant
elle a paru au deffous de ce qu'on avoit
droit d'efpérer , foit que la musique de ce
nouveau rôle ne foit pas analogue au genre
de fa voix & à fa manière de chanter , foit
que fon organe, fatigué par un travail forcé
& continu , ait perdu de fa flexibilité , on
a trouvé qu'elle ne mettoit pas dans fon
chant , fur tout dans les beaux Cantabiles
du fecond Acte , la grâce , la rondeur & la
douce molleffe qu'exige ce caractère de mufique.
Le Public , aufli ingrat pour elle que
Renaud l'a été pour Armide , oubliant tout
ce qu'il lui a dû de plaifir pendant plufieurs
années , tout celui qu'il devra aux Actrices à
qui elle a fervi de modèle , l'a reçue avec
une froideur bien févère.Elle a quitté le rôle
d'Armide après la troisième repréſentation.
Mlle Saint- Huberti , dont le zèle eſt infatigable
, l'a pris à la quatrième ; elle a été accueillie
avec des applaudiffemens univerfels
& répétés. Elle a joué en effet ce rôle avec
plus d'abandon , & en a chanté les airs avec
plus d'adreife , d'agrément & de fenfibilité.
Nous ne doutons pas que dans les repréfentations
fuivantes elle ne le rende avec plus
de perfection encore , & qu'elle ne mérite
tous les applaudiffemens dont on l'a comblée
à celle- ci.
Le fieur Legros n'a pas eu , dans le rôle de
Renaud , le fuccès qu'il devoit fe promettre ,
il l'a quitté après la quatrième repréfentaDE
FRANCE. 179
tion, & il fera remplacé par le fieur Lainez.
Le fieur Laïs , dans le rôle d'Hidraot , &
le fieur Chéron , dans celui d'Adrafte , ont
obtenu les applaudiffemens du Public.
Mlle Maillard a joué avec intelligence &
avec grâce le rôle d'Anthiope. Cette jeune
Actrice , qui joint à une figure agréable , à
une taille avantageufe , une voix facile , fonore
& fenfible , annonce un talent naturel
qui peut devenir précieux pour ce Théâtre
fi on s'occupe à le cultiver & à le perfectionner.
Mlle le Boeuf, fille de l'Auteur du Poëme ,
a chanté dans le dernier Divertiffement
deux airs de différent caractère , avec une
voix légère , flexible & très- exercée ; & elle
a été fort applaudie.
Nous ne pouvons que répéter ici les éloges
que nous avons déjà donnés en plufieurs
occafions à la préciſion , à l'enſemble , à la
grande intelligence que l'Orcheſtre a mis
dans fon exécution , moyen qui contribue
plus qu'on ne penfe aux fuccès & au grand
effet des Opéras. Ce tribut d'éloges pour
les Virtuofes qui compofent l'Orcheftre
& pour le Chef qui les dirige , eft une
dette que nous acquittons au nom du Public ,
qui ne peut pas leur rendre par des applaudiffemens
particuliers , comme aux Acteurs ,
la juftice que méritent leur zèle & leurs
talens.
La marche qui prépare le Divertiffement
du premier Acte , & la difpofition des qua-
Hvj
180
MERCURE
."
drilles des différens Peuples Afiatiques qu'elle
introduit fur la Scène , ont paru d'un trèsbon
effet.
Mlle Gervais exécute dans ce Divertiffement
un pas qui ajoute encore à l'idée qu'on
avoit dejà de fon talent : on ne peut pas exprimer
avec plus de légèreté & de précifion
le caractère & le rhythme de l'air qu'elle danfe.'
Mlle Guimard & le fieur Veftris danfent
au troisième Acte une entrée Pantomime ,
dont l'intention eft agréable & l'exécution
parfaite.
Mlle Peflin & le fieur Lefevre ont fait le
plus grand plaifir dans l'entrée des Pâtres ,
par la force , la vivacité & la gaîté qu'ils y
ont mis.
Mlle Dapré & le fieur Gardel terminent
ce Ballet par une chacone qu'ils ont exécutée
avec cette fupériorité de talent que l'on leur
connoît.
Cet Opéra a été mis avec affez de foin ,
quoiqu'il y ait beaucoup d'obfervations à
faire fur le coftume & fur les décorations.
On eft étonné de voir des guerriers Sarrafins
vêtus à - peu - près comme des Chevaliers
Européens & tenant confeil en plein
air , affis dans des fauteuils à bras. A la première
repréſentation Armide fe montroit au
premier Acte vêtue d'une efpèce de dalmatique
par deffus fon armure , qu'on a trouvée
de mauvais effet . A la feconde & à la
troisième repréſentation elle a été vêtue en
Guerrier armé de pied en cap , même en
DE FRANCE. 181
arrivant fur fon char. Mme Saint - Huberti
arrive au premier Acte vêtue de l'habit
de femme avec la baguette de Magicienne.
Au fecond elle prend une armure , mais,
avec une espèce de jupe qui defcend jufqu'au
deffous du genou , & qui femble caractériſer
une femme. Ce coftume eft , de
meilleur goût , mais nous femble peu d'ac
cord avec la Scène du fecond Acte , où Renaud
, à qui elle vient de fauver la vie , la
prend pour un Guerrier.
Il feroit à defirer que la décoration du
fond qui repréfente le développement du
camp des Sarrafins fût peinte avec plus de
vérité , d'accord & d'entente de la perfpective.
On trouve cre les arbres & les tentes
du dernier plan fur- tout n'ont pas les dégradations
de formes & de couleurs qu'exis
geroient les diftances & les grandeurs refpectives
des objets .
La forêt du troifième Acte , les côteaux
qui la terminent , le combat qui s'exécute
dans le fond pendant la nuit au bruit du
tonnerre & au feu des éclairs , ont paru d'un
effet très bien entendu & très- pittorefque.
On defireroit feulement que le Palais magique
qui remplace cette Scène fût plus
éclairé , le contrafte en feroit plus brillant &
plus agréable.
N. B. Il s'eft gliffé dans le dernier
Mercure , article de l'Opéra , une faute
d'impreffion qu'il importe de corriger.
Page 129 , ligne 2 , on lit : N'a pas toute la
182 MERCURE
fierté & le caractère de Renaud que les paro
les & la fituation femblent exiger , lifez :
Toute la fierté que les paroles , le caractère
de Renaud &fafituation femblent exiger.
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Mardi 11 de ce mois , on a repréfenté
, pour la première fois , Corali &
Blandford,Comédie en deux Actes & en vers.
Blandford , en partant pour un voyage
de long cours , a laiffé entre les mains de
fon ami Nelſon , une jeune Indienne nommée
Corali , qu'il s'eft propofé d'époufer à
fon retour. Pendant fon abfence , Corali a
infpiré à Nelfon une paffion auffi vive que
celle dont elle brûle pour lui. Le retour de
Blandford livre Corali , Nelfon & Lady
Albury fa foeur aux plus cruels chagrins.
Nelfon veut immoler l'amour à l'amitié.
Corali cherche à quitter un pays où l'on
n'eft pas libre de fuivre l'impulfion des fentimens
honnêtes que la Nature inſpire ; elle
fuit fans faire part à perfonne de fon projet.
Blandford la rencontre & la ramène. Un
mot de Nelfon ouvre les yeux de fon ami.
D'abord en proie à toutes les fureurs de
l'amour , Blandford accufe Nelſon de perfidie
& d'ingratitude : enfuite il cherche à
dompter fa paffion par le fecours de la raifon
& de l'amitié. Certain d'ailleurs que
Corali aime Nelfon , il renonce à fes defDE
FRANCE. 183
feins ; & malgré la réfignation de Corali
qui confent à l'époufer , malgré la réfiftance
de Nelfon qui veut à fon tour immoler
fa tendreffe , il exige des amans qu'ils
s'uniffent en fa préfence.
Nous ne donnons pas une analyſe plus
étendue de cette Comédie , parce que les
motifs fur lefquels la bafe de fon action
eft fondée , font abfolument les mêmes qui
établiffent & filent la marche d'un des
Contes Moraux de M. Marmontel , connu
fous le titre de l'Amitié à l'épreuve.
En 1771 , M. Favart fit repréſenter à la
Comédie Italienne un Drame Lyrique en
deux Actes & en vers , dont le fonds eft auffi
tiré du Conte que nous venons de citer.
Cet Ouvrage eut alors tout le fuccès qu'il
pouvoit avoir. Expliquons- nous plus clairement.
On en trouva la marche raifonnable
quoiqu'un peu lente ; on rendit juftice
au ftyle , en général élégant & facile , & la
mufique fit infiniment d'honneur à M. Grétry.
On fut gré à M. Favart d'avoir fait ufage
de plufieurs idées & de quelques fituations
du Conte, parce qu'on préfuma, à jufte titre,
qu'il étoit impoffible de les altérer fans
nuire à la vérité des caractères , & fans ôter
à l'intrigue donnée par M. Marmontel quelque
chofe de fa vraisemblance. Malgré tout
cela , l'Ouvrage produifit peu d'effet , & ne
devoit pas en produire davantage . Il eſt
des fujets que toutes les reffources de l'efprit
ne peuvent rendre propres à être portés
134 MERCURE
fur la Scène , & celui - ci eft du nombre. Que
l'on jette un coup - d'oeil fur le Conte de M.
Marmontel ; on verra que Nelſon eft celui
des deux amis dont il met le coeur à l'épreuve
la plus rude. La marche de la Nature
& les conventions de l'Art le vouloient
ainfi . Pour le prouver nous allons comparer
la pofition & le caractère des deux amis.
Blandford eft un bon & franc Marin , ami
plein de chaleur , amoureux il eft vrai ; mais
entraîné par fon état loin de l'objet qu'il
aime , il eft forcé , par la nature de ce même
état , à des diftractions continuelles dont le
genre peut & doit même atténuer une par
tie de cette fenfibilité profonde , de ces impreffions
délicates qui allument , échauffent
& nourriffent la pallion de l'amour. Nellon
admis au rang des Magiftrats , fage , éloquent
, doux & fenfible , obligé par les fonctions
de fon miniftère, à étudier le coeur humain
, fes pallions , fes replis , fes foibleſſes ,
& à s'attendrir fouvent fur les vices ou les
imperfections de notre malheureufe humanité.
Il eft certain qu'il eft chargé du dépôt d'un
ami ; mais dans ce dépôt, il voit tous les jours
l'objet le plus aimable , le plus naïf, le plus
tendre , le plus fait pour être adoré. D'abord
c'eft pour répondre aux voeux de fon ami qu'il
donne des foins , qu'il veille à l'éducation
de Corali . Bientôt il fent qu'il l'aime ; mais
il s'abule & croit que c'eft Blandford qu'il
aime en elle. Enfin , le moment fatal arrive ,
le voile fe déchire , Nelfon lit dans fon
DE FRANCE.
186
coeur ; il fent qu'il eft coupable, avant d'avoir
penfé qu'il pouvoit le devenir : de là le remords
, les déchiremens de l'âme , les combats
& les facrifices. Voilà de quelle ma
nière M. Marmontel a établi le caractère
des deux amis, & cette manière eft auffi bien
vûe qu'elle eft parfaitement exécutée. Mais
tous ces moyens , qui font très- bien placés
dans un Conte , parce que l'intrigue de cette
efpèce d'Ouvrage n'eft pas néceffairement ref
ferrée dans des bornes étroites , ne fauroient
l'être que très difficilement dans une Comé
die. Jamais dans la règle des vingt - quatre
heures on ne pourra développer avec quelque
apparence de vérité tous les mouvemens d'un
coeur tel que celui de Nelfon . En mettre
une partie en récit , c'eft en éteindre l'effet ,
c'eft ôter à l'épreuve imaginée par l'Auteur
du Conte tout l'intérêt qu'elle peut avoir,
Chez M. Marmontel le dénouement devient
naturel par l'oppofition des caractères , & lé
Lecteur voit avec fatisfaction un ami généreux
facrifier fon amour à l'amitié. La raifon
eft fatisfaite , parce que la paffion de Nelſon
eft plus profonde , plus attachante , plus infurmontable
que celle de Blandford : en un
mot , l'Art & la vérité y font toujours d'ac
cord.
Il s'en faut bien que nous ayons les mêmes
éloges à donner à l'Auteur de Corali & Blandford.
En cherchant à produire de l'effet , il a
manqué à la vraisemblance. Chez lui les
deux amis brûlent d'une égale paffion. C'eſt
186 MERCURE
la flamme du plus ardent amour qui dévore
le coeur du Marin. Le facrifice en eft plus
généreux , nous dira- t- on ; à la bonne heure :
mais quelle générofité inconcevable que
celle d'un ami qui n'a pas beſoin de plus de
deux heures de combat , pour immoler la
tendreffe la plus vive & la plus paffionnée !
S'il y a de la vérité dans un tel facrifice ,
il faut renoncer à toutes les notions qu'on a
cru acquérir jufqu'ici des effets , des mouve →
mens & de la force de l'amour. Ce moyen
eft encore fufceptible de reproches , en ce
qu'il donne aux Perfonnages de Nelfon &
de Blandford une phyfionomie à peu- près
femblable , défaut effentiel au Théâtre , où
les oppofitions font aufli néceffaires que
dans l'Art de la Peinture. Quant à la marche
de la Pièce , elle eft monotone & trifte.
Depuis l'expofition jufqu'à l'arrivée de Bland→
ford , les Perfonnages font toujours dans la
même attitude, & l'action n'a pas fait un
pas. Tous ces défauts annoncent l'Effai d'un
jeune homme qui n'eft pas encore familier
avec les effets de la Scène : ils ne peuvent néan
moins faire préfumer rien qui foit défavora→
ble pour fon talent s'il veut mettre à profit
fes erreurs avant de reparoître dans la car
rière Dramatique. L'Ouvrage eft affez géné
ralement bien écrit ; le ftyle en eft ferme ,
noble , fleuri , quelquefois antithétique &
trop chargé d'ornemens poétiques. Il y a
loin des conventions du ftyle tragique à celles
du ftyle comique. Ne confondons jamais les
DE FRANCE. 187
genres ; c'eft outrager à-la- fois le goût & la
raifon .
Cette Comédie , ou , pour mieux dire ,
ce Drame a été très tragiquement repréſenté
par tous les Acteurs , ce qui a fingulièrement
ajouté à la pompe du ftyle & à l'exagération
de quelques idées . Nous devons néanmoins
des éloges à M. Granger ; ce que cet Acteur a
développé de fenfibilité , de talent & d'adreſſe
dans le moment où Blandford , en immolant
fon amour pour Corali, femble craindre de
l'aimer encore, lui a mérité tous les fuffrages.
VARIÉTÉ S.
AVIS fur la troisième Livraison de l'Encyclopédie
, & la Soufcription de cet Ouvrage
auprix de 751 liv.
1
LA Soufcription de cet ouvrage , au prix de 75 i !.
fera rigoureufement fermée au 30 Avril prochain
ainfi que nous en avons pris l'engagement par le Prof
pectus; paffé ce terme, chaqueVoluine de difcours fera
du prix de douze livres au lieu de onze livres , &
chaque Volume de Planches trente livres au lieu de
vingt- quatre livres pour les Perfonnes qui n'auront
pas foufcrit.
La troifième Livraiſon de l'Encyclopédie fera en
vente Lundi 7 Avril. Cette troifième Livraiſon eft
compofée du Tome premier des Planches ; du
Tome premier du Commerce , & du Tome premier,
feconde Partie des Arts & Métiers méchaniques .
Nous espérons que ce premier Volume de Planches
fera favorablement accueilli de nos Souſcrip
188 MERCURE
teurs. Il renferme plus de trois cent Planches anciennes
de l'Édition in-folio , réduites . On a confervé
toutes les Vignettes qui repréfentent les Atteliers
des Arts & Métiers ; elles font au nombre de
plus de huit cent. Ce premier Volume en contient
plus de quatre- vingt dix . Toutes ces Planches , fans
exception , font deflinées , réduites avec foin , exactitude
, & gravées à neuf fous la direction de M.
Benard, connu par fon zèle & ſon intelligence dans
ce genre de Gravure. Chaque cuivre contient en´
général deux anciennes Planches in-folio. Les cinq
cuivres de la Forge des Ancres en contient treize ; les
vingt-un cuivres de la Charpenterie foixante- dix ,
& c. & c. Ces trois cent Planches in - 4. , que nos
Soufcripteurs ne paient que vingt - quatre livres ,
ont coûté aux Soufcripteurs de l'in -folio près de
quatre vingt livres .
Le Prix de cette Livraiſon eft de quarante- deux
livres broché , & de quarante livres dix fols en
feuilles.
Savoir , le Tome premier du Commerce ,
imprimé chez M. Delaguette ,
Tame premiet , feconde Parties
Arts Mécaniques , broché , imprimé
chez M. Didot jeune,
Tome premier des Planches ,
Brochure de ce Volume ,
broché ,
II liv. 10 f
· 24
10 f.
42 liv. Nous ne faifons payer la brochure du Volume de
Planches que dix fols , quoiqu'elle nous coûte réellement
vingt fols ; mais nous avons cru que nos
Soufcripteurs nous fauroient gré de ce facrifice
étant eux -mêmes obligés à quelques dépenses de plus
de brochure , par la néceffité où nous fommes de
paroître par Volumes & demi -Volumes .
>
Sans cet arrangement , nous ne pourrions faire
DE FRANCE. 189
fuivre les Livraiſons avec régularité & célérité. Ces
Volumes font fi chargés de matières , qu'il faut fix
& huit mois pour les imprimer. Nos Soulcripteurs
doivent confidérer que l'on travaille dans un grand
nombre d'imprimeries à- la- fois , & qu'on mène de
front vingt Ouvrages différens ; enfin , avec cette
facilité , nous fommes sûrs , avant un an , de publier
an moins un demi-Volume de prefque toutes les
Parties ; & fans elle nous ne pourrions pas donner
des .Volumes entiers de ces mêmes Parties avant plus
de deux ans. Cette publication par demi - Volume hâte
les jouiffances du Public , foutient l'entrepriſe , anime
courage des Auteurs , & nous mettra à portée de
finir certainement ce grand Ouvrage en moins de
cinq ans.
le
Cette troifième Livraiſon ne devroit être com
pofée que d'un Volume de Difcours & d'un de Planches
; mais la feconde Livraiſon n'ayant été que d'un
Volume & demi , nous avons joint à celle-ci le demi-
Volume qui auroit dû en faire partie.
Cette Encyclopédie , en ne la fuppofant que de 53
Vol., contiendra près du double de Difcours de la
première Édition in -folio ; & cependant elle ne coûte
pas moitié de cette Édition.
P. S. Autres Parties actuellement fous preffe. La
Botanique , chez M. Gueffier ; l'Hiftoire , chez
M. Ballard ; l'Art Militaire , chez MM. Simon &
Nyon ; les Beaux -Arts , chez M. Prault ; les- Finances
, chez M. Valade. On mettra ſous preffe au mois
d'Avril , la Chimie , la Marine & les Mathématiques.
Il paroîtra cette année deux autres Volumes de
Planches , dont l'un en Juillet prochain.
*
190 MERCURE
•
ANNONCES ET NOTICES.
HISTOIRE de l'Eglife Gallicane , dédiée à
Noffeigneurs du Clergé , par le Père Jacques Longueval
, de la Compagnie de Jéfus , in - 12 , dix -huit
Volumes , contenant les dix - huit Volumes in-4° . de
l'Édition de Paris
Les trois premiers Volumes paroiffent actuellement,
& fe délivrent à Paris , chez Baſtien , Libraire
, rue du Petit Lion , Fauxbourg S. Germain.
En les recevant on paiera 9 livres ; en retirant les
Tomes IV , V & VI on donnera 6 liv . 12 f. , & ainfi de
trois en trois Vol. , excepté pour les Tomes XVI , XVII
& XVIII , pour lesquels on ne paiera que 4 livres
4 fols. Cet Ouvrage doit être entièrement fini cette
année. Les Tomes IV , V & VI font imprimés , &
ferent inceffamment délivrés .
N. B. Tous les Volumes font brochés & étiquetés
La feconde Livraiſon de l'Atlas nouveau , dédié à
M. le Comte de Vergennes , retardée long- temps par
la maladie d'un Artifte , & depuis par les apparences
de la Paix , paroît en ce moment , & contient quatorze
Cartes au lieu de douze.
L'Auteur a eu foin de diftinguer par les couleurs
des enluminures les différentes poffeffions européennes
dans les Antilles . Le bleu indique les Ifles
Françoifes ; le rouge les Ifles Angloifes ; le jaune les
Efpagnoles ; l'oranger les Hollandoifes ; le violet
les Danoiſes . La Carte de la prefqu'Ile de l'Inde
en-deçà du Gange depuis Chandernagor , & qui
DE FRANCE. 197
doit faire partie de la troifième Livraiſon , fera
délivrée fous peu aux Soufcripteurs qui feront empreffés
de fe la procurer. On foufcrira jufqu'à la
quatrième Livraiſon , à Paris , chez l'Auteur , M.
Mentelle , Hiftoriographe de Mgr. le Comte d'Artois
, hôtel de Mayence , près le Notaire , rue de
Seine , Fauxbourg S. Germain.
MANUEL d'Épietète en Grec , avec une Trai
duction Françoife , précédée d'un Difcours contre la
Morale de Zénon & contre le Suicide ; par M.
Lefebvre de Villebrune . A Paris , de l'Imprimerie
de Ph. D. Pierres , Imprimeur ordinaire du Roi , rue
S. Jacques , & fe trouve chez Lamy , Libraire , quai
des Auguftins.
Il a paru deux Éditions d'Épictère en Grec qui ont
été accueillies comme elles devoient l'être , & l'on a
rendu juftice au favant Éditeur M. Lefebvre de
Villebrune . En voici une troisième , avec la traduction
à côté , qui n'aura pas moins de fuccès , puif
qu'elle eft utile à un plus grand nombre de Lecteurs.
L'exécution typographique mérite des éloges. Prix ,
en papier ordinaire , 2 livres 8 fols ; en papier d'Annonay
, 4 livres. On en a tiré quelques Exemplaires
fur vélin d'Italie .
t
LETTRES contenant le Journal d'un Voyagefait
à Rome en 1773 , 2 Vol . in- 12 . Prix , 4 liv . brochés ,
sliv, reliés. A Genève , & fe trouve à Paris , rue &
hôtel Serpente.
Cet Ouvrage nous a paru intéreffant. Nous en
rendrons . compte auffitôt que l'abondance des ma
tières nous le permettra .
JOURNAL de Clavecin , par les meilleurs Maîtres,
192 MERCURE
avec accompagnement de Violon ad libitum ;
n°. 2. Ce Cahier contient un Air d'Atys arrangé
par M. Edelmann , un Andanté de M. Cambini
arrangé par M. Hubsh , un Air de chaffe d'Amadis
arrangé par M. J. Ph . Meyer , un Rondo par
M. le Baron de Rumling , un Air des Ballets de
Perfée arrangé par M. Hoppé , & un Air des Ballets
d'Éle &re arrangé par l'Auteur . Prix , 2 livres 8 föls.
A Paris , chez Leduc , rue Traverfière-Saint- Honoré
, au Magafin de Mufique , où l'on s'abonne
en tout temps moyennant 15 livres pour Paris & la
Province , port franc. On trouvera à la même
adreffe la première année. Prix , 15 liv . port franc.
Faute à corriger dans le Mercure précédent .
Page 140, article Délaffement de l'Homme fenfible
, après la fomme de 18 livres , ajoutez , &
21 liv. pour la Province.
Voyez, pour les Annonces des Livres , de la
Mufique & des Eftampes , le Journal de la Librai
rie fur la Couverture.
TABLE.
145 La Matinée du Comédien de
VERS àMde Cléry
Charade , Enigme ' હું Logo- Perfepolis,
gryphe , 146 Les Numéros
165
171
Le Coran , traduit de l'Arabe , Acad. Royale de Mufiq. 177
J
Euvres complettes de
chier ,
148 Comédie Italienne , 182
Flé- Avis fur l'Encyclopédie , 187
155 Annonces & Notices , 190
APPROBATION.
AI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 8 Mars. Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion. A Paris ,
le 7 Mars 1783. GUIDI.
Jer . 135 .
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 29 MARS 1783 .
PIÈCES
FUGITIVES.
EN VERS ET EN PROSE,
IMITATION DE CLAUDIEN ,
Poëme contre RUFIN.
dans fon
Surs , vil ambitieux , la fureur qui t'égare ;
Dépouille , fi tu peux , tous les pays divers ;
Ote à Créfus fon fceptre , à Cyrus fa tiare ;
Dans tes poffeffions enferme l'Univers ;
Rien ne t'enrichira : ton coeur infatiable
Ayant tout englouti , fera plus affamé ;
De defirs renaiffans fans ceffe confumé ,
Rien n'en pourra remplir le gouffre épouvantable
Qui defire , a déjà trouvé la pauvreté.
Heureux Fabricius ! la médiocrité
Filoit , doroit tes jours au fein de l'innocence ;
Limité dans tes biens , dans tes voeux limité ,
Tu puifois en ton coeur la folide opulence .
Nº. 13 , 29 Mars 1783 .
I
194
MERCURE
Il a fai l'âge heureux où d'illuftres Guerriers ,
Aux pieds de Jupiter , dépofant ces lauriers ,
Dont les moiffons courboient leurs têtes glorieules ,
Retournoient habiter de ruftiques foyers ;
Le chaume alors cachoit des âmes généreuses.
Ce fut la pauvreté qui forma les Héros.
Ton fafte te Bétrit , ma pauvreté m'honore ;
Dans mon réduit champêtre habite le repos ;
Sous tes lambris dorés la crainte te dévore.
Que Tyr far tes habits étalant fes couleurs ,
Prête à ta vanité fa brillante impofture ;
L'art menteur eft pour toi : pour moi j'ai la nature ;
C'est pour moi que fa main a coloré ces fleurs ,
Qu'elle rend à ces bois leur verte chevelure ,
Qu'elle émaille ces bords baignés d'une onde pure....
Ta table eft d'alimens ſurchargée à grands frais ,
Pour aiguiſer ton goût qu'émouffe l'abondance ;
Une faim falutaire affaiſonne les inets
Que la frugalité vient m'offrir fans apprêts ,
Et je brave l'orgueil de ta riche indigence.
( Par M. Gautier, )
LETTRE écrite à M, Garat , par un Officier
récemment arrivé d'Amérique,
MONSIEUR ,
ACCOUTUME , pendant une longue, abſence ,
' avoir d'autre connoiffance, des nouvelles produce
tions de notre Littérature , que celles que je puifois
HATA
P
DE FRANCE.
195
nom .
dans les Ouvrages périodiques dont je pouvois me
procurer la lecture , j'ai toujours été avide du Journal
auquel vous travaillez , & fur- tour de ces articles
intéreffans , où l'on reconnoîtroit aisément votre
cachet quand vous n'y mettriez pas votre
Celui que vous venez d'inférer dans le Mercure du
premier Mars avoit encore un autre droit à mon
attention . Il traite un fujet qui m'intéreſſe perfonnellement
par le long féjour que j'ai fait en Amérique,
& par les fentimens qui m'attachent à une Nation
beaucoup plus célèbre en Europe qu'elle n'y
eft encore connue & appréciée. Cette célébrité feuie
exige qu'on l'étudie avec application , & qu'on en
Farle avec circonſpection ; mais les liens folides &
durables qui nous uniffent avec elle en font un
devoir plus cher & plus facré. Les Militaires, tant de
terre que
de mer ont été affez heureux pour détruire
en Amérique cette opinion de notre légèreté
rationale , qui peut-être fubfifte encore en Europe ;
nos fcrivains feroient- ils plus indifciplinables que
ros Guerriers ? Le premier Ouvrage françois eu
l'on traite des moeurs , des loix , du climat , de l'agriculture
, des productions de l'Amérique , &c &c.
a été écrit par un homme qui n'entendoit pas la langue
du pays , qui n'y a paffé que quatre mois , & qui
ne s'eft jamais arrêté huit jours dans une Ville. Je
ne prétends ni juger ni examiner l'Ouvrage de M.
Abbé Robin , que je ne connois encore que par
votre Extrait. On dit qu'il eft écrit agréablement ;
c'eſt un mérite , s'il eft exa& ; c'est un inconvénient
s'il ne l'eft pas. Mais dans tous les cas il eft du
devoir d'un homme plus inftruit de relever les erreurs
qui peuvent s'y trouver. Je ne parlerai que de
celles dont l'analyse que vous en avez faite m'a
donné connoiffance ; & comme je n'ai pas le loifir
de me livrer à la difcuffion , je vous demanderai la
liberté de n'y oppofer que des affertions contraires,
I ij
196 MERCURE
•
bien sûr de n'être démenti par aucun de ceux qui
connoiffent l'Amérique , & j'oſe même dire de ceux
qui , en liſant cette Lettre , pourront en reconnoître
l'Auteur.
1 ° . M. l'Abbé Robin dit qu'à Boſton toutes les
maifons font de bois , & d'une conftruction fi légère
qu'on peut les changer de place , & c.
Il s'en faut de beaucoup que toutes les maiſons
foient bâties de bois ; on en voit un très - grand
nombre de briques , très-belles & très - bien ornées ,
tant en dehors qu'en dedans. Il eft vrai qu'on
transporte quelquefois des maifons de bois d'un endroit
dans un autre , mais ce font de petites habitations
de Cultivateurs ; & la facilité qu'on trouve à
les mouvoir vient de la manière de les conftruire .
Ces maisons baſe un ayant communément pour
quarré formé par quatre folives , qui eft lui - même
foutenu aux quatre angles par des piliers de pierre
ou de brique , hauts de deux ou trois pieds , lorfque
l'édifice et achevé , on en affure la folidité en formant
un grand focle de pierre ou de brique qui
remplit tout l'intervalle entre le plancher & le niveau
du terrein , La maifon , lorfqu'elle n'eft pas
grande , peut donc être enlevée de deffus ce focle
pour être tranfportée ailleurs.
, pour
à
Vous voyez , Monfieur , que s'il fuffit de cet
ufage , qui n'eft établir même commun pas
un rapport entre les Américains & les Scythes , les
premiers pourront un jour , en voyant nos parcs
moutons & nos cabanes de Bergers , affurer que les
François font un peuple nomade . Permettez-moi de
vous dire que les moeurs de Boſton ne rappellent pas
l'antique & auftère fimplicité des premiers âges , mais
qu'elles offrent le réfultat des principaux avantages
de la Société, dirigés & modérés par la raifon , qui
peut
feule les rendre chers & durables.
2º . M. l'Abbé Robin s'eft manifeftement trompé
DE FRANCE. 197
fur la population , tant de Bofton que de Philadel
phie. Il donne vingt mille habitans à cette dernière
Ville & trente mille à la première. C'eft tout le
contraire . On en compte à- peu- près trente - cinq
mille à Philadelphie , & feulement vingt mille à
Boſton.
3º. S'il eft vrai , comme dit le même Auteur , que
les Américains font grands hofpitaliers , il n'eft pas
vrai qu'ils n'aient qu'un lit chez eux , & que l'épouse
chafte &fans remords le partage avec fon hôte. On
peut affurer au contraire qu'on ne trouve pas de
propriétaire un peu aifé ( & il n'y en a guères d'autres
en Amérique ) qui n'ait au moins une trèsbonne
chambre & un bon lit à donner ; c'eft ce
qu'on appelle a Spare room , a spare bed. Peut-être
que fi l'on voyageoit au-delà des montagnes , dans
des pays qui commencent à peine à le peupler,
le principe d'hofpitalité , fi facré par tout , engageroit
le Colon qui n'auroit qu'un lit pour lui & pour
fa femme à le partager avec fon hôte , c'eſt- à- dire ,
qu'en étendroit des lits de plumes fur le plancher , &
que tout le monde dormiroir enfemble ; mais c'eft
ce qui arriveroit en France comme ailleurs , fi l'on
s'égaroit dans les montagnes des Cévennes ou du
Gévaudan. Peut- être M. l'Abbé R. a- t-il été induit
en erreur par un ancien ufage du pays dont il aura
entendu parler confufément ; c'étoit autrefois , &
l'on affure même que c'eft encore la coutume dans
quelques pays de la nouvelle Angleterre , de faire
boundler les Voyageurs lorfqu'on les recevoit chez
foi. Ce genre de politeffe pourra paroître bizarre en
Europe. Il confifte à propofer à fon hôte de partager
le lit d'une des filles de la maiſon ; mais on ob
fervera que ni l'un ni l'autre ne doivent fe déshabiller
complettement , & que cette familiarité ne
peut avoir lieu qu'entre deux perfonnes libres . La
pureté des moeurs , la proximité du père & de la
I jij
198...
MERCURE
mère , qui ne font ordinairement féparés que par
ane mince cloifon ; enfin , le peu d'obstacle qu'on
trouve au mariage , qui eft le but &-le remède de
tous les defirs , ont jufqu'ici pofé des limites à cette
liberté , dont il eft fans exemple qu'il ait réfulté
quelque inconvénient.
4°. M. l'Abbé R. affure qu'en Amérique les
femmes à vingt ans n'ont déjà plus la fraîcheur de
la jeuneffe , & qu'à trente-fix ou quarante elles font
déjà ridées & décrépites. Pour cette fois on ne l'ac
cufera pas d'avoir jugé en jeune homme , & l'on ne
peut attribuer cette affertion fingulière qu'à la fainteté
de fon état, qui ne lui a pas permis de fixer les
yeux fur les Américaines. Avec un examen plus !
mondain , mais plus réfléchi , il n'auroit pas confondu
la fleur de l'adolefcence , qu'on peut perdre à
vingt ans , avec la fraîcheur de la jeunetle , qu'on
conferve jufqu'à trente , & la beauté des formes qui
dure encore plus long-temps. S'il exifte quelques
différences fur cet article entre l'Europe & certains
pays de l'Amérique , on peut affurer qu'elles font
légères & dûes en grande partie à l'extrême fécondité
des femmes , ou à la négligence de cette utile
coquetterie qu'on doit regarder comme la furveillante
de la Nature. Ceux qui ont vû Mine T.... à
Boſton , Mme Ch... à Newport , Mefdames M ....
P ... & A.... à Philadelphie , & Mme B.... à Rich
mont , rendront témoignage qu'entre l'âge de trente
à quarante ans les Américaines font bien loin de
reffembler au portrait que M. l'Abbé R. s'eſt donné
la peine d'en faire . La dernière que je viens de citer ,
a- quarante trois ans ; elle a été mère de dix enfans
dont fept font vivans , & elle a conſervé une figure
auffi fraîche & auffi agréable qu'aucune Européenne
du même âge. Il ne faut- pas
moins que
motif qui m'anime pour m'engager à rappeler ici.
ane aventure tragique dont j'ai prefque été le
1-
le.
DE FRAN- C E. 199
témoin. M. de V ** . , Officier diftingué , s'eft tué
de défeſpoir après avoir inutilement demandé la
main d'une veuve Américaine. Ici l'honneur des
deux Nations follicite également mon témoignage ,
car l'Américaine avoit plus de trente ans , & l'Amant
malheureux étoit François.
". Quant à l'article de la longévité , il mériteroit
une difcuffion plus férieufe . Je crois qu'elle eft plus
rare en Amérique qu'en Europe , fans croire que la
vie moyenne y foit plus courte en effet , ces deux
objets n'ont pas entre-eux une liaiſon néceſſaire. A
Paris, où la longévité eſt très - commune , la vie,
moyenne de 1 homme n'eft que de trente-deux ans ;
dans les Provinces elle n'eft que de vingt - fix à
vingt-fept ans , c'est- à - dire , que pour connoître le
nombre des habitans, il faut multiplier les naiffances,
dans les campagnes par vingt- fix où vingt ſept , dans
les Villes par trente ou trente-deux , différence qui
pourroit paroître étonnante , fi on ne faifoit pas atten
tion qu'il existe une émigration perpétuelle des
campagnes vers les Villes. Or il paroît que la longé
vité tient particulièrement à la falubrité du climat
& au régime , ce qui renferme les alimens ,
boiffon , & en général la manière de vivre phyfique
& morale ; tandis que la vie moyenne dépend plus
particulièrement de l'aifance , & du plus ou moins
de facilité qu'on trouve à fubniter. Dans un pays
où les mères allaitent leurs enfans & ne manquent
d'aucun des moyens de les nourrir & de les élever
ceux qui font nés d'une conftitution foible écharpent
plus aifément aux dangers de la première enfance ,
fans être pour cela en état de fournir une longue
carrière. Il doit donc en réſulter moins d'enterre →
mens depuis la naillance jufqu'à l'âge de fept ans ,
& plus depuis l'âge de fept aus jufqu'à celui de
quarante. Ajoutez , Monfieur , à ces réflexions qu'en
Amérique chaque famille a pour l'ordinaire fon
T
la
>
1v
200 MERCURE
propre cimetière ; que c'eft un ufage auffi général
que refpectable de placer fur chaque foffe une pierre
qui rappelle le fouvenir du parent qu'on a perdu , &
que cet honneur eft prodigué aux enfans , même à
ceux qui font morts dans le plus bas âge . Or , confultez
les tables de mortalité dans les Ouvrages de
M. de Parcieux & de M. de Buffon ; lifez ce qu'ont
écrit fur cet objet MM. Dupré de Saint - Maur
Moheau , de Meffence , Corbin Morris , &c. &
vous jugerez aifément qu'un homme qui fe promène
dans un cimetière d'Amérique , doit lire trente
épitaphes de jeunes perſonnes avant de trouver celle
d'un vieillard. Prefque tous les Mufæum d'Italie , &
particulièrement celui du Capitole , contiennent
beaucoup d'épitaphes anciennes ; je vous affure
qu'on en trouve à peine deux ou trois qui retracent
une longue vie. Il faute encore aux yeux que dans
un pays où le nombre des habitans double tous les
vingt ans, on doit voir moins de vieillards en proportion
de la population actuelle, puifque la population,
il y a quatre- vingt ans ,, étoit quatre fois moindre
qu'à préfent.
Je doute , Monfieur , que M. l'Abbé R. ait fait
toutes ces réflexions. Quant à moi , j'avoue que les
miennes ne m'ont encore infpiré que des doutes &
le defir de faire des recherches ultérieures. En arendant
, j'obferverai , 1 ° . que c'eft une chofe abfurde
de parler de l'Amérique Septentrionale comme
d'une fimple Province de la France , puifque les
Treize États- Unis s'érendent depuis le trente- deuxième
jufqu'au quarante- cinquième degré de latitude , &
qu'il s'en faut de beaucoup que la nature du fol y
foit uniforme. 2 ° . Que fi dans les contrées de l'Amérique
, où la température eft douce , la force de
l'homme & la durée de fa vie font un peu moindres
que dans les climats correfpondans en Europe ,
on n'en doit affigner d'autre cauſe que la récence des
DE FRANCE. 201
›
établiſſemens . Tout pays nouvellement cultivé , tout
pays dont la plus grande partie eft encore inculte
fera moins fain que celui où la population & l'agriculture
font dans une jufte proportion . Ce défavantage
, s'il exifte maintenant pour les Américains ,
doit donc toujours aller en décroiffant ; car leurs
progrès font à la fois très - rapides & très- éloignés
de leur terme ; & en vérité , Monfieur , on ne conçoit
pas ce qui a pu induire le Philofophe refpectable .
que vous citez à avancer que les États - Unis de
l'Amérique n'auroient jamais plus de douze millions
d'habitans. Tout ce qu'on peut dire , c'eft qu'un
Voyage en Amérique pourroit épargner bien de
l'efprit aux Européens , lorfqu'ils font de ce nouveau
Monde l'objet de leurs recherches . 3 ° . Je doute que
la prévoyance qui fait craindre à M. l'Abbé R. de
voirun jour nos Alliés en proie aux guerres de Religion
ait eu véritablement l'Amérique pour objet ;
votre fagacité , Monfieur , vous a fait oppofer d'excellens
raiſonnemens à ces étranges conjectures . Pour
moi je me contenterai d'affurer qu'elles n'ont aucun
fondement. Je dirai même que les Américains font
fi tolérans , que fi M. l'Abbé R. avoit dit chez eux
ce qu'il écrit ici , ils n'auroient fait qu'en rire. Fe le
prie de confidérer fur la carte les limites de leur empire
, les fleuves , les ports dont ces vaftes contrées
abondent , & de me dire enfuite à quelle époque ils
feront défoeuvrés & fophiftiquans . Croyez - moi
Monfieur , ils continueront long - temps à trouver
Dieu & le monde bien grands , & l'efprit humain
bien petit , fur tout lorsqu'il devient ſectaire & contentieux.
J'ai l'honneur d'être , & c.
J'apprends dans l'inftant que M. l'Abbé R. eft
tombe dans une erreur beaucoup plus grave , puifqu'elle
peut compromettre un ancien & excellent
I v
19 ་་
202 MERCURE
Militaire , à l'article du fiège d'Yorck . Il parle Fune
fortie que les ennemis firent dans la nuit du 15 au
16. Voici le paffage tel qu'on me l'a rapporté.
35'
"95"
›
« La nuit fuivante , 400 alliégés fe difant Améericains
, furprirent une batterie , enclouèrent fept
pièces de canon tuèrent & firent prifonniers
quelques hommes , & en tuèrent une trentaine.
Le Régiment de Soiffonnois , pofté tout près , ne
fut inftruit de l'action que fur la fin , parce que
le Capitaine commandant la redoute avoit fait
défente de tirer à l'approche de ces prétendus
Américains. Ce Régiment y accourut aufli - tôt ;
» & fi le Lieutenant - Colonel de Saintonge n'eût fait
fonner la charge , les Anglois auroient été enveloppés.
55
ןכ
1. Le Régiment de Soiffonnois , dont le premier
Bataillon étoit placé à la gauche de la feconde
parallèle , & l'autre en réfervé dans la première ,
marcha au bruit des premiers coups de fufils , fans
avoir befoin d'être averti , & les ennemis avoient à
peine mis le pied dans la tranchée , que la réferve y
étoit arrivée & les en avoit chaffés.
2 °. Le Capitaine qui commandoit dans la redoute
ne défendit pas de tirer ; mais l'extrême obfcurité de
la nuit permit aux ennemis d'arriver juſqu'à la redoute
fans être découverts .
3 °. On ne fit fonner ni battre la charge.
4. Le Lieutenant - Colonel du Régiment de
Saintonge , que M.l'Abbé R. dit en avoit donné
l'ordre , n'étoit pas de tranchée , & il n'y avoit pass
ce jour- là un feul Soldat du Régiment de Saintonge
qui fût de fervice.
DE FRANCE.
203
LA RÉPARATION , Conte.
DORMENON reçut un jour de fon frère la
23
"
1
Lettre fuivante : « Je vous ai demandé votre
fils ; vous me l'avez confié dès la plus
tendre enfance . Avant de le nommer mon
» héritier, j'ai voulu m'en faire un ami ; doué
» d'un coeur tout paternel , j'ai voulu me
donner ce que m'avoit refufé la Nature
un fils que je puffe aimer. J'ai defiré
» l'avoir tout jeune auprès de moi , voir fes
» organes fe développer fous mes yeux , &
» l'accoutumer , par de longs bienfaits , à
» voir en moi , non pas un oncle riche
"
"
1
mais un père tendre. Vous avez cédé à
» mes inftances ; vous vous êtes féparé de ce
» que vous aviez de plus cher au monde ; &
» mettant cent lieues entre votre fils &
» vous , vous avez cru avoir fait au moins le
bonheur d'un frère. Eh bien , mon frère ,
» mon ami , nos efpérances font trompées.
C'est un aveu que j'ai retardé plufieurs
années , parce que j'ai preffenti le chagrin.
» qu'il vous cauferoit. Mais je ne peux le
différer plus long - temps ; Merfeuil eft
indigne de vous & de moi ; & fa con-.
» duite paffée ne me laiffe plus aucun espoir
» pour l'avenir. Je ne vous parle point des
» torts de fon enfance ; les défauts , à cette
époque , font plutôt attribués à l'âge qu'au
caractère. Que dis je ? fon extrême viva
ود
93
Ivj
204
MERCURE
ور
30
"
» cité me fembloit le gage & les prémices
» de fon efprit ; je ne voyois dans fon indo-
» cilité qu'un noble orgueil : en adoptant le
» titre de père , j'en avois contracté les
» foibleffes. Et il faut l'avouer auffi , les défauts
de Merfeuil avoient un éclat fait
pour féduire. J'étois aveugle ; que ne m'eſt-
» il permis de l'être encore ! Il ne me quitte
plus fans me laiffer dans les plus vives
» alarmes. En proie à toutes les paffions de
» fon âge , il y porte une effervescence que
» la raiſon ni l'autorité ne peuvent calmer ;
enfin , il ne ſe paffe pas un feul jour qui
» ne mette en péril & fa fortune & ſa ſanté.
» Ni mes chagrins ni les fiens propres n'in- » Ni
fluent fur fa conduite ; & il eft à chaque
» inftant puni , fans être corrigé. Je fens que
» je déchire votre coeur ; mais le mien a
long - temps faigné avant que j'aie pu me
réfoudre à rompre le filence. Il me refte
» encore un espoir , c'eft vous . Écrivez - lui ;
» faites parler le coeur & l'autorité d'un
père. Si ce dernier effort ( & je le crains )
» ne nous réuffit point , je renonce à toutes
» mes espérances ; je vous rends un préfent
qui fera funefte à tous deux ; car on ne
change point de coeur en fe déplaçant ; &
» j'aurai ce malheur encore , de ne pouvoir
» me défaire d'un neveu ingrat , fans être
prefque sûr de vous charger d'un fils dé-
» naturé.
ود
"
و د
"
"
»
ور
Cette Lettre plongea Dorménon dans le
plus violent chagrin. Il poffédoit à Lyon une
DE FRANCE.
205
fortune bornée qu'il avoit mife dans le commerce
. Il n'avoit que ce fils , qu'il aimoit
tendrement ; & pour lui affurer un riche
héritage , il l'avoit envoyé à Paris auprès de
fon frère . Ce facrifice rendoit plus amer le
fentiment de les maux. Peut être même un
refte d'illufion , qui ne quitte guère un coeur
paternel , lui perfuadoit que fi fon fils étoit
demeuré fous les yeux , il eût été plus fidèle à
fon devoir. Il lui en coûtoit moins pour accufer
le fort , que pour condamner fon fils.
Cependant il avoit befoin d'un coeur
pour y épancher tant de chagrins. Il va trouver
Florimel , qui étoit moins fon affocié
que fon ami ; ils habitoient enſemble ; &
ils étoient plus unis par leurs fentimens que
par leur commerce. Après s'être affligés d'un
malheur qui leur devenoit commun par
l'amitié , Dorménon écrivit à Merfeuil. Merfeuil
reçut la Lettre , pleura peut être en la
lifant , & ne changea rien à fa conduite.
C'étoit un des agréables du jour ; il en avoit
toutes les grâces & tous les ridicules . Il fit
de groffes pertes au jeu , joua des tours fanglans
aux femmes ; fes pertes l'engarèrent
dans des actions que l'honneur condamnoit;
fes tours fanglans lui firent des affaires;
& il expofa plufieurs fois le repos de fes
parens & fa propre vie , pour des objets
qu'il méprifoit. Les prières , les menaces de
fon oncle ne portoient qu'un vain bruit à
fes oreilles ; & les Lettres de fon père ne lui
parurent bientôt plus que de ridicules dé
206 MERCURE
clamations. Eh ! comment corriger un fat ?
It fire vanité des égaremens qu'on lui reproche.
L'entrée de toutes les maifons honnêtes
lui fut fermée. Les uns étoient indignés , les
autres le plaignoient , perfonne n'ofoit le
recevoir. Enfin il alla fi loin , que l'autorité:
des loix crut devoir s'armer contre fon inconduite
; l'une de fes actions fut dénoncée ,
empoisonnée peut- être par des ennemis ; &
bientôt cet exil , dont il avoit été fi ſouvent :
menacé par fon oncle , devint fa reffource
unique & fon feul moyen d'impunité. Forcé
de s'enfuir , abandonné par fon oncle , n'o--
fant reparoître devant fon père , quel afyle:
ira t'il chercher ? Quel fecours implorera-:
t'il ? Il ne voyoit d'autre perfpective que la :
misère & l'humiliation. Ce tableau étoit .
d'autant plus effrayant pour lui , que la for-:
tune & la confidération dont fon oncle jouiffoit
, ne lui avoient laiffe connoître encore .
que l'aifance de la richelfe & les jouiffances
d'amour - propre . En raffemblant d'un coupd'oeil
fon état préſent , fa fortune paffée , &
ce qu'il devoit attendre de l'avenir , il refta
un moment comme accablé fous le poids de
fes douleurs ; mais bientôt recueillant toutes
les forces de fon âme , il conçut un projet
qui étonnera peut - être.
Quand , par les égaremens de fa jeuneſſe
l'homme a perdu fon bien être , & , ce qui
eft plus effrayant encore , l'eftime publique ,
alors le fort de fa vie entière dépend de la
première réfolution qu'il embraſſe ; & cette
DE FRANCE. 207*
première réfolution eft déterminée par fon
caractère particulier. Alors celui qui eft né
foible , même avec l'amour des chofes honnêtes
, ne trouve aucune reſſource en lui-:
même, il ne fait oppofer à fes malheurs
que des larmes & de vains regrets. Le remords
qui le pourfuit est toujours fuivi du
découragement ; il fent le repentir de fest
fautes , fans avoir la force de les réparer.
Dès qu'il s'apperçoit qu'il a perdu l'eftime
des hommes , il eft effrayé des efforts qu'il
lui faudroit faire pour la recouvrer ; & le
defefpoir d'éviter la honte fait qu'il s'y dé
voue volontairement. Celui que le ciel , au
contraire , a doué d'une âme énergique , n'a
pas plutôt vû l'abîme où fes paffions l'ont
précipité , qu'il s'indigne des obftacles qui l'y
enchaînent ; le remords ne lui apprend pas
feulement à pleurer fes fautes , il le pouffe
à les effacer ; il ne cherche point cette phi
lofophie qui fait fupporter les malheurs ,
mais le courage qui fait les vaincre. C'eſt
par- là que des hommes célèbres dans l'hiftoire
, après avoir traîné leur jeuneffe dans
le fentier même du vice , font parvenus
enfin à la gloire qui accompagne la vertu.
Cette fermeté active , qui eft prefque tou
jours couronnée par le fuccès , étoit dans
l'âme de Merfeuil. Ses yeux n'étoient plus
couverts du bandeau de l'illufion ; il vit fon
inconduite avec les yeux de la raifon & de
l'équité ; il s'avona juftement puni ; il fentit .
qu'il avoit mérité l'abandon de les parens &
+
208 MERCURE
le mépris des hommes vertueux ; mais il crut
que ne faire aucun effort pour s'y fouftraire ,,
c'étoit les mériter deux fois . Puni par les
malheur , corrigé par le repentir , il com- .
mença par vouloir recouvrer fa propre ef- :
time. Le mouvement le plus naturel , peutêtre
, à fa fituation , étoit d'aller ſe jeter aux
pieds de fon père ; mais il ne vouloit pas demander
fa grâce , il vouloit la mériter. Les
talens divers qu'on ne lui avoit procurés que
pour fon amuſement , il les fit fervir à fes
befoins. Il parcourut plufieurs villes de la
Province fous un nom étranger ; il ajoutoit
par l'étude aux connoiffances qu'il avoit
déjà ; mais il entroit fur tout dans ſes vûes
de s'inftruire dans l'art du Commerçant.
1
Déjà quelques années s'étoient écoulées
depuis qu'il avoit quitté la maifon de fon
oncle. Son père , averti de fes déportemens
& de fa fuite , avoit prefque renoncé à l'eſpérance
de le revoir ; mais il n'étoit pas encore
confolé de fa perte. Il avoit condamné
fon fils , & il le pleuroit encore. Il n'avoit
d'autre confolation que l'amitié de Florimel,
qui avoit ceffé de lui parler de fon fils , &
qui cherchoit à le lui faire oublier. Ce Florimel
étoit un bonhomme , qui avoit peu
d'efprit , mais un bon coeur. Son intelligence
fe bornoit à la feience de fon commerce
, qu'il favoit faire profpérer fans man--
quer à la probité la plus rigoureufe. Il étoit
refté veuf de bonne heure avec une fille de
ſeize ans , qui , à la franchiſe qu'elle avoit
DE FRANCE. 209
héritée de fon père , joignoit la pudeur qui
appartient à fon fexe , & la timidité qui eft
naturelle à fon âge . Aux charmes de fa figure
fe réuniffoit la grâce qui embellit la plus
jolie femme , & cette fleur d'efprit qui double
le pouvoir de la beauté. Marianne ( c'eft
ainfi qu'on l'appeloit ) partageoit fes foins
entre fon père & Dorménon qui l'aimoit
tendrement , & qui tâchoit de retrouver en
elle le fils qu'il avoit perdu .
Les chofes en étoient là , quand Merfeuil,
bien différent de ce qu'il étoit chez fon oncle
, bien appauvri , mais bien changé de
moeurs & de principes , revint dans la ville
que fon père habitoit. Il fit plus ; toujours
fidèle au voeu qu'il avoit formé , d'expier &
de réparer fon inconduite , il s'étoit promis
de pénétrer jufques dans la maifon paternelle
. Mais il ne vouloit pas s'y préfenter
comme un fils coupable , amené par le repentir.
Peut- être pouvoit - il fe flatter d'obtenir
grâce aux yeux d'un père qui n'avoit
pas été témoin de fes égaremens ; mais moins
jaloux d'être pardonné que de mériter fon
pardon , il vouloit prouver par des faits que
fon coeur étoit changé , & acquérir des droits
effectifs à la clémence paternelle.
Il ne faut pas oublier ici que Merfeuil
ayant été éloigné de fon père dès fa première
enfance , ne devoit pas en être reconnu.
Cette circonftance favorifoit fon
projet ; & il ne négligea rien pour le faire
réuffir. Je n'entrerai point dans le détail de
210 MERCURE
tous les refforts qu'il employa. Il faffita de
rappeler ici qu'il avoit férieufement travaillé
à s'inftruire de l'art du négoce ; & d'ajouter
que fous le nom qu'il avoit adopté , il s'y
étoit fait une réputation , & que , recommandé
de ville en ville , il eut le bonheur:
d'arriver jufqu'auprès de Florimel , qui avoit
alors befoin d'un Commis. Merfeuil fut.
charmé de cet heureux hafard ; mais j'ai dit
que Florimel & Dorménon vivoient enfeinble,
& ce ne fut pas fans frémir que Merfeuil
mit le pied dans leur maiſon . It
fut un peu raffuré par l'accueil qu'on lui fit.
Sa phyfionomie prévint d'abord . Il étoit naturellement
beau & bien fait ; & quoiqu'il
fût un peu changé par fes chagrins , & même
par fes plaifirs , il étoit encore affez bien
pour plaire par les feuls agrémens de fa
figure. Il ne tarda pas à faire connoître fon
intelligence ; & l'on vit bien que ſon habileté
fe trouveroit toujours au niveau des af
faires les plus délicates ; mais pour lui accorder
une entière confiance , il falloit des
titres plus effentiels ; & il ne tarda pas à less
acquérir. On mit , fans l'en avertir , fa probité
à l'épreuve ; elle n'eut pas de peine à
demeurer intacte ; fa fenfibilité ſe manifeſta
dans plufieurs occaſions ; & la délicateffe de
fes fentimens éclatoit encore plus dans fes
actions que dans fes difcours. Quant à fes
moeurs , elles ne furent pas foupçonnées un
feul moment. Ces qualités lui acquirent l'ef
time des deux pères ; & à ce fentiment ſe joi
DE FRANCE. 211
gnit bientôt l'amitié. Des coniplaifances fans
baffefle , des égards fans affectation , cette
politeffe qui eft un befoin du coeur , & non
une coquetterie de l'efprit ; tout concourut
à le faire aimer de Dorménon & de Florimel.
Il entroit toujours dans la confidence
de leurs affaires & il partageoit tous leurs
plaifirs. O comme le premier met affectueux
que lui adreffa Dorménon fans le connoître ,
toucha fon coeur. Comme il étoit confolé !
comme il fentoit fes remords s'appaifer ! il
lui fembloit au moins que chaque louange
que fon père lui donnoit , effaçoit une des
fautes de fa jeuneſſe.
r
Cependant la conduite de Merfeuil , en
obrenant l'eftime de Dorménon , renouveloit
fes chagrins paternels. Il comparoit le
jenne Sérigny ( c'eft le nom qu'avoit pris
Merfeuil ) à ce fils qu'il croyoit perdu , & il
geminion. Un jour que cette idée , trop préfente
à fon imagination , peignoit la doulcus
fur fon vifage , le fenfible Merfeuil ● fa lui ›
demander s'il avoit quelque chagrin . Qui ,
mon ami , lui répondit Dorménon , & ce
chagrin ne finira qu'avec ma vie. J'eus un
fils autrefois ; mais tous les pères ne font pas
heureux. Vous pleurez , m'avez- vous dit ,
un père tendre. O cruelle bizarrerie du fort !
il n'est plus celui qui pourroit être heureux
par le fpectacle des vertus de fon fils ; &
moi, moi , je vis encore ! A ces mots fes
larmes coulèrent fur la main de Merfeuil
qu'il avoit prife , & qu'il ferroit affectueu
212 MERCURE
fement. Merfeuil fentit alors fa poitrine fe
gonfler , & fes larmes coulèrent malgré lui .
Dorménon , charmé d'un attendriffement
dont il ne foupçonne point la caufe , l'embraffe
avet tranfport , & leurs larmes fe confondent.
On fe figure fans doute la douce
joie de Merfeuil , quand il fe fentit dans les
bras de fon père. Il eut de la peine à garder
fon fecret ; mais il craignit de perdre tout
fon mérite en fe nommant ; il ne croyoit
pas encore avoir mérité fon pardon .
Cependant les affaires des deux amis
étoient de beaucoup améliorées depuis que
Merfeuil étoit entré dans leur maifon. Ils ne
fe diffimuloient pas que c'étoit à fes foins
qu'ils en étoient redevables . Ils crurent devoir
l'en récompenfer , & ils l'intérefsèrent
dans leur commerce. Cette faveur le flatta
infiniment , non comme un moyen de fortune,
mais comme le témoignage & le garant
d'une amitié qui lui étoit chère & précieuſe.
1915
Une maladie qui furvint quelques jours après
à Dorménon , alarma la tendreffe de Mer-.
feuil , & fit connoître encore mieux fa
fenfibilité. Toutes les heures qu'il n'étoit
pas obligé de donner à fon devoir , il les
paffoit auprès du lit de fon père. Sous prétexte
qu'il favoit un peu de Médecine , il
préparoit lui même tous les remèdes qu'on
ordonnoir, & ne vouloit pas fouffrir qu'un
autre les lui préfentât . Il le foignoit le jour
le veilloit la nuit ; & fi cette maladie eût
>
DE FRANCE. 213
.
duré plus longtemps , il fût devenu malade
lui- même , & de fatigue & de chagrin.
Tout cela ne faifoit qu'augmenter de jour en
jour la tendreffe que Dorménon avoit pour
Merfeuil. Il auroit voulu ne pas le quitter
un moment ; & il fe plaifoit à lui ouvrir ſon
coeur , à lui parler de fes chagrins. Pourquoi,
lui difoit- il quelquefois en le regardant tendrement
, le ciel ne m'a t'il pas permis d'être
votre père ? Je ferois fi heureux ! Alors il lui
racontoit les égaremens de fon fils . Ce récit
puniffoit , affligeoit Merfeuil ; mais les careffes
qui l'accompagnoient , le confoloient
auffi tôt. Combien de fois fut - il fur le point
de fe découvrir ! mais la crainte venoit toujours
l'arrêter. Non , fe difoit- il , reftons
tel que je fuis , puiſqu'ainſi je ſuis heureux.
Eh ! pourquoi rappeler ce que j'ai été , quand
je voudrois l'oublier moi - même ? J'ai l'eftiine
& l'amitié de mon père , pourquoi hafarder
l'une & l'autre Sérigny eft aimé ,
eftimé ; Merfeuil feroit haï peut- être. Après
cela il redoubloit d'attentions auprès de
Dorménon , & il fe confoloit du déplaifir de
ne pouvoir l'appeler mon père , en lui ren-.
dant tous les devoirs d'un fils . Telle eft la vie
que menoit Merfeuil ; elle ne s'écouloit
point dans le bruit & dans les plaiſirs , &
fon coeur la préféroit à ces jours de tumulte
& d'éclat qui l'avoient rendu coupable.
Mais ce coeur , pour être changé , n'étoit
pas devenu infenfible ; l'amitié , l'amour
même y avoit confervé fes droits . Il voyoit,
$124
MERCURE
il entendoit trop fouvent la jeune Marianne ,
pour n'être pas touché de fa beauté & des
charmes de fon efprit. Il avoit effayé d'arrêter
les progrès de cette paffion dans fa naiffance
; mais comment pouvoit - il éteindre
fon amour , quand il étoit obligé de voir à
chaque inftant celle qui pouvoit le rallumer
d'un coup- d'oeil ? D'ailleurs , outre que la
confcience de ce qu'il étoit né , fervoit à l'enhardir
, Florimel lui avoit laiffé entrevoir
plus d'une fois qu'il ne feroit pas fâché de
le voir plaire à fa fille . Il n'en falloit pas tant
pour encourager un coeur ardent & amoureux.
Il ofa donc fe livrer aux douces impreffions
de l'amour ; mais ce Merfeuil , cet audacieux
conquérant, pour qui une déclaration
amoureufe n'étoit autrefois qu'un jeu , il ofe
à peine aujourd'hui laiffer parler les regards.
Ils furent pourtant affez expreflifs pour fe
faire entendre , & affez timides pour intéref
fer. Merfeuil étoit aufli aimable que fa conduire
étoit honnête. Sa morale étoit pure
fans être fauvage , & il avoit de la vertu fans
pédanterie. Il poffedoit plufieurs talens ; la
danfe , la mufique , pluſieurs inftrumens &
le deffin ; tout cela formoit une féduction
d'autant plus puiffante , qu'il avoit l'air d'en
faire ufage pour amufer , fans y chercher un
moyen de plaire. Enfin , (oit que Marianne
regardât les talens de Merfeuil , & la diſtinction
qu'on lui avoit accordée , comme un
équivalent à la fortune qui lui manquoit ,
foit qu'elle eût deviné là- deffus les difpofiDE
FRANCE. 215
tions de fon père , foit enfin qu'elle eût plutôt
écouté fon coeur que fa raifon , Merfeuil
obtint l'aveu d'un amour qu'il avoit peutêtre
infpiré avant d'avoir ofé déclarer le
fien.
Dès que leurs deux coeurs fe furent expliqués
, quel charme fe répandit fur tous
lears entretiens ! l'amour de Marianne fembloit
augmenté par l'aveu qu'elle en avoit
fait ; & la naïveté de fon caractère y ajoutoit
un intérêt nouveau. Son efprit & fon coeur
avoient des grâces que Merfeuil n'avoit
point connues , qui ne fe trouvoient point
ailleurs . Enfin , elle mettoit dans l'expreflion
de fes fentimens une franchiſe ingénue , qui
favoit tout- à- la - fois enflammer le defir &
infpirer le refpect.
J'aurois pu dire déjà que de tout temps
les deux pères avoient projeté de refferrer
les noeuds de leur amitié par l'hymen de Merfeuil
& de Marianne. On les en avoit infor .
més l'un & l'autre ; & avant d'être inftruit
de la conduite de Merfeuil , Dorménon avoit
cru devoir lui en parler plufieurs fois dans
fes Lettres . Comme Merfeuil étoit déjà jeté
dans le tourbillon des jeunes gens de fon âge ,
il en avoit pris le langage ordinaire ; il lui
avoit répondu qu'il étoit bien jeune pour
fonger au mariage , & que d'ailleurs il fentoit
beaucoup de goût pour le célibat. Dorménon
avoit infifté ; Merfeuil , dans l'ivreffe de la diffipation
, s'étoit même permis fur le compte
de Marianne des traits de légèreté , de fa216
MERCURE
tuité même ; & en plaifantant fur fa beauté ,
qu'il ne connoiffoit pas , il avoit , comme le
Dorante du Méchant , parlé de ſes beaux
yeux de Province. Cette infulte avoit été réparée
depuis par fon amour refpectueux , &
expiée par fon repentir ; mais Marianne, dans
le temps , ayant furpris une de ces Lettres ,
fon amour propre en avoit été juftement offenfe
, & elle gardoit la Lettre, peut - être pour
s'en faire un titre de refus , fi l'on vouloit un
jour l'obliger d'épouſer Merfeuil.
-
Un foir , comme nos deux amans s'entretenoient
feuls de ce qui fe paffoit dans leur
coeur , Marianne apprit à Merfeuil ce qu'il
favoit au moins auffi bien qu'elle ; qu'on
avoit promis fa main au fils de Dorménon ;
mais que ce fils , par fon inconduite , avoit
mérité la colère de fon oncle & de fon père ;
& que même , depuis long- tems , il avoit dif
paru tout- à- fait . Mais , lui dit Merfeuil avec
une espèce de tremblement , fi ce fils revenoit
un jour , votre coeur.....
Oh! non ,
interrompit Marianne , il ne reviendra point,
on le croit mort ; & d'ailleurs quand je pourrois
difpofer de mon coeur , il fe l'eft fermé
par fa conduite & par des affronts , que je
ne lui pardonnerai jamais. Ces mots firent
frémir le tendre Merfeuil ; & la naïve Marianne
lui montrant la Lettre qu'elle avoit
furprife : tenez , lui dit- elle , voyez comme
il me traite ! moi , qui ne lui avois jamais
rien fait ; moi , qu'il devoit époufer ! Non ,
ajouta-t'elle , je ne fuis point méchante ; mais
je
DE FRANCE.
217
Je n'épouferai jamais un homme qui m'a
méprilée, Merfeuil reconnut bien cette Lettre
fatale ; il eût voulu effacer avec fes larmes
, laver de fon propre fang ces affreux caractères.
Ce fut de bien bon coeur qu'il traita
de blafphêmes ces coupables plaifanteries.
Son coeur ( la crainte accompagne toujours
l'amour ) étoit en proie aux plus vives alarmes
; il regardoit le difcours de Marianne
comme un arrêt qu'elle venoit de
prononcer contre lui. Il ne répondit que
des mots entre coupés & fans fuite ; &
tout ce qu'il put prononcer d'intelligible ,
ce fut: ah! belle Marianne ! fes remords ont
fans doute expié fon crime ; & il eft affez
puni s'il a perdu l'efpoir de vous poffèder .
Allons , reprit Marianne , ne parlons plus
de cette Lettre qui nous afflige tous deux.
·
Enfin , un jour ( & c'étoit un beau jour )
Florimel , après avoir confulté Dorménon ,
fit appeler Merfeuil , & lui propoſa la main
de fa fille. Merfeuil accepta cette offre avec
des tranfports de reconnoiffance , & il fut
décidé que le jour même on figneroit le
contrar. Le foir , quand on fe fut raffemblé
pour mander le Notaire & quelques témoins,
Merfeuil, prêt à donner fa fignature, ne crut
pás pouvoir garder plus long- temps l'incognito
, & il trembloit de le quitter. Jamais
il n'avoit fenti tant de trouble & d'effroi ; fa
trifteffe fut même remarquée , & on lui en
demanda la caufe. O mes Bienfaiteurs , leur
dit- il , pardonnez fi la trifteffe ſemble me
N°. 13 , 29 Mars 1783 .
K
218 MERCURE
·
poursuivre au moment le plus heureux de
ma vie. Il manque à mon bonheur un confentement...
Quel confentement, interrompit
Florimel ? Celui d'un tuteur ? Vous êtes orphelin.
Quoi , demanda preſque en mêmetemps
Dorménon , auriez vous un père ? Je
l'ignore , Monfieur , s'écria Merfeuil en fe
jetant à fes pieds , j'ignore s'il me refte un
père. C'eſt à vous feul à me l'apprendre.
Vous voyez ce coupable Merfeuil qui a mérité
votre colère & votre abandon . J'ai
voulu commencer une nouvelle carrière ,
me punir de mes fautes , les expier. Vous
m'avez vû , non tel que j'étois , mais tel que
je ferai toute ma vie. En parlant ainfi il le
regardoit en fondant en larmes , & dans l'attitude
d'un homme qui attend la vie ou la
mort. Dorménon avoit eu le temps de revenir
de fa furpriſe en l'écoutant . Son coeur
ne peut réfifter à ce fpectacle ; il tombe dans
les bras de Merfeuil , l'avrofe de fes larmes ,
& non content de lui pardonner , ce bon
père le remercie encore de lui avoir rendu
fon fils . Florimel mêla fes larmes à celles de
fon ami & de fon gendre ; Marianne brûla
bien vite fa lettre ; le mariage fut célébré
comme un événement qui faifoit quatre
heureuxà la fois ; & le bonhomme d'oncle ,
qui apprit cette nouvelle avec autant de furprife
que de plaifir , affura toute la fortune
aux deux époux,
( Par M. Imbert:)
DE FRANCE. 219
COUPLETS à Mlle DE GAUDIN l'aînée ,
à laquelle j'avois promis de faire une
Satyre à fon fujet , en la défiant d'y
répondre.
AIR : Mon petit coeur à chaque inftant foupire.
1
Je t'ai promis , Áglaure , une Satyre ;
Mais c'eſt en vain , tu ne peux l'inſpirer ;
Qui peut t'entendre , ou qui te voit fourire ,
Perd tout efpoir de jamais cenſurer :
Ou bien il faut qu'à la Mufe légère
Phébus accorde , afin de s'acquitter ,
Ce qu'aujourd'hui nos Ecrivains n'ont guère ,
L'heureux talent de plaire & d'inventer . bis.
LORSQUE par fois , fous ta gaze mi- cloſe ,
En tapinois nos regards éblouis
Comptent les lys en cherchant une rofe ,
Qui ne croit voir les charmes de Cypris ?
Ton fexe feul a befoin d'en médire ;
Mais parmi nous crois qu'il n'en eft aucun
Qui puifle alors s'occuper de fatyre ,
Ou ce feroit contre un voile importun. bis.
PUISQUE la haine en tous lieux fuit fes traces ,
D'un Satyrique abjurons donc l'emploi ;
Va , l'ennemi des Talens & des Grâces
Kij
220 MERCURE
Peut feul , Aglaure , écrire contre toi :
Comme ta foeur , tu fais plaire & féduire ;
Vous poffédez mille agrémens divers :
Pour moi , j'ai beau condamner la fatyre ,
Je n'en fuis pas moins jaloux de ſes vers. bis.
( Par M. Damas. )
Explication des Charades , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la première Charade eft Charrade
; celui de la 2. eft Orange; celui de la
3. eft Courage; celui de l'Enigme eft Mari ;
celui du Logogryphe eft Gloire', où le trouvent
Loire , loir, oie , loi , Roi , Eloi , lyre ,
rôle , loge , or , rigole , ré , gril , lie.
JE
ÉNIGM E.
E fuis jeune , je fuis vieux.
"
J'ai la prudence en partage.
Mon coeur pur brûle des feux
D'un Hymen dont plus d'un gage
Me fait chérir les doux noeuds ,
Aufli dit-on , en tous lieux
Que Salomon fut moins fage.
Chez moi , j'ai de l'esclavage
Brifé le joug odieux.
Le calme , fous d'autres cieux ,
DE FRANCE. 221
Par moi fuccède à l'orage.
Un accufé vertueux
Mouroit faute de courage ,
Niant trop tard des aveux
Arrachés par un outrage
Et des tourmens douloureux.
J'ai fait, Neftor à mon âge ,
Ceffer ces moyens douteux
Qu'un fenfible Aréopage
Reprochoit à nos aïeux.
On me verroit glorieux
Du fuccès de mon Ouvrage ,
S'il ne manquoit à mes voeux
De changer le bien en mieux ;
Mais l'avenir m'encourage.
Quand j'aurai fait plus d'heureux ,
Je le ferai davantage.
( Par M. Félix- Nogaret. )
LOGOGRYPHE.
JE fuis avec fept piés un animal utile ;
Retranche le premier , j'offre au Sage un aſyle,
( Par M. Saint-Gervais , Officier au Régim.
de Picardie , Infanterie. )
Kiil
222 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
LES Quatre Ages de l'Homme , Poëme.
A Paris , chez Moutard , Imprimeur-
Libraire de la Reine , rue des Mathurins ,
hôtel de Cluni.
IL eft certain que le ſujet de ce Poëme eſt
un des plus heureux qu'on ait pu choilir.
Horace, Defpréaux & Rouffeau ont laiffé une
efquiffe des Quatre Ages de l'Homme ; mais
nous ne connoiffons aucun Poëme où l'on
ait développé ce tableau intéreffant . Il offre
au Poëte un fonds inépuifable de variété ; on
peut y parler également à l'efprit , au coeur
& à l'imagination . Mais fi un fujet trop pauvre
peut glacer le génie poétique , un ſujet
trop riche a bien fes dangers auffi . Outre
qu'il impofe une tâche auffi pénible que
difficile , le Lecteur , qui mefure fes prétentions
à la richeffe du fujet , devient plus
févère & plus exigeant ; quelquefois il eft
plus facile & moins dangereux de féconder
un fujet ftérile , que de choisir & diftribuer
des richeffes qu'on trouve abondamment
fous fa main. C'eft peut - être cette feule réflexion
qui a jufqu'ici empêché nos bons
Poëtes de traiter les Quatre âges de l'Homme.
Peut-être ils n'ont fait que craindre ce fujet ,
quand on s'imagine qu'il leur eft échappé.
DE FRANCE.
223
Cette confidération n'a pas arrêté l'Auteur
du Poëme que nous annonçons au Public.
Ce feroit le flatter que de lui dire qu'il
a parfaitement rempli fon fujet ; mais il y
auroit peut -être autant d'injuftice à ne pas
reconnoître un véritable talent dans fon
Ouvrage.
Ce Poëme eft en quatre Chants , comme
le titre l'annonce , comme le fujet le prefcrit.
Dans le premier , le Poëte peint l'enfant
au berceau ; & il s'élève contre l'ufage
meurtrier où l'on eft, où l'on étoit fur- tout ,
de l'emmailloter. Les craintes qu'il témoigne
fur la fanté du nourriffon , l'amènent naturellement
à parler de la petite vérole. On
lira avec plaifir quelques traits de la peinture
de ce redoutable fléau :
Fuyez fur-tout , fuyez ce mal contagieux ,
Dont l'approche eft funefte & l'afpect feul hideux ;
Qui , fatal à l'enfant , chez le vieillard s'irrite ,
Et qu'avant de mourir rarement l'homme évite.
Sans s'épurer jamais , fon fouffle empoisonné
·Dans le fang qu'il aigrit fermente emprisonné ;
Le friffon , le dégoût annoncent, fa présence ,
Et für un front livide ont peint la défaillance ;
La fe tend , s'élève , & , plus vive en couleur ,
peau
Du feu qu'elle contient décèle la chaleur ;
Mais le malexcité fortant avec furie ,
Défigure le corps s'il épargne la vie.
C'est à Vénus , implorée par Mirza , que
Kiv
224
MERCURE
le Potte attribue l'idée de l'inoculation.
Depuis , ajoute t'il ,
Depuis , dans ces climats cette pefte adoucie
S'eft dans fon propre piège elle -même affoupie ,
Et le mal n'eft armé que pour chaffer le mal.
Il fait une fortie contre l'ufage des nourrices
mercénaires , & il rappelle les dangers
qui menacent en pareil cas & la mère &
l'enfant. A ce tableau il oppofe celui d'une
mère qui nourrit fon enfant de fon propre
lait. On ne pouvoit guère abandonner cet
article important fans parler de Jean - Jacques
Rouffeau . Voici quelques vers que lui
adreffe le Poëte :
Homme tendre & fublime , ô toi , dont le mépris
Condamna nos erreurs dans tes fougueux Écrits ,
Que j'aime en t'écoutant certe fainte colère ,
Que tu fais retentir dans l'âme d'une mère !
Le cri de la Nature , & dont tu fus l'écho ,
Nous parut dans ta bouche un langage nouveau ;
La vérité fortit , & fà vive lumière
Long temps bleffa nos yeux qu'à préfent elle éclaire.
Puiffe donc fa clarté pénétrer tous les coeurs ,
Faire au milieu de nous revivre pour les meurs
Des époux plus foumis , des épouſes plus fages , &c.
L'enfant que la nourrice emmène dans fon
village , a fourni à l'Auteur une tirade où fe
trouvent des détails agréables , & qui fe termine
par une comparaifon heureuſement
exprimée :
*
DE FRANCE. 225
Cependant , exilé du fol qui l'a vû naître ,
L'enfant ouvre les yeux , & voit déjà paroître
Une foule d'objets qu'il ne diftingue pas.
La robuſte Lifen , qui le tient dans fes bras ,
En fixant fes regards a reçu fon hommage ,
D'un amour qui va naître , innocent témoignage ,
Et découvrant un fein que l'art n'a point gâté ,
Où fous un lin greffier refpire la fanté ,
Lui donne cette fois une ſeconde vie.
Ce don fi précieux l'un à l'autre les lie ;
Tous les deux , fatisfaits de cette illuſion ,
Vont fe prêter l'un l'autre à la féduction .
Tel un arbre choisi pour un nouvel uſage ,
A des fruits qu'il adopte offre fon tronc fauvage ,
Et ce fruit élevé dans fon fein généreux ,
Preffe amoureuſement fes rameaux orgueilleux.
Un tableau qui n'a pas dû échapper à l'Auteur
, c'eft celui du retour de l'enfant. La
mère court au- devant de lui avec des mouvemens
de joie :
O'mortelle douleur !
L'enfant , de cette ivreffe altère la douceur ;
Car en lui l'habitude abuſant la nature ,
Il ne l'appercevra qu'en lui faisant l'injure
De détourner la tête & de pouffer des cris ;
Elle frappe fes yeux fans frapper fes efprits.
Mais faut- il s'étonner , fi dans un tel myſtère ,
Le fein qui le nourrit eft celui qu'il préfère ?
K v
226 MERCURE
On cherche à le convaincre , on n'y réuffit pas.
Il demande fa mère en pleurant dans fes bras.
Ce dernier vers eft très- heureux.
Dans le fecond chant , le Poëte décrit les
jeux de fon élève. Celui du volant , à un mot
près , qui manque de jufteffe , eft heureuſement
exprimé :
Au milieu de leurs jeux , tel un liège emplumé ,
S'élance en pirouettant dans le vide animé ;
Et trompant le coup- d'oeil du joueur qui la guette ,
Vingt fois par un faux bond échappe à la raquette.
Après l'avoir fait promener fur la glace
après l'avoir conduit à la nâge , & lui avoir
fait furprendre dans fon nid la famille de la
fauvette ; c'est- à- dire , après avoir decrit les
plaifirs de fon élève , il retrace fes peines &
fa trifte fervitude. Un des morceaux les
mieux faits , fans doute , c'eft une peinture
fort gaie du Collège .
e
Dans un réduit obſcur , où la pédanterie
Loge avec la fottife & la caffarderie ,
Sous l'oeil d'un Magiſter , des pédans fubalternes
Répandent la terreur dans ces doctes caſernes :
C'eft-là qu'avec méthode on doit aller , venir ;
Qu'au coup de cloche il faut boire , manger , dormir,
Jouer ou travailler , ou jafer ou fe taire ;
C'eft-là qu'on parle Grec à la barbe d'Homère ;
Que maint Cicéron bâille en fon coin triftement ,
DE FRANCE 227
Du chagrin de fe voir trop près d'un rudiment ;
Etque Phèdre après lui traîne ſon commentaire :
Vous ne trouverez là Racine ni Molière ,
Ni ces Auteurs François , dont le vers bien écrit
Épure le difcours en amuſant l'eſprit.
( Il manque ici deux vers à rime féminine ;
c'eft un oubli de l'Auteur ou de l'Imprimeur.)
Mais on pourroit y voir le maître & fes grimauds ,
Un vieux Tacite en main , en traduire les mots ,
Ou d'un ton lamentable interprêter fans grâce
Les beautés de Virgile ou la gaîté d'Horace.
Là , mon lourdaut , bridé par fon génie étroit ,
Préparant à la troupe un travail mal - adroit ,
Vous met dans l'embarras de pouvoir reconnoître
Lequel eft le plus fort de l'élève ou du maître :
Toujours froid & pefant , c'eft avec dureté
Qu'il vient à cet enfant prêcher l'humanité , &c.
Quand on parle ainfi du Collége , on fait
fort bien de n'être plus en âge d'y retourner.
Il paroît que l'Auteur ne s'y eft pas infiniment
amuſé dans fa jeuneffe . Quelques perfonnes
trouveront la peinture qu'il en fait
un peu vive ; mais il a trop visiblement attaqué
les ridicules pédans, pour que les fages
Inftituteurs puiffent s'en offenfer.
Delà il paffe à la puberté ; &c , à quelques
négligences près , la peinture qu'il en fait
eft d'un ton vrai & ferme.
Superbe , & fe fentant fait pour donner des loix,
K vj
228
MERCURE
Il vient de s'éveiller pour la première fois ;
La majefté, la force ont chaffé la foibleffe ,
Et la virilité va parer fa jeuneffe.
A fa marche impoſante , à ſon geſte aſſuré ,
Les animaux ont fui d'un pas moins mefuré.
Devenus fes vaffaux en le voyant paroître ,
Tous ont été forcés de plier fous un maître.
Quelques-uns plus foumis ont accepté ſes fers ,
Et même les premiers au joug fe font offerts.
Lui-feul au-deffus d'eux levant la tête altière ,
Peut jeter fes regards fur la nature entière ;
Sa voix foible jadis , qui va fe décider ,
Annonce un être fier , & fait pour commander ;
Sa raison qui mûrit , déjà plus exercée ,
Fait dans un plus bel ordre éclore fa penſée ,
Et frappant fon cerveau de ſes feux les plus prompts ,
Dans un foyer plus pur épanche ſes rayons.
C'eft à cet âge que chaque détail du tableau
de la Nature lui imprime un fentiment.
Il reípire la vie avec trop d'abondance ,
Et voudroit au dehors porter fon exiſtence.
Dans le troifième Chant , le Poëte trace
le portrait des deux paffions qui fe partagent
notre coeur , l'amour & l'ambition.
Après avoir rappelé quelques malheurs caufés
par l'amour , il adoucit ce tableau par
celui d'un amant qui a furpris fa maîtraffe
au bain. Ce Chant eft terminé par
quelques vers fur l'ambition & fur l'amitié.
DE FRANCE. 229
Le quatrième traite des infirmités , & ſurtout
des défauts de la vieilleffe . Sans doute
il falloit peindre l'ennui que la vieilleffe
fouffre & caufe tout-à- la- fois ; mais il ne
faut pas retracer les défauts des vieillards
fans Faire plaindre leurs maux. Ce Chant ,
qui eft un peu monotone , auroit pu être,
plus intéreffant. Ce n'eft pas qu'on n'y trouve
des détails heureux qu'on liroit ici avec
plaifir ; mais ce que nous avons déjà cité
doit fuffire pour faire apprécier le ftyle de
l'Auteur. On a dû s'appercevoir qu'il eft
ſouvent négligé ; mais on a dû remarquer
auffi qu'il y a toujours un ton de vérité , une
efpèce d'ingénuité attachante , & une fenfibilité
douce qui ſe répand fur tous les objets.
Il y a de ces vers heureux qui fe gravent
dans la mémoire. En parlant de l'embarras
de Clariffe , furpriſe au bain , il dit :
Et voulant trop cacher de roſes à la fois , &c.
Voici un détail bas , rendu heureuſement
& naturellement :
Ainfi dans nos jardins la plus vile matière
Sous nos yeux fe transforme en plante nourricière.
Après avoir dit que le bonheur n'eft pas de
vivre , mais de favoir vivre , l'Auteur ajoute
avec grâce :
Car ces Dieux de la Fable , autrefois fi fameux ,
Étoient tous immortels , & n'étoient pas heureux !
On les voyoit au ciel former des entrepriſes ;
Et, tout Dieux qu'ils étoient, payer cher leurs fotifes .
230 MERCURE
Quelquefois l'expreffion eft noble & poétique
, comme dans ces vers où le Poëte ſe
plaint qu'on n'élève pas des monumens funèbres
aux Héros & aux Sages :
En effet , a-t'on vû les races déſolées
Leur élever à tous d'auguftes mauſolées ?
Non , c'est au vice heureux que des marbres menteurs
Décernent lâchement ces ferviles honneurs.
Mais nous croyons devoir inviter l'Auteur
à ne pas fe négliger fur l'exactitude de la
langue.
Si le ton qu'on y met m'avertit quej'yfonge.
Avertir de & avertir que , offrent des fens
tout différens .
Forcée hors des canaux qui la tenoient foumife.
Hors eft afpiré ; & dès lors le vers eft trop
long d'une fyllabe.
N'y voyoit plas ni vent badiner fes bouquets ,
Ni , & c.
Badiner eft un verbe neutre , & par conféquent
fans régime.
Souviens-toi qu'aujourd'hui c'eft toi qui fus la caule.
On ne peut pas dire , tu fus aujourd'hui , on
doit dire tu as été.
Ces obfervations ne peuvent rien ôter à
l'eftime que doit infpirer l'Auteur de ce
Poëme. Le talent qui brille déjà dans fa
poéfie , prouve qu'il peut en corriger ailéDE
FRANCE. 231
ment les défauts. C'eft un de ces Poëmes quipromettent
plus qu'ils ne donnent , & qui
font penfer encore plus de bien du talent de
l'Auteur que de l'Ouvrage même.
VARIÉTÉS.
LETTRE de M. DUPONT au Rédacteur
du Mercure pour la partie des Pièces
Fugitives.
JE trouve dans le Mercure , Monfieur , quelques
vers de moi que vous avez jugé à propos d'y inférer ,
& je vous en remercie . Mais je trouve à la fin de ces
vers qu'ils font de l'Auteur d'une Traduction de
l'Ariofte, qui fe vend chez un tel Libraire , & je
vous avoue que je n'ai pas lû cette annotation fans un
fentiment de peine affez vif.
Je rends juſtice au motif qui vous la dictée , &
fuis convaincu que votre amitié a cru m'obliger.
J'aurois defiré qu'elle eût compris combien il importe
peu au Public que l'Auteur de vingt vers médiocres
qui feront oubliés demain l'ait encore été de
quatre ou cinq cent autres oubliés depuis long - temps.
Je ne me fuis nommé à la tête d'aucune traduction
de l'Ariofte . Perfonne ne peut donc affirmer qu'il en
exifte une de moi ; & quand j'aurois publiquement
avoué celle que vous m'attribuez , je me ferois bien
gardé de le rappeler au bout de deux ans.
«C'est mon Ouvrage ilfe vend chez Moutard. »
Senfible à la bienveillance que vous me témoi
gnez , je vous fupplierai donc , fi l'occafion s'en retrouvoit
jamais , de la manifefter d'une autre manière.
De tous les maux qui peuvent fondre fur un
homme, le plus cruel peut-être & le plus incurable ex
232 MERCURE
France eft le ridicule. C'eft certainement celui qu'il
faut le plus éviter pour foi-même , & craindre le plus
de communiquer à ſes amis.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Paris , le 15 Mars 1783 .
SPECTACLES.
COMÉDIE FRANÇOISE.
LE Lundi 17 de ce mois , on a joué , pour
la première fois , le Déjeûné interrompu
Comédie en deux Actes & en profe.
M. & Mme de Merval fe propoſent d'unir
leur fille Henriette & leur neveu Damis.
Celui - ci a voyagé pendant trois ans.
fous le nom de Dorval : il eft de retour.
Tandis qu'il voyageoit , un certain Marquis
nommé Valère , a vû Henriette , l'a lorgnée
fuivie , agacée ; enfin il eft parvenu à infpirer
quelque goût à la jeune perfonne. Ce'
Marquis n'eft qu'un fat fans délicateffe , &
qui a été beaucoup moins touché par les
charmes d'Henriette que par l'espoir d'épou
fer une riche héritière. Il étoit fur le point
de recevoir la main d'une Mme de Saint-
Lambert , dont il a fubjugué l'efprit ; il y
renonce , parce que la fortune de Mlle de
Merval eft plus confidérable que celle qu'il
convoitoit. C'est par l'entremile de Frontin
& de Marton , tous deux attachés au fervice
DE FRANCE. 233
de M. de Merval , que Valère veut faire expliquer
les intentions. On devine fes deffeins
, & l'on fe promet de le berner. On lui
propoſe de lui ménager un rendez- vous avec
Henriette ; c'eft le faux Dorval qui fe trouve à
ce rendez - vous. Le Marquis eft éloigné de
foupçonner que Damis foit fon rival , en
conféquence il lui parle de lui-même avec
beaucoup de légèreté , & explique tout naturellement
fes vûes. Damis feint de s'y
prêter ; il engage Valère à fe retirer dans fon
appartement pour y attendre l'inftant favorable.
M. & Mme de Merval fe rendent
dans le fallon pour déjeûner . Une lettre de
Mme de Saint- Lainbert leur apprend les
projets du Marquis . Leur étonnement eft
extrême. Marton , Frontin & Damis les inf
truifent de tout. On appelle le Marquis. A
l'afpect des parens d'Henriette , il croit d'abord
que tout s'eft arrangé en la faveur ;
l'explication le défabuſe ; il ſe retire en affectant
de plaifanter. Damis épouſe Mlle de
Merval.
Cette petite Comédie , qui n'a pas eu un
grand fuccès , a néanmoins obtenu des ap
plaudiffemens.On y a remarquéde l'efprit, une
teinte de philofophie douce & quelques détails
très agréables. La Scène entre Valère &
Damis a été goûtée généralement ; c'est la
meilleure de la Pièce. Une Dame eft l'Auteur
de cet Ouvrage. Nous propofons ici à
nos Auteurs galans , à ceux qui poſsèdent ou
croient pofféder tous les fecrets de l'urbanité
234
MERCURE
polémique, une question que nous voudrions
voir réfoudre. La voici. Lorfqu'une femme
entre dans la carrière des Lettres , quand elle
ne craint pas de defcendre dans l'arène poury
difputer la palme aux Écrivains d'un autre
fexe ; doit -on la juger avec les ménagemens ,
la complaifance , les égards que l'on accorde
à fon fexe dans d'autres circonftances , ou
ne faut- il la confidérer que comme un
Athlète littéraire? Si on répond à cette queftion
, nous faurons de quelle manière nous
devrons par la fuite nous expliquer fur des
productions telles que la Comédie dont
nous venons de parler .
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Mardi 18 Mars , on a donné la première
Repréfentation des Aveux difficiles ,
Comédie en un Acte & en vers , par M. le
Baron d'Eftat .
Le fonds de cet Ouvrage eft abfolument
le même que celui de la Comédie de M.
Vigée , dont nous avons rendu compte Numéro
11 de ce Journal. La différence que
l'on trouve entre quelques tuations des
deux Pièces , n'eft point affez marquée
pour qu'il foit poffible d'élever aucun doute
fur leur reffemblance générale. Qui de M.
le Baron d'Eftat ou de M. Vigée a les droits
les plus inconteftables à la propriété du
fujer? Voilà le point de la difficulté , & nous
DE FRANCE. 235
ne faurions le réfoudre. Il eft vraisemblable
que c'est pour
terminer la querelle des deux
Rivaux, qu'on s'eft avifé d'adreffer au Journal
de Paris une Lettre datée des ChampsÉlyfées
, & fignée Néricault Deftouches . Čet
Auteur comique y réclame le fonds des
Aveux difficiles , & citè fa Comédie de
l'Amour ufé , comme la fource où MM.
d'Eftat & Vigée ont puifé le fujet de leurs
Ouvrages . Le Secrétaire de Deftouches nous
permettra de lui obferver qu'il eft très- poffible
& même très - probable que fans avoir
aucun fouvenir de l'Amour ujé, on ait imaginé
l'intrigue des Aveux difficiles. Chez
Deftouches un vieux garçon & une vieille
fille ont projeté de s'époufer ; il y a vingtcinq
ans que la minute de leur contrat de
mariage eft reftée chez le Notaire. Ils ne
s'aiment plus , & rien de plus ordinaire qu'un
amour mort après vingt - cinq ans. Un amour
de cet âge feroit , pour me fervir d'une expreffion
de Fontenelle , le Mathufalem des
Amours. Un jeune homme & une jeune perfonne
ont fixé l'attention & les defirs le premier
de la vieille fille & la feconde du vieux
garçon. Après une fuite d'incidens , la plu
part d'un excellent comique , les deux jeunes
gens font unis , & les deux vieux amans
font trop heureux de fe reprendre . Ce n'eft
pas- là le fonds des Aveux difficiles , où , pour
F'y retrouver , il faut étrangement forcer les
rapprochemens. Deux jeunes gens , tous
deux aimables , tous deux faits pour plaire ,
236
MERCURE
qui ceffent de s'aimer parce que chacun
d'eux eft entraîné vers un autre objet , &
qui n'ofent fe faire l'aveu de leur inconftance
, qui en rougiffent , qui fentent , pour
ainfi dire , l'injuftice de leur coeur; ne fauroient
reffembler auxPerfonnages de l'Amour
ufé ni par le caractère , ni par la fituation ,
ni par l'attitude dramatique. A notre avis
Deftouches, n'a rien à réclamer ici. C'eft entre
MM. d'Eftat & Vigée qu'eſt tout le
débat.
La Comédie de M. d'Eftat n'a pas eu un
fuccès auffi décidé que celle de M. Vigée ,
parce qu'il y règne moins d'enſemble , que
la marche en eft moins sûre , & les Scènes
moins motivées ; néanmoins nous préférons la
Scène des Aveux de M. d'Eftat à celle de
M. Vigée. Ce n'eft pas qu'il n'y ait du mérite
dans celle- ci ; mais le moyen employé .
par M. Vigée , le ministère des Valets mis en
oeuvre pour déclarer l'inconftance mutuelle
des Amans , préfentoit moins de difficultés
que le reffort qui a été adopté par M.
d'Eftat. Cet Écrivain a placé fes Aveux dans
la bouche des deux rivaux , & ce moyen plus
délicat , plus fufceptible d'inconvéniens que
l'autre, a produit une Scène qui eft filée avec
affez d'adreffe , d'intelligence & de comique
pour faire honneur à M. d'Etat . Le ſtyle de
fon Rival a plus d'éclat , eft plus foutenu ;
le fien nous a paru plus naturel . Au total
cette dernière production de M. d'Eftat annonce
plus de talent que la Somnambule ne
DE FRANCE. 237
fembloit en promettre. Voilà le fruit de
l'étude , du travail & de l'expérience.
Dans le prochain Mercure , nous parlerons
du Corfaire , Comédie en trois Actes
& en vers , mêlée de mufique , repréſentée
avec fuccès , fur ce Théâtre , fur ce Théâtre , le 17 Mars.
ANNONCES ET NOTICES.
THEATRE choifs de Pierre Corneille , papier grand
raiſin ſuperfin d'Annonay. Prix , 36 livres broché en
carton.
M. Didot femble faire tous les jours de nouveaux
efforts, qui font toujours juftifiés par de nouveaux
fuccès. Cette fuperbe Édition de Corneille doit lui
faire le plus grand honneur par la beauté rare du
papier & du caractère. Ce premier Volume renferme
le Cid , Horace , Cinna , Polieucte , le Menteur ; le
fecond, qui paroîtra en Juillet , contiendra Pompée ,
Rodogune, Héraclius , Don Sanche , Nicomède &
Sertorius. On n'en tire que deux cent Exemplaires.
Le même Imprimeur vient de faire paroître la
Morale de Théophrafte , neuvième Volume de la
Collection des Moraliftes anciens , dédiée au Roi.
Prix , 4 livres broché ; le même , papier commun,
Prix , 1 liv. 10 fols .
Première & deuxième Vues des Environs de
Gaillon. Deux Eftampes gravées d'après Pillement ,
par Jean- Baptifte Racine , & dédiées à M. Campan
fils , Maître d'Hôtel de la Reine,
La Gravure de ces deux Tableaux intéreffans
doit faire honneur au talent de l'Artifte. Ces Etampes
fe vendent à Paris , chez M. Lebas , Graveur
du Roi , & aux Adreſſes ordinaires. Prix , 1 livre
10 fols chacune .
238 MERCURE
L'Affemblée au Sallon , peint à la gouache , par
N. Lavreince , Peintre du Roi de Suède , & de
l'Académie Royale de Stockholm , gravé par F.
Dequevauviller . A Paris , chez l'Auteur , rue Sainte-
Hyacinthe , la troisième porte- cochère à droite par
la Place S. Michel, Prix , 9 liv.
Cette Gravure eft d'un effet très agréable.
ÉTRENNES de la Vertu pour l'année 1783 ,
contenant les actions de bienfaiſance , de courage ,
d'humanité , &c. A Paris , chez Savoye , Libraire ,
rue S. Jacques.
Voici la deuxième année que paroît ce Recueil ,
qui peut devenir très - intéreſſant. Il renferme ,
d'après le plan adopté par l'Éditeur , 1º . les anecdotes
de l'année ; 2. d'autres faits plus anciens , &
qui méritent d'occuper une place dans ces Annales de
la Vertu.
LA Machine à élever l'eau par une corde fans
fin, perfectionnée par M. Campmas , Ingénieur-
Hydraulique. Prix, 3 liv. avec des Explications , &
livre 16 fols fans Explication . A Paris , chez
l'Auteur , rue Gît-le- coeur , hôtel S. Louis , près le
quai des Auguftins.
M. Campmas a obtenu du Roi le privilège de
faire débiter feul dans tout le Royaume les Machines
Hydrauliques qu'il fera graver. Il donnera
fucceffivement divers moyens d'appliquer les hommes
, les chevaux , le vent , le feu & les chûtes
d'eau au mouvement de cette Machine.
On trouve à Paris chez Dezauche , Géographe ,
Succeffeur des Sieurs de l'Ifle & Philippe Buache ,
rue des Noyers , 1º . Carte particulière & très- détaillée
du Royaume de Naples , en deux feuilles.
2. Carte de l'Ifle & Royaume de Sicile , par
DE FRANCE. 239
Guillaume de l'Ifle & Philippe Buache , Premiers
Géographes du Roi , & de l'Académie Royale des
Sciences. 3. Carte Générale de l'Italie & de la Sicile,
par les mêmes , nouvellement revues & augmentées
par Dezauche , Géographe. Prix , 1 liv. 5 fols chaque
feuille.
Li-
LETTRES fur la Danfe & fur les Ballets, nouvelle
Édition par M. Noverre , Penfionnaire du
Roi , un Volume in- 8 ° . de 368 pages , imprimé chez
Didot. Prix , 3 liv. 12 fols broché. Cet eftimable
Ouvrage fe vend chez la Veuve Deffain Junior ,
braire, quai des Auguftins , à la defcente du Pont-
Neuf , près la rue Dauphine. Elle vend auffi
les Impoftures innocentes , ou Point de Vue de
t'Opéra chez les Grecs , avec plufieurs Hiftoires des
Courtifannes Grecques , un Volume in- 16 , & les
nouveaux Contes des Fées entremêlés de quelques
Hiftoriettes pour fervir de fuite aux Bibliothèques
amufantes , &c. 2 Vol . in - 12 . Prix , 2 liv . 8 fols
brochés.
On voit toujours dans fon Cabinet de lecture
toutes les Feuilles politiques , étrangères & nationales
; pour le rendre toujours plus agréable & plus
recherché , elle vient d'y ajouter tous les Journaux
littéraires , les nouvelles Pièces de Théâtre en tout
genre , les Catalogues , Livres & Almanachs de
curiofité ou d'utilité journalière , les Édits , Arrêts ,
&c. On en trouve chez elle un Tableau imprimé
plus étendu qui préfente d'un coup- d'oeil les jours
où tous les Courriers arrivent , & où tous les Ouvrages
fe lifent. On s'y aboune non - feulement
pour les venir lire , mais encore pour les avoir chez
foi , foit à Paris , dans la Province ou à la Campagne.
JOURNAL de Harpe , troisième année , n . 3 ,
240
MERCURE
avec accompagnement de Violon ad libitum . Ce
Cahier contient trois Airs de chant de l'Embarras
des Richeffes & d'Amadis, les accompagnemens par
MM . J. P. Meyer , X *** & Petillot , & un
Rondo , par M. Meyer. Prix , 2 livres 8 fols. A
Paris , chez Leduc , rue Traverfière- Saint- Honoré ,
au Magafin de Mufique. Le prix de la foufcription
pour les douze Numéros eft de 15 livres pour
Paris & la Province , port franc. On trouvera à
la même adreſſe la première & la deuxième année.
Prix , Is liv. port franc.
HERBIER de la France. Le Numéro 3 ; de
cet intéreffant Ouvrage paroît actuellement , &
renferme la Pédiculaire des marais , Plante fufpecte
de la France , la Gratiole officinale , Plante
vénéneufe , le Ményante tréflé, Plante fufpecte ,
& le Champignon , appelé le Bolet rude . On foufcrit
toujours chez l'Auteur ( M. de Bulliard ) rue des
Poftes.
Pour les Annonces des Titres de la Gravure ,
de la Mufique & des Livres nouveaux , voyez les
Couvertures.
TABL E.
IMITATION de Claudien, Les Quatre Ages de l'Homme,
193 Poëme , 212
Lettreà M. Garat , 194 Lettre de M. Dupont au Ré-
La Réparation , Conte , 203 dacteur du Mercure , 231
Couplers à Mlle de Gaudin Comédie Françoise ,
219 Comédie Italienne,
Enigme & Logogriphe , 220 Annonces & Notices ,
l'aînée ,
J'AI lu
AP PROBATION.
232
234
239
I lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 29 Mars. Je n'y al
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion . A Paris ,
le 28 Mais 1783. GUIDI
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
DANEMARCK.
De COPENHAGUE , le 28 Janvier.
Il ouvertpinein S.hlef wig
L vient d'être ouvert par ordre du Roi ,
>
un emprunt d'un million d'é us en billets
de banque à 4 pour 100 d'intérêt . L'objet
de cet emprunt eft d'obvier à la rareté du
numéraire dans ce Duché.
Il a paru dans le cours du mois dernier
3 nouvelles Ordonnances ; la piemi re prefcrit
à tous les vaiſſeaux qui voudront entrer
dans la Baltique , de dépofer la poudre à
tirer qu'ils ont à bord , & qui leur fera endue
lorfqu'ils fortiront de cet e mer ; ils ne doivent
conferver que deux charges pr canon .
La feconde défend , jufqu'au 10 Juin prochain
, de tirer de l'Ile de Zélin ' e de l'orge
& de l'avoine , & permet au contraire d'y
en porter juſqu'au o Mai , ainſi que l'importation
de l'orge , du feigle , du fel & du
fuif dans tout le Royaume de Danemarck
1er. Mars 1783. a
( 2 )
jufqu'au 10 Juiller. La troifième proroge ,
jufqu'à la fin de Juin , l'introduction du bled ,
farine , chairs falées , & autres provifions
dans les ports méridionaux de la Norwége .
Les navires qui ont paffé le Sund pendant
le cours de l'année dernière , font au nombre
de 8330 , dont 1262 Anglois & 2117
Suédois. Sur 80 bâtimens qui , pendant la
même année , ont chargé du vin à Cette en
Languedoc , il y en a eu 5-1 Danois.
Nous avons donné le Traité de commerce
conclu entre cette Cour & celle de Ruffie ;
nous obferverons ici qu'il a pour bafe les
principes fondamentaux de la neutralité armée.
L'article 21 , qui détermine les effets
ou marchandifes qui feront cenfés être de
contrebande , offre l'énumération faite dans
le Traité de 1674 entre la Grande-Bretagne
& la Hollande. Cette énumération ne comprend
point le bois de conftruction , les
mâts , le chanvre , le fer , ni aucune des
marchandifes connues fous le nom de munitions
navales , dont la Grande - Bretagne
a voulu dans ces derniers tems interdire le
transport à fes ennemis .
POLOGNE.
De VARSOV IE , le 28 Janvier.
Le jour anniverfaire de la naiffance du
Roi , qui eft entré dans la sie. année de
fon âge , a été célébré hier avec la plus
grande folemnité. Le Prince Martin Lubo(
3 )
mirski , Lieutenant- Général des troupes de
la Couronne a donné le foir un bal
fomptueux dans le Palais de Radziwill .
2
Les foins paternels & infatigables_du
Roi , viennent enfin de terminer les diffentions
qui fubfiftoient depuis un an & demi
entre les Membres de la Confeffion d'Augsbourg.
Tous les bruits répandùs au fujet de la
convocation prochaine d'une Diète extraordinaire
, font jufqu'à préfent deftitués de
tout fondement. Il faudroit un concours
d'évèneihens bien finguliers , pour qu'elle
eût lieu dans le courant de cette année.
On parle beaucoup d'un traité de commerce
qui eft fur le point d'être conclu
avec l'une des Puiffances voifines ; la Pologne
peut , s'il a lieu , s'en promettre des
avantages infinis. Il eft encore queſtion de
l'établiffement fucceffif de différentes Manufactures
dans ce Royaume .
» Plusieurs Négocians de la Moldavie & des Provinces
limitrophes de la Turquie , lit-on dans quelques
lettres , font venus dans le pays de Lemberg
& de Dubno , & affurent qu'on prévoyoit , à l'égard
de la Moldavie , de la Walachie , de la Crimée &
même de la Beffarabie , des changemeus confidérables
, que la Porte Ottomane , malgré tous les efforts ,
ne pourroit pas empêcher. Ces Provinces fi fertiles ,
méritent certainement un meilleur fort que celui
qu'elles ont effuyé jufqu'à préfent ; & peut- être que
le moment qui les en fera jouir , n'eft pas éloigné «
a 2
( 4 )
ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 30 Janvier.
,
Le bruit eft général que l'Archiduc Maximilien
fe rendra dans peu à Rome ou
l'on dit qu'on prépare déja dans le Vatican
plufieurs appartemens pour le recevoir.
L'hiver que nous éprouvons cette année
ne reffemble en rien à ceux des années
précédentes ; les neiges font fréquentes ;
mais elles ne tiennent point fur la terre ;
à peine font - elles tombées qu'elles font
fondues par un vent du midi qui les fait
difparoître , ce qui caufe des inondations
en divers endroits où elles font beaucoup
de dégats. Les pluies fe renouvellent auth
fouvent , & dégradent les chemins qui
font impraticables.
Les tranfports des munitions pour la Hongrie
fe continuent avec la même ardeur ;
cependant toutes les nouvelles de Conftantinople
font pacifiques ; la Porte ne fe laffe
point de répondre avec la plus grande condefcendance
aux demandes qui lui font faites
; on affure qu'elle vient de nous accorder
la libre navigation fur la mer noire.
Les dernières lettres de la Capitale de
l'Empire Ottoman font du 7 de ce mois ;
elles annoncent que le peuple qui faifoit
entendre précédemment des cris de guerre
paroît maintenant modérer fon ardeur &
les fupprimer ; on ignore fi cette tran(
5 )
quillité durera. Il y a lieu de craindre que
l'extrême détreffe à laquelle il eft réduit
ne renouvelle les clameurs & la fermentation.
>
Tout eft difpofé ici pour la réception de
l'Empereur de Maroc , qu'on attend dans
peu de jours . Parmi les préfens qu'il apporte
, il y a 8 fuperbes chevaux Africains ,
équipés à la Barbarefque de la manière la
plus riche , puifqu'on y a employé l'or , les
perles & les diamans. On compte que ce
Miniftre reftera ici trois mois.
L'Edit de S. M. I. portant fuppreffion
de la fervitude dans fes Etats de l'Autriche
antérieure vient d'être imprimé ; il eſt
ainfi :
conçu
Voulant favorifer la culture du Pays & l'induftrie
de mes Sujets , ce qui ne fauroit être obtenu
que par le moyen d'une honnête liberté ;
avons jugé à propos d'établir dans les Etats de
l'Autriche antérieure , les mêmes principes de foumiffion
modérés que nous avons fuivis pour nos
autres Pays Héréditaires. Dans cette vue nous
avoas ordonné & ordonnons ce qui fuit : 1º . Chaque
Sujet pourra le marier en en prévenant le Seigneur
de l'endroit ou de la terre où il demeure , lequel
fera tenu de lui donner gratis la permiffion par
écrit pour le Mariage. 29. Il fera libre à chaque Sujet
de quitter la Seigneurie à laquelle il étoit attaché
, & de s'établir cu de fe mettre en fervice
dans d'autres endroits de l'Au riche antérieure ;
mais dans ce cas il fera obligé de demander à fou
Seigneur un certificat de manumiffion . Cependant
pour empêcher que les terres du Seigneur ne foient
pas délaiées a grand détriment de l'agriculture ,
a ?
46 )
le Vaffal ne pourra obtenir la manumiffion &
quitter la terre qu'il avoit cultivée , juſqu'à ce
qu'il ait fourni au Seigneur pour cette terre un
autre laboureur capable. 3 ° . On ne payera pour
les certificats de manumiffion que deux florins ;
dans les endroits où on en a payé moins , on continuera
l'ancienne taxe ; & dans ceux où on n'en a
rien payé , on fera auffi difpenfé de payer quelque
chofe à l'avenir. 4° . Ceux des Sujets qui voudront
apprendre des Métiers & Arts pourront le
faire , fans que le Seigneur puiffe y mettre obftacle;
& ils pourront les exercer pour s'entretenir ,
dans tous les endroits des Etats de l'Autriche antérieure.
° . La fuppreffion de la fervitude n'entraîne
pas celle des corvées , & d'autres fournitures en
nature & en argent , qui font déterminées pour
chaque terre dans les lettres de Fief , les terriers ,
les jugemens & convention. Mais outre ces droits
fixés , aucun Seigneur ne pourra exiger davantage
de fes Vaffaux. -La modification que nous
avons apportée à la foumiffion des Vaffaux ,
doit nullement nuire à l'obéiffance que les Vaffaux
doivent à leurs Seigneurs , conformément aux loix
& cette même obéiffance aura lieu à l'avenir
comme par le paffé . Le Gouvernement , & les autres
Tribunaux fe conformeront au préfent Edit
& veilleront à ce qu'il foit exécuté ponctuellement.
Donné à Vienne le 20 Décembre 1782 .
De HAMBOURG , le 6 Février.
ne
TOUTES les feuilles publiques de l'Empire
, qui ne parloient depuis quelque tems
que des démêlés prêts à éclater entre la
Rullie & la Porte , & dans lefquels l'Autriche
devoir entrer annoncent aujourd'hui
que tout eft arrangé ; les bons offices de la
3
( 7 ).
France n'ont pas peu contribué , ajoutentelles
, à infpirer à la Porte des fentimens de
modération ; elle a promis , dit- on , d'obferver
fidèlement toutes les conditions du
Traité de Kainardgi . L'Impératrice de Ruffie ,
ajoute -t-on , a écrit à M. le Comte de Vergennes
, pour le remercier de fes bons offices ;
rien de plus flatteur que ces témoignages
pour un Miniftre qui peut être regardé , à
bon droit , comme le pacificateur de l'Europe.
Les voeux des bons Citoyens fe réuniffent
pour la confirmation de ces nouvelles intéreffantes
; l'efpérance les accompagne , malgré
les mouvemens qui continuent encore
dans les Etats de l'Empereur . On fait toujours
des levées en Bohême ; il y a eu ordre
à Prague d'engager 100 Chirurgiens , pour
être répartis dans les divers régimens , & on
a auffi ordonné des uniformes pour 18,000
Croates.
» Ces mouvemens , lit - on dans quelques papiers ,
ne nous ôtent pas encore l'efpérance de la continuation
de la paix . Tout ce que l'on pe it affurer jufqu'à
préfent , c'eft que la plupart des nouvelles qui ont
été publiées étoient hafardées , & plufieurs fans fondement.
Telle eft celle de l'envoi d'un Courier
Pruffien à Vienae , qui avoit apporté des dépêches
fi fatisfaifantes , que l'Empereur lui avoit fait donner
200 ducats ; tel eft encore le bruit qu'on avoit répandu
d'un voyage du Prince Henri de Pruffe à
Vienne , dont il n'a pas été queftion . L'état de la
Porte , les défaftres que la Capitale de l'Empire
Ottoman a éprouvés , les troubles qui règnent dans
plufieurs Provinces , doivent influer néceffairement
a 4
( 8 )
fur les difpofitions , & les bons offices de la Cour
de France , font faits pour lui en infpirer de conformes
au voeu général pour la paix. Nous espérons
qu'elle ne fera pas rompue , & nous nous défierons
de tous les bruits qui pourront fe répandre , & dɔnt
on s'appuyera pour affoiblir cette eſpérance «< .
Selon les lettres de Munich , l'Electeur
Palarin eft parfaitement rétabli de fon indifpofition
; il a témoigné ſa fatisfaction à ſes
Médecins , par diverſes gratifications qu'il
leur a faites. Le 19 du mois dernier , ajoutent
ces mêmes lettres , les Commandeurs
de la nouvelle Langue Anglo Bavaroife , de
la Religion de Malte , ont fait leur Profeffion
folennelle entre les mains du Baron de
Flachflanden , Grand - Croix & Miniftre Plénipotentiaire
de l'Ordre.
» Il y a eu , écrit on de Prague , une espèce
d'émente populaire , à l'occafion du premier enterre
ment d'un Proteftant , fait publiquement ici ; mais
les détails en ont été fort exagérés dans les papiers
publics . L'efprit de tolérance a déja fait des progrès
dans cette ville ; on en peut juger par ce fait. Quelques
jeunes Ecoliers , touchés de la misère où le
trouvoit réduit un honnête Proteftant , homme
d'efprit & dont les talens auroient mérité un
meilleur fort , s'étoient cotifés pour lui fournir le
bois , le logement & la nourriture. Après avoir
contribué pendant 7`mois à la confervation d'un
citoyen utile à l'Etat , ils ont demandé à leurs
maîtres la permiffion de faire en fa faveur une quête
générale dans leurs Clafles , ce qui leur a été accordé
avec plaifir & à différentes reprifes . Ces fentimens
d'une tolérance vraiment Chrétienne , leur ont valu
les éloges bien mérités de leurs parens , de leurs
maîtres & de tous les citoyens en général «.
( و )
ITALI E.
De LIVOURNE , le 25 Janvier.
PLUSIEURS Captifs écrivent d'Alger que
l'on y a traité du rachat de quelques - uns ,
& particulièrement du Capitaine Benoît Gazano
, pour qui on avoit d'abord demandé
1000 fequins . Le Bey ayant appris enſuite
que cet Efclave avoit un frère qui étoit
Officier de la marine Tofcane , n'a plus
voulu lui donner la liberté pour moins de
3000 fequins.
Suivant un ordre fuprême , tous les biensfonds
appartenant autrefois au Tribunal du
Saint-Office qui a été fupprimé , & qu'on
porte à la valeur de 7000 écus Romains ,
feront mis inceffamment en vente publi
que.
- Le
» Le Sénat , écrit-on de Venife , defirant que les
arfenaux & parcs d'artillerie de la République , foient
dorénavant pourvus de tout ce qui peut être néceffaire
à la Marine , a nommé pour Surintendants de
cette partie L. E. Errizzo , Lafto & Emo.
vaiffeau le Phénix de 70 canons , qui eſt arrivé ici
de Corfou , commandé par M. Gradenigo , doit s'y
réparer & prendre des vivres , avant de fe joindre à
notre efcaire , qui croife conftamment dans les mers
du Levant. - Les lettres de Mogador , datées des
derniers jours d'Octobre , portent que l'Empereur
de Maroc en étoit parti le 29 Septembre pour Salé ,
d'où il devoit fe rendre à Mequinez , & que fon fils
Muley Abfelin devoit gouverner cette place pendant
fon abfence. Le voyage de ce Monarque a pour
objet d'aller calmer les foulèvemens qui font farveas
( 10 )
nus dans les environs de Meqinez , & l'attaque que
les rebelies ont faite par furprife contre l'armée
commandée par Hafchaï fon frère , qui a , dit- on ,
agi contre les ordres qui lui avoient été donnés , en
commettant des hottilités contre ces provinces , & que
fa conduire à cet égard a été totalement défapprouvée
de fon Souvera n. Ces lettres ajoutent que
Samuel Sumbel , Juif, Miniftre de ce Prince , eit
mort depuis peu à Tanger , s'étant maintenu fans'
aucune interruption dans un emploi délicat , & fujet
aux plus grandes variations dans un Gouvernement
defpotique «.
ESPAGNE.
De CADIX le 30 Janvier.
,
PRESQUE tous les vaiffeaux font prêts ;
& il n'y a plus que les troupes à embarquer ,
pour ainfi dire , le moment en eft encore incertain
, & tout le monde croit que la paix
aura lieu inceffamment. Cependant , fi contre
l'attente générale , la campagne doit s'ouvrir
, jamais armement auffi formidable ne
fera parti de l'Europe ; 52 vaiffeaux de ligne ,
11 frégates , f corvettes , plus de 200 tranfports
, chargés de munitions de toute eſpèce ,
& 15,000 hommes de troupes Frarçoifes ,
fans compter les Efpagnoles , mettent un
Général en état d'entreprendre de grandes.
chofes .
Il y a quelques jours qu'un vaiſleau &
une frégate qu'on croit Anglois , le font
approchés à une lieue de la Tour de Saint-
Sébastien ; & on a diftingué de cette Tour
( II )
3
7 hommes fur les barres des hunes avec
des lunettes, Quoi qu'il en foit , hier , à
heures après midi , M. Dupleffis Pafcaut
reçut ordre de fe tenir prêt à appareiller
avec les vaiffeaux fuivans : le Royal- Lous
de 110 canons , le Dictateur , le d'Estaing
le Puiffant , le Suffifant de 74 ; l'Eveillé ,
le Réfléchi & la Provence de 64 ; & les
frégates la Précieufe , l'Iris , l'Engageante
de 32. Perfonne ne connoît la deftination
de cette divifion ; les uns difent qu'elle va
protéger l'arrivée d'un convoi attendu
de la Havane ; d'autres qu'elle va au- devant
de celui de Rochefort ; quelques- uns prétendent
que fon objet eft d'en intercepter
un parti d'Angleterre pour 1 Inde.
Malgré le grand nombre de tranſports
qui fuivront l'armée , on a confidérablement
chargé les vaiffeaux de guerre ; on a
embarqué fur chacun 2 canons de 24 &
4 de 4 , avec leurs affurs , de la poudre &
des boulers pour leur fervice , 2 mortiers
& quantité de bombes , plufieurs caiffes de
fufil ; tous ces effets doivent toujours être
prêts à être débarqués.
» Il vient de s'ouvrir un nouvel emprunt de 180
millions de réaux de Vellon . Le décret figné à ce
fujet par S. M. à Aranjuez le 17 Décembre , a été
publié ces jours - ci. L'emprunt eft en rentes viagères
à 8 pour cent fur une tête , & à 7 pour cent fur
deux , & en rentes rachetables à 3 pour cent d'intérêt
, fous hypothèques des revenus du tabac d Europe
& de l'Inde. Outre la faculté de fournir des
fonds en billets royaux au lieu d'efpèces , les pré-
2
a 6
( 12 )
teurs ont encore l'avantage de pouvoir donner le
tiers de la fomme pour laquelle ils s'intérefferont à
l'emprunt en créances contractées fous le règne de
Philippe V; avantage qui eft même affuré aux étrangers
, par l'article V du décret «.
P. S. Dans ce moment M. Dupleffis Pafcaut
, a tiré un coup de canon en hiffant le
fignal de mettre à la voile le plutôt poffible.
ÉTATS- UNIS DE L'AMÉRIQUE SEPT.
De Philadelphie le premier Janvier.
ON apprend que le Marquis de Vaudreuil
a mis à la voile de Boſton avec l'efcadre à
fes ordres , compofée de 13 vaiſſeaux de
ligne & de 4 frégates.
> Le 21 du mois dernier , il a été fait
lecture au Congrès de la Commiffion de
M. Ofwald , par laquelle il eft autorifé à
traiter comme Commiffaire Britannique
avec les Etats Unis d'Amérique , ou leurs
Commiffaires dans la négociation générale
pour la paix.
L'intérêt qu'a infpiré le Capitaine Afgill a
été général ; le fort cruel qu'il étoit menacé
de fubir n'a pas excité moins de pitié en
Amérique qu'en Europe ; on fait à quelle
Protection puiffante , il doit le bonheur de
l'avoir évité ; les lettres fuivantes qui ont
opéré fon falut , méritent d'être publiées ;
& les ames fenfibles ne les liront pas fans
attendriffement. La première avoit été écrite
par M. le Comte de Vergennes au Général
Washington le 29 Juillet 1782 .
7139
5 M. , cen'eft pas en qualité de Miniftre d'un Roi ,
ami & allié des Etats- Unis ( quoique ce foit avec la
participation & du confentement de S. M. ) que j'ai
l'honneur d'écrire à V. E .; c'eſt comme homme
fenfible , comme père tendre , qui éprouve toute
la force de l'amour paternel , que je prends la
liberté d'adreſſer à V. E. mes preffantes follicitations
en faveur d'une mère & d'une famille en pleurs .
Sa fituation femble d'autant plus mériter toute notre
attention , que c'eft à l'humanité d'une Nation en
guerre avec la fienne , qu'elle a recours , pour ob .
tenir ce qu'elle devroit recevoir de la juftice impartiale
de les propres Généraux . J'ai l'honneur de
faire paffer çi- inclufe à V. E. copie d'une lettre que
je viens de recevoir de Lady Afgill ; je ne lui fuis
point connu , & j'ignorois que fon fils étoit la victime
infortunée , deftinée par le fort a expier le
crime odieux dont un déni formel de juftice vous
oblige de tirer vengeance. V. E. ne lira pas cette
lettre fans être extrêmement affectée ; elle a produit
cet effet fur le Roi & la Reine , auxquels je l'ai
communiquée. La bonté du coeur de L. M. leur fait
défirer que les inquiétudes d'une mère infortunée
foient calmées , que fa tendreffe foit raffurée . Je
fens , M. , qu'il eft des cas où l'humanité elle-même
exige la plus extrême rigueur ; peut-être celui dont
il s'agit eft - il du nombre ; mais en reconnoiffant
l'équité des repréfailles , elles n'en font pas moins
horribles pour ceux qui en font les victimes ; & la
façon de penfer de V. E. eft trop connue , pour que
je ne fois pas perfuadé que vous n'avez rien de plus
à coeur que d'éviter cette fâcheufe néceffité . Il eft ,
M. , une confidération qui , fans être décifive , peut
influer fur votre réfolution ; le Capitaine Afgill eft
indubitablement votre prifonnier , mais il eft du
nombre de ceux que les armes du Roi ont contribué
à mettre entre vos mains à Yorck- Town. Quoique
cette circonftance ne foit pas en elle - même une
( 14 )
fauve- garde , elle juftifie du moins l'intérêt que je
me permets de prendre dans cette affaire. S'il eſt ,
M. , en votre pouvoir de la confidérer & d'y avoir
égard , vous ferez ce qui fera très - agréable à L. M. :`
le danger du jeune Afgill , les larmes , le défefpoir :
de fa mère les affectent fenfiblement ; & elles verront
avec plaifir l'espoir de confolation luire fur ces
infortunés . En cherchant à fouftraire M. Afgill à la
deſtinée dont il eft menacé , je ſuis bien éloigné de
vous engager à chercher un autre victime ; le pardon
, pour être parfaitement fatisfaifant , doit être
entier. Je n'imagine pas qu'il puiffe avoir aucunes
mauvaites conféquences. Si le Général Anglois n'a
pas été en état de punir le crime horrible dont vous
vous plaignez , d'une manière auffi exemplaire qu'il
l'auroit du , il y a raifon de croire qu'il prendra les
mefures les plus efficaces pour en prévenir de pareil
à l'avenir. Je fouhaite fincèrement , M. , que mon
intercellion foit couronnée du fuccès ; le fentiment
qui la dicte & que vous n'avez ceffé de manifefter
dans toutes les occafions , m'aflure que vous ne ferez
pas indifférent aux fupplications & aux larmes d'une
famille qui , par mon entremife , a recours à votre
clémence. C'eft rendre hommage à votre vertu que
de l'implorer ".
La lettre de Lady Afgill à M. le Comte
de Vergennes étoit du 18 du mê.ne mois ;
nous la tranferirons auffi .
» M. , fi la politeffe de la Cour de France permet
qu'une étrangère s'adreffe à elle , il n'eft pas douteux
que celle en qui le réuniffent toutes les fenfations
délicates dont un individu puiffe être pénétré , ne
ſoit favorablement accueillie d'un Seigneur dont la
réputation fait honneur , non- feulement à ton propre
pays , mais à la nature humaine. Le fujet fur lequel
j'ofe , M. , implorer votre affiftance , eit trop déchirant
pour mon coeur pour qu'il me foit poffible de
m'y arrêter très - probablement , le bruit publis :
( 15 )
vous en aura informé ; il n'eft donc pas néceffaire
que je me charge de cette tâche douloureufe. Mon
fils , ( mon fils unique ) qui m'eft auffi cher qu'il eft
brave , auffi aimable qu'il mérite de l'être , âgé de
19 ans feulement , prifonnier de guerre en conféquence
de la capitulation d'York-Town , eft actuellement
confiné en Amérique , comme un objet de repréfailles
. L'innocent fubira- t - il la peine due au coupable
? repréfentez - vous , M. , la fituation d'une
famille , qui fe trouve dans ces circonftances , environnée
comme je le fuis d'objets de détreffe ,
accablée de crainte & de douleur , il n'eft pas de
mots qui puiffent exprimer ce que je fens ou peindre
cette fcène de douleur : mon mari abandonné de fes
Médecins , quelques heures avant l'arrivée de cette
nouvelle , hors d'état d'être informé de l'infortune ;
ma fille attaquée d'une fièvre accompagnée de délire
, parlant de fon frère du ton de l'extravagance
& fans intervalles de raifon , fi ce n'eſt pour écouter
quelques circonftances propres à foulager fon coeur !
que votre fenfibilité , M. , vous peigne ma profonde ,
moninexprimable misère , & plaide en ma faveur ; un
mot de votre part , comme la voix du ciel , nous
fouftraira à la défolation , au dernier degré de l'infortune
je fais combien le Général Washington
révère votre caractère ; dites- lui feulement que vous
defirez que mon fils foit élargi , & il le rendra à
ſa famille déſolée , il le rendra au bonheur ; la vertu
& la bravoure de mon fils juftifieront cet acte de
clémence . Son honneur , M. , l'a conduit en Améri .
rique , il étoit né pour l'abondance , l'indépendance
& les perspectives les plus heureuſes . Permettezmoi
de fupplier encore votre haute influence en faveur
de l'innocence , dans la caufe de la juftice
& de l'humanité , de vouloir bien , M. , dépêcher de
France une lettre au Général Washington , & me
favorifer d'une copie pour lui être tranfmife d'ici . Je
fens toute la liberté que je prends en follicitant cette
grace; mais je fuis certaine , que vous me l'accor-
:
( 18 )
f
dież ou non , que vous aurez pitié de la détreffe qui
m'en fuggère l'idée : votre humanité laiffera tomber
une larme fur la faute , & elle fera effacée . Puiffe le
Ciel que j'implore vous accorder de n'avoir jamais
befoin de la confolation qu'il eft encore en votre
pouvoir d'accorder à Lady ASGILL « .
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 18 Février.
TOUTES nos nouvelles de l'Amérique
Septentrionale ſe réduiſent à la lettre fuivante
, apportée par le paquebot le Roebuck,
qui mit à la voile le 20 Janvier dernier de
New- Yorck , & eft arrivé à Falmouth le
12 de ce mois.
―
» Le Lieutenant - Général Leflie , Commandant
en Chef de Charles-Town , arriva ici avec ſa fuite
le 2 Janvier. Le bâtiment la Ducheffe de Gordon
, Capitaine Holmes , arriva ici le même jour ,
venant de Charles Town. Il avoit mis à la voile
le 19 Décembre , avec une flotte composée d'environ
70 voiles , dont so étoient deſtinées pour ce
port , & avoient à bord les troupes étrangères &
Provinciales . Cette flotte étoit efcortée par les vaiffeaux
de S. M. , l'Affurance , le Charles-Town
& le Hound. Les autres bâtimens de cette flotte
au nombre de 20 environ , s'en ſéparèrent le 18
Décembre devant la Berre de Charles-Town , &
firent voile pour l'Angleterre. Le 17 Décembre
une flotte compofée de plus de so voiles , ayant
à bord les troupes Angloifes & la principale partie
des habitans de Charles-Town , appareilla de ce
port pour la Jamaïque . Au moment où les troupes
du Roi s'embarquèrent à Charles-Town , le
Général Waine à la tête d'environ 5000 hommes
de troupes Continentales , p: ir poffeffion de la Ville,
-
( 17 )
-
Quatre autres bâtimens de la flotte partie le
19 Décembre de Charles -Town , mouillèrent le
2 Janvier au foir en dedans du Hook. Le refte
de la flotte , ainfi que les vaiffeaux qui l'efcortoient ,
étoit alors en vûe. L'évacuation de Charles-
Town s'eft effectuée avec le plus grand ordre «.
Nos nouvelles des Illes fe réduisent à
l'affurance que tout étoit auffi tranquille à
Ste-Lucie , le 20 Janvier , au départ d'un
bâtiment qui en étoit forti à cette époque.
» Ceux , dit à cet occafion un de nos papiers , qui
montrent du mécontentement des articles de paix , &
qui prétendent qu'il auroit mieux valu faire encore une
campagne aux Ifles , paroiffent être dans une grande
erreur ; il eft poffible que les premières dépêches
qu'on recevra de ces parages ne le confirment que
trop ; les François & les Efpagnols ont un corps de
troupes fi nombreux dans leurs différentes Ifles qu'en
tout tems ils font en état de détourner l'attention de
toutes nos flottes , & de les empêcher d'entreprendre
aucunes opérations offenfives. On a fu que ce font les
inquiétudes qu'ils nous donnent qui ont forcé l'Amiral
Hood à fon retour de New -Yock de marcher à
la Jamaïque , que D. Solano menaçoit de la Havane,
Heft donc au pouvoir de nos ennemis d'attirer nos
forces fous le vent , de les divifer , & de prévenir
toutes les opérations offenfives que nous aurions pu
faire au vent ; à quoi fert donc notre fapériosité ? elle
ne nous a pas empêché de perdre plufieurs Ifles ; &
que feroit-il arrivé fi l'armement formidable de Cadix
étoit parti ? «
Nos papiers ne font plus remplis depuis la
publication des préliminaires , que des démarches
faites par les perfonnes intéreffées
au commerce des parties cédées ; nous
avons déja rendu compte de quelques-unes ,
nous en préſenterons ici la fuite , d'après ces
mêmes papiers.
( 18 )
11
» Le Lord Hawke s'eft rendu chez le Comte de
Shelburne , pour lui expofer la pofition déplorable
où le trouvent les perfonnes qui ont des propriétés
dans la Floride Orientale cédée à l'Eſpagne par le
traité ; ce premier Lord de la Tréforerie lui a dit que
le Gouvernement s'occupoit du moyen de ve ir au
fecours des particuliers qui pourroient fouffrir de
cet arrangement , & il lui a donné à entendre qu'ils
pourroient avoir en dédommagement du terrein dans
la nouvelle Ecoffe ou dans l'Ifle St-Vincent ; mais il
a abfolument écarté toute idée d'indemnité pécuniaire
comme incompatible avec la fituation actuelle
des Finances. Les perfonnes intéreflées à cette Colo.
nie ayant tenu une nouvelle affemblée le premier
de ce mois , le Lord Hawke leur a rendu compte de
cette réponſe. Après différens avis ouverts à ce ſujet ,
on a adopté celui du Lord Hawke , qui avoit confeillé
de s'adreffer au Secrétaire d'Etat , pour le prier
de retenir quelques jours le paquebot deftiné pour la
Floride , afin de laiffer aux intéreffés le tems d'écrire
à leurs agens & correfpondans. Il a été auffi réfolu
de préfenter à ce fujet un mémoire au Miniftre
d'Elpague «.
» Il s'eft tenn le 11 une troisième affemblée des
propriétaires , négocians , planteurs , & autres inté
reflés à l'ile de Tabago. M. Greig a été nommé pour
aller à Paris préfenter au Ministère de France un mé.
moire des propriétaires , où ils rendent compte de
leur fituation , & demandent qu'il leur foi permis
de difpofer de leurs biens , &c. en faveur des per,
fonnes réfidentes dans l'Ifle ou à des fujets Fran.
çois ".
» Il fe tint hier une affemblée des négocians &
atres perfonnes intére lées dans le commerce des
foieries , pour prendre en confidération l'état actuel
de ce commerce , & les moyens de le faire profpérer
en établiſſant des liaifons mercantiles avec l'Amérique
Septentrionale. On jugea qu'à moins qu'il ne fût
fait des changemens contidérables relativement aux
( 19
droits , les François pourroient exporter totes les
foleries manufacturées ou autres en Amérique à vingt
pour cent meilleur marché que les négocians de la
G. B.
Il fut donc réfolu de mettre fous les yeux du
Gouvernement un expofé des faits , & de folliciter
fes bons offices ; & dans le cas où cette démarche
n'auroit point de fuccès , de préfenter une pérition
au Parlement en faveur de toutes les perfonnes inté
reffées dans le commerce des foieries , ou que leurs
intérêts , ainfi que ceux de toute la Nation , feroient
fortement léfés fi l'on n'apportoit pas les remèdes
que les circonstances femblent exiger «.
» Parmi les diverfes méthodes propofées pour
fonder une grande partie des quarante millions de dettes
non-fondées , il eft très - probable que le Ministère
a loptera celle de foader vingt millions de la Marine
à quatre pour cent , avec une douceur de douze ou
treize fols pour cent à longues annuités , ce qui
équivaudra à un emprunt à quatre & demi pour cent ;
il ne fera point alors néceffaire d'ouvrir cette année
un emprunt qui excède douze millions , & on
pourra lever cette fomme à un intérêt au-deffous de
5
liv. 17 6 d. pour cent , qui eft l'intérêt accordé
L'année dernière dans l'emprunt de 13,500,000 liv. ,
outre que les prêteurs eurent pour chaque fomine de
mille livres trois billets de loterie de d'x livres chaque
, dont ils ti èrent un profit confidérable « .
Parmi les obfervations que les mêmes
papiers préfentent fur les effets que doit
avoir la paix actuelle pour la Grande-Bretagne
; nous faifirons celles - ci .
כ כ
Il eft de fait que les meilleurs & les plus gros
mâts dont notre mari e air fait jamais ufage , vcnoient
de la Nouvelle- Angleterre ; ce fait eft auffi
pofitif qu'affligeant. Les chênes de cette Province &
de la Virginie , croiffent fur un terrain très - riche ,
où les arbres viennent d'une groffeur très - confidéra201
ble , & le bois eft plus flexible que celui qui croit
dans un fol plus léger , quoique le dernier foit , à ce
qu'on dit , pls compact & plus dur. Depuis cinq ans
le Général Washington a encouragé le cru du chêne
Américain ; la politiquement mis les Indiens à
l'avre , & leur a donné le privilége d'extraire
T'huile du gland pour la vendre à l'armée , ou en
difpofer autrement , cette huile n'eft pas de beaucoup
inférieure à celle d'amandes douces , & eft trèsnourriffante.
Les principales émigrations que nous pouvons
craindre , feront celles des ouvriers de toute cfpèce
qui ne feront pas employés ou qui ne le feront plus
du moment où les Manufactures qui concernent le
Militaire cefferont de leur procurer de l'occupation
celle des foldats & matelors licentiés , celle des
je nes Chirurgiens-Apothicaires , en un mot de toute
efpèce d'hommes ofifs ou Artistes fans emploi. Il
réfultera cependant quelqu'avantage de l'éloignement
de cette claffe d'inutiles ; leur réfidence ici ne fercit
que nuifib'e , puifqu'on ne pourroit pas les occuper.
On dit auffi que nombre de Génevois ont renoncé
au projes qu'ils avoient formé de fe retirer en Irlande
, & ont réfolu d'aller s'établir en Amérique ,
où la forme du gouvernement & les cérémonies religieufes
, font à bien des égards analogues à celles de
Jeur pays natal.
Au milieu de toutes les obfervations critiques
qu'effuye la paix , nous commençons
à en recueillir les fruits ; le 6 de ce mois
on a vu entrer dans la Tamife & faire fa
déclaration à la Douane , un bâtiment portant
le pavillon des Etats - Unis ; Ce bâtiment,
le premier qui ouvre le commerce entre les
deux Pays , comme Etats indépendans , fe
nomme le Bedfort , & vient de Nantusket ,
avec une cargaifon d'huile & autres pro(
21 )
duits de la pêche ; il étoit deftiné pour
Oftende ou pour un port de France ; mais
en apprenant la fignature des préliminaires ,
il a préféré de porter ici fon chargement.
Des milliers de curieux ont été voir le
navire , & fon pavillon.
Les troubles font entièrement appaifés à
Portſmouth ; le 68e . régiment eft en marche
pour les quartiers qui lui font affignés ,
& les Montagnards font renvoyés en Ecoffe.
Le Gouvernement a promis à la Compagnie
un autre régiment qui ira fervir dans
Les établiflemens , & qui s'embarquera inceffamment.
Le 1s de ce mois le Roi a rendu la
proclamation fuivante pour la ceffation des
hoftilités tant par mer que par terre , convenue
entre S. M. T. C. , le Roi d'Espagne ,
les Provinces - Unies & les Etats- Unis de
l'Amérique.
» G. R. Les articles provifionels ayant été fignés
à Paris , le 30 Novembre dernier , entre notre
Commiffaire pour traiter de la Paix , avec les Commiffaires
des Etats-Unis de l'Amérique, pour être inférés
dans le traité de Paix propo é à être conclu en re
nous & lefdits Etats - Unis , & conftituer ledit traité
lorfque les conditions de Paix feroient arrêtées ,
entre nous & S. M. T. C. Et les préliminaires
pour rétablir la Paix , entre nous & S. M. T. C. ,
ayant été fignés à Verfailles , le 20 de Janvier dernier
, par nos Miniftres & ceux du Roi T. C .;
& les préliminaires pour rétablir la Paix , entre nous
& le Roi d'Espagne , avant été pareillement fignés
à Ver ailles , le 20 Janvier dernier , per nos Minif
tres & par ceux du Roi d'Efpagne ; & comme pour
faire ceffer les calamités de la guerre le plutôt &
( 22 )
1
,
- Et les
autant qu'il eft poffib'e ; il a été convenu entre
nous , S. M. T. C. le Roi d'Espagne , les Etats- Généraux
des Provinces-Unies , & les Etats - Unis de
l'Amérique , ce qui fuit , favoir : Que les Vailfeaux
& effets qui feront pris dans la Manche ,
& dans les mers du Nord , après l'efpace de 12
jours , à compter de la ratification de dits articles
préliminai es , feront réciproquement reftitués ; que
le te me fera d'un mois , depuis la Manche & les
mers du Nord , jufqu'aux ifles Canaries inclufivement
, foit dans l'Océan , foit dans la Méditerranée
; de deux mois depuis lefdites ifles Canaries ,
jufqu'à la ligne Equinoxiale ou l'Equateur , & enfin
de cinq mois dans tous les autres endroits du
Monde , fans aucure exception , ni autre diftinction
plus particulière de tems & lieux .
ratifications defdits articles préliminaires entre
nous & le Roi T. C. en due forme , ayant été
échangées , entre nos Miniftres & ceux du Roi
T. C. , le 3 du préfent mois de Février ; & les
ratifications des articles préliminaires , entre nous
& le Roi d'Espagne , ayant été échangées , entre
nos Miniftres & ceux du Roi d'Espagne , le 9 du
préfent mois de Février , defquels jours refpectivement
les divers termes ci- deffus mentionnés , de
12 jours , d'un mois , de deux mois , & de cinq
mois doivent être comptés ; & comme c'est notre
volonté Royale , que la ceflation d'hoftilités , entre
nous & les Erats - Généraux des Province - Unies ,
& les Etats - Unis d'Amérique , s'accorde avec les
époques fixées entre nous & le Roi T. C.
Nous avons jugé à propos , de l'avis de notre
Confeil privé , de notifier ce que deflus à tous
nos chers Sujets ; & nous déclarons que c'est notre
plaifir & notre volonté Royale , & par la préfente
nous donnons charge & commandement exprès à
tous nos Officiers , tant par mer que par terre
& à tous nos autres Sujets quelconques , de défendie
d'exercer aucun acte d'hoftilité , foit par
>
›
( '23 ) .
mer, foit par terte , contre S. M. T. C. le Roi
d'Espagne , les Etats- Généraux des Provinces Unies ,
& les Etats- Unis d'Amérique , leurs Vaiffeaux &
Sujets après l'expiration des termes ci- deflus men❤
tionnés fous peine d'encourir notre difgrace.
Donné à la Cour de St- James , le 14 Février 1783 .
>
Les préliminaires ont été mis hier fous les
yeux du Parlement . Nous allons fuivre ici
les débats auxquels ils ont donné lieu.
» Ce jour la Chambre Haute devant prendre en
confidération les articles de la paix avec la France
& l'Eſpagne , & les articles provifionnels avec l'Amérique
, le Lord Pembroke , après que lecture fut
faite de ces pièces , fe leva & propofa une adreffe :
-
Pour remercier S. M. en termes généraux fur la
paix qui venoit d'être conclue , fur les efforts vi.
goureux que S. M. avoit faits en faveur des malheureux
Loyaliftes , porr témoigner que la Chambre
ne doutoit point que le Congrès ne remplît fes
engagemens relativement à la reftitution de
leurs propriétés & à la fûreté de leurs perfonnes
".
Le Marquis de Carmarthen appuya
la motion & déclara qu'il étoit très -content des
conditions de paix . Le Comte de Carliſle défapprouva
principalement l'article 5 des articles provifionnels,
par lequel les Loyalifles font abandonnés
prétendant que c'étoit une action infâme pour la
quelle nous ferions damnés , tant dans ce monde-ci
que dans l'autre , & il propofa de fupprimer dans
Padreffe tout ce qui le trouve après le mot conclue
, & d'y fubftituer une fimple phrafe qui fit
connoître que la paix ne répondoit ni aux juftes
efpérances que nous pouvions avoir , ni à la fitua
tion des Puiffances belligérantes , & qu'elle n'étoit
ni avantageufe , ni honorable pour la Grande - Bre
tagne. Le Comte de Coventry, dit que, tour confidéré
, la paix étoit bonne & qu'il l'approuvoit.
-
Le Lord Wallingham s'étendit fur les pertes
( 24 )
---
que la Nation alloit éprouver relativement aux Hmires
fixées pour le Canada. Ses objections contre
la paix porterent principalement fur le grand nombre
de concellion faites par la Grande - Bretagne , dans
toutes les parties du monde , fans aucun égard pour
la dignité ou l'intérêt du Royaume. Le Lord
Hawke donna fon approbation à la paix , & dit que
les limites du Cana la n'étoient point défavantageufes
pour l'Angleterre , attendu qu'il étoit notoire que
les pelleteries fe trouvent généralement fur la partie
feptentrionale des lacs . Il fit fentir qu'il efpéroit qu'on
donneroit un dédommagement ax perfonnes intéreffées
dans la Floride orientale . Le Lord
Vicomte Dudley défapprouva la paix comme humiliante
& défavantageufe en tous points. Le Duc
de Chandos fut d'un avis tout contraire , & dic
qu'il falloit être fûr de pouvoir faire une meilleure
paix , avant de blâmer celle- ci , qui au furplus étoit
infiniment plus avantageufe qu'on n'avoit lieu de
l'attendre . Le Lord Vicomte Townshend parla
en faveur de l'amendement. Le Duc de Grafton
déclara que vu les factions , les divifions & les
diffentions qui régnoient dans tout le Royaume ,
vu notre foibleffe comparée à la force de l'ennemi ,
nous ne devions pas nous attendre à une paix plus
honorable; qu'il y avoit actuellement 60 vaiffeaux de
ligne à Cadix.
-
www
Le Lord Keppel dit qu'il étoit trop honnête
homme pour avoir confeillé à fon Souverain de
conclure la paix telle qu'elle a été faite , parce que
les circonftances nous autorifoient à en attendre une
plus favorable ; qu'il n'y avoit pas plus de 42 vailfeaux
à Cadix ; que la G. B. avoit 10s vaiſſeaux de
ligne tans bons que mauvais ; que les François & les
Elpagnols en avoient 124 , mais qu'ils avoient beaucoup
plus de mauvais vaiffeaux que nous facs
aucune perfpective d'augmentation. Le Duc de
Richmond dit qu'il étoit impoffible à la Chambre de
-
".
donner
( 25 )
-
donner fon approbation à la paix , parce qu'il falloit
mettre fous les yeux une longue fuite d'informations
dont elle avoit befoin pour prononcer fur cet objet
avec connoiffance de caufe ; qu'il déclaroit hautement
qu'il s'oppofoit à la paix & il indiqua enfuite
les divers points d'information qui manquoient à la
Chambre. Le Lord Vicomte Stormont parla
pendant deux heures il paffa en revue tous les
articles des trois traités , & conclut que c'étoit la
pix la plus défavantageute & la plus humiliante que
la Nation eût jamais faite. Le Lord Vicomte
Grantham défendit la paix avec beaucoup de modeftie
. Il parla des conceffions faites à la France ,
qu'on devoit regarder plutôt comme un acte de complaifance
pour elle , que comme des pertes pour nous.
Il convint d'avoiromis dans les articles préliminaires ,
deux outrois mots néceffaires relativement aux pêcherics,
qui depuis avoient été rectifiés parun article féparé.
-
-
Le Lord Sackville cenfura prefque tous les articles
de la paix , & principalement les articles provifionnels
avec l'Amérique , qui lui parurent ruineux
pour l'Angleterre. Le Lord Vicomte Howe prétendit
que la paix n'avoit été conclue qu'à caufe du
mauvais état de notre marine. Il dit que nous n'avions
que 99 vaiffeaux de ligne , & qu'il croyoit qu'il
y en avoit 60 à Cadix. Le Lord Keppel lui répon
dit que nous avions 10s vaiffeaux de ligne , ainfi qu'il
l'avoit dit , & qu'il avoit entendu dire qu'il n'y en
avoit que 42 à Cadiz . — Le Comte de Shelburne fit
un long difcours & répondit aux diverfes objections
faites contre la paix. Il commença par les limites
du Canada , & préten dit que la portion de commerce
de pelleteries , cédée aux Américains , ne nous porteroit
ancun préjudice . Il entra dans le détail des
importations & der exportations du Canada ; il paſſa
enfuite aux object ons fur les pêcheries , & dit que
l'Amiral Edwars , le Capitaine Levifon - Gower & le
Lieutenant Lane eftimoient qu'une lieue au fud & à
1er. Mars 1783. b
( 26 )
l'eft étoit plus précieuſe que dix au nord & à l'oueft
Il fe défendit , relativement aux Loyalistes , en affurant
que le Congrès n'avoit d'autre pouvoir que celui
de les recommander.
Enfin après avoir répondu à d'autres reproches
par rapport aux Florides , à Tabago & aux ceflions
faites en Afrique & en Afie , il ne diffimula point
que l'état de foibleffe où fe trouvoit la Nation , relativement
à la guerre , fembloit indiquer la néceffité
de faire la paix. Le Lord Lougborough demanda
à la Chambre la permition de prouver qu'il n'y
avoit point de prérogative pour céder à l'Amérique.
---
---
―
Le Lord Chancelier fe leva , & dit qu'il fe
chargeoit de répondre fur ce point au Lord Lougborough
qu'il traita fort durement. Le Comte
Gower dit qu'il étoit mécontent de la paix , mais
qu'il s'oppofoit à l'amendement. · A heures & un
4
quart du matin la Chambre alla aux voix fur l'amendement
qui fat rejetté à la pluralité de 72 contre 59.
Les débats ne furent pas moins vifs dans
la Chambre baffe.
Auffi- tôt que l'ordre d'examiner les articles préliminaires
de la paix eut été lu , M. J. Pitt fe leva &
obferva que va notre pofition la paix devoit être le principal objet de nos defirs , que nous venions
de faire une guerre auifi longue que deftructive , &
qui nous avoit occafionné des pertes bien fenfibles à
tous égards ; que puifque le Ministère avoit conclu fi
heure fement la paix , il penfoit que tous les amis de
l'humanité devoient en approuver les conditions
quelque défavantageufes qu'elles puffent paroître à
certaines gens ; que de plus , il étoit certain qu'en
faifant le traité , le Ministère avoit eu devant les
yeux l'intérêt de la Nation , & qu'en l'examinant à
fonds , ce traité paroîtroit beaucoup plus avantageux
qu'on ne l'avoit d'abord cru. Il jetta enfuite un coup
d'ail fur l'étendue du territoire de l'Amérique au
commencement de la guerre , & il déplora le démembrement
d'une fi grande portion de l'Empire
( 27 )
Britannique. Il entra enfuite dans le détail parti
culier de l'état du revenu de l'Angleterre . Il avança
qu'avant la guerre , l'intérêt de la dette nationale
n'alloit pas à plus de 4 millions , que depuis la
guerre , il s'étoit accru de 5 millions , ce qui faifoit
à préfent 9 millions , & que l'établiſſement de paix
étoit actuellement de 14 millions , dont il falloit à
préfent affurer l'intérêt. De-là il paffa aux conceffions.
que nous avons faites à l'ennemi par les articles préli
minaires. La France , dit - il , nous a cédé les Illes de
la Grenade , les Grenadines , St - Vincent , la Dominique
, St-Christophe , Névis & Montferrat , toutes
poffeffions fort avantageufes pour notre commerce .
De notre côté , nous avons cédé à la France la
rivière de Sénégal & fes dépendances , avec les
forts de Saint -Louis , Podor , Gallam , Arguin
& Porrendic , comme auffi l'ifle de Gorée , qui , ditcn
, ſera remiſe à la France dans l'état où elle étoit
lorfque nous en prîmes poffeffion . Nous lei avons
cédé encore quelques territoires dans les Indes-
Orientales , favoir tous les établiffemens qui lui
appartenoient au commencement de la préfente
fur la côte d'Orixa & dans le Bengale , avec
guerre
la liberté de creufer un foffé autour de Chandernagor
, pour en faire écouler les eaux . Nous avons
fait encore à la France d'autres conceffions , mais
qui ne nous font pas autant de tort , & qui ne lui
nt pas auffi avantageufes que beaucoup de gens fe
le perfuadent. Enfin il parla des articles de la paix
avec l'Espagne , & il obferva que quoique nous lui
euflions cédé les deux Florides & c. , aucune de ces
conceffions ne nous étoit abfolument préjudiciable.
G
M. Pitt paffant enfuite au traité conclu avec les
Américains , témoigna fa fatisfaction de ce que cette
paix portoit fur des principes de juftice fi évidens
& établiffoit de part & d'autres une telle réciprocité
d'avantages , qu'elle ne pouvoit manquer d'opérer la
réconciliation la plus durable entre les deux Pays,
b 2
( 28 )
Il parla auffi de la recommandation faite au Congrès
en faveur des Loyaliftes , en difant qu'on avoit
tout lieu d'en attendre les plus heureux effets . Qant
à la paix en général , pourfuivit-il , elle paroifloit le
vcu unanime de la Chambre & de la Nation . Si elle
n'eft pas auffi favorable que nous aurions pu le
defirer , elle eft au moins avantageufe relativement
aux circonftances. Quels que puiffent être les murmures
de la faction , je ne vois point ce que l'on peut
raisonnablement reprocher au traité , fur- tout fi la
Chambre porte dans cet examen l'esprit d'impartialité
, fi néceffaire à ces difcuffions , fi elle réfléchit
aux conjonctures préfentes , & fi elle s'abftient de
ces comparaifons , qui , approchant des tems & des
circonftances très -diffemblables , peuvent préfenter
fous un jour défavorable les opérations les plus
fages & faire briller de vains déclamateurs aux dépens
de la justice & de la vérité . Je répète donc , que
felon moi , il n'étoit pas poffib e de faire une meilleure
paix . Je n'ignore pas qu'une certaine claffe
dira le contraire , & s'efforcera de perfuader à la
Chambre qu'elle auroit obtenu des conditions beaucoup
plus avantageufes ; mais jufqu'à ce qu'ils aient
communiqué leur plan de pacification , ils me permettront
de n'être point de leur avis . Trouvant la
conduite des Miniftres entièrement irréprochable ,
mon intention eft de les foutenir , & c'eft dans cette
vue que je fais la motion fuivante. Je demande donc
qu'il foir préfenté une humble adreffe au Rei ,
pour le remercier d'avoir mis fous les yeux de la
Chambre les articles de la paix entre S. M. B. & les
Rois T. C. & C. & les Etats-Unis d'Amérique , pour
que la Chambre les prit en confidération & expofât
fon avis à leur fujet ; que ar cette adreffe la Chambre
informât le Roi qu'elle a exécuté les ordres &
qu'elle approuve lefdi's articles , & qu'elle emerciât
S. M. des foins extrêmes qu'elle avoit pris pour
procurer à fes fujets les douceurs de la paix , &
qu'elle voyoit avec fatisfaction les apparences d'une
( 29)
heureufe réconciliation entre la G. B. & l'Amériqiee
«. Cette motion fut fuivie d'une longue adrefle ,
relativement à la fituation de nos affaires domeftiques.
M. Welberforet parla fortement en faveur
de la motion. Selon lui , ceux qui di ent qu'il falloit
continuer la guerre & qu'ils auroient obtenu des
conditions plus avantageufes , difent une abfurdić.
La Nation , avec des forces de terre & de mer , ECdoutables
en apparence , mais manquant d'argent
pour les mettre en action , étoit en effet fans reffources.
Abymée de dettes , il lui étoit phy fiquement
impoffible de continuer une guerre auffi ruineufe.
Le Lord John Cavendish foutint précisément
le contraire , & il affura qu'on auroit pu obtenir des
conditions beaucoup plus favorables , qu'il étoit
également impoffible à la Chambre de témoigner
S. M. fa fatisfaction , des articles préliminaires ,"
n'ayant point eu le tems néceffaire pour les connoître,
à les difcurer ; & qu'on auroit dû atrend e
que le traité actuellement en négociation , fût auffi
remis à la Chambre , parce que très- certainement
ce traité a une grande connexion avec les articles
de paix actuellement fur le bureau . Il finit par
propofer un amendement , conçu dans les termes
fuivans. Qu'il foit préſenté au Roi une humble
adreffe , pour remercier Sa Majefté de l'attention
qu'elle a eu de mettre fous les yeux
» de la Chambre , les articles de paix entre S. M.
B. & les Rois T. C. & C & les treize Etats Unis
d'Amérique , & lui dire que la Chambre prendra
ces articles en confidération & expofera fen
agrément à ce fujet le plutôt poffible «.- Le
Lord Cavendish demanda auffi qu'oz fupprimât la
dernière partie de l'adreffe , comme abfolument
M. S. Jonh parla en faveur de l'amendement
, en fe plaignant beaucoup des conceffions
que le Gouvernement avoit faites aux ennemis .
Mais un perfonnage plus important attira bientôt
in tile. -
›
bz
( 30 ་
les
fur lui toute l'attention de la Chambre. Le
Lord North fe leva , & dit : Il y a trente ans que
je fers , avec le plus grand plaifir , mon Roi &
mon pays dans le Parlement , & , pendant le cours
de cette longue période , je n'ai jamais fenti tant
de répugnance à faire entendre ici ma voix , que
dans la circonftance actuelle. J'aurois defiré pouvoir
garder le filence , & c'étoit même mon projet en me
rendant à la Chambre . Mais les difcours étranges
de MM. Pitt & Welberforet , me mettent dans la
néceffité indifpenfable de déclater mon opinion dans .
une conjoncture auffi férieufe & auffi importante.
Hs regardeat , comme très peu intéressantes ,
conceffions que nous avons faites à l'ennemi , &
femblent s'applaudir d'avoir acheté la paix à ce
prix. Mais je ne fuis nullement de cet avis , & je
penfe , comme le Lord Cavendish , que l'on aurait
dû laiffer à la Chambre beaucoup plus de tems
pour prendre en confidération les articles préliminaires
. C'eft avec le plus grand regret que j'expofe
en cette occafion un fentiment contraire à celui des
Miniftres ; mais ce que je dois à mon pays & à mes
conftituans , ne me permet point d'approuver ces
articles avant de connoître les grands avantages
que cette paix procure à la G. B. Mais , en quoi
confifte l'importance des conceffions qui nous ont
été faites ? En quoi confifte l'utilité générale d'une
telle paix ? Je vois , avec chagrin , que les Miniftres
n'ont pas bien confidéré la teneur des articles. Le
Traité fourmille d'erreurs , & d'erreurs les plus
graves. S'ils ignoroient l'étendue & la fituation
des différens pays , ils auroient du moins pu confulter
les perfonnes qui en étoient inftruites ; car
on verra que leurs conceffions les expofent au ridicule
, & ce qui eft pire , aux plus juftes reproches .
Encore une fois , mon intention n'eft point de confterner
, ni même de chagriner les Miniftres ; mais
puifqu'on me fomme de donner mon confentement
& mon approbation aux articles de paix , je vous
1 31 )
drois au moins que l'on m'apprêt quel droit ces
articles ont à mon approbation. Jufqu'à ce mo
ment, il m'eft impoffible de confentir à l'adrefle pro
pofée par M. Pitt , d'autant plus que je ne vois
dans la paix , aucun de ces rares avantages que le
parti du Ministère annonce avec tant d'emphafe.
Nos Adminiftrateurs actuels auroient dû avoir
fous les yeux la conduite du Miniftre qui a fair
le Traité d'Aix - la - Chapelle . Sa modeltie , dans
cetre circonftance , étoit un exemple fait pour être
imité. Il porta les articles à la Chambre , & avec
cette magnanimité qui fied fi bien à une belle ame
ils les mit fur le bureau fans craindre la moindre
recherche fur fa conduite. » Voilà , dit - il , les
» articles de paix que je vous prie d'examiner. J'ai
fait tout ce qu'il n'a été poffible de faire pour
» mon pays , & fans, m'appuyer du fecours d'aucun
de mes amis , je ne demande autre chofe à
la Chambre que de prendre ces articles en confidération
, de juger ma conduire dans cette affaire ,
» & de ne confulter que fon opinion dans fa cenfure
» & dans les éloges qu'elle croira devoir à mes opéra-
35
tions. En effet , convaincu de la droiture de mes
» intentions , certain d'avoir fait tout ce qui défen-
» doit de moi dans la fituation critique des affaires ,
» & méprifant fouverainement les intrigues & les
» menées des jaloux & des méchans , je mets ma
confiance dans la candeur & dans l'impartialité de
» la Chambre , & c'est à fon opinion feule que
» je veux devoir mon exiſtence ou ma chûte «.
Cette conduite étoit digne d'être imitée par le plus
grand homme d'Etat dans une femblable occafion ;
mais nos Miniftres actuels auroient cru s'avilir en
fuivant une conduite fi refpectable. Ils vous fomment
fans ceffe de donner vos fuffrages à ce traité ,
fans vous donner le tems d'e approfondir le fens .
Je me fouviens , dit-il , que lorsqu'on demanda précédemment
les articles de paix , quelques perfonnes
b 4
( 32 )
actuellement en place obfervèrent qu'il n'étoit pas
encore tems de difcuter fi la paix étoit avantageuſe ;
qu'il y avoit de l'injuftice à blâmer les ceflions faites
par les Miniftres avant d'être inſtruit fi elles n'étoient
point balancées par des avantages. J'étois charmé
d'entendre les Miniftres parler de la forte , parce
que je me flattois que ce langage étoit fondé , &
qu'on nous dévoileroit enfin ces grands avantages
qui devoient nous confoler de nos pertes . Mais
hélas ! j'ai été fruftré dans mon attente. Il difcuta
enfuite très-fcrupuleufement les divers articles de
paix , combatrit les argumens des deux premiers
Membres , & prouva que la paix n'étoit point auffi
avantageufe qu'on auroit pu l'efpérer. Plofieurs
articles de paix entre la France & l'Angleterre
font , dit -il , fufceptibles d'objections , & je fuis
étonné que nous ayons fait de femblables celfions
aux Indes occidentales . Pourquoi avons-nous cédé
Ste-Lucie ? Cette Ifle étoit - elle d'une affez petite
conféquence pour être jugée entièrement indigne
de notre attention ! Je puis dire avec fondement que
cette Ifle protège l'entrée & la fortie de nos poffeffions
les plus précieufes dans cette partie du monde ,
& je vois à regret que les Miniftres ont commis de
grandes bévues. La France nous a furpaffés en habileté
dans la négociation , car nous étions liés en
quelqué forte par les condicions de paix ; mais elle ,
au contraire , pouvoit , malgré la ratification da
Traité , accepter ou rejetter les conditions de paix ,
felon qu'elle le jugeoit convenable. Mon bur n'eft
point d'attaquer la réputation des perfonnes qui ont
travaillé à la négociation , mais je fuis fâché de
voir que la France a trop gagné. Je ne fais fi nous
fommes en paix ou en guerre avec la France ; l'un
des articles porte , que , dans le cas où la France
auroit des Alliés dans l'Inde , ( mais nous favons
qu'elle y a de très - puiffans Alliés ) dans le cas ,
dis-je , où elle auroit des Alliés dans l'Inde ,
ils
feront invités à accéder au Traité , & il leur fera
( 33 )
•
accordé un terme de
Voilà donc une très
quatre mois Four fe décider.
belle occafion pour Hyder-
Aly de ravager le pays , il peut fe livrer fans
obitacle à toutes les guerres de cruauté. Le Lord
North condamna les priviléges accordés à la
France fur le banc de Terre Neuve , & dit qu'ils
feroient très - nuifibles aux pêcher es de l'Angleterre.
Il parla des articles relatifs à l'Espagne ,
& demanda pourquoi les Miniftres avoi 、nt céé les deux Florides , & il fit voir qu'elles éaient
toutes deux d'un grand avantage pour notre com.
merce , furtout la Floride orientale. Oùeft donc ,
dit-il , cette réiprocitéd'avantages qu'on nous
vante fi fort ? - Il paffa enfuite en revû les articles
relatifs àl'Améique , & dit qu'il ne pouvoit
y déouvrir la moindre trace de cette éuité& de
cette réiprocitédont on avoit parlé. I cenfura
les Miniitres pour avoir fait des ceflions éormes
dans le Canada , & avoir abandonnéles Allié
de l'Angleterie dans cette partie du monde. Nous
avons anénti , dit-il , notre commerce avec les
Indiens de ce Pays , & abandonnéhonteufement
vingt quatre Nations de ces Indiens qui éoient nos
Allié , & qui nous ont fouvent fecondé pendant
guerre «. Il parla enfuite des limites fixés entre
les poffeffions Angloifes en Améique & les Etats-
Unis , & il expola l'abfurdité& les erreurs qui fe
trouvoient dans la fixation de ces limites. »Je ne
combats point , dit-il , l'indéendance Améicaine
mais je parfite àdire que nous lui avons donné trop & plus qu'elle n'efpéoit «. cenfura les Miniftres
dans les termes les plus forts & les plus
Alériflans pour avoir abandonnéles Loyaliftes , &
les avoir livré àla merci du Congrè . En prenant
la parole , dit-il , je n'ai point voulu prendre la
déenfe des Miniftres qui ont fait la paix , car je
ne donnerai jamais mon fuffrage àune telle paix.
Je ne fuis refponſble ni àDieu , ni àma Patric ,
la
L
bs
( 34 )
1
-
des conditions de cette paix , mais je fuis refponfable
de la guerre & des motifs qui l'ont fait
entreprendre , & je fuis prê àréondre àtoute
accufation qu'on produira contre moi fur ce chef.
En faisant la paix , pourquoi avons - nous abandonné nos vrais amis & allié ? Il y en a plufieurs que
j'eftime. Ils ont fervi leur Roi léitime de tout leur
pouvoir , & ils ont combattu fous fes drapeaux
pour la caufe de notre Patrie Pourquoi donc les
abandonner & les laiffer deftitué de tout , fans ,
déenfeurs ni propriéé, & fans avoir pourvu aucunement
àleur fort ? C'eft une honte une hone
infupportable & je crois que ni le parti Miniftéiel
, ni le parti Anti-Miniftéiel ne confentiront
àun procééfi blâable & fi flériſ .ant. Bon
Dieu ! quel eft le coeur qui ne doit pas faigner
en voyant proftituer ainfi l'homme national ? I
feconda l'amendement , & dit qu'auffi - tô qu'il auroit
paffé, il le propofcit de faire une motion tendante
a ce qu'il y fû ajoutéun article relatif aux Loyaliftes
.
Le Lord Mulgrave prit la parole. Lóíue
j'envifage , dit -il , la conduite de la France ,
j'ai lieu de penfer que la paix ne fauroit êre durable.
Cette Puillance a le deffein de prendre poffeffion des
Places qu'elle pent fortifier fans vouloir en tirer un
avantage imméiat. Si elle eû déirévivre en bonne
amitiéavec nous , elle eû cherchéàfe faire reftituer
les éabliſ .emens qu'elle a perdus . Les Miniftres
auroient - ils dûpermettre que Dunkerque
fut fortifié? Ignorent-ils que fi la guerre venoit à fe rallumer , cette place , àraifon de la proximité oùelle est de nos côes , feroit fatale ànotre
commerce ? Il fit les plus grands éoges de la fidéité & de la bravoure des Loyaliftes , & plaignit
leur fort. »Si les Miniftres , dit -il , avoient confulté leurs intéês , ils auroient gardéNew- Yorck ,
Charles- Town & Long- land , jufqu'àce qu'on cû
affuréaux Loyaliftes la reftitution de leurs propriéé
". M. Townshend fe leva , & dit : Les
( 35 )
perfonnes qui cenfurent la paix le plus vivement ,
ont délaré, il n'y a pas long - tems , que la paix
feule pouvoit fauver ce pays de la ruine . L'Indéendance
de l'Améique n'eft point l'ouvrage des
Miniftres ; on doit l'imputer a la Chambre , qui
palla l'anné dernièe une réolution , laquelle délaroit
de fait l'Améique indéendante , en liant
les mains àla Nation , & l'empêhant de continuer
la guerre avec l'Améique. Dans de telles circonftances
, les Miniftres ne pouvoient chercher qu'àobtenir
les meilleures conditions poffibles . J'ai plaidé, avec
zèe , la caufe des Loyaliftes ; mais les Commitfaires
Améicains n'avoient pas le pouvoir de ftipuler
de plus grands avantages pour les Loyalites.
Je délore bien fincéement lear deſiné
je délate que fi l'Angleterre ne les indemnife pas
de leurs pertes , elle méitera d'êre mife au nombie
des nations les plus mérifables. Il fit une
Analyfe des diverfes parties des traité , & les juftifia
fur le fondement que l'Angleterre éoit dans la
néeffitéde faire la paix , àcaufe de l'éat éuifé de les finances. On alla alors aux voix ; il v
eut pour l'amendement 224 , contre l'amende
ment 208 , majoritépour l'amendement 16 .
w
&
Le Gééal Murray s'eft enfin déidéà donner au Chevalier William Draper la
fatisfaction qui lui éoit due , & cette affaire
eft abfolument terminé . On s'occupe actuel
lement de la prife de St- Euftache , & le
Confeil de guerre nommépour examiner
la conduite du Lieutenant - Colonel Cockburne
a commencéfes fénces.
La Compagnie des Indes a donnéordre
de ne point déharger les éiceries venant
de Trinquemale , & d'attendre l'iffue des
néociations avec la Hollande , qui vont
toujours lentement.
( 36 )
FRANCE.
De VERSAILLES , le 25 Férier.
Le Roi a nomméàl'Abbaye du Montde-
Sion , Ordre de Cîeaux , la Dame de
Senery , Religieufe Profeffe de l'Ordre de
St. Auguftin ; dans la mêe Ville.
M. Gerard de Rayneval' , Miniftre Pléipotentiaire
du Roi prè S. M. B. , de retour
de Londres , a eu l'honneur d'êre
préentéàS. M. par M. le Comte de Vergennes
, Miniftre & Secréaire d'Etat ayant
le Déartement des Affaires Etrangèes .
Le Vicomte de la Cropte de Bourzac , qui
avoit eu prééemment l'honneur d'êre
préentéau Roi , a eu celui de monter le
7 dans les carroffes de S. M. , & de chaffer
avec Elle.
Le Comte de Vergennes , Miniftre & Secréaire
d'Etat , ayant le déartement des
affaires érangèes , que le Roi avoit nommé le 20 de ce mois , Chef du Confeil des Finances
, a prêé, le 23 , ferment
qualitéentre les mains de S. M.
en cette
De PARIS, le 25 Férier.
LA fréate qui a ramenéM. le Comte
de Rochambeau & les Officiers de l'Etat-
Major de fon armé , mouilla le 12 de ce
mois dans la rivièe de Nantes . Ce Gééal
a éépréééici par M. le Marquis de
Vauban, qu'il avoit chargéde fes déêhes;
1
( 37 )
il est arrivélui- mêe le 19 , & a éétrèbien
reç du Roi , qui s'eft entretenu avec
lui pendant plus de demi-heure fur tous
les objets relatifs àfon armé & fa pofition
en Améique.
avant
C'eft fur la fréate la Gloire que ce
Gééal eft venu , & pendant fa traverfé
, il a eu quelques alarmes , d'abord
par le feu qui prit àla fréate , & qui
avoit fait des progrè effrayans ,
qu'on pû parvenir àl'éeindre ; enfuire
par la chaffe que lui donna un vaiffeau
ennemi de 74 canons auquel la Gloire
n'éhappa qu'àla faveur de la brume &
de fa bonne manoeuvre. · Le Gééal n'eft point inquiet de l'armé
ni de l'efcadre de M. le Marquis de
Vaudreuil. Il parcî certain aujourd'hui ,
que cette flotte a atterréau Continent
Efpagnol , dans un port qu'on avoit choiſ
àcet effet pour le rendez-vous gééal
mêe pour ce qui devoit venir d Europe.
Un petit bâiment qui eft parti de Boſon
long- temps aprè M. de Vaudreuil , &
qui vient d'arriver àNantes en 17 jours
de travei fé , ne nous apprend rien de la
navigation de notre flotte fur les côes des
Etats -Unis , ce qui prouve qu'elle a fait
un voyage heureux .
Les vents contraires ont forcéles divers
avifos fortis de Breft pour aller annoncer
la paix , a rentrer dans ce port , & nous
apprenons que Andromaque , qui avoi
,
( 38 )
ééexpéié de Rochefort pour le mêe
objet , a ééobligé de relâher le 11 de
ce mois àl'Orient. Les fiéates Anglifes
n'auront pas ééplus heurenfes , puifque
nous avons qu'une efcadre entièe a éé fi maltraité , qu'elle n'a pas pu continuer
fa route ; auffi 8 ou 10 jours de mauvais
temps pourront peut- êre faire couler du
fang en pure perte dans l'Inde & en
Améique.
>
Selon les nouvelles apportés par un
Courier extraordinaire d'Espagne nous
avous appris que tout a ééarrêéàCadix
; on a dit auffi que D. Antonio Barcelo
éoit parvenu àdéruire le St- Michel
que fes chaloupes canonnièes avoient éé s'accrocher àce vaiffeau fous le feu de la
Place , & ne l'avoient quittéqu'aprè l'avoir
percéen difféens endroits , & au
moment oùil alloit couler bas. On dit
aujourd'hui , que cette nouvelle n'éoit
qu'un bruit de Madrid , que le Courier
d'Efpagre avoit rendu ici. Quelques lettres
de Bayonne l'ont depuis confirmé,
mis il ne l'eft pas encore par celles de
Madrid ni par celles de Cadix : ces dernièes
font du 31 Janvier , & nous apprennent
que le 31 on a fait fortir une divifion
de 8 vailleaux de ligne & de 3 fréates
qu'on croit avoir ééau - devant de
la riche flotte de la Havane . Cette divifion
eft fous les ordres de M. Dupleffis
Pafcaut.
( 39 )
On a des lettres de Toulon , en date du
4 de ce mois , dans lefquelles on lit les
déails fuivans.
La corvettte la Brune , commandé par M. de
Raouffer- Seillan , Lieutenant de vailleau , a mouillé hier matin dans cette rade , venant de Lixourne ;
elle avoit àbord M. le Duc de Chartres , qui a
déarquéici pour fe rendre àVersailles . Quoique
ce Prince garde l'incognito , M. le Chevalier de
Fabry , commandant la Marine , s'eft tranfportéfue
la corvette pour lui préenter fes hommages , & l'a
conduit enfuite chez lui oùce Prince a acceptéun
logement. Ce Commandant a eu l'honneur de lui
préenter les Officiers de fon corps ; ceux du corps
qui forme notre garnifon & ceux de l'Adminiftration
ont éééalement préenté àce Prince par
leurs Commandans & par Intendant ; il les a reçs
D
avec la mêe bonté, ainfi que les Confuls & la
Sééhauflé . Le réiment du Perche cft parti
hier de cette ville pour le rendre àMontpellier. Ce
réiment a ééremplacépar celui de Dauphiné, qui
eft arrivéici le mêe jour , venant de Valence .
Le Vrebourg , vaiffeau Hollandois de la Compagnie
des Indes qui eft ea relâhe dans notre port , fe difpofe
àaller joindre àMarſille les cinq autres vailfeaux
de la Compagnie des Indes qui y font arrivé
dernièement de Batavia. Leurs cargaifons confiftent
en productions de l'Inde , telles que coton , foie de
Bengale , éiceries , toiles , mouffelines , nacre de
perle , fucre , caféde Java & c .; la vente s'en fera
publiquement par M. Simon Birard de l'Orient ,
Conful gééal de Suèe en Bretagne , & cette vente
commencera vers la fin d'Avril prochain . Toutes les
marchandifes àla pièe & au poids , le vendront à l'entrepô , & pourront êre expéiés pour l'éranger
foit par terre , foit par mer , en franchife de tous
droits ".
On lit dans une lettre de Nantes l'avis.
( 40 )
fuivant ,,
que fon importance nous engage
àtranferire & àpublier.
»MM. les Adminiſrateurs gééaux de la manufacture
royale du nouveau doublage des vailleaux
de la Marine & du vernis méallique pour les ferru
res , éablie ici , ne pouvant entrer dans un grand
déail fur ces préieufes déouvertes , dont ils font
redevables aux travaux d'un favant , ſ borne ont
àune fimple notice , fuffifante pour prouver l'avantage
que toutes les Nations doivent en retirer . Le
nouveau doublage propre aux vailleaux , aux pilotis
& aux digues , elt un méal incorruptible : aucun infecte
, aucune plante marine ne peut s'y attacher. It
n'eft pas plus pefant que le cuivre , & n'a aucun de
fes inconvéiens . Les acides ne peu ent rien fui lai ;
il augmente beaucoup le fillage des vaiffeaux , &
peur mée êre employéàcouvrir les maifons fans
charger les charpentes . Le vernis méaliq e péère
le fer jufqu'au centre , en remplit exactement les
pores , & l'empêhe de fe rouiller . Tous les clous ,
chevilles & autres fers employé dans la conftruction
des vailleaux ou dans la bâille des maisons ne
prennent, par fon moyen , aucune humidité& ne ſ
rouillent jamais. Tous les fers enduits de ce vernis
changent de nature & deviennent plus durs . Sa couleur
eft blanche argenté , fufceptible d'êre polie ,
& peut faire ornement par- tout . MM . les Adminif
trateurs offrent àtoutes les Puiffances & aux Armateurs
de traiter de lun & de l'autre àleur fatisfaction
".
Nous placerons aprè cet avis des obfervations
non moins importantes , fur la manièe
de préerver de la foudre les vailleaux
& particulièement la Sainte - B rbe ; elles
font fondés fur la doctrine de M. Franklin
& du P. Becaria , & extraites d'une diller
tation du P. J. B. Toderini.
( 41 )
»Il eft déontréque la foudre eft formé par la
matièe éectrique . Parmi les corps éectables par
communication , les méaux font ceux qui attirent
le plus fortement cette matièe , fu -tout lorfqu'ils
font terminé en pointe : c'eft ourquoi les
tours , les clochers , &c . furmonté de croix méalliques
& fort éevé , font plus exposé àêre frappé
de la foudre . Afin que le Auide éectrique , lorfqu'il
s'eft infinuédans un corps , pourfore paifiblement
fon cours , il faut il trouve fur fon
paffage une féie de corps ou de conduits éalement
propres àle recevoir ; s'il rencontre une manièe
qui fe refufe àſn introduction , il clae : c'eft ce
qui arrive fur les tours dont les ornemens de fer
font arrêé par du marbre ou de la chaux , qui n'admet
point la matièe fulminante. Enfin l'éince le
éectrique fond les méaux d'un trè - pe it diamère
& fi leur diamère eft fuffisamment grand , il paffe
àtravers fans les endommager : ainfi pour éoigner
tout danger , quoiqu'on puiffe s'en tenir à trois lignes de diamère , felon l'avis du P. Beccaria
, il vaut mieux que le méal en ait quatre ,
ou mêe , par furabondance , un pouce. Quant
aux vailfeaux , il eft manifefte , que la coutume de
placer la Sainte Barbe fous le grand mâ , eft trèdangereufe
: car la foudre fe jette plutô fur la partie
la plus éevé , & en defcendant par ce mâ , elle fe
déharge dans la poudre placé au-deffous. Il faut
donc éablir la Sainte-Barbe àla poupe , en recou
vrant d'une double garde de cuir qui réifte au feu ,
tant éectrique qu'ééentaire , les armures ordinaires
des magasins àpoudre , lefquelles font de
fer , & en vernillant ces armares . Pour mieux pourvoir
àla fûetédes vaiffeaux , attendu qu'au-delfus
de la Sainte - Barbe eft un autre mâ moins baut , il
faut enfiler àla cîe du mâ parallèement au na,
vire , un grand anneau de bronze fur lequel s'éèent
quatre groffes & trè-courtes pointes dorés ,
de manièe qu'elles foient un tant foit peu domi
----
( 42 )
nés par la cime da mâ enduite de poix , & que
dudit anneau il defcende tout le long de l'arbre
une verge méallique de trois lignes de diamère ,
qui communique avec un autre conducteur plus
grand , lequel doit traverfer le plancher , & en paffant
aux deux bords oppofé , deſendre par les
flancs extéieurs de la poupe , & plonger dans la
mer. Il convient d'enduire éalement de foix la
girouette , fi elle eft de bois , & encore pius , fi
elle eft de fer , parce que la matièe en coulant dans
ce fer pourroit élater entre le fer & le mâ couvert
de poix. Enfin , pour plus grande fûeré, on
attachera àla flèhe de la girouette des hls méalliques
qui communiqueront avec le grand anneau.
Parmi les Procè finguliers , en voici un
qui peut intéeffer nos lecteurs , & leur
apprendre fur-tout àfe déier des affiduité
officieufes de gens dont l'éat peut favorifer
des rééitions exceffives pour raifon de
vifites , qui , faites en apparence fous les
dehors de l'amitié, font fouvent de leur
part trè - intéeffés .
› Une Dame de ... > demeurant en Province
avoit eu en Mai 1754 une maladie dangereufe ,
dont il lui reftoit un vemiffement qui avoit réifté àtous les remèes. Le Méecin de l'endroit qui l'avoit
traité dans fa maladie , aprè avoir tentédifféens
réimes , crut devoir lui confeiller de repren
dre la vie commune. Des Méecins de Paris confulté
furent du mêe àis . La Dame , l'ayant ſivi),
paya àfon Méecin ordinaire 100 éus d'honoraires
pour folde de compte déinitif le 19 Juillet 1776.
Ce mêe Méecin a depuis continuéles affi
duité fous le titre d'ami dans la maiſn de cette
Dame , qui n'a pas éémalade depuis . Ses de x
enfans ayant eu enfuite la petite véole , ce Méecin
, qui venoit habituellement dans la maiſn , fut
confulté& réompenféde fes feins pour eux par
( 43 )
-
-
des préens ; canne àpomme d'or & pièes de toi.
les pour linge de corps & de méage : ce Méecin
avoit auffi profitéde la voiture de la Dame ,
pour venir avec elle àParis , oùdes affaires perfonnelles
apppelloient ce Méecin. Au mois
d'Aoû dernier ce Méecin defirant mettre àprofit
fes affiduité , fit affigner les fieur & dame de
au Bailliage de ... , pour les faire condamner àlui
payer une fomme de 1856 liv . pour 1667 vifites
faites chez cette Dame , dans la Ville oùeft fon
domicile , pour 114 vifites faites àfa campagne ,
diftante de la Ville de 4 lieues , & pour l'avoir
accompagné dans un voyage àParis , oùelle alloit
confulter les Méecins . Il faut avouer que ce
Méecin avoit une heureufe méoire & favoit
compter ; il n'eû pas éémal- adroit fi aprè avoir
pendant prè de 6 ans partagépeut- êre la table
de cette Dame , il avoit pu s'en faire payer unc
fomme conféuente , pour l'aider àfonder la fienne
par la fuite ; mais les Sieur & Dame... , peu complaifans
, ont cru devoir déendre àcette demande par
l'expofédes faits ci - deffus. Ce nombre prodigieux
de vifites a para invraisemblable aux Jeges ,
& au furplus trè- inutile àune perfonne qui ,
remife àla vie commune , n'avoit plus eu aucun
réime àgarder. Ils ont eftiméqu'il y avoit compenfation
des foins donné aux enfans pendant leur
petite- véole avec les préens reçs , & ont déouté le Méecin de fes demandes avec déens .
quoi faut- il qu'un auffi vil & fordide intéê de quelques
particuliers indignes du nom de Méecin , dé.
honore ainfi une des plus honorables & des plus utiles
profeffions.
- Pour-
On mande de Rouen que les Curé&
Marguilliers d'une Paroiffe de cette ville
envoyèent au Confeil dans le mois dernier
des Déuté de leur part , pour repré .enter
que leur cimetièe éant affez grand pour
( 44 )
y inhumer les morts qui déèent fur cette
Paroiffe , devoit êre confervé Il leur a éé réondu que le Parlement leur avoit fixéun
terrein hors de la ville , qu'ils doivent en
confequence y faire leurs féultures , que
c'éoit la volontédu Roi , qui vouloit que
fon E it àcet éard fû exéuté, ainfi que
les Ar ês de fes Parlemens , & qu'ils n'avoient
qu'àfe conformer àceux que celui
de Rouen avoit renda les 23 Juin 1779 , 7
Aoû 1780 , & notamment àcelui du 7
Déembre dernier ? Il feroit àfouhaiter que
par tout dans les grandes Villes on s'occupâ
efficacement àtranfporter toutes les féul
tures hors des Villes , c'eft fur tout dans
les grandes qu'une pareille difpofition feroit
le plus néeffaire , & qu'elle érouve le
plus d'obstacles.
M. de Bouffois , Notaire àChâeau- Thierry,
nous érit qu'ayant ééchargéde faire des
recherches d'actes concernant la famille de
Jean Thierry , déééàVenife , par un
des préendans àcette fucceffion , il a trouvé difféens actes dont il a pris note , paffé
devant fes prééeffeurs par des Thierry,
Ces Thierry font Jean , Sergent , Nicolas , de
pareil éat , Victor , Marchand. Les héitiers de Jean
& de Victor , Françis , Chirurgien ; il a trouvé entr'autres le partage des biens de Nicolas , & Marie
l'Oifeleur fa femine , fait entre Claude , Catherine &
Nicolle , Jeanne , Nicolas , Curéde Dormans ,
Françis & Marie leurs enfans , tous demeurant à Châeau- Thierry , depuis & compris l'anné 1612
jufqu'en 1673 inclufivement , Il en a aufli trouvéde
( 45)
Thierry de Monmirail , & on peut s'adreffer directe,
ment àlui.
Nous ne pouvons refufer àla jufte inquiéude
d'un pèe pour le feul fils qui lui refte ,
& dont il n'a point de nouvelles depuis fix
ans , d'inféer ici l'avis fuivant.
»Ce jeune homme eft Claude- Féix Regnault
Delmarets , néàQuimper , Paroiffe St -Mathieu ,
Evêhéde Cornouailles , le 20 Mai 1757 , embarqué Pilotin fur le vaiffeau le Turgot , aiméau port de
l'Orient le 19 Avril 1775 pour la Chice , déarqué dudit vaiffeau le Turgot en rivièe de Chine le
19 Octobre 1776 , pour le rembarquer fur le vaiffeau
le Shrewbury de la Compagnie d'Angleterre ,
deftinépour Bengale . On prie ceux qui pourront
procurer quelqu'indication fur ce qu'il eft devenu
d'en donner connoiffance àM. Regnault Delmarets ,
ancien Capitaine de Cavalerie , demeurant àl'Orient
en Bretagne ",
De BRUXELLES , le 25 Férier.
Ο ÍON affure que le Roi de Suèe , attertif
àfaifir toutes les occafions d'éendre
& de favorifer les commerce de fes fujets ,
n'a point néligécelle qui s'eft offerte par
la déarche de la Grande- Bretagne , en
reconnoiffant l'indéendance de l'Améique ;
ila , dit-on , propoféun traitéavec la nouvelle
Réublique , qui , dit-on , a ééconclu
& fignéàParis le 5 de ce mois par fon
Miniftre & ceux des Etats -Unis ; la Suèe
a donnéaux autres Puiffances de l'Europe
un exemple qui fera fans doute bientô imité
On apprend de Hollande que les Etats
de Hollande & de Weftfrife ont , en vertu
d'une réolution , remis aux Etats - Gééaux
( 46 )
l'examen de l'affaire des vaiffeaux dont le
déart pour Breft avoit ééordonné; ils
n'ont pas jugéque les Amirauté en
puffent connoîre convenablement , parce
qu'elles font , en quelque façn , parties intéeffés
. On attend la déifion de cette affemblé
, celle des Etats de Hollande & de Weftfrile
, fur la léalité& la compéence du
haut Confeil de guerre. On dit que la Jurifdiction
de ce Tribunal fera fixé fur un
pied permanent , & réuite dans des bornes
compatibles avec la conftitution de la
Réublique.
כ ë
Nous ignorons encore , érit-on de la Haye ,
oùen font les néociations pour notre paix particu
lièe. Il paroî que les Anglois exigent toujours
quelques ceffions de notre part ; peut- êre n'ont-ils
en vue , en infiftant fur ce point que de faire une
balance avec les déommagemens que nous deman
dons ; quoiqu'il en foit , il est sû que l'on a fait
partir fucceffivement 3 Couriers pour Paris , avec
le refus formel de céer Néapatnam . Il en réul e
que notre arrangement particulier ne paroî pas
encore prê àfe conclure. Cette indéifion occafionne
quelques plaintes ; mais tous les citoyens
cenfé , ceux qui réléhiffent , conviennent tous des
obligations que nous avons àla France ; elle nous a
fauvéTrinquemale , & fi elle n'a pu engager les
Anglois àfe déifter des autres poffeffions qu'ils
ont conquifes fur nous , il ne faut s'en prendre qu'à notre lenteur & àl'apathie de nos confeils qui , au
lieu de fe preffer de faire caufe commune avec nos
allié , & d'agir de concert , ent toujours voulu
faire bande àpart. On dit bien que quatre jours
avant la fignature des préiminaires , on éoit convenu
d'un plan d'opéations communes ; mais alors
il n'éoit plus tems.-- Il eft arrivéun Exprè des
Commiffaires de notre Compagnie des Indes qui fe
trouvent en France ; & les 17 Directeurs déuté
--
( 47 )
de ce corps fe font affemblé extraordinairement
ici. Cette circonstance denne lieu àune multitude
de raifonnemens & de conjectures , parce que c'eft
àAmfterdam ou àMiddelbourg que s'aflemble or
dinairement la Direction de la Compagnie. On at-
\ tend avec impatience l'iffue de fes déibéations &
celle des néociations entamés ; quelle que foit celle
de ces dernièes , les travaux fe continuent pour
mettre notre marine fur un pied refpectable ; les
péitions pour cet objet montent 13,956,073
florins fols 8 den. outre 2,100,000 pour les magafins,
D'autres lettres de La Haye nous apprennent
que les ordres ont éédonné de fufpendre
provifionnellement les hoftilité contre
l'Angleterre , en vertu de l'Armistice figné àParis entre les Miniftres de la Réublique
& ceux de la Grande-Bretagne .
PRÉIS DES GAZETTES ANGL. du 18 Férier.
On dit que le Lord Beauchamp a éénommé Secréaire de la Guerre , àla place du Chevalier
George Yonge. L'intéê de l'argent fera , diton
, bientô réuit àquatre pour cent , par acte du
Parlement.
-
Le déart du Marquis de Carmarthen pour Paris
´ft fixéau 21 de ce mois. Le Duc de Rutland
nomméGrand - Maîre de la Maifon du Roi , àla
place du Lord Carlisle , a eu l'honneur de faire ,
le 16 , fes remerciemens àS. M.
"
Le Prince Edouard partira demain pour Dublin ,
accompagnéde fon Gouverneur ; fa fuite fera peu
nombreufe.
Les Irlandois femblent déerminé àfaire leur
cour aux Améicains ; un corps de volontaires ,
connu àDublin fous le nom d'Hibernian- Union ,
a pris l'arrêéfuivant :
و Ï
Le Roi de la G. B. ayant pour lui , fes héitiers
& fucceffeurs , reconnu les Treize Etats- Unis de
( 48 )
l'Améique feptentrionale , pour Etats libres , fouve.
rains & indéendans «.
Arrêéunanimement que ce corps faluera de
trois déharges le premier vaifleau qui entrera dans
le port de Dublin , avec pavillon Améicain «.
L'Amirautéa expéiédes ordres àPlymouth ,
Four qu'on lui envoy â fur-le-champ un éat des
vaiffeaux de guerre de ce port , en ordinaire , en
réaration ou en construction .
Le Canada nous coûe beaucoup plus qu'il ne
nous rapporte. L'avant - dernièe anné , il nous a
coûé1,200,000 1. , & l'anne dernièe 800,000 ,
tandis que fon commerce & toutes les pelleteries ne
nous ont jamais rapportéplus de 100,000 liv . Aiafi
les limites éablies par les articles provifionels ne
pourront nous êre que trè-avantageuſs , fi elles
nous privent d'une poffeflion qui coûe fi cher à garder.
L'Amiral Hyde Parker continuera de commander
dans les Indes O ientales , avec 8 vaikeaux de ligre
fans compter les fréates qui font l'armement fixé par le préent éabliffement de paix .
Il eft remarquable , obſrve une de nos Gazettes ,
que les dates de dex grands éèemens corref
pondent fi bien. En Férier 1763 , par le traitéde
paix avec la France & l'Espagne , l'Améique Septentrionale
nous a éédonné a perpé iré En Férier
1783 , nous avons donnéàperpéuitél'Améique
àelle -mêe.
-
Il n'a pas encore éédonnéd'ordre pour faire
rentrer en Angleterre aucun des vaiſ .eaux ſationné
dans les difféentes parties du globe . Le
Royal-William de 84 , & le Vigilant de 64 , déa
ment àPortſou.h. L'Irréiftible de 74 & le
Diadêe de 64 , vaiffeaux neufs actuellement en
commiflion àChatam , ne feront point éuipé pour
la mer. Les vailleaux armé qui avoient éé employé pour la protection du cabotage , feront
déa méle mois prochain , parce qu'ils deviennent
-
déormais inutiles .
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E.
De CONSTANTINOPLE , le 10 Janvier.
E calme commence àfe réablir dans
Lect
,
cette Capitale ; tout nous fait eſéer
que la rupture qu'on craignoit avec la
Ruffle n'aura pas lieu . Ce changement dans
les efprits & dans les difpofitions fe manifefte
depuis la retraite du Grand - Vifir
qui a éédéofé& qui s'eft retiréàVidin fur
le Danube , dont on lui a donnéle Gouvernement.
Le Kiaya- Bey Halid - Hamid le
remplace. La fermetédu nouveau Grand-
Vifir a contribuéàcontenir par- tout les
mutins , qui ne font plus entendre comme
auparavant le cri de guerre. Le Grand - Scigneur
a , dit-on , délarépofitivement qu'il
rempliroit les engagemens qu'impofe àla
Porte le traitéde Kainardgi ; & l'on affure
que tous les difféends font non-feulement
arrangé avec la Ruffie àla fatisfaction réiproque
des deux Puiíanees , mais que S. H.
8 Mars 1783.
( 50 )
a foufcrit àune nouvelle convention qui
lui a éépropofé par la Cour de Péersbourg.
On ignore encore la nature de cette
dernièe & celle des arrangemens qui ont éé pris.
DANEMARCK.
De
COPENHAGUE , le 4 Férier.
Le luxe qui commençit àgagner tous les
rangs de la fociéécivile , vient de fixer
l'attention du Gouvernement. Pour en rérimer
les effets toujours funeftes , il a rendu
une Ordonnance qui doit le limiter dans les
Royaumes de Danemarck , de Norwèe ,
ainfi que dans les Duché .
Chriftian VII. & c. Nous avons remarquéavec
regret , par les recherches que nous avons faites ,
qu'il rène dans nos Etats un luxe , qui , en faisant
employer les marchandifes érangèes beaucoup
au-delàdu néeflaire , fait paffer aux érangers les
richeffes du pays , & confume , par la prodigalitéde
nos propres productions intéieures , une partie importante
de ce qui pourroit fe vendre àl'éranger ;
& nous avons obfervéen mêe tems , que des
familles , qui conftituent l'Etat , les unes s'affoibliffent
& les autres s'appauvriffent par un pareil
luxe , foir qu'elles choififfent de leur propre gréune
fompruotité, qui furpaß leurs forces , ou que par
une espèe de déence elles fuivent l'exemple des
riches. Pour couper cours àce mal , fecourir les
familles qui defirent du foulagement , & ramener
l'éonomie , avantageufe aux familles & recommandable
àl'Etat , de façn que l'on puiffe faire , autant
que poffible , ufage de ce que l'on pofsèe déa ,
& qu'aucun bon méier ou néoce n'en fouffie far(
si )
ticulièement , nous avons trouvébon d'ordonner
& de ftatuer ce qui fuit.-I. Il ne fera plus permis
àl'avenir àaucun de nos chers & fidèes fujets
de faire ufage , foit fur leurs perfonnes & dans les
fociéé , foit dans leurs maifons , d'autre or ou
argent , que de boîes , éés , boucles , boutons de
cou & de poignet , montres , éuis , cuillers , coûeaux
, fourchettes , chandeliers , fucriers , cuillers à thé, tenailles àfucre , & autres petites pièes d'argenterie
dont on fe fert àtable , comme auffi des gobelers
en ufage chez les payfans ; àquoi il faut ajouter
les bagues & autres ornemens , que le fexe porte
aux oreilles & au cou ; ceux que les pay fans portent
d'argent maffif, & ce que les gens ont d'ailleurs
dans leurs maifons pour leur ufage perfonnel , comme
auffi jufqu'au nombre de 8 plats pour la table
avec des terrines & des caffetièes pour ceux qui
en ont déa. Il ne fera plus permis de fe fervir d'autres
uftenfiles d'or ou d'argent pour le thé. Cependant
l'on pourra conferver l'argent , que portent les
coureurs & les chaffeurs , de mêe que les boutons
d'argent unis pour les habits de livré , au cas qu'on
veuille les faire porter. Au refte , tout l'or & l'argent
travaillé, qu'on voudra importer àl'avenir de
l'éranger dans nos Etats , fera confifquépar-tout
oùon le trouvera ; àl'exception nénmoins de ce
que les voyageurs portent avec eux pour leur ufage
perfonnel, ou qu'ils font introduire dans le Royaume
pour
le tranfit rél d'un endroit àl'autre . II. Tous
les galons d'or & d'argent fur les habits neufs ,
comme auffi les houppes ou fous quelque nom que
les ornemens d'or ou d'argent fur les habits foient
connus , font déendus dis - à- préent . Voulons cependant
, afin que perfonne n'effie des pertes , qu'il
foit permis àceux qui ont préentement de pareils
habits , de les porter jufqu'au premier Janvier 1786.
Il en faut excepter nénmoins les uniformes , que
nous pourrons ordonner & preferire nous-mêes ,
C 2
( 52 )
comme auffi ceux que nous avons déa rélé pour
certaines perfonnes , qui font au fervice de notre
Cour ou dans le fervice militaire , & que nul autre ne
peut préumer de porter . III . A compter du premier
Férier 1783 , il ne fera permis àaucun homme de
faire faire des habits d'or , d'argent ou de foie , mais
ceux qu'on a déa peuvent êre porté jufqu'au premier
Férier 1786. La mêe déenfe concerne les
houffes & couvertures de chevaux . Cependant , afin
que ceux qui fe font occupé jufqu'àpréent de la
broderie & qui ont véu de ce travail , n'en foient
pas privé entièement , nous voulons bien permettre
au fere jufqu'ànouvel ordre de porter des broderies
de foie , àcondition qu'auffi fouvent qu'une
pièe , grande ou petite , aura ééachevé , elle foit
timbré àla halle éablie en notre réidence , aprè
qu'il aura ééprélablement conftaté& duement
attefté, qu'elle a éétravaillé dans nos Etats : mais
dans les autres villes marchandes , comme auffi
au Plat-pays , ledit timbre fera appofépar les Officiers
du district , auxquels nous avons confiél'adminiftration
de la police , & ce timbre fera compofé de notre nom en chiffre , du nombre de l'anné ,
& des mots : Til Bruck ( pour l'uſge ) . Au refle le
fexe pourra porter jufqu'au premier Janvier 1786 ,
les habits brodé , qu'il a déa . IV . Tous les habits
& pièes broché en or & en argent , ainsi que tout
ce qui eft montéde pierres érangèes , fines cu
fauffes , ne pourront plus fe porter ni fervir d'ornement
àqui que ce foit , non plus que les perles
fines ou fauffes , depuis le premier Janvier 1784.
L'on en excepte nénmoins , comme de coutume ,
les préens orné de pierres préieufes , dont nous
ou notre maiſn royale auront gratifiéquelqu'un .
A compter dudit premier Janvier 1784 , ceffera
éalement tout- à fait l'ufage des dentelles érangèes
& de ce qu'on nomme des points. Mais , fi
quelqu'un fait exéuter des ouvrages de pierres , qui
( 53 )
par
fost des productions de nos Etats , on prouvera
des certificats , que tel ouvrage a ééréllement
fait de pierres du pays . V. Aprè la publication de
la préente Ordonnance , il ne fera plus permis de
faire ni d'ordonner de dorer ou d'argenter d'or ou
d'argent fin les voitures , meubles , ou maifons.
VI . Tous les boutons pour les habits d'hommes ,
exceptéfeulement les uniformes que nous aurons
or lonné, feront pour les habits , qu'on fe fera faire
àl'avenir , de la mêe éoffe que les habits mêes ,
ou bien de foie & de poil de chameau , fabriqué
dans nos Etats . Les boutons communs de paylan
pourront feuls êre confervé. VII. Les hommes ,
jufqu'an premier Janvier 1786 , porteront les habits
, qu'ils ont actuellement de foie & de velours ,
tels qu'ils font àpréent , pour autant qu'il n'y a
point éémis de reftriction par l'article IV ci -deſ .us ;
nais , àcompter dudit premier Janvier 1786 , il
leur sera déendu de porter des habits ou furtouts de
foie ou de velours , comme il leur eft auffi déendu
d'en faire faire aprè la publication de la préente
ordonnance. Cependant , en faveur de nos fabri
ques , il eft permis au fexe mâe de porter des veftes ,
culottes , & bas de foie , ainfi que la doublure des
habits ; mais en revanche le velours eft déormais
déendu abfolument aux hommes. Il ne fera plus
permis non plus de porter des mouchoirs de foie ,
qui ne peuvent êre lavé . Cette déenfe ne concerne
pas nénmoins le velours de Manchefter ni autres
éoffes , mêés de foie & de coton , & ne s'é ‹ end
pas non plus aux éoffes mêés de foie & de laine ,
ni àcelles mêés de foie & de fleuret , qu'il fera
permis de porter comme ci - devant , pourvu que l'on
puiffe prouver qu'elles ont ééfabriqués dans le
pays. VIII . Tout ufage de pelleteries pour border
les habits , comme auffi pour doubler des habits
de cééonie , ceffera abfolument àcompter
du premier Janvier 1786. En revanche l'on
c 3
( 54 )
I
ne portera déormais que des pelleteries du pays
pour les furtours & pour le garantir du froid.
IX. A compter du 1 Janvier 1786 , il ne fera point
permis aux domestiques de nos Officiers de porter
rien qui foit fait de foie , finon des bourſs àcheveux
, des rubans de queue , des cravates & des bas.
Aprè la mêe éoque , les fervantes ne pourront
plus rien porter de foie , finon un mantelet & une
jupe de foie noire. X. A compter du 1 Janvier 1786 ,
il ne fera point permis au fexe de porter fur fes
habits d'autres garnitures que de la mêe éoffe
dont font les habits , ou , fi elles n'en font point ,
d'en porter qui coûent plus de 16 éus : toutes les
garnitures qui feront faites depuis le 1 Férier 1783 ,
fe rèleront d'aprè ce qui a ééfixéci- deſ .us . Il fera
abfolument déendu , aprè le 1 Janvier 1786 , de
porter des fleurs d'Italie & autres , àmoins qu'on
ne puiffe prouver qu'elles ont ééfaites dans le pays 5
il cft déendu dè-à préent d'en importer de nouvelles.
Il fera de mêe prohibéàl'avenir de fe
fervir de feuilles d'argent fur des habits nouvellement
faits , ou de les porter d'aucune autre façn
pour l'ajustement. XI. Les fervantes ne pourront
porter des bonnets ou coëfures d'un prix plus haut
qu'un éu ou 9 marcs Danois , exceptéle jour de
leurs noces. Il leur eft auffi déendu de porter des
boucles d'oreilles . XII . Tout domestique convaincu
de s'êre fait frifer par un Perruquier - Coëfeur ,
payera chaque fois une amende de 4 éus . XIII . II
eft abfolument déendu de faire faire des tapifferies
en foie , ainfi que des rideaux de foie aux fenêres.
XIV. Nous rétéons toutes les déenfes faites cidevant
; & déendons abfolument pour l'avenir
l'importation des articles fuivans : 1 ° Tous meubles
, quelque nom qu'ils portent , y compris les
tapis de pied . 2 °. Les voitures de toute eſèe avec
les éuipages de chevaux. 3 ° Toutes pendules ou
montres déa montés . 4º Toutes verreries , porce(
53 )
laines & fayance , excepténénmoins les miroirs ,
jufqu'ànouvel ordre. Cependant l'on conferve les
droits octroyé àla Compagnie des Indes orientales
& àla Compagnie du Canal . L'on ne comprend pas
non plus fous cette déenfe ce que les Etrangers
apportent avec eux pour leur ufage perfonnel ou
ce qu'ils font importer comme des effers , qui ne
font réllement que de fimple tranfit. XV. Pour
rérimer le luxe & diminuer les déenfes de nos
Sujets , nous ordonnons encore : 1 °. Il ne fera permis
de donner déormais aux dîers que fix plats ,
en comptant les grands & les petits ; & enfuite ,
outre les falades & ce qu'on peut regarder comme
éant da ciûdu pays , tout au plus quatre plats de
deffert , outre les fruits indigèes ; de forte que
toutes confitures érangèes , tant sèhes que li
quides , ne feront plus fervies . 2º Aux foupers ,
aucun Sajet du Roi ne pourra donner plus de 6 plats ,
tant grands que petits , & outre les falades , tout au
plus 2 plats de deffert avec des fruits du crûdu pays.
3. A table & ailleurs , lorfqu'on a des convives
i ne fera pas permis de donner d'autres vins que
des vins blancs & rouges de France avec des vins
de Maliga & de Madèe . En revanche , tous autres
vins fius & liqueurs , comme aufi le vin vieux de
France & la bièe érangèe , font déendus. L'on
pourra nénmoins donner du punch àceux qui en
déirent 4 °. Aux noces & àd'autres feftins femblables
, l'on pourra ajouter 2 plats & 2 articles de
deffert au nombre fixépour les repas ordinaires.
Enfia, àcompter du 1 Octobre 1783 , l'on ne pourra
fervir au repas , ni mettre en vente , ni annoncer à cet effet dans les Gazettes , des comeftibles érangers
, ni aucune espèe de mets préaré dans l'Etranger
, & dont les principaux ingrediens fe trouvent
dans le pays . Mais , comme nous ne comprenons
point fous cette prohibition des ingréiens
érangers , propres & utiles àfervir de nourriture ,
>
C 4
( 56 )
nous avons deffein de fixer d'une manièe plus cin
conftancié par un placard , que notre Collée-Gééal
d'Economie & de Commerce publiera, ce qu'on
doit tenir pour déendu. Pareillement l'on ne pourra
vendre & verfer , àcompter du 1 Janvier 1784 ,
dans les Auberges & Cabarets , & annoncer dans les
Gazettes , que les feuls vins dont nous avons accordé l'ufage par l'article prééent. La mêe déenſ a
lieu àl'éard des bièes érangèes & des liqueurs
déa préarés qu'on importeroit de l'Etranger , &
qu'on ne pourra verfer , vendre ni annoncer dans
les Gazettes , aprè le 1 Octobre 1783. Au reste ,
nous verrons avec plaifir que nos Sujets , pour ne
point perdre ce qu'ils poſèent déa , en faffent
ufage jufqu'àl'éoque que nous avons fixé ; comme
autfi qu'ils fe bornent enfuite relativement àce qui
eft réléci- deffus, tant pour le boire & le manger
que pour d'autres objets. Afia que notre préente
Ordonnance , aprè fa publication , fe conferve
conftamment dans la méoire de nos chers & fidèes
Sujets , pour qu'ils s'y conforment , il en fera fait
lecture annuellement de toutes les Chaires dans
toutes les Villes marchandes de nos Royaumes
& Etats , le premier Dimanche aprè le nouvel an &
le premier Dimanche du mois de Juillet . Et comme
nous nous affurons que nos chers & fidèes Sujets
inftruits de ce qui fert àleur propre bien - êre , fe
réouiront de recevoir cette rèle d'éonomie , &
qu'ils feront attentifs àfon obfervation , nous ne
voulons point provifionnellement la faire exéuter
par voie de Police & autres moyens de force : ce
que tous & chacun doivent favoir pour s'y conformer
«
Cette Ordonnance eft du 20 Janvier. Le
31 , il en a éérendu une autre pour rérimer
la déenfe du jeu ; comme c'est la
Cour qui doit donner l'exemple àla Ville
& au refte du Royaume , elle a ééadreffé
( 57 )
au Grand-Maréhal de la Cour. Il n'y fera
donnéàl'avenir qu'un éu pour les cartes
àchaque table de jeu .
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 4 Férier.
C'EST le 2 de ce mois que l'on a annoncé dans l'Eglife Proteftante de cette Ville l'accommodement
des difféends qui fubfiftoient
entre les Diffidens. On fe flatte que leur
union , àpréent qu'elle eft réablie , ne
fouffrira plus d'altéations.
Le Roi a confééla Waiwodie de Czernicovia
, vacante par la mort du Comte de
Leduchowski , àM. de Wilga , Staroſe
de Grabowicz.
ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 8 Férier.
L'ARCHIDUC MAXIMILIEN eft parti d'ici
les de ce mois pour l'Italie ; il fe rend
d'abord àFlorence , d'oùil fera un tour à Milan , àParme , & en d'autres Villes d'Italie
, & particulièement àRome , oùdes
appartemens au Vatican font préaré pour
le recevoir. Le Comte de Hardyg , Grand-
Maîre de fa Maiſn , l'accompagne.
Les tranfports de munitions de guerre
fur les frontièes des Provinces Ottomanes
ne font pas interrompus comme on le
difoit ; cependant on remarque que tous ces
préaratifs fe rallentiffent.
( 58 )
Il vit dans le cercle de Chrudin , érit - on de
Prague , une claffe d'hommes trè -nombreufe , qui
préend fuivre la religion d'Abraham ; un des points
principaux de leur croyance eft la connoiffance d'un
Etre fuprêe , Créteur de l'Univers , qui réompenfe
le bien & punit le mal dans ce monde comme
dans l'autre. Ils n'ont point de livres , & on ignore
d'oùils ont pris leur fyftêe religieux . Leurs moeurs
font trè-douces & leur conduite eft fans reproche.
D'aprè les ordres de S. M. I. ces gens auront des
éabliffemens dans la Hongrie «.
L'Empereur , en confi.léation de la mauvaife
réolte de l'anné dernièe , & d'aprè
les repré .entations qui lui ont ééfaites par
les habitans des environs d'Infpruck , vient
d'accorder la fomme de 24,000 florins
pour êre diftribué aux plus indigens.
Pour mieux favorifer & faciliter l'exportation
dans l'éranger des productions du
pays , l'Empereur vient d'ordonner que vu
la grande confommation de cuivre qui
augmente journellement pour les befoins
de la navigation , il fera éabli àFiume
un entrepô de cuivre , qui fera àtous éards
conforme àcelui qui exifte àTrieſe . Cet
entrepô fera confiéàla Compagnie priviléié
de Fiume .
De HAMBOURG , le IIsS Férier.
S'IL faut en croire des lettres de la Bofnie
, 30,000 Turcs fe font raffemblé dans
les environs de Sevaglio , afin de pouvoir
fe porter àWiddin dans la Bulgarie , en
cas de rupture avec la Ruffie , ce qui fait
( 59 )
conclure que les Mufulmans ont choisi cet
endroit pour le rendez-vous de leur troupes.
Mais il paroî que ces mouvemens ont éé faits avant que la Porte eut pris une réolution
fur les déêé qui s'éoient éevé ,
& les nouvelles de fes difpofitions pacifiques
fe foutiennent , celles des Etats hééitaires
de l'Empereur annoncent toujours
des préaratifs , s'ils paroiffent ralentis , ils
fe continuent cependant. Les troupes Impéiales
dans la Pologne Autrichienne ont
éérenforcés , & leur nombre eft porté jufqu'à40,000 hommes. Le réiment
d'Huffards de Wurmfer a eu ordre de le
rendre avec la plus grande diligence fur
les frontieres de la Turquie , Plufieurs autres
ont ordre de fe tenir prês pour la
fin de Mars , & beaucoup de maifons religieufes
ou Couvents qui ont ééfupprimé
, font remplis de toutes fortes de munitions
de bouche & de guerre . A ces déails
un de nos papiers joint les fuivans .
" Un Courier de Vienne , dit on , arriva à Bruxelles le 10 au foir ; le Confeil de la
Réence s'affembla auffi tô & ne fe féara
que fort avant dans la nuit . Le lendemain
II tout l'argent du tréor public & celui
que les Banquiers purent fournir fut envové àVienne. "
ود L'Elbe & 1 Eger , lit on dans des lettres
de Seif Meritz en Bohêe , fe font déordé ,
& toutes les campagnes aux environs de
ces fleuves fe trouvent fous l'eau . Cette
€6
( 60 )
4
1
inondation a ravagéplufieurs cantons cu
beaucoup de perſnnes & de beftiaux ont éé noyé . La fortereffe de Thééienſadt eft
de trois côé entièement ſbmergé ; mais
les ouvrages du dehors de ce fort n'ont éé que trè- peu endommagé .
Le commerce & la navigation de cette Ville ,
érit-on de Gothembourg, depuis quelques annés ont
fait des progrè confidéables . Dans le courant de
l'anné dernièe , il est entrédans notre port 693
bâimens érangers , tant grands que petits , & 812
venant des difféens ports du Royaume , ce qui fait
en toet 1505. Le nombre de ceux que nous avons envoyé
chez l'éranger eft de 647 , & pour les ports du
Royaume de 860. Total 1507 bâimens de fortis . Ncs
exportations , l'anné dernièe , ont ééprincipalement
113,151 fchifund de fer , 30,537 douzaines de
planches , 98,857 tonnes de harengs , & en outre
des marchandifes de l'Inde de la valeur de 2,980,178
rixdal. D'aprè l'éat exact qu'on vient de faire des
bâimens de cominerce de cette Ville , il s'en trouve
190 gros & petits , dont 32 font depuis 100 jufqu'à 352 lafts , &, 68 depuis 50 jufqu'à100 lafts . Les 90
reftants font moins confidéables . En 1782 , ily
a eu ici 519 naiffances , 669 morts & 124 mariages.
A Carlfcrone , 481 naiſ .ances , 677 morts & 130
mariages.
-
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 23 Férier.
LE Lieutenant- Gééal Leflie , ci- devant
Commandant en Chef àCharles -Town ,
eft arrivéen Angleterre fur le Roebuck. Au
déart de ce vaiffeau les arrangemens éoient
pris àNew-Yorck par rapport àla diftri(
61 )
bution des troupes dans cette place ; celles
de Charles-Town n'avoient pas reç encore
d'ordres déinitifs ; on fait qu'àleur déart
de cette place , le Gééal Wayne y entra
àla têe de sooo hommes de troupes continentales
, laiffant un corps de cavalerie
pour garder les paffages , avec l'ordre trèpréis
de ne molefter aucune perfonne qui
fe rendoit àbord des vaiffeaux. Lorſue la
garniſn Britannique fut embarqué , &
pendant les trois jours que la flotte mouilla
dans la baie , le Gééal Wayne eut la politeffe
de ne point arborer le pavillon
Améicain. Auffi-tô qu'il fut maîre de la
ville il ordonna d'ouvrir les maisons qui
avoient ééfermés , & traita les habitans
avec toutes fortes d'éards ; la convention
conclue entre le Gouverneur de l'Etat &
les Marchands de la ville a ééinviolablement
obfervé.
On a appris par le retour du mêe vaiffeau
que le difféend qui a fubfiftélong- tems
entre l'Etat de Penfylvanie & celui de Connecticut
, relativement aux frontieres , a éé enfin déidéen faveur du premier. Les Commiffaires
nommé par les parties fous la
fanction du Congrè , conforméent au
9e. article de l'acte de confééation , prononcèent
unanimement fur ce fujet àla
fin du mois de Déembre dernier.
Hier matin on a reç des déêhes des
ifles du Vent , en date du 28 Déembre ;
tout y éoit alors tranquille. Plufieurs lettres
( 62 )
de marque parties de Londres & de Bristol,
éoient arrivés àla Barbade & y avoient
déarquéleurs cargaifons compofés de
quantitéd'articles dont on avoit un grand
befoin dans cette ville.
On attend d'un jour àl'autre un paquebot
de la Jamaïue , par lequel on eſèe
apprendre le déart de la flotte deftiné pour
l'Angleterre ; on fe flatte qu'il nous infor
mera auffi que la Proferpine & la Réiſance
font rentré heureufement dans les ports
de cette ville avec leurs convois reſectifs .
»Les affemblés des perfonnes intéeſ .és au commerce
de la Floride orientale fe multiplient ; il s'en
eft encore tenu dernièement une , préidé par le
Lord Hawke , qui lui a rendu compte de ce qui
avoit ééfait depuis la dernièe ; il l'a informé que
le Gouvernement avoit bien voulu fufpendre le déart
du paquebot deftinépour St-Augustin ; qu'il avoit
vu le Réident de la Cour d'Efpagne , D. Ignatio de
Sanara , qui l'avoit parfaitement bien reç , mais
qui ne lui avoit paru aucunement préaréàlui
donner une réonſ déinitive fur cette affaire , & en
particulier fur ce qui concernoit les propriéaires
qui prééeront de refter dans la Floride orientale ,
aprè que S. M. C. en aura éémise en poffeffion
& les privilées qu'ils pourroient eſéer. Il fit enfuite
la lecture d'un méoire que les propriéaires
& autres intéeffé doivent préenter àla Cour de
Madrid ; il fut réolu de l'envoyer & de l'adreffer au
Ministèe Britannique pour obtenir la recommandation
de S. M. «.
Depuis la conclufion de la paix le prix
du bois de conftruction a baifféde 18 pour
100. Le chanvre , le fer & divers autres
articles ont auffi confidéablement diminué,
( 63 )
& plufieurs conftructeurs particuliers ont
forméla fpéulation de conftruire des bâimens
pour le commerce.
»On vient d'érouver dans cette Ville , érit- on
de Dél , une éeute beaucoup plus forte que celle
de Portſouth : voici ce qui a donnélieu àcet éè nement funefte. Dans la nuit du 8 au 9 un déachement
de 60 Dragons entra dans la Ville pour aider
les Officiers de l'Accife àenfoncer les portes des magafins
& àfaire des faifles . Les Contrebandiers préenus
de leur arrivé fe raffemblèent en corps , &
les deux partis éant venus aux mains l'action fut
opiniâre & trè - fanglante. Sept Dragons furent
tué fur la place & plufieurs autres furent dangereufement
bleffé . L'un de ces derniers , qui éoit
Officier , eft mort hier ; le Commandant de ce déachement
eft auffi trè- mal des fuites de fes bleffures.
Nous avons actuellement fept hommes de
cette troupe dans notre Hopital . Les Contrebandiers
ont eu , dit - on , 20 hommes tué «.
Malgréles clameurs contre la paix , l'opinion
gééale eft qu'une paix tant foit peu
convenable , vaut mieux qu'une guerre ruineufe.
M. Fox a lui-mêe délaréau Parlement
, qu'une paix dont on n'avoit pas
lieu d'êre fatisfait dans tous les objets
des voeux de la Nation , pouvoit nénmoins
êre une paix fupportable , & à la dernièe rigueur analogue àce que nous
pouvions exiger raifonnablement ; qu'ainfi
la paix actuelle , quoiqu'on pû la regarder
comme mauvaife , & la critiquer àjufte
titre , éoit cependant , dans notre pofition ,
prééable àla guerre. C'eft ainfi que la Ville
paroî avoir penfé, puiſuelle a arrêé&
pré .entéune adreffe au Roi , pour le re(
64 )
mercier d'avoir procuréla paix àla Nation
. Il en a ééde mêe en partie dans
la Chambre Haute , ooù ù ll''aaddrreeffffee ,, comme
nous l'avons déa remarqué, fut agré ée à la pluralitéde 72 voix contre 59 , telle
qu'elle avoit ééconçe par l'Adminiftration.
Il n'en fut pas de mêe dans la
Chambre des Communes , oùl'Oppofition ,
comme nous l'avons vu , a gagnéune victoire
complette fur le Ministèe , par une pluralité de 16 voix , en faifant paffer l'amendement
, préaré par le Lord Cavendish ,
àl'adreffe préenté par M. Pitt . Cette
adreffe a éépréenté le 19 au Roi , & eft
conçe ainfi.
› avec
VOS
»Nous affurons V. M. que fes fidèes Communes
examineront les préiminaires de la paix avec l'attention
féieufe & entièe qu'exige ce fujet important
& effentiel aux intéês préens & àvenir des
Domaines de V. M ; elles mettent une confiance
entièe dans les foins paternels de V. M. , & ne dou
tent point qu'elle ne prenne , de concert
fon Parlement les mefures les plus propres
àéendre le commerce de fes Sujets ;
fidèes Commones fentent qu'il feroit fuperflu de
rappeller àV. M. les éards dû par la Nation à toutes les clalles d'hommes qui , dans la duré
d'une guerre longue & malheureufe , ont fignalé leur loyauté& leur fidéitéen expofant leur vie &
leurs biens . Quelle que puiffe êre l'opinion des
fidèes Communes de V. M. , d'aprè l'examen
que la Chambre va faire des termes de la paix ,
elles demandent la permiffion d'affurer V. M. de
leur ferme & inaltéable réolution de fe conformer
inviolablement aux difféens articles qui engagent
la foi publique , en maintenant les avantages
-
( 65 )
qui réultent d'une paix fi néeffaire aux Sujets
de V. M. & au bonheur de l'humanité«.
Les déats du 21 ne furent pas moins.
vifs dans la Chambre des Communes , que
ceux qui avoient eu lieu le 17 fur les préiminaires
de la paix.
" Mon premier deffein , dit le Lord John Cavendish
, éoit d'attendre que les articles de la Hollande
fuffent mis fous les yeux de la Chambre , pour qu'elle
pû porter un jugement plus certain fur les condi
tions de paix. Mais aprè l'iffue des déats du 17 ,
je ne doute point qu'elle ne s'occupe , fans interruption
, de l'examen des articles préiminaires . Je délare
que je ne fuis provoquépar aucune inimitiéperfonnelle
; le feul bien de la Nation m'anime , & je
fuis convaincu que tel eft l'objet de chaque Membre
de cette Chambre . Le bruit s'eft réandu que ce que
j'ai dit dans les déats de Lundi dernier , tendoit à manifefter quelque oppofition àla paix ; c'est une
ilé que je n'ai jamais eue . En propofant un amendement
, mon intention éoit de difféer l'examen
des conditions du traité, jufqu'àce que le Parlement
ait eu une pleine counciffance des difféens articles ,
& je m'oppofois feulement àce qu'on avanç ât à S. M. qu'il avoit examiné& approuvéle traité,
tandis qu'en effet il ne le connoiffoit prefque pas.
Je n'ai point du tout voulu infinuer que le traiténo
liâ pas àtous éards , & toujours j'ai ééperſadé,
ainfi que je le délare hautement àla Chambre ,
que l'honneur & la parole de la Nation font engagé
par ce traité, & que les articles de paix ratifié
comme ils le font aujourd'hui , doivent êre regar
dé comme conclus & arrêé déinitivement par
les difféentes Puiffances contractantes ; mais cela
n'empêhe pas d'obſrver que la paix n'eft pas auffi
honorable àl'Angleterre qu'on auroit dûl'attendre.
Je ne crois pas que ceux qui ont fait ce traitéméitent
les éoges qu'on leur prodigue. Notre pofition
( 66 )
-
n'eft pas anffi fâheufe que certaines gens la repréentent.
Nous avons éévictorieux dans plufieurs
parties du globe , & nous n'aurions pas dûfaire les
ceffions hontenfes & extravagantes que nous avons
faites . La victoire remporté dans les Ines par le
Lord Rodney , fera un objet d'éonnement pour la
poftéité; elle auroit dûnous encourager àcontinuer
la guerre avec une aideur nouvelle , ou du
moins nous procurer une paix moins humiliante .
La bravoure & les talens fupéieurs du Gééal
Elliot avoient fait éhouer une partie des projets
ambitieux de nos ennemis. Pourquoi donc avonsnous
céétant de riches poffeffions , fans avoir rien
obtenu en retour ? Je fuis bien éoignéd'en faire un
crime àaucun Membre de l'Adminiftration en particulier;
mais tout homme de bon fens ne peut fe
difpenfer de convenir avec moi qu'on a commis de
lourdes fautes en faifant ce traité; & c'est ce qu'il
faudroit examiner. Le Lord John Cavendish termina
fon difcours par les cinq propofitions fuivantes.
1º Qu'en confidéation de la foi publique qui doit
êre gardé inviolablement , la Chambre prêera
fon appui àS. M. pour affermir & rendre durable
la paix conclue entre elle & les difféentes Puiſ .ances.
2° Que la Chambre emploiera tous les efforts pour
faire donner aux Sujets de S. M. tous les avantages
de la paix. 3 ° Que S. M. en reconnoiffant l'indéendance
des Etats - Unis de l'Améique , en vertu
des pouvoirs dont elle a éérevêue par l'acte de la
dernièe feffion du Parlement , lequel autorife S. M.
àconclure la paix ou une trèe avec certaines Colonies
de l'Améique Septentrionale , a agi felon
que l'éat actuel des affaires l'exigetit , & conforméent
au vou du Parlement. 4° Que les ceffions
faites aux ennemis de la Grande- Bretagne par ledit
traitéprovifionel & par les articles préiminaires ,"
font plus confidéables qu'ils n'avoient droit de
l'attendre , relativement àl'objet actuel de leurs
poffeffions & de leurs forces refpectives. s . Que
( 67 )
>
la Chambre connoî les éards dus par la Nation
àtoutes les claffes d'hommes qui , pendant une
guerre longue & malheureufe , ont fignaléleur
loyauté& leur fidéitéen expofant leur vie &
leurs biens , & qu'elle affure Sa Majestéqu'elle
prendra les mefures les plus convenables pour
les tirer de l'éat de déreffe oùils font réuits .
M. Keith-Stuart nia que notre Marine fû auffi fupéieure
àcelle de l'ennemi , que l'avoit avancéle Lord
John Cavendish , & nomméent aux Ifles . Les derniers
éats que nous avons reçs , font monter
dit-il , les efcadres combinés àplus de 60 vaiffeaux
de ligne. On donc eft cette fupéioritéde notre part ?
Je fais d'ailleurs que les Hollandois conftruiſnt
beaucoup de vaiffeaux de ligne , & qu'ils en auroient
pu mettre en mer so , au commencement de l'éé prochain , fi la guerre eû continué. D'aprè ces
faits , qu'on ne peut nier, la paix me paroî auffi
avantageufe qu'honorable , fur tout lorsque je jette
les yeux fur la pofition critique de nos affaires . Je ne
dis point que les fuccè glorieux du Lord Rodney &
la belle déense du Gééal Elliot , ne leur méitent
les plus grands éoges & la plas vive reconnoiffance
de la part de la nation Angloife ; mais ces grands
triomphes ne nous ont poin: donnéaffez d'avantage
& de fupéioritéfur les ennemis , pour nous faire
rejetter & mérifer aucune de leurs offres , tendantes
àune réonciliation . M. Towshend , Secréaire
d'Etat , fe leva & parla en ces termes : en déen
lant la paix , mon intention eft de n'employer
que des principes avoué par la conftitution . Si les
repréentans de la Nation veulent éablir une enquêe
fur le traité, qu'ils fuivent le mêe fyíêe, &
ne fe laiffent point gouverner par l'esprit de parti
Au furplus rien n'empêhe de faire une motion pour
demander la retraite des Miniftres actuels , fi l'on
croit qu'ils n'aient pas réléleur conduite fur les
intéês de la Nation. En mon particulier , fi quelqu'un
a des reproches àme faire , je fuis prê àfou-
― ( 68 )
mettre mes opéations àtoutes les éreuves qu'il
pourra defirer , & je connois affez la dreiture & la.
loyautéde mes collèues , pour êre perfuadéqu'ils
ne chercheront jamais àéuder une pareille enquêe.
Je n'ai aucune objection àfaire contre la premièe ,
la feconde & la troiſèe motion , mais je m'oppoferai
de toutes mes forces àla quatrièe , parce que
je la regarde comme injufte & délacé ? En effet , fi
les Miniftres de S. M. ont fait quelques ceffions ,
elles ont certainement éécompenfés par celles
qu'ils ont obtenues en retour. Je m'oppoſ pareillement
àla cinquièe , quoique je convienne qu'il
faille pourvoir aux intéês des loyaliftes .
--
-
Le
Chevalier Cecil Wray , aprè avoir afluréqu'il ne
tenoit àaucun parti , invita les propriéaires des
terres àfaire caufe commune avec lui dans la déenfe
des droits & des privilées de la Nation ,
& dans les pourfuites contre les Miniftres qui ont
oféles violer. Il s'éeva en particulier contre le Lord
North , qu'il déonç comme l'auteur de cette
guerre ruineufe & deftructive àtous éards. —Il
y cut enfuite une converfation entre le Lord North ,
le Chevalier Richard Sutton , le Chevalier Horace
Mann , M. Townshend , Secréaire d'Etat , le Gééal
Conway , & c . pour favoir fi les difféentes motions
fero ent exaininés enfemble ou l'une aprè
l'autre . L'avis de ceux qui defiroient qu'elles fuilent
déattues féaréent ayant préalu , la premièe &
la feconde motion furent lues & pafsèent àl'unanimité ; mais lorsqu'on eut fait lecture de la troiſèe ,
le Lord Newhaven , & le Chevalier Dolben dirent
qu'ils ne favoient quel éoit le droit de S. M. , pour
déembrer l'Empire ; felon eux , il ne peut provenir
du Bill pafféau Parlement , àl'effet d'autorifer
S. M. àconclure une trèe ou la paix avec l'Améique
; l'auteur du bill avoit- il l'intention d'y comprendre
la conceffion de l'indéendance ? Comme il
éoit dans la Chambre , ils le forcèent de s'expliquer
àce fujet, En attendant ils affuroient que S. M.
I
H
( 69 )
n'avoit aucun droit par fa préogative Royale , d'accorder
l'indéendance aux Améicains , & que cette
conceffion n'auroit dûéaner que d'un acte du
Parlement. M. Wallace réondit que , lorfque
le Bil avoit ééportéau Parlement , perfonne ne
doutoit qu'il n'eû cet objet , & qu'il ne donnâ à S. M. plein pouvoir d'accorder l'indéendance aux
Améicains , fi elle éoit le prix de la paix . Le
Chevalier Adam Ferguſn téoigna qu'il doutcit
beaucoup que cela fut dans l'origine du bill ; mais
en admettant mêe cette fuppofition , il préendit
que S. M. n'avoit point le droit de céer la
majeure partie du Canada. M. Eden , ufa des mêes
argumens , & il parut fort furpris que le Gouver
nement eû abandonnéun terrein aufli préieux ,
que celui par lequel fe faifoit notre commerce àec
les Sauvages , & qui contient 18,000 milles quarré
. Le Lord North , ſ réria auffi fur l'éormitéde
nos conceffions en ajoutant nénmoins qu'il ne
vouloit point ajouter aux embarras des Miniftres
en fe livrant contr'eux àdes délamations , procéé
violens & qu'il regardoit comme peu honnêes.
>
Le Gouverneur Johnſone dit qu'il auroit ééfort
aife de voir le mot indéendance articulédans l'acte
du Parlemen: qui donnoit àS. M. un tel pouvoir, qu'il
avoit éépeu àporté de connoîre l'esprit du bill
lorfqu'il avoit éépréentéau Parlement , mais que
d'aprè les informations & les élairciflemens qui lui
avoient éédonné " ce bill n'emportoit nullement
l'extenfion qu'on a jugéàpropos de lui donner , &
qu'il éoit fort éonnéqu'on eû inveſi S. M. de
Pouvoirs qui l'autorifoient àaccorder l'indéendance
aux Améicains fans le confentement du Parlement.
La motion ayant paffé, on lut enfuite la quatrièe
propofition . M. Powis prenant la parole imméiatement
aprè s'éeva avec beaucoup de chaleur
contre ceux qui éoient méontens de la paix , & iĮ parut fort furpris que le Lord Jonh- Cavendish cû
fait une parcille motion . Il fe plaignit aufli en géé ( 70 )
ral des troubles arrivé par l'efprit de parti & par
le Lord North auquel il attribua les maiheurs de la
Nation .
---
»Mon deffein , dit alors le Lord John Cavendish
, n'eft point d'accufer l'Administration , mais
je crois qu'il eft néellaire de rechercher les motifs
qui ont donnélieu àde fi grandes ceffions . Les
circonftances actuelles me rappellent notre pofit on
en 1757. Le Royaume fut alors agité, le Gouvernement
en déordre , & pendant huit mois environ
l'Angleterre n'eut en quelque forte aucune
adminiftration. Je mérife , dit le Chevalier
Edouard Aftley , tous les partis , & je crois que
chacun devroit s'occuper uniquement des intéês
de la Nation ; je fouhaiterois qu'on bannî la difcorde
de cette Chambre , & que tous les Membres
qui la compofent , employaffent leurs efforts pour
la caufe commune. Je fuis fi peu liéavec l'Adminiftration
que je n'aurois pas affez de créit pour
faire nommer un Officier de la Douane. Il attaqua
enfuite le Lord North , & dit que c'éoit lui qui
avoit occafionnéla guerre ruineuse & deftructive
dans laquelle ce pays avoit ééengagépendant plufieurs
annés. On a tellement prodiguéles penfions ,
dit-il , qu'on en a accordéune au noble Lord ( Lord
North ) & une autre àfen Secréaire en réompenſ
de leurs fervices . Ses fucceffeurs n'oferoient le lui
reprocher , car ils le font fait traiter avec la mêe
largeffe. Il s'oppofa àla motion . —M. M'Donald
s'oppofa àla motion , & dit que les poffeffions céés
par l'Angleterre éoient un facrifice indiſenſble
pour obtenir la paix.-M. Fox fur d'un avis entièement
difféent , & foutint ainfi fon opinion.
Les ceffions que nous avons faites ànos ennemis
nous ont avilis & déradé . Ce pays fe trouve actuellement
dans une pofition beaucoup plus refpectable
qu'on ne l'a repréenté. On a groffi beaucoup les
forces navales de nos ennemis. Il eft cependant vrai
que celles de la France ont éédiminués l'anné
( 71 )
---
dernièe de treize vaiffeaux de ligne , tandis que
celles de la Grande-Bretagne ont ééaugmentés
de 17 vaiffeaux de ligne. Nous avons une grande
fupéioritéaux Indes Occidentales ; nous y avons
54 vaiffeaux. Notre marine a éémife fur le pied
le plus refpectable par le premier Lord de l'Amirauté
Cet homme plein de zèe , & qui méite la
reconnoiffance de fa patrie , n'a pu cependant éhapper
aux traits de l'envie &. de la calomnie. Nous
avons céédes poffeffions du plus grand prix. Ce
que nous avons donnéàla France éuivaut àune
reftitution gééale . Il délora enfuite la mort préaturé
du Marquis de Rockingham , & donna des
éoges àfa méoire. Il dit qu'il s'éoit retiréde
l'Adminiſration actuelle parce que les perfonnes en
qui il avoit mis la confiance pendant plufieurs annés
, avoient abandonnéleurs principes . Il cenfura
le Comte de Shelburne , & dit qu'il n'avoit jamais
eu une haute idé de fes talens. M. Pitt s'efforç
de prouver que l'expoféde M. Fox , relativement
àl'éat de la marine Angloife , éoit faux . Il dit que
fi lui & fes Collèues éoient obligé de quitter
leurs places , il ne fuivroit pas l'exemple de M. Fox ,
qui s'éoit forméun parti pour combattre toutes
les mefures du Miniftre. On a beaucoup cenfuré,
dit le Lord North , ma conduite prééente & mes
liaifons actuelles . Je ne renoncerai jamais aux principes
qui m'ont guidépendant que j'éois en place.
Quant aux nouvelles liaifons que j'ai formés ,
j'avoue que l'honorable Membre ( M. Fox ) a éé mon ami pendant plufieurs annés . J'éois alors fier
de fon appui lorfqu'il devint mon ennemi , j'ai
trouvéen lai un adverfaire formidable , mais gééeux.
Quels que foient les Miniftres qui fuccéeront
aux Miniftres actuels ,,;je fuisfû que l'honorable
Membre a une trop bonne opinion de moi pour ne pas
compter fur mon honneur & ma probité, & j'ai la
mêe opinion de lui . L'honorable Membrefsèe ,
fans contredit de rares talens,& quoique nous n'ayons
--
( 72 )
pas toujours ééd'accord far certains points , je fuis
perfuadéque nos vues ont ééles mêes. Nous avons
tous deux àcoeur le bien public .
alla aux voix àtrois heures.
Pour la motion
Contre la motion ,
Majoritécontre les Miniftres ,
-
La Chambre
207
197
10
Le Lord John Cavendish retira la cinquièe
motion relative aux Loyalistes , & la Chambre
s'ajourna «
D'aprè l'éat des vaiffeaux en commiffion
ou prês àêre armé de la Marine Britannique
, mis le 17 Férier fous les yeux du
Parleinent , on en compte 20 de 80 , 98
à10 canons , & de 700 à850 hommes
d'éuipage ; 44 de 70 canons & de 600
hommes d'éuipage , 45 de 60 à68 canons
& de 500 à570 hommes . Total 109 vaiffeaux
de ligne .
En conféuence des paffeports déivré
par le Ministèe pour le dehors , plufieurs
bâimens des Ifles actuellement àPortsmouth
fe propofent de partir au premier
bon vent , fans attendre un convoi.
La Douane a refuſ é le 20 de donner
des acquits de vaiffeaux pour New-Yorck
dans la perfuafion que ce port feroit éacué avant qu'aucun vaiffeau y puiffe arriver
d'Angleterre.
»Le Confeil de guerre affembléàPortſouth ,
pour examiner la caufe de la perte du vaiffeau de
S. M. l'Hector , & la conduite de ceux des Officiers
& de Péuipage de ce vaiffeau qui n'ont point péi
avec lui , a rendu fa Sentence le 15 de ce mois. Il
parcî p ce jugement que la conduite du Captaine
( 73 )
saine Bourchier , commandant l'Hector , eft entièenient
irrérochable ; qu'avant d'abandonner ce vailfeau
, le mauvais éat oùl'avoit réuit fon combat
contre deux bâimens ennemis , ne laiffoit aucun
efpoir de le fauver , & qu'en gééal le Capitaine
Bourchier , fes Officiers & fon éuipage méitent
les plus grands éoges «
On a reç de Gibraltar des lettres en
date du 4 de ce mois . Tout éoit alors
tranquille dans cette place , oùun cutter
éoit arrivéavec la nouvelle de la paix
qui avoit réandu la plus grande joie.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 4 Mars.
LE Roi a nomméà1 Abbaye de Font-
Gombaud , Ordre de St-Benoî , Diocèe de
Bourges , l'Abbéde Rech de St - Amans
Vicaire Gééal de Vabres & Aumôier
de Monfeigneur le Comte d'Artois .
La Vicomtelle du Roure a eu le 12 du
mois dernier l'honneur d'êre préenté au
Roi & àla Reine par Madame , en qualité de Dame pour accompagner cette Princeffe .
Le 23 , la Comteſ .e de Coucy a eu l'honneur
d'êre préenté àL. M. & àla Famille
Royale par la Ducheffe d'Avray ..!
L. M. & la Famille Royale ont fignéle
16 le contrat de mariage de M. de Belboeuf ,
Avocat- Gééal du Parlement de Rennes &
Procureur Gééal du mêe Parlement en
furvivance , avec Mademoifelle de l'Averdy.
Le 23 , elles ont fignécelui du Comte de
8 Mars 1783.
d
( 74 )
Canouville , Sous - Lieutanant au Réiment
des Gardes - Françiſs , avec Mademoiſlle
de St Chamans , & celui du Comte de
Cofnac , Sous- Lieutenant de la Gendarmerie
, avec Mademoiſlle de Chavauden.
De PARIS , le 4 Mars.
M. le Comte d'Adhemar doit partir inceffamment
pour Londres ; il monte fa Maifon
avec la plus grande magnificence. On
ne doute pas que le Lord Carmarthen n'arrive
de fon côébientô ; c'est vraiſmblablement
àCalais quéles deux Ambaffadeurs
fe rencontreront ; auffi- tô que celui- ci aura
déarqué, M. le Comte d'Adhemar s'embarquera
lui- mêe.
On ne s'attend pas que les traité de paix
déinitifs foient conclus avant le mois de
Juillet prochain ; les articles font convenus ;
il ne s'agit que de les déailler ; ce qui peut
fufpendre cette réaction , ce font les difficulté
qu'érouve l'arrangement des Hollandois
, qui perſſent àne vouloir rien
céer.
Toute la Nation a pris part àla nomination
du Miniftre auquel l'Europe doit la
paix , àla place de Préident des Finances.
Son efprit d'éononie & de juftice eft connu ;
c'eft par une fuite de cette éonomie , &
d'aprè la réolution du Roi , que les travaux
pour le réabliffement d'une partie du
Châeau de Verfailles , font remis à3 ans ;
S. M. voulant auparavant que les dettes de la
६
? 75 J
guerre foient acquittés , & que les déen
fes néeflaires àl'augmentation de ſ Marine
& àla conftruction des nouveaux
vaiffeaux ne trouvent aucune entrave.
D'aprè des lettres de Londres du 24 , on dit
que le Lord Shelburne a donnéfa déiffion ,
ainfi que tous les Membres qui compofoient
avec lui le nouveau Miniftèe ; les emplois
éoient encore vacans ce jour - là.
Nos lettres d'Espagne ne nous apprennent
rien , finon que les éuipages de M. le
Comte d'Estaing font rentré , & que ce Gééal
arrivera bientô ici. Elles ajoutent que
le Marquis de la Fayette , le Prince de
Naffau , avoient ééàGibraltar , oùfans
doute , ils auront éébien reçs du Gééal
Elliot.
»Les Néocians de cette Ville , érit- on de Dunkerque
, qui fembloient avoir befoin de repos ,
aprè la multitude de Corfaires qu'ils avoient armé
pendant la guerre , femblent au contraire redoubler
d'activitédans ce moment ; ils tournent toutes
leurs vues du côédu commerce , & on n'a pas
comptémoins de 61 navires fortis de ce port depuis
le 11 jufqu'au 18 Férier ; dans le mêe efpace.
de tems il y en eft entré18 tant nationaux qu'érangers
".
M. Joly de Fleury , Miniftre d'Etat & des
Finances , a érit la lettre fuivante à Mess
Déuté du Commerce.
Vous avez ééinformé MM . que par une fuite
de la protection que le Roi accorde àfes Colonies ,
il a éédonnéaux vaiffeaux neutres des permiffions
d'y transporter des denrés & marchandifes d'Europe
, & d'en rapporter les denrés & marchandid2
( 76 )
>
fes du cru des Colonies , dans la vue d'y entretenir
l'abondance des chofes néeffaires & de faciliter
l'exportation de leurs productions pendant la guerre,
-La fignature des préiminaires entre la France.
& l'Angleterre rendant au commerce Françis
la libertéde toutes les mers & lui permettant
d'approvifionner les Colonies Françifes , &
d'en importer les productions , S. M. a déerminé de rendre aux vaiffeaux Françis le privilée exclufif
qui leur eft accordé, de faire l'éuipement des
Colonies & de l'Inde , par Lettres patentes de 1716
& 1717 , & l'Arrê du Confeil du 6 Septembre
1769 ; elle vient en conféuence d'ordonner qu'il
ne fera plus accordéde permillions aux vaiffeaux
neutres pour le commerce , qui fera exclufivement
réervéaux vaiffeaux Françis . Vous voudrez bien
préenir de ces difpofitions les Chambres de Commerce
qui ont intéê de les connoîre «
Il vient de paroîre une Ordonnance du
Roi , du 15 Janvier dernier , concernant les
formalité àobferver pour la remife des
billets ou engagemens de rançns , ainfi
que des ôages , qui feroient faits en contravention
àl'Ordonnance du 30 Aoû
dernier. Le titre de cette Ordonnance en indique
l'objet , qui n'eft plus intéeſ .ant à préent que les hoftilité ont ceffé
»Le 10 Férier , à10 heures & demie du matin
, érit-on de Bordeaux , toute cette Ville fe
reffentit , d'une fecoffe reffemblante àcelle d'un
tremblement de terre ; un coup de yent affreux
accompagnéd'un grand coup de tonnerre , fuivit
de prè cette commotion . On fut deux heures aprè
que c'éoit l'effet de l'explofion du Magafin àpondre
de St-Méard , qui eft àtrois lieues de Bordeaux;
il contenoit alors plus de 45 milliers de
1
( 77 )
poudre. Le moulin a ééemporté, il n'eſ reflé aucun veftige du Magafin. De fix hommes qui s'y
éoient réugié pendant l'orage , on n'en a trouvé qu'un entier àplus de cent pas de diftance ; & des
cinq autres , il n'a éétrouvéqu'une main & une
jambe ; toutes les maifons voifines ont éédéruites
, ou fortement éranlés par la fecouffe. Les
champs d'alentour font couverts de déris calciné
& l'on compte 39 perfonnes meurtries ou bleés.
On a remarquéque le malheureux qu'on avoit
trouvéentier avcit dûêre enlevéàplus de 60
pieds de haut , parce que dans l'efpace qu'il avoit
du parcourir , il fe trouve un bois , qui en a plus
de so d'ééation . M. Dupréde St-Maur , faus ceffe
occupédu bonheur de la Province qu'il gouverne ,
& toujours vivement éu par les malheurs de l'hu
manité, s'eft tranfportéfur-le- champ dans la Paroiffe
de St- Méard ; il y a repandu les bienfaits
& la confolation . « Au réit de ce déaftre , nous joindrons
celui d'un autre qu'on vient de nous faire
pafler , & nous nous empreffons de recommander
àla bienfaifance les malheureux qui
en ont ééles victimes .
»Le 19 Férier , fur les deux heures aprè midi ,
le feu a pris au Bourg de Creffy en Ponthieu ,
par l'impradence d'une femme qui a portédans une
éable un chaudron qu'elle venoit de retirer du feu ,
& auquel probablement éoient reflés quelques
éincelles : le feu s'eft communiquéàquatre maifons
voisines qui ont ééentièement déruites ;
il a gagnéenfuite les derrièes de trente
tres maisons qui bordent la principale rue du
Bourg: le vent qui fouffloit nord-ouest , a porté les flammes fur toutes les granges , éuries , éables
& autres bâimens couverts en paille déendans
de ces mailons , qui ont ééconfumé en
dz
all(
78 )
moins de deux heures : heureufement il y avoit en
quartier dans ce Bourg une Compagnie du Réiment
Royal Champagne , Cavalerie , dont les foldats
, fous les ordres de leurs Officiers , fe font
porté avec la plus grande activitéàarrêer les
progrè de l'incendie , & l'ont empêhéde ſ communiquer
aux devantures des maifons qui ont éé garanties : le dommage eft fort confidéable par
la grande quantitéde bâimens qui ont ééla proie
des flammes , & des grains & fourrages qu'ils contenoient
: il l'eû éébeaucoup plus , fi les chevaux
& autres beftiaux n'euffent point ééaux champs
& dans les pâurages : parmi ceux qui ont reffenti
plus vivement ce malheur , font deux jeunes éoux
qui s'éoient marié trois heures auparavant ; la
maifon qu'ils devoient occuper , & oùfe cééroit
la noce , voifine de celle par oùl'incendie a commencé , a ééentièement déruite , avec les meubles
qu'ils avoient tâhéd'y raffembler pour former
leur nouvel éabliffement : la trifteffe de leur
fituation fera facilement fentie par toutes les Per
founes amies de 1 humanité; & celles qui voudront
y compâir utilement , ainfi qu'àla perte de plufieurs
malheureux enveloppé dans le mêe déaftre
, font prices de faire pafler àM. Briet , Curé dudit lieu , les aumôes que leur charitéles ergagera
de leur accorder. « Le Roi vient de donner un brevet de
Confeiller d'Etat , àM. Vayeur , Confeiller-
Maîre en la Chambre de Comptes
de Bar - le - Duc , & Lieutenant-Gééal du
Bailliage de la mêe ville. Par cette grace
auffi flatteufe que bien méité , S. M. a
réompenfédans cer Officier tout ce qui
peut rendre un Magiftrat recommandable
l'affabilité, l'intérité, la puretédes moeurs
des connoiffances trè- éendues & l'affiduité 1
( 79 )
la plus infatigable aux devoirs de fon éat.
Il y a actuellement en certe Ville , érit - om
d'Amiens , un Phoque ou Veau-Marin , qui a éé pris àla pointe de Saint- Quentin , prè de Saint-
Valeri. Cet Amphibie a environ trois pieds & demi
de longueur ; fa têe reffemble àcelle d'un chien
auquel on a coupéles oreilles , parce qu'il n'a à leur place que deux trous auditifs ; fó muſan eft
large comme celui d'une loutre ; il a aux deix côé
de la mâhoire fupéieure & au-deffus de l'orbite ,
de longs poils recourbé d'une fubftance corné &
tranfparente ; fa gueule eft garnie de fortes dents
difpofés comme celles du chien ; fes deux grands
yeux noirs lancent des regards ardens & animé ,
auxquels réond la vivacitéde fes divers mouvemens
; dans le refos , fon cou paroî ramaffé, mais
il peut l'allonger au moins d'un demi-pied ; de fa
poitrine , qui eft fort large , partent deux mains
ou jambes affez reffemblantes àcelles d'une taupe ;
fon corps va enfuite toujours en diminuant , & il
fe termine par une queue trè-courte , que furpaffent
fes deux jambes de derrièe , plus grandes
que les mains , & divifés comme elles en cinq
digis palmé & onguiculé , mais qui ne peuvent
lui fervir que de nageoires . Le poil ras & life qui
recouvre la peau de cet animal eft fur la têe &
toutes les parties fupéieures du corps d'un brun
ardoifé, & parfeméde taches blanchâres ; la gorge ,
la poitrine , & le ventre font d'un blanc file . Le
Phoque eft de tous les Animaux Marins celui qui
eft dotéde la plus grande intelligence , & des
faculté les plus éendues. Jeune , il minule comme
un chat , & plus âé, fa voix peut fe comparer
àcelle d'un chien enroué Il elt , avec le Morfe ,
le feul Quadrupèe véitablement amphibie , le feul
qui ait le trou ovale du coeur ouvert , & qui puiffe
fe paffer de refpirer. Il ne craint ni le froid ni le
chaud , & il habite éalement l'eau , la terre & la
d 4
( 80 )
glace. Son climat naturel eft le nord ; mis on en
trouve quelques-uns dans prefque toutes les Mers
d'Europe. Cet Amphibie , que l'on conſrve trèbien
dans l'eau douce , eft fufceptible d'éucation .
On l'apprend àfaluer de la têe , & àobér àla
voix de fon Maîre. On nourrit celui qui eft en
cette Ville de poiffons de mer , qu'il déore avec
avidité Pendant le jour on le tient dans une cuve
pleine d'eau , & le foir on lui préente un long
panier d'ofier tapifféde paille , dans lequel il defcend
de lui-mêe. Quoiqu'il ne foit ici que depuis
quelques jours , il eft déàfingulièement appris oifé:
il femble reconnoîre fon monde , & fe laiſ .e careffer
avec complaifance , fur tout par ceux qui ont
T'habitude de lui donner àmanger. « Parmi les entreprifes importantes conçes
depuis quelque tems , les militaires diftingueront
celle des Manoeuvres Militaires de
Potfdam . Ce grand ouvrage proposépar
foufcription contiendra 51 planches gééales
gravés d'aprè les plans dreffé fur le
terrein mêe , & quantitéde planches de
déails explicatifs , exéutés avec le p'us
grand foin. Nous ne pouvons le faire mieux
connoîre qu'en publiant la réonse de
l'Editour aux queftions de M. Filaffier , inféés
dans le Journal de Paris du 30 Janvier
dernier.
»Je n'ai pas déoréd'un vain titre l'important
Ouvrage que j'annonce , puifque fous celui de
Manoeuvres de Potfdam , il préente un tableau
fidèe & complet de la Pratique technique & privé
du Roi de Pruffe , & l'en'emble intéeffant &
lumineux des favantes leçns que ce Monarque
donne àfes Guerriers. C'est pour le rendre plus
fuivi & plus inftructif que , d'aprè l'avis gééal
qui m'a éédonnépar plufieurs Militaires diftingué ,
( 81 )
je rénirai tous les principes pour n'en former qu'un
feul & mêe corps de doctrine . Ainfi , je donnerai
1º un Cours de Tactique , tant pour l'Infanterie
rélé , que pour l'Infanterie léèe. 2 °. Un autre
Cours pour la Cavalerie , c'elt-à- dire , àl'ufage
des Cuiraflers , Dragons & Hullards . Je dée'opperai
dans l'un & dans l'autre tous les principes
des éolutions particulièes d'un Bataillon , d'un
Efcadion ou d'un Réiment. 3 °. Un Cours des
opéations combinés de l'I . fanterie & de la Cavalerie
rénies en Corps d'armé , tant pour les
marches & les campemens , que pour l'attaque , la
déenfe & la retraite ; en un mot un Cours de Tactique
en grand , dans lequel fe trouveront des Traité
de l'Artillerie & des ouvrages de Campagne .
Ces trois Cours feront accompagné de cent planches.
4°. On trouvera dans mon Ouvrage tous les
documens néeflaires àl'inftruction du Solda: depuis
l'inftant oùil eft recruté, jufqu'àcelui oùil
manoeuvre en troupe. Les principes de toutes les
éolutions viendront enfuite dans un ordre fyfſéatique
, au moyen duquel on paffera infenfiblement
& graduellement des chofes les plus fimples
aux opéations les plus compliqués . J'y éablitai
des principes certains fur le grand art des alignemens
, des changemens de pofition , des points de
vue , & c. parties que j'ai eru devoir traiter fort
en déail. 5. Les Manoeuvres de Potſam , qui
viendront àl'appui de tous les principes , comprendront
cinquante-une Pianches auxquelles fera joint
le grand Plan compoféde quatre feuilles ; & il
paroîra avec la premièe livraiſn . 6 °. Enfi , je
donnerai une Hiftoire gééale & déaillé du
Militaire Pruffien , depuis fon origine jufqu'àpréent
, avec l'Histoire particulièe des Réimens qui
le compofent ; leur origine , les difféens changemens
que chacun d'eux a fucceffivement érouvé ,
& en un mot leur éat actuel . Les 150 Planches
d s
( 82 )
comprifes dans l'enſmble de mon Ouvrage , feront
toutes àpeu-prè de mêe grandeur. Le front , tant
de l'Infanterie que de la Cavalerie , y fera toujours
déerminéde la manièe la plus fimple comme la
plus vifible , & il fera impoffible de s'y mérendre .
La Cavalerie y fera repréenté fur une profondeur
proportionné àcelle de l'Infanterie , & la
pofition fera trè -éidente . D'ailleurs je fats enluminer
mes Plans , afin qu'on apperçive au premier
coup d'oeil les difféentes politions des Troupes ,
foit dans leur attaque , foit dans leur retraite ; &
c'eft au moyen des teintes plus ou moins foncés
de la mêe couleur , employés pour chaque efpèe
de Troupe , que je rends mes tableaux infiniment
clairs , & par confquent plus utiles , puifqu'ils
font trè-faciles àfaifir , & qu'ils offrent en
mêe-tems un afpeet trè-agréble . Si le Roi de
Prufle n'eû pas jugéle terrein oùil fait fes Manoeuvres
, propre àdonner àfes Gééaux les inftructions
- pratiques les plus variés , l'auroit il
choisi pour êre le thé âtre de fes favantes leçns ?
on y trouve des lacs , des éangs , des marais ,
des hauteurs aſ .ez conſdéables , du bois , de la
plaine , & les opéations qui s'y font font fufceptibles
d'êre transportés avec fuccè dans une infinité d'endroits . D'ailleurs le Cours de Tactique en
grand , contiendra des principes qui pourront s'adap
ter àquelque pofition , àquelque circonstance que
ce puiffe êre. Si le Public daigue faire attention à ce travail & aux foins que je prends pour le lui rendre
agréble , j'efpèe qu'il fecondera les vues que
j'ai de lui êre utile. Au refte , M. , je ne demande
qu'àmontrer mon Ouvrage ; & je vous fupplie de
croire que je ferai trè-aife de me trouver àporté
de le mettre fous vos yeux , afin que vous puiffez.
juger par vous- méa de l'avantage qu'il aura , j'ofe
le dire , fur tous ceux du mêe genre qui ont paru
jufqu'ici . M. Méuignon l'aîé, Libraire , rue des
Cordeliers , chez lequel on continue de foufe : ire ,
8
1
( 83 )
vous facilitera les moyens , ainfi qu'àtoutes les
perfonnes qui déi : eront en prendre une connoiffance
plus particulièe . « A cette annonce nous nous emprefferons
de joindre celle d'une nouvelle éition des
Devoirs du Prince réuits àun feul principe
, ou Difcours fur la Juftice , par M.
Moreau , Hiftoriographe de France ( 1 ) .
Cet ouvrage le plus important de ceux qui
furent autrefois compofé pour l'éucation
du Roi & des Princes fes frèes , avoit éé impriméàVerfailles par ordre de S. M.
en 1775. Cette éition àlaquelle l'Auteur
n'a rien changé, ne contient de plus que
la premiere , qu'une nouvelle Epîre déicatoire
& un court Avertiffement. Le
fuccè qu'a cu ce Difcours en France &
dans les pays érangers eft connu , il en eft
peu oùles grandes véité que l'on cache
ordinairement aux Princes , foient exprimés
avec plus de liberté& d'éergie.
D'aprè les difféentes expéiences & les procèverbaux
qui conftatent la bonté& l'utilitéde la Pouzzolane
, déouverte depuis plufieurs annés par M.
Faujas de St- Fond dans les montagnes du Vivarais ,
& qui eft d'une qualitéfupéieure àcelle que l'on
faifoit venir àgrands frais d'Italie , une Compagnie
s'est déerminé àen faire exploiter une certaine
quantitéqui arrivera inceffamment dans la Capitale
comme la plus grande partie fera abſrbé
(1)Il forme un Volume in- 8 °. , & fe trouve àParis chez
le fieur Moutard , Libraire- Imprimeur de la Reine , rue des
Mathurins , & le lieur Valcourt , Place Vendôe , Nº. 13 .
Prix livres 6 fols , en beau papier , & 4 livres 10 fols
en papier ordinaire .
d 6
( 84 )
pour les éifices publics , les perſnnes qui defireront
s'en procurer font priés de faire leurs foumiffions
chez Me. Morin , Notaire , rue St-Paul.
On leur d.livrera la quantitépour laquelle ils fe
feront fat infcire àraifon de ; liv . 15 fo's le
quintal. Ceux qui , en faisant leurs foumiffions ,
déo eront ur argent chez Me. Mɔa , fe ont
fervis par prééence àtous autres , & obtiendront
une rem fe de fix pour cent , compte du jour
de leur déô. On n'a pas besoin de rééer ici
que la Po zzolane eft une espèe de maftic ou de
ciment impéérable àl'eau , & qui eft , par cette
rai on , du meilleur ufage pour les terraffes , les
bathns , les pifards & les lieux d'aifance ; enfin ,
pour tout ce qui eft expoſ é àla pluie & au ravage
des eaux.
-
à »La SociééRoyale de Méecine ayant entendu ,
dans fa fénce du 17 Mai 1782 , la lecture du rapport
des Com niffires qu'elle avoit nommé , pour
lui rendre com te du remèe que le fieur Dacher
a préentéfois le nom d'eau ftomachique , déurative
& anti-dartreuse , a penféque ce remèe ne
méi cit point fon approbation ".
La fuire des Eftampes , dont le Tééaque
a fourni les fujets , fe continue avec fuccè par M.
de Muchy. Il vient de peblier la 9e . & la 10e .
faifant fire aux 8. qui ont prééemment par .
Elles repréentent , l'une , l'Evanouiffement de Calypfo
àla vue du vaiſ .eau conftruit par Mentor ,
& l'autre Calypfo au retour de la chaffe , montrant
fon déit & fa jalousie contre Eucharis & Tééaque
( 1 ) . Les deffins font de M. Mornet , Peistre du
Roi, & agravure eft d'un effet trè agréble ; les deux
premièes qui paroîront au mois de Juin prochain ,
( 1 ) Ces Eftampes ſ trouvent àParis chez M. de Mouchy
Cloîre St-Benoî , la premièe pore co.hèe àgauche , en
entrant par la rue des Mathurins ; le prix de chacune eft de
1 liv. 10 fols,
• 1
( 85 )
& qui formeront la 11e. & la 12e. , feront d'aprè
des de fins de M. Cochin . Cette collection préieuſ
ne peut qu'intéeffer les Amateurs «.
L'hiftore de l'Art de l'antiquité, par M. Winkelmann
, eft un des meilleurs ouvrages qui aient
paru dans ce genre ; les fuffrages qu'il a obtenus
par-tout, les traductions qui en ont ééfaites en
plufieurs langues , en difent plus que nous ne pour
rions en dire ici ; la traduction que M. Hubert en a
faite en françis , a eu le plus grand fuccè , mais a
éépre qu'entièement éuifé en Allemagne , où elle a ééimprimé. Le fieur Belin , Libraire , rue
S. Jacques , prè S. Yves , vient de recevoir de
Lépfick le refte des exemplaires qui reftoient de cet
excellent cuvrage , en 3 vol. in-4 °. enrichi de beaucoup
de figures fupéieurement exéutés . On le
vendoit 48 liv . bro hé, & il le propofe à30 liv.
broché Ceux qui feront emp: effé de fe le procurer
, font invité àfe preffer ; car les exemplaires
font en trè -petit nombre , & ne peuvent manquer
d'êre éuifé fous peu de jours ".
N. de Ligny , Abbeffe du Noble Chapitre
des Dames Chancinelles d'Avelnesles-
Arras , eft morte en fon Abbaye dans la
649. anné de fon âe .
Marie-Henriette Rebecca Mallier de Chaffonville
, veuve de Philippe Augufte , Comte
de Voloire de Ruffec , Lieutenant Gééal
des Armés du Roi , Commandant pour
S. M. en Bretagne , eft morte àl'Abbaye de
Montcaffin de Joffelin , en Bretagne , âé
de 72 ans .
»Ordonnance du Roi , concernant les termes
de la ceflation des Hofiilité en mer , du 4 Férier
1783.-S. M. ayant ratifié, le 3 du préent mois
de Férier , les articles préiminaires de la Paix ,
figné àVeifailles le 20 du mois de Janvier der
( 86 )
nier , entre les Miniftres pléipotentiaires de France
d'une part , & ceux de la G. B. de l'autre , par l'un
defquels articles il eft portéqu'il y aura ceffation
d'hoftilité par mer , fuivant les termes & efpaces
de temps ci - aprè expliqué , àcompter du jour
de la ratification defdits articles préiminaires , &
ftipuléque les Vaiffeaux , marchandifes ou autres
effets qui feront pris par mer , aprè lefdits termes
& efpaces de temps , feroat réiproquement
reftitué ; elle a ordonné& ordonne : que les Vaiffeaux
, marchandiſs & effets appartenans àS. M.
& àfes Sujets , qui pourront êre pris dans la Manche
& dans les mers du Nord , aprè l'efpace de
douze jours , àcompter du 3 du préent mois de
Férier , leur feront reftitué ; que le terme fera
d'un mois depuis la Manche & les mers du Nord ,
jufqu'aux îes Canaries inclufivement , foit dans
l'Océn , foit dans la Méiterrané ; de deux mois
depuis lefdites îes Canaries , jufqu'àla ligne Equinoxiale
ou l'Equateur , & enfin de cinq mois dans
tous les autres endroits du Monde , fans aucune
exception , ni autre distinction plus particulièe de
temps & de lieux . Déend S. M. àtous les Sujets ,
de quelque qualité& condition qu'ils foient , d'exercer
aucun acte d'hoftilitépar mer contre les
Sujets de S. M. B. , ni de leur caufer aucun préudice
ou dommage , aprè l'expiration des éoques
ci-deffus mentionnés «
,
Les Numéos fortis au'tirage de la Loterie
Royale de France du premier de ce mois ,
font : 26. 73. 77. 82 & 10 .
Il s'eft glifféune erreur dans l'annonce des Numéos du 16
Férier au lieu de 25. 15. 68. 27. & 5. que l'on a mis ,
lifez 25. 15. 68. 37. & 3 .
}
De BRUXELLES le 4 Mars. >
C'EST le 14 du mois dernier que les Etats-
Gééaux des Provinces Unies ont arrêéla
publication de l'armiftice avec la Grande(
87 )
Bretagne ; les termes font les mêes que
ceux qui ont ééconvenus entre les autres
Puilfances , & datent tous du 3 du mêe
mois , éoque de l'éhange des ratifications
des préiminaires entre la France
l'Espagne & l'Angleterre . On a expéiéen
mêe temps aux Amirauté des palfeports
pour les navires marchands de la Réuplique
. Ainfi le commerce & la navigation
des Hollandois rentreront en pleine
activité, en attendant qu'on parvienne à arranger déinitivement leur paix avec la
Grande Bretagne .
On attendoit avec impatience le ré .ultat
des déibéations de l'affemblé des 17 Directeurs
déuté de la Compagnie des Indes ,
qui s'eft tenue àla Haye ; on dit qu'ils
ont délaréqu'ils ne pourroient jamais
donner leur aveu àaucune conduite qui
gêeroit ou limiteroit le commerce & la
navigation de la Compagnie dans l'Inde
que quant àla ceffion de Néapatnam , fur
laquelle l'Augleterre infifte , ils s'en remettent
àla fageffe des Etats Gééaux , pour
éargner ce facrifice àla Compagnie.
;
On dit que M. Tor qui a pafféàLondres
, y a d'abord ééenvoyécomme particulier
, par M. Brantfen , Miniftre pléipotentiaire
de la Réublique en France ;
les Etats - Gééaux ont enfuite approuvécet
envoi.
Les Etats de Hollande ont choisi le Baron
de Dedea de Peckendam , Membre de
( 88 )
l'Ordre éueftre d'Overyffel , & Déuté de la part de cette Province aux Etats Gééaux
, pour aller en Améique en qualité d'Envoyéextraordinaire de la Réublique
auprè des Etats-Unis ; on a lieu de croire
que cette nomination fera bientô agré ée par
les autres Provinces.
Le 13 Férier le Stadhouder a envoyé aux Etats - Gééaux la fuite du méoire
concernant la conduite en qualitéd'Amiral
Gééal de la Réublique , qu'il leur
avoit remis le 8 Octobre dernier. Cette
fuite s'éend jufqu'àla fin de la campagne de
Panné dernièe , & comprend par conféuent
tous les déails relatifs àl'affaire
des vaiffeaux ordonné pour Breft , & qui
reftèent au Texel.
L'Impéatrice de Ruffie vient d'agir à l'éard du Prince de Gallitzin , ci - devant
fon Envoyéextraordinaire àla Haye , &
nommédepuis peu pour aller réiler en la
mêe qualitéàTurin , avec fa gééofité & fa munificence ordinaire ; elle lui accorde
fa retraite , avec une gratification ,
penfion & la permiffion de vivre cùil
jugera àpropos.
une
PRÉIS DES GAZETTES ANGL . du 24 Férier.
Les deux Chambres du Parlement s'affembleront
aujourd'hui.
Le Duc de Grafton , s'eft demis ces jours derniers
de la place de Lord da Sceau privé, & le Lord
Camb len , de celle de Préident du Confeil ; & aujourd
hei le Comte Shelburne a donnéfa déiffion .
Tous les Membres qui compofolent avec lui le Min.
7891
tèe , ont , dit- on , fuivi fon exemple ; on attend avec
impatience quels feront leurs fucceffeurs . S'il faut en
croire le bruit Public , c'eft le Duc de Portland ,
qui remplacera le Lord Shelburne.
Les Actionnaires de la Compagnie des Indes
ont éérequis de s'affembler , pour réiger une
adreffe tendante àfupplier le Parlement , de venir
au fecours de la Compagnie dans le payement
des 400,000 liv . , qu'el'e doit au Gouvernement
en vertu d'un acte du Parlement.
-
› >
La Douane a reç depuis quelques jours des
fommes trè confidéables , pour les droits des
Marchandifes que l'on embarque pour le Canada.
Cette circonftance prouve qu'il n'eft point vrai ,
comme le bruit en avoir couru , que les Néocians
de Quebec , éoient fi méontens des articles pré ,
liminaires , relativement àla fituation des limites ,
qu'ils avoient contremandéleurs ordres.
Le Gouvernement a donnéordre de dreffer diverfes
Lettres-Patentes pour êre fcellés du grand
Sceau, l'une pour conftituer Edward Mathews ,Major-
Gééal de l'armé & Commandant en chef des forces
de S. M. aux Indes occidentales , Capitaine- Gééal
& Gouverneur en chef des Inles de la Grenade & des
Grenalines ; la feconde pour conftituer Joh Ord
Capitaine - Gééal & Gouverneur en chef de la
Dominique ; & la troisièe pour conftituer Edmond
Lincoln Capitaine - Gééal & Gouverneur en chef
de l'Ifle St-Vincent & des Ifles Caraibes adjacentes.
Le 22 , le Bureau de la Guerre a envoyéau Gééal
Burgoyne , Commandant en chef des forces
du Roi en Irlande , des inftructions relatives au
licenciement des troupes qui font àla paie de la
Grande- Bretagne.
Le Roi a nomméM. John Trevor , Envoyé extraordinaire de S. M. auprè du Roi de Sardaigne ;
& le Lord Vicomte Gaway , fon Envoyéextraordi
naire auprè de l'Electeur Palatin & fon Miniftre à la Dièe de Ratisbonne.
( 90 )
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉÉ .
Defirant donner àce Journal une existence durable
& permanente , nous avons cru que la variéé feule pouvoit y contribuer & que nos Soufcripteurs
verroient avec plaifir un nouvel effort & de nouveauxfacrifices
de notre part pour parvenir àce but.
Non-feulement nous avons acquis le droit de rémprimerfur
les couvertures le Journal de la Librairie
, qui contient la Notice exacte des Livres nouveaux
, de la Mufique , des Eftampes , des Arrês ;
mais nous venons d'aquéir de M. Mars , Auteur
de la Gazette des Tribunaux , le droit d'imprimer,
dans ce Journal , la Notice plus ou moins abréé
de toutes les Caufes civiles & criminelles avec
leurs Jugemens dont fon Journalfait mention . Cette
Gazette des Tribunaux, abréé par M. Mars luimêe
, fera imprimé àla fin du Journal Politique
, & contiendra plus ou moins de pages , ſivant
qu'ily aura plus ou moins de caufes &fuivant leur
importance.
PARLEMENT DE PARIS. Caufe entre le Vicomte
de Roquefeuille , Garde-du- Corps de Monfieur &
le Marquis de Roquefeuille , fils & héitier du
Comte de Roquefeuille , Vice - Amiral de France.
-
-
Demande en reconnoiffance de nom , action en
trouble & en injures , pour raifon d'accufation fecrèe
d'ufurpation de nom. La maifon de Roquefeuille
, trè- ancienne & trè- diftingué , fe divife
en une multitude de branches , qui toutes prove-
´ues d'une mêe ligne , mais réandues dans difféentes
provinces , ne peuvent fe connoîre. La fortune
& les honneurs ont plus ou moins favorifé les unes & les autres. Le fieur Raimond , Vicomte
de Roquefeuille , ayant ééadreffé& pré .enté au Comte de Roquefeuille , Vice- Amiral de France ,
comme fon parent , celui-ci s'eft emprefléde cons
( 91 )
tribuer àfon avancement , & mêe àcelui de fa
famille. Il l'a fait entrer dans les gardes de M. le
Comte d'Artois , & a fellicitépour un de fes frèes
une place d'aumôier de Madame Adelaide. Le
Vicomte de Roquefeuille n'avoit qu'àfe louer du
Comte & de fes bons offices , lorsqu'il fut inftruit
par des bruits vrais ou faux , que le Comte
jettoit des doutes for la gi imitéde fon Nom ,
& fur le droit qu'il avoit de le porter ; qu'il difoit
dans les cercles de la Cour & de la Ville , que
le fieur Raimond n'éoit pas vraiment de la famille
des Roquefeuille , & qu'il fortcit d'en bâard
d'un des defcendans de cette mailon . Le fieur
Raimond de Roquefeuille , qui ne doit fon avance.
ment & celui de fa famile qu'àla naiflance , & au
nom qu'il porte , avoit le plus vif intéê de déruire
ces doutes . En conféuence il a ramafléles
tittes de fa géélogie ; il les a communiqué au
Comte de Roquefeuille , & l'a fait alligner , pour
obtenir la réaration du préudice àlui caufé&
àfa famille , par les difcours réandus dans le
public , des dommages & intéês , l'impreffion
& l'affiche du Jugement àintervenir . Le Comte de
Roquefeuille s'eit emprefféde déavouer les dicours
qu'on lui prêoit. Le Vicomte a demandé acte defdites délarations , & fe déiftant pour lors
des demandes en dommages & intéês , a conclu
a êre maintena dans la poffeffion du Nom & des
Armes de Roquefeuille , comme defcendant d'Antoine
premier du Nom. Une Sentence du Châelet
a donnéacte , purement & fimplement , des
déaveux & des délarations faites par le Comte ,
de Roquefeuille , fur le furplus des demandes du
Vicomte , l'a mis hors de Cour déens compenfé
. Appel de la part du Vicomte , fur ce qu'il
n'avoit pas éémaintenu dans le droit & poffeffion
du nom de Roquefeuille , ainſ qu'il y avoit conclu
792 )
Arrê du 1er. Aoû 1782 , conforme aux con
clufions de M. l'Avocat- gééal d'Agneffeau . Qui
a donnéacte àla partie de Delinieres , des délarations
faites par celle de la Croix de Frainville ,
de ce qu'elle n'entend ni conrefter , ni avouer le
Nom qu'elle porte ; ce faifant , a mis l'appellation
au nént , ordonne que ce dont eft appel fortiroit
fon plein & entier effet ; condamne l'appelant en
l'amende , & aux déens . Ordonne , la fuppreffion
de la partie d'un Méoire , dans laquelle on éèe
des doutes fur la léitimitédu nom de Comte de
Roquefeuille .
Caufe entre la veuve Buchon , & les Héitiers
de fon Mari. Teftateur , qui fachant figner , délare
nénmoins le contraire par un Teftament.
Ses difpofitions font- elles valables , & l'acte peutil
êre attaquécomme nul ?. RenéBuchon a
éouféen 1746 , Madelaine Ribouleau , aprè 20
ans de mariage , les deux conjoints n'ayant point
d'enfants , ni efpéance d'en avoir , font , par devant
Notaire , leur Teftament conjoint & mutuel,
Far lequel ils délarent , que le préourant des
deux , donne & léue au furvivant l'ufufruit de
fes immeubles propres , & la propriééde fes
meubles & acquês . A la fin de l'article le Teftateur
, RenéBuchon , délare ne favoir figner . Par
l'éèement , c'eſ le Mari qui a préééé: fes
Héitiers ont attaquéle Teftament , fous préexte
que le Teftateur auroit dûle figner , puifqu'il
favoit érire , & que la délaration par lui faite
de ne favoir figner , éoit fauffe . M. d'Agueffeau ,
Avocat - Gééal , a conclu àla validitédu Teftament
, & àfa pleine & entièe exéution : c'eft
auffi ce que l'Arrê du 8 Janvier 1783 a jugé
PARLEMENT DE NORMANDIE . Droit d Ufage.
Les Religieux Bééictins de Leffay , au diocèe
de Coutances , font Seigneurs & Propriéaires d'un
( 93 )
marais fituédans la Paroiffe d'Appeville. Ce marais
éoit affujetti àl'afage des habitans d'Appeville ,
Honefville , Liéille & St- Côe - du- Mont, En 1670 ,
les Religieux voulant en faire un triage , aux termes
de l'Ordonnance de 1669 ; conteftation de la
part des habitans d'Appeville , ufagers feulement à titre gratuit ; & de la part des habitans des trois autres
Paroifles , ufagers àtitre onéeux. Les Parties
traduites au Parlement de Paris , cette Cour , par
fon Arrê du 5 Aoû 1670 , a autoriféles Religieux
àprocéer au triage. L'affaire éoqué au Confeil
du Roi , Arrê en 1673 qui prononce ainfi . »Le
Roi , en fon Confeil , faiſnt droit fur les Requêes
refpectives , ayant aucunement éard àcelle du fieur
Abbéde Leffay , & àl'Arrê du Parlement de Paris
du S Aoû 1670 , a ordonné& ordonne que ledit
fieur Abbéde Leffay aura & prendra fon tiers
en la totalitédu marais en queſion , dans le
quel nénmoins lefdits habitans de St-Côe- du-
Mont , ceux de Honefville & autres ufagers pofféans
le droit àtitre onéeux , pourront avoir leurs
ufages & pâurages , ainfi que dans les deux autres
tiers àeux appartenans , en continuant les redevan
ces accoutumés , fans qu'ils puiffent y envoyer que
le tiers des beftiaux qu'ils auront hiverné , tant
que
lefdits triages demeureront féaré , & ce àl'exclufion
des habitans de ladite Paroiffe d'Appeville , lefquels
ne pourront préendre aucun droit d'ufage
ni pâurage fur ledit tiers mais fur les deux autres .
-Le triage a ééfait . - Le 10 Mars 1781 , les Reli
gieux autorifé de leur Abbé, & toutes autres formalité
prélablement obſrvés , ont donnéàcens &
rentes aux fieurs Gaumia & d'Apres , tout ce qui peut
appartenir & appartient , porte le contrat , a l'Abbaye
, dans le marais d'Appeville , au droit de la
baronnie d'Offeville , fans en rien excepter ni réerver
, n'entendant céer que la quantitéd'arpens
94
T
exempts de tous ufages , moyennant 3 liv. de cens
& rente annuelle , ... par chaque vergé affranchie ,
exempte & libéé de tous ufages. Les Lettres - Patentes
obtenues fur ce contrat , au mois de Novembre
1781 , portent auffi cette claufe : fans cependant
que les préentes puiffent préudicier en aucune
manièe àceux qui peuvent avoir des droits d'uſge
ou autres àexercer fur lefdits marais. Ces Lettres-
Patentes , préentés àl'enregistrement au Parlement
de Rouen , les habitans d'Appeville , d'une
part , ceux de Honefville , Liéille & St - Côedu-
Mont , d'autre part , y ont forméoppofition.
-
--
Arrê du 28 Janvier 1783 , qui a déoutéles
fieurs Gaumin & d'Apres, de leurs demandes en enregiftrement
, & les a condamné aux déens .
PARLEMENT DE LANGUEDOC . Antropophage
condamnéàmort. Blaife Ferrage , furnommé Seyé, Maçn de profeffion , natif du lieu de Cefcan
, dans le Comtéde Comminges , trè - petit de
taille , mais d'une force extraordinaire , trè-brun ,
éoit vicieux & libertin par tempéament. Dans
un âe peu avancéil pourfuivois déa les perfonnes
du fexe. Craignant d'érouver la fééitéde
la Juſice , il ſ retira dè l'âe de 22 ans dans les
montagnes d'Aure , voifines de fa patrie. Il y choifit,
àla manièe des Ours , une retraite dans la concavité d'un rocher placéfur le haut d'une montagne ; delà il ſ réandoit dans les campagnes , dont il devint
bientô le plus terrible fléu . Il enlevoit les
brebis , les moutons , les veaux , la volaille , pour
fe nourrir , & fur- tout des femmes & des filles pour
affouvir fa brutale paffion. Il pourfuivoit àcoups de
fufil celles qui fuyoient ; en abufoit quoique mourantes
& baignés dans leur fang. Comme il ne fe
nourriffoit plus de pain depuis quelque tems , &
qu'il manquoit mêe fouvent de vivres , on préend
( 95 )
qu'il éoit devenu antropophage. Il coupoit ordinairement
les feins & les cuiffes des femmes & des filles
aprè en avoir abufé, & il achevoit de les
mettre en pièes pour en tirer les inteftins & le
foie qu'il mangeoit ; il n'éargnoit pas les impubèes.
Mais nous devons éarter ici ces images affreufes
de la barbarie & de la brutalitérénies . Il tuoit
auffi les hommes & en mangeoit ; dernièement il
aſ .aſ .ina un marchand de meules , Eſagnol , qu'il
attira dans fa retraite , fous préexte de le conduire
fur les tertes de France oùil fe rendoit pour faire des
achats. Il avoit mis le feu àune Grange , qui renfermoit
des beftiaux ; pour fatisfaire fa rage contre le
propriéaire , qui avoit voulu le faire arrêer . On
préend qu'il portoit dans fes cheveux une herbe
qui a la propriééde ronger le Fer ; elle croit dans
les montagnes , & n'eft connue que d'un Oiseau ,
appelléle Pic. S'il faut en croire la tradition populaire
, pour fe procurer de cette herbe , on cherche
le nid de cet Oiſau , qui le place ordinairement
dans le creux d'un Arbre ; on cloue en fon abſnce
une planche fur l'ouverture ; l'Oifeau de retour ,
pour êer les cloux qui retiennent la planche , va
chercher l'herbe en question. On fe tient àl'éart ,
& lorfqu'il a liméles cloux , & laiffétomber l'herbe
, on s'en faifit. Blaife Ferrage , dit Seyé, fut
enfin arrêépar la trahifon d'un faux Ami , qui
avoit feint de fe retirer avec lui dans les montagnes
, pour le déober aux pourfuites de la justice ,
& qui dans le fait , n'avoit pas une conduitéfans
reproches. On avoit promis àcet homme fa grace ;
& plufieurs Communauté d'habitans s'éoient cotifés
, pour donner une réompenſ àcelui qui parviendroit
àle livrer àla Juſice . Il éhappa nénmoins
une premièe fois , mais , peu de tems
aprè , s'éant éarépendant la nuit dans les mon-
-
( 96 )
agnes , il fut arrêé. Il marchoit toujours armé d'une ceinture de Piſolets , d'un Fufil àdeux coups ,
& d'une Dague. Il alloit dans la Ville la plus prochaine
de la retraite , pour acheter de la poudre
& des balles ; & la Maréhauffé n'ofoit l'arrêer.
Il avoit environ 25 ans lorqu'il fut jugé. Le Juge
Châelain de Caftillon , l'avoit condamnéàexpirer
fur la roue , & a êre jettéan feu. Par Arrê du
12 Déembre 1782 , la Sentence a ééconfirmé ,
exceptédans le chef du feu , & àcet éard , le
Parlement a ordonnéque fon corps mort fercit
exposéaux fourches patibulaires ; & que l'Arrê
feroit imprimé& affichéàCefcan , Caftillon &
Toulouſ. Il a ééexéutéle 13 quatre heures
de relevé ; on avoit tripléla garde ; toute la Ville
& une multitude de gens de la Campagne éoient
àfon ééution : on ne parloit que de ce monftre .
Il marcha au fupplice d'un vifage ferein. On fait monter
àplus de 80 les filles & les femmes , victimes
de fa brutalité
à Na. L'abrééde la Notice des caufes de la Gazette des
Tribunaux n'apportera aucun changement àcet Ouvrage ,
qui paroî tous les Jeudis depuis fept annés conféutives ,
& dont M. MARS , Avocat , eft l'Auteur. On y trouve toujours
le mêe nombre d'articles ; 1. la Notice des caufes
civiles & criminelles du Royaume ; 2 °. l'expofédes queſions
fur lefquelles on demande l'avis des Jurifconfultes , avant de
fe déerminer àplaider ; 3 °. les réonses àces mêes queftions
; 4. des differtations fur des points de droit , d'Ordennance
, ou de Coutumes ; 53. une Notice fommaire des Méoires
, Plaidoyers , & c. 69. l'annonce & l'objet des livres
de Droit , de Jurifprudence ; 70. l'indication de ce qui fait
Loi ou Rèlement , les Arrês du Confeil , ceux des Parlemens
, des autres Cours Souveraines , &c. &c . 8 ° un article
de Léiflation érangèe , dans lequel on trouve fouvent des
caufes extraordinaires. On foufcrit en tour tems pour cet
Ouvrage , dont le prix eft de 15 liv . par an , franc de port ,
chez M. MARS, Avocat au Parlement , rue & Hôel Serpente.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E.
De CONSTANTINOPLE , le 1 sJanvier.
LE
E nouveau Grand -Vifir Halid Hamid ,
paffe pour avoir des connoiffances encore
fupéieures àcelles qu'on prêoit àfon
prééelleur Jagen Méemet , Pacha , auquel
on en attribuoit beaucoup au moment
oùil fut revêu de cette dignité; il
connoî fur-tout parfaitement l'éat de l'Empire
Ottoman , & le befoin qu'il a de vivre
en paix avec toutes les Puiflances voisines.
Ce Miniftre eft éroitement uni au Capitan
Bacha , & montre beaucoup d'eftime
pour les Européns . C'eſ àfes foins qu'on
doit le réabliffement de la tranquilli édans
cette capitale , & l'efpéance de la continuation
de la paix, Cela n'empêhe pas
qu'on ne pou fuive àl'arféal les réarations
des vaiffeaux ; mais on vient de renvoyer
dins leurs terres environ 20,000
vaffaux qui font obligé de prendre les
15 Mars 1783.
( 98 )
armes & de faire le fervice militaire auffitô
que l'Empire eft menacéd'une guerre ;
c'eft àcette condition qu'ils poſèent des
terres qu'ils tiennent de S. H.; ils éoient
venus depuis que les déêé avec la
Rulle avoient élaté, & confommoient
dans cette capitale leurs revenus qui , déenfé
dans leurs campagnes , peuvent faire
circuler quelque argent parmi les habitans
& tourner àl'avantage de la culture.
RUSSI E.
De PETERSBOURG , le 2 Férier.
LE Lieutenant - Colonel de Neplujew ,
fils du Confeiller & Séateur de ce nom ,
arrivédepuis peu de la Crimé , a éééevé au grade de Colonel ; il commandoit l'avant
garde du corps du Gééal Belmain
qui a agi avec tant de fuccè contre Bathi-
Guéay , frèe du Khan actuel . Le Colonel
àla têe de 200 hommes le rencontra dans
les montagnes de Caras - Bafarche , & au
moyen d'une manoeuvre habile , il le furprit
& diffipa avec fa petite troupe 1000
rebelles qui éoient avec lui , en tua 70 ,
difperfa le refte & s'empara de leurs éuipages.
Bathi-Guéay ne dut dans cette occafion
fon falut qu'àla fuite ; mais peu de
tems aprè le Colonel l'atteignit prè de
la mer Noire dans la maifon de la four da
Khan oùil s'éoit réugié, & oùil fut fait
prifonnier.
799 )
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 8 Janvier.
PLUSIEURS Miniftres érangers ont reç
dernièement l'agréble nouvelle de la conclufion
de la paix entre la France , l'Eſagne
& l'Angleterre. Un Eccléiaftique d'Yaffy
qui fe trouve ici depuis quelque tems
déêha auffi-tô un Exprè pour la porter
àl'Hofpodar de Walachie , qui de fon côé ne manquera pas d'en informer fur- le-champ
la Porte que cette nouvelle doit intéeffer
infiniment.
Depuis quelques femaines , le Confeil
Permanent s'eft occupéd'affaires relatives.
àl'améioration intéieure du Royaume.
On fe flatte que les arrangemens pris fucceffivement
obtiendront peu àpeu le but
falutaire déirédepuis fi long-tems . Déa
les Seigneurs du rang le plus éevé, commencent
às'appliquer àl'éonomie , & à éudier les principes de cette fience fi
utile dans tous les Etats , mais jufqu'àpréent
trop néligé dans le nôre.
ALLEMAGNE
De VIENNE , le 18 Férier.
ON érit de Klagenfurt que l'Archiduc
Maximilien qui eft en route pour l'Italie , y
e 2
( 100 )
eft arrivéle 7 de ce mois ; il eft defcendu au
Palais de l'Archiducheffe Marie- Anne , qui
l'a reç avec les téoignages de la plus grande
tendrelle.
On a érouvéle 15 de ce mois àNeuftadt
quelques léèes fecouffes de tremblement
de terre.
Il a ééenvoyéordre en Efclavonie de
couper les bois dans la largeur de 8 toifes
fur les deux bords de la Drave , afin d'empêher
par ce moyen , que cette rivièe ne
puiffe jamais êre embarraffé par les arbres
qui tombent de véuftéou qui font
renversé.
Ileft parti d'ici dans le commencement de
ce mois prè de 30 chariots chargé de canons,
de boulets & d'autres munitions de guerre,
Ces tranfports font pour Carlstadt en Hongrie
, & ont ééaccompagné de quelques
déachemens d'artilleurs , de grenadiers
& d'autres foldats d'infanterie. Quoique ces
tranfports foient nombreux , & femblent
annoncer une guerre prochaine , on ne s'entretient
plus guèe ici d'une rupture avec la
Porte.
On fait àPrague de grands préaratifs
pour le couronnement de l'Empereur ; &
on croit que cette folemnitéaura lieu dans
le mois prochain.
Les Juifs demeurant dans les Etats Hééitaires
d'Autriche & dans la Bohêe , ont
obtenu la permiffion d'aller & de revenir .
( 101 )
librement dans la Hongrie , pourvu qu'ils
foient munis d'un paffeport du Juge de
lear domicile ; mais les Juifs érangers
payeront , comme par le paffé, un florin ,
en entrant dans ce Royaume.
Vienne ,
»L'Ambaffadeur Marocain deſiné pour
érit-on de Triefle , eft encore dans cette Ville , àcaufe
d'une indifpofition qui l'arrêe . Il entreticat la difcipline
la plus exacte parmi les gens . Il en a renvoyé 3 àMaroc , avec ordre de les faire empaler àleur
arrivé ; il en a fait mettre 3 autres aux fers àLivo.rne
, oùil les reprendra àfon retour . Cer Ambaladeur
eft Gouverneur d'une Province confidéable ,
& paffe pour avoir des talens politiques & une grande
expéience. Depuis fon féour ici , il a voulu voir les
bals , les opéas ; ces divertiffemens l'ont beaucoup
amufé. Notre Evêue lui a fait une vifite , & en a
ééreç avec les plus grands éards « ‹ .
De HAMBOURG , le 24 Férier.
LES papiers ne parlent plus aujourd'hui
que d'une manièe pofitive de l'arrangement
des difféends qui s'éoient éevé
entre la Ruffie & la Porte ; les mouvemens
que faifoient ces Puiffances & quelques
autres , avoient réandu l'alarme dans la
Servie. Les habitans de Belgrade s'éant
affemblé , s'éoient rendus chez le Bacha
de cette place , pour le prier de vouloir
bien donner les ordres néeffaires , pour
que dans ces circonftances critiques , les
Commandans & les Magiftrats miffent
toute leur préoyance àfauver le peuple
du danger & de la misèe dont il cft mee
3
( 102 )
nacé Le Bacha ne néligea rien pour les
tranquillifer , en les affurant qu'il vivoit
dans la meilleure harmonie avec les Gouverneurs
voisins ; & en ajoutant que d'ailleurs
ils devoient , ainfi que lui , fe repofer
fur la fageffe de la fublime Porte , qui fauroit
bien applanir , fans guerre , les difféends
fubfiftans entre elle & la Ruffie .
»On continue toujours ici , érit-on de Vienne , les
préaratifs de guerre , on tranfporte auffi toujours des
munitions vers les frontièes de Turquie . Il y a quelques
jours qu'un déachement de cavalerie manouvroit
en préence de l'Empereur ; aprè quelques
éolutions , ce Prince demanda fi quelqu'un des Cavaliers
auroit le courage de franchir , avec fon cheyal
, des chevaux de frife qu'il avoit fait amener. Il
n'y eut qu'un foldat qui fe trouva prê ; il ofa mêe
dire : fi V. M. me le permet je les franchirai dans
un moment ; c'eft une bagatelle pour moi. L'Empereur
eut l'humanitéde lui recommander d'agir avec
prudence & de renoncer plutô àfon projet que d'expofer
fa vie. Le foldat fe mit auffi-tô en ordre ; il
galoppa trois ou quatre fois auprè des chevaux de
frife , & prenant enfin tout-à- coup fon effor , il les
franchit fans ſ bleffer ni faire aucun mal àſn
cheval . L'Empereur l'a éevéàun grade , & lui a
fait préent de 200 ducats pour le mettre en éuipage
, il a demandéde conferver fon cheval , ce qui
lui a ééaccordé«
S'il faut en croire des lettres de Berlin ,
le Roi de Pruffe a déignéune perfonne
qui doit aller àPhiladelphie en qualité d'Agent auprè des Etats- Unis de l'Améique
; & plufieurs navires Pruffiens feront
voile pour cette partie du monde , oùils
ouvriront un commerce.
( 103 )
S. M. , ajoutent les mêes lettres , voulant
donner une nouvelle preuve d'encouragement aux
Fabriques dans les Etats , en-deç du Wefer , y a
déendu l'importation des articles fuivans venant de
l'éranger ; favoir : les rubans de foie , de laine , de
coton & de fil , les ouvrages de bois & de fil- d'archal ,.
les clinquailleries d'acier , d'éain , de fer , & c . les
baffins de méal , les haches & coins , lé perles de
cire , les chaîes de montre d'acier , la vaiſ .elle d'éain
, les gants de peau , de foie , de laine ,
de coton
de fil . Les gants de peau de Danemarck font excepté .
Les marchandifes fuivantes venant de l'éranger
payeront un droit de so pour 100 ; favoir : les
poids de méal , les agréens de foie & de filofelle ,
les éantails , les plumes & parures en plumage , les
aiguilles , les éiceries & les moulins àcafé; la cire
àcacheter payera 25 pour 100. Il réulte d'une
pièe authentique que le Roi de Pruffe a réandu ,
l'anné dernièe , dans les Etats , en bienfaits de
tout genre , tant pour de nouveaux éabliffemens que
pour encourager l'induftrie , la fomme de 2,118,000
rixdalers. Les mines qui avoient éétrè néligés
font exploités aujourd'hui avec le plus grand fuccè .
Auffi S. M. a verfédes fommes confidéables dans
cette partie. Elles font actuellement en fi bon éat ,
que non-feulement elles fourniſ .ent abondamment
le pays de fer , de cuivre , de plomb , de vitriol ,
d'alun , de charbon de terre , &c. mais qu'il en refte
encore pour l'exportation dans l'éranger. Depuis le
réabliffement de l'exploitation des mines on a exporté pour 234,000 rixdalers de minerai .
Les préentions de la Ruffie , relativement
au commerce de la Courlande qu'elle
veut faire paffer àl'avenir par les mains
des Marchands de Riga & par le port de
cette Ville , font fondés fur une convention
entre le Duc Frééic & la Ville de
¥ 1
€4
(
104 }
Riga en 1613 , par laquelle on préend
que la Courlande a renoncéau droit de
faire exporter de fes ports toutes fortes de
denrés & de grains. Un traitéconclu à Riga en 1630 entre les Pléipotentiaires de
Suede & de Courlande , la trèe faite à Stumsdorff en 1635 , & le traitéde paix
d'Oliva en 1660 , renferment , dit on , la
confirmation de cette convention . Les Miniftres
d'Etat de Courlande réondent àces
affertions :
1° Que la Convention de 1615 , n'a jamais éé un Acte obligatoire ; parce que les Etats du Pays n'y
ont pas accéé, & qu'elle n'a pas ééconfirmé par
le Seigneur Suzerain ; ce qui auroit ééabfolument
néellaire d'aprè la conftitution de Courlande, (dont
S, M. Impéatrice de toutes les Ruffie s'eft rendue
garante , ) fi cette convention devoit maintenant
fubfifter au préudice des Droits , qui appartiennent
au Seigneur Suzerain , au Duc & aux Etats de Cour
lande : 2 ° Que cette Convention n'a pu acquéir
plus de force & de validitépar le Traitéde 1630 ,
qui fut éalement conclu àl'infç & fans le confentement
des Etats . 30. Que cette convention n'a
jamais éémise en exéution ; mais qu'au contraire
il ya ééportéatteinte en plufieurs occaſons : 4º.
Que , fuppoféque cetre Convention ait d'abord -
ééen quelque forte obligatoire , elle ne peut pourtant
nullement êre regardé comme une raiſn concluante
pour les préentions formés de la part de
la Ruffie , vu qu'elle n'offre aucune preuve pour la
renonciation faite par la Courlande au droit de le
fervir de fes Ports , pour faire pafler toutes fortes
de grains & de denrés : 5º. Que , fi dans la Trèe
de Stumsdoff il eft ftipulé: »Que le Commerce· de la Pologne & de fes Provinces doit êre réa
( 105 )
»blifur l'ancien pié; qu'il doit fe continuer comme
»il a ééfait dè fon commencement , & que toutes
»chofes doivent rentrer dans le mêe éat oùelles
»ont ééavant cette Guerre , attendu que les inno-
»vations , faites pendant la Guerre , feront nulles
»& de toute nullité: & fi dans l'art . XV du Traité de Paix d'Oliva il eft arrêé»Que le Commerce
»de Pologne , de Lithuanie & de Suèe , ainfi que
»de leurs Provinces , Sujets & Habitans , doit êre
»fans entraves & le faire avec toute liberté, tant
› :
par terre que par mer & êre maintenu dans
»l'éat oùil a éépendant la Trèe «; il eft éident
, qu'on n'a point voulu gêer le Commerce de
la Courlande , mais plutô en fixer la libertéillimi
té par mer & far terre , fur-tout quand on fait
rélexion , que le Commerce de la Courlande n'a
jamais éétroubléni interrompu par la convention
de 1615 ; mais qu'il s'eft toujours fait fans empêhement
de tems imméorial avant la Guerre avec
la Suèe , & mêe pendant la Trèe : 6 °. Que
d'ailleurs , comme les Articles IV & V , du Traité d'Oliva portent , »que le Roi & le Royaume de
»Suèe ne pourront pas éendre les limites de
»leurs poffeffions dans la Courlande & la Séigalle ,
ni préendre quelque fervitude àla charge du Duc
»de Courlande , ni s'arroger le droit àla coupe de
»Bois ni quelque autre droit que ce foit ; qu'éalement
le Roi & le Royaume de Suèe ne feront
pas en droit de former , fous quelque préexte
»que ce foit, des préentions àla charge de la Courlande
« ce Duchéet pleinement fondéàimplorer
la protection de S. M. l'Impéatrice de toutes les
Roffies contre les préentions mal - fondés , que la
Ville de Riga , déàallez floriffante par l'éendue de
fon commerce , s'efforce de faire valoir , & àreclamer
cette juftice éinente avec laquelle S. M.
Impéiale a daignégarantir àla dièe de Courlande ,
tenue en 1763 , la religion , les droits , les privilées
es
( 106 )
& immunité des Duché de Courlande & de Semigalle
, tels qu'ils ont éédans les rems antéieurs ,
& pour le maintien defquels les Rois de Pologne ont
prêéferment.
>
On lit dans un papier Allemand une differtation
fur l'origine de la Méiterrané
qu'on regarde comme une nouvelle mer , ainfi
que fes branches , la Mer Adriatique
l'Archipel & la Mer Noire , qui ne doivent
leur exiftence qu'àquelques grandes réolutions
de la nature. Le préis de cette
pièe peut êre curieux , fú-tout dans la circonftance
préente , oùle bruit du malheur
arrivéàMeffine paroî fe confirmer.
59
L'Italie , la Grèe & la Natolie , ne faifcient
anciennement qu'un feul continent avec la côe feptentrionale
de l'Afrique , mais les piles fouterraines
fur lefquelles repofoit ce pays , s'éant rompues
dans un tremblement de terre , ce continene fut déembré , tel qu'on le voit aujourd'hui. C'est par
une mêe réolution que l'Angleterre fe déacha
de la France; que l'Améique , déagé de les premiers
fondemens , prit la place qu'elle occupe actuellement
, & que la mer fe fit jour avec impéuofité entre l'Espagne & l'Afrique , inondant à droite & àgauche les pays , jufqu'au Caucaſ , & ne
revint dans les limites qui circonfcrivent aujourd'hui
la Méiterrané , que fucceffivement & àmefure
que les pays inondé s'éoient enfoncé davantage.
L'Efpagne orientale , la France méidionale ,
I'Italie , la Grèe & la Natolie , durent leur falut ou
leur confervation aux Pyrenés , àl'Apennin , alr
Taurus & au Téarus , comme la Lybie feptentrionale
la doit àfes montagnes. La Sicile , la Sardaigne ,
les Illes de Corfe , de Crèe , de Chypre & celles de
l'Archipel , qui éoient les fommets du pays enfoncé , font les monumens & les preuves vifibles de
蔓
( 107 )
--
cette grande réolution. Il eft probable que ce
qui eft terre ferme aujourd'hui , eft forti du fein
de la mer ; comment expliquerions- nous autrement
les périfications des poiffons & d'autres animaux
de mer que l'on trouve fur nos montagnes ? De
la mêe manièe il fe peut qu'un jour une grande
partie de notre globe foit engloutie par la mer , &
que celle ci rende de fes entrailles une nouvelle
portion de terre. Eft-il abfolument invraisemblable
que les couches dans le centre de la terre ne foient
ni fi compactes , ni fi ferrés qu'on l'imagine ? Ne
peuvent- elles point avoir de fciilures dans lefquelles
l'eau péère & forme fucceffivement des excavations
? Eft-il impoffible qu'un feu fouterrain n'attaque
les piles de ces voutes & ne les renverſ ?
Quelle eft l'opéation au- deffus des efforts lents
de la nature ? Oùune taupinièe qui s'éroule eftelle
une perte pour l'univers ? Le Créteur met dans
chaque deftruction le germe d'une crétion nouvelle.
-
Une pareille réolution eft , ce me ſmble , plus
naturelle que l'hypothè .e de Whifton , qui attribue
àune comèe le changement qu'a fubi notre globe.
Le Véuve , l'Etna & les Volcans dans les Ifles
Eoliennes , font des preuves vifibles que l'Italie
eft remplie de feux fouterrains , qui anciennement
éoient peut- êre plus multiplié encore , & je ne
connois pas de pays qui en ait autant que l'Italie , &
qui par conféuent foit plus fujet qu'elle aux tremblemens
de terre. Ces tremblemens fe manifeftent
auffi fréuemment dans l'Afie mineure , ce qui ,
quoiqu'il n'y ait point de Volcans vifibles , prouve
néeflairement qu'elle nourrit beaucoup de feux
fouterrains. La profondeur de la Méiterrané eft
connue ; & par cette raison mêe il est trè probable
qu'elle doit fon origine , comme la mer Cafpienne
, àun continent fubmergé On connoî auffi
le courant qui fe jette dans la méiterrané par le
Déroit de Gibraltar, Ce courant indique clairement
€6
( 108 )
que la Méiterrané a pris fes eaux de ce côé,
& qu'elle eft par confé ent une mer nouvelle .
Lor qu'on confidèe le nombre prodigieux d'ifles
dans l'Archipel , on ne peut guèes s'empêher de
les regarder comme des fommes de montagnes ,
autour de que's la plaice a ééùm igé . Cette
opi ion ef? encore appuyé par la tradition grecque,
que l'Ile de Delos & les Cyclades avoient vogué long temis avant de fe fixer. Cetre circonftance luppole
, fans contredit , the réolution precéente. "
---
Les côes de cette mer fe préentent comme des
fragmens provenus d'une r prure faite avec vio
lence , fu - tout celles de la Dalma ie & de l'Afrique .
On y voit un gra d nombre de finuofité , oùla
terre Gtué plus bas , paroî avoir ééemporté.
Ie: Ifles de forme longue fur la côe de Dalmatie ,
éo ent une terre dont la fituation éoit éevé . Les
côes y font prefque par- tout montueufes & rem-'
plies de rochers . La Méiterrané augmente en'
profondeur, & les mers qui lui fourniffent des eaux
diminuent. Cette mer a ééd'abord trè-baſ .e , aprè
la grande réolution de la fubmerfion . Il falloit un
certain tems , pour que les eaux , qui paffo: ent par
le Déroit de Gibraltar , pûfent remplir toure la
furface dep is Gibraltar jufqu'àCaffa & àTyr. En
outre la terre fubmergé s'imbiboit auffi d'eau , &
il est trè probable que fur les nouvelles côes il
s'érouloit par-ci par- làdes fouterrains qui fe rempliffoient
éalement d'eau ; mais actuellement la
terre fubmergé éant impréné & les caves fonterraines
éant remplies d'eau , & l'affluence de l'Océn
par le Déroit continuant toujours , la Méiterrané
gagnera tous les jours en profondeur . Le volume
d'eau que l'Océn lui fournit , eft pris for
d'autres mers ; on fait par exemple que la mer d'Allemagne
diminue & perd vifiblement de fes anciennes
rives . Le Baron de Harleman , dit dans les
voyages , par quelques provinces de Suèe , qu'ayant
( 109 )
examinéle lac de Goeta , nous déouvrîes dans
diverfes excavations far le rivage , & quelques piedsau-
deffus de la furface a&tuelle de l'eau , des couches
de ſble de mer mêéde coquillage , ce qui prouve
éidemment que ci-devant les eaux montoient àcette
hauteur. De l'autre côédu lac , nous entrâes dans
une plaine fitué entre deux montagnes , laquelle ,
quoique affez baffe , a cependant 25 aunes plus en
hauteur que l'eau du lac . Ayant fait fouiller dans
cette plaine , nous vîes que ce terrein n'éoit qu'un
mêange de fable de mer trè - fin , mêéde coquillages
, & que plus on creufcit , mieux les coquillages
éoient confervé . Les coquillages qu'on trouve de
cette manièe , obferve encore M. de Heileman , ne
fauroient êre attribué qu'àla baiffe annuelle de la
mer; on en rencontre fur-tout dans ces environs ies
preuves les plus convaincantes. Ces obfervationsde
M. de Hotleman viennent àl'appui de mon hypothèe.
Lorsque la Méiterrané s'eft formé , les
eaux dans ces pays feptentrionaux diminuèent fubitement
& déosèent le fable & les coquillages
de mer. Il eſ mêe vraisemblable , qu'avant l'exiftence
de la Méiterrané , la Suèe éoit couverte
d'eau jufques vers la Laponie ; mais àla formation
de cette mer , les eaux s'éant fait jour , il n'y refta
plus d'autres trous de cette éendue d'eau que les
lacs de la Gothie , & fur-tout ceux de la Daléarlie.
Le déroiffement annuel de la Baltique ne fauroit
êre mieux expliquéque par l'accroiffement en profondeur
de la Méiterrané qui augmente fes eaux ,
par le courant de mer prè de Gibraltar . Toutes
ces circonftances fe réniffent en faveur de mon
hypothèe , pour laquelle je citerai encore l'obſrvation
qui a ééfaite , que l'eau de la Méiterrané
n'éoit pas fi falé que l'eau des autres mers , ce qui
prouveroit auffì, ce me femble, qu'elle est une mer
nouvelle. La grande réolution que j'éablis ,
explique encore les relations que d'anciens Auteurs
-
? 110 )
nous donnent , d'un vafte pays fituéàl'oueft , &
appelléAtlantis , & celles des déuges de Noach &
de Deucalion , & elle explique aufli la manièe de
la population de l'Améique , la mer Morte , les
lacs de Genezaret , de Sirbonis , de Moeris , & c.
Je finis mes rélexions par un paffage tirédu recueil
des voyages de M. Bernoulli . Il dit , àla page 25 du
premier livre , que les Naturaliftes avoient conjecturé , avec quelque fondement , que lIfle de Capri
( Caprea ) avoit éédéaché de la terre ferme dans
un tremblement de terre. En la regardant du côéde
Salerne , on obferve que les rochers fur la côe de
l'Ifle & ceux fur la côe correfpondante de la terre
ferme , font conformé d'une manièe qui fait préumer
qu'ils ont éédéaché les uns des autres .
La mêe chofe fe pré .ente àl'Ifle de Malte , vis- à-vis
les côes de la Barbarie «
ANGLETERRE.
De
LONDRES , le 3 Mars.
Nous n'avons point d'autres nouvelles
de l'Améique Septentrionale que celles qui
nous font arrivés par le tranſort armé,
l'Expéiment, qui nous a apportédes lettres
d'Hallifax en date du 18 Janvier . Il ne s'y
éoit rien pafféd'intéeffant & tout éoit
tranquille de ce côéàcette éoque. Nos
troupes éoient dans la mêe fituation à New-Yorck , & depuis long tems les hoftilité
avoient cellé, & tout fe paffoit en
néociations entre le Gééal Clinton & le
Gééal Washington.
גכ Chaque Etat , difoit- on , continuoit àdonner
de la confiftance àfon gouvernement particulier ,
& le Congrè s'occupoit des intéês gééaux de
( III )
l'union . Les Sauvages que nous avions excité contre
la nouvelle Réublique , & qui ont fait certainement
beaucoup de mal, fans qu'ils nous aient ééfort utiles ,
commencent àfaire leur paix avec leurs voifins ;
quelques Nations fe préarent às'unir plus éroitement
avec eux. Au mois de Nov. dernier , 4 Indiens
Iroquois ont ééàPhiladelphie , & ont ééadmis
dans le Congrè pour faire un traitéd'alliance &
d'amitiéavec les Etats-Unis pour leur tribu & pour
celle des Shawanèes & des Illinois . Il a éénommé un Comitépour les recevoir , traiter avec eux &
leur faire les préens d'ufage dans ces occafions «.
On lit dans une lettre de Philadelphie
les déails fuivans qui prouvent les fentimens
de reconnoiffance de l'Améique pour'
Palliéqui l'a protéé fi heureuſment , &
fur lefquels on a malheureufement trop
fouvent & tro»vainement éevédes doutes.
Les Etats - Unis voulant confacrer leur recon
noiffance envers leur alliépar un monument durable ,
fe propofent , dit- on , d'éiger fur la principale place
de cette Capitale , en face du Palais du Congrè , une
ftatue de bronze avec cette infcription :
Poft Deum
Diligenda & fervanda eft libertas
Maximis empra laboribus
Humanique fanguinis flumine irrigata
Per imminentia belli pericula.
Juvante
Optimo Galliarum Principe Rege
LUDOVICO XVI.
Hanc ftatuam Principi Auguftiffimo
confecravit
Et æernam pretiofamque beneficii memoriam
Grata Reipublicæveneratio
Ultimis tradit Nepotibus.
Ce monument fera comme celui d'Horace are pe
rennius. Voici la traduction de l'Infcription : Aprè
Dieu , aimons & cultivons la liberté, acheté par
degrands travaux, arrofé par un torrent defanghus
( 112 )
H
main pendant les calamité de la guerre , avec l'aide
du trè-bon Souverain de la France . La vééation
reconnoiffante de la Réublique confacre cette ftatue
àLouis XVI , & tranfmet ce gage préieux
& éernel defa reconnoiffance àla postéitéla plus
reculé «
On eft dans les plus vives alarmes pour
la flotte de la Jamaïue , qui paroî avoir
ééréervé àérouver le fort de la prééente.
Elle éoit compofé de 63 vaiffeaux
lorfqu'elle fut difperfé le 17 Janvier par
un coup de vent. Le Speaker qui eft arrivé àBristol , & le Friendship aux Dunes venant
tous deux de la Jamaïue , faifoient partie de
la mêe flotte ; ils racontent que le coup
de vent qui les féara du convoi eut lieu
deux jours aprè qu'ils eurent déɔquéle
Golfe ; le Friendship rencontra enfuite le
George avec lequel il fit route pendant dix
jours , aprè lefquels il le perdit de vue dans
une tempêe affreufe qui commenç le 31
Janvier , & qui dura fans interruption jufqu'au
8 Férier.
Cette nouvelle alarmante pour le commerce
eft arrivé dans un moment oùla
Nation eft entièement occupé de la nouvelle
réolution qui va changer encore l'Adminiftration
; on attend avec impatience les
fujets fur lefquels tombera le choix du Roi ;
c'eft le 24 que le Lord Shelburne & les
Miniftres fe rendirent àSt- James pour prier
S. M. d'accepter leur déiffion. Le lendemain
25 , la Chambre des Communes ne
s'affembla que pour s'ajourner au 28
dans l'efpéance que le Roi àcette éoque
( 113 )
auroit nomméles nouveaux Miniftres. Ils
ne le font point encore. Il eft certain qu'il
y a beaucoup de brigues dans ce moment
pour des places affuréent difficiles & dans
lefquelles on eft fi rarement fû , quoiqu'on
fafle , de ne pas trouver des contradicteurs
& mêne des enn mis .
»Nous ne nous occupons , dit àcette occafion un
de nos papiers , que d'intrigues & de cabales ; & les
intéês du Royaume font abfolument néligé . La
Compagnie des Indes a préentement 46 vaiffeaux
àflot , dont la valeur eft eftimé plus de 8 millions
fterlings . Les hoftilité ne doivent celler dans l'Inde ,
que dans quatre mois , & les Françis y peuvent
faire paffer des avis un mois avant nous. Nous
n'avons point d'adminiftration , puifque dans ce
moment nous n'avons pas de Miniitres , par conféuent
perfonne ne veille fur nos propriéé dans
l'Afie , & ne s'occupe de la flotte de la Jamaïue
que nous favons êre difperfé «
Cependant l'Amirautéa envoyéordre à Portſouth aux flottes deftinés pour les
Indes orientales & occidentales de remettre
imméiatement en mer ; le Salisbury de so
canons & 2 fréates efcorteront la flotte des
ifles.
Il s'eft tenu ces jours derniers une Affemblé
des actionnaires de la Compagnie des
Indes , relativement àla péition qui doit
êre préenté au Parlement , pour le prier
de venir au fecours de la Compagnie. Il
paroî par les élairciffemens donné àce
fujet , qu'elle a le plus preffant befoin d'une
fomme d'un million 500,000 livres ; la
difficulténe confifte que dans les moyens
( 114 )
de fe la procurer. Quelques Membres demandent
que la Compagnie faffe elle- mêe
cet emprunt àfa volonté; mais d'autres
obfervant qu'un acte du Parlement lui ôe
cette faculté, il a ééconvenu qu'on fe
conformeroit fur cet objet aux volonté du
Parlement , en fe bornant àlui faire connoîre
la fomme dont la Compagnie a befoin.
On a adrefféen conféuence la péition
qui doit êre préenté inceffamment.
Ce fut le 26 que le Lord Maire accompagné des Shéifs , des Officiers de la Cité,
fe rendit àSt- James pour préenter au Roi
l'adreffe de la Ville àl'occafion de la paix ,
S. M. y fit la réonſ fuivante.
>
»Je vous remercie de cette adrefle refpectueuse
& loyale. C'est pour moi une grande fatisfaction.
de voir la fin des calamité de la guerre & la perfpective
de tous les avantages qu'on a lieu d'attendre
d'une paix durable. En conféuence , je reçis avec
plaifir les téoignages de l'approbation que le Lord
Maire , les Aldermans , & les Communes de la Cité de Londres , donnent aux mesures que j'ai adoptés.
Vous pouvez êre affuré que je ferai tout ce qui
déendra de moi pour protéer & pour éendre le
commerce de mes Domaines , dont celui de la Cité de Londres forme une partie fi confidéable. Je pense
abfolument comme vous que les intéês du commerce
de ce Pays & de l'Améique font les mêes .
Je ne néligerai rien de tout ce qui fera néeffaire
pour faire renaîre fans déai & éablir àl'avenir la
correfpondance amicale qui doit réulter de l'intéê
mutuel & de l'affection réiproque «
Les Néocians de cette Capitale & des .
ports du Royaume demandent hautement
( 115 )
la réocation des loix qui empêhent les
vaiffeaux deftiné pour l'un des ports des
Etats-Unis de l'Améique , de recevoir leur
acquit àla Douane. Les vailleaux mêe qui
fe font procurédes paffeports , ne peuvent
recevoir ces acquits , parce qu'on n'a point
réoquécertaines loix pofitives. Il feroit à defirer que l'Adminiftration formâ fans.
déai quelques rèlemens àcet éard ..
Les Irlandois , toujours attentifs àfaifirtous
les avantages qui s'offrent en matièe
de politique & de commerce , ont ééles
premiers àenvoyer des vaiffeaux dans les
ports des Etats- Unis de l'Améique. Plufieurs
bâimens ont déa mis àla voile , &
d'autres font fur le point d'appareiller pour
Philadelphie & d'autres ports , fans êre
munis de paffe- ports.
»Suivant des lettres du Nord , les Cours qui
compofent la Neutralitéarmé , ont fait entr'elles
des traité favorables àleur commerce ; la Ruffie &
le Danemarck entr'autres , ont ftipulédes avantages
réiproques pour les navigateurs des deux Nations.
La réolution qui naîra néellairement de
l'indéendance des Améicains , fait une loi àtous
les Etats commerçns d'ufer fobrement du droit
qu'ils ont de taxer les importations du nouveau
Monde. Les Améicains vont fe préenter par- tout ;
ils compareront les facilité qu'ils érouveront
dans d'autres , & le réuitat de cette comparaiſn
les déerminera fans doute dans leur choix. S'il
en réulte une balance politique dans les mesures
éonomiques de difféens Gouvernemens , la paix
aftuelle remplira parfaitement fes vues , en introduifant
une modéation parfaite dans les droits de
Douane , perçs dans tous les Ports d'Europe. Enfin ,
( 116 )
cette éuitécoupera les racines des guerres
de com
merce , qui ruinent tant de Nations , quoiqu'elles
aient toujours pour préexte une augmentation de
richelles «
Il n'eft pas douteux que les vues de commerce
qu'on peut avoir ailleurs , ne méitent
l'attention de la Nation , & que le
Parlement ne s'occupe efficacement des
moyens d'éiter les inconvéiens de la
concurrence , pour que la balance ne foit
pas contre nous. Nous devons nous attendre
en conféuence àdes déats intéeffans
avant qu'il foit peu ; on pourra préumer
la nature de quelques - uns , quand les places
de l'Adminiſration feront remplies . On
ne doute point que le Lord North ne rentre
; on fait qu'il n'eft point d'avis de la
réorme Parlementaire , & qu'il a délaréqu'il
ne penfoit pas qu'on pû toucher fans danger
& fans conféuence àla conftitution.
»Les Miniftres , obferve àcette occafion un de
nos papiers , éaluoient autrefois àune guiné prè
ce qu'il leur en coûoit pour acheter une majorité dans le Parlement ; mais le nouveau plan de réorme
Parlementaire, s'il a lieu , comme on le defire , grof
fira tellement le nombre des repréentans du peuple ,
que les moyens de corruption deviendront impraticables
, mêe pour des Miniftres auffi diffipateus
que l'éoient le Lord North & fes collèues ; c'eft à cette caufe qu'il faut attribuer les efforts qu'oa
a faits jufqu'àpréent , pour faire éhouer ce plan fi
utile , & dont le fuccè déruiroit , non pas la forme
du Gouvernement , mais le fyftêe d'adminiſration
".
Le Capitaine Kemptone qui commandoit
( 117 )
le vaifleau de S. M. le London , lors de fon
combat avec le Scipion , ayant préuméque
vu la fupéioritéde fon vaiffeau fa conduite
pourroit êre mal interprêé , a demandé, à fon retour àla Jamaïue , un Confeil de
guerre qui a prononcéque cer Officier s'eft
conduit honorablement. Il est revenu en
Angleterre fur l'Hydre en qualitéde pallager,
Les Lords de l'Amirautéont ordonné qu'il feroit préentéune fomme de 100 liv,
fterl. àM. Hill , Capitaine du Hawke , lettre
de marque , qui fauva l'éuipage de l'Hector
lorfqu'il coula bas ; l'activité& l'attention
qu'il a montré en fauvant la vie des hommes
qui compofoient cet éuipage & les dangers
auxquels il s'eft expofe , lui donnoient
les plus juftes titres àcette réompenfe . Les
Lords de l'Amirautéont aufli ordonné qu'il foit remis aux Propriéaires du Hawke
une fomme de 950 liv . fterl . pour les indemnifer
des pertes qu'ils ont érouvés ,
une grande partie de la cargaifon ayant éé jerré àla mer pour faire place àl'éuipage
de l'Hector.
Nous reviendrons un inftant fur l'affaire
entre le Gééal Murray & le Lieutenant-
Gééal Sir William Drapper.
Les craintes , qu'on avoit d'un duel entre ces
deux Gééaux , écient trè - bien fondés ; & dans
l'incertitude de l'éèement le premier avoit déa
fait fon teftament la prudence du Gouvernement
a préenu ce malheur. Le Gééal Murray
, ayant refuféde faire àSir William Drapper
l'excufe , que le Confeil - de - Guerre defiroit , fut
:
( 118 )
: mis aux arrês pour juftifier fa conduite , il adreffa
un Méoire au Roi , par lequel il expofa àS.
M. les raions qu'il avoit cues de ne pas fe prêer
àla queftion , vu que l'excufe prefcrite éoit conque
en termes , fi incompatibles avec les idés fur
le point- d'honneur , qu'il éoit impoffible de jamais
s'y foumettre mais il délara en mêe tems
qu'il éoit prê àfaire des excufes àSir William
Drapper , pourvu qu'on lui laiflâ la libertéd'ufer
d'expreffions de fon choix , priant qu'enfuite il fû
relâhéde fes arrês . S. M. accorda la prièe ,
fous conditition que M. Murray engageâ fa parole
d'honneur de ne point envoyer de déi àfon
Adverfaire. M. Murray accepta la condition ; &
en conféuence le Confeil -de - Guerre s'aflembla de
nouveau , pour prendre en confidéation l'excuſ ,
que le Gééal propofeit . Celle qu'on lui avoit
préerite portoit , »qu'il éoit fâhé( concerned )
qu'aucune partie de fa conduite durant fon Commandement
àMinorque eû donnéoffenſ àSir Wil
liam Drapper. »M. Murray pria qu'on changeâ
cette formule , & qu'il lui fû permis de dire , »qu'il
s'eftimoit malheureux ( thinks himfelf unfortunate
) qu'aucune partie de fa conduite durant fon
Commandement àMinorque eû donnéoffenſ à Sir William Drapper. »Le Confeil ayant déibéé,
délara qu'àfon avis le terme adoptépar le Gééal
Murray éoit beaucoup plus fort , que celui
employéoriginairement par le Juge- Avocat , &
tel par conséuent que l'on n'infifteroit point far
l'offre du Gééal , s'il vouloit encore s'en déire :
mais il perfifta àle prééer àl'autre ; & les Juges
acquiefcèent. En conféuence les deux Gééaux
parurent en préence l'un de l'autre devant le Confeil
; & s'éant falué M. Murray fit l'excufe , qu'il
avoit adopté de fon propre choix . Comme ils
ont engagéleur parole tous les deux de ne point
s'envoyer de déi , l'on regarde l'affaire comme
terminé «
( 119 )
L'Amirautévient de publier un avis à tous ceux qui , vivant dans le pays ou hors
du pays , ont des préen ons fui les denrés
& autres effets enlevé àSt Euftache , portent
leurs titres & papiers àla Cour des
Docteurs communs ; on les invite àfe hâer
le plus qu'ils pourront , & on leur donne
jufqu'au premier Juin prochain , paffélequel
tems ils ne feront plus admis.
On doit mettre dans peu , fous les yeux
du Parlement , quelques rèlemens relatifs
au commerce du charbon , & qui lui font
trè-néeffaires.
FRANCE. "
De VERSAILLES , le 11 Mars.
Le Roi a nomniéàl'Abbaye réulièe de
Clairmarais , Ordre de Cîeaux , Diocèe de
St-Omer , Dom Martin Bernard , Religieux
Profè de cette Abbaye ; àl'Abbaye de
Licques , Ordre de St-Benoî , Diocèe de
Boulogne , l'Abbéde la Fare , Vicaire- Gééal
de Dijon , & Doyen de la Sainte
Chapelle de la mêe ville ; àl'Abbaye de
Notre- Dame de Gundon , Ordre de Cîeaux
, Diocèe de Cahors , l'AbbéColas ,
Vicaire Gééal & Archidiacre d'Auch.
S. M. a éevéau grade de Lieutenant-
Gééal de fes Armés navales , le Chevalier
de Monteil & le Bailli de Suffren - St-
Tropez , Chef- d'Efcadre..
M. Guerrier de Bezance , ancien Maîre
( 120 )
des Requêes , nommépar le Roi àla place
de premier Préident de la Cour des Aides
de Clermont Ferrand , a eu l'honneur de
faire fes remerciemens àS. M. àlaquelle
il a éépréentépar M. le Garde des
Sceaux.
De PARIS , le 11 Mars.
Nos dernièes nouvelles de Cadix font
du 15 du mois dernier , àcette éoque on
n'attendoit plus que l'efcadréde la Cour
pour embarquer les troupes Françiſs , &
les ramener en France avec la Hotte. M.
le Comte d'Estaing ne devoit partir que
lorfque les vaiffeaux feroient prês àappareiller,
M. le Marquis de la Fayette & M. la
Prince de Naffau éoient revenus àCadix
avec la douleur de n'avoir pu voir Gibraltar.
Le Gééal Elliot s'éoit excuféde les
recevoir , parce qu'il n'avoit pas encore
ééinftruit par la Cour de la fignature des
préiminaires de la paix , & que les hoftilité
devoient, ceffer ; la certitude qu'il en
avoit par l'Espagne , n'éant pas feffifante
pour lui permette l'admettre des érangers
dans fa place malgréle defir qu'il avoit de
recevoir des Offi iers auffi diftingué que
M. de Naffau & M. de la Fayette .
Si jamais un éèement a méitéd'êre
retracéfur un monument durable , c'eſ
fans doure la guerre d'Améique , & la
reconnoiffance de fon indéendance qui en
3
( 121 )
a ééla fuite. M. Franklin fait frapper ici
une méaille relative àces grands éèemens
. Elle repréente Hercule au berceau
éouffant deux ferpens ; un lépard furpris
de fa force veut fe jetter fur lui , il en
eft repouffépar la France qui , fous la figure
de Minerve , lui oppofe fon éide , oùfont
trois fleurs de lys. Au bas font les annés
1777 , 1781 , éoques des capitulations des
Gééaux Burgoyne & Cornwallis.
L'emprunt de 3 millions que M. Grandclos
- Mééa ééautoriféde faire pour le
commerce de la Chine eft déa rempli ; &
les cinq bâimens qui doivent êre envoyé
fur les côes de ce vafte Empire , font déa
chargé de toutes les efpèes de marchandifes
dont le déit eft fü aux Indes , où ils prendront partie de celles qui font néeffaires
pour la Chine .
Une lettre de Rome contient les déails
fuivans fur le déa ftre arrivéàMeffine.
Le Courier fe fait attendre depuis deux jours.
L'Italie feptentrionale eft en partie inondé ; mais
c'est bien autre chofe dans la méidionale ; on peut
dire que toute la Calabre n'eft plus qu'un vafte defert.
De 365 Villes, Bourgs ou Villages qu'on y comptoit ,
àpeine en refte - t-il 25 : tout a ééenglouti par la
terre , horriblement & alternativement ouverte du .
rant plus de trois jours , & refermé par les plus
violentes fecouffes , ou brûé par le feu du ciel ou
les feux fouterrains qui éhappoient continuellement
par les ouvertures . Les élairs , le tonnerre ,
la pluie , la grêe, les vents , la mer foulevé , tout
Is Mars 1783.
f
( 122 )
toire fait mention.
--
a concouru àrendre cet éèement le plus éouvantable
& le plus funefte de tous ceux dont l'Hi
Ce pays
fi beau , fi produifant
, oùla plus grande partie des premièes maifons
du Royaume de Naples avoient leurs fiefs , n'eft
plus qu'une éendue immenfe de terres bouleversés ,
de laquelle les chemins mêes & les rivièes ont
difparu. Un Courier de la Cour de Naples ,
déêhédans cette Province àla premièe nouvelle
du déaftre , a fait trois lieues fans rencontrer une
ame. Cette horrible folitude nous préare des déails
dont l'idé ſule de la poffibilitéfait fréir :
car je ne vous éris que d'aprè ce qu'on a pu bols
mander dans les premiers momens de furprife &
de déolation. Le fort de la Sicile ne pourra
qu'ajouter , s'il eft poffible , àla confternation. On
fait déa qu'il ne refte de Meffine que deux Eglifes
de Religieux tout a ééabymé, Palais , mailons ,
magafins , habitans , & c. Les ifles de Lipari n'exiftent
peut-êre plus des Lipariens éhappé dans
des bateaux aux premièes fecouffes de tremblement,
on ignoreau moment que le fléu les a atteints,
s'il ne les a pas entièement déruites ou englouties
de
Le Roi de Naples a envoyédes troupes ,
l'argent , des vivres , des habits , & tous les fecours
dont on a pu s'aviler , aux reftes infortuné & trop
peu nombreux éhappé aux gouffres & aux flammes.
Vous croyez bien qu'il ne fe parle pas de thé âtre
ni de carnaval àNaples : on court en foule aux
Eglifes , criant miféicorde. Que de grands Seigneurs
dont tous les biens éoient en Calabre , nont plus
rien au monde. Il n'eft plus queftion de ceux qui
habitoient leurs Châeaux. Mais on n'a encore nommé que la Princefle de Gerafy , que nous avons vII
plufieurs fois àRome ; elle s'éoit retiré depuis
quelque tems dans une Ville qui lui apparteroit ,
& qui a difparu avec elle.
( 123 )
>
"
»Le 9 Férier , le tonnerre eft tombépendant
la Meffe , fur l'Eglife de la paroiffe de Lande , déendante
de l'Election de Verneuil , fitué quatre
lieues de Verneuil & àcinq de Mortagne. L'Eglife
fut auffi-tô remplie d'une fumé trè - éaiffe & d'une
odeur fulphureufe. L'effet de la foudre fut fi violent
que tous les affiftants , foit debout , foit affis
furent renversé fans qu'on fe foit apperç qu'aucun
d'eux eû ééparticuliéement frappédu tonnerre.
Le Curéauroit éééalement renversé, s'il
ne fe fû foutenu en s'attachant àl'Autel. La fumé
s'éant diffipé & les affiftans éant revenus de
leur effroi , plufieurs d'entr'eux s'apperçrent qu'ils
s'éoient faits dans leur chûe des contufions , dont
heureufement aucune n'éoit dangereufe. Cet éèement
fi rare dans cette faifon , n'avoit ééfunefta
qu'àun feul homme qui éoit reftémort fur laplace.
Comme on n'a trouvéſr ſn cadavre aucune impreffion
de la foudre , on a jugéqu'il avoit ééfuffoqué par la vapeur qui s'éoit réandue dans l'Eglife.
Cet orage qui n'a eu que ce feul accident , s'eft
fait fentir àAlençn , où, la nuit du 8 au 9 ,
entendu plufieurs coups de tonnerre .
on a
On lit dans une lettre de Rouen l'anecdote
fuivante qui méite d'êre rapporté.
En Janvier dernier , les Juges de la Chambre
du Commerce éant aſ .emblé pour affaires extraordinaires
, on vint les avertir que l'on venoit àl'inſant
traduire en haro àleur audience un pauvre
Menuisier de la Ville arrêépour dettes . Les Jeges
le firent auffitô comparoîre , & lui demandèent
fes moyens de déenſ ; je n'en ai point réonditil
: mais ma femme infirme eſ au lit depuis longtems
, je fuis chargéde quatre enfans , & la dé .olation
de ma maiſn m'a arrachépour ainfi dire les
bras du corps. On le fait retirer un inftant , &
f 2
( 124 )
ces Meffieurs s'éant tous cotifé & ayant fourni
la fomme due au Créncier, on le fit rentrer pour
lui dire que fa dette éoit payé. Le malheureux
pééréde reconnoiffance fe profterna àleurs pieds ,
les remercia de leurs bienfaits , d'une manièe qui
leur arracha àtous des larmes d'attendriffement ;
leur gééaliténe fe borna pas là: le Propriéaire
de la maifon du pauvre Menuifier avoit fait avili
des diligences. Il lui éoit dûune anné de loyer.
Nos Mellieurs firent une nouvelle quêe entre eux
payèent le Propriéaire , & il fe trouva fur le produit
de la quêe an excéent d'un louis ou de deux ,
que le Greffier de la Jurifdiction fut chargéde
porter àla maison du malheureux , oùil ramena
en mêe-tems la joie & l'attendriffement. Nous
nous ferons un plaifir de joindre àce fait les noms
de ces Juges bienfaifants , ce font MM. PRÉEL
l'aîé, TAILLET , GORLIER , BOURNISIEN «.
› M. de Fer , de l'Acadéie de Dijon , ancien
Capitaine d'Artillerie au fervice des
Colonies , nous a fait paffer la lettre fuivante
, comme pouvant fervir àfixer l'opinion
fur un Méoire qu'il a lu àl'Acadéie
Royale des Sciences & qui a fait
beaucoup de bruit .
د »M. J'ai lu un Méoire àl'Acadéie des Sciences
le 26 du mois dernier , fur le danger d'éablir les
pouffés horisontales dans les Menumens publics.
Pour éayer mon opinion , j'ai citéplufieurs Ponts
éroulé conftruits d'aprè ce fyftêe . J'ai fait
obferver qu'on pouvoit remarquer dans un Pont
prè de la Capitale , des mouvemens qui méitoient
la plus féieufe attention . J'ai indiquédes moyens
pour arrêer ces mouvemens perdant qu'il éoit poffible
de le faire. J'ai enfin propoféde fubftituer aux
pouffés horisontales , les pouflés verticales. Mon
!
( 125 )
Méoire a fait une grande fenfation , & comme
j'avois effectivement annoncédans un Méoire
imprimé, & diftribuédè les premiers jours de
Novembre , la chûe du Pont de la Mulatiere ( 1 )
arrivé le 15 Janvier , chûe occafionné par un
effet tout-à- fait contraire aux craintes qu'on avoit
cherchéàéever fur la conftruction de ce Pont ,
avant que la premièe afli e fû pofé ; quelques
perfonnes peu inftruites des faits contenus dans
mon Méoire , ont déigurémes idés , & combattent
mon opinion fans la connoîre . J'ai pensé devoir vous prier , M. , de faire inféer cette lettre
dans votre Journal , afin de fixer l'attention de
tous les Savans fur l'objet rél que j'ai traité l'objet de faire rejetrer , comme abfurde , le fyfi
têe des poutlés horifontales . -Je fuis déàconnu ,
M. , de l'Acadéie , par plufieurs Ouviages qui
ont méitéfon approbation. Je vous citerai entr'autre
, la Thérie Gééale des Canaux de Navigation
, Ouvrage qui contiendra trois volumes
in-4 °. Je fuis l'Auteur du projet de l'Yvette , c'està
dire , qu'en changeant la route indiqué par M.
de Parcieux , & les moyens de conduire les eaux
que ce Savant & M. Perronet aprè lui , avoient
propofé , j'ai pu déontrer la poffibilitéd'exéuter
ce projet àmoins d'un milion de déenſ , au liet
de huit millions que cette déenfe avoit ééefti
mé. Un grand Prince a agré é mon projet , & doir
faire exéuter àfes frais ce monument éernel
d'utilitépublique. J'ai trouvéles moyens de conduire
la Loire , & la rivièe d'Eure àVerfailles ,
& de fubftituer àla Seine un Canal de Naviga
,
(1 ) Le Pont de la Mutatiere eft fituéàLyon au confluent
du Rhôe & de la Saone . Ce Pont en pierres avoit cinq ar
ches. Il n'éoit pas entièement achevé.
f }
( 126 )
tion depuis Paris jufqu'àRouen , Canal qui pafferoit
par Verſilles , & feroit alimentépar les mêes
caux qui auroient déoréles jardins du Palais
& ceux de Trianon . Ce projet effrayant par fon
éendue , jugé en parcie phyfiquement impoffible
fous Colbert , fera prouvé poffible fans de grandes
déenfes. J'ai enfin réigéle projet de garantir des
inondations de la Saone , plus de cinq cents mille
arpens de prairies , dont les réoltes font toujours
incertaines , & fouvent emportés , en procurant
nénmoins àces prairies les avantages de les arrofer
àvolonté J'ai prouvéjufqu'àl'éidence que ce
projet procureroit au moins quinze millions , &
trè- probablement quarante-cinq millions de revenu
annuel avec une premièe déenfe de moins de fix
millions. Ce projet a fixél'attention du Gouvernement
, & la Breffe s'occupe des moyens de le
faire exéuter dans la partie qui la concerne. Je
dois vous ajouter , Meffieurs , que je n'ai jamais
propoféune idé au Gouvernement , fans l'avoir
foumife au jugement de l'Acadéie des Sciences ,
dans la perfuafion oùje fuis que cette Compagnie
pouvoit feule ia juger , & pour éiter des rélexions
déagrébles que la jaloufie , les petits intéês particuliers
, l'envie de nuire excitent journellement
dans le Public , en employant les armes du ridicule
, armes d'autant plus dangereufes , qu'ordinairement
la lenteur de l'Adminiftration fuite d'une
prudence réléhie , àadopter une idé utile , paroî
les acéer. J'ai l'honneur d'êre &c. Signé, DE FER,
de l'Acadéie de Dijon , ancien Capitaine d'Artillerie
au Service des Colonies , &c . &c . « Le public defiroit depuis long-tems la
collection des OEuvres du céère M. Pouteau
, dont il ne connoiffoit la doctrine &
l'heureuſ pratique , que par des Méoires
éars ou des Recueils incomplets. En raffen(
127 )
blant les obfervations nombreuſs & les préeptes
lumineux de ce Praticien habile , on
a fait un préent éalement utile àl'humanité & aux Gens de l'Art. La thérie de
M. Pouteau est toujours prééé du flambeau
de l'expéience ; la préifion & la
dextéitéde fes traitemens lui ont méitéles
plus brillans fuccè dans les maladies les plus
rebelles , & les méhodes hardies , mais
toujours heureufes , dont il eft créteur
expofés avec autant d'ordre que de netteté dans le Recueil qu'on vient de publier
, font auffi propres àcaliner les malades
, qu'àdiriger la main qui vient àleur
Lecours (1).
>
M. Bernard , Orfére Méhanicien , rue des
Noyers , la feconde porte cochèe aprè St- Yves ,
Nº. 34 , a inventéde nouvelles fondes & bougies de
gomme éaftique , qui ont la propriééde pouvoir
refter àdemeure dans la veffie pendant un mois , &
avec lesquelles les malades peuvent s'affeoir , marcher
, vaquer àleurs affaires & aller en voiture fans
la moindre incommodité. Ces fondes ont ééapprouvés
par difféens Corps de Méecine & de Chirurgie.
Le prix de chaque fonde de gomme éaftique
eft de 6 liv. ; de chaque bougie 4 liv. 10 fols ,
des bougies de boyaux ro fols , des ftilets de baleine
10 fols , & le prix eft le mêe pour la boîe qui les
contient . En lui érivant il faut affranchir les lettres.
Les divertiffemens du carnaval ont éé (1 ) Cette Collection , fous le titre d'Euvres pofthumes de
M. Pouteau , 3 vol . in-8°.; prix 18 liv. relié, le trouve à Paris chez Méuignon l'aîé, Libraire , rue des Cordeliers ,
chez qui l'on foufcrit pour les Manoeuvres Militaires de
Potfdam.
£4
( 2281
plus vifs & plus bruyants cette anné que
les prééentes ; depuis long- tems on n'avoit
vu dans les rues de Paris une auff
grande quantitéde mafques . On ne dit
point que la licence ordinaire dans les jours
gras ait produit d'autre malheur que la
mort d'un mafque , qui ayant jettéune
fouris dans le fein d'une dame enceinte , a
reç un coup d'éé du cavalier qui donnoit
le bras àcette dame.
On érit de Marfeille qu'il s'y eſ paſ .é dans ces tems un éèement plus malheureux
encore , & fur-tout plus atroce .
»Ces jours derniers il y avoit un bal dans une
guinguette hors la ville ; c'éoit une fociééde jeu
nes gens qui avoient invitéplufieurs Dames àdanfer.
L'une d'elles , aimable & jeune , fe retiroit
affez avant dans la nuit en chaife àporteurs . A
mi-chemin de la ville , un mafque s'approcha de
Ia chaife , & s'informa d'un porteur du nom de la
Dame qui éoit de dans ; mais le porteur n'ayant
pas réondu , le mafque s'éoigna. En arrivant à la porte de la maifon de la Dame , un malque
s'approcha encore de la chaife que les porteurs
venoient de mettre àterre , & au mêe inſant
il partit un coup ddee ppiiffttoolleett , dont le bruit
effraya affez les porteurs pour les renverfer ; en
fe relevant , ils virent s'éoigner l'affaffin , & l'un
d'eux ayant ouvert la portièe , trouva la Dame
noyé dans fon fang , & morte du coup qui lui
avoit ééportédans la nuque du cou . On cria
tout de fuire au fecours , & on remarqua que cinq
balles s'éoient attachés àla porte de la maifon
de la Dame affaffiné. On fait actuellement des
recherches fur cet éèement exérable , & qui
femble avoir ééprééité«
( 129 )
J. de Brancas , Marquis d'Oyle , Doyen
des Maréhaux de Camp , & des Chevaliers
de l'Ordre de St- Louis , eft mort au Palais du
Luxembourg , dans fa 96e. anné.
Jean- Jofeph de Sahuguet d'Amarzit , Baron
d'Espagnac & de Cazillac , Lieutenant-
Gééal des Armés du Roi , Grand'Croix
de l'Ordre Royal & Militaire de St - Louis ,
Lieutenant pour Sa Majeftédes ville & châeau
d'Iffoudun , Gouverneur de l'Hôel
royal des Invalides , Infpecteur Gééal
des Compagnies déachés dudit Hôel ,
mort le 2 de ce mois .
eft
Marie de Sales de Gudanes , éoufe de
Philippe Matthieu , Comte de Lons , Bri
gadier des Armés du Roi , Meftre-decamp
commandant du Réiment Royal- la-
Marine , eft morte àTouloufe le 6 du mois
dernier , dans la 49e. anné de fon âe.
Marie-Charlotte- Nicole de St - Maurice ,
veuve de Claude Louis , Comte de Scey
de Montbelliard , eft morte àBesançn le s
Déembre dernier âé de 84 ans . L'Epitaphe
fuivante dicté par le fentiment &
la véité, rappelle fes vertus & méite d'êre
tranfcrite .
― ¯
Dilectis manibus Maria- Carola- Nicolas de St-
Maurice- Montbarrey , Comiteffa de Scey-Montbelliard.
Hic jacet quam Plebs , quam magnates
collacrymant , cujus & tumulo , Oribus compreffis
pauper infelix affident : Obiit die Decembris anno
M. DCC. LXXXII. fed in fequanorum pectore
vivit.
( 130 )
ARRÊ du Confeil d'Éat du Roi , &c . du
23 Férier : Le Roi voulant prendre des mefures
certaines pour le paiement des dettes de la Marine ,
occafionnés par la guerre , il lui a éérepré .enté que l'heureux éèement de la paix , en réabliſ .ant
la libertédes mers , donneroit néeffairement lieu à une frcharge plus confidéable dans des éoques
trè -prochaines pour l'acquittement des Lettres de ,
change de l'Inde & de l'Améique , qu'elle n'auroit
éépendant le cours mêe de la guerre : qu'indéendamment
de cette premiere confidéation , on ne
pourroit fe difpenfer de pourvoir extraordinairement
aux frais de déarmement des Efcadres àmefure
de leur arrivé dans les ports de France
au licenciement des Matelots , ainfi qu'au paiement.
des lettres de change provenantes de l'Inde & des
Colonies , ci -devant enregistrés , & àune infinité d'autres déenses & engagemens concernant le mêe
fervice de la Marine , qu'il faudroit acquitter avant
la fin de la préente anné. Que dans cette difpofition,
il éoit indifpenfable de prendre àl'éard de
celles qui font enregistrés , & de celles qui feront
encore tirés de fdits pays , pour raifon du ſrvice
des annés de la guerre, des arrangemens qui , en
affurant le fort de ceux qui en font propriéaires ou
porteurs , puiffent mettie àporté de maintenir
pendant la paix , l'acquittement des autres déenfes
de l'Etat déàconftatés , avec la mêe exactitude
qui a ééobfervé pendant toute la guerre. 1°
Toutes les lettres de change de l'Inde & de l'Améique
, concernant le fervice de la Marine & des Colonies
, non déàenregistrés , ou celles qui pourront
êre encore tirés defdits pays pour l'acquit
tement des déenfes de la guerre , tant celles qui feront
fur le Tréoriergééal que fur le Munitionnaire
des vivres de la Marine, feront repré .entés au Tréo
rier gééal pour êre par lui enregistrés payables à une anné d'éhénce de plus que celle indiqué par
( 131 )
Jefdites lettres , & ce àcompter du jour de la préentation.
2° L'intention de S. M. n'éant pas que cette
anné de retard puiffe préudicier aux propriéaires
ou porteurs desdites lettres de change , i fera tenu
compte d'une anné d'intéê , fur le pied de cinq
pour cent ; & àcet effet , le Tréorier gééal en
fera mention dans l'enregistrement qui aura déerminé l'éoque fixe du paiement du capital . 4 °. Le Tréorier
gééal remettra le dernier jour de la femaine
au Miniftre des Finances , l'éat déaillé, & de lui
certifié, des lettres de change qui lui auront éépréentés
.
و Ï
Rèlement pour l'adminiftration des Finances
, fait par S. M. àVerfailles , le 26 Férier.
Le Roi voulant faire goûer àfes peuples les
avantages de la Paix , S. M. a confidééqu'elle
ne pourroit leur procurer des foulagement réls
& durables , que lorfqu'elle connoîroit le montant
des déenfes dont la duré de la guerre a
retardéle payement , & qu'elle auroit fixéinvariablement
, avec l'efprit d'éonomie qui l'anime ,'
l'éat des dééfes de tous les déartemens & de
tous les Ordonnateurs en tems de paix. S. M. a
pareillement confidééqu'il n'éoit pas moins intéeflant
de s'occuper des moyens de fupprimer
les impofitions qui font les plus àcharge , de
changer la nature & la forme de quelque- unes ,
de diminuer & fimplifier les frais de perception .
Et comme S. M. ne peut donner àfes peuples une
plus grande marque de fon amour , qu'en s'occupant
par elle-mêe de foins auffi importants ,
elle a
réolu , conforméent àl'exemple de Louis XV ,
d'appeler auprè d'elle , pendant le tems qui paroîra
convenable , un Comitécompofédu Chancelier
ou Garde des Sceaux de France , du Chef
du Confeil royal des Finances & du Miniftre
des Finances qui fera le rapport des affaires , &
réigera les réolutions de S. M. , dont il tiendra
>
£6
( 132 )
"
regiftre. S. M. fe propofe de tenir ce Comitéune
fois par femaine ou plus fouvent, s'il eft befoin ;
n'entendant , au furplus , sien changer àl'éabli
fement de fon Confeil royal des finances , qu'elle
fe réerve d'affembler , comme par le pallé. Les
affaires contentieufes continueront d'êre portés
au Comitécontentieux dont S. M. a confirmé l'éabliffement. Tous les Ordonnateurs , fans au
cune exception , remettront inceffamment àS. M.
l'éat des dettes arriéés de leur déartement ref
peéif, au Ler. Janvier dernier. Ils remettront pareillement
l'éat des déenfes ordinaires & extraoïinaires
qu'ils eftimeront indifpenfables en tems
de paix. Tous ces éats feront revus , véifié &
difcuté par le Ministre des finances & l'Ordonnateur
ou ceux qu'ils jugeront àpropos d'en
charger ; & ils feront arrêé au Comitédes Finances
en préence de l'Ordonnateur du déarte
ment dont il fera queftion de réler les déenfes ,
lequel y fera appelléchaque fois qu'il fera queftion:
d'objets relatifs àfon déartement . Délare , S..
M. , que fon intention eft que toutes les demandes
tendantes àobtenir les dons extraordinaires
ou le payement d'anciennes crénces , & gééale
ment toutes les demandes àfin d'emploi de nouvel'es
charges dans les éats , foient portés au
Comité, & difcutés en préence de S. M. , qui:
fe propofe d'y appeller le Sr. Moreau de Beau-
Confeiller d'Etat ordinaire & au Confeill
royal , quand il fera queftion de conceffions de
Bois ou Domaines . L'adjudication ou déivrance
des revenus du Roi , en Ferme ou en Réie , fera
faite au Comité Les Fermiers , Réiffeurs & Rece
veurs des deniers Royaux , remettront inceflam · ment au Miniftre des Finances l'éat de leurs recet
tes , Fermes ou Réies , & des frais de perception ,
avec leurs obfervations fur les moyens de dimimuer
lefdits frais & de fimplifier les impofitions.
mont ,
( i33 )
Le Miniftre des Finances en rendra compte at
Comité, & il propofera ce qui lui paroîra le plus
capable de parvenir àla libéation des dettes exi
gibles , au foulagement des Contribuables , & aux
changemens qui pourroient êre néeffaires dans
la nature & la forme actuelle des impofitions. S.
M. autorife le Miniftre de fes Finances àfe faire
aider dans fon travail , par des Membres de fon
Confeil , en les chargeant de difféentes affaires
dent le rapport fe fera au Comité S. M. l'autorife
parcillement àemployer deux Officiers de fa Chambre
des Comptes , pour les objets de comptabilité ; & deux de fa Cour des Aides , pour la
partie des impofitions. Et feront au furplus exéutés
toutes les difpofitions du Rèlement du 15 Sep
tembre 1661 , en ce qui n'y eft pas déogépar le
préent a
De BRUXELLES le 11 Mars.
>
ON lit dans des lettres de Portugal , qu'il
s'eft éevéun procè trè fingulier entre les
Capucins & le Curéde Ponbal , relativement
aux cendres de cet Ex- Miniftre céère
pourſivi jufques dans le tombeau . Les
Capucins , dans l'Eglife defquels elles font
déosés , refuſnt de les garder , & le Curé de leur accorder la féulture dans la fienne .
Ce procè , ajoute-t- on , fait beaucoup de
bruit , & on en attend la déifion avec impa
tience.
Ce n'eft pas fur le Baron de Deden , Seigneur
de Peckendam , ni fur fon coufin
le Baron de Deden , Seigneur de Gelder
& de Hartsmenben , que s'eft arrêéle
choix des Etats de Hollande pour l'envoi
( 134 )
d'un Miniftre en Améique ; on dit
fur M. Pierre Jean Van- Berkel .
que c'eft
»Les déibéations fur les néociations de paix ,
& en particulier fur la ceffion de Negapatnam & la
libertéde la navigation dans l'Inde , demandé par
les Anglois , occupent toujours les Etats de Hollande
. Les villes de Dort , Harlem , Leyde , Gouda ,
Amfterdam , Alkmaan & Ham, fe font expliqués
de la manièe la plus vive & la plus ferme , fur l'impoffibilité d'admettre ces propofitions ; le Corps
éueftre , Delft & Enckhuysen n'ont pas encore
jugéàpropos de s'expliquer. Ce qui fembleroit
fufpendre les déifions des Etats fur l'article de
Néapatnam , eft la nouvelle que cet éabliſ .ement
eft tombéau pouvoir d'Hyder- Aly , au milieu du
mois de Juin dernier. Si ce fait eft certain , on pourroit
ftipuler avec l'Angleterre , que dans ce cas , elle
renonceroit àfes préentions , afin que foit par le
créit de nos allié , foit par d'autres
puffions en recouvrer la poffeffion «,
moyens , nous
Les difféends au fujet de la Jurifdiction
Militaire fubfiftent toujours en Hollande ; il
paroî qu'ils ne font pas prè d'êre terminé.
»Les Bourgeois de cette ville , érit- on d'Utrecht ,
ont préentédernièement une requêe pour réablic
la Milice bourgeoife fur les principes des anciens
rèlemens , & lui rendre fon premier élat pour le
maintien de la libertécivile , qui n'eft jamais mieux
affuré que lorfque les Citoyens fe déendent euxmêes.
Cette requêe fut adopté avec tant d'ardeur
& de fuccè , que plus de 650 bourgeois l'ont figné .
Mais lorsque le Séat alloit s'occuper de cet objet ,
il parut une requêe contraire , qui taxa la premièe
de tééaire , fous préexte qu'elle tendroit à preferire àla Réence des plans nouveaux , & àempiéer
en conféuence far fes droits , Mais cette
1
( 135 )
dernièe requêe , oùles principes du Gouvernement
populaire font auffi altéé , ne paroî avoir
eu ni la fanction des bourgeois , puifqu'on n'y
trouve que 34 fignatures , ni mêe celle des Magiftrats
repréentans de la bourgeoifie . Ces derniers
ayant oui le rapport des Colonels & autres Chefs de
la Milice bourgeoife , ont approuvéla premièe
adreffe au point d'autorifer ces Chefs àpréarer
un rèlement de redreffement pour fervir de modèe
au plan propofé Ils ont en mêe -tems pris en confidéation
le rapport fait relativement aux déordres
qui s'éoient gliffé dans la collation des emplois
appartenans primitivement aux bourgeois «.
PRÉIS DES GAZETTES ANGL. du Mars.
Suivant les lettres de la Jamaïue , venue fur la
fréate l'Hydre , l'Amiral Hood éoit arrivéd'Améique
aux Ifles du Vent avec 13 vaiffeaux de
ligne , 2 de so canons , 9 fréates , &c. ; & il avoit
informél'Amiral Rowley du lieu oùil avoit éabli
fa croifièe , en cas qu'on eû befoin de fon fecours.
Le Gouvernement a donnéordre de licencier la
milice d'Effex ; elle le fera le 24 Mars. On compte
que les autres corps de milice le feront vers le mêe
tems .
On érit de Corke que la flotte pour les ifles de
l'Améique a mis àla voile de ce Port , fous le con
voi des fréates le Boreas & la Ramillies.
Les Matelots des vaiffeaux de guerre deftiné
pour les Illes de l'Améique refufent de s'embarquer
, fans donner d'autres raifons de leur déobéffance
que leur réugnance àquitter l'Angleterre .
Si l'on et dans la néeffitéd'employer la force
en cette occafion , il eft àcraindre qu'il n'en ré .ulte
des fuites fâheufes .
Les fouds , pendant l'adminiftrarion du Lord
North , ont bailléde 39 pour 100 , c'eſ-àdire de
93 à54. Pendant celle du Lord Shelburne , ils ont
( 136 )
haufféde 19 , c'eft-à dire de 54 à73. C'eft l'effet de
la guerre fous l'une de ces adminiſrations & de la
paix fous l'autre.
Le Difcours que le Lord Shelburne a prononcéen
donnant la déiflion , contient une réonſ àtout
ce qu'on lui a reprochéfur la paix qu'il vient de
faire . On ne doute pas qu'il ne foit bientô inféé dans nos papiers ; en attendant , voici l'idé qu'on en
donne. Ce Miniftre réond d'abord àtoutes les
objections qu'on lui a faites fur les conceffions qu'il
a accordés. Il s'efforce de déontrer que Tabago
eft une Ile de peu de conféuence ; la partie de
Terre Neuve céé , mauvaife pour la pêhe , & c. IL
expofe enfuite les motifs qui l'ont déerminéàfaire
la paix , outre ceux qui font connus & dont fes
adverfaires conviennent , tels que le prochain déart
du grand armement de Cadix , la difficultéde
faire de nouveaux emprunts par l'impoffibilité d'affeoir l'impô fur un objet quelconque , ( & il
y avoit un impô principal qui n'éoit fu que du Roi
& de fes Miniftres , & qui éoit véitablement lo
fecret de l'Etat ) ; il ajoute que les troupes de l'Inde
n'éoient point parés depuis 4 mois , qu'elles éoient
prêes àfe foulever & àpaffer du côédu premier
Nabab qui voudroit les foudoyer ; que les Agens du
Gouvernement & de la Compagnie dans l'Inde ,
avoient uféleurs dernièes refources , qu'ils n'avoient
plus de gages àoffrir aux Princes & auxriches
Néocians du pays qui leur avoient fourni
de l'argent , au point que ceux-ci envoient àLondres
2 Déuté avec 2000 liv. fterl. de traitement aux
frais de la Compagnie , pour que leur crénce foit
reconnue par les Directeurs ; que la flotte eft dans
Féat le plus délorable , & que le moindre éhec
pourroit êre fatal à1 Angleterre , au point de lui
faire perdre l'ude pour toujours . Je jure fur
mon honneur , s'eft érit alors le Miniftre , qu'àla
vue de toutes ces confidéations j'ai ééplus de
-
( 137 )
8 jours fans dormir , & je pourrois dire , fans prefque
pren ire aucune nourriture , tant j'attendois avec
impatience l'ultimatum que j'avois envoyéen Fran
ce, tant je craignois qu'il ne fut pas adopté, & que · le Confeil de Verſilles , inftruit comme nous , par
un Exprè , de notre fituation critique dans l'In le , ne
rompit toute néociation , ou du moins n'éablî
des préentions exorbitantes . Qui me reprochera
donc , àpréent que le fecret de l'Etat cft divulgué,
de m'êre trop prefféde faire la paix « ?
La nouvelle Adminiſration n'eft point encore
formé. Le Lord North a es dernièement un entretien
avec S. M. , qui l'engagea , dit- on , àne plus
faire caufe commane avec M. Fox ; le Lord délara
que dans l'éat actuel des chofes , aucun fyftêe
d'adminiſration ne pourroit fubfifter , fans l'appui
du parti de Rockingham.
Le Lord Chan.elier fe rendit hier àSt-James &
eut un entretien avec S. M. Il lui repré .enta que
comme il éoit abfolument impoffible en ce moment
de former une adminiſration àlaquelle il pû prendre
part , il la prioit de lui permettre de réigner les
Sceaux. S. M. accepta fa déiffion . Le Chancelier
gardera les fceaux jufqu'àce qu'on lui ait nomméun
fucceffeur.
Dans la fénce de la Chambre des Communes
du 28 Férier , le Chancelier de l'Echiquier M. Pitt ,
a informéla Chambre d'un fait trè- fingulier &
trè-intéeffant ; felon le Miniftre , pendant la guerre
dernièe , & ce qui eft encore plus érange , pendant
l'avant - dernièe , les difféentes fommes d'argent
donnés par la Nation , fans qu'il ait éérendu aucun
compte de leur emploi , ne montent pas àmoins
de so millions fterling ; en conféuence M. Pirt a
délaréqu'il fe propofoit de demander qu'il fû paffé un bill, pour obliger les perfonnes entre les mains
defquelles lefdites (ommes avoient ééremiſs , pour
êre appliqués au fervice du Gouvernement , a pro
duire les preuves de leur emploi.
( 138 )
L'Europa , de so canons , fur le chantier.de Woolwich
, eft i avancéqu'on penfe qu'il fera lancéle
mois prochain. L'Irréiftible , de 74 , a ééretiré de commiffion àChatam .
-
On demande dans toutes nos Feuilles pourquoi
le Secréaire des affaires érangèes exige de nos
Néocians 28 liv. 6 den. fterl. pour les 3 paffeports
dont ont befoin ces navires , avant le terme fixé pour la ceffation des hoftilité fur mer ; les Françis
, les Efpagnols & les Agens Améicains , donnent
ces paffe-ports gratis ; mais ici pour la fignature
de chacun d'eux , les Commis exigent l'éorme
fomme dont on vient de parler.
Les éigrations , dost ce pays eft menacé,
commencent déa leurs déaftations dans difféens
endroits de l'Irlande .
PRISES FAITES SUR LES ANGLOIS . Par les
Françis. Le Stag , de Briftol , pour Antigues ,"
envoyéàl'Orient ; le Betfy , de Charles- Town ;
pour Londres , envoyéàSt-Malo ; le Ward , envoyé àDunkerque ; les Trois- Soeurs , envoyéàla
Martinique ; le Lark , d'Oporto , pour l'Irlande ,
envoyéen France ; le New-Yorck , envoyéàDunkerque
; le Betfey , de Falmouth , pour la Barbade ,
envoyéàla Martinique. Par les Espagnols. -
Trois bâimens envoyé àVigo ; un venant des
Echelles da Levant , pour Londres , envoyéàAlgéiras.
Par les Hollandois. L'Athol , envoyé àFleffingue. Par les Améicains. - La Provi
dence , de Briftol , pour Waterford , cavoyéà Salem; le Kitty, de Lisbonne , envoyéen Áéique.
GUE
- -
S
PRISES FAITES PAR LES ANGLOIS. Sur les
Françis. Quatre bâimens de Breft , pour l'Orient
, envoyé àJerfey ; le Curieux , de St-Domingue
, pour Marſille , envoyéidem. Un bâiment
de la Martinique , pour la France , envoyéàTatola.
Sur les Espagnols. Un bâiment de Cadir ,
pour la Havane , envoyéàla Barbade.
( 139 )
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉÉ .
PARLEMENT DE PARIS . Chambre des Vacations.
Caufe entre la Demoiselle A ... éouse du
fieur G... & le fieur M .... Ne fera reç aucune
preuve par téoins contre & outre le contenu
aux actes. Art . 2 , tit . 20 , Ordon . de 1667.
L'amour eft inconfidéé& prodigue . Dans les tranf
ports de la paffion , & au milieu de cette illufion
pafsagèe dans laquelle elle nous plonge , on fonfcrit
quelquefois en faveur de l'objet aimédes obligations
que la rélexion condamne. Mais l'article
de l'Ordonnance qui déend de recevoir la preuve
par téoins contre & outre le contenu aux actes ,
eft une barrièe infurmontable , & le Juge fe trouve
fouvent obligéd'ordonner l'exéution d'actes , dont ,
comme homme , il fufpecte la fincéité; tel eft le
fonds de la Canfe. Entrons dans le déail des faits .
Par acte paffédevant Notaires , le 22 Octobre
1781 , le fieur M ... a conftitué, au profit de la
Demoiſlle A ... 600 l . de rentes viagèes , pour la
fomme de 6000 1. qu'il a reconnu avoir reç d'elle
le mêe jour , & dont il lui a donnéquittance par
le contrat. On pourra foupçnner aiséent en quelle
valeur le principal a ééfourni , lorfque l'on faura
que le fieur M ... eft un homme dans la force de
l'âe , aifédans la fortune ; que la Demoiſlle A ...
eft mineure , aus autre avantage que fa jeuneffe &
fes agréens. Le fieur M ... réléhiffant un peu
tard fur le contrat par lui fourni , voulut du moins
fe mettre en garde contre les dangers de l'inconf.
& il obtint de la Demoiselle A ... uun érit
par lequel elle s'obligeoit àne plus recevoir la
rente de 600 liv. du jour qu'elle ne voudroit plus
vivre avec lui. La Demoiselle A ... inftruite par
celui qui la recherchoit en mariage & qu'elle a depuis
éoulé, de l'inconféuence qu'elle avoit faite
en foufcrivant un billet qui jettoit du doute fur la
tance ,
( 140 )
valeur fournie du principal de la rente , & faifoit
déendre la duré de cette rente , de l'engagement
de demeurer toujours avec un homme marié, fir
tous les efforts pour retirer fon billet des mains du
feur M... Quel empire n'a pas une femine aimable
fur un homme qu'elle tient enchaîé! La Demoiſlle
A... ne fut pas long- tems àobtenir ce qu'elle déiroit
, ou du moins un autre érit conç en ces
termes , & qui eft l'éuivalent du premier.
Je fouffignéM ... promets & m'engage ne faire
»aucun ufage qui puiffe préudicier àDemoiſlle
»A... d'un érit fous feing privéqu'elle ma remis
»dans le courant d'Octobre dernier , par lequel elle
»confent de ne point exiger la rente viagèe de
600 liv. que je me fuis obligéde lui faire , par
»contrat paffédevant Notaires , le 22 Octobre dernier,
au principal de 6000 liv . , dans le cas on
elle cefferoit de vivre avec moi , ou me refuferoit
"
»fa porte ; reconnoiſ .ant que ladite A ... ne m'a
»fait ledit érit que par pure complaifance , & »qu'elle m'a réllement comptéladite fomme de
6000 liv. , capital du contrat , que j'approuve &
ratifie de nouveau en tant que de befoins pro-
»mettant au furplus lui remettre ledit érit qui fe
trouve maintenant éaré, auffi-tô que je pourrai
»le retrouver ; en foi de quoi je lui ai confenti le
préent acte pour la déivier de toute inquiéude , relativement àladite rente de 600 l. , dont je pro-
»mets lui payer le premier terme àfon éhénce «
La Demoiselle A... n'a pas eu plutô ce billet
qui affuroic fes droits , qu'elle a quittéle fieur M ...
pour le marier avec le fieur G... Le premier ne
voulut plus acquitter la rente ; mais le fieur G ...
àl'éhénce du premier terme , lui fit faire commandement
de payer , obrint Sentence , & fit faifir &
exéuter les meubles du fieur M ... Appel de la
faifie : Arrê proviloire qui ordonne la continuation
des pourfuites. La voie civile ne paroiffoit pas fayo(
141 )
rable au fieur M... il efpéa plus de fuccè de la
voie extraordinaire. En conféuence il rendit plainte
contre la Demoiselle A... en efcroquerie de la
rente viagèe , en fouftraction de la préendue contre
lettre qui annulloit le contrat , & en vol d'une montre
d'or ; demanda permiffion d'informer deſits faits ,
& de prouver qu'il n'avoit confenti la rente , dont il
n'avoir reç aucune valeur en capital , que fous la
condition que la Demoiſlle A ... demeureroit chez
lui en qualitéde gouvernante de fes enfans . La permiffion
d'informer fut accordé , & l'information
faite , elle fut fuivie d'un déret d'ajournement per.
fonnel qui , faute de comparution , fut converri en
déret de prife-de - corps , en vertu duquel ia Demoifelle
A ... fut conftitué prifonnièe ; cependant ,
aprè fon interrogatoire , elle fur relaxé. Alors elle
interjerta appel de toute la procéure & en demanda
la nullité. Arrê de la Chambre des Vacations , du
16 Octobre 1782 , qui met l'appellation & ce dont
eft appel au nént , éendant , éoquant le principal
& y faifant droit , délare nulle toute la procéure
extraordinaire faite contre la Demoiſlle A ... par
le fieur M... Sur le furplus des demandes , fins &
conclufions des Parties , les met hors de Cour ;
condamne le fieur M ... aux déens
*
PARLEMENT DE DAUPHINÉ. Est- il dûdes domma
ges-intéês àune Majeure qui , fucceffivement
a eu trois enfans du mêe homme. Peut- elle pré .
tendre àla reftitution des alimens qu'elle leur a
fournis. Doit - elle êre prééé pour leur éucation
future , quand le pere a contractédes enga
gemens léitimes ? Enfin , lorfque fes enfans feront
en âe d'apprendre un méier , le pere ferai
t-il tenu d'y pourvoir. Telles font les queſions
qui fe font préentés dans la Caufe de la Demoifelle
S.... contre le Sieur N.... Elles ont éédifcutés
avec foin par leurs Déenfeurs. ( Ce n'eſ
( 142 )
1
1
point ici difoit l'Avocat de la Demoiſlle S .... )
fimplement la Caufe d'une fille qui demande des
dommages intéês contre un féucteur qui l'a
trompé la Demoiselle S .... a fans doute plus de
droit que tout autre pour en obtenir de confidéables
; cependant elle l'avoue , s'il ne fe fû agi
que de fes intéês particuliers , elle en eû fait volontiers
le facrifice ; mais ceux de fes enfans ! Pouvoit-
elle les abandonner quand elle les voyoit prês
dé àmanquer de fubfiftance ? Ne devoit-elle pas
féer leurs plaintes àla Juftice ? Aprè avoir tout
facrifiépour eux , fortune & fanté; tandis qu'il
ne lui reste plus que la mêe tendreffe , ne feroitelle
pas coupable de néliger des droits qui doivent
lui en procurer ? Le fieur N .... l'a trompé
fous des promeffes de mariage . Il ne peut déavouer
la lettre qui les contient . La majoritéde la
Demoiselle S.... eft indifféente , dè que fon féucteur
eft plus âéquelle ; le nombre des enfans ne
peut auffi former obftacle àfa préention , dè que
le fieur N.... eft forcéde les reconnoîre tous : &
tout ce qu'on peut dire , c'eft qu'il y a de fa part
un excè de cruautéàpréenter comme un moyen ,
contre une infortuné , cet abîe de maux dans
lequel il eft parvenu àla plonger. Mais elle a
nourri fes enfans : la Loi prononce , & les Arrês
ont jugéque la mere eft fondé àrééer les alimens
qu'elle leur a fournis . Une mere tendre oublic
les peines paffés . L'avenir feul occupe la Demoifelle
S .... Quel fera le fort de fes enfans ? A qui
la Juftice va-t-elle les' livrer ? ' Leur intéê doit
uniquement déerminer le choix qui fe préente à faire , c'est le cri de la Nature , c'eft celui de la
Loi , qui préumant àla mere une plus grande affection
, lui accorde toujours le foin de les enfans , à moins querddes raifons particulièes ne l'excluent.
D'aprè ce principe , y a-t-il àbalancer entre la
Demoiselle S.... qui a nourri les fiens & le fieur N....
( 143 )
---
qui les a abandonné ; entre une mere qui les adore
& un pere qui ne leur a que trop prouvéqu'il ne
les aimoit pas ; entre une mere qui ne confultant
que fon affection , brave tous les obſacles pour
leur procurer des foulagemens , & un pere qui n'offre
de s'en charger en apparence , que pour
éiter de les fecourir réllement. Ce n'eft pas
affez de déigner la main qui doit veiller à leur enfance ; quand ils auront atteint l'âe de
raifon , leur pèe doit encore leur faire apprendre
un méier le fieur N ... avoit d'abord méonnu
cette obligation ; àl'Audience il a offert de la remplir.
Jufqu'àquand , difoit le Déenfeur du fieur N...
confondra-t-on la féuction avec le commerce illicite
? Aura- t- on toujours des vierges féuites àindemnifer
? des féucteurs àpunir ? Et dans un crime
qui fuppofe néeffairement deux complices , ne
trouvera- t- on jamais qu'un feul coupable ? La Demoiſlle
S ... ne doit point obtenir de dommages-
intéês , parce que la duré de fes erreurs
annonce qu'elle ne fut jamais féuite , mais fille
entretenue : la loi la repouffe en mêe tems que
l'opinion la flérit . Elle ofe demander la nourriture
qu'elle préend avoir fournie àfes enfans : cette rééition
eft profcrite par toutes les loix. La prééence
qu'elle follicite pour leur éucation doit lui
êre refufé ; leur propre intéê , le refpect qu'on'
doit aux moeurs publiques , tout s'oppose àce qu'une
fille foit entouré d'enfans conçs & né dans le
crime. Arrê du 16 Janvier 1783 qui condamne
le fieur N... àpayer àla Demoiſlle S ... 1800 l .
pour lui tenir lieu des dommages - intéês , frais de
couche & alimens. Ordonne que les enfans continueront
de refter entre les mains de la Demoiſlle
S ... que le feur N... lui payera une penfion de
80 l. pour chacun , jufqu'àce qu'ils foient en âe
d'apprendre un méier , auquel temps le fieur N...
( 144 )
fera tenu d'y pourvoir ; & condamne le fieur N ...
aux déens.
ود --
PARLEMENT DE DOUAY. Inftance entre les fieurs
& dame Lefoing appellans : & les fieurs & demoiselle
Leblanc intimé . Voici le déut du
Méoire que M. Merlin a publiédans cette affire
, pour les fieurs & dame Left ing. > Une Mai
»fon commune àplufieurs Propriéaires & jugé
»impartageable, par un rapport d'Experts , qui n'eft
»point critiqué; doit- elle êre vendue par licita-
»tion , lorsqu'une des Parties le demande , & qu'il
»eft avouén'y avoir pas d'autre moyen de fortir
»de l'indivifion ? Propofer une parcille queftion ,
»c'eſ en quelque forte mettre l'éidence en pro-
»blêe. Toutes les Loix déident , tous les Juso
rifconfultes enfeignent , toutes les perfonnes de
ל ë
bon fens favent que la licitation eft d'un ufage né
»ceffaire , dans les partages de chofe , indivisibles .
Cependant on a voulu préendre qu'il y avoir dans
une partie du reffort de la Cour , une pratique
»contraire ; & la Sentence dont eft appel , a en effet
»jugéque les ficurs & dame Lefoing , ne pour
roient pas contraindre leurs communiers àla licitation.
Cette Sentence a éérendue àLille ,
»c'eſ - à- dire , dans une Ville oùla routine de l'ufage
, toujours réelle àl'efprit d'une coutume
homologué , & toujours profcrite , par les
»Arrês de la Cour , a cependant toujours cherché àfe reproduire fous de nouvelles formes.
»Mais les feurs & dame Lefoing , ont fondéleur
efpéance fur le recours qu'ils ont aujourd'hui
»àun Tribunal fupéieur. Arrê du 9 Déembre
1782 , qui a infirméla Sentence , a ordonné que la Maifon fercit licité entre les Parties : &
a condamnéles fieurs & demoiſlle Leblanc aux
déens.
--
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E.
De CONSTANTINOPLE , le 25 Janvier.
A tranquillitéfe foutient dans cette
pas troublé , la réonſ qu'on attendoit de
la Cour de Péersbourg éant arrivé , le
Divan s'eft affembléplufieurs fois , & l'on
préend qu'il y eft queftion des conditions
d'un nouveau Traitéde commerce àfaire
avec cet Empire.
Tout paroî àpréent calme dans la Cri- .
mé. Le Gouvernement du moins femble
déidéàne pas fe inêer des affaires de cette
Péinfule ; & il a pris des mesures pour
qu'il n'en arrive plus des avis qui puiffent
donner lieu àde nouvelles clameurs de la
part d'une populace inquièe. Cependant
les travaux dans l'arfenal & dans les chantiers
fe continuent , on en a feulement rallenti
l'activité On a auffi envoyédans quelques
Provinces les ordres néeffaires pour que les
22 Mars 1783, &
( 146 )
troupes qui s'y trouvent fe tiennent prêes
àmarcher au premier befoin . Les diffentions
qui rènent en Afie font faites pour autorifer
ces mefures .
RUSSI E.
De PETERSBOURG , le 11 Férier.
LE 8 de ce mois le Séat Dirigeant a adreffé un Ukafe àl'Acadéie Impéiale des Sciences,
pour lui annoncer que l'Impéatrice avoit
confiéla Direction de cette Compagnie favante
àla Princeffe Dafchkow , fa Dame
d'Honneur, qui a eu une part diftingué àla réolution
qui àplacéCatherine II fur le Trôe.
En conféuence des ordres de S. M. I. l'Acadéie
a tenu hier une Affemblé , àlaquelle
tous les Membres Honoraires avoient éé invité. Madame de Dafchkow a prononcé en Françis un Difcours , auquel le Secré taire de l'Acadéie a réondu ; Madame la
Directrice nomma enfuite deux nouveaux
Acadéiciens , M. Blake , habile Chymifte
d'Edimbourg , & le céère Hiftorien Roberfton
; elle avoit eu l'occaſon de lier avec
eux une connoiffance perfonnelle dans fes
voyages en Angleterre & en Ecoffe.
DANEMARCK.
De COPENHAGUE , le 18 Férier.
LA Princeffe Sophie Frééique , éouſ
du Prince Hééitaire , eft accouché hier
1 .
( 147 )
d'une Princeffe , qui eft morte en venant au
monde .
On parle de l'éabliſ .ement prochain d'une
Commiffion , qui doit réler & déerminer
avec encore plus de préiſon , difféens
articles du rèlement publiéle 20 du mois
dernier contre le luxe.
Les préiminaires de paix entre la France ,
l'Espagne & l'Angleterre tournent l'attention
du Gouvernement du côédu commerce
; il y en a un intéeſ .ant àouvrir avec
l'Améique ; & déàl'on affure que nous
aurons bientô un Miniftre réidant de la
part de notre Cour àPhiladelphie ; le bruitpublic
eft que le Roi a fait choix pour ce
pofte important du Chambellan de Walterftorff.
Nos Néocians font de nouvelles
fpéulations ; & ils ont déàcommencéà charger 3 bâimens deftiné pour l'Améique
Septentrionale.
On dit que la Compagnie du Canal va
êre rénie àcelle de la Baltique & de la
Guiné ; fi cela s'effectue notre commerce
en doit retirer un avantage confidéable .
Un Planteur de l'Ifle de Ste-Croix , nemmé Brown , qui traitoit fes Nères avec une
barbarie inouie a éécondamnépar le
Suprêe Tribunal àtravailler comme Ef
clave pendant deux annés .
,
8 2
( 148 )
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 18 Férier.
LE Prince Potemkin , Aide de-Camp- Gé néal de l'Impéatrice de Ruffie , vient de terminer
la néociation de l'achat qu'il vouloit
faire des biens confidéables que le Prince
Sapieha , Grand - Chancelier de Lithuanie ,
pofféoit dans la partie de ce grand Duché,
qui en a éédéembré ; on dit qu'il les
paye un million de roubles . On croit que
plufieurs de nos Seigneurs qui ont auffi des
terres dans les Provinces , qui n'appartiennent
plus àla Pologne , fuivront l'exemple
du Prince Sapieha ; ils les vendront & emploieront
le prix qu'ils en retireront àl'améioration
des biens fonds qui leur reftent
dans les Provinces qui font restés àce
Royaume.
Le nombre des naiffances a éél'anné
dernièe dans cette Capitale de 3778 , &
celui des morts de 4958 ; ce qui fait 1180
morts de plus que de naiffances.
ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 2 Mars.
L'AMBASSADEUR de Maroc eft arrivéici
avec fa fuite le 20 du mois dernier ; le 24
il s'eft rendu chez le Prince de Kaunitz ,
Chancelier d'Etat , qui lui avoit envoyéfes
voitures & les Officiers de fa maifon. Le
( 149 )
27 il fit en cééonie une vifite au Prince
de Colloredo , Vice - Chancelier d'Etat , &
le lendemain , vers midi , il fe rendit au Palais
Impéial , oùil eut une audience folemnelle
de l'Empereur àqui il remit fes lettres
de crénce ; il fut enfuite conduit dans
un autre appartement oùl'on avoit préaré pour lui & fa fuite une table fplendidement
fervie.
Des lettres de Brodi portent que depuis
quelques femaines on eft trè - occupéa réarer
les fortifications ; & on apprend la
mêe chofe de Gradiffa. Les Turcs , ajoutent
ces lettres , font trè- attentifs àces travaux
& exercent continuellement leurs trou
pes ; cependant on ne s'attend plus àla
guerre , on allure mêe que dans quelques ,
mois on verra ici un Ambaffadeur de la
Porte Ottomane qui fera chargéde réler
avec notre Cour plufieurs points de la plus
grande importance .
On eft actuellement occupéàréiger le
plan d'aprè lequel les impofitions feront
affifes & perçes dans les provinces de la
Pologne Autrichienne . Les Juifs ont , diton
, propoféàla Cour de payer leur impofition
d'aprè un nouveau projet , ils s'engageront
en outre àacquitter une certaine
fomme d'avance , & on croit que la Cour
acceptera ces propofitions.
Cette efpèe d'hommes réandue dans la Hongrie
, fous le titre de Bohéiens , dont la déra
vation avoit depuis long-temps déerminéle Gou
83
( 150 )
vernement àne pas leur permettre de vivre rénis ,
éoit difperfé dans les villages ; quelques- uns habitoient
fous terre dans les campagnes , mais c'éoit
le plus petit nombre : ca gééal ils vivoient dans
un éat apparent de tranquillité& de refpect pour
l'ordre public , lorfque l'automne dernier l'un
d'eux ayant éétraduit en juftice , fes réonses à difféentes queftions du Juge qui l'interrogeoit ,
donnèent lieu àla déouverte des plus grandes
atrocité. D'aprè les recherches qu'on a faites , il
eft réultéque depuis douze ans , les Bohéiens
difperfé dans les Comitats Hongrois les plus voifins
de l'Autriche ſ nourriffoient de chair humaine
, fans que l'autoritépublique en ait eu la moindre
connoiffance. Les petits marchands érangers
ou habitans des Comitats plus éoigné qui parcouroient
les villages éarté des grandes routes
éoient les victimes de ces Barbares , qui les attiroient
dans les bois ou dans leurs réuits ; c'eſlà qu'ils les maffacroient au fon des inftrumens de
mufique , dont ils font grand ufage. Ils faloient
enfuite les membres de ces malheureux , les mangeoient
& en nourriffoient leurs femmes & leurs
enfans . On ignore le nombre des infortuné qui
ont péi de cette manièe , mais on fait qu'il eft
confidéable. Les recherches que la premièe déouverte
de cette monftruofitéàoccafionnés , fe
font tellement éendues , que bientô les prifons
ont eu peine àcontenir tous ces criminels qu'on
a d'abord voulu exterminer par tous les genres
de fupplices ; mais l'Empereur en ayant ééinftrait
, a arrêéla fuite de ces exéutions ordonnés
par les Comitats , & a prononcéque ce qui
reltoit de ces Bohéiens condamné , fû chaffé fur le territoire Turc . Cette déifion tient au fyftêe
de S. M. I. , d'abolir dans les Etats la peine
de mort. Les procè - verbaux qui ont ééenvoyé
par les Comitats àla Chancellerie de Hongrie ,
( 151 )
pour êre mis fous les yeux de l'Empereur , ne
laiffent pas douter de la véitéde ces horreurs fi
humiliantes pour lefpèe humaine , & qui doivent
faire fentir combien il pourroit devenir dangereux
d'abandonner les hommes aux feuls principes
qu'ils feroient capables de fe faire eux - mê .
mes , abftraction faire de tout fyftêe religieux
& de police ".
De HAMBOURG , le 3 Mars.
TOUTES les nouvelles de Conftantinople
confirment l'efpéance qu'on a conçe depuis
quelques tems de voir terminer par
un arrangement tous les difféends qui s'éoient
éevé entre la Porte & les Paillances
voifines. Le Grand- Seigneur s'eft expliqué fur ce fujet d'une manièe qui ne laiffe
aucun doute fur fes difpofitions. »Avant
de monter fur le trôe , j'ai véu dans une
prifon oùj'ai pafféles plus beaux jours de
ma vie. Je fouhaiterois aujourd'hui de finir
ma carrièe en repos ; & je prééerai toujours
toutes les conditions dictés par l'éuité & la convenance , àune guerre , qui
dans la pofition actuelle de cet Empire ' ,
pourroit avoir les fuites les plus fâheufes
".
Le Capitaine John- Goufill eft le premier
navigateur Améicain , qui aprè la ratification
des préiminaires de la paix , foit venu
ici avec une cargaifon de tabac de Philadelphie.
Il en avoit mis àla voile au mois
de Janvier.
€4
( 152 )
10
»Les Provinces qui compofent le royaume de
Pruffe , érit-on de Konigsberg , ne préentent plas
comme autrefois des déerts ; elles font aujourd'hui
bien peuplés & doivent en grande partie leur population
aux éigrations des fujets de l'Archevêhé de Salzbourg. On fait qu'en 1732 vingt mille Salzbourgeois
s'y font éablis & y ont apportéleur
induftrie. En 1755 og comptoit dans la Pruffe orientale
700,000 ames , & en 1779 , 345,729 dans la
Pruffe occidentale . Cette population s'eft accrue confidéablement
depuis ce tems , plufieurs centaines
de familles du pays de Wurtemberg s'y éant fixés.
Les habitans font actifs & induftrieux . Il y a dans
le pays toutes fortes de Manufactures ; celles de
la Piuffe occidentale ont fourni en 1779 pour
188,213 rixdalers de marchandifes qui font restés
dans le pays ; les marchandifes fabriqués qui en
ont ééexportés chez l'Erranger dans la mêe
anné , fe montoient à73,614 rixdalers . Dans
l'anné 1781 il a ééconftruit 19 bâimens àKonigsberg
& 3 àMeinel , depuis 80 jufqu'à300 laſs ,
ce qui a mis en circulation une fomme de $ 24,000
Borins. Le nombre des bâimens appartenans aux
fujets de la Ruffie , fe monte aujourd'hui àplus de
80, depuis 200 jufqu'à400 lafts «
-
Un Journal trè - accréitéen Allemagne
offre le tableau fuivant de l'éendue & de
la population des Etats hééitaires de la
Maifon d'Autriche ; il ne peut que piquer
la curiofitéde nos Lecteurs , qui pourront
en fuivant fur la carte les pays indiqué
, comparer leur population avec leur
éendue , fe former une idé de cette
Puiffance , & de l'importance de fes poffef-
Sons fi elles éoient toutes rapprochés.
( 153 )
mil. quar. perfonnes.
1. Royaume de Bohêe....
2. Royaume de Hongrie, &
le Bannat de Temeſar..
909 2,265,867
2,790 3,170,000
3. Principautéde Tranfylvanie.
1,056 1,250,000
4. La Croatie & la Dalmatie.....
477 367,000
5. ( 1 ) Les Royaumes de
Gallicie & de Lodomerie....
1,300 2,580,796
6. L'Esclavonie.
331 253,000
7. La Buckovine..
178
130,000
8. La Siléie Autrichienne ... 81 247,886
9. La Moravie... 396 1,137,227
10. La Baffe- Autriche ou
l'Archiduché. 637
1,682,395
11. La Stirie , la Carinthic ,
la Carniole , le Comté de Gorz , Gradiſa & le
Gouvernement de Trieftc....
12. La Haute- Autriche ou
le Comtéde Tyrol.....
13. L'Autriche antéieure
ou les Seigneuries que la
maifon d'Au riche pofsèe
dans le Cercle de
993 1,508,042
435 $89,963
Sorabe...
156 362,446
14. Le Comtéde Hohenembs
..... 3 3,667
15. Le Comtéde Falkenf
tein..
2 4,000
16. Les Pays - Bas Autri-
(1) Dans le nombre des habitans de Gallicie & de Lodomerie
on compte 72,000 Juifs . Chaque têe des Juifs paye une capitation
de 30 kreutzers ; & lorfqu'un Juifſ marie dans le pays
il acquitte àla Couronnne 12 ducats.
% S
( 154 )
chiens ....
mil.quarr. perfonnes.
469 2,000,000
17. Le Duchéde Milan .... 152 1,100,000
18. Le Duchéde Mantoue. 40 150,000
18,802,294
Total .... 10,406
ITALIE.
De NAPLES , le 16 Férier.
LA fréate Napolitaine la Ste- Dorothé
arrivé hier de Melfine , nous a apporté les nouvelles les plus accablantes du déaftre
que cette ville malheureuſ vient
d'érouver.
Le s de ce mois àune heure aprè midi , le
tremblement de terre le plus affreux qui fe foit jamais
fait fentir , & dont les fecoufles auffi violentes
que multipliés , duroient encore le 8 , lorfque la
Fréate eft partie , a prefqu'entierement déruit cette
ville céère , qui ne préente plas qu'un amas de
ruines fous lesquelles eft enfeveli un grand nombre
de fes habitans , qu'on fait monter jusqu'àpréent
àdouze mille. Le Palais royal , celui de l'Archéêue
, le Lazaret , partie de la Citadelle , les éifices
publics les plus remarquables , la plus grande
partie des Eglifes , Couvens & maiſns , ainfi que
toute la Palazzata ou cercle de Palais , fymmériquement
conftruits autour du port & qui formoit
le plus bel ornement de cette malheureufe ville ,
ont ééengloutis. Le feu qu'on n'a pu parvenir à éeindre les & le jour ſivant , a déoré& confumé ce que le tremblement de terre avoit éargné-
Meffine & les environs n'ont pas feuls effuyéces
horribles ravages ; il fe font éendus d'un rivage à l'autre du déroit. Les villes de Reggio , Palmi ' ,
Bagora, Séitana , Milet , Saint- George , Terranova ,
( 155 )
Cafalnueva , Oppido & plufieurs autres lieux de la
Calabre ultéieure , fur -tout Scilla , Catanzaro &
Monteleone , ont érouvéle mêe fort. On ne peut
encore déerminer exactement le nombredes milliers
d'individus qui ont ééenfevelis fous les ruines. Le
mouvement s'eft fait fentir jufqu'àNaples , mais fi
foiblement , qu'àpeine la huitièe partie des habitans
a pu s'en appercevoir.
Le Courier ordinaire
pour Reggio eft revenu avec les lettres , parce
qu'il a ééarrééàMonteleone par une ouverture
qui s'eft faite dans les terres , ce qui a fans doute
empêhéqu'on n'ait reç des déails par la voie
de terre , depuis onze jours , de cette catastrophe.-
Auffitô que cette nouvelle affreufe eft arrivé , on
s'eft occupéde tous les moyens de porter les plus
prompts fecours aux infortuné. Il a ééréolu d'envoyer
dans la Calabre D. Vincenzo Pignatelli , &
M. de Calvarafo àMeffine , dont il cit Gouverneur
, pour y diftribuer de l'argent , réarer autant
qu'il fera poffible les dommages foufferts , & préenir
les déertions & les déordres , fuites ordinaires
d'auffi finiftres éèemens. La Fréate eft resté armé
pour convoyer les Bâimens que l'on s'empreffe
de charger de comeftibles & autres effets de premièe
néeffité; mais le vent contraire eft un nouveau
fléu dans ce moment-ci pour les malheureux
qui attendent des fecours . On nomme déàparmi
les morts àMeffine M. Bretel , Conful d'Ho'-
lande , le plus riche Néociant de cette ville. A
Scilla , le Prince de ce nom , noyéen voulant fe
fauver fur une barque qui a ééérasé par une
roche , & àBagnara , la Princeffe de Gerace. Tout
eft dans la plus grande confternation . Les Siciliens
éablis dans cette ville attendent àchaque instant
l'arrivé des barques , qui doivent leur amener une
partie de leurs parens , & leur apprendre le fort funefte
des autres . Les fpectacles ont ééfufpendus &
l'on a ordonnédes prieres publiques pendant trois
jours.
› ( 156 )
On attend avec impatience des déails
ultéieurs , mais dans l'incertitude accablante
s'ils agraveront ou s'ils diminueront
le mal ; on fait des voeux pour que la
terreur gééale l'ait exagéé; un fi fuperbe
& vafte pays ne peut que caufer les plus
juftes regrets ; l'Europe entièe les partagera
, en lifant les defcriptions qu'en ont
donnés les voyageurs , fi en effet , il
n'existe plus que dans leurs livres ( 1 ).
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 8 Mars.
Nous n'avons dans ce moment aucune
nouvelle de l'Améique feptentrionale ; le
Gouvernement en attend des ifles par la
fréate que l'Amiral Hood doit expéier
aprè fon arrivé àla Jamaïue pour nous
en inftruire ; en attendant l'Amirautéa
envoyéàPortſouth des ordres pour faire
appareiller fur- le- champ la fréate la Syrene
qui doit fe rendre àla Jamaïue , & qui
(1) Nous ne pouvons nous empêher de rappeller ici ànos
Lecteurs les Lettres érites de Suiffe , d'Italie , de Sicile &
de Malte , 6 vol , in - 12 ; prix 15 liv. broché, qui fe trouvent
àParis chez Viffe , rue de la Harpe ; on ne lira pas , fans un
nouvel intéê , qui ne peut qu'ajouter aux regrets actuels , ce
qui eft dit de la malheureufe ville de Meffine dans le tome III.
Les Lecteurs ne rechercheront pas avec moins d'empreffement
le Voyage de Sicile & de Malte , par Brydone , la traduction
de cet Ouvrage , qui eft celui d'un voyageur philofophe , fe
trouve àParis chè Delalain le jeune , rue St - Jacques , elle eft
accompagné d'une carte du Royaume de Naples & de Sicile
2 vol . in- 12, prix reliés liv.
( 157 )
#
prendra fous fon convoi les bâimens ma
nitionnaires armé , le Lord Howe & le
Whitby ; on préume qu'une grande partie
des bâimens deftiné pour les ifles profi
teront de cette efcorte.
Les lettres de Ste - Lucie qu'on a reçes
font du 26 Janvier ; elles nous apprennent
que plufieurs vaiffeaux de la flotte de la
Jamaïue y ont abordéen trè-inauvais éat.
On compte que de cette flotte malheureuſ
qui éoit compofé de 16 voiles , il en eft
arrivé14 , 6 ont rebroufféchemin , & 3
ont coulébas ; de forte qu'il en manque
33 dont on n'a point de nouvelles & dont
on eft fort inquiet.
Nos nouvelles de l'Inde fe réuisent à une lettre de Chingleput , ville fur la côe
de Coromandel , en date du premier Juillet
dernier.
Toutes les provifions , dit- on dans cette lettre ,
fontici àun prix fi haut qu'on ne peut fe les procurer;
Hyder-Aly a ruinétout le pays oùil a paffé. On eft
obligéde faire venir les vivres du Bengale. Sir Eyre
Coote eft avec notre armé àWandiwas , d'oùil
marchera vers la partie méidionale. Un grand nombre
de bandits àcheval qui font entretenus par Hyder-
Ali parcourent le pays & rendent les chemins dangereux
aux voyageurs , ils viennent mêe fous les
murs de Madrafs pùils pillent on maffacrent tous
ceux qu'ils rencontrent. Le Gééal Monro ſ trouvant
un foir dans fa maifon prè de Madrafs , a
couru rifque d'êre enlevépendant la nuit & fait
prifonnier «
On a reç les déails faivans fur le naufrage
du navire de la Compagnie des Indes
( 158 )
le Darmouth , qui le 8 Juin dernier avoit
mis àla voile de Madrafs pour l'Europe.
»Ce Navire pouflépar les gros vents pendant
la nuit vers l'Ile Car- Nicabor , fut jettéfur les
rochers & briféen deux. Il avoit àbord un grand
nombre de paffagers , parmi lefquels fe trouvoient
deux Dames , dont une éoit accouché peu de jours
avant. Il eft impoffible d'exprimer les cris & les
lamentations des difféentes perfonnes qui fe trouvoient
fur les déris du Navire , la plupart furent
englouties dans les flots . Un matelot , dont les
deux bras éoient caffé , fe tint pendant longtems
avec les dents àune corde , mais enfin il fuccomba
& tomba dans la mer. D'autres voulant le fauver
àla nage , péirent prefque tous ; mais ceux qui
fe retirerent fur les déris ont ééfauvé . Le lendemain
, lorfque le jour élaira cette fcèe tragique
, on ne voyoit de rous côé que des déris , des
corps morts & des marchandifes. Vers les trois heures
de l'aprè-midi , le refte de l'éuipage arriva
àterre , la ples grande partie fe trouva nud & ſ
couvrit des toiles que les flots avoient jettés fur
la côe. Ceux qui n'éoient pas bleffé , parcoururent
l'Ifle & déouvrirent de l'autre côéle Navire
le Chapman , qui éoit àl'ancre ; mais les
bleffé ferent obligé de refter durant trois jours
fur la côe , n'ayant pour toute nourriture que des
Noix de Coco. On ne peut affez louer la politeffe
& l'humanitédu Capitaine Walker qui a fait
prendre àbord de fon Navire , le Chapman , les
paffagers , les malades & les bleffé , & leur a
procurétout le néeffaire. Le Darmouth éoit le
plus riche Navire qui eû pafféen Europe. On
éalue la perte à200 mille liv. fterl. Il avoit à bord une grande quantitéde diamans , beaucoup
de barres d'or & c «
On ne s'occupe plus aujourd'hui que
de la nouvelle réolution de l'Adminiftra(
159 )
tion ; on ignore encore comment elle fera
composé ; c'est un objet de brigues &
d'intrigues qui n'eft pas prè d'êre terminé
»Il feroit difficile , dit un de nos papiers , de
dérouiller la véitédans le cahos des nouvelles
contradictoires qui fe déitent ici fur le choix des
nouveaux Miniftres . Il paroî certain feulement que
le parti de la coalition , c'eft-à dire , celui du Lord
North & de M. Fox ne confervera pas long-tems
fon créit. Le Roi eft parvenu a fon but ; il s'eft
déarraftédu Lord Shelburne ; il a rendu le Lord
North encore plus odienx àla Nation . M. Fox a
perdu fa popularitéen s'uniffant au Lord North , &
le Roi , aprè avoir pliéfous le torrent , va triompher
& nommer lui-mêe fon Miniſèe ; mais il
rencontrera des d fficulté . Il a déa faitoffrir ſcceſ fivement la Tréorerie au Lord Cavendish , au Lord
Gower & au Chancelier Pitt. Les deux premiers ont
refuféce pofte fcabreux ; mais M. Pitt , plein d'ambition
, oubliant fon âe , aveuglépar les fuccè
dans la carrièe de l'éoquence , a balancé& balance
encore. Cependant c'éoit un bruit gééal ces jours
derniers àla Bourfe que le Lord Thurlow , chargé par le Roi de néocier avec les difféens partis ,
avoit déêhéun courier au Lord Temple , Vice-
Roi d'Irlande , pour mettre àfes pieds le timon
du Gouvernement. En attendant l'éèement de
toutes ces cabales , qui fixent entièement l'attention
des Anglois , les affaires font en fufpens ; les
finances font dans la pofition la plus critique , toutes
les caifles font vuides ; & fi les fubfides de l'armé
n'euffent point ééaccordé , on auroit éé obligéd'arrêer le paiement des troupes . M. Pitt
a donnéle fignal de déreffe , en faisant une motion
pour lever un million fterling par emprunt fur
des billets de Echiquier , & en mêe tems il a
( 168 )
lancécontre le Lord North un trait qui deviendra
peut-êre mortel . Il a déaréàla Chambre des Com
manes que , d'aprè les recherches les plus exactes ,
il avoit déouvert dans les comptes de l'Etat une
fomme de so millions fterlings , fur l'emploi de laquelle
il éoit impoffible de trouver la moindre
trace , & qu'en conféuence il faifoit une motion
pour qu'on mit fous les yeux du Parlement les noms
des comptables fur lefquels portoit cette accufation
".
On eft fort curieux de favoir comment
toutes ces difputes finiront , & quel
fera l'arrangement qui fera pris ; en attendant
on dit que le premier fruit de ce
changement d'Adminiſration coûera au
Gouvernement 12,000 liv. fterl. de rentes ,
parce qu'il faut des penfions àchaque Membre
qui fe retire.
En attendant que les difficulté qui retardent
la formation du Ministèe foient
levés , nous fuivrons ici les principaux objets
qui ont occupéle Parlement.
»Le 28 Férier , la Chambre s'éant formé en
comitéde fubfides , le Chevalier George Yonge ,
Secréaire de la guerre , profuific diverles eſimations
àla Chambre , & fit une motion tendante à ce qu'il fû octroyéune fomme de 1,356.919 1.
10 f. 2 d. pour payer les extraordinaires de l'armé.
M. David Hartley dit qu'il ne s'oppofoir
point àl'octroi de la fomme demandé ; mais qu'il
déiroit qu'on formâ un comitéchargéd'examiner
l'emploi particulier des fommes deſinés au parement
des extraordinaires de l'armé . Lorfqu'on
propofa la queſion , la fomme fut voté unanimement
.N
Le 3 de ce mois , le Secréaire de la guerre pro(
161 )
pofa que la Chambre s'affemblâ en comitéphut
prendre en confidéation les réolutions fuivantes,
1º D'accorder àS. M. une fomme qui n'excéâ
point celle de 456,904 l . 19 f. 9 d. pour fubvenir
aux déenfes de fes garnifons. 2 °. De 310,623 l.
15 f. 6 d. pour le paiement des troupes dans les
plantations érangèes. 3 ° De 64,714 1. pour le
paiement des troupes érangèes . 4°. De 15,961 l.
171f. f. 2 d. pour le paiement des Officiers de l'Etat-
Major. 5. De 15 074 l. 10 ር pour l'entretien de
fes troupes dans l'Inde. 6 °. De 165,418 l . 10 f. ,
pour le paiement de la milice & de quatre réimens
de Fencibles en Ecoffe. 7 °. De 41,140 l. 16 f. 2 d .
pour le paiement du réiment Irlandois qui a éé envoyéen Améique. 8 °. De 25,126 l. 3. l. 9 d.
pour le paiement des cinq corps Provinciaux qui ont
éélevé en Améique. 9. De 96,719 l . 7 f. II d.
pour l'hopital de Chelfé. 10° De 28,017 l. 11. L
1 d. pour le paiement des troupes de S. M. qui font
en garaifon àGibraltar . 11º De 367,203 1. 9
L.
10 d. Four le paiement des troupes Helloiles au fer
vice de S. M. pendant une anné , commençnt au
25 Déembre 1782 & finiffant au 25 du mêe mois
1783. 120. De 65,152 1. 12 f. 8 d. pour le paiement
des troupes de Hanau pendant une anné , commen.
çnt depuis le 25 Déembre 1782 juſuau 25 Déembre
1783. 139. De 36,747 1. pour le paiement
des troupes de Brunſick fervant en Améique ,
ainfi que deffus. 14°. De 1749 l . 11 f. 3 d. pour le
paiement des troupes de Waldeck fervant en Amé
rique , commençnt & finiflant ainfi que deffus .
15 °. De 54,504 1. pour le paiement des troupes de
Brandebourg , fervant ainfi que ci- deffus , jufqu'au
25 Déembre prochain. 16° De 23,318 1. 14 f. 1 d.
pour le paiement des troupes de Hanau fervant en
Améique , pendant le péiode ci deffus mentionné
M. D. Hartley forma des objections contre
le fubfide deſinéàpayer une anné entièe aux
( 162 )
+
troupes érangèes . C'eft indiquer clairement , dit-il ,
le deffein de renouveller la guerre Améicaine , autrement
l'ectroi teroit limitéàquatre mois ou à fix au plus . Ce tems feroit plus que fuffifant pour
ramener de l'Améique les troupes qu'on a tirés
des divers pays de l'Allemagne . Ces octrois ne ferviront
qu'àexciter les inquiéudes , les craintes , &
àfaire fufpecter la droiture de nos intentions , furtout
àl'éard de l'Améique , oùl'on n'eft déa
que trop fondéàdouter de notre bonne foi , àcauſ
de la duplicité& de la foiblefle de notre Miniſèe ,
qui tantô a autorifénos néociateurs àoffrir l'indéendance
, & tantô leur a enjoint de ne point
admettre l'indéendance comme un article préiminaire
du traité Les inftructions de M. Ofwald pourroient
fournit des preuves fuffifantes de la véité de ces affertions ; mais les Miniftres ont eu foin
de déober ànotre connoiffance les ordres donné
àce Néociateur & la correfpondance qu'ils ont
eue avec lui , parce que des élairciffemens fur ces
points & fur plufieurs autres expoferoient probablement
la conduite qu'ils ont tenue dans toute
cette affaire , àune interpréation peu favorable.
M. Hartley ayant déiréque la Chambre allâ aux
voix pour favoir fi le fubfide relatif aux troupes
érangèes feroit examinéde nouveau par le Comité,
il y eut pour l'affirmative 185 , pour la néative 10,
majorité175. La Chambre s'éant formé
en Comité, le Secréaire de la guerre expoſ au
Comitéla deftination des diverfes fommes qu'il
éoit néeffaire d'octroyer. Elles font beaucoup
moindres , dit- il , que l'anné dernièe , & on feroit
parvenu àles réuire encore davantage , fi l'on
n'avoit pas éédans la néeffitéde payer quatre
réimens d'Irlande qui ont ééenvoyé en Améique.
Ces octrois ont ééaugmenté auffi , parce qu'il eft
indifpenfable d'affigner quelque traitement aux cinq
réimens provinciaux des Améicains , qui , dans
I
( 163 )
toutes les occafions ont montrébeaucoup de zèe
& de bravoure. Il est bien jufte que de tels hommes
foient porté fur l'éabliſ .ement . Je ne conçis
pas , dit le Chevalier Philip Jenning Clerke ,
pourquoi l'on uſroit d'une telle largeffe àl'éard
de ces corps , fi l'on n'eft point difpoféàréompenfer
auffi libéalement les corps levé en Angleterre.
Quel traitement a-t- on affignéau corps du Duc de
Rutland ? Dira- t- on que ces troupes méitent moins
d'êre portés fur l'éabliffement - M. Townshend
fic l'éoge des réimens provinciaux , & dit qu'on
ne pouvoit trop les réompenfer . Il cita entr'autres
les réimens de Carleton , de Farming & de
Simcoe . M. David Hartley s'oppofa de
nouveau dans le Comitéàla réolution relative
aux troupes érangèes . Enfin les diverfes réolutions
furent approuvés par le Comité, & l'on arrêa qu'il
en feroit fait rapport le lendemain.
lier de l'Echiquier fit une motion tendante àce que
la Chambre fe formera en comité, relativement à l'importation du fuere des Ines qui nous ont éé céés par le traité Il préenta enfuite un bill ayant
pour objet d'éablir des liaifoas mercantiles avec
l'Améique . Les articles de ce bill font les fuivans.
Le Chance-
D'autant que les treize provinces de l'Améique
Septentrionale , favoir , New- Hamshire , Malachufets-
Bay , Rhode- Iſand & les plantations de la Providence
, Connecticut , New- York , New -Jerfey ,
Pensilvanie , Delaware , Maryland , Virginie , Caroline
Septentrionale , Caroline Méidionale & Gér
gie , ont éédernièement reconnus folemnellement
par S. M. , & font actuellement des Etats libres ,
Souverains & indéendants , fous le nom & titre
d'Etats- Unis de l'Améique ; il eft ordonnéque toutes
les loix faites prééemment , pour réler le Com
merce & lerraficentre la Grande -Bretagne & les plan.
tations Angloifes de l'Améique , ou pour déendre
toute liaiſn entre les mêes, feront en tant qu'elles
( 164 )
rèlent ou déendent les liaiſns & le Commerce
entre la Grande- Bretagne & les Territoires qui conpofent
aujourd'hui lefdits Etats - Unis de l'Améique
entierement & abfolument abolies . On fait que lefdites
13 Provinces éoient annexés àla Grande - Bretagne
& formoient une partie de fes Domaines , les
habitans defdites Provinces jouiffoient des mêes
droits , franchiſs , privilées & bééices que les
fujets Anglois né dans la Grande Bretagne, taat par
rapport au Commerce , au trafic avec la Grande-
Bretagne que pour d'autres cas. Mais on fait auffi que
par les difféentes loix actuellement exiftantes pour
le rèlement du Commerce & du trafic de la Grande-
Bretagne avec les Etats Etrangers , les fujets des
Etats- Unis font en leur qualitéd'érangets , foumis
àdifféentes reftrictions , & pareillement àplufieurs
droits & accifes dans les ports de la Grande- Bretagne
; ainfi , comme il eft abfolument avantageus
que les liaifons entre la Grande-Bretagne & ledits
Etats-Unis foient éablies fur les principes les plus
éendus d'un avantage réiproque ; mais que vu
Féoignement de la Grande-Bretagne & de l'Améique
, il doit s'éouler beaucoup de tems avaut qu'on
ait conclu aucun traitéou convention pour éablir
& réler le Commerce & le trafic entre la Grande-
Bretagne & lefdits Etats - Unis , fur un pied ſable
-Ileft ordonné, dans la vue d'éablir un rèlement
momestanéde commerce & de liaiſns entre la
Grande-Bretagne & les Etats - Unis d'Améique , &
pour prouver combien la Grande-Bretagne eft difpofé
amicalement en faveur des Etats - Unis de l'Améique
, & attend d'eux les mêes difpofitions , il eft
ordonnéque depuis & aprè le ..... les Navires &
Vaifleaux des fujets & Habitans defdits Etats - Unis
d'Améique , ainfi que les marchandiſs & denrés
qu'ils auront àbord , feront reçs dans tous les ports
de la Grande-Bretagne de la mêe maniere que les
navires & vaiffeaux des fujets d'un autre Etat indé
>
( 165 )
--
pendant & Souverain ; mais les marchandifes & les
denrés àbord defdits navires & vaiſ .eaux des ſjets
ou habitans defdits Etats - Unis , éant du crû, du produit
ou des Manufactures deſits Etats , ne feront fujettes
feulement qu'aux mêes droits & charges , que
fupporteroient les mêes marchandifes fi elles appar
tenoient àdes fujets de la Grande- Bretagne , & fi elles
éoient importés fur des vaiffeaux conftruits dans
la Grande-Bretagne , & monté par des fujets Anglois
, né dans la Grande - Bretagne . Il eft de plus
Grdonnéue pendant le tems fufdit , les navires & vailfeaux
appartenans aux Sujets ou Habitans defdits
Etats- Unis , feront reçs dans les ports des Ifles ,
Colonies ou Plantations de S. M. en Améique, ayant
àleur bord toute eſèe de marchandiſ ou denré
du crû, du produit ou des manufactures des territoires
defdits Etats-Unis , avec la libertéd'exporter
defdites Illes , Colonies ou Plantations en Améique
, pour lefdits territoires des Etats-Unis , toute
efpèe de marchandiſ ou de denré ; & les marchandifes
ou denrés qui feront ainfi importés ou
exportés desdites Ifles Britanniques ne feront foumiles
& fajettes qu'aux droits ou charges auxquels
elles feroient fujettes , fi elles appartenoient
Sujets de la G. B. , & importés ou exportés fur des
navires ou vaiffeaux conftruits dans la G. B. & monté
par des matelots Anglois . Il a de plus ééordonné que pendant tout le tems fus- mentionné, il
y aura fur les marchandifes & fur les denrés exportés
de la G. B. dans les territoires desdits Etats-
Unis de l'Améique les mêes retenues , exemptions
& remifes , que fur les exportations deftinés pour
les Ifles , Plantations ou Colonies actuellement ref
tantes & appartenantes àla Couronne de la G..B . en
Améique. Enfin , il eft de plus ordonnéque tous
les navires ou vaiffeaux appartenan's àtout Sujet ou
Habitant defdits Etats de l'Améique , lefquels feront
entré dans aucun port de la G. B. , depuis le
---
des
de mêe que les denrés & marchandiſs àbord
( 166 )
defdits vaiffeaux , jouiront de tous les avantages
accordé par cet acte .
Le 4 Mars les difféens articles compofant le
rapport du comitédes fubfides , ayant éélus , le
Chevalier Philip Jenning Clerke fe leva pour s'oppofer
àceux relatifs aux Corps Provinciaux en Amé rique. Selon lui , on ne devoit point leur accorder
la demi-paie , en leur confervant en mêe-tems leur
rang dans l'armé , & il demanda que cet arrêé fû renvoyéde nouveau àl'examen du Comité
Le Gééal Smith & le Colonel Onflow furent du
mêe avis , en ajoutant qu'une telle difpofition éoit
une injure fanglante pour l'armé , en ce que c'éoit
donner en quelque forte la prééence aux Loyaliſes
fur les troupes Britanniques , dont les Officiers
avoient fervi plus long tems , & méitoient davantage
la réompenfe du zèe & de la valeur . Enfin
ils voulurent favoir àquelles conditions ces Corps
avoient éélevé , & s'ils avoient réllement des
droits àune telle diftinction. Le Secréaire de
la Guerre prit alors la parole , & dit , ces corps n'ont
point éélevé avec la promeffe formelle d'avoir la
demi-paie ou un rang dans l'armé. Mais on ne
doit pas oublier tous les maux que les Loyaliftes
ont foufferts , le fang qu'ils ont verfé, tous les
dangers enfin auxquels ils le font exposé pour déendre
nos intéês . Quoiqu'il foit trè -vrai qu'aucune
ftipulation ne leur donne de droits ni àla demipaie
ni a conferver leur rang dans l'armé , il n'y
a nénmoins dans leur engagement aucun article .
qui les exclue de ces graces , & il me semble qu'elles
ne peuvent que faire honneur ànotre reconnoiffance
& mêe ànotre probité, car , felon moi , on doit
pourvoir au fort de ces infortuné autant que les
circonftances le permettent. M. Hulay ayant
-
demandéles corps nouvellement levé éoient
dans le mêe cas relativement àla demi- paie & au
rang , & fi leur engagement leur donnoit des droits
( 167 )
3
àl'une on l'autre de ces réompenfes ? le Secréaire
de la Guerre réliqua qu'ils n'y avoient aucun droit ,
mais qu'il efpéoit que ce ne feroit point une raifon
pour empêher la Chambre de téoigner la bienveillance
àdes hommes qui avoient certainement
des droits àtoutes les marques de commiféation
& de fenfibilitéqu'il éoit en fon pouvoir de leur
donner. Aprè quelques autres obfervations pour
& contre , il fut fait une motion tendante àce
que ledit arrêéfut renvoyéde nouveau àl'examen
du Comité, mais la Chambre ayant ééaux voix
fur cette propofition , elle fut rejetté àla pluralité de 76 voix contre 37.
-
»Les , la Chambre s'éant formé en Comité pour prendre en confidéation le bill relatif àl'Irlande
. M. Eden fe leva, & dit qu'il regrettoit que
cette affaire fû difcuté dans un moment oùil
n'y avoit point de Ministre ottenfible . Je donne ,
ajouta-t- il , mon appui au bill , parce qu'il éonce
que l'Irlande jouira des droits qu'elle éoit fondé à rélamer . Je fouhaiterois , dit le Lord Newhaven ,
qu'on éartâ tous les doutes qui pourroient naîre
par la fuite , & que pour cet effet il fû infééane
claufe aux fins de réoquer celle de l'acte paſ .édans
la huitièe anné du rène de Henri VIII , laquelle
autorise l'Angleterre àexercer une jurifdiction criminelle
fur les perfonnes qui fe rendent coupables
de haute-trahien dans le royaume d'Irlande . Le
Lord Nugent , dit qu'il regardoit la clauſ comme
fuperflue , parce que le bill aboliffoit tonte préention
àune autoritéléiſative -& judiciaire fur l'Irlande
, & elle fut rééé. Le Lord Beauchamp
ayant propoféqu'on fubftituâ les mots pour toujours
, a la place de ceux - ci , a l'avenir , la propofition
fut admife & il fut fait rapport du bill àla Chambre
. Le Chevalier Henry Fletcher préenta une
péition de la Compagnie des Indes , ayant pour
objet qu'il lui foit permis d'ouvrir un emprunt
-
--
( 168 )
de 1,500,000 1. Il fit une motion , tendante àce que
la péition fû prife en confidéation par un Comité particulier qui en feroit rapport àla Chambre ;
fa motion paffa ainfi que celle du Gééal Smith ,
qui propofa que la péition fû imprimé «.
― Le 6 , M. Powis fit la motion fuivante : D'autant
que S. M. , dans l'intention de foulager fon peuple
, a bien voulu fupprimer les divers offices mentionné
dans fon meffage àcette Chambre pendant
les dernièes feffions du Parlement , & que S. M.
a donnéfon confentement royal àun acte tendant à l'exéution de ce projet , comme auffi àfaire des
rèlemens fur l'octroi des penfions & àempêher
les abus qui en réultent ; cette Chambre fe flatte
que le mêe efprit d'éonomie fera adoptépar
rapport àtoute penfion que l'on pourroit fuggéer
au Roi d'accorder avant le 5 du mois d'Avril prochain
, attendu que ledit acte ne doit avoir lieu qu'à cette éoque. Alors le Chancelier de l'Echiquier
fe leva & parla ainfi . Je ne déapprouve point la
motion , mais je voudrois favoir fur quel principe
les Miniftres du Roi doivent agir relativement à cet objet , & connoîre l'opinion de la Chambre
àcet éard , afin qu'elle puiffe àl'avenir fervir
de bafe àleur conduite . Je defirerois favoir encore fi
la Chambre eft méontente de leurs procéé par
rapport aux penfions . Pour la mettre en éat de les
mieux juger , je vais lui rendre compte des penfions
qui ont ééaccordés depuis que je fuis entréen
place & de celles qu'en fe propofe de donner. J'obferverai
cependant que , felon moi , le Roi & fes
Miniftres ne font point ftrictement lié par le bill
en queſion , parce qu'il ne doit avoir de vigueur
qu'au 5 Avril prochain. Je reviens àl'éuméation
des penfions. Il en a ééaccordéune au Lord Chancelier
, laquelle fera fupprimé lorsqu'il prendra
dans l'Echiquier la place dont il a l'expectative.
Il en a éédonnéune au Lord Grantham , qui àſn
retour
( 169 )
retour de Madrid n'a point voula recevoir les appointemens
d'Amballadeur que S. M. vouloit lui
continuer. Le Chevalier Jofeph Yorck a obtenu une
Fenfion de 2000 liv. pour trente annés de fervice.
On en a promis une de 700 liv . àun commis de la
Tréorerie qui fe diftingue depuis long- tems dans
fa place par fon zèe & par fon intérité Il en a
éépromis une autre de 300 liv. àM. Morgan
Secréaire du Chevalier Guy Carleton , & une de 2
à300 liv. àun éuyer du Roi retirédu fervice de
S. M. àcauſ de fon grand âe. Si la Chambre veut
bien confidéer que ces penfions ont ééaccordés à toutes perfonnes qui ont fervi le Roi ou l'Etat avec
d.ſinction , & qui pour la plupart font avancés en
âe ou infirmes ; je ne doute point qu'elle n'approuve
la conduite des Miniftres en cette occafion.
>
M. Fox prit enfuite la parole & dit : »J'approuve
haurement la motion , & je pense qu'elle fait honnur
àM. Powis . Qacique mes opinious politiques
foient trè - difféentes de celles du Lord Chanceler
, cela ne m'empêhe point de rendre juftice
àfes talens & àfa capacité Mais pourquoi lui
avoir accordécette Penfion ? Eft-ce pour le réompenfer
d'avoir contribuéaux meſres qui ont caufé le malheur de ce Pays ; car en eftimant le Lord
Thurlow comme particulier je le trouve trèapiéumable
comme homme public. J'en dirai autant
du Lord Grantham . Il peut fe faire qu'il méite
en effet tous les éoges qu'on fait de lai ;
mais je fai qu'il méite une Penfion . Apparemment
que felon le dogme politique de M. Pitt , perfonne
ne peut entrer dans les Comité de S. M. , fans
s'êre d'avance affuréd'une Penfion , lors de fa retraite
; c'est par une fuite du mêe fyftêe , que
l'on a donnéàM. Dundaff une place fans fonctions
mais trè- lucrative , en Ecoffe , pour l'engager
à accepter la place de Tréorier de la Marine .
Il falloit en véitéque l'Adminiſration fû biem
22 Mars 1783. h
( 170 )
foible , pour êre obligé de recruter àfi haut prix ,
le Membres dont elle croyoit avoir befoin. La
motion actuelle dont M. Burke a donnéle premier
l'idé , eft de la dernièe importance dans ce
moment de crife. Les repréentans de la Nation
ne peuvent veiller avec trop de fermeté, de vigilance
& mêe de circonſection , au maintien de
leurs droits & de leurs liberté ; car jamais la
conftitution de ce Pays , n'a couru un danger auffi
alarmant & auffi manifeſe , que ce dont elle eſ
menacé. Déa le bruit fe réand que le Parlement
va êre diffous. Quoique je ne puiffe ajouter foi
àune pareille nouvelle , j'avoue que cette feule
idé me fait fréir d'horreur , & j'espèe que perfonne
ne fera affez vil , ou pour mieux dire aflez
tééaire , pour ofer donner àS. M. un confe
auff dangereux. Le Lord Avocat d'Ecoffe
( M. Dundaff ) chercha àfe juftifier du reproche de
M. Fox , en difant que la place dont parloit ce
Membre , lui avoit éédonné avant qu'il eû aucune
liaiſn avec l'Adminiftration , que c'éoit une
grace particulièe & fpontané du Roi , & qu'il ne
pouvoit la refufer fans manquer àS. M. - Aprè
quelques obfervations , la Chambre donna fon
confentement àla motion pour l'adreffe , avec les
léers amandemens propofé par M. Elliot , & il
fut ordonnéque l'adreſ .e ainfi réigé , feroit préenté
au Roi , par ceux des Membres de la Cham
bie qui font Confeillers-privé de S. M.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 18 Mars.
Le Comte d'Andlau , premier des quatre
Chevaliers hééitaires du S. Empire , Brigadier
des Armés du Roi , & Mestre de
Camp , Commandant du Réiment Royal-
1
( 171 )
1
Lorraine Cavalerie , que le Roi a nommé fon Miniftre Pléipotentiaire àBruxelles ,
a eu l'honneur d'êre préentéàS. M. par
le Comte de Vergennes , Chef du Confeil
des Finances , Miniftre & Secréaire
d'Etat ayant le déartement des affaires
érangèes.
Le Roi a accordéles places de Meftre de
Camp en fecond du Réiment d'Infanterie
de Bearn , au Marquis de St- Tropè ; du
Réiment de Bourbonnois , au Marquis de
Montefquiou ; du Réiment de Lyonnois ,
au Vicomte de Montefquiou- Marfan ; du
Réiment de Berry , au Comte de Senlis ;
du Réiment de Boulonnois , au Comte
d'Avaray ; celles de Mestre de Camp , Lieutenant
en fecond du Réiment du Commiffaire
Gééal de Cavalerie , au Marquis
de Contades ; du Réiment des Cuiraffiers ,
au Comte de Gouy- d'Arcy ; du Réiment
Royal Cravattes , au Duc de Valentinois ;
du Réiment Royal- Picardie , au Comte de
Beuvron ; du Réiment Royal - Dragons ,
au Comte de Grammont d'Aftré
Le 9 de ce mois la Ducheffe de Charoft
୨ a cu l'honneur d'êre préenté àL. M.
& àla Famille Royale par la Ducheffe de
Bethune , & de prendre le tabourer.
De PARIS , le 18 Mars.
LES lettres d'Espagne nous apprennent
que M. le Comte d'Estaing qui avoit paffé àMadrid , oùil s'éoit arrêéen revenant
h 2
( 172 )
1
en France , a quittétout à coup cette Cour
pour retourner àCadix ; on ignore le motif
de ce nouveau voyage , àmoins qu'il n'aille
préider au déarmement de la flotte Efpagnole.
--
-
Une partie des vaiffeaux que nous avons àCadix ,
érit- on de Toulon , doit venir déarmer dans ce
port ; plufieurs de ceux qui font en commiſ .ion dans
les difféentes parties du monde y reviendront auffi ;
& voici l'éat de ceux qui resteront affecté àce déartement.
Vaiffeaux de 80 canons . La Couronne ,
Je Triomphant qui font actuellement en Améique .
-Vaiffeaux de 74 , l'Actif, l' Alcide , le Cenfeur , le
Deftin , le Dictateur , le Guerrier , le Puiffant , le
Suffifant , le Zodiaque qui font àCadix ; la Bourgogne
, le Conquéant , le Souverain qui font en
Améique ; le Centaure , l'Heureux qui font dans ce
port , & le Mercure & le Séuifant qui y font en
conftruction. Vaiffeaux de 64 ; Alexandre , le
Hardi qui font dans l'Inde ; l'Indien , le Lyon , la
Provence , le Réléhi àCadix. - Fréates de 40
canons de 18 1.; la Jeanne , la Minerve qui font ici ;
l'Iris àCadix. Fréates de 32 canons de 12 liv.;
Alcefte , la Friponne , la Serieufe qui font ici ;
la Veftale , la Préieuse àCadix ; l'Aurore , la Sultane
en Syrie ; la Lutine , le Mont-Réi au Levant ;
la Boudeufe dans l'Archipel. -Fréate de 26 canons
de 18 liv . La Flore qui eft àTunis ; la Mignone , la
Pleyade ici.
Corvettes de 18 canons de 8 liv. La
Badine qui eft àBonne en Afrique ; la Belette &
la Poulette àCadix ; la Séillante , la Blonde , la
Brune ici ; la Coquette ea Améique ; la Nayade
dans l'Inde . - Corvettes de 18 canons de 6 liv . La
Fleche ici ; la Sardine àCadix . Corvettes de 16
--
- canons de 4 liv. La Suzanne qui eft ich. Nous
avons encore dans ce port 3 galiotes àbombes qui
font l'Etna , la Salamandre , la Tempêe de 6 canons.
( 17 ; )
-
Toutes les lettres d'Italie ne font rem
plies maintenant que des déails du déaftre
de Mefine , àcelles que nous avons déà donnénous en joindrons une de Turin , qui
contient les fuivans ; elle eft du 1 Mars .
גכ»Hier le Courier nous apporta le premier déail
du déaſre arrivédans le Royaume des Deux- Siciles
. Les lettres de Naples difent que le S Fevrier ,
vers les onze heures du matin , on reffentit dans
la Calabre intéieure & dans la Sicile un tremblement
, qui avoit fa direction du levant au couchant ,
il dura environ fix minutes dans un mouvement d'ondulation
; les fecouffes furent fréuentes , puifqu'on
en compta 32 jufqu'àune heure aprè - minuit , qu'on
éro iva la plus forte ; elles continuèent encore le
6. & le 7 ,
àdifféentes rérifes , la mer en furie
cherchoit àrompre les bornes de la nature. Le ciel ,
par un déuge d'eau , paroiffoit concourir àla deftruction
de ce miferable peuple qui , pendant cet
intervalle , dans les plus profondes téères , é:oit
encore menacéd'êre foudroyétant le tonnerre éoit
fréuent. On ignore encore une grande partie des
tines effets de ce phéomèe , ce qu'on en fait
a ééannnoncépar le Courier de Calabre , arrivé le 14. La Calabre ultéieure contenoit 375 Villes
ou Villages , 310 defquels font prefque déruits.
Le Prince Cariati y a perdu 17 fiefs , dans lefquels
éoient les Villes de Sommera & Palmi , dont il n'eſ
pas teſépierre fur pierre. Le Prince d'Iſhiſ , qui
éoit dans la Ville de ce nom , aux premièes fecouffes
fortit de la Ville & fe réugia dans une chaloupe
oùil fut fubmergéquelques inftans aprè & la Ville
de fond en comble . Celui d'Ardoréeft réuit au feul
fief de S -Georges. La Princeffe Genare Grimaldi ,
qui fe trouva àGenare , fut enterré fous les ruines
, & confumé par le fea qui réuifit tout en cesdres.
Enfia , le Roi , les Seigneurs & les Néocians
h 3
( 174
ont tout perdu. Les foies , l'huile , les grains , le
vin , tout eft anénti ; les fortifications ruinés ; la
pointe d'Atorre del Farro & la Ville de Pizzo fe font
abîés dans la mer , de mêe que la fi céère &
ancienne Ville de Reggio , celle de Monte Leone &
plufieurs autres confidéables : le fleuve Petrarchéqui
traverfeit la Province a diſaru , car le Courier le
paffa àfec. Une fréate du Roi qui éoit àl'ancre à Melfine, affure qu'une grande partie de la Ville eft ruiné.
La Nobleffe s'eft lauvé en partie fur des chaloupes,
mais déué de tout.Il s'eft ouvert plufieurs abîes.
aux environs de Meſ .ine , dont un exhale continuellement
de la fumé mêé de ſufre. On doute de .
plus fi l'Ile de Lipari exifte encore , parce qu'un
bâiment qui éoit àcette hauteur & qui a recueilli
plufieurs habitans qui s'enfuyoient dans des bateaux ,
difent que les fecouffes y éoient fi terribles qu'on
croyoit que les quatre ééens alloient fe confondre".
Nous recueillerons encore quelques déails
tiré d'une lettre de Naples du 20 .
Férier.
On n'eft pas encore revenu ici de l'effroi & da
faififfement que la terrible cataftrophe de Metline &
de la Calabre a canfé , & tous les avis que l'on
reçit des difféentes perfonnes envoyés par le
Gouvernement , font bien propres ànous entretenir
dans l'idé que nous avions de cet affreux déaftre. '
Nous n'avons encore de Meffine que des nouvelles
vagues ; nous favons feulement que le nombre des
morts peut monter àenviron cinq mille. Mme l'AIdement
, femme du Conful , a eu le bonheur de ſ
fauver avec les enfans . M. Brechtel , Conſl de
Hollande & chargédes affaires de France dans l'abfence
de M. l'Allement n'a pas ééauffi heureux ;
il a ééenſ éveli fous les ruines de ſ maiſn avec
trois domestiquer. En Calabre le Prince de Silla s'eft
royé, en voulant fe fauver d'entre les ruines de fon
châeau qui s'éroula avec le Village. Un petit bourg
175.
1
appelléPirobal , fituéfur le haut d'une montagne au
bord de la mer , a coulétout enter dans les flots
avec une grande partie du rocher. Le Prince Cariati
y a perdu dix - fept fiefs avec châeau , villages . Le
Duc de Monteleone , villages , châeaux & trois
villes. Le Prince de la Vocella a perdu les fiens ,
ainfi que le Duc de l'Iufantado fa jolie ville de
Melito. Le châeau de Belmontéest tout ouvert &
une grande partie s'eft éroulé avec le village. Enfin,
les Villes de Reggio, de Silla , de Bagarara, Crotone,
font prefqu'entièement déruites . Le Roi a envoyéà Meffine des ch becs & une fréate chargé de vivres
, d'habillemens , de méicamens , & c . & cin- ,
quante mille onces [ 750,000 liv. ] . Le Prince de
Člvafoufla commande ce déachement , le Roi a
priéauffi tous les Barons d'aller eux-mêes dans
leurs terres pour encourager & fecourir leurs vaf
faux , le Maréhal Pignatelly les a prééé avec
100,000 ducats deftiné àfoulager le pauvre peuple.
Nous attendons & nous craignons de voir les Coutiers
qui doivent nous rendre comp e des déails ultéieurs
de cet horrible éèement «,
Par des avis poftéieurs , on a appris que ces
déaftres avoient ééfort exagéé : les déails que
l'on reçit de par- tout , diminuent le nombre des
morts , qui eft infiniment au-deffous de celui auquel
les premiers rapports groffis par l'effroi l'avoient
porté
Nous avons parléde l'attentat horrible.
commis pendant le carnaval dernier àMarfeille.
Une lettre que nous venons de re-'
cevoir en offre un réit plus circonftancié que nous placerons ici.
33
Les principaux citoyens de cette ville avoient
forméun pique-nique dans la guiaguette da ficar
Conftant , vers la porte de Noailles : toute la no
bleffe & la haute bourgeoifie s'y affembloient le foir
la
4
( 176 )
deux fois par femaine : on y danfoit , on y foupoit
& y jouoit enfuite une partie de la nuit . Le
famedi 22 Férier , Mde. de Bras , femme jeune ,
jolie & irrérochable dans fes moeurs , fortit de
cette affemblé , entre deux & trois heures du matin.
Lorfqu'elle fut àfa porte , & tandis que fes
porteurs tiroient les bâons de fa chaife pour la faire
fortir , un homme marqué& enveloppéd'un grand
manteau , s'approcha par derriere , appuya fon bras
gauche fur le porteur qui s'éoit baillé, & de la
droite , il tira en plongeant un coup de pistoler ou
plutô de tromblon , & le reira tranquillement . Les
porteurs crurent d'abord que c'éoit une plaifanterie
de Carnaval , & qu'on avoit voulu feulement faire
peur àcette dame ; ils frapperent àla porte , &
comme Mde . de Bras ne faifoit aucun mouvement ,
its crurent qu'elle fe trouvoit mal de la frayeur que
le bruit pouvoit lui avoir caufé. On la menta dans
fa Chambre , & comme on s'efforçit en vain de la
faire revenir , on manda un Chirurgien qui la trouva
morte. Il n'y avoit aucune trace de fang ; on la
déhablla , & en la retournant fur le dos on apperçz
un trou derriere le col , & d'autres plus bas , qui
alloient en plongeant , fans aucune marque fanguinolente
; on fit l'ouverture du cadavre & on trouva
fept balles dans le corps , dont quelques unes éoient
mâhés. Ce terrible éèement fit beaucoup de
bruit dans la matiné ; on ne pouvoit concevoir
l'auteur & la caufe de cet infâe affaffinat . Les foupçns
publics fe portèent enfin fur le Commandeur
de Franc *** ( Commandeur , non de Malthe , mais
d'un Ordre d'Italie ) qui éoit en mêe tems fon
beau-pere & beau-frere. La Juftice ayant apparemment
acquis des preuves contre lui , le déréa de
prife de corps , & fit inveftir fa maiſn àquatre
heures du matin . Un homme déuiléfrappa rudement
àla sorte , fous préexte d'avoirune lettre pref
fé àlui remettie. Une fervante , aprè bien des diffi(
177 )
culté , ouvrir. Le Commandant de la Maréhauffé
entra dans l'inftant avec tous les Grenadiers ; mit úe
fentinelle àla perte de la chambre de chaque domeftique
, & entra dans cel e du maîre qu'on trouva
levé& habillé, il l'arrêa : le Lieutenant- Criminel
qui éoit dans le voisinage , arriva fur -le- champ avec
fes Officiers ; on fouilla dans l'appartement , & l'on
trouva dans un cabinet un petit fufil àdeux coups ou
efpece de doublet omblon. Interrogéfur cette arme ,
il parut pâir ; on dreffa procè - verbal de tout , & on
conduisit l'accuféefcortépar cinquante grenadiers.
Il avoit demandéfa malle qu'on eut l'imprudence de
lui faire remettre fans la vifiter ; dans cette malle
éoit fon néellaire , ou il y avoit deux rafoirs. Lorf
qu'il s'eft trouvéfeul , il s'eft mis fur fon lit & s'eit
coupéla gorge avec fes deux rafoirs : le premier
avoit rencontréles os de la mâhoire , il s'éoit éréhé
& il avoit cu la force de prendre le fecond pour
s'achever ; on lui a fait fon procè , comme fuicide
àêre traîéfur la claie , pendu par les pieds , & jette
àla voierie. On a hier arrêéſn fils , ancien Officier
dans le réiment de *** aux environs d'Aix , ila éé mis aa cachot , & aujourd'hui on l'a transfééàMarfeille
, efcortéde deux brigades de Maréhauffé &
de cinquante grenadiers . L'on fouhaite qu'il ne foir
pas complice de ce crime. Voici fur quoi portoient les
premiers foupçns du public . La mere de Mde. de
Bas éoit une riche veuve en Améique , elle devint
amoureufe de M. de Franc *** , Chevalier de Saint-
Louis , qui éoit alors dans les Colonies , & l'éoufa :
elle n'avoit qu'une fille unique envoyé en France dè
l'enfance , àqui tous les biens appartenoient ; le mari
propofa àfa femme de marier cette fille àun de fes
freres : cette union eut lieu , quoique cette fille n'eû
pas encore douze ans ; elle refta dans le Couvent jufqu'à ce qu'ellefû nubile. M.de Franc *** & fa femme
ont diffipéla plus grande partie de la fucceffion , &
aprè la mort de fa mere ; madame de Bras éoit fur le
h s
"
( 178 )
point de demander compte àfon bean- pere , en mêe
tems fn beau-fiere ,
de ce qui devoit lui appartenir ,
& ce procè alloit bientô commencer,
Le Gouvernement vient de faire imprimer
un méoire trè- intéeffant fur la maladie
qui a attaquéen difféens tems les femmes
en couche àl'Hôel-Dieu de Paris. Son
objet eft de faire connoîre une méhode
auffi fimple que fûe , dû àfeu M. Doulcet,
& employé avec un fuccè conftant á 1 Hôel-Dieu contre cette maladie affreufe
qui s'y eft montré àdifféentes éoques
& qui toujours a paru y réner éidéi
quement.
La defcription de cette terrible maladie fait
mieux fentir l'importance du fervice rendu àl'hu→
manitéouffrante , par un Citoyen modefte & vertueux
, qu'une mort préaturé , comme s'exprime
le Rappert de la Facultéde Méecine , vient
d'enlever aux juftes téoignages de la reconnoiffance
publique. Il n'eur pas déouvert la méhode
dont il s'agit , qu'il la fit pratiquer jour &
nuit , àl'Hôel Dieu ; »& en quatre mois , pendant
lefquels l'éidéie réna avec fureur , prè
de 200 femmes furent rendues àla vie : cinq o
fix feulement , qui toutes avoient refuféde prendre
le remèe , furent les victimes de leur obftination
« Voilà, difent les Commiffaires qui ont
fignéle Rapport , un de ces phéomèes rares qui
font éoque en Méecine . Le Traitement indiqué par M. Doulcet confifle àfaifir le moment de
Îinvafion ; àdonner alors , fans perdre un inftant ,
quinze grains d'i éaca nha en deux dofes , àune
heure & demie d'intervalle ; àrétéer le lendemain ,
foit que les fymptôes forent d'miné , ou qu'ils
perfiftent dans la mêe intenfité; & s'ils conti
( 179 )
nuent encore , àrééer l'uſge du mêe remèe
jufqu'àtrois & quatre fois , fuivant leur opiniâreté
Dans les intervalles , on foutient l'effet de
l'ipéaenaoha par une potion , compafé de deux
onces d'huile d'amandes douces , d'une once de fyrop
de guimauve & de deux grains de kermè
minéal, La boiffon ordinaire confifte dans une fimple
cau de graine de lin ou de feorfonnere , éulcoré
avec le fyrop de guimauve ; & vers le feptièe
ou le huitièe jour de la maladie , on fait,
prendre aux malades une douce purgation , que
l'on rétèe trois ou quatre fois , felon que le,
cas l'exige « Aprè avoir confignéici cette méhode
, nous invitons àlire l'ouvrage cu la maladie
eft dérite. On y verra qu'elle n'eft ni nouvelle , ni
particulièe àl'Hôel-Dieu : »qu'il éoit par conféuent
d'autant plus avantageux d'en publier la
defcription , qu'au moyen du déail exact de fes
fymptôes , que la Facultédonne dans fon Méoire
, elle ne fera plus méonnue , & qu'enfin le
traitement qui lui eft propre éant rendu public , on
aura la fatisfaction de fauver la vie àdes femmes
voués auparavant une mort certaine «.
Parmi les entreprifes dont l'importance
eft éale àl'intéê , le Public a dûdiftiaguer
la nouvelle éition des OEuvres de -
Plutarque , traduites par Amyot , en 24
vol . in- 8 °. orné de figures en taille - douce ,
dont nous avons annoncéla fouſription.
Elle fera fur papier fin d'Angoulêe , &
on en tirera quelques exemplaires in- 8°fur
papier de Hollande , & un in 4º, fur papier
d'Annonay & fur papier velin . L'Edireur
a fait faire des effiis de chaque formit
& de chaque papier ; les amateurs &
les curieux peuvent les voir chez lui tous
h 6
( 180 )
les jours & àtoute heure. Nous les avons
eu fous les yeux , & nous ne pouvons que
joindre nos éoges àceux que le Public ne
manquera pas de donner àla beauté, aufoin
& àl'ééance qui caractéiferont cette
nouvelle éition ; elle eft digne des preffes
de M. Pierres (1).
La feconde livraison des Eftampes deſinés aux
Euvres de M. de Voltaire , vient de paroîre ; la
premièe contient les gravures de la Henriade , celles
que nous avons fous les yeux font éalement au
nombre de 10 ; les 8 premièes font pour le thé âtre ,
elles font toutes des tableaux dans ce grand genre.
La reconnoiffance de Jocafte & d'Edipe eft le fujer
de la premièe ; l'horreur & l'effroi font peints fur
les figures pincipales , avec une éergie qui paffe
dans l'ame du Spectateur. Héode alfallin' des parens
de Marianne , fon perféuteur comme celui de fa
familie , & lui demandant fa tendreffe , eft le fujet
de la feconde. La troifièe préente Brutus , fuppliant
les Dieux de pardonner àRome le déai
qu'elle a apportéàcondamner Tarquin . La quatrièe
, Lufignan au nilieu de les enfans , qu'il vient
de reconnoîre , & exprimant la reconnoiffance envers
Dieu , qui lui rend Zaire , & fon doute for
la religion qu'elle profeffe . Toutes ces figures ont un
caractèe bien prononcé; Zaïe feule cache fon vifage
& fon trouble. La cinquièe offre Zamore , rélamant
les fermens & la foi d'alzire , éanouie entre
les bras d'une de fes femmes. Dans la fixièe , An-
( 1 ) La foufcription fera fermé àla fin de ce mois pour
Paris , & àla fin du mois prochain pour la Province & pour
l'éranger. Elle eft de 132 liv . , dont on paye 27 en foufcriyant
& pareille fomme en recevant chaque livraiſn pour
les exemplaires en papier fin d'Angoulêe. De 264 done
on paye en foufcrivant 54 pour le papier de Hollande . De
$76 pour l'exemplaire in-4 . , papier d'Annonay , & dont on
Pay 144 liv. en foufcrivant.
-
7181 )
a
toine montre au Peuple Romain les Reftes de Céar.
En voyant cette Eftampe on déiteroit que les Coméiens
qui repréen ent cette Pièe , ellayallent
d'imiter le Peintre habile qui a rendu ce tableau . La
feptièe eft de l'effet le plus agréble , & qui contrafte
avec les prééentes ; elle eft destiné àêre
placé au-devant de la Coméie de l'Indiferet. La
huitièe offie la Baronne irrité des graces de Nanine
, & s'empreffant de lui dire : Gardez- vous , je
vous prie , d'imaginer que vous foyez jolie. Les
deux dernièes Ettampes font , l'une pour le pauvre.
Diable , & l'autre pour l'Ingéu ; & toutes séondent
aux talens fupéieurs de M. Moreau le jeune
qui les a destinés , & qui a préidéàla gravure faite
par les meilleurs Antiftes ( 1).
:
»Le Musé de Paris a tenu le 6 de ce mois ,
àl'occafion de la paix , une fénce publique . M. le
Docteur Franklin , membre du Mafé , s'y eft rendu
à heures dè qu'il a paru , le public lui a téoigué fa fatisfaction par des applaudiilemens redou
blé . M. de Cailhava , Préident en exercice , a fat
l'ouverture de la fénce par ua Difcours analogue à la circonftance. M. Trincano a lu un Difcours fur
l'éat de paix confidéérelativement au bonheur & à la force des Nations . M. de Paſoret , un Parallèe
raifonnéde la léiflation des Francs & de celle des
Germains. M. l'Abbéde Cournand , Secréaire da
Mufé , un Difcours en vers fur la protection que
les Princes & les Grands doivent aux Arts , aux Lettres
& aux Sciences . M. l'AbbéGuyot , un Eflai far ,
les avantages des jeux & exercices publics , confdéé
dans leur rapport avec la conftitution des
Etats . M. l'AbbéCordier de Saint-Firmin , une Epitre
en vers àun Magiftrat , compofé par M. de la
Louptiere , correfpondant du Mufé. M. du Carla ,
(1 ) Ces Estampes préieufes fe trouvent chez M. Moreau ,
Deflinateur & Graveur du Roi & de fon Cabinet , rue du Coq
St-Honoré
(, 182 )
Vice Pré .ident de la Sociéé, un Difcours fur la ré volution préente de l'Améique. M. de Paftoret ,
une Eş ître en vers fur les Soupers de Paris , par M.
de Lanier , correfpondant du Mifé . M. l'Abbé Brifard , une Alléorie ingéicate cùil a rapproché les faits les plus intéeffans pour la Nation , fous
le titre de fragment de Xéophon , trouvépar un
Anglois dans les uines de Palmyre. M. Vieith , des
Stances de M. Berenger , correfpondant d'Orléns ,
avec ce titre le Sage bienfaifant . M. Pons de Verdun
, difféens Contes en vers . M. l'Abbéle Monnier
, deux Fables , l'une intitulé le Ruiffeau , l'autre
le Cheval bledé. M. Court de Gebelin , Pré .ident
honoraire perpéuel , 3 morceaux extraits d'un ouvrage
en vers , qui a pour titre : 1 Aigle Voyageur.
M. de Piis , un fragment de fon Poëe fur l'harmonie
imitative. - La variéé, le goû & le choix des
morceaux qui ont éélus , les éoges du Roi , ceux
des perfonnes diftingués qui ont concouru aux fuccè
de la guerre & àla conclufion de la paix , ont
excitéla plus vive fenfation dans l'affemblé qui
éoit trè-nombreu e & trè -brillante. Le Bufte du
Docteur Francklin , dennéau Mufé par M. Houdon
, a éépréentéau public. Sa effemblance parfaire
, dont on écit en éat de juger dans le moment
mêe , a valu àcet habile Artifte les applaudiffemens
les plus méité . On a la des vers de M.
Vieilh , composé pour êre mis an bas de ce Buſe.
Le concert a éébrillant par le nombre & le méite
des excellens Artiftes qui ont concouru àle former ,
par l'i telligence qui a rénéentr'eux , & par l'enthoufia
me avec lequel ils fe font prêé aux vues
du Mufe de Paris , d'une manièe auf honorable
pour eux que fari faifante pour le public Ils ont fait
l'ouverture du Concert par une fuperbe fymphonie .
de Golfec. M. l'AbbéGontier a chantéun morcea
de Profe cadencé , mife en muliq e par M. Navogil
l'aîé. MM de la mufique de M. le Comte d'Albaret
ont chantéle Sommeil d'Athys , avec des paroles
I
( 183 )
de M. Garnier , membre du Mufé , relatives àla
paix , & ane Chanfon en quatuor fur la paix &
fur l'air de Malborough , paroles du mêe Auteur.
Mademoiſlle Ponti a exéutéavec M. Neveu un
duo àquatre mains fur le piano forté. Elle a exéuté enfuite une fonate de fa compofition. M. Coufineau ,
Luthier de la Reine , a exéutéfur la harpe une
fonate de M. Cardonner. M Adrien a chantéune
fcèe Italienne , qui a ééfort applaudie . Le concert
a fini par une fymphonie de la compofition de M.
Bach ".
Le Déô gééal des mèhes éonomiqué
du Sieur Léer que nous avons annoncés
, eft àParis rue & Hôel Serper te.
C'eft au fieur Buiffon , Directeur de ce déô audit
Hôel , & feal chargéde la diftribution pour
les Provinces & les Pays érangers , qu'il faut adreffer
les lettres & l'argent francs de port. Il expéiera,
avet cééitéles demandes qui lui feront faites ,
par les diligences & autres voitures , dans des
boîes faites exprè , qui peuvent en contenir plu
fieers douzaines ; le prix de la douzaine de mèhes
marqués no. 1 , qui confument un quarteron d huile.
dans 20 heures , eft de 30 fols ; la douzaine marqué
no. 2 , en confi me la mêe quantitéen 18
heures , & coûe 36 fols ; celle n°. ; , qui confume
autant d'huile en 12 à13 heures , coute 2 liv .;
les mèhes rondes ou de nuit en 22 ou 24 heures
coûent 24 fols. Le prix de la boîe qui les contient
eft de 10 fols , qu'on paie àpart ( 1 ) .
>
(2) On trouve àla mêe adreffe un Ouvrage qui peut piquer
la curiofité, & dont le titre indique l'objet . Bibliothèue
Phifico éonomique inftructive & amufante , recueillie en
1782 , contenant des Méoires & Obfervations - pratiques fur
l'éonomie rustique , fur les nouvelles déouvertes les plus in-.
téeffantes ; la Defcription des nouvelles machines inventés
pour la perfection des Arts utiles , agrébles , &c. nombre
de recettes , pratiques & procéé déouverts en 1782 , fur
les maladies des hommes & des animaux , fü l'éonomie
( 184 )
Le Public qui a vu avec plaifir le Sa
vetier & le Financier , Opéa comique de
M. Rigel , apprendra avec plaifir que ce céère
Compofiteur vient d'en arranger l'ouverture
pour le fortépiano avec accompagnement
d'un violon , ainfi qu'un recueil
d'airs choifis du mêe Opéa. Il fe peut que
ces mêes morceaux qui font trè agrébles
engageat d'autres Muficiens àles arranger
pour le clavecin ; mais le Public élairé prééera toujours le travail fait par l'Artifte
habile qui les a compofé ( 1 ) .
Pierre Laurel , ayant fervi dix-fept ans
fous le rène de Louis - le Grand , blefféau
fort d'Eſarpe au fiée de Lille en 1708 &
retiréen 1711 , eft mort en la paroiffe du
Menil-Oury , Diocèe de Lifieux , dans la
103e. anné de fon âe , le 26 Déembre
dernier. M. Noë Dupendant , Carédu
mêe lieu , y eft mort le 15 Férier dernier
, âéde 107 ans , ayant continuéde
remplir fes fonctions jufqu'à104 ans .
Edme-Françis Marcel d'Allonville , Sire
de Fuligny , Baron d'Oifonville & de Vertoin
, ancien Officier au réiment des
Gardes - Françifes , eft mort dans fon Châomeftique
, & en gééal fur tous les objets d'agréent &
d'utilitédans la vie , avec des planches en taille - douce ; prix
3 liv. relié& 2 liv . 10 fols broché, franc de port par la poſe.
(1) L'ouverture du Savetier & du Financier coûe 2 liv . ,
in- 8° , & le recueil d'airs choifis du mêe opéa 4 liv. 4 fols ,
ce dernier forme l'Euvre quinzièe de M. Rigel , l'un &
L'autre fe trouvent chez lui , rue neuve St-Roch , la deuxièe
porte cochèe àgauche par la rue neuve des Petits Champs.
( 185 )
teau de Fuligny en Champagne , le 3 Mars ,
dans la . 89e . anné de fon âe.
Françis - Jofeph Charles de Kergu , Prêre
, néau Châeau du Plefiis -Trin , Diocèe
de Dol , le premier Novembre 1713 ,
eft mort àRennes le 14 Férier 1783 , à P'Hôel des Gentilshommes , dont il éoit
Supéieur principal , & dont il eft regardé àjuste titre comme premier Inftituteur ,
ainsi que de l'Hôel des Demoifelles . Ces
deux éabliffemens d'éucation gratuite pour
la pauvre Nobleffe , auxquels il a confacré fa vie entièe , lui doivent leur exiftence.
Son zèe avoit excitéla bienfaifance des
Etats de Bretagne , celle d'un grand nombre
de particuliers de la province , & a méité l'approbation du Gouverneur. Les Bureaux
d'Adminiſration des deux Hôels , ont arrêé de faire céérer pour l'Abbéde Kergu ,
un Service folemnel , & ont priél'Abbéde
Boisbilly , Vicaire-Gééal du Diocèe de
Rennes , & ancien Commiffaire des Etats
de Bretagne , d'y prononcer l'éoge funère
de ce Prêre citoyen.
De BRUXELLES , le 18 Mars.
Les lettres de Portugal portent que la
Reine a réolu d'accorder dans fes Etats la
libertéde la navigation aux ſjets des Etats-
Unis de l'Améique , & que le decret royal
àce fujet ne tardera pas àêre publié. Les
droits qui fe lèent fur les effets érangers
qui entrent en Portugal pour êre tranfporté
directement àGoa , ainfi que fur ceux
( 186 )
.
qui reviennent de cette ville de l'Inde en
Europe , ont ééfufpendus. Ils feront enfuite
réuits à4 pour 100 , ce qui ne peut
que faire fleurir davantage le commerce de
ce Royaume.
Les lettres de Hollande n'annoncent point
encore l'arrangement de la Réublique avec
l'Angleterre , on s'y flatte toujours qu'avec
la méiation de la France cet accommodement
ne tardera pas , & que les Provinces-
Unies feront remifes dans la pofition oùelles
fe trouvoient , eu éard àleurs territoires
& àleurs poffeffions au commencement des
hoftilité. On dit que la Cour de Londres
confent àla reftitution de Néapatnam &
de Trinquemale , & que la Réublique de
fon côérenonce aux indemnité qu'elle
demandoit.
La grande affaire des fervices fédaux que les
Sééhaux des diſricts de la Province d Over-Yel
exigeoient, quoiqu'ils euffent ééfupprimé dans le
fièle dernier , & que l'on a voulu abolir de nouveau
eft enfin terminé. On connoî les déagréens
& les perféutions qu'elle a occafionné àM. la
Baron Van-der Capellen du Pol , qui a ééréabli
dans fes droits au moment mêe oùles fervitudes.
ont ééanénties. Comme il en réulte une perte
pour les Baillifs , on a déibééfur les moyens de
les en déommager ; & l'Affemblé a nommédes
Commiffaires pour examiner ce qui feroit convenable
, & en rendre compte au Corps Equeft: e & aux
Villes de la Province. Cette Affemblé a pris aulfi
la réolution fuivante au fujet de l'affaire des vailfeaux
qui eurent ordre l'anné dernièe de fe rendre
àBreft. Le Corps Equeftre & les Villes adoptant
1
( 187 )
àcet éard la réolution des Etats de Hollande Sé de Weltfrife , penfent qu'il faudroit que L. H. P.
nommaffent une Commiflion chargé d'examiner
fans déai , fi la difette du néeffaire préexté par
lé Officiers commandé pour cette expéition a eu
lieu , & combien les Collèes d'Amirauté peuvent
y êre impliqué ; afin que dans le cas oùil
confteroit par le rapport de cette Commiſ .ion , que
ces Collées ne fe trouvent ni in mora , ni in culpâ,
il puiffe êre pris des diffofitions àcet éard , &
procééàla recherche des Officiers ou de ceux
qui peuvent s'en êre mêé , fans l'intervention
d'aucun examen prélable «.
PRÉIS DES GAZETTES ANGL. du 8 Mars.
L'arrangement pour la nouvelle Adminiftration
n'eft point encore terminé; tout ce que l'on fait
c'est que
fi cette affaire n'eft pas finie d'ici au 10 ,
le Parlement la prendra en confidéation . Il n'y a
qu'une voix fur le compte du Lord North , pour
la manièe honnêe & loyale , dont il s'eft conduit
pendant tout le cours de cette néociation.
L'octroi d'une Penfion de 2681 liv . par an , au
Lord Thurlow , a pafféan grand Sceau le de. ૬હ . .
ce mois. Ladite Penfion aura lieu jufqu'àce que
la place ( Tellership ) qui lui eft destiné àl'Echiquier
foit vacante , éoque àlaquelle ce Lord ,
éant mis en poffeffion de ladite place , la Penfion ,
ceffera d'avoir lieu .
Le 6 le Lord Howe a préidéau Bureau de l'Amirauté , oùil a ééordonnéde mettre en ordinaire
, un plus grand nombre de vailleaux .
Tous les vaifeaux de l'Inde actuellement à
Portſouth , partiront enfemble pour leurs defti- ,
nations refpectives vers la fin de ce mois , éoque
àlaquelle ils ne courrent plus aucun rifque , d'êre
pris par l'ennemi .
Huit bâimens , deftiné pour la Chine , font
en route pour les rades de Cowes & d'Yarmouth.
( 188 )
Plufieurs vaiffeaux deftiné pour les Ifles , ayant
reç des pafleports de France , d'Efpagne & d'Améque
, font partis de Torbay fans con oi.
On a reç le 6 des déêhes de Gibraltar , en date
du zo Férier ; il y éoit arrivéde Livourne quatre
bâimens Italiens avec de riches cargaifons . Ces
bâimens , chargé pour Londres , ne devoient faire
qu'une courte relâhe dans ce Port .
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉÉ ( 1 ) .
PARLEMENT DE PARIS. Fonctions des Avocats
& Procureurs de la Sééhauffé de Moulins.
Vu par la Cour la Requêe préen é par le
Procureur- Gééal du Roi , contenant qu'il eft in.
forméque les Procureurs de la Sééhauffé de
Moulins font journellement des éritures du minitèe
des Avocats , & entreprennent de traiter des
queftions de Droit & de Coutume ; & comme il eft
important de pourvoir àce que les fonctions des
Procureurs foient réuites dans les bornes qui leur
font preferites par les rèlemens , &c. - La Cour
ordonne que les Arrês de rèlemens dont il s'agit ,
ferent exéuté felon leur forme & teneur ; en
conféuence maintient & garde les Avocats de la
Sééhauffé de Moulins dans le droit de plaider
feuls & privativemet les caufes d'appel ou celles
en matièe de droit & de coutume ; comme autfi
de faire les griefs , caufes d'appel , avertiffemens
dans les affaires appointés en droit , réonſs ,
contredits , falvations , & les autres éritures de
leur ministèe fait déenfes aux Procureurs de
ladite Sééhauffé de plus faite aucunes éritures
du ministèe des Avocats , mêe par Requêe ;
ordonne que les éritures du ministèe des Avocats
n'entreront point en taxe , fi elles ne font faites &
fignés par un Avocat du nombre de ceux qui feront
:
(1 ) On fouferit en tout tems pour ce Journal , du prix de
15 liv. , chez M. Mars , Avocat , rue & hôel Serpente .
( 189 )
inferits fur le tableau ; orioane que les Avocats ne
pourront figner des éritures qu'ils n'auront pas
taites , ni traiter de leurs honoraires avec les Pio-
Curents , àpeine contre les Avocats qui en feront
convaincus , d'êre rayé du tableau ; & contre les
Procureurs , d'interdiction pendant fix mois , pour
la premièe fois , & pour la feconde fois d'inter
diction pour toujours ; ordonne que le préent Arrê
fera lu & publié, l'Audience terante de la Séé chauffé de Moulins , & inferit fur les regiftres
dudit Siée , & fignifiéaux Procureurs , àce qu'ils
aient às'y conformer . Fait en parlement le 6 Septembre
1782.
Frouver,
PARLEMENT DE ROUEN.- Curéadmis à vis-àvis du gros Déimateur , fa poſ .eſ .ion ſr les
menues & vertes dimes. La queftion s'elt éevé
entre les Doyen & Chapitre de la colléiale de Mortain
, & le Curéde Notre-Dame de Tinchebiai.-
Par une charte de 1082 , les Comtes de Mortain ont
fondédans la vile de ce nom , une Colléiale compolé
de feize préen les ils ont attachéles fonctions
de Thélogal ou Préendier de Goron , & lui
'ont donnépour revenus , la dîe de la Lande pourrie
: decimam tolius Landa putride. En 1746 ,
la Thélogale a ééfupprimé & sénie àla manfe du
Chapitre ; ainfi la Colléiale eft maintenant au droit
du Thélogal . La Laade pourrie paroî êre une
forê dériché. Son terrein eft partagéentre quinze
àfeize paroifles qui l'avoifinent : Notre - Dame de
Tinchebrai eſ du nombre. Cependant les Chanoincs
de Mortain , auxquels on ne contefte point la dime
des gros grains , qui leur a ééprobablement accor
dé dans l'origine , àtitre d'indemnité, ont disputé au Curéde Tinchebrai toutes les menues & vertes
dîes , & lui ont offert l'honoraire de fa defferte en
argent, - Sentence du Bailli de Mortain , du 22 Juin´ 1775 , qui avant faire droit , appointe le Curéàla
preuve par lui demandé. - Appel de la des
part
Chanoines. Arrê confirmatifle 12 Férier 1783 ..
-
---
― ( 190 )
PARLEMENT DE BRETAGNE.
-
― Penfion ne peut
êre retenue fur des bééices ré .igné ; en quel cas.
-Vu par la Cour , la requêe de La Cour faifant
droit fur les conclufion's du Procureur Gééal du
Roi , fait déenfes àtous titulaires de cures , préendes
& aurres bééices imcompatibles de retenir penſon
fur celui des bééices qui fera par eux ré .ignépour
garder l'autre , & àtous Notaires de rapporter en
pareil cas la réerve de penfion , àpeine de nullité,
& d'êre procééextraordinairement contre eux ;
fait
pareilles déenfes aux titulaires des cures ou de préendes
, qui les auront réigné avec penfion , & qui
ont ééou feront pourvus dans la fuite d'une autre
cure ou préende , d'exiger les arréages de ladite
penfion par eux réervé fur le premier bééice qu'ils
poffedoient ; ordonne que le préent Arrê fera imprimé , lû& affichépar- tout oùbefoin fera .... afin
queperfonne n'en ignore. Fait en parlement àRennes,
ce 14 Aoû 1782. SignéTRUBLET .
Contestation re-
BAILLIAGE DE MIRECOUR .
lative àla fucceffion d'un Hermite, -Lépold Petit-
Jean dit frere Valbert , Hermite de l'Inftitut de
Saint Antoine & de Saint Jean- Baptiſe , habituédepuis
long-tems de Sainte- Menne , s'eft noyéle préier
Férier dernier dans un ruiffean voifin de fa retraite.
Les parens de cet Hermite ont requis le
Juge du Chapitre de Pouffay , Seigneur du territoire
oùl'hermitage eft fitué, d'appofer les fcellé fur les
effets déaiffé par le frere Valbert , qui avoit la réetation
de faire un commerce affez confidéable en
fouliers & en miel . Le Juge feigneurial a déééà cette requêe ; mais les fcellé ont éécroisé par les
Officiers du Bailliage pour la confervation des droits
de l'Inflitut & le maintien de la juriſiction des Officiers
royaux. Les Supéieurs vifiteurs des Hermites
ont demandéla levé des fcellé . Le Bailliage
a fait déenfes aux parties de fe pourvoir ailleurs
que pardevant lui en premiere inftance. —En
-
( 191 )
conféuence , les parens du frere Valbert ont fait
aligner l'Inftitut au Bailliage de Mirecour , & ont
demandéun Commiflaire de ce Siée pour procéer
àl'inventaire des effe: s de la fucceflion par eux préendue
. Les Hermites ont foutenu qu'on ne pou
voit pas faire d'inventaire dans leurs hermitages.-
Et le 15 Férier 1783 , fur les conclufions de M.
l'Avocat du Roi , le Baillage de Mirecour a ordonné qu'il feroit procéépardevant M. Gaillard , commis
àl'inventaire des tities de famille , papiers & contrats
, ainfi que des effets de trafic & commerce feulement
, Jaiffé par le frere Va bert , avec cet e modification
remarquable , que l'on ne pourroit comprendre
dans cet inventaire les habits , meubles
outils , livres & effets fervans àl'hermitage , & qui
ont éédè ce moment abandonné àl'Inftitur.
PARLEMENT DE TOULOUSE. Gâeau des Rois,
(Caufe extraite du Journal ( 1 ) des Cauſs céères ) .
L'ufage de faire les Rois , on une fêe éuivalente
, eft trè - ancien . Il fe pratiquoit chez les Juifs ,
les Grecs & les Romains . Nous nous en tiendrons - là fur fon origine , afin qu'on ne nous accufe pas de
remonter jufqu'au déuge , far un point d'hiftoire.
peu intéeffant en lui-mêe , quoiqu'aprè tout , il
foit affez intéeffant pour l'homme accabléde maux
& de peines , de les oublier quelquefois , & de réarer
Les forces morales dans la joie d'un feſin où rènent la gaieté& l'amitié; & pour la fociéé,
de conferver ces jours de concorde & de fenfibilité,
oùles familles fe raffemblent àla table de leurs
chefs , refferrent entr'elles les liens de la nature &
du coeur , & éeignent fouvent , dans la bonne hu-
( 1 ) On foufcit pour ce Journal , qui a le fuccè le plus
méité, chez M. des Effarts , Avocat , rue Dauphine , Hôel
de Mouy , qui nous a lui - mêe fourni l'extrait de cette
caufe , & chez Méigot le jeune , Libraire , quai des Auguftins
. Le prix de l'abonnement eft de 18 liv . pour Paris & de
24 iv. pour la Province ,
! 1921 )
''
→
meur de la fêe & l'effufion des fentimens doux ,
d'anciennes injures , des haines fatales . Mais comment
faire les Rois fans un gâeau , fans ce gâeau
fi cher àl'enfance , & mêe aux âes plus Lex
& qui cache dans on tein , la fèe préieuſ qui
doit couronner un des convives ; qui fait naîre dè
le préude du feftin , cette homeur vive & gaie
qu'on n'attend dans les autres galas , que des vapeurs
du dîer & de la mouffe péiliante du vin d'Aï?
Si le pèe de famille n'offre point le gâeau des
Rois àla table oùil rénit fes enfans ; fi le boulanger
malin , cu fars méoire , n'a conftruit qu'un
gâeau vulgaire , fans la fèe royale qui le diftingue ,
plus de joie , & le feftin n'eft plus qu'un diner. Il
n'y a que le boulanger qui le donne qui voit le
gâeau fans joie , ou mêie avec chagrin , s'il eft
avide , comme un retranchement annuel fur les
bééices . Ii eft des villes cu fon préent eft entièement
libre : il en eft d'autres oùle tems & l'ufage
lui en ont fait un devoir . A Touloufe , les boulangers
ont coutume de donner le gâeau des Rois
àleurs pratiques , & le jour mêe de cette fée.
L'anné dernièe ne fut pas heureuſ en r'colie
pour cette province : la cherté, la difette des graius ,
dont le prix cependant le partage ente les contommateurs
autant qu'entre les fabriquans du pain , les
fit difpenfer de leur préent ordinaire , fans tirer à conféuence pour l'avenir. Les Boulangers , bien plus
fatisfaits de l'exception que de la rèle , oublièent
Ja reftriction mife àla grace par les Magiftrats Municipaux
, & voulurent commencer àcette éoque
un nouvel ufage deftructif du premier. Ils refuse rent
net le gâeau de cette anné . Les Capitouls inftruits
de ce refus , appaisèent la plainte univerfelle par
une Ordonnance du 31 Déembre 1782 , qui enjoignit
aux Boulangers ingrats , de donner le gâeau
des Rois fuivant l'ufage. Cette Ordonnance vient
d'êre confirmé par un Arrê qui a éérendu fur
les conclufions de M. l'Avocat- Gééal Reffeguier .
www.m
1
JOURNAL
POLITIQUE
DE BRUXELLES.
Q
TUR QUI E.
De SMYRNE , le Is Férier.
UOIQUE l'on dife depuis quelque tems
des difpofitions pacifiques du Divan ,
relativement aux difféends furvenus entre
la Ruffie & la Porte , & que l'on ait lieu
de fe flatter qu'il n'y aura aucune rupture ,
il est arrivéici des ordres pour faire lever
300 matelots , qui partiront fur- le-champ
pour Conftantinople. On dit que tous les
chantiers de cette Capitale font actuellement
remplis d'Ouvriers occupé àremettre tous
les vaiffeaux en éat. Les ordres expéié ici
pour enrôer des matelots ont ééenvoyé
éalement dans difféens ports de cet Empire
, & les Bachas font exprefféent chargé
de veiller àce qu'ils foient promptement
exéuté.
Il est entréavant-hier dans ce port un
navire Danois nomméla Ville d'Altona ,
Capitaine Hans- Hull ; il vient de Rotter
dam .
29 Mars 1783.
i
( 194 )
DANEMARCK:
De COPENHAGUE , le 26 Férier.
LE Roi , dont les vues bienfaifantes ont
pour objet ſéial l'augmentation du commerce
national , vient d'encourager par des
avances confidéables la pêhe de la baleine
au déroit de Davis , & la conftruction de
plufieurs vaiffeaux marchands dans les difféens
chantiers du Royaume . Le canal creufé· dans le Duchéde Holftein pour joindre la
Baltique àla mer d'Occident avance , & on
croit qu'il fera navigable au commencement
de l'anné prochaine.
La Compagnie d'Affurances de cette Ville
a tenu dernièement une Affemblé gééale
, dans laquelle elle a fixéàSo éus le
bééi e de chaque action ; le lendemain il
en a éévendu plufieurs àraiſn de 610 éus
chacune .
On érit de Moff en Norwèe , que le
20 du mois dernier le navire les Trois- Frèes
a ééréuit en cendres avec toute fa cargaifon
, qui confiftoit en bois de conf
truction.
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 26 Férier.
On a beaucoup parléde l'éection d'une
Compagnie Economique nationale ; ce projet
avantageux àla Nation va êre rélifé;
& voici le plan & l'objet de cette inftitution
.
( 195 )
»La Compagnie Economique Nationale aura fon
Préident , fon Adminiftrateur & fon Caiffier ; il y
aura pour les fonds une chancellerie particulièe ,
pourvue des Officiers néeffaires. Ces fonds feront
principalement employé àfournir le pays de fel , àdé
couvrir les méaux & les minéaux qu'exige la fabrication
des monnoies . On tâhera encore d'éablir une
banque publique qui prêera de l'argent dans le befoin
aux particuliers , avec des intéês convenables.
La Compagnie s'occupera des manufactures da
Royaume , & fur- tout d'y introdure les plus indifpenfables.
Elle formera des magafins publics dans
les Provinces . En faifant des recherches fur les caufes
de déopulation dans ce Royaume , elle cherchera
les moyens d'y reméier. En s'occupant de
l'augmentation des revenus de l'Etat & de ceux du
Rei , elle exclura tout ce qui tendroit àl'accroiffement
des impôs , àl'introduction des monopoles
& àtout autre éabliſ .ement pernicieux «,
ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 8 Mars,
L'ARCHIDUC - MAXIMILIEN ne quittera
'Italie qu'au mois de Juin prochain ; on ne
croit pas qu'il revienne fur-le- champ dans
cette Capitale. Le bruit gééal eft qu'il
pourra paffer en France & dans les Pays -Bas
pour y voir fes auguftes Seurs ; alors il
reviendroit par Cologne , Munſer & Mer,
gentheim.
En conféuence d'un ordre de l'Empe
reur , on ne céérera plus àl'avenir qu'ure
Meffe àla fois dans chaque Eglife & toujours
au mêe Autel. Le but de cette innovation
eft de déaciner l'idé des petites dé i 2
( 196 )
votions particulièes & des Autels priviléié.
Cependant fur les repré .entations de
l'Archevêue , on excepte de ce rèlement
L'Eglife de S. Etienne , oùl'on pourra dire
3 Meffes en mêe- tems , parce que cette
Eglife eft conftruite & divifé , de manièe
àrepréenter trois Eglifes diftinctes.
:
L'Ambaffadeur , beau-frèe du Roi de Maroc , eft
de moyenne taille , & âéde si ans ; d'un caractèe
doux & affable. Il ne parle qu'Arabe & les difféens
idiomes de fon Pays , & des Etats circonvoisins .
Sa peau est trè- noire , mais il a les traits du vifage
trè- réuliers ; fon menton eft entouréd'une barbe
noire ; il porte un bonnet àla manièe des Arabes ,
& un vêement de moufleline blanche femblable au
rochet de nos Eccléiaftiques , qui recouvre une
vefte noire àla Turque ; il n'a point de bas ; une
large culotte lui defcend jufqu'àla cheville du pied ;
fa chauffure eft des fandales un large fabre pend
àfon côé Les gens de fa fuite , trè - bruns de
peau , ont des veftes de diverfes couleurs , mais ils
portent tous un marteau blanc & des chemiſs avec
des manches trè- larges , coupés comme celles des
femmes Europénnes. Le Secréaire de léation eft
le plus blanc de vifage , & fa barbe eft blanche.
Il parle un peu d'Italien ; il a trois Muficiens àfa
fuite ; mais nos oreilles ne peuvent fe faire àleur
mufique . L'Ambaffadeur ne mange que les mets que
lui apprêent les cuifiniers. On lui fert toujours 12
plats ; fa boiffon fe borne àune espèe d'hydromel
trè-fucré& au thé, avec du badian .
De HAMBOURG , le 10 Mars.
LES préaratifs de guerre qui avoient
ceffédans la Bohêe , viennent tout-à coup
d'y recommencer de nouveau ; & l'on y
( 197 )
voir plus d'activitéque jamais ; on eft auffi
fort occupédans les arfenaux d'Autriche &
de Hongrie ; ces mouvemens font le thermomère
des fpéulations de nos Politiques ,
qui tantô annoncent la paix , tantô la
guerre , & qui préendent aujourd'hui que
quoiqu'on en dife, l'éincelle apperçe en Cri
mé , annonce un grand incendie . Quelquesuns
de nos papiers parlent déa de quelques
hoftilité commifes par les Turcs contre les
troupes Ruffes , qui , fi elles avoient eu lieu
en effet , pourroient avoir des fuites fâheufes
; mais ces braits vagues ont ééfi ſuvent
réandus & déentis , que l'on ne peut y
prêer encore aucune confiance .
»L'Empereur , érit- on de Vienne , paffant dernièement
àcheval au Port de Roffan , oùle trouvoient
quelques bâimens chargé de munitions ;
demanda l'Officier chargéde leur direction & de
leur infpection ; quelqu'un lui réond qu'il eft au
cafévoifin : un fecond court pour l'aveitir ; l'Officier
fe hâe d'arriver & voit l'Empereur qui éoit
déa montéfur le bâiment , & qui lui dit d'un ton
froid & féèe : il éoit inutile de vous prefler fi
fort ; vous êes le maîre de retourner : je ne veux
plus que mon fervice vous gêe dans vos plaifirs «.
Les mêes lettres de Vienne offrent les
déails fuivans.
»L'une des vues de l'Empereur eſ d'éablir dans
toutes les Ecoles de fes Etats la plus grande unifor
mitéde doctrine ; & pour y parvenir , il a ordonne
àtous les Ordres réuliers qui voudront permettre
àleurs fujets l'éude de la Thélogie , de les envoyer
tous , fans exception , àl'Univerfitéde la Capitale.
Il fe propofe auffi d'éablir une Ecole de
i 3
( 198 )
Thélogie & univerfelle , oùles Etudians de cha
que Secte , admife dans fes Etats , fe réniront aprè
avoir achevéleurs cours particuliers , afin d'y en
commencer un fur toutes les matièes non controverfés.
On regarde ce moyen comme propre à faire oublier tous les germes de divifion & de
haine contre les adorateurs d'un mêe Dieu «
ITALI E.
De LIVOURNE , le 26 Férier.
ON a reç de Naples la relation fuivante
du tremblement de terre qui s'eft fait ſntir
dans la Calabre & àMeffine le s de ce mois ;
cette relation eft du 18 , & l'Auteur dit
qu'alors les fecouffes continuoient encore.
Tacite
Les effets de ce tremblement de terre n'ont point
d'exemple dans les annales de l'Europe . Le feul qui
lui reffemble en tout point , eft celui des douze
Villes de l'Afie , arivéfous Tibere , & que
a fi bien dérit en peu de mots dans le fecond livre
de fes Annales ( 1 ) . Ces effets font fi terribles qu'ils
font capables de nous retracer une image de la fubmerfion
douteufe des Ifles Atlantides , de la féaration
des terres au déroit de Gibraltar , & de celle
de la Sicile d'avec le continent de l'Italie , éèemens
dont on n'a point de monumens authentiques .
Avant d'entrer dans le déail des effets de ce déaſre ,
il faut donner une idé de l'éendue du thé âtre ſr
lequel il s'eft manifefté Suivant tous les rapports
parvenus jufqu'àpréent dans cette Capitale , ce
thé âtre embraffe une ellypfe allongé d'Orient en Oc
cident , une partie de la mer Ionienne , toute la Calabre
méidionale , les ifles de Lipari , la pointe feptentrionale
de Sicile & cette partie de la mer de Tof-
(1) Eodem anno , duodecim celebres Afiæurbes collapfe
`nodurne motuterræquo improvifior, graviorque peftisfuit&é »
7199 )
---
cane qui fe joint àcelle d'Ionie par le Phare de Mef .
fine , connu autrefois fous le nom de Fretum ficulum.
Il n'eft pas inutile non plus de fe faire une idé de
la fituation de la Calabre . Elle eft divifé dans fa largeur
, en deux parties par un ifthme ou langue de
terre trè- éroite , entre le golfe de Ste - Euphéic
& celui de Squillace ( Lamenticum & Scyllaceum ) ,
fur lequel courent en direction oppofé , les fleuves
Amato & Corace . La partie méidionale forme ce
qu'on appelle Méatarfe ou la pointe du pied de la
fameufe botte d'Italie. Le terrein de cette péinfule
eft peut-êre le plus fertile de toute cette grande ré-
gion. On dit mêe que quoiqu'il ne forme pas la
vingtieme partie du Royaume de Naples , il produit
au moins le dixieme de fon revenu. Chacun fait que
ce pays entier a ééconnu ſus le nom de la Grande
Grèe ( Magna Grecia ) . C'éoit la patrie des arts &
des fciences , du tems de Pythagore & de fes difciples.
Il femble que le centre du tremblement de
terre-dunt nous allons donner la defcription , foit fitué imméiatement fous la partie méidionale & le
terme des ruines fixéaux deux fleuves don : on a déà parlé; tous les phéomèes fe réniffent pour confirmer
cette conjecture. Les parties les plus voifines de
fon éuilibre ont ééles plus fortement éranlés ;
des gouffres ouverts tout- àcoup y ont englouti tout
ce qui éoit àleur porté ; les arbres ont éédéaciné
, les villes déruites de fond en comble ; les eaux
courantes ont perdu ou cachéleur cours . Une riviere
trè-profonde a laifféfon lit àfec. La matiere
volcanique qui a produit tous ces mouvemens
doit le trouver àune profondeur immenſ , & êre
d'une violence inconcevable. L'éendue de la fuperficie
qu'elle a agité , & la pefante ar des montagnes
de granit qu'elle a foulevés, femblenten êre lapreuve
incontestable . Ses fecoufles ont communiquéleurs
impulfions deftructives àl'un & àl'autre ééent. Si
les éifices fe font éroulé , les navires n'ont pas
i
4
( 200 )
-
moins éétourmenté par la mer. Les canons avec
leurs affuts ont éééevé jufqu'àla hauteur de
quelques pouces fur les ponts des bâimens mouillé
àMeffine. La Fréate du Roi a érouvéces effets
. Le gonflement des flots s'eft fait fentir en mêe
tems & avec la mêe force que l'agitation des montagnes.
La maré a fouffert une irréularitéàTarente.
Le Aux a manquédans ce petit golfe , tandis que
les eaux fe portoient avec tant d'abondance dans le
Phare de Meffine , qu'elles inondoient les rivages
dont elles enterroient les malheureux habitans . Des
nouvelles poftéieures nous apprendront que les ravages
fe font éendus plus loin. Le tremblement
de terre a commencéle mercredis de ce mois. La
premiere fecouffe , la plus terrible de toutes & qui a
durédeux minutes, s'eft fait fentir àmidi trois quarts,
la fecon le prefque auffi forte , àfept heures de nuit ;
la troifieme qui a achevéde renverfer la Ville & les
Villages , a eu lieu le vendredi fuivant àdeux heures
& demie aprè midi . On en a comptéjufqu'au famedi
8 , vingt-cinq ou trente autres plus ou moins
léèes , & , felon les avis poftéieurs , on parle d'un
tremblement de terre continuel. Leur mouvement a
ééun composéde foubreffaut , d'ondulation & de
tréidation. Ce n'a pas éépréiséent un tremblement
de terre , mais un renversement de la fuperficie.
Tous les ééens , tous les êres vivans l'ont
reffenti. Le contrecoup s'eft éendu jufqu'àNaples &
fes environs , préiséent au mêe inftant que le
tremblement s'eft fait fentir en Calabre. - Entrons
actuellement dans les déails . Nous commencerons
par Melline , parce que c'eft de cette ville qu'on a
reç les premieres nouvelles du fléu . Il y a plus
d'un fiecle que cette ville céère dans l'hiftoire , &
jouiffant du fite le plus heureux , a commencéàérou
ver des calamité publiques. La guerre fut le premier
fignal de fa ruine , vers le commencement du
fièle dernier. La mort de l'Amiral Ruyter , qui éoit
'( 201 )
· venu pour en preffer le hée , fut le préage fatal de
l'anéntiffement de fa pro péitépolitique . La pefte
de 1743 la déeupla prefque entierement. Le tremblement
de terre dont il est ici queftion , boulverfant
fon fol , en a fait un amas de matiere calciné.
Sa belle Palazzata ou cercle de Palais , a éédéruite
de fond en comble. Le Village de Torre di Faro ou
l'ancien Cloro , n'offre que ruines . Les deux lacs
voifins ont éécomblé ; on ne fait pas encore file
refte de la Sicile a érouvéle mêe fort. Dans la
Calabre , lè déaftres ont ééencore plus grands. A
prendre du côéoccidental de l'Ifthme Lametico ,
On ne voit que villes & villages endommagé ou ruiné.
De ce nombre font Pizzo , Briatico , Bivona ,
Monteleone , Zelogafo , Tropea & tous les Hameaux
qui en déendent ; Milet & tous les environs , Palmi ,
Seminara , Rofarno , Oppida , tous les lieux fitué
dans l'ancien territoire de Mamerto. Les Habitans de
Palmi qui font prefque tous Manufacturiers , ont
éépour la plupart enfevelis fous les ruines avec leurs
méiers : ceux de Séinara qui font prefque tous
Agriculteurs , ont eu le bonheur de fe fauver : Pafquale-
Zaffioti , l'un des meilleurs difciples du Philofophe
Genoveſ a ééretiréavec peine des ruines de
fa maifon. Bagnara & tous les environs ont éédéruits
, ainfi que les autres lieux le long de la côe
jufqu'àReggio , & fur la pente des Apennins , la
Chartreufe de St-Stéhano de Bofco , la mere de
toutes les autres , & le fanctuaire principal des Dominicains
àSoriano , ont éérenversé de fond en
comble. En gééal , les maiſns religieufes ont éé plus en proie àla fureur de ce fléu que les autres.
L'éueil de Scylla , fi fameux par les deſriptions
qu'en ont donnés Homèe & Virgile , s'eft entr'ou
vert , & le Châeau fituéau -deffus , s'est éroulé en partie. Le Prince connu par les cruauté qu'il exerçit
envers fes Vaffaux, ne fe croyant pas àl'abri du
danger dans fon Châeau , bâi fur une roche , fe
2
is
( 202 1
• 6
fait
que
réugiadans unebarque fur le rivage , mais lesvagues
éant extraordinairement agités , àla feconde ſcouffe
detremblement de terre , l'emportèent & l'engloutirent
ainfi que la barque. Tous les gens , &
2700 de fes vaffaux qui s'éoient réugié dans leurs
barques fur les fables de ce rivage , péirent de la
mêe maniere ; on ne fauroit mieux appliquer qu'à ce Prince ce vers fi connu ; incidit in fcyllam cupiens
vitare carybdim. Ce Prince qui éoit octogéaire
fera peu regrettéde ceux de ſs vaffaux qui lui
out furvéu. On regrettera beaucoup , au contraire ,
la Princeffe de Géace Grimaldi qui a ééérasé avec
tous les gens , par le toî de fa maiſn , dans une de
fes terres appellé Cafalnuovo. Cette Princeffe éoit
adoré de fes vaffaux & aimé de tout Naples. On
fa maifon & fa table éoient ouvertes àtous.
Ses autres grands fiefs, Terranova , Drofi & Pieza ,
fitué fur la mer de Tofcane, ont érouvéles mêes
: déaftres ainfi que Géace , fituédans l'ancienne réion
de Locre , fur la mer Ionienne , & tout le pays
de Reggio , qui s'éend fur la rive méidionale de
cette Province. On peut dire en gééal que toute
la côe & tout l'intéieur du pays , depuis le cap
Spartivento jufqu'au cap Stilo & jufqu'àSquillace
ont érouvéle mêe fort. La partie de l'Iftlime depuis
cette derniere ville jufqu'àPizzo & Bivona , n'a
point ééexempte des ravages caufé par ce tremblement
de terre , Carafa & Vena , villages habité par
des Grecs Albanois , ainfi que Borgia , St- Floro , Girefalco
, Maida & autres lieux fitué plus en dedans
des montagnes , ont plus ou moins fouffert felon
leur proximitédu centre du mouvement. Queique
toutes les terres fitués au nord de l'Ifthme , n'ayent
érouvéufqu'àpréent d'autres dommages que des
crevaffes de murs & des chûes de toits , & qu'il ne
foit péi aucun homme , la violence & la continuité des fecouffes y a cependant plongéles habitans dans
la plus grande confternation & le plus grand ef-
2
( 203 )
froi. Ils vivent en attendant fous des tentes & dan's
des baraques que les gens aifé ont fait conſruire.
-Les dommages caufé par les fecouffes du tremblement
de terre , font certainement confidéables ;
mais ils auroient éébeaucoup moindres , fans les
incendies qui ont ééoccafionné par les matièes
combuſibles , tombés fur les cheminés , & dans
les brafiers ardens , àl'heure du dîer . On ne ſuroit
encore calculer le nombre d'hommes qui ont
péi. La perte des effets fera fans doute éorme ;
on en peut juger par ce qui fuit. Le Prince de
Cariati & fes Affocié , ont perdu dans les magazins
de Seminara & de Palmi , environ deux mille
bariques d'huile , éalués àplus de 70 ducats la
barique , & le Baron de Stizano , en a perdu mille.
Il a eu en outre le malheur de perdre toute fa
famille. On dit que l'huile couloit àgros ruiffeaux
dans quelques endroits , & dans d'autres le vin.
Une quantitéprodigieufe de balles de foie , a éé confumé par le feu . Les comestibles , & les autres
productions de la terre , qui font de premièe néeffité & celles deftinés au commerce , manquent
abfolument. La plus grande partie des habitans
, fe nourrit de viande & d'herbes. Les Chartreux
de St- Stefano , qui font toujours bien approvifionné
, ont envoyéacheter du pain , àMonteleone.
Les habitans fe nourriffoient àMeffine , de grains
& de léumes bouillis , qu'on avoit trouvé à Bord des bâimens venus de la Pouille , & chargé
pour Naples . Un des Couriers expéié pour cette
ville , n'a pris d'autre aliment fur toute la route
qu'il a parcourue dans cette malheureufe péinfule ,
qu'un morceau de fromage , qu'il avoit emportévec
lui , & il n'a bu que de l'eau de rivièe. Celui
parti de la pofte de Naples pour la Sicile , éant
arrivéàMonteleone , a ééobligéde rebrouffer
chemin. Tout offre en effet le fpectacle de la
déolation , & de la mort. Un fombre effroi s'elt
i 6
( 204 S
-
emparédes coeurs les plus audacieux. Une pluie
a mis le comble aux déaftres , en offrant aux habitans
confterné , tous les fignes redoutables de
la colèe Divine. Le Roi ayant ééinforméde
ces déaftres , a éépééréde la plus vive douleur.
Le Gouvernement s'eft occupéauffi-tô des
moyens de venir au fecours des habitans de la
Calabre & de la Sicile. Le Chevalier Acton , qui
ále déartement de la Marine & de la guerre ,
a fecondéavec tout le zèe poffible , les mouvemens
de la tendreffe paternelle du Monarque. Dè
les premièes nouvelles , apportés par le Capitaine
Caffiero de Melazzo , ce Miniftre vigilant , a eu
l'attention de fe pourvoir de tout ce qui pouvoit
contribuer au foulagement des malheureux , foir
pour guéir leurs bleffures , ou pour leur procurer-
des alimens. La fréate qui éoit venue
donner la nouvelle de la deftruction de Meffine ,
a dûremettre ce matin àla voile , pour eſorter
quelques bâimens , chargé de tous ces fecours.
D. Vincenzo Pignatelli , s'eft rembarquépour
aller rejoindre fon réiment , en garnifon àMonteleone.
Le Prince de Cavalraſ , s'eſ hâéauffi
de fe rendre àfon Gouvernement de Meffine.
On doit préumer que le Vice- Roi Caracciolo
dont la philantropie eft connue , n'aura pas manqué de préenir par fon zèe & fon activité, les
fages mefures prifes par le Ministèe ; aprè s'êre
Occupéda foulagement des habitans de la Sicile ,
il aura éendu fes foins àceux de la Calabre.
On dit que la Princeffe Douairièe de Villafranca
, a préenu les defirs de l'humanité. Elle a
ouvert fa bourfe , & les magazins de fes terres ,
pour fecourir les malheureux compatriotes. Le
Roi a remercié, par une lettre figné de fa main ,
cette dame gééeufe. Pour empêher l'éigration
des habitans confterné , le Confeil du Roi
a ordonnéque tous les Calabrois & les Siciliens
-
( 205 )
néeffiteux qui fe réugieront dans la Capitale ,
foient pourvus de tout ce qui leur fera néeffaire ,
& renvoyé chez eux pour y reconſruire leurs
maifons. On a fait plus. On leur a envoyédes
fecours , mêe par mer ; & le Maréhal Pignatelli ,
accompagnéd'un grand nombre de perfonnes intelligentes
& actives , eft parti dimanche 16 de
grand matin pour porter ces fecours. M. le Marquis
de Marco , Miniftre des affaires intéieures ,
a érit àtous les Evêues & Gouverneurs des
Pays déolé , d'employer aufki l'argenterie des Eglifes
, qui en ont prodigieufement , au foulagement
des malheureux ; on a mêe infinuéàcet effet ,
aux Seigneurs de fe rendre àleurs terres . Celles des
Ducs de Monteleone & de Seminara , des Princes
de la Roccella & d'Ardore , font en effet fur les
territoires oùle tremblement de terre s'eft fait
fentir. Le Duc de la Guardia eft déa parti , pour
aller recueillir la riche fucceffion du Prince de
Scylla , fon ayeul , qui a éénoyé- Le Gouvernement
a pris en outre des mefures pour préenir les
fuites fâheufes de la terreur , dans une ville auffi
peuplé que Naples , & éalement fujette aux effets
fubits des fermens Volcaniques . Il a fait fufpendre
tous les fpectacles du Carnaval . Le Roi & la Reine
ont ééles premiers , àdonner l'exemple de ces
privations. Leurs Majefté ont confacré, àdes actes
d'une vraie piéé, dans la grande chapelle de la
Cour , les momens deftiné ces amufemens profanes.
Le Gouvernement avoit depuis long- tems
arrêéun Plan , pour guéir Meffine & la Calabre ,
des maux politiques que l'ignorance & les calamité
de plufieurs fièles avoient accumulé , fur des
parties fi importantes , du domaine de fa Majefté
Leurs habitans opprimé , attendoient avec impatience,
le moment d'an foulagement tant de fois
promis , faus jamais s'êre rélifé. La barbarie des
rèlemens fur la foie , l'huile & fur les impofi(
206 )
tions , alloit fubir une forme falutaire . Mais cette
catastrophe oblige le Gouvernement , de donner
d'abord cous fes foins aux maux phyfiques de fes fujets .
Cependant elle pourroit êre l'éoque de leur entier
réabliffement , par le renouvellement de l'ordre
civil dans la Sociéé. Voici certainement une
occafion favorable d'abolir pour toujours , la jurif
diction Fédale & les autres oppreffions , dont la
continuation ne feroit jamais que pallier leurs
maux fans les guéir radicalement. Voici pour
Ferdinand le moment d'imiter avec fermeté, l'exemple
de fon Augufte Pèe , le Roi d'Elpagne.
>
Les déails poftéieurs reçs àNaples
portent que c'eft dans la Calabre ultéieure
que l'on a érouvéles plus grands déâs.
D'aprè tous les rapports on fixe le centre de
l'éranlement au Mont - Affero , dans la grande
chaîe des Apennins , puifque la déaſa ion a diminué en raison de l'éoignement de cette montague.
Razaluevo , village de 4 à5ooo ames , qui en eft
tout prè , a éérenverséavec tant de rapidité, qu'il
ne s'en eft pas fauvéune feule perfonne de toutes celles
qui éoient dans les maifons ; c'eſ làqu'a péi la
Princeffe de Gerace. Stelo a ééféaréen deux par
une ouverture qui s'eft faite dans le milieu du bourg.
Il a péi du monde àSeminara , Palmi & Reggio .
Cependant la plus grande partie des habitans a cu
le tems de fe fauver. Meffine , dont le fort, avoit paru
d'abord le plus délorable , eft de tous les pays qu'on
vient de citer , ce'ui qui dans la proportion a le
moins fouffert , puifque les maifons n'ont éérenverfés
que dans la partie baffe de la ville ; & que
celles de la montagne ent donnéretraite àceux
qui avoient éhappéàl'éoulement , & que tous fes
genres de comeftibles qui y ont ééenvoyé de
toutes les par ies de la Sicile , y ont réandu labondance.
Au premier moment de la cataſrophe , la
veuve du Prince de Villa-Franca fic ouvrir les ma(
207 )
gafins & diftribuer ce qu'ils renfermoient d'huile ;
de vin & de farine ; elle fit paſ .er des ordres dans fes
fermes, pour faire paffer àMeflise des troupeaux
de toutes fortes de béail. On ignore encore le
nombre des morts que les rapports ultéieurs diminuent
tous les jours. Ce n'eft que lorfque D. Vincent
Pignatelli , envoyéen Calabre , & M. de Caval
Rafo , envoyéàMeffine , feront arrivé àleur
deftination , que l'on aura une relation de cet éèement
, & qu'on faura jufqu'àquel point il a éé funefte ".
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 18 Mars.
L'ESPÈE d'interrène miniftéiel dure encore.
La nation qui n'y eft point accoutumé
fe permet toutes fortes de rélexions ,
& les gens fages voient avec peine des
retards dont les affaires peuvent fouffrir.
Jufqu'àpréent on a beaucoup parlédes
motifs des difficulté qui jettent tant de
lenteur dans la formation d'un nouveau
Ministèe. Nos papiers ne font remplis que
de déails fur ce fujet ; dans l'incertitude
de ce qui fe fait , car ces papiers ne le difent
pas ,
nous devons nous borner àrecueillir
les articles les plus piquans qu'ils préentent.
L'un d'eux a fait le tableau fuivant des quatre
partis qui divifent le Parlement .
Parti de Portland. Ce parti appelléalternativement
le parti de Whig , le parti de Newcastle , de
Rockingham & de Portland , eft principalement
compoſ de deſendans des perfonnes , dont l'attachement
àla libertécivile & religieufe de ce pays
nous a procurél'acte de Succeffion & a éabli Ba
( 208 )
préente Famille Royale fur le trôe . Le feu Duc
de Newcaſle en éoit regardécomme le chef. Le
Marquis de Rockingham lui fuccéa ; & le Duc de
Portland en a pris la conduite depuis la mort de ce
dernier. Il est forméde quelques-uns des hommes les
plus diftingué qui compofent les deux Chambres du
Parlement; & dans ce nombre on peut nommer les
Ducs de Bolton , de Devonshire & de Portland ; les
Lords Derby , Stamford , Thanet , Berkeley , Scarborough
, Jerfey , Cholmondeley , Tankerville ,
Effingham , Fitzwilliam , Spencer , Townshend ,
Falmouth , Keppel , King , Ravensworth , Befsborough
, Walpole , Sondes & Lauderdale ; M. Fox ,
M. Burke , & environ 90 autres Membres des Communes.
Parti de North. Il eft connúfous les divers
noms de Parti Ecollois , Tory & de North ,
parce qu'il a réni prefque tout l'intéê dans le
Royaume , la plupart des Membres Ecoffois du
Parlement , & que Milord North en eft le chef.
Dans la Chambre Haute ce Parti eft ,foutenu par les
Ducs de Beaufort , Newcastle , Northumberland &
Montagu; & par les Lords Denbigh , Weftmoreland
, Sandwich , Cheſerfield , Oxford , Darmouth ,
Warwick , Hertford , Guildford , Batkurft , Aylefbury
, Clarendon , Dudley , Mount Edgecumbe , Sackville
, Onflow , Bofton , Browlow , Rivers , Walfingham
, Bagot , Loughborough , Stormond & Massfield
; & dans la Chambre Balle par Mylord North ,
M. Wallace , M. Mansfield , & environ 130 autres
Membres. Parti de Bedford. Il eft compoféde
Wighs & de Torys : il s'eft forméau commence.
ment de ce rène , fous la direction du feu Duc de
Bedford , dont il a pris le nom. Il a commencéfa
carrièe politique de concert avec le Comte de Bute ,
a foutenu Mylord North durant toute fon Adminif
tration , & depuis a joint le Comte de Shelburne : il
s'eft beaucoup affoibli, depuis ia mort de fon chef ;
mais il conferve toujours allez de force pour fe
( 209 )
rendre important , & pour foutenir la préogative
Royale ou déendre la Majeftédu Peuple , ainſ qu'il
convient le mieux àfes intéês. Il compte au rombre
de fes Adhéens dans la Chambre Haute les
noms du Duc de Marlborough & des Lords Salisbury
, Carlifle , Aylesford , Gower , Hillsborough ,
Weymouth , Talbot & Thurlow . Dans la Chambre
Baffe , M. Rigby en eft le chef , & peut compter
une quarantaine de Membres avec lui. Parti
de Shelburne. On n'en a entendu parler que depuis
12 ou 14 ans . D'abord il n'éoit compoféque du
Lord , dont il porte le nom , avec M. Dunning
actuellement Lord Ashburton , le Colonel Barré,
M. Welfran Cornwall , préentement Orateur
des Communes , l'Alderman Towshend , M. Horae
Tooke , & quelques autres Perfonnes. A la mort
du Comte de Chatham , il gagna des forces par fa
rénion avec les noms honoré de Camden , Temple
& William Pitt : mais ces hommes diftingué
commencent àfe laffer de la liaiſn ; & il eſ déa
certain que le Comte Temple confervera fa place
( de Vice- Roi d'Irlande ) fous la nouvelle Adminiftration
: ce qu'on croit auffi gééalement du Lord
Camden ( Préident du Confeil ). Depuis que le Lord
Shelburne eft premier Miniftre , on dit qu'il a gagné àfon parti les Ducs de Leeds , de Rutland , de Manchefter
& de Chandos ; le Marquis de Carmarthen ; &
les Lords Surrey , Stanhope , Mahon , Nugent , Chatham
, Howe , Percy , Stawel , Hardwicke , Grantham
, Beaulieu , Hawke & Abingdon : mais le tems
fera bientô voir , s'ils ont foutenu le Miniftre ou
l'Homme. Il est nénmoins certain , qu'il n'a jamais
pu compter plus d'une douzaine de Membres dans la
Chambre- Baffe , avant qu'il fû Miniftre ; & il n'eſ
guèe poffible , qu'il ait pu augmenter ce nombre àun
degréquelque peu confidéable depuis qu'il a ééàla
têe de l'Adminiftration , vu que quelques - uns de fes
plus habiles partifans l'ont réemment abandonné,
parce qu'il manquoit d'attention àleur éard , & qu'il
( 210 )
leur prééoit fes anciens ennemis . Il y a nénmoins
dans fon parti des hommes de capacité& de talent
, tels font Mylord Ashburton , le Colonel Barré,
MM. Ora , Morris , &c.
On voit aiséent que ce tableau n'a pas
éétracépar une main impartiale & que
l'Auteur appartient au parti de Portland
ou de Fox ; c'eft en effet une feuille de ce
parti qui le fournit. Au reste cette fciffion
des Chefs de la nation Britannique en quatre
factions n'eft pas neuve. Rapin Thoyras en
a donnéle modèe dans fa differtation fur
les Whigs & les Torys qu'il diftingue en
Torys outré & Torys modéé , & en
Whighs outré & Whigs modéé. En gééal
il faut fe déier de tous nos papiers
fur les mouvemens actuels ; ceux qui intéeffent
le plus font ceux qui regardent
la formation des nouveaux Miniftres ; mais
tout ce qu'on en dit eft fort contradictoire.
Il n'y a encore rien de déidéàcet éard ,
lit-on dans un de nos papiers. Le parti de Rokingham
, avoit déerminéle Comte de Gower a
accepter la place de premier Lord de la Tréorerie
, du moins pour, un certain temps . Il y avoit
confenti , àcondition que M. Pitt , continueroit de
remplir celle de chancelier de l'Echiquier : d'aprè
cet arrangement , l'Aminiftration devoit êre formé
de la manièe fuivante. Le Lord Ashburton ,
Chancelier, Le Lord Thurlow , préident du Confeil.
M. Jenkinfon & le Lord de Stormont , fecréaires
d'Etat. La feule difficultééoit de gagner M. Pitt ;
mais le 14 , il a abfolument refufé, d'avoir
part àune Adminiſration compofé d'aucuns Mem
bres de la Junte fecrèe , & en conféuence , le
Comte de Gower a délaréqu'il n'accepteroit point
7211 ▼
la place de premier Lord de la Tréorerie . On dit
que le Roi , àcette occafion , s'eft plaint amèement
d'avoir ééamulépar des gens qui n'avoient
pas affez de créit dans le Royaume pour former un
Ministèe capable de géer les affaires de la Nation .
Aprè avoir manifeftéfon méontentement , fa Majefté eft partie pour la campagne ,
Un autre papier préente cette affaire
dans un éat bien difféent.
L'ouvrage de la formation d'un nouveau Minif
tèe , dit- il , eft trè-avancé. Le Lord North eut
le 12 un long entretien avec le Roi , relativement
àcet objet. Il y avoit encore quelques points àdéider
le 13 au foir. Il éoit furvenu une petite
altercation occafionné , dit - on , par l'oppofition
que certaines perfonnes avoient formé contre la
nomination du Lord Stormont , àla place de lecréaire
d'Etat. On affuroit nénmoins , que l'arran
gement déinitif en fouffriroit peu de retard , & que
les nouveaux Miniftres feroient aujourd'hui leurs
remerciemens au Roi. Le Lord de Portland doitêre
premier Lord de la Tréorerie , & M. Fox l'un
des fecréaires d'Etat. Le Lord Keppel fera remis
àla têe de l'Amirauté. Le Duc de Portland lui
a fait une vifite , pour le déerminer àrentrer ea
place , & l'on affure que pendant leur entretien qui
a duréplus de deux heures , ils ont fait choix des
Membres qui doivent compofer le Bureau de l'Amirauté
M. Pitt s'eft oppofé, dit- on , àce qu'aucune
perfonne du parti Ecoffois , n'entrâ dans le nouveau
Miniftèe , & pour cette raiſn , il n'a point voula
confentir directement àgarder la place , mais il eft
le maîre de refter ou de fe retirer. Selon quelques-
uns , la place de Tréorier des troupes de terre
fera partagé entre M. Burke & le Colonel North.
-On préendoit que le Colonel Fitzpatrick , feroit
ou Treforier de la Marine , ou de la Guerre,
7312 )
>
parle d'éever àla pairie plufieurs Membres de la
chambre des Communes entr'autres le Lord Milbourne
, & le Lord John Cavendish . Le Comte
Fitz-William , & le Comte de Guilford , feront
cré és Marquis.
En attendant que nous ayons de nouveaux
Miniftres , tout paroî dans une eſèe
de ftagnation ici. Les fénces du Parlement
offrent mêe peu de déails àla curiofité
»Le 7 , le Lord Ludlow annonç àla Chambre
des Communes que l'adreffe relative aux penfions ,
avoit éépréenté la veille àS. M. qui avoit bien
voulu promettre d'avoir éard aux déirs que fes
fidèes Communes avoient manifefté dans cette
adreffe. La Chambre s'éant formé en grand Comité,
pour prendre en confidéation le bill relatif
aux liaiſns mercantiles àéablir entre l'Angleterre
& l'Améique , elle le difcuta paragraphe par paragra
phe , aprè quoi le Comités'ajourna au 10 pour
faire rapport du travail relatif àce bill.
Le 10 , il ne fut rien réolu fur ce bill dont
le rapport occafionna de nouveaux déats & un
nouvel ajournement , malgrél'obfervation du Miniftre
M. Pitt, qui fouhaitoit qu'on preffâ ce travail.
Le Lord Neuhaven propofa enfuite une adreſ .e au
Roi , pour le fupplier d'ordonner que les dernièes
déêhes du Chevalier Guy Carleton , fuffent mifes
fous les yeux de la Chambre ; mais la propofition
fut rejetté prefque unanimement.
Le mêe jour 10 , il fut préentéàla Chambre
Haute un bill pour réoudre & mêe préenir tous
les doutes qui fe font éevé ou ont pu s'éever fur
les droits exclufifs du Parlement & du tribunal
d'Irlande , en fait de léiflation & de judicature ,
& pour empêher qu'aucun acte ou appel d'aucuns
des tribunaux de S. M. dans ce Royaume , ne foit
reç , diſuté& jugédans aucuns des tribunaux de
7 213 )
J
S. M. dans la G. B. Cet acte fut lu pour la premièe
fois & l'impreffion en fut ordonné «.
Dans la fénce des Communes du 12 , le Chevalier
Henri Fletcher a préentéune péition de la Compagnie
des Indes , en affurant que fi dans l'éat oùfe trou .
vent les affaires de la Compagnie , le Parlement ne lui
accorde pas le plutô poffible les fecours dont elle a un
befoin fi urgent , il y a tout àcraindre pour fon créit ,
attendu que les actes qui la foutiennent expirent au
premier Avril prochain. Cependant , ajouta-t-il , je
ne prefferai point la Chambre de s'occuper de cet
objet que les Min ſres n'aient éénommé , d'autant
plus que felon ce que je viens d'apprendre , cette
nomination fi long-tems difféé eſ enfin faite ou du
moins fur le point de l'êre.
Il a ééordonnéque la péition feroit mife fur le
Bureau .
Dans la fénce du 13 le Gééal Rofs a fait une
motion , tendante àce qu'il fû mis fous les yeux de
la Chambre une lifte des noms des Officiers qui ont
fervi dans les Corps Améicains porté depuis peu
fur l'Etabliffement Britannique , ainfi qu'une copie
des commiffions qu'ils avoient prééemment , enfemble
les conditions auxquelles ces divers Corps
font entré au fervice de l'Angleterre. Aprè quelques
léers déats la motion fut admife.
On dit qu'il n'y aura que quatre millions
fterling àemprunter dans la feffion actuelle
du Parlement , & que cette fomme fera levé
d'aprè le plan fuivant.
-
Tout foufcripteur de cent livres aura 100 liv . en
actions dans les 4 pour cent éalué à84 liv . 12 f.
6 den. en longues annuité , éalués à20 annés
d'achat , 12 liv . 10 f. Un billet de loterie éalué à15 liv. de profit , s liv . Total 101 liv . 10 fols.
Cela produira un profit d'en & demi pour cent
mais qui avec l'escompte ordinaire peut êre eftimé d'environ 3 pour cent. Quatre particuliers trè-ac(
214 )
créité ont déàpromis au Gouvernement de lui
prêer la totalitéde cette fomme. Le Budget s'ouvrira
ea Avril . Cinq ou fix millions des billets de
la marine doivent êre fondé en nouvelles actions
de 4 & demi pour cent ou en longues annuité ;
mais il n'eft point encore déidéfi cette opéation
aura lieu dans la feffion actuelle ou vers le commencement
de la prochaine.
On a reç hier des nouvelles de Bombay
du 28 Septembre qui portent en fubftance
ce qui fuit.
33
Aprè le fecond combat du 12 Avril , le Chevalier
Edward Hughes fit route pour Trinquemale
avec toute fon efcadre. Il y réara fes vaiffeaux endommagé
& remit àla voile le 14 Juin , & mouilla
dans la rade de Negapatam le jour fuivant pour éier
les mouvemens de l'ennemi . Les Juillet l'efcadre
Françife parut en vue , & le 6 l'eſadre Angloife
engagea un nouveau combat avec elle. Le Chevalier
Hughes eut un avantage déidé, & fi le vent
n'eû point changé& mis une partie de l'efcadre
Angloife hors de combat au moment mêe oùla
ligne ennemie éoit rompue & miſ en déoute , il
y a tout lieu de croire que nous aurions pris plufieurs
vaiffeaux Françis : un d'eux , le Séèe amena au
Sultan ; mais tandis que le Sultan viroit de bord
pour rejoindre l'Amiral , le Séèe fit le plus de
voile qu'il put , enfila lëSultan fans montrer fon
pavillon ; & par cette manoeuvre parvint àfe fauver.
Le lendemain le Chevalier Hughes envoya demander
àM. de Suffren le vaiffeau qui avoit amené;
mais M. de Sufften réondit que le pavillon du Séèe
avoit ééemportépar un boulet , & que cette
avarie feule pouvoit avoir fait tomber fon pavil
lon. L'efcadre Françife , dans ce combat , éoit
compofé de 10 vaiffeaux , de l'Annibal , de 90 , &
de 4 fréates. L'efcadre Angloife des 8 vaiffeaux du
Chevalier Hughes , du Sultan & du Magnanime ,
--
( 215 )
و de l'Iris & du Seahorse. La perte de notre côé confifte en un Capitaine de vaiffeau , 6 Officiers &
77 hommes tué. Le nombre des bleffé eft
de 233. On ignore la perte de l'ennemi ; mais
on fait qu'il a fait route vers Cuddalore.
Nos avaries furent fi graves , que le Chevalier
Hughes abandonna le projet de fuivre l'ennemi , &
fe trouva contraint de rentrer àNéapatam ; le 15
Juillet , aprè s'êre mis en éat d'aller chercher des
provifions & des munitions àMadrafs , il fortit de
Néapatam , & mouilla àMadraſ le 20 ; il devoit
remettre en mer le М îй ñ pour aller reconnoîre
Fefcadre Françife. —e Sceptre , l'un des vaiffeaux
de l'Amiral Bickerton arriva àMadrafs le 9 Juillet.
Ce vaiffeau avoit quittéla conferve de l'Amiral
Bickerton àl'ouverture de la Manche. Il arriva feul
àRio Janéro , oùil trouva la fréate la Méé;
ces deux vaiffeaux attendirent l'Amiral pendant un
mois ; mais voyant qu'il n'arrivoit pas , ils mirent
àla voile de conferve pour l'Inde le 28 Avril . Au
large du Cap , ils prirent un gros bâiment muni .
tionnaire Françis , que le Sceptre laiffa fous la
conduite de la Méé , dans le canal , & il continua
fa route pour Madrass . L'Amiral Bickerton
arriva àBombay les Septembre avec s vaiffeaux de
ligne & la fréate la Junon , & il mit àla voile le 17.
Dix-huit navires , tant tranfports & munitionnaires
que bâimens de la Compagnie , ont mouilléàBom-
Bay en mêe-tems que l'Amiral Bickerton , & la
plus grande partie a ſivi ſn Eſadre àMadrals.
Un cutter & trois tranfports ont éééaré dars
la route de Rio- Janéro àBombay , & on n'en a pas
encore entendu parler . Le 6 Aoû , 4 vaiffeaux
de la Compagnie , favoir : le Locko , l'Afia , l'Ofer
& l'Effex , ont mis àla voile de Bombay pour la
Chine , & on efpèe qu'ils feront arrivé heureufement
, l'efcadre Françife éant toujours fur la
côe de Cuddalore . Selon les nouvelles de Mofambique
, plufieurs de nos vaiffeaux Indiens , qui
-
-
( 126 )
n'avoient pas pu doubler le Cap , éoient encore
àSt Augustin , dans le mois de Juillet dernier. On
croit que les vaiffeaux de la Chine , qui avoient
pafféle déroit de Malacca le 10 Mars , font avec
eux . La paix avec les Marattes eft encore incertaine
, & le Carnate eft à peu - prè dans la mêe
pofition,
--
Une lettre de Bombay en date du 29
Octobre contient ce qui fuit.
Les dernièes nouvelles de Madrafs font du 10
Aoû , & àcette éoque le Monmouth & le Sceptre
éoient revenus de Trinquemale oùils avoient éé déarquer un renfort de 380 Européns ; mais des
lettres d'Aujengo reçes directement ici par difféens
navires , difent d'une maniere indubitable que l'efcadre
Françife mouilla devant Trinquemale le 30
Aoû , & s'empara du Foit le lendemain . L'eſadre
Angloife parut le 3 Septembre. Les deux armés
engagerent le combat , & M. de Suffren , aprè avoir
foutenu l'action la plus chaude , rentra dans le port
de Trinquemale avec toute fon efcadre . On dit que
le Chevalier Hughes eft reftéàla hauteur de Trinquemale
pour y bloquer M. de Suffren . L'Amiral
Bickerton a paffédevant Tilli herg le 28 du mois
dernier , & on croit qu'il aura rejoint le Chevalier
Hughes vers le 10 de ce mois. Toutes les apparences
de paix avec les Marattes ont entièement croulé
"On s'attend àvoir arriver dans le Cowan un gros
corps de leurs troupes , & le déachement du Bengale
a ordre de fe mettre en marche le premier du
mois prochain.
La flotte de la Jamaïue felon les derniers
éats éoit de 5s voiles ; de celles deftinés
pour Londres , 14 font arrivés , 14
manquent , 3 font retournés àla Jamaïue ,
& 2 ont péi ; de celles deftinés pour
Briſol , 2 font arrivés , 4 manquent & 3
font
( 217 )
font retournés fur leurs pas ; de celles
pour Liverpool 3 font arrivés , 4 manquent ,
2 font retournés ; de celles pour Glafgow
une eft arrivé , 4 manquent ; ce qui fait
20 arrivés , 26 manquant , 8 retournés &
2 fubmergés.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 25 Mars.
LE 16 de ce mois les Déuté des Etats
de Cambrai , du Pays & Comtédu Cambréis
, furent admis àl'Audience du Roi,
& préenté par le Maréhal de Soubife
Gouverneur de la Flandre , Haynaut & Cambrefis
, & par le Marquis de Séur , Miniſre
de la Guerre , ayant le déartement de la
Flandre. La déutation conduite par MM.
de Nantouillet & de Watronville , Maîre
& Aide des cééonies , éoit composé
pour le Clergédu Prince Ferdinand de
Rohan , Archevêue- Duc de Cambrai , qui
porta la parole ; pour la Nobleffe , du Marquis
d'Eftourmel , Brigadier des Armés du
Roi , Metre-de Camp , Lieutenant- Commandant
du réiment Royal Pologne ; &
pour le Tiers-Etat , de M. de Lievra , Avocat
au Parlement & Echevin de la Ville.
Le 17 le Marquis de Barain prêa ferment
entre les mains du Roi pour la place de
Lieutenant - Gééal de la Principautéde
Dombes , dont S. M. l'a pourvu , fur la
déiffion du Comte de Barain fon pèe.
Le Comte de Banc d'Altier , que le Roi
29 Mars 1783. k
( 218 )
a nomméMeftre - de - Camp - Lieutenant en
fecond du Réiment de Conti , Dragons ,
a eu l'honneur d'êre préentéau Roi par
le Prince de Conti , & de faire fes remerciemens
àS. M.
Le 9 de ce mois la Marquife de Brunier
d'Adhemar , & la Comteffe du Diefnay des
Roches eurent l'honneur d'êre pré .entés
àL. M. & àla Famille Royale , la premièe
par la Princeffe de Chimay , Dame d'Honneur
de la Reine , & la feconde par la Ducheffe
de Lorges , Dame d'Honneur de
Madame la Comteffe d'Artois.
M. le Comte de Courcy , Capitaine de
Dragons au réiment de Dutfort , ayant eu
l'honneur d'êre préentéau Roi & àla famille
Royale , a eu , le 21 Férier , celui de
monter dans les carroffes de S, M. & de la
fuivre àla chaffe.
De PARIS , le 25 Mars.
SELON les nouvelles d'Efpagne la divifion
de la flotte Françife en rade àCadix ,
deftiné pour Toulon , a dûmettre àla
voile le 4 de ce mois fi le tems le lui a
permis ; celle pour Breft devoit partir deux
jours aprè.. M. de Vialis avec fon vailleau
de 74 alloit appareiller feul pour une miſ .ion
particulièe. M. le Comte d'Estaing n'aura
quittéCadix qu'aprè le déart des efcadres.
M. le Prince de Naffau a fuivi de bien
prè M. le Marquis de la Fayette ; il eſ
arrivéici quatre jours aprè lui. Ce Prince
a ééarrêépar des voleurs dans fa route
( 219 )
-
>
de Madrid àCadix ; non contens de la
bourfe qu'il leur avoit préenté d'abord
ils ont exigéun fac d'argent qu'ils favoient
êe dans fa voiture . Aprè l'avoir obtenu ,
ils offrirent au Prince de l'efcorter de
crainte qu'il ne fî une feconde rencontre ;
mais il les remercia en lur difant qu'il
pouvoit s'en paffer , parce qu'il n'avoit plus
en àperdre.
,
La feule nouvelle que nous ayors àrecueillir
des lett: es de Cadix , ett celle de
la mort du Baron de Pirch Colonel-
Commandant du Réiment de Heffe - Darmftadt
, arrivé dans un âe pu avancé,
en moins de trois jours d'indifpofition . On
avoit d'abord attribuéce malheureux éè nement àune forte méecine prife àcontretems
; mais on a reconnu àl'ouverture de
fon corps que la caufe de fa mort éoit un
polype au coeur. Cet Officier eft extrêement
regreté Il avoit éééevéàla Cour
& dans les troupes du Roi de Pruffe ; &
on fait que le Prince Royal l'honoroit de
fon amitié& d'une bienveillance particulièe.
On avoit raifon de fe déier de la plupart
des relations qui venoient d'Italie au fujet
du déaftre de la Sicile. Le dernier Courier
nous apprend qu'en effet le nombre dest
morts a éébeaucoup moins confi léable
àMeffine , & qu'il n'y a péi que ceux
qui en éant fortis àla premièe fecouffe ,
y retournèent pour chercher d s effets &
des provifions , & qui furent forpriſs par
k 2
72209
celle qui renverfa la ville : quant àla Calabre
jufqu'àpréent on n'a pas de plus
grands déails , & ce beau pays paroî avoir
éétotalement bouleverfé
La Seine qui a groffi avec beaucoup de
rapidité, a diminuéavec plus de lenteur ;
comme elle a ééfort baffe pendant tout
l'éédernier , & que fur la fin de l'hiver
elle eft devenue trop haute , l'approvifionnement
de Paris en a fouffert , & on a eu
quelque inquiéude pour le bois de chauffage
; pour fubvenir aux befoins du Public ,
le bois pour les Boulangers a ééd'abord
mis en ré .erve , & ce qui reftoit a éédiftribué aux particuliers qui ne pouvoient
en prendre qu'une certaine quantité On
a avancéla coupe ordinaire du bois de
Boulogne & celle du parc de Vincennes
ce qui a fourni plufieurs milliers de cordes
de bois. A préent que la rivièe eſ deſendue
les bateaux qui font dans les environs
ramèeront l'abondance.
Ce n'eft pas feulement dans nos parties
que la crue fubite des eaux a caufédes
alarmes . On apprend que les principales
rivièes de France , la Garonne , la Dordogne
, la Charante & fur-tout la Loire ,
ont déordé& cauféde grands ravages .
A Nantes la Loire eft monté à18 pouces au
deffus de la grande eau de 1711 , la plus forte dont cn
fe fouvienne. Elle est entré dans tous les magaſns &
dans l'entrepô gééal ; le déâ qu'elle a caufédans
les fucres , les café , &c. eft éaluéàdes fommes
confidéables. Cette grande rivièe ayant rompu fes
digues en deux endroits , Saumur , & ce qui eft
7 221 1
plus éonnant , le Mans ont ééentouré d'eau , de
manièe que les habitans de ces Villes ainfi affligés
ont ééréuits , pendant plufieurs jours , àn'avoir ,
par têe , qu'une demi - livre de pain . Dans toutes ces
Provinces les pluies ont déradéles chemins , enforte
que tous les Couriers ont ééen retard. Bordeaux
n'a pas moins fouffert par le déordement des eaux
de la Garonne cauféprincipalement par celui de la
Gironde , que Nantes par la crue fubite de la Loire ,
quantitéde navires ont déapé, & des bateaux ont
ééporté bien avant dans les terres . Le dommage
eft portéàplus de 2 millions.
Les orages ont ééfréuens dans plufieurs
endroits pendant le mois dernier.
Le 9 Férier le tonnerre tomba dans le choeur de
l'Eglife de St. Sulpice de Ballet , doyennéde Sablé,
fendant la Meffe àdix heures trois quarts. La foudre
entra par une des ouvertures du clocher , brifa le fil
de fer de l'horloge , en plufieurs morceaux , & en
fouda & colla partie. De làelle caffa une pierre de
la voûe , & fe portant obliquement contre un des
piliers dans une pierre dure , elle en calcina partie à la hauteur de deux pieds & demi deterre. A ce choc
le globe de feu s'ouvrit avec un bruit violent , & dans
fon explofion renver fa plufieurs perfonnes dont deux
reftèent fans connoillance. Dans le mêe inftant les
perfonnes voilines fentirent un coup fur les cuiffes
comme celui d'une barre de fer. On emporta fept
perfonnes couvertes de bleffures & dangereufement
frappés , & plus de vingt autres lééement
les plus malades font hors de danger , mais se font
pas guéis Le 16 du mêe mois le tonnerre
tomba àChampteci , route de Nantes , fur le clocher
de la Paroiffe dont il endommagea la couver
ture & la charpente. Il pééra enfuite dans l'Eglife
oùtout le monde éoit alors affemblépour entendre
la Grand'Meffe ; il fit érouver àquinze perfonnes
qui occupoient les deux bouts voifins da chocur une
k z
"
( 222 )
ques
commotion trè -vive , dont toutes portent des marfur
diverfes parties de leur corps ; il en éectrifa
plufieurs autres au- deffus du gias de la jambe ,
& ne caufa aucun dommage confidéable .
En annonçnt dernièement la feconde
livraifon des Eftampes deftinés àla nouvelle
éition des OEuvres de Voltaire , propofés
par foufcription par M. Moreau le
jeune , nous avons omis d'y joindre le prix .
Il eft de 2 livres pour chaque Eftampe imprimé
grand in- 49 . fur le papier Nom de
Jéus , & de liv. pour chaque Etampe
in- 8 ° Chaque livraifon jufqu'ici a ééde
10 Eftampes ; il en paroî 2 ; il en paroîra
8 encore de 4 en 4 mois. Cette fuperbe
entreprife digne de l'Artifte habile qui en
a conç le plan , qui a fait tous les delfins,
& qui dirige toutes les parties de l'exéution
, eft au - deffus de tous les éoges .
Mademoiselle Saugrain , aimable éèe de cet Artifte
céère , dont nous avons déàannoncédeux
Estampes trè - agrébles , vient d'en fair deux nouvelles
qui préentent deax Vues de Drefde , d'aprè
deux tableaux de Wagner. Elle les a gravés fous la
direction de fon maîre M. Moreau le jeune. Ces
deux Eftampes qui font d'un effet trè-agréble , d'un
burin trè -léer & trè -foigné, font le plus grand
honneur àMademoifelle Saugrain , & àl'Artiite qui
a déeloppé& cultivéfes talens ( 1).
Nous nous emprefferons d'annoneet ici une autre
Eftampe intéeffante & qui méite d'erner le cabinet
& le porte- feuille des amateurs. Il fuffit de nommer
(1 ) Ces Eftampes coûent chacune 1 liv. 10 f. ainfi que les
deux premièes de Mademoiſlle Saugrain qui font deux Vues
des environs de Paris , d'aprè des Tableaux de M. L. G. Mo,
reau. Elles fe trouvent les unes & les autres chez M. Morea
le jeune , rue du Coq - St -Honoré, prè le Louvre.
1
( 223 )
M. J. Danzel qui l'a gravé d'aprè le tableau origi
nal peint pour la Manufacture des tapilleries de la
Couronne par M. Boucher , premier Peintre du Roi .
Le fujet eft Vulcain préentant àVenus des armes
pour Enfe ; rien de plus beau que l'enfemble & les
déails de ce tableau , rien de plus agréble , de plus
frais , de plus pittorefque que l'exéution . On connoî
les talens de M. Boucher & les graces qui animent
tous les fojets ; la gravure a tout rendu d'une
manièe fupéieure. Cette Eftampe eft de la mêe
grandeur que celle que le mée Artiſe a déàpublié
fous le nom de Callirheé, àlaquelle il done
mera bientô un pendant que le Public ne peut qu'at-*
tendre avec impatience ( 1 ) .
Le Bureau Royal de Correfpondance nationale
& érangèe , éabli par Arrê du
Confeil du 16 Avril 1780 , fous l'infpection
du Gouvernement , a pour objet la
fûeté& la commoditédes perfonnes qui
ont des affaires hors de leur domicile , ou
qui ne peuvent les géer par elles mêes.
La nature des objets qu'il embraffe font
les fuivans.
It fe charge des recettes de penfions , rentes , &
revenus de toute efpece , de fuite d'affaires , de re-
Convremens tant àParis que dans les autres villes
du royaume & de l'éranger ; de toutes les commiffions
& follicitations qui exigent les foins d'un ami
o la préence d'un intéeffé Perfonne n'eft forcéde
s'adr fler àlui ; mais il eft feul autoriféàs'annoncer
par des avis imprimé pour les commiffions de
cette efpece , & qui puiffe offrir au public une folidité àl'abri de tous les éèemens ; le bon ordre ,
(1 ) Cette Etampe du prix de 16 liv . fe trouve àParis chez
P'Auteur M. Danzel , rue d'Enfer , a côédu Séinaire de
Saint- Louis .
k 4
1224
2
Lactivité& l'exactitude éabliſ .ent cette folidité; uæ cautionnement de 500,000l. , une Compagnie folidai
re& l'inſection du Ministèe en font les fûs garants.
Ses opéations principales font la recette des rentes
penfions & autres revenus ; les brevets , les ordonnances
, les gages de la Maifon da Roi & des Princes;
les Erats du Roi; les Offices fupprimé ; les placemens
dans les emprunts ; l'achat & vente des effets royaux;
la liquidation pour les Corps & Communauté ; la
forme des paiemens ; les conventions particulièes
relativement àla vente des revenus & penfions ; la
recette gratuite pour les hofpices de charité; les recouvremens
; les affaires contentieufes ; les parties
cafuelles ; les affaires àfuivre au Confeil , àla gran
dé& petite Chancellerie de France , aux Bureaux -
des Miniftres ; les expéitions des actes , la vente.
des biens immeubles . De veiller aux déenfes des
jeunes gens envoyé de Province ou des Pays érangers
àParis pour leur éucation , quand les chefs
de familie auront déoféles fonds qu'ils deftinent
pour cet objet dans la caille ; de procurer des logemens
aux érangers ; d'acquitter fur de fimples mandats
les méoires de déenfes , lorfque les fonds en
auront ée prélablement faits ; du fervice gratuit
pour les hofpices & des autres maifons de charité
Le Bureau ne prendra pour tous les foins de ceite
efpèe qui regardent les jeunes gens & les érangers ,
qu'un pour cent des fonds qui lui auront ééconfié ,
c'eft-àdire , 20 fols par chaque cent livres des fommes
qu'il aura eu àdiſribuer , lorſu'elles ne monreront
pas à3000 liv. , & demi pour cent feulement
fi elles excèent ; mais il ne fera jamais d'avances , à moins qu'il ne foit muni de sûeté convenables . Il
faut s'adreffer àParis , àM. Perrot de Chazelle ;
J'un des propriéaires du Privilée , Directeur Gééal
du Bureau , rue neuve St- Augustin.
On vient de nous faire paffer l'avis fuivant
que nous nous empreffons de publier.
( 225 )
1
1
Le déangement que les fouilles & les éuifemens
néeffaires pour la reconſruction des bains
de Bourbonne , avoient occafionnéàla fontaine
miséale chaude de ce lieu , n'a ééque paffager ,
ainsi que les craintes qu'il avoit fait naîre cette
fontaine a repris fa chaleur & fon éat ordinaire.
Les déouvertes auxquelles ces travaux on donné lieu , ajoutent aux téoignages qu'on avoit déa´ que ces eaux céères ont ééfréuentés des Romains
, lorfqu'ils éoient les maîres des Gaules . On
a trouvéfous les bains attenant ces baffins , trois
espèes de réervoirs ou éuves de 7 à8 pieds de
hauteur , fans voûe , & de 6 pieds de large , rempiis
d'une cau trè-chaude : on a trouvéauſi un puits
de forme quarré , renfermant une cau dont la cha
leur eft à64 degré & demi du thermomère de
Réumur , c'est- à dire , d'environ 15 degré de plus
que celle de la fontaine. Ces Ouvrages fouterrains
dont on n'avoit nulle idé , ne prouvent- ils pas l'affaillement
fucceffif des colines qui aura éhaufféle
fol du vallon , oùfourdent ces eaux : la barbarie ,
qui ne conferve rien , a pu faire oublier ces monumens
fur lefquels , dans la fuite , on auroit conftruit
les bains qu'on vient de déruire pour en éablie
d'autres plus commodes. Signé, MONGIN DE
MONTROL , Méecin , Intendant des Eaux de
Bourbonne.
Nous annoncerons ici un ouvrage intéeffant
dans les circonstances préentes , &
qui le deviendra davantage lorfque le fuppléent
indifpenfable que l'Auteur doit y
faire aura paru ; c'eſ l'Abréédes principaux
Traité conclus depuis le commencement
du 14e. fièle jufqu'àpréent , difpofé
par ordre chronologique. Ces Traité ne
vont que jufqu'àl'anné 1778 ; celui de
( 226 )
霉 Tefchen & celui qui met fin àla guerre
actuelle , doivent former un fuppléent intéeffant
qui procurera en mêe tems l'occafion
de réarer quelques omiſ .ions dans
les teins prééens ( 1 ) .
con-
Le feur Dupuy, déa connu par les Fortifications ,
Châeaux & Seigneuries entièes en relief qu'il exéute
, & de la premièe eſèe , dont on trouvera
chez lai de tous faits, avertit MM. les Officiers , qu'on
trouvera aufli chez lui des tables de Tactique de
fon invention. Elles font compoftes de manièe
qu'on peut y former tous les terreins poffibles , y
faire marcher , manoeuvrer deux armies , avec tout
ce qui eft relatif , comme artillerie , pontons ,
vois , &c. &c. &c. dans un Pays fur 4 lieues de
long , & 3 & demie de large. Le nombre des objets
qui fervent àla repréentation de tous les difféens
changemens dont elle eft fufceptible , eft de 1030
à40. Cette Table eft indifpenfable aux Officiers
qui veulent approfondir l'art de la guerre dans
toutes fes parties. Il en a maintenant de toutes faites ,
que MM. les Militaires pourront venir voir tous
les matins , depuis 9 heures jufqu'à2 heures de l'aprè-
midi. Il ouvrira , au premier Avril prochain ,
un Cours de Tactique complet , conforme aux Ordonnances
& aux Rèles militaires dont il fera
l'explication & la déonftration , àl'aide de cette
Table. Ceux qui voudront le fuivre , font prié
de fe faire infcrire le plutô poffible , puifque le
nombre des Soufcrivans ne fera pas au- deíus de 18.
(1 ) Cet Ouvrage déiéàMonfieur , fait la feconde partie
de la Bibliothèue politique àl'ufage des Sujets deftiné aux
néociations ; par M. le Vicomte de la Maillardiere , Lieute
nant-Gééal pour le Roi en Vermandois , & Thierache , Capitaine
de Cavalerie , Membre de l'Acadéie Royale des
Sciences & Arts de Dijon , de celle de Lyon , & c . 2 vol in 12.
AParis , chez la veuve Duchefne , rue St- Jacques , & Valade ,
rue des Noyers.
227 )
MM. les Officiers gééaux pourront y affifter quand .
ils le jugeront àpropos. Le Cours eft de so leçns
de trois heures chacune , les Lundi , Mardi & Vendredi
, à9 heures du matin. Le premier Cours fuivi ,
on n'aura plus befoin de fe faire infcrire pour les
Suivans . Sa demeure eft rue des Liens St - Paul , la
troisièe porte cochere àgauche en entrant par la
rue St- Paul.
Le Roi de Suèe vient de faire remettre àM. Valade
, qu'il avoit déàhonorédepuis long-tems du titre
de fon Imprimeur & de fon Libraire àParis , la
méaille d'or frappé en Suèe àl'occafion de la réolution.
Cette diltinction flatteuſ eſ un téoignage
authentique de la munificence du Monarque & de
la fatisfaction des fervices & du zèe de M. Valade ,
qui en fourniffant àla bibliothèue de S. M. Suéoife
les meilleurs ouvrages qui s'impriment en
France , l'a enrichie de la jolie collection des petites
éitions préieufes & trè - foignés qui font forties
& qui fortent journellement de fes preffes , & qui au
méite de l'ééance typographique joignent le méite
rare du choix ( 1 ) .
Pierre Jofeph de Chapelle , Marquis de
Jumilhac , Lieutenant Gééal des Armés
du Roi , Lieutenant de Roi en Péigord
au déartement de Carlat , ci-devant Gouverneur
de Philippeville , &c. eft mort le
9 de ce mois dans la 92e . anné de for
âe.
»Arrê du Confeil d'Etat du Roi. Le Roi
voulant , àl'exemple de fes Prééeffeurs , donner
des marques fpéiales de fa protection àcette
claffe de fes Sujets , que la perte de la vue met hors
(1 ) Cette Collection des Poëes Françis , en petit format ,
qui eft àpréent trè - nombreufe , fe trouve àParis chez M
Valade , Imprimeur- Libraire , rue des Noyers.
1
k 6
( 228 )
>
d'éat de travailler pour le procurer les befoins
de la vie , s'eft fait rendre un compte particulier
& déailléde l'exéution du nouveau plan d'Adminiftration
que S. M. avoit approavé, concernant
I'Hopital Royal des Quiaze-vingts Aveugles de
Paris , lequel lui avoit éépréentépar le Cardinal
de Rohan , Grand Aumôier de France , Supéieur
gééal & imméiat dudit Hopital , pour le fpirituel
& le temporel ; S. M. auroit reconnu qu'avant
la vente de l'ancien enclos des Quinze- vingts &
leur tranflation au fauxbourg S :-Antoine , autorifés
par Lettres -patentes du Roi , enregistrés en
Parlement le 31 Déembre 1779 , les Aveugles domicilié
n'ayant alors par jour fur leurs revenus
qu'une réribution infuffifante , éoient obligé de
fe réandre avec importunitédans les Eglifes , &
mêe avec danger dans les rues de la Capitale ,
pour trouver dans la commiféation des perfontes
charitables , de quoi pourvoir àleur propre fubfif
tance & àcelle de leurs femmes & enfans ; que plu-
Leurs éant ſuls & ifolé , fouvent fans aide ni fecours
, lorfque la vieilleffe & les infirmité les réuifoient
àne plus fortir , n'avoient d'autre reffource
que de folliciter leur tranfport dans l'Hôel - Dieu .;
mais que par les foins du Cardinal de Rohan , on
auroit trouvédans l'emploi des revenus ordinaires
de quoi améiorer le fort des Trois cents Aveugles ,
en fupprimant la quêe & la mendicité; & dans
l'accroiffement de ceux qu'a procuré , la vente de
l'ancien enclos , des fonds fuffifans pour de nouveaux
éabliſ .emens analogues àla fondation primitive
& propres àconfoler l'humanitéfouffrante :
Qu'en conféuence , on auroit fait aux Trois cents
Aveugles de l'ancienne fondation , domicilié dans
Hopital , un traitement beaucoup plus confidéable
, en le graduant felon les befoins , àraifon de
vingt fols par jour , outre le fel , pour les garçns
& les veufs ; de vingt-fix fols pour les perfonnes.
( 229 )
mariés àdes érangers ; de trente- fix fols pour ceux
ou celles marié àdes Aveugles de l'Hopital : Qu'en
outre , on auroit deftinédes fonds pour contribuer
àéever les enfans des Aveugles marié , jufqu'àl'âe
de feize ans , & leur faire apprendre des méiers
& enfuite pour l'éabliflement d'une Infirmerie dans
l'intéieur de l'enclos , oùles Aveugles domicilié
& malades trouveront tous les fecours qui leur
feront néeffaires : Que dans l'augmentation des
revenus , on avoit déa trouvéles moyens de
crér les nouveaux éabliſ .emens fuivans : 1º. vingtcinq
places pour des Gentilshommes , & huit pour
des Eccléiaftiques pauvres & aveugles : 20. Des
penfions alimentaires de cent livres , cent cinquante
livres & de deux cents livres pour trois cents
pauvres Aveugles de Province ; 30: Cent cinquante
Aveugles choifis parmi les pauvres A pirans , auxquels
on donne tous les jours le pain : que de plus ,
il feroit fondéun Hofpice de vingt- cinq lits pour
des pauvres de Province, qui , affligé de la maladie
des yeux , y feront nourris & traité gratuitement
, jufqu'àleur guéifon ou juſu'àce que la
céitéparfaite foit déidé : qu'il y aura d'habiles .
Oculiftes attaché au fervice de l'Hopital , lefquels.
donneront , deux fois par femaine , gratuitement
leur temps , leurs foins & les fecours de leur art
àtous ceux qui viendront les confulter : qu'il doit
êre donnéun prix annuel de quatre cents livres
lequel fera adjugéau meilleur Méoire , dont le
fujer aura éépropofé, fur les maladies des yeux ,
fur la manièe de les préenir & de les guéir ,.
avec le prix des remèes àemployer.. S. M. ayant
bien voulu approuver ces nouveaux éabliffemens
& en marquer la fatisfaction , il lui a éérepréenté que vu la retraite & la déiffion des anciens
Gouverneurs-Adminiftrareurs , il éoit important:
qu'Elle voulû bien agrér , approuver & confitmer
, la nomination faite par le Cardinal de Ro(
230 )
han , comme il lui appartient , par le droit de
fon éat & charge de Grand- Aumôier , & d'aprè
les Statuts enregistré en Parlement , de fix Gouverneurs-
Adminiftrateurs , pour l'aider & réir avec lui
en fon abſnce les biens & revenus dudit Hopital :
Qui le rapport ; le Roi éant en fon Confeil , a approuvé les nouveaux éabliſ .emens ci - deſ .us mentionné
, &c. «
Les numeros fortis au tirage de la loterie
royale de France du 17 de ce mois ,
font , 24 , 41 , 75 , 23. & 78.
De BRUXELLES >, le 25 Mars.
LES nouvelles qui fe réandent du Nord
font trè vagues & trè incertaines ; s'il faut
en croire quelques papiers , de jeunes Seigneurs
Ruffes qui voyagent , ont , dit- on ,
reç avis de Péersbourg , que les Turcs
ayant commis des hoftilité contre un corps
de troupes Ruffes , l'Impéatrice a fur- lechamp
délaréla guerre , mais on n'apprend
de nulle part qu'aucun Ambafladçr de
Ruffie ait reç ou confirmécette nouvelle.
On apprend de la Haye que Fultimatum
de la Réublique portéàla gééalitépar
la Hollande , contient en fubftance , 1 °. un
refus abfolu de faire aucune ceffion àl'Angleterre
. 2 ° La demande d'une navigation
libre , d'aprè le plan tracépar la neutralité armé . 3 ° Des follicitations d'indemnifation.
4° Qu'avant d'avoir réléces points
on ne fauroit fe déerminer d'envoyer un
( 231 )
Miniftre àLondres. Cinq provinces fe conformèent
d'abord àce prévis. Les Déuté
de Zéande demandèent un déai . Cependant
les Néociations éant preffés on paffa
àla conclufion , & le Courier chargéde
cet ultimatum fut expéiéàParis le 5.
Les Etats de Hollande & de Weftfrife , ajoutent
ces lettres , alfemblé le 14 de ce mois , le feront en◄ core demain 18. Ca croit qu'ils déibéeront fur la
réonse qui aura ééfaite àl'ultimatum , & qu'on
compte recevoir aujourd'hui. Le courier qui l'ap
portera fera àce qu'on efpere chargéauffi de la fignature
des préiminaires entre la Réublique & la G.
B. On ne pense pas que l'article qui regarde l'indem--
niſtion arrêe rien , pourvu qu'on obtienne la reſitution
de Negapatnam & la libertéde la navigation.
Cependant les Intéeffé àcette indemnifation , ont
préentétequêe aux Etats - Gééaux pour qu'on lat
leur procure , ou que
du moins on prenne des inefures
pour les déommager de quelque manièe ; les
Provinces de Hollande & de Zéande ont pris cette
requêe en confidéation . On attend inceffamment
un plus grand nombre de paffeports Anglois ; les
cent qu'on a d'abord reçs ont éédiftribué fur le
champ.
a
--
PRÉIS DES GAZETTES ANGL . du 18 Mars.
Quelles que foient les perfonnes qui compoferont
l'Adminiftration , le Chancelier de l'Echiquier eft
déerminéàpourfuivre fon enquêe fur le péulat
des cinquante millions , jufqu'àce qu'elle parvienne
àforcer les coupables d'avouer leur crime.
La diffolution du Parlement ne peut manquer
d'êre vivement cenfuré par tous ceux dont elle
contrarie l'ambition & les vues intéeffés . Il n'en
eft pas moins vrai nénmoins que ce feroit le
moyen le plus raifonnable de connoîre les vrais
( 232 )
fentimens de la Nation fur le compte des difféens
perfonnages qui fe difputent l'autorité
L'armé d'Irlande doit êre réuite à4000 hommes
effectifs , en y comprenant quatre Réimens
de Cavalerie & trois de Dragons.
Les vaiffeaux retiré de commiſ .ion ont déa
fait licentier plus de 11,000 matelots . Plufieurs
d'entreux le font engagé àbord des bâimens de
commerce ; les autres fortis d'emploi feront' obligé
d'entrer au fervice éranger.
Des ordres ont ééexpéié pour faire revenir
des Ifles & de la Jamaïue 32 vaiffeaux de ligne ,
mais ils ne doivent mettre àla voile que lorfque les
Françis àSaint-Domingue & les Efpagnols àla
Havanne , auront fait toutes les difpofitions néeffaires
pour leur déart.
Le Marquis de Carmarthen a eu ces jours derniers
un long entretien avec le Roi , relativement
àfon Amballade de France.
Il eft arrivéun Exprè venant de Portſouth ,
avec la nouvelle que les éuipages des Sloops de
guerre le Speedy & le Marquis de Seignelay , qui
avoient éédéigné pour convoyer les bâimens
allant aux Ifles de l'Améique , s'éoient réolté
& avoient refuféde faire la travetfé.
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉÉ .
»PARLEMENT DE PARIS. Grand Chambre. Caufe
entre la veuve Magrah , Aubergifte àLaon , & la
communautédes Aubergiftes & Limonadiers de la
mêe ville. Les anciens Statuts des communau- -
té d'arts & méiers portoient , que les veuves des
maîres pourroient , pendant leur viduité, continer
les mêes trafics que faifoient leurs maris , & tenir
garçns & apprentifs fous elles . L'Edit de réabliffement
des corps & communauté d'arts & méiers ,
( 233 )
---
qui a fuivi leur fuppreffion , ordonné par un prééent
Edit , a apportéquelque changement àcette loi.
L'article VI pore , que les veuves des maîres qui
Leront reçs àl'avenir ne pourront continuer d'exercer
le commerce , profeffion , ou méier de leurs
maris , que pendant une anné , lauf àelles àfe
faire recevoir dans la communautéen payant moitié des droits de réeption . Et l'article VIII , accorde
aux anciens maîres des communauté tupprimés &
àleurs veuves , le droit de continuer d'exercer le
commerce , profeffion & méier de la communauté dans laquelle ils avoient ééreçs fans payer aucuns
nouveaux droits , & le aggièe feulement aux nouvelles
communauté . Ces deux articles ont donné lieu a la queftion de favoir , fi ce privilée accor
déaux veuves d'anciens maîres , devoit s'entendre
feulement des veuves d'anciens maîres au moment
de l'Edit , ou s'il devoit êre éendu àcelles des anciens
maîres , qui deviendroient veuves depuis l'E
dit. La communautédes Aubergiftes & Limonadiers
de la ville de Laon , vient d'éever cette question
vis-à vis de la veuve Magrah , concluant àce que
déenfes lui fuffent faites d'exercer l'éat d'Aubergifte
, & qu'elle fû condamné en des dommagesintéês
, pour l'avoir induement exercédepuis le déè
de fon mari . Une Sentence par déaut du 17
Septembre fuivant ayant adjugéàla communautéles
conclufions qu'elle avoit prifes , la veuve Magrah en
a interjertéappel . Arrê du 11 Janvier 1783 , fus
les conclufions de M. l'Avocat- Gééal Joly de
Fleury qui a infirméa Sentence , a déhargéla veuve
Magrah des condamnations contr'elle prononcés ,
& àcondamnéla communautéaux déens .
---
---
Caufe entre les fieur & dame M*** . Séaration
de corps. La diffamation eft dans tous les éats
un moyen de féaration pour la femme. Nous ca
( 234 )
avons rapportéplufieurs exemples ; cette Caufe en
offre un nouveau. Un Arrê du mois de Déembre
1781 , avoit admis la femme àla preuve des faits
par elle articulé ,fauf au mari déunt la preuve contraire.
Elle a fait la preuve. Arrê du 12 Férier
1783 , fur les conclufions de M. l'Avocar-Gééal
Dagueffeau , qui prononce la féaration de corps &
de biens ; condamne le mari àrendre la dot & les
effets de fa femme , & aux déens.
-
Caufe entre la dame de B*** & fes enfans . - Parmi
les difféentes espèes d'avantages poffibles entre maris
& femmes , il y a une grande diftin&tion àfare entre
deux éablis par le contrat , & ceux faits durant le
mariage. les prem ers font licites quelque confidéables
qu'ils forent , fauf l'exception de l'Edit
des fecondes noces , qui limite les avantages au don
d'une part d'enfant : l'excè de la donation ce la rend
pas nulle , mais réuctible feulement ad legitimum
modum. Quant aux avantages faits durant le mariage
as Coutumes les regardent d'une manièe
bien difféente : les unes les permetent , les autres
les déendent. Celle de Paris les déend : & elle doune
lieu àdes queftions d'avantages - indirects , lorf
qu'un des conjoints voulant reconnoîre les fains ,
les attentions & la tendreffe de l'autre , choifit des
perfornes tierces , àla probitédefquelles il fe confie
, pour lui remettre des objets de donation plus ou
moins conféuens : ou lorfque des conjoints , ayant
leurs biens en Coutume prohibitive , les déaturent
pour en acquéir d'autres en Coutume permiffive ,
pour avoir la facilitéde les léuer par teftament au
furvivant. Ces questions font trè éineules , &
leur folution déend beaucoup des circonftances .
Le fieur de B *** , ancien Capitaine de Dragons ,
& Chevalier de St - Louis , éoufa en Novembre 1747,
la demoiſlle P*** ; il avoit 45 ans , & la demoi
( 235 )
felle fature àpeine 26. Sa dot fut de 120,000 livres ,
les biens du mari furent porté àla femme de
210,000liv. ; la mife réiproque en communautéfor
ftipule à20,000 liv. , le douaire à6000 liv . de
rente ; les reptiles de la femme à12,000 livres 5
le contrat de mariage contient auffi donation entrevifs
car le fatur àla future. en cas de furvie , foit
qu'il y ait enfans ou non, de la femme de 30,000 live
L'union a éétrè heureuſ entre les éoux : trois
enfans en font provenus ; le Baron de B *** & deux
filles mariés , dotés chacune a leur mariage , de
16,000 liv. de rente au principal , an denier vi go
cinq , de 400,000 liv . Le 31 Mai 1768 , acquifition
faite par le fieur de B*** , d'un terrain de
2 arpens & demi en marais far les nouveaux boulevards
, pour le prix de 43,000 liv. Sur la moitié de ce terrein , le fieur de B*** a fait un potager
enclos de murs garnis d'efpaliers , avec un pavillon
ornéde glaces & fculptures . Le 17 Juillet 1780,
il a fait , par acte devant Notaires , donation enentrevifs
en toute propriééde cette partie de terrein ,
avec les bâimens àla dame L*** , tante de fon
éoufe , fous la réerve feulement d'ufufruit pour
lui fa vie durant ; la donation a ééfellé & infinué
le 29 Aoû 1780. Le 2 Septembre de la mêe
anné , donation entrevifs faite par la dime L***
àla dime de B *** de l'objet àelle donnéle 17
Juillet prééent. Le 13 Novembre 1780 , donation
paffé devant Notaires , par l'Abbé** au profit
de la dame de B *** , préente & acceptante de
la fomme de 150,000 liv . contenue en 30 billets
des Fermes , de chacun sooo liv . remis du confentement
de la donataire au fieur fon mari , qui
le reconcit en fa charge , fous condition que ladite
fomme demeurera propre àla donataire.
Octobre 1781. Acquifition de la Terre du B ***
& fes déendances , fitués dans la Coutume de
2
,
- Le if
( 236 )
-
Chartres , faite par le fieur de B ***, de M. de M***,
moyennant la fomme de 470,000 liv . & 6000 liv.
de pet-de-vin ; le prix principal payable , moitié aprè l'obtention des lettres de ratification , l'autre
moitiéen deux paiemens éaux àun an de diftance
l'un de l'autre . Plus , par le mêe acte , vente &
ceffion de tout le mobilier pour le prix de 30,0co liv. ,
& de difféens autres objets déaillé dans l'acte
pour 10,000 livres , les deux dernièes fommes faifant
celle de 40,000 liv. payés comptant . Codicile
du fieur de B *** , du mêe jour 13 Octobre
1781 , 11 heures du foir , par lequel , pour marquer
fon eftime & fon attachement àla dame fon éouse , it
lui donne & lèue ladite Terre & Seigneurie du B ***,
avec toutes les appartenances & déendances , fiués
Coutumes de Châeau-Neuf en Thimerais , & de
Chartres , fans en excepter ni réerver. Le feur
de B*** eſ déééle 27 Octobre de la mêe
anné. Par fon teftament fait au codicile dont on
vient de parler , il avoit affignéàchacune de fesfiles
une partie de fes biens pour les remplir des
400,000 liv. de dot donnés àchacune par contrar
de mariage , & avoit du furplus inftituéfon fils de
B*** , fon Léatataire univerfel , àla charge de
payer les dettes. Ce fils a attaquécomme nuls
les donations entrevifs faites par la dame L*** &
l'Abbé** , le legs fait par le codicile du ficur de
B*** de la Terre du B*** . Une Sentence par
déaut, d16 Mars 1782 , ayant délarénulles lefdites
donations & le legs de la Terre du B *** , la dame
de B*** en a interjettéappel. - Arrê , le 24 Jan.
vier 1783 , qui a délaréles deux donations nulles
& de nul effet & valeur , & a fait déivrance àla
dame de B*** , du legs de la Terre du B*** , déens
compenfé.
Caufe entre la Communautédes Maîres Chande
( 237 )
-
-
-
Tiers de Paris & le fieur Petit , Maitre Chandelier.
Le fieur Petit , Maîre Chandelier , occupe une
moitiéde boutique , dont l'autre eft occupé par le
fieur Cunenbourg , Maîre Epicier , fon beau- frèe.
Ces particuliers ont fait metttre au- deffus de
cette boutique commune cette infcription : Gutenbourg
& Petit tiennent magafin de toutes marchandifes
de l'éat d'Epicier & de Chandelier. ·La
Communau édes Maîres Chandeliers a cru voir
daas la manièe dont ces commerçns font loges ,
une contravention àfes Statuts , qui déend le cumul
de deux éats difféens & incompatibles. En conféuence
les Gardes & Juré fe tont tranfporté chez
le fieur Petit , & ont dreffécontre lui un procèverbal
de contravention . Ce procè- verbal ne porte
cependant pas qu'ils l'aient trouvéoccupéàaucune
chofe de l'éat d'Epicier , mais feulement àfon éat
de Chandelier , les deux moitié de boutique éant
bien diftingués par la difféence des marchandifes
des deux éats . La Communautédes Maîres
Chandeliers a nénmoins fait affigner le fieur Petit
en la Chambre de Police du Châelet , pour que
déenfes lui fuffent faites de cumuler ainfi les deux
éats , & de faire fon commerce dans une moitié de boutique ; qu'il i fû enjoint d'en avoir une
diftincte & féaré , & qu'il fû condamnéen l'amende
pour raifon de la contravention . Sentence
de Police qui l'a ainfi ordonné, & l'a condamnéen
dix livres d'amende & aux déens. -Le fieur Petit
en a interjettéappel Arrê du 11 Déembre
1782 qui a mis l'appellation & ce dont eft appel
au nént ; éandant a déhargéPetit des condamnations
contre lui prononcés , &condamnéla Communautê des Chandeliers aux déens.
-
PARLEMENT DE TOULOUSE. ( Suppofition de
perfonne , dans un ate public , punie ) . Caufe ex
( 238
)
tueux ,
traite du Journal des Caufes céères ( 1) . Il eſ
dans le Droit Romain plufieurs manièes d'acquéir .
-Juftinien en a fait un titre particulier dans les inftitates
. Un maçn de Fons , en Languedoc , nommé Péouris , pen fatisfait de toutes celles qui font déombrés
dans les loix romaines , en voulut inventer
*unenouvelle àfon uſge. Comme l'avare de Molièe,
qui n'a imiroit point un bon repas qu'il falloit payer >
& exhortoit fon clinier àlui faire , pour chefd'oeuvre
de fon induftrie , un repas déicat & fompqui
ne lui coutâ pas un fou ; Péouriéne fe
foucioit point d'acquéir une chofe , en donnant fon
prix en argent ou autre éuivalent. Il convoitoit
beaucoup, depuis long- tems , une pièe de terre d'un
de les voifins ; mais il vouloit en devenir propriéaire
, fans bourte déier. Cela paroî difficile àbien
des honnêes gens : voici le moyen de l'induſrieux
maçn il choifit , pour confident de fon defir ,
un nomméDebrieu , laboureur de fon voisinage.
Soit par fon éoquence , foit en l'intéeflant , il fut
l'engager dans les vues . Si Debrieu ne fut que complaifant
& gééeux , c'eft malheureufement une
efpèe de gééofitépour laquelle les loix n'ontpoint
éabli de reconnoiffance. Quoi qu'il en fois du falaire
, voici le pacte. Les deux amis conviennent
enfemble que Debrien fe préentera chez un Tabe !-
lion un peu éoignédu lieu , fous le nom du propriéaire
du champ convoité, & que la vente le fera
ainfi paifiblement entr'eux deux . Un fi beau projet
(1 ) On foufcrit pour ce Journal , qui a le fuccè le plus
méité, chez M. des Effarts , Avocat , rue Dauphine , Hôel
de Mouy , qui nous a lui -mêe fourni l'extrait de cette
caufe , & chez Méigot le jeune , Libraire , quai des Auguftins.
Le prix de l'abonnement eft de 18 liv. pour Paris & de
24 liy. pour la Province.
( 239 )
s'exéuta fans déai . Nos deax affocié vont , l: 8
-Juin 1781 , chez un tabelion : Je fuis moi , Péourié , qui veut acheter telle pièe de terre , & voila
Tyffeyre , propriéaire de ladite pièe , qui veut me
vendre. Il n'y eut que ces deux mots àdire . Le
tabellion dreffa l'acte , & voilàla vente confommé
; & les deux contractans fortent tout joyeux
du fuccè . On conçit pourtant qu'il devoit efter
quelques petites difficuité fur la tradition de l'immeuble
vendu. Il n'éoit pas aiféàPéoutié, malgré fon acte en bonne forme , d'aller fe mettre en poffellion
du champ. Tyileyre n'auroit pas ééfacile à déofléer fans bruit ni querelle. Apparemment que
l'acquéeur , content de la propriéé, le propofort
d'en laiffer quelque tems l'ufufruit au poflefleur ,
ou fe commandoit la patience d'attendre fa mort ,
ou enfin , eſéoit de l'avenir ou de fon géie quelque
expéient nouveau pour donner àl'acte fon effet,
Un incident fort fimple vint lai éargner les embarras
. Soit indifcréion de fa part ( car les petits
criminels font quelquefois indifcrets par vanité) ,
foit propos éhappé au faux vendeur , la nouvelle
de cette fupercherie parvint , quelque tems aprè , au
Tabellion furpris . L'amour-propre de l'officier fur
piquéde le voir dupe ; & d'ailleurs l'intéê de s'abfoudre
lui-mêe de tout foupçn de complicitéavec
ces deux fauffaires , lui firent bientô rompre le
filence. Il rendit plainte contre les deux coupables
devant les Juges du lieu . Les preuves de leur déic
ayant ééacquifes , ils furent condamné au banniffement
par Sentence du 26 Mars 1782.
tèe public ayant interjettéappel de cette Sentence ,
le Parlement de Languedoc l'a confirmé quant au
prononcé mais cette Cour a prononcéune peine
plus féèe contre Debrieu , elle l'a condamnéàfaire
amende honorable & au banniffement , par Arrê
du 30 Octobre 1782 «.
- Le Minif
240 )
PRISES FAITES SUR LES ANGLOIS.
-
- -
- Par les
Françis. Le Caffandre de Clyde pour Antigue,
envoyéen France ; le Walter de Clyde pour les
Ifles , envoyéàla Grenade ; le Cartier de la Chine
pour Bombay, envoyéa ... ; le Dove de Waterford
pour Arundel , envoyéàMorlaix ; l'Intrepid envoyé en France ; le Betfey àMorlaix ; le Hope de Briſol
pour
la Barbade à... ; la Pomona à... ; le Charles
àNantes Par les Améicains . Le Tyback de
Terre- Neuve pour Tortola , envoyéàSalem ; l'Amiral
Hawke àl'Orient ; le Bailie de Sainte- Lucie
pour Saint-Martin envoyéàBolton ; le Hope de Lisbonne
pour Terre-Neuve pris & péi ; le Swallow
de Terre-Neuve pour New-Yorck , envoyéàSalem.
PRISES FAITES PAR LES ANGLOIS . Sur les Efpagnols.
Un bâiment envoyéàla Jamaïue.
Sur les Hollandois. Un bâiment de Curaço
pour Amfterdam , envoyéàPortfmouth . Sur
les Améicains.- Un bâiment envoyéàLiverpool ;
un autre envoyéàla Barbade ; un troifièe de New
London pour Sainte-Croix .
-
-
-
N. B. Defirant donner àce Journal une exiftence durable
& permanente , nous avons cru que la variééſule pouvoit
y contribuer & que nos Soufcripteurs verroient avec plaifir un
nouvel effort & de nouveaux facrifices de notre part pour
parvenir àce bur . Non-feulement nous avons acquis le droit
de rémprimer fur les couvertures le Journal de la Librairie ,
qui contient la Notice exacte des Livres nouveaux , de la
Mufique , des Eftampes , des Arrês ; mais nous venons d'acquéir
de M. Mars , Auteur de la Gazette des Tribunaux , le
droit d'imprimer , dans ce Journal , la Notice plus ou moins
abréé de toutes les Caufes civiles & criminelles avec leurs
Jugemens dont fon Journal fait mention. Cette Gazette des
Tribunaux , abréé par M. Mars lui-mêe , fera imprimé à la fin du Journal Politique , & contiendra plus ou moins de
pages , fuivant qu'il y aura plus ou moins de Caufes & fuivant
leur importance. On fonferit en tout tems pour cet Ouvrage ,
dont le prix eft de 15 liv. par an franc de port , chez M.
Mars , rue & hôel Serpente,
( 1 )
Suppléent aux Nouvelles de Londres , le
Jeudi 20 Férier 1783 .
HIER , on fit àla Chambre de Communes une feconde
lecture du Bill propofépar M. Townshend , pour déruire
tous les doutes qui fe font éevé , ou qui pourroient s'éever
relativement aux droits exclufifs du Parlement &
des Cours d'Irlande , fur des objets de Léislation & de
Judicature , & pour empêher qu'aucun appel d'aucunes
des Cours de Sa Majeftédans le Royaume d'Irlande ne fut
reç , entendu & jugédotéavant dans aucune des Cours
Sa Majeftédans le Royaume de la Grande- Bretagne . Mais
àla demande de ce Secréaire d'Etat , toutes les difcuffions
fur cet objet ont ééremifes au jour oùle Bill en queſion
feroit mis fous les yeux du Comité
Quant àla Paix , il en fut peu queftion . M. Fox ayant
demandéque l'on mî le plus tô poffible la Chambre à porté de faire connoîre fes fentimens fur les Articles
Préiminaires , M. Pitt réondi : qu'il n'éoit pas moins
emprefféde voir terminer cette affaire ; mais qu'il defiroit
feulement êre préenu du jour auquel la Chambre s'en
Occuperoit ; & qu'en conféuence , fi elle avoit befoin de
quelques nouveaux papiers , il la fupplioit de les demander
promptement pour accééer d'autant les déibéations
fur d'autres objees que l'importance de celui - ci avoit fufpendus.
Le Lord John Cavendish dit que le jour lui éoit indifféent
, & que c'éoit aux Miniftres àle fixer. Il profita
de cette eirconftaece pour ſ juſifier d'un bruit calomnieux
réandu dans le Public àfon fujet , par lequel on
préendoit que fa motion tendoit àannuller la Paix , tandis
qu'au contraire elle portoit exprefféent que la Cham
bre devoit refter inviolablement attaché au maintien de
la foi publique.
Le mêe jour , la Chambre des Paris s'eft rendue à Saint James , oùelle a préentéau Roi l'Adreffe voté
par cette Chambre le 17. Sa Majestéy a fait la réonſ
fuivante :
MILORDS ,
«Je reçis avec plaifir cette Adreſ .e refpe&ucuſ , &
je vois avec une vive fatisfaction que les Articles Pré
»liminaires & provifionnels vous paroiffent , comme à ( Samedi 1 Mars 1783 ) .
>
( 2 )
moi , offrir la perſective d'une Paix qui , en déivrant
»mes Peuples de tous les fardeaux que les déenses de
»la Guerre avoient rendus inéitables , éablira , fi on
»fait profiter de fes avantages , la prospéiténationale fur
»une bafe folide . Ce font des objets que j'ai toujours
»àcoeur ; & toutes les mesures qui tendent àles rem-
»plir ne peuvent que m'êre agrébles . Je fuis ferme-
»iment réolu àexéuter tous les articles des Traité
»avec la bonne -foi qui a toujours caractéisécette Na-
»tion.
»Je partage entièement vos fentimens relativement
»àla jute confiance oùvous êes que dans l'Améique,
»feptentrionale on obfervera avec la mêe exactitude
»les ftipulations en faveur des malheureux qui ont fouf-
»fert de la Guerre ; ftipulations qui font fondés ſr
»la juftice & l'humanité, & qui ont actuellement la
»fanction d'un engagement public . Je n'ai pas le moindre
doute que cet article & tous les autres , faifant par-
»tie des Traité dont on s'occupe , feront déinitivement
>> arrêé & exéuté par les autres Puiffances , avec l'ef-
»prit de gééofité& de juftice dont elles doivent êre
»animés. >>
On érit de Chatan , en date du 17, que quelques Sol .
dits Irlandois , icen ié àl'occafion de la Paix , & qui
viennent de s'engager pour le fervice de l'Inde , ont commis
, depuis trois o 1 quatre jours , beaucoup de déordres
dans certe Place. Ils ont tuéou bleffédifféentes perfonnes
, & la frayeur des Habitans a éételle , qu'ils ont
ferméleurs boutiques & leurs maiſns bien avant la
nuit.
L'Irlande fait tous les efforts pour avoir la prééence
fur nous dans les marché Améicains. Il n'eft encore
parti d'Angleterre aucuns Bâimens pour les Etats-Unis ;
mais , le 16 de ce mois , il en a dûpartir un de Dubin
pour Philadelphie . Ce Vaiffeau , nomméla Marie , fera le
premier des trois Royaumes qui aura ouvert le Commerce
avec l'Améique.
Le Congrè a délaréle Presbytéianifme pour la Reli
gion dominante des Éats - Unis , oùd'ailleurs toutes les
autres Religions feront toléés. -
( 1 )
Suppléent aux Nouvelles de Londres , des 25 ,
26 & 28 Férier 1783 .
Du725
Férier
, Les Miniftres
fe font rendus
hier àSaint-James
, &
ont prié le Roi
d'accepter
leur
déiffion
, reprefentant
àS. M.
qu'ils
ne pouvoient
plus garder
leurs
places
aprè
avoir
perdu
, par la
Paix
, la confiance
du Parlement
. Le Roi a confenti
àleur demande
;
mais
ils garderont
les Sceaux
jufqu'à ce que la nouvelle
Adminiſration
foit formé
. Outre
les Miniftres
, le Duc de Manchester
& plufieurs
autres
Seigneurs
fe font
préenté
aulever
, & ont donné pareillement
la déiffion
de leurs
Places
. Le Lord
Avocat
d'Ecoffe
ne
s'y eft point
trouvé .
Le Roi n'a point encore délaréfon choix , relativement au nouveau
Miniftèe. On préend qu'il fera compoféde la manièe fuivante :
Le Duc de Portland , premier Lord de la Tréorerie ; le Lord
North , cré é Pair , & nomméGarde du Sceau Privé; Frééich
Montagu , Chancelier de l'Echiquier ; M. Fox & le Comte de Carlife
, Secréaire d'Etat ; le Lord Lougboroug , Lord Chancelier ; M.
Wallace , nomméPair & Premier Juge des Plaids Communs ; le
Lord Keppel , Premier Lord de l'Amirauté; le Duc de Devonshire
ou le Comte Fitzwilliam , Lord Lieutenant d'Irlande ; M. Burke ,
Tréorier des Troupes de Terre ; le Colonel Fitzpatrick ou le Colonel
North , Tréorier de la Marine . La place de Commandant en
Chef des Troupes de Terre fera fupprimé ; le Duc de Richmond ,
Grand- Maîre de l'Artillerie. Le Lord John Cavendish , ne voulant
accepter aucun emploi , fera cré é Pair , & la Pairie réerfible àfon
neveu.
Le Comtéde Shelburne s'eft entièement méris dans l'expofé qu'il a donnéàla Chambre des Pairs de l'importation des Pelleterie
du Canada , dont le Miniftre a éaluéle produit à50,000
livres . Il a appréiéavec aufii peu de juttene la perte de l'Ile de
Tabago , qui eft non-feulement trè préieufe par fa fituation en
temps de guerre , mais encore trè - fertile en coton . Elle produit
prè des deux cinquièes de tout celui qui eft importédans la
Grande-Bretagne . La perte de cette Ifle a déàfait hauffer confidéablement
le prix de cet article effentiel pour nos Manufactures
, & on ne doit pas douter qu'il ne hauffe encore davantage.
L'importation des pelleteries fe monte àplus de 200,000 livres par
anné .
Il s'eft tenu ce matin , chez le Duc de Portland , une trènombreuſ
affemblé des Perfonnes que l'on croit devoir former
la nouvelle Adminiftratier .
La Fréate l'Hydre , venant de la Jamaïue , eft arrivé àPortmouth.
Elle avoit appareilléde Port - Royal le 22 Déembre avec
l'Ardent , de 64 , & le Sloop le Vaughan , ayant fous leur Convoi la
Flotte de la Jamaïue. Le 4 Janvier , quarante huit Voiles fortirent du
Golfe ; le 17 , elles furent accueillies d'une violente tempêe qui difperfa
la Flotte , de forte que le 19 elle ne fe trouva compofé que de
trente- deux Bâimens rénis . Quelques jours aprè , le Vaideau de
guerre l'Ardent fit route pour Antigue, faifant deux pieds d'eau . Deux
( Samedi 3 Mars 1783. )
( 2 )
"
Bâimens péirent , mais les éuipages fe fauvèent. Les lettres appor
tés par l'Hydre annoncent que l'Amiral Hood croife avec l'efcadre
de New-Yorck entre Saint-Domingue & la Jamaïue , & qu'il a éé joint par les Vaiffeaux de cette dernièe ftation. Il eft àcraindre que
cette Flotte ne foit auffi malheureufe que la dernièe .
Suivant des Lettres de Dublin , les Néocians de cette Ville , de
concert avec ceux de Coike , fe ptopofent de former une Compagnie
pour faire le Commerce de l'Inde. On ne fait point encore fi cette
entrepriſ fe fera fous les auſices du Gouvernement ; mais il y a tour:
lieu de préumer que cette Compagnie ne pourra s'éablir fans l'agréent
& la fanction du Parlement d'Irlande.
Du 26 Férier. Le Lord Avocat d'Ecoffe a fait hier , dans la Chambre des
Communes, une Motion tendante àce que la Chambre s'ajournà au 28
pour donner àS. M. le temps de fe déerminer fur le choix des nouveaux
Miniftres. La Motion paffa par une pluralitéde 49 contre 37.
On dit que M. John Adams eft le feul Commiffai e nommépar le
Congrè pour faire un Traitéde Commerce & d'amitiéavec la
Grande- Bretagne ; & qu'àcet effet il ſ rendra àLondres auſ .i - tô
aprè la conclufion du Traitéde Paix actuel ..
Ce matin , le Capitaine Gower eft revenu de Portsmouth , oùil
éoit allévifiter les Chantiers , & donner de nouveaux ordres pour
que l'on mî en ordinaire les Vaiffeaux qui avoient ééretité de leur
commiflion.
Le Gouvernement a déàpafféun marchépour tout le Salpêre qui
fe trouvoit àbord des Vaiffeaux arrivé du Bengale.
Les Fonds baiffent àcaufe du nouvel Emprunt qui va avoir lieu ,
& qui ne fe fera qu'en efpèes.
Du 28 Férier. Le Roi n'a point encore forméla nouvelle Admiuiftration.
On afluroit hier que tandis que le Lord North & M. Fox
éoient occupé àajuſer les articles préiminaires de leur Traitéde
Paix & d'Union , il s'éoit fait une nouvelle ligue entre le Roi , le
parti de Bedford & ceux des anciens Collèues du Lord North ,
dont la conduite a ééle plus cenfuré par le Public , qui les regar
doit comme les inftrumens du Lord Bute. Telle éoit la nouvelle du
jour. Ce qu'il y a de trè - certain , c'eft que le Comte Gower , Chef
de la faction de Bedford , a eu ce matin un entretien avec S. M.
Cette nouvelle alliance a ééformé , dit- on , par le Lord Chancelier.
Si elle l'emporte fur l'autre , M. Jenkinfon fera Chancelier de
J'Echiquier , & M. Pitt nomméSecréaire d'Éat.
Le Duc de Portland , ainfi que le Lord Chancelier , ont eu hier un
long entretien avec S. M.
Il a ééoffert une Prime additionnelle de quatre pour cent pour
quelques Bâimens de la Flotte de la Jamaïue , mais elle a éé defufé.
Les Lettres d'Antigue donnent les nouvelles les plus alarmantes
de la fituation de cette Ile . Une féhereffe continuelle a totalement
ruinéla réolte de fucre pour l'anné préente , & les plants pour
l'anné prochaine feront pareillement déruits , fi l'on n'a prompteme
nt des pluies .
Les Lettres de Terre Neuve , datés du 14 Janvier , portent qu'on
y chargeoit environ 20 Vaiffeaux qui devoient partir fous quinae
jours,
A VIS.
1
Guillaum Uillaume Defprez , Imprimeur du Roi & dú Clergéde France , rue Saint- Jacques , àParis , donne
avis au Public , qu'il met en vente un Ouvrage trè
intéeſ .ant ſr la Guerre , ayant pour titre :
TRAITÉSUR LA CAVALERIE , par M. le Comte
DE DRUMMOnd de MelforT , Lieutenant- Gééal
des Armés du Roi , & ci- devant Inspecteur- Gééal
des Troupes-Léeres de France , avec Approbation &
Privilege du Roi. Un Volume in-folio de sos pages
d'impreffion , fur papier grand raifin , enrichi de Vie
gnettes & de douze Figures en taille- douce , dont un
Frontifpice gravéavec le plus grand foin ; & un grand
in-folio, forme d'Atlas , de trente-deux Planches gravés
en taille-douce , oùfont repré .enté , dans les
attitudes les plus juftes , tous les mouvements des
hommes & des chevaux , tant dans les procéé qu'entraîent
les principes de l'Equitation analogue au fervice
de la Cavalerie , que dans les tableaux qui traitent
des manoeuvres les plus favantes de cette arme
que dans ceux enfin qu'occafionnent toutes les parties
de fon fervice àla guerre , ils font éalement vus eri
actions fur toutes fortes de terreins , deffinés par le
Sieur Van Blarembergh , Peintre du Roi , attachéau
Déartement de la Guerre , & gravés par les plus
habiles Artiſes du Royaume.
Cet Ouvrage eft d'autant plus préieux, qu'il eft à la porté de tout le monde , puifqu'il conduit l'Hom
me de guerre , depuis l'éat de fimple Cavalier , juf
qu'àcelui , pour ainfi dire , de Gééal d'Armé. I
eft le fruit de quinze Campagnes de guerres , faites
fous MM. les Maréhaux de Coigny en Allemagne,
de Belleifle , de Broglie en Boheme , de M. le Prince
de Conti en Italie , du Maréhal de Saxe en Flandre ,
& depuis fous MM. les Maréhaux de Soubife , de
Contades & de Broglie en Weftphalie & en Heffe ,
oùM. le Comte de Melfort a commandéune des
avant-gardes de l'Armé pendant les quatre dernieres
Campagnes.
L'Auteur traite , dans la troifieme Partie de cet Ouvrage
, de toutes les opéations de la guerre de campagne
; & il s'eft attachéàrendre fes principes auffi utiles
aux Troupes-Léeres & àl'Infanterie , qu'àla Cavalerie
.
Il eft auffi le fruit d'une éude fuivie , tant dans le
Cabinet , que fur le Terrein , pendant le cours de
quarante annés de fervice , oùcet Officier - Gééal ,
qui a eu la permiffion de le déier au Roi Louis XVI ,
a vu manoeuvrer la plus grande partie des Troupes de
l'Europe , & entr'autres celles du grand Frééic , pendant
l'efpace de trois mois , fous les yeux du Felt-
Maréhal Keith , fon oncle.
Le prix eft de 120 livres en feuilles .
La reliure en veau du Volume d'impreffion in-folio
grand raifin , avec Figures , & du Volume des Figures
fur papier grand aigle , forme d'Atlas , le prix aujufte
eft de 24 livres , àajouter aux 120 livres ,
font
Pour l'envoi en Province , la caiffe coutera
Ce qui fait .
· • Les mêes Volumes , broché en carton ,
font de 9 livres , àajouter à120 livres ,
font ·• Et de mêe
pour
la caiffe
144
1.
6 1.
150
1
129
l.
6 I.
·135 1.
Ce qui fait
•• Ceux qui voudront fe procurer cet Ouvrage , s'adrefferont
audit Sieur Defprez , auquel on peut érire , en affranchiffant
les lettres & l'argent qu'on lui enverra , foit par la Pofte ,
foitpar toute autre voie , & ilfera remettre chaque exemplaire
aux Perfonnes qu'on lui indiquera.
chancellor of the diocele of Le- la Fabrique de la Paroifle de
terborough , and fellow of the Bagnolet Extrait des Regift es
royal and antiquary focieties ,
deceated , which will befold by
auction , by M. Peterfon , at his
great room Numero 6 king- Mignon S. André des- Arcs.
du Parlement , du 17 Janvier
1-83 . A Paris , chez P. G. Sirion,
& N. H. Nyon , Libr.- Impr. rue
Arect , covent garden , London , Arrê de la toutesment,
on monday , April 7 , 1783 and qui fait defenfes perfonthe
fortytwo following days.nes , de quelqu'éat & condition
London , 1783 , in - 8 ° 420 pag.
8360 articles .
qu'elles puiffent êre , de s'affembier
& de s'attrouper, fous aucun
préexte , & dans aucun ttemps
de l'anné ; de fimuler les fonc
trons de la Justice ; de courir
Hiflorical fragments of the
Mogul empire , of the morat
toes , and of the english concerns
in Indotan. Lond. 1782 , in - 8°.mafqués ou déuirés dans la
A history of the revolution of Ville & Fauxbourgs de Verbe-
Ali Bey , against the Ottoman rie ; porter ou reprefenter aucune
Porte , including an account of effigie ; faire aucuns charivaris ,
the form of governement of parades , cavalcades , ou autres
Egypt together with a defcription Jeux tumultueux ; infulter aucuns
of grand Cairo , and of feveral Particuliers de quelqu'éat & concelebrated
places in Egypt , Pa- dition qu'ils foient , par defignaleftine
& Syria. London , 1783 tions directes ou indirectes , fous
in-897 les peines portés audit Arrê :
Extrait des Regiftres du Parlement
, du 6 Férier 1783. Chez
les mêes,
Le Vocabulaire de Marine ,
Anglois & Françis , Françis &
Anglois ; par M. Lefcallier. London
, 1783 , gr . in- 8°. avec fig.
Suite des Ouvrages de Gégraphie
qui fe trouvent chez
Defnos , Ingéieur- Gégraphe ,
rue S. Jacques.
Lettres - Patentes du Roi , portant
abolition du droit d'Aubaine
entre la France & les Etats du
Comtéde la Leyen ; donnés à Verfailles le 12 Novembre 1782,
Atlas de Coilées , adapté& registrés en Parlemeur le 31 Janfaifant
fuite àla Gégraphie , vier 1783. Chez les mêes.
déiéàMile de Crozat : 28. Lettres -Patentes du Roi , fur
Cartes in 4. 15 liv.. Arrê
Atlas Hiftorique , dreffépour pofé aux quêes pour la ré
, portant que les Pré'intelligence
de l'Hiftoire de demption des Captifs , re joui-
France de MM . Véy, Villaret : ront de l'exemption d'aucunes
60 Cartes in 4.3212 liv.
Charges publiques ; donnés àla
Atlas , idem , en 34 Cartes , Muctte le 28 Septembre 1782 ,
fans celle de rééition ni Vi- registrés en Cour des
gnette, volume in-4 . de 34 Car- r Férier 1783. Chez Knapen &
tes ; 15 livi
fls , Libr. - Impr. Pont S. Michel.
CARTE 3. Atlas Hiftorique & Chronologique
, faifant fuite àl'Abréé de M. le Préident Henault : in-
4. rel . 21 liv .
Aides le
Seconde livraifon de l'Atlas
nouveaa , déiéàM. le Comte
de Vergennes , contenant 14 Cartes
au lieu de 12. ARRET S.
Arrê de la Cour de Parlement,
portant Rélement pour l'admi- guer ,
L'Aureur a eu foin de diftinpar
la couleur des enluminiftration
des bicus & revenus de nures , les difféentes poffeilions
chez Servièe
de- Beauvais
On trouve chez
Education corper.
par M. De
Le bien indique les 10es Fran - Tome 1 , 2 vol
soifes ; le rouge , les Angloifes : 4 Londres , &
le jaune , les Epagnoles , l'oranger
, les Hollandoifea ; le violer
fes Dancies. La Carte de la pref
que fic de l'Inde en deç du Gan
ge , depuis Charlemagor, & qui
doittane partie de la troièe if
vraifon , fera déivré fous peu
aux Soufcripteurs qui feront en
preffes de fe la procurer.
On fouferira jufqu'àla quatrieme
livrai on , chez TAuteur,
M. Mentelle , Hitoriographe de
Mgr . le Comte d'Artois , hôel
de Mayence prè le Notaire
rue de Seine faurb. S. Germain.
LIVRES ETRANGERS.
De education des enfans ,
traduit de l'Anglois de M. Jean
Locke pá M. CofMembre
de la Societe Royale de Lores :
nous edit . àlaquelle ond jon
la méhode obfervé pour Fedu
A
Philippe Ii fon fir
liv . to f
1
Des befoins de l'ciuta
l'éucation des
12. broch, 11
Préisde l'Hite
àl'afage des
Mouftolon :
Gégraphie ele
fage des College
Geographe ording
12 , avec des cartes
Le Méecin
M. Geullin :
Le Medecin
mêe ; in-12
Avec Approbation & Privilée du
Le Journal de la Librairie fe vend féaréen
Impriment Ordinaire du Roi , rue S. Jacques
l'imprime chaque féaine fur les Couvertures du
Souferipteurs n'ont rien de plus àpayer.
On s'abonne en tout temps , àPans
THOU , rue des Poitevins. Le prix cl
de trente vres , & pour la Province
Brente deux livres , que l'on remettra
Ja
fas
rela
en afranchiffant le Port de l'argent & lettre
davis.
Meffieurs les Souferipteurs du mois
prié de renouveler de bonne heure leur
nici , claffium methodi fexualis
generumque plantarum charac
teres compendiefi , ed P. D. Gi
feke. Hamburgi , 1781 , in - 8 °
Caroli Linnai philofophia botanica
, &c. curante D. J. Gor.
Gleditfch. Berolini ,
CARTES.
Mappemonde dreffé fur les
relations les plus nouvelles & les
plus approuvés , & augmenté
des déouvertes du Capitaine
Cook ; par les fieurs Brion de la
Caroli A Linnémateria Tour & Deinos , Ingéieursme
dica , editio quarta , auctior. curante
J. Ch. D. Schrebero . Lipf.
1782 , in - 8 °
Catalogue des livres dont la
vente fe fera àl'amiable le Jeudi
6 Mars 178. A Paris , chez Lay
, Libr. quai des Auguftins .
ARRÊS.
Gégraphes du Roi . A Paris
chez Defnos , Ingéieur Gégra
phe , rue S Jacques.
La pareille Mappemonde , en
4 feuilles , la plus grande qui ait
paru , chez le mêe : 4 liv.
GRAVURES.
L'Attention dangereufe , Eftampe
gravé d'aprè F. Boucher,
par A. F. Dennel , & déié.
Mad. Wille la jeune : 2 liv. A
Paris , chez l'Auteur , rue du Petiz
- Bourbon.
Cette Eftampe fait fuite àle
Troisièe cahier de jardinage.
12 fols. A Paris , chez le fleur
Panferon Architecte rue des
Maçns , prè la Sorbonne.
L'Evanouiffement de Calipfe
Arrê du Confeil d'Etat du
Roi , du 23 Déembre 1782 , qui
ordonne que les Etapiers continueront
de jouir de la facultéde
tuer ou faire tuer , mêe pen- Vertu irréolue .
dant le carêe , les beftiaux néeffaires
pour la fourniture de
Péape , & de vendre aux particuliers
des lieux & àceux du voi
finage , ce qui n'aura pas éécon
fommépar les troupes . De l'Im- àla vue du Vaiffeau conftruit par
primerie Royale. Mentor , & la Colèe & la Jalou-
Arrê du Confeil d'Etat du fie de Calipfo contre Eucharis &
Roi, du Is Janvier 1783 , qui Tééaque , deux Eftampes faiexcepte
les afpirans àla Maitrife fant fuite au huit du mêe fujet
d'Orfére , des difpofitions gééravés par de Monchy , d'aprè
rales de l'Arrê du Confeil du 24 Ch. Monet ; chacune , 1 liv. 10 f.
Novembre 1782 concernant Chez Auteur , cloltre S. Benot .
Papprentiffage Del Impr. Royale. Machine àelever l'eau par une
corde fans fin , perfectionné par
M. Campmas , en fept figures ,
jointe àla defcription : 3
Arrê du Confeil d'Etat du
Roi , du 2 Férier 1783 , concernant
le commerce de la Chine.
De l'Imprimerie Royale.
Ordonnance du Roi , du Is
Janvier 1783 , concernant les formalité
àobferver pour la remife
des billets ou engagemens de rançns
, ainfi que des otages qui feroient
faits en contravention à l'Ordonnance du 30 Aoû 1782 .
De l'Imprimerie Royale.
liv.
Et fans defcription : 11. 16 f.
A Paris , chez l'Auteur , hôel S.
Louis , rue Git le coeur.
Plan general de la nouvelle
foire S. Germain projetté à l'extréitédurjardin du Luxem
bourg. A Paris , chez les frèes
Campion , rue S. Jacques.
Le Port des Sables d'Olonne
Ordonnance du Roi , du 4 Féle Port de Landerneau , for
vrier 1783 , concernant les termes mant les planches XXXIII &
de la ceflation des hoftilité en XXXIV de la collection des ports
met. De l'Imprimerie Royale.de France , deffiné pour le Roi
par le fieur Ozanne , Ingéieur de l'Ate du Feu , remis en mußde
la Marine chacun , 1 1. 10 f, | que ; par M. Edelmann ; paroles
AParis , chez le Goung , Graveur , de M. Moline 2 livres s fois.
rue . Hyacinthe place S. Michel A Paris , chez Bignon Graveur ,
On trouve àla mêe adreffe place du Louvre , àAccord per.
la Tempêe ou clair de lune , gra- fait , & àla falle de l'Opéa ; &
vé d'aprè M. Vernet , par J. J. chez Mlle Caftagnery , rue des
Flipart 6 liv.
Prouvaires.
LIVRES ETRANGERS.
Dictionnaire univerfel des fcien
Le Triomphe de Véus , Eftampe
gravé en couleur , par R.
Lenoir , d'aprè Angelica Kauff - ces morale , éonomique , politimann
: 6 liv. , & en rouge , 3 1. que & diplomatique , mis ca or
A Paris , chez Lenoir, Marchand dre & publie par M. Robinet ,
d'Estampes , au Louvre , & rue du Tomes XXVI & XXVII ; in - 4 ° Cog S. Honoré Chaque vol . fe vend br. 1a 1.
Paris , chez l'Editeur , rue de la
Harpe, an College de Bayeux.
Les Exilé du Parnaffe , Sayre ;
par M. Duchozal Amfterdam,
& fe trouve àParis , chez Anteur
, rue Montmartre,
MUSIQUE.
Bonheur de la France , Ron
deau fur la Paix , arrangépour le
clavecin ou le fortépiano , avec
accompagnement de deux violons
& la balle chiffré , paroles de
M. l'AbbéAubert , mufique de P. M. Augufti Brouffonet
M. Benant : 3 liv . A Paris , chez Medicine Doctoris , Societatis
Milete Vaffeur , r. de la Monnoie regie Londinenfis & Montge
Journal de clavecin , par les lienis feci , Ichthyologia liftens
meilleurs Maltres , avec accom- pifcium defcriptiones & icones
pagnement de violon ad libitum , grand in 4. orne de onze pannuméo
2 : 2 1.81. A Paris , chez ches : br. 6 liv. A Paris , chez Dr
Leduc , rue Traverfièe S. Honore dot le jeune , Impr.- Libr.
Le Pouvoir de l'amour , Ariette
Avec Approbation & Privilée du Roi
Le Journal de la Librairie fe vend féaréent chez Pietre
Imprimeur Ordinaire du Roi , rue Saint Jacques , 7 liv . 4 fals. On
l'imprime chaque femaine fur les Couverures da Mercure , & les
Soufcripteurs n'ont rien de plus àpayer.
On s'abonne en tout temps , àParis , Hôel de
THOU , rue des Poitevins. Le prix eft , pour Paris ,
de trente livres , & pour la Province , port franc
trente- deux livres , que l'on femettra la Pofte ,
en affrancaffant le Port de l'argent & la lettre
d'avis.
Meffieurs les Soufcripteurs du mois d'Avril fot
prié de renouveler de bonne heure leur Abonnement.
GRAVURES.
On trouve àParis , chez Ge
Cinquièe
Difpofition gééé & Né de la Rochelle ,
Libraires , quai des Auguftins ,
prè du pont S. Michel :
Hiftoire de Sophie de Francourt;
par M *** : 2 vol. in- 12. avec fig.
broch. 4 liv .
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rale pour la diftribution des jardins
de propreté, compofé fur
un terrein irréulier contenant
environ 66 arpens , mefure de
Paris , projeté par le fieur Pan-
Les mêes Libr . peuvent differon , Architecte , liv. A Pa
pofer de quelques exemplaires ris , chez l'Auteur , ue des Mades
Tables latine & françife fons , prè la place Sorbonne.
des plantes qui forment la feconde Le retour de la chaffe , Ef
partie de l'Hiftoire naturelle du tampe deffiné, & gravé par A.
rène vééal , en 1200 planches J. Duclos , & déié àla biengravés
en taille- douce prix , faifance : liv. 4 f.
liv. 12 f. en feuilles . Ces Tables
, fans lefquelles
peut
faire ufage de cer Ouvrage , our
Cette Eftampe fait pendant à l'Exemple d'humanité L'une &
l'autre fe trouvent a Paris , chez
éétirés àpetit nombre , & ne Godefroy , rue des Francs- Bourforment
que cinq feuilles & degeois S. Michel.
mie d'impreflion in fol . LIVRES ETRANGERS.
Pidot , Libr. quai des Auguf Cecilia , &c. Céile , ou Méins
, a reç de Londres : Y moires d'une héitieres vol.
works of addifon , Bir- in- 12. 1782 ,
mn, printed by Basker- Payne.
ville : 4 vol . in-4
Londres , chez
Hiftoriæpriorum Regum Per-
Jch fon's Dictionary of the fatum poft firmatum in regte
english languaeze : 2 vol in fol , Ilumifmum , ex Mohammede
Cullen's first lines of prac- Mirchendo , perficè& latinè cum notis geographico- litterariis
: 1782. A Vienne , chez
Kursback .
tice of physc : vole ,
Fordyce's fermons to young
men : 2 vol . in -va.
Fordyce addreffes to young
Men : 2 vol. inerz
Lettre adreffé àl'AbbéRaynal
, fur les affaires de l'Améi
Suite des Ouvrages de Gé- que feptentrionale , oùl'on regraphic
qui fe trouvent chez lèe les erreurs dans lefquelles
Denos , Ingéieur-Gégraphe , cet Auteur eft tombé, en renrue
S. Jacques. dant compte de la réolution
Atlas , ou Tableau analytique d'Améique traduite de l'ande
la France , pour l'intelligence glais de M. Thomas Payne , M.
du déombrement du Royaume : A. de l'Univerfitéde Penfilya
vol . in 4. rel. 32 liv. nic , Auteur du pamphlet intitulé le Sens commun des autres
ouvrages, Philadelphie , 17823
br. in-8 °. de 124 pages : liv.
10 f.A Philadelphie , & fe trouve
àParis , chez Knapen & fils
Libr.-Impr . au bas du Pont S,
Michel,
Atlas , ou Neptune françis ,
contenant les côes maritimes de
la France , 40 cartes in- 4 . rel .
18 liv.
Atlas d'Angleterre , levétopographiquement
par ordre de S. M.
Britannique in-4 °. rel. 24 liv.
Atlas Eccléiaftique , conte- Letters adreffed to two yound
nant tous les Evêhé & Méro- maried ladies , &c. Lettres adref
poles des quatre parties du mon- fés àdeux jeunes Dames made:
in-4°. cl. 12 liv. riés fur les fujets les plus
intéeffans : 2 vol . petit in-3 °. | comique , le Jeudis Déembre
1782. 4 Londres , chez Dadley.
Ludwig der firenge , &c. Louis
le Severe , Tragéie patriotique
en cinq actes in - 8 °. 1782. A
Munich , chez Strobl. *
Le Maîre de délamation ,
Coméie en fcèes àtiroir , en
profe & en un acte ; par M. le
Teffier. A Amfterdam , & fe
trouve d Paris , chez la veuve
Ballard & fils , Lib.- Imp. rue des
Mathurins.
1782 , 1 liv. 4f. A Amfterdam , &
le trouve àParis , chez Cailleau
Litr.- Inpr, rue Galande , vis-àis
celle du Fouarre.
Remarks ou Rouffeau's Fm
lius , & c. Remarques fur l'Emile
de Rouffeau : in-12 . 1782. A
Londres , chez Nicoll.
Vida interiorA & . Vie inté rieure , ou Confeffiors du vééable
ferviteur de Dien D. Jeande
Palafoxy Mendoxa , Evêue
Le Mal entendu , ou il ne faut de la Puebla de los Argeles &
jurer de rien. Coméie-Proverbe d'Ofma : nouv . éition : 1782 .
en un acte & en profes repréen- 4 Madrid , chez Doblado
té pour la premièe fois àPa- chez del Barco & Hurtado
sis , fur le thé âtre de l'Ambigu-
Avec Approbation & Privilée du Roi.
Le Journal de la Librairie fe vend (éaréent chez Pier when re
primeur Ordinaire du Roi , rue Saint Jacques , 7 liv. 4 fols On
Fimprime chaque femaine fur les Couvertures du Mercure , & les
Soufcripteurs n'ont rien de plus àpayer .
On s'abonne en tout temps , àParis , Hôel de
THOU , rue des Poitevins. Le pi eft, ponr Patis ,
de trente livres , & pour la Province ,pet fr.
trente- deux livres , que l'on remettra la Pofte
en
d'avanchiffant
le Port de l'argent
& la lettre
Meieurs les Soufcripteurs du mois d'Avril fors
prié de renouveler de bonne heure leur Abonnement.
The hiftory of england , byD.
Hume , a new edition , with the
author's last corrections and imiv.
Ceux qui n'auront pas foufrit
, paieront l'exemplaire 168
iv . La brochure en carton de
chaque vel in - 8 °. Le paiera 6.f.provements to which is prefixed ,
avec une éiquette fur le dos. a short account ofhis life , writ-
Le prix du mêe format enten by Himself : 8 vol. in-89 .
papier de Holl. , fera de 264 liv. London . 1782 .
Le prix de l'exemplaite in-4°.
ur papier d'Annonay , fera de
76 liv. A Paris , au Parnaffe
françis ,, rue du vieux Colom- graphie qui fe trouvent chez
bier , en face de la rue Caffette . Deinos , Ingéieur-Gégraphe
On le propoſ en outre d'en rue S. Jacques.
faire exéuter quelques exemplaires
fur du papier véin , le
premier fabriquéen France par
M. Réeillon.
Syftêe du Philofophe chréien
: in -3 °. 11.4f. AParis , chez
Gellor, Libr. Impr. rue des grands
Auguftins.
AVIS.
Sterne's works : to vol petit
in- 8 °. avec figures. London .
Suite des Ouvrages de Gé-
Atlas hiftorique & chorogra
phique des vingt-deux éections
de la gééalitéde Paris , enluminé : in- 4 . relié, 18 liv.
Atlas chorographique de la
Picardie & de l'Artois , du haut
& du bas Boulonnois : in - 4°. relié , 18liv.
Atlas topographique de la
Flandre , fous le titre de frontièes
de France & des Paysbas
: broché, 18 liv
Théphile Barrois , Libr. quai
des Auguftins , a acquis du fonds
de M. P. F. Didor le jeune
les ouvrages fuivans :
Le Boucher , Libr. quai de
Gevres ; Onfroy & Lamy , Libr.
quai des Auguftins , chez lef
quels fe trouve l'Etat de la No
blefe , prient les perfonnes qui
auoient des méoires àar
faire paffer pour êre eres
dans Ear de l'anné 184 , de Dictionnaire de chymie , conne
les adreffer qu'àle Boucher , tenant la thérie & la pratique
f chargéde tous les foins re- de cette fcience , fon application
àcet objet. àla phyfique , àl'hitoire na-
On trouve àParis , chez Laturelle , àla méecine , & aux
my, Libr. quai des Auguftins , arts déendans de la chymie ;
l'ouvrage fuivant : par M. Macquer : feconde éi-
L'Amerique déouverte , en fix tion , vue & confidéablement
lives : broch, in- 12. de 174 pag. augmenté . Paris , 1778 : 4 vol .
On trouve àParis , chez Mein- 8 °. relié , zo liv,
rig jeune , Lior, quai des Au
gufins , au coin de la rue Pavé ,
Poivrage fuivant :
"
Henri IV, ou la Réuction de
Pais , Poëe en trois actes :
pa M. P. de V: in-8 °. broché,
jlv. 4f..
Piffot , Libr. quai des Auguftins
, a reç de Londres :
Evelina , or , the history of a
young Lady's entrance into the
world , bythe author ofCecilia :
vol. in 12. London 3
Le mêe : 2 vol . in -4" ,
relié , 30 liv.
Le mêe 2 vol. in 4°
grand papier , en feuilles , 48 liv.
Plan d'un cours de chymie
expéimentale & raifonné, avec
un Difcours hiftorique fur la
chymie ; par M. Macquer. Paris ,
1757 , in- 12 , relié, 2 liv. 10 f.
Manuel de chymie , ou Expofé des opéations de la chymie &
de leurs produits : ouvrage utile
aux perfonnes qui veulent prendre
une idé de cette fcience , ou
qui ont deffein de fe former un
cabinet de chymie : feconde éition
, revue & augmenté ; par
M. Beaumé Paris , 1766 , in-12.
relié, 3 liv.
Chymic expéimentale & raifonnés
par M. Beaumé Paris ,
1773 , 3 vol. in-8 °. rel. 18 liv.
Méoire fur la meilleure man
èe de conftruire les alembics
& fourneaux propres àla diftillation
des vins , pour en tirer les
Paris , 1778 , in-8 °, broché, 1 1.
eauxde vie ; par M. Beaumé
10 fols.
ARRET S.
Arrê du Confeil d'Etat du
Roi , du 14 Mars 1783 , concernant
l'adminiftration de l'Hôital
royal des Quinze vingts aveu
gles de Paris . A Paris , de l'Im
Prime Royale.
Arrê du Confeil d'Éat du
I
Roi , du 16 Mars 1783 , portant
modéation de droits fur les
charbons de terre entrans dans
la ville de Taris ou dans la ban
lieue. A Paris, de l'Imprimerie
Royale.
Ordonnance du Préô des
Marchands , & Echevins de la
ville de Paris, concernant la tare
provifoire pour les prix des voi
tures de bois àbrûer , chez les
habitans de cette ville du 15
Mars 1783. A Paris , chez Lottin
au Cog
RAVURE
S.
aîé, Impr. -Libr. rue S. Jacques ;
:
Portrait en couleur de Mile
Saint-Huberti , de l'Acadéie
Royale de Mufique , gravépar
M. Lemoine , & faifant pendant
àcelui de Mile. Colombe : 3 liv
AParis , chez l'Auteur , rue Gre
netai , maifon du Roi David,
Aves Approbation & Privilée du Roi.
Le Journal de la Librairie Te vend féaréent chez Pierres ,
Imprimeur Ordinaire du Roi , rue Saint Jacques , 7 liv. 4 fois. Q
l'imprime chaque femaine fur les Couvertures du Mercure , & les
Soufcripteurs n'ont rien de plus àpayer.
En s'abonne en tout temps , àParis , Hôel de
THOU , rue des Poitevins. Le prix eft , pour Paris,
de trente livres , & pour la Province , port frand,
trente deux livres , que l'on remettra àla Pofte ,
en affranchiffant le Port de l'argent & la lette
d'avis.
Meffieurs les Soufcripteurs du mois d'Avril__
MER
DE FRANCE.
( No. 9. )
SAMEDI I MARS 1783 .
A PAR I S.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
LIVRES NATIONAUX A Amiens , chez J. B. Caron l'aîné,
I'Ani des enfans; par M. Ber- Impr . du Roi , rue S. Martin's &
quin , volume de Fever 1783. à Paris , chez Onfroy , Libr, qual
Un fouferit à Paris , au Bureau des Auguftins
du Journal , rue de Univerfité , Quvres de J. B. Robert Boiftel au coin de celle du Bacq , N° . 28. d'Wiese
Badre fer à M. le Prin
La foufcription
4 pour Paris, & de
pour la Province.
contenant Antoine &
Direct. Cléopatre; Irène , ceuvres diver
13 liv . fes vol. in- 8°. de 211 pages br.
liv.4fols 2 liv. 8 fols . Chez les mêmes .
Les entretiens de Phocion fur.
le rapport de la morale avec la po
litique ; parM. l'Abbé de Mably:
nouv . edit. 3 vol . in 18. meme
formar , papier & caractère que
les Moralifies : br . 9 liv. A Paris,
chez Lamy, Libr. quai des Auguftins.
Difcours prone cé à la féance
publique de l'Acad. des Sciences,
Belles - Leurres & Arts d'Amiens,
ie : Ackt 1781. parM. d'Agay,
Intendant de la Province , furles
avantages de la navigation inté
rieure, auquel on a font la carte
de communication de la mer Mé On trouve chez le même , Rediterranée
avec la merdi. Nerd , marques fur lesfièvres en générat
par le casal projette en Bourgo- & en pariter fur celle de E
gre, & par les citat de Picardies tamne 1780 1781 7891
кому . 2. de si p. le fois.
vramiera Epictere , grec &
françois , en papier ordinaire , z
liv. 8 f. en papier d'Annonay 41 .
Il en a été tiré quelques Exemplaires
fur vélin . Chez le même.
Hiftoire du grand duché de
Tofcane , fous le gouvernement
des Medicis , traduite de l'italien
de M. Riguccio Galluzzi ;
tomes V & VI: in - 12 . br . liv.
rel. 6 liv . A Paris , rue & hotel
Serpente.
La Méchanique appliquée aux
arts , aux manufactures , à Fagriculture
& à la guerre ouvrage
orné de 12e planches ; par M.
Berthelot , Ingénieur- Mechanicien
du Roi. Tome II . A Paris
cher l'Auteur, rue de la Marche
au marais , maifon dufieur Maffe;
chet Demonville , Impr. rue
Chriftine.
dinaire de MONSIEUR; repré
fentée à Verfailles devant LL.
MM . le Jeudi 16 Janvier 1783
& à Paris , le Lundi 20 du même
mois , par les Comédiens
François. A Paris , chez P. Fr.
Guefier , Lib.- Impr . aubas de la
rue de la Harpe , à la Liberté.
AVIS.
Piffot , Libr. quai des Auguf
tins , a reçu de Londres :
Tryals for adultery , 70 Numé
ros , in- 8 . fig. Lond . Shenflone-
Green ; or the new Paradife loft,
being a history of human nature:
vol . in. 12. London.
The Sylph, a novel : 2 vol. in- 12.
London.
12.
The royal regifter containing
obfervations on the principal characters
of the church , the state
and the court , male and fema
Les vrais principes de la lectu- le , &c. &c. with annotations by
re , de l'orthographe , de la pro- Another Hand : 7 vol. in
nonciation françoife , de feu M. London.
Viard , revus & augmentés par
M. Luneau de Boisjermain : 4
parties , in- 8 °. port franc , liv .
A Paris , chez l'Auteur , au Bu..
reau de l'abonnement littéraire, rue
S. André- des- Ares.
Pierre Théophile Barrois le
jeune , Libr. rue du Hurepois,
a reçu de Londres :
The new annual regifter or
general repofitory of hidory , polities
and litterature for the year
1781 , Londen , 1782 , in-8°.
The royal kalendar or come
for England , Scotland , Ireland
and America for the year ; 1783 .
London , in 12 .
Relation d'un voyage dans la
mer du Nord , aux côtesd Iflande
, du Groenland , de Ferro , deplete and correct annual regifter
Schertland , des Orcades & de
Norwege , fait en 1767 & 1768 ,
par M. Kerguelen : in-4 , avec
36 fig . en taille-douce : broch.
en carton , 9 liv. A Paris , chez
Lamy , Lib , quai des Auguftins.
On peut fe faire inferire chez
le même Libraire pour recevoir à
la fin du mois le Traite de la con
folation de Bocce en latin , revu
sma
Boyer's royal dictionary abridged
in two parts , 1 french &
english , 2 english & french , to
which are added , the accents of
the english words to facilitate
their pronunciation to foreigners,
the fifteenth edition , carefully
corrected and improved , with a
& collationné fur great many additions , by J. C.
nuferits . Il y en aura
plaires du fo mat des Auteurs
imprimes par les Elzevirs , & de
ceux imprimés par
MM. Barbou.
Prieur. London , 1783 ; 2 vol.
in - 8 °.
Bibliotheca croftfiana , a cata-
Le Roi Lear , Tragédie en logue of the curious and diftineinq
actes ; par M. Ducis , del'A- guished library of the late revecadémie
Françoite , Secrétaire or Frend and learned Thomas Crofte
MERCURE
DE FRANCE
( No. 1o . )
SAMEDI 8 MARS 1733 .
A PARIS.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE
LIVRES NATIONAUX.
Bibliographic infective; tome
ture confidérée fous les différens
afpects : br . de 62 pages . A Paris,
XI , conrenant la parte eltiman- chez Lamy , Libr. quai des Auguft .
vedu prix des livres rares & précieux
: 8.grand format de 40
pages furr pap, vélin de France ,
Le Faune François , ou Traité
hiſtorique de tous les animaux
terreftres ,
to liv- in - 4°. forle même papier. & velamphibies
21 liyem , fur pap . d'Holl . 24
iv. A Paris , chez M. Retourné ,
rue de Poitou , au marais.
France ;
par M. Buc'hoz , Médecin de
MONSIEUR, &c. Tome lin
Chez l'Auteur , rue de la Harpe.
-
Catalogue des livres latins Hiltone Unive felle depuis le
françois , italiens , efpagnols , commencement du monde jalportugais
, turcs , perfans & ara- qu'à préfent , complée en
bes, de fucceffion de M. Pelle- glois par une fociere de Gens de
rin , dont la vente fe fera Mercre Lettres , nouvellement traduite en
a Mars &jours fuivans , tue S.Français par une fociete de Gens
Florentin , No. 4. A Paris , chez de Lettres ; enrichie de figures &
Barois le jeune , Libr. quai des
Auguftens,
Extrait de l'histoire générale
& économique des trois regues
partie des annonces ; ou de la nade
cartes. Tome L, formant le X.
Ide Plut. Moderne , contenangla
fuire del Hin de l'Indouftan , ou
de l'Empire digand Mogol , &
partie de celle des pays compris
dans la prefqu'ille de l'Inde , en
deçà du Gange in 8. A Paris ,
chez Moutard , Impr.- Libr, rue des
Mathurins.
Notes fur le génie , la difcipline
militaire & la tactique des
Egyptiens , des Grecs , des Rois
d'Alie , des Carthaginois & des
Romains ; & c. par M. le Comte
de Saint-Cyr , Cornette- Blanc :
vol. in-4 . rel , en veau. 18 liv . br.
Is liv. A Paris, chez Lottin l'aîné,
Impr.-Libr. rue S. Jacques ; &chez
Ceilor , Impr .- Libr. rue des grands
Arguftins.
veau écaille & dorés fur tranche,
25 liv. A Paris , chez Servière
Libr . rue S. Jean - de- Beauvais..
On trouve chez Lamy , Libr ,
quai des Auguft. les ouvrag. fuiv.
Traitéfur l'art des fiéges & les
machines des anciens , & c. par M.
de Maizeroy
fig. rel . 6 liv.
. 1 vol. in- 8 °. avec
L'Art de faire les ferrures à
fecrets , pour fervir de fupplément
à l'Artdu Serrurier ; 1 vol . in- fol.
avec fig. 9 liv . en pet. pap . & 15
liv. en grand du format des Arts.
Traité des infectes utiles &
nuifibles ; par M: Buc'hoz
12. br. 2 liv. to f.
Tréfor des Laboureurs ; par le
une méthode facile & abrégée de
lever un plan , &c. par M. le C.
de Brühl : in 8 °. avec fig. br. 2 1.
to frel, 3 liv. Iof.
Effai fur la perite guerre , &c.
par M. le Comte de la Roche : 2
vol. in- 12. avec fig . broc. 5 liv.
rel. 6 liv.
Recueil de Généalogies pour fervir
de fuite au Dictionnaire de la
Nobleffe , contenant la fuite des
généalogies , l'hiftoire , la chro- même: in- 12 . br . 2 liv. 10 f.
nologie des familles nobles de Ecole de l'Officier , contenant
France , &c. Tome XIII , ou
premier Recueil : in - 4 .br. 15 liv.
A Paris , chez Lamy, Libraire ,
quai des Auguftins ; & Badiez
Editeur , rue S André- des- Ares .
Réflexions philofophiques fur
le plaifir ; par un Célibataire :
br. de 80 pages , franc de portpar
tour le Royaume. I liv. 4 fols .
Lesexemplaires fur pap . fuperfin
d'Holl. 3 liv, AParis , chez l'Au
teur , rue des Champs - Elyfees ,
fauxb. S. Honoré ; la veuve Duchefne
, Libr. rue S. Jacques ; le
Jay, Libr. rue neuve des Petits
champs; Bailly , Libr, rue S. Ho- 4 . 22 liv.
nore; Defenne, L. au Palais royal.
Suite des Ouvrages de Géo-.
graphie qui fe trouvent chez
Delios , Ingénieur-Géographe ,
rue S. Jacques.
Atlas , ou Tableau de la France
, confidérée fous fes différens
points de vue : 36 cartes , vol. in-
Atlas , l'Indicateur fidèle , ou
Romans hiftoriques , quinziè - le Guide des voyageurs , qui enme
frècle ; Hiftoire fecrette de feigne toutes les routesde France:
Bourgogne; par Mile , de la For- vol . in-4 . 13 liv.
ce : 3 vol. in- 12. br. 18 liv. A Paris
, de l'Impr. de Didot l'aîné ,
quai des Auguftins,
Semonce , ou Difcours pour
'ouverture des féances publiques
de l'Académie des jeux floraux de
Toulouse , 1782 ; par M. l'Abbé
Labar de Mourlens. r2 liv. Chez
Efchenart, Libr . pont N. Dame.
Théâtre de Voltaire , to vol.
in-16 . ornés de 34 fig. y compris
le portrait de l'Auteur : rel . on
Atlas , ou Itinéraire général
contenant toute les routes érrangères
, en 22 cartes : in-4°. enlumine
: 13 liv.
Arlas desgouvernemens géné
raux & des généralites du royaume
de France, en 18 cartes : in-
4 relie, 15 liv.
PP. Théophile Barrois , Libr..
quai des Auguftins , a reçu d'Allemague
:
Caroli A Linné termini boraMERCURE
DE FRANCE.
( No. 11. )
SAMEDI 15 MARS 1783 .
A PAR I S.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
LIVRES NATIONAUX
' Ami des enfans ; par M. Berquin
, vol, de Mars 1783 , No. 3.
On fouferit à Paris , au Bureau
du Journal , rue de l'Univerfité ,
aucoin de celle du Bacq , No. 18.
S'adreffer d M. le Prince , Direct.
La foufcription eft de 13 liv.
4f . pour Paris , & de 16 liv. 4fol.
pour la Province .
4
Architecture hydraulique ; ca
nal des deux mers ; par M. de la
Roche , ancien Ingénieur des
Ponts & chauffées : 13-4° . rel. 12
Jiv. A Paris , chez Demonville ,
LibrImpr rue Chriftine; à Verfeilles
, chez Blaizot , Libr. rue
Satory ; & le trouve en feuilles ,
chez Aur , enclos des Cordelières ,
rue de l'Ourfine,fauxb. S. Marcel.
L'Art des Arpenteurs renda
facile, ou Méthode pour appren-
| dre, par une lecture réfléchie de
trois heures , le moyen de mefurer
exactement toutes les figures
de terreins poffibles , & d'en don
rer lesplans ,fans fe fervir d'autres
inftrumens que de l'échelle
& du compas ; feconde édition ,
orrigée & augmentée , br . in-40
de 13 pages . 1 liv. 4 fols. A Paris .
cker Belin , Libr. rue S. Jacques.
Catalogue d'une bibliothèque
curieufe & choilie , dont la vente
fe fera le Lundi to Mars 1783 , &
les jours fuivans ; chez Gogué &
Née de la Rochelle , Libr, quai des
Auguflins : br . in- 8 ° . de 74 pages.
Le combat fpirituel , compofé
en italien parle R. P. D. Laurent
Scapoli, Clerc Régulier Théatin
, & traduit en françois par le
P.J. Brignon , de la Compagnie
de Jéfus dédié à Mgr . de Madec
chez l'Auteur, rue de la Harpe.
Nouvelle Methode de traiter
les fractures & les luxations ; ou
vrage traduit de l'anglois par M.
Laffus , Membre du College de
Chirurgie de Paris , &c. vol .
in- 12 . de 178 pages , br. 1 livres .
A Paris , chez Méquignon l'aîné,
Libr. rue des Cordeliers.
chault, Evêque d'Amiens : nouv.
édit. rel. en ,veau. 1 hv. 4 fols.
On a tire quelques exemplaires
ceste nouv. edit. fur grand carré,
quife vendron , en feuill . 2 1 .
A Amiens, chez . Caron le jeune ,
Libr. vis- a-vis l'Eglife S. Martin .
Differtation anatomico -acouf
fique, &c. par M. Perrolle, Docteur
en Médecine de l'Univerfité Remarque fur cette espèce de
de Montpellier , & c . br . de 48 paralyfie des extrêmités inférieupages.
18 fois. A Paris , chez Meres , que l'on trouve ſouvent acquignon
i'ains , rue des Cordeliers. compagnée de la courbure de l'é
Etat de la nobleffe, année 178 ,, pine du dos , quieft fuppofée en
pour fervir de fupplément à tous etre la caufe , avec la methode de
les ouvrages hiftoriques , chro- là guérir ; fuivie de plufieurs obmologiques,
héraldiques & genéa- fervations fur la neceffite & les
logiques , & de fuite à la collec- avantages de l'amputation dans
tion des Étrennes à la Nobleffe . certaines circonftances ; par M.
&c. br . 3 liv. rel. 3 liv . 12 fols . 4 Percival Pott , de la Société
Paris , chez Leboucher, Libr. quai Royale de Londres, & c. ouvra
de Gevres ; & chez Onfroy & La- ge traduit de l'anglois , avec des
my, Libr . quai des Auguftins.
obfervations & des additions, par
Idée du monde, ou idées généM Beatenbrock , Docteur
ales des chofes dont un jeune
homme doit être inftruit ; ouvrage
curieux & intéreffant , orne
de 9 planches en taille - douce ;
par M. A. T. Chavignard de la
Pallue , Ecuyer : nouv. édition ,
2 vol . in 12. rel. 6 liv. A Paris
chez Moutard, Impr. Libr , rue des
Mathurins.
Médecine . Affocié au College
Royal des Médecins , & à la Socieré
Royale de Médecine d'Edimbourg
: br. in- 8 ° .de 99 pages .
liv . 4 fols. Chez le même.
Méthode sûre pour apprendre
à nager en peu de jours ; pec
Nicolas Roger , Plongeur
profeflion : broc. de 36 pag . ine
24. 1 liv. 4 fols . AParis, chez Legras
, Libr, quai de Conti
Lettres de M. l'Abbé de S. L** , |
de Soiffons , à M. le Baron de
H*** , far différentes éditions Gauguery, Lib . rue S. Benoir,
rares du XV fiècle. br. in- se , de
40 pages. AParis , chez Hardouin ,
Libr. rue des Prêtres S. Germain
Auxerrois.
Mandement de Mgr. l'Archev .
de Paris, qui permet l'ufage des
eufs pendant le carême prochain
, depuis le Mercredi des
Cendres inclufivément, jufqu'au
Vendredi de la femaine de la Paf
Sion exclufivement in-4 ° . A
Paris , chez Cl. Simon , Impr. de
Mgr. Archev, rue S. Jacques.
Manuel ufuel & économique
des plantes, & c. par M. Buc'hoz ,
I vol . in 12. de 345 pag. APari
vis à -vis la porte de l'Abbaye
S. Germain- des-prés , vient de
recevoir des exemplaires de la
nouvelle édition des Mémoires
pour fervir à l'histoire d'Anne
d'Autriche , époufedeLouis XIII,
Roi de France ; par Madame de
Motteville : 6 vol. in-12 . br. 15 1.
12 fols .
Guillot , Libraire , rue de la
Harpe , prévient le Public qu'il
donnera les OEuvres poftumes de
1. J. Rouffeau , pour fervir de
fupplément aux éditions publiées
pendant fa vie : 9 vol. in de , br.
12 li
MERCURE
DE FRANCE
( No. 12. )
SAMEDI 22 MARS 1783 .
A PARIS.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
LIVRES NATIONAUX.
Almanach mufical pour les années
1781 , 1782 & 1783 , quatre
parties in- 12 . par M. Luneau de
Boisjermain. 6 liv. A Paris , du
Bureau de l'abonnement littéraire,
rue S. André- des- Arcs ,
Bibliothèque orientale; par M.
d'Herbelot , nouv. édit, réduite
& augmentée par M. D*** . 6
vol. in- 8 . A Paris , cher Moutard
, Impr.-Libr. rue des Mathur.
Petits Elémens d'hiftoire , pour
fervir à l'intelligence du tableau
hiftorique & chronologique ,
par M. Bruneteau d'Embreine ,
broc. in-8 °. avec le tableau féculaire.
liv. 12fols , Sans letableau
Jiv. 4fols. A Paris , chez Belin,
Libr. rue S. Jacques.
Les trois Inconnues , Comédie
en trois actes & carvers, melee
d'ariettes ; repréfentée par les
Comédiens Italiens'ordinaires da
Roi. 1 liv . 4 fols. A Paris, chez
Brunet, Libr. rue Mauconfeu .
Euvres paftorales de M. Merthgehn
, trad . de l'allemand , Ipar
M. le Baron de Naubell , 2 vol.
in 16. avec fig. br. 6 liv. En pap .
d'Hollande. 9 liv. A Paris , chez
Belin , Libr. rue S. Jacques.
Voyage littéraire de la Grèce
par M. Guis , troisième édition.
4 vol . - 8 . br. 16 livres, rel. cn
écaille & filets , 21 liv.
On a tiré quelques exemplaires
in-4 , grand papier , dont les
gravures font avant la lettre : 2
vol. in-4 °. br. 42 liv. rel. dorés
fur tranche . 51 liv. A Paris , cheg
la veuve Duchefne , rue S. Jacques.
Nouveaux Effais historiques
fus Paris, par M. le Chevalier
du Coudray tome IV br. 2
liv.
Suite des Effais , contenant les
anecdotes du Comte & de la
Comteffe du Nord : br. 1 liv.
Jo fols .
Ceux qui prendront les deux
ouvrages enfemble , ne les paieront
que 3 liv. chez l'Auteur , rue
de Sorbonne, & Belin , Libr. rue S
Jacques.
la
AVIS.
On trouve à Paris , chez Belin ,
veuve Duchefne , Morin , Lib.
rue S. Jacques ; l'Efclapart , Lib.
pont Notre-Dame ; Lamy , Lib.
quai des Auguftins ; Cellot ,
Libr. rue des grands Auguftics ;
Jombert, Libr. rue Dauphine;
Nyon atné , Libraire rue duJardiner;
& chez M. Bonnot , Vérificateur
de Bâtimens , carrefour
de la Croix Rouge , fauxbourg
S. Germain, l'ouvrage fuivant :
Détail général des fers de bâtimens
, avec leurs prix ; vol.
n-s .br. 6 liv.,
On trouve à Paris , chez Dezauche
, Géographe , rue des
Neyers , les cartes fuivantes :
Carte particulière & très- détaillée
du royaume de Naples , en
deux feuilles .
Carte de l'ifle & royaume de
Sicile.
Carte générale de l'Italie & de la
Sicile; l'une & l'autre par Guill.
Delifle & Phil. Buache : nouvellement
revues & augmentées par
Dezauche , Géographe : chaque
feuille , 1 liv. fols.
Suite des Ouvrages de Géographie
qui fe trouvent chez
Defnos , Ingénieur-Géographe ,
rue S. Jacques .
Atlas élémentaire de Géographie
& d'hiftoire ; par Buy de
Mornas : 4 vol . de differente grandeur
& de prix , qui fe vendent
féparément.
Atlas de la géographie ancienne
,tant facrée que profane , de
puis la création jufqu'à Jéfus
Chrift : relié , 27 liv.
Atlas pour fervir d'intelligence
à l'hiftoire des différens peuples
du monde & des cérémonies religieufes
relié , 14 liv.
Atlas, ou nouveau Plan dè
Paris , de fix pieds , divifé en fes
vingt quartiers , fauxbourgs &
environs : 36 cartes , in-4°. rel .
18 liv.
La fuiteà l'ordinaire prochain.
ARRET S.,
Arrêt du Confeil d'État du
Roi , du 5 Février 1783 , concernant
la fabrication des étoffes
de draperie , fergeterie, & autres
étoffes de laine indiftin &tement .
AParis , de l'Imprimerie Royale,
Arrêt de la Cour de Parlement,
qui ordonné que la diftribution ,
foit en bled , foit en pain, ne fe
fera plus dans la paroiffe de Sarcelles,
le Vendredi de la première
femaine de Carême ; & que la
diftribution fera faite , dans tous
les temps de l'année , aux vieillards
& infirmes , aux veuves
&orphelins , & aux pauvres hors
d'état de gagner leur vie , fuivant
le rôle qui aura été arrêté
par le Curé & les Marguilliers
en préfence du Syndic , & de
deux principaux habitans de la
Paroiffe ; extrait des regiftres du
Parlement , du 26 Février 1783 .
A Paris , chez P. G. Simon ,
& N. H. Nyon, Libr. -Impr, rue
Mignon S. André- des-Arcs.
Arrêt de la Cour de Parlement
, qui homologue une Or
donnance rendue par le Lieute
nant- Général de Police de la
ville de Paris , le 25 Février
1783 , relativement à ce qui doit
être obfervé par les bouchers
rôtiffeurs , cabaretiers , hôteliers,
aubergiftes , traiteurs , & logeurs
en chambres garnies , pour la vente
& le débit de la viande pendant
le carême : extrait des regiftres
du Parlement ,
du 27 Fé
MERCURE
DE FRANCE.
( No. 13. )
SAMEDI 29 MARS 1783 .
A PARI S.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
A Paris , chez Moutard , Impr.-
Libr, rue des Mathurins.
LIVRES NATIONAUX.
L'Agriculture , Poëme dédié
Roi , par M. de Roffet , fe De l'Application de l'électriande
partie : in-4 . de 128 pag. cité à l'art de guérir , Differtabr
. 3 liv . A Paris , de l'Imprim. tion inaugurale , par Jean Bapt.
Royale, & fe trouve chez Mou- Bonnefoy , de Lyon , gradué. intara
, Imp. Lib. r . des Mathurins . 8° . de 163 pages. 1 liv. 16 fols,
Certe feconde partie contient A Lyon , chez Aimé de la Roche
trois nouveaux chants ; favoir , & fe trouve à Paris , chez Megui
les plantes & le potager , les gnon alné, Lib . rue des Cordeliers.
étangs & les viviers, les bofquets
& lesjardins.
La première partie , contenant
les fix premiers chants ornés de
gravures , fe trouve chez le
meme Libr. Le prix eft de 12
liv. broch. & de 15 liv .rel. les
deux parties reliées enfemble ,
18 liv.
Les Amours de Daphnis &
Chloé , trad. nouv. in- 8° . de
218 pag avec vignettes, br. liv.
Les Aprèsfoupers de la fociété,
petit Théâtre lyrique & morale
fur les aventures du jour ;
dix-neuvième cahier , tome V
contenant la Succeffion, Comédie
en un acte & en profe. A Paris ,
chez l'Auteur , rue des Bons- Enfans
, la porte-cochère vis- à- vis la
cour des Fontaines , au Palais
Royal.
Calendrier pour l'année 1783 ,
à l'ufage des élèves qui fréquensent
l'Ecole royale gratuite de
Defin avec le plan & l'élév. de
ladite Ecole.A Paris , ex Eco
les de Den , rue des Cordeliers.
Elévations du Chrétien malade
& mourant , conforme à Jéfus
Chrift , dans les differemes cir
conftances de fa paffion & de fa
mort ; par M. Peronnet : troifième
édit. aug. d'une notice hiftorique
de la vie de l'Auteur : in- 12 .
Tel . 21. 10. A Paris , chez Onfroy,
Libr. quai des Auguftins,
Effai fur l'hiftoire de la fociété
eivile ; par M Adam Fergufon ,
Profeffeur de Philofophie morale
à l'Univerfité d'Edimbourg : ou
vrage trad. de l'anglois , par M.
Bergier : 2 vol . in- 12 . br. 41.12 f.
Tel. 6 liv . A Paris , chez la veuve
Defaint , Libr, rue du Foin Saint
Jacques.
Etrennes lyriques , anaciéontiques
, pour l'année 1783 , feconde
édit. Paris , chez l'Auteur , rue
des Nonaindteres, au coin de celle
de la Mortellerie.
On en a tiré une cinquantaine
d'exemplaires en papier de Hell.
où les épreuvesde l'eftampe font
avant la lettre .
Hécube , première Tragédie
d'Euripide , trad. en franç, avec
des remarques ; par M. Belin del
Ballu : br. 8. de 70 p . 11.4 f.
e Paris , chez Knapen & fils ,
Labr.-Impr. au bes du Pont S.
Michel
Hiftoire des Animaux d'Atif
tate , avecla trad . franç. par M.
Camus , Avocat au Parlement ,
Cenfeur royal in 4. 2 volbr .
36 liv. rel . en veau écail e à filets
d'or 42 liv. A Paris , chez la
reuve Defaint , Libr. rue du Foin
S. Jacques.
OEuvres complettes de M. de
Chamoufler , contenant fes projets
d'humanité , de bienfaifance
& de patriouifme ; précédées de
fen éloge , dans lequel on trouve
une analyle fuivie de fes ouvra
୨
ges ; par M. l'Abbé Cotton des
Houffayes , Decteur & ancien
Bibliothécaire de la Maifon &
Société de Sorbonne , Chanoine
de l'Eglife Métropolitaine de
Rouen , Membre de l'Académie
de la même ville , Affocié de
celles de Lyon & de Caen ::
vol. in-8 °. rel. 9 liv. A Paris , de
l'Impr. de Ph.-D. Pierres , Impr.
Ordinaire du Roi , rue S. Jacques;
& fe trouve à l'Hôtel de la petite
Pofte , rue des Déchargeurs , où
eft le dépôt de la propriétaire
du privilége ; chez la veuve Du
chefne , Libr. rue S. Jacques
Onfroy , Libr. quai des Auguf
tins ; Jombert le Jeune , Libraire,
rue Dauphine ; Belin , Libr rue
S. Jacques ; & Mequignon atné ,
Libr. rue des Cordeliers.
trad. OEuvres de Cicéron ,
nouv. 4 vol , in- 12 . br. 10 liv. re
12 liv .
Ces quatre vol contiennent
la thétorique & les quatre premiers
vol , des oraifons. La fuite
fous preffe .
La collection complette formera
quinze vol. in- 12 . & letout
fera délivré dans le cours de l'année
prochaine 1784
Il a été tiré cent exempla
in fur pap. grand-railin , &
vingt- cinq fur papier grand-jefus,
pourles perfonnes qui voudroient
joindre cette traduction à l'étition
latine in-4 , de l'Abbé d'Olivet
: on délivre actuellement le
premier volume de cette traduction
in-4 . Le prix du format
grand raifin eft de 24 liv. en feuilles
, & celui grand- jélus de 36 1.
A Paris , chez Moutard , Impr
Libre rue des Mathurins.
Euvres de Plutarque , trad.
par Jacques Amyot , propofées
par foufeription : en 24 vol in- 8 ° .
ornés de fig . en taille-douce.
Le prix de l'exemplaire avec
fig . en 24 vol. in- 8 ° fur carré
fin d'Angoulême , fera de işa
Jer . 133 .
MERCURE
DE FRANCE
DÉDIÉ AU ROI ,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES ,
CONTENANT
Le Journal Politique des principaux événemens de
toutes les Cours; les Pièces fugitives nouvelles en
vers & en profe ; l'Annonce & l'Analyse des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Décou
vertes dans les Sciences & les Arts ; les Spectacles ,
les Caufes célèbres ; les Académies de Paris & des
Provinces ; la Notice des Édits , Arrêts ; les Avis
particuliers , &c. &c.
SAMEDI I MARS 1783 .
A PARIS ,
Chez PANCKOUCKE , Hôtel de Thou ,
rue des Poitevins .
Avec Approbation & Brevet du Roi.
+
TABLE
PIÈCES
Du mois de Février 1783 .
Almanach Littéraire ,
3
49
55
IECES FUGITIVES .
Au Miniftre Pacificateur ,
Réponse aux Vers de M. de la
Grange Chancelle ,
હ
Leutre fur Bayonne & fur les
Bafques,
Versfur la Paix ,
Stances à Mlle de Gaudin ,
Vers pour le Portrait de M.
l'Abbé de Reyrac ,
Epitre à Molière ,
Sophronime , Nouvelle Grecque
,
Porte- Feuille d'un Troubadour
,
19
79
Penfées Morales de Cicéron ,
103
120
Etrennes Lyriques Anacréontiques
,
8 Almanach des Muſes ,
97
SPECTACLES.
165
127
101 Concert Spirituel,
145 Académie R. de Mufiq.26,181
Comédie Françoife , 84. 128
150 Comédie Italienne , 42 , 129
Charades , Enigmes & Logo' VARIÉTÉ S.
gryphes , 5,77 , 102 , 164 Lettre au Rédacteur du Mer
NOUVELLES LITTÉR. cure , 90,188 Difcours prononcé à la Séance Avisfur l'Encyclopedie , 188
Publique de l'Académie des Anecdotes ,
Sciences d'Amiens ,
136
7 Annonces & Notices 2 45
Tuvres Pofthumes de M. 93, 138 , iga
Ponteau ,
371
BIBLIOTECA
BEGIA
HACENSIS
<
A Paris , de l'Imprimerie de M. LAMBERT & F. X
BAUDOUIN , fue de la Harpe , près S. Coſme.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI I MARS 1783 .
PIÈCES
FUGITIVES.
EN VERS ET EN PROSE.
VERS à M. DE MAYER. *
Des rives de la Seine aux rives de la Loire
Vous courez , vous courez & par monts & par vaux ,
Portant en croupe , avec les Mules & la Gloire ,
Des Romans , des Amours & des Projets nouveaux.
Pour fervir vos amis vous crevez vos chevaux ;
Vous vous tuez pour vivre au Temple de mémoire...
Pour Dieu ménagez-vous , mon charmant Damoiſel !
Le miel eft doux , mais l'abeille eft cruelle :
Songez à ce pauvre Chapelle ; **
* M. de Mayer eft un des Auteurs de la Bibliothèque
des Romans & de l'Hiftoire des Hommes , & eft occupé
d'autres Ouvrages favans.
** C'eft un Perfonnage d'un Roman de M. de Mayer ,
inféré dans la Bibliothèque des Romans du 15 Janvier
3783.
Aij
4
MERCURE
1
Il en prit un peu trop , ainſi que tel & tel ,
Qui ne battent plus que d'une aile.
Accordez mieux que lui la prudence & le zèle :
On ne donne qu'aux morts le brevet d'immortel ...
Mais mon Chevalier rit à ce mot de prudence
( Pour la timidité nous la prenons en France. )
Un voyage , des bals , des hiftoires , des vers ,
Des courſes , des foupers , un roman , des concerts
Voilà votre Agenda pour l'an qui recommence.
Vos Epîtres font foi de ces projets divers ,
Et votre activité les garantit d'avance ;
D'ailleurs , vous êtes sûr d'avoir en ſurvivancé
La fanté , les talens & le coeur de B....
(Par M. Bérenger. )
le
BOUQUET préfenté à M. MONNET ,
parfa Fille , ágée de huit ans & demi ,
jour defa Fête.
OL beau jour , Papa ! puiffe -t'il être heureux !
Accepte mes bouquets , mon tendre coeur , mes voeux.
Reçois- moi dans tes bras , & que je te raconte
Le peu qu'on m'a dit fur le compte
De Saint - Antoine , tom Patron.
Il éprouva plus d'un orage ,
Du démon reffentit la rage ,
Et pardonna tout au démon.
Fort bien ! j'aime que l'on foit bon.
DE FRANCE.
S.
C'eft en toi , cher Papa , ce qui plaît davantage.
Je veux auffi de même être bonne , être fage ,
Être en tout docile à ta voix.
De ton amour , que de biens je reçois !
Ah ! que toujours ton amour me foutienne ,
Ta fête tous les ans n'arrive qu'une fois ;
Mais moi , moi , cher Papa , c'eſt tous les jours la
mienne :
Du matin jufqu'au foir , je t'aime , je te vois.
COUPLETS compofés par une Dame de
Compiégne , & chantés àfon Mari la veille
de fa Fête , le 24 Août 1782 .
AIR: H faut quand on aime une fois.
CHANTER Il'Amour & l'Amitié ,
C'eft célébrer ta fête.
Mais fois certain quand ta moitié ,
A te fêter s'apprête ,
Que c'eft l'Amour & l'Amitié
Qui couronnent ta tête .
J'ai mon ami dans mon époux ,
Et je fuis fon amic.
Toujours le toi , jamais le vous ,
Le férieux ennuie.
Dans cet accord , charmant & doux ,
Nous filons notre vie.
A iit
MERCURE
MON cher Louis , ton feul bonheur
Peur me rendre contente.
Et fur ce point toujours ton coeur
Me trouvera conftante.
Oui , l'Hymen a cueilli la fleur
Que t'offre ton amante.
Si l'art des vers ma fu charmer ,
Je l'aimai pour toi- même ;
Mon coeur ne fe plaît à rimer
Que pour dire qu'il t'aime.
Pour le coeur qui peut me blâmer,
L'Amour eft un problême.
(Par MM. de M. D. L. M..... )
LETTRE à M. DE LA CREȚELLE , fur
la queftion de favoir fi l'Eloquence eft
utile ou dangereufe dans l'adminiftration
de la Juftice ; par M. DE PASTORET ,
Confeiller de la Cour des Aides.
EN arrivant de la campagne , Monfieur , j'ai
In avec empreffement , dans un des Mercures du
mois d'Octobre , un morceau plein d'intérêt , où
vous examinez fi l'Eloquence eft utile ou dangereufe
dans l'adminiftration de la Juftice. Vous vous
décidez en fa faveur. Cette opinion , je vous l'avoue,
ne fauroit être la mienne. A Dieu ne plaife que je
veuille ici faire la fatyre de l'Éloquence. J'espère
que vous ne me prêterez pas un fentiment auffi
abfurde. Si j'étois affez malheureux pour l'avoir ,
DE FRANCE. 7
vos Ouvrages y répondroient mieux encore que vos
raifons. Je me borne au cas particulier que vous
examinez , & dans ce cas même ce font des doutes
que je propoſe , & non un ſyſtême que je prétends
établir.
Une des Profeffions les plus refpectables de la
fociété eft affurément celle de ces Citoyens courageux
qui , confacrant leur vie à l'intérêt des autres
font toujours prêts à venger l'innocence & à faire
triompher la juftice ; mais jetons un moment les
yeux fur l'origine de ce Miniftère facré. N'a- t- on
pas voulu placer un homme choifi entre la fainteté
de la loi & la violence de nos paffions ? Qu'on
laiſſe aux Parties le droit de défendre leurs cauſes ,
nous allons voir la haine & la vengeance femer
leurs difcours d'imputations étrangères , & diftiller
à grands flors de toutes parts le poifon de la calomnie.
C'est donc pour éviter cet abus qu'on a créé
une fonction honorable. L'Avocat doit être l'organe
impaffible de la vérité ; elle feule doit obtenir
fes hommages : & pourquoi la déshonoreroit- il par
un langage qui lui eft fi fouvent étranger ? Il fuffi-
Toit peut- être que l'Éloquence eût fait quelquefois
triompher le menfonge pour qu'il dût la craindre
& la dédaigner. Interprête du Légiſlateur , qu'il
s'exprime avec fa noble préciſion. L'Art oratoire
fut- il jamais celui de Solon & de Lycurgue ? Ces
grands Philofophes , ces Politiques profonds crurent
pouvoir affurer le repos de leurs concitoyens fans
les charmer par des accords raviffans. Juftinien ,
que je ne cite pas ici pour le comparer aux hommes
fameux que je viens de nommer , Juftinien
donna le même exemple. Ce n'étoit point avec chaleur
que Zoroastre dictoit les loix qu'il impofoit ; il
eût craint de les avilir par cette fauffe énergie . Confucius
mérita la reconnoiffance des Chinois fans
fortir de cette fimplicité augufte qui fut toujours le
A iv
8 MERCURE
premier caractère de la vérité , & Locke n'eut pas
recours à l'Eloquence pour devenir le bienfaiteur
de la Caroline . Pourquoi donc le Citoyen utile ,
dont le devoir eft de rappeler les principes de la
légiflation , fe laifferoit- il féduire par un talent f
dangereux ?
La vérité doit parvenir au Juge fans obftacle &
fans apprêts . Qu'un Orateur facré , qu'un Philofophe
nous inftruifent à la fcience des moeurs , il faut
nous perfuader, & pour cela peut-être ' il faut être
éloquent. Il s'agit en effet d'infpirer la vertu quand
la volupté entraîne . Oui , quelque certains que
foient les principes de la morale , ils font toujours
combattusS par l'intérêt & les paffions des hommes.
Il n'en eft pas de même de ceux de la légiflation ; ils
n'ont pas beſoin d'être perfuadés pour faire la baſe
de nos jugemens ; il fuffit au contraire de les expo
fer pour enchaîner l'obéiffance du Magiftrat & du
Plaideur.
A quoi fert d'ailleurs cet étalage fuperbe de
phrafes, harmonicufes ? I enchante l'oreille , il
flatte l'efprit , je le fais ; mais eft - ce donc pour fe
રિ
livrer à ces plaifirs que le Juge s'affied fur fon
tribunal augufte ? Ne fera-t il pas même forcé ,
quand il donnera fon opinion , d'écarter tout cet
appareil , & de réduire la caufe au fimple fyllogifme
que l'Avocat auroit dû lui préfenter ? Ce laconifme
Je fais qu'on peut m'oppoſer l'exemple de Woden
& de Mahomet. Tous deux affectèrent quelquefois des
extafes prophétiques ; mais cet exemple même fert d'ap
pui à mon opinion . Le Législateur des Goths comme
celui des Turcs & des Arabes , donnoient des loix pieufes
en même-temps que des loix civiles , appuyées l'une &
l'autre fur les principes d'un faux culte ; ils vouloient
cependant faire croire que c'étoit le ciel qui les infpiroit.
Pour tromper ainfi les Peuples , ils devoient avoir recours
à l'Eloquence.
DE FRANCE.
2
paroît effrayant ; mais comment faifons - nous nousmêmes
dans les procès dont nous fommes Rapporteurs
? Une expofition fimple des faits , une froide
analyfe des moyens , le texte de la loi rappelé ,
voilà où ſe borne tout notre ministère : pourquoi
un ufage auffi fimple ne feroit il pas adopté par les
Défenfeurs des Citoyens ?
J
Vous voulez m'échauffer & in'attendrir. Je pour
rois vous répondre que cet état de l'âme eft celui de
tous où elle eft le moins capable d'affeoir un jugement
folide ; mais fi à ce danger fe joint cette
défiance perpétuelle & de vous & de moi que votre
Art doit m'infpirer , je vous le demande alors , quel
eft l'objet de ce fupplice intérieur auquel vous me
condamnez ? Je vaincrai , ajoutez - vous , & ce fera
pour moi un triomphe de plus ; mais d'abord pourquoi
me forcer à cette lutte éternelle entre l'Éloquence
& la vérité ? Pourquoi me déchirer fans
ceffe par des craintes injurieufes à des hommes
eftimables dont je dois révérer les talens & la
bonne-foi ? Et en fecond lieu , fi malgré ma vigi
Jance & l'attention la plus févère je me laiffe
féduire par vos lumières trompeufes , fi ma bouche,
qui ne refpira jamais que pour l'innocence &
la justice , prononce l'avis coupable que vous m'avez
faggéré , mon ignorance ou mon délire peuvent
mériter vos reproches ; mais vous à qui j'ai dû mon
erreur, vous qui m'avez fait trahir le plus faint des
devoirs , répondez à votre tour , croyez -vous être
exempt de crime ?
Je ne me diffimule pas qu'en plaidant , contre l'Éloquence
je plaide contre un de nos plaifirs. Qui
n'a fouvent lû , qui n'a entendu avec avidité les
beaux Difcours des Ecrivains fameux dont s'honore
aujourd'hui le Barreau françois ? Moi - même je
me fais gloire d'être leur admirateur ; mais cette
admiration ve ferme pas mes yeux fur les périls que
A v
10 MERCURE
cette Éloquence entraîne. Ofons- le dire d'ailleurs.
Les Avo ats qui méritent cet éloge, font & doivent
être la partie la plus rare. Il en eft qui y ſuppléent
que quefois par une diffufion fatigante ou par
des perfonnalités déplorables C'eft l'abus de la
chofe , il eft vrai ; mais cet abus eft lié à fon
exiſtence. Il eft impoffible de le détruire , & de
créer une âme , un efprit nouveaux dans ces Défenfeurs
: or , je vous le demande , Monfieur ,
l'avantage même qu'on pourroit retirer d'entendre
ou de lire dix bons Orateurs , doit- il être mis en
opposition avec les longueurs & les dégoûts inféparables
des Plaidoyers ou des Mémoires de ceux
qui ne le font pas ? Pourroit- il balancer
déclamations éternelles dont s'enveloppe fouvent le
défeſpoir de la caufe ou l'ignorance des faits principaux,
& que Cicéron a fi bien caractériſées par ces
mots pleins de fens , loci inanes , nec erudita civitate
tolerabiles.
ces
Au petit nombre des bons Orateurs, on peut joindre
le petit nombre des caufes qui prêtent à l'Éloquence
dans nos conftitutions modernes. Chez les
Grecs , chez les Romains , on parloit dans la Tribune
en préfence d'un peuple nombreux , plus fenfible
aux mouvemens du coeur qu'aux raifonnemens
d'une logique confommée , & on lui parloit de fes
befoins & de fes devoirs ; mais en France il s'agit
prefque toujours d'avantages particuliers , d'intérêts
bornés & folitaires , & alors l'Éloquence peut devenir
auffi ridicule qu'elle eft nuifible ; car , comme
T'obferve Quintilien , nec quifquam illuftrem orationem
facere poteft , nifi qui caufam parem invenit.
Vous connoiffez l'hiftoire de cet Avocat , qui en-
#endant fon Confrère parler avec emphafe de
Troyes & du Scamandre , l'interrompit par ces
mots : La Cour obfervera que ma Partie ne s'appelle
pas Scamandre , mais Michaut, Cette obferDE
FRANCE. IIL
vation ſous un air frivole me paroît renfermer deux
grandes leçons. En voici une autre qui a auffi fon
utilité . Je cite l'anecdote avec d'autant plus de confiance
qu'elle m'eft perfonnelle.
Un jeune Avocat me parloit un jour d'une
caufe dont il étoit chargé. Je ne pus m'empêcher de
lui dire qu'elle ne me fembloit pas foutenable. Je
le penfe comme vous , me répondit- il , mais elle
prête à l'Eloquence , & je puis m'y diftinguer.
Cette phrafe eft le fecret du coeur. D'autres euffent
été moins ingénus peut être ; mais le fond de leur
âme eût renfermé le même fentiment. Le premier
befoin de l'Orateur eft trop fouvent de chercher à
concilier pour lui tous les fuffrages ; & s'il veut
l'emporter fur l'adverfaire qu'il a à combattre , c'elt
fur-tout le fuccès oratoire qu'il envie . Vous laiffez
donc à l'amour - propre , toujours inſatiable , l'attrait
de briller quelquefois par le menfonge.
Ce n'eft pas pour l'Avocat feul que ces efforts
font dangereux. Tandis que, jaloux de tout embellir,
il met longuement fous nos yeux les productions de
fon goût & de fon génie , le temps fuit avec rapidiré
, & dix audiences s'écoulent quand une auroit
pu fuffire. N'eft- il pas vrai cependant que le Magiftrat
doit à fa patrie le compte même de ces
momens qu'on lui fait perdre ? N'eft - il pas vrai
qu'à l'inftant qu'un Orateur célèbre le charme par la
pompeufe harmonie d'une période cadencée , les
bras tendus vers lui , une foule de malheureux attene
dent à la porte du Sanctuaire de la Juftice , & lui
demandent en gémiffant de les arracher & aux angoiffes
d'un jugement incertain , & aux dépenfes
qu'occafionne un féjour forcé loin de leurs poffeffions
& de leurs familles ? En prévoyant cette objection ,
vous avez fenti vous-même qu'il étoit impoffible
d'y répondre ; elle vous a arraché un fuffrage que
ne peut déguifer l'enthoufiafme , fi digne de vous ,
A vi
MERCURE
d'être l'appui des malheureux ; & en effet , Monfieur,
daignez calculer tout le temps dont la perte eft dûe
à l'Eloquence , & j'ofe croire que vous ferez plus
frappé encore de la vérité de mon opinion *.
Je pouffe la chofe plus loin , & je crois qu'il
feroit à defirer que nos loix fuffent affez claires ,
affez précifes , en affez petit nombre pour que le
Magiftrat n'eût pas befoin qu'on lui en rappelât le
fens & l'expreffion. Ce defir eft inutile fans doute ;
dans l'état des chofes il eft abfurde peut-être ; mais
que de biens il produiroit s'il pouvoit un jour fe
réalifer ! Ofons l'efpérer d'un Roi qui nous donne
à chaque inftant de nouvelles preuves de fa bienfaifance
& de fes vertus . C'eft au jeune Titus qui a
rendu tout fon éclat à la Magiftrature Françoife , à
détruire le chaos informe de notre législation , &
Qu'on me permette de joindre ici ce calcul qu'on
' avoit pas fait encore. Il pourra paroître fingulier ; mais
il n'eft inaiheureufement que trop vrai , & je ne crois pas.
qu'un bon Citoyen puiffe le lire fans gémir en fecret de
l'abus qui en eft la fource déplorable .
Il y a en France au moins fix mille Jurifdictions Royales
, en y comprenant tant les Jurifdictions ordinaires que
celles d'attribution , & les Cours Souveraines comme les
Tribunaux inférieurs. Je ne dis rien des Juftices feigneu
riales , parce que je ne crois pas que l'Eloquence y faffe
perdre beaucoup de temps au Magiftrat . Ne fixons l'une
dans l'autre qu'à cent Audiences par an l'exercice de leurs
fonctions , quoiqu'il y en ait plufieurs où il foit journa-
Jier, & porté même quelquefois jufqu'à deux Séances par
jour. Ne fixons encore qu'à deux heures chacune de ces
Audiences, on aura deux cents heures annuellement. Multiplions
fix mille par deux cent , & , fi je ne me trompe ,
nous aurons douze cent mille heures. On ne peut nier
qu'un Orateur n'en faffe perdre au moins les trois quarts
au Magiftrat forcé de l'entendre. Ce font donc neuf cent
mille heures de perdues , & neuf cent mille heures for
ment à peu-près cent trois ans : oui cent trois ans que
Eloquence arrache au Juge chaque année. Au bout d'un
fiècle il aura donc , malgré lui , perdu à- peu -près deux
føis autant de temps qu'il y en a que le monde exiſte. -
DE FRANCE.
nous donner enfin des loix dignes d'un Peuple qu'il
gouverne. Déjà fon coeur généreux a arraché
Phomme à l'esclavage , & l'accufé à des tourmens
féroces qui le forçoient quelquefois à s'avouer cou
pable. Cet effet touchant d'un attendriffement paternel,
eft le préfage de tous les biens que nous
devons attendre d'un Prince ami des moeurs & de
l'humanité.
Adieu , Monfieur ; je vous demande pardon de
vous avoir contredit , & je vais relire vos Ouvrages
pour me confoler de mon opinion.
RÉPONSE de M. DE LA CRETELLE .
JE vous dois des remerciemens , Monfieur , pour
le foin que vous avez pris d'oppoſer votre avis au
mien fur une queftion intéreffante , & pour la
politeffe que vous avez mife dans votre réfutation.
Une réfutation de ce genre , en répandant des
lumières fur l'objet difcuté , honore fon Auteur &
celui qu'elle attaque. Je ne voudrois retrancher de
la vôtre que les expreffions infiniment trop flatteufes
dont vous vous fervez à mon égard .
Il n'eft pas ordinaire de fe plaindre de n'être pas
attaqué d'affez près ; c'eft cependant l'espèce de
plainte que je forme contre vous. Je defiterois que
vous euffiez bien voulu examiner chacune de mes
raifons. Il y auroit déjà plus de chofes éclaircies
entre nous , & celles qui ne le feroient pas le
deviendroient plus facilement ; je n'aurois qu'à voir
quels font les points fur lefquels je puis me rappro
cher de votre avis , & quels font ceux fur lefquels je
crois conferver l'avantage. Vous avez fuivi une
autre marche ; vous vous êtes contenté de motiver
une opinion différente , & je fuis forcé maintenant de
revenir fur ines raiſons pour les comparer aux vôtres
14 MERCURE
J'ai cherché , Monfieur , à confidérer la queftion
dont il s'agit entre nous fous tous les afpects ,
pour la réfoudre toute entière , & j'ai commencé par
la faifir dès fon principe. Tout le monde entend
par l'Éloquence le don de fubjuger l'esprit par la
force du raifonnement , ou d'émouvoir le coeur par
les paffions. On conçoit que ce talent eft libre de fa
nature. On ne peut pas ordonner à un homme né
éloquent de ceffer de l'être , ni même de le vouloir
, & cela lui feroit impoffible Quel moyen
done d'écarter l'Éloquence de l'adminiſtration de la
Juſtice ? Je n'en connois qu'un , c'eſt de la rendre
inutile à la défenfe des Citoyens par des loix
très- claires , très -fimples , très - équitables , par des
Magiftrats très- intègres & très -éclairés , & d'en
prévenir l'ufage par un ordre judiciaire qui ne permette
aux Parties que la fimple expofition de leur
caufe. Vous conviendrez , Monfieur , qu'il n'y a que
de petits Peuples , des Peuples qui réuniffent ce que
l'on voit le plus rarement enfemble , des progrès
avancés dans la civilifation , avec la candeur &
l'innocence des moeurs primitives qui puiffent
jouir à - la- fois de tous ces avantages . Chez toutes
les grandes Nations , les loix font immenfes & les
moeurs font mauvaiſes. On ne peut y prendre une
confiance entière ni dans les lumières des Juges , ni
dans leur droiture, Il faut permettre aux Plaideurs
de raifonner fur leurs droits ou leurs prétentions. Il
importe auffi que l'homme opprimé ait le droit
d'appeler l'Éloquence à fon fecours pour réfifter à
l'afcendant des protections , à l'influence des féductions
que l'on emploie contre lui . L'Éloquence
devient alors , non pas un bien abfolu , mais un
remède utile dans de grands maux. Elle a cependant
des dangers , des inconvéniens ; mais ils font
inévitables , & ils fout moins confidérables qu'on
me le croit . Le plus grand de fes dangers vient
DE FRANCE. 15
de l'empire qu'elle peut prendre fur l'âme du Juge.
Si l'on y fait bien attention , on verra que parmi
nous elle peut beaucoup plus pour foutenir la probité
du Magiftrat que pour l'égarer. L'Éloquence ,
dans nos conftitutions & dans notre ordre judiciaire ,
ne peut plus régner par les paffions ; elle n'agit plus
fur un Peuple affemblé , mais fur des Magiftrats qui
favent s'en défier & lui réfifter ; fi elle vouloit les entraîner
à l'injuftice ou à l'erreur , dès qu'ils s'en appercevroient
, & ils l'appercevroient aifément , elle
pourroit leur plaire encore , elle ne les perfuaderoit
plus ; mais lorfqu'elle parle dans la caufe de
la vertu , & felon la juftice & la raifon , la juftice
, la raiſon , la vertu en deviennent plus aimables
, & par-là plus puiffantes. L'Éloquence infpire
au Magiftrat plus de zèle & de fermeté dans la
volonté du bien. Le plus grand de fes inconvéniens
eft d'employer plus de temps qu'il n'en faudroit à
une expédition rigoureufe de la juftice mais c'eft
une queſtion de favoir fi des loix embarraffées peuvent
fe paffer d'une difcuffion un peu étendue ; &
dès qu'il faut de la difcuffion dans l'explication des
loix , il faut y admettre ou les formes de l'Eloquence
, ou le jargon de la chicane ; & qui pourroit
douter que le ftyle de la chicane ne prenne beaucoup
plus de temps à la justice , & ne lui foit bien plus
dangereux que le langage de l'Eloquence ? Une
foule d'avantages moins effentiels contribue encore
à rendre l'Eloquence précieufe dans nos Tribunaux.
Elle eft pour les malheureux une douce & noble
confolation , en ce qu'elle leur donne un moyen
aſſuré d'obtenir la bienveillance & l'intérêt du Public.
Quand elle parle fur les loix , elle accroît
leur majefté devant le Peuple , elle leur obtient fa
reconnoiffance & fa vénération. La véritable Eloquence
ne peut fe féparer de la bonne Philofophie.
Des difcuffions fur les loix agrandies par la Philofo
16 MERCURE
phie , animées par l'Eloquence , ne feront - elles pas
une heureuſe fource d'inftructions pour le Magiftrat?
D'ailleurs , s'il faut de la folemnité dans l'adminiſtration
de la juftice , qui peut y en apporter davantage
que l'Eloquence ? Et s'il nous importe de confacrer
les Beaux - Arts par un emploi noble & utile , où
pouvons - nous mieux les montrer que dans le Sanc
tuaire des loix ? Quelle plus digne décoration le
Sanctuaire des loix pourroit-il recevoir , que celle
que lui prête la voix d'un homme éloquent ?
Voilà , Monfieur , le précis des vûes qui m'ont fait
conclure que l'Eloquence étoit parmi nous ron
moins utile à la fageffe & à la pureté des décrets
de la juftice qu'à leur pompe. D'après ce réſultat, je
crois que,loin de l'exclure de nos Tribunaux, il faut
chercher à en tirer le meilleur parti qu'il eft pofble.
Les talens font , comme les moeurs , foumis à la
direction que la main habile d'un Législateur fait
leur donner. Il eft de leur effence de fe porter vers
ce qui eft beau & ce qui eft bon. Si vous les y appelez
par des honneurs , par des récompenfes , vous ne
les verrez pas fe proftituer à des objets indignes
d'eux. Ayez donc des Orateurs , récompenfez- les
par des hommages publics , & l'Eloquence deviendra
la lumière des loix , la reffource du foible , la
crainte de l'oppreffeur , l'appui de la justice.
Vous n'en jugez pas ainfi , Monfieur ; votre goût
vous fait aimer l'Eloquence , mais votre conſcience
vous la fait craindre ; vous ne la trouvez utile que
lorfqu'elle s'occupe de perfuader les vertus ; vous la
repouffez de toutes les occupations où il ne faut que
prouver & convaincre. Ce n'eft point par l'Ele
quence que vous eftinez l'inftitution des Avocats
c'eſt par la modération que leur ministère fait régner
dans les débats des Plaideurs ; vous ne leur
permettez pas, de s'échauffer pour la vérité , pour la
vertu.L'homme qui réclame la loi, doit être impaffi
DE FRANCE. 17
→
blecomme clle. - Les Législateurs , en donnant leurs
loix aux Peuples, n'ont pas cru qu'il fût néceffaire de
les appuyer de la force & de l'éclat des beaux dif
cours . Ce n'eft pas pour recevoir un vain plaifir que
le Magiftrat vient s'affeoir fur le Tribunal. - D'ail
leurs l'émotion que l'Orateur veut porter dans fon
âme feroit dangereufe à la jufteffe , à l'impartialité
de fon jugement. Pourquoi le plaidoyer d'un Avocat
n'eft- il pas uniquement un récit clair & méthodi
que , une difcuffion calme & fimple comme le tra
vail d'un Rapporteur ? Qu'arrive - t- il de l'ufage
contraire ? Les Avocats veulent être éloquens. Ce
talent eft rare , & au Barreau les occafions de le
placer ne le font pas moins : de-là des plaidoyers
chargés de mors & vuides de fens ; de-là de longs
difcours , où l'on fonge bien moins à gagner fa
caufe qu'à montrer de l'efprit ; & cependant le Juge
perd à écouter des phrafes un temps qu'il doit à la
prompte expédition de la juftice , le plus grand fervice
de la juftice même. Vous finiffez , Monfieur ,
par defirer des loix affez claires , affez courtes &
affeż fimples pour qu'on n'ait plus befoin du tout
du ministère des Avocats. Il me femble , Monfieur ,
qu'en motivant ainfi votre opinion , vous avez laiffé
fubfifter toutes les raiſons par lesquelles j'en ai établi
une différente ; je puis donc vous oppofer , pour
première réponſe , la difcuffion même que vous avez
combattue. Permettez - moi , Monfieur , pour l'inté,
rêt de la caufe que je foutiens , d'ofer vous ménager
un peu moins , & de vous réfuter par l'examen des
idées que vous venez de développer.
Je crois qu'il résulte de ma difcuffion deux chofes
; l'une , que dans le fyftême de nos loix , dans
l'état de nos moeurs , il est néceffaire de permettre
aux Parties la difcuffion raifonnée de leurs cauſes ;
qu'il eft impoffible d'écarter l'Eloquence de cette
difcuffion , & qu'il eft utile de l'y admettre ; l'autre ,
18 MERCURE
+
que dans l'adminiſtration de la juftice , telle qu'elle
exiſte parmi nous, les avantages ſurpaſſent de beau
coup les inconvéniens .
Vous , Monfieur , vous vous êtes borné à préſenter
quelques-uns de ces inconvéniens , & à offrir le modèle
des difcuffions auxquelles vous voudriez réduire
les Avocats ; mais les inconvéniens que vous
préfentez naiffent- ils effentiellement du droit d'em
ployer l'Eloquence au Barreau , & le genre de plaidoirie
que vous propofez eft il pratiquable en luimême
, & remédieroit-il à quelque chofe ? Voilà ce
que je veux examiner avec vous.
L'Eloquence , dites-vous , eft inutile pour convaincre
; elle ne convient pas à des hommes qui doivent
refter auffi calmes que la loi qu'ils invoquent.
Si vous y faites bien attention , Monfieur , vous
verrez que l'Eloquence convient autant à la convic
tion qu'à la perfuafion , & que ces deux impreffions
de l'Eloquence , quoique différentes , fe féparent
difficilement. Le jugement & la fenfibilité communiquent
fans ceffe dans l'homme , & réagiffent continuellement
l'un fur l'autre . Vous ne toucherez jamais
mon âme, fi vous offenſez ma raiſon ; de même vous
ne fubjuguerez jamais ma raiſon , fi vous n'intéreſſez
mon âme. Je ne puis aimer , fi je ne fuis porté à
approuver, ni approuver , fans être porté à aimer,
Auffi,quand les hommes qui attachent des idées juftes
aux expreffions dont ils fe fervent , emploient , en
les diftinguantces , mots de conviction , de perfuafion
, ils entendent uniquement que le raisonnement
a plus d'effet dans l'une , & le fentiment dans l'autre
Pourquoi y a-t-il une fi grande différence entre
l'homme éloquent , foit qu'il ouvre son âme ,
foit qu'il raifonne , & l'homme qui manque d'Eloquence
? C'est que l'un dit fes fentimens , & que
l'autre les communique ; c'eft que l'un établit
Les raifons , & que l'autre , en les paffionne. Aina
DE FRANCE 19
donc fi vous permettez de convaincre dans les
difcuffions du Barreau , vous permettez auffi d'y
toucher au moins jufqu'à un certain point ; &
quand même il ne s'agiroit que de convaincre ,
il y auroit encore là de quoi être éloquent. Il m'a
toujours paru , Monfieur , que la question ne pouêtre
ici s'il falloit admettre ou non l'Eloquence
au Barreau , mais s'il falloit ou non у interdire
aux Parties la difcuffion de leurs moyens pour
les réduire à la feule expofition des faits ; car dès
que vous permettez une défenfe raisonnée , quel
qu'en foit l'objet & la forme , l'Eloquence peut y'
voit pas
entrer.
Mais vous demandez à l'homme éloquent de
s'interdire l'ufage de ce talent ; vous en faites même
un devoir de fa confcience , & vous lui propoſez
l'exemple du ftyle précis & fimple des Légiſlateurs
dans la promulgation de leurs loix.
Prenez -y garde , Monfieur , il ne peut y avoir
rien de commun entre le Législateur & l'Avocat.
Tous deux , à la vérité, s'occupent des loix , mais l'un
les établit , l'autre les invoque , & cela eft fort différent.
L'autre modèle que vous propofez à l'Avocat
ne lui conviendroit pas mieux. Un Rapporteur ,
qui ne doit qu'expofer les faits d'une caufe & les
moyens des Parties , & motiver enfuite fon avis ,
doit s'impoſer dans ce travail l'impartialité de la
loi , & ne trouve pas les mêmes motifs de s'y échauffer;
& cependant , Monfieur , êtes - vous sûr que jamais
l'afcendant de l'Eloquence ne s'eft fait ſentir
dans ces travaux, non pas d'un Orateur , mais d'ur'
Juge ? L'Eloquence , Monfieur , confifte moins dans
certaines formes que dans une force & un charme
qu'un homme né éloquent imprimé dans tous fes
difcours. L'Avocat, comme le Juge , doit un refpect
entier à la loi ; il ne doit jamais ni la diffimuler , ni
la violer , ni la plier à fes vûes par des interpréta
20 MERCURE
1
tions de mauvaiſe foi ; mais il doit auffi du zèle à
fon client ; il doit tout ce qu'il a d'énergie & de
chaleur à l'innocent opprimé , au malheureux à qui
l'on veut enlever les dernières refſources , fes dernières
confolations. Suppofez - le froid & impaffible:
par fyftême dans la défenfe de ces touchans intérêts ,
& c'eft alors qu'il fera coupable , puifqu'il n'aura
pas fait pour le malheur & l'innocence tout ce qui,
étoit en lui. Penfez - vous que l'Eloquence foit de,
trop pour réfifter au crédit , à la faveur , à toutes les
féductions que les paffions & l'intrigue favent employer
? Et fi l'injuftice triomphe , l'Orateur qui ne,
l'aura pas attaquée affez puiflamment n'en deviendrat-
il pas complice ? Non , Monfieur , loin du protec
teur des foibles & des opprimés cette timide modéra
tion. L'homme de bien doit toute fon éloquence à
la vérité qu'il croit dans fon coeur . Obfervez dail
leurs , Monfieur , une raifon particulière de la difcuffion
tranquille qui doit réguer dans les expofés
des Rapporteurs ; c'eft que ces fortes de difcours ne
fe prononcent que dans l'intérieur du Tribunal , au
lieu que les Avocats parlent devant le Public comme
devant les Magiftrats . Puifqu'on adinet le Public dans
les Audiences , & il y a de bonnes raiſons pour cela ,
il faut bien qu'il y foit compté pour quelque chofe ;.
il faut plus d'appareil & d'intérêt dans des difcours
où le Public affifte . Aulli demande-t -on aux plai-.
doyers des Avocats- Généraux qui parlent entre les
Magiftrats & le Public , plus d'élévation & de chaleur.
Mais chaque pofition pour l'Orateur a les rè
gles & fes convenances. L'Avocat ne doit jamais,
dépouiller,pour l'amufement de fes Auditeurs , la noble
gravité des paroles qu'il adreffe aux Magiftrats ,
& l'homme public ne doit jamais le livrer aux paffions
que l'on permet aux hommes privés ; il ne doit
connoître dans fes difcours comme dans fes décifions,
que l'amour de la juftice , la vengeance des
DE FRANCE. 2
loix & le zèle du bien public : ce font - là les feules
paffions qui lui conviennent,
Vous devez concevoir , Monfieur , d'après les raifons
que je viens de vous préfenter , que ce feroit
faire violence à l'ordre naturel que de réduire l'âme
inquiette , fouffrante & agitée des Plaideurs à ce ton
calme qui doit être le ftyle de leurs Juges. Cela
feroit non-feulement injufte , mais encore impoffible.
Jamais on n'obtiendroit de celui qui expofe fon
malheur ou fon danger , de s'exprimer comme s'il
ne les fentoit pas. Ses plaintes , en paffant par l'organe
d'un Avocat , pourront bien fe modérer , mais
ne doivent pas s'y affoiblir. Qui voudroit d'un Avocat
qui fe piqueroit de n'adopter jamais la fenfibilité
de fon client lorfqu'il le verroit injuftement perfécuté
? Et quelle fauffe & odieufe perfection cer
Avocat chercheroit illà ?
Ce n'est pas tout. J'ofe dire que cette manière de
plaider , qui ne connoîtroit que le calme des fentimens
& la netteté précife de la loi , eft trop difficile à
atteindre pour devenir commune. Si l'Éloquence eft
rare , l'excellente Logique ne l'eft pas moins. De
même qu'en autorifant l'Eloquence il faut s'attendre
à beaucoup de déclamations, en demandant une manière
de raifonner toujours forte par la raifon feulé,
on s'expofe à toutes les fubtilités , toutes les obſcurités
naturelles aux mauvais efprits . Vous aurez donc
dans les difcuffions judiciaires , comme je l'ai déjà
dit , l'ergotage de la fcholaftique au lieu du fratras
de la rhétorique , & l'eſprit de chicane remplacera le
génie de l'Eloquence . Penfez -vous qu'il y auroit
beaucoup à gagner dans cet échange ? Vous favez ,
Monfieur , que la bonne & faine Eloquence est bien
rare au Barreau , qu'elle y laiffe trop régner le ton
de la chicane ; fi nous voulons le purger de tout ce
qu'il a d'abus , ce n'eft pas l'Eloquence qu'il en faut
22 MERCURE
chaffer ; elle y amène plus d'avantages que d'incon
véniens .
Vous n'avez voulu voir que ces derniers. Le plus
important de tous eft le temps conſidérable que les
difcuffions oratoires enlèvent à la juftice. Si l'Elo.
quence eft utile à l'adminiſtration de la justice à
plufieurs égards , il faut bien lui pardonner de la
rendre un peu plus lente. C'eft un médiocre inconvénient
dans un grand bien. D'ailleurs , Monfieur ,
penfez vous qu'avec des loix auffi embarraffées que
les nôtres, il n'y ait pas un grand danger dans des
jugemens très - précipités ? C'eft peut - être un bien
que l'Eloquence fait aux Juges de les retenir plus
long-temps fur l'examen d'une affaire qu'ils faifiroient
mal d'un premier coup d'oeil , & qui faura
mieux que le goût des Orateurs s'arrêter dans des
développemens néceffaires , & rejeter des détails
inutiles ?
·
Vous ajoutez que la prétention de l'Eloquence
fait qu'on veut en montrer dans toutes les caules ,
& qu'on ne fonge qu'à cela . On veut être éloquent
en raifonnant fur le mur mitoyen , & telle caufe
qu'on ne trouve pas jufte , on la plaide néanmoins ,
parce qu'on la juge propre à faire de l'effet . Il eſt
vrai que l'envie de briller peut faire taire la confcience
dans les Avocats ; inais interdiſez -leur l'Eloquence
, ceux qui n'ont pas le coeur honnête &
délicat fe jetteront dans un autre vice bien plus
funefte ; ils ne fongeront qu'à gagner de l'argent.
Ils font fouvent de l'Eloquence unu fage ridicule en
la portant hors de fa vraie place . D'où cela vient-il ?
de ce qu'ils ne connoiffent pas affez l'Eloquence.
Plus on l'encouragera , plus on la pratiquera au Barreau
, plus elle s'y épurera & s'annoblira ; elle y
détruira elle-même une partie des abus qu'on lui reproche.
On apprendra fur - tout à y mieux diftinguer
dans quelles caufes elle peut entrer.
DE FRANCE. 25
Ma réponſe eft devenue bien plus longue que
votre Lettre , & c'est un défavantage de plus que
j'aurai fur vous pour plaire à mes Lecteurs ; mais
' ai cru que puifque j'avois ouvert la.queftion, c'étoit
moi de la difcuter avec une attention férieuſe .
On pourra croire , Monfieur , que nous avons
parlé ici chacun felon l'efprit de notre état. Vous
êtes Magiftrat , & un Magiftrat doit fe tenir en garde
contre les féductions de l'Eloquence. Je ſuis Avocat ,
j'en exerce quelquefois les fonctions , & l'Eloquence
fair un de nos titres à l'eftime publique,
Voilà ce qui pourra nous rendre l'un & l'autre
fufpects de quelque partialité. Il n'eft que trop
commun de ne voir les objets qu'à travers notre
intérêt ou notre penchant , & tout Écrivain pour
qui la vérité eft facrée , doit fe prémunir contre cette
furprife ; je puis me rendre au moins le témoignage
que dans l'examen de cette queftion j'étois tout
prêt à adopter & à établir de toutes mes forces un
réſultat contraire , s'il m'avoit paru le mieux fondé
en raiſons.
J'ai l'honneur d'être , Monfieur , &c.
LACRETELLE.
Explication des Charades , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent .
LE mot des Charades eft Maladroit ; celui
de l'Enigme eft Panckoucke ; celui du Logogryphe
et voile , où le trouvent olive &
viole.
24
MERCURE
CHARA DE S.
I.
Mon premier , né dans Londre , eft très - commun ON
en France ;
Mon fecond , au piquet eft de bonne eſpérance ,
Et mon tout fait cortège à la fière opulence,
I I.
MON premier très- ſouvent fut l'objet d'un larcin ;
Mon fecond , dans les cieux eft un être divin ,
Et mon tout est un fruit du peuple Américain.
I I I.
DANS mon premier fe voit un Prince vénérable ;
Mon fecond, par les Juifs eft banni de la table ,
Et mon tout , des mortels eft le plus mépriſable.
I V.
MON premier quelquefois punit un criminel ;
Mais pour ce mon fecond eft très- effentiel ,
Et mon tout le prépare à monter droit au ciel.
V.
MON premier trouve place en plus d'une ordonnance;
Mon fecond pour le Moine eft un temps d'abſtinence ,
Et mon tout en hiver eft fort de convenance.
(Par Mde *** , Auteur des Amuſemens du Jour.)
ÉNIGME
DE FRANCE.
SI
ENIGME.
Si vous croyez que fans argent
On ne fauroit vivré content ,
C'est bien le comble du délire ;
Peut-on rien trouver de plus foù ?
Pour moi , quand je n'ai pas-
Alors je ne fais plus que rire.
le fou ,
( Par un Capucin d'Andely. )
LOGO GRYPH E.
JE fuis le féau des humains ,
Chacun me fuit & me détefte ,
Et cependant, c'eft par leurs mains
Souvent que je deviens funefte.
Princes & Rois , petits & grands ,
J'attaque tout dans ma colère ;
Tout tremble à mon afpeét févère ,
Et tombe fous mes coups puiffans.
En dérangeant mon exiſtence ,
Vous trouverez , fans nul effort ,
Ce que l'on fent quand je m'avance ;
Ce que l'on eft à mon abord ;
Ce qu'on devient par ma préſence,
Mes fept pieds vous offrent encor
Nº. 9 , 1 Mars 1783 . B
26 MERCURE
H
De Jupiter une maîtreſſe ;
Puis un jeu de force & d'adreffe ;
Ce que chaoun dit qu'il vous eft ;
Ce que toute fille veut être ;
Ce que nulle ne croit paroître ;
Un nombre ; une Déeſſe ; uu mets.
Enfiu , puifqu'il faut tout vous dire ,
Cherchez des outils le plus dur ;
La Capitale d'un Empire ;
Ce qui n'eft plus dans le vin pur ;
L'ornement de votre denture ;
Un Pontife prefqu'adoré ;
Un objet qui , dans la Nature ,
Ne peut être à rien comparé ,
N'ayant ni forme ni figure.
Mais fi tes foins font fuperflus ,
A ta voix fi je fuis rébelle ,
Crois-moi , Lecteur , ne cherche plus ,
Je viens toujours fans qu'on m'appelle.
1
J.
DE FRANCE. 27
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
RECUEIL de Mémoires fur la Méchanique
& la Phyfique, par M. l'Abbé Rochon ,
de l'Academie Royale des Sciences & de
celle de Marine . A Paris , chez Barrois
l'aîné , Libraire , 1783 .
Nous nous bornerons dans cet Extrait à
préfenter le tableau des principaux objets
qui font traités dans cet Ouvrage.
On y trouve , 1 °. des recherches importantes
fur plufieurs points de la théorie de
la vifion .
M. l'Abbé Rochon y prouve par l'expérience
, que nous voyons les objets dans la
direction du rayon qui produit le plus grand
effet , c'eft à - dire , de celui qui eft perpendiculaire
au fond de l'ecil; obfervation importante
déjà faite par M. d'Alembert , &
qui nous paroît néceffaire pour établir la
théorie de l'aberration fur des principes
incontestables.
Il rend compte d'expériences nouvelles
fur la manière dont les deux yeux concou
rent dans la vifion des objets , & dont les
jugemens de l'âme influent dans les fenfations
de la vûe. Par exemple , fi vous placez
l'une au- deffus de l'autre deux images égales
du même objet , l'image fupérieure paroîtra
Bij
25
MERCURE
plus éloignée ; fi vous les placez à côté l'une
de l'autre , ces images paroîtront à des diftan.
es égales , & on ne peut attribuer cette
difference dans la fenfation , qu'à un jugement
fecret de l'âme , qui , dans le premier
cas , fait regarder l'image fupérieure comme
celle d'un objet plus éloigné ; parce que de
deax objets réels placés de manière à produire
la même apparence , le plus élevé feroit
à une plus grande diftance.
2º. La defcription de plufieurs inftrumens
de ftinés à mefurer les angles , dans lefquels
M. l'Abbé Rochon fait ufage de la propriété
qu'ont certains milieux de donner
deux images des objets .
Ces inftrumens lui ont fervi à mesurer
avec précifion les diamètres des planètes . Ils
peuvent être employés avec fuccès à une
foule de déterminations aftronomiques &
d'opérations topographiques ; à reconnoître ,
par une fimple obfervation , la diftance d'un
corps dont on connoît le diamètre , ou le
diamètre de celui dont on connoît la diftance
, & même par deux ftations très - peu
éloignées , la diſtance & le diamètre à la fois.
Ces inftrumens , que l'Auteur appelle
lunettes à prifme , peuvent devenir d'une
très-grande utilité.
Nous renvoyons à l'Ouvrage même. pour
leur defcription & le détail de leurs ufages.
On a voulu difputer à M. l'Abbé Rochon
l'invention de ces inftrumens ; il prouve ici ,
d'une manière convaincante , qu'elle ne peut
DE FRANCE. 29
lui être contefée ; ainsi , les réclamations
qu'elle a excitées ne fervent qu'à prouver
combien elle eft ingénieufe & utile.
3. Des expériences fur les loix de la difperfion
.
Ces expériences font faites avec un inftrument
nouveau , qui les rend fufceptibles
d'une exactitude qu'on n'auroit pu eſpérer
des méthodes connues.
4° . Des recherches fur la décompofition
de la lumière des étoiles fixes .
M. l'Abbé Rochon eft parvenu , en plaçant
un prifme devant l'objectif d'un télef
cope , à donner au ſpectre d'une étoile une
étendue fuffifante pour y diftinguer des couleurs
, & faire voir que leur lumière eft de
la même nature que celle du ſoleil , vérité
inconnue jufqu'ici , & qui eft un pas de plusdans
la connoiffance de la nature.
°. Un inftrument deftiné à épargner aux
Marins une partie des calculs qui fervent à
déterminer la longitude en mer.
6°. Un Mémoire fur la diftillation dans
le vuide. La diftillation fe fait dans le vuide
avec bien moins de chaleur que dans des
vaiffeaux remplis d'air. Cette méthode
offre des moyens d'épargner une grande
quantité de matières combuftibles foit dans la
diftillation de l'eau de mer, foit dans celle des
eaux- de-vic, ce qui rendroit les machines diftillatoires
bien plus commodes pour l'ufage
des vaiffeaux , & diminueroit confidérablement
les frais de la fabrication des caux-
B iij
30
MERCURE
de vie. D'ailleurs , les produits de ces diftillations
font bien moins altérés que ceux des
diftillations ordinaires les mieux ménagées.
Ainfi cette méthode offre un moyen nouveau
pour l'analyse des fubftances animales
& végétales. Certe idée de diftiller dans le
vuide , l'une des plus utiles qui ayent été
propofées dans ce fiècle fi fécond en découvertes
, eft dûe à M. Turgot , dont l'activité ,
comme le génie , s'étendoit fur tous les
objets des connoiffances humaines , & qui a
fait le bien de fon pays , de toutes les manières
dont les talens & les vertus peuvent
être utiles aux hommes , par fes actions , par
fes inftructions & par fon exemple.
7 °. Enfin , une machine à graver. Cette
machine eft deftinée à graver des planches
pour l'impreffion . Par des moyens également
fimples & ingénieux , elle met tout ouvrier ,
un peu exercé dans les travaux des Arts , en
état de graver à un prix modique , & trèspromptement
, des planches qui formeroient
de très belles Éditions. La machine tient
peu de place , & feroit beaucoup plus commode
& moins coûteufe que des imprimeries
portatives. Elle feroit très- utile dans les
camps , dans les vaiffeaux. Elle a de plus
deux avantages précieux que n'a point l'imprimerie;
les planches reftent. Ainfi 1º . l'on
peut ne tirer d'un Livre que les exemplaires
dont on a befoin à chaque époque , ce qui
feroit une très grande économie de papier.
2. L'on peut corriger ces planches , ce qui
DE FRANCE.
permet aux Auteurs de faire difparoître les
fautes typographiques, ou leurs propres fautes
même , après la publication de l'Ouvrage .
En un mot , elle réunit à la fois prefque tous
les avantages particuliers de l'imprimerie en
caractères mobiles , & ceux de la gravure ,
avec quelques autres , que ni l'une ni l'autre
de ces méthodes ne pouvoient procurer.
Nous n'avons parlé ici que d'une
partie des objets traités dans ce Recueil;
mais nous ne pouvons nous empêcher de
dire , en terminant cet article , que nous
connoiffons peu d'Ouvrages où l'efprit d'invention
fe montre davantage , & qui , dans
un auffi petit efpace, contiennent autant de
chofes nouvelles.
LE Négociant Philofophe , traduit de
l'Allemand , par M. Doray de Longrais ,
Officier de Cavalerie. A Amfterdam , &
fe trouve à Paris , chez Savoye , Libraire,
гнe S. Jacques.
L'AUTEUR original de cet Ouvrage eft M.
Hirzel , Confeiller d'État , & premier Phyficien
de la ville de Zurick , connu par d'autres
Écrits eftimés. Il a traduit en Allemand l'Avis
au Peuple , de M. Tiffort ; & on lui doit le
Payfan Philofophe , qu'on a traduit en François
, fous le titre de Socrate Ruftique.
Le but du Négociant Philofophe eft de
faire eftimer le Commerce , d'en développer
les principes , d'en faire connoître les de-
"
Biv
32
MERCURE
voirs ; & l'Auteur , par le plan qu il a adopté,
a échappé à la féchereffe des préceptes , ou
du moins il a mis de l'intérêt dans fes difcuffions
, par le cadre dans lequel il les a
placées.C'eft le père d'une famille nombreuſe,
Arifte ) qui a obfervé les divers caractères
de fes fils , pour décider l'état qui convient
à chacun d'eux. L'intention de l'Auteur eft de
ne parler que de celui de fes fils qui eſt deſtiné
au commerce. Toutes les démarches du père,
les promenades qu'il fait faire à fon fils ,
les amuſemens qu'il lui procure , & les entretiens
qu'il a avec lui , ne tendent qu'à
l'inftruire des avantages , des dangers & des
obligations de cet état . On fent que ce cadre
doit intéreffer le Lecteur par le ſpectacle
d'un père tendre , qui ne refpire que pour
le bonheur de fon fils ; les confcils qu'il lui
donne portent l'empreinte du fentiment qui
l'anime , & prêtent un charme à l'inftruction.
Le moment où ce bon père , qui n'a
jamais dit à fon fils quel état il defire de lui
voir embraffer , de peur de faire violence à
fes goûts , l'invite à déclarer fon penchant ,
réunit l'intérêt & la raifon. « Volontiers
réplique Cléanthe , avec une rougeur qui
décèle cette modeftie qui fied fi bien à la
jeuneffe. L'état de Négociant n'a paru
agréable de préférence , & je vois qu'on
peut y trouver facilement fon bonheur. Les
Occupations toujours variées dans un comptoir
& dans un magalin , me paroiffent
charmantes ; on peut à chaque inftant fe déDE
FRANCE. 33
laffer de l'Ouvrage précédent , en s'occupant
à un nouveau. Au contraire , je trouve l'habitude
des Savans d'être toujours aflis trop
gênante pour l'efprit ; les idées me manquent
dans une étude affidue , & l'ouvrage continuel
d'un Artifan eft trop fatigant pour le
corps. Je me crois trop foible pour T'un &
pour l'autre.≫
Arifte fonde encore quelque temps les
difpofitions de fon fils , pour favoir ti le motif
qui le détermine au choix de cet état ,
eft propre à l'y faire réuflir ; pour voir s'il
n'eft pas plutôt tenté par le luxe ou quelque
autre agrément du commerce , qu'il n'eſt
difpofé à en remplir les devoirs ; & , fatisfait
de fes réponfes , il donne les mains à
fon choix.
L'Auteur de cet Ouvrage a fouvent occafion
de parler des avantages & des inconvéniens
des autres états ; & il a fu par- là
rendre fon Ouvrage utile , même à ceux à
qui il ne paroît pas deſtiné.
SPECTACLES.
COMEDIE FRANÇOISE.
LE Mercredi 12 Février , on a donné la
première repréſentation de la remife des
Deux Amis , Drame en cinq Actes & en
profe , par Ai . de Beaumarchais .
Aurelly , Négociant à Lyon , & M. de
B v
34
MERCURE
1
Melac , Receveur Général des Fermes dans
la même ville , font unis de la plus tendre
amitié. Le premier a une fille naturelle qui
palle pour fa nièce , & qui a infpiré de
l'amour à M. de Saint- Alban , Fermier- Gé- ,
néral. La jeune perfonne aime Mélac fils
dont elle eft adorée. La mort d'un Correfpondant
d'Aurelly eft fur le point d'arrêter
les payemens de ce Négociant , lorfque M.
de Mélac prend dans fa caiffe cinq cent mille
francs qu'il remet au Caiflier d'Aurelly , au
moment même où M. de Saint- Alban vient ,
avec un ordre de fa Compagnie , pour recueillir
fur le champ tous les fonds de la
Province. Mélac ne peut obéir à cet ordre ;
fa probité devient fufpecte. Aurelly eft d'abord
fon juge le plus févère : mais bientôt.
il cède à la voix de fon coeur , fe propoſe
à Saint- Alban pour caution de Mélac , &
lui donne un mandat fur fon Correſpondant ,
dont il ignore le décès. Ce n'eft que fous la
condition d'époufer la nièce d'Aurelly que
Saint Alban confent à garder le filence auprès
de fa Compagnie , & à laiffer Mélac
dans fon emploi . Un mot du Caifher fait
connoître le défaftre d'Aurelly & le mystère
de la conduite de Mélac. Au cinquième Acte ,
le Négociant reçoit de Paris des lettres par lefquelles
il apprend la fatale nouvelle qu'il
ignoroit. Il eft accablé de remords & de
honte. Ce fpectacle , tous les événemens du
jour éveillent la fenfibilité de Saint - Alban .
Ce Financier devient la caution d'Aurelly ,
DE FRANCE.
35
l'ami & le protecteur des Mélac , & renonce
à la main de Pauline ; c'eft le nom de la
fille du Négociant. On unit les deux jeunes
amans , qui jouent dans cette Pièce des rôles
très intéreffans , mais qu'il feroit trop long
de détailler.
Ce Drame a été repréfenté pour la première
fois le 13 Janvier 1770 ; il eut onze
repréſentations , & un fuceès fort équivoque.
On pût même remarquer alors qu'il y avoit
un peu de déchaînement contre cet Ouvrage.
Aufli quand M. de Beaumarchais le fit imprimer
, il prit pour épigraphe ces mots tirés
de la Scène feptième du quatrième Acte :
Qu'oppoferez-vous aux jugemens , à l'injure',
aux clameurs ? RIEN . Cette épigraphe nous
femble un peu fière ; car ce n'eft pas feulement
comme production purement littéraire
que les gens du monde ont jugé ce Drame ,
mais ils l'ont encore envifagé par fon objet
moral; & , à ce dernier titre , il nous paroît
fufceptible d'obfervations critiques très - bien
fondées. M. de Mélac doit à Aurelly fa fortune
& fon bonheur ; il eft reconnoiffant ,'
il veut le prouver : rien de mieux. Mais
exifte - t'il , exiftera t'il jamais une pofition
dans laquelle un homme public puiffe difpofer
des fonds de fes commettáns pour
couvrir la faillite d'un ami ? Non , fans
doute ; & fi le motif d'une pareille imprudence
peut l'excufer aux yeux des gens fenfibles
; dans l'ordre moral & dans l'ordre
civil , une pareille action eft réellement blâ
B w
1
36,
MERCURE
mable. C'eft en vain , que pour défarmer la
févérité des gens auftères , on fait l'énumération
des biens d'Aurelly , & qu'on avance
que la mort d'un Correfpondant eft la feule
caufe de la fufpenfion de fes payemens . Ce
moyen en lui même eft frivole . Ce Corref
pondant peut , à fa mort , laiffer de mauvaifes
affaires. Si cela eft , la fortune d'Aurelly
eft ou détruite ou au moins très- altérée.
Que deviennent alors Mélac , fa répuration ,
les enfans ? Le plus grand effort , l'effort
le plus fublime de l'amitié feroit peut- être
de braver la honte , la misère & l'infamie ,
pour épargner à fon ami tous les maux ,
Tous les chagrins que pent entraîner une
banqueroute ; mais il n'y a qu'un homme.
ifolé qui puiffe faire de pareils facrifices ;
& quand on eft père de famille , on doit à
cette famille le compte de fon honneur public,
avant de rien devoir à fon ami. On n'aime
point à entendre cette phraſe dans la
bouche de M. de Mélac , d'un homme qui
dans le cours de l'Ouvrage eft fouvent honoré
du titre de Philofophe : Avoir à choisir entre
deux devoirs qui fe contrarient & s'excluent.
L'un de ces devoirs , celui de venir au fecours
de fon ami , eft fans doute indifpenfable.
Eh bien ! qu'il y fatisfaffe en fe défaifant
d'une partie de fes biens ; qu'il inftruiſe
fon fils de ce qu'Aurelly a fait pour lui ; qu'il
lui prouve que dans la pofition où fe trouve
ce Négociant , il doit lui facrifier tout ce qui
lui appartient ; que Mélac fils y confente , fe
DE FRANCE. 37
né
*
faffe une jouiffance de tout immoler au bienfaiteur
de fon père , à la bonne heure : mais
ce devoir n'en exclud pas un autre également
refpectable pour Mélac père ; celui
d'être fidèle à la confiance qu'on lui a accordée
, & de ne pas compromettre indifcrètement
fon honneur. La feule chofe fur laquelle
il ne puiffe y avoir de compofition ,
dit Aurelly, Scène cinquième du troifième
Acte , c'est un dépôt....... il faut mourir
auprès. Nous penfons comme lni , & c'eſt
ainfi que penferont toutes les perfonnes qui
fentiront de quelle importance il eft que les
déniers publics ne foient jamais haſardés ,
pour quelque raifon que ce puiffe être. Ces
réflexions , que nous pourrions appuyer par
d'autres , font peut- être la principale caufe
des clameurs contre lefquelles M. de Beaumarchais
femble réclamer par fon épigraphe
; car les Deux Amis méritent des éloges ,
en les confidérant comme Ouvrage purement
Littéraire. Ce Drame eft fortement
intrigué , il y règne un intérêt très- preffant.
La reconnoiffance de Mélac , ce qu'elle lui
fait ofer , les dangers cruels auxquels elle
L'expofe , forment une oppofition très- heureufe
avec la fécurité d'Aurelly , qui ignore
fon malheur. La févérité avec laquelle il
juge un ami qui vient de lui immoler ce
qu'il a de plus cher , excite vivement la curiofité
fur les fuites qu'elle peut avoir. Le
caractère de Saint-Alban eft ce qu'il devoit
être pour produire de l'effet au Théâtre ;
foible un moment par amour & par jalou38
MERCURE
fie , il devient généreux par fenfibilité. En
oubliant ce qu'il doit à fa Compagnie , peutêtre
à la rigueur mérite t'il des reproches, mais
nous ne le conſidérons que comme perſonnage
dramatique. On pourroit defirer que
M. de Beaumarchais fe donnât la peine de
revoir avec quelque foin le ftyle de fon Ouvrage;
qu'il en bannit certaines plaifanteries
affez mauffades & qui ne lui appartiennent
point, quelques inverfions forcées , quelques
locutions vicieufes , & qu'il donnât quelquefois
plus de rapidité & d'aifance au dialogue .
Ce Drame a été revu avec plaifir ; les
Acteurs qui en repréfentent les rôles ont
obtenu des applaudiffemens très- vifs . On
a feulement été furpris d'en voir quelquesans
fe laiffer emporter aux cris dans une
Pièce où un des principaux perfonnages dir :
On ne crie pas la Comédie, ce n'eft qu'en
parlant qu'on la joue bien. »
39
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Jeudi 13 Février , on a donné , pour la
première fois , les Trois Inconnues , Comédie
en trois Actes & en vers mêlés d'ariettes.
L'Amour a étendu fon empire fur tout le
genre humain. Satisfait de fes conquêtes , il
eft fur le point de retourner à Cythère ,
lorfqu'une infcription placée aux pieds de
la ftatue de Bacchus , lui apprend qu'il ne
peut y rentrer qu'après avoir retrouvé les
feurs. Il les cherche long temps en vain ; il
DE FRANCE. 39
commence même à défefpérer de les trouver
lorfque Cyane , femme du Payfan
Strabon , lui apprend que les trois jeunes
perfonnes qu'elle a élevées ne font point fes
filles , qu'elles lui ont été remifes par une
étrangère , & qu'elle les a fubftituées à trois
filles qu'elle a perdues . Mais les foeurs de
l'Amour ne peuvent quitter la cabane de
Strabon , que dans le cas où le Payfan redeviendroit
amoureux de fa femme. Redonner
de l'amour à un mari ! la chofe eft difficile ;
ce Dieu y parvient ; & les trois Grâces paroiffent
au fond du Théâtre , portées fur des
nuages.
Un pareil fonds ne pouvoit fuffire à trois
Actes ; à peine les développemens dont il eſt
fufceptible auroient ils pu jeter quelqu'intérêt
dans un feul. Il eft pourtant préfumable que
fi l'Auteur avoit pris le parti de traiter ce fujet
en un Acte , s'il avoit profité de la vogue dont
le vaudeville jouit encore , il feroit parvenu ,
avec quelques idées galantes , & à l'aide de
quelques couplers tournés avec grâce , à fixer
l'attention du Public; mais l'action , noyée
comme elle l'eft dans une foule de détails parafites
, n'a produit & ne devoit produire
que de l'ennui . Nous ne pouvons point affurer
qu'il ne fe trouve pas des traits
heureux dans les Trois Inconnues ; la repré- ,
fentation en a été fort tumultueufe ; & c'eft ,
avec beaucoup de peine que nous fommes.
parvenus à démêler un peu le fil de l'intrigue.
La musique n'a pas eu plus de fuccès
40 MERCURE
que le Drame. Autant qu'on a pu l'entendre
, on a remarqué que tous les motifs
avoient entre- eux de la reffemblance , que
le chant en étoit difficile , que les accompagnemens
étoient beaucoup trop chargés ,
& que par- tout l'expreffion en étoit vague
& infignifiante. Ou nous nous trompons
fort , ou cette compofition a été écrite trop
rapidement. Ce n'eft pas , comme on fait , le
moyen de bien faire. On l'a dit , nous le répétons
, & nous ne nous lafferons pas de le
répéter .
Le Mardi 18 , on avoit annoncé Sophie
de Francour , Comédie nouvelle en profe
& en cinq Actes. L'affemblée étoit nombreuſe
; les deux premiers Actes de la Pièce
étoient joués , lorſqu'après une attente affez
longue , M. Granger , au nom des Comédiens
, a prié le Public d'attendre quelques
inftans , parce que Mlle Pitrot s'étoit evanouie.
Au bout d'un quart- d'heure , le même
Comédien eft venu dire que l'état de la fanté
de l'Actrice ne lui permettant pas de continuer
fon rôle , on prioit l'affemblée d'accepter
, au lieu de la Pièce nouvelle , l'Offcieux
ou les Deux Jumeaux. A cette propofi
tion ,les Spectateurs ont demandé que quelqu'un
lût le rôle de l'Actrice malade , & ont
refufé tout autre Spectacle. On a baiffé le rideau,
qui s'eſt relevé après une demi - heure ,
& M. Carlin s'eft préfenté. Les cris fe font éle--
t
DE FRANCE. 4-1
vés de nouveau , & on n'arien voulu entendre
pendant quelque temps. Enfin cet Acteur a ha
rangué les Spectateurs dans le langage & avec
les lazzis que permet le coftume d'un Arlequin.
Le Public , divifé en deux partis ,
fifloit d'un côté , applaudiffoit de l'autre.
Peu-à - peu tout s'eft calmé , les Deux Jumeaux
ont été écoutés affez tranquillement ,
& même applaudis , malgré l'humeur dont
on appercevoit de temps en temps des
étincelles.
Plufieurs perfonnes ont blâmé l'opiniâtreté
du Public , & nous croyons qu'elles ont eu
tort. Parmi les gens qui fréquentent le Spectacle
, il en eſt beaucoup qui n'y font conduits
que par air , par habitude , ou par
défoeuvrement : il est donc à peu près indifférent
à cet ordre de Spectateurs qu'une repréfentation
ait ou n'ait pas lieu au jour
indiqué. Mais il eft un autre ordre de Spectateurs,
qui , par amour pour le Théâtre ,
& par une curiofité bien naturelle chez des
gens inftruits , ou qui cherchent à s'inftruire , "
reculent ou preffent leurs affaires , afin d'affifter
à la première reprefentation d'un Ouvrage
dramatique. Il n'eft pas indifférent à
ceux ci de s'être dérangés inutilement , &
d'avoir porté leur contribution dans la caiffe
des Comédiens , fans avoir vu fatisfaire leur
curiofité. Cette claffe d'Amateurs n'eft pas
la moins refpectable ; & comme c'eft celle
qui fait journellement les fonds de la fortune
des Spectacles , c'eft à elle qu'on doit le
42 MERCURE
plus d'égards . Il ne feroit pas jufte néanmoins
que l'on facrifiât le fuccès d'un Ouvrage à
la néceffité de contenter quelques Spectateurs
, & qu'en lifant à froid un rôle important
, qui demanderoit à être joué avec
chaleur , on ne donnât qu'une fauffe idée de
fon caractère , de fon effet & des intentions
de l'Auteur. Mais il eft un moyen bien fimple
d'obvier à tous ces inconvéniens. Chaque
Acteur en chef a fon double ; ce double deyroit
toujours apprendre fon rôle avant les
dernières répétitions , & fe tenir prêt en cas
d'accident. Cet ufage adopté , & fuivi à
l'Opéra , nous paroît fortfage. Il eſt trèsétonnant
que les autres Spectacles , éclairés
comme ils l'ont été ou dû l'être par quelques
événemens défagréables , ne l'ayent pas
adopté à leur tour. Il fatisfait tout - à - la- fois
l'Auteur , le Public & les Comédiens . Tout
devroit donc engager MM . les Supérieurs
des Théâtres François & Italien à y faire
une loi de ce moyen. L'événement dont nous
venons de rendre compte fuffit pour en démontrer
la néceffité .
ANNONCES ET NOTICES.
L.
ETTRE de M. le Baron de Marivetz à M. le
Comte de la Cépède , Colonel au Cercle de Weftphalie
, des Académies & Sociétés Royales de Dijon ,
Touloufe , Rome , Stockholm , Munich , &c . fur
l'Electricité. A Paris , chez Onfroy , Libraire , quai
DE FRANCE. 43
des Auguftins , & chez les Marchands de Nouveautés.
Prix , 1 livre 10 fols .
Prefque toujours querelle de Savans a été une
dénomination injurieufe , parce qu'on a plus fouvent
difputé d'injures que de raifons. M. le Baron
de Marivetz & M. le Comte de la Cépède
donnent un exemple bien contraire à celui qu'ils
ont reçu . Divifés par leurs opinions , ils fe combattent
avec la douceur de deux perfonnes qui
font de même avis. Le fentiment qui les unit
paroît n'en avoir fouffert aucune altération , &
l'amitié embellit leur ftyle de cette politeffe qu'ils
auroient dûe l'un & l'autre à leur honnêteté naturelle.
Dans de pareils combats il refte encore de la
gloire , même à celui qui a été vaincu . C'eſt un
genre de triomphe indépendant du fuccès des
arines. L'amitié , dit M. le Baron de Marivetz , eft
fondée « fur des rapports dans la manière de fen-
» tir , & non fur des rapports entre les opinions.
» On peut , fans s'aimer moins , adopter différens
principes dans les Sciences.... J'ai joui , ajoutet
- il , de l'idée que la vérité appartiendroit peut
» être à l'un de nous deux » . Cette idée annonce
autant de philofophie que de fenfibilité Nous ne
prononcerons point fur le fujet de la difcuffion ;
mais nous croyons devoir dire que les formes n'en
fauroient être plus aimables ni plus intéreffantes .
35
- ÉTRENNES Italiennes , préfentées aux Dames
qui defirent d'apprendre l'Italien par une méthode
qui leur facilite & rende agréable l'étude de cette
Langue; Ouvrage dédié aux mânes du Dante & de
Bocace ; par M. l'Abbé Bencirechi , Tofcan , del
l'Académie des Apatiftes de Florence , de celle des
Arcades de Rome , & Profeffeur de Langue Ita
lienne , avec cette Epigraphe : Plus habet in
receffu , quàm in fronte promittit. Ce Livre , au fond ,
44
" MERCURE
' a plus de folidité que fon titre ne femble le promettre.
Quint. Inft. Orat . A Paris , chez Defños ,
Ingénieur- Géographe & Libraire , rue S. Jacques , &
Molini, Libraire , rue du Jardinet S. André- des- Arcs .
L'Auteur de cet Ouvrage profeffe la Langue Ita
lienne depuis douze ans à Paris , avec le même fuccès
qu'il avoit obtenu à la Cour de Vienne pendant
huit ans. C'eft un préjugé en faveur de la Grammaire
qu'il vient de publier , & ce préjugé eft confirmé
par la lecture de l'Ouvrage même . Nous fommes flattés d'être en cela de l'avis de M. Guidi ,
qui l'a cenfuré, & dont le fuffrage doit être d'un
très grand poids. Voici comme il s'exprime luimême
: « Cette Grammaire ne doit point être
confondue dans la foule de celles qui l'ont précédée ;
elle joint à l'avantage d'être claire & méthodique ,
celui de n'avoir pas la féchereffe rebutante des Livres Élémentaires. L'habile Grammairien a eu
l'art de faire entrer dans les thêmes & les verfions
dont les fujets font inftructifs & piquans , les principales
difficultés qui peuvent avoir lieu dans l'étude
d'une Langue nouvelle. Quoique cet Ouvrage s'annonce
fous un titre un peu frivole , comme l'Auteur
en convient lui- même dans fa Préface , il n'en doit pas moins être recherché par ceux qui veulent
bien connoître la Langue & la Littérature Ita- liennes
. »
Abrégé des principaux Traités conclus depuis le
commencement du quatorzième ſiècle jufqu'à préfent
entre les différentes Puiffances de l'Europe , difpofés
par ordre chronologique , dédié à MONSIEUR ; par
M. L. V. D. L. M. 2 Vol. in- 12 . Prix , 6 liv . brochés.
A Paris , chez Cellot & Jombert , Libraires ,
& chez l'Auteur , cul- de- fac S. Dominique , la première
porte-cochère à droite , d'où on l'enverra
franc de port par la poſte dans tout le Royaume en
1
DE FRANCE. 45
y adreffant , port franc , à M. Bachmann , la lettre
& le prix. L'Ouvrage a cette Épigraphe tirée de
Pope , Effai fur l'homme , Épître 3 Les paffions
» furieufes naquirent & attirèrent contre l'homme
» un animal plus féroce , l'homme même.... Ce
» que la guerre pourroit ravir , le commerce peut
» donner ; au lieu d'être ennemi , on devient ami. ɔ
اع
Ce Recueil utile , & dont la circonstance augmente
l'intérêt , finit au Traité de renouvellement
de l'alliance avec les Suiffes , paffé par M. le Marquis
de Vergennes en 1778. On trouve dans le Dif
cours préliminaire , page 14 , un portrait de l'habile
Négociateur. Le Lecteur en fera aisément l'application.
RELATION de deux Voyages dans les mers
Auftrales & des Indes , faits en 1771 , 1772 , 1773
& 1774 , par M. de Kerguelen , Commandant les
Vaiffeaux du Roi le Berryer , la Fortune, le
Gros-Ventre , le Rolland , l'Orfeau & la Dauphine.
A Paris , chez Knapen & fils , Impr. - Libr.
de la Cour des Aides , au bas du Pont S. Michel ,
Volume in - 8 °. Prix , 2 liv . 10 fols.
Cet Ouvrage utile , mais écrit avec féchereffe ,
eft l'Hiftoire des voyages & des infortunes de fon
Auteur , & peut ajouter à nos connoiffances fur la
Marine. Il réfulte des travaux de M. de Kerguelen
qu'il a découvert une Iſle qui a deux cent lieues de
circuit.
"
TOME XI de la Bibliographie inftructive
partie eſtimative du prix des Livres rares & précieux
, Volume in- 8 ° . de 640 pages fur papier vélin
de France. A Paris , chez Moutard , Imprimeur de
la Reine , hôtel de Cluny , rue des Mathurins .
Ce Volume, qui ne peut être que fort utile aux
Bibliographes , & qu'on propofe par fouſcription ,
46 MERCURE
fe délivrera en Décembre 1783 , au plus tard ,
tous ceux qui auront envoyé d'ici au 30 Juin , franche
de port , à M. Rétourné , rue de Poitou au marais
, au coin de la rue de Limoges , une foufcription
conçue dans les termes fuivans :
Je m'engage à payer 10 livres à M. Rétourné
pour l'Exemplaire que je retiens du Tome XI de
La Bibliographie inftructive , fur papier vélin , femblable
au modèle du Profpectus , & à retirer cet
Exemplaire fur l'avis que ledit Sieur m'en fera
parvenir.
Fait à
ce 178
(Qualités
& demeure
. )
Paffé
le premier
Juillet
prochain
, on ne pourra
plus fe precurer
d'Exemplaire
; & c'eft pour
donner
toutes
les Perfonnes
qui ont la Bibliographie
inftructive
de fe faire inferire
, qu'on
a pris le
long
terme
de fix mois.
le temps
à
Ceux qui voudront des Exemplaires in- 4 ° . papier
de Hollande , le fpécifieront , & les payeront à l'ordinaire
24 livres , parce que ce papier , caffant &
mauvais à l'ufer , eft en outre le plus ingrat de
tous pour l'impreffion. Si l'on préfère d'avoir ce
Volume de format in- 4 ° . fur papier vélin , incom→
parablement fupérieur à celui de Hollande par fa
beauté & fa bonté , on ne le payera que 21 liv .
MEMOIRES pour fervir à l'Hiftoire Univerſelle
de l'Europe depuis 1600 jufqu'à 1716 , avec des
Réflexions , des Remarques , des Notes , par le P.
d'Avrigny, 2 Vol . in - 8 ° . Prix , 7 livres en feuilles ,
7 liv. 1o fols brochés , & 9 liv. reliés proprement.
A Nifmes , chez Beaume , Imprimeur - Libraire ; &
à Paris , chez Defprez , Imprimeur - Libraire , rue
S. Jacques.
L'Ouvrage que l'on annonce au Public eft un
tableau très-intéreffant de tous les mouvemens
& de
DE FRANCE. 47
toutes les révolutions auxquelles les brouilleries
des Couronnes, ont donné lieu en Europe dans ce
période de temps. On n'y trouve ni longues narrations
, ni deſcriptions magnifiques , ni portraits des
grands Hommes , mais un grand nombre de faits.
& d'acteurs qui ont un caractère plus ou moins remarquable
, une phyfionomie plus ou moins animée..
Le P. d'Avrigny ne s'eft pas propofé dans cet
Ouvrage de recueillir fimplement des dates , des
faits , mais de les unir entre-eux par la chaîne du
temps , de les difcuter , & de faire tomber de tous
côtés tous les détails inutiles , toutes les circonftances
fauffes ou fuppofées dont l'ignorance , la prévention
ou la mauvaiſe foi ont de tout temps furchargé
l'Hiftoire de tous les Peuples.
JOURNAL de Harpe , troisième année , nº . 2 ,
avec accompagnement de Violon ad libitum. Ce
Cahier contient une Romance par M. de Saint-
George , un Air de l'Embarras des Richeffes : Que
j'aime mon joli Jardin , accompagnement par M.
X *** , deux Gavottes d'Amadis arrangées par
M. J. Ph. Meyer , & un Air de la nouvelle Omphale
: Je ris d'une Belle qui brave l'Amour.
accompagnement par M. Burchkoffer. Prix , 2 liv.
8 fols. A Paris , chez Leduc , rue Traversière-
Saint Honoré , au Magafin de Mufique. L'abonnement
eſt toujours de is livres pour douze Nu
méros pour Paris & la Province , port franc. On
trouvera à la même adreffe la première & la deuxième
année complettes. Prix , 15 liv. chaque.
PREPARATION Antimoniale de M. Jacquet
Ce Remède avoit été foumis dès 1762 au jugement
de la Faculté de Médecine de Paris , qui l'approuva
d'après le rapport de huit Commiffaires nommés
pour l'examiner. Les atteftations nombreufes des
48 MERCURE
guérifons opérées par ce Remède , prouvent que
c'eft un des meilleurs fondans qu'on puiffe employer
en Médecine. Il combat fans retour les
maladies occafionnées par l'épaiffiffement de la lymphe
, tout vice dartreux , fcrophuleux , vénérien ,
toutes les maladies de la peau , & même la gale la
plus opiniútre.
En 1780 , le jugement de la Faculté fut confir
mé par la Société Royale de Médecine , qui ,
d'après le rapport de MM. Jeanroy & Cornette ,
nommés Commiffaires , autorifa la diftribution de
cette Préparation Antimoniale.
C'eſt alors qu'il a été ordonné par le Miniftre
de la Marine , que ce Remède feroit compris dans le
nouvel état des médicamens qui s'embarquent pour
les Equipages . En conféquence il a été fourni de
cette Préparation aux Ports de Breft , Rochefort &
l'Orient, MM. les Directeurs de la Compagnie des
Indes en ont fait paffer auffi dans leurs Etabliffemens.
豐
TABLE
3
4
gryphe, 24
Recueil de Mémoires fur la
Méchanique & la Phÿfique,
VERS à M. de Mayer ,
Bouquet à M. Monnet ,
Couplers d'une Dame pourfon
Mari,
Lettre à M. de la Cretelle, 6e Négociant Philofophe , 31 :
Réponse de M. de la Cretelle , Comédie Françoife ,
13 Comédie Italienne,
་
Charades , Enigme & Logo - Annonces & Notices ,
APPROBATION..
27
33
38
42
J'AI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 1 Mars. Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion. A Paris
le 28 Février 1783. GUIDI.
1
Jer . 135 .
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI S MARS 1783 .
PIÈCES FUGITIVES .
EN VERS ET EN PROSE.
A Mile DE SAINT- LEGER , à l'occafion
de fon Impromptu inféré dans le N °. 3 .
JEE
n'ai lû que d'hier vos vers mis au Mercure.
Au nom de Saint- Léger , d'honneur je ne favois
Quelle étoit cette Reine aimant tous fes Sujets ,
D'en être aimée encor plus sûre ,
Et leur donnant pour loi le plaifir d'Épicure.
Mais au nom de Minette , ah ! je vous reconnois.
Vous n'avez point changé de nom ni de figure .
L'un & l'autre étoient faits pour inſpirer l'Amour. ,
Mais , dites-le moi fans détour : '
Ces jolis yeux ouverts par l'Amour même ,
Et cette taille faite au tour ,
Ces longs cheveux flottans , dignes du diadême ,
Cette harpe , qui fous vos doigts
No. 10, 8 Mars 1783 .
C
50
MERCURE
S'uniffoit aux accens de la plus douce voix ,
Les avez-vous toujours ? Êtes- vous bien la même ?
Minette , eft- ce déjà pour l'efprit qu'on vous aime ?
D'augmenter, s'il fe peut , votre esprit & vos charmes ,
Un Dieu , ce n'eſt pas trop , aura pris tous les foins;
L'Amour vous a remis fon carquois & fes armes.
Je ne trouve qu'un changement ;
On vous faifoit des vers ; aujourd'hui vous en faites.
Et des Belles & des Poëtes
Vous voulez réunir le double enchantement ;
Le Traducteur d'Ovide a fait affurément
Cette heureuſe métamorphofe.
C***** , avant lui vous parloit galament ,
Et de l'Épine & de la Roſe ;
Après tous ces grands noms me nommer , ah ! je n'ofe.
Mais fi vous vous vantez d'aimer tousvs fujets ,
Sous ce titre , Minette , aimez- moi pour jamais ,
Car ce n'eft que par lui que je fuis quelque chofe .
RÉPONSE.
Je n'oubliai jamais la Rofe * ui l'Épine , **
Ses jolis vers , fon aimable enjoûment ;
Minette a pu changer de mine ,
3
Mais non de coeur affurément.
Toujours folle , toujours la même ,
* Fable compofée dans la Société de Mlle de Saint-Léger.
** Nom de l'Auteur de la Fable.
KATIONSPCA
REGLA
DE FRANCE.
Ja
Chériffant fes amis fans trop voir leurs défauts ,
Voyant leurs agrémens , fenfible à tous leurs maux.
Voilà Minette encor. Il faudra bien qu'on l'aime ,
Mais non pour fon efprit ; Minette en rougiroit ,,
Et fon bon coeur en fouffriroit.
Si je m'applique à l'art d'écrire ,
Ce n'eft point pour cueillir un laurier trop flatteur.
J'éclaire ma raiſon pour mieux guider mon coeur ;
Et je ris de l'enfant qui pourroit me féduire ,
Qui trop fouvent ne doit qu'à nos loifirs
Et notre trouble & nos foupirs.
L'étude , la gaîté le rendent mon eſclave.
Je le chante tout haut , & tout bas je le brave.
Je ne fuis plus coquette : à douze ans je le fus ,
Plaire fans le chercher eft un charme de plus.
Mon coeur parle ; on l'entend. La douceur de ma vie
Eft dans la confiance & le titre d'amie.
Venez donc réclamer ce titre fi flatteur;
A mon premier fujet appartient cet honneur.
Après dix ans d'abſence , & de foins & de peine ,
Si je le revoyois content ,
Je pourrois , comme on dit fouvent ,
Être heureufe comme une Reine .
( Par Mlle de Saint -Léger. )
*
Cij
52 MERCURE
Explication des Charades , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercureprécédent.
LE mot de la première Charade eft Fracas;
celui de la 2º . eft Orange ; celui de la 3º . eſt
Papelard ; celui de la 4. eft Cordelier ; celui
de la s . eft Paravent ; celui de l'Enigme eſt
Sourire ; celui du Logogryphe eft Maladie
où fe trouvent mal , malade , laid , Léda ,
mail , ami , Dame , laide , mil , Délia ,
miel , lime , Lima , lie , émail , Lama , âme.
ÉNIG ME.
LA baffeffe & la lâcheté
En fe cachant m'ont donné l'être ;
Et fi dans la Société
Mon Auteur fe faifoit connoître ,
Il en feroit fi déteſté
Qu'il n'y pourroit plus reparoître.
Le fot orgueil & les noirceurs ,
La ténébreuſe calomnie ,
L'impuiffance & la jaloufie ,
Diftillant leurs poifons vengeurs ,
Et fur les noms & fur les moeurs ,
En font un horrible mêlange ,
Plus vil , plus infect que la fange ,
Et digne en tout de fes Auteurs.
DE FRANCE. 53
Rien de ma dague empoisonnée ,
Rien ne fauroit mettre à l'abri ;
La vertu n'eſt point épargnée :
Par moi , le bon coeur eſt flétri ,
Le talent..... de mon père aigri
Rend la fureur plus acharnée .
Pourfuis. On me trouve au matin
Placé fous ta porte -cochère ;
Crois -moi , donne ordre à ton Frontin
De me livrer au Dieu Vulcain ,
Ou réſerve moi pour en faire.......
Tes papillottes de demain.
L'énigme eft- elle trop peu claire ?
Abject & malheureux bâtard ,
La pofte fouvent me voiture ,
Et quelquefois un Savoyard ,
JEG
Un Décroteur eft mon Mercare.
(Par M. Couret de Villeneuve , Imprimeur
du Roi , Auteur du Journal Orléanois . )
LOGO GRYPH E.
E fuis le nom pluriel d'un acte d'importance ,
Précurseur d'un effet glorieux à la France.
Comme je fuis fort long , fi je prenois le foin
D'annoncer tous les mots qu'en mon fein je resferme ,
Ce détail , cher Lecteur , nous meneroit trop loin ;
Et je ne fais , ma foi , quand nous ferions au terme,
C iij
54
MERCURE
C'eft bien affez que mainte fciffion
Vous offre de mes pieds des fuites continues ,
Ou plus fouvent interrompues ,
Mais fans la moindre inverfion.
Oh ! çà , voici cette nomenclature ,
Que je ne prétends pas épuifer cependant.
Je vous préfente un lieu qui fert à la pâture;
De Mahomet un defcendant ;
Un Officier de Ville ; un Membre
De la plus refpectable Chambre ;
Ce que produit un quatre , & nullement un trois ;
L'un des quatre élémens , & l'un des douze mois ;
Trois des fept notes de muſique ;
Une ville de l'Amérique ;
Autre en Gafcogne , autre en Artois ;
Un ornement du ſtyle poétique ;
Le nom prefque oublié d'une Élégie antique ,
Tournée en forme de chanfon ;
Le double d'un foulier , d'un bas ou d'un chauffon ;
Une paffion dangereufe ;
Une fleur que fon nom rendroit feal précieufe ;
Un outil de fer ; un oiseau ;
Un des Offices de l'Églife ;
Ce qui déplaît dans un tonneau ;
Un grain très- nourriffant , que juftement on priſe,
Sur-tout en certains temps de criſe ;
Une étoffe ; un Dieu prétendu ,
Que jadis on fêtoit par un culte affidu15
DE FRANCE.
•
Un réfervoit dont l'eau n'eft pas fort claire ;
Ce qui groffit le mal ; un endroit fouterrain ,
Propice quelquefois , & quelquefois contraire
Au bien- être du genre humain ;
Un verbe qui désigne un paffe - temps utile
Pour qui cherche à ſe rendre habile.
Adieu , Lecteur , j'ajoute feulement
Qu'en orthographe un homme trop facile
En moi verroit encore un ancien inftrument ,
Qui n'eft dans ce temps- ci connu que foiblement.
( Par M. N.... , d'Arras. )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
NOUVEAU Voyage dans l'Amérique:
Septentrionale en l'année 1781 , & Campagne
de l'Armée de M. de Rochambeau
par M. l'Abbé Robin. A Paris , chez les
Libraires qui vendent les Nouveautés.
Tous les regards font fixés aujourd'hui fur
l'Amérique Septentrionale ; c'eft là que s'agitent
les plus grands intérêts de l'Univers :
c'eft-là que vont fe réunir prefque toutes les .
craintes & toutes les efpérances des deux .
Mondes. L'Anglois y voit fortir à jamais
de fes mains une partie de fa fortune &
de fa puiffançe ; la France y voit accroîtrela
gloire de fès armes ; l'Amérique y forme,
•
Civ
56 MERCURE
les premières Nations que ce nouveau Monde
aura vues fous l'empire des loix & de la
liberté, les Philofophes de toute l'Europe
placent , dans les nouvelles Conſtitutions
qui s'y font élevées au milieu des ravages de
la guerre , la plus belle , & peut- être la dernière
efpérance du genre humain. L'hiftoire
ancienne , fi féconde & fi riche en grands
tableaux , en révolutions inftructives , n'a
point eu d'événemens plus propres à attacher
l'imagination , & à donner aux hommes
d'utiles expériences . Il ne fut donc jamais
un moment plus favorable pour faire paroître
un Voyage dans l'Amérique Septentrionale.
M. l'Abbé Robin doit être bien sûr
d'y entraîner tous les Lecteurs fur fes pas.
Son Ouvrage doit avoir fur tout un intérêt
particulier pour tous les François . C'eft en
fuivant la marche de notre Armée, que M.
l'Abbé Robin a parcouru & obfervé l'Amérique
; & il mêle à chaque inftant , dans fon
récit , les triomphes de nos Troupes & les
curiofités intéreffantes du nouveau Monde.
On peut fe fouvenir qu'ily a à peine deux
ans , que M. l'Abbé Robin nous donna un
Cuvrage , dins lequel il cherchoit à pénétrer
le fecret des myflères de l'antiquité ; nous
annonçâmes fon Ouvrage dans ce Journal :
depuis il a voyagé dans toute l'Amérique ›
Septentrionale ; & il y a déjà près d'un ant
que fon Voyage eft imprimé. Nous rapprochons
ces circonftances pour donner un
exemple de cette inquiétude & de cette cu
DE FRANCE. 57
rioſité qui agite aujourd'hui tous les efprits
en Europe. On veut tout voir , tout fentir
, tout connoître ; & , ce qui est trèsheureux
au milieu de cette curiofité générale,
on fait obſerver. Il y a eu plus de bons
Obfervateurs dans l'Armée que nous avons
dans l'Amérique Septentrionale que dans tout
le nouveau Monde, depuis fa découverte jufqu'à
nos jours , c'est - à - dire , dans l'espace de
deux cent ans . On fait aujourd'hui fe battre
pour la Patrie & penfer pour le monde.
Cette révolution , faite dans les efprits
pourroit être plus urile encore que celle qui
a brifé les fers de l'Amérique ; mais il eſt à
craindre qu'on n'en tire pas le même parti.
66
ود
M. l'Abbé Robin , que la mer a trop incommodé
pour pouvoir faire des obfervations
dans la traversée , a été cependant trèsfrappé
d'un phénomène . Il a vû pendant les
nuits , fur tout lorfqu'on dirigeoit la route
vers le Sud , les mers éclairées d'une multitude
de bluettes qui jailliffent des flots.
Sur-tout lorfque le vent augmentoit la
rapidité du fillage , le vaiffeau fembloit
alors plongé dans des torrens de phofphore
enflammé ; je cherchois à deviner
» la caufe de ce fingulier & commun phénomène
, dont je ne me rappelois pas avoir
jamais oui parler.Etoient - ce les fels dont les
" facettes réfléchiffoient ainfi les rayons de
» lumière ? Eft- ce le foufre de la mer qui
» s'enflamme dans le choc des ondes ? ou
plutôt ce fluide igné , ce feu élémentaire ,
ود
"
99
39
Cy
58
MERCURE
qui entretient la fluidité des eaux , les
» éclaire-t'il auffi de fa lumière ? »
Plufieurs Voyageurs ont été frappés de ce
phénomène , & en ont parlé ; on en trouve
une defcription charmante dans le Voyage
de M. Adanfon. Il me femble que M. de
Saint- Pierre , qui nous a donné un Voyage fi
intéreffant des Ifles de France & de Bourbon ,
en recherche auffi les cauſes , & qu'il en
rapporte plufieurs qu'on ne pouvoit trouver
qu'avec beaucoup de fagacité. Quelques - uns
ont penfé que la mer récèle dans fon fein
unemultitude infinie de petits poiffons phofphoriques
, tels que nos vers luifans , & que
pendant la nuit , ils viennent porter leur
lumière fur la furface des eaux.
"
C'est toujours une grande joie de décou
vrir la terre lorfqu'on a traversé l'Océan ;
mais cette joie doit être bien plus vive encore
, lorfque la terre qu'on découvre eft
Boſton. " De cette rade , femée d'Iſlots agréables
, nous découvrons à travers des arbres
, fur la côte orientale , une magnifique
perspective de maifons en amphi-
» théâtre , le prolongeant en demi- cercle
» dans l'efpace de plus d'une demi- lieue ;
» c'étoit- là Bofton . Ses édifices élevés , ré
» guliers , entre - mêlés de hauts clochers
» nous parurent moins une Colonie mo-
» derne qu'une antique Cité , embellie &
peuplée par le Commerce & les Arts. »
L'intérieur de la ville répond à ce premier
coup-d'oeil , & M. l'Abbé Robin en
93
"
>>
DE FRANCE. 59
fait une defcription agréable. On y compte
fix mille maifons , trente mille habitans ,
dix neufTemples de toutes espèces de ſectes.
Toutes les maifons font de bois , mais d'une
forme élégante , & d'une conftruction fi lé
gère qu'on peut les changer de place. J'en
ai vû , dit M. l'Abbé Robin , de deux étages
qui avoient été tranſportées à un demi - quart
de lieue au moins . On aime à voir l'élégance
des Arts avec une fimplicité qui , rappelle ces
Scythes vagabonds qui habitoient des chars,
roulans. Les moeurs à Bofton rappellent encore
l'antique & auftère fimplicité des premiers
âges.
"3
33
" Le jour du Dimanche y eft obfervé avec
» la plus grande rigueur ; toutes affaires , de
» quelqu'importance qu'elles foient, ceffent ;
» on ne s'y permet pas même les plaifirs les
plus innocens. Bofton , cette ville fi peuplée
, où il règne toujours un fi grand
» mouvement , femble défert ces jours là..
"» OOnn parcourt les rues fans appercevoir per
» fonne ; & fi on fe rencontre par hafard ,
» on n'ofe s'arrêter & fe parler . Un Fran
» çois logé avec moi , s'avifa de jouer de la
» Aûte un Dimanche : le peuple s'ameuta ,
» & alloit le porter à des excès , fi l'Hôte
» ne nous eût inftruit de ce qui fe paffoit.
» On n'entre dans aucune maifon fans y
» trouver tout le monde occupé à lire la
» Bible ; c'eft un fpectacle bien touchant
» qu'un père entouré de fa famille , leur
: C v)
60
MERCUR
- E
و د
expliquant les vérités fublimes de ce Livre
" facré. "
*
On croit être à Jérufalem ou à Samarie ;
& voilà les moeurs qu'un peuple Philofophe
du dix feptième fiècle a tranfporté dans le
nouveau Monde ! Mais il faut se rappeler:
que l'Anglois , dont la philofophie a ébranlé
toutes les Religions , eft naturellement trèsreligieux
lui- même , & que les Colonies de
l'Amérique ont été prefque toutes fondées
par des fectes au moment qu'elles combattoient
pour leurs opinions.
Le croiroit- on ? Il y a dans cette ville fi
religieufe , des Théâtres & des Tragédies ;
mais ceux qui les jouent font des Élèves de
l'Univerfité ; & les fajets des Pièces font
tirés des événemens mênies de cette guerre :
c'eft l'incendie de Charles Town , la prife
de Burgoine , la trahifon d'Arnold . Ces Tragédies
, qui ne valent pas fans doute les chefd'oeuvres
de Racine, & de Voltaire , produi
fent un effet prodigieux fur les Spectateurs.
On fort de ces Spectacles avec plus d'amour
pour la liberté & plus de haine pour les
Tyrans . Ce feroit le moment le plus propre
à appeler tous les Citoyens fous les drapeaux.
Tout à l'heure je me croyois à Jérufalem
, actuellement je me crois à Athènes.
C'eft , comme dit M. l'Abbé Robin , la Tragédie
ramenée à fon antique origine. La manière
dont les François & les Américains
vivent enſemble , les rapports ou les différences
du caractère de deux peuples qui font
DE FRANCE. Gr
faits pour avoir tant de relation enſemble
ont dû être l'objet des obfervations de M.
l'Abbé Robin , & ces détails font très attachans
dans fon Voyage. Avant cette guerre ,
les Américains ne connoiffoient guère les
François que par le portrait que leur en
faifoient les Anglois , & l'on juge que ce
portrait ne devoit pas être flatté. Ils nous
regardoient , dit M. l'Abbé Robin , comme
de petites machines légères qu'un defpote
faifoit mouvoir à fon gré , incapables de
connoître les vertus , les talens & le bonheur
, ne s'occupant jamais qu'à peindre
leur vifage avec du rouge , à frifer & à poudrer
leur chevelure ; fe faifant un jeu de
violer les devoirs les plus facrés de la fociété ,
& ne fe croyant jamais plus aimables que
lorfqu'ils ont ravi une fille à fon père , ou
une femme à fon mari . Les premiers François
qui pafsèrent en Amérique n'étoient pas
très - propres à détruire ces idées ; mais lorfque
M. le Comte d'Estaing y parut, environné
d'une partie de notre jeuneffe Militaire , leur
contenance fière & douce , où la grâce ſe
mêloit à l'air de l'héroïfme, la force & le courage
qu'ils déployoient dans les travaux &
dans les périls , la décence d'une conduite
dont le Chef leur donnoit l'exemple & leur
impofoit le devoir , tout étonna les Américains
, mais fans changer pourtant encore
leurs idées ; ils crurent quelque temps qu'on
leur avoit envoyé l'élite de la Nation pour
62 MERCURET
ود
combattre leurs préventions. Depuis , toute
la conduite des François avec eux , leur a
bien fait perdre ces odieux préjugés. Ils ont
reconnu qu'on pouvoit à la fois être aimable
& avoir des vertus , & remplir exactement
fes devoirs fans négliger une parure qui annonce
du goût , & non pas des vices. Les
Officiers mêmes , élevés au fein des délices
& des grandeurs , marchoient fouvent à pied.
à la tête des troupes ; & l'Auteur cite entreautres
M. le Vicomte de Noailles , qui a fait
toute la route à pied. Ce qui vous étonne-
» roit , ajoute M. l'Abbé Robin , c'eft de
» retrouver toujours la gaîté Françoife au
» milieu de ces marches pénibles . Les Amé
» ricains , que la curiofité amène par milliers
» dans nos camps , y font reçus au fon de la
mufique comme dans un bal. On fait jouer
» pour eux nos inftrumens militaires , qu'ils
» aiment avec paffion . Alors Officiers , Sol-
» dats , Américains , Américaines , tous fe
» mêlent & danfent enfemble : c'eft la fête
» de l'égalité , ce font les prémices de l'al-
» liance qui doit régner entre ces Nations.....
» Ces peuples , encore dans le fiècle heureux
» où les diftinctions de la naiffance & des
99
93
و ر
rangs font ignorés , voient du même oeil le
» Soldat & l'Officier , & demandent fou-
» vent à celui - ci quel eft fon métier dans fa
» Patrie , ne concevant point que celui de
» Guerrier puiffe en être un fixe & perma-
» nent. Le titre de beau - frère du Marquis
» de la Fayette a le plus excité leur refpect ;
H
DE FRANCE. 63 " &
éré са
pour
les jeunes
Américaines
une
» diftinction
flatteufe
d'avoir
danſé
avec le
» Vicomte
de Noailles
. »
M. l'Abbé Robin , qui a joint l'Armée
Françoiſe à Providence , la fuit dans fa marche
jufqu'à Yorck ; & dans cette partie confidérable
du nouveau Monde , il voit partout
des Provinces , des Villes & des Peuples
femés fur la route ; il voit le Connecticut ,
le New- Jerfey , Philadelphie , Baltimore
Williamsburgh , le Maryland. Par tout il
obferve , autant que peut le lui permettre
une marche rapide , la nature du fol , des
productions & des espèces vivantes , la conftitution
des Provinces , le caractère , les
moeurs & les Arts des peuples . Si l'Armée
dans fa marche pofe quelques jours fes tentes
, M. l'Abbé Robin faifit ce moment de
repos pour aller étudier la nature fur une
montagne , ou la légiflation d'une Province
dans fon Sénat. En paffant du Nord au Sud ,
il croit paffer encore d'un monde à l'autre ;
le ciel , la terre , les plantes , les animaux ,
l'homine & fes loix , tout change & prend
de nouvelles couleurs & de nouvelles formes.
Il nous eft impoffible de fuivre M.
l'Abbé Robin dans tous ces détails. Nous
nous arrêterons fur un petit nombre de ceux
qui nous ont paru avoir le plus d'intérêt ou
d'utilité.
Il y a dans les moeurs des Américains des
vertus qui doivent nous paroître bien extraordinaires.
« Ils font grands hofpitaliers ,
64
MERCURE
dit M. l'Abbé Robin ; ils n'ont qu'un
» même lit ; l'épouſe chafte , fût- elle feule ,
» le partage fans remords & fans crainte
» avec fon Hôte. ود
On raconte que les femmes de l'intérieur
de l'Irlande exercent l'hoſpitalité de la même
manière ; & un homme de trente ans , tout
au plus , qui avoit des paflions très violentes ,
m'a conté qu'étant obligé en Irlande de paffer
la nuit dans le lit & à côté d'une jeune fille de
feize ans , cette fimplicité & cette bonne foi
lui avoient infpiré tant de refpect , que l'idée
de la moindre tentative lui eût fait plus
d'horreur que le plus vil incefte. M. l'Abbé
Robin ne nous dit point fi c'eft dans le Sud
ou dans le Nord de l'Amérique qu'il a tronyé
cet ufage. Il eft probable que c'eft dans le
Nord.
Le nom de Penn , fon fondateur , qui a
montré aux hommes des vertus qui leur
étoient inconnues , l'avantage d'être le lieu
où réfide le Congrès & la Légiflation générale
, font de Philadelphie la ville la plus
remarquable de l'Amérique .
ور
ور
» Philadelphie , capitale de la Penfylvanie ,
» eft bâtie fur une plaine élevée & fpa-
» cieufe , dans l'endroit où la rivière Skuikill
mêle fes eaux à la Delhaware. Sa
» forme eft celle d'un parallelogramme , ou
» carré long, s'étendant à deux milles , ayant
» dix huit rues parfaitement alignées , cou
pées à angles droits par feize autres d'un
mille de longueur , également larges &
"
"
DE FRANCE. 65
99
ور
و د
39
"
ود
alignées ; on y a ménagé des intervalles
» pour les édifices publics. Ses deux principales
rues , nominées High Street &
» Broad Street , ont chacune cent pieds de
largeur. Des vaiffeaux de cinq cent ton-
» neaux peuvent mouiller dans un aſſez beau
quai. On y compte au moins trois mille
maifons , plus de la moitié bâties en bri-
" ques , & toutes très belles. La population
» monte à environ vingt mille âmes. Il y a des
Temples de Presbytériens , de Luthériens ,
d'Anabaptiftes , de Calviniftes , & des
Chapelles de Catholiques . La Secte la plus
» nombreufe eft celle des Quakers ; c'étoit
» celle du fondateur de la Colonie . Comme
» cette Secte affecte plus de tolérance , plus
» de rigidité , plus d'égalité , & qu'elle s'eft
» établie en Penfylvanie dans un temps où
la proximité de fa naiffance , les contra-
» diétions & le mépris des autres Religions
» lui avoient confervé toute fon énergie &
» toute l'austérité de fes principes , la lé-
» giflation tendit davantage à rendre ces
» Colons libres , égaux & fimples . La dou-
» ceur du climat , la bonté du fol , des occu-
" pations champêtres , une exiftence ifolée ,
» favorisèrent ces vûes du Législateur , &
la Penfylvanie devint la Colonie la plus
» vertueufe & la plus heureufe, que l'Hiſ-
" toire nous ait jamais fait connoître ; mais
""
و ر
en fe multipliant , en attirant les étran-
" gers , en devenant commerçante , les for-
» tunes fe font agrandies , le luxe s'eft in66
MERCURE
» troduit , les moeurs fe font altérées , & ce,
" ne fera bientôt qu'un éclatant météore.
» qui fe fera montré un inftant à l'Univers. » .
il eft difficile de le croire. Et pourquoi M,.
l'Abbé Robin , qui femble promettre un bonheur
plus durable à toute l'Amérique , en excepte
-t'il la feule Penfylvanie ? Y a t'il moins
de commerce , de luxe & d'étrangers dans lesautres
principales villes ? Cette prédiction.
avoit befoin peut- être qu'on l'appuyât fur
des faits plus pofitifs . On nous a tracé de Philadelphie
des tableaux plus confolans , &
qui offrent de plus longues efpérances . On
ne croiroit pas qu'on pût jamais faire un
parallèle de Paris & de Philadelphie ; on en
a fait un cependant ; & ce rapprochement ,
qui paroît d'abord un jeu d'efprit forcé , eft
plein de fineffe & de philofophie . Que M.:
l'Abbé Robin nous permette de le mettre à
côté des citations de fon Ouvrage ; nous
ignorons de qui il eft; tout ce que nous favons
, c'eft qu'il a été donné par un Docteur,
& qu'en le lifant on eft bien tenté de croire
qu'il eft du Docteur Francklin.
30
Philadelphie , qui n'a pas encore atteint
» à la fin de fon premier fiècle , eft déjà à
l'Amérique , proportion gardée , ce que
» Paris eft à l'Europe , la Capitale d'un état
qui donne le ton à tous les autres :
"
ود
Sic parvis componere magna folebam.
» Paris eft confidéré depuis long - temps
» comme le centre du bon goût dans tous
t
3
DE FRANCE. 67
331
les genres ; à Philadelphie , le goût s'eft
» fixé d'abord fur le bon dans tous les fens
و د
du terme.
»A Paris , on raffine fur tout , & les Beaux-
Arts s'y perfectionnent chaque jour ; à
Philadelphie , on fimplifie tout , & les
» Arts utiles y font des progrès rapides.
ود
"
" A Paris , les moeurs font fi douces , à
Philadelphie , elles font fi pures , qu'on
» peut regarder les François comme les plus
fociables , & les Penfylvains comme les
» plus honnêtes des humains. "
A Paris, il y a une police admirable , &
» rien n'y fent la gêne ; à Philadelphie , on
» fe paffe à merveille de police ; tout y refpire
la liberté & le bon ordre.
» La France n'admet point d'efclaves ; la
» Penfylvanie a affranchi les fiens .
"
39
" Le François a un fentiment d'honneur
» fi délicat , qu'il ne voudroit pas furvivre
à un démenti ; le Penfylvain a des prin-
» cipes de vertus fi auftères , qu'il ne voudroit
pas racheter la vie par un ferment.
» A Paris , le pauvre & le riche ſe livrent
au plaifir avec la même vivacité ; à Philadelphie
, il n'y a ni opulent ni indigent ;
» tous jouiffent d'une aifance honnête avec
» une férénité prefque inaltérable.
t
و د
» Le François rit de tout , & tout rit au
Penfylvain .
» Paris femble aux étrangers un féjour de
délices , & Philadelphie leur paroît le
féjour de la félicité. »
68 MERCURE
Tout ce bonheur eft l'ouvrage des loix ;
mais la Nature ne permet pas aux Américains
d'en jouir très long temps . Chez eux
le vie commune eft généralement beaucoup
plus courte ; & à vingt ans , dit M. l'Abbé
Robin , les femmes n'ont déjà plus la fraîcheur
de la jeuneſſe ; à trente cinq ou quarante
, elles font ridées , décrépites. Les obfervations
de M. l'Abbé Robin , fur la durée
de la vie en Amérique , ont été faites fur les
tombeaux on grave toujours fur la pierre
l'âge qu'avoit celui qu'elle couvre. M. l'Abbé
Robin a vifité avec foin tous les cimetières
depuis Boſton juſqu'à Williamsburgh , eſpace
de près de trois cent lieues , & partout
il a tiré ce réfultat , que le grand nombre
mouroit à 40 ans , un très - petit nombre
à 60 , & que perfonne ne paffoit 70 ans. Il
s'enfuit que la vie commune y eft de trente
ans plus courte qu'en Europe,& qu'on y paffe
beaucoup plus rarement la durée ordinaire.
que la Nature accorde à nos jours. Cette double
différence feroit prodigieufe. L'Auteur
ne nous dit point fi les charmes des femmes ,
qui commencent à fe flétrir à vingt ans , fe
développent de très bonne heure ; il leur
faudroit au moins ce dédommagement. Dans
plufieurs pays de l'Afie , comme on fait ,
elles fe marient fouvent à huit ans , & font
mères à neuf; & le climat agit à cet égard
avec tant de force & de rapidité , qu'il produit
cet effet fur les Européennes à la première
génération. La foeur du Savant Hom-
·
DE FRANCE. 69
berg, née à Batavia , de parens originaires de
la Hollande , étoit mariée à huit ans , &
mère à neuf.
Avec des charmes fi peu durables , les
Américaines font bien heureufes de vivre
dans un pays de liberté & de bonnes moeurs.
Si l'Amérique perd jamais fes vertus & fa
liberté , le defpotifme y fera affreux contre
elles ; on dit cependant qu'elles recherchent
avec avidité nos modes , notre luxe & nos
plaifirs : elles font bien imprudentes ! Pour
être heureufes avec des efclaves corrompus ,
il faut que les femmes foient bien jolies , &
long- temps jolies.
Un Philofophe , qui connoît l'état & les
affaires de l'Univers , comme un particulier
inteliigent connoît les affaires & l'état de fa
maiſon , a imprimé que dans fes plus grands
progrès , la population de l'Amérique Septentrionale
ne s'élevera jamais à plus de dix
millions d'âmes, Quoi ! la Nature fera donc
fi avare d'hommes dans le feul pays du monde
où les loix & la fociété ont affez de fageffe
pour en faire le bonheur ! Elle fe multiplie
fouvent , avec une fécondité cruelle , fous la
hache des defpotes & des bourreaux . On
eût defiré que M. l'Abbé Robin eût connu
& difcuté l'opinion fi affligeante de ce Philofophe
: il n'en parle point du tour , & ,
comme tout le monde , il femble promettre
une population abondante à l'Amérique. Je
croirai avec peine à l'affertion de l'Hiftorien
du Commerce ; mais quand il affirme une
70
MERCURE
chofe , il faut l'adopter ou la combattre
avec force . Dans ces matières l'évidence
feule peut avoir plus d'autorité que fon
nom . Un Souverain de l'Europe , qui venoit
de s'entretenir deux ou trois heures avec lui ,
écrivoit à unautre Philofophe : Cet homme
» connoît le paffé , le préfent & l'avenir des
» deux Mondes ; j'ai cru m'entretenir avec la
» Providence . »
Ces paroles font belles ; elles deviennent
fublimes quand on fait que le Souverain
pouvoit avoir à fe plaindre du Philofophe
dont il parle ainfi.
M. l'Abbé Robin termine fon Ouvrage
par des réflexions fur la tolérance . Qui auroit
imaginé que c'eft dans l'Amérique Septentrionale
, où elle règne depuis plus d'un
fiècle au milieu d'une multitude de fectes
pacifiques & heureuſes , que M. l'Abbé
Robin auroit appris à la craindre ?
Il convient que , jufqu'à préſent , elle ya
fait beaucoup de bien , qu'elle a donné à
l'Amérique une puiffance & une population
rapides ; mais il craint qu'elle ne produiſe à
l'avenir des effets tout contraires. Pourquoi
cette crainte , & d'où peut- elle venir ?
Jufqu'à préfent , dit il , les hommes y ont
été ifolés , & leurs diverfes opinions n'ont
pas pu fe heurter & fe combattre. Mais M.
l'Abbé Robin n'y a pas bien réfléchi ; les diverfes
fectes de l'Amérique ont été , dès le
principe , rapprochées dans les villes ; à
Bofton , à Philadelphie , les Temples fe font
DE FRANCE. ཏོ་
élevés à côté des Temples , & tous font debout
encore.
L'intolérance eft le fignal de la guerre , &
la tolérance eft la déclaration de paix.
-
Comment des Sectes qui ont vécu en paix
à côté les unes des autres , au moment de
leur naiffance , s'armeront elles les unes
contre les autres lorfqu'elles n'auront
plus ce zèle inquiet qu'elles avoient à leur
origine ?
,
La tolérance eft difficile à établir , & facile
à maintenir. Cela tient à la nature de l'efprit
humain.
M. l'Abbé Robin prétend encore qu'en
s'enrichiffant & en s'éclairant , les Américains
deviendront défoeuvrés & fophifticans , &
que la difpute fera de tant de Sectes autant
de fources de guerre. Quelle crainte !
Ce ne font pas les peuples riches & éclairés
qui fe battent pour leur religion , ce font
les peuples pauvres & ignorans. C'eſt dans
fes premiers efforts que l'efprit humain eſt
le plus audacieux & le plus téméraire ; il
femble dédaigner les chofes fenfibles de la
Nature , & veut en pénétrer les myftères : les
Philofophes, les Poëtes , tous veulent deviner
les caufes ; mais à mesure qu'on s'éclaire &
qu'on s'enrichit , les Philofophes étudient la
Nature , les Poëtes la peignent, & tout le mon
'de en jouit. L'imagination n'a plus l'audace
d'interroger l'Être Suprême fur des mystères
qu'il ne doit nous révéler que dans l'éternité.
Plus les religions font éclairées , ajoute ce72
MERCURE
pendant M. l'Abbé Robin , plus elles font
intolérantes. On ne peut être affez étonné
d'une pareille affertion , & l'on fent bien que
nous fommes obligés de fupprimer les meilleures
réponfes qu'on pourroit y faire .
Une religion fauffe fe détruit en s'éclairant
, & la vraie n'a point de progrès dans
fes lumières. En fortant du fein de Dieu,,
fa lumière a plus d'éclat que les hommes ne
pourront jamais lui en donner. La nôtre , au
moment de fa naiffance , a été perfécutée par
les fauffes , & elle les a tolérées .
M. l'Abbé Robin a été embarraffé des
exemples de l'Angleterre & de la Hollande ,
où toutes les Sectes vivent en paix. Il répond
à cela que les Hollandois ne font occupés
que de leur commerce , & que toutes les
Sectes en Angleterre fe réuniffent dans leur
commune haine pour l'Églife Catholique.
Ces réponses ne font point fenfées. L'Églife
Catholique eft trop peu de chofe en Angleterre
; & la haine qu'elle infpire ne peut être
affez forte pour réunir & concilier des Sectes
ennemies. Si l'intérêt du commerce rend les
Sectes pacifiques en Hollande , elles trouvent
auffi le commerce en Amérique ; elles y trou
veront de plus l'Agriculture & les Arts ,
qui portent à la paix autant que le commerce.
M. l'Abbé Robin n'a pas joint à
ces deux exemples celui de la Suiffe ; eft- ce
qu'il lui a paru plus embarraffant ? Il ne l'eft
pas davantage , mais il l'eft beaucoup. La
différence des religions , difoit le Congrès ,
dans
1
DE FRANCE. 73
1
dans un de ces beaux Difcours qu'il adreffoit
aux peuples de l'Amérique , ne peut être
un obftacle à notre réunion . Elle exifle dans les
Cantons Suiffes, ils n'en font pas moins unis.
Quand les Légiflateurs parlent ainsi , les
Peuples penfent de même.
Nous ne pouvons trop blâmer M. l'Abbé
Robin d'avoir terminé par cette difcuffion
affligeante un tableau de vertus , de fagelle &
de bonheur.
Son Ouvrage d'ailleurs fe lit avec intérêt.
Il fait mettre fous les yeux du Lecteur les
objets qu'il a vus lui même . Son ſtyle man ,
que fouvent de correction ; mais il eft na
turel , animé , qualités beaucoup plus précicules
; & quoique la marche de l'Armée
qu'il fuivoit ne lui ait pas laiffé le temps
d'obferver les chofes avec une certaine profondeur
, il montre fouvent de la fagacité &
de la philofophie. Ceux qui ont le plus
étudié les Voyageurs , connoîtront mieux l'Amérique
après l'avoir lû , & ce feul mérite
fait affez l'éloge d'un Voyage.
( Cet Article eft de M. Garat. )
VUBS fur l'Education de la première Enfence.
A Amfterdam , & fe trouve à Paris,
chez Lefclapart , Libraire de MONSIEUR ,
Frère du Roi , Pont Notre Dame. Brochure
de 42 pages,
Il n'y a peut être aucun objet d'utilité qui
N°, 19 , 8 Mars 1733 . Ν .
Ꭰ
74
MERCURE
n'exerce aujourd'hui la plume de nos Écrivains.
En eft- il réfulté tout le bien que l'humanité
doit en attendre ? On ne peut guère
fe décider pour la réponſe affirmative. Mais
il y a tout lieu de penfer que de ces difcuffions
il naît toujours quelques germes heureux
, qui , fufſent- ils jetés au haſard , ſeront
quelque jour développés & fécondés
par la réflexion , le temps & l'expérience.
Il ne fuffit pas de montrer le bien aux
hommes , il faut leur infpirer encore la volonté
de le faire ; & il y a fouvent bien loin
d'une découverte philofophique à un établiſfement
utile. Mais un temps arrive où l'on
ceffe de regarder dans un Auteur la défaite
des préjugés dangereux , comme une beauté
oratoire qui ne mérite & qui ne prétendoit
que nos éloges ; où l'on commence à croire
que la plus digne manière de louer un
Écrivain , c'eft de tourner fes idées , fes
découvertes , au profit de la fociété , où l'autorité
enfin , éclairée par la raiſon, exécute ce
qu'on le contentoit d'applaudir , & fait parlà
de chaque vérité qu'on découvre un bienfait
pour l'humanité.
Malgré le grand nombre d'Ouvrages qu'on
a publiés fur l'Éducation , en voici encore
un qui s'offre au jugement du Public. Il eſt
vrai que l'afpect fous lequel l'Auteur a confidéré
fou fujet , le fait fortir de la route ordinaire.
Il s'eft attaché particulièrement à
l'éducation de la première enfance ; éducation
d'autant plus digne de nos foins ', qu'elle influe
ལས་ ས་་ མ་ ་ལུང་ དག་པ ཏཱཔུ ཏྟ
1
DE FRANCE.
75
fur celle qui doit la fuivre , & qu'elle peut
fervir ou nuire à fon fuccès.
On convient depuis affez long - temps que
l'éducation de l'homme commente quand il
vient au monde ; & cette éducation eft prefque
totalement négligée , abandonnée. Tel
eft l'abus que l'Auteur anonyme a effayé de
détruire. Ilveut que pour accoutumer l'enfant
à faire des idées de fes fenfations , on lui montre
ce dont on veut lui parler , ce dont il doit
parler aufi ; qu'on lui facilite l'étude des
mots par la vûe des chofes mêmes. Voilà
quant à fon efprit.
L'extrême fenfibilité d'un enfant lui donne
une aptitude à recevoir toutes les impreffions
, & lui communique la faculté imitative
, qui peut devenir un reffort toutpuiffant
pour cette première inftitution . Ce
defir de tout imiter, fournit le moyen de
faire entrer dans cette âme toute neuve le
germe de toutes les vertus. " Son effet prin-.
"
"
cipal , dit l'Auteur , eft de donner à l'âme
» ces tournures qui lui conſtituent un ca-
» ractère bon ou méchant , aimable on
..haïffable. En vertu de cette difpofition
» imitative , répandue dans tout notre individu
, les paffions exprimées fur le vifage,
dans les difcours , dans le ton de
» voix , dans les mouvemens de ceux avec
qui l'on le trouve , fe communiquent tou-
» jours à nous. Une perfonne gaie & folâ-
» tre infpire la gaîté ; il ne faut quelquefois
» qu'un fujet triste pour répandre la trifteffe
"
ور
Dij
16
MERCURE
"
27
» dans toute une affemblée. C'eſt ainfi que
» dans une fédition , dans une fête , la fu-
» reur ou la joie gagnent de proche en proche
jufqu'aux perfonnes les plus indiffé-
» rentes ; c'est ainsi , comme il eft affez
connu , que chacun fe forme infenfible-
» ment fur ceux qu'il fréquente d'ordinaire,
» A plus forte raiſon des enfans , bien plus
fenibles que nous , doivent - ils prendre
» un caractère fombre , farouche , colère ,
ou bien riant , doux , humain , fuivant les
modèles qui agiffent continuellement fur
❞ eux . »
Combien de vices & de vertus qu'on croit
innés dans l'homme , ne doivent leur naiffance
qu'à une première impreflion habituelle
! Des fenfations voluptueufes données
à un enfant , en feront peut- être un homme
efféminé , comme les cris & la dureté peuvent
lui donner un caractère lâche ou féroce,
L'habitude de s'occuper d'un même
objet , nous donne fouvent du goût pour les
chofes mêmes qui fembleroient devoir nous
infpirer de la répugnance . Combien de perfonnes
continuent d'exercer un emploi , un
commerce difficile & pénible , lors même
que leur fortune leur permet de s'en paffer,
& que l'âge leur ordonne de s'en affranchir !-
On l'attribue toujours à la cupidité ; & fouvent
il ne faut en chercher la caufe que dans
le plaifir qu'on trouve à s'occuper d'un ebjet
dont on s'eft toujours occnpé. Qu'on juge
donc quels avantages & quels dangers accons
DE FRANCE. 77
pagnent cette difpofition fi naturelle à l'hom
me, & quelle attention on doit y porter,
quand il s'agit de notre premier âge !
La diverfité des tempéramens , plus ou
moins foibles, ne peut être révoquée en doute:
mais elle ne rend pas l'éducation inutile , elle
fournit au contraire l'occafion de conformer
à cette différence la première inftitution
qu'on veut donner à un enfant , & de
coopérer ainfi avec la nature à diriger fes
vertus & à corriger fes défauts . « N'en dou-
» tons point , s'écrie l'Auteur de cet Ou-
» vrage , l'éducation que l'homme reçoit
و د
23
alors , contribue à le rendre orgueilleux
» ou modeſte , dur ou humain , impudent
" ou fage , groffier ou poli , tout auffi bien
» que François , Allemand , Anglois ou Hot-
» tentot. Ah ! fi l'on voit tourner mal tant
» de fujets , même élevés par des Inftituteurs
habiles , ne nous en prenons pas unique-
» ment à la Nature ; & fi quelques - uns
profpèrent en mauvaiſes mains , ne lui en
faifons pas tout l'honneur. C'est que bien
» des Inſtituteurs ont précédé celui qui eft
"
en titre , & ont femé dans l'efprit & dans
» le coeur des jeunes élèves , beaucoup de
" bons & de mauvais grains qui décident
enfuite de la récolte. Combien de perfonnes
, fi elles fe remettoient devant les
» yeuxune partie de leurs premières années ,
" & fi elles pouvoient fe rappeler l'autre ,
fe diroient à elles - mêmes : ce fut cette
nourrice emportée & brutale , ou inatten
Duj
30
78 MERCURE
» tive & dure, qui, par fes fureurs & par for
» lait empoisonné , ou en me laiffant fouf-
» frir & crier fans daigner y faire attention ,
» me fit contracter cette humeur violente
» dont je fuis dominé. Ce fut l'air effronté ,
» le ton impudent de cette femme perdue ,
qui me difposèrent , dès le berceau , à deve-
» nir la honte de mon fexe. Je dois au ſpec-
" tacle de l'admiration & de l'attendriffe-
» ment que caufoit la préfence de cet hom-
» me de bien au milieu de ceux dont il étoit
» le père & le modèle , le commencement
» de ce goût heureux qui m'a de tout tems
porté à la vertu, & qui m'y rappelle avec
» force lorfque les paffions m'en écar
» tent. »
Après avoir prouvé le befoin , la néceffité
de foigner cette première éducation ,
l'Auteur en trace le plan , & la confidère
fous deux afpects , comme particulière &
comme publique. Nous ne le fuivrons
point dans tous les détails qu'il propofe
aux Inftituteurs de la première enfance , &
qu'il faut lire dans l'Ouvrage même . Nous
nous arrêterons feulement à une idée qui
s'éloigne un peu des opinions reçues , & qui
n'en eft pas moins raifonnable . On croit d'ordinaire
qu'il faut toujours confulter un enfant
fur l'état qu'il veut embraffer. Mais , au
fonds , connoît- il affez , pour être en état de
choifir ? Êtes-vous bien sûr que ce fera la
raifon plutôt que le caprice qui déterminera
fon choix ? Au lieu de confulter l'inclination
DE FRANCE. 79
d'un enfant , l'Auteur croit qu'on ne rifque
rien à la fuppofer d'avance , & qu'il eft facile
de la lui infpirer . Il fonde cette opinion
fur ces deux principes : fur le goûr qu'on
prend aux chofes dont on s'eft occupé longtemps
& de bonne heure , & fur cet efprit
d'imitation , qui eft inféparable du premier
âge , il faut donc lui faire connoître & lui
offrir comme amuſement ce qui doit être
un jour fon occupation . L'Auteur n'admet
pour exception à cette règle que les cas , affez
rares d'ailleurs , où la Nature a décidé irrévocablement
la deftination d'un individu ,
& lui a donné ce penchant impérieux que
rien ne peut furmonter . Mais alors la méthode
propofée ne fert qu'à mieux manifefter
ce penchant , en lui oppofant des obftacles;
on eft moins expofé à s'y méprendre , & il
n'y a par conféquent aucun danger à courir.
Cer Ouvrage , fans préfenter des idées
neuves , offre des rapprochemens heureux
& des résultats intéreffans. L'Auteur a de la
méthode , de la fageffe dans les idées , & de
la clarté dans fon ftyle , quoique négligé quel
quefois. Il paroît avoir obfervé avec intérêt les
moeurs de l'enfance , & n'avoir pris la plume
que pour coopérer à fonbonheur . L'Ouvrage
eft accompagné d'une note qui eft l'explication
d'un projet conçu & propofé par l'Auteur.
Comme il n'eft pas poffible , qu'il n'eft
peut- être pas même à defirer que les parens
fe chargent tous de l'éducation de leurs en
Div
MERCURE
fans en bas - âge , il voudroit qu'il y eût des
établiffemens publics, où l'enfance pût recevoir
l'éducation la plus foiguée. Il defireroit
qu'on choisît pour cela une campagne riante .
& bien cultivée , & même , s'il fe peut , une
petite éminence , tout auprès de chaque ville.
Il entre enfuite dans quelques détails fur le
plan qu'il faudroit fuivre , & qui eft conforme
aux principes développés dans le refte
de l'Ouvrage.
CALENDRIERpour l'année 1783 , à l'ufage
des Élèves qui fréquentent l'Ecole gratuite
de Deffin , avec le Plan & l'élévation de
ladite École. A Paris , aux Écoles gratuites:
de Deflin , rue des Cordeliers.
De tous temps on a regardé la Capitale
comme le lieu le plus propre à électrifer le
génie , fur tout à diriger fon effor , & à lui
donner pour compagnon le goût , qui l'embellit
en guidant fa marche. Le choc des opinions
, fi propre à dévoiler la vérité ; le
commerce des hommes célèbres dans tous.
les genres ; les Bibliothèques publiques ; les
Cabinets particuliers , les Écoles , les Académies
, les atteliers ; tout lui préfente à la fois
des lumières & des fecours ; tout contribue
à nourrir l'émulation . Paris enfin a toujours
été tout enſemble & le foyer & le flambeau
des talens & des arts. Mais combien la
fageffe de l'Adminiftration a - t'elle multiplié .
DE FRANCE. 81
•
I
ces avantages depuis quelques années ! combien
d'établiffemens utiles , non -feulement
par les lumières qu'ils répandent fur les ta
lens , mais par des fecours gratuits , propres
à écarter les obftacles que la fortune oppofe
trop fouvent au génie !
Parmi ces établiffemens fi utiles , on doit
compter l'Ecole gratuite de Deffin , qui a le
Roi pour fon Protecteur , & pour Prefident ,
ce fage Magiftrat de Police , moins recommandable
par fa dignité que par une vigilance
auffi infatigable qu'incorruptible ; qui
a lui - même fondé plufieurs établiffemens
utiles aux Arts & à l'Induſtrie ; & qui femble
avoir befoin d'être le zélé protecteur de
ceux qui ont précédéfon Adminiſtration , pour
fe confoler de n'en être pas le fondateur.
On doit l'établiffement de l'École de
Deffin à M. Bachelier , qui n'a pas ceffé d'y
exercer avec diftinction la place de Directeur.
Le Calendrier qu'on vient de publier
a pour objet d'en faire connoître tous les
détails , & de donner des réglemens aux
élèves , c'eft à dire , d'en expliquer l'Adminftration
& l'Inftruction .
Cette École fut ouverte en 1966 , par une
fimple permiffion du Gouvernement ; & au
mois d'Octobre de l'année fuivante , des
Lettres Patentes en ordonnèrent l'établiffement.
Son premier local a été le Collége
d'Autun ; mais en 1776 , le Roi lui a fait donation
de l'ancien amphithéâtre de S. Côme ,
où elle eft établie irrévocablement.
D▾
82 MERCURE
Le but de fon inftitution eft d'enfeigner
gratuitement, aux ouvriers ou aux enfans fans
fortune , les élémens de la Géométrie - pra
tique , de l'Architecture & des diverfes parties
du Delfin , relativement aux Arts mécaniques
, pour leur faciliter le moyen d'exé
cuter , fans le fecours d'autrui , les différens
ouvrages qu'ils pourront imaginer.
Ce Calendrier n'eft point fufceptible
d'extrait. Il faut fe contenter de dire que le
but de cet Ouvrage eft de faire connoître ,
. les avantages de l'établiffement de l'École
gratuite élémentaire de Deflin en faveur des
Arts mécaniques ; 29. les détails de l'adininiftration
relativement à l'inftruction des
élèves , à la manutention des claffes & à la
difcipline qui s'y obferve. 3 ° . L'état des gravures
destinées à l'inftruction des élèves.
On y trouve aufli un Calendrier à l'ufage
de l'École ; les noms des Corps , Communautés
& Fondateurs qui ont contribué à fa
dotation ; les noms & demeures des élèvés
qui ont remporté des maîtrifes ; les noms de
ceux qui ont reçu les grands Prix pour être
admis aux concours des maîtriſes ; & enfin
les noms de ceux qui ont fréquenté l'École
pendant l'année 1782 .
La lecture de tous les détails contenus dans
ce Calendrier, fuffit pour prouver la fageffe
du plan adopté pour cette École , & pour en
démontrer l'utilité.
DE FRANCE.
83
SPECTACLES.
'ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
LE Vendredi 28 Février , on a donné la
première repréſentation de Renaud , Tragédie
Lyrique en trois Actes , paroles de
M. le Boeuf , mufique de M. Sacchini .
La Reine a honoré de fa préſence certe repréfentation
, qui a été très- brillante & trèsnombreuſe.
L'Abbé Pellegrin donna , en 1722 , un
Opéra en cinq Acte avec le même titre , mis
en mufique par Defmarets . C'étoit une fuite
de l'Armide de Quinault : les fuites ne réuffiffent
guère au Théâtre. Le Renaud n'eut
aucun fuccès , & n'en méritoit guère. Le
fond du fujet eft fufceptible d'intérêt ; mais
le plan de Pellegrin étoit mal conçu ; les
principaux caractères fans nobleſſe , l'action
lente , le dialogue lâche , le ftyle foible &
négligé ; mais au travers de tous ces défauts
on trouve des vers heureux , des morceaux
bien écrits , & deux Scènes intéreffantes &
bien conduites .
Quoique M. le Boeuf ait fuivi en général
le plan de Pellegrin , il y a fait des changemens
confidérables , & plufieurs de trèsavantageux.
Sa marche eft plus rapide ,
D vj
$4
MERCURE
& la coupe des Scènes eft mieux appropriée
aux procédes de la mulique moderne.
Nous allons donner une idee du ſujet &
de la conduite de la Pièce.
Renaud , après s'être arraché des bras
d'Armide , a rejoint Godefroy , & a repris
Solyme. Les Rois alliés , que leur amour
pour Armide avoient réunis contre les
Croifes , ne la voyant plus reparoître , fe
laffent d'une guerre qu'ils n'avoient entreprife
que pour elle ; c'eft ici que commence
l'action . Ils témoignent le defir qu'ils ont de
la paix ; Renaud vient la leur offrir de la part
de Godefroy ; ils l'acceptent avec joie. En ce
moment arrive Armide, qui leur fait honte de
leur défection.Étonnée & indignée de trouver
Renaud au milieu d'eux , elle promet fa main à
celui qui lui apportera la tête du perfide . Cette
promeffe ranime le courage des Rois amans.
Renaud fe retire en annonçant la guerre, & les
Rois jurent la mort. Armide leur préſente
de nouveaux defenfeurs qu'elle amène avec
elle ; ce font des Amazones & des Circaffiens,
qui terminent le premier Acte par un Ballet.
Le fecond Acte fe paffe dans la tente d'Armide.
On vient lui apprendre que les Rois ,
au mépris des droits de la guerre , ont attaqué
Renaud avant qu'il fût forti du camp ,
& qu'ils font près de l'accabler fous le
nombre. Armide prend fes armes , vole au
fecours de Renaud , & le ramène dans fa
tente. Renaud eft étonné de reconnoître Armide
dans le Guerrier inconnu à qui il doit
DE FRANCE. 85
la vie. Elle lui reproche fa perfidie ; il s'en
défend vaguement. Dans ce moment on vient
annoncer que les Soldats , indignés de ce
qu'on leur a enlevé Renaud , veulent le maf
facrer dans la tente même d'Armide . Elle
lui dit de fuir , il fuit ; mais , toujours alarmée
fur le danger qu'il court , elle est prête
à appeler les Demons au fecours de ce cher
ingrat , lorfqu'elle apprend que Renaud , à
la tête de fes Guerriers , répand par- tout l'effroi
, alors elle invoque les Demons contre
Renaud. Hidraot , fon père , joint ſa voix à
la fienne ; mais cette invocation eft vaine ;
les Démons , retenus par d'invifibles fers ,
leur déclarent qu'ils ne peuvent fervir fa
vengeance. Hidraot fe dérobe aux inftances
de fa fille , & va combattre Renaud.
Au troifième Acte , le Théâtre repréſente
une forêt , au fond de laquelle on voit combattre
des pelottons de Croilés & de Sarrazins.
Sur le devant , Armide en défordre ,
vû les Chrétiens victorieux , & fes Troupes
fuyent partout ; on lui amène mourant
Adrafte , le principal des Rois fes amans ;
elle craint le même fort pour fon père. Privée
de reffources & d'efpérance , elle ramaſſe un
fer pour s'en percer. Renaud arrive à temps
pour retenir fon bras ; elle lui reproche tous
les maux qu'il lui a faits ; Renaud lui dit enfin
qu'il n'a jamais ceffé de l'adorer , que fa
gloire eft fatisfaite , & qu'il va reprendre
fes premières chaînes.Un Divertiffement des
86 MERCURE
Génies d'Armide & des Guerriers de Renaud
terminent l'Opéra par un Ballet général.
Nous ne nous arrêterons pas fur les vices
de ce Drame ; les principaux appartiennent
à Pellegrin ; on regrette que M. le Boeuf n'ait
pas choifi un meilleur modèle. Le changement
le plus important qu'il y ait fait , eft
dans l'expofition , qui eft rapide & théâtrale ,
tandis qu'elle eft découfue & délayée dans les
trois premiers Actes de Pellegrin.
Dans le Poëme original , Renaud laiffe
voir , dès le premier Acte , tout l'amour qu'il
conferve pour Armide ; mais il le furmonte
pour obéir à la gloire . Il eft vrai que cet
amour eft foiblement développé , plus languiffant
que tendre , plus galant que paffionné
; mais le contrafte de fes fentimens
rend fon caractère plus intéreffant & fon.
rôle un peu plus dramatique que dans le
nouveau Poëme, où il ne répond jamais que
vaguement à Armide , & ne lui déclare qu'au
dénouement ce qu'il auroit dû au moins laiffer
entrevoir beaucoup plus tôt.
Le Ballet d'Amazones & de Circaffiens
que M. Leboeuf a imaginé pour amener de
la Danfe dans cet Acte , qui n'en avoit pas
befoin , a jeté du froid fur l'action , & a
déplu fur-tout par fa longueur.
L'invocation des démons ne produifant
aucun effet pour l'action , termineroit mal
le fecond Acte fi elle n'étoit pas foutenue
par les beautés de la Mufique. Pellegrin n'aDE
FRANCE. 87
voit imaginé cette reffource de magie que
pour amener un Ballet de Démons.
Ces Ballets faifoient toujours plaifir du
temps de Pellegrin . M. le Boeuf a bien fait
de fupprimer celui- ci.
Le tableau du combat par lequel ouvre
le troifième Acte eft d'un bel effet , qui prépare
heureuſement la cataſtrophe ; mais on eft
un peu bleffé de voir que la guerrière Armide
refte oifive fur le devant de la Scène à
déplorer fes malheurs, fans paroître prendre
aucune part à ce combat d'où dépend ſon
fort , celui de fon père & de fon Amant. Le
dénouement a paru froid & languiffant.
Nous croyons que l'Auteur pourroit en retrancher
plufieurs détails inutiles , & qu'en
faifant déclarer beaucoup plus tôt à Renaud
qu'il n'a jamais ceffé d'aimer Armide ,
en développant & en graduant tous les fentimens
qu'ils doivent éprouver à cet inftant
où ils fe réuniffent pour ne plus fe féparer ,
il pourroit en réfulter une Scène plus touchante
, plus animée & même plus muficale
que celles qui terminent l'action .
Nous nous arrêterons peu fur le ſtyle
de cet Ouvrage ; il manque trop fouvent
d'élégance , de propriété & d'harmonie ; on
y remarque auffi une inégalité inévitable ;
l'Auteur à confervé un affez grand nombre
des vers de Pellegrin , & l'on ne peut s'empêcher
de regretter qu'il n'en ait pas confervé
davantage.
Quant à la Mufique , nous n'avons pas
88 MERCURE
befoin de dire qu'elle eft pleine de beautés
du premier ordre. La grande réputation de
M. Sacchini eft etablie dès long - temps dans
toute l'Europe. Comme nous écrivons cet
article après une feule repréfentation , nous
ne nous permettrons pas d'en parler en
détail , & nous attendrons que d'autres
repréſentations nous aient mis à portée
de recueillir l'opinion des gens de goût ,
& d'y joindre les obfervations que Hous
dicteront à nous - mêmes notre zèle pour
les progrès de l'Art , & l'intérêt que tout
homme jufte & fenfible doit prendre
aux fuccès d'un aufli grand Maître que M.
Sacchini ; mais nous nous empreffons de
dire que l'Ouvrage a été généralement applaudi
dans tous les Actes , fouvent même
avec transport.
Nous renverrons auffi au Mercure prochain
nos obſervations fur les différentes
parties de l'exécution de cet Ouvrage.
COMEDIE FRANÇOISE.
LE Vendredi 21 Février , on a remis la
Mort de Céfar, Tragédie de Voltaire , en
trois Actes & en vers.
Il eft vraisemblable que Voltaire connoiffoit
le Jules Céfar de Shakespeare , lorſqu'il
compofa la ragédie dont nous allons parler
. Les deux Ouvrages ont entre- eux quelques
points de reflemblance affez frappans
DE FRANCE. 89
pour le faire préfumer. Il n'eft pas douteux
que les admirateurs enthoufiaftes du Tragique
Anglois ne lui donnent la préférence
fur le Poëte François , & n'acculent même
ce dernier d'avoir négligé les beautés mâles
de Shakespeare , de n'avoir pas fenti le mérite
de cette nature vierge qui infpiroit le
Sophocle de la Grande - Bretagne. Laiffons
aux illuminés le bonheur dont ils jouiffent
en admirant & les inégalités monftrueufes
de Shakespeare , & fes détails populaires ,
&fa nature vierge . Contentons nous de dire
que fi la Tragedie exige de la grandeur , de
la nobleffe , de la raifon ; Voltaire a ſu atteindre
fon véritable but bien plus sûrement
que l'Auteur de Jules Cefar. Ajoutons que
cette accumulation inconcevable d'événemens
dont toutes les Tragédies de Shakefpéare
font furchargées ; ces paffages ſubite ,
d'une ville , & fouvent d'un royaume à un
autre ; enfin l'étendue qu'il donne toujours à
la durée de la repréſentation , choquent la
vraisemblance , fatiguent l'attention , nuifent
à l'intérêt & à l'illufion . Shakeſpeare eft certainement
un homme d'un très grand génie. Sa
manière dramatique peut plaire à des Anglois;
mais elle ne fauroit convenir à des Spectateurs
François : ceux- ci liront avec un vrai plaifir, ils
rendront même la juftice la plus authentique
à quelques Scènes fublimes de cet homme
extraordinaire ; mais ils rejetteront tous les
Drames , parce qu'ils n'y verront ni plan ,
ni fageffe , ni ordonnance. Telles font les
و د
MERCURE
réflexions que nous a infpirées un examen ré
fléchi du Jules Céfar de Shakeſpeare : nous
les abandonnons à la critique de les admirateurs
, & nous les foumettons aux lumières
des Gens de Lettres fans prévention.
Pour ne pas trop étendre cet article , nous
ne rapprocherons ici que deux fituations des
deux Ouvrages. Citons d'abord Shakespeare .
Dans la première de ces deux fituations ,
un des Serviteurs de Brutus remet à ce Conjuré
un billet qu'il a , dit- il , trouvé en cherchant
une pierre à feu fur la fenêtre . Le Romain
refte feul, l'ouvre & lit : Brutus , tu
» dors : réveille- toi, vois qui tu és . Rome fera-
و ر
t'elle.... Parle,frappe ; faisjuftice . Brutus ,
» tu dors , réveille - toi . J'ai trouvé fouvent
» de pareilles exhortations femées fur mon
» paffage : Rome fera t'elle.... Voici ce que
» je dois fuppléer : Romefera- t'elle immobile
de crainte & de refpect fous le regard
d'un homme ? Quoi ! Rome ! ...... Mes an-
», cêtres chafsèrent des rues de Rome le Tar
quin qui portoit le nom de Roi. Parle
frappe , fais juftice. Eft ce moi qu'on ex-
» horte à parler & à frapper ? O Rome ! je
30.
و
t'en fais la promeffe ; s'il eft poffible de
" fairejuftice , tu obtiens ta pleine demande
» de la main de Brutus. » Que l'on compare
cette Scène avec le beau monologue de
Brutus dans l'Ouvrage de Voltaire. Citonsen
quelques vers.
* Traduction de M. le Tourneur .
DE FRANCE. 91
sx
Que vois-je , grand Pompée , aux pieds de ta ftatue !
Quel billet , fous mon noin , ſe préſente à ma vûe !
Lifons: Tu dors , Brutus ! & Rome eft dans les fers.
Rome! mes yeux fur toi feront toujours ouverts ;
Ne me reproche point des chaînes que j'abhorre.
Mais , quel autre billet à mes yeux s'offre encore !
Non , tu n'es pas Brutus. Ah ! reproche cruel !
Céfar ! tremble , Tyran , voilà ton coup mortel.
Non , tu n'es pas Brutus ! je le fuis , je veux l'être.
Je périrai , Romains , ou vous ferez fans maître .
Je vois que Rome encore a des coeurs vertueux ;
On demande un vengeur , on a fur moi les yeux ;
On excite cette âme & cette main trop lente ,
On demande du fang ; Rome fera contente.
Nous croirions faire injure à nos Lecteurs
fi nous faifions ici la moindre réflexion capable
de déterminer auquel des deux Auteurs
on doit la préférence.
La feconde fituation eft celle où Antoine
harangue le Peuple Romain devant le corps
de Célar. Voici comme ce Triumvir s'explique
dans Shakefpéare. « Ici , de l'aveu de
» Brutus & des autres *; car Brutus eft un
» homme d'honneur , & tous les autresfont
auffi des hommes d'honneur , je viens pour
parler aux funérailles de Céfar. Il étoit
» mon ami , il fut fidèle & jufte envers moi ;
» mais Brutus dit qu'il étoit ambitieux ; & ,
» certes , Brutus eft un homme d'honneur....
و د
99
* Traduction de M. le Tourneur.
•
2 MERCURE
12
20
Loffque les pauvres gémilfoient , Cefar
pleuroit. L'ambition feroit formée d'une
» trempe plus dûre . Cependant Brutus , & c .»
Et toujours ce membre de phraſe : Brutus
eft un homme d'honneur , forme le refrein
des réflexions d'Antoine , depuis l'inftant
qu'il commence jufqu'à celui où il ceffe de
parler. Que ce retour perpétuel d'une phrafe
hypocrite & artificieuſe foit une beauté dans
l'éloquence Angloiſe , à la bonne heure ;
mais il eft vraisemblable que peu d'Orateurs
regretteront de n'en pas faire ufage , furtout
s'ils ont auprès d'eux d'autres modèles
. Voltaire ici peur en fervir. Nous allons
encore citer quelques vers du diſcours
qu'il prête à Antoine . Il aimoit trop Céfar),
dit un des Plébeïens .
ANTOIN I.
Oui , je l'aimois , Romains ,
Oui , j'aurois de mes jours prolongé fes deftins , &c.
Ilofe enfuite faire l'éloge des vertus de l'hom
me qu'il a aimé. Saififfant avec adreffe tous les
moyens qui peuvent contribuer à lui gagner
les efprits , il ménage en apparence les meurtriers
de Céfar , mais ce n'eft point en répétant
juſqu'à la fatiété un aveu trop ironique
pour que l'intention n'en foit point apperçue
; il s'explique avec toute l'habileté d'un
fin politique & d'un homme vraiment éloquent.
Contre les affaffins je n'ai rien à vous dire ;
C'eft à fervir l'État que 1 eur grand coeur afpire.
De votre Dictateur ils ont percé le flanc ;
DE FRANCE. 930
Comblés de fes bienfaits ils font teints de fon fang.
Pour forcer des Romains à ce coup déteſtable ,
Il falloit bien pourtant que Céfar fût coupable :
Je le crois ; mais enfin Céfar a t-il jamais
De fon pouvoir fur vous appefanti le faix , &c.
C'est ainsi que par degrés , & toujours
avec des reffources dignes de l'eloquence
tragique , il émeut les efprits , attendrit les
coeurs , & dans les Partifans même des Bru- .
tus & des Callius , trouve des vengeurs à
Gefar , & les ennemis les plus irréconciliables
des conjurés. Nous laiffons encore à
nos Lecteurs le foin de prononcer fur celui
des deux Auteurs qui , dans la même fituation
, a fu le mieux employer les mêmes
moyens , & celui de dire lequel de Voltaire
ou de Shakespeare doit être regardé comme un
modèle par ceux qui croient que les Arts
ont des principes & des limites , que le goût
n'eft point un mot vuide de fens , & que le
beau ideal n'eft point une chinère. Si quelqu'un
nous demandoit pourquoi cette fortie
contre Shakeſpeare , nous répondrions
que nous admirons fincèrement cet homme
de génie , mais que nous croyons devoir
nous élever contre l'enthouſiaſme qu'on a
fu faire naître depuis quelque temps , & que,
l'on cherche tous les jours à propager , en
faveur d'un Écrivain qui , malgré ce qu'on
lui deit de confidération , ne fauroir entrer
en comparaifon avec les grands Poëtes tragiques
de la Scène françoife.
94
MERCURE
La mort de Céfar a produit beaucoup
d'effet à cette repriſe. Indépendamment du
mérite de l'Ouvrage , il faut avouer que cet
effet eft dû en grande partie au talent que
M. de la Rive a déployé dans le rôle de Brutus.
Fier , profond , énergique & fenfible , il
a paru fupérieur à lui-même , & nous ne
pouvons que nous féliciter d'avoir encou
ragé ce Comédien , qui devient de jour en
jour plus intéreffant , & qui juftifie nos
éloges en obtenant de nouveaux fuccès.
Au Mercure prochain, la fuite des Articles
de la Comédie Françoife & ceux de la Comédie
Italienne.
ANNONCES ET NOTICES.
ARCHITECTURE Hydraulique - Canal des deux
Mers , par M. de la Roche , ancien Ingénieur des
Ponts & Chauffées , in - 4° . Prix , 12 liv. relié . On
féra une remife de 3 liv . aux Artiftes , aux Savans
& aux Gens de Lettres , pourvu qu'ils veuillent
bien écrire leur nom en prenant l'Ouvrage , s'ils ne
s'adreffent pas directement à l'Auteur. A Paris ,
chez Demonville , Imprimeur - Libraire de l'Académie
Françoiſe , rue Chriftine , Fauxbourg S. Germain;
à Verfailles , chez Blaizot , Libraire , rue
Satory , & chez l'Auteur ( en feuilles ) enclos des
Cordelières , rue de l'Ourfine , Fauxbourg Saint-
Marcel.
La manière dont cet Ouvrage a été levé & deffiné
mérite de grands éloges ; & par le projet de le
la re- mettre au jour l'Auteur a acquis des droits
connoiffance du Public. On n'avoit encore rien
DE
FRANCE.
d'exact à ce fujet , & ce que le Canal a de plus intéreffant
n'avoit pas encore paru. Les Planches , trèsbien
exécutées dans le genre du Deffin , ne permettent
pas de tirer un grand nombre d'Exemplaires.
ÉTAT de la Nobleffe , année 1783 ,
contenant ,
1º . l'état actuel de la Maiſon Royale de France &
des Maiſons Souveraines de l'Europe dans un nouvel
ordre qui exclut tout double emploi ; 2. leurs
Généalogies
lorfqu'elles n'auront pas été données
dans les Volumes précédens ; 3 les
Généalogies des
Maiſons illuftres & Familles nobles du Royaume qui
feront dans le même cas , leurs Armes en grande
partie gravées & toutes énoncées , les faits qui
tiennent à leur hiftoire , un précis des droits attachés
à leurs terres lorfqu'ils pourront intéreffer par
quelque
circonstance
remarquable ; 4°. un Répertoire
des changemens furvenus pendant l'année
dans chacune d'elles , les corrections à faire , les
honneurs, charges , dignités conférés à la Nobleffe
de tous les États , &c.; enfin , une nouvelle
Table en trois parties , plus commode pour le Lecteur,
pour fervir de Supplément à tous les Ouvrages
Hiftoriques ,
Chronologiques , Héraldiques
& Généalogiques , & de fuite à la Collection des
Étrennes à la Nobleffe , & c. A Paris , chez Leboucher
, Libraire , quai de Gêvres ; Onfroy & Lamy ,
quai des Auguftins.
Le titre de cet Ouvrage , que nous avons tranſ
crit en entier , en fait connoître le plan , & en
prouve l'intérêt pour la claffe à laquelle il eft deftiné.
L'Éditeur , loin d'en exagérer le mérite dans
fa Préface , fe plaint de n'avoir pas reçu encore les
fecours néceffaites pour le
perfectionner. Cette modeftie
n'ôte rien au mérite de fon travail , & elle
doit engager les Perfonnes intéreffées à lui fournir
les matériaux dont il a befoin . Ceux qui voudront
96
MERCURE.
faire inférer des Armes , font priés d'en affranchir
l'envoi , & de faire paffer les frais de gravure , dont
les différens prix font indiqués dans l'Ouvrage
même.
LE DUC DE CRILLON , profil deffiné d'après
nature , par M. Homboure , Secrétaire d'Ambaffade
à Madrid , gravé dans la grandeur des profils de M.
Cochin , par Legrand , rue S. Jacques , n ° . 41. A
Paris , chez l'Auteur . Prix , 1 liv . 16 fols.
Ce Portrait , qui nous a paru reffemblant , & qui
eſt bien gravé , eſt dans la manière rouge Angloife.
→
La
Fautes à corriger au dernier Mercure. Article
Abrégé des Traités , 6 liv. broché ; lifez , s liv.-
Page 6. Par M. M. de ; lifez , par Madame.
Le Logogryphe eft de M. Bremont de V.
demeure du fieur Jacquet eft rue des Saints Pères ,
la troisième porte -cochère par la rue de Grenelle.
24 liv.
Le prix de la boëte eſt de
-
Voyez, pour les Annonces des Livres , de la Mufique & des Eftampes , le Journal de la Librai
rie fur la Couverture .
TABLE
.
A Mlle de Saint-Léger , 49 | Calendrier pour l'année 1783.
Réponse,
Enigme & Logogryphe ,
So
521
à l'ufage des Elèves quifréquentent
l'Ecole gratuite de
Deffin,
So
83
88
Nouveau Voyage dans l'Amé
rique Septentrionale , ss Acad. Royale de Mufiq.
Vuesfur l'Education de lapre- Comédie Françoife ,
mière Enfance,
73 Annonces & Notices,
APPROBATION
.
94
JAI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le Mercure de France , pour le Samedi 8 Mars. Je n'y ai rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion. A Paris ,
le 7 Mars 1783. GUIDI.
4
Jer . 135 .
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 15 MARS 1783.
PIÈCES FUGITIVES.
EN VERS ET EN PROSE.
2912
LE COLIN MAILLARD.
T
J'AIME ce jeu bruyant , d'adreſſe & de hafard
Qui du fort des humains eft l'image fidelle ,
Où la beauté timide & fuyant avec art ,
Tombe enfin dans les bras qu'on étènd autour d'elle ,
Et par un foible cri , par un charmant ſoupir ,
Trahit fa crainte & fon plaifir.
Combien , en la fuivant , s'irrite le defir!
Quand on la faifit , quelle joie !
Toutes les rufes qu'elle emploie ,
Ses pieds légers fur le parquet gliffans ,
fi beaux & fi perçans ,
Ses
yeux
Pour la fauver font impuiffans ;
D'un fimple aveugle elle eft la proie.
Un aveugle fouvent exerce un grand pouvoir ;
N°. 11 , 5 Mars 1783.*
Say itche
Stectsuihkukok
E
98 MERCURE
Son état malheureux touche le cecur des Dames ;
Et fans doute pour émouvoir
Leurs naïves & tendres âmes ,
Mieux vaut bien ſentir que bien voir.
On dira , je le fais , que la raiſon févère ,
•
Dont les yeux font toujours ouverts ,
De fa vive & pure lumière
Doit éclairer tout l'Univers.
*
L'Univers pourtant ne l'eft guère;
Et malgré les nobles regards
De la Déeffe auffi fage qu'altière,
Qui préfide aux vertus , à la gloire , aux beaux - arts ,
La Fortune & l'Amour font deux Colin-Maillards
Que le ciel a chargés de gouverner la terre. 3 1
( Par M. Dupont , Auteur de l'Effai de Traduction
en vers du Roland Furieux de l' Ariofte, * ´)
LES VOYAGEURS , Fable très -vraie, {
CINQ ou fix Voyageurs dans une Hôtellerie
Soupoient enfemble : on penſe bien
Que chacun d'eux parla de fa patrie ,
F que pour la vanter il ne négligea rien.
On débita maintes merveilles ,
Qui quelquefois aux Auditeurs
Firent fecouer les oreilles
* Cet Effai fe trouve chez Al. Jombert jeune , Libraine
He Dauphine .
DIBLIOTHECA
REGIA
MONAGENSIS .
DE FRANCE 99
Sans déranger les raconteurs.
Un François , dans un coin , écoutoit en filence ;
Ce qui fut remarqué , fur-tout par un Anglois.
Ces Meffieurs- là croyent que les François
Ont tous abondamment & parole & jactance.
Enfin on l'interpelle . Eh ! pourquoi , lui dit-on ,
Ne parlez-vous pas de la France ?
Ce
Sans prétendre donner le ton ,
On peut bien , comme nous , dire avec confiance
que dans fon pays on remarque de bon.
Il répond..... Vous favez , comme l'Europe entière ,
Ce qui dans ma patrie eft le plus admiré.
Vingt milliers d'enfans n'ont tous qu'un même père ;
Tel que féparément chacun l'eût defiré.
Étant à peine à la fleur de ſon âge ,
Un defcendant de l'immortel Henri
Eft auffi bon , & certes bien plus ſage ,'
Il eft du peuple auffi chéri.
Après une terrible guerre
Un Monarque de vingt- huit ans
Rétablit la paix fur la terre ,
Lorsqu'il peut efpérer des ſuccès éclatans:
Un vafte Empire , & déjà formidable ,
Lui doit fon exiftence & fa félicité......
Oh ! tout ceci n'eft qu'une fable ,
S'écrie un Allemand incrédule , irrité.
Hélas ! lui dit l'Anglois , cela n'eft pas croyable ,
Mais c'est pourtant la vérité.
( Par M. le C. D. , à Chaillot. ) 4
E ij
100 MERCURE
LE SOUVERAIN BIEN.
AIR: Charmantes Fleurs , &ç. *
ZIPHIRS
ÉPHIRS légers , qui , fur le fein de Flore ,
Volez fans ceffe & changez de lien ,
Il eſt un Bien plus doux cent fois encore ;
Et voir Jeannette eft le fouverain Bien. bis.
CEPHALE aimé de la brillante Aurore ,
Au fort des Dieux crut égaler le fien :
-! Il eft un Bien plus doux , Jeannette , encore ;
Et vous entendre eft le fouverain Bien . ´bis.
BELLE Jeannette , un coeur qui vous adore
Au fort des Dieux peut préférer le ſien ,
Il eft ua Bien cent fois plus doux encore :
Plaire à Jeannette eft le fouverain Bien. bis.
QUE manque- t'il à ce coeur qui l'adore ?
Je vois Jeannette , & même je la tien ,
Dieux ! il eft donc un bien plus doux encore?
Mais taifons -nous fur ce fouverain Bien , bis.
LA voir , l'ouïr , la tenir même encore ,
Triple bonheur , oui , vous fûtes le mien.
* Ces Couplets vont auffi fur l'Air : Daigne écouter , &c.
On trouve , pour l'un & l'autre Air , chez les divers Marchands
de Mufique, un nouvel accompagnement de Guittare,
par le Signor Alberti,
DE FRANCE. 101
Mais Jeanne eft fage ; & l'Amant qui l'adore
Peut tout attendre , hors le fouverain Bien. bis.
( Par M. Poinfinet de Sivry. )
Explication de l'Enigme & du Logogryphe
du Mercure précédent.
LE mot de l'Enigme est la Lettre Anonyme ;
celui du Legogryphe eft Préliminaires , où
fe trouvent pré , Emir , Maire ' , Pair ,
pair ( nombre ) , air , Mai , ré, la, mi ,
Lima , Aire (ville de Gafcogne ) , Aire ( ville
d'Artois ) , rime , lai , paire , ire , lys , lime ,
pie , prime , lie , ris , ras , Lare , mare ,
pire , mine, lire & lyre , que certaines perfonnes
écrivent lire.
CHARADE à Mlle P..... DE LA CH.......
Sox premier t'offre un inftrument
Rempli d'éclat & d'harmonie ,
Que tu vas ordinairement
Applaudir à la Comédie.
L'emploi que j'ai fait de mon coeur
Quand je te vis , belle Glycère ,
De fon fecond eft le mystère ,
Et ce fecond fait mon bonheur.
Lorfque tu tire ta fonnette ,
Son tout badine dans tes doigts ;
Eij
102 MERCURE
Mais à la fin je m'apperçois
Que ma Mufe eft trop indifcrette.
( Par M. P. G. D. R... )
AUTR E.
Mon premier avec bruit roule fur mon fecond :
Al'aide de mon tout un champ devient fécond.
(Par M. Lyon , Etudiant en Réthorique
au Collège de Lifieux. )
ENIGM E.
DANs mes folides bras je reçois en filence
Des êtres pareffeux la paifible indolence.
Souvent dans mon courroux , un regard menaçant
De mes bras arrondis écarte un infolent.
Autrefois inconnue , à préfent à la mode ;
Autrefois très-célèbre , aujourd'hui fans crédit ;
Jadis à me chanter on mettoit fon efprit ;
Dans ce fiècle on fe borne à me trouver commode.
( Par M. de B..., Officier d'Artillerie. )
LOGOGRYPHE.
J'EXERCE mon pouvoir fur tout ce qui refpire;
Par un charme fecret je maîtrife les coeurs ;
Ma préfence bannit les haines , les fureurs ,
DE FRANCE,
101
La paix & l'union fignalent mon empire.
Seule , je rends un couple heureux ,
Et l'hymen n'eft fans moi qu'une chaîne pefante ;
Mais quand j'en ai formé les noeuds ,
Des plaifirs , du bonheur , c'eft la fource conftante.
Dans mes neufpieds , Lecteur , en les arrangeant bien ,
Tu trouveras un Pontife Chrétien ;
Ce qui pour tous paffe trop vîte ;
Un tréfor très-rare en tout tenips ;
De maint levreau le dernier gîte ;
Ce qu'on foule aux pieds chez les Grands ;
Celle qui dans fes mains tient toujours la balance ;
Ce qui dans toi connoît & penfe ;
Deux tons de la mufique ; une exclamation ;
Ce qu'au loin fur les mers on voit d'abord paroître ;
Un mois ; une négation.
Mais c'eft affez , crains de mne trop connoître.
( Par M. l'Abbé Lancelin , de Caën. ) ..
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
• COUTUMES Générales & Locales du
Bourbonnois , avec des notes , par M.
Ducher , Avocat au Parlement . A Paris ,
chez les Libraires au Palais.
ON fe plaint beaucoup , & fans doute
avec raifon , du grand nombre de Cou
E iv
104 MERCURE
tumes qui partagent le Royaume ; de leur
barbarie , qui foumet un peuple éclairé à
des Loix faites dans des temps d'ignorance ;
de leur obfcurité , qui enveloppe dans des
mots qu'on n'entend plus , des décifrons qui
devroient être le guide & la lumière du Citoyen
dans les circonftances les plus impor
tantes de la vie . Mais cependant ces Coutumes
exiftent , elles établiffent nos droits
& nos devoirs , difpofent de nos biens , elles
foumettent le Citoyen à leur puillance ,
& le Juge à leur autorité. On peut les
comparer à des Monarques dont il faut
refpecter le règne , & qui auront le dreit
de commander tant qu'ils feront fur le
trône. Si elles font obfcures , il faut donc
tâcher de les éclaircir ; puifqu'elles forment
la plupart de nos droits & de nos devoirs ,
il faut donc les connoître'; & leurs defauts
mêmes ne font qu'augmenter la néceffité d'en
faire une étude profonde. On ne le croiroit
pas. L'étude de ces Coutumes barbares , écrites
dans une langue plus barbare encore que
leurs difpofitions , a quelquefois plus d'intérêt
encore que d'utilité. Le Philofophe pourroit
les lire par curiofité , quand le Jurifconfulte
ne feroit pas obligé de les connoître
par devoir. Elles préfentent une partie trèsimportante
de l'hiftoire de l'efprit humain ;
ces Loix , qui font barbares pour des fiècles
éclairés , étoient fouvent pleines de fagelfe
pour des fiècles barbares. On aime à recher
cher comment , dans cette nuit profonde ,
DE FRANCE. TOF
l'homme a ſuivi à tâtons fes beſoins loifqu'il
ne pouvoit encore être guidé par fes lumières
; & l'on voit quelquefois avec ſurpriſe
que la logique de l'inftinct a eu autant de
fagacité que la prévoyance du génie. Les
Coutumes des Sauvages & des Barbares font.
très-fouvent à la Légiflation des peuples civilifés
, ce que la ruche des abeilles & les édifices
des caftors font aux monumens de l'architecture
. Montefquieu admiroit le code
des Lombards comme Vitruve & Perrault
l'architecture des caftors ; mais l'orgueil de
nos progrès dédaigne ces chef- d'oeuvres de
l'instinct , & un homme de goût à Paris
croira toujours difficilement au génie d'un
barbare. Quel est aujourd'hui l'Homme de
Lettres dont la délicateffe pourroit foutenir la
lecture de deux pages d'une Coutume ? Le
vrai talent s'énerve & fe perd dans l'exceffive
délicateffe du goût , comme l'énergie de
l'âme & la vigueur du corps dans la molleffe
du luxe. On peut oppofer cependant
aux Sybarites de notre Littérature , des exemples
qu'ils pourroient imiter , fans craindre
de déroger à cette delicateffe dont ils s'énorgueilliffent.
On peut leur citer Montefquieu,
qui peignoit les Grâces dans le Temple
de Gnide , & analyfoit les Loix des Wifigoths
, les Codes Salique & Ripuaire : il eft
difficile de ne pas croire que cela lui coûtoit
bien un peu je fais comme Saturne, difoit- il
lui - même , je dévore des pierres ; mais les
pierres les plus brutes fe transformoient
Ev
106 MERCURE
fous fes mains en diamans & en porphyre. Il
y gravoit des traits de fon génie , & ces
pierres barbares devenoient des autels pour
le goût. Le Préfident Hénault , qui n'etoit
pas le Président Montefquieu , mais qui ,
s'il n'avoit tout avoit au moins l'art de
plaire , lui que
›
Les femmes ont pris fi ſouvent
Pour un ignorant agréable ,
Et le Dieu joufflu de la table
Pour un connoiffeur fi gourmand ;
de nos
ce Préfident , homme fur- tout de plaifir &
de goût , n'a laiffé un nom dans la Littérature
que par un Ouvrage dont le grand mérite
confifte à avoir beaucoup éclairci l'origine ,
la fuite & la nature de nos coutumes ,
inftitutions féodales ; alors les gens en us le
prenoient pour un Savant. M. l'Abbé de
Mably , après avoir long temps jovi du beau
fpectacle de la liberté Grecque & Romaine ,
n'a t'il pas cherché aufli les fondemens de
notre liberté dans la pouffière de nos Chartes
? Voltaire enfin , qui , fuivant l'expreffion
de M. le Chevalier de ...... , que je fuis
bien-aife de citer à propos de la Coutume
du Bourbonnois , avoit le don des in folio
& des langues , Voltaire n'a- t'il pas écrit
la Philofophie de l'Hiftoire , le pauvre Diable
& Candide? La Philofophie de l'Hiftoire n'eft
pourtant qu'une fuite de recherches fur
l'origine des premiers peuples , & fur la naDE
FRANCE. 107
ture & l'efprit de leurs Coutumes .On me dira
que l'exemple de Voltaire ne prouve que fon
génie ; mais on fe trompe, cela prouve encore
que l'étude des Coutumes n'eft incompa
tible ni avec le génie ni avec le goût. Je reviens
à la Coutume du Bourbonnois , ou
plutôt j'y viens ; car je n'en ai point encore
parlé.
"
"
99
es
Coquille difoit : Que l'intelligence & la
" pratique d'une Coutume doit être traitee
fimplement fans grand apparât , fans y appliquer
ces fanfares de diftinctions , l'imitation
, fallacies , & autres difcours qui
» ont plus de fard que de ſubſtance . Afin
» de ne nous rendre ferfs imitateurs
» ferons bien , difoit- il encore , de n'infrafquer
& embrouiller , de n'encombrer
" nos cerveaux ni nos écrits de plaidoieries
» & de confeils , mais nous contenter d'exa-
» miner chacun à part foi la vraie & foñ¬
» cière raifon des textes .
"
99
"
20
L'efprit d'une Coutume , ajoutoit Coquille
, eft caché dans un ftyle concis &
» laconique , & ne fe découvre que par la
liaifon des articles qui fymbolilent enfemble,
par le rapport & la conformité des
terines , employés par les Compilateurs
» pour exprimer leurs penfées.
"
"3
"
Ce langage de Coquille peut un peu nous
furprendre; les fanfares de diftinctions ont de
quoi nous étonner; mais cela ne reffemble
pas mal au cliquetis des antithefes , c'est l'expreflion
d'un homme d'efprit , fi ce n'eft pas
Evj
108 MERCURE
celle d'un homme de goût . Mais ce qu'il y a
de remarquable furtout dans ce peu de
lignes , c'est le bon fens & la raifon.de Coquille.
On voit bien qu'il a mérité le futnom
de judicieux , qui fuit par - tout fon nom , &
qui le diftingue entre tous les Commentateurs.
Il ne feroit pas impoffible de croire
que cette demi page de Coquille a été écrite
par Locke . Elle rend parfaitement compte
de l'efprit dans lequel M. Ducher a écrit le
nouveau Commentaire de la Coutume du
Bourbonnois , & cela feul fuffit pour faire
l'éloge de fon Ouvrage. Dans ce Commentaire
, on fe fert de l'érudition pour expli
quer le texte , mais on n'en abufe jamais ;
M. Ducher fait en faire ufage avec un efprit
très- philofophique & très précis , d'une prétion
même furpienante. Ce n'eft pas
M. Félicien
Qui noie éloqueinment un rien
Dans un fatras de beau langage.
Une note n'eſt ſouvent qu'une phraſe trèsconcife
, mais cette phrafe eft comme un
point lumineux qui éclaire tout ce qui l'environne.
C'eft quelquefois une étymologie ingénieuſe
, mais inconteftable , qui éclaire le
texte .
D'autres fois un trait hiftorique qu'on feroit
bien aife de connoître par curiofité.feulement.
Plus fouvent encore la citation du texte
DE FRANCE. 109
des Ordonnances qui ont abrogé le texte de,
la Coutume ; & alors le commentaire , fans
aucune réflexion même de la part du Com
mentateur , devient une hiftoire intéreſfante
des changemens & des progrès de notre
légiflation.
Quelquefois enfin il découvre un rapport
caché entre une difpofition de la Coutume
& les Loix Romaines , & alors on voit avec
plaifir que le génie de Rome n'étoit pas encore
entièrement éteint dans la nuit de la
barbarie féodale ; il s'en étoit confervé quelque
chofe dans des traditions dont on avoit
perdu la fource.
On ne peut guère faire connoître le mérite
d'un Ouvrage de ce genie par des cita- ,
tions. Il ne s'agit pas ici du mérite de tourner
une phrafe que l'on peut voir dans une feule
phrafe. Le mérite doit être également répandu
dans tout l'Ouvrage , & c'est pour
cela qu'il en eft plus grand.
Les éloges que nous venons d'en faire ,
font le compte le plus exact & le plus fidèle
de l'opinion que nous en avons prife.
Mais il y a une opinion qui doit avoir
bien plus de poids que la nôtre , c'eſt celle
des Plaideurs , des Avocats & des Juges . Au
moment que nous rendons compte de l'Ouvrage
, fon fuccès eft affuré dans tous les
Tribunaux dont cette Coutume forme la
Légiflation ; & cependant aujourd'hui il eſt
bien difficile d'obtenir un fuccès de ce genre.
On eft bien las dans tous les Barreaux &
110 MERCURE
dans tous les Tribunaux, des Commentateurs
& des Commentaires : Chaque Lecteur leur
devient un Coquille.
он
( Cet Article eft de M. Garat. )
LE Danger d'aimer. un Étranger ,
Hiftoire de Myladi Chefter & d'un Duc
François, en quatre Part, in- 2. A Londres,
chez Thomas Hookham , Libraire , Nº.
147 , New- Bande- Street ; & à Paris , chez
la Veuve Duchefne , rue S. Jacques.
CE Roman ne doit pas être rangé dans la
claffe de ces Ouvrages légers & immoraux ,
faits par des Auteurs frivoles , & deftinés à
des Lecteurs défoeuvrés. Nous allons voir >
par une courte analyfe , fi le bur moral
que s'eft propofé l'Auteur eft entièrement
rempli.
Myladi Cléontine Chefter , restée veuve des
très bonne heure , vit dans le fein de fa
famille. Comme fes charmes & fon amabalité
enlèvent des conquêtes à Milf Suki ,
qu'on veut établir , leur oncle commun envoie
pour quelque temps Myladi Cléontine
dans une terre qu'elle a aux environs de
Londres ; & c'est par fa correfpondance avec
fon amie Miff Sévillane Sender , jeune perfonne
très aimable , malgré fon extrême vivacité
, que fe développe l'intrigue de ce Roman.
Il y a beaucoup de longueur dans la
première Partie , qui eft deftinée à faire connoître
les charmes & les vertus de l'héroïne .
DE FRANCE III'
L'intérêt ne commence qu'à la fin de cette
première Partie , au moment où Cléontine
fait connoiffance avec un jeune Duc François
; ce n'eft même qu'alors que l'on diftingue
qu'elle fera l'héroïne de cette Hiftoire.
Elle a témoigné déjà fa répugnance pour un
fecond engagement ; l'amour de Mylord
Comte de Worceftre , homme puiſſant &
riche , qui lui offre l'hommage d'un amour
refpectueux , obtient fon eftime fans toucher
fon coeur; & elle ne peut fe réfoudre
à céder aux inftances de fa famille , qui ,
par des vues d'intérêt , voudroit la marier au
Comte.
Le jeune Duc de Durcé , paffé en Angleterre
pour avoir tué un jeune homme qui
avoit feduit & abandonně ſa ſoeur , eft porté
au château de Myladi après une chûte qui
fait craindre quelque temps pour la vie.
Myladi lui fait donner , & lui donne ellemême
tous les foins néceffaires ; & l'amour
finit par fe gliffer dans fon coeur fous les
traits de la pitié. Ce font les progrès & les
fuites funeftes de cette paffion , auffi vivement
fentie que partagée , qui forment l'intrigue
& le but moral de ce Roman. Cléontine
fe brouille tout à fait avec fa famille ,
par le refus qu'elle fait de Mylord Comte.
Le Duc demande Cléontine à fes parens ,
qui la lui accordent , n'étant pas en pouvoir
de la refufer. Mais auparavant il fe commet
une action atroce , qu'on ne doit pas paffer
fous filence. Les perfécutions qu'effuie
1:12 MERCURE
Cléontine, revenue à Londres auprès de fon
oncle malade , derangent totalement fa fanté.
Le Duc , qui ne peut réuflir à la voir , ni
même à lui faire parvenir une lettre pendant
fa maladie , gagne un des nouveaux domeftiques
, & par fon moyen s'introduit pendant
la nuit auprès du lit de Cléontine ,
qui avoit fait coucher la femme-de chambre
dans un cabinet voifin. Elle venoit de prendre
alors un calmant , dont elle avoit doublé
la doſe par mépriſe , & qui l'avoit jetée dans
un fommeil léthargique. Il la furprend feule
dans un défordre qui irrite fes defirs , & il
ravit à fa maîtreffe ce qu'il ne mérite plus
d'obtenir. La malheureufe Cléontine ne s'eft
point éveillée ; & elle porte déjà dans fon
fein le fruit d'un crime qu'elle n'a point
partagé.
Cependant le Duc , rappelé par fon père ,
qu'on croit mourant , revient à Paris. Le
vieux Duc , dont la fanté fe rétablit , lui
propoſe la main d'une perfonne jeune , jolie
& riche il la refufe d'abord ; mais il finit
par fe refroidir fur l'amour de Cléontine. La
famille de celle- ci , furpriſe de fon filence ,
écrit à Paris pour s'informer de fa conduite
& de fes projets. Tout s'éclaircit ; les perfécutions
recommencent contre Myladi , &
avec d'autant plus de chaleur , qu'on reconnoît
l'état où elle fe trouve ; malheur affreux
qu'elle ne foupçonne pas elle - même , &
qu'on ne peut guère regarder que comme un
crime. L'infortunée Cléontine , chaffée inhu
DE FRANCE. 113
mainement par la famille , inftruite de la
legèreté de fon amant , éclairée même à la
fin fur fon forfait par des circonftances qu'il
ek inutile de rapporter ici , s'abandonne à
tout fon defefpoir. Elle s'er fait avec fa
Femme de chambre & un vieux Domefti
que ; arrive à Paris , prend des habits d'homme
, donne au Duc , fous un nom fuppofé ,
un rendez- vous pour fe battre , le précipite
fur la pointe de fon épée, & tombe mourante
à fes pieds. Son repentir & la mort font reprefentés
avec autant de vérité que d'in ,
térêt. Le fentiment & la raifon marquent
tous les difcours qu'elle tient à fon agonie,
" Dites à tous mes chers amis qu'il a pu
m'en coûter de ne les pas revoir ( ici un
93
"
foupir lui a coupé la refpiration ) mais ,
" a t'elle continué , en confidérant que cette
féparation eft indifpenfable , que li j'euffe
» vécu , j'aurois éprouvé la douleur qu'ils
vont fentir , & qu'elle fe feroit renouvelée
à chaque perte, qu'infenfiblement je ferois
reftée fans lieu , ifolée au milieu du monde
, étrangère au fein de ma patrie, pas un
» coeur ne m'auroit aimée ni connue ; &
après avoir fermé les yeux à tout ce qui
» m'eft cher , les miens fe feroient fermés
» feuls & dans l'abandon . Je trouve donc
» que la Providence a diſpoſe toutes les
chofes pour mon avantage ; & fi c'eft un
bonheur pour moi , ce doit être un motif
de confolation pour eux & pour vous. »
Ces paroles font adreffées à Mylord Comte ,
"
20
22
114 MERCURE
qui , après avoir facrifié fon amour au repos
de Cléontine , finit par mourir de douleur
pour l'avoir perdue.
Il y a des négligences de ftyle dans cet
Ouvrage. Je n'y trouvai pas abfolument
un fiège affez commode pour y refter ; je
les fis tous les uns après les autres ........
J'ens un mal de tête à fendre... J'ai remercié
lespropofitions qui m'ont été faites pour lui ...
Vous m'accufez du projet de vous abandonner,
quand , par le plus cruel effort , je vis
en un feul moment tout le bonheur de ma
vie s'écrouler & s'enfevelir pour jamais dans
cet affreux facrifice..... Fouler aux pieds l'innocente
& célefte victime de votre forfait ,
ce feroit marcher fur votre propre coeur, &
vous écrafer vous- même fous le poids defon
opprobre. » Malgré ces négligences , il y a
des lettres entières , de très - longs morceaux
écrits d'un fort bon ftyle.
Mais le Duc offre une remarque plus importante
à faire fur le fonds de l'Ouvrage.
Ce perfonnage nuit à l'intérêt , par la raiſon
qu'il eft fans caractère , & qu'on lui fait
faire des actions qui en fuppofent un décidé ,
ou qui du moins ne vont pas à la phyfionomie
qu'on lui a donnée. Par exemple , prefqu'au
commencement de fon intrigue avec
Myladi , après avoir prouvé de l'amour &
montré de l'efprit , il cède fa maîtreffe , &
fe laiffe tromper par des menfonges maladroits.
Il revient à Myladi ; & c'eft alors
qu'il commet , fur la perfonne de fa maî
DE FRANCE. IIS
treffe , cet attentat fi peu délicat & fi peu
attendu ; c'est- à dire , que , fans être ni léger
, ni ce qu'on appelle un roué , il fe conduit
plufieurs fois en homme frivole & en
roué. Il eft impoffible de lire ce Roman , &
de ne pas fentir cette difparate. D'ailleurs
cette dernière action , outre qu'elle eft choquante
, eft encore invraisemblable ; car
enfin le Duc , quand il furprend Myladi
ignore la prife & l'effet du calmant ; il doit
par conféquent s'attendre à un prompt réveil.
Lowelace , qui fe trouve dans la même
fituation avec Clarice , a préparé lui -même
le breuvage ; il a prévu tout & pourvu à
tout ; il eft plus coupable , mais plus
conféquent ; & ce trait eft conforme à
fon caractère. Mais dans une pareille pofition
, le Duc n'a pas ce caractère qui peut
le rendre criminel & conféquent tout- à- lafois
; & il n'eft pas naturellement d'une
étourderie à fe montrer auffi inconféquent
avec vraisemblance.
Il n'en eft pas moins vrai que ce Roman
fe lit avec plaifir . Les caractères en font diftincts
& variés. Mylord Comte eft intéreffant
; Myladi Sender eft pleine d'amabilité ;
& le caractère de l'Héroïne eft en foi-même
rempli d'intérêt : elle fent vivement l'amitié,
la nature & l'amour ; & fon coeur n'eft jamais
fermé ni aux confeils de la raison , ni
à l'amour de la vertu . Son agonie eft attendriffante
, quoiqu'elle rappelle un peu celle
de Clarice. Au refte , cette reffemblance
116 MERCURE
n'eft pas la feule qui exifte entre ce nouveau
Roman, & l'immortel Ouvrage de Richardſon .
NECROLOGIE.
LA France & l'Europe ont perdu un des
Savans de notre fiècle , & peut être le Mécanicien
le plus parfait qui ait jamais exifté .Tour
le monde, à ce feul mot, doit reconnoître M.
de Vaucanfon ; & tout le monde nous a pré
venus fur les éloges que l'on doit aux diver
fes créations de fon génie. Ses automates
auroient fuffi pour l'immortalifer. Un Fiûteur
, qui introduit réellement dans la Alûte
un fouffle que le mouveinent de fes doigts
modifie avec jufteffe , & qui exécute huit ou
dix airs avec précifion ; un Canard , dont
l'eftomac digère les alimens qu'il a reçus ,
étoient faits pour amufer tous les curieux ,
& pour étonner les hommes inftruits . Il faut
avouer que fi l'hiftoire de pareils automates
nous eût été tranfmife par quelque Poëte
Grec , on l'eût rangée au nombre des
fictions mythologiques , & qu'on l'eût donnée
pour pendant à l'hiſtoire de Prométhée.
M. de Vaucanfon étoit né à Lyon. Le hifard
développa chez lui , comme chez Pafcal
& chez tant d'autres hommes célèbres ,
le talent que la Nature lui avoit donné . Ayant
été enfermé, encore enfant , dans une chambre
pour y étudier une leçon de grammaire , une
pendule qui fe trouva- là , furprit , captiva
DE FRANCE. 117
fon attention. Son Livre lui tomba des mains ;
il examina la pendule avec beaucoup d'intérêt
, & parvint à en concevoir la mécanique.
Dès lors fon goût pour cette Science
devint pour lui une paffion entraînante , irréfiftible.
Après quelques heureux effais , il
vint à Paris avec le Flûteur & le Canard dont
nous avons parlé , & qui fondèrent fa répu
tation . L'Académie des Sciences fentit le
mérite de M. de Vaucanfon , & lui rendit
juftice , en l'adoptant parmi les Membres
l'an 1746. Il a enrichi de plufieurs Articles ,
juftement eftimés , les Mémoires de cette
célèbre Compagnie, qui lui payera fans doute
un de ces tributs de louanges qu'elle eft dans
l'ufage de diftribuer, & qui ajoutent à la gloire
de fon adoption . Nous nous contenterons
de dire qu'il ne fe borna pas à fes automates
qui, en fervant à fa gloire , auroient été inutiles
à l'humanité, & qu'il dirigea fes talens vers
J'utilité publique. Tout le monde a entendu
parler de ces fameux moulins qu'il avoit
créés & établis dans plufieurs endroits de la
France , qui , en fimplifiant la main d'oeuvre ,
donnent aux organlins une préparation plus
parfaite , & beaucoup moins difpendieufe.
Ayant trouvé des imperfections effentielles
dans les tours à tirer la foie , il y remédia
par une nouvelle machine ; il inventa aufli
un métier fur lequel un enfant pouvoit
faire les plus belles étoffes connues. Ce fut
à Lyon , foit parce que c'étoit fa patrie ,
foit parce que c'eft la ville la plus con18
MERCURE
fidérable de la France pour les Fabriques des
étoffes , qu'il voulut établir fes inventions
économiques ; mais elles rendoient inutile
une foule de bras , & laiffoient fans travail ,
& par conféquent fans reffource , une claffe
nombreuſe d'hommes qui ne vivoient que
de cette branche d'industrie . Les Ouvriers
s'ameutèrent ; & le célèbre Inventeur faillit
payer de les jours fon génie & fon zèle patriotique
; tant il eft vrai qu'un trop grand
bien peut devenir quelquefois un mal réel
pour l'inftant préfent , comme il arrive quelquefois
qu'un corps politique ou focial eft
trop malade pour fupporter les remèdes qui
pourroient le guérir.
M. de Vaucanfon eut encore à combattre
un obftacle qu'il n'a jamais pu vaincre toutà
- fait ; c'eft la routine , ce vieux tyran du
peuple & des fots , qui ont autant de peine à
la quirter , qu'un aveugle à ſe deffaifir de fon
bâton. Une nouvelle méthode déplaît à l'artifan
, par cela feul qu'elle eft nouvelle . La pareffe
naturelle à l'homme fe joint , fans qu'on
y fonge , à l'indocilité de l'ignorance ; & fi
l'on tient à un vieil ufage , c'eft peut être autant
parce qu'on craint la fatigue d'en changer
, que parce qu'on tient aux préjugés de
fon enfance. Cette routine aveugle & inflexible
empêcha l'ufage de fon tour
qui auroit donné à la foie plus d'égalité ,
de folidiré & d'éclat. Ce fut en vain que
principales villes de nos Provinces Méridiomales
s'emprefsèrent de lui en demander le
>
les
DE FRANCE.
modèle , & d'en démontrer le réſultat à leurs
Ouvriers ; l'évidence d'un plus grand avantage
& d'une moindre peine ne put l'emporter
fur le pouvoir de l'habitude.
Un jufte reffentiment devenoit permis à
M. de Vauçanfon ; il eût pu fe venger en retirant
fes bienfaits ; mais il ne pouvoit fe
croire humilié par l'ignorance indocile , &
l'amour du bien l'emporta fur de vaines confidérations
d'amour - propre. On affure que
jufqu'à fes derniers inftans il a formé des
Ouvriers qu'il payoit lui- même ; & qu'il les
a inftruits à faire ufage de fes machines ;
aiafi par ces bras qui lui furvivrent , il a
trouvé le moyen d'être utile à fa patrie ,
même après la mort.
Ce dernier trait donne l'idée d'une âme
fenfible & généreuse , & nous conduit naturellement
aux qualités perfonnelles de M. de
Vaucanfon. Sa mort paroît avoir plongé dans
la douleur tout ce qui l'environnoit ; & il
emporte les regrets de fa famille & de fes
amis. Nous ne pouvons en parler que fur le
témoignage d'autrui ; mais ce témoignage eſt
unanime en la faveur , & il mêle au plaifir
de lui rendre juftice après la mort , le regret
de ne l'avoir pas connu vivant.
( Cet Article eft de M. Imbert. )
120 MERCURE
LETTRE fur la réimpreffion du Plutarque ,
adreffée à M. Bérenger , de l'Académie
de Marfeille , par M. l'Abbé de Rochas ,
-Curé dans le Diocèse d'Orléans.
PERERMMEETTTTEEZ-MOI , mon cher ami , de vous
adreffer quelques réflexions fur la nouvelle Édition
du Plutarque d'Amiot , annoncée dans tous les papiers
publics. Les vrais Amateurs , le Magiftrat , le
Guerrier , le Philofophe , & fur- tout ceux qui
aiment , felon l'expreffion de Montaigne , à voir
l'homme à fond tous les jours , doivent s'intéreſſer à
l'exécution d'un projet conçu fans doute par des
gens éclairés & verfés dans la Littérature grecque.
C'eft un hommage dû à la mémoire de ce favant
Évêque , le père , fi je l'ofe dire , de la Langue françoife,
laquelle, avant lui , étoit plutôt un jargon qu'une
véritable Langue. Sa Traduction d'ailleurs eft lue
par tout Honime de Lettres préférablement à celle
de Dacier, dont la plume eft légère & fans grâce ,
contrafte d'une manière frappante avec le ftyle
plein de naïveré , de franchife & d'agrément du
Précepteur de Charles IX .
Mais quand on dit que cette Edition aura l'avantage
d'étre plus exacte que celle de Vafcofan , il
eft à préfumer qu'on n'entend pas fimplement parler
de la ponctuation , de l'orthographe , de l'arrangement
chronologique des vies ou des repos marqués
& diftingués par des alinea ; je penfe qu'il s'agit
de la clarté du ftyle & de l'exactitude du fens Il
eft sûr que le bon Amiot eft fouvent d'une obfcurité
fatigante , quelquefois même impénétrable. Si
ce défaut n'a fa fource que dans la manière peu
nette & peu facile avec laquelle il s'exprime , il
faut
DE FRANCE. 1211
faut le refpecter prefque autant que Montaigne &
Charron. Ce feroit en effet introduire la confufion
& l'anarchie dans la Littérature, que de toucher
aux textes des Auteurs fous prétexte de les rendre
plus clairs ou plus concis.... Si ce vice naît au contraire
de l'altération du texte original , ou de ce que
le Traducteur n'en a pas toujours bien faifi la penfée
, il eft permis , ce femble , de le réformer quand
il a d'ailleurs , comme Amiot , les excellentes qualités
qui rendent précieuſe une traduction. Tout
mon refpect pour ce laborieux Ecrivain ne me permet
pas de paffer fous filence qu'il tombe fréquemment
dans des erreurs palpables qu'il auroit pu aifément
éviter, ou du moins qu'il feroit facile de corriger.
Rollin, dans fon Traité des Etudes, cite deux
vers du neuvième Livre des Propos de table , qui
fourmillent de fautes. Les noms propres y font mis
pour des noms de Province , & des épithètes pour
des noms propres. C'eft Dom Quichotte qui prend
des moulins pour des montagnes , ou le finge de La
Fontaine qui croit que le Pirée eft un Magiftrat
d'Athènes. Il eft inutile de multiplier les citations ;
on n'a qu'à voir à ce fujet les Commentaires de M.
de Mézeray fur les Epîtres d'Ovide , Edition de la
Haye , 1716.
Je lis dans un Auteur du dernier fiècle , que cet
Ecrivain avoit laiffé en mourant de fort bonnes
Notes manufcrites fur les Vies de Romulus , de
Théfée , de Fabius- Maximus , de Jules- Céfar , &c.
En a- t-on fait part au Public ? c'eft ce que j'ignore.
Le judicieux Critique relevoit , dit- on , une foule
d'inadvertances de notre Traducteur , & rétabliſſoit
en même-temps les corruptions du texte. ( Or il n'y
en a guères de plus maltraité que celui de Plu
tarque. ) J'ai dit inadvertance, car Amiot , quoi
qu'en difent fes détracteurs , étoit très-favant dans la
Langue de ce grand Biographe. Il est vrai qu'en
Nº. 11, 15 Mars 1783.
F
122 MERCURE
" comparant fa traduction avec l'original , on apperçoit
dans beaucoup d'endroits peu de conformité
entre l'un & l'autre . Ceci ne vient pas néanmoins
d'ignorance , mais de ce qu'il corrige fouvent le
texte grec fans en avertir fon Lecteur , tantôt fur la
foi des manufcrits , tantôt d'après l'autorité des
Commentateurs qui l'avoient précédé , ou de fes
contemporains , quelquefois même d'après les propres
conjectures , lorfqu'il croyoit la leçon eftropiée
ou corrompue.
Mais comme l'Avocat n'eft point juge dans la
caufe qu'il défend , qu'il ne lui fuffit pas d'avan-.
cer les faits , mais qu'il doit en adminiftrer les
preuves, je vais indiquer les pièces du procès. On les
conferve, ces pièces effentielles, dans la riche Bibliothèque
des PP. de l'Oratoire de Paris , rue S. Honoré
, où il fera facile de les confulter. Ce font
deux Imprimés format in - folio , contenant les
Vies & les Morales. Ils ont jadis appartenu à ce
Prélat ( Amiot. ) On voit fur les marges des Notes ,
des Remarques critiques fur le texte de Plutarque ,
des variantes ; le réſultat de la confrontation & comparaifon
des manufcrits par Amiot , & à leur défaut
fur quoi il fondoit fes conjectures. Voici des expreffions
écrites de fa main.... Locus ille valdè fufpectus
eft.... Locus hic ita videtur legendus....
Alii malunt , &c .... Hoc ex fide manufcriptorum...
Reliqua ex conjettura , &c. &c. Il s'enfuit de cette
Lettre , & vous en conviendrez , Monfieur , qu'il
feroit à defirer qu'on fît difparoître d'une traduction
de cette importance toutes les fautes d'Amiot.
On pourroit imiter fon ftyle pour lui donner un
même ton de couleur, ou , ce qui, je crois, vaudroit
encore mieux , il faudroit donner au Public un
dix - feptième Volume en fupplément ; on y renverroit
le Lecteur au moyen d'un aftérique.
Quant aux erreurs qui ne viennent que des mauDE
FRANCE. 123
raifes leçons des manufcrits , ou d'un défaut de
critique , ou enfin de la hardieſſe des conjectures que
les divers Commentateurs fe font permifes , on en
purgeroit également ce bel Ouvrage. Il ne s'agiroit
pour cela que de conférer enſemble les manufcrits
les plus authentiques, de fouiller dans les Commentaires
les plus eftimés , de confulter les meilleures.
Editions , & fur-tout celle d'Angleterre. Dacier &
bon nombre de Traités choifis des Morales , traduits
il y a quelques années , foit par M. de la
Porte du Theil, foit par le Père Gaudin , de l'Oratoire
, Vicaire Général de Mariana , &c. &c. &c.
faciliteroient encore ce travail.
de
la
la
Je finis, mon cher compatriote , dans la crainte
de n'attirer de la part des Littérateurs éclairés qui
vont préfider à renaiffance de cette eftimable
production le reproche fait à ce Rhéteur qui s'avila
de parler de l'Art de la Guerre devant Alexandre
(ou Annibal ) ; j'emprunte ici , comme vous le
voyez , une comparaiſon qui tetmine heureufement
votre charmante Differtation fur nos Troubadours,
dont vous défendez fi bien la cauſe en marchant fur
leurs traces . Adieu encore une fois , mon cher ami ,
je n'ajoute plus qu'un mot. Il paroît par les Lettres
qu'on m'écrit ,que votre morceau fur l'Abbé de
Reyrac, inféré dans le Journal de Paris , a fait nonfeulement
plaifir , mais fenfation. On le trouve ( &
je n'en fuis pas furpris , votre coeur vous l'inſpiroit )
trop digne d'être relu & confervé. Une noble fimplicité
, une fenfibilité douce , des détails bien développés
avec choix & fans profufion , l'expreffion de
Famitié & le langage de la vertu font chérir &
l'Ouvrage & l'Auteur , & la mémoire de ce refpectable
Abbé que j'aimois de toute mon âme. Ses
Ouvrages feront lus tant qu'il y aura des âmes fenfibles
; mais , hélas ! fa Société n'exiſtera plus ni
pour fes vertueux amis , ni pour vous , ni pour
Fij
124
MERCUREC
moi. Voilà la perte vraiment irréparable. Je verfe
des pleurs fur fa tombe ; c'eft à vous à l'environner
des cyprès du Parnaffe .
Je fuis avec un parfait attachement ,
Votre , &c.
DE ROCHAS ,
is de Santoy.
Curé
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
ON a continué les repréſentations de Renaud
avec une grande affluence de Spectateurs.
C'eſt après avoir fuivi les trois premières
que nous allons rendre compte des
impreffions que la mufique de cet Ouvrage
a faites fur le Public , & de celles que nous
avons reçues nous - mêmes.
Il n'eft pas queftion de juger ici le talent
de M. Sacchini comme Compofiteur : il y a
déjà long- temps que fon rang eft fixé parmi
les plus grands Maîtres que l'Italie ait produits.
Le fuccès éclatant & foutenu de la
Colonie , une multitude de beaux airs & de
choeurs charmans qu'on a entendus dans
l'Olympiade ou dans les Concerts , ont juſtifié
en France la grande réputation dont il
jouit dans toute l'Europe. L'Auteur de cet
Article a eu de plus l'avantage de voir jouer
& applaudir fur un grand Théâtre étranger
quelques- uns de ſes plus beaux Opéras Ita
DE FRANCE. 125
liens. C'est donc avec les préventions les
plus favorables que nous l'avons vu difpofé
à enrichir notre Théâtre Lyrique des productions
de fon génie ; & nous avons dû en
elpérer de nouveaux modèles pour la perfection
de l'art & pour les plaifircs du Public .
Mais il faut craindre que des préventions
fi avantageufes ne rendent injufte & ne
nuifent au fuccès de l'Artiste même qui en
eft l'objet. M. Sacchini a fait un grand nombre
de beaux Opéras ; mais dans une langue
qui eft la fienne ; fur des Poëmes dont la
coupe eft totalement différente de celle des
nôtres ; pour des Spectateurs accoutumés à
ne porter que des oreilles à ce genre de fpectacle
, à ne chercher dans un Opéra que de
la mufique , & à ne voir guère la mufique
que dans les airs ; à préférer la nouveauté
& la grâce des formes à la vérité & à la
force de l'expreflion , & à fupporter le long
ennui d'une Scène fans action & d'un récitatif
fans intention , pourvu qu'ils en fuſfent
dédommagés par trois ou quatre beaux
morceaux de chant .
• •
En venant en France , M. Sacchini a eu
à étudier notre langue & notre déclamation ,
la forme de nos Poëmes , les moyens de nos
Acteurs , le goût de notre Public ; il a fenti
la néceffité de trouver un récitatif plus accentué
& plus varié ; de donner à ſes airs
plus de vérité , de fimplicité , de rapidité ;
de s'interdire une infinité d'ornemens d'un
effet toujours sûr dans les Opéras Italiens ,
Fiij
126 MERCURE
1
mais déplacés dans les nôtres ; de chercher
enfin cet art , inconnu avant M. Gluck , de
lier & de fondre enfemble le récitatif , les
airs & les choeurs , de manière à ne faire ,
pour ainsi dire , d'un Acte entier qu'un feul
tableau de mufique. Tout le génie du monde
ne fuffit pas pour rompre ainfi d'anciennes
habitudes , & remplir du premier coup toutes
les conditions d'un problême fi compliqué.
Si M. Sacchini s'étoit égaré quelquefois dans
des routes inconnues où il entre pour la première
fois , il feroit très injufte de le juger
à cet égard avec févérité ; il fuffit pour nos
efpérances qu'il ait vû le but , & qu'il ait
montré les moyens d'y atteindre. C'eft ce
dont fon premier effai ne nous permet pas
de douter.
Jetons maintenant un coup d'oeil fur les
principaux effets de la mufique de Re
naud. Si nous ne confidérons que les beautés
propres de l'art, nous y trouvons par- tout la
main du grand Maître. C'eft à chaque inftant
une mélodie agréable , élégante , fenfible
; des airs parfaitement arrondis , où le
motif eft bien fuivi fans effort , développé
fans rempliffage , adroitement foutenu &
embelli par l'accompagnement ; c'eft une
harmonie brillante & pure , riche fans confufion
, claire fans monotonie , avec la plus
belle diftribution de parties & l'emploi le
plus heureux des divers inftrumens. Mais
nous confidérons enfuite l'application de
cette belle mufique aux effets dramatiques a
DE FRANCE. 127
c'eft- à-dire, dans fes rapports avec la décla-,
mation de notre langue , avec le mouvement
de l'action , avec le caractère des perfonnages ,,
avec l'expreffion des fentimens , fans doute
qu'on y trouvera quelque chofe à defirer .
Par exemple , l'ouverture eft une fymphonie
charmante & d'un effet très - brillant
; mais le fecond morceau nous a paru
d'un chant plus paftoral qu'héroïque , &
par -là ne fe lie pas heureufement avec l'action
qui commence la Pièce. Les deux airs que,
chantent Hidraot & Adrafte font d'un chant
naturel & d'un beau caractère . Le choeur
Marsà nosyeuxn'aplus d'attraits, celui où les
Chefs Sarrazins jurent la paix dans les mains
de Renaud , & le ferment que leur fait prononcer
Armide après le départ de fon
ainant , font d'un effet qui juftifie la répu
tation que M. Sacchini a déjà obtenue
dans ce genre de compofition. Nous obferverons
feulement que dans ce vers du dernier
choeur , Du fuperbe Renaud nousjurons,
tous la mort , les Rois répètent le dernier
hémiftiche en piano ; cet effet nous paroît
plus propre à fatisfaire l'oreille que l'efprit,
Ces Guerriers, animés par la préfence d'Armide
, n'ont aucune raifon pour baiffer la
voix en lui jurant la mort de fon ennemi,
Mais cette légère critique ne nous empêche
pas de trouver ce choeur admirable.
Nous croyons que le récitatif de cet
Acte n'a pas toujours l'accent , que notre
déclamation exigeroit , ni fur- tout le mou
Fiv
128 MERCURE
vement & l'intérêt que demanderoient la
Scène. On en peut juger par ce couplet
d'Armide : Vous voyez ce Guerrier dont
Pafpect feul m'outrage , morceau important
, dont la déclamation eft trop vague , &
qui pourtant devoit être exprimé avec autant
de force que de vérité , parce qu'il annonce
& prépare toute l'action du Drame.
Nous pourrions obſerver auffi des défauts
affez fenfibles de ponctuation ; par exemple,
dans ce vers d'Armide : Quand l'amour de
vos coeurs m'afflure la conquête , le chant
coupe le vers par le milieu , & il y'a même
une paufe après vos coeurs , ce qui donne
un faux fens à la phrafe. Cette obfervation
eft minutieuſe ; mais elle peut fervir à prévenir
d'autres négligences de ce genre , fur
lefquelles un homme comme M. Sacchini
n'a befoin que d'être averti.
"
Un défaut plus grave , parce qu'il tient à
l'effet d'un moment intéreffant de l'action ,
c'eſt la manière dont le Compofiteur a exprimé
les mots de furpriſe des différens
Guerriers lorfqu'Armide paroît au milieu
d'eux. Ces mots , par la manière dont ils
font déclainés , font froids & fans aucun
effet ; il nous femble que fi au lieu de leur
faire exprimer l'un après l'autre leur étonnement
, ils fe fuffent écriés tous à- la- fois , chacun
felon le fentiment dont il eft affecté ,
eela eût été plus naturel & plus animé.
Nous prendrons encore la liberté d'obferver
que l'air de Renaud , déjà la tromDE
FRANCE. 129
pette guerrière, quoique brillant & agréable,
n'a pas toute la fierté & le caractère de Renaud
, que les paroles & la fituation ſemblent
exiger; & que les traits des clarinettes & des
hautbois qui l'accompagnent , ont dans quelques
momens un ton champêtre peu d'accord
avec les traits de fanfare par lesquels
la trompette annonce le fujet.
C'eft dans le fecond Acte que M. Sacchini
a déployé toutes les richeffes de la mélodie
; il y a dans le rôle d'Armide trois airs
du chant le plus élégant & le plus fenfible .
La cavatine , il retraçoit à ma mémoire , nous
paroît du meilleur goût ; l'air qui fuit , ah !
que dis- tu? trop foible Armide, eft d'un
mouvement très- animé ; nous defirerions
feulement que les deux derniers vers , & que
le poignard de la haine déchire fon coeur
inhumain , ne fuffent pas répétés auffi fouvent;
que le chant du premier fût plus fimple
& moins précipité , & que dans le mot
déchire l'accent ne portât pas avec tant d'affectation
fur la première fyllabe , où une
longue note répétée plufieurs fois nous
paroît faire un mauvais effet. L'air , cruel
pourquoi m'as-tu trahie , eft d'une expreffion
li belle , fi vraie , fi touchante , que nous
n'ofons pas y relever une petite faute de
déclamation qu'il eût été bien aifé d'éviter,
L'air non moins touchant , barbare amour
&c. mériteroit le même éloge , fi la fituation
& le caractère convenu d'Armide ne nous
paroiffoient pas demander fur ces paroles
Fv
130 MERCURE
une expreffion plus forte & plus paſſionnée.
Le duo entre Armide & Renaud eft d'un
beau chant & d'une grande manière ; le ſujet
en eft bien développé ; la modulation variée &
naturelle , l'expreffion noble & fenfible ; mais
la marche en eft un peu lente pour l'effet de la
Scène , & le morceau d'un mouvementvifqui
le termine , contrafte peut- être un peu trop
avec le caractère de ce qui précède. M. Sacchini
connoît fi bien l'art de fondre & d'adoucir
fes couleurs ; il évite avec tant de foin les
paffages brufques & heurtés , qu'on ne peut
attribuer la légère difparate dont nous par
lons , qu'aux coupures qu'il a été obligé de
faire à ce duo pour accélérer le mouvement
de la Scène.
Nous fommes obligés de dire que l'invocation
des Démons , par Armide , eft abfolument
manquée , & la caufe de ce peu
d'effet eft aisée à expliquer. Après avoir dit :
Des Dieux des Enfers implorons le fecours
c'eft fur un récitatif fimple , préparé par un
trait d'orchestre d'une feule mefure , & en
paffant dans une modulation fi voifine de
celle qui précède , qu'à peine l'oreille en eft
frappée , qu'Armide s'écrie :
Accourez à ma voix , Déités implacables.
Sans prétendre établir aucune comparaiſon
défobligeante , nous ne pouvons nous dif
penfer de dire que ce n'eft pas ainfi que
l'Armide de M. Gluck , dans une fituation
femblable , évoque les Divinités infernales.
DE FRANCE. 131
Nous croyons donc que cette invocation.
devoit être préparée par une ritournelle
d'un caractère un peu magique , s'exprimer
en chant mefuré , & étonner l'oreille par une
modulation fenfiblement contraftée avec celle:
qui précède. Nous nous en rapportons làdeffus
au goût de M. Sacchini lui même.
Le peu d'effet de ce morceau eft bien réparé
par celui du choeur des Divinités infernales
. Le motif en eft fi heureux & fi natnrellement
conduit dans les diverfes parties ;
l'harmonie , concentrée dans les tons graves
& moyens des voix & des inftrumens en eft
fi tranfparente , fi fuave & fi piquante à la
fois , qu'on ne peut l'entendre fans éprouver
une vive émotion de plaifir . Plufieurs
perfonnes lui ont reproché de n'avoir pas
un caractère & des formes de chant affez
fières & même affez rudes pour un chant infernal
; mais M. Sacchini , qui paroît craindre
en général tout ce qui peut heurter trop fort
l'oreille , a cru , en habile homme , pouvoir
profiter de l'éloignement où font fuppofés les
Démons chantans, & de la forte d'oppreffion
où les tient une puiffance fupérieure , pour
adoucir un peu les teintes dures qui caracté
rifent en général un chant de Démons.
Le récitatif de cet Acte nous paroît fufceptible
des mêmes critiques que nous avons
indiquées.
Le combat de nuit qui ouvre le troisième
Acte , offre un Spectacle impofant dont la
mufique rend l'effet plus intéreffant. Le mor
F vi
$132 MERCURE
ceau de récitatif & la cavatine que vient
chanter Adrafte mourant , nous paroiffent
d'un caractère vrai & d'un ſentiment exquis
L'air d'Ariide : Ciel injufte ! ciel implacable !
a de la chaleur & de la nobleffe , & pourroit
fe paffer de l'accompagnement du tonnerre
, qui en trouble l'effet au lieu de le
fortifier. Ces imitations mécaniques ne doivent
être employées que lorfqu'elles font
liées intimement à l'action ; le bruit du tonmerre
peut ajouter à l'effet d'un tableau ;
mais quand il faut exprimer les fentimens
de l'âme , la mufique n'a befoin que des
moyens qui lui font propres. L'air fuivant :
Eh! comment veux- tu que je vive ? eft d'une
tournure élégante & fimple , avec une expreffion
auffi vraie que touchante. On regrette
que l'air de Renaud qui fuccède produife
fi peu d'effet , quoiqu'il nous ait paru
d'un chant agréable & fenfible ; peut-être
cela tient- t'il à la manière dont il eft préparé
& placé. Nous ne dirons rien des dernières
Scènes , nous répétons ce que nous avons
déjà dit , que la coupe de ces Scènes ne permettoit
guère d'y adapter une mufique d'un
grand intérêt.
On reconnoît dans les airs de Ballet la
main d'un habile Compofiteur , quoique ce
foit l'effai de M. Sacchini dans ce genre. Les
Muficiens étrangers y attachent trop peu
d'importance, & peut être y en attachons- nous
trop. L'air que danfe Mlle Gervais au premier
Acte , & ceux que danfent Mlle Dori
DE FRANCE. 133
val avec le fieur Nivelon , & Mlle Guimard
avec le fieur Veftris , au troifième Acte , font
ceux qui ont fait le plus de plaifir.
Il réfulte des détails où nous fommes en
trés fur la mufique de cet Opéra , qu'une
partie des défauts que nous avons cru y remarquer
, tiennent au fond & à la coupe du
Poëme, & quelques uns au peu d'habitude que
M. Sacchini avoit de notre Langue & de notre
Théâtre en compofant cet Ouvrage ; mais que
les beautés nombreuſes & variées qu'on y
admire annoncent un grand Maître , qui réu
nit à un profond favoir , à une manière originale
, un goût exquis & une grande ſenſibilité
; qu'on doit attendre les plus grands fuc
cès de cette réunion de qualités fi rares , éclai→
rées encore par l'épreuve qu'il vient de
faire, lorfqu'il pourra déployer tous les talens
fur un Poëme plus favorable encore à tous les
effets de la mufique dramatique.
Nous aimons à croire que M. Sacchini ne
verra dans nos critiques comme dans nos
éloges qu'une preuve de l'intérêt que nous
prenons à fa perfonne autant qu'à fa gloire ,
& que le defir de lui voir ajouter à ce premier
fuccès , les fuccès plus complets encore qu'il
a droit d'attendre .
Le defaut d'espace a forcé de renvoyer au
Mercureprochain la fin de cet Article , qui
contient les détails de l'exécution de l'Opéra
de Renaud,
134
MERCURE
COMEDIE FRANÇOISE.
LEE Lundi 24 Février , on a joué , pour la
première fois, les Aveux difficiles , Comédie
en un Acte & en vers .
Mélite & Cléante ſe font aimés . L'amant
forcé de voyager, a reçu en partant la foi de
fon amante, & lui a juré de lui garder la
fienne ; mais trois années d'abfence ont
abfolument changé leurs coeurs . Dans le
cours de fes voyages , Cléante a été fubjugué
par les charmes d'une jeune perfonne.
De fon côté Mélite a reçu les affiduités
de Merval , ami de Cléante , & n'a pas
été infenfible aux preuves réitérées qu'il lui
a données de la tendreffe la plus vive & la
plus conftante. Le retour de Cléante jette
Mélite dans un embarras extrême ; il n'éprouve
pas moins d'inquiétude qu'elle. Chacun
d'eux, qui fuppofe que le premier objet
de fon amour a fu garder les fermens, tremble
de déclarer fon infidélité , moitié par honte ,
moitié dans la crainte d'affliger l'amant qu'il
croit encore fidèle. Après une tentative inutile
de part & d'autre , ils prennent le parti de fe
faire l'aveu fatal , l'un par le ministère de fon
valet , l'autre par celui de fa fuivante . On fe
doute bien que les deux amans , furpris d'a,
bord de fe trouver dans la même pofition ,
finiffent par rire de leur embarras , & fe
pardonnent de bon coeur leur infidélité.
DE FRANCE. 135
Cette bagatelle a donné lieu à une querelle
littéraire qui a occupé nos oififs pendant
quelques jours. M. le Baron d'Eftat ,
Auteur de la Somnambule , Comédie repréfentée
fur le Théâtre de la Comédie Italienne
au commencement de l'année der
nière , a réclamé le fonds des Aveux diffi
ciles dans une lettre qu'il a adreffee au Journal
de Paris. M. Vigée a ripofté par une aus
tre , dans laquelle il déclare que ce fujet lui
a été donné par M. Marignié , Auteur de
Zorai. Réplique de M. d'Eftat , qui affure
qu'il a lû fa Pièce à M. Vigée à la fin de l'hiver
de 1781 ; enfin , nouvelle lettre de ce
dernier , qui , tout en affurant que les deux
Ouvrages ne fe reffemblent point , abandonne
néanmoins le fonds du fujet à M. le
Baron d'eftat. Il faut avouer que l'amourpropre
des Auteurs occafionne quelquefois
entre-eux des débats bien extraordinaires.
Dufresny & Regnard fe font difputé le fonds
du Joueur. La choſe en valoit la peine. Une
Comédie de caractère eft un Ouvrage important.
Mais que l'on fe difpute un Opufcule
; que deux amis donnent au Public le
fpectacle de l'amitié facrifiée à toute la gloire
que peut donner la propriété d'une baga
telle en vérité cela eft inconcevable.
Au refte , il y a de la gaîté , de la grâce , de
l'efprit & des étincelles d'un comique trèsagréable
dans les Aveux difficiles . Le ftyle a
fouvent de la facilité , quelquefois un peu
de recherche & d'affèterie. Le dialogue a de
136 MERCURE
la contrainte ; mais au total cet Effai de M.
Vigée annonce du talent & donne des efpérances.
Nous defirons que la Comédie de
M. le Baron d'Eftat , qui doit être , à ce qu'on
affure , repréſentée fur le Théâtre de la Comédie
Italienne , ait un auffi joli fuccès que
celle de fon Rival.
Nous avons gardé & nous continuerons
de garder le filence fur trois débuts qui ont
eu lieu à ce Théâtre depuis fix femaines. Il
feroit impoffible d'en rien dire fans donner
de l'humeur à bien des gens , & l'Art n'y
gagneroit rien. Que de motifs pour ſe taire!
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Mardi 25 , on a joué Sophie de Fran
cour , Comédie en profe & en cinq Actes.
Cette repréſentation eut un fuccès fort équivoque.
La marche de l'action fut trouvée
lente , & l'on remarqua que l'intérêt étoit
toujours atténué par des Scènes ou inutiles
ou trop longuement filées. Du Mardi au
Vendredi fuivant, l'Auteur a refferré l'action
de fon Ouvrage en quatre Actes , & les repréſentations
qui en ont été données depuis
ont eu du fuccès.
M. de Francour, obligé de fuir relativement
à une affaire grave , & pour laquelle il avoit
à craindre les fuites de l'intrigue & de la
calomnie , a laiffé Sophie , fa fille , entre les
mains de Mme Dormont fa foeur . Cette
DE FRANCE. 137
Mme Dormont , veuve , déjà fur le retour ,
a pris de l'amour pour le Marquis d'Orville.
Elle fe propofe de l'époufer , & de
marier fa nièce au Comte de Fierval , oncle
du Marquis. Mais d'Orville , en fortant d'un
bal , a rendu un fervice effentiel à Sophie ,
en eſt devenu amoureux , & a eu le bonheur
de le voir payé de retour. Par un hafard
qui n'eft pas moins heureux , il a fauvé
la vie du fils du Miniftre , & fe trouve en
conféquence dans la plus haute faveur. M. de
Fierval en profite pour fe faire donner le
Gouvernement d'une Place , vacant par l'abfence
de celui qui en étoit pourvu . Ce Gouvernement
eft celui que M. de Francour
s'eft vû forcé de quitter. L'honnête Gentilhomme
revient à Paris fous le nom de Germeuil
, dans l'intention d'éclairer le Minif
tère , & de ſe juſtifier . C'eſt chez d'Orville ,
qu'il a connu en Allemagne , que le vieillard
vient chercher un afyle. Qu'on juge de la douleur
du jeune homme quand il apprend que
c'eft en dépouillant fon ami perfécuté qu'il
a fatisfait fon oncle. Il vole chez le Miniftre
pour réparer la faute. Pendant ce temps
le Comte de Fierval , qui craint la préſence
du vieillard & les effets de l'amitié que
d'Orville lui a vouée , fait intriguer auprès
du Miniſtère , & obtient un ordre d'arrêter
M. de Francour : mais à l'inſtant même
où l'Exempt va conduire l'infortuné en prifon
, le Marquis reparoît avec des ordres
contraires , & dont le Comte doit être la
138 MERCUREJ
victime , ainfi que Mme Dormont. La géné
rofité de M. de Francour peut feule annuller
l'effet des nouveaux ordres ; il pardonne , &
confent à l'union de d'Orville avec Sophie.
Le fonds de cette Comédie eft tiré d'un
Roman qui a paru il y a quinze ans. La
même perfonne eft Auteur des deux Ouvrages.
On a dit fouvent , avec raiſon , que
les données d'un Roman ne pouvoient être
que très-rarement admiffibles dans un Ouvrage
de Théâtre. Sophie de Francour en eft
une nouvelle preuve. La vraifemblance un
peu forcée y nuit fouvent à l'intérêt ; les incidens
en font trop multipliés pour que l'at¬
tention ne fe fatigue pas à fuivre leur enchaînement
; & le dénouement , qui ne s'opère
que par un coup d'autorité , n'a pas
paru très fatisfaifant. Ce qu'il y a d'odieux
dans les caractères de Mme Dormont & de
M. de Fierval , leur reffemblance trop mar
quée ont nui à l'effet des Perfonnages de
d'Orville , de Sophie & de M. de Francour ,
qui ont auffi entre eux quelque reffeniblance.
Il faut pourtant convenir qu'il y
a du mérite dans ce Drame , & que fi
l'ordonnance en eft un peu fautive , les
caractères y font fouvent mis en jeu
avec beaucoup d'adreffe , principalement
ceux du Comte de Fierval & du Marquis
d'Orville. Ce dernier Perfonnage eft repréfenté
par M. Granger avec une fupériorité
de talent qui ne peut qu'ajouter à la répu
tation.
❤
DE FRANCE. 139
Le Mercredi 26 on a donné la première
repréſentation de Henri d'Albret , Comédie
en un Acte & en profe , à l'occafion de la
Paix.
2
Si l'on en excepte une partie du monologue
de Henri , cette Comédie , qui ne mérite
aucune analyfe , eft un tiffu de phrafes
triviales , d'idées communes & rebattues.
Point de plan , point d'action , point d'inté
rêt point de caractères. Le motif qui a
donné lieu à cet Ouvrage , pouvoit engager
les Comédiens , qui l'ont reçu , à beaucoup
d'indulgence ; mais il eft des bornes à tour.
Les Comédiens Italiens feroient très- répréhenfibles
, aux yeux des Ainateurs du Théâtre
, s'ils continuoient d'être auffi indulgens
qu'ils l'ont été depuis quelque temps . Pour
encourager les Auteurs , il ne faut pas dégoû
ter le Public. L'humeur de celui - ci eft bien
plus dangereufe que celle des Écrivains mé
diocres.
ANNONCES ET NOTICES.
ON vient de mettre en vente à l'hôtel de
Thou , rue des Poitevins , Hiftoire Naturelle des
Minéraux , par M. le Comte de Buffon , in - 4° .
Tome I. Prix , 15 liv . en feuilles , 15 liv. 10 fols
broché , 17 liv. relié,
Ce Volume fert de fuite tant à l'Édition in-4® .
avec la partie anatomique, qu'à celle qui a paru fans
140 MERCURE
cette même partie anatomique fous le titre d'Euvres
complettes.
Les années 1776 , 1777 & 1778 de l'Hiftoire &
des Mémoires de l'Académie Royale des Sciences ,
in - 12 , 6 Volumes . Prix , 15 liv . en feuilles , 16 liv.
4fols brochés , 19 liv. 10 fols reliés .
Ces 6 Volumes mettent cette Édition au pair de
l'in-4°.
L'AMI DES ENFANS , par M. Berquin. Le
Volume de Mars 1783 vient de paroître. A Paris ,
rue de l'Univerfité , au coin de celle du Bacq , nº . 28.
S'adreffer à M. Leprince , Directeur. Pris , 13 liv.
4 fols Paris , & 16 liv. 4 pour
la Province
franc de port.
fols pour
DELASSEMENS de l'Homme fenfible . C'eft
fous ce titre que M. d'Arnaud fe propofe de préfen
ter au Public une Collection de nouvelles Anecdotes
indépendantes des Épreuves du Sentiment &
des Nouvelles Hiftoriques. Cette Collection intitulée
Délaffemens de l'Homme fenfible , formera
douze Parties de la groffeur de celles des Epreuves
du Sentiment , in- 12 ; elles compoferont de même fix
Vol. L'Auteur , toujours fidèle à fon objet , fe propoſe
dans ce Recueil de mettre en quelque forte fous les
yeux de la jeuneffe un Cours de Morale en action ;
il a eu foin de raffembler les Anecdotes les plus
propres à entretenir l'amour des vertus , des devoirs,
&c. Les fix Volumes des Délaffémens de l'Homme
fenfible fe diftribueront par douzième Partie de
mois en mois , à commencer du premier Avril
prochain , chez l'Auteur , rue des Poftes , près l'Eftrapade
, maifon de M. de Fouchy . Les douze Parties
parviendront par la pofte , & port franc , pour
la fomme de 18 liv. On aura la complaifance d'affranchir
la remife du montant des foufcriptions ,
DE FRANCE: 141
alafi que les lettres, Les Délaffemens de l'Homme
Jenfible n'empêcheront point la continuation des
Epreuves du Sentiment & des Nouvelles Hiftoriques.
Deux Quvrages dans ce dernier genre vont fe publier
fucceffivement.
On fait quels fuccès M. d'Arnaud a obtenus dans
les Ouvrages de Sentimens. Ces fuccès font un préjugé
favorable & une efpèce de certitude pour la
Collection qu'il annonce au Public.
IDEE du Monde , ou Idées générales des chofes
dont un jeune homme doit être inftruit , Ouvrage.
curieux & intéreffant , orné de neaf Planches en,
taille-douce ; par M. A. T. Chevignard de la Pallue
, Ecuyer , nouvelle Édition , confidérablement
augmentée , & enrichie des Obfervations & des.
Expériences les plus récentes. Prix , 6 livres les deux
Volumes reliés. A Paris , chez Moutard , Imprimeur-
Libraire , rue des Mathurins , hôtel de
Cluny.
.
Etre favant n'eft pas le devoir d'un homme du
monde ; mais être tout- à- fait ignorant eft devenu un
ridicule qu'on ne pardonne plus. Cet Ouvrage renferme
tout ce qu'il eft bon de favoir quand on n'af
pire pas à être un Savant de profeifion . La première
Édition de cet Ouvrage , qui remplit parfaite
ment fon titre , ayant réuffi , les corrections heureufes
& les augmentations confidérables font un
garant que celle - ci n'aura pas moins de fuccès.
INSTITUTION au Droit de Normandie , ou
Conférence des Principes des Inftitutes de Juftinien
avec le Droit François , & en particulier avec le
Droit de Normandie ; par M, J. H. de Rouffel
de la Bérardière , Confeiller Honoraire au Bailliage
& Siège préfidial de Caen , Profeffeur Royal du
Droit François en l'Univerfité de la même Villes
142 MERCURE
1
&c. A Caen , de l'Imprimerie de Jean-Claude Pyron,"
Imprimeur du Roi & de l'Univerfité , in - 12 de .
460 pages.
M. de la Bérardière , dans la place qu'il remplit
avec honneur depuis dix-fept ans , s'étant fouvent
apperçu que les différences qui fe trouvent entre
les Principes du Droit Romain & ceux de Normandie
embarraffoient les Élèves de Droit , & nuifoient
à leurs progrès , a fenti la néceffité d'un Ouvrage
élémentaire qui pût rapprocher les uns &
les autres. L'Ouvrage qu'il vient de publièr fur cette
matière nous a para bien conçu , & remplit l'objet
d'utilité que s'étoit propofé l'Auteur.
Les Antiquités d'Herculanum , avec leurs explications
en François , troifième Volume , Numé
ros 1 , 2 , 3 & 4. A Paris , chez David , Graveur
rue des Noyers , n°. 17.
Rien ne doit être plus intéreffant pour les Ama
teurs & les Artiſtes que les Antiquités d'une grande
Ville , dont la fondation eſt antérieure à celle de
Troyes , placée fous le beau ciel de l'Italie , & qui
eft reftée cachée dans le fein de la terre pendant
plus de dix-fept fiècles.
L'original étoit un grand in -folio , d'un prix
exceffif. M. David s'eft propofé de le réduire aux
formats in-4 . & in- 8 ° . Il a fait entrer jufqu'à cinq
fujets fur la même Planche pour rendre cette Collection
moins coûteufe & moins volumineuſe.
Chaque Cahier eft composé de douze Planches , &
chaque Voluine de l'in-folio n'occupe que fix Cahiers.
M. David a mis toute fon attention à ne rien
faire perdre des beautés des fujets réduits . On doit
les plus grands éloges à fon burin , digne interprête
des beautés antiques , & au Rédacteur du
Texte Italien ( M. Marefchal ) , qui dans fa ver
fion Françoife a confervé tout ce qu'il y avoit de
DE FRANCE. 143
3
favant dans l'original , & qui l'a enrichi encore de
rapprochemens & de parallèles intéreffans & inftruc
tifs. L'on foufcrit pour cet Ouvrage en payant d'avance
les deux derniers Numéros qui termineront le
fixième Volume , & il paroît deux Cahiers tous
les deux mois. Chaque Cahier eft composé de douze
Planches. Prix , 9. liv. l'in- 4° . , & 6. liv. l'in-8.02
ENTRETIENS de Phocion fur le rapport de la
Morale avec la Politique , traduits du Grec de Nicocles
; par M. l'Abbé Mably. A Paris , chez Bailly',
Libraire , rue S. Honoré , & Lamy , Libraire , quai
des Auguftins. De l'Imprimerie de Benoît Morin ,
rue S. Jacques.
Cet Ouvrage eft trop connu pour en porter an
jugement; mais on ne peut refafer des éloges à
l'exécution typographique , qui doit faire honneur
aux preffes de M. Morin. Il fe vend 9 livres. broché
en 3 Volumes, imprimé fur papier d'Annonay, &
avec les caractères de Garamont , même format que
les Moraliftes.
HISTOIRE Phyfique , Morale, Civile & Poli
tique de la Ruffie ancienne & moderne , par M.
Leclerc , D. M. Écayer , Chevalier de l'Ordre du
Roi , & Membre de cinq Académies.
Il paroît deux Volumes de cet important Ouvrage,
qui doit en avoir cinq , & qu'on propofe
par foulcription. L'un de ces deux Volumes eft le
premier de l'Hiftoire ancienne , & l'autre le premier
de l'Hiftoire moderne. Cet Ouvrage nous a paru
très-foigné pour la Gravure & pour la Typographie,
& l'Auteur eft entré dans des détails qui nous femblent
faits pour fatisfaire la curiofité fur cet Empire
intéreffant. Nous nous hâtons d'annoncer ces
deux premiers Volumes en attendant que nous
puiflions en rendre compte. Le prix de la foufcrip
144 MERCURE
tion eft de 120 liv. L'Ouvrage coûtera 160 lv.
ceux qui n'auront pas foufcrit. Les foufcriptions fe
paient d'avance . ou en quatre termes ; favoir ;
30 liv. en retirant les deux premiers Volumes ,
goliv. en recevant le troifième , & 30 liv. en retirant
les deux derniers. On foufcrit à Verſailles ,
chez Blaizot , Libraire ; & à Paris , chez Froulé , Li-
Braire , Pont Notre-Dame.
RETOUR de Chaffe , deffiné & gravé par A. J.
Duclos , en Janvier 1783. Prix , 1 livre 4 fols . A
Paris , chez Godefroy , rue des Francs - Bourgeois-
Saint- Michel , vis - à- vis la rue de Vaugirard.
Cette jolie Eftampe repréfente une de ces petites
anecdotes qui font aimer les Grands & les peignent
mieux que les actions d'éclat ; elle fait pendant à
l'Exemple d'Humanité , qui fe trouve à la même
adreffe.
Pour les Annonces des Titres de la Gravure ,
de la Mufique & des Livres nouveaux , voyez les
Couvertures.
TABLE. -
LE Colin Maillard,
Les Voyageurs, Fable ,
Le Souverain Bien ,
Charades , Enigme &
grypke ,
971 ger
110
98 Necrologie ,
116
Logo-
Plutarque,
100 Lettre fur la réimpreffion du
120
102 Académie Roy, de Mufiq. 124
Coutumes Générales & Locales Comédie Françoife ,
du Bourbonnois , 103 Comédie Italienne ,
Le Danger d'aimer un étran- Annonces & Notices ,
APPROBATIO N.
134
136
139
JAI lu , pár ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 15 Mars. Je n'y al
rien trouvé qui puiflè en empêcher l'impreffion. A Paris ,
le 14 Mars 1783. GUIDL
Jer . 135 .
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 22 MARS 1783 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSÉ.
1 VERS à Mde CLÉRY , de la Mufique de
la Reine , furfon Portrait quej'avoisfait
au Paftel.
Aux Grâces , aux Talens , jaloux de rendre hommage
,
J'ofai , plus zélé que prudent ,
Crayonner votre douce image ,
Je ne prévoyois pas quel feroit mon tourment ;
Mais lorsque je vous vis , fi naïve & fi belle,
M'offrir à tout moment une grâce nouvelle ,
Attendri par le fentiment
Qai varioit les traits de mon modèle ,
Je gémiffois fur mon talent ,
Je maudiffois ma mal- adreffe.
Ah ! de mon art pardonnez la foibleffe ;
Il ne peut fixer qu'un inftant ,
Et vous en avez inille où vous êtes charmante.
No. 12 , 22 Mars 1783 .
G
146
MERCURE
Pour les faifir , mon âme impatiente
A fait des efforts fuperflus.
Ce portrait n'eft pas vous , je ne l'admire plus.
Il eft plein de défauts qu'aifément on dévoile.
Ce n'eft pas vous , il n'eft pas enchanteur ;
Mais qu'il feroit divin , s'il étoit fur la toile
Tracé comme il l'eft dans mon coeur !
(Par M. François , Peintre. )
Explication des Charades , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercureprécédent.
LE mot de la première Charade eft Cordon;
celui de la feconde eft Charrue ; celui de
l'Enigme et Bergère ; celui du Logogryphe
eft Sympathie , où fe trouvent pie , temps ,
ami , pâté , tapis , Thémis , âme ,fi, mi ,
mất , Mai , pas .
CHARADES.
I.
MON premier t'offre une voiture ,
Mon fecond aux Nochers une retraite sûre ,
Mon tout te met l'efprit à la torture.
I I.
Si toujours on defire augmenter mon premier ,
On voudroit dans fon cours arrêter mon dernier
Quant à mon tout , jamais ne le fouhaite :
Las ! quand je crève , adieu panier
Vendanges font faites
GALIOTEMA
REOLA
DE FRANCE. 147 +
I I I.
ADIEU mon tout , fi mon dernier
Te porte à couper mon premier.
JE
(Par M. Bezançon de la Percerie. )
ENIG ME.
E fuis ce qui plaît moins au préfent qu'au futur
Quoi qu'autant quelquefois je plaife .
Or fus , Lecteur , qui fuis - je ? Un Ange ? ... je fuis sûr :
Un diable , dit tout bas la femme de Nicaife.
(Par M. Portier , Curé de Bonnemain ,
en Bretagne. ).
LOGO GRYPH E.
LA célèbre Laïs eut moins d'amans que moi :
Alexandre & Céfar ont été mes esclaves ;
Et lorsqu'à l'Univers ils donnoient des entraves ,
Je favois à mon tour les tenir fous ma lol .
Si tu coupes mon chef , je traverſe la France ;
Et loin du lieu de ma naiffance ,
Je porte un tribut à la mer.
Retranche encor ma queue , & je dors tout l'hiver.
Pour mieux me deviner , coupe , taille , tranſpoſe ,
Et je t'offre à l'inftant mainte métamorphofe..
Ici , mon cher Lecteur , c'est un jeu de hafard ;
Ou , fitu laimes mieux , un oifeau fort criard ;
Gij
148
MERCURE
Là , c'eſt une ordonnance , écrite ou non ; n'importe ,
Le nom de celui qui la porte ;
Un Saint Évêque de Noyon ;
L'inftrument délicat que le galant Horace
Manioit avec tant de grâce ;
Ce que rendoit fi bien la célèbre Clairon ;
La place qu'on payoit pour la voir & l'entendre ;
Un métal chéri d'Harpagon ,
Et pour lequel il veut fe pendre ;
Certain canal que l'on fait à fon gré ,
Pour arroſer ou deffécher un pré ;
De la Rochelle une Ifle fort yoifine ;
Un uftenfile de cuifine ;
Enfin ce qu'un Buveur n'aima jamais à voir,
J'en ai trop dit , Lecteur , bon foir.
( Par M. L. C... de B... , à la Source de la Dive.)
NOUVELLES LITTERAIRES.
LE CORAN , traduit de l'Arabe , accompa
gné de Notes , & précédé d'un Abrégé de
la Vie de Mahomet , tiré des Ecrivains
Orientaux les plus eftimés , par M. Savary,
A Paris , chez Knapen & fils , au bas du
Pont Saint- Michel , & Onfroy , quai des
Auguftins. 2 Vol. in - 8 ° . 1783 .
M. SAVARY écrit le Coran , & non pas
Alcoran , parce que ce feroit répéter l'ars
DE FRANCE. 149
ticle al , fignifiant le. Il eſt toujours temps ,
dit il , de s'affranchir du joug d'un ufage mal
établi ; non , il n'eft pas toujours temps , &
il s'agit avant tout de favoir ce que l'Auteur
entend par mal établi. Si l'ufage n'eft pas
conftant , on peut s'en affranchir . S'il l'eft ,
il fait loi , & on eft obligé de le fuivre , fûtil'
déraisonnable dans le principe . Il s'enfuivroit
de la propofition de l'Auteur , qu'il
faudroit ceffer de dire l'Alcade , un Alcade,
( Officier de Juftice en Eſpagne ) l'Algèbre ,
Alkaëft , l'Alkali , les Alkalis , les Alkalis , l'Alkool ,
l'Almageste de Ptolomée , un Almanach ; il
faudroit en un mot bouleverfer entièrement
l'ufage , relativement à tous ces termes d'origine
Arabe , où l'article eft entré dans le
mot , originairement peut- être par l'effet de
l'ignorance , mais n'importe ; & s'il falloit
changer tous les mots mal formés , foit d'après
les langues étrangères , foit même dans
la langue maternelle , la réforme n'auroit
point de borne ; tenons nous- en à la maxime
d'Horace: Si volet ufus.
Cette nouvelle Traduction de l'Alcoran
( car nous continuerons de dire ainfi ) a été
faite en Égypte , fous les yeux des Arabes ,
au milieu defquels le Traducteur a vécu
pendant plufieurs années ; on fent combien
l'étude des moeurs de ces peuples & du génie
de leur langue , faite fur les lieux , & fortifiée
du fecours continuel de la converfation
, a dû donner de mérite & de prix à
sette Traduction ; M. Savary prouve aifé-
Gij
150
MERCURE
ment que celle de Duryer n'a pas dû l'empêcher
de donner la fienne , & la vie de
Mahomet , par le fameux Comte de Boulainvilliers
, n'allant que jufqu'à l'Hégire ,
n'a pas dû non plus l'empêcher de donner
l'Abrégé de la Vie de Mahomet , qu'on trouve
à la tête de ſa Traduction . D'ailleurs , il y a
peut-être quelque chofe à rabattre de l'enthoufiafime
que Mahomet infpiroit à M. le
Comte de Boulainvilliers. « Il avoir , dit M.
de Voltaire , du goût pour Mahomet. » A
la bonne heure , il ne faut pas difputer des
goûts ; mais on peut en avoir de contrai
res ; quant à M. de Voltaire , il n'en avoit
aucun pour un Marchand de chameaux
qui excite une fédition dans fa Bourgade ;
» qui , affocié à quelques malheureux Ca
» racites ou Coreishites , leur perfuade qu'il
s'entretient avec l'Ange Gabriel ; qui fe
" vante d'avoir été ravi au Ciel, & d'y avoit
» reçu une partie de ce Livre intelligible ,
qui fait frémir le fens commun à chaque
page ; qui pour faire refpecter ce Livre ,
poite dans fa Patrie le fer & la flamme ;
qui égorge les pères ; qui ravit les filles ;
qui donne aux vaincus le choix de fa religion
ou de la mort.
و د
ود
"
"
و ر
"
"
و د
L'Alkoran , dit- il ailleurs , eft une rapfodie
fans liaiſon , fans ordre , fans art.
On dit pourtant que ce Livre ennuyeux
. eft un fort beau Livre ; je m'en rapporte
aux Arabes , qui prétendent qu'il eft écrit
DE FRANCE.
Ifr
avec une élégance & une pureté dont per-
" fonne n'a approché depuis .
"
M. Savary le prétend aufli d'après la connoiffance
qu'il a de l'Arabe , & il explique
comment & pourquoi ceux qui ne connoiffent
l'Alcoran que par la Traduction infidèle
& difforme de Duryer , doivent avoir
une idée très - fauffe & une très mauvaife
opinion de ce Livre. Mais M. de Voltaire
pouvoit le connoître par la Traduction Angloife
de M. Sale , dont il parle , & qu'il dit
excellente ; M. Savary , de fon propre aveu ,
ne fait pas affez l'Anglois pour en juger ,
mais il dit auffi qu'elle doit être excellente ,
à en juger par les Obfervations hiftoriques &
critiques de cet Auteur fur le Mahométifme ,
qui ont été mifes à la tête de la dernière Édition
de Duryer.
M. Savary parle encore d'une mauvaile
verfion Latine de l'Alcoran , par un Moine
nommé Maracci , qui ne le traduifoit que
pour le réfuter , comme fi ce Livre avoit befoin
de réfutation .
Les principes que M. Savary a fuivis dans
fa Traduction , & dont il rend compte dans
fa Préface , nous paroiffent excellens , & fa
Traduction juftifie & rend fenfible ce qu'il
dit de l'original .
A travers toutes les folies myftérieufes de
l'enthousiasme prophétique , à travers l'emphafe
des tournures orientales , on y trouve
des traits remarquables par l'élévation & la
précifion , tels que celui ci :::
Giv
'152
MERCURE
K
Ne donnez point d'égal à Dieu . Il fait ,
» & vous ne favez pas. »
A travers tous les principes fanatiques &
perfécuteurs , on y trouve auffi d'excellens
préceptes.
" Faites le bien. Le Seigneur aime les bienfaifans.
Faites l'aumône le jour , la nuit
» en fecret , en public. L'humanité dans les
paroles & les actions , eft préférable à l'aumône
que fuit l'injuftice. »
L'Abrégé de la Vie de Mahomet , par M.
Savary , ne laiffe pas que d'être un Ouvrage
de 248 pages in 8 ° . C'eft un Ouvrage favant
, tiré des meilleurs Auteurs Arabes ,
principalement d'Abulfeda & des traditions
raffemblées dans le Livre qui a pour titre :
la Sonna ; il y a tout lieu de penser que cette
Vie abrégée eft l'Ouvrage qui donne de Mahomet
l'idée la plus exacte. Ce Prophète
violent commit la plupart des crimes du fanatifme
, du defpotifme & de l'ambition ,
mais il eut quelquefois auffi la modération
& la clémence d'un grand homme ou d'un
homme habile ; il répandit la fuperftition &
l'erreur , mais il diffipa d'autres fuperftitions
& d'autres erreurs , dont quelques - unes
étoient plus funeftes. Les Arabes tuoient
leurs enfans pour les fouftraire à la pauvreté,
ils les immoloient aux autels de leurs
Dieux , comme ont fait tant d'autres peuples
; Mahomet abolit ces ufages barbares ;
ainfi l'humanité lui a des obligations ; & M.
de Voltaire le reconnoît.
DE FRANCE.
153
" Si fon Livre , dit -il , eft mauvais pour
» notre temps & pour nous , il étoit fort
» bon pour les contemporains , & fa reli-
"
ور
"
gion encore meilleure. Il faut avouer
qu'il retira prefque toute l'Afie de l'ido-
» lâtrie. Il enfeigna l'unité de Dieu ..... Chez
lui l'ufure..... eft défendue , l'aumône or-
» donnée. La prière eft d'une néceffité abfolue
; la réfignation aux décrets éternels
» eft le grand mobile de tout, »
و د
L'horrible attentat du quatrième Acte de
la Tragédie de Mahomet , & la catastrophe
funefte du cinquième , n'appartiennent pas
à l'Hiftoire de Mahomet.
و د »Je n'ai pas prétendu , dit M. de Voltaire ,
» mettre fur la Scène une action vraie , mais
» des moeurs vraics ..... j'ai voulu reprefenter
» ce que la fourberie peut inventer de plus
» atroce , & ce que le fanatifine peut exé-
» cuter de plus horrible. Mahomet n'eft ici
autre chofe que Tartuffe les armes à la
»
» main. »
Le reste de la Pièce a du rapport avec
l'Hiftoire ; Zopire eft Abufofian , l'ennemi
le plus conftant de Mahomet. Omar eft
peint avec la plus grande verité ; c'étoit un
fanatique , qui d'abord avoit voulu affatliner
Mahomet , par zèle pour l'idolâtrie , & qui
enfuite changé par la lecture de quelques
morceaux de l'Alcoran , auroit voulu foumettre
la terre entière à fon nouveau Maître ,
& lui facrifier tous fes ennemis ; c'est lui qui
dans la Pièce confeille le meurtre de Zopire ,
Gv
154
MERCURE
& qui indique les moyens de confommer
ce crime ; dans l'Hiftoire , il demande à Mahomet
la tête d'Abufofian ; enfin on retrouve
par tout , dans l'Hiftoire comme dans la
Tragédie de M. de Voltaire ,
Ce farouche Omar,
Que l'erreur aujourd'hui conduit après fon char ,
Qui combattit long- temps le Tyran qu'il adore.
Cer Omar à qui Zopire dit :
Eh bien , après fix ans tu revois ta Patrie ,
Que ton bras défendit , que ton coeur a trahie ;
Ces murs font encor pleins de tes premiers exploits.
Déferteur de nos Dieux' , déferteur de nos Loix ,
Perfécuteur nouveau de cette Cité fainte ,
D'où vient que ton audace en profane l'enceinte ? ……..
Toi même alors , toi- même écoutant la raison ,
Tu voulus dans fa fource arrêter le poiſon ;
Je te vis plus heureux , & plus juſte , & plus brave ,
Attaquer le Tyran dont je te vois l'efclave ;
S'il eft un vrai Prophète , ofas - ta le punir ?
S'il eft un impofteur , ofes - tu le fervir ?
Cet Omar enfin qui répond à Zopire :
Je voulus le punir , quand mon peu de lumière
Méconnut ce grand homme entré dans la carrière.
Mais enfin , quand j'ai vû que Mahomet eſt né
Pour changer l'Univers à fes pieds confterné ;
Quand mes yeux éclairés du feu de fon génie
Le virent s'élever dans fa courfe infinie ,
<t
ct
ht
C
DE FRA N.CE.
IS'S
Eloquent , intrépide , admirable en tout lieu ,
Agir , parler , punir ou pardonner en Dieu ,
J'aſſociai ma vie à fes travaux iminenfes ;
Des trônes , des autels en font les récompenfes.....
Tu me vois après lui le premier de la terre ,
Le pofte qui te refte eſt encore affez beau
Pour fléchir noblement fous ce Maître nouveau.
Ce fut en effet le parti que prit Abufofian
, à fon exemple tout le foumit . « Il étoit
» bien difficile , dit M. de Voltaire , qu'une
religion fi fimple & fi fage ( en compa-
» raifon de l'idolâtrie ) enfeignée par un
» homme toujours victorieux , ne ſubjuguât
» pas une partie de la terre. »
و د
UVRES complettes de Meffire Efprit
Fléchier , Evêque de Nifmes , & l'un des
Quarante de l'Academie Françoife , revues
fur les manufcrits de l'Auteur , augmentées
de plufieurs Pièces qui n'ont jamais été
imprimées , & accompagnées de Préfaces ,
d'Obfervations & de Notes fur tous les
endroits qui ont paru en avoir befoin. Dix
Vol. in 8. Pix , 30 liv . en feuilles , &
40 liv. reliés . A Nifmes , chez Pierre
Beaume , Imprimeur - Libraire , & fe
trouvent à Paris , chez G. Defprez , Imprimeur
du Roi & du Clergé de France ,
rue S. Jacques ; Eſprit , au Palais Royal.
CETTE Édition eft auffi ample & aufli
Gvj
156
MERCURE
exacte qu'il foit poffible . M. du Creux, Chanoine
d'Auxerre, & Chapelain de MONSIEUR,
qui la dirige , a tout revu fur d'anciennes
Éditions & fur les manufcrits de l'illuftre
Prélat , qui lui ont été communiqués par
M. Fléchier , Capitaine de Dragons , le feul
qui refte d'un nom fi cher aux Lettres & à
la Religion . Plusieurs papiers y étoient joints.
On a fait ufage de beaucoup d'anecdotes
qu'il a fournies fur la perfonne de l'Auteur
& fur fes Ecrits.
L'entière Collection forme 10 Vol. le
papier & le caractère en font très beaux , &
F'on doit de la recounoiffance à M. Beaume ,
pour avoir formé une pareille entrepriſe ,
& pour l'avoir exécutée avec autant de
fuccès.
Le titre annonce tout ce que l'Éditeur a
jugé à propos d'y ajouter de fon chef. On
peut regarder fon Difcours fur la Perfonne
& les Écrits de M. Fléchier , comme un éloge.
On n'y relève pas moins fes talens que fes
vertus , en retraçant les principaux événemens
de fa vie.
Il vint à Paris après avoir prononcé , avec
applaudiffement , devant les États de Languedoc
, l'Oraifon Funèbre de l'Archevêque
de Narbonne. Ainfi , en arrivant dans la
Capitale , il avoit l'efpoir des fuccès & des
récompenfes qu'obtiennent tôt ou tard les
talens.
Il fut fucceffivement Précepteur du fils de
M. de Caumartin , Prédicateur du Roi , Au,
:
DE FRANC E. 157
mônier de Madame , la Dauphine , Académicien
, nommé à l'Évêché de Lavaur , après
avoir catéchisé les Proteftans en Bretagne en
1685 , & transféré à celui de Nifmes dans
de triftes circonftances .
La difpute pour la Régale avec la Cour de
Rome , étoit caufe qu'on n'y expédioit point
de Bulles ; & la violence ayant réveillé le
fanatifme , il avoit enfanté la révolte dans
le Languedoc. Le Diocèfe de Nifmes étoit
fur- tout en proie à d'affreux ravages . L'Auteur
du Difcours en trace un tableau fort
vif; & il paroît rendre juftice aux uns & aux
autres. Quel temps d'épreuve , dit il , pour le
coeur fenfible de ce bon Prélat , où le fanatifme
armoit la moitié de fes enfans pour
égorger l'autre ! Ce qui fait de plus en plus
fentir la néceffité de la tolérance civile ; ces
mêmes hommes , qui déchiroient le fein de
leur Patrie avec fureur , auroient donné leur
fang pour elle avee joie , fi on leur eût laiffé
leur tranquillité.
Pendant ces troubles , la patience de l'illuftre
Prélat fut fouvent mife à l'épreuve. If
étoit tolérant comme Fénelon ; mais fon
coeur le fervoit mieux que fes principes. En
fe concertant avec l'Intendant de Bafville ,
fur les réfolutions à prendre pour remédier
aux défordres de la Province , il penchoit
ordinairement vers la douceur , & le Magiftrar
vers la févérité. Sa charité étoit fans bornes.
La ville de Nifmes doit plufieurs établiffemens
à ſa bienfaiſance. Dans le fein de
158 MERCURE
la piété , il cultiva toujours la belle Littérature
; & tout manifefte la delicateffe de fes
goûts & les vertus. Ce grand Évêque termina
fa carrière en 1710 ; il fut univerfellement
regrette.
Ce Difcours et digne de fon fujer . Il tient
comme le milieu entre l'eloge oratoire &
l'éloge hiftorique . Il vaudroit peut être mieux
qu'il fût l'un ou l'autre.
La Préface fur les Oraifons Funèbres pourroit
paffer pour un effai fur ce genre de Littérature.
Le ftyle en eft noble , foutenu , &
l'Auteur a cru , avec raifon , qu'il étoit à
propos d'être éloquent en traitant de l'éloquence
.
Ainfi que l'Editeur de Boffuet , M. du
Creux a ajouté aux Oraifons Funèbres de
fon Auteur , des notices qui mettent dans la
inain du Lecteur le fil des événemens , & le
rendent comme contemporain & de l'Orateur
& des perfonnages qu'il célèbre . Mais il
ne fait qu'y ajouter éloge fur éloge . Une fage
difcuffion , au lieu d'une louange redoublée
, eût ajouté de l'intérêt & du piquant
à ces notices. Le Lecteur eût goûté le plaifir
de connoître au jufte ce que le Héros devoit
au Panégyrifte , & de voir fans mafque le
perfonnage qui n'étoit plus fur la Scène.
Quant aux Ouvrages de M. Fléchier , ils
font connus & jugés. L'Éditeur les juge
pourtant à fon tour ; & quoiqu'il accorde
la préference aux Oraifons Funèbres , il regarde
les autres comme des modèles . L'HifDE
FRANCE. 159
toire de Théodofe , fur- tout ,
lui paroit
digne de grands éloges . Il regrette que l'on
n'ait pas chargé M. Flechier d'un plus grand
nombre d'Ouvrages de ce genre. Tous auroient
été des modèles , des monumens dignes
du beau fiècle de Louis XIV . Il croit
réfuter M. d'Alembert , qui , avec cette
fineffe de tact & ce ton d'honnêteté qui lui
font propres , a fait entendre que le ftyle de
M. Fléchier en Hiftoire s'éloignoit de la fimplicité
du genre. Notre devoir etant de n'être
que juftes , nous dirons ce que nous penfons.
Sans doute le fiècle dernier a peu vu d'Hiftoire
dont le ſtyle foit auffi pur & aufli élé
gant que le ftyle de l'Hiftoire de Théodofe
& même de cel e du Cardinal Ximenès ;
mais il eft aufli quelquefois diffus , fur tout
dans cette dernière , il manque de rapidité
& d'énergie.
Pour s'allurer de la vérité , il ne faut
confulter ni les anciens Hiftoriens ni M. Fléchier
, mais les fairs. En procédant ainsi , on
trouve que les événemens font quelquefois
un contrafte frappant avec ce qu'il dit . Par
exemple , il peint Theodofe aufli chéri qu'admiré
, plus doux , plus clément que Valentinien
n'avoit été fevère. Cependant , outre
que ce même Valentinien avoit rendu l'Empire
refpectable , introduit la difcipline dans
les armees , il avoit aimé la juftice , respecté
les loix , diminué les impôts , mené une vie
irréprochable , éloigné de la Cour la corruption
, montré dans toute fa conduite de
160 MERCURE
l'efprit , du courage , de la politeffe & de la
grandeur. Orthodoxe , il n'opprima jamais
perfonne pour fa Religion , & toutes les
fectes , fous fon Empire , furent contenues
dans les bornes du devoir & de la paix.
Théodofe , d'un caractère bien différend ,
vit dans la pompe & dans les plaifirs , étale
un fafte orgueilleux , il s'entoure de légions
à Conftantinople , règne defpotiquement ,
augmente les impôts , & paroît plus occupé
de matières théologiques que du falut de
l'Empire. A peine eft - il monté fur le trône ,
qu'il ordonne , par un édit , que tout le
monde fe faffe Catholique ; il s'empare avec
violence de toutes les églifes des Ariens qui
dominent à Conftantinople , comme dans
tout l'Orient. Mandoniens , Donatiftes , Eunomiens
, Manichéens , Juifs , Payens , font
également perfécutés , tourmentés par lui . Il
brife les Temples , & pourfuit les troupeaux
comme les pafteurs . Qu'on juge à ces traits.
dans quelle confufion il plongeoit l'Empire
, & s'il méritoit plus d'amour que Valentinien.
Ne doutons point que la haine générale
n'ait eu beaucoup de part à la révolte d'Antioche
, quoiqu'un nouvel impôt en fût l'occafion
, & il fit bien voir qu'il n'étoit pas
moins violent que Valentinien. Dès qu'il a
appris que fes ftatnes ont été renversées , il
veut que cette Métropole de l'Orient foit
détruite de fond en comble , qu'on brûle les
habitans avec leurs maifons. Il eft vrai qu'il
DE FRANCE. 161
finit par pardonner , mais ce ne fut pas fans
peine , & le maffacre de Theffalonique devint
bientôt un monument effroyable des
excès de fa colère .
Du refte , il fut intrépide dans les combats
; il combattit quelquefois pour l'Empire
, plus fouvent pour lui-même , & il
en reçut le prix. Il tira l'églife de l'oppreffion
des Arriens. On doit le louer fur tous
ces points , mais il fut cruel , on ne doit pas
bénir fa mémoire.
L'Hiftoire du Cardinal de Commendon
n'eft qu'une traduction du Latin de Gratiani ,
d'abord Secrétaire de cette Eminence , & fa
créature , puis Evêque d'Amélia , enfin Secrétaire
de Sixte V , & Nonce Apoftolique à
Venife.
Ce Cardinal fut un des plus fameux Négociateurs
de la Cour de Rome. Il fut envoyé
dans prefque toutes les Cours de l'Europe.
La tenue d'un Concile à Trente ayant
été réfolue , on le choifit pour aller inviter
l'Empereur & les autres Princes Allemands
à s'y trouver , ou à y envoyer des Ambaffadeurs.
Il parut même dans l'Affemblée des
Princes Proteftans, qui le tenoit alors à Nanbourg.
Il reparut enfuite à Vienne en différens
temps. Il ofa même y venir malgré les défenfes
de l'Empereur Maximilien II. Ce
Prince foible, fubjugué d'ailleurs par les circonftances
, loin de lui fermer fa Cour , l'accueillit
avec politeffe , reçut de lui la loi
162 MERCURE
avec refpect , & rétracta , felon l'objet de
la miffion du Cardinal , la tolérance civile ,
promife folemnellement aux Proteftans de
fes États. L'Éditeur , on doit l'avouer à fa
gloire , parle là deffus d'une manière fort
iaifonnable , & fupplée ainfi à ce qu'auroit
dû faire M. Fléchier , qui fait voir dans cette
occafion , & dans plufieurs autres , qu'il fe
fouvenoit un peu trop qu'il étoit né ſujet
du Pape.
Cet Ouvrage contient des objets trèsimportans
, tels que l'Élection du Duc d'Anjou
pour le trône de Pologne. Cet article y
eft traité d'une manière intéreffante ; mais .
cette Hiftoire en général eft prolixe . Le ſtyle
en eft quelquefois négligé , la doctrine toute
ultramontaine. On nous parle de la Saint-
Barthélemi , & on eft loin de la blâmer ; ce
qui nous paroît étrange maintenant , & qui
ne l'étoit pas alors.
L'Hiftoire du Cardinal de Ximenès , figure
à une époque bien remarquable , à celle où
l'Efpagne enfin toute réunie fous un même
fceptre , parvint bientôt au comble de la
gloire. Cet Ouvrage a auffi pour ſujet un
perfonnage bien fingulier , né dans l'obſcurité,
homme à fandales, qui annonça toujours
une âme également fière & auftère. Dans
l'ombre du cloître , il affecte le recueillement
, & fe macère. Devenu Provincial de
fen Ordre , il veut le réformer. Confeffeur
de la Reine , il ne change point de moeurs.
Archevêque de Tolède , fous les habits d'un
DE FRANCE. 163
Pontife il conferve ceux d'un Cordelier.
Il réfifta inflexiblement à fes maîtres toutes
les fois que l'occaſion s'en préſenta , & fit
voir qu'il n'étoit pas moins opiniâtre que les
Anfelme & les Thomas Bequet , ni moins
fuperbe que les Grégoire VII , & peut être
encore plus redoutable aux ennemis de
TÉglife Romaine que les Simon de Monfort.
Ce n'eft pas ainfi que le caractérife M. Flé
chier ; mais il étoit tel.
Ximenès déploya le même efprit dans fon
expédition d'Afrique . Il parot au milieu de
l'armée devant Oran , en habits pontificaux ,
à la tête d'une foule de Prêtres , qui chantoient
des hymnes en portant la croix , &
qui , à leurs ornémens facerdotaux , avoient
ajouté la cuiraffe , l'épée & le moufquet
Cet accoutrement bizarre , que nos Prêtres
Ligueurs imitèrent trop bien enfuite , infpira
un enthoufiafme fi véhément aux Soldats
, que la ville d'Oran fut priſe d'affaut
auffitôt qu'affiégée , & traitée avec la même
cruauté que les habitans du Nouveau-
Monde , par ces Soldats pieux ; attendu , dit
l'Auteur , que c'étoient les ennemis de la Religion
, & que l'on croyoit pouvoir perdre
envers eux toute humanité.
Après cela on ne doit point s'étonner
qu'il fut le boulevard de l'Inquifition , dont
il étoit le Chef. Ce Tribunal terrible , à
peine établi , avoit débuté par faire arrêter
quinze mille perfonnes , & par en faire
brûler deux mille. Quel fpectacle !
164 MERCURE
Le genre oratoire eft , fans contredit ,
celui que l'Auteur avoit le plus approfondi.
Ses Oraifons Funèbres pafferont à la poſtérité
la plus reculée . Jamais on ne porta plus
loin l'élégance , l'harmonie , la fineffe dans
les tournures , ni jamais on ne mêla fi bien
les richeffes de l'imagination avec la beauté
de la penfée. Que d'à - propos faifis avec précifion
! que de nuances délicates accompagnent
les grands traits ! quel art de rendre
tout éloquent , de faire parler la Religion à
un Empire au milieu des affaires tumultueufes
du fiècle, de forcer les puiffans à rentrer
en eux - mêmes à l'efpect du néant de
leurs grandeurs. Cependant , cette facilité
fi heureufe & fi féconde , laiffe entrevoir
quelquefois de la ftérilité ; la Nature quelquefois
femble manquer à l'Art . La force ,
la véhémence , la fublimité affignent conftamment
la première place à Boffuet. D'au
tres Orateurs partagent la feconde avec Fléchier
; mais c'en eft affez pour être compté
parmi ces hommes prévilégiés qui illuftrèrent
le grand fiècle.
Les autres Ouvrages de M. Fléchier font
des Panégyriques , des Sermons prêchés avec
un applaudiffement univerfel , des Mande
mens , des Lettres Paftorales , où fe manifefte
plus ou moins , felon les occafions
cette éloquence douce , perfuafive , pleine
d'onction qui lui étoit comme naturelle , &
qui conftitue le véritable Orateur Évangélique
; un Recueil de Confidérations & de
DE FRANCE. 165
Penfees fur divers fujets de morales , des
Mêlanges , un Volume de Lettres , dont plufieurs
n'avoient pas encore paru.
Enfin , il n'eft pas juſqu'à des Poéfies Latines
& Françoifes , qui ne foient intéreffantes
, parce qu'elles font comme les prémices
& les gages de ces talens fupérieurs , qui ont
conduit ce Prélat à l'immortalité,
LA Matinée du Comédien de Perfepolis ;
Proverbe en un Acte & en profe. A Paris ,
chez Cailleau , Imprimeur- Libraire , rue
S. Severin , & chez les Marchands de
Nouveautés,
Cette bagatelle dramatique , dédiée à
MM. les Auteurs du Journal de Paris , eft
précédée d'un Avertiffement analogue au
genre de la Pièce.
"?
" Ce n'eft pas une Pièce de Théâtre que
», l'Auteur donne au Public , c'eft à peuprès
la peinture de l'emploi que les Co-
" médiens faifoient autrefois de leur temps.
» Actuellement que tout eft change , ces
» Meffieurs ne peuvent voir de fatyre dans
» cette petite Pièce. Au contraire , s'ils com-
→ parent leur conduite préfente avec celle
qu'on a tâché de décrire ici , ils s'appercevront
fubitement que c'eft un éloge in-
» direct qu'un homme délicat a voulu leur
ménager, "
20
166 MERCURE
و ر
99
»
Belval , en robe de chambre fuperbe , fe
regardant dans fa glace , récapitule les importantes
occupations de fa journée ..... " A
» quatre heures & demie je m'évade , &-
cours dans ma loge m'écrâfer la tête de
» mon rôle dans cette Pièce nouvelle. C'eſt
» le déplaifant. Pourquoi ne s'en pas tenir à
» ce que nous avons ? Ce n'eft pas ma faute ,
je fais tout ce que je puis pour faire re-
» noncer aux nouveautés. Mais mes cama-
» rades fe laiffent entraîner , & moi je ſuis
» la victime de ces complaifances mal- en-
» tendues. Ce qu'il y a de cruel , c'eſt que ne
pouvant mal jouer , je foutiens feul l'ou-
» vrage , auquel je donne un mérite dont le
» pauvre Auteur ne s'étoit pas douté. » Sophie
, Comédienne , arrive. Belval prodigue
» à la fois les galanteries & les airs de fa-
» tuité. Sophie fe moque de toutes les belles.
proteftations. Brifons là , dit elle , ou je
pars. Parlons de chofes ferieuſes. Et en effet
il lui parle d'un congé pour trois mois , qui
lui eft néceffaire pour arranger fes affaires ;
de fa petite maifon de campagne , qui lui.
coûte tant d'argent ; de fes meubles , de fa
voiture , de la fantailie d'aller voir fiffler .
leur doubles , de s'amufer de la groſſe humeur
du Public , & de mille autres folies.
Au milieu de cette converfation , la Fleur
annonce un étranger qui revient au moins
pour la fixième fois , qui a toujours éré d'une.
patience comme Monfieur l'exige , & qui ,
s'eft en allé bien fouvent fachant que Mon-
"
a
DE FRANCE. 167
fieur y étoit , fans marquer la moindre humeur.
« A la bonne heure , dit Belval , fais-
» le entrer. “ --- Ah ! c'est qu'il eft fi crotté !
-
"
Là , bien crotté ? -11 eft venu à pié par
le temps qu'il fait. C'eft à caufe de cela
qu'il faut le recevoir . L'étranger eft le
» Comte de Meurfeville. Différens billets
» que je vous ai laiffés , ont pu , dit- il , vous
rappeler que vous avez daigné . me promettre
vos foins pour une Pièce que je
» vous ai remiſe il y a près de trois ans.
"3
»
BILVA L.
» Une Pièce ..... Ah ! pardonnez - moi.....
» Vous l'appelez-?
LE COMT E.
» L'oubli de foi-même.
"
BELVA L.
Daignez vous feoir ; je ne faifois pas at-
» tention ....
SOPHIE.
» C'eft un caractère qui promet.
"
LE COMT E.
Oui , Madame , on ne manque pas d'òri
❞ ginaux.
19
BELVA L.
, Oui , je crois que je l'ai lûe ; je m'en
fouviens très-bien. Mais je vous l'avouerai
franchement , elle ne nous convient pas.
168 MERCURE
ور
» Ce n'eft pas qu'elle ne foit bien écrite ; ez
» contraire. Elle montre auffi que Vous avau
» infiniment d'efprit ; mais le fujet de
» morale....
و ر
Déplaît.
LE
COMTE
BELVA L.
» Neth'en voulez pas de ma franchiſe.
LE COM T E.
» Je l'ai toujours trop eftimée pour qu'elle
» me fit quelque peine .
BELVA L.
» Cette réfignation annonce des talens peu
» communs ; exercez- les , Monfieur , fur
» un autre fujet , & vous verrez avec com-
» bien de zèle je m'emploierai.
LE COMT E.
" Ah ! combien de reconnoiffances ! je
» vous quitte , Monfieur , & ne veux point
abufer de vos momens. 20
BEL VAL.
» Quoi ! par un temps auffi mauvais !
LE COMTE.
» Je le prends comme il vient, & fais me
faire à tout. »
Belval fonne. Ses chevaux font à fa voiture.
DE FRANCE. 169
ture. Il prie l'étranger de les accepter. Il fort.
Le Comédien avoue à Sophie qu'il n'a pas
lû la Pièce en queftion . Sophie lui en témoigne
de la furpriſe & de l'humeur. « Il falloit
» la lire , au moins , dit- elle .
و ر
"
BEL VAL.
Ah ! j'apperçois ce que c'eft : vous
» lui trouvez des qualités que je n'ai pas
apperçues. D'ailleurs , il eft bien fait. Ah!
Sophie , fous mes yeux un nouveau penchant
! convenez donc que c'eſt humiliant
» pour moi. »
ce
Au retour de la Fleur , fon Maître lui demande
s'il a conduit l'Auteur à fon cinquième.
LA FLEUR .
A fon cinquième , Monfieur ; c'eſt , je
» vous affure , quelqu'un de grande impor-
» tance. D'ici à votre voiture il m'a fuivi en
» ricannant. Je lui en ai ouvert la portière ;
il l'a regardée avec admiration .
22
" Ah !
"2
""
"
BELVA L.
LA FLEUR
.
C'est- à- dire , en hauffant les épaules.
BELVA L.
Que dis- tu ?
LA FLEUR.
Ah ! rien , Monfieur. Je touffois.
Nº. 12 , 22 Mars 1783 .
H
170
MERCURE
BELVA L.
LA FLEUR
" Oui......
, Oui , Monfieur.
و د
ود
» Achève.
و د
BELVA L.
LA FLEUR.
Enfin il eft monté , & s'eft fait conduire
» à deux pas d'ici dans un hôtel fuperbe ; &
la preuve qu'il en eft le maître , c'eft que
le Suiffe eft venu avec fon baudrier lui
» remettre des lettres ; enfuite il en a tiré
» une de fa poche , qu'il a ouverte , & à
laquelle il a ajouté quelque chofe , &
» m'a recommandé de vous la donner
» avec deux louis qu'il m'a prié d'accepter ;
» vous fentez , Monfieur , avec quel plaifir
je m'acquitte de cette commiffion.
و د
و ر
*
وو
و د
BELVA L.
» Que peut- il dire ? Voyons. Il femble ;
Monfieur , que vous devriez vous défaire
» de l'habitude d'offrir des fervices , que
fecrettement vous vous promettez bien dene
» pas rendre ; ce n'eft que du verbiage que
» cela. Ne me croyez pas votre dupe. Vous
» n'avez pas lû ma Pièce. Ah ! j'aime bien
qu'il en doute. Car je ne vous en ai poin
remife . Quoi ! je ferois .... J'ai voulu vérifier
» fi les plaintes que j'ai entendu faire à un
وو
و د
و و
DE FRANCE. 171
?)
jeune homme de ma connoiffance avoient
quelques fondemens. Vous devez croire
» que je n'ai pas befoin d'autres preuves que
» les confeils que vous avez bien voulu me
» donner ce matin , fur ce qui n'existe pas ,
» pour être convaincu qu'il a raifon. Comme
» ma lettre étoit écrite avant de me rendre
chez vous , fachant à point nommé votre
réception , & mon deffein étant de la laiffer
" en fortant , je n'ajouterai que deux mots.
Je vous remercie de votre voiture , qui eft
fort douce , & plus élégante qu'aucune des
» miennes. Je vous dois cet aveu , pour vous
» prouver ma reconnoiſſance. » Le Comte de
Moeurfeville.
"2
و ر
ود
Tel eft le dénouement de ce Proverbe ,
où les Comédiens , après avoir tant de fois
joué les Auteurs , fe trouvent un peu joués
» eux-mêmes. Quel mal y a t'il?
LES NUMEROS. Seconde Édition
augmentée d'une feconde Partie , qui fe
vendféparément. Prix , 3 liv. 12 fols. br. A
Amfterdam , & fe trouve à Paris , rue &
hôtel Serpente.
CET Ouvrage , par fon titre , préfente une
idée de loterie ; mais il y a moins à rifquer à
celle- ci qu'à beaucoup d'autres , & l'on eft
toujours sûr d'y rencontrer quelques bons
numéros. Il y auroit bien auffi quelques nom
bres à fupprimer ; mais par- tout les bons
numéros font rares.
Hij
172 MERCURE
Au refte , c'est ici l'Ouvrage d'un Obfervateur
moralifte , qui exprime fouvent avec
gaîté , ce qu'il oblerve avec fineffe. S'il y a
des articles minutieux , & qui n'apprennent
rien , il y en a d'autres auffi qui annoncent
une raifon aimable & exercée. Le No. 6 offre
fur la campagne des réflexions très fenfées ;
on y trouve une defcription précile & piquante
de ce qu'on appelle à Paris vivre à
la campagne.
Dans le N°. 10 , l'Auteur fait une fortie
contre l'ufage univerfel des voitures , la fureur
qu'on a d'aller le plus grand train , &
parle des malheurs multipliés qui en résultent,
malgré la vigilance de la Police . Il n'y a pas ,
dit- il , jufqu'aux Médecins , qui ont tant de
moyens de détruire l'efpèce humaine , qui
ne fe permettent encore cette façon de rendre
leur profeffion plus meurtrière. Il regrette
ces temps encore peu reculés , où
le Chancelier de France alloit fur une mule ,
& où le Premier Préfident , en donnant un
de les domaines à ferme , infcrivoit dans le
bail la claufe que le Fermier feroit tenu
tous les Dimanches d'envoyer au château fa
charrette avec de la paille fraîche , pour
'mener Madame la Préfidente à la Meffe. »
L'Auteur coupe quelquefois fes réflexions
par des anecdotes plaifantes. Telle est celle
d'un Provincial , dont le défaut étoit une exceffive
timidité. « Quelqu'un préfenta , il y
a peu d'années , dans une bonne maifon de
Paris , un Gentilhomme de Province qui
DE FRANCE. 173
avoit toutes les qualités requifes pour paroître
avec diftinction dans le monde ; mais
qui étoit malheureufement d'une extrême
timidité. L'Introducteur entre le premier ;:
le Provincial le fuit ; & au premier pas qu'il .
fait dans l'appartement , la timidité le trouble
, l'afpect d'une brillante affemblée le
déconcerte ; il enfonce mal- adroitement fon
pied entre le tapis & le parquet ; il fent un
obftacle , il le force pour avancer ; il emporte
le tapis avec lui , renverfe tous les
fiéges qui l'arrêtent , & arrive à la maîtreffe
de la maifon avec le tapis au cou , en guife
de cravate ; en faluant , il gliffe & tombe fur
elle ; il fe relève , fait fes excufes ; les Laquais
réparent au plutôt ce défordre . On lui offre
un fiége ; il fe méprend , & s'affied dans un
autre , fur la guittare de Madame , qu'il met
en pièces ; il fe drelle , tout effrayé , fe jette
dans un autre cabriolet , & écrafe la petite
chienne ; il tombe en confufion , perd contenince
, & ne voit d'autre parti que celui
de fe fauver fans rien dire ; en fuyant avec
précipitation , il coudoye le Valet - de- chambre
, lui fait tomber des mains le cabaret de
chocolat qu'il alloit fervir à la compagnie ,
caffer toutes les raffes , & renverfer le chocolat
fur les robes de toutes les Dames du
cercle. L'ami fort après lui pour tâcher de le
ramener & de racommoder les chofes ; mais
fon homme a difparu , & court encore . La
honte de cette aventure empêche l'Introducteur
de rentrer lui- même , & le force de
Hiij
174
MERCURE
renoncer à jamais à une maifon dans laquelle
il a eu le malheur de préfenter cet ami deftructeur
, qui y a fait , en un clin d'oeil , autant
de ravage qu'en auroit pu faire une
troupe ennemie qui y feroit entrée à difcrétion.
»
La troisième Partie de cet Ouvrage n'eft
pas inférieure aux deux précédentes. On y
diftinguera le N°. 41 , qui traite de la Fête-
Dieu. Dans le 43 fe trouve une obfervation
piquante par le fond , & rendue avec beaucoup
de vérité. Si la preffe a multiplié les
livres utiles , il faut convenir auffi que la
fabrique des livres , abfolument inconnue
aux anciens , a infiniment multiplié les livres
inutiles & fuperflus ; l'abondance des livres .
a embrouillé les études , & les a rendues
peut être auffi fatigantes qu'elles l'étoient
autrefois par la raifon contraire. Notre fiècle
peut s'attribuer tout l'honneur de cette nouvelle
méthode . Il eft curieux d'examiner
combien de fois le Public achette la même
choſe pour ne rien avoir. D'abord un Amateur
fe procure les Gazettes , qui ne tardent
pas à reparoître dans le Mercure ; peu après
elles forment des corps d'hiftoires qui fubiffent
à leur tour d'autres métamorpholes ; ils
deviennent des Dictionnaires , des Hiftoires
de fiéges , de batailles , de traités , de négociations
, des portraits , des vies de grands -
Hommes. Ils fe transforment même en recueil
d'anecdotes Quand on a imprimé tout
cela jufqu'à la fatiété , on met ces hiftoires
DE FRANCE. 75
en eftampes , au bas defquelles font des notices
au burin. On croiroit que tout eſt fini ;
point du tout ; elles reparoiffent encore ſous
la forme de voyages , d'éloges ; tantôt c'eſt
le Plutarque François , tantôt ce font des
Lettres , tantôt des Mémoires , & dans le
vrai les mêmes faits préſentés dans un cadre
différent. Même marche en Littérature , mêmes
opérations typographiques. Les poéfies
légères embelliffent les feuilles périodiques ;
elles forment enfuite des Almanachs des
Muſes , des Étrennes Lyriques , des Recueils
qui deviennent des Annales Poétiques , des
Bibliothèques. Après un certain temps ,
chaque Poëte reprend fon bien , ramafle
dans une édition fes oeuvres morcelées &
difféminées dans ces divers dépôts , & fe
donne tout entier au Public. Parcourez tous
les genres , vous trouverez les mêmes géné
rations. Les Factums deviennent des Caufes
célèbres , les Caufes célèbres , des hiftoires
de Tribunaux ; les Fabliaux fe changent en
Contes , les Contes en Comédies , les Comédies
en Opéras , les Opéras en Parodies :
dans la métaphyfique & le morale , c'eft bien
autre chofe ; une vingtaine d'idées font délayées
dans cinquante mille Volumes . »
Terminons cet article par une Anecdote
fort gaie , qui fe trouve dans les premiers
Volumes . Telle eft celle d'un Parifien arrivé
en Hollande , fans favoir un mot de la langue
du pays. " Un jeune Parifien allant à
Amfterdam , fut frappé de la beauté d'une
Hiv
176 MERCURE
<c
des maifons de campagne qui bordent le
canal. Il s'adreffa à un Hollandois qui fe
trouvoit à côté de lui dans la barque , & lui
dit : Monfieur , oferai - je vous demander à
qui appartient cette maifon ? Le Hollandois
lui répondit , dans fa langue : Ik kan niet
verftaan , qui fignifie , je ne vous comprends
pas. Le jeune François ne fe doutant pas
même qu'il n'avoit pas été compris , prend
la réponſe en Hollandois pour le nom du
propriétaire. Ah ! ah ! dit il , elle appartient
à M. Kaniferftan Eh bien , je vous affure
que ce Monfieur- là doit être très - agréablement
lcgé ; la maifon eft charmante , & le
jardin paroît délicieux ..... Et il ajoute quelques
autres propos dans le même genre , auxquels
le Hollandois n'entend & ne réplique
rien. Arrivé à Amfterdam , il voit fur le quai
une jolie Dame , à laquelle un Cavaher don
noir le bras ; il demande à un paffant quelle
eft cette charmante perfonne. Celui- ci ré
pond de même : Kan niet verstaan. Comment
, dit il , Monfieur , c'est là la femme
de M. Kaniferftan , dont nous avons vu la
maiſon fur le bord du canal ? Mais vraiment
le fort de ce Monfieur- là eft digne d'envie .
Comment peut- on pofféder à la fois une fi
belle mail & une fi belle compagne ! A
quelques pas delà , les trompettes de la ville
fonnoient une fanfare à la porte d'un homme
qui avoit gagné le gros lot à la loterie de
Hollande. Notre jeune Voyageur veut s'informer
du nom de cet heureux mortel ; on
"
DE FRAN C'E. 177
lui répond encore : ik kan niet verſtaan. Oh !
pour le coup , dit - il , c'eft trop de fortune ;
M. Kaniferftan , propriétaire d'une fì belle
maiſon , mari d'une fi jolie femme , gagne
encore le gros lot à la loterie ! Il faut convenir
qu'il y a des hommes heureux dans ce
bas monde. Il rencontre enfin un enterrement,
& demande quel eft le particulier qu'on
porte à la fepulture : Ik kan niet verflaan ,
lui répond celui à qui il a fait cette question.
Ah ! mon Dieu , s'écrie t'il ! c'eft là ce pauvre
Kaniferftan , qui avoit une fi belle maifon
, une fi jolie femme , & qui venoit de
gagner le gros lot à la loterie ! Il doit être
mort avec bien du regret ! Mais je penfois
bien que fa félicité étoit trop complette pour
être de longue durée . Et il continue d'aller
chercher fon auberge en faifant des réflexions
morales fur la fragilité des chofes humaines.
»
SPECTACLE S.
ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE.
DANS
ANS les trois premières repréſentations
de Renaud , le rôle d'Armide a été rendu
par Mlle Levaffeur, avec l'intelligence , la
nobleffe & la vérité d'expreffion qu'on devoit
attendre de l'Actrice qui a joué pendant
fix ans avec tant de fuccès & de fupériorité
les rôles les plus forts & les plus intéref-
Hv
178
MERCURE
·
fans de ce Théâtre ; mais nous ne pouvons
pas diffimuler que dans la partie du chant
elle a paru au deffous de ce qu'on avoit
droit d'efpérer , foit que la musique de ce
nouveau rôle ne foit pas analogue au genre
de fa voix & à fa manière de chanter , foit
que fon organe, fatigué par un travail forcé
& continu , ait perdu de fa flexibilité , on
a trouvé qu'elle ne mettoit pas dans fon
chant , fur tout dans les beaux Cantabiles
du fecond Acte , la grâce , la rondeur & la
douce molleffe qu'exige ce caractère de mufique.
Le Public , aufli ingrat pour elle que
Renaud l'a été pour Armide , oubliant tout
ce qu'il lui a dû de plaifir pendant plufieurs
années , tout celui qu'il devra aux Actrices à
qui elle a fervi de modèle , l'a reçue avec
une froideur bien févère.Elle a quitté le rôle
d'Armide après la troisième repréſentation.
Mlle Saint- Huberti , dont le zèle eſt infatigable
, l'a pris à la quatrième ; elle a été accueillie
avec des applaudiffemens univerfels
& répétés. Elle a joué en effet ce rôle avec
plus d'abandon , & en a chanté les airs avec
plus d'adreife , d'agrément & de fenfibilité.
Nous ne doutons pas que dans les repréfentations
fuivantes elle ne le rende avec plus
de perfection encore , & qu'elle ne mérite
tous les applaudiffemens dont on l'a comblée
à celle- ci.
Le fieur Legros n'a pas eu , dans le rôle de
Renaud , le fuccès qu'il devoit fe promettre ,
il l'a quitté après la quatrième repréfentaDE
FRANCE. 179
tion, & il fera remplacé par le fieur Lainez.
Le fieur Laïs , dans le rôle d'Hidraot , &
le fieur Chéron , dans celui d'Adrafte , ont
obtenu les applaudiffemens du Public.
Mlle Maillard a joué avec intelligence &
avec grâce le rôle d'Anthiope. Cette jeune
Actrice , qui joint à une figure agréable , à
une taille avantageufe , une voix facile , fonore
& fenfible , annonce un talent naturel
qui peut devenir précieux pour ce Théâtre
fi on s'occupe à le cultiver & à le perfectionner.
Mlle le Boeuf, fille de l'Auteur du Poëme ,
a chanté dans le dernier Divertiffement
deux airs de différent caractère , avec une
voix légère , flexible & très- exercée ; & elle
a été fort applaudie.
Nous ne pouvons que répéter ici les éloges
que nous avons déjà donnés en plufieurs
occafions à la préciſion , à l'enſemble , à la
grande intelligence que l'Orcheſtre a mis
dans fon exécution , moyen qui contribue
plus qu'on ne penfe aux fuccès & au grand
effet des Opéras. Ce tribut d'éloges pour
les Virtuofes qui compofent l'Orcheftre
& pour le Chef qui les dirige , eft une
dette que nous acquittons au nom du Public ,
qui ne peut pas leur rendre par des applaudiffemens
particuliers , comme aux Acteurs ,
la juftice que méritent leur zèle & leurs
talens.
La marche qui prépare le Divertiffement
du premier Acte , & la difpofition des qua-
Hvj
180
MERCURE
."
drilles des différens Peuples Afiatiques qu'elle
introduit fur la Scène , ont paru d'un trèsbon
effet.
Mlle Gervais exécute dans ce Divertiffement
un pas qui ajoute encore à l'idée qu'on
avoit dejà de fon talent : on ne peut pas exprimer
avec plus de légèreté & de précifion
le caractère & le rhythme de l'air qu'elle danfe.'
Mlle Guimard & le fieur Veftris danfent
au troisième Acte une entrée Pantomime ,
dont l'intention eft agréable & l'exécution
parfaite.
Mlle Peflin & le fieur Lefevre ont fait le
plus grand plaifir dans l'entrée des Pâtres ,
par la force , la vivacité & la gaîté qu'ils y
ont mis.
Mlle Dapré & le fieur Gardel terminent
ce Ballet par une chacone qu'ils ont exécutée
avec cette fupériorité de talent que l'on leur
connoît.
Cet Opéra a été mis avec affez de foin ,
quoiqu'il y ait beaucoup d'obfervations à
faire fur le coftume & fur les décorations.
On eft étonné de voir des guerriers Sarrafins
vêtus à - peu - près comme des Chevaliers
Européens & tenant confeil en plein
air , affis dans des fauteuils à bras. A la première
repréſentation Armide fe montroit au
premier Acte vêtue d'une efpèce de dalmatique
par deffus fon armure , qu'on a trouvée
de mauvais effet . A la feconde & à la
troisième repréſentation elle a été vêtue en
Guerrier armé de pied en cap , même en
DE FRANCE. 181
arrivant fur fon char. Mme Saint - Huberti
arrive au premier Acte vêtue de l'habit
de femme avec la baguette de Magicienne.
Au fecond elle prend une armure , mais,
avec une espèce de jupe qui defcend jufqu'au
deffous du genou , & qui femble caractériſer
une femme. Ce coftume eft , de
meilleur goût , mais nous femble peu d'ac
cord avec la Scène du fecond Acte , où Renaud
, à qui elle vient de fauver la vie , la
prend pour un Guerrier.
Il feroit à defirer que la décoration du
fond qui repréfente le développement du
camp des Sarrafins fût peinte avec plus de
vérité , d'accord & d'entente de la perfpective.
On trouve cre les arbres & les tentes
du dernier plan fur- tout n'ont pas les dégradations
de formes & de couleurs qu'exis
geroient les diftances & les grandeurs refpectives
des objets .
La forêt du troifième Acte , les côteaux
qui la terminent , le combat qui s'exécute
dans le fond pendant la nuit au bruit du
tonnerre & au feu des éclairs , ont paru d'un
effet très bien entendu & très- pittorefque.
On defireroit feulement que le Palais magique
qui remplace cette Scène fût plus
éclairé , le contrafte en feroit plus brillant &
plus agréable.
N. B. Il s'eft gliffé dans le dernier
Mercure , article de l'Opéra , une faute
d'impreffion qu'il importe de corriger.
Page 129 , ligne 2 , on lit : N'a pas toute la
182 MERCURE
fierté & le caractère de Renaud que les paro
les & la fituation femblent exiger , lifez :
Toute la fierté que les paroles , le caractère
de Renaud &fafituation femblent exiger.
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Mardi 11 de ce mois , on a repréfenté
, pour la première fois , Corali &
Blandford,Comédie en deux Actes & en vers.
Blandford , en partant pour un voyage
de long cours , a laiffé entre les mains de
fon ami Nelſon , une jeune Indienne nommée
Corali , qu'il s'eft propofé d'époufer à
fon retour. Pendant fon abfence , Corali a
infpiré à Nelfon une paffion auffi vive que
celle dont elle brûle pour lui. Le retour de
Blandford livre Corali , Nelfon & Lady
Albury fa foeur aux plus cruels chagrins.
Nelfon veut immoler l'amour à l'amitié.
Corali cherche à quitter un pays où l'on
n'eft pas libre de fuivre l'impulfion des fentimens
honnêtes que la Nature inſpire ; elle
fuit fans faire part à perfonne de fon projet.
Blandford la rencontre & la ramène. Un
mot de Nelfon ouvre les yeux de fon ami.
D'abord en proie à toutes les fureurs de
l'amour , Blandford accufe Nelſon de perfidie
& d'ingratitude : enfuite il cherche à
dompter fa paffion par le fecours de la raifon
& de l'amitié. Certain d'ailleurs que
Corali aime Nelfon , il renonce à fes defDE
FRANCE. 183
feins ; & malgré la réfignation de Corali
qui confent à l'époufer , malgré la réfiftance
de Nelfon qui veut à fon tour immoler
fa tendreffe , il exige des amans qu'ils
s'uniffent en fa préfence.
Nous ne donnons pas une analyſe plus
étendue de cette Comédie , parce que les
motifs fur lefquels la bafe de fon action
eft fondée , font abfolument les mêmes qui
établiffent & filent la marche d'un des
Contes Moraux de M. Marmontel , connu
fous le titre de l'Amitié à l'épreuve.
En 1771 , M. Favart fit repréſenter à la
Comédie Italienne un Drame Lyrique en
deux Actes & en vers , dont le fonds eft auffi
tiré du Conte que nous venons de citer.
Cet Ouvrage eut alors tout le fuccès qu'il
pouvoit avoir. Expliquons- nous plus clairement.
On en trouva la marche raifonnable
quoiqu'un peu lente ; on rendit juftice
au ftyle , en général élégant & facile , & la
mufique fit infiniment d'honneur à M. Grétry.
On fut gré à M. Favart d'avoir fait ufage
de plufieurs idées & de quelques fituations
du Conte, parce qu'on préfuma, à jufte titre,
qu'il étoit impoffible de les altérer fans
nuire à la vérité des caractères , & fans ôter
à l'intrigue donnée par M. Marmontel quelque
chofe de fa vraisemblance. Malgré tout
cela , l'Ouvrage produifit peu d'effet , & ne
devoit pas en produire davantage . Il eſt
des fujets que toutes les reffources de l'efprit
ne peuvent rendre propres à être portés
134 MERCURE
fur la Scène , & celui - ci eft du nombre. Que
l'on jette un coup - d'oeil fur le Conte de M.
Marmontel ; on verra que Nelſon eft celui
des deux amis dont il met le coeur à l'épreuve
la plus rude. La marche de la Nature
& les conventions de l'Art le vouloient
ainfi . Pour le prouver nous allons comparer
la pofition & le caractère des deux amis.
Blandford eft un bon & franc Marin , ami
plein de chaleur , amoureux il eft vrai ; mais
entraîné par fon état loin de l'objet qu'il
aime , il eft forcé , par la nature de ce même
état , à des diftractions continuelles dont le
genre peut & doit même atténuer une par
tie de cette fenfibilité profonde , de ces impreffions
délicates qui allument , échauffent
& nourriffent la pallion de l'amour. Nellon
admis au rang des Magiftrats , fage , éloquent
, doux & fenfible , obligé par les fonctions
de fon miniftère, à étudier le coeur humain
, fes pallions , fes replis , fes foibleſſes ,
& à s'attendrir fouvent fur les vices ou les
imperfections de notre malheureufe humanité.
Il eft certain qu'il eft chargé du dépôt d'un
ami ; mais dans ce dépôt, il voit tous les jours
l'objet le plus aimable , le plus naïf, le plus
tendre , le plus fait pour être adoré. D'abord
c'eft pour répondre aux voeux de fon ami qu'il
donne des foins , qu'il veille à l'éducation
de Corali . Bientôt il fent qu'il l'aime ; mais
il s'abule & croit que c'eft Blandford qu'il
aime en elle. Enfin , le moment fatal arrive ,
le voile fe déchire , Nelfon lit dans fon
DE FRANCE.
186
coeur ; il fent qu'il eft coupable, avant d'avoir
penfé qu'il pouvoit le devenir : de là le remords
, les déchiremens de l'âme , les combats
& les facrifices. Voilà de quelle ma
nière M. Marmontel a établi le caractère
des deux amis, & cette manière eft auffi bien
vûe qu'elle eft parfaitement exécutée. Mais
tous ces moyens , qui font très- bien placés
dans un Conte , parce que l'intrigue de cette
efpèce d'Ouvrage n'eft pas néceffairement ref
ferrée dans des bornes étroites , ne fauroient
l'être que très difficilement dans une Comé
die. Jamais dans la règle des vingt - quatre
heures on ne pourra développer avec quelque
apparence de vérité tous les mouvemens d'un
coeur tel que celui de Nelfon . En mettre
une partie en récit , c'eft en éteindre l'effet ,
c'eft ôter à l'épreuve imaginée par l'Auteur
du Conte tout l'intérêt qu'elle peut avoir,
Chez M. Marmontel le dénouement devient
naturel par l'oppofition des caractères , & lé
Lecteur voit avec fatisfaction un ami généreux
facrifier fon amour à l'amitié. La raifon
eft fatisfaite , parce que la paffion de Nelſon
eft plus profonde , plus attachante , plus infurmontable
que celle de Blandford : en un
mot , l'Art & la vérité y font toujours d'ac
cord.
Il s'en faut bien que nous ayons les mêmes
éloges à donner à l'Auteur de Corali & Blandford.
En cherchant à produire de l'effet , il a
manqué à la vraisemblance. Chez lui les
deux amis brûlent d'une égale paffion. C'eſt
186 MERCURE
la flamme du plus ardent amour qui dévore
le coeur du Marin. Le facrifice en eft plus
généreux , nous dira- t- on ; à la bonne heure :
mais quelle générofité inconcevable que
celle d'un ami qui n'a pas beſoin de plus de
deux heures de combat , pour immoler la
tendreffe la plus vive & la plus paffionnée !
S'il y a de la vérité dans un tel facrifice ,
il faut renoncer à toutes les notions qu'on a
cru acquérir jufqu'ici des effets , des mouve →
mens & de la force de l'amour. Ce moyen
eft encore fufceptible de reproches , en ce
qu'il donne aux Perfonnages de Nelfon &
de Blandford une phyfionomie à peu- près
femblable , défaut effentiel au Théâtre , où
les oppofitions font aufli néceffaires que
dans l'Art de la Peinture. Quant à la marche
de la Pièce , elle eft monotone & trifte.
Depuis l'expofition jufqu'à l'arrivée de Bland→
ford , les Perfonnages font toujours dans la
même attitude, & l'action n'a pas fait un
pas. Tous ces défauts annoncent l'Effai d'un
jeune homme qui n'eft pas encore familier
avec les effets de la Scène : ils ne peuvent néan
moins faire préfumer rien qui foit défavora→
ble pour fon talent s'il veut mettre à profit
fes erreurs avant de reparoître dans la car
rière Dramatique. L'Ouvrage eft affez géné
ralement bien écrit ; le ftyle en eft ferme ,
noble , fleuri , quelquefois antithétique &
trop chargé d'ornemens poétiques. Il y a
loin des conventions du ftyle tragique à celles
du ftyle comique. Ne confondons jamais les
DE FRANCE. 187
genres ; c'eft outrager à-la- fois le goût & la
raifon .
Cette Comédie , ou , pour mieux dire ,
ce Drame a été très tragiquement repréſenté
par tous les Acteurs , ce qui a fingulièrement
ajouté à la pompe du ftyle & à l'exagération
de quelques idées . Nous devons néanmoins
des éloges à M. Granger ; ce que cet Acteur a
développé de fenfibilité , de talent & d'adreſſe
dans le moment où Blandford , en immolant
fon amour pour Corali, femble craindre de
l'aimer encore, lui a mérité tous les fuffrages.
VARIÉTÉ S.
AVIS fur la troisième Livraison de l'Encyclopédie
, & la Soufcription de cet Ouvrage
auprix de 751 liv.
1
LA Soufcription de cet ouvrage , au prix de 75 i !.
fera rigoureufement fermée au 30 Avril prochain
ainfi que nous en avons pris l'engagement par le Prof
pectus; paffé ce terme, chaqueVoluine de difcours fera
du prix de douze livres au lieu de onze livres , &
chaque Volume de Planches trente livres au lieu de
vingt- quatre livres pour les Perfonnes qui n'auront
pas foufcrit.
La troifième Livraiſon de l'Encyclopédie fera en
vente Lundi 7 Avril. Cette troifième Livraiſon eft
compofée du Tome premier des Planches ; du
Tome premier du Commerce , & du Tome premier,
feconde Partie des Arts & Métiers méchaniques .
Nous espérons que ce premier Volume de Planches
fera favorablement accueilli de nos Souſcrip
188 MERCURE
teurs. Il renferme plus de trois cent Planches anciennes
de l'Édition in-folio , réduites . On a confervé
toutes les Vignettes qui repréfentent les Atteliers
des Arts & Métiers ; elles font au nombre de
plus de huit cent. Ce premier Volume en contient
plus de quatre- vingt dix . Toutes ces Planches , fans
exception , font deflinées , réduites avec foin , exactitude
, & gravées à neuf fous la direction de M.
Benard, connu par fon zèle & ſon intelligence dans
ce genre de Gravure. Chaque cuivre contient en´
général deux anciennes Planches in-folio. Les cinq
cuivres de la Forge des Ancres en contient treize ; les
vingt-un cuivres de la Charpenterie foixante- dix ,
& c. & c. Ces trois cent Planches in - 4. , que nos
Soufcripteurs ne paient que vingt - quatre livres ,
ont coûté aux Soufcripteurs de l'in -folio près de
quatre vingt livres .
Le Prix de cette Livraiſon eft de quarante- deux
livres broché , & de quarante livres dix fols en
feuilles.
Savoir , le Tome premier du Commerce ,
imprimé chez M. Delaguette ,
Tame premiet , feconde Parties
Arts Mécaniques , broché , imprimé
chez M. Didot jeune,
Tome premier des Planches ,
Brochure de ce Volume ,
broché ,
II liv. 10 f
· 24
10 f.
42 liv. Nous ne faifons payer la brochure du Volume de
Planches que dix fols , quoiqu'elle nous coûte réellement
vingt fols ; mais nous avons cru que nos
Soufcripteurs nous fauroient gré de ce facrifice
étant eux -mêmes obligés à quelques dépenses de plus
de brochure , par la néceffité où nous fommes de
paroître par Volumes & demi -Volumes .
>
Sans cet arrangement , nous ne pourrions faire
DE FRANCE. 189
fuivre les Livraiſons avec régularité & célérité. Ces
Volumes font fi chargés de matières , qu'il faut fix
& huit mois pour les imprimer. Nos Soulcripteurs
doivent confidérer que l'on travaille dans un grand
nombre d'imprimeries à- la- fois , & qu'on mène de
front vingt Ouvrages différens ; enfin , avec cette
facilité , nous fommes sûrs , avant un an , de publier
an moins un demi-Volume de prefque toutes les
Parties ; & fans elle nous ne pourrions pas donner
des .Volumes entiers de ces mêmes Parties avant plus
de deux ans. Cette publication par demi - Volume hâte
les jouiffances du Public , foutient l'entrepriſe , anime
courage des Auteurs , & nous mettra à portée de
finir certainement ce grand Ouvrage en moins de
cinq ans.
le
Cette troifième Livraiſon ne devroit être com
pofée que d'un Volume de Difcours & d'un de Planches
; mais la feconde Livraiſon n'ayant été que d'un
Volume & demi , nous avons joint à celle-ci le demi-
Volume qui auroit dû en faire partie.
Cette Encyclopédie , en ne la fuppofant que de 53
Vol., contiendra près du double de Difcours de la
première Édition in -folio ; & cependant elle ne coûte
pas moitié de cette Édition.
P. S. Autres Parties actuellement fous preffe. La
Botanique , chez M. Gueffier ; l'Hiftoire , chez
M. Ballard ; l'Art Militaire , chez MM. Simon &
Nyon ; les Beaux -Arts , chez M. Prault ; les- Finances
, chez M. Valade. On mettra ſous preffe au mois
d'Avril , la Chimie , la Marine & les Mathématiques.
Il paroîtra cette année deux autres Volumes de
Planches , dont l'un en Juillet prochain.
*
190 MERCURE
•
ANNONCES ET NOTICES.
HISTOIRE de l'Eglife Gallicane , dédiée à
Noffeigneurs du Clergé , par le Père Jacques Longueval
, de la Compagnie de Jéfus , in - 12 , dix -huit
Volumes , contenant les dix - huit Volumes in-4° . de
l'Édition de Paris
Les trois premiers Volumes paroiffent actuellement,
& fe délivrent à Paris , chez Baſtien , Libraire
, rue du Petit Lion , Fauxbourg S. Germain.
En les recevant on paiera 9 livres ; en retirant les
Tomes IV , V & VI on donnera 6 liv . 12 f. , & ainfi de
trois en trois Vol. , excepté pour les Tomes XVI , XVII
& XVIII , pour lesquels on ne paiera que 4 livres
4 fols. Cet Ouvrage doit être entièrement fini cette
année. Les Tomes IV , V & VI font imprimés , &
ferent inceffamment délivrés .
N. B. Tous les Volumes font brochés & étiquetés
La feconde Livraiſon de l'Atlas nouveau , dédié à
M. le Comte de Vergennes , retardée long- temps par
la maladie d'un Artifte , & depuis par les apparences
de la Paix , paroît en ce moment , & contient quatorze
Cartes au lieu de douze.
L'Auteur a eu foin de diftinguer par les couleurs
des enluminures les différentes poffeffions européennes
dans les Antilles . Le bleu indique les Ifles
Françoifes ; le rouge les Ifles Angloifes ; le jaune les
Efpagnoles ; l'oranger les Hollandoifes ; le violet
les Danoiſes . La Carte de la prefqu'Ile de l'Inde
en-deçà du Gange depuis Chandernagor , & qui
DE FRANCE. 197
doit faire partie de la troifième Livraiſon , fera
délivrée fous peu aux Soufcripteurs qui feront empreffés
de fe la procurer. On foufcrira jufqu'à la
quatrième Livraiſon , à Paris , chez l'Auteur , M.
Mentelle , Hiftoriographe de Mgr. le Comte d'Artois
, hôtel de Mayence , près le Notaire , rue de
Seine , Fauxbourg S. Germain.
MANUEL d'Épietète en Grec , avec une Trai
duction Françoife , précédée d'un Difcours contre la
Morale de Zénon & contre le Suicide ; par M.
Lefebvre de Villebrune . A Paris , de l'Imprimerie
de Ph. D. Pierres , Imprimeur ordinaire du Roi , rue
S. Jacques , & fe trouve chez Lamy , Libraire , quai
des Auguftins.
Il a paru deux Éditions d'Épictère en Grec qui ont
été accueillies comme elles devoient l'être , & l'on a
rendu juftice au favant Éditeur M. Lefebvre de
Villebrune . En voici une troisième , avec la traduction
à côté , qui n'aura pas moins de fuccès , puif
qu'elle eft utile à un plus grand nombre de Lecteurs.
L'exécution typographique mérite des éloges. Prix ,
en papier ordinaire , 2 livres 8 fols ; en papier d'Annonay
, 4 livres. On en a tiré quelques Exemplaires
fur vélin d'Italie .
t
LETTRES contenant le Journal d'un Voyagefait
à Rome en 1773 , 2 Vol . in- 12 . Prix , 4 liv . brochés ,
sliv, reliés. A Genève , & fe trouve à Paris , rue &
hôtel Serpente.
Cet Ouvrage nous a paru intéreffant. Nous en
rendrons . compte auffitôt que l'abondance des ma
tières nous le permettra .
JOURNAL de Clavecin , par les meilleurs Maîtres,
192 MERCURE
avec accompagnement de Violon ad libitum ;
n°. 2. Ce Cahier contient un Air d'Atys arrangé
par M. Edelmann , un Andanté de M. Cambini
arrangé par M. Hubsh , un Air de chaffe d'Amadis
arrangé par M. J. Ph . Meyer , un Rondo par
M. le Baron de Rumling , un Air des Ballets de
Perfée arrangé par M. Hoppé , & un Air des Ballets
d'Éle &re arrangé par l'Auteur . Prix , 2 livres 8 föls.
A Paris , chez Leduc , rue Traverfière-Saint- Honoré
, au Magafin de Mufique , où l'on s'abonne
en tout temps moyennant 15 livres pour Paris & la
Province , port franc. On trouvera à la même
adreffe la première année. Prix , 15 liv . port franc.
Faute à corriger dans le Mercure précédent .
Page 140, article Délaffement de l'Homme fenfible
, après la fomme de 18 livres , ajoutez , &
21 liv. pour la Province.
Voyez, pour les Annonces des Livres , de la
Mufique & des Eftampes , le Journal de la Librai
rie fur la Couverture.
TABLE.
145 La Matinée du Comédien de
VERS àMde Cléry
Charade , Enigme ' હું Logo- Perfepolis,
gryphe , 146 Les Numéros
165
171
Le Coran , traduit de l'Arabe , Acad. Royale de Mufiq. 177
J
Euvres complettes de
chier ,
148 Comédie Italienne , 182
Flé- Avis fur l'Encyclopédie , 187
155 Annonces & Notices , 190
APPROBATION.
AI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 8 Mars. Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion. A Paris ,
le 7 Mars 1783. GUIDI.
Jer . 135 .
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 29 MARS 1783 .
PIÈCES
FUGITIVES.
EN VERS ET EN PROSE,
IMITATION DE CLAUDIEN ,
Poëme contre RUFIN.
dans fon
Surs , vil ambitieux , la fureur qui t'égare ;
Dépouille , fi tu peux , tous les pays divers ;
Ote à Créfus fon fceptre , à Cyrus fa tiare ;
Dans tes poffeffions enferme l'Univers ;
Rien ne t'enrichira : ton coeur infatiable
Ayant tout englouti , fera plus affamé ;
De defirs renaiffans fans ceffe confumé ,
Rien n'en pourra remplir le gouffre épouvantable
Qui defire , a déjà trouvé la pauvreté.
Heureux Fabricius ! la médiocrité
Filoit , doroit tes jours au fein de l'innocence ;
Limité dans tes biens , dans tes voeux limité ,
Tu puifois en ton coeur la folide opulence .
Nº. 13 , 29 Mars 1783 .
I
194
MERCURE
Il a fai l'âge heureux où d'illuftres Guerriers ,
Aux pieds de Jupiter , dépofant ces lauriers ,
Dont les moiffons courboient leurs têtes glorieules ,
Retournoient habiter de ruftiques foyers ;
Le chaume alors cachoit des âmes généreuses.
Ce fut la pauvreté qui forma les Héros.
Ton fafte te Bétrit , ma pauvreté m'honore ;
Dans mon réduit champêtre habite le repos ;
Sous tes lambris dorés la crainte te dévore.
Que Tyr far tes habits étalant fes couleurs ,
Prête à ta vanité fa brillante impofture ;
L'art menteur eft pour toi : pour moi j'ai la nature ;
C'est pour moi que fa main a coloré ces fleurs ,
Qu'elle rend à ces bois leur verte chevelure ,
Qu'elle émaille ces bords baignés d'une onde pure....
Ta table eft d'alimens ſurchargée à grands frais ,
Pour aiguiſer ton goût qu'émouffe l'abondance ;
Une faim falutaire affaiſonne les inets
Que la frugalité vient m'offrir fans apprêts ,
Et je brave l'orgueil de ta riche indigence.
( Par M. Gautier, )
LETTRE écrite à M, Garat , par un Officier
récemment arrivé d'Amérique,
MONSIEUR ,
ACCOUTUME , pendant une longue, abſence ,
' avoir d'autre connoiffance, des nouvelles produce
tions de notre Littérature , que celles que je puifois
HATA
P
DE FRANCE.
195
nom .
dans les Ouvrages périodiques dont je pouvois me
procurer la lecture , j'ai toujours été avide du Journal
auquel vous travaillez , & fur- tour de ces articles
intéreffans , où l'on reconnoîtroit aisément votre
cachet quand vous n'y mettriez pas votre
Celui que vous venez d'inférer dans le Mercure du
premier Mars avoit encore un autre droit à mon
attention . Il traite un fujet qui m'intéreſſe perfonnellement
par le long féjour que j'ai fait en Amérique,
& par les fentimens qui m'attachent à une Nation
beaucoup plus célèbre en Europe qu'elle n'y
eft encore connue & appréciée. Cette célébrité feuie
exige qu'on l'étudie avec application , & qu'on en
Farle avec circonſpection ; mais les liens folides &
durables qui nous uniffent avec elle en font un
devoir plus cher & plus facré. Les Militaires, tant de
terre que
de mer ont été affez heureux pour détruire
en Amérique cette opinion de notre légèreté
rationale , qui peut-être fubfifte encore en Europe ;
nos fcrivains feroient- ils plus indifciplinables que
ros Guerriers ? Le premier Ouvrage françois eu
l'on traite des moeurs , des loix , du climat , de l'agriculture
, des productions de l'Amérique , &c &c.
a été écrit par un homme qui n'entendoit pas la langue
du pays , qui n'y a paffé que quatre mois , & qui
ne s'eft jamais arrêté huit jours dans une Ville. Je
ne prétends ni juger ni examiner l'Ouvrage de M.
Abbé Robin , que je ne connois encore que par
votre Extrait. On dit qu'il eft écrit agréablement ;
c'eſt un mérite , s'il eft exa& ; c'est un inconvénient
s'il ne l'eft pas. Mais dans tous les cas il eft du
devoir d'un homme plus inftruit de relever les erreurs
qui peuvent s'y trouver. Je ne parlerai que de
celles dont l'analyse que vous en avez faite m'a
donné connoiffance ; & comme je n'ai pas le loifir
de me livrer à la difcuffion , je vous demanderai la
liberté de n'y oppofer que des affertions contraires,
I ij
196 MERCURE
•
bien sûr de n'être démenti par aucun de ceux qui
connoiffent l'Amérique , & j'oſe même dire de ceux
qui , en liſant cette Lettre , pourront en reconnoître
l'Auteur.
1 ° . M. l'Abbé Robin dit qu'à Boſton toutes les
maifons font de bois , & d'une conftruction fi légère
qu'on peut les changer de place , & c.
Il s'en faut de beaucoup que toutes les maiſons
foient bâties de bois ; on en voit un très - grand
nombre de briques , très-belles & très - bien ornées ,
tant en dehors qu'en dedans. Il eft vrai qu'on
transporte quelquefois des maifons de bois d'un endroit
dans un autre , mais ce font de petites habitations
de Cultivateurs ; & la facilité qu'on trouve à
les mouvoir vient de la manière de les conftruire .
Ces maisons baſe un ayant communément pour
quarré formé par quatre folives , qui eft lui - même
foutenu aux quatre angles par des piliers de pierre
ou de brique , hauts de deux ou trois pieds , lorfque
l'édifice et achevé , on en affure la folidité en formant
un grand focle de pierre ou de brique qui
remplit tout l'intervalle entre le plancher & le niveau
du terrein , La maifon , lorfqu'elle n'eft pas
grande , peut donc être enlevée de deffus ce focle
pour être tranfportée ailleurs.
, pour
à
Vous voyez , Monfieur , que s'il fuffit de cet
ufage , qui n'eft établir même commun pas
un rapport entre les Américains & les Scythes , les
premiers pourront un jour , en voyant nos parcs
moutons & nos cabanes de Bergers , affurer que les
François font un peuple nomade . Permettez-moi de
vous dire que les moeurs de Boſton ne rappellent pas
l'antique & auftère fimplicité des premiers âges , mais
qu'elles offrent le réfultat des principaux avantages
de la Société, dirigés & modérés par la raifon , qui
peut
feule les rendre chers & durables.
2º . M. l'Abbé Robin s'eft manifeftement trompé
DE FRANCE. 197
fur la population , tant de Bofton que de Philadel
phie. Il donne vingt mille habitans à cette dernière
Ville & trente mille à la première. C'eft tout le
contraire . On en compte à- peu- près trente - cinq
mille à Philadelphie , & feulement vingt mille à
Boſton.
3º. S'il eft vrai , comme dit le même Auteur , que
les Américains font grands hofpitaliers , il n'eft pas
vrai qu'ils n'aient qu'un lit chez eux , & que l'épouse
chafte &fans remords le partage avec fon hôte. On
peut affurer au contraire qu'on ne trouve pas de
propriétaire un peu aifé ( & il n'y en a guères d'autres
en Amérique ) qui n'ait au moins une trèsbonne
chambre & un bon lit à donner ; c'eft ce
qu'on appelle a Spare room , a spare bed. Peut-être
que fi l'on voyageoit au-delà des montagnes , dans
des pays qui commencent à peine à le peupler,
le principe d'hofpitalité , fi facré par tout , engageroit
le Colon qui n'auroit qu'un lit pour lui & pour
fa femme à le partager avec fon hôte , c'eſt- à- dire ,
qu'en étendroit des lits de plumes fur le plancher , &
que tout le monde dormiroir enfemble ; mais c'eft
ce qui arriveroit en France comme ailleurs , fi l'on
s'égaroit dans les montagnes des Cévennes ou du
Gévaudan. Peut- être M. l'Abbé R. a- t-il été induit
en erreur par un ancien ufage du pays dont il aura
entendu parler confufément ; c'étoit autrefois , &
l'on affure même que c'eft encore la coutume dans
quelques pays de la nouvelle Angleterre , de faire
boundler les Voyageurs lorfqu'on les recevoit chez
foi. Ce genre de politeffe pourra paroître bizarre en
Europe. Il confifte à propofer à fon hôte de partager
le lit d'une des filles de la maiſon ; mais on ob
fervera que ni l'un ni l'autre ne doivent fe déshabiller
complettement , & que cette familiarité ne
peut avoir lieu qu'entre deux perfonnes libres . La
pureté des moeurs , la proximité du père & de la
I jij
198...
MERCURE
mère , qui ne font ordinairement féparés que par
ane mince cloifon ; enfin , le peu d'obstacle qu'on
trouve au mariage , qui eft le but &-le remède de
tous les defirs , ont jufqu'ici pofé des limites à cette
liberté , dont il eft fans exemple qu'il ait réfulté
quelque inconvénient.
4°. M. l'Abbé R. affure qu'en Amérique les
femmes à vingt ans n'ont déjà plus la fraîcheur de
la jeuneffe , & qu'à trente-fix ou quarante elles font
déjà ridées & décrépites. Pour cette fois on ne l'ac
cufera pas d'avoir jugé en jeune homme , & l'on ne
peut attribuer cette affertion fingulière qu'à la fainteté
de fon état, qui ne lui a pas permis de fixer les
yeux fur les Américaines. Avec un examen plus !
mondain , mais plus réfléchi , il n'auroit pas confondu
la fleur de l'adolefcence , qu'on peut perdre à
vingt ans , avec la fraîcheur de la jeunetle , qu'on
conferve jufqu'à trente , & la beauté des formes qui
dure encore plus long-temps. S'il exifte quelques
différences fur cet article entre l'Europe & certains
pays de l'Amérique , on peut affurer qu'elles font
légères & dûes en grande partie à l'extrême fécondité
des femmes , ou à la négligence de cette utile
coquetterie qu'on doit regarder comme la furveillante
de la Nature. Ceux qui ont vû Mine T.... à
Boſton , Mme Ch... à Newport , Mefdames M ....
P ... & A.... à Philadelphie , & Mme B.... à Rich
mont , rendront témoignage qu'entre l'âge de trente
à quarante ans les Américaines font bien loin de
reffembler au portrait que M. l'Abbé R. s'eſt donné
la peine d'en faire . La dernière que je viens de citer ,
a- quarante trois ans ; elle a été mère de dix enfans
dont fept font vivans , & elle a conſervé une figure
auffi fraîche & auffi agréable qu'aucune Européenne
du même âge. Il ne faut- pas
moins que
motif qui m'anime pour m'engager à rappeler ici.
ane aventure tragique dont j'ai prefque été le
1-
le.
DE FRAN- C E. 199
témoin. M. de V ** . , Officier diftingué , s'eft tué
de défeſpoir après avoir inutilement demandé la
main d'une veuve Américaine. Ici l'honneur des
deux Nations follicite également mon témoignage ,
car l'Américaine avoit plus de trente ans , & l'Amant
malheureux étoit François.
". Quant à l'article de la longévité , il mériteroit
une difcuffion plus férieufe . Je crois qu'elle eft plus
rare en Amérique qu'en Europe , fans croire que la
vie moyenne y foit plus courte en effet , ces deux
objets n'ont pas entre-eux une liaiſon néceſſaire. A
Paris, où la longévité eſt très - commune , la vie,
moyenne de 1 homme n'eft que de trente-deux ans ;
dans les Provinces elle n'eft que de vingt - fix à
vingt-fept ans , c'est- à - dire , que pour connoître le
nombre des habitans, il faut multiplier les naiffances,
dans les campagnes par vingt- fix où vingt ſept , dans
les Villes par trente ou trente-deux , différence qui
pourroit paroître étonnante , fi on ne faifoit pas atten
tion qu'il existe une émigration perpétuelle des
campagnes vers les Villes. Or il paroît que la longé
vité tient particulièrement à la falubrité du climat
& au régime , ce qui renferme les alimens ,
boiffon , & en général la manière de vivre phyfique
& morale ; tandis que la vie moyenne dépend plus
particulièrement de l'aifance , & du plus ou moins
de facilité qu'on trouve à fubniter. Dans un pays
où les mères allaitent leurs enfans & ne manquent
d'aucun des moyens de les nourrir & de les élever
ceux qui font nés d'une conftitution foible écharpent
plus aifément aux dangers de la première enfance ,
fans être pour cela en état de fournir une longue
carrière. Il doit donc en réſulter moins d'enterre →
mens depuis la naillance jufqu'à l'âge de fept ans ,
& plus depuis l'âge de fept aus jufqu'à celui de
quarante. Ajoutez , Monfieur , à ces réflexions qu'en
Amérique chaque famille a pour l'ordinaire fon
T
la
>
1v
200 MERCURE
propre cimetière ; que c'eft un ufage auffi général
que refpectable de placer fur chaque foffe une pierre
qui rappelle le fouvenir du parent qu'on a perdu , &
que cet honneur eft prodigué aux enfans , même à
ceux qui font morts dans le plus bas âge . Or , confultez
les tables de mortalité dans les Ouvrages de
M. de Parcieux & de M. de Buffon ; lifez ce qu'ont
écrit fur cet objet MM. Dupré de Saint - Maur
Moheau , de Meffence , Corbin Morris , &c. &
vous jugerez aifément qu'un homme qui fe promène
dans un cimetière d'Amérique , doit lire trente
épitaphes de jeunes perſonnes avant de trouver celle
d'un vieillard. Prefque tous les Mufæum d'Italie , &
particulièrement celui du Capitole , contiennent
beaucoup d'épitaphes anciennes ; je vous affure
qu'on en trouve à peine deux ou trois qui retracent
une longue vie. Il faute encore aux yeux que dans
un pays où le nombre des habitans double tous les
vingt ans, on doit voir moins de vieillards en proportion
de la population actuelle, puifque la population,
il y a quatre- vingt ans ,, étoit quatre fois moindre
qu'à préfent.
Je doute , Monfieur , que M. l'Abbé R. ait fait
toutes ces réflexions. Quant à moi , j'avoue que les
miennes ne m'ont encore infpiré que des doutes &
le defir de faire des recherches ultérieures. En arendant
, j'obferverai , 1 ° . que c'eft une chofe abfurde
de parler de l'Amérique Septentrionale comme
d'une fimple Province de la France , puifque les
Treize États- Unis s'érendent depuis le trente- deuxième
jufqu'au quarante- cinquième degré de latitude , &
qu'il s'en faut de beaucoup que la nature du fol y
foit uniforme. 2 ° . Que fi dans les contrées de l'Amérique
, où la température eft douce , la force de
l'homme & la durée de fa vie font un peu moindres
que dans les climats correfpondans en Europe ,
on n'en doit affigner d'autre cauſe que la récence des
DE FRANCE. 201
›
établiſſemens . Tout pays nouvellement cultivé , tout
pays dont la plus grande partie eft encore inculte
fera moins fain que celui où la population & l'agriculture
font dans une jufte proportion . Ce défavantage
, s'il exifte maintenant pour les Américains ,
doit donc toujours aller en décroiffant ; car leurs
progrès font à la fois très - rapides & très- éloignés
de leur terme ; & en vérité , Monfieur , on ne conçoit
pas ce qui a pu induire le Philofophe refpectable .
que vous citez à avancer que les États - Unis de
l'Amérique n'auroient jamais plus de douze millions
d'habitans. Tout ce qu'on peut dire , c'eft qu'un
Voyage en Amérique pourroit épargner bien de
l'efprit aux Européens , lorfqu'ils font de ce nouveau
Monde l'objet de leurs recherches . 3 ° . Je doute que
la prévoyance qui fait craindre à M. l'Abbé R. de
voirun jour nos Alliés en proie aux guerres de Religion
ait eu véritablement l'Amérique pour objet ;
votre fagacité , Monfieur , vous a fait oppofer d'excellens
raiſonnemens à ces étranges conjectures . Pour
moi je me contenterai d'affurer qu'elles n'ont aucun
fondement. Je dirai même que les Américains font
fi tolérans , que fi M. l'Abbé R. avoit dit chez eux
ce qu'il écrit ici , ils n'auroient fait qu'en rire. Fe le
prie de confidérer fur la carte les limites de leur empire
, les fleuves , les ports dont ces vaftes contrées
abondent , & de me dire enfuite à quelle époque ils
feront défoeuvrés & fophiftiquans . Croyez - moi
Monfieur , ils continueront long - temps à trouver
Dieu & le monde bien grands , & l'efprit humain
bien petit , fur tout lorsqu'il devient ſectaire & contentieux.
J'ai l'honneur d'être , & c.
J'apprends dans l'inftant que M. l'Abbé R. eft
tombe dans une erreur beaucoup plus grave , puifqu'elle
peut compromettre un ancien & excellent
I v
19 ་་
202 MERCURE
Militaire , à l'article du fiège d'Yorck . Il parle Fune
fortie que les ennemis firent dans la nuit du 15 au
16. Voici le paffage tel qu'on me l'a rapporté.
35'
"95"
›
« La nuit fuivante , 400 alliégés fe difant Améericains
, furprirent une batterie , enclouèrent fept
pièces de canon tuèrent & firent prifonniers
quelques hommes , & en tuèrent une trentaine.
Le Régiment de Soiffonnois , pofté tout près , ne
fut inftruit de l'action que fur la fin , parce que
le Capitaine commandant la redoute avoit fait
défente de tirer à l'approche de ces prétendus
Américains. Ce Régiment y accourut aufli - tôt ;
» & fi le Lieutenant - Colonel de Saintonge n'eût fait
fonner la charge , les Anglois auroient été enveloppés.
55
ןכ
1. Le Régiment de Soiffonnois , dont le premier
Bataillon étoit placé à la gauche de la feconde
parallèle , & l'autre en réfervé dans la première ,
marcha au bruit des premiers coups de fufils , fans
avoir befoin d'être averti , & les ennemis avoient à
peine mis le pied dans la tranchée , que la réferve y
étoit arrivée & les en avoit chaffés.
2 °. Le Capitaine qui commandoit dans la redoute
ne défendit pas de tirer ; mais l'extrême obfcurité de
la nuit permit aux ennemis d'arriver juſqu'à la redoute
fans être découverts .
3 °. On ne fit fonner ni battre la charge.
4. Le Lieutenant - Colonel du Régiment de
Saintonge , que M.l'Abbé R. dit en avoit donné
l'ordre , n'étoit pas de tranchée , & il n'y avoit pass
ce jour- là un feul Soldat du Régiment de Saintonge
qui fût de fervice.
DE FRANCE.
203
LA RÉPARATION , Conte.
DORMENON reçut un jour de fon frère la
23
"
1
Lettre fuivante : « Je vous ai demandé votre
fils ; vous me l'avez confié dès la plus
tendre enfance . Avant de le nommer mon
» héritier, j'ai voulu m'en faire un ami ; doué
» d'un coeur tout paternel , j'ai voulu me
donner ce que m'avoit refufé la Nature
un fils que je puffe aimer. J'ai defiré
» l'avoir tout jeune auprès de moi , voir fes
» organes fe développer fous mes yeux , &
» l'accoutumer , par de longs bienfaits , à
» voir en moi , non pas un oncle riche
"
"
1
mais un père tendre. Vous avez cédé à
» mes inftances ; vous vous êtes féparé de ce
» que vous aviez de plus cher au monde ; &
» mettant cent lieues entre votre fils &
» vous , vous avez cru avoir fait au moins le
bonheur d'un frère. Eh bien , mon frère ,
» mon ami , nos efpérances font trompées.
C'est un aveu que j'ai retardé plufieurs
années , parce que j'ai preffenti le chagrin.
» qu'il vous cauferoit. Mais je ne peux le
différer plus long - temps ; Merfeuil eft
indigne de vous & de moi ; & fa con-.
» duite paffée ne me laiffe plus aucun espoir
» pour l'avenir. Je ne vous parle point des
» torts de fon enfance ; les défauts , à cette
époque , font plutôt attribués à l'âge qu'au
caractère. Que dis je ? fon extrême viva
ود
93
Ivj
204
MERCURE
ور
30
"
» cité me fembloit le gage & les prémices
» de fon efprit ; je ne voyois dans fon indo-
» cilité qu'un noble orgueil : en adoptant le
» titre de père , j'en avois contracté les
» foibleffes. Et il faut l'avouer auffi , les défauts
de Merfeuil avoient un éclat fait
pour féduire. J'étois aveugle ; que ne m'eſt-
» il permis de l'être encore ! Il ne me quitte
plus fans me laiffer dans les plus vives
» alarmes. En proie à toutes les paffions de
» fon âge , il y porte une effervescence que
» la raiſon ni l'autorité ne peuvent calmer ;
enfin , il ne ſe paffe pas un feul jour qui
» ne mette en péril & fa fortune & ſa ſanté.
» Ni mes chagrins ni les fiens propres n'in- » Ni
fluent fur fa conduite ; & il eft à chaque
» inftant puni , fans être corrigé. Je fens que
» je déchire votre coeur ; mais le mien a
long - temps faigné avant que j'aie pu me
réfoudre à rompre le filence. Il me refte
» encore un espoir , c'eft vous . Écrivez - lui ;
» faites parler le coeur & l'autorité d'un
père. Si ce dernier effort ( & je le crains )
» ne nous réuffit point , je renonce à toutes
» mes espérances ; je vous rends un préfent
qui fera funefte à tous deux ; car on ne
change point de coeur en fe déplaçant ; &
» j'aurai ce malheur encore , de ne pouvoir
» me défaire d'un neveu ingrat , fans être
prefque sûr de vous charger d'un fils dé-
» naturé.
ود
"
و د
"
"
»
ور
Cette Lettre plongea Dorménon dans le
plus violent chagrin. Il poffédoit à Lyon une
DE FRANCE.
205
fortune bornée qu'il avoit mife dans le commerce
. Il n'avoit que ce fils , qu'il aimoit
tendrement ; & pour lui affurer un riche
héritage , il l'avoit envoyé à Paris auprès de
fon frère . Ce facrifice rendoit plus amer le
fentiment de les maux. Peut être même un
refte d'illufion , qui ne quitte guère un coeur
paternel , lui perfuadoit que fi fon fils étoit
demeuré fous les yeux , il eût été plus fidèle à
fon devoir. Il lui en coûtoit moins pour accufer
le fort , que pour condamner fon fils.
Cependant il avoit befoin d'un coeur
pour y épancher tant de chagrins. Il va trouver
Florimel , qui étoit moins fon affocié
que fon ami ; ils habitoient enſemble ; &
ils étoient plus unis par leurs fentimens que
par leur commerce. Après s'être affligés d'un
malheur qui leur devenoit commun par
l'amitié , Dorménon écrivit à Merfeuil. Merfeuil
reçut la Lettre , pleura peut être en la
lifant , & ne changea rien à fa conduite.
C'étoit un des agréables du jour ; il en avoit
toutes les grâces & tous les ridicules . Il fit
de groffes pertes au jeu , joua des tours fanglans
aux femmes ; fes pertes l'engarèrent
dans des actions que l'honneur condamnoit;
fes tours fanglans lui firent des affaires;
& il expofa plufieurs fois le repos de fes
parens & fa propre vie , pour des objets
qu'il méprifoit. Les prières , les menaces de
fon oncle ne portoient qu'un vain bruit à
fes oreilles ; & les Lettres de fon père ne lui
parurent bientôt plus que de ridicules dé
206 MERCURE
clamations. Eh ! comment corriger un fat ?
It fire vanité des égaremens qu'on lui reproche.
L'entrée de toutes les maifons honnêtes
lui fut fermée. Les uns étoient indignés , les
autres le plaignoient , perfonne n'ofoit le
recevoir. Enfin il alla fi loin , que l'autorité:
des loix crut devoir s'armer contre fon inconduite
; l'une de fes actions fut dénoncée ,
empoisonnée peut- être par des ennemis ; &
bientôt cet exil , dont il avoit été fi ſouvent :
menacé par fon oncle , devint fa reffource
unique & fon feul moyen d'impunité. Forcé
de s'enfuir , abandonné par fon oncle , n'o--
fant reparoître devant fon père , quel afyle:
ira t'il chercher ? Quel fecours implorera-:
t'il ? Il ne voyoit d'autre perfpective que la :
misère & l'humiliation. Ce tableau étoit .
d'autant plus effrayant pour lui , que la for-:
tune & la confidération dont fon oncle jouiffoit
, ne lui avoient laiffe connoître encore .
que l'aifance de la richelfe & les jouiffances
d'amour - propre . En raffemblant d'un coupd'oeil
fon état préſent , fa fortune paffée , &
ce qu'il devoit attendre de l'avenir , il refta
un moment comme accablé fous le poids de
fes douleurs ; mais bientôt recueillant toutes
les forces de fon âme , il conçut un projet
qui étonnera peut - être.
Quand , par les égaremens de fa jeuneſſe
l'homme a perdu fon bien être , & , ce qui
eft plus effrayant encore , l'eftime publique ,
alors le fort de fa vie entière dépend de la
première réfolution qu'il embraſſe ; & cette
DE FRANCE. 207*
première réfolution eft déterminée par fon
caractère particulier. Alors celui qui eft né
foible , même avec l'amour des chofes honnêtes
, ne trouve aucune reſſource en lui-:
même, il ne fait oppofer à fes malheurs
que des larmes & de vains regrets. Le remords
qui le pourfuit est toujours fuivi du
découragement ; il fent le repentir de fest
fautes , fans avoir la force de les réparer.
Dès qu'il s'apperçoit qu'il a perdu l'eftime
des hommes , il eft effrayé des efforts qu'il
lui faudroit faire pour la recouvrer ; & le
defefpoir d'éviter la honte fait qu'il s'y dé
voue volontairement. Celui que le ciel , au
contraire , a doué d'une âme énergique , n'a
pas plutôt vû l'abîme où fes paffions l'ont
précipité , qu'il s'indigne des obftacles qui l'y
enchaînent ; le remords ne lui apprend pas
feulement à pleurer fes fautes , il le pouffe
à les effacer ; il ne cherche point cette phi
lofophie qui fait fupporter les malheurs ,
mais le courage qui fait les vaincre. C'eſt
par- là que des hommes célèbres dans l'hiftoire
, après avoir traîné leur jeuneffe dans
le fentier même du vice , font parvenus
enfin à la gloire qui accompagne la vertu.
Cette fermeté active , qui eft prefque tou
jours couronnée par le fuccès , étoit dans
l'âme de Merfeuil. Ses yeux n'étoient plus
couverts du bandeau de l'illufion ; il vit fon
inconduite avec les yeux de la raifon & de
l'équité ; il s'avona juftement puni ; il fentit .
qu'il avoit mérité l'abandon de les parens &
+
208 MERCURE
le mépris des hommes vertueux ; mais il crut
que ne faire aucun effort pour s'y fouftraire ,,
c'étoit les mériter deux fois . Puni par les
malheur , corrigé par le repentir , il com- .
mença par vouloir recouvrer fa propre ef- :
time. Le mouvement le plus naturel , peutêtre
, à fa fituation , étoit d'aller ſe jeter aux
pieds de fon père ; mais il ne vouloit pas demander
fa grâce , il vouloit la mériter. Les
talens divers qu'on ne lui avoit procurés que
pour fon amuſement , il les fit fervir à fes
befoins. Il parcourut plufieurs villes de la
Province fous un nom étranger ; il ajoutoit
par l'étude aux connoiffances qu'il avoit
déjà ; mais il entroit fur tout dans ſes vûes
de s'inftruire dans l'art du Commerçant.
1
Déjà quelques années s'étoient écoulées
depuis qu'il avoit quitté la maifon de fon
oncle. Son père , averti de fes déportemens
& de fa fuite , avoit prefque renoncé à l'eſpérance
de le revoir ; mais il n'étoit pas encore
confolé de fa perte. Il avoit condamné
fon fils , & il le pleuroit encore. Il n'avoit
d'autre confolation que l'amitié de Florimel,
qui avoit ceffé de lui parler de fon fils , &
qui cherchoit à le lui faire oublier. Ce Florimel
étoit un bonhomme , qui avoit peu
d'efprit , mais un bon coeur. Son intelligence
fe bornoit à la feience de fon commerce
, qu'il favoit faire profpérer fans man--
quer à la probité la plus rigoureufe. Il étoit
refté veuf de bonne heure avec une fille de
ſeize ans , qui , à la franchiſe qu'elle avoit
DE FRANCE. 209
héritée de fon père , joignoit la pudeur qui
appartient à fon fexe , & la timidité qui eft
naturelle à fon âge . Aux charmes de fa figure
fe réuniffoit la grâce qui embellit la plus
jolie femme , & cette fleur d'efprit qui double
le pouvoir de la beauté. Marianne ( c'eft
ainfi qu'on l'appeloit ) partageoit fes foins
entre fon père & Dorménon qui l'aimoit
tendrement , & qui tâchoit de retrouver en
elle le fils qu'il avoit perdu .
Les chofes en étoient là , quand Merfeuil,
bien différent de ce qu'il étoit chez fon oncle
, bien appauvri , mais bien changé de
moeurs & de principes , revint dans la ville
que fon père habitoit. Il fit plus ; toujours
fidèle au voeu qu'il avoit formé , d'expier &
de réparer fon inconduite , il s'étoit promis
de pénétrer jufques dans la maifon paternelle
. Mais il ne vouloit pas s'y préfenter
comme un fils coupable , amené par le repentir.
Peut- être pouvoit - il fe flatter d'obtenir
grâce aux yeux d'un père qui n'avoit
pas été témoin de fes égaremens ; mais moins
jaloux d'être pardonné que de mériter fon
pardon , il vouloit prouver par des faits que
fon coeur étoit changé , & acquérir des droits
effectifs à la clémence paternelle.
Il ne faut pas oublier ici que Merfeuil
ayant été éloigné de fon père dès fa première
enfance , ne devoit pas en être reconnu.
Cette circonftance favorifoit fon
projet ; & il ne négligea rien pour le faire
réuffir. Je n'entrerai point dans le détail de
210 MERCURE
tous les refforts qu'il employa. Il faffita de
rappeler ici qu'il avoit férieufement travaillé
à s'inftruire de l'art du négoce ; & d'ajouter
que fous le nom qu'il avoit adopté , il s'y
étoit fait une réputation , & que , recommandé
de ville en ville , il eut le bonheur:
d'arriver jufqu'auprès de Florimel , qui avoit
alors befoin d'un Commis. Merfeuil fut.
charmé de cet heureux hafard ; mais j'ai dit
que Florimel & Dorménon vivoient enfeinble,
& ce ne fut pas fans frémir que Merfeuil
mit le pied dans leur maiſon . It
fut un peu raffuré par l'accueil qu'on lui fit.
Sa phyfionomie prévint d'abord . Il étoit naturellement
beau & bien fait ; & quoiqu'il
fût un peu changé par fes chagrins , & même
par fes plaifirs , il étoit encore affez bien
pour plaire par les feuls agrémens de fa
figure. Il ne tarda pas à faire connoître fon
intelligence ; & l'on vit bien que ſon habileté
fe trouveroit toujours au niveau des af
faires les plus délicates ; mais pour lui accorder
une entière confiance , il falloit des
titres plus effentiels ; & il ne tarda pas à less
acquérir. On mit , fans l'en avertir , fa probité
à l'épreuve ; elle n'eut pas de peine à
demeurer intacte ; fa fenfibilité ſe manifeſta
dans plufieurs occaſions ; & la délicateffe de
fes fentimens éclatoit encore plus dans fes
actions que dans fes difcours. Quant à fes
moeurs , elles ne furent pas foupçonnées un
feul moment. Ces qualités lui acquirent l'ef
time des deux pères ; & à ce fentiment ſe joi
DE FRANCE. 211
gnit bientôt l'amitié. Des coniplaifances fans
baffefle , des égards fans affectation , cette
politeffe qui eft un befoin du coeur , & non
une coquetterie de l'efprit ; tout concourut
à le faire aimer de Dorménon & de Florimel.
Il entroit toujours dans la confidence
de leurs affaires & il partageoit tous leurs
plaifirs. O comme le premier met affectueux
que lui adreffa Dorménon fans le connoître ,
toucha fon coeur. Comme il étoit confolé !
comme il fentoit fes remords s'appaifer ! il
lui fembloit au moins que chaque louange
que fon père lui donnoit , effaçoit une des
fautes de fa jeuneſſe.
r
Cependant la conduite de Merfeuil , en
obrenant l'eftime de Dorménon , renouveloit
fes chagrins paternels. Il comparoit le
jenne Sérigny ( c'eft le nom qu'avoit pris
Merfeuil ) à ce fils qu'il croyoit perdu , & il
geminion. Un jour que cette idée , trop préfente
à fon imagination , peignoit la doulcus
fur fon vifage , le fenfible Merfeuil ● fa lui ›
demander s'il avoit quelque chagrin . Qui ,
mon ami , lui répondit Dorménon , & ce
chagrin ne finira qu'avec ma vie. J'eus un
fils autrefois ; mais tous les pères ne font pas
heureux. Vous pleurez , m'avez- vous dit ,
un père tendre. O cruelle bizarrerie du fort !
il n'est plus celui qui pourroit être heureux
par le fpectacle des vertus de fon fils ; &
moi, moi , je vis encore ! A ces mots fes
larmes coulèrent fur la main de Merfeuil
qu'il avoit prife , & qu'il ferroit affectueu
212 MERCURE
fement. Merfeuil fentit alors fa poitrine fe
gonfler , & fes larmes coulèrent malgré lui .
Dorménon , charmé d'un attendriffement
dont il ne foupçonne point la caufe , l'embraffe
avet tranfport , & leurs larmes fe confondent.
On fe figure fans doute la douce
joie de Merfeuil , quand il fe fentit dans les
bras de fon père. Il eut de la peine à garder
fon fecret ; mais il craignit de perdre tout
fon mérite en fe nommant ; il ne croyoit
pas encore avoir mérité fon pardon .
Cependant les affaires des deux amis
étoient de beaucoup améliorées depuis que
Merfeuil étoit entré dans leur maifon. Ils ne
fe diffimuloient pas que c'étoit à fes foins
qu'ils en étoient redevables . Ils crurent devoir
l'en récompenfer , & ils l'intérefsèrent
dans leur commerce. Cette faveur le flatta
infiniment , non comme un moyen de fortune,
mais comme le témoignage & le garant
d'une amitié qui lui étoit chère & précieuſe.
1915
Une maladie qui furvint quelques jours après
à Dorménon , alarma la tendreffe de Mer-.
feuil , & fit connoître encore mieux fa
fenfibilité. Toutes les heures qu'il n'étoit
pas obligé de donner à fon devoir , il les
paffoit auprès du lit de fon père. Sous prétexte
qu'il favoit un peu de Médecine , il
préparoit lui même tous les remèdes qu'on
ordonnoir, & ne vouloit pas fouffrir qu'un
autre les lui préfentât . Il le foignoit le jour
le veilloit la nuit ; & fi cette maladie eût
>
DE FRANCE. 213
.
duré plus longtemps , il fût devenu malade
lui- même , & de fatigue & de chagrin.
Tout cela ne faifoit qu'augmenter de jour en
jour la tendreffe que Dorménon avoit pour
Merfeuil. Il auroit voulu ne pas le quitter
un moment ; & il fe plaifoit à lui ouvrir ſon
coeur , à lui parler de fes chagrins. Pourquoi,
lui difoit- il quelquefois en le regardant tendrement
, le ciel ne m'a t'il pas permis d'être
votre père ? Je ferois fi heureux ! Alors il lui
racontoit les égaremens de fon fils . Ce récit
puniffoit , affligeoit Merfeuil ; mais les careffes
qui l'accompagnoient , le confoloient
auffi tôt. Combien de fois fut - il fur le point
de fe découvrir ! mais la crainte venoit toujours
l'arrêter. Non , fe difoit- il , reftons
tel que je fuis , puiſqu'ainſi je ſuis heureux.
Eh ! pourquoi rappeler ce que j'ai été , quand
je voudrois l'oublier moi - même ? J'ai l'eftiine
& l'amitié de mon père , pourquoi hafarder
l'une & l'autre Sérigny eft aimé ,
eftimé ; Merfeuil feroit haï peut- être. Après
cela il redoubloit d'attentions auprès de
Dorménon , & il fe confoloit du déplaifir de
ne pouvoir l'appeler mon père , en lui ren-.
dant tous les devoirs d'un fils . Telle eft la vie
que menoit Merfeuil ; elle ne s'écouloit
point dans le bruit & dans les plaiſirs , &
fon coeur la préféroit à ces jours de tumulte
& d'éclat qui l'avoient rendu coupable.
Mais ce coeur , pour être changé , n'étoit
pas devenu infenfible ; l'amitié , l'amour
même y avoit confervé fes droits . Il voyoit,
$124
MERCURE
il entendoit trop fouvent la jeune Marianne ,
pour n'être pas touché de fa beauté & des
charmes de fon efprit. Il avoit effayé d'arrêter
les progrès de cette paffion dans fa naiffance
; mais comment pouvoit - il éteindre
fon amour , quand il étoit obligé de voir à
chaque inftant celle qui pouvoit le rallumer
d'un coup- d'oeil ? D'ailleurs , outre que la
confcience de ce qu'il étoit né , fervoit à l'enhardir
, Florimel lui avoit laiffé entrevoir
plus d'une fois qu'il ne feroit pas fâché de
le voir plaire à fa fille . Il n'en falloit pas tant
pour encourager un coeur ardent & amoureux.
Il ofa donc fe livrer aux douces impreffions
de l'amour ; mais ce Merfeuil , cet audacieux
conquérant, pour qui une déclaration
amoureufe n'étoit autrefois qu'un jeu , il ofe
à peine aujourd'hui laiffer parler les regards.
Ils furent pourtant affez expreflifs pour fe
faire entendre , & affez timides pour intéref
fer. Merfeuil étoit aufli aimable que fa conduire
étoit honnête. Sa morale étoit pure
fans être fauvage , & il avoit de la vertu fans
pédanterie. Il poffedoit plufieurs talens ; la
danfe , la mufique , pluſieurs inftrumens &
le deffin ; tout cela formoit une féduction
d'autant plus puiffante , qu'il avoit l'air d'en
faire ufage pour amufer , fans y chercher un
moyen de plaire. Enfin , (oit que Marianne
regardât les talens de Merfeuil , & la diſtinction
qu'on lui avoit accordée , comme un
équivalent à la fortune qui lui manquoit ,
foit qu'elle eût deviné là- deffus les difpofiDE
FRANCE. 215
tions de fon père , foit enfin qu'elle eût plutôt
écouté fon coeur que fa raifon , Merfeuil
obtint l'aveu d'un amour qu'il avoit peutêtre
infpiré avant d'avoir ofé déclarer le
fien.
Dès que leurs deux coeurs fe furent expliqués
, quel charme fe répandit fur tous
lears entretiens ! l'amour de Marianne fembloit
augmenté par l'aveu qu'elle en avoit
fait ; & la naïveté de fon caractère y ajoutoit
un intérêt nouveau. Son efprit & fon coeur
avoient des grâces que Merfeuil n'avoit
point connues , qui ne fe trouvoient point
ailleurs . Enfin , elle mettoit dans l'expreflion
de fes fentimens une franchiſe ingénue , qui
favoit tout- à- la - fois enflammer le defir &
infpirer le refpect.
J'aurois pu dire déjà que de tout temps
les deux pères avoient projeté de refferrer
les noeuds de leur amitié par l'hymen de Merfeuil
& de Marianne. On les en avoit infor .
més l'un & l'autre ; & avant d'être inftruit
de la conduite de Merfeuil , Dorménon avoit
cru devoir lui en parler plufieurs fois dans
fes Lettres . Comme Merfeuil étoit déjà jeté
dans le tourbillon des jeunes gens de fon âge ,
il en avoit pris le langage ordinaire ; il lui
avoit répondu qu'il étoit bien jeune pour
fonger au mariage , & que d'ailleurs il fentoit
beaucoup de goût pour le célibat. Dorménon
avoit infifté ; Merfeuil , dans l'ivreffe de la diffipation
, s'étoit même permis fur le compte
de Marianne des traits de légèreté , de fa216
MERCURE
tuité même ; & en plaifantant fur fa beauté ,
qu'il ne connoiffoit pas , il avoit , comme le
Dorante du Méchant , parlé de ſes beaux
yeux de Province. Cette infulte avoit été réparée
depuis par fon amour refpectueux , &
expiée par fon repentir ; mais Marianne, dans
le temps , ayant furpris une de ces Lettres ,
fon amour propre en avoit été juftement offenfe
, & elle gardoit la Lettre, peut - être pour
s'en faire un titre de refus , fi l'on vouloit un
jour l'obliger d'épouſer Merfeuil.
-
Un foir , comme nos deux amans s'entretenoient
feuls de ce qui fe paffoit dans leur
coeur , Marianne apprit à Merfeuil ce qu'il
favoit au moins auffi bien qu'elle ; qu'on
avoit promis fa main au fils de Dorménon ;
mais que ce fils , par fon inconduite , avoit
mérité la colère de fon oncle & de fon père ;
& que même , depuis long- tems , il avoit dif
paru tout- à- fait . Mais , lui dit Merfeuil avec
une espèce de tremblement , fi ce fils revenoit
un jour , votre coeur.....
Oh! non ,
interrompit Marianne , il ne reviendra point,
on le croit mort ; & d'ailleurs quand je pourrois
difpofer de mon coeur , il fe l'eft fermé
par fa conduite & par des affronts , que je
ne lui pardonnerai jamais. Ces mots firent
frémir le tendre Merfeuil ; & la naïve Marianne
lui montrant la Lettre qu'elle avoit
furprife : tenez , lui dit- elle , voyez comme
il me traite ! moi , qui ne lui avois jamais
rien fait ; moi , qu'il devoit époufer ! Non ,
ajouta-t'elle , je ne fuis point méchante ; mais
je
DE FRANCE.
217
Je n'épouferai jamais un homme qui m'a
méprilée, Merfeuil reconnut bien cette Lettre
fatale ; il eût voulu effacer avec fes larmes
, laver de fon propre fang ces affreux caractères.
Ce fut de bien bon coeur qu'il traita
de blafphêmes ces coupables plaifanteries.
Son coeur ( la crainte accompagne toujours
l'amour ) étoit en proie aux plus vives alarmes
; il regardoit le difcours de Marianne
comme un arrêt qu'elle venoit de
prononcer contre lui. Il ne répondit que
des mots entre coupés & fans fuite ; &
tout ce qu'il put prononcer d'intelligible ,
ce fut: ah! belle Marianne ! fes remords ont
fans doute expié fon crime ; & il eft affez
puni s'il a perdu l'efpoir de vous poffèder .
Allons , reprit Marianne , ne parlons plus
de cette Lettre qui nous afflige tous deux.
·
Enfin , un jour ( & c'étoit un beau jour )
Florimel , après avoir confulté Dorménon ,
fit appeler Merfeuil , & lui propoſa la main
de fa fille. Merfeuil accepta cette offre avec
des tranfports de reconnoiffance , & il fut
décidé que le jour même on figneroit le
contrar. Le foir , quand on fe fut raffemblé
pour mander le Notaire & quelques témoins,
Merfeuil, prêt à donner fa fignature, ne crut
pás pouvoir garder plus long- temps l'incognito
, & il trembloit de le quitter. Jamais
il n'avoit fenti tant de trouble & d'effroi ; fa
trifteffe fut même remarquée , & on lui en
demanda la caufe. O mes Bienfaiteurs , leur
dit- il , pardonnez fi la trifteffe ſemble me
N°. 13 , 29 Mars 1783 .
K
218 MERCURE
·
poursuivre au moment le plus heureux de
ma vie. Il manque à mon bonheur un confentement...
Quel confentement, interrompit
Florimel ? Celui d'un tuteur ? Vous êtes orphelin.
Quoi , demanda preſque en mêmetemps
Dorménon , auriez vous un père ? Je
l'ignore , Monfieur , s'écria Merfeuil en fe
jetant à fes pieds , j'ignore s'il me refte un
père. C'eſt à vous feul à me l'apprendre.
Vous voyez ce coupable Merfeuil qui a mérité
votre colère & votre abandon . J'ai
voulu commencer une nouvelle carrière ,
me punir de mes fautes , les expier. Vous
m'avez vû , non tel que j'étois , mais tel que
je ferai toute ma vie. En parlant ainfi il le
regardoit en fondant en larmes , & dans l'attitude
d'un homme qui attend la vie ou la
mort. Dorménon avoit eu le temps de revenir
de fa furpriſe en l'écoutant . Son coeur
ne peut réfifter à ce fpectacle ; il tombe dans
les bras de Merfeuil , l'avrofe de fes larmes ,
& non content de lui pardonner , ce bon
père le remercie encore de lui avoir rendu
fon fils . Florimel mêla fes larmes à celles de
fon ami & de fon gendre ; Marianne brûla
bien vite fa lettre ; le mariage fut célébré
comme un événement qui faifoit quatre
heureuxà la fois ; & le bonhomme d'oncle ,
qui apprit cette nouvelle avec autant de furprife
que de plaifir , affura toute la fortune
aux deux époux,
( Par M. Imbert:)
DE FRANCE. 219
COUPLETS à Mlle DE GAUDIN l'aînée ,
à laquelle j'avois promis de faire une
Satyre à fon fujet , en la défiant d'y
répondre.
AIR : Mon petit coeur à chaque inftant foupire.
1
Je t'ai promis , Áglaure , une Satyre ;
Mais c'eſt en vain , tu ne peux l'inſpirer ;
Qui peut t'entendre , ou qui te voit fourire ,
Perd tout efpoir de jamais cenſurer :
Ou bien il faut qu'à la Mufe légère
Phébus accorde , afin de s'acquitter ,
Ce qu'aujourd'hui nos Ecrivains n'ont guère ,
L'heureux talent de plaire & d'inventer . bis.
LORSQUE par fois , fous ta gaze mi- cloſe ,
En tapinois nos regards éblouis
Comptent les lys en cherchant une rofe ,
Qui ne croit voir les charmes de Cypris ?
Ton fexe feul a befoin d'en médire ;
Mais parmi nous crois qu'il n'en eft aucun
Qui puifle alors s'occuper de fatyre ,
Ou ce feroit contre un voile importun. bis.
PUISQUE la haine en tous lieux fuit fes traces ,
D'un Satyrique abjurons donc l'emploi ;
Va , l'ennemi des Talens & des Grâces
Kij
220 MERCURE
Peut feul , Aglaure , écrire contre toi :
Comme ta foeur , tu fais plaire & féduire ;
Vous poffédez mille agrémens divers :
Pour moi , j'ai beau condamner la fatyre ,
Je n'en fuis pas moins jaloux de ſes vers. bis.
( Par M. Damas. )
Explication des Charades , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la première Charade eft Charrade
; celui de la 2. eft Orange; celui de la
3. eft Courage; celui de l'Enigme eft Mari ;
celui du Logogryphe eft Gloire', où le trouvent
Loire , loir, oie , loi , Roi , Eloi , lyre ,
rôle , loge , or , rigole , ré , gril , lie.
JE
ÉNIGM E.
E fuis jeune , je fuis vieux.
"
J'ai la prudence en partage.
Mon coeur pur brûle des feux
D'un Hymen dont plus d'un gage
Me fait chérir les doux noeuds ,
Aufli dit-on , en tous lieux
Que Salomon fut moins fage.
Chez moi , j'ai de l'esclavage
Brifé le joug odieux.
Le calme , fous d'autres cieux ,
DE FRANCE. 221
Par moi fuccède à l'orage.
Un accufé vertueux
Mouroit faute de courage ,
Niant trop tard des aveux
Arrachés par un outrage
Et des tourmens douloureux.
J'ai fait, Neftor à mon âge ,
Ceffer ces moyens douteux
Qu'un fenfible Aréopage
Reprochoit à nos aïeux.
On me verroit glorieux
Du fuccès de mon Ouvrage ,
S'il ne manquoit à mes voeux
De changer le bien en mieux ;
Mais l'avenir m'encourage.
Quand j'aurai fait plus d'heureux ,
Je le ferai davantage.
( Par M. Félix- Nogaret. )
LOGOGRYPHE.
JE fuis avec fept piés un animal utile ;
Retranche le premier , j'offre au Sage un aſyle,
( Par M. Saint-Gervais , Officier au Régim.
de Picardie , Infanterie. )
Kiil
222 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
LES Quatre Ages de l'Homme , Poëme.
A Paris , chez Moutard , Imprimeur-
Libraire de la Reine , rue des Mathurins ,
hôtel de Cluni.
IL eft certain que le ſujet de ce Poëme eſt
un des plus heureux qu'on ait pu choilir.
Horace, Defpréaux & Rouffeau ont laiffé une
efquiffe des Quatre Ages de l'Homme ; mais
nous ne connoiffons aucun Poëme où l'on
ait développé ce tableau intéreffant . Il offre
au Poëte un fonds inépuifable de variété ; on
peut y parler également à l'efprit , au coeur
& à l'imagination . Mais fi un fujet trop pauvre
peut glacer le génie poétique , un ſujet
trop riche a bien fes dangers auffi . Outre
qu'il impofe une tâche auffi pénible que
difficile , le Lecteur , qui mefure fes prétentions
à la richeffe du fujet , devient plus
févère & plus exigeant ; quelquefois il eft
plus facile & moins dangereux de féconder
un fujet ftérile , que de choisir & diftribuer
des richeffes qu'on trouve abondamment
fous fa main. C'eft peut - être cette feule réflexion
qui a jufqu'ici empêché nos bons
Poëtes de traiter les Quatre âges de l'Homme.
Peut-être ils n'ont fait que craindre ce fujet ,
quand on s'imagine qu'il leur eft échappé.
DE FRANCE.
223
Cette confidération n'a pas arrêté l'Auteur
du Poëme que nous annonçons au Public.
Ce feroit le flatter que de lui dire qu'il
a parfaitement rempli fon fujet ; mais il y
auroit peut -être autant d'injuftice à ne pas
reconnoître un véritable talent dans fon
Ouvrage.
Ce Poëme eft en quatre Chants , comme
le titre l'annonce , comme le fujet le prefcrit.
Dans le premier , le Poëte peint l'enfant
au berceau ; & il s'élève contre l'ufage
meurtrier où l'on eft, où l'on étoit fur- tout ,
de l'emmailloter. Les craintes qu'il témoigne
fur la fanté du nourriffon , l'amènent naturellement
à parler de la petite vérole. On
lira avec plaifir quelques traits de la peinture
de ce redoutable fléau :
Fuyez fur-tout , fuyez ce mal contagieux ,
Dont l'approche eft funefte & l'afpect feul hideux ;
Qui , fatal à l'enfant , chez le vieillard s'irrite ,
Et qu'avant de mourir rarement l'homme évite.
Sans s'épurer jamais , fon fouffle empoisonné
·Dans le fang qu'il aigrit fermente emprisonné ;
Le friffon , le dégoût annoncent, fa présence ,
Et für un front livide ont peint la défaillance ;
La fe tend , s'élève , & , plus vive en couleur ,
peau
Du feu qu'elle contient décèle la chaleur ;
Mais le malexcité fortant avec furie ,
Défigure le corps s'il épargne la vie.
C'est à Vénus , implorée par Mirza , que
Kiv
224
MERCURE
le Potte attribue l'idée de l'inoculation.
Depuis , ajoute t'il ,
Depuis , dans ces climats cette pefte adoucie
S'eft dans fon propre piège elle -même affoupie ,
Et le mal n'eft armé que pour chaffer le mal.
Il fait une fortie contre l'ufage des nourrices
mercénaires , & il rappelle les dangers
qui menacent en pareil cas & la mère &
l'enfant. A ce tableau il oppofe celui d'une
mère qui nourrit fon enfant de fon propre
lait. On ne pouvoit guère abandonner cet
article important fans parler de Jean - Jacques
Rouffeau . Voici quelques vers que lui
adreffe le Poëte :
Homme tendre & fublime , ô toi , dont le mépris
Condamna nos erreurs dans tes fougueux Écrits ,
Que j'aime en t'écoutant certe fainte colère ,
Que tu fais retentir dans l'âme d'une mère !
Le cri de la Nature , & dont tu fus l'écho ,
Nous parut dans ta bouche un langage nouveau ;
La vérité fortit , & fà vive lumière
Long temps bleffa nos yeux qu'à préfent elle éclaire.
Puiffe donc fa clarté pénétrer tous les coeurs ,
Faire au milieu de nous revivre pour les meurs
Des époux plus foumis , des épouſes plus fages , &c.
L'enfant que la nourrice emmène dans fon
village , a fourni à l'Auteur une tirade où fe
trouvent des détails agréables , & qui fe termine
par une comparaifon heureuſement
exprimée :
*
DE FRANCE. 225
Cependant , exilé du fol qui l'a vû naître ,
L'enfant ouvre les yeux , & voit déjà paroître
Une foule d'objets qu'il ne diftingue pas.
La robuſte Lifen , qui le tient dans fes bras ,
En fixant fes regards a reçu fon hommage ,
D'un amour qui va naître , innocent témoignage ,
Et découvrant un fein que l'art n'a point gâté ,
Où fous un lin greffier refpire la fanté ,
Lui donne cette fois une ſeconde vie.
Ce don fi précieux l'un à l'autre les lie ;
Tous les deux , fatisfaits de cette illuſion ,
Vont fe prêter l'un l'autre à la féduction .
Tel un arbre choisi pour un nouvel uſage ,
A des fruits qu'il adopte offre fon tronc fauvage ,
Et ce fruit élevé dans fon fein généreux ,
Preffe amoureuſement fes rameaux orgueilleux.
Un tableau qui n'a pas dû échapper à l'Auteur
, c'eft celui du retour de l'enfant. La
mère court au- devant de lui avec des mouvemens
de joie :
O'mortelle douleur !
L'enfant , de cette ivreffe altère la douceur ;
Car en lui l'habitude abuſant la nature ,
Il ne l'appercevra qu'en lui faisant l'injure
De détourner la tête & de pouffer des cris ;
Elle frappe fes yeux fans frapper fes efprits.
Mais faut- il s'étonner , fi dans un tel myſtère ,
Le fein qui le nourrit eft celui qu'il préfère ?
K v
226 MERCURE
On cherche à le convaincre , on n'y réuffit pas.
Il demande fa mère en pleurant dans fes bras.
Ce dernier vers eft très- heureux.
Dans le fecond chant , le Poëte décrit les
jeux de fon élève. Celui du volant , à un mot
près , qui manque de jufteffe , eft heureuſement
exprimé :
Au milieu de leurs jeux , tel un liège emplumé ,
S'élance en pirouettant dans le vide animé ;
Et trompant le coup- d'oeil du joueur qui la guette ,
Vingt fois par un faux bond échappe à la raquette.
Après l'avoir fait promener fur la glace
après l'avoir conduit à la nâge , & lui avoir
fait furprendre dans fon nid la famille de la
fauvette ; c'est- à- dire , après avoir decrit les
plaifirs de fon élève , il retrace fes peines &
fa trifte fervitude. Un des morceaux les
mieux faits , fans doute , c'eft une peinture
fort gaie du Collège .
e
Dans un réduit obſcur , où la pédanterie
Loge avec la fottife & la caffarderie ,
Sous l'oeil d'un Magiſter , des pédans fubalternes
Répandent la terreur dans ces doctes caſernes :
C'eft-là qu'avec méthode on doit aller , venir ;
Qu'au coup de cloche il faut boire , manger , dormir,
Jouer ou travailler , ou jafer ou fe taire ;
C'eft-là qu'on parle Grec à la barbe d'Homère ;
Que maint Cicéron bâille en fon coin triftement ,
DE FRANCE 227
Du chagrin de fe voir trop près d'un rudiment ;
Etque Phèdre après lui traîne ſon commentaire :
Vous ne trouverez là Racine ni Molière ,
Ni ces Auteurs François , dont le vers bien écrit
Épure le difcours en amuſant l'eſprit.
( Il manque ici deux vers à rime féminine ;
c'eft un oubli de l'Auteur ou de l'Imprimeur.)
Mais on pourroit y voir le maître & fes grimauds ,
Un vieux Tacite en main , en traduire les mots ,
Ou d'un ton lamentable interprêter fans grâce
Les beautés de Virgile ou la gaîté d'Horace.
Là , mon lourdaut , bridé par fon génie étroit ,
Préparant à la troupe un travail mal - adroit ,
Vous met dans l'embarras de pouvoir reconnoître
Lequel eft le plus fort de l'élève ou du maître :
Toujours froid & pefant , c'eft avec dureté
Qu'il vient à cet enfant prêcher l'humanité , &c.
Quand on parle ainfi du Collége , on fait
fort bien de n'être plus en âge d'y retourner.
Il paroît que l'Auteur ne s'y eft pas infiniment
amuſé dans fa jeuneffe . Quelques perfonnes
trouveront la peinture qu'il en fait
un peu vive ; mais il a trop visiblement attaqué
les ridicules pédans, pour que les fages
Inftituteurs puiffent s'en offenfer.
Delà il paffe à la puberté ; &c , à quelques
négligences près , la peinture qu'il en fait
eft d'un ton vrai & ferme.
Superbe , & fe fentant fait pour donner des loix,
K vj
228
MERCURE
Il vient de s'éveiller pour la première fois ;
La majefté, la force ont chaffé la foibleffe ,
Et la virilité va parer fa jeuneffe.
A fa marche impoſante , à ſon geſte aſſuré ,
Les animaux ont fui d'un pas moins mefuré.
Devenus fes vaffaux en le voyant paroître ,
Tous ont été forcés de plier fous un maître.
Quelques-uns plus foumis ont accepté ſes fers ,
Et même les premiers au joug fe font offerts.
Lui-feul au-deffus d'eux levant la tête altière ,
Peut jeter fes regards fur la nature entière ;
Sa voix foible jadis , qui va fe décider ,
Annonce un être fier , & fait pour commander ;
Sa raison qui mûrit , déjà plus exercée ,
Fait dans un plus bel ordre éclore fa penſée ,
Et frappant fon cerveau de ſes feux les plus prompts ,
Dans un foyer plus pur épanche ſes rayons.
C'eft à cet âge que chaque détail du tableau
de la Nature lui imprime un fentiment.
Il reípire la vie avec trop d'abondance ,
Et voudroit au dehors porter fon exiſtence.
Dans le troifième Chant , le Poëte trace
le portrait des deux paffions qui fe partagent
notre coeur , l'amour & l'ambition.
Après avoir rappelé quelques malheurs caufés
par l'amour , il adoucit ce tableau par
celui d'un amant qui a furpris fa maîtraffe
au bain. Ce Chant eft terminé par
quelques vers fur l'ambition & fur l'amitié.
DE FRANCE. 229
Le quatrième traite des infirmités , & ſurtout
des défauts de la vieilleffe . Sans doute
il falloit peindre l'ennui que la vieilleffe
fouffre & caufe tout-à- la- fois ; mais il ne
faut pas retracer les défauts des vieillards
fans Faire plaindre leurs maux. Ce Chant ,
qui eft un peu monotone , auroit pu être,
plus intéreffant. Ce n'eft pas qu'on n'y trouve
des détails heureux qu'on liroit ici avec
plaifir ; mais ce que nous avons déjà cité
doit fuffire pour faire apprécier le ftyle de
l'Auteur. On a dû s'appercevoir qu'il eft
ſouvent négligé ; mais on a dû remarquer
auffi qu'il y a toujours un ton de vérité , une
efpèce d'ingénuité attachante , & une fenfibilité
douce qui ſe répand fur tous les objets.
Il y a de ces vers heureux qui fe gravent
dans la mémoire. En parlant de l'embarras
de Clariffe , furpriſe au bain , il dit :
Et voulant trop cacher de roſes à la fois , &c.
Voici un détail bas , rendu heureuſement
& naturellement :
Ainfi dans nos jardins la plus vile matière
Sous nos yeux fe transforme en plante nourricière.
Après avoir dit que le bonheur n'eft pas de
vivre , mais de favoir vivre , l'Auteur ajoute
avec grâce :
Car ces Dieux de la Fable , autrefois fi fameux ,
Étoient tous immortels , & n'étoient pas heureux !
On les voyoit au ciel former des entrepriſes ;
Et, tout Dieux qu'ils étoient, payer cher leurs fotifes .
230 MERCURE
Quelquefois l'expreffion eft noble & poétique
, comme dans ces vers où le Poëte ſe
plaint qu'on n'élève pas des monumens funèbres
aux Héros & aux Sages :
En effet , a-t'on vû les races déſolées
Leur élever à tous d'auguftes mauſolées ?
Non , c'est au vice heureux que des marbres menteurs
Décernent lâchement ces ferviles honneurs.
Mais nous croyons devoir inviter l'Auteur
à ne pas fe négliger fur l'exactitude de la
langue.
Si le ton qu'on y met m'avertit quej'yfonge.
Avertir de & avertir que , offrent des fens
tout différens .
Forcée hors des canaux qui la tenoient foumife.
Hors eft afpiré ; & dès lors le vers eft trop
long d'une fyllabe.
N'y voyoit plas ni vent badiner fes bouquets ,
Ni , & c.
Badiner eft un verbe neutre , & par conféquent
fans régime.
Souviens-toi qu'aujourd'hui c'eft toi qui fus la caule.
On ne peut pas dire , tu fus aujourd'hui , on
doit dire tu as été.
Ces obfervations ne peuvent rien ôter à
l'eftime que doit infpirer l'Auteur de ce
Poëme. Le talent qui brille déjà dans fa
poéfie , prouve qu'il peut en corriger ailéDE
FRANCE. 231
ment les défauts. C'eft un de ces Poëmes quipromettent
plus qu'ils ne donnent , & qui
font penfer encore plus de bien du talent de
l'Auteur que de l'Ouvrage même.
VARIÉTÉS.
LETTRE de M. DUPONT au Rédacteur
du Mercure pour la partie des Pièces
Fugitives.
JE trouve dans le Mercure , Monfieur , quelques
vers de moi que vous avez jugé à propos d'y inférer ,
& je vous en remercie . Mais je trouve à la fin de ces
vers qu'ils font de l'Auteur d'une Traduction de
l'Ariofte, qui fe vend chez un tel Libraire , & je
vous avoue que je n'ai pas lû cette annotation fans un
fentiment de peine affez vif.
Je rends juſtice au motif qui vous la dictée , &
fuis convaincu que votre amitié a cru m'obliger.
J'aurois defiré qu'elle eût compris combien il importe
peu au Public que l'Auteur de vingt vers médiocres
qui feront oubliés demain l'ait encore été de
quatre ou cinq cent autres oubliés depuis long - temps.
Je ne me fuis nommé à la tête d'aucune traduction
de l'Ariofte . Perfonne ne peut donc affirmer qu'il en
exifte une de moi ; & quand j'aurois publiquement
avoué celle que vous m'attribuez , je me ferois bien
gardé de le rappeler au bout de deux ans.
«C'est mon Ouvrage ilfe vend chez Moutard. »
Senfible à la bienveillance que vous me témoi
gnez , je vous fupplierai donc , fi l'occafion s'en retrouvoit
jamais , de la manifefter d'une autre manière.
De tous les maux qui peuvent fondre fur un
homme, le plus cruel peut-être & le plus incurable ex
232 MERCURE
France eft le ridicule. C'eft certainement celui qu'il
faut le plus éviter pour foi-même , & craindre le plus
de communiquer à ſes amis.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Paris , le 15 Mars 1783 .
SPECTACLES.
COMÉDIE FRANÇOISE.
LE Lundi 17 de ce mois , on a joué , pour
la première fois , le Déjeûné interrompu
Comédie en deux Actes & en profe.
M. & Mme de Merval fe propoſent d'unir
leur fille Henriette & leur neveu Damis.
Celui - ci a voyagé pendant trois ans.
fous le nom de Dorval : il eft de retour.
Tandis qu'il voyageoit , un certain Marquis
nommé Valère , a vû Henriette , l'a lorgnée
fuivie , agacée ; enfin il eft parvenu à infpirer
quelque goût à la jeune perfonne. Ce'
Marquis n'eft qu'un fat fans délicateffe , &
qui a été beaucoup moins touché par les
charmes d'Henriette que par l'espoir d'épou
fer une riche héritière. Il étoit fur le point
de recevoir la main d'une Mme de Saint-
Lambert , dont il a fubjugué l'efprit ; il y
renonce , parce que la fortune de Mlle de
Merval eft plus confidérable que celle qu'il
convoitoit. C'est par l'entremile de Frontin
& de Marton , tous deux attachés au fervice
DE FRANCE. 233
de M. de Merval , que Valère veut faire expliquer
les intentions. On devine fes deffeins
, & l'on fe promet de le berner. On lui
propoſe de lui ménager un rendez- vous avec
Henriette ; c'eft le faux Dorval qui fe trouve à
ce rendez - vous. Le Marquis eft éloigné de
foupçonner que Damis foit fon rival , en
conféquence il lui parle de lui-même avec
beaucoup de légèreté , & explique tout naturellement
fes vûes. Damis feint de s'y
prêter ; il engage Valère à fe retirer dans fon
appartement pour y attendre l'inftant favorable.
M. & Mme de Merval fe rendent
dans le fallon pour déjeûner . Une lettre de
Mme de Saint- Lainbert leur apprend les
projets du Marquis . Leur étonnement eft
extrême. Marton , Frontin & Damis les inf
truifent de tout. On appelle le Marquis. A
l'afpect des parens d'Henriette , il croit d'abord
que tout s'eft arrangé en la faveur ;
l'explication le défabuſe ; il ſe retire en affectant
de plaifanter. Damis épouſe Mlle de
Merval.
Cette petite Comédie , qui n'a pas eu un
grand fuccès , a néanmoins obtenu des ap
plaudiffemens.On y a remarquéde l'efprit, une
teinte de philofophie douce & quelques détails
très agréables. La Scène entre Valère &
Damis a été goûtée généralement ; c'est la
meilleure de la Pièce. Une Dame eft l'Auteur
de cet Ouvrage. Nous propofons ici à
nos Auteurs galans , à ceux qui poſsèdent ou
croient pofféder tous les fecrets de l'urbanité
234
MERCURE
polémique, une question que nous voudrions
voir réfoudre. La voici. Lorfqu'une femme
entre dans la carrière des Lettres , quand elle
ne craint pas de defcendre dans l'arène poury
difputer la palme aux Écrivains d'un autre
fexe ; doit -on la juger avec les ménagemens ,
la complaifance , les égards que l'on accorde
à fon fexe dans d'autres circonftances , ou
ne faut- il la confidérer que comme un
Athlète littéraire? Si on répond à cette queftion
, nous faurons de quelle manière nous
devrons par la fuite nous expliquer fur des
productions telles que la Comédie dont
nous venons de parler .
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Mardi 18 Mars , on a donné la première
Repréfentation des Aveux difficiles ,
Comédie en un Acte & en vers , par M. le
Baron d'Eftat .
Le fonds de cet Ouvrage eft abfolument
le même que celui de la Comédie de M.
Vigée , dont nous avons rendu compte Numéro
11 de ce Journal. La différence que
l'on trouve entre quelques tuations des
deux Pièces , n'eft point affez marquée
pour qu'il foit poffible d'élever aucun doute
fur leur reffemblance générale. Qui de M.
le Baron d'Eftat ou de M. Vigée a les droits
les plus inconteftables à la propriété du
fujer? Voilà le point de la difficulté , & nous
DE FRANCE. 235
ne faurions le réfoudre. Il eft vraisemblable
que c'est pour
terminer la querelle des deux
Rivaux, qu'on s'eft avifé d'adreffer au Journal
de Paris une Lettre datée des ChampsÉlyfées
, & fignée Néricault Deftouches . Čet
Auteur comique y réclame le fonds des
Aveux difficiles , & citè fa Comédie de
l'Amour ufé , comme la fource où MM.
d'Eftat & Vigée ont puifé le fujet de leurs
Ouvrages . Le Secrétaire de Deftouches nous
permettra de lui obferver qu'il eft très- poffible
& même très - probable que fans avoir
aucun fouvenir de l'Amour ujé, on ait imaginé
l'intrigue des Aveux difficiles. Chez
Deftouches un vieux garçon & une vieille
fille ont projeté de s'époufer ; il y a vingtcinq
ans que la minute de leur contrat de
mariage eft reftée chez le Notaire. Ils ne
s'aiment plus , & rien de plus ordinaire qu'un
amour mort après vingt - cinq ans. Un amour
de cet âge feroit , pour me fervir d'une expreffion
de Fontenelle , le Mathufalem des
Amours. Un jeune homme & une jeune perfonne
ont fixé l'attention & les defirs le premier
de la vieille fille & la feconde du vieux
garçon. Après une fuite d'incidens , la plu
part d'un excellent comique , les deux jeunes
gens font unis , & les deux vieux amans
font trop heureux de fe reprendre . Ce n'eft
pas- là le fonds des Aveux difficiles , où , pour
F'y retrouver , il faut étrangement forcer les
rapprochemens. Deux jeunes gens , tous
deux aimables , tous deux faits pour plaire ,
236
MERCURE
qui ceffent de s'aimer parce que chacun
d'eux eft entraîné vers un autre objet , &
qui n'ofent fe faire l'aveu de leur inconftance
, qui en rougiffent , qui fentent , pour
ainfi dire , l'injuftice de leur coeur; ne fauroient
reffembler auxPerfonnages de l'Amour
ufé ni par le caractère , ni par la fituation ,
ni par l'attitude dramatique. A notre avis
Deftouches, n'a rien à réclamer ici. C'eft entre
MM. d'Eftat & Vigée qu'eſt tout le
débat.
La Comédie de M. d'Eftat n'a pas eu un
fuccès auffi décidé que celle de M. Vigée ,
parce qu'il y règne moins d'enſemble , que
la marche en eft moins sûre , & les Scènes
moins motivées ; néanmoins nous préférons la
Scène des Aveux de M. d'Eftat à celle de
M. Vigée. Ce n'eft pas qu'il n'y ait du mérite
dans celle- ci ; mais le moyen employé .
par M. Vigée , le ministère des Valets mis en
oeuvre pour déclarer l'inconftance mutuelle
des Amans , préfentoit moins de difficultés
que le reffort qui a été adopté par M.
d'Eftat. Cet Écrivain a placé fes Aveux dans
la bouche des deux rivaux , & ce moyen plus
délicat , plus fufceptible d'inconvéniens que
l'autre, a produit une Scène qui eft filée avec
affez d'adreffe , d'intelligence & de comique
pour faire honneur à M. d'Etat . Le ſtyle de
fon Rival a plus d'éclat , eft plus foutenu ;
le fien nous a paru plus naturel . Au total
cette dernière production de M. d'Eftat annonce
plus de talent que la Somnambule ne
DE FRANCE. 237
fembloit en promettre. Voilà le fruit de
l'étude , du travail & de l'expérience.
Dans le prochain Mercure , nous parlerons
du Corfaire , Comédie en trois Actes
& en vers , mêlée de mufique , repréſentée
avec fuccès , fur ce Théâtre , fur ce Théâtre , le 17 Mars.
ANNONCES ET NOTICES.
THEATRE choifs de Pierre Corneille , papier grand
raiſin ſuperfin d'Annonay. Prix , 36 livres broché en
carton.
M. Didot femble faire tous les jours de nouveaux
efforts, qui font toujours juftifiés par de nouveaux
fuccès. Cette fuperbe Édition de Corneille doit lui
faire le plus grand honneur par la beauté rare du
papier & du caractère. Ce premier Volume renferme
le Cid , Horace , Cinna , Polieucte , le Menteur ; le
fecond, qui paroîtra en Juillet , contiendra Pompée ,
Rodogune, Héraclius , Don Sanche , Nicomède &
Sertorius. On n'en tire que deux cent Exemplaires.
Le même Imprimeur vient de faire paroître la
Morale de Théophrafte , neuvième Volume de la
Collection des Moraliftes anciens , dédiée au Roi.
Prix , 4 livres broché ; le même , papier commun,
Prix , 1 liv. 10 fols .
Première & deuxième Vues des Environs de
Gaillon. Deux Eftampes gravées d'après Pillement ,
par Jean- Baptifte Racine , & dédiées à M. Campan
fils , Maître d'Hôtel de la Reine,
La Gravure de ces deux Tableaux intéreffans
doit faire honneur au talent de l'Artifte. Ces Etampes
fe vendent à Paris , chez M. Lebas , Graveur
du Roi , & aux Adreſſes ordinaires. Prix , 1 livre
10 fols chacune .
238 MERCURE
L'Affemblée au Sallon , peint à la gouache , par
N. Lavreince , Peintre du Roi de Suède , & de
l'Académie Royale de Stockholm , gravé par F.
Dequevauviller . A Paris , chez l'Auteur , rue Sainte-
Hyacinthe , la troisième porte- cochère à droite par
la Place S. Michel, Prix , 9 liv.
Cette Gravure eft d'un effet très agréable.
ÉTRENNES de la Vertu pour l'année 1783 ,
contenant les actions de bienfaiſance , de courage ,
d'humanité , &c. A Paris , chez Savoye , Libraire ,
rue S. Jacques.
Voici la deuxième année que paroît ce Recueil ,
qui peut devenir très - intéreſſant. Il renferme ,
d'après le plan adopté par l'Éditeur , 1º . les anecdotes
de l'année ; 2. d'autres faits plus anciens , &
qui méritent d'occuper une place dans ces Annales de
la Vertu.
LA Machine à élever l'eau par une corde fans
fin, perfectionnée par M. Campmas , Ingénieur-
Hydraulique. Prix, 3 liv. avec des Explications , &
livre 16 fols fans Explication . A Paris , chez
l'Auteur , rue Gît-le- coeur , hôtel S. Louis , près le
quai des Auguftins.
M. Campmas a obtenu du Roi le privilège de
faire débiter feul dans tout le Royaume les Machines
Hydrauliques qu'il fera graver. Il donnera
fucceffivement divers moyens d'appliquer les hommes
, les chevaux , le vent , le feu & les chûtes
d'eau au mouvement de cette Machine.
On trouve à Paris chez Dezauche , Géographe ,
Succeffeur des Sieurs de l'Ifle & Philippe Buache ,
rue des Noyers , 1º . Carte particulière & très- détaillée
du Royaume de Naples , en deux feuilles.
2. Carte de l'Ifle & Royaume de Sicile , par
DE FRANCE. 239
Guillaume de l'Ifle & Philippe Buache , Premiers
Géographes du Roi , & de l'Académie Royale des
Sciences. 3. Carte Générale de l'Italie & de la Sicile,
par les mêmes , nouvellement revues & augmentées
par Dezauche , Géographe. Prix , 1 liv. 5 fols chaque
feuille.
Li-
LETTRES fur la Danfe & fur les Ballets, nouvelle
Édition par M. Noverre , Penfionnaire du
Roi , un Volume in- 8 ° . de 368 pages , imprimé chez
Didot. Prix , 3 liv. 12 fols broché. Cet eftimable
Ouvrage fe vend chez la Veuve Deffain Junior ,
braire, quai des Auguftins , à la defcente du Pont-
Neuf , près la rue Dauphine. Elle vend auffi
les Impoftures innocentes , ou Point de Vue de
t'Opéra chez les Grecs , avec plufieurs Hiftoires des
Courtifannes Grecques , un Volume in- 16 , & les
nouveaux Contes des Fées entremêlés de quelques
Hiftoriettes pour fervir de fuite aux Bibliothèques
amufantes , &c. 2 Vol . in - 12 . Prix , 2 liv . 8 fols
brochés.
On voit toujours dans fon Cabinet de lecture
toutes les Feuilles politiques , étrangères & nationales
; pour le rendre toujours plus agréable & plus
recherché , elle vient d'y ajouter tous les Journaux
littéraires , les nouvelles Pièces de Théâtre en tout
genre , les Catalogues , Livres & Almanachs de
curiofité ou d'utilité journalière , les Édits , Arrêts ,
&c. On en trouve chez elle un Tableau imprimé
plus étendu qui préfente d'un coup- d'oeil les jours
où tous les Courriers arrivent , & où tous les Ouvrages
fe lifent. On s'y aboune non - feulement
pour les venir lire , mais encore pour les avoir chez
foi , foit à Paris , dans la Province ou à la Campagne.
JOURNAL de Harpe , troisième année , n . 3 ,
240
MERCURE
avec accompagnement de Violon ad libitum . Ce
Cahier contient trois Airs de chant de l'Embarras
des Richeffes & d'Amadis, les accompagnemens par
MM . J. P. Meyer , X *** & Petillot , & un
Rondo , par M. Meyer. Prix , 2 livres 8 fols. A
Paris , chez Leduc , rue Traverfière- Saint- Honoré ,
au Magafin de Mufique. Le prix de la foufcription
pour les douze Numéros eft de 15 livres pour
Paris & la Province , port franc. On trouvera à
la même adreſſe la première & la deuxième année.
Prix , Is liv. port franc.
HERBIER de la France. Le Numéro 3 ; de
cet intéreffant Ouvrage paroît actuellement , &
renferme la Pédiculaire des marais , Plante fufpecte
de la France , la Gratiole officinale , Plante
vénéneufe , le Ményante tréflé, Plante fufpecte ,
& le Champignon , appelé le Bolet rude . On foufcrit
toujours chez l'Auteur ( M. de Bulliard ) rue des
Poftes.
Pour les Annonces des Titres de la Gravure ,
de la Mufique & des Livres nouveaux , voyez les
Couvertures.
TABL E.
IMITATION de Claudien, Les Quatre Ages de l'Homme,
193 Poëme , 212
Lettreà M. Garat , 194 Lettre de M. Dupont au Ré-
La Réparation , Conte , 203 dacteur du Mercure , 231
Couplers à Mlle de Gaudin Comédie Françoise ,
219 Comédie Italienne,
Enigme & Logogriphe , 220 Annonces & Notices ,
l'aînée ,
J'AI lu
AP PROBATION.
232
234
239
I lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 29 Mars. Je n'y al
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion . A Paris ,
le 28 Mais 1783. GUIDI
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
DANEMARCK.
De COPENHAGUE , le 28 Janvier.
Il ouvertpinein S.hlef wig
L vient d'être ouvert par ordre du Roi ,
>
un emprunt d'un million d'é us en billets
de banque à 4 pour 100 d'intérêt . L'objet
de cet emprunt eft d'obvier à la rareté du
numéraire dans ce Duché.
Il a paru dans le cours du mois dernier
3 nouvelles Ordonnances ; la piemi re prefcrit
à tous les vaiſſeaux qui voudront entrer
dans la Baltique , de dépofer la poudre à
tirer qu'ils ont à bord , & qui leur fera endue
lorfqu'ils fortiront de cet e mer ; ils ne doivent
conferver que deux charges pr canon .
La feconde défend , jufqu'au 10 Juin prochain
, de tirer de l'Ile de Zélin ' e de l'orge
& de l'avoine , & permet au contraire d'y
en porter juſqu'au o Mai , ainſi que l'importation
de l'orge , du feigle , du fel & du
fuif dans tout le Royaume de Danemarck
1er. Mars 1783. a
( 2 )
jufqu'au 10 Juiller. La troifième proroge ,
jufqu'à la fin de Juin , l'introduction du bled ,
farine , chairs falées , & autres provifions
dans les ports méridionaux de la Norwége .
Les navires qui ont paffé le Sund pendant
le cours de l'année dernière , font au nombre
de 8330 , dont 1262 Anglois & 2117
Suédois. Sur 80 bâtimens qui , pendant la
même année , ont chargé du vin à Cette en
Languedoc , il y en a eu 5-1 Danois.
Nous avons donné le Traité de commerce
conclu entre cette Cour & celle de Ruffie ;
nous obferverons ici qu'il a pour bafe les
principes fondamentaux de la neutralité armée.
L'article 21 , qui détermine les effets
ou marchandifes qui feront cenfés être de
contrebande , offre l'énumération faite dans
le Traité de 1674 entre la Grande-Bretagne
& la Hollande. Cette énumération ne comprend
point le bois de conftruction , les
mâts , le chanvre , le fer , ni aucune des
marchandifes connues fous le nom de munitions
navales , dont la Grande - Bretagne
a voulu dans ces derniers tems interdire le
transport à fes ennemis .
POLOGNE.
De VARSOV IE , le 28 Janvier.
Le jour anniverfaire de la naiffance du
Roi , qui eft entré dans la sie. année de
fon âge , a été célébré hier avec la plus
grande folemnité. Le Prince Martin Lubo(
3 )
mirski , Lieutenant- Général des troupes de
la Couronne a donné le foir un bal
fomptueux dans le Palais de Radziwill .
2
Les foins paternels & infatigables_du
Roi , viennent enfin de terminer les diffentions
qui fubfiftoient depuis un an & demi
entre les Membres de la Confeffion d'Augsbourg.
Tous les bruits répandùs au fujet de la
convocation prochaine d'une Diète extraordinaire
, font jufqu'à préfent deftitués de
tout fondement. Il faudroit un concours
d'évèneihens bien finguliers , pour qu'elle
eût lieu dans le courant de cette année.
On parle beaucoup d'un traité de commerce
qui eft fur le point d'être conclu
avec l'une des Puiffances voifines ; la Pologne
peut , s'il a lieu , s'en promettre des
avantages infinis. Il eft encore queſtion de
l'établiffement fucceffif de différentes Manufactures
dans ce Royaume .
» Plusieurs Négocians de la Moldavie & des Provinces
limitrophes de la Turquie , lit-on dans quelques
lettres , font venus dans le pays de Lemberg
& de Dubno , & affurent qu'on prévoyoit , à l'égard
de la Moldavie , de la Walachie , de la Crimée &
même de la Beffarabie , des changemeus confidérables
, que la Porte Ottomane , malgré tous les efforts ,
ne pourroit pas empêcher. Ces Provinces fi fertiles ,
méritent certainement un meilleur fort que celui
qu'elles ont effuyé jufqu'à préfent ; & peut- être que
le moment qui les en fera jouir , n'eft pas éloigné «
a 2
( 4 )
ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 30 Janvier.
,
Le bruit eft général que l'Archiduc Maximilien
fe rendra dans peu à Rome ou
l'on dit qu'on prépare déja dans le Vatican
plufieurs appartemens pour le recevoir.
L'hiver que nous éprouvons cette année
ne reffemble en rien à ceux des années
précédentes ; les neiges font fréquentes ;
mais elles ne tiennent point fur la terre ;
à peine font - elles tombées qu'elles font
fondues par un vent du midi qui les fait
difparoître , ce qui caufe des inondations
en divers endroits où elles font beaucoup
de dégats. Les pluies fe renouvellent auth
fouvent , & dégradent les chemins qui
font impraticables.
Les tranfports des munitions pour la Hongrie
fe continuent avec la même ardeur ;
cependant toutes les nouvelles de Conftantinople
font pacifiques ; la Porte ne fe laffe
point de répondre avec la plus grande condefcendance
aux demandes qui lui font faites
; on affure qu'elle vient de nous accorder
la libre navigation fur la mer noire.
Les dernières lettres de la Capitale de
l'Empire Ottoman font du 7 de ce mois ;
elles annoncent que le peuple qui faifoit
entendre précédemment des cris de guerre
paroît maintenant modérer fon ardeur &
les fupprimer ; on ignore fi cette tran(
5 )
quillité durera. Il y a lieu de craindre que
l'extrême détreffe à laquelle il eft réduit
ne renouvelle les clameurs & la fermentation.
>
Tout eft difpofé ici pour la réception de
l'Empereur de Maroc , qu'on attend dans
peu de jours . Parmi les préfens qu'il apporte
, il y a 8 fuperbes chevaux Africains ,
équipés à la Barbarefque de la manière la
plus riche , puifqu'on y a employé l'or , les
perles & les diamans. On compte que ce
Miniftre reftera ici trois mois.
L'Edit de S. M. I. portant fuppreffion
de la fervitude dans fes Etats de l'Autriche
antérieure vient d'être imprimé ; il eſt
ainfi :
conçu
Voulant favorifer la culture du Pays & l'induftrie
de mes Sujets , ce qui ne fauroit être obtenu
que par le moyen d'une honnête liberté ;
avons jugé à propos d'établir dans les Etats de
l'Autriche antérieure , les mêmes principes de foumiffion
modérés que nous avons fuivis pour nos
autres Pays Héréditaires. Dans cette vue nous
avoas ordonné & ordonnons ce qui fuit : 1º . Chaque
Sujet pourra le marier en en prévenant le Seigneur
de l'endroit ou de la terre où il demeure , lequel
fera tenu de lui donner gratis la permiffion par
écrit pour le Mariage. 29. Il fera libre à chaque Sujet
de quitter la Seigneurie à laquelle il étoit attaché
, & de s'établir cu de fe mettre en fervice
dans d'autres endroits de l'Au riche antérieure ;
mais dans ce cas il fera obligé de demander à fou
Seigneur un certificat de manumiffion . Cependant
pour empêcher que les terres du Seigneur ne foient
pas délaiées a grand détriment de l'agriculture ,
a ?
46 )
le Vaffal ne pourra obtenir la manumiffion &
quitter la terre qu'il avoit cultivée , juſqu'à ce
qu'il ait fourni au Seigneur pour cette terre un
autre laboureur capable. 3 ° . On ne payera pour
les certificats de manumiffion que deux florins ;
dans les endroits où on en a payé moins , on continuera
l'ancienne taxe ; & dans ceux où on n'en a
rien payé , on fera auffi difpenfé de payer quelque
chofe à l'avenir. 4° . Ceux des Sujets qui voudront
apprendre des Métiers & Arts pourront le
faire , fans que le Seigneur puiffe y mettre obftacle;
& ils pourront les exercer pour s'entretenir ,
dans tous les endroits des Etats de l'Autriche antérieure.
° . La fuppreffion de la fervitude n'entraîne
pas celle des corvées , & d'autres fournitures en
nature & en argent , qui font déterminées pour
chaque terre dans les lettres de Fief , les terriers ,
les jugemens & convention. Mais outre ces droits
fixés , aucun Seigneur ne pourra exiger davantage
de fes Vaffaux. -La modification que nous
avons apportée à la foumiffion des Vaffaux ,
doit nullement nuire à l'obéiffance que les Vaffaux
doivent à leurs Seigneurs , conformément aux loix
& cette même obéiffance aura lieu à l'avenir
comme par le paffé . Le Gouvernement , & les autres
Tribunaux fe conformeront au préfent Edit
& veilleront à ce qu'il foit exécuté ponctuellement.
Donné à Vienne le 20 Décembre 1782 .
De HAMBOURG , le 6 Février.
ne
TOUTES les feuilles publiques de l'Empire
, qui ne parloient depuis quelque tems
que des démêlés prêts à éclater entre la
Rullie & la Porte , & dans lefquels l'Autriche
devoir entrer annoncent aujourd'hui
que tout eft arrangé ; les bons offices de la
3
( 7 ).
France n'ont pas peu contribué , ajoutentelles
, à infpirer à la Porte des fentimens de
modération ; elle a promis , dit- on , d'obferver
fidèlement toutes les conditions du
Traité de Kainardgi . L'Impératrice de Ruffie ,
ajoute -t-on , a écrit à M. le Comte de Vergennes
, pour le remercier de fes bons offices ;
rien de plus flatteur que ces témoignages
pour un Miniftre qui peut être regardé , à
bon droit , comme le pacificateur de l'Europe.
Les voeux des bons Citoyens fe réuniffent
pour la confirmation de ces nouvelles intéreffantes
; l'efpérance les accompagne , malgré
les mouvemens qui continuent encore
dans les Etats de l'Empereur . On fait toujours
des levées en Bohême ; il y a eu ordre
à Prague d'engager 100 Chirurgiens , pour
être répartis dans les divers régimens , & on
a auffi ordonné des uniformes pour 18,000
Croates.
» Ces mouvemens , lit - on dans quelques papiers ,
ne nous ôtent pas encore l'efpérance de la continuation
de la paix . Tout ce que l'on pe it affurer jufqu'à
préfent , c'eft que la plupart des nouvelles qui ont
été publiées étoient hafardées , & plufieurs fans fondement.
Telle eft celle de l'envoi d'un Courier
Pruffien à Vienae , qui avoit apporté des dépêches
fi fatisfaifantes , que l'Empereur lui avoit fait donner
200 ducats ; tel eft encore le bruit qu'on avoit répandu
d'un voyage du Prince Henri de Pruffe à
Vienne , dont il n'a pas été queftion . L'état de la
Porte , les défaftres que la Capitale de l'Empire
Ottoman a éprouvés , les troubles qui règnent dans
plufieurs Provinces , doivent influer néceffairement
a 4
( 8 )
fur les difpofitions , & les bons offices de la Cour
de France , font faits pour lui en infpirer de conformes
au voeu général pour la paix. Nous espérons
qu'elle ne fera pas rompue , & nous nous défierons
de tous les bruits qui pourront fe répandre , & dɔnt
on s'appuyera pour affoiblir cette eſpérance «< .
Selon les lettres de Munich , l'Electeur
Palarin eft parfaitement rétabli de fon indifpofition
; il a témoigné ſa fatisfaction à ſes
Médecins , par diverſes gratifications qu'il
leur a faites. Le 19 du mois dernier , ajoutent
ces mêmes lettres , les Commandeurs
de la nouvelle Langue Anglo Bavaroife , de
la Religion de Malte , ont fait leur Profeffion
folennelle entre les mains du Baron de
Flachflanden , Grand - Croix & Miniftre Plénipotentiaire
de l'Ordre.
» Il y a eu , écrit on de Prague , une espèce
d'émente populaire , à l'occafion du premier enterre
ment d'un Proteftant , fait publiquement ici ; mais
les détails en ont été fort exagérés dans les papiers
publics . L'efprit de tolérance a déja fait des progrès
dans cette ville ; on en peut juger par ce fait. Quelques
jeunes Ecoliers , touchés de la misère où le
trouvoit réduit un honnête Proteftant , homme
d'efprit & dont les talens auroient mérité un
meilleur fort , s'étoient cotifés pour lui fournir le
bois , le logement & la nourriture. Après avoir
contribué pendant 7`mois à la confervation d'un
citoyen utile à l'Etat , ils ont demandé à leurs
maîtres la permiffion de faire en fa faveur une quête
générale dans leurs Clafles , ce qui leur a été accordé
avec plaifir & à différentes reprifes . Ces fentimens
d'une tolérance vraiment Chrétienne , leur ont valu
les éloges bien mérités de leurs parens , de leurs
maîtres & de tous les citoyens en général «.
( و )
ITALI E.
De LIVOURNE , le 25 Janvier.
PLUSIEURS Captifs écrivent d'Alger que
l'on y a traité du rachat de quelques - uns ,
& particulièrement du Capitaine Benoît Gazano
, pour qui on avoit d'abord demandé
1000 fequins . Le Bey ayant appris enſuite
que cet Efclave avoit un frère qui étoit
Officier de la marine Tofcane , n'a plus
voulu lui donner la liberté pour moins de
3000 fequins.
Suivant un ordre fuprême , tous les biensfonds
appartenant autrefois au Tribunal du
Saint-Office qui a été fupprimé , & qu'on
porte à la valeur de 7000 écus Romains ,
feront mis inceffamment en vente publi
que.
- Le
» Le Sénat , écrit-on de Venife , defirant que les
arfenaux & parcs d'artillerie de la République , foient
dorénavant pourvus de tout ce qui peut être néceffaire
à la Marine , a nommé pour Surintendants de
cette partie L. E. Errizzo , Lafto & Emo.
vaiffeau le Phénix de 70 canons , qui eſt arrivé ici
de Corfou , commandé par M. Gradenigo , doit s'y
réparer & prendre des vivres , avant de fe joindre à
notre efcaire , qui croife conftamment dans les mers
du Levant. - Les lettres de Mogador , datées des
derniers jours d'Octobre , portent que l'Empereur
de Maroc en étoit parti le 29 Septembre pour Salé ,
d'où il devoit fe rendre à Mequinez , & que fon fils
Muley Abfelin devoit gouverner cette place pendant
fon abfence. Le voyage de ce Monarque a pour
objet d'aller calmer les foulèvemens qui font farveas
( 10 )
nus dans les environs de Meqinez , & l'attaque que
les rebelies ont faite par furprife contre l'armée
commandée par Hafchaï fon frère , qui a , dit- on ,
agi contre les ordres qui lui avoient été donnés , en
commettant des hottilités contre ces provinces , & que
fa conduire à cet égard a été totalement défapprouvée
de fon Souvera n. Ces lettres ajoutent que
Samuel Sumbel , Juif, Miniftre de ce Prince , eit
mort depuis peu à Tanger , s'étant maintenu fans'
aucune interruption dans un emploi délicat , & fujet
aux plus grandes variations dans un Gouvernement
defpotique «.
ESPAGNE.
De CADIX le 30 Janvier.
,
PRESQUE tous les vaiffeaux font prêts ;
& il n'y a plus que les troupes à embarquer ,
pour ainfi dire , le moment en eft encore incertain
, & tout le monde croit que la paix
aura lieu inceffamment. Cependant , fi contre
l'attente générale , la campagne doit s'ouvrir
, jamais armement auffi formidable ne
fera parti de l'Europe ; 52 vaiffeaux de ligne ,
11 frégates , f corvettes , plus de 200 tranfports
, chargés de munitions de toute eſpèce ,
& 15,000 hommes de troupes Frarçoifes ,
fans compter les Efpagnoles , mettent un
Général en état d'entreprendre de grandes.
chofes .
Il y a quelques jours qu'un vaiſleau &
une frégate qu'on croit Anglois , le font
approchés à une lieue de la Tour de Saint-
Sébastien ; & on a diftingué de cette Tour
( II )
3
7 hommes fur les barres des hunes avec
des lunettes, Quoi qu'il en foit , hier , à
heures après midi , M. Dupleffis Pafcaut
reçut ordre de fe tenir prêt à appareiller
avec les vaiffeaux fuivans : le Royal- Lous
de 110 canons , le Dictateur , le d'Estaing
le Puiffant , le Suffifant de 74 ; l'Eveillé ,
le Réfléchi & la Provence de 64 ; & les
frégates la Précieufe , l'Iris , l'Engageante
de 32. Perfonne ne connoît la deftination
de cette divifion ; les uns difent qu'elle va
protéger l'arrivée d'un convoi attendu
de la Havane ; d'autres qu'elle va au- devant
de celui de Rochefort ; quelques- uns prétendent
que fon objet eft d'en intercepter
un parti d'Angleterre pour 1 Inde.
Malgré le grand nombre de tranſports
qui fuivront l'armée , on a confidérablement
chargé les vaiffeaux de guerre ; on a
embarqué fur chacun 2 canons de 24 &
4 de 4 , avec leurs affurs , de la poudre &
des boulers pour leur fervice , 2 mortiers
& quantité de bombes , plufieurs caiffes de
fufil ; tous ces effets doivent toujours être
prêts à être débarqués.
» Il vient de s'ouvrir un nouvel emprunt de 180
millions de réaux de Vellon . Le décret figné à ce
fujet par S. M. à Aranjuez le 17 Décembre , a été
publié ces jours - ci. L'emprunt eft en rentes viagères
à 8 pour cent fur une tête , & à 7 pour cent fur
deux , & en rentes rachetables à 3 pour cent d'intérêt
, fous hypothèques des revenus du tabac d Europe
& de l'Inde. Outre la faculté de fournir des
fonds en billets royaux au lieu d'efpèces , les pré-
2
a 6
( 12 )
teurs ont encore l'avantage de pouvoir donner le
tiers de la fomme pour laquelle ils s'intérefferont à
l'emprunt en créances contractées fous le règne de
Philippe V; avantage qui eft même affuré aux étrangers
, par l'article V du décret «.
P. S. Dans ce moment M. Dupleffis Pafcaut
, a tiré un coup de canon en hiffant le
fignal de mettre à la voile le plutôt poffible.
ÉTATS- UNIS DE L'AMÉRIQUE SEPT.
De Philadelphie le premier Janvier.
ON apprend que le Marquis de Vaudreuil
a mis à la voile de Boſton avec l'efcadre à
fes ordres , compofée de 13 vaiſſeaux de
ligne & de 4 frégates.
> Le 21 du mois dernier , il a été fait
lecture au Congrès de la Commiffion de
M. Ofwald , par laquelle il eft autorifé à
traiter comme Commiffaire Britannique
avec les Etats Unis d'Amérique , ou leurs
Commiffaires dans la négociation générale
pour la paix.
L'intérêt qu'a infpiré le Capitaine Afgill a
été général ; le fort cruel qu'il étoit menacé
de fubir n'a pas excité moins de pitié en
Amérique qu'en Europe ; on fait à quelle
Protection puiffante , il doit le bonheur de
l'avoir évité ; les lettres fuivantes qui ont
opéré fon falut , méritent d'être publiées ;
& les ames fenfibles ne les liront pas fans
attendriffement. La première avoit été écrite
par M. le Comte de Vergennes au Général
Washington le 29 Juillet 1782 .
7139
5 M. , cen'eft pas en qualité de Miniftre d'un Roi ,
ami & allié des Etats- Unis ( quoique ce foit avec la
participation & du confentement de S. M. ) que j'ai
l'honneur d'écrire à V. E .; c'eſt comme homme
fenfible , comme père tendre , qui éprouve toute
la force de l'amour paternel , que je prends la
liberté d'adreſſer à V. E. mes preffantes follicitations
en faveur d'une mère & d'une famille en pleurs .
Sa fituation femble d'autant plus mériter toute notre
attention , que c'eft à l'humanité d'une Nation en
guerre avec la fienne , qu'elle a recours , pour ob .
tenir ce qu'elle devroit recevoir de la juftice impartiale
de les propres Généraux . J'ai l'honneur de
faire paffer çi- inclufe à V. E. copie d'une lettre que
je viens de recevoir de Lady Afgill ; je ne lui fuis
point connu , & j'ignorois que fon fils étoit la victime
infortunée , deftinée par le fort a expier le
crime odieux dont un déni formel de juftice vous
oblige de tirer vengeance. V. E. ne lira pas cette
lettre fans être extrêmement affectée ; elle a produit
cet effet fur le Roi & la Reine , auxquels je l'ai
communiquée. La bonté du coeur de L. M. leur fait
défirer que les inquiétudes d'une mère infortunée
foient calmées , que fa tendreffe foit raffurée . Je
fens , M. , qu'il eft des cas où l'humanité elle-même
exige la plus extrême rigueur ; peut-être celui dont
il s'agit eft - il du nombre ; mais en reconnoiffant
l'équité des repréfailles , elles n'en font pas moins
horribles pour ceux qui en font les victimes ; & la
façon de penfer de V. E. eft trop connue , pour que
je ne fois pas perfuadé que vous n'avez rien de plus
à coeur que d'éviter cette fâcheufe néceffité . Il eft ,
M. , une confidération qui , fans être décifive , peut
influer fur votre réfolution ; le Capitaine Afgill eft
indubitablement votre prifonnier , mais il eft du
nombre de ceux que les armes du Roi ont contribué
à mettre entre vos mains à Yorck- Town. Quoique
cette circonftance ne foit pas en elle - même une
( 14 )
fauve- garde , elle juftifie du moins l'intérêt que je
me permets de prendre dans cette affaire. S'il eſt ,
M. , en votre pouvoir de la confidérer & d'y avoir
égard , vous ferez ce qui fera très - agréable à L. M. :`
le danger du jeune Afgill , les larmes , le défefpoir :
de fa mère les affectent fenfiblement ; & elles verront
avec plaifir l'espoir de confolation luire fur ces
infortunés . En cherchant à fouftraire M. Afgill à la
deſtinée dont il eft menacé , je ſuis bien éloigné de
vous engager à chercher un autre victime ; le pardon
, pour être parfaitement fatisfaifant , doit être
entier. Je n'imagine pas qu'il puiffe avoir aucunes
mauvaites conféquences. Si le Général Anglois n'a
pas été en état de punir le crime horrible dont vous
vous plaignez , d'une manière auffi exemplaire qu'il
l'auroit du , il y a raifon de croire qu'il prendra les
mefures les plus efficaces pour en prévenir de pareil
à l'avenir. Je fouhaite fincèrement , M. , que mon
intercellion foit couronnée du fuccès ; le fentiment
qui la dicte & que vous n'avez ceffé de manifefter
dans toutes les occafions , m'aflure que vous ne ferez
pas indifférent aux fupplications & aux larmes d'une
famille qui , par mon entremife , a recours à votre
clémence. C'eft rendre hommage à votre vertu que
de l'implorer ".
La lettre de Lady Afgill à M. le Comte
de Vergennes étoit du 18 du mê.ne mois ;
nous la tranferirons auffi .
» M. , fi la politeffe de la Cour de France permet
qu'une étrangère s'adreffe à elle , il n'eft pas douteux
que celle en qui le réuniffent toutes les fenfations
délicates dont un individu puiffe être pénétré , ne
ſoit favorablement accueillie d'un Seigneur dont la
réputation fait honneur , non- feulement à ton propre
pays , mais à la nature humaine. Le fujet fur lequel
j'ofe , M. , implorer votre affiftance , eit trop déchirant
pour mon coeur pour qu'il me foit poffible de
m'y arrêter très - probablement , le bruit publis :
( 15 )
vous en aura informé ; il n'eft donc pas néceffaire
que je me charge de cette tâche douloureufe. Mon
fils , ( mon fils unique ) qui m'eft auffi cher qu'il eft
brave , auffi aimable qu'il mérite de l'être , âgé de
19 ans feulement , prifonnier de guerre en conféquence
de la capitulation d'York-Town , eft actuellement
confiné en Amérique , comme un objet de repréfailles
. L'innocent fubira- t - il la peine due au coupable
? repréfentez - vous , M. , la fituation d'une
famille , qui fe trouve dans ces circonftances , environnée
comme je le fuis d'objets de détreffe ,
accablée de crainte & de douleur , il n'eft pas de
mots qui puiffent exprimer ce que je fens ou peindre
cette fcène de douleur : mon mari abandonné de fes
Médecins , quelques heures avant l'arrivée de cette
nouvelle , hors d'état d'être informé de l'infortune ;
ma fille attaquée d'une fièvre accompagnée de délire
, parlant de fon frère du ton de l'extravagance
& fans intervalles de raifon , fi ce n'eſt pour écouter
quelques circonftances propres à foulager fon coeur !
que votre fenfibilité , M. , vous peigne ma profonde ,
moninexprimable misère , & plaide en ma faveur ; un
mot de votre part , comme la voix du ciel , nous
fouftraira à la défolation , au dernier degré de l'infortune
je fais combien le Général Washington
révère votre caractère ; dites- lui feulement que vous
defirez que mon fils foit élargi , & il le rendra à
ſa famille déſolée , il le rendra au bonheur ; la vertu
& la bravoure de mon fils juftifieront cet acte de
clémence . Son honneur , M. , l'a conduit en Améri .
rique , il étoit né pour l'abondance , l'indépendance
& les perspectives les plus heureuſes . Permettezmoi
de fupplier encore votre haute influence en faveur
de l'innocence , dans la caufe de la juftice
& de l'humanité , de vouloir bien , M. , dépêcher de
France une lettre au Général Washington , & me
favorifer d'une copie pour lui être tranfmife d'ici . Je
fens toute la liberté que je prends en follicitant cette
grace; mais je fuis certaine , que vous me l'accor-
:
( 18 )
f
dież ou non , que vous aurez pitié de la détreffe qui
m'en fuggère l'idée : votre humanité laiffera tomber
une larme fur la faute , & elle fera effacée . Puiffe le
Ciel que j'implore vous accorder de n'avoir jamais
befoin de la confolation qu'il eft encore en votre
pouvoir d'accorder à Lady ASGILL « .
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 18 Février.
TOUTES nos nouvelles de l'Amérique
Septentrionale ſe réduiſent à la lettre fuivante
, apportée par le paquebot le Roebuck,
qui mit à la voile le 20 Janvier dernier de
New- Yorck , & eft arrivé à Falmouth le
12 de ce mois.
―
» Le Lieutenant - Général Leflie , Commandant
en Chef de Charles-Town , arriva ici avec ſa fuite
le 2 Janvier. Le bâtiment la Ducheffe de Gordon
, Capitaine Holmes , arriva ici le même jour ,
venant de Charles Town. Il avoit mis à la voile
le 19 Décembre , avec une flotte composée d'environ
70 voiles , dont so étoient deſtinées pour ce
port , & avoient à bord les troupes étrangères &
Provinciales . Cette flotte étoit efcortée par les vaiffeaux
de S. M. , l'Affurance , le Charles-Town
& le Hound. Les autres bâtimens de cette flotte
au nombre de 20 environ , s'en ſéparèrent le 18
Décembre devant la Berre de Charles-Town , &
firent voile pour l'Angleterre. Le 17 Décembre
une flotte compofée de plus de so voiles , ayant
à bord les troupes Angloifes & la principale partie
des habitans de Charles-Town , appareilla de ce
port pour la Jamaïque . Au moment où les troupes
du Roi s'embarquèrent à Charles-Town , le
Général Waine à la tête d'environ 5000 hommes
de troupes Continentales , p: ir poffeffion de la Ville,
-
( 17 )
-
Quatre autres bâtimens de la flotte partie le
19 Décembre de Charles -Town , mouillèrent le
2 Janvier au foir en dedans du Hook. Le refte
de la flotte , ainfi que les vaiffeaux qui l'efcortoient ,
étoit alors en vûe. L'évacuation de Charles-
Town s'eft effectuée avec le plus grand ordre «.
Nos nouvelles des Illes fe réduisent à
l'affurance que tout étoit auffi tranquille à
Ste-Lucie , le 20 Janvier , au départ d'un
bâtiment qui en étoit forti à cette époque.
» Ceux , dit à cet occafion un de nos papiers , qui
montrent du mécontentement des articles de paix , &
qui prétendent qu'il auroit mieux valu faire encore une
campagne aux Ifles , paroiffent être dans une grande
erreur ; il eft poffible que les premières dépêches
qu'on recevra de ces parages ne le confirment que
trop ; les François & les Efpagnols ont un corps de
troupes fi nombreux dans leurs différentes Ifles qu'en
tout tems ils font en état de détourner l'attention de
toutes nos flottes , & de les empêcher d'entreprendre
aucunes opérations offenfives. On a fu que ce font les
inquiétudes qu'ils nous donnent qui ont forcé l'Amiral
Hood à fon retour de New -Yock de marcher à
la Jamaïque , que D. Solano menaçoit de la Havane,
Heft donc au pouvoir de nos ennemis d'attirer nos
forces fous le vent , de les divifer , & de prévenir
toutes les opérations offenfives que nous aurions pu
faire au vent ; à quoi fert donc notre fapériosité ? elle
ne nous a pas empêché de perdre plufieurs Ifles ; &
que feroit-il arrivé fi l'armement formidable de Cadix
étoit parti ? «
Nos papiers ne font plus remplis depuis la
publication des préliminaires , que des démarches
faites par les perfonnes intéreffées
au commerce des parties cédées ; nous
avons déja rendu compte de quelques-unes ,
nous en préſenterons ici la fuite , d'après ces
mêmes papiers.
( 18 )
11
» Le Lord Hawke s'eft rendu chez le Comte de
Shelburne , pour lui expofer la pofition déplorable
où le trouvent les perfonnes qui ont des propriétés
dans la Floride Orientale cédée à l'Eſpagne par le
traité ; ce premier Lord de la Tréforerie lui a dit que
le Gouvernement s'occupoit du moyen de ve ir au
fecours des particuliers qui pourroient fouffrir de
cet arrangement , & il lui a donné à entendre qu'ils
pourroient avoir en dédommagement du terrein dans
la nouvelle Ecoffe ou dans l'Ifle St-Vincent ; mais il
a abfolument écarté toute idée d'indemnité pécuniaire
comme incompatible avec la fituation actuelle
des Finances. Les perfonnes intéreflées à cette Colo.
nie ayant tenu une nouvelle affemblée le premier
de ce mois , le Lord Hawke leur a rendu compte de
cette réponſe. Après différens avis ouverts à ce ſujet ,
on a adopté celui du Lord Hawke , qui avoit confeillé
de s'adreffer au Secrétaire d'Etat , pour le prier
de retenir quelques jours le paquebot deftiné pour la
Floride , afin de laiffer aux intéreffés le tems d'écrire
à leurs agens & correfpondans. Il a été auffi réfolu
de préfenter à ce fujet un mémoire au Miniftre
d'Elpague «.
» Il s'eft tenn le 11 une troisième affemblée des
propriétaires , négocians , planteurs , & autres inté
reflés à l'ile de Tabago. M. Greig a été nommé pour
aller à Paris préfenter au Ministère de France un mé.
moire des propriétaires , où ils rendent compte de
leur fituation , & demandent qu'il leur foi permis
de difpofer de leurs biens , &c. en faveur des per,
fonnes réfidentes dans l'Ifle ou à des fujets Fran.
çois ".
» Il fe tint hier une affemblée des négocians &
atres perfonnes intére lées dans le commerce des
foieries , pour prendre en confidération l'état actuel
de ce commerce , & les moyens de le faire profpérer
en établiſſant des liaifons mercantiles avec l'Amérique
Septentrionale. On jugea qu'à moins qu'il ne fût
fait des changemens contidérables relativement aux
( 19
droits , les François pourroient exporter totes les
foleries manufacturées ou autres en Amérique à vingt
pour cent meilleur marché que les négocians de la
G. B.
Il fut donc réfolu de mettre fous les yeux du
Gouvernement un expofé des faits , & de folliciter
fes bons offices ; & dans le cas où cette démarche
n'auroit point de fuccès , de préfenter une pérition
au Parlement en faveur de toutes les perfonnes inté
reffées dans le commerce des foieries , ou que leurs
intérêts , ainfi que ceux de toute la Nation , feroient
fortement léfés fi l'on n'apportoit pas les remèdes
que les circonstances femblent exiger «.
» Parmi les diverfes méthodes propofées pour
fonder une grande partie des quarante millions de dettes
non-fondées , il eft très - probable que le Ministère
a loptera celle de foader vingt millions de la Marine
à quatre pour cent , avec une douceur de douze ou
treize fols pour cent à longues annuités , ce qui
équivaudra à un emprunt à quatre & demi pour cent ;
il ne fera point alors néceffaire d'ouvrir cette année
un emprunt qui excède douze millions , & on
pourra lever cette fomme à un intérêt au-deffous de
5
liv. 17 6 d. pour cent , qui eft l'intérêt accordé
L'année dernière dans l'emprunt de 13,500,000 liv. ,
outre que les prêteurs eurent pour chaque fomine de
mille livres trois billets de loterie de d'x livres chaque
, dont ils ti èrent un profit confidérable « .
Parmi les obfervations que les mêmes
papiers préfentent fur les effets que doit
avoir la paix actuelle pour la Grande-Bretagne
; nous faifirons celles - ci .
כ כ
Il eft de fait que les meilleurs & les plus gros
mâts dont notre mari e air fait jamais ufage , vcnoient
de la Nouvelle- Angleterre ; ce fait eft auffi
pofitif qu'affligeant. Les chênes de cette Province &
de la Virginie , croiffent fur un terrain très - riche ,
où les arbres viennent d'une groffeur très - confidéra201
ble , & le bois eft plus flexible que celui qui croit
dans un fol plus léger , quoique le dernier foit , à ce
qu'on dit , pls compact & plus dur. Depuis cinq ans
le Général Washington a encouragé le cru du chêne
Américain ; la politiquement mis les Indiens à
l'avre , & leur a donné le privilége d'extraire
T'huile du gland pour la vendre à l'armée , ou en
difpofer autrement , cette huile n'eft pas de beaucoup
inférieure à celle d'amandes douces , & eft trèsnourriffante.
Les principales émigrations que nous pouvons
craindre , feront celles des ouvriers de toute cfpèce
qui ne feront pas employés ou qui ne le feront plus
du moment où les Manufactures qui concernent le
Militaire cefferont de leur procurer de l'occupation
celle des foldats & matelors licentiés , celle des
je nes Chirurgiens-Apothicaires , en un mot de toute
efpèce d'hommes ofifs ou Artistes fans emploi. Il
réfultera cependant quelqu'avantage de l'éloignement
de cette claffe d'inutiles ; leur réfidence ici ne fercit
que nuifib'e , puifqu'on ne pourroit pas les occuper.
On dit auffi que nombre de Génevois ont renoncé
au projes qu'ils avoient formé de fe retirer en Irlande
, & ont réfolu d'aller s'établir en Amérique ,
où la forme du gouvernement & les cérémonies religieufes
, font à bien des égards analogues à celles de
Jeur pays natal.
Au milieu de toutes les obfervations critiques
qu'effuye la paix , nous commençons
à en recueillir les fruits ; le 6 de ce mois
on a vu entrer dans la Tamife & faire fa
déclaration à la Douane , un bâtiment portant
le pavillon des Etats - Unis ; Ce bâtiment,
le premier qui ouvre le commerce entre les
deux Pays , comme Etats indépendans , fe
nomme le Bedfort , & vient de Nantusket ,
avec une cargaifon d'huile & autres pro(
21 )
duits de la pêche ; il étoit deftiné pour
Oftende ou pour un port de France ; mais
en apprenant la fignature des préliminaires ,
il a préféré de porter ici fon chargement.
Des milliers de curieux ont été voir le
navire , & fon pavillon.
Les troubles font entièrement appaifés à
Portſmouth ; le 68e . régiment eft en marche
pour les quartiers qui lui font affignés ,
& les Montagnards font renvoyés en Ecoffe.
Le Gouvernement a promis à la Compagnie
un autre régiment qui ira fervir dans
Les établiflemens , & qui s'embarquera inceffamment.
Le 1s de ce mois le Roi a rendu la
proclamation fuivante pour la ceffation des
hoftilités tant par mer que par terre , convenue
entre S. M. T. C. , le Roi d'Espagne ,
les Provinces - Unies & les Etats- Unis de
l'Amérique.
» G. R. Les articles provifionels ayant été fignés
à Paris , le 30 Novembre dernier , entre notre
Commiffaire pour traiter de la Paix , avec les Commiffaires
des Etats-Unis de l'Amérique, pour être inférés
dans le traité de Paix propo é à être conclu en re
nous & lefdits Etats - Unis , & conftituer ledit traité
lorfque les conditions de Paix feroient arrêtées ,
entre nous & S. M. T. C. Et les préliminaires
pour rétablir la Paix , entre nous & S. M. T. C. ,
ayant été fignés à Verfailles , le 20 de Janvier dernier
, par nos Miniftres & ceux du Roi T. C .;
& les préliminaires pour rétablir la Paix , entre nous
& le Roi d'Espagne , avant été pareillement fignés
à Ver ailles , le 20 Janvier dernier , per nos Minif
tres & par ceux du Roi d'Efpagne ; & comme pour
faire ceffer les calamités de la guerre le plutôt &
( 22 )
1
,
- Et les
autant qu'il eft poffib'e ; il a été convenu entre
nous , S. M. T. C. le Roi d'Espagne , les Etats- Généraux
des Provinces-Unies , & les Etats - Unis de
l'Amérique , ce qui fuit , favoir : Que les Vailfeaux
& effets qui feront pris dans la Manche ,
& dans les mers du Nord , après l'efpace de 12
jours , à compter de la ratification de dits articles
préliminai es , feront réciproquement reftitués ; que
le te me fera d'un mois , depuis la Manche & les
mers du Nord , jufqu'aux ifles Canaries inclufivement
, foit dans l'Océan , foit dans la Méditerranée
; de deux mois depuis lefdites ifles Canaries ,
jufqu'à la ligne Equinoxiale ou l'Equateur , & enfin
de cinq mois dans tous les autres endroits du
Monde , fans aucure exception , ni autre diftinction
plus particulière de tems & lieux .
ratifications defdits articles préliminaires entre
nous & le Roi T. C. en due forme , ayant été
échangées , entre nos Miniftres & ceux du Roi
T. C. , le 3 du préfent mois de Février ; & les
ratifications des articles préliminaires , entre nous
& le Roi d'Espagne , ayant été échangées , entre
nos Miniftres & ceux du Roi d'Espagne , le 9 du
préfent mois de Février , defquels jours refpectivement
les divers termes ci- deffus mentionnés , de
12 jours , d'un mois , de deux mois , & de cinq
mois doivent être comptés ; & comme c'est notre
volonté Royale , que la ceflation d'hoftilités , entre
nous & les Erats - Généraux des Province - Unies ,
& les Etats - Unis d'Amérique , s'accorde avec les
époques fixées entre nous & le Roi T. C.
Nous avons jugé à propos , de l'avis de notre
Confeil privé , de notifier ce que deflus à tous
nos chers Sujets ; & nous déclarons que c'est notre
plaifir & notre volonté Royale , & par la préfente
nous donnons charge & commandement exprès à
tous nos Officiers , tant par mer que par terre
& à tous nos autres Sujets quelconques , de défendie
d'exercer aucun acte d'hoftilité , foit par
>
›
( '23 ) .
mer, foit par terte , contre S. M. T. C. le Roi
d'Espagne , les Etats- Généraux des Provinces Unies ,
& les Etats- Unis d'Amérique , leurs Vaiffeaux &
Sujets après l'expiration des termes ci- deflus men❤
tionnés fous peine d'encourir notre difgrace.
Donné à la Cour de St- James , le 14 Février 1783 .
>
Les préliminaires ont été mis hier fous les
yeux du Parlement . Nous allons fuivre ici
les débats auxquels ils ont donné lieu.
» Ce jour la Chambre Haute devant prendre en
confidération les articles de la paix avec la France
& l'Eſpagne , & les articles provifionnels avec l'Amérique
, le Lord Pembroke , après que lecture fut
faite de ces pièces , fe leva & propofa une adreffe :
-
Pour remercier S. M. en termes généraux fur la
paix qui venoit d'être conclue , fur les efforts vi.
goureux que S. M. avoit faits en faveur des malheureux
Loyaliftes , porr témoigner que la Chambre
ne doutoit point que le Congrès ne remplît fes
engagemens relativement à la reftitution de
leurs propriétés & à la fûreté de leurs perfonnes
".
Le Marquis de Carmarthen appuya
la motion & déclara qu'il étoit très -content des
conditions de paix . Le Comte de Carliſle défapprouva
principalement l'article 5 des articles provifionnels,
par lequel les Loyalifles font abandonnés
prétendant que c'étoit une action infâme pour la
quelle nous ferions damnés , tant dans ce monde-ci
que dans l'autre , & il propofa de fupprimer dans
Padreffe tout ce qui le trouve après le mot conclue
, & d'y fubftituer une fimple phrafe qui fit
connoître que la paix ne répondoit ni aux juftes
efpérances que nous pouvions avoir , ni à la fitua
tion des Puiffances belligérantes , & qu'elle n'étoit
ni avantageufe , ni honorable pour la Grande - Bre
tagne. Le Comte de Coventry, dit que, tour confidéré
, la paix étoit bonne & qu'il l'approuvoit.
-
Le Lord Wallingham s'étendit fur les pertes
( 24 )
---
que la Nation alloit éprouver relativement aux Hmires
fixées pour le Canada. Ses objections contre
la paix porterent principalement fur le grand nombre
de concellion faites par la Grande - Bretagne , dans
toutes les parties du monde , fans aucun égard pour
la dignité ou l'intérêt du Royaume. Le Lord
Hawke donna fon approbation à la paix , & dit que
les limites du Cana la n'étoient point défavantageufes
pour l'Angleterre , attendu qu'il étoit notoire que
les pelleteries fe trouvent généralement fur la partie
feptentrionale des lacs . Il fit fentir qu'il efpéroit qu'on
donneroit un dédommagement ax perfonnes intéreffées
dans la Floride orientale . Le Lord
Vicomte Dudley défapprouva la paix comme humiliante
& défavantageufe en tous points. Le Duc
de Chandos fut d'un avis tout contraire , & dic
qu'il falloit être fûr de pouvoir faire une meilleure
paix , avant de blâmer celle- ci , qui au furplus étoit
infiniment plus avantageufe qu'on n'avoit lieu de
l'attendre . Le Lord Vicomte Townshend parla
en faveur de l'amendement. Le Duc de Grafton
déclara que vu les factions , les divifions & les
diffentions qui régnoient dans tout le Royaume ,
vu notre foibleffe comparée à la force de l'ennemi ,
nous ne devions pas nous attendre à une paix plus
honorable; qu'il y avoit actuellement 60 vaiffeaux de
ligne à Cadix.
-
www
Le Lord Keppel dit qu'il étoit trop honnête
homme pour avoir confeillé à fon Souverain de
conclure la paix telle qu'elle a été faite , parce que
les circonftances nous autorifoient à en attendre une
plus favorable ; qu'il n'y avoit pas plus de 42 vailfeaux
à Cadix ; que la G. B. avoit 10s vaiſſeaux de
ligne tans bons que mauvais ; que les François & les
Elpagnols en avoient 124 , mais qu'ils avoient beaucoup
plus de mauvais vaiffeaux que nous facs
aucune perfpective d'augmentation. Le Duc de
Richmond dit qu'il étoit impoffible à la Chambre de
-
".
donner
( 25 )
-
donner fon approbation à la paix , parce qu'il falloit
mettre fous les yeux une longue fuite d'informations
dont elle avoit befoin pour prononcer fur cet objet
avec connoiffance de caufe ; qu'il déclaroit hautement
qu'il s'oppofoit à la paix & il indiqua enfuite
les divers points d'information qui manquoient à la
Chambre. Le Lord Vicomte Stormont parla
pendant deux heures il paffa en revue tous les
articles des trois traités , & conclut que c'étoit la
pix la plus défavantageute & la plus humiliante que
la Nation eût jamais faite. Le Lord Vicomte
Grantham défendit la paix avec beaucoup de modeftie
. Il parla des conceffions faites à la France ,
qu'on devoit regarder plutôt comme un acte de complaifance
pour elle , que comme des pertes pour nous.
Il convint d'avoiromis dans les articles préliminaires ,
deux outrois mots néceffaires relativement aux pêcherics,
qui depuis avoient été rectifiés parun article féparé.
-
-
Le Lord Sackville cenfura prefque tous les articles
de la paix , & principalement les articles provifionnels
avec l'Amérique , qui lui parurent ruineux
pour l'Angleterre. Le Lord Vicomte Howe prétendit
que la paix n'avoit été conclue qu'à caufe du
mauvais état de notre marine. Il dit que nous n'avions
que 99 vaiffeaux de ligne , & qu'il croyoit qu'il
y en avoit 60 à Cadix. Le Lord Keppel lui répon
dit que nous avions 10s vaiffeaux de ligne , ainfi qu'il
l'avoit dit , & qu'il avoit entendu dire qu'il n'y en
avoit que 42 à Cadiz . — Le Comte de Shelburne fit
un long difcours & répondit aux diverfes objections
faites contre la paix. Il commença par les limites
du Canada , & préten dit que la portion de commerce
de pelleteries , cédée aux Américains , ne nous porteroit
ancun préjudice . Il entra dans le détail des
importations & der exportations du Canada ; il paſſa
enfuite aux object ons fur les pêcheries , & dit que
l'Amiral Edwars , le Capitaine Levifon - Gower & le
Lieutenant Lane eftimoient qu'une lieue au fud & à
1er. Mars 1783. b
( 26 )
l'eft étoit plus précieuſe que dix au nord & à l'oueft
Il fe défendit , relativement aux Loyalistes , en affurant
que le Congrès n'avoit d'autre pouvoir que celui
de les recommander.
Enfin après avoir répondu à d'autres reproches
par rapport aux Florides , à Tabago & aux ceflions
faites en Afrique & en Afie , il ne diffimula point
que l'état de foibleffe où fe trouvoit la Nation , relativement
à la guerre , fembloit indiquer la néceffité
de faire la paix. Le Lord Lougborough demanda
à la Chambre la permition de prouver qu'il n'y
avoit point de prérogative pour céder à l'Amérique.
---
---
―
Le Lord Chancelier fe leva , & dit qu'il fe
chargeoit de répondre fur ce point au Lord Lougborough
qu'il traita fort durement. Le Comte
Gower dit qu'il étoit mécontent de la paix , mais
qu'il s'oppofoit à l'amendement. · A heures & un
4
quart du matin la Chambre alla aux voix fur l'amendement
qui fat rejetté à la pluralité de 72 contre 59.
Les débats ne furent pas moins vifs dans
la Chambre baffe.
Auffi- tôt que l'ordre d'examiner les articles préliminaires
de la paix eut été lu , M. J. Pitt fe leva &
obferva que va notre pofition la paix devoit être le principal objet de nos defirs , que nous venions
de faire une guerre auifi longue que deftructive , &
qui nous avoit occafionné des pertes bien fenfibles à
tous égards ; que puifque le Ministère avoit conclu fi
heure fement la paix , il penfoit que tous les amis de
l'humanité devoient en approuver les conditions
quelque défavantageufes qu'elles puffent paroître à
certaines gens ; que de plus , il étoit certain qu'en
faifant le traité , le Ministère avoit eu devant les
yeux l'intérêt de la Nation , & qu'en l'examinant à
fonds , ce traité paroîtroit beaucoup plus avantageux
qu'on ne l'avoit d'abord cru. Il jetta enfuite un coup
d'ail fur l'étendue du territoire de l'Amérique au
commencement de la guerre , & il déplora le démembrement
d'une fi grande portion de l'Empire
( 27 )
Britannique. Il entra enfuite dans le détail parti
culier de l'état du revenu de l'Angleterre . Il avança
qu'avant la guerre , l'intérêt de la dette nationale
n'alloit pas à plus de 4 millions , que depuis la
guerre , il s'étoit accru de 5 millions , ce qui faifoit
à préfent 9 millions , & que l'établiſſement de paix
étoit actuellement de 14 millions , dont il falloit à
préfent affurer l'intérêt. De-là il paffa aux conceffions.
que nous avons faites à l'ennemi par les articles préli
minaires. La France , dit - il , nous a cédé les Illes de
la Grenade , les Grenadines , St - Vincent , la Dominique
, St-Christophe , Névis & Montferrat , toutes
poffeffions fort avantageufes pour notre commerce .
De notre côté , nous avons cédé à la France la
rivière de Sénégal & fes dépendances , avec les
forts de Saint -Louis , Podor , Gallam , Arguin
& Porrendic , comme auffi l'ifle de Gorée , qui , ditcn
, ſera remiſe à la France dans l'état où elle étoit
lorfque nous en prîmes poffeffion . Nous lei avons
cédé encore quelques territoires dans les Indes-
Orientales , favoir tous les établiffemens qui lui
appartenoient au commencement de la préfente
fur la côte d'Orixa & dans le Bengale , avec
guerre
la liberté de creufer un foffé autour de Chandernagor
, pour en faire écouler les eaux . Nous avons
fait encore à la France d'autres conceffions , mais
qui ne nous font pas autant de tort , & qui ne lui
nt pas auffi avantageufes que beaucoup de gens fe
le perfuadent. Enfin il parla des articles de la paix
avec l'Espagne , & il obferva que quoique nous lui
euflions cédé les deux Florides & c. , aucune de ces
conceffions ne nous étoit abfolument préjudiciable.
G
M. Pitt paffant enfuite au traité conclu avec les
Américains , témoigna fa fatisfaction de ce que cette
paix portoit fur des principes de juftice fi évidens
& établiffoit de part & d'autres une telle réciprocité
d'avantages , qu'elle ne pouvoit manquer d'opérer la
réconciliation la plus durable entre les deux Pays,
b 2
( 28 )
Il parla auffi de la recommandation faite au Congrès
en faveur des Loyaliftes , en difant qu'on avoit
tout lieu d'en attendre les plus heureux effets . Qant
à la paix en général , pourfuivit-il , elle paroifloit le
vcu unanime de la Chambre & de la Nation . Si elle
n'eft pas auffi favorable que nous aurions pu le
defirer , elle eft au moins avantageufe relativement
aux circonftances. Quels que puiffent être les murmures
de la faction , je ne vois point ce que l'on peut
raisonnablement reprocher au traité , fur- tout fi la
Chambre porte dans cet examen l'esprit d'impartialité
, fi néceffaire à ces difcuffions , fi elle réfléchit
aux conjonctures préfentes , & fi elle s'abftient de
ces comparaifons , qui , approchant des tems & des
circonftances très -diffemblables , peuvent préfenter
fous un jour défavorable les opérations les plus
fages & faire briller de vains déclamateurs aux dépens
de la justice & de la vérité . Je répète donc , que
felon moi , il n'étoit pas poffib e de faire une meilleure
paix . Je n'ignore pas qu'une certaine claffe
dira le contraire , & s'efforcera de perfuader à la
Chambre qu'elle auroit obtenu des conditions beaucoup
plus avantageufes ; mais jufqu'à ce qu'ils aient
communiqué leur plan de pacification , ils me permettront
de n'être point de leur avis . Trouvant la
conduite des Miniftres entièrement irréprochable ,
mon intention eft de les foutenir , & c'eft dans cette
vue que je fais la motion fuivante. Je demande donc
qu'il foir préfenté une humble adreffe au Rei ,
pour le remercier d'avoir mis fous les yeux de la
Chambre les articles de la paix entre S. M. B. & les
Rois T. C. & C. & les Etats-Unis d'Amérique , pour
que la Chambre les prit en confidération & expofât
fon avis à leur fujet ; que ar cette adreffe la Chambre
informât le Roi qu'elle a exécuté les ordres &
qu'elle approuve lefdi's articles , & qu'elle emerciât
S. M. des foins extrêmes qu'elle avoit pris pour
procurer à fes fujets les douceurs de la paix , &
qu'elle voyoit avec fatisfaction les apparences d'une
( 29)
heureufe réconciliation entre la G. B. & l'Amériqiee
«. Cette motion fut fuivie d'une longue adrefle ,
relativement à la fituation de nos affaires domeftiques.
M. Welberforet parla fortement en faveur
de la motion. Selon lui , ceux qui di ent qu'il falloit
continuer la guerre & qu'ils auroient obtenu des
conditions plus avantageufes , difent une abfurdić.
La Nation , avec des forces de terre & de mer , ECdoutables
en apparence , mais manquant d'argent
pour les mettre en action , étoit en effet fans reffources.
Abymée de dettes , il lui étoit phy fiquement
impoffible de continuer une guerre auffi ruineufe.
Le Lord John Cavendish foutint précisément
le contraire , & il affura qu'on auroit pu obtenir des
conditions beaucoup plus favorables , qu'il étoit
également impoffible à la Chambre de témoigner
S. M. fa fatisfaction , des articles préliminaires ,"
n'ayant point eu le tems néceffaire pour les connoître,
à les difcurer ; & qu'on auroit dû atrend e
que le traité actuellement en négociation , fût auffi
remis à la Chambre , parce que très- certainement
ce traité a une grande connexion avec les articles
de paix actuellement fur le bureau . Il finit par
propofer un amendement , conçu dans les termes
fuivans. Qu'il foit préſenté au Roi une humble
adreffe , pour remercier Sa Majefté de l'attention
qu'elle a eu de mettre fous les yeux
» de la Chambre , les articles de paix entre S. M.
B. & les Rois T. C. & C & les treize Etats Unis
d'Amérique , & lui dire que la Chambre prendra
ces articles en confidération & expofera fen
agrément à ce fujet le plutôt poffible «.- Le
Lord Cavendish demanda auffi qu'oz fupprimât la
dernière partie de l'adreffe , comme abfolument
M. S. Jonh parla en faveur de l'amendement
, en fe plaignant beaucoup des conceffions
que le Gouvernement avoit faites aux ennemis .
Mais un perfonnage plus important attira bientôt
in tile. -
›
bz
( 30 ་
les
fur lui toute l'attention de la Chambre. Le
Lord North fe leva , & dit : Il y a trente ans que
je fers , avec le plus grand plaifir , mon Roi &
mon pays dans le Parlement , & , pendant le cours
de cette longue période , je n'ai jamais fenti tant
de répugnance à faire entendre ici ma voix , que
dans la circonftance actuelle. J'aurois defiré pouvoir
garder le filence , & c'étoit même mon projet en me
rendant à la Chambre . Mais les difcours étranges
de MM. Pitt & Welberforet , me mettent dans la
néceffité indifpenfable de déclater mon opinion dans .
une conjoncture auffi férieufe & auffi importante.
Hs regardeat , comme très peu intéressantes ,
conceffions que nous avons faites à l'ennemi , &
femblent s'applaudir d'avoir acheté la paix à ce
prix. Mais je ne fuis nullement de cet avis , & je
penfe , comme le Lord Cavendish , que l'on aurait
dû laiffer à la Chambre beaucoup plus de tems
pour prendre en confidération les articles préliminaires
. C'eft avec le plus grand regret que j'expofe
en cette occafion un fentiment contraire à celui des
Miniftres ; mais ce que je dois à mon pays & à mes
conftituans , ne me permet point d'approuver ces
articles avant de connoître les grands avantages
que cette paix procure à la G. B. Mais , en quoi
confifte l'importance des conceffions qui nous ont
été faites ? En quoi confifte l'utilité générale d'une
telle paix ? Je vois , avec chagrin , que les Miniftres
n'ont pas bien confidéré la teneur des articles. Le
Traité fourmille d'erreurs , & d'erreurs les plus
graves. S'ils ignoroient l'étendue & la fituation
des différens pays , ils auroient du moins pu confulter
les perfonnes qui en étoient inftruites ; car
on verra que leurs conceffions les expofent au ridicule
, & ce qui eft pire , aux plus juftes reproches .
Encore une fois , mon intention n'eft point de confterner
, ni même de chagriner les Miniftres ; mais
puifqu'on me fomme de donner mon confentement
& mon approbation aux articles de paix , je vous
1 31 )
drois au moins que l'on m'apprêt quel droit ces
articles ont à mon approbation. Jufqu'à ce mo
ment, il m'eft impoffible de confentir à l'adrefle pro
pofée par M. Pitt , d'autant plus que je ne vois
dans la paix , aucun de ces rares avantages que le
parti du Ministère annonce avec tant d'emphafe.
Nos Adminiftrateurs actuels auroient dû avoir
fous les yeux la conduite du Miniftre qui a fair
le Traité d'Aix - la - Chapelle . Sa modeltie , dans
cetre circonftance , étoit un exemple fait pour être
imité. Il porta les articles à la Chambre , & avec
cette magnanimité qui fied fi bien à une belle ame
ils les mit fur le bureau fans craindre la moindre
recherche fur fa conduite. » Voilà , dit - il , les
» articles de paix que je vous prie d'examiner. J'ai
fait tout ce qu'il n'a été poffible de faire pour
» mon pays , & fans, m'appuyer du fecours d'aucun
de mes amis , je ne demande autre chofe à
la Chambre que de prendre ces articles en confidération
, de juger ma conduire dans cette affaire ,
» & de ne confulter que fon opinion dans fa cenfure
» & dans les éloges qu'elle croira devoir à mes opéra-
35
tions. En effet , convaincu de la droiture de mes
» intentions , certain d'avoir fait tout ce qui défen-
» doit de moi dans la fituation critique des affaires ,
» & méprifant fouverainement les intrigues & les
» menées des jaloux & des méchans , je mets ma
confiance dans la candeur & dans l'impartialité de
» la Chambre , & c'est à fon opinion feule que
» je veux devoir mon exiſtence ou ma chûte «.
Cette conduite étoit digne d'être imitée par le plus
grand homme d'Etat dans une femblable occafion ;
mais nos Miniftres actuels auroient cru s'avilir en
fuivant une conduite fi refpectable. Ils vous fomment
fans ceffe de donner vos fuffrages à ce traité ,
fans vous donner le tems d'e approfondir le fens .
Je me fouviens , dit-il , que lorsqu'on demanda précédemment
les articles de paix , quelques perfonnes
b 4
( 32 )
actuellement en place obfervèrent qu'il n'étoit pas
encore tems de difcuter fi la paix étoit avantageuſe ;
qu'il y avoit de l'injuftice à blâmer les ceflions faites
par les Miniftres avant d'être inſtruit fi elles n'étoient
point balancées par des avantages. J'étois charmé
d'entendre les Miniftres parler de la forte , parce
que je me flattois que ce langage étoit fondé , &
qu'on nous dévoileroit enfin ces grands avantages
qui devoient nous confoler de nos pertes . Mais
hélas ! j'ai été fruftré dans mon attente. Il difcuta
enfuite très-fcrupuleufement les divers articles de
paix , combatrit les argumens des deux premiers
Membres , & prouva que la paix n'étoit point auffi
avantageufe qu'on auroit pu l'efpérer. Plofieurs
articles de paix entre la France & l'Angleterre
font , dit -il , fufceptibles d'objections , & je fuis
étonné que nous ayons fait de femblables celfions
aux Indes occidentales . Pourquoi avons-nous cédé
Ste-Lucie ? Cette Ifle étoit - elle d'une affez petite
conféquence pour être jugée entièrement indigne
de notre attention ! Je puis dire avec fondement que
cette Ifle protège l'entrée & la fortie de nos poffeffions
les plus précieufes dans cette partie du monde ,
& je vois à regret que les Miniftres ont commis de
grandes bévues. La France nous a furpaffés en habileté
dans la négociation , car nous étions liés en
quelqué forte par les condicions de paix ; mais elle ,
au contraire , pouvoit , malgré la ratification da
Traité , accepter ou rejetter les conditions de paix ,
felon qu'elle le jugeoit convenable. Mon bur n'eft
point d'attaquer la réputation des perfonnes qui ont
travaillé à la négociation , mais je fuis fâché de
voir que la France a trop gagné. Je ne fais fi nous
fommes en paix ou en guerre avec la France ; l'un
des articles porte , que , dans le cas où la France
auroit des Alliés dans l'Inde , ( mais nous favons
qu'elle y a de très - puiffans Alliés ) dans le cas ,
dis-je , où elle auroit des Alliés dans l'Inde ,
ils
feront invités à accéder au Traité , & il leur fera
( 33 )
•
accordé un terme de
Voilà donc une très
quatre mois Four fe décider.
belle occafion pour Hyder-
Aly de ravager le pays , il peut fe livrer fans
obitacle à toutes les guerres de cruauté. Le Lord
North condamna les priviléges accordés à la
France fur le banc de Terre Neuve , & dit qu'ils
feroient très - nuifibles aux pêcher es de l'Angleterre.
Il parla des articles relatifs à l'Espagne ,
& demanda pourquoi les Miniftres avoi 、nt céé les deux Florides , & il fit voir qu'elles éaient
toutes deux d'un grand avantage pour notre com.
merce , furtout la Floride orientale. Oùeft donc ,
dit-il , cette réiprocitéd'avantages qu'on nous
vante fi fort ? - Il paffa enfuite en revû les articles
relatifs àl'Améique , & dit qu'il ne pouvoit
y déouvrir la moindre trace de cette éuité& de
cette réiprocitédont on avoit parlé. I cenfura
les Miniitres pour avoir fait des ceflions éormes
dans le Canada , & avoir abandonnéles Allié
de l'Angleterie dans cette partie du monde. Nous
avons anénti , dit-il , notre commerce avec les
Indiens de ce Pays , & abandonnéhonteufement
vingt quatre Nations de ces Indiens qui éoient nos
Allié , & qui nous ont fouvent fecondé pendant
guerre «. Il parla enfuite des limites fixés entre
les poffeffions Angloifes en Améique & les Etats-
Unis , & il expola l'abfurdité& les erreurs qui fe
trouvoient dans la fixation de ces limites. »Je ne
combats point , dit-il , l'indéendance Améicaine
mais je parfite àdire que nous lui avons donné trop & plus qu'elle n'efpéoit «. cenfura les Miniftres
dans les termes les plus forts & les plus
Alériflans pour avoir abandonnéles Loyaliftes , &
les avoir livré àla merci du Congrè . En prenant
la parole , dit-il , je n'ai point voulu prendre la
déenfe des Miniftres qui ont fait la paix , car je
ne donnerai jamais mon fuffrage àune telle paix.
Je ne fuis refponſble ni àDieu , ni àma Patric ,
la
L
bs
( 34 )
1
-
des conditions de cette paix , mais je fuis refponfable
de la guerre & des motifs qui l'ont fait
entreprendre , & je fuis prê àréondre àtoute
accufation qu'on produira contre moi fur ce chef.
En faisant la paix , pourquoi avons - nous abandonné nos vrais amis & allié ? Il y en a plufieurs que
j'eftime. Ils ont fervi leur Roi léitime de tout leur
pouvoir , & ils ont combattu fous fes drapeaux
pour la caufe de notre Patrie Pourquoi donc les
abandonner & les laiffer deftitué de tout , fans ,
déenfeurs ni propriéé, & fans avoir pourvu aucunement
àleur fort ? C'eft une honte une hone
infupportable & je crois que ni le parti Miniftéiel
, ni le parti Anti-Miniftéiel ne confentiront
àun procééfi blâable & fi flériſ .ant. Bon
Dieu ! quel eft le coeur qui ne doit pas faigner
en voyant proftituer ainfi l'homme national ? I
feconda l'amendement , & dit qu'auffi - tô qu'il auroit
paffé, il le propofcit de faire une motion tendante
a ce qu'il y fû ajoutéun article relatif aux Loyaliftes
.
Le Lord Mulgrave prit la parole. Lóíue
j'envifage , dit -il , la conduite de la France ,
j'ai lieu de penfer que la paix ne fauroit êre durable.
Cette Puillance a le deffein de prendre poffeffion des
Places qu'elle pent fortifier fans vouloir en tirer un
avantage imméiat. Si elle eû déirévivre en bonne
amitiéavec nous , elle eû cherchéàfe faire reftituer
les éabliſ .emens qu'elle a perdus . Les Miniftres
auroient - ils dûpermettre que Dunkerque
fut fortifié? Ignorent-ils que fi la guerre venoit à fe rallumer , cette place , àraifon de la proximité oùelle est de nos côes , feroit fatale ànotre
commerce ? Il fit les plus grands éoges de la fidéité & de la bravoure des Loyaliftes , & plaignit
leur fort. »Si les Miniftres , dit -il , avoient confulté leurs intéês , ils auroient gardéNew- Yorck ,
Charles- Town & Long- land , jufqu'àce qu'on cû
affuréaux Loyaliftes la reftitution de leurs propriéé
". M. Townshend fe leva , & dit : Les
( 35 )
perfonnes qui cenfurent la paix le plus vivement ,
ont délaré, il n'y a pas long - tems , que la paix
feule pouvoit fauver ce pays de la ruine . L'Indéendance
de l'Améique n'eft point l'ouvrage des
Miniftres ; on doit l'imputer a la Chambre , qui
palla l'anné dernièe une réolution , laquelle délaroit
de fait l'Améique indéendante , en liant
les mains àla Nation , & l'empêhant de continuer
la guerre avec l'Améique. Dans de telles circonftances
, les Miniftres ne pouvoient chercher qu'àobtenir
les meilleures conditions poffibles . J'ai plaidé, avec
zèe , la caufe des Loyaliftes ; mais les Commitfaires
Améicains n'avoient pas le pouvoir de ftipuler
de plus grands avantages pour les Loyalites.
Je délore bien fincéement lear deſiné
je délate que fi l'Angleterre ne les indemnife pas
de leurs pertes , elle méitera d'êre mife au nombie
des nations les plus mérifables. Il fit une
Analyfe des diverfes parties des traité , & les juftifia
fur le fondement que l'Angleterre éoit dans la
néeffitéde faire la paix , àcaufe de l'éat éuifé de les finances. On alla alors aux voix ; il v
eut pour l'amendement 224 , contre l'amende
ment 208 , majoritépour l'amendement 16 .
w
&
Le Gééal Murray s'eft enfin déidéà donner au Chevalier William Draper la
fatisfaction qui lui éoit due , & cette affaire
eft abfolument terminé . On s'occupe actuel
lement de la prife de St- Euftache , & le
Confeil de guerre nommépour examiner
la conduite du Lieutenant - Colonel Cockburne
a commencéfes fénces.
La Compagnie des Indes a donnéordre
de ne point déharger les éiceries venant
de Trinquemale , & d'attendre l'iffue des
néociations avec la Hollande , qui vont
toujours lentement.
( 36 )
FRANCE.
De VERSAILLES , le 25 Férier.
Le Roi a nomméàl'Abbaye du Montde-
Sion , Ordre de Cîeaux , la Dame de
Senery , Religieufe Profeffe de l'Ordre de
St. Auguftin ; dans la mêe Ville.
M. Gerard de Rayneval' , Miniftre Pléipotentiaire
du Roi prè S. M. B. , de retour
de Londres , a eu l'honneur d'êre
préentéàS. M. par M. le Comte de Vergennes
, Miniftre & Secréaire d'Etat ayant
le Déartement des Affaires Etrangèes .
Le Vicomte de la Cropte de Bourzac , qui
avoit eu prééemment l'honneur d'êre
préentéau Roi , a eu celui de monter le
7 dans les carroffes de S. M. , & de chaffer
avec Elle.
Le Comte de Vergennes , Miniftre & Secréaire
d'Etat , ayant le déartement des
affaires érangèes , que le Roi avoit nommé le 20 de ce mois , Chef du Confeil des Finances
, a prêé, le 23 , ferment
qualitéentre les mains de S. M.
en cette
De PARIS, le 25 Férier.
LA fréate qui a ramenéM. le Comte
de Rochambeau & les Officiers de l'Etat-
Major de fon armé , mouilla le 12 de ce
mois dans la rivièe de Nantes . Ce Gééal
a éépréééici par M. le Marquis de
Vauban, qu'il avoit chargéde fes déêhes;
1
( 37 )
il est arrivélui- mêe le 19 , & a éétrèbien
reç du Roi , qui s'eft entretenu avec
lui pendant plus de demi-heure fur tous
les objets relatifs àfon armé & fa pofition
en Améique.
avant
C'eft fur la fréate la Gloire que ce
Gééal eft venu , & pendant fa traverfé
, il a eu quelques alarmes , d'abord
par le feu qui prit àla fréate , & qui
avoit fait des progrè effrayans ,
qu'on pû parvenir àl'éeindre ; enfuire
par la chaffe que lui donna un vaiffeau
ennemi de 74 canons auquel la Gloire
n'éhappa qu'àla faveur de la brume &
de fa bonne manoeuvre. · Le Gééal n'eft point inquiet de l'armé
ni de l'efcadre de M. le Marquis de
Vaudreuil. Il parcî certain aujourd'hui ,
que cette flotte a atterréau Continent
Efpagnol , dans un port qu'on avoit choiſ
àcet effet pour le rendez-vous gééal
mêe pour ce qui devoit venir d Europe.
Un petit bâiment qui eft parti de Boſon
long- temps aprè M. de Vaudreuil , &
qui vient d'arriver àNantes en 17 jours
de travei fé , ne nous apprend rien de la
navigation de notre flotte fur les côes des
Etats -Unis , ce qui prouve qu'elle a fait
un voyage heureux .
Les vents contraires ont forcéles divers
avifos fortis de Breft pour aller annoncer
la paix , a rentrer dans ce port , & nous
apprenons que Andromaque , qui avoi
,
( 38 )
ééexpéié de Rochefort pour le mêe
objet , a ééobligé de relâher le 11 de
ce mois àl'Orient. Les fiéates Anglifes
n'auront pas ééplus heurenfes , puifque
nous avons qu'une efcadre entièe a éé fi maltraité , qu'elle n'a pas pu continuer
fa route ; auffi 8 ou 10 jours de mauvais
temps pourront peut- êre faire couler du
fang en pure perte dans l'Inde & en
Améique.
>
Selon les nouvelles apportés par un
Courier extraordinaire d'Espagne nous
avous appris que tout a ééarrêéàCadix
; on a dit auffi que D. Antonio Barcelo
éoit parvenu àdéruire le St- Michel
que fes chaloupes canonnièes avoient éé s'accrocher àce vaiffeau fous le feu de la
Place , & ne l'avoient quittéqu'aprè l'avoir
percéen difféens endroits , & au
moment oùil alloit couler bas. On dit
aujourd'hui , que cette nouvelle n'éoit
qu'un bruit de Madrid , que le Courier
d'Efpagre avoit rendu ici. Quelques lettres
de Bayonne l'ont depuis confirmé,
mis il ne l'eft pas encore par celles de
Madrid ni par celles de Cadix : ces dernièes
font du 31 Janvier , & nous apprennent
que le 31 on a fait fortir une divifion
de 8 vailleaux de ligne & de 3 fréates
qu'on croit avoir ééau - devant de
la riche flotte de la Havane . Cette divifion
eft fous les ordres de M. Dupleffis
Pafcaut.
( 39 )
On a des lettres de Toulon , en date du
4 de ce mois , dans lefquelles on lit les
déails fuivans.
La corvettte la Brune , commandé par M. de
Raouffer- Seillan , Lieutenant de vailleau , a mouillé hier matin dans cette rade , venant de Lixourne ;
elle avoit àbord M. le Duc de Chartres , qui a
déarquéici pour fe rendre àVersailles . Quoique
ce Prince garde l'incognito , M. le Chevalier de
Fabry , commandant la Marine , s'eft tranfportéfue
la corvette pour lui préenter fes hommages , & l'a
conduit enfuite chez lui oùce Prince a acceptéun
logement. Ce Commandant a eu l'honneur de lui
préenter les Officiers de fon corps ; ceux du corps
qui forme notre garnifon & ceux de l'Adminiftration
ont éééalement préenté àce Prince par
leurs Commandans & par Intendant ; il les a reçs
D
avec la mêe bonté, ainfi que les Confuls & la
Sééhauflé . Le réiment du Perche cft parti
hier de cette ville pour le rendre àMontpellier. Ce
réiment a ééremplacépar celui de Dauphiné, qui
eft arrivéici le mêe jour , venant de Valence .
Le Vrebourg , vaiffeau Hollandois de la Compagnie
des Indes qui eft ea relâhe dans notre port , fe difpofe
àaller joindre àMarſille les cinq autres vailfeaux
de la Compagnie des Indes qui y font arrivé
dernièement de Batavia. Leurs cargaifons confiftent
en productions de l'Inde , telles que coton , foie de
Bengale , éiceries , toiles , mouffelines , nacre de
perle , fucre , caféde Java & c .; la vente s'en fera
publiquement par M. Simon Birard de l'Orient ,
Conful gééal de Suèe en Bretagne , & cette vente
commencera vers la fin d'Avril prochain . Toutes les
marchandifes àla pièe & au poids , le vendront à l'entrepô , & pourront êre expéiés pour l'éranger
foit par terre , foit par mer , en franchife de tous
droits ".
On lit dans une lettre de Nantes l'avis.
( 40 )
fuivant ,,
que fon importance nous engage
àtranferire & àpublier.
»MM. les Adminiſrateurs gééaux de la manufacture
royale du nouveau doublage des vailleaux
de la Marine & du vernis méallique pour les ferru
res , éablie ici , ne pouvant entrer dans un grand
déail fur ces préieufes déouvertes , dont ils font
redevables aux travaux d'un favant , ſ borne ont
àune fimple notice , fuffifante pour prouver l'avantage
que toutes les Nations doivent en retirer . Le
nouveau doublage propre aux vailleaux , aux pilotis
& aux digues , elt un méal incorruptible : aucun infecte
, aucune plante marine ne peut s'y attacher. It
n'eft pas plus pefant que le cuivre , & n'a aucun de
fes inconvéiens . Les acides ne peu ent rien fui lai ;
il augmente beaucoup le fillage des vaiffeaux , &
peur mée êre employéàcouvrir les maifons fans
charger les charpentes . Le vernis méaliq e péère
le fer jufqu'au centre , en remplit exactement les
pores , & l'empêhe de fe rouiller . Tous les clous ,
chevilles & autres fers employé dans la conftruction
des vailleaux ou dans la bâille des maisons ne
prennent, par fon moyen , aucune humidité& ne ſ
rouillent jamais. Tous les fers enduits de ce vernis
changent de nature & deviennent plus durs . Sa couleur
eft blanche argenté , fufceptible d'êre polie ,
& peut faire ornement par- tout . MM . les Adminif
trateurs offrent àtoutes les Puiffances & aux Armateurs
de traiter de lun & de l'autre àleur fatisfaction
".
Nous placerons aprè cet avis des obfervations
non moins importantes , fur la manièe
de préerver de la foudre les vailleaux
& particulièement la Sainte - B rbe ; elles
font fondés fur la doctrine de M. Franklin
& du P. Becaria , & extraites d'une diller
tation du P. J. B. Toderini.
( 41 )
»Il eft déontréque la foudre eft formé par la
matièe éectrique . Parmi les corps éectables par
communication , les méaux font ceux qui attirent
le plus fortement cette matièe , fu -tout lorfqu'ils
font terminé en pointe : c'eft ourquoi les
tours , les clochers , &c . furmonté de croix méalliques
& fort éevé , font plus exposé àêre frappé
de la foudre . Afin que le Auide éectrique , lorfqu'il
s'eft infinuédans un corps , pourfore paifiblement
fon cours , il faut il trouve fur fon
paffage une féie de corps ou de conduits éalement
propres àle recevoir ; s'il rencontre une manièe
qui fe refufe àſn introduction , il clae : c'eft ce
qui arrive fur les tours dont les ornemens de fer
font arrêé par du marbre ou de la chaux , qui n'admet
point la matièe fulminante. Enfin l'éince le
éectrique fond les méaux d'un trè - pe it diamère
& fi leur diamère eft fuffisamment grand , il paffe
àtravers fans les endommager : ainfi pour éoigner
tout danger , quoiqu'on puiffe s'en tenir à trois lignes de diamère , felon l'avis du P. Beccaria
, il vaut mieux que le méal en ait quatre ,
ou mêe , par furabondance , un pouce. Quant
aux vailfeaux , il eft manifefte , que la coutume de
placer la Sainte Barbe fous le grand mâ , eft trèdangereufe
: car la foudre fe jette plutô fur la partie
la plus éevé , & en defcendant par ce mâ , elle fe
déharge dans la poudre placé au-deffous. Il faut
donc éablir la Sainte-Barbe àla poupe , en recou
vrant d'une double garde de cuir qui réifte au feu ,
tant éectrique qu'ééentaire , les armures ordinaires
des magasins àpoudre , lefquelles font de
fer , & en vernillant ces armares . Pour mieux pourvoir
àla fûetédes vaiffeaux , attendu qu'au-delfus
de la Sainte - Barbe eft un autre mâ moins baut , il
faut enfiler àla cîe du mâ parallèement au na,
vire , un grand anneau de bronze fur lequel s'éèent
quatre groffes & trè-courtes pointes dorés ,
de manièe qu'elles foient un tant foit peu domi
----
( 42 )
nés par la cime da mâ enduite de poix , & que
dudit anneau il defcende tout le long de l'arbre
une verge méallique de trois lignes de diamère ,
qui communique avec un autre conducteur plus
grand , lequel doit traverfer le plancher , & en paffant
aux deux bords oppofé , deſendre par les
flancs extéieurs de la poupe , & plonger dans la
mer. Il convient d'enduire éalement de foix la
girouette , fi elle eft de bois , & encore pius , fi
elle eft de fer , parce que la matièe en coulant dans
ce fer pourroit élater entre le fer & le mâ couvert
de poix. Enfin , pour plus grande fûeré, on
attachera àla flèhe de la girouette des hls méalliques
qui communiqueront avec le grand anneau.
Parmi les Procè finguliers , en voici un
qui peut intéeffer nos lecteurs , & leur
apprendre fur-tout àfe déier des affiduité
officieufes de gens dont l'éat peut favorifer
des rééitions exceffives pour raifon de
vifites , qui , faites en apparence fous les
dehors de l'amitié, font fouvent de leur
part trè - intéeffés .
› Une Dame de ... > demeurant en Province
avoit eu en Mai 1754 une maladie dangereufe ,
dont il lui reftoit un vemiffement qui avoit réifté àtous les remèes. Le Méecin de l'endroit qui l'avoit
traité dans fa maladie , aprè avoir tentédifféens
réimes , crut devoir lui confeiller de repren
dre la vie commune. Des Méecins de Paris confulté
furent du mêe àis . La Dame , l'ayant ſivi),
paya àfon Méecin ordinaire 100 éus d'honoraires
pour folde de compte déinitif le 19 Juillet 1776.
Ce mêe Méecin a depuis continuéles affi
duité fous le titre d'ami dans la maiſn de cette
Dame , qui n'a pas éémalade depuis . Ses de x
enfans ayant eu enfuite la petite véole , ce Méecin
, qui venoit habituellement dans la maiſn , fut
confulté& réompenféde fes feins pour eux par
( 43 )
-
-
des préens ; canne àpomme d'or & pièes de toi.
les pour linge de corps & de méage : ce Méecin
avoit auffi profitéde la voiture de la Dame ,
pour venir avec elle àParis , oùdes affaires perfonnelles
apppelloient ce Méecin. Au mois
d'Aoû dernier ce Méecin defirant mettre àprofit
fes affiduité , fit affigner les fieur & dame de
au Bailliage de ... , pour les faire condamner àlui
payer une fomme de 1856 liv . pour 1667 vifites
faites chez cette Dame , dans la Ville oùeft fon
domicile , pour 114 vifites faites àfa campagne ,
diftante de la Ville de 4 lieues , & pour l'avoir
accompagné dans un voyage àParis , oùelle alloit
confulter les Méecins . Il faut avouer que ce
Méecin avoit une heureufe méoire & favoit
compter ; il n'eû pas éémal- adroit fi aprè avoir
pendant prè de 6 ans partagépeut- êre la table
de cette Dame , il avoit pu s'en faire payer unc
fomme conféuente , pour l'aider àfonder la fienne
par la fuite ; mais les Sieur & Dame... , peu complaifans
, ont cru devoir déendre àcette demande par
l'expofédes faits ci - deffus. Ce nombre prodigieux
de vifites a para invraisemblable aux Jeges ,
& au furplus trè- inutile àune perfonne qui ,
remife àla vie commune , n'avoit plus eu aucun
réime àgarder. Ils ont eftiméqu'il y avoit compenfation
des foins donné aux enfans pendant leur
petite- véole avec les préens reçs , & ont déouté le Méecin de fes demandes avec déens .
quoi faut- il qu'un auffi vil & fordide intéê de quelques
particuliers indignes du nom de Méecin , dé.
honore ainfi une des plus honorables & des plus utiles
profeffions.
- Pour-
On mande de Rouen que les Curé&
Marguilliers d'une Paroiffe de cette ville
envoyèent au Confeil dans le mois dernier
des Déuté de leur part , pour repré .enter
que leur cimetièe éant affez grand pour
( 44 )
y inhumer les morts qui déèent fur cette
Paroiffe , devoit êre confervé Il leur a éé réondu que le Parlement leur avoit fixéun
terrein hors de la ville , qu'ils doivent en
confequence y faire leurs féultures , que
c'éoit la volontédu Roi , qui vouloit que
fon E it àcet éard fû exéuté, ainfi que
les Ar ês de fes Parlemens , & qu'ils n'avoient
qu'àfe conformer àceux que celui
de Rouen avoit renda les 23 Juin 1779 , 7
Aoû 1780 , & notamment àcelui du 7
Déembre dernier ? Il feroit àfouhaiter que
par tout dans les grandes Villes on s'occupâ
efficacement àtranfporter toutes les féul
tures hors des Villes , c'eft fur tout dans
les grandes qu'une pareille difpofition feroit
le plus néeffaire , & qu'elle érouve le
plus d'obstacles.
M. de Bouffois , Notaire àChâeau- Thierry,
nous érit qu'ayant ééchargéde faire des
recherches d'actes concernant la famille de
Jean Thierry , déééàVenife , par un
des préendans àcette fucceffion , il a trouvé difféens actes dont il a pris note , paffé
devant fes prééeffeurs par des Thierry,
Ces Thierry font Jean , Sergent , Nicolas , de
pareil éat , Victor , Marchand. Les héitiers de Jean
& de Victor , Françis , Chirurgien ; il a trouvé entr'autres le partage des biens de Nicolas , & Marie
l'Oifeleur fa femine , fait entre Claude , Catherine &
Nicolle , Jeanne , Nicolas , Curéde Dormans ,
Françis & Marie leurs enfans , tous demeurant à Châeau- Thierry , depuis & compris l'anné 1612
jufqu'en 1673 inclufivement , Il en a aufli trouvéde
( 45)
Thierry de Monmirail , & on peut s'adreffer directe,
ment àlui.
Nous ne pouvons refufer àla jufte inquiéude
d'un pèe pour le feul fils qui lui refte ,
& dont il n'a point de nouvelles depuis fix
ans , d'inféer ici l'avis fuivant.
»Ce jeune homme eft Claude- Féix Regnault
Delmarets , néàQuimper , Paroiffe St -Mathieu ,
Evêhéde Cornouailles , le 20 Mai 1757 , embarqué Pilotin fur le vaiffeau le Turgot , aiméau port de
l'Orient le 19 Avril 1775 pour la Chice , déarqué dudit vaiffeau le Turgot en rivièe de Chine le
19 Octobre 1776 , pour le rembarquer fur le vaiffeau
le Shrewbury de la Compagnie d'Angleterre ,
deftinépour Bengale . On prie ceux qui pourront
procurer quelqu'indication fur ce qu'il eft devenu
d'en donner connoiffance àM. Regnault Delmarets ,
ancien Capitaine de Cavalerie , demeurant àl'Orient
en Bretagne ",
De BRUXELLES , le 25 Férier.
Ο ÍON affure que le Roi de Suèe , attertif
àfaifir toutes les occafions d'éendre
& de favorifer les commerce de fes fujets ,
n'a point néligécelle qui s'eft offerte par
la déarche de la Grande- Bretagne , en
reconnoiffant l'indéendance de l'Améique ;
ila , dit-on , propoféun traitéavec la nouvelle
Réublique , qui , dit-on , a ééconclu
& fignéàParis le 5 de ce mois par fon
Miniftre & ceux des Etats -Unis ; la Suèe
a donnéaux autres Puiffances de l'Europe
un exemple qui fera fans doute bientô imité
On apprend de Hollande que les Etats
de Hollande & de Weftfrife ont , en vertu
d'une réolution , remis aux Etats - Gééaux
( 46 )
l'examen de l'affaire des vaiffeaux dont le
déart pour Breft avoit ééordonné; ils
n'ont pas jugéque les Amirauté en
puffent connoîre convenablement , parce
qu'elles font , en quelque façn , parties intéeffés
. On attend la déifion de cette affemblé
, celle des Etats de Hollande & de Weftfrile
, fur la léalité& la compéence du
haut Confeil de guerre. On dit que la Jurifdiction
de ce Tribunal fera fixé fur un
pied permanent , & réuite dans des bornes
compatibles avec la conftitution de la
Réublique.
כ ë
Nous ignorons encore , érit-on de la Haye ,
oùen font les néociations pour notre paix particu
lièe. Il paroî que les Anglois exigent toujours
quelques ceffions de notre part ; peut- êre n'ont-ils
en vue , en infiftant fur ce point que de faire une
balance avec les déommagemens que nous deman
dons ; quoiqu'il en foit , il est sû que l'on a fait
partir fucceffivement 3 Couriers pour Paris , avec
le refus formel de céer Néapatnam . Il en réul e
que notre arrangement particulier ne paroî pas
encore prê àfe conclure. Cette indéifion occafionne
quelques plaintes ; mais tous les citoyens
cenfé , ceux qui réléhiffent , conviennent tous des
obligations que nous avons àla France ; elle nous a
fauvéTrinquemale , & fi elle n'a pu engager les
Anglois àfe déifter des autres poffeffions qu'ils
ont conquifes fur nous , il ne faut s'en prendre qu'à notre lenteur & àl'apathie de nos confeils qui , au
lieu de fe preffer de faire caufe commune avec nos
allié , & d'agir de concert , ent toujours voulu
faire bande àpart. On dit bien que quatre jours
avant la fignature des préiminaires , on éoit convenu
d'un plan d'opéations communes ; mais alors
il n'éoit plus tems.-- Il eft arrivéun Exprè des
Commiffaires de notre Compagnie des Indes qui fe
trouvent en France ; & les 17 Directeurs déuté
--
( 47 )
de ce corps fe font affemblé extraordinairement
ici. Cette circonstance denne lieu àune multitude
de raifonnemens & de conjectures , parce que c'eft
àAmfterdam ou àMiddelbourg que s'aflemble or
dinairement la Direction de la Compagnie. On at-
\ tend avec impatience l'iffue de fes déibéations &
celle des néociations entamés ; quelle que foit celle
de ces dernièes , les travaux fe continuent pour
mettre notre marine fur un pied refpectable ; les
péitions pour cet objet montent 13,956,073
florins fols 8 den. outre 2,100,000 pour les magafins,
D'autres lettres de La Haye nous apprennent
que les ordres ont éédonné de fufpendre
provifionnellement les hoftilité contre
l'Angleterre , en vertu de l'Armistice figné àParis entre les Miniftres de la Réublique
& ceux de la Grande-Bretagne .
PRÉIS DES GAZETTES ANGL. du 18 Férier.
On dit que le Lord Beauchamp a éénommé Secréaire de la Guerre , àla place du Chevalier
George Yonge. L'intéê de l'argent fera , diton
, bientô réuit àquatre pour cent , par acte du
Parlement.
-
Le déart du Marquis de Carmarthen pour Paris
´ft fixéau 21 de ce mois. Le Duc de Rutland
nomméGrand - Maîre de la Maifon du Roi , àla
place du Lord Carlisle , a eu l'honneur de faire ,
le 16 , fes remerciemens àS. M.
"
Le Prince Edouard partira demain pour Dublin ,
accompagnéde fon Gouverneur ; fa fuite fera peu
nombreufe.
Les Irlandois femblent déerminé àfaire leur
cour aux Améicains ; un corps de volontaires ,
connu àDublin fous le nom d'Hibernian- Union ,
a pris l'arrêéfuivant :
و Ï
Le Roi de la G. B. ayant pour lui , fes héitiers
& fucceffeurs , reconnu les Treize Etats- Unis de
( 48 )
l'Améique feptentrionale , pour Etats libres , fouve.
rains & indéendans «.
Arrêéunanimement que ce corps faluera de
trois déharges le premier vaifleau qui entrera dans
le port de Dublin , avec pavillon Améicain «.
L'Amirautéa expéiédes ordres àPlymouth ,
Four qu'on lui envoy â fur-le-champ un éat des
vaiffeaux de guerre de ce port , en ordinaire , en
réaration ou en construction .
Le Canada nous coûe beaucoup plus qu'il ne
nous rapporte. L'avant - dernièe anné , il nous a
coûé1,200,000 1. , & l'anne dernièe 800,000 ,
tandis que fon commerce & toutes les pelleteries ne
nous ont jamais rapportéplus de 100,000 liv . Aiafi
les limites éablies par les articles provifionels ne
pourront nous êre que trè-avantageuſs , fi elles
nous privent d'une poffeflion qui coûe fi cher à garder.
L'Amiral Hyde Parker continuera de commander
dans les Indes O ientales , avec 8 vaikeaux de ligre
fans compter les fréates qui font l'armement fixé par le préent éabliffement de paix .
Il eft remarquable , obſrve une de nos Gazettes ,
que les dates de dex grands éèemens corref
pondent fi bien. En Férier 1763 , par le traitéde
paix avec la France & l'Espagne , l'Améique Septentrionale
nous a éédonné a perpé iré En Férier
1783 , nous avons donnéàperpéuitél'Améique
àelle -mêe.
-
Il n'a pas encore éédonnéd'ordre pour faire
rentrer en Angleterre aucun des vaiſ .eaux ſationné
dans les difféentes parties du globe . Le
Royal-William de 84 , & le Vigilant de 64 , déa
ment àPortſou.h. L'Irréiftible de 74 & le
Diadêe de 64 , vaiffeaux neufs actuellement en
commiflion àChatam , ne feront point éuipé pour
la mer. Les vailleaux armé qui avoient éé employé pour la protection du cabotage , feront
déa méle mois prochain , parce qu'ils deviennent
-
déormais inutiles .
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E.
De CONSTANTINOPLE , le 10 Janvier.
E calme commence àfe réablir dans
Lect
,
cette Capitale ; tout nous fait eſéer
que la rupture qu'on craignoit avec la
Ruffle n'aura pas lieu . Ce changement dans
les efprits & dans les difpofitions fe manifefte
depuis la retraite du Grand - Vifir
qui a éédéofé& qui s'eft retiréàVidin fur
le Danube , dont on lui a donnéle Gouvernement.
Le Kiaya- Bey Halid - Hamid le
remplace. La fermetédu nouveau Grand-
Vifir a contribuéàcontenir par- tout les
mutins , qui ne font plus entendre comme
auparavant le cri de guerre. Le Grand - Scigneur
a , dit-on , délarépofitivement qu'il
rempliroit les engagemens qu'impofe àla
Porte le traitéde Kainardgi ; & l'on affure
que tous les difféends font non-feulement
arrangé avec la Ruffie àla fatisfaction réiproque
des deux Puiíanees , mais que S. H.
8 Mars 1783.
( 50 )
a foufcrit àune nouvelle convention qui
lui a éépropofé par la Cour de Péersbourg.
On ignore encore la nature de cette
dernièe & celle des arrangemens qui ont éé pris.
DANEMARCK.
De
COPENHAGUE , le 4 Férier.
Le luxe qui commençit àgagner tous les
rangs de la fociéécivile , vient de fixer
l'attention du Gouvernement. Pour en rérimer
les effets toujours funeftes , il a rendu
une Ordonnance qui doit le limiter dans les
Royaumes de Danemarck , de Norwèe ,
ainfi que dans les Duché .
Chriftian VII. & c. Nous avons remarquéavec
regret , par les recherches que nous avons faites ,
qu'il rène dans nos Etats un luxe , qui , en faisant
employer les marchandifes érangèes beaucoup
au-delàdu néeflaire , fait paffer aux érangers les
richeffes du pays , & confume , par la prodigalitéde
nos propres productions intéieures , une partie importante
de ce qui pourroit fe vendre àl'éranger ;
& nous avons obfervéen mêe tems , que des
familles , qui conftituent l'Etat , les unes s'affoibliffent
& les autres s'appauvriffent par un pareil
luxe , foir qu'elles choififfent de leur propre gréune
fompruotité, qui furpaß leurs forces , ou que par
une espèe de déence elles fuivent l'exemple des
riches. Pour couper cours àce mal , fecourir les
familles qui defirent du foulagement , & ramener
l'éonomie , avantageufe aux familles & recommandable
àl'Etat , de façn que l'on puiffe faire , autant
que poffible , ufage de ce que l'on pofsèe déa ,
& qu'aucun bon méier ou néoce n'en fouffie far(
si )
ticulièement , nous avons trouvébon d'ordonner
& de ftatuer ce qui fuit.-I. Il ne fera plus permis
àl'avenir àaucun de nos chers & fidèes fujets
de faire ufage , foit fur leurs perfonnes & dans les
fociéé , foit dans leurs maifons , d'autre or ou
argent , que de boîes , éés , boucles , boutons de
cou & de poignet , montres , éuis , cuillers , coûeaux
, fourchettes , chandeliers , fucriers , cuillers à thé, tenailles àfucre , & autres petites pièes d'argenterie
dont on fe fert àtable , comme auffi des gobelers
en ufage chez les payfans ; àquoi il faut ajouter
les bagues & autres ornemens , que le fexe porte
aux oreilles & au cou ; ceux que les pay fans portent
d'argent maffif, & ce que les gens ont d'ailleurs
dans leurs maifons pour leur ufage perfonnel , comme
auffi jufqu'au nombre de 8 plats pour la table
avec des terrines & des caffetièes pour ceux qui
en ont déa. Il ne fera plus permis de fe fervir d'autres
uftenfiles d'or ou d'argent pour le thé. Cependant
l'on pourra conferver l'argent , que portent les
coureurs & les chaffeurs , de mêe que les boutons
d'argent unis pour les habits de livré , au cas qu'on
veuille les faire porter. Au refte , tout l'or & l'argent
travaillé, qu'on voudra importer àl'avenir de
l'éranger dans nos Etats , fera confifquépar-tout
oùon le trouvera ; àl'exception nénmoins de ce
que les voyageurs portent avec eux pour leur ufage
perfonnel, ou qu'ils font introduire dans le Royaume
pour
le tranfit rél d'un endroit àl'autre . II. Tous
les galons d'or & d'argent fur les habits neufs ,
comme auffi les houppes ou fous quelque nom que
les ornemens d'or ou d'argent fur les habits foient
connus , font déendus dis - à- préent . Voulons cependant
, afin que perfonne n'effie des pertes , qu'il
foit permis àceux qui ont préentement de pareils
habits , de les porter jufqu'au premier Janvier 1786.
Il en faut excepter nénmoins les uniformes , que
nous pourrons ordonner & preferire nous-mêes ,
C 2
( 52 )
comme auffi ceux que nous avons déa rélé pour
certaines perfonnes , qui font au fervice de notre
Cour ou dans le fervice militaire , & que nul autre ne
peut préumer de porter . III . A compter du premier
Férier 1783 , il ne fera permis àaucun homme de
faire faire des habits d'or , d'argent ou de foie , mais
ceux qu'on a déa peuvent êre porté jufqu'au premier
Férier 1786. La mêe déenfe concerne les
houffes & couvertures de chevaux . Cependant , afin
que ceux qui fe font occupé jufqu'àpréent de la
broderie & qui ont véu de ce travail , n'en foient
pas privé entièement , nous voulons bien permettre
au fere jufqu'ànouvel ordre de porter des broderies
de foie , àcondition qu'auffi fouvent qu'une
pièe , grande ou petite , aura ééachevé , elle foit
timbré àla halle éablie en notre réidence , aprè
qu'il aura ééprélablement conftaté& duement
attefté, qu'elle a éétravaillé dans nos Etats : mais
dans les autres villes marchandes , comme auffi
au Plat-pays , ledit timbre fera appofépar les Officiers
du district , auxquels nous avons confiél'adminiftration
de la police , & ce timbre fera compofé de notre nom en chiffre , du nombre de l'anné ,
& des mots : Til Bruck ( pour l'uſge ) . Au refle le
fexe pourra porter jufqu'au premier Janvier 1786 ,
les habits brodé , qu'il a déa . IV . Tous les habits
& pièes broché en or & en argent , ainsi que tout
ce qui eft montéde pierres érangèes , fines cu
fauffes , ne pourront plus fe porter ni fervir d'ornement
àqui que ce foit , non plus que les perles
fines ou fauffes , depuis le premier Janvier 1784.
L'on en excepte nénmoins , comme de coutume ,
les préens orné de pierres préieufes , dont nous
ou notre maiſn royale auront gratifiéquelqu'un .
A compter dudit premier Janvier 1784 , ceffera
éalement tout- à fait l'ufage des dentelles érangèes
& de ce qu'on nomme des points. Mais , fi
quelqu'un fait exéuter des ouvrages de pierres , qui
( 53 )
par
fost des productions de nos Etats , on prouvera
des certificats , que tel ouvrage a ééréllement
fait de pierres du pays . V. Aprè la publication de
la préente Ordonnance , il ne fera plus permis de
faire ni d'ordonner de dorer ou d'argenter d'or ou
d'argent fin les voitures , meubles , ou maifons.
VI . Tous les boutons pour les habits d'hommes ,
exceptéfeulement les uniformes que nous aurons
or lonné, feront pour les habits , qu'on fe fera faire
àl'avenir , de la mêe éoffe que les habits mêes ,
ou bien de foie & de poil de chameau , fabriqué
dans nos Etats . Les boutons communs de paylan
pourront feuls êre confervé. VII. Les hommes ,
jufqu'an premier Janvier 1786 , porteront les habits
, qu'ils ont actuellement de foie & de velours ,
tels qu'ils font àpréent , pour autant qu'il n'y a
point éémis de reftriction par l'article IV ci -deſ .us ;
nais , àcompter dudit premier Janvier 1786 , il
leur sera déendu de porter des habits ou furtouts de
foie ou de velours , comme il leur eft auffi déendu
d'en faire faire aprè la publication de la préente
ordonnance. Cependant , en faveur de nos fabri
ques , il eft permis au fexe mâe de porter des veftes ,
culottes , & bas de foie , ainfi que la doublure des
habits ; mais en revanche le velours eft déormais
déendu abfolument aux hommes. Il ne fera plus
permis non plus de porter des mouchoirs de foie ,
qui ne peuvent êre lavé . Cette déenfe ne concerne
pas nénmoins le velours de Manchefter ni autres
éoffes , mêés de foie & de coton , & ne s'é ‹ end
pas non plus aux éoffes mêés de foie & de laine ,
ni àcelles mêés de foie & de fleuret , qu'il fera
permis de porter comme ci - devant , pourvu que l'on
puiffe prouver qu'elles ont ééfabriqués dans le
pays. VIII . Tout ufage de pelleteries pour border
les habits , comme auffi pour doubler des habits
de cééonie , ceffera abfolument àcompter
du premier Janvier 1786. En revanche l'on
c 3
( 54 )
I
ne portera déormais que des pelleteries du pays
pour les furtours & pour le garantir du froid.
IX. A compter du 1 Janvier 1786 , il ne fera point
permis aux domestiques de nos Officiers de porter
rien qui foit fait de foie , finon des bourſs àcheveux
, des rubans de queue , des cravates & des bas.
Aprè la mêe éoque , les fervantes ne pourront
plus rien porter de foie , finon un mantelet & une
jupe de foie noire. X. A compter du 1 Janvier 1786 ,
il ne fera point permis au fexe de porter fur fes
habits d'autres garnitures que de la mêe éoffe
dont font les habits , ou , fi elles n'en font point ,
d'en porter qui coûent plus de 16 éus : toutes les
garnitures qui feront faites depuis le 1 Férier 1783 ,
fe rèleront d'aprè ce qui a ééfixéci- deſ .us . Il fera
abfolument déendu , aprè le 1 Janvier 1786 , de
porter des fleurs d'Italie & autres , àmoins qu'on
ne puiffe prouver qu'elles ont ééfaites dans le pays 5
il cft déendu dè-à préent d'en importer de nouvelles.
Il fera de mêe prohibéàl'avenir de fe
fervir de feuilles d'argent fur des habits nouvellement
faits , ou de les porter d'aucune autre façn
pour l'ajustement. XI. Les fervantes ne pourront
porter des bonnets ou coëfures d'un prix plus haut
qu'un éu ou 9 marcs Danois , exceptéle jour de
leurs noces. Il leur eft auffi déendu de porter des
boucles d'oreilles . XII . Tout domestique convaincu
de s'êre fait frifer par un Perruquier - Coëfeur ,
payera chaque fois une amende de 4 éus . XIII . II
eft abfolument déendu de faire faire des tapifferies
en foie , ainfi que des rideaux de foie aux fenêres.
XIV. Nous rétéons toutes les déenfes faites cidevant
; & déendons abfolument pour l'avenir
l'importation des articles fuivans : 1 ° Tous meubles
, quelque nom qu'ils portent , y compris les
tapis de pied . 2 °. Les voitures de toute eſèe avec
les éuipages de chevaux. 3 ° Toutes pendules ou
montres déa montés . 4º Toutes verreries , porce(
53 )
laines & fayance , excepténénmoins les miroirs ,
jufqu'ànouvel ordre. Cependant l'on conferve les
droits octroyé àla Compagnie des Indes orientales
& àla Compagnie du Canal . L'on ne comprend pas
non plus fous cette déenfe ce que les Etrangers
apportent avec eux pour leur ufage perfonnel ou
ce qu'ils font importer comme des effers , qui ne
font réllement que de fimple tranfit. XV. Pour
rérimer le luxe & diminuer les déenfes de nos
Sujets , nous ordonnons encore : 1 °. Il ne fera permis
de donner déormais aux dîers que fix plats ,
en comptant les grands & les petits ; & enfuite ,
outre les falades & ce qu'on peut regarder comme
éant da ciûdu pays , tout au plus quatre plats de
deffert , outre les fruits indigèes ; de forte que
toutes confitures érangèes , tant sèhes que li
quides , ne feront plus fervies . 2º Aux foupers ,
aucun Sajet du Roi ne pourra donner plus de 6 plats ,
tant grands que petits , & outre les falades , tout au
plus 2 plats de deffert avec des fruits du crûdu pays.
3. A table & ailleurs , lorfqu'on a des convives
i ne fera pas permis de donner d'autres vins que
des vins blancs & rouges de France avec des vins
de Maliga & de Madèe . En revanche , tous autres
vins fius & liqueurs , comme aufi le vin vieux de
France & la bièe érangèe , font déendus. L'on
pourra nénmoins donner du punch àceux qui en
déirent 4 °. Aux noces & àd'autres feftins femblables
, l'on pourra ajouter 2 plats & 2 articles de
deffert au nombre fixépour les repas ordinaires.
Enfia, àcompter du 1 Octobre 1783 , l'on ne pourra
fervir au repas , ni mettre en vente , ni annoncer à cet effet dans les Gazettes , des comeftibles érangers
, ni aucune espèe de mets préaré dans l'Etranger
, & dont les principaux ingrediens fe trouvent
dans le pays . Mais , comme nous ne comprenons
point fous cette prohibition des ingréiens
érangers , propres & utiles àfervir de nourriture ,
>
C 4
( 56 )
nous avons deffein de fixer d'une manièe plus cin
conftancié par un placard , que notre Collée-Gééal
d'Economie & de Commerce publiera, ce qu'on
doit tenir pour déendu. Pareillement l'on ne pourra
vendre & verfer , àcompter du 1 Janvier 1784 ,
dans les Auberges & Cabarets , & annoncer dans les
Gazettes , que les feuls vins dont nous avons accordé l'ufage par l'article prééent. La mêe déenſ a
lieu àl'éard des bièes érangèes & des liqueurs
déa préarés qu'on importeroit de l'Etranger , &
qu'on ne pourra verfer , vendre ni annoncer dans
les Gazettes , aprè le 1 Octobre 1783. Au reste ,
nous verrons avec plaifir que nos Sujets , pour ne
point perdre ce qu'ils poſèent déa , en faffent
ufage jufqu'àl'éoque que nous avons fixé ; comme
autfi qu'ils fe bornent enfuite relativement àce qui
eft réléci- deffus, tant pour le boire & le manger
que pour d'autres objets. Afia que notre préente
Ordonnance , aprè fa publication , fe conferve
conftamment dans la méoire de nos chers & fidèes
Sujets , pour qu'ils s'y conforment , il en fera fait
lecture annuellement de toutes les Chaires dans
toutes les Villes marchandes de nos Royaumes
& Etats , le premier Dimanche aprè le nouvel an &
le premier Dimanche du mois de Juillet . Et comme
nous nous affurons que nos chers & fidèes Sujets
inftruits de ce qui fert àleur propre bien - êre , fe
réouiront de recevoir cette rèle d'éonomie , &
qu'ils feront attentifs àfon obfervation , nous ne
voulons point provifionnellement la faire exéuter
par voie de Police & autres moyens de force : ce
que tous & chacun doivent favoir pour s'y conformer
«
Cette Ordonnance eft du 20 Janvier. Le
31 , il en a éérendu une autre pour rérimer
la déenfe du jeu ; comme c'est la
Cour qui doit donner l'exemple àla Ville
& au refte du Royaume , elle a ééadreffé
( 57 )
au Grand-Maréhal de la Cour. Il n'y fera
donnéàl'avenir qu'un éu pour les cartes
àchaque table de jeu .
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 4 Férier.
C'EST le 2 de ce mois que l'on a annoncé dans l'Eglife Proteftante de cette Ville l'accommodement
des difféends qui fubfiftoient
entre les Diffidens. On fe flatte que leur
union , àpréent qu'elle eft réablie , ne
fouffrira plus d'altéations.
Le Roi a confééla Waiwodie de Czernicovia
, vacante par la mort du Comte de
Leduchowski , àM. de Wilga , Staroſe
de Grabowicz.
ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 8 Férier.
L'ARCHIDUC MAXIMILIEN eft parti d'ici
les de ce mois pour l'Italie ; il fe rend
d'abord àFlorence , d'oùil fera un tour à Milan , àParme , & en d'autres Villes d'Italie
, & particulièement àRome , oùdes
appartemens au Vatican font préaré pour
le recevoir. Le Comte de Hardyg , Grand-
Maîre de fa Maiſn , l'accompagne.
Les tranfports de munitions de guerre
fur les frontièes des Provinces Ottomanes
ne font pas interrompus comme on le
difoit ; cependant on remarque que tous ces
préaratifs fe rallentiffent.
( 58 )
Il vit dans le cercle de Chrudin , érit - on de
Prague , une claffe d'hommes trè -nombreufe , qui
préend fuivre la religion d'Abraham ; un des points
principaux de leur croyance eft la connoiffance d'un
Etre fuprêe , Créteur de l'Univers , qui réompenfe
le bien & punit le mal dans ce monde comme
dans l'autre. Ils n'ont point de livres , & on ignore
d'oùils ont pris leur fyftêe religieux . Leurs moeurs
font trè-douces & leur conduite eft fans reproche.
D'aprè les ordres de S. M. I. ces gens auront des
éabliffemens dans la Hongrie «.
L'Empereur , en confi.léation de la mauvaife
réolte de l'anné dernièe , & d'aprè
les repré .entations qui lui ont ééfaites par
les habitans des environs d'Infpruck , vient
d'accorder la fomme de 24,000 florins
pour êre diftribué aux plus indigens.
Pour mieux favorifer & faciliter l'exportation
dans l'éranger des productions du
pays , l'Empereur vient d'ordonner que vu
la grande confommation de cuivre qui
augmente journellement pour les befoins
de la navigation , il fera éabli àFiume
un entrepô de cuivre , qui fera àtous éards
conforme àcelui qui exifte àTrieſe . Cet
entrepô fera confiéàla Compagnie priviléié
de Fiume .
De HAMBOURG , le IIsS Férier.
S'IL faut en croire des lettres de la Bofnie
, 30,000 Turcs fe font raffemblé dans
les environs de Sevaglio , afin de pouvoir
fe porter àWiddin dans la Bulgarie , en
cas de rupture avec la Ruffie , ce qui fait
( 59 )
conclure que les Mufulmans ont choisi cet
endroit pour le rendez-vous de leur troupes.
Mais il paroî que ces mouvemens ont éé faits avant que la Porte eut pris une réolution
fur les déêé qui s'éoient éevé ,
& les nouvelles de fes difpofitions pacifiques
fe foutiennent , celles des Etats hééitaires
de l'Empereur annoncent toujours
des préaratifs , s'ils paroiffent ralentis , ils
fe continuent cependant. Les troupes Impéiales
dans la Pologne Autrichienne ont
éérenforcés , & leur nombre eft porté jufqu'à40,000 hommes. Le réiment
d'Huffards de Wurmfer a eu ordre de le
rendre avec la plus grande diligence fur
les frontieres de la Turquie , Plufieurs autres
ont ordre de fe tenir prês pour la
fin de Mars , & beaucoup de maifons religieufes
ou Couvents qui ont ééfupprimé
, font remplis de toutes fortes de munitions
de bouche & de guerre . A ces déails
un de nos papiers joint les fuivans .
" Un Courier de Vienne , dit on , arriva à Bruxelles le 10 au foir ; le Confeil de la
Réence s'affembla auffi tô & ne fe féara
que fort avant dans la nuit . Le lendemain
II tout l'argent du tréor public & celui
que les Banquiers purent fournir fut envové àVienne. "
ود L'Elbe & 1 Eger , lit on dans des lettres
de Seif Meritz en Bohêe , fe font déordé ,
& toutes les campagnes aux environs de
ces fleuves fe trouvent fous l'eau . Cette
€6
( 60 )
4
1
inondation a ravagéplufieurs cantons cu
beaucoup de perſnnes & de beftiaux ont éé noyé . La fortereffe de Thééienſadt eft
de trois côé entièement ſbmergé ; mais
les ouvrages du dehors de ce fort n'ont éé que trè- peu endommagé .
Le commerce & la navigation de cette Ville ,
érit-on de Gothembourg, depuis quelques annés ont
fait des progrè confidéables . Dans le courant de
l'anné dernièe , il est entrédans notre port 693
bâimens érangers , tant grands que petits , & 812
venant des difféens ports du Royaume , ce qui fait
en toet 1505. Le nombre de ceux que nous avons envoyé
chez l'éranger eft de 647 , & pour les ports du
Royaume de 860. Total 1507 bâimens de fortis . Ncs
exportations , l'anné dernièe , ont ééprincipalement
113,151 fchifund de fer , 30,537 douzaines de
planches , 98,857 tonnes de harengs , & en outre
des marchandifes de l'Inde de la valeur de 2,980,178
rixdal. D'aprè l'éat exact qu'on vient de faire des
bâimens de cominerce de cette Ville , il s'en trouve
190 gros & petits , dont 32 font depuis 100 jufqu'à 352 lafts , &, 68 depuis 50 jufqu'à100 lafts . Les 90
reftants font moins confidéables . En 1782 , ily
a eu ici 519 naiffances , 669 morts & 124 mariages.
A Carlfcrone , 481 naiſ .ances , 677 morts & 130
mariages.
-
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 23 Férier.
LE Lieutenant- Gééal Leflie , ci- devant
Commandant en Chef àCharles -Town ,
eft arrivéen Angleterre fur le Roebuck. Au
déart de ce vaiffeau les arrangemens éoient
pris àNew-Yorck par rapport àla diftri(
61 )
bution des troupes dans cette place ; celles
de Charles-Town n'avoient pas reç encore
d'ordres déinitifs ; on fait qu'àleur déart
de cette place , le Gééal Wayne y entra
àla têe de sooo hommes de troupes continentales
, laiffant un corps de cavalerie
pour garder les paffages , avec l'ordre trèpréis
de ne molefter aucune perfonne qui
fe rendoit àbord des vaiffeaux. Lorſue la
garniſn Britannique fut embarqué , &
pendant les trois jours que la flotte mouilla
dans la baie , le Gééal Wayne eut la politeffe
de ne point arborer le pavillon
Améicain. Auffi-tô qu'il fut maîre de la
ville il ordonna d'ouvrir les maisons qui
avoient ééfermés , & traita les habitans
avec toutes fortes d'éards ; la convention
conclue entre le Gouverneur de l'Etat &
les Marchands de la ville a ééinviolablement
obfervé.
On a appris par le retour du mêe vaiffeau
que le difféend qui a fubfiftélong- tems
entre l'Etat de Penfylvanie & celui de Connecticut
, relativement aux frontieres , a éé enfin déidéen faveur du premier. Les Commiffaires
nommé par les parties fous la
fanction du Congrè , conforméent au
9e. article de l'acte de confééation , prononcèent
unanimement fur ce fujet àla
fin du mois de Déembre dernier.
Hier matin on a reç des déêhes des
ifles du Vent , en date du 28 Déembre ;
tout y éoit alors tranquille. Plufieurs lettres
( 62 )
de marque parties de Londres & de Bristol,
éoient arrivés àla Barbade & y avoient
déarquéleurs cargaifons compofés de
quantitéd'articles dont on avoit un grand
befoin dans cette ville.
On attend d'un jour àl'autre un paquebot
de la Jamaïue , par lequel on eſèe
apprendre le déart de la flotte deftiné pour
l'Angleterre ; on fe flatte qu'il nous infor
mera auffi que la Proferpine & la Réiſance
font rentré heureufement dans les ports
de cette ville avec leurs convois reſectifs .
»Les affemblés des perfonnes intéeſ .és au commerce
de la Floride orientale fe multiplient ; il s'en
eft encore tenu dernièement une , préidé par le
Lord Hawke , qui lui a rendu compte de ce qui
avoit ééfait depuis la dernièe ; il l'a informé que
le Gouvernement avoit bien voulu fufpendre le déart
du paquebot deftinépour St-Augustin ; qu'il avoit
vu le Réident de la Cour d'Efpagne , D. Ignatio de
Sanara , qui l'avoit parfaitement bien reç , mais
qui ne lui avoit paru aucunement préaréàlui
donner une réonſ déinitive fur cette affaire , & en
particulier fur ce qui concernoit les propriéaires
qui prééeront de refter dans la Floride orientale ,
aprè que S. M. C. en aura éémise en poffeffion
& les privilées qu'ils pourroient eſéer. Il fit enfuite
la lecture d'un méoire que les propriéaires
& autres intéeffé doivent préenter àla Cour de
Madrid ; il fut réolu de l'envoyer & de l'adreffer au
Ministèe Britannique pour obtenir la recommandation
de S. M. «.
Depuis la conclufion de la paix le prix
du bois de conftruction a baifféde 18 pour
100. Le chanvre , le fer & divers autres
articles ont auffi confidéablement diminué,
( 63 )
& plufieurs conftructeurs particuliers ont
forméla fpéulation de conftruire des bâimens
pour le commerce.
»On vient d'érouver dans cette Ville , érit- on
de Dél , une éeute beaucoup plus forte que celle
de Portſouth : voici ce qui a donnélieu àcet éè nement funefte. Dans la nuit du 8 au 9 un déachement
de 60 Dragons entra dans la Ville pour aider
les Officiers de l'Accife àenfoncer les portes des magafins
& àfaire des faifles . Les Contrebandiers préenus
de leur arrivé fe raffemblèent en corps , &
les deux partis éant venus aux mains l'action fut
opiniâre & trè - fanglante. Sept Dragons furent
tué fur la place & plufieurs autres furent dangereufement
bleffé . L'un de ces derniers , qui éoit
Officier , eft mort hier ; le Commandant de ce déachement
eft auffi trè- mal des fuites de fes bleffures.
Nous avons actuellement fept hommes de
cette troupe dans notre Hopital . Les Contrebandiers
ont eu , dit - on , 20 hommes tué «.
Malgréles clameurs contre la paix , l'opinion
gééale eft qu'une paix tant foit peu
convenable , vaut mieux qu'une guerre ruineufe.
M. Fox a lui-mêe délaréau Parlement
, qu'une paix dont on n'avoit pas
lieu d'êre fatisfait dans tous les objets
des voeux de la Nation , pouvoit nénmoins
êre une paix fupportable , & à la dernièe rigueur analogue àce que nous
pouvions exiger raifonnablement ; qu'ainfi
la paix actuelle , quoiqu'on pû la regarder
comme mauvaife , & la critiquer àjufte
titre , éoit cependant , dans notre pofition ,
prééable àla guerre. C'eft ainfi que la Ville
paroî avoir penfé, puiſuelle a arrêé&
pré .entéune adreffe au Roi , pour le re(
64 )
mercier d'avoir procuréla paix àla Nation
. Il en a ééde mêe en partie dans
la Chambre Haute , ooù ù ll''aaddrreeffffee ,, comme
nous l'avons déa remarqué, fut agré ée à la pluralitéde 72 voix contre 59 , telle
qu'elle avoit ééconçe par l'Adminiftration.
Il n'en fut pas de mêe dans la
Chambre des Communes , oùl'Oppofition ,
comme nous l'avons vu , a gagnéune victoire
complette fur le Ministèe , par une pluralité de 16 voix , en faifant paffer l'amendement
, préaré par le Lord Cavendish ,
àl'adreffe préenté par M. Pitt . Cette
adreffe a éépréenté le 19 au Roi , & eft
conçe ainfi.
› avec
VOS
»Nous affurons V. M. que fes fidèes Communes
examineront les préiminaires de la paix avec l'attention
féieufe & entièe qu'exige ce fujet important
& effentiel aux intéês préens & àvenir des
Domaines de V. M ; elles mettent une confiance
entièe dans les foins paternels de V. M. , & ne dou
tent point qu'elle ne prenne , de concert
fon Parlement les mefures les plus propres
àéendre le commerce de fes Sujets ;
fidèes Commones fentent qu'il feroit fuperflu de
rappeller àV. M. les éards dû par la Nation à toutes les clalles d'hommes qui , dans la duré
d'une guerre longue & malheureufe , ont fignalé leur loyauté& leur fidéitéen expofant leur vie &
leurs biens . Quelle que puiffe êre l'opinion des
fidèes Communes de V. M. , d'aprè l'examen
que la Chambre va faire des termes de la paix ,
elles demandent la permiffion d'affurer V. M. de
leur ferme & inaltéable réolution de fe conformer
inviolablement aux difféens articles qui engagent
la foi publique , en maintenant les avantages
-
( 65 )
qui réultent d'une paix fi néeffaire aux Sujets
de V. M. & au bonheur de l'humanité«.
Les déats du 21 ne furent pas moins.
vifs dans la Chambre des Communes , que
ceux qui avoient eu lieu le 17 fur les préiminaires
de la paix.
" Mon premier deffein , dit le Lord John Cavendish
, éoit d'attendre que les articles de la Hollande
fuffent mis fous les yeux de la Chambre , pour qu'elle
pû porter un jugement plus certain fur les condi
tions de paix. Mais aprè l'iffue des déats du 17 ,
je ne doute point qu'elle ne s'occupe , fans interruption
, de l'examen des articles préiminaires . Je délare
que je ne fuis provoquépar aucune inimitiéperfonnelle
; le feul bien de la Nation m'anime , & je
fuis convaincu que tel eft l'objet de chaque Membre
de cette Chambre . Le bruit s'eft réandu que ce que
j'ai dit dans les déats de Lundi dernier , tendoit à manifefter quelque oppofition àla paix ; c'est une
ilé que je n'ai jamais eue . En propofant un amendement
, mon intention éoit de difféer l'examen
des conditions du traité, jufqu'àce que le Parlement
ait eu une pleine counciffance des difféens articles ,
& je m'oppofois feulement àce qu'on avanç ât à S. M. qu'il avoit examiné& approuvéle traité,
tandis qu'en effet il ne le connoiffoit prefque pas.
Je n'ai point du tout voulu infinuer que le traiténo
liâ pas àtous éards , & toujours j'ai ééperſadé,
ainfi que je le délare hautement àla Chambre ,
que l'honneur & la parole de la Nation font engagé
par ce traité, & que les articles de paix ratifié
comme ils le font aujourd'hui , doivent êre regar
dé comme conclus & arrêé déinitivement par
les difféentes Puiffances contractantes ; mais cela
n'empêhe pas d'obſrver que la paix n'eft pas auffi
honorable àl'Angleterre qu'on auroit dûl'attendre.
Je ne crois pas que ceux qui ont fait ce traitéméitent
les éoges qu'on leur prodigue. Notre pofition
( 66 )
-
n'eft pas anffi fâheufe que certaines gens la repréentent.
Nous avons éévictorieux dans plufieurs
parties du globe , & nous n'aurions pas dûfaire les
ceffions hontenfes & extravagantes que nous avons
faites . La victoire remporté dans les Ines par le
Lord Rodney , fera un objet d'éonnement pour la
poftéité; elle auroit dûnous encourager àcontinuer
la guerre avec une aideur nouvelle , ou du
moins nous procurer une paix moins humiliante .
La bravoure & les talens fupéieurs du Gééal
Elliot avoient fait éhouer une partie des projets
ambitieux de nos ennemis. Pourquoi donc avonsnous
céétant de riches poffeffions , fans avoir rien
obtenu en retour ? Je fuis bien éoignéd'en faire un
crime àaucun Membre de l'Adminiftration en particulier;
mais tout homme de bon fens ne peut fe
difpenfer de convenir avec moi qu'on a commis de
lourdes fautes en faifant ce traité; & c'est ce qu'il
faudroit examiner. Le Lord John Cavendish termina
fon difcours par les cinq propofitions fuivantes.
1º Qu'en confidéation de la foi publique qui doit
êre gardé inviolablement , la Chambre prêera
fon appui àS. M. pour affermir & rendre durable
la paix conclue entre elle & les difféentes Puiſ .ances.
2° Que la Chambre emploiera tous les efforts pour
faire donner aux Sujets de S. M. tous les avantages
de la paix. 3 ° Que S. M. en reconnoiffant l'indéendance
des Etats - Unis de l'Améique , en vertu
des pouvoirs dont elle a éérevêue par l'acte de la
dernièe feffion du Parlement , lequel autorife S. M.
àconclure la paix ou une trèe avec certaines Colonies
de l'Améique Septentrionale , a agi felon
que l'éat actuel des affaires l'exigetit , & conforméent
au vou du Parlement. 4° Que les ceffions
faites aux ennemis de la Grande- Bretagne par ledit
traitéprovifionel & par les articles préiminaires ,"
font plus confidéables qu'ils n'avoient droit de
l'attendre , relativement àl'objet actuel de leurs
poffeffions & de leurs forces refpectives. s . Que
( 67 )
>
la Chambre connoî les éards dus par la Nation
àtoutes les claffes d'hommes qui , pendant une
guerre longue & malheureufe , ont fignaléleur
loyauté& leur fidéitéen expofant leur vie &
leurs biens , & qu'elle affure Sa Majestéqu'elle
prendra les mefures les plus convenables pour
les tirer de l'éat de déreffe oùils font réuits .
M. Keith-Stuart nia que notre Marine fû auffi fupéieure
àcelle de l'ennemi , que l'avoit avancéle Lord
John Cavendish , & nomméent aux Ifles . Les derniers
éats que nous avons reçs , font monter
dit-il , les efcadres combinés àplus de 60 vaiffeaux
de ligne. On donc eft cette fupéioritéde notre part ?
Je fais d'ailleurs que les Hollandois conftruiſnt
beaucoup de vaiffeaux de ligne , & qu'ils en auroient
pu mettre en mer so , au commencement de l'éé prochain , fi la guerre eû continué. D'aprè ces
faits , qu'on ne peut nier, la paix me paroî auffi
avantageufe qu'honorable , fur tout lorsque je jette
les yeux fur la pofition critique de nos affaires . Je ne
dis point que les fuccè glorieux du Lord Rodney &
la belle déense du Gééal Elliot , ne leur méitent
les plus grands éoges & la plas vive reconnoiffance
de la part de la nation Angloife ; mais ces grands
triomphes ne nous ont poin: donnéaffez d'avantage
& de fupéioritéfur les ennemis , pour nous faire
rejetter & mérifer aucune de leurs offres , tendantes
àune réonciliation . M. Towshend , Secréaire
d'Etat , fe leva & parla en ces termes : en déen
lant la paix , mon intention eft de n'employer
que des principes avoué par la conftitution . Si les
repréentans de la Nation veulent éablir une enquêe
fur le traité, qu'ils fuivent le mêe fyíêe, &
ne fe laiffent point gouverner par l'esprit de parti
Au furplus rien n'empêhe de faire une motion pour
demander la retraite des Miniftres actuels , fi l'on
croit qu'ils n'aient pas réléleur conduite fur les
intéês de la Nation. En mon particulier , fi quelqu'un
a des reproches àme faire , je fuis prê àfou-
― ( 68 )
mettre mes opéations àtoutes les éreuves qu'il
pourra defirer , & je connois affez la dreiture & la.
loyautéde mes collèues , pour êre perfuadéqu'ils
ne chercheront jamais àéuder une pareille enquêe.
Je n'ai aucune objection àfaire contre la premièe ,
la feconde & la troiſèe motion , mais je m'oppoferai
de toutes mes forces àla quatrièe , parce que
je la regarde comme injufte & délacé ? En effet , fi
les Miniftres de S. M. ont fait quelques ceffions ,
elles ont certainement éécompenfés par celles
qu'ils ont obtenues en retour. Je m'oppoſ pareillement
àla cinquièe , quoique je convienne qu'il
faille pourvoir aux intéês des loyaliftes .
--
-
Le
Chevalier Cecil Wray , aprè avoir afluréqu'il ne
tenoit àaucun parti , invita les propriéaires des
terres àfaire caufe commune avec lui dans la déenfe
des droits & des privilées de la Nation ,
& dans les pourfuites contre les Miniftres qui ont
oféles violer. Il s'éeva en particulier contre le Lord
North , qu'il déonç comme l'auteur de cette
guerre ruineufe & deftructive àtous éards. —Il
y cut enfuite une converfation entre le Lord North ,
le Chevalier Richard Sutton , le Chevalier Horace
Mann , M. Townshend , Secréaire d'Etat , le Gééal
Conway , & c . pour favoir fi les difféentes motions
fero ent exaininés enfemble ou l'une aprè
l'autre . L'avis de ceux qui defiroient qu'elles fuilent
déattues féaréent ayant préalu , la premièe &
la feconde motion furent lues & pafsèent àl'unanimité ; mais lorsqu'on eut fait lecture de la troiſèe ,
le Lord Newhaven , & le Chevalier Dolben dirent
qu'ils ne favoient quel éoit le droit de S. M. , pour
déembrer l'Empire ; felon eux , il ne peut provenir
du Bill pafféau Parlement , àl'effet d'autorifer
S. M. àconclure une trèe ou la paix avec l'Améique
; l'auteur du bill avoit- il l'intention d'y comprendre
la conceffion de l'indéendance ? Comme il
éoit dans la Chambre , ils le forcèent de s'expliquer
àce fujet, En attendant ils affuroient que S. M.
I
H
( 69 )
n'avoit aucun droit par fa préogative Royale , d'accorder
l'indéendance aux Améicains , & que cette
conceffion n'auroit dûéaner que d'un acte du
Parlement. M. Wallace réondit que , lorfque
le Bil avoit ééportéau Parlement , perfonne ne
doutoit qu'il n'eû cet objet , & qu'il ne donnâ à S. M. plein pouvoir d'accorder l'indéendance aux
Améicains , fi elle éoit le prix de la paix . Le
Chevalier Adam Ferguſn téoigna qu'il doutcit
beaucoup que cela fut dans l'origine du bill ; mais
en admettant mêe cette fuppofition , il préendit
que S. M. n'avoit point le droit de céer la
majeure partie du Canada. M. Eden , ufa des mêes
argumens , & il parut fort furpris que le Gouver
nement eû abandonnéun terrein aufli préieux ,
que celui par lequel fe faifoit notre commerce àec
les Sauvages , & qui contient 18,000 milles quarré
. Le Lord North , ſ réria auffi fur l'éormitéde
nos conceffions en ajoutant nénmoins qu'il ne
vouloit point ajouter aux embarras des Miniftres
en fe livrant contr'eux àdes délamations , procéé
violens & qu'il regardoit comme peu honnêes.
>
Le Gouverneur Johnſone dit qu'il auroit ééfort
aife de voir le mot indéendance articulédans l'acte
du Parlemen: qui donnoit àS. M. un tel pouvoir, qu'il
avoit éépeu àporté de connoîre l'esprit du bill
lorfqu'il avoit éépréentéau Parlement , mais que
d'aprè les informations & les élairciflemens qui lui
avoient éédonné " ce bill n'emportoit nullement
l'extenfion qu'on a jugéàpropos de lui donner , &
qu'il éoit fort éonnéqu'on eû inveſi S. M. de
Pouvoirs qui l'autorifoient àaccorder l'indéendance
aux Améicains fans le confentement du Parlement.
La motion ayant paffé, on lut enfuite la quatrièe
propofition . M. Powis prenant la parole imméiatement
aprè s'éeva avec beaucoup de chaleur
contre ceux qui éoient méontens de la paix , & iĮ parut fort furpris que le Lord Jonh- Cavendish cû
fait une parcille motion . Il fe plaignit aufli en géé ( 70 )
ral des troubles arrivé par l'efprit de parti & par
le Lord North auquel il attribua les maiheurs de la
Nation .
---
»Mon deffein , dit alors le Lord John Cavendish
, n'eft point d'accufer l'Administration , mais
je crois qu'il eft néellaire de rechercher les motifs
qui ont donnélieu àde fi grandes ceffions . Les
circonftances actuelles me rappellent notre pofit on
en 1757. Le Royaume fut alors agité, le Gouvernement
en déordre , & pendant huit mois environ
l'Angleterre n'eut en quelque forte aucune
adminiftration. Je mérife , dit le Chevalier
Edouard Aftley , tous les partis , & je crois que
chacun devroit s'occuper uniquement des intéês
de la Nation ; je fouhaiterois qu'on bannî la difcorde
de cette Chambre , & que tous les Membres
qui la compofent , employaffent leurs efforts pour
la caufe commune. Je fuis fi peu liéavec l'Adminiftration
que je n'aurois pas affez de créit pour
faire nommer un Officier de la Douane. Il attaqua
enfuite le Lord North , & dit que c'éoit lui qui
avoit occafionnéla guerre ruineuse & deftructive
dans laquelle ce pays avoit ééengagépendant plufieurs
annés. On a tellement prodiguéles penfions ,
dit-il , qu'on en a accordéune au noble Lord ( Lord
North ) & une autre àfen Secréaire en réompenſ
de leurs fervices . Ses fucceffeurs n'oferoient le lui
reprocher , car ils le font fait traiter avec la mêe
largeffe. Il s'oppofa àla motion . —M. M'Donald
s'oppofa àla motion , & dit que les poffeffions céés
par l'Angleterre éoient un facrifice indiſenſble
pour obtenir la paix.-M. Fox fur d'un avis entièement
difféent , & foutint ainfi fon opinion.
Les ceffions que nous avons faites ànos ennemis
nous ont avilis & déradé . Ce pays fe trouve actuellement
dans une pofition beaucoup plus refpectable
qu'on ne l'a repréenté. On a groffi beaucoup les
forces navales de nos ennemis. Il eft cependant vrai
que celles de la France ont éédiminués l'anné
( 71 )
---
dernièe de treize vaiffeaux de ligne , tandis que
celles de la Grande-Bretagne ont ééaugmentés
de 17 vaiffeaux de ligne. Nous avons une grande
fupéioritéaux Indes Occidentales ; nous y avons
54 vaiffeaux. Notre marine a éémife fur le pied
le plus refpectable par le premier Lord de l'Amirauté
Cet homme plein de zèe , & qui méite la
reconnoiffance de fa patrie , n'a pu cependant éhapper
aux traits de l'envie &. de la calomnie. Nous
avons céédes poffeffions du plus grand prix. Ce
que nous avons donnéàla France éuivaut àune
reftitution gééale . Il délora enfuite la mort préaturé
du Marquis de Rockingham , & donna des
éoges àfa méoire. Il dit qu'il s'éoit retiréde
l'Adminiſration actuelle parce que les perfonnes en
qui il avoit mis la confiance pendant plufieurs annés
, avoient abandonnéleurs principes . Il cenfura
le Comte de Shelburne , & dit qu'il n'avoit jamais
eu une haute idé de fes talens. M. Pitt s'efforç
de prouver que l'expoféde M. Fox , relativement
àl'éat de la marine Angloife , éoit faux . Il dit que
fi lui & fes Collèues éoient obligé de quitter
leurs places , il ne fuivroit pas l'exemple de M. Fox ,
qui s'éoit forméun parti pour combattre toutes
les mefures du Miniftre. On a beaucoup cenfuré,
dit le Lord North , ma conduite prééente & mes
liaifons actuelles . Je ne renoncerai jamais aux principes
qui m'ont guidépendant que j'éois en place.
Quant aux nouvelles liaifons que j'ai formés ,
j'avoue que l'honorable Membre ( M. Fox ) a éé mon ami pendant plufieurs annés . J'éois alors fier
de fon appui lorfqu'il devint mon ennemi , j'ai
trouvéen lai un adverfaire formidable , mais gééeux.
Quels que foient les Miniftres qui fuccéeront
aux Miniftres actuels ,,;je fuisfû que l'honorable
Membre a une trop bonne opinion de moi pour ne pas
compter fur mon honneur & ma probité, & j'ai la
mêe opinion de lui . L'honorable Membrefsèe ,
fans contredit de rares talens,& quoique nous n'ayons
--
( 72 )
pas toujours ééd'accord far certains points , je fuis
perfuadéque nos vues ont ééles mêes. Nous avons
tous deux àcoeur le bien public .
alla aux voix àtrois heures.
Pour la motion
Contre la motion ,
Majoritécontre les Miniftres ,
-
La Chambre
207
197
10
Le Lord John Cavendish retira la cinquièe
motion relative aux Loyalistes , & la Chambre
s'ajourna «
D'aprè l'éat des vaiffeaux en commiffion
ou prês àêre armé de la Marine Britannique
, mis le 17 Férier fous les yeux du
Parleinent , on en compte 20 de 80 , 98
à10 canons , & de 700 à850 hommes
d'éuipage ; 44 de 70 canons & de 600
hommes d'éuipage , 45 de 60 à68 canons
& de 500 à570 hommes . Total 109 vaiffeaux
de ligne .
En conféuence des paffeports déivré
par le Ministèe pour le dehors , plufieurs
bâimens des Ifles actuellement àPortsmouth
fe propofent de partir au premier
bon vent , fans attendre un convoi.
La Douane a refuſ é le 20 de donner
des acquits de vaiffeaux pour New-Yorck
dans la perfuafion que ce port feroit éacué avant qu'aucun vaiffeau y puiffe arriver
d'Angleterre.
»Le Confeil de guerre affembléàPortſouth ,
pour examiner la caufe de la perte du vaiffeau de
S. M. l'Hector , & la conduite de ceux des Officiers
& de Péuipage de ce vaiffeau qui n'ont point péi
avec lui , a rendu fa Sentence le 15 de ce mois. Il
parcî p ce jugement que la conduite du Captaine
( 73 )
saine Bourchier , commandant l'Hector , eft entièenient
irrérochable ; qu'avant d'abandonner ce vailfeau
, le mauvais éat oùl'avoit réuit fon combat
contre deux bâimens ennemis , ne laiffoit aucun
efpoir de le fauver , & qu'en gééal le Capitaine
Bourchier , fes Officiers & fon éuipage méitent
les plus grands éoges «
On a reç de Gibraltar des lettres en
date du 4 de ce mois . Tout éoit alors
tranquille dans cette place , oùun cutter
éoit arrivéavec la nouvelle de la paix
qui avoit réandu la plus grande joie.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 4 Mars.
LE Roi a nomméà1 Abbaye de Font-
Gombaud , Ordre de St-Benoî , Diocèe de
Bourges , l'Abbéde Rech de St - Amans
Vicaire Gééal de Vabres & Aumôier
de Monfeigneur le Comte d'Artois .
La Vicomtelle du Roure a eu le 12 du
mois dernier l'honneur d'êre préenté au
Roi & àla Reine par Madame , en qualité de Dame pour accompagner cette Princeffe .
Le 23 , la Comteſ .e de Coucy a eu l'honneur
d'êre préenté àL. M. & àla Famille
Royale par la Ducheffe d'Avray ..!
L. M. & la Famille Royale ont fignéle
16 le contrat de mariage de M. de Belboeuf ,
Avocat- Gééal du Parlement de Rennes &
Procureur Gééal du mêe Parlement en
furvivance , avec Mademoifelle de l'Averdy.
Le 23 , elles ont fignécelui du Comte de
8 Mars 1783.
d
( 74 )
Canouville , Sous - Lieutanant au Réiment
des Gardes - Françiſs , avec Mademoiſlle
de St Chamans , & celui du Comte de
Cofnac , Sous- Lieutenant de la Gendarmerie
, avec Mademoiſlle de Chavauden.
De PARIS , le 4 Mars.
M. le Comte d'Adhemar doit partir inceffamment
pour Londres ; il monte fa Maifon
avec la plus grande magnificence. On
ne doute pas que le Lord Carmarthen n'arrive
de fon côébientô ; c'est vraiſmblablement
àCalais quéles deux Ambaffadeurs
fe rencontreront ; auffi- tô que celui- ci aura
déarqué, M. le Comte d'Adhemar s'embarquera
lui- mêe.
On ne s'attend pas que les traité de paix
déinitifs foient conclus avant le mois de
Juillet prochain ; les articles font convenus ;
il ne s'agit que de les déailler ; ce qui peut
fufpendre cette réaction , ce font les difficulté
qu'érouve l'arrangement des Hollandois
, qui perſſent àne vouloir rien
céer.
Toute la Nation a pris part àla nomination
du Miniftre auquel l'Europe doit la
paix , àla place de Préident des Finances.
Son efprit d'éononie & de juftice eft connu ;
c'eft par une fuite de cette éonomie , &
d'aprè la réolution du Roi , que les travaux
pour le réabliffement d'une partie du
Châeau de Verfailles , font remis à3 ans ;
S. M. voulant auparavant que les dettes de la
६
? 75 J
guerre foient acquittés , & que les déen
fes néeflaires àl'augmentation de ſ Marine
& àla conftruction des nouveaux
vaiffeaux ne trouvent aucune entrave.
D'aprè des lettres de Londres du 24 , on dit
que le Lord Shelburne a donnéfa déiffion ,
ainfi que tous les Membres qui compofoient
avec lui le nouveau Miniftèe ; les emplois
éoient encore vacans ce jour - là.
Nos lettres d'Espagne ne nous apprennent
rien , finon que les éuipages de M. le
Comte d'Estaing font rentré , & que ce Gééal
arrivera bientô ici. Elles ajoutent que
le Marquis de la Fayette , le Prince de
Naffau , avoient ééàGibraltar , oùfans
doute , ils auront éébien reçs du Gééal
Elliot.
»Les Néocians de cette Ville , érit- on de Dunkerque
, qui fembloient avoir befoin de repos ,
aprè la multitude de Corfaires qu'ils avoient armé
pendant la guerre , femblent au contraire redoubler
d'activitédans ce moment ; ils tournent toutes
leurs vues du côédu commerce , & on n'a pas
comptémoins de 61 navires fortis de ce port depuis
le 11 jufqu'au 18 Férier ; dans le mêe efpace.
de tems il y en eft entré18 tant nationaux qu'érangers
".
M. Joly de Fleury , Miniftre d'Etat & des
Finances , a érit la lettre fuivante à Mess
Déuté du Commerce.
Vous avez ééinformé MM . que par une fuite
de la protection que le Roi accorde àfes Colonies ,
il a éédonnéaux vaiffeaux neutres des permiffions
d'y transporter des denrés & marchandifes d'Europe
, & d'en rapporter les denrés & marchandid2
( 76 )
>
fes du cru des Colonies , dans la vue d'y entretenir
l'abondance des chofes néeffaires & de faciliter
l'exportation de leurs productions pendant la guerre,
-La fignature des préiminaires entre la France.
& l'Angleterre rendant au commerce Françis
la libertéde toutes les mers & lui permettant
d'approvifionner les Colonies Françifes , &
d'en importer les productions , S. M. a déerminé de rendre aux vaiffeaux Françis le privilée exclufif
qui leur eft accordé, de faire l'éuipement des
Colonies & de l'Inde , par Lettres patentes de 1716
& 1717 , & l'Arrê du Confeil du 6 Septembre
1769 ; elle vient en conféuence d'ordonner qu'il
ne fera plus accordéde permillions aux vaiffeaux
neutres pour le commerce , qui fera exclufivement
réervéaux vaiffeaux Françis . Vous voudrez bien
préenir de ces difpofitions les Chambres de Commerce
qui ont intéê de les connoîre «
Il vient de paroîre une Ordonnance du
Roi , du 15 Janvier dernier , concernant les
formalité àobferver pour la remife des
billets ou engagemens de rançns , ainfi
que des ôages , qui feroient faits en contravention
àl'Ordonnance du 30 Aoû
dernier. Le titre de cette Ordonnance en indique
l'objet , qui n'eft plus intéeſ .ant à préent que les hoftilité ont ceffé
»Le 10 Férier , à10 heures & demie du matin
, érit-on de Bordeaux , toute cette Ville fe
reffentit , d'une fecoffe reffemblante àcelle d'un
tremblement de terre ; un coup de yent affreux
accompagnéd'un grand coup de tonnerre , fuivit
de prè cette commotion . On fut deux heures aprè
que c'éoit l'effet de l'explofion du Magafin àpondre
de St-Méard , qui eft àtrois lieues de Bordeaux;
il contenoit alors plus de 45 milliers de
1
( 77 )
poudre. Le moulin a ééemporté, il n'eſ reflé aucun veftige du Magafin. De fix hommes qui s'y
éoient réugié pendant l'orage , on n'en a trouvé qu'un entier àplus de cent pas de diftance ; & des
cinq autres , il n'a éétrouvéqu'une main & une
jambe ; toutes les maifons voifines ont éédéruites
, ou fortement éranlés par la fecouffe. Les
champs d'alentour font couverts de déris calciné
& l'on compte 39 perfonnes meurtries ou bleés.
On a remarquéque le malheureux qu'on avoit
trouvéentier avcit dûêre enlevéàplus de 60
pieds de haut , parce que dans l'efpace qu'il avoit
du parcourir , il fe trouve un bois , qui en a plus
de so d'ééation . M. Dupréde St-Maur , faus ceffe
occupédu bonheur de la Province qu'il gouverne ,
& toujours vivement éu par les malheurs de l'hu
manité, s'eft tranfportéfur-le- champ dans la Paroiffe
de St- Méard ; il y a repandu les bienfaits
& la confolation . « Au réit de ce déaftre , nous joindrons
celui d'un autre qu'on vient de nous faire
pafler , & nous nous empreffons de recommander
àla bienfaifance les malheureux qui
en ont ééles victimes .
»Le 19 Férier , fur les deux heures aprè midi ,
le feu a pris au Bourg de Creffy en Ponthieu ,
par l'impradence d'une femme qui a portédans une
éable un chaudron qu'elle venoit de retirer du feu ,
& auquel probablement éoient reflés quelques
éincelles : le feu s'eft communiquéàquatre maifons
voisines qui ont ééentièement déruites ;
il a gagnéenfuite les derrièes de trente
tres maisons qui bordent la principale rue du
Bourg: le vent qui fouffloit nord-ouest , a porté les flammes fur toutes les granges , éuries , éables
& autres bâimens couverts en paille déendans
de ces mailons , qui ont ééconfumé en
dz
all(
78 )
moins de deux heures : heureufement il y avoit en
quartier dans ce Bourg une Compagnie du Réiment
Royal Champagne , Cavalerie , dont les foldats
, fous les ordres de leurs Officiers , fe font
porté avec la plus grande activitéàarrêer les
progrè de l'incendie , & l'ont empêhéde ſ communiquer
aux devantures des maifons qui ont éé garanties : le dommage eft fort confidéable par
la grande quantitéde bâimens qui ont ééla proie
des flammes , & des grains & fourrages qu'ils contenoient
: il l'eû éébeaucoup plus , fi les chevaux
& autres beftiaux n'euffent point ééaux champs
& dans les pâurages : parmi ceux qui ont reffenti
plus vivement ce malheur , font deux jeunes éoux
qui s'éoient marié trois heures auparavant ; la
maifon qu'ils devoient occuper , & oùfe cééroit
la noce , voifine de celle par oùl'incendie a commencé , a ééentièement déruite , avec les meubles
qu'ils avoient tâhéd'y raffembler pour former
leur nouvel éabliffement : la trifteffe de leur
fituation fera facilement fentie par toutes les Per
founes amies de 1 humanité; & celles qui voudront
y compâir utilement , ainfi qu'àla perte de plufieurs
malheureux enveloppé dans le mêe déaftre
, font prices de faire pafler àM. Briet , Curé dudit lieu , les aumôes que leur charitéles ergagera
de leur accorder. « Le Roi vient de donner un brevet de
Confeiller d'Etat , àM. Vayeur , Confeiller-
Maîre en la Chambre de Comptes
de Bar - le - Duc , & Lieutenant-Gééal du
Bailliage de la mêe ville. Par cette grace
auffi flatteufe que bien méité , S. M. a
réompenfédans cer Officier tout ce qui
peut rendre un Magiftrat recommandable
l'affabilité, l'intérité, la puretédes moeurs
des connoiffances trè- éendues & l'affiduité 1
( 79 )
la plus infatigable aux devoirs de fon éat.
Il y a actuellement en certe Ville , érit - om
d'Amiens , un Phoque ou Veau-Marin , qui a éé pris àla pointe de Saint- Quentin , prè de Saint-
Valeri. Cet Amphibie a environ trois pieds & demi
de longueur ; fa têe reffemble àcelle d'un chien
auquel on a coupéles oreilles , parce qu'il n'a à leur place que deux trous auditifs ; fó muſan eft
large comme celui d'une loutre ; il a aux deix côé
de la mâhoire fupéieure & au-deffus de l'orbite ,
de longs poils recourbé d'une fubftance corné &
tranfparente ; fa gueule eft garnie de fortes dents
difpofés comme celles du chien ; fes deux grands
yeux noirs lancent des regards ardens & animé ,
auxquels réond la vivacitéde fes divers mouvemens
; dans le refos , fon cou paroî ramaffé, mais
il peut l'allonger au moins d'un demi-pied ; de fa
poitrine , qui eft fort large , partent deux mains
ou jambes affez reffemblantes àcelles d'une taupe ;
fon corps va enfuite toujours en diminuant , & il
fe termine par une queue trè-courte , que furpaffent
fes deux jambes de derrièe , plus grandes
que les mains , & divifés comme elles en cinq
digis palmé & onguiculé , mais qui ne peuvent
lui fervir que de nageoires . Le poil ras & life qui
recouvre la peau de cet animal eft fur la têe &
toutes les parties fupéieures du corps d'un brun
ardoifé, & parfeméde taches blanchâres ; la gorge ,
la poitrine , & le ventre font d'un blanc file . Le
Phoque eft de tous les Animaux Marins celui qui
eft dotéde la plus grande intelligence , & des
faculté les plus éendues. Jeune , il minule comme
un chat , & plus âé, fa voix peut fe comparer
àcelle d'un chien enroué Il elt , avec le Morfe ,
le feul Quadrupèe véitablement amphibie , le feul
qui ait le trou ovale du coeur ouvert , & qui puiffe
fe paffer de refpirer. Il ne craint ni le froid ni le
chaud , & il habite éalement l'eau , la terre & la
d 4
( 80 )
glace. Son climat naturel eft le nord ; mis on en
trouve quelques-uns dans prefque toutes les Mers
d'Europe. Cet Amphibie , que l'on conſrve trèbien
dans l'eau douce , eft fufceptible d'éucation .
On l'apprend àfaluer de la têe , & àobér àla
voix de fon Maîre. On nourrit celui qui eft en
cette Ville de poiffons de mer , qu'il déore avec
avidité Pendant le jour on le tient dans une cuve
pleine d'eau , & le foir on lui préente un long
panier d'ofier tapifféde paille , dans lequel il defcend
de lui-mêe. Quoiqu'il ne foit ici que depuis
quelques jours , il eft déàfingulièement appris oifé:
il femble reconnoîre fon monde , & fe laiſ .e careffer
avec complaifance , fur tout par ceux qui ont
T'habitude de lui donner àmanger. « Parmi les entreprifes importantes conçes
depuis quelque tems , les militaires diftingueront
celle des Manoeuvres Militaires de
Potfdam . Ce grand ouvrage proposépar
foufcription contiendra 51 planches gééales
gravés d'aprè les plans dreffé fur le
terrein mêe , & quantitéde planches de
déails explicatifs , exéutés avec le p'us
grand foin. Nous ne pouvons le faire mieux
connoîre qu'en publiant la réonse de
l'Editour aux queftions de M. Filaffier , inféés
dans le Journal de Paris du 30 Janvier
dernier.
»Je n'ai pas déoréd'un vain titre l'important
Ouvrage que j'annonce , puifque fous celui de
Manoeuvres de Potfdam , il préente un tableau
fidèe & complet de la Pratique technique & privé
du Roi de Pruffe , & l'en'emble intéeffant &
lumineux des favantes leçns que ce Monarque
donne àfes Guerriers. C'est pour le rendre plus
fuivi & plus inftructif que , d'aprè l'avis gééal
qui m'a éédonnépar plufieurs Militaires diftingué ,
( 81 )
je rénirai tous les principes pour n'en former qu'un
feul & mêe corps de doctrine . Ainfi , je donnerai
1º un Cours de Tactique , tant pour l'Infanterie
rélé , que pour l'Infanterie léèe. 2 °. Un autre
Cours pour la Cavalerie , c'elt-à- dire , àl'ufage
des Cuiraflers , Dragons & Hullards . Je dée'opperai
dans l'un & dans l'autre tous les principes
des éolutions particulièes d'un Bataillon , d'un
Efcadion ou d'un Réiment. 3 °. Un Cours des
opéations combinés de l'I . fanterie & de la Cavalerie
rénies en Corps d'armé , tant pour les
marches & les campemens , que pour l'attaque , la
déenfe & la retraite ; en un mot un Cours de Tactique
en grand , dans lequel fe trouveront des Traité
de l'Artillerie & des ouvrages de Campagne .
Ces trois Cours feront accompagné de cent planches.
4°. On trouvera dans mon Ouvrage tous les
documens néeflaires àl'inftruction du Solda: depuis
l'inftant oùil eft recruté, jufqu'àcelui oùil
manoeuvre en troupe. Les principes de toutes les
éolutions viendront enfuite dans un ordre fyfſéatique
, au moyen duquel on paffera infenfiblement
& graduellement des chofes les plus fimples
aux opéations les plus compliqués . J'y éablitai
des principes certains fur le grand art des alignemens
, des changemens de pofition , des points de
vue , & c. parties que j'ai eru devoir traiter fort
en déail. 5. Les Manoeuvres de Potſam , qui
viendront àl'appui de tous les principes , comprendront
cinquante-une Pianches auxquelles fera joint
le grand Plan compoféde quatre feuilles ; & il
paroîra avec la premièe livraiſn . 6 °. Enfi , je
donnerai une Hiftoire gééale & déaillé du
Militaire Pruffien , depuis fon origine jufqu'àpréent
, avec l'Histoire particulièe des Réimens qui
le compofent ; leur origine , les difféens changemens
que chacun d'eux a fucceffivement érouvé ,
& en un mot leur éat actuel . Les 150 Planches
d s
( 82 )
comprifes dans l'enſmble de mon Ouvrage , feront
toutes àpeu-prè de mêe grandeur. Le front , tant
de l'Infanterie que de la Cavalerie , y fera toujours
déerminéde la manièe la plus fimple comme la
plus vifible , & il fera impoffible de s'y mérendre .
La Cavalerie y fera repréenté fur une profondeur
proportionné àcelle de l'Infanterie , & la
pofition fera trè -éidente . D'ailleurs je fats enluminer
mes Plans , afin qu'on apperçive au premier
coup d'oeil les difféentes politions des Troupes ,
foit dans leur attaque , foit dans leur retraite ; &
c'eft au moyen des teintes plus ou moins foncés
de la mêe couleur , employés pour chaque efpèe
de Troupe , que je rends mes tableaux infiniment
clairs , & par confquent plus utiles , puifqu'ils
font trè-faciles àfaifir , & qu'ils offrent en
mêe-tems un afpeet trè-agréble . Si le Roi de
Prufle n'eû pas jugéle terrein oùil fait fes Manoeuvres
, propre àdonner àfes Gééaux les inftructions
- pratiques les plus variés , l'auroit il
choisi pour êre le thé âtre de fes favantes leçns ?
on y trouve des lacs , des éangs , des marais ,
des hauteurs aſ .ez conſdéables , du bois , de la
plaine , & les opéations qui s'y font font fufceptibles
d'êre transportés avec fuccè dans une infinité d'endroits . D'ailleurs le Cours de Tactique en
grand , contiendra des principes qui pourront s'adap
ter àquelque pofition , àquelque circonstance que
ce puiffe êre. Si le Public daigue faire attention à ce travail & aux foins que je prends pour le lui rendre
agréble , j'efpèe qu'il fecondera les vues que
j'ai de lui êre utile. Au refte , M. , je ne demande
qu'àmontrer mon Ouvrage ; & je vous fupplie de
croire que je ferai trè-aife de me trouver àporté
de le mettre fous vos yeux , afin que vous puiffez.
juger par vous- méa de l'avantage qu'il aura , j'ofe
le dire , fur tous ceux du mêe genre qui ont paru
jufqu'ici . M. Méuignon l'aîé, Libraire , rue des
Cordeliers , chez lequel on continue de foufe : ire ,
8
1
( 83 )
vous facilitera les moyens , ainfi qu'àtoutes les
perfonnes qui déi : eront en prendre une connoiffance
plus particulièe . « A cette annonce nous nous emprefferons
de joindre celle d'une nouvelle éition des
Devoirs du Prince réuits àun feul principe
, ou Difcours fur la Juftice , par M.
Moreau , Hiftoriographe de France ( 1 ) .
Cet ouvrage le plus important de ceux qui
furent autrefois compofé pour l'éucation
du Roi & des Princes fes frèes , avoit éé impriméàVerfailles par ordre de S. M.
en 1775. Cette éition àlaquelle l'Auteur
n'a rien changé, ne contient de plus que
la premiere , qu'une nouvelle Epîre déicatoire
& un court Avertiffement. Le
fuccè qu'a cu ce Difcours en France &
dans les pays érangers eft connu , il en eft
peu oùles grandes véité que l'on cache
ordinairement aux Princes , foient exprimés
avec plus de liberté& d'éergie.
D'aprè les difféentes expéiences & les procèverbaux
qui conftatent la bonté& l'utilitéde la Pouzzolane
, déouverte depuis plufieurs annés par M.
Faujas de St- Fond dans les montagnes du Vivarais ,
& qui eft d'une qualitéfupéieure àcelle que l'on
faifoit venir àgrands frais d'Italie , une Compagnie
s'est déerminé àen faire exploiter une certaine
quantitéqui arrivera inceffamment dans la Capitale
comme la plus grande partie fera abſrbé
(1)Il forme un Volume in- 8 °. , & fe trouve àParis chez
le fieur Moutard , Libraire- Imprimeur de la Reine , rue des
Mathurins , & le lieur Valcourt , Place Vendôe , Nº. 13 .
Prix livres 6 fols , en beau papier , & 4 livres 10 fols
en papier ordinaire .
d 6
( 84 )
pour les éifices publics , les perſnnes qui defireront
s'en procurer font priés de faire leurs foumiffions
chez Me. Morin , Notaire , rue St-Paul.
On leur d.livrera la quantitépour laquelle ils fe
feront fat infcire àraifon de ; liv . 15 fo's le
quintal. Ceux qui , en faisant leurs foumiffions ,
déo eront ur argent chez Me. Mɔa , fe ont
fervis par prééence àtous autres , & obtiendront
une rem fe de fix pour cent , compte du jour
de leur déô. On n'a pas besoin de rééer ici
que la Po zzolane eft une espèe de maftic ou de
ciment impéérable àl'eau , & qui eft , par cette
rai on , du meilleur ufage pour les terraffes , les
bathns , les pifards & les lieux d'aifance ; enfin ,
pour tout ce qui eft expoſ é àla pluie & au ravage
des eaux.
-
à »La SociééRoyale de Méecine ayant entendu ,
dans fa fénce du 17 Mai 1782 , la lecture du rapport
des Com niffires qu'elle avoit nommé , pour
lui rendre com te du remèe que le fieur Dacher
a préentéfois le nom d'eau ftomachique , déurative
& anti-dartreuse , a penféque ce remèe ne
méi cit point fon approbation ".
La fuire des Eftampes , dont le Tééaque
a fourni les fujets , fe continue avec fuccè par M.
de Muchy. Il vient de peblier la 9e . & la 10e .
faifant fire aux 8. qui ont prééemment par .
Elles repréentent , l'une , l'Evanouiffement de Calypfo
àla vue du vaiſ .eau conftruit par Mentor ,
& l'autre Calypfo au retour de la chaffe , montrant
fon déit & fa jalousie contre Eucharis & Tééaque
( 1 ) . Les deffins font de M. Mornet , Peistre du
Roi, & agravure eft d'un effet trè agréble ; les deux
premièes qui paroîront au mois de Juin prochain ,
( 1 ) Ces Eftampes ſ trouvent àParis chez M. de Mouchy
Cloîre St-Benoî , la premièe pore co.hèe àgauche , en
entrant par la rue des Mathurins ; le prix de chacune eft de
1 liv. 10 fols,
• 1
( 85 )
& qui formeront la 11e. & la 12e. , feront d'aprè
des de fins de M. Cochin . Cette collection préieuſ
ne peut qu'intéeffer les Amateurs «.
L'hiftore de l'Art de l'antiquité, par M. Winkelmann
, eft un des meilleurs ouvrages qui aient
paru dans ce genre ; les fuffrages qu'il a obtenus
par-tout, les traductions qui en ont ééfaites en
plufieurs langues , en difent plus que nous ne pour
rions en dire ici ; la traduction que M. Hubert en a
faite en françis , a eu le plus grand fuccè , mais a
éépre qu'entièement éuifé en Allemagne , où elle a ééimprimé. Le fieur Belin , Libraire , rue
S. Jacques , prè S. Yves , vient de recevoir de
Lépfick le refte des exemplaires qui reftoient de cet
excellent cuvrage , en 3 vol. in-4 °. enrichi de beaucoup
de figures fupéieurement exéutés . On le
vendoit 48 liv . bro hé, & il le propofe à30 liv.
broché Ceux qui feront emp: effé de fe le procurer
, font invité àfe preffer ; car les exemplaires
font en trè -petit nombre , & ne peuvent manquer
d'êre éuifé fous peu de jours ".
N. de Ligny , Abbeffe du Noble Chapitre
des Dames Chancinelles d'Avelnesles-
Arras , eft morte en fon Abbaye dans la
649. anné de fon âe .
Marie-Henriette Rebecca Mallier de Chaffonville
, veuve de Philippe Augufte , Comte
de Voloire de Ruffec , Lieutenant Gééal
des Armés du Roi , Commandant pour
S. M. en Bretagne , eft morte àl'Abbaye de
Montcaffin de Joffelin , en Bretagne , âé
de 72 ans .
»Ordonnance du Roi , concernant les termes
de la ceflation des Hofiilité en mer , du 4 Férier
1783.-S. M. ayant ratifié, le 3 du préent mois
de Férier , les articles préiminaires de la Paix ,
figné àVeifailles le 20 du mois de Janvier der
( 86 )
nier , entre les Miniftres pléipotentiaires de France
d'une part , & ceux de la G. B. de l'autre , par l'un
defquels articles il eft portéqu'il y aura ceffation
d'hoftilité par mer , fuivant les termes & efpaces
de temps ci - aprè expliqué , àcompter du jour
de la ratification defdits articles préiminaires , &
ftipuléque les Vaiffeaux , marchandifes ou autres
effets qui feront pris par mer , aprè lefdits termes
& efpaces de temps , feroat réiproquement
reftitué ; elle a ordonné& ordonne : que les Vaiffeaux
, marchandiſs & effets appartenans àS. M.
& àfes Sujets , qui pourront êre pris dans la Manche
& dans les mers du Nord , aprè l'efpace de
douze jours , àcompter du 3 du préent mois de
Férier , leur feront reftitué ; que le terme fera
d'un mois depuis la Manche & les mers du Nord ,
jufqu'aux îes Canaries inclufivement , foit dans
l'Océn , foit dans la Méiterrané ; de deux mois
depuis lefdites îes Canaries , jufqu'àla ligne Equinoxiale
ou l'Equateur , & enfin de cinq mois dans
tous les autres endroits du Monde , fans aucune
exception , ni autre distinction plus particulièe de
temps & de lieux . Déend S. M. àtous les Sujets ,
de quelque qualité& condition qu'ils foient , d'exercer
aucun acte d'hoftilitépar mer contre les
Sujets de S. M. B. , ni de leur caufer aucun préudice
ou dommage , aprè l'expiration des éoques
ci-deffus mentionnés «
,
Les Numéos fortis au'tirage de la Loterie
Royale de France du premier de ce mois ,
font : 26. 73. 77. 82 & 10 .
Il s'eft glifféune erreur dans l'annonce des Numéos du 16
Férier au lieu de 25. 15. 68. 27. & 5. que l'on a mis ,
lifez 25. 15. 68. 37. & 3 .
}
De BRUXELLES le 4 Mars. >
C'EST le 14 du mois dernier que les Etats-
Gééaux des Provinces Unies ont arrêéla
publication de l'armiftice avec la Grande(
87 )
Bretagne ; les termes font les mêes que
ceux qui ont ééconvenus entre les autres
Puilfances , & datent tous du 3 du mêe
mois , éoque de l'éhange des ratifications
des préiminaires entre la France
l'Espagne & l'Angleterre . On a expéiéen
mêe temps aux Amirauté des palfeports
pour les navires marchands de la Réuplique
. Ainfi le commerce & la navigation
des Hollandois rentreront en pleine
activité, en attendant qu'on parvienne à arranger déinitivement leur paix avec la
Grande Bretagne .
On attendoit avec impatience le ré .ultat
des déibéations de l'affemblé des 17 Directeurs
déuté de la Compagnie des Indes ,
qui s'eft tenue àla Haye ; on dit qu'ils
ont délaréqu'ils ne pourroient jamais
donner leur aveu àaucune conduite qui
gêeroit ou limiteroit le commerce & la
navigation de la Compagnie dans l'Inde
que quant àla ceffion de Néapatnam , fur
laquelle l'Augleterre infifte , ils s'en remettent
àla fageffe des Etats Gééaux , pour
éargner ce facrifice àla Compagnie.
;
On dit que M. Tor qui a pafféàLondres
, y a d'abord ééenvoyécomme particulier
, par M. Brantfen , Miniftre pléipotentiaire
de la Réublique en France ;
les Etats - Gééaux ont enfuite approuvécet
envoi.
Les Etats de Hollande ont choisi le Baron
de Dedea de Peckendam , Membre de
( 88 )
l'Ordre éueftre d'Overyffel , & Déuté de la part de cette Province aux Etats Gééaux
, pour aller en Améique en qualité d'Envoyéextraordinaire de la Réublique
auprè des Etats-Unis ; on a lieu de croire
que cette nomination fera bientô agré ée par
les autres Provinces.
Le 13 Férier le Stadhouder a envoyé aux Etats - Gééaux la fuite du méoire
concernant la conduite en qualitéd'Amiral
Gééal de la Réublique , qu'il leur
avoit remis le 8 Octobre dernier. Cette
fuite s'éend jufqu'àla fin de la campagne de
Panné dernièe , & comprend par conféuent
tous les déails relatifs àl'affaire
des vaiffeaux ordonné pour Breft , & qui
reftèent au Texel.
L'Impéatrice de Ruffie vient d'agir à l'éard du Prince de Gallitzin , ci - devant
fon Envoyéextraordinaire àla Haye , &
nommédepuis peu pour aller réiler en la
mêe qualitéàTurin , avec fa gééofité & fa munificence ordinaire ; elle lui accorde
fa retraite , avec une gratification ,
penfion & la permiffion de vivre cùil
jugera àpropos.
une
PRÉIS DES GAZETTES ANGL . du 24 Férier.
Les deux Chambres du Parlement s'affembleront
aujourd'hui.
Le Duc de Grafton , s'eft demis ces jours derniers
de la place de Lord da Sceau privé, & le Lord
Camb len , de celle de Préident du Confeil ; & aujourd
hei le Comte Shelburne a donnéfa déiffion .
Tous les Membres qui compofolent avec lui le Min.
7891
tèe , ont , dit- on , fuivi fon exemple ; on attend avec
impatience quels feront leurs fucceffeurs . S'il faut en
croire le bruit Public , c'eft le Duc de Portland ,
qui remplacera le Lord Shelburne.
Les Actionnaires de la Compagnie des Indes
ont éérequis de s'affembler , pour réiger une
adreffe tendante àfupplier le Parlement , de venir
au fecours de la Compagnie dans le payement
des 400,000 liv . , qu'el'e doit au Gouvernement
en vertu d'un acte du Parlement.
-
› >
La Douane a reç depuis quelques jours des
fommes trè confidéables , pour les droits des
Marchandifes que l'on embarque pour le Canada.
Cette circonftance prouve qu'il n'eft point vrai ,
comme le bruit en avoir couru , que les Néocians
de Quebec , éoient fi méontens des articles pré ,
liminaires , relativement àla fituation des limites ,
qu'ils avoient contremandéleurs ordres.
Le Gouvernement a donnéordre de dreffer diverfes
Lettres-Patentes pour êre fcellés du grand
Sceau, l'une pour conftituer Edward Mathews ,Major-
Gééal de l'armé & Commandant en chef des forces
de S. M. aux Indes occidentales , Capitaine- Gééal
& Gouverneur en chef des Inles de la Grenade & des
Grenalines ; la feconde pour conftituer Joh Ord
Capitaine - Gééal & Gouverneur en chef de la
Dominique ; & la troisièe pour conftituer Edmond
Lincoln Capitaine - Gééal & Gouverneur en chef
de l'Ifle St-Vincent & des Ifles Caraibes adjacentes.
Le 22 , le Bureau de la Guerre a envoyéau Gééal
Burgoyne , Commandant en chef des forces
du Roi en Irlande , des inftructions relatives au
licenciement des troupes qui font àla paie de la
Grande- Bretagne.
Le Roi a nomméM. John Trevor , Envoyé extraordinaire de S. M. auprè du Roi de Sardaigne ;
& le Lord Vicomte Gaway , fon Envoyéextraordi
naire auprè de l'Electeur Palatin & fon Miniftre à la Dièe de Ratisbonne.
( 90 )
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉÉ .
Defirant donner àce Journal une existence durable
& permanente , nous avons cru que la variéé feule pouvoit y contribuer & que nos Soufcripteurs
verroient avec plaifir un nouvel effort & de nouveauxfacrifices
de notre part pour parvenir àce but.
Non-feulement nous avons acquis le droit de rémprimerfur
les couvertures le Journal de la Librairie
, qui contient la Notice exacte des Livres nouveaux
, de la Mufique , des Eftampes , des Arrês ;
mais nous venons d'aquéir de M. Mars , Auteur
de la Gazette des Tribunaux , le droit d'imprimer,
dans ce Journal , la Notice plus ou moins abréé
de toutes les Caufes civiles & criminelles avec
leurs Jugemens dont fon Journalfait mention . Cette
Gazette des Tribunaux, abréé par M. Mars luimêe
, fera imprimé àla fin du Journal Politique
, & contiendra plus ou moins de pages , ſivant
qu'ily aura plus ou moins de caufes &fuivant leur
importance.
PARLEMENT DE PARIS. Caufe entre le Vicomte
de Roquefeuille , Garde-du- Corps de Monfieur &
le Marquis de Roquefeuille , fils & héitier du
Comte de Roquefeuille , Vice - Amiral de France.
-
-
Demande en reconnoiffance de nom , action en
trouble & en injures , pour raifon d'accufation fecrèe
d'ufurpation de nom. La maifon de Roquefeuille
, trè- ancienne & trè- diftingué , fe divife
en une multitude de branches , qui toutes prove-
´ues d'une mêe ligne , mais réandues dans difféentes
provinces , ne peuvent fe connoîre. La fortune
& les honneurs ont plus ou moins favorifé les unes & les autres. Le fieur Raimond , Vicomte
de Roquefeuille , ayant ééadreffé& pré .enté au Comte de Roquefeuille , Vice- Amiral de France ,
comme fon parent , celui-ci s'eft emprefléde cons
( 91 )
tribuer àfon avancement , & mêe àcelui de fa
famille. Il l'a fait entrer dans les gardes de M. le
Comte d'Artois , & a fellicitépour un de fes frèes
une place d'aumôier de Madame Adelaide. Le
Vicomte de Roquefeuille n'avoit qu'àfe louer du
Comte & de fes bons offices , lorsqu'il fut inftruit
par des bruits vrais ou faux , que le Comte
jettoit des doutes for la gi imitéde fon Nom ,
& fur le droit qu'il avoit de le porter ; qu'il difoit
dans les cercles de la Cour & de la Ville , que
le fieur Raimond n'éoit pas vraiment de la famille
des Roquefeuille , & qu'il fortcit d'en bâard
d'un des defcendans de cette mailon . Le fieur
Raimond de Roquefeuille , qui ne doit fon avance.
ment & celui de fa famile qu'àla naiflance , & au
nom qu'il porte , avoit le plus vif intéê de déruire
ces doutes . En conféuence il a ramafléles
tittes de fa géélogie ; il les a communiqué au
Comte de Roquefeuille , & l'a fait alligner , pour
obtenir la réaration du préudice àlui caufé&
àfa famille , par les difcours réandus dans le
public , des dommages & intéês , l'impreffion
& l'affiche du Jugement àintervenir . Le Comte de
Roquefeuille s'eit emprefféde déavouer les dicours
qu'on lui prêoit. Le Vicomte a demandé acte defdites délarations , & fe déiftant pour lors
des demandes en dommages & intéês , a conclu
a êre maintena dans la poffeffion du Nom & des
Armes de Roquefeuille , comme defcendant d'Antoine
premier du Nom. Une Sentence du Châelet
a donnéacte , purement & fimplement , des
déaveux & des délarations faites par le Comte ,
de Roquefeuille , fur le furplus des demandes du
Vicomte , l'a mis hors de Cour déens compenfé
. Appel de la part du Vicomte , fur ce qu'il
n'avoit pas éémaintenu dans le droit & poffeffion
du nom de Roquefeuille , ainſ qu'il y avoit conclu
792 )
Arrê du 1er. Aoû 1782 , conforme aux con
clufions de M. l'Avocat- gééal d'Agneffeau . Qui
a donnéacte àla partie de Delinieres , des délarations
faites par celle de la Croix de Frainville ,
de ce qu'elle n'entend ni conrefter , ni avouer le
Nom qu'elle porte ; ce faifant , a mis l'appellation
au nént , ordonne que ce dont eft appel fortiroit
fon plein & entier effet ; condamne l'appelant en
l'amende , & aux déens . Ordonne , la fuppreffion
de la partie d'un Méoire , dans laquelle on éèe
des doutes fur la léitimitédu nom de Comte de
Roquefeuille .
Caufe entre la veuve Buchon , & les Héitiers
de fon Mari. Teftateur , qui fachant figner , délare
nénmoins le contraire par un Teftament.
Ses difpofitions font- elles valables , & l'acte peutil
êre attaquécomme nul ?. RenéBuchon a
éouféen 1746 , Madelaine Ribouleau , aprè 20
ans de mariage , les deux conjoints n'ayant point
d'enfants , ni efpéance d'en avoir , font , par devant
Notaire , leur Teftament conjoint & mutuel,
Far lequel ils délarent , que le préourant des
deux , donne & léue au furvivant l'ufufruit de
fes immeubles propres , & la propriééde fes
meubles & acquês . A la fin de l'article le Teftateur
, RenéBuchon , délare ne favoir figner . Par
l'éèement , c'eſ le Mari qui a préééé: fes
Héitiers ont attaquéle Teftament , fous préexte
que le Teftateur auroit dûle figner , puifqu'il
favoit érire , & que la délaration par lui faite
de ne favoir figner , éoit fauffe . M. d'Agueffeau ,
Avocat - Gééal , a conclu àla validitédu Teftament
, & àfa pleine & entièe exéution : c'eft
auffi ce que l'Arrê du 8 Janvier 1783 a jugé
PARLEMENT DE NORMANDIE . Droit d Ufage.
Les Religieux Bééictins de Leffay , au diocèe
de Coutances , font Seigneurs & Propriéaires d'un
( 93 )
marais fituédans la Paroiffe d'Appeville. Ce marais
éoit affujetti àl'afage des habitans d'Appeville ,
Honefville , Liéille & St- Côe - du- Mont, En 1670 ,
les Religieux voulant en faire un triage , aux termes
de l'Ordonnance de 1669 ; conteftation de la
part des habitans d'Appeville , ufagers feulement à titre gratuit ; & de la part des habitans des trois autres
Paroifles , ufagers àtitre onéeux. Les Parties
traduites au Parlement de Paris , cette Cour , par
fon Arrê du 5 Aoû 1670 , a autoriféles Religieux
àprocéer au triage. L'affaire éoqué au Confeil
du Roi , Arrê en 1673 qui prononce ainfi . »Le
Roi , en fon Confeil , faiſnt droit fur les Requêes
refpectives , ayant aucunement éard àcelle du fieur
Abbéde Leffay , & àl'Arrê du Parlement de Paris
du S Aoû 1670 , a ordonné& ordonne que ledit
fieur Abbéde Leffay aura & prendra fon tiers
en la totalitédu marais en queſion , dans le
quel nénmoins lefdits habitans de St-Côe- du-
Mont , ceux de Honefville & autres ufagers pofféans
le droit àtitre onéeux , pourront avoir leurs
ufages & pâurages , ainfi que dans les deux autres
tiers àeux appartenans , en continuant les redevan
ces accoutumés , fans qu'ils puiffent y envoyer que
le tiers des beftiaux qu'ils auront hiverné , tant
que
lefdits triages demeureront féaré , & ce àl'exclufion
des habitans de ladite Paroiffe d'Appeville , lefquels
ne pourront préendre aucun droit d'ufage
ni pâurage fur ledit tiers mais fur les deux autres .
-Le triage a ééfait . - Le 10 Mars 1781 , les Reli
gieux autorifé de leur Abbé, & toutes autres formalité
prélablement obſrvés , ont donnéàcens &
rentes aux fieurs Gaumia & d'Apres , tout ce qui peut
appartenir & appartient , porte le contrat , a l'Abbaye
, dans le marais d'Appeville , au droit de la
baronnie d'Offeville , fans en rien excepter ni réerver
, n'entendant céer que la quantitéd'arpens
94
T
exempts de tous ufages , moyennant 3 liv. de cens
& rente annuelle , ... par chaque vergé affranchie ,
exempte & libéé de tous ufages. Les Lettres - Patentes
obtenues fur ce contrat , au mois de Novembre
1781 , portent auffi cette claufe : fans cependant
que les préentes puiffent préudicier en aucune
manièe àceux qui peuvent avoir des droits d'uſge
ou autres àexercer fur lefdits marais. Ces Lettres-
Patentes , préentés àl'enregistrement au Parlement
de Rouen , les habitans d'Appeville , d'une
part , ceux de Honefville , Liéille & St - Côedu-
Mont , d'autre part , y ont forméoppofition.
-
--
Arrê du 28 Janvier 1783 , qui a déoutéles
fieurs Gaumin & d'Apres, de leurs demandes en enregiftrement
, & les a condamné aux déens .
PARLEMENT DE LANGUEDOC . Antropophage
condamnéàmort. Blaife Ferrage , furnommé Seyé, Maçn de profeffion , natif du lieu de Cefcan
, dans le Comtéde Comminges , trè - petit de
taille , mais d'une force extraordinaire , trè-brun ,
éoit vicieux & libertin par tempéament. Dans
un âe peu avancéil pourfuivois déa les perfonnes
du fexe. Craignant d'érouver la fééitéde
la Juſice , il ſ retira dè l'âe de 22 ans dans les
montagnes d'Aure , voifines de fa patrie. Il y choifit,
àla manièe des Ours , une retraite dans la concavité d'un rocher placéfur le haut d'une montagne ; delà il ſ réandoit dans les campagnes , dont il devint
bientô le plus terrible fléu . Il enlevoit les
brebis , les moutons , les veaux , la volaille , pour
fe nourrir , & fur- tout des femmes & des filles pour
affouvir fa brutale paffion. Il pourfuivoit àcoups de
fufil celles qui fuyoient ; en abufoit quoique mourantes
& baignés dans leur fang. Comme il ne fe
nourriffoit plus de pain depuis quelque tems , &
qu'il manquoit mêe fouvent de vivres , on préend
( 95 )
qu'il éoit devenu antropophage. Il coupoit ordinairement
les feins & les cuiffes des femmes & des filles
aprè en avoir abufé, & il achevoit de les
mettre en pièes pour en tirer les inteftins & le
foie qu'il mangeoit ; il n'éargnoit pas les impubèes.
Mais nous devons éarter ici ces images affreufes
de la barbarie & de la brutalitérénies . Il tuoit
auffi les hommes & en mangeoit ; dernièement il
aſ .aſ .ina un marchand de meules , Eſagnol , qu'il
attira dans fa retraite , fous préexte de le conduire
fur les tertes de France oùil fe rendoit pour faire des
achats. Il avoit mis le feu àune Grange , qui renfermoit
des beftiaux ; pour fatisfaire fa rage contre le
propriéaire , qui avoit voulu le faire arrêer . On
préend qu'il portoit dans fes cheveux une herbe
qui a la propriééde ronger le Fer ; elle croit dans
les montagnes , & n'eft connue que d'un Oiseau ,
appelléle Pic. S'il faut en croire la tradition populaire
, pour fe procurer de cette herbe , on cherche
le nid de cet Oiſau , qui le place ordinairement
dans le creux d'un Arbre ; on cloue en fon abſnce
une planche fur l'ouverture ; l'Oifeau de retour ,
pour êer les cloux qui retiennent la planche , va
chercher l'herbe en question. On fe tient àl'éart ,
& lorfqu'il a liméles cloux , & laiffétomber l'herbe
, on s'en faifit. Blaife Ferrage , dit Seyé, fut
enfin arrêépar la trahifon d'un faux Ami , qui
avoit feint de fe retirer avec lui dans les montagnes
, pour le déober aux pourfuites de la justice ,
& qui dans le fait , n'avoit pas une conduitéfans
reproches. On avoit promis àcet homme fa grace ;
& plufieurs Communauté d'habitans s'éoient cotifés
, pour donner une réompenſ àcelui qui parviendroit
àle livrer àla Juſice . Il éhappa nénmoins
une premièe fois , mais , peu de tems
aprè , s'éant éarépendant la nuit dans les mon-
-
( 96 )
agnes , il fut arrêé. Il marchoit toujours armé d'une ceinture de Piſolets , d'un Fufil àdeux coups ,
& d'une Dague. Il alloit dans la Ville la plus prochaine
de la retraite , pour acheter de la poudre
& des balles ; & la Maréhauffé n'ofoit l'arrêer.
Il avoit environ 25 ans lorqu'il fut jugé. Le Juge
Châelain de Caftillon , l'avoit condamnéàexpirer
fur la roue , & a êre jettéan feu. Par Arrê du
12 Déembre 1782 , la Sentence a ééconfirmé ,
exceptédans le chef du feu , & àcet éard , le
Parlement a ordonnéque fon corps mort fercit
exposéaux fourches patibulaires ; & que l'Arrê
feroit imprimé& affichéàCefcan , Caftillon &
Toulouſ. Il a ééexéutéle 13 quatre heures
de relevé ; on avoit tripléla garde ; toute la Ville
& une multitude de gens de la Campagne éoient
àfon ééution : on ne parloit que de ce monftre .
Il marcha au fupplice d'un vifage ferein. On fait monter
àplus de 80 les filles & les femmes , victimes
de fa brutalité
à Na. L'abrééde la Notice des caufes de la Gazette des
Tribunaux n'apportera aucun changement àcet Ouvrage ,
qui paroî tous les Jeudis depuis fept annés conféutives ,
& dont M. MARS , Avocat , eft l'Auteur. On y trouve toujours
le mêe nombre d'articles ; 1. la Notice des caufes
civiles & criminelles du Royaume ; 2 °. l'expofédes queſions
fur lefquelles on demande l'avis des Jurifconfultes , avant de
fe déerminer àplaider ; 3 °. les réonses àces mêes queftions
; 4. des differtations fur des points de droit , d'Ordennance
, ou de Coutumes ; 53. une Notice fommaire des Méoires
, Plaidoyers , & c. 69. l'annonce & l'objet des livres
de Droit , de Jurifprudence ; 70. l'indication de ce qui fait
Loi ou Rèlement , les Arrês du Confeil , ceux des Parlemens
, des autres Cours Souveraines , &c. &c . 8 ° un article
de Léiflation érangèe , dans lequel on trouve fouvent des
caufes extraordinaires. On foufcrit en tour tems pour cet
Ouvrage , dont le prix eft de 15 liv . par an , franc de port ,
chez M. MARS, Avocat au Parlement , rue & Hôel Serpente.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E.
De CONSTANTINOPLE , le 1 sJanvier.
LE
E nouveau Grand -Vifir Halid Hamid ,
paffe pour avoir des connoiffances encore
fupéieures àcelles qu'on prêoit àfon
prééelleur Jagen Méemet , Pacha , auquel
on en attribuoit beaucoup au moment
oùil fut revêu de cette dignité; il
connoî fur-tout parfaitement l'éat de l'Empire
Ottoman , & le befoin qu'il a de vivre
en paix avec toutes les Puiflances voisines.
Ce Miniftre eft éroitement uni au Capitan
Bacha , & montre beaucoup d'eftime
pour les Européns . C'eſ àfes foins qu'on
doit le réabliffement de la tranquilli édans
cette capitale , & l'efpéance de la continuation
de la paix, Cela n'empêhe pas
qu'on ne pou fuive àl'arféal les réarations
des vaiffeaux ; mais on vient de renvoyer
dins leurs terres environ 20,000
vaffaux qui font obligé de prendre les
15 Mars 1783.
( 98 )
armes & de faire le fervice militaire auffitô
que l'Empire eft menacéd'une guerre ;
c'eft àcette condition qu'ils poſèent des
terres qu'ils tiennent de S. H.; ils éoient
venus depuis que les déêé avec la
Rulle avoient élaté, & confommoient
dans cette capitale leurs revenus qui , déenfé
dans leurs campagnes , peuvent faire
circuler quelque argent parmi les habitans
& tourner àl'avantage de la culture.
RUSSI E.
De PETERSBOURG , le 2 Férier.
LE Lieutenant - Colonel de Neplujew ,
fils du Confeiller & Séateur de ce nom ,
arrivédepuis peu de la Crimé , a éééevé au grade de Colonel ; il commandoit l'avant
garde du corps du Gééal Belmain
qui a agi avec tant de fuccè contre Bathi-
Guéay , frèe du Khan actuel . Le Colonel
àla têe de 200 hommes le rencontra dans
les montagnes de Caras - Bafarche , & au
moyen d'une manoeuvre habile , il le furprit
& diffipa avec fa petite troupe 1000
rebelles qui éoient avec lui , en tua 70 ,
difperfa le refte & s'empara de leurs éuipages.
Bathi-Guéay ne dut dans cette occafion
fon falut qu'àla fuite ; mais peu de
tems aprè le Colonel l'atteignit prè de
la mer Noire dans la maifon de la four da
Khan oùil s'éoit réugié, & oùil fut fait
prifonnier.
799 )
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 8 Janvier.
PLUSIEURS Miniftres érangers ont reç
dernièement l'agréble nouvelle de la conclufion
de la paix entre la France , l'Eſagne
& l'Angleterre. Un Eccléiaftique d'Yaffy
qui fe trouve ici depuis quelque tems
déêha auffi-tô un Exprè pour la porter
àl'Hofpodar de Walachie , qui de fon côé ne manquera pas d'en informer fur- le-champ
la Porte que cette nouvelle doit intéeffer
infiniment.
Depuis quelques femaines , le Confeil
Permanent s'eft occupéd'affaires relatives.
àl'améioration intéieure du Royaume.
On fe flatte que les arrangemens pris fucceffivement
obtiendront peu àpeu le but
falutaire déirédepuis fi long-tems . Déa
les Seigneurs du rang le plus éevé, commencent
às'appliquer àl'éonomie , & à éudier les principes de cette fience fi
utile dans tous les Etats , mais jufqu'àpréent
trop néligé dans le nôre.
ALLEMAGNE
De VIENNE , le 18 Férier.
ON érit de Klagenfurt que l'Archiduc
Maximilien qui eft en route pour l'Italie , y
e 2
( 100 )
eft arrivéle 7 de ce mois ; il eft defcendu au
Palais de l'Archiducheffe Marie- Anne , qui
l'a reç avec les téoignages de la plus grande
tendrelle.
On a érouvéle 15 de ce mois àNeuftadt
quelques léèes fecouffes de tremblement
de terre.
Il a ééenvoyéordre en Efclavonie de
couper les bois dans la largeur de 8 toifes
fur les deux bords de la Drave , afin d'empêher
par ce moyen , que cette rivièe ne
puiffe jamais êre embarraffé par les arbres
qui tombent de véuftéou qui font
renversé.
Ileft parti d'ici dans le commencement de
ce mois prè de 30 chariots chargé de canons,
de boulets & d'autres munitions de guerre,
Ces tranfports font pour Carlstadt en Hongrie
, & ont ééaccompagné de quelques
déachemens d'artilleurs , de grenadiers
& d'autres foldats d'infanterie. Quoique ces
tranfports foient nombreux , & femblent
annoncer une guerre prochaine , on ne s'entretient
plus guèe ici d'une rupture avec la
Porte.
On fait àPrague de grands préaratifs
pour le couronnement de l'Empereur ; &
on croit que cette folemnitéaura lieu dans
le mois prochain.
Les Juifs demeurant dans les Etats Hééitaires
d'Autriche & dans la Bohêe , ont
obtenu la permiffion d'aller & de revenir .
( 101 )
librement dans la Hongrie , pourvu qu'ils
foient munis d'un paffeport du Juge de
lear domicile ; mais les Juifs érangers
payeront , comme par le paffé, un florin ,
en entrant dans ce Royaume.
Vienne ,
»L'Ambaffadeur Marocain deſiné pour
érit-on de Triefle , eft encore dans cette Ville , àcaufe
d'une indifpofition qui l'arrêe . Il entreticat la difcipline
la plus exacte parmi les gens . Il en a renvoyé 3 àMaroc , avec ordre de les faire empaler àleur
arrivé ; il en a fait mettre 3 autres aux fers àLivo.rne
, oùil les reprendra àfon retour . Cer Ambaladeur
eft Gouverneur d'une Province confidéable ,
& paffe pour avoir des talens politiques & une grande
expéience. Depuis fon féour ici , il a voulu voir les
bals , les opéas ; ces divertiffemens l'ont beaucoup
amufé. Notre Evêue lui a fait une vifite , & en a
ééreç avec les plus grands éards « ‹ .
De HAMBOURG , le 24 Férier.
LES papiers ne parlent plus aujourd'hui
que d'une manièe pofitive de l'arrangement
des difféends qui s'éoient éevé
entre la Ruffie & la Porte ; les mouvemens
que faifoient ces Puiffances & quelques
autres , avoient réandu l'alarme dans la
Servie. Les habitans de Belgrade s'éant
affemblé , s'éoient rendus chez le Bacha
de cette place , pour le prier de vouloir
bien donner les ordres néeffaires , pour
que dans ces circonftances critiques , les
Commandans & les Magiftrats miffent
toute leur préoyance àfauver le peuple
du danger & de la misèe dont il cft mee
3
( 102 )
nacé Le Bacha ne néligea rien pour les
tranquillifer , en les affurant qu'il vivoit
dans la meilleure harmonie avec les Gouverneurs
voisins ; & en ajoutant que d'ailleurs
ils devoient , ainfi que lui , fe repofer
fur la fageffe de la fublime Porte , qui fauroit
bien applanir , fans guerre , les difféends
fubfiftans entre elle & la Ruffie .
»On continue toujours ici , érit-on de Vienne , les
préaratifs de guerre , on tranfporte auffi toujours des
munitions vers les frontièes de Turquie . Il y a quelques
jours qu'un déachement de cavalerie manouvroit
en préence de l'Empereur ; aprè quelques
éolutions , ce Prince demanda fi quelqu'un des Cavaliers
auroit le courage de franchir , avec fon cheyal
, des chevaux de frife qu'il avoit fait amener. Il
n'y eut qu'un foldat qui fe trouva prê ; il ofa mêe
dire : fi V. M. me le permet je les franchirai dans
un moment ; c'eft une bagatelle pour moi. L'Empereur
eut l'humanitéde lui recommander d'agir avec
prudence & de renoncer plutô àfon projet que d'expofer
fa vie. Le foldat fe mit auffi-tô en ordre ; il
galoppa trois ou quatre fois auprè des chevaux de
frife , & prenant enfin tout-à- coup fon effor , il les
franchit fans ſ bleffer ni faire aucun mal àſn
cheval . L'Empereur l'a éevéàun grade , & lui a
fait préent de 200 ducats pour le mettre en éuipage
, il a demandéde conferver fon cheval , ce qui
lui a ééaccordé«
S'il faut en croire des lettres de Berlin ,
le Roi de Pruffe a déignéune perfonne
qui doit aller àPhiladelphie en qualité d'Agent auprè des Etats- Unis de l'Améique
; & plufieurs navires Pruffiens feront
voile pour cette partie du monde , oùils
ouvriront un commerce.
( 103 )
S. M. , ajoutent les mêes lettres , voulant
donner une nouvelle preuve d'encouragement aux
Fabriques dans les Etats , en-deç du Wefer , y a
déendu l'importation des articles fuivans venant de
l'éranger ; favoir : les rubans de foie , de laine , de
coton & de fil , les ouvrages de bois & de fil- d'archal ,.
les clinquailleries d'acier , d'éain , de fer , & c . les
baffins de méal , les haches & coins , lé perles de
cire , les chaîes de montre d'acier , la vaiſ .elle d'éain
, les gants de peau , de foie , de laine ,
de coton
de fil . Les gants de peau de Danemarck font excepté .
Les marchandifes fuivantes venant de l'éranger
payeront un droit de so pour 100 ; favoir : les
poids de méal , les agréens de foie & de filofelle ,
les éantails , les plumes & parures en plumage , les
aiguilles , les éiceries & les moulins àcafé; la cire
àcacheter payera 25 pour 100. Il réulte d'une
pièe authentique que le Roi de Pruffe a réandu ,
l'anné dernièe , dans les Etats , en bienfaits de
tout genre , tant pour de nouveaux éabliffemens que
pour encourager l'induftrie , la fomme de 2,118,000
rixdalers. Les mines qui avoient éétrè néligés
font exploités aujourd'hui avec le plus grand fuccè .
Auffi S. M. a verfédes fommes confidéables dans
cette partie. Elles font actuellement en fi bon éat ,
que non-feulement elles fourniſ .ent abondamment
le pays de fer , de cuivre , de plomb , de vitriol ,
d'alun , de charbon de terre , &c. mais qu'il en refte
encore pour l'exportation dans l'éranger. Depuis le
réabliffement de l'exploitation des mines on a exporté pour 234,000 rixdalers de minerai .
Les préentions de la Ruffie , relativement
au commerce de la Courlande qu'elle
veut faire paffer àl'avenir par les mains
des Marchands de Riga & par le port de
cette Ville , font fondés fur une convention
entre le Duc Frééic & la Ville de
¥ 1
€4
(
104 }
Riga en 1613 , par laquelle on préend
que la Courlande a renoncéau droit de
faire exporter de fes ports toutes fortes de
denrés & de grains. Un traitéconclu à Riga en 1630 entre les Pléipotentiaires de
Suede & de Courlande , la trèe faite à Stumsdorff en 1635 , & le traitéde paix
d'Oliva en 1660 , renferment , dit on , la
confirmation de cette convention . Les Miniftres
d'Etat de Courlande réondent àces
affertions :
1° Que la Convention de 1615 , n'a jamais éé un Acte obligatoire ; parce que les Etats du Pays n'y
ont pas accéé, & qu'elle n'a pas ééconfirmé par
le Seigneur Suzerain ; ce qui auroit ééabfolument
néellaire d'aprè la conftitution de Courlande, (dont
S, M. Impéatrice de toutes les Ruffie s'eft rendue
garante , ) fi cette convention devoit maintenant
fubfifter au préudice des Droits , qui appartiennent
au Seigneur Suzerain , au Duc & aux Etats de Cour
lande : 2 ° Que cette Convention n'a pu acquéir
plus de force & de validitépar le Traitéde 1630 ,
qui fut éalement conclu àl'infç & fans le confentement
des Etats . 30. Que cette convention n'a
jamais éémise en exéution ; mais qu'au contraire
il ya ééportéatteinte en plufieurs occaſons : 4º.
Que , fuppoféque cetre Convention ait d'abord -
ééen quelque forte obligatoire , elle ne peut pourtant
nullement êre regardé comme une raiſn concluante
pour les préentions formés de la part de
la Ruffie , vu qu'elle n'offre aucune preuve pour la
renonciation faite par la Courlande au droit de le
fervir de fes Ports , pour faire pafler toutes fortes
de grains & de denrés : 5º. Que , fi dans la Trèe
de Stumsdoff il eft ftipulé: »Que le Commerce· de la Pologne & de fes Provinces doit êre réa
( 105 )
»blifur l'ancien pié; qu'il doit fe continuer comme
»il a ééfait dè fon commencement , & que toutes
»chofes doivent rentrer dans le mêe éat oùelles
»ont ééavant cette Guerre , attendu que les inno-
»vations , faites pendant la Guerre , feront nulles
»& de toute nullité: & fi dans l'art . XV du Traité de Paix d'Oliva il eft arrêé»Que le Commerce
»de Pologne , de Lithuanie & de Suèe , ainfi que
»de leurs Provinces , Sujets & Habitans , doit êre
»fans entraves & le faire avec toute liberté, tant
› :
par terre que par mer & êre maintenu dans
»l'éat oùil a éépendant la Trèe «; il eft éident
, qu'on n'a point voulu gêer le Commerce de
la Courlande , mais plutô en fixer la libertéillimi
té par mer & far terre , fur-tout quand on fait
rélexion , que le Commerce de la Courlande n'a
jamais éétroubléni interrompu par la convention
de 1615 ; mais qu'il s'eft toujours fait fans empêhement
de tems imméorial avant la Guerre avec
la Suèe , & mêe pendant la Trèe : 6 °. Que
d'ailleurs , comme les Articles IV & V , du Traité d'Oliva portent , »que le Roi & le Royaume de
»Suèe ne pourront pas éendre les limites de
»leurs poffeffions dans la Courlande & la Séigalle ,
ni préendre quelque fervitude àla charge du Duc
»de Courlande , ni s'arroger le droit àla coupe de
»Bois ni quelque autre droit que ce foit ; qu'éalement
le Roi & le Royaume de Suèe ne feront
pas en droit de former , fous quelque préexte
»que ce foit, des préentions àla charge de la Courlande
« ce Duchéet pleinement fondéàimplorer
la protection de S. M. l'Impéatrice de toutes les
Roffies contre les préentions mal - fondés , que la
Ville de Riga , déàallez floriffante par l'éendue de
fon commerce , s'efforce de faire valoir , & àreclamer
cette juftice éinente avec laquelle S. M.
Impéiale a daignégarantir àla dièe de Courlande ,
tenue en 1763 , la religion , les droits , les privilées
es
( 106 )
& immunité des Duché de Courlande & de Semigalle
, tels qu'ils ont éédans les rems antéieurs ,
& pour le maintien defquels les Rois de Pologne ont
prêéferment.
>
On lit dans un papier Allemand une differtation
fur l'origine de la Méiterrané
qu'on regarde comme une nouvelle mer , ainfi
que fes branches , la Mer Adriatique
l'Archipel & la Mer Noire , qui ne doivent
leur exiftence qu'àquelques grandes réolutions
de la nature. Le préis de cette
pièe peut êre curieux , fú-tout dans la circonftance
préente , oùle bruit du malheur
arrivéàMeffine paroî fe confirmer.
59
L'Italie , la Grèe & la Natolie , ne faifcient
anciennement qu'un feul continent avec la côe feptentrionale
de l'Afrique , mais les piles fouterraines
fur lefquelles repofoit ce pays , s'éant rompues
dans un tremblement de terre , ce continene fut déembré , tel qu'on le voit aujourd'hui. C'est par
une mêe réolution que l'Angleterre fe déacha
de la France; que l'Améique , déagé de les premiers
fondemens , prit la place qu'elle occupe actuellement
, & que la mer fe fit jour avec impéuofité entre l'Espagne & l'Afrique , inondant à droite & àgauche les pays , jufqu'au Caucaſ , & ne
revint dans les limites qui circonfcrivent aujourd'hui
la Méiterrané , que fucceffivement & àmefure
que les pays inondé s'éoient enfoncé davantage.
L'Efpagne orientale , la France méidionale ,
I'Italie , la Grèe & la Natolie , durent leur falut ou
leur confervation aux Pyrenés , àl'Apennin , alr
Taurus & au Téarus , comme la Lybie feptentrionale
la doit àfes montagnes. La Sicile , la Sardaigne ,
les Illes de Corfe , de Crèe , de Chypre & celles de
l'Archipel , qui éoient les fommets du pays enfoncé , font les monumens & les preuves vifibles de
蔓
( 107 )
--
cette grande réolution. Il eft probable que ce
qui eft terre ferme aujourd'hui , eft forti du fein
de la mer ; comment expliquerions- nous autrement
les périfications des poiffons & d'autres animaux
de mer que l'on trouve fur nos montagnes ? De
la mêe manièe il fe peut qu'un jour une grande
partie de notre globe foit engloutie par la mer , &
que celle ci rende de fes entrailles une nouvelle
portion de terre. Eft-il abfolument invraisemblable
que les couches dans le centre de la terre ne foient
ni fi compactes , ni fi ferrés qu'on l'imagine ? Ne
peuvent- elles point avoir de fciilures dans lefquelles
l'eau péère & forme fucceffivement des excavations
? Eft-il impoffible qu'un feu fouterrain n'attaque
les piles de ces voutes & ne les renverſ ?
Quelle eft l'opéation au- deffus des efforts lents
de la nature ? Oùune taupinièe qui s'éroule eftelle
une perte pour l'univers ? Le Créteur met dans
chaque deftruction le germe d'une crétion nouvelle.
-
Une pareille réolution eft , ce me ſmble , plus
naturelle que l'hypothè .e de Whifton , qui attribue
àune comèe le changement qu'a fubi notre globe.
Le Véuve , l'Etna & les Volcans dans les Ifles
Eoliennes , font des preuves vifibles que l'Italie
eft remplie de feux fouterrains , qui anciennement
éoient peut- êre plus multiplié encore , & je ne
connois pas de pays qui en ait autant que l'Italie , &
qui par conféuent foit plus fujet qu'elle aux tremblemens
de terre. Ces tremblemens fe manifeftent
auffi fréuemment dans l'Afie mineure , ce qui ,
quoiqu'il n'y ait point de Volcans vifibles , prouve
néeflairement qu'elle nourrit beaucoup de feux
fouterrains. La profondeur de la Méiterrané eft
connue ; & par cette raison mêe il est trè probable
qu'elle doit fon origine , comme la mer Cafpienne
, àun continent fubmergé On connoî auffi
le courant qui fe jette dans la méiterrané par le
Déroit de Gibraltar, Ce courant indique clairement
€6
( 108 )
que la Méiterrané a pris fes eaux de ce côé,
& qu'elle eft par confé ent une mer nouvelle .
Lor qu'on confidèe le nombre prodigieux d'ifles
dans l'Archipel , on ne peut guèes s'empêher de
les regarder comme des fommes de montagnes ,
autour de que's la plaice a ééùm igé . Cette
opi ion ef? encore appuyé par la tradition grecque,
que l'Ile de Delos & les Cyclades avoient vogué long temis avant de fe fixer. Cetre circonftance luppole
, fans contredit , the réolution precéente. "
---
Les côes de cette mer fe préentent comme des
fragmens provenus d'une r prure faite avec vio
lence , fu - tout celles de la Dalma ie & de l'Afrique .
On y voit un gra d nombre de finuofité , oùla
terre Gtué plus bas , paroî avoir ééemporté.
Ie: Ifles de forme longue fur la côe de Dalmatie ,
éo ent une terre dont la fituation éoit éevé . Les
côes y font prefque par- tout montueufes & rem-'
plies de rochers . La Méiterrané augmente en'
profondeur, & les mers qui lui fourniffent des eaux
diminuent. Cette mer a ééd'abord trè-baſ .e , aprè
la grande réolution de la fubmerfion . Il falloit un
certain tems , pour que les eaux , qui paffo: ent par
le Déroit de Gibraltar , pûfent remplir toure la
furface dep is Gibraltar jufqu'àCaffa & àTyr. En
outre la terre fubmergé s'imbiboit auffi d'eau , &
il est trè probable que fur les nouvelles côes il
s'érouloit par-ci par- làdes fouterrains qui fe rempliffoient
éalement d'eau ; mais actuellement la
terre fubmergé éant impréné & les caves fonterraines
éant remplies d'eau , & l'affluence de l'Océn
par le Déroit continuant toujours , la Méiterrané
gagnera tous les jours en profondeur . Le volume
d'eau que l'Océn lui fournit , eft pris for
d'autres mers ; on fait par exemple que la mer d'Allemagne
diminue & perd vifiblement de fes anciennes
rives . Le Baron de Harleman , dit dans les
voyages , par quelques provinces de Suèe , qu'ayant
( 109 )
examinéle lac de Goeta , nous déouvrîes dans
diverfes excavations far le rivage , & quelques piedsau-
deffus de la furface a&tuelle de l'eau , des couches
de ſble de mer mêéde coquillage , ce qui prouve
éidemment que ci-devant les eaux montoient àcette
hauteur. De l'autre côédu lac , nous entrâes dans
une plaine fitué entre deux montagnes , laquelle ,
quoique affez baffe , a cependant 25 aunes plus en
hauteur que l'eau du lac . Ayant fait fouiller dans
cette plaine , nous vîes que ce terrein n'éoit qu'un
mêange de fable de mer trè - fin , mêéde coquillages
, & que plus on creufcit , mieux les coquillages
éoient confervé . Les coquillages qu'on trouve de
cette manièe , obferve encore M. de Heileman , ne
fauroient êre attribué qu'àla baiffe annuelle de la
mer; on en rencontre fur-tout dans ces environs ies
preuves les plus convaincantes. Ces obfervationsde
M. de Hotleman viennent àl'appui de mon hypothèe.
Lorsque la Méiterrané s'eft formé , les
eaux dans ces pays feptentrionaux diminuèent fubitement
& déosèent le fable & les coquillages
de mer. Il eſ mêe vraisemblable , qu'avant l'exiftence
de la Méiterrané , la Suèe éoit couverte
d'eau jufques vers la Laponie ; mais àla formation
de cette mer , les eaux s'éant fait jour , il n'y refta
plus d'autres trous de cette éendue d'eau que les
lacs de la Gothie , & fur-tout ceux de la Daléarlie.
Le déroiffement annuel de la Baltique ne fauroit
êre mieux expliquéque par l'accroiffement en profondeur
de la Méiterrané qui augmente fes eaux ,
par le courant de mer prè de Gibraltar . Toutes
ces circonftances fe réniffent en faveur de mon
hypothèe , pour laquelle je citerai encore l'obſrvation
qui a ééfaite , que l'eau de la Méiterrané
n'éoit pas fi falé que l'eau des autres mers , ce qui
prouveroit auffì, ce me femble, qu'elle est une mer
nouvelle. La grande réolution que j'éablis ,
explique encore les relations que d'anciens Auteurs
-
? 110 )
nous donnent , d'un vafte pays fituéàl'oueft , &
appelléAtlantis , & celles des déuges de Noach &
de Deucalion , & elle explique aufli la manièe de
la population de l'Améique , la mer Morte , les
lacs de Genezaret , de Sirbonis , de Moeris , & c.
Je finis mes rélexions par un paffage tirédu recueil
des voyages de M. Bernoulli . Il dit , àla page 25 du
premier livre , que les Naturaliftes avoient conjecturé , avec quelque fondement , que lIfle de Capri
( Caprea ) avoit éédéaché de la terre ferme dans
un tremblement de terre. En la regardant du côéde
Salerne , on obferve que les rochers fur la côe de
l'Ifle & ceux fur la côe correfpondante de la terre
ferme , font conformé d'une manièe qui fait préumer
qu'ils ont éédéaché les uns des autres .
La mêe chofe fe pré .ente àl'Ifle de Malte , vis- à-vis
les côes de la Barbarie «
ANGLETERRE.
De
LONDRES , le 3 Mars.
Nous n'avons point d'autres nouvelles
de l'Améique Septentrionale que celles qui
nous font arrivés par le tranſort armé,
l'Expéiment, qui nous a apportédes lettres
d'Hallifax en date du 18 Janvier . Il ne s'y
éoit rien pafféd'intéeffant & tout éoit
tranquille de ce côéàcette éoque. Nos
troupes éoient dans la mêe fituation à New-Yorck , & depuis long tems les hoftilité
avoient cellé, & tout fe paffoit en
néociations entre le Gééal Clinton & le
Gééal Washington.
גכ Chaque Etat , difoit- on , continuoit àdonner
de la confiftance àfon gouvernement particulier ,
& le Congrè s'occupoit des intéês gééaux de
( III )
l'union . Les Sauvages que nous avions excité contre
la nouvelle Réublique , & qui ont fait certainement
beaucoup de mal, fans qu'ils nous aient ééfort utiles ,
commencent àfaire leur paix avec leurs voifins ;
quelques Nations fe préarent às'unir plus éroitement
avec eux. Au mois de Nov. dernier , 4 Indiens
Iroquois ont ééàPhiladelphie , & ont ééadmis
dans le Congrè pour faire un traitéd'alliance &
d'amitiéavec les Etats-Unis pour leur tribu & pour
celle des Shawanèes & des Illinois . Il a éénommé un Comitépour les recevoir , traiter avec eux &
leur faire les préens d'ufage dans ces occafions «.
On lit dans une lettre de Philadelphie
les déails fuivans qui prouvent les fentimens
de reconnoiffance de l'Améique pour'
Palliéqui l'a protéé fi heureuſment , &
fur lefquels on a malheureufement trop
fouvent & tro»vainement éevédes doutes.
Les Etats - Unis voulant confacrer leur recon
noiffance envers leur alliépar un monument durable ,
fe propofent , dit- on , d'éiger fur la principale place
de cette Capitale , en face du Palais du Congrè , une
ftatue de bronze avec cette infcription :
Poft Deum
Diligenda & fervanda eft libertas
Maximis empra laboribus
Humanique fanguinis flumine irrigata
Per imminentia belli pericula.
Juvante
Optimo Galliarum Principe Rege
LUDOVICO XVI.
Hanc ftatuam Principi Auguftiffimo
confecravit
Et æernam pretiofamque beneficii memoriam
Grata Reipublicæveneratio
Ultimis tradit Nepotibus.
Ce monument fera comme celui d'Horace are pe
rennius. Voici la traduction de l'Infcription : Aprè
Dieu , aimons & cultivons la liberté, acheté par
degrands travaux, arrofé par un torrent defanghus
( 112 )
H
main pendant les calamité de la guerre , avec l'aide
du trè-bon Souverain de la France . La vééation
reconnoiffante de la Réublique confacre cette ftatue
àLouis XVI , & tranfmet ce gage préieux
& éernel defa reconnoiffance àla postéitéla plus
reculé «
On eft dans les plus vives alarmes pour
la flotte de la Jamaïue , qui paroî avoir
ééréervé àérouver le fort de la prééente.
Elle éoit compofé de 63 vaiffeaux
lorfqu'elle fut difperfé le 17 Janvier par
un coup de vent. Le Speaker qui eft arrivé àBristol , & le Friendship aux Dunes venant
tous deux de la Jamaïue , faifoient partie de
la mêe flotte ; ils racontent que le coup
de vent qui les féara du convoi eut lieu
deux jours aprè qu'ils eurent déɔquéle
Golfe ; le Friendship rencontra enfuite le
George avec lequel il fit route pendant dix
jours , aprè lefquels il le perdit de vue dans
une tempêe affreufe qui commenç le 31
Janvier , & qui dura fans interruption jufqu'au
8 Férier.
Cette nouvelle alarmante pour le commerce
eft arrivé dans un moment oùla
Nation eft entièement occupé de la nouvelle
réolution qui va changer encore l'Adminiftration
; on attend avec impatience les
fujets fur lefquels tombera le choix du Roi ;
c'eft le 24 que le Lord Shelburne & les
Miniftres fe rendirent àSt- James pour prier
S. M. d'accepter leur déiffion. Le lendemain
25 , la Chambre des Communes ne
s'affembla que pour s'ajourner au 28
dans l'efpéance que le Roi àcette éoque
( 113 )
auroit nomméles nouveaux Miniftres. Ils
ne le font point encore. Il eft certain qu'il
y a beaucoup de brigues dans ce moment
pour des places affuréent difficiles & dans
lefquelles on eft fi rarement fû , quoiqu'on
fafle , de ne pas trouver des contradicteurs
& mêne des enn mis .
»Nous ne nous occupons , dit àcette occafion un
de nos papiers , que d'intrigues & de cabales ; & les
intéês du Royaume font abfolument néligé . La
Compagnie des Indes a préentement 46 vaiffeaux
àflot , dont la valeur eft eftimé plus de 8 millions
fterlings . Les hoftilité ne doivent celler dans l'Inde ,
que dans quatre mois , & les Françis y peuvent
faire paffer des avis un mois avant nous. Nous
n'avons point d'adminiftration , puifque dans ce
moment nous n'avons pas de Miniitres , par conféuent
perfonne ne veille fur nos propriéé dans
l'Afie , & ne s'occupe de la flotte de la Jamaïue
que nous favons êre difperfé «
Cependant l'Amirautéa envoyéordre à Portſouth aux flottes deftinés pour les
Indes orientales & occidentales de remettre
imméiatement en mer ; le Salisbury de so
canons & 2 fréates efcorteront la flotte des
ifles.
Il s'eft tenu ces jours derniers une Affemblé
des actionnaires de la Compagnie des
Indes , relativement àla péition qui doit
êre préenté au Parlement , pour le prier
de venir au fecours de la Compagnie. Il
paroî par les élairciffemens donné àce
fujet , qu'elle a le plus preffant befoin d'une
fomme d'un million 500,000 livres ; la
difficulténe confifte que dans les moyens
( 114 )
de fe la procurer. Quelques Membres demandent
que la Compagnie faffe elle- mêe
cet emprunt àfa volonté; mais d'autres
obfervant qu'un acte du Parlement lui ôe
cette faculté, il a ééconvenu qu'on fe
conformeroit fur cet objet aux volonté du
Parlement , en fe bornant àlui faire connoîre
la fomme dont la Compagnie a befoin.
On a adrefféen conféuence la péition
qui doit êre préenté inceffamment.
Ce fut le 26 que le Lord Maire accompagné des Shéifs , des Officiers de la Cité,
fe rendit àSt- James pour préenter au Roi
l'adreffe de la Ville àl'occafion de la paix ,
S. M. y fit la réonſ fuivante.
>
»Je vous remercie de cette adrefle refpectueuse
& loyale. C'est pour moi une grande fatisfaction.
de voir la fin des calamité de la guerre & la perfpective
de tous les avantages qu'on a lieu d'attendre
d'une paix durable. En conféuence , je reçis avec
plaifir les téoignages de l'approbation que le Lord
Maire , les Aldermans , & les Communes de la Cité de Londres , donnent aux mesures que j'ai adoptés.
Vous pouvez êre affuré que je ferai tout ce qui
déendra de moi pour protéer & pour éendre le
commerce de mes Domaines , dont celui de la Cité de Londres forme une partie fi confidéable. Je pense
abfolument comme vous que les intéês du commerce
de ce Pays & de l'Améique font les mêes .
Je ne néligerai rien de tout ce qui fera néeffaire
pour faire renaîre fans déai & éablir àl'avenir la
correfpondance amicale qui doit réulter de l'intéê
mutuel & de l'affection réiproque «
Les Néocians de cette Capitale & des .
ports du Royaume demandent hautement
( 115 )
la réocation des loix qui empêhent les
vaiffeaux deftiné pour l'un des ports des
Etats-Unis de l'Améique , de recevoir leur
acquit àla Douane. Les vailleaux mêe qui
fe font procurédes paffeports , ne peuvent
recevoir ces acquits , parce qu'on n'a point
réoquécertaines loix pofitives. Il feroit à defirer que l'Adminiftration formâ fans.
déai quelques rèlemens àcet éard ..
Les Irlandois , toujours attentifs àfaifirtous
les avantages qui s'offrent en matièe
de politique & de commerce , ont ééles
premiers àenvoyer des vaiffeaux dans les
ports des Etats- Unis de l'Améique. Plufieurs
bâimens ont déa mis àla voile , &
d'autres font fur le point d'appareiller pour
Philadelphie & d'autres ports , fans êre
munis de paffe- ports.
»Suivant des lettres du Nord , les Cours qui
compofent la Neutralitéarmé , ont fait entr'elles
des traité favorables àleur commerce ; la Ruffie &
le Danemarck entr'autres , ont ftipulédes avantages
réiproques pour les navigateurs des deux Nations.
La réolution qui naîra néellairement de
l'indéendance des Améicains , fait une loi àtous
les Etats commerçns d'ufer fobrement du droit
qu'ils ont de taxer les importations du nouveau
Monde. Les Améicains vont fe préenter par- tout ;
ils compareront les facilité qu'ils érouveront
dans d'autres , & le réuitat de cette comparaiſn
les déerminera fans doute dans leur choix. S'il
en réulte une balance politique dans les mesures
éonomiques de difféens Gouvernemens , la paix
aftuelle remplira parfaitement fes vues , en introduifant
une modéation parfaite dans les droits de
Douane , perçs dans tous les Ports d'Europe. Enfin ,
( 116 )
cette éuitécoupera les racines des guerres
de com
merce , qui ruinent tant de Nations , quoiqu'elles
aient toujours pour préexte une augmentation de
richelles «
Il n'eft pas douteux que les vues de commerce
qu'on peut avoir ailleurs , ne méitent
l'attention de la Nation , & que le
Parlement ne s'occupe efficacement des
moyens d'éiter les inconvéiens de la
concurrence , pour que la balance ne foit
pas contre nous. Nous devons nous attendre
en conféuence àdes déats intéeffans
avant qu'il foit peu ; on pourra préumer
la nature de quelques - uns , quand les places
de l'Adminiſration feront remplies . On
ne doute point que le Lord North ne rentre
; on fait qu'il n'eft point d'avis de la
réorme Parlementaire , & qu'il a délaréqu'il
ne penfoit pas qu'on pû toucher fans danger
& fans conféuence àla conftitution.
»Les Miniftres , obferve àcette occafion un de
nos papiers , éaluoient autrefois àune guiné prè
ce qu'il leur en coûoit pour acheter une majorité dans le Parlement ; mais le nouveau plan de réorme
Parlementaire, s'il a lieu , comme on le defire , grof
fira tellement le nombre des repréentans du peuple ,
que les moyens de corruption deviendront impraticables
, mêe pour des Miniftres auffi diffipateus
que l'éoient le Lord North & fes collèues ; c'eft à cette caufe qu'il faut attribuer les efforts qu'oa
a faits jufqu'àpréent , pour faire éhouer ce plan fi
utile , & dont le fuccè déruiroit , non pas la forme
du Gouvernement , mais le fyftêe d'adminiſration
".
Le Capitaine Kemptone qui commandoit
( 117 )
le vaifleau de S. M. le London , lors de fon
combat avec le Scipion , ayant préuméque
vu la fupéioritéde fon vaiffeau fa conduite
pourroit êre mal interprêé , a demandé, à fon retour àla Jamaïue , un Confeil de
guerre qui a prononcéque cer Officier s'eft
conduit honorablement. Il est revenu en
Angleterre fur l'Hydre en qualitéde pallager,
Les Lords de l'Amirautéont ordonné qu'il feroit préentéune fomme de 100 liv,
fterl. àM. Hill , Capitaine du Hawke , lettre
de marque , qui fauva l'éuipage de l'Hector
lorfqu'il coula bas ; l'activité& l'attention
qu'il a montré en fauvant la vie des hommes
qui compofoient cet éuipage & les dangers
auxquels il s'eft expofe , lui donnoient
les plus juftes titres àcette réompenfe . Les
Lords de l'Amirautéont aufli ordonné qu'il foit remis aux Propriéaires du Hawke
une fomme de 950 liv . fterl . pour les indemnifer
des pertes qu'ils ont érouvés ,
une grande partie de la cargaifon ayant éé jerré àla mer pour faire place àl'éuipage
de l'Hector.
Nous reviendrons un inftant fur l'affaire
entre le Gééal Murray & le Lieutenant-
Gééal Sir William Drapper.
Les craintes , qu'on avoit d'un duel entre ces
deux Gééaux , écient trè - bien fondés ; & dans
l'incertitude de l'éèement le premier avoit déa
fait fon teftament la prudence du Gouvernement
a préenu ce malheur. Le Gééal Murray
, ayant refuféde faire àSir William Drapper
l'excufe , que le Confeil - de - Guerre defiroit , fut
:
( 118 )
: mis aux arrês pour juftifier fa conduite , il adreffa
un Méoire au Roi , par lequel il expofa àS.
M. les raions qu'il avoit cues de ne pas fe prêer
àla queftion , vu que l'excufe prefcrite éoit conque
en termes , fi incompatibles avec les idés fur
le point- d'honneur , qu'il éoit impoffible de jamais
s'y foumettre mais il délara en mêe tems
qu'il éoit prê àfaire des excufes àSir William
Drapper , pourvu qu'on lui laiflâ la libertéd'ufer
d'expreffions de fon choix , priant qu'enfuite il fû
relâhéde fes arrês . S. M. accorda la prièe ,
fous conditition que M. Murray engageâ fa parole
d'honneur de ne point envoyer de déi àfon
Adverfaire. M. Murray accepta la condition ; &
en conféuence le Confeil -de - Guerre s'aflembla de
nouveau , pour prendre en confidéation l'excuſ ,
que le Gééal propofeit . Celle qu'on lui avoit
préerite portoit , »qu'il éoit fâhé( concerned )
qu'aucune partie de fa conduite durant fon Commandement
àMinorque eû donnéoffenſ àSir Wil
liam Drapper. »M. Murray pria qu'on changeâ
cette formule , & qu'il lui fû permis de dire , »qu'il
s'eftimoit malheureux ( thinks himfelf unfortunate
) qu'aucune partie de fa conduite durant fon
Commandement àMinorque eû donnéoffenſ à Sir William Drapper. »Le Confeil ayant déibéé,
délara qu'àfon avis le terme adoptépar le Gééal
Murray éoit beaucoup plus fort , que celui
employéoriginairement par le Juge- Avocat , &
tel par conséuent que l'on n'infifteroit point far
l'offre du Gééal , s'il vouloit encore s'en déire :
mais il perfifta àle prééer àl'autre ; & les Juges
acquiefcèent. En conféuence les deux Gééaux
parurent en préence l'un de l'autre devant le Confeil
; & s'éant falué M. Murray fit l'excufe , qu'il
avoit adopté de fon propre choix . Comme ils
ont engagéleur parole tous les deux de ne point
s'envoyer de déi , l'on regarde l'affaire comme
terminé «
( 119 )
L'Amirautévient de publier un avis à tous ceux qui , vivant dans le pays ou hors
du pays , ont des préen ons fui les denrés
& autres effets enlevé àSt Euftache , portent
leurs titres & papiers àla Cour des
Docteurs communs ; on les invite àfe hâer
le plus qu'ils pourront , & on leur donne
jufqu'au premier Juin prochain , paffélequel
tems ils ne feront plus admis.
On doit mettre dans peu , fous les yeux
du Parlement , quelques rèlemens relatifs
au commerce du charbon , & qui lui font
trè-néeffaires.
FRANCE. "
De VERSAILLES , le 11 Mars.
Le Roi a nomniéàl'Abbaye réulièe de
Clairmarais , Ordre de Cîeaux , Diocèe de
St-Omer , Dom Martin Bernard , Religieux
Profè de cette Abbaye ; àl'Abbaye de
Licques , Ordre de St-Benoî , Diocèe de
Boulogne , l'Abbéde la Fare , Vicaire- Gééal
de Dijon , & Doyen de la Sainte
Chapelle de la mêe ville ; àl'Abbaye de
Notre- Dame de Gundon , Ordre de Cîeaux
, Diocèe de Cahors , l'AbbéColas ,
Vicaire Gééal & Archidiacre d'Auch.
S. M. a éevéau grade de Lieutenant-
Gééal de fes Armés navales , le Chevalier
de Monteil & le Bailli de Suffren - St-
Tropez , Chef- d'Efcadre..
M. Guerrier de Bezance , ancien Maîre
( 120 )
des Requêes , nommépar le Roi àla place
de premier Préident de la Cour des Aides
de Clermont Ferrand , a eu l'honneur de
faire fes remerciemens àS. M. àlaquelle
il a éépréentépar M. le Garde des
Sceaux.
De PARIS , le 11 Mars.
Nos dernièes nouvelles de Cadix font
du 15 du mois dernier , àcette éoque on
n'attendoit plus que l'efcadréde la Cour
pour embarquer les troupes Françiſs , &
les ramener en France avec la Hotte. M.
le Comte d'Estaing ne devoit partir que
lorfque les vaiffeaux feroient prês àappareiller,
M. le Marquis de la Fayette & M. la
Prince de Naffau éoient revenus àCadix
avec la douleur de n'avoir pu voir Gibraltar.
Le Gééal Elliot s'éoit excuféde les
recevoir , parce qu'il n'avoit pas encore
ééinftruit par la Cour de la fignature des
préiminaires de la paix , & que les hoftilité
devoient, ceffer ; la certitude qu'il en
avoit par l'Espagne , n'éant pas feffifante
pour lui permette l'admettre des érangers
dans fa place malgréle defir qu'il avoit de
recevoir des Offi iers auffi diftingué que
M. de Naffau & M. de la Fayette .
Si jamais un éèement a méitéd'êre
retracéfur un monument durable , c'eſ
fans doure la guerre d'Améique , & la
reconnoiffance de fon indéendance qui en
3
( 121 )
a ééla fuite. M. Franklin fait frapper ici
une méaille relative àces grands éèemens
. Elle repréente Hercule au berceau
éouffant deux ferpens ; un lépard furpris
de fa force veut fe jetter fur lui , il en
eft repouffépar la France qui , fous la figure
de Minerve , lui oppofe fon éide , oùfont
trois fleurs de lys. Au bas font les annés
1777 , 1781 , éoques des capitulations des
Gééaux Burgoyne & Cornwallis.
L'emprunt de 3 millions que M. Grandclos
- Mééa ééautoriféde faire pour le
commerce de la Chine eft déa rempli ; &
les cinq bâimens qui doivent êre envoyé
fur les côes de ce vafte Empire , font déa
chargé de toutes les efpèes de marchandifes
dont le déit eft fü aux Indes , où ils prendront partie de celles qui font néeffaires
pour la Chine .
Une lettre de Rome contient les déails
fuivans fur le déa ftre arrivéàMeffine.
Le Courier fe fait attendre depuis deux jours.
L'Italie feptentrionale eft en partie inondé ; mais
c'est bien autre chofe dans la méidionale ; on peut
dire que toute la Calabre n'eft plus qu'un vafte defert.
De 365 Villes, Bourgs ou Villages qu'on y comptoit ,
àpeine en refte - t-il 25 : tout a ééenglouti par la
terre , horriblement & alternativement ouverte du .
rant plus de trois jours , & refermé par les plus
violentes fecouffes , ou brûé par le feu du ciel ou
les feux fouterrains qui éhappoient continuellement
par les ouvertures . Les élairs , le tonnerre ,
la pluie , la grêe, les vents , la mer foulevé , tout
Is Mars 1783.
f
( 122 )
toire fait mention.
--
a concouru àrendre cet éèement le plus éouvantable
& le plus funefte de tous ceux dont l'Hi
Ce pays
fi beau , fi produifant
, oùla plus grande partie des premièes maifons
du Royaume de Naples avoient leurs fiefs , n'eft
plus qu'une éendue immenfe de terres bouleversés ,
de laquelle les chemins mêes & les rivièes ont
difparu. Un Courier de la Cour de Naples ,
déêhédans cette Province àla premièe nouvelle
du déaftre , a fait trois lieues fans rencontrer une
ame. Cette horrible folitude nous préare des déails
dont l'idé ſule de la poffibilitéfait fréir :
car je ne vous éris que d'aprè ce qu'on a pu bols
mander dans les premiers momens de furprife &
de déolation. Le fort de la Sicile ne pourra
qu'ajouter , s'il eft poffible , àla confternation. On
fait déa qu'il ne refte de Meffine que deux Eglifes
de Religieux tout a ééabymé, Palais , mailons ,
magafins , habitans , & c. Les ifles de Lipari n'exiftent
peut-êre plus des Lipariens éhappé dans
des bateaux aux premièes fecouffes de tremblement,
on ignoreau moment que le fléu les a atteints,
s'il ne les a pas entièement déruites ou englouties
de
Le Roi de Naples a envoyédes troupes ,
l'argent , des vivres , des habits , & tous les fecours
dont on a pu s'aviler , aux reftes infortuné & trop
peu nombreux éhappé aux gouffres & aux flammes.
Vous croyez bien qu'il ne fe parle pas de thé âtre
ni de carnaval àNaples : on court en foule aux
Eglifes , criant miféicorde. Que de grands Seigneurs
dont tous les biens éoient en Calabre , nont plus
rien au monde. Il n'eft plus queftion de ceux qui
habitoient leurs Châeaux. Mais on n'a encore nommé que la Princefle de Gerafy , que nous avons vII
plufieurs fois àRome ; elle s'éoit retiré depuis
quelque tems dans une Ville qui lui apparteroit ,
& qui a difparu avec elle.
( 123 )
>
"
»Le 9 Férier , le tonnerre eft tombépendant
la Meffe , fur l'Eglife de la paroiffe de Lande , déendante
de l'Election de Verneuil , fitué quatre
lieues de Verneuil & àcinq de Mortagne. L'Eglife
fut auffi-tô remplie d'une fumé trè - éaiffe & d'une
odeur fulphureufe. L'effet de la foudre fut fi violent
que tous les affiftants , foit debout , foit affis
furent renversé fans qu'on fe foit apperç qu'aucun
d'eux eû ééparticuliéement frappédu tonnerre.
Le Curéauroit éééalement renversé, s'il
ne fe fû foutenu en s'attachant àl'Autel. La fumé
s'éant diffipé & les affiftans éant revenus de
leur effroi , plufieurs d'entr'eux s'apperçrent qu'ils
s'éoient faits dans leur chûe des contufions , dont
heureufement aucune n'éoit dangereufe. Cet éèement
fi rare dans cette faifon , n'avoit ééfunefta
qu'àun feul homme qui éoit reftémort fur laplace.
Comme on n'a trouvéſr ſn cadavre aucune impreffion
de la foudre , on a jugéqu'il avoit ééfuffoqué par la vapeur qui s'éoit réandue dans l'Eglife.
Cet orage qui n'a eu que ce feul accident , s'eft
fait fentir àAlençn , où, la nuit du 8 au 9 ,
entendu plufieurs coups de tonnerre .
on a
On lit dans une lettre de Rouen l'anecdote
fuivante qui méite d'êre rapporté.
En Janvier dernier , les Juges de la Chambre
du Commerce éant aſ .emblé pour affaires extraordinaires
, on vint les avertir que l'on venoit àl'inſant
traduire en haro àleur audience un pauvre
Menuisier de la Ville arrêépour dettes . Les Jeges
le firent auffitô comparoîre , & lui demandèent
fes moyens de déenſ ; je n'en ai point réonditil
: mais ma femme infirme eſ au lit depuis longtems
, je fuis chargéde quatre enfans , & la dé .olation
de ma maiſn m'a arrachépour ainfi dire les
bras du corps. On le fait retirer un inftant , &
f 2
( 124 )
ces Meffieurs s'éant tous cotifé & ayant fourni
la fomme due au Créncier, on le fit rentrer pour
lui dire que fa dette éoit payé. Le malheureux
pééréde reconnoiffance fe profterna àleurs pieds ,
les remercia de leurs bienfaits , d'une manièe qui
leur arracha àtous des larmes d'attendriffement ;
leur gééaliténe fe borna pas là: le Propriéaire
de la maifon du pauvre Menuifier avoit fait avili
des diligences. Il lui éoit dûune anné de loyer.
Nos Mellieurs firent une nouvelle quêe entre eux
payèent le Propriéaire , & il fe trouva fur le produit
de la quêe an excéent d'un louis ou de deux ,
que le Greffier de la Jurifdiction fut chargéde
porter àla maison du malheureux , oùil ramena
en mêe-tems la joie & l'attendriffement. Nous
nous ferons un plaifir de joindre àce fait les noms
de ces Juges bienfaifants , ce font MM. PRÉEL
l'aîé, TAILLET , GORLIER , BOURNISIEN «.
› M. de Fer , de l'Acadéie de Dijon , ancien
Capitaine d'Artillerie au fervice des
Colonies , nous a fait paffer la lettre fuivante
, comme pouvant fervir àfixer l'opinion
fur un Méoire qu'il a lu àl'Acadéie
Royale des Sciences & qui a fait
beaucoup de bruit .
د »M. J'ai lu un Méoire àl'Acadéie des Sciences
le 26 du mois dernier , fur le danger d'éablir les
pouffés horisontales dans les Menumens publics.
Pour éayer mon opinion , j'ai citéplufieurs Ponts
éroulé conftruits d'aprè ce fyftêe . J'ai fait
obferver qu'on pouvoit remarquer dans un Pont
prè de la Capitale , des mouvemens qui méitoient
la plus féieufe attention . J'ai indiquédes moyens
pour arrêer ces mouvemens perdant qu'il éoit poffible
de le faire. J'ai enfin propoféde fubftituer aux
pouffés horisontales , les pouflés verticales. Mon
!
( 125 )
Méoire a fait une grande fenfation , & comme
j'avois effectivement annoncédans un Méoire
imprimé, & diftribuédè les premiers jours de
Novembre , la chûe du Pont de la Mulatiere ( 1 )
arrivé le 15 Janvier , chûe occafionné par un
effet tout-à- fait contraire aux craintes qu'on avoit
cherchéàéever fur la conftruction de ce Pont ,
avant que la premièe afli e fû pofé ; quelques
perfonnes peu inftruites des faits contenus dans
mon Méoire , ont déigurémes idés , & combattent
mon opinion fans la connoîre . J'ai pensé devoir vous prier , M. , de faire inféer cette lettre
dans votre Journal , afin de fixer l'attention de
tous les Savans fur l'objet rél que j'ai traité l'objet de faire rejetrer , comme abfurde , le fyfi
têe des poutlés horifontales . -Je fuis déàconnu ,
M. , de l'Acadéie , par plufieurs Ouviages qui
ont méitéfon approbation. Je vous citerai entr'autre
, la Thérie Gééale des Canaux de Navigation
, Ouvrage qui contiendra trois volumes
in-4 °. Je fuis l'Auteur du projet de l'Yvette , c'està
dire , qu'en changeant la route indiqué par M.
de Parcieux , & les moyens de conduire les eaux
que ce Savant & M. Perronet aprè lui , avoient
propofé , j'ai pu déontrer la poffibilitéd'exéuter
ce projet àmoins d'un milion de déenſ , au liet
de huit millions que cette déenfe avoit ééefti
mé. Un grand Prince a agré é mon projet , & doir
faire exéuter àfes frais ce monument éernel
d'utilitépublique. J'ai trouvéles moyens de conduire
la Loire , & la rivièe d'Eure àVerfailles ,
& de fubftituer àla Seine un Canal de Naviga
,
(1 ) Le Pont de la Mutatiere eft fituéàLyon au confluent
du Rhôe & de la Saone . Ce Pont en pierres avoit cinq ar
ches. Il n'éoit pas entièement achevé.
f }
( 126 )
tion depuis Paris jufqu'àRouen , Canal qui pafferoit
par Verſilles , & feroit alimentépar les mêes
caux qui auroient déoréles jardins du Palais
& ceux de Trianon . Ce projet effrayant par fon
éendue , jugé en parcie phyfiquement impoffible
fous Colbert , fera prouvé poffible fans de grandes
déenfes. J'ai enfin réigéle projet de garantir des
inondations de la Saone , plus de cinq cents mille
arpens de prairies , dont les réoltes font toujours
incertaines , & fouvent emportés , en procurant
nénmoins àces prairies les avantages de les arrofer
àvolonté J'ai prouvéjufqu'àl'éidence que ce
projet procureroit au moins quinze millions , &
trè- probablement quarante-cinq millions de revenu
annuel avec une premièe déenfe de moins de fix
millions. Ce projet a fixél'attention du Gouvernement
, & la Breffe s'occupe des moyens de le
faire exéuter dans la partie qui la concerne. Je
dois vous ajouter , Meffieurs , que je n'ai jamais
propoféune idé au Gouvernement , fans l'avoir
foumife au jugement de l'Acadéie des Sciences ,
dans la perfuafion oùje fuis que cette Compagnie
pouvoit feule ia juger , & pour éiter des rélexions
déagrébles que la jaloufie , les petits intéês particuliers
, l'envie de nuire excitent journellement
dans le Public , en employant les armes du ridicule
, armes d'autant plus dangereufes , qu'ordinairement
la lenteur de l'Adminiftration fuite d'une
prudence réléhie , àadopter une idé utile , paroî
les acéer. J'ai l'honneur d'êre &c. Signé, DE FER,
de l'Acadéie de Dijon , ancien Capitaine d'Artillerie
au Service des Colonies , &c . &c . « Le public defiroit depuis long-tems la
collection des OEuvres du céère M. Pouteau
, dont il ne connoiffoit la doctrine &
l'heureuſ pratique , que par des Méoires
éars ou des Recueils incomplets. En raffen(
127 )
blant les obfervations nombreuſs & les préeptes
lumineux de ce Praticien habile , on
a fait un préent éalement utile àl'humanité & aux Gens de l'Art. La thérie de
M. Pouteau est toujours prééé du flambeau
de l'expéience ; la préifion & la
dextéitéde fes traitemens lui ont méitéles
plus brillans fuccè dans les maladies les plus
rebelles , & les méhodes hardies , mais
toujours heureufes , dont il eft créteur
expofés avec autant d'ordre que de netteté dans le Recueil qu'on vient de publier
, font auffi propres àcaliner les malades
, qu'àdiriger la main qui vient àleur
Lecours (1).
>
M. Bernard , Orfére Méhanicien , rue des
Noyers , la feconde porte cochèe aprè St- Yves ,
Nº. 34 , a inventéde nouvelles fondes & bougies de
gomme éaftique , qui ont la propriééde pouvoir
refter àdemeure dans la veffie pendant un mois , &
avec lesquelles les malades peuvent s'affeoir , marcher
, vaquer àleurs affaires & aller en voiture fans
la moindre incommodité. Ces fondes ont ééapprouvés
par difféens Corps de Méecine & de Chirurgie.
Le prix de chaque fonde de gomme éaftique
eft de 6 liv. ; de chaque bougie 4 liv. 10 fols ,
des bougies de boyaux ro fols , des ftilets de baleine
10 fols , & le prix eft le mêe pour la boîe qui les
contient . En lui érivant il faut affranchir les lettres.
Les divertiffemens du carnaval ont éé (1 ) Cette Collection , fous le titre d'Euvres pofthumes de
M. Pouteau , 3 vol . in-8°.; prix 18 liv. relié, le trouve à Paris chez Méuignon l'aîé, Libraire , rue des Cordeliers ,
chez qui l'on foufcrit pour les Manoeuvres Militaires de
Potfdam.
£4
( 2281
plus vifs & plus bruyants cette anné que
les prééentes ; depuis long- tems on n'avoit
vu dans les rues de Paris une auff
grande quantitéde mafques . On ne dit
point que la licence ordinaire dans les jours
gras ait produit d'autre malheur que la
mort d'un mafque , qui ayant jettéune
fouris dans le fein d'une dame enceinte , a
reç un coup d'éé du cavalier qui donnoit
le bras àcette dame.
On érit de Marfeille qu'il s'y eſ paſ .é dans ces tems un éèement plus malheureux
encore , & fur-tout plus atroce .
»Ces jours derniers il y avoit un bal dans une
guinguette hors la ville ; c'éoit une fociééde jeu
nes gens qui avoient invitéplufieurs Dames àdanfer.
L'une d'elles , aimable & jeune , fe retiroit
affez avant dans la nuit en chaife àporteurs . A
mi-chemin de la ville , un mafque s'approcha de
Ia chaife , & s'informa d'un porteur du nom de la
Dame qui éoit de dans ; mais le porteur n'ayant
pas réondu , le mafque s'éoigna. En arrivant à la porte de la maifon de la Dame , un malque
s'approcha encore de la chaife que les porteurs
venoient de mettre àterre , & au mêe inſant
il partit un coup ddee ppiiffttoolleett , dont le bruit
effraya affez les porteurs pour les renverfer ; en
fe relevant , ils virent s'éoigner l'affaffin , & l'un
d'eux ayant ouvert la portièe , trouva la Dame
noyé dans fon fang , & morte du coup qui lui
avoit ééportédans la nuque du cou . On cria
tout de fuire au fecours , & on remarqua que cinq
balles s'éoient attachés àla porte de la maifon
de la Dame affaffiné. On fait actuellement des
recherches fur cet éèement exérable , & qui
femble avoir ééprééité«
( 129 )
J. de Brancas , Marquis d'Oyle , Doyen
des Maréhaux de Camp , & des Chevaliers
de l'Ordre de St- Louis , eft mort au Palais du
Luxembourg , dans fa 96e. anné.
Jean- Jofeph de Sahuguet d'Amarzit , Baron
d'Espagnac & de Cazillac , Lieutenant-
Gééal des Armés du Roi , Grand'Croix
de l'Ordre Royal & Militaire de St - Louis ,
Lieutenant pour Sa Majeftédes ville & châeau
d'Iffoudun , Gouverneur de l'Hôel
royal des Invalides , Infpecteur Gééal
des Compagnies déachés dudit Hôel ,
mort le 2 de ce mois .
eft
Marie de Sales de Gudanes , éoufe de
Philippe Matthieu , Comte de Lons , Bri
gadier des Armés du Roi , Meftre-decamp
commandant du Réiment Royal- la-
Marine , eft morte àTouloufe le 6 du mois
dernier , dans la 49e. anné de fon âe.
Marie-Charlotte- Nicole de St - Maurice ,
veuve de Claude Louis , Comte de Scey
de Montbelliard , eft morte àBesançn le s
Déembre dernier âé de 84 ans . L'Epitaphe
fuivante dicté par le fentiment &
la véité, rappelle fes vertus & méite d'êre
tranfcrite .
― ¯
Dilectis manibus Maria- Carola- Nicolas de St-
Maurice- Montbarrey , Comiteffa de Scey-Montbelliard.
Hic jacet quam Plebs , quam magnates
collacrymant , cujus & tumulo , Oribus compreffis
pauper infelix affident : Obiit die Decembris anno
M. DCC. LXXXII. fed in fequanorum pectore
vivit.
( 130 )
ARRÊ du Confeil d'Éat du Roi , &c . du
23 Férier : Le Roi voulant prendre des mefures
certaines pour le paiement des dettes de la Marine ,
occafionnés par la guerre , il lui a éérepré .enté que l'heureux éèement de la paix , en réabliſ .ant
la libertédes mers , donneroit néeffairement lieu à une frcharge plus confidéable dans des éoques
trè -prochaines pour l'acquittement des Lettres de ,
change de l'Inde & de l'Améique , qu'elle n'auroit
éépendant le cours mêe de la guerre : qu'indéendamment
de cette premiere confidéation , on ne
pourroit fe difpenfer de pourvoir extraordinairement
aux frais de déarmement des Efcadres àmefure
de leur arrivé dans les ports de France
au licenciement des Matelots , ainfi qu'au paiement.
des lettres de change provenantes de l'Inde & des
Colonies , ci -devant enregistrés , & àune infinité d'autres déenses & engagemens concernant le mêe
fervice de la Marine , qu'il faudroit acquitter avant
la fin de la préente anné. Que dans cette difpofition,
il éoit indifpenfable de prendre àl'éard de
celles qui font enregistrés , & de celles qui feront
encore tirés de fdits pays , pour raifon du ſrvice
des annés de la guerre, des arrangemens qui , en
affurant le fort de ceux qui en font propriéaires ou
porteurs , puiffent mettie àporté de maintenir
pendant la paix , l'acquittement des autres déenfes
de l'Etat déàconftatés , avec la mêe exactitude
qui a ééobfervé pendant toute la guerre. 1°
Toutes les lettres de change de l'Inde & de l'Améique
, concernant le fervice de la Marine & des Colonies
, non déàenregistrés , ou celles qui pourront
êre encore tirés defdits pays pour l'acquit
tement des déenfes de la guerre , tant celles qui feront
fur le Tréoriergééal que fur le Munitionnaire
des vivres de la Marine, feront repré .entés au Tréo
rier gééal pour êre par lui enregistrés payables à une anné d'éhénce de plus que celle indiqué par
( 131 )
Jefdites lettres , & ce àcompter du jour de la préentation.
2° L'intention de S. M. n'éant pas que cette
anné de retard puiffe préudicier aux propriéaires
ou porteurs desdites lettres de change , i fera tenu
compte d'une anné d'intéê , fur le pied de cinq
pour cent ; & àcet effet , le Tréorier gééal en
fera mention dans l'enregistrement qui aura déerminé l'éoque fixe du paiement du capital . 4 °. Le Tréorier
gééal remettra le dernier jour de la femaine
au Miniftre des Finances , l'éat déaillé, & de lui
certifié, des lettres de change qui lui auront éépréentés
.
و Ï
Rèlement pour l'adminiftration des Finances
, fait par S. M. àVerfailles , le 26 Férier.
Le Roi voulant faire goûer àfes peuples les
avantages de la Paix , S. M. a confidééqu'elle
ne pourroit leur procurer des foulagement réls
& durables , que lorfqu'elle connoîroit le montant
des déenfes dont la duré de la guerre a
retardéle payement , & qu'elle auroit fixéinvariablement
, avec l'efprit d'éonomie qui l'anime ,'
l'éat des dééfes de tous les déartemens & de
tous les Ordonnateurs en tems de paix. S. M. a
pareillement confidééqu'il n'éoit pas moins intéeflant
de s'occuper des moyens de fupprimer
les impofitions qui font les plus àcharge , de
changer la nature & la forme de quelque- unes ,
de diminuer & fimplifier les frais de perception .
Et comme S. M. ne peut donner àfes peuples une
plus grande marque de fon amour , qu'en s'occupant
par elle-mêe de foins auffi importants ,
elle a
réolu , conforméent àl'exemple de Louis XV ,
d'appeler auprè d'elle , pendant le tems qui paroîra
convenable , un Comitécompofédu Chancelier
ou Garde des Sceaux de France , du Chef
du Confeil royal des Finances & du Miniftre
des Finances qui fera le rapport des affaires , &
réigera les réolutions de S. M. , dont il tiendra
>
£6
( 132 )
"
regiftre. S. M. fe propofe de tenir ce Comitéune
fois par femaine ou plus fouvent, s'il eft befoin ;
n'entendant , au furplus , sien changer àl'éabli
fement de fon Confeil royal des finances , qu'elle
fe réerve d'affembler , comme par le pallé. Les
affaires contentieufes continueront d'êre portés
au Comitécontentieux dont S. M. a confirmé l'éabliffement. Tous les Ordonnateurs , fans au
cune exception , remettront inceffamment àS. M.
l'éat des dettes arriéés de leur déartement ref
peéif, au Ler. Janvier dernier. Ils remettront pareillement
l'éat des déenfes ordinaires & extraoïinaires
qu'ils eftimeront indifpenfables en tems
de paix. Tous ces éats feront revus , véifié &
difcuté par le Ministre des finances & l'Ordonnateur
ou ceux qu'ils jugeront àpropos d'en
charger ; & ils feront arrêé au Comitédes Finances
en préence de l'Ordonnateur du déarte
ment dont il fera queftion de réler les déenfes ,
lequel y fera appelléchaque fois qu'il fera queftion:
d'objets relatifs àfon déartement . Délare , S..
M. , que fon intention eft que toutes les demandes
tendantes àobtenir les dons extraordinaires
ou le payement d'anciennes crénces , & gééale
ment toutes les demandes àfin d'emploi de nouvel'es
charges dans les éats , foient portés au
Comité, & difcutés en préence de S. M. , qui:
fe propofe d'y appeller le Sr. Moreau de Beau-
Confeiller d'Etat ordinaire & au Confeill
royal , quand il fera queftion de conceffions de
Bois ou Domaines . L'adjudication ou déivrance
des revenus du Roi , en Ferme ou en Réie , fera
faite au Comité Les Fermiers , Réiffeurs & Rece
veurs des deniers Royaux , remettront inceflam · ment au Miniftre des Finances l'éat de leurs recet
tes , Fermes ou Réies , & des frais de perception ,
avec leurs obfervations fur les moyens de dimimuer
lefdits frais & de fimplifier les impofitions.
mont ,
( i33 )
Le Miniftre des Finances en rendra compte at
Comité, & il propofera ce qui lui paroîra le plus
capable de parvenir àla libéation des dettes exi
gibles , au foulagement des Contribuables , & aux
changemens qui pourroient êre néeffaires dans
la nature & la forme actuelle des impofitions. S.
M. autorife le Miniftre de fes Finances àfe faire
aider dans fon travail , par des Membres de fon
Confeil , en les chargeant de difféentes affaires
dent le rapport fe fera au Comité S. M. l'autorife
parcillement àemployer deux Officiers de fa Chambre
des Comptes , pour les objets de comptabilité ; & deux de fa Cour des Aides , pour la
partie des impofitions. Et feront au furplus exéutés
toutes les difpofitions du Rèlement du 15 Sep
tembre 1661 , en ce qui n'y eft pas déogépar le
préent a
De BRUXELLES le 11 Mars.
>
ON lit dans des lettres de Portugal , qu'il
s'eft éevéun procè trè fingulier entre les
Capucins & le Curéde Ponbal , relativement
aux cendres de cet Ex- Miniftre céère
pourſivi jufques dans le tombeau . Les
Capucins , dans l'Eglife defquels elles font
déosés , refuſnt de les garder , & le Curé de leur accorder la féulture dans la fienne .
Ce procè , ajoute-t- on , fait beaucoup de
bruit , & on en attend la déifion avec impa
tience.
Ce n'eft pas fur le Baron de Deden , Seigneur
de Peckendam , ni fur fon coufin
le Baron de Deden , Seigneur de Gelder
& de Hartsmenben , que s'eft arrêéle
choix des Etats de Hollande pour l'envoi
( 134 )
d'un Miniftre en Améique ; on dit
fur M. Pierre Jean Van- Berkel .
que c'eft
»Les déibéations fur les néociations de paix ,
& en particulier fur la ceffion de Negapatnam & la
libertéde la navigation dans l'Inde , demandé par
les Anglois , occupent toujours les Etats de Hollande
. Les villes de Dort , Harlem , Leyde , Gouda ,
Amfterdam , Alkmaan & Ham, fe font expliqués
de la manièe la plus vive & la plus ferme , fur l'impoffibilité d'admettre ces propofitions ; le Corps
éueftre , Delft & Enckhuysen n'ont pas encore
jugéàpropos de s'expliquer. Ce qui fembleroit
fufpendre les déifions des Etats fur l'article de
Néapatnam , eft la nouvelle que cet éabliſ .ement
eft tombéau pouvoir d'Hyder- Aly , au milieu du
mois de Juin dernier. Si ce fait eft certain , on pourroit
ftipuler avec l'Angleterre , que dans ce cas , elle
renonceroit àfes préentions , afin que foit par le
créit de nos allié , foit par d'autres
puffions en recouvrer la poffeffion «,
moyens , nous
Les difféends au fujet de la Jurifdiction
Militaire fubfiftent toujours en Hollande ; il
paroî qu'ils ne font pas prè d'êre terminé.
»Les Bourgeois de cette ville , érit- on d'Utrecht ,
ont préentédernièement une requêe pour réablic
la Milice bourgeoife fur les principes des anciens
rèlemens , & lui rendre fon premier élat pour le
maintien de la libertécivile , qui n'eft jamais mieux
affuré que lorfque les Citoyens fe déendent euxmêes.
Cette requêe fut adopté avec tant d'ardeur
& de fuccè , que plus de 650 bourgeois l'ont figné .
Mais lorsque le Séat alloit s'occuper de cet objet ,
il parut une requêe contraire , qui taxa la premièe
de tééaire , fous préexte qu'elle tendroit à preferire àla Réence des plans nouveaux , & àempiéer
en conféuence far fes droits , Mais cette
1
( 135 )
dernièe requêe , oùles principes du Gouvernement
populaire font auffi altéé , ne paroî avoir
eu ni la fanction des bourgeois , puifqu'on n'y
trouve que 34 fignatures , ni mêe celle des Magiftrats
repréentans de la bourgeoifie . Ces derniers
ayant oui le rapport des Colonels & autres Chefs de
la Milice bourgeoife , ont approuvéla premièe
adreffe au point d'autorifer ces Chefs àpréarer
un rèlement de redreffement pour fervir de modèe
au plan propofé Ils ont en mêe -tems pris en confidéation
le rapport fait relativement aux déordres
qui s'éoient gliffé dans la collation des emplois
appartenans primitivement aux bourgeois «.
PRÉIS DES GAZETTES ANGL. du Mars.
Suivant les lettres de la Jamaïue , venue fur la
fréate l'Hydre , l'Amiral Hood éoit arrivéd'Améique
aux Ifles du Vent avec 13 vaiffeaux de
ligne , 2 de so canons , 9 fréates , &c. ; & il avoit
informél'Amiral Rowley du lieu oùil avoit éabli
fa croifièe , en cas qu'on eû befoin de fon fecours.
Le Gouvernement a donnéordre de licencier la
milice d'Effex ; elle le fera le 24 Mars. On compte
que les autres corps de milice le feront vers le mêe
tems .
On érit de Corke que la flotte pour les ifles de
l'Améique a mis àla voile de ce Port , fous le con
voi des fréates le Boreas & la Ramillies.
Les Matelots des vaiffeaux de guerre deftiné
pour les Illes de l'Améique refufent de s'embarquer
, fans donner d'autres raifons de leur déobéffance
que leur réugnance àquitter l'Angleterre .
Si l'on et dans la néeffitéd'employer la force
en cette occafion , il eft àcraindre qu'il n'en ré .ulte
des fuites fâheufes .
Les fouds , pendant l'adminiftrarion du Lord
North , ont bailléde 39 pour 100 , c'eſ-àdire de
93 à54. Pendant celle du Lord Shelburne , ils ont
( 136 )
haufféde 19 , c'eft-à dire de 54 à73. C'eft l'effet de
la guerre fous l'une de ces adminiſrations & de la
paix fous l'autre.
Le Difcours que le Lord Shelburne a prononcéen
donnant la déiflion , contient une réonſ àtout
ce qu'on lui a reprochéfur la paix qu'il vient de
faire . On ne doute pas qu'il ne foit bientô inféé dans nos papiers ; en attendant , voici l'idé qu'on en
donne. Ce Miniftre réond d'abord àtoutes les
objections qu'on lui a faites fur les conceffions qu'il
a accordés. Il s'efforce de déontrer que Tabago
eft une Ile de peu de conféuence ; la partie de
Terre Neuve céé , mauvaife pour la pêhe , & c. IL
expofe enfuite les motifs qui l'ont déerminéàfaire
la paix , outre ceux qui font connus & dont fes
adverfaires conviennent , tels que le prochain déart
du grand armement de Cadix , la difficultéde
faire de nouveaux emprunts par l'impoffibilité d'affeoir l'impô fur un objet quelconque , ( & il
y avoit un impô principal qui n'éoit fu que du Roi
& de fes Miniftres , & qui éoit véitablement lo
fecret de l'Etat ) ; il ajoute que les troupes de l'Inde
n'éoient point parés depuis 4 mois , qu'elles éoient
prêes àfe foulever & àpaffer du côédu premier
Nabab qui voudroit les foudoyer ; que les Agens du
Gouvernement & de la Compagnie dans l'Inde ,
avoient uféleurs dernièes refources , qu'ils n'avoient
plus de gages àoffrir aux Princes & auxriches
Néocians du pays qui leur avoient fourni
de l'argent , au point que ceux-ci envoient àLondres
2 Déuté avec 2000 liv. fterl. de traitement aux
frais de la Compagnie , pour que leur crénce foit
reconnue par les Directeurs ; que la flotte eft dans
Féat le plus délorable , & que le moindre éhec
pourroit êre fatal à1 Angleterre , au point de lui
faire perdre l'ude pour toujours . Je jure fur
mon honneur , s'eft érit alors le Miniftre , qu'àla
vue de toutes ces confidéations j'ai ééplus de
-
( 137 )
8 jours fans dormir , & je pourrois dire , fans prefque
pren ire aucune nourriture , tant j'attendois avec
impatience l'ultimatum que j'avois envoyéen Fran
ce, tant je craignois qu'il ne fut pas adopté, & que · le Confeil de Verſilles , inftruit comme nous , par
un Exprè , de notre fituation critique dans l'In le , ne
rompit toute néociation , ou du moins n'éablî
des préentions exorbitantes . Qui me reprochera
donc , àpréent que le fecret de l'Etat cft divulgué,
de m'êre trop prefféde faire la paix « ?
La nouvelle Adminiſration n'eft point encore
formé. Le Lord North a es dernièement un entretien
avec S. M. , qui l'engagea , dit- on , àne plus
faire caufe commane avec M. Fox ; le Lord délara
que dans l'éat actuel des chofes , aucun fyftêe
d'adminiſration ne pourroit fubfifter , fans l'appui
du parti de Rockingham.
Le Lord Chan.elier fe rendit hier àSt-James &
eut un entretien avec S. M. Il lui repré .enta que
comme il éoit abfolument impoffible en ce moment
de former une adminiſration àlaquelle il pû prendre
part , il la prioit de lui permettre de réigner les
Sceaux. S. M. accepta fa déiffion . Le Chancelier
gardera les fceaux jufqu'àce qu'on lui ait nomméun
fucceffeur.
Dans la fénce de la Chambre des Communes
du 28 Férier , le Chancelier de l'Echiquier M. Pitt ,
a informéla Chambre d'un fait trè- fingulier &
trè-intéeffant ; felon le Miniftre , pendant la guerre
dernièe , & ce qui eft encore plus érange , pendant
l'avant - dernièe , les difféentes fommes d'argent
donnés par la Nation , fans qu'il ait éérendu aucun
compte de leur emploi , ne montent pas àmoins
de so millions fterling ; en conféuence M. Pirt a
délaréqu'il fe propofoit de demander qu'il fû paffé un bill, pour obliger les perfonnes entre les mains
defquelles lefdites (ommes avoient ééremiſs , pour
êre appliqués au fervice du Gouvernement , a pro
duire les preuves de leur emploi.
( 138 )
L'Europa , de so canons , fur le chantier.de Woolwich
, eft i avancéqu'on penfe qu'il fera lancéle
mois prochain. L'Irréiftible , de 74 , a ééretiré de commiffion àChatam .
-
On demande dans toutes nos Feuilles pourquoi
le Secréaire des affaires érangèes exige de nos
Néocians 28 liv. 6 den. fterl. pour les 3 paffeports
dont ont befoin ces navires , avant le terme fixé pour la ceffation des hoftilité fur mer ; les Françis
, les Efpagnols & les Agens Améicains , donnent
ces paffe-ports gratis ; mais ici pour la fignature
de chacun d'eux , les Commis exigent l'éorme
fomme dont on vient de parler.
Les éigrations , dost ce pays eft menacé,
commencent déa leurs déaftations dans difféens
endroits de l'Irlande .
PRISES FAITES SUR LES ANGLOIS . Par les
Françis. Le Stag , de Briftol , pour Antigues ,"
envoyéàl'Orient ; le Betfy , de Charles- Town ;
pour Londres , envoyéàSt-Malo ; le Ward , envoyé àDunkerque ; les Trois- Soeurs , envoyéàla
Martinique ; le Lark , d'Oporto , pour l'Irlande ,
envoyéen France ; le New-Yorck , envoyéàDunkerque
; le Betfey , de Falmouth , pour la Barbade ,
envoyéàla Martinique. Par les Espagnols. -
Trois bâimens envoyé àVigo ; un venant des
Echelles da Levant , pour Londres , envoyéàAlgéiras.
Par les Hollandois. L'Athol , envoyé àFleffingue. Par les Améicains. - La Provi
dence , de Briftol , pour Waterford , cavoyéà Salem; le Kitty, de Lisbonne , envoyéen Áéique.
GUE
- -
S
PRISES FAITES PAR LES ANGLOIS. Sur les
Françis. Quatre bâimens de Breft , pour l'Orient
, envoyé àJerfey ; le Curieux , de St-Domingue
, pour Marſille , envoyéidem. Un bâiment
de la Martinique , pour la France , envoyéàTatola.
Sur les Espagnols. Un bâiment de Cadir ,
pour la Havane , envoyéàla Barbade.
( 139 )
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉÉ .
PARLEMENT DE PARIS . Chambre des Vacations.
Caufe entre la Demoiselle A ... éouse du
fieur G... & le fieur M .... Ne fera reç aucune
preuve par téoins contre & outre le contenu
aux actes. Art . 2 , tit . 20 , Ordon . de 1667.
L'amour eft inconfidéé& prodigue . Dans les tranf
ports de la paffion , & au milieu de cette illufion
pafsagèe dans laquelle elle nous plonge , on fonfcrit
quelquefois en faveur de l'objet aimédes obligations
que la rélexion condamne. Mais l'article
de l'Ordonnance qui déend de recevoir la preuve
par téoins contre & outre le contenu aux actes ,
eft une barrièe infurmontable , & le Juge fe trouve
fouvent obligéd'ordonner l'exéution d'actes , dont ,
comme homme , il fufpecte la fincéité; tel eft le
fonds de la Canfe. Entrons dans le déail des faits .
Par acte paffédevant Notaires , le 22 Octobre
1781 , le fieur M ... a conftitué, au profit de la
Demoiſlle A ... 600 l . de rentes viagèes , pour la
fomme de 6000 1. qu'il a reconnu avoir reç d'elle
le mêe jour , & dont il lui a donnéquittance par
le contrat. On pourra foupçnner aiséent en quelle
valeur le principal a ééfourni , lorfque l'on faura
que le fieur M ... eft un homme dans la force de
l'âe , aifédans la fortune ; que la Demoiſlle A ...
eft mineure , aus autre avantage que fa jeuneffe &
fes agréens. Le fieur M ... réléhiffant un peu
tard fur le contrat par lui fourni , voulut du moins
fe mettre en garde contre les dangers de l'inconf.
& il obtint de la Demoiselle A ... uun érit
par lequel elle s'obligeoit àne plus recevoir la
rente de 600 liv. du jour qu'elle ne voudroit plus
vivre avec lui. La Demoiselle A ... inftruite par
celui qui la recherchoit en mariage & qu'elle a depuis
éoulé, de l'inconféuence qu'elle avoit faite
en foufcrivant un billet qui jettoit du doute fur la
tance ,
( 140 )
valeur fournie du principal de la rente , & faifoit
déendre la duré de cette rente , de l'engagement
de demeurer toujours avec un homme marié, fir
tous les efforts pour retirer fon billet des mains du
feur M... Quel empire n'a pas une femine aimable
fur un homme qu'elle tient enchaîé! La Demoiſlle
A... ne fut pas long- tems àobtenir ce qu'elle déiroit
, ou du moins un autre érit conç en ces
termes , & qui eft l'éuivalent du premier.
Je fouffignéM ... promets & m'engage ne faire
»aucun ufage qui puiffe préudicier àDemoiſlle
»A... d'un érit fous feing privéqu'elle ma remis
»dans le courant d'Octobre dernier , par lequel elle
»confent de ne point exiger la rente viagèe de
600 liv. que je me fuis obligéde lui faire , par
»contrat paffédevant Notaires , le 22 Octobre dernier,
au principal de 6000 liv . , dans le cas on
elle cefferoit de vivre avec moi , ou me refuferoit
"
»fa porte ; reconnoiſ .ant que ladite A ... ne m'a
»fait ledit érit que par pure complaifance , & »qu'elle m'a réllement comptéladite fomme de
6000 liv. , capital du contrat , que j'approuve &
ratifie de nouveau en tant que de befoins pro-
»mettant au furplus lui remettre ledit érit qui fe
trouve maintenant éaré, auffi-tô que je pourrai
»le retrouver ; en foi de quoi je lui ai confenti le
préent acte pour la déivier de toute inquiéude , relativement àladite rente de 600 l. , dont je pro-
»mets lui payer le premier terme àfon éhénce «
La Demoiselle A... n'a pas eu plutô ce billet
qui affuroic fes droits , qu'elle a quittéle fieur M ...
pour le marier avec le fieur G... Le premier ne
voulut plus acquitter la rente ; mais le fieur G ...
àl'éhénce du premier terme , lui fit faire commandement
de payer , obrint Sentence , & fit faifir &
exéuter les meubles du fieur M ... Appel de la
faifie : Arrê proviloire qui ordonne la continuation
des pourfuites. La voie civile ne paroiffoit pas fayo(
141 )
rable au fieur M... il efpéa plus de fuccè de la
voie extraordinaire. En conféuence il rendit plainte
contre la Demoiselle A... en efcroquerie de la
rente viagèe , en fouftraction de la préendue contre
lettre qui annulloit le contrat , & en vol d'une montre
d'or ; demanda permiffion d'informer deſits faits ,
& de prouver qu'il n'avoit confenti la rente , dont il
n'avoir reç aucune valeur en capital , que fous la
condition que la Demoiſlle A ... demeureroit chez
lui en qualitéde gouvernante de fes enfans . La permiffion
d'informer fut accordé , & l'information
faite , elle fut fuivie d'un déret d'ajournement per.
fonnel qui , faute de comparution , fut converri en
déret de prife-de - corps , en vertu duquel ia Demoifelle
A ... fut conftitué prifonnièe ; cependant ,
aprè fon interrogatoire , elle fur relaxé. Alors elle
interjerta appel de toute la procéure & en demanda
la nullité. Arrê de la Chambre des Vacations , du
16 Octobre 1782 , qui met l'appellation & ce dont
eft appel au nént , éendant , éoquant le principal
& y faifant droit , délare nulle toute la procéure
extraordinaire faite contre la Demoiſlle A ... par
le fieur M... Sur le furplus des demandes , fins &
conclufions des Parties , les met hors de Cour ;
condamne le fieur M ... aux déens
*
PARLEMENT DE DAUPHINÉ. Est- il dûdes domma
ges-intéês àune Majeure qui , fucceffivement
a eu trois enfans du mêe homme. Peut- elle pré .
tendre àla reftitution des alimens qu'elle leur a
fournis. Doit - elle êre prééé pour leur éucation
future , quand le pere a contractédes enga
gemens léitimes ? Enfin , lorfque fes enfans feront
en âe d'apprendre un méier , le pere ferai
t-il tenu d'y pourvoir. Telles font les queſions
qui fe font préentés dans la Caufe de la Demoifelle
S.... contre le Sieur N.... Elles ont éédifcutés
avec foin par leurs Déenfeurs. ( Ce n'eſ
( 142 )
1
1
point ici difoit l'Avocat de la Demoiſlle S .... )
fimplement la Caufe d'une fille qui demande des
dommages intéês contre un féucteur qui l'a
trompé la Demoiselle S .... a fans doute plus de
droit que tout autre pour en obtenir de confidéables
; cependant elle l'avoue , s'il ne fe fû agi
que de fes intéês particuliers , elle en eû fait volontiers
le facrifice ; mais ceux de fes enfans ! Pouvoit-
elle les abandonner quand elle les voyoit prês
dé àmanquer de fubfiftance ? Ne devoit-elle pas
féer leurs plaintes àla Juftice ? Aprè avoir tout
facrifiépour eux , fortune & fanté; tandis qu'il
ne lui reste plus que la mêe tendreffe , ne feroitelle
pas coupable de néliger des droits qui doivent
lui en procurer ? Le fieur N .... l'a trompé
fous des promeffes de mariage . Il ne peut déavouer
la lettre qui les contient . La majoritéde la
Demoiselle S.... eft indifféente , dè que fon féucteur
eft plus âéquelle ; le nombre des enfans ne
peut auffi former obftacle àfa préention , dè que
le fieur N.... eft forcéde les reconnoîre tous : &
tout ce qu'on peut dire , c'eft qu'il y a de fa part
un excè de cruautéàpréenter comme un moyen ,
contre une infortuné , cet abîe de maux dans
lequel il eft parvenu àla plonger. Mais elle a
nourri fes enfans : la Loi prononce , & les Arrês
ont jugéque la mere eft fondé àrééer les alimens
qu'elle leur a fournis . Une mere tendre oublic
les peines paffés . L'avenir feul occupe la Demoifelle
S .... Quel fera le fort de fes enfans ? A qui
la Juftice va-t-elle les' livrer ? ' Leur intéê doit
uniquement déerminer le choix qui fe préente à faire , c'est le cri de la Nature , c'eft celui de la
Loi , qui préumant àla mere une plus grande affection
, lui accorde toujours le foin de les enfans , à moins querddes raifons particulièes ne l'excluent.
D'aprè ce principe , y a-t-il àbalancer entre la
Demoiselle S.... qui a nourri les fiens & le fieur N....
( 143 )
---
qui les a abandonné ; entre une mere qui les adore
& un pere qui ne leur a que trop prouvéqu'il ne
les aimoit pas ; entre une mere qui ne confultant
que fon affection , brave tous les obſacles pour
leur procurer des foulagemens , & un pere qui n'offre
de s'en charger en apparence , que pour
éiter de les fecourir réllement. Ce n'eft pas
affez de déigner la main qui doit veiller à leur enfance ; quand ils auront atteint l'âe de
raifon , leur pèe doit encore leur faire apprendre
un méier le fieur N ... avoit d'abord méonnu
cette obligation ; àl'Audience il a offert de la remplir.
Jufqu'àquand , difoit le Déenfeur du fieur N...
confondra-t-on la féuction avec le commerce illicite
? Aura- t- on toujours des vierges féuites àindemnifer
? des féucteurs àpunir ? Et dans un crime
qui fuppofe néeffairement deux complices , ne
trouvera- t- on jamais qu'un feul coupable ? La Demoiſlle
S ... ne doit point obtenir de dommages-
intéês , parce que la duré de fes erreurs
annonce qu'elle ne fut jamais féuite , mais fille
entretenue : la loi la repouffe en mêe tems que
l'opinion la flérit . Elle ofe demander la nourriture
qu'elle préend avoir fournie àfes enfans : cette rééition
eft profcrite par toutes les loix. La prééence
qu'elle follicite pour leur éucation doit lui
êre refufé ; leur propre intéê , le refpect qu'on'
doit aux moeurs publiques , tout s'oppose àce qu'une
fille foit entouré d'enfans conçs & né dans le
crime. Arrê du 16 Janvier 1783 qui condamne
le fieur N... àpayer àla Demoiſlle S ... 1800 l .
pour lui tenir lieu des dommages - intéês , frais de
couche & alimens. Ordonne que les enfans continueront
de refter entre les mains de la Demoiſlle
S ... que le feur N... lui payera une penfion de
80 l. pour chacun , jufqu'àce qu'ils foient en âe
d'apprendre un méier , auquel temps le fieur N...
( 144 )
fera tenu d'y pourvoir ; & condamne le fieur N ...
aux déens.
ود --
PARLEMENT DE DOUAY. Inftance entre les fieurs
& dame Lefoing appellans : & les fieurs & demoiselle
Leblanc intimé . Voici le déut du
Méoire que M. Merlin a publiédans cette affire
, pour les fieurs & dame Left ing. > Une Mai
»fon commune àplufieurs Propriéaires & jugé
»impartageable, par un rapport d'Experts , qui n'eft
»point critiqué; doit- elle êre vendue par licita-
»tion , lorsqu'une des Parties le demande , & qu'il
»eft avouén'y avoir pas d'autre moyen de fortir
»de l'indivifion ? Propofer une parcille queftion ,
»c'eſ en quelque forte mettre l'éidence en pro-
»blêe. Toutes les Loix déident , tous les Juso
rifconfultes enfeignent , toutes les perfonnes de
ל ë
bon fens favent que la licitation eft d'un ufage né
»ceffaire , dans les partages de chofe , indivisibles .
Cependant on a voulu préendre qu'il y avoir dans
une partie du reffort de la Cour , une pratique
»contraire ; & la Sentence dont eft appel , a en effet
»jugéque les ficurs & dame Lefoing , ne pour
roient pas contraindre leurs communiers àla licitation.
Cette Sentence a éérendue àLille ,
»c'eſ - à- dire , dans une Ville oùla routine de l'ufage
, toujours réelle àl'efprit d'une coutume
homologué , & toujours profcrite , par les
»Arrês de la Cour , a cependant toujours cherché àfe reproduire fous de nouvelles formes.
»Mais les feurs & dame Lefoing , ont fondéleur
efpéance fur le recours qu'ils ont aujourd'hui
»àun Tribunal fupéieur. Arrê du 9 Déembre
1782 , qui a infirméla Sentence , a ordonné que la Maifon fercit licité entre les Parties : &
a condamnéles fieurs & demoiſlle Leblanc aux
déens.
--
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E.
De CONSTANTINOPLE , le 25 Janvier.
A tranquillitéfe foutient dans cette
pas troublé , la réonſ qu'on attendoit de
la Cour de Péersbourg éant arrivé , le
Divan s'eft affembléplufieurs fois , & l'on
préend qu'il y eft queftion des conditions
d'un nouveau Traitéde commerce àfaire
avec cet Empire.
Tout paroî àpréent calme dans la Cri- .
mé. Le Gouvernement du moins femble
déidéàne pas fe inêer des affaires de cette
Péinfule ; & il a pris des mesures pour
qu'il n'en arrive plus des avis qui puiffent
donner lieu àde nouvelles clameurs de la
part d'une populace inquièe. Cependant
les travaux dans l'arfenal & dans les chantiers
fe continuent , on en a feulement rallenti
l'activité On a auffi envoyédans quelques
Provinces les ordres néeffaires pour que les
22 Mars 1783, &
( 146 )
troupes qui s'y trouvent fe tiennent prêes
àmarcher au premier befoin . Les diffentions
qui rènent en Afie font faites pour autorifer
ces mefures .
RUSSI E.
De PETERSBOURG , le 11 Férier.
LE 8 de ce mois le Séat Dirigeant a adreffé un Ukafe àl'Acadéie Impéiale des Sciences,
pour lui annoncer que l'Impéatrice avoit
confiéla Direction de cette Compagnie favante
àla Princeffe Dafchkow , fa Dame
d'Honneur, qui a eu une part diftingué àla réolution
qui àplacéCatherine II fur le Trôe.
En conféuence des ordres de S. M. I. l'Acadéie
a tenu hier une Affemblé , àlaquelle
tous les Membres Honoraires avoient éé invité. Madame de Dafchkow a prononcé en Françis un Difcours , auquel le Secré taire de l'Acadéie a réondu ; Madame la
Directrice nomma enfuite deux nouveaux
Acadéiciens , M. Blake , habile Chymifte
d'Edimbourg , & le céère Hiftorien Roberfton
; elle avoit eu l'occaſon de lier avec
eux une connoiffance perfonnelle dans fes
voyages en Angleterre & en Ecoffe.
DANEMARCK.
De COPENHAGUE , le 18 Férier.
LA Princeffe Sophie Frééique , éouſ
du Prince Hééitaire , eft accouché hier
1 .
( 147 )
d'une Princeffe , qui eft morte en venant au
monde .
On parle de l'éabliſ .ement prochain d'une
Commiffion , qui doit réler & déerminer
avec encore plus de préiſon , difféens
articles du rèlement publiéle 20 du mois
dernier contre le luxe.
Les préiminaires de paix entre la France ,
l'Espagne & l'Angleterre tournent l'attention
du Gouvernement du côédu commerce
; il y en a un intéeſ .ant àouvrir avec
l'Améique ; & déàl'on affure que nous
aurons bientô un Miniftre réidant de la
part de notre Cour àPhiladelphie ; le bruitpublic
eft que le Roi a fait choix pour ce
pofte important du Chambellan de Walterftorff.
Nos Néocians font de nouvelles
fpéulations ; & ils ont déàcommencéà charger 3 bâimens deftiné pour l'Améique
Septentrionale.
On dit que la Compagnie du Canal va
êre rénie àcelle de la Baltique & de la
Guiné ; fi cela s'effectue notre commerce
en doit retirer un avantage confidéable .
Un Planteur de l'Ifle de Ste-Croix , nemmé Brown , qui traitoit fes Nères avec une
barbarie inouie a éécondamnépar le
Suprêe Tribunal àtravailler comme Ef
clave pendant deux annés .
,
8 2
( 148 )
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 18 Férier.
LE Prince Potemkin , Aide de-Camp- Gé néal de l'Impéatrice de Ruffie , vient de terminer
la néociation de l'achat qu'il vouloit
faire des biens confidéables que le Prince
Sapieha , Grand - Chancelier de Lithuanie ,
pofféoit dans la partie de ce grand Duché,
qui en a éédéembré ; on dit qu'il les
paye un million de roubles . On croit que
plufieurs de nos Seigneurs qui ont auffi des
terres dans les Provinces , qui n'appartiennent
plus àla Pologne , fuivront l'exemple
du Prince Sapieha ; ils les vendront & emploieront
le prix qu'ils en retireront àl'améioration
des biens fonds qui leur reftent
dans les Provinces qui font restés àce
Royaume.
Le nombre des naiffances a éél'anné
dernièe dans cette Capitale de 3778 , &
celui des morts de 4958 ; ce qui fait 1180
morts de plus que de naiffances.
ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 2 Mars.
L'AMBASSADEUR de Maroc eft arrivéici
avec fa fuite le 20 du mois dernier ; le 24
il s'eft rendu chez le Prince de Kaunitz ,
Chancelier d'Etat , qui lui avoit envoyéfes
voitures & les Officiers de fa maifon. Le
( 149 )
27 il fit en cééonie une vifite au Prince
de Colloredo , Vice - Chancelier d'Etat , &
le lendemain , vers midi , il fe rendit au Palais
Impéial , oùil eut une audience folemnelle
de l'Empereur àqui il remit fes lettres
de crénce ; il fut enfuite conduit dans
un autre appartement oùl'on avoit préaré pour lui & fa fuite une table fplendidement
fervie.
Des lettres de Brodi portent que depuis
quelques femaines on eft trè - occupéa réarer
les fortifications ; & on apprend la
mêe chofe de Gradiffa. Les Turcs , ajoutent
ces lettres , font trè- attentifs àces travaux
& exercent continuellement leurs trou
pes ; cependant on ne s'attend plus àla
guerre , on allure mêe que dans quelques ,
mois on verra ici un Ambaffadeur de la
Porte Ottomane qui fera chargéde réler
avec notre Cour plufieurs points de la plus
grande importance .
On eft actuellement occupéàréiger le
plan d'aprè lequel les impofitions feront
affifes & perçes dans les provinces de la
Pologne Autrichienne . Les Juifs ont , diton
, propoféàla Cour de payer leur impofition
d'aprè un nouveau projet , ils s'engageront
en outre àacquitter une certaine
fomme d'avance , & on croit que la Cour
acceptera ces propofitions.
Cette efpèe d'hommes réandue dans la Hongrie
, fous le titre de Bohéiens , dont la déra
vation avoit depuis long-temps déerminéle Gou
83
( 150 )
vernement àne pas leur permettre de vivre rénis ,
éoit difperfé dans les villages ; quelques- uns habitoient
fous terre dans les campagnes , mais c'éoit
le plus petit nombre : ca gééal ils vivoient dans
un éat apparent de tranquillité& de refpect pour
l'ordre public , lorfque l'automne dernier l'un
d'eux ayant éétraduit en juftice , fes réonses à difféentes queftions du Juge qui l'interrogeoit ,
donnèent lieu àla déouverte des plus grandes
atrocité. D'aprè les recherches qu'on a faites , il
eft réultéque depuis douze ans , les Bohéiens
difperfé dans les Comitats Hongrois les plus voifins
de l'Autriche ſ nourriffoient de chair humaine
, fans que l'autoritépublique en ait eu la moindre
connoiffance. Les petits marchands érangers
ou habitans des Comitats plus éoigné qui parcouroient
les villages éarté des grandes routes
éoient les victimes de ces Barbares , qui les attiroient
dans les bois ou dans leurs réuits ; c'eſlà qu'ils les maffacroient au fon des inftrumens de
mufique , dont ils font grand ufage. Ils faloient
enfuite les membres de ces malheureux , les mangeoient
& en nourriffoient leurs femmes & leurs
enfans . On ignore le nombre des infortuné qui
ont péi de cette manièe , mais on fait qu'il eft
confidéable. Les recherches que la premièe déouverte
de cette monftruofitéàoccafionnés , fe
font tellement éendues , que bientô les prifons
ont eu peine àcontenir tous ces criminels qu'on
a d'abord voulu exterminer par tous les genres
de fupplices ; mais l'Empereur en ayant ééinftrait
, a arrêéla fuite de ces exéutions ordonnés
par les Comitats , & a prononcéque ce qui
reltoit de ces Bohéiens condamné , fû chaffé fur le territoire Turc . Cette déifion tient au fyftêe
de S. M. I. , d'abolir dans les Etats la peine
de mort. Les procè - verbaux qui ont ééenvoyé
par les Comitats àla Chancellerie de Hongrie ,
( 151 )
pour êre mis fous les yeux de l'Empereur , ne
laiffent pas douter de la véitéde ces horreurs fi
humiliantes pour lefpèe humaine , & qui doivent
faire fentir combien il pourroit devenir dangereux
d'abandonner les hommes aux feuls principes
qu'ils feroient capables de fe faire eux - mê .
mes , abftraction faire de tout fyftêe religieux
& de police ".
De HAMBOURG , le 3 Mars.
TOUTES les nouvelles de Conftantinople
confirment l'efpéance qu'on a conçe depuis
quelques tems de voir terminer par
un arrangement tous les difféends qui s'éoient
éevé entre la Porte & les Paillances
voifines. Le Grand- Seigneur s'eft expliqué fur ce fujet d'une manièe qui ne laiffe
aucun doute fur fes difpofitions. »Avant
de monter fur le trôe , j'ai véu dans une
prifon oùj'ai pafféles plus beaux jours de
ma vie. Je fouhaiterois aujourd'hui de finir
ma carrièe en repos ; & je prééerai toujours
toutes les conditions dictés par l'éuité & la convenance , àune guerre , qui
dans la pofition actuelle de cet Empire ' ,
pourroit avoir les fuites les plus fâheufes
".
Le Capitaine John- Goufill eft le premier
navigateur Améicain , qui aprè la ratification
des préiminaires de la paix , foit venu
ici avec une cargaifon de tabac de Philadelphie.
Il en avoit mis àla voile au mois
de Janvier.
€4
( 152 )
10
»Les Provinces qui compofent le royaume de
Pruffe , érit-on de Konigsberg , ne préentent plas
comme autrefois des déerts ; elles font aujourd'hui
bien peuplés & doivent en grande partie leur population
aux éigrations des fujets de l'Archevêhé de Salzbourg. On fait qu'en 1732 vingt mille Salzbourgeois
s'y font éablis & y ont apportéleur
induftrie. En 1755 og comptoit dans la Pruffe orientale
700,000 ames , & en 1779 , 345,729 dans la
Pruffe occidentale . Cette population s'eft accrue confidéablement
depuis ce tems , plufieurs centaines
de familles du pays de Wurtemberg s'y éant fixés.
Les habitans font actifs & induftrieux . Il y a dans
le pays toutes fortes de Manufactures ; celles de
la Piuffe occidentale ont fourni en 1779 pour
188,213 rixdalers de marchandifes qui font restés
dans le pays ; les marchandifes fabriqués qui en
ont ééexportés chez l'Erranger dans la mêe
anné , fe montoient à73,614 rixdalers . Dans
l'anné 1781 il a ééconftruit 19 bâimens àKonigsberg
& 3 àMeinel , depuis 80 jufqu'à300 laſs ,
ce qui a mis en circulation une fomme de $ 24,000
Borins. Le nombre des bâimens appartenans aux
fujets de la Ruffie , fe monte aujourd'hui àplus de
80, depuis 200 jufqu'à400 lafts «
-
Un Journal trè - accréitéen Allemagne
offre le tableau fuivant de l'éendue & de
la population des Etats hééitaires de la
Maifon d'Autriche ; il ne peut que piquer
la curiofitéde nos Lecteurs , qui pourront
en fuivant fur la carte les pays indiqué
, comparer leur population avec leur
éendue , fe former une idé de cette
Puiffance , & de l'importance de fes poffef-
Sons fi elles éoient toutes rapprochés.
( 153 )
mil. quar. perfonnes.
1. Royaume de Bohêe....
2. Royaume de Hongrie, &
le Bannat de Temeſar..
909 2,265,867
2,790 3,170,000
3. Principautéde Tranfylvanie.
1,056 1,250,000
4. La Croatie & la Dalmatie.....
477 367,000
5. ( 1 ) Les Royaumes de
Gallicie & de Lodomerie....
1,300 2,580,796
6. L'Esclavonie.
331 253,000
7. La Buckovine..
178
130,000
8. La Siléie Autrichienne ... 81 247,886
9. La Moravie... 396 1,137,227
10. La Baffe- Autriche ou
l'Archiduché. 637
1,682,395
11. La Stirie , la Carinthic ,
la Carniole , le Comté de Gorz , Gradiſa & le
Gouvernement de Trieftc....
12. La Haute- Autriche ou
le Comtéde Tyrol.....
13. L'Autriche antéieure
ou les Seigneuries que la
maifon d'Au riche pofsèe
dans le Cercle de
993 1,508,042
435 $89,963
Sorabe...
156 362,446
14. Le Comtéde Hohenembs
..... 3 3,667
15. Le Comtéde Falkenf
tein..
2 4,000
16. Les Pays - Bas Autri-
(1) Dans le nombre des habitans de Gallicie & de Lodomerie
on compte 72,000 Juifs . Chaque têe des Juifs paye une capitation
de 30 kreutzers ; & lorfqu'un Juifſ marie dans le pays
il acquitte àla Couronnne 12 ducats.
% S
( 154 )
chiens ....
mil.quarr. perfonnes.
469 2,000,000
17. Le Duchéde Milan .... 152 1,100,000
18. Le Duchéde Mantoue. 40 150,000
18,802,294
Total .... 10,406
ITALIE.
De NAPLES , le 16 Férier.
LA fréate Napolitaine la Ste- Dorothé
arrivé hier de Melfine , nous a apporté les nouvelles les plus accablantes du déaftre
que cette ville malheureuſ vient
d'érouver.
Le s de ce mois àune heure aprè midi , le
tremblement de terre le plus affreux qui fe foit jamais
fait fentir , & dont les fecoufles auffi violentes
que multipliés , duroient encore le 8 , lorfque la
Fréate eft partie , a prefqu'entierement déruit cette
ville céère , qui ne préente plas qu'un amas de
ruines fous lesquelles eft enfeveli un grand nombre
de fes habitans , qu'on fait monter jusqu'àpréent
àdouze mille. Le Palais royal , celui de l'Archéêue
, le Lazaret , partie de la Citadelle , les éifices
publics les plus remarquables , la plus grande
partie des Eglifes , Couvens & maiſns , ainfi que
toute la Palazzata ou cercle de Palais , fymmériquement
conftruits autour du port & qui formoit
le plus bel ornement de cette malheureufe ville ,
ont ééengloutis. Le feu qu'on n'a pu parvenir à éeindre les & le jour ſivant , a déoré& confumé ce que le tremblement de terre avoit éargné-
Meffine & les environs n'ont pas feuls effuyéces
horribles ravages ; il fe font éendus d'un rivage à l'autre du déroit. Les villes de Reggio , Palmi ' ,
Bagora, Séitana , Milet , Saint- George , Terranova ,
( 155 )
Cafalnueva , Oppido & plufieurs autres lieux de la
Calabre ultéieure , fur -tout Scilla , Catanzaro &
Monteleone , ont érouvéle mêe fort. On ne peut
encore déerminer exactement le nombredes milliers
d'individus qui ont ééenfevelis fous les ruines. Le
mouvement s'eft fait fentir jufqu'àNaples , mais fi
foiblement , qu'àpeine la huitièe partie des habitans
a pu s'en appercevoir.
Le Courier ordinaire
pour Reggio eft revenu avec les lettres , parce
qu'il a ééarrééàMonteleone par une ouverture
qui s'eft faite dans les terres , ce qui a fans doute
empêhéqu'on n'ait reç des déails par la voie
de terre , depuis onze jours , de cette catastrophe.-
Auffitô que cette nouvelle affreufe eft arrivé , on
s'eft occupéde tous les moyens de porter les plus
prompts fecours aux infortuné. Il a ééréolu d'envoyer
dans la Calabre D. Vincenzo Pignatelli , &
M. de Calvarafo àMeffine , dont il cit Gouverneur
, pour y diftribuer de l'argent , réarer autant
qu'il fera poffible les dommages foufferts , & préenir
les déertions & les déordres , fuites ordinaires
d'auffi finiftres éèemens. La Fréate eft resté armé
pour convoyer les Bâimens que l'on s'empreffe
de charger de comeftibles & autres effets de premièe
néeffité; mais le vent contraire eft un nouveau
fléu dans ce moment-ci pour les malheureux
qui attendent des fecours . On nomme déàparmi
les morts àMeffine M. Bretel , Conful d'Ho'-
lande , le plus riche Néociant de cette ville. A
Scilla , le Prince de ce nom , noyéen voulant fe
fauver fur une barque qui a ééérasé par une
roche , & àBagnara , la Princeffe de Gerace. Tout
eft dans la plus grande confternation . Les Siciliens
éablis dans cette ville attendent àchaque instant
l'arrivé des barques , qui doivent leur amener une
partie de leurs parens , & leur apprendre le fort funefte
des autres . Les fpectacles ont ééfufpendus &
l'on a ordonnédes prieres publiques pendant trois
jours.
› ( 156 )
On attend avec impatience des déails
ultéieurs , mais dans l'incertitude accablante
s'ils agraveront ou s'ils diminueront
le mal ; on fait des voeux pour que la
terreur gééale l'ait exagéé; un fi fuperbe
& vafte pays ne peut que caufer les plus
juftes regrets ; l'Europe entièe les partagera
, en lifant les defcriptions qu'en ont
donnés les voyageurs , fi en effet , il
n'existe plus que dans leurs livres ( 1 ).
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 8 Mars.
Nous n'avons dans ce moment aucune
nouvelle de l'Améique feptentrionale ; le
Gouvernement en attend des ifles par la
fréate que l'Amiral Hood doit expéier
aprè fon arrivé àla Jamaïue pour nous
en inftruire ; en attendant l'Amirautéa
envoyéàPortſouth des ordres pour faire
appareiller fur- le- champ la fréate la Syrene
qui doit fe rendre àla Jamaïue , & qui
(1) Nous ne pouvons nous empêher de rappeller ici ànos
Lecteurs les Lettres érites de Suiffe , d'Italie , de Sicile &
de Malte , 6 vol , in - 12 ; prix 15 liv. broché, qui fe trouvent
àParis chez Viffe , rue de la Harpe ; on ne lira pas , fans un
nouvel intéê , qui ne peut qu'ajouter aux regrets actuels , ce
qui eft dit de la malheureufe ville de Meffine dans le tome III.
Les Lecteurs ne rechercheront pas avec moins d'empreffement
le Voyage de Sicile & de Malte , par Brydone , la traduction
de cet Ouvrage , qui eft celui d'un voyageur philofophe , fe
trouve àParis chè Delalain le jeune , rue St - Jacques , elle eft
accompagné d'une carte du Royaume de Naples & de Sicile
2 vol . in- 12, prix reliés liv.
( 157 )
#
prendra fous fon convoi les bâimens ma
nitionnaires armé , le Lord Howe & le
Whitby ; on préume qu'une grande partie
des bâimens deftiné pour les ifles profi
teront de cette efcorte.
Les lettres de Ste - Lucie qu'on a reçes
font du 26 Janvier ; elles nous apprennent
que plufieurs vaiffeaux de la flotte de la
Jamaïue y ont abordéen trè-inauvais éat.
On compte que de cette flotte malheureuſ
qui éoit compofé de 16 voiles , il en eft
arrivé14 , 6 ont rebroufféchemin , & 3
ont coulébas ; de forte qu'il en manque
33 dont on n'a point de nouvelles & dont
on eft fort inquiet.
Nos nouvelles de l'Inde fe réuisent à une lettre de Chingleput , ville fur la côe
de Coromandel , en date du premier Juillet
dernier.
Toutes les provifions , dit- on dans cette lettre ,
fontici àun prix fi haut qu'on ne peut fe les procurer;
Hyder-Aly a ruinétout le pays oùil a paffé. On eft
obligéde faire venir les vivres du Bengale. Sir Eyre
Coote eft avec notre armé àWandiwas , d'oùil
marchera vers la partie méidionale. Un grand nombre
de bandits àcheval qui font entretenus par Hyder-
Ali parcourent le pays & rendent les chemins dangereux
aux voyageurs , ils viennent mêe fous les
murs de Madrafs pùils pillent on maffacrent tous
ceux qu'ils rencontrent. Le Gééal Monro ſ trouvant
un foir dans fa maifon prè de Madrafs , a
couru rifque d'êre enlevépendant la nuit & fait
prifonnier «
On a reç les déails faivans fur le naufrage
du navire de la Compagnie des Indes
( 158 )
le Darmouth , qui le 8 Juin dernier avoit
mis àla voile de Madrafs pour l'Europe.
»Ce Navire pouflépar les gros vents pendant
la nuit vers l'Ile Car- Nicabor , fut jettéfur les
rochers & briféen deux. Il avoit àbord un grand
nombre de paffagers , parmi lefquels fe trouvoient
deux Dames , dont une éoit accouché peu de jours
avant. Il eft impoffible d'exprimer les cris & les
lamentations des difféentes perfonnes qui fe trouvoient
fur les déris du Navire , la plupart furent
englouties dans les flots . Un matelot , dont les
deux bras éoient caffé , fe tint pendant longtems
avec les dents àune corde , mais enfin il fuccomba
& tomba dans la mer. D'autres voulant le fauver
àla nage , péirent prefque tous ; mais ceux qui
fe retirerent fur les déris ont ééfauvé . Le lendemain
, lorfque le jour élaira cette fcèe tragique
, on ne voyoit de rous côé que des déris , des
corps morts & des marchandifes. Vers les trois heures
de l'aprè-midi , le refte de l'éuipage arriva
àterre , la ples grande partie fe trouva nud & ſ
couvrit des toiles que les flots avoient jettés fur
la côe. Ceux qui n'éoient pas bleffé , parcoururent
l'Ifle & déouvrirent de l'autre côéle Navire
le Chapman , qui éoit àl'ancre ; mais les
bleffé ferent obligé de refter durant trois jours
fur la côe , n'ayant pour toute nourriture que des
Noix de Coco. On ne peut affez louer la politeffe
& l'humanitédu Capitaine Walker qui a fait
prendre àbord de fon Navire , le Chapman , les
paffagers , les malades & les bleffé , & leur a
procurétout le néeffaire. Le Darmouth éoit le
plus riche Navire qui eû pafféen Europe. On
éalue la perte à200 mille liv. fterl. Il avoit à bord une grande quantitéde diamans , beaucoup
de barres d'or & c «
On ne s'occupe plus aujourd'hui que
de la nouvelle réolution de l'Adminiftra(
159 )
tion ; on ignore encore comment elle fera
composé ; c'est un objet de brigues &
d'intrigues qui n'eft pas prè d'êre terminé
»Il feroit difficile , dit un de nos papiers , de
dérouiller la véitédans le cahos des nouvelles
contradictoires qui fe déitent ici fur le choix des
nouveaux Miniftres . Il paroî certain feulement que
le parti de la coalition , c'eft-à dire , celui du Lord
North & de M. Fox ne confervera pas long-tems
fon créit. Le Roi eft parvenu a fon but ; il s'eft
déarraftédu Lord Shelburne ; il a rendu le Lord
North encore plus odienx àla Nation . M. Fox a
perdu fa popularitéen s'uniffant au Lord North , &
le Roi , aprè avoir pliéfous le torrent , va triompher
& nommer lui-mêe fon Miniſèe ; mais il
rencontrera des d fficulté . Il a déa faitoffrir ſcceſ fivement la Tréorerie au Lord Cavendish , au Lord
Gower & au Chancelier Pitt. Les deux premiers ont
refuféce pofte fcabreux ; mais M. Pitt , plein d'ambition
, oubliant fon âe , aveuglépar les fuccè
dans la carrièe de l'éoquence , a balancé& balance
encore. Cependant c'éoit un bruit gééal ces jours
derniers àla Bourfe que le Lord Thurlow , chargé par le Roi de néocier avec les difféens partis ,
avoit déêhéun courier au Lord Temple , Vice-
Roi d'Irlande , pour mettre àfes pieds le timon
du Gouvernement. En attendant l'éèement de
toutes ces cabales , qui fixent entièement l'attention
des Anglois , les affaires font en fufpens ; les
finances font dans la pofition la plus critique , toutes
les caifles font vuides ; & fi les fubfides de l'armé
n'euffent point ééaccordé , on auroit éé obligéd'arrêer le paiement des troupes . M. Pitt
a donnéle fignal de déreffe , en faisant une motion
pour lever un million fterling par emprunt fur
des billets de Echiquier , & en mêe tems il a
( 168 )
lancécontre le Lord North un trait qui deviendra
peut-êre mortel . Il a déaréàla Chambre des Com
manes que , d'aprè les recherches les plus exactes ,
il avoit déouvert dans les comptes de l'Etat une
fomme de so millions fterlings , fur l'emploi de laquelle
il éoit impoffible de trouver la moindre
trace , & qu'en conféuence il faifoit une motion
pour qu'on mit fous les yeux du Parlement les noms
des comptables fur lefquels portoit cette accufation
".
On eft fort curieux de favoir comment
toutes ces difputes finiront , & quel
fera l'arrangement qui fera pris ; en attendant
on dit que le premier fruit de ce
changement d'Adminiſration coûera au
Gouvernement 12,000 liv. fterl. de rentes ,
parce qu'il faut des penfions àchaque Membre
qui fe retire.
En attendant que les difficulté qui retardent
la formation du Ministèe foient
levés , nous fuivrons ici les principaux objets
qui ont occupéle Parlement.
»Le 28 Férier , la Chambre s'éant formé en
comitéde fubfides , le Chevalier George Yonge ,
Secréaire de la guerre , profuific diverles eſimations
àla Chambre , & fit une motion tendante à ce qu'il fû octroyéune fomme de 1,356.919 1.
10 f. 2 d. pour payer les extraordinaires de l'armé.
M. David Hartley dit qu'il ne s'oppofoir
point àl'octroi de la fomme demandé ; mais qu'il
déiroit qu'on formâ un comitéchargéd'examiner
l'emploi particulier des fommes deſinés au parement
des extraordinaires de l'armé . Lorfqu'on
propofa la queſion , la fomme fut voté unanimement
.N
Le 3 de ce mois , le Secréaire de la guerre pro(
161 )
pofa que la Chambre s'affemblâ en comitéphut
prendre en confidéation les réolutions fuivantes,
1º D'accorder àS. M. une fomme qui n'excéâ
point celle de 456,904 l . 19 f. 9 d. pour fubvenir
aux déenfes de fes garnifons. 2 °. De 310,623 l.
15 f. 6 d. pour le paiement des troupes dans les
plantations érangèes. 3 ° De 64,714 1. pour le
paiement des troupes érangèes . 4°. De 15,961 l.
171f. f. 2 d. pour le paiement des Officiers de l'Etat-
Major. 5. De 15 074 l. 10 ር pour l'entretien de
fes troupes dans l'Inde. 6 °. De 165,418 l . 10 f. ,
pour le paiement de la milice & de quatre réimens
de Fencibles en Ecoffe. 7 °. De 41,140 l. 16 f. 2 d .
pour le paiement du réiment Irlandois qui a éé envoyéen Améique. 8 °. De 25,126 l. 3. l. 9 d.
pour le paiement des cinq corps Provinciaux qui ont
éélevé en Améique. 9. De 96,719 l . 7 f. II d.
pour l'hopital de Chelfé. 10° De 28,017 l. 11. L
1 d. pour le paiement des troupes de S. M. qui font
en garaifon àGibraltar . 11º De 367,203 1. 9
L.
10 d. Four le paiement des troupes Helloiles au fer
vice de S. M. pendant une anné , commençnt au
25 Déembre 1782 & finiffant au 25 du mêe mois
1783. 120. De 65,152 1. 12 f. 8 d. pour le paiement
des troupes de Hanau pendant une anné , commen.
çnt depuis le 25 Déembre 1782 juſuau 25 Déembre
1783. 139. De 36,747 1. pour le paiement
des troupes de Brunſick fervant en Améique ,
ainfi que deffus. 14°. De 1749 l . 11 f. 3 d. pour le
paiement des troupes de Waldeck fervant en Amé
rique , commençnt & finiflant ainfi que deffus .
15 °. De 54,504 1. pour le paiement des troupes de
Brandebourg , fervant ainfi que ci- deffus , jufqu'au
25 Déembre prochain. 16° De 23,318 1. 14 f. 1 d.
pour le paiement des troupes de Hanau fervant en
Améique , pendant le péiode ci deffus mentionné
M. D. Hartley forma des objections contre
le fubfide deſinéàpayer une anné entièe aux
( 162 )
+
troupes érangèes . C'eft indiquer clairement , dit-il ,
le deffein de renouveller la guerre Améicaine , autrement
l'ectroi teroit limitéàquatre mois ou à fix au plus . Ce tems feroit plus que fuffifant pour
ramener de l'Améique les troupes qu'on a tirés
des divers pays de l'Allemagne . Ces octrois ne ferviront
qu'àexciter les inquiéudes , les craintes , &
àfaire fufpecter la droiture de nos intentions , furtout
àl'éard de l'Améique , oùl'on n'eft déa
que trop fondéàdouter de notre bonne foi , àcauſ
de la duplicité& de la foiblefle de notre Miniſèe ,
qui tantô a autorifénos néociateurs àoffrir l'indéendance
, & tantô leur a enjoint de ne point
admettre l'indéendance comme un article préiminaire
du traité Les inftructions de M. Ofwald pourroient
fournit des preuves fuffifantes de la véité de ces affertions ; mais les Miniftres ont eu foin
de déober ànotre connoiffance les ordres donné
àce Néociateur & la correfpondance qu'ils ont
eue avec lui , parce que des élairciffemens fur ces
points & fur plufieurs autres expoferoient probablement
la conduite qu'ils ont tenue dans toute
cette affaire , àune interpréation peu favorable.
M. Hartley ayant déiréque la Chambre allâ aux
voix pour favoir fi le fubfide relatif aux troupes
érangèes feroit examinéde nouveau par le Comité,
il y eut pour l'affirmative 185 , pour la néative 10,
majorité175. La Chambre s'éant formé
en Comité, le Secréaire de la guerre expoſ au
Comitéla deftination des diverfes fommes qu'il
éoit néeffaire d'octroyer. Elles font beaucoup
moindres , dit- il , que l'anné dernièe , & on feroit
parvenu àles réuire encore davantage , fi l'on
n'avoit pas éédans la néeffitéde payer quatre
réimens d'Irlande qui ont ééenvoyé en Améique.
Ces octrois ont ééaugmenté auffi , parce qu'il eft
indifpenfable d'affigner quelque traitement aux cinq
réimens provinciaux des Améicains , qui , dans
I
( 163 )
toutes les occafions ont montrébeaucoup de zèe
& de bravoure. Il est bien jufte que de tels hommes
foient porté fur l'éabliſ .ement . Je ne conçis
pas , dit le Chevalier Philip Jenning Clerke ,
pourquoi l'on uſroit d'une telle largeffe àl'éard
de ces corps , fi l'on n'eft point difpoféàréompenfer
auffi libéalement les corps levé en Angleterre.
Quel traitement a-t- on affignéau corps du Duc de
Rutland ? Dira- t- on que ces troupes méitent moins
d'êre portés fur l'éabliffement - M. Townshend
fic l'éoge des réimens provinciaux , & dit qu'on
ne pouvoit trop les réompenfer . Il cita entr'autres
les réimens de Carleton , de Farming & de
Simcoe . M. David Hartley s'oppofa de
nouveau dans le Comitéàla réolution relative
aux troupes érangèes . Enfin les diverfes réolutions
furent approuvés par le Comité, & l'on arrêa qu'il
en feroit fait rapport le lendemain.
lier de l'Echiquier fit une motion tendante àce que
la Chambre fe formera en comité, relativement à l'importation du fuere des Ines qui nous ont éé céés par le traité Il préenta enfuite un bill ayant
pour objet d'éablir des liaifoas mercantiles avec
l'Améique . Les articles de ce bill font les fuivans.
Le Chance-
D'autant que les treize provinces de l'Améique
Septentrionale , favoir , New- Hamshire , Malachufets-
Bay , Rhode- Iſand & les plantations de la Providence
, Connecticut , New- York , New -Jerfey ,
Pensilvanie , Delaware , Maryland , Virginie , Caroline
Septentrionale , Caroline Méidionale & Gér
gie , ont éédernièement reconnus folemnellement
par S. M. , & font actuellement des Etats libres ,
Souverains & indéendants , fous le nom & titre
d'Etats- Unis de l'Améique ; il eft ordonnéque toutes
les loix faites prééemment , pour réler le Com
merce & lerraficentre la Grande -Bretagne & les plan.
tations Angloifes de l'Améique , ou pour déendre
toute liaiſn entre les mêes, feront en tant qu'elles
( 164 )
rèlent ou déendent les liaiſns & le Commerce
entre la Grande- Bretagne & les Territoires qui conpofent
aujourd'hui lefdits Etats - Unis de l'Améique
entierement & abfolument abolies . On fait que lefdites
13 Provinces éoient annexés àla Grande - Bretagne
& formoient une partie de fes Domaines , les
habitans defdites Provinces jouiffoient des mêes
droits , franchiſs , privilées & bééices que les
fujets Anglois né dans la Grande Bretagne, taat par
rapport au Commerce , au trafic avec la Grande-
Bretagne que pour d'autres cas. Mais on fait auffi que
par les difféentes loix actuellement exiftantes pour
le rèlement du Commerce & du trafic de la Grande-
Bretagne avec les Etats Etrangers , les fujets des
Etats- Unis font en leur qualitéd'érangets , foumis
àdifféentes reftrictions , & pareillement àplufieurs
droits & accifes dans les ports de la Grande- Bretagne
; ainfi , comme il eft abfolument avantageus
que les liaifons entre la Grande-Bretagne & ledits
Etats-Unis foient éablies fur les principes les plus
éendus d'un avantage réiproque ; mais que vu
Féoignement de la Grande-Bretagne & de l'Améique
, il doit s'éouler beaucoup de tems avaut qu'on
ait conclu aucun traitéou convention pour éablir
& réler le Commerce & le trafic entre la Grande-
Bretagne & lefdits Etats - Unis , fur un pied ſable
-Ileft ordonné, dans la vue d'éablir un rèlement
momestanéde commerce & de liaiſns entre la
Grande-Bretagne & les Etats - Unis d'Améique , &
pour prouver combien la Grande-Bretagne eft difpofé
amicalement en faveur des Etats - Unis de l'Améique
, & attend d'eux les mêes difpofitions , il eft
ordonnéque depuis & aprè le ..... les Navires &
Vaifleaux des fujets & Habitans defdits Etats - Unis
d'Améique , ainfi que les marchandiſs & denrés
qu'ils auront àbord , feront reçs dans tous les ports
de la Grande-Bretagne de la mêe maniere que les
navires & vaiffeaux des fujets d'un autre Etat indé
>
( 165 )
--
pendant & Souverain ; mais les marchandifes & les
denrés àbord defdits navires & vaiſ .eaux des ſjets
ou habitans defdits Etats - Unis , éant du crû, du produit
ou des Manufactures deſits Etats , ne feront fujettes
feulement qu'aux mêes droits & charges , que
fupporteroient les mêes marchandifes fi elles appar
tenoient àdes fujets de la Grande- Bretagne , & fi elles
éoient importés fur des vaiffeaux conftruits dans
la Grande-Bretagne , & monté par des fujets Anglois
, né dans la Grande - Bretagne . Il eft de plus
Grdonnéue pendant le tems fufdit , les navires & vailfeaux
appartenans aux Sujets ou Habitans defdits
Etats- Unis , feront reçs dans les ports des Ifles ,
Colonies ou Plantations de S. M. en Améique, ayant
àleur bord toute eſèe de marchandiſ ou denré
du crû, du produit ou des manufactures des territoires
defdits Etats-Unis , avec la libertéd'exporter
defdites Illes , Colonies ou Plantations en Améique
, pour lefdits territoires des Etats-Unis , toute
efpèe de marchandiſ ou de denré ; & les marchandifes
ou denrés qui feront ainfi importés ou
exportés desdites Ifles Britanniques ne feront foumiles
& fajettes qu'aux droits ou charges auxquels
elles feroient fujettes , fi elles appartenoient
Sujets de la G. B. , & importés ou exportés fur des
navires ou vaiffeaux conftruits dans la G. B. & monté
par des matelots Anglois . Il a de plus ééordonné que pendant tout le tems fus- mentionné, il
y aura fur les marchandifes & fur les denrés exportés
de la G. B. dans les territoires desdits Etats-
Unis de l'Améique les mêes retenues , exemptions
& remifes , que fur les exportations deftinés pour
les Ifles , Plantations ou Colonies actuellement ref
tantes & appartenantes àla Couronne de la G..B . en
Améique. Enfin , il eft de plus ordonnéque tous
les navires ou vaiffeaux appartenan's àtout Sujet ou
Habitant defdits Etats de l'Améique , lefquels feront
entré dans aucun port de la G. B. , depuis le
---
des
de mêe que les denrés & marchandiſs àbord
( 166 )
defdits vaiffeaux , jouiront de tous les avantages
accordé par cet acte .
Le 4 Mars les difféens articles compofant le
rapport du comitédes fubfides , ayant éélus , le
Chevalier Philip Jenning Clerke fe leva pour s'oppofer
àceux relatifs aux Corps Provinciaux en Amé rique. Selon lui , on ne devoit point leur accorder
la demi-paie , en leur confervant en mêe-tems leur
rang dans l'armé , & il demanda que cet arrêé fû renvoyéde nouveau àl'examen du Comité
Le Gééal Smith & le Colonel Onflow furent du
mêe avis , en ajoutant qu'une telle difpofition éoit
une injure fanglante pour l'armé , en ce que c'éoit
donner en quelque forte la prééence aux Loyaliſes
fur les troupes Britanniques , dont les Officiers
avoient fervi plus long tems , & méitoient davantage
la réompenfe du zèe & de la valeur . Enfin
ils voulurent favoir àquelles conditions ces Corps
avoient éélevé , & s'ils avoient réllement des
droits àune telle diftinction. Le Secréaire de
la Guerre prit alors la parole , & dit , ces corps n'ont
point éélevé avec la promeffe formelle d'avoir la
demi-paie ou un rang dans l'armé. Mais on ne
doit pas oublier tous les maux que les Loyaliftes
ont foufferts , le fang qu'ils ont verfé, tous les
dangers enfin auxquels ils le font exposé pour déendre
nos intéês . Quoiqu'il foit trè -vrai qu'aucune
ftipulation ne leur donne de droits ni àla demipaie
ni a conferver leur rang dans l'armé , il n'y
a nénmoins dans leur engagement aucun article .
qui les exclue de ces graces , & il me semble qu'elles
ne peuvent que faire honneur ànotre reconnoiffance
& mêe ànotre probité, car , felon moi , on doit
pourvoir au fort de ces infortuné autant que les
circonftances le permettent. M. Hulay ayant
-
demandéles corps nouvellement levé éoient
dans le mêe cas relativement àla demi- paie & au
rang , & fi leur engagement leur donnoit des droits
( 167 )
3
àl'une on l'autre de ces réompenfes ? le Secréaire
de la Guerre réliqua qu'ils n'y avoient aucun droit ,
mais qu'il efpéoit que ce ne feroit point une raifon
pour empêher la Chambre de téoigner la bienveillance
àdes hommes qui avoient certainement
des droits àtoutes les marques de commiféation
& de fenfibilitéqu'il éoit en fon pouvoir de leur
donner. Aprè quelques autres obfervations pour
& contre , il fut fait une motion tendante àce
que ledit arrêéfut renvoyéde nouveau àl'examen
du Comité, mais la Chambre ayant ééaux voix
fur cette propofition , elle fut rejetté àla pluralité de 76 voix contre 37.
-
»Les , la Chambre s'éant formé en Comité pour prendre en confidéation le bill relatif àl'Irlande
. M. Eden fe leva, & dit qu'il regrettoit que
cette affaire fû difcuté dans un moment oùil
n'y avoit point de Ministre ottenfible . Je donne ,
ajouta-t- il , mon appui au bill , parce qu'il éonce
que l'Irlande jouira des droits qu'elle éoit fondé à rélamer . Je fouhaiterois , dit le Lord Newhaven ,
qu'on éartâ tous les doutes qui pourroient naîre
par la fuite , & que pour cet effet il fû infééane
claufe aux fins de réoquer celle de l'acte paſ .édans
la huitièe anné du rène de Henri VIII , laquelle
autorise l'Angleterre àexercer une jurifdiction criminelle
fur les perfonnes qui fe rendent coupables
de haute-trahien dans le royaume d'Irlande . Le
Lord Nugent , dit qu'il regardoit la clauſ comme
fuperflue , parce que le bill aboliffoit tonte préention
àune autoritéléiſative -& judiciaire fur l'Irlande
, & elle fut rééé. Le Lord Beauchamp
ayant propoféqu'on fubftituâ les mots pour toujours
, a la place de ceux - ci , a l'avenir , la propofition
fut admife & il fut fait rapport du bill àla Chambre
. Le Chevalier Henry Fletcher préenta une
péition de la Compagnie des Indes , ayant pour
objet qu'il lui foit permis d'ouvrir un emprunt
-
--
( 168 )
de 1,500,000 1. Il fit une motion , tendante àce que
la péition fû prife en confidéation par un Comité particulier qui en feroit rapport àla Chambre ;
fa motion paffa ainfi que celle du Gééal Smith ,
qui propofa que la péition fû imprimé «.
― Le 6 , M. Powis fit la motion fuivante : D'autant
que S. M. , dans l'intention de foulager fon peuple
, a bien voulu fupprimer les divers offices mentionné
dans fon meffage àcette Chambre pendant
les dernièes feffions du Parlement , & que S. M.
a donnéfon confentement royal àun acte tendant à l'exéution de ce projet , comme auffi àfaire des
rèlemens fur l'octroi des penfions & àempêher
les abus qui en réultent ; cette Chambre fe flatte
que le mêe efprit d'éonomie fera adoptépar
rapport àtoute penfion que l'on pourroit fuggéer
au Roi d'accorder avant le 5 du mois d'Avril prochain
, attendu que ledit acte ne doit avoir lieu qu'à cette éoque. Alors le Chancelier de l'Echiquier
fe leva & parla ainfi . Je ne déapprouve point la
motion , mais je voudrois favoir fur quel principe
les Miniftres du Roi doivent agir relativement à cet objet , & connoîre l'opinion de la Chambre
àcet éard , afin qu'elle puiffe àl'avenir fervir
de bafe àleur conduite . Je defirerois favoir encore fi
la Chambre eft méontente de leurs procéé par
rapport aux penfions . Pour la mettre en éat de les
mieux juger , je vais lui rendre compte des penfions
qui ont ééaccordés depuis que je fuis entréen
place & de celles qu'en fe propofe de donner. J'obferverai
cependant que , felon moi , le Roi & fes
Miniftres ne font point ftrictement lié par le bill
en queſion , parce qu'il ne doit avoir de vigueur
qu'au 5 Avril prochain. Je reviens àl'éuméation
des penfions. Il en a ééaccordéune au Lord Chancelier
, laquelle fera fupprimé lorsqu'il prendra
dans l'Echiquier la place dont il a l'expectative.
Il en a éédonnéune au Lord Grantham , qui àſn
retour
( 169 )
retour de Madrid n'a point voula recevoir les appointemens
d'Amballadeur que S. M. vouloit lui
continuer. Le Chevalier Jofeph Yorck a obtenu une
Fenfion de 2000 liv. pour trente annés de fervice.
On en a promis une de 700 liv . àun commis de la
Tréorerie qui fe diftingue depuis long- tems dans
fa place par fon zèe & par fon intérité Il en a
éépromis une autre de 300 liv. àM. Morgan
Secréaire du Chevalier Guy Carleton , & une de 2
à300 liv. àun éuyer du Roi retirédu fervice de
S. M. àcauſ de fon grand âe. Si la Chambre veut
bien confidéer que ces penfions ont ééaccordés à toutes perfonnes qui ont fervi le Roi ou l'Etat avec
d.ſinction , & qui pour la plupart font avancés en
âe ou infirmes ; je ne doute point qu'elle n'approuve
la conduite des Miniftres en cette occafion.
>
M. Fox prit enfuite la parole & dit : »J'approuve
haurement la motion , & je pense qu'elle fait honnur
àM. Powis . Qacique mes opinious politiques
foient trè - difféentes de celles du Lord Chanceler
, cela ne m'empêhe point de rendre juftice
àfes talens & àfa capacité Mais pourquoi lui
avoir accordécette Penfion ? Eft-ce pour le réompenfer
d'avoir contribuéaux meſres qui ont caufé le malheur de ce Pays ; car en eftimant le Lord
Thurlow comme particulier je le trouve trèapiéumable
comme homme public. J'en dirai autant
du Lord Grantham . Il peut fe faire qu'il méite
en effet tous les éoges qu'on fait de lai ;
mais je fai qu'il méite une Penfion . Apparemment
que felon le dogme politique de M. Pitt , perfonne
ne peut entrer dans les Comité de S. M. , fans
s'êre d'avance affuréd'une Penfion , lors de fa retraite
; c'est par une fuite du mêe fyftêe , que
l'on a donnéàM. Dundaff une place fans fonctions
mais trè- lucrative , en Ecoffe , pour l'engager
à accepter la place de Tréorier de la Marine .
Il falloit en véitéque l'Adminiſration fû biem
22 Mars 1783. h
( 170 )
foible , pour êre obligé de recruter àfi haut prix ,
le Membres dont elle croyoit avoir befoin. La
motion actuelle dont M. Burke a donnéle premier
l'idé , eft de la dernièe importance dans ce
moment de crife. Les repréentans de la Nation
ne peuvent veiller avec trop de fermeté, de vigilance
& mêe de circonſection , au maintien de
leurs droits & de leurs liberté ; car jamais la
conftitution de ce Pays , n'a couru un danger auffi
alarmant & auffi manifeſe , que ce dont elle eſ
menacé. Déa le bruit fe réand que le Parlement
va êre diffous. Quoique je ne puiffe ajouter foi
àune pareille nouvelle , j'avoue que cette feule
idé me fait fréir d'horreur , & j'espèe que perfonne
ne fera affez vil , ou pour mieux dire aflez
tééaire , pour ofer donner àS. M. un confe
auff dangereux. Le Lord Avocat d'Ecoffe
( M. Dundaff ) chercha àfe juftifier du reproche de
M. Fox , en difant que la place dont parloit ce
Membre , lui avoit éédonné avant qu'il eû aucune
liaiſn avec l'Adminiftration , que c'éoit une
grace particulièe & fpontané du Roi , & qu'il ne
pouvoit la refufer fans manquer àS. M. - Aprè
quelques obfervations , la Chambre donna fon
confentement àla motion pour l'adreffe , avec les
léers amandemens propofé par M. Elliot , & il
fut ordonnéque l'adreſ .e ainfi réigé , feroit préenté
au Roi , par ceux des Membres de la Cham
bie qui font Confeillers-privé de S. M.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 18 Mars.
Le Comte d'Andlau , premier des quatre
Chevaliers hééitaires du S. Empire , Brigadier
des Armés du Roi , & Mestre de
Camp , Commandant du Réiment Royal-
1
( 171 )
1
Lorraine Cavalerie , que le Roi a nommé fon Miniftre Pléipotentiaire àBruxelles ,
a eu l'honneur d'êre préentéàS. M. par
le Comte de Vergennes , Chef du Confeil
des Finances , Miniftre & Secréaire
d'Etat ayant le déartement des affaires
érangèes.
Le Roi a accordéles places de Meftre de
Camp en fecond du Réiment d'Infanterie
de Bearn , au Marquis de St- Tropè ; du
Réiment de Bourbonnois , au Marquis de
Montefquiou ; du Réiment de Lyonnois ,
au Vicomte de Montefquiou- Marfan ; du
Réiment de Berry , au Comte de Senlis ;
du Réiment de Boulonnois , au Comte
d'Avaray ; celles de Mestre de Camp , Lieutenant
en fecond du Réiment du Commiffaire
Gééal de Cavalerie , au Marquis
de Contades ; du Réiment des Cuiraffiers ,
au Comte de Gouy- d'Arcy ; du Réiment
Royal Cravattes , au Duc de Valentinois ;
du Réiment Royal- Picardie , au Comte de
Beuvron ; du Réiment Royal - Dragons ,
au Comte de Grammont d'Aftré
Le 9 de ce mois la Ducheffe de Charoft
୨ a cu l'honneur d'êre préenté àL. M.
& àla Famille Royale par la Ducheffe de
Bethune , & de prendre le tabourer.
De PARIS , le 18 Mars.
LES lettres d'Espagne nous apprennent
que M. le Comte d'Estaing qui avoit paffé àMadrid , oùil s'éoit arrêéen revenant
h 2
( 172 )
1
en France , a quittétout à coup cette Cour
pour retourner àCadix ; on ignore le motif
de ce nouveau voyage , àmoins qu'il n'aille
préider au déarmement de la flotte Efpagnole.
--
-
Une partie des vaiffeaux que nous avons àCadix ,
érit- on de Toulon , doit venir déarmer dans ce
port ; plufieurs de ceux qui font en commiſ .ion dans
les difféentes parties du monde y reviendront auffi ;
& voici l'éat de ceux qui resteront affecté àce déartement.
Vaiffeaux de 80 canons . La Couronne ,
Je Triomphant qui font actuellement en Améique .
-Vaiffeaux de 74 , l'Actif, l' Alcide , le Cenfeur , le
Deftin , le Dictateur , le Guerrier , le Puiffant , le
Suffifant , le Zodiaque qui font àCadix ; la Bourgogne
, le Conquéant , le Souverain qui font en
Améique ; le Centaure , l'Heureux qui font dans ce
port , & le Mercure & le Séuifant qui y font en
conftruction. Vaiffeaux de 64 ; Alexandre , le
Hardi qui font dans l'Inde ; l'Indien , le Lyon , la
Provence , le Réléhi àCadix. - Fréates de 40
canons de 18 1.; la Jeanne , la Minerve qui font ici ;
l'Iris àCadix. Fréates de 32 canons de 12 liv.;
Alcefte , la Friponne , la Serieufe qui font ici ;
la Veftale , la Préieuse àCadix ; l'Aurore , la Sultane
en Syrie ; la Lutine , le Mont-Réi au Levant ;
la Boudeufe dans l'Archipel. -Fréate de 26 canons
de 18 liv . La Flore qui eft àTunis ; la Mignone , la
Pleyade ici.
Corvettes de 18 canons de 8 liv. La
Badine qui eft àBonne en Afrique ; la Belette &
la Poulette àCadix ; la Séillante , la Blonde , la
Brune ici ; la Coquette ea Améique ; la Nayade
dans l'Inde . - Corvettes de 18 canons de 6 liv . La
Fleche ici ; la Sardine àCadix . Corvettes de 16
--
- canons de 4 liv. La Suzanne qui eft ich. Nous
avons encore dans ce port 3 galiotes àbombes qui
font l'Etna , la Salamandre , la Tempêe de 6 canons.
( 17 ; )
-
Toutes les lettres d'Italie ne font rem
plies maintenant que des déails du déaftre
de Mefine , àcelles que nous avons déà donnénous en joindrons une de Turin , qui
contient les fuivans ; elle eft du 1 Mars .
גכ»Hier le Courier nous apporta le premier déail
du déaſre arrivédans le Royaume des Deux- Siciles
. Les lettres de Naples difent que le S Fevrier ,
vers les onze heures du matin , on reffentit dans
la Calabre intéieure & dans la Sicile un tremblement
, qui avoit fa direction du levant au couchant ,
il dura environ fix minutes dans un mouvement d'ondulation
; les fecouffes furent fréuentes , puifqu'on
en compta 32 jufqu'àune heure aprè - minuit , qu'on
éro iva la plus forte ; elles continuèent encore le
6. & le 7 ,
àdifféentes rérifes , la mer en furie
cherchoit àrompre les bornes de la nature. Le ciel ,
par un déuge d'eau , paroiffoit concourir àla deftruction
de ce miferable peuple qui , pendant cet
intervalle , dans les plus profondes téères , é:oit
encore menacéd'êre foudroyétant le tonnerre éoit
fréuent. On ignore encore une grande partie des
tines effets de ce phéomèe , ce qu'on en fait
a ééannnoncépar le Courier de Calabre , arrivé le 14. La Calabre ultéieure contenoit 375 Villes
ou Villages , 310 defquels font prefque déruits.
Le Prince Cariati y a perdu 17 fiefs , dans lefquels
éoient les Villes de Sommera & Palmi , dont il n'eſ
pas teſépierre fur pierre. Le Prince d'Iſhiſ , qui
éoit dans la Ville de ce nom , aux premièes fecouffes
fortit de la Ville & fe réugia dans une chaloupe
oùil fut fubmergéquelques inftans aprè & la Ville
de fond en comble . Celui d'Ardoréeft réuit au feul
fief de S -Georges. La Princeffe Genare Grimaldi ,
qui fe trouva àGenare , fut enterré fous les ruines
, & confumé par le fea qui réuifit tout en cesdres.
Enfia , le Roi , les Seigneurs & les Néocians
h 3
( 174
ont tout perdu. Les foies , l'huile , les grains , le
vin , tout eft anénti ; les fortifications ruinés ; la
pointe d'Atorre del Farro & la Ville de Pizzo fe font
abîés dans la mer , de mêe que la fi céère &
ancienne Ville de Reggio , celle de Monte Leone &
plufieurs autres confidéables : le fleuve Petrarchéqui
traverfeit la Province a diſaru , car le Courier le
paffa àfec. Une fréate du Roi qui éoit àl'ancre à Melfine, affure qu'une grande partie de la Ville eft ruiné.
La Nobleffe s'eft lauvé en partie fur des chaloupes,
mais déué de tout.Il s'eft ouvert plufieurs abîes.
aux environs de Meſ .ine , dont un exhale continuellement
de la fumé mêé de ſufre. On doute de .
plus fi l'Ile de Lipari exifte encore , parce qu'un
bâiment qui éoit àcette hauteur & qui a recueilli
plufieurs habitans qui s'enfuyoient dans des bateaux ,
difent que les fecouffes y éoient fi terribles qu'on
croyoit que les quatre ééens alloient fe confondre".
Nous recueillerons encore quelques déails
tiré d'une lettre de Naples du 20 .
Férier.
On n'eft pas encore revenu ici de l'effroi & da
faififfement que la terrible cataftrophe de Metline &
de la Calabre a canfé , & tous les avis que l'on
reçit des difféentes perfonnes envoyés par le
Gouvernement , font bien propres ànous entretenir
dans l'idé que nous avions de cet affreux déaftre. '
Nous n'avons encore de Meffine que des nouvelles
vagues ; nous favons feulement que le nombre des
morts peut monter àenviron cinq mille. Mme l'AIdement
, femme du Conful , a eu le bonheur de ſ
fauver avec les enfans . M. Brechtel , Conſl de
Hollande & chargédes affaires de France dans l'abfence
de M. l'Allement n'a pas ééauffi heureux ;
il a ééenſ éveli fous les ruines de ſ maiſn avec
trois domestiquer. En Calabre le Prince de Silla s'eft
royé, en voulant fe fauver d'entre les ruines de fon
châeau qui s'éroula avec le Village. Un petit bourg
175.
1
appelléPirobal , fituéfur le haut d'une montagne au
bord de la mer , a coulétout enter dans les flots
avec une grande partie du rocher. Le Prince Cariati
y a perdu dix - fept fiefs avec châeau , villages . Le
Duc de Monteleone , villages , châeaux & trois
villes. Le Prince de la Vocella a perdu les fiens ,
ainfi que le Duc de l'Iufantado fa jolie ville de
Melito. Le châeau de Belmontéest tout ouvert &
une grande partie s'eft éroulé avec le village. Enfin,
les Villes de Reggio, de Silla , de Bagarara, Crotone,
font prefqu'entièement déruites . Le Roi a envoyéà Meffine des ch becs & une fréate chargé de vivres
, d'habillemens , de méicamens , & c . & cin- ,
quante mille onces [ 750,000 liv. ] . Le Prince de
Člvafoufla commande ce déachement , le Roi a
priéauffi tous les Barons d'aller eux-mêes dans
leurs terres pour encourager & fecourir leurs vaf
faux , le Maréhal Pignatelly les a prééé avec
100,000 ducats deftiné àfoulager le pauvre peuple.
Nous attendons & nous craignons de voir les Coutiers
qui doivent nous rendre comp e des déails ultéieurs
de cet horrible éèement «,
Par des avis poftéieurs , on a appris que ces
déaftres avoient ééfort exagéé : les déails que
l'on reçit de par- tout , diminuent le nombre des
morts , qui eft infiniment au-deffous de celui auquel
les premiers rapports groffis par l'effroi l'avoient
porté
Nous avons parléde l'attentat horrible.
commis pendant le carnaval dernier àMarfeille.
Une lettre que nous venons de re-'
cevoir en offre un réit plus circonftancié que nous placerons ici.
33
Les principaux citoyens de cette ville avoient
forméun pique-nique dans la guiaguette da ficar
Conftant , vers la porte de Noailles : toute la no
bleffe & la haute bourgeoifie s'y affembloient le foir
la
4
( 176 )
deux fois par femaine : on y danfoit , on y foupoit
& y jouoit enfuite une partie de la nuit . Le
famedi 22 Férier , Mde. de Bras , femme jeune ,
jolie & irrérochable dans fes moeurs , fortit de
cette affemblé , entre deux & trois heures du matin.
Lorfqu'elle fut àfa porte , & tandis que fes
porteurs tiroient les bâons de fa chaife pour la faire
fortir , un homme marqué& enveloppéd'un grand
manteau , s'approcha par derriere , appuya fon bras
gauche fur le porteur qui s'éoit baillé, & de la
droite , il tira en plongeant un coup de pistoler ou
plutô de tromblon , & le reira tranquillement . Les
porteurs crurent d'abord que c'éoit une plaifanterie
de Carnaval , & qu'on avoit voulu feulement faire
peur àcette dame ; ils frapperent àla porte , &
comme Mde . de Bras ne faifoit aucun mouvement ,
its crurent qu'elle fe trouvoit mal de la frayeur que
le bruit pouvoit lui avoir caufé. On la menta dans
fa Chambre , & comme on s'efforçit en vain de la
faire revenir , on manda un Chirurgien qui la trouva
morte. Il n'y avoit aucune trace de fang ; on la
déhablla , & en la retournant fur le dos on apperçz
un trou derriere le col , & d'autres plus bas , qui
alloient en plongeant , fans aucune marque fanguinolente
; on fit l'ouverture du cadavre & on trouva
fept balles dans le corps , dont quelques unes éoient
mâhés. Ce terrible éèement fit beaucoup de
bruit dans la matiné ; on ne pouvoit concevoir
l'auteur & la caufe de cet infâe affaffinat . Les foupçns
publics fe portèent enfin fur le Commandeur
de Franc *** ( Commandeur , non de Malthe , mais
d'un Ordre d'Italie ) qui éoit en mêe tems fon
beau-pere & beau-frere. La Juftice ayant apparemment
acquis des preuves contre lui , le déréa de
prife de corps , & fit inveftir fa maiſn àquatre
heures du matin . Un homme déuiléfrappa rudement
àla sorte , fous préexte d'avoirune lettre pref
fé àlui remettie. Une fervante , aprè bien des diffi(
177 )
culté , ouvrir. Le Commandant de la Maréhauffé
entra dans l'inftant avec tous les Grenadiers ; mit úe
fentinelle àla perte de la chambre de chaque domeftique
, & entra dans cel e du maîre qu'on trouva
levé& habillé, il l'arrêa : le Lieutenant- Criminel
qui éoit dans le voisinage , arriva fur -le- champ avec
fes Officiers ; on fouilla dans l'appartement , & l'on
trouva dans un cabinet un petit fufil àdeux coups ou
efpece de doublet omblon. Interrogéfur cette arme ,
il parut pâir ; on dreffa procè - verbal de tout , & on
conduisit l'accuféefcortépar cinquante grenadiers.
Il avoit demandéfa malle qu'on eut l'imprudence de
lui faire remettre fans la vifiter ; dans cette malle
éoit fon néellaire , ou il y avoit deux rafoirs. Lorf
qu'il s'eft trouvéfeul , il s'eft mis fur fon lit & s'eit
coupéla gorge avec fes deux rafoirs : le premier
avoit rencontréles os de la mâhoire , il s'éoit éréhé
& il avoit cu la force de prendre le fecond pour
s'achever ; on lui a fait fon procè , comme fuicide
àêre traîéfur la claie , pendu par les pieds , & jette
àla voierie. On a hier arrêéſn fils , ancien Officier
dans le réiment de *** aux environs d'Aix , ila éé mis aa cachot , & aujourd'hui on l'a transfééàMarfeille
, efcortéde deux brigades de Maréhauffé &
de cinquante grenadiers . L'on fouhaite qu'il ne foir
pas complice de ce crime. Voici fur quoi portoient les
premiers foupçns du public . La mere de Mde. de
Bas éoit une riche veuve en Améique , elle devint
amoureufe de M. de Franc *** , Chevalier de Saint-
Louis , qui éoit alors dans les Colonies , & l'éoufa :
elle n'avoit qu'une fille unique envoyé en France dè
l'enfance , àqui tous les biens appartenoient ; le mari
propofa àfa femme de marier cette fille àun de fes
freres : cette union eut lieu , quoique cette fille n'eû
pas encore douze ans ; elle refta dans le Couvent jufqu'à ce qu'ellefû nubile. M.de Franc *** & fa femme
ont diffipéla plus grande partie de la fucceffion , &
aprè la mort de fa mere ; madame de Bras éoit fur le
h s
"
( 178 )
point de demander compte àfon bean- pere , en mêe
tems fn beau-fiere ,
de ce qui devoit lui appartenir ,
& ce procè alloit bientô commencer,
Le Gouvernement vient de faire imprimer
un méoire trè- intéeffant fur la maladie
qui a attaquéen difféens tems les femmes
en couche àl'Hôel-Dieu de Paris. Son
objet eft de faire connoîre une méhode
auffi fimple que fûe , dû àfeu M. Doulcet,
& employé avec un fuccè conftant á 1 Hôel-Dieu contre cette maladie affreufe
qui s'y eft montré àdifféentes éoques
& qui toujours a paru y réner éidéi
quement.
La defcription de cette terrible maladie fait
mieux fentir l'importance du fervice rendu àl'hu→
manitéouffrante , par un Citoyen modefte & vertueux
, qu'une mort préaturé , comme s'exprime
le Rappert de la Facultéde Méecine , vient
d'enlever aux juftes téoignages de la reconnoiffance
publique. Il n'eur pas déouvert la méhode
dont il s'agit , qu'il la fit pratiquer jour &
nuit , àl'Hôel Dieu ; »& en quatre mois , pendant
lefquels l'éidéie réna avec fureur , prè
de 200 femmes furent rendues àla vie : cinq o
fix feulement , qui toutes avoient refuféde prendre
le remèe , furent les victimes de leur obftination
« Voilà, difent les Commiffaires qui ont
fignéle Rapport , un de ces phéomèes rares qui
font éoque en Méecine . Le Traitement indiqué par M. Doulcet confifle àfaifir le moment de
Îinvafion ; àdonner alors , fans perdre un inftant ,
quinze grains d'i éaca nha en deux dofes , àune
heure & demie d'intervalle ; àrétéer le lendemain ,
foit que les fymptôes forent d'miné , ou qu'ils
perfiftent dans la mêe intenfité; & s'ils conti
( 179 )
nuent encore , àrééer l'uſge du mêe remèe
jufqu'àtrois & quatre fois , fuivant leur opiniâreté
Dans les intervalles , on foutient l'effet de
l'ipéaenaoha par une potion , compafé de deux
onces d'huile d'amandes douces , d'une once de fyrop
de guimauve & de deux grains de kermè
minéal, La boiffon ordinaire confifte dans une fimple
cau de graine de lin ou de feorfonnere , éulcoré
avec le fyrop de guimauve ; & vers le feptièe
ou le huitièe jour de la maladie , on fait,
prendre aux malades une douce purgation , que
l'on rétèe trois ou quatre fois , felon que le,
cas l'exige « Aprè avoir confignéici cette méhode
, nous invitons àlire l'ouvrage cu la maladie
eft dérite. On y verra qu'elle n'eft ni nouvelle , ni
particulièe àl'Hôel-Dieu : »qu'il éoit par conféuent
d'autant plus avantageux d'en publier la
defcription , qu'au moyen du déail exact de fes
fymptôes , que la Facultédonne dans fon Méoire
, elle ne fera plus méonnue , & qu'enfin le
traitement qui lui eft propre éant rendu public , on
aura la fatisfaction de fauver la vie àdes femmes
voués auparavant une mort certaine «.
Parmi les entreprifes dont l'importance
eft éale àl'intéê , le Public a dûdiftiaguer
la nouvelle éition des OEuvres de -
Plutarque , traduites par Amyot , en 24
vol . in- 8 °. orné de figures en taille - douce ,
dont nous avons annoncéla fouſription.
Elle fera fur papier fin d'Angoulêe , &
on en tirera quelques exemplaires in- 8°fur
papier de Hollande , & un in 4º, fur papier
d'Annonay & fur papier velin . L'Edireur
a fait faire des effiis de chaque formit
& de chaque papier ; les amateurs &
les curieux peuvent les voir chez lui tous
h 6
( 180 )
les jours & àtoute heure. Nous les avons
eu fous les yeux , & nous ne pouvons que
joindre nos éoges àceux que le Public ne
manquera pas de donner àla beauté, aufoin
& àl'ééance qui caractéiferont cette
nouvelle éition ; elle eft digne des preffes
de M. Pierres (1).
La feconde livraison des Eftampes deſinés aux
Euvres de M. de Voltaire , vient de paroîre ; la
premièe contient les gravures de la Henriade , celles
que nous avons fous les yeux font éalement au
nombre de 10 ; les 8 premièes font pour le thé âtre ,
elles font toutes des tableaux dans ce grand genre.
La reconnoiffance de Jocafte & d'Edipe eft le fujer
de la premièe ; l'horreur & l'effroi font peints fur
les figures pincipales , avec une éergie qui paffe
dans l'ame du Spectateur. Héode alfallin' des parens
de Marianne , fon perféuteur comme celui de fa
familie , & lui demandant fa tendreffe , eft le fujet
de la feconde. La troifièe préente Brutus , fuppliant
les Dieux de pardonner àRome le déai
qu'elle a apportéàcondamner Tarquin . La quatrièe
, Lufignan au nilieu de les enfans , qu'il vient
de reconnoîre , & exprimant la reconnoiffance envers
Dieu , qui lui rend Zaire , & fon doute for
la religion qu'elle profeffe . Toutes ces figures ont un
caractèe bien prononcé; Zaïe feule cache fon vifage
& fon trouble. La cinquièe offre Zamore , rélamant
les fermens & la foi d'alzire , éanouie entre
les bras d'une de fes femmes. Dans la fixièe , An-
( 1 ) La foufcription fera fermé àla fin de ce mois pour
Paris , & àla fin du mois prochain pour la Province & pour
l'éranger. Elle eft de 132 liv . , dont on paye 27 en foufcriyant
& pareille fomme en recevant chaque livraiſn pour
les exemplaires en papier fin d'Angoulêe. De 264 done
on paye en foufcrivant 54 pour le papier de Hollande . De
$76 pour l'exemplaire in-4 . , papier d'Annonay , & dont on
Pay 144 liv. en foufcrivant.
-
7181 )
a
toine montre au Peuple Romain les Reftes de Céar.
En voyant cette Eftampe on déiteroit que les Coméiens
qui repréen ent cette Pièe , ellayallent
d'imiter le Peintre habile qui a rendu ce tableau . La
feptièe eft de l'effet le plus agréble , & qui contrafte
avec les prééentes ; elle eft destiné àêre
placé au-devant de la Coméie de l'Indiferet. La
huitièe offie la Baronne irrité des graces de Nanine
, & s'empreffant de lui dire : Gardez- vous , je
vous prie , d'imaginer que vous foyez jolie. Les
deux dernièes Ettampes font , l'une pour le pauvre.
Diable , & l'autre pour l'Ingéu ; & toutes séondent
aux talens fupéieurs de M. Moreau le jeune
qui les a destinés , & qui a préidéàla gravure faite
par les meilleurs Antiftes ( 1).
:
»Le Musé de Paris a tenu le 6 de ce mois ,
àl'occafion de la paix , une fénce publique . M. le
Docteur Franklin , membre du Mafé , s'y eft rendu
à heures dè qu'il a paru , le public lui a téoigué fa fatisfaction par des applaudiilemens redou
blé . M. de Cailhava , Préident en exercice , a fat
l'ouverture de la fénce par ua Difcours analogue à la circonftance. M. Trincano a lu un Difcours fur
l'éat de paix confidéérelativement au bonheur & à la force des Nations . M. de Paſoret , un Parallèe
raifonnéde la léiflation des Francs & de celle des
Germains. M. l'Abbéde Cournand , Secréaire da
Mufé , un Difcours en vers fur la protection que
les Princes & les Grands doivent aux Arts , aux Lettres
& aux Sciences . M. l'AbbéGuyot , un Eflai far ,
les avantages des jeux & exercices publics , confdéé
dans leur rapport avec la conftitution des
Etats . M. l'AbbéCordier de Saint-Firmin , une Epitre
en vers àun Magiftrat , compofé par M. de la
Louptiere , correfpondant du Mufé. M. du Carla ,
(1 ) Ces Estampes préieufes fe trouvent chez M. Moreau ,
Deflinateur & Graveur du Roi & de fon Cabinet , rue du Coq
St-Honoré
(, 182 )
Vice Pré .ident de la Sociéé, un Difcours fur la ré volution préente de l'Améique. M. de Paftoret ,
une Eş ître en vers fur les Soupers de Paris , par M.
de Lanier , correfpondant du Mifé . M. l'Abbé Brifard , une Alléorie ingéicate cùil a rapproché les faits les plus intéeffans pour la Nation , fous
le titre de fragment de Xéophon , trouvépar un
Anglois dans les uines de Palmyre. M. Vieith , des
Stances de M. Berenger , correfpondant d'Orléns ,
avec ce titre le Sage bienfaifant . M. Pons de Verdun
, difféens Contes en vers . M. l'Abbéle Monnier
, deux Fables , l'une intitulé le Ruiffeau , l'autre
le Cheval bledé. M. Court de Gebelin , Pré .ident
honoraire perpéuel , 3 morceaux extraits d'un ouvrage
en vers , qui a pour titre : 1 Aigle Voyageur.
M. de Piis , un fragment de fon Poëe fur l'harmonie
imitative. - La variéé, le goû & le choix des
morceaux qui ont éélus , les éoges du Roi , ceux
des perfonnes diftingués qui ont concouru aux fuccè
de la guerre & àla conclufion de la paix , ont
excitéla plus vive fenfation dans l'affemblé qui
éoit trè-nombreu e & trè -brillante. Le Bufte du
Docteur Francklin , dennéau Mufé par M. Houdon
, a éépréentéau public. Sa effemblance parfaire
, dont on écit en éat de juger dans le moment
mêe , a valu àcet habile Artifte les applaudiffemens
les plus méité . On a la des vers de M.
Vieilh , composé pour êre mis an bas de ce Buſe.
Le concert a éébrillant par le nombre & le méite
des excellens Artiftes qui ont concouru àle former ,
par l'i telligence qui a rénéentr'eux , & par l'enthoufia
me avec lequel ils fe font prêé aux vues
du Mufe de Paris , d'une manièe auf honorable
pour eux que fari faifante pour le public Ils ont fait
l'ouverture du Concert par une fuperbe fymphonie .
de Golfec. M. l'AbbéGontier a chantéun morcea
de Profe cadencé , mife en muliq e par M. Navogil
l'aîé. MM de la mufique de M. le Comte d'Albaret
ont chantéle Sommeil d'Athys , avec des paroles
I
( 183 )
de M. Garnier , membre du Mufé , relatives àla
paix , & ane Chanfon en quatuor fur la paix &
fur l'air de Malborough , paroles du mêe Auteur.
Mademoiſlle Ponti a exéutéavec M. Neveu un
duo àquatre mains fur le piano forté. Elle a exéuté enfuite une fonate de fa compofition. M. Coufineau ,
Luthier de la Reine , a exéutéfur la harpe une
fonate de M. Cardonner. M Adrien a chantéune
fcèe Italienne , qui a ééfort applaudie . Le concert
a fini par une fymphonie de la compofition de M.
Bach ".
Le Déô gééal des mèhes éonomiqué
du Sieur Léer que nous avons annoncés
, eft àParis rue & Hôel Serper te.
C'eft au fieur Buiffon , Directeur de ce déô audit
Hôel , & feal chargéde la diftribution pour
les Provinces & les Pays érangers , qu'il faut adreffer
les lettres & l'argent francs de port. Il expéiera,
avet cééitéles demandes qui lui feront faites ,
par les diligences & autres voitures , dans des
boîes faites exprè , qui peuvent en contenir plu
fieers douzaines ; le prix de la douzaine de mèhes
marqués no. 1 , qui confument un quarteron d huile.
dans 20 heures , eft de 30 fols ; la douzaine marqué
no. 2 , en confi me la mêe quantitéen 18
heures , & coûe 36 fols ; celle n°. ; , qui confume
autant d'huile en 12 à13 heures , coute 2 liv .;
les mèhes rondes ou de nuit en 22 ou 24 heures
coûent 24 fols. Le prix de la boîe qui les contient
eft de 10 fols , qu'on paie àpart ( 1 ) .
>
(2) On trouve àla mêe adreffe un Ouvrage qui peut piquer
la curiofité, & dont le titre indique l'objet . Bibliothèue
Phifico éonomique inftructive & amufante , recueillie en
1782 , contenant des Méoires & Obfervations - pratiques fur
l'éonomie rustique , fur les nouvelles déouvertes les plus in-.
téeffantes ; la Defcription des nouvelles machines inventés
pour la perfection des Arts utiles , agrébles , &c. nombre
de recettes , pratiques & procéé déouverts en 1782 , fur
les maladies des hommes & des animaux , fü l'éonomie
( 184 )
Le Public qui a vu avec plaifir le Sa
vetier & le Financier , Opéa comique de
M. Rigel , apprendra avec plaifir que ce céère
Compofiteur vient d'en arranger l'ouverture
pour le fortépiano avec accompagnement
d'un violon , ainfi qu'un recueil
d'airs choifis du mêe Opéa. Il fe peut que
ces mêes morceaux qui font trè agrébles
engageat d'autres Muficiens àles arranger
pour le clavecin ; mais le Public élairé prééera toujours le travail fait par l'Artifte
habile qui les a compofé ( 1 ) .
Pierre Laurel , ayant fervi dix-fept ans
fous le rène de Louis - le Grand , blefféau
fort d'Eſarpe au fiée de Lille en 1708 &
retiréen 1711 , eft mort en la paroiffe du
Menil-Oury , Diocèe de Lifieux , dans la
103e. anné de fon âe , le 26 Déembre
dernier. M. Noë Dupendant , Carédu
mêe lieu , y eft mort le 15 Férier dernier
, âéde 107 ans , ayant continuéde
remplir fes fonctions jufqu'à104 ans .
Edme-Françis Marcel d'Allonville , Sire
de Fuligny , Baron d'Oifonville & de Vertoin
, ancien Officier au réiment des
Gardes - Françifes , eft mort dans fon Châomeftique
, & en gééal fur tous les objets d'agréent &
d'utilitédans la vie , avec des planches en taille - douce ; prix
3 liv. relié& 2 liv . 10 fols broché, franc de port par la poſe.
(1) L'ouverture du Savetier & du Financier coûe 2 liv . ,
in- 8° , & le recueil d'airs choifis du mêe opéa 4 liv. 4 fols ,
ce dernier forme l'Euvre quinzièe de M. Rigel , l'un &
L'autre fe trouvent chez lui , rue neuve St-Roch , la deuxièe
porte cochèe àgauche par la rue neuve des Petits Champs.
( 185 )
teau de Fuligny en Champagne , le 3 Mars ,
dans la . 89e . anné de fon âe.
Françis - Jofeph Charles de Kergu , Prêre
, néau Châeau du Plefiis -Trin , Diocèe
de Dol , le premier Novembre 1713 ,
eft mort àRennes le 14 Férier 1783 , à P'Hôel des Gentilshommes , dont il éoit
Supéieur principal , & dont il eft regardé àjuste titre comme premier Inftituteur ,
ainsi que de l'Hôel des Demoifelles . Ces
deux éabliffemens d'éucation gratuite pour
la pauvre Nobleffe , auxquels il a confacré fa vie entièe , lui doivent leur exiftence.
Son zèe avoit excitéla bienfaifance des
Etats de Bretagne , celle d'un grand nombre
de particuliers de la province , & a méité l'approbation du Gouverneur. Les Bureaux
d'Adminiſration des deux Hôels , ont arrêé de faire céérer pour l'Abbéde Kergu ,
un Service folemnel , & ont priél'Abbéde
Boisbilly , Vicaire-Gééal du Diocèe de
Rennes , & ancien Commiffaire des Etats
de Bretagne , d'y prononcer l'éoge funère
de ce Prêre citoyen.
De BRUXELLES , le 18 Mars.
Les lettres de Portugal portent que la
Reine a réolu d'accorder dans fes Etats la
libertéde la navigation aux ſjets des Etats-
Unis de l'Améique , & que le decret royal
àce fujet ne tardera pas àêre publié. Les
droits qui fe lèent fur les effets érangers
qui entrent en Portugal pour êre tranfporté
directement àGoa , ainfi que fur ceux
( 186 )
.
qui reviennent de cette ville de l'Inde en
Europe , ont ééfufpendus. Ils feront enfuite
réuits à4 pour 100 , ce qui ne peut
que faire fleurir davantage le commerce de
ce Royaume.
Les lettres de Hollande n'annoncent point
encore l'arrangement de la Réublique avec
l'Angleterre , on s'y flatte toujours qu'avec
la méiation de la France cet accommodement
ne tardera pas , & que les Provinces-
Unies feront remifes dans la pofition oùelles
fe trouvoient , eu éard àleurs territoires
& àleurs poffeffions au commencement des
hoftilité. On dit que la Cour de Londres
confent àla reftitution de Néapatnam &
de Trinquemale , & que la Réublique de
fon côérenonce aux indemnité qu'elle
demandoit.
La grande affaire des fervices fédaux que les
Sééhaux des diſricts de la Province d Over-Yel
exigeoient, quoiqu'ils euffent ééfupprimé dans le
fièle dernier , & que l'on a voulu abolir de nouveau
eft enfin terminé. On connoî les déagréens
& les perféutions qu'elle a occafionné àM. la
Baron Van-der Capellen du Pol , qui a ééréabli
dans fes droits au moment mêe oùles fervitudes.
ont ééanénties. Comme il en réulte une perte
pour les Baillifs , on a déibééfur les moyens de
les en déommager ; & l'Affemblé a nommédes
Commiffaires pour examiner ce qui feroit convenable
, & en rendre compte au Corps Equeft: e & aux
Villes de la Province. Cette Affemblé a pris aulfi
la réolution fuivante au fujet de l'affaire des vailfeaux
qui eurent ordre l'anné dernièe de fe rendre
àBreft. Le Corps Equeftre & les Villes adoptant
1
( 187 )
àcet éard la réolution des Etats de Hollande Sé de Weltfrife , penfent qu'il faudroit que L. H. P.
nommaffent une Commiflion chargé d'examiner
fans déai , fi la difette du néeffaire préexté par
lé Officiers commandé pour cette expéition a eu
lieu , & combien les Collèes d'Amirauté peuvent
y êre impliqué ; afin que dans le cas oùil
confteroit par le rapport de cette Commiſ .ion , que
ces Collées ne fe trouvent ni in mora , ni in culpâ,
il puiffe êre pris des diffofitions àcet éard , &
procééàla recherche des Officiers ou de ceux
qui peuvent s'en êre mêé , fans l'intervention
d'aucun examen prélable «.
PRÉIS DES GAZETTES ANGL. du 8 Mars.
L'arrangement pour la nouvelle Adminiftration
n'eft point encore terminé; tout ce que l'on fait
c'est que
fi cette affaire n'eft pas finie d'ici au 10 ,
le Parlement la prendra en confidéation . Il n'y a
qu'une voix fur le compte du Lord North , pour
la manièe honnêe & loyale , dont il s'eft conduit
pendant tout le cours de cette néociation.
L'octroi d'une Penfion de 2681 liv . par an , au
Lord Thurlow , a pafféan grand Sceau le de. ૬હ . .
ce mois. Ladite Penfion aura lieu jufqu'àce que
la place ( Tellership ) qui lui eft destiné àl'Echiquier
foit vacante , éoque àlaquelle ce Lord ,
éant mis en poffeffion de ladite place , la Penfion ,
ceffera d'avoir lieu .
Le 6 le Lord Howe a préidéau Bureau de l'Amirauté , oùil a ééordonnéde mettre en ordinaire
, un plus grand nombre de vailleaux .
Tous les vaifeaux de l'Inde actuellement à
Portſouth , partiront enfemble pour leurs defti- ,
nations refpectives vers la fin de ce mois , éoque
àlaquelle ils ne courrent plus aucun rifque , d'êre
pris par l'ennemi .
Huit bâimens , deftiné pour la Chine , font
en route pour les rades de Cowes & d'Yarmouth.
( 188 )
Plufieurs vaiffeaux deftiné pour les Ifles , ayant
reç des pafleports de France , d'Efpagne & d'Améque
, font partis de Torbay fans con oi.
On a reç le 6 des déêhes de Gibraltar , en date
du zo Férier ; il y éoit arrivéde Livourne quatre
bâimens Italiens avec de riches cargaifons . Ces
bâimens , chargé pour Londres , ne devoient faire
qu'une courte relâhe dans ce Port .
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉÉ ( 1 ) .
PARLEMENT DE PARIS. Fonctions des Avocats
& Procureurs de la Sééhauffé de Moulins.
Vu par la Cour la Requêe préen é par le
Procureur- Gééal du Roi , contenant qu'il eft in.
forméque les Procureurs de la Sééhauffé de
Moulins font journellement des éritures du minitèe
des Avocats , & entreprennent de traiter des
queftions de Droit & de Coutume ; & comme il eft
important de pourvoir àce que les fonctions des
Procureurs foient réuites dans les bornes qui leur
font preferites par les rèlemens , &c. - La Cour
ordonne que les Arrês de rèlemens dont il s'agit ,
ferent exéuté felon leur forme & teneur ; en
conféuence maintient & garde les Avocats de la
Sééhauffé de Moulins dans le droit de plaider
feuls & privativemet les caufes d'appel ou celles
en matièe de droit & de coutume ; comme autfi
de faire les griefs , caufes d'appel , avertiffemens
dans les affaires appointés en droit , réonſs ,
contredits , falvations , & les autres éritures de
leur ministèe fait déenfes aux Procureurs de
ladite Sééhauffé de plus faite aucunes éritures
du ministèe des Avocats , mêe par Requêe ;
ordonne que les éritures du ministèe des Avocats
n'entreront point en taxe , fi elles ne font faites &
fignés par un Avocat du nombre de ceux qui feront
:
(1 ) On fouferit en tout tems pour ce Journal , du prix de
15 liv. , chez M. Mars , Avocat , rue & hôel Serpente .
( 189 )
inferits fur le tableau ; orioane que les Avocats ne
pourront figner des éritures qu'ils n'auront pas
taites , ni traiter de leurs honoraires avec les Pio-
Curents , àpeine contre les Avocats qui en feront
convaincus , d'êre rayé du tableau ; & contre les
Procureurs , d'interdiction pendant fix mois , pour
la premièe fois , & pour la feconde fois d'inter
diction pour toujours ; ordonne que le préent Arrê
fera lu & publié, l'Audience terante de la Séé chauffé de Moulins , & inferit fur les regiftres
dudit Siée , & fignifiéaux Procureurs , àce qu'ils
aient às'y conformer . Fait en parlement le 6 Septembre
1782.
Frouver,
PARLEMENT DE ROUEN.- Curéadmis à vis-àvis du gros Déimateur , fa poſ .eſ .ion ſr les
menues & vertes dimes. La queftion s'elt éevé
entre les Doyen & Chapitre de la colléiale de Mortain
, & le Curéde Notre-Dame de Tinchebiai.-
Par une charte de 1082 , les Comtes de Mortain ont
fondédans la vile de ce nom , une Colléiale compolé
de feize préen les ils ont attachéles fonctions
de Thélogal ou Préendier de Goron , & lui
'ont donnépour revenus , la dîe de la Lande pourrie
: decimam tolius Landa putride. En 1746 ,
la Thélogale a ééfupprimé & sénie àla manfe du
Chapitre ; ainfi la Colléiale eft maintenant au droit
du Thélogal . La Laade pourrie paroî êre une
forê dériché. Son terrein eft partagéentre quinze
àfeize paroifles qui l'avoifinent : Notre - Dame de
Tinchebrai eſ du nombre. Cependant les Chanoincs
de Mortain , auxquels on ne contefte point la dime
des gros grains , qui leur a ééprobablement accor
dé dans l'origine , àtitre d'indemnité, ont disputé au Curéde Tinchebrai toutes les menues & vertes
dîes , & lui ont offert l'honoraire de fa defferte en
argent, - Sentence du Bailli de Mortain , du 22 Juin´ 1775 , qui avant faire droit , appointe le Curéàla
preuve par lui demandé. - Appel de la des
part
Chanoines. Arrê confirmatifle 12 Férier 1783 ..
-
---
― ( 190 )
PARLEMENT DE BRETAGNE.
-
― Penfion ne peut
êre retenue fur des bééices ré .igné ; en quel cas.
-Vu par la Cour , la requêe de La Cour faifant
droit fur les conclufion's du Procureur Gééal du
Roi , fait déenfes àtous titulaires de cures , préendes
& aurres bééices imcompatibles de retenir penſon
fur celui des bééices qui fera par eux ré .ignépour
garder l'autre , & àtous Notaires de rapporter en
pareil cas la réerve de penfion , àpeine de nullité,
& d'êre procééextraordinairement contre eux ;
fait
pareilles déenfes aux titulaires des cures ou de préendes
, qui les auront réigné avec penfion , & qui
ont ééou feront pourvus dans la fuite d'une autre
cure ou préende , d'exiger les arréages de ladite
penfion par eux réervé fur le premier bééice qu'ils
poffedoient ; ordonne que le préent Arrê fera imprimé , lû& affichépar- tout oùbefoin fera .... afin
queperfonne n'en ignore. Fait en parlement àRennes,
ce 14 Aoû 1782. SignéTRUBLET .
Contestation re-
BAILLIAGE DE MIRECOUR .
lative àla fucceffion d'un Hermite, -Lépold Petit-
Jean dit frere Valbert , Hermite de l'Inftitut de
Saint Antoine & de Saint Jean- Baptiſe , habituédepuis
long-tems de Sainte- Menne , s'eft noyéle préier
Férier dernier dans un ruiffean voifin de fa retraite.
Les parens de cet Hermite ont requis le
Juge du Chapitre de Pouffay , Seigneur du territoire
oùl'hermitage eft fitué, d'appofer les fcellé fur les
effets déaiffé par le frere Valbert , qui avoit la réetation
de faire un commerce affez confidéable en
fouliers & en miel . Le Juge feigneurial a déééà cette requêe ; mais les fcellé ont éécroisé par les
Officiers du Bailliage pour la confervation des droits
de l'Inflitut & le maintien de la juriſiction des Officiers
royaux. Les Supéieurs vifiteurs des Hermites
ont demandéla levé des fcellé . Le Bailliage
a fait déenfes aux parties de fe pourvoir ailleurs
que pardevant lui en premiere inftance. —En
-
( 191 )
conféuence , les parens du frere Valbert ont fait
aligner l'Inftitut au Bailliage de Mirecour , & ont
demandéun Commiflaire de ce Siée pour procéer
àl'inventaire des effe: s de la fucceflion par eux préendue
. Les Hermites ont foutenu qu'on ne pou
voit pas faire d'inventaire dans leurs hermitages.-
Et le 15 Férier 1783 , fur les conclufions de M.
l'Avocat du Roi , le Baillage de Mirecour a ordonné qu'il feroit procéépardevant M. Gaillard , commis
àl'inventaire des tities de famille , papiers & contrats
, ainfi que des effets de trafic & commerce feulement
, Jaiffé par le frere Va bert , avec cet e modification
remarquable , que l'on ne pourroit comprendre
dans cet inventaire les habits , meubles
outils , livres & effets fervans àl'hermitage , & qui
ont éédè ce moment abandonné àl'Inftitur.
PARLEMENT DE TOULOUSE. Gâeau des Rois,
(Caufe extraite du Journal ( 1 ) des Cauſs céères ) .
L'ufage de faire les Rois , on une fêe éuivalente
, eft trè - ancien . Il fe pratiquoit chez les Juifs ,
les Grecs & les Romains . Nous nous en tiendrons - là fur fon origine , afin qu'on ne nous accufe pas de
remonter jufqu'au déuge , far un point d'hiftoire.
peu intéeffant en lui-mêe , quoiqu'aprè tout , il
foit affez intéeffant pour l'homme accabléde maux
& de peines , de les oublier quelquefois , & de réarer
Les forces morales dans la joie d'un feſin où rènent la gaieté& l'amitié; & pour la fociéé,
de conferver ces jours de concorde & de fenfibilité,
oùles familles fe raffemblent àla table de leurs
chefs , refferrent entr'elles les liens de la nature &
du coeur , & éeignent fouvent , dans la bonne hu-
( 1 ) On foufcit pour ce Journal , qui a le fuccè le plus
méité, chez M. des Effarts , Avocat , rue Dauphine , Hôel
de Mouy , qui nous a lui - mêe fourni l'extrait de cette
caufe , & chez Méigot le jeune , Libraire , quai des Auguftins
. Le prix de l'abonnement eft de 18 liv . pour Paris & de
24 iv. pour la Province ,
! 1921 )
''
→
meur de la fêe & l'effufion des fentimens doux ,
d'anciennes injures , des haines fatales . Mais comment
faire les Rois fans un gâeau , fans ce gâeau
fi cher àl'enfance , & mêe aux âes plus Lex
& qui cache dans on tein , la fèe préieuſ qui
doit couronner un des convives ; qui fait naîre dè
le préude du feftin , cette homeur vive & gaie
qu'on n'attend dans les autres galas , que des vapeurs
du dîer & de la mouffe péiliante du vin d'Aï?
Si le pèe de famille n'offre point le gâeau des
Rois àla table oùil rénit fes enfans ; fi le boulanger
malin , cu fars méoire , n'a conftruit qu'un
gâeau vulgaire , fans la fèe royale qui le diftingue ,
plus de joie , & le feftin n'eft plus qu'un diner. Il
n'y a que le boulanger qui le donne qui voit le
gâeau fans joie , ou mêie avec chagrin , s'il eft
avide , comme un retranchement annuel fur les
bééices . Ii eft des villes cu fon préent eft entièement
libre : il en eft d'autres oùle tems & l'ufage
lui en ont fait un devoir . A Touloufe , les boulangers
ont coutume de donner le gâeau des Rois
àleurs pratiques , & le jour mêe de cette fée.
L'anné dernièe ne fut pas heureuſ en r'colie
pour cette province : la cherté, la difette des graius ,
dont le prix cependant le partage ente les contommateurs
autant qu'entre les fabriquans du pain , les
fit difpenfer de leur préent ordinaire , fans tirer à conféuence pour l'avenir. Les Boulangers , bien plus
fatisfaits de l'exception que de la rèle , oublièent
Ja reftriction mife àla grace par les Magiftrats Municipaux
, & voulurent commencer àcette éoque
un nouvel ufage deftructif du premier. Ils refuse rent
net le gâeau de cette anné . Les Capitouls inftruits
de ce refus , appaisèent la plainte univerfelle par
une Ordonnance du 31 Déembre 1782 , qui enjoignit
aux Boulangers ingrats , de donner le gâeau
des Rois fuivant l'ufage. Cette Ordonnance vient
d'êre confirmé par un Arrê qui a éérendu fur
les conclufions de M. l'Avocat- Gééal Reffeguier .
www.m
1
JOURNAL
POLITIQUE
DE BRUXELLES.
Q
TUR QUI E.
De SMYRNE , le Is Férier.
UOIQUE l'on dife depuis quelque tems
des difpofitions pacifiques du Divan ,
relativement aux difféends furvenus entre
la Ruffie & la Porte , & que l'on ait lieu
de fe flatter qu'il n'y aura aucune rupture ,
il est arrivéici des ordres pour faire lever
300 matelots , qui partiront fur- le-champ
pour Conftantinople. On dit que tous les
chantiers de cette Capitale font actuellement
remplis d'Ouvriers occupé àremettre tous
les vaiffeaux en éat. Les ordres expéié ici
pour enrôer des matelots ont ééenvoyé
éalement dans difféens ports de cet Empire
, & les Bachas font exprefféent chargé
de veiller àce qu'ils foient promptement
exéuté.
Il est entréavant-hier dans ce port un
navire Danois nomméla Ville d'Altona ,
Capitaine Hans- Hull ; il vient de Rotter
dam .
29 Mars 1783.
i
( 194 )
DANEMARCK:
De COPENHAGUE , le 26 Férier.
LE Roi , dont les vues bienfaifantes ont
pour objet ſéial l'augmentation du commerce
national , vient d'encourager par des
avances confidéables la pêhe de la baleine
au déroit de Davis , & la conftruction de
plufieurs vaiffeaux marchands dans les difféens
chantiers du Royaume . Le canal creufé· dans le Duchéde Holftein pour joindre la
Baltique àla mer d'Occident avance , & on
croit qu'il fera navigable au commencement
de l'anné prochaine.
La Compagnie d'Affurances de cette Ville
a tenu dernièement une Affemblé gééale
, dans laquelle elle a fixéàSo éus le
bééi e de chaque action ; le lendemain il
en a éévendu plufieurs àraiſn de 610 éus
chacune .
On érit de Moff en Norwèe , que le
20 du mois dernier le navire les Trois- Frèes
a ééréuit en cendres avec toute fa cargaifon
, qui confiftoit en bois de conf
truction.
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 26 Férier.
On a beaucoup parléde l'éection d'une
Compagnie Economique nationale ; ce projet
avantageux àla Nation va êre rélifé;
& voici le plan & l'objet de cette inftitution
.
( 195 )
»La Compagnie Economique Nationale aura fon
Préident , fon Adminiftrateur & fon Caiffier ; il y
aura pour les fonds une chancellerie particulièe ,
pourvue des Officiers néeffaires. Ces fonds feront
principalement employé àfournir le pays de fel , àdé
couvrir les méaux & les minéaux qu'exige la fabrication
des monnoies . On tâhera encore d'éablir une
banque publique qui prêera de l'argent dans le befoin
aux particuliers , avec des intéês convenables.
La Compagnie s'occupera des manufactures da
Royaume , & fur- tout d'y introdure les plus indifpenfables.
Elle formera des magafins publics dans
les Provinces . En faifant des recherches fur les caufes
de déopulation dans ce Royaume , elle cherchera
les moyens d'y reméier. En s'occupant de
l'augmentation des revenus de l'Etat & de ceux du
Rei , elle exclura tout ce qui tendroit àl'accroiffement
des impôs , àl'introduction des monopoles
& àtout autre éabliſ .ement pernicieux «,
ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 8 Mars,
L'ARCHIDUC - MAXIMILIEN ne quittera
'Italie qu'au mois de Juin prochain ; on ne
croit pas qu'il revienne fur-le- champ dans
cette Capitale. Le bruit gééal eft qu'il
pourra paffer en France & dans les Pays -Bas
pour y voir fes auguftes Seurs ; alors il
reviendroit par Cologne , Munſer & Mer,
gentheim.
En conféuence d'un ordre de l'Empe
reur , on ne céérera plus àl'avenir qu'ure
Meffe àla fois dans chaque Eglife & toujours
au mêe Autel. Le but de cette innovation
eft de déaciner l'idé des petites dé i 2
( 196 )
votions particulièes & des Autels priviléié.
Cependant fur les repré .entations de
l'Archevêue , on excepte de ce rèlement
L'Eglife de S. Etienne , oùl'on pourra dire
3 Meffes en mêe- tems , parce que cette
Eglife eft conftruite & divifé , de manièe
àrepréenter trois Eglifes diftinctes.
:
L'Ambaffadeur , beau-frèe du Roi de Maroc , eft
de moyenne taille , & âéde si ans ; d'un caractèe
doux & affable. Il ne parle qu'Arabe & les difféens
idiomes de fon Pays , & des Etats circonvoisins .
Sa peau est trè- noire , mais il a les traits du vifage
trè- réuliers ; fon menton eft entouréd'une barbe
noire ; il porte un bonnet àla manièe des Arabes ,
& un vêement de moufleline blanche femblable au
rochet de nos Eccléiaftiques , qui recouvre une
vefte noire àla Turque ; il n'a point de bas ; une
large culotte lui defcend jufqu'àla cheville du pied ;
fa chauffure eft des fandales un large fabre pend
àfon côé Les gens de fa fuite , trè - bruns de
peau , ont des veftes de diverfes couleurs , mais ils
portent tous un marteau blanc & des chemiſs avec
des manches trè- larges , coupés comme celles des
femmes Europénnes. Le Secréaire de léation eft
le plus blanc de vifage , & fa barbe eft blanche.
Il parle un peu d'Italien ; il a trois Muficiens àfa
fuite ; mais nos oreilles ne peuvent fe faire àleur
mufique . L'Ambaffadeur ne mange que les mets que
lui apprêent les cuifiniers. On lui fert toujours 12
plats ; fa boiffon fe borne àune espèe d'hydromel
trè-fucré& au thé, avec du badian .
De HAMBOURG , le 10 Mars.
LES préaratifs de guerre qui avoient
ceffédans la Bohêe , viennent tout-à coup
d'y recommencer de nouveau ; & l'on y
( 197 )
voir plus d'activitéque jamais ; on eft auffi
fort occupédans les arfenaux d'Autriche &
de Hongrie ; ces mouvemens font le thermomère
des fpéulations de nos Politiques ,
qui tantô annoncent la paix , tantô la
guerre , & qui préendent aujourd'hui que
quoiqu'on en dife, l'éincelle apperçe en Cri
mé , annonce un grand incendie . Quelquesuns
de nos papiers parlent déa de quelques
hoftilité commifes par les Turcs contre les
troupes Ruffes , qui , fi elles avoient eu lieu
en effet , pourroient avoir des fuites fâheufes
; mais ces braits vagues ont ééfi ſuvent
réandus & déentis , que l'on ne peut y
prêer encore aucune confiance .
»L'Empereur , érit- on de Vienne , paffant dernièement
àcheval au Port de Roffan , oùle trouvoient
quelques bâimens chargé de munitions ;
demanda l'Officier chargéde leur direction & de
leur infpection ; quelqu'un lui réond qu'il eft au
cafévoifin : un fecond court pour l'aveitir ; l'Officier
fe hâe d'arriver & voit l'Empereur qui éoit
déa montéfur le bâiment , & qui lui dit d'un ton
froid & féèe : il éoit inutile de vous prefler fi
fort ; vous êes le maîre de retourner : je ne veux
plus que mon fervice vous gêe dans vos plaifirs «.
Les mêes lettres de Vienne offrent les
déails fuivans.
»L'une des vues de l'Empereur eſ d'éablir dans
toutes les Ecoles de fes Etats la plus grande unifor
mitéde doctrine ; & pour y parvenir , il a ordonne
àtous les Ordres réuliers qui voudront permettre
àleurs fujets l'éude de la Thélogie , de les envoyer
tous , fans exception , àl'Univerfitéde la Capitale.
Il fe propofe auffi d'éablir une Ecole de
i 3
( 198 )
Thélogie & univerfelle , oùles Etudians de cha
que Secte , admife dans fes Etats , fe réniront aprè
avoir achevéleurs cours particuliers , afin d'y en
commencer un fur toutes les matièes non controverfés.
On regarde ce moyen comme propre à faire oublier tous les germes de divifion & de
haine contre les adorateurs d'un mêe Dieu «
ITALI E.
De LIVOURNE , le 26 Férier.
ON a reç de Naples la relation fuivante
du tremblement de terre qui s'eft fait ſntir
dans la Calabre & àMeffine le s de ce mois ;
cette relation eft du 18 , & l'Auteur dit
qu'alors les fecouffes continuoient encore.
Tacite
Les effets de ce tremblement de terre n'ont point
d'exemple dans les annales de l'Europe . Le feul qui
lui reffemble en tout point , eft celui des douze
Villes de l'Afie , arivéfous Tibere , & que
a fi bien dérit en peu de mots dans le fecond livre
de fes Annales ( 1 ) . Ces effets font fi terribles qu'ils
font capables de nous retracer une image de la fubmerfion
douteufe des Ifles Atlantides , de la féaration
des terres au déroit de Gibraltar , & de celle
de la Sicile d'avec le continent de l'Italie , éèemens
dont on n'a point de monumens authentiques .
Avant d'entrer dans le déail des effets de ce déaſre ,
il faut donner une idé de l'éendue du thé âtre ſr
lequel il s'eft manifefté Suivant tous les rapports
parvenus jufqu'àpréent dans cette Capitale , ce
thé âtre embraffe une ellypfe allongé d'Orient en Oc
cident , une partie de la mer Ionienne , toute la Calabre
méidionale , les ifles de Lipari , la pointe feptentrionale
de Sicile & cette partie de la mer de Tof-
(1) Eodem anno , duodecim celebres Afiæurbes collapfe
`nodurne motuterræquo improvifior, graviorque peftisfuit&é »
7199 )
---
cane qui fe joint àcelle d'Ionie par le Phare de Mef .
fine , connu autrefois fous le nom de Fretum ficulum.
Il n'eft pas inutile non plus de fe faire une idé de
la fituation de la Calabre . Elle eft divifé dans fa largeur
, en deux parties par un ifthme ou langue de
terre trè- éroite , entre le golfe de Ste - Euphéic
& celui de Squillace ( Lamenticum & Scyllaceum ) ,
fur lequel courent en direction oppofé , les fleuves
Amato & Corace . La partie méidionale forme ce
qu'on appelle Méatarfe ou la pointe du pied de la
fameufe botte d'Italie. Le terrein de cette péinfule
eft peut-êre le plus fertile de toute cette grande ré-
gion. On dit mêe que quoiqu'il ne forme pas la
vingtieme partie du Royaume de Naples , il produit
au moins le dixieme de fon revenu. Chacun fait que
ce pays entier a ééconnu ſus le nom de la Grande
Grèe ( Magna Grecia ) . C'éoit la patrie des arts &
des fciences , du tems de Pythagore & de fes difciples.
Il femble que le centre du tremblement de
terre-dunt nous allons donner la defcription , foit fitué imméiatement fous la partie méidionale & le
terme des ruines fixéaux deux fleuves don : on a déà parlé; tous les phéomèes fe réniffent pour confirmer
cette conjecture. Les parties les plus voifines de
fon éuilibre ont ééles plus fortement éranlés ;
des gouffres ouverts tout- àcoup y ont englouti tout
ce qui éoit àleur porté ; les arbres ont éédéaciné
, les villes déruites de fond en comble ; les eaux
courantes ont perdu ou cachéleur cours . Une riviere
trè-profonde a laifféfon lit àfec. La matiere
volcanique qui a produit tous ces mouvemens
doit le trouver àune profondeur immenſ , & êre
d'une violence inconcevable. L'éendue de la fuperficie
qu'elle a agité , & la pefante ar des montagnes
de granit qu'elle a foulevés, femblenten êre lapreuve
incontestable . Ses fecoufles ont communiquéleurs
impulfions deftructives àl'un & àl'autre ééent. Si
les éifices fe font éroulé , les navires n'ont pas
i
4
( 200 )
-
moins éétourmenté par la mer. Les canons avec
leurs affuts ont éééevé jufqu'àla hauteur de
quelques pouces fur les ponts des bâimens mouillé
àMeffine. La Fréate du Roi a érouvéces effets
. Le gonflement des flots s'eft fait fentir en mêe
tems & avec la mêe force que l'agitation des montagnes.
La maré a fouffert une irréularitéàTarente.
Le Aux a manquédans ce petit golfe , tandis que
les eaux fe portoient avec tant d'abondance dans le
Phare de Meffine , qu'elles inondoient les rivages
dont elles enterroient les malheureux habitans . Des
nouvelles poftéieures nous apprendront que les ravages
fe font éendus plus loin. Le tremblement
de terre a commencéle mercredis de ce mois. La
premiere fecouffe , la plus terrible de toutes & qui a
durédeux minutes, s'eft fait fentir àmidi trois quarts,
la fecon le prefque auffi forte , àfept heures de nuit ;
la troifieme qui a achevéde renverfer la Ville & les
Villages , a eu lieu le vendredi fuivant àdeux heures
& demie aprè midi . On en a comptéjufqu'au famedi
8 , vingt-cinq ou trente autres plus ou moins
léèes , & , felon les avis poftéieurs , on parle d'un
tremblement de terre continuel. Leur mouvement a
ééun composéde foubreffaut , d'ondulation & de
tréidation. Ce n'a pas éépréiséent un tremblement
de terre , mais un renversement de la fuperficie.
Tous les ééens , tous les êres vivans l'ont
reffenti. Le contrecoup s'eft éendu jufqu'àNaples &
fes environs , préiséent au mêe inftant que le
tremblement s'eft fait fentir en Calabre. - Entrons
actuellement dans les déails . Nous commencerons
par Melline , parce que c'eft de cette ville qu'on a
reç les premieres nouvelles du fléu . Il y a plus
d'un fiecle que cette ville céère dans l'hiftoire , &
jouiffant du fite le plus heureux , a commencéàérou
ver des calamité publiques. La guerre fut le premier
fignal de fa ruine , vers le commencement du
fièle dernier. La mort de l'Amiral Ruyter , qui éoit
'( 201 )
· venu pour en preffer le hée , fut le préage fatal de
l'anéntiffement de fa pro péitépolitique . La pefte
de 1743 la déeupla prefque entierement. Le tremblement
de terre dont il est ici queftion , boulverfant
fon fol , en a fait un amas de matiere calciné.
Sa belle Palazzata ou cercle de Palais , a éédéruite
de fond en comble. Le Village de Torre di Faro ou
l'ancien Cloro , n'offre que ruines . Les deux lacs
voifins ont éécomblé ; on ne fait pas encore file
refte de la Sicile a érouvéle mêe fort. Dans la
Calabre , lè déaftres ont ééencore plus grands. A
prendre du côéoccidental de l'Ifthme Lametico ,
On ne voit que villes & villages endommagé ou ruiné.
De ce nombre font Pizzo , Briatico , Bivona ,
Monteleone , Zelogafo , Tropea & tous les Hameaux
qui en déendent ; Milet & tous les environs , Palmi ,
Seminara , Rofarno , Oppida , tous les lieux fitué
dans l'ancien territoire de Mamerto. Les Habitans de
Palmi qui font prefque tous Manufacturiers , ont
éépour la plupart enfevelis fous les ruines avec leurs
méiers : ceux de Séinara qui font prefque tous
Agriculteurs , ont eu le bonheur de fe fauver : Pafquale-
Zaffioti , l'un des meilleurs difciples du Philofophe
Genoveſ a ééretiréavec peine des ruines de
fa maifon. Bagnara & tous les environs ont éédéruits
, ainfi que les autres lieux le long de la côe
jufqu'àReggio , & fur la pente des Apennins , la
Chartreufe de St-Stéhano de Bofco , la mere de
toutes les autres , & le fanctuaire principal des Dominicains
àSoriano , ont éérenversé de fond en
comble. En gééal , les maiſns religieufes ont éé plus en proie àla fureur de ce fléu que les autres.
L'éueil de Scylla , fi fameux par les deſriptions
qu'en ont donnés Homèe & Virgile , s'eft entr'ou
vert , & le Châeau fituéau -deffus , s'est éroulé en partie. Le Prince connu par les cruauté qu'il exerçit
envers fes Vaffaux, ne fe croyant pas àl'abri du
danger dans fon Châeau , bâi fur une roche , fe
2
is
( 202 1
• 6
fait
que
réugiadans unebarque fur le rivage , mais lesvagues
éant extraordinairement agités , àla feconde ſcouffe
detremblement de terre , l'emportèent & l'engloutirent
ainfi que la barque. Tous les gens , &
2700 de fes vaffaux qui s'éoient réugié dans leurs
barques fur les fables de ce rivage , péirent de la
mêe maniere ; on ne fauroit mieux appliquer qu'à ce Prince ce vers fi connu ; incidit in fcyllam cupiens
vitare carybdim. Ce Prince qui éoit octogéaire
fera peu regrettéde ceux de ſs vaffaux qui lui
out furvéu. On regrettera beaucoup , au contraire ,
la Princeffe de Géace Grimaldi qui a ééérasé avec
tous les gens , par le toî de fa maiſn , dans une de
fes terres appellé Cafalnuovo. Cette Princeffe éoit
adoré de fes vaffaux & aimé de tout Naples. On
fa maifon & fa table éoient ouvertes àtous.
Ses autres grands fiefs, Terranova , Drofi & Pieza ,
fitué fur la mer de Tofcane, ont érouvéles mêes
: déaftres ainfi que Géace , fituédans l'ancienne réion
de Locre , fur la mer Ionienne , & tout le pays
de Reggio , qui s'éend fur la rive méidionale de
cette Province. On peut dire en gééal que toute
la côe & tout l'intéieur du pays , depuis le cap
Spartivento jufqu'au cap Stilo & jufqu'àSquillace
ont érouvéle mêe fort. La partie de l'Iftlime depuis
cette derniere ville jufqu'àPizzo & Bivona , n'a
point ééexempte des ravages caufé par ce tremblement
de terre , Carafa & Vena , villages habité par
des Grecs Albanois , ainfi que Borgia , St- Floro , Girefalco
, Maida & autres lieux fitué plus en dedans
des montagnes , ont plus ou moins fouffert felon
leur proximitédu centre du mouvement. Queique
toutes les terres fitués au nord de l'Ifthme , n'ayent
érouvéufqu'àpréent d'autres dommages que des
crevaffes de murs & des chûes de toits , & qu'il ne
foit péi aucun homme , la violence & la continuité des fecouffes y a cependant plongéles habitans dans
la plus grande confternation & le plus grand ef-
2
( 203 )
froi. Ils vivent en attendant fous des tentes & dan's
des baraques que les gens aifé ont fait conſruire.
-Les dommages caufé par les fecouffes du tremblement
de terre , font certainement confidéables ;
mais ils auroient éébeaucoup moindres , fans les
incendies qui ont ééoccafionné par les matièes
combuſibles , tombés fur les cheminés , & dans
les brafiers ardens , àl'heure du dîer . On ne ſuroit
encore calculer le nombre d'hommes qui ont
péi. La perte des effets fera fans doute éorme ;
on en peut juger par ce qui fuit. Le Prince de
Cariati & fes Affocié , ont perdu dans les magazins
de Seminara & de Palmi , environ deux mille
bariques d'huile , éalués àplus de 70 ducats la
barique , & le Baron de Stizano , en a perdu mille.
Il a eu en outre le malheur de perdre toute fa
famille. On dit que l'huile couloit àgros ruiffeaux
dans quelques endroits , & dans d'autres le vin.
Une quantitéprodigieufe de balles de foie , a éé confumé par le feu . Les comestibles , & les autres
productions de la terre , qui font de premièe néeffité & celles deftinés au commerce , manquent
abfolument. La plus grande partie des habitans
, fe nourrit de viande & d'herbes. Les Chartreux
de St- Stefano , qui font toujours bien approvifionné
, ont envoyéacheter du pain , àMonteleone.
Les habitans fe nourriffoient àMeffine , de grains
& de léumes bouillis , qu'on avoit trouvé à Bord des bâimens venus de la Pouille , & chargé
pour Naples . Un des Couriers expéié pour cette
ville , n'a pris d'autre aliment fur toute la route
qu'il a parcourue dans cette malheureufe péinfule ,
qu'un morceau de fromage , qu'il avoit emportévec
lui , & il n'a bu que de l'eau de rivièe. Celui
parti de la pofte de Naples pour la Sicile , éant
arrivéàMonteleone , a ééobligéde rebrouffer
chemin. Tout offre en effet le fpectacle de la
déolation , & de la mort. Un fombre effroi s'elt
i 6
( 204 S
-
emparédes coeurs les plus audacieux. Une pluie
a mis le comble aux déaftres , en offrant aux habitans
confterné , tous les fignes redoutables de
la colèe Divine. Le Roi ayant ééinforméde
ces déaftres , a éépééréde la plus vive douleur.
Le Gouvernement s'eft occupéauffi-tô des
moyens de venir au fecours des habitans de la
Calabre & de la Sicile. Le Chevalier Acton , qui
ále déartement de la Marine & de la guerre ,
a fecondéavec tout le zèe poffible , les mouvemens
de la tendreffe paternelle du Monarque. Dè
les premièes nouvelles , apportés par le Capitaine
Caffiero de Melazzo , ce Miniftre vigilant , a eu
l'attention de fe pourvoir de tout ce qui pouvoit
contribuer au foulagement des malheureux , foir
pour guéir leurs bleffures , ou pour leur procurer-
des alimens. La fréate qui éoit venue
donner la nouvelle de la deftruction de Meffine ,
a dûremettre ce matin àla voile , pour eſorter
quelques bâimens , chargé de tous ces fecours.
D. Vincenzo Pignatelli , s'eft rembarquépour
aller rejoindre fon réiment , en garnifon àMonteleone.
Le Prince de Cavalraſ , s'eſ hâéauffi
de fe rendre àfon Gouvernement de Meffine.
On doit préumer que le Vice- Roi Caracciolo
dont la philantropie eft connue , n'aura pas manqué de préenir par fon zèe & fon activité, les
fages mefures prifes par le Ministèe ; aprè s'êre
Occupéda foulagement des habitans de la Sicile ,
il aura éendu fes foins àceux de la Calabre.
On dit que la Princeffe Douairièe de Villafranca
, a préenu les defirs de l'humanité. Elle a
ouvert fa bourfe , & les magazins de fes terres ,
pour fecourir les malheureux compatriotes. Le
Roi a remercié, par une lettre figné de fa main ,
cette dame gééeufe. Pour empêher l'éigration
des habitans confterné , le Confeil du Roi
a ordonnéque tous les Calabrois & les Siciliens
-
( 205 )
néeffiteux qui fe réugieront dans la Capitale ,
foient pourvus de tout ce qui leur fera néeffaire ,
& renvoyé chez eux pour y reconſruire leurs
maifons. On a fait plus. On leur a envoyédes
fecours , mêe par mer ; & le Maréhal Pignatelli ,
accompagnéd'un grand nombre de perfonnes intelligentes
& actives , eft parti dimanche 16 de
grand matin pour porter ces fecours. M. le Marquis
de Marco , Miniftre des affaires intéieures ,
a érit àtous les Evêues & Gouverneurs des
Pays déolé , d'employer aufki l'argenterie des Eglifes
, qui en ont prodigieufement , au foulagement
des malheureux ; on a mêe infinuéàcet effet ,
aux Seigneurs de fe rendre àleurs terres . Celles des
Ducs de Monteleone & de Seminara , des Princes
de la Roccella & d'Ardore , font en effet fur les
territoires oùle tremblement de terre s'eft fait
fentir. Le Duc de la Guardia eft déa parti , pour
aller recueillir la riche fucceffion du Prince de
Scylla , fon ayeul , qui a éénoyé- Le Gouvernement
a pris en outre des mefures pour préenir les
fuites fâheufes de la terreur , dans une ville auffi
peuplé que Naples , & éalement fujette aux effets
fubits des fermens Volcaniques . Il a fait fufpendre
tous les fpectacles du Carnaval . Le Roi & la Reine
ont ééles premiers , àdonner l'exemple de ces
privations. Leurs Majefté ont confacré, àdes actes
d'une vraie piéé, dans la grande chapelle de la
Cour , les momens deftiné ces amufemens profanes.
Le Gouvernement avoit depuis long- tems
arrêéun Plan , pour guéir Meffine & la Calabre ,
des maux politiques que l'ignorance & les calamité
de plufieurs fièles avoient accumulé , fur des
parties fi importantes , du domaine de fa Majefté
Leurs habitans opprimé , attendoient avec impatience,
le moment d'an foulagement tant de fois
promis , faus jamais s'êre rélifé. La barbarie des
rèlemens fur la foie , l'huile & fur les impofi(
206 )
tions , alloit fubir une forme falutaire . Mais cette
catastrophe oblige le Gouvernement , de donner
d'abord cous fes foins aux maux phyfiques de fes fujets .
Cependant elle pourroit êre l'éoque de leur entier
réabliffement , par le renouvellement de l'ordre
civil dans la Sociéé. Voici certainement une
occafion favorable d'abolir pour toujours , la jurif
diction Fédale & les autres oppreffions , dont la
continuation ne feroit jamais que pallier leurs
maux fans les guéir radicalement. Voici pour
Ferdinand le moment d'imiter avec fermeté, l'exemple
de fon Augufte Pèe , le Roi d'Elpagne.
>
Les déails poftéieurs reçs àNaples
portent que c'eft dans la Calabre ultéieure
que l'on a érouvéles plus grands déâs.
D'aprè tous les rapports on fixe le centre de
l'éranlement au Mont - Affero , dans la grande
chaîe des Apennins , puifque la déaſa ion a diminué en raison de l'éoignement de cette montague.
Razaluevo , village de 4 à5ooo ames , qui en eft
tout prè , a éérenverséavec tant de rapidité, qu'il
ne s'en eft pas fauvéune feule perfonne de toutes celles
qui éoient dans les maifons ; c'eſ làqu'a péi la
Princeffe de Gerace. Stelo a ééféaréen deux par
une ouverture qui s'eft faite dans le milieu du bourg.
Il a péi du monde àSeminara , Palmi & Reggio .
Cependant la plus grande partie des habitans a cu
le tems de fe fauver. Meffine , dont le fort, avoit paru
d'abord le plus délorable , eft de tous les pays qu'on
vient de citer , ce'ui qui dans la proportion a le
moins fouffert , puifque les maifons n'ont éérenverfés
que dans la partie baffe de la ville ; & que
celles de la montagne ent donnéretraite àceux
qui avoient éhappéàl'éoulement , & que tous fes
genres de comeftibles qui y ont ééenvoyé de
toutes les par ies de la Sicile , y ont réandu labondance.
Au premier moment de la cataſrophe , la
veuve du Prince de Villa-Franca fic ouvrir les ma(
207 )
gafins & diftribuer ce qu'ils renfermoient d'huile ;
de vin & de farine ; elle fit paſ .er des ordres dans fes
fermes, pour faire paffer àMeflise des troupeaux
de toutes fortes de béail. On ignore encore le
nombre des morts que les rapports ultéieurs diminuent
tous les jours. Ce n'eft que lorfque D. Vincent
Pignatelli , envoyéen Calabre , & M. de Caval
Rafo , envoyéàMeffine , feront arrivé àleur
deftination , que l'on aura une relation de cet éèement
, & qu'on faura jufqu'àquel point il a éé funefte ".
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 18 Mars.
L'ESPÈE d'interrène miniftéiel dure encore.
La nation qui n'y eft point accoutumé
fe permet toutes fortes de rélexions ,
& les gens fages voient avec peine des
retards dont les affaires peuvent fouffrir.
Jufqu'àpréent on a beaucoup parlédes
motifs des difficulté qui jettent tant de
lenteur dans la formation d'un nouveau
Ministèe. Nos papiers ne font remplis que
de déails fur ce fujet ; dans l'incertitude
de ce qui fe fait , car ces papiers ne le difent
pas ,
nous devons nous borner àrecueillir
les articles les plus piquans qu'ils préentent.
L'un d'eux a fait le tableau fuivant des quatre
partis qui divifent le Parlement .
Parti de Portland. Ce parti appelléalternativement
le parti de Whig , le parti de Newcastle , de
Rockingham & de Portland , eft principalement
compoſ de deſendans des perfonnes , dont l'attachement
àla libertécivile & religieufe de ce pays
nous a procurél'acte de Succeffion & a éabli Ba
( 208 )
préente Famille Royale fur le trôe . Le feu Duc
de Newcaſle en éoit regardécomme le chef. Le
Marquis de Rockingham lui fuccéa ; & le Duc de
Portland en a pris la conduite depuis la mort de ce
dernier. Il est forméde quelques-uns des hommes les
plus diftingué qui compofent les deux Chambres du
Parlement; & dans ce nombre on peut nommer les
Ducs de Bolton , de Devonshire & de Portland ; les
Lords Derby , Stamford , Thanet , Berkeley , Scarborough
, Jerfey , Cholmondeley , Tankerville ,
Effingham , Fitzwilliam , Spencer , Townshend ,
Falmouth , Keppel , King , Ravensworth , Befsborough
, Walpole , Sondes & Lauderdale ; M. Fox ,
M. Burke , & environ 90 autres Membres des Communes.
Parti de North. Il eft connúfous les divers
noms de Parti Ecollois , Tory & de North ,
parce qu'il a réni prefque tout l'intéê dans le
Royaume , la plupart des Membres Ecoffois du
Parlement , & que Milord North en eft le chef.
Dans la Chambre Haute ce Parti eft ,foutenu par les
Ducs de Beaufort , Newcastle , Northumberland &
Montagu; & par les Lords Denbigh , Weftmoreland
, Sandwich , Cheſerfield , Oxford , Darmouth ,
Warwick , Hertford , Guildford , Batkurft , Aylefbury
, Clarendon , Dudley , Mount Edgecumbe , Sackville
, Onflow , Bofton , Browlow , Rivers , Walfingham
, Bagot , Loughborough , Stormond & Massfield
; & dans la Chambre Balle par Mylord North ,
M. Wallace , M. Mansfield , & environ 130 autres
Membres. Parti de Bedford. Il eft compoféde
Wighs & de Torys : il s'eft forméau commence.
ment de ce rène , fous la direction du feu Duc de
Bedford , dont il a pris le nom. Il a commencéfa
carrièe politique de concert avec le Comte de Bute ,
a foutenu Mylord North durant toute fon Adminif
tration , & depuis a joint le Comte de Shelburne : il
s'eft beaucoup affoibli, depuis ia mort de fon chef ;
mais il conferve toujours allez de force pour fe
( 209 )
rendre important , & pour foutenir la préogative
Royale ou déendre la Majeftédu Peuple , ainſ qu'il
convient le mieux àfes intéês. Il compte au rombre
de fes Adhéens dans la Chambre Haute les
noms du Duc de Marlborough & des Lords Salisbury
, Carlifle , Aylesford , Gower , Hillsborough ,
Weymouth , Talbot & Thurlow . Dans la Chambre
Baffe , M. Rigby en eft le chef , & peut compter
une quarantaine de Membres avec lui. Parti
de Shelburne. On n'en a entendu parler que depuis
12 ou 14 ans . D'abord il n'éoit compoféque du
Lord , dont il porte le nom , avec M. Dunning
actuellement Lord Ashburton , le Colonel Barré,
M. Welfran Cornwall , préentement Orateur
des Communes , l'Alderman Towshend , M. Horae
Tooke , & quelques autres Perfonnes. A la mort
du Comte de Chatham , il gagna des forces par fa
rénion avec les noms honoré de Camden , Temple
& William Pitt : mais ces hommes diftingué
commencent àfe laffer de la liaiſn ; & il eſ déa
certain que le Comte Temple confervera fa place
( de Vice- Roi d'Irlande ) fous la nouvelle Adminiftration
: ce qu'on croit auffi gééalement du Lord
Camden ( Préident du Confeil ). Depuis que le Lord
Shelburne eft premier Miniftre , on dit qu'il a gagné àfon parti les Ducs de Leeds , de Rutland , de Manchefter
& de Chandos ; le Marquis de Carmarthen ; &
les Lords Surrey , Stanhope , Mahon , Nugent , Chatham
, Howe , Percy , Stawel , Hardwicke , Grantham
, Beaulieu , Hawke & Abingdon : mais le tems
fera bientô voir , s'ils ont foutenu le Miniftre ou
l'Homme. Il est nénmoins certain , qu'il n'a jamais
pu compter plus d'une douzaine de Membres dans la
Chambre- Baffe , avant qu'il fû Miniftre ; & il n'eſ
guèe poffible , qu'il ait pu augmenter ce nombre àun
degréquelque peu confidéable depuis qu'il a ééàla
têe de l'Adminiftration , vu que quelques - uns de fes
plus habiles partifans l'ont réemment abandonné,
parce qu'il manquoit d'attention àleur éard , & qu'il
( 210 )
leur prééoit fes anciens ennemis . Il y a nénmoins
dans fon parti des hommes de capacité& de talent
, tels font Mylord Ashburton , le Colonel Barré,
MM. Ora , Morris , &c.
On voit aiséent que ce tableau n'a pas
éétracépar une main impartiale & que
l'Auteur appartient au parti de Portland
ou de Fox ; c'eft en effet une feuille de ce
parti qui le fournit. Au reste cette fciffion
des Chefs de la nation Britannique en quatre
factions n'eft pas neuve. Rapin Thoyras en
a donnéle modèe dans fa differtation fur
les Whigs & les Torys qu'il diftingue en
Torys outré & Torys modéé , & en
Whighs outré & Whigs modéé. En gééal
il faut fe déier de tous nos papiers
fur les mouvemens actuels ; ceux qui intéeffent
le plus font ceux qui regardent
la formation des nouveaux Miniftres ; mais
tout ce qu'on en dit eft fort contradictoire.
Il n'y a encore rien de déidéàcet éard ,
lit-on dans un de nos papiers. Le parti de Rokingham
, avoit déerminéle Comte de Gower a
accepter la place de premier Lord de la Tréorerie
, du moins pour, un certain temps . Il y avoit
confenti , àcondition que M. Pitt , continueroit de
remplir celle de chancelier de l'Echiquier : d'aprè
cet arrangement , l'Aminiftration devoit êre formé
de la manièe fuivante. Le Lord Ashburton ,
Chancelier, Le Lord Thurlow , préident du Confeil.
M. Jenkinfon & le Lord de Stormont , fecréaires
d'Etat. La feule difficultééoit de gagner M. Pitt ;
mais le 14 , il a abfolument refufé, d'avoir
part àune Adminiſration compofé d'aucuns Mem
bres de la Junte fecrèe , & en conféuence , le
Comte de Gower a délaréqu'il n'accepteroit point
7211 ▼
la place de premier Lord de la Tréorerie . On dit
que le Roi , àcette occafion , s'eft plaint amèement
d'avoir ééamulépar des gens qui n'avoient
pas affez de créit dans le Royaume pour former un
Ministèe capable de géer les affaires de la Nation .
Aprè avoir manifeftéfon méontentement , fa Majefté eft partie pour la campagne ,
Un autre papier préente cette affaire
dans un éat bien difféent.
L'ouvrage de la formation d'un nouveau Minif
tèe , dit- il , eft trè-avancé. Le Lord North eut
le 12 un long entretien avec le Roi , relativement
àcet objet. Il y avoit encore quelques points àdéider
le 13 au foir. Il éoit furvenu une petite
altercation occafionné , dit - on , par l'oppofition
que certaines perfonnes avoient formé contre la
nomination du Lord Stormont , àla place de lecréaire
d'Etat. On affuroit nénmoins , que l'arran
gement déinitif en fouffriroit peu de retard , & que
les nouveaux Miniftres feroient aujourd'hui leurs
remerciemens au Roi. Le Lord de Portland doitêre
premier Lord de la Tréorerie , & M. Fox l'un
des fecréaires d'Etat. Le Lord Keppel fera remis
àla têe de l'Amirauté. Le Duc de Portland lui
a fait une vifite , pour le déerminer àrentrer ea
place , & l'on affure que pendant leur entretien qui
a duréplus de deux heures , ils ont fait choix des
Membres qui doivent compofer le Bureau de l'Amirauté
M. Pitt s'eft oppofé, dit- on , àce qu'aucune
perfonne du parti Ecoffois , n'entrâ dans le nouveau
Miniftèe , & pour cette raiſn , il n'a point voula
confentir directement àgarder la place , mais il eft
le maîre de refter ou de fe retirer. Selon quelques-
uns , la place de Tréorier des troupes de terre
fera partagé entre M. Burke & le Colonel North.
-On préendoit que le Colonel Fitzpatrick , feroit
ou Treforier de la Marine , ou de la Guerre,
7312 )
>
parle d'éever àla pairie plufieurs Membres de la
chambre des Communes entr'autres le Lord Milbourne
, & le Lord John Cavendish . Le Comte
Fitz-William , & le Comte de Guilford , feront
cré és Marquis.
En attendant que nous ayons de nouveaux
Miniftres , tout paroî dans une eſèe
de ftagnation ici. Les fénces du Parlement
offrent mêe peu de déails àla curiofité
»Le 7 , le Lord Ludlow annonç àla Chambre
des Communes que l'adreffe relative aux penfions ,
avoit éépréenté la veille àS. M. qui avoit bien
voulu promettre d'avoir éard aux déirs que fes
fidèes Communes avoient manifefté dans cette
adreffe. La Chambre s'éant formé en grand Comité,
pour prendre en confidéation le bill relatif
aux liaiſns mercantiles àéablir entre l'Angleterre
& l'Améique , elle le difcuta paragraphe par paragra
phe , aprè quoi le Comités'ajourna au 10 pour
faire rapport du travail relatif àce bill.
Le 10 , il ne fut rien réolu fur ce bill dont
le rapport occafionna de nouveaux déats & un
nouvel ajournement , malgrél'obfervation du Miniftre
M. Pitt, qui fouhaitoit qu'on preffâ ce travail.
Le Lord Neuhaven propofa enfuite une adreſ .e au
Roi , pour le fupplier d'ordonner que les dernièes
déêhes du Chevalier Guy Carleton , fuffent mifes
fous les yeux de la Chambre ; mais la propofition
fut rejetté prefque unanimement.
Le mêe jour 10 , il fut préentéàla Chambre
Haute un bill pour réoudre & mêe préenir tous
les doutes qui fe font éevé ou ont pu s'éever fur
les droits exclufifs du Parlement & du tribunal
d'Irlande , en fait de léiflation & de judicature ,
& pour empêher qu'aucun acte ou appel d'aucuns
des tribunaux de S. M. dans ce Royaume , ne foit
reç , diſuté& jugédans aucuns des tribunaux de
7 213 )
J
S. M. dans la G. B. Cet acte fut lu pour la premièe
fois & l'impreffion en fut ordonné «.
Dans la fénce des Communes du 12 , le Chevalier
Henri Fletcher a préentéune péition de la Compagnie
des Indes , en affurant que fi dans l'éat oùfe trou .
vent les affaires de la Compagnie , le Parlement ne lui
accorde pas le plutô poffible les fecours dont elle a un
befoin fi urgent , il y a tout àcraindre pour fon créit ,
attendu que les actes qui la foutiennent expirent au
premier Avril prochain. Cependant , ajouta-t-il , je
ne prefferai point la Chambre de s'occuper de cet
objet que les Min ſres n'aient éénommé , d'autant
plus que felon ce que je viens d'apprendre , cette
nomination fi long-tems difféé eſ enfin faite ou du
moins fur le point de l'êre.
Il a ééordonnéque la péition feroit mife fur le
Bureau .
Dans la fénce du 13 le Gééal Rofs a fait une
motion , tendante àce qu'il fû mis fous les yeux de
la Chambre une lifte des noms des Officiers qui ont
fervi dans les Corps Améicains porté depuis peu
fur l'Etabliffement Britannique , ainfi qu'une copie
des commiffions qu'ils avoient prééemment , enfemble
les conditions auxquelles ces divers Corps
font entré au fervice de l'Angleterre. Aprè quelques
léers déats la motion fut admife.
On dit qu'il n'y aura que quatre millions
fterling àemprunter dans la feffion actuelle
du Parlement , & que cette fomme fera levé
d'aprè le plan fuivant.
-
Tout foufcripteur de cent livres aura 100 liv . en
actions dans les 4 pour cent éalué à84 liv . 12 f.
6 den. en longues annuité , éalués à20 annés
d'achat , 12 liv . 10 f. Un billet de loterie éalué à15 liv. de profit , s liv . Total 101 liv . 10 fols.
Cela produira un profit d'en & demi pour cent
mais qui avec l'escompte ordinaire peut êre eftimé d'environ 3 pour cent. Quatre particuliers trè-ac(
214 )
créité ont déàpromis au Gouvernement de lui
prêer la totalitéde cette fomme. Le Budget s'ouvrira
ea Avril . Cinq ou fix millions des billets de
la marine doivent êre fondé en nouvelles actions
de 4 & demi pour cent ou en longues annuité ;
mais il n'eft point encore déidéfi cette opéation
aura lieu dans la feffion actuelle ou vers le commencement
de la prochaine.
On a reç hier des nouvelles de Bombay
du 28 Septembre qui portent en fubftance
ce qui fuit.
33
Aprè le fecond combat du 12 Avril , le Chevalier
Edward Hughes fit route pour Trinquemale
avec toute fon efcadre. Il y réara fes vaiffeaux endommagé
& remit àla voile le 14 Juin , & mouilla
dans la rade de Negapatam le jour fuivant pour éier
les mouvemens de l'ennemi . Les Juillet l'efcadre
Françife parut en vue , & le 6 l'eſadre Angloife
engagea un nouveau combat avec elle. Le Chevalier
Hughes eut un avantage déidé, & fi le vent
n'eû point changé& mis une partie de l'efcadre
Angloife hors de combat au moment mêe oùla
ligne ennemie éoit rompue & miſ en déoute , il
y a tout lieu de croire que nous aurions pris plufieurs
vaiffeaux Françis : un d'eux , le Séèe amena au
Sultan ; mais tandis que le Sultan viroit de bord
pour rejoindre l'Amiral , le Séèe fit le plus de
voile qu'il put , enfila lëSultan fans montrer fon
pavillon ; & par cette manoeuvre parvint àfe fauver.
Le lendemain le Chevalier Hughes envoya demander
àM. de Suffren le vaiffeau qui avoit amené;
mais M. de Sufften réondit que le pavillon du Séèe
avoit ééemportépar un boulet , & que cette
avarie feule pouvoit avoir fait tomber fon pavil
lon. L'efcadre Françife , dans ce combat , éoit
compofé de 10 vaiffeaux , de l'Annibal , de 90 , &
de 4 fréates. L'efcadre Angloife des 8 vaiffeaux du
Chevalier Hughes , du Sultan & du Magnanime ,
--
( 215 )
و de l'Iris & du Seahorse. La perte de notre côé confifte en un Capitaine de vaiffeau , 6 Officiers &
77 hommes tué. Le nombre des bleffé eft
de 233. On ignore la perte de l'ennemi ; mais
on fait qu'il a fait route vers Cuddalore.
Nos avaries furent fi graves , que le Chevalier
Hughes abandonna le projet de fuivre l'ennemi , &
fe trouva contraint de rentrer àNéapatam ; le 15
Juillet , aprè s'êre mis en éat d'aller chercher des
provifions & des munitions àMadrafs , il fortit de
Néapatam , & mouilla àMadraſ le 20 ; il devoit
remettre en mer le М îй ñ pour aller reconnoîre
Fefcadre Françife. —e Sceptre , l'un des vaiffeaux
de l'Amiral Bickerton arriva àMadrafs le 9 Juillet.
Ce vaiffeau avoit quittéla conferve de l'Amiral
Bickerton àl'ouverture de la Manche. Il arriva feul
àRio Janéro , oùil trouva la fréate la Méé;
ces deux vaiffeaux attendirent l'Amiral pendant un
mois ; mais voyant qu'il n'arrivoit pas , ils mirent
àla voile de conferve pour l'Inde le 28 Avril . Au
large du Cap , ils prirent un gros bâiment muni .
tionnaire Françis , que le Sceptre laiffa fous la
conduite de la Méé , dans le canal , & il continua
fa route pour Madrass . L'Amiral Bickerton
arriva àBombay les Septembre avec s vaiffeaux de
ligne & la fréate la Junon , & il mit àla voile le 17.
Dix-huit navires , tant tranfports & munitionnaires
que bâimens de la Compagnie , ont mouilléàBom-
Bay en mêe-tems que l'Amiral Bickerton , & la
plus grande partie a ſivi ſn Eſadre àMadrals.
Un cutter & trois tranfports ont éééaré dars
la route de Rio- Janéro àBombay , & on n'en a pas
encore entendu parler . Le 6 Aoû , 4 vaiffeaux
de la Compagnie , favoir : le Locko , l'Afia , l'Ofer
& l'Effex , ont mis àla voile de Bombay pour la
Chine , & on efpèe qu'ils feront arrivé heureufement
, l'efcadre Françife éant toujours fur la
côe de Cuddalore . Selon les nouvelles de Mofambique
, plufieurs de nos vaiffeaux Indiens , qui
-
-
( 126 )
n'avoient pas pu doubler le Cap , éoient encore
àSt Augustin , dans le mois de Juillet dernier. On
croit que les vaiffeaux de la Chine , qui avoient
pafféle déroit de Malacca le 10 Mars , font avec
eux . La paix avec les Marattes eft encore incertaine
, & le Carnate eft à peu - prè dans la mêe
pofition,
--
Une lettre de Bombay en date du 29
Octobre contient ce qui fuit.
Les dernièes nouvelles de Madrafs font du 10
Aoû , & àcette éoque le Monmouth & le Sceptre
éoient revenus de Trinquemale oùils avoient éé déarquer un renfort de 380 Européns ; mais des
lettres d'Aujengo reçes directement ici par difféens
navires , difent d'une maniere indubitable que l'efcadre
Françife mouilla devant Trinquemale le 30
Aoû , & s'empara du Foit le lendemain . L'eſadre
Angloife parut le 3 Septembre. Les deux armés
engagerent le combat , & M. de Suffren , aprè avoir
foutenu l'action la plus chaude , rentra dans le port
de Trinquemale avec toute fon efcadre . On dit que
le Chevalier Hughes eft reftéàla hauteur de Trinquemale
pour y bloquer M. de Suffren . L'Amiral
Bickerton a paffédevant Tilli herg le 28 du mois
dernier , & on croit qu'il aura rejoint le Chevalier
Hughes vers le 10 de ce mois. Toutes les apparences
de paix avec les Marattes ont entièement croulé
"On s'attend àvoir arriver dans le Cowan un gros
corps de leurs troupes , & le déachement du Bengale
a ordre de fe mettre en marche le premier du
mois prochain.
La flotte de la Jamaïue felon les derniers
éats éoit de 5s voiles ; de celles deftinés
pour Londres , 14 font arrivés , 14
manquent , 3 font retournés àla Jamaïue ,
& 2 ont péi ; de celles deftinés pour
Briſol , 2 font arrivés , 4 manquent & 3
font
( 217 )
font retournés fur leurs pas ; de celles
pour Liverpool 3 font arrivés , 4 manquent ,
2 font retournés ; de celles pour Glafgow
une eft arrivé , 4 manquent ; ce qui fait
20 arrivés , 26 manquant , 8 retournés &
2 fubmergés.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 25 Mars.
LE 16 de ce mois les Déuté des Etats
de Cambrai , du Pays & Comtédu Cambréis
, furent admis àl'Audience du Roi,
& préenté par le Maréhal de Soubife
Gouverneur de la Flandre , Haynaut & Cambrefis
, & par le Marquis de Séur , Miniſre
de la Guerre , ayant le déartement de la
Flandre. La déutation conduite par MM.
de Nantouillet & de Watronville , Maîre
& Aide des cééonies , éoit composé
pour le Clergédu Prince Ferdinand de
Rohan , Archevêue- Duc de Cambrai , qui
porta la parole ; pour la Nobleffe , du Marquis
d'Eftourmel , Brigadier des Armés du
Roi , Metre-de Camp , Lieutenant- Commandant
du réiment Royal Pologne ; &
pour le Tiers-Etat , de M. de Lievra , Avocat
au Parlement & Echevin de la Ville.
Le 17 le Marquis de Barain prêa ferment
entre les mains du Roi pour la place de
Lieutenant - Gééal de la Principautéde
Dombes , dont S. M. l'a pourvu , fur la
déiffion du Comte de Barain fon pèe.
Le Comte de Banc d'Altier , que le Roi
29 Mars 1783. k
( 218 )
a nomméMeftre - de - Camp - Lieutenant en
fecond du Réiment de Conti , Dragons ,
a eu l'honneur d'êre préentéau Roi par
le Prince de Conti , & de faire fes remerciemens
àS. M.
Le 9 de ce mois la Marquife de Brunier
d'Adhemar , & la Comteffe du Diefnay des
Roches eurent l'honneur d'êre pré .entés
àL. M. & àla Famille Royale , la premièe
par la Princeffe de Chimay , Dame d'Honneur
de la Reine , & la feconde par la Ducheffe
de Lorges , Dame d'Honneur de
Madame la Comteffe d'Artois.
M. le Comte de Courcy , Capitaine de
Dragons au réiment de Dutfort , ayant eu
l'honneur d'êre préentéau Roi & àla famille
Royale , a eu , le 21 Férier , celui de
monter dans les carroffes de S, M. & de la
fuivre àla chaffe.
De PARIS , le 25 Mars.
SELON les nouvelles d'Efpagne la divifion
de la flotte Françife en rade àCadix ,
deftiné pour Toulon , a dûmettre àla
voile le 4 de ce mois fi le tems le lui a
permis ; celle pour Breft devoit partir deux
jours aprè.. M. de Vialis avec fon vailleau
de 74 alloit appareiller feul pour une miſ .ion
particulièe. M. le Comte d'Estaing n'aura
quittéCadix qu'aprè le déart des efcadres.
M. le Prince de Naffau a fuivi de bien
prè M. le Marquis de la Fayette ; il eſ
arrivéici quatre jours aprè lui. Ce Prince
a ééarrêépar des voleurs dans fa route
( 219 )
-
>
de Madrid àCadix ; non contens de la
bourfe qu'il leur avoit préenté d'abord
ils ont exigéun fac d'argent qu'ils favoient
êe dans fa voiture . Aprè l'avoir obtenu ,
ils offrirent au Prince de l'efcorter de
crainte qu'il ne fî une feconde rencontre ;
mais il les remercia en lur difant qu'il
pouvoit s'en paffer , parce qu'il n'avoit plus
en àperdre.
,
La feule nouvelle que nous ayors àrecueillir
des lett: es de Cadix , ett celle de
la mort du Baron de Pirch Colonel-
Commandant du Réiment de Heffe - Darmftadt
, arrivé dans un âe pu avancé,
en moins de trois jours d'indifpofition . On
avoit d'abord attribuéce malheureux éè nement àune forte méecine prife àcontretems
; mais on a reconnu àl'ouverture de
fon corps que la caufe de fa mort éoit un
polype au coeur. Cet Officier eft extrêement
regreté Il avoit éééevéàla Cour
& dans les troupes du Roi de Pruffe ; &
on fait que le Prince Royal l'honoroit de
fon amitié& d'une bienveillance particulièe.
On avoit raifon de fe déier de la plupart
des relations qui venoient d'Italie au fujet
du déaftre de la Sicile. Le dernier Courier
nous apprend qu'en effet le nombre dest
morts a éébeaucoup moins confi léable
àMeffine , & qu'il n'y a péi que ceux
qui en éant fortis àla premièe fecouffe ,
y retournèent pour chercher d s effets &
des provifions , & qui furent forpriſs par
k 2
72209
celle qui renverfa la ville : quant àla Calabre
jufqu'àpréent on n'a pas de plus
grands déails , & ce beau pays paroî avoir
éétotalement bouleverfé
La Seine qui a groffi avec beaucoup de
rapidité, a diminuéavec plus de lenteur ;
comme elle a ééfort baffe pendant tout
l'éédernier , & que fur la fin de l'hiver
elle eft devenue trop haute , l'approvifionnement
de Paris en a fouffert , & on a eu
quelque inquiéude pour le bois de chauffage
; pour fubvenir aux befoins du Public ,
le bois pour les Boulangers a ééd'abord
mis en ré .erve , & ce qui reftoit a éédiftribué aux particuliers qui ne pouvoient
en prendre qu'une certaine quantité On
a avancéla coupe ordinaire du bois de
Boulogne & celle du parc de Vincennes
ce qui a fourni plufieurs milliers de cordes
de bois. A préent que la rivièe eſ deſendue
les bateaux qui font dans les environs
ramèeront l'abondance.
Ce n'eft pas feulement dans nos parties
que la crue fubite des eaux a caufédes
alarmes . On apprend que les principales
rivièes de France , la Garonne , la Dordogne
, la Charante & fur-tout la Loire ,
ont déordé& cauféde grands ravages .
A Nantes la Loire eft monté à18 pouces au
deffus de la grande eau de 1711 , la plus forte dont cn
fe fouvienne. Elle est entré dans tous les magaſns &
dans l'entrepô gééal ; le déâ qu'elle a caufédans
les fucres , les café , &c. eft éaluéàdes fommes
confidéables. Cette grande rivièe ayant rompu fes
digues en deux endroits , Saumur , & ce qui eft
7 221 1
plus éonnant , le Mans ont ééentouré d'eau , de
manièe que les habitans de ces Villes ainfi affligés
ont ééréuits , pendant plufieurs jours , àn'avoir ,
par têe , qu'une demi - livre de pain . Dans toutes ces
Provinces les pluies ont déradéles chemins , enforte
que tous les Couriers ont ééen retard. Bordeaux
n'a pas moins fouffert par le déordement des eaux
de la Garonne cauféprincipalement par celui de la
Gironde , que Nantes par la crue fubite de la Loire ,
quantitéde navires ont déapé, & des bateaux ont
ééporté bien avant dans les terres . Le dommage
eft portéàplus de 2 millions.
Les orages ont ééfréuens dans plufieurs
endroits pendant le mois dernier.
Le 9 Férier le tonnerre tomba dans le choeur de
l'Eglife de St. Sulpice de Ballet , doyennéde Sablé,
fendant la Meffe àdix heures trois quarts. La foudre
entra par une des ouvertures du clocher , brifa le fil
de fer de l'horloge , en plufieurs morceaux , & en
fouda & colla partie. De làelle caffa une pierre de
la voûe , & fe portant obliquement contre un des
piliers dans une pierre dure , elle en calcina partie à la hauteur de deux pieds & demi deterre. A ce choc
le globe de feu s'ouvrit avec un bruit violent , & dans
fon explofion renver fa plufieurs perfonnes dont deux
reftèent fans connoillance. Dans le mêe inftant les
perfonnes voilines fentirent un coup fur les cuiffes
comme celui d'une barre de fer. On emporta fept
perfonnes couvertes de bleffures & dangereufement
frappés , & plus de vingt autres lééement
les plus malades font hors de danger , mais se font
pas guéis Le 16 du mêe mois le tonnerre
tomba àChampteci , route de Nantes , fur le clocher
de la Paroiffe dont il endommagea la couver
ture & la charpente. Il pééra enfuite dans l'Eglife
oùtout le monde éoit alors affemblépour entendre
la Grand'Meffe ; il fit érouver àquinze perfonnes
qui occupoient les deux bouts voifins da chocur une
k z
"
( 222 )
ques
commotion trè -vive , dont toutes portent des marfur
diverfes parties de leur corps ; il en éectrifa
plufieurs autres au- deffus du gias de la jambe ,
& ne caufa aucun dommage confidéable .
En annonçnt dernièement la feconde
livraifon des Eftampes deftinés àla nouvelle
éition des OEuvres de Voltaire , propofés
par foufcription par M. Moreau le
jeune , nous avons omis d'y joindre le prix .
Il eft de 2 livres pour chaque Eftampe imprimé
grand in- 49 . fur le papier Nom de
Jéus , & de liv. pour chaque Etampe
in- 8 ° Chaque livraifon jufqu'ici a ééde
10 Eftampes ; il en paroî 2 ; il en paroîra
8 encore de 4 en 4 mois. Cette fuperbe
entreprife digne de l'Artifte habile qui en
a conç le plan , qui a fait tous les delfins,
& qui dirige toutes les parties de l'exéution
, eft au - deffus de tous les éoges .
Mademoiselle Saugrain , aimable éèe de cet Artifte
céère , dont nous avons déàannoncédeux
Estampes trè - agrébles , vient d'en fair deux nouvelles
qui préentent deax Vues de Drefde , d'aprè
deux tableaux de Wagner. Elle les a gravés fous la
direction de fon maîre M. Moreau le jeune. Ces
deux Eftampes qui font d'un effet trè-agréble , d'un
burin trè -léer & trè -foigné, font le plus grand
honneur àMademoifelle Saugrain , & àl'Artiite qui
a déeloppé& cultivéfes talens ( 1).
Nous nous emprefferons d'annoneet ici une autre
Eftampe intéeffante & qui méite d'erner le cabinet
& le porte- feuille des amateurs. Il fuffit de nommer
(1 ) Ces Eftampes coûent chacune 1 liv. 10 f. ainfi que les
deux premièes de Mademoiſlle Saugrain qui font deux Vues
des environs de Paris , d'aprè des Tableaux de M. L. G. Mo,
reau. Elles fe trouvent les unes & les autres chez M. Morea
le jeune , rue du Coq - St -Honoré, prè le Louvre.
1
( 223 )
M. J. Danzel qui l'a gravé d'aprè le tableau origi
nal peint pour la Manufacture des tapilleries de la
Couronne par M. Boucher , premier Peintre du Roi .
Le fujet eft Vulcain préentant àVenus des armes
pour Enfe ; rien de plus beau que l'enfemble & les
déails de ce tableau , rien de plus agréble , de plus
frais , de plus pittorefque que l'exéution . On connoî
les talens de M. Boucher & les graces qui animent
tous les fojets ; la gravure a tout rendu d'une
manièe fupéieure. Cette Eftampe eft de la mêe
grandeur que celle que le mée Artiſe a déàpublié
fous le nom de Callirheé, àlaquelle il done
mera bientô un pendant que le Public ne peut qu'at-*
tendre avec impatience ( 1 ) .
Le Bureau Royal de Correfpondance nationale
& érangèe , éabli par Arrê du
Confeil du 16 Avril 1780 , fous l'infpection
du Gouvernement , a pour objet la
fûeté& la commoditédes perfonnes qui
ont des affaires hors de leur domicile , ou
qui ne peuvent les géer par elles mêes.
La nature des objets qu'il embraffe font
les fuivans.
It fe charge des recettes de penfions , rentes , &
revenus de toute efpece , de fuite d'affaires , de re-
Convremens tant àParis que dans les autres villes
du royaume & de l'éranger ; de toutes les commiffions
& follicitations qui exigent les foins d'un ami
o la préence d'un intéeffé Perfonne n'eft forcéde
s'adr fler àlui ; mais il eft feul autoriféàs'annoncer
par des avis imprimé pour les commiffions de
cette efpece , & qui puiffe offrir au public une folidité àl'abri de tous les éèemens ; le bon ordre ,
(1 ) Cette Etampe du prix de 16 liv . fe trouve àParis chez
P'Auteur M. Danzel , rue d'Enfer , a côédu Séinaire de
Saint- Louis .
k 4
1224
2
Lactivité& l'exactitude éabliſ .ent cette folidité; uæ cautionnement de 500,000l. , une Compagnie folidai
re& l'inſection du Ministèe en font les fûs garants.
Ses opéations principales font la recette des rentes
penfions & autres revenus ; les brevets , les ordonnances
, les gages de la Maifon da Roi & des Princes;
les Erats du Roi; les Offices fupprimé ; les placemens
dans les emprunts ; l'achat & vente des effets royaux;
la liquidation pour les Corps & Communauté ; la
forme des paiemens ; les conventions particulièes
relativement àla vente des revenus & penfions ; la
recette gratuite pour les hofpices de charité; les recouvremens
; les affaires contentieufes ; les parties
cafuelles ; les affaires àfuivre au Confeil , àla gran
dé& petite Chancellerie de France , aux Bureaux -
des Miniftres ; les expéitions des actes , la vente.
des biens immeubles . De veiller aux déenfes des
jeunes gens envoyé de Province ou des Pays érangers
àParis pour leur éucation , quand les chefs
de familie auront déoféles fonds qu'ils deftinent
pour cet objet dans la caille ; de procurer des logemens
aux érangers ; d'acquitter fur de fimples mandats
les méoires de déenfes , lorfque les fonds en
auront ée prélablement faits ; du fervice gratuit
pour les hofpices & des autres maifons de charité
Le Bureau ne prendra pour tous les foins de ceite
efpèe qui regardent les jeunes gens & les érangers ,
qu'un pour cent des fonds qui lui auront ééconfié ,
c'eft-àdire , 20 fols par chaque cent livres des fommes
qu'il aura eu àdiſribuer , lorſu'elles ne monreront
pas à3000 liv. , & demi pour cent feulement
fi elles excèent ; mais il ne fera jamais d'avances , à moins qu'il ne foit muni de sûeté convenables . Il
faut s'adreffer àParis , àM. Perrot de Chazelle ;
J'un des propriéaires du Privilée , Directeur Gééal
du Bureau , rue neuve St- Augustin.
On vient de nous faire paffer l'avis fuivant
que nous nous empreffons de publier.
( 225 )
1
1
Le déangement que les fouilles & les éuifemens
néeffaires pour la reconſruction des bains
de Bourbonne , avoient occafionnéàla fontaine
miséale chaude de ce lieu , n'a ééque paffager ,
ainsi que les craintes qu'il avoit fait naîre cette
fontaine a repris fa chaleur & fon éat ordinaire.
Les déouvertes auxquelles ces travaux on donné lieu , ajoutent aux téoignages qu'on avoit déa´ que ces eaux céères ont ééfréuentés des Romains
, lorfqu'ils éoient les maîres des Gaules . On
a trouvéfous les bains attenant ces baffins , trois
espèes de réervoirs ou éuves de 7 à8 pieds de
hauteur , fans voûe , & de 6 pieds de large , rempiis
d'une cau trè-chaude : on a trouvéauſi un puits
de forme quarré , renfermant une cau dont la cha
leur eft à64 degré & demi du thermomère de
Réumur , c'est- à dire , d'environ 15 degré de plus
que celle de la fontaine. Ces Ouvrages fouterrains
dont on n'avoit nulle idé , ne prouvent- ils pas l'affaillement
fucceffif des colines qui aura éhaufféle
fol du vallon , oùfourdent ces eaux : la barbarie ,
qui ne conferve rien , a pu faire oublier ces monumens
fur lefquels , dans la fuite , on auroit conftruit
les bains qu'on vient de déruire pour en éablie
d'autres plus commodes. Signé, MONGIN DE
MONTROL , Méecin , Intendant des Eaux de
Bourbonne.
Nous annoncerons ici un ouvrage intéeffant
dans les circonstances préentes , &
qui le deviendra davantage lorfque le fuppléent
indifpenfable que l'Auteur doit y
faire aura paru ; c'eſ l'Abréédes principaux
Traité conclus depuis le commencement
du 14e. fièle jufqu'àpréent , difpofé
par ordre chronologique. Ces Traité ne
vont que jufqu'àl'anné 1778 ; celui de
( 226 )
霉 Tefchen & celui qui met fin àla guerre
actuelle , doivent former un fuppléent intéeffant
qui procurera en mêe tems l'occafion
de réarer quelques omiſ .ions dans
les teins prééens ( 1 ) .
con-
Le feur Dupuy, déa connu par les Fortifications ,
Châeaux & Seigneuries entièes en relief qu'il exéute
, & de la premièe eſèe , dont on trouvera
chez lai de tous faits, avertit MM. les Officiers , qu'on
trouvera aufli chez lui des tables de Tactique de
fon invention. Elles font compoftes de manièe
qu'on peut y former tous les terreins poffibles , y
faire marcher , manoeuvrer deux armies , avec tout
ce qui eft relatif , comme artillerie , pontons ,
vois , &c. &c. &c. dans un Pays fur 4 lieues de
long , & 3 & demie de large. Le nombre des objets
qui fervent àla repréentation de tous les difféens
changemens dont elle eft fufceptible , eft de 1030
à40. Cette Table eft indifpenfable aux Officiers
qui veulent approfondir l'art de la guerre dans
toutes fes parties. Il en a maintenant de toutes faites ,
que MM. les Militaires pourront venir voir tous
les matins , depuis 9 heures jufqu'à2 heures de l'aprè-
midi. Il ouvrira , au premier Avril prochain ,
un Cours de Tactique complet , conforme aux Ordonnances
& aux Rèles militaires dont il fera
l'explication & la déonftration , àl'aide de cette
Table. Ceux qui voudront le fuivre , font prié
de fe faire infcrire le plutô poffible , puifque le
nombre des Soufcrivans ne fera pas au- deíus de 18.
(1 ) Cet Ouvrage déiéàMonfieur , fait la feconde partie
de la Bibliothèue politique àl'ufage des Sujets deftiné aux
néociations ; par M. le Vicomte de la Maillardiere , Lieute
nant-Gééal pour le Roi en Vermandois , & Thierache , Capitaine
de Cavalerie , Membre de l'Acadéie Royale des
Sciences & Arts de Dijon , de celle de Lyon , & c . 2 vol in 12.
AParis , chez la veuve Duchefne , rue St- Jacques , & Valade ,
rue des Noyers.
227 )
MM. les Officiers gééaux pourront y affifter quand .
ils le jugeront àpropos. Le Cours eft de so leçns
de trois heures chacune , les Lundi , Mardi & Vendredi
, à9 heures du matin. Le premier Cours fuivi ,
on n'aura plus befoin de fe faire infcrire pour les
Suivans . Sa demeure eft rue des Liens St - Paul , la
troisièe porte cochere àgauche en entrant par la
rue St- Paul.
Le Roi de Suèe vient de faire remettre àM. Valade
, qu'il avoit déàhonorédepuis long-tems du titre
de fon Imprimeur & de fon Libraire àParis , la
méaille d'or frappé en Suèe àl'occafion de la réolution.
Cette diltinction flatteuſ eſ un téoignage
authentique de la munificence du Monarque & de
la fatisfaction des fervices & du zèe de M. Valade ,
qui en fourniffant àla bibliothèue de S. M. Suéoife
les meilleurs ouvrages qui s'impriment en
France , l'a enrichie de la jolie collection des petites
éitions préieufes & trè - foignés qui font forties
& qui fortent journellement de fes preffes , & qui au
méite de l'ééance typographique joignent le méite
rare du choix ( 1 ) .
Pierre Jofeph de Chapelle , Marquis de
Jumilhac , Lieutenant Gééal des Armés
du Roi , Lieutenant de Roi en Péigord
au déartement de Carlat , ci-devant Gouverneur
de Philippeville , &c. eft mort le
9 de ce mois dans la 92e . anné de for
âe.
»Arrê du Confeil d'Etat du Roi. Le Roi
voulant , àl'exemple de fes Prééeffeurs , donner
des marques fpéiales de fa protection àcette
claffe de fes Sujets , que la perte de la vue met hors
(1 ) Cette Collection des Poëes Françis , en petit format ,
qui eft àpréent trè - nombreufe , fe trouve àParis chez M
Valade , Imprimeur- Libraire , rue des Noyers.
1
k 6
( 228 )
>
d'éat de travailler pour le procurer les befoins
de la vie , s'eft fait rendre un compte particulier
& déailléde l'exéution du nouveau plan d'Adminiftration
que S. M. avoit approavé, concernant
I'Hopital Royal des Quiaze-vingts Aveugles de
Paris , lequel lui avoit éépréentépar le Cardinal
de Rohan , Grand Aumôier de France , Supéieur
gééal & imméiat dudit Hopital , pour le fpirituel
& le temporel ; S. M. auroit reconnu qu'avant
la vente de l'ancien enclos des Quinze- vingts &
leur tranflation au fauxbourg S :-Antoine , autorifés
par Lettres -patentes du Roi , enregistrés en
Parlement le 31 Déembre 1779 , les Aveugles domicilié
n'ayant alors par jour fur leurs revenus
qu'une réribution infuffifante , éoient obligé de
fe réandre avec importunitédans les Eglifes , &
mêe avec danger dans les rues de la Capitale ,
pour trouver dans la commiféation des perfontes
charitables , de quoi pourvoir àleur propre fubfif
tance & àcelle de leurs femmes & enfans ; que plu-
Leurs éant ſuls & ifolé , fouvent fans aide ni fecours
, lorfque la vieilleffe & les infirmité les réuifoient
àne plus fortir , n'avoient d'autre reffource
que de folliciter leur tranfport dans l'Hôel - Dieu .;
mais que par les foins du Cardinal de Rohan , on
auroit trouvédans l'emploi des revenus ordinaires
de quoi améiorer le fort des Trois cents Aveugles ,
en fupprimant la quêe & la mendicité; & dans
l'accroiffement de ceux qu'a procuré , la vente de
l'ancien enclos , des fonds fuffifans pour de nouveaux
éabliſ .emens analogues àla fondation primitive
& propres àconfoler l'humanitéfouffrante :
Qu'en conféuence , on auroit fait aux Trois cents
Aveugles de l'ancienne fondation , domicilié dans
Hopital , un traitement beaucoup plus confidéable
, en le graduant felon les befoins , àraifon de
vingt fols par jour , outre le fel , pour les garçns
& les veufs ; de vingt-fix fols pour les perfonnes.
( 229 )
mariés àdes érangers ; de trente- fix fols pour ceux
ou celles marié àdes Aveugles de l'Hopital : Qu'en
outre , on auroit deftinédes fonds pour contribuer
àéever les enfans des Aveugles marié , jufqu'àl'âe
de feize ans , & leur faire apprendre des méiers
& enfuite pour l'éabliflement d'une Infirmerie dans
l'intéieur de l'enclos , oùles Aveugles domicilié
& malades trouveront tous les fecours qui leur
feront néeffaires : Que dans l'augmentation des
revenus , on avoit déa trouvéles moyens de
crér les nouveaux éabliſ .emens fuivans : 1º. vingtcinq
places pour des Gentilshommes , & huit pour
des Eccléiaftiques pauvres & aveugles : 20. Des
penfions alimentaires de cent livres , cent cinquante
livres & de deux cents livres pour trois cents
pauvres Aveugles de Province ; 30: Cent cinquante
Aveugles choifis parmi les pauvres A pirans , auxquels
on donne tous les jours le pain : que de plus ,
il feroit fondéun Hofpice de vingt- cinq lits pour
des pauvres de Province, qui , affligé de la maladie
des yeux , y feront nourris & traité gratuitement
, jufqu'àleur guéifon ou juſu'àce que la
céitéparfaite foit déidé : qu'il y aura d'habiles .
Oculiftes attaché au fervice de l'Hopital , lefquels.
donneront , deux fois par femaine , gratuitement
leur temps , leurs foins & les fecours de leur art
àtous ceux qui viendront les confulter : qu'il doit
êre donnéun prix annuel de quatre cents livres
lequel fera adjugéau meilleur Méoire , dont le
fujer aura éépropofé, fur les maladies des yeux ,
fur la manièe de les préenir & de les guéir ,.
avec le prix des remèes àemployer.. S. M. ayant
bien voulu approuver ces nouveaux éabliffemens
& en marquer la fatisfaction , il lui a éérepréenté que vu la retraite & la déiffion des anciens
Gouverneurs-Adminiftrareurs , il éoit important:
qu'Elle voulû bien agrér , approuver & confitmer
, la nomination faite par le Cardinal de Ro(
230 )
han , comme il lui appartient , par le droit de
fon éat & charge de Grand- Aumôier , & d'aprè
les Statuts enregistré en Parlement , de fix Gouverneurs-
Adminiftrateurs , pour l'aider & réir avec lui
en fon abſnce les biens & revenus dudit Hopital :
Qui le rapport ; le Roi éant en fon Confeil , a approuvé les nouveaux éabliſ .emens ci - deſ .us mentionné
, &c. «
Les numeros fortis au tirage de la loterie
royale de France du 17 de ce mois ,
font , 24 , 41 , 75 , 23. & 78.
De BRUXELLES >, le 25 Mars.
LES nouvelles qui fe réandent du Nord
font trè vagues & trè incertaines ; s'il faut
en croire quelques papiers , de jeunes Seigneurs
Ruffes qui voyagent , ont , dit- on ,
reç avis de Péersbourg , que les Turcs
ayant commis des hoftilité contre un corps
de troupes Ruffes , l'Impéatrice a fur- lechamp
délaréla guerre , mais on n'apprend
de nulle part qu'aucun Ambafladçr de
Ruffie ait reç ou confirmécette nouvelle.
On apprend de la Haye que Fultimatum
de la Réublique portéàla gééalitépar
la Hollande , contient en fubftance , 1 °. un
refus abfolu de faire aucune ceffion àl'Angleterre
. 2 ° La demande d'une navigation
libre , d'aprè le plan tracépar la neutralité armé . 3 ° Des follicitations d'indemnifation.
4° Qu'avant d'avoir réléces points
on ne fauroit fe déerminer d'envoyer un
( 231 )
Miniftre àLondres. Cinq provinces fe conformèent
d'abord àce prévis. Les Déuté
de Zéande demandèent un déai . Cependant
les Néociations éant preffés on paffa
àla conclufion , & le Courier chargéde
cet ultimatum fut expéiéàParis le 5.
Les Etats de Hollande & de Weftfrife , ajoutent
ces lettres , alfemblé le 14 de ce mois , le feront en◄ core demain 18. Ca croit qu'ils déibéeront fur la
réonse qui aura ééfaite àl'ultimatum , & qu'on
compte recevoir aujourd'hui. Le courier qui l'ap
portera fera àce qu'on efpere chargéauffi de la fignature
des préiminaires entre la Réublique & la G.
B. On ne pense pas que l'article qui regarde l'indem--
niſtion arrêe rien , pourvu qu'on obtienne la reſitution
de Negapatnam & la libertéde la navigation.
Cependant les Intéeffé àcette indemnifation , ont
préentétequêe aux Etats - Gééaux pour qu'on lat
leur procure , ou que
du moins on prenne des inefures
pour les déommager de quelque manièe ; les
Provinces de Hollande & de Zéande ont pris cette
requêe en confidéation . On attend inceffamment
un plus grand nombre de paffeports Anglois ; les
cent qu'on a d'abord reçs ont éédiftribué fur le
champ.
a
--
PRÉIS DES GAZETTES ANGL . du 18 Mars.
Quelles que foient les perfonnes qui compoferont
l'Adminiftration , le Chancelier de l'Echiquier eft
déerminéàpourfuivre fon enquêe fur le péulat
des cinquante millions , jufqu'àce qu'elle parvienne
àforcer les coupables d'avouer leur crime.
La diffolution du Parlement ne peut manquer
d'êre vivement cenfuré par tous ceux dont elle
contrarie l'ambition & les vues intéeffés . Il n'en
eft pas moins vrai nénmoins que ce feroit le
moyen le plus raifonnable de connoîre les vrais
( 232 )
fentimens de la Nation fur le compte des difféens
perfonnages qui fe difputent l'autorité
L'armé d'Irlande doit êre réuite à4000 hommes
effectifs , en y comprenant quatre Réimens
de Cavalerie & trois de Dragons.
Les vaiffeaux retiré de commiſ .ion ont déa
fait licentier plus de 11,000 matelots . Plufieurs
d'entreux le font engagé àbord des bâimens de
commerce ; les autres fortis d'emploi feront' obligé
d'entrer au fervice éranger.
Des ordres ont ééexpéié pour faire revenir
des Ifles & de la Jamaïue 32 vaiffeaux de ligne ,
mais ils ne doivent mettre àla voile que lorfque les
Françis àSaint-Domingue & les Efpagnols àla
Havanne , auront fait toutes les difpofitions néeffaires
pour leur déart.
Le Marquis de Carmarthen a eu ces jours derniers
un long entretien avec le Roi , relativement
àfon Amballade de France.
Il eft arrivéun Exprè venant de Portſouth ,
avec la nouvelle que les éuipages des Sloops de
guerre le Speedy & le Marquis de Seignelay , qui
avoient éédéigné pour convoyer les bâimens
allant aux Ifles de l'Améique , s'éoient réolté
& avoient refuféde faire la travetfé.
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉÉ .
»PARLEMENT DE PARIS. Grand Chambre. Caufe
entre la veuve Magrah , Aubergifte àLaon , & la
communautédes Aubergiftes & Limonadiers de la
mêe ville. Les anciens Statuts des communau- -
té d'arts & méiers portoient , que les veuves des
maîres pourroient , pendant leur viduité, continer
les mêes trafics que faifoient leurs maris , & tenir
garçns & apprentifs fous elles . L'Edit de réabliffement
des corps & communauté d'arts & méiers ,
( 233 )
---
qui a fuivi leur fuppreffion , ordonné par un prééent
Edit , a apportéquelque changement àcette loi.
L'article VI pore , que les veuves des maîres qui
Leront reçs àl'avenir ne pourront continuer d'exercer
le commerce , profeffion , ou méier de leurs
maris , que pendant une anné , lauf àelles àfe
faire recevoir dans la communautéen payant moitié des droits de réeption . Et l'article VIII , accorde
aux anciens maîres des communauté tupprimés &
àleurs veuves , le droit de continuer d'exercer le
commerce , profeffion & méier de la communauté dans laquelle ils avoient ééreçs fans payer aucuns
nouveaux droits , & le aggièe feulement aux nouvelles
communauté . Ces deux articles ont donné lieu a la queftion de favoir , fi ce privilée accor
déaux veuves d'anciens maîres , devoit s'entendre
feulement des veuves d'anciens maîres au moment
de l'Edit , ou s'il devoit êre éendu àcelles des anciens
maîres , qui deviendroient veuves depuis l'E
dit. La communautédes Aubergiftes & Limonadiers
de la ville de Laon , vient d'éever cette question
vis-à vis de la veuve Magrah , concluant àce que
déenfes lui fuffent faites d'exercer l'éat d'Aubergifte
, & qu'elle fû condamné en des dommagesintéês
, pour l'avoir induement exercédepuis le déè
de fon mari . Une Sentence par déaut du 17
Septembre fuivant ayant adjugéàla communautéles
conclufions qu'elle avoit prifes , la veuve Magrah en
a interjertéappel . Arrê du 11 Janvier 1783 , fus
les conclufions de M. l'Avocat- Gééal Joly de
Fleury qui a infirméa Sentence , a déhargéla veuve
Magrah des condamnations contr'elle prononcés ,
& àcondamnéla communautéaux déens .
---
---
Caufe entre les fieur & dame M*** . Séaration
de corps. La diffamation eft dans tous les éats
un moyen de féaration pour la femme. Nous ca
( 234 )
avons rapportéplufieurs exemples ; cette Caufe en
offre un nouveau. Un Arrê du mois de Déembre
1781 , avoit admis la femme àla preuve des faits
par elle articulé ,fauf au mari déunt la preuve contraire.
Elle a fait la preuve. Arrê du 12 Férier
1783 , fur les conclufions de M. l'Avocar-Gééal
Dagueffeau , qui prononce la féaration de corps &
de biens ; condamne le mari àrendre la dot & les
effets de fa femme , & aux déens.
-
Caufe entre la dame de B*** & fes enfans . - Parmi
les difféentes espèes d'avantages poffibles entre maris
& femmes , il y a une grande diftin&tion àfare entre
deux éablis par le contrat , & ceux faits durant le
mariage. les prem ers font licites quelque confidéables
qu'ils forent , fauf l'exception de l'Edit
des fecondes noces , qui limite les avantages au don
d'une part d'enfant : l'excè de la donation ce la rend
pas nulle , mais réuctible feulement ad legitimum
modum. Quant aux avantages faits durant le mariage
as Coutumes les regardent d'une manièe
bien difféente : les unes les permetent , les autres
les déendent. Celle de Paris les déend : & elle doune
lieu àdes queftions d'avantages - indirects , lorf
qu'un des conjoints voulant reconnoîre les fains ,
les attentions & la tendreffe de l'autre , choifit des
perfornes tierces , àla probitédefquelles il fe confie
, pour lui remettre des objets de donation plus ou
moins conféuens : ou lorfque des conjoints , ayant
leurs biens en Coutume prohibitive , les déaturent
pour en acquéir d'autres en Coutume permiffive ,
pour avoir la facilitéde les léuer par teftament au
furvivant. Ces questions font trè éineules , &
leur folution déend beaucoup des circonftances .
Le fieur de B *** , ancien Capitaine de Dragons ,
& Chevalier de St - Louis , éoufa en Novembre 1747,
la demoiſlle P*** ; il avoit 45 ans , & la demoi
( 235 )
felle fature àpeine 26. Sa dot fut de 120,000 livres ,
les biens du mari furent porté àla femme de
210,000liv. ; la mife réiproque en communautéfor
ftipule à20,000 liv. , le douaire à6000 liv . de
rente ; les reptiles de la femme à12,000 livres 5
le contrat de mariage contient auffi donation entrevifs
car le fatur àla future. en cas de furvie , foit
qu'il y ait enfans ou non, de la femme de 30,000 live
L'union a éétrè heureuſ entre les éoux : trois
enfans en font provenus ; le Baron de B *** & deux
filles mariés , dotés chacune a leur mariage , de
16,000 liv. de rente au principal , an denier vi go
cinq , de 400,000 liv . Le 31 Mai 1768 , acquifition
faite par le fieur de B*** , d'un terrain de
2 arpens & demi en marais far les nouveaux boulevards
, pour le prix de 43,000 liv. Sur la moitié de ce terrein , le fieur de B*** a fait un potager
enclos de murs garnis d'efpaliers , avec un pavillon
ornéde glaces & fculptures . Le 17 Juillet 1780,
il a fait , par acte devant Notaires , donation enentrevifs
en toute propriééde cette partie de terrein ,
avec les bâimens àla dame L*** , tante de fon
éoufe , fous la réerve feulement d'ufufruit pour
lui fa vie durant ; la donation a ééfellé & infinué
le 29 Aoû 1780. Le 2 Septembre de la mêe
anné , donation entrevifs faite par la dime L***
àla dime de B *** de l'objet àelle donnéle 17
Juillet prééent. Le 13 Novembre 1780 , donation
paffé devant Notaires , par l'Abbé** au profit
de la dame de B *** , préente & acceptante de
la fomme de 150,000 liv . contenue en 30 billets
des Fermes , de chacun sooo liv . remis du confentement
de la donataire au fieur fon mari , qui
le reconcit en fa charge , fous condition que ladite
fomme demeurera propre àla donataire.
Octobre 1781. Acquifition de la Terre du B ***
& fes déendances , fitués dans la Coutume de
2
,
- Le if
( 236 )
-
Chartres , faite par le fieur de B ***, de M. de M***,
moyennant la fomme de 470,000 liv . & 6000 liv.
de pet-de-vin ; le prix principal payable , moitié aprè l'obtention des lettres de ratification , l'autre
moitiéen deux paiemens éaux àun an de diftance
l'un de l'autre . Plus , par le mêe acte , vente &
ceffion de tout le mobilier pour le prix de 30,0co liv. ,
& de difféens autres objets déaillé dans l'acte
pour 10,000 livres , les deux dernièes fommes faifant
celle de 40,000 liv. payés comptant . Codicile
du fieur de B *** , du mêe jour 13 Octobre
1781 , 11 heures du foir , par lequel , pour marquer
fon eftime & fon attachement àla dame fon éouse , it
lui donne & lèue ladite Terre & Seigneurie du B ***,
avec toutes les appartenances & déendances , fiués
Coutumes de Châeau-Neuf en Thimerais , & de
Chartres , fans en excepter ni réerver. Le feur
de B*** eſ déééle 27 Octobre de la mêe
anné. Par fon teftament fait au codicile dont on
vient de parler , il avoit affignéàchacune de fesfiles
une partie de fes biens pour les remplir des
400,000 liv. de dot donnés àchacune par contrar
de mariage , & avoit du furplus inftituéfon fils de
B*** , fon Léatataire univerfel , àla charge de
payer les dettes. Ce fils a attaquécomme nuls
les donations entrevifs faites par la dame L*** &
l'Abbé** , le legs fait par le codicile du ficur de
B*** de la Terre du B*** . Une Sentence par
déaut, d16 Mars 1782 , ayant délarénulles lefdites
donations & le legs de la Terre du B *** , la dame
de B*** en a interjettéappel. - Arrê , le 24 Jan.
vier 1783 , qui a délaréles deux donations nulles
& de nul effet & valeur , & a fait déivrance àla
dame de B*** , du legs de la Terre du B*** , déens
compenfé.
Caufe entre la Communautédes Maîres Chande
( 237 )
-
-
-
Tiers de Paris & le fieur Petit , Maitre Chandelier.
Le fieur Petit , Maîre Chandelier , occupe une
moitiéde boutique , dont l'autre eft occupé par le
fieur Cunenbourg , Maîre Epicier , fon beau- frèe.
Ces particuliers ont fait metttre au- deffus de
cette boutique commune cette infcription : Gutenbourg
& Petit tiennent magafin de toutes marchandifes
de l'éat d'Epicier & de Chandelier. ·La
Communau édes Maîres Chandeliers a cru voir
daas la manièe dont ces commerçns font loges ,
une contravention àfes Statuts , qui déend le cumul
de deux éats difféens & incompatibles. En conféuence
les Gardes & Juré fe tont tranfporté chez
le fieur Petit , & ont dreffécontre lui un procèverbal
de contravention . Ce procè- verbal ne porte
cependant pas qu'ils l'aient trouvéoccupéàaucune
chofe de l'éat d'Epicier , mais feulement àfon éat
de Chandelier , les deux moitié de boutique éant
bien diftingués par la difféence des marchandifes
des deux éats . La Communautédes Maîres
Chandeliers a nénmoins fait affigner le fieur Petit
en la Chambre de Police du Châelet , pour que
déenfes lui fuffent faites de cumuler ainfi les deux
éats , & de faire fon commerce dans une moitié de boutique ; qu'il i fû enjoint d'en avoir une
diftincte & féaré , & qu'il fû condamnéen l'amende
pour raifon de la contravention . Sentence
de Police qui l'a ainfi ordonné, & l'a condamnéen
dix livres d'amende & aux déens. -Le fieur Petit
en a interjettéappel Arrê du 11 Déembre
1782 qui a mis l'appellation & ce dont eft appel
au nént ; éandant a déhargéPetit des condamnations
contre lui prononcés , &condamnéla Communautê des Chandeliers aux déens.
-
PARLEMENT DE TOULOUSE. ( Suppofition de
perfonne , dans un ate public , punie ) . Caufe ex
( 238
)
tueux ,
traite du Journal des Caufes céères ( 1) . Il eſ
dans le Droit Romain plufieurs manièes d'acquéir .
-Juftinien en a fait un titre particulier dans les inftitates
. Un maçn de Fons , en Languedoc , nommé Péouris , pen fatisfait de toutes celles qui font déombrés
dans les loix romaines , en voulut inventer
*unenouvelle àfon uſge. Comme l'avare de Molièe,
qui n'a imiroit point un bon repas qu'il falloit payer >
& exhortoit fon clinier àlui faire , pour chefd'oeuvre
de fon induftrie , un repas déicat & fompqui
ne lui coutâ pas un fou ; Péouriéne fe
foucioit point d'acquéir une chofe , en donnant fon
prix en argent ou autre éuivalent. Il convoitoit
beaucoup, depuis long- tems , une pièe de terre d'un
de les voifins ; mais il vouloit en devenir propriéaire
, fans bourte déier. Cela paroî difficile àbien
des honnêes gens : voici le moyen de l'induſrieux
maçn il choifit , pour confident de fon defir ,
un nomméDebrieu , laboureur de fon voisinage.
Soit par fon éoquence , foit en l'intéeflant , il fut
l'engager dans les vues . Si Debrieu ne fut que complaifant
& gééeux , c'eft malheureufement une
efpèe de gééofitépour laquelle les loix n'ontpoint
éabli de reconnoiffance. Quoi qu'il en fois du falaire
, voici le pacte. Les deux amis conviennent
enfemble que Debrien fe préentera chez un Tabe !-
lion un peu éoignédu lieu , fous le nom du propriéaire
du champ convoité, & que la vente le fera
ainfi paifiblement entr'eux deux . Un fi beau projet
(1 ) On foufcrit pour ce Journal , qui a le fuccè le plus
méité, chez M. des Effarts , Avocat , rue Dauphine , Hôel
de Mouy , qui nous a lui -mêe fourni l'extrait de cette
caufe , & chez Méigot le jeune , Libraire , quai des Auguftins.
Le prix de l'abonnement eft de 18 liv. pour Paris & de
24 liy. pour la Province.
( 239 )
s'exéuta fans déai . Nos deax affocié vont , l: 8
-Juin 1781 , chez un tabelion : Je fuis moi , Péourié , qui veut acheter telle pièe de terre , & voila
Tyffeyre , propriéaire de ladite pièe , qui veut me
vendre. Il n'y eut que ces deux mots àdire . Le
tabellion dreffa l'acte , & voilàla vente confommé
; & les deux contractans fortent tout joyeux
du fuccè . On conçit pourtant qu'il devoit efter
quelques petites difficuité fur la tradition de l'immeuble
vendu. Il n'éoit pas aiféàPéoutié, malgré fon acte en bonne forme , d'aller fe mettre en poffellion
du champ. Tyileyre n'auroit pas ééfacile à déofléer fans bruit ni querelle. Apparemment que
l'acquéeur , content de la propriéé, le propofort
d'en laiffer quelque tems l'ufufruit au poflefleur ,
ou fe commandoit la patience d'attendre fa mort ,
ou enfin , eſéoit de l'avenir ou de fon géie quelque
expéient nouveau pour donner àl'acte fon effet,
Un incident fort fimple vint lai éargner les embarras
. Soit indifcréion de fa part ( car les petits
criminels font quelquefois indifcrets par vanité) ,
foit propos éhappé au faux vendeur , la nouvelle
de cette fupercherie parvint , quelque tems aprè , au
Tabellion furpris . L'amour-propre de l'officier fur
piquéde le voir dupe ; & d'ailleurs l'intéê de s'abfoudre
lui-mêe de tout foupçn de complicitéavec
ces deux fauffaires , lui firent bientô rompre le
filence. Il rendit plainte contre les deux coupables
devant les Juges du lieu . Les preuves de leur déic
ayant ééacquifes , ils furent condamné au banniffement
par Sentence du 26 Mars 1782.
tèe public ayant interjettéappel de cette Sentence ,
le Parlement de Languedoc l'a confirmé quant au
prononcé mais cette Cour a prononcéune peine
plus féèe contre Debrieu , elle l'a condamnéàfaire
amende honorable & au banniffement , par Arrê
du 30 Octobre 1782 «.
- Le Minif
240 )
PRISES FAITES SUR LES ANGLOIS.
-
- -
- Par les
Françis. Le Caffandre de Clyde pour Antigue,
envoyéen France ; le Walter de Clyde pour les
Ifles , envoyéàla Grenade ; le Cartier de la Chine
pour Bombay, envoyéa ... ; le Dove de Waterford
pour Arundel , envoyéàMorlaix ; l'Intrepid envoyé en France ; le Betfey àMorlaix ; le Hope de Briſol
pour
la Barbade à... ; la Pomona à... ; le Charles
àNantes Par les Améicains . Le Tyback de
Terre- Neuve pour Tortola , envoyéàSalem ; l'Amiral
Hawke àl'Orient ; le Bailie de Sainte- Lucie
pour Saint-Martin envoyéàBolton ; le Hope de Lisbonne
pour Terre-Neuve pris & péi ; le Swallow
de Terre-Neuve pour New-Yorck , envoyéàSalem.
PRISES FAITES PAR LES ANGLOIS . Sur les Efpagnols.
Un bâiment envoyéàla Jamaïue.
Sur les Hollandois. Un bâiment de Curaço
pour Amfterdam , envoyéàPortfmouth . Sur
les Améicains.- Un bâiment envoyéàLiverpool ;
un autre envoyéàla Barbade ; un troifièe de New
London pour Sainte-Croix .
-
-
-
N. B. Defirant donner àce Journal une exiftence durable
& permanente , nous avons cru que la variééſule pouvoit
y contribuer & que nos Soufcripteurs verroient avec plaifir un
nouvel effort & de nouveaux facrifices de notre part pour
parvenir àce bur . Non-feulement nous avons acquis le droit
de rémprimer fur les couvertures le Journal de la Librairie ,
qui contient la Notice exacte des Livres nouveaux , de la
Mufique , des Eftampes , des Arrês ; mais nous venons d'acquéir
de M. Mars , Auteur de la Gazette des Tribunaux , le
droit d'imprimer , dans ce Journal , la Notice plus ou moins
abréé de toutes les Caufes civiles & criminelles avec leurs
Jugemens dont fon Journal fait mention. Cette Gazette des
Tribunaux , abréé par M. Mars lui-mêe , fera imprimé à la fin du Journal Politique , & contiendra plus ou moins de
pages , fuivant qu'il y aura plus ou moins de Caufes & fuivant
leur importance. On fonferit en tout tems pour cet Ouvrage ,
dont le prix eft de 15 liv. par an franc de port , chez M.
Mars , rue & hôel Serpente,
( 1 )
Suppléent aux Nouvelles de Londres , le
Jeudi 20 Férier 1783 .
HIER , on fit àla Chambre de Communes une feconde
lecture du Bill propofépar M. Townshend , pour déruire
tous les doutes qui fe font éevé , ou qui pourroient s'éever
relativement aux droits exclufifs du Parlement &
des Cours d'Irlande , fur des objets de Léislation & de
Judicature , & pour empêher qu'aucun appel d'aucunes
des Cours de Sa Majeftédans le Royaume d'Irlande ne fut
reç , entendu & jugédotéavant dans aucune des Cours
Sa Majeftédans le Royaume de la Grande- Bretagne . Mais
àla demande de ce Secréaire d'Etat , toutes les difcuffions
fur cet objet ont ééremifes au jour oùle Bill en queſion
feroit mis fous les yeux du Comité
Quant àla Paix , il en fut peu queftion . M. Fox ayant
demandéque l'on mî le plus tô poffible la Chambre à porté de faire connoîre fes fentimens fur les Articles
Préiminaires , M. Pitt réondi : qu'il n'éoit pas moins
emprefféde voir terminer cette affaire ; mais qu'il defiroit
feulement êre préenu du jour auquel la Chambre s'en
Occuperoit ; & qu'en conféuence , fi elle avoit befoin de
quelques nouveaux papiers , il la fupplioit de les demander
promptement pour accééer d'autant les déibéations
fur d'autres objees que l'importance de celui - ci avoit fufpendus.
Le Lord John Cavendish dit que le jour lui éoit indifféent
, & que c'éoit aux Miniftres àle fixer. Il profita
de cette eirconftaece pour ſ juſifier d'un bruit calomnieux
réandu dans le Public àfon fujet , par lequel on
préendoit que fa motion tendoit àannuller la Paix , tandis
qu'au contraire elle portoit exprefféent que la Cham
bre devoit refter inviolablement attaché au maintien de
la foi publique.
Le mêe jour , la Chambre des Paris s'eft rendue à Saint James , oùelle a préentéau Roi l'Adreffe voté
par cette Chambre le 17. Sa Majestéy a fait la réonſ
fuivante :
MILORDS ,
«Je reçis avec plaifir cette Adreſ .e refpe&ucuſ , &
je vois avec une vive fatisfaction que les Articles Pré
»liminaires & provifionnels vous paroiffent , comme à ( Samedi 1 Mars 1783 ) .
>
( 2 )
moi , offrir la perſective d'une Paix qui , en déivrant
»mes Peuples de tous les fardeaux que les déenses de
»la Guerre avoient rendus inéitables , éablira , fi on
»fait profiter de fes avantages , la prospéiténationale fur
»une bafe folide . Ce font des objets que j'ai toujours
»àcoeur ; & toutes les mesures qui tendent àles rem-
»plir ne peuvent que m'êre agrébles . Je fuis ferme-
»iment réolu àexéuter tous les articles des Traité
»avec la bonne -foi qui a toujours caractéisécette Na-
»tion.
»Je partage entièement vos fentimens relativement
»àla jute confiance oùvous êes que dans l'Améique,
»feptentrionale on obfervera avec la mêe exactitude
»les ftipulations en faveur des malheureux qui ont fouf-
»fert de la Guerre ; ftipulations qui font fondés ſr
»la juftice & l'humanité, & qui ont actuellement la
»fanction d'un engagement public . Je n'ai pas le moindre
doute que cet article & tous les autres , faifant par-
»tie des Traité dont on s'occupe , feront déinitivement
>> arrêé & exéuté par les autres Puiffances , avec l'ef-
»prit de gééofité& de juftice dont elles doivent êre
»animés. >>
On érit de Chatan , en date du 17, que quelques Sol .
dits Irlandois , icen ié àl'occafion de la Paix , & qui
viennent de s'engager pour le fervice de l'Inde , ont commis
, depuis trois o 1 quatre jours , beaucoup de déordres
dans certe Place. Ils ont tuéou bleffédifféentes perfonnes
, & la frayeur des Habitans a éételle , qu'ils ont
ferméleurs boutiques & leurs maiſns bien avant la
nuit.
L'Irlande fait tous les efforts pour avoir la prééence
fur nous dans les marché Améicains. Il n'eft encore
parti d'Angleterre aucuns Bâimens pour les Etats-Unis ;
mais , le 16 de ce mois , il en a dûpartir un de Dubin
pour Philadelphie . Ce Vaiffeau , nomméla Marie , fera le
premier des trois Royaumes qui aura ouvert le Commerce
avec l'Améique.
Le Congrè a délaréle Presbytéianifme pour la Reli
gion dominante des Éats - Unis , oùd'ailleurs toutes les
autres Religions feront toléés. -
( 1 )
Suppléent aux Nouvelles de Londres , des 25 ,
26 & 28 Férier 1783 .
Du725
Férier
, Les Miniftres
fe font rendus
hier àSaint-James
, &
ont prié le Roi
d'accepter
leur
déiffion
, reprefentant
àS. M.
qu'ils
ne pouvoient
plus garder
leurs
places
aprè
avoir
perdu
, par la
Paix
, la confiance
du Parlement
. Le Roi a confenti
àleur demande
;
mais
ils garderont
les Sceaux
jufqu'à ce que la nouvelle
Adminiſration
foit formé
. Outre
les Miniftres
, le Duc de Manchester
& plufieurs
autres
Seigneurs
fe font
préenté
aulever
, & ont donné pareillement
la déiffion
de leurs
Places
. Le Lord
Avocat
d'Ecoffe
ne
s'y eft point
trouvé .
Le Roi n'a point encore délaréfon choix , relativement au nouveau
Miniftèe. On préend qu'il fera compoféde la manièe fuivante :
Le Duc de Portland , premier Lord de la Tréorerie ; le Lord
North , cré é Pair , & nomméGarde du Sceau Privé; Frééich
Montagu , Chancelier de l'Echiquier ; M. Fox & le Comte de Carlife
, Secréaire d'Etat ; le Lord Lougboroug , Lord Chancelier ; M.
Wallace , nomméPair & Premier Juge des Plaids Communs ; le
Lord Keppel , Premier Lord de l'Amirauté; le Duc de Devonshire
ou le Comte Fitzwilliam , Lord Lieutenant d'Irlande ; M. Burke ,
Tréorier des Troupes de Terre ; le Colonel Fitzpatrick ou le Colonel
North , Tréorier de la Marine . La place de Commandant en
Chef des Troupes de Terre fera fupprimé ; le Duc de Richmond ,
Grand- Maîre de l'Artillerie. Le Lord John Cavendish , ne voulant
accepter aucun emploi , fera cré é Pair , & la Pairie réerfible àfon
neveu.
Le Comtéde Shelburne s'eft entièement méris dans l'expofé qu'il a donnéàla Chambre des Pairs de l'importation des Pelleterie
du Canada , dont le Miniftre a éaluéle produit à50,000
livres . Il a appréiéavec aufii peu de juttene la perte de l'Ile de
Tabago , qui eft non-feulement trè préieufe par fa fituation en
temps de guerre , mais encore trè - fertile en coton . Elle produit
prè des deux cinquièes de tout celui qui eft importédans la
Grande-Bretagne . La perte de cette Ifle a déàfait hauffer confidéablement
le prix de cet article effentiel pour nos Manufactures
, & on ne doit pas douter qu'il ne hauffe encore davantage.
L'importation des pelleteries fe monte àplus de 200,000 livres par
anné .
Il s'eft tenu ce matin , chez le Duc de Portland , une trènombreuſ
affemblé des Perfonnes que l'on croit devoir former
la nouvelle Adminiftratier .
La Fréate l'Hydre , venant de la Jamaïue , eft arrivé àPortmouth.
Elle avoit appareilléde Port - Royal le 22 Déembre avec
l'Ardent , de 64 , & le Sloop le Vaughan , ayant fous leur Convoi la
Flotte de la Jamaïue. Le 4 Janvier , quarante huit Voiles fortirent du
Golfe ; le 17 , elles furent accueillies d'une violente tempêe qui difperfa
la Flotte , de forte que le 19 elle ne fe trouva compofé que de
trente- deux Bâimens rénis . Quelques jours aprè , le Vaideau de
guerre l'Ardent fit route pour Antigue, faifant deux pieds d'eau . Deux
( Samedi 3 Mars 1783. )
( 2 )
"
Bâimens péirent , mais les éuipages fe fauvèent. Les lettres appor
tés par l'Hydre annoncent que l'Amiral Hood croife avec l'efcadre
de New-Yorck entre Saint-Domingue & la Jamaïue , & qu'il a éé joint par les Vaiffeaux de cette dernièe ftation. Il eft àcraindre que
cette Flotte ne foit auffi malheureufe que la dernièe .
Suivant des Lettres de Dublin , les Néocians de cette Ville , de
concert avec ceux de Coike , fe ptopofent de former une Compagnie
pour faire le Commerce de l'Inde. On ne fait point encore fi cette
entrepriſ fe fera fous les auſices du Gouvernement ; mais il y a tour:
lieu de préumer que cette Compagnie ne pourra s'éablir fans l'agréent
& la fanction du Parlement d'Irlande.
Du 26 Férier. Le Lord Avocat d'Ecoffe a fait hier , dans la Chambre des
Communes, une Motion tendante àce que la Chambre s'ajournà au 28
pour donner àS. M. le temps de fe déerminer fur le choix des nouveaux
Miniftres. La Motion paffa par une pluralitéde 49 contre 37.
On dit que M. John Adams eft le feul Commiffai e nommépar le
Congrè pour faire un Traitéde Commerce & d'amitiéavec la
Grande- Bretagne ; & qu'àcet effet il ſ rendra àLondres auſ .i - tô
aprè la conclufion du Traitéde Paix actuel ..
Ce matin , le Capitaine Gower eft revenu de Portsmouth , oùil
éoit allévifiter les Chantiers , & donner de nouveaux ordres pour
que l'on mî en ordinaire les Vaiffeaux qui avoient ééretité de leur
commiflion.
Le Gouvernement a déàpafféun marchépour tout le Salpêre qui
fe trouvoit àbord des Vaiffeaux arrivé du Bengale.
Les Fonds baiffent àcaufe du nouvel Emprunt qui va avoir lieu ,
& qui ne fe fera qu'en efpèes.
Du 28 Férier. Le Roi n'a point encore forméla nouvelle Admiuiftration.
On afluroit hier que tandis que le Lord North & M. Fox
éoient occupé àajuſer les articles préiminaires de leur Traitéde
Paix & d'Union , il s'éoit fait une nouvelle ligue entre le Roi , le
parti de Bedford & ceux des anciens Collèues du Lord North ,
dont la conduite a ééle plus cenfuré par le Public , qui les regar
doit comme les inftrumens du Lord Bute. Telle éoit la nouvelle du
jour. Ce qu'il y a de trè - certain , c'eft que le Comte Gower , Chef
de la faction de Bedford , a eu ce matin un entretien avec S. M.
Cette nouvelle alliance a ééformé , dit- on , par le Lord Chancelier.
Si elle l'emporte fur l'autre , M. Jenkinfon fera Chancelier de
J'Echiquier , & M. Pitt nomméSecréaire d'Éat.
Le Duc de Portland , ainfi que le Lord Chancelier , ont eu hier un
long entretien avec S. M.
Il a ééoffert une Prime additionnelle de quatre pour cent pour
quelques Bâimens de la Flotte de la Jamaïue , mais elle a éé defufé.
Les Lettres d'Antigue donnent les nouvelles les plus alarmantes
de la fituation de cette Ile . Une féhereffe continuelle a totalement
ruinéla réolte de fucre pour l'anné préente , & les plants pour
l'anné prochaine feront pareillement déruits , fi l'on n'a prompteme
nt des pluies .
Les Lettres de Terre Neuve , datés du 14 Janvier , portent qu'on
y chargeoit environ 20 Vaiffeaux qui devoient partir fous quinae
jours,
A VIS.
1
Guillaum Uillaume Defprez , Imprimeur du Roi & dú Clergéde France , rue Saint- Jacques , àParis , donne
avis au Public , qu'il met en vente un Ouvrage trè
intéeſ .ant ſr la Guerre , ayant pour titre :
TRAITÉSUR LA CAVALERIE , par M. le Comte
DE DRUMMOnd de MelforT , Lieutenant- Gééal
des Armés du Roi , & ci- devant Inspecteur- Gééal
des Troupes-Léeres de France , avec Approbation &
Privilege du Roi. Un Volume in-folio de sos pages
d'impreffion , fur papier grand raifin , enrichi de Vie
gnettes & de douze Figures en taille- douce , dont un
Frontifpice gravéavec le plus grand foin ; & un grand
in-folio, forme d'Atlas , de trente-deux Planches gravés
en taille-douce , oùfont repré .enté , dans les
attitudes les plus juftes , tous les mouvements des
hommes & des chevaux , tant dans les procéé qu'entraîent
les principes de l'Equitation analogue au fervice
de la Cavalerie , que dans les tableaux qui traitent
des manoeuvres les plus favantes de cette arme
que dans ceux enfin qu'occafionnent toutes les parties
de fon fervice àla guerre , ils font éalement vus eri
actions fur toutes fortes de terreins , deffinés par le
Sieur Van Blarembergh , Peintre du Roi , attachéau
Déartement de la Guerre , & gravés par les plus
habiles Artiſes du Royaume.
Cet Ouvrage eft d'autant plus préieux, qu'il eft à la porté de tout le monde , puifqu'il conduit l'Hom
me de guerre , depuis l'éat de fimple Cavalier , juf
qu'àcelui , pour ainfi dire , de Gééal d'Armé. I
eft le fruit de quinze Campagnes de guerres , faites
fous MM. les Maréhaux de Coigny en Allemagne,
de Belleifle , de Broglie en Boheme , de M. le Prince
de Conti en Italie , du Maréhal de Saxe en Flandre ,
& depuis fous MM. les Maréhaux de Soubife , de
Contades & de Broglie en Weftphalie & en Heffe ,
oùM. le Comte de Melfort a commandéune des
avant-gardes de l'Armé pendant les quatre dernieres
Campagnes.
L'Auteur traite , dans la troifieme Partie de cet Ouvrage
, de toutes les opéations de la guerre de campagne
; & il s'eft attachéàrendre fes principes auffi utiles
aux Troupes-Léeres & àl'Infanterie , qu'àla Cavalerie
.
Il eft auffi le fruit d'une éude fuivie , tant dans le
Cabinet , que fur le Terrein , pendant le cours de
quarante annés de fervice , oùcet Officier - Gééal ,
qui a eu la permiffion de le déier au Roi Louis XVI ,
a vu manoeuvrer la plus grande partie des Troupes de
l'Europe , & entr'autres celles du grand Frééic , pendant
l'efpace de trois mois , fous les yeux du Felt-
Maréhal Keith , fon oncle.
Le prix eft de 120 livres en feuilles .
La reliure en veau du Volume d'impreffion in-folio
grand raifin , avec Figures , & du Volume des Figures
fur papier grand aigle , forme d'Atlas , le prix aujufte
eft de 24 livres , àajouter aux 120 livres ,
font
Pour l'envoi en Province , la caiffe coutera
Ce qui fait .
· • Les mêes Volumes , broché en carton ,
font de 9 livres , àajouter à120 livres ,
font ·• Et de mêe
pour
la caiffe
144
1.
6 1.
150
1
129
l.
6 I.
·135 1.
Ce qui fait
•• Ceux qui voudront fe procurer cet Ouvrage , s'adrefferont
audit Sieur Defprez , auquel on peut érire , en affranchiffant
les lettres & l'argent qu'on lui enverra , foit par la Pofte ,
foitpar toute autre voie , & ilfera remettre chaque exemplaire
aux Perfonnes qu'on lui indiquera.
chancellor of the diocele of Le- la Fabrique de la Paroifle de
terborough , and fellow of the Bagnolet Extrait des Regift es
royal and antiquary focieties ,
deceated , which will befold by
auction , by M. Peterfon , at his
great room Numero 6 king- Mignon S. André des- Arcs.
du Parlement , du 17 Janvier
1-83 . A Paris , chez P. G. Sirion,
& N. H. Nyon , Libr.- Impr. rue
Arect , covent garden , London , Arrê de la toutesment,
on monday , April 7 , 1783 and qui fait defenfes perfonthe
fortytwo following days.nes , de quelqu'éat & condition
London , 1783 , in - 8 ° 420 pag.
8360 articles .
qu'elles puiffent êre , de s'affembier
& de s'attrouper, fous aucun
préexte , & dans aucun ttemps
de l'anné ; de fimuler les fonc
trons de la Justice ; de courir
Hiflorical fragments of the
Mogul empire , of the morat
toes , and of the english concerns
in Indotan. Lond. 1782 , in - 8°.mafqués ou déuirés dans la
A history of the revolution of Ville & Fauxbourgs de Verbe-
Ali Bey , against the Ottoman rie ; porter ou reprefenter aucune
Porte , including an account of effigie ; faire aucuns charivaris ,
the form of governement of parades , cavalcades , ou autres
Egypt together with a defcription Jeux tumultueux ; infulter aucuns
of grand Cairo , and of feveral Particuliers de quelqu'éat & concelebrated
places in Egypt , Pa- dition qu'ils foient , par defignaleftine
& Syria. London , 1783 tions directes ou indirectes , fous
in-897 les peines portés audit Arrê :
Extrait des Regiftres du Parlement
, du 6 Férier 1783. Chez
les mêes,
Le Vocabulaire de Marine ,
Anglois & Françis , Françis &
Anglois ; par M. Lefcallier. London
, 1783 , gr . in- 8°. avec fig.
Suite des Ouvrages de Gégraphie
qui fe trouvent chez
Defnos , Ingéieur- Gégraphe ,
rue S. Jacques.
Lettres - Patentes du Roi , portant
abolition du droit d'Aubaine
entre la France & les Etats du
Comtéde la Leyen ; donnés à Verfailles le 12 Novembre 1782,
Atlas de Coilées , adapté& registrés en Parlemeur le 31 Janfaifant
fuite àla Gégraphie , vier 1783. Chez les mêes.
déiéàMile de Crozat : 28. Lettres -Patentes du Roi , fur
Cartes in 4. 15 liv.. Arrê
Atlas Hiftorique , dreffépour pofé aux quêes pour la ré
, portant que les Pré'intelligence
de l'Hiftoire de demption des Captifs , re joui-
France de MM . Véy, Villaret : ront de l'exemption d'aucunes
60 Cartes in 4.3212 liv.
Charges publiques ; donnés àla
Atlas , idem , en 34 Cartes , Muctte le 28 Septembre 1782 ,
fans celle de rééition ni Vi- registrés en Cour des
gnette, volume in-4 . de 34 Car- r Férier 1783. Chez Knapen &
tes ; 15 livi
fls , Libr. - Impr. Pont S. Michel.
CARTE 3. Atlas Hiftorique & Chronologique
, faifant fuite àl'Abréé de M. le Préident Henault : in-
4. rel . 21 liv .
Aides le
Seconde livraifon de l'Atlas
nouveaa , déiéàM. le Comte
de Vergennes , contenant 14 Cartes
au lieu de 12. ARRET S.
Arrê de la Cour de Parlement,
portant Rélement pour l'admi- guer ,
L'Aureur a eu foin de diftinpar
la couleur des enluminiftration
des bicus & revenus de nures , les difféentes poffeilions
chez Servièe
de- Beauvais
On trouve chez
Education corper.
par M. De
Le bien indique les 10es Fran - Tome 1 , 2 vol
soifes ; le rouge , les Angloifes : 4 Londres , &
le jaune , les Epagnoles , l'oranger
, les Hollandoifea ; le violer
fes Dancies. La Carte de la pref
que fic de l'Inde en deç du Gan
ge , depuis Charlemagor, & qui
doittane partie de la troièe if
vraifon , fera déivré fous peu
aux Soufcripteurs qui feront en
preffes de fe la procurer.
On fouferira jufqu'àla quatrieme
livrai on , chez TAuteur,
M. Mentelle , Hitoriographe de
Mgr . le Comte d'Artois , hôel
de Mayence prè le Notaire
rue de Seine faurb. S. Germain.
LIVRES ETRANGERS.
De education des enfans ,
traduit de l'Anglois de M. Jean
Locke pá M. CofMembre
de la Societe Royale de Lores :
nous edit . àlaquelle ond jon
la méhode obfervé pour Fedu
A
Philippe Ii fon fir
liv . to f
1
Des befoins de l'ciuta
l'éucation des
12. broch, 11
Préisde l'Hite
àl'afage des
Mouftolon :
Gégraphie ele
fage des College
Geographe ording
12 , avec des cartes
Le Méecin
M. Geullin :
Le Medecin
mêe ; in-12
Avec Approbation & Privilée du
Le Journal de la Librairie fe vend féaréen
Impriment Ordinaire du Roi , rue S. Jacques
l'imprime chaque féaine fur les Couvertures du
Souferipteurs n'ont rien de plus àpayer.
On s'abonne en tout temps , àPans
THOU , rue des Poitevins. Le prix cl
de trente vres , & pour la Province
Brente deux livres , que l'on remettra
Ja
fas
rela
en afranchiffant le Port de l'argent & lettre
davis.
Meffieurs les Souferipteurs du mois
prié de renouveler de bonne heure leur
nici , claffium methodi fexualis
generumque plantarum charac
teres compendiefi , ed P. D. Gi
feke. Hamburgi , 1781 , in - 8 °
Caroli Linnai philofophia botanica
, &c. curante D. J. Gor.
Gleditfch. Berolini ,
CARTES.
Mappemonde dreffé fur les
relations les plus nouvelles & les
plus approuvés , & augmenté
des déouvertes du Capitaine
Cook ; par les fieurs Brion de la
Caroli A Linnémateria Tour & Deinos , Ingéieursme
dica , editio quarta , auctior. curante
J. Ch. D. Schrebero . Lipf.
1782 , in - 8 °
Catalogue des livres dont la
vente fe fera àl'amiable le Jeudi
6 Mars 178. A Paris , chez Lay
, Libr. quai des Auguftins .
ARRÊS.
Gégraphes du Roi . A Paris
chez Defnos , Ingéieur Gégra
phe , rue S Jacques.
La pareille Mappemonde , en
4 feuilles , la plus grande qui ait
paru , chez le mêe : 4 liv.
GRAVURES.
L'Attention dangereufe , Eftampe
gravé d'aprè F. Boucher,
par A. F. Dennel , & déié.
Mad. Wille la jeune : 2 liv. A
Paris , chez l'Auteur , rue du Petiz
- Bourbon.
Cette Eftampe fait fuite àle
Troisièe cahier de jardinage.
12 fols. A Paris , chez le fleur
Panferon Architecte rue des
Maçns , prè la Sorbonne.
L'Evanouiffement de Calipfe
Arrê du Confeil d'Etat du
Roi , du 23 Déembre 1782 , qui
ordonne que les Etapiers continueront
de jouir de la facultéde
tuer ou faire tuer , mêe pen- Vertu irréolue .
dant le carêe , les beftiaux néeffaires
pour la fourniture de
Péape , & de vendre aux particuliers
des lieux & àceux du voi
finage , ce qui n'aura pas éécon
fommépar les troupes . De l'Im- àla vue du Vaiffeau conftruit par
primerie Royale. Mentor , & la Colèe & la Jalou-
Arrê du Confeil d'Etat du fie de Calipfo contre Eucharis &
Roi, du Is Janvier 1783 , qui Tééaque , deux Eftampes faiexcepte
les afpirans àla Maitrife fant fuite au huit du mêe fujet
d'Orfére , des difpofitions gééravés par de Monchy , d'aprè
rales de l'Arrê du Confeil du 24 Ch. Monet ; chacune , 1 liv. 10 f.
Novembre 1782 concernant Chez Auteur , cloltre S. Benot .
Papprentiffage Del Impr. Royale. Machine àelever l'eau par une
corde fans fin , perfectionné par
M. Campmas , en fept figures ,
jointe àla defcription : 3
Arrê du Confeil d'Etat du
Roi , du 2 Férier 1783 , concernant
le commerce de la Chine.
De l'Imprimerie Royale.
Ordonnance du Roi , du Is
Janvier 1783 , concernant les formalité
àobferver pour la remife
des billets ou engagemens de rançns
, ainfi que des otages qui feroient
faits en contravention à l'Ordonnance du 30 Aoû 1782 .
De l'Imprimerie Royale.
liv.
Et fans defcription : 11. 16 f.
A Paris , chez l'Auteur , hôel S.
Louis , rue Git le coeur.
Plan general de la nouvelle
foire S. Germain projetté à l'extréitédurjardin du Luxem
bourg. A Paris , chez les frèes
Campion , rue S. Jacques.
Le Port des Sables d'Olonne
Ordonnance du Roi , du 4 Féle Port de Landerneau , for
vrier 1783 , concernant les termes mant les planches XXXIII &
de la ceflation des hoftilité en XXXIV de la collection des ports
met. De l'Imprimerie Royale.de France , deffiné pour le Roi
par le fieur Ozanne , Ingéieur de l'Ate du Feu , remis en mußde
la Marine chacun , 1 1. 10 f, | que ; par M. Edelmann ; paroles
AParis , chez le Goung , Graveur , de M. Moline 2 livres s fois.
rue . Hyacinthe place S. Michel A Paris , chez Bignon Graveur ,
On trouve àla mêe adreffe place du Louvre , àAccord per.
la Tempêe ou clair de lune , gra- fait , & àla falle de l'Opéa ; &
vé d'aprè M. Vernet , par J. J. chez Mlle Caftagnery , rue des
Flipart 6 liv.
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d'Estampes , au Louvre , & rue du Tomes XXVI & XXVII ; in - 4 ° Cog S. Honoré Chaque vol . fe vend br. 1a 1.
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l'imprime chaque femaine fur les Couverures da Mercure , & les
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THOU , rue des Poitevins. Le prix eft , pour Paris ,
de trente livres , & pour la Province , port franc
trente- deux livres , que l'on femettra la Pofte ,
en affrancaffant le Port de l'argent & la lettre
d'avis.
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prié de renouveler de bonne heure leur Abonnement.
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liv. 12 f. en feuilles . Ces Tables
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l'autre fe trouvent a Paris , chez
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Jch fon's Dictionary of the fatum poft firmatum in regte
english languaeze : 2 vol in fol , Ilumifmum , ex Mohammede
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: 1782. A Vienne , chez
Kursback .
tice of physc : vole ,
Fordyce's fermons to young
men : 2 vol . in -va.
Fordyce addreffes to young
Men : 2 vol. inerz
Lettre adreffé àl'AbbéRaynal
, fur les affaires de l'Améi
Suite des Ouvrages de Gé- que feptentrionale , oùl'on regraphic
qui fe trouvent chez lèe les erreurs dans lefquelles
Denos , Ingéieur-Gégraphe , cet Auteur eft tombé, en renrue
S. Jacques. dant compte de la réolution
Atlas , ou Tableau analytique d'Améique traduite de l'ande
la France , pour l'intelligence glais de M. Thomas Payne , M.
du déombrement du Royaume : A. de l'Univerfitéde Penfilya
vol . in 4. rel. 32 liv. nic , Auteur du pamphlet intitulé le Sens commun des autres
ouvrages, Philadelphie , 17823
br. in-8 °. de 124 pages : liv.
10 f.A Philadelphie , & fe trouve
àParis , chez Knapen & fils
Libr.-Impr . au bas du Pont S,
Michel,
Atlas , ou Neptune françis ,
contenant les côes maritimes de
la France , 40 cartes in- 4 . rel .
18 liv.
Atlas d'Angleterre , levétopographiquement
par ordre de S. M.
Britannique in-4 °. rel. 24 liv.
Atlas Eccléiaftique , conte- Letters adreffed to two yound
nant tous les Evêhé & Méro- maried ladies , &c. Lettres adref
poles des quatre parties du mon- fés àdeux jeunes Dames made:
in-4°. cl. 12 liv. riés fur les fujets les plus
intéeffans : 2 vol . petit in-3 °. | comique , le Jeudis Déembre
1782. 4 Londres , chez Dadley.
Ludwig der firenge , &c. Louis
le Severe , Tragéie patriotique
en cinq actes in - 8 °. 1782. A
Munich , chez Strobl. *
Le Maîre de délamation ,
Coméie en fcèes àtiroir , en
profe & en un acte ; par M. le
Teffier. A Amfterdam , & fe
trouve d Paris , chez la veuve
Ballard & fils , Lib.- Imp. rue des
Mathurins.
1782 , 1 liv. 4f. A Amfterdam , &
le trouve àParis , chez Cailleau
Litr.- Inpr, rue Galande , vis-àis
celle du Fouarre.
Remarks ou Rouffeau's Fm
lius , & c. Remarques fur l'Emile
de Rouffeau : in-12 . 1782. A
Londres , chez Nicoll.
Vida interiorA & . Vie inté rieure , ou Confeffiors du vééable
ferviteur de Dien D. Jeande
Palafoxy Mendoxa , Evêue
Le Mal entendu , ou il ne faut de la Puebla de los Argeles &
jurer de rien. Coméie-Proverbe d'Ofma : nouv . éition : 1782 .
en un acte & en profes repréen- 4 Madrid , chez Doblado
té pour la premièe fois àPa- chez del Barco & Hurtado
sis , fur le thé âtre de l'Ambigu-
Avec Approbation & Privilée du Roi.
Le Journal de la Librairie fe vend (éaréent chez Pier when re
primeur Ordinaire du Roi , rue Saint Jacques , 7 liv. 4 fols On
Fimprime chaque femaine fur les Couvertures du Mercure , & les
Soufcripteurs n'ont rien de plus àpayer .
On s'abonne en tout temps , àParis , Hôel de
THOU , rue des Poitevins. Le pi eft, ponr Patis ,
de trente livres , & pour la Province ,pet fr.
trente- deux livres , que l'on remettra la Pofte
en
d'avanchiffant
le Port de l'argent
& la lettre
Meieurs les Soufcripteurs du mois d'Avril fors
prié de renouveler de bonne heure leur Abonnement.
The hiftory of england , byD.
Hume , a new edition , with the
author's last corrections and imiv.
Ceux qui n'auront pas foufrit
, paieront l'exemplaire 168
iv . La brochure en carton de
chaque vel in - 8 °. Le paiera 6.f.provements to which is prefixed ,
avec une éiquette fur le dos. a short account ofhis life , writ-
Le prix du mêe format enten by Himself : 8 vol. in-89 .
papier de Holl. , fera de 264 liv. London . 1782 .
Le prix de l'exemplaite in-4°.
ur papier d'Annonay , fera de
76 liv. A Paris , au Parnaffe
françis ,, rue du vieux Colom- graphie qui fe trouvent chez
bier , en face de la rue Caffette . Deinos , Ingéieur-Gégraphe
On le propoſ en outre d'en rue S. Jacques.
faire exéuter quelques exemplaires
fur du papier véin , le
premier fabriquéen France par
M. Réeillon.
Syftêe du Philofophe chréien
: in -3 °. 11.4f. AParis , chez
Gellor, Libr. Impr. rue des grands
Auguftins.
AVIS.
Sterne's works : to vol petit
in- 8 °. avec figures. London .
Suite des Ouvrages de Gé-
Atlas hiftorique & chorogra
phique des vingt-deux éections
de la gééalitéde Paris , enluminé : in- 4 . relié, 18 liv.
Atlas chorographique de la
Picardie & de l'Artois , du haut
& du bas Boulonnois : in - 4°. relié , 18liv.
Atlas topographique de la
Flandre , fous le titre de frontièes
de France & des Paysbas
: broché, 18 liv
Théphile Barrois , Libr. quai
des Auguftins , a acquis du fonds
de M. P. F. Didor le jeune
les ouvrages fuivans :
Le Boucher , Libr. quai de
Gevres ; Onfroy & Lamy , Libr.
quai des Auguftins , chez lef
quels fe trouve l'Etat de la No
blefe , prient les perfonnes qui
auoient des méoires àar
faire paffer pour êre eres
dans Ear de l'anné 184 , de Dictionnaire de chymie , conne
les adreffer qu'àle Boucher , tenant la thérie & la pratique
f chargéde tous les foins re- de cette fcience , fon application
àcet objet. àla phyfique , àl'hitoire na-
On trouve àParis , chez Laturelle , àla méecine , & aux
my, Libr. quai des Auguftins , arts déendans de la chymie ;
l'ouvrage fuivant : par M. Macquer : feconde éi-
L'Amerique déouverte , en fix tion , vue & confidéablement
lives : broch, in- 12. de 174 pag. augmenté . Paris , 1778 : 4 vol .
On trouve àParis , chez Mein- 8 °. relié , zo liv,
rig jeune , Lior, quai des Au
gufins , au coin de la rue Pavé ,
Poivrage fuivant :
"
Henri IV, ou la Réuction de
Pais , Poëe en trois actes :
pa M. P. de V: in-8 °. broché,
jlv. 4f..
Piffot , Libr. quai des Auguftins
, a reç de Londres :
Evelina , or , the history of a
young Lady's entrance into the
world , bythe author ofCecilia :
vol. in 12. London 3
Le mêe : 2 vol . in -4" ,
relié , 30 liv.
Le mêe 2 vol. in 4°
grand papier , en feuilles , 48 liv.
Plan d'un cours de chymie
expéimentale & raifonné, avec
un Difcours hiftorique fur la
chymie ; par M. Macquer. Paris ,
1757 , in- 12 , relié, 2 liv. 10 f.
Manuel de chymie , ou Expofé des opéations de la chymie &
de leurs produits : ouvrage utile
aux perfonnes qui veulent prendre
une idé de cette fcience , ou
qui ont deffein de fe former un
cabinet de chymie : feconde éition
, revue & augmenté ; par
M. Beaumé Paris , 1766 , in-12.
relié, 3 liv.
Chymic expéimentale & raifonnés
par M. Beaumé Paris ,
1773 , 3 vol. in-8 °. rel. 18 liv.
Méoire fur la meilleure man
èe de conftruire les alembics
& fourneaux propres àla diftillation
des vins , pour en tirer les
Paris , 1778 , in-8 °, broché, 1 1.
eauxde vie ; par M. Beaumé
10 fols.
ARRET S.
Arrê du Confeil d'Etat du
Roi , du 14 Mars 1783 , concernant
l'adminiftration de l'Hôital
royal des Quinze vingts aveu
gles de Paris . A Paris , de l'Im
Prime Royale.
Arrê du Confeil d'Éat du
I
Roi , du 16 Mars 1783 , portant
modéation de droits fur les
charbons de terre entrans dans
la ville de Taris ou dans la ban
lieue. A Paris, de l'Imprimerie
Royale.
Ordonnance du Préô des
Marchands , & Echevins de la
ville de Paris, concernant la tare
provifoire pour les prix des voi
tures de bois àbrûer , chez les
habitans de cette ville du 15
Mars 1783. A Paris , chez Lottin
au Cog
RAVURE
S.
aîé, Impr. -Libr. rue S. Jacques ;
:
Portrait en couleur de Mile
Saint-Huberti , de l'Acadéie
Royale de Mufique , gravépar
M. Lemoine , & faifant pendant
àcelui de Mile. Colombe : 3 liv
AParis , chez l'Auteur , rue Gre
netai , maifon du Roi David,
Aves Approbation & Privilée du Roi.
Le Journal de la Librairie Te vend féaréent chez Pierres ,
Imprimeur Ordinaire du Roi , rue Saint Jacques , 7 liv. 4 fois. Q
l'imprime chaque femaine fur les Couvertures du Mercure , & les
Soufcripteurs n'ont rien de plus àpayer.
En s'abonne en tout temps , àParis , Hôel de
THOU , rue des Poitevins. Le prix eft , pour Paris,
de trente livres , & pour la Province , port frand,
trente deux livres , que l'on remettra àla Pofte ,
en affranchiffant le Port de l'argent & la lette
d'avis.
Meffieurs les Soufcripteurs du mois d'Avril__
·fou
priés de renouveler de bonne heure leur Abonnement,
DE FRANCE.
( No. 9. )
SAMEDI I MARS 1783 .
A PAR I S.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
LIVRES NATIONAUX A Amiens , chez J. B. Caron l'aîné,
I'Ani des enfans; par M. Ber- Impr . du Roi , rue S. Martin's &
quin , volume de Fever 1783. à Paris , chez Onfroy , Libr, qual
Un fouferit à Paris , au Bureau des Auguftins
du Journal , rue de Univerfité , Quvres de J. B. Robert Boiftel au coin de celle du Bacq , N° . 28. d'Wiese
Badre fer à M. le Prin
La foufcription
4 pour Paris, & de
pour la Province.
contenant Antoine &
Direct. Cléopatre; Irène , ceuvres diver
13 liv . fes vol. in- 8°. de 211 pages br.
liv.4fols 2 liv. 8 fols . Chez les mêmes .
Les entretiens de Phocion fur.
le rapport de la morale avec la po
litique ; parM. l'Abbé de Mably:
nouv . edit. 3 vol . in 18. meme
formar , papier & caractère que
les Moralifies : br . 9 liv. A Paris,
chez Lamy, Libr. quai des Auguftins.
Difcours prone cé à la féance
publique de l'Acad. des Sciences,
Belles - Leurres & Arts d'Amiens,
ie : Ackt 1781. parM. d'Agay,
Intendant de la Province , furles
avantages de la navigation inté
rieure, auquel on a font la carte
de communication de la mer Mé On trouve chez le même , Rediterranée
avec la merdi. Nerd , marques fur lesfièvres en générat
par le casal projette en Bourgo- & en pariter fur celle de E
gre, & par les citat de Picardies tamne 1780 1781 7891
кому . 2. de si p. le fois.
vramiera Epictere , grec &
françois , en papier ordinaire , z
liv. 8 f. en papier d'Annonay 41 .
Il en a été tiré quelques Exemplaires
fur vélin . Chez le même.
Hiftoire du grand duché de
Tofcane , fous le gouvernement
des Medicis , traduite de l'italien
de M. Riguccio Galluzzi ;
tomes V & VI: in - 12 . br . liv.
rel. 6 liv . A Paris , rue & hotel
Serpente.
La Méchanique appliquée aux
arts , aux manufactures , à Fagriculture
& à la guerre ouvrage
orné de 12e planches ; par M.
Berthelot , Ingénieur- Mechanicien
du Roi. Tome II . A Paris
cher l'Auteur, rue de la Marche
au marais , maifon dufieur Maffe;
chet Demonville , Impr. rue
Chriftine.
dinaire de MONSIEUR; repré
fentée à Verfailles devant LL.
MM . le Jeudi 16 Janvier 1783
& à Paris , le Lundi 20 du même
mois , par les Comédiens
François. A Paris , chez P. Fr.
Guefier , Lib.- Impr . aubas de la
rue de la Harpe , à la Liberté.
AVIS.
Piffot , Libr. quai des Auguf
tins , a reçu de Londres :
Tryals for adultery , 70 Numé
ros , in- 8 . fig. Lond . Shenflone-
Green ; or the new Paradife loft,
being a history of human nature:
vol . in. 12. London.
The Sylph, a novel : 2 vol. in- 12.
London.
12.
The royal regifter containing
obfervations on the principal characters
of the church , the state
and the court , male and fema
Les vrais principes de la lectu- le , &c. &c. with annotations by
re , de l'orthographe , de la pro- Another Hand : 7 vol. in
nonciation françoife , de feu M. London.
Viard , revus & augmentés par
M. Luneau de Boisjermain : 4
parties , in- 8 °. port franc , liv .
A Paris , chez l'Auteur , au Bu..
reau de l'abonnement littéraire, rue
S. André- des- Ares.
Pierre Théophile Barrois le
jeune , Libr. rue du Hurepois,
a reçu de Londres :
The new annual regifter or
general repofitory of hidory , polities
and litterature for the year
1781 , Londen , 1782 , in-8°.
The royal kalendar or come
for England , Scotland , Ireland
and America for the year ; 1783 .
London , in 12 .
Relation d'un voyage dans la
mer du Nord , aux côtesd Iflande
, du Groenland , de Ferro , deplete and correct annual regifter
Schertland , des Orcades & de
Norwege , fait en 1767 & 1768 ,
par M. Kerguelen : in-4 , avec
36 fig . en taille-douce : broch.
en carton , 9 liv. A Paris , chez
Lamy , Lib , quai des Auguftins.
On peut fe faire inferire chez
le même Libraire pour recevoir à
la fin du mois le Traite de la con
folation de Bocce en latin , revu
sma
Boyer's royal dictionary abridged
in two parts , 1 french &
english , 2 english & french , to
which are added , the accents of
the english words to facilitate
their pronunciation to foreigners,
the fifteenth edition , carefully
corrected and improved , with a
& collationné fur great many additions , by J. C.
nuferits . Il y en aura
plaires du fo mat des Auteurs
imprimes par les Elzevirs , & de
ceux imprimés par
MM. Barbou.
Prieur. London , 1783 ; 2 vol.
in - 8 °.
Bibliotheca croftfiana , a cata-
Le Roi Lear , Tragédie en logue of the curious and diftineinq
actes ; par M. Ducis , del'A- guished library of the late revecadémie
Françoite , Secrétaire or Frend and learned Thomas Crofte
MERCURE
DE FRANCE
( No. 1o . )
SAMEDI 8 MARS 1733 .
A PARIS.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE
LIVRES NATIONAUX.
Bibliographic infective; tome
ture confidérée fous les différens
afpects : br . de 62 pages . A Paris,
XI , conrenant la parte eltiman- chez Lamy , Libr. quai des Auguft .
vedu prix des livres rares & précieux
: 8.grand format de 40
pages furr pap, vélin de France ,
Le Faune François , ou Traité
hiſtorique de tous les animaux
terreftres ,
to liv- in - 4°. forle même papier. & velamphibies
21 liyem , fur pap . d'Holl . 24
iv. A Paris , chez M. Retourné ,
rue de Poitou , au marais.
France ;
par M. Buc'hoz , Médecin de
MONSIEUR, &c. Tome lin
Chez l'Auteur , rue de la Harpe.
-
Catalogue des livres latins Hiltone Unive felle depuis le
françois , italiens , efpagnols , commencement du monde jalportugais
, turcs , perfans & ara- qu'à préfent , complée en
bes, de fucceffion de M. Pelle- glois par une fociere de Gens de
rin , dont la vente fe fera Mercre Lettres , nouvellement traduite en
a Mars &jours fuivans , tue S.Français par une fociete de Gens
Florentin , No. 4. A Paris , chez de Lettres ; enrichie de figures &
Barois le jeune , Libr. quai des
Auguftens,
Extrait de l'histoire générale
& économique des trois regues
partie des annonces ; ou de la nade
cartes. Tome L, formant le X.
Ide Plut. Moderne , contenangla
fuire del Hin de l'Indouftan , ou
de l'Empire digand Mogol , &
partie de celle des pays compris
dans la prefqu'ille de l'Inde , en
deçà du Gange in 8. A Paris ,
chez Moutard , Impr.- Libr, rue des
Mathurins.
Notes fur le génie , la difcipline
militaire & la tactique des
Egyptiens , des Grecs , des Rois
d'Alie , des Carthaginois & des
Romains ; & c. par M. le Comte
de Saint-Cyr , Cornette- Blanc :
vol. in-4 . rel , en veau. 18 liv . br.
Is liv. A Paris, chez Lottin l'aîné,
Impr.-Libr. rue S. Jacques ; &chez
Ceilor , Impr .- Libr. rue des grands
Arguftins.
veau écaille & dorés fur tranche,
25 liv. A Paris , chez Servière
Libr . rue S. Jean - de- Beauvais..
On trouve chez Lamy , Libr ,
quai des Auguft. les ouvrag. fuiv.
Traitéfur l'art des fiéges & les
machines des anciens , & c. par M.
de Maizeroy
fig. rel . 6 liv.
. 1 vol. in- 8 °. avec
L'Art de faire les ferrures à
fecrets , pour fervir de fupplément
à l'Artdu Serrurier ; 1 vol . in- fol.
avec fig. 9 liv . en pet. pap . & 15
liv. en grand du format des Arts.
Traité des infectes utiles &
nuifibles ; par M: Buc'hoz
12. br. 2 liv. to f.
Tréfor des Laboureurs ; par le
une méthode facile & abrégée de
lever un plan , &c. par M. le C.
de Brühl : in 8 °. avec fig. br. 2 1.
to frel, 3 liv. Iof.
Effai fur la perite guerre , &c.
par M. le Comte de la Roche : 2
vol. in- 12. avec fig . broc. 5 liv.
rel. 6 liv.
Recueil de Généalogies pour fervir
de fuite au Dictionnaire de la
Nobleffe , contenant la fuite des
généalogies , l'hiftoire , la chro- même: in- 12 . br . 2 liv. 10 f.
nologie des familles nobles de Ecole de l'Officier , contenant
France , &c. Tome XIII , ou
premier Recueil : in - 4 .br. 15 liv.
A Paris , chez Lamy, Libraire ,
quai des Auguftins ; & Badiez
Editeur , rue S André- des- Ares .
Réflexions philofophiques fur
le plaifir ; par un Célibataire :
br. de 80 pages , franc de portpar
tour le Royaume. I liv. 4 fols .
Lesexemplaires fur pap . fuperfin
d'Holl. 3 liv, AParis , chez l'Au
teur , rue des Champs - Elyfees ,
fauxb. S. Honoré ; la veuve Duchefne
, Libr. rue S. Jacques ; le
Jay, Libr. rue neuve des Petits
champs; Bailly , Libr, rue S. Ho- 4 . 22 liv.
nore; Defenne, L. au Palais royal.
Suite des Ouvrages de Géo-.
graphie qui fe trouvent chez
Delios , Ingénieur-Géographe ,
rue S. Jacques.
Atlas , ou Tableau de la France
, confidérée fous fes différens
points de vue : 36 cartes , vol. in-
Atlas , l'Indicateur fidèle , ou
Romans hiftoriques , quinziè - le Guide des voyageurs , qui enme
frècle ; Hiftoire fecrette de feigne toutes les routesde France:
Bourgogne; par Mile , de la For- vol . in-4 . 13 liv.
ce : 3 vol. in- 12. br. 18 liv. A Paris
, de l'Impr. de Didot l'aîné ,
quai des Auguftins,
Semonce , ou Difcours pour
'ouverture des féances publiques
de l'Académie des jeux floraux de
Toulouse , 1782 ; par M. l'Abbé
Labar de Mourlens. r2 liv. Chez
Efchenart, Libr . pont N. Dame.
Théâtre de Voltaire , to vol.
in-16 . ornés de 34 fig. y compris
le portrait de l'Auteur : rel . on
Atlas , ou Itinéraire général
contenant toute les routes érrangères
, en 22 cartes : in-4°. enlumine
: 13 liv.
Arlas desgouvernemens géné
raux & des généralites du royaume
de France, en 18 cartes : in-
4 relie, 15 liv.
PP. Théophile Barrois , Libr..
quai des Auguftins , a reçu d'Allemague
:
Caroli A Linné termini boraMERCURE
DE FRANCE.
( No. 11. )
SAMEDI 15 MARS 1783 .
A PAR I S.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
LIVRES NATIONAUX
' Ami des enfans ; par M. Berquin
, vol, de Mars 1783 , No. 3.
On fouferit à Paris , au Bureau
du Journal , rue de l'Univerfité ,
aucoin de celle du Bacq , No. 18.
S'adreffer d M. le Prince , Direct.
La foufcription eft de 13 liv.
4f . pour Paris , & de 16 liv. 4fol.
pour la Province .
4
Architecture hydraulique ; ca
nal des deux mers ; par M. de la
Roche , ancien Ingénieur des
Ponts & chauffées : 13-4° . rel. 12
Jiv. A Paris , chez Demonville ,
LibrImpr rue Chriftine; à Verfeilles
, chez Blaizot , Libr. rue
Satory ; & le trouve en feuilles ,
chez Aur , enclos des Cordelières ,
rue de l'Ourfine,fauxb. S. Marcel.
L'Art des Arpenteurs renda
facile, ou Méthode pour appren-
| dre, par une lecture réfléchie de
trois heures , le moyen de mefurer
exactement toutes les figures
de terreins poffibles , & d'en don
rer lesplans ,fans fe fervir d'autres
inftrumens que de l'échelle
& du compas ; feconde édition ,
orrigée & augmentée , br . in-40
de 13 pages . 1 liv. 4 fols. A Paris .
cker Belin , Libr. rue S. Jacques.
Catalogue d'une bibliothèque
curieufe & choilie , dont la vente
fe fera le Lundi to Mars 1783 , &
les jours fuivans ; chez Gogué &
Née de la Rochelle , Libr, quai des
Auguflins : br . in- 8 ° . de 74 pages.
Le combat fpirituel , compofé
en italien parle R. P. D. Laurent
Scapoli, Clerc Régulier Théatin
, & traduit en françois par le
P.J. Brignon , de la Compagnie
de Jéfus dédié à Mgr . de Madec
chez l'Auteur, rue de la Harpe.
Nouvelle Methode de traiter
les fractures & les luxations ; ou
vrage traduit de l'anglois par M.
Laffus , Membre du College de
Chirurgie de Paris , &c. vol .
in- 12 . de 178 pages , br. 1 livres .
A Paris , chez Méquignon l'aîné,
Libr. rue des Cordeliers.
chault, Evêque d'Amiens : nouv.
édit. rel. en ,veau. 1 hv. 4 fols.
On a tire quelques exemplaires
ceste nouv. edit. fur grand carré,
quife vendron , en feuill . 2 1 .
A Amiens, chez . Caron le jeune ,
Libr. vis- a-vis l'Eglife S. Martin .
Differtation anatomico -acouf
fique, &c. par M. Perrolle, Docteur
en Médecine de l'Univerfité Remarque fur cette espèce de
de Montpellier , & c . br . de 48 paralyfie des extrêmités inférieupages.
18 fois. A Paris , chez Meres , que l'on trouve ſouvent acquignon
i'ains , rue des Cordeliers. compagnée de la courbure de l'é
Etat de la nobleffe, année 178 ,, pine du dos , quieft fuppofée en
pour fervir de fupplément à tous etre la caufe , avec la methode de
les ouvrages hiftoriques , chro- là guérir ; fuivie de plufieurs obmologiques,
héraldiques & genéa- fervations fur la neceffite & les
logiques , & de fuite à la collec- avantages de l'amputation dans
tion des Étrennes à la Nobleffe . certaines circonftances ; par M.
&c. br . 3 liv. rel. 3 liv . 12 fols . 4 Percival Pott , de la Société
Paris , chez Leboucher, Libr. quai Royale de Londres, & c. ouvra
de Gevres ; & chez Onfroy & La- ge traduit de l'anglois , avec des
my, Libr . quai des Auguftins.
obfervations & des additions, par
Idée du monde, ou idées généM Beatenbrock , Docteur
ales des chofes dont un jeune
homme doit être inftruit ; ouvrage
curieux & intéreffant , orne
de 9 planches en taille - douce ;
par M. A. T. Chavignard de la
Pallue , Ecuyer : nouv. édition ,
2 vol . in 12. rel. 6 liv. A Paris
chez Moutard, Impr. Libr , rue des
Mathurins.
Médecine . Affocié au College
Royal des Médecins , & à la Socieré
Royale de Médecine d'Edimbourg
: br. in- 8 ° .de 99 pages .
liv . 4 fols. Chez le même.
Méthode sûre pour apprendre
à nager en peu de jours ; pec
Nicolas Roger , Plongeur
profeflion : broc. de 36 pag . ine
24. 1 liv. 4 fols . AParis, chez Legras
, Libr, quai de Conti
Lettres de M. l'Abbé de S. L** , |
de Soiffons , à M. le Baron de
H*** , far différentes éditions Gauguery, Lib . rue S. Benoir,
rares du XV fiècle. br. in- se , de
40 pages. AParis , chez Hardouin ,
Libr. rue des Prêtres S. Germain
Auxerrois.
Mandement de Mgr. l'Archev .
de Paris, qui permet l'ufage des
eufs pendant le carême prochain
, depuis le Mercredi des
Cendres inclufivément, jufqu'au
Vendredi de la femaine de la Paf
Sion exclufivement in-4 ° . A
Paris , chez Cl. Simon , Impr. de
Mgr. Archev, rue S. Jacques.
Manuel ufuel & économique
des plantes, & c. par M. Buc'hoz ,
I vol . in 12. de 345 pag. APari
vis à -vis la porte de l'Abbaye
S. Germain- des-prés , vient de
recevoir des exemplaires de la
nouvelle édition des Mémoires
pour fervir à l'histoire d'Anne
d'Autriche , époufedeLouis XIII,
Roi de France ; par Madame de
Motteville : 6 vol. in-12 . br. 15 1.
12 fols .
Guillot , Libraire , rue de la
Harpe , prévient le Public qu'il
donnera les OEuvres poftumes de
1. J. Rouffeau , pour fervir de
fupplément aux éditions publiées
pendant fa vie : 9 vol. in de , br.
12 li
MERCURE
DE FRANCE
( No. 12. )
SAMEDI 22 MARS 1783 .
A PARIS.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
LIVRES NATIONAUX.
Almanach mufical pour les années
1781 , 1782 & 1783 , quatre
parties in- 12 . par M. Luneau de
Boisjermain. 6 liv. A Paris , du
Bureau de l'abonnement littéraire,
rue S. André- des- Arcs ,
Bibliothèque orientale; par M.
d'Herbelot , nouv. édit, réduite
& augmentée par M. D*** . 6
vol. in- 8 . A Paris , cher Moutard
, Impr.-Libr. rue des Mathur.
Petits Elémens d'hiftoire , pour
fervir à l'intelligence du tableau
hiftorique & chronologique ,
par M. Bruneteau d'Embreine ,
broc. in-8 °. avec le tableau féculaire.
liv. 12fols , Sans letableau
Jiv. 4fols. A Paris , chez Belin,
Libr. rue S. Jacques.
Les trois Inconnues , Comédie
en trois actes & carvers, melee
d'ariettes ; repréfentée par les
Comédiens Italiens'ordinaires da
Roi. 1 liv . 4 fols. A Paris, chez
Brunet, Libr. rue Mauconfeu .
Euvres paftorales de M. Merthgehn
, trad . de l'allemand , Ipar
M. le Baron de Naubell , 2 vol.
in 16. avec fig. br. 6 liv. En pap .
d'Hollande. 9 liv. A Paris , chez
Belin , Libr. rue S. Jacques.
Voyage littéraire de la Grèce
par M. Guis , troisième édition.
4 vol . - 8 . br. 16 livres, rel. cn
écaille & filets , 21 liv.
On a tiré quelques exemplaires
in-4 , grand papier , dont les
gravures font avant la lettre : 2
vol. in-4 °. br. 42 liv. rel. dorés
fur tranche . 51 liv. A Paris , cheg
la veuve Duchefne , rue S. Jacques.
Nouveaux Effais historiques
fus Paris, par M. le Chevalier
du Coudray tome IV br. 2
liv.
Suite des Effais , contenant les
anecdotes du Comte & de la
Comteffe du Nord : br. 1 liv.
Jo fols .
Ceux qui prendront les deux
ouvrages enfemble , ne les paieront
que 3 liv. chez l'Auteur , rue
de Sorbonne, & Belin , Libr. rue S
Jacques.
la
AVIS.
On trouve à Paris , chez Belin ,
veuve Duchefne , Morin , Lib.
rue S. Jacques ; l'Efclapart , Lib.
pont Notre-Dame ; Lamy , Lib.
quai des Auguftins ; Cellot ,
Libr. rue des grands Auguftics ;
Jombert, Libr. rue Dauphine;
Nyon atné , Libraire rue duJardiner;
& chez M. Bonnot , Vérificateur
de Bâtimens , carrefour
de la Croix Rouge , fauxbourg
S. Germain, l'ouvrage fuivant :
Détail général des fers de bâtimens
, avec leurs prix ; vol.
n-s .br. 6 liv.,
On trouve à Paris , chez Dezauche
, Géographe , rue des
Neyers , les cartes fuivantes :
Carte particulière & très- détaillée
du royaume de Naples , en
deux feuilles .
Carte de l'ifle & royaume de
Sicile.
Carte générale de l'Italie & de la
Sicile; l'une & l'autre par Guill.
Delifle & Phil. Buache : nouvellement
revues & augmentées par
Dezauche , Géographe : chaque
feuille , 1 liv. fols.
Suite des Ouvrages de Géographie
qui fe trouvent chez
Defnos , Ingénieur-Géographe ,
rue S. Jacques .
Atlas élémentaire de Géographie
& d'hiftoire ; par Buy de
Mornas : 4 vol . de differente grandeur
& de prix , qui fe vendent
féparément.
Atlas de la géographie ancienne
,tant facrée que profane , de
puis la création jufqu'à Jéfus
Chrift : relié , 27 liv.
Atlas pour fervir d'intelligence
à l'hiftoire des différens peuples
du monde & des cérémonies religieufes
relié , 14 liv.
Atlas, ou nouveau Plan dè
Paris , de fix pieds , divifé en fes
vingt quartiers , fauxbourgs &
environs : 36 cartes , in-4°. rel .
18 liv.
La fuiteà l'ordinaire prochain.
ARRET S.,
Arrêt du Confeil d'État du
Roi , du 5 Février 1783 , concernant
la fabrication des étoffes
de draperie , fergeterie, & autres
étoffes de laine indiftin &tement .
AParis , de l'Imprimerie Royale,
Arrêt de la Cour de Parlement,
qui ordonné que la diftribution ,
foit en bled , foit en pain, ne fe
fera plus dans la paroiffe de Sarcelles,
le Vendredi de la première
femaine de Carême ; & que la
diftribution fera faite , dans tous
les temps de l'année , aux vieillards
& infirmes , aux veuves
&orphelins , & aux pauvres hors
d'état de gagner leur vie , fuivant
le rôle qui aura été arrêté
par le Curé & les Marguilliers
en préfence du Syndic , & de
deux principaux habitans de la
Paroiffe ; extrait des regiftres du
Parlement , du 26 Février 1783 .
A Paris , chez P. G. Simon ,
& N. H. Nyon, Libr. -Impr, rue
Mignon S. André- des-Arcs.
Arrêt de la Cour de Parlement
, qui homologue une Or
donnance rendue par le Lieute
nant- Général de Police de la
ville de Paris , le 25 Février
1783 , relativement à ce qui doit
être obfervé par les bouchers
rôtiffeurs , cabaretiers , hôteliers,
aubergiftes , traiteurs , & logeurs
en chambres garnies , pour la vente
& le débit de la viande pendant
le carême : extrait des regiftres
du Parlement ,
du 27 Fé
MERCURE
DE FRANCE.
( No. 13. )
SAMEDI 29 MARS 1783 .
A PARI S.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
A Paris , chez Moutard , Impr.-
Libr, rue des Mathurins.
LIVRES NATIONAUX.
L'Agriculture , Poëme dédié
Roi , par M. de Roffet , fe De l'Application de l'électriande
partie : in-4 . de 128 pag. cité à l'art de guérir , Differtabr
. 3 liv . A Paris , de l'Imprim. tion inaugurale , par Jean Bapt.
Royale, & fe trouve chez Mou- Bonnefoy , de Lyon , gradué. intara
, Imp. Lib. r . des Mathurins . 8° . de 163 pages. 1 liv. 16 fols,
Certe feconde partie contient A Lyon , chez Aimé de la Roche
trois nouveaux chants ; favoir , & fe trouve à Paris , chez Megui
les plantes & le potager , les gnon alné, Lib . rue des Cordeliers.
étangs & les viviers, les bofquets
& lesjardins.
La première partie , contenant
les fix premiers chants ornés de
gravures , fe trouve chez le
meme Libr. Le prix eft de 12
liv. broch. & de 15 liv .rel. les
deux parties reliées enfemble ,
18 liv.
Les Amours de Daphnis &
Chloé , trad. nouv. in- 8° . de
218 pag avec vignettes, br. liv.
Les Aprèsfoupers de la fociété,
petit Théâtre lyrique & morale
fur les aventures du jour ;
dix-neuvième cahier , tome V
contenant la Succeffion, Comédie
en un acte & en profe. A Paris ,
chez l'Auteur , rue des Bons- Enfans
, la porte-cochère vis- à- vis la
cour des Fontaines , au Palais
Royal.
Calendrier pour l'année 1783 ,
à l'ufage des élèves qui fréquensent
l'Ecole royale gratuite de
Defin avec le plan & l'élév. de
ladite Ecole.A Paris , ex Eco
les de Den , rue des Cordeliers.
Elévations du Chrétien malade
& mourant , conforme à Jéfus
Chrift , dans les differemes cir
conftances de fa paffion & de fa
mort ; par M. Peronnet : troifième
édit. aug. d'une notice hiftorique
de la vie de l'Auteur : in- 12 .
Tel . 21. 10. A Paris , chez Onfroy,
Libr. quai des Auguftins,
Effai fur l'hiftoire de la fociété
eivile ; par M Adam Fergufon ,
Profeffeur de Philofophie morale
à l'Univerfité d'Edimbourg : ou
vrage trad. de l'anglois , par M.
Bergier : 2 vol . in- 12 . br. 41.12 f.
Tel. 6 liv . A Paris , chez la veuve
Defaint , Libr, rue du Foin Saint
Jacques.
Etrennes lyriques , anaciéontiques
, pour l'année 1783 , feconde
édit. Paris , chez l'Auteur , rue
des Nonaindteres, au coin de celle
de la Mortellerie.
On en a tiré une cinquantaine
d'exemplaires en papier de Hell.
où les épreuvesde l'eftampe font
avant la lettre .
Hécube , première Tragédie
d'Euripide , trad. en franç, avec
des remarques ; par M. Belin del
Ballu : br. 8. de 70 p . 11.4 f.
e Paris , chez Knapen & fils ,
Labr.-Impr. au bes du Pont S.
Michel
Hiftoire des Animaux d'Atif
tate , avecla trad . franç. par M.
Camus , Avocat au Parlement ,
Cenfeur royal in 4. 2 volbr .
36 liv. rel . en veau écail e à filets
d'or 42 liv. A Paris , chez la
reuve Defaint , Libr. rue du Foin
S. Jacques.
OEuvres complettes de M. de
Chamoufler , contenant fes projets
d'humanité , de bienfaifance
& de patriouifme ; précédées de
fen éloge , dans lequel on trouve
une analyle fuivie de fes ouvra
୨
ges ; par M. l'Abbé Cotton des
Houffayes , Decteur & ancien
Bibliothécaire de la Maifon &
Société de Sorbonne , Chanoine
de l'Eglife Métropolitaine de
Rouen , Membre de l'Académie
de la même ville , Affocié de
celles de Lyon & de Caen ::
vol. in-8 °. rel. 9 liv. A Paris , de
l'Impr. de Ph.-D. Pierres , Impr.
Ordinaire du Roi , rue S. Jacques;
& fe trouve à l'Hôtel de la petite
Pofte , rue des Déchargeurs , où
eft le dépôt de la propriétaire
du privilége ; chez la veuve Du
chefne , Libr. rue S. Jacques
Onfroy , Libr. quai des Auguf
tins ; Jombert le Jeune , Libraire,
rue Dauphine ; Belin , Libr rue
S. Jacques ; & Mequignon atné ,
Libr. rue des Cordeliers.
trad. OEuvres de Cicéron ,
nouv. 4 vol , in- 12 . br. 10 liv. re
12 liv .
Ces quatre vol contiennent
la thétorique & les quatre premiers
vol , des oraifons. La fuite
fous preffe .
La collection complette formera
quinze vol. in- 12 . & letout
fera délivré dans le cours de l'année
prochaine 1784
Il a été tiré cent exempla
in fur pap. grand-railin , &
vingt- cinq fur papier grand-jefus,
pourles perfonnes qui voudroient
joindre cette traduction à l'étition
latine in-4 , de l'Abbé d'Olivet
: on délivre actuellement le
premier volume de cette traduction
in-4 . Le prix du format
grand raifin eft de 24 liv. en feuilles
, & celui grand- jélus de 36 1.
A Paris , chez Moutard , Impr
Libre rue des Mathurins.
Euvres de Plutarque , trad.
par Jacques Amyot , propofées
par foufeription : en 24 vol in- 8 ° .
ornés de fig . en taille-douce.
Le prix de l'exemplaire avec
fig . en 24 vol. in- 8 ° fur carré
fin d'Angoulême , fera de işa
Jer . 133 .
MERCURE
DE FRANCE
DÉDIÉ AU ROI ,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES ,
CONTENANT
Le Journal Politique des principaux événemens de
toutes les Cours; les Pièces fugitives nouvelles en
vers & en profe ; l'Annonce & l'Analyse des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Décou
vertes dans les Sciences & les Arts ; les Spectacles ,
les Caufes célèbres ; les Académies de Paris & des
Provinces ; la Notice des Édits , Arrêts ; les Avis
particuliers , &c. &c.
SAMEDI I MARS 1783 .
A PARIS ,
Chez PANCKOUCKE , Hôtel de Thou ,
rue des Poitevins .
Avec Approbation & Brevet du Roi.
+
TABLE
PIÈCES
Du mois de Février 1783 .
Almanach Littéraire ,
3
49
55
IECES FUGITIVES .
Au Miniftre Pacificateur ,
Réponse aux Vers de M. de la
Grange Chancelle ,
હ
Leutre fur Bayonne & fur les
Bafques,
Versfur la Paix ,
Stances à Mlle de Gaudin ,
Vers pour le Portrait de M.
l'Abbé de Reyrac ,
Epitre à Molière ,
Sophronime , Nouvelle Grecque
,
Porte- Feuille d'un Troubadour
,
19
79
Penfées Morales de Cicéron ,
103
120
Etrennes Lyriques Anacréontiques
,
8 Almanach des Muſes ,
97
SPECTACLES.
165
127
101 Concert Spirituel,
145 Académie R. de Mufiq.26,181
Comédie Françoife , 84. 128
150 Comédie Italienne , 42 , 129
Charades , Enigmes & Logo' VARIÉTÉ S.
gryphes , 5,77 , 102 , 164 Lettre au Rédacteur du Mer
NOUVELLES LITTÉR. cure , 90,188 Difcours prononcé à la Séance Avisfur l'Encyclopedie , 188
Publique de l'Académie des Anecdotes ,
Sciences d'Amiens ,
136
7 Annonces & Notices 2 45
Tuvres Pofthumes de M. 93, 138 , iga
Ponteau ,
371
BIBLIOTECA
BEGIA
HACENSIS
<
A Paris , de l'Imprimerie de M. LAMBERT & F. X
BAUDOUIN , fue de la Harpe , près S. Coſme.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI I MARS 1783 .
PIÈCES
FUGITIVES.
EN VERS ET EN PROSE.
VERS à M. DE MAYER. *
Des rives de la Seine aux rives de la Loire
Vous courez , vous courez & par monts & par vaux ,
Portant en croupe , avec les Mules & la Gloire ,
Des Romans , des Amours & des Projets nouveaux.
Pour fervir vos amis vous crevez vos chevaux ;
Vous vous tuez pour vivre au Temple de mémoire...
Pour Dieu ménagez-vous , mon charmant Damoiſel !
Le miel eft doux , mais l'abeille eft cruelle :
Songez à ce pauvre Chapelle ; **
* M. de Mayer eft un des Auteurs de la Bibliothèque
des Romans & de l'Hiftoire des Hommes , & eft occupé
d'autres Ouvrages favans.
** C'eft un Perfonnage d'un Roman de M. de Mayer ,
inféré dans la Bibliothèque des Romans du 15 Janvier
3783.
Aij
4
MERCURE
1
Il en prit un peu trop , ainſi que tel & tel ,
Qui ne battent plus que d'une aile.
Accordez mieux que lui la prudence & le zèle :
On ne donne qu'aux morts le brevet d'immortel ...
Mais mon Chevalier rit à ce mot de prudence
( Pour la timidité nous la prenons en France. )
Un voyage , des bals , des hiftoires , des vers ,
Des courſes , des foupers , un roman , des concerts
Voilà votre Agenda pour l'an qui recommence.
Vos Epîtres font foi de ces projets divers ,
Et votre activité les garantit d'avance ;
D'ailleurs , vous êtes sûr d'avoir en ſurvivancé
La fanté , les talens & le coeur de B....
(Par M. Bérenger. )
le
BOUQUET préfenté à M. MONNET ,
parfa Fille , ágée de huit ans & demi ,
jour defa Fête.
OL beau jour , Papa ! puiffe -t'il être heureux !
Accepte mes bouquets , mon tendre coeur , mes voeux.
Reçois- moi dans tes bras , & que je te raconte
Le peu qu'on m'a dit fur le compte
De Saint - Antoine , tom Patron.
Il éprouva plus d'un orage ,
Du démon reffentit la rage ,
Et pardonna tout au démon.
Fort bien ! j'aime que l'on foit bon.
DE FRANCE.
S.
C'eft en toi , cher Papa , ce qui plaît davantage.
Je veux auffi de même être bonne , être fage ,
Être en tout docile à ta voix.
De ton amour , que de biens je reçois !
Ah ! que toujours ton amour me foutienne ,
Ta fête tous les ans n'arrive qu'une fois ;
Mais moi , moi , cher Papa , c'eſt tous les jours la
mienne :
Du matin jufqu'au foir , je t'aime , je te vois.
COUPLETS compofés par une Dame de
Compiégne , & chantés àfon Mari la veille
de fa Fête , le 24 Août 1782 .
AIR: H faut quand on aime une fois.
CHANTER Il'Amour & l'Amitié ,
C'eft célébrer ta fête.
Mais fois certain quand ta moitié ,
A te fêter s'apprête ,
Que c'eft l'Amour & l'Amitié
Qui couronnent ta tête .
J'ai mon ami dans mon époux ,
Et je fuis fon amic.
Toujours le toi , jamais le vous ,
Le férieux ennuie.
Dans cet accord , charmant & doux ,
Nous filons notre vie.
A iit
MERCURE
MON cher Louis , ton feul bonheur
Peur me rendre contente.
Et fur ce point toujours ton coeur
Me trouvera conftante.
Oui , l'Hymen a cueilli la fleur
Que t'offre ton amante.
Si l'art des vers ma fu charmer ,
Je l'aimai pour toi- même ;
Mon coeur ne fe plaît à rimer
Que pour dire qu'il t'aime.
Pour le coeur qui peut me blâmer,
L'Amour eft un problême.
(Par MM. de M. D. L. M..... )
LETTRE à M. DE LA CREȚELLE , fur
la queftion de favoir fi l'Eloquence eft
utile ou dangereufe dans l'adminiftration
de la Juftice ; par M. DE PASTORET ,
Confeiller de la Cour des Aides.
EN arrivant de la campagne , Monfieur , j'ai
In avec empreffement , dans un des Mercures du
mois d'Octobre , un morceau plein d'intérêt , où
vous examinez fi l'Eloquence eft utile ou dangereufe
dans l'adminiftration de la Juftice. Vous vous
décidez en fa faveur. Cette opinion , je vous l'avoue,
ne fauroit être la mienne. A Dieu ne plaife que je
veuille ici faire la fatyre de l'Éloquence. J'espère
que vous ne me prêterez pas un fentiment auffi
abfurde. Si j'étois affez malheureux pour l'avoir ,
DE FRANCE. 7
vos Ouvrages y répondroient mieux encore que vos
raifons. Je me borne au cas particulier que vous
examinez , & dans ce cas même ce font des doutes
que je propoſe , & non un ſyſtême que je prétends
établir.
Une des Profeffions les plus refpectables de la
fociété eft affurément celle de ces Citoyens courageux
qui , confacrant leur vie à l'intérêt des autres
font toujours prêts à venger l'innocence & à faire
triompher la juftice ; mais jetons un moment les
yeux fur l'origine de ce Miniftère facré. N'a- t- on
pas voulu placer un homme choifi entre la fainteté
de la loi & la violence de nos paffions ? Qu'on
laiſſe aux Parties le droit de défendre leurs cauſes ,
nous allons voir la haine & la vengeance femer
leurs difcours d'imputations étrangères , & diftiller
à grands flors de toutes parts le poifon de la calomnie.
C'est donc pour éviter cet abus qu'on a créé
une fonction honorable. L'Avocat doit être l'organe
impaffible de la vérité ; elle feule doit obtenir
fes hommages : & pourquoi la déshonoreroit- il par
un langage qui lui eft fi fouvent étranger ? Il fuffi-
Toit peut- être que l'Éloquence eût fait quelquefois
triompher le menfonge pour qu'il dût la craindre
& la dédaigner. Interprête du Légiſlateur , qu'il
s'exprime avec fa noble préciſion. L'Art oratoire
fut- il jamais celui de Solon & de Lycurgue ? Ces
grands Philofophes , ces Politiques profonds crurent
pouvoir affurer le repos de leurs concitoyens fans
les charmer par des accords raviffans. Juftinien ,
que je ne cite pas ici pour le comparer aux hommes
fameux que je viens de nommer , Juftinien
donna le même exemple. Ce n'étoit point avec chaleur
que Zoroastre dictoit les loix qu'il impofoit ; il
eût craint de les avilir par cette fauffe énergie . Confucius
mérita la reconnoiffance des Chinois fans
fortir de cette fimplicité augufte qui fut toujours le
A iv
8 MERCURE
premier caractère de la vérité , & Locke n'eut pas
recours à l'Eloquence pour devenir le bienfaiteur
de la Caroline . Pourquoi donc le Citoyen utile ,
dont le devoir eft de rappeler les principes de la
légiflation , fe laifferoit- il féduire par un talent f
dangereux ?
La vérité doit parvenir au Juge fans obftacle &
fans apprêts . Qu'un Orateur facré , qu'un Philofophe
nous inftruifent à la fcience des moeurs , il faut
nous perfuader, & pour cela peut-être ' il faut être
éloquent. Il s'agit en effet d'infpirer la vertu quand
la volupté entraîne . Oui , quelque certains que
foient les principes de la morale , ils font toujours
combattusS par l'intérêt & les paffions des hommes.
Il n'en eft pas de même de ceux de la légiflation ; ils
n'ont pas beſoin d'être perfuadés pour faire la baſe
de nos jugemens ; il fuffit au contraire de les expo
fer pour enchaîner l'obéiffance du Magiftrat & du
Plaideur.
A quoi fert d'ailleurs cet étalage fuperbe de
phrafes, harmonicufes ? I enchante l'oreille , il
flatte l'efprit , je le fais ; mais eft - ce donc pour fe
રિ
livrer à ces plaifirs que le Juge s'affied fur fon
tribunal augufte ? Ne fera-t il pas même forcé ,
quand il donnera fon opinion , d'écarter tout cet
appareil , & de réduire la caufe au fimple fyllogifme
que l'Avocat auroit dû lui préfenter ? Ce laconifme
Je fais qu'on peut m'oppoſer l'exemple de Woden
& de Mahomet. Tous deux affectèrent quelquefois des
extafes prophétiques ; mais cet exemple même fert d'ap
pui à mon opinion . Le Législateur des Goths comme
celui des Turcs & des Arabes , donnoient des loix pieufes
en même-temps que des loix civiles , appuyées l'une &
l'autre fur les principes d'un faux culte ; ils vouloient
cependant faire croire que c'étoit le ciel qui les infpiroit.
Pour tromper ainfi les Peuples , ils devoient avoir recours
à l'Eloquence.
DE FRANCE.
2
paroît effrayant ; mais comment faifons - nous nousmêmes
dans les procès dont nous fommes Rapporteurs
? Une expofition fimple des faits , une froide
analyfe des moyens , le texte de la loi rappelé ,
voilà où ſe borne tout notre ministère : pourquoi
un ufage auffi fimple ne feroit il pas adopté par les
Défenfeurs des Citoyens ?
J
Vous voulez m'échauffer & in'attendrir. Je pour
rois vous répondre que cet état de l'âme eft celui de
tous où elle eft le moins capable d'affeoir un jugement
folide ; mais fi à ce danger fe joint cette
défiance perpétuelle & de vous & de moi que votre
Art doit m'infpirer , je vous le demande alors , quel
eft l'objet de ce fupplice intérieur auquel vous me
condamnez ? Je vaincrai , ajoutez - vous , & ce fera
pour moi un triomphe de plus ; mais d'abord pourquoi
me forcer à cette lutte éternelle entre l'Éloquence
& la vérité ? Pourquoi me déchirer fans
ceffe par des craintes injurieufes à des hommes
eftimables dont je dois révérer les talens & la
bonne-foi ? Et en fecond lieu , fi malgré ma vigi
Jance & l'attention la plus févère je me laiffe
féduire par vos lumières trompeufes , fi ma bouche,
qui ne refpira jamais que pour l'innocence &
la justice , prononce l'avis coupable que vous m'avez
faggéré , mon ignorance ou mon délire peuvent
mériter vos reproches ; mais vous à qui j'ai dû mon
erreur, vous qui m'avez fait trahir le plus faint des
devoirs , répondez à votre tour , croyez -vous être
exempt de crime ?
Je ne me diffimule pas qu'en plaidant , contre l'Éloquence
je plaide contre un de nos plaifirs. Qui
n'a fouvent lû , qui n'a entendu avec avidité les
beaux Difcours des Ecrivains fameux dont s'honore
aujourd'hui le Barreau françois ? Moi - même je
me fais gloire d'être leur admirateur ; mais cette
admiration ve ferme pas mes yeux fur les périls que
A v
10 MERCURE
cette Éloquence entraîne. Ofons- le dire d'ailleurs.
Les Avo ats qui méritent cet éloge, font & doivent
être la partie la plus rare. Il en eft qui y ſuppléent
que quefois par une diffufion fatigante ou par
des perfonnalités déplorables C'eft l'abus de la
chofe , il eft vrai ; mais cet abus eft lié à fon
exiſtence. Il eft impoffible de le détruire , & de
créer une âme , un efprit nouveaux dans ces Défenfeurs
: or , je vous le demande , Monfieur ,
l'avantage même qu'on pourroit retirer d'entendre
ou de lire dix bons Orateurs , doit- il être mis en
opposition avec les longueurs & les dégoûts inféparables
des Plaidoyers ou des Mémoires de ceux
qui ne le font pas ? Pourroit- il balancer
déclamations éternelles dont s'enveloppe fouvent le
défeſpoir de la caufe ou l'ignorance des faits principaux,
& que Cicéron a fi bien caractériſées par ces
mots pleins de fens , loci inanes , nec erudita civitate
tolerabiles.
ces
Au petit nombre des bons Orateurs, on peut joindre
le petit nombre des caufes qui prêtent à l'Éloquence
dans nos conftitutions modernes. Chez les
Grecs , chez les Romains , on parloit dans la Tribune
en préfence d'un peuple nombreux , plus fenfible
aux mouvemens du coeur qu'aux raifonnemens
d'une logique confommée , & on lui parloit de fes
befoins & de fes devoirs ; mais en France il s'agit
prefque toujours d'avantages particuliers , d'intérêts
bornés & folitaires , & alors l'Éloquence peut devenir
auffi ridicule qu'elle eft nuifible ; car , comme
T'obferve Quintilien , nec quifquam illuftrem orationem
facere poteft , nifi qui caufam parem invenit.
Vous connoiffez l'hiftoire de cet Avocat , qui en-
#endant fon Confrère parler avec emphafe de
Troyes & du Scamandre , l'interrompit par ces
mots : La Cour obfervera que ma Partie ne s'appelle
pas Scamandre , mais Michaut, Cette obferDE
FRANCE. IIL
vation ſous un air frivole me paroît renfermer deux
grandes leçons. En voici une autre qui a auffi fon
utilité . Je cite l'anecdote avec d'autant plus de confiance
qu'elle m'eft perfonnelle.
Un jeune Avocat me parloit un jour d'une
caufe dont il étoit chargé. Je ne pus m'empêcher de
lui dire qu'elle ne me fembloit pas foutenable. Je
le penfe comme vous , me répondit- il , mais elle
prête à l'Eloquence , & je puis m'y diftinguer.
Cette phrafe eft le fecret du coeur. D'autres euffent
été moins ingénus peut être ; mais le fond de leur
âme eût renfermé le même fentiment. Le premier
befoin de l'Orateur eft trop fouvent de chercher à
concilier pour lui tous les fuffrages ; & s'il veut
l'emporter fur l'adverfaire qu'il a à combattre , c'elt
fur-tout le fuccès oratoire qu'il envie . Vous laiffez
donc à l'amour - propre , toujours inſatiable , l'attrait
de briller quelquefois par le menfonge.
Ce n'eft pas pour l'Avocat feul que ces efforts
font dangereux. Tandis que, jaloux de tout embellir,
il met longuement fous nos yeux les productions de
fon goût & de fon génie , le temps fuit avec rapidiré
, & dix audiences s'écoulent quand une auroit
pu fuffire. N'eft- il pas vrai cependant que le Magiftrat
doit à fa patrie le compte même de ces
momens qu'on lui fait perdre ? N'eft - il pas vrai
qu'à l'inftant qu'un Orateur célèbre le charme par la
pompeufe harmonie d'une période cadencée , les
bras tendus vers lui , une foule de malheureux attene
dent à la porte du Sanctuaire de la Juftice , & lui
demandent en gémiffant de les arracher & aux angoiffes
d'un jugement incertain , & aux dépenfes
qu'occafionne un féjour forcé loin de leurs poffeffions
& de leurs familles ? En prévoyant cette objection ,
vous avez fenti vous-même qu'il étoit impoffible
d'y répondre ; elle vous a arraché un fuffrage que
ne peut déguifer l'enthoufiafme , fi digne de vous ,
A vi
MERCURE
d'être l'appui des malheureux ; & en effet , Monfieur,
daignez calculer tout le temps dont la perte eft dûe
à l'Eloquence , & j'ofe croire que vous ferez plus
frappé encore de la vérité de mon opinion *.
Je pouffe la chofe plus loin , & je crois qu'il
feroit à defirer que nos loix fuffent affez claires ,
affez précifes , en affez petit nombre pour que le
Magiftrat n'eût pas befoin qu'on lui en rappelât le
fens & l'expreffion. Ce defir eft inutile fans doute ;
dans l'état des chofes il eft abfurde peut-être ; mais
que de biens il produiroit s'il pouvoit un jour fe
réalifer ! Ofons l'efpérer d'un Roi qui nous donne
à chaque inftant de nouvelles preuves de fa bienfaifance
& de fes vertus . C'eft au jeune Titus qui a
rendu tout fon éclat à la Magiftrature Françoife , à
détruire le chaos informe de notre législation , &
Qu'on me permette de joindre ici ce calcul qu'on
' avoit pas fait encore. Il pourra paroître fingulier ; mais
il n'eft inaiheureufement que trop vrai , & je ne crois pas.
qu'un bon Citoyen puiffe le lire fans gémir en fecret de
l'abus qui en eft la fource déplorable .
Il y a en France au moins fix mille Jurifdictions Royales
, en y comprenant tant les Jurifdictions ordinaires que
celles d'attribution , & les Cours Souveraines comme les
Tribunaux inférieurs. Je ne dis rien des Juftices feigneu
riales , parce que je ne crois pas que l'Eloquence y faffe
perdre beaucoup de temps au Magiftrat . Ne fixons l'une
dans l'autre qu'à cent Audiences par an l'exercice de leurs
fonctions , quoiqu'il y en ait plufieurs où il foit journa-
Jier, & porté même quelquefois jufqu'à deux Séances par
jour. Ne fixons encore qu'à deux heures chacune de ces
Audiences, on aura deux cents heures annuellement. Multiplions
fix mille par deux cent , & , fi je ne me trompe ,
nous aurons douze cent mille heures. On ne peut nier
qu'un Orateur n'en faffe perdre au moins les trois quarts
au Magiftrat forcé de l'entendre. Ce font donc neuf cent
mille heures de perdues , & neuf cent mille heures for
ment à peu-près cent trois ans : oui cent trois ans que
Eloquence arrache au Juge chaque année. Au bout d'un
fiècle il aura donc , malgré lui , perdu à- peu -près deux
føis autant de temps qu'il y en a que le monde exiſte. -
DE FRANCE.
nous donner enfin des loix dignes d'un Peuple qu'il
gouverne. Déjà fon coeur généreux a arraché
Phomme à l'esclavage , & l'accufé à des tourmens
féroces qui le forçoient quelquefois à s'avouer cou
pable. Cet effet touchant d'un attendriffement paternel,
eft le préfage de tous les biens que nous
devons attendre d'un Prince ami des moeurs & de
l'humanité.
Adieu , Monfieur ; je vous demande pardon de
vous avoir contredit , & je vais relire vos Ouvrages
pour me confoler de mon opinion.
RÉPONSE de M. DE LA CRETELLE .
JE vous dois des remerciemens , Monfieur , pour
le foin que vous avez pris d'oppoſer votre avis au
mien fur une queftion intéreffante , & pour la
politeffe que vous avez mife dans votre réfutation.
Une réfutation de ce genre , en répandant des
lumières fur l'objet difcuté , honore fon Auteur &
celui qu'elle attaque. Je ne voudrois retrancher de
la vôtre que les expreffions infiniment trop flatteufes
dont vous vous fervez à mon égard .
Il n'eft pas ordinaire de fe plaindre de n'être pas
attaqué d'affez près ; c'eft cependant l'espèce de
plainte que je forme contre vous. Je defiterois que
vous euffiez bien voulu examiner chacune de mes
raifons. Il y auroit déjà plus de chofes éclaircies
entre nous , & celles qui ne le feroient pas le
deviendroient plus facilement ; je n'aurois qu'à voir
quels font les points fur lefquels je puis me rappro
cher de votre avis , & quels font ceux fur lefquels je
crois conferver l'avantage. Vous avez fuivi une
autre marche ; vous vous êtes contenté de motiver
une opinion différente , & je fuis forcé maintenant de
revenir fur ines raiſons pour les comparer aux vôtres
14 MERCURE
J'ai cherché , Monfieur , à confidérer la queftion
dont il s'agit entre nous fous tous les afpects ,
pour la réfoudre toute entière , & j'ai commencé par
la faifir dès fon principe. Tout le monde entend
par l'Éloquence le don de fubjuger l'esprit par la
force du raifonnement , ou d'émouvoir le coeur par
les paffions. On conçoit que ce talent eft libre de fa
nature. On ne peut pas ordonner à un homme né
éloquent de ceffer de l'être , ni même de le vouloir
, & cela lui feroit impoffible Quel moyen
done d'écarter l'Éloquence de l'adminiſtration de la
Juſtice ? Je n'en connois qu'un , c'eſt de la rendre
inutile à la défenfe des Citoyens par des loix
très- claires , très -fimples , très - équitables , par des
Magiftrats très- intègres & très -éclairés , & d'en
prévenir l'ufage par un ordre judiciaire qui ne permette
aux Parties que la fimple expofition de leur
caufe. Vous conviendrez , Monfieur , qu'il n'y a que
de petits Peuples , des Peuples qui réuniffent ce que
l'on voit le plus rarement enfemble , des progrès
avancés dans la civilifation , avec la candeur &
l'innocence des moeurs primitives qui puiffent
jouir à - la- fois de tous ces avantages . Chez toutes
les grandes Nations , les loix font immenfes & les
moeurs font mauvaiſes. On ne peut y prendre une
confiance entière ni dans les lumières des Juges , ni
dans leur droiture, Il faut permettre aux Plaideurs
de raifonner fur leurs droits ou leurs prétentions. Il
importe auffi que l'homme opprimé ait le droit
d'appeler l'Éloquence à fon fecours pour réfifter à
l'afcendant des protections , à l'influence des féductions
que l'on emploie contre lui . L'Éloquence
devient alors , non pas un bien abfolu , mais un
remède utile dans de grands maux. Elle a cependant
des dangers , des inconvéniens ; mais ils font
inévitables , & ils fout moins confidérables qu'on
me le croit . Le plus grand de fes dangers vient
DE FRANCE. 15
de l'empire qu'elle peut prendre fur l'âme du Juge.
Si l'on y fait bien attention , on verra que parmi
nous elle peut beaucoup plus pour foutenir la probité
du Magiftrat que pour l'égarer. L'Éloquence ,
dans nos conftitutions & dans notre ordre judiciaire ,
ne peut plus régner par les paffions ; elle n'agit plus
fur un Peuple affemblé , mais fur des Magiftrats qui
favent s'en défier & lui réfifter ; fi elle vouloit les entraîner
à l'injuftice ou à l'erreur , dès qu'ils s'en appercevroient
, & ils l'appercevroient aifément , elle
pourroit leur plaire encore , elle ne les perfuaderoit
plus ; mais lorfqu'elle parle dans la caufe de
la vertu , & felon la juftice & la raifon , la juftice
, la raiſon , la vertu en deviennent plus aimables
, & par-là plus puiffantes. L'Éloquence infpire
au Magiftrat plus de zèle & de fermeté dans la
volonté du bien. Le plus grand de fes inconvéniens
eft d'employer plus de temps qu'il n'en faudroit à
une expédition rigoureufe de la juftice mais c'eft
une queſtion de favoir fi des loix embarraffées peuvent
fe paffer d'une difcuffion un peu étendue ; &
dès qu'il faut de la difcuffion dans l'explication des
loix , il faut y admettre ou les formes de l'Eloquence
, ou le jargon de la chicane ; & qui pourroit
douter que le ftyle de la chicane ne prenne beaucoup
plus de temps à la justice , & ne lui foit bien plus
dangereux que le langage de l'Eloquence ? Une
foule d'avantages moins effentiels contribue encore
à rendre l'Eloquence précieufe dans nos Tribunaux.
Elle eft pour les malheureux une douce & noble
confolation , en ce qu'elle leur donne un moyen
aſſuré d'obtenir la bienveillance & l'intérêt du Public.
Quand elle parle fur les loix , elle accroît
leur majefté devant le Peuple , elle leur obtient fa
reconnoiffance & fa vénération. La véritable Eloquence
ne peut fe féparer de la bonne Philofophie.
Des difcuffions fur les loix agrandies par la Philofo
16 MERCURE
phie , animées par l'Eloquence , ne feront - elles pas
une heureuſe fource d'inftructions pour le Magiftrat?
D'ailleurs , s'il faut de la folemnité dans l'adminiſtration
de la juftice , qui peut y en apporter davantage
que l'Eloquence ? Et s'il nous importe de confacrer
les Beaux - Arts par un emploi noble & utile , où
pouvons - nous mieux les montrer que dans le Sanc
tuaire des loix ? Quelle plus digne décoration le
Sanctuaire des loix pourroit-il recevoir , que celle
que lui prête la voix d'un homme éloquent ?
Voilà , Monfieur , le précis des vûes qui m'ont fait
conclure que l'Eloquence étoit parmi nous ron
moins utile à la fageffe & à la pureté des décrets
de la juftice qu'à leur pompe. D'après ce réſultat, je
crois que,loin de l'exclure de nos Tribunaux, il faut
chercher à en tirer le meilleur parti qu'il eft pofble.
Les talens font , comme les moeurs , foumis à la
direction que la main habile d'un Législateur fait
leur donner. Il eft de leur effence de fe porter vers
ce qui eft beau & ce qui eft bon. Si vous les y appelez
par des honneurs , par des récompenfes , vous ne
les verrez pas fe proftituer à des objets indignes
d'eux. Ayez donc des Orateurs , récompenfez- les
par des hommages publics , & l'Eloquence deviendra
la lumière des loix , la reffource du foible , la
crainte de l'oppreffeur , l'appui de la justice.
Vous n'en jugez pas ainfi , Monfieur ; votre goût
vous fait aimer l'Eloquence , mais votre conſcience
vous la fait craindre ; vous ne la trouvez utile que
lorfqu'elle s'occupe de perfuader les vertus ; vous la
repouffez de toutes les occupations où il ne faut que
prouver & convaincre. Ce n'eft point par l'Ele
quence que vous eftinez l'inftitution des Avocats
c'eſt par la modération que leur ministère fait régner
dans les débats des Plaideurs ; vous ne leur
permettez pas, de s'échauffer pour la vérité , pour la
vertu.L'homme qui réclame la loi, doit être impaffi
DE FRANCE. 17
→
blecomme clle. - Les Législateurs , en donnant leurs
loix aux Peuples, n'ont pas cru qu'il fût néceffaire de
les appuyer de la force & de l'éclat des beaux dif
cours . Ce n'eft pas pour recevoir un vain plaifir que
le Magiftrat vient s'affeoir fur le Tribunal. - D'ail
leurs l'émotion que l'Orateur veut porter dans fon
âme feroit dangereufe à la jufteffe , à l'impartialité
de fon jugement. Pourquoi le plaidoyer d'un Avocat
n'eft- il pas uniquement un récit clair & méthodi
que , une difcuffion calme & fimple comme le tra
vail d'un Rapporteur ? Qu'arrive - t- il de l'ufage
contraire ? Les Avocats veulent être éloquens. Ce
talent eft rare , & au Barreau les occafions de le
placer ne le font pas moins : de-là des plaidoyers
chargés de mors & vuides de fens ; de-là de longs
difcours , où l'on fonge bien moins à gagner fa
caufe qu'à montrer de l'efprit ; & cependant le Juge
perd à écouter des phrafes un temps qu'il doit à la
prompte expédition de la juftice , le plus grand fervice
de la juftice même. Vous finiffez , Monfieur ,
par defirer des loix affez claires , affez courtes &
affeż fimples pour qu'on n'ait plus befoin du tout
du ministère des Avocats. Il me femble , Monfieur ,
qu'en motivant ainfi votre opinion , vous avez laiffé
fubfifter toutes les raiſons par lesquelles j'en ai établi
une différente ; je puis donc vous oppofer , pour
première réponſe , la difcuffion même que vous avez
combattue. Permettez - moi , Monfieur , pour l'inté,
rêt de la caufe que je foutiens , d'ofer vous ménager
un peu moins , & de vous réfuter par l'examen des
idées que vous venez de développer.
Je crois qu'il résulte de ma difcuffion deux chofes
; l'une , que dans le fyftême de nos loix , dans
l'état de nos moeurs , il est néceffaire de permettre
aux Parties la difcuffion raifonnée de leurs cauſes ;
qu'il eft impoffible d'écarter l'Eloquence de cette
difcuffion , & qu'il eft utile de l'y admettre ; l'autre ,
18 MERCURE
+
que dans l'adminiſtration de la juftice , telle qu'elle
exiſte parmi nous, les avantages ſurpaſſent de beau
coup les inconvéniens .
Vous , Monfieur , vous vous êtes borné à préſenter
quelques-uns de ces inconvéniens , & à offrir le modèle
des difcuffions auxquelles vous voudriez réduire
les Avocats ; mais les inconvéniens que vous
préfentez naiffent- ils effentiellement du droit d'em
ployer l'Eloquence au Barreau , & le genre de plaidoirie
que vous propofez eft il pratiquable en luimême
, & remédieroit-il à quelque chofe ? Voilà ce
que je veux examiner avec vous.
L'Eloquence , dites-vous , eft inutile pour convaincre
; elle ne convient pas à des hommes qui doivent
refter auffi calmes que la loi qu'ils invoquent.
Si vous y faites bien attention , Monfieur , vous
verrez que l'Eloquence convient autant à la convic
tion qu'à la perfuafion , & que ces deux impreffions
de l'Eloquence , quoique différentes , fe féparent
difficilement. Le jugement & la fenfibilité communiquent
fans ceffe dans l'homme , & réagiffent continuellement
l'un fur l'autre . Vous ne toucherez jamais
mon âme, fi vous offenſez ma raiſon ; de même vous
ne fubjuguerez jamais ma raiſon , fi vous n'intéreſſez
mon âme. Je ne puis aimer , fi je ne fuis porté à
approuver, ni approuver , fans être porté à aimer,
Auffi,quand les hommes qui attachent des idées juftes
aux expreffions dont ils fe fervent , emploient , en
les diftinguantces , mots de conviction , de perfuafion
, ils entendent uniquement que le raisonnement
a plus d'effet dans l'une , & le fentiment dans l'autre
Pourquoi y a-t-il une fi grande différence entre
l'homme éloquent , foit qu'il ouvre son âme ,
foit qu'il raifonne , & l'homme qui manque d'Eloquence
? C'est que l'un dit fes fentimens , & que
l'autre les communique ; c'eft que l'un établit
Les raifons , & que l'autre , en les paffionne. Aina
DE FRANCE 19
donc fi vous permettez de convaincre dans les
difcuffions du Barreau , vous permettez auffi d'y
toucher au moins jufqu'à un certain point ; &
quand même il ne s'agiroit que de convaincre ,
il y auroit encore là de quoi être éloquent. Il m'a
toujours paru , Monfieur , que la question ne pouêtre
ici s'il falloit admettre ou non l'Eloquence
au Barreau , mais s'il falloit ou non у interdire
aux Parties la difcuffion de leurs moyens pour
les réduire à la feule expofition des faits ; car dès
que vous permettez une défenfe raisonnée , quel
qu'en foit l'objet & la forme , l'Eloquence peut y'
voit pas
entrer.
Mais vous demandez à l'homme éloquent de
s'interdire l'ufage de ce talent ; vous en faites même
un devoir de fa confcience , & vous lui propoſez
l'exemple du ftyle précis & fimple des Légiſlateurs
dans la promulgation de leurs loix.
Prenez -y garde , Monfieur , il ne peut y avoir
rien de commun entre le Législateur & l'Avocat.
Tous deux , à la vérité, s'occupent des loix , mais l'un
les établit , l'autre les invoque , & cela eft fort différent.
L'autre modèle que vous propofez à l'Avocat
ne lui conviendroit pas mieux. Un Rapporteur ,
qui ne doit qu'expofer les faits d'une caufe & les
moyens des Parties , & motiver enfuite fon avis ,
doit s'impoſer dans ce travail l'impartialité de la
loi , & ne trouve pas les mêmes motifs de s'y échauffer;
& cependant , Monfieur , êtes - vous sûr que jamais
l'afcendant de l'Eloquence ne s'eft fait ſentir
dans ces travaux, non pas d'un Orateur , mais d'ur'
Juge ? L'Eloquence , Monfieur , confifte moins dans
certaines formes que dans une force & un charme
qu'un homme né éloquent imprimé dans tous fes
difcours. L'Avocat, comme le Juge , doit un refpect
entier à la loi ; il ne doit jamais ni la diffimuler , ni
la violer , ni la plier à fes vûes par des interpréta
20 MERCURE
1
tions de mauvaiſe foi ; mais il doit auffi du zèle à
fon client ; il doit tout ce qu'il a d'énergie & de
chaleur à l'innocent opprimé , au malheureux à qui
l'on veut enlever les dernières refſources , fes dernières
confolations. Suppofez - le froid & impaffible:
par fyftême dans la défenfe de ces touchans intérêts ,
& c'eft alors qu'il fera coupable , puifqu'il n'aura
pas fait pour le malheur & l'innocence tout ce qui,
étoit en lui. Penfez - vous que l'Eloquence foit de,
trop pour réfifter au crédit , à la faveur , à toutes les
féductions que les paffions & l'intrigue favent employer
? Et fi l'injuftice triomphe , l'Orateur qui ne,
l'aura pas attaquée affez puiflamment n'en deviendrat-
il pas complice ? Non , Monfieur , loin du protec
teur des foibles & des opprimés cette timide modéra
tion. L'homme de bien doit toute fon éloquence à
la vérité qu'il croit dans fon coeur . Obfervez dail
leurs , Monfieur , une raifon particulière de la difcuffion
tranquille qui doit réguer dans les expofés
des Rapporteurs ; c'eft que ces fortes de difcours ne
fe prononcent que dans l'intérieur du Tribunal , au
lieu que les Avocats parlent devant le Public comme
devant les Magiftrats . Puifqu'on adinet le Public dans
les Audiences , & il y a de bonnes raiſons pour cela ,
il faut bien qu'il y foit compté pour quelque chofe ;.
il faut plus d'appareil & d'intérêt dans des difcours
où le Public affifte . Aulli demande-t -on aux plai-.
doyers des Avocats- Généraux qui parlent entre les
Magiftrats & le Public , plus d'élévation & de chaleur.
Mais chaque pofition pour l'Orateur a les rè
gles & fes convenances. L'Avocat ne doit jamais,
dépouiller,pour l'amufement de fes Auditeurs , la noble
gravité des paroles qu'il adreffe aux Magiftrats ,
& l'homme public ne doit jamais le livrer aux paffions
que l'on permet aux hommes privés ; il ne doit
connoître dans fes difcours comme dans fes décifions,
que l'amour de la juftice , la vengeance des
DE FRANCE. 2
loix & le zèle du bien public : ce font - là les feules
paffions qui lui conviennent,
Vous devez concevoir , Monfieur , d'après les raifons
que je viens de vous préfenter , que ce feroit
faire violence à l'ordre naturel que de réduire l'âme
inquiette , fouffrante & agitée des Plaideurs à ce ton
calme qui doit être le ftyle de leurs Juges. Cela
feroit non-feulement injufte , mais encore impoffible.
Jamais on n'obtiendroit de celui qui expofe fon
malheur ou fon danger , de s'exprimer comme s'il
ne les fentoit pas. Ses plaintes , en paffant par l'organe
d'un Avocat , pourront bien fe modérer , mais
ne doivent pas s'y affoiblir. Qui voudroit d'un Avocat
qui fe piqueroit de n'adopter jamais la fenfibilité
de fon client lorfqu'il le verroit injuftement perfécuté
? Et quelle fauffe & odieufe perfection cer
Avocat chercheroit illà ?
Ce n'est pas tout. J'ofe dire que cette manière de
plaider , qui ne connoîtroit que le calme des fentimens
& la netteté précife de la loi , eft trop difficile à
atteindre pour devenir commune. Si l'Éloquence eft
rare , l'excellente Logique ne l'eft pas moins. De
même qu'en autorifant l'Eloquence il faut s'attendre
à beaucoup de déclamations, en demandant une manière
de raifonner toujours forte par la raifon feulé,
on s'expofe à toutes les fubtilités , toutes les obſcurités
naturelles aux mauvais efprits . Vous aurez donc
dans les difcuffions judiciaires , comme je l'ai déjà
dit , l'ergotage de la fcholaftique au lieu du fratras
de la rhétorique , & l'eſprit de chicane remplacera le
génie de l'Eloquence . Penfez -vous qu'il y auroit
beaucoup à gagner dans cet échange ? Vous favez ,
Monfieur , que la bonne & faine Eloquence est bien
rare au Barreau , qu'elle y laiffe trop régner le ton
de la chicane ; fi nous voulons le purger de tout ce
qu'il a d'abus , ce n'eft pas l'Eloquence qu'il en faut
22 MERCURE
chaffer ; elle y amène plus d'avantages que d'incon
véniens .
Vous n'avez voulu voir que ces derniers. Le plus
important de tous eft le temps conſidérable que les
difcuffions oratoires enlèvent à la juftice. Si l'Elo.
quence eft utile à l'adminiſtration de la justice à
plufieurs égards , il faut bien lui pardonner de la
rendre un peu plus lente. C'eft un médiocre inconvénient
dans un grand bien. D'ailleurs , Monfieur ,
penfez vous qu'avec des loix auffi embarraffées que
les nôtres, il n'y ait pas un grand danger dans des
jugemens très - précipités ? C'eft peut - être un bien
que l'Eloquence fait aux Juges de les retenir plus
long-temps fur l'examen d'une affaire qu'ils faifiroient
mal d'un premier coup d'oeil , & qui faura
mieux que le goût des Orateurs s'arrêter dans des
développemens néceffaires , & rejeter des détails
inutiles ?
·
Vous ajoutez que la prétention de l'Eloquence
fait qu'on veut en montrer dans toutes les caules ,
& qu'on ne fonge qu'à cela . On veut être éloquent
en raifonnant fur le mur mitoyen , & telle caufe
qu'on ne trouve pas jufte , on la plaide néanmoins ,
parce qu'on la juge propre à faire de l'effet . Il eſt
vrai que l'envie de briller peut faire taire la confcience
dans les Avocats ; inais interdiſez -leur l'Eloquence
, ceux qui n'ont pas le coeur honnête &
délicat fe jetteront dans un autre vice bien plus
funefte ; ils ne fongeront qu'à gagner de l'argent.
Ils font fouvent de l'Eloquence unu fage ridicule en
la portant hors de fa vraie place . D'où cela vient-il ?
de ce qu'ils ne connoiffent pas affez l'Eloquence.
Plus on l'encouragera , plus on la pratiquera au Barreau
, plus elle s'y épurera & s'annoblira ; elle y
détruira elle-même une partie des abus qu'on lui reproche.
On apprendra fur - tout à y mieux diftinguer
dans quelles caufes elle peut entrer.
DE FRANCE. 25
Ma réponſe eft devenue bien plus longue que
votre Lettre , & c'est un défavantage de plus que
j'aurai fur vous pour plaire à mes Lecteurs ; mais
' ai cru que puifque j'avois ouvert la.queftion, c'étoit
moi de la difcuter avec une attention férieuſe .
On pourra croire , Monfieur , que nous avons
parlé ici chacun felon l'efprit de notre état. Vous
êtes Magiftrat , & un Magiftrat doit fe tenir en garde
contre les féductions de l'Eloquence. Je ſuis Avocat ,
j'en exerce quelquefois les fonctions , & l'Eloquence
fair un de nos titres à l'eftime publique,
Voilà ce qui pourra nous rendre l'un & l'autre
fufpects de quelque partialité. Il n'eft que trop
commun de ne voir les objets qu'à travers notre
intérêt ou notre penchant , & tout Écrivain pour
qui la vérité eft facrée , doit fe prémunir contre cette
furprife ; je puis me rendre au moins le témoignage
que dans l'examen de cette queftion j'étois tout
prêt à adopter & à établir de toutes mes forces un
réſultat contraire , s'il m'avoit paru le mieux fondé
en raiſons.
J'ai l'honneur d'être , Monfieur , &c.
LACRETELLE.
Explication des Charades , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent .
LE mot des Charades eft Maladroit ; celui
de l'Enigme eft Panckoucke ; celui du Logogryphe
et voile , où le trouvent olive &
viole.
24
MERCURE
CHARA DE S.
I.
Mon premier , né dans Londre , eft très - commun ON
en France ;
Mon fecond , au piquet eft de bonne eſpérance ,
Et mon tout fait cortège à la fière opulence,
I I.
MON premier très- ſouvent fut l'objet d'un larcin ;
Mon fecond , dans les cieux eft un être divin ,
Et mon tout est un fruit du peuple Américain.
I I I.
DANS mon premier fe voit un Prince vénérable ;
Mon fecond, par les Juifs eft banni de la table ,
Et mon tout , des mortels eft le plus mépriſable.
I V.
MON premier quelquefois punit un criminel ;
Mais pour ce mon fecond eft très- effentiel ,
Et mon tout le prépare à monter droit au ciel.
V.
MON premier trouve place en plus d'une ordonnance;
Mon fecond pour le Moine eft un temps d'abſtinence ,
Et mon tout en hiver eft fort de convenance.
(Par Mde *** , Auteur des Amuſemens du Jour.)
ÉNIGME
DE FRANCE.
SI
ENIGME.
Si vous croyez que fans argent
On ne fauroit vivré content ,
C'est bien le comble du délire ;
Peut-on rien trouver de plus foù ?
Pour moi , quand je n'ai pas-
Alors je ne fais plus que rire.
le fou ,
( Par un Capucin d'Andely. )
LOGO GRYPH E.
JE fuis le féau des humains ,
Chacun me fuit & me détefte ,
Et cependant, c'eft par leurs mains
Souvent que je deviens funefte.
Princes & Rois , petits & grands ,
J'attaque tout dans ma colère ;
Tout tremble à mon afpeét févère ,
Et tombe fous mes coups puiffans.
En dérangeant mon exiſtence ,
Vous trouverez , fans nul effort ,
Ce que l'on fent quand je m'avance ;
Ce que l'on eft à mon abord ;
Ce qu'on devient par ma préſence,
Mes fept pieds vous offrent encor
Nº. 9 , 1 Mars 1783 . B
26 MERCURE
H
De Jupiter une maîtreſſe ;
Puis un jeu de force & d'adreffe ;
Ce que chaoun dit qu'il vous eft ;
Ce que toute fille veut être ;
Ce que nulle ne croit paroître ;
Un nombre ; une Déeſſe ; uu mets.
Enfiu , puifqu'il faut tout vous dire ,
Cherchez des outils le plus dur ;
La Capitale d'un Empire ;
Ce qui n'eft plus dans le vin pur ;
L'ornement de votre denture ;
Un Pontife prefqu'adoré ;
Un objet qui , dans la Nature ,
Ne peut être à rien comparé ,
N'ayant ni forme ni figure.
Mais fi tes foins font fuperflus ,
A ta voix fi je fuis rébelle ,
Crois-moi , Lecteur , ne cherche plus ,
Je viens toujours fans qu'on m'appelle.
1
J.
DE FRANCE. 27
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
RECUEIL de Mémoires fur la Méchanique
& la Phyfique, par M. l'Abbé Rochon ,
de l'Academie Royale des Sciences & de
celle de Marine . A Paris , chez Barrois
l'aîné , Libraire , 1783 .
Nous nous bornerons dans cet Extrait à
préfenter le tableau des principaux objets
qui font traités dans cet Ouvrage.
On y trouve , 1 °. des recherches importantes
fur plufieurs points de la théorie de
la vifion .
M. l'Abbé Rochon y prouve par l'expérience
, que nous voyons les objets dans la
direction du rayon qui produit le plus grand
effet , c'eft à - dire , de celui qui eft perpendiculaire
au fond de l'ecil; obfervation importante
déjà faite par M. d'Alembert , &
qui nous paroît néceffaire pour établir la
théorie de l'aberration fur des principes
incontestables.
Il rend compte d'expériences nouvelles
fur la manière dont les deux yeux concou
rent dans la vifion des objets , & dont les
jugemens de l'âme influent dans les fenfations
de la vûe. Par exemple , fi vous placez
l'une au- deffus de l'autre deux images égales
du même objet , l'image fupérieure paroîtra
Bij
25
MERCURE
plus éloignée ; fi vous les placez à côté l'une
de l'autre , ces images paroîtront à des diftan.
es égales , & on ne peut attribuer cette
difference dans la fenfation , qu'à un jugement
fecret de l'âme , qui , dans le premier
cas , fait regarder l'image fupérieure comme
celle d'un objet plus éloigné ; parce que de
deax objets réels placés de manière à produire
la même apparence , le plus élevé feroit
à une plus grande diftance.
2º. La defcription de plufieurs inftrumens
de ftinés à mefurer les angles , dans lefquels
M. l'Abbé Rochon fait ufage de la propriété
qu'ont certains milieux de donner
deux images des objets .
Ces inftrumens lui ont fervi à mesurer
avec précifion les diamètres des planètes . Ils
peuvent être employés avec fuccès à une
foule de déterminations aftronomiques &
d'opérations topographiques ; à reconnoître ,
par une fimple obfervation , la diftance d'un
corps dont on connoît le diamètre , ou le
diamètre de celui dont on connoît la diftance
, & même par deux ftations très - peu
éloignées , la diſtance & le diamètre à la fois.
Ces inftrumens , que l'Auteur appelle
lunettes à prifme , peuvent devenir d'une
très-grande utilité.
Nous renvoyons à l'Ouvrage même. pour
leur defcription & le détail de leurs ufages.
On a voulu difputer à M. l'Abbé Rochon
l'invention de ces inftrumens ; il prouve ici ,
d'une manière convaincante , qu'elle ne peut
DE FRANCE. 29
lui être contefée ; ainsi , les réclamations
qu'elle a excitées ne fervent qu'à prouver
combien elle eft ingénieufe & utile.
3. Des expériences fur les loix de la difperfion
.
Ces expériences font faites avec un inftrument
nouveau , qui les rend fufceptibles
d'une exactitude qu'on n'auroit pu eſpérer
des méthodes connues.
4° . Des recherches fur la décompofition
de la lumière des étoiles fixes .
M. l'Abbé Rochon eft parvenu , en plaçant
un prifme devant l'objectif d'un télef
cope , à donner au ſpectre d'une étoile une
étendue fuffifante pour y diftinguer des couleurs
, & faire voir que leur lumière eft de
la même nature que celle du ſoleil , vérité
inconnue jufqu'ici , & qui eft un pas de plusdans
la connoiffance de la nature.
°. Un inftrument deftiné à épargner aux
Marins une partie des calculs qui fervent à
déterminer la longitude en mer.
6°. Un Mémoire fur la diftillation dans
le vuide. La diftillation fe fait dans le vuide
avec bien moins de chaleur que dans des
vaiffeaux remplis d'air. Cette méthode
offre des moyens d'épargner une grande
quantité de matières combuftibles foit dans la
diftillation de l'eau de mer, foit dans celle des
eaux- de-vic, ce qui rendroit les machines diftillatoires
bien plus commodes pour l'ufage
des vaiffeaux , & diminueroit confidérablement
les frais de la fabrication des caux-
B iij
30
MERCURE
de vie. D'ailleurs , les produits de ces diftillations
font bien moins altérés que ceux des
diftillations ordinaires les mieux ménagées.
Ainfi cette méthode offre un moyen nouveau
pour l'analyse des fubftances animales
& végétales. Certe idée de diftiller dans le
vuide , l'une des plus utiles qui ayent été
propofées dans ce fiècle fi fécond en découvertes
, eft dûe à M. Turgot , dont l'activité ,
comme le génie , s'étendoit fur tous les
objets des connoiffances humaines , & qui a
fait le bien de fon pays , de toutes les manières
dont les talens & les vertus peuvent
être utiles aux hommes , par fes actions , par
fes inftructions & par fon exemple.
7 °. Enfin , une machine à graver. Cette
machine eft deftinée à graver des planches
pour l'impreffion . Par des moyens également
fimples & ingénieux , elle met tout ouvrier ,
un peu exercé dans les travaux des Arts , en
état de graver à un prix modique , & trèspromptement
, des planches qui formeroient
de très belles Éditions. La machine tient
peu de place , & feroit beaucoup plus commode
& moins coûteufe que des imprimeries
portatives. Elle feroit très- utile dans les
camps , dans les vaiffeaux. Elle a de plus
deux avantages précieux que n'a point l'imprimerie;
les planches reftent. Ainfi 1º . l'on
peut ne tirer d'un Livre que les exemplaires
dont on a befoin à chaque époque , ce qui
feroit une très grande économie de papier.
2. L'on peut corriger ces planches , ce qui
DE FRANCE.
permet aux Auteurs de faire difparoître les
fautes typographiques, ou leurs propres fautes
même , après la publication de l'Ouvrage .
En un mot , elle réunit à la fois prefque tous
les avantages particuliers de l'imprimerie en
caractères mobiles , & ceux de la gravure ,
avec quelques autres , que ni l'une ni l'autre
de ces méthodes ne pouvoient procurer.
Nous n'avons parlé ici que d'une
partie des objets traités dans ce Recueil;
mais nous ne pouvons nous empêcher de
dire , en terminant cet article , que nous
connoiffons peu d'Ouvrages où l'efprit d'invention
fe montre davantage , & qui , dans
un auffi petit efpace, contiennent autant de
chofes nouvelles.
LE Négociant Philofophe , traduit de
l'Allemand , par M. Doray de Longrais ,
Officier de Cavalerie. A Amfterdam , &
fe trouve à Paris , chez Savoye , Libraire,
гнe S. Jacques.
L'AUTEUR original de cet Ouvrage eft M.
Hirzel , Confeiller d'État , & premier Phyficien
de la ville de Zurick , connu par d'autres
Écrits eftimés. Il a traduit en Allemand l'Avis
au Peuple , de M. Tiffort ; & on lui doit le
Payfan Philofophe , qu'on a traduit en François
, fous le titre de Socrate Ruftique.
Le but du Négociant Philofophe eft de
faire eftimer le Commerce , d'en développer
les principes , d'en faire connoître les de-
"
Biv
32
MERCURE
voirs ; & l'Auteur , par le plan qu il a adopté,
a échappé à la féchereffe des préceptes , ou
du moins il a mis de l'intérêt dans fes difcuffions
, par le cadre dans lequel il les a
placées.C'eft le père d'une famille nombreuſe,
Arifte ) qui a obfervé les divers caractères
de fes fils , pour décider l'état qui convient
à chacun d'eux. L'intention de l'Auteur eft de
ne parler que de celui de fes fils qui eſt deſtiné
au commerce. Toutes les démarches du père,
les promenades qu'il fait faire à fon fils ,
les amuſemens qu'il lui procure , & les entretiens
qu'il a avec lui , ne tendent qu'à
l'inftruire des avantages , des dangers & des
obligations de cet état . On fent que ce cadre
doit intéreffer le Lecteur par le ſpectacle
d'un père tendre , qui ne refpire que pour
le bonheur de fon fils ; les confcils qu'il lui
donne portent l'empreinte du fentiment qui
l'anime , & prêtent un charme à l'inftruction.
Le moment où ce bon père , qui n'a
jamais dit à fon fils quel état il defire de lui
voir embraffer , de peur de faire violence à
fes goûts , l'invite à déclarer fon penchant ,
réunit l'intérêt & la raifon. « Volontiers
réplique Cléanthe , avec une rougeur qui
décèle cette modeftie qui fied fi bien à la
jeuneffe. L'état de Négociant n'a paru
agréable de préférence , & je vois qu'on
peut y trouver facilement fon bonheur. Les
Occupations toujours variées dans un comptoir
& dans un magalin , me paroiffent
charmantes ; on peut à chaque inftant fe déDE
FRANCE. 33
laffer de l'Ouvrage précédent , en s'occupant
à un nouveau. Au contraire , je trouve l'habitude
des Savans d'être toujours aflis trop
gênante pour l'efprit ; les idées me manquent
dans une étude affidue , & l'ouvrage continuel
d'un Artifan eft trop fatigant pour le
corps. Je me crois trop foible pour T'un &
pour l'autre.≫
Arifte fonde encore quelque temps les
difpofitions de fon fils , pour favoir ti le motif
qui le détermine au choix de cet état ,
eft propre à l'y faire réuflir ; pour voir s'il
n'eft pas plutôt tenté par le luxe ou quelque
autre agrément du commerce , qu'il n'eſt
difpofé à en remplir les devoirs ; & , fatisfait
de fes réponfes , il donne les mains à
fon choix.
L'Auteur de cet Ouvrage a fouvent occafion
de parler des avantages & des inconvéniens
des autres états ; & il a fu par- là
rendre fon Ouvrage utile , même à ceux à
qui il ne paroît pas deſtiné.
SPECTACLES.
COMEDIE FRANÇOISE.
LE Mercredi 12 Février , on a donné la
première repréſentation de la remife des
Deux Amis , Drame en cinq Actes & en
profe , par Ai . de Beaumarchais .
Aurelly , Négociant à Lyon , & M. de
B v
34
MERCURE
1
Melac , Receveur Général des Fermes dans
la même ville , font unis de la plus tendre
amitié. Le premier a une fille naturelle qui
palle pour fa nièce , & qui a infpiré de
l'amour à M. de Saint- Alban , Fermier- Gé- ,
néral. La jeune perfonne aime Mélac fils
dont elle eft adorée. La mort d'un Correfpondant
d'Aurelly eft fur le point d'arrêter
les payemens de ce Négociant , lorfque M.
de Mélac prend dans fa caiffe cinq cent mille
francs qu'il remet au Caiflier d'Aurelly , au
moment même où M. de Saint- Alban vient ,
avec un ordre de fa Compagnie , pour recueillir
fur le champ tous les fonds de la
Province. Mélac ne peut obéir à cet ordre ;
fa probité devient fufpecte. Aurelly eft d'abord
fon juge le plus févère : mais bientôt.
il cède à la voix de fon coeur , fe propoſe
à Saint- Alban pour caution de Mélac , &
lui donne un mandat fur fon Correſpondant ,
dont il ignore le décès. Ce n'eft que fous la
condition d'époufer la nièce d'Aurelly que
Saint Alban confent à garder le filence auprès
de fa Compagnie , & à laiffer Mélac
dans fon emploi . Un mot du Caifher fait
connoître le défaftre d'Aurelly & le mystère
de la conduite de Mélac. Au cinquième Acte ,
le Négociant reçoit de Paris des lettres par lefquelles
il apprend la fatale nouvelle qu'il
ignoroit. Il eft accablé de remords & de
honte. Ce fpectacle , tous les événemens du
jour éveillent la fenfibilité de Saint - Alban .
Ce Financier devient la caution d'Aurelly ,
DE FRANCE.
35
l'ami & le protecteur des Mélac , & renonce
à la main de Pauline ; c'eft le nom de la
fille du Négociant. On unit les deux jeunes
amans , qui jouent dans cette Pièce des rôles
très intéreffans , mais qu'il feroit trop long
de détailler.
Ce Drame a été repréfenté pour la première
fois le 13 Janvier 1770 ; il eut onze
repréſentations , & un fuceès fort équivoque.
On pût même remarquer alors qu'il y avoit
un peu de déchaînement contre cet Ouvrage.
Aufli quand M. de Beaumarchais le fit imprimer
, il prit pour épigraphe ces mots tirés
de la Scène feptième du quatrième Acte :
Qu'oppoferez-vous aux jugemens , à l'injure',
aux clameurs ? RIEN . Cette épigraphe nous
femble un peu fière ; car ce n'eft pas feulement
comme production purement littéraire
que les gens du monde ont jugé ce Drame ,
mais ils l'ont encore envifagé par fon objet
moral; & , à ce dernier titre , il nous paroît
fufceptible d'obfervations critiques très - bien
fondées. M. de Mélac doit à Aurelly fa fortune
& fon bonheur ; il eft reconnoiffant ,'
il veut le prouver : rien de mieux. Mais
exifte - t'il , exiftera t'il jamais une pofition
dans laquelle un homme public puiffe difpofer
des fonds de fes commettáns pour
couvrir la faillite d'un ami ? Non , fans
doute ; & fi le motif d'une pareille imprudence
peut l'excufer aux yeux des gens fenfibles
; dans l'ordre moral & dans l'ordre
civil , une pareille action eft réellement blâ
B w
1
36,
MERCURE
mable. C'eft en vain , que pour défarmer la
févérité des gens auftères , on fait l'énumération
des biens d'Aurelly , & qu'on avance
que la mort d'un Correfpondant eft la feule
caufe de la fufpenfion de fes payemens . Ce
moyen en lui même eft frivole . Ce Corref
pondant peut , à fa mort , laiffer de mauvaifes
affaires. Si cela eft , la fortune d'Aurelly
eft ou détruite ou au moins très- altérée.
Que deviennent alors Mélac , fa répuration ,
les enfans ? Le plus grand effort , l'effort
le plus fublime de l'amitié feroit peut- être
de braver la honte , la misère & l'infamie ,
pour épargner à fon ami tous les maux ,
Tous les chagrins que pent entraîner une
banqueroute ; mais il n'y a qu'un homme.
ifolé qui puiffe faire de pareils facrifices ;
& quand on eft père de famille , on doit à
cette famille le compte de fon honneur public,
avant de rien devoir à fon ami. On n'aime
point à entendre cette phraſe dans la
bouche de M. de Mélac , d'un homme qui
dans le cours de l'Ouvrage eft fouvent honoré
du titre de Philofophe : Avoir à choisir entre
deux devoirs qui fe contrarient & s'excluent.
L'un de ces devoirs , celui de venir au fecours
de fon ami , eft fans doute indifpenfable.
Eh bien ! qu'il y fatisfaffe en fe défaifant
d'une partie de fes biens ; qu'il inftruiſe
fon fils de ce qu'Aurelly a fait pour lui ; qu'il
lui prouve que dans la pofition où fe trouve
ce Négociant , il doit lui facrifier tout ce qui
lui appartient ; que Mélac fils y confente , fe
DE FRANCE. 37
né
*
faffe une jouiffance de tout immoler au bienfaiteur
de fon père , à la bonne heure : mais
ce devoir n'en exclud pas un autre également
refpectable pour Mélac père ; celui
d'être fidèle à la confiance qu'on lui a accordée
, & de ne pas compromettre indifcrètement
fon honneur. La feule chofe fur laquelle
il ne puiffe y avoir de compofition ,
dit Aurelly, Scène cinquième du troifième
Acte , c'est un dépôt....... il faut mourir
auprès. Nous penfons comme lni , & c'eſt
ainfi que penferont toutes les perfonnes qui
fentiront de quelle importance il eft que les
déniers publics ne foient jamais haſardés ,
pour quelque raifon que ce puiffe être. Ces
réflexions , que nous pourrions appuyer par
d'autres , font peut- être la principale caufe
des clameurs contre lefquelles M. de Beaumarchais
femble réclamer par fon épigraphe
; car les Deux Amis méritent des éloges ,
en les confidérant comme Ouvrage purement
Littéraire. Ce Drame eft fortement
intrigué , il y règne un intérêt très- preffant.
La reconnoiffance de Mélac , ce qu'elle lui
fait ofer , les dangers cruels auxquels elle
L'expofe , forment une oppofition très- heureufe
avec la fécurité d'Aurelly , qui ignore
fon malheur. La févérité avec laquelle il
juge un ami qui vient de lui immoler ce
qu'il a de plus cher , excite vivement la curiofité
fur les fuites qu'elle peut avoir. Le
caractère de Saint-Alban eft ce qu'il devoit
être pour produire de l'effet au Théâtre ;
foible un moment par amour & par jalou38
MERCURE
fie , il devient généreux par fenfibilité. En
oubliant ce qu'il doit à fa Compagnie , peutêtre
à la rigueur mérite t'il des reproches, mais
nous ne le conſidérons que comme perſonnage
dramatique. On pourroit defirer que
M. de Beaumarchais fe donnât la peine de
revoir avec quelque foin le ftyle de fon Ouvrage;
qu'il en bannit certaines plaifanteries
affez mauffades & qui ne lui appartiennent
point, quelques inverfions forcées , quelques
locutions vicieufes , & qu'il donnât quelquefois
plus de rapidité & d'aifance au dialogue .
Ce Drame a été revu avec plaifir ; les
Acteurs qui en repréfentent les rôles ont
obtenu des applaudiffemens très- vifs . On
a feulement été furpris d'en voir quelquesans
fe laiffer emporter aux cris dans une
Pièce où un des principaux perfonnages dir :
On ne crie pas la Comédie, ce n'eft qu'en
parlant qu'on la joue bien. »
39
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Jeudi 13 Février , on a donné , pour la
première fois , les Trois Inconnues , Comédie
en trois Actes & en vers mêlés d'ariettes.
L'Amour a étendu fon empire fur tout le
genre humain. Satisfait de fes conquêtes , il
eft fur le point de retourner à Cythère ,
lorfqu'une infcription placée aux pieds de
la ftatue de Bacchus , lui apprend qu'il ne
peut y rentrer qu'après avoir retrouvé les
feurs. Il les cherche long temps en vain ; il
DE FRANCE. 39
commence même à défefpérer de les trouver
lorfque Cyane , femme du Payfan
Strabon , lui apprend que les trois jeunes
perfonnes qu'elle a élevées ne font point fes
filles , qu'elles lui ont été remifes par une
étrangère , & qu'elle les a fubftituées à trois
filles qu'elle a perdues . Mais les foeurs de
l'Amour ne peuvent quitter la cabane de
Strabon , que dans le cas où le Payfan redeviendroit
amoureux de fa femme. Redonner
de l'amour à un mari ! la chofe eft difficile ;
ce Dieu y parvient ; & les trois Grâces paroiffent
au fond du Théâtre , portées fur des
nuages.
Un pareil fonds ne pouvoit fuffire à trois
Actes ; à peine les développemens dont il eſt
fufceptible auroient ils pu jeter quelqu'intérêt
dans un feul. Il eft pourtant préfumable que
fi l'Auteur avoit pris le parti de traiter ce fujet
en un Acte , s'il avoit profité de la vogue dont
le vaudeville jouit encore , il feroit parvenu ,
avec quelques idées galantes , & à l'aide de
quelques couplers tournés avec grâce , à fixer
l'attention du Public; mais l'action , noyée
comme elle l'eft dans une foule de détails parafites
, n'a produit & ne devoit produire
que de l'ennui . Nous ne pouvons point affurer
qu'il ne fe trouve pas des traits
heureux dans les Trois Inconnues ; la repré- ,
fentation en a été fort tumultueufe ; & c'eft ,
avec beaucoup de peine que nous fommes.
parvenus à démêler un peu le fil de l'intrigue.
La musique n'a pas eu plus de fuccès
40 MERCURE
que le Drame. Autant qu'on a pu l'entendre
, on a remarqué que tous les motifs
avoient entre- eux de la reffemblance , que
le chant en étoit difficile , que les accompagnemens
étoient beaucoup trop chargés ,
& que par- tout l'expreffion en étoit vague
& infignifiante. Ou nous nous trompons
fort , ou cette compofition a été écrite trop
rapidement. Ce n'eft pas , comme on fait , le
moyen de bien faire. On l'a dit , nous le répétons
, & nous ne nous lafferons pas de le
répéter .
Le Mardi 18 , on avoit annoncé Sophie
de Francour , Comédie nouvelle en profe
& en cinq Actes. L'affemblée étoit nombreuſe
; les deux premiers Actes de la Pièce
étoient joués , lorſqu'après une attente affez
longue , M. Granger , au nom des Comédiens
, a prié le Public d'attendre quelques
inftans , parce que Mlle Pitrot s'étoit evanouie.
Au bout d'un quart- d'heure , le même
Comédien eft venu dire que l'état de la fanté
de l'Actrice ne lui permettant pas de continuer
fon rôle , on prioit l'affemblée d'accepter
, au lieu de la Pièce nouvelle , l'Offcieux
ou les Deux Jumeaux. A cette propofi
tion ,les Spectateurs ont demandé que quelqu'un
lût le rôle de l'Actrice malade , & ont
refufé tout autre Spectacle. On a baiffé le rideau,
qui s'eſt relevé après une demi - heure ,
& M. Carlin s'eft préfenté. Les cris fe font éle--
t
DE FRANCE. 4-1
vés de nouveau , & on n'arien voulu entendre
pendant quelque temps. Enfin cet Acteur a ha
rangué les Spectateurs dans le langage & avec
les lazzis que permet le coftume d'un Arlequin.
Le Public , divifé en deux partis ,
fifloit d'un côté , applaudiffoit de l'autre.
Peu-à - peu tout s'eft calmé , les Deux Jumeaux
ont été écoutés affez tranquillement ,
& même applaudis , malgré l'humeur dont
on appercevoit de temps en temps des
étincelles.
Plufieurs perfonnes ont blâmé l'opiniâtreté
du Public , & nous croyons qu'elles ont eu
tort. Parmi les gens qui fréquentent le Spectacle
, il en eſt beaucoup qui n'y font conduits
que par air , par habitude , ou par
défoeuvrement : il est donc à peu près indifférent
à cet ordre de Spectateurs qu'une repréfentation
ait ou n'ait pas lieu au jour
indiqué. Mais il eft un autre ordre de Spectateurs,
qui , par amour pour le Théâtre ,
& par une curiofité bien naturelle chez des
gens inftruits , ou qui cherchent à s'inftruire , "
reculent ou preffent leurs affaires , afin d'affifter
à la première reprefentation d'un Ouvrage
dramatique. Il n'eft pas indifférent à
ceux ci de s'être dérangés inutilement , &
d'avoir porté leur contribution dans la caiffe
des Comédiens , fans avoir vu fatisfaire leur
curiofité. Cette claffe d'Amateurs n'eft pas
la moins refpectable ; & comme c'eft celle
qui fait journellement les fonds de la fortune
des Spectacles , c'eft à elle qu'on doit le
42 MERCURE
plus d'égards . Il ne feroit pas jufte néanmoins
que l'on facrifiât le fuccès d'un Ouvrage à
la néceffité de contenter quelques Spectateurs
, & qu'en lifant à froid un rôle important
, qui demanderoit à être joué avec
chaleur , on ne donnât qu'une fauffe idée de
fon caractère , de fon effet & des intentions
de l'Auteur. Mais il eft un moyen bien fimple
d'obvier à tous ces inconvéniens. Chaque
Acteur en chef a fon double ; ce double deyroit
toujours apprendre fon rôle avant les
dernières répétitions , & fe tenir prêt en cas
d'accident. Cet ufage adopté , & fuivi à
l'Opéra , nous paroît fortfage. Il eſt trèsétonnant
que les autres Spectacles , éclairés
comme ils l'ont été ou dû l'être par quelques
événemens défagréables , ne l'ayent pas
adopté à leur tour. Il fatisfait tout - à - la- fois
l'Auteur , le Public & les Comédiens . Tout
devroit donc engager MM . les Supérieurs
des Théâtres François & Italien à y faire
une loi de ce moyen. L'événement dont nous
venons de rendre compte fuffit pour en démontrer
la néceffité .
ANNONCES ET NOTICES.
L.
ETTRE de M. le Baron de Marivetz à M. le
Comte de la Cépède , Colonel au Cercle de Weftphalie
, des Académies & Sociétés Royales de Dijon ,
Touloufe , Rome , Stockholm , Munich , &c . fur
l'Electricité. A Paris , chez Onfroy , Libraire , quai
DE FRANCE. 43
des Auguftins , & chez les Marchands de Nouveautés.
Prix , 1 livre 10 fols .
Prefque toujours querelle de Savans a été une
dénomination injurieufe , parce qu'on a plus fouvent
difputé d'injures que de raifons. M. le Baron
de Marivetz & M. le Comte de la Cépède
donnent un exemple bien contraire à celui qu'ils
ont reçu . Divifés par leurs opinions , ils fe combattent
avec la douceur de deux perfonnes qui
font de même avis. Le fentiment qui les unit
paroît n'en avoir fouffert aucune altération , &
l'amitié embellit leur ftyle de cette politeffe qu'ils
auroient dûe l'un & l'autre à leur honnêteté naturelle.
Dans de pareils combats il refte encore de la
gloire , même à celui qui a été vaincu . C'eſt un
genre de triomphe indépendant du fuccès des
arines. L'amitié , dit M. le Baron de Marivetz , eft
fondée « fur des rapports dans la manière de fen-
» tir , & non fur des rapports entre les opinions.
» On peut , fans s'aimer moins , adopter différens
principes dans les Sciences.... J'ai joui , ajoutet
- il , de l'idée que la vérité appartiendroit peut
» être à l'un de nous deux » . Cette idée annonce
autant de philofophie que de fenfibilité Nous ne
prononcerons point fur le fujet de la difcuffion ;
mais nous croyons devoir dire que les formes n'en
fauroient être plus aimables ni plus intéreffantes .
35
- ÉTRENNES Italiennes , préfentées aux Dames
qui defirent d'apprendre l'Italien par une méthode
qui leur facilite & rende agréable l'étude de cette
Langue; Ouvrage dédié aux mânes du Dante & de
Bocace ; par M. l'Abbé Bencirechi , Tofcan , del
l'Académie des Apatiftes de Florence , de celle des
Arcades de Rome , & Profeffeur de Langue Ita
lienne , avec cette Epigraphe : Plus habet in
receffu , quàm in fronte promittit. Ce Livre , au fond ,
44
" MERCURE
' a plus de folidité que fon titre ne femble le promettre.
Quint. Inft. Orat . A Paris , chez Defños ,
Ingénieur- Géographe & Libraire , rue S. Jacques , &
Molini, Libraire , rue du Jardinet S. André- des- Arcs .
L'Auteur de cet Ouvrage profeffe la Langue Ita
lienne depuis douze ans à Paris , avec le même fuccès
qu'il avoit obtenu à la Cour de Vienne pendant
huit ans. C'eft un préjugé en faveur de la Grammaire
qu'il vient de publier , & ce préjugé eft confirmé
par la lecture de l'Ouvrage même . Nous fommes flattés d'être en cela de l'avis de M. Guidi ,
qui l'a cenfuré, & dont le fuffrage doit être d'un
très grand poids. Voici comme il s'exprime luimême
: « Cette Grammaire ne doit point être
confondue dans la foule de celles qui l'ont précédée ;
elle joint à l'avantage d'être claire & méthodique ,
celui de n'avoir pas la féchereffe rebutante des Livres Élémentaires. L'habile Grammairien a eu
l'art de faire entrer dans les thêmes & les verfions
dont les fujets font inftructifs & piquans , les principales
difficultés qui peuvent avoir lieu dans l'étude
d'une Langue nouvelle. Quoique cet Ouvrage s'annonce
fous un titre un peu frivole , comme l'Auteur
en convient lui- même dans fa Préface , il n'en doit pas moins être recherché par ceux qui veulent
bien connoître la Langue & la Littérature Ita- liennes
. »
Abrégé des principaux Traités conclus depuis le
commencement du quatorzième ſiècle jufqu'à préfent
entre les différentes Puiffances de l'Europe , difpofés
par ordre chronologique , dédié à MONSIEUR ; par
M. L. V. D. L. M. 2 Vol. in- 12 . Prix , 6 liv . brochés.
A Paris , chez Cellot & Jombert , Libraires ,
& chez l'Auteur , cul- de- fac S. Dominique , la première
porte-cochère à droite , d'où on l'enverra
franc de port par la poſte dans tout le Royaume en
1
DE FRANCE. 45
y adreffant , port franc , à M. Bachmann , la lettre
& le prix. L'Ouvrage a cette Épigraphe tirée de
Pope , Effai fur l'homme , Épître 3 Les paffions
» furieufes naquirent & attirèrent contre l'homme
» un animal plus féroce , l'homme même.... Ce
» que la guerre pourroit ravir , le commerce peut
» donner ; au lieu d'être ennemi , on devient ami. ɔ
اع
Ce Recueil utile , & dont la circonstance augmente
l'intérêt , finit au Traité de renouvellement
de l'alliance avec les Suiffes , paffé par M. le Marquis
de Vergennes en 1778. On trouve dans le Dif
cours préliminaire , page 14 , un portrait de l'habile
Négociateur. Le Lecteur en fera aisément l'application.
RELATION de deux Voyages dans les mers
Auftrales & des Indes , faits en 1771 , 1772 , 1773
& 1774 , par M. de Kerguelen , Commandant les
Vaiffeaux du Roi le Berryer , la Fortune, le
Gros-Ventre , le Rolland , l'Orfeau & la Dauphine.
A Paris , chez Knapen & fils , Impr. - Libr.
de la Cour des Aides , au bas du Pont S. Michel ,
Volume in - 8 °. Prix , 2 liv . 10 fols.
Cet Ouvrage utile , mais écrit avec féchereffe ,
eft l'Hiftoire des voyages & des infortunes de fon
Auteur , & peut ajouter à nos connoiffances fur la
Marine. Il réfulte des travaux de M. de Kerguelen
qu'il a découvert une Iſle qui a deux cent lieues de
circuit.
"
TOME XI de la Bibliographie inftructive
partie eſtimative du prix des Livres rares & précieux
, Volume in- 8 ° . de 640 pages fur papier vélin
de France. A Paris , chez Moutard , Imprimeur de
la Reine , hôtel de Cluny , rue des Mathurins .
Ce Volume, qui ne peut être que fort utile aux
Bibliographes , & qu'on propofe par fouſcription ,
46 MERCURE
fe délivrera en Décembre 1783 , au plus tard ,
tous ceux qui auront envoyé d'ici au 30 Juin , franche
de port , à M. Rétourné , rue de Poitou au marais
, au coin de la rue de Limoges , une foufcription
conçue dans les termes fuivans :
Je m'engage à payer 10 livres à M. Rétourné
pour l'Exemplaire que je retiens du Tome XI de
La Bibliographie inftructive , fur papier vélin , femblable
au modèle du Profpectus , & à retirer cet
Exemplaire fur l'avis que ledit Sieur m'en fera
parvenir.
Fait à
ce 178
(Qualités
& demeure
. )
Paffé
le premier
Juillet
prochain
, on ne pourra
plus fe precurer
d'Exemplaire
; & c'eft pour
donner
toutes
les Perfonnes
qui ont la Bibliographie
inftructive
de fe faire inferire
, qu'on
a pris le
long
terme
de fix mois.
le temps
à
Ceux qui voudront des Exemplaires in- 4 ° . papier
de Hollande , le fpécifieront , & les payeront à l'ordinaire
24 livres , parce que ce papier , caffant &
mauvais à l'ufer , eft en outre le plus ingrat de
tous pour l'impreffion. Si l'on préfère d'avoir ce
Volume de format in- 4 ° . fur papier vélin , incom→
parablement fupérieur à celui de Hollande par fa
beauté & fa bonté , on ne le payera que 21 liv .
MEMOIRES pour fervir à l'Hiftoire Univerſelle
de l'Europe depuis 1600 jufqu'à 1716 , avec des
Réflexions , des Remarques , des Notes , par le P.
d'Avrigny, 2 Vol . in - 8 ° . Prix , 7 livres en feuilles ,
7 liv. 1o fols brochés , & 9 liv. reliés proprement.
A Nifmes , chez Beaume , Imprimeur - Libraire ; &
à Paris , chez Defprez , Imprimeur - Libraire , rue
S. Jacques.
L'Ouvrage que l'on annonce au Public eft un
tableau très-intéreffant de tous les mouvemens
& de
DE FRANCE. 47
toutes les révolutions auxquelles les brouilleries
des Couronnes, ont donné lieu en Europe dans ce
période de temps. On n'y trouve ni longues narrations
, ni deſcriptions magnifiques , ni portraits des
grands Hommes , mais un grand nombre de faits.
& d'acteurs qui ont un caractère plus ou moins remarquable
, une phyfionomie plus ou moins animée..
Le P. d'Avrigny ne s'eft pas propofé dans cet
Ouvrage de recueillir fimplement des dates , des
faits , mais de les unir entre-eux par la chaîne du
temps , de les difcuter , & de faire tomber de tous
côtés tous les détails inutiles , toutes les circonftances
fauffes ou fuppofées dont l'ignorance , la prévention
ou la mauvaiſe foi ont de tout temps furchargé
l'Hiftoire de tous les Peuples.
JOURNAL de Harpe , troisième année , nº . 2 ,
avec accompagnement de Violon ad libitum. Ce
Cahier contient une Romance par M. de Saint-
George , un Air de l'Embarras des Richeffes : Que
j'aime mon joli Jardin , accompagnement par M.
X *** , deux Gavottes d'Amadis arrangées par
M. J. Ph. Meyer , & un Air de la nouvelle Omphale
: Je ris d'une Belle qui brave l'Amour.
accompagnement par M. Burchkoffer. Prix , 2 liv.
8 fols. A Paris , chez Leduc , rue Traversière-
Saint Honoré , au Magafin de Mufique. L'abonnement
eſt toujours de is livres pour douze Nu
méros pour Paris & la Province , port franc. On
trouvera à la même adreffe la première & la deuxième
année complettes. Prix , 15 liv. chaque.
PREPARATION Antimoniale de M. Jacquet
Ce Remède avoit été foumis dès 1762 au jugement
de la Faculté de Médecine de Paris , qui l'approuva
d'après le rapport de huit Commiffaires nommés
pour l'examiner. Les atteftations nombreufes des
48 MERCURE
guérifons opérées par ce Remède , prouvent que
c'eft un des meilleurs fondans qu'on puiffe employer
en Médecine. Il combat fans retour les
maladies occafionnées par l'épaiffiffement de la lymphe
, tout vice dartreux , fcrophuleux , vénérien ,
toutes les maladies de la peau , & même la gale la
plus opiniútre.
En 1780 , le jugement de la Faculté fut confir
mé par la Société Royale de Médecine , qui ,
d'après le rapport de MM. Jeanroy & Cornette ,
nommés Commiffaires , autorifa la diftribution de
cette Préparation Antimoniale.
C'eſt alors qu'il a été ordonné par le Miniftre
de la Marine , que ce Remède feroit compris dans le
nouvel état des médicamens qui s'embarquent pour
les Equipages . En conféquence il a été fourni de
cette Préparation aux Ports de Breft , Rochefort &
l'Orient, MM. les Directeurs de la Compagnie des
Indes en ont fait paffer auffi dans leurs Etabliffemens.
豐
TABLE
3
4
gryphe, 24
Recueil de Mémoires fur la
Méchanique & la Phÿfique,
VERS à M. de Mayer ,
Bouquet à M. Monnet ,
Couplers d'une Dame pourfon
Mari,
Lettre à M. de la Cretelle, 6e Négociant Philofophe , 31 :
Réponse de M. de la Cretelle , Comédie Françoife ,
13 Comédie Italienne,
་
Charades , Enigme & Logo - Annonces & Notices ,
APPROBATION..
27
33
38
42
J'AI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 1 Mars. Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion. A Paris
le 28 Février 1783. GUIDI.
1
Jer . 135 .
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI S MARS 1783 .
PIÈCES FUGITIVES .
EN VERS ET EN PROSE.
A Mile DE SAINT- LEGER , à l'occafion
de fon Impromptu inféré dans le N °. 3 .
JEE
n'ai lû que d'hier vos vers mis au Mercure.
Au nom de Saint- Léger , d'honneur je ne favois
Quelle étoit cette Reine aimant tous fes Sujets ,
D'en être aimée encor plus sûre ,
Et leur donnant pour loi le plaifir d'Épicure.
Mais au nom de Minette , ah ! je vous reconnois.
Vous n'avez point changé de nom ni de figure .
L'un & l'autre étoient faits pour inſpirer l'Amour. ,
Mais , dites-le moi fans détour : '
Ces jolis yeux ouverts par l'Amour même ,
Et cette taille faite au tour ,
Ces longs cheveux flottans , dignes du diadême ,
Cette harpe , qui fous vos doigts
No. 10, 8 Mars 1783 .
C
50
MERCURE
S'uniffoit aux accens de la plus douce voix ,
Les avez-vous toujours ? Êtes- vous bien la même ?
Minette , eft- ce déjà pour l'efprit qu'on vous aime ?
D'augmenter, s'il fe peut , votre esprit & vos charmes ,
Un Dieu , ce n'eſt pas trop , aura pris tous les foins;
L'Amour vous a remis fon carquois & fes armes.
Je ne trouve qu'un changement ;
On vous faifoit des vers ; aujourd'hui vous en faites.
Et des Belles & des Poëtes
Vous voulez réunir le double enchantement ;
Le Traducteur d'Ovide a fait affurément
Cette heureuſe métamorphofe.
C***** , avant lui vous parloit galament ,
Et de l'Épine & de la Roſe ;
Après tous ces grands noms me nommer , ah ! je n'ofe.
Mais fi vous vous vantez d'aimer tousvs fujets ,
Sous ce titre , Minette , aimez- moi pour jamais ,
Car ce n'eft que par lui que je fuis quelque chofe .
RÉPONSE.
Je n'oubliai jamais la Rofe * ui l'Épine , **
Ses jolis vers , fon aimable enjoûment ;
Minette a pu changer de mine ,
3
Mais non de coeur affurément.
Toujours folle , toujours la même ,
* Fable compofée dans la Société de Mlle de Saint-Léger.
** Nom de l'Auteur de la Fable.
KATIONSPCA
REGLA
DE FRANCE.
Ja
Chériffant fes amis fans trop voir leurs défauts ,
Voyant leurs agrémens , fenfible à tous leurs maux.
Voilà Minette encor. Il faudra bien qu'on l'aime ,
Mais non pour fon efprit ; Minette en rougiroit ,,
Et fon bon coeur en fouffriroit.
Si je m'applique à l'art d'écrire ,
Ce n'eft point pour cueillir un laurier trop flatteur.
J'éclaire ma raiſon pour mieux guider mon coeur ;
Et je ris de l'enfant qui pourroit me féduire ,
Qui trop fouvent ne doit qu'à nos loifirs
Et notre trouble & nos foupirs.
L'étude , la gaîté le rendent mon eſclave.
Je le chante tout haut , & tout bas je le brave.
Je ne fuis plus coquette : à douze ans je le fus ,
Plaire fans le chercher eft un charme de plus.
Mon coeur parle ; on l'entend. La douceur de ma vie
Eft dans la confiance & le titre d'amie.
Venez donc réclamer ce titre fi flatteur;
A mon premier fujet appartient cet honneur.
Après dix ans d'abſence , & de foins & de peine ,
Si je le revoyois content ,
Je pourrois , comme on dit fouvent ,
Être heureufe comme une Reine .
( Par Mlle de Saint -Léger. )
*
Cij
52 MERCURE
Explication des Charades , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercureprécédent.
LE mot de la première Charade eft Fracas;
celui de la 2º . eft Orange ; celui de la 3º . eſt
Papelard ; celui de la 4. eft Cordelier ; celui
de la s . eft Paravent ; celui de l'Enigme eſt
Sourire ; celui du Logogryphe eft Maladie
où fe trouvent mal , malade , laid , Léda ,
mail , ami , Dame , laide , mil , Délia ,
miel , lime , Lima , lie , émail , Lama , âme.
ÉNIG ME.
LA baffeffe & la lâcheté
En fe cachant m'ont donné l'être ;
Et fi dans la Société
Mon Auteur fe faifoit connoître ,
Il en feroit fi déteſté
Qu'il n'y pourroit plus reparoître.
Le fot orgueil & les noirceurs ,
La ténébreuſe calomnie ,
L'impuiffance & la jaloufie ,
Diftillant leurs poifons vengeurs ,
Et fur les noms & fur les moeurs ,
En font un horrible mêlange ,
Plus vil , plus infect que la fange ,
Et digne en tout de fes Auteurs.
DE FRANCE. 53
Rien de ma dague empoisonnée ,
Rien ne fauroit mettre à l'abri ;
La vertu n'eſt point épargnée :
Par moi , le bon coeur eſt flétri ,
Le talent..... de mon père aigri
Rend la fureur plus acharnée .
Pourfuis. On me trouve au matin
Placé fous ta porte -cochère ;
Crois -moi , donne ordre à ton Frontin
De me livrer au Dieu Vulcain ,
Ou réſerve moi pour en faire.......
Tes papillottes de demain.
L'énigme eft- elle trop peu claire ?
Abject & malheureux bâtard ,
La pofte fouvent me voiture ,
Et quelquefois un Savoyard ,
JEG
Un Décroteur eft mon Mercare.
(Par M. Couret de Villeneuve , Imprimeur
du Roi , Auteur du Journal Orléanois . )
LOGO GRYPH E.
E fuis le nom pluriel d'un acte d'importance ,
Précurseur d'un effet glorieux à la France.
Comme je fuis fort long , fi je prenois le foin
D'annoncer tous les mots qu'en mon fein je resferme ,
Ce détail , cher Lecteur , nous meneroit trop loin ;
Et je ne fais , ma foi , quand nous ferions au terme,
C iij
54
MERCURE
C'eft bien affez que mainte fciffion
Vous offre de mes pieds des fuites continues ,
Ou plus fouvent interrompues ,
Mais fans la moindre inverfion.
Oh ! çà , voici cette nomenclature ,
Que je ne prétends pas épuifer cependant.
Je vous préfente un lieu qui fert à la pâture;
De Mahomet un defcendant ;
Un Officier de Ville ; un Membre
De la plus refpectable Chambre ;
Ce que produit un quatre , & nullement un trois ;
L'un des quatre élémens , & l'un des douze mois ;
Trois des fept notes de muſique ;
Une ville de l'Amérique ;
Autre en Gafcogne , autre en Artois ;
Un ornement du ſtyle poétique ;
Le nom prefque oublié d'une Élégie antique ,
Tournée en forme de chanfon ;
Le double d'un foulier , d'un bas ou d'un chauffon ;
Une paffion dangereufe ;
Une fleur que fon nom rendroit feal précieufe ;
Un outil de fer ; un oiseau ;
Un des Offices de l'Églife ;
Ce qui déplaît dans un tonneau ;
Un grain très- nourriffant , que juftement on priſe,
Sur-tout en certains temps de criſe ;
Une étoffe ; un Dieu prétendu ,
Que jadis on fêtoit par un culte affidu15
DE FRANCE.
•
Un réfervoit dont l'eau n'eft pas fort claire ;
Ce qui groffit le mal ; un endroit fouterrain ,
Propice quelquefois , & quelquefois contraire
Au bien- être du genre humain ;
Un verbe qui désigne un paffe - temps utile
Pour qui cherche à ſe rendre habile.
Adieu , Lecteur , j'ajoute feulement
Qu'en orthographe un homme trop facile
En moi verroit encore un ancien inftrument ,
Qui n'eft dans ce temps- ci connu que foiblement.
( Par M. N.... , d'Arras. )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
NOUVEAU Voyage dans l'Amérique:
Septentrionale en l'année 1781 , & Campagne
de l'Armée de M. de Rochambeau
par M. l'Abbé Robin. A Paris , chez les
Libraires qui vendent les Nouveautés.
Tous les regards font fixés aujourd'hui fur
l'Amérique Septentrionale ; c'eft là que s'agitent
les plus grands intérêts de l'Univers :
c'eft-là que vont fe réunir prefque toutes les .
craintes & toutes les efpérances des deux .
Mondes. L'Anglois y voit fortir à jamais
de fes mains une partie de fa fortune &
de fa puiffançe ; la France y voit accroîtrela
gloire de fès armes ; l'Amérique y forme,
•
Civ
56 MERCURE
les premières Nations que ce nouveau Monde
aura vues fous l'empire des loix & de la
liberté, les Philofophes de toute l'Europe
placent , dans les nouvelles Conſtitutions
qui s'y font élevées au milieu des ravages de
la guerre , la plus belle , & peut- être la dernière
efpérance du genre humain. L'hiftoire
ancienne , fi féconde & fi riche en grands
tableaux , en révolutions inftructives , n'a
point eu d'événemens plus propres à attacher
l'imagination , & à donner aux hommes
d'utiles expériences . Il ne fut donc jamais
un moment plus favorable pour faire paroître
un Voyage dans l'Amérique Septentrionale.
M. l'Abbé Robin doit être bien sûr
d'y entraîner tous les Lecteurs fur fes pas.
Son Ouvrage doit avoir fur tout un intérêt
particulier pour tous les François . C'eft en
fuivant la marche de notre Armée, que M.
l'Abbé Robin a parcouru & obfervé l'Amérique
; & il mêle à chaque inftant , dans fon
récit , les triomphes de nos Troupes & les
curiofités intéreffantes du nouveau Monde.
On peut fe fouvenir qu'ily a à peine deux
ans , que M. l'Abbé Robin nous donna un
Cuvrage , dins lequel il cherchoit à pénétrer
le fecret des myflères de l'antiquité ; nous
annonçâmes fon Ouvrage dans ce Journal :
depuis il a voyagé dans toute l'Amérique ›
Septentrionale ; & il y a déjà près d'un ant
que fon Voyage eft imprimé. Nous rapprochons
ces circonftances pour donner un
exemple de cette inquiétude & de cette cu
DE FRANCE. 57
rioſité qui agite aujourd'hui tous les efprits
en Europe. On veut tout voir , tout fentir
, tout connoître ; & , ce qui est trèsheureux
au milieu de cette curiofité générale,
on fait obſerver. Il y a eu plus de bons
Obfervateurs dans l'Armée que nous avons
dans l'Amérique Septentrionale que dans tout
le nouveau Monde, depuis fa découverte jufqu'à
nos jours , c'est - à - dire , dans l'espace de
deux cent ans . On fait aujourd'hui fe battre
pour la Patrie & penfer pour le monde.
Cette révolution , faite dans les efprits
pourroit être plus urile encore que celle qui
a brifé les fers de l'Amérique ; mais il eſt à
craindre qu'on n'en tire pas le même parti.
66
ود
M. l'Abbé Robin , que la mer a trop incommodé
pour pouvoir faire des obfervations
dans la traversée , a été cependant trèsfrappé
d'un phénomène . Il a vû pendant les
nuits , fur tout lorfqu'on dirigeoit la route
vers le Sud , les mers éclairées d'une multitude
de bluettes qui jailliffent des flots.
Sur-tout lorfque le vent augmentoit la
rapidité du fillage , le vaiffeau fembloit
alors plongé dans des torrens de phofphore
enflammé ; je cherchois à deviner
» la caufe de ce fingulier & commun phénomène
, dont je ne me rappelois pas avoir
jamais oui parler.Etoient - ce les fels dont les
" facettes réfléchiffoient ainfi les rayons de
» lumière ? Eft- ce le foufre de la mer qui
» s'enflamme dans le choc des ondes ? ou
plutôt ce fluide igné , ce feu élémentaire ,
ود
"
99
39
Cy
58
MERCURE
qui entretient la fluidité des eaux , les
» éclaire-t'il auffi de fa lumière ? »
Plufieurs Voyageurs ont été frappés de ce
phénomène , & en ont parlé ; on en trouve
une defcription charmante dans le Voyage
de M. Adanfon. Il me femble que M. de
Saint- Pierre , qui nous a donné un Voyage fi
intéreffant des Ifles de France & de Bourbon ,
en recherche auffi les cauſes , & qu'il en
rapporte plufieurs qu'on ne pouvoit trouver
qu'avec beaucoup de fagacité. Quelques - uns
ont penfé que la mer récèle dans fon fein
unemultitude infinie de petits poiffons phofphoriques
, tels que nos vers luifans , & que
pendant la nuit , ils viennent porter leur
lumière fur la furface des eaux.
"
C'est toujours une grande joie de décou
vrir la terre lorfqu'on a traversé l'Océan ;
mais cette joie doit être bien plus vive encore
, lorfque la terre qu'on découvre eft
Boſton. " De cette rade , femée d'Iſlots agréables
, nous découvrons à travers des arbres
, fur la côte orientale , une magnifique
perspective de maifons en amphi-
» théâtre , le prolongeant en demi- cercle
» dans l'efpace de plus d'une demi- lieue ;
» c'étoit- là Bofton . Ses édifices élevés , ré
» guliers , entre - mêlés de hauts clochers
» nous parurent moins une Colonie mo-
» derne qu'une antique Cité , embellie &
peuplée par le Commerce & les Arts. »
L'intérieur de la ville répond à ce premier
coup-d'oeil , & M. l'Abbé Robin en
93
"
>>
DE FRANCE. 59
fait une defcription agréable. On y compte
fix mille maifons , trente mille habitans ,
dix neufTemples de toutes espèces de ſectes.
Toutes les maifons font de bois , mais d'une
forme élégante , & d'une conftruction fi lé
gère qu'on peut les changer de place. J'en
ai vû , dit M. l'Abbé Robin , de deux étages
qui avoient été tranſportées à un demi - quart
de lieue au moins . On aime à voir l'élégance
des Arts avec une fimplicité qui , rappelle ces
Scythes vagabonds qui habitoient des chars,
roulans. Les moeurs à Bofton rappellent encore
l'antique & auftère fimplicité des premiers
âges.
"3
33
" Le jour du Dimanche y eft obfervé avec
» la plus grande rigueur ; toutes affaires , de
» quelqu'importance qu'elles foient, ceffent ;
» on ne s'y permet pas même les plaifirs les
plus innocens. Bofton , cette ville fi peuplée
, où il règne toujours un fi grand
» mouvement , femble défert ces jours là..
"» OOnn parcourt les rues fans appercevoir per
» fonne ; & fi on fe rencontre par hafard ,
» on n'ofe s'arrêter & fe parler . Un Fran
» çois logé avec moi , s'avifa de jouer de la
» Aûte un Dimanche : le peuple s'ameuta ,
» & alloit le porter à des excès , fi l'Hôte
» ne nous eût inftruit de ce qui fe paffoit.
» On n'entre dans aucune maifon fans y
» trouver tout le monde occupé à lire la
» Bible ; c'eft un fpectacle bien touchant
» qu'un père entouré de fa famille , leur
: C v)
60
MERCUR
- E
و د
expliquant les vérités fublimes de ce Livre
" facré. "
*
On croit être à Jérufalem ou à Samarie ;
& voilà les moeurs qu'un peuple Philofophe
du dix feptième fiècle a tranfporté dans le
nouveau Monde ! Mais il faut se rappeler:
que l'Anglois , dont la philofophie a ébranlé
toutes les Religions , eft naturellement trèsreligieux
lui- même , & que les Colonies de
l'Amérique ont été prefque toutes fondées
par des fectes au moment qu'elles combattoient
pour leurs opinions.
Le croiroit- on ? Il y a dans cette ville fi
religieufe , des Théâtres & des Tragédies ;
mais ceux qui les jouent font des Élèves de
l'Univerfité ; & les fajets des Pièces font
tirés des événemens mênies de cette guerre :
c'eft l'incendie de Charles Town , la prife
de Burgoine , la trahifon d'Arnold . Ces Tragédies
, qui ne valent pas fans doute les chefd'oeuvres
de Racine, & de Voltaire , produi
fent un effet prodigieux fur les Spectateurs.
On fort de ces Spectacles avec plus d'amour
pour la liberté & plus de haine pour les
Tyrans . Ce feroit le moment le plus propre
à appeler tous les Citoyens fous les drapeaux.
Tout à l'heure je me croyois à Jérufalem
, actuellement je me crois à Athènes.
C'eft , comme dit M. l'Abbé Robin , la Tragédie
ramenée à fon antique origine. La manière
dont les François & les Américains
vivent enſemble , les rapports ou les différences
du caractère de deux peuples qui font
DE FRANCE. Gr
faits pour avoir tant de relation enſemble
ont dû être l'objet des obfervations de M.
l'Abbé Robin , & ces détails font très attachans
dans fon Voyage. Avant cette guerre ,
les Américains ne connoiffoient guère les
François que par le portrait que leur en
faifoient les Anglois , & l'on juge que ce
portrait ne devoit pas être flatté. Ils nous
regardoient , dit M. l'Abbé Robin , comme
de petites machines légères qu'un defpote
faifoit mouvoir à fon gré , incapables de
connoître les vertus , les talens & le bonheur
, ne s'occupant jamais qu'à peindre
leur vifage avec du rouge , à frifer & à poudrer
leur chevelure ; fe faifant un jeu de
violer les devoirs les plus facrés de la fociété ,
& ne fe croyant jamais plus aimables que
lorfqu'ils ont ravi une fille à fon père , ou
une femme à fon mari . Les premiers François
qui pafsèrent en Amérique n'étoient pas
très - propres à détruire ces idées ; mais lorfque
M. le Comte d'Estaing y parut, environné
d'une partie de notre jeuneffe Militaire , leur
contenance fière & douce , où la grâce ſe
mêloit à l'air de l'héroïfme, la force & le courage
qu'ils déployoient dans les travaux &
dans les périls , la décence d'une conduite
dont le Chef leur donnoit l'exemple & leur
impofoit le devoir , tout étonna les Américains
, mais fans changer pourtant encore
leurs idées ; ils crurent quelque temps qu'on
leur avoit envoyé l'élite de la Nation pour
62 MERCURET
ود
combattre leurs préventions. Depuis , toute
la conduite des François avec eux , leur a
bien fait perdre ces odieux préjugés. Ils ont
reconnu qu'on pouvoit à la fois être aimable
& avoir des vertus , & remplir exactement
fes devoirs fans négliger une parure qui annonce
du goût , & non pas des vices. Les
Officiers mêmes , élevés au fein des délices
& des grandeurs , marchoient fouvent à pied.
à la tête des troupes ; & l'Auteur cite entreautres
M. le Vicomte de Noailles , qui a fait
toute la route à pied. Ce qui vous étonne-
» roit , ajoute M. l'Abbé Robin , c'eft de
» retrouver toujours la gaîté Françoife au
» milieu de ces marches pénibles . Les Amé
» ricains , que la curiofité amène par milliers
» dans nos camps , y font reçus au fon de la
mufique comme dans un bal. On fait jouer
» pour eux nos inftrumens militaires , qu'ils
» aiment avec paffion . Alors Officiers , Sol-
» dats , Américains , Américaines , tous fe
» mêlent & danfent enfemble : c'eft la fête
» de l'égalité , ce font les prémices de l'al-
» liance qui doit régner entre ces Nations.....
» Ces peuples , encore dans le fiècle heureux
» où les diftinctions de la naiffance & des
99
93
و ر
rangs font ignorés , voient du même oeil le
» Soldat & l'Officier , & demandent fou-
» vent à celui - ci quel eft fon métier dans fa
» Patrie , ne concevant point que celui de
» Guerrier puiffe en être un fixe & perma-
» nent. Le titre de beau - frère du Marquis
» de la Fayette a le plus excité leur refpect ;
H
DE FRANCE. 63 " &
éré са
pour
les jeunes
Américaines
une
» diftinction
flatteufe
d'avoir
danſé
avec le
» Vicomte
de Noailles
. »
M. l'Abbé Robin , qui a joint l'Armée
Françoiſe à Providence , la fuit dans fa marche
jufqu'à Yorck ; & dans cette partie confidérable
du nouveau Monde , il voit partout
des Provinces , des Villes & des Peuples
femés fur la route ; il voit le Connecticut ,
le New- Jerfey , Philadelphie , Baltimore
Williamsburgh , le Maryland. Par tout il
obferve , autant que peut le lui permettre
une marche rapide , la nature du fol , des
productions & des espèces vivantes , la conftitution
des Provinces , le caractère , les
moeurs & les Arts des peuples . Si l'Armée
dans fa marche pofe quelques jours fes tentes
, M. l'Abbé Robin faifit ce moment de
repos pour aller étudier la nature fur une
montagne , ou la légiflation d'une Province
dans fon Sénat. En paffant du Nord au Sud ,
il croit paffer encore d'un monde à l'autre ;
le ciel , la terre , les plantes , les animaux ,
l'homine & fes loix , tout change & prend
de nouvelles couleurs & de nouvelles formes.
Il nous eft impoffible de fuivre M.
l'Abbé Robin dans tous ces détails. Nous
nous arrêterons fur un petit nombre de ceux
qui nous ont paru avoir le plus d'intérêt ou
d'utilité.
Il y a dans les moeurs des Américains des
vertus qui doivent nous paroître bien extraordinaires.
« Ils font grands hofpitaliers ,
64
MERCURE
dit M. l'Abbé Robin ; ils n'ont qu'un
» même lit ; l'épouſe chafte , fût- elle feule ,
» le partage fans remords & fans crainte
» avec fon Hôte. ود
On raconte que les femmes de l'intérieur
de l'Irlande exercent l'hoſpitalité de la même
manière ; & un homme de trente ans , tout
au plus , qui avoit des paflions très violentes ,
m'a conté qu'étant obligé en Irlande de paffer
la nuit dans le lit & à côté d'une jeune fille de
feize ans , cette fimplicité & cette bonne foi
lui avoient infpiré tant de refpect , que l'idée
de la moindre tentative lui eût fait plus
d'horreur que le plus vil incefte. M. l'Abbé
Robin ne nous dit point fi c'eft dans le Sud
ou dans le Nord de l'Amérique qu'il a tronyé
cet ufage. Il eft probable que c'eft dans le
Nord.
Le nom de Penn , fon fondateur , qui a
montré aux hommes des vertus qui leur
étoient inconnues , l'avantage d'être le lieu
où réfide le Congrès & la Légiflation générale
, font de Philadelphie la ville la plus
remarquable de l'Amérique .
ور
ور
» Philadelphie , capitale de la Penfylvanie ,
» eft bâtie fur une plaine élevée & fpa-
» cieufe , dans l'endroit où la rivière Skuikill
mêle fes eaux à la Delhaware. Sa
» forme eft celle d'un parallelogramme , ou
» carré long, s'étendant à deux milles , ayant
» dix huit rues parfaitement alignées , cou
pées à angles droits par feize autres d'un
mille de longueur , également larges &
"
"
DE FRANCE. 65
99
ور
و د
39
"
ود
alignées ; on y a ménagé des intervalles
» pour les édifices publics. Ses deux principales
rues , nominées High Street &
» Broad Street , ont chacune cent pieds de
largeur. Des vaiffeaux de cinq cent ton-
» neaux peuvent mouiller dans un aſſez beau
quai. On y compte au moins trois mille
maifons , plus de la moitié bâties en bri-
" ques , & toutes très belles. La population
» monte à environ vingt mille âmes. Il y a des
Temples de Presbytériens , de Luthériens ,
d'Anabaptiftes , de Calviniftes , & des
Chapelles de Catholiques . La Secte la plus
» nombreufe eft celle des Quakers ; c'étoit
» celle du fondateur de la Colonie . Comme
» cette Secte affecte plus de tolérance , plus
» de rigidité , plus d'égalité , & qu'elle s'eft
» établie en Penfylvanie dans un temps où
la proximité de fa naiffance , les contra-
» diétions & le mépris des autres Religions
» lui avoient confervé toute fon énergie &
» toute l'austérité de fes principes , la lé-
» giflation tendit davantage à rendre ces
» Colons libres , égaux & fimples . La dou-
» ceur du climat , la bonté du fol , des occu-
" pations champêtres , une exiftence ifolée ,
» favorisèrent ces vûes du Législateur , &
la Penfylvanie devint la Colonie la plus
» vertueufe & la plus heureufe, que l'Hiſ-
" toire nous ait jamais fait connoître ; mais
""
و ر
en fe multipliant , en attirant les étran-
" gers , en devenant commerçante , les for-
» tunes fe font agrandies , le luxe s'eft in66
MERCURE
» troduit , les moeurs fe font altérées , & ce,
" ne fera bientôt qu'un éclatant météore.
» qui fe fera montré un inftant à l'Univers. » .
il eft difficile de le croire. Et pourquoi M,.
l'Abbé Robin , qui femble promettre un bonheur
plus durable à toute l'Amérique , en excepte
-t'il la feule Penfylvanie ? Y a t'il moins
de commerce , de luxe & d'étrangers dans lesautres
principales villes ? Cette prédiction.
avoit befoin peut- être qu'on l'appuyât fur
des faits plus pofitifs . On nous a tracé de Philadelphie
des tableaux plus confolans , &
qui offrent de plus longues efpérances . On
ne croiroit pas qu'on pût jamais faire un
parallèle de Paris & de Philadelphie ; on en
a fait un cependant ; & ce rapprochement ,
qui paroît d'abord un jeu d'efprit forcé , eft
plein de fineffe & de philofophie . Que M.:
l'Abbé Robin nous permette de le mettre à
côté des citations de fon Ouvrage ; nous
ignorons de qui il eft; tout ce que nous favons
, c'eft qu'il a été donné par un Docteur,
& qu'en le lifant on eft bien tenté de croire
qu'il eft du Docteur Francklin.
30
Philadelphie , qui n'a pas encore atteint
» à la fin de fon premier fiècle , eft déjà à
l'Amérique , proportion gardée , ce que
» Paris eft à l'Europe , la Capitale d'un état
qui donne le ton à tous les autres :
"
ود
Sic parvis componere magna folebam.
» Paris eft confidéré depuis long - temps
» comme le centre du bon goût dans tous
t
3
DE FRANCE. 67
331
les genres ; à Philadelphie , le goût s'eft
» fixé d'abord fur le bon dans tous les fens
و د
du terme.
»A Paris , on raffine fur tout , & les Beaux-
Arts s'y perfectionnent chaque jour ; à
Philadelphie , on fimplifie tout , & les
» Arts utiles y font des progrès rapides.
ود
"
" A Paris , les moeurs font fi douces , à
Philadelphie , elles font fi pures , qu'on
» peut regarder les François comme les plus
fociables , & les Penfylvains comme les
» plus honnêtes des humains. "
A Paris, il y a une police admirable , &
» rien n'y fent la gêne ; à Philadelphie , on
» fe paffe à merveille de police ; tout y refpire
la liberté & le bon ordre.
» La France n'admet point d'efclaves ; la
» Penfylvanie a affranchi les fiens .
"
39
" Le François a un fentiment d'honneur
» fi délicat , qu'il ne voudroit pas furvivre
à un démenti ; le Penfylvain a des prin-
» cipes de vertus fi auftères , qu'il ne voudroit
pas racheter la vie par un ferment.
» A Paris , le pauvre & le riche ſe livrent
au plaifir avec la même vivacité ; à Philadelphie
, il n'y a ni opulent ni indigent ;
» tous jouiffent d'une aifance honnête avec
» une férénité prefque inaltérable.
t
و د
» Le François rit de tout , & tout rit au
Penfylvain .
» Paris femble aux étrangers un féjour de
délices , & Philadelphie leur paroît le
féjour de la félicité. »
68 MERCURE
Tout ce bonheur eft l'ouvrage des loix ;
mais la Nature ne permet pas aux Américains
d'en jouir très long temps . Chez eux
le vie commune eft généralement beaucoup
plus courte ; & à vingt ans , dit M. l'Abbé
Robin , les femmes n'ont déjà plus la fraîcheur
de la jeuneſſe ; à trente cinq ou quarante
, elles font ridées , décrépites. Les obfervations
de M. l'Abbé Robin , fur la durée
de la vie en Amérique , ont été faites fur les
tombeaux on grave toujours fur la pierre
l'âge qu'avoit celui qu'elle couvre. M. l'Abbé
Robin a vifité avec foin tous les cimetières
depuis Boſton juſqu'à Williamsburgh , eſpace
de près de trois cent lieues , & partout
il a tiré ce réfultat , que le grand nombre
mouroit à 40 ans , un très - petit nombre
à 60 , & que perfonne ne paffoit 70 ans. Il
s'enfuit que la vie commune y eft de trente
ans plus courte qu'en Europe,& qu'on y paffe
beaucoup plus rarement la durée ordinaire.
que la Nature accorde à nos jours. Cette double
différence feroit prodigieufe. L'Auteur
ne nous dit point fi les charmes des femmes ,
qui commencent à fe flétrir à vingt ans , fe
développent de très bonne heure ; il leur
faudroit au moins ce dédommagement. Dans
plufieurs pays de l'Afie , comme on fait ,
elles fe marient fouvent à huit ans , & font
mères à neuf; & le climat agit à cet égard
avec tant de force & de rapidité , qu'il produit
cet effet fur les Européennes à la première
génération. La foeur du Savant Hom-
·
DE FRANCE. 69
berg, née à Batavia , de parens originaires de
la Hollande , étoit mariée à huit ans , &
mère à neuf.
Avec des charmes fi peu durables , les
Américaines font bien heureufes de vivre
dans un pays de liberté & de bonnes moeurs.
Si l'Amérique perd jamais fes vertus & fa
liberté , le defpotifme y fera affreux contre
elles ; on dit cependant qu'elles recherchent
avec avidité nos modes , notre luxe & nos
plaifirs : elles font bien imprudentes ! Pour
être heureufes avec des efclaves corrompus ,
il faut que les femmes foient bien jolies , &
long- temps jolies.
Un Philofophe , qui connoît l'état & les
affaires de l'Univers , comme un particulier
inteliigent connoît les affaires & l'état de fa
maiſon , a imprimé que dans fes plus grands
progrès , la population de l'Amérique Septentrionale
ne s'élevera jamais à plus de dix
millions d'âmes, Quoi ! la Nature fera donc
fi avare d'hommes dans le feul pays du monde
où les loix & la fociété ont affez de fageffe
pour en faire le bonheur ! Elle fe multiplie
fouvent , avec une fécondité cruelle , fous la
hache des defpotes & des bourreaux . On
eût defiré que M. l'Abbé Robin eût connu
& difcuté l'opinion fi affligeante de ce Philofophe
: il n'en parle point du tour , & ,
comme tout le monde , il femble promettre
une population abondante à l'Amérique. Je
croirai avec peine à l'affertion de l'Hiftorien
du Commerce ; mais quand il affirme une
70
MERCURE
chofe , il faut l'adopter ou la combattre
avec force . Dans ces matières l'évidence
feule peut avoir plus d'autorité que fon
nom . Un Souverain de l'Europe , qui venoit
de s'entretenir deux ou trois heures avec lui ,
écrivoit à unautre Philofophe : Cet homme
» connoît le paffé , le préfent & l'avenir des
» deux Mondes ; j'ai cru m'entretenir avec la
» Providence . »
Ces paroles font belles ; elles deviennent
fublimes quand on fait que le Souverain
pouvoit avoir à fe plaindre du Philofophe
dont il parle ainfi.
M. l'Abbé Robin termine fon Ouvrage
par des réflexions fur la tolérance . Qui auroit
imaginé que c'eft dans l'Amérique Septentrionale
, où elle règne depuis plus d'un
fiècle au milieu d'une multitude de fectes
pacifiques & heureuſes , que M. l'Abbé
Robin auroit appris à la craindre ?
Il convient que , jufqu'à préſent , elle ya
fait beaucoup de bien , qu'elle a donné à
l'Amérique une puiffance & une population
rapides ; mais il craint qu'elle ne produiſe à
l'avenir des effets tout contraires. Pourquoi
cette crainte , & d'où peut- elle venir ?
Jufqu'à préfent , dit il , les hommes y ont
été ifolés , & leurs diverfes opinions n'ont
pas pu fe heurter & fe combattre. Mais M.
l'Abbé Robin n'y a pas bien réfléchi ; les diverfes
fectes de l'Amérique ont été , dès le
principe , rapprochées dans les villes ; à
Bofton , à Philadelphie , les Temples fe font
DE FRANCE. ཏོ་
élevés à côté des Temples , & tous font debout
encore.
L'intolérance eft le fignal de la guerre , &
la tolérance eft la déclaration de paix.
-
Comment des Sectes qui ont vécu en paix
à côté les unes des autres , au moment de
leur naiffance , s'armeront elles les unes
contre les autres lorfqu'elles n'auront
plus ce zèle inquiet qu'elles avoient à leur
origine ?
,
La tolérance eft difficile à établir , & facile
à maintenir. Cela tient à la nature de l'efprit
humain.
M. l'Abbé Robin prétend encore qu'en
s'enrichiffant & en s'éclairant , les Américains
deviendront défoeuvrés & fophifticans , &
que la difpute fera de tant de Sectes autant
de fources de guerre. Quelle crainte !
Ce ne font pas les peuples riches & éclairés
qui fe battent pour leur religion , ce font
les peuples pauvres & ignorans. C'eſt dans
fes premiers efforts que l'efprit humain eſt
le plus audacieux & le plus téméraire ; il
femble dédaigner les chofes fenfibles de la
Nature , & veut en pénétrer les myftères : les
Philofophes, les Poëtes , tous veulent deviner
les caufes ; mais à mesure qu'on s'éclaire &
qu'on s'enrichit , les Philofophes étudient la
Nature , les Poëtes la peignent, & tout le mon
'de en jouit. L'imagination n'a plus l'audace
d'interroger l'Être Suprême fur des mystères
qu'il ne doit nous révéler que dans l'éternité.
Plus les religions font éclairées , ajoute ce72
MERCURE
pendant M. l'Abbé Robin , plus elles font
intolérantes. On ne peut être affez étonné
d'une pareille affertion , & l'on fent bien que
nous fommes obligés de fupprimer les meilleures
réponfes qu'on pourroit y faire .
Une religion fauffe fe détruit en s'éclairant
, & la vraie n'a point de progrès dans
fes lumières. En fortant du fein de Dieu,,
fa lumière a plus d'éclat que les hommes ne
pourront jamais lui en donner. La nôtre , au
moment de fa naiffance , a été perfécutée par
les fauffes , & elle les a tolérées .
M. l'Abbé Robin a été embarraffé des
exemples de l'Angleterre & de la Hollande ,
où toutes les Sectes vivent en paix. Il répond
à cela que les Hollandois ne font occupés
que de leur commerce , & que toutes les
Sectes en Angleterre fe réuniffent dans leur
commune haine pour l'Églife Catholique.
Ces réponses ne font point fenfées. L'Églife
Catholique eft trop peu de chofe en Angleterre
; & la haine qu'elle infpire ne peut être
affez forte pour réunir & concilier des Sectes
ennemies. Si l'intérêt du commerce rend les
Sectes pacifiques en Hollande , elles trouvent
auffi le commerce en Amérique ; elles y trou
veront de plus l'Agriculture & les Arts ,
qui portent à la paix autant que le commerce.
M. l'Abbé Robin n'a pas joint à
ces deux exemples celui de la Suiffe ; eft- ce
qu'il lui a paru plus embarraffant ? Il ne l'eft
pas davantage , mais il l'eft beaucoup. La
différence des religions , difoit le Congrès ,
dans
1
DE FRANCE. 73
1
dans un de ces beaux Difcours qu'il adreffoit
aux peuples de l'Amérique , ne peut être
un obftacle à notre réunion . Elle exifle dans les
Cantons Suiffes, ils n'en font pas moins unis.
Quand les Légiflateurs parlent ainsi , les
Peuples penfent de même.
Nous ne pouvons trop blâmer M. l'Abbé
Robin d'avoir terminé par cette difcuffion
affligeante un tableau de vertus , de fagelle &
de bonheur.
Son Ouvrage d'ailleurs fe lit avec intérêt.
Il fait mettre fous les yeux du Lecteur les
objets qu'il a vus lui même . Son ſtyle man ,
que fouvent de correction ; mais il eft na
turel , animé , qualités beaucoup plus précicules
; & quoique la marche de l'Armée
qu'il fuivoit ne lui ait pas laiffé le temps
d'obferver les chofes avec une certaine profondeur
, il montre fouvent de la fagacité &
de la philofophie. Ceux qui ont le plus
étudié les Voyageurs , connoîtront mieux l'Amérique
après l'avoir lû , & ce feul mérite
fait affez l'éloge d'un Voyage.
( Cet Article eft de M. Garat. )
VUBS fur l'Education de la première Enfence.
A Amfterdam , & fe trouve à Paris,
chez Lefclapart , Libraire de MONSIEUR ,
Frère du Roi , Pont Notre Dame. Brochure
de 42 pages,
Il n'y a peut être aucun objet d'utilité qui
N°, 19 , 8 Mars 1733 . Ν .
Ꭰ
74
MERCURE
n'exerce aujourd'hui la plume de nos Écrivains.
En eft- il réfulté tout le bien que l'humanité
doit en attendre ? On ne peut guère
fe décider pour la réponſe affirmative. Mais
il y a tout lieu de penfer que de ces difcuffions
il naît toujours quelques germes heureux
, qui , fufſent- ils jetés au haſard , ſeront
quelque jour développés & fécondés
par la réflexion , le temps & l'expérience.
Il ne fuffit pas de montrer le bien aux
hommes , il faut leur infpirer encore la volonté
de le faire ; & il y a fouvent bien loin
d'une découverte philofophique à un établiſfement
utile. Mais un temps arrive où l'on
ceffe de regarder dans un Auteur la défaite
des préjugés dangereux , comme une beauté
oratoire qui ne mérite & qui ne prétendoit
que nos éloges ; où l'on commence à croire
que la plus digne manière de louer un
Écrivain , c'eft de tourner fes idées , fes
découvertes , au profit de la fociété , où l'autorité
enfin , éclairée par la raiſon, exécute ce
qu'on le contentoit d'applaudir , & fait parlà
de chaque vérité qu'on découvre un bienfait
pour l'humanité.
Malgré le grand nombre d'Ouvrages qu'on
a publiés fur l'Éducation , en voici encore
un qui s'offre au jugement du Public. Il eſt
vrai que l'afpect fous lequel l'Auteur a confidéré
fou fujet , le fait fortir de la route ordinaire.
Il s'eft attaché particulièrement à
l'éducation de la première enfance ; éducation
d'autant plus digne de nos foins ', qu'elle influe
ལས་ ས་་ མ་ ་ལུང་ དག་པ ཏཱཔུ ཏྟ
1
DE FRANCE.
75
fur celle qui doit la fuivre , & qu'elle peut
fervir ou nuire à fon fuccès.
On convient depuis affez long - temps que
l'éducation de l'homme commente quand il
vient au monde ; & cette éducation eft prefque
totalement négligée , abandonnée. Tel
eft l'abus que l'Auteur anonyme a effayé de
détruire. Ilveut que pour accoutumer l'enfant
à faire des idées de fes fenfations , on lui montre
ce dont on veut lui parler , ce dont il doit
parler aufi ; qu'on lui facilite l'étude des
mots par la vûe des chofes mêmes. Voilà
quant à fon efprit.
L'extrême fenfibilité d'un enfant lui donne
une aptitude à recevoir toutes les impreffions
, & lui communique la faculté imitative
, qui peut devenir un reffort toutpuiffant
pour cette première inftitution . Ce
defir de tout imiter, fournit le moyen de
faire entrer dans cette âme toute neuve le
germe de toutes les vertus. " Son effet prin-.
"
"
cipal , dit l'Auteur , eft de donner à l'âme
» ces tournures qui lui conſtituent un ca-
» ractère bon ou méchant , aimable on
..haïffable. En vertu de cette difpofition
» imitative , répandue dans tout notre individu
, les paffions exprimées fur le vifage,
dans les difcours , dans le ton de
» voix , dans les mouvemens de ceux avec
qui l'on le trouve , fe communiquent tou-
» jours à nous. Une perfonne gaie & folâ-
» tre infpire la gaîté ; il ne faut quelquefois
» qu'un fujet triste pour répandre la trifteffe
"
ور
Dij
16
MERCURE
"
27
» dans toute une affemblée. C'eſt ainfi que
» dans une fédition , dans une fête , la fu-
» reur ou la joie gagnent de proche en proche
jufqu'aux perfonnes les plus indiffé-
» rentes ; c'est ainsi , comme il eft affez
connu , que chacun fe forme infenfible-
» ment fur ceux qu'il fréquente d'ordinaire,
» A plus forte raiſon des enfans , bien plus
fenibles que nous , doivent - ils prendre
» un caractère fombre , farouche , colère ,
ou bien riant , doux , humain , fuivant les
modèles qui agiffent continuellement fur
❞ eux . »
Combien de vices & de vertus qu'on croit
innés dans l'homme , ne doivent leur naiffance
qu'à une première impreflion habituelle
! Des fenfations voluptueufes données
à un enfant , en feront peut- être un homme
efféminé , comme les cris & la dureté peuvent
lui donner un caractère lâche ou féroce,
L'habitude de s'occuper d'un même
objet , nous donne fouvent du goût pour les
chofes mêmes qui fembleroient devoir nous
infpirer de la répugnance . Combien de perfonnes
continuent d'exercer un emploi , un
commerce difficile & pénible , lors même
que leur fortune leur permet de s'en paffer,
& que l'âge leur ordonne de s'en affranchir !-
On l'attribue toujours à la cupidité ; & fouvent
il ne faut en chercher la caufe que dans
le plaifir qu'on trouve à s'occuper d'un ebjet
dont on s'eft toujours occnpé. Qu'on juge
donc quels avantages & quels dangers accons
DE FRANCE. 77
pagnent cette difpofition fi naturelle à l'hom
me, & quelle attention on doit y porter,
quand il s'agit de notre premier âge !
La diverfité des tempéramens , plus ou
moins foibles, ne peut être révoquée en doute:
mais elle ne rend pas l'éducation inutile , elle
fournit au contraire l'occafion de conformer
à cette différence la première inftitution
qu'on veut donner à un enfant , & de
coopérer ainfi avec la nature à diriger fes
vertus & à corriger fes défauts . « N'en dou-
» tons point , s'écrie l'Auteur de cet Ou-
» vrage , l'éducation que l'homme reçoit
و د
23
alors , contribue à le rendre orgueilleux
» ou modeſte , dur ou humain , impudent
" ou fage , groffier ou poli , tout auffi bien
» que François , Allemand , Anglois ou Hot-
» tentot. Ah ! fi l'on voit tourner mal tant
» de fujets , même élevés par des Inftituteurs
habiles , ne nous en prenons pas unique-
» ment à la Nature ; & fi quelques - uns
profpèrent en mauvaiſes mains , ne lui en
faifons pas tout l'honneur. C'est que bien
» des Inſtituteurs ont précédé celui qui eft
"
en titre , & ont femé dans l'efprit & dans
» le coeur des jeunes élèves , beaucoup de
" bons & de mauvais grains qui décident
enfuite de la récolte. Combien de perfonnes
, fi elles fe remettoient devant les
» yeuxune partie de leurs premières années ,
" & fi elles pouvoient fe rappeler l'autre ,
fe diroient à elles - mêmes : ce fut cette
nourrice emportée & brutale , ou inatten
Duj
30
78 MERCURE
» tive & dure, qui, par fes fureurs & par for
» lait empoisonné , ou en me laiffant fouf-
» frir & crier fans daigner y faire attention ,
» me fit contracter cette humeur violente
» dont je fuis dominé. Ce fut l'air effronté ,
» le ton impudent de cette femme perdue ,
qui me difposèrent , dès le berceau , à deve-
» nir la honte de mon fexe. Je dois au ſpec-
" tacle de l'admiration & de l'attendriffe-
» ment que caufoit la préfence de cet hom-
» me de bien au milieu de ceux dont il étoit
» le père & le modèle , le commencement
» de ce goût heureux qui m'a de tout tems
porté à la vertu, & qui m'y rappelle avec
» force lorfque les paffions m'en écar
» tent. »
Après avoir prouvé le befoin , la néceffité
de foigner cette première éducation ,
l'Auteur en trace le plan , & la confidère
fous deux afpects , comme particulière &
comme publique. Nous ne le fuivrons
point dans tous les détails qu'il propofe
aux Inftituteurs de la première enfance , &
qu'il faut lire dans l'Ouvrage même . Nous
nous arrêterons feulement à une idée qui
s'éloigne un peu des opinions reçues , & qui
n'en eft pas moins raifonnable . On croit d'ordinaire
qu'il faut toujours confulter un enfant
fur l'état qu'il veut embraffer. Mais , au
fonds , connoît- il affez , pour être en état de
choifir ? Êtes-vous bien sûr que ce fera la
raifon plutôt que le caprice qui déterminera
fon choix ? Au lieu de confulter l'inclination
DE FRANCE. 79
d'un enfant , l'Auteur croit qu'on ne rifque
rien à la fuppofer d'avance , & qu'il eft facile
de la lui infpirer . Il fonde cette opinion
fur ces deux principes : fur le goûr qu'on
prend aux chofes dont on s'eft occupé longtemps
& de bonne heure , & fur cet efprit
d'imitation , qui eft inféparable du premier
âge , il faut donc lui faire connoître & lui
offrir comme amuſement ce qui doit être
un jour fon occupation . L'Auteur n'admet
pour exception à cette règle que les cas , affez
rares d'ailleurs , où la Nature a décidé irrévocablement
la deftination d'un individu ,
& lui a donné ce penchant impérieux que
rien ne peut furmonter . Mais alors la méthode
propofée ne fert qu'à mieux manifefter
ce penchant , en lui oppofant des obftacles;
on eft moins expofé à s'y méprendre , & il
n'y a par conféquent aucun danger à courir.
Cer Ouvrage , fans préfenter des idées
neuves , offre des rapprochemens heureux
& des résultats intéreffans. L'Auteur a de la
méthode , de la fageffe dans les idées , & de
la clarté dans fon ftyle , quoique négligé quel
quefois. Il paroît avoir obfervé avec intérêt les
moeurs de l'enfance , & n'avoir pris la plume
que pour coopérer à fonbonheur . L'Ouvrage
eft accompagné d'une note qui eft l'explication
d'un projet conçu & propofé par l'Auteur.
Comme il n'eft pas poffible , qu'il n'eft
peut- être pas même à defirer que les parens
fe chargent tous de l'éducation de leurs en
Div
MERCURE
fans en bas - âge , il voudroit qu'il y eût des
établiffemens publics, où l'enfance pût recevoir
l'éducation la plus foiguée. Il defireroit
qu'on choisît pour cela une campagne riante .
& bien cultivée , & même , s'il fe peut , une
petite éminence , tout auprès de chaque ville.
Il entre enfuite dans quelques détails fur le
plan qu'il faudroit fuivre , & qui eft conforme
aux principes développés dans le refte
de l'Ouvrage.
CALENDRIERpour l'année 1783 , à l'ufage
des Élèves qui fréquentent l'Ecole gratuite
de Deffin , avec le Plan & l'élévation de
ladite École. A Paris , aux Écoles gratuites:
de Deflin , rue des Cordeliers.
De tous temps on a regardé la Capitale
comme le lieu le plus propre à électrifer le
génie , fur tout à diriger fon effor , & à lui
donner pour compagnon le goût , qui l'embellit
en guidant fa marche. Le choc des opinions
, fi propre à dévoiler la vérité ; le
commerce des hommes célèbres dans tous.
les genres ; les Bibliothèques publiques ; les
Cabinets particuliers , les Écoles , les Académies
, les atteliers ; tout lui préfente à la fois
des lumières & des fecours ; tout contribue
à nourrir l'émulation . Paris enfin a toujours
été tout enſemble & le foyer & le flambeau
des talens & des arts. Mais combien la
fageffe de l'Adminiftration a - t'elle multiplié .
DE FRANCE. 81
•
I
ces avantages depuis quelques années ! combien
d'établiffemens utiles , non -feulement
par les lumières qu'ils répandent fur les ta
lens , mais par des fecours gratuits , propres
à écarter les obftacles que la fortune oppofe
trop fouvent au génie !
Parmi ces établiffemens fi utiles , on doit
compter l'Ecole gratuite de Deffin , qui a le
Roi pour fon Protecteur , & pour Prefident ,
ce fage Magiftrat de Police , moins recommandable
par fa dignité que par une vigilance
auffi infatigable qu'incorruptible ; qui
a lui - même fondé plufieurs établiffemens
utiles aux Arts & à l'Induſtrie ; & qui femble
avoir befoin d'être le zélé protecteur de
ceux qui ont précédéfon Adminiſtration , pour
fe confoler de n'en être pas le fondateur.
On doit l'établiffement de l'École de
Deffin à M. Bachelier , qui n'a pas ceffé d'y
exercer avec diftinction la place de Directeur.
Le Calendrier qu'on vient de publier
a pour objet d'en faire connoître tous les
détails , & de donner des réglemens aux
élèves , c'eft à dire , d'en expliquer l'Adminftration
& l'Inftruction .
Cette École fut ouverte en 1966 , par une
fimple permiffion du Gouvernement ; & au
mois d'Octobre de l'année fuivante , des
Lettres Patentes en ordonnèrent l'établiffement.
Son premier local a été le Collége
d'Autun ; mais en 1776 , le Roi lui a fait donation
de l'ancien amphithéâtre de S. Côme ,
où elle eft établie irrévocablement.
D▾
82 MERCURE
Le but de fon inftitution eft d'enfeigner
gratuitement, aux ouvriers ou aux enfans fans
fortune , les élémens de la Géométrie - pra
tique , de l'Architecture & des diverfes parties
du Delfin , relativement aux Arts mécaniques
, pour leur faciliter le moyen d'exé
cuter , fans le fecours d'autrui , les différens
ouvrages qu'ils pourront imaginer.
Ce Calendrier n'eft point fufceptible
d'extrait. Il faut fe contenter de dire que le
but de cet Ouvrage eft de faire connoître ,
. les avantages de l'établiffement de l'École
gratuite élémentaire de Deflin en faveur des
Arts mécaniques ; 29. les détails de l'adininiftration
relativement à l'inftruction des
élèves , à la manutention des claffes & à la
difcipline qui s'y obferve. 3 ° . L'état des gravures
destinées à l'inftruction des élèves.
On y trouve aufli un Calendrier à l'ufage
de l'École ; les noms des Corps , Communautés
& Fondateurs qui ont contribué à fa
dotation ; les noms & demeures des élèvés
qui ont remporté des maîtrifes ; les noms de
ceux qui ont reçu les grands Prix pour être
admis aux concours des maîtriſes ; & enfin
les noms de ceux qui ont fréquenté l'École
pendant l'année 1782 .
La lecture de tous les détails contenus dans
ce Calendrier, fuffit pour prouver la fageffe
du plan adopté pour cette École , & pour en
démontrer l'utilité.
DE FRANCE.
83
SPECTACLES.
'ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
LE Vendredi 28 Février , on a donné la
première repréſentation de Renaud , Tragédie
Lyrique en trois Actes , paroles de
M. le Boeuf , mufique de M. Sacchini .
La Reine a honoré de fa préſence certe repréfentation
, qui a été très- brillante & trèsnombreuſe.
L'Abbé Pellegrin donna , en 1722 , un
Opéra en cinq Acte avec le même titre , mis
en mufique par Defmarets . C'étoit une fuite
de l'Armide de Quinault : les fuites ne réuffiffent
guère au Théâtre. Le Renaud n'eut
aucun fuccès , & n'en méritoit guère. Le
fond du fujet eft fufceptible d'intérêt ; mais
le plan de Pellegrin étoit mal conçu ; les
principaux caractères fans nobleſſe , l'action
lente , le dialogue lâche , le ftyle foible &
négligé ; mais au travers de tous ces défauts
on trouve des vers heureux , des morceaux
bien écrits , & deux Scènes intéreffantes &
bien conduites .
Quoique M. le Boeuf ait fuivi en général
le plan de Pellegrin , il y a fait des changemens
confidérables , & plufieurs de trèsavantageux.
Sa marche eft plus rapide ,
D vj
$4
MERCURE
& la coupe des Scènes eft mieux appropriée
aux procédes de la mulique moderne.
Nous allons donner une idee du ſujet &
de la conduite de la Pièce.
Renaud , après s'être arraché des bras
d'Armide , a rejoint Godefroy , & a repris
Solyme. Les Rois alliés , que leur amour
pour Armide avoient réunis contre les
Croifes , ne la voyant plus reparoître , fe
laffent d'une guerre qu'ils n'avoient entreprife
que pour elle ; c'eft ici que commence
l'action . Ils témoignent le defir qu'ils ont de
la paix ; Renaud vient la leur offrir de la part
de Godefroy ; ils l'acceptent avec joie. En ce
moment arrive Armide, qui leur fait honte de
leur défection.Étonnée & indignée de trouver
Renaud au milieu d'eux , elle promet fa main à
celui qui lui apportera la tête du perfide . Cette
promeffe ranime le courage des Rois amans.
Renaud fe retire en annonçant la guerre, & les
Rois jurent la mort. Armide leur préſente
de nouveaux defenfeurs qu'elle amène avec
elle ; ce font des Amazones & des Circaffiens,
qui terminent le premier Acte par un Ballet.
Le fecond Acte fe paffe dans la tente d'Armide.
On vient lui apprendre que les Rois ,
au mépris des droits de la guerre , ont attaqué
Renaud avant qu'il fût forti du camp ,
& qu'ils font près de l'accabler fous le
nombre. Armide prend fes armes , vole au
fecours de Renaud , & le ramène dans fa
tente. Renaud eft étonné de reconnoître Armide
dans le Guerrier inconnu à qui il doit
DE FRANCE. 85
la vie. Elle lui reproche fa perfidie ; il s'en
défend vaguement. Dans ce moment on vient
annoncer que les Soldats , indignés de ce
qu'on leur a enlevé Renaud , veulent le maf
facrer dans la tente même d'Armide . Elle
lui dit de fuir , il fuit ; mais , toujours alarmée
fur le danger qu'il court , elle est prête
à appeler les Demons au fecours de ce cher
ingrat , lorfqu'elle apprend que Renaud , à
la tête de fes Guerriers , répand par- tout l'effroi
, alors elle invoque les Demons contre
Renaud. Hidraot , fon père , joint ſa voix à
la fienne ; mais cette invocation eft vaine ;
les Démons , retenus par d'invifibles fers ,
leur déclarent qu'ils ne peuvent fervir fa
vengeance. Hidraot fe dérobe aux inftances
de fa fille , & va combattre Renaud.
Au troifième Acte , le Théâtre repréſente
une forêt , au fond de laquelle on voit combattre
des pelottons de Croilés & de Sarrazins.
Sur le devant , Armide en défordre ,
vû les Chrétiens victorieux , & fes Troupes
fuyent partout ; on lui amène mourant
Adrafte , le principal des Rois fes amans ;
elle craint le même fort pour fon père. Privée
de reffources & d'efpérance , elle ramaſſe un
fer pour s'en percer. Renaud arrive à temps
pour retenir fon bras ; elle lui reproche tous
les maux qu'il lui a faits ; Renaud lui dit enfin
qu'il n'a jamais ceffé de l'adorer , que fa
gloire eft fatisfaite , & qu'il va reprendre
fes premières chaînes.Un Divertiffement des
86 MERCURE
Génies d'Armide & des Guerriers de Renaud
terminent l'Opéra par un Ballet général.
Nous ne nous arrêterons pas fur les vices
de ce Drame ; les principaux appartiennent
à Pellegrin ; on regrette que M. le Boeuf n'ait
pas choifi un meilleur modèle. Le changement
le plus important qu'il y ait fait , eft
dans l'expofition , qui eft rapide & théâtrale ,
tandis qu'elle eft découfue & délayée dans les
trois premiers Actes de Pellegrin.
Dans le Poëme original , Renaud laiffe
voir , dès le premier Acte , tout l'amour qu'il
conferve pour Armide ; mais il le furmonte
pour obéir à la gloire . Il eft vrai que cet
amour eft foiblement développé , plus languiffant
que tendre , plus galant que paffionné
; mais le contrafte de fes fentimens
rend fon caractère plus intéreffant & fon.
rôle un peu plus dramatique que dans le
nouveau Poëme, où il ne répond jamais que
vaguement à Armide , & ne lui déclare qu'au
dénouement ce qu'il auroit dû au moins laiffer
entrevoir beaucoup plus tôt.
Le Ballet d'Amazones & de Circaffiens
que M. Leboeuf a imaginé pour amener de
la Danfe dans cet Acte , qui n'en avoit pas
befoin , a jeté du froid fur l'action , & a
déplu fur-tout par fa longueur.
L'invocation des démons ne produifant
aucun effet pour l'action , termineroit mal
le fecond Acte fi elle n'étoit pas foutenue
par les beautés de la Mufique. Pellegrin n'aDE
FRANCE. 87
voit imaginé cette reffource de magie que
pour amener un Ballet de Démons.
Ces Ballets faifoient toujours plaifir du
temps de Pellegrin . M. le Boeuf a bien fait
de fupprimer celui- ci.
Le tableau du combat par lequel ouvre
le troifième Acte eft d'un bel effet , qui prépare
heureuſement la cataſtrophe ; mais on eft
un peu bleffé de voir que la guerrière Armide
refte oifive fur le devant de la Scène à
déplorer fes malheurs, fans paroître prendre
aucune part à ce combat d'où dépend ſon
fort , celui de fon père & de fon Amant. Le
dénouement a paru froid & languiffant.
Nous croyons que l'Auteur pourroit en retrancher
plufieurs détails inutiles , & qu'en
faifant déclarer beaucoup plus tôt à Renaud
qu'il n'a jamais ceffé d'aimer Armide ,
en développant & en graduant tous les fentimens
qu'ils doivent éprouver à cet inftant
où ils fe réuniffent pour ne plus fe féparer ,
il pourroit en réfulter une Scène plus touchante
, plus animée & même plus muficale
que celles qui terminent l'action .
Nous nous arrêterons peu fur le ſtyle
de cet Ouvrage ; il manque trop fouvent
d'élégance , de propriété & d'harmonie ; on
y remarque auffi une inégalité inévitable ;
l'Auteur à confervé un affez grand nombre
des vers de Pellegrin , & l'on ne peut s'empêcher
de regretter qu'il n'en ait pas confervé
davantage.
Quant à la Mufique , nous n'avons pas
88 MERCURE
befoin de dire qu'elle eft pleine de beautés
du premier ordre. La grande réputation de
M. Sacchini eft etablie dès long - temps dans
toute l'Europe. Comme nous écrivons cet
article après une feule repréfentation , nous
ne nous permettrons pas d'en parler en
détail , & nous attendrons que d'autres
repréſentations nous aient mis à portée
de recueillir l'opinion des gens de goût ,
& d'y joindre les obfervations que Hous
dicteront à nous - mêmes notre zèle pour
les progrès de l'Art , & l'intérêt que tout
homme jufte & fenfible doit prendre
aux fuccès d'un aufli grand Maître que M.
Sacchini ; mais nous nous empreffons de
dire que l'Ouvrage a été généralement applaudi
dans tous les Actes , fouvent même
avec transport.
Nous renverrons auffi au Mercure prochain
nos obſervations fur les différentes
parties de l'exécution de cet Ouvrage.
COMEDIE FRANÇOISE.
LE Vendredi 21 Février , on a remis la
Mort de Céfar, Tragédie de Voltaire , en
trois Actes & en vers.
Il eft vraisemblable que Voltaire connoiffoit
le Jules Céfar de Shakespeare , lorſqu'il
compofa la ragédie dont nous allons parler
. Les deux Ouvrages ont entre- eux quelques
points de reflemblance affez frappans
DE FRANCE. 89
pour le faire préfumer. Il n'eft pas douteux
que les admirateurs enthoufiaftes du Tragique
Anglois ne lui donnent la préférence
fur le Poëte François , & n'acculent même
ce dernier d'avoir négligé les beautés mâles
de Shakespeare , de n'avoir pas fenti le mérite
de cette nature vierge qui infpiroit le
Sophocle de la Grande - Bretagne. Laiffons
aux illuminés le bonheur dont ils jouiffent
en admirant & les inégalités monftrueufes
de Shakespeare , & fes détails populaires ,
&fa nature vierge . Contentons nous de dire
que fi la Tragedie exige de la grandeur , de
la nobleffe , de la raifon ; Voltaire a ſu atteindre
fon véritable but bien plus sûrement
que l'Auteur de Jules Cefar. Ajoutons que
cette accumulation inconcevable d'événemens
dont toutes les Tragédies de Shakefpéare
font furchargées ; ces paffages ſubite ,
d'une ville , & fouvent d'un royaume à un
autre ; enfin l'étendue qu'il donne toujours à
la durée de la repréſentation , choquent la
vraisemblance , fatiguent l'attention , nuifent
à l'intérêt & à l'illufion . Shakeſpeare eft certainement
un homme d'un très grand génie. Sa
manière dramatique peut plaire à des Anglois;
mais elle ne fauroit convenir à des Spectateurs
François : ceux- ci liront avec un vrai plaifir, ils
rendront même la juftice la plus authentique
à quelques Scènes fublimes de cet homme
extraordinaire ; mais ils rejetteront tous les
Drames , parce qu'ils n'y verront ni plan ,
ni fageffe , ni ordonnance. Telles font les
و د
MERCURE
réflexions que nous a infpirées un examen ré
fléchi du Jules Céfar de Shakeſpeare : nous
les abandonnons à la critique de les admirateurs
, & nous les foumettons aux lumières
des Gens de Lettres fans prévention.
Pour ne pas trop étendre cet article , nous
ne rapprocherons ici que deux fituations des
deux Ouvrages. Citons d'abord Shakespeare .
Dans la première de ces deux fituations ,
un des Serviteurs de Brutus remet à ce Conjuré
un billet qu'il a , dit- il , trouvé en cherchant
une pierre à feu fur la fenêtre . Le Romain
refte feul, l'ouvre & lit : Brutus , tu
» dors : réveille- toi, vois qui tu és . Rome fera-
و ر
t'elle.... Parle,frappe ; faisjuftice . Brutus ,
» tu dors , réveille - toi . J'ai trouvé fouvent
» de pareilles exhortations femées fur mon
» paffage : Rome fera t'elle.... Voici ce que
» je dois fuppléer : Romefera- t'elle immobile
de crainte & de refpect fous le regard
d'un homme ? Quoi ! Rome ! ...... Mes an-
», cêtres chafsèrent des rues de Rome le Tar
quin qui portoit le nom de Roi. Parle
frappe , fais juftice. Eft ce moi qu'on ex-
» horte à parler & à frapper ? O Rome ! je
30.
و
t'en fais la promeffe ; s'il eft poffible de
" fairejuftice , tu obtiens ta pleine demande
» de la main de Brutus. » Que l'on compare
cette Scène avec le beau monologue de
Brutus dans l'Ouvrage de Voltaire. Citonsen
quelques vers.
* Traduction de M. le Tourneur .
DE FRANCE. 91
sx
Que vois-je , grand Pompée , aux pieds de ta ftatue !
Quel billet , fous mon noin , ſe préſente à ma vûe !
Lifons: Tu dors , Brutus ! & Rome eft dans les fers.
Rome! mes yeux fur toi feront toujours ouverts ;
Ne me reproche point des chaînes que j'abhorre.
Mais , quel autre billet à mes yeux s'offre encore !
Non , tu n'es pas Brutus. Ah ! reproche cruel !
Céfar ! tremble , Tyran , voilà ton coup mortel.
Non , tu n'es pas Brutus ! je le fuis , je veux l'être.
Je périrai , Romains , ou vous ferez fans maître .
Je vois que Rome encore a des coeurs vertueux ;
On demande un vengeur , on a fur moi les yeux ;
On excite cette âme & cette main trop lente ,
On demande du fang ; Rome fera contente.
Nous croirions faire injure à nos Lecteurs
fi nous faifions ici la moindre réflexion capable
de déterminer auquel des deux Auteurs
on doit la préférence.
La feconde fituation eft celle où Antoine
harangue le Peuple Romain devant le corps
de Célar. Voici comme ce Triumvir s'explique
dans Shakefpéare. « Ici , de l'aveu de
» Brutus & des autres *; car Brutus eft un
» homme d'honneur , & tous les autresfont
auffi des hommes d'honneur , je viens pour
parler aux funérailles de Céfar. Il étoit
» mon ami , il fut fidèle & jufte envers moi ;
» mais Brutus dit qu'il étoit ambitieux ; & ,
» certes , Brutus eft un homme d'honneur....
و د
99
* Traduction de M. le Tourneur.
•
2 MERCURE
12
20
Loffque les pauvres gémilfoient , Cefar
pleuroit. L'ambition feroit formée d'une
» trempe plus dûre . Cependant Brutus , & c .»
Et toujours ce membre de phraſe : Brutus
eft un homme d'honneur , forme le refrein
des réflexions d'Antoine , depuis l'inftant
qu'il commence jufqu'à celui où il ceffe de
parler. Que ce retour perpétuel d'une phrafe
hypocrite & artificieuſe foit une beauté dans
l'éloquence Angloiſe , à la bonne heure ;
mais il eft vraisemblable que peu d'Orateurs
regretteront de n'en pas faire ufage , furtout
s'ils ont auprès d'eux d'autres modèles
. Voltaire ici peur en fervir. Nous allons
encore citer quelques vers du diſcours
qu'il prête à Antoine . Il aimoit trop Céfar),
dit un des Plébeïens .
ANTOIN I.
Oui , je l'aimois , Romains ,
Oui , j'aurois de mes jours prolongé fes deftins , &c.
Ilofe enfuite faire l'éloge des vertus de l'hom
me qu'il a aimé. Saififfant avec adreffe tous les
moyens qui peuvent contribuer à lui gagner
les efprits , il ménage en apparence les meurtriers
de Céfar , mais ce n'eft point en répétant
juſqu'à la fatiété un aveu trop ironique
pour que l'intention n'en foit point apperçue
; il s'explique avec toute l'habileté d'un
fin politique & d'un homme vraiment éloquent.
Contre les affaffins je n'ai rien à vous dire ;
C'eft à fervir l'État que 1 eur grand coeur afpire.
De votre Dictateur ils ont percé le flanc ;
DE FRANCE. 930
Comblés de fes bienfaits ils font teints de fon fang.
Pour forcer des Romains à ce coup déteſtable ,
Il falloit bien pourtant que Céfar fût coupable :
Je le crois ; mais enfin Céfar a t-il jamais
De fon pouvoir fur vous appefanti le faix , &c.
C'est ainsi que par degrés , & toujours
avec des reffources dignes de l'eloquence
tragique , il émeut les efprits , attendrit les
coeurs , & dans les Partifans même des Bru- .
tus & des Callius , trouve des vengeurs à
Gefar , & les ennemis les plus irréconciliables
des conjurés. Nous laiffons encore à
nos Lecteurs le foin de prononcer fur celui
des deux Auteurs qui , dans la même fituation
, a fu le mieux employer les mêmes
moyens , & celui de dire lequel de Voltaire
ou de Shakespeare doit être regardé comme un
modèle par ceux qui croient que les Arts
ont des principes & des limites , que le goût
n'eft point un mot vuide de fens , & que le
beau ideal n'eft point une chinère. Si quelqu'un
nous demandoit pourquoi cette fortie
contre Shakeſpeare , nous répondrions
que nous admirons fincèrement cet homme
de génie , mais que nous croyons devoir
nous élever contre l'enthouſiaſme qu'on a
fu faire naître depuis quelque temps , & que,
l'on cherche tous les jours à propager , en
faveur d'un Écrivain qui , malgré ce qu'on
lui deit de confidération , ne fauroir entrer
en comparaifon avec les grands Poëtes tragiques
de la Scène françoife.
94
MERCURE
La mort de Céfar a produit beaucoup
d'effet à cette repriſe. Indépendamment du
mérite de l'Ouvrage , il faut avouer que cet
effet eft dû en grande partie au talent que
M. de la Rive a déployé dans le rôle de Brutus.
Fier , profond , énergique & fenfible , il
a paru fupérieur à lui-même , & nous ne
pouvons que nous féliciter d'avoir encou
ragé ce Comédien , qui devient de jour en
jour plus intéreffant , & qui juftifie nos
éloges en obtenant de nouveaux fuccès.
Au Mercure prochain, la fuite des Articles
de la Comédie Françoife & ceux de la Comédie
Italienne.
ANNONCES ET NOTICES.
ARCHITECTURE Hydraulique - Canal des deux
Mers , par M. de la Roche , ancien Ingénieur des
Ponts & Chauffées , in - 4° . Prix , 12 liv. relié . On
féra une remife de 3 liv . aux Artiftes , aux Savans
& aux Gens de Lettres , pourvu qu'ils veuillent
bien écrire leur nom en prenant l'Ouvrage , s'ils ne
s'adreffent pas directement à l'Auteur. A Paris ,
chez Demonville , Imprimeur - Libraire de l'Académie
Françoiſe , rue Chriftine , Fauxbourg S. Germain;
à Verfailles , chez Blaizot , Libraire , rue
Satory , & chez l'Auteur ( en feuilles ) enclos des
Cordelières , rue de l'Ourfine , Fauxbourg Saint-
Marcel.
La manière dont cet Ouvrage a été levé & deffiné
mérite de grands éloges ; & par le projet de le
la re- mettre au jour l'Auteur a acquis des droits
connoiffance du Public. On n'avoit encore rien
DE
FRANCE.
d'exact à ce fujet , & ce que le Canal a de plus intéreffant
n'avoit pas encore paru. Les Planches , trèsbien
exécutées dans le genre du Deffin , ne permettent
pas de tirer un grand nombre d'Exemplaires.
ÉTAT de la Nobleffe , année 1783 ,
contenant ,
1º . l'état actuel de la Maiſon Royale de France &
des Maiſons Souveraines de l'Europe dans un nouvel
ordre qui exclut tout double emploi ; 2. leurs
Généalogies
lorfqu'elles n'auront pas été données
dans les Volumes précédens ; 3 les
Généalogies des
Maiſons illuftres & Familles nobles du Royaume qui
feront dans le même cas , leurs Armes en grande
partie gravées & toutes énoncées , les faits qui
tiennent à leur hiftoire , un précis des droits attachés
à leurs terres lorfqu'ils pourront intéreffer par
quelque
circonstance
remarquable ; 4°. un Répertoire
des changemens furvenus pendant l'année
dans chacune d'elles , les corrections à faire , les
honneurs, charges , dignités conférés à la Nobleffe
de tous les États , &c.; enfin , une nouvelle
Table en trois parties , plus commode pour le Lecteur,
pour fervir de Supplément à tous les Ouvrages
Hiftoriques ,
Chronologiques , Héraldiques
& Généalogiques , & de fuite à la Collection des
Étrennes à la Nobleffe , & c. A Paris , chez Leboucher
, Libraire , quai de Gêvres ; Onfroy & Lamy ,
quai des Auguftins.
Le titre de cet Ouvrage , que nous avons tranſ
crit en entier , en fait connoître le plan , & en
prouve l'intérêt pour la claffe à laquelle il eft deftiné.
L'Éditeur , loin d'en exagérer le mérite dans
fa Préface , fe plaint de n'avoir pas reçu encore les
fecours néceffaites pour le
perfectionner. Cette modeftie
n'ôte rien au mérite de fon travail , & elle
doit engager les Perfonnes intéreffées à lui fournir
les matériaux dont il a befoin . Ceux qui voudront
96
MERCURE.
faire inférer des Armes , font priés d'en affranchir
l'envoi , & de faire paffer les frais de gravure , dont
les différens prix font indiqués dans l'Ouvrage
même.
LE DUC DE CRILLON , profil deffiné d'après
nature , par M. Homboure , Secrétaire d'Ambaffade
à Madrid , gravé dans la grandeur des profils de M.
Cochin , par Legrand , rue S. Jacques , n ° . 41. A
Paris , chez l'Auteur . Prix , 1 liv . 16 fols.
Ce Portrait , qui nous a paru reffemblant , & qui
eſt bien gravé , eſt dans la manière rouge Angloife.
→
La
Fautes à corriger au dernier Mercure. Article
Abrégé des Traités , 6 liv. broché ; lifez , s liv.-
Page 6. Par M. M. de ; lifez , par Madame.
Le Logogryphe eft de M. Bremont de V.
demeure du fieur Jacquet eft rue des Saints Pères ,
la troisième porte -cochère par la rue de Grenelle.
24 liv.
Le prix de la boëte eſt de
-
Voyez, pour les Annonces des Livres , de la Mufique & des Eftampes , le Journal de la Librai
rie fur la Couverture .
TABLE
.
A Mlle de Saint-Léger , 49 | Calendrier pour l'année 1783.
Réponse,
Enigme & Logogryphe ,
So
521
à l'ufage des Elèves quifréquentent
l'Ecole gratuite de
Deffin,
So
83
88
Nouveau Voyage dans l'Amé
rique Septentrionale , ss Acad. Royale de Mufiq.
Vuesfur l'Education de lapre- Comédie Françoife ,
mière Enfance,
73 Annonces & Notices,
APPROBATION
.
94
JAI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le Mercure de France , pour le Samedi 8 Mars. Je n'y ai rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion. A Paris ,
le 7 Mars 1783. GUIDI.
4
Jer . 135 .
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 15 MARS 1783.
PIÈCES FUGITIVES.
EN VERS ET EN PROSE.
2912
LE COLIN MAILLARD.
T
J'AIME ce jeu bruyant , d'adreſſe & de hafard
Qui du fort des humains eft l'image fidelle ,
Où la beauté timide & fuyant avec art ,
Tombe enfin dans les bras qu'on étènd autour d'elle ,
Et par un foible cri , par un charmant ſoupir ,
Trahit fa crainte & fon plaifir.
Combien , en la fuivant , s'irrite le defir!
Quand on la faifit , quelle joie !
Toutes les rufes qu'elle emploie ,
Ses pieds légers fur le parquet gliffans ,
fi beaux & fi perçans ,
Ses
yeux
Pour la fauver font impuiffans ;
D'un fimple aveugle elle eft la proie.
Un aveugle fouvent exerce un grand pouvoir ;
N°. 11 , 5 Mars 1783.*
Say itche
Stectsuihkukok
E
98 MERCURE
Son état malheureux touche le cecur des Dames ;
Et fans doute pour émouvoir
Leurs naïves & tendres âmes ,
Mieux vaut bien ſentir que bien voir.
On dira , je le fais , que la raiſon févère ,
•
Dont les yeux font toujours ouverts ,
De fa vive & pure lumière
Doit éclairer tout l'Univers.
*
L'Univers pourtant ne l'eft guère;
Et malgré les nobles regards
De la Déeffe auffi fage qu'altière,
Qui préfide aux vertus , à la gloire , aux beaux - arts ,
La Fortune & l'Amour font deux Colin-Maillards
Que le ciel a chargés de gouverner la terre. 3 1
( Par M. Dupont , Auteur de l'Effai de Traduction
en vers du Roland Furieux de l' Ariofte, * ´)
LES VOYAGEURS , Fable très -vraie, {
CINQ ou fix Voyageurs dans une Hôtellerie
Soupoient enfemble : on penſe bien
Que chacun d'eux parla de fa patrie ,
F que pour la vanter il ne négligea rien.
On débita maintes merveilles ,
Qui quelquefois aux Auditeurs
Firent fecouer les oreilles
* Cet Effai fe trouve chez Al. Jombert jeune , Libraine
He Dauphine .
DIBLIOTHECA
REGIA
MONAGENSIS .
DE FRANCE 99
Sans déranger les raconteurs.
Un François , dans un coin , écoutoit en filence ;
Ce qui fut remarqué , fur-tout par un Anglois.
Ces Meffieurs- là croyent que les François
Ont tous abondamment & parole & jactance.
Enfin on l'interpelle . Eh ! pourquoi , lui dit-on ,
Ne parlez-vous pas de la France ?
Ce
Sans prétendre donner le ton ,
On peut bien , comme nous , dire avec confiance
que dans fon pays on remarque de bon.
Il répond..... Vous favez , comme l'Europe entière ,
Ce qui dans ma patrie eft le plus admiré.
Vingt milliers d'enfans n'ont tous qu'un même père ;
Tel que féparément chacun l'eût defiré.
Étant à peine à la fleur de ſon âge ,
Un defcendant de l'immortel Henri
Eft auffi bon , & certes bien plus ſage ,'
Il eft du peuple auffi chéri.
Après une terrible guerre
Un Monarque de vingt- huit ans
Rétablit la paix fur la terre ,
Lorsqu'il peut efpérer des ſuccès éclatans:
Un vafte Empire , & déjà formidable ,
Lui doit fon exiftence & fa félicité......
Oh ! tout ceci n'eft qu'une fable ,
S'écrie un Allemand incrédule , irrité.
Hélas ! lui dit l'Anglois , cela n'eft pas croyable ,
Mais c'est pourtant la vérité.
( Par M. le C. D. , à Chaillot. ) 4
E ij
100 MERCURE
LE SOUVERAIN BIEN.
AIR: Charmantes Fleurs , &ç. *
ZIPHIRS
ÉPHIRS légers , qui , fur le fein de Flore ,
Volez fans ceffe & changez de lien ,
Il eſt un Bien plus doux cent fois encore ;
Et voir Jeannette eft le fouverain Bien. bis.
CEPHALE aimé de la brillante Aurore ,
Au fort des Dieux crut égaler le fien :
-! Il eft un Bien plus doux , Jeannette , encore ;
Et vous entendre eft le fouverain Bien . ´bis.
BELLE Jeannette , un coeur qui vous adore
Au fort des Dieux peut préférer le ſien ,
Il eft ua Bien cent fois plus doux encore :
Plaire à Jeannette eft le fouverain Bien. bis.
QUE manque- t'il à ce coeur qui l'adore ?
Je vois Jeannette , & même je la tien ,
Dieux ! il eft donc un bien plus doux encore?
Mais taifons -nous fur ce fouverain Bien , bis.
LA voir , l'ouïr , la tenir même encore ,
Triple bonheur , oui , vous fûtes le mien.
* Ces Couplets vont auffi fur l'Air : Daigne écouter , &c.
On trouve , pour l'un & l'autre Air , chez les divers Marchands
de Mufique, un nouvel accompagnement de Guittare,
par le Signor Alberti,
DE FRANCE. 101
Mais Jeanne eft fage ; & l'Amant qui l'adore
Peut tout attendre , hors le fouverain Bien. bis.
( Par M. Poinfinet de Sivry. )
Explication de l'Enigme & du Logogryphe
du Mercure précédent.
LE mot de l'Enigme est la Lettre Anonyme ;
celui du Legogryphe eft Préliminaires , où
fe trouvent pré , Emir , Maire ' , Pair ,
pair ( nombre ) , air , Mai , ré, la, mi ,
Lima , Aire (ville de Gafcogne ) , Aire ( ville
d'Artois ) , rime , lai , paire , ire , lys , lime ,
pie , prime , lie , ris , ras , Lare , mare ,
pire , mine, lire & lyre , que certaines perfonnes
écrivent lire.
CHARADE à Mlle P..... DE LA CH.......
Sox premier t'offre un inftrument
Rempli d'éclat & d'harmonie ,
Que tu vas ordinairement
Applaudir à la Comédie.
L'emploi que j'ai fait de mon coeur
Quand je te vis , belle Glycère ,
De fon fecond eft le mystère ,
Et ce fecond fait mon bonheur.
Lorfque tu tire ta fonnette ,
Son tout badine dans tes doigts ;
Eij
102 MERCURE
Mais à la fin je m'apperçois
Que ma Mufe eft trop indifcrette.
( Par M. P. G. D. R... )
AUTR E.
Mon premier avec bruit roule fur mon fecond :
Al'aide de mon tout un champ devient fécond.
(Par M. Lyon , Etudiant en Réthorique
au Collège de Lifieux. )
ENIGM E.
DANs mes folides bras je reçois en filence
Des êtres pareffeux la paifible indolence.
Souvent dans mon courroux , un regard menaçant
De mes bras arrondis écarte un infolent.
Autrefois inconnue , à préfent à la mode ;
Autrefois très-célèbre , aujourd'hui fans crédit ;
Jadis à me chanter on mettoit fon efprit ;
Dans ce fiècle on fe borne à me trouver commode.
( Par M. de B..., Officier d'Artillerie. )
LOGOGRYPHE.
J'EXERCE mon pouvoir fur tout ce qui refpire;
Par un charme fecret je maîtrife les coeurs ;
Ma préfence bannit les haines , les fureurs ,
DE FRANCE,
101
La paix & l'union fignalent mon empire.
Seule , je rends un couple heureux ,
Et l'hymen n'eft fans moi qu'une chaîne pefante ;
Mais quand j'en ai formé les noeuds ,
Des plaifirs , du bonheur , c'eft la fource conftante.
Dans mes neufpieds , Lecteur , en les arrangeant bien ,
Tu trouveras un Pontife Chrétien ;
Ce qui pour tous paffe trop vîte ;
Un tréfor très-rare en tout tenips ;
De maint levreau le dernier gîte ;
Ce qu'on foule aux pieds chez les Grands ;
Celle qui dans fes mains tient toujours la balance ;
Ce qui dans toi connoît & penfe ;
Deux tons de la mufique ; une exclamation ;
Ce qu'au loin fur les mers on voit d'abord paroître ;
Un mois ; une négation.
Mais c'eft affez , crains de mne trop connoître.
( Par M. l'Abbé Lancelin , de Caën. ) ..
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
• COUTUMES Générales & Locales du
Bourbonnois , avec des notes , par M.
Ducher , Avocat au Parlement . A Paris ,
chez les Libraires au Palais.
ON fe plaint beaucoup , & fans doute
avec raifon , du grand nombre de Cou
E iv
104 MERCURE
tumes qui partagent le Royaume ; de leur
barbarie , qui foumet un peuple éclairé à
des Loix faites dans des temps d'ignorance ;
de leur obfcurité , qui enveloppe dans des
mots qu'on n'entend plus , des décifrons qui
devroient être le guide & la lumière du Citoyen
dans les circonftances les plus impor
tantes de la vie . Mais cependant ces Coutumes
exiftent , elles établiffent nos droits
& nos devoirs , difpofent de nos biens , elles
foumettent le Citoyen à leur puillance ,
& le Juge à leur autorité. On peut les
comparer à des Monarques dont il faut
refpecter le règne , & qui auront le dreit
de commander tant qu'ils feront fur le
trône. Si elles font obfcures , il faut donc
tâcher de les éclaircir ; puifqu'elles forment
la plupart de nos droits & de nos devoirs ,
il faut donc les connoître'; & leurs defauts
mêmes ne font qu'augmenter la néceffité d'en
faire une étude profonde. On ne le croiroit
pas. L'étude de ces Coutumes barbares , écrites
dans une langue plus barbare encore que
leurs difpofitions , a quelquefois plus d'intérêt
encore que d'utilité. Le Philofophe pourroit
les lire par curiofité , quand le Jurifconfulte
ne feroit pas obligé de les connoître
par devoir. Elles préfentent une partie trèsimportante
de l'hiftoire de l'efprit humain ;
ces Loix , qui font barbares pour des fiècles
éclairés , étoient fouvent pleines de fagelfe
pour des fiècles barbares. On aime à recher
cher comment , dans cette nuit profonde ,
DE FRANCE. TOF
l'homme a ſuivi à tâtons fes beſoins loifqu'il
ne pouvoit encore être guidé par fes lumières
; & l'on voit quelquefois avec ſurpriſe
que la logique de l'inftinct a eu autant de
fagacité que la prévoyance du génie. Les
Coutumes des Sauvages & des Barbares font.
très-fouvent à la Légiflation des peuples civilifés
, ce que la ruche des abeilles & les édifices
des caftors font aux monumens de l'architecture
. Montefquieu admiroit le code
des Lombards comme Vitruve & Perrault
l'architecture des caftors ; mais l'orgueil de
nos progrès dédaigne ces chef- d'oeuvres de
l'instinct , & un homme de goût à Paris
croira toujours difficilement au génie d'un
barbare. Quel est aujourd'hui l'Homme de
Lettres dont la délicateffe pourroit foutenir la
lecture de deux pages d'une Coutume ? Le
vrai talent s'énerve & fe perd dans l'exceffive
délicateffe du goût , comme l'énergie de
l'âme & la vigueur du corps dans la molleffe
du luxe. On peut oppofer cependant
aux Sybarites de notre Littérature , des exemples
qu'ils pourroient imiter , fans craindre
de déroger à cette delicateffe dont ils s'énorgueilliffent.
On peut leur citer Montefquieu,
qui peignoit les Grâces dans le Temple
de Gnide , & analyfoit les Loix des Wifigoths
, les Codes Salique & Ripuaire : il eft
difficile de ne pas croire que cela lui coûtoit
bien un peu je fais comme Saturne, difoit- il
lui - même , je dévore des pierres ; mais les
pierres les plus brutes fe transformoient
Ev
106 MERCURE
fous fes mains en diamans & en porphyre. Il
y gravoit des traits de fon génie , & ces
pierres barbares devenoient des autels pour
le goût. Le Préfident Hénault , qui n'etoit
pas le Président Montefquieu , mais qui ,
s'il n'avoit tout avoit au moins l'art de
plaire , lui que
›
Les femmes ont pris fi ſouvent
Pour un ignorant agréable ,
Et le Dieu joufflu de la table
Pour un connoiffeur fi gourmand ;
de nos
ce Préfident , homme fur- tout de plaifir &
de goût , n'a laiffé un nom dans la Littérature
que par un Ouvrage dont le grand mérite
confifte à avoir beaucoup éclairci l'origine ,
la fuite & la nature de nos coutumes ,
inftitutions féodales ; alors les gens en us le
prenoient pour un Savant. M. l'Abbé de
Mably , après avoir long temps jovi du beau
fpectacle de la liberté Grecque & Romaine ,
n'a t'il pas cherché aufli les fondemens de
notre liberté dans la pouffière de nos Chartes
? Voltaire enfin , qui , fuivant l'expreffion
de M. le Chevalier de ...... , que je fuis
bien-aife de citer à propos de la Coutume
du Bourbonnois , avoit le don des in folio
& des langues , Voltaire n'a- t'il pas écrit
la Philofophie de l'Hiftoire , le pauvre Diable
& Candide? La Philofophie de l'Hiftoire n'eft
pourtant qu'une fuite de recherches fur
l'origine des premiers peuples , & fur la naDE
FRANCE. 107
ture & l'efprit de leurs Coutumes .On me dira
que l'exemple de Voltaire ne prouve que fon
génie ; mais on fe trompe, cela prouve encore
que l'étude des Coutumes n'eft incompa
tible ni avec le génie ni avec le goût. Je reviens
à la Coutume du Bourbonnois , ou
plutôt j'y viens ; car je n'en ai point encore
parlé.
"
"
99
es
Coquille difoit : Que l'intelligence & la
" pratique d'une Coutume doit être traitee
fimplement fans grand apparât , fans y appliquer
ces fanfares de diftinctions , l'imitation
, fallacies , & autres difcours qui
» ont plus de fard que de ſubſtance . Afin
» de ne nous rendre ferfs imitateurs
» ferons bien , difoit- il encore , de n'infrafquer
& embrouiller , de n'encombrer
" nos cerveaux ni nos écrits de plaidoieries
» & de confeils , mais nous contenter d'exa-
» miner chacun à part foi la vraie & foñ¬
» cière raifon des textes .
"
99
"
20
L'efprit d'une Coutume , ajoutoit Coquille
, eft caché dans un ftyle concis &
» laconique , & ne fe découvre que par la
liaifon des articles qui fymbolilent enfemble,
par le rapport & la conformité des
terines , employés par les Compilateurs
» pour exprimer leurs penfées.
"
"3
"
Ce langage de Coquille peut un peu nous
furprendre; les fanfares de diftinctions ont de
quoi nous étonner; mais cela ne reffemble
pas mal au cliquetis des antithefes , c'est l'expreflion
d'un homme d'efprit , fi ce n'eft pas
Evj
108 MERCURE
celle d'un homme de goût . Mais ce qu'il y a
de remarquable furtout dans ce peu de
lignes , c'est le bon fens & la raifon.de Coquille.
On voit bien qu'il a mérité le futnom
de judicieux , qui fuit par - tout fon nom , &
qui le diftingue entre tous les Commentateurs.
Il ne feroit pas impoffible de croire
que cette demi page de Coquille a été écrite
par Locke . Elle rend parfaitement compte
de l'efprit dans lequel M. Ducher a écrit le
nouveau Commentaire de la Coutume du
Bourbonnois , & cela feul fuffit pour faire
l'éloge de fon Ouvrage. Dans ce Commentaire
, on fe fert de l'érudition pour expli
quer le texte , mais on n'en abufe jamais ;
M. Ducher fait en faire ufage avec un efprit
très- philofophique & très précis , d'une prétion
même furpienante. Ce n'eft pas
M. Félicien
Qui noie éloqueinment un rien
Dans un fatras de beau langage.
Une note n'eſt ſouvent qu'une phraſe trèsconcife
, mais cette phrafe eft comme un
point lumineux qui éclaire tout ce qui l'environne.
C'eft quelquefois une étymologie ingénieuſe
, mais inconteftable , qui éclaire le
texte .
D'autres fois un trait hiftorique qu'on feroit
bien aife de connoître par curiofité.feulement.
Plus fouvent encore la citation du texte
DE FRANCE. 109
des Ordonnances qui ont abrogé le texte de,
la Coutume ; & alors le commentaire , fans
aucune réflexion même de la part du Com
mentateur , devient une hiftoire intéreſfante
des changemens & des progrès de notre
légiflation.
Quelquefois enfin il découvre un rapport
caché entre une difpofition de la Coutume
& les Loix Romaines , & alors on voit avec
plaifir que le génie de Rome n'étoit pas encore
entièrement éteint dans la nuit de la
barbarie féodale ; il s'en étoit confervé quelque
chofe dans des traditions dont on avoit
perdu la fource.
On ne peut guère faire connoître le mérite
d'un Ouvrage de ce genie par des cita- ,
tions. Il ne s'agit pas ici du mérite de tourner
une phrafe que l'on peut voir dans une feule
phrafe. Le mérite doit être également répandu
dans tout l'Ouvrage , & c'est pour
cela qu'il en eft plus grand.
Les éloges que nous venons d'en faire ,
font le compte le plus exact & le plus fidèle
de l'opinion que nous en avons prife.
Mais il y a une opinion qui doit avoir
bien plus de poids que la nôtre , c'eſt celle
des Plaideurs , des Avocats & des Juges . Au
moment que nous rendons compte de l'Ouvrage
, fon fuccès eft affuré dans tous les
Tribunaux dont cette Coutume forme la
Légiflation ; & cependant aujourd'hui il eſt
bien difficile d'obtenir un fuccès de ce genre.
On eft bien las dans tous les Barreaux &
110 MERCURE
dans tous les Tribunaux, des Commentateurs
& des Commentaires : Chaque Lecteur leur
devient un Coquille.
он
( Cet Article eft de M. Garat. )
LE Danger d'aimer. un Étranger ,
Hiftoire de Myladi Chefter & d'un Duc
François, en quatre Part, in- 2. A Londres,
chez Thomas Hookham , Libraire , Nº.
147 , New- Bande- Street ; & à Paris , chez
la Veuve Duchefne , rue S. Jacques.
CE Roman ne doit pas être rangé dans la
claffe de ces Ouvrages légers & immoraux ,
faits par des Auteurs frivoles , & deftinés à
des Lecteurs défoeuvrés. Nous allons voir >
par une courte analyfe , fi le bur moral
que s'eft propofé l'Auteur eft entièrement
rempli.
Myladi Cléontine Chefter , restée veuve des
très bonne heure , vit dans le fein de fa
famille. Comme fes charmes & fon amabalité
enlèvent des conquêtes à Milf Suki ,
qu'on veut établir , leur oncle commun envoie
pour quelque temps Myladi Cléontine
dans une terre qu'elle a aux environs de
Londres ; & c'est par fa correfpondance avec
fon amie Miff Sévillane Sender , jeune perfonne
très aimable , malgré fon extrême vivacité
, que fe développe l'intrigue de ce Roman.
Il y a beaucoup de longueur dans la
première Partie , qui eft deftinée à faire connoître
les charmes & les vertus de l'héroïne .
DE FRANCE III'
L'intérêt ne commence qu'à la fin de cette
première Partie , au moment où Cléontine
fait connoiffance avec un jeune Duc François
; ce n'eft même qu'alors que l'on diftingue
qu'elle fera l'héroïne de cette Hiftoire.
Elle a témoigné déjà fa répugnance pour un
fecond engagement ; l'amour de Mylord
Comte de Worceftre , homme puiſſant &
riche , qui lui offre l'hommage d'un amour
refpectueux , obtient fon eftime fans toucher
fon coeur; & elle ne peut fe réfoudre
à céder aux inftances de fa famille , qui ,
par des vues d'intérêt , voudroit la marier au
Comte.
Le jeune Duc de Durcé , paffé en Angleterre
pour avoir tué un jeune homme qui
avoit feduit & abandonně ſa ſoeur , eft porté
au château de Myladi après une chûte qui
fait craindre quelque temps pour la vie.
Myladi lui fait donner , & lui donne ellemême
tous les foins néceffaires ; & l'amour
finit par fe gliffer dans fon coeur fous les
traits de la pitié. Ce font les progrès & les
fuites funeftes de cette paffion , auffi vivement
fentie que partagée , qui forment l'intrigue
& le but moral de ce Roman. Cléontine
fe brouille tout à fait avec fa famille ,
par le refus qu'elle fait de Mylord Comte.
Le Duc demande Cléontine à fes parens ,
qui la lui accordent , n'étant pas en pouvoir
de la refufer. Mais auparavant il fe commet
une action atroce , qu'on ne doit pas paffer
fous filence. Les perfécutions qu'effuie
1:12 MERCURE
Cléontine, revenue à Londres auprès de fon
oncle malade , derangent totalement fa fanté.
Le Duc , qui ne peut réuflir à la voir , ni
même à lui faire parvenir une lettre pendant
fa maladie , gagne un des nouveaux domeftiques
, & par fon moyen s'introduit pendant
la nuit auprès du lit de Cléontine ,
qui avoit fait coucher la femme-de chambre
dans un cabinet voifin. Elle venoit de prendre
alors un calmant , dont elle avoit doublé
la doſe par mépriſe , & qui l'avoit jetée dans
un fommeil léthargique. Il la furprend feule
dans un défordre qui irrite fes defirs , & il
ravit à fa maîtreffe ce qu'il ne mérite plus
d'obtenir. La malheureufe Cléontine ne s'eft
point éveillée ; & elle porte déjà dans fon
fein le fruit d'un crime qu'elle n'a point
partagé.
Cependant le Duc , rappelé par fon père ,
qu'on croit mourant , revient à Paris. Le
vieux Duc , dont la fanté fe rétablit , lui
propoſe la main d'une perfonne jeune , jolie
& riche il la refufe d'abord ; mais il finit
par fe refroidir fur l'amour de Cléontine. La
famille de celle- ci , furpriſe de fon filence ,
écrit à Paris pour s'informer de fa conduite
& de fes projets. Tout s'éclaircit ; les perfécutions
recommencent contre Myladi , &
avec d'autant plus de chaleur , qu'on reconnoît
l'état où elle fe trouve ; malheur affreux
qu'elle ne foupçonne pas elle - même , &
qu'on ne peut guère regarder que comme un
crime. L'infortunée Cléontine , chaffée inhu
DE FRANCE. 113
mainement par la famille , inftruite de la
legèreté de fon amant , éclairée même à la
fin fur fon forfait par des circonftances qu'il
ek inutile de rapporter ici , s'abandonne à
tout fon defefpoir. Elle s'er fait avec fa
Femme de chambre & un vieux Domefti
que ; arrive à Paris , prend des habits d'homme
, donne au Duc , fous un nom fuppofé ,
un rendez- vous pour fe battre , le précipite
fur la pointe de fon épée, & tombe mourante
à fes pieds. Son repentir & la mort font reprefentés
avec autant de vérité que d'in ,
térêt. Le fentiment & la raifon marquent
tous les difcours qu'elle tient à fon agonie,
" Dites à tous mes chers amis qu'il a pu
m'en coûter de ne les pas revoir ( ici un
93
"
foupir lui a coupé la refpiration ) mais ,
" a t'elle continué , en confidérant que cette
féparation eft indifpenfable , que li j'euffe
» vécu , j'aurois éprouvé la douleur qu'ils
vont fentir , & qu'elle fe feroit renouvelée
à chaque perte, qu'infenfiblement je ferois
reftée fans lieu , ifolée au milieu du monde
, étrangère au fein de ma patrie, pas un
» coeur ne m'auroit aimée ni connue ; &
après avoir fermé les yeux à tout ce qui
» m'eft cher , les miens fe feroient fermés
» feuls & dans l'abandon . Je trouve donc
» que la Providence a diſpoſe toutes les
chofes pour mon avantage ; & fi c'eft un
bonheur pour moi , ce doit être un motif
de confolation pour eux & pour vous. »
Ces paroles font adreffées à Mylord Comte ,
"
20
22
114 MERCURE
qui , après avoir facrifié fon amour au repos
de Cléontine , finit par mourir de douleur
pour l'avoir perdue.
Il y a des négligences de ftyle dans cet
Ouvrage. Je n'y trouvai pas abfolument
un fiège affez commode pour y refter ; je
les fis tous les uns après les autres ........
J'ens un mal de tête à fendre... J'ai remercié
lespropofitions qui m'ont été faites pour lui ...
Vous m'accufez du projet de vous abandonner,
quand , par le plus cruel effort , je vis
en un feul moment tout le bonheur de ma
vie s'écrouler & s'enfevelir pour jamais dans
cet affreux facrifice..... Fouler aux pieds l'innocente
& célefte victime de votre forfait ,
ce feroit marcher fur votre propre coeur, &
vous écrafer vous- même fous le poids defon
opprobre. » Malgré ces négligences , il y a
des lettres entières , de très - longs morceaux
écrits d'un fort bon ftyle.
Mais le Duc offre une remarque plus importante
à faire fur le fonds de l'Ouvrage.
Ce perfonnage nuit à l'intérêt , par la raiſon
qu'il eft fans caractère , & qu'on lui fait
faire des actions qui en fuppofent un décidé ,
ou qui du moins ne vont pas à la phyfionomie
qu'on lui a donnée. Par exemple , prefqu'au
commencement de fon intrigue avec
Myladi , après avoir prouvé de l'amour &
montré de l'efprit , il cède fa maîtreffe , &
fe laiffe tromper par des menfonges maladroits.
Il revient à Myladi ; & c'eft alors
qu'il commet , fur la perfonne de fa maî
DE FRANCE. IIS
treffe , cet attentat fi peu délicat & fi peu
attendu ; c'est- à dire , que , fans être ni léger
, ni ce qu'on appelle un roué , il fe conduit
plufieurs fois en homme frivole & en
roué. Il eft impoffible de lire ce Roman , &
de ne pas fentir cette difparate. D'ailleurs
cette dernière action , outre qu'elle eft choquante
, eft encore invraisemblable ; car
enfin le Duc , quand il furprend Myladi
ignore la prife & l'effet du calmant ; il doit
par conféquent s'attendre à un prompt réveil.
Lowelace , qui fe trouve dans la même
fituation avec Clarice , a préparé lui -même
le breuvage ; il a prévu tout & pourvu à
tout ; il eft plus coupable , mais plus
conféquent ; & ce trait eft conforme à
fon caractère. Mais dans une pareille pofition
, le Duc n'a pas ce caractère qui peut
le rendre criminel & conféquent tout- à- lafois
; & il n'eft pas naturellement d'une
étourderie à fe montrer auffi inconféquent
avec vraisemblance.
Il n'en eft pas moins vrai que ce Roman
fe lit avec plaifir . Les caractères en font diftincts
& variés. Mylord Comte eft intéreffant
; Myladi Sender eft pleine d'amabilité ;
& le caractère de l'Héroïne eft en foi-même
rempli d'intérêt : elle fent vivement l'amitié,
la nature & l'amour ; & fon coeur n'eft jamais
fermé ni aux confeils de la raison , ni
à l'amour de la vertu . Son agonie eft attendriffante
, quoiqu'elle rappelle un peu celle
de Clarice. Au refte , cette reffemblance
116 MERCURE
n'eft pas la feule qui exifte entre ce nouveau
Roman, & l'immortel Ouvrage de Richardſon .
NECROLOGIE.
LA France & l'Europe ont perdu un des
Savans de notre fiècle , & peut être le Mécanicien
le plus parfait qui ait jamais exifté .Tour
le monde, à ce feul mot, doit reconnoître M.
de Vaucanfon ; & tout le monde nous a pré
venus fur les éloges que l'on doit aux diver
fes créations de fon génie. Ses automates
auroient fuffi pour l'immortalifer. Un Fiûteur
, qui introduit réellement dans la Alûte
un fouffle que le mouveinent de fes doigts
modifie avec jufteffe , & qui exécute huit ou
dix airs avec précifion ; un Canard , dont
l'eftomac digère les alimens qu'il a reçus ,
étoient faits pour amufer tous les curieux ,
& pour étonner les hommes inftruits . Il faut
avouer que fi l'hiftoire de pareils automates
nous eût été tranfmife par quelque Poëte
Grec , on l'eût rangée au nombre des
fictions mythologiques , & qu'on l'eût donnée
pour pendant à l'hiſtoire de Prométhée.
M. de Vaucanfon étoit né à Lyon. Le hifard
développa chez lui , comme chez Pafcal
& chez tant d'autres hommes célèbres ,
le talent que la Nature lui avoit donné . Ayant
été enfermé, encore enfant , dans une chambre
pour y étudier une leçon de grammaire , une
pendule qui fe trouva- là , furprit , captiva
DE FRANCE. 117
fon attention. Son Livre lui tomba des mains ;
il examina la pendule avec beaucoup d'intérêt
, & parvint à en concevoir la mécanique.
Dès lors fon goût pour cette Science
devint pour lui une paffion entraînante , irréfiftible.
Après quelques heureux effais , il
vint à Paris avec le Flûteur & le Canard dont
nous avons parlé , & qui fondèrent fa répu
tation . L'Académie des Sciences fentit le
mérite de M. de Vaucanfon , & lui rendit
juftice , en l'adoptant parmi les Membres
l'an 1746. Il a enrichi de plufieurs Articles ,
juftement eftimés , les Mémoires de cette
célèbre Compagnie, qui lui payera fans doute
un de ces tributs de louanges qu'elle eft dans
l'ufage de diftribuer, & qui ajoutent à la gloire
de fon adoption . Nous nous contenterons
de dire qu'il ne fe borna pas à fes automates
qui, en fervant à fa gloire , auroient été inutiles
à l'humanité, & qu'il dirigea fes talens vers
J'utilité publique. Tout le monde a entendu
parler de ces fameux moulins qu'il avoit
créés & établis dans plufieurs endroits de la
France , qui , en fimplifiant la main d'oeuvre ,
donnent aux organlins une préparation plus
parfaite , & beaucoup moins difpendieufe.
Ayant trouvé des imperfections effentielles
dans les tours à tirer la foie , il y remédia
par une nouvelle machine ; il inventa aufli
un métier fur lequel un enfant pouvoit
faire les plus belles étoffes connues. Ce fut
à Lyon , foit parce que c'étoit fa patrie ,
foit parce que c'eft la ville la plus con18
MERCURE
fidérable de la France pour les Fabriques des
étoffes , qu'il voulut établir fes inventions
économiques ; mais elles rendoient inutile
une foule de bras , & laiffoient fans travail ,
& par conféquent fans reffource , une claffe
nombreuſe d'hommes qui ne vivoient que
de cette branche d'industrie . Les Ouvriers
s'ameutèrent ; & le célèbre Inventeur faillit
payer de les jours fon génie & fon zèle patriotique
; tant il eft vrai qu'un trop grand
bien peut devenir quelquefois un mal réel
pour l'inftant préfent , comme il arrive quelquefois
qu'un corps politique ou focial eft
trop malade pour fupporter les remèdes qui
pourroient le guérir.
M. de Vaucanfon eut encore à combattre
un obftacle qu'il n'a jamais pu vaincre toutà
- fait ; c'eft la routine , ce vieux tyran du
peuple & des fots , qui ont autant de peine à
la quirter , qu'un aveugle à ſe deffaifir de fon
bâton. Une nouvelle méthode déplaît à l'artifan
, par cela feul qu'elle eft nouvelle . La pareffe
naturelle à l'homme fe joint , fans qu'on
y fonge , à l'indocilité de l'ignorance ; & fi
l'on tient à un vieil ufage , c'eft peut être autant
parce qu'on craint la fatigue d'en changer
, que parce qu'on tient aux préjugés de
fon enfance. Cette routine aveugle & inflexible
empêcha l'ufage de fon tour
qui auroit donné à la foie plus d'égalité ,
de folidiré & d'éclat. Ce fut en vain que
principales villes de nos Provinces Méridiomales
s'emprefsèrent de lui en demander le
>
les
DE FRANCE.
modèle , & d'en démontrer le réſultat à leurs
Ouvriers ; l'évidence d'un plus grand avantage
& d'une moindre peine ne put l'emporter
fur le pouvoir de l'habitude.
Un jufte reffentiment devenoit permis à
M. de Vauçanfon ; il eût pu fe venger en retirant
fes bienfaits ; mais il ne pouvoit fe
croire humilié par l'ignorance indocile , &
l'amour du bien l'emporta fur de vaines confidérations
d'amour - propre. On affure que
jufqu'à fes derniers inftans il a formé des
Ouvriers qu'il payoit lui- même ; & qu'il les
a inftruits à faire ufage de fes machines ;
aiafi par ces bras qui lui furvivrent , il a
trouvé le moyen d'être utile à fa patrie ,
même après la mort.
Ce dernier trait donne l'idée d'une âme
fenfible & généreuse , & nous conduit naturellement
aux qualités perfonnelles de M. de
Vaucanfon. Sa mort paroît avoir plongé dans
la douleur tout ce qui l'environnoit ; & il
emporte les regrets de fa famille & de fes
amis. Nous ne pouvons en parler que fur le
témoignage d'autrui ; mais ce témoignage eſt
unanime en la faveur , & il mêle au plaifir
de lui rendre juftice après la mort , le regret
de ne l'avoir pas connu vivant.
( Cet Article eft de M. Imbert. )
120 MERCURE
LETTRE fur la réimpreffion du Plutarque ,
adreffée à M. Bérenger , de l'Académie
de Marfeille , par M. l'Abbé de Rochas ,
-Curé dans le Diocèse d'Orléans.
PERERMMEETTTTEEZ-MOI , mon cher ami , de vous
adreffer quelques réflexions fur la nouvelle Édition
du Plutarque d'Amiot , annoncée dans tous les papiers
publics. Les vrais Amateurs , le Magiftrat , le
Guerrier , le Philofophe , & fur- tout ceux qui
aiment , felon l'expreffion de Montaigne , à voir
l'homme à fond tous les jours , doivent s'intéreſſer à
l'exécution d'un projet conçu fans doute par des
gens éclairés & verfés dans la Littérature grecque.
C'eft un hommage dû à la mémoire de ce favant
Évêque , le père , fi je l'ofe dire , de la Langue françoife,
laquelle, avant lui , étoit plutôt un jargon qu'une
véritable Langue. Sa Traduction d'ailleurs eft lue
par tout Honime de Lettres préférablement à celle
de Dacier, dont la plume eft légère & fans grâce ,
contrafte d'une manière frappante avec le ftyle
plein de naïveré , de franchife & d'agrément du
Précepteur de Charles IX .
Mais quand on dit que cette Edition aura l'avantage
d'étre plus exacte que celle de Vafcofan , il
eft à préfumer qu'on n'entend pas fimplement parler
de la ponctuation , de l'orthographe , de l'arrangement
chronologique des vies ou des repos marqués
& diftingués par des alinea ; je penfe qu'il s'agit
de la clarté du ftyle & de l'exactitude du fens Il
eft sûr que le bon Amiot eft fouvent d'une obfcurité
fatigante , quelquefois même impénétrable. Si
ce défaut n'a fa fource que dans la manière peu
nette & peu facile avec laquelle il s'exprime , il
faut
DE FRANCE. 1211
faut le refpecter prefque autant que Montaigne &
Charron. Ce feroit en effet introduire la confufion
& l'anarchie dans la Littérature, que de toucher
aux textes des Auteurs fous prétexte de les rendre
plus clairs ou plus concis.... Si ce vice naît au contraire
de l'altération du texte original , ou de ce que
le Traducteur n'en a pas toujours bien faifi la penfée
, il eft permis , ce femble , de le réformer quand
il a d'ailleurs , comme Amiot , les excellentes qualités
qui rendent précieuſe une traduction. Tout
mon refpect pour ce laborieux Ecrivain ne me permet
pas de paffer fous filence qu'il tombe fréquemment
dans des erreurs palpables qu'il auroit pu aifément
éviter, ou du moins qu'il feroit facile de corriger.
Rollin, dans fon Traité des Etudes, cite deux
vers du neuvième Livre des Propos de table , qui
fourmillent de fautes. Les noms propres y font mis
pour des noms de Province , & des épithètes pour
des noms propres. C'eft Dom Quichotte qui prend
des moulins pour des montagnes , ou le finge de La
Fontaine qui croit que le Pirée eft un Magiftrat
d'Athènes. Il eft inutile de multiplier les citations ;
on n'a qu'à voir à ce fujet les Commentaires de M.
de Mézeray fur les Epîtres d'Ovide , Edition de la
Haye , 1716.
Je lis dans un Auteur du dernier fiècle , que cet
Ecrivain avoit laiffé en mourant de fort bonnes
Notes manufcrites fur les Vies de Romulus , de
Théfée , de Fabius- Maximus , de Jules- Céfar , &c.
En a- t-on fait part au Public ? c'eft ce que j'ignore.
Le judicieux Critique relevoit , dit- on , une foule
d'inadvertances de notre Traducteur , & rétabliſſoit
en même-temps les corruptions du texte. ( Or il n'y
en a guères de plus maltraité que celui de Plu
tarque. ) J'ai dit inadvertance, car Amiot , quoi
qu'en difent fes détracteurs , étoit très-favant dans la
Langue de ce grand Biographe. Il est vrai qu'en
Nº. 11, 15 Mars 1783.
F
122 MERCURE
" comparant fa traduction avec l'original , on apperçoit
dans beaucoup d'endroits peu de conformité
entre l'un & l'autre . Ceci ne vient pas néanmoins
d'ignorance , mais de ce qu'il corrige fouvent le
texte grec fans en avertir fon Lecteur , tantôt fur la
foi des manufcrits , tantôt d'après l'autorité des
Commentateurs qui l'avoient précédé , ou de fes
contemporains , quelquefois même d'après les propres
conjectures , lorfqu'il croyoit la leçon eftropiée
ou corrompue.
Mais comme l'Avocat n'eft point juge dans la
caufe qu'il défend , qu'il ne lui fuffit pas d'avan-.
cer les faits , mais qu'il doit en adminiftrer les
preuves, je vais indiquer les pièces du procès. On les
conferve, ces pièces effentielles, dans la riche Bibliothèque
des PP. de l'Oratoire de Paris , rue S. Honoré
, où il fera facile de les confulter. Ce font
deux Imprimés format in - folio , contenant les
Vies & les Morales. Ils ont jadis appartenu à ce
Prélat ( Amiot. ) On voit fur les marges des Notes ,
des Remarques critiques fur le texte de Plutarque ,
des variantes ; le réſultat de la confrontation & comparaifon
des manufcrits par Amiot , & à leur défaut
fur quoi il fondoit fes conjectures. Voici des expreffions
écrites de fa main.... Locus ille valdè fufpectus
eft.... Locus hic ita videtur legendus....
Alii malunt , &c .... Hoc ex fide manufcriptorum...
Reliqua ex conjettura , &c. &c. Il s'enfuit de cette
Lettre , & vous en conviendrez , Monfieur , qu'il
feroit à defirer qu'on fît difparoître d'une traduction
de cette importance toutes les fautes d'Amiot.
On pourroit imiter fon ftyle pour lui donner un
même ton de couleur, ou , ce qui, je crois, vaudroit
encore mieux , il faudroit donner au Public un
dix - feptième Volume en fupplément ; on y renverroit
le Lecteur au moyen d'un aftérique.
Quant aux erreurs qui ne viennent que des mauDE
FRANCE. 123
raifes leçons des manufcrits , ou d'un défaut de
critique , ou enfin de la hardieſſe des conjectures que
les divers Commentateurs fe font permifes , on en
purgeroit également ce bel Ouvrage. Il ne s'agiroit
pour cela que de conférer enſemble les manufcrits
les plus authentiques, de fouiller dans les Commentaires
les plus eftimés , de confulter les meilleures.
Editions , & fur-tout celle d'Angleterre. Dacier &
bon nombre de Traités choifis des Morales , traduits
il y a quelques années , foit par M. de la
Porte du Theil, foit par le Père Gaudin , de l'Oratoire
, Vicaire Général de Mariana , &c. &c. &c.
faciliteroient encore ce travail.
de
la
la
Je finis, mon cher compatriote , dans la crainte
de n'attirer de la part des Littérateurs éclairés qui
vont préfider à renaiffance de cette eftimable
production le reproche fait à ce Rhéteur qui s'avila
de parler de l'Art de la Guerre devant Alexandre
(ou Annibal ) ; j'emprunte ici , comme vous le
voyez , une comparaiſon qui tetmine heureufement
votre charmante Differtation fur nos Troubadours,
dont vous défendez fi bien la cauſe en marchant fur
leurs traces . Adieu encore une fois , mon cher ami ,
je n'ajoute plus qu'un mot. Il paroît par les Lettres
qu'on m'écrit ,que votre morceau fur l'Abbé de
Reyrac, inféré dans le Journal de Paris , a fait nonfeulement
plaifir , mais fenfation. On le trouve ( &
je n'en fuis pas furpris , votre coeur vous l'inſpiroit )
trop digne d'être relu & confervé. Une noble fimplicité
, une fenfibilité douce , des détails bien développés
avec choix & fans profufion , l'expreffion de
Famitié & le langage de la vertu font chérir &
l'Ouvrage & l'Auteur , & la mémoire de ce refpectable
Abbé que j'aimois de toute mon âme. Ses
Ouvrages feront lus tant qu'il y aura des âmes fenfibles
; mais , hélas ! fa Société n'exiſtera plus ni
pour fes vertueux amis , ni pour vous , ni pour
Fij
124
MERCUREC
moi. Voilà la perte vraiment irréparable. Je verfe
des pleurs fur fa tombe ; c'eft à vous à l'environner
des cyprès du Parnaffe .
Je fuis avec un parfait attachement ,
Votre , &c.
DE ROCHAS ,
is de Santoy.
Curé
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
ON a continué les repréſentations de Renaud
avec une grande affluence de Spectateurs.
C'eſt après avoir fuivi les trois premières
que nous allons rendre compte des
impreffions que la mufique de cet Ouvrage
a faites fur le Public , & de celles que nous
avons reçues nous - mêmes.
Il n'eft pas queftion de juger ici le talent
de M. Sacchini comme Compofiteur : il y a
déjà long- temps que fon rang eft fixé parmi
les plus grands Maîtres que l'Italie ait produits.
Le fuccès éclatant & foutenu de la
Colonie , une multitude de beaux airs & de
choeurs charmans qu'on a entendus dans
l'Olympiade ou dans les Concerts , ont juſtifié
en France la grande réputation dont il
jouit dans toute l'Europe. L'Auteur de cet
Article a eu de plus l'avantage de voir jouer
& applaudir fur un grand Théâtre étranger
quelques- uns de ſes plus beaux Opéras Ita
DE FRANCE. 125
liens. C'est donc avec les préventions les
plus favorables que nous l'avons vu difpofé
à enrichir notre Théâtre Lyrique des productions
de fon génie ; & nous avons dû en
elpérer de nouveaux modèles pour la perfection
de l'art & pour les plaifircs du Public .
Mais il faut craindre que des préventions
fi avantageufes ne rendent injufte & ne
nuifent au fuccès de l'Artiste même qui en
eft l'objet. M. Sacchini a fait un grand nombre
de beaux Opéras ; mais dans une langue
qui eft la fienne ; fur des Poëmes dont la
coupe eft totalement différente de celle des
nôtres ; pour des Spectateurs accoutumés à
ne porter que des oreilles à ce genre de fpectacle
, à ne chercher dans un Opéra que de
la mufique , & à ne voir guère la mufique
que dans les airs ; à préférer la nouveauté
& la grâce des formes à la vérité & à la
force de l'expreflion , & à fupporter le long
ennui d'une Scène fans action & d'un récitatif
fans intention , pourvu qu'ils en fuſfent
dédommagés par trois ou quatre beaux
morceaux de chant .
• •
En venant en France , M. Sacchini a eu
à étudier notre langue & notre déclamation ,
la forme de nos Poëmes , les moyens de nos
Acteurs , le goût de notre Public ; il a fenti
la néceffité de trouver un récitatif plus accentué
& plus varié ; de donner à ſes airs
plus de vérité , de fimplicité , de rapidité ;
de s'interdire une infinité d'ornemens d'un
effet toujours sûr dans les Opéras Italiens ,
Fiij
126 MERCURE
1
mais déplacés dans les nôtres ; de chercher
enfin cet art , inconnu avant M. Gluck , de
lier & de fondre enfemble le récitatif , les
airs & les choeurs , de manière à ne faire ,
pour ainsi dire , d'un Acte entier qu'un feul
tableau de mufique. Tout le génie du monde
ne fuffit pas pour rompre ainfi d'anciennes
habitudes , & remplir du premier coup toutes
les conditions d'un problême fi compliqué.
Si M. Sacchini s'étoit égaré quelquefois dans
des routes inconnues où il entre pour la première
fois , il feroit très injufte de le juger
à cet égard avec févérité ; il fuffit pour nos
efpérances qu'il ait vû le but , & qu'il ait
montré les moyens d'y atteindre. C'eft ce
dont fon premier effai ne nous permet pas
de douter.
Jetons maintenant un coup d'oeil fur les
principaux effets de la mufique de Re
naud. Si nous ne confidérons que les beautés
propres de l'art, nous y trouvons par- tout la
main du grand Maître. C'eft à chaque inftant
une mélodie agréable , élégante , fenfible
; des airs parfaitement arrondis , où le
motif eft bien fuivi fans effort , développé
fans rempliffage , adroitement foutenu &
embelli par l'accompagnement ; c'eft une
harmonie brillante & pure , riche fans confufion
, claire fans monotonie , avec la plus
belle diftribution de parties & l'emploi le
plus heureux des divers inftrumens. Mais
nous confidérons enfuite l'application de
cette belle mufique aux effets dramatiques a
DE FRANCE. 127
c'eft- à-dire, dans fes rapports avec la décla-,
mation de notre langue , avec le mouvement
de l'action , avec le caractère des perfonnages ,,
avec l'expreffion des fentimens , fans doute
qu'on y trouvera quelque chofe à defirer .
Par exemple , l'ouverture eft une fymphonie
charmante & d'un effet très - brillant
; mais le fecond morceau nous a paru
d'un chant plus paftoral qu'héroïque , &
par -là ne fe lie pas heureufement avec l'action
qui commence la Pièce. Les deux airs que,
chantent Hidraot & Adrafte font d'un chant
naturel & d'un beau caractère . Le choeur
Marsà nosyeuxn'aplus d'attraits, celui où les
Chefs Sarrazins jurent la paix dans les mains
de Renaud , & le ferment que leur fait prononcer
Armide après le départ de fon
ainant , font d'un effet qui juftifie la répu
tation que M. Sacchini a déjà obtenue
dans ce genre de compofition. Nous obferverons
feulement que dans ce vers du dernier
choeur , Du fuperbe Renaud nousjurons,
tous la mort , les Rois répètent le dernier
hémiftiche en piano ; cet effet nous paroît
plus propre à fatisfaire l'oreille que l'efprit,
Ces Guerriers, animés par la préfence d'Armide
, n'ont aucune raifon pour baiffer la
voix en lui jurant la mort de fon ennemi,
Mais cette légère critique ne nous empêche
pas de trouver ce choeur admirable.
Nous croyons que le récitatif de cet
Acte n'a pas toujours l'accent , que notre
déclamation exigeroit , ni fur- tout le mou
Fiv
128 MERCURE
vement & l'intérêt que demanderoient la
Scène. On en peut juger par ce couplet
d'Armide : Vous voyez ce Guerrier dont
Pafpect feul m'outrage , morceau important
, dont la déclamation eft trop vague , &
qui pourtant devoit être exprimé avec autant
de force que de vérité , parce qu'il annonce
& prépare toute l'action du Drame.
Nous pourrions obſerver auffi des défauts
affez fenfibles de ponctuation ; par exemple,
dans ce vers d'Armide : Quand l'amour de
vos coeurs m'afflure la conquête , le chant
coupe le vers par le milieu , & il y'a même
une paufe après vos coeurs , ce qui donne
un faux fens à la phrafe. Cette obfervation
eft minutieuſe ; mais elle peut fervir à prévenir
d'autres négligences de ce genre , fur
lefquelles un homme comme M. Sacchini
n'a befoin que d'être averti.
"
Un défaut plus grave , parce qu'il tient à
l'effet d'un moment intéreffant de l'action ,
c'eſt la manière dont le Compofiteur a exprimé
les mots de furpriſe des différens
Guerriers lorfqu'Armide paroît au milieu
d'eux. Ces mots , par la manière dont ils
font déclainés , font froids & fans aucun
effet ; il nous femble que fi au lieu de leur
faire exprimer l'un après l'autre leur étonnement
, ils fe fuffent écriés tous à- la- fois , chacun
felon le fentiment dont il eft affecté ,
eela eût été plus naturel & plus animé.
Nous prendrons encore la liberté d'obferver
que l'air de Renaud , déjà la tromDE
FRANCE. 129
pette guerrière, quoique brillant & agréable,
n'a pas toute la fierté & le caractère de Renaud
, que les paroles & la fituation ſemblent
exiger; & que les traits des clarinettes & des
hautbois qui l'accompagnent , ont dans quelques
momens un ton champêtre peu d'accord
avec les traits de fanfare par lesquels
la trompette annonce le fujet.
C'eft dans le fecond Acte que M. Sacchini
a déployé toutes les richeffes de la mélodie
; il y a dans le rôle d'Armide trois airs
du chant le plus élégant & le plus fenfible .
La cavatine , il retraçoit à ma mémoire , nous
paroît du meilleur goût ; l'air qui fuit , ah !
que dis- tu? trop foible Armide, eft d'un
mouvement très- animé ; nous defirerions
feulement que les deux derniers vers , & que
le poignard de la haine déchire fon coeur
inhumain , ne fuffent pas répétés auffi fouvent;
que le chant du premier fût plus fimple
& moins précipité , & que dans le mot
déchire l'accent ne portât pas avec tant d'affectation
fur la première fyllabe , où une
longue note répétée plufieurs fois nous
paroît faire un mauvais effet. L'air , cruel
pourquoi m'as-tu trahie , eft d'une expreffion
li belle , fi vraie , fi touchante , que nous
n'ofons pas y relever une petite faute de
déclamation qu'il eût été bien aifé d'éviter,
L'air non moins touchant , barbare amour
&c. mériteroit le même éloge , fi la fituation
& le caractère convenu d'Armide ne nous
paroiffoient pas demander fur ces paroles
Fv
130 MERCURE
une expreffion plus forte & plus paſſionnée.
Le duo entre Armide & Renaud eft d'un
beau chant & d'une grande manière ; le ſujet
en eft bien développé ; la modulation variée &
naturelle , l'expreffion noble & fenfible ; mais
la marche en eft un peu lente pour l'effet de la
Scène , & le morceau d'un mouvementvifqui
le termine , contrafte peut- être un peu trop
avec le caractère de ce qui précède. M. Sacchini
connoît fi bien l'art de fondre & d'adoucir
fes couleurs ; il évite avec tant de foin les
paffages brufques & heurtés , qu'on ne peut
attribuer la légère difparate dont nous par
lons , qu'aux coupures qu'il a été obligé de
faire à ce duo pour accélérer le mouvement
de la Scène.
Nous fommes obligés de dire que l'invocation
des Démons , par Armide , eft abfolument
manquée , & la caufe de ce peu
d'effet eft aisée à expliquer. Après avoir dit :
Des Dieux des Enfers implorons le fecours
c'eft fur un récitatif fimple , préparé par un
trait d'orchestre d'une feule mefure , & en
paffant dans une modulation fi voifine de
celle qui précède , qu'à peine l'oreille en eft
frappée , qu'Armide s'écrie :
Accourez à ma voix , Déités implacables.
Sans prétendre établir aucune comparaiſon
défobligeante , nous ne pouvons nous dif
penfer de dire que ce n'eft pas ainfi que
l'Armide de M. Gluck , dans une fituation
femblable , évoque les Divinités infernales.
DE FRANCE. 131
Nous croyons donc que cette invocation.
devoit être préparée par une ritournelle
d'un caractère un peu magique , s'exprimer
en chant mefuré , & étonner l'oreille par une
modulation fenfiblement contraftée avec celle:
qui précède. Nous nous en rapportons làdeffus
au goût de M. Sacchini lui même.
Le peu d'effet de ce morceau eft bien réparé
par celui du choeur des Divinités infernales
. Le motif en eft fi heureux & fi natnrellement
conduit dans les diverfes parties ;
l'harmonie , concentrée dans les tons graves
& moyens des voix & des inftrumens en eft
fi tranfparente , fi fuave & fi piquante à la
fois , qu'on ne peut l'entendre fans éprouver
une vive émotion de plaifir . Plufieurs
perfonnes lui ont reproché de n'avoir pas
un caractère & des formes de chant affez
fières & même affez rudes pour un chant infernal
; mais M. Sacchini , qui paroît craindre
en général tout ce qui peut heurter trop fort
l'oreille , a cru , en habile homme , pouvoir
profiter de l'éloignement où font fuppofés les
Démons chantans, & de la forte d'oppreffion
où les tient une puiffance fupérieure , pour
adoucir un peu les teintes dures qui caracté
rifent en général un chant de Démons.
Le récitatif de cet Acte nous paroît fufceptible
des mêmes critiques que nous avons
indiquées.
Le combat de nuit qui ouvre le troisième
Acte , offre un Spectacle impofant dont la
mufique rend l'effet plus intéreffant. Le mor
F vi
$132 MERCURE
ceau de récitatif & la cavatine que vient
chanter Adrafte mourant , nous paroiffent
d'un caractère vrai & d'un ſentiment exquis
L'air d'Ariide : Ciel injufte ! ciel implacable !
a de la chaleur & de la nobleffe , & pourroit
fe paffer de l'accompagnement du tonnerre
, qui en trouble l'effet au lieu de le
fortifier. Ces imitations mécaniques ne doivent
être employées que lorfqu'elles font
liées intimement à l'action ; le bruit du tonmerre
peut ajouter à l'effet d'un tableau ;
mais quand il faut exprimer les fentimens
de l'âme , la mufique n'a befoin que des
moyens qui lui font propres. L'air fuivant :
Eh! comment veux- tu que je vive ? eft d'une
tournure élégante & fimple , avec une expreffion
auffi vraie que touchante. On regrette
que l'air de Renaud qui fuccède produife
fi peu d'effet , quoiqu'il nous ait paru
d'un chant agréable & fenfible ; peut-être
cela tient- t'il à la manière dont il eft préparé
& placé. Nous ne dirons rien des dernières
Scènes , nous répétons ce que nous avons
déjà dit , que la coupe de ces Scènes ne permettoit
guère d'y adapter une mufique d'un
grand intérêt.
On reconnoît dans les airs de Ballet la
main d'un habile Compofiteur , quoique ce
foit l'effai de M. Sacchini dans ce genre. Les
Muficiens étrangers y attachent trop peu
d'importance, & peut être y en attachons- nous
trop. L'air que danfe Mlle Gervais au premier
Acte , & ceux que danfent Mlle Dori
DE FRANCE. 133
val avec le fieur Nivelon , & Mlle Guimard
avec le fieur Veftris , au troifième Acte , font
ceux qui ont fait le plus de plaifir.
Il réfulte des détails où nous fommes en
trés fur la mufique de cet Opéra , qu'une
partie des défauts que nous avons cru y remarquer
, tiennent au fond & à la coupe du
Poëme, & quelques uns au peu d'habitude que
M. Sacchini avoit de notre Langue & de notre
Théâtre en compofant cet Ouvrage ; mais que
les beautés nombreuſes & variées qu'on y
admire annoncent un grand Maître , qui réu
nit à un profond favoir , à une manière originale
, un goût exquis & une grande ſenſibilité
; qu'on doit attendre les plus grands fuc
cès de cette réunion de qualités fi rares , éclai→
rées encore par l'épreuve qu'il vient de
faire, lorfqu'il pourra déployer tous les talens
fur un Poëme plus favorable encore à tous les
effets de la mufique dramatique.
Nous aimons à croire que M. Sacchini ne
verra dans nos critiques comme dans nos
éloges qu'une preuve de l'intérêt que nous
prenons à fa perfonne autant qu'à fa gloire ,
& que le defir de lui voir ajouter à ce premier
fuccès , les fuccès plus complets encore qu'il
a droit d'attendre .
Le defaut d'espace a forcé de renvoyer au
Mercureprochain la fin de cet Article , qui
contient les détails de l'exécution de l'Opéra
de Renaud,
134
MERCURE
COMEDIE FRANÇOISE.
LEE Lundi 24 Février , on a joué , pour la
première fois, les Aveux difficiles , Comédie
en un Acte & en vers .
Mélite & Cléante ſe font aimés . L'amant
forcé de voyager, a reçu en partant la foi de
fon amante, & lui a juré de lui garder la
fienne ; mais trois années d'abfence ont
abfolument changé leurs coeurs . Dans le
cours de fes voyages , Cléante a été fubjugué
par les charmes d'une jeune perfonne.
De fon côté Mélite a reçu les affiduités
de Merval , ami de Cléante , & n'a pas
été infenfible aux preuves réitérées qu'il lui
a données de la tendreffe la plus vive & la
plus conftante. Le retour de Cléante jette
Mélite dans un embarras extrême ; il n'éprouve
pas moins d'inquiétude qu'elle. Chacun
d'eux, qui fuppofe que le premier objet
de fon amour a fu garder les fermens, tremble
de déclarer fon infidélité , moitié par honte ,
moitié dans la crainte d'affliger l'amant qu'il
croit encore fidèle. Après une tentative inutile
de part & d'autre , ils prennent le parti de fe
faire l'aveu fatal , l'un par le ministère de fon
valet , l'autre par celui de fa fuivante . On fe
doute bien que les deux amans , furpris d'a,
bord de fe trouver dans la même pofition ,
finiffent par rire de leur embarras , & fe
pardonnent de bon coeur leur infidélité.
DE FRANCE. 135
Cette bagatelle a donné lieu à une querelle
littéraire qui a occupé nos oififs pendant
quelques jours. M. le Baron d'Eftat ,
Auteur de la Somnambule , Comédie repréfentée
fur le Théâtre de la Comédie Italienne
au commencement de l'année der
nière , a réclamé le fonds des Aveux diffi
ciles dans une lettre qu'il a adreffee au Journal
de Paris. M. Vigée a ripofté par une aus
tre , dans laquelle il déclare que ce fujet lui
a été donné par M. Marignié , Auteur de
Zorai. Réplique de M. d'Eftat , qui affure
qu'il a lû fa Pièce à M. Vigée à la fin de l'hiver
de 1781 ; enfin , nouvelle lettre de ce
dernier , qui , tout en affurant que les deux
Ouvrages ne fe reffemblent point , abandonne
néanmoins le fonds du fujet à M. le
Baron d'eftat. Il faut avouer que l'amourpropre
des Auteurs occafionne quelquefois
entre-eux des débats bien extraordinaires.
Dufresny & Regnard fe font difputé le fonds
du Joueur. La choſe en valoit la peine. Une
Comédie de caractère eft un Ouvrage important.
Mais que l'on fe difpute un Opufcule
; que deux amis donnent au Public le
fpectacle de l'amitié facrifiée à toute la gloire
que peut donner la propriété d'une baga
telle en vérité cela eft inconcevable.
Au refte , il y a de la gaîté , de la grâce , de
l'efprit & des étincelles d'un comique trèsagréable
dans les Aveux difficiles . Le ftyle a
fouvent de la facilité , quelquefois un peu
de recherche & d'affèterie. Le dialogue a de
136 MERCURE
la contrainte ; mais au total cet Effai de M.
Vigée annonce du talent & donne des efpérances.
Nous defirons que la Comédie de
M. le Baron d'Eftat , qui doit être , à ce qu'on
affure , repréſentée fur le Théâtre de la Comédie
Italienne , ait un auffi joli fuccès que
celle de fon Rival.
Nous avons gardé & nous continuerons
de garder le filence fur trois débuts qui ont
eu lieu à ce Théâtre depuis fix femaines. Il
feroit impoffible d'en rien dire fans donner
de l'humeur à bien des gens , & l'Art n'y
gagneroit rien. Que de motifs pour ſe taire!
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Mardi 25 , on a joué Sophie de Fran
cour , Comédie en profe & en cinq Actes.
Cette repréſentation eut un fuccès fort équivoque.
La marche de l'action fut trouvée
lente , & l'on remarqua que l'intérêt étoit
toujours atténué par des Scènes ou inutiles
ou trop longuement filées. Du Mardi au
Vendredi fuivant, l'Auteur a refferré l'action
de fon Ouvrage en quatre Actes , & les repréſentations
qui en ont été données depuis
ont eu du fuccès.
M. de Francour, obligé de fuir relativement
à une affaire grave , & pour laquelle il avoit
à craindre les fuites de l'intrigue & de la
calomnie , a laiffé Sophie , fa fille , entre les
mains de Mme Dormont fa foeur . Cette
DE FRANCE. 137
Mme Dormont , veuve , déjà fur le retour ,
a pris de l'amour pour le Marquis d'Orville.
Elle fe propofe de l'époufer , & de
marier fa nièce au Comte de Fierval , oncle
du Marquis. Mais d'Orville , en fortant d'un
bal , a rendu un fervice effentiel à Sophie ,
en eſt devenu amoureux , & a eu le bonheur
de le voir payé de retour. Par un hafard
qui n'eft pas moins heureux , il a fauvé
la vie du fils du Miniftre , & fe trouve en
conféquence dans la plus haute faveur. M. de
Fierval en profite pour fe faire donner le
Gouvernement d'une Place , vacant par l'abfence
de celui qui en étoit pourvu . Ce Gouvernement
eft celui que M. de Francour
s'eft vû forcé de quitter. L'honnête Gentilhomme
revient à Paris fous le nom de Germeuil
, dans l'intention d'éclairer le Minif
tère , & de ſe juſtifier . C'eſt chez d'Orville ,
qu'il a connu en Allemagne , que le vieillard
vient chercher un afyle. Qu'on juge de la douleur
du jeune homme quand il apprend que
c'eft en dépouillant fon ami perfécuté qu'il
a fatisfait fon oncle. Il vole chez le Miniftre
pour réparer la faute. Pendant ce temps
le Comte de Fierval , qui craint la préſence
du vieillard & les effets de l'amitié que
d'Orville lui a vouée , fait intriguer auprès
du Miniſtère , & obtient un ordre d'arrêter
M. de Francour : mais à l'inſtant même
où l'Exempt va conduire l'infortuné en prifon
, le Marquis reparoît avec des ordres
contraires , & dont le Comte doit être la
138 MERCUREJ
victime , ainfi que Mme Dormont. La géné
rofité de M. de Francour peut feule annuller
l'effet des nouveaux ordres ; il pardonne , &
confent à l'union de d'Orville avec Sophie.
Le fonds de cette Comédie eft tiré d'un
Roman qui a paru il y a quinze ans. La
même perfonne eft Auteur des deux Ouvrages.
On a dit fouvent , avec raiſon , que
les données d'un Roman ne pouvoient être
que très-rarement admiffibles dans un Ouvrage
de Théâtre. Sophie de Francour en eft
une nouvelle preuve. La vraifemblance un
peu forcée y nuit fouvent à l'intérêt ; les incidens
en font trop multipliés pour que l'at¬
tention ne fe fatigue pas à fuivre leur enchaînement
; & le dénouement , qui ne s'opère
que par un coup d'autorité , n'a pas
paru très fatisfaifant. Ce qu'il y a d'odieux
dans les caractères de Mme Dormont & de
M. de Fierval , leur reffemblance trop mar
quée ont nui à l'effet des Perfonnages de
d'Orville , de Sophie & de M. de Francour ,
qui ont auffi entre eux quelque reffeniblance.
Il faut pourtant convenir qu'il y
a du mérite dans ce Drame , & que fi
l'ordonnance en eft un peu fautive , les
caractères y font fouvent mis en jeu
avec beaucoup d'adreffe , principalement
ceux du Comte de Fierval & du Marquis
d'Orville. Ce dernier Perfonnage eft repréfenté
par M. Granger avec une fupériorité
de talent qui ne peut qu'ajouter à la répu
tation.
❤
DE FRANCE. 139
Le Mercredi 26 on a donné la première
repréſentation de Henri d'Albret , Comédie
en un Acte & en profe , à l'occafion de la
Paix.
2
Si l'on en excepte une partie du monologue
de Henri , cette Comédie , qui ne mérite
aucune analyfe , eft un tiffu de phrafes
triviales , d'idées communes & rebattues.
Point de plan , point d'action , point d'inté
rêt point de caractères. Le motif qui a
donné lieu à cet Ouvrage , pouvoit engager
les Comédiens , qui l'ont reçu , à beaucoup
d'indulgence ; mais il eft des bornes à tour.
Les Comédiens Italiens feroient très- répréhenfibles
, aux yeux des Ainateurs du Théâtre
, s'ils continuoient d'être auffi indulgens
qu'ils l'ont été depuis quelque temps . Pour
encourager les Auteurs , il ne faut pas dégoû
ter le Public. L'humeur de celui - ci eft bien
plus dangereufe que celle des Écrivains mé
diocres.
ANNONCES ET NOTICES.
ON vient de mettre en vente à l'hôtel de
Thou , rue des Poitevins , Hiftoire Naturelle des
Minéraux , par M. le Comte de Buffon , in - 4° .
Tome I. Prix , 15 liv . en feuilles , 15 liv. 10 fols
broché , 17 liv. relié,
Ce Volume fert de fuite tant à l'Édition in-4® .
avec la partie anatomique, qu'à celle qui a paru fans
140 MERCURE
cette même partie anatomique fous le titre d'Euvres
complettes.
Les années 1776 , 1777 & 1778 de l'Hiftoire &
des Mémoires de l'Académie Royale des Sciences ,
in - 12 , 6 Volumes . Prix , 15 liv . en feuilles , 16 liv.
4fols brochés , 19 liv. 10 fols reliés .
Ces 6 Volumes mettent cette Édition au pair de
l'in-4°.
L'AMI DES ENFANS , par M. Berquin. Le
Volume de Mars 1783 vient de paroître. A Paris ,
rue de l'Univerfité , au coin de celle du Bacq , nº . 28.
S'adreffer à M. Leprince , Directeur. Pris , 13 liv.
4 fols Paris , & 16 liv. 4 pour
la Province
franc de port.
fols pour
DELASSEMENS de l'Homme fenfible . C'eft
fous ce titre que M. d'Arnaud fe propofe de préfen
ter au Public une Collection de nouvelles Anecdotes
indépendantes des Épreuves du Sentiment &
des Nouvelles Hiftoriques. Cette Collection intitulée
Délaffemens de l'Homme fenfible , formera
douze Parties de la groffeur de celles des Epreuves
du Sentiment , in- 12 ; elles compoferont de même fix
Vol. L'Auteur , toujours fidèle à fon objet , fe propoſe
dans ce Recueil de mettre en quelque forte fous les
yeux de la jeuneffe un Cours de Morale en action ;
il a eu foin de raffembler les Anecdotes les plus
propres à entretenir l'amour des vertus , des devoirs,
&c. Les fix Volumes des Délaffémens de l'Homme
fenfible fe diftribueront par douzième Partie de
mois en mois , à commencer du premier Avril
prochain , chez l'Auteur , rue des Poftes , près l'Eftrapade
, maifon de M. de Fouchy . Les douze Parties
parviendront par la pofte , & port franc , pour
la fomme de 18 liv. On aura la complaifance d'affranchir
la remife du montant des foufcriptions ,
DE FRANCE: 141
alafi que les lettres, Les Délaffemens de l'Homme
Jenfible n'empêcheront point la continuation des
Epreuves du Sentiment & des Nouvelles Hiftoriques.
Deux Quvrages dans ce dernier genre vont fe publier
fucceffivement.
On fait quels fuccès M. d'Arnaud a obtenus dans
les Ouvrages de Sentimens. Ces fuccès font un préjugé
favorable & une efpèce de certitude pour la
Collection qu'il annonce au Public.
IDEE du Monde , ou Idées générales des chofes
dont un jeune homme doit être inftruit , Ouvrage.
curieux & intéreffant , orné de neaf Planches en,
taille-douce ; par M. A. T. Chevignard de la Pallue
, Ecuyer , nouvelle Édition , confidérablement
augmentée , & enrichie des Obfervations & des.
Expériences les plus récentes. Prix , 6 livres les deux
Volumes reliés. A Paris , chez Moutard , Imprimeur-
Libraire , rue des Mathurins , hôtel de
Cluny.
.
Etre favant n'eft pas le devoir d'un homme du
monde ; mais être tout- à- fait ignorant eft devenu un
ridicule qu'on ne pardonne plus. Cet Ouvrage renferme
tout ce qu'il eft bon de favoir quand on n'af
pire pas à être un Savant de profeifion . La première
Édition de cet Ouvrage , qui remplit parfaite
ment fon titre , ayant réuffi , les corrections heureufes
& les augmentations confidérables font un
garant que celle - ci n'aura pas moins de fuccès.
INSTITUTION au Droit de Normandie , ou
Conférence des Principes des Inftitutes de Juftinien
avec le Droit François , & en particulier avec le
Droit de Normandie ; par M, J. H. de Rouffel
de la Bérardière , Confeiller Honoraire au Bailliage
& Siège préfidial de Caen , Profeffeur Royal du
Droit François en l'Univerfité de la même Villes
142 MERCURE
1
&c. A Caen , de l'Imprimerie de Jean-Claude Pyron,"
Imprimeur du Roi & de l'Univerfité , in - 12 de .
460 pages.
M. de la Bérardière , dans la place qu'il remplit
avec honneur depuis dix-fept ans , s'étant fouvent
apperçu que les différences qui fe trouvent entre
les Principes du Droit Romain & ceux de Normandie
embarraffoient les Élèves de Droit , & nuifoient
à leurs progrès , a fenti la néceffité d'un Ouvrage
élémentaire qui pût rapprocher les uns &
les autres. L'Ouvrage qu'il vient de publièr fur cette
matière nous a para bien conçu , & remplit l'objet
d'utilité que s'étoit propofé l'Auteur.
Les Antiquités d'Herculanum , avec leurs explications
en François , troifième Volume , Numé
ros 1 , 2 , 3 & 4. A Paris , chez David , Graveur
rue des Noyers , n°. 17.
Rien ne doit être plus intéreffant pour les Ama
teurs & les Artiſtes que les Antiquités d'une grande
Ville , dont la fondation eſt antérieure à celle de
Troyes , placée fous le beau ciel de l'Italie , & qui
eft reftée cachée dans le fein de la terre pendant
plus de dix-fept fiècles.
L'original étoit un grand in -folio , d'un prix
exceffif. M. David s'eft propofé de le réduire aux
formats in-4 . & in- 8 ° . Il a fait entrer jufqu'à cinq
fujets fur la même Planche pour rendre cette Collection
moins coûteufe & moins volumineuſe.
Chaque Cahier eft composé de douze Planches , &
chaque Voluine de l'in-folio n'occupe que fix Cahiers.
M. David a mis toute fon attention à ne rien
faire perdre des beautés des fujets réduits . On doit
les plus grands éloges à fon burin , digne interprête
des beautés antiques , & au Rédacteur du
Texte Italien ( M. Marefchal ) , qui dans fa ver
fion Françoife a confervé tout ce qu'il y avoit de
DE FRANCE. 143
3
favant dans l'original , & qui l'a enrichi encore de
rapprochemens & de parallèles intéreffans & inftruc
tifs. L'on foufcrit pour cet Ouvrage en payant d'avance
les deux derniers Numéros qui termineront le
fixième Volume , & il paroît deux Cahiers tous
les deux mois. Chaque Cahier eft composé de douze
Planches. Prix , 9. liv. l'in- 4° . , & 6. liv. l'in-8.02
ENTRETIENS de Phocion fur le rapport de la
Morale avec la Politique , traduits du Grec de Nicocles
; par M. l'Abbé Mably. A Paris , chez Bailly',
Libraire , rue S. Honoré , & Lamy , Libraire , quai
des Auguftins. De l'Imprimerie de Benoît Morin ,
rue S. Jacques.
Cet Ouvrage eft trop connu pour en porter an
jugement; mais on ne peut refafer des éloges à
l'exécution typographique , qui doit faire honneur
aux preffes de M. Morin. Il fe vend 9 livres. broché
en 3 Volumes, imprimé fur papier d'Annonay, &
avec les caractères de Garamont , même format que
les Moraliftes.
HISTOIRE Phyfique , Morale, Civile & Poli
tique de la Ruffie ancienne & moderne , par M.
Leclerc , D. M. Écayer , Chevalier de l'Ordre du
Roi , & Membre de cinq Académies.
Il paroît deux Volumes de cet important Ouvrage,
qui doit en avoir cinq , & qu'on propofe
par foulcription. L'un de ces deux Volumes eft le
premier de l'Hiftoire ancienne , & l'autre le premier
de l'Hiftoire moderne. Cet Ouvrage nous a paru
très-foigné pour la Gravure & pour la Typographie,
& l'Auteur eft entré dans des détails qui nous femblent
faits pour fatisfaire la curiofité fur cet Empire
intéreffant. Nous nous hâtons d'annoncer ces
deux premiers Volumes en attendant que nous
puiflions en rendre compte. Le prix de la foufcrip
144 MERCURE
tion eft de 120 liv. L'Ouvrage coûtera 160 lv.
ceux qui n'auront pas foufcrit. Les foufcriptions fe
paient d'avance . ou en quatre termes ; favoir ;
30 liv. en retirant les deux premiers Volumes ,
goliv. en recevant le troifième , & 30 liv. en retirant
les deux derniers. On foufcrit à Verſailles ,
chez Blaizot , Libraire ; & à Paris , chez Froulé , Li-
Braire , Pont Notre-Dame.
RETOUR de Chaffe , deffiné & gravé par A. J.
Duclos , en Janvier 1783. Prix , 1 livre 4 fols . A
Paris , chez Godefroy , rue des Francs - Bourgeois-
Saint- Michel , vis - à- vis la rue de Vaugirard.
Cette jolie Eftampe repréfente une de ces petites
anecdotes qui font aimer les Grands & les peignent
mieux que les actions d'éclat ; elle fait pendant à
l'Exemple d'Humanité , qui fe trouve à la même
adreffe.
Pour les Annonces des Titres de la Gravure ,
de la Mufique & des Livres nouveaux , voyez les
Couvertures.
TABLE. -
LE Colin Maillard,
Les Voyageurs, Fable ,
Le Souverain Bien ,
Charades , Enigme &
grypke ,
971 ger
110
98 Necrologie ,
116
Logo-
Plutarque,
100 Lettre fur la réimpreffion du
120
102 Académie Roy, de Mufiq. 124
Coutumes Générales & Locales Comédie Françoife ,
du Bourbonnois , 103 Comédie Italienne ,
Le Danger d'aimer un étran- Annonces & Notices ,
APPROBATIO N.
134
136
139
JAI lu , pár ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 15 Mars. Je n'y al
rien trouvé qui puiflè en empêcher l'impreffion. A Paris ,
le 14 Mars 1783. GUIDL
Jer . 135 .
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 22 MARS 1783 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSÉ.
1 VERS à Mde CLÉRY , de la Mufique de
la Reine , furfon Portrait quej'avoisfait
au Paftel.
Aux Grâces , aux Talens , jaloux de rendre hommage
,
J'ofai , plus zélé que prudent ,
Crayonner votre douce image ,
Je ne prévoyois pas quel feroit mon tourment ;
Mais lorsque je vous vis , fi naïve & fi belle,
M'offrir à tout moment une grâce nouvelle ,
Attendri par le fentiment
Qai varioit les traits de mon modèle ,
Je gémiffois fur mon talent ,
Je maudiffois ma mal- adreffe.
Ah ! de mon art pardonnez la foibleffe ;
Il ne peut fixer qu'un inftant ,
Et vous en avez inille où vous êtes charmante.
No. 12 , 22 Mars 1783 .
G
146
MERCURE
Pour les faifir , mon âme impatiente
A fait des efforts fuperflus.
Ce portrait n'eft pas vous , je ne l'admire plus.
Il eft plein de défauts qu'aifément on dévoile.
Ce n'eft pas vous , il n'eft pas enchanteur ;
Mais qu'il feroit divin , s'il étoit fur la toile
Tracé comme il l'eft dans mon coeur !
(Par M. François , Peintre. )
Explication des Charades , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercureprécédent.
LE mot de la première Charade eft Cordon;
celui de la feconde eft Charrue ; celui de
l'Enigme et Bergère ; celui du Logogryphe
eft Sympathie , où fe trouvent pie , temps ,
ami , pâté , tapis , Thémis , âme ,fi, mi ,
mất , Mai , pas .
CHARADES.
I.
MON premier t'offre une voiture ,
Mon fecond aux Nochers une retraite sûre ,
Mon tout te met l'efprit à la torture.
I I.
Si toujours on defire augmenter mon premier ,
On voudroit dans fon cours arrêter mon dernier
Quant à mon tout , jamais ne le fouhaite :
Las ! quand je crève , adieu panier
Vendanges font faites
GALIOTEMA
REOLA
DE FRANCE. 147 +
I I I.
ADIEU mon tout , fi mon dernier
Te porte à couper mon premier.
JE
(Par M. Bezançon de la Percerie. )
ENIG ME.
E fuis ce qui plaît moins au préfent qu'au futur
Quoi qu'autant quelquefois je plaife .
Or fus , Lecteur , qui fuis - je ? Un Ange ? ... je fuis sûr :
Un diable , dit tout bas la femme de Nicaife.
(Par M. Portier , Curé de Bonnemain ,
en Bretagne. ).
LOGO GRYPH E.
LA célèbre Laïs eut moins d'amans que moi :
Alexandre & Céfar ont été mes esclaves ;
Et lorsqu'à l'Univers ils donnoient des entraves ,
Je favois à mon tour les tenir fous ma lol .
Si tu coupes mon chef , je traverſe la France ;
Et loin du lieu de ma naiffance ,
Je porte un tribut à la mer.
Retranche encor ma queue , & je dors tout l'hiver.
Pour mieux me deviner , coupe , taille , tranſpoſe ,
Et je t'offre à l'inftant mainte métamorphofe..
Ici , mon cher Lecteur , c'est un jeu de hafard ;
Ou , fitu laimes mieux , un oifeau fort criard ;
Gij
148
MERCURE
Là , c'eſt une ordonnance , écrite ou non ; n'importe ,
Le nom de celui qui la porte ;
Un Saint Évêque de Noyon ;
L'inftrument délicat que le galant Horace
Manioit avec tant de grâce ;
Ce que rendoit fi bien la célèbre Clairon ;
La place qu'on payoit pour la voir & l'entendre ;
Un métal chéri d'Harpagon ,
Et pour lequel il veut fe pendre ;
Certain canal que l'on fait à fon gré ,
Pour arroſer ou deffécher un pré ;
De la Rochelle une Ifle fort yoifine ;
Un uftenfile de cuifine ;
Enfin ce qu'un Buveur n'aima jamais à voir,
J'en ai trop dit , Lecteur , bon foir.
( Par M. L. C... de B... , à la Source de la Dive.)
NOUVELLES LITTERAIRES.
LE CORAN , traduit de l'Arabe , accompa
gné de Notes , & précédé d'un Abrégé de
la Vie de Mahomet , tiré des Ecrivains
Orientaux les plus eftimés , par M. Savary,
A Paris , chez Knapen & fils , au bas du
Pont Saint- Michel , & Onfroy , quai des
Auguftins. 2 Vol. in - 8 ° . 1783 .
M. SAVARY écrit le Coran , & non pas
Alcoran , parce que ce feroit répéter l'ars
DE FRANCE. 149
ticle al , fignifiant le. Il eſt toujours temps ,
dit il , de s'affranchir du joug d'un ufage mal
établi ; non , il n'eft pas toujours temps , &
il s'agit avant tout de favoir ce que l'Auteur
entend par mal établi. Si l'ufage n'eft pas
conftant , on peut s'en affranchir . S'il l'eft ,
il fait loi , & on eft obligé de le fuivre , fûtil'
déraisonnable dans le principe . Il s'enfuivroit
de la propofition de l'Auteur , qu'il
faudroit ceffer de dire l'Alcade , un Alcade,
( Officier de Juftice en Eſpagne ) l'Algèbre ,
Alkaëft , l'Alkali , les Alkalis , les Alkalis , l'Alkool ,
l'Almageste de Ptolomée , un Almanach ; il
faudroit en un mot bouleverfer entièrement
l'ufage , relativement à tous ces termes d'origine
Arabe , où l'article eft entré dans le
mot , originairement peut- être par l'effet de
l'ignorance , mais n'importe ; & s'il falloit
changer tous les mots mal formés , foit d'après
les langues étrangères , foit même dans
la langue maternelle , la réforme n'auroit
point de borne ; tenons nous- en à la maxime
d'Horace: Si volet ufus.
Cette nouvelle Traduction de l'Alcoran
( car nous continuerons de dire ainfi ) a été
faite en Égypte , fous les yeux des Arabes ,
au milieu defquels le Traducteur a vécu
pendant plufieurs années ; on fent combien
l'étude des moeurs de ces peuples & du génie
de leur langue , faite fur les lieux , & fortifiée
du fecours continuel de la converfation
, a dû donner de mérite & de prix à
sette Traduction ; M. Savary prouve aifé-
Gij
150
MERCURE
ment que celle de Duryer n'a pas dû l'empêcher
de donner la fienne , & la vie de
Mahomet , par le fameux Comte de Boulainvilliers
, n'allant que jufqu'à l'Hégire ,
n'a pas dû non plus l'empêcher de donner
l'Abrégé de la Vie de Mahomet , qu'on trouve
à la tête de ſa Traduction . D'ailleurs , il y a
peut-être quelque chofe à rabattre de l'enthoufiafime
que Mahomet infpiroit à M. le
Comte de Boulainvilliers. « Il avoir , dit M.
de Voltaire , du goût pour Mahomet. » A
la bonne heure , il ne faut pas difputer des
goûts ; mais on peut en avoir de contrai
res ; quant à M. de Voltaire , il n'en avoit
aucun pour un Marchand de chameaux
qui excite une fédition dans fa Bourgade ;
» qui , affocié à quelques malheureux Ca
» racites ou Coreishites , leur perfuade qu'il
s'entretient avec l'Ange Gabriel ; qui fe
" vante d'avoir été ravi au Ciel, & d'y avoit
» reçu une partie de ce Livre intelligible ,
qui fait frémir le fens commun à chaque
page ; qui pour faire refpecter ce Livre ,
poite dans fa Patrie le fer & la flamme ;
qui égorge les pères ; qui ravit les filles ;
qui donne aux vaincus le choix de fa religion
ou de la mort.
و د
ود
"
"
و ر
"
"
و د
L'Alkoran , dit- il ailleurs , eft une rapfodie
fans liaiſon , fans ordre , fans art.
On dit pourtant que ce Livre ennuyeux
. eft un fort beau Livre ; je m'en rapporte
aux Arabes , qui prétendent qu'il eft écrit
DE FRANCE.
Ifr
avec une élégance & une pureté dont per-
" fonne n'a approché depuis .
"
M. Savary le prétend aufli d'après la connoiffance
qu'il a de l'Arabe , & il explique
comment & pourquoi ceux qui ne connoiffent
l'Alcoran que par la Traduction infidèle
& difforme de Duryer , doivent avoir
une idée très - fauffe & une très mauvaife
opinion de ce Livre. Mais M. de Voltaire
pouvoit le connoître par la Traduction Angloife
de M. Sale , dont il parle , & qu'il dit
excellente ; M. Savary , de fon propre aveu ,
ne fait pas affez l'Anglois pour en juger ,
mais il dit auffi qu'elle doit être excellente ,
à en juger par les Obfervations hiftoriques &
critiques de cet Auteur fur le Mahométifme ,
qui ont été mifes à la tête de la dernière Édition
de Duryer.
M. Savary parle encore d'une mauvaile
verfion Latine de l'Alcoran , par un Moine
nommé Maracci , qui ne le traduifoit que
pour le réfuter , comme fi ce Livre avoit befoin
de réfutation .
Les principes que M. Savary a fuivis dans
fa Traduction , & dont il rend compte dans
fa Préface , nous paroiffent excellens , & fa
Traduction juftifie & rend fenfible ce qu'il
dit de l'original .
A travers toutes les folies myftérieufes de
l'enthousiasme prophétique , à travers l'emphafe
des tournures orientales , on y trouve
des traits remarquables par l'élévation & la
précifion , tels que celui ci :::
Giv
'152
MERCURE
K
Ne donnez point d'égal à Dieu . Il fait ,
» & vous ne favez pas. »
A travers tous les principes fanatiques &
perfécuteurs , on y trouve auffi d'excellens
préceptes.
" Faites le bien. Le Seigneur aime les bienfaifans.
Faites l'aumône le jour , la nuit
» en fecret , en public. L'humanité dans les
paroles & les actions , eft préférable à l'aumône
que fuit l'injuftice. »
L'Abrégé de la Vie de Mahomet , par M.
Savary , ne laiffe pas que d'être un Ouvrage
de 248 pages in 8 ° . C'eft un Ouvrage favant
, tiré des meilleurs Auteurs Arabes ,
principalement d'Abulfeda & des traditions
raffemblées dans le Livre qui a pour titre :
la Sonna ; il y a tout lieu de penser que cette
Vie abrégée eft l'Ouvrage qui donne de Mahomet
l'idée la plus exacte. Ce Prophète
violent commit la plupart des crimes du fanatifme
, du defpotifme & de l'ambition ,
mais il eut quelquefois auffi la modération
& la clémence d'un grand homme ou d'un
homme habile ; il répandit la fuperftition &
l'erreur , mais il diffipa d'autres fuperftitions
& d'autres erreurs , dont quelques - unes
étoient plus funeftes. Les Arabes tuoient
leurs enfans pour les fouftraire à la pauvreté,
ils les immoloient aux autels de leurs
Dieux , comme ont fait tant d'autres peuples
; Mahomet abolit ces ufages barbares ;
ainfi l'humanité lui a des obligations ; & M.
de Voltaire le reconnoît.
DE FRANCE.
153
" Si fon Livre , dit -il , eft mauvais pour
» notre temps & pour nous , il étoit fort
» bon pour les contemporains , & fa reli-
"
ور
"
gion encore meilleure. Il faut avouer
qu'il retira prefque toute l'Afie de l'ido-
» lâtrie. Il enfeigna l'unité de Dieu ..... Chez
lui l'ufure..... eft défendue , l'aumône or-
» donnée. La prière eft d'une néceffité abfolue
; la réfignation aux décrets éternels
» eft le grand mobile de tout, »
و د
L'horrible attentat du quatrième Acte de
la Tragédie de Mahomet , & la catastrophe
funefte du cinquième , n'appartiennent pas
à l'Hiftoire de Mahomet.
و د »Je n'ai pas prétendu , dit M. de Voltaire ,
» mettre fur la Scène une action vraie , mais
» des moeurs vraics ..... j'ai voulu reprefenter
» ce que la fourberie peut inventer de plus
» atroce , & ce que le fanatifine peut exé-
» cuter de plus horrible. Mahomet n'eft ici
autre chofe que Tartuffe les armes à la
»
» main. »
Le reste de la Pièce a du rapport avec
l'Hiftoire ; Zopire eft Abufofian , l'ennemi
le plus conftant de Mahomet. Omar eft
peint avec la plus grande verité ; c'étoit un
fanatique , qui d'abord avoit voulu affatliner
Mahomet , par zèle pour l'idolâtrie , & qui
enfuite changé par la lecture de quelques
morceaux de l'Alcoran , auroit voulu foumettre
la terre entière à fon nouveau Maître ,
& lui facrifier tous fes ennemis ; c'est lui qui
dans la Pièce confeille le meurtre de Zopire ,
Gv
154
MERCURE
& qui indique les moyens de confommer
ce crime ; dans l'Hiftoire , il demande à Mahomet
la tête d'Abufofian ; enfin on retrouve
par tout , dans l'Hiftoire comme dans la
Tragédie de M. de Voltaire ,
Ce farouche Omar,
Que l'erreur aujourd'hui conduit après fon char ,
Qui combattit long- temps le Tyran qu'il adore.
Cer Omar à qui Zopire dit :
Eh bien , après fix ans tu revois ta Patrie ,
Que ton bras défendit , que ton coeur a trahie ;
Ces murs font encor pleins de tes premiers exploits.
Déferteur de nos Dieux' , déferteur de nos Loix ,
Perfécuteur nouveau de cette Cité fainte ,
D'où vient que ton audace en profane l'enceinte ? ……..
Toi même alors , toi- même écoutant la raison ,
Tu voulus dans fa fource arrêter le poiſon ;
Je te vis plus heureux , & plus juſte , & plus brave ,
Attaquer le Tyran dont je te vois l'efclave ;
S'il eft un vrai Prophète , ofas - ta le punir ?
S'il eft un impofteur , ofes - tu le fervir ?
Cet Omar enfin qui répond à Zopire :
Je voulus le punir , quand mon peu de lumière
Méconnut ce grand homme entré dans la carrière.
Mais enfin , quand j'ai vû que Mahomet eſt né
Pour changer l'Univers à fes pieds confterné ;
Quand mes yeux éclairés du feu de fon génie
Le virent s'élever dans fa courfe infinie ,
<t
ct
ht
C
DE FRA N.CE.
IS'S
Eloquent , intrépide , admirable en tout lieu ,
Agir , parler , punir ou pardonner en Dieu ,
J'aſſociai ma vie à fes travaux iminenfes ;
Des trônes , des autels en font les récompenfes.....
Tu me vois après lui le premier de la terre ,
Le pofte qui te refte eſt encore affez beau
Pour fléchir noblement fous ce Maître nouveau.
Ce fut en effet le parti que prit Abufofian
, à fon exemple tout le foumit . « Il étoit
» bien difficile , dit M. de Voltaire , qu'une
religion fi fimple & fi fage ( en compa-
» raifon de l'idolâtrie ) enfeignée par un
» homme toujours victorieux , ne ſubjuguât
» pas une partie de la terre. »
و د
UVRES complettes de Meffire Efprit
Fléchier , Evêque de Nifmes , & l'un des
Quarante de l'Academie Françoife , revues
fur les manufcrits de l'Auteur , augmentées
de plufieurs Pièces qui n'ont jamais été
imprimées , & accompagnées de Préfaces ,
d'Obfervations & de Notes fur tous les
endroits qui ont paru en avoir befoin. Dix
Vol. in 8. Pix , 30 liv . en feuilles , &
40 liv. reliés . A Nifmes , chez Pierre
Beaume , Imprimeur - Libraire , & fe
trouvent à Paris , chez G. Defprez , Imprimeur
du Roi & du Clergé de France ,
rue S. Jacques ; Eſprit , au Palais Royal.
CETTE Édition eft auffi ample & aufli
Gvj
156
MERCURE
exacte qu'il foit poffible . M. du Creux, Chanoine
d'Auxerre, & Chapelain de MONSIEUR,
qui la dirige , a tout revu fur d'anciennes
Éditions & fur les manufcrits de l'illuftre
Prélat , qui lui ont été communiqués par
M. Fléchier , Capitaine de Dragons , le feul
qui refte d'un nom fi cher aux Lettres & à
la Religion . Plusieurs papiers y étoient joints.
On a fait ufage de beaucoup d'anecdotes
qu'il a fournies fur la perfonne de l'Auteur
& fur fes Ecrits.
L'entière Collection forme 10 Vol. le
papier & le caractère en font très beaux , &
F'on doit de la recounoiffance à M. Beaume ,
pour avoir formé une pareille entrepriſe ,
& pour l'avoir exécutée avec autant de
fuccès.
Le titre annonce tout ce que l'Éditeur a
jugé à propos d'y ajouter de fon chef. On
peut regarder fon Difcours fur la Perfonne
& les Écrits de M. Fléchier , comme un éloge.
On n'y relève pas moins fes talens que fes
vertus , en retraçant les principaux événemens
de fa vie.
Il vint à Paris après avoir prononcé , avec
applaudiffement , devant les États de Languedoc
, l'Oraifon Funèbre de l'Archevêque
de Narbonne. Ainfi , en arrivant dans la
Capitale , il avoit l'efpoir des fuccès & des
récompenfes qu'obtiennent tôt ou tard les
talens.
Il fut fucceffivement Précepteur du fils de
M. de Caumartin , Prédicateur du Roi , Au,
:
DE FRANC E. 157
mônier de Madame , la Dauphine , Académicien
, nommé à l'Évêché de Lavaur , après
avoir catéchisé les Proteftans en Bretagne en
1685 , & transféré à celui de Nifmes dans
de triftes circonftances .
La difpute pour la Régale avec la Cour de
Rome , étoit caufe qu'on n'y expédioit point
de Bulles ; & la violence ayant réveillé le
fanatifme , il avoit enfanté la révolte dans
le Languedoc. Le Diocèfe de Nifmes étoit
fur- tout en proie à d'affreux ravages . L'Auteur
du Difcours en trace un tableau fort
vif; & il paroît rendre juftice aux uns & aux
autres. Quel temps d'épreuve , dit il , pour le
coeur fenfible de ce bon Prélat , où le fanatifme
armoit la moitié de fes enfans pour
égorger l'autre ! Ce qui fait de plus en plus
fentir la néceffité de la tolérance civile ; ces
mêmes hommes , qui déchiroient le fein de
leur Patrie avec fureur , auroient donné leur
fang pour elle avee joie , fi on leur eût laiffé
leur tranquillité.
Pendant ces troubles , la patience de l'illuftre
Prélat fut fouvent mife à l'épreuve. If
étoit tolérant comme Fénelon ; mais fon
coeur le fervoit mieux que fes principes. En
fe concertant avec l'Intendant de Bafville ,
fur les réfolutions à prendre pour remédier
aux défordres de la Province , il penchoit
ordinairement vers la douceur , & le Magiftrar
vers la févérité. Sa charité étoit fans bornes.
La ville de Nifmes doit plufieurs établiffemens
à ſa bienfaiſance. Dans le fein de
158 MERCURE
la piété , il cultiva toujours la belle Littérature
; & tout manifefte la delicateffe de fes
goûts & les vertus. Ce grand Évêque termina
fa carrière en 1710 ; il fut univerfellement
regrette.
Ce Difcours et digne de fon fujer . Il tient
comme le milieu entre l'eloge oratoire &
l'éloge hiftorique . Il vaudroit peut être mieux
qu'il fût l'un ou l'autre.
La Préface fur les Oraifons Funèbres pourroit
paffer pour un effai fur ce genre de Littérature.
Le ftyle en eft noble , foutenu , &
l'Auteur a cru , avec raifon , qu'il étoit à
propos d'être éloquent en traitant de l'éloquence
.
Ainfi que l'Editeur de Boffuet , M. du
Creux a ajouté aux Oraifons Funèbres de
fon Auteur , des notices qui mettent dans la
inain du Lecteur le fil des événemens , & le
rendent comme contemporain & de l'Orateur
& des perfonnages qu'il célèbre . Mais il
ne fait qu'y ajouter éloge fur éloge . Une fage
difcuffion , au lieu d'une louange redoublée
, eût ajouté de l'intérêt & du piquant
à ces notices. Le Lecteur eût goûté le plaifir
de connoître au jufte ce que le Héros devoit
au Panégyrifte , & de voir fans mafque le
perfonnage qui n'étoit plus fur la Scène.
Quant aux Ouvrages de M. Fléchier , ils
font connus & jugés. L'Éditeur les juge
pourtant à fon tour ; & quoiqu'il accorde
la préference aux Oraifons Funèbres , il regarde
les autres comme des modèles . L'HifDE
FRANCE. 159
toire de Théodofe , fur- tout ,
lui paroit
digne de grands éloges . Il regrette que l'on
n'ait pas chargé M. Flechier d'un plus grand
nombre d'Ouvrages de ce genre. Tous auroient
été des modèles , des monumens dignes
du beau fiècle de Louis XIV . Il croit
réfuter M. d'Alembert , qui , avec cette
fineffe de tact & ce ton d'honnêteté qui lui
font propres , a fait entendre que le ftyle de
M. Fléchier en Hiftoire s'éloignoit de la fimplicité
du genre. Notre devoir etant de n'être
que juftes , nous dirons ce que nous penfons.
Sans doute le fiècle dernier a peu vu d'Hiftoire
dont le ſtyle foit auffi pur & aufli élé
gant que le ftyle de l'Hiftoire de Théodofe
& même de cel e du Cardinal Ximenès ;
mais il eft aufli quelquefois diffus , fur tout
dans cette dernière , il manque de rapidité
& d'énergie.
Pour s'allurer de la vérité , il ne faut
confulter ni les anciens Hiftoriens ni M. Fléchier
, mais les fairs. En procédant ainsi , on
trouve que les événemens font quelquefois
un contrafte frappant avec ce qu'il dit . Par
exemple , il peint Theodofe aufli chéri qu'admiré
, plus doux , plus clément que Valentinien
n'avoit été fevère. Cependant , outre
que ce même Valentinien avoit rendu l'Empire
refpectable , introduit la difcipline dans
les armees , il avoit aimé la juftice , respecté
les loix , diminué les impôts , mené une vie
irréprochable , éloigné de la Cour la corruption
, montré dans toute fa conduite de
160 MERCURE
l'efprit , du courage , de la politeffe & de la
grandeur. Orthodoxe , il n'opprima jamais
perfonne pour fa Religion , & toutes les
fectes , fous fon Empire , furent contenues
dans les bornes du devoir & de la paix.
Théodofe , d'un caractère bien différend ,
vit dans la pompe & dans les plaifirs , étale
un fafte orgueilleux , il s'entoure de légions
à Conftantinople , règne defpotiquement ,
augmente les impôts , & paroît plus occupé
de matières théologiques que du falut de
l'Empire. A peine eft - il monté fur le trône ,
qu'il ordonne , par un édit , que tout le
monde fe faffe Catholique ; il s'empare avec
violence de toutes les églifes des Ariens qui
dominent à Conftantinople , comme dans
tout l'Orient. Mandoniens , Donatiftes , Eunomiens
, Manichéens , Juifs , Payens , font
également perfécutés , tourmentés par lui . Il
brife les Temples , & pourfuit les troupeaux
comme les pafteurs . Qu'on juge à ces traits.
dans quelle confufion il plongeoit l'Empire
, & s'il méritoit plus d'amour que Valentinien.
Ne doutons point que la haine générale
n'ait eu beaucoup de part à la révolte d'Antioche
, quoiqu'un nouvel impôt en fût l'occafion
, & il fit bien voir qu'il n'étoit pas
moins violent que Valentinien. Dès qu'il a
appris que fes ftatnes ont été renversées , il
veut que cette Métropole de l'Orient foit
détruite de fond en comble , qu'on brûle les
habitans avec leurs maifons. Il eft vrai qu'il
DE FRANCE. 161
finit par pardonner , mais ce ne fut pas fans
peine , & le maffacre de Theffalonique devint
bientôt un monument effroyable des
excès de fa colère .
Du refte , il fut intrépide dans les combats
; il combattit quelquefois pour l'Empire
, plus fouvent pour lui-même , & il
en reçut le prix. Il tira l'églife de l'oppreffion
des Arriens. On doit le louer fur tous
ces points , mais il fut cruel , on ne doit pas
bénir fa mémoire.
L'Hiftoire du Cardinal de Commendon
n'eft qu'une traduction du Latin de Gratiani ,
d'abord Secrétaire de cette Eminence , & fa
créature , puis Evêque d'Amélia , enfin Secrétaire
de Sixte V , & Nonce Apoftolique à
Venife.
Ce Cardinal fut un des plus fameux Négociateurs
de la Cour de Rome. Il fut envoyé
dans prefque toutes les Cours de l'Europe.
La tenue d'un Concile à Trente ayant
été réfolue , on le choifit pour aller inviter
l'Empereur & les autres Princes Allemands
à s'y trouver , ou à y envoyer des Ambaffadeurs.
Il parut même dans l'Affemblée des
Princes Proteftans, qui le tenoit alors à Nanbourg.
Il reparut enfuite à Vienne en différens
temps. Il ofa même y venir malgré les défenfes
de l'Empereur Maximilien II. Ce
Prince foible, fubjugué d'ailleurs par les circonftances
, loin de lui fermer fa Cour , l'accueillit
avec politeffe , reçut de lui la loi
162 MERCURE
avec refpect , & rétracta , felon l'objet de
la miffion du Cardinal , la tolérance civile ,
promife folemnellement aux Proteftans de
fes États. L'Éditeur , on doit l'avouer à fa
gloire , parle là deffus d'une manière fort
iaifonnable , & fupplée ainfi à ce qu'auroit
dû faire M. Fléchier , qui fait voir dans cette
occafion , & dans plufieurs autres , qu'il fe
fouvenoit un peu trop qu'il étoit né ſujet
du Pape.
Cet Ouvrage contient des objets trèsimportans
, tels que l'Élection du Duc d'Anjou
pour le trône de Pologne. Cet article y
eft traité d'une manière intéreffante ; mais .
cette Hiftoire en général eft prolixe . Le ſtyle
en eft quelquefois négligé , la doctrine toute
ultramontaine. On nous parle de la Saint-
Barthélemi , & on eft loin de la blâmer ; ce
qui nous paroît étrange maintenant , & qui
ne l'étoit pas alors.
L'Hiftoire du Cardinal de Ximenès , figure
à une époque bien remarquable , à celle où
l'Efpagne enfin toute réunie fous un même
fceptre , parvint bientôt au comble de la
gloire. Cet Ouvrage a auffi pour ſujet un
perfonnage bien fingulier , né dans l'obſcurité,
homme à fandales, qui annonça toujours
une âme également fière & auftère. Dans
l'ombre du cloître , il affecte le recueillement
, & fe macère. Devenu Provincial de
fen Ordre , il veut le réformer. Confeffeur
de la Reine , il ne change point de moeurs.
Archevêque de Tolède , fous les habits d'un
DE FRANCE. 163
Pontife il conferve ceux d'un Cordelier.
Il réfifta inflexiblement à fes maîtres toutes
les fois que l'occaſion s'en préſenta , & fit
voir qu'il n'étoit pas moins opiniâtre que les
Anfelme & les Thomas Bequet , ni moins
fuperbe que les Grégoire VII , & peut être
encore plus redoutable aux ennemis de
TÉglife Romaine que les Simon de Monfort.
Ce n'eft pas ainfi que le caractérife M. Flé
chier ; mais il étoit tel.
Ximenès déploya le même efprit dans fon
expédition d'Afrique . Il parot au milieu de
l'armée devant Oran , en habits pontificaux ,
à la tête d'une foule de Prêtres , qui chantoient
des hymnes en portant la croix , &
qui , à leurs ornémens facerdotaux , avoient
ajouté la cuiraffe , l'épée & le moufquet
Cet accoutrement bizarre , que nos Prêtres
Ligueurs imitèrent trop bien enfuite , infpira
un enthoufiafme fi véhément aux Soldats
, que la ville d'Oran fut priſe d'affaut
auffitôt qu'affiégée , & traitée avec la même
cruauté que les habitans du Nouveau-
Monde , par ces Soldats pieux ; attendu , dit
l'Auteur , que c'étoient les ennemis de la Religion
, & que l'on croyoit pouvoir perdre
envers eux toute humanité.
Après cela on ne doit point s'étonner
qu'il fut le boulevard de l'Inquifition , dont
il étoit le Chef. Ce Tribunal terrible , à
peine établi , avoit débuté par faire arrêter
quinze mille perfonnes , & par en faire
brûler deux mille. Quel fpectacle !
164 MERCURE
Le genre oratoire eft , fans contredit ,
celui que l'Auteur avoit le plus approfondi.
Ses Oraifons Funèbres pafferont à la poſtérité
la plus reculée . Jamais on ne porta plus
loin l'élégance , l'harmonie , la fineffe dans
les tournures , ni jamais on ne mêla fi bien
les richeffes de l'imagination avec la beauté
de la penfée. Que d'à - propos faifis avec précifion
! que de nuances délicates accompagnent
les grands traits ! quel art de rendre
tout éloquent , de faire parler la Religion à
un Empire au milieu des affaires tumultueufes
du fiècle, de forcer les puiffans à rentrer
en eux - mêmes à l'efpect du néant de
leurs grandeurs. Cependant , cette facilité
fi heureufe & fi féconde , laiffe entrevoir
quelquefois de la ftérilité ; la Nature quelquefois
femble manquer à l'Art . La force ,
la véhémence , la fublimité affignent conftamment
la première place à Boffuet. D'au
tres Orateurs partagent la feconde avec Fléchier
; mais c'en eft affez pour être compté
parmi ces hommes prévilégiés qui illuftrèrent
le grand fiècle.
Les autres Ouvrages de M. Fléchier font
des Panégyriques , des Sermons prêchés avec
un applaudiffement univerfel , des Mande
mens , des Lettres Paftorales , où fe manifefte
plus ou moins , felon les occafions
cette éloquence douce , perfuafive , pleine
d'onction qui lui étoit comme naturelle , &
qui conftitue le véritable Orateur Évangélique
; un Recueil de Confidérations & de
DE FRANCE. 165
Penfees fur divers fujets de morales , des
Mêlanges , un Volume de Lettres , dont plufieurs
n'avoient pas encore paru.
Enfin , il n'eft pas juſqu'à des Poéfies Latines
& Françoifes , qui ne foient intéreffantes
, parce qu'elles font comme les prémices
& les gages de ces talens fupérieurs , qui ont
conduit ce Prélat à l'immortalité,
LA Matinée du Comédien de Perfepolis ;
Proverbe en un Acte & en profe. A Paris ,
chez Cailleau , Imprimeur- Libraire , rue
S. Severin , & chez les Marchands de
Nouveautés,
Cette bagatelle dramatique , dédiée à
MM. les Auteurs du Journal de Paris , eft
précédée d'un Avertiffement analogue au
genre de la Pièce.
"?
" Ce n'eft pas une Pièce de Théâtre que
», l'Auteur donne au Public , c'eft à peuprès
la peinture de l'emploi que les Co-
" médiens faifoient autrefois de leur temps.
» Actuellement que tout eft change , ces
» Meffieurs ne peuvent voir de fatyre dans
» cette petite Pièce. Au contraire , s'ils com-
→ parent leur conduite préfente avec celle
qu'on a tâché de décrire ici , ils s'appercevront
fubitement que c'eft un éloge in-
» direct qu'un homme délicat a voulu leur
ménager, "
20
166 MERCURE
و ر
99
»
Belval , en robe de chambre fuperbe , fe
regardant dans fa glace , récapitule les importantes
occupations de fa journée ..... " A
» quatre heures & demie je m'évade , &-
cours dans ma loge m'écrâfer la tête de
» mon rôle dans cette Pièce nouvelle. C'eſt
» le déplaifant. Pourquoi ne s'en pas tenir à
» ce que nous avons ? Ce n'eft pas ma faute ,
je fais tout ce que je puis pour faire re-
» noncer aux nouveautés. Mais mes cama-
» rades fe laiffent entraîner , & moi je ſuis
» la victime de ces complaifances mal- en-
» tendues. Ce qu'il y a de cruel , c'eſt que ne
pouvant mal jouer , je foutiens feul l'ou-
» vrage , auquel je donne un mérite dont le
» pauvre Auteur ne s'étoit pas douté. » Sophie
, Comédienne , arrive. Belval prodigue
» à la fois les galanteries & les airs de fa-
» tuité. Sophie fe moque de toutes les belles.
proteftations. Brifons là , dit elle , ou je
pars. Parlons de chofes ferieuſes. Et en effet
il lui parle d'un congé pour trois mois , qui
lui eft néceffaire pour arranger fes affaires ;
de fa petite maifon de campagne , qui lui.
coûte tant d'argent ; de fes meubles , de fa
voiture , de la fantailie d'aller voir fiffler .
leur doubles , de s'amufer de la groſſe humeur
du Public , & de mille autres folies.
Au milieu de cette converfation , la Fleur
annonce un étranger qui revient au moins
pour la fixième fois , qui a toujours éré d'une.
patience comme Monfieur l'exige , & qui ,
s'eft en allé bien fouvent fachant que Mon-
"
a
DE FRANCE. 167
fieur y étoit , fans marquer la moindre humeur.
« A la bonne heure , dit Belval , fais-
» le entrer. “ --- Ah ! c'est qu'il eft fi crotté !
-
"
Là , bien crotté ? -11 eft venu à pié par
le temps qu'il fait. C'eft à caufe de cela
qu'il faut le recevoir . L'étranger eft le
» Comte de Meurfeville. Différens billets
» que je vous ai laiffés , ont pu , dit- il , vous
rappeler que vous avez daigné . me promettre
vos foins pour une Pièce que je
» vous ai remiſe il y a près de trois ans.
"3
»
BILVA L.
» Une Pièce ..... Ah ! pardonnez - moi.....
» Vous l'appelez-?
LE COMT E.
» L'oubli de foi-même.
"
BELVA L.
Daignez vous feoir ; je ne faifois pas at-
» tention ....
SOPHIE.
» C'eft un caractère qui promet.
"
LE COMT E.
Oui , Madame , on ne manque pas d'òri
❞ ginaux.
19
BELVA L.
, Oui , je crois que je l'ai lûe ; je m'en
fouviens très-bien. Mais je vous l'avouerai
franchement , elle ne nous convient pas.
168 MERCURE
ور
» Ce n'eft pas qu'elle ne foit bien écrite ; ez
» contraire. Elle montre auffi que Vous avau
» infiniment d'efprit ; mais le fujet de
» morale....
و ر
Déplaît.
LE
COMTE
BELVA L.
» Neth'en voulez pas de ma franchiſe.
LE COM T E.
» Je l'ai toujours trop eftimée pour qu'elle
» me fit quelque peine .
BELVA L.
» Cette réfignation annonce des talens peu
» communs ; exercez- les , Monfieur , fur
» un autre fujet , & vous verrez avec com-
» bien de zèle je m'emploierai.
LE COMT E.
" Ah ! combien de reconnoiffances ! je
» vous quitte , Monfieur , & ne veux point
abufer de vos momens. 20
BEL VAL.
» Quoi ! par un temps auffi mauvais !
LE COMTE.
» Je le prends comme il vient, & fais me
faire à tout. »
Belval fonne. Ses chevaux font à fa voiture.
DE FRANCE. 169
ture. Il prie l'étranger de les accepter. Il fort.
Le Comédien avoue à Sophie qu'il n'a pas
lû la Pièce en queftion . Sophie lui en témoigne
de la furpriſe & de l'humeur. « Il falloit
» la lire , au moins , dit- elle .
و ر
"
BEL VAL.
Ah ! j'apperçois ce que c'eft : vous
» lui trouvez des qualités que je n'ai pas
apperçues. D'ailleurs , il eft bien fait. Ah!
Sophie , fous mes yeux un nouveau penchant
! convenez donc que c'eſt humiliant
» pour moi. »
ce
Au retour de la Fleur , fon Maître lui demande
s'il a conduit l'Auteur à fon cinquième.
LA FLEUR .
A fon cinquième , Monfieur ; c'eſt , je
» vous affure , quelqu'un de grande impor-
» tance. D'ici à votre voiture il m'a fuivi en
» ricannant. Je lui en ai ouvert la portière ;
il l'a regardée avec admiration .
22
" Ah !
"2
""
"
BELVA L.
LA FLEUR
.
C'est- à- dire , en hauffant les épaules.
BELVA L.
Que dis- tu ?
LA FLEUR.
Ah ! rien , Monfieur. Je touffois.
Nº. 12 , 22 Mars 1783 .
H
170
MERCURE
BELVA L.
LA FLEUR
" Oui......
, Oui , Monfieur.
و د
ود
» Achève.
و د
BELVA L.
LA FLEUR.
Enfin il eft monté , & s'eft fait conduire
» à deux pas d'ici dans un hôtel fuperbe ; &
la preuve qu'il en eft le maître , c'eft que
le Suiffe eft venu avec fon baudrier lui
» remettre des lettres ; enfuite il en a tiré
» une de fa poche , qu'il a ouverte , & à
laquelle il a ajouté quelque chofe , &
» m'a recommandé de vous la donner
» avec deux louis qu'il m'a prié d'accepter ;
» vous fentez , Monfieur , avec quel plaifir
je m'acquitte de cette commiffion.
و د
و ر
*
وو
و د
BELVA L.
» Que peut- il dire ? Voyons. Il femble ;
Monfieur , que vous devriez vous défaire
» de l'habitude d'offrir des fervices , que
fecrettement vous vous promettez bien dene
» pas rendre ; ce n'eft que du verbiage que
» cela. Ne me croyez pas votre dupe. Vous
» n'avez pas lû ma Pièce. Ah ! j'aime bien
qu'il en doute. Car je ne vous en ai poin
remife . Quoi ! je ferois .... J'ai voulu vérifier
» fi les plaintes que j'ai entendu faire à un
وو
و د
و و
DE FRANCE. 171
?)
jeune homme de ma connoiffance avoient
quelques fondemens. Vous devez croire
» que je n'ai pas befoin d'autres preuves que
» les confeils que vous avez bien voulu me
» donner ce matin , fur ce qui n'existe pas ,
» pour être convaincu qu'il a raifon. Comme
» ma lettre étoit écrite avant de me rendre
chez vous , fachant à point nommé votre
réception , & mon deffein étant de la laiffer
" en fortant , je n'ajouterai que deux mots.
Je vous remercie de votre voiture , qui eft
fort douce , & plus élégante qu'aucune des
» miennes. Je vous dois cet aveu , pour vous
» prouver ma reconnoiſſance. » Le Comte de
Moeurfeville.
"2
و ر
ود
Tel eft le dénouement de ce Proverbe ,
où les Comédiens , après avoir tant de fois
joué les Auteurs , fe trouvent un peu joués
» eux-mêmes. Quel mal y a t'il?
LES NUMEROS. Seconde Édition
augmentée d'une feconde Partie , qui fe
vendféparément. Prix , 3 liv. 12 fols. br. A
Amfterdam , & fe trouve à Paris , rue &
hôtel Serpente.
CET Ouvrage , par fon titre , préfente une
idée de loterie ; mais il y a moins à rifquer à
celle- ci qu'à beaucoup d'autres , & l'on eft
toujours sûr d'y rencontrer quelques bons
numéros. Il y auroit bien auffi quelques nom
bres à fupprimer ; mais par- tout les bons
numéros font rares.
Hij
172 MERCURE
Au refte , c'est ici l'Ouvrage d'un Obfervateur
moralifte , qui exprime fouvent avec
gaîté , ce qu'il oblerve avec fineffe. S'il y a
des articles minutieux , & qui n'apprennent
rien , il y en a d'autres auffi qui annoncent
une raifon aimable & exercée. Le No. 6 offre
fur la campagne des réflexions très fenfées ;
on y trouve une defcription précile & piquante
de ce qu'on appelle à Paris vivre à
la campagne.
Dans le N°. 10 , l'Auteur fait une fortie
contre l'ufage univerfel des voitures , la fureur
qu'on a d'aller le plus grand train , &
parle des malheurs multipliés qui en résultent,
malgré la vigilance de la Police . Il n'y a pas ,
dit- il , jufqu'aux Médecins , qui ont tant de
moyens de détruire l'efpèce humaine , qui
ne fe permettent encore cette façon de rendre
leur profeffion plus meurtrière. Il regrette
ces temps encore peu reculés , où
le Chancelier de France alloit fur une mule ,
& où le Premier Préfident , en donnant un
de les domaines à ferme , infcrivoit dans le
bail la claufe que le Fermier feroit tenu
tous les Dimanches d'envoyer au château fa
charrette avec de la paille fraîche , pour
'mener Madame la Préfidente à la Meffe. »
L'Auteur coupe quelquefois fes réflexions
par des anecdotes plaifantes. Telle est celle
d'un Provincial , dont le défaut étoit une exceffive
timidité. « Quelqu'un préfenta , il y
a peu d'années , dans une bonne maifon de
Paris , un Gentilhomme de Province qui
DE FRANCE. 173
avoit toutes les qualités requifes pour paroître
avec diftinction dans le monde ; mais
qui étoit malheureufement d'une extrême
timidité. L'Introducteur entre le premier ;:
le Provincial le fuit ; & au premier pas qu'il .
fait dans l'appartement , la timidité le trouble
, l'afpect d'une brillante affemblée le
déconcerte ; il enfonce mal- adroitement fon
pied entre le tapis & le parquet ; il fent un
obftacle , il le force pour avancer ; il emporte
le tapis avec lui , renverfe tous les
fiéges qui l'arrêtent , & arrive à la maîtreffe
de la maifon avec le tapis au cou , en guife
de cravate ; en faluant , il gliffe & tombe fur
elle ; il fe relève , fait fes excufes ; les Laquais
réparent au plutôt ce défordre . On lui offre
un fiége ; il fe méprend , & s'affied dans un
autre , fur la guittare de Madame , qu'il met
en pièces ; il fe drelle , tout effrayé , fe jette
dans un autre cabriolet , & écrafe la petite
chienne ; il tombe en confufion , perd contenince
, & ne voit d'autre parti que celui
de fe fauver fans rien dire ; en fuyant avec
précipitation , il coudoye le Valet - de- chambre
, lui fait tomber des mains le cabaret de
chocolat qu'il alloit fervir à la compagnie ,
caffer toutes les raffes , & renverfer le chocolat
fur les robes de toutes les Dames du
cercle. L'ami fort après lui pour tâcher de le
ramener & de racommoder les chofes ; mais
fon homme a difparu , & court encore . La
honte de cette aventure empêche l'Introducteur
de rentrer lui- même , & le force de
Hiij
174
MERCURE
renoncer à jamais à une maifon dans laquelle
il a eu le malheur de préfenter cet ami deftructeur
, qui y a fait , en un clin d'oeil , autant
de ravage qu'en auroit pu faire une
troupe ennemie qui y feroit entrée à difcrétion.
»
La troisième Partie de cet Ouvrage n'eft
pas inférieure aux deux précédentes. On y
diftinguera le N°. 41 , qui traite de la Fête-
Dieu. Dans le 43 fe trouve une obfervation
piquante par le fond , & rendue avec beaucoup
de vérité. Si la preffe a multiplié les
livres utiles , il faut convenir auffi que la
fabrique des livres , abfolument inconnue
aux anciens , a infiniment multiplié les livres
inutiles & fuperflus ; l'abondance des livres .
a embrouillé les études , & les a rendues
peut être auffi fatigantes qu'elles l'étoient
autrefois par la raifon contraire. Notre fiècle
peut s'attribuer tout l'honneur de cette nouvelle
méthode . Il eft curieux d'examiner
combien de fois le Public achette la même
choſe pour ne rien avoir. D'abord un Amateur
fe procure les Gazettes , qui ne tardent
pas à reparoître dans le Mercure ; peu après
elles forment des corps d'hiftoires qui fubiffent
à leur tour d'autres métamorpholes ; ils
deviennent des Dictionnaires , des Hiftoires
de fiéges , de batailles , de traités , de négociations
, des portraits , des vies de grands -
Hommes. Ils fe transforment même en recueil
d'anecdotes Quand on a imprimé tout
cela jufqu'à la fatiété , on met ces hiftoires
DE FRANCE. 75
en eftampes , au bas defquelles font des notices
au burin. On croiroit que tout eſt fini ;
point du tout ; elles reparoiffent encore ſous
la forme de voyages , d'éloges ; tantôt c'eſt
le Plutarque François , tantôt ce font des
Lettres , tantôt des Mémoires , & dans le
vrai les mêmes faits préſentés dans un cadre
différent. Même marche en Littérature , mêmes
opérations typographiques. Les poéfies
légères embelliffent les feuilles périodiques ;
elles forment enfuite des Almanachs des
Muſes , des Étrennes Lyriques , des Recueils
qui deviennent des Annales Poétiques , des
Bibliothèques. Après un certain temps ,
chaque Poëte reprend fon bien , ramafle
dans une édition fes oeuvres morcelées &
difféminées dans ces divers dépôts , & fe
donne tout entier au Public. Parcourez tous
les genres , vous trouverez les mêmes géné
rations. Les Factums deviennent des Caufes
célèbres , les Caufes célèbres , des hiftoires
de Tribunaux ; les Fabliaux fe changent en
Contes , les Contes en Comédies , les Comédies
en Opéras , les Opéras en Parodies :
dans la métaphyfique & le morale , c'eft bien
autre chofe ; une vingtaine d'idées font délayées
dans cinquante mille Volumes . »
Terminons cet article par une Anecdote
fort gaie , qui fe trouve dans les premiers
Volumes . Telle eft celle d'un Parifien arrivé
en Hollande , fans favoir un mot de la langue
du pays. " Un jeune Parifien allant à
Amfterdam , fut frappé de la beauté d'une
Hiv
176 MERCURE
<c
des maifons de campagne qui bordent le
canal. Il s'adreffa à un Hollandois qui fe
trouvoit à côté de lui dans la barque , & lui
dit : Monfieur , oferai - je vous demander à
qui appartient cette maifon ? Le Hollandois
lui répondit , dans fa langue : Ik kan niet
verftaan , qui fignifie , je ne vous comprends
pas. Le jeune François ne fe doutant pas
même qu'il n'avoit pas été compris , prend
la réponſe en Hollandois pour le nom du
propriétaire. Ah ! ah ! dit il , elle appartient
à M. Kaniferftan Eh bien , je vous affure
que ce Monfieur- là doit être très - agréablement
lcgé ; la maifon eft charmante , & le
jardin paroît délicieux ..... Et il ajoute quelques
autres propos dans le même genre , auxquels
le Hollandois n'entend & ne réplique
rien. Arrivé à Amfterdam , il voit fur le quai
une jolie Dame , à laquelle un Cavaher don
noir le bras ; il demande à un paffant quelle
eft cette charmante perfonne. Celui- ci ré
pond de même : Kan niet verstaan. Comment
, dit il , Monfieur , c'est là la femme
de M. Kaniferftan , dont nous avons vu la
maiſon fur le bord du canal ? Mais vraiment
le fort de ce Monfieur- là eft digne d'envie .
Comment peut- on pofféder à la fois une fi
belle mail & une fi belle compagne ! A
quelques pas delà , les trompettes de la ville
fonnoient une fanfare à la porte d'un homme
qui avoit gagné le gros lot à la loterie de
Hollande. Notre jeune Voyageur veut s'informer
du nom de cet heureux mortel ; on
"
DE FRAN C'E. 177
lui répond encore : ik kan niet verſtaan. Oh !
pour le coup , dit - il , c'eft trop de fortune ;
M. Kaniferftan , propriétaire d'une fì belle
maiſon , mari d'une fi jolie femme , gagne
encore le gros lot à la loterie ! Il faut convenir
qu'il y a des hommes heureux dans ce
bas monde. Il rencontre enfin un enterrement,
& demande quel eft le particulier qu'on
porte à la fepulture : Ik kan niet verflaan ,
lui répond celui à qui il a fait cette question.
Ah ! mon Dieu , s'écrie t'il ! c'eft là ce pauvre
Kaniferftan , qui avoit une fi belle maifon
, une fi jolie femme , & qui venoit de
gagner le gros lot à la loterie ! Il doit être
mort avec bien du regret ! Mais je penfois
bien que fa félicité étoit trop complette pour
être de longue durée . Et il continue d'aller
chercher fon auberge en faifant des réflexions
morales fur la fragilité des chofes humaines.
»
SPECTACLE S.
ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE.
DANS
ANS les trois premières repréſentations
de Renaud , le rôle d'Armide a été rendu
par Mlle Levaffeur, avec l'intelligence , la
nobleffe & la vérité d'expreffion qu'on devoit
attendre de l'Actrice qui a joué pendant
fix ans avec tant de fuccès & de fupériorité
les rôles les plus forts & les plus intéref-
Hv
178
MERCURE
·
fans de ce Théâtre ; mais nous ne pouvons
pas diffimuler que dans la partie du chant
elle a paru au deffous de ce qu'on avoit
droit d'efpérer , foit que la musique de ce
nouveau rôle ne foit pas analogue au genre
de fa voix & à fa manière de chanter , foit
que fon organe, fatigué par un travail forcé
& continu , ait perdu de fa flexibilité , on
a trouvé qu'elle ne mettoit pas dans fon
chant , fur tout dans les beaux Cantabiles
du fecond Acte , la grâce , la rondeur & la
douce molleffe qu'exige ce caractère de mufique.
Le Public , aufli ingrat pour elle que
Renaud l'a été pour Armide , oubliant tout
ce qu'il lui a dû de plaifir pendant plufieurs
années , tout celui qu'il devra aux Actrices à
qui elle a fervi de modèle , l'a reçue avec
une froideur bien févère.Elle a quitté le rôle
d'Armide après la troisième repréſentation.
Mlle Saint- Huberti , dont le zèle eſt infatigable
, l'a pris à la quatrième ; elle a été accueillie
avec des applaudiffemens univerfels
& répétés. Elle a joué en effet ce rôle avec
plus d'abandon , & en a chanté les airs avec
plus d'adreife , d'agrément & de fenfibilité.
Nous ne doutons pas que dans les repréfentations
fuivantes elle ne le rende avec plus
de perfection encore , & qu'elle ne mérite
tous les applaudiffemens dont on l'a comblée
à celle- ci.
Le fieur Legros n'a pas eu , dans le rôle de
Renaud , le fuccès qu'il devoit fe promettre ,
il l'a quitté après la quatrième repréfentaDE
FRANCE. 179
tion, & il fera remplacé par le fieur Lainez.
Le fieur Laïs , dans le rôle d'Hidraot , &
le fieur Chéron , dans celui d'Adrafte , ont
obtenu les applaudiffemens du Public.
Mlle Maillard a joué avec intelligence &
avec grâce le rôle d'Anthiope. Cette jeune
Actrice , qui joint à une figure agréable , à
une taille avantageufe , une voix facile , fonore
& fenfible , annonce un talent naturel
qui peut devenir précieux pour ce Théâtre
fi on s'occupe à le cultiver & à le perfectionner.
Mlle le Boeuf, fille de l'Auteur du Poëme ,
a chanté dans le dernier Divertiffement
deux airs de différent caractère , avec une
voix légère , flexible & très- exercée ; & elle
a été fort applaudie.
Nous ne pouvons que répéter ici les éloges
que nous avons déjà donnés en plufieurs
occafions à la préciſion , à l'enſemble , à la
grande intelligence que l'Orcheſtre a mis
dans fon exécution , moyen qui contribue
plus qu'on ne penfe aux fuccès & au grand
effet des Opéras. Ce tribut d'éloges pour
les Virtuofes qui compofent l'Orcheftre
& pour le Chef qui les dirige , eft une
dette que nous acquittons au nom du Public ,
qui ne peut pas leur rendre par des applaudiffemens
particuliers , comme aux Acteurs ,
la juftice que méritent leur zèle & leurs
talens.
La marche qui prépare le Divertiffement
du premier Acte , & la difpofition des qua-
Hvj
180
MERCURE
."
drilles des différens Peuples Afiatiques qu'elle
introduit fur la Scène , ont paru d'un trèsbon
effet.
Mlle Gervais exécute dans ce Divertiffement
un pas qui ajoute encore à l'idée qu'on
avoit dejà de fon talent : on ne peut pas exprimer
avec plus de légèreté & de précifion
le caractère & le rhythme de l'air qu'elle danfe.'
Mlle Guimard & le fieur Veftris danfent
au troisième Acte une entrée Pantomime ,
dont l'intention eft agréable & l'exécution
parfaite.
Mlle Peflin & le fieur Lefevre ont fait le
plus grand plaifir dans l'entrée des Pâtres ,
par la force , la vivacité & la gaîté qu'ils y
ont mis.
Mlle Dapré & le fieur Gardel terminent
ce Ballet par une chacone qu'ils ont exécutée
avec cette fupériorité de talent que l'on leur
connoît.
Cet Opéra a été mis avec affez de foin ,
quoiqu'il y ait beaucoup d'obfervations à
faire fur le coftume & fur les décorations.
On eft étonné de voir des guerriers Sarrafins
vêtus à - peu - près comme des Chevaliers
Européens & tenant confeil en plein
air , affis dans des fauteuils à bras. A la première
repréſentation Armide fe montroit au
premier Acte vêtue d'une efpèce de dalmatique
par deffus fon armure , qu'on a trouvée
de mauvais effet . A la feconde & à la
troisième repréſentation elle a été vêtue en
Guerrier armé de pied en cap , même en
DE FRANCE. 181
arrivant fur fon char. Mme Saint - Huberti
arrive au premier Acte vêtue de l'habit
de femme avec la baguette de Magicienne.
Au fecond elle prend une armure , mais,
avec une espèce de jupe qui defcend jufqu'au
deffous du genou , & qui femble caractériſer
une femme. Ce coftume eft , de
meilleur goût , mais nous femble peu d'ac
cord avec la Scène du fecond Acte , où Renaud
, à qui elle vient de fauver la vie , la
prend pour un Guerrier.
Il feroit à defirer que la décoration du
fond qui repréfente le développement du
camp des Sarrafins fût peinte avec plus de
vérité , d'accord & d'entente de la perfpective.
On trouve cre les arbres & les tentes
du dernier plan fur- tout n'ont pas les dégradations
de formes & de couleurs qu'exis
geroient les diftances & les grandeurs refpectives
des objets .
La forêt du troifième Acte , les côteaux
qui la terminent , le combat qui s'exécute
dans le fond pendant la nuit au bruit du
tonnerre & au feu des éclairs , ont paru d'un
effet très bien entendu & très- pittorefque.
On defireroit feulement que le Palais magique
qui remplace cette Scène fût plus
éclairé , le contrafte en feroit plus brillant &
plus agréable.
N. B. Il s'eft gliffé dans le dernier
Mercure , article de l'Opéra , une faute
d'impreffion qu'il importe de corriger.
Page 129 , ligne 2 , on lit : N'a pas toute la
182 MERCURE
fierté & le caractère de Renaud que les paro
les & la fituation femblent exiger , lifez :
Toute la fierté que les paroles , le caractère
de Renaud &fafituation femblent exiger.
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Mardi 11 de ce mois , on a repréfenté
, pour la première fois , Corali &
Blandford,Comédie en deux Actes & en vers.
Blandford , en partant pour un voyage
de long cours , a laiffé entre les mains de
fon ami Nelſon , une jeune Indienne nommée
Corali , qu'il s'eft propofé d'époufer à
fon retour. Pendant fon abfence , Corali a
infpiré à Nelfon une paffion auffi vive que
celle dont elle brûle pour lui. Le retour de
Blandford livre Corali , Nelfon & Lady
Albury fa foeur aux plus cruels chagrins.
Nelfon veut immoler l'amour à l'amitié.
Corali cherche à quitter un pays où l'on
n'eft pas libre de fuivre l'impulfion des fentimens
honnêtes que la Nature inſpire ; elle
fuit fans faire part à perfonne de fon projet.
Blandford la rencontre & la ramène. Un
mot de Nelfon ouvre les yeux de fon ami.
D'abord en proie à toutes les fureurs de
l'amour , Blandford accufe Nelſon de perfidie
& d'ingratitude : enfuite il cherche à
dompter fa paffion par le fecours de la raifon
& de l'amitié. Certain d'ailleurs que
Corali aime Nelfon , il renonce à fes defDE
FRANCE. 183
feins ; & malgré la réfignation de Corali
qui confent à l'époufer , malgré la réfiftance
de Nelfon qui veut à fon tour immoler
fa tendreffe , il exige des amans qu'ils
s'uniffent en fa préfence.
Nous ne donnons pas une analyſe plus
étendue de cette Comédie , parce que les
motifs fur lefquels la bafe de fon action
eft fondée , font abfolument les mêmes qui
établiffent & filent la marche d'un des
Contes Moraux de M. Marmontel , connu
fous le titre de l'Amitié à l'épreuve.
En 1771 , M. Favart fit repréſenter à la
Comédie Italienne un Drame Lyrique en
deux Actes & en vers , dont le fonds eft auffi
tiré du Conte que nous venons de citer.
Cet Ouvrage eut alors tout le fuccès qu'il
pouvoit avoir. Expliquons- nous plus clairement.
On en trouva la marche raifonnable
quoiqu'un peu lente ; on rendit juftice
au ftyle , en général élégant & facile , & la
mufique fit infiniment d'honneur à M. Grétry.
On fut gré à M. Favart d'avoir fait ufage
de plufieurs idées & de quelques fituations
du Conte, parce qu'on préfuma, à jufte titre,
qu'il étoit impoffible de les altérer fans
nuire à la vérité des caractères , & fans ôter
à l'intrigue donnée par M. Marmontel quelque
chofe de fa vraisemblance. Malgré tout
cela , l'Ouvrage produifit peu d'effet , & ne
devoit pas en produire davantage . Il eſt
des fujets que toutes les reffources de l'efprit
ne peuvent rendre propres à être portés
134 MERCURE
fur la Scène , & celui - ci eft du nombre. Que
l'on jette un coup - d'oeil fur le Conte de M.
Marmontel ; on verra que Nelſon eft celui
des deux amis dont il met le coeur à l'épreuve
la plus rude. La marche de la Nature
& les conventions de l'Art le vouloient
ainfi . Pour le prouver nous allons comparer
la pofition & le caractère des deux amis.
Blandford eft un bon & franc Marin , ami
plein de chaleur , amoureux il eft vrai ; mais
entraîné par fon état loin de l'objet qu'il
aime , il eft forcé , par la nature de ce même
état , à des diftractions continuelles dont le
genre peut & doit même atténuer une par
tie de cette fenfibilité profonde , de ces impreffions
délicates qui allument , échauffent
& nourriffent la pallion de l'amour. Nellon
admis au rang des Magiftrats , fage , éloquent
, doux & fenfible , obligé par les fonctions
de fon miniftère, à étudier le coeur humain
, fes pallions , fes replis , fes foibleſſes ,
& à s'attendrir fouvent fur les vices ou les
imperfections de notre malheureufe humanité.
Il eft certain qu'il eft chargé du dépôt d'un
ami ; mais dans ce dépôt, il voit tous les jours
l'objet le plus aimable , le plus naïf, le plus
tendre , le plus fait pour être adoré. D'abord
c'eft pour répondre aux voeux de fon ami qu'il
donne des foins , qu'il veille à l'éducation
de Corali . Bientôt il fent qu'il l'aime ; mais
il s'abule & croit que c'eft Blandford qu'il
aime en elle. Enfin , le moment fatal arrive ,
le voile fe déchire , Nelfon lit dans fon
DE FRANCE.
186
coeur ; il fent qu'il eft coupable, avant d'avoir
penfé qu'il pouvoit le devenir : de là le remords
, les déchiremens de l'âme , les combats
& les facrifices. Voilà de quelle ma
nière M. Marmontel a établi le caractère
des deux amis, & cette manière eft auffi bien
vûe qu'elle eft parfaitement exécutée. Mais
tous ces moyens , qui font très- bien placés
dans un Conte , parce que l'intrigue de cette
efpèce d'Ouvrage n'eft pas néceffairement ref
ferrée dans des bornes étroites , ne fauroient
l'être que très difficilement dans une Comé
die. Jamais dans la règle des vingt - quatre
heures on ne pourra développer avec quelque
apparence de vérité tous les mouvemens d'un
coeur tel que celui de Nelfon . En mettre
une partie en récit , c'eft en éteindre l'effet ,
c'eft ôter à l'épreuve imaginée par l'Auteur
du Conte tout l'intérêt qu'elle peut avoir,
Chez M. Marmontel le dénouement devient
naturel par l'oppofition des caractères , & lé
Lecteur voit avec fatisfaction un ami généreux
facrifier fon amour à l'amitié. La raifon
eft fatisfaite , parce que la paffion de Nelſon
eft plus profonde , plus attachante , plus infurmontable
que celle de Blandford : en un
mot , l'Art & la vérité y font toujours d'ac
cord.
Il s'en faut bien que nous ayons les mêmes
éloges à donner à l'Auteur de Corali & Blandford.
En cherchant à produire de l'effet , il a
manqué à la vraisemblance. Chez lui les
deux amis brûlent d'une égale paffion. C'eſt
186 MERCURE
la flamme du plus ardent amour qui dévore
le coeur du Marin. Le facrifice en eft plus
généreux , nous dira- t- on ; à la bonne heure :
mais quelle générofité inconcevable que
celle d'un ami qui n'a pas beſoin de plus de
deux heures de combat , pour immoler la
tendreffe la plus vive & la plus paffionnée !
S'il y a de la vérité dans un tel facrifice ,
il faut renoncer à toutes les notions qu'on a
cru acquérir jufqu'ici des effets , des mouve →
mens & de la force de l'amour. Ce moyen
eft encore fufceptible de reproches , en ce
qu'il donne aux Perfonnages de Nelfon &
de Blandford une phyfionomie à peu- près
femblable , défaut effentiel au Théâtre , où
les oppofitions font aufli néceffaires que
dans l'Art de la Peinture. Quant à la marche
de la Pièce , elle eft monotone & trifte.
Depuis l'expofition jufqu'à l'arrivée de Bland→
ford , les Perfonnages font toujours dans la
même attitude, & l'action n'a pas fait un
pas. Tous ces défauts annoncent l'Effai d'un
jeune homme qui n'eft pas encore familier
avec les effets de la Scène : ils ne peuvent néan
moins faire préfumer rien qui foit défavora→
ble pour fon talent s'il veut mettre à profit
fes erreurs avant de reparoître dans la car
rière Dramatique. L'Ouvrage eft affez géné
ralement bien écrit ; le ftyle en eft ferme ,
noble , fleuri , quelquefois antithétique &
trop chargé d'ornemens poétiques. Il y a
loin des conventions du ftyle tragique à celles
du ftyle comique. Ne confondons jamais les
DE FRANCE. 187
genres ; c'eft outrager à-la- fois le goût & la
raifon .
Cette Comédie , ou , pour mieux dire ,
ce Drame a été très tragiquement repréſenté
par tous les Acteurs , ce qui a fingulièrement
ajouté à la pompe du ftyle & à l'exagération
de quelques idées . Nous devons néanmoins
des éloges à M. Granger ; ce que cet Acteur a
développé de fenfibilité , de talent & d'adreſſe
dans le moment où Blandford , en immolant
fon amour pour Corali, femble craindre de
l'aimer encore, lui a mérité tous les fuffrages.
VARIÉTÉ S.
AVIS fur la troisième Livraison de l'Encyclopédie
, & la Soufcription de cet Ouvrage
auprix de 751 liv.
1
LA Soufcription de cet ouvrage , au prix de 75 i !.
fera rigoureufement fermée au 30 Avril prochain
ainfi que nous en avons pris l'engagement par le Prof
pectus; paffé ce terme, chaqueVoluine de difcours fera
du prix de douze livres au lieu de onze livres , &
chaque Volume de Planches trente livres au lieu de
vingt- quatre livres pour les Perfonnes qui n'auront
pas foufcrit.
La troifième Livraiſon de l'Encyclopédie fera en
vente Lundi 7 Avril. Cette troifième Livraiſon eft
compofée du Tome premier des Planches ; du
Tome premier du Commerce , & du Tome premier,
feconde Partie des Arts & Métiers méchaniques .
Nous espérons que ce premier Volume de Planches
fera favorablement accueilli de nos Souſcrip
188 MERCURE
teurs. Il renferme plus de trois cent Planches anciennes
de l'Édition in-folio , réduites . On a confervé
toutes les Vignettes qui repréfentent les Atteliers
des Arts & Métiers ; elles font au nombre de
plus de huit cent. Ce premier Volume en contient
plus de quatre- vingt dix . Toutes ces Planches , fans
exception , font deflinées , réduites avec foin , exactitude
, & gravées à neuf fous la direction de M.
Benard, connu par fon zèle & ſon intelligence dans
ce genre de Gravure. Chaque cuivre contient en´
général deux anciennes Planches in-folio. Les cinq
cuivres de la Forge des Ancres en contient treize ; les
vingt-un cuivres de la Charpenterie foixante- dix ,
& c. & c. Ces trois cent Planches in - 4. , que nos
Soufcripteurs ne paient que vingt - quatre livres ,
ont coûté aux Soufcripteurs de l'in -folio près de
quatre vingt livres .
Le Prix de cette Livraiſon eft de quarante- deux
livres broché , & de quarante livres dix fols en
feuilles.
Savoir , le Tome premier du Commerce ,
imprimé chez M. Delaguette ,
Tame premiet , feconde Parties
Arts Mécaniques , broché , imprimé
chez M. Didot jeune,
Tome premier des Planches ,
Brochure de ce Volume ,
broché ,
II liv. 10 f
· 24
10 f.
42 liv. Nous ne faifons payer la brochure du Volume de
Planches que dix fols , quoiqu'elle nous coûte réellement
vingt fols ; mais nous avons cru que nos
Soufcripteurs nous fauroient gré de ce facrifice
étant eux -mêmes obligés à quelques dépenses de plus
de brochure , par la néceffité où nous fommes de
paroître par Volumes & demi -Volumes .
>
Sans cet arrangement , nous ne pourrions faire
DE FRANCE. 189
fuivre les Livraiſons avec régularité & célérité. Ces
Volumes font fi chargés de matières , qu'il faut fix
& huit mois pour les imprimer. Nos Soulcripteurs
doivent confidérer que l'on travaille dans un grand
nombre d'imprimeries à- la- fois , & qu'on mène de
front vingt Ouvrages différens ; enfin , avec cette
facilité , nous fommes sûrs , avant un an , de publier
an moins un demi-Volume de prefque toutes les
Parties ; & fans elle nous ne pourrions pas donner
des .Volumes entiers de ces mêmes Parties avant plus
de deux ans. Cette publication par demi - Volume hâte
les jouiffances du Public , foutient l'entrepriſe , anime
courage des Auteurs , & nous mettra à portée de
finir certainement ce grand Ouvrage en moins de
cinq ans.
le
Cette troifième Livraiſon ne devroit être com
pofée que d'un Volume de Difcours & d'un de Planches
; mais la feconde Livraiſon n'ayant été que d'un
Volume & demi , nous avons joint à celle-ci le demi-
Volume qui auroit dû en faire partie.
Cette Encyclopédie , en ne la fuppofant que de 53
Vol., contiendra près du double de Difcours de la
première Édition in -folio ; & cependant elle ne coûte
pas moitié de cette Édition.
P. S. Autres Parties actuellement fous preffe. La
Botanique , chez M. Gueffier ; l'Hiftoire , chez
M. Ballard ; l'Art Militaire , chez MM. Simon &
Nyon ; les Beaux -Arts , chez M. Prault ; les- Finances
, chez M. Valade. On mettra ſous preffe au mois
d'Avril , la Chimie , la Marine & les Mathématiques.
Il paroîtra cette année deux autres Volumes de
Planches , dont l'un en Juillet prochain.
*
190 MERCURE
•
ANNONCES ET NOTICES.
HISTOIRE de l'Eglife Gallicane , dédiée à
Noffeigneurs du Clergé , par le Père Jacques Longueval
, de la Compagnie de Jéfus , in - 12 , dix -huit
Volumes , contenant les dix - huit Volumes in-4° . de
l'Édition de Paris
Les trois premiers Volumes paroiffent actuellement,
& fe délivrent à Paris , chez Baſtien , Libraire
, rue du Petit Lion , Fauxbourg S. Germain.
En les recevant on paiera 9 livres ; en retirant les
Tomes IV , V & VI on donnera 6 liv . 12 f. , & ainfi de
trois en trois Vol. , excepté pour les Tomes XVI , XVII
& XVIII , pour lesquels on ne paiera que 4 livres
4 fols. Cet Ouvrage doit être entièrement fini cette
année. Les Tomes IV , V & VI font imprimés , &
ferent inceffamment délivrés .
N. B. Tous les Volumes font brochés & étiquetés
La feconde Livraiſon de l'Atlas nouveau , dédié à
M. le Comte de Vergennes , retardée long- temps par
la maladie d'un Artifte , & depuis par les apparences
de la Paix , paroît en ce moment , & contient quatorze
Cartes au lieu de douze.
L'Auteur a eu foin de diftinguer par les couleurs
des enluminures les différentes poffeffions européennes
dans les Antilles . Le bleu indique les Ifles
Françoifes ; le rouge les Ifles Angloifes ; le jaune les
Efpagnoles ; l'oranger les Hollandoifes ; le violet
les Danoiſes . La Carte de la prefqu'Ile de l'Inde
en-deçà du Gange depuis Chandernagor , & qui
DE FRANCE. 197
doit faire partie de la troifième Livraiſon , fera
délivrée fous peu aux Soufcripteurs qui feront empreffés
de fe la procurer. On foufcrira jufqu'à la
quatrième Livraiſon , à Paris , chez l'Auteur , M.
Mentelle , Hiftoriographe de Mgr. le Comte d'Artois
, hôtel de Mayence , près le Notaire , rue de
Seine , Fauxbourg S. Germain.
MANUEL d'Épietète en Grec , avec une Trai
duction Françoife , précédée d'un Difcours contre la
Morale de Zénon & contre le Suicide ; par M.
Lefebvre de Villebrune . A Paris , de l'Imprimerie
de Ph. D. Pierres , Imprimeur ordinaire du Roi , rue
S. Jacques , & fe trouve chez Lamy , Libraire , quai
des Auguftins.
Il a paru deux Éditions d'Épictère en Grec qui ont
été accueillies comme elles devoient l'être , & l'on a
rendu juftice au favant Éditeur M. Lefebvre de
Villebrune . En voici une troisième , avec la traduction
à côté , qui n'aura pas moins de fuccès , puif
qu'elle eft utile à un plus grand nombre de Lecteurs.
L'exécution typographique mérite des éloges. Prix ,
en papier ordinaire , 2 livres 8 fols ; en papier d'Annonay
, 4 livres. On en a tiré quelques Exemplaires
fur vélin d'Italie .
t
LETTRES contenant le Journal d'un Voyagefait
à Rome en 1773 , 2 Vol . in- 12 . Prix , 4 liv . brochés ,
sliv, reliés. A Genève , & fe trouve à Paris , rue &
hôtel Serpente.
Cet Ouvrage nous a paru intéreffant. Nous en
rendrons . compte auffitôt que l'abondance des ma
tières nous le permettra .
JOURNAL de Clavecin , par les meilleurs Maîtres,
192 MERCURE
avec accompagnement de Violon ad libitum ;
n°. 2. Ce Cahier contient un Air d'Atys arrangé
par M. Edelmann , un Andanté de M. Cambini
arrangé par M. Hubsh , un Air de chaffe d'Amadis
arrangé par M. J. Ph . Meyer , un Rondo par
M. le Baron de Rumling , un Air des Ballets de
Perfée arrangé par M. Hoppé , & un Air des Ballets
d'Éle &re arrangé par l'Auteur . Prix , 2 livres 8 föls.
A Paris , chez Leduc , rue Traverfière-Saint- Honoré
, au Magafin de Mufique , où l'on s'abonne
en tout temps moyennant 15 livres pour Paris & la
Province , port franc. On trouvera à la même
adreffe la première année. Prix , 15 liv . port franc.
Faute à corriger dans le Mercure précédent .
Page 140, article Délaffement de l'Homme fenfible
, après la fomme de 18 livres , ajoutez , &
21 liv. pour la Province.
Voyez, pour les Annonces des Livres , de la
Mufique & des Eftampes , le Journal de la Librai
rie fur la Couverture.
TABLE.
145 La Matinée du Comédien de
VERS àMde Cléry
Charade , Enigme ' હું Logo- Perfepolis,
gryphe , 146 Les Numéros
165
171
Le Coran , traduit de l'Arabe , Acad. Royale de Mufiq. 177
J
Euvres complettes de
chier ,
148 Comédie Italienne , 182
Flé- Avis fur l'Encyclopédie , 187
155 Annonces & Notices , 190
APPROBATION.
AI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 8 Mars. Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion. A Paris ,
le 7 Mars 1783. GUIDI.
Jer . 135 .
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 29 MARS 1783 .
PIÈCES
FUGITIVES.
EN VERS ET EN PROSE,
IMITATION DE CLAUDIEN ,
Poëme contre RUFIN.
dans fon
Surs , vil ambitieux , la fureur qui t'égare ;
Dépouille , fi tu peux , tous les pays divers ;
Ote à Créfus fon fceptre , à Cyrus fa tiare ;
Dans tes poffeffions enferme l'Univers ;
Rien ne t'enrichira : ton coeur infatiable
Ayant tout englouti , fera plus affamé ;
De defirs renaiffans fans ceffe confumé ,
Rien n'en pourra remplir le gouffre épouvantable
Qui defire , a déjà trouvé la pauvreté.
Heureux Fabricius ! la médiocrité
Filoit , doroit tes jours au fein de l'innocence ;
Limité dans tes biens , dans tes voeux limité ,
Tu puifois en ton coeur la folide opulence .
Nº. 13 , 29 Mars 1783 .
I
194
MERCURE
Il a fai l'âge heureux où d'illuftres Guerriers ,
Aux pieds de Jupiter , dépofant ces lauriers ,
Dont les moiffons courboient leurs têtes glorieules ,
Retournoient habiter de ruftiques foyers ;
Le chaume alors cachoit des âmes généreuses.
Ce fut la pauvreté qui forma les Héros.
Ton fafte te Bétrit , ma pauvreté m'honore ;
Dans mon réduit champêtre habite le repos ;
Sous tes lambris dorés la crainte te dévore.
Que Tyr far tes habits étalant fes couleurs ,
Prête à ta vanité fa brillante impofture ;
L'art menteur eft pour toi : pour moi j'ai la nature ;
C'est pour moi que fa main a coloré ces fleurs ,
Qu'elle rend à ces bois leur verte chevelure ,
Qu'elle émaille ces bords baignés d'une onde pure....
Ta table eft d'alimens ſurchargée à grands frais ,
Pour aiguiſer ton goût qu'émouffe l'abondance ;
Une faim falutaire affaiſonne les inets
Que la frugalité vient m'offrir fans apprêts ,
Et je brave l'orgueil de ta riche indigence.
( Par M. Gautier, )
LETTRE écrite à M, Garat , par un Officier
récemment arrivé d'Amérique,
MONSIEUR ,
ACCOUTUME , pendant une longue, abſence ,
' avoir d'autre connoiffance, des nouvelles produce
tions de notre Littérature , que celles que je puifois
HATA
P
DE FRANCE.
195
nom .
dans les Ouvrages périodiques dont je pouvois me
procurer la lecture , j'ai toujours été avide du Journal
auquel vous travaillez , & fur- tour de ces articles
intéreffans , où l'on reconnoîtroit aisément votre
cachet quand vous n'y mettriez pas votre
Celui que vous venez d'inférer dans le Mercure du
premier Mars avoit encore un autre droit à mon
attention . Il traite un fujet qui m'intéreſſe perfonnellement
par le long féjour que j'ai fait en Amérique,
& par les fentimens qui m'attachent à une Nation
beaucoup plus célèbre en Europe qu'elle n'y
eft encore connue & appréciée. Cette célébrité feuie
exige qu'on l'étudie avec application , & qu'on en
Farle avec circonſpection ; mais les liens folides &
durables qui nous uniffent avec elle en font un
devoir plus cher & plus facré. Les Militaires, tant de
terre que
de mer ont été affez heureux pour détruire
en Amérique cette opinion de notre légèreté
rationale , qui peut-être fubfifte encore en Europe ;
nos fcrivains feroient- ils plus indifciplinables que
ros Guerriers ? Le premier Ouvrage françois eu
l'on traite des moeurs , des loix , du climat , de l'agriculture
, des productions de l'Amérique , &c &c.
a été écrit par un homme qui n'entendoit pas la langue
du pays , qui n'y a paffé que quatre mois , & qui
ne s'eft jamais arrêté huit jours dans une Ville. Je
ne prétends ni juger ni examiner l'Ouvrage de M.
Abbé Robin , que je ne connois encore que par
votre Extrait. On dit qu'il eft écrit agréablement ;
c'eſt un mérite , s'il eft exa& ; c'est un inconvénient
s'il ne l'eft pas. Mais dans tous les cas il eft du
devoir d'un homme plus inftruit de relever les erreurs
qui peuvent s'y trouver. Je ne parlerai que de
celles dont l'analyse que vous en avez faite m'a
donné connoiffance ; & comme je n'ai pas le loifir
de me livrer à la difcuffion , je vous demanderai la
liberté de n'y oppofer que des affertions contraires,
I ij
196 MERCURE
•
bien sûr de n'être démenti par aucun de ceux qui
connoiffent l'Amérique , & j'oſe même dire de ceux
qui , en liſant cette Lettre , pourront en reconnoître
l'Auteur.
1 ° . M. l'Abbé Robin dit qu'à Boſton toutes les
maifons font de bois , & d'une conftruction fi légère
qu'on peut les changer de place , & c.
Il s'en faut de beaucoup que toutes les maiſons
foient bâties de bois ; on en voit un très - grand
nombre de briques , très-belles & très - bien ornées ,
tant en dehors qu'en dedans. Il eft vrai qu'on
transporte quelquefois des maifons de bois d'un endroit
dans un autre , mais ce font de petites habitations
de Cultivateurs ; & la facilité qu'on trouve à
les mouvoir vient de la manière de les conftruire .
Ces maisons baſe un ayant communément pour
quarré formé par quatre folives , qui eft lui - même
foutenu aux quatre angles par des piliers de pierre
ou de brique , hauts de deux ou trois pieds , lorfque
l'édifice et achevé , on en affure la folidité en formant
un grand focle de pierre ou de brique qui
remplit tout l'intervalle entre le plancher & le niveau
du terrein , La maifon , lorfqu'elle n'eft pas
grande , peut donc être enlevée de deffus ce focle
pour être tranfportée ailleurs.
, pour
à
Vous voyez , Monfieur , que s'il fuffit de cet
ufage , qui n'eft établir même commun pas
un rapport entre les Américains & les Scythes , les
premiers pourront un jour , en voyant nos parcs
moutons & nos cabanes de Bergers , affurer que les
François font un peuple nomade . Permettez-moi de
vous dire que les moeurs de Boſton ne rappellent pas
l'antique & auftère fimplicité des premiers âges , mais
qu'elles offrent le réfultat des principaux avantages
de la Société, dirigés & modérés par la raifon , qui
peut
feule les rendre chers & durables.
2º . M. l'Abbé Robin s'eft manifeftement trompé
DE FRANCE. 197
fur la population , tant de Bofton que de Philadel
phie. Il donne vingt mille habitans à cette dernière
Ville & trente mille à la première. C'eft tout le
contraire . On en compte à- peu- près trente - cinq
mille à Philadelphie , & feulement vingt mille à
Boſton.
3º. S'il eft vrai , comme dit le même Auteur , que
les Américains font grands hofpitaliers , il n'eft pas
vrai qu'ils n'aient qu'un lit chez eux , & que l'épouse
chafte &fans remords le partage avec fon hôte. On
peut affurer au contraire qu'on ne trouve pas de
propriétaire un peu aifé ( & il n'y en a guères d'autres
en Amérique ) qui n'ait au moins une trèsbonne
chambre & un bon lit à donner ; c'eft ce
qu'on appelle a Spare room , a spare bed. Peut-être
que fi l'on voyageoit au-delà des montagnes , dans
des pays qui commencent à peine à le peupler,
le principe d'hofpitalité , fi facré par tout , engageroit
le Colon qui n'auroit qu'un lit pour lui & pour
fa femme à le partager avec fon hôte , c'eſt- à- dire ,
qu'en étendroit des lits de plumes fur le plancher , &
que tout le monde dormiroir enfemble ; mais c'eft
ce qui arriveroit en France comme ailleurs , fi l'on
s'égaroit dans les montagnes des Cévennes ou du
Gévaudan. Peut- être M. l'Abbé R. a- t-il été induit
en erreur par un ancien ufage du pays dont il aura
entendu parler confufément ; c'étoit autrefois , &
l'on affure même que c'eft encore la coutume dans
quelques pays de la nouvelle Angleterre , de faire
boundler les Voyageurs lorfqu'on les recevoit chez
foi. Ce genre de politeffe pourra paroître bizarre en
Europe. Il confifte à propofer à fon hôte de partager
le lit d'une des filles de la maiſon ; mais on ob
fervera que ni l'un ni l'autre ne doivent fe déshabiller
complettement , & que cette familiarité ne
peut avoir lieu qu'entre deux perfonnes libres . La
pureté des moeurs , la proximité du père & de la
I jij
198...
MERCURE
mère , qui ne font ordinairement féparés que par
ane mince cloifon ; enfin , le peu d'obstacle qu'on
trouve au mariage , qui eft le but &-le remède de
tous les defirs , ont jufqu'ici pofé des limites à cette
liberté , dont il eft fans exemple qu'il ait réfulté
quelque inconvénient.
4°. M. l'Abbé R. affure qu'en Amérique les
femmes à vingt ans n'ont déjà plus la fraîcheur de
la jeuneffe , & qu'à trente-fix ou quarante elles font
déjà ridées & décrépites. Pour cette fois on ne l'ac
cufera pas d'avoir jugé en jeune homme , & l'on ne
peut attribuer cette affertion fingulière qu'à la fainteté
de fon état, qui ne lui a pas permis de fixer les
yeux fur les Américaines. Avec un examen plus !
mondain , mais plus réfléchi , il n'auroit pas confondu
la fleur de l'adolefcence , qu'on peut perdre à
vingt ans , avec la fraîcheur de la jeunetle , qu'on
conferve jufqu'à trente , & la beauté des formes qui
dure encore plus long-temps. S'il exifte quelques
différences fur cet article entre l'Europe & certains
pays de l'Amérique , on peut affurer qu'elles font
légères & dûes en grande partie à l'extrême fécondité
des femmes , ou à la négligence de cette utile
coquetterie qu'on doit regarder comme la furveillante
de la Nature. Ceux qui ont vû Mine T.... à
Boſton , Mme Ch... à Newport , Mefdames M ....
P ... & A.... à Philadelphie , & Mme B.... à Rich
mont , rendront témoignage qu'entre l'âge de trente
à quarante ans les Américaines font bien loin de
reffembler au portrait que M. l'Abbé R. s'eſt donné
la peine d'en faire . La dernière que je viens de citer ,
a- quarante trois ans ; elle a été mère de dix enfans
dont fept font vivans , & elle a conſervé une figure
auffi fraîche & auffi agréable qu'aucune Européenne
du même âge. Il ne faut- pas
moins que
motif qui m'anime pour m'engager à rappeler ici.
ane aventure tragique dont j'ai prefque été le
1-
le.
DE FRAN- C E. 199
témoin. M. de V ** . , Officier diftingué , s'eft tué
de défeſpoir après avoir inutilement demandé la
main d'une veuve Américaine. Ici l'honneur des
deux Nations follicite également mon témoignage ,
car l'Américaine avoit plus de trente ans , & l'Amant
malheureux étoit François.
". Quant à l'article de la longévité , il mériteroit
une difcuffion plus férieufe . Je crois qu'elle eft plus
rare en Amérique qu'en Europe , fans croire que la
vie moyenne y foit plus courte en effet , ces deux
objets n'ont pas entre-eux une liaiſon néceſſaire. A
Paris, où la longévité eſt très - commune , la vie,
moyenne de 1 homme n'eft que de trente-deux ans ;
dans les Provinces elle n'eft que de vingt - fix à
vingt-fept ans , c'est- à - dire , que pour connoître le
nombre des habitans, il faut multiplier les naiffances,
dans les campagnes par vingt- fix où vingt ſept , dans
les Villes par trente ou trente-deux , différence qui
pourroit paroître étonnante , fi on ne faifoit pas atten
tion qu'il existe une émigration perpétuelle des
campagnes vers les Villes. Or il paroît que la longé
vité tient particulièrement à la falubrité du climat
& au régime , ce qui renferme les alimens ,
boiffon , & en général la manière de vivre phyfique
& morale ; tandis que la vie moyenne dépend plus
particulièrement de l'aifance , & du plus ou moins
de facilité qu'on trouve à fubniter. Dans un pays
où les mères allaitent leurs enfans & ne manquent
d'aucun des moyens de les nourrir & de les élever
ceux qui font nés d'une conftitution foible écharpent
plus aifément aux dangers de la première enfance ,
fans être pour cela en état de fournir une longue
carrière. Il doit donc en réſulter moins d'enterre →
mens depuis la naillance jufqu'à l'âge de fept ans ,
& plus depuis l'âge de fept aus jufqu'à celui de
quarante. Ajoutez , Monfieur , à ces réflexions qu'en
Amérique chaque famille a pour l'ordinaire fon
T
la
>
1v
200 MERCURE
propre cimetière ; que c'eft un ufage auffi général
que refpectable de placer fur chaque foffe une pierre
qui rappelle le fouvenir du parent qu'on a perdu , &
que cet honneur eft prodigué aux enfans , même à
ceux qui font morts dans le plus bas âge . Or , confultez
les tables de mortalité dans les Ouvrages de
M. de Parcieux & de M. de Buffon ; lifez ce qu'ont
écrit fur cet objet MM. Dupré de Saint - Maur
Moheau , de Meffence , Corbin Morris , &c. &
vous jugerez aifément qu'un homme qui fe promène
dans un cimetière d'Amérique , doit lire trente
épitaphes de jeunes perſonnes avant de trouver celle
d'un vieillard. Prefque tous les Mufæum d'Italie , &
particulièrement celui du Capitole , contiennent
beaucoup d'épitaphes anciennes ; je vous affure
qu'on en trouve à peine deux ou trois qui retracent
une longue vie. Il faute encore aux yeux que dans
un pays où le nombre des habitans double tous les
vingt ans, on doit voir moins de vieillards en proportion
de la population actuelle, puifque la population,
il y a quatre- vingt ans ,, étoit quatre fois moindre
qu'à préfent.
Je doute , Monfieur , que M. l'Abbé R. ait fait
toutes ces réflexions. Quant à moi , j'avoue que les
miennes ne m'ont encore infpiré que des doutes &
le defir de faire des recherches ultérieures. En arendant
, j'obferverai , 1 ° . que c'eft une chofe abfurde
de parler de l'Amérique Septentrionale comme
d'une fimple Province de la France , puifque les
Treize États- Unis s'érendent depuis le trente- deuxième
jufqu'au quarante- cinquième degré de latitude , &
qu'il s'en faut de beaucoup que la nature du fol y
foit uniforme. 2 ° . Que fi dans les contrées de l'Amérique
, où la température eft douce , la force de
l'homme & la durée de fa vie font un peu moindres
que dans les climats correfpondans en Europe ,
on n'en doit affigner d'autre cauſe que la récence des
DE FRANCE. 201
›
établiſſemens . Tout pays nouvellement cultivé , tout
pays dont la plus grande partie eft encore inculte
fera moins fain que celui où la population & l'agriculture
font dans une jufte proportion . Ce défavantage
, s'il exifte maintenant pour les Américains ,
doit donc toujours aller en décroiffant ; car leurs
progrès font à la fois très - rapides & très- éloignés
de leur terme ; & en vérité , Monfieur , on ne conçoit
pas ce qui a pu induire le Philofophe refpectable .
que vous citez à avancer que les États - Unis de
l'Amérique n'auroient jamais plus de douze millions
d'habitans. Tout ce qu'on peut dire , c'eft qu'un
Voyage en Amérique pourroit épargner bien de
l'efprit aux Européens , lorfqu'ils font de ce nouveau
Monde l'objet de leurs recherches . 3 ° . Je doute que
la prévoyance qui fait craindre à M. l'Abbé R. de
voirun jour nos Alliés en proie aux guerres de Religion
ait eu véritablement l'Amérique pour objet ;
votre fagacité , Monfieur , vous a fait oppofer d'excellens
raiſonnemens à ces étranges conjectures . Pour
moi je me contenterai d'affurer qu'elles n'ont aucun
fondement. Je dirai même que les Américains font
fi tolérans , que fi M. l'Abbé R. avoit dit chez eux
ce qu'il écrit ici , ils n'auroient fait qu'en rire. Fe le
prie de confidérer fur la carte les limites de leur empire
, les fleuves , les ports dont ces vaftes contrées
abondent , & de me dire enfuite à quelle époque ils
feront défoeuvrés & fophiftiquans . Croyez - moi
Monfieur , ils continueront long - temps à trouver
Dieu & le monde bien grands , & l'efprit humain
bien petit , fur tout lorsqu'il devient ſectaire & contentieux.
J'ai l'honneur d'être , & c.
J'apprends dans l'inftant que M. l'Abbé R. eft
tombe dans une erreur beaucoup plus grave , puifqu'elle
peut compromettre un ancien & excellent
I v
19 ་་
202 MERCURE
Militaire , à l'article du fiège d'Yorck . Il parle Fune
fortie que les ennemis firent dans la nuit du 15 au
16. Voici le paffage tel qu'on me l'a rapporté.
35'
"95"
›
« La nuit fuivante , 400 alliégés fe difant Améericains
, furprirent une batterie , enclouèrent fept
pièces de canon tuèrent & firent prifonniers
quelques hommes , & en tuèrent une trentaine.
Le Régiment de Soiffonnois , pofté tout près , ne
fut inftruit de l'action que fur la fin , parce que
le Capitaine commandant la redoute avoit fait
défente de tirer à l'approche de ces prétendus
Américains. Ce Régiment y accourut aufli - tôt ;
» & fi le Lieutenant - Colonel de Saintonge n'eût fait
fonner la charge , les Anglois auroient été enveloppés.
55
ןכ
1. Le Régiment de Soiffonnois , dont le premier
Bataillon étoit placé à la gauche de la feconde
parallèle , & l'autre en réfervé dans la première ,
marcha au bruit des premiers coups de fufils , fans
avoir befoin d'être averti , & les ennemis avoient à
peine mis le pied dans la tranchée , que la réferve y
étoit arrivée & les en avoit chaffés.
2 °. Le Capitaine qui commandoit dans la redoute
ne défendit pas de tirer ; mais l'extrême obfcurité de
la nuit permit aux ennemis d'arriver juſqu'à la redoute
fans être découverts .
3 °. On ne fit fonner ni battre la charge.
4. Le Lieutenant - Colonel du Régiment de
Saintonge , que M.l'Abbé R. dit en avoit donné
l'ordre , n'étoit pas de tranchée , & il n'y avoit pass
ce jour- là un feul Soldat du Régiment de Saintonge
qui fût de fervice.
DE FRANCE.
203
LA RÉPARATION , Conte.
DORMENON reçut un jour de fon frère la
23
"
1
Lettre fuivante : « Je vous ai demandé votre
fils ; vous me l'avez confié dès la plus
tendre enfance . Avant de le nommer mon
» héritier, j'ai voulu m'en faire un ami ; doué
» d'un coeur tout paternel , j'ai voulu me
donner ce que m'avoit refufé la Nature
un fils que je puffe aimer. J'ai defiré
» l'avoir tout jeune auprès de moi , voir fes
» organes fe développer fous mes yeux , &
» l'accoutumer , par de longs bienfaits , à
» voir en moi , non pas un oncle riche
"
"
1
mais un père tendre. Vous avez cédé à
» mes inftances ; vous vous êtes féparé de ce
» que vous aviez de plus cher au monde ; &
» mettant cent lieues entre votre fils &
» vous , vous avez cru avoir fait au moins le
bonheur d'un frère. Eh bien , mon frère ,
» mon ami , nos efpérances font trompées.
C'est un aveu que j'ai retardé plufieurs
années , parce que j'ai preffenti le chagrin.
» qu'il vous cauferoit. Mais je ne peux le
différer plus long - temps ; Merfeuil eft
indigne de vous & de moi ; & fa con-.
» duite paffée ne me laiffe plus aucun espoir
» pour l'avenir. Je ne vous parle point des
» torts de fon enfance ; les défauts , à cette
époque , font plutôt attribués à l'âge qu'au
caractère. Que dis je ? fon extrême viva
ود
93
Ivj
204
MERCURE
ور
30
"
» cité me fembloit le gage & les prémices
» de fon efprit ; je ne voyois dans fon indo-
» cilité qu'un noble orgueil : en adoptant le
» titre de père , j'en avois contracté les
» foibleffes. Et il faut l'avouer auffi , les défauts
de Merfeuil avoient un éclat fait
pour féduire. J'étois aveugle ; que ne m'eſt-
» il permis de l'être encore ! Il ne me quitte
plus fans me laiffer dans les plus vives
» alarmes. En proie à toutes les paffions de
» fon âge , il y porte une effervescence que
» la raiſon ni l'autorité ne peuvent calmer ;
enfin , il ne ſe paffe pas un feul jour qui
» ne mette en péril & fa fortune & ſa ſanté.
» Ni mes chagrins ni les fiens propres n'in- » Ni
fluent fur fa conduite ; & il eft à chaque
» inftant puni , fans être corrigé. Je fens que
» je déchire votre coeur ; mais le mien a
long - temps faigné avant que j'aie pu me
réfoudre à rompre le filence. Il me refte
» encore un espoir , c'eft vous . Écrivez - lui ;
» faites parler le coeur & l'autorité d'un
père. Si ce dernier effort ( & je le crains )
» ne nous réuffit point , je renonce à toutes
» mes espérances ; je vous rends un préfent
qui fera funefte à tous deux ; car on ne
change point de coeur en fe déplaçant ; &
» j'aurai ce malheur encore , de ne pouvoir
» me défaire d'un neveu ingrat , fans être
prefque sûr de vous charger d'un fils dé-
» naturé.
ود
"
و د
"
"
»
ور
Cette Lettre plongea Dorménon dans le
plus violent chagrin. Il poffédoit à Lyon une
DE FRANCE.
205
fortune bornée qu'il avoit mife dans le commerce
. Il n'avoit que ce fils , qu'il aimoit
tendrement ; & pour lui affurer un riche
héritage , il l'avoit envoyé à Paris auprès de
fon frère . Ce facrifice rendoit plus amer le
fentiment de les maux. Peut être même un
refte d'illufion , qui ne quitte guère un coeur
paternel , lui perfuadoit que fi fon fils étoit
demeuré fous les yeux , il eût été plus fidèle à
fon devoir. Il lui en coûtoit moins pour accufer
le fort , que pour condamner fon fils.
Cependant il avoit befoin d'un coeur
pour y épancher tant de chagrins. Il va trouver
Florimel , qui étoit moins fon affocié
que fon ami ; ils habitoient enſemble ; &
ils étoient plus unis par leurs fentimens que
par leur commerce. Après s'être affligés d'un
malheur qui leur devenoit commun par
l'amitié , Dorménon écrivit à Merfeuil. Merfeuil
reçut la Lettre , pleura peut être en la
lifant , & ne changea rien à fa conduite.
C'étoit un des agréables du jour ; il en avoit
toutes les grâces & tous les ridicules . Il fit
de groffes pertes au jeu , joua des tours fanglans
aux femmes ; fes pertes l'engarèrent
dans des actions que l'honneur condamnoit;
fes tours fanglans lui firent des affaires;
& il expofa plufieurs fois le repos de fes
parens & fa propre vie , pour des objets
qu'il méprifoit. Les prières , les menaces de
fon oncle ne portoient qu'un vain bruit à
fes oreilles ; & les Lettres de fon père ne lui
parurent bientôt plus que de ridicules dé
206 MERCURE
clamations. Eh ! comment corriger un fat ?
It fire vanité des égaremens qu'on lui reproche.
L'entrée de toutes les maifons honnêtes
lui fut fermée. Les uns étoient indignés , les
autres le plaignoient , perfonne n'ofoit le
recevoir. Enfin il alla fi loin , que l'autorité:
des loix crut devoir s'armer contre fon inconduite
; l'une de fes actions fut dénoncée ,
empoisonnée peut- être par des ennemis ; &
bientôt cet exil , dont il avoit été fi ſouvent :
menacé par fon oncle , devint fa reffource
unique & fon feul moyen d'impunité. Forcé
de s'enfuir , abandonné par fon oncle , n'o--
fant reparoître devant fon père , quel afyle:
ira t'il chercher ? Quel fecours implorera-:
t'il ? Il ne voyoit d'autre perfpective que la :
misère & l'humiliation. Ce tableau étoit .
d'autant plus effrayant pour lui , que la for-:
tune & la confidération dont fon oncle jouiffoit
, ne lui avoient laiffe connoître encore .
que l'aifance de la richelfe & les jouiffances
d'amour - propre . En raffemblant d'un coupd'oeil
fon état préſent , fa fortune paffée , &
ce qu'il devoit attendre de l'avenir , il refta
un moment comme accablé fous le poids de
fes douleurs ; mais bientôt recueillant toutes
les forces de fon âme , il conçut un projet
qui étonnera peut - être.
Quand , par les égaremens de fa jeuneſſe
l'homme a perdu fon bien être , & , ce qui
eft plus effrayant encore , l'eftime publique ,
alors le fort de fa vie entière dépend de la
première réfolution qu'il embraſſe ; & cette
DE FRANCE. 207*
première réfolution eft déterminée par fon
caractère particulier. Alors celui qui eft né
foible , même avec l'amour des chofes honnêtes
, ne trouve aucune reſſource en lui-:
même, il ne fait oppofer à fes malheurs
que des larmes & de vains regrets. Le remords
qui le pourfuit est toujours fuivi du
découragement ; il fent le repentir de fest
fautes , fans avoir la force de les réparer.
Dès qu'il s'apperçoit qu'il a perdu l'eftime
des hommes , il eft effrayé des efforts qu'il
lui faudroit faire pour la recouvrer ; & le
defefpoir d'éviter la honte fait qu'il s'y dé
voue volontairement. Celui que le ciel , au
contraire , a doué d'une âme énergique , n'a
pas plutôt vû l'abîme où fes paffions l'ont
précipité , qu'il s'indigne des obftacles qui l'y
enchaînent ; le remords ne lui apprend pas
feulement à pleurer fes fautes , il le pouffe
à les effacer ; il ne cherche point cette phi
lofophie qui fait fupporter les malheurs ,
mais le courage qui fait les vaincre. C'eſt
par- là que des hommes célèbres dans l'hiftoire
, après avoir traîné leur jeuneffe dans
le fentier même du vice , font parvenus
enfin à la gloire qui accompagne la vertu.
Cette fermeté active , qui eft prefque tou
jours couronnée par le fuccès , étoit dans
l'âme de Merfeuil. Ses yeux n'étoient plus
couverts du bandeau de l'illufion ; il vit fon
inconduite avec les yeux de la raifon & de
l'équité ; il s'avona juftement puni ; il fentit .
qu'il avoit mérité l'abandon de les parens &
+
208 MERCURE
le mépris des hommes vertueux ; mais il crut
que ne faire aucun effort pour s'y fouftraire ,,
c'étoit les mériter deux fois . Puni par les
malheur , corrigé par le repentir , il com- .
mença par vouloir recouvrer fa propre ef- :
time. Le mouvement le plus naturel , peutêtre
, à fa fituation , étoit d'aller ſe jeter aux
pieds de fon père ; mais il ne vouloit pas demander
fa grâce , il vouloit la mériter. Les
talens divers qu'on ne lui avoit procurés que
pour fon amuſement , il les fit fervir à fes
befoins. Il parcourut plufieurs villes de la
Province fous un nom étranger ; il ajoutoit
par l'étude aux connoiffances qu'il avoit
déjà ; mais il entroit fur tout dans ſes vûes
de s'inftruire dans l'art du Commerçant.
1
Déjà quelques années s'étoient écoulées
depuis qu'il avoit quitté la maifon de fon
oncle. Son père , averti de fes déportemens
& de fa fuite , avoit prefque renoncé à l'eſpérance
de le revoir ; mais il n'étoit pas encore
confolé de fa perte. Il avoit condamné
fon fils , & il le pleuroit encore. Il n'avoit
d'autre confolation que l'amitié de Florimel,
qui avoit ceffé de lui parler de fon fils , &
qui cherchoit à le lui faire oublier. Ce Florimel
étoit un bonhomme , qui avoit peu
d'efprit , mais un bon coeur. Son intelligence
fe bornoit à la feience de fon commerce
, qu'il favoit faire profpérer fans man--
quer à la probité la plus rigoureufe. Il étoit
refté veuf de bonne heure avec une fille de
ſeize ans , qui , à la franchiſe qu'elle avoit
DE FRANCE. 209
héritée de fon père , joignoit la pudeur qui
appartient à fon fexe , & la timidité qui eft
naturelle à fon âge . Aux charmes de fa figure
fe réuniffoit la grâce qui embellit la plus
jolie femme , & cette fleur d'efprit qui double
le pouvoir de la beauté. Marianne ( c'eft
ainfi qu'on l'appeloit ) partageoit fes foins
entre fon père & Dorménon qui l'aimoit
tendrement , & qui tâchoit de retrouver en
elle le fils qu'il avoit perdu .
Les chofes en étoient là , quand Merfeuil,
bien différent de ce qu'il étoit chez fon oncle
, bien appauvri , mais bien changé de
moeurs & de principes , revint dans la ville
que fon père habitoit. Il fit plus ; toujours
fidèle au voeu qu'il avoit formé , d'expier &
de réparer fon inconduite , il s'étoit promis
de pénétrer jufques dans la maifon paternelle
. Mais il ne vouloit pas s'y préfenter
comme un fils coupable , amené par le repentir.
Peut- être pouvoit - il fe flatter d'obtenir
grâce aux yeux d'un père qui n'avoit
pas été témoin de fes égaremens ; mais moins
jaloux d'être pardonné que de mériter fon
pardon , il vouloit prouver par des faits que
fon coeur étoit changé , & acquérir des droits
effectifs à la clémence paternelle.
Il ne faut pas oublier ici que Merfeuil
ayant été éloigné de fon père dès fa première
enfance , ne devoit pas en être reconnu.
Cette circonftance favorifoit fon
projet ; & il ne négligea rien pour le faire
réuffir. Je n'entrerai point dans le détail de
210 MERCURE
tous les refforts qu'il employa. Il faffita de
rappeler ici qu'il avoit férieufement travaillé
à s'inftruire de l'art du négoce ; & d'ajouter
que fous le nom qu'il avoit adopté , il s'y
étoit fait une réputation , & que , recommandé
de ville en ville , il eut le bonheur:
d'arriver jufqu'auprès de Florimel , qui avoit
alors befoin d'un Commis. Merfeuil fut.
charmé de cet heureux hafard ; mais j'ai dit
que Florimel & Dorménon vivoient enfeinble,
& ce ne fut pas fans frémir que Merfeuil
mit le pied dans leur maiſon . It
fut un peu raffuré par l'accueil qu'on lui fit.
Sa phyfionomie prévint d'abord . Il étoit naturellement
beau & bien fait ; & quoiqu'il
fût un peu changé par fes chagrins , & même
par fes plaifirs , il étoit encore affez bien
pour plaire par les feuls agrémens de fa
figure. Il ne tarda pas à faire connoître fon
intelligence ; & l'on vit bien que ſon habileté
fe trouveroit toujours au niveau des af
faires les plus délicates ; mais pour lui accorder
une entière confiance , il falloit des
titres plus effentiels ; & il ne tarda pas à less
acquérir. On mit , fans l'en avertir , fa probité
à l'épreuve ; elle n'eut pas de peine à
demeurer intacte ; fa fenfibilité ſe manifeſta
dans plufieurs occaſions ; & la délicateffe de
fes fentimens éclatoit encore plus dans fes
actions que dans fes difcours. Quant à fes
moeurs , elles ne furent pas foupçonnées un
feul moment. Ces qualités lui acquirent l'ef
time des deux pères ; & à ce fentiment ſe joi
DE FRANCE. 211
gnit bientôt l'amitié. Des coniplaifances fans
baffefle , des égards fans affectation , cette
politeffe qui eft un befoin du coeur , & non
une coquetterie de l'efprit ; tout concourut
à le faire aimer de Dorménon & de Florimel.
Il entroit toujours dans la confidence
de leurs affaires & il partageoit tous leurs
plaifirs. O comme le premier met affectueux
que lui adreffa Dorménon fans le connoître ,
toucha fon coeur. Comme il étoit confolé !
comme il fentoit fes remords s'appaifer ! il
lui fembloit au moins que chaque louange
que fon père lui donnoit , effaçoit une des
fautes de fa jeuneſſe.
r
Cependant la conduite de Merfeuil , en
obrenant l'eftime de Dorménon , renouveloit
fes chagrins paternels. Il comparoit le
jenne Sérigny ( c'eft le nom qu'avoit pris
Merfeuil ) à ce fils qu'il croyoit perdu , & il
geminion. Un jour que cette idée , trop préfente
à fon imagination , peignoit la doulcus
fur fon vifage , le fenfible Merfeuil ● fa lui ›
demander s'il avoit quelque chagrin . Qui ,
mon ami , lui répondit Dorménon , & ce
chagrin ne finira qu'avec ma vie. J'eus un
fils autrefois ; mais tous les pères ne font pas
heureux. Vous pleurez , m'avez- vous dit ,
un père tendre. O cruelle bizarrerie du fort !
il n'est plus celui qui pourroit être heureux
par le fpectacle des vertus de fon fils ; &
moi, moi , je vis encore ! A ces mots fes
larmes coulèrent fur la main de Merfeuil
qu'il avoit prife , & qu'il ferroit affectueu
212 MERCURE
fement. Merfeuil fentit alors fa poitrine fe
gonfler , & fes larmes coulèrent malgré lui .
Dorménon , charmé d'un attendriffement
dont il ne foupçonne point la caufe , l'embraffe
avet tranfport , & leurs larmes fe confondent.
On fe figure fans doute la douce
joie de Merfeuil , quand il fe fentit dans les
bras de fon père. Il eut de la peine à garder
fon fecret ; mais il craignit de perdre tout
fon mérite en fe nommant ; il ne croyoit
pas encore avoir mérité fon pardon .
Cependant les affaires des deux amis
étoient de beaucoup améliorées depuis que
Merfeuil étoit entré dans leur maifon. Ils ne
fe diffimuloient pas que c'étoit à fes foins
qu'ils en étoient redevables . Ils crurent devoir
l'en récompenfer , & ils l'intérefsèrent
dans leur commerce. Cette faveur le flatta
infiniment , non comme un moyen de fortune,
mais comme le témoignage & le garant
d'une amitié qui lui étoit chère & précieuſe.
1915
Une maladie qui furvint quelques jours après
à Dorménon , alarma la tendreffe de Mer-.
feuil , & fit connoître encore mieux fa
fenfibilité. Toutes les heures qu'il n'étoit
pas obligé de donner à fon devoir , il les
paffoit auprès du lit de fon père. Sous prétexte
qu'il favoit un peu de Médecine , il
préparoit lui même tous les remèdes qu'on
ordonnoir, & ne vouloit pas fouffrir qu'un
autre les lui préfentât . Il le foignoit le jour
le veilloit la nuit ; & fi cette maladie eût
>
DE FRANCE. 213
.
duré plus longtemps , il fût devenu malade
lui- même , & de fatigue & de chagrin.
Tout cela ne faifoit qu'augmenter de jour en
jour la tendreffe que Dorménon avoit pour
Merfeuil. Il auroit voulu ne pas le quitter
un moment ; & il fe plaifoit à lui ouvrir ſon
coeur , à lui parler de fes chagrins. Pourquoi,
lui difoit- il quelquefois en le regardant tendrement
, le ciel ne m'a t'il pas permis d'être
votre père ? Je ferois fi heureux ! Alors il lui
racontoit les égaremens de fon fils . Ce récit
puniffoit , affligeoit Merfeuil ; mais les careffes
qui l'accompagnoient , le confoloient
auffi tôt. Combien de fois fut - il fur le point
de fe découvrir ! mais la crainte venoit toujours
l'arrêter. Non , fe difoit- il , reftons
tel que je fuis , puiſqu'ainſi je ſuis heureux.
Eh ! pourquoi rappeler ce que j'ai été , quand
je voudrois l'oublier moi - même ? J'ai l'eftiine
& l'amitié de mon père , pourquoi hafarder
l'une & l'autre Sérigny eft aimé ,
eftimé ; Merfeuil feroit haï peut- être. Après
cela il redoubloit d'attentions auprès de
Dorménon , & il fe confoloit du déplaifir de
ne pouvoir l'appeler mon père , en lui ren-.
dant tous les devoirs d'un fils . Telle eft la vie
que menoit Merfeuil ; elle ne s'écouloit
point dans le bruit & dans les plaiſirs , &
fon coeur la préféroit à ces jours de tumulte
& d'éclat qui l'avoient rendu coupable.
Mais ce coeur , pour être changé , n'étoit
pas devenu infenfible ; l'amitié , l'amour
même y avoit confervé fes droits . Il voyoit,
$124
MERCURE
il entendoit trop fouvent la jeune Marianne ,
pour n'être pas touché de fa beauté & des
charmes de fon efprit. Il avoit effayé d'arrêter
les progrès de cette paffion dans fa naiffance
; mais comment pouvoit - il éteindre
fon amour , quand il étoit obligé de voir à
chaque inftant celle qui pouvoit le rallumer
d'un coup- d'oeil ? D'ailleurs , outre que la
confcience de ce qu'il étoit né , fervoit à l'enhardir
, Florimel lui avoit laiffé entrevoir
plus d'une fois qu'il ne feroit pas fâché de
le voir plaire à fa fille . Il n'en falloit pas tant
pour encourager un coeur ardent & amoureux.
Il ofa donc fe livrer aux douces impreffions
de l'amour ; mais ce Merfeuil , cet audacieux
conquérant, pour qui une déclaration
amoureufe n'étoit autrefois qu'un jeu , il ofe
à peine aujourd'hui laiffer parler les regards.
Ils furent pourtant affez expreflifs pour fe
faire entendre , & affez timides pour intéref
fer. Merfeuil étoit aufli aimable que fa conduire
étoit honnête. Sa morale étoit pure
fans être fauvage , & il avoit de la vertu fans
pédanterie. Il poffedoit plufieurs talens ; la
danfe , la mufique , pluſieurs inftrumens &
le deffin ; tout cela formoit une féduction
d'autant plus puiffante , qu'il avoit l'air d'en
faire ufage pour amufer , fans y chercher un
moyen de plaire. Enfin , (oit que Marianne
regardât les talens de Merfeuil , & la diſtinction
qu'on lui avoit accordée , comme un
équivalent à la fortune qui lui manquoit ,
foit qu'elle eût deviné là- deffus les difpofiDE
FRANCE. 215
tions de fon père , foit enfin qu'elle eût plutôt
écouté fon coeur que fa raifon , Merfeuil
obtint l'aveu d'un amour qu'il avoit peutêtre
infpiré avant d'avoir ofé déclarer le
fien.
Dès que leurs deux coeurs fe furent expliqués
, quel charme fe répandit fur tous
lears entretiens ! l'amour de Marianne fembloit
augmenté par l'aveu qu'elle en avoit
fait ; & la naïveté de fon caractère y ajoutoit
un intérêt nouveau. Son efprit & fon coeur
avoient des grâces que Merfeuil n'avoit
point connues , qui ne fe trouvoient point
ailleurs . Enfin , elle mettoit dans l'expreflion
de fes fentimens une franchiſe ingénue , qui
favoit tout- à- la - fois enflammer le defir &
infpirer le refpect.
J'aurois pu dire déjà que de tout temps
les deux pères avoient projeté de refferrer
les noeuds de leur amitié par l'hymen de Merfeuil
& de Marianne. On les en avoit infor .
més l'un & l'autre ; & avant d'être inftruit
de la conduite de Merfeuil , Dorménon avoit
cru devoir lui en parler plufieurs fois dans
fes Lettres . Comme Merfeuil étoit déjà jeté
dans le tourbillon des jeunes gens de fon âge ,
il en avoit pris le langage ordinaire ; il lui
avoit répondu qu'il étoit bien jeune pour
fonger au mariage , & que d'ailleurs il fentoit
beaucoup de goût pour le célibat. Dorménon
avoit infifté ; Merfeuil , dans l'ivreffe de la diffipation
, s'étoit même permis fur le compte
de Marianne des traits de légèreté , de fa216
MERCURE
tuité même ; & en plaifantant fur fa beauté ,
qu'il ne connoiffoit pas , il avoit , comme le
Dorante du Méchant , parlé de ſes beaux
yeux de Province. Cette infulte avoit été réparée
depuis par fon amour refpectueux , &
expiée par fon repentir ; mais Marianne, dans
le temps , ayant furpris une de ces Lettres ,
fon amour propre en avoit été juftement offenfe
, & elle gardoit la Lettre, peut - être pour
s'en faire un titre de refus , fi l'on vouloit un
jour l'obliger d'épouſer Merfeuil.
-
Un foir , comme nos deux amans s'entretenoient
feuls de ce qui fe paffoit dans leur
coeur , Marianne apprit à Merfeuil ce qu'il
favoit au moins auffi bien qu'elle ; qu'on
avoit promis fa main au fils de Dorménon ;
mais que ce fils , par fon inconduite , avoit
mérité la colère de fon oncle & de fon père ;
& que même , depuis long- tems , il avoit dif
paru tout- à- fait . Mais , lui dit Merfeuil avec
une espèce de tremblement , fi ce fils revenoit
un jour , votre coeur.....
Oh! non ,
interrompit Marianne , il ne reviendra point,
on le croit mort ; & d'ailleurs quand je pourrois
difpofer de mon coeur , il fe l'eft fermé
par fa conduite & par des affronts , que je
ne lui pardonnerai jamais. Ces mots firent
frémir le tendre Merfeuil ; & la naïve Marianne
lui montrant la Lettre qu'elle avoit
furprife : tenez , lui dit- elle , voyez comme
il me traite ! moi , qui ne lui avois jamais
rien fait ; moi , qu'il devoit époufer ! Non ,
ajouta-t'elle , je ne fuis point méchante ; mais
je
DE FRANCE.
217
Je n'épouferai jamais un homme qui m'a
méprilée, Merfeuil reconnut bien cette Lettre
fatale ; il eût voulu effacer avec fes larmes
, laver de fon propre fang ces affreux caractères.
Ce fut de bien bon coeur qu'il traita
de blafphêmes ces coupables plaifanteries.
Son coeur ( la crainte accompagne toujours
l'amour ) étoit en proie aux plus vives alarmes
; il regardoit le difcours de Marianne
comme un arrêt qu'elle venoit de
prononcer contre lui. Il ne répondit que
des mots entre coupés & fans fuite ; &
tout ce qu'il put prononcer d'intelligible ,
ce fut: ah! belle Marianne ! fes remords ont
fans doute expié fon crime ; & il eft affez
puni s'il a perdu l'efpoir de vous poffèder .
Allons , reprit Marianne , ne parlons plus
de cette Lettre qui nous afflige tous deux.
·
Enfin , un jour ( & c'étoit un beau jour )
Florimel , après avoir confulté Dorménon ,
fit appeler Merfeuil , & lui propoſa la main
de fa fille. Merfeuil accepta cette offre avec
des tranfports de reconnoiffance , & il fut
décidé que le jour même on figneroit le
contrar. Le foir , quand on fe fut raffemblé
pour mander le Notaire & quelques témoins,
Merfeuil, prêt à donner fa fignature, ne crut
pás pouvoir garder plus long- temps l'incognito
, & il trembloit de le quitter. Jamais
il n'avoit fenti tant de trouble & d'effroi ; fa
trifteffe fut même remarquée , & on lui en
demanda la caufe. O mes Bienfaiteurs , leur
dit- il , pardonnez fi la trifteffe ſemble me
N°. 13 , 29 Mars 1783 .
K
218 MERCURE
·
poursuivre au moment le plus heureux de
ma vie. Il manque à mon bonheur un confentement...
Quel confentement, interrompit
Florimel ? Celui d'un tuteur ? Vous êtes orphelin.
Quoi , demanda preſque en mêmetemps
Dorménon , auriez vous un père ? Je
l'ignore , Monfieur , s'écria Merfeuil en fe
jetant à fes pieds , j'ignore s'il me refte un
père. C'eſt à vous feul à me l'apprendre.
Vous voyez ce coupable Merfeuil qui a mérité
votre colère & votre abandon . J'ai
voulu commencer une nouvelle carrière ,
me punir de mes fautes , les expier. Vous
m'avez vû , non tel que j'étois , mais tel que
je ferai toute ma vie. En parlant ainfi il le
regardoit en fondant en larmes , & dans l'attitude
d'un homme qui attend la vie ou la
mort. Dorménon avoit eu le temps de revenir
de fa furpriſe en l'écoutant . Son coeur
ne peut réfifter à ce fpectacle ; il tombe dans
les bras de Merfeuil , l'avrofe de fes larmes ,
& non content de lui pardonner , ce bon
père le remercie encore de lui avoir rendu
fon fils . Florimel mêla fes larmes à celles de
fon ami & de fon gendre ; Marianne brûla
bien vite fa lettre ; le mariage fut célébré
comme un événement qui faifoit quatre
heureuxà la fois ; & le bonhomme d'oncle ,
qui apprit cette nouvelle avec autant de furprife
que de plaifir , affura toute la fortune
aux deux époux,
( Par M. Imbert:)
DE FRANCE. 219
COUPLETS à Mlle DE GAUDIN l'aînée ,
à laquelle j'avois promis de faire une
Satyre à fon fujet , en la défiant d'y
répondre.
AIR : Mon petit coeur à chaque inftant foupire.
1
Je t'ai promis , Áglaure , une Satyre ;
Mais c'eſt en vain , tu ne peux l'inſpirer ;
Qui peut t'entendre , ou qui te voit fourire ,
Perd tout efpoir de jamais cenſurer :
Ou bien il faut qu'à la Mufe légère
Phébus accorde , afin de s'acquitter ,
Ce qu'aujourd'hui nos Ecrivains n'ont guère ,
L'heureux talent de plaire & d'inventer . bis.
LORSQUE par fois , fous ta gaze mi- cloſe ,
En tapinois nos regards éblouis
Comptent les lys en cherchant une rofe ,
Qui ne croit voir les charmes de Cypris ?
Ton fexe feul a befoin d'en médire ;
Mais parmi nous crois qu'il n'en eft aucun
Qui puifle alors s'occuper de fatyre ,
Ou ce feroit contre un voile importun. bis.
PUISQUE la haine en tous lieux fuit fes traces ,
D'un Satyrique abjurons donc l'emploi ;
Va , l'ennemi des Talens & des Grâces
Kij
220 MERCURE
Peut feul , Aglaure , écrire contre toi :
Comme ta foeur , tu fais plaire & féduire ;
Vous poffédez mille agrémens divers :
Pour moi , j'ai beau condamner la fatyre ,
Je n'en fuis pas moins jaloux de ſes vers. bis.
( Par M. Damas. )
Explication des Charades , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la première Charade eft Charrade
; celui de la 2. eft Orange; celui de la
3. eft Courage; celui de l'Enigme eft Mari ;
celui du Logogryphe eft Gloire', où le trouvent
Loire , loir, oie , loi , Roi , Eloi , lyre ,
rôle , loge , or , rigole , ré , gril , lie.
JE
ÉNIGM E.
E fuis jeune , je fuis vieux.
"
J'ai la prudence en partage.
Mon coeur pur brûle des feux
D'un Hymen dont plus d'un gage
Me fait chérir les doux noeuds ,
Aufli dit-on , en tous lieux
Que Salomon fut moins fage.
Chez moi , j'ai de l'esclavage
Brifé le joug odieux.
Le calme , fous d'autres cieux ,
DE FRANCE. 221
Par moi fuccède à l'orage.
Un accufé vertueux
Mouroit faute de courage ,
Niant trop tard des aveux
Arrachés par un outrage
Et des tourmens douloureux.
J'ai fait, Neftor à mon âge ,
Ceffer ces moyens douteux
Qu'un fenfible Aréopage
Reprochoit à nos aïeux.
On me verroit glorieux
Du fuccès de mon Ouvrage ,
S'il ne manquoit à mes voeux
De changer le bien en mieux ;
Mais l'avenir m'encourage.
Quand j'aurai fait plus d'heureux ,
Je le ferai davantage.
( Par M. Félix- Nogaret. )
LOGOGRYPHE.
JE fuis avec fept piés un animal utile ;
Retranche le premier , j'offre au Sage un aſyle,
( Par M. Saint-Gervais , Officier au Régim.
de Picardie , Infanterie. )
Kiil
222 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
LES Quatre Ages de l'Homme , Poëme.
A Paris , chez Moutard , Imprimeur-
Libraire de la Reine , rue des Mathurins ,
hôtel de Cluni.
IL eft certain que le ſujet de ce Poëme eſt
un des plus heureux qu'on ait pu choilir.
Horace, Defpréaux & Rouffeau ont laiffé une
efquiffe des Quatre Ages de l'Homme ; mais
nous ne connoiffons aucun Poëme où l'on
ait développé ce tableau intéreffant . Il offre
au Poëte un fonds inépuifable de variété ; on
peut y parler également à l'efprit , au coeur
& à l'imagination . Mais fi un fujet trop pauvre
peut glacer le génie poétique , un ſujet
trop riche a bien fes dangers auffi . Outre
qu'il impofe une tâche auffi pénible que
difficile , le Lecteur , qui mefure fes prétentions
à la richeffe du fujet , devient plus
févère & plus exigeant ; quelquefois il eft
plus facile & moins dangereux de féconder
un fujet ftérile , que de choisir & diftribuer
des richeffes qu'on trouve abondamment
fous fa main. C'eft peut - être cette feule réflexion
qui a jufqu'ici empêché nos bons
Poëtes de traiter les Quatre âges de l'Homme.
Peut-être ils n'ont fait que craindre ce fujet ,
quand on s'imagine qu'il leur eft échappé.
DE FRANCE.
223
Cette confidération n'a pas arrêté l'Auteur
du Poëme que nous annonçons au Public.
Ce feroit le flatter que de lui dire qu'il
a parfaitement rempli fon fujet ; mais il y
auroit peut -être autant d'injuftice à ne pas
reconnoître un véritable talent dans fon
Ouvrage.
Ce Poëme eft en quatre Chants , comme
le titre l'annonce , comme le fujet le prefcrit.
Dans le premier , le Poëte peint l'enfant
au berceau ; & il s'élève contre l'ufage
meurtrier où l'on eft, où l'on étoit fur- tout ,
de l'emmailloter. Les craintes qu'il témoigne
fur la fanté du nourriffon , l'amènent naturellement
à parler de la petite vérole. On
lira avec plaifir quelques traits de la peinture
de ce redoutable fléau :
Fuyez fur-tout , fuyez ce mal contagieux ,
Dont l'approche eft funefte & l'afpect feul hideux ;
Qui , fatal à l'enfant , chez le vieillard s'irrite ,
Et qu'avant de mourir rarement l'homme évite.
Sans s'épurer jamais , fon fouffle empoisonné
·Dans le fang qu'il aigrit fermente emprisonné ;
Le friffon , le dégoût annoncent, fa présence ,
Et für un front livide ont peint la défaillance ;
La fe tend , s'élève , & , plus vive en couleur ,
peau
Du feu qu'elle contient décèle la chaleur ;
Mais le malexcité fortant avec furie ,
Défigure le corps s'il épargne la vie.
C'est à Vénus , implorée par Mirza , que
Kiv
224
MERCURE
le Potte attribue l'idée de l'inoculation.
Depuis , ajoute t'il ,
Depuis , dans ces climats cette pefte adoucie
S'eft dans fon propre piège elle -même affoupie ,
Et le mal n'eft armé que pour chaffer le mal.
Il fait une fortie contre l'ufage des nourrices
mercénaires , & il rappelle les dangers
qui menacent en pareil cas & la mère &
l'enfant. A ce tableau il oppofe celui d'une
mère qui nourrit fon enfant de fon propre
lait. On ne pouvoit guère abandonner cet
article important fans parler de Jean - Jacques
Rouffeau . Voici quelques vers que lui
adreffe le Poëte :
Homme tendre & fublime , ô toi , dont le mépris
Condamna nos erreurs dans tes fougueux Écrits ,
Que j'aime en t'écoutant certe fainte colère ,
Que tu fais retentir dans l'âme d'une mère !
Le cri de la Nature , & dont tu fus l'écho ,
Nous parut dans ta bouche un langage nouveau ;
La vérité fortit , & fà vive lumière
Long temps bleffa nos yeux qu'à préfent elle éclaire.
Puiffe donc fa clarté pénétrer tous les coeurs ,
Faire au milieu de nous revivre pour les meurs
Des époux plus foumis , des épouſes plus fages , &c.
L'enfant que la nourrice emmène dans fon
village , a fourni à l'Auteur une tirade où fe
trouvent des détails agréables , & qui fe termine
par une comparaifon heureuſement
exprimée :
*
DE FRANCE. 225
Cependant , exilé du fol qui l'a vû naître ,
L'enfant ouvre les yeux , & voit déjà paroître
Une foule d'objets qu'il ne diftingue pas.
La robuſte Lifen , qui le tient dans fes bras ,
En fixant fes regards a reçu fon hommage ,
D'un amour qui va naître , innocent témoignage ,
Et découvrant un fein que l'art n'a point gâté ,
Où fous un lin greffier refpire la fanté ,
Lui donne cette fois une ſeconde vie.
Ce don fi précieux l'un à l'autre les lie ;
Tous les deux , fatisfaits de cette illuſion ,
Vont fe prêter l'un l'autre à la féduction .
Tel un arbre choisi pour un nouvel uſage ,
A des fruits qu'il adopte offre fon tronc fauvage ,
Et ce fruit élevé dans fon fein généreux ,
Preffe amoureuſement fes rameaux orgueilleux.
Un tableau qui n'a pas dû échapper à l'Auteur
, c'eft celui du retour de l'enfant. La
mère court au- devant de lui avec des mouvemens
de joie :
O'mortelle douleur !
L'enfant , de cette ivreffe altère la douceur ;
Car en lui l'habitude abuſant la nature ,
Il ne l'appercevra qu'en lui faisant l'injure
De détourner la tête & de pouffer des cris ;
Elle frappe fes yeux fans frapper fes efprits.
Mais faut- il s'étonner , fi dans un tel myſtère ,
Le fein qui le nourrit eft celui qu'il préfère ?
K v
226 MERCURE
On cherche à le convaincre , on n'y réuffit pas.
Il demande fa mère en pleurant dans fes bras.
Ce dernier vers eft très- heureux.
Dans le fecond chant , le Poëte décrit les
jeux de fon élève. Celui du volant , à un mot
près , qui manque de jufteffe , eft heureuſement
exprimé :
Au milieu de leurs jeux , tel un liège emplumé ,
S'élance en pirouettant dans le vide animé ;
Et trompant le coup- d'oeil du joueur qui la guette ,
Vingt fois par un faux bond échappe à la raquette.
Après l'avoir fait promener fur la glace
après l'avoir conduit à la nâge , & lui avoir
fait furprendre dans fon nid la famille de la
fauvette ; c'est- à- dire , après avoir decrit les
plaifirs de fon élève , il retrace fes peines &
fa trifte fervitude. Un des morceaux les
mieux faits , fans doute , c'eft une peinture
fort gaie du Collège .
e
Dans un réduit obſcur , où la pédanterie
Loge avec la fottife & la caffarderie ,
Sous l'oeil d'un Magiſter , des pédans fubalternes
Répandent la terreur dans ces doctes caſernes :
C'eft-là qu'avec méthode on doit aller , venir ;
Qu'au coup de cloche il faut boire , manger , dormir,
Jouer ou travailler , ou jafer ou fe taire ;
C'eft-là qu'on parle Grec à la barbe d'Homère ;
Que maint Cicéron bâille en fon coin triftement ,
DE FRANCE 227
Du chagrin de fe voir trop près d'un rudiment ;
Etque Phèdre après lui traîne ſon commentaire :
Vous ne trouverez là Racine ni Molière ,
Ni ces Auteurs François , dont le vers bien écrit
Épure le difcours en amuſant l'eſprit.
( Il manque ici deux vers à rime féminine ;
c'eft un oubli de l'Auteur ou de l'Imprimeur.)
Mais on pourroit y voir le maître & fes grimauds ,
Un vieux Tacite en main , en traduire les mots ,
Ou d'un ton lamentable interprêter fans grâce
Les beautés de Virgile ou la gaîté d'Horace.
Là , mon lourdaut , bridé par fon génie étroit ,
Préparant à la troupe un travail mal - adroit ,
Vous met dans l'embarras de pouvoir reconnoître
Lequel eft le plus fort de l'élève ou du maître :
Toujours froid & pefant , c'eft avec dureté
Qu'il vient à cet enfant prêcher l'humanité , &c.
Quand on parle ainfi du Collége , on fait
fort bien de n'être plus en âge d'y retourner.
Il paroît que l'Auteur ne s'y eft pas infiniment
amuſé dans fa jeuneffe . Quelques perfonnes
trouveront la peinture qu'il en fait
un peu vive ; mais il a trop visiblement attaqué
les ridicules pédans, pour que les fages
Inftituteurs puiffent s'en offenfer.
Delà il paffe à la puberté ; &c , à quelques
négligences près , la peinture qu'il en fait
eft d'un ton vrai & ferme.
Superbe , & fe fentant fait pour donner des loix,
K vj
228
MERCURE
Il vient de s'éveiller pour la première fois ;
La majefté, la force ont chaffé la foibleffe ,
Et la virilité va parer fa jeuneffe.
A fa marche impoſante , à ſon geſte aſſuré ,
Les animaux ont fui d'un pas moins mefuré.
Devenus fes vaffaux en le voyant paroître ,
Tous ont été forcés de plier fous un maître.
Quelques-uns plus foumis ont accepté ſes fers ,
Et même les premiers au joug fe font offerts.
Lui-feul au-deffus d'eux levant la tête altière ,
Peut jeter fes regards fur la nature entière ;
Sa voix foible jadis , qui va fe décider ,
Annonce un être fier , & fait pour commander ;
Sa raison qui mûrit , déjà plus exercée ,
Fait dans un plus bel ordre éclore fa penſée ,
Et frappant fon cerveau de ſes feux les plus prompts ,
Dans un foyer plus pur épanche ſes rayons.
C'eft à cet âge que chaque détail du tableau
de la Nature lui imprime un fentiment.
Il reípire la vie avec trop d'abondance ,
Et voudroit au dehors porter fon exiſtence.
Dans le troifième Chant , le Poëte trace
le portrait des deux paffions qui fe partagent
notre coeur , l'amour & l'ambition.
Après avoir rappelé quelques malheurs caufés
par l'amour , il adoucit ce tableau par
celui d'un amant qui a furpris fa maîtraffe
au bain. Ce Chant eft terminé par
quelques vers fur l'ambition & fur l'amitié.
DE FRANCE. 229
Le quatrième traite des infirmités , & ſurtout
des défauts de la vieilleffe . Sans doute
il falloit peindre l'ennui que la vieilleffe
fouffre & caufe tout-à- la- fois ; mais il ne
faut pas retracer les défauts des vieillards
fans Faire plaindre leurs maux. Ce Chant ,
qui eft un peu monotone , auroit pu être,
plus intéreffant. Ce n'eft pas qu'on n'y trouve
des détails heureux qu'on liroit ici avec
plaifir ; mais ce que nous avons déjà cité
doit fuffire pour faire apprécier le ftyle de
l'Auteur. On a dû s'appercevoir qu'il eft
ſouvent négligé ; mais on a dû remarquer
auffi qu'il y a toujours un ton de vérité , une
efpèce d'ingénuité attachante , & une fenfibilité
douce qui ſe répand fur tous les objets.
Il y a de ces vers heureux qui fe gravent
dans la mémoire. En parlant de l'embarras
de Clariffe , furpriſe au bain , il dit :
Et voulant trop cacher de roſes à la fois , &c.
Voici un détail bas , rendu heureuſement
& naturellement :
Ainfi dans nos jardins la plus vile matière
Sous nos yeux fe transforme en plante nourricière.
Après avoir dit que le bonheur n'eft pas de
vivre , mais de favoir vivre , l'Auteur ajoute
avec grâce :
Car ces Dieux de la Fable , autrefois fi fameux ,
Étoient tous immortels , & n'étoient pas heureux !
On les voyoit au ciel former des entrepriſes ;
Et, tout Dieux qu'ils étoient, payer cher leurs fotifes .
230 MERCURE
Quelquefois l'expreffion eft noble & poétique
, comme dans ces vers où le Poëte ſe
plaint qu'on n'élève pas des monumens funèbres
aux Héros & aux Sages :
En effet , a-t'on vû les races déſolées
Leur élever à tous d'auguftes mauſolées ?
Non , c'est au vice heureux que des marbres menteurs
Décernent lâchement ces ferviles honneurs.
Mais nous croyons devoir inviter l'Auteur
à ne pas fe négliger fur l'exactitude de la
langue.
Si le ton qu'on y met m'avertit quej'yfonge.
Avertir de & avertir que , offrent des fens
tout différens .
Forcée hors des canaux qui la tenoient foumife.
Hors eft afpiré ; & dès lors le vers eft trop
long d'une fyllabe.
N'y voyoit plas ni vent badiner fes bouquets ,
Ni , & c.
Badiner eft un verbe neutre , & par conféquent
fans régime.
Souviens-toi qu'aujourd'hui c'eft toi qui fus la caule.
On ne peut pas dire , tu fus aujourd'hui , on
doit dire tu as été.
Ces obfervations ne peuvent rien ôter à
l'eftime que doit infpirer l'Auteur de ce
Poëme. Le talent qui brille déjà dans fa
poéfie , prouve qu'il peut en corriger ailéDE
FRANCE. 231
ment les défauts. C'eft un de ces Poëmes quipromettent
plus qu'ils ne donnent , & qui
font penfer encore plus de bien du talent de
l'Auteur que de l'Ouvrage même.
VARIÉTÉS.
LETTRE de M. DUPONT au Rédacteur
du Mercure pour la partie des Pièces
Fugitives.
JE trouve dans le Mercure , Monfieur , quelques
vers de moi que vous avez jugé à propos d'y inférer ,
& je vous en remercie . Mais je trouve à la fin de ces
vers qu'ils font de l'Auteur d'une Traduction de
l'Ariofte, qui fe vend chez un tel Libraire , & je
vous avoue que je n'ai pas lû cette annotation fans un
fentiment de peine affez vif.
Je rends juſtice au motif qui vous la dictée , &
fuis convaincu que votre amitié a cru m'obliger.
J'aurois defiré qu'elle eût compris combien il importe
peu au Public que l'Auteur de vingt vers médiocres
qui feront oubliés demain l'ait encore été de
quatre ou cinq cent autres oubliés depuis long - temps.
Je ne me fuis nommé à la tête d'aucune traduction
de l'Ariofte . Perfonne ne peut donc affirmer qu'il en
exifte une de moi ; & quand j'aurois publiquement
avoué celle que vous m'attribuez , je me ferois bien
gardé de le rappeler au bout de deux ans.
«C'est mon Ouvrage ilfe vend chez Moutard. »
Senfible à la bienveillance que vous me témoi
gnez , je vous fupplierai donc , fi l'occafion s'en retrouvoit
jamais , de la manifefter d'une autre manière.
De tous les maux qui peuvent fondre fur un
homme, le plus cruel peut-être & le plus incurable ex
232 MERCURE
France eft le ridicule. C'eft certainement celui qu'il
faut le plus éviter pour foi-même , & craindre le plus
de communiquer à ſes amis.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Paris , le 15 Mars 1783 .
SPECTACLES.
COMÉDIE FRANÇOISE.
LE Lundi 17 de ce mois , on a joué , pour
la première fois , le Déjeûné interrompu
Comédie en deux Actes & en profe.
M. & Mme de Merval fe propoſent d'unir
leur fille Henriette & leur neveu Damis.
Celui - ci a voyagé pendant trois ans.
fous le nom de Dorval : il eft de retour.
Tandis qu'il voyageoit , un certain Marquis
nommé Valère , a vû Henriette , l'a lorgnée
fuivie , agacée ; enfin il eft parvenu à infpirer
quelque goût à la jeune perfonne. Ce'
Marquis n'eft qu'un fat fans délicateffe , &
qui a été beaucoup moins touché par les
charmes d'Henriette que par l'espoir d'épou
fer une riche héritière. Il étoit fur le point
de recevoir la main d'une Mme de Saint-
Lambert , dont il a fubjugué l'efprit ; il y
renonce , parce que la fortune de Mlle de
Merval eft plus confidérable que celle qu'il
convoitoit. C'est par l'entremile de Frontin
& de Marton , tous deux attachés au fervice
DE FRANCE. 233
de M. de Merval , que Valère veut faire expliquer
les intentions. On devine fes deffeins
, & l'on fe promet de le berner. On lui
propoſe de lui ménager un rendez- vous avec
Henriette ; c'eft le faux Dorval qui fe trouve à
ce rendez - vous. Le Marquis eft éloigné de
foupçonner que Damis foit fon rival , en
conféquence il lui parle de lui-même avec
beaucoup de légèreté , & explique tout naturellement
fes vûes. Damis feint de s'y
prêter ; il engage Valère à fe retirer dans fon
appartement pour y attendre l'inftant favorable.
M. & Mme de Merval fe rendent
dans le fallon pour déjeûner . Une lettre de
Mme de Saint- Lainbert leur apprend les
projets du Marquis . Leur étonnement eft
extrême. Marton , Frontin & Damis les inf
truifent de tout. On appelle le Marquis. A
l'afpect des parens d'Henriette , il croit d'abord
que tout s'eft arrangé en la faveur ;
l'explication le défabuſe ; il ſe retire en affectant
de plaifanter. Damis épouſe Mlle de
Merval.
Cette petite Comédie , qui n'a pas eu un
grand fuccès , a néanmoins obtenu des ap
plaudiffemens.On y a remarquéde l'efprit, une
teinte de philofophie douce & quelques détails
très agréables. La Scène entre Valère &
Damis a été goûtée généralement ; c'est la
meilleure de la Pièce. Une Dame eft l'Auteur
de cet Ouvrage. Nous propofons ici à
nos Auteurs galans , à ceux qui poſsèdent ou
croient pofféder tous les fecrets de l'urbanité
234
MERCURE
polémique, une question que nous voudrions
voir réfoudre. La voici. Lorfqu'une femme
entre dans la carrière des Lettres , quand elle
ne craint pas de defcendre dans l'arène poury
difputer la palme aux Écrivains d'un autre
fexe ; doit -on la juger avec les ménagemens ,
la complaifance , les égards que l'on accorde
à fon fexe dans d'autres circonftances , ou
ne faut- il la confidérer que comme un
Athlète littéraire? Si on répond à cette queftion
, nous faurons de quelle manière nous
devrons par la fuite nous expliquer fur des
productions telles que la Comédie dont
nous venons de parler .
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Mardi 18 Mars , on a donné la première
Repréfentation des Aveux difficiles ,
Comédie en un Acte & en vers , par M. le
Baron d'Eftat .
Le fonds de cet Ouvrage eft abfolument
le même que celui de la Comédie de M.
Vigée , dont nous avons rendu compte Numéro
11 de ce Journal. La différence que
l'on trouve entre quelques tuations des
deux Pièces , n'eft point affez marquée
pour qu'il foit poffible d'élever aucun doute
fur leur reffemblance générale. Qui de M.
le Baron d'Eftat ou de M. Vigée a les droits
les plus inconteftables à la propriété du
fujer? Voilà le point de la difficulté , & nous
DE FRANCE. 235
ne faurions le réfoudre. Il eft vraisemblable
que c'est pour
terminer la querelle des deux
Rivaux, qu'on s'eft avifé d'adreffer au Journal
de Paris une Lettre datée des ChampsÉlyfées
, & fignée Néricault Deftouches . Čet
Auteur comique y réclame le fonds des
Aveux difficiles , & citè fa Comédie de
l'Amour ufé , comme la fource où MM.
d'Eftat & Vigée ont puifé le fujet de leurs
Ouvrages . Le Secrétaire de Deftouches nous
permettra de lui obferver qu'il eft très- poffible
& même très - probable que fans avoir
aucun fouvenir de l'Amour ujé, on ait imaginé
l'intrigue des Aveux difficiles. Chez
Deftouches un vieux garçon & une vieille
fille ont projeté de s'époufer ; il y a vingtcinq
ans que la minute de leur contrat de
mariage eft reftée chez le Notaire. Ils ne
s'aiment plus , & rien de plus ordinaire qu'un
amour mort après vingt - cinq ans. Un amour
de cet âge feroit , pour me fervir d'une expreffion
de Fontenelle , le Mathufalem des
Amours. Un jeune homme & une jeune perfonne
ont fixé l'attention & les defirs le premier
de la vieille fille & la feconde du vieux
garçon. Après une fuite d'incidens , la plu
part d'un excellent comique , les deux jeunes
gens font unis , & les deux vieux amans
font trop heureux de fe reprendre . Ce n'eft
pas- là le fonds des Aveux difficiles , où , pour
F'y retrouver , il faut étrangement forcer les
rapprochemens. Deux jeunes gens , tous
deux aimables , tous deux faits pour plaire ,
236
MERCURE
qui ceffent de s'aimer parce que chacun
d'eux eft entraîné vers un autre objet , &
qui n'ofent fe faire l'aveu de leur inconftance
, qui en rougiffent , qui fentent , pour
ainfi dire , l'injuftice de leur coeur; ne fauroient
reffembler auxPerfonnages de l'Amour
ufé ni par le caractère , ni par la fituation ,
ni par l'attitude dramatique. A notre avis
Deftouches, n'a rien à réclamer ici. C'eft entre
MM. d'Eftat & Vigée qu'eſt tout le
débat.
La Comédie de M. d'Eftat n'a pas eu un
fuccès auffi décidé que celle de M. Vigée ,
parce qu'il y règne moins d'enſemble , que
la marche en eft moins sûre , & les Scènes
moins motivées ; néanmoins nous préférons la
Scène des Aveux de M. d'Eftat à celle de
M. Vigée. Ce n'eft pas qu'il n'y ait du mérite
dans celle- ci ; mais le moyen employé .
par M. Vigée , le ministère des Valets mis en
oeuvre pour déclarer l'inconftance mutuelle
des Amans , préfentoit moins de difficultés
que le reffort qui a été adopté par M.
d'Eftat. Cet Écrivain a placé fes Aveux dans
la bouche des deux rivaux , & ce moyen plus
délicat , plus fufceptible d'inconvéniens que
l'autre, a produit une Scène qui eft filée avec
affez d'adreffe , d'intelligence & de comique
pour faire honneur à M. d'Etat . Le ſtyle de
fon Rival a plus d'éclat , eft plus foutenu ;
le fien nous a paru plus naturel . Au total
cette dernière production de M. d'Eftat annonce
plus de talent que la Somnambule ne
DE FRANCE. 237
fembloit en promettre. Voilà le fruit de
l'étude , du travail & de l'expérience.
Dans le prochain Mercure , nous parlerons
du Corfaire , Comédie en trois Actes
& en vers , mêlée de mufique , repréſentée
avec fuccès , fur ce Théâtre , fur ce Théâtre , le 17 Mars.
ANNONCES ET NOTICES.
THEATRE choifs de Pierre Corneille , papier grand
raiſin ſuperfin d'Annonay. Prix , 36 livres broché en
carton.
M. Didot femble faire tous les jours de nouveaux
efforts, qui font toujours juftifiés par de nouveaux
fuccès. Cette fuperbe Édition de Corneille doit lui
faire le plus grand honneur par la beauté rare du
papier & du caractère. Ce premier Volume renferme
le Cid , Horace , Cinna , Polieucte , le Menteur ; le
fecond, qui paroîtra en Juillet , contiendra Pompée ,
Rodogune, Héraclius , Don Sanche , Nicomède &
Sertorius. On n'en tire que deux cent Exemplaires.
Le même Imprimeur vient de faire paroître la
Morale de Théophrafte , neuvième Volume de la
Collection des Moraliftes anciens , dédiée au Roi.
Prix , 4 livres broché ; le même , papier commun,
Prix , 1 liv. 10 fols .
Première & deuxième Vues des Environs de
Gaillon. Deux Eftampes gravées d'après Pillement ,
par Jean- Baptifte Racine , & dédiées à M. Campan
fils , Maître d'Hôtel de la Reine,
La Gravure de ces deux Tableaux intéreffans
doit faire honneur au talent de l'Artifte. Ces Etampes
fe vendent à Paris , chez M. Lebas , Graveur
du Roi , & aux Adreſſes ordinaires. Prix , 1 livre
10 fols chacune .
238 MERCURE
L'Affemblée au Sallon , peint à la gouache , par
N. Lavreince , Peintre du Roi de Suède , & de
l'Académie Royale de Stockholm , gravé par F.
Dequevauviller . A Paris , chez l'Auteur , rue Sainte-
Hyacinthe , la troisième porte- cochère à droite par
la Place S. Michel, Prix , 9 liv.
Cette Gravure eft d'un effet très agréable.
ÉTRENNES de la Vertu pour l'année 1783 ,
contenant les actions de bienfaiſance , de courage ,
d'humanité , &c. A Paris , chez Savoye , Libraire ,
rue S. Jacques.
Voici la deuxième année que paroît ce Recueil ,
qui peut devenir très - intéreſſant. Il renferme ,
d'après le plan adopté par l'Éditeur , 1º . les anecdotes
de l'année ; 2. d'autres faits plus anciens , &
qui méritent d'occuper une place dans ces Annales de
la Vertu.
LA Machine à élever l'eau par une corde fans
fin, perfectionnée par M. Campmas , Ingénieur-
Hydraulique. Prix, 3 liv. avec des Explications , &
livre 16 fols fans Explication . A Paris , chez
l'Auteur , rue Gît-le- coeur , hôtel S. Louis , près le
quai des Auguftins.
M. Campmas a obtenu du Roi le privilège de
faire débiter feul dans tout le Royaume les Machines
Hydrauliques qu'il fera graver. Il donnera
fucceffivement divers moyens d'appliquer les hommes
, les chevaux , le vent , le feu & les chûtes
d'eau au mouvement de cette Machine.
On trouve à Paris chez Dezauche , Géographe ,
Succeffeur des Sieurs de l'Ifle & Philippe Buache ,
rue des Noyers , 1º . Carte particulière & très- détaillée
du Royaume de Naples , en deux feuilles.
2. Carte de l'Ifle & Royaume de Sicile , par
DE FRANCE. 239
Guillaume de l'Ifle & Philippe Buache , Premiers
Géographes du Roi , & de l'Académie Royale des
Sciences. 3. Carte Générale de l'Italie & de la Sicile,
par les mêmes , nouvellement revues & augmentées
par Dezauche , Géographe. Prix , 1 liv. 5 fols chaque
feuille.
Li-
LETTRES fur la Danfe & fur les Ballets, nouvelle
Édition par M. Noverre , Penfionnaire du
Roi , un Volume in- 8 ° . de 368 pages , imprimé chez
Didot. Prix , 3 liv. 12 fols broché. Cet eftimable
Ouvrage fe vend chez la Veuve Deffain Junior ,
braire, quai des Auguftins , à la defcente du Pont-
Neuf , près la rue Dauphine. Elle vend auffi
les Impoftures innocentes , ou Point de Vue de
t'Opéra chez les Grecs , avec plufieurs Hiftoires des
Courtifannes Grecques , un Volume in- 16 , & les
nouveaux Contes des Fées entremêlés de quelques
Hiftoriettes pour fervir de fuite aux Bibliothèques
amufantes , &c. 2 Vol . in - 12 . Prix , 2 liv . 8 fols
brochés.
On voit toujours dans fon Cabinet de lecture
toutes les Feuilles politiques , étrangères & nationales
; pour le rendre toujours plus agréable & plus
recherché , elle vient d'y ajouter tous les Journaux
littéraires , les nouvelles Pièces de Théâtre en tout
genre , les Catalogues , Livres & Almanachs de
curiofité ou d'utilité journalière , les Édits , Arrêts ,
&c. On en trouve chez elle un Tableau imprimé
plus étendu qui préfente d'un coup- d'oeil les jours
où tous les Courriers arrivent , & où tous les Ouvrages
fe lifent. On s'y aboune non - feulement
pour les venir lire , mais encore pour les avoir chez
foi , foit à Paris , dans la Province ou à la Campagne.
JOURNAL de Harpe , troisième année , n . 3 ,
240
MERCURE
avec accompagnement de Violon ad libitum . Ce
Cahier contient trois Airs de chant de l'Embarras
des Richeffes & d'Amadis, les accompagnemens par
MM . J. P. Meyer , X *** & Petillot , & un
Rondo , par M. Meyer. Prix , 2 livres 8 fols. A
Paris , chez Leduc , rue Traverfière- Saint- Honoré ,
au Magafin de Mufique. Le prix de la foufcription
pour les douze Numéros eft de 15 livres pour
Paris & la Province , port franc. On trouvera à
la même adreſſe la première & la deuxième année.
Prix , Is liv. port franc.
HERBIER de la France. Le Numéro 3 ; de
cet intéreffant Ouvrage paroît actuellement , &
renferme la Pédiculaire des marais , Plante fufpecte
de la France , la Gratiole officinale , Plante
vénéneufe , le Ményante tréflé, Plante fufpecte ,
& le Champignon , appelé le Bolet rude . On foufcrit
toujours chez l'Auteur ( M. de Bulliard ) rue des
Poftes.
Pour les Annonces des Titres de la Gravure ,
de la Mufique & des Livres nouveaux , voyez les
Couvertures.
TABL E.
IMITATION de Claudien, Les Quatre Ages de l'Homme,
193 Poëme , 212
Lettreà M. Garat , 194 Lettre de M. Dupont au Ré-
La Réparation , Conte , 203 dacteur du Mercure , 231
Couplers à Mlle de Gaudin Comédie Françoise ,
219 Comédie Italienne,
Enigme & Logogriphe , 220 Annonces & Notices ,
l'aînée ,
J'AI lu
AP PROBATION.
232
234
239
I lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 29 Mars. Je n'y al
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion . A Paris ,
le 28 Mais 1783. GUIDI
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
DANEMARCK.
De COPENHAGUE , le 28 Janvier.
Il ouvertpinein S.hlef wig
L vient d'être ouvert par ordre du Roi ,
>
un emprunt d'un million d'é us en billets
de banque à 4 pour 100 d'intérêt . L'objet
de cet emprunt eft d'obvier à la rareté du
numéraire dans ce Duché.
Il a paru dans le cours du mois dernier
3 nouvelles Ordonnances ; la piemi re prefcrit
à tous les vaiſſeaux qui voudront entrer
dans la Baltique , de dépofer la poudre à
tirer qu'ils ont à bord , & qui leur fera endue
lorfqu'ils fortiront de cet e mer ; ils ne doivent
conferver que deux charges pr canon .
La feconde défend , jufqu'au 10 Juin prochain
, de tirer de l'Ile de Zélin ' e de l'orge
& de l'avoine , & permet au contraire d'y
en porter juſqu'au o Mai , ainſi que l'importation
de l'orge , du feigle , du fel & du
fuif dans tout le Royaume de Danemarck
1er. Mars 1783. a
( 2 )
jufqu'au 10 Juiller. La troifième proroge ,
jufqu'à la fin de Juin , l'introduction du bled ,
farine , chairs falées , & autres provifions
dans les ports méridionaux de la Norwége .
Les navires qui ont paffé le Sund pendant
le cours de l'année dernière , font au nombre
de 8330 , dont 1262 Anglois & 2117
Suédois. Sur 80 bâtimens qui , pendant la
même année , ont chargé du vin à Cette en
Languedoc , il y en a eu 5-1 Danois.
Nous avons donné le Traité de commerce
conclu entre cette Cour & celle de Ruffie ;
nous obferverons ici qu'il a pour bafe les
principes fondamentaux de la neutralité armée.
L'article 21 , qui détermine les effets
ou marchandifes qui feront cenfés être de
contrebande , offre l'énumération faite dans
le Traité de 1674 entre la Grande-Bretagne
& la Hollande. Cette énumération ne comprend
point le bois de conftruction , les
mâts , le chanvre , le fer , ni aucune des
marchandifes connues fous le nom de munitions
navales , dont la Grande - Bretagne
a voulu dans ces derniers tems interdire le
transport à fes ennemis .
POLOGNE.
De VARSOV IE , le 28 Janvier.
Le jour anniverfaire de la naiffance du
Roi , qui eft entré dans la sie. année de
fon âge , a été célébré hier avec la plus
grande folemnité. Le Prince Martin Lubo(
3 )
mirski , Lieutenant- Général des troupes de
la Couronne a donné le foir un bal
fomptueux dans le Palais de Radziwill .
2
Les foins paternels & infatigables_du
Roi , viennent enfin de terminer les diffentions
qui fubfiftoient depuis un an & demi
entre les Membres de la Confeffion d'Augsbourg.
Tous les bruits répandùs au fujet de la
convocation prochaine d'une Diète extraordinaire
, font jufqu'à préfent deftitués de
tout fondement. Il faudroit un concours
d'évèneihens bien finguliers , pour qu'elle
eût lieu dans le courant de cette année.
On parle beaucoup d'un traité de commerce
qui eft fur le point d'être conclu
avec l'une des Puiffances voifines ; la Pologne
peut , s'il a lieu , s'en promettre des
avantages infinis. Il eft encore queſtion de
l'établiffement fucceffif de différentes Manufactures
dans ce Royaume .
» Plusieurs Négocians de la Moldavie & des Provinces
limitrophes de la Turquie , lit-on dans quelques
lettres , font venus dans le pays de Lemberg
& de Dubno , & affurent qu'on prévoyoit , à l'égard
de la Moldavie , de la Walachie , de la Crimée &
même de la Beffarabie , des changemeus confidérables
, que la Porte Ottomane , malgré tous les efforts ,
ne pourroit pas empêcher. Ces Provinces fi fertiles ,
méritent certainement un meilleur fort que celui
qu'elles ont effuyé jufqu'à préfent ; & peut- être que
le moment qui les en fera jouir , n'eft pas éloigné «
a 2
( 4 )
ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 30 Janvier.
,
Le bruit eft général que l'Archiduc Maximilien
fe rendra dans peu à Rome ou
l'on dit qu'on prépare déja dans le Vatican
plufieurs appartemens pour le recevoir.
L'hiver que nous éprouvons cette année
ne reffemble en rien à ceux des années
précédentes ; les neiges font fréquentes ;
mais elles ne tiennent point fur la terre ;
à peine font - elles tombées qu'elles font
fondues par un vent du midi qui les fait
difparoître , ce qui caufe des inondations
en divers endroits où elles font beaucoup
de dégats. Les pluies fe renouvellent auth
fouvent , & dégradent les chemins qui
font impraticables.
Les tranfports des munitions pour la Hongrie
fe continuent avec la même ardeur ;
cependant toutes les nouvelles de Conftantinople
font pacifiques ; la Porte ne fe laffe
point de répondre avec la plus grande condefcendance
aux demandes qui lui font faites
; on affure qu'elle vient de nous accorder
la libre navigation fur la mer noire.
Les dernières lettres de la Capitale de
l'Empire Ottoman font du 7 de ce mois ;
elles annoncent que le peuple qui faifoit
entendre précédemment des cris de guerre
paroît maintenant modérer fon ardeur &
les fupprimer ; on ignore fi cette tran(
5 )
quillité durera. Il y a lieu de craindre que
l'extrême détreffe à laquelle il eft réduit
ne renouvelle les clameurs & la fermentation.
>
Tout eft difpofé ici pour la réception de
l'Empereur de Maroc , qu'on attend dans
peu de jours . Parmi les préfens qu'il apporte
, il y a 8 fuperbes chevaux Africains ,
équipés à la Barbarefque de la manière la
plus riche , puifqu'on y a employé l'or , les
perles & les diamans. On compte que ce
Miniftre reftera ici trois mois.
L'Edit de S. M. I. portant fuppreffion
de la fervitude dans fes Etats de l'Autriche
antérieure vient d'être imprimé ; il eſt
ainfi :
conçu
Voulant favorifer la culture du Pays & l'induftrie
de mes Sujets , ce qui ne fauroit être obtenu
que par le moyen d'une honnête liberté ;
avons jugé à propos d'établir dans les Etats de
l'Autriche antérieure , les mêmes principes de foumiffion
modérés que nous avons fuivis pour nos
autres Pays Héréditaires. Dans cette vue nous
avoas ordonné & ordonnons ce qui fuit : 1º . Chaque
Sujet pourra le marier en en prévenant le Seigneur
de l'endroit ou de la terre où il demeure , lequel
fera tenu de lui donner gratis la permiffion par
écrit pour le Mariage. 29. Il fera libre à chaque Sujet
de quitter la Seigneurie à laquelle il étoit attaché
, & de s'établir cu de fe mettre en fervice
dans d'autres endroits de l'Au riche antérieure ;
mais dans ce cas il fera obligé de demander à fou
Seigneur un certificat de manumiffion . Cependant
pour empêcher que les terres du Seigneur ne foient
pas délaiées a grand détriment de l'agriculture ,
a ?
46 )
le Vaffal ne pourra obtenir la manumiffion &
quitter la terre qu'il avoit cultivée , juſqu'à ce
qu'il ait fourni au Seigneur pour cette terre un
autre laboureur capable. 3 ° . On ne payera pour
les certificats de manumiffion que deux florins ;
dans les endroits où on en a payé moins , on continuera
l'ancienne taxe ; & dans ceux où on n'en a
rien payé , on fera auffi difpenfé de payer quelque
chofe à l'avenir. 4° . Ceux des Sujets qui voudront
apprendre des Métiers & Arts pourront le
faire , fans que le Seigneur puiffe y mettre obftacle;
& ils pourront les exercer pour s'entretenir ,
dans tous les endroits des Etats de l'Autriche antérieure.
° . La fuppreffion de la fervitude n'entraîne
pas celle des corvées , & d'autres fournitures en
nature & en argent , qui font déterminées pour
chaque terre dans les lettres de Fief , les terriers ,
les jugemens & convention. Mais outre ces droits
fixés , aucun Seigneur ne pourra exiger davantage
de fes Vaffaux. -La modification que nous
avons apportée à la foumiffion des Vaffaux ,
doit nullement nuire à l'obéiffance que les Vaffaux
doivent à leurs Seigneurs , conformément aux loix
& cette même obéiffance aura lieu à l'avenir
comme par le paffé . Le Gouvernement , & les autres
Tribunaux fe conformeront au préfent Edit
& veilleront à ce qu'il foit exécuté ponctuellement.
Donné à Vienne le 20 Décembre 1782 .
De HAMBOURG , le 6 Février.
ne
TOUTES les feuilles publiques de l'Empire
, qui ne parloient depuis quelque tems
que des démêlés prêts à éclater entre la
Rullie & la Porte , & dans lefquels l'Autriche
devoir entrer annoncent aujourd'hui
que tout eft arrangé ; les bons offices de la
3
( 7 ).
France n'ont pas peu contribué , ajoutentelles
, à infpirer à la Porte des fentimens de
modération ; elle a promis , dit- on , d'obferver
fidèlement toutes les conditions du
Traité de Kainardgi . L'Impératrice de Ruffie ,
ajoute -t-on , a écrit à M. le Comte de Vergennes
, pour le remercier de fes bons offices ;
rien de plus flatteur que ces témoignages
pour un Miniftre qui peut être regardé , à
bon droit , comme le pacificateur de l'Europe.
Les voeux des bons Citoyens fe réuniffent
pour la confirmation de ces nouvelles intéreffantes
; l'efpérance les accompagne , malgré
les mouvemens qui continuent encore
dans les Etats de l'Empereur . On fait toujours
des levées en Bohême ; il y a eu ordre
à Prague d'engager 100 Chirurgiens , pour
être répartis dans les divers régimens , & on
a auffi ordonné des uniformes pour 18,000
Croates.
» Ces mouvemens , lit - on dans quelques papiers ,
ne nous ôtent pas encore l'efpérance de la continuation
de la paix . Tout ce que l'on pe it affurer jufqu'à
préfent , c'eft que la plupart des nouvelles qui ont
été publiées étoient hafardées , & plufieurs fans fondement.
Telle eft celle de l'envoi d'un Courier
Pruffien à Vienae , qui avoit apporté des dépêches
fi fatisfaifantes , que l'Empereur lui avoit fait donner
200 ducats ; tel eft encore le bruit qu'on avoit répandu
d'un voyage du Prince Henri de Pruffe à
Vienne , dont il n'a pas été queftion . L'état de la
Porte , les défaftres que la Capitale de l'Empire
Ottoman a éprouvés , les troubles qui règnent dans
plufieurs Provinces , doivent influer néceffairement
a 4
( 8 )
fur les difpofitions , & les bons offices de la Cour
de France , font faits pour lui en infpirer de conformes
au voeu général pour la paix. Nous espérons
qu'elle ne fera pas rompue , & nous nous défierons
de tous les bruits qui pourront fe répandre , & dɔnt
on s'appuyera pour affoiblir cette eſpérance «< .
Selon les lettres de Munich , l'Electeur
Palarin eft parfaitement rétabli de fon indifpofition
; il a témoigné ſa fatisfaction à ſes
Médecins , par diverſes gratifications qu'il
leur a faites. Le 19 du mois dernier , ajoutent
ces mêmes lettres , les Commandeurs
de la nouvelle Langue Anglo Bavaroife , de
la Religion de Malte , ont fait leur Profeffion
folennelle entre les mains du Baron de
Flachflanden , Grand - Croix & Miniftre Plénipotentiaire
de l'Ordre.
» Il y a eu , écrit on de Prague , une espèce
d'émente populaire , à l'occafion du premier enterre
ment d'un Proteftant , fait publiquement ici ; mais
les détails en ont été fort exagérés dans les papiers
publics . L'efprit de tolérance a déja fait des progrès
dans cette ville ; on en peut juger par ce fait. Quelques
jeunes Ecoliers , touchés de la misère où le
trouvoit réduit un honnête Proteftant , homme
d'efprit & dont les talens auroient mérité un
meilleur fort , s'étoient cotifés pour lui fournir le
bois , le logement & la nourriture. Après avoir
contribué pendant 7`mois à la confervation d'un
citoyen utile à l'Etat , ils ont demandé à leurs
maîtres la permiffion de faire en fa faveur une quête
générale dans leurs Clafles , ce qui leur a été accordé
avec plaifir & à différentes reprifes . Ces fentimens
d'une tolérance vraiment Chrétienne , leur ont valu
les éloges bien mérités de leurs parens , de leurs
maîtres & de tous les citoyens en général «.
( و )
ITALI E.
De LIVOURNE , le 25 Janvier.
PLUSIEURS Captifs écrivent d'Alger que
l'on y a traité du rachat de quelques - uns ,
& particulièrement du Capitaine Benoît Gazano
, pour qui on avoit d'abord demandé
1000 fequins . Le Bey ayant appris enſuite
que cet Efclave avoit un frère qui étoit
Officier de la marine Tofcane , n'a plus
voulu lui donner la liberté pour moins de
3000 fequins.
Suivant un ordre fuprême , tous les biensfonds
appartenant autrefois au Tribunal du
Saint-Office qui a été fupprimé , & qu'on
porte à la valeur de 7000 écus Romains ,
feront mis inceffamment en vente publi
que.
- Le
» Le Sénat , écrit-on de Venife , defirant que les
arfenaux & parcs d'artillerie de la République , foient
dorénavant pourvus de tout ce qui peut être néceffaire
à la Marine , a nommé pour Surintendants de
cette partie L. E. Errizzo , Lafto & Emo.
vaiffeau le Phénix de 70 canons , qui eſt arrivé ici
de Corfou , commandé par M. Gradenigo , doit s'y
réparer & prendre des vivres , avant de fe joindre à
notre efcaire , qui croife conftamment dans les mers
du Levant. - Les lettres de Mogador , datées des
derniers jours d'Octobre , portent que l'Empereur
de Maroc en étoit parti le 29 Septembre pour Salé ,
d'où il devoit fe rendre à Mequinez , & que fon fils
Muley Abfelin devoit gouverner cette place pendant
fon abfence. Le voyage de ce Monarque a pour
objet d'aller calmer les foulèvemens qui font farveas
( 10 )
nus dans les environs de Meqinez , & l'attaque que
les rebelies ont faite par furprife contre l'armée
commandée par Hafchaï fon frère , qui a , dit- on ,
agi contre les ordres qui lui avoient été donnés , en
commettant des hottilités contre ces provinces , & que
fa conduire à cet égard a été totalement défapprouvée
de fon Souvera n. Ces lettres ajoutent que
Samuel Sumbel , Juif, Miniftre de ce Prince , eit
mort depuis peu à Tanger , s'étant maintenu fans'
aucune interruption dans un emploi délicat , & fujet
aux plus grandes variations dans un Gouvernement
defpotique «.
ESPAGNE.
De CADIX le 30 Janvier.
,
PRESQUE tous les vaiffeaux font prêts ;
& il n'y a plus que les troupes à embarquer ,
pour ainfi dire , le moment en eft encore incertain
, & tout le monde croit que la paix
aura lieu inceffamment. Cependant , fi contre
l'attente générale , la campagne doit s'ouvrir
, jamais armement auffi formidable ne
fera parti de l'Europe ; 52 vaiffeaux de ligne ,
11 frégates , f corvettes , plus de 200 tranfports
, chargés de munitions de toute eſpèce ,
& 15,000 hommes de troupes Frarçoifes ,
fans compter les Efpagnoles , mettent un
Général en état d'entreprendre de grandes.
chofes .
Il y a quelques jours qu'un vaiſleau &
une frégate qu'on croit Anglois , le font
approchés à une lieue de la Tour de Saint-
Sébastien ; & on a diftingué de cette Tour
( II )
3
7 hommes fur les barres des hunes avec
des lunettes, Quoi qu'il en foit , hier , à
heures après midi , M. Dupleffis Pafcaut
reçut ordre de fe tenir prêt à appareiller
avec les vaiffeaux fuivans : le Royal- Lous
de 110 canons , le Dictateur , le d'Estaing
le Puiffant , le Suffifant de 74 ; l'Eveillé ,
le Réfléchi & la Provence de 64 ; & les
frégates la Précieufe , l'Iris , l'Engageante
de 32. Perfonne ne connoît la deftination
de cette divifion ; les uns difent qu'elle va
protéger l'arrivée d'un convoi attendu
de la Havane ; d'autres qu'elle va au- devant
de celui de Rochefort ; quelques- uns prétendent
que fon objet eft d'en intercepter
un parti d'Angleterre pour 1 Inde.
Malgré le grand nombre de tranſports
qui fuivront l'armée , on a confidérablement
chargé les vaiffeaux de guerre ; on a
embarqué fur chacun 2 canons de 24 &
4 de 4 , avec leurs affurs , de la poudre &
des boulers pour leur fervice , 2 mortiers
& quantité de bombes , plufieurs caiffes de
fufil ; tous ces effets doivent toujours être
prêts à être débarqués.
» Il vient de s'ouvrir un nouvel emprunt de 180
millions de réaux de Vellon . Le décret figné à ce
fujet par S. M. à Aranjuez le 17 Décembre , a été
publié ces jours - ci. L'emprunt eft en rentes viagères
à 8 pour cent fur une tête , & à 7 pour cent fur
deux , & en rentes rachetables à 3 pour cent d'intérêt
, fous hypothèques des revenus du tabac d Europe
& de l'Inde. Outre la faculté de fournir des
fonds en billets royaux au lieu d'efpèces , les pré-
2
a 6
( 12 )
teurs ont encore l'avantage de pouvoir donner le
tiers de la fomme pour laquelle ils s'intérefferont à
l'emprunt en créances contractées fous le règne de
Philippe V; avantage qui eft même affuré aux étrangers
, par l'article V du décret «.
P. S. Dans ce moment M. Dupleffis Pafcaut
, a tiré un coup de canon en hiffant le
fignal de mettre à la voile le plutôt poffible.
ÉTATS- UNIS DE L'AMÉRIQUE SEPT.
De Philadelphie le premier Janvier.
ON apprend que le Marquis de Vaudreuil
a mis à la voile de Boſton avec l'efcadre à
fes ordres , compofée de 13 vaiſſeaux de
ligne & de 4 frégates.
> Le 21 du mois dernier , il a été fait
lecture au Congrès de la Commiffion de
M. Ofwald , par laquelle il eft autorifé à
traiter comme Commiffaire Britannique
avec les Etats Unis d'Amérique , ou leurs
Commiffaires dans la négociation générale
pour la paix.
L'intérêt qu'a infpiré le Capitaine Afgill a
été général ; le fort cruel qu'il étoit menacé
de fubir n'a pas excité moins de pitié en
Amérique qu'en Europe ; on fait à quelle
Protection puiffante , il doit le bonheur de
l'avoir évité ; les lettres fuivantes qui ont
opéré fon falut , méritent d'être publiées ;
& les ames fenfibles ne les liront pas fans
attendriffement. La première avoit été écrite
par M. le Comte de Vergennes au Général
Washington le 29 Juillet 1782 .
7139
5 M. , cen'eft pas en qualité de Miniftre d'un Roi ,
ami & allié des Etats- Unis ( quoique ce foit avec la
participation & du confentement de S. M. ) que j'ai
l'honneur d'écrire à V. E .; c'eſt comme homme
fenfible , comme père tendre , qui éprouve toute
la force de l'amour paternel , que je prends la
liberté d'adreſſer à V. E. mes preffantes follicitations
en faveur d'une mère & d'une famille en pleurs .
Sa fituation femble d'autant plus mériter toute notre
attention , que c'eft à l'humanité d'une Nation en
guerre avec la fienne , qu'elle a recours , pour ob .
tenir ce qu'elle devroit recevoir de la juftice impartiale
de les propres Généraux . J'ai l'honneur de
faire paffer çi- inclufe à V. E. copie d'une lettre que
je viens de recevoir de Lady Afgill ; je ne lui fuis
point connu , & j'ignorois que fon fils étoit la victime
infortunée , deftinée par le fort a expier le
crime odieux dont un déni formel de juftice vous
oblige de tirer vengeance. V. E. ne lira pas cette
lettre fans être extrêmement affectée ; elle a produit
cet effet fur le Roi & la Reine , auxquels je l'ai
communiquée. La bonté du coeur de L. M. leur fait
défirer que les inquiétudes d'une mère infortunée
foient calmées , que fa tendreffe foit raffurée . Je
fens , M. , qu'il eft des cas où l'humanité elle-même
exige la plus extrême rigueur ; peut-être celui dont
il s'agit eft - il du nombre ; mais en reconnoiffant
l'équité des repréfailles , elles n'en font pas moins
horribles pour ceux qui en font les victimes ; & la
façon de penfer de V. E. eft trop connue , pour que
je ne fois pas perfuadé que vous n'avez rien de plus
à coeur que d'éviter cette fâcheufe néceffité . Il eft ,
M. , une confidération qui , fans être décifive , peut
influer fur votre réfolution ; le Capitaine Afgill eft
indubitablement votre prifonnier , mais il eft du
nombre de ceux que les armes du Roi ont contribué
à mettre entre vos mains à Yorck- Town. Quoique
cette circonftance ne foit pas en elle - même une
( 14 )
fauve- garde , elle juftifie du moins l'intérêt que je
me permets de prendre dans cette affaire. S'il eſt ,
M. , en votre pouvoir de la confidérer & d'y avoir
égard , vous ferez ce qui fera très - agréable à L. M. :`
le danger du jeune Afgill , les larmes , le défefpoir :
de fa mère les affectent fenfiblement ; & elles verront
avec plaifir l'espoir de confolation luire fur ces
infortunés . En cherchant à fouftraire M. Afgill à la
deſtinée dont il eft menacé , je ſuis bien éloigné de
vous engager à chercher un autre victime ; le pardon
, pour être parfaitement fatisfaifant , doit être
entier. Je n'imagine pas qu'il puiffe avoir aucunes
mauvaites conféquences. Si le Général Anglois n'a
pas été en état de punir le crime horrible dont vous
vous plaignez , d'une manière auffi exemplaire qu'il
l'auroit du , il y a raifon de croire qu'il prendra les
mefures les plus efficaces pour en prévenir de pareil
à l'avenir. Je fouhaite fincèrement , M. , que mon
intercellion foit couronnée du fuccès ; le fentiment
qui la dicte & que vous n'avez ceffé de manifefter
dans toutes les occafions , m'aflure que vous ne ferez
pas indifférent aux fupplications & aux larmes d'une
famille qui , par mon entremife , a recours à votre
clémence. C'eft rendre hommage à votre vertu que
de l'implorer ".
La lettre de Lady Afgill à M. le Comte
de Vergennes étoit du 18 du mê.ne mois ;
nous la tranferirons auffi .
» M. , fi la politeffe de la Cour de France permet
qu'une étrangère s'adreffe à elle , il n'eft pas douteux
que celle en qui le réuniffent toutes les fenfations
délicates dont un individu puiffe être pénétré , ne
ſoit favorablement accueillie d'un Seigneur dont la
réputation fait honneur , non- feulement à ton propre
pays , mais à la nature humaine. Le fujet fur lequel
j'ofe , M. , implorer votre affiftance , eit trop déchirant
pour mon coeur pour qu'il me foit poffible de
m'y arrêter très - probablement , le bruit publis :
( 15 )
vous en aura informé ; il n'eft donc pas néceffaire
que je me charge de cette tâche douloureufe. Mon
fils , ( mon fils unique ) qui m'eft auffi cher qu'il eft
brave , auffi aimable qu'il mérite de l'être , âgé de
19 ans feulement , prifonnier de guerre en conféquence
de la capitulation d'York-Town , eft actuellement
confiné en Amérique , comme un objet de repréfailles
. L'innocent fubira- t - il la peine due au coupable
? repréfentez - vous , M. , la fituation d'une
famille , qui fe trouve dans ces circonftances , environnée
comme je le fuis d'objets de détreffe ,
accablée de crainte & de douleur , il n'eft pas de
mots qui puiffent exprimer ce que je fens ou peindre
cette fcène de douleur : mon mari abandonné de fes
Médecins , quelques heures avant l'arrivée de cette
nouvelle , hors d'état d'être informé de l'infortune ;
ma fille attaquée d'une fièvre accompagnée de délire
, parlant de fon frère du ton de l'extravagance
& fans intervalles de raifon , fi ce n'eſt pour écouter
quelques circonftances propres à foulager fon coeur !
que votre fenfibilité , M. , vous peigne ma profonde ,
moninexprimable misère , & plaide en ma faveur ; un
mot de votre part , comme la voix du ciel , nous
fouftraira à la défolation , au dernier degré de l'infortune
je fais combien le Général Washington
révère votre caractère ; dites- lui feulement que vous
defirez que mon fils foit élargi , & il le rendra à
ſa famille déſolée , il le rendra au bonheur ; la vertu
& la bravoure de mon fils juftifieront cet acte de
clémence . Son honneur , M. , l'a conduit en Améri .
rique , il étoit né pour l'abondance , l'indépendance
& les perspectives les plus heureuſes . Permettezmoi
de fupplier encore votre haute influence en faveur
de l'innocence , dans la caufe de la juftice
& de l'humanité , de vouloir bien , M. , dépêcher de
France une lettre au Général Washington , & me
favorifer d'une copie pour lui être tranfmife d'ici . Je
fens toute la liberté que je prends en follicitant cette
grace; mais je fuis certaine , que vous me l'accor-
:
( 18 )
f
dież ou non , que vous aurez pitié de la détreffe qui
m'en fuggère l'idée : votre humanité laiffera tomber
une larme fur la faute , & elle fera effacée . Puiffe le
Ciel que j'implore vous accorder de n'avoir jamais
befoin de la confolation qu'il eft encore en votre
pouvoir d'accorder à Lady ASGILL « .
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 18 Février.
TOUTES nos nouvelles de l'Amérique
Septentrionale ſe réduiſent à la lettre fuivante
, apportée par le paquebot le Roebuck,
qui mit à la voile le 20 Janvier dernier de
New- Yorck , & eft arrivé à Falmouth le
12 de ce mois.
―
» Le Lieutenant - Général Leflie , Commandant
en Chef de Charles-Town , arriva ici avec ſa fuite
le 2 Janvier. Le bâtiment la Ducheffe de Gordon
, Capitaine Holmes , arriva ici le même jour ,
venant de Charles Town. Il avoit mis à la voile
le 19 Décembre , avec une flotte composée d'environ
70 voiles , dont so étoient deſtinées pour ce
port , & avoient à bord les troupes étrangères &
Provinciales . Cette flotte étoit efcortée par les vaiffeaux
de S. M. , l'Affurance , le Charles-Town
& le Hound. Les autres bâtimens de cette flotte
au nombre de 20 environ , s'en ſéparèrent le 18
Décembre devant la Berre de Charles-Town , &
firent voile pour l'Angleterre. Le 17 Décembre
une flotte compofée de plus de so voiles , ayant
à bord les troupes Angloifes & la principale partie
des habitans de Charles-Town , appareilla de ce
port pour la Jamaïque . Au moment où les troupes
du Roi s'embarquèrent à Charles-Town , le
Général Waine à la tête d'environ 5000 hommes
de troupes Continentales , p: ir poffeffion de la Ville,
-
( 17 )
-
Quatre autres bâtimens de la flotte partie le
19 Décembre de Charles -Town , mouillèrent le
2 Janvier au foir en dedans du Hook. Le refte
de la flotte , ainfi que les vaiffeaux qui l'efcortoient ,
étoit alors en vûe. L'évacuation de Charles-
Town s'eft effectuée avec le plus grand ordre «.
Nos nouvelles des Illes fe réduisent à
l'affurance que tout étoit auffi tranquille à
Ste-Lucie , le 20 Janvier , au départ d'un
bâtiment qui en étoit forti à cette époque.
» Ceux , dit à cet occafion un de nos papiers , qui
montrent du mécontentement des articles de paix , &
qui prétendent qu'il auroit mieux valu faire encore une
campagne aux Ifles , paroiffent être dans une grande
erreur ; il eft poffible que les premières dépêches
qu'on recevra de ces parages ne le confirment que
trop ; les François & les Efpagnols ont un corps de
troupes fi nombreux dans leurs différentes Ifles qu'en
tout tems ils font en état de détourner l'attention de
toutes nos flottes , & de les empêcher d'entreprendre
aucunes opérations offenfives. On a fu que ce font les
inquiétudes qu'ils nous donnent qui ont forcé l'Amiral
Hood à fon retour de New -Yock de marcher à
la Jamaïque , que D. Solano menaçoit de la Havane,
Heft donc au pouvoir de nos ennemis d'attirer nos
forces fous le vent , de les divifer , & de prévenir
toutes les opérations offenfives que nous aurions pu
faire au vent ; à quoi fert donc notre fapériosité ? elle
ne nous a pas empêché de perdre plufieurs Ifles ; &
que feroit-il arrivé fi l'armement formidable de Cadix
étoit parti ? «
Nos papiers ne font plus remplis depuis la
publication des préliminaires , que des démarches
faites par les perfonnes intéreffées
au commerce des parties cédées ; nous
avons déja rendu compte de quelques-unes ,
nous en préſenterons ici la fuite , d'après ces
mêmes papiers.
( 18 )
11
» Le Lord Hawke s'eft rendu chez le Comte de
Shelburne , pour lui expofer la pofition déplorable
où le trouvent les perfonnes qui ont des propriétés
dans la Floride Orientale cédée à l'Eſpagne par le
traité ; ce premier Lord de la Tréforerie lui a dit que
le Gouvernement s'occupoit du moyen de ve ir au
fecours des particuliers qui pourroient fouffrir de
cet arrangement , & il lui a donné à entendre qu'ils
pourroient avoir en dédommagement du terrein dans
la nouvelle Ecoffe ou dans l'Ifle St-Vincent ; mais il
a abfolument écarté toute idée d'indemnité pécuniaire
comme incompatible avec la fituation actuelle
des Finances. Les perfonnes intéreflées à cette Colo.
nie ayant tenu une nouvelle affemblée le premier
de ce mois , le Lord Hawke leur a rendu compte de
cette réponſe. Après différens avis ouverts à ce ſujet ,
on a adopté celui du Lord Hawke , qui avoit confeillé
de s'adreffer au Secrétaire d'Etat , pour le prier
de retenir quelques jours le paquebot deftiné pour la
Floride , afin de laiffer aux intéreffés le tems d'écrire
à leurs agens & correfpondans. Il a été auffi réfolu
de préfenter à ce fujet un mémoire au Miniftre
d'Elpague «.
» Il s'eft tenn le 11 une troisième affemblée des
propriétaires , négocians , planteurs , & autres inté
reflés à l'ile de Tabago. M. Greig a été nommé pour
aller à Paris préfenter au Ministère de France un mé.
moire des propriétaires , où ils rendent compte de
leur fituation , & demandent qu'il leur foi permis
de difpofer de leurs biens , &c. en faveur des per,
fonnes réfidentes dans l'Ifle ou à des fujets Fran.
çois ".
» Il fe tint hier une affemblée des négocians &
atres perfonnes intére lées dans le commerce des
foieries , pour prendre en confidération l'état actuel
de ce commerce , & les moyens de le faire profpérer
en établiſſant des liaifons mercantiles avec l'Amérique
Septentrionale. On jugea qu'à moins qu'il ne fût
fait des changemens contidérables relativement aux
( 19
droits , les François pourroient exporter totes les
foleries manufacturées ou autres en Amérique à vingt
pour cent meilleur marché que les négocians de la
G. B.
Il fut donc réfolu de mettre fous les yeux du
Gouvernement un expofé des faits , & de folliciter
fes bons offices ; & dans le cas où cette démarche
n'auroit point de fuccès , de préfenter une pérition
au Parlement en faveur de toutes les perfonnes inté
reffées dans le commerce des foieries , ou que leurs
intérêts , ainfi que ceux de toute la Nation , feroient
fortement léfés fi l'on n'apportoit pas les remèdes
que les circonstances femblent exiger «.
» Parmi les diverfes méthodes propofées pour
fonder une grande partie des quarante millions de dettes
non-fondées , il eft très - probable que le Ministère
a loptera celle de foader vingt millions de la Marine
à quatre pour cent , avec une douceur de douze ou
treize fols pour cent à longues annuités , ce qui
équivaudra à un emprunt à quatre & demi pour cent ;
il ne fera point alors néceffaire d'ouvrir cette année
un emprunt qui excède douze millions , & on
pourra lever cette fomme à un intérêt au-deffous de
5
liv. 17 6 d. pour cent , qui eft l'intérêt accordé
L'année dernière dans l'emprunt de 13,500,000 liv. ,
outre que les prêteurs eurent pour chaque fomine de
mille livres trois billets de loterie de d'x livres chaque
, dont ils ti èrent un profit confidérable « .
Parmi les obfervations que les mêmes
papiers préfentent fur les effets que doit
avoir la paix actuelle pour la Grande-Bretagne
; nous faifirons celles - ci .
כ כ
Il eft de fait que les meilleurs & les plus gros
mâts dont notre mari e air fait jamais ufage , vcnoient
de la Nouvelle- Angleterre ; ce fait eft auffi
pofitif qu'affligeant. Les chênes de cette Province &
de la Virginie , croiffent fur un terrain très - riche ,
où les arbres viennent d'une groffeur très - confidéra201
ble , & le bois eft plus flexible que celui qui croit
dans un fol plus léger , quoique le dernier foit , à ce
qu'on dit , pls compact & plus dur. Depuis cinq ans
le Général Washington a encouragé le cru du chêne
Américain ; la politiquement mis les Indiens à
l'avre , & leur a donné le privilége d'extraire
T'huile du gland pour la vendre à l'armée , ou en
difpofer autrement , cette huile n'eft pas de beaucoup
inférieure à celle d'amandes douces , & eft trèsnourriffante.
Les principales émigrations que nous pouvons
craindre , feront celles des ouvriers de toute cfpèce
qui ne feront pas employés ou qui ne le feront plus
du moment où les Manufactures qui concernent le
Militaire cefferont de leur procurer de l'occupation
celle des foldats & matelors licentiés , celle des
je nes Chirurgiens-Apothicaires , en un mot de toute
efpèce d'hommes ofifs ou Artistes fans emploi. Il
réfultera cependant quelqu'avantage de l'éloignement
de cette claffe d'inutiles ; leur réfidence ici ne fercit
que nuifib'e , puifqu'on ne pourroit pas les occuper.
On dit auffi que nombre de Génevois ont renoncé
au projes qu'ils avoient formé de fe retirer en Irlande
, & ont réfolu d'aller s'établir en Amérique ,
où la forme du gouvernement & les cérémonies religieufes
, font à bien des égards analogues à celles de
Jeur pays natal.
Au milieu de toutes les obfervations critiques
qu'effuye la paix , nous commençons
à en recueillir les fruits ; le 6 de ce mois
on a vu entrer dans la Tamife & faire fa
déclaration à la Douane , un bâtiment portant
le pavillon des Etats - Unis ; Ce bâtiment,
le premier qui ouvre le commerce entre les
deux Pays , comme Etats indépendans , fe
nomme le Bedfort , & vient de Nantusket ,
avec une cargaifon d'huile & autres pro(
21 )
duits de la pêche ; il étoit deftiné pour
Oftende ou pour un port de France ; mais
en apprenant la fignature des préliminaires ,
il a préféré de porter ici fon chargement.
Des milliers de curieux ont été voir le
navire , & fon pavillon.
Les troubles font entièrement appaifés à
Portſmouth ; le 68e . régiment eft en marche
pour les quartiers qui lui font affignés ,
& les Montagnards font renvoyés en Ecoffe.
Le Gouvernement a promis à la Compagnie
un autre régiment qui ira fervir dans
Les établiflemens , & qui s'embarquera inceffamment.
Le 1s de ce mois le Roi a rendu la
proclamation fuivante pour la ceffation des
hoftilités tant par mer que par terre , convenue
entre S. M. T. C. , le Roi d'Espagne ,
les Provinces - Unies & les Etats- Unis de
l'Amérique.
» G. R. Les articles provifionels ayant été fignés
à Paris , le 30 Novembre dernier , entre notre
Commiffaire pour traiter de la Paix , avec les Commiffaires
des Etats-Unis de l'Amérique, pour être inférés
dans le traité de Paix propo é à être conclu en re
nous & lefdits Etats - Unis , & conftituer ledit traité
lorfque les conditions de Paix feroient arrêtées ,
entre nous & S. M. T. C. Et les préliminaires
pour rétablir la Paix , entre nous & S. M. T. C. ,
ayant été fignés à Verfailles , le 20 de Janvier dernier
, par nos Miniftres & ceux du Roi T. C .;
& les préliminaires pour rétablir la Paix , entre nous
& le Roi d'Espagne , avant été pareillement fignés
à Ver ailles , le 20 Janvier dernier , per nos Minif
tres & par ceux du Roi d'Efpagne ; & comme pour
faire ceffer les calamités de la guerre le plutôt &
( 22 )
1
,
- Et les
autant qu'il eft poffib'e ; il a été convenu entre
nous , S. M. T. C. le Roi d'Espagne , les Etats- Généraux
des Provinces-Unies , & les Etats - Unis de
l'Amérique , ce qui fuit , favoir : Que les Vailfeaux
& effets qui feront pris dans la Manche ,
& dans les mers du Nord , après l'efpace de 12
jours , à compter de la ratification de dits articles
préliminai es , feront réciproquement reftitués ; que
le te me fera d'un mois , depuis la Manche & les
mers du Nord , jufqu'aux ifles Canaries inclufivement
, foit dans l'Océan , foit dans la Méditerranée
; de deux mois depuis lefdites ifles Canaries ,
jufqu'à la ligne Equinoxiale ou l'Equateur , & enfin
de cinq mois dans tous les autres endroits du
Monde , fans aucure exception , ni autre diftinction
plus particulière de tems & lieux .
ratifications defdits articles préliminaires entre
nous & le Roi T. C. en due forme , ayant été
échangées , entre nos Miniftres & ceux du Roi
T. C. , le 3 du préfent mois de Février ; & les
ratifications des articles préliminaires , entre nous
& le Roi d'Espagne , ayant été échangées , entre
nos Miniftres & ceux du Roi d'Espagne , le 9 du
préfent mois de Février , defquels jours refpectivement
les divers termes ci- deffus mentionnés , de
12 jours , d'un mois , de deux mois , & de cinq
mois doivent être comptés ; & comme c'est notre
volonté Royale , que la ceflation d'hoftilités , entre
nous & les Erats - Généraux des Province - Unies ,
& les Etats - Unis d'Amérique , s'accorde avec les
époques fixées entre nous & le Roi T. C.
Nous avons jugé à propos , de l'avis de notre
Confeil privé , de notifier ce que deflus à tous
nos chers Sujets ; & nous déclarons que c'est notre
plaifir & notre volonté Royale , & par la préfente
nous donnons charge & commandement exprès à
tous nos Officiers , tant par mer que par terre
& à tous nos autres Sujets quelconques , de défendie
d'exercer aucun acte d'hoftilité , foit par
>
›
( '23 ) .
mer, foit par terte , contre S. M. T. C. le Roi
d'Espagne , les Etats- Généraux des Provinces Unies ,
& les Etats- Unis d'Amérique , leurs Vaiffeaux &
Sujets après l'expiration des termes ci- deflus men❤
tionnés fous peine d'encourir notre difgrace.
Donné à la Cour de St- James , le 14 Février 1783 .
>
Les préliminaires ont été mis hier fous les
yeux du Parlement . Nous allons fuivre ici
les débats auxquels ils ont donné lieu.
» Ce jour la Chambre Haute devant prendre en
confidération les articles de la paix avec la France
& l'Eſpagne , & les articles provifionnels avec l'Amérique
, le Lord Pembroke , après que lecture fut
faite de ces pièces , fe leva & propofa une adreffe :
-
Pour remercier S. M. en termes généraux fur la
paix qui venoit d'être conclue , fur les efforts vi.
goureux que S. M. avoit faits en faveur des malheureux
Loyaliftes , porr témoigner que la Chambre
ne doutoit point que le Congrès ne remplît fes
engagemens relativement à la reftitution de
leurs propriétés & à la fûreté de leurs perfonnes
".
Le Marquis de Carmarthen appuya
la motion & déclara qu'il étoit très -content des
conditions de paix . Le Comte de Carliſle défapprouva
principalement l'article 5 des articles provifionnels,
par lequel les Loyalifles font abandonnés
prétendant que c'étoit une action infâme pour la
quelle nous ferions damnés , tant dans ce monde-ci
que dans l'autre , & il propofa de fupprimer dans
Padreffe tout ce qui le trouve après le mot conclue
, & d'y fubftituer une fimple phrafe qui fit
connoître que la paix ne répondoit ni aux juftes
efpérances que nous pouvions avoir , ni à la fitua
tion des Puiffances belligérantes , & qu'elle n'étoit
ni avantageufe , ni honorable pour la Grande - Bre
tagne. Le Comte de Coventry, dit que, tour confidéré
, la paix étoit bonne & qu'il l'approuvoit.
-
Le Lord Wallingham s'étendit fur les pertes
( 24 )
---
que la Nation alloit éprouver relativement aux Hmires
fixées pour le Canada. Ses objections contre
la paix porterent principalement fur le grand nombre
de concellion faites par la Grande - Bretagne , dans
toutes les parties du monde , fans aucun égard pour
la dignité ou l'intérêt du Royaume. Le Lord
Hawke donna fon approbation à la paix , & dit que
les limites du Cana la n'étoient point défavantageufes
pour l'Angleterre , attendu qu'il étoit notoire que
les pelleteries fe trouvent généralement fur la partie
feptentrionale des lacs . Il fit fentir qu'il efpéroit qu'on
donneroit un dédommagement ax perfonnes intéreffées
dans la Floride orientale . Le Lord
Vicomte Dudley défapprouva la paix comme humiliante
& défavantageufe en tous points. Le Duc
de Chandos fut d'un avis tout contraire , & dic
qu'il falloit être fûr de pouvoir faire une meilleure
paix , avant de blâmer celle- ci , qui au furplus étoit
infiniment plus avantageufe qu'on n'avoit lieu de
l'attendre . Le Lord Vicomte Townshend parla
en faveur de l'amendement. Le Duc de Grafton
déclara que vu les factions , les divifions & les
diffentions qui régnoient dans tout le Royaume ,
vu notre foibleffe comparée à la force de l'ennemi ,
nous ne devions pas nous attendre à une paix plus
honorable; qu'il y avoit actuellement 60 vaiffeaux de
ligne à Cadix.
-
www
Le Lord Keppel dit qu'il étoit trop honnête
homme pour avoir confeillé à fon Souverain de
conclure la paix telle qu'elle a été faite , parce que
les circonftances nous autorifoient à en attendre une
plus favorable ; qu'il n'y avoit pas plus de 42 vailfeaux
à Cadix ; que la G. B. avoit 10s vaiſſeaux de
ligne tans bons que mauvais ; que les François & les
Elpagnols en avoient 124 , mais qu'ils avoient beaucoup
plus de mauvais vaiffeaux que nous facs
aucune perfpective d'augmentation. Le Duc de
Richmond dit qu'il étoit impoffible à la Chambre de
-
".
donner
( 25 )
-
donner fon approbation à la paix , parce qu'il falloit
mettre fous les yeux une longue fuite d'informations
dont elle avoit befoin pour prononcer fur cet objet
avec connoiffance de caufe ; qu'il déclaroit hautement
qu'il s'oppofoit à la paix & il indiqua enfuite
les divers points d'information qui manquoient à la
Chambre. Le Lord Vicomte Stormont parla
pendant deux heures il paffa en revue tous les
articles des trois traités , & conclut que c'étoit la
pix la plus défavantageute & la plus humiliante que
la Nation eût jamais faite. Le Lord Vicomte
Grantham défendit la paix avec beaucoup de modeftie
. Il parla des conceffions faites à la France ,
qu'on devoit regarder plutôt comme un acte de complaifance
pour elle , que comme des pertes pour nous.
Il convint d'avoiromis dans les articles préliminaires ,
deux outrois mots néceffaires relativement aux pêcherics,
qui depuis avoient été rectifiés parun article féparé.
-
-
Le Lord Sackville cenfura prefque tous les articles
de la paix , & principalement les articles provifionnels
avec l'Amérique , qui lui parurent ruineux
pour l'Angleterre. Le Lord Vicomte Howe prétendit
que la paix n'avoit été conclue qu'à caufe du
mauvais état de notre marine. Il dit que nous n'avions
que 99 vaiffeaux de ligne , & qu'il croyoit qu'il
y en avoit 60 à Cadix. Le Lord Keppel lui répon
dit que nous avions 10s vaiffeaux de ligne , ainfi qu'il
l'avoit dit , & qu'il avoit entendu dire qu'il n'y en
avoit que 42 à Cadiz . — Le Comte de Shelburne fit
un long difcours & répondit aux diverfes objections
faites contre la paix. Il commença par les limites
du Canada , & préten dit que la portion de commerce
de pelleteries , cédée aux Américains , ne nous porteroit
ancun préjudice . Il entra dans le détail des
importations & der exportations du Canada ; il paſſa
enfuite aux object ons fur les pêcheries , & dit que
l'Amiral Edwars , le Capitaine Levifon - Gower & le
Lieutenant Lane eftimoient qu'une lieue au fud & à
1er. Mars 1783. b
( 26 )
l'eft étoit plus précieuſe que dix au nord & à l'oueft
Il fe défendit , relativement aux Loyalistes , en affurant
que le Congrès n'avoit d'autre pouvoir que celui
de les recommander.
Enfin après avoir répondu à d'autres reproches
par rapport aux Florides , à Tabago & aux ceflions
faites en Afrique & en Afie , il ne diffimula point
que l'état de foibleffe où fe trouvoit la Nation , relativement
à la guerre , fembloit indiquer la néceffité
de faire la paix. Le Lord Lougborough demanda
à la Chambre la permition de prouver qu'il n'y
avoit point de prérogative pour céder à l'Amérique.
---
---
―
Le Lord Chancelier fe leva , & dit qu'il fe
chargeoit de répondre fur ce point au Lord Lougborough
qu'il traita fort durement. Le Comte
Gower dit qu'il étoit mécontent de la paix , mais
qu'il s'oppofoit à l'amendement. · A heures & un
4
quart du matin la Chambre alla aux voix fur l'amendement
qui fat rejetté à la pluralité de 72 contre 59.
Les débats ne furent pas moins vifs dans
la Chambre baffe.
Auffi- tôt que l'ordre d'examiner les articles préliminaires
de la paix eut été lu , M. J. Pitt fe leva &
obferva que va notre pofition la paix devoit être le principal objet de nos defirs , que nous venions
de faire une guerre auifi longue que deftructive , &
qui nous avoit occafionné des pertes bien fenfibles à
tous égards ; que puifque le Ministère avoit conclu fi
heure fement la paix , il penfoit que tous les amis de
l'humanité devoient en approuver les conditions
quelque défavantageufes qu'elles puffent paroître à
certaines gens ; que de plus , il étoit certain qu'en
faifant le traité , le Ministère avoit eu devant les
yeux l'intérêt de la Nation , & qu'en l'examinant à
fonds , ce traité paroîtroit beaucoup plus avantageux
qu'on ne l'avoit d'abord cru. Il jetta enfuite un coup
d'ail fur l'étendue du territoire de l'Amérique au
commencement de la guerre , & il déplora le démembrement
d'une fi grande portion de l'Empire
( 27 )
Britannique. Il entra enfuite dans le détail parti
culier de l'état du revenu de l'Angleterre . Il avança
qu'avant la guerre , l'intérêt de la dette nationale
n'alloit pas à plus de 4 millions , que depuis la
guerre , il s'étoit accru de 5 millions , ce qui faifoit
à préfent 9 millions , & que l'établiſſement de paix
étoit actuellement de 14 millions , dont il falloit à
préfent affurer l'intérêt. De-là il paffa aux conceffions.
que nous avons faites à l'ennemi par les articles préli
minaires. La France , dit - il , nous a cédé les Illes de
la Grenade , les Grenadines , St - Vincent , la Dominique
, St-Christophe , Névis & Montferrat , toutes
poffeffions fort avantageufes pour notre commerce .
De notre côté , nous avons cédé à la France la
rivière de Sénégal & fes dépendances , avec les
forts de Saint -Louis , Podor , Gallam , Arguin
& Porrendic , comme auffi l'ifle de Gorée , qui , ditcn
, ſera remiſe à la France dans l'état où elle étoit
lorfque nous en prîmes poffeffion . Nous lei avons
cédé encore quelques territoires dans les Indes-
Orientales , favoir tous les établiffemens qui lui
appartenoient au commencement de la préfente
fur la côte d'Orixa & dans le Bengale , avec
guerre
la liberté de creufer un foffé autour de Chandernagor
, pour en faire écouler les eaux . Nous avons
fait encore à la France d'autres conceffions , mais
qui ne nous font pas autant de tort , & qui ne lui
nt pas auffi avantageufes que beaucoup de gens fe
le perfuadent. Enfin il parla des articles de la paix
avec l'Espagne , & il obferva que quoique nous lui
euflions cédé les deux Florides & c. , aucune de ces
conceffions ne nous étoit abfolument préjudiciable.
G
M. Pitt paffant enfuite au traité conclu avec les
Américains , témoigna fa fatisfaction de ce que cette
paix portoit fur des principes de juftice fi évidens
& établiffoit de part & d'autres une telle réciprocité
d'avantages , qu'elle ne pouvoit manquer d'opérer la
réconciliation la plus durable entre les deux Pays,
b 2
( 28 )
Il parla auffi de la recommandation faite au Congrès
en faveur des Loyaliftes , en difant qu'on avoit
tout lieu d'en attendre les plus heureux effets . Qant
à la paix en général , pourfuivit-il , elle paroifloit le
vcu unanime de la Chambre & de la Nation . Si elle
n'eft pas auffi favorable que nous aurions pu le
defirer , elle eft au moins avantageufe relativement
aux circonftances. Quels que puiffent être les murmures
de la faction , je ne vois point ce que l'on peut
raisonnablement reprocher au traité , fur- tout fi la
Chambre porte dans cet examen l'esprit d'impartialité
, fi néceffaire à ces difcuffions , fi elle réfléchit
aux conjonctures préfentes , & fi elle s'abftient de
ces comparaifons , qui , approchant des tems & des
circonftances très -diffemblables , peuvent préfenter
fous un jour défavorable les opérations les plus
fages & faire briller de vains déclamateurs aux dépens
de la justice & de la vérité . Je répète donc , que
felon moi , il n'étoit pas poffib e de faire une meilleure
paix . Je n'ignore pas qu'une certaine claffe
dira le contraire , & s'efforcera de perfuader à la
Chambre qu'elle auroit obtenu des conditions beaucoup
plus avantageufes ; mais jufqu'à ce qu'ils aient
communiqué leur plan de pacification , ils me permettront
de n'être point de leur avis . Trouvant la
conduite des Miniftres entièrement irréprochable ,
mon intention eft de les foutenir , & c'eft dans cette
vue que je fais la motion fuivante. Je demande donc
qu'il foir préfenté une humble adreffe au Rei ,
pour le remercier d'avoir mis fous les yeux de la
Chambre les articles de la paix entre S. M. B. & les
Rois T. C. & C. & les Etats-Unis d'Amérique , pour
que la Chambre les prit en confidération & expofât
fon avis à leur fujet ; que ar cette adreffe la Chambre
informât le Roi qu'elle a exécuté les ordres &
qu'elle approuve lefdi's articles , & qu'elle emerciât
S. M. des foins extrêmes qu'elle avoit pris pour
procurer à fes fujets les douceurs de la paix , &
qu'elle voyoit avec fatisfaction les apparences d'une
( 29)
heureufe réconciliation entre la G. B. & l'Amériqiee
«. Cette motion fut fuivie d'une longue adrefle ,
relativement à la fituation de nos affaires domeftiques.
M. Welberforet parla fortement en faveur
de la motion. Selon lui , ceux qui di ent qu'il falloit
continuer la guerre & qu'ils auroient obtenu des
conditions plus avantageufes , difent une abfurdić.
La Nation , avec des forces de terre & de mer , ECdoutables
en apparence , mais manquant d'argent
pour les mettre en action , étoit en effet fans reffources.
Abymée de dettes , il lui étoit phy fiquement
impoffible de continuer une guerre auffi ruineufe.
Le Lord John Cavendish foutint précisément
le contraire , & il affura qu'on auroit pu obtenir des
conditions beaucoup plus favorables , qu'il étoit
également impoffible à la Chambre de témoigner
S. M. fa fatisfaction , des articles préliminaires ,"
n'ayant point eu le tems néceffaire pour les connoître,
à les difcurer ; & qu'on auroit dû atrend e
que le traité actuellement en négociation , fût auffi
remis à la Chambre , parce que très- certainement
ce traité a une grande connexion avec les articles
de paix actuellement fur le bureau . Il finit par
propofer un amendement , conçu dans les termes
fuivans. Qu'il foit préſenté au Roi une humble
adreffe , pour remercier Sa Majefté de l'attention
qu'elle a eu de mettre fous les yeux
» de la Chambre , les articles de paix entre S. M.
B. & les Rois T. C. & C & les treize Etats Unis
d'Amérique , & lui dire que la Chambre prendra
ces articles en confidération & expofera fen
agrément à ce fujet le plutôt poffible «.- Le
Lord Cavendish demanda auffi qu'oz fupprimât la
dernière partie de l'adreffe , comme abfolument
M. S. Jonh parla en faveur de l'amendement
, en fe plaignant beaucoup des conceffions
que le Gouvernement avoit faites aux ennemis .
Mais un perfonnage plus important attira bientôt
in tile. -
›
bz
( 30 ་
les
fur lui toute l'attention de la Chambre. Le
Lord North fe leva , & dit : Il y a trente ans que
je fers , avec le plus grand plaifir , mon Roi &
mon pays dans le Parlement , & , pendant le cours
de cette longue période , je n'ai jamais fenti tant
de répugnance à faire entendre ici ma voix , que
dans la circonftance actuelle. J'aurois defiré pouvoir
garder le filence , & c'étoit même mon projet en me
rendant à la Chambre . Mais les difcours étranges
de MM. Pitt & Welberforet , me mettent dans la
néceffité indifpenfable de déclater mon opinion dans .
une conjoncture auffi férieufe & auffi importante.
Hs regardeat , comme très peu intéressantes ,
conceffions que nous avons faites à l'ennemi , &
femblent s'applaudir d'avoir acheté la paix à ce
prix. Mais je ne fuis nullement de cet avis , & je
penfe , comme le Lord Cavendish , que l'on aurait
dû laiffer à la Chambre beaucoup plus de tems
pour prendre en confidération les articles préliminaires
. C'eft avec le plus grand regret que j'expofe
en cette occafion un fentiment contraire à celui des
Miniftres ; mais ce que je dois à mon pays & à mes
conftituans , ne me permet point d'approuver ces
articles avant de connoître les grands avantages
que cette paix procure à la G. B. Mais , en quoi
confifte l'importance des conceffions qui nous ont
été faites ? En quoi confifte l'utilité générale d'une
telle paix ? Je vois , avec chagrin , que les Miniftres
n'ont pas bien confidéré la teneur des articles. Le
Traité fourmille d'erreurs , & d'erreurs les plus
graves. S'ils ignoroient l'étendue & la fituation
des différens pays , ils auroient du moins pu confulter
les perfonnes qui en étoient inftruites ; car
on verra que leurs conceffions les expofent au ridicule
, & ce qui eft pire , aux plus juftes reproches .
Encore une fois , mon intention n'eft point de confterner
, ni même de chagriner les Miniftres ; mais
puifqu'on me fomme de donner mon confentement
& mon approbation aux articles de paix , je vous
1 31 )
drois au moins que l'on m'apprêt quel droit ces
articles ont à mon approbation. Jufqu'à ce mo
ment, il m'eft impoffible de confentir à l'adrefle pro
pofée par M. Pitt , d'autant plus que je ne vois
dans la paix , aucun de ces rares avantages que le
parti du Ministère annonce avec tant d'emphafe.
Nos Adminiftrateurs actuels auroient dû avoir
fous les yeux la conduite du Miniftre qui a fair
le Traité d'Aix - la - Chapelle . Sa modeltie , dans
cetre circonftance , étoit un exemple fait pour être
imité. Il porta les articles à la Chambre , & avec
cette magnanimité qui fied fi bien à une belle ame
ils les mit fur le bureau fans craindre la moindre
recherche fur fa conduite. » Voilà , dit - il , les
» articles de paix que je vous prie d'examiner. J'ai
fait tout ce qu'il n'a été poffible de faire pour
» mon pays , & fans, m'appuyer du fecours d'aucun
de mes amis , je ne demande autre chofe à
la Chambre que de prendre ces articles en confidération
, de juger ma conduire dans cette affaire ,
» & de ne confulter que fon opinion dans fa cenfure
» & dans les éloges qu'elle croira devoir à mes opéra-
35
tions. En effet , convaincu de la droiture de mes
» intentions , certain d'avoir fait tout ce qui défen-
» doit de moi dans la fituation critique des affaires ,
» & méprifant fouverainement les intrigues & les
» menées des jaloux & des méchans , je mets ma
confiance dans la candeur & dans l'impartialité de
» la Chambre , & c'est à fon opinion feule que
» je veux devoir mon exiſtence ou ma chûte «.
Cette conduite étoit digne d'être imitée par le plus
grand homme d'Etat dans une femblable occafion ;
mais nos Miniftres actuels auroient cru s'avilir en
fuivant une conduite fi refpectable. Ils vous fomment
fans ceffe de donner vos fuffrages à ce traité ,
fans vous donner le tems d'e approfondir le fens .
Je me fouviens , dit-il , que lorsqu'on demanda précédemment
les articles de paix , quelques perfonnes
b 4
( 32 )
actuellement en place obfervèrent qu'il n'étoit pas
encore tems de difcuter fi la paix étoit avantageuſe ;
qu'il y avoit de l'injuftice à blâmer les ceflions faites
par les Miniftres avant d'être inſtruit fi elles n'étoient
point balancées par des avantages. J'étois charmé
d'entendre les Miniftres parler de la forte , parce
que je me flattois que ce langage étoit fondé , &
qu'on nous dévoileroit enfin ces grands avantages
qui devoient nous confoler de nos pertes . Mais
hélas ! j'ai été fruftré dans mon attente. Il difcuta
enfuite très-fcrupuleufement les divers articles de
paix , combatrit les argumens des deux premiers
Membres , & prouva que la paix n'étoit point auffi
avantageufe qu'on auroit pu l'efpérer. Plofieurs
articles de paix entre la France & l'Angleterre
font , dit -il , fufceptibles d'objections , & je fuis
étonné que nous ayons fait de femblables celfions
aux Indes occidentales . Pourquoi avons-nous cédé
Ste-Lucie ? Cette Ifle étoit - elle d'une affez petite
conféquence pour être jugée entièrement indigne
de notre attention ! Je puis dire avec fondement que
cette Ifle protège l'entrée & la fortie de nos poffeffions
les plus précieufes dans cette partie du monde ,
& je vois à regret que les Miniftres ont commis de
grandes bévues. La France nous a furpaffés en habileté
dans la négociation , car nous étions liés en
quelqué forte par les condicions de paix ; mais elle ,
au contraire , pouvoit , malgré la ratification da
Traité , accepter ou rejetter les conditions de paix ,
felon qu'elle le jugeoit convenable. Mon bur n'eft
point d'attaquer la réputation des perfonnes qui ont
travaillé à la négociation , mais je fuis fâché de
voir que la France a trop gagné. Je ne fais fi nous
fommes en paix ou en guerre avec la France ; l'un
des articles porte , que , dans le cas où la France
auroit des Alliés dans l'Inde , ( mais nous favons
qu'elle y a de très - puiffans Alliés ) dans le cas ,
dis-je , où elle auroit des Alliés dans l'Inde ,
ils
feront invités à accéder au Traité , & il leur fera
( 33 )
•
accordé un terme de
Voilà donc une très
quatre mois Four fe décider.
belle occafion pour Hyder-
Aly de ravager le pays , il peut fe livrer fans
obitacle à toutes les guerres de cruauté. Le Lord
North condamna les priviléges accordés à la
France fur le banc de Terre Neuve , & dit qu'ils
feroient très - nuifibles aux pêcher es de l'Angleterre.
Il parla des articles relatifs à l'Espagne ,
& demanda pourquoi les Miniftres avoi 、nt céé les deux Florides , & il fit voir qu'elles éaient
toutes deux d'un grand avantage pour notre com.
merce , furtout la Floride orientale. Oùeft donc ,
dit-il , cette réiprocitéd'avantages qu'on nous
vante fi fort ? - Il paffa enfuite en revû les articles
relatifs àl'Améique , & dit qu'il ne pouvoit
y déouvrir la moindre trace de cette éuité& de
cette réiprocitédont on avoit parlé. I cenfura
les Miniitres pour avoir fait des ceflions éormes
dans le Canada , & avoir abandonnéles Allié
de l'Angleterie dans cette partie du monde. Nous
avons anénti , dit-il , notre commerce avec les
Indiens de ce Pays , & abandonnéhonteufement
vingt quatre Nations de ces Indiens qui éoient nos
Allié , & qui nous ont fouvent fecondé pendant
guerre «. Il parla enfuite des limites fixés entre
les poffeffions Angloifes en Améique & les Etats-
Unis , & il expola l'abfurdité& les erreurs qui fe
trouvoient dans la fixation de ces limites. »Je ne
combats point , dit-il , l'indéendance Améicaine
mais je parfite àdire que nous lui avons donné trop & plus qu'elle n'efpéoit «. cenfura les Miniftres
dans les termes les plus forts & les plus
Alériflans pour avoir abandonnéles Loyaliftes , &
les avoir livré àla merci du Congrè . En prenant
la parole , dit-il , je n'ai point voulu prendre la
déenfe des Miniftres qui ont fait la paix , car je
ne donnerai jamais mon fuffrage àune telle paix.
Je ne fuis refponſble ni àDieu , ni àma Patric ,
la
L
bs
( 34 )
1
-
des conditions de cette paix , mais je fuis refponfable
de la guerre & des motifs qui l'ont fait
entreprendre , & je fuis prê àréondre àtoute
accufation qu'on produira contre moi fur ce chef.
En faisant la paix , pourquoi avons - nous abandonné nos vrais amis & allié ? Il y en a plufieurs que
j'eftime. Ils ont fervi leur Roi léitime de tout leur
pouvoir , & ils ont combattu fous fes drapeaux
pour la caufe de notre Patrie Pourquoi donc les
abandonner & les laiffer deftitué de tout , fans ,
déenfeurs ni propriéé, & fans avoir pourvu aucunement
àleur fort ? C'eft une honte une hone
infupportable & je crois que ni le parti Miniftéiel
, ni le parti Anti-Miniftéiel ne confentiront
àun procééfi blâable & fi flériſ .ant. Bon
Dieu ! quel eft le coeur qui ne doit pas faigner
en voyant proftituer ainfi l'homme national ? I
feconda l'amendement , & dit qu'auffi - tô qu'il auroit
paffé, il le propofcit de faire une motion tendante
a ce qu'il y fû ajoutéun article relatif aux Loyaliftes
.
Le Lord Mulgrave prit la parole. Lóíue
j'envifage , dit -il , la conduite de la France ,
j'ai lieu de penfer que la paix ne fauroit êre durable.
Cette Puillance a le deffein de prendre poffeffion des
Places qu'elle pent fortifier fans vouloir en tirer un
avantage imméiat. Si elle eû déirévivre en bonne
amitiéavec nous , elle eû cherchéàfe faire reftituer
les éabliſ .emens qu'elle a perdus . Les Miniftres
auroient - ils dûpermettre que Dunkerque
fut fortifié? Ignorent-ils que fi la guerre venoit à fe rallumer , cette place , àraifon de la proximité oùelle est de nos côes , feroit fatale ànotre
commerce ? Il fit les plus grands éoges de la fidéité & de la bravoure des Loyaliftes , & plaignit
leur fort. »Si les Miniftres , dit -il , avoient confulté leurs intéês , ils auroient gardéNew- Yorck ,
Charles- Town & Long- land , jufqu'àce qu'on cû
affuréaux Loyaliftes la reftitution de leurs propriéé
". M. Townshend fe leva , & dit : Les
( 35 )
perfonnes qui cenfurent la paix le plus vivement ,
ont délaré, il n'y a pas long - tems , que la paix
feule pouvoit fauver ce pays de la ruine . L'Indéendance
de l'Améique n'eft point l'ouvrage des
Miniftres ; on doit l'imputer a la Chambre , qui
palla l'anné dernièe une réolution , laquelle délaroit
de fait l'Améique indéendante , en liant
les mains àla Nation , & l'empêhant de continuer
la guerre avec l'Améique. Dans de telles circonftances
, les Miniftres ne pouvoient chercher qu'àobtenir
les meilleures conditions poffibles . J'ai plaidé, avec
zèe , la caufe des Loyaliftes ; mais les Commitfaires
Améicains n'avoient pas le pouvoir de ftipuler
de plus grands avantages pour les Loyalites.
Je délore bien fincéement lear deſiné
je délate que fi l'Angleterre ne les indemnife pas
de leurs pertes , elle méitera d'êre mife au nombie
des nations les plus mérifables. Il fit une
Analyfe des diverfes parties des traité , & les juftifia
fur le fondement que l'Angleterre éoit dans la
néeffitéde faire la paix , àcaufe de l'éat éuifé de les finances. On alla alors aux voix ; il v
eut pour l'amendement 224 , contre l'amende
ment 208 , majoritépour l'amendement 16 .
w
&
Le Gééal Murray s'eft enfin déidéà donner au Chevalier William Draper la
fatisfaction qui lui éoit due , & cette affaire
eft abfolument terminé . On s'occupe actuel
lement de la prife de St- Euftache , & le
Confeil de guerre nommépour examiner
la conduite du Lieutenant - Colonel Cockburne
a commencéfes fénces.
La Compagnie des Indes a donnéordre
de ne point déharger les éiceries venant
de Trinquemale , & d'attendre l'iffue des
néociations avec la Hollande , qui vont
toujours lentement.
( 36 )
FRANCE.
De VERSAILLES , le 25 Férier.
Le Roi a nomméàl'Abbaye du Montde-
Sion , Ordre de Cîeaux , la Dame de
Senery , Religieufe Profeffe de l'Ordre de
St. Auguftin ; dans la mêe Ville.
M. Gerard de Rayneval' , Miniftre Pléipotentiaire
du Roi prè S. M. B. , de retour
de Londres , a eu l'honneur d'êre
préentéàS. M. par M. le Comte de Vergennes
, Miniftre & Secréaire d'Etat ayant
le Déartement des Affaires Etrangèes .
Le Vicomte de la Cropte de Bourzac , qui
avoit eu prééemment l'honneur d'êre
préentéau Roi , a eu celui de monter le
7 dans les carroffes de S. M. , & de chaffer
avec Elle.
Le Comte de Vergennes , Miniftre & Secréaire
d'Etat , ayant le déartement des
affaires érangèes , que le Roi avoit nommé le 20 de ce mois , Chef du Confeil des Finances
, a prêé, le 23 , ferment
qualitéentre les mains de S. M.
en cette
De PARIS, le 25 Férier.
LA fréate qui a ramenéM. le Comte
de Rochambeau & les Officiers de l'Etat-
Major de fon armé , mouilla le 12 de ce
mois dans la rivièe de Nantes . Ce Gééal
a éépréééici par M. le Marquis de
Vauban, qu'il avoit chargéde fes déêhes;
1
( 37 )
il est arrivélui- mêe le 19 , & a éétrèbien
reç du Roi , qui s'eft entretenu avec
lui pendant plus de demi-heure fur tous
les objets relatifs àfon armé & fa pofition
en Améique.
avant
C'eft fur la fréate la Gloire que ce
Gééal eft venu , & pendant fa traverfé
, il a eu quelques alarmes , d'abord
par le feu qui prit àla fréate , & qui
avoit fait des progrè effrayans ,
qu'on pû parvenir àl'éeindre ; enfuire
par la chaffe que lui donna un vaiffeau
ennemi de 74 canons auquel la Gloire
n'éhappa qu'àla faveur de la brume &
de fa bonne manoeuvre. · Le Gééal n'eft point inquiet de l'armé
ni de l'efcadre de M. le Marquis de
Vaudreuil. Il parcî certain aujourd'hui ,
que cette flotte a atterréau Continent
Efpagnol , dans un port qu'on avoit choiſ
àcet effet pour le rendez-vous gééal
mêe pour ce qui devoit venir d Europe.
Un petit bâiment qui eft parti de Boſon
long- temps aprè M. de Vaudreuil , &
qui vient d'arriver àNantes en 17 jours
de travei fé , ne nous apprend rien de la
navigation de notre flotte fur les côes des
Etats -Unis , ce qui prouve qu'elle a fait
un voyage heureux .
Les vents contraires ont forcéles divers
avifos fortis de Breft pour aller annoncer
la paix , a rentrer dans ce port , & nous
apprenons que Andromaque , qui avoi
,
( 38 )
ééexpéié de Rochefort pour le mêe
objet , a ééobligé de relâher le 11 de
ce mois àl'Orient. Les fiéates Anglifes
n'auront pas ééplus heurenfes , puifque
nous avons qu'une efcadre entièe a éé fi maltraité , qu'elle n'a pas pu continuer
fa route ; auffi 8 ou 10 jours de mauvais
temps pourront peut- êre faire couler du
fang en pure perte dans l'Inde & en
Améique.
>
Selon les nouvelles apportés par un
Courier extraordinaire d'Espagne nous
avous appris que tout a ééarrêéàCadix
; on a dit auffi que D. Antonio Barcelo
éoit parvenu àdéruire le St- Michel
que fes chaloupes canonnièes avoient éé s'accrocher àce vaiffeau fous le feu de la
Place , & ne l'avoient quittéqu'aprè l'avoir
percéen difféens endroits , & au
moment oùil alloit couler bas. On dit
aujourd'hui , que cette nouvelle n'éoit
qu'un bruit de Madrid , que le Courier
d'Efpagre avoit rendu ici. Quelques lettres
de Bayonne l'ont depuis confirmé,
mis il ne l'eft pas encore par celles de
Madrid ni par celles de Cadix : ces dernièes
font du 31 Janvier , & nous apprennent
que le 31 on a fait fortir une divifion
de 8 vailleaux de ligne & de 3 fréates
qu'on croit avoir ééau - devant de
la riche flotte de la Havane . Cette divifion
eft fous les ordres de M. Dupleffis
Pafcaut.
( 39 )
On a des lettres de Toulon , en date du
4 de ce mois , dans lefquelles on lit les
déails fuivans.
La corvettte la Brune , commandé par M. de
Raouffer- Seillan , Lieutenant de vailleau , a mouillé hier matin dans cette rade , venant de Lixourne ;
elle avoit àbord M. le Duc de Chartres , qui a
déarquéici pour fe rendre àVersailles . Quoique
ce Prince garde l'incognito , M. le Chevalier de
Fabry , commandant la Marine , s'eft tranfportéfue
la corvette pour lui préenter fes hommages , & l'a
conduit enfuite chez lui oùce Prince a acceptéun
logement. Ce Commandant a eu l'honneur de lui
préenter les Officiers de fon corps ; ceux du corps
qui forme notre garnifon & ceux de l'Adminiftration
ont éééalement préenté àce Prince par
leurs Commandans & par Intendant ; il les a reçs
D
avec la mêe bonté, ainfi que les Confuls & la
Sééhauflé . Le réiment du Perche cft parti
hier de cette ville pour le rendre àMontpellier. Ce
réiment a ééremplacépar celui de Dauphiné, qui
eft arrivéici le mêe jour , venant de Valence .
Le Vrebourg , vaiffeau Hollandois de la Compagnie
des Indes qui eft ea relâhe dans notre port , fe difpofe
àaller joindre àMarſille les cinq autres vailfeaux
de la Compagnie des Indes qui y font arrivé
dernièement de Batavia. Leurs cargaifons confiftent
en productions de l'Inde , telles que coton , foie de
Bengale , éiceries , toiles , mouffelines , nacre de
perle , fucre , caféde Java & c .; la vente s'en fera
publiquement par M. Simon Birard de l'Orient ,
Conful gééal de Suèe en Bretagne , & cette vente
commencera vers la fin d'Avril prochain . Toutes les
marchandifes àla pièe & au poids , le vendront à l'entrepô , & pourront êre expéiés pour l'éranger
foit par terre , foit par mer , en franchife de tous
droits ".
On lit dans une lettre de Nantes l'avis.
( 40 )
fuivant ,,
que fon importance nous engage
àtranferire & àpublier.
»MM. les Adminiſrateurs gééaux de la manufacture
royale du nouveau doublage des vailleaux
de la Marine & du vernis méallique pour les ferru
res , éablie ici , ne pouvant entrer dans un grand
déail fur ces préieufes déouvertes , dont ils font
redevables aux travaux d'un favant , ſ borne ont
àune fimple notice , fuffifante pour prouver l'avantage
que toutes les Nations doivent en retirer . Le
nouveau doublage propre aux vailleaux , aux pilotis
& aux digues , elt un méal incorruptible : aucun infecte
, aucune plante marine ne peut s'y attacher. It
n'eft pas plus pefant que le cuivre , & n'a aucun de
fes inconvéiens . Les acides ne peu ent rien fui lai ;
il augmente beaucoup le fillage des vaiffeaux , &
peur mée êre employéàcouvrir les maifons fans
charger les charpentes . Le vernis méaliq e péère
le fer jufqu'au centre , en remplit exactement les
pores , & l'empêhe de fe rouiller . Tous les clous ,
chevilles & autres fers employé dans la conftruction
des vailleaux ou dans la bâille des maisons ne
prennent, par fon moyen , aucune humidité& ne ſ
rouillent jamais. Tous les fers enduits de ce vernis
changent de nature & deviennent plus durs . Sa couleur
eft blanche argenté , fufceptible d'êre polie ,
& peut faire ornement par- tout . MM . les Adminif
trateurs offrent àtoutes les Puiffances & aux Armateurs
de traiter de lun & de l'autre àleur fatisfaction
".
Nous placerons aprè cet avis des obfervations
non moins importantes , fur la manièe
de préerver de la foudre les vailleaux
& particulièement la Sainte - B rbe ; elles
font fondés fur la doctrine de M. Franklin
& du P. Becaria , & extraites d'une diller
tation du P. J. B. Toderini.
( 41 )
»Il eft déontréque la foudre eft formé par la
matièe éectrique . Parmi les corps éectables par
communication , les méaux font ceux qui attirent
le plus fortement cette matièe , fu -tout lorfqu'ils
font terminé en pointe : c'eft ourquoi les
tours , les clochers , &c . furmonté de croix méalliques
& fort éevé , font plus exposé àêre frappé
de la foudre . Afin que le Auide éectrique , lorfqu'il
s'eft infinuédans un corps , pourfore paifiblement
fon cours , il faut il trouve fur fon
paffage une féie de corps ou de conduits éalement
propres àle recevoir ; s'il rencontre une manièe
qui fe refufe àſn introduction , il clae : c'eft ce
qui arrive fur les tours dont les ornemens de fer
font arrêé par du marbre ou de la chaux , qui n'admet
point la matièe fulminante. Enfin l'éince le
éectrique fond les méaux d'un trè - pe it diamère
& fi leur diamère eft fuffisamment grand , il paffe
àtravers fans les endommager : ainfi pour éoigner
tout danger , quoiqu'on puiffe s'en tenir à trois lignes de diamère , felon l'avis du P. Beccaria
, il vaut mieux que le méal en ait quatre ,
ou mêe , par furabondance , un pouce. Quant
aux vailfeaux , il eft manifefte , que la coutume de
placer la Sainte Barbe fous le grand mâ , eft trèdangereufe
: car la foudre fe jette plutô fur la partie
la plus éevé , & en defcendant par ce mâ , elle fe
déharge dans la poudre placé au-deffous. Il faut
donc éablir la Sainte-Barbe àla poupe , en recou
vrant d'une double garde de cuir qui réifte au feu ,
tant éectrique qu'ééentaire , les armures ordinaires
des magasins àpoudre , lefquelles font de
fer , & en vernillant ces armares . Pour mieux pourvoir
àla fûetédes vaiffeaux , attendu qu'au-delfus
de la Sainte - Barbe eft un autre mâ moins baut , il
faut enfiler àla cîe du mâ parallèement au na,
vire , un grand anneau de bronze fur lequel s'éèent
quatre groffes & trè-courtes pointes dorés ,
de manièe qu'elles foient un tant foit peu domi
----
( 42 )
nés par la cime da mâ enduite de poix , & que
dudit anneau il defcende tout le long de l'arbre
une verge méallique de trois lignes de diamère ,
qui communique avec un autre conducteur plus
grand , lequel doit traverfer le plancher , & en paffant
aux deux bords oppofé , deſendre par les
flancs extéieurs de la poupe , & plonger dans la
mer. Il convient d'enduire éalement de foix la
girouette , fi elle eft de bois , & encore pius , fi
elle eft de fer , parce que la matièe en coulant dans
ce fer pourroit élater entre le fer & le mâ couvert
de poix. Enfin , pour plus grande fûeré, on
attachera àla flèhe de la girouette des hls méalliques
qui communiqueront avec le grand anneau.
Parmi les Procè finguliers , en voici un
qui peut intéeffer nos lecteurs , & leur
apprendre fur-tout àfe déier des affiduité
officieufes de gens dont l'éat peut favorifer
des rééitions exceffives pour raifon de
vifites , qui , faites en apparence fous les
dehors de l'amitié, font fouvent de leur
part trè - intéeffés .
› Une Dame de ... > demeurant en Province
avoit eu en Mai 1754 une maladie dangereufe ,
dont il lui reftoit un vemiffement qui avoit réifté àtous les remèes. Le Méecin de l'endroit qui l'avoit
traité dans fa maladie , aprè avoir tentédifféens
réimes , crut devoir lui confeiller de repren
dre la vie commune. Des Méecins de Paris confulté
furent du mêe àis . La Dame , l'ayant ſivi),
paya àfon Méecin ordinaire 100 éus d'honoraires
pour folde de compte déinitif le 19 Juillet 1776.
Ce mêe Méecin a depuis continuéles affi
duité fous le titre d'ami dans la maiſn de cette
Dame , qui n'a pas éémalade depuis . Ses de x
enfans ayant eu enfuite la petite véole , ce Méecin
, qui venoit habituellement dans la maiſn , fut
confulté& réompenféde fes feins pour eux par
( 43 )
-
-
des préens ; canne àpomme d'or & pièes de toi.
les pour linge de corps & de méage : ce Méecin
avoit auffi profitéde la voiture de la Dame ,
pour venir avec elle àParis , oùdes affaires perfonnelles
apppelloient ce Méecin. Au mois
d'Aoû dernier ce Méecin defirant mettre àprofit
fes affiduité , fit affigner les fieur & dame de
au Bailliage de ... , pour les faire condamner àlui
payer une fomme de 1856 liv . pour 1667 vifites
faites chez cette Dame , dans la Ville oùeft fon
domicile , pour 114 vifites faites àfa campagne ,
diftante de la Ville de 4 lieues , & pour l'avoir
accompagné dans un voyage àParis , oùelle alloit
confulter les Méecins . Il faut avouer que ce
Méecin avoit une heureufe méoire & favoit
compter ; il n'eû pas éémal- adroit fi aprè avoir
pendant prè de 6 ans partagépeut- êre la table
de cette Dame , il avoit pu s'en faire payer unc
fomme conféuente , pour l'aider àfonder la fienne
par la fuite ; mais les Sieur & Dame... , peu complaifans
, ont cru devoir déendre àcette demande par
l'expofédes faits ci - deffus. Ce nombre prodigieux
de vifites a para invraisemblable aux Jeges ,
& au furplus trè- inutile àune perfonne qui ,
remife àla vie commune , n'avoit plus eu aucun
réime àgarder. Ils ont eftiméqu'il y avoit compenfation
des foins donné aux enfans pendant leur
petite- véole avec les préens reçs , & ont déouté le Méecin de fes demandes avec déens .
quoi faut- il qu'un auffi vil & fordide intéê de quelques
particuliers indignes du nom de Méecin , dé.
honore ainfi une des plus honorables & des plus utiles
profeffions.
- Pour-
On mande de Rouen que les Curé&
Marguilliers d'une Paroiffe de cette ville
envoyèent au Confeil dans le mois dernier
des Déuté de leur part , pour repré .enter
que leur cimetièe éant affez grand pour
( 44 )
y inhumer les morts qui déèent fur cette
Paroiffe , devoit êre confervé Il leur a éé réondu que le Parlement leur avoit fixéun
terrein hors de la ville , qu'ils doivent en
confequence y faire leurs féultures , que
c'éoit la volontédu Roi , qui vouloit que
fon E it àcet éard fû exéuté, ainfi que
les Ar ês de fes Parlemens , & qu'ils n'avoient
qu'àfe conformer àceux que celui
de Rouen avoit renda les 23 Juin 1779 , 7
Aoû 1780 , & notamment àcelui du 7
Déembre dernier ? Il feroit àfouhaiter que
par tout dans les grandes Villes on s'occupâ
efficacement àtranfporter toutes les féul
tures hors des Villes , c'eft fur tout dans
les grandes qu'une pareille difpofition feroit
le plus néeffaire , & qu'elle érouve le
plus d'obstacles.
M. de Bouffois , Notaire àChâeau- Thierry,
nous érit qu'ayant ééchargéde faire des
recherches d'actes concernant la famille de
Jean Thierry , déééàVenife , par un
des préendans àcette fucceffion , il a trouvé difféens actes dont il a pris note , paffé
devant fes prééeffeurs par des Thierry,
Ces Thierry font Jean , Sergent , Nicolas , de
pareil éat , Victor , Marchand. Les héitiers de Jean
& de Victor , Françis , Chirurgien ; il a trouvé entr'autres le partage des biens de Nicolas , & Marie
l'Oifeleur fa femine , fait entre Claude , Catherine &
Nicolle , Jeanne , Nicolas , Curéde Dormans ,
Françis & Marie leurs enfans , tous demeurant à Châeau- Thierry , depuis & compris l'anné 1612
jufqu'en 1673 inclufivement , Il en a aufli trouvéde
( 45)
Thierry de Monmirail , & on peut s'adreffer directe,
ment àlui.
Nous ne pouvons refufer àla jufte inquiéude
d'un pèe pour le feul fils qui lui refte ,
& dont il n'a point de nouvelles depuis fix
ans , d'inféer ici l'avis fuivant.
»Ce jeune homme eft Claude- Féix Regnault
Delmarets , néàQuimper , Paroiffe St -Mathieu ,
Evêhéde Cornouailles , le 20 Mai 1757 , embarqué Pilotin fur le vaiffeau le Turgot , aiméau port de
l'Orient le 19 Avril 1775 pour la Chice , déarqué dudit vaiffeau le Turgot en rivièe de Chine le
19 Octobre 1776 , pour le rembarquer fur le vaiffeau
le Shrewbury de la Compagnie d'Angleterre ,
deftinépour Bengale . On prie ceux qui pourront
procurer quelqu'indication fur ce qu'il eft devenu
d'en donner connoiffance àM. Regnault Delmarets ,
ancien Capitaine de Cavalerie , demeurant àl'Orient
en Bretagne ",
De BRUXELLES , le 25 Férier.
Ο ÍON affure que le Roi de Suèe , attertif
àfaifir toutes les occafions d'éendre
& de favorifer les commerce de fes fujets ,
n'a point néligécelle qui s'eft offerte par
la déarche de la Grande- Bretagne , en
reconnoiffant l'indéendance de l'Améique ;
ila , dit-on , propoféun traitéavec la nouvelle
Réublique , qui , dit-on , a ééconclu
& fignéàParis le 5 de ce mois par fon
Miniftre & ceux des Etats -Unis ; la Suèe
a donnéaux autres Puiffances de l'Europe
un exemple qui fera fans doute bientô imité
On apprend de Hollande que les Etats
de Hollande & de Weftfrife ont , en vertu
d'une réolution , remis aux Etats - Gééaux
( 46 )
l'examen de l'affaire des vaiffeaux dont le
déart pour Breft avoit ééordonné; ils
n'ont pas jugéque les Amirauté en
puffent connoîre convenablement , parce
qu'elles font , en quelque façn , parties intéeffés
. On attend la déifion de cette affemblé
, celle des Etats de Hollande & de Weftfrile
, fur la léalité& la compéence du
haut Confeil de guerre. On dit que la Jurifdiction
de ce Tribunal fera fixé fur un
pied permanent , & réuite dans des bornes
compatibles avec la conftitution de la
Réublique.
כ ë
Nous ignorons encore , érit-on de la Haye ,
oùen font les néociations pour notre paix particu
lièe. Il paroî que les Anglois exigent toujours
quelques ceffions de notre part ; peut- êre n'ont-ils
en vue , en infiftant fur ce point que de faire une
balance avec les déommagemens que nous deman
dons ; quoiqu'il en foit , il est sû que l'on a fait
partir fucceffivement 3 Couriers pour Paris , avec
le refus formel de céer Néapatnam . Il en réul e
que notre arrangement particulier ne paroî pas
encore prê àfe conclure. Cette indéifion occafionne
quelques plaintes ; mais tous les citoyens
cenfé , ceux qui réléhiffent , conviennent tous des
obligations que nous avons àla France ; elle nous a
fauvéTrinquemale , & fi elle n'a pu engager les
Anglois àfe déifter des autres poffeffions qu'ils
ont conquifes fur nous , il ne faut s'en prendre qu'à notre lenteur & àl'apathie de nos confeils qui , au
lieu de fe preffer de faire caufe commune avec nos
allié , & d'agir de concert , ent toujours voulu
faire bande àpart. On dit bien que quatre jours
avant la fignature des préiminaires , on éoit convenu
d'un plan d'opéations communes ; mais alors
il n'éoit plus tems.-- Il eft arrivéun Exprè des
Commiffaires de notre Compagnie des Indes qui fe
trouvent en France ; & les 17 Directeurs déuté
--
( 47 )
de ce corps fe font affemblé extraordinairement
ici. Cette circonstance denne lieu àune multitude
de raifonnemens & de conjectures , parce que c'eft
àAmfterdam ou àMiddelbourg que s'aflemble or
dinairement la Direction de la Compagnie. On at-
\ tend avec impatience l'iffue de fes déibéations &
celle des néociations entamés ; quelle que foit celle
de ces dernièes , les travaux fe continuent pour
mettre notre marine fur un pied refpectable ; les
péitions pour cet objet montent 13,956,073
florins fols 8 den. outre 2,100,000 pour les magafins,
D'autres lettres de La Haye nous apprennent
que les ordres ont éédonné de fufpendre
provifionnellement les hoftilité contre
l'Angleterre , en vertu de l'Armistice figné àParis entre les Miniftres de la Réublique
& ceux de la Grande-Bretagne .
PRÉIS DES GAZETTES ANGL. du 18 Férier.
On dit que le Lord Beauchamp a éénommé Secréaire de la Guerre , àla place du Chevalier
George Yonge. L'intéê de l'argent fera , diton
, bientô réuit àquatre pour cent , par acte du
Parlement.
-
Le déart du Marquis de Carmarthen pour Paris
´ft fixéau 21 de ce mois. Le Duc de Rutland
nomméGrand - Maîre de la Maifon du Roi , àla
place du Lord Carlisle , a eu l'honneur de faire ,
le 16 , fes remerciemens àS. M.
"
Le Prince Edouard partira demain pour Dublin ,
accompagnéde fon Gouverneur ; fa fuite fera peu
nombreufe.
Les Irlandois femblent déerminé àfaire leur
cour aux Améicains ; un corps de volontaires ,
connu àDublin fous le nom d'Hibernian- Union ,
a pris l'arrêéfuivant :
و Ï
Le Roi de la G. B. ayant pour lui , fes héitiers
& fucceffeurs , reconnu les Treize Etats- Unis de
( 48 )
l'Améique feptentrionale , pour Etats libres , fouve.
rains & indéendans «.
Arrêéunanimement que ce corps faluera de
trois déharges le premier vaifleau qui entrera dans
le port de Dublin , avec pavillon Améicain «.
L'Amirautéa expéiédes ordres àPlymouth ,
Four qu'on lui envoy â fur-le-champ un éat des
vaiffeaux de guerre de ce port , en ordinaire , en
réaration ou en construction .
Le Canada nous coûe beaucoup plus qu'il ne
nous rapporte. L'avant - dernièe anné , il nous a
coûé1,200,000 1. , & l'anne dernièe 800,000 ,
tandis que fon commerce & toutes les pelleteries ne
nous ont jamais rapportéplus de 100,000 liv . Aiafi
les limites éablies par les articles provifionels ne
pourront nous êre que trè-avantageuſs , fi elles
nous privent d'une poffeflion qui coûe fi cher à garder.
L'Amiral Hyde Parker continuera de commander
dans les Indes O ientales , avec 8 vaikeaux de ligre
fans compter les fréates qui font l'armement fixé par le préent éabliffement de paix .
Il eft remarquable , obſrve une de nos Gazettes ,
que les dates de dex grands éèemens corref
pondent fi bien. En Férier 1763 , par le traitéde
paix avec la France & l'Espagne , l'Améique Septentrionale
nous a éédonné a perpé iré En Férier
1783 , nous avons donnéàperpéuitél'Améique
àelle -mêe.
-
Il n'a pas encore éédonnéd'ordre pour faire
rentrer en Angleterre aucun des vaiſ .eaux ſationné
dans les difféentes parties du globe . Le
Royal-William de 84 , & le Vigilant de 64 , déa
ment àPortſou.h. L'Irréiftible de 74 & le
Diadêe de 64 , vaiffeaux neufs actuellement en
commiflion àChatam , ne feront point éuipé pour
la mer. Les vailleaux armé qui avoient éé employé pour la protection du cabotage , feront
déa méle mois prochain , parce qu'ils deviennent
-
déormais inutiles .
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E.
De CONSTANTINOPLE , le 10 Janvier.
E calme commence àfe réablir dans
Lect
,
cette Capitale ; tout nous fait eſéer
que la rupture qu'on craignoit avec la
Ruffle n'aura pas lieu . Ce changement dans
les efprits & dans les difpofitions fe manifefte
depuis la retraite du Grand - Vifir
qui a éédéofé& qui s'eft retiréàVidin fur
le Danube , dont on lui a donnéle Gouvernement.
Le Kiaya- Bey Halid - Hamid le
remplace. La fermetédu nouveau Grand-
Vifir a contribuéàcontenir par- tout les
mutins , qui ne font plus entendre comme
auparavant le cri de guerre. Le Grand - Scigneur
a , dit-on , délarépofitivement qu'il
rempliroit les engagemens qu'impofe àla
Porte le traitéde Kainardgi ; & l'on affure
que tous les difféends font non-feulement
arrangé avec la Ruffie àla fatisfaction réiproque
des deux Puiíanees , mais que S. H.
8 Mars 1783.
( 50 )
a foufcrit àune nouvelle convention qui
lui a éépropofé par la Cour de Péersbourg.
On ignore encore la nature de cette
dernièe & celle des arrangemens qui ont éé pris.
DANEMARCK.
De
COPENHAGUE , le 4 Férier.
Le luxe qui commençit àgagner tous les
rangs de la fociéécivile , vient de fixer
l'attention du Gouvernement. Pour en rérimer
les effets toujours funeftes , il a rendu
une Ordonnance qui doit le limiter dans les
Royaumes de Danemarck , de Norwèe ,
ainfi que dans les Duché .
Chriftian VII. & c. Nous avons remarquéavec
regret , par les recherches que nous avons faites ,
qu'il rène dans nos Etats un luxe , qui , en faisant
employer les marchandifes érangèes beaucoup
au-delàdu néeflaire , fait paffer aux érangers les
richeffes du pays , & confume , par la prodigalitéde
nos propres productions intéieures , une partie importante
de ce qui pourroit fe vendre àl'éranger ;
& nous avons obfervéen mêe tems , que des
familles , qui conftituent l'Etat , les unes s'affoibliffent
& les autres s'appauvriffent par un pareil
luxe , foir qu'elles choififfent de leur propre gréune
fompruotité, qui furpaß leurs forces , ou que par
une espèe de déence elles fuivent l'exemple des
riches. Pour couper cours àce mal , fecourir les
familles qui defirent du foulagement , & ramener
l'éonomie , avantageufe aux familles & recommandable
àl'Etat , de façn que l'on puiffe faire , autant
que poffible , ufage de ce que l'on pofsèe déa ,
& qu'aucun bon méier ou néoce n'en fouffie far(
si )
ticulièement , nous avons trouvébon d'ordonner
& de ftatuer ce qui fuit.-I. Il ne fera plus permis
àl'avenir àaucun de nos chers & fidèes fujets
de faire ufage , foit fur leurs perfonnes & dans les
fociéé , foit dans leurs maifons , d'autre or ou
argent , que de boîes , éés , boucles , boutons de
cou & de poignet , montres , éuis , cuillers , coûeaux
, fourchettes , chandeliers , fucriers , cuillers à thé, tenailles àfucre , & autres petites pièes d'argenterie
dont on fe fert àtable , comme auffi des gobelers
en ufage chez les payfans ; àquoi il faut ajouter
les bagues & autres ornemens , que le fexe porte
aux oreilles & au cou ; ceux que les pay fans portent
d'argent maffif, & ce que les gens ont d'ailleurs
dans leurs maifons pour leur ufage perfonnel , comme
auffi jufqu'au nombre de 8 plats pour la table
avec des terrines & des caffetièes pour ceux qui
en ont déa. Il ne fera plus permis de fe fervir d'autres
uftenfiles d'or ou d'argent pour le thé. Cependant
l'on pourra conferver l'argent , que portent les
coureurs & les chaffeurs , de mêe que les boutons
d'argent unis pour les habits de livré , au cas qu'on
veuille les faire porter. Au refte , tout l'or & l'argent
travaillé, qu'on voudra importer àl'avenir de
l'éranger dans nos Etats , fera confifquépar-tout
oùon le trouvera ; àl'exception nénmoins de ce
que les voyageurs portent avec eux pour leur ufage
perfonnel, ou qu'ils font introduire dans le Royaume
pour
le tranfit rél d'un endroit àl'autre . II. Tous
les galons d'or & d'argent fur les habits neufs ,
comme auffi les houppes ou fous quelque nom que
les ornemens d'or ou d'argent fur les habits foient
connus , font déendus dis - à- préent . Voulons cependant
, afin que perfonne n'effie des pertes , qu'il
foit permis àceux qui ont préentement de pareils
habits , de les porter jufqu'au premier Janvier 1786.
Il en faut excepter nénmoins les uniformes , que
nous pourrons ordonner & preferire nous-mêes ,
C 2
( 52 )
comme auffi ceux que nous avons déa rélé pour
certaines perfonnes , qui font au fervice de notre
Cour ou dans le fervice militaire , & que nul autre ne
peut préumer de porter . III . A compter du premier
Férier 1783 , il ne fera permis àaucun homme de
faire faire des habits d'or , d'argent ou de foie , mais
ceux qu'on a déa peuvent êre porté jufqu'au premier
Férier 1786. La mêe déenfe concerne les
houffes & couvertures de chevaux . Cependant , afin
que ceux qui fe font occupé jufqu'àpréent de la
broderie & qui ont véu de ce travail , n'en foient
pas privé entièement , nous voulons bien permettre
au fere jufqu'ànouvel ordre de porter des broderies
de foie , àcondition qu'auffi fouvent qu'une
pièe , grande ou petite , aura ééachevé , elle foit
timbré àla halle éablie en notre réidence , aprè
qu'il aura ééprélablement conftaté& duement
attefté, qu'elle a éétravaillé dans nos Etats : mais
dans les autres villes marchandes , comme auffi
au Plat-pays , ledit timbre fera appofépar les Officiers
du district , auxquels nous avons confiél'adminiftration
de la police , & ce timbre fera compofé de notre nom en chiffre , du nombre de l'anné ,
& des mots : Til Bruck ( pour l'uſge ) . Au refle le
fexe pourra porter jufqu'au premier Janvier 1786 ,
les habits brodé , qu'il a déa . IV . Tous les habits
& pièes broché en or & en argent , ainsi que tout
ce qui eft montéde pierres érangèes , fines cu
fauffes , ne pourront plus fe porter ni fervir d'ornement
àqui que ce foit , non plus que les perles
fines ou fauffes , depuis le premier Janvier 1784.
L'on en excepte nénmoins , comme de coutume ,
les préens orné de pierres préieufes , dont nous
ou notre maiſn royale auront gratifiéquelqu'un .
A compter dudit premier Janvier 1784 , ceffera
éalement tout- à fait l'ufage des dentelles érangèes
& de ce qu'on nomme des points. Mais , fi
quelqu'un fait exéuter des ouvrages de pierres , qui
( 53 )
par
fost des productions de nos Etats , on prouvera
des certificats , que tel ouvrage a ééréllement
fait de pierres du pays . V. Aprè la publication de
la préente Ordonnance , il ne fera plus permis de
faire ni d'ordonner de dorer ou d'argenter d'or ou
d'argent fin les voitures , meubles , ou maifons.
VI . Tous les boutons pour les habits d'hommes ,
exceptéfeulement les uniformes que nous aurons
or lonné, feront pour les habits , qu'on fe fera faire
àl'avenir , de la mêe éoffe que les habits mêes ,
ou bien de foie & de poil de chameau , fabriqué
dans nos Etats . Les boutons communs de paylan
pourront feuls êre confervé. VII. Les hommes ,
jufqu'an premier Janvier 1786 , porteront les habits
, qu'ils ont actuellement de foie & de velours ,
tels qu'ils font àpréent , pour autant qu'il n'y a
point éémis de reftriction par l'article IV ci -deſ .us ;
nais , àcompter dudit premier Janvier 1786 , il
leur sera déendu de porter des habits ou furtouts de
foie ou de velours , comme il leur eft auffi déendu
d'en faire faire aprè la publication de la préente
ordonnance. Cependant , en faveur de nos fabri
ques , il eft permis au fexe mâe de porter des veftes ,
culottes , & bas de foie , ainfi que la doublure des
habits ; mais en revanche le velours eft déormais
déendu abfolument aux hommes. Il ne fera plus
permis non plus de porter des mouchoirs de foie ,
qui ne peuvent êre lavé . Cette déenfe ne concerne
pas nénmoins le velours de Manchefter ni autres
éoffes , mêés de foie & de coton , & ne s'é ‹ end
pas non plus aux éoffes mêés de foie & de laine ,
ni àcelles mêés de foie & de fleuret , qu'il fera
permis de porter comme ci - devant , pourvu que l'on
puiffe prouver qu'elles ont ééfabriqués dans le
pays. VIII . Tout ufage de pelleteries pour border
les habits , comme auffi pour doubler des habits
de cééonie , ceffera abfolument àcompter
du premier Janvier 1786. En revanche l'on
c 3
( 54 )
I
ne portera déormais que des pelleteries du pays
pour les furtours & pour le garantir du froid.
IX. A compter du 1 Janvier 1786 , il ne fera point
permis aux domestiques de nos Officiers de porter
rien qui foit fait de foie , finon des bourſs àcheveux
, des rubans de queue , des cravates & des bas.
Aprè la mêe éoque , les fervantes ne pourront
plus rien porter de foie , finon un mantelet & une
jupe de foie noire. X. A compter du 1 Janvier 1786 ,
il ne fera point permis au fexe de porter fur fes
habits d'autres garnitures que de la mêe éoffe
dont font les habits , ou , fi elles n'en font point ,
d'en porter qui coûent plus de 16 éus : toutes les
garnitures qui feront faites depuis le 1 Férier 1783 ,
fe rèleront d'aprè ce qui a ééfixéci- deſ .us . Il fera
abfolument déendu , aprè le 1 Janvier 1786 , de
porter des fleurs d'Italie & autres , àmoins qu'on
ne puiffe prouver qu'elles ont ééfaites dans le pays 5
il cft déendu dè-à préent d'en importer de nouvelles.
Il fera de mêe prohibéàl'avenir de fe
fervir de feuilles d'argent fur des habits nouvellement
faits , ou de les porter d'aucune autre façn
pour l'ajustement. XI. Les fervantes ne pourront
porter des bonnets ou coëfures d'un prix plus haut
qu'un éu ou 9 marcs Danois , exceptéle jour de
leurs noces. Il leur eft auffi déendu de porter des
boucles d'oreilles . XII . Tout domestique convaincu
de s'êre fait frifer par un Perruquier - Coëfeur ,
payera chaque fois une amende de 4 éus . XIII . II
eft abfolument déendu de faire faire des tapifferies
en foie , ainfi que des rideaux de foie aux fenêres.
XIV. Nous rétéons toutes les déenfes faites cidevant
; & déendons abfolument pour l'avenir
l'importation des articles fuivans : 1 ° Tous meubles
, quelque nom qu'ils portent , y compris les
tapis de pied . 2 °. Les voitures de toute eſèe avec
les éuipages de chevaux. 3 ° Toutes pendules ou
montres déa montés . 4º Toutes verreries , porce(
53 )
laines & fayance , excepténénmoins les miroirs ,
jufqu'ànouvel ordre. Cependant l'on conferve les
droits octroyé àla Compagnie des Indes orientales
& àla Compagnie du Canal . L'on ne comprend pas
non plus fous cette déenfe ce que les Etrangers
apportent avec eux pour leur ufage perfonnel ou
ce qu'ils font importer comme des effers , qui ne
font réllement que de fimple tranfit. XV. Pour
rérimer le luxe & diminuer les déenfes de nos
Sujets , nous ordonnons encore : 1 °. Il ne fera permis
de donner déormais aux dîers que fix plats ,
en comptant les grands & les petits ; & enfuite ,
outre les falades & ce qu'on peut regarder comme
éant da ciûdu pays , tout au plus quatre plats de
deffert , outre les fruits indigèes ; de forte que
toutes confitures érangèes , tant sèhes que li
quides , ne feront plus fervies . 2º Aux foupers ,
aucun Sajet du Roi ne pourra donner plus de 6 plats ,
tant grands que petits , & outre les falades , tout au
plus 2 plats de deffert avec des fruits du crûdu pays.
3. A table & ailleurs , lorfqu'on a des convives
i ne fera pas permis de donner d'autres vins que
des vins blancs & rouges de France avec des vins
de Maliga & de Madèe . En revanche , tous autres
vins fius & liqueurs , comme aufi le vin vieux de
France & la bièe érangèe , font déendus. L'on
pourra nénmoins donner du punch àceux qui en
déirent 4 °. Aux noces & àd'autres feftins femblables
, l'on pourra ajouter 2 plats & 2 articles de
deffert au nombre fixépour les repas ordinaires.
Enfia, àcompter du 1 Octobre 1783 , l'on ne pourra
fervir au repas , ni mettre en vente , ni annoncer à cet effet dans les Gazettes , des comeftibles érangers
, ni aucune espèe de mets préaré dans l'Etranger
, & dont les principaux ingrediens fe trouvent
dans le pays . Mais , comme nous ne comprenons
point fous cette prohibition des ingréiens
érangers , propres & utiles àfervir de nourriture ,
>
C 4
( 56 )
nous avons deffein de fixer d'une manièe plus cin
conftancié par un placard , que notre Collée-Gééal
d'Economie & de Commerce publiera, ce qu'on
doit tenir pour déendu. Pareillement l'on ne pourra
vendre & verfer , àcompter du 1 Janvier 1784 ,
dans les Auberges & Cabarets , & annoncer dans les
Gazettes , que les feuls vins dont nous avons accordé l'ufage par l'article prééent. La mêe déenſ a
lieu àl'éard des bièes érangèes & des liqueurs
déa préarés qu'on importeroit de l'Etranger , &
qu'on ne pourra verfer , vendre ni annoncer dans
les Gazettes , aprè le 1 Octobre 1783. Au reste ,
nous verrons avec plaifir que nos Sujets , pour ne
point perdre ce qu'ils poſèent déa , en faffent
ufage jufqu'àl'éoque que nous avons fixé ; comme
autfi qu'ils fe bornent enfuite relativement àce qui
eft réléci- deffus, tant pour le boire & le manger
que pour d'autres objets. Afia que notre préente
Ordonnance , aprè fa publication , fe conferve
conftamment dans la méoire de nos chers & fidèes
Sujets , pour qu'ils s'y conforment , il en fera fait
lecture annuellement de toutes les Chaires dans
toutes les Villes marchandes de nos Royaumes
& Etats , le premier Dimanche aprè le nouvel an &
le premier Dimanche du mois de Juillet . Et comme
nous nous affurons que nos chers & fidèes Sujets
inftruits de ce qui fert àleur propre bien - êre , fe
réouiront de recevoir cette rèle d'éonomie , &
qu'ils feront attentifs àfon obfervation , nous ne
voulons point provifionnellement la faire exéuter
par voie de Police & autres moyens de force : ce
que tous & chacun doivent favoir pour s'y conformer
«
Cette Ordonnance eft du 20 Janvier. Le
31 , il en a éérendu une autre pour rérimer
la déenfe du jeu ; comme c'est la
Cour qui doit donner l'exemple àla Ville
& au refte du Royaume , elle a ééadreffé
( 57 )
au Grand-Maréhal de la Cour. Il n'y fera
donnéàl'avenir qu'un éu pour les cartes
àchaque table de jeu .
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 4 Férier.
C'EST le 2 de ce mois que l'on a annoncé dans l'Eglife Proteftante de cette Ville l'accommodement
des difféends qui fubfiftoient
entre les Diffidens. On fe flatte que leur
union , àpréent qu'elle eft réablie , ne
fouffrira plus d'altéations.
Le Roi a confééla Waiwodie de Czernicovia
, vacante par la mort du Comte de
Leduchowski , àM. de Wilga , Staroſe
de Grabowicz.
ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 8 Férier.
L'ARCHIDUC MAXIMILIEN eft parti d'ici
les de ce mois pour l'Italie ; il fe rend
d'abord àFlorence , d'oùil fera un tour à Milan , àParme , & en d'autres Villes d'Italie
, & particulièement àRome , oùdes
appartemens au Vatican font préaré pour
le recevoir. Le Comte de Hardyg , Grand-
Maîre de fa Maiſn , l'accompagne.
Les tranfports de munitions de guerre
fur les frontièes des Provinces Ottomanes
ne font pas interrompus comme on le
difoit ; cependant on remarque que tous ces
préaratifs fe rallentiffent.
( 58 )
Il vit dans le cercle de Chrudin , érit - on de
Prague , une claffe d'hommes trè -nombreufe , qui
préend fuivre la religion d'Abraham ; un des points
principaux de leur croyance eft la connoiffance d'un
Etre fuprêe , Créteur de l'Univers , qui réompenfe
le bien & punit le mal dans ce monde comme
dans l'autre. Ils n'ont point de livres , & on ignore
d'oùils ont pris leur fyftêe religieux . Leurs moeurs
font trè-douces & leur conduite eft fans reproche.
D'aprè les ordres de S. M. I. ces gens auront des
éabliffemens dans la Hongrie «.
L'Empereur , en confi.léation de la mauvaife
réolte de l'anné dernièe , & d'aprè
les repré .entations qui lui ont ééfaites par
les habitans des environs d'Infpruck , vient
d'accorder la fomme de 24,000 florins
pour êre diftribué aux plus indigens.
Pour mieux favorifer & faciliter l'exportation
dans l'éranger des productions du
pays , l'Empereur vient d'ordonner que vu
la grande confommation de cuivre qui
augmente journellement pour les befoins
de la navigation , il fera éabli àFiume
un entrepô de cuivre , qui fera àtous éards
conforme àcelui qui exifte àTrieſe . Cet
entrepô fera confiéàla Compagnie priviléié
de Fiume .
De HAMBOURG , le IIsS Férier.
S'IL faut en croire des lettres de la Bofnie
, 30,000 Turcs fe font raffemblé dans
les environs de Sevaglio , afin de pouvoir
fe porter àWiddin dans la Bulgarie , en
cas de rupture avec la Ruffie , ce qui fait
( 59 )
conclure que les Mufulmans ont choisi cet
endroit pour le rendez-vous de leur troupes.
Mais il paroî que ces mouvemens ont éé faits avant que la Porte eut pris une réolution
fur les déêé qui s'éoient éevé ,
& les nouvelles de fes difpofitions pacifiques
fe foutiennent , celles des Etats hééitaires
de l'Empereur annoncent toujours
des préaratifs , s'ils paroiffent ralentis , ils
fe continuent cependant. Les troupes Impéiales
dans la Pologne Autrichienne ont
éérenforcés , & leur nombre eft porté jufqu'à40,000 hommes. Le réiment
d'Huffards de Wurmfer a eu ordre de le
rendre avec la plus grande diligence fur
les frontieres de la Turquie , Plufieurs autres
ont ordre de fe tenir prês pour la
fin de Mars , & beaucoup de maifons religieufes
ou Couvents qui ont ééfupprimé
, font remplis de toutes fortes de munitions
de bouche & de guerre . A ces déails
un de nos papiers joint les fuivans .
" Un Courier de Vienne , dit on , arriva à Bruxelles le 10 au foir ; le Confeil de la
Réence s'affembla auffi tô & ne fe féara
que fort avant dans la nuit . Le lendemain
II tout l'argent du tréor public & celui
que les Banquiers purent fournir fut envové àVienne. "
ود L'Elbe & 1 Eger , lit on dans des lettres
de Seif Meritz en Bohêe , fe font déordé ,
& toutes les campagnes aux environs de
ces fleuves fe trouvent fous l'eau . Cette
€6
( 60 )
4
1
inondation a ravagéplufieurs cantons cu
beaucoup de perſnnes & de beftiaux ont éé noyé . La fortereffe de Thééienſadt eft
de trois côé entièement ſbmergé ; mais
les ouvrages du dehors de ce fort n'ont éé que trè- peu endommagé .
Le commerce & la navigation de cette Ville ,
érit-on de Gothembourg, depuis quelques annés ont
fait des progrè confidéables . Dans le courant de
l'anné dernièe , il est entrédans notre port 693
bâimens érangers , tant grands que petits , & 812
venant des difféens ports du Royaume , ce qui fait
en toet 1505. Le nombre de ceux que nous avons envoyé
chez l'éranger eft de 647 , & pour les ports du
Royaume de 860. Total 1507 bâimens de fortis . Ncs
exportations , l'anné dernièe , ont ééprincipalement
113,151 fchifund de fer , 30,537 douzaines de
planches , 98,857 tonnes de harengs , & en outre
des marchandifes de l'Inde de la valeur de 2,980,178
rixdal. D'aprè l'éat exact qu'on vient de faire des
bâimens de cominerce de cette Ville , il s'en trouve
190 gros & petits , dont 32 font depuis 100 jufqu'à 352 lafts , &, 68 depuis 50 jufqu'à100 lafts . Les 90
reftants font moins confidéables . En 1782 , ily
a eu ici 519 naiffances , 669 morts & 124 mariages.
A Carlfcrone , 481 naiſ .ances , 677 morts & 130
mariages.
-
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 23 Férier.
LE Lieutenant- Gééal Leflie , ci- devant
Commandant en Chef àCharles -Town ,
eft arrivéen Angleterre fur le Roebuck. Au
déart de ce vaiffeau les arrangemens éoient
pris àNew-Yorck par rapport àla diftri(
61 )
bution des troupes dans cette place ; celles
de Charles-Town n'avoient pas reç encore
d'ordres déinitifs ; on fait qu'àleur déart
de cette place , le Gééal Wayne y entra
àla têe de sooo hommes de troupes continentales
, laiffant un corps de cavalerie
pour garder les paffages , avec l'ordre trèpréis
de ne molefter aucune perfonne qui
fe rendoit àbord des vaiffeaux. Lorſue la
garniſn Britannique fut embarqué , &
pendant les trois jours que la flotte mouilla
dans la baie , le Gééal Wayne eut la politeffe
de ne point arborer le pavillon
Améicain. Auffi-tô qu'il fut maîre de la
ville il ordonna d'ouvrir les maisons qui
avoient ééfermés , & traita les habitans
avec toutes fortes d'éards ; la convention
conclue entre le Gouverneur de l'Etat &
les Marchands de la ville a ééinviolablement
obfervé.
On a appris par le retour du mêe vaiffeau
que le difféend qui a fubfiftélong- tems
entre l'Etat de Penfylvanie & celui de Connecticut
, relativement aux frontieres , a éé enfin déidéen faveur du premier. Les Commiffaires
nommé par les parties fous la
fanction du Congrè , conforméent au
9e. article de l'acte de confééation , prononcèent
unanimement fur ce fujet àla
fin du mois de Déembre dernier.
Hier matin on a reç des déêhes des
ifles du Vent , en date du 28 Déembre ;
tout y éoit alors tranquille. Plufieurs lettres
( 62 )
de marque parties de Londres & de Bristol,
éoient arrivés àla Barbade & y avoient
déarquéleurs cargaifons compofés de
quantitéd'articles dont on avoit un grand
befoin dans cette ville.
On attend d'un jour àl'autre un paquebot
de la Jamaïue , par lequel on eſèe
apprendre le déart de la flotte deftiné pour
l'Angleterre ; on fe flatte qu'il nous infor
mera auffi que la Proferpine & la Réiſance
font rentré heureufement dans les ports
de cette ville avec leurs convois reſectifs .
»Les affemblés des perfonnes intéeſ .és au commerce
de la Floride orientale fe multiplient ; il s'en
eft encore tenu dernièement une , préidé par le
Lord Hawke , qui lui a rendu compte de ce qui
avoit ééfait depuis la dernièe ; il l'a informé que
le Gouvernement avoit bien voulu fufpendre le déart
du paquebot deftinépour St-Augustin ; qu'il avoit
vu le Réident de la Cour d'Efpagne , D. Ignatio de
Sanara , qui l'avoit parfaitement bien reç , mais
qui ne lui avoit paru aucunement préaréàlui
donner une réonſ déinitive fur cette affaire , & en
particulier fur ce qui concernoit les propriéaires
qui prééeront de refter dans la Floride orientale ,
aprè que S. M. C. en aura éémise en poffeffion
& les privilées qu'ils pourroient eſéer. Il fit enfuite
la lecture d'un méoire que les propriéaires
& autres intéeffé doivent préenter àla Cour de
Madrid ; il fut réolu de l'envoyer & de l'adreffer au
Ministèe Britannique pour obtenir la recommandation
de S. M. «.
Depuis la conclufion de la paix le prix
du bois de conftruction a baifféde 18 pour
100. Le chanvre , le fer & divers autres
articles ont auffi confidéablement diminué,
( 63 )
& plufieurs conftructeurs particuliers ont
forméla fpéulation de conftruire des bâimens
pour le commerce.
»On vient d'érouver dans cette Ville , érit- on
de Dél , une éeute beaucoup plus forte que celle
de Portſouth : voici ce qui a donnélieu àcet éè nement funefte. Dans la nuit du 8 au 9 un déachement
de 60 Dragons entra dans la Ville pour aider
les Officiers de l'Accife àenfoncer les portes des magafins
& àfaire des faifles . Les Contrebandiers préenus
de leur arrivé fe raffemblèent en corps , &
les deux partis éant venus aux mains l'action fut
opiniâre & trè - fanglante. Sept Dragons furent
tué fur la place & plufieurs autres furent dangereufement
bleffé . L'un de ces derniers , qui éoit
Officier , eft mort hier ; le Commandant de ce déachement
eft auffi trè- mal des fuites de fes bleffures.
Nous avons actuellement fept hommes de
cette troupe dans notre Hopital . Les Contrebandiers
ont eu , dit - on , 20 hommes tué «.
Malgréles clameurs contre la paix , l'opinion
gééale eft qu'une paix tant foit peu
convenable , vaut mieux qu'une guerre ruineufe.
M. Fox a lui-mêe délaréau Parlement
, qu'une paix dont on n'avoit pas
lieu d'êre fatisfait dans tous les objets
des voeux de la Nation , pouvoit nénmoins
êre une paix fupportable , & à la dernièe rigueur analogue àce que nous
pouvions exiger raifonnablement ; qu'ainfi
la paix actuelle , quoiqu'on pû la regarder
comme mauvaife , & la critiquer àjufte
titre , éoit cependant , dans notre pofition ,
prééable àla guerre. C'eft ainfi que la Ville
paroî avoir penfé, puiſuelle a arrêé&
pré .entéune adreffe au Roi , pour le re(
64 )
mercier d'avoir procuréla paix àla Nation
. Il en a ééde mêe en partie dans
la Chambre Haute , ooù ù ll''aaddrreeffffee ,, comme
nous l'avons déa remarqué, fut agré ée à la pluralitéde 72 voix contre 59 , telle
qu'elle avoit ééconçe par l'Adminiftration.
Il n'en fut pas de mêe dans la
Chambre des Communes , oùl'Oppofition ,
comme nous l'avons vu , a gagnéune victoire
complette fur le Ministèe , par une pluralité de 16 voix , en faifant paffer l'amendement
, préaré par le Lord Cavendish ,
àl'adreffe préenté par M. Pitt . Cette
adreffe a éépréenté le 19 au Roi , & eft
conçe ainfi.
› avec
VOS
»Nous affurons V. M. que fes fidèes Communes
examineront les préiminaires de la paix avec l'attention
féieufe & entièe qu'exige ce fujet important
& effentiel aux intéês préens & àvenir des
Domaines de V. M ; elles mettent une confiance
entièe dans les foins paternels de V. M. , & ne dou
tent point qu'elle ne prenne , de concert
fon Parlement les mefures les plus propres
àéendre le commerce de fes Sujets ;
fidèes Commones fentent qu'il feroit fuperflu de
rappeller àV. M. les éards dû par la Nation à toutes les clalles d'hommes qui , dans la duré
d'une guerre longue & malheureufe , ont fignalé leur loyauté& leur fidéitéen expofant leur vie &
leurs biens . Quelle que puiffe êre l'opinion des
fidèes Communes de V. M. , d'aprè l'examen
que la Chambre va faire des termes de la paix ,
elles demandent la permiffion d'affurer V. M. de
leur ferme & inaltéable réolution de fe conformer
inviolablement aux difféens articles qui engagent
la foi publique , en maintenant les avantages
-
( 65 )
qui réultent d'une paix fi néeffaire aux Sujets
de V. M. & au bonheur de l'humanité«.
Les déats du 21 ne furent pas moins.
vifs dans la Chambre des Communes , que
ceux qui avoient eu lieu le 17 fur les préiminaires
de la paix.
" Mon premier deffein , dit le Lord John Cavendish
, éoit d'attendre que les articles de la Hollande
fuffent mis fous les yeux de la Chambre , pour qu'elle
pû porter un jugement plus certain fur les condi
tions de paix. Mais aprè l'iffue des déats du 17 ,
je ne doute point qu'elle ne s'occupe , fans interruption
, de l'examen des articles préiminaires . Je délare
que je ne fuis provoquépar aucune inimitiéperfonnelle
; le feul bien de la Nation m'anime , & je
fuis convaincu que tel eft l'objet de chaque Membre
de cette Chambre . Le bruit s'eft réandu que ce que
j'ai dit dans les déats de Lundi dernier , tendoit à manifefter quelque oppofition àla paix ; c'est une
ilé que je n'ai jamais eue . En propofant un amendement
, mon intention éoit de difféer l'examen
des conditions du traité, jufqu'àce que le Parlement
ait eu une pleine counciffance des difféens articles ,
& je m'oppofois feulement àce qu'on avanç ât à S. M. qu'il avoit examiné& approuvéle traité,
tandis qu'en effet il ne le connoiffoit prefque pas.
Je n'ai point du tout voulu infinuer que le traiténo
liâ pas àtous éards , & toujours j'ai ééperſadé,
ainfi que je le délare hautement àla Chambre ,
que l'honneur & la parole de la Nation font engagé
par ce traité, & que les articles de paix ratifié
comme ils le font aujourd'hui , doivent êre regar
dé comme conclus & arrêé déinitivement par
les difféentes Puiffances contractantes ; mais cela
n'empêhe pas d'obſrver que la paix n'eft pas auffi
honorable àl'Angleterre qu'on auroit dûl'attendre.
Je ne crois pas que ceux qui ont fait ce traitéméitent
les éoges qu'on leur prodigue. Notre pofition
( 66 )
-
n'eft pas anffi fâheufe que certaines gens la repréentent.
Nous avons éévictorieux dans plufieurs
parties du globe , & nous n'aurions pas dûfaire les
ceffions hontenfes & extravagantes que nous avons
faites . La victoire remporté dans les Ines par le
Lord Rodney , fera un objet d'éonnement pour la
poftéité; elle auroit dûnous encourager àcontinuer
la guerre avec une aideur nouvelle , ou du
moins nous procurer une paix moins humiliante .
La bravoure & les talens fupéieurs du Gééal
Elliot avoient fait éhouer une partie des projets
ambitieux de nos ennemis. Pourquoi donc avonsnous
céétant de riches poffeffions , fans avoir rien
obtenu en retour ? Je fuis bien éoignéd'en faire un
crime àaucun Membre de l'Adminiftration en particulier;
mais tout homme de bon fens ne peut fe
difpenfer de convenir avec moi qu'on a commis de
lourdes fautes en faifant ce traité; & c'est ce qu'il
faudroit examiner. Le Lord John Cavendish termina
fon difcours par les cinq propofitions fuivantes.
1º Qu'en confidéation de la foi publique qui doit
êre gardé inviolablement , la Chambre prêera
fon appui àS. M. pour affermir & rendre durable
la paix conclue entre elle & les difféentes Puiſ .ances.
2° Que la Chambre emploiera tous les efforts pour
faire donner aux Sujets de S. M. tous les avantages
de la paix. 3 ° Que S. M. en reconnoiffant l'indéendance
des Etats - Unis de l'Améique , en vertu
des pouvoirs dont elle a éérevêue par l'acte de la
dernièe feffion du Parlement , lequel autorife S. M.
àconclure la paix ou une trèe avec certaines Colonies
de l'Améique Septentrionale , a agi felon
que l'éat actuel des affaires l'exigetit , & conforméent
au vou du Parlement. 4° Que les ceffions
faites aux ennemis de la Grande- Bretagne par ledit
traitéprovifionel & par les articles préiminaires ,"
font plus confidéables qu'ils n'avoient droit de
l'attendre , relativement àl'objet actuel de leurs
poffeffions & de leurs forces refpectives. s . Que
( 67 )
>
la Chambre connoî les éards dus par la Nation
àtoutes les claffes d'hommes qui , pendant une
guerre longue & malheureufe , ont fignaléleur
loyauté& leur fidéitéen expofant leur vie &
leurs biens , & qu'elle affure Sa Majestéqu'elle
prendra les mefures les plus convenables pour
les tirer de l'éat de déreffe oùils font réuits .
M. Keith-Stuart nia que notre Marine fû auffi fupéieure
àcelle de l'ennemi , que l'avoit avancéle Lord
John Cavendish , & nomméent aux Ifles . Les derniers
éats que nous avons reçs , font monter
dit-il , les efcadres combinés àplus de 60 vaiffeaux
de ligne. On donc eft cette fupéioritéde notre part ?
Je fais d'ailleurs que les Hollandois conftruiſnt
beaucoup de vaiffeaux de ligne , & qu'ils en auroient
pu mettre en mer so , au commencement de l'éé prochain , fi la guerre eû continué. D'aprè ces
faits , qu'on ne peut nier, la paix me paroî auffi
avantageufe qu'honorable , fur tout lorsque je jette
les yeux fur la pofition critique de nos affaires . Je ne
dis point que les fuccè glorieux du Lord Rodney &
la belle déense du Gééal Elliot , ne leur méitent
les plus grands éoges & la plas vive reconnoiffance
de la part de la nation Angloife ; mais ces grands
triomphes ne nous ont poin: donnéaffez d'avantage
& de fupéioritéfur les ennemis , pour nous faire
rejetter & mérifer aucune de leurs offres , tendantes
àune réonciliation . M. Towshend , Secréaire
d'Etat , fe leva & parla en ces termes : en déen
lant la paix , mon intention eft de n'employer
que des principes avoué par la conftitution . Si les
repréentans de la Nation veulent éablir une enquêe
fur le traité, qu'ils fuivent le mêe fyíêe, &
ne fe laiffent point gouverner par l'esprit de parti
Au furplus rien n'empêhe de faire une motion pour
demander la retraite des Miniftres actuels , fi l'on
croit qu'ils n'aient pas réléleur conduite fur les
intéês de la Nation. En mon particulier , fi quelqu'un
a des reproches àme faire , je fuis prê àfou-
― ( 68 )
mettre mes opéations àtoutes les éreuves qu'il
pourra defirer , & je connois affez la dreiture & la.
loyautéde mes collèues , pour êre perfuadéqu'ils
ne chercheront jamais àéuder une pareille enquêe.
Je n'ai aucune objection àfaire contre la premièe ,
la feconde & la troiſèe motion , mais je m'oppoferai
de toutes mes forces àla quatrièe , parce que
je la regarde comme injufte & délacé ? En effet , fi
les Miniftres de S. M. ont fait quelques ceffions ,
elles ont certainement éécompenfés par celles
qu'ils ont obtenues en retour. Je m'oppoſ pareillement
àla cinquièe , quoique je convienne qu'il
faille pourvoir aux intéês des loyaliftes .
--
-
Le
Chevalier Cecil Wray , aprè avoir afluréqu'il ne
tenoit àaucun parti , invita les propriéaires des
terres àfaire caufe commune avec lui dans la déenfe
des droits & des privilées de la Nation ,
& dans les pourfuites contre les Miniftres qui ont
oféles violer. Il s'éeva en particulier contre le Lord
North , qu'il déonç comme l'auteur de cette
guerre ruineufe & deftructive àtous éards. —Il
y cut enfuite une converfation entre le Lord North ,
le Chevalier Richard Sutton , le Chevalier Horace
Mann , M. Townshend , Secréaire d'Etat , le Gééal
Conway , & c . pour favoir fi les difféentes motions
fero ent exaininés enfemble ou l'une aprè
l'autre . L'avis de ceux qui defiroient qu'elles fuilent
déattues féaréent ayant préalu , la premièe &
la feconde motion furent lues & pafsèent àl'unanimité ; mais lorsqu'on eut fait lecture de la troiſèe ,
le Lord Newhaven , & le Chevalier Dolben dirent
qu'ils ne favoient quel éoit le droit de S. M. , pour
déembrer l'Empire ; felon eux , il ne peut provenir
du Bill pafféau Parlement , àl'effet d'autorifer
S. M. àconclure une trèe ou la paix avec l'Améique
; l'auteur du bill avoit- il l'intention d'y comprendre
la conceffion de l'indéendance ? Comme il
éoit dans la Chambre , ils le forcèent de s'expliquer
àce fujet, En attendant ils affuroient que S. M.
I
H
( 69 )
n'avoit aucun droit par fa préogative Royale , d'accorder
l'indéendance aux Améicains , & que cette
conceffion n'auroit dûéaner que d'un acte du
Parlement. M. Wallace réondit que , lorfque
le Bil avoit ééportéau Parlement , perfonne ne
doutoit qu'il n'eû cet objet , & qu'il ne donnâ à S. M. plein pouvoir d'accorder l'indéendance aux
Améicains , fi elle éoit le prix de la paix . Le
Chevalier Adam Ferguſn téoigna qu'il doutcit
beaucoup que cela fut dans l'origine du bill ; mais
en admettant mêe cette fuppofition , il préendit
que S. M. n'avoit point le droit de céer la
majeure partie du Canada. M. Eden , ufa des mêes
argumens , & il parut fort furpris que le Gouver
nement eû abandonnéun terrein aufli préieux ,
que celui par lequel fe faifoit notre commerce àec
les Sauvages , & qui contient 18,000 milles quarré
. Le Lord North , ſ réria auffi fur l'éormitéde
nos conceffions en ajoutant nénmoins qu'il ne
vouloit point ajouter aux embarras des Miniftres
en fe livrant contr'eux àdes délamations , procéé
violens & qu'il regardoit comme peu honnêes.
>
Le Gouverneur Johnſone dit qu'il auroit ééfort
aife de voir le mot indéendance articulédans l'acte
du Parlemen: qui donnoit àS. M. un tel pouvoir, qu'il
avoit éépeu àporté de connoîre l'esprit du bill
lorfqu'il avoit éépréentéau Parlement , mais que
d'aprè les informations & les élairciflemens qui lui
avoient éédonné " ce bill n'emportoit nullement
l'extenfion qu'on a jugéàpropos de lui donner , &
qu'il éoit fort éonnéqu'on eû inveſi S. M. de
Pouvoirs qui l'autorifoient àaccorder l'indéendance
aux Améicains fans le confentement du Parlement.
La motion ayant paffé, on lut enfuite la quatrièe
propofition . M. Powis prenant la parole imméiatement
aprè s'éeva avec beaucoup de chaleur
contre ceux qui éoient méontens de la paix , & iĮ parut fort furpris que le Lord Jonh- Cavendish cû
fait une parcille motion . Il fe plaignit aufli en géé ( 70 )
ral des troubles arrivé par l'efprit de parti & par
le Lord North auquel il attribua les maiheurs de la
Nation .
---
»Mon deffein , dit alors le Lord John Cavendish
, n'eft point d'accufer l'Administration , mais
je crois qu'il eft néellaire de rechercher les motifs
qui ont donnélieu àde fi grandes ceffions . Les
circonftances actuelles me rappellent notre pofit on
en 1757. Le Royaume fut alors agité, le Gouvernement
en déordre , & pendant huit mois environ
l'Angleterre n'eut en quelque forte aucune
adminiftration. Je mérife , dit le Chevalier
Edouard Aftley , tous les partis , & je crois que
chacun devroit s'occuper uniquement des intéês
de la Nation ; je fouhaiterois qu'on bannî la difcorde
de cette Chambre , & que tous les Membres
qui la compofent , employaffent leurs efforts pour
la caufe commune. Je fuis fi peu liéavec l'Adminiftration
que je n'aurois pas affez de créit pour
faire nommer un Officier de la Douane. Il attaqua
enfuite le Lord North , & dit que c'éoit lui qui
avoit occafionnéla guerre ruineuse & deftructive
dans laquelle ce pays avoit ééengagépendant plufieurs
annés. On a tellement prodiguéles penfions ,
dit-il , qu'on en a accordéune au noble Lord ( Lord
North ) & une autre àfen Secréaire en réompenſ
de leurs fervices . Ses fucceffeurs n'oferoient le lui
reprocher , car ils le font fait traiter avec la mêe
largeffe. Il s'oppofa àla motion . —M. M'Donald
s'oppofa àla motion , & dit que les poffeffions céés
par l'Angleterre éoient un facrifice indiſenſble
pour obtenir la paix.-M. Fox fur d'un avis entièement
difféent , & foutint ainfi fon opinion.
Les ceffions que nous avons faites ànos ennemis
nous ont avilis & déradé . Ce pays fe trouve actuellement
dans une pofition beaucoup plus refpectable
qu'on ne l'a repréenté. On a groffi beaucoup les
forces navales de nos ennemis. Il eft cependant vrai
que celles de la France ont éédiminués l'anné
( 71 )
---
dernièe de treize vaiffeaux de ligne , tandis que
celles de la Grande-Bretagne ont ééaugmentés
de 17 vaiffeaux de ligne. Nous avons une grande
fupéioritéaux Indes Occidentales ; nous y avons
54 vaiffeaux. Notre marine a éémife fur le pied
le plus refpectable par le premier Lord de l'Amirauté
Cet homme plein de zèe , & qui méite la
reconnoiffance de fa patrie , n'a pu cependant éhapper
aux traits de l'envie &. de la calomnie. Nous
avons céédes poffeffions du plus grand prix. Ce
que nous avons donnéàla France éuivaut àune
reftitution gééale . Il délora enfuite la mort préaturé
du Marquis de Rockingham , & donna des
éoges àfa méoire. Il dit qu'il s'éoit retiréde
l'Adminiſration actuelle parce que les perfonnes en
qui il avoit mis la confiance pendant plufieurs annés
, avoient abandonnéleurs principes . Il cenfura
le Comte de Shelburne , & dit qu'il n'avoit jamais
eu une haute idé de fes talens. M. Pitt s'efforç
de prouver que l'expoféde M. Fox , relativement
àl'éat de la marine Angloife , éoit faux . Il dit que
fi lui & fes Collèues éoient obligé de quitter
leurs places , il ne fuivroit pas l'exemple de M. Fox ,
qui s'éoit forméun parti pour combattre toutes
les mefures du Miniftre. On a beaucoup cenfuré,
dit le Lord North , ma conduite prééente & mes
liaifons actuelles . Je ne renoncerai jamais aux principes
qui m'ont guidépendant que j'éois en place.
Quant aux nouvelles liaifons que j'ai formés ,
j'avoue que l'honorable Membre ( M. Fox ) a éé mon ami pendant plufieurs annés . J'éois alors fier
de fon appui lorfqu'il devint mon ennemi , j'ai
trouvéen lai un adverfaire formidable , mais gééeux.
Quels que foient les Miniftres qui fuccéeront
aux Miniftres actuels ,,;je fuisfû que l'honorable
Membre a une trop bonne opinion de moi pour ne pas
compter fur mon honneur & ma probité, & j'ai la
mêe opinion de lui . L'honorable Membrefsèe ,
fans contredit de rares talens,& quoique nous n'ayons
--
( 72 )
pas toujours ééd'accord far certains points , je fuis
perfuadéque nos vues ont ééles mêes. Nous avons
tous deux àcoeur le bien public .
alla aux voix àtrois heures.
Pour la motion
Contre la motion ,
Majoritécontre les Miniftres ,
-
La Chambre
207
197
10
Le Lord John Cavendish retira la cinquièe
motion relative aux Loyalistes , & la Chambre
s'ajourna «
D'aprè l'éat des vaiffeaux en commiffion
ou prês àêre armé de la Marine Britannique
, mis le 17 Férier fous les yeux du
Parleinent , on en compte 20 de 80 , 98
à10 canons , & de 700 à850 hommes
d'éuipage ; 44 de 70 canons & de 600
hommes d'éuipage , 45 de 60 à68 canons
& de 500 à570 hommes . Total 109 vaiffeaux
de ligne .
En conféuence des paffeports déivré
par le Ministèe pour le dehors , plufieurs
bâimens des Ifles actuellement àPortsmouth
fe propofent de partir au premier
bon vent , fans attendre un convoi.
La Douane a refuſ é le 20 de donner
des acquits de vaiffeaux pour New-Yorck
dans la perfuafion que ce port feroit éacué avant qu'aucun vaiffeau y puiffe arriver
d'Angleterre.
»Le Confeil de guerre affembléàPortſouth ,
pour examiner la caufe de la perte du vaiffeau de
S. M. l'Hector , & la conduite de ceux des Officiers
& de Péuipage de ce vaiffeau qui n'ont point péi
avec lui , a rendu fa Sentence le 15 de ce mois. Il
parcî p ce jugement que la conduite du Captaine
( 73 )
saine Bourchier , commandant l'Hector , eft entièenient
irrérochable ; qu'avant d'abandonner ce vailfeau
, le mauvais éat oùl'avoit réuit fon combat
contre deux bâimens ennemis , ne laiffoit aucun
efpoir de le fauver , & qu'en gééal le Capitaine
Bourchier , fes Officiers & fon éuipage méitent
les plus grands éoges «
On a reç de Gibraltar des lettres en
date du 4 de ce mois . Tout éoit alors
tranquille dans cette place , oùun cutter
éoit arrivéavec la nouvelle de la paix
qui avoit réandu la plus grande joie.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 4 Mars.
LE Roi a nomméà1 Abbaye de Font-
Gombaud , Ordre de St-Benoî , Diocèe de
Bourges , l'Abbéde Rech de St - Amans
Vicaire Gééal de Vabres & Aumôier
de Monfeigneur le Comte d'Artois .
La Vicomtelle du Roure a eu le 12 du
mois dernier l'honneur d'êre préenté au
Roi & àla Reine par Madame , en qualité de Dame pour accompagner cette Princeffe .
Le 23 , la Comteſ .e de Coucy a eu l'honneur
d'êre préenté àL. M. & àla Famille
Royale par la Ducheffe d'Avray ..!
L. M. & la Famille Royale ont fignéle
16 le contrat de mariage de M. de Belboeuf ,
Avocat- Gééal du Parlement de Rennes &
Procureur Gééal du mêe Parlement en
furvivance , avec Mademoifelle de l'Averdy.
Le 23 , elles ont fignécelui du Comte de
8 Mars 1783.
d
( 74 )
Canouville , Sous - Lieutanant au Réiment
des Gardes - Françiſs , avec Mademoiſlle
de St Chamans , & celui du Comte de
Cofnac , Sous- Lieutenant de la Gendarmerie
, avec Mademoiſlle de Chavauden.
De PARIS , le 4 Mars.
M. le Comte d'Adhemar doit partir inceffamment
pour Londres ; il monte fa Maifon
avec la plus grande magnificence. On
ne doute pas que le Lord Carmarthen n'arrive
de fon côébientô ; c'est vraiſmblablement
àCalais quéles deux Ambaffadeurs
fe rencontreront ; auffi- tô que celui- ci aura
déarqué, M. le Comte d'Adhemar s'embarquera
lui- mêe.
On ne s'attend pas que les traité de paix
déinitifs foient conclus avant le mois de
Juillet prochain ; les articles font convenus ;
il ne s'agit que de les déailler ; ce qui peut
fufpendre cette réaction , ce font les difficulté
qu'érouve l'arrangement des Hollandois
, qui perſſent àne vouloir rien
céer.
Toute la Nation a pris part àla nomination
du Miniftre auquel l'Europe doit la
paix , àla place de Préident des Finances.
Son efprit d'éononie & de juftice eft connu ;
c'eft par une fuite de cette éonomie , &
d'aprè la réolution du Roi , que les travaux
pour le réabliffement d'une partie du
Châeau de Verfailles , font remis à3 ans ;
S. M. voulant auparavant que les dettes de la
६
? 75 J
guerre foient acquittés , & que les déen
fes néeflaires àl'augmentation de ſ Marine
& àla conftruction des nouveaux
vaiffeaux ne trouvent aucune entrave.
D'aprè des lettres de Londres du 24 , on dit
que le Lord Shelburne a donnéfa déiffion ,
ainfi que tous les Membres qui compofoient
avec lui le nouveau Miniftèe ; les emplois
éoient encore vacans ce jour - là.
Nos lettres d'Espagne ne nous apprennent
rien , finon que les éuipages de M. le
Comte d'Estaing font rentré , & que ce Gééal
arrivera bientô ici. Elles ajoutent que
le Marquis de la Fayette , le Prince de
Naffau , avoient ééàGibraltar , oùfans
doute , ils auront éébien reçs du Gééal
Elliot.
»Les Néocians de cette Ville , érit- on de Dunkerque
, qui fembloient avoir befoin de repos ,
aprè la multitude de Corfaires qu'ils avoient armé
pendant la guerre , femblent au contraire redoubler
d'activitédans ce moment ; ils tournent toutes
leurs vues du côédu commerce , & on n'a pas
comptémoins de 61 navires fortis de ce port depuis
le 11 jufqu'au 18 Férier ; dans le mêe efpace.
de tems il y en eft entré18 tant nationaux qu'érangers
".
M. Joly de Fleury , Miniftre d'Etat & des
Finances , a érit la lettre fuivante à Mess
Déuté du Commerce.
Vous avez ééinformé MM . que par une fuite
de la protection que le Roi accorde àfes Colonies ,
il a éédonnéaux vaiffeaux neutres des permiffions
d'y transporter des denrés & marchandifes d'Europe
, & d'en rapporter les denrés & marchandid2
( 76 )
>
fes du cru des Colonies , dans la vue d'y entretenir
l'abondance des chofes néeffaires & de faciliter
l'exportation de leurs productions pendant la guerre,
-La fignature des préiminaires entre la France.
& l'Angleterre rendant au commerce Françis
la libertéde toutes les mers & lui permettant
d'approvifionner les Colonies Françifes , &
d'en importer les productions , S. M. a déerminé de rendre aux vaiffeaux Françis le privilée exclufif
qui leur eft accordé, de faire l'éuipement des
Colonies & de l'Inde , par Lettres patentes de 1716
& 1717 , & l'Arrê du Confeil du 6 Septembre
1769 ; elle vient en conféuence d'ordonner qu'il
ne fera plus accordéde permillions aux vaiffeaux
neutres pour le commerce , qui fera exclufivement
réervéaux vaiffeaux Françis . Vous voudrez bien
préenir de ces difpofitions les Chambres de Commerce
qui ont intéê de les connoîre «
Il vient de paroîre une Ordonnance du
Roi , du 15 Janvier dernier , concernant les
formalité àobferver pour la remife des
billets ou engagemens de rançns , ainfi
que des ôages , qui feroient faits en contravention
àl'Ordonnance du 30 Aoû
dernier. Le titre de cette Ordonnance en indique
l'objet , qui n'eft plus intéeſ .ant à préent que les hoftilité ont ceffé
»Le 10 Férier , à10 heures & demie du matin
, érit-on de Bordeaux , toute cette Ville fe
reffentit , d'une fecoffe reffemblante àcelle d'un
tremblement de terre ; un coup de yent affreux
accompagnéd'un grand coup de tonnerre , fuivit
de prè cette commotion . On fut deux heures aprè
que c'éoit l'effet de l'explofion du Magafin àpondre
de St-Méard , qui eft àtrois lieues de Bordeaux;
il contenoit alors plus de 45 milliers de
1
( 77 )
poudre. Le moulin a ééemporté, il n'eſ reflé aucun veftige du Magafin. De fix hommes qui s'y
éoient réugié pendant l'orage , on n'en a trouvé qu'un entier àplus de cent pas de diftance ; & des
cinq autres , il n'a éétrouvéqu'une main & une
jambe ; toutes les maifons voifines ont éédéruites
, ou fortement éranlés par la fecouffe. Les
champs d'alentour font couverts de déris calciné
& l'on compte 39 perfonnes meurtries ou bleés.
On a remarquéque le malheureux qu'on avoit
trouvéentier avcit dûêre enlevéàplus de 60
pieds de haut , parce que dans l'efpace qu'il avoit
du parcourir , il fe trouve un bois , qui en a plus
de so d'ééation . M. Dupréde St-Maur , faus ceffe
occupédu bonheur de la Province qu'il gouverne ,
& toujours vivement éu par les malheurs de l'hu
manité, s'eft tranfportéfur-le- champ dans la Paroiffe
de St- Méard ; il y a repandu les bienfaits
& la confolation . « Au réit de ce déaftre , nous joindrons
celui d'un autre qu'on vient de nous faire
pafler , & nous nous empreffons de recommander
àla bienfaifance les malheureux qui
en ont ééles victimes .
»Le 19 Férier , fur les deux heures aprè midi ,
le feu a pris au Bourg de Creffy en Ponthieu ,
par l'impradence d'une femme qui a portédans une
éable un chaudron qu'elle venoit de retirer du feu ,
& auquel probablement éoient reflés quelques
éincelles : le feu s'eft communiquéàquatre maifons
voisines qui ont ééentièement déruites ;
il a gagnéenfuite les derrièes de trente
tres maisons qui bordent la principale rue du
Bourg: le vent qui fouffloit nord-ouest , a porté les flammes fur toutes les granges , éuries , éables
& autres bâimens couverts en paille déendans
de ces mailons , qui ont ééconfumé en
dz
all(
78 )
moins de deux heures : heureufement il y avoit en
quartier dans ce Bourg une Compagnie du Réiment
Royal Champagne , Cavalerie , dont les foldats
, fous les ordres de leurs Officiers , fe font
porté avec la plus grande activitéàarrêer les
progrè de l'incendie , & l'ont empêhéde ſ communiquer
aux devantures des maifons qui ont éé garanties : le dommage eft fort confidéable par
la grande quantitéde bâimens qui ont ééla proie
des flammes , & des grains & fourrages qu'ils contenoient
: il l'eû éébeaucoup plus , fi les chevaux
& autres beftiaux n'euffent point ééaux champs
& dans les pâurages : parmi ceux qui ont reffenti
plus vivement ce malheur , font deux jeunes éoux
qui s'éoient marié trois heures auparavant ; la
maifon qu'ils devoient occuper , & oùfe cééroit
la noce , voifine de celle par oùl'incendie a commencé , a ééentièement déruite , avec les meubles
qu'ils avoient tâhéd'y raffembler pour former
leur nouvel éabliffement : la trifteffe de leur
fituation fera facilement fentie par toutes les Per
founes amies de 1 humanité; & celles qui voudront
y compâir utilement , ainfi qu'àla perte de plufieurs
malheureux enveloppé dans le mêe déaftre
, font prices de faire pafler àM. Briet , Curé dudit lieu , les aumôes que leur charitéles ergagera
de leur accorder. « Le Roi vient de donner un brevet de
Confeiller d'Etat , àM. Vayeur , Confeiller-
Maîre en la Chambre de Comptes
de Bar - le - Duc , & Lieutenant-Gééal du
Bailliage de la mêe ville. Par cette grace
auffi flatteufe que bien méité , S. M. a
réompenfédans cer Officier tout ce qui
peut rendre un Magiftrat recommandable
l'affabilité, l'intérité, la puretédes moeurs
des connoiffances trè- éendues & l'affiduité 1
( 79 )
la plus infatigable aux devoirs de fon éat.
Il y a actuellement en certe Ville , érit - om
d'Amiens , un Phoque ou Veau-Marin , qui a éé pris àla pointe de Saint- Quentin , prè de Saint-
Valeri. Cet Amphibie a environ trois pieds & demi
de longueur ; fa têe reffemble àcelle d'un chien
auquel on a coupéles oreilles , parce qu'il n'a à leur place que deux trous auditifs ; fó muſan eft
large comme celui d'une loutre ; il a aux deix côé
de la mâhoire fupéieure & au-deffus de l'orbite ,
de longs poils recourbé d'une fubftance corné &
tranfparente ; fa gueule eft garnie de fortes dents
difpofés comme celles du chien ; fes deux grands
yeux noirs lancent des regards ardens & animé ,
auxquels réond la vivacitéde fes divers mouvemens
; dans le refos , fon cou paroî ramaffé, mais
il peut l'allonger au moins d'un demi-pied ; de fa
poitrine , qui eft fort large , partent deux mains
ou jambes affez reffemblantes àcelles d'une taupe ;
fon corps va enfuite toujours en diminuant , & il
fe termine par une queue trè-courte , que furpaffent
fes deux jambes de derrièe , plus grandes
que les mains , & divifés comme elles en cinq
digis palmé & onguiculé , mais qui ne peuvent
lui fervir que de nageoires . Le poil ras & life qui
recouvre la peau de cet animal eft fur la têe &
toutes les parties fupéieures du corps d'un brun
ardoifé, & parfeméde taches blanchâres ; la gorge ,
la poitrine , & le ventre font d'un blanc file . Le
Phoque eft de tous les Animaux Marins celui qui
eft dotéde la plus grande intelligence , & des
faculté les plus éendues. Jeune , il minule comme
un chat , & plus âé, fa voix peut fe comparer
àcelle d'un chien enroué Il elt , avec le Morfe ,
le feul Quadrupèe véitablement amphibie , le feul
qui ait le trou ovale du coeur ouvert , & qui puiffe
fe paffer de refpirer. Il ne craint ni le froid ni le
chaud , & il habite éalement l'eau , la terre & la
d 4
( 80 )
glace. Son climat naturel eft le nord ; mis on en
trouve quelques-uns dans prefque toutes les Mers
d'Europe. Cet Amphibie , que l'on conſrve trèbien
dans l'eau douce , eft fufceptible d'éucation .
On l'apprend àfaluer de la têe , & àobér àla
voix de fon Maîre. On nourrit celui qui eft en
cette Ville de poiffons de mer , qu'il déore avec
avidité Pendant le jour on le tient dans une cuve
pleine d'eau , & le foir on lui préente un long
panier d'ofier tapifféde paille , dans lequel il defcend
de lui-mêe. Quoiqu'il ne foit ici que depuis
quelques jours , il eft déàfingulièement appris oifé:
il femble reconnoîre fon monde , & fe laiſ .e careffer
avec complaifance , fur tout par ceux qui ont
T'habitude de lui donner àmanger. « Parmi les entreprifes importantes conçes
depuis quelque tems , les militaires diftingueront
celle des Manoeuvres Militaires de
Potfdam . Ce grand ouvrage proposépar
foufcription contiendra 51 planches gééales
gravés d'aprè les plans dreffé fur le
terrein mêe , & quantitéde planches de
déails explicatifs , exéutés avec le p'us
grand foin. Nous ne pouvons le faire mieux
connoîre qu'en publiant la réonse de
l'Editour aux queftions de M. Filaffier , inféés
dans le Journal de Paris du 30 Janvier
dernier.
»Je n'ai pas déoréd'un vain titre l'important
Ouvrage que j'annonce , puifque fous celui de
Manoeuvres de Potfdam , il préente un tableau
fidèe & complet de la Pratique technique & privé
du Roi de Pruffe , & l'en'emble intéeffant &
lumineux des favantes leçns que ce Monarque
donne àfes Guerriers. C'est pour le rendre plus
fuivi & plus inftructif que , d'aprè l'avis gééal
qui m'a éédonnépar plufieurs Militaires diftingué ,
( 81 )
je rénirai tous les principes pour n'en former qu'un
feul & mêe corps de doctrine . Ainfi , je donnerai
1º un Cours de Tactique , tant pour l'Infanterie
rélé , que pour l'Infanterie léèe. 2 °. Un autre
Cours pour la Cavalerie , c'elt-à- dire , àl'ufage
des Cuiraflers , Dragons & Hullards . Je dée'opperai
dans l'un & dans l'autre tous les principes
des éolutions particulièes d'un Bataillon , d'un
Efcadion ou d'un Réiment. 3 °. Un Cours des
opéations combinés de l'I . fanterie & de la Cavalerie
rénies en Corps d'armé , tant pour les
marches & les campemens , que pour l'attaque , la
déenfe & la retraite ; en un mot un Cours de Tactique
en grand , dans lequel fe trouveront des Traité
de l'Artillerie & des ouvrages de Campagne .
Ces trois Cours feront accompagné de cent planches.
4°. On trouvera dans mon Ouvrage tous les
documens néeflaires àl'inftruction du Solda: depuis
l'inftant oùil eft recruté, jufqu'àcelui oùil
manoeuvre en troupe. Les principes de toutes les
éolutions viendront enfuite dans un ordre fyfſéatique
, au moyen duquel on paffera infenfiblement
& graduellement des chofes les plus fimples
aux opéations les plus compliqués . J'y éablitai
des principes certains fur le grand art des alignemens
, des changemens de pofition , des points de
vue , & c. parties que j'ai eru devoir traiter fort
en déail. 5. Les Manoeuvres de Potſam , qui
viendront àl'appui de tous les principes , comprendront
cinquante-une Pianches auxquelles fera joint
le grand Plan compoféde quatre feuilles ; & il
paroîra avec la premièe livraiſn . 6 °. Enfi , je
donnerai une Hiftoire gééale & déaillé du
Militaire Pruffien , depuis fon origine jufqu'àpréent
, avec l'Histoire particulièe des Réimens qui
le compofent ; leur origine , les difféens changemens
que chacun d'eux a fucceffivement érouvé ,
& en un mot leur éat actuel . Les 150 Planches
d s
( 82 )
comprifes dans l'enſmble de mon Ouvrage , feront
toutes àpeu-prè de mêe grandeur. Le front , tant
de l'Infanterie que de la Cavalerie , y fera toujours
déerminéde la manièe la plus fimple comme la
plus vifible , & il fera impoffible de s'y mérendre .
La Cavalerie y fera repréenté fur une profondeur
proportionné àcelle de l'Infanterie , & la
pofition fera trè -éidente . D'ailleurs je fats enluminer
mes Plans , afin qu'on apperçive au premier
coup d'oeil les difféentes politions des Troupes ,
foit dans leur attaque , foit dans leur retraite ; &
c'eft au moyen des teintes plus ou moins foncés
de la mêe couleur , employés pour chaque efpèe
de Troupe , que je rends mes tableaux infiniment
clairs , & par confquent plus utiles , puifqu'ils
font trè-faciles àfaifir , & qu'ils offrent en
mêe-tems un afpeet trè-agréble . Si le Roi de
Prufle n'eû pas jugéle terrein oùil fait fes Manoeuvres
, propre àdonner àfes Gééaux les inftructions
- pratiques les plus variés , l'auroit il
choisi pour êre le thé âtre de fes favantes leçns ?
on y trouve des lacs , des éangs , des marais ,
des hauteurs aſ .ez conſdéables , du bois , de la
plaine , & les opéations qui s'y font font fufceptibles
d'êre transportés avec fuccè dans une infinité d'endroits . D'ailleurs le Cours de Tactique en
grand , contiendra des principes qui pourront s'adap
ter àquelque pofition , àquelque circonstance que
ce puiffe êre. Si le Public daigue faire attention à ce travail & aux foins que je prends pour le lui rendre
agréble , j'efpèe qu'il fecondera les vues que
j'ai de lui êre utile. Au refte , M. , je ne demande
qu'àmontrer mon Ouvrage ; & je vous fupplie de
croire que je ferai trè-aife de me trouver àporté
de le mettre fous vos yeux , afin que vous puiffez.
juger par vous- méa de l'avantage qu'il aura , j'ofe
le dire , fur tous ceux du mêe genre qui ont paru
jufqu'ici . M. Méuignon l'aîé, Libraire , rue des
Cordeliers , chez lequel on continue de foufe : ire ,
8
1
( 83 )
vous facilitera les moyens , ainfi qu'àtoutes les
perfonnes qui déi : eront en prendre une connoiffance
plus particulièe . « A cette annonce nous nous emprefferons
de joindre celle d'une nouvelle éition des
Devoirs du Prince réuits àun feul principe
, ou Difcours fur la Juftice , par M.
Moreau , Hiftoriographe de France ( 1 ) .
Cet ouvrage le plus important de ceux qui
furent autrefois compofé pour l'éucation
du Roi & des Princes fes frèes , avoit éé impriméàVerfailles par ordre de S. M.
en 1775. Cette éition àlaquelle l'Auteur
n'a rien changé, ne contient de plus que
la premiere , qu'une nouvelle Epîre déicatoire
& un court Avertiffement. Le
fuccè qu'a cu ce Difcours en France &
dans les pays érangers eft connu , il en eft
peu oùles grandes véité que l'on cache
ordinairement aux Princes , foient exprimés
avec plus de liberté& d'éergie.
D'aprè les difféentes expéiences & les procèverbaux
qui conftatent la bonté& l'utilitéde la Pouzzolane
, déouverte depuis plufieurs annés par M.
Faujas de St- Fond dans les montagnes du Vivarais ,
& qui eft d'une qualitéfupéieure àcelle que l'on
faifoit venir àgrands frais d'Italie , une Compagnie
s'est déerminé àen faire exploiter une certaine
quantitéqui arrivera inceffamment dans la Capitale
comme la plus grande partie fera abſrbé
(1)Il forme un Volume in- 8 °. , & fe trouve àParis chez
le fieur Moutard , Libraire- Imprimeur de la Reine , rue des
Mathurins , & le lieur Valcourt , Place Vendôe , Nº. 13 .
Prix livres 6 fols , en beau papier , & 4 livres 10 fols
en papier ordinaire .
d 6
( 84 )
pour les éifices publics , les perſnnes qui defireront
s'en procurer font priés de faire leurs foumiffions
chez Me. Morin , Notaire , rue St-Paul.
On leur d.livrera la quantitépour laquelle ils fe
feront fat infcire àraifon de ; liv . 15 fo's le
quintal. Ceux qui , en faisant leurs foumiffions ,
déo eront ur argent chez Me. Mɔa , fe ont
fervis par prééence àtous autres , & obtiendront
une rem fe de fix pour cent , compte du jour
de leur déô. On n'a pas besoin de rééer ici
que la Po zzolane eft une espèe de maftic ou de
ciment impéérable àl'eau , & qui eft , par cette
rai on , du meilleur ufage pour les terraffes , les
bathns , les pifards & les lieux d'aifance ; enfin ,
pour tout ce qui eft expoſ é àla pluie & au ravage
des eaux.
-
à »La SociééRoyale de Méecine ayant entendu ,
dans fa fénce du 17 Mai 1782 , la lecture du rapport
des Com niffires qu'elle avoit nommé , pour
lui rendre com te du remèe que le fieur Dacher
a préentéfois le nom d'eau ftomachique , déurative
& anti-dartreuse , a penféque ce remèe ne
méi cit point fon approbation ".
La fuire des Eftampes , dont le Tééaque
a fourni les fujets , fe continue avec fuccè par M.
de Muchy. Il vient de peblier la 9e . & la 10e .
faifant fire aux 8. qui ont prééemment par .
Elles repréentent , l'une , l'Evanouiffement de Calypfo
àla vue du vaiſ .eau conftruit par Mentor ,
& l'autre Calypfo au retour de la chaffe , montrant
fon déit & fa jalousie contre Eucharis & Tééaque
( 1 ) . Les deffins font de M. Mornet , Peistre du
Roi, & agravure eft d'un effet trè agréble ; les deux
premièes qui paroîront au mois de Juin prochain ,
( 1 ) Ces Eftampes ſ trouvent àParis chez M. de Mouchy
Cloîre St-Benoî , la premièe pore co.hèe àgauche , en
entrant par la rue des Mathurins ; le prix de chacune eft de
1 liv. 10 fols,
• 1
( 85 )
& qui formeront la 11e. & la 12e. , feront d'aprè
des de fins de M. Cochin . Cette collection préieuſ
ne peut qu'intéeffer les Amateurs «.
L'hiftore de l'Art de l'antiquité, par M. Winkelmann
, eft un des meilleurs ouvrages qui aient
paru dans ce genre ; les fuffrages qu'il a obtenus
par-tout, les traductions qui en ont ééfaites en
plufieurs langues , en difent plus que nous ne pour
rions en dire ici ; la traduction que M. Hubert en a
faite en françis , a eu le plus grand fuccè , mais a
éépre qu'entièement éuifé en Allemagne , où elle a ééimprimé. Le fieur Belin , Libraire , rue
S. Jacques , prè S. Yves , vient de recevoir de
Lépfick le refte des exemplaires qui reftoient de cet
excellent cuvrage , en 3 vol. in-4 °. enrichi de beaucoup
de figures fupéieurement exéutés . On le
vendoit 48 liv . bro hé, & il le propofe à30 liv.
broché Ceux qui feront emp: effé de fe le procurer
, font invité àfe preffer ; car les exemplaires
font en trè -petit nombre , & ne peuvent manquer
d'êre éuifé fous peu de jours ".
N. de Ligny , Abbeffe du Noble Chapitre
des Dames Chancinelles d'Avelnesles-
Arras , eft morte en fon Abbaye dans la
649. anné de fon âe .
Marie-Henriette Rebecca Mallier de Chaffonville
, veuve de Philippe Augufte , Comte
de Voloire de Ruffec , Lieutenant Gééal
des Armés du Roi , Commandant pour
S. M. en Bretagne , eft morte àl'Abbaye de
Montcaffin de Joffelin , en Bretagne , âé
de 72 ans .
»Ordonnance du Roi , concernant les termes
de la ceflation des Hofiilité en mer , du 4 Férier
1783.-S. M. ayant ratifié, le 3 du préent mois
de Férier , les articles préiminaires de la Paix ,
figné àVeifailles le 20 du mois de Janvier der
( 86 )
nier , entre les Miniftres pléipotentiaires de France
d'une part , & ceux de la G. B. de l'autre , par l'un
defquels articles il eft portéqu'il y aura ceffation
d'hoftilité par mer , fuivant les termes & efpaces
de temps ci - aprè expliqué , àcompter du jour
de la ratification defdits articles préiminaires , &
ftipuléque les Vaiffeaux , marchandifes ou autres
effets qui feront pris par mer , aprè lefdits termes
& efpaces de temps , feroat réiproquement
reftitué ; elle a ordonné& ordonne : que les Vaiffeaux
, marchandiſs & effets appartenans àS. M.
& àfes Sujets , qui pourront êre pris dans la Manche
& dans les mers du Nord , aprè l'efpace de
douze jours , àcompter du 3 du préent mois de
Férier , leur feront reftitué ; que le terme fera
d'un mois depuis la Manche & les mers du Nord ,
jufqu'aux îes Canaries inclufivement , foit dans
l'Océn , foit dans la Méiterrané ; de deux mois
depuis lefdites îes Canaries , jufqu'àla ligne Equinoxiale
ou l'Equateur , & enfin de cinq mois dans
tous les autres endroits du Monde , fans aucune
exception , ni autre distinction plus particulièe de
temps & de lieux . Déend S. M. àtous les Sujets ,
de quelque qualité& condition qu'ils foient , d'exercer
aucun acte d'hoftilitépar mer contre les
Sujets de S. M. B. , ni de leur caufer aucun préudice
ou dommage , aprè l'expiration des éoques
ci-deffus mentionnés «
,
Les Numéos fortis au'tirage de la Loterie
Royale de France du premier de ce mois ,
font : 26. 73. 77. 82 & 10 .
Il s'eft glifféune erreur dans l'annonce des Numéos du 16
Férier au lieu de 25. 15. 68. 27. & 5. que l'on a mis ,
lifez 25. 15. 68. 37. & 3 .
}
De BRUXELLES le 4 Mars. >
C'EST le 14 du mois dernier que les Etats-
Gééaux des Provinces Unies ont arrêéla
publication de l'armiftice avec la Grande(
87 )
Bretagne ; les termes font les mêes que
ceux qui ont ééconvenus entre les autres
Puilfances , & datent tous du 3 du mêe
mois , éoque de l'éhange des ratifications
des préiminaires entre la France
l'Espagne & l'Angleterre . On a expéiéen
mêe temps aux Amirauté des palfeports
pour les navires marchands de la Réuplique
. Ainfi le commerce & la navigation
des Hollandois rentreront en pleine
activité, en attendant qu'on parvienne à arranger déinitivement leur paix avec la
Grande Bretagne .
On attendoit avec impatience le ré .ultat
des déibéations de l'affemblé des 17 Directeurs
déuté de la Compagnie des Indes ,
qui s'eft tenue àla Haye ; on dit qu'ils
ont délaréqu'ils ne pourroient jamais
donner leur aveu àaucune conduite qui
gêeroit ou limiteroit le commerce & la
navigation de la Compagnie dans l'Inde
que quant àla ceffion de Néapatnam , fur
laquelle l'Augleterre infifte , ils s'en remettent
àla fageffe des Etats Gééaux , pour
éargner ce facrifice àla Compagnie.
;
On dit que M. Tor qui a pafféàLondres
, y a d'abord ééenvoyécomme particulier
, par M. Brantfen , Miniftre pléipotentiaire
de la Réublique en France ;
les Etats - Gééaux ont enfuite approuvécet
envoi.
Les Etats de Hollande ont choisi le Baron
de Dedea de Peckendam , Membre de
( 88 )
l'Ordre éueftre d'Overyffel , & Déuté de la part de cette Province aux Etats Gééaux
, pour aller en Améique en qualité d'Envoyéextraordinaire de la Réublique
auprè des Etats-Unis ; on a lieu de croire
que cette nomination fera bientô agré ée par
les autres Provinces.
Le 13 Férier le Stadhouder a envoyé aux Etats - Gééaux la fuite du méoire
concernant la conduite en qualitéd'Amiral
Gééal de la Réublique , qu'il leur
avoit remis le 8 Octobre dernier. Cette
fuite s'éend jufqu'àla fin de la campagne de
Panné dernièe , & comprend par conféuent
tous les déails relatifs àl'affaire
des vaiffeaux ordonné pour Breft , & qui
reftèent au Texel.
L'Impéatrice de Ruffie vient d'agir à l'éard du Prince de Gallitzin , ci - devant
fon Envoyéextraordinaire àla Haye , &
nommédepuis peu pour aller réiler en la
mêe qualitéàTurin , avec fa gééofité & fa munificence ordinaire ; elle lui accorde
fa retraite , avec une gratification ,
penfion & la permiffion de vivre cùil
jugera àpropos.
une
PRÉIS DES GAZETTES ANGL . du 24 Férier.
Les deux Chambres du Parlement s'affembleront
aujourd'hui.
Le Duc de Grafton , s'eft demis ces jours derniers
de la place de Lord da Sceau privé, & le Lord
Camb len , de celle de Préident du Confeil ; & aujourd
hei le Comte Shelburne a donnéfa déiffion .
Tous les Membres qui compofolent avec lui le Min.
7891
tèe , ont , dit- on , fuivi fon exemple ; on attend avec
impatience quels feront leurs fucceffeurs . S'il faut en
croire le bruit Public , c'eft le Duc de Portland ,
qui remplacera le Lord Shelburne.
Les Actionnaires de la Compagnie des Indes
ont éérequis de s'affembler , pour réiger une
adreffe tendante àfupplier le Parlement , de venir
au fecours de la Compagnie dans le payement
des 400,000 liv . , qu'el'e doit au Gouvernement
en vertu d'un acte du Parlement.
-
› >
La Douane a reç depuis quelques jours des
fommes trè confidéables , pour les droits des
Marchandifes que l'on embarque pour le Canada.
Cette circonftance prouve qu'il n'eft point vrai ,
comme le bruit en avoir couru , que les Néocians
de Quebec , éoient fi méontens des articles pré ,
liminaires , relativement àla fituation des limites ,
qu'ils avoient contremandéleurs ordres.
Le Gouvernement a donnéordre de dreffer diverfes
Lettres-Patentes pour êre fcellés du grand
Sceau, l'une pour conftituer Edward Mathews ,Major-
Gééal de l'armé & Commandant en chef des forces
de S. M. aux Indes occidentales , Capitaine- Gééal
& Gouverneur en chef des Inles de la Grenade & des
Grenalines ; la feconde pour conftituer Joh Ord
Capitaine - Gééal & Gouverneur en chef de la
Dominique ; & la troisièe pour conftituer Edmond
Lincoln Capitaine - Gééal & Gouverneur en chef
de l'Ifle St-Vincent & des Ifles Caraibes adjacentes.
Le 22 , le Bureau de la Guerre a envoyéau Gééal
Burgoyne , Commandant en chef des forces
du Roi en Irlande , des inftructions relatives au
licenciement des troupes qui font àla paie de la
Grande- Bretagne.
Le Roi a nomméM. John Trevor , Envoyé extraordinaire de S. M. auprè du Roi de Sardaigne ;
& le Lord Vicomte Gaway , fon Envoyéextraordi
naire auprè de l'Electeur Palatin & fon Miniftre à la Dièe de Ratisbonne.
( 90 )
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉÉ .
Defirant donner àce Journal une existence durable
& permanente , nous avons cru que la variéé feule pouvoit y contribuer & que nos Soufcripteurs
verroient avec plaifir un nouvel effort & de nouveauxfacrifices
de notre part pour parvenir àce but.
Non-feulement nous avons acquis le droit de rémprimerfur
les couvertures le Journal de la Librairie
, qui contient la Notice exacte des Livres nouveaux
, de la Mufique , des Eftampes , des Arrês ;
mais nous venons d'aquéir de M. Mars , Auteur
de la Gazette des Tribunaux , le droit d'imprimer,
dans ce Journal , la Notice plus ou moins abréé
de toutes les Caufes civiles & criminelles avec
leurs Jugemens dont fon Journalfait mention . Cette
Gazette des Tribunaux, abréé par M. Mars luimêe
, fera imprimé àla fin du Journal Politique
, & contiendra plus ou moins de pages , ſivant
qu'ily aura plus ou moins de caufes &fuivant leur
importance.
PARLEMENT DE PARIS. Caufe entre le Vicomte
de Roquefeuille , Garde-du- Corps de Monfieur &
le Marquis de Roquefeuille , fils & héitier du
Comte de Roquefeuille , Vice - Amiral de France.
-
-
Demande en reconnoiffance de nom , action en
trouble & en injures , pour raifon d'accufation fecrèe
d'ufurpation de nom. La maifon de Roquefeuille
, trè- ancienne & trè- diftingué , fe divife
en une multitude de branches , qui toutes prove-
´ues d'une mêe ligne , mais réandues dans difféentes
provinces , ne peuvent fe connoîre. La fortune
& les honneurs ont plus ou moins favorifé les unes & les autres. Le fieur Raimond , Vicomte
de Roquefeuille , ayant ééadreffé& pré .enté au Comte de Roquefeuille , Vice- Amiral de France ,
comme fon parent , celui-ci s'eft emprefléde cons
( 91 )
tribuer àfon avancement , & mêe àcelui de fa
famille. Il l'a fait entrer dans les gardes de M. le
Comte d'Artois , & a fellicitépour un de fes frèes
une place d'aumôier de Madame Adelaide. Le
Vicomte de Roquefeuille n'avoit qu'àfe louer du
Comte & de fes bons offices , lorsqu'il fut inftruit
par des bruits vrais ou faux , que le Comte
jettoit des doutes for la gi imitéde fon Nom ,
& fur le droit qu'il avoit de le porter ; qu'il difoit
dans les cercles de la Cour & de la Ville , que
le fieur Raimond n'éoit pas vraiment de la famille
des Roquefeuille , & qu'il fortcit d'en bâard
d'un des defcendans de cette mailon . Le fieur
Raimond de Roquefeuille , qui ne doit fon avance.
ment & celui de fa famile qu'àla naiflance , & au
nom qu'il porte , avoit le plus vif intéê de déruire
ces doutes . En conféuence il a ramafléles
tittes de fa géélogie ; il les a communiqué au
Comte de Roquefeuille , & l'a fait alligner , pour
obtenir la réaration du préudice àlui caufé&
àfa famille , par les difcours réandus dans le
public , des dommages & intéês , l'impreffion
& l'affiche du Jugement àintervenir . Le Comte de
Roquefeuille s'eit emprefféde déavouer les dicours
qu'on lui prêoit. Le Vicomte a demandé acte defdites délarations , & fe déiftant pour lors
des demandes en dommages & intéês , a conclu
a êre maintena dans la poffeffion du Nom & des
Armes de Roquefeuille , comme defcendant d'Antoine
premier du Nom. Une Sentence du Châelet
a donnéacte , purement & fimplement , des
déaveux & des délarations faites par le Comte ,
de Roquefeuille , fur le furplus des demandes du
Vicomte , l'a mis hors de Cour déens compenfé
. Appel de la part du Vicomte , fur ce qu'il
n'avoit pas éémaintenu dans le droit & poffeffion
du nom de Roquefeuille , ainſ qu'il y avoit conclu
792 )
Arrê du 1er. Aoû 1782 , conforme aux con
clufions de M. l'Avocat- gééal d'Agneffeau . Qui
a donnéacte àla partie de Delinieres , des délarations
faites par celle de la Croix de Frainville ,
de ce qu'elle n'entend ni conrefter , ni avouer le
Nom qu'elle porte ; ce faifant , a mis l'appellation
au nént , ordonne que ce dont eft appel fortiroit
fon plein & entier effet ; condamne l'appelant en
l'amende , & aux déens . Ordonne , la fuppreffion
de la partie d'un Méoire , dans laquelle on éèe
des doutes fur la léitimitédu nom de Comte de
Roquefeuille .
Caufe entre la veuve Buchon , & les Héitiers
de fon Mari. Teftateur , qui fachant figner , délare
nénmoins le contraire par un Teftament.
Ses difpofitions font- elles valables , & l'acte peutil
êre attaquécomme nul ?. RenéBuchon a
éouféen 1746 , Madelaine Ribouleau , aprè 20
ans de mariage , les deux conjoints n'ayant point
d'enfants , ni efpéance d'en avoir , font , par devant
Notaire , leur Teftament conjoint & mutuel,
Far lequel ils délarent , que le préourant des
deux , donne & léue au furvivant l'ufufruit de
fes immeubles propres , & la propriééde fes
meubles & acquês . A la fin de l'article le Teftateur
, RenéBuchon , délare ne favoir figner . Par
l'éèement , c'eſ le Mari qui a préééé: fes
Héitiers ont attaquéle Teftament , fous préexte
que le Teftateur auroit dûle figner , puifqu'il
favoit érire , & que la délaration par lui faite
de ne favoir figner , éoit fauffe . M. d'Agueffeau ,
Avocat - Gééal , a conclu àla validitédu Teftament
, & àfa pleine & entièe exéution : c'eft
auffi ce que l'Arrê du 8 Janvier 1783 a jugé
PARLEMENT DE NORMANDIE . Droit d Ufage.
Les Religieux Bééictins de Leffay , au diocèe
de Coutances , font Seigneurs & Propriéaires d'un
( 93 )
marais fituédans la Paroiffe d'Appeville. Ce marais
éoit affujetti àl'afage des habitans d'Appeville ,
Honefville , Liéille & St- Côe - du- Mont, En 1670 ,
les Religieux voulant en faire un triage , aux termes
de l'Ordonnance de 1669 ; conteftation de la
part des habitans d'Appeville , ufagers feulement à titre gratuit ; & de la part des habitans des trois autres
Paroifles , ufagers àtitre onéeux. Les Parties
traduites au Parlement de Paris , cette Cour , par
fon Arrê du 5 Aoû 1670 , a autoriféles Religieux
àprocéer au triage. L'affaire éoqué au Confeil
du Roi , Arrê en 1673 qui prononce ainfi . »Le
Roi , en fon Confeil , faiſnt droit fur les Requêes
refpectives , ayant aucunement éard àcelle du fieur
Abbéde Leffay , & àl'Arrê du Parlement de Paris
du S Aoû 1670 , a ordonné& ordonne que ledit
fieur Abbéde Leffay aura & prendra fon tiers
en la totalitédu marais en queſion , dans le
quel nénmoins lefdits habitans de St-Côe- du-
Mont , ceux de Honefville & autres ufagers pofféans
le droit àtitre onéeux , pourront avoir leurs
ufages & pâurages , ainfi que dans les deux autres
tiers àeux appartenans , en continuant les redevan
ces accoutumés , fans qu'ils puiffent y envoyer que
le tiers des beftiaux qu'ils auront hiverné , tant
que
lefdits triages demeureront féaré , & ce àl'exclufion
des habitans de ladite Paroiffe d'Appeville , lefquels
ne pourront préendre aucun droit d'ufage
ni pâurage fur ledit tiers mais fur les deux autres .
-Le triage a ééfait . - Le 10 Mars 1781 , les Reli
gieux autorifé de leur Abbé, & toutes autres formalité
prélablement obſrvés , ont donnéàcens &
rentes aux fieurs Gaumia & d'Apres , tout ce qui peut
appartenir & appartient , porte le contrat , a l'Abbaye
, dans le marais d'Appeville , au droit de la
baronnie d'Offeville , fans en rien excepter ni réerver
, n'entendant céer que la quantitéd'arpens
94
T
exempts de tous ufages , moyennant 3 liv. de cens
& rente annuelle , ... par chaque vergé affranchie ,
exempte & libéé de tous ufages. Les Lettres - Patentes
obtenues fur ce contrat , au mois de Novembre
1781 , portent auffi cette claufe : fans cependant
que les préentes puiffent préudicier en aucune
manièe àceux qui peuvent avoir des droits d'uſge
ou autres àexercer fur lefdits marais. Ces Lettres-
Patentes , préentés àl'enregistrement au Parlement
de Rouen , les habitans d'Appeville , d'une
part , ceux de Honefville , Liéille & St - Côedu-
Mont , d'autre part , y ont forméoppofition.
-
--
Arrê du 28 Janvier 1783 , qui a déoutéles
fieurs Gaumin & d'Apres, de leurs demandes en enregiftrement
, & les a condamné aux déens .
PARLEMENT DE LANGUEDOC . Antropophage
condamnéàmort. Blaife Ferrage , furnommé Seyé, Maçn de profeffion , natif du lieu de Cefcan
, dans le Comtéde Comminges , trè - petit de
taille , mais d'une force extraordinaire , trè-brun ,
éoit vicieux & libertin par tempéament. Dans
un âe peu avancéil pourfuivois déa les perfonnes
du fexe. Craignant d'érouver la fééitéde
la Juſice , il ſ retira dè l'âe de 22 ans dans les
montagnes d'Aure , voifines de fa patrie. Il y choifit,
àla manièe des Ours , une retraite dans la concavité d'un rocher placéfur le haut d'une montagne ; delà il ſ réandoit dans les campagnes , dont il devint
bientô le plus terrible fléu . Il enlevoit les
brebis , les moutons , les veaux , la volaille , pour
fe nourrir , & fur- tout des femmes & des filles pour
affouvir fa brutale paffion. Il pourfuivoit àcoups de
fufil celles qui fuyoient ; en abufoit quoique mourantes
& baignés dans leur fang. Comme il ne fe
nourriffoit plus de pain depuis quelque tems , &
qu'il manquoit mêe fouvent de vivres , on préend
( 95 )
qu'il éoit devenu antropophage. Il coupoit ordinairement
les feins & les cuiffes des femmes & des filles
aprè en avoir abufé, & il achevoit de les
mettre en pièes pour en tirer les inteftins & le
foie qu'il mangeoit ; il n'éargnoit pas les impubèes.
Mais nous devons éarter ici ces images affreufes
de la barbarie & de la brutalitérénies . Il tuoit
auffi les hommes & en mangeoit ; dernièement il
aſ .aſ .ina un marchand de meules , Eſagnol , qu'il
attira dans fa retraite , fous préexte de le conduire
fur les tertes de France oùil fe rendoit pour faire des
achats. Il avoit mis le feu àune Grange , qui renfermoit
des beftiaux ; pour fatisfaire fa rage contre le
propriéaire , qui avoit voulu le faire arrêer . On
préend qu'il portoit dans fes cheveux une herbe
qui a la propriééde ronger le Fer ; elle croit dans
les montagnes , & n'eft connue que d'un Oiseau ,
appelléle Pic. S'il faut en croire la tradition populaire
, pour fe procurer de cette herbe , on cherche
le nid de cet Oiſau , qui le place ordinairement
dans le creux d'un Arbre ; on cloue en fon abſnce
une planche fur l'ouverture ; l'Oifeau de retour ,
pour êer les cloux qui retiennent la planche , va
chercher l'herbe en question. On fe tient àl'éart ,
& lorfqu'il a liméles cloux , & laiffétomber l'herbe
, on s'en faifit. Blaife Ferrage , dit Seyé, fut
enfin arrêépar la trahifon d'un faux Ami , qui
avoit feint de fe retirer avec lui dans les montagnes
, pour le déober aux pourfuites de la justice ,
& qui dans le fait , n'avoit pas une conduitéfans
reproches. On avoit promis àcet homme fa grace ;
& plufieurs Communauté d'habitans s'éoient cotifés
, pour donner une réompenſ àcelui qui parviendroit
àle livrer àla Juſice . Il éhappa nénmoins
une premièe fois , mais , peu de tems
aprè , s'éant éarépendant la nuit dans les mon-
-
( 96 )
agnes , il fut arrêé. Il marchoit toujours armé d'une ceinture de Piſolets , d'un Fufil àdeux coups ,
& d'une Dague. Il alloit dans la Ville la plus prochaine
de la retraite , pour acheter de la poudre
& des balles ; & la Maréhauffé n'ofoit l'arrêer.
Il avoit environ 25 ans lorqu'il fut jugé. Le Juge
Châelain de Caftillon , l'avoit condamnéàexpirer
fur la roue , & a êre jettéan feu. Par Arrê du
12 Déembre 1782 , la Sentence a ééconfirmé ,
exceptédans le chef du feu , & àcet éard , le
Parlement a ordonnéque fon corps mort fercit
exposéaux fourches patibulaires ; & que l'Arrê
feroit imprimé& affichéàCefcan , Caftillon &
Toulouſ. Il a ééexéutéle 13 quatre heures
de relevé ; on avoit tripléla garde ; toute la Ville
& une multitude de gens de la Campagne éoient
àfon ééution : on ne parloit que de ce monftre .
Il marcha au fupplice d'un vifage ferein. On fait monter
àplus de 80 les filles & les femmes , victimes
de fa brutalité
à Na. L'abrééde la Notice des caufes de la Gazette des
Tribunaux n'apportera aucun changement àcet Ouvrage ,
qui paroî tous les Jeudis depuis fept annés conféutives ,
& dont M. MARS , Avocat , eft l'Auteur. On y trouve toujours
le mêe nombre d'articles ; 1. la Notice des caufes
civiles & criminelles du Royaume ; 2 °. l'expofédes queſions
fur lefquelles on demande l'avis des Jurifconfultes , avant de
fe déerminer àplaider ; 3 °. les réonses àces mêes queftions
; 4. des differtations fur des points de droit , d'Ordennance
, ou de Coutumes ; 53. une Notice fommaire des Méoires
, Plaidoyers , & c. 69. l'annonce & l'objet des livres
de Droit , de Jurifprudence ; 70. l'indication de ce qui fait
Loi ou Rèlement , les Arrês du Confeil , ceux des Parlemens
, des autres Cours Souveraines , &c. &c . 8 ° un article
de Léiflation érangèe , dans lequel on trouve fouvent des
caufes extraordinaires. On foufcrit en tour tems pour cet
Ouvrage , dont le prix eft de 15 liv . par an , franc de port ,
chez M. MARS, Avocat au Parlement , rue & Hôel Serpente.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E.
De CONSTANTINOPLE , le 1 sJanvier.
LE
E nouveau Grand -Vifir Halid Hamid ,
paffe pour avoir des connoiffances encore
fupéieures àcelles qu'on prêoit àfon
prééelleur Jagen Méemet , Pacha , auquel
on en attribuoit beaucoup au moment
oùil fut revêu de cette dignité; il
connoî fur-tout parfaitement l'éat de l'Empire
Ottoman , & le befoin qu'il a de vivre
en paix avec toutes les Puiflances voisines.
Ce Miniftre eft éroitement uni au Capitan
Bacha , & montre beaucoup d'eftime
pour les Européns . C'eſ àfes foins qu'on
doit le réabliffement de la tranquilli édans
cette capitale , & l'efpéance de la continuation
de la paix, Cela n'empêhe pas
qu'on ne pou fuive àl'arféal les réarations
des vaiffeaux ; mais on vient de renvoyer
dins leurs terres environ 20,000
vaffaux qui font obligé de prendre les
15 Mars 1783.
( 98 )
armes & de faire le fervice militaire auffitô
que l'Empire eft menacéd'une guerre ;
c'eft àcette condition qu'ils poſèent des
terres qu'ils tiennent de S. H.; ils éoient
venus depuis que les déêé avec la
Rulle avoient élaté, & confommoient
dans cette capitale leurs revenus qui , déenfé
dans leurs campagnes , peuvent faire
circuler quelque argent parmi les habitans
& tourner àl'avantage de la culture.
RUSSI E.
De PETERSBOURG , le 2 Férier.
LE Lieutenant - Colonel de Neplujew ,
fils du Confeiller & Séateur de ce nom ,
arrivédepuis peu de la Crimé , a éééevé au grade de Colonel ; il commandoit l'avant
garde du corps du Gééal Belmain
qui a agi avec tant de fuccè contre Bathi-
Guéay , frèe du Khan actuel . Le Colonel
àla têe de 200 hommes le rencontra dans
les montagnes de Caras - Bafarche , & au
moyen d'une manoeuvre habile , il le furprit
& diffipa avec fa petite troupe 1000
rebelles qui éoient avec lui , en tua 70 ,
difperfa le refte & s'empara de leurs éuipages.
Bathi-Guéay ne dut dans cette occafion
fon falut qu'àla fuite ; mais peu de
tems aprè le Colonel l'atteignit prè de
la mer Noire dans la maifon de la four da
Khan oùil s'éoit réugié, & oùil fut fait
prifonnier.
799 )
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 8 Janvier.
PLUSIEURS Miniftres érangers ont reç
dernièement l'agréble nouvelle de la conclufion
de la paix entre la France , l'Eſagne
& l'Angleterre. Un Eccléiaftique d'Yaffy
qui fe trouve ici depuis quelque tems
déêha auffi-tô un Exprè pour la porter
àl'Hofpodar de Walachie , qui de fon côé ne manquera pas d'en informer fur- le-champ
la Porte que cette nouvelle doit intéeffer
infiniment.
Depuis quelques femaines , le Confeil
Permanent s'eft occupéd'affaires relatives.
àl'améioration intéieure du Royaume.
On fe flatte que les arrangemens pris fucceffivement
obtiendront peu àpeu le but
falutaire déirédepuis fi long-tems . Déa
les Seigneurs du rang le plus éevé, commencent
às'appliquer àl'éonomie , & à éudier les principes de cette fience fi
utile dans tous les Etats , mais jufqu'àpréent
trop néligé dans le nôre.
ALLEMAGNE
De VIENNE , le 18 Férier.
ON érit de Klagenfurt que l'Archiduc
Maximilien qui eft en route pour l'Italie , y
e 2
( 100 )
eft arrivéle 7 de ce mois ; il eft defcendu au
Palais de l'Archiducheffe Marie- Anne , qui
l'a reç avec les téoignages de la plus grande
tendrelle.
On a érouvéle 15 de ce mois àNeuftadt
quelques léèes fecouffes de tremblement
de terre.
Il a ééenvoyéordre en Efclavonie de
couper les bois dans la largeur de 8 toifes
fur les deux bords de la Drave , afin d'empêher
par ce moyen , que cette rivièe ne
puiffe jamais êre embarraffé par les arbres
qui tombent de véuftéou qui font
renversé.
Ileft parti d'ici dans le commencement de
ce mois prè de 30 chariots chargé de canons,
de boulets & d'autres munitions de guerre,
Ces tranfports font pour Carlstadt en Hongrie
, & ont ééaccompagné de quelques
déachemens d'artilleurs , de grenadiers
& d'autres foldats d'infanterie. Quoique ces
tranfports foient nombreux , & femblent
annoncer une guerre prochaine , on ne s'entretient
plus guèe ici d'une rupture avec la
Porte.
On fait àPrague de grands préaratifs
pour le couronnement de l'Empereur ; &
on croit que cette folemnitéaura lieu dans
le mois prochain.
Les Juifs demeurant dans les Etats Hééitaires
d'Autriche & dans la Bohêe , ont
obtenu la permiffion d'aller & de revenir .
( 101 )
librement dans la Hongrie , pourvu qu'ils
foient munis d'un paffeport du Juge de
lear domicile ; mais les Juifs érangers
payeront , comme par le paffé, un florin ,
en entrant dans ce Royaume.
Vienne ,
»L'Ambaffadeur Marocain deſiné pour
érit-on de Triefle , eft encore dans cette Ville , àcaufe
d'une indifpofition qui l'arrêe . Il entreticat la difcipline
la plus exacte parmi les gens . Il en a renvoyé 3 àMaroc , avec ordre de les faire empaler àleur
arrivé ; il en a fait mettre 3 autres aux fers àLivo.rne
, oùil les reprendra àfon retour . Cer Ambaladeur
eft Gouverneur d'une Province confidéable ,
& paffe pour avoir des talens politiques & une grande
expéience. Depuis fon féour ici , il a voulu voir les
bals , les opéas ; ces divertiffemens l'ont beaucoup
amufé. Notre Evêue lui a fait une vifite , & en a
ééreç avec les plus grands éards « ‹ .
De HAMBOURG , le 24 Férier.
LES papiers ne parlent plus aujourd'hui
que d'une manièe pofitive de l'arrangement
des difféends qui s'éoient éevé
entre la Ruffie & la Porte ; les mouvemens
que faifoient ces Puiffances & quelques
autres , avoient réandu l'alarme dans la
Servie. Les habitans de Belgrade s'éant
affemblé , s'éoient rendus chez le Bacha
de cette place , pour le prier de vouloir
bien donner les ordres néeffaires , pour
que dans ces circonftances critiques , les
Commandans & les Magiftrats miffent
toute leur préoyance àfauver le peuple
du danger & de la misèe dont il cft mee
3
( 102 )
nacé Le Bacha ne néligea rien pour les
tranquillifer , en les affurant qu'il vivoit
dans la meilleure harmonie avec les Gouverneurs
voisins ; & en ajoutant que d'ailleurs
ils devoient , ainfi que lui , fe repofer
fur la fageffe de la fublime Porte , qui fauroit
bien applanir , fans guerre , les difféends
fubfiftans entre elle & la Ruffie .
»On continue toujours ici , érit-on de Vienne , les
préaratifs de guerre , on tranfporte auffi toujours des
munitions vers les frontièes de Turquie . Il y a quelques
jours qu'un déachement de cavalerie manouvroit
en préence de l'Empereur ; aprè quelques
éolutions , ce Prince demanda fi quelqu'un des Cavaliers
auroit le courage de franchir , avec fon cheyal
, des chevaux de frife qu'il avoit fait amener. Il
n'y eut qu'un foldat qui fe trouva prê ; il ofa mêe
dire : fi V. M. me le permet je les franchirai dans
un moment ; c'eft une bagatelle pour moi. L'Empereur
eut l'humanitéde lui recommander d'agir avec
prudence & de renoncer plutô àfon projet que d'expofer
fa vie. Le foldat fe mit auffi-tô en ordre ; il
galoppa trois ou quatre fois auprè des chevaux de
frife , & prenant enfin tout-à- coup fon effor , il les
franchit fans ſ bleffer ni faire aucun mal àſn
cheval . L'Empereur l'a éevéàun grade , & lui a
fait préent de 200 ducats pour le mettre en éuipage
, il a demandéde conferver fon cheval , ce qui
lui a ééaccordé«
S'il faut en croire des lettres de Berlin ,
le Roi de Pruffe a déignéune perfonne
qui doit aller àPhiladelphie en qualité d'Agent auprè des Etats- Unis de l'Améique
; & plufieurs navires Pruffiens feront
voile pour cette partie du monde , oùils
ouvriront un commerce.
( 103 )
S. M. , ajoutent les mêes lettres , voulant
donner une nouvelle preuve d'encouragement aux
Fabriques dans les Etats , en-deç du Wefer , y a
déendu l'importation des articles fuivans venant de
l'éranger ; favoir : les rubans de foie , de laine , de
coton & de fil , les ouvrages de bois & de fil- d'archal ,.
les clinquailleries d'acier , d'éain , de fer , & c . les
baffins de méal , les haches & coins , lé perles de
cire , les chaîes de montre d'acier , la vaiſ .elle d'éain
, les gants de peau , de foie , de laine ,
de coton
de fil . Les gants de peau de Danemarck font excepté .
Les marchandifes fuivantes venant de l'éranger
payeront un droit de so pour 100 ; favoir : les
poids de méal , les agréens de foie & de filofelle ,
les éantails , les plumes & parures en plumage , les
aiguilles , les éiceries & les moulins àcafé; la cire
àcacheter payera 25 pour 100. Il réulte d'une
pièe authentique que le Roi de Pruffe a réandu ,
l'anné dernièe , dans les Etats , en bienfaits de
tout genre , tant pour de nouveaux éabliffemens que
pour encourager l'induftrie , la fomme de 2,118,000
rixdalers. Les mines qui avoient éétrè néligés
font exploités aujourd'hui avec le plus grand fuccè .
Auffi S. M. a verfédes fommes confidéables dans
cette partie. Elles font actuellement en fi bon éat ,
que non-feulement elles fourniſ .ent abondamment
le pays de fer , de cuivre , de plomb , de vitriol ,
d'alun , de charbon de terre , &c. mais qu'il en refte
encore pour l'exportation dans l'éranger. Depuis le
réabliffement de l'exploitation des mines on a exporté pour 234,000 rixdalers de minerai .
Les préentions de la Ruffie , relativement
au commerce de la Courlande qu'elle
veut faire paffer àl'avenir par les mains
des Marchands de Riga & par le port de
cette Ville , font fondés fur une convention
entre le Duc Frééic & la Ville de
¥ 1
€4
(
104 }
Riga en 1613 , par laquelle on préend
que la Courlande a renoncéau droit de
faire exporter de fes ports toutes fortes de
denrés & de grains. Un traitéconclu à Riga en 1630 entre les Pléipotentiaires de
Suede & de Courlande , la trèe faite à Stumsdorff en 1635 , & le traitéde paix
d'Oliva en 1660 , renferment , dit on , la
confirmation de cette convention . Les Miniftres
d'Etat de Courlande réondent àces
affertions :
1° Que la Convention de 1615 , n'a jamais éé un Acte obligatoire ; parce que les Etats du Pays n'y
ont pas accéé, & qu'elle n'a pas ééconfirmé par
le Seigneur Suzerain ; ce qui auroit ééabfolument
néellaire d'aprè la conftitution de Courlande, (dont
S, M. Impéatrice de toutes les Ruffie s'eft rendue
garante , ) fi cette convention devoit maintenant
fubfifter au préudice des Droits , qui appartiennent
au Seigneur Suzerain , au Duc & aux Etats de Cour
lande : 2 ° Que cette Convention n'a pu acquéir
plus de force & de validitépar le Traitéde 1630 ,
qui fut éalement conclu àl'infç & fans le confentement
des Etats . 30. Que cette convention n'a
jamais éémise en exéution ; mais qu'au contraire
il ya ééportéatteinte en plufieurs occaſons : 4º.
Que , fuppoféque cetre Convention ait d'abord -
ééen quelque forte obligatoire , elle ne peut pourtant
nullement êre regardé comme une raiſn concluante
pour les préentions formés de la part de
la Ruffie , vu qu'elle n'offre aucune preuve pour la
renonciation faite par la Courlande au droit de le
fervir de fes Ports , pour faire pafler toutes fortes
de grains & de denrés : 5º. Que , fi dans la Trèe
de Stumsdoff il eft ftipulé: »Que le Commerce· de la Pologne & de fes Provinces doit êre réa
( 105 )
»blifur l'ancien pié; qu'il doit fe continuer comme
»il a ééfait dè fon commencement , & que toutes
»chofes doivent rentrer dans le mêe éat oùelles
»ont ééavant cette Guerre , attendu que les inno-
»vations , faites pendant la Guerre , feront nulles
»& de toute nullité: & fi dans l'art . XV du Traité de Paix d'Oliva il eft arrêé»Que le Commerce
»de Pologne , de Lithuanie & de Suèe , ainfi que
»de leurs Provinces , Sujets & Habitans , doit êre
»fans entraves & le faire avec toute liberté, tant
› :
par terre que par mer & êre maintenu dans
»l'éat oùil a éépendant la Trèe «; il eft éident
, qu'on n'a point voulu gêer le Commerce de
la Courlande , mais plutô en fixer la libertéillimi
té par mer & far terre , fur-tout quand on fait
rélexion , que le Commerce de la Courlande n'a
jamais éétroubléni interrompu par la convention
de 1615 ; mais qu'il s'eft toujours fait fans empêhement
de tems imméorial avant la Guerre avec
la Suèe , & mêe pendant la Trèe : 6 °. Que
d'ailleurs , comme les Articles IV & V , du Traité d'Oliva portent , »que le Roi & le Royaume de
»Suèe ne pourront pas éendre les limites de
»leurs poffeffions dans la Courlande & la Séigalle ,
ni préendre quelque fervitude àla charge du Duc
»de Courlande , ni s'arroger le droit àla coupe de
»Bois ni quelque autre droit que ce foit ; qu'éalement
le Roi & le Royaume de Suèe ne feront
pas en droit de former , fous quelque préexte
»que ce foit, des préentions àla charge de la Courlande
« ce Duchéet pleinement fondéàimplorer
la protection de S. M. l'Impéatrice de toutes les
Roffies contre les préentions mal - fondés , que la
Ville de Riga , déàallez floriffante par l'éendue de
fon commerce , s'efforce de faire valoir , & àreclamer
cette juftice éinente avec laquelle S. M.
Impéiale a daignégarantir àla dièe de Courlande ,
tenue en 1763 , la religion , les droits , les privilées
es
( 106 )
& immunité des Duché de Courlande & de Semigalle
, tels qu'ils ont éédans les rems antéieurs ,
& pour le maintien defquels les Rois de Pologne ont
prêéferment.
>
On lit dans un papier Allemand une differtation
fur l'origine de la Méiterrané
qu'on regarde comme une nouvelle mer , ainfi
que fes branches , la Mer Adriatique
l'Archipel & la Mer Noire , qui ne doivent
leur exiftence qu'àquelques grandes réolutions
de la nature. Le préis de cette
pièe peut êre curieux , fú-tout dans la circonftance
préente , oùle bruit du malheur
arrivéàMeffine paroî fe confirmer.
59
L'Italie , la Grèe & la Natolie , ne faifcient
anciennement qu'un feul continent avec la côe feptentrionale
de l'Afrique , mais les piles fouterraines
fur lefquelles repofoit ce pays , s'éant rompues
dans un tremblement de terre , ce continene fut déembré , tel qu'on le voit aujourd'hui. C'est par
une mêe réolution que l'Angleterre fe déacha
de la France; que l'Améique , déagé de les premiers
fondemens , prit la place qu'elle occupe actuellement
, & que la mer fe fit jour avec impéuofité entre l'Espagne & l'Afrique , inondant à droite & àgauche les pays , jufqu'au Caucaſ , & ne
revint dans les limites qui circonfcrivent aujourd'hui
la Méiterrané , que fucceffivement & àmefure
que les pays inondé s'éoient enfoncé davantage.
L'Efpagne orientale , la France méidionale ,
I'Italie , la Grèe & la Natolie , durent leur falut ou
leur confervation aux Pyrenés , àl'Apennin , alr
Taurus & au Téarus , comme la Lybie feptentrionale
la doit àfes montagnes. La Sicile , la Sardaigne ,
les Illes de Corfe , de Crèe , de Chypre & celles de
l'Archipel , qui éoient les fommets du pays enfoncé , font les monumens & les preuves vifibles de
蔓
( 107 )
--
cette grande réolution. Il eft probable que ce
qui eft terre ferme aujourd'hui , eft forti du fein
de la mer ; comment expliquerions- nous autrement
les périfications des poiffons & d'autres animaux
de mer que l'on trouve fur nos montagnes ? De
la mêe manièe il fe peut qu'un jour une grande
partie de notre globe foit engloutie par la mer , &
que celle ci rende de fes entrailles une nouvelle
portion de terre. Eft-il abfolument invraisemblable
que les couches dans le centre de la terre ne foient
ni fi compactes , ni fi ferrés qu'on l'imagine ? Ne
peuvent- elles point avoir de fciilures dans lefquelles
l'eau péère & forme fucceffivement des excavations
? Eft-il impoffible qu'un feu fouterrain n'attaque
les piles de ces voutes & ne les renverſ ?
Quelle eft l'opéation au- deffus des efforts lents
de la nature ? Oùune taupinièe qui s'éroule eftelle
une perte pour l'univers ? Le Créteur met dans
chaque deftruction le germe d'une crétion nouvelle.
-
Une pareille réolution eft , ce me ſmble , plus
naturelle que l'hypothè .e de Whifton , qui attribue
àune comèe le changement qu'a fubi notre globe.
Le Véuve , l'Etna & les Volcans dans les Ifles
Eoliennes , font des preuves vifibles que l'Italie
eft remplie de feux fouterrains , qui anciennement
éoient peut- êre plus multiplié encore , & je ne
connois pas de pays qui en ait autant que l'Italie , &
qui par conféuent foit plus fujet qu'elle aux tremblemens
de terre. Ces tremblemens fe manifeftent
auffi fréuemment dans l'Afie mineure , ce qui ,
quoiqu'il n'y ait point de Volcans vifibles , prouve
néeflairement qu'elle nourrit beaucoup de feux
fouterrains. La profondeur de la Méiterrané eft
connue ; & par cette raison mêe il est trè probable
qu'elle doit fon origine , comme la mer Cafpienne
, àun continent fubmergé On connoî auffi
le courant qui fe jette dans la méiterrané par le
Déroit de Gibraltar, Ce courant indique clairement
€6
( 108 )
que la Méiterrané a pris fes eaux de ce côé,
& qu'elle eft par confé ent une mer nouvelle .
Lor qu'on confidèe le nombre prodigieux d'ifles
dans l'Archipel , on ne peut guèes s'empêher de
les regarder comme des fommes de montagnes ,
autour de que's la plaice a ééùm igé . Cette
opi ion ef? encore appuyé par la tradition grecque,
que l'Ile de Delos & les Cyclades avoient vogué long temis avant de fe fixer. Cetre circonftance luppole
, fans contredit , the réolution precéente. "
---
Les côes de cette mer fe préentent comme des
fragmens provenus d'une r prure faite avec vio
lence , fu - tout celles de la Dalma ie & de l'Afrique .
On y voit un gra d nombre de finuofité , oùla
terre Gtué plus bas , paroî avoir ééemporté.
Ie: Ifles de forme longue fur la côe de Dalmatie ,
éo ent une terre dont la fituation éoit éevé . Les
côes y font prefque par- tout montueufes & rem-'
plies de rochers . La Méiterrané augmente en'
profondeur, & les mers qui lui fourniffent des eaux
diminuent. Cette mer a ééd'abord trè-baſ .e , aprè
la grande réolution de la fubmerfion . Il falloit un
certain tems , pour que les eaux , qui paffo: ent par
le Déroit de Gibraltar , pûfent remplir toure la
furface dep is Gibraltar jufqu'àCaffa & àTyr. En
outre la terre fubmergé s'imbiboit auffi d'eau , &
il est trè probable que fur les nouvelles côes il
s'érouloit par-ci par- làdes fouterrains qui fe rempliffoient
éalement d'eau ; mais actuellement la
terre fubmergé éant impréné & les caves fonterraines
éant remplies d'eau , & l'affluence de l'Océn
par le Déroit continuant toujours , la Méiterrané
gagnera tous les jours en profondeur . Le volume
d'eau que l'Océn lui fournit , eft pris for
d'autres mers ; on fait par exemple que la mer d'Allemagne
diminue & perd vifiblement de fes anciennes
rives . Le Baron de Harleman , dit dans les
voyages , par quelques provinces de Suèe , qu'ayant
( 109 )
examinéle lac de Goeta , nous déouvrîes dans
diverfes excavations far le rivage , & quelques piedsau-
deffus de la furface a&tuelle de l'eau , des couches
de ſble de mer mêéde coquillage , ce qui prouve
éidemment que ci-devant les eaux montoient àcette
hauteur. De l'autre côédu lac , nous entrâes dans
une plaine fitué entre deux montagnes , laquelle ,
quoique affez baffe , a cependant 25 aunes plus en
hauteur que l'eau du lac . Ayant fait fouiller dans
cette plaine , nous vîes que ce terrein n'éoit qu'un
mêange de fable de mer trè - fin , mêéde coquillages
, & que plus on creufcit , mieux les coquillages
éoient confervé . Les coquillages qu'on trouve de
cette manièe , obferve encore M. de Heileman , ne
fauroient êre attribué qu'àla baiffe annuelle de la
mer; on en rencontre fur-tout dans ces environs ies
preuves les plus convaincantes. Ces obfervationsde
M. de Hotleman viennent àl'appui de mon hypothèe.
Lorsque la Méiterrané s'eft formé , les
eaux dans ces pays feptentrionaux diminuèent fubitement
& déosèent le fable & les coquillages
de mer. Il eſ mêe vraisemblable , qu'avant l'exiftence
de la Méiterrané , la Suèe éoit couverte
d'eau jufques vers la Laponie ; mais àla formation
de cette mer , les eaux s'éant fait jour , il n'y refta
plus d'autres trous de cette éendue d'eau que les
lacs de la Gothie , & fur-tout ceux de la Daléarlie.
Le déroiffement annuel de la Baltique ne fauroit
êre mieux expliquéque par l'accroiffement en profondeur
de la Méiterrané qui augmente fes eaux ,
par le courant de mer prè de Gibraltar . Toutes
ces circonftances fe réniffent en faveur de mon
hypothèe , pour laquelle je citerai encore l'obſrvation
qui a ééfaite , que l'eau de la Méiterrané
n'éoit pas fi falé que l'eau des autres mers , ce qui
prouveroit auffì, ce me femble, qu'elle est une mer
nouvelle. La grande réolution que j'éablis ,
explique encore les relations que d'anciens Auteurs
-
? 110 )
nous donnent , d'un vafte pays fituéàl'oueft , &
appelléAtlantis , & celles des déuges de Noach &
de Deucalion , & elle explique aufli la manièe de
la population de l'Améique , la mer Morte , les
lacs de Genezaret , de Sirbonis , de Moeris , & c.
Je finis mes rélexions par un paffage tirédu recueil
des voyages de M. Bernoulli . Il dit , àla page 25 du
premier livre , que les Naturaliftes avoient conjecturé , avec quelque fondement , que lIfle de Capri
( Caprea ) avoit éédéaché de la terre ferme dans
un tremblement de terre. En la regardant du côéde
Salerne , on obferve que les rochers fur la côe de
l'Ifle & ceux fur la côe correfpondante de la terre
ferme , font conformé d'une manièe qui fait préumer
qu'ils ont éédéaché les uns des autres .
La mêe chofe fe pré .ente àl'Ifle de Malte , vis- à-vis
les côes de la Barbarie «
ANGLETERRE.
De
LONDRES , le 3 Mars.
Nous n'avons point d'autres nouvelles
de l'Améique Septentrionale que celles qui
nous font arrivés par le tranſort armé,
l'Expéiment, qui nous a apportédes lettres
d'Hallifax en date du 18 Janvier . Il ne s'y
éoit rien pafféd'intéeffant & tout éoit
tranquille de ce côéàcette éoque. Nos
troupes éoient dans la mêe fituation à New-Yorck , & depuis long tems les hoftilité
avoient cellé, & tout fe paffoit en
néociations entre le Gééal Clinton & le
Gééal Washington.
גכ Chaque Etat , difoit- on , continuoit àdonner
de la confiftance àfon gouvernement particulier ,
& le Congrè s'occupoit des intéês gééaux de
( III )
l'union . Les Sauvages que nous avions excité contre
la nouvelle Réublique , & qui ont fait certainement
beaucoup de mal, fans qu'ils nous aient ééfort utiles ,
commencent àfaire leur paix avec leurs voifins ;
quelques Nations fe préarent às'unir plus éroitement
avec eux. Au mois de Nov. dernier , 4 Indiens
Iroquois ont ééàPhiladelphie , & ont ééadmis
dans le Congrè pour faire un traitéd'alliance &
d'amitiéavec les Etats-Unis pour leur tribu & pour
celle des Shawanèes & des Illinois . Il a éénommé un Comitépour les recevoir , traiter avec eux &
leur faire les préens d'ufage dans ces occafions «.
On lit dans une lettre de Philadelphie
les déails fuivans qui prouvent les fentimens
de reconnoiffance de l'Améique pour'
Palliéqui l'a protéé fi heureuſment , &
fur lefquels on a malheureufement trop
fouvent & tro»vainement éevédes doutes.
Les Etats - Unis voulant confacrer leur recon
noiffance envers leur alliépar un monument durable ,
fe propofent , dit- on , d'éiger fur la principale place
de cette Capitale , en face du Palais du Congrè , une
ftatue de bronze avec cette infcription :
Poft Deum
Diligenda & fervanda eft libertas
Maximis empra laboribus
Humanique fanguinis flumine irrigata
Per imminentia belli pericula.
Juvante
Optimo Galliarum Principe Rege
LUDOVICO XVI.
Hanc ftatuam Principi Auguftiffimo
confecravit
Et æernam pretiofamque beneficii memoriam
Grata Reipublicæveneratio
Ultimis tradit Nepotibus.
Ce monument fera comme celui d'Horace are pe
rennius. Voici la traduction de l'Infcription : Aprè
Dieu , aimons & cultivons la liberté, acheté par
degrands travaux, arrofé par un torrent defanghus
( 112 )
H
main pendant les calamité de la guerre , avec l'aide
du trè-bon Souverain de la France . La vééation
reconnoiffante de la Réublique confacre cette ftatue
àLouis XVI , & tranfmet ce gage préieux
& éernel defa reconnoiffance àla postéitéla plus
reculé «
On eft dans les plus vives alarmes pour
la flotte de la Jamaïue , qui paroî avoir
ééréervé àérouver le fort de la prééente.
Elle éoit compofé de 63 vaiffeaux
lorfqu'elle fut difperfé le 17 Janvier par
un coup de vent. Le Speaker qui eft arrivé àBristol , & le Friendship aux Dunes venant
tous deux de la Jamaïue , faifoient partie de
la mêe flotte ; ils racontent que le coup
de vent qui les féara du convoi eut lieu
deux jours aprè qu'ils eurent déɔquéle
Golfe ; le Friendship rencontra enfuite le
George avec lequel il fit route pendant dix
jours , aprè lefquels il le perdit de vue dans
une tempêe affreufe qui commenç le 31
Janvier , & qui dura fans interruption jufqu'au
8 Férier.
Cette nouvelle alarmante pour le commerce
eft arrivé dans un moment oùla
Nation eft entièement occupé de la nouvelle
réolution qui va changer encore l'Adminiftration
; on attend avec impatience les
fujets fur lefquels tombera le choix du Roi ;
c'eft le 24 que le Lord Shelburne & les
Miniftres fe rendirent àSt- James pour prier
S. M. d'accepter leur déiffion. Le lendemain
25 , la Chambre des Communes ne
s'affembla que pour s'ajourner au 28
dans l'efpéance que le Roi àcette éoque
( 113 )
auroit nomméles nouveaux Miniftres. Ils
ne le font point encore. Il eft certain qu'il
y a beaucoup de brigues dans ce moment
pour des places affuréent difficiles & dans
lefquelles on eft fi rarement fû , quoiqu'on
fafle , de ne pas trouver des contradicteurs
& mêne des enn mis .
»Nous ne nous occupons , dit àcette occafion un
de nos papiers , que d'intrigues & de cabales ; & les
intéês du Royaume font abfolument néligé . La
Compagnie des Indes a préentement 46 vaiffeaux
àflot , dont la valeur eft eftimé plus de 8 millions
fterlings . Les hoftilité ne doivent celler dans l'Inde ,
que dans quatre mois , & les Françis y peuvent
faire paffer des avis un mois avant nous. Nous
n'avons point d'adminiftration , puifque dans ce
moment nous n'avons pas de Miniitres , par conféuent
perfonne ne veille fur nos propriéé dans
l'Afie , & ne s'occupe de la flotte de la Jamaïue
que nous favons êre difperfé «
Cependant l'Amirautéa envoyéordre à Portſouth aux flottes deftinés pour les
Indes orientales & occidentales de remettre
imméiatement en mer ; le Salisbury de so
canons & 2 fréates efcorteront la flotte des
ifles.
Il s'eft tenu ces jours derniers une Affemblé
des actionnaires de la Compagnie des
Indes , relativement àla péition qui doit
êre préenté au Parlement , pour le prier
de venir au fecours de la Compagnie. Il
paroî par les élairciffemens donné àce
fujet , qu'elle a le plus preffant befoin d'une
fomme d'un million 500,000 livres ; la
difficulténe confifte que dans les moyens
( 114 )
de fe la procurer. Quelques Membres demandent
que la Compagnie faffe elle- mêe
cet emprunt àfa volonté; mais d'autres
obfervant qu'un acte du Parlement lui ôe
cette faculté, il a ééconvenu qu'on fe
conformeroit fur cet objet aux volonté du
Parlement , en fe bornant àlui faire connoîre
la fomme dont la Compagnie a befoin.
On a adrefféen conféuence la péition
qui doit êre préenté inceffamment.
Ce fut le 26 que le Lord Maire accompagné des Shéifs , des Officiers de la Cité,
fe rendit àSt- James pour préenter au Roi
l'adreffe de la Ville àl'occafion de la paix ,
S. M. y fit la réonſ fuivante.
>
»Je vous remercie de cette adrefle refpectueuse
& loyale. C'est pour moi une grande fatisfaction.
de voir la fin des calamité de la guerre & la perfpective
de tous les avantages qu'on a lieu d'attendre
d'une paix durable. En conféuence , je reçis avec
plaifir les téoignages de l'approbation que le Lord
Maire , les Aldermans , & les Communes de la Cité de Londres , donnent aux mesures que j'ai adoptés.
Vous pouvez êre affuré que je ferai tout ce qui
déendra de moi pour protéer & pour éendre le
commerce de mes Domaines , dont celui de la Cité de Londres forme une partie fi confidéable. Je pense
abfolument comme vous que les intéês du commerce
de ce Pays & de l'Améique font les mêes .
Je ne néligerai rien de tout ce qui fera néeffaire
pour faire renaîre fans déai & éablir àl'avenir la
correfpondance amicale qui doit réulter de l'intéê
mutuel & de l'affection réiproque «
Les Néocians de cette Capitale & des .
ports du Royaume demandent hautement
( 115 )
la réocation des loix qui empêhent les
vaiffeaux deftiné pour l'un des ports des
Etats-Unis de l'Améique , de recevoir leur
acquit àla Douane. Les vailleaux mêe qui
fe font procurédes paffeports , ne peuvent
recevoir ces acquits , parce qu'on n'a point
réoquécertaines loix pofitives. Il feroit à defirer que l'Adminiftration formâ fans.
déai quelques rèlemens àcet éard ..
Les Irlandois , toujours attentifs àfaifirtous
les avantages qui s'offrent en matièe
de politique & de commerce , ont ééles
premiers àenvoyer des vaiffeaux dans les
ports des Etats- Unis de l'Améique. Plufieurs
bâimens ont déa mis àla voile , &
d'autres font fur le point d'appareiller pour
Philadelphie & d'autres ports , fans êre
munis de paffe- ports.
»Suivant des lettres du Nord , les Cours qui
compofent la Neutralitéarmé , ont fait entr'elles
des traité favorables àleur commerce ; la Ruffie &
le Danemarck entr'autres , ont ftipulédes avantages
réiproques pour les navigateurs des deux Nations.
La réolution qui naîra néellairement de
l'indéendance des Améicains , fait une loi àtous
les Etats commerçns d'ufer fobrement du droit
qu'ils ont de taxer les importations du nouveau
Monde. Les Améicains vont fe préenter par- tout ;
ils compareront les facilité qu'ils érouveront
dans d'autres , & le réuitat de cette comparaiſn
les déerminera fans doute dans leur choix. S'il
en réulte une balance politique dans les mesures
éonomiques de difféens Gouvernemens , la paix
aftuelle remplira parfaitement fes vues , en introduifant
une modéation parfaite dans les droits de
Douane , perçs dans tous les Ports d'Europe. Enfin ,
( 116 )
cette éuitécoupera les racines des guerres
de com
merce , qui ruinent tant de Nations , quoiqu'elles
aient toujours pour préexte une augmentation de
richelles «
Il n'eft pas douteux que les vues de commerce
qu'on peut avoir ailleurs , ne méitent
l'attention de la Nation , & que le
Parlement ne s'occupe efficacement des
moyens d'éiter les inconvéiens de la
concurrence , pour que la balance ne foit
pas contre nous. Nous devons nous attendre
en conféuence àdes déats intéeffans
avant qu'il foit peu ; on pourra préumer
la nature de quelques - uns , quand les places
de l'Adminiſration feront remplies . On
ne doute point que le Lord North ne rentre
; on fait qu'il n'eft point d'avis de la
réorme Parlementaire , & qu'il a délaréqu'il
ne penfoit pas qu'on pû toucher fans danger
& fans conféuence àla conftitution.
»Les Miniftres , obferve àcette occafion un de
nos papiers , éaluoient autrefois àune guiné prè
ce qu'il leur en coûoit pour acheter une majorité dans le Parlement ; mais le nouveau plan de réorme
Parlementaire, s'il a lieu , comme on le defire , grof
fira tellement le nombre des repréentans du peuple ,
que les moyens de corruption deviendront impraticables
, mêe pour des Miniftres auffi diffipateus
que l'éoient le Lord North & fes collèues ; c'eft à cette caufe qu'il faut attribuer les efforts qu'oa
a faits jufqu'àpréent , pour faire éhouer ce plan fi
utile , & dont le fuccè déruiroit , non pas la forme
du Gouvernement , mais le fyftêe d'adminiſration
".
Le Capitaine Kemptone qui commandoit
( 117 )
le vaifleau de S. M. le London , lors de fon
combat avec le Scipion , ayant préuméque
vu la fupéioritéde fon vaiffeau fa conduite
pourroit êre mal interprêé , a demandé, à fon retour àla Jamaïue , un Confeil de
guerre qui a prononcéque cer Officier s'eft
conduit honorablement. Il est revenu en
Angleterre fur l'Hydre en qualitéde pallager,
Les Lords de l'Amirautéont ordonné qu'il feroit préentéune fomme de 100 liv,
fterl. àM. Hill , Capitaine du Hawke , lettre
de marque , qui fauva l'éuipage de l'Hector
lorfqu'il coula bas ; l'activité& l'attention
qu'il a montré en fauvant la vie des hommes
qui compofoient cet éuipage & les dangers
auxquels il s'eft expofe , lui donnoient
les plus juftes titres àcette réompenfe . Les
Lords de l'Amirautéont aufli ordonné qu'il foit remis aux Propriéaires du Hawke
une fomme de 950 liv . fterl . pour les indemnifer
des pertes qu'ils ont érouvés ,
une grande partie de la cargaifon ayant éé jerré àla mer pour faire place àl'éuipage
de l'Hector.
Nous reviendrons un inftant fur l'affaire
entre le Gééal Murray & le Lieutenant-
Gééal Sir William Drapper.
Les craintes , qu'on avoit d'un duel entre ces
deux Gééaux , écient trè - bien fondés ; & dans
l'incertitude de l'éèement le premier avoit déa
fait fon teftament la prudence du Gouvernement
a préenu ce malheur. Le Gééal Murray
, ayant refuféde faire àSir William Drapper
l'excufe , que le Confeil - de - Guerre defiroit , fut
:
( 118 )
: mis aux arrês pour juftifier fa conduite , il adreffa
un Méoire au Roi , par lequel il expofa àS.
M. les raions qu'il avoit cues de ne pas fe prêer
àla queftion , vu que l'excufe prefcrite éoit conque
en termes , fi incompatibles avec les idés fur
le point- d'honneur , qu'il éoit impoffible de jamais
s'y foumettre mais il délara en mêe tems
qu'il éoit prê àfaire des excufes àSir William
Drapper , pourvu qu'on lui laiflâ la libertéd'ufer
d'expreffions de fon choix , priant qu'enfuite il fû
relâhéde fes arrês . S. M. accorda la prièe ,
fous conditition que M. Murray engageâ fa parole
d'honneur de ne point envoyer de déi àfon
Adverfaire. M. Murray accepta la condition ; &
en conféuence le Confeil -de - Guerre s'aflembla de
nouveau , pour prendre en confidéation l'excuſ ,
que le Gééal propofeit . Celle qu'on lui avoit
préerite portoit , »qu'il éoit fâhé( concerned )
qu'aucune partie de fa conduite durant fon Commandement
àMinorque eû donnéoffenſ àSir Wil
liam Drapper. »M. Murray pria qu'on changeâ
cette formule , & qu'il lui fû permis de dire , »qu'il
s'eftimoit malheureux ( thinks himfelf unfortunate
) qu'aucune partie de fa conduite durant fon
Commandement àMinorque eû donnéoffenſ à Sir William Drapper. »Le Confeil ayant déibéé,
délara qu'àfon avis le terme adoptépar le Gééal
Murray éoit beaucoup plus fort , que celui
employéoriginairement par le Juge- Avocat , &
tel par conséuent que l'on n'infifteroit point far
l'offre du Gééal , s'il vouloit encore s'en déire :
mais il perfifta àle prééer àl'autre ; & les Juges
acquiefcèent. En conféuence les deux Gééaux
parurent en préence l'un de l'autre devant le Confeil
; & s'éant falué M. Murray fit l'excufe , qu'il
avoit adopté de fon propre choix . Comme ils
ont engagéleur parole tous les deux de ne point
s'envoyer de déi , l'on regarde l'affaire comme
terminé «
( 119 )
L'Amirautévient de publier un avis à tous ceux qui , vivant dans le pays ou hors
du pays , ont des préen ons fui les denrés
& autres effets enlevé àSt Euftache , portent
leurs titres & papiers àla Cour des
Docteurs communs ; on les invite àfe hâer
le plus qu'ils pourront , & on leur donne
jufqu'au premier Juin prochain , paffélequel
tems ils ne feront plus admis.
On doit mettre dans peu , fous les yeux
du Parlement , quelques rèlemens relatifs
au commerce du charbon , & qui lui font
trè-néeffaires.
FRANCE. "
De VERSAILLES , le 11 Mars.
Le Roi a nomniéàl'Abbaye réulièe de
Clairmarais , Ordre de Cîeaux , Diocèe de
St-Omer , Dom Martin Bernard , Religieux
Profè de cette Abbaye ; àl'Abbaye de
Licques , Ordre de St-Benoî , Diocèe de
Boulogne , l'Abbéde la Fare , Vicaire- Gééal
de Dijon , & Doyen de la Sainte
Chapelle de la mêe ville ; àl'Abbaye de
Notre- Dame de Gundon , Ordre de Cîeaux
, Diocèe de Cahors , l'AbbéColas ,
Vicaire Gééal & Archidiacre d'Auch.
S. M. a éevéau grade de Lieutenant-
Gééal de fes Armés navales , le Chevalier
de Monteil & le Bailli de Suffren - St-
Tropez , Chef- d'Efcadre..
M. Guerrier de Bezance , ancien Maîre
( 120 )
des Requêes , nommépar le Roi àla place
de premier Préident de la Cour des Aides
de Clermont Ferrand , a eu l'honneur de
faire fes remerciemens àS. M. àlaquelle
il a éépréentépar M. le Garde des
Sceaux.
De PARIS , le 11 Mars.
Nos dernièes nouvelles de Cadix font
du 15 du mois dernier , àcette éoque on
n'attendoit plus que l'efcadréde la Cour
pour embarquer les troupes Françiſs , &
les ramener en France avec la Hotte. M.
le Comte d'Estaing ne devoit partir que
lorfque les vaiffeaux feroient prês àappareiller,
M. le Marquis de la Fayette & M. la
Prince de Naffau éoient revenus àCadix
avec la douleur de n'avoir pu voir Gibraltar.
Le Gééal Elliot s'éoit excuféde les
recevoir , parce qu'il n'avoit pas encore
ééinftruit par la Cour de la fignature des
préiminaires de la paix , & que les hoftilité
devoient, ceffer ; la certitude qu'il en
avoit par l'Espagne , n'éant pas feffifante
pour lui permette l'admettre des érangers
dans fa place malgréle defir qu'il avoit de
recevoir des Offi iers auffi diftingué que
M. de Naffau & M. de la Fayette .
Si jamais un éèement a méitéd'êre
retracéfur un monument durable , c'eſ
fans doure la guerre d'Améique , & la
reconnoiffance de fon indéendance qui en
3
( 121 )
a ééla fuite. M. Franklin fait frapper ici
une méaille relative àces grands éèemens
. Elle repréente Hercule au berceau
éouffant deux ferpens ; un lépard furpris
de fa force veut fe jetter fur lui , il en
eft repouffépar la France qui , fous la figure
de Minerve , lui oppofe fon éide , oùfont
trois fleurs de lys. Au bas font les annés
1777 , 1781 , éoques des capitulations des
Gééaux Burgoyne & Cornwallis.
L'emprunt de 3 millions que M. Grandclos
- Mééa ééautoriféde faire pour le
commerce de la Chine eft déa rempli ; &
les cinq bâimens qui doivent êre envoyé
fur les côes de ce vafte Empire , font déa
chargé de toutes les efpèes de marchandifes
dont le déit eft fü aux Indes , où ils prendront partie de celles qui font néeffaires
pour la Chine .
Une lettre de Rome contient les déails
fuivans fur le déa ftre arrivéàMeffine.
Le Courier fe fait attendre depuis deux jours.
L'Italie feptentrionale eft en partie inondé ; mais
c'est bien autre chofe dans la méidionale ; on peut
dire que toute la Calabre n'eft plus qu'un vafte defert.
De 365 Villes, Bourgs ou Villages qu'on y comptoit ,
àpeine en refte - t-il 25 : tout a ééenglouti par la
terre , horriblement & alternativement ouverte du .
rant plus de trois jours , & refermé par les plus
violentes fecouffes , ou brûé par le feu du ciel ou
les feux fouterrains qui éhappoient continuellement
par les ouvertures . Les élairs , le tonnerre ,
la pluie , la grêe, les vents , la mer foulevé , tout
Is Mars 1783.
f
( 122 )
toire fait mention.
--
a concouru àrendre cet éèement le plus éouvantable
& le plus funefte de tous ceux dont l'Hi
Ce pays
fi beau , fi produifant
, oùla plus grande partie des premièes maifons
du Royaume de Naples avoient leurs fiefs , n'eft
plus qu'une éendue immenfe de terres bouleversés ,
de laquelle les chemins mêes & les rivièes ont
difparu. Un Courier de la Cour de Naples ,
déêhédans cette Province àla premièe nouvelle
du déaftre , a fait trois lieues fans rencontrer une
ame. Cette horrible folitude nous préare des déails
dont l'idé ſule de la poffibilitéfait fréir :
car je ne vous éris que d'aprè ce qu'on a pu bols
mander dans les premiers momens de furprife &
de déolation. Le fort de la Sicile ne pourra
qu'ajouter , s'il eft poffible , àla confternation. On
fait déa qu'il ne refte de Meffine que deux Eglifes
de Religieux tout a ééabymé, Palais , mailons ,
magafins , habitans , & c. Les ifles de Lipari n'exiftent
peut-êre plus des Lipariens éhappé dans
des bateaux aux premièes fecouffes de tremblement,
on ignoreau moment que le fléu les a atteints,
s'il ne les a pas entièement déruites ou englouties
de
Le Roi de Naples a envoyédes troupes ,
l'argent , des vivres , des habits , & tous les fecours
dont on a pu s'aviler , aux reftes infortuné & trop
peu nombreux éhappé aux gouffres & aux flammes.
Vous croyez bien qu'il ne fe parle pas de thé âtre
ni de carnaval àNaples : on court en foule aux
Eglifes , criant miféicorde. Que de grands Seigneurs
dont tous les biens éoient en Calabre , nont plus
rien au monde. Il n'eft plus queftion de ceux qui
habitoient leurs Châeaux. Mais on n'a encore nommé que la Princefle de Gerafy , que nous avons vII
plufieurs fois àRome ; elle s'éoit retiré depuis
quelque tems dans une Ville qui lui apparteroit ,
& qui a difparu avec elle.
( 123 )
>
"
»Le 9 Férier , le tonnerre eft tombépendant
la Meffe , fur l'Eglife de la paroiffe de Lande , déendante
de l'Election de Verneuil , fitué quatre
lieues de Verneuil & àcinq de Mortagne. L'Eglife
fut auffi-tô remplie d'une fumé trè - éaiffe & d'une
odeur fulphureufe. L'effet de la foudre fut fi violent
que tous les affiftants , foit debout , foit affis
furent renversé fans qu'on fe foit apperç qu'aucun
d'eux eû ééparticuliéement frappédu tonnerre.
Le Curéauroit éééalement renversé, s'il
ne fe fû foutenu en s'attachant àl'Autel. La fumé
s'éant diffipé & les affiftans éant revenus de
leur effroi , plufieurs d'entr'eux s'apperçrent qu'ils
s'éoient faits dans leur chûe des contufions , dont
heureufement aucune n'éoit dangereufe. Cet éèement
fi rare dans cette faifon , n'avoit ééfunefta
qu'àun feul homme qui éoit reftémort fur laplace.
Comme on n'a trouvéſr ſn cadavre aucune impreffion
de la foudre , on a jugéqu'il avoit ééfuffoqué par la vapeur qui s'éoit réandue dans l'Eglife.
Cet orage qui n'a eu que ce feul accident , s'eft
fait fentir àAlençn , où, la nuit du 8 au 9 ,
entendu plufieurs coups de tonnerre .
on a
On lit dans une lettre de Rouen l'anecdote
fuivante qui méite d'êre rapporté.
En Janvier dernier , les Juges de la Chambre
du Commerce éant aſ .emblé pour affaires extraordinaires
, on vint les avertir que l'on venoit àl'inſant
traduire en haro àleur audience un pauvre
Menuisier de la Ville arrêépour dettes . Les Jeges
le firent auffitô comparoîre , & lui demandèent
fes moyens de déenſ ; je n'en ai point réonditil
: mais ma femme infirme eſ au lit depuis longtems
, je fuis chargéde quatre enfans , & la dé .olation
de ma maiſn m'a arrachépour ainfi dire les
bras du corps. On le fait retirer un inftant , &
f 2
( 124 )
ces Meffieurs s'éant tous cotifé & ayant fourni
la fomme due au Créncier, on le fit rentrer pour
lui dire que fa dette éoit payé. Le malheureux
pééréde reconnoiffance fe profterna àleurs pieds ,
les remercia de leurs bienfaits , d'une manièe qui
leur arracha àtous des larmes d'attendriffement ;
leur gééaliténe fe borna pas là: le Propriéaire
de la maifon du pauvre Menuifier avoit fait avili
des diligences. Il lui éoit dûune anné de loyer.
Nos Mellieurs firent une nouvelle quêe entre eux
payèent le Propriéaire , & il fe trouva fur le produit
de la quêe an excéent d'un louis ou de deux ,
que le Greffier de la Jurifdiction fut chargéde
porter àla maison du malheureux , oùil ramena
en mêe-tems la joie & l'attendriffement. Nous
nous ferons un plaifir de joindre àce fait les noms
de ces Juges bienfaifants , ce font MM. PRÉEL
l'aîé, TAILLET , GORLIER , BOURNISIEN «.
› M. de Fer , de l'Acadéie de Dijon , ancien
Capitaine d'Artillerie au fervice des
Colonies , nous a fait paffer la lettre fuivante
, comme pouvant fervir àfixer l'opinion
fur un Méoire qu'il a lu àl'Acadéie
Royale des Sciences & qui a fait
beaucoup de bruit .
د »M. J'ai lu un Méoire àl'Acadéie des Sciences
le 26 du mois dernier , fur le danger d'éablir les
pouffés horisontales dans les Menumens publics.
Pour éayer mon opinion , j'ai citéplufieurs Ponts
éroulé conftruits d'aprè ce fyftêe . J'ai fait
obferver qu'on pouvoit remarquer dans un Pont
prè de la Capitale , des mouvemens qui méitoient
la plus féieufe attention . J'ai indiquédes moyens
pour arrêer ces mouvemens perdant qu'il éoit poffible
de le faire. J'ai enfin propoféde fubftituer aux
pouffés horisontales , les pouflés verticales. Mon
!
( 125 )
Méoire a fait une grande fenfation , & comme
j'avois effectivement annoncédans un Méoire
imprimé, & diftribuédè les premiers jours de
Novembre , la chûe du Pont de la Mulatiere ( 1 )
arrivé le 15 Janvier , chûe occafionné par un
effet tout-à- fait contraire aux craintes qu'on avoit
cherchéàéever fur la conftruction de ce Pont ,
avant que la premièe afli e fû pofé ; quelques
perfonnes peu inftruites des faits contenus dans
mon Méoire , ont déigurémes idés , & combattent
mon opinion fans la connoîre . J'ai pensé devoir vous prier , M. , de faire inféer cette lettre
dans votre Journal , afin de fixer l'attention de
tous les Savans fur l'objet rél que j'ai traité l'objet de faire rejetrer , comme abfurde , le fyfi
têe des poutlés horifontales . -Je fuis déàconnu ,
M. , de l'Acadéie , par plufieurs Ouviages qui
ont méitéfon approbation. Je vous citerai entr'autre
, la Thérie Gééale des Canaux de Navigation
, Ouvrage qui contiendra trois volumes
in-4 °. Je fuis l'Auteur du projet de l'Yvette , c'està
dire , qu'en changeant la route indiqué par M.
de Parcieux , & les moyens de conduire les eaux
que ce Savant & M. Perronet aprè lui , avoient
propofé , j'ai pu déontrer la poffibilitéd'exéuter
ce projet àmoins d'un milion de déenſ , au liet
de huit millions que cette déenfe avoit ééefti
mé. Un grand Prince a agré é mon projet , & doir
faire exéuter àfes frais ce monument éernel
d'utilitépublique. J'ai trouvéles moyens de conduire
la Loire , & la rivièe d'Eure àVerfailles ,
& de fubftituer àla Seine un Canal de Naviga
,
(1 ) Le Pont de la Mutatiere eft fituéàLyon au confluent
du Rhôe & de la Saone . Ce Pont en pierres avoit cinq ar
ches. Il n'éoit pas entièement achevé.
f }
( 126 )
tion depuis Paris jufqu'àRouen , Canal qui pafferoit
par Verſilles , & feroit alimentépar les mêes
caux qui auroient déoréles jardins du Palais
& ceux de Trianon . Ce projet effrayant par fon
éendue , jugé en parcie phyfiquement impoffible
fous Colbert , fera prouvé poffible fans de grandes
déenfes. J'ai enfin réigéle projet de garantir des
inondations de la Saone , plus de cinq cents mille
arpens de prairies , dont les réoltes font toujours
incertaines , & fouvent emportés , en procurant
nénmoins àces prairies les avantages de les arrofer
àvolonté J'ai prouvéjufqu'àl'éidence que ce
projet procureroit au moins quinze millions , &
trè- probablement quarante-cinq millions de revenu
annuel avec une premièe déenfe de moins de fix
millions. Ce projet a fixél'attention du Gouvernement
, & la Breffe s'occupe des moyens de le
faire exéuter dans la partie qui la concerne. Je
dois vous ajouter , Meffieurs , que je n'ai jamais
propoféune idé au Gouvernement , fans l'avoir
foumife au jugement de l'Acadéie des Sciences ,
dans la perfuafion oùje fuis que cette Compagnie
pouvoit feule ia juger , & pour éiter des rélexions
déagrébles que la jaloufie , les petits intéês particuliers
, l'envie de nuire excitent journellement
dans le Public , en employant les armes du ridicule
, armes d'autant plus dangereufes , qu'ordinairement
la lenteur de l'Adminiftration fuite d'une
prudence réléhie , àadopter une idé utile , paroî
les acéer. J'ai l'honneur d'êre &c. Signé, DE FER,
de l'Acadéie de Dijon , ancien Capitaine d'Artillerie
au Service des Colonies , &c . &c . « Le public defiroit depuis long-tems la
collection des OEuvres du céère M. Pouteau
, dont il ne connoiffoit la doctrine &
l'heureuſ pratique , que par des Méoires
éars ou des Recueils incomplets. En raffen(
127 )
blant les obfervations nombreuſs & les préeptes
lumineux de ce Praticien habile , on
a fait un préent éalement utile àl'humanité & aux Gens de l'Art. La thérie de
M. Pouteau est toujours prééé du flambeau
de l'expéience ; la préifion & la
dextéitéde fes traitemens lui ont méitéles
plus brillans fuccè dans les maladies les plus
rebelles , & les méhodes hardies , mais
toujours heureufes , dont il eft créteur
expofés avec autant d'ordre que de netteté dans le Recueil qu'on vient de publier
, font auffi propres àcaliner les malades
, qu'àdiriger la main qui vient àleur
Lecours (1).
>
M. Bernard , Orfére Méhanicien , rue des
Noyers , la feconde porte cochèe aprè St- Yves ,
Nº. 34 , a inventéde nouvelles fondes & bougies de
gomme éaftique , qui ont la propriééde pouvoir
refter àdemeure dans la veffie pendant un mois , &
avec lesquelles les malades peuvent s'affeoir , marcher
, vaquer àleurs affaires & aller en voiture fans
la moindre incommodité. Ces fondes ont ééapprouvés
par difféens Corps de Méecine & de Chirurgie.
Le prix de chaque fonde de gomme éaftique
eft de 6 liv. ; de chaque bougie 4 liv. 10 fols ,
des bougies de boyaux ro fols , des ftilets de baleine
10 fols , & le prix eft le mêe pour la boîe qui les
contient . En lui érivant il faut affranchir les lettres.
Les divertiffemens du carnaval ont éé (1 ) Cette Collection , fous le titre d'Euvres pofthumes de
M. Pouteau , 3 vol . in-8°.; prix 18 liv. relié, le trouve à Paris chez Méuignon l'aîé, Libraire , rue des Cordeliers ,
chez qui l'on foufcrit pour les Manoeuvres Militaires de
Potfdam.
£4
( 2281
plus vifs & plus bruyants cette anné que
les prééentes ; depuis long- tems on n'avoit
vu dans les rues de Paris une auff
grande quantitéde mafques . On ne dit
point que la licence ordinaire dans les jours
gras ait produit d'autre malheur que la
mort d'un mafque , qui ayant jettéune
fouris dans le fein d'une dame enceinte , a
reç un coup d'éé du cavalier qui donnoit
le bras àcette dame.
On érit de Marfeille qu'il s'y eſ paſ .é dans ces tems un éèement plus malheureux
encore , & fur-tout plus atroce .
»Ces jours derniers il y avoit un bal dans une
guinguette hors la ville ; c'éoit une fociééde jeu
nes gens qui avoient invitéplufieurs Dames àdanfer.
L'une d'elles , aimable & jeune , fe retiroit
affez avant dans la nuit en chaife àporteurs . A
mi-chemin de la ville , un mafque s'approcha de
Ia chaife , & s'informa d'un porteur du nom de la
Dame qui éoit de dans ; mais le porteur n'ayant
pas réondu , le mafque s'éoigna. En arrivant à la porte de la maifon de la Dame , un malque
s'approcha encore de la chaife que les porteurs
venoient de mettre àterre , & au mêe inſant
il partit un coup ddee ppiiffttoolleett , dont le bruit
effraya affez les porteurs pour les renverfer ; en
fe relevant , ils virent s'éoigner l'affaffin , & l'un
d'eux ayant ouvert la portièe , trouva la Dame
noyé dans fon fang , & morte du coup qui lui
avoit ééportédans la nuque du cou . On cria
tout de fuire au fecours , & on remarqua que cinq
balles s'éoient attachés àla porte de la maifon
de la Dame affaffiné. On fait actuellement des
recherches fur cet éèement exérable , & qui
femble avoir ééprééité«
( 129 )
J. de Brancas , Marquis d'Oyle , Doyen
des Maréhaux de Camp , & des Chevaliers
de l'Ordre de St- Louis , eft mort au Palais du
Luxembourg , dans fa 96e. anné.
Jean- Jofeph de Sahuguet d'Amarzit , Baron
d'Espagnac & de Cazillac , Lieutenant-
Gééal des Armés du Roi , Grand'Croix
de l'Ordre Royal & Militaire de St - Louis ,
Lieutenant pour Sa Majeftédes ville & châeau
d'Iffoudun , Gouverneur de l'Hôel
royal des Invalides , Infpecteur Gééal
des Compagnies déachés dudit Hôel ,
mort le 2 de ce mois .
eft
Marie de Sales de Gudanes , éoufe de
Philippe Matthieu , Comte de Lons , Bri
gadier des Armés du Roi , Meftre-decamp
commandant du Réiment Royal- la-
Marine , eft morte àTouloufe le 6 du mois
dernier , dans la 49e. anné de fon âe.
Marie-Charlotte- Nicole de St - Maurice ,
veuve de Claude Louis , Comte de Scey
de Montbelliard , eft morte àBesançn le s
Déembre dernier âé de 84 ans . L'Epitaphe
fuivante dicté par le fentiment &
la véité, rappelle fes vertus & méite d'êre
tranfcrite .
― ¯
Dilectis manibus Maria- Carola- Nicolas de St-
Maurice- Montbarrey , Comiteffa de Scey-Montbelliard.
Hic jacet quam Plebs , quam magnates
collacrymant , cujus & tumulo , Oribus compreffis
pauper infelix affident : Obiit die Decembris anno
M. DCC. LXXXII. fed in fequanorum pectore
vivit.
( 130 )
ARRÊ du Confeil d'Éat du Roi , &c . du
23 Férier : Le Roi voulant prendre des mefures
certaines pour le paiement des dettes de la Marine ,
occafionnés par la guerre , il lui a éérepré .enté que l'heureux éèement de la paix , en réabliſ .ant
la libertédes mers , donneroit néeffairement lieu à une frcharge plus confidéable dans des éoques
trè -prochaines pour l'acquittement des Lettres de ,
change de l'Inde & de l'Améique , qu'elle n'auroit
éépendant le cours mêe de la guerre : qu'indéendamment
de cette premiere confidéation , on ne
pourroit fe difpenfer de pourvoir extraordinairement
aux frais de déarmement des Efcadres àmefure
de leur arrivé dans les ports de France
au licenciement des Matelots , ainfi qu'au paiement.
des lettres de change provenantes de l'Inde & des
Colonies , ci -devant enregistrés , & àune infinité d'autres déenses & engagemens concernant le mêe
fervice de la Marine , qu'il faudroit acquitter avant
la fin de la préente anné. Que dans cette difpofition,
il éoit indifpenfable de prendre àl'éard de
celles qui font enregistrés , & de celles qui feront
encore tirés de fdits pays , pour raifon du ſrvice
des annés de la guerre, des arrangemens qui , en
affurant le fort de ceux qui en font propriéaires ou
porteurs , puiffent mettie àporté de maintenir
pendant la paix , l'acquittement des autres déenfes
de l'Etat déàconftatés , avec la mêe exactitude
qui a ééobfervé pendant toute la guerre. 1°
Toutes les lettres de change de l'Inde & de l'Améique
, concernant le fervice de la Marine & des Colonies
, non déàenregistrés , ou celles qui pourront
êre encore tirés defdits pays pour l'acquit
tement des déenfes de la guerre , tant celles qui feront
fur le Tréoriergééal que fur le Munitionnaire
des vivres de la Marine, feront repré .entés au Tréo
rier gééal pour êre par lui enregistrés payables à une anné d'éhénce de plus que celle indiqué par
( 131 )
Jefdites lettres , & ce àcompter du jour de la préentation.
2° L'intention de S. M. n'éant pas que cette
anné de retard puiffe préudicier aux propriéaires
ou porteurs desdites lettres de change , i fera tenu
compte d'une anné d'intéê , fur le pied de cinq
pour cent ; & àcet effet , le Tréorier gééal en
fera mention dans l'enregistrement qui aura déerminé l'éoque fixe du paiement du capital . 4 °. Le Tréorier
gééal remettra le dernier jour de la femaine
au Miniftre des Finances , l'éat déaillé, & de lui
certifié, des lettres de change qui lui auront éépréentés
.
و Ï
Rèlement pour l'adminiftration des Finances
, fait par S. M. àVerfailles , le 26 Férier.
Le Roi voulant faire goûer àfes peuples les
avantages de la Paix , S. M. a confidééqu'elle
ne pourroit leur procurer des foulagement réls
& durables , que lorfqu'elle connoîroit le montant
des déenfes dont la duré de la guerre a
retardéle payement , & qu'elle auroit fixéinvariablement
, avec l'efprit d'éonomie qui l'anime ,'
l'éat des dééfes de tous les déartemens & de
tous les Ordonnateurs en tems de paix. S. M. a
pareillement confidééqu'il n'éoit pas moins intéeflant
de s'occuper des moyens de fupprimer
les impofitions qui font les plus àcharge , de
changer la nature & la forme de quelque- unes ,
de diminuer & fimplifier les frais de perception .
Et comme S. M. ne peut donner àfes peuples une
plus grande marque de fon amour , qu'en s'occupant
par elle-mêe de foins auffi importants ,
elle a
réolu , conforméent àl'exemple de Louis XV ,
d'appeler auprè d'elle , pendant le tems qui paroîra
convenable , un Comitécompofédu Chancelier
ou Garde des Sceaux de France , du Chef
du Confeil royal des Finances & du Miniftre
des Finances qui fera le rapport des affaires , &
réigera les réolutions de S. M. , dont il tiendra
>
£6
( 132 )
"
regiftre. S. M. fe propofe de tenir ce Comitéune
fois par femaine ou plus fouvent, s'il eft befoin ;
n'entendant , au furplus , sien changer àl'éabli
fement de fon Confeil royal des finances , qu'elle
fe réerve d'affembler , comme par le pallé. Les
affaires contentieufes continueront d'êre portés
au Comitécontentieux dont S. M. a confirmé l'éabliffement. Tous les Ordonnateurs , fans au
cune exception , remettront inceffamment àS. M.
l'éat des dettes arriéés de leur déartement ref
peéif, au Ler. Janvier dernier. Ils remettront pareillement
l'éat des déenfes ordinaires & extraoïinaires
qu'ils eftimeront indifpenfables en tems
de paix. Tous ces éats feront revus , véifié &
difcuté par le Ministre des finances & l'Ordonnateur
ou ceux qu'ils jugeront àpropos d'en
charger ; & ils feront arrêé au Comitédes Finances
en préence de l'Ordonnateur du déarte
ment dont il fera queftion de réler les déenfes ,
lequel y fera appelléchaque fois qu'il fera queftion:
d'objets relatifs àfon déartement . Délare , S..
M. , que fon intention eft que toutes les demandes
tendantes àobtenir les dons extraordinaires
ou le payement d'anciennes crénces , & gééale
ment toutes les demandes àfin d'emploi de nouvel'es
charges dans les éats , foient portés au
Comité, & difcutés en préence de S. M. , qui:
fe propofe d'y appeller le Sr. Moreau de Beau-
Confeiller d'Etat ordinaire & au Confeill
royal , quand il fera queftion de conceffions de
Bois ou Domaines . L'adjudication ou déivrance
des revenus du Roi , en Ferme ou en Réie , fera
faite au Comité Les Fermiers , Réiffeurs & Rece
veurs des deniers Royaux , remettront inceflam · ment au Miniftre des Finances l'éat de leurs recet
tes , Fermes ou Réies , & des frais de perception ,
avec leurs obfervations fur les moyens de dimimuer
lefdits frais & de fimplifier les impofitions.
mont ,
( i33 )
Le Miniftre des Finances en rendra compte at
Comité, & il propofera ce qui lui paroîra le plus
capable de parvenir àla libéation des dettes exi
gibles , au foulagement des Contribuables , & aux
changemens qui pourroient êre néeffaires dans
la nature & la forme actuelle des impofitions. S.
M. autorife le Miniftre de fes Finances àfe faire
aider dans fon travail , par des Membres de fon
Confeil , en les chargeant de difféentes affaires
dent le rapport fe fera au Comité S. M. l'autorife
parcillement àemployer deux Officiers de fa Chambre
des Comptes , pour les objets de comptabilité ; & deux de fa Cour des Aides , pour la
partie des impofitions. Et feront au furplus exéutés
toutes les difpofitions du Rèlement du 15 Sep
tembre 1661 , en ce qui n'y eft pas déogépar le
préent a
De BRUXELLES le 11 Mars.
>
ON lit dans des lettres de Portugal , qu'il
s'eft éevéun procè trè fingulier entre les
Capucins & le Curéde Ponbal , relativement
aux cendres de cet Ex- Miniftre céère
pourſivi jufques dans le tombeau . Les
Capucins , dans l'Eglife defquels elles font
déosés , refuſnt de les garder , & le Curé de leur accorder la féulture dans la fienne .
Ce procè , ajoute-t- on , fait beaucoup de
bruit , & on en attend la déifion avec impa
tience.
Ce n'eft pas fur le Baron de Deden , Seigneur
de Peckendam , ni fur fon coufin
le Baron de Deden , Seigneur de Gelder
& de Hartsmenben , que s'eft arrêéle
choix des Etats de Hollande pour l'envoi
( 134 )
d'un Miniftre en Améique ; on dit
fur M. Pierre Jean Van- Berkel .
que c'eft
»Les déibéations fur les néociations de paix ,
& en particulier fur la ceffion de Negapatnam & la
libertéde la navigation dans l'Inde , demandé par
les Anglois , occupent toujours les Etats de Hollande
. Les villes de Dort , Harlem , Leyde , Gouda ,
Amfterdam , Alkmaan & Ham, fe font expliqués
de la manièe la plus vive & la plus ferme , fur l'impoffibilité d'admettre ces propofitions ; le Corps
éueftre , Delft & Enckhuysen n'ont pas encore
jugéàpropos de s'expliquer. Ce qui fembleroit
fufpendre les déifions des Etats fur l'article de
Néapatnam , eft la nouvelle que cet éabliſ .ement
eft tombéau pouvoir d'Hyder- Aly , au milieu du
mois de Juin dernier. Si ce fait eft certain , on pourroit
ftipuler avec l'Angleterre , que dans ce cas , elle
renonceroit àfes préentions , afin que foit par le
créit de nos allié , foit par d'autres
puffions en recouvrer la poffeffion «,
moyens , nous
Les difféends au fujet de la Jurifdiction
Militaire fubfiftent toujours en Hollande ; il
paroî qu'ils ne font pas prè d'êre terminé.
»Les Bourgeois de cette ville , érit- on d'Utrecht ,
ont préentédernièement une requêe pour réablic
la Milice bourgeoife fur les principes des anciens
rèlemens , & lui rendre fon premier élat pour le
maintien de la libertécivile , qui n'eft jamais mieux
affuré que lorfque les Citoyens fe déendent euxmêes.
Cette requêe fut adopté avec tant d'ardeur
& de fuccè , que plus de 650 bourgeois l'ont figné .
Mais lorsque le Séat alloit s'occuper de cet objet ,
il parut une requêe contraire , qui taxa la premièe
de tééaire , fous préexte qu'elle tendroit à preferire àla Réence des plans nouveaux , & àempiéer
en conféuence far fes droits , Mais cette
1
( 135 )
dernièe requêe , oùles principes du Gouvernement
populaire font auffi altéé , ne paroî avoir
eu ni la fanction des bourgeois , puifqu'on n'y
trouve que 34 fignatures , ni mêe celle des Magiftrats
repréentans de la bourgeoifie . Ces derniers
ayant oui le rapport des Colonels & autres Chefs de
la Milice bourgeoife , ont approuvéla premièe
adreffe au point d'autorifer ces Chefs àpréarer
un rèlement de redreffement pour fervir de modèe
au plan propofé Ils ont en mêe -tems pris en confidéation
le rapport fait relativement aux déordres
qui s'éoient gliffé dans la collation des emplois
appartenans primitivement aux bourgeois «.
PRÉIS DES GAZETTES ANGL. du Mars.
Suivant les lettres de la Jamaïue , venue fur la
fréate l'Hydre , l'Amiral Hood éoit arrivéd'Améique
aux Ifles du Vent avec 13 vaiffeaux de
ligne , 2 de so canons , 9 fréates , &c. ; & il avoit
informél'Amiral Rowley du lieu oùil avoit éabli
fa croifièe , en cas qu'on eû befoin de fon fecours.
Le Gouvernement a donnéordre de licencier la
milice d'Effex ; elle le fera le 24 Mars. On compte
que les autres corps de milice le feront vers le mêe
tems .
On érit de Corke que la flotte pour les ifles de
l'Améique a mis àla voile de ce Port , fous le con
voi des fréates le Boreas & la Ramillies.
Les Matelots des vaiffeaux de guerre deftiné
pour les Illes de l'Améique refufent de s'embarquer
, fans donner d'autres raifons de leur déobéffance
que leur réugnance àquitter l'Angleterre .
Si l'on et dans la néeffitéd'employer la force
en cette occafion , il eft àcraindre qu'il n'en ré .ulte
des fuites fâheufes .
Les fouds , pendant l'adminiftrarion du Lord
North , ont bailléde 39 pour 100 , c'eſ-àdire de
93 à54. Pendant celle du Lord Shelburne , ils ont
( 136 )
haufféde 19 , c'eft-à dire de 54 à73. C'eft l'effet de
la guerre fous l'une de ces adminiſrations & de la
paix fous l'autre.
Le Difcours que le Lord Shelburne a prononcéen
donnant la déiflion , contient une réonſ àtout
ce qu'on lui a reprochéfur la paix qu'il vient de
faire . On ne doute pas qu'il ne foit bientô inféé dans nos papiers ; en attendant , voici l'idé qu'on en
donne. Ce Miniftre réond d'abord àtoutes les
objections qu'on lui a faites fur les conceffions qu'il
a accordés. Il s'efforce de déontrer que Tabago
eft une Ile de peu de conféuence ; la partie de
Terre Neuve céé , mauvaife pour la pêhe , & c. IL
expofe enfuite les motifs qui l'ont déerminéàfaire
la paix , outre ceux qui font connus & dont fes
adverfaires conviennent , tels que le prochain déart
du grand armement de Cadix , la difficultéde
faire de nouveaux emprunts par l'impoffibilité d'affeoir l'impô fur un objet quelconque , ( & il
y avoit un impô principal qui n'éoit fu que du Roi
& de fes Miniftres , & qui éoit véitablement lo
fecret de l'Etat ) ; il ajoute que les troupes de l'Inde
n'éoient point parés depuis 4 mois , qu'elles éoient
prêes àfe foulever & àpaffer du côédu premier
Nabab qui voudroit les foudoyer ; que les Agens du
Gouvernement & de la Compagnie dans l'Inde ,
avoient uféleurs dernièes refources , qu'ils n'avoient
plus de gages àoffrir aux Princes & auxriches
Néocians du pays qui leur avoient fourni
de l'argent , au point que ceux-ci envoient àLondres
2 Déuté avec 2000 liv. fterl. de traitement aux
frais de la Compagnie , pour que leur crénce foit
reconnue par les Directeurs ; que la flotte eft dans
Féat le plus délorable , & que le moindre éhec
pourroit êre fatal à1 Angleterre , au point de lui
faire perdre l'ude pour toujours . Je jure fur
mon honneur , s'eft érit alors le Miniftre , qu'àla
vue de toutes ces confidéations j'ai ééplus de
-
( 137 )
8 jours fans dormir , & je pourrois dire , fans prefque
pren ire aucune nourriture , tant j'attendois avec
impatience l'ultimatum que j'avois envoyéen Fran
ce, tant je craignois qu'il ne fut pas adopté, & que · le Confeil de Verſilles , inftruit comme nous , par
un Exprè , de notre fituation critique dans l'In le , ne
rompit toute néociation , ou du moins n'éablî
des préentions exorbitantes . Qui me reprochera
donc , àpréent que le fecret de l'Etat cft divulgué,
de m'êre trop prefféde faire la paix « ?
La nouvelle Adminiſration n'eft point encore
formé. Le Lord North a es dernièement un entretien
avec S. M. , qui l'engagea , dit- on , àne plus
faire caufe commane avec M. Fox ; le Lord délara
que dans l'éat actuel des chofes , aucun fyftêe
d'adminiſration ne pourroit fubfifter , fans l'appui
du parti de Rockingham.
Le Lord Chan.elier fe rendit hier àSt-James &
eut un entretien avec S. M. Il lui repré .enta que
comme il éoit abfolument impoffible en ce moment
de former une adminiſration àlaquelle il pû prendre
part , il la prioit de lui permettre de réigner les
Sceaux. S. M. accepta fa déiffion . Le Chancelier
gardera les fceaux jufqu'àce qu'on lui ait nomméun
fucceffeur.
Dans la fénce de la Chambre des Communes
du 28 Férier , le Chancelier de l'Echiquier M. Pitt ,
a informéla Chambre d'un fait trè- fingulier &
trè-intéeffant ; felon le Miniftre , pendant la guerre
dernièe , & ce qui eft encore plus érange , pendant
l'avant - dernièe , les difféentes fommes d'argent
donnés par la Nation , fans qu'il ait éérendu aucun
compte de leur emploi , ne montent pas àmoins
de so millions fterling ; en conféuence M. Pirt a
délaréqu'il fe propofoit de demander qu'il fû paffé un bill, pour obliger les perfonnes entre les mains
defquelles lefdites (ommes avoient ééremiſs , pour
êre appliqués au fervice du Gouvernement , a pro
duire les preuves de leur emploi.
( 138 )
L'Europa , de so canons , fur le chantier.de Woolwich
, eft i avancéqu'on penfe qu'il fera lancéle
mois prochain. L'Irréiftible , de 74 , a ééretiré de commiffion àChatam .
-
On demande dans toutes nos Feuilles pourquoi
le Secréaire des affaires érangèes exige de nos
Néocians 28 liv. 6 den. fterl. pour les 3 paffeports
dont ont befoin ces navires , avant le terme fixé pour la ceffation des hoftilité fur mer ; les Françis
, les Efpagnols & les Agens Améicains , donnent
ces paffe-ports gratis ; mais ici pour la fignature
de chacun d'eux , les Commis exigent l'éorme
fomme dont on vient de parler.
Les éigrations , dost ce pays eft menacé,
commencent déa leurs déaftations dans difféens
endroits de l'Irlande .
PRISES FAITES SUR LES ANGLOIS . Par les
Françis. Le Stag , de Briftol , pour Antigues ,"
envoyéàl'Orient ; le Betfy , de Charles- Town ;
pour Londres , envoyéàSt-Malo ; le Ward , envoyé àDunkerque ; les Trois- Soeurs , envoyéàla
Martinique ; le Lark , d'Oporto , pour l'Irlande ,
envoyéen France ; le New-Yorck , envoyéàDunkerque
; le Betfey , de Falmouth , pour la Barbade ,
envoyéàla Martinique. Par les Espagnols. -
Trois bâimens envoyé àVigo ; un venant des
Echelles da Levant , pour Londres , envoyéàAlgéiras.
Par les Hollandois. L'Athol , envoyé àFleffingue. Par les Améicains. - La Provi
dence , de Briftol , pour Waterford , cavoyéà Salem; le Kitty, de Lisbonne , envoyéen Áéique.
GUE
- -
S
PRISES FAITES PAR LES ANGLOIS. Sur les
Françis. Quatre bâimens de Breft , pour l'Orient
, envoyé àJerfey ; le Curieux , de St-Domingue
, pour Marſille , envoyéidem. Un bâiment
de la Martinique , pour la France , envoyéàTatola.
Sur les Espagnols. Un bâiment de Cadir ,
pour la Havane , envoyéàla Barbade.
( 139 )
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉÉ .
PARLEMENT DE PARIS . Chambre des Vacations.
Caufe entre la Demoiselle A ... éouse du
fieur G... & le fieur M .... Ne fera reç aucune
preuve par téoins contre & outre le contenu
aux actes. Art . 2 , tit . 20 , Ordon . de 1667.
L'amour eft inconfidéé& prodigue . Dans les tranf
ports de la paffion , & au milieu de cette illufion
pafsagèe dans laquelle elle nous plonge , on fonfcrit
quelquefois en faveur de l'objet aimédes obligations
que la rélexion condamne. Mais l'article
de l'Ordonnance qui déend de recevoir la preuve
par téoins contre & outre le contenu aux actes ,
eft une barrièe infurmontable , & le Juge fe trouve
fouvent obligéd'ordonner l'exéution d'actes , dont ,
comme homme , il fufpecte la fincéité; tel eft le
fonds de la Canfe. Entrons dans le déail des faits .
Par acte paffédevant Notaires , le 22 Octobre
1781 , le fieur M ... a conftitué, au profit de la
Demoiſlle A ... 600 l . de rentes viagèes , pour la
fomme de 6000 1. qu'il a reconnu avoir reç d'elle
le mêe jour , & dont il lui a donnéquittance par
le contrat. On pourra foupçnner aiséent en quelle
valeur le principal a ééfourni , lorfque l'on faura
que le fieur M ... eft un homme dans la force de
l'âe , aifédans la fortune ; que la Demoiſlle A ...
eft mineure , aus autre avantage que fa jeuneffe &
fes agréens. Le fieur M ... réléhiffant un peu
tard fur le contrat par lui fourni , voulut du moins
fe mettre en garde contre les dangers de l'inconf.
& il obtint de la Demoiselle A ... uun érit
par lequel elle s'obligeoit àne plus recevoir la
rente de 600 liv. du jour qu'elle ne voudroit plus
vivre avec lui. La Demoiselle A ... inftruite par
celui qui la recherchoit en mariage & qu'elle a depuis
éoulé, de l'inconféuence qu'elle avoit faite
en foufcrivant un billet qui jettoit du doute fur la
tance ,
( 140 )
valeur fournie du principal de la rente , & faifoit
déendre la duré de cette rente , de l'engagement
de demeurer toujours avec un homme marié, fir
tous les efforts pour retirer fon billet des mains du
feur M... Quel empire n'a pas une femine aimable
fur un homme qu'elle tient enchaîé! La Demoiſlle
A... ne fut pas long- tems àobtenir ce qu'elle déiroit
, ou du moins un autre érit conç en ces
termes , & qui eft l'éuivalent du premier.
Je fouffignéM ... promets & m'engage ne faire
»aucun ufage qui puiffe préudicier àDemoiſlle
»A... d'un érit fous feing privéqu'elle ma remis
»dans le courant d'Octobre dernier , par lequel elle
»confent de ne point exiger la rente viagèe de
600 liv. que je me fuis obligéde lui faire , par
»contrat paffédevant Notaires , le 22 Octobre dernier,
au principal de 6000 liv . , dans le cas on
elle cefferoit de vivre avec moi , ou me refuferoit
"
»fa porte ; reconnoiſ .ant que ladite A ... ne m'a
»fait ledit érit que par pure complaifance , & »qu'elle m'a réllement comptéladite fomme de
6000 liv. , capital du contrat , que j'approuve &
ratifie de nouveau en tant que de befoins pro-
»mettant au furplus lui remettre ledit érit qui fe
trouve maintenant éaré, auffi-tô que je pourrai
»le retrouver ; en foi de quoi je lui ai confenti le
préent acte pour la déivier de toute inquiéude , relativement àladite rente de 600 l. , dont je pro-
»mets lui payer le premier terme àfon éhénce «
La Demoiselle A... n'a pas eu plutô ce billet
qui affuroic fes droits , qu'elle a quittéle fieur M ...
pour le marier avec le fieur G... Le premier ne
voulut plus acquitter la rente ; mais le fieur G ...
àl'éhénce du premier terme , lui fit faire commandement
de payer , obrint Sentence , & fit faifir &
exéuter les meubles du fieur M ... Appel de la
faifie : Arrê proviloire qui ordonne la continuation
des pourfuites. La voie civile ne paroiffoit pas fayo(
141 )
rable au fieur M... il efpéa plus de fuccè de la
voie extraordinaire. En conféuence il rendit plainte
contre la Demoiselle A... en efcroquerie de la
rente viagèe , en fouftraction de la préendue contre
lettre qui annulloit le contrat , & en vol d'une montre
d'or ; demanda permiffion d'informer deſits faits ,
& de prouver qu'il n'avoit confenti la rente , dont il
n'avoir reç aucune valeur en capital , que fous la
condition que la Demoiſlle A ... demeureroit chez
lui en qualitéde gouvernante de fes enfans . La permiffion
d'informer fut accordé , & l'information
faite , elle fut fuivie d'un déret d'ajournement per.
fonnel qui , faute de comparution , fut converri en
déret de prife-de - corps , en vertu duquel ia Demoifelle
A ... fut conftitué prifonnièe ; cependant ,
aprè fon interrogatoire , elle fur relaxé. Alors elle
interjerta appel de toute la procéure & en demanda
la nullité. Arrê de la Chambre des Vacations , du
16 Octobre 1782 , qui met l'appellation & ce dont
eft appel au nént , éendant , éoquant le principal
& y faifant droit , délare nulle toute la procéure
extraordinaire faite contre la Demoiſlle A ... par
le fieur M... Sur le furplus des demandes , fins &
conclufions des Parties , les met hors de Cour ;
condamne le fieur M ... aux déens
*
PARLEMENT DE DAUPHINÉ. Est- il dûdes domma
ges-intéês àune Majeure qui , fucceffivement
a eu trois enfans du mêe homme. Peut- elle pré .
tendre àla reftitution des alimens qu'elle leur a
fournis. Doit - elle êre prééé pour leur éucation
future , quand le pere a contractédes enga
gemens léitimes ? Enfin , lorfque fes enfans feront
en âe d'apprendre un méier , le pere ferai
t-il tenu d'y pourvoir. Telles font les queſions
qui fe font préentés dans la Caufe de la Demoifelle
S.... contre le Sieur N.... Elles ont éédifcutés
avec foin par leurs Déenfeurs. ( Ce n'eſ
( 142 )
1
1
point ici difoit l'Avocat de la Demoiſlle S .... )
fimplement la Caufe d'une fille qui demande des
dommages intéês contre un féucteur qui l'a
trompé la Demoiselle S .... a fans doute plus de
droit que tout autre pour en obtenir de confidéables
; cependant elle l'avoue , s'il ne fe fû agi
que de fes intéês particuliers , elle en eû fait volontiers
le facrifice ; mais ceux de fes enfans ! Pouvoit-
elle les abandonner quand elle les voyoit prês
dé àmanquer de fubfiftance ? Ne devoit-elle pas
féer leurs plaintes àla Juftice ? Aprè avoir tout
facrifiépour eux , fortune & fanté; tandis qu'il
ne lui reste plus que la mêe tendreffe , ne feroitelle
pas coupable de néliger des droits qui doivent
lui en procurer ? Le fieur N .... l'a trompé
fous des promeffes de mariage . Il ne peut déavouer
la lettre qui les contient . La majoritéde la
Demoiselle S.... eft indifféente , dè que fon féucteur
eft plus âéquelle ; le nombre des enfans ne
peut auffi former obftacle àfa préention , dè que
le fieur N.... eft forcéde les reconnoîre tous : &
tout ce qu'on peut dire , c'eft qu'il y a de fa part
un excè de cruautéàpréenter comme un moyen ,
contre une infortuné , cet abîe de maux dans
lequel il eft parvenu àla plonger. Mais elle a
nourri fes enfans : la Loi prononce , & les Arrês
ont jugéque la mere eft fondé àrééer les alimens
qu'elle leur a fournis . Une mere tendre oublic
les peines paffés . L'avenir feul occupe la Demoifelle
S .... Quel fera le fort de fes enfans ? A qui
la Juftice va-t-elle les' livrer ? ' Leur intéê doit
uniquement déerminer le choix qui fe préente à faire , c'est le cri de la Nature , c'eft celui de la
Loi , qui préumant àla mere une plus grande affection
, lui accorde toujours le foin de les enfans , à moins querddes raifons particulièes ne l'excluent.
D'aprè ce principe , y a-t-il àbalancer entre la
Demoiselle S.... qui a nourri les fiens & le fieur N....
( 143 )
---
qui les a abandonné ; entre une mere qui les adore
& un pere qui ne leur a que trop prouvéqu'il ne
les aimoit pas ; entre une mere qui ne confultant
que fon affection , brave tous les obſacles pour
leur procurer des foulagemens , & un pere qui n'offre
de s'en charger en apparence , que pour
éiter de les fecourir réllement. Ce n'eft pas
affez de déigner la main qui doit veiller à leur enfance ; quand ils auront atteint l'âe de
raifon , leur pèe doit encore leur faire apprendre
un méier le fieur N ... avoit d'abord méonnu
cette obligation ; àl'Audience il a offert de la remplir.
Jufqu'àquand , difoit le Déenfeur du fieur N...
confondra-t-on la féuction avec le commerce illicite
? Aura- t- on toujours des vierges féuites àindemnifer
? des féucteurs àpunir ? Et dans un crime
qui fuppofe néeffairement deux complices , ne
trouvera- t- on jamais qu'un feul coupable ? La Demoiſlle
S ... ne doit point obtenir de dommages-
intéês , parce que la duré de fes erreurs
annonce qu'elle ne fut jamais féuite , mais fille
entretenue : la loi la repouffe en mêe tems que
l'opinion la flérit . Elle ofe demander la nourriture
qu'elle préend avoir fournie àfes enfans : cette rééition
eft profcrite par toutes les loix. La prééence
qu'elle follicite pour leur éucation doit lui
êre refufé ; leur propre intéê , le refpect qu'on'
doit aux moeurs publiques , tout s'oppose àce qu'une
fille foit entouré d'enfans conçs & né dans le
crime. Arrê du 16 Janvier 1783 qui condamne
le fieur N... àpayer àla Demoiſlle S ... 1800 l .
pour lui tenir lieu des dommages - intéês , frais de
couche & alimens. Ordonne que les enfans continueront
de refter entre les mains de la Demoiſlle
S ... que le feur N... lui payera une penfion de
80 l. pour chacun , jufqu'àce qu'ils foient en âe
d'apprendre un méier , auquel temps le fieur N...
( 144 )
fera tenu d'y pourvoir ; & condamne le fieur N ...
aux déens.
ود --
PARLEMENT DE DOUAY. Inftance entre les fieurs
& dame Lefoing appellans : & les fieurs & demoiselle
Leblanc intimé . Voici le déut du
Méoire que M. Merlin a publiédans cette affire
, pour les fieurs & dame Left ing. > Une Mai
»fon commune àplufieurs Propriéaires & jugé
»impartageable, par un rapport d'Experts , qui n'eft
»point critiqué; doit- elle êre vendue par licita-
»tion , lorsqu'une des Parties le demande , & qu'il
»eft avouén'y avoir pas d'autre moyen de fortir
»de l'indivifion ? Propofer une parcille queftion ,
»c'eſ en quelque forte mettre l'éidence en pro-
»blêe. Toutes les Loix déident , tous les Juso
rifconfultes enfeignent , toutes les perfonnes de
ל ë
bon fens favent que la licitation eft d'un ufage né
»ceffaire , dans les partages de chofe , indivisibles .
Cependant on a voulu préendre qu'il y avoir dans
une partie du reffort de la Cour , une pratique
»contraire ; & la Sentence dont eft appel , a en effet
»jugéque les ficurs & dame Lefoing , ne pour
roient pas contraindre leurs communiers àla licitation.
Cette Sentence a éérendue àLille ,
»c'eſ - à- dire , dans une Ville oùla routine de l'ufage
, toujours réelle àl'efprit d'une coutume
homologué , & toujours profcrite , par les
»Arrês de la Cour , a cependant toujours cherché àfe reproduire fous de nouvelles formes.
»Mais les feurs & dame Lefoing , ont fondéleur
efpéance fur le recours qu'ils ont aujourd'hui
»àun Tribunal fupéieur. Arrê du 9 Déembre
1782 , qui a infirméla Sentence , a ordonné que la Maifon fercit licité entre les Parties : &
a condamnéles fieurs & demoiſlle Leblanc aux
déens.
--
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E.
De CONSTANTINOPLE , le 25 Janvier.
A tranquillitéfe foutient dans cette
pas troublé , la réonſ qu'on attendoit de
la Cour de Péersbourg éant arrivé , le
Divan s'eft affembléplufieurs fois , & l'on
préend qu'il y eft queftion des conditions
d'un nouveau Traitéde commerce àfaire
avec cet Empire.
Tout paroî àpréent calme dans la Cri- .
mé. Le Gouvernement du moins femble
déidéàne pas fe inêer des affaires de cette
Péinfule ; & il a pris des mesures pour
qu'il n'en arrive plus des avis qui puiffent
donner lieu àde nouvelles clameurs de la
part d'une populace inquièe. Cependant
les travaux dans l'arfenal & dans les chantiers
fe continuent , on en a feulement rallenti
l'activité On a auffi envoyédans quelques
Provinces les ordres néeffaires pour que les
22 Mars 1783, &
( 146 )
troupes qui s'y trouvent fe tiennent prêes
àmarcher au premier befoin . Les diffentions
qui rènent en Afie font faites pour autorifer
ces mefures .
RUSSI E.
De PETERSBOURG , le 11 Férier.
LE 8 de ce mois le Séat Dirigeant a adreffé un Ukafe àl'Acadéie Impéiale des Sciences,
pour lui annoncer que l'Impéatrice avoit
confiéla Direction de cette Compagnie favante
àla Princeffe Dafchkow , fa Dame
d'Honneur, qui a eu une part diftingué àla réolution
qui àplacéCatherine II fur le Trôe.
En conféuence des ordres de S. M. I. l'Acadéie
a tenu hier une Affemblé , àlaquelle
tous les Membres Honoraires avoient éé invité. Madame de Dafchkow a prononcé en Françis un Difcours , auquel le Secré taire de l'Acadéie a réondu ; Madame la
Directrice nomma enfuite deux nouveaux
Acadéiciens , M. Blake , habile Chymifte
d'Edimbourg , & le céère Hiftorien Roberfton
; elle avoit eu l'occaſon de lier avec
eux une connoiffance perfonnelle dans fes
voyages en Angleterre & en Ecoffe.
DANEMARCK.
De COPENHAGUE , le 18 Férier.
LA Princeffe Sophie Frééique , éouſ
du Prince Hééitaire , eft accouché hier
1 .
( 147 )
d'une Princeffe , qui eft morte en venant au
monde .
On parle de l'éabliſ .ement prochain d'une
Commiffion , qui doit réler & déerminer
avec encore plus de préiſon , difféens
articles du rèlement publiéle 20 du mois
dernier contre le luxe.
Les préiminaires de paix entre la France ,
l'Espagne & l'Angleterre tournent l'attention
du Gouvernement du côédu commerce
; il y en a un intéeſ .ant àouvrir avec
l'Améique ; & déàl'on affure que nous
aurons bientô un Miniftre réidant de la
part de notre Cour àPhiladelphie ; le bruitpublic
eft que le Roi a fait choix pour ce
pofte important du Chambellan de Walterftorff.
Nos Néocians font de nouvelles
fpéulations ; & ils ont déàcommencéà charger 3 bâimens deftiné pour l'Améique
Septentrionale.
On dit que la Compagnie du Canal va
êre rénie àcelle de la Baltique & de la
Guiné ; fi cela s'effectue notre commerce
en doit retirer un avantage confidéable .
Un Planteur de l'Ifle de Ste-Croix , nemmé Brown , qui traitoit fes Nères avec une
barbarie inouie a éécondamnépar le
Suprêe Tribunal àtravailler comme Ef
clave pendant deux annés .
,
8 2
( 148 )
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 18 Férier.
LE Prince Potemkin , Aide de-Camp- Gé néal de l'Impéatrice de Ruffie , vient de terminer
la néociation de l'achat qu'il vouloit
faire des biens confidéables que le Prince
Sapieha , Grand - Chancelier de Lithuanie ,
pofféoit dans la partie de ce grand Duché,
qui en a éédéembré ; on dit qu'il les
paye un million de roubles . On croit que
plufieurs de nos Seigneurs qui ont auffi des
terres dans les Provinces , qui n'appartiennent
plus àla Pologne , fuivront l'exemple
du Prince Sapieha ; ils les vendront & emploieront
le prix qu'ils en retireront àl'améioration
des biens fonds qui leur reftent
dans les Provinces qui font restés àce
Royaume.
Le nombre des naiffances a éél'anné
dernièe dans cette Capitale de 3778 , &
celui des morts de 4958 ; ce qui fait 1180
morts de plus que de naiffances.
ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 2 Mars.
L'AMBASSADEUR de Maroc eft arrivéici
avec fa fuite le 20 du mois dernier ; le 24
il s'eft rendu chez le Prince de Kaunitz ,
Chancelier d'Etat , qui lui avoit envoyéfes
voitures & les Officiers de fa maifon. Le
( 149 )
27 il fit en cééonie une vifite au Prince
de Colloredo , Vice - Chancelier d'Etat , &
le lendemain , vers midi , il fe rendit au Palais
Impéial , oùil eut une audience folemnelle
de l'Empereur àqui il remit fes lettres
de crénce ; il fut enfuite conduit dans
un autre appartement oùl'on avoit préaré pour lui & fa fuite une table fplendidement
fervie.
Des lettres de Brodi portent que depuis
quelques femaines on eft trè - occupéa réarer
les fortifications ; & on apprend la
mêe chofe de Gradiffa. Les Turcs , ajoutent
ces lettres , font trè- attentifs àces travaux
& exercent continuellement leurs trou
pes ; cependant on ne s'attend plus àla
guerre , on allure mêe que dans quelques ,
mois on verra ici un Ambaffadeur de la
Porte Ottomane qui fera chargéde réler
avec notre Cour plufieurs points de la plus
grande importance .
On eft actuellement occupéàréiger le
plan d'aprè lequel les impofitions feront
affifes & perçes dans les provinces de la
Pologne Autrichienne . Les Juifs ont , diton
, propoféàla Cour de payer leur impofition
d'aprè un nouveau projet , ils s'engageront
en outre àacquitter une certaine
fomme d'avance , & on croit que la Cour
acceptera ces propofitions.
Cette efpèe d'hommes réandue dans la Hongrie
, fous le titre de Bohéiens , dont la déra
vation avoit depuis long-temps déerminéle Gou
83
( 150 )
vernement àne pas leur permettre de vivre rénis ,
éoit difperfé dans les villages ; quelques- uns habitoient
fous terre dans les campagnes , mais c'éoit
le plus petit nombre : ca gééal ils vivoient dans
un éat apparent de tranquillité& de refpect pour
l'ordre public , lorfque l'automne dernier l'un
d'eux ayant éétraduit en juftice , fes réonses à difféentes queftions du Juge qui l'interrogeoit ,
donnèent lieu àla déouverte des plus grandes
atrocité. D'aprè les recherches qu'on a faites , il
eft réultéque depuis douze ans , les Bohéiens
difperfé dans les Comitats Hongrois les plus voifins
de l'Autriche ſ nourriffoient de chair humaine
, fans que l'autoritépublique en ait eu la moindre
connoiffance. Les petits marchands érangers
ou habitans des Comitats plus éoigné qui parcouroient
les villages éarté des grandes routes
éoient les victimes de ces Barbares , qui les attiroient
dans les bois ou dans leurs réuits ; c'eſlà qu'ils les maffacroient au fon des inftrumens de
mufique , dont ils font grand ufage. Ils faloient
enfuite les membres de ces malheureux , les mangeoient
& en nourriffoient leurs femmes & leurs
enfans . On ignore le nombre des infortuné qui
ont péi de cette manièe , mais on fait qu'il eft
confidéable. Les recherches que la premièe déouverte
de cette monftruofitéàoccafionnés , fe
font tellement éendues , que bientô les prifons
ont eu peine àcontenir tous ces criminels qu'on
a d'abord voulu exterminer par tous les genres
de fupplices ; mais l'Empereur en ayant ééinftrait
, a arrêéla fuite de ces exéutions ordonnés
par les Comitats , & a prononcéque ce qui
reltoit de ces Bohéiens condamné , fû chaffé fur le territoire Turc . Cette déifion tient au fyftêe
de S. M. I. , d'abolir dans les Etats la peine
de mort. Les procè - verbaux qui ont ééenvoyé
par les Comitats àla Chancellerie de Hongrie ,
( 151 )
pour êre mis fous les yeux de l'Empereur , ne
laiffent pas douter de la véitéde ces horreurs fi
humiliantes pour lefpèe humaine , & qui doivent
faire fentir combien il pourroit devenir dangereux
d'abandonner les hommes aux feuls principes
qu'ils feroient capables de fe faire eux - mê .
mes , abftraction faire de tout fyftêe religieux
& de police ".
De HAMBOURG , le 3 Mars.
TOUTES les nouvelles de Conftantinople
confirment l'efpéance qu'on a conçe depuis
quelques tems de voir terminer par
un arrangement tous les difféends qui s'éoient
éevé entre la Porte & les Paillances
voifines. Le Grand- Seigneur s'eft expliqué fur ce fujet d'une manièe qui ne laiffe
aucun doute fur fes difpofitions. »Avant
de monter fur le trôe , j'ai véu dans une
prifon oùj'ai pafféles plus beaux jours de
ma vie. Je fouhaiterois aujourd'hui de finir
ma carrièe en repos ; & je prééerai toujours
toutes les conditions dictés par l'éuité & la convenance , àune guerre , qui
dans la pofition actuelle de cet Empire ' ,
pourroit avoir les fuites les plus fâheufes
".
Le Capitaine John- Goufill eft le premier
navigateur Améicain , qui aprè la ratification
des préiminaires de la paix , foit venu
ici avec une cargaifon de tabac de Philadelphie.
Il en avoit mis àla voile au mois
de Janvier.
€4
( 152 )
10
»Les Provinces qui compofent le royaume de
Pruffe , érit-on de Konigsberg , ne préentent plas
comme autrefois des déerts ; elles font aujourd'hui
bien peuplés & doivent en grande partie leur population
aux éigrations des fujets de l'Archevêhé de Salzbourg. On fait qu'en 1732 vingt mille Salzbourgeois
s'y font éablis & y ont apportéleur
induftrie. En 1755 og comptoit dans la Pruffe orientale
700,000 ames , & en 1779 , 345,729 dans la
Pruffe occidentale . Cette population s'eft accrue confidéablement
depuis ce tems , plufieurs centaines
de familles du pays de Wurtemberg s'y éant fixés.
Les habitans font actifs & induftrieux . Il y a dans
le pays toutes fortes de Manufactures ; celles de
la Piuffe occidentale ont fourni en 1779 pour
188,213 rixdalers de marchandifes qui font restés
dans le pays ; les marchandifes fabriqués qui en
ont ééexportés chez l'Erranger dans la mêe
anné , fe montoient à73,614 rixdalers . Dans
l'anné 1781 il a ééconftruit 19 bâimens àKonigsberg
& 3 àMeinel , depuis 80 jufqu'à300 laſs ,
ce qui a mis en circulation une fomme de $ 24,000
Borins. Le nombre des bâimens appartenans aux
fujets de la Ruffie , fe monte aujourd'hui àplus de
80, depuis 200 jufqu'à400 lafts «
-
Un Journal trè - accréitéen Allemagne
offre le tableau fuivant de l'éendue & de
la population des Etats hééitaires de la
Maifon d'Autriche ; il ne peut que piquer
la curiofitéde nos Lecteurs , qui pourront
en fuivant fur la carte les pays indiqué
, comparer leur population avec leur
éendue , fe former une idé de cette
Puiffance , & de l'importance de fes poffef-
Sons fi elles éoient toutes rapprochés.
( 153 )
mil. quar. perfonnes.
1. Royaume de Bohêe....
2. Royaume de Hongrie, &
le Bannat de Temeſar..
909 2,265,867
2,790 3,170,000
3. Principautéde Tranfylvanie.
1,056 1,250,000
4. La Croatie & la Dalmatie.....
477 367,000
5. ( 1 ) Les Royaumes de
Gallicie & de Lodomerie....
1,300 2,580,796
6. L'Esclavonie.
331 253,000
7. La Buckovine..
178
130,000
8. La Siléie Autrichienne ... 81 247,886
9. La Moravie... 396 1,137,227
10. La Baffe- Autriche ou
l'Archiduché. 637
1,682,395
11. La Stirie , la Carinthic ,
la Carniole , le Comté de Gorz , Gradiſa & le
Gouvernement de Trieftc....
12. La Haute- Autriche ou
le Comtéde Tyrol.....
13. L'Autriche antéieure
ou les Seigneuries que la
maifon d'Au riche pofsèe
dans le Cercle de
993 1,508,042
435 $89,963
Sorabe...
156 362,446
14. Le Comtéde Hohenembs
..... 3 3,667
15. Le Comtéde Falkenf
tein..
2 4,000
16. Les Pays - Bas Autri-
(1) Dans le nombre des habitans de Gallicie & de Lodomerie
on compte 72,000 Juifs . Chaque têe des Juifs paye une capitation
de 30 kreutzers ; & lorfqu'un Juifſ marie dans le pays
il acquitte àla Couronnne 12 ducats.
% S
( 154 )
chiens ....
mil.quarr. perfonnes.
469 2,000,000
17. Le Duchéde Milan .... 152 1,100,000
18. Le Duchéde Mantoue. 40 150,000
18,802,294
Total .... 10,406
ITALIE.
De NAPLES , le 16 Férier.
LA fréate Napolitaine la Ste- Dorothé
arrivé hier de Melfine , nous a apporté les nouvelles les plus accablantes du déaftre
que cette ville malheureuſ vient
d'érouver.
Le s de ce mois àune heure aprè midi , le
tremblement de terre le plus affreux qui fe foit jamais
fait fentir , & dont les fecoufles auffi violentes
que multipliés , duroient encore le 8 , lorfque la
Fréate eft partie , a prefqu'entierement déruit cette
ville céère , qui ne préente plas qu'un amas de
ruines fous lesquelles eft enfeveli un grand nombre
de fes habitans , qu'on fait monter jusqu'àpréent
àdouze mille. Le Palais royal , celui de l'Archéêue
, le Lazaret , partie de la Citadelle , les éifices
publics les plus remarquables , la plus grande
partie des Eglifes , Couvens & maiſns , ainfi que
toute la Palazzata ou cercle de Palais , fymmériquement
conftruits autour du port & qui formoit
le plus bel ornement de cette malheureufe ville ,
ont ééengloutis. Le feu qu'on n'a pu parvenir à éeindre les & le jour ſivant , a déoré& confumé ce que le tremblement de terre avoit éargné-
Meffine & les environs n'ont pas feuls effuyéces
horribles ravages ; il fe font éendus d'un rivage à l'autre du déroit. Les villes de Reggio , Palmi ' ,
Bagora, Séitana , Milet , Saint- George , Terranova ,
( 155 )
Cafalnueva , Oppido & plufieurs autres lieux de la
Calabre ultéieure , fur -tout Scilla , Catanzaro &
Monteleone , ont érouvéle mêe fort. On ne peut
encore déerminer exactement le nombredes milliers
d'individus qui ont ééenfevelis fous les ruines. Le
mouvement s'eft fait fentir jufqu'àNaples , mais fi
foiblement , qu'àpeine la huitièe partie des habitans
a pu s'en appercevoir.
Le Courier ordinaire
pour Reggio eft revenu avec les lettres , parce
qu'il a ééarrééàMonteleone par une ouverture
qui s'eft faite dans les terres , ce qui a fans doute
empêhéqu'on n'ait reç des déails par la voie
de terre , depuis onze jours , de cette catastrophe.-
Auffitô que cette nouvelle affreufe eft arrivé , on
s'eft occupéde tous les moyens de porter les plus
prompts fecours aux infortuné. Il a ééréolu d'envoyer
dans la Calabre D. Vincenzo Pignatelli , &
M. de Calvarafo àMeffine , dont il cit Gouverneur
, pour y diftribuer de l'argent , réarer autant
qu'il fera poffible les dommages foufferts , & préenir
les déertions & les déordres , fuites ordinaires
d'auffi finiftres éèemens. La Fréate eft resté armé
pour convoyer les Bâimens que l'on s'empreffe
de charger de comeftibles & autres effets de premièe
néeffité; mais le vent contraire eft un nouveau
fléu dans ce moment-ci pour les malheureux
qui attendent des fecours . On nomme déàparmi
les morts àMeffine M. Bretel , Conful d'Ho'-
lande , le plus riche Néociant de cette ville. A
Scilla , le Prince de ce nom , noyéen voulant fe
fauver fur une barque qui a ééérasé par une
roche , & àBagnara , la Princeffe de Gerace. Tout
eft dans la plus grande confternation . Les Siciliens
éablis dans cette ville attendent àchaque instant
l'arrivé des barques , qui doivent leur amener une
partie de leurs parens , & leur apprendre le fort funefte
des autres . Les fpectacles ont ééfufpendus &
l'on a ordonnédes prieres publiques pendant trois
jours.
› ( 156 )
On attend avec impatience des déails
ultéieurs , mais dans l'incertitude accablante
s'ils agraveront ou s'ils diminueront
le mal ; on fait des voeux pour que la
terreur gééale l'ait exagéé; un fi fuperbe
& vafte pays ne peut que caufer les plus
juftes regrets ; l'Europe entièe les partagera
, en lifant les defcriptions qu'en ont
donnés les voyageurs , fi en effet , il
n'existe plus que dans leurs livres ( 1 ).
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 8 Mars.
Nous n'avons dans ce moment aucune
nouvelle de l'Améique feptentrionale ; le
Gouvernement en attend des ifles par la
fréate que l'Amiral Hood doit expéier
aprè fon arrivé àla Jamaïue pour nous
en inftruire ; en attendant l'Amirautéa
envoyéàPortſouth des ordres pour faire
appareiller fur- le- champ la fréate la Syrene
qui doit fe rendre àla Jamaïue , & qui
(1) Nous ne pouvons nous empêher de rappeller ici ànos
Lecteurs les Lettres érites de Suiffe , d'Italie , de Sicile &
de Malte , 6 vol , in - 12 ; prix 15 liv. broché, qui fe trouvent
àParis chez Viffe , rue de la Harpe ; on ne lira pas , fans un
nouvel intéê , qui ne peut qu'ajouter aux regrets actuels , ce
qui eft dit de la malheureufe ville de Meffine dans le tome III.
Les Lecteurs ne rechercheront pas avec moins d'empreffement
le Voyage de Sicile & de Malte , par Brydone , la traduction
de cet Ouvrage , qui eft celui d'un voyageur philofophe , fe
trouve àParis chè Delalain le jeune , rue St - Jacques , elle eft
accompagné d'une carte du Royaume de Naples & de Sicile
2 vol . in- 12, prix reliés liv.
( 157 )
#
prendra fous fon convoi les bâimens ma
nitionnaires armé , le Lord Howe & le
Whitby ; on préume qu'une grande partie
des bâimens deftiné pour les ifles profi
teront de cette efcorte.
Les lettres de Ste - Lucie qu'on a reçes
font du 26 Janvier ; elles nous apprennent
que plufieurs vaiffeaux de la flotte de la
Jamaïue y ont abordéen trè-inauvais éat.
On compte que de cette flotte malheureuſ
qui éoit compofé de 16 voiles , il en eft
arrivé14 , 6 ont rebroufféchemin , & 3
ont coulébas ; de forte qu'il en manque
33 dont on n'a point de nouvelles & dont
on eft fort inquiet.
Nos nouvelles de l'Inde fe réuisent à une lettre de Chingleput , ville fur la côe
de Coromandel , en date du premier Juillet
dernier.
Toutes les provifions , dit- on dans cette lettre ,
fontici àun prix fi haut qu'on ne peut fe les procurer;
Hyder-Aly a ruinétout le pays oùil a paffé. On eft
obligéde faire venir les vivres du Bengale. Sir Eyre
Coote eft avec notre armé àWandiwas , d'oùil
marchera vers la partie méidionale. Un grand nombre
de bandits àcheval qui font entretenus par Hyder-
Ali parcourent le pays & rendent les chemins dangereux
aux voyageurs , ils viennent mêe fous les
murs de Madrafs pùils pillent on maffacrent tous
ceux qu'ils rencontrent. Le Gééal Monro ſ trouvant
un foir dans fa maifon prè de Madrafs , a
couru rifque d'êre enlevépendant la nuit & fait
prifonnier «
On a reç les déails faivans fur le naufrage
du navire de la Compagnie des Indes
( 158 )
le Darmouth , qui le 8 Juin dernier avoit
mis àla voile de Madrafs pour l'Europe.
»Ce Navire pouflépar les gros vents pendant
la nuit vers l'Ile Car- Nicabor , fut jettéfur les
rochers & briféen deux. Il avoit àbord un grand
nombre de paffagers , parmi lefquels fe trouvoient
deux Dames , dont une éoit accouché peu de jours
avant. Il eft impoffible d'exprimer les cris & les
lamentations des difféentes perfonnes qui fe trouvoient
fur les déris du Navire , la plupart furent
englouties dans les flots . Un matelot , dont les
deux bras éoient caffé , fe tint pendant longtems
avec les dents àune corde , mais enfin il fuccomba
& tomba dans la mer. D'autres voulant le fauver
àla nage , péirent prefque tous ; mais ceux qui
fe retirerent fur les déris ont ééfauvé . Le lendemain
, lorfque le jour élaira cette fcèe tragique
, on ne voyoit de rous côé que des déris , des
corps morts & des marchandifes. Vers les trois heures
de l'aprè-midi , le refte de l'éuipage arriva
àterre , la ples grande partie fe trouva nud & ſ
couvrit des toiles que les flots avoient jettés fur
la côe. Ceux qui n'éoient pas bleffé , parcoururent
l'Ifle & déouvrirent de l'autre côéle Navire
le Chapman , qui éoit àl'ancre ; mais les
bleffé ferent obligé de refter durant trois jours
fur la côe , n'ayant pour toute nourriture que des
Noix de Coco. On ne peut affez louer la politeffe
& l'humanitédu Capitaine Walker qui a fait
prendre àbord de fon Navire , le Chapman , les
paffagers , les malades & les bleffé , & leur a
procurétout le néeffaire. Le Darmouth éoit le
plus riche Navire qui eû pafféen Europe. On
éalue la perte à200 mille liv. fterl. Il avoit à bord une grande quantitéde diamans , beaucoup
de barres d'or & c «
On ne s'occupe plus aujourd'hui que
de la nouvelle réolution de l'Adminiftra(
159 )
tion ; on ignore encore comment elle fera
composé ; c'est un objet de brigues &
d'intrigues qui n'eft pas prè d'êre terminé
»Il feroit difficile , dit un de nos papiers , de
dérouiller la véitédans le cahos des nouvelles
contradictoires qui fe déitent ici fur le choix des
nouveaux Miniftres . Il paroî certain feulement que
le parti de la coalition , c'eft-à dire , celui du Lord
North & de M. Fox ne confervera pas long-tems
fon créit. Le Roi eft parvenu a fon but ; il s'eft
déarraftédu Lord Shelburne ; il a rendu le Lord
North encore plus odienx àla Nation . M. Fox a
perdu fa popularitéen s'uniffant au Lord North , &
le Roi , aprè avoir pliéfous le torrent , va triompher
& nommer lui-mêe fon Miniſèe ; mais il
rencontrera des d fficulté . Il a déa faitoffrir ſcceſ fivement la Tréorerie au Lord Cavendish , au Lord
Gower & au Chancelier Pitt. Les deux premiers ont
refuféce pofte fcabreux ; mais M. Pitt , plein d'ambition
, oubliant fon âe , aveuglépar les fuccè
dans la carrièe de l'éoquence , a balancé& balance
encore. Cependant c'éoit un bruit gééal ces jours
derniers àla Bourfe que le Lord Thurlow , chargé par le Roi de néocier avec les difféens partis ,
avoit déêhéun courier au Lord Temple , Vice-
Roi d'Irlande , pour mettre àfes pieds le timon
du Gouvernement. En attendant l'éèement de
toutes ces cabales , qui fixent entièement l'attention
des Anglois , les affaires font en fufpens ; les
finances font dans la pofition la plus critique , toutes
les caifles font vuides ; & fi les fubfides de l'armé
n'euffent point ééaccordé , on auroit éé obligéd'arrêer le paiement des troupes . M. Pitt
a donnéle fignal de déreffe , en faisant une motion
pour lever un million fterling par emprunt fur
des billets de Echiquier , & en mêe tems il a
( 168 )
lancécontre le Lord North un trait qui deviendra
peut-êre mortel . Il a déaréàla Chambre des Com
manes que , d'aprè les recherches les plus exactes ,
il avoit déouvert dans les comptes de l'Etat une
fomme de so millions fterlings , fur l'emploi de laquelle
il éoit impoffible de trouver la moindre
trace , & qu'en conféuence il faifoit une motion
pour qu'on mit fous les yeux du Parlement les noms
des comptables fur lefquels portoit cette accufation
".
On eft fort curieux de favoir comment
toutes ces difputes finiront , & quel
fera l'arrangement qui fera pris ; en attendant
on dit que le premier fruit de ce
changement d'Adminiſration coûera au
Gouvernement 12,000 liv. fterl. de rentes ,
parce qu'il faut des penfions àchaque Membre
qui fe retire.
En attendant que les difficulté qui retardent
la formation du Ministèe foient
levés , nous fuivrons ici les principaux objets
qui ont occupéle Parlement.
»Le 28 Férier , la Chambre s'éant formé en
comitéde fubfides , le Chevalier George Yonge ,
Secréaire de la guerre , profuific diverles eſimations
àla Chambre , & fit une motion tendante à ce qu'il fû octroyéune fomme de 1,356.919 1.
10 f. 2 d. pour payer les extraordinaires de l'armé.
M. David Hartley dit qu'il ne s'oppofoir
point àl'octroi de la fomme demandé ; mais qu'il
déiroit qu'on formâ un comitéchargéd'examiner
l'emploi particulier des fommes deſinés au parement
des extraordinaires de l'armé . Lorfqu'on
propofa la queſion , la fomme fut voté unanimement
.N
Le 3 de ce mois , le Secréaire de la guerre pro(
161 )
pofa que la Chambre s'affemblâ en comitéphut
prendre en confidéation les réolutions fuivantes,
1º D'accorder àS. M. une fomme qui n'excéâ
point celle de 456,904 l . 19 f. 9 d. pour fubvenir
aux déenfes de fes garnifons. 2 °. De 310,623 l.
15 f. 6 d. pour le paiement des troupes dans les
plantations érangèes. 3 ° De 64,714 1. pour le
paiement des troupes érangèes . 4°. De 15,961 l.
171f. f. 2 d. pour le paiement des Officiers de l'Etat-
Major. 5. De 15 074 l. 10 ር pour l'entretien de
fes troupes dans l'Inde. 6 °. De 165,418 l . 10 f. ,
pour le paiement de la milice & de quatre réimens
de Fencibles en Ecoffe. 7 °. De 41,140 l. 16 f. 2 d .
pour le paiement du réiment Irlandois qui a éé envoyéen Améique. 8 °. De 25,126 l. 3. l. 9 d.
pour le paiement des cinq corps Provinciaux qui ont
éélevé en Améique. 9. De 96,719 l . 7 f. II d.
pour l'hopital de Chelfé. 10° De 28,017 l. 11. L
1 d. pour le paiement des troupes de S. M. qui font
en garaifon àGibraltar . 11º De 367,203 1. 9
L.
10 d. Four le paiement des troupes Helloiles au fer
vice de S. M. pendant une anné , commençnt au
25 Déembre 1782 & finiffant au 25 du mêe mois
1783. 120. De 65,152 1. 12 f. 8 d. pour le paiement
des troupes de Hanau pendant une anné , commen.
çnt depuis le 25 Déembre 1782 juſuau 25 Déembre
1783. 139. De 36,747 1. pour le paiement
des troupes de Brunſick fervant en Améique ,
ainfi que deffus. 14°. De 1749 l . 11 f. 3 d. pour le
paiement des troupes de Waldeck fervant en Amé
rique , commençnt & finiflant ainfi que deffus .
15 °. De 54,504 1. pour le paiement des troupes de
Brandebourg , fervant ainfi que ci- deffus , jufqu'au
25 Déembre prochain. 16° De 23,318 1. 14 f. 1 d.
pour le paiement des troupes de Hanau fervant en
Améique , pendant le péiode ci deffus mentionné
M. D. Hartley forma des objections contre
le fubfide deſinéàpayer une anné entièe aux
( 162 )
+
troupes érangèes . C'eft indiquer clairement , dit-il ,
le deffein de renouveller la guerre Améicaine , autrement
l'ectroi teroit limitéàquatre mois ou à fix au plus . Ce tems feroit plus que fuffifant pour
ramener de l'Améique les troupes qu'on a tirés
des divers pays de l'Allemagne . Ces octrois ne ferviront
qu'àexciter les inquiéudes , les craintes , &
àfaire fufpecter la droiture de nos intentions , furtout
àl'éard de l'Améique , oùl'on n'eft déa
que trop fondéàdouter de notre bonne foi , àcauſ
de la duplicité& de la foiblefle de notre Miniſèe ,
qui tantô a autorifénos néociateurs àoffrir l'indéendance
, & tantô leur a enjoint de ne point
admettre l'indéendance comme un article préiminaire
du traité Les inftructions de M. Ofwald pourroient
fournit des preuves fuffifantes de la véité de ces affertions ; mais les Miniftres ont eu foin
de déober ànotre connoiffance les ordres donné
àce Néociateur & la correfpondance qu'ils ont
eue avec lui , parce que des élairciffemens fur ces
points & fur plufieurs autres expoferoient probablement
la conduite qu'ils ont tenue dans toute
cette affaire , àune interpréation peu favorable.
M. Hartley ayant déiréque la Chambre allâ aux
voix pour favoir fi le fubfide relatif aux troupes
érangèes feroit examinéde nouveau par le Comité,
il y eut pour l'affirmative 185 , pour la néative 10,
majorité175. La Chambre s'éant formé
en Comité, le Secréaire de la guerre expoſ au
Comitéla deftination des diverfes fommes qu'il
éoit néeffaire d'octroyer. Elles font beaucoup
moindres , dit- il , que l'anné dernièe , & on feroit
parvenu àles réuire encore davantage , fi l'on
n'avoit pas éédans la néeffitéde payer quatre
réimens d'Irlande qui ont ééenvoyé en Améique.
Ces octrois ont ééaugmenté auffi , parce qu'il eft
indifpenfable d'affigner quelque traitement aux cinq
réimens provinciaux des Améicains , qui , dans
I
( 163 )
toutes les occafions ont montrébeaucoup de zèe
& de bravoure. Il est bien jufte que de tels hommes
foient porté fur l'éabliſ .ement . Je ne conçis
pas , dit le Chevalier Philip Jenning Clerke ,
pourquoi l'on uſroit d'une telle largeffe àl'éard
de ces corps , fi l'on n'eft point difpoféàréompenfer
auffi libéalement les corps levé en Angleterre.
Quel traitement a-t- on affignéau corps du Duc de
Rutland ? Dira- t- on que ces troupes méitent moins
d'êre portés fur l'éabliffement - M. Townshend
fic l'éoge des réimens provinciaux , & dit qu'on
ne pouvoit trop les réompenfer . Il cita entr'autres
les réimens de Carleton , de Farming & de
Simcoe . M. David Hartley s'oppofa de
nouveau dans le Comitéàla réolution relative
aux troupes érangèes . Enfin les diverfes réolutions
furent approuvés par le Comité, & l'on arrêa qu'il
en feroit fait rapport le lendemain.
lier de l'Echiquier fit une motion tendante àce que
la Chambre fe formera en comité, relativement à l'importation du fuere des Ines qui nous ont éé céés par le traité Il préenta enfuite un bill ayant
pour objet d'éablir des liaifoas mercantiles avec
l'Améique . Les articles de ce bill font les fuivans.
Le Chance-
D'autant que les treize provinces de l'Améique
Septentrionale , favoir , New- Hamshire , Malachufets-
Bay , Rhode- Iſand & les plantations de la Providence
, Connecticut , New- York , New -Jerfey ,
Pensilvanie , Delaware , Maryland , Virginie , Caroline
Septentrionale , Caroline Méidionale & Gér
gie , ont éédernièement reconnus folemnellement
par S. M. , & font actuellement des Etats libres ,
Souverains & indéendants , fous le nom & titre
d'Etats- Unis de l'Améique ; il eft ordonnéque toutes
les loix faites prééemment , pour réler le Com
merce & lerraficentre la Grande -Bretagne & les plan.
tations Angloifes de l'Améique , ou pour déendre
toute liaiſn entre les mêes, feront en tant qu'elles
( 164 )
rèlent ou déendent les liaiſns & le Commerce
entre la Grande- Bretagne & les Territoires qui conpofent
aujourd'hui lefdits Etats - Unis de l'Améique
entierement & abfolument abolies . On fait que lefdites
13 Provinces éoient annexés àla Grande - Bretagne
& formoient une partie de fes Domaines , les
habitans defdites Provinces jouiffoient des mêes
droits , franchiſs , privilées & bééices que les
fujets Anglois né dans la Grande Bretagne, taat par
rapport au Commerce , au trafic avec la Grande-
Bretagne que pour d'autres cas. Mais on fait auffi que
par les difféentes loix actuellement exiftantes pour
le rèlement du Commerce & du trafic de la Grande-
Bretagne avec les Etats Etrangers , les fujets des
Etats- Unis font en leur qualitéd'érangets , foumis
àdifféentes reftrictions , & pareillement àplufieurs
droits & accifes dans les ports de la Grande- Bretagne
; ainfi , comme il eft abfolument avantageus
que les liaifons entre la Grande-Bretagne & ledits
Etats-Unis foient éablies fur les principes les plus
éendus d'un avantage réiproque ; mais que vu
Féoignement de la Grande-Bretagne & de l'Améique
, il doit s'éouler beaucoup de tems avaut qu'on
ait conclu aucun traitéou convention pour éablir
& réler le Commerce & le trafic entre la Grande-
Bretagne & lefdits Etats - Unis , fur un pied ſable
-Ileft ordonné, dans la vue d'éablir un rèlement
momestanéde commerce & de liaiſns entre la
Grande-Bretagne & les Etats - Unis d'Améique , &
pour prouver combien la Grande-Bretagne eft difpofé
amicalement en faveur des Etats - Unis de l'Améique
, & attend d'eux les mêes difpofitions , il eft
ordonnéque depuis & aprè le ..... les Navires &
Vaifleaux des fujets & Habitans defdits Etats - Unis
d'Améique , ainfi que les marchandiſs & denrés
qu'ils auront àbord , feront reçs dans tous les ports
de la Grande-Bretagne de la mêe maniere que les
navires & vaiffeaux des fujets d'un autre Etat indé
>
( 165 )
--
pendant & Souverain ; mais les marchandifes & les
denrés àbord defdits navires & vaiſ .eaux des ſjets
ou habitans defdits Etats - Unis , éant du crû, du produit
ou des Manufactures deſits Etats , ne feront fujettes
feulement qu'aux mêes droits & charges , que
fupporteroient les mêes marchandifes fi elles appar
tenoient àdes fujets de la Grande- Bretagne , & fi elles
éoient importés fur des vaiffeaux conftruits dans
la Grande-Bretagne , & monté par des fujets Anglois
, né dans la Grande - Bretagne . Il eft de plus
Grdonnéue pendant le tems fufdit , les navires & vailfeaux
appartenans aux Sujets ou Habitans defdits
Etats- Unis , feront reçs dans les ports des Ifles ,
Colonies ou Plantations de S. M. en Améique, ayant
àleur bord toute eſèe de marchandiſ ou denré
du crû, du produit ou des manufactures des territoires
defdits Etats-Unis , avec la libertéd'exporter
defdites Illes , Colonies ou Plantations en Améique
, pour lefdits territoires des Etats-Unis , toute
efpèe de marchandiſ ou de denré ; & les marchandifes
ou denrés qui feront ainfi importés ou
exportés desdites Ifles Britanniques ne feront foumiles
& fajettes qu'aux droits ou charges auxquels
elles feroient fujettes , fi elles appartenoient
Sujets de la G. B. , & importés ou exportés fur des
navires ou vaiffeaux conftruits dans la G. B. & monté
par des matelots Anglois . Il a de plus ééordonné que pendant tout le tems fus- mentionné, il
y aura fur les marchandifes & fur les denrés exportés
de la G. B. dans les territoires desdits Etats-
Unis de l'Améique les mêes retenues , exemptions
& remifes , que fur les exportations deftinés pour
les Ifles , Plantations ou Colonies actuellement ref
tantes & appartenantes àla Couronne de la G..B . en
Améique. Enfin , il eft de plus ordonnéque tous
les navires ou vaiffeaux appartenan's àtout Sujet ou
Habitant defdits Etats de l'Améique , lefquels feront
entré dans aucun port de la G. B. , depuis le
---
des
de mêe que les denrés & marchandiſs àbord
( 166 )
defdits vaiffeaux , jouiront de tous les avantages
accordé par cet acte .
Le 4 Mars les difféens articles compofant le
rapport du comitédes fubfides , ayant éélus , le
Chevalier Philip Jenning Clerke fe leva pour s'oppofer
àceux relatifs aux Corps Provinciaux en Amé rique. Selon lui , on ne devoit point leur accorder
la demi-paie , en leur confervant en mêe-tems leur
rang dans l'armé , & il demanda que cet arrêé fû renvoyéde nouveau àl'examen du Comité
Le Gééal Smith & le Colonel Onflow furent du
mêe avis , en ajoutant qu'une telle difpofition éoit
une injure fanglante pour l'armé , en ce que c'éoit
donner en quelque forte la prééence aux Loyaliſes
fur les troupes Britanniques , dont les Officiers
avoient fervi plus long tems , & méitoient davantage
la réompenfe du zèe & de la valeur . Enfin
ils voulurent favoir àquelles conditions ces Corps
avoient éélevé , & s'ils avoient réllement des
droits àune telle diftinction. Le Secréaire de
la Guerre prit alors la parole , & dit , ces corps n'ont
point éélevé avec la promeffe formelle d'avoir la
demi-paie ou un rang dans l'armé. Mais on ne
doit pas oublier tous les maux que les Loyaliftes
ont foufferts , le fang qu'ils ont verfé, tous les
dangers enfin auxquels ils le font exposé pour déendre
nos intéês . Quoiqu'il foit trè -vrai qu'aucune
ftipulation ne leur donne de droits ni àla demipaie
ni a conferver leur rang dans l'armé , il n'y
a nénmoins dans leur engagement aucun article .
qui les exclue de ces graces , & il me semble qu'elles
ne peuvent que faire honneur ànotre reconnoiffance
& mêe ànotre probité, car , felon moi , on doit
pourvoir au fort de ces infortuné autant que les
circonftances le permettent. M. Hulay ayant
-
demandéles corps nouvellement levé éoient
dans le mêe cas relativement àla demi- paie & au
rang , & fi leur engagement leur donnoit des droits
( 167 )
3
àl'une on l'autre de ces réompenfes ? le Secréaire
de la Guerre réliqua qu'ils n'y avoient aucun droit ,
mais qu'il efpéoit que ce ne feroit point une raifon
pour empêher la Chambre de téoigner la bienveillance
àdes hommes qui avoient certainement
des droits àtoutes les marques de commiféation
& de fenfibilitéqu'il éoit en fon pouvoir de leur
donner. Aprè quelques autres obfervations pour
& contre , il fut fait une motion tendante àce
que ledit arrêéfut renvoyéde nouveau àl'examen
du Comité, mais la Chambre ayant ééaux voix
fur cette propofition , elle fut rejetté àla pluralité de 76 voix contre 37.
-
»Les , la Chambre s'éant formé en Comité pour prendre en confidéation le bill relatif àl'Irlande
. M. Eden fe leva, & dit qu'il regrettoit que
cette affaire fû difcuté dans un moment oùil
n'y avoit point de Ministre ottenfible . Je donne ,
ajouta-t- il , mon appui au bill , parce qu'il éonce
que l'Irlande jouira des droits qu'elle éoit fondé à rélamer . Je fouhaiterois , dit le Lord Newhaven ,
qu'on éartâ tous les doutes qui pourroient naîre
par la fuite , & que pour cet effet il fû infééane
claufe aux fins de réoquer celle de l'acte paſ .édans
la huitièe anné du rène de Henri VIII , laquelle
autorise l'Angleterre àexercer une jurifdiction criminelle
fur les perfonnes qui fe rendent coupables
de haute-trahien dans le royaume d'Irlande . Le
Lord Nugent , dit qu'il regardoit la clauſ comme
fuperflue , parce que le bill aboliffoit tonte préention
àune autoritéléiſative -& judiciaire fur l'Irlande
, & elle fut rééé. Le Lord Beauchamp
ayant propoféqu'on fubftituâ les mots pour toujours
, a la place de ceux - ci , a l'avenir , la propofition
fut admife & il fut fait rapport du bill àla Chambre
. Le Chevalier Henry Fletcher préenta une
péition de la Compagnie des Indes , ayant pour
objet qu'il lui foit permis d'ouvrir un emprunt
-
--
( 168 )
de 1,500,000 1. Il fit une motion , tendante àce que
la péition fû prife en confidéation par un Comité particulier qui en feroit rapport àla Chambre ;
fa motion paffa ainfi que celle du Gééal Smith ,
qui propofa que la péition fû imprimé «.
― Le 6 , M. Powis fit la motion fuivante : D'autant
que S. M. , dans l'intention de foulager fon peuple
, a bien voulu fupprimer les divers offices mentionné
dans fon meffage àcette Chambre pendant
les dernièes feffions du Parlement , & que S. M.
a donnéfon confentement royal àun acte tendant à l'exéution de ce projet , comme auffi àfaire des
rèlemens fur l'octroi des penfions & àempêher
les abus qui en réultent ; cette Chambre fe flatte
que le mêe efprit d'éonomie fera adoptépar
rapport àtoute penfion que l'on pourroit fuggéer
au Roi d'accorder avant le 5 du mois d'Avril prochain
, attendu que ledit acte ne doit avoir lieu qu'à cette éoque. Alors le Chancelier de l'Echiquier
fe leva & parla ainfi . Je ne déapprouve point la
motion , mais je voudrois favoir fur quel principe
les Miniftres du Roi doivent agir relativement à cet objet , & connoîre l'opinion de la Chambre
àcet éard , afin qu'elle puiffe àl'avenir fervir
de bafe àleur conduite . Je defirerois favoir encore fi
la Chambre eft méontente de leurs procéé par
rapport aux penfions . Pour la mettre en éat de les
mieux juger , je vais lui rendre compte des penfions
qui ont ééaccordés depuis que je fuis entréen
place & de celles qu'en fe propofe de donner. J'obferverai
cependant que , felon moi , le Roi & fes
Miniftres ne font point ftrictement lié par le bill
en queſion , parce qu'il ne doit avoir de vigueur
qu'au 5 Avril prochain. Je reviens àl'éuméation
des penfions. Il en a ééaccordéune au Lord Chancelier
, laquelle fera fupprimé lorsqu'il prendra
dans l'Echiquier la place dont il a l'expectative.
Il en a éédonnéune au Lord Grantham , qui àſn
retour
( 169 )
retour de Madrid n'a point voula recevoir les appointemens
d'Amballadeur que S. M. vouloit lui
continuer. Le Chevalier Jofeph Yorck a obtenu une
Fenfion de 2000 liv. pour trente annés de fervice.
On en a promis une de 700 liv . àun commis de la
Tréorerie qui fe diftingue depuis long- tems dans
fa place par fon zèe & par fon intérité Il en a
éépromis une autre de 300 liv. àM. Morgan
Secréaire du Chevalier Guy Carleton , & une de 2
à300 liv. àun éuyer du Roi retirédu fervice de
S. M. àcauſ de fon grand âe. Si la Chambre veut
bien confidéer que ces penfions ont ééaccordés à toutes perfonnes qui ont fervi le Roi ou l'Etat avec
d.ſinction , & qui pour la plupart font avancés en
âe ou infirmes ; je ne doute point qu'elle n'approuve
la conduite des Miniftres en cette occafion.
>
M. Fox prit enfuite la parole & dit : »J'approuve
haurement la motion , & je pense qu'elle fait honnur
àM. Powis . Qacique mes opinious politiques
foient trè - difféentes de celles du Lord Chanceler
, cela ne m'empêhe point de rendre juftice
àfes talens & àfa capacité Mais pourquoi lui
avoir accordécette Penfion ? Eft-ce pour le réompenfer
d'avoir contribuéaux meſres qui ont caufé le malheur de ce Pays ; car en eftimant le Lord
Thurlow comme particulier je le trouve trèapiéumable
comme homme public. J'en dirai autant
du Lord Grantham . Il peut fe faire qu'il méite
en effet tous les éoges qu'on fait de lai ;
mais je fai qu'il méite une Penfion . Apparemment
que felon le dogme politique de M. Pitt , perfonne
ne peut entrer dans les Comité de S. M. , fans
s'êre d'avance affuréd'une Penfion , lors de fa retraite
; c'est par une fuite du mêe fyftêe , que
l'on a donnéàM. Dundaff une place fans fonctions
mais trè- lucrative , en Ecoffe , pour l'engager
à accepter la place de Tréorier de la Marine .
Il falloit en véitéque l'Adminiſration fû biem
22 Mars 1783. h
( 170 )
foible , pour êre obligé de recruter àfi haut prix ,
le Membres dont elle croyoit avoir befoin. La
motion actuelle dont M. Burke a donnéle premier
l'idé , eft de la dernièe importance dans ce
moment de crife. Les repréentans de la Nation
ne peuvent veiller avec trop de fermeté, de vigilance
& mêe de circonſection , au maintien de
leurs droits & de leurs liberté ; car jamais la
conftitution de ce Pays , n'a couru un danger auffi
alarmant & auffi manifeſe , que ce dont elle eſ
menacé. Déa le bruit fe réand que le Parlement
va êre diffous. Quoique je ne puiffe ajouter foi
àune pareille nouvelle , j'avoue que cette feule
idé me fait fréir d'horreur , & j'espèe que perfonne
ne fera affez vil , ou pour mieux dire aflez
tééaire , pour ofer donner àS. M. un confe
auff dangereux. Le Lord Avocat d'Ecoffe
( M. Dundaff ) chercha àfe juftifier du reproche de
M. Fox , en difant que la place dont parloit ce
Membre , lui avoit éédonné avant qu'il eû aucune
liaiſn avec l'Adminiftration , que c'éoit une
grace particulièe & fpontané du Roi , & qu'il ne
pouvoit la refufer fans manquer àS. M. - Aprè
quelques obfervations , la Chambre donna fon
confentement àla motion pour l'adreffe , avec les
léers amandemens propofé par M. Elliot , & il
fut ordonnéque l'adreſ .e ainfi réigé , feroit préenté
au Roi , par ceux des Membres de la Cham
bie qui font Confeillers-privé de S. M.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 18 Mars.
Le Comte d'Andlau , premier des quatre
Chevaliers hééitaires du S. Empire , Brigadier
des Armés du Roi , & Mestre de
Camp , Commandant du Réiment Royal-
1
( 171 )
1
Lorraine Cavalerie , que le Roi a nommé fon Miniftre Pléipotentiaire àBruxelles ,
a eu l'honneur d'êre préentéàS. M. par
le Comte de Vergennes , Chef du Confeil
des Finances , Miniftre & Secréaire
d'Etat ayant le déartement des affaires
érangèes.
Le Roi a accordéles places de Meftre de
Camp en fecond du Réiment d'Infanterie
de Bearn , au Marquis de St- Tropè ; du
Réiment de Bourbonnois , au Marquis de
Montefquiou ; du Réiment de Lyonnois ,
au Vicomte de Montefquiou- Marfan ; du
Réiment de Berry , au Comte de Senlis ;
du Réiment de Boulonnois , au Comte
d'Avaray ; celles de Mestre de Camp , Lieutenant
en fecond du Réiment du Commiffaire
Gééal de Cavalerie , au Marquis
de Contades ; du Réiment des Cuiraffiers ,
au Comte de Gouy- d'Arcy ; du Réiment
Royal Cravattes , au Duc de Valentinois ;
du Réiment Royal- Picardie , au Comte de
Beuvron ; du Réiment Royal - Dragons ,
au Comte de Grammont d'Aftré
Le 9 de ce mois la Ducheffe de Charoft
୨ a cu l'honneur d'êre préenté àL. M.
& àla Famille Royale par la Ducheffe de
Bethune , & de prendre le tabourer.
De PARIS , le 18 Mars.
LES lettres d'Espagne nous apprennent
que M. le Comte d'Estaing qui avoit paffé àMadrid , oùil s'éoit arrêéen revenant
h 2
( 172 )
1
en France , a quittétout à coup cette Cour
pour retourner àCadix ; on ignore le motif
de ce nouveau voyage , àmoins qu'il n'aille
préider au déarmement de la flotte Efpagnole.
--
-
Une partie des vaiffeaux que nous avons àCadix ,
érit- on de Toulon , doit venir déarmer dans ce
port ; plufieurs de ceux qui font en commiſ .ion dans
les difféentes parties du monde y reviendront auffi ;
& voici l'éat de ceux qui resteront affecté àce déartement.
Vaiffeaux de 80 canons . La Couronne ,
Je Triomphant qui font actuellement en Améique .
-Vaiffeaux de 74 , l'Actif, l' Alcide , le Cenfeur , le
Deftin , le Dictateur , le Guerrier , le Puiffant , le
Suffifant , le Zodiaque qui font àCadix ; la Bourgogne
, le Conquéant , le Souverain qui font en
Améique ; le Centaure , l'Heureux qui font dans ce
port , & le Mercure & le Séuifant qui y font en
conftruction. Vaiffeaux de 64 ; Alexandre , le
Hardi qui font dans l'Inde ; l'Indien , le Lyon , la
Provence , le Réléhi àCadix. - Fréates de 40
canons de 18 1.; la Jeanne , la Minerve qui font ici ;
l'Iris àCadix. Fréates de 32 canons de 12 liv.;
Alcefte , la Friponne , la Serieufe qui font ici ;
la Veftale , la Préieuse àCadix ; l'Aurore , la Sultane
en Syrie ; la Lutine , le Mont-Réi au Levant ;
la Boudeufe dans l'Archipel. -Fréate de 26 canons
de 18 liv . La Flore qui eft àTunis ; la Mignone , la
Pleyade ici.
Corvettes de 18 canons de 8 liv. La
Badine qui eft àBonne en Afrique ; la Belette &
la Poulette àCadix ; la Séillante , la Blonde , la
Brune ici ; la Coquette ea Améique ; la Nayade
dans l'Inde . - Corvettes de 18 canons de 6 liv . La
Fleche ici ; la Sardine àCadix . Corvettes de 16
--
- canons de 4 liv. La Suzanne qui eft ich. Nous
avons encore dans ce port 3 galiotes àbombes qui
font l'Etna , la Salamandre , la Tempêe de 6 canons.
( 17 ; )
-
Toutes les lettres d'Italie ne font rem
plies maintenant que des déails du déaftre
de Mefine , àcelles que nous avons déà donnénous en joindrons une de Turin , qui
contient les fuivans ; elle eft du 1 Mars .
גכ»Hier le Courier nous apporta le premier déail
du déaſre arrivédans le Royaume des Deux- Siciles
. Les lettres de Naples difent que le S Fevrier ,
vers les onze heures du matin , on reffentit dans
la Calabre intéieure & dans la Sicile un tremblement
, qui avoit fa direction du levant au couchant ,
il dura environ fix minutes dans un mouvement d'ondulation
; les fecouffes furent fréuentes , puifqu'on
en compta 32 jufqu'àune heure aprè - minuit , qu'on
éro iva la plus forte ; elles continuèent encore le
6. & le 7 ,
àdifféentes rérifes , la mer en furie
cherchoit àrompre les bornes de la nature. Le ciel ,
par un déuge d'eau , paroiffoit concourir àla deftruction
de ce miferable peuple qui , pendant cet
intervalle , dans les plus profondes téères , é:oit
encore menacéd'êre foudroyétant le tonnerre éoit
fréuent. On ignore encore une grande partie des
tines effets de ce phéomèe , ce qu'on en fait
a ééannnoncépar le Courier de Calabre , arrivé le 14. La Calabre ultéieure contenoit 375 Villes
ou Villages , 310 defquels font prefque déruits.
Le Prince Cariati y a perdu 17 fiefs , dans lefquels
éoient les Villes de Sommera & Palmi , dont il n'eſ
pas teſépierre fur pierre. Le Prince d'Iſhiſ , qui
éoit dans la Ville de ce nom , aux premièes fecouffes
fortit de la Ville & fe réugia dans une chaloupe
oùil fut fubmergéquelques inftans aprè & la Ville
de fond en comble . Celui d'Ardoréeft réuit au feul
fief de S -Georges. La Princeffe Genare Grimaldi ,
qui fe trouva àGenare , fut enterré fous les ruines
, & confumé par le fea qui réuifit tout en cesdres.
Enfia , le Roi , les Seigneurs & les Néocians
h 3
( 174
ont tout perdu. Les foies , l'huile , les grains , le
vin , tout eft anénti ; les fortifications ruinés ; la
pointe d'Atorre del Farro & la Ville de Pizzo fe font
abîés dans la mer , de mêe que la fi céère &
ancienne Ville de Reggio , celle de Monte Leone &
plufieurs autres confidéables : le fleuve Petrarchéqui
traverfeit la Province a diſaru , car le Courier le
paffa àfec. Une fréate du Roi qui éoit àl'ancre à Melfine, affure qu'une grande partie de la Ville eft ruiné.
La Nobleffe s'eft lauvé en partie fur des chaloupes,
mais déué de tout.Il s'eft ouvert plufieurs abîes.
aux environs de Meſ .ine , dont un exhale continuellement
de la fumé mêé de ſufre. On doute de .
plus fi l'Ile de Lipari exifte encore , parce qu'un
bâiment qui éoit àcette hauteur & qui a recueilli
plufieurs habitans qui s'enfuyoient dans des bateaux ,
difent que les fecouffes y éoient fi terribles qu'on
croyoit que les quatre ééens alloient fe confondre".
Nous recueillerons encore quelques déails
tiré d'une lettre de Naples du 20 .
Férier.
On n'eft pas encore revenu ici de l'effroi & da
faififfement que la terrible cataftrophe de Metline &
de la Calabre a canfé , & tous les avis que l'on
reçit des difféentes perfonnes envoyés par le
Gouvernement , font bien propres ànous entretenir
dans l'idé que nous avions de cet affreux déaftre. '
Nous n'avons encore de Meffine que des nouvelles
vagues ; nous favons feulement que le nombre des
morts peut monter àenviron cinq mille. Mme l'AIdement
, femme du Conful , a eu le bonheur de ſ
fauver avec les enfans . M. Brechtel , Conſl de
Hollande & chargédes affaires de France dans l'abfence
de M. l'Allement n'a pas ééauffi heureux ;
il a ééenſ éveli fous les ruines de ſ maiſn avec
trois domestiquer. En Calabre le Prince de Silla s'eft
royé, en voulant fe fauver d'entre les ruines de fon
châeau qui s'éroula avec le Village. Un petit bourg
175.
1
appelléPirobal , fituéfur le haut d'une montagne au
bord de la mer , a coulétout enter dans les flots
avec une grande partie du rocher. Le Prince Cariati
y a perdu dix - fept fiefs avec châeau , villages . Le
Duc de Monteleone , villages , châeaux & trois
villes. Le Prince de la Vocella a perdu les fiens ,
ainfi que le Duc de l'Iufantado fa jolie ville de
Melito. Le châeau de Belmontéest tout ouvert &
une grande partie s'eft éroulé avec le village. Enfin,
les Villes de Reggio, de Silla , de Bagarara, Crotone,
font prefqu'entièement déruites . Le Roi a envoyéà Meffine des ch becs & une fréate chargé de vivres
, d'habillemens , de méicamens , & c . & cin- ,
quante mille onces [ 750,000 liv. ] . Le Prince de
Člvafoufla commande ce déachement , le Roi a
priéauffi tous les Barons d'aller eux-mêes dans
leurs terres pour encourager & fecourir leurs vaf
faux , le Maréhal Pignatelly les a prééé avec
100,000 ducats deftiné àfoulager le pauvre peuple.
Nous attendons & nous craignons de voir les Coutiers
qui doivent nous rendre comp e des déails ultéieurs
de cet horrible éèement «,
Par des avis poftéieurs , on a appris que ces
déaftres avoient ééfort exagéé : les déails que
l'on reçit de par- tout , diminuent le nombre des
morts , qui eft infiniment au-deffous de celui auquel
les premiers rapports groffis par l'effroi l'avoient
porté
Nous avons parléde l'attentat horrible.
commis pendant le carnaval dernier àMarfeille.
Une lettre que nous venons de re-'
cevoir en offre un réit plus circonftancié que nous placerons ici.
33
Les principaux citoyens de cette ville avoient
forméun pique-nique dans la guiaguette da ficar
Conftant , vers la porte de Noailles : toute la no
bleffe & la haute bourgeoifie s'y affembloient le foir
la
4
( 176 )
deux fois par femaine : on y danfoit , on y foupoit
& y jouoit enfuite une partie de la nuit . Le
famedi 22 Férier , Mde. de Bras , femme jeune ,
jolie & irrérochable dans fes moeurs , fortit de
cette affemblé , entre deux & trois heures du matin.
Lorfqu'elle fut àfa porte , & tandis que fes
porteurs tiroient les bâons de fa chaife pour la faire
fortir , un homme marqué& enveloppéd'un grand
manteau , s'approcha par derriere , appuya fon bras
gauche fur le porteur qui s'éoit baillé, & de la
droite , il tira en plongeant un coup de pistoler ou
plutô de tromblon , & le reira tranquillement . Les
porteurs crurent d'abord que c'éoit une plaifanterie
de Carnaval , & qu'on avoit voulu feulement faire
peur àcette dame ; ils frapperent àla porte , &
comme Mde . de Bras ne faifoit aucun mouvement ,
its crurent qu'elle fe trouvoit mal de la frayeur que
le bruit pouvoit lui avoir caufé. On la menta dans
fa Chambre , & comme on s'efforçit en vain de la
faire revenir , on manda un Chirurgien qui la trouva
morte. Il n'y avoit aucune trace de fang ; on la
déhablla , & en la retournant fur le dos on apperçz
un trou derriere le col , & d'autres plus bas , qui
alloient en plongeant , fans aucune marque fanguinolente
; on fit l'ouverture du cadavre & on trouva
fept balles dans le corps , dont quelques unes éoient
mâhés. Ce terrible éèement fit beaucoup de
bruit dans la matiné ; on ne pouvoit concevoir
l'auteur & la caufe de cet infâe affaffinat . Les foupçns
publics fe portèent enfin fur le Commandeur
de Franc *** ( Commandeur , non de Malthe , mais
d'un Ordre d'Italie ) qui éoit en mêe tems fon
beau-pere & beau-frere. La Juftice ayant apparemment
acquis des preuves contre lui , le déréa de
prife de corps , & fit inveftir fa maiſn àquatre
heures du matin . Un homme déuiléfrappa rudement
àla sorte , fous préexte d'avoirune lettre pref
fé àlui remettie. Une fervante , aprè bien des diffi(
177 )
culté , ouvrir. Le Commandant de la Maréhauffé
entra dans l'inftant avec tous les Grenadiers ; mit úe
fentinelle àla perte de la chambre de chaque domeftique
, & entra dans cel e du maîre qu'on trouva
levé& habillé, il l'arrêa : le Lieutenant- Criminel
qui éoit dans le voisinage , arriva fur -le- champ avec
fes Officiers ; on fouilla dans l'appartement , & l'on
trouva dans un cabinet un petit fufil àdeux coups ou
efpece de doublet omblon. Interrogéfur cette arme ,
il parut pâir ; on dreffa procè - verbal de tout , & on
conduisit l'accuféefcortépar cinquante grenadiers.
Il avoit demandéfa malle qu'on eut l'imprudence de
lui faire remettre fans la vifiter ; dans cette malle
éoit fon néellaire , ou il y avoit deux rafoirs. Lorf
qu'il s'eft trouvéfeul , il s'eft mis fur fon lit & s'eit
coupéla gorge avec fes deux rafoirs : le premier
avoit rencontréles os de la mâhoire , il s'éoit éréhé
& il avoit cu la force de prendre le fecond pour
s'achever ; on lui a fait fon procè , comme fuicide
àêre traîéfur la claie , pendu par les pieds , & jette
àla voierie. On a hier arrêéſn fils , ancien Officier
dans le réiment de *** aux environs d'Aix , ila éé mis aa cachot , & aujourd'hui on l'a transfééàMarfeille
, efcortéde deux brigades de Maréhauffé &
de cinquante grenadiers . L'on fouhaite qu'il ne foir
pas complice de ce crime. Voici fur quoi portoient les
premiers foupçns du public . La mere de Mde. de
Bas éoit une riche veuve en Améique , elle devint
amoureufe de M. de Franc *** , Chevalier de Saint-
Louis , qui éoit alors dans les Colonies , & l'éoufa :
elle n'avoit qu'une fille unique envoyé en France dè
l'enfance , àqui tous les biens appartenoient ; le mari
propofa àfa femme de marier cette fille àun de fes
freres : cette union eut lieu , quoique cette fille n'eû
pas encore douze ans ; elle refta dans le Couvent jufqu'à ce qu'ellefû nubile. M.de Franc *** & fa femme
ont diffipéla plus grande partie de la fucceffion , &
aprè la mort de fa mere ; madame de Bras éoit fur le
h s
"
( 178 )
point de demander compte àfon bean- pere , en mêe
tems fn beau-fiere ,
de ce qui devoit lui appartenir ,
& ce procè alloit bientô commencer,
Le Gouvernement vient de faire imprimer
un méoire trè- intéeffant fur la maladie
qui a attaquéen difféens tems les femmes
en couche àl'Hôel-Dieu de Paris. Son
objet eft de faire connoîre une méhode
auffi fimple que fûe , dû àfeu M. Doulcet,
& employé avec un fuccè conftant á 1 Hôel-Dieu contre cette maladie affreufe
qui s'y eft montré àdifféentes éoques
& qui toujours a paru y réner éidéi
quement.
La defcription de cette terrible maladie fait
mieux fentir l'importance du fervice rendu àl'hu→
manitéouffrante , par un Citoyen modefte & vertueux
, qu'une mort préaturé , comme s'exprime
le Rappert de la Facultéde Méecine , vient
d'enlever aux juftes téoignages de la reconnoiffance
publique. Il n'eur pas déouvert la méhode
dont il s'agit , qu'il la fit pratiquer jour &
nuit , àl'Hôel Dieu ; »& en quatre mois , pendant
lefquels l'éidéie réna avec fureur , prè
de 200 femmes furent rendues àla vie : cinq o
fix feulement , qui toutes avoient refuféde prendre
le remèe , furent les victimes de leur obftination
« Voilà, difent les Commiffaires qui ont
fignéle Rapport , un de ces phéomèes rares qui
font éoque en Méecine . Le Traitement indiqué par M. Doulcet confifle àfaifir le moment de
Îinvafion ; àdonner alors , fans perdre un inftant ,
quinze grains d'i éaca nha en deux dofes , àune
heure & demie d'intervalle ; àrétéer le lendemain ,
foit que les fymptôes forent d'miné , ou qu'ils
perfiftent dans la mêe intenfité; & s'ils conti
( 179 )
nuent encore , àrééer l'uſge du mêe remèe
jufqu'àtrois & quatre fois , fuivant leur opiniâreté
Dans les intervalles , on foutient l'effet de
l'ipéaenaoha par une potion , compafé de deux
onces d'huile d'amandes douces , d'une once de fyrop
de guimauve & de deux grains de kermè
minéal, La boiffon ordinaire confifte dans une fimple
cau de graine de lin ou de feorfonnere , éulcoré
avec le fyrop de guimauve ; & vers le feptièe
ou le huitièe jour de la maladie , on fait,
prendre aux malades une douce purgation , que
l'on rétèe trois ou quatre fois , felon que le,
cas l'exige « Aprè avoir confignéici cette méhode
, nous invitons àlire l'ouvrage cu la maladie
eft dérite. On y verra qu'elle n'eft ni nouvelle , ni
particulièe àl'Hôel-Dieu : »qu'il éoit par conféuent
d'autant plus avantageux d'en publier la
defcription , qu'au moyen du déail exact de fes
fymptôes , que la Facultédonne dans fon Méoire
, elle ne fera plus méonnue , & qu'enfin le
traitement qui lui eft propre éant rendu public , on
aura la fatisfaction de fauver la vie àdes femmes
voués auparavant une mort certaine «.
Parmi les entreprifes dont l'importance
eft éale àl'intéê , le Public a dûdiftiaguer
la nouvelle éition des OEuvres de -
Plutarque , traduites par Amyot , en 24
vol . in- 8 °. orné de figures en taille - douce ,
dont nous avons annoncéla fouſription.
Elle fera fur papier fin d'Angoulêe , &
on en tirera quelques exemplaires in- 8°fur
papier de Hollande , & un in 4º, fur papier
d'Annonay & fur papier velin . L'Edireur
a fait faire des effiis de chaque formit
& de chaque papier ; les amateurs &
les curieux peuvent les voir chez lui tous
h 6
( 180 )
les jours & àtoute heure. Nous les avons
eu fous les yeux , & nous ne pouvons que
joindre nos éoges àceux que le Public ne
manquera pas de donner àla beauté, aufoin
& àl'ééance qui caractéiferont cette
nouvelle éition ; elle eft digne des preffes
de M. Pierres (1).
La feconde livraison des Eftampes deſinés aux
Euvres de M. de Voltaire , vient de paroîre ; la
premièe contient les gravures de la Henriade , celles
que nous avons fous les yeux font éalement au
nombre de 10 ; les 8 premièes font pour le thé âtre ,
elles font toutes des tableaux dans ce grand genre.
La reconnoiffance de Jocafte & d'Edipe eft le fujer
de la premièe ; l'horreur & l'effroi font peints fur
les figures pincipales , avec une éergie qui paffe
dans l'ame du Spectateur. Héode alfallin' des parens
de Marianne , fon perféuteur comme celui de fa
familie , & lui demandant fa tendreffe , eft le fujet
de la feconde. La troifièe préente Brutus , fuppliant
les Dieux de pardonner àRome le déai
qu'elle a apportéàcondamner Tarquin . La quatrièe
, Lufignan au nilieu de les enfans , qu'il vient
de reconnoîre , & exprimant la reconnoiffance envers
Dieu , qui lui rend Zaire , & fon doute for
la religion qu'elle profeffe . Toutes ces figures ont un
caractèe bien prononcé; Zaïe feule cache fon vifage
& fon trouble. La cinquièe offre Zamore , rélamant
les fermens & la foi d'alzire , éanouie entre
les bras d'une de fes femmes. Dans la fixièe , An-
( 1 ) La foufcription fera fermé àla fin de ce mois pour
Paris , & àla fin du mois prochain pour la Province & pour
l'éranger. Elle eft de 132 liv . , dont on paye 27 en foufcriyant
& pareille fomme en recevant chaque livraiſn pour
les exemplaires en papier fin d'Angoulêe. De 264 done
on paye en foufcrivant 54 pour le papier de Hollande . De
$76 pour l'exemplaire in-4 . , papier d'Annonay , & dont on
Pay 144 liv. en foufcrivant.
-
7181 )
a
toine montre au Peuple Romain les Reftes de Céar.
En voyant cette Eftampe on déiteroit que les Coméiens
qui repréen ent cette Pièe , ellayallent
d'imiter le Peintre habile qui a rendu ce tableau . La
feptièe eft de l'effet le plus agréble , & qui contrafte
avec les prééentes ; elle eft destiné àêre
placé au-devant de la Coméie de l'Indiferet. La
huitièe offie la Baronne irrité des graces de Nanine
, & s'empreffant de lui dire : Gardez- vous , je
vous prie , d'imaginer que vous foyez jolie. Les
deux dernièes Ettampes font , l'une pour le pauvre.
Diable , & l'autre pour l'Ingéu ; & toutes séondent
aux talens fupéieurs de M. Moreau le jeune
qui les a destinés , & qui a préidéàla gravure faite
par les meilleurs Antiftes ( 1).
:
»Le Musé de Paris a tenu le 6 de ce mois ,
àl'occafion de la paix , une fénce publique . M. le
Docteur Franklin , membre du Mafé , s'y eft rendu
à heures dè qu'il a paru , le public lui a téoigué fa fatisfaction par des applaudiilemens redou
blé . M. de Cailhava , Préident en exercice , a fat
l'ouverture de la fénce par ua Difcours analogue à la circonftance. M. Trincano a lu un Difcours fur
l'éat de paix confidéérelativement au bonheur & à la force des Nations . M. de Paſoret , un Parallèe
raifonnéde la léiflation des Francs & de celle des
Germains. M. l'Abbéde Cournand , Secréaire da
Mufé , un Difcours en vers fur la protection que
les Princes & les Grands doivent aux Arts , aux Lettres
& aux Sciences . M. l'AbbéGuyot , un Eflai far ,
les avantages des jeux & exercices publics , confdéé
dans leur rapport avec la conftitution des
Etats . M. l'AbbéCordier de Saint-Firmin , une Epitre
en vers àun Magiftrat , compofé par M. de la
Louptiere , correfpondant du Mufé. M. du Carla ,
(1 ) Ces Estampes préieufes fe trouvent chez M. Moreau ,
Deflinateur & Graveur du Roi & de fon Cabinet , rue du Coq
St-Honoré
(, 182 )
Vice Pré .ident de la Sociéé, un Difcours fur la ré volution préente de l'Améique. M. de Paftoret ,
une Eş ître en vers fur les Soupers de Paris , par M.
de Lanier , correfpondant du Mifé . M. l'Abbé Brifard , une Alléorie ingéicate cùil a rapproché les faits les plus intéeffans pour la Nation , fous
le titre de fragment de Xéophon , trouvépar un
Anglois dans les uines de Palmyre. M. Vieith , des
Stances de M. Berenger , correfpondant d'Orléns ,
avec ce titre le Sage bienfaifant . M. Pons de Verdun
, difféens Contes en vers . M. l'Abbéle Monnier
, deux Fables , l'une intitulé le Ruiffeau , l'autre
le Cheval bledé. M. Court de Gebelin , Pré .ident
honoraire perpéuel , 3 morceaux extraits d'un ouvrage
en vers , qui a pour titre : 1 Aigle Voyageur.
M. de Piis , un fragment de fon Poëe fur l'harmonie
imitative. - La variéé, le goû & le choix des
morceaux qui ont éélus , les éoges du Roi , ceux
des perfonnes diftingués qui ont concouru aux fuccè
de la guerre & àla conclufion de la paix , ont
excitéla plus vive fenfation dans l'affemblé qui
éoit trè-nombreu e & trè -brillante. Le Bufte du
Docteur Francklin , dennéau Mufé par M. Houdon
, a éépréentéau public. Sa effemblance parfaire
, dont on écit en éat de juger dans le moment
mêe , a valu àcet habile Artifte les applaudiffemens
les plus méité . On a la des vers de M.
Vieilh , composé pour êre mis an bas de ce Buſe.
Le concert a éébrillant par le nombre & le méite
des excellens Artiftes qui ont concouru àle former ,
par l'i telligence qui a rénéentr'eux , & par l'enthoufia
me avec lequel ils fe font prêé aux vues
du Mufe de Paris , d'une manièe auf honorable
pour eux que fari faifante pour le public Ils ont fait
l'ouverture du Concert par une fuperbe fymphonie .
de Golfec. M. l'AbbéGontier a chantéun morcea
de Profe cadencé , mife en muliq e par M. Navogil
l'aîé. MM de la mufique de M. le Comte d'Albaret
ont chantéle Sommeil d'Athys , avec des paroles
I
( 183 )
de M. Garnier , membre du Mufé , relatives àla
paix , & ane Chanfon en quatuor fur la paix &
fur l'air de Malborough , paroles du mêe Auteur.
Mademoiſlle Ponti a exéutéavec M. Neveu un
duo àquatre mains fur le piano forté. Elle a exéuté enfuite une fonate de fa compofition. M. Coufineau ,
Luthier de la Reine , a exéutéfur la harpe une
fonate de M. Cardonner. M Adrien a chantéune
fcèe Italienne , qui a ééfort applaudie . Le concert
a fini par une fymphonie de la compofition de M.
Bach ".
Le Déô gééal des mèhes éonomiqué
du Sieur Léer que nous avons annoncés
, eft àParis rue & Hôel Serper te.
C'eft au fieur Buiffon , Directeur de ce déô audit
Hôel , & feal chargéde la diftribution pour
les Provinces & les Pays érangers , qu'il faut adreffer
les lettres & l'argent francs de port. Il expéiera,
avet cééitéles demandes qui lui feront faites ,
par les diligences & autres voitures , dans des
boîes faites exprè , qui peuvent en contenir plu
fieers douzaines ; le prix de la douzaine de mèhes
marqués no. 1 , qui confument un quarteron d huile.
dans 20 heures , eft de 30 fols ; la douzaine marqué
no. 2 , en confi me la mêe quantitéen 18
heures , & coûe 36 fols ; celle n°. ; , qui confume
autant d'huile en 12 à13 heures , coute 2 liv .;
les mèhes rondes ou de nuit en 22 ou 24 heures
coûent 24 fols. Le prix de la boîe qui les contient
eft de 10 fols , qu'on paie àpart ( 1 ) .
>
(2) On trouve àla mêe adreffe un Ouvrage qui peut piquer
la curiofité, & dont le titre indique l'objet . Bibliothèue
Phifico éonomique inftructive & amufante , recueillie en
1782 , contenant des Méoires & Obfervations - pratiques fur
l'éonomie rustique , fur les nouvelles déouvertes les plus in-.
téeffantes ; la Defcription des nouvelles machines inventés
pour la perfection des Arts utiles , agrébles , &c. nombre
de recettes , pratiques & procéé déouverts en 1782 , fur
les maladies des hommes & des animaux , fü l'éonomie
( 184 )
Le Public qui a vu avec plaifir le Sa
vetier & le Financier , Opéa comique de
M. Rigel , apprendra avec plaifir que ce céère
Compofiteur vient d'en arranger l'ouverture
pour le fortépiano avec accompagnement
d'un violon , ainfi qu'un recueil
d'airs choifis du mêe Opéa. Il fe peut que
ces mêes morceaux qui font trè agrébles
engageat d'autres Muficiens àles arranger
pour le clavecin ; mais le Public élairé prééera toujours le travail fait par l'Artifte
habile qui les a compofé ( 1 ) .
Pierre Laurel , ayant fervi dix-fept ans
fous le rène de Louis - le Grand , blefféau
fort d'Eſarpe au fiée de Lille en 1708 &
retiréen 1711 , eft mort en la paroiffe du
Menil-Oury , Diocèe de Lifieux , dans la
103e. anné de fon âe , le 26 Déembre
dernier. M. Noë Dupendant , Carédu
mêe lieu , y eft mort le 15 Férier dernier
, âéde 107 ans , ayant continuéde
remplir fes fonctions jufqu'à104 ans .
Edme-Françis Marcel d'Allonville , Sire
de Fuligny , Baron d'Oifonville & de Vertoin
, ancien Officier au réiment des
Gardes - Françifes , eft mort dans fon Châomeftique
, & en gééal fur tous les objets d'agréent &
d'utilitédans la vie , avec des planches en taille - douce ; prix
3 liv. relié& 2 liv . 10 fols broché, franc de port par la poſe.
(1) L'ouverture du Savetier & du Financier coûe 2 liv . ,
in- 8° , & le recueil d'airs choifis du mêe opéa 4 liv. 4 fols ,
ce dernier forme l'Euvre quinzièe de M. Rigel , l'un &
L'autre fe trouvent chez lui , rue neuve St-Roch , la deuxièe
porte cochèe àgauche par la rue neuve des Petits Champs.
( 185 )
teau de Fuligny en Champagne , le 3 Mars ,
dans la . 89e . anné de fon âe.
Françis - Jofeph Charles de Kergu , Prêre
, néau Châeau du Plefiis -Trin , Diocèe
de Dol , le premier Novembre 1713 ,
eft mort àRennes le 14 Férier 1783 , à P'Hôel des Gentilshommes , dont il éoit
Supéieur principal , & dont il eft regardé àjuste titre comme premier Inftituteur ,
ainsi que de l'Hôel des Demoifelles . Ces
deux éabliffemens d'éucation gratuite pour
la pauvre Nobleffe , auxquels il a confacré fa vie entièe , lui doivent leur exiftence.
Son zèe avoit excitéla bienfaifance des
Etats de Bretagne , celle d'un grand nombre
de particuliers de la province , & a méité l'approbation du Gouverneur. Les Bureaux
d'Adminiſration des deux Hôels , ont arrêé de faire céérer pour l'Abbéde Kergu ,
un Service folemnel , & ont priél'Abbéde
Boisbilly , Vicaire-Gééal du Diocèe de
Rennes , & ancien Commiffaire des Etats
de Bretagne , d'y prononcer l'éoge funère
de ce Prêre citoyen.
De BRUXELLES , le 18 Mars.
Les lettres de Portugal portent que la
Reine a réolu d'accorder dans fes Etats la
libertéde la navigation aux ſjets des Etats-
Unis de l'Améique , & que le decret royal
àce fujet ne tardera pas àêre publié. Les
droits qui fe lèent fur les effets érangers
qui entrent en Portugal pour êre tranfporté
directement àGoa , ainfi que fur ceux
( 186 )
.
qui reviennent de cette ville de l'Inde en
Europe , ont ééfufpendus. Ils feront enfuite
réuits à4 pour 100 , ce qui ne peut
que faire fleurir davantage le commerce de
ce Royaume.
Les lettres de Hollande n'annoncent point
encore l'arrangement de la Réublique avec
l'Angleterre , on s'y flatte toujours qu'avec
la méiation de la France cet accommodement
ne tardera pas , & que les Provinces-
Unies feront remifes dans la pofition oùelles
fe trouvoient , eu éard àleurs territoires
& àleurs poffeffions au commencement des
hoftilité. On dit que la Cour de Londres
confent àla reftitution de Néapatnam &
de Trinquemale , & que la Réublique de
fon côérenonce aux indemnité qu'elle
demandoit.
La grande affaire des fervices fédaux que les
Sééhaux des diſricts de la Province d Over-Yel
exigeoient, quoiqu'ils euffent ééfupprimé dans le
fièle dernier , & que l'on a voulu abolir de nouveau
eft enfin terminé. On connoî les déagréens
& les perféutions qu'elle a occafionné àM. la
Baron Van-der Capellen du Pol , qui a ééréabli
dans fes droits au moment mêe oùles fervitudes.
ont ééanénties. Comme il en réulte une perte
pour les Baillifs , on a déibééfur les moyens de
les en déommager ; & l'Affemblé a nommédes
Commiffaires pour examiner ce qui feroit convenable
, & en rendre compte au Corps Equeft: e & aux
Villes de la Province. Cette Affemblé a pris aulfi
la réolution fuivante au fujet de l'affaire des vailfeaux
qui eurent ordre l'anné dernièe de fe rendre
àBreft. Le Corps Equeftre & les Villes adoptant
1
( 187 )
àcet éard la réolution des Etats de Hollande Sé de Weltfrife , penfent qu'il faudroit que L. H. P.
nommaffent une Commiflion chargé d'examiner
fans déai , fi la difette du néeffaire préexté par
lé Officiers commandé pour cette expéition a eu
lieu , & combien les Collèes d'Amirauté peuvent
y êre impliqué ; afin que dans le cas oùil
confteroit par le rapport de cette Commiſ .ion , que
ces Collées ne fe trouvent ni in mora , ni in culpâ,
il puiffe êre pris des diffofitions àcet éard , &
procééàla recherche des Officiers ou de ceux
qui peuvent s'en êre mêé , fans l'intervention
d'aucun examen prélable «.
PRÉIS DES GAZETTES ANGL. du 8 Mars.
L'arrangement pour la nouvelle Adminiftration
n'eft point encore terminé; tout ce que l'on fait
c'est que
fi cette affaire n'eft pas finie d'ici au 10 ,
le Parlement la prendra en confidéation . Il n'y a
qu'une voix fur le compte du Lord North , pour
la manièe honnêe & loyale , dont il s'eft conduit
pendant tout le cours de cette néociation.
L'octroi d'une Penfion de 2681 liv . par an , au
Lord Thurlow , a pafféan grand Sceau le de. ૬હ . .
ce mois. Ladite Penfion aura lieu jufqu'àce que
la place ( Tellership ) qui lui eft destiné àl'Echiquier
foit vacante , éoque àlaquelle ce Lord ,
éant mis en poffeffion de ladite place , la Penfion ,
ceffera d'avoir lieu .
Le 6 le Lord Howe a préidéau Bureau de l'Amirauté , oùil a ééordonnéde mettre en ordinaire
, un plus grand nombre de vailleaux .
Tous les vaifeaux de l'Inde actuellement à
Portſouth , partiront enfemble pour leurs defti- ,
nations refpectives vers la fin de ce mois , éoque
àlaquelle ils ne courrent plus aucun rifque , d'êre
pris par l'ennemi .
Huit bâimens , deftiné pour la Chine , font
en route pour les rades de Cowes & d'Yarmouth.
( 188 )
Plufieurs vaiffeaux deftiné pour les Ifles , ayant
reç des pafleports de France , d'Efpagne & d'Améque
, font partis de Torbay fans con oi.
On a reç le 6 des déêhes de Gibraltar , en date
du zo Férier ; il y éoit arrivéde Livourne quatre
bâimens Italiens avec de riches cargaifons . Ces
bâimens , chargé pour Londres , ne devoient faire
qu'une courte relâhe dans ce Port .
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉÉ ( 1 ) .
PARLEMENT DE PARIS. Fonctions des Avocats
& Procureurs de la Sééhauffé de Moulins.
Vu par la Cour la Requêe préen é par le
Procureur- Gééal du Roi , contenant qu'il eft in.
forméque les Procureurs de la Sééhauffé de
Moulins font journellement des éritures du minitèe
des Avocats , & entreprennent de traiter des
queftions de Droit & de Coutume ; & comme il eft
important de pourvoir àce que les fonctions des
Procureurs foient réuites dans les bornes qui leur
font preferites par les rèlemens , &c. - La Cour
ordonne que les Arrês de rèlemens dont il s'agit ,
ferent exéuté felon leur forme & teneur ; en
conféuence maintient & garde les Avocats de la
Sééhauffé de Moulins dans le droit de plaider
feuls & privativemet les caufes d'appel ou celles
en matièe de droit & de coutume ; comme autfi
de faire les griefs , caufes d'appel , avertiffemens
dans les affaires appointés en droit , réonſs ,
contredits , falvations , & les autres éritures de
leur ministèe fait déenfes aux Procureurs de
ladite Sééhauffé de plus faite aucunes éritures
du ministèe des Avocats , mêe par Requêe ;
ordonne que les éritures du ministèe des Avocats
n'entreront point en taxe , fi elles ne font faites &
fignés par un Avocat du nombre de ceux qui feront
:
(1 ) On fouferit en tout tems pour ce Journal , du prix de
15 liv. , chez M. Mars , Avocat , rue & hôel Serpente .
( 189 )
inferits fur le tableau ; orioane que les Avocats ne
pourront figner des éritures qu'ils n'auront pas
taites , ni traiter de leurs honoraires avec les Pio-
Curents , àpeine contre les Avocats qui en feront
convaincus , d'êre rayé du tableau ; & contre les
Procureurs , d'interdiction pendant fix mois , pour
la premièe fois , & pour la feconde fois d'inter
diction pour toujours ; ordonne que le préent Arrê
fera lu & publié, l'Audience terante de la Séé chauffé de Moulins , & inferit fur les regiftres
dudit Siée , & fignifiéaux Procureurs , àce qu'ils
aient às'y conformer . Fait en parlement le 6 Septembre
1782.
Frouver,
PARLEMENT DE ROUEN.- Curéadmis à vis-àvis du gros Déimateur , fa poſ .eſ .ion ſr les
menues & vertes dimes. La queftion s'elt éevé
entre les Doyen & Chapitre de la colléiale de Mortain
, & le Curéde Notre-Dame de Tinchebiai.-
Par une charte de 1082 , les Comtes de Mortain ont
fondédans la vile de ce nom , une Colléiale compolé
de feize préen les ils ont attachéles fonctions
de Thélogal ou Préendier de Goron , & lui
'ont donnépour revenus , la dîe de la Lande pourrie
: decimam tolius Landa putride. En 1746 ,
la Thélogale a ééfupprimé & sénie àla manfe du
Chapitre ; ainfi la Colléiale eft maintenant au droit
du Thélogal . La Laade pourrie paroî êre une
forê dériché. Son terrein eft partagéentre quinze
àfeize paroifles qui l'avoifinent : Notre - Dame de
Tinchebrai eſ du nombre. Cependant les Chanoincs
de Mortain , auxquels on ne contefte point la dime
des gros grains , qui leur a ééprobablement accor
dé dans l'origine , àtitre d'indemnité, ont disputé au Curéde Tinchebrai toutes les menues & vertes
dîes , & lui ont offert l'honoraire de fa defferte en
argent, - Sentence du Bailli de Mortain , du 22 Juin´ 1775 , qui avant faire droit , appointe le Curéàla
preuve par lui demandé. - Appel de la des
part
Chanoines. Arrê confirmatifle 12 Férier 1783 ..
-
---
― ( 190 )
PARLEMENT DE BRETAGNE.
-
― Penfion ne peut
êre retenue fur des bééices ré .igné ; en quel cas.
-Vu par la Cour , la requêe de La Cour faifant
droit fur les conclufion's du Procureur Gééal du
Roi , fait déenfes àtous titulaires de cures , préendes
& aurres bééices imcompatibles de retenir penſon
fur celui des bééices qui fera par eux ré .ignépour
garder l'autre , & àtous Notaires de rapporter en
pareil cas la réerve de penfion , àpeine de nullité,
& d'êre procééextraordinairement contre eux ;
fait
pareilles déenfes aux titulaires des cures ou de préendes
, qui les auront réigné avec penfion , & qui
ont ééou feront pourvus dans la fuite d'une autre
cure ou préende , d'exiger les arréages de ladite
penfion par eux réervé fur le premier bééice qu'ils
poffedoient ; ordonne que le préent Arrê fera imprimé , lû& affichépar- tout oùbefoin fera .... afin
queperfonne n'en ignore. Fait en parlement àRennes,
ce 14 Aoû 1782. SignéTRUBLET .
Contestation re-
BAILLIAGE DE MIRECOUR .
lative àla fucceffion d'un Hermite, -Lépold Petit-
Jean dit frere Valbert , Hermite de l'Inftitut de
Saint Antoine & de Saint Jean- Baptiſe , habituédepuis
long-tems de Sainte- Menne , s'eft noyéle préier
Férier dernier dans un ruiffean voifin de fa retraite.
Les parens de cet Hermite ont requis le
Juge du Chapitre de Pouffay , Seigneur du territoire
oùl'hermitage eft fitué, d'appofer les fcellé fur les
effets déaiffé par le frere Valbert , qui avoit la réetation
de faire un commerce affez confidéable en
fouliers & en miel . Le Juge feigneurial a déééà cette requêe ; mais les fcellé ont éécroisé par les
Officiers du Bailliage pour la confervation des droits
de l'Inflitut & le maintien de la juriſiction des Officiers
royaux. Les Supéieurs vifiteurs des Hermites
ont demandéla levé des fcellé . Le Bailliage
a fait déenfes aux parties de fe pourvoir ailleurs
que pardevant lui en premiere inftance. —En
-
( 191 )
conféuence , les parens du frere Valbert ont fait
aligner l'Inftitut au Bailliage de Mirecour , & ont
demandéun Commiflaire de ce Siée pour procéer
àl'inventaire des effe: s de la fucceflion par eux préendue
. Les Hermites ont foutenu qu'on ne pou
voit pas faire d'inventaire dans leurs hermitages.-
Et le 15 Férier 1783 , fur les conclufions de M.
l'Avocat du Roi , le Baillage de Mirecour a ordonné qu'il feroit procéépardevant M. Gaillard , commis
àl'inventaire des tities de famille , papiers & contrats
, ainfi que des effets de trafic & commerce feulement
, Jaiffé par le frere Va bert , avec cet e modification
remarquable , que l'on ne pourroit comprendre
dans cet inventaire les habits , meubles
outils , livres & effets fervans àl'hermitage , & qui
ont éédè ce moment abandonné àl'Inftitur.
PARLEMENT DE TOULOUSE. Gâeau des Rois,
(Caufe extraite du Journal ( 1 ) des Cauſs céères ) .
L'ufage de faire les Rois , on une fêe éuivalente
, eft trè - ancien . Il fe pratiquoit chez les Juifs ,
les Grecs & les Romains . Nous nous en tiendrons - là fur fon origine , afin qu'on ne nous accufe pas de
remonter jufqu'au déuge , far un point d'hiftoire.
peu intéeffant en lui-mêe , quoiqu'aprè tout , il
foit affez intéeffant pour l'homme accabléde maux
& de peines , de les oublier quelquefois , & de réarer
Les forces morales dans la joie d'un feſin où rènent la gaieté& l'amitié; & pour la fociéé,
de conferver ces jours de concorde & de fenfibilité,
oùles familles fe raffemblent àla table de leurs
chefs , refferrent entr'elles les liens de la nature &
du coeur , & éeignent fouvent , dans la bonne hu-
( 1 ) On foufcit pour ce Journal , qui a le fuccè le plus
méité, chez M. des Effarts , Avocat , rue Dauphine , Hôel
de Mouy , qui nous a lui - mêe fourni l'extrait de cette
caufe , & chez Méigot le jeune , Libraire , quai des Auguftins
. Le prix de l'abonnement eft de 18 liv . pour Paris & de
24 iv. pour la Province ,
! 1921 )
''
→
meur de la fêe & l'effufion des fentimens doux ,
d'anciennes injures , des haines fatales . Mais comment
faire les Rois fans un gâeau , fans ce gâeau
fi cher àl'enfance , & mêe aux âes plus Lex
& qui cache dans on tein , la fèe préieuſ qui
doit couronner un des convives ; qui fait naîre dè
le préude du feftin , cette homeur vive & gaie
qu'on n'attend dans les autres galas , que des vapeurs
du dîer & de la mouffe péiliante du vin d'Aï?
Si le pèe de famille n'offre point le gâeau des
Rois àla table oùil rénit fes enfans ; fi le boulanger
malin , cu fars méoire , n'a conftruit qu'un
gâeau vulgaire , fans la fèe royale qui le diftingue ,
plus de joie , & le feftin n'eft plus qu'un diner. Il
n'y a que le boulanger qui le donne qui voit le
gâeau fans joie , ou mêie avec chagrin , s'il eft
avide , comme un retranchement annuel fur les
bééices . Ii eft des villes cu fon préent eft entièement
libre : il en eft d'autres oùle tems & l'ufage
lui en ont fait un devoir . A Touloufe , les boulangers
ont coutume de donner le gâeau des Rois
àleurs pratiques , & le jour mêe de cette fée.
L'anné dernièe ne fut pas heureuſ en r'colie
pour cette province : la cherté, la difette des graius ,
dont le prix cependant le partage ente les contommateurs
autant qu'entre les fabriquans du pain , les
fit difpenfer de leur préent ordinaire , fans tirer à conféuence pour l'avenir. Les Boulangers , bien plus
fatisfaits de l'exception que de la rèle , oublièent
Ja reftriction mife àla grace par les Magiftrats Municipaux
, & voulurent commencer àcette éoque
un nouvel ufage deftructif du premier. Ils refuse rent
net le gâeau de cette anné . Les Capitouls inftruits
de ce refus , appaisèent la plainte univerfelle par
une Ordonnance du 31 Déembre 1782 , qui enjoignit
aux Boulangers ingrats , de donner le gâeau
des Rois fuivant l'ufage. Cette Ordonnance vient
d'êre confirmé par un Arrê qui a éérendu fur
les conclufions de M. l'Avocat- Gééal Reffeguier .
www.m
1
JOURNAL
POLITIQUE
DE BRUXELLES.
Q
TUR QUI E.
De SMYRNE , le Is Férier.
UOIQUE l'on dife depuis quelque tems
des difpofitions pacifiques du Divan ,
relativement aux difféends furvenus entre
la Ruffie & la Porte , & que l'on ait lieu
de fe flatter qu'il n'y aura aucune rupture ,
il est arrivéici des ordres pour faire lever
300 matelots , qui partiront fur- le-champ
pour Conftantinople. On dit que tous les
chantiers de cette Capitale font actuellement
remplis d'Ouvriers occupé àremettre tous
les vaiffeaux en éat. Les ordres expéié ici
pour enrôer des matelots ont ééenvoyé
éalement dans difféens ports de cet Empire
, & les Bachas font exprefféent chargé
de veiller àce qu'ils foient promptement
exéuté.
Il est entréavant-hier dans ce port un
navire Danois nomméla Ville d'Altona ,
Capitaine Hans- Hull ; il vient de Rotter
dam .
29 Mars 1783.
i
( 194 )
DANEMARCK:
De COPENHAGUE , le 26 Férier.
LE Roi , dont les vues bienfaifantes ont
pour objet ſéial l'augmentation du commerce
national , vient d'encourager par des
avances confidéables la pêhe de la baleine
au déroit de Davis , & la conftruction de
plufieurs vaiffeaux marchands dans les difféens
chantiers du Royaume . Le canal creufé· dans le Duchéde Holftein pour joindre la
Baltique àla mer d'Occident avance , & on
croit qu'il fera navigable au commencement
de l'anné prochaine.
La Compagnie d'Affurances de cette Ville
a tenu dernièement une Affemblé gééale
, dans laquelle elle a fixéàSo éus le
bééi e de chaque action ; le lendemain il
en a éévendu plufieurs àraiſn de 610 éus
chacune .
On érit de Moff en Norwèe , que le
20 du mois dernier le navire les Trois- Frèes
a ééréuit en cendres avec toute fa cargaifon
, qui confiftoit en bois de conf
truction.
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 26 Férier.
On a beaucoup parléde l'éection d'une
Compagnie Economique nationale ; ce projet
avantageux àla Nation va êre rélifé;
& voici le plan & l'objet de cette inftitution
.
( 195 )
»La Compagnie Economique Nationale aura fon
Préident , fon Adminiftrateur & fon Caiffier ; il y
aura pour les fonds une chancellerie particulièe ,
pourvue des Officiers néeffaires. Ces fonds feront
principalement employé àfournir le pays de fel , àdé
couvrir les méaux & les minéaux qu'exige la fabrication
des monnoies . On tâhera encore d'éablir une
banque publique qui prêera de l'argent dans le befoin
aux particuliers , avec des intéês convenables.
La Compagnie s'occupera des manufactures da
Royaume , & fur- tout d'y introdure les plus indifpenfables.
Elle formera des magafins publics dans
les Provinces . En faifant des recherches fur les caufes
de déopulation dans ce Royaume , elle cherchera
les moyens d'y reméier. En s'occupant de
l'augmentation des revenus de l'Etat & de ceux du
Rei , elle exclura tout ce qui tendroit àl'accroiffement
des impôs , àl'introduction des monopoles
& àtout autre éabliſ .ement pernicieux «,
ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 8 Mars,
L'ARCHIDUC - MAXIMILIEN ne quittera
'Italie qu'au mois de Juin prochain ; on ne
croit pas qu'il revienne fur-le- champ dans
cette Capitale. Le bruit gééal eft qu'il
pourra paffer en France & dans les Pays -Bas
pour y voir fes auguftes Seurs ; alors il
reviendroit par Cologne , Munſer & Mer,
gentheim.
En conféuence d'un ordre de l'Empe
reur , on ne céérera plus àl'avenir qu'ure
Meffe àla fois dans chaque Eglife & toujours
au mêe Autel. Le but de cette innovation
eft de déaciner l'idé des petites dé i 2
( 196 )
votions particulièes & des Autels priviléié.
Cependant fur les repré .entations de
l'Archevêue , on excepte de ce rèlement
L'Eglife de S. Etienne , oùl'on pourra dire
3 Meffes en mêe- tems , parce que cette
Eglife eft conftruite & divifé , de manièe
àrepréenter trois Eglifes diftinctes.
:
L'Ambaffadeur , beau-frèe du Roi de Maroc , eft
de moyenne taille , & âéde si ans ; d'un caractèe
doux & affable. Il ne parle qu'Arabe & les difféens
idiomes de fon Pays , & des Etats circonvoisins .
Sa peau est trè- noire , mais il a les traits du vifage
trè- réuliers ; fon menton eft entouréd'une barbe
noire ; il porte un bonnet àla manièe des Arabes ,
& un vêement de moufleline blanche femblable au
rochet de nos Eccléiaftiques , qui recouvre une
vefte noire àla Turque ; il n'a point de bas ; une
large culotte lui defcend jufqu'àla cheville du pied ;
fa chauffure eft des fandales un large fabre pend
àfon côé Les gens de fa fuite , trè - bruns de
peau , ont des veftes de diverfes couleurs , mais ils
portent tous un marteau blanc & des chemiſs avec
des manches trè- larges , coupés comme celles des
femmes Europénnes. Le Secréaire de léation eft
le plus blanc de vifage , & fa barbe eft blanche.
Il parle un peu d'Italien ; il a trois Muficiens àfa
fuite ; mais nos oreilles ne peuvent fe faire àleur
mufique . L'Ambaffadeur ne mange que les mets que
lui apprêent les cuifiniers. On lui fert toujours 12
plats ; fa boiffon fe borne àune espèe d'hydromel
trè-fucré& au thé, avec du badian .
De HAMBOURG , le 10 Mars.
LES préaratifs de guerre qui avoient
ceffédans la Bohêe , viennent tout-à coup
d'y recommencer de nouveau ; & l'on y
( 197 )
voir plus d'activitéque jamais ; on eft auffi
fort occupédans les arfenaux d'Autriche &
de Hongrie ; ces mouvemens font le thermomère
des fpéulations de nos Politiques ,
qui tantô annoncent la paix , tantô la
guerre , & qui préendent aujourd'hui que
quoiqu'on en dife, l'éincelle apperçe en Cri
mé , annonce un grand incendie . Quelquesuns
de nos papiers parlent déa de quelques
hoftilité commifes par les Turcs contre les
troupes Ruffes , qui , fi elles avoient eu lieu
en effet , pourroient avoir des fuites fâheufes
; mais ces braits vagues ont ééfi ſuvent
réandus & déentis , que l'on ne peut y
prêer encore aucune confiance .
»L'Empereur , érit- on de Vienne , paffant dernièement
àcheval au Port de Roffan , oùle trouvoient
quelques bâimens chargé de munitions ;
demanda l'Officier chargéde leur direction & de
leur infpection ; quelqu'un lui réond qu'il eft au
cafévoifin : un fecond court pour l'aveitir ; l'Officier
fe hâe d'arriver & voit l'Empereur qui éoit
déa montéfur le bâiment , & qui lui dit d'un ton
froid & féèe : il éoit inutile de vous prefler fi
fort ; vous êes le maîre de retourner : je ne veux
plus que mon fervice vous gêe dans vos plaifirs «.
Les mêes lettres de Vienne offrent les
déails fuivans.
»L'une des vues de l'Empereur eſ d'éablir dans
toutes les Ecoles de fes Etats la plus grande unifor
mitéde doctrine ; & pour y parvenir , il a ordonne
àtous les Ordres réuliers qui voudront permettre
àleurs fujets l'éude de la Thélogie , de les envoyer
tous , fans exception , àl'Univerfitéde la Capitale.
Il fe propofe auffi d'éablir une Ecole de
i 3
( 198 )
Thélogie & univerfelle , oùles Etudians de cha
que Secte , admife dans fes Etats , fe réniront aprè
avoir achevéleurs cours particuliers , afin d'y en
commencer un fur toutes les matièes non controverfés.
On regarde ce moyen comme propre à faire oublier tous les germes de divifion & de
haine contre les adorateurs d'un mêe Dieu «
ITALI E.
De LIVOURNE , le 26 Férier.
ON a reç de Naples la relation fuivante
du tremblement de terre qui s'eft fait ſntir
dans la Calabre & àMeffine le s de ce mois ;
cette relation eft du 18 , & l'Auteur dit
qu'alors les fecouffes continuoient encore.
Tacite
Les effets de ce tremblement de terre n'ont point
d'exemple dans les annales de l'Europe . Le feul qui
lui reffemble en tout point , eft celui des douze
Villes de l'Afie , arivéfous Tibere , & que
a fi bien dérit en peu de mots dans le fecond livre
de fes Annales ( 1 ) . Ces effets font fi terribles qu'ils
font capables de nous retracer une image de la fubmerfion
douteufe des Ifles Atlantides , de la féaration
des terres au déroit de Gibraltar , & de celle
de la Sicile d'avec le continent de l'Italie , éèemens
dont on n'a point de monumens authentiques .
Avant d'entrer dans le déail des effets de ce déaſre ,
il faut donner une idé de l'éendue du thé âtre ſr
lequel il s'eft manifefté Suivant tous les rapports
parvenus jufqu'àpréent dans cette Capitale , ce
thé âtre embraffe une ellypfe allongé d'Orient en Oc
cident , une partie de la mer Ionienne , toute la Calabre
méidionale , les ifles de Lipari , la pointe feptentrionale
de Sicile & cette partie de la mer de Tof-
(1) Eodem anno , duodecim celebres Afiæurbes collapfe
`nodurne motuterræquo improvifior, graviorque peftisfuit&é »
7199 )
---
cane qui fe joint àcelle d'Ionie par le Phare de Mef .
fine , connu autrefois fous le nom de Fretum ficulum.
Il n'eft pas inutile non plus de fe faire une idé de
la fituation de la Calabre . Elle eft divifé dans fa largeur
, en deux parties par un ifthme ou langue de
terre trè- éroite , entre le golfe de Ste - Euphéic
& celui de Squillace ( Lamenticum & Scyllaceum ) ,
fur lequel courent en direction oppofé , les fleuves
Amato & Corace . La partie méidionale forme ce
qu'on appelle Méatarfe ou la pointe du pied de la
fameufe botte d'Italie. Le terrein de cette péinfule
eft peut-êre le plus fertile de toute cette grande ré-
gion. On dit mêe que quoiqu'il ne forme pas la
vingtieme partie du Royaume de Naples , il produit
au moins le dixieme de fon revenu. Chacun fait que
ce pays entier a ééconnu ſus le nom de la Grande
Grèe ( Magna Grecia ) . C'éoit la patrie des arts &
des fciences , du tems de Pythagore & de fes difciples.
Il femble que le centre du tremblement de
terre-dunt nous allons donner la defcription , foit fitué imméiatement fous la partie méidionale & le
terme des ruines fixéaux deux fleuves don : on a déà parlé; tous les phéomèes fe réniffent pour confirmer
cette conjecture. Les parties les plus voifines de
fon éuilibre ont ééles plus fortement éranlés ;
des gouffres ouverts tout- àcoup y ont englouti tout
ce qui éoit àleur porté ; les arbres ont éédéaciné
, les villes déruites de fond en comble ; les eaux
courantes ont perdu ou cachéleur cours . Une riviere
trè-profonde a laifféfon lit àfec. La matiere
volcanique qui a produit tous ces mouvemens
doit le trouver àune profondeur immenſ , & êre
d'une violence inconcevable. L'éendue de la fuperficie
qu'elle a agité , & la pefante ar des montagnes
de granit qu'elle a foulevés, femblenten êre lapreuve
incontestable . Ses fecoufles ont communiquéleurs
impulfions deftructives àl'un & àl'autre ééent. Si
les éifices fe font éroulé , les navires n'ont pas
i
4
( 200 )
-
moins éétourmenté par la mer. Les canons avec
leurs affuts ont éééevé jufqu'àla hauteur de
quelques pouces fur les ponts des bâimens mouillé
àMeffine. La Fréate du Roi a érouvéces effets
. Le gonflement des flots s'eft fait fentir en mêe
tems & avec la mêe force que l'agitation des montagnes.
La maré a fouffert une irréularitéàTarente.
Le Aux a manquédans ce petit golfe , tandis que
les eaux fe portoient avec tant d'abondance dans le
Phare de Meffine , qu'elles inondoient les rivages
dont elles enterroient les malheureux habitans . Des
nouvelles poftéieures nous apprendront que les ravages
fe font éendus plus loin. Le tremblement
de terre a commencéle mercredis de ce mois. La
premiere fecouffe , la plus terrible de toutes & qui a
durédeux minutes, s'eft fait fentir àmidi trois quarts,
la fecon le prefque auffi forte , àfept heures de nuit ;
la troifieme qui a achevéde renverfer la Ville & les
Villages , a eu lieu le vendredi fuivant àdeux heures
& demie aprè midi . On en a comptéjufqu'au famedi
8 , vingt-cinq ou trente autres plus ou moins
léèes , & , felon les avis poftéieurs , on parle d'un
tremblement de terre continuel. Leur mouvement a
ééun composéde foubreffaut , d'ondulation & de
tréidation. Ce n'a pas éépréiséent un tremblement
de terre , mais un renversement de la fuperficie.
Tous les ééens , tous les êres vivans l'ont
reffenti. Le contrecoup s'eft éendu jufqu'àNaples &
fes environs , préiséent au mêe inftant que le
tremblement s'eft fait fentir en Calabre. - Entrons
actuellement dans les déails . Nous commencerons
par Melline , parce que c'eft de cette ville qu'on a
reç les premieres nouvelles du fléu . Il y a plus
d'un fiecle que cette ville céère dans l'hiftoire , &
jouiffant du fite le plus heureux , a commencéàérou
ver des calamité publiques. La guerre fut le premier
fignal de fa ruine , vers le commencement du
fièle dernier. La mort de l'Amiral Ruyter , qui éoit
'( 201 )
· venu pour en preffer le hée , fut le préage fatal de
l'anéntiffement de fa pro péitépolitique . La pefte
de 1743 la déeupla prefque entierement. Le tremblement
de terre dont il est ici queftion , boulverfant
fon fol , en a fait un amas de matiere calciné.
Sa belle Palazzata ou cercle de Palais , a éédéruite
de fond en comble. Le Village de Torre di Faro ou
l'ancien Cloro , n'offre que ruines . Les deux lacs
voifins ont éécomblé ; on ne fait pas encore file
refte de la Sicile a érouvéle mêe fort. Dans la
Calabre , lè déaftres ont ééencore plus grands. A
prendre du côéoccidental de l'Ifthme Lametico ,
On ne voit que villes & villages endommagé ou ruiné.
De ce nombre font Pizzo , Briatico , Bivona ,
Monteleone , Zelogafo , Tropea & tous les Hameaux
qui en déendent ; Milet & tous les environs , Palmi ,
Seminara , Rofarno , Oppida , tous les lieux fitué
dans l'ancien territoire de Mamerto. Les Habitans de
Palmi qui font prefque tous Manufacturiers , ont
éépour la plupart enfevelis fous les ruines avec leurs
méiers : ceux de Séinara qui font prefque tous
Agriculteurs , ont eu le bonheur de fe fauver : Pafquale-
Zaffioti , l'un des meilleurs difciples du Philofophe
Genoveſ a ééretiréavec peine des ruines de
fa maifon. Bagnara & tous les environs ont éédéruits
, ainfi que les autres lieux le long de la côe
jufqu'àReggio , & fur la pente des Apennins , la
Chartreufe de St-Stéhano de Bofco , la mere de
toutes les autres , & le fanctuaire principal des Dominicains
àSoriano , ont éérenversé de fond en
comble. En gééal , les maiſns religieufes ont éé plus en proie àla fureur de ce fléu que les autres.
L'éueil de Scylla , fi fameux par les deſriptions
qu'en ont donnés Homèe & Virgile , s'eft entr'ou
vert , & le Châeau fituéau -deffus , s'est éroulé en partie. Le Prince connu par les cruauté qu'il exerçit
envers fes Vaffaux, ne fe croyant pas àl'abri du
danger dans fon Châeau , bâi fur une roche , fe
2
is
( 202 1
• 6
fait
que
réugiadans unebarque fur le rivage , mais lesvagues
éant extraordinairement agités , àla feconde ſcouffe
detremblement de terre , l'emportèent & l'engloutirent
ainfi que la barque. Tous les gens , &
2700 de fes vaffaux qui s'éoient réugié dans leurs
barques fur les fables de ce rivage , péirent de la
mêe maniere ; on ne fauroit mieux appliquer qu'à ce Prince ce vers fi connu ; incidit in fcyllam cupiens
vitare carybdim. Ce Prince qui éoit octogéaire
fera peu regrettéde ceux de ſs vaffaux qui lui
out furvéu. On regrettera beaucoup , au contraire ,
la Princeffe de Géace Grimaldi qui a ééérasé avec
tous les gens , par le toî de fa maiſn , dans une de
fes terres appellé Cafalnuovo. Cette Princeffe éoit
adoré de fes vaffaux & aimé de tout Naples. On
fa maifon & fa table éoient ouvertes àtous.
Ses autres grands fiefs, Terranova , Drofi & Pieza ,
fitué fur la mer de Tofcane, ont érouvéles mêes
: déaftres ainfi que Géace , fituédans l'ancienne réion
de Locre , fur la mer Ionienne , & tout le pays
de Reggio , qui s'éend fur la rive méidionale de
cette Province. On peut dire en gééal que toute
la côe & tout l'intéieur du pays , depuis le cap
Spartivento jufqu'au cap Stilo & jufqu'àSquillace
ont érouvéle mêe fort. La partie de l'Iftlime depuis
cette derniere ville jufqu'àPizzo & Bivona , n'a
point ééexempte des ravages caufé par ce tremblement
de terre , Carafa & Vena , villages habité par
des Grecs Albanois , ainfi que Borgia , St- Floro , Girefalco
, Maida & autres lieux fitué plus en dedans
des montagnes , ont plus ou moins fouffert felon
leur proximitédu centre du mouvement. Queique
toutes les terres fitués au nord de l'Ifthme , n'ayent
érouvéufqu'àpréent d'autres dommages que des
crevaffes de murs & des chûes de toits , & qu'il ne
foit péi aucun homme , la violence & la continuité des fecouffes y a cependant plongéles habitans dans
la plus grande confternation & le plus grand ef-
2
( 203 )
froi. Ils vivent en attendant fous des tentes & dan's
des baraques que les gens aifé ont fait conſruire.
-Les dommages caufé par les fecouffes du tremblement
de terre , font certainement confidéables ;
mais ils auroient éébeaucoup moindres , fans les
incendies qui ont ééoccafionné par les matièes
combuſibles , tombés fur les cheminés , & dans
les brafiers ardens , àl'heure du dîer . On ne ſuroit
encore calculer le nombre d'hommes qui ont
péi. La perte des effets fera fans doute éorme ;
on en peut juger par ce qui fuit. Le Prince de
Cariati & fes Affocié , ont perdu dans les magazins
de Seminara & de Palmi , environ deux mille
bariques d'huile , éalués àplus de 70 ducats la
barique , & le Baron de Stizano , en a perdu mille.
Il a eu en outre le malheur de perdre toute fa
famille. On dit que l'huile couloit àgros ruiffeaux
dans quelques endroits , & dans d'autres le vin.
Une quantitéprodigieufe de balles de foie , a éé confumé par le feu . Les comestibles , & les autres
productions de la terre , qui font de premièe néeffité & celles deftinés au commerce , manquent
abfolument. La plus grande partie des habitans
, fe nourrit de viande & d'herbes. Les Chartreux
de St- Stefano , qui font toujours bien approvifionné
, ont envoyéacheter du pain , àMonteleone.
Les habitans fe nourriffoient àMeffine , de grains
& de léumes bouillis , qu'on avoit trouvé à Bord des bâimens venus de la Pouille , & chargé
pour Naples . Un des Couriers expéié pour cette
ville , n'a pris d'autre aliment fur toute la route
qu'il a parcourue dans cette malheureufe péinfule ,
qu'un morceau de fromage , qu'il avoit emportévec
lui , & il n'a bu que de l'eau de rivièe. Celui
parti de la pofte de Naples pour la Sicile , éant
arrivéàMonteleone , a ééobligéde rebrouffer
chemin. Tout offre en effet le fpectacle de la
déolation , & de la mort. Un fombre effroi s'elt
i 6
( 204 S
-
emparédes coeurs les plus audacieux. Une pluie
a mis le comble aux déaftres , en offrant aux habitans
confterné , tous les fignes redoutables de
la colèe Divine. Le Roi ayant ééinforméde
ces déaftres , a éépééréde la plus vive douleur.
Le Gouvernement s'eft occupéauffi-tô des
moyens de venir au fecours des habitans de la
Calabre & de la Sicile. Le Chevalier Acton , qui
ále déartement de la Marine & de la guerre ,
a fecondéavec tout le zèe poffible , les mouvemens
de la tendreffe paternelle du Monarque. Dè
les premièes nouvelles , apportés par le Capitaine
Caffiero de Melazzo , ce Miniftre vigilant , a eu
l'attention de fe pourvoir de tout ce qui pouvoit
contribuer au foulagement des malheureux , foir
pour guéir leurs bleffures , ou pour leur procurer-
des alimens. La fréate qui éoit venue
donner la nouvelle de la deftruction de Meffine ,
a dûremettre ce matin àla voile , pour eſorter
quelques bâimens , chargé de tous ces fecours.
D. Vincenzo Pignatelli , s'eft rembarquépour
aller rejoindre fon réiment , en garnifon àMonteleone.
Le Prince de Cavalraſ , s'eſ hâéauffi
de fe rendre àfon Gouvernement de Meffine.
On doit préumer que le Vice- Roi Caracciolo
dont la philantropie eft connue , n'aura pas manqué de préenir par fon zèe & fon activité, les
fages mefures prifes par le Ministèe ; aprè s'êre
Occupéda foulagement des habitans de la Sicile ,
il aura éendu fes foins àceux de la Calabre.
On dit que la Princeffe Douairièe de Villafranca
, a préenu les defirs de l'humanité. Elle a
ouvert fa bourfe , & les magazins de fes terres ,
pour fecourir les malheureux compatriotes. Le
Roi a remercié, par une lettre figné de fa main ,
cette dame gééeufe. Pour empêher l'éigration
des habitans confterné , le Confeil du Roi
a ordonnéque tous les Calabrois & les Siciliens
-
( 205 )
néeffiteux qui fe réugieront dans la Capitale ,
foient pourvus de tout ce qui leur fera néeffaire ,
& renvoyé chez eux pour y reconſruire leurs
maifons. On a fait plus. On leur a envoyédes
fecours , mêe par mer ; & le Maréhal Pignatelli ,
accompagnéd'un grand nombre de perfonnes intelligentes
& actives , eft parti dimanche 16 de
grand matin pour porter ces fecours. M. le Marquis
de Marco , Miniftre des affaires intéieures ,
a érit àtous les Evêues & Gouverneurs des
Pays déolé , d'employer aufki l'argenterie des Eglifes
, qui en ont prodigieufement , au foulagement
des malheureux ; on a mêe infinuéàcet effet ,
aux Seigneurs de fe rendre àleurs terres . Celles des
Ducs de Monteleone & de Seminara , des Princes
de la Roccella & d'Ardore , font en effet fur les
territoires oùle tremblement de terre s'eft fait
fentir. Le Duc de la Guardia eft déa parti , pour
aller recueillir la riche fucceffion du Prince de
Scylla , fon ayeul , qui a éénoyé- Le Gouvernement
a pris en outre des mefures pour préenir les
fuites fâheufes de la terreur , dans une ville auffi
peuplé que Naples , & éalement fujette aux effets
fubits des fermens Volcaniques . Il a fait fufpendre
tous les fpectacles du Carnaval . Le Roi & la Reine
ont ééles premiers , àdonner l'exemple de ces
privations. Leurs Majefté ont confacré, àdes actes
d'une vraie piéé, dans la grande chapelle de la
Cour , les momens deftiné ces amufemens profanes.
Le Gouvernement avoit depuis long- tems
arrêéun Plan , pour guéir Meffine & la Calabre ,
des maux politiques que l'ignorance & les calamité
de plufieurs fièles avoient accumulé , fur des
parties fi importantes , du domaine de fa Majefté
Leurs habitans opprimé , attendoient avec impatience,
le moment d'an foulagement tant de fois
promis , faus jamais s'êre rélifé. La barbarie des
rèlemens fur la foie , l'huile & fur les impofi(
206 )
tions , alloit fubir une forme falutaire . Mais cette
catastrophe oblige le Gouvernement , de donner
d'abord cous fes foins aux maux phyfiques de fes fujets .
Cependant elle pourroit êre l'éoque de leur entier
réabliffement , par le renouvellement de l'ordre
civil dans la Sociéé. Voici certainement une
occafion favorable d'abolir pour toujours , la jurif
diction Fédale & les autres oppreffions , dont la
continuation ne feroit jamais que pallier leurs
maux fans les guéir radicalement. Voici pour
Ferdinand le moment d'imiter avec fermeté, l'exemple
de fon Augufte Pèe , le Roi d'Elpagne.
>
Les déails poftéieurs reçs àNaples
portent que c'eft dans la Calabre ultéieure
que l'on a érouvéles plus grands déâs.
D'aprè tous les rapports on fixe le centre de
l'éranlement au Mont - Affero , dans la grande
chaîe des Apennins , puifque la déaſa ion a diminué en raison de l'éoignement de cette montague.
Razaluevo , village de 4 à5ooo ames , qui en eft
tout prè , a éérenverséavec tant de rapidité, qu'il
ne s'en eft pas fauvéune feule perfonne de toutes celles
qui éoient dans les maifons ; c'eſ làqu'a péi la
Princeffe de Gerace. Stelo a ééféaréen deux par
une ouverture qui s'eft faite dans le milieu du bourg.
Il a péi du monde àSeminara , Palmi & Reggio .
Cependant la plus grande partie des habitans a cu
le tems de fe fauver. Meffine , dont le fort, avoit paru
d'abord le plus délorable , eft de tous les pays qu'on
vient de citer , ce'ui qui dans la proportion a le
moins fouffert , puifque les maifons n'ont éérenverfés
que dans la partie baffe de la ville ; & que
celles de la montagne ent donnéretraite àceux
qui avoient éhappéàl'éoulement , & que tous fes
genres de comeftibles qui y ont ééenvoyé de
toutes les par ies de la Sicile , y ont réandu labondance.
Au premier moment de la cataſrophe , la
veuve du Prince de Villa-Franca fic ouvrir les ma(
207 )
gafins & diftribuer ce qu'ils renfermoient d'huile ;
de vin & de farine ; elle fit paſ .er des ordres dans fes
fermes, pour faire paffer àMeflise des troupeaux
de toutes fortes de béail. On ignore encore le
nombre des morts que les rapports ultéieurs diminuent
tous les jours. Ce n'eft que lorfque D. Vincent
Pignatelli , envoyéen Calabre , & M. de Caval
Rafo , envoyéàMeffine , feront arrivé àleur
deftination , que l'on aura une relation de cet éèement
, & qu'on faura jufqu'àquel point il a éé funefte ".
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 18 Mars.
L'ESPÈE d'interrène miniftéiel dure encore.
La nation qui n'y eft point accoutumé
fe permet toutes fortes de rélexions ,
& les gens fages voient avec peine des
retards dont les affaires peuvent fouffrir.
Jufqu'àpréent on a beaucoup parlédes
motifs des difficulté qui jettent tant de
lenteur dans la formation d'un nouveau
Ministèe. Nos papiers ne font remplis que
de déails fur ce fujet ; dans l'incertitude
de ce qui fe fait , car ces papiers ne le difent
pas ,
nous devons nous borner àrecueillir
les articles les plus piquans qu'ils préentent.
L'un d'eux a fait le tableau fuivant des quatre
partis qui divifent le Parlement .
Parti de Portland. Ce parti appelléalternativement
le parti de Whig , le parti de Newcastle , de
Rockingham & de Portland , eft principalement
compoſ de deſendans des perfonnes , dont l'attachement
àla libertécivile & religieufe de ce pays
nous a procurél'acte de Succeffion & a éabli Ba
( 208 )
préente Famille Royale fur le trôe . Le feu Duc
de Newcaſle en éoit regardécomme le chef. Le
Marquis de Rockingham lui fuccéa ; & le Duc de
Portland en a pris la conduite depuis la mort de ce
dernier. Il est forméde quelques-uns des hommes les
plus diftingué qui compofent les deux Chambres du
Parlement; & dans ce nombre on peut nommer les
Ducs de Bolton , de Devonshire & de Portland ; les
Lords Derby , Stamford , Thanet , Berkeley , Scarborough
, Jerfey , Cholmondeley , Tankerville ,
Effingham , Fitzwilliam , Spencer , Townshend ,
Falmouth , Keppel , King , Ravensworth , Befsborough
, Walpole , Sondes & Lauderdale ; M. Fox ,
M. Burke , & environ 90 autres Membres des Communes.
Parti de North. Il eft connúfous les divers
noms de Parti Ecollois , Tory & de North ,
parce qu'il a réni prefque tout l'intéê dans le
Royaume , la plupart des Membres Ecoffois du
Parlement , & que Milord North en eft le chef.
Dans la Chambre Haute ce Parti eft ,foutenu par les
Ducs de Beaufort , Newcastle , Northumberland &
Montagu; & par les Lords Denbigh , Weftmoreland
, Sandwich , Cheſerfield , Oxford , Darmouth ,
Warwick , Hertford , Guildford , Batkurft , Aylefbury
, Clarendon , Dudley , Mount Edgecumbe , Sackville
, Onflow , Bofton , Browlow , Rivers , Walfingham
, Bagot , Loughborough , Stormond & Massfield
; & dans la Chambre Balle par Mylord North ,
M. Wallace , M. Mansfield , & environ 130 autres
Membres. Parti de Bedford. Il eft compoféde
Wighs & de Torys : il s'eft forméau commence.
ment de ce rène , fous la direction du feu Duc de
Bedford , dont il a pris le nom. Il a commencéfa
carrièe politique de concert avec le Comte de Bute ,
a foutenu Mylord North durant toute fon Adminif
tration , & depuis a joint le Comte de Shelburne : il
s'eft beaucoup affoibli, depuis ia mort de fon chef ;
mais il conferve toujours allez de force pour fe
( 209 )
rendre important , & pour foutenir la préogative
Royale ou déendre la Majeftédu Peuple , ainſ qu'il
convient le mieux àfes intéês. Il compte au rombre
de fes Adhéens dans la Chambre Haute les
noms du Duc de Marlborough & des Lords Salisbury
, Carlifle , Aylesford , Gower , Hillsborough ,
Weymouth , Talbot & Thurlow . Dans la Chambre
Baffe , M. Rigby en eft le chef , & peut compter
une quarantaine de Membres avec lui. Parti
de Shelburne. On n'en a entendu parler que depuis
12 ou 14 ans . D'abord il n'éoit compoféque du
Lord , dont il porte le nom , avec M. Dunning
actuellement Lord Ashburton , le Colonel Barré,
M. Welfran Cornwall , préentement Orateur
des Communes , l'Alderman Towshend , M. Horae
Tooke , & quelques autres Perfonnes. A la mort
du Comte de Chatham , il gagna des forces par fa
rénion avec les noms honoré de Camden , Temple
& William Pitt : mais ces hommes diftingué
commencent àfe laffer de la liaiſn ; & il eſ déa
certain que le Comte Temple confervera fa place
( de Vice- Roi d'Irlande ) fous la nouvelle Adminiftration
: ce qu'on croit auffi gééalement du Lord
Camden ( Préident du Confeil ). Depuis que le Lord
Shelburne eft premier Miniftre , on dit qu'il a gagné àfon parti les Ducs de Leeds , de Rutland , de Manchefter
& de Chandos ; le Marquis de Carmarthen ; &
les Lords Surrey , Stanhope , Mahon , Nugent , Chatham
, Howe , Percy , Stawel , Hardwicke , Grantham
, Beaulieu , Hawke & Abingdon : mais le tems
fera bientô voir , s'ils ont foutenu le Miniftre ou
l'Homme. Il est nénmoins certain , qu'il n'a jamais
pu compter plus d'une douzaine de Membres dans la
Chambre- Baffe , avant qu'il fû Miniftre ; & il n'eſ
guèe poffible , qu'il ait pu augmenter ce nombre àun
degréquelque peu confidéable depuis qu'il a ééàla
têe de l'Adminiftration , vu que quelques - uns de fes
plus habiles partifans l'ont réemment abandonné,
parce qu'il manquoit d'attention àleur éard , & qu'il
( 210 )
leur prééoit fes anciens ennemis . Il y a nénmoins
dans fon parti des hommes de capacité& de talent
, tels font Mylord Ashburton , le Colonel Barré,
MM. Ora , Morris , &c.
On voit aiséent que ce tableau n'a pas
éétracépar une main impartiale & que
l'Auteur appartient au parti de Portland
ou de Fox ; c'eft en effet une feuille de ce
parti qui le fournit. Au reste cette fciffion
des Chefs de la nation Britannique en quatre
factions n'eft pas neuve. Rapin Thoyras en
a donnéle modèe dans fa differtation fur
les Whigs & les Torys qu'il diftingue en
Torys outré & Torys modéé , & en
Whighs outré & Whigs modéé. En gééal
il faut fe déier de tous nos papiers
fur les mouvemens actuels ; ceux qui intéeffent
le plus font ceux qui regardent
la formation des nouveaux Miniftres ; mais
tout ce qu'on en dit eft fort contradictoire.
Il n'y a encore rien de déidéàcet éard ,
lit-on dans un de nos papiers. Le parti de Rokingham
, avoit déerminéle Comte de Gower a
accepter la place de premier Lord de la Tréorerie
, du moins pour, un certain temps . Il y avoit
confenti , àcondition que M. Pitt , continueroit de
remplir celle de chancelier de l'Echiquier : d'aprè
cet arrangement , l'Aminiftration devoit êre formé
de la manièe fuivante. Le Lord Ashburton ,
Chancelier, Le Lord Thurlow , préident du Confeil.
M. Jenkinfon & le Lord de Stormont , fecréaires
d'Etat. La feule difficultééoit de gagner M. Pitt ;
mais le 14 , il a abfolument refufé, d'avoir
part àune Adminiſration compofé d'aucuns Mem
bres de la Junte fecrèe , & en conféuence , le
Comte de Gower a délaréqu'il n'accepteroit point
7211 ▼
la place de premier Lord de la Tréorerie . On dit
que le Roi , àcette occafion , s'eft plaint amèement
d'avoir ééamulépar des gens qui n'avoient
pas affez de créit dans le Royaume pour former un
Ministèe capable de géer les affaires de la Nation .
Aprè avoir manifeftéfon méontentement , fa Majefté eft partie pour la campagne ,
Un autre papier préente cette affaire
dans un éat bien difféent.
L'ouvrage de la formation d'un nouveau Minif
tèe , dit- il , eft trè-avancé. Le Lord North eut
le 12 un long entretien avec le Roi , relativement
àcet objet. Il y avoit encore quelques points àdéider
le 13 au foir. Il éoit furvenu une petite
altercation occafionné , dit - on , par l'oppofition
que certaines perfonnes avoient formé contre la
nomination du Lord Stormont , àla place de lecréaire
d'Etat. On affuroit nénmoins , que l'arran
gement déinitif en fouffriroit peu de retard , & que
les nouveaux Miniftres feroient aujourd'hui leurs
remerciemens au Roi. Le Lord de Portland doitêre
premier Lord de la Tréorerie , & M. Fox l'un
des fecréaires d'Etat. Le Lord Keppel fera remis
àla têe de l'Amirauté. Le Duc de Portland lui
a fait une vifite , pour le déerminer àrentrer ea
place , & l'on affure que pendant leur entretien qui
a duréplus de deux heures , ils ont fait choix des
Membres qui doivent compofer le Bureau de l'Amirauté
M. Pitt s'eft oppofé, dit- on , àce qu'aucune
perfonne du parti Ecoffois , n'entrâ dans le nouveau
Miniftèe , & pour cette raiſn , il n'a point voula
confentir directement àgarder la place , mais il eft
le maîre de refter ou de fe retirer. Selon quelques-
uns , la place de Tréorier des troupes de terre
fera partagé entre M. Burke & le Colonel North.
-On préendoit que le Colonel Fitzpatrick , feroit
ou Treforier de la Marine , ou de la Guerre,
7312 )
>
parle d'éever àla pairie plufieurs Membres de la
chambre des Communes entr'autres le Lord Milbourne
, & le Lord John Cavendish . Le Comte
Fitz-William , & le Comte de Guilford , feront
cré és Marquis.
En attendant que nous ayons de nouveaux
Miniftres , tout paroî dans une eſèe
de ftagnation ici. Les fénces du Parlement
offrent mêe peu de déails àla curiofité
»Le 7 , le Lord Ludlow annonç àla Chambre
des Communes que l'adreffe relative aux penfions ,
avoit éépréenté la veille àS. M. qui avoit bien
voulu promettre d'avoir éard aux déirs que fes
fidèes Communes avoient manifefté dans cette
adreffe. La Chambre s'éant formé en grand Comité,
pour prendre en confidéation le bill relatif
aux liaiſns mercantiles àéablir entre l'Angleterre
& l'Améique , elle le difcuta paragraphe par paragra
phe , aprè quoi le Comités'ajourna au 10 pour
faire rapport du travail relatif àce bill.
Le 10 , il ne fut rien réolu fur ce bill dont
le rapport occafionna de nouveaux déats & un
nouvel ajournement , malgrél'obfervation du Miniftre
M. Pitt, qui fouhaitoit qu'on preffâ ce travail.
Le Lord Neuhaven propofa enfuite une adreſ .e au
Roi , pour le fupplier d'ordonner que les dernièes
déêhes du Chevalier Guy Carleton , fuffent mifes
fous les yeux de la Chambre ; mais la propofition
fut rejetté prefque unanimement.
Le mêe jour 10 , il fut préentéàla Chambre
Haute un bill pour réoudre & mêe préenir tous
les doutes qui fe font éevé ou ont pu s'éever fur
les droits exclufifs du Parlement & du tribunal
d'Irlande , en fait de léiflation & de judicature ,
& pour empêher qu'aucun acte ou appel d'aucuns
des tribunaux de S. M. dans ce Royaume , ne foit
reç , diſuté& jugédans aucuns des tribunaux de
7 213 )
J
S. M. dans la G. B. Cet acte fut lu pour la premièe
fois & l'impreffion en fut ordonné «.
Dans la fénce des Communes du 12 , le Chevalier
Henri Fletcher a préentéune péition de la Compagnie
des Indes , en affurant que fi dans l'éat oùfe trou .
vent les affaires de la Compagnie , le Parlement ne lui
accorde pas le plutô poffible les fecours dont elle a un
befoin fi urgent , il y a tout àcraindre pour fon créit ,
attendu que les actes qui la foutiennent expirent au
premier Avril prochain. Cependant , ajouta-t-il , je
ne prefferai point la Chambre de s'occuper de cet
objet que les Min ſres n'aient éénommé , d'autant
plus que felon ce que je viens d'apprendre , cette
nomination fi long-tems difféé eſ enfin faite ou du
moins fur le point de l'êre.
Il a ééordonnéque la péition feroit mife fur le
Bureau .
Dans la fénce du 13 le Gééal Rofs a fait une
motion , tendante àce qu'il fû mis fous les yeux de
la Chambre une lifte des noms des Officiers qui ont
fervi dans les Corps Améicains porté depuis peu
fur l'Etabliffement Britannique , ainfi qu'une copie
des commiffions qu'ils avoient prééemment , enfemble
les conditions auxquelles ces divers Corps
font entré au fervice de l'Angleterre. Aprè quelques
léers déats la motion fut admife.
On dit qu'il n'y aura que quatre millions
fterling àemprunter dans la feffion actuelle
du Parlement , & que cette fomme fera levé
d'aprè le plan fuivant.
-
Tout foufcripteur de cent livres aura 100 liv . en
actions dans les 4 pour cent éalué à84 liv . 12 f.
6 den. en longues annuité , éalués à20 annés
d'achat , 12 liv . 10 f. Un billet de loterie éalué à15 liv. de profit , s liv . Total 101 liv . 10 fols.
Cela produira un profit d'en & demi pour cent
mais qui avec l'escompte ordinaire peut êre eftimé d'environ 3 pour cent. Quatre particuliers trè-ac(
214 )
créité ont déàpromis au Gouvernement de lui
prêer la totalitéde cette fomme. Le Budget s'ouvrira
ea Avril . Cinq ou fix millions des billets de
la marine doivent êre fondé en nouvelles actions
de 4 & demi pour cent ou en longues annuité ;
mais il n'eft point encore déidéfi cette opéation
aura lieu dans la feffion actuelle ou vers le commencement
de la prochaine.
On a reç hier des nouvelles de Bombay
du 28 Septembre qui portent en fubftance
ce qui fuit.
33
Aprè le fecond combat du 12 Avril , le Chevalier
Edward Hughes fit route pour Trinquemale
avec toute fon efcadre. Il y réara fes vaiffeaux endommagé
& remit àla voile le 14 Juin , & mouilla
dans la rade de Negapatam le jour fuivant pour éier
les mouvemens de l'ennemi . Les Juillet l'efcadre
Françife parut en vue , & le 6 l'eſadre Angloife
engagea un nouveau combat avec elle. Le Chevalier
Hughes eut un avantage déidé, & fi le vent
n'eû point changé& mis une partie de l'efcadre
Angloife hors de combat au moment mêe oùla
ligne ennemie éoit rompue & miſ en déoute , il
y a tout lieu de croire que nous aurions pris plufieurs
vaiffeaux Françis : un d'eux , le Séèe amena au
Sultan ; mais tandis que le Sultan viroit de bord
pour rejoindre l'Amiral , le Séèe fit le plus de
voile qu'il put , enfila lëSultan fans montrer fon
pavillon ; & par cette manoeuvre parvint àfe fauver.
Le lendemain le Chevalier Hughes envoya demander
àM. de Suffren le vaiffeau qui avoit amené;
mais M. de Sufften réondit que le pavillon du Séèe
avoit ééemportépar un boulet , & que cette
avarie feule pouvoit avoir fait tomber fon pavil
lon. L'efcadre Françife , dans ce combat , éoit
compofé de 10 vaiffeaux , de l'Annibal , de 90 , &
de 4 fréates. L'efcadre Angloife des 8 vaiffeaux du
Chevalier Hughes , du Sultan & du Magnanime ,
--
( 215 )
و de l'Iris & du Seahorse. La perte de notre côé confifte en un Capitaine de vaiffeau , 6 Officiers &
77 hommes tué. Le nombre des bleffé eft
de 233. On ignore la perte de l'ennemi ; mais
on fait qu'il a fait route vers Cuddalore.
Nos avaries furent fi graves , que le Chevalier
Hughes abandonna le projet de fuivre l'ennemi , &
fe trouva contraint de rentrer àNéapatam ; le 15
Juillet , aprè s'êre mis en éat d'aller chercher des
provifions & des munitions àMadrafs , il fortit de
Néapatam , & mouilla àMadraſ le 20 ; il devoit
remettre en mer le М îй ñ pour aller reconnoîre
Fefcadre Françife. —e Sceptre , l'un des vaiffeaux
de l'Amiral Bickerton arriva àMadrafs le 9 Juillet.
Ce vaiffeau avoit quittéla conferve de l'Amiral
Bickerton àl'ouverture de la Manche. Il arriva feul
àRio Janéro , oùil trouva la fréate la Méé;
ces deux vaiffeaux attendirent l'Amiral pendant un
mois ; mais voyant qu'il n'arrivoit pas , ils mirent
àla voile de conferve pour l'Inde le 28 Avril . Au
large du Cap , ils prirent un gros bâiment muni .
tionnaire Françis , que le Sceptre laiffa fous la
conduite de la Méé , dans le canal , & il continua
fa route pour Madrass . L'Amiral Bickerton
arriva àBombay les Septembre avec s vaiffeaux de
ligne & la fréate la Junon , & il mit àla voile le 17.
Dix-huit navires , tant tranfports & munitionnaires
que bâimens de la Compagnie , ont mouilléàBom-
Bay en mêe-tems que l'Amiral Bickerton , & la
plus grande partie a ſivi ſn Eſadre àMadrals.
Un cutter & trois tranfports ont éééaré dars
la route de Rio- Janéro àBombay , & on n'en a pas
encore entendu parler . Le 6 Aoû , 4 vaiffeaux
de la Compagnie , favoir : le Locko , l'Afia , l'Ofer
& l'Effex , ont mis àla voile de Bombay pour la
Chine , & on efpèe qu'ils feront arrivé heureufement
, l'efcadre Françife éant toujours fur la
côe de Cuddalore . Selon les nouvelles de Mofambique
, plufieurs de nos vaiffeaux Indiens , qui
-
-
( 126 )
n'avoient pas pu doubler le Cap , éoient encore
àSt Augustin , dans le mois de Juillet dernier. On
croit que les vaiffeaux de la Chine , qui avoient
pafféle déroit de Malacca le 10 Mars , font avec
eux . La paix avec les Marattes eft encore incertaine
, & le Carnate eft à peu - prè dans la mêe
pofition,
--
Une lettre de Bombay en date du 29
Octobre contient ce qui fuit.
Les dernièes nouvelles de Madrafs font du 10
Aoû , & àcette éoque le Monmouth & le Sceptre
éoient revenus de Trinquemale oùils avoient éé déarquer un renfort de 380 Européns ; mais des
lettres d'Aujengo reçes directement ici par difféens
navires , difent d'une maniere indubitable que l'efcadre
Françife mouilla devant Trinquemale le 30
Aoû , & s'empara du Foit le lendemain . L'eſadre
Angloife parut le 3 Septembre. Les deux armés
engagerent le combat , & M. de Suffren , aprè avoir
foutenu l'action la plus chaude , rentra dans le port
de Trinquemale avec toute fon efcadre . On dit que
le Chevalier Hughes eft reftéàla hauteur de Trinquemale
pour y bloquer M. de Suffren . L'Amiral
Bickerton a paffédevant Tilli herg le 28 du mois
dernier , & on croit qu'il aura rejoint le Chevalier
Hughes vers le 10 de ce mois. Toutes les apparences
de paix avec les Marattes ont entièement croulé
"On s'attend àvoir arriver dans le Cowan un gros
corps de leurs troupes , & le déachement du Bengale
a ordre de fe mettre en marche le premier du
mois prochain.
La flotte de la Jamaïue felon les derniers
éats éoit de 5s voiles ; de celles deftinés
pour Londres , 14 font arrivés , 14
manquent , 3 font retournés àla Jamaïue ,
& 2 ont péi ; de celles deftinés pour
Briſol , 2 font arrivés , 4 manquent & 3
font
( 217 )
font retournés fur leurs pas ; de celles
pour Liverpool 3 font arrivés , 4 manquent ,
2 font retournés ; de celles pour Glafgow
une eft arrivé , 4 manquent ; ce qui fait
20 arrivés , 26 manquant , 8 retournés &
2 fubmergés.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 25 Mars.
LE 16 de ce mois les Déuté des Etats
de Cambrai , du Pays & Comtédu Cambréis
, furent admis àl'Audience du Roi,
& préenté par le Maréhal de Soubife
Gouverneur de la Flandre , Haynaut & Cambrefis
, & par le Marquis de Séur , Miniſre
de la Guerre , ayant le déartement de la
Flandre. La déutation conduite par MM.
de Nantouillet & de Watronville , Maîre
& Aide des cééonies , éoit composé
pour le Clergédu Prince Ferdinand de
Rohan , Archevêue- Duc de Cambrai , qui
porta la parole ; pour la Nobleffe , du Marquis
d'Eftourmel , Brigadier des Armés du
Roi , Metre-de Camp , Lieutenant- Commandant
du réiment Royal Pologne ; &
pour le Tiers-Etat , de M. de Lievra , Avocat
au Parlement & Echevin de la Ville.
Le 17 le Marquis de Barain prêa ferment
entre les mains du Roi pour la place de
Lieutenant - Gééal de la Principautéde
Dombes , dont S. M. l'a pourvu , fur la
déiffion du Comte de Barain fon pèe.
Le Comte de Banc d'Altier , que le Roi
29 Mars 1783. k
( 218 )
a nomméMeftre - de - Camp - Lieutenant en
fecond du Réiment de Conti , Dragons ,
a eu l'honneur d'êre préentéau Roi par
le Prince de Conti , & de faire fes remerciemens
àS. M.
Le 9 de ce mois la Marquife de Brunier
d'Adhemar , & la Comteffe du Diefnay des
Roches eurent l'honneur d'êre pré .entés
àL. M. & àla Famille Royale , la premièe
par la Princeffe de Chimay , Dame d'Honneur
de la Reine , & la feconde par la Ducheffe
de Lorges , Dame d'Honneur de
Madame la Comteffe d'Artois.
M. le Comte de Courcy , Capitaine de
Dragons au réiment de Dutfort , ayant eu
l'honneur d'êre préentéau Roi & àla famille
Royale , a eu , le 21 Férier , celui de
monter dans les carroffes de S, M. & de la
fuivre àla chaffe.
De PARIS , le 25 Mars.
SELON les nouvelles d'Efpagne la divifion
de la flotte Françife en rade àCadix ,
deftiné pour Toulon , a dûmettre àla
voile le 4 de ce mois fi le tems le lui a
permis ; celle pour Breft devoit partir deux
jours aprè.. M. de Vialis avec fon vailleau
de 74 alloit appareiller feul pour une miſ .ion
particulièe. M. le Comte d'Estaing n'aura
quittéCadix qu'aprè le déart des efcadres.
M. le Prince de Naffau a fuivi de bien
prè M. le Marquis de la Fayette ; il eſ
arrivéici quatre jours aprè lui. Ce Prince
a ééarrêépar des voleurs dans fa route
( 219 )
-
>
de Madrid àCadix ; non contens de la
bourfe qu'il leur avoit préenté d'abord
ils ont exigéun fac d'argent qu'ils favoient
êe dans fa voiture . Aprè l'avoir obtenu ,
ils offrirent au Prince de l'efcorter de
crainte qu'il ne fî une feconde rencontre ;
mais il les remercia en lur difant qu'il
pouvoit s'en paffer , parce qu'il n'avoit plus
en àperdre.
,
La feule nouvelle que nous ayors àrecueillir
des lett: es de Cadix , ett celle de
la mort du Baron de Pirch Colonel-
Commandant du Réiment de Heffe - Darmftadt
, arrivé dans un âe pu avancé,
en moins de trois jours d'indifpofition . On
avoit d'abord attribuéce malheureux éè nement àune forte méecine prife àcontretems
; mais on a reconnu àl'ouverture de
fon corps que la caufe de fa mort éoit un
polype au coeur. Cet Officier eft extrêement
regreté Il avoit éééevéàla Cour
& dans les troupes du Roi de Pruffe ; &
on fait que le Prince Royal l'honoroit de
fon amitié& d'une bienveillance particulièe.
On avoit raifon de fe déier de la plupart
des relations qui venoient d'Italie au fujet
du déaftre de la Sicile. Le dernier Courier
nous apprend qu'en effet le nombre dest
morts a éébeaucoup moins confi léable
àMeffine , & qu'il n'y a péi que ceux
qui en éant fortis àla premièe fecouffe ,
y retournèent pour chercher d s effets &
des provifions , & qui furent forpriſs par
k 2
72209
celle qui renverfa la ville : quant àla Calabre
jufqu'àpréent on n'a pas de plus
grands déails , & ce beau pays paroî avoir
éétotalement bouleverfé
La Seine qui a groffi avec beaucoup de
rapidité, a diminuéavec plus de lenteur ;
comme elle a ééfort baffe pendant tout
l'éédernier , & que fur la fin de l'hiver
elle eft devenue trop haute , l'approvifionnement
de Paris en a fouffert , & on a eu
quelque inquiéude pour le bois de chauffage
; pour fubvenir aux befoins du Public ,
le bois pour les Boulangers a ééd'abord
mis en ré .erve , & ce qui reftoit a éédiftribué aux particuliers qui ne pouvoient
en prendre qu'une certaine quantité On
a avancéla coupe ordinaire du bois de
Boulogne & celle du parc de Vincennes
ce qui a fourni plufieurs milliers de cordes
de bois. A préent que la rivièe eſ deſendue
les bateaux qui font dans les environs
ramèeront l'abondance.
Ce n'eft pas feulement dans nos parties
que la crue fubite des eaux a caufédes
alarmes . On apprend que les principales
rivièes de France , la Garonne , la Dordogne
, la Charante & fur-tout la Loire ,
ont déordé& cauféde grands ravages .
A Nantes la Loire eft monté à18 pouces au
deffus de la grande eau de 1711 , la plus forte dont cn
fe fouvienne. Elle est entré dans tous les magaſns &
dans l'entrepô gééal ; le déâ qu'elle a caufédans
les fucres , les café , &c. eft éaluéàdes fommes
confidéables. Cette grande rivièe ayant rompu fes
digues en deux endroits , Saumur , & ce qui eft
7 221 1
plus éonnant , le Mans ont ééentouré d'eau , de
manièe que les habitans de ces Villes ainfi affligés
ont ééréuits , pendant plufieurs jours , àn'avoir ,
par têe , qu'une demi - livre de pain . Dans toutes ces
Provinces les pluies ont déradéles chemins , enforte
que tous les Couriers ont ééen retard. Bordeaux
n'a pas moins fouffert par le déordement des eaux
de la Garonne cauféprincipalement par celui de la
Gironde , que Nantes par la crue fubite de la Loire ,
quantitéde navires ont déapé, & des bateaux ont
ééporté bien avant dans les terres . Le dommage
eft portéàplus de 2 millions.
Les orages ont ééfréuens dans plufieurs
endroits pendant le mois dernier.
Le 9 Férier le tonnerre tomba dans le choeur de
l'Eglife de St. Sulpice de Ballet , doyennéde Sablé,
fendant la Meffe àdix heures trois quarts. La foudre
entra par une des ouvertures du clocher , brifa le fil
de fer de l'horloge , en plufieurs morceaux , & en
fouda & colla partie. De làelle caffa une pierre de
la voûe , & fe portant obliquement contre un des
piliers dans une pierre dure , elle en calcina partie à la hauteur de deux pieds & demi deterre. A ce choc
le globe de feu s'ouvrit avec un bruit violent , & dans
fon explofion renver fa plufieurs perfonnes dont deux
reftèent fans connoillance. Dans le mêe inftant les
perfonnes voilines fentirent un coup fur les cuiffes
comme celui d'une barre de fer. On emporta fept
perfonnes couvertes de bleffures & dangereufement
frappés , & plus de vingt autres lééement
les plus malades font hors de danger , mais se font
pas guéis Le 16 du mêe mois le tonnerre
tomba àChampteci , route de Nantes , fur le clocher
de la Paroiffe dont il endommagea la couver
ture & la charpente. Il pééra enfuite dans l'Eglife
oùtout le monde éoit alors affemblépour entendre
la Grand'Meffe ; il fit érouver àquinze perfonnes
qui occupoient les deux bouts voifins da chocur une
k z
"
( 222 )
ques
commotion trè -vive , dont toutes portent des marfur
diverfes parties de leur corps ; il en éectrifa
plufieurs autres au- deffus du gias de la jambe ,
& ne caufa aucun dommage confidéable .
En annonçnt dernièement la feconde
livraifon des Eftampes deftinés àla nouvelle
éition des OEuvres de Voltaire , propofés
par foufcription par M. Moreau le
jeune , nous avons omis d'y joindre le prix .
Il eft de 2 livres pour chaque Eftampe imprimé
grand in- 49 . fur le papier Nom de
Jéus , & de liv. pour chaque Etampe
in- 8 ° Chaque livraifon jufqu'ici a ééde
10 Eftampes ; il en paroî 2 ; il en paroîra
8 encore de 4 en 4 mois. Cette fuperbe
entreprife digne de l'Artifte habile qui en
a conç le plan , qui a fait tous les delfins,
& qui dirige toutes les parties de l'exéution
, eft au - deffus de tous les éoges .
Mademoiselle Saugrain , aimable éèe de cet Artifte
céère , dont nous avons déàannoncédeux
Estampes trè - agrébles , vient d'en fair deux nouvelles
qui préentent deax Vues de Drefde , d'aprè
deux tableaux de Wagner. Elle les a gravés fous la
direction de fon maîre M. Moreau le jeune. Ces
deux Eftampes qui font d'un effet trè-agréble , d'un
burin trè -léer & trè -foigné, font le plus grand
honneur àMademoifelle Saugrain , & àl'Artiite qui
a déeloppé& cultivéfes talens ( 1).
Nous nous emprefferons d'annoneet ici une autre
Eftampe intéeffante & qui méite d'erner le cabinet
& le porte- feuille des amateurs. Il fuffit de nommer
(1 ) Ces Eftampes coûent chacune 1 liv. 10 f. ainfi que les
deux premièes de Mademoiſlle Saugrain qui font deux Vues
des environs de Paris , d'aprè des Tableaux de M. L. G. Mo,
reau. Elles fe trouvent les unes & les autres chez M. Morea
le jeune , rue du Coq - St -Honoré, prè le Louvre.
1
( 223 )
M. J. Danzel qui l'a gravé d'aprè le tableau origi
nal peint pour la Manufacture des tapilleries de la
Couronne par M. Boucher , premier Peintre du Roi .
Le fujet eft Vulcain préentant àVenus des armes
pour Enfe ; rien de plus beau que l'enfemble & les
déails de ce tableau , rien de plus agréble , de plus
frais , de plus pittorefque que l'exéution . On connoî
les talens de M. Boucher & les graces qui animent
tous les fojets ; la gravure a tout rendu d'une
manièe fupéieure. Cette Eftampe eft de la mêe
grandeur que celle que le mée Artiſe a déàpublié
fous le nom de Callirheé, àlaquelle il done
mera bientô un pendant que le Public ne peut qu'at-*
tendre avec impatience ( 1 ) .
Le Bureau Royal de Correfpondance nationale
& érangèe , éabli par Arrê du
Confeil du 16 Avril 1780 , fous l'infpection
du Gouvernement , a pour objet la
fûeté& la commoditédes perfonnes qui
ont des affaires hors de leur domicile , ou
qui ne peuvent les géer par elles mêes.
La nature des objets qu'il embraffe font
les fuivans.
It fe charge des recettes de penfions , rentes , &
revenus de toute efpece , de fuite d'affaires , de re-
Convremens tant àParis que dans les autres villes
du royaume & de l'éranger ; de toutes les commiffions
& follicitations qui exigent les foins d'un ami
o la préence d'un intéeffé Perfonne n'eft forcéde
s'adr fler àlui ; mais il eft feul autoriféàs'annoncer
par des avis imprimé pour les commiffions de
cette efpece , & qui puiffe offrir au public une folidité àl'abri de tous les éèemens ; le bon ordre ,
(1 ) Cette Etampe du prix de 16 liv . fe trouve àParis chez
P'Auteur M. Danzel , rue d'Enfer , a côédu Séinaire de
Saint- Louis .
k 4
1224
2
Lactivité& l'exactitude éabliſ .ent cette folidité; uæ cautionnement de 500,000l. , une Compagnie folidai
re& l'inſection du Ministèe en font les fûs garants.
Ses opéations principales font la recette des rentes
penfions & autres revenus ; les brevets , les ordonnances
, les gages de la Maifon da Roi & des Princes;
les Erats du Roi; les Offices fupprimé ; les placemens
dans les emprunts ; l'achat & vente des effets royaux;
la liquidation pour les Corps & Communauté ; la
forme des paiemens ; les conventions particulièes
relativement àla vente des revenus & penfions ; la
recette gratuite pour les hofpices de charité; les recouvremens
; les affaires contentieufes ; les parties
cafuelles ; les affaires àfuivre au Confeil , àla gran
dé& petite Chancellerie de France , aux Bureaux -
des Miniftres ; les expéitions des actes , la vente.
des biens immeubles . De veiller aux déenfes des
jeunes gens envoyé de Province ou des Pays érangers
àParis pour leur éucation , quand les chefs
de familie auront déoféles fonds qu'ils deftinent
pour cet objet dans la caille ; de procurer des logemens
aux érangers ; d'acquitter fur de fimples mandats
les méoires de déenfes , lorfque les fonds en
auront ée prélablement faits ; du fervice gratuit
pour les hofpices & des autres maifons de charité
Le Bureau ne prendra pour tous les foins de ceite
efpèe qui regardent les jeunes gens & les érangers ,
qu'un pour cent des fonds qui lui auront ééconfié ,
c'eft-àdire , 20 fols par chaque cent livres des fommes
qu'il aura eu àdiſribuer , lorſu'elles ne monreront
pas à3000 liv. , & demi pour cent feulement
fi elles excèent ; mais il ne fera jamais d'avances , à moins qu'il ne foit muni de sûeté convenables . Il
faut s'adreffer àParis , àM. Perrot de Chazelle ;
J'un des propriéaires du Privilée , Directeur Gééal
du Bureau , rue neuve St- Augustin.
On vient de nous faire paffer l'avis fuivant
que nous nous empreffons de publier.
( 225 )
1
1
Le déangement que les fouilles & les éuifemens
néeffaires pour la reconſruction des bains
de Bourbonne , avoient occafionnéàla fontaine
miséale chaude de ce lieu , n'a ééque paffager ,
ainsi que les craintes qu'il avoit fait naîre cette
fontaine a repris fa chaleur & fon éat ordinaire.
Les déouvertes auxquelles ces travaux on donné lieu , ajoutent aux téoignages qu'on avoit déa´ que ces eaux céères ont ééfréuentés des Romains
, lorfqu'ils éoient les maîres des Gaules . On
a trouvéfous les bains attenant ces baffins , trois
espèes de réervoirs ou éuves de 7 à8 pieds de
hauteur , fans voûe , & de 6 pieds de large , rempiis
d'une cau trè-chaude : on a trouvéauſi un puits
de forme quarré , renfermant une cau dont la cha
leur eft à64 degré & demi du thermomère de
Réumur , c'est- à dire , d'environ 15 degré de plus
que celle de la fontaine. Ces Ouvrages fouterrains
dont on n'avoit nulle idé , ne prouvent- ils pas l'affaillement
fucceffif des colines qui aura éhaufféle
fol du vallon , oùfourdent ces eaux : la barbarie ,
qui ne conferve rien , a pu faire oublier ces monumens
fur lefquels , dans la fuite , on auroit conftruit
les bains qu'on vient de déruire pour en éablie
d'autres plus commodes. Signé, MONGIN DE
MONTROL , Méecin , Intendant des Eaux de
Bourbonne.
Nous annoncerons ici un ouvrage intéeffant
dans les circonstances préentes , &
qui le deviendra davantage lorfque le fuppléent
indifpenfable que l'Auteur doit y
faire aura paru ; c'eſ l'Abréédes principaux
Traité conclus depuis le commencement
du 14e. fièle jufqu'àpréent , difpofé
par ordre chronologique. Ces Traité ne
vont que jufqu'àl'anné 1778 ; celui de
( 226 )
霉 Tefchen & celui qui met fin àla guerre
actuelle , doivent former un fuppléent intéeffant
qui procurera en mêe tems l'occafion
de réarer quelques omiſ .ions dans
les teins prééens ( 1 ) .
con-
Le feur Dupuy, déa connu par les Fortifications ,
Châeaux & Seigneuries entièes en relief qu'il exéute
, & de la premièe eſèe , dont on trouvera
chez lai de tous faits, avertit MM. les Officiers , qu'on
trouvera aufli chez lui des tables de Tactique de
fon invention. Elles font compoftes de manièe
qu'on peut y former tous les terreins poffibles , y
faire marcher , manoeuvrer deux armies , avec tout
ce qui eft relatif , comme artillerie , pontons ,
vois , &c. &c. &c. dans un Pays fur 4 lieues de
long , & 3 & demie de large. Le nombre des objets
qui fervent àla repréentation de tous les difféens
changemens dont elle eft fufceptible , eft de 1030
à40. Cette Table eft indifpenfable aux Officiers
qui veulent approfondir l'art de la guerre dans
toutes fes parties. Il en a maintenant de toutes faites ,
que MM. les Militaires pourront venir voir tous
les matins , depuis 9 heures jufqu'à2 heures de l'aprè-
midi. Il ouvrira , au premier Avril prochain ,
un Cours de Tactique complet , conforme aux Ordonnances
& aux Rèles militaires dont il fera
l'explication & la déonftration , àl'aide de cette
Table. Ceux qui voudront le fuivre , font prié
de fe faire infcrire le plutô poffible , puifque le
nombre des Soufcrivans ne fera pas au- deíus de 18.
(1 ) Cet Ouvrage déiéàMonfieur , fait la feconde partie
de la Bibliothèue politique àl'ufage des Sujets deftiné aux
néociations ; par M. le Vicomte de la Maillardiere , Lieute
nant-Gééal pour le Roi en Vermandois , & Thierache , Capitaine
de Cavalerie , Membre de l'Acadéie Royale des
Sciences & Arts de Dijon , de celle de Lyon , & c . 2 vol in 12.
AParis , chez la veuve Duchefne , rue St- Jacques , & Valade ,
rue des Noyers.
227 )
MM. les Officiers gééaux pourront y affifter quand .
ils le jugeront àpropos. Le Cours eft de so leçns
de trois heures chacune , les Lundi , Mardi & Vendredi
, à9 heures du matin. Le premier Cours fuivi ,
on n'aura plus befoin de fe faire infcrire pour les
Suivans . Sa demeure eft rue des Liens St - Paul , la
troisièe porte cochere àgauche en entrant par la
rue St- Paul.
Le Roi de Suèe vient de faire remettre àM. Valade
, qu'il avoit déàhonorédepuis long-tems du titre
de fon Imprimeur & de fon Libraire àParis , la
méaille d'or frappé en Suèe àl'occafion de la réolution.
Cette diltinction flatteuſ eſ un téoignage
authentique de la munificence du Monarque & de
la fatisfaction des fervices & du zèe de M. Valade ,
qui en fourniffant àla bibliothèue de S. M. Suéoife
les meilleurs ouvrages qui s'impriment en
France , l'a enrichie de la jolie collection des petites
éitions préieufes & trè - foignés qui font forties
& qui fortent journellement de fes preffes , & qui au
méite de l'ééance typographique joignent le méite
rare du choix ( 1 ) .
Pierre Jofeph de Chapelle , Marquis de
Jumilhac , Lieutenant Gééal des Armés
du Roi , Lieutenant de Roi en Péigord
au déartement de Carlat , ci-devant Gouverneur
de Philippeville , &c. eft mort le
9 de ce mois dans la 92e . anné de for
âe.
»Arrê du Confeil d'Etat du Roi. Le Roi
voulant , àl'exemple de fes Prééeffeurs , donner
des marques fpéiales de fa protection àcette
claffe de fes Sujets , que la perte de la vue met hors
(1 ) Cette Collection des Poëes Françis , en petit format ,
qui eft àpréent trè - nombreufe , fe trouve àParis chez M
Valade , Imprimeur- Libraire , rue des Noyers.
1
k 6
( 228 )
>
d'éat de travailler pour le procurer les befoins
de la vie , s'eft fait rendre un compte particulier
& déailléde l'exéution du nouveau plan d'Adminiftration
que S. M. avoit approavé, concernant
I'Hopital Royal des Quiaze-vingts Aveugles de
Paris , lequel lui avoit éépréentépar le Cardinal
de Rohan , Grand Aumôier de France , Supéieur
gééal & imméiat dudit Hopital , pour le fpirituel
& le temporel ; S. M. auroit reconnu qu'avant
la vente de l'ancien enclos des Quinze- vingts &
leur tranflation au fauxbourg S :-Antoine , autorifés
par Lettres -patentes du Roi , enregistrés en
Parlement le 31 Déembre 1779 , les Aveugles domicilié
n'ayant alors par jour fur leurs revenus
qu'une réribution infuffifante , éoient obligé de
fe réandre avec importunitédans les Eglifes , &
mêe avec danger dans les rues de la Capitale ,
pour trouver dans la commiféation des perfontes
charitables , de quoi pourvoir àleur propre fubfif
tance & àcelle de leurs femmes & enfans ; que plu-
Leurs éant ſuls & ifolé , fouvent fans aide ni fecours
, lorfque la vieilleffe & les infirmité les réuifoient
àne plus fortir , n'avoient d'autre reffource
que de folliciter leur tranfport dans l'Hôel - Dieu .;
mais que par les foins du Cardinal de Rohan , on
auroit trouvédans l'emploi des revenus ordinaires
de quoi améiorer le fort des Trois cents Aveugles ,
en fupprimant la quêe & la mendicité; & dans
l'accroiffement de ceux qu'a procuré , la vente de
l'ancien enclos , des fonds fuffifans pour de nouveaux
éabliſ .emens analogues àla fondation primitive
& propres àconfoler l'humanitéfouffrante :
Qu'en conféuence , on auroit fait aux Trois cents
Aveugles de l'ancienne fondation , domicilié dans
Hopital , un traitement beaucoup plus confidéable
, en le graduant felon les befoins , àraifon de
vingt fols par jour , outre le fel , pour les garçns
& les veufs ; de vingt-fix fols pour les perfonnes.
( 229 )
mariés àdes érangers ; de trente- fix fols pour ceux
ou celles marié àdes Aveugles de l'Hopital : Qu'en
outre , on auroit deftinédes fonds pour contribuer
àéever les enfans des Aveugles marié , jufqu'àl'âe
de feize ans , & leur faire apprendre des méiers
& enfuite pour l'éabliflement d'une Infirmerie dans
l'intéieur de l'enclos , oùles Aveugles domicilié
& malades trouveront tous les fecours qui leur
feront néeffaires : Que dans l'augmentation des
revenus , on avoit déa trouvéles moyens de
crér les nouveaux éabliſ .emens fuivans : 1º. vingtcinq
places pour des Gentilshommes , & huit pour
des Eccléiaftiques pauvres & aveugles : 20. Des
penfions alimentaires de cent livres , cent cinquante
livres & de deux cents livres pour trois cents
pauvres Aveugles de Province ; 30: Cent cinquante
Aveugles choifis parmi les pauvres A pirans , auxquels
on donne tous les jours le pain : que de plus ,
il feroit fondéun Hofpice de vingt- cinq lits pour
des pauvres de Province, qui , affligé de la maladie
des yeux , y feront nourris & traité gratuitement
, jufqu'àleur guéifon ou juſu'àce que la
céitéparfaite foit déidé : qu'il y aura d'habiles .
Oculiftes attaché au fervice de l'Hopital , lefquels.
donneront , deux fois par femaine , gratuitement
leur temps , leurs foins & les fecours de leur art
àtous ceux qui viendront les confulter : qu'il doit
êre donnéun prix annuel de quatre cents livres
lequel fera adjugéau meilleur Méoire , dont le
fujer aura éépropofé, fur les maladies des yeux ,
fur la manièe de les préenir & de les guéir ,.
avec le prix des remèes àemployer.. S. M. ayant
bien voulu approuver ces nouveaux éabliffemens
& en marquer la fatisfaction , il lui a éérepréenté que vu la retraite & la déiffion des anciens
Gouverneurs-Adminiftrareurs , il éoit important:
qu'Elle voulû bien agrér , approuver & confitmer
, la nomination faite par le Cardinal de Ro(
230 )
han , comme il lui appartient , par le droit de
fon éat & charge de Grand- Aumôier , & d'aprè
les Statuts enregistré en Parlement , de fix Gouverneurs-
Adminiftrateurs , pour l'aider & réir avec lui
en fon abſnce les biens & revenus dudit Hopital :
Qui le rapport ; le Roi éant en fon Confeil , a approuvé les nouveaux éabliſ .emens ci - deſ .us mentionné
, &c. «
Les numeros fortis au tirage de la loterie
royale de France du 17 de ce mois ,
font , 24 , 41 , 75 , 23. & 78.
De BRUXELLES >, le 25 Mars.
LES nouvelles qui fe réandent du Nord
font trè vagues & trè incertaines ; s'il faut
en croire quelques papiers , de jeunes Seigneurs
Ruffes qui voyagent , ont , dit- on ,
reç avis de Péersbourg , que les Turcs
ayant commis des hoftilité contre un corps
de troupes Ruffes , l'Impéatrice a fur- lechamp
délaréla guerre , mais on n'apprend
de nulle part qu'aucun Ambafladçr de
Ruffie ait reç ou confirmécette nouvelle.
On apprend de la Haye que Fultimatum
de la Réublique portéàla gééalitépar
la Hollande , contient en fubftance , 1 °. un
refus abfolu de faire aucune ceffion àl'Angleterre
. 2 ° La demande d'une navigation
libre , d'aprè le plan tracépar la neutralité armé . 3 ° Des follicitations d'indemnifation.
4° Qu'avant d'avoir réléces points
on ne fauroit fe déerminer d'envoyer un
( 231 )
Miniftre àLondres. Cinq provinces fe conformèent
d'abord àce prévis. Les Déuté
de Zéande demandèent un déai . Cependant
les Néociations éant preffés on paffa
àla conclufion , & le Courier chargéde
cet ultimatum fut expéiéàParis le 5.
Les Etats de Hollande & de Weftfrife , ajoutent
ces lettres , alfemblé le 14 de ce mois , le feront en◄ core demain 18. Ca croit qu'ils déibéeront fur la
réonse qui aura ééfaite àl'ultimatum , & qu'on
compte recevoir aujourd'hui. Le courier qui l'ap
portera fera àce qu'on efpere chargéauffi de la fignature
des préiminaires entre la Réublique & la G.
B. On ne pense pas que l'article qui regarde l'indem--
niſtion arrêe rien , pourvu qu'on obtienne la reſitution
de Negapatnam & la libertéde la navigation.
Cependant les Intéeffé àcette indemnifation , ont
préentétequêe aux Etats - Gééaux pour qu'on lat
leur procure , ou que
du moins on prenne des inefures
pour les déommager de quelque manièe ; les
Provinces de Hollande & de Zéande ont pris cette
requêe en confidéation . On attend inceffamment
un plus grand nombre de paffeports Anglois ; les
cent qu'on a d'abord reçs ont éédiftribué fur le
champ.
a
--
PRÉIS DES GAZETTES ANGL . du 18 Mars.
Quelles que foient les perfonnes qui compoferont
l'Adminiftration , le Chancelier de l'Echiquier eft
déerminéàpourfuivre fon enquêe fur le péulat
des cinquante millions , jufqu'àce qu'elle parvienne
àforcer les coupables d'avouer leur crime.
La diffolution du Parlement ne peut manquer
d'êre vivement cenfuré par tous ceux dont elle
contrarie l'ambition & les vues intéeffés . Il n'en
eft pas moins vrai nénmoins que ce feroit le
moyen le plus raifonnable de connoîre les vrais
( 232 )
fentimens de la Nation fur le compte des difféens
perfonnages qui fe difputent l'autorité
L'armé d'Irlande doit êre réuite à4000 hommes
effectifs , en y comprenant quatre Réimens
de Cavalerie & trois de Dragons.
Les vaiffeaux retiré de commiſ .ion ont déa
fait licentier plus de 11,000 matelots . Plufieurs
d'entreux le font engagé àbord des bâimens de
commerce ; les autres fortis d'emploi feront' obligé
d'entrer au fervice éranger.
Des ordres ont ééexpéié pour faire revenir
des Ifles & de la Jamaïue 32 vaiffeaux de ligne ,
mais ils ne doivent mettre àla voile que lorfque les
Françis àSaint-Domingue & les Efpagnols àla
Havanne , auront fait toutes les difpofitions néeffaires
pour leur déart.
Le Marquis de Carmarthen a eu ces jours derniers
un long entretien avec le Roi , relativement
àfon Amballade de France.
Il eft arrivéun Exprè venant de Portſouth ,
avec la nouvelle que les éuipages des Sloops de
guerre le Speedy & le Marquis de Seignelay , qui
avoient éédéigné pour convoyer les bâimens
allant aux Ifles de l'Améique , s'éoient réolté
& avoient refuféde faire la travetfé.
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉÉ .
»PARLEMENT DE PARIS. Grand Chambre. Caufe
entre la veuve Magrah , Aubergifte àLaon , & la
communautédes Aubergiftes & Limonadiers de la
mêe ville. Les anciens Statuts des communau- -
té d'arts & méiers portoient , que les veuves des
maîres pourroient , pendant leur viduité, continer
les mêes trafics que faifoient leurs maris , & tenir
garçns & apprentifs fous elles . L'Edit de réabliffement
des corps & communauté d'arts & méiers ,
( 233 )
---
qui a fuivi leur fuppreffion , ordonné par un prééent
Edit , a apportéquelque changement àcette loi.
L'article VI pore , que les veuves des maîres qui
Leront reçs àl'avenir ne pourront continuer d'exercer
le commerce , profeffion , ou méier de leurs
maris , que pendant une anné , lauf àelles àfe
faire recevoir dans la communautéen payant moitié des droits de réeption . Et l'article VIII , accorde
aux anciens maîres des communauté tupprimés &
àleurs veuves , le droit de continuer d'exercer le
commerce , profeffion & méier de la communauté dans laquelle ils avoient ééreçs fans payer aucuns
nouveaux droits , & le aggièe feulement aux nouvelles
communauté . Ces deux articles ont donné lieu a la queftion de favoir , fi ce privilée accor
déaux veuves d'anciens maîres , devoit s'entendre
feulement des veuves d'anciens maîres au moment
de l'Edit , ou s'il devoit êre éendu àcelles des anciens
maîres , qui deviendroient veuves depuis l'E
dit. La communautédes Aubergiftes & Limonadiers
de la ville de Laon , vient d'éever cette question
vis-à vis de la veuve Magrah , concluant àce que
déenfes lui fuffent faites d'exercer l'éat d'Aubergifte
, & qu'elle fû condamné en des dommagesintéês
, pour l'avoir induement exercédepuis le déè
de fon mari . Une Sentence par déaut du 17
Septembre fuivant ayant adjugéàla communautéles
conclufions qu'elle avoit prifes , la veuve Magrah en
a interjertéappel . Arrê du 11 Janvier 1783 , fus
les conclufions de M. l'Avocat- Gééal Joly de
Fleury qui a infirméa Sentence , a déhargéla veuve
Magrah des condamnations contr'elle prononcés ,
& àcondamnéla communautéaux déens .
---
---
Caufe entre les fieur & dame M*** . Séaration
de corps. La diffamation eft dans tous les éats
un moyen de féaration pour la femme. Nous ca
( 234 )
avons rapportéplufieurs exemples ; cette Caufe en
offre un nouveau. Un Arrê du mois de Déembre
1781 , avoit admis la femme àla preuve des faits
par elle articulé ,fauf au mari déunt la preuve contraire.
Elle a fait la preuve. Arrê du 12 Férier
1783 , fur les conclufions de M. l'Avocar-Gééal
Dagueffeau , qui prononce la féaration de corps &
de biens ; condamne le mari àrendre la dot & les
effets de fa femme , & aux déens.
-
Caufe entre la dame de B*** & fes enfans . - Parmi
les difféentes espèes d'avantages poffibles entre maris
& femmes , il y a une grande diftin&tion àfare entre
deux éablis par le contrat , & ceux faits durant le
mariage. les prem ers font licites quelque confidéables
qu'ils forent , fauf l'exception de l'Edit
des fecondes noces , qui limite les avantages au don
d'une part d'enfant : l'excè de la donation ce la rend
pas nulle , mais réuctible feulement ad legitimum
modum. Quant aux avantages faits durant le mariage
as Coutumes les regardent d'une manièe
bien difféente : les unes les permetent , les autres
les déendent. Celle de Paris les déend : & elle doune
lieu àdes queftions d'avantages - indirects , lorf
qu'un des conjoints voulant reconnoîre les fains ,
les attentions & la tendreffe de l'autre , choifit des
perfornes tierces , àla probitédefquelles il fe confie
, pour lui remettre des objets de donation plus ou
moins conféuens : ou lorfque des conjoints , ayant
leurs biens en Coutume prohibitive , les déaturent
pour en acquéir d'autres en Coutume permiffive ,
pour avoir la facilitéde les léuer par teftament au
furvivant. Ces questions font trè éineules , &
leur folution déend beaucoup des circonftances .
Le fieur de B *** , ancien Capitaine de Dragons ,
& Chevalier de St - Louis , éoufa en Novembre 1747,
la demoiſlle P*** ; il avoit 45 ans , & la demoi
( 235 )
felle fature àpeine 26. Sa dot fut de 120,000 livres ,
les biens du mari furent porté àla femme de
210,000liv. ; la mife réiproque en communautéfor
ftipule à20,000 liv. , le douaire à6000 liv . de
rente ; les reptiles de la femme à12,000 livres 5
le contrat de mariage contient auffi donation entrevifs
car le fatur àla future. en cas de furvie , foit
qu'il y ait enfans ou non, de la femme de 30,000 live
L'union a éétrè heureuſ entre les éoux : trois
enfans en font provenus ; le Baron de B *** & deux
filles mariés , dotés chacune a leur mariage , de
16,000 liv. de rente au principal , an denier vi go
cinq , de 400,000 liv . Le 31 Mai 1768 , acquifition
faite par le fieur de B*** , d'un terrain de
2 arpens & demi en marais far les nouveaux boulevards
, pour le prix de 43,000 liv. Sur la moitié de ce terrein , le fieur de B*** a fait un potager
enclos de murs garnis d'efpaliers , avec un pavillon
ornéde glaces & fculptures . Le 17 Juillet 1780,
il a fait , par acte devant Notaires , donation enentrevifs
en toute propriééde cette partie de terrein ,
avec les bâimens àla dame L*** , tante de fon
éoufe , fous la réerve feulement d'ufufruit pour
lui fa vie durant ; la donation a ééfellé & infinué
le 29 Aoû 1780. Le 2 Septembre de la mêe
anné , donation entrevifs faite par la dime L***
àla dime de B *** de l'objet àelle donnéle 17
Juillet prééent. Le 13 Novembre 1780 , donation
paffé devant Notaires , par l'Abbé** au profit
de la dame de B *** , préente & acceptante de
la fomme de 150,000 liv . contenue en 30 billets
des Fermes , de chacun sooo liv . remis du confentement
de la donataire au fieur fon mari , qui
le reconcit en fa charge , fous condition que ladite
fomme demeurera propre àla donataire.
Octobre 1781. Acquifition de la Terre du B ***
& fes déendances , fitués dans la Coutume de
2
,
- Le if
( 236 )
-
Chartres , faite par le fieur de B ***, de M. de M***,
moyennant la fomme de 470,000 liv . & 6000 liv.
de pet-de-vin ; le prix principal payable , moitié aprè l'obtention des lettres de ratification , l'autre
moitiéen deux paiemens éaux àun an de diftance
l'un de l'autre . Plus , par le mêe acte , vente &
ceffion de tout le mobilier pour le prix de 30,0co liv. ,
& de difféens autres objets déaillé dans l'acte
pour 10,000 livres , les deux dernièes fommes faifant
celle de 40,000 liv. payés comptant . Codicile
du fieur de B *** , du mêe jour 13 Octobre
1781 , 11 heures du foir , par lequel , pour marquer
fon eftime & fon attachement àla dame fon éouse , it
lui donne & lèue ladite Terre & Seigneurie du B ***,
avec toutes les appartenances & déendances , fiués
Coutumes de Châeau-Neuf en Thimerais , & de
Chartres , fans en excepter ni réerver. Le feur
de B*** eſ déééle 27 Octobre de la mêe
anné. Par fon teftament fait au codicile dont on
vient de parler , il avoit affignéàchacune de fesfiles
une partie de fes biens pour les remplir des
400,000 liv. de dot donnés àchacune par contrar
de mariage , & avoit du furplus inftituéfon fils de
B*** , fon Léatataire univerfel , àla charge de
payer les dettes. Ce fils a attaquécomme nuls
les donations entrevifs faites par la dame L*** &
l'Abbé** , le legs fait par le codicile du ficur de
B*** de la Terre du B*** . Une Sentence par
déaut, d16 Mars 1782 , ayant délarénulles lefdites
donations & le legs de la Terre du B *** , la dame
de B*** en a interjettéappel. - Arrê , le 24 Jan.
vier 1783 , qui a délaréles deux donations nulles
& de nul effet & valeur , & a fait déivrance àla
dame de B*** , du legs de la Terre du B*** , déens
compenfé.
Caufe entre la Communautédes Maîres Chande
( 237 )
-
-
-
Tiers de Paris & le fieur Petit , Maitre Chandelier.
Le fieur Petit , Maîre Chandelier , occupe une
moitiéde boutique , dont l'autre eft occupé par le
fieur Cunenbourg , Maîre Epicier , fon beau- frèe.
Ces particuliers ont fait metttre au- deffus de
cette boutique commune cette infcription : Gutenbourg
& Petit tiennent magafin de toutes marchandifes
de l'éat d'Epicier & de Chandelier. ·La
Communau édes Maîres Chandeliers a cru voir
daas la manièe dont ces commerçns font loges ,
une contravention àfes Statuts , qui déend le cumul
de deux éats difféens & incompatibles. En conféuence
les Gardes & Juré fe tont tranfporté chez
le fieur Petit , & ont dreffécontre lui un procèverbal
de contravention . Ce procè- verbal ne porte
cependant pas qu'ils l'aient trouvéoccupéàaucune
chofe de l'éat d'Epicier , mais feulement àfon éat
de Chandelier , les deux moitié de boutique éant
bien diftingués par la difféence des marchandifes
des deux éats . La Communautédes Maîres
Chandeliers a nénmoins fait affigner le fieur Petit
en la Chambre de Police du Châelet , pour que
déenfes lui fuffent faites de cumuler ainfi les deux
éats , & de faire fon commerce dans une moitié de boutique ; qu'il i fû enjoint d'en avoir une
diftincte & féaré , & qu'il fû condamnéen l'amende
pour raifon de la contravention . Sentence
de Police qui l'a ainfi ordonné, & l'a condamnéen
dix livres d'amende & aux déens. -Le fieur Petit
en a interjettéappel Arrê du 11 Déembre
1782 qui a mis l'appellation & ce dont eft appel
au nént ; éandant a déhargéPetit des condamnations
contre lui prononcés , &condamnéla Communautê des Chandeliers aux déens.
-
PARLEMENT DE TOULOUSE. ( Suppofition de
perfonne , dans un ate public , punie ) . Caufe ex
( 238
)
tueux ,
traite du Journal des Caufes céères ( 1) . Il eſ
dans le Droit Romain plufieurs manièes d'acquéir .
-Juftinien en a fait un titre particulier dans les inftitates
. Un maçn de Fons , en Languedoc , nommé Péouris , pen fatisfait de toutes celles qui font déombrés
dans les loix romaines , en voulut inventer
*unenouvelle àfon uſge. Comme l'avare de Molièe,
qui n'a imiroit point un bon repas qu'il falloit payer >
& exhortoit fon clinier àlui faire , pour chefd'oeuvre
de fon induftrie , un repas déicat & fompqui
ne lui coutâ pas un fou ; Péouriéne fe
foucioit point d'acquéir une chofe , en donnant fon
prix en argent ou autre éuivalent. Il convoitoit
beaucoup, depuis long- tems , une pièe de terre d'un
de les voifins ; mais il vouloit en devenir propriéaire
, fans bourte déier. Cela paroî difficile àbien
des honnêes gens : voici le moyen de l'induſrieux
maçn il choifit , pour confident de fon defir ,
un nomméDebrieu , laboureur de fon voisinage.
Soit par fon éoquence , foit en l'intéeflant , il fut
l'engager dans les vues . Si Debrieu ne fut que complaifant
& gééeux , c'eft malheureufement une
efpèe de gééofitépour laquelle les loix n'ontpoint
éabli de reconnoiffance. Quoi qu'il en fois du falaire
, voici le pacte. Les deux amis conviennent
enfemble que Debrien fe préentera chez un Tabe !-
lion un peu éoignédu lieu , fous le nom du propriéaire
du champ convoité, & que la vente le fera
ainfi paifiblement entr'eux deux . Un fi beau projet
(1 ) On foufcrit pour ce Journal , qui a le fuccè le plus
méité, chez M. des Effarts , Avocat , rue Dauphine , Hôel
de Mouy , qui nous a lui -mêe fourni l'extrait de cette
caufe , & chez Méigot le jeune , Libraire , quai des Auguftins.
Le prix de l'abonnement eft de 18 liv. pour Paris & de
24 liy. pour la Province.
( 239 )
s'exéuta fans déai . Nos deax affocié vont , l: 8
-Juin 1781 , chez un tabelion : Je fuis moi , Péourié , qui veut acheter telle pièe de terre , & voila
Tyffeyre , propriéaire de ladite pièe , qui veut me
vendre. Il n'y eut que ces deux mots àdire . Le
tabellion dreffa l'acte , & voilàla vente confommé
; & les deux contractans fortent tout joyeux
du fuccè . On conçit pourtant qu'il devoit efter
quelques petites difficuité fur la tradition de l'immeuble
vendu. Il n'éoit pas aiféàPéoutié, malgré fon acte en bonne forme , d'aller fe mettre en poffellion
du champ. Tyileyre n'auroit pas ééfacile à déofléer fans bruit ni querelle. Apparemment que
l'acquéeur , content de la propriéé, le propofort
d'en laiffer quelque tems l'ufufruit au poflefleur ,
ou fe commandoit la patience d'attendre fa mort ,
ou enfin , eſéoit de l'avenir ou de fon géie quelque
expéient nouveau pour donner àl'acte fon effet,
Un incident fort fimple vint lai éargner les embarras
. Soit indifcréion de fa part ( car les petits
criminels font quelquefois indifcrets par vanité) ,
foit propos éhappé au faux vendeur , la nouvelle
de cette fupercherie parvint , quelque tems aprè , au
Tabellion furpris . L'amour-propre de l'officier fur
piquéde le voir dupe ; & d'ailleurs l'intéê de s'abfoudre
lui-mêe de tout foupçn de complicitéavec
ces deux fauffaires , lui firent bientô rompre le
filence. Il rendit plainte contre les deux coupables
devant les Juges du lieu . Les preuves de leur déic
ayant ééacquifes , ils furent condamné au banniffement
par Sentence du 26 Mars 1782.
tèe public ayant interjettéappel de cette Sentence ,
le Parlement de Languedoc l'a confirmé quant au
prononcé mais cette Cour a prononcéune peine
plus féèe contre Debrieu , elle l'a condamnéàfaire
amende honorable & au banniffement , par Arrê
du 30 Octobre 1782 «.
- Le Minif
240 )
PRISES FAITES SUR LES ANGLOIS.
-
- -
- Par les
Françis. Le Caffandre de Clyde pour Antigue,
envoyéen France ; le Walter de Clyde pour les
Ifles , envoyéàla Grenade ; le Cartier de la Chine
pour Bombay, envoyéa ... ; le Dove de Waterford
pour Arundel , envoyéàMorlaix ; l'Intrepid envoyé en France ; le Betfey àMorlaix ; le Hope de Briſol
pour
la Barbade à... ; la Pomona à... ; le Charles
àNantes Par les Améicains . Le Tyback de
Terre- Neuve pour Tortola , envoyéàSalem ; l'Amiral
Hawke àl'Orient ; le Bailie de Sainte- Lucie
pour Saint-Martin envoyéàBolton ; le Hope de Lisbonne
pour Terre-Neuve pris & péi ; le Swallow
de Terre-Neuve pour New-Yorck , envoyéàSalem.
PRISES FAITES PAR LES ANGLOIS . Sur les Efpagnols.
Un bâiment envoyéàla Jamaïue.
Sur les Hollandois. Un bâiment de Curaço
pour Amfterdam , envoyéàPortfmouth . Sur
les Améicains.- Un bâiment envoyéàLiverpool ;
un autre envoyéàla Barbade ; un troifièe de New
London pour Sainte-Croix .
-
-
-
N. B. Defirant donner àce Journal une exiftence durable
& permanente , nous avons cru que la variééſule pouvoit
y contribuer & que nos Soufcripteurs verroient avec plaifir un
nouvel effort & de nouveaux facrifices de notre part pour
parvenir àce bur . Non-feulement nous avons acquis le droit
de rémprimer fur les couvertures le Journal de la Librairie ,
qui contient la Notice exacte des Livres nouveaux , de la
Mufique , des Eftampes , des Arrês ; mais nous venons d'acquéir
de M. Mars , Auteur de la Gazette des Tribunaux , le
droit d'imprimer , dans ce Journal , la Notice plus ou moins
abréé de toutes les Caufes civiles & criminelles avec leurs
Jugemens dont fon Journal fait mention. Cette Gazette des
Tribunaux , abréé par M. Mars lui-mêe , fera imprimé à la fin du Journal Politique , & contiendra plus ou moins de
pages , fuivant qu'il y aura plus ou moins de Caufes & fuivant
leur importance. On fonferit en tout tems pour cet Ouvrage ,
dont le prix eft de 15 liv. par an franc de port , chez M.
Mars , rue & hôel Serpente,
( 1 )
Suppléent aux Nouvelles de Londres , le
Jeudi 20 Férier 1783 .
HIER , on fit àla Chambre de Communes une feconde
lecture du Bill propofépar M. Townshend , pour déruire
tous les doutes qui fe font éevé , ou qui pourroient s'éever
relativement aux droits exclufifs du Parlement &
des Cours d'Irlande , fur des objets de Léislation & de
Judicature , & pour empêher qu'aucun appel d'aucunes
des Cours de Sa Majeftédans le Royaume d'Irlande ne fut
reç , entendu & jugédotéavant dans aucune des Cours
Sa Majeftédans le Royaume de la Grande- Bretagne . Mais
àla demande de ce Secréaire d'Etat , toutes les difcuffions
fur cet objet ont ééremifes au jour oùle Bill en queſion
feroit mis fous les yeux du Comité
Quant àla Paix , il en fut peu queftion . M. Fox ayant
demandéque l'on mî le plus tô poffible la Chambre à porté de faire connoîre fes fentimens fur les Articles
Préiminaires , M. Pitt réondi : qu'il n'éoit pas moins
emprefféde voir terminer cette affaire ; mais qu'il defiroit
feulement êre préenu du jour auquel la Chambre s'en
Occuperoit ; & qu'en conféuence , fi elle avoit befoin de
quelques nouveaux papiers , il la fupplioit de les demander
promptement pour accééer d'autant les déibéations
fur d'autres objees que l'importance de celui - ci avoit fufpendus.
Le Lord John Cavendish dit que le jour lui éoit indifféent
, & que c'éoit aux Miniftres àle fixer. Il profita
de cette eirconftaece pour ſ juſifier d'un bruit calomnieux
réandu dans le Public àfon fujet , par lequel on
préendoit que fa motion tendoit àannuller la Paix , tandis
qu'au contraire elle portoit exprefféent que la Cham
bre devoit refter inviolablement attaché au maintien de
la foi publique.
Le mêe jour , la Chambre des Paris s'eft rendue à Saint James , oùelle a préentéau Roi l'Adreffe voté
par cette Chambre le 17. Sa Majestéy a fait la réonſ
fuivante :
MILORDS ,
«Je reçis avec plaifir cette Adreſ .e refpe&ucuſ , &
je vois avec une vive fatisfaction que les Articles Pré
»liminaires & provifionnels vous paroiffent , comme à ( Samedi 1 Mars 1783 ) .
>
( 2 )
moi , offrir la perſective d'une Paix qui , en déivrant
»mes Peuples de tous les fardeaux que les déenses de
»la Guerre avoient rendus inéitables , éablira , fi on
»fait profiter de fes avantages , la prospéiténationale fur
»une bafe folide . Ce font des objets que j'ai toujours
»àcoeur ; & toutes les mesures qui tendent àles rem-
»plir ne peuvent que m'êre agrébles . Je fuis ferme-
»iment réolu àexéuter tous les articles des Traité
»avec la bonne -foi qui a toujours caractéisécette Na-
»tion.
»Je partage entièement vos fentimens relativement
»àla jute confiance oùvous êes que dans l'Améique,
»feptentrionale on obfervera avec la mêe exactitude
»les ftipulations en faveur des malheureux qui ont fouf-
»fert de la Guerre ; ftipulations qui font fondés ſr
»la juftice & l'humanité, & qui ont actuellement la
»fanction d'un engagement public . Je n'ai pas le moindre
doute que cet article & tous les autres , faifant par-
»tie des Traité dont on s'occupe , feront déinitivement
>> arrêé & exéuté par les autres Puiffances , avec l'ef-
»prit de gééofité& de juftice dont elles doivent êre
»animés. >>
On érit de Chatan , en date du 17, que quelques Sol .
dits Irlandois , icen ié àl'occafion de la Paix , & qui
viennent de s'engager pour le fervice de l'Inde , ont commis
, depuis trois o 1 quatre jours , beaucoup de déordres
dans certe Place. Ils ont tuéou bleffédifféentes perfonnes
, & la frayeur des Habitans a éételle , qu'ils ont
ferméleurs boutiques & leurs maiſns bien avant la
nuit.
L'Irlande fait tous les efforts pour avoir la prééence
fur nous dans les marché Améicains. Il n'eft encore
parti d'Angleterre aucuns Bâimens pour les Etats-Unis ;
mais , le 16 de ce mois , il en a dûpartir un de Dubin
pour Philadelphie . Ce Vaiffeau , nomméla Marie , fera le
premier des trois Royaumes qui aura ouvert le Commerce
avec l'Améique.
Le Congrè a délaréle Presbytéianifme pour la Reli
gion dominante des Éats - Unis , oùd'ailleurs toutes les
autres Religions feront toléés. -
( 1 )
Suppléent aux Nouvelles de Londres , des 25 ,
26 & 28 Férier 1783 .
Du725
Férier
, Les Miniftres
fe font rendus
hier àSaint-James
, &
ont prié le Roi
d'accepter
leur
déiffion
, reprefentant
àS. M.
qu'ils
ne pouvoient
plus garder
leurs
places
aprè
avoir
perdu
, par la
Paix
, la confiance
du Parlement
. Le Roi a confenti
àleur demande
;
mais
ils garderont
les Sceaux
jufqu'à ce que la nouvelle
Adminiſration
foit formé
. Outre
les Miniftres
, le Duc de Manchester
& plufieurs
autres
Seigneurs
fe font
préenté
aulever
, & ont donné pareillement
la déiffion
de leurs
Places
. Le Lord
Avocat
d'Ecoffe
ne
s'y eft point
trouvé .
Le Roi n'a point encore délaréfon choix , relativement au nouveau
Miniftèe. On préend qu'il fera compoféde la manièe fuivante :
Le Duc de Portland , premier Lord de la Tréorerie ; le Lord
North , cré é Pair , & nomméGarde du Sceau Privé; Frééich
Montagu , Chancelier de l'Echiquier ; M. Fox & le Comte de Carlife
, Secréaire d'Etat ; le Lord Lougboroug , Lord Chancelier ; M.
Wallace , nomméPair & Premier Juge des Plaids Communs ; le
Lord Keppel , Premier Lord de l'Amirauté; le Duc de Devonshire
ou le Comte Fitzwilliam , Lord Lieutenant d'Irlande ; M. Burke ,
Tréorier des Troupes de Terre ; le Colonel Fitzpatrick ou le Colonel
North , Tréorier de la Marine . La place de Commandant en
Chef des Troupes de Terre fera fupprimé ; le Duc de Richmond ,
Grand- Maîre de l'Artillerie. Le Lord John Cavendish , ne voulant
accepter aucun emploi , fera cré é Pair , & la Pairie réerfible àfon
neveu.
Le Comtéde Shelburne s'eft entièement méris dans l'expofé qu'il a donnéàla Chambre des Pairs de l'importation des Pelleterie
du Canada , dont le Miniftre a éaluéle produit à50,000
livres . Il a appréiéavec aufii peu de juttene la perte de l'Ile de
Tabago , qui eft non-feulement trè préieufe par fa fituation en
temps de guerre , mais encore trè - fertile en coton . Elle produit
prè des deux cinquièes de tout celui qui eft importédans la
Grande-Bretagne . La perte de cette Ifle a déàfait hauffer confidéablement
le prix de cet article effentiel pour nos Manufactures
, & on ne doit pas douter qu'il ne hauffe encore davantage.
L'importation des pelleteries fe monte àplus de 200,000 livres par
anné .
Il s'eft tenu ce matin , chez le Duc de Portland , une trènombreuſ
affemblé des Perfonnes que l'on croit devoir former
la nouvelle Adminiftratier .
La Fréate l'Hydre , venant de la Jamaïue , eft arrivé àPortmouth.
Elle avoit appareilléde Port - Royal le 22 Déembre avec
l'Ardent , de 64 , & le Sloop le Vaughan , ayant fous leur Convoi la
Flotte de la Jamaïue. Le 4 Janvier , quarante huit Voiles fortirent du
Golfe ; le 17 , elles furent accueillies d'une violente tempêe qui difperfa
la Flotte , de forte que le 19 elle ne fe trouva compofé que de
trente- deux Bâimens rénis . Quelques jours aprè , le Vaideau de
guerre l'Ardent fit route pour Antigue, faifant deux pieds d'eau . Deux
( Samedi 3 Mars 1783. )
( 2 )
"
Bâimens péirent , mais les éuipages fe fauvèent. Les lettres appor
tés par l'Hydre annoncent que l'Amiral Hood croife avec l'efcadre
de New-Yorck entre Saint-Domingue & la Jamaïue , & qu'il a éé joint par les Vaiffeaux de cette dernièe ftation. Il eft àcraindre que
cette Flotte ne foit auffi malheureufe que la dernièe .
Suivant des Lettres de Dublin , les Néocians de cette Ville , de
concert avec ceux de Coike , fe ptopofent de former une Compagnie
pour faire le Commerce de l'Inde. On ne fait point encore fi cette
entrepriſ fe fera fous les auſices du Gouvernement ; mais il y a tour:
lieu de préumer que cette Compagnie ne pourra s'éablir fans l'agréent
& la fanction du Parlement d'Irlande.
Du 26 Férier. Le Lord Avocat d'Ecoffe a fait hier , dans la Chambre des
Communes, une Motion tendante àce que la Chambre s'ajournà au 28
pour donner àS. M. le temps de fe déerminer fur le choix des nouveaux
Miniftres. La Motion paffa par une pluralitéde 49 contre 37.
On dit que M. John Adams eft le feul Commiffai e nommépar le
Congrè pour faire un Traitéde Commerce & d'amitiéavec la
Grande- Bretagne ; & qu'àcet effet il ſ rendra àLondres auſ .i - tô
aprè la conclufion du Traitéde Paix actuel ..
Ce matin , le Capitaine Gower eft revenu de Portsmouth , oùil
éoit allévifiter les Chantiers , & donner de nouveaux ordres pour
que l'on mî en ordinaire les Vaiffeaux qui avoient ééretité de leur
commiflion.
Le Gouvernement a déàpafféun marchépour tout le Salpêre qui
fe trouvoit àbord des Vaiffeaux arrivé du Bengale.
Les Fonds baiffent àcaufe du nouvel Emprunt qui va avoir lieu ,
& qui ne fe fera qu'en efpèes.
Du 28 Férier. Le Roi n'a point encore forméla nouvelle Admiuiftration.
On afluroit hier que tandis que le Lord North & M. Fox
éoient occupé àajuſer les articles préiminaires de leur Traitéde
Paix & d'Union , il s'éoit fait une nouvelle ligue entre le Roi , le
parti de Bedford & ceux des anciens Collèues du Lord North ,
dont la conduite a ééle plus cenfuré par le Public , qui les regar
doit comme les inftrumens du Lord Bute. Telle éoit la nouvelle du
jour. Ce qu'il y a de trè - certain , c'eft que le Comte Gower , Chef
de la faction de Bedford , a eu ce matin un entretien avec S. M.
Cette nouvelle alliance a ééformé , dit- on , par le Lord Chancelier.
Si elle l'emporte fur l'autre , M. Jenkinfon fera Chancelier de
J'Echiquier , & M. Pitt nomméSecréaire d'Éat.
Le Duc de Portland , ainfi que le Lord Chancelier , ont eu hier un
long entretien avec S. M.
Il a ééoffert une Prime additionnelle de quatre pour cent pour
quelques Bâimens de la Flotte de la Jamaïue , mais elle a éé defufé.
Les Lettres d'Antigue donnent les nouvelles les plus alarmantes
de la fituation de cette Ile . Une féhereffe continuelle a totalement
ruinéla réolte de fucre pour l'anné préente , & les plants pour
l'anné prochaine feront pareillement déruits , fi l'on n'a prompteme
nt des pluies .
Les Lettres de Terre Neuve , datés du 14 Janvier , portent qu'on
y chargeoit environ 20 Vaiffeaux qui devoient partir fous quinae
jours,
A VIS.
1
Guillaum Uillaume Defprez , Imprimeur du Roi & dú Clergéde France , rue Saint- Jacques , àParis , donne
avis au Public , qu'il met en vente un Ouvrage trè
intéeſ .ant ſr la Guerre , ayant pour titre :
TRAITÉSUR LA CAVALERIE , par M. le Comte
DE DRUMMOnd de MelforT , Lieutenant- Gééal
des Armés du Roi , & ci- devant Inspecteur- Gééal
des Troupes-Léeres de France , avec Approbation &
Privilege du Roi. Un Volume in-folio de sos pages
d'impreffion , fur papier grand raifin , enrichi de Vie
gnettes & de douze Figures en taille- douce , dont un
Frontifpice gravéavec le plus grand foin ; & un grand
in-folio, forme d'Atlas , de trente-deux Planches gravés
en taille-douce , oùfont repré .enté , dans les
attitudes les plus juftes , tous les mouvements des
hommes & des chevaux , tant dans les procéé qu'entraîent
les principes de l'Equitation analogue au fervice
de la Cavalerie , que dans les tableaux qui traitent
des manoeuvres les plus favantes de cette arme
que dans ceux enfin qu'occafionnent toutes les parties
de fon fervice àla guerre , ils font éalement vus eri
actions fur toutes fortes de terreins , deffinés par le
Sieur Van Blarembergh , Peintre du Roi , attachéau
Déartement de la Guerre , & gravés par les plus
habiles Artiſes du Royaume.
Cet Ouvrage eft d'autant plus préieux, qu'il eft à la porté de tout le monde , puifqu'il conduit l'Hom
me de guerre , depuis l'éat de fimple Cavalier , juf
qu'àcelui , pour ainfi dire , de Gééal d'Armé. I
eft le fruit de quinze Campagnes de guerres , faites
fous MM. les Maréhaux de Coigny en Allemagne,
de Belleifle , de Broglie en Boheme , de M. le Prince
de Conti en Italie , du Maréhal de Saxe en Flandre ,
& depuis fous MM. les Maréhaux de Soubife , de
Contades & de Broglie en Weftphalie & en Heffe ,
oùM. le Comte de Melfort a commandéune des
avant-gardes de l'Armé pendant les quatre dernieres
Campagnes.
L'Auteur traite , dans la troifieme Partie de cet Ouvrage
, de toutes les opéations de la guerre de campagne
; & il s'eft attachéàrendre fes principes auffi utiles
aux Troupes-Léeres & àl'Infanterie , qu'àla Cavalerie
.
Il eft auffi le fruit d'une éude fuivie , tant dans le
Cabinet , que fur le Terrein , pendant le cours de
quarante annés de fervice , oùcet Officier - Gééal ,
qui a eu la permiffion de le déier au Roi Louis XVI ,
a vu manoeuvrer la plus grande partie des Troupes de
l'Europe , & entr'autres celles du grand Frééic , pendant
l'efpace de trois mois , fous les yeux du Felt-
Maréhal Keith , fon oncle.
Le prix eft de 120 livres en feuilles .
La reliure en veau du Volume d'impreffion in-folio
grand raifin , avec Figures , & du Volume des Figures
fur papier grand aigle , forme d'Atlas , le prix aujufte
eft de 24 livres , àajouter aux 120 livres ,
font
Pour l'envoi en Province , la caiffe coutera
Ce qui fait .
· • Les mêes Volumes , broché en carton ,
font de 9 livres , àajouter à120 livres ,
font ·• Et de mêe
pour
la caiffe
144
1.
6 1.
150
1
129
l.
6 I.
·135 1.
Ce qui fait
•• Ceux qui voudront fe procurer cet Ouvrage , s'adrefferont
audit Sieur Defprez , auquel on peut érire , en affranchiffant
les lettres & l'argent qu'on lui enverra , foit par la Pofte ,
foitpar toute autre voie , & ilfera remettre chaque exemplaire
aux Perfonnes qu'on lui indiquera.
chancellor of the diocele of Le- la Fabrique de la Paroifle de
terborough , and fellow of the Bagnolet Extrait des Regift es
royal and antiquary focieties ,
deceated , which will befold by
auction , by M. Peterfon , at his
great room Numero 6 king- Mignon S. André des- Arcs.
du Parlement , du 17 Janvier
1-83 . A Paris , chez P. G. Sirion,
& N. H. Nyon , Libr.- Impr. rue
Arect , covent garden , London , Arrê de la toutesment,
on monday , April 7 , 1783 and qui fait defenfes perfonthe
fortytwo following days.nes , de quelqu'éat & condition
London , 1783 , in - 8 ° 420 pag.
8360 articles .
qu'elles puiffent êre , de s'affembier
& de s'attrouper, fous aucun
préexte , & dans aucun ttemps
de l'anné ; de fimuler les fonc
trons de la Justice ; de courir
Hiflorical fragments of the
Mogul empire , of the morat
toes , and of the english concerns
in Indotan. Lond. 1782 , in - 8°.mafqués ou déuirés dans la
A history of the revolution of Ville & Fauxbourgs de Verbe-
Ali Bey , against the Ottoman rie ; porter ou reprefenter aucune
Porte , including an account of effigie ; faire aucuns charivaris ,
the form of governement of parades , cavalcades , ou autres
Egypt together with a defcription Jeux tumultueux ; infulter aucuns
of grand Cairo , and of feveral Particuliers de quelqu'éat & concelebrated
places in Egypt , Pa- dition qu'ils foient , par defignaleftine
& Syria. London , 1783 tions directes ou indirectes , fous
in-897 les peines portés audit Arrê :
Extrait des Regiftres du Parlement
, du 6 Férier 1783. Chez
les mêes,
Le Vocabulaire de Marine ,
Anglois & Françis , Françis &
Anglois ; par M. Lefcallier. London
, 1783 , gr . in- 8°. avec fig.
Suite des Ouvrages de Gégraphie
qui fe trouvent chez
Defnos , Ingéieur- Gégraphe ,
rue S. Jacques.
Lettres - Patentes du Roi , portant
abolition du droit d'Aubaine
entre la France & les Etats du
Comtéde la Leyen ; donnés à Verfailles le 12 Novembre 1782,
Atlas de Coilées , adapté& registrés en Parlemeur le 31 Janfaifant
fuite àla Gégraphie , vier 1783. Chez les mêes.
déiéàMile de Crozat : 28. Lettres -Patentes du Roi , fur
Cartes in 4. 15 liv.. Arrê
Atlas Hiftorique , dreffépour pofé aux quêes pour la ré
, portant que les Pré'intelligence
de l'Hiftoire de demption des Captifs , re joui-
France de MM . Véy, Villaret : ront de l'exemption d'aucunes
60 Cartes in 4.3212 liv.
Charges publiques ; donnés àla
Atlas , idem , en 34 Cartes , Muctte le 28 Septembre 1782 ,
fans celle de rééition ni Vi- registrés en Cour des
gnette, volume in-4 . de 34 Car- r Férier 1783. Chez Knapen &
tes ; 15 livi
fls , Libr. - Impr. Pont S. Michel.
CARTE 3. Atlas Hiftorique & Chronologique
, faifant fuite àl'Abréé de M. le Préident Henault : in-
4. rel . 21 liv .
Aides le
Seconde livraifon de l'Atlas
nouveaa , déiéàM. le Comte
de Vergennes , contenant 14 Cartes
au lieu de 12. ARRET S.
Arrê de la Cour de Parlement,
portant Rélement pour l'admi- guer ,
L'Aureur a eu foin de diftinpar
la couleur des enluminiftration
des bicus & revenus de nures , les difféentes poffeilions
chez Servièe
de- Beauvais
On trouve chez
Education corper.
par M. De
Le bien indique les 10es Fran - Tome 1 , 2 vol
soifes ; le rouge , les Angloifes : 4 Londres , &
le jaune , les Epagnoles , l'oranger
, les Hollandoifea ; le violer
fes Dancies. La Carte de la pref
que fic de l'Inde en deç du Gan
ge , depuis Charlemagor, & qui
doittane partie de la troièe if
vraifon , fera déivré fous peu
aux Soufcripteurs qui feront en
preffes de fe la procurer.
On fouferira jufqu'àla quatrieme
livrai on , chez TAuteur,
M. Mentelle , Hitoriographe de
Mgr . le Comte d'Artois , hôel
de Mayence prè le Notaire
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De education des enfans ,
traduit de l'Anglois de M. Jean
Locke pá M. CofMembre
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Le Journal de la Librairie fe vend féaréen
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Arrê du Confeil d'Etat du fie de Calipfo contre Eucharis &
Roi, du Is Janvier 1783 , qui Tééaque , deux Eftampes faiexcepte
les afpirans àla Maitrife fant fuite au huit du mêe fujet
d'Orfére , des difpofitions gééravés par de Monchy , d'aprè
rales de l'Arrê du Confeil du 24 Ch. Monet ; chacune , 1 liv. 10 f.
Novembre 1782 concernant Chez Auteur , cloltre S. Benot .
Papprentiffage Del Impr. Royale. Machine àelever l'eau par une
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jointe àla defcription : 3
Arrê du Confeil d'Etat du
Roi , du 2 Férier 1783 , concernant
le commerce de la Chine.
De l'Imprimerie Royale.
Ordonnance du Roi , du Is
Janvier 1783 , concernant les formalité
àobferver pour la remife
des billets ou engagemens de rançns
, ainfi que des otages qui feroient
faits en contravention à l'Ordonnance du 30 Aoû 1782 .
De l'Imprimerie Royale.
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Et fans defcription : 11. 16 f.
A Paris , chez l'Auteur , hôel S.
Louis , rue Git le coeur.
Plan general de la nouvelle
foire S. Germain projetté à l'extréitédurjardin du Luxem
bourg. A Paris , chez les frèes
Campion , rue S. Jacques.
Le Port des Sables d'Olonne
Ordonnance du Roi , du 4 Féle Port de Landerneau , for
vrier 1783 , concernant les termes mant les planches XXXIII &
de la ceflation des hoftilité en XXXIV de la collection des ports
met. De l'Imprimerie Royale.de France , deffiné pour le Roi
par le fieur Ozanne , Ingéieur de l'Ate du Feu , remis en mußde
la Marine chacun , 1 1. 10 f, | que ; par M. Edelmann ; paroles
AParis , chez le Goung , Graveur , de M. Moline 2 livres s fois.
rue . Hyacinthe place S. Michel A Paris , chez Bignon Graveur ,
On trouve àla mêe adreffe place du Louvre , àAccord per.
la Tempêe ou clair de lune , gra- fait , & àla falle de l'Opéa ; &
vé d'aprè M. Vernet , par J. J. chez Mlle Caftagnery , rue des
Flipart 6 liv.
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d'Estampes , au Louvre , & rue du Tomes XXVI & XXVII ; in - 4 ° Cog S. Honoré Chaque vol . fe vend br. 1a 1.
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l'imprime chaque femaine fur les Couverures da Mercure , & les
Soufcripteurs n'ont rien de plus àpayer.
On s'abonne en tout temps , àParis , Hôel de
THOU , rue des Poitevins. Le prix eft , pour Paris ,
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trente- deux livres , que l'on femettra la Pofte ,
en affrancaffant le Port de l'argent & la lettre
d'avis.
Meffieurs les Soufcripteurs du mois d'Avril fot
prié de renouveler de bonne heure leur Abonnement.
GRAVURES.
On trouve àParis , chez Ge
Cinquièe
Difpofition gééé & Né de la Rochelle ,
Libraires , quai des Auguftins ,
prè du pont S. Michel :
Hiftoire de Sophie de Francourt;
par M *** : 2 vol. in- 12. avec fig.
broch. 4 liv .
I
rale pour la diftribution des jardins
de propreté, compofé fur
un terrein irréulier contenant
environ 66 arpens , mefure de
Paris , projeté par le fieur Pan-
Les mêes Libr . peuvent differon , Architecte , liv. A Pa
pofer de quelques exemplaires ris , chez l'Auteur , ue des Mades
Tables latine & françife fons , prè la place Sorbonne.
des plantes qui forment la feconde Le retour de la chaffe , Ef
partie de l'Hiftoire naturelle du tampe deffiné, & gravé par A.
rène vééal , en 1200 planches J. Duclos , & déié àla biengravés
en taille- douce prix , faifance : liv. 4 f.
liv. 12 f. en feuilles . Ces Tables
, fans lefquelles
peut
faire ufage de cer Ouvrage , our
Cette Eftampe fait pendant à l'Exemple d'humanité L'une &
l'autre fe trouvent a Paris , chez
éétirés àpetit nombre , & ne Godefroy , rue des Francs- Bourforment
que cinq feuilles & degeois S. Michel.
mie d'impreflion in fol . LIVRES ETRANGERS.
Pidot , Libr. quai des Auguf Cecilia , &c. Céile , ou Méins
, a reç de Londres : Y moires d'une héitieres vol.
works of addifon , Bir- in- 12. 1782 ,
mn, printed by Basker- Payne.
ville : 4 vol . in-4
Londres , chez
Hiftoriæpriorum Regum Per-
Jch fon's Dictionary of the fatum poft firmatum in regte
english languaeze : 2 vol in fol , Ilumifmum , ex Mohammede
Cullen's first lines of prac- Mirchendo , perficè& latinè cum notis geographico- litterariis
: 1782. A Vienne , chez
Kursback .
tice of physc : vole ,
Fordyce's fermons to young
men : 2 vol . in -va.
Fordyce addreffes to young
Men : 2 vol. inerz
Lettre adreffé àl'AbbéRaynal
, fur les affaires de l'Améi
Suite des Ouvrages de Gé- que feptentrionale , oùl'on regraphic
qui fe trouvent chez lèe les erreurs dans lefquelles
Denos , Ingéieur-Gégraphe , cet Auteur eft tombé, en renrue
S. Jacques. dant compte de la réolution
Atlas , ou Tableau analytique d'Améique traduite de l'ande
la France , pour l'intelligence glais de M. Thomas Payne , M.
du déombrement du Royaume : A. de l'Univerfitéde Penfilya
vol . in 4. rel. 32 liv. nic , Auteur du pamphlet intitulé le Sens commun des autres
ouvrages, Philadelphie , 17823
br. in-8 °. de 124 pages : liv.
10 f.A Philadelphie , & fe trouve
àParis , chez Knapen & fils
Libr.-Impr . au bas du Pont S,
Michel,
Atlas , ou Neptune françis ,
contenant les côes maritimes de
la France , 40 cartes in- 4 . rel .
18 liv.
Atlas d'Angleterre , levétopographiquement
par ordre de S. M.
Britannique in-4 °. rel. 24 liv.
Atlas Eccléiaftique , conte- Letters adreffed to two yound
nant tous les Evêhé & Méro- maried ladies , &c. Lettres adref
poles des quatre parties du mon- fés àdeux jeunes Dames made:
in-4°. cl. 12 liv. riés fur les fujets les plus
intéeffans : 2 vol . petit in-3 °. | comique , le Jeudis Déembre
1782. 4 Londres , chez Dadley.
Ludwig der firenge , &c. Louis
le Severe , Tragéie patriotique
en cinq actes in - 8 °. 1782. A
Munich , chez Strobl. *
Le Maîre de délamation ,
Coméie en fcèes àtiroir , en
profe & en un acte ; par M. le
Teffier. A Amfterdam , & fe
trouve d Paris , chez la veuve
Ballard & fils , Lib.- Imp. rue des
Mathurins.
1782 , 1 liv. 4f. A Amfterdam , &
le trouve àParis , chez Cailleau
Litr.- Inpr, rue Galande , vis-àis
celle du Fouarre.
Remarks ou Rouffeau's Fm
lius , & c. Remarques fur l'Emile
de Rouffeau : in-12 . 1782. A
Londres , chez Nicoll.
Vida interiorA & . Vie inté rieure , ou Confeffiors du vééable
ferviteur de Dien D. Jeande
Palafoxy Mendoxa , Evêue
Le Mal entendu , ou il ne faut de la Puebla de los Argeles &
jurer de rien. Coméie-Proverbe d'Ofma : nouv . éition : 1782 .
en un acte & en profes repréen- 4 Madrid , chez Doblado
té pour la premièe fois àPa- chez del Barco & Hurtado
sis , fur le thé âtre de l'Ambigu-
Avec Approbation & Privilée du Roi.
Le Journal de la Librairie fe vend (éaréent chez Pier when re
primeur Ordinaire du Roi , rue Saint Jacques , 7 liv. 4 fols On
Fimprime chaque femaine fur les Couvertures du Mercure , & les
Soufcripteurs n'ont rien de plus àpayer .
On s'abonne en tout temps , àParis , Hôel de
THOU , rue des Poitevins. Le pi eft, ponr Patis ,
de trente livres , & pour la Province ,pet fr.
trente- deux livres , que l'on remettra la Pofte
en
d'avanchiffant
le Port de l'argent
& la lettre
Meieurs les Soufcripteurs du mois d'Avril fors
prié de renouveler de bonne heure leur Abonnement.
The hiftory of england , byD.
Hume , a new edition , with the
author's last corrections and imiv.
Ceux qui n'auront pas foufrit
, paieront l'exemplaire 168
iv . La brochure en carton de
chaque vel in - 8 °. Le paiera 6.f.provements to which is prefixed ,
avec une éiquette fur le dos. a short account ofhis life , writ-
Le prix du mêe format enten by Himself : 8 vol. in-89 .
papier de Holl. , fera de 264 liv. London . 1782 .
Le prix de l'exemplaite in-4°.
ur papier d'Annonay , fera de
76 liv. A Paris , au Parnaffe
françis ,, rue du vieux Colom- graphie qui fe trouvent chez
bier , en face de la rue Caffette . Deinos , Ingéieur-Gégraphe
On le propoſ en outre d'en rue S. Jacques.
faire exéuter quelques exemplaires
fur du papier véin , le
premier fabriquéen France par
M. Réeillon.
Syftêe du Philofophe chréien
: in -3 °. 11.4f. AParis , chez
Gellor, Libr. Impr. rue des grands
Auguftins.
AVIS.
Sterne's works : to vol petit
in- 8 °. avec figures. London .
Suite des Ouvrages de Gé-
Atlas hiftorique & chorogra
phique des vingt-deux éections
de la gééalitéde Paris , enluminé : in- 4 . relié, 18 liv.
Atlas chorographique de la
Picardie & de l'Artois , du haut
& du bas Boulonnois : in - 4°. relié , 18liv.
Atlas topographique de la
Flandre , fous le titre de frontièes
de France & des Paysbas
: broché, 18 liv
Théphile Barrois , Libr. quai
des Auguftins , a acquis du fonds
de M. P. F. Didor le jeune
les ouvrages fuivans :
Le Boucher , Libr. quai de
Gevres ; Onfroy & Lamy , Libr.
quai des Auguftins , chez lef
quels fe trouve l'Etat de la No
blefe , prient les perfonnes qui
auoient des méoires àar
faire paffer pour êre eres
dans Ear de l'anné 184 , de Dictionnaire de chymie , conne
les adreffer qu'àle Boucher , tenant la thérie & la pratique
f chargéde tous les foins re- de cette fcience , fon application
àcet objet. àla phyfique , àl'hitoire na-
On trouve àParis , chez Laturelle , àla méecine , & aux
my, Libr. quai des Auguftins , arts déendans de la chymie ;
l'ouvrage fuivant : par M. Macquer : feconde éi-
L'Amerique déouverte , en fix tion , vue & confidéablement
lives : broch, in- 12. de 174 pag. augmenté . Paris , 1778 : 4 vol .
On trouve àParis , chez Mein- 8 °. relié , zo liv,
rig jeune , Lior, quai des Au
gufins , au coin de la rue Pavé ,
Poivrage fuivant :
"
Henri IV, ou la Réuction de
Pais , Poëe en trois actes :
pa M. P. de V: in-8 °. broché,
jlv. 4f..
Piffot , Libr. quai des Auguftins
, a reç de Londres :
Evelina , or , the history of a
young Lady's entrance into the
world , bythe author ofCecilia :
vol. in 12. London 3
Le mêe : 2 vol . in -4" ,
relié , 30 liv.
Le mêe 2 vol. in 4°
grand papier , en feuilles , 48 liv.
Plan d'un cours de chymie
expéimentale & raifonné, avec
un Difcours hiftorique fur la
chymie ; par M. Macquer. Paris ,
1757 , in- 12 , relié, 2 liv. 10 f.
Manuel de chymie , ou Expofé des opéations de la chymie &
de leurs produits : ouvrage utile
aux perfonnes qui veulent prendre
une idé de cette fcience , ou
qui ont deffein de fe former un
cabinet de chymie : feconde éition
, revue & augmenté ; par
M. Beaumé Paris , 1766 , in-12.
relié, 3 liv.
Chymic expéimentale & raifonnés
par M. Beaumé Paris ,
1773 , 3 vol. in-8 °. rel. 18 liv.
Méoire fur la meilleure man
èe de conftruire les alembics
& fourneaux propres àla diftillation
des vins , pour en tirer les
Paris , 1778 , in-8 °, broché, 1 1.
eauxde vie ; par M. Beaumé
10 fols.
ARRET S.
Arrê du Confeil d'Etat du
Roi , du 14 Mars 1783 , concernant
l'adminiftration de l'Hôital
royal des Quinze vingts aveu
gles de Paris . A Paris , de l'Im
Prime Royale.
Arrê du Confeil d'Éat du
I
Roi , du 16 Mars 1783 , portant
modéation de droits fur les
charbons de terre entrans dans
la ville de Taris ou dans la ban
lieue. A Paris, de l'Imprimerie
Royale.
Ordonnance du Préô des
Marchands , & Echevins de la
ville de Paris, concernant la tare
provifoire pour les prix des voi
tures de bois àbrûer , chez les
habitans de cette ville du 15
Mars 1783. A Paris , chez Lottin
au Cog
RAVURE
S.
aîé, Impr. -Libr. rue S. Jacques ;
:
Portrait en couleur de Mile
Saint-Huberti , de l'Acadéie
Royale de Mufique , gravépar
M. Lemoine , & faifant pendant
àcelui de Mile. Colombe : 3 liv
AParis , chez l'Auteur , rue Gre
netai , maifon du Roi David,
Aves Approbation & Privilée du Roi.
Le Journal de la Librairie Te vend féaréent chez Pierres ,
Imprimeur Ordinaire du Roi , rue Saint Jacques , 7 liv. 4 fois. Q
l'imprime chaque femaine fur les Couvertures du Mercure , & les
Soufcripteurs n'ont rien de plus àpayer.
En s'abonne en tout temps , àParis , Hôel de
THOU , rue des Poitevins. Le prix eft , pour Paris,
de trente livres , & pour la Province , port frand,
trente deux livres , que l'on remettra àla Pofte ,
en affranchiffant le Port de l'argent & la lette
d'avis.
Meffieurs les Soufcripteurs du mois d'Avril__
MER
DE FRANCE.
( No. 9. )
SAMEDI I MARS 1783 .
A PAR I S.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
LIVRES NATIONAUX A Amiens , chez J. B. Caron l'aîné,
I'Ani des enfans; par M. Ber- Impr . du Roi , rue S. Martin's &
quin , volume de Fever 1783. à Paris , chez Onfroy , Libr, qual
Un fouferit à Paris , au Bureau des Auguftins
du Journal , rue de Univerfité , Quvres de J. B. Robert Boiftel au coin de celle du Bacq , N° . 28. d'Wiese
Badre fer à M. le Prin
La foufcription
4 pour Paris, & de
pour la Province.
contenant Antoine &
Direct. Cléopatre; Irène , ceuvres diver
13 liv . fes vol. in- 8°. de 211 pages br.
liv.4fols 2 liv. 8 fols . Chez les mêmes .
Les entretiens de Phocion fur.
le rapport de la morale avec la po
litique ; parM. l'Abbé de Mably:
nouv . edit. 3 vol . in 18. meme
formar , papier & caractère que
les Moralifies : br . 9 liv. A Paris,
chez Lamy, Libr. quai des Auguftins.
Difcours prone cé à la féance
publique de l'Acad. des Sciences,
Belles - Leurres & Arts d'Amiens,
ie : Ackt 1781. parM. d'Agay,
Intendant de la Province , furles
avantages de la navigation inté
rieure, auquel on a font la carte
de communication de la mer Mé On trouve chez le même , Rediterranée
avec la merdi. Nerd , marques fur lesfièvres en générat
par le casal projette en Bourgo- & en pariter fur celle de E
gre, & par les citat de Picardies tamne 1780 1781 7891
кому . 2. de si p. le fois.
vramiera Epictere , grec &
françois , en papier ordinaire , z
liv. 8 f. en papier d'Annonay 41 .
Il en a été tiré quelques Exemplaires
fur vélin . Chez le même.
Hiftoire du grand duché de
Tofcane , fous le gouvernement
des Medicis , traduite de l'italien
de M. Riguccio Galluzzi ;
tomes V & VI: in - 12 . br . liv.
rel. 6 liv . A Paris , rue & hotel
Serpente.
La Méchanique appliquée aux
arts , aux manufactures , à Fagriculture
& à la guerre ouvrage
orné de 12e planches ; par M.
Berthelot , Ingénieur- Mechanicien
du Roi. Tome II . A Paris
cher l'Auteur, rue de la Marche
au marais , maifon dufieur Maffe;
chet Demonville , Impr. rue
Chriftine.
dinaire de MONSIEUR; repré
fentée à Verfailles devant LL.
MM . le Jeudi 16 Janvier 1783
& à Paris , le Lundi 20 du même
mois , par les Comédiens
François. A Paris , chez P. Fr.
Guefier , Lib.- Impr . aubas de la
rue de la Harpe , à la Liberté.
AVIS.
Piffot , Libr. quai des Auguf
tins , a reçu de Londres :
Tryals for adultery , 70 Numé
ros , in- 8 . fig. Lond . Shenflone-
Green ; or the new Paradife loft,
being a history of human nature:
vol . in. 12. London.
The Sylph, a novel : 2 vol. in- 12.
London.
12.
The royal regifter containing
obfervations on the principal characters
of the church , the state
and the court , male and fema
Les vrais principes de la lectu- le , &c. &c. with annotations by
re , de l'orthographe , de la pro- Another Hand : 7 vol. in
nonciation françoife , de feu M. London.
Viard , revus & augmentés par
M. Luneau de Boisjermain : 4
parties , in- 8 °. port franc , liv .
A Paris , chez l'Auteur , au Bu..
reau de l'abonnement littéraire, rue
S. André- des- Ares.
Pierre Théophile Barrois le
jeune , Libr. rue du Hurepois,
a reçu de Londres :
The new annual regifter or
general repofitory of hidory , polities
and litterature for the year
1781 , Londen , 1782 , in-8°.
The royal kalendar or come
for England , Scotland , Ireland
and America for the year ; 1783 .
London , in 12 .
Relation d'un voyage dans la
mer du Nord , aux côtesd Iflande
, du Groenland , de Ferro , deplete and correct annual regifter
Schertland , des Orcades & de
Norwege , fait en 1767 & 1768 ,
par M. Kerguelen : in-4 , avec
36 fig . en taille-douce : broch.
en carton , 9 liv. A Paris , chez
Lamy , Lib , quai des Auguftins.
On peut fe faire inferire chez
le même Libraire pour recevoir à
la fin du mois le Traite de la con
folation de Bocce en latin , revu
sma
Boyer's royal dictionary abridged
in two parts , 1 french &
english , 2 english & french , to
which are added , the accents of
the english words to facilitate
their pronunciation to foreigners,
the fifteenth edition , carefully
corrected and improved , with a
& collationné fur great many additions , by J. C.
nuferits . Il y en aura
plaires du fo mat des Auteurs
imprimes par les Elzevirs , & de
ceux imprimés par
MM. Barbou.
Prieur. London , 1783 ; 2 vol.
in - 8 °.
Bibliotheca croftfiana , a cata-
Le Roi Lear , Tragédie en logue of the curious and diftineinq
actes ; par M. Ducis , del'A- guished library of the late revecadémie
Françoite , Secrétaire or Frend and learned Thomas Crofte
MERCURE
DE FRANCE
( No. 1o . )
SAMEDI 8 MARS 1733 .
A PARIS.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE
LIVRES NATIONAUX.
Bibliographic infective; tome
ture confidérée fous les différens
afpects : br . de 62 pages . A Paris,
XI , conrenant la parte eltiman- chez Lamy , Libr. quai des Auguft .
vedu prix des livres rares & précieux
: 8.grand format de 40
pages furr pap, vélin de France ,
Le Faune François , ou Traité
hiſtorique de tous les animaux
terreftres ,
to liv- in - 4°. forle même papier. & velamphibies
21 liyem , fur pap . d'Holl . 24
iv. A Paris , chez M. Retourné ,
rue de Poitou , au marais.
France ;
par M. Buc'hoz , Médecin de
MONSIEUR, &c. Tome lin
Chez l'Auteur , rue de la Harpe.
-
Catalogue des livres latins Hiltone Unive felle depuis le
françois , italiens , efpagnols , commencement du monde jalportugais
, turcs , perfans & ara- qu'à préfent , complée en
bes, de fucceffion de M. Pelle- glois par une fociere de Gens de
rin , dont la vente fe fera Mercre Lettres , nouvellement traduite en
a Mars &jours fuivans , tue S.Français par une fociete de Gens
Florentin , No. 4. A Paris , chez de Lettres ; enrichie de figures &
Barois le jeune , Libr. quai des
Auguftens,
Extrait de l'histoire générale
& économique des trois regues
partie des annonces ; ou de la nade
cartes. Tome L, formant le X.
Ide Plut. Moderne , contenangla
fuire del Hin de l'Indouftan , ou
de l'Empire digand Mogol , &
partie de celle des pays compris
dans la prefqu'ille de l'Inde , en
deçà du Gange in 8. A Paris ,
chez Moutard , Impr.- Libr, rue des
Mathurins.
Notes fur le génie , la difcipline
militaire & la tactique des
Egyptiens , des Grecs , des Rois
d'Alie , des Carthaginois & des
Romains ; & c. par M. le Comte
de Saint-Cyr , Cornette- Blanc :
vol. in-4 . rel , en veau. 18 liv . br.
Is liv. A Paris, chez Lottin l'aîné,
Impr.-Libr. rue S. Jacques ; &chez
Ceilor , Impr .- Libr. rue des grands
Arguftins.
veau écaille & dorés fur tranche,
25 liv. A Paris , chez Servière
Libr . rue S. Jean - de- Beauvais..
On trouve chez Lamy , Libr ,
quai des Auguft. les ouvrag. fuiv.
Traitéfur l'art des fiéges & les
machines des anciens , & c. par M.
de Maizeroy
fig. rel . 6 liv.
. 1 vol. in- 8 °. avec
L'Art de faire les ferrures à
fecrets , pour fervir de fupplément
à l'Artdu Serrurier ; 1 vol . in- fol.
avec fig. 9 liv . en pet. pap . & 15
liv. en grand du format des Arts.
Traité des infectes utiles &
nuifibles ; par M: Buc'hoz
12. br. 2 liv. to f.
Tréfor des Laboureurs ; par le
une méthode facile & abrégée de
lever un plan , &c. par M. le C.
de Brühl : in 8 °. avec fig. br. 2 1.
to frel, 3 liv. Iof.
Effai fur la perite guerre , &c.
par M. le Comte de la Roche : 2
vol. in- 12. avec fig . broc. 5 liv.
rel. 6 liv.
Recueil de Généalogies pour fervir
de fuite au Dictionnaire de la
Nobleffe , contenant la fuite des
généalogies , l'hiftoire , la chro- même: in- 12 . br . 2 liv. 10 f.
nologie des familles nobles de Ecole de l'Officier , contenant
France , &c. Tome XIII , ou
premier Recueil : in - 4 .br. 15 liv.
A Paris , chez Lamy, Libraire ,
quai des Auguftins ; & Badiez
Editeur , rue S André- des- Ares .
Réflexions philofophiques fur
le plaifir ; par un Célibataire :
br. de 80 pages , franc de portpar
tour le Royaume. I liv. 4 fols .
Lesexemplaires fur pap . fuperfin
d'Holl. 3 liv, AParis , chez l'Au
teur , rue des Champs - Elyfees ,
fauxb. S. Honoré ; la veuve Duchefne
, Libr. rue S. Jacques ; le
Jay, Libr. rue neuve des Petits
champs; Bailly , Libr, rue S. Ho- 4 . 22 liv.
nore; Defenne, L. au Palais royal.
Suite des Ouvrages de Géo-.
graphie qui fe trouvent chez
Delios , Ingénieur-Géographe ,
rue S. Jacques.
Atlas , ou Tableau de la France
, confidérée fous fes différens
points de vue : 36 cartes , vol. in-
Atlas , l'Indicateur fidèle , ou
Romans hiftoriques , quinziè - le Guide des voyageurs , qui enme
frècle ; Hiftoire fecrette de feigne toutes les routesde France:
Bourgogne; par Mile , de la For- vol . in-4 . 13 liv.
ce : 3 vol. in- 12. br. 18 liv. A Paris
, de l'Impr. de Didot l'aîné ,
quai des Auguftins,
Semonce , ou Difcours pour
'ouverture des féances publiques
de l'Académie des jeux floraux de
Toulouse , 1782 ; par M. l'Abbé
Labar de Mourlens. r2 liv. Chez
Efchenart, Libr . pont N. Dame.
Théâtre de Voltaire , to vol.
in-16 . ornés de 34 fig. y compris
le portrait de l'Auteur : rel . on
Atlas , ou Itinéraire général
contenant toute les routes érrangères
, en 22 cartes : in-4°. enlumine
: 13 liv.
Arlas desgouvernemens géné
raux & des généralites du royaume
de France, en 18 cartes : in-
4 relie, 15 liv.
PP. Théophile Barrois , Libr..
quai des Auguftins , a reçu d'Allemague
:
Caroli A Linné termini boraMERCURE
DE FRANCE.
( No. 11. )
SAMEDI 15 MARS 1783 .
A PAR I S.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
LIVRES NATIONAUX
' Ami des enfans ; par M. Berquin
, vol, de Mars 1783 , No. 3.
On fouferit à Paris , au Bureau
du Journal , rue de l'Univerfité ,
aucoin de celle du Bacq , No. 18.
S'adreffer d M. le Prince , Direct.
La foufcription eft de 13 liv.
4f . pour Paris , & de 16 liv. 4fol.
pour la Province .
4
Architecture hydraulique ; ca
nal des deux mers ; par M. de la
Roche , ancien Ingénieur des
Ponts & chauffées : 13-4° . rel. 12
Jiv. A Paris , chez Demonville ,
LibrImpr rue Chriftine; à Verfeilles
, chez Blaizot , Libr. rue
Satory ; & le trouve en feuilles ,
chez Aur , enclos des Cordelières ,
rue de l'Ourfine,fauxb. S. Marcel.
L'Art des Arpenteurs renda
facile, ou Méthode pour appren-
| dre, par une lecture réfléchie de
trois heures , le moyen de mefurer
exactement toutes les figures
de terreins poffibles , & d'en don
rer lesplans ,fans fe fervir d'autres
inftrumens que de l'échelle
& du compas ; feconde édition ,
orrigée & augmentée , br . in-40
de 13 pages . 1 liv. 4 fols. A Paris .
cker Belin , Libr. rue S. Jacques.
Catalogue d'une bibliothèque
curieufe & choilie , dont la vente
fe fera le Lundi to Mars 1783 , &
les jours fuivans ; chez Gogué &
Née de la Rochelle , Libr, quai des
Auguflins : br . in- 8 ° . de 74 pages.
Le combat fpirituel , compofé
en italien parle R. P. D. Laurent
Scapoli, Clerc Régulier Théatin
, & traduit en françois par le
P.J. Brignon , de la Compagnie
de Jéfus dédié à Mgr . de Madec
chez l'Auteur, rue de la Harpe.
Nouvelle Methode de traiter
les fractures & les luxations ; ou
vrage traduit de l'anglois par M.
Laffus , Membre du College de
Chirurgie de Paris , &c. vol .
in- 12 . de 178 pages , br. 1 livres .
A Paris , chez Méquignon l'aîné,
Libr. rue des Cordeliers.
chault, Evêque d'Amiens : nouv.
édit. rel. en ,veau. 1 hv. 4 fols.
On a tire quelques exemplaires
ceste nouv. edit. fur grand carré,
quife vendron , en feuill . 2 1 .
A Amiens, chez . Caron le jeune ,
Libr. vis- a-vis l'Eglife S. Martin .
Differtation anatomico -acouf
fique, &c. par M. Perrolle, Docteur
en Médecine de l'Univerfité Remarque fur cette espèce de
de Montpellier , & c . br . de 48 paralyfie des extrêmités inférieupages.
18 fois. A Paris , chez Meres , que l'on trouve ſouvent acquignon
i'ains , rue des Cordeliers. compagnée de la courbure de l'é
Etat de la nobleffe, année 178 ,, pine du dos , quieft fuppofée en
pour fervir de fupplément à tous etre la caufe , avec la methode de
les ouvrages hiftoriques , chro- là guérir ; fuivie de plufieurs obmologiques,
héraldiques & genéa- fervations fur la neceffite & les
logiques , & de fuite à la collec- avantages de l'amputation dans
tion des Étrennes à la Nobleffe . certaines circonftances ; par M.
&c. br . 3 liv. rel. 3 liv . 12 fols . 4 Percival Pott , de la Société
Paris , chez Leboucher, Libr. quai Royale de Londres, & c. ouvra
de Gevres ; & chez Onfroy & La- ge traduit de l'anglois , avec des
my, Libr . quai des Auguftins.
obfervations & des additions, par
Idée du monde, ou idées généM Beatenbrock , Docteur
ales des chofes dont un jeune
homme doit être inftruit ; ouvrage
curieux & intéreffant , orne
de 9 planches en taille - douce ;
par M. A. T. Chavignard de la
Pallue , Ecuyer : nouv. édition ,
2 vol . in 12. rel. 6 liv. A Paris
chez Moutard, Impr. Libr , rue des
Mathurins.
Médecine . Affocié au College
Royal des Médecins , & à la Socieré
Royale de Médecine d'Edimbourg
: br. in- 8 ° .de 99 pages .
liv . 4 fols. Chez le même.
Méthode sûre pour apprendre
à nager en peu de jours ; pec
Nicolas Roger , Plongeur
profeflion : broc. de 36 pag . ine
24. 1 liv. 4 fols . AParis, chez Legras
, Libr, quai de Conti
Lettres de M. l'Abbé de S. L** , |
de Soiffons , à M. le Baron de
H*** , far différentes éditions Gauguery, Lib . rue S. Benoir,
rares du XV fiècle. br. in- se , de
40 pages. AParis , chez Hardouin ,
Libr. rue des Prêtres S. Germain
Auxerrois.
Mandement de Mgr. l'Archev .
de Paris, qui permet l'ufage des
eufs pendant le carême prochain
, depuis le Mercredi des
Cendres inclufivément, jufqu'au
Vendredi de la femaine de la Paf
Sion exclufivement in-4 ° . A
Paris , chez Cl. Simon , Impr. de
Mgr. Archev, rue S. Jacques.
Manuel ufuel & économique
des plantes, & c. par M. Buc'hoz ,
I vol . in 12. de 345 pag. APari
vis à -vis la porte de l'Abbaye
S. Germain- des-prés , vient de
recevoir des exemplaires de la
nouvelle édition des Mémoires
pour fervir à l'histoire d'Anne
d'Autriche , époufedeLouis XIII,
Roi de France ; par Madame de
Motteville : 6 vol. in-12 . br. 15 1.
12 fols .
Guillot , Libraire , rue de la
Harpe , prévient le Public qu'il
donnera les OEuvres poftumes de
1. J. Rouffeau , pour fervir de
fupplément aux éditions publiées
pendant fa vie : 9 vol. in de , br.
12 li
MERCURE
DE FRANCE
( No. 12. )
SAMEDI 22 MARS 1783 .
A PARIS.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
LIVRES NATIONAUX.
Almanach mufical pour les années
1781 , 1782 & 1783 , quatre
parties in- 12 . par M. Luneau de
Boisjermain. 6 liv. A Paris , du
Bureau de l'abonnement littéraire,
rue S. André- des- Arcs ,
Bibliothèque orientale; par M.
d'Herbelot , nouv. édit, réduite
& augmentée par M. D*** . 6
vol. in- 8 . A Paris , cher Moutard
, Impr.-Libr. rue des Mathur.
Petits Elémens d'hiftoire , pour
fervir à l'intelligence du tableau
hiftorique & chronologique ,
par M. Bruneteau d'Embreine ,
broc. in-8 °. avec le tableau féculaire.
liv. 12fols , Sans letableau
Jiv. 4fols. A Paris , chez Belin,
Libr. rue S. Jacques.
Les trois Inconnues , Comédie
en trois actes & carvers, melee
d'ariettes ; repréfentée par les
Comédiens Italiens'ordinaires da
Roi. 1 liv . 4 fols. A Paris, chez
Brunet, Libr. rue Mauconfeu .
Euvres paftorales de M. Merthgehn
, trad . de l'allemand , Ipar
M. le Baron de Naubell , 2 vol.
in 16. avec fig. br. 6 liv. En pap .
d'Hollande. 9 liv. A Paris , chez
Belin , Libr. rue S. Jacques.
Voyage littéraire de la Grèce
par M. Guis , troisième édition.
4 vol . - 8 . br. 16 livres, rel. cn
écaille & filets , 21 liv.
On a tiré quelques exemplaires
in-4 , grand papier , dont les
gravures font avant la lettre : 2
vol. in-4 °. br. 42 liv. rel. dorés
fur tranche . 51 liv. A Paris , cheg
la veuve Duchefne , rue S. Jacques.
Nouveaux Effais historiques
fus Paris, par M. le Chevalier
du Coudray tome IV br. 2
liv.
Suite des Effais , contenant les
anecdotes du Comte & de la
Comteffe du Nord : br. 1 liv.
Jo fols .
Ceux qui prendront les deux
ouvrages enfemble , ne les paieront
que 3 liv. chez l'Auteur , rue
de Sorbonne, & Belin , Libr. rue S
Jacques.
la
AVIS.
On trouve à Paris , chez Belin ,
veuve Duchefne , Morin , Lib.
rue S. Jacques ; l'Efclapart , Lib.
pont Notre-Dame ; Lamy , Lib.
quai des Auguftins ; Cellot ,
Libr. rue des grands Auguftics ;
Jombert, Libr. rue Dauphine;
Nyon atné , Libraire rue duJardiner;
& chez M. Bonnot , Vérificateur
de Bâtimens , carrefour
de la Croix Rouge , fauxbourg
S. Germain, l'ouvrage fuivant :
Détail général des fers de bâtimens
, avec leurs prix ; vol.
n-s .br. 6 liv.,
On trouve à Paris , chez Dezauche
, Géographe , rue des
Neyers , les cartes fuivantes :
Carte particulière & très- détaillée
du royaume de Naples , en
deux feuilles .
Carte de l'ifle & royaume de
Sicile.
Carte générale de l'Italie & de la
Sicile; l'une & l'autre par Guill.
Delifle & Phil. Buache : nouvellement
revues & augmentées par
Dezauche , Géographe : chaque
feuille , 1 liv. fols.
Suite des Ouvrages de Géographie
qui fe trouvent chez
Defnos , Ingénieur-Géographe ,
rue S. Jacques .
Atlas élémentaire de Géographie
& d'hiftoire ; par Buy de
Mornas : 4 vol . de differente grandeur
& de prix , qui fe vendent
féparément.
Atlas de la géographie ancienne
,tant facrée que profane , de
puis la création jufqu'à Jéfus
Chrift : relié , 27 liv.
Atlas pour fervir d'intelligence
à l'hiftoire des différens peuples
du monde & des cérémonies religieufes
relié , 14 liv.
Atlas, ou nouveau Plan dè
Paris , de fix pieds , divifé en fes
vingt quartiers , fauxbourgs &
environs : 36 cartes , in-4°. rel .
18 liv.
La fuiteà l'ordinaire prochain.
ARRET S.,
Arrêt du Confeil d'État du
Roi , du 5 Février 1783 , concernant
la fabrication des étoffes
de draperie , fergeterie, & autres
étoffes de laine indiftin &tement .
AParis , de l'Imprimerie Royale,
Arrêt de la Cour de Parlement,
qui ordonné que la diftribution ,
foit en bled , foit en pain, ne fe
fera plus dans la paroiffe de Sarcelles,
le Vendredi de la première
femaine de Carême ; & que la
diftribution fera faite , dans tous
les temps de l'année , aux vieillards
& infirmes , aux veuves
&orphelins , & aux pauvres hors
d'état de gagner leur vie , fuivant
le rôle qui aura été arrêté
par le Curé & les Marguilliers
en préfence du Syndic , & de
deux principaux habitans de la
Paroiffe ; extrait des regiftres du
Parlement , du 26 Février 1783 .
A Paris , chez P. G. Simon ,
& N. H. Nyon, Libr. -Impr, rue
Mignon S. André- des-Arcs.
Arrêt de la Cour de Parlement
, qui homologue une Or
donnance rendue par le Lieute
nant- Général de Police de la
ville de Paris , le 25 Février
1783 , relativement à ce qui doit
être obfervé par les bouchers
rôtiffeurs , cabaretiers , hôteliers,
aubergiftes , traiteurs , & logeurs
en chambres garnies , pour la vente
& le débit de la viande pendant
le carême : extrait des regiftres
du Parlement ,
du 27 Fé
MERCURE
DE FRANCE.
( No. 13. )
SAMEDI 29 MARS 1783 .
A PARI S.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
A Paris , chez Moutard , Impr.-
Libr, rue des Mathurins.
LIVRES NATIONAUX.
L'Agriculture , Poëme dédié
Roi , par M. de Roffet , fe De l'Application de l'électriande
partie : in-4 . de 128 pag. cité à l'art de guérir , Differtabr
. 3 liv . A Paris , de l'Imprim. tion inaugurale , par Jean Bapt.
Royale, & fe trouve chez Mou- Bonnefoy , de Lyon , gradué. intara
, Imp. Lib. r . des Mathurins . 8° . de 163 pages. 1 liv. 16 fols,
Certe feconde partie contient A Lyon , chez Aimé de la Roche
trois nouveaux chants ; favoir , & fe trouve à Paris , chez Megui
les plantes & le potager , les gnon alné, Lib . rue des Cordeliers.
étangs & les viviers, les bofquets
& lesjardins.
La première partie , contenant
les fix premiers chants ornés de
gravures , fe trouve chez le
meme Libr. Le prix eft de 12
liv. broch. & de 15 liv .rel. les
deux parties reliées enfemble ,
18 liv.
Les Amours de Daphnis &
Chloé , trad. nouv. in- 8° . de
218 pag avec vignettes, br. liv.
Les Aprèsfoupers de la fociété,
petit Théâtre lyrique & morale
fur les aventures du jour ;
dix-neuvième cahier , tome V
contenant la Succeffion, Comédie
en un acte & en profe. A Paris ,
chez l'Auteur , rue des Bons- Enfans
, la porte-cochère vis- à- vis la
cour des Fontaines , au Palais
Royal.
Calendrier pour l'année 1783 ,
à l'ufage des élèves qui fréquensent
l'Ecole royale gratuite de
Defin avec le plan & l'élév. de
ladite Ecole.A Paris , ex Eco
les de Den , rue des Cordeliers.
Elévations du Chrétien malade
& mourant , conforme à Jéfus
Chrift , dans les differemes cir
conftances de fa paffion & de fa
mort ; par M. Peronnet : troifième
édit. aug. d'une notice hiftorique
de la vie de l'Auteur : in- 12 .
Tel . 21. 10. A Paris , chez Onfroy,
Libr. quai des Auguftins,
Effai fur l'hiftoire de la fociété
eivile ; par M Adam Fergufon ,
Profeffeur de Philofophie morale
à l'Univerfité d'Edimbourg : ou
vrage trad. de l'anglois , par M.
Bergier : 2 vol . in- 12 . br. 41.12 f.
Tel. 6 liv . A Paris , chez la veuve
Defaint , Libr, rue du Foin Saint
Jacques.
Etrennes lyriques , anaciéontiques
, pour l'année 1783 , feconde
édit. Paris , chez l'Auteur , rue
des Nonaindteres, au coin de celle
de la Mortellerie.
On en a tiré une cinquantaine
d'exemplaires en papier de Hell.
où les épreuvesde l'eftampe font
avant la lettre .
Hécube , première Tragédie
d'Euripide , trad. en franç, avec
des remarques ; par M. Belin del
Ballu : br. 8. de 70 p . 11.4 f.
e Paris , chez Knapen & fils ,
Labr.-Impr. au bes du Pont S.
Michel
Hiftoire des Animaux d'Atif
tate , avecla trad . franç. par M.
Camus , Avocat au Parlement ,
Cenfeur royal in 4. 2 volbr .
36 liv. rel . en veau écail e à filets
d'or 42 liv. A Paris , chez la
reuve Defaint , Libr. rue du Foin
S. Jacques.
OEuvres complettes de M. de
Chamoufler , contenant fes projets
d'humanité , de bienfaifance
& de patriouifme ; précédées de
fen éloge , dans lequel on trouve
une analyle fuivie de fes ouvra
୨
ges ; par M. l'Abbé Cotton des
Houffayes , Decteur & ancien
Bibliothécaire de la Maifon &
Société de Sorbonne , Chanoine
de l'Eglife Métropolitaine de
Rouen , Membre de l'Académie
de la même ville , Affocié de
celles de Lyon & de Caen ::
vol. in-8 °. rel. 9 liv. A Paris , de
l'Impr. de Ph.-D. Pierres , Impr.
Ordinaire du Roi , rue S. Jacques;
& fe trouve à l'Hôtel de la petite
Pofte , rue des Déchargeurs , où
eft le dépôt de la propriétaire
du privilége ; chez la veuve Du
chefne , Libr. rue S. Jacques
Onfroy , Libr. quai des Auguf
tins ; Jombert le Jeune , Libraire,
rue Dauphine ; Belin , Libr rue
S. Jacques ; & Mequignon atné ,
Libr. rue des Cordeliers.
trad. OEuvres de Cicéron ,
nouv. 4 vol , in- 12 . br. 10 liv. re
12 liv .
Ces quatre vol contiennent
la thétorique & les quatre premiers
vol , des oraifons. La fuite
fous preffe .
La collection complette formera
quinze vol. in- 12 . & letout
fera délivré dans le cours de l'année
prochaine 1784
Il a été tiré cent exempla
in fur pap. grand-railin , &
vingt- cinq fur papier grand-jefus,
pourles perfonnes qui voudroient
joindre cette traduction à l'étition
latine in-4 , de l'Abbé d'Olivet
: on délivre actuellement le
premier volume de cette traduction
in-4 . Le prix du format
grand raifin eft de 24 liv. en feuilles
, & celui grand- jélus de 36 1.
A Paris , chez Moutard , Impr
Libre rue des Mathurins.
Euvres de Plutarque , trad.
par Jacques Amyot , propofées
par foufeription : en 24 vol in- 8 ° .
ornés de fig . en taille-douce.
Le prix de l'exemplaire avec
fig . en 24 vol. in- 8 ° fur carré
fin d'Angoulême , fera de işa
Jer . 133 .
MERCURE
DE FRANCE
DÉDIÉ AU ROI ,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES ,
CONTENANT
Le Journal Politique des principaux événemens de
toutes les Cours; les Pièces fugitives nouvelles en
vers & en profe ; l'Annonce & l'Analyse des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Décou
vertes dans les Sciences & les Arts ; les Spectacles ,
les Caufes célèbres ; les Académies de Paris & des
Provinces ; la Notice des Édits , Arrêts ; les Avis
particuliers , &c. &c.
SAMEDI I MARS 1783 .
A PARIS ,
Chez PANCKOUCKE , Hôtel de Thou ,
rue des Poitevins .
Avec Approbation & Brevet du Roi.
+
TABLE
PIÈCES
Du mois de Février 1783 .
Almanach Littéraire ,
3
49
55
IECES FUGITIVES .
Au Miniftre Pacificateur ,
Réponse aux Vers de M. de la
Grange Chancelle ,
હ
Leutre fur Bayonne & fur les
Bafques,
Versfur la Paix ,
Stances à Mlle de Gaudin ,
Vers pour le Portrait de M.
l'Abbé de Reyrac ,
Epitre à Molière ,
Sophronime , Nouvelle Grecque
,
Porte- Feuille d'un Troubadour
,
19
79
Penfées Morales de Cicéron ,
103
120
Etrennes Lyriques Anacréontiques
,
8 Almanach des Muſes ,
97
SPECTACLES.
165
127
101 Concert Spirituel,
145 Académie R. de Mufiq.26,181
Comédie Françoife , 84. 128
150 Comédie Italienne , 42 , 129
Charades , Enigmes & Logo' VARIÉTÉ S.
gryphes , 5,77 , 102 , 164 Lettre au Rédacteur du Mer
NOUVELLES LITTÉR. cure , 90,188 Difcours prononcé à la Séance Avisfur l'Encyclopedie , 188
Publique de l'Académie des Anecdotes ,
Sciences d'Amiens ,
136
7 Annonces & Notices 2 45
Tuvres Pofthumes de M. 93, 138 , iga
Ponteau ,
371
BIBLIOTECA
BEGIA
HACENSIS
<
A Paris , de l'Imprimerie de M. LAMBERT & F. X
BAUDOUIN , fue de la Harpe , près S. Coſme.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI I MARS 1783 .
PIÈCES
FUGITIVES.
EN VERS ET EN PROSE.
VERS à M. DE MAYER. *
Des rives de la Seine aux rives de la Loire
Vous courez , vous courez & par monts & par vaux ,
Portant en croupe , avec les Mules & la Gloire ,
Des Romans , des Amours & des Projets nouveaux.
Pour fervir vos amis vous crevez vos chevaux ;
Vous vous tuez pour vivre au Temple de mémoire...
Pour Dieu ménagez-vous , mon charmant Damoiſel !
Le miel eft doux , mais l'abeille eft cruelle :
Songez à ce pauvre Chapelle ; **
* M. de Mayer eft un des Auteurs de la Bibliothèque
des Romans & de l'Hiftoire des Hommes , & eft occupé
d'autres Ouvrages favans.
** C'eft un Perfonnage d'un Roman de M. de Mayer ,
inféré dans la Bibliothèque des Romans du 15 Janvier
3783.
Aij
4
MERCURE
1
Il en prit un peu trop , ainſi que tel & tel ,
Qui ne battent plus que d'une aile.
Accordez mieux que lui la prudence & le zèle :
On ne donne qu'aux morts le brevet d'immortel ...
Mais mon Chevalier rit à ce mot de prudence
( Pour la timidité nous la prenons en France. )
Un voyage , des bals , des hiftoires , des vers ,
Des courſes , des foupers , un roman , des concerts
Voilà votre Agenda pour l'an qui recommence.
Vos Epîtres font foi de ces projets divers ,
Et votre activité les garantit d'avance ;
D'ailleurs , vous êtes sûr d'avoir en ſurvivancé
La fanté , les talens & le coeur de B....
(Par M. Bérenger. )
le
BOUQUET préfenté à M. MONNET ,
parfa Fille , ágée de huit ans & demi ,
jour defa Fête.
OL beau jour , Papa ! puiffe -t'il être heureux !
Accepte mes bouquets , mon tendre coeur , mes voeux.
Reçois- moi dans tes bras , & que je te raconte
Le peu qu'on m'a dit fur le compte
De Saint - Antoine , tom Patron.
Il éprouva plus d'un orage ,
Du démon reffentit la rage ,
Et pardonna tout au démon.
Fort bien ! j'aime que l'on foit bon.
DE FRANCE.
S.
C'eft en toi , cher Papa , ce qui plaît davantage.
Je veux auffi de même être bonne , être fage ,
Être en tout docile à ta voix.
De ton amour , que de biens je reçois !
Ah ! que toujours ton amour me foutienne ,
Ta fête tous les ans n'arrive qu'une fois ;
Mais moi , moi , cher Papa , c'eſt tous les jours la
mienne :
Du matin jufqu'au foir , je t'aime , je te vois.
COUPLETS compofés par une Dame de
Compiégne , & chantés àfon Mari la veille
de fa Fête , le 24 Août 1782 .
AIR: H faut quand on aime une fois.
CHANTER Il'Amour & l'Amitié ,
C'eft célébrer ta fête.
Mais fois certain quand ta moitié ,
A te fêter s'apprête ,
Que c'eft l'Amour & l'Amitié
Qui couronnent ta tête .
J'ai mon ami dans mon époux ,
Et je fuis fon amic.
Toujours le toi , jamais le vous ,
Le férieux ennuie.
Dans cet accord , charmant & doux ,
Nous filons notre vie.
A iit
MERCURE
MON cher Louis , ton feul bonheur
Peur me rendre contente.
Et fur ce point toujours ton coeur
Me trouvera conftante.
Oui , l'Hymen a cueilli la fleur
Que t'offre ton amante.
Si l'art des vers ma fu charmer ,
Je l'aimai pour toi- même ;
Mon coeur ne fe plaît à rimer
Que pour dire qu'il t'aime.
Pour le coeur qui peut me blâmer,
L'Amour eft un problême.
(Par MM. de M. D. L. M..... )
LETTRE à M. DE LA CREȚELLE , fur
la queftion de favoir fi l'Eloquence eft
utile ou dangereufe dans l'adminiftration
de la Juftice ; par M. DE PASTORET ,
Confeiller de la Cour des Aides.
EN arrivant de la campagne , Monfieur , j'ai
In avec empreffement , dans un des Mercures du
mois d'Octobre , un morceau plein d'intérêt , où
vous examinez fi l'Eloquence eft utile ou dangereufe
dans l'adminiftration de la Juftice. Vous vous
décidez en fa faveur. Cette opinion , je vous l'avoue,
ne fauroit être la mienne. A Dieu ne plaife que je
veuille ici faire la fatyre de l'Éloquence. J'espère
que vous ne me prêterez pas un fentiment auffi
abfurde. Si j'étois affez malheureux pour l'avoir ,
DE FRANCE. 7
vos Ouvrages y répondroient mieux encore que vos
raifons. Je me borne au cas particulier que vous
examinez , & dans ce cas même ce font des doutes
que je propoſe , & non un ſyſtême que je prétends
établir.
Une des Profeffions les plus refpectables de la
fociété eft affurément celle de ces Citoyens courageux
qui , confacrant leur vie à l'intérêt des autres
font toujours prêts à venger l'innocence & à faire
triompher la juftice ; mais jetons un moment les
yeux fur l'origine de ce Miniftère facré. N'a- t- on
pas voulu placer un homme choifi entre la fainteté
de la loi & la violence de nos paffions ? Qu'on
laiſſe aux Parties le droit de défendre leurs cauſes ,
nous allons voir la haine & la vengeance femer
leurs difcours d'imputations étrangères , & diftiller
à grands flors de toutes parts le poifon de la calomnie.
C'est donc pour éviter cet abus qu'on a créé
une fonction honorable. L'Avocat doit être l'organe
impaffible de la vérité ; elle feule doit obtenir
fes hommages : & pourquoi la déshonoreroit- il par
un langage qui lui eft fi fouvent étranger ? Il fuffi-
Toit peut- être que l'Éloquence eût fait quelquefois
triompher le menfonge pour qu'il dût la craindre
& la dédaigner. Interprête du Légiſlateur , qu'il
s'exprime avec fa noble préciſion. L'Art oratoire
fut- il jamais celui de Solon & de Lycurgue ? Ces
grands Philofophes , ces Politiques profonds crurent
pouvoir affurer le repos de leurs concitoyens fans
les charmer par des accords raviffans. Juftinien ,
que je ne cite pas ici pour le comparer aux hommes
fameux que je viens de nommer , Juftinien
donna le même exemple. Ce n'étoit point avec chaleur
que Zoroastre dictoit les loix qu'il impofoit ; il
eût craint de les avilir par cette fauffe énergie . Confucius
mérita la reconnoiffance des Chinois fans
fortir de cette fimplicité augufte qui fut toujours le
A iv
8 MERCURE
premier caractère de la vérité , & Locke n'eut pas
recours à l'Eloquence pour devenir le bienfaiteur
de la Caroline . Pourquoi donc le Citoyen utile ,
dont le devoir eft de rappeler les principes de la
légiflation , fe laifferoit- il féduire par un talent f
dangereux ?
La vérité doit parvenir au Juge fans obftacle &
fans apprêts . Qu'un Orateur facré , qu'un Philofophe
nous inftruifent à la fcience des moeurs , il faut
nous perfuader, & pour cela peut-être ' il faut être
éloquent. Il s'agit en effet d'infpirer la vertu quand
la volupté entraîne . Oui , quelque certains que
foient les principes de la morale , ils font toujours
combattusS par l'intérêt & les paffions des hommes.
Il n'en eft pas de même de ceux de la légiflation ; ils
n'ont pas beſoin d'être perfuadés pour faire la baſe
de nos jugemens ; il fuffit au contraire de les expo
fer pour enchaîner l'obéiffance du Magiftrat & du
Plaideur.
A quoi fert d'ailleurs cet étalage fuperbe de
phrafes, harmonicufes ? I enchante l'oreille , il
flatte l'efprit , je le fais ; mais eft - ce donc pour fe
રિ
livrer à ces plaifirs que le Juge s'affied fur fon
tribunal augufte ? Ne fera-t il pas même forcé ,
quand il donnera fon opinion , d'écarter tout cet
appareil , & de réduire la caufe au fimple fyllogifme
que l'Avocat auroit dû lui préfenter ? Ce laconifme
Je fais qu'on peut m'oppoſer l'exemple de Woden
& de Mahomet. Tous deux affectèrent quelquefois des
extafes prophétiques ; mais cet exemple même fert d'ap
pui à mon opinion . Le Législateur des Goths comme
celui des Turcs & des Arabes , donnoient des loix pieufes
en même-temps que des loix civiles , appuyées l'une &
l'autre fur les principes d'un faux culte ; ils vouloient
cependant faire croire que c'étoit le ciel qui les infpiroit.
Pour tromper ainfi les Peuples , ils devoient avoir recours
à l'Eloquence.
DE FRANCE.
2
paroît effrayant ; mais comment faifons - nous nousmêmes
dans les procès dont nous fommes Rapporteurs
? Une expofition fimple des faits , une froide
analyfe des moyens , le texte de la loi rappelé ,
voilà où ſe borne tout notre ministère : pourquoi
un ufage auffi fimple ne feroit il pas adopté par les
Défenfeurs des Citoyens ?
J
Vous voulez m'échauffer & in'attendrir. Je pour
rois vous répondre que cet état de l'âme eft celui de
tous où elle eft le moins capable d'affeoir un jugement
folide ; mais fi à ce danger fe joint cette
défiance perpétuelle & de vous & de moi que votre
Art doit m'infpirer , je vous le demande alors , quel
eft l'objet de ce fupplice intérieur auquel vous me
condamnez ? Je vaincrai , ajoutez - vous , & ce fera
pour moi un triomphe de plus ; mais d'abord pourquoi
me forcer à cette lutte éternelle entre l'Éloquence
& la vérité ? Pourquoi me déchirer fans
ceffe par des craintes injurieufes à des hommes
eftimables dont je dois révérer les talens & la
bonne-foi ? Et en fecond lieu , fi malgré ma vigi
Jance & l'attention la plus févère je me laiffe
féduire par vos lumières trompeufes , fi ma bouche,
qui ne refpira jamais que pour l'innocence &
la justice , prononce l'avis coupable que vous m'avez
faggéré , mon ignorance ou mon délire peuvent
mériter vos reproches ; mais vous à qui j'ai dû mon
erreur, vous qui m'avez fait trahir le plus faint des
devoirs , répondez à votre tour , croyez -vous être
exempt de crime ?
Je ne me diffimule pas qu'en plaidant , contre l'Éloquence
je plaide contre un de nos plaifirs. Qui
n'a fouvent lû , qui n'a entendu avec avidité les
beaux Difcours des Ecrivains fameux dont s'honore
aujourd'hui le Barreau françois ? Moi - même je
me fais gloire d'être leur admirateur ; mais cette
admiration ve ferme pas mes yeux fur les périls que
A v
10 MERCURE
cette Éloquence entraîne. Ofons- le dire d'ailleurs.
Les Avo ats qui méritent cet éloge, font & doivent
être la partie la plus rare. Il en eft qui y ſuppléent
que quefois par une diffufion fatigante ou par
des perfonnalités déplorables C'eft l'abus de la
chofe , il eft vrai ; mais cet abus eft lié à fon
exiſtence. Il eft impoffible de le détruire , & de
créer une âme , un efprit nouveaux dans ces Défenfeurs
: or , je vous le demande , Monfieur ,
l'avantage même qu'on pourroit retirer d'entendre
ou de lire dix bons Orateurs , doit- il être mis en
opposition avec les longueurs & les dégoûts inféparables
des Plaidoyers ou des Mémoires de ceux
qui ne le font pas ? Pourroit- il balancer
déclamations éternelles dont s'enveloppe fouvent le
défeſpoir de la caufe ou l'ignorance des faits principaux,
& que Cicéron a fi bien caractériſées par ces
mots pleins de fens , loci inanes , nec erudita civitate
tolerabiles.
ces
Au petit nombre des bons Orateurs, on peut joindre
le petit nombre des caufes qui prêtent à l'Éloquence
dans nos conftitutions modernes. Chez les
Grecs , chez les Romains , on parloit dans la Tribune
en préfence d'un peuple nombreux , plus fenfible
aux mouvemens du coeur qu'aux raifonnemens
d'une logique confommée , & on lui parloit de fes
befoins & de fes devoirs ; mais en France il s'agit
prefque toujours d'avantages particuliers , d'intérêts
bornés & folitaires , & alors l'Éloquence peut devenir
auffi ridicule qu'elle eft nuifible ; car , comme
T'obferve Quintilien , nec quifquam illuftrem orationem
facere poteft , nifi qui caufam parem invenit.
Vous connoiffez l'hiftoire de cet Avocat , qui en-
#endant fon Confrère parler avec emphafe de
Troyes & du Scamandre , l'interrompit par ces
mots : La Cour obfervera que ma Partie ne s'appelle
pas Scamandre , mais Michaut, Cette obferDE
FRANCE. IIL
vation ſous un air frivole me paroît renfermer deux
grandes leçons. En voici une autre qui a auffi fon
utilité . Je cite l'anecdote avec d'autant plus de confiance
qu'elle m'eft perfonnelle.
Un jeune Avocat me parloit un jour d'une
caufe dont il étoit chargé. Je ne pus m'empêcher de
lui dire qu'elle ne me fembloit pas foutenable. Je
le penfe comme vous , me répondit- il , mais elle
prête à l'Eloquence , & je puis m'y diftinguer.
Cette phrafe eft le fecret du coeur. D'autres euffent
été moins ingénus peut être ; mais le fond de leur
âme eût renfermé le même fentiment. Le premier
befoin de l'Orateur eft trop fouvent de chercher à
concilier pour lui tous les fuffrages ; & s'il veut
l'emporter fur l'adverfaire qu'il a à combattre , c'elt
fur-tout le fuccès oratoire qu'il envie . Vous laiffez
donc à l'amour - propre , toujours inſatiable , l'attrait
de briller quelquefois par le menfonge.
Ce n'eft pas pour l'Avocat feul que ces efforts
font dangereux. Tandis que, jaloux de tout embellir,
il met longuement fous nos yeux les productions de
fon goût & de fon génie , le temps fuit avec rapidiré
, & dix audiences s'écoulent quand une auroit
pu fuffire. N'eft- il pas vrai cependant que le Magiftrat
doit à fa patrie le compte même de ces
momens qu'on lui fait perdre ? N'eft - il pas vrai
qu'à l'inftant qu'un Orateur célèbre le charme par la
pompeufe harmonie d'une période cadencée , les
bras tendus vers lui , une foule de malheureux attene
dent à la porte du Sanctuaire de la Juftice , & lui
demandent en gémiffant de les arracher & aux angoiffes
d'un jugement incertain , & aux dépenfes
qu'occafionne un féjour forcé loin de leurs poffeffions
& de leurs familles ? En prévoyant cette objection ,
vous avez fenti vous-même qu'il étoit impoffible
d'y répondre ; elle vous a arraché un fuffrage que
ne peut déguifer l'enthoufiafme , fi digne de vous ,
A vi
MERCURE
d'être l'appui des malheureux ; & en effet , Monfieur,
daignez calculer tout le temps dont la perte eft dûe
à l'Eloquence , & j'ofe croire que vous ferez plus
frappé encore de la vérité de mon opinion *.
Je pouffe la chofe plus loin , & je crois qu'il
feroit à defirer que nos loix fuffent affez claires ,
affez précifes , en affez petit nombre pour que le
Magiftrat n'eût pas befoin qu'on lui en rappelât le
fens & l'expreffion. Ce defir eft inutile fans doute ;
dans l'état des chofes il eft abfurde peut-être ; mais
que de biens il produiroit s'il pouvoit un jour fe
réalifer ! Ofons l'efpérer d'un Roi qui nous donne
à chaque inftant de nouvelles preuves de fa bienfaifance
& de fes vertus . C'eft au jeune Titus qui a
rendu tout fon éclat à la Magiftrature Françoife , à
détruire le chaos informe de notre législation , &
Qu'on me permette de joindre ici ce calcul qu'on
' avoit pas fait encore. Il pourra paroître fingulier ; mais
il n'eft inaiheureufement que trop vrai , & je ne crois pas.
qu'un bon Citoyen puiffe le lire fans gémir en fecret de
l'abus qui en eft la fource déplorable .
Il y a en France au moins fix mille Jurifdictions Royales
, en y comprenant tant les Jurifdictions ordinaires que
celles d'attribution , & les Cours Souveraines comme les
Tribunaux inférieurs. Je ne dis rien des Juftices feigneu
riales , parce que je ne crois pas que l'Eloquence y faffe
perdre beaucoup de temps au Magiftrat . Ne fixons l'une
dans l'autre qu'à cent Audiences par an l'exercice de leurs
fonctions , quoiqu'il y en ait plufieurs où il foit journa-
Jier, & porté même quelquefois jufqu'à deux Séances par
jour. Ne fixons encore qu'à deux heures chacune de ces
Audiences, on aura deux cents heures annuellement. Multiplions
fix mille par deux cent , & , fi je ne me trompe ,
nous aurons douze cent mille heures. On ne peut nier
qu'un Orateur n'en faffe perdre au moins les trois quarts
au Magiftrat forcé de l'entendre. Ce font donc neuf cent
mille heures de perdues , & neuf cent mille heures for
ment à peu-près cent trois ans : oui cent trois ans que
Eloquence arrache au Juge chaque année. Au bout d'un
fiècle il aura donc , malgré lui , perdu à- peu -près deux
føis autant de temps qu'il y en a que le monde exiſte. -
DE FRANCE.
nous donner enfin des loix dignes d'un Peuple qu'il
gouverne. Déjà fon coeur généreux a arraché
Phomme à l'esclavage , & l'accufé à des tourmens
féroces qui le forçoient quelquefois à s'avouer cou
pable. Cet effet touchant d'un attendriffement paternel,
eft le préfage de tous les biens que nous
devons attendre d'un Prince ami des moeurs & de
l'humanité.
Adieu , Monfieur ; je vous demande pardon de
vous avoir contredit , & je vais relire vos Ouvrages
pour me confoler de mon opinion.
RÉPONSE de M. DE LA CRETELLE .
JE vous dois des remerciemens , Monfieur , pour
le foin que vous avez pris d'oppoſer votre avis au
mien fur une queftion intéreffante , & pour la
politeffe que vous avez mife dans votre réfutation.
Une réfutation de ce genre , en répandant des
lumières fur l'objet difcuté , honore fon Auteur &
celui qu'elle attaque. Je ne voudrois retrancher de
la vôtre que les expreffions infiniment trop flatteufes
dont vous vous fervez à mon égard .
Il n'eft pas ordinaire de fe plaindre de n'être pas
attaqué d'affez près ; c'eft cependant l'espèce de
plainte que je forme contre vous. Je defiterois que
vous euffiez bien voulu examiner chacune de mes
raifons. Il y auroit déjà plus de chofes éclaircies
entre nous , & celles qui ne le feroient pas le
deviendroient plus facilement ; je n'aurois qu'à voir
quels font les points fur lefquels je puis me rappro
cher de votre avis , & quels font ceux fur lefquels je
crois conferver l'avantage. Vous avez fuivi une
autre marche ; vous vous êtes contenté de motiver
une opinion différente , & je fuis forcé maintenant de
revenir fur ines raiſons pour les comparer aux vôtres
14 MERCURE
J'ai cherché , Monfieur , à confidérer la queftion
dont il s'agit entre nous fous tous les afpects ,
pour la réfoudre toute entière , & j'ai commencé par
la faifir dès fon principe. Tout le monde entend
par l'Éloquence le don de fubjuger l'esprit par la
force du raifonnement , ou d'émouvoir le coeur par
les paffions. On conçoit que ce talent eft libre de fa
nature. On ne peut pas ordonner à un homme né
éloquent de ceffer de l'être , ni même de le vouloir
, & cela lui feroit impoffible Quel moyen
done d'écarter l'Éloquence de l'adminiſtration de la
Juſtice ? Je n'en connois qu'un , c'eſt de la rendre
inutile à la défenfe des Citoyens par des loix
très- claires , très -fimples , très - équitables , par des
Magiftrats très- intègres & très -éclairés , & d'en
prévenir l'ufage par un ordre judiciaire qui ne permette
aux Parties que la fimple expofition de leur
caufe. Vous conviendrez , Monfieur , qu'il n'y a que
de petits Peuples , des Peuples qui réuniffent ce que
l'on voit le plus rarement enfemble , des progrès
avancés dans la civilifation , avec la candeur &
l'innocence des moeurs primitives qui puiffent
jouir à - la- fois de tous ces avantages . Chez toutes
les grandes Nations , les loix font immenfes & les
moeurs font mauvaiſes. On ne peut y prendre une
confiance entière ni dans les lumières des Juges , ni
dans leur droiture, Il faut permettre aux Plaideurs
de raifonner fur leurs droits ou leurs prétentions. Il
importe auffi que l'homme opprimé ait le droit
d'appeler l'Éloquence à fon fecours pour réfifter à
l'afcendant des protections , à l'influence des féductions
que l'on emploie contre lui . L'Éloquence
devient alors , non pas un bien abfolu , mais un
remède utile dans de grands maux. Elle a cependant
des dangers , des inconvéniens ; mais ils font
inévitables , & ils fout moins confidérables qu'on
me le croit . Le plus grand de fes dangers vient
DE FRANCE. 15
de l'empire qu'elle peut prendre fur l'âme du Juge.
Si l'on y fait bien attention , on verra que parmi
nous elle peut beaucoup plus pour foutenir la probité
du Magiftrat que pour l'égarer. L'Éloquence ,
dans nos conftitutions & dans notre ordre judiciaire ,
ne peut plus régner par les paffions ; elle n'agit plus
fur un Peuple affemblé , mais fur des Magiftrats qui
favent s'en défier & lui réfifter ; fi elle vouloit les entraîner
à l'injuftice ou à l'erreur , dès qu'ils s'en appercevroient
, & ils l'appercevroient aifément , elle
pourroit leur plaire encore , elle ne les perfuaderoit
plus ; mais lorfqu'elle parle dans la caufe de
la vertu , & felon la juftice & la raifon , la juftice
, la raiſon , la vertu en deviennent plus aimables
, & par-là plus puiffantes. L'Éloquence infpire
au Magiftrat plus de zèle & de fermeté dans la
volonté du bien. Le plus grand de fes inconvéniens
eft d'employer plus de temps qu'il n'en faudroit à
une expédition rigoureufe de la juftice mais c'eft
une queſtion de favoir fi des loix embarraffées peuvent
fe paffer d'une difcuffion un peu étendue ; &
dès qu'il faut de la difcuffion dans l'explication des
loix , il faut y admettre ou les formes de l'Eloquence
, ou le jargon de la chicane ; & qui pourroit
douter que le ftyle de la chicane ne prenne beaucoup
plus de temps à la justice , & ne lui foit bien plus
dangereux que le langage de l'Eloquence ? Une
foule d'avantages moins effentiels contribue encore
à rendre l'Eloquence précieufe dans nos Tribunaux.
Elle eft pour les malheureux une douce & noble
confolation , en ce qu'elle leur donne un moyen
aſſuré d'obtenir la bienveillance & l'intérêt du Public.
Quand elle parle fur les loix , elle accroît
leur majefté devant le Peuple , elle leur obtient fa
reconnoiffance & fa vénération. La véritable Eloquence
ne peut fe féparer de la bonne Philofophie.
Des difcuffions fur les loix agrandies par la Philofo
16 MERCURE
phie , animées par l'Eloquence , ne feront - elles pas
une heureuſe fource d'inftructions pour le Magiftrat?
D'ailleurs , s'il faut de la folemnité dans l'adminiſtration
de la juftice , qui peut y en apporter davantage
que l'Eloquence ? Et s'il nous importe de confacrer
les Beaux - Arts par un emploi noble & utile , où
pouvons - nous mieux les montrer que dans le Sanc
tuaire des loix ? Quelle plus digne décoration le
Sanctuaire des loix pourroit-il recevoir , que celle
que lui prête la voix d'un homme éloquent ?
Voilà , Monfieur , le précis des vûes qui m'ont fait
conclure que l'Eloquence étoit parmi nous ron
moins utile à la fageffe & à la pureté des décrets
de la juftice qu'à leur pompe. D'après ce réſultat, je
crois que,loin de l'exclure de nos Tribunaux, il faut
chercher à en tirer le meilleur parti qu'il eft pofble.
Les talens font , comme les moeurs , foumis à la
direction que la main habile d'un Législateur fait
leur donner. Il eft de leur effence de fe porter vers
ce qui eft beau & ce qui eft bon. Si vous les y appelez
par des honneurs , par des récompenfes , vous ne
les verrez pas fe proftituer à des objets indignes
d'eux. Ayez donc des Orateurs , récompenfez- les
par des hommages publics , & l'Eloquence deviendra
la lumière des loix , la reffource du foible , la
crainte de l'oppreffeur , l'appui de la justice.
Vous n'en jugez pas ainfi , Monfieur ; votre goût
vous fait aimer l'Eloquence , mais votre conſcience
vous la fait craindre ; vous ne la trouvez utile que
lorfqu'elle s'occupe de perfuader les vertus ; vous la
repouffez de toutes les occupations où il ne faut que
prouver & convaincre. Ce n'eft point par l'Ele
quence que vous eftinez l'inftitution des Avocats
c'eſt par la modération que leur ministère fait régner
dans les débats des Plaideurs ; vous ne leur
permettez pas, de s'échauffer pour la vérité , pour la
vertu.L'homme qui réclame la loi, doit être impaffi
DE FRANCE. 17
→
blecomme clle. - Les Législateurs , en donnant leurs
loix aux Peuples, n'ont pas cru qu'il fût néceffaire de
les appuyer de la force & de l'éclat des beaux dif
cours . Ce n'eft pas pour recevoir un vain plaifir que
le Magiftrat vient s'affeoir fur le Tribunal. - D'ail
leurs l'émotion que l'Orateur veut porter dans fon
âme feroit dangereufe à la jufteffe , à l'impartialité
de fon jugement. Pourquoi le plaidoyer d'un Avocat
n'eft- il pas uniquement un récit clair & méthodi
que , une difcuffion calme & fimple comme le tra
vail d'un Rapporteur ? Qu'arrive - t- il de l'ufage
contraire ? Les Avocats veulent être éloquens. Ce
talent eft rare , & au Barreau les occafions de le
placer ne le font pas moins : de-là des plaidoyers
chargés de mors & vuides de fens ; de-là de longs
difcours , où l'on fonge bien moins à gagner fa
caufe qu'à montrer de l'efprit ; & cependant le Juge
perd à écouter des phrafes un temps qu'il doit à la
prompte expédition de la juftice , le plus grand fervice
de la juftice même. Vous finiffez , Monfieur ,
par defirer des loix affez claires , affez courtes &
affeż fimples pour qu'on n'ait plus befoin du tout
du ministère des Avocats. Il me femble , Monfieur ,
qu'en motivant ainfi votre opinion , vous avez laiffé
fubfifter toutes les raiſons par lesquelles j'en ai établi
une différente ; je puis donc vous oppofer , pour
première réponſe , la difcuffion même que vous avez
combattue. Permettez - moi , Monfieur , pour l'inté,
rêt de la caufe que je foutiens , d'ofer vous ménager
un peu moins , & de vous réfuter par l'examen des
idées que vous venez de développer.
Je crois qu'il résulte de ma difcuffion deux chofes
; l'une , que dans le fyftême de nos loix , dans
l'état de nos moeurs , il est néceffaire de permettre
aux Parties la difcuffion raifonnée de leurs cauſes ;
qu'il eft impoffible d'écarter l'Eloquence de cette
difcuffion , & qu'il eft utile de l'y admettre ; l'autre ,
18 MERCURE
+
que dans l'adminiſtration de la juftice , telle qu'elle
exiſte parmi nous, les avantages ſurpaſſent de beau
coup les inconvéniens .
Vous , Monfieur , vous vous êtes borné à préſenter
quelques-uns de ces inconvéniens , & à offrir le modèle
des difcuffions auxquelles vous voudriez réduire
les Avocats ; mais les inconvéniens que vous
préfentez naiffent- ils effentiellement du droit d'em
ployer l'Eloquence au Barreau , & le genre de plaidoirie
que vous propofez eft il pratiquable en luimême
, & remédieroit-il à quelque chofe ? Voilà ce
que je veux examiner avec vous.
L'Eloquence , dites-vous , eft inutile pour convaincre
; elle ne convient pas à des hommes qui doivent
refter auffi calmes que la loi qu'ils invoquent.
Si vous y faites bien attention , Monfieur , vous
verrez que l'Eloquence convient autant à la convic
tion qu'à la perfuafion , & que ces deux impreffions
de l'Eloquence , quoique différentes , fe féparent
difficilement. Le jugement & la fenfibilité communiquent
fans ceffe dans l'homme , & réagiffent continuellement
l'un fur l'autre . Vous ne toucherez jamais
mon âme, fi vous offenſez ma raiſon ; de même vous
ne fubjuguerez jamais ma raiſon , fi vous n'intéreſſez
mon âme. Je ne puis aimer , fi je ne fuis porté à
approuver, ni approuver , fans être porté à aimer,
Auffi,quand les hommes qui attachent des idées juftes
aux expreffions dont ils fe fervent , emploient , en
les diftinguantces , mots de conviction , de perfuafion
, ils entendent uniquement que le raisonnement
a plus d'effet dans l'une , & le fentiment dans l'autre
Pourquoi y a-t-il une fi grande différence entre
l'homme éloquent , foit qu'il ouvre son âme ,
foit qu'il raifonne , & l'homme qui manque d'Eloquence
? C'est que l'un dit fes fentimens , & que
l'autre les communique ; c'eft que l'un établit
Les raifons , & que l'autre , en les paffionne. Aina
DE FRANCE 19
donc fi vous permettez de convaincre dans les
difcuffions du Barreau , vous permettez auffi d'y
toucher au moins jufqu'à un certain point ; &
quand même il ne s'agiroit que de convaincre ,
il y auroit encore là de quoi être éloquent. Il m'a
toujours paru , Monfieur , que la question ne pouêtre
ici s'il falloit admettre ou non l'Eloquence
au Barreau , mais s'il falloit ou non у interdire
aux Parties la difcuffion de leurs moyens pour
les réduire à la feule expofition des faits ; car dès
que vous permettez une défenfe raisonnée , quel
qu'en foit l'objet & la forme , l'Eloquence peut y'
voit pas
entrer.
Mais vous demandez à l'homme éloquent de
s'interdire l'ufage de ce talent ; vous en faites même
un devoir de fa confcience , & vous lui propoſez
l'exemple du ftyle précis & fimple des Légiſlateurs
dans la promulgation de leurs loix.
Prenez -y garde , Monfieur , il ne peut y avoir
rien de commun entre le Législateur & l'Avocat.
Tous deux , à la vérité, s'occupent des loix , mais l'un
les établit , l'autre les invoque , & cela eft fort différent.
L'autre modèle que vous propofez à l'Avocat
ne lui conviendroit pas mieux. Un Rapporteur ,
qui ne doit qu'expofer les faits d'une caufe & les
moyens des Parties , & motiver enfuite fon avis ,
doit s'impoſer dans ce travail l'impartialité de la
loi , & ne trouve pas les mêmes motifs de s'y échauffer;
& cependant , Monfieur , êtes - vous sûr que jamais
l'afcendant de l'Eloquence ne s'eft fait ſentir
dans ces travaux, non pas d'un Orateur , mais d'ur'
Juge ? L'Eloquence , Monfieur , confifte moins dans
certaines formes que dans une force & un charme
qu'un homme né éloquent imprimé dans tous fes
difcours. L'Avocat, comme le Juge , doit un refpect
entier à la loi ; il ne doit jamais ni la diffimuler , ni
la violer , ni la plier à fes vûes par des interpréta
20 MERCURE
1
tions de mauvaiſe foi ; mais il doit auffi du zèle à
fon client ; il doit tout ce qu'il a d'énergie & de
chaleur à l'innocent opprimé , au malheureux à qui
l'on veut enlever les dernières refſources , fes dernières
confolations. Suppofez - le froid & impaffible:
par fyftême dans la défenfe de ces touchans intérêts ,
& c'eft alors qu'il fera coupable , puifqu'il n'aura
pas fait pour le malheur & l'innocence tout ce qui,
étoit en lui. Penfez - vous que l'Eloquence foit de,
trop pour réfifter au crédit , à la faveur , à toutes les
féductions que les paffions & l'intrigue favent employer
? Et fi l'injuftice triomphe , l'Orateur qui ne,
l'aura pas attaquée affez puiflamment n'en deviendrat-
il pas complice ? Non , Monfieur , loin du protec
teur des foibles & des opprimés cette timide modéra
tion. L'homme de bien doit toute fon éloquence à
la vérité qu'il croit dans fon coeur . Obfervez dail
leurs , Monfieur , une raifon particulière de la difcuffion
tranquille qui doit réguer dans les expofés
des Rapporteurs ; c'eft que ces fortes de difcours ne
fe prononcent que dans l'intérieur du Tribunal , au
lieu que les Avocats parlent devant le Public comme
devant les Magiftrats . Puifqu'on adinet le Public dans
les Audiences , & il y a de bonnes raiſons pour cela ,
il faut bien qu'il y foit compté pour quelque chofe ;.
il faut plus d'appareil & d'intérêt dans des difcours
où le Public affifte . Aulli demande-t -on aux plai-.
doyers des Avocats- Généraux qui parlent entre les
Magiftrats & le Public , plus d'élévation & de chaleur.
Mais chaque pofition pour l'Orateur a les rè
gles & fes convenances. L'Avocat ne doit jamais,
dépouiller,pour l'amufement de fes Auditeurs , la noble
gravité des paroles qu'il adreffe aux Magiftrats ,
& l'homme public ne doit jamais le livrer aux paffions
que l'on permet aux hommes privés ; il ne doit
connoître dans fes difcours comme dans fes décifions,
que l'amour de la juftice , la vengeance des
DE FRANCE. 2
loix & le zèle du bien public : ce font - là les feules
paffions qui lui conviennent,
Vous devez concevoir , Monfieur , d'après les raifons
que je viens de vous préfenter , que ce feroit
faire violence à l'ordre naturel que de réduire l'âme
inquiette , fouffrante & agitée des Plaideurs à ce ton
calme qui doit être le ftyle de leurs Juges. Cela
feroit non-feulement injufte , mais encore impoffible.
Jamais on n'obtiendroit de celui qui expofe fon
malheur ou fon danger , de s'exprimer comme s'il
ne les fentoit pas. Ses plaintes , en paffant par l'organe
d'un Avocat , pourront bien fe modérer , mais
ne doivent pas s'y affoiblir. Qui voudroit d'un Avocat
qui fe piqueroit de n'adopter jamais la fenfibilité
de fon client lorfqu'il le verroit injuftement perfécuté
? Et quelle fauffe & odieufe perfection cer
Avocat chercheroit illà ?
Ce n'est pas tout. J'ofe dire que cette manière de
plaider , qui ne connoîtroit que le calme des fentimens
& la netteté précife de la loi , eft trop difficile à
atteindre pour devenir commune. Si l'Éloquence eft
rare , l'excellente Logique ne l'eft pas moins. De
même qu'en autorifant l'Eloquence il faut s'attendre
à beaucoup de déclamations, en demandant une manière
de raifonner toujours forte par la raifon feulé,
on s'expofe à toutes les fubtilités , toutes les obſcurités
naturelles aux mauvais efprits . Vous aurez donc
dans les difcuffions judiciaires , comme je l'ai déjà
dit , l'ergotage de la fcholaftique au lieu du fratras
de la rhétorique , & l'eſprit de chicane remplacera le
génie de l'Eloquence . Penfez -vous qu'il y auroit
beaucoup à gagner dans cet échange ? Vous favez ,
Monfieur , que la bonne & faine Eloquence est bien
rare au Barreau , qu'elle y laiffe trop régner le ton
de la chicane ; fi nous voulons le purger de tout ce
qu'il a d'abus , ce n'eft pas l'Eloquence qu'il en faut
22 MERCURE
chaffer ; elle y amène plus d'avantages que d'incon
véniens .
Vous n'avez voulu voir que ces derniers. Le plus
important de tous eft le temps conſidérable que les
difcuffions oratoires enlèvent à la juftice. Si l'Elo.
quence eft utile à l'adminiſtration de la justice à
plufieurs égards , il faut bien lui pardonner de la
rendre un peu plus lente. C'eft un médiocre inconvénient
dans un grand bien. D'ailleurs , Monfieur ,
penfez vous qu'avec des loix auffi embarraffées que
les nôtres, il n'y ait pas un grand danger dans des
jugemens très - précipités ? C'eft peut - être un bien
que l'Eloquence fait aux Juges de les retenir plus
long-temps fur l'examen d'une affaire qu'ils faifiroient
mal d'un premier coup d'oeil , & qui faura
mieux que le goût des Orateurs s'arrêter dans des
développemens néceffaires , & rejeter des détails
inutiles ?
·
Vous ajoutez que la prétention de l'Eloquence
fait qu'on veut en montrer dans toutes les caules ,
& qu'on ne fonge qu'à cela . On veut être éloquent
en raifonnant fur le mur mitoyen , & telle caufe
qu'on ne trouve pas jufte , on la plaide néanmoins ,
parce qu'on la juge propre à faire de l'effet . Il eſt
vrai que l'envie de briller peut faire taire la confcience
dans les Avocats ; inais interdiſez -leur l'Eloquence
, ceux qui n'ont pas le coeur honnête &
délicat fe jetteront dans un autre vice bien plus
funefte ; ils ne fongeront qu'à gagner de l'argent.
Ils font fouvent de l'Eloquence unu fage ridicule en
la portant hors de fa vraie place . D'où cela vient-il ?
de ce qu'ils ne connoiffent pas affez l'Eloquence.
Plus on l'encouragera , plus on la pratiquera au Barreau
, plus elle s'y épurera & s'annoblira ; elle y
détruira elle-même une partie des abus qu'on lui reproche.
On apprendra fur - tout à y mieux diftinguer
dans quelles caufes elle peut entrer.
DE FRANCE. 25
Ma réponſe eft devenue bien plus longue que
votre Lettre , & c'est un défavantage de plus que
j'aurai fur vous pour plaire à mes Lecteurs ; mais
' ai cru que puifque j'avois ouvert la.queftion, c'étoit
moi de la difcuter avec une attention férieuſe .
On pourra croire , Monfieur , que nous avons
parlé ici chacun felon l'efprit de notre état. Vous
êtes Magiftrat , & un Magiftrat doit fe tenir en garde
contre les féductions de l'Eloquence. Je ſuis Avocat ,
j'en exerce quelquefois les fonctions , & l'Eloquence
fair un de nos titres à l'eftime publique,
Voilà ce qui pourra nous rendre l'un & l'autre
fufpects de quelque partialité. Il n'eft que trop
commun de ne voir les objets qu'à travers notre
intérêt ou notre penchant , & tout Écrivain pour
qui la vérité eft facrée , doit fe prémunir contre cette
furprife ; je puis me rendre au moins le témoignage
que dans l'examen de cette queftion j'étois tout
prêt à adopter & à établir de toutes mes forces un
réſultat contraire , s'il m'avoit paru le mieux fondé
en raiſons.
J'ai l'honneur d'être , Monfieur , &c.
LACRETELLE.
Explication des Charades , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent .
LE mot des Charades eft Maladroit ; celui
de l'Enigme eft Panckoucke ; celui du Logogryphe
et voile , où le trouvent olive &
viole.
24
MERCURE
CHARA DE S.
I.
Mon premier , né dans Londre , eft très - commun ON
en France ;
Mon fecond , au piquet eft de bonne eſpérance ,
Et mon tout fait cortège à la fière opulence,
I I.
MON premier très- ſouvent fut l'objet d'un larcin ;
Mon fecond , dans les cieux eft un être divin ,
Et mon tout est un fruit du peuple Américain.
I I I.
DANS mon premier fe voit un Prince vénérable ;
Mon fecond, par les Juifs eft banni de la table ,
Et mon tout , des mortels eft le plus mépriſable.
I V.
MON premier quelquefois punit un criminel ;
Mais pour ce mon fecond eft très- effentiel ,
Et mon tout le prépare à monter droit au ciel.
V.
MON premier trouve place en plus d'une ordonnance;
Mon fecond pour le Moine eft un temps d'abſtinence ,
Et mon tout en hiver eft fort de convenance.
(Par Mde *** , Auteur des Amuſemens du Jour.)
ÉNIGME
DE FRANCE.
SI
ENIGME.
Si vous croyez que fans argent
On ne fauroit vivré content ,
C'est bien le comble du délire ;
Peut-on rien trouver de plus foù ?
Pour moi , quand je n'ai pas-
Alors je ne fais plus que rire.
le fou ,
( Par un Capucin d'Andely. )
LOGO GRYPH E.
JE fuis le féau des humains ,
Chacun me fuit & me détefte ,
Et cependant, c'eft par leurs mains
Souvent que je deviens funefte.
Princes & Rois , petits & grands ,
J'attaque tout dans ma colère ;
Tout tremble à mon afpeét févère ,
Et tombe fous mes coups puiffans.
En dérangeant mon exiſtence ,
Vous trouverez , fans nul effort ,
Ce que l'on fent quand je m'avance ;
Ce que l'on eft à mon abord ;
Ce qu'on devient par ma préſence,
Mes fept pieds vous offrent encor
Nº. 9 , 1 Mars 1783 . B
26 MERCURE
H
De Jupiter une maîtreſſe ;
Puis un jeu de force & d'adreffe ;
Ce que chaoun dit qu'il vous eft ;
Ce que toute fille veut être ;
Ce que nulle ne croit paroître ;
Un nombre ; une Déeſſe ; uu mets.
Enfiu , puifqu'il faut tout vous dire ,
Cherchez des outils le plus dur ;
La Capitale d'un Empire ;
Ce qui n'eft plus dans le vin pur ;
L'ornement de votre denture ;
Un Pontife prefqu'adoré ;
Un objet qui , dans la Nature ,
Ne peut être à rien comparé ,
N'ayant ni forme ni figure.
Mais fi tes foins font fuperflus ,
A ta voix fi je fuis rébelle ,
Crois-moi , Lecteur , ne cherche plus ,
Je viens toujours fans qu'on m'appelle.
1
J.
DE FRANCE. 27
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
RECUEIL de Mémoires fur la Méchanique
& la Phyfique, par M. l'Abbé Rochon ,
de l'Academie Royale des Sciences & de
celle de Marine . A Paris , chez Barrois
l'aîné , Libraire , 1783 .
Nous nous bornerons dans cet Extrait à
préfenter le tableau des principaux objets
qui font traités dans cet Ouvrage.
On y trouve , 1 °. des recherches importantes
fur plufieurs points de la théorie de
la vifion .
M. l'Abbé Rochon y prouve par l'expérience
, que nous voyons les objets dans la
direction du rayon qui produit le plus grand
effet , c'eft à - dire , de celui qui eft perpendiculaire
au fond de l'ecil; obfervation importante
déjà faite par M. d'Alembert , &
qui nous paroît néceffaire pour établir la
théorie de l'aberration fur des principes
incontestables.
Il rend compte d'expériences nouvelles
fur la manière dont les deux yeux concou
rent dans la vifion des objets , & dont les
jugemens de l'âme influent dans les fenfations
de la vûe. Par exemple , fi vous placez
l'une au- deffus de l'autre deux images égales
du même objet , l'image fupérieure paroîtra
Bij
25
MERCURE
plus éloignée ; fi vous les placez à côté l'une
de l'autre , ces images paroîtront à des diftan.
es égales , & on ne peut attribuer cette
difference dans la fenfation , qu'à un jugement
fecret de l'âme , qui , dans le premier
cas , fait regarder l'image fupérieure comme
celle d'un objet plus éloigné ; parce que de
deax objets réels placés de manière à produire
la même apparence , le plus élevé feroit
à une plus grande diftance.
2º. La defcription de plufieurs inftrumens
de ftinés à mefurer les angles , dans lefquels
M. l'Abbé Rochon fait ufage de la propriété
qu'ont certains milieux de donner
deux images des objets .
Ces inftrumens lui ont fervi à mesurer
avec précifion les diamètres des planètes . Ils
peuvent être employés avec fuccès à une
foule de déterminations aftronomiques &
d'opérations topographiques ; à reconnoître ,
par une fimple obfervation , la diftance d'un
corps dont on connoît le diamètre , ou le
diamètre de celui dont on connoît la diftance
, & même par deux ftations très - peu
éloignées , la diſtance & le diamètre à la fois.
Ces inftrumens , que l'Auteur appelle
lunettes à prifme , peuvent devenir d'une
très-grande utilité.
Nous renvoyons à l'Ouvrage même. pour
leur defcription & le détail de leurs ufages.
On a voulu difputer à M. l'Abbé Rochon
l'invention de ces inftrumens ; il prouve ici ,
d'une manière convaincante , qu'elle ne peut
DE FRANCE. 29
lui être contefée ; ainsi , les réclamations
qu'elle a excitées ne fervent qu'à prouver
combien elle eft ingénieufe & utile.
3. Des expériences fur les loix de la difperfion
.
Ces expériences font faites avec un inftrument
nouveau , qui les rend fufceptibles
d'une exactitude qu'on n'auroit pu eſpérer
des méthodes connues.
4° . Des recherches fur la décompofition
de la lumière des étoiles fixes .
M. l'Abbé Rochon eft parvenu , en plaçant
un prifme devant l'objectif d'un télef
cope , à donner au ſpectre d'une étoile une
étendue fuffifante pour y diftinguer des couleurs
, & faire voir que leur lumière eft de
la même nature que celle du ſoleil , vérité
inconnue jufqu'ici , & qui eft un pas de plusdans
la connoiffance de la nature.
°. Un inftrument deftiné à épargner aux
Marins une partie des calculs qui fervent à
déterminer la longitude en mer.
6°. Un Mémoire fur la diftillation dans
le vuide. La diftillation fe fait dans le vuide
avec bien moins de chaleur que dans des
vaiffeaux remplis d'air. Cette méthode
offre des moyens d'épargner une grande
quantité de matières combuftibles foit dans la
diftillation de l'eau de mer, foit dans celle des
eaux- de-vic, ce qui rendroit les machines diftillatoires
bien plus commodes pour l'ufage
des vaiffeaux , & diminueroit confidérablement
les frais de la fabrication des caux-
B iij
30
MERCURE
de vie. D'ailleurs , les produits de ces diftillations
font bien moins altérés que ceux des
diftillations ordinaires les mieux ménagées.
Ainfi cette méthode offre un moyen nouveau
pour l'analyse des fubftances animales
& végétales. Certe idée de diftiller dans le
vuide , l'une des plus utiles qui ayent été
propofées dans ce fiècle fi fécond en découvertes
, eft dûe à M. Turgot , dont l'activité ,
comme le génie , s'étendoit fur tous les
objets des connoiffances humaines , & qui a
fait le bien de fon pays , de toutes les manières
dont les talens & les vertus peuvent
être utiles aux hommes , par fes actions , par
fes inftructions & par fon exemple.
7 °. Enfin , une machine à graver. Cette
machine eft deftinée à graver des planches
pour l'impreffion . Par des moyens également
fimples & ingénieux , elle met tout ouvrier ,
un peu exercé dans les travaux des Arts , en
état de graver à un prix modique , & trèspromptement
, des planches qui formeroient
de très belles Éditions. La machine tient
peu de place , & feroit beaucoup plus commode
& moins coûteufe que des imprimeries
portatives. Elle feroit très- utile dans les
camps , dans les vaiffeaux. Elle a de plus
deux avantages précieux que n'a point l'imprimerie;
les planches reftent. Ainfi 1º . l'on
peut ne tirer d'un Livre que les exemplaires
dont on a befoin à chaque époque , ce qui
feroit une très grande économie de papier.
2. L'on peut corriger ces planches , ce qui
DE FRANCE.
permet aux Auteurs de faire difparoître les
fautes typographiques, ou leurs propres fautes
même , après la publication de l'Ouvrage .
En un mot , elle réunit à la fois prefque tous
les avantages particuliers de l'imprimerie en
caractères mobiles , & ceux de la gravure ,
avec quelques autres , que ni l'une ni l'autre
de ces méthodes ne pouvoient procurer.
Nous n'avons parlé ici que d'une
partie des objets traités dans ce Recueil;
mais nous ne pouvons nous empêcher de
dire , en terminant cet article , que nous
connoiffons peu d'Ouvrages où l'efprit d'invention
fe montre davantage , & qui , dans
un auffi petit efpace, contiennent autant de
chofes nouvelles.
LE Négociant Philofophe , traduit de
l'Allemand , par M. Doray de Longrais ,
Officier de Cavalerie. A Amfterdam , &
fe trouve à Paris , chez Savoye , Libraire,
гнe S. Jacques.
L'AUTEUR original de cet Ouvrage eft M.
Hirzel , Confeiller d'État , & premier Phyficien
de la ville de Zurick , connu par d'autres
Écrits eftimés. Il a traduit en Allemand l'Avis
au Peuple , de M. Tiffort ; & on lui doit le
Payfan Philofophe , qu'on a traduit en François
, fous le titre de Socrate Ruftique.
Le but du Négociant Philofophe eft de
faire eftimer le Commerce , d'en développer
les principes , d'en faire connoître les de-
"
Biv
32
MERCURE
voirs ; & l'Auteur , par le plan qu il a adopté,
a échappé à la féchereffe des préceptes , ou
du moins il a mis de l'intérêt dans fes difcuffions
, par le cadre dans lequel il les a
placées.C'eft le père d'une famille nombreuſe,
Arifte ) qui a obfervé les divers caractères
de fes fils , pour décider l'état qui convient
à chacun d'eux. L'intention de l'Auteur eft de
ne parler que de celui de fes fils qui eſt deſtiné
au commerce. Toutes les démarches du père,
les promenades qu'il fait faire à fon fils ,
les amuſemens qu'il lui procure , & les entretiens
qu'il a avec lui , ne tendent qu'à
l'inftruire des avantages , des dangers & des
obligations de cet état . On fent que ce cadre
doit intéreffer le Lecteur par le ſpectacle
d'un père tendre , qui ne refpire que pour
le bonheur de fon fils ; les confcils qu'il lui
donne portent l'empreinte du fentiment qui
l'anime , & prêtent un charme à l'inftruction.
Le moment où ce bon père , qui n'a
jamais dit à fon fils quel état il defire de lui
voir embraffer , de peur de faire violence à
fes goûts , l'invite à déclarer fon penchant ,
réunit l'intérêt & la raifon. « Volontiers
réplique Cléanthe , avec une rougeur qui
décèle cette modeftie qui fied fi bien à la
jeuneffe. L'état de Négociant n'a paru
agréable de préférence , & je vois qu'on
peut y trouver facilement fon bonheur. Les
Occupations toujours variées dans un comptoir
& dans un magalin , me paroiffent
charmantes ; on peut à chaque inftant fe déDE
FRANCE. 33
laffer de l'Ouvrage précédent , en s'occupant
à un nouveau. Au contraire , je trouve l'habitude
des Savans d'être toujours aflis trop
gênante pour l'efprit ; les idées me manquent
dans une étude affidue , & l'ouvrage continuel
d'un Artifan eft trop fatigant pour le
corps. Je me crois trop foible pour T'un &
pour l'autre.≫
Arifte fonde encore quelque temps les
difpofitions de fon fils , pour favoir ti le motif
qui le détermine au choix de cet état ,
eft propre à l'y faire réuflir ; pour voir s'il
n'eft pas plutôt tenté par le luxe ou quelque
autre agrément du commerce , qu'il n'eſt
difpofé à en remplir les devoirs ; & , fatisfait
de fes réponfes , il donne les mains à
fon choix.
L'Auteur de cet Ouvrage a fouvent occafion
de parler des avantages & des inconvéniens
des autres états ; & il a fu par- là
rendre fon Ouvrage utile , même à ceux à
qui il ne paroît pas deſtiné.
SPECTACLES.
COMEDIE FRANÇOISE.
LE Mercredi 12 Février , on a donné la
première repréſentation de la remife des
Deux Amis , Drame en cinq Actes & en
profe , par Ai . de Beaumarchais .
Aurelly , Négociant à Lyon , & M. de
B v
34
MERCURE
1
Melac , Receveur Général des Fermes dans
la même ville , font unis de la plus tendre
amitié. Le premier a une fille naturelle qui
palle pour fa nièce , & qui a infpiré de
l'amour à M. de Saint- Alban , Fermier- Gé- ,
néral. La jeune perfonne aime Mélac fils
dont elle eft adorée. La mort d'un Correfpondant
d'Aurelly eft fur le point d'arrêter
les payemens de ce Négociant , lorfque M.
de Mélac prend dans fa caiffe cinq cent mille
francs qu'il remet au Caiflier d'Aurelly , au
moment même où M. de Saint- Alban vient ,
avec un ordre de fa Compagnie , pour recueillir
fur le champ tous les fonds de la
Province. Mélac ne peut obéir à cet ordre ;
fa probité devient fufpecte. Aurelly eft d'abord
fon juge le plus févère : mais bientôt.
il cède à la voix de fon coeur , fe propoſe
à Saint- Alban pour caution de Mélac , &
lui donne un mandat fur fon Correſpondant ,
dont il ignore le décès. Ce n'eft que fous la
condition d'époufer la nièce d'Aurelly que
Saint Alban confent à garder le filence auprès
de fa Compagnie , & à laiffer Mélac
dans fon emploi . Un mot du Caifher fait
connoître le défaftre d'Aurelly & le mystère
de la conduite de Mélac. Au cinquième Acte ,
le Négociant reçoit de Paris des lettres par lefquelles
il apprend la fatale nouvelle qu'il
ignoroit. Il eft accablé de remords & de
honte. Ce fpectacle , tous les événemens du
jour éveillent la fenfibilité de Saint - Alban .
Ce Financier devient la caution d'Aurelly ,
DE FRANCE.
35
l'ami & le protecteur des Mélac , & renonce
à la main de Pauline ; c'eft le nom de la
fille du Négociant. On unit les deux jeunes
amans , qui jouent dans cette Pièce des rôles
très intéreffans , mais qu'il feroit trop long
de détailler.
Ce Drame a été repréfenté pour la première
fois le 13 Janvier 1770 ; il eut onze
repréſentations , & un fuceès fort équivoque.
On pût même remarquer alors qu'il y avoit
un peu de déchaînement contre cet Ouvrage.
Aufli quand M. de Beaumarchais le fit imprimer
, il prit pour épigraphe ces mots tirés
de la Scène feptième du quatrième Acte :
Qu'oppoferez-vous aux jugemens , à l'injure',
aux clameurs ? RIEN . Cette épigraphe nous
femble un peu fière ; car ce n'eft pas feulement
comme production purement littéraire
que les gens du monde ont jugé ce Drame ,
mais ils l'ont encore envifagé par fon objet
moral; & , à ce dernier titre , il nous paroît
fufceptible d'obfervations critiques très - bien
fondées. M. de Mélac doit à Aurelly fa fortune
& fon bonheur ; il eft reconnoiffant ,'
il veut le prouver : rien de mieux. Mais
exifte - t'il , exiftera t'il jamais une pofition
dans laquelle un homme public puiffe difpofer
des fonds de fes commettáns pour
couvrir la faillite d'un ami ? Non , fans
doute ; & fi le motif d'une pareille imprudence
peut l'excufer aux yeux des gens fenfibles
; dans l'ordre moral & dans l'ordre
civil , une pareille action eft réellement blâ
B w
1
36,
MERCURE
mable. C'eft en vain , que pour défarmer la
févérité des gens auftères , on fait l'énumération
des biens d'Aurelly , & qu'on avance
que la mort d'un Correfpondant eft la feule
caufe de la fufpenfion de fes payemens . Ce
moyen en lui même eft frivole . Ce Corref
pondant peut , à fa mort , laiffer de mauvaifes
affaires. Si cela eft , la fortune d'Aurelly
eft ou détruite ou au moins très- altérée.
Que deviennent alors Mélac , fa répuration ,
les enfans ? Le plus grand effort , l'effort
le plus fublime de l'amitié feroit peut- être
de braver la honte , la misère & l'infamie ,
pour épargner à fon ami tous les maux ,
Tous les chagrins que pent entraîner une
banqueroute ; mais il n'y a qu'un homme.
ifolé qui puiffe faire de pareils facrifices ;
& quand on eft père de famille , on doit à
cette famille le compte de fon honneur public,
avant de rien devoir à fon ami. On n'aime
point à entendre cette phraſe dans la
bouche de M. de Mélac , d'un homme qui
dans le cours de l'Ouvrage eft fouvent honoré
du titre de Philofophe : Avoir à choisir entre
deux devoirs qui fe contrarient & s'excluent.
L'un de ces devoirs , celui de venir au fecours
de fon ami , eft fans doute indifpenfable.
Eh bien ! qu'il y fatisfaffe en fe défaifant
d'une partie de fes biens ; qu'il inftruiſe
fon fils de ce qu'Aurelly a fait pour lui ; qu'il
lui prouve que dans la pofition où fe trouve
ce Négociant , il doit lui facrifier tout ce qui
lui appartient ; que Mélac fils y confente , fe
DE FRANCE. 37
né
*
faffe une jouiffance de tout immoler au bienfaiteur
de fon père , à la bonne heure : mais
ce devoir n'en exclud pas un autre également
refpectable pour Mélac père ; celui
d'être fidèle à la confiance qu'on lui a accordée
, & de ne pas compromettre indifcrètement
fon honneur. La feule chofe fur laquelle
il ne puiffe y avoir de compofition ,
dit Aurelly, Scène cinquième du troifième
Acte , c'est un dépôt....... il faut mourir
auprès. Nous penfons comme lni , & c'eſt
ainfi que penferont toutes les perfonnes qui
fentiront de quelle importance il eft que les
déniers publics ne foient jamais haſardés ,
pour quelque raifon que ce puiffe être. Ces
réflexions , que nous pourrions appuyer par
d'autres , font peut- être la principale caufe
des clameurs contre lefquelles M. de Beaumarchais
femble réclamer par fon épigraphe
; car les Deux Amis méritent des éloges ,
en les confidérant comme Ouvrage purement
Littéraire. Ce Drame eft fortement
intrigué , il y règne un intérêt très- preffant.
La reconnoiffance de Mélac , ce qu'elle lui
fait ofer , les dangers cruels auxquels elle
L'expofe , forment une oppofition très- heureufe
avec la fécurité d'Aurelly , qui ignore
fon malheur. La févérité avec laquelle il
juge un ami qui vient de lui immoler ce
qu'il a de plus cher , excite vivement la curiofité
fur les fuites qu'elle peut avoir. Le
caractère de Saint-Alban eft ce qu'il devoit
être pour produire de l'effet au Théâtre ;
foible un moment par amour & par jalou38
MERCURE
fie , il devient généreux par fenfibilité. En
oubliant ce qu'il doit à fa Compagnie , peutêtre
à la rigueur mérite t'il des reproches, mais
nous ne le conſidérons que comme perſonnage
dramatique. On pourroit defirer que
M. de Beaumarchais fe donnât la peine de
revoir avec quelque foin le ftyle de fon Ouvrage;
qu'il en bannit certaines plaifanteries
affez mauffades & qui ne lui appartiennent
point, quelques inverfions forcées , quelques
locutions vicieufes , & qu'il donnât quelquefois
plus de rapidité & d'aifance au dialogue .
Ce Drame a été revu avec plaifir ; les
Acteurs qui en repréfentent les rôles ont
obtenu des applaudiffemens très- vifs . On
a feulement été furpris d'en voir quelquesans
fe laiffer emporter aux cris dans une
Pièce où un des principaux perfonnages dir :
On ne crie pas la Comédie, ce n'eft qu'en
parlant qu'on la joue bien. »
39
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Jeudi 13 Février , on a donné , pour la
première fois , les Trois Inconnues , Comédie
en trois Actes & en vers mêlés d'ariettes.
L'Amour a étendu fon empire fur tout le
genre humain. Satisfait de fes conquêtes , il
eft fur le point de retourner à Cythère ,
lorfqu'une infcription placée aux pieds de
la ftatue de Bacchus , lui apprend qu'il ne
peut y rentrer qu'après avoir retrouvé les
feurs. Il les cherche long temps en vain ; il
DE FRANCE. 39
commence même à défefpérer de les trouver
lorfque Cyane , femme du Payfan
Strabon , lui apprend que les trois jeunes
perfonnes qu'elle a élevées ne font point fes
filles , qu'elles lui ont été remifes par une
étrangère , & qu'elle les a fubftituées à trois
filles qu'elle a perdues . Mais les foeurs de
l'Amour ne peuvent quitter la cabane de
Strabon , que dans le cas où le Payfan redeviendroit
amoureux de fa femme. Redonner
de l'amour à un mari ! la chofe eft difficile ;
ce Dieu y parvient ; & les trois Grâces paroiffent
au fond du Théâtre , portées fur des
nuages.
Un pareil fonds ne pouvoit fuffire à trois
Actes ; à peine les développemens dont il eſt
fufceptible auroient ils pu jeter quelqu'intérêt
dans un feul. Il eft pourtant préfumable que
fi l'Auteur avoit pris le parti de traiter ce fujet
en un Acte , s'il avoit profité de la vogue dont
le vaudeville jouit encore , il feroit parvenu ,
avec quelques idées galantes , & à l'aide de
quelques couplers tournés avec grâce , à fixer
l'attention du Public; mais l'action , noyée
comme elle l'eft dans une foule de détails parafites
, n'a produit & ne devoit produire
que de l'ennui . Nous ne pouvons point affurer
qu'il ne fe trouve pas des traits
heureux dans les Trois Inconnues ; la repré- ,
fentation en a été fort tumultueufe ; & c'eft ,
avec beaucoup de peine que nous fommes.
parvenus à démêler un peu le fil de l'intrigue.
La musique n'a pas eu plus de fuccès
40 MERCURE
que le Drame. Autant qu'on a pu l'entendre
, on a remarqué que tous les motifs
avoient entre- eux de la reffemblance , que
le chant en étoit difficile , que les accompagnemens
étoient beaucoup trop chargés ,
& que par- tout l'expreffion en étoit vague
& infignifiante. Ou nous nous trompons
fort , ou cette compofition a été écrite trop
rapidement. Ce n'eft pas , comme on fait , le
moyen de bien faire. On l'a dit , nous le répétons
, & nous ne nous lafferons pas de le
répéter .
Le Mardi 18 , on avoit annoncé Sophie
de Francour , Comédie nouvelle en profe
& en cinq Actes. L'affemblée étoit nombreuſe
; les deux premiers Actes de la Pièce
étoient joués , lorſqu'après une attente affez
longue , M. Granger , au nom des Comédiens
, a prié le Public d'attendre quelques
inftans , parce que Mlle Pitrot s'étoit evanouie.
Au bout d'un quart- d'heure , le même
Comédien eft venu dire que l'état de la fanté
de l'Actrice ne lui permettant pas de continuer
fon rôle , on prioit l'affemblée d'accepter
, au lieu de la Pièce nouvelle , l'Offcieux
ou les Deux Jumeaux. A cette propofi
tion ,les Spectateurs ont demandé que quelqu'un
lût le rôle de l'Actrice malade , & ont
refufé tout autre Spectacle. On a baiffé le rideau,
qui s'eſt relevé après une demi - heure ,
& M. Carlin s'eft préfenté. Les cris fe font éle--
t
DE FRANCE. 4-1
vés de nouveau , & on n'arien voulu entendre
pendant quelque temps. Enfin cet Acteur a ha
rangué les Spectateurs dans le langage & avec
les lazzis que permet le coftume d'un Arlequin.
Le Public , divifé en deux partis ,
fifloit d'un côté , applaudiffoit de l'autre.
Peu-à - peu tout s'eft calmé , les Deux Jumeaux
ont été écoutés affez tranquillement ,
& même applaudis , malgré l'humeur dont
on appercevoit de temps en temps des
étincelles.
Plufieurs perfonnes ont blâmé l'opiniâtreté
du Public , & nous croyons qu'elles ont eu
tort. Parmi les gens qui fréquentent le Spectacle
, il en eſt beaucoup qui n'y font conduits
que par air , par habitude , ou par
défoeuvrement : il est donc à peu près indifférent
à cet ordre de Spectateurs qu'une repréfentation
ait ou n'ait pas lieu au jour
indiqué. Mais il eft un autre ordre de Spectateurs,
qui , par amour pour le Théâtre ,
& par une curiofité bien naturelle chez des
gens inftruits , ou qui cherchent à s'inftruire , "
reculent ou preffent leurs affaires , afin d'affifter
à la première reprefentation d'un Ouvrage
dramatique. Il n'eft pas indifférent à
ceux ci de s'être dérangés inutilement , &
d'avoir porté leur contribution dans la caiffe
des Comédiens , fans avoir vu fatisfaire leur
curiofité. Cette claffe d'Amateurs n'eft pas
la moins refpectable ; & comme c'eft celle
qui fait journellement les fonds de la fortune
des Spectacles , c'eft à elle qu'on doit le
42 MERCURE
plus d'égards . Il ne feroit pas jufte néanmoins
que l'on facrifiât le fuccès d'un Ouvrage à
la néceffité de contenter quelques Spectateurs
, & qu'en lifant à froid un rôle important
, qui demanderoit à être joué avec
chaleur , on ne donnât qu'une fauffe idée de
fon caractère , de fon effet & des intentions
de l'Auteur. Mais il eft un moyen bien fimple
d'obvier à tous ces inconvéniens. Chaque
Acteur en chef a fon double ; ce double deyroit
toujours apprendre fon rôle avant les
dernières répétitions , & fe tenir prêt en cas
d'accident. Cet ufage adopté , & fuivi à
l'Opéra , nous paroît fortfage. Il eſt trèsétonnant
que les autres Spectacles , éclairés
comme ils l'ont été ou dû l'être par quelques
événemens défagréables , ne l'ayent pas
adopté à leur tour. Il fatisfait tout - à - la- fois
l'Auteur , le Public & les Comédiens . Tout
devroit donc engager MM . les Supérieurs
des Théâtres François & Italien à y faire
une loi de ce moyen. L'événement dont nous
venons de rendre compte fuffit pour en démontrer
la néceffité .
ANNONCES ET NOTICES.
L.
ETTRE de M. le Baron de Marivetz à M. le
Comte de la Cépède , Colonel au Cercle de Weftphalie
, des Académies & Sociétés Royales de Dijon ,
Touloufe , Rome , Stockholm , Munich , &c . fur
l'Electricité. A Paris , chez Onfroy , Libraire , quai
DE FRANCE. 43
des Auguftins , & chez les Marchands de Nouveautés.
Prix , 1 livre 10 fols .
Prefque toujours querelle de Savans a été une
dénomination injurieufe , parce qu'on a plus fouvent
difputé d'injures que de raifons. M. le Baron
de Marivetz & M. le Comte de la Cépède
donnent un exemple bien contraire à celui qu'ils
ont reçu . Divifés par leurs opinions , ils fe combattent
avec la douceur de deux perfonnes qui
font de même avis. Le fentiment qui les unit
paroît n'en avoir fouffert aucune altération , &
l'amitié embellit leur ftyle de cette politeffe qu'ils
auroient dûe l'un & l'autre à leur honnêteté naturelle.
Dans de pareils combats il refte encore de la
gloire , même à celui qui a été vaincu . C'eſt un
genre de triomphe indépendant du fuccès des
arines. L'amitié , dit M. le Baron de Marivetz , eft
fondée « fur des rapports dans la manière de fen-
» tir , & non fur des rapports entre les opinions.
» On peut , fans s'aimer moins , adopter différens
principes dans les Sciences.... J'ai joui , ajoutet
- il , de l'idée que la vérité appartiendroit peut
» être à l'un de nous deux » . Cette idée annonce
autant de philofophie que de fenfibilité Nous ne
prononcerons point fur le fujet de la difcuffion ;
mais nous croyons devoir dire que les formes n'en
fauroient être plus aimables ni plus intéreffantes .
35
- ÉTRENNES Italiennes , préfentées aux Dames
qui defirent d'apprendre l'Italien par une méthode
qui leur facilite & rende agréable l'étude de cette
Langue; Ouvrage dédié aux mânes du Dante & de
Bocace ; par M. l'Abbé Bencirechi , Tofcan , del
l'Académie des Apatiftes de Florence , de celle des
Arcades de Rome , & Profeffeur de Langue Ita
lienne , avec cette Epigraphe : Plus habet in
receffu , quàm in fronte promittit. Ce Livre , au fond ,
44
" MERCURE
' a plus de folidité que fon titre ne femble le promettre.
Quint. Inft. Orat . A Paris , chez Defños ,
Ingénieur- Géographe & Libraire , rue S. Jacques , &
Molini, Libraire , rue du Jardinet S. André- des- Arcs .
L'Auteur de cet Ouvrage profeffe la Langue Ita
lienne depuis douze ans à Paris , avec le même fuccès
qu'il avoit obtenu à la Cour de Vienne pendant
huit ans. C'eft un préjugé en faveur de la Grammaire
qu'il vient de publier , & ce préjugé eft confirmé
par la lecture de l'Ouvrage même . Nous fommes flattés d'être en cela de l'avis de M. Guidi ,
qui l'a cenfuré, & dont le fuffrage doit être d'un
très grand poids. Voici comme il s'exprime luimême
: « Cette Grammaire ne doit point être
confondue dans la foule de celles qui l'ont précédée ;
elle joint à l'avantage d'être claire & méthodique ,
celui de n'avoir pas la féchereffe rebutante des Livres Élémentaires. L'habile Grammairien a eu
l'art de faire entrer dans les thêmes & les verfions
dont les fujets font inftructifs & piquans , les principales
difficultés qui peuvent avoir lieu dans l'étude
d'une Langue nouvelle. Quoique cet Ouvrage s'annonce
fous un titre un peu frivole , comme l'Auteur
en convient lui- même dans fa Préface , il n'en doit pas moins être recherché par ceux qui veulent
bien connoître la Langue & la Littérature Ita- liennes
. »
Abrégé des principaux Traités conclus depuis le
commencement du quatorzième ſiècle jufqu'à préfent
entre les différentes Puiffances de l'Europe , difpofés
par ordre chronologique , dédié à MONSIEUR ; par
M. L. V. D. L. M. 2 Vol. in- 12 . Prix , 6 liv . brochés.
A Paris , chez Cellot & Jombert , Libraires ,
& chez l'Auteur , cul- de- fac S. Dominique , la première
porte-cochère à droite , d'où on l'enverra
franc de port par la poſte dans tout le Royaume en
1
DE FRANCE. 45
y adreffant , port franc , à M. Bachmann , la lettre
& le prix. L'Ouvrage a cette Épigraphe tirée de
Pope , Effai fur l'homme , Épître 3 Les paffions
» furieufes naquirent & attirèrent contre l'homme
» un animal plus féroce , l'homme même.... Ce
» que la guerre pourroit ravir , le commerce peut
» donner ; au lieu d'être ennemi , on devient ami. ɔ
اع
Ce Recueil utile , & dont la circonstance augmente
l'intérêt , finit au Traité de renouvellement
de l'alliance avec les Suiffes , paffé par M. le Marquis
de Vergennes en 1778. On trouve dans le Dif
cours préliminaire , page 14 , un portrait de l'habile
Négociateur. Le Lecteur en fera aisément l'application.
RELATION de deux Voyages dans les mers
Auftrales & des Indes , faits en 1771 , 1772 , 1773
& 1774 , par M. de Kerguelen , Commandant les
Vaiffeaux du Roi le Berryer , la Fortune, le
Gros-Ventre , le Rolland , l'Orfeau & la Dauphine.
A Paris , chez Knapen & fils , Impr. - Libr.
de la Cour des Aides , au bas du Pont S. Michel ,
Volume in - 8 °. Prix , 2 liv . 10 fols.
Cet Ouvrage utile , mais écrit avec féchereffe ,
eft l'Hiftoire des voyages & des infortunes de fon
Auteur , & peut ajouter à nos connoiffances fur la
Marine. Il réfulte des travaux de M. de Kerguelen
qu'il a découvert une Iſle qui a deux cent lieues de
circuit.
"
TOME XI de la Bibliographie inftructive
partie eſtimative du prix des Livres rares & précieux
, Volume in- 8 ° . de 640 pages fur papier vélin
de France. A Paris , chez Moutard , Imprimeur de
la Reine , hôtel de Cluny , rue des Mathurins .
Ce Volume, qui ne peut être que fort utile aux
Bibliographes , & qu'on propofe par fouſcription ,
46 MERCURE
fe délivrera en Décembre 1783 , au plus tard ,
tous ceux qui auront envoyé d'ici au 30 Juin , franche
de port , à M. Rétourné , rue de Poitou au marais
, au coin de la rue de Limoges , une foufcription
conçue dans les termes fuivans :
Je m'engage à payer 10 livres à M. Rétourné
pour l'Exemplaire que je retiens du Tome XI de
La Bibliographie inftructive , fur papier vélin , femblable
au modèle du Profpectus , & à retirer cet
Exemplaire fur l'avis que ledit Sieur m'en fera
parvenir.
Fait à
ce 178
(Qualités
& demeure
. )
Paffé
le premier
Juillet
prochain
, on ne pourra
plus fe precurer
d'Exemplaire
; & c'eft pour
donner
toutes
les Perfonnes
qui ont la Bibliographie
inftructive
de fe faire inferire
, qu'on
a pris le
long
terme
de fix mois.
le temps
à
Ceux qui voudront des Exemplaires in- 4 ° . papier
de Hollande , le fpécifieront , & les payeront à l'ordinaire
24 livres , parce que ce papier , caffant &
mauvais à l'ufer , eft en outre le plus ingrat de
tous pour l'impreffion. Si l'on préfère d'avoir ce
Volume de format in- 4 ° . fur papier vélin , incom→
parablement fupérieur à celui de Hollande par fa
beauté & fa bonté , on ne le payera que 21 liv .
MEMOIRES pour fervir à l'Hiftoire Univerſelle
de l'Europe depuis 1600 jufqu'à 1716 , avec des
Réflexions , des Remarques , des Notes , par le P.
d'Avrigny, 2 Vol . in - 8 ° . Prix , 7 livres en feuilles ,
7 liv. 1o fols brochés , & 9 liv. reliés proprement.
A Nifmes , chez Beaume , Imprimeur - Libraire ; &
à Paris , chez Defprez , Imprimeur - Libraire , rue
S. Jacques.
L'Ouvrage que l'on annonce au Public eft un
tableau très-intéreffant de tous les mouvemens
& de
DE FRANCE. 47
toutes les révolutions auxquelles les brouilleries
des Couronnes, ont donné lieu en Europe dans ce
période de temps. On n'y trouve ni longues narrations
, ni deſcriptions magnifiques , ni portraits des
grands Hommes , mais un grand nombre de faits.
& d'acteurs qui ont un caractère plus ou moins remarquable
, une phyfionomie plus ou moins animée..
Le P. d'Avrigny ne s'eft pas propofé dans cet
Ouvrage de recueillir fimplement des dates , des
faits , mais de les unir entre-eux par la chaîne du
temps , de les difcuter , & de faire tomber de tous
côtés tous les détails inutiles , toutes les circonftances
fauffes ou fuppofées dont l'ignorance , la prévention
ou la mauvaiſe foi ont de tout temps furchargé
l'Hiftoire de tous les Peuples.
JOURNAL de Harpe , troisième année , nº . 2 ,
avec accompagnement de Violon ad libitum. Ce
Cahier contient une Romance par M. de Saint-
George , un Air de l'Embarras des Richeffes : Que
j'aime mon joli Jardin , accompagnement par M.
X *** , deux Gavottes d'Amadis arrangées par
M. J. Ph. Meyer , & un Air de la nouvelle Omphale
: Je ris d'une Belle qui brave l'Amour.
accompagnement par M. Burchkoffer. Prix , 2 liv.
8 fols. A Paris , chez Leduc , rue Traversière-
Saint Honoré , au Magafin de Mufique. L'abonnement
eſt toujours de is livres pour douze Nu
méros pour Paris & la Province , port franc. On
trouvera à la même adreffe la première & la deuxième
année complettes. Prix , 15 liv. chaque.
PREPARATION Antimoniale de M. Jacquet
Ce Remède avoit été foumis dès 1762 au jugement
de la Faculté de Médecine de Paris , qui l'approuva
d'après le rapport de huit Commiffaires nommés
pour l'examiner. Les atteftations nombreufes des
48 MERCURE
guérifons opérées par ce Remède , prouvent que
c'eft un des meilleurs fondans qu'on puiffe employer
en Médecine. Il combat fans retour les
maladies occafionnées par l'épaiffiffement de la lymphe
, tout vice dartreux , fcrophuleux , vénérien ,
toutes les maladies de la peau , & même la gale la
plus opiniútre.
En 1780 , le jugement de la Faculté fut confir
mé par la Société Royale de Médecine , qui ,
d'après le rapport de MM. Jeanroy & Cornette ,
nommés Commiffaires , autorifa la diftribution de
cette Préparation Antimoniale.
C'eſt alors qu'il a été ordonné par le Miniftre
de la Marine , que ce Remède feroit compris dans le
nouvel état des médicamens qui s'embarquent pour
les Equipages . En conféquence il a été fourni de
cette Préparation aux Ports de Breft , Rochefort &
l'Orient, MM. les Directeurs de la Compagnie des
Indes en ont fait paffer auffi dans leurs Etabliffemens.
豐
TABLE
3
4
gryphe, 24
Recueil de Mémoires fur la
Méchanique & la Phÿfique,
VERS à M. de Mayer ,
Bouquet à M. Monnet ,
Couplers d'une Dame pourfon
Mari,
Lettre à M. de la Cretelle, 6e Négociant Philofophe , 31 :
Réponse de M. de la Cretelle , Comédie Françoife ,
13 Comédie Italienne,
་
Charades , Enigme & Logo - Annonces & Notices ,
APPROBATION..
27
33
38
42
J'AI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 1 Mars. Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion. A Paris
le 28 Février 1783. GUIDI.
1
Jer . 135 .
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI S MARS 1783 .
PIÈCES FUGITIVES .
EN VERS ET EN PROSE.
A Mile DE SAINT- LEGER , à l'occafion
de fon Impromptu inféré dans le N °. 3 .
JEE
n'ai lû que d'hier vos vers mis au Mercure.
Au nom de Saint- Léger , d'honneur je ne favois
Quelle étoit cette Reine aimant tous fes Sujets ,
D'en être aimée encor plus sûre ,
Et leur donnant pour loi le plaifir d'Épicure.
Mais au nom de Minette , ah ! je vous reconnois.
Vous n'avez point changé de nom ni de figure .
L'un & l'autre étoient faits pour inſpirer l'Amour. ,
Mais , dites-le moi fans détour : '
Ces jolis yeux ouverts par l'Amour même ,
Et cette taille faite au tour ,
Ces longs cheveux flottans , dignes du diadême ,
Cette harpe , qui fous vos doigts
No. 10, 8 Mars 1783 .
C
50
MERCURE
S'uniffoit aux accens de la plus douce voix ,
Les avez-vous toujours ? Êtes- vous bien la même ?
Minette , eft- ce déjà pour l'efprit qu'on vous aime ?
D'augmenter, s'il fe peut , votre esprit & vos charmes ,
Un Dieu , ce n'eſt pas trop , aura pris tous les foins;
L'Amour vous a remis fon carquois & fes armes.
Je ne trouve qu'un changement ;
On vous faifoit des vers ; aujourd'hui vous en faites.
Et des Belles & des Poëtes
Vous voulez réunir le double enchantement ;
Le Traducteur d'Ovide a fait affurément
Cette heureuſe métamorphofe.
C***** , avant lui vous parloit galament ,
Et de l'Épine & de la Roſe ;
Après tous ces grands noms me nommer , ah ! je n'ofe.
Mais fi vous vous vantez d'aimer tousvs fujets ,
Sous ce titre , Minette , aimez- moi pour jamais ,
Car ce n'eft que par lui que je fuis quelque chofe .
RÉPONSE.
Je n'oubliai jamais la Rofe * ui l'Épine , **
Ses jolis vers , fon aimable enjoûment ;
Minette a pu changer de mine ,
3
Mais non de coeur affurément.
Toujours folle , toujours la même ,
* Fable compofée dans la Société de Mlle de Saint-Léger.
** Nom de l'Auteur de la Fable.
KATIONSPCA
REGLA
DE FRANCE.
Ja
Chériffant fes amis fans trop voir leurs défauts ,
Voyant leurs agrémens , fenfible à tous leurs maux.
Voilà Minette encor. Il faudra bien qu'on l'aime ,
Mais non pour fon efprit ; Minette en rougiroit ,,
Et fon bon coeur en fouffriroit.
Si je m'applique à l'art d'écrire ,
Ce n'eft point pour cueillir un laurier trop flatteur.
J'éclaire ma raiſon pour mieux guider mon coeur ;
Et je ris de l'enfant qui pourroit me féduire ,
Qui trop fouvent ne doit qu'à nos loifirs
Et notre trouble & nos foupirs.
L'étude , la gaîté le rendent mon eſclave.
Je le chante tout haut , & tout bas je le brave.
Je ne fuis plus coquette : à douze ans je le fus ,
Plaire fans le chercher eft un charme de plus.
Mon coeur parle ; on l'entend. La douceur de ma vie
Eft dans la confiance & le titre d'amie.
Venez donc réclamer ce titre fi flatteur;
A mon premier fujet appartient cet honneur.
Après dix ans d'abſence , & de foins & de peine ,
Si je le revoyois content ,
Je pourrois , comme on dit fouvent ,
Être heureufe comme une Reine .
( Par Mlle de Saint -Léger. )
*
Cij
52 MERCURE
Explication des Charades , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercureprécédent.
LE mot de la première Charade eft Fracas;
celui de la 2º . eft Orange ; celui de la 3º . eſt
Papelard ; celui de la 4. eft Cordelier ; celui
de la s . eft Paravent ; celui de l'Enigme eſt
Sourire ; celui du Logogryphe eft Maladie
où fe trouvent mal , malade , laid , Léda ,
mail , ami , Dame , laide , mil , Délia ,
miel , lime , Lima , lie , émail , Lama , âme.
ÉNIG ME.
LA baffeffe & la lâcheté
En fe cachant m'ont donné l'être ;
Et fi dans la Société
Mon Auteur fe faifoit connoître ,
Il en feroit fi déteſté
Qu'il n'y pourroit plus reparoître.
Le fot orgueil & les noirceurs ,
La ténébreuſe calomnie ,
L'impuiffance & la jaloufie ,
Diftillant leurs poifons vengeurs ,
Et fur les noms & fur les moeurs ,
En font un horrible mêlange ,
Plus vil , plus infect que la fange ,
Et digne en tout de fes Auteurs.
DE FRANCE. 53
Rien de ma dague empoisonnée ,
Rien ne fauroit mettre à l'abri ;
La vertu n'eſt point épargnée :
Par moi , le bon coeur eſt flétri ,
Le talent..... de mon père aigri
Rend la fureur plus acharnée .
Pourfuis. On me trouve au matin
Placé fous ta porte -cochère ;
Crois -moi , donne ordre à ton Frontin
De me livrer au Dieu Vulcain ,
Ou réſerve moi pour en faire.......
Tes papillottes de demain.
L'énigme eft- elle trop peu claire ?
Abject & malheureux bâtard ,
La pofte fouvent me voiture ,
Et quelquefois un Savoyard ,
JEG
Un Décroteur eft mon Mercare.
(Par M. Couret de Villeneuve , Imprimeur
du Roi , Auteur du Journal Orléanois . )
LOGO GRYPH E.
E fuis le nom pluriel d'un acte d'importance ,
Précurseur d'un effet glorieux à la France.
Comme je fuis fort long , fi je prenois le foin
D'annoncer tous les mots qu'en mon fein je resferme ,
Ce détail , cher Lecteur , nous meneroit trop loin ;
Et je ne fais , ma foi , quand nous ferions au terme,
C iij
54
MERCURE
C'eft bien affez que mainte fciffion
Vous offre de mes pieds des fuites continues ,
Ou plus fouvent interrompues ,
Mais fans la moindre inverfion.
Oh ! çà , voici cette nomenclature ,
Que je ne prétends pas épuifer cependant.
Je vous préfente un lieu qui fert à la pâture;
De Mahomet un defcendant ;
Un Officier de Ville ; un Membre
De la plus refpectable Chambre ;
Ce que produit un quatre , & nullement un trois ;
L'un des quatre élémens , & l'un des douze mois ;
Trois des fept notes de muſique ;
Une ville de l'Amérique ;
Autre en Gafcogne , autre en Artois ;
Un ornement du ſtyle poétique ;
Le nom prefque oublié d'une Élégie antique ,
Tournée en forme de chanfon ;
Le double d'un foulier , d'un bas ou d'un chauffon ;
Une paffion dangereufe ;
Une fleur que fon nom rendroit feal précieufe ;
Un outil de fer ; un oiseau ;
Un des Offices de l'Églife ;
Ce qui déplaît dans un tonneau ;
Un grain très- nourriffant , que juftement on priſe,
Sur-tout en certains temps de criſe ;
Une étoffe ; un Dieu prétendu ,
Que jadis on fêtoit par un culte affidu15
DE FRANCE.
•
Un réfervoit dont l'eau n'eft pas fort claire ;
Ce qui groffit le mal ; un endroit fouterrain ,
Propice quelquefois , & quelquefois contraire
Au bien- être du genre humain ;
Un verbe qui désigne un paffe - temps utile
Pour qui cherche à ſe rendre habile.
Adieu , Lecteur , j'ajoute feulement
Qu'en orthographe un homme trop facile
En moi verroit encore un ancien inftrument ,
Qui n'eft dans ce temps- ci connu que foiblement.
( Par M. N.... , d'Arras. )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
NOUVEAU Voyage dans l'Amérique:
Septentrionale en l'année 1781 , & Campagne
de l'Armée de M. de Rochambeau
par M. l'Abbé Robin. A Paris , chez les
Libraires qui vendent les Nouveautés.
Tous les regards font fixés aujourd'hui fur
l'Amérique Septentrionale ; c'eft là que s'agitent
les plus grands intérêts de l'Univers :
c'eft-là que vont fe réunir prefque toutes les .
craintes & toutes les efpérances des deux .
Mondes. L'Anglois y voit fortir à jamais
de fes mains une partie de fa fortune &
de fa puiffançe ; la France y voit accroîtrela
gloire de fès armes ; l'Amérique y forme,
•
Civ
56 MERCURE
les premières Nations que ce nouveau Monde
aura vues fous l'empire des loix & de la
liberté, les Philofophes de toute l'Europe
placent , dans les nouvelles Conſtitutions
qui s'y font élevées au milieu des ravages de
la guerre , la plus belle , & peut- être la dernière
efpérance du genre humain. L'hiftoire
ancienne , fi féconde & fi riche en grands
tableaux , en révolutions inftructives , n'a
point eu d'événemens plus propres à attacher
l'imagination , & à donner aux hommes
d'utiles expériences . Il ne fut donc jamais
un moment plus favorable pour faire paroître
un Voyage dans l'Amérique Septentrionale.
M. l'Abbé Robin doit être bien sûr
d'y entraîner tous les Lecteurs fur fes pas.
Son Ouvrage doit avoir fur tout un intérêt
particulier pour tous les François . C'eft en
fuivant la marche de notre Armée, que M.
l'Abbé Robin a parcouru & obfervé l'Amérique
; & il mêle à chaque inftant , dans fon
récit , les triomphes de nos Troupes & les
curiofités intéreffantes du nouveau Monde.
On peut fe fouvenir qu'ily a à peine deux
ans , que M. l'Abbé Robin nous donna un
Cuvrage , dins lequel il cherchoit à pénétrer
le fecret des myflères de l'antiquité ; nous
annonçâmes fon Ouvrage dans ce Journal :
depuis il a voyagé dans toute l'Amérique ›
Septentrionale ; & il y a déjà près d'un ant
que fon Voyage eft imprimé. Nous rapprochons
ces circonftances pour donner un
exemple de cette inquiétude & de cette cu
DE FRANCE. 57
rioſité qui agite aujourd'hui tous les efprits
en Europe. On veut tout voir , tout fentir
, tout connoître ; & , ce qui est trèsheureux
au milieu de cette curiofité générale,
on fait obſerver. Il y a eu plus de bons
Obfervateurs dans l'Armée que nous avons
dans l'Amérique Septentrionale que dans tout
le nouveau Monde, depuis fa découverte jufqu'à
nos jours , c'est - à - dire , dans l'espace de
deux cent ans . On fait aujourd'hui fe battre
pour la Patrie & penfer pour le monde.
Cette révolution , faite dans les efprits
pourroit être plus urile encore que celle qui
a brifé les fers de l'Amérique ; mais il eſt à
craindre qu'on n'en tire pas le même parti.
66
ود
M. l'Abbé Robin , que la mer a trop incommodé
pour pouvoir faire des obfervations
dans la traversée , a été cependant trèsfrappé
d'un phénomène . Il a vû pendant les
nuits , fur tout lorfqu'on dirigeoit la route
vers le Sud , les mers éclairées d'une multitude
de bluettes qui jailliffent des flots.
Sur-tout lorfque le vent augmentoit la
rapidité du fillage , le vaiffeau fembloit
alors plongé dans des torrens de phofphore
enflammé ; je cherchois à deviner
» la caufe de ce fingulier & commun phénomène
, dont je ne me rappelois pas avoir
jamais oui parler.Etoient - ce les fels dont les
" facettes réfléchiffoient ainfi les rayons de
» lumière ? Eft- ce le foufre de la mer qui
» s'enflamme dans le choc des ondes ? ou
plutôt ce fluide igné , ce feu élémentaire ,
ود
"
99
39
Cy
58
MERCURE
qui entretient la fluidité des eaux , les
» éclaire-t'il auffi de fa lumière ? »
Plufieurs Voyageurs ont été frappés de ce
phénomène , & en ont parlé ; on en trouve
une defcription charmante dans le Voyage
de M. Adanfon. Il me femble que M. de
Saint- Pierre , qui nous a donné un Voyage fi
intéreffant des Ifles de France & de Bourbon ,
en recherche auffi les cauſes , & qu'il en
rapporte plufieurs qu'on ne pouvoit trouver
qu'avec beaucoup de fagacité. Quelques - uns
ont penfé que la mer récèle dans fon fein
unemultitude infinie de petits poiffons phofphoriques
, tels que nos vers luifans , & que
pendant la nuit , ils viennent porter leur
lumière fur la furface des eaux.
"
C'est toujours une grande joie de décou
vrir la terre lorfqu'on a traversé l'Océan ;
mais cette joie doit être bien plus vive encore
, lorfque la terre qu'on découvre eft
Boſton. " De cette rade , femée d'Iſlots agréables
, nous découvrons à travers des arbres
, fur la côte orientale , une magnifique
perspective de maifons en amphi-
» théâtre , le prolongeant en demi- cercle
» dans l'efpace de plus d'une demi- lieue ;
» c'étoit- là Bofton . Ses édifices élevés , ré
» guliers , entre - mêlés de hauts clochers
» nous parurent moins une Colonie mo-
» derne qu'une antique Cité , embellie &
peuplée par le Commerce & les Arts. »
L'intérieur de la ville répond à ce premier
coup-d'oeil , & M. l'Abbé Robin en
93
"
>>
DE FRANCE. 59
fait une defcription agréable. On y compte
fix mille maifons , trente mille habitans ,
dix neufTemples de toutes espèces de ſectes.
Toutes les maifons font de bois , mais d'une
forme élégante , & d'une conftruction fi lé
gère qu'on peut les changer de place. J'en
ai vû , dit M. l'Abbé Robin , de deux étages
qui avoient été tranſportées à un demi - quart
de lieue au moins . On aime à voir l'élégance
des Arts avec une fimplicité qui , rappelle ces
Scythes vagabonds qui habitoient des chars,
roulans. Les moeurs à Bofton rappellent encore
l'antique & auftère fimplicité des premiers
âges.
"3
33
" Le jour du Dimanche y eft obfervé avec
» la plus grande rigueur ; toutes affaires , de
» quelqu'importance qu'elles foient, ceffent ;
» on ne s'y permet pas même les plaifirs les
plus innocens. Bofton , cette ville fi peuplée
, où il règne toujours un fi grand
» mouvement , femble défert ces jours là..
"» OOnn parcourt les rues fans appercevoir per
» fonne ; & fi on fe rencontre par hafard ,
» on n'ofe s'arrêter & fe parler . Un Fran
» çois logé avec moi , s'avifa de jouer de la
» Aûte un Dimanche : le peuple s'ameuta ,
» & alloit le porter à des excès , fi l'Hôte
» ne nous eût inftruit de ce qui fe paffoit.
» On n'entre dans aucune maifon fans y
» trouver tout le monde occupé à lire la
» Bible ; c'eft un fpectacle bien touchant
» qu'un père entouré de fa famille , leur
: C v)
60
MERCUR
- E
و د
expliquant les vérités fublimes de ce Livre
" facré. "
*
On croit être à Jérufalem ou à Samarie ;
& voilà les moeurs qu'un peuple Philofophe
du dix feptième fiècle a tranfporté dans le
nouveau Monde ! Mais il faut se rappeler:
que l'Anglois , dont la philofophie a ébranlé
toutes les Religions , eft naturellement trèsreligieux
lui- même , & que les Colonies de
l'Amérique ont été prefque toutes fondées
par des fectes au moment qu'elles combattoient
pour leurs opinions.
Le croiroit- on ? Il y a dans cette ville fi
religieufe , des Théâtres & des Tragédies ;
mais ceux qui les jouent font des Élèves de
l'Univerfité ; & les fajets des Pièces font
tirés des événemens mênies de cette guerre :
c'eft l'incendie de Charles Town , la prife
de Burgoine , la trahifon d'Arnold . Ces Tragédies
, qui ne valent pas fans doute les chefd'oeuvres
de Racine, & de Voltaire , produi
fent un effet prodigieux fur les Spectateurs.
On fort de ces Spectacles avec plus d'amour
pour la liberté & plus de haine pour les
Tyrans . Ce feroit le moment le plus propre
à appeler tous les Citoyens fous les drapeaux.
Tout à l'heure je me croyois à Jérufalem
, actuellement je me crois à Athènes.
C'eft , comme dit M. l'Abbé Robin , la Tragédie
ramenée à fon antique origine. La manière
dont les François & les Américains
vivent enſemble , les rapports ou les différences
du caractère de deux peuples qui font
DE FRANCE. Gr
faits pour avoir tant de relation enſemble
ont dû être l'objet des obfervations de M.
l'Abbé Robin , & ces détails font très attachans
dans fon Voyage. Avant cette guerre ,
les Américains ne connoiffoient guère les
François que par le portrait que leur en
faifoient les Anglois , & l'on juge que ce
portrait ne devoit pas être flatté. Ils nous
regardoient , dit M. l'Abbé Robin , comme
de petites machines légères qu'un defpote
faifoit mouvoir à fon gré , incapables de
connoître les vertus , les talens & le bonheur
, ne s'occupant jamais qu'à peindre
leur vifage avec du rouge , à frifer & à poudrer
leur chevelure ; fe faifant un jeu de
violer les devoirs les plus facrés de la fociété ,
& ne fe croyant jamais plus aimables que
lorfqu'ils ont ravi une fille à fon père , ou
une femme à fon mari . Les premiers François
qui pafsèrent en Amérique n'étoient pas
très - propres à détruire ces idées ; mais lorfque
M. le Comte d'Estaing y parut, environné
d'une partie de notre jeuneffe Militaire , leur
contenance fière & douce , où la grâce ſe
mêloit à l'air de l'héroïfme, la force & le courage
qu'ils déployoient dans les travaux &
dans les périls , la décence d'une conduite
dont le Chef leur donnoit l'exemple & leur
impofoit le devoir , tout étonna les Américains
, mais fans changer pourtant encore
leurs idées ; ils crurent quelque temps qu'on
leur avoit envoyé l'élite de la Nation pour
62 MERCURET
ود
combattre leurs préventions. Depuis , toute
la conduite des François avec eux , leur a
bien fait perdre ces odieux préjugés. Ils ont
reconnu qu'on pouvoit à la fois être aimable
& avoir des vertus , & remplir exactement
fes devoirs fans négliger une parure qui annonce
du goût , & non pas des vices. Les
Officiers mêmes , élevés au fein des délices
& des grandeurs , marchoient fouvent à pied.
à la tête des troupes ; & l'Auteur cite entreautres
M. le Vicomte de Noailles , qui a fait
toute la route à pied. Ce qui vous étonne-
» roit , ajoute M. l'Abbé Robin , c'eft de
» retrouver toujours la gaîté Françoife au
» milieu de ces marches pénibles . Les Amé
» ricains , que la curiofité amène par milliers
» dans nos camps , y font reçus au fon de la
mufique comme dans un bal. On fait jouer
» pour eux nos inftrumens militaires , qu'ils
» aiment avec paffion . Alors Officiers , Sol-
» dats , Américains , Américaines , tous fe
» mêlent & danfent enfemble : c'eft la fête
» de l'égalité , ce font les prémices de l'al-
» liance qui doit régner entre ces Nations.....
» Ces peuples , encore dans le fiècle heureux
» où les diftinctions de la naiffance & des
99
93
و ر
rangs font ignorés , voient du même oeil le
» Soldat & l'Officier , & demandent fou-
» vent à celui - ci quel eft fon métier dans fa
» Patrie , ne concevant point que celui de
» Guerrier puiffe en être un fixe & perma-
» nent. Le titre de beau - frère du Marquis
» de la Fayette a le plus excité leur refpect ;
H
DE FRANCE. 63 " &
éré са
pour
les jeunes
Américaines
une
» diftinction
flatteufe
d'avoir
danſé
avec le
» Vicomte
de Noailles
. »
M. l'Abbé Robin , qui a joint l'Armée
Françoiſe à Providence , la fuit dans fa marche
jufqu'à Yorck ; & dans cette partie confidérable
du nouveau Monde , il voit partout
des Provinces , des Villes & des Peuples
femés fur la route ; il voit le Connecticut ,
le New- Jerfey , Philadelphie , Baltimore
Williamsburgh , le Maryland. Par tout il
obferve , autant que peut le lui permettre
une marche rapide , la nature du fol , des
productions & des espèces vivantes , la conftitution
des Provinces , le caractère , les
moeurs & les Arts des peuples . Si l'Armée
dans fa marche pofe quelques jours fes tentes
, M. l'Abbé Robin faifit ce moment de
repos pour aller étudier la nature fur une
montagne , ou la légiflation d'une Province
dans fon Sénat. En paffant du Nord au Sud ,
il croit paffer encore d'un monde à l'autre ;
le ciel , la terre , les plantes , les animaux ,
l'homine & fes loix , tout change & prend
de nouvelles couleurs & de nouvelles formes.
Il nous eft impoffible de fuivre M.
l'Abbé Robin dans tous ces détails. Nous
nous arrêterons fur un petit nombre de ceux
qui nous ont paru avoir le plus d'intérêt ou
d'utilité.
Il y a dans les moeurs des Américains des
vertus qui doivent nous paroître bien extraordinaires.
« Ils font grands hofpitaliers ,
64
MERCURE
dit M. l'Abbé Robin ; ils n'ont qu'un
» même lit ; l'épouſe chafte , fût- elle feule ,
» le partage fans remords & fans crainte
» avec fon Hôte. ود
On raconte que les femmes de l'intérieur
de l'Irlande exercent l'hoſpitalité de la même
manière ; & un homme de trente ans , tout
au plus , qui avoit des paflions très violentes ,
m'a conté qu'étant obligé en Irlande de paffer
la nuit dans le lit & à côté d'une jeune fille de
feize ans , cette fimplicité & cette bonne foi
lui avoient infpiré tant de refpect , que l'idée
de la moindre tentative lui eût fait plus
d'horreur que le plus vil incefte. M. l'Abbé
Robin ne nous dit point fi c'eft dans le Sud
ou dans le Nord de l'Amérique qu'il a tronyé
cet ufage. Il eft probable que c'eft dans le
Nord.
Le nom de Penn , fon fondateur , qui a
montré aux hommes des vertus qui leur
étoient inconnues , l'avantage d'être le lieu
où réfide le Congrès & la Légiflation générale
, font de Philadelphie la ville la plus
remarquable de l'Amérique .
ور
ور
» Philadelphie , capitale de la Penfylvanie ,
» eft bâtie fur une plaine élevée & fpa-
» cieufe , dans l'endroit où la rivière Skuikill
mêle fes eaux à la Delhaware. Sa
» forme eft celle d'un parallelogramme , ou
» carré long, s'étendant à deux milles , ayant
» dix huit rues parfaitement alignées , cou
pées à angles droits par feize autres d'un
mille de longueur , également larges &
"
"
DE FRANCE. 65
99
ور
و د
39
"
ود
alignées ; on y a ménagé des intervalles
» pour les édifices publics. Ses deux principales
rues , nominées High Street &
» Broad Street , ont chacune cent pieds de
largeur. Des vaiffeaux de cinq cent ton-
» neaux peuvent mouiller dans un aſſez beau
quai. On y compte au moins trois mille
maifons , plus de la moitié bâties en bri-
" ques , & toutes très belles. La population
» monte à environ vingt mille âmes. Il y a des
Temples de Presbytériens , de Luthériens ,
d'Anabaptiftes , de Calviniftes , & des
Chapelles de Catholiques . La Secte la plus
» nombreufe eft celle des Quakers ; c'étoit
» celle du fondateur de la Colonie . Comme
» cette Secte affecte plus de tolérance , plus
» de rigidité , plus d'égalité , & qu'elle s'eft
» établie en Penfylvanie dans un temps où
la proximité de fa naiffance , les contra-
» diétions & le mépris des autres Religions
» lui avoient confervé toute fon énergie &
» toute l'austérité de fes principes , la lé-
» giflation tendit davantage à rendre ces
» Colons libres , égaux & fimples . La dou-
» ceur du climat , la bonté du fol , des occu-
" pations champêtres , une exiftence ifolée ,
» favorisèrent ces vûes du Législateur , &
la Penfylvanie devint la Colonie la plus
» vertueufe & la plus heureufe, que l'Hiſ-
" toire nous ait jamais fait connoître ; mais
""
و ر
en fe multipliant , en attirant les étran-
" gers , en devenant commerçante , les for-
» tunes fe font agrandies , le luxe s'eft in66
MERCURE
» troduit , les moeurs fe font altérées , & ce,
" ne fera bientôt qu'un éclatant météore.
» qui fe fera montré un inftant à l'Univers. » .
il eft difficile de le croire. Et pourquoi M,.
l'Abbé Robin , qui femble promettre un bonheur
plus durable à toute l'Amérique , en excepte
-t'il la feule Penfylvanie ? Y a t'il moins
de commerce , de luxe & d'étrangers dans lesautres
principales villes ? Cette prédiction.
avoit befoin peut- être qu'on l'appuyât fur
des faits plus pofitifs . On nous a tracé de Philadelphie
des tableaux plus confolans , &
qui offrent de plus longues efpérances . On
ne croiroit pas qu'on pût jamais faire un
parallèle de Paris & de Philadelphie ; on en
a fait un cependant ; & ce rapprochement ,
qui paroît d'abord un jeu d'efprit forcé , eft
plein de fineffe & de philofophie . Que M.:
l'Abbé Robin nous permette de le mettre à
côté des citations de fon Ouvrage ; nous
ignorons de qui il eft; tout ce que nous favons
, c'eft qu'il a été donné par un Docteur,
& qu'en le lifant on eft bien tenté de croire
qu'il eft du Docteur Francklin.
30
Philadelphie , qui n'a pas encore atteint
» à la fin de fon premier fiècle , eft déjà à
l'Amérique , proportion gardée , ce que
» Paris eft à l'Europe , la Capitale d'un état
qui donne le ton à tous les autres :
"
ود
Sic parvis componere magna folebam.
» Paris eft confidéré depuis long - temps
» comme le centre du bon goût dans tous
t
3
DE FRANCE. 67
331
les genres ; à Philadelphie , le goût s'eft
» fixé d'abord fur le bon dans tous les fens
و د
du terme.
»A Paris , on raffine fur tout , & les Beaux-
Arts s'y perfectionnent chaque jour ; à
Philadelphie , on fimplifie tout , & les
» Arts utiles y font des progrès rapides.
ود
"
" A Paris , les moeurs font fi douces , à
Philadelphie , elles font fi pures , qu'on
» peut regarder les François comme les plus
fociables , & les Penfylvains comme les
» plus honnêtes des humains. "
A Paris, il y a une police admirable , &
» rien n'y fent la gêne ; à Philadelphie , on
» fe paffe à merveille de police ; tout y refpire
la liberté & le bon ordre.
» La France n'admet point d'efclaves ; la
» Penfylvanie a affranchi les fiens .
"
39
" Le François a un fentiment d'honneur
» fi délicat , qu'il ne voudroit pas furvivre
à un démenti ; le Penfylvain a des prin-
» cipes de vertus fi auftères , qu'il ne voudroit
pas racheter la vie par un ferment.
» A Paris , le pauvre & le riche ſe livrent
au plaifir avec la même vivacité ; à Philadelphie
, il n'y a ni opulent ni indigent ;
» tous jouiffent d'une aifance honnête avec
» une férénité prefque inaltérable.
t
و د
» Le François rit de tout , & tout rit au
Penfylvain .
» Paris femble aux étrangers un féjour de
délices , & Philadelphie leur paroît le
féjour de la félicité. »
68 MERCURE
Tout ce bonheur eft l'ouvrage des loix ;
mais la Nature ne permet pas aux Américains
d'en jouir très long temps . Chez eux
le vie commune eft généralement beaucoup
plus courte ; & à vingt ans , dit M. l'Abbé
Robin , les femmes n'ont déjà plus la fraîcheur
de la jeuneſſe ; à trente cinq ou quarante
, elles font ridées , décrépites. Les obfervations
de M. l'Abbé Robin , fur la durée
de la vie en Amérique , ont été faites fur les
tombeaux on grave toujours fur la pierre
l'âge qu'avoit celui qu'elle couvre. M. l'Abbé
Robin a vifité avec foin tous les cimetières
depuis Boſton juſqu'à Williamsburgh , eſpace
de près de trois cent lieues , & partout
il a tiré ce réfultat , que le grand nombre
mouroit à 40 ans , un très - petit nombre
à 60 , & que perfonne ne paffoit 70 ans. Il
s'enfuit que la vie commune y eft de trente
ans plus courte qu'en Europe,& qu'on y paffe
beaucoup plus rarement la durée ordinaire.
que la Nature accorde à nos jours. Cette double
différence feroit prodigieufe. L'Auteur
ne nous dit point fi les charmes des femmes ,
qui commencent à fe flétrir à vingt ans , fe
développent de très bonne heure ; il leur
faudroit au moins ce dédommagement. Dans
plufieurs pays de l'Afie , comme on fait ,
elles fe marient fouvent à huit ans , & font
mères à neuf; & le climat agit à cet égard
avec tant de force & de rapidité , qu'il produit
cet effet fur les Européennes à la première
génération. La foeur du Savant Hom-
·
DE FRANCE. 69
berg, née à Batavia , de parens originaires de
la Hollande , étoit mariée à huit ans , &
mère à neuf.
Avec des charmes fi peu durables , les
Américaines font bien heureufes de vivre
dans un pays de liberté & de bonnes moeurs.
Si l'Amérique perd jamais fes vertus & fa
liberté , le defpotifme y fera affreux contre
elles ; on dit cependant qu'elles recherchent
avec avidité nos modes , notre luxe & nos
plaifirs : elles font bien imprudentes ! Pour
être heureufes avec des efclaves corrompus ,
il faut que les femmes foient bien jolies , &
long- temps jolies.
Un Philofophe , qui connoît l'état & les
affaires de l'Univers , comme un particulier
inteliigent connoît les affaires & l'état de fa
maiſon , a imprimé que dans fes plus grands
progrès , la population de l'Amérique Septentrionale
ne s'élevera jamais à plus de dix
millions d'âmes, Quoi ! la Nature fera donc
fi avare d'hommes dans le feul pays du monde
où les loix & la fociété ont affez de fageffe
pour en faire le bonheur ! Elle fe multiplie
fouvent , avec une fécondité cruelle , fous la
hache des defpotes & des bourreaux . On
eût defiré que M. l'Abbé Robin eût connu
& difcuté l'opinion fi affligeante de ce Philofophe
: il n'en parle point du tour , & ,
comme tout le monde , il femble promettre
une population abondante à l'Amérique. Je
croirai avec peine à l'affertion de l'Hiftorien
du Commerce ; mais quand il affirme une
70
MERCURE
chofe , il faut l'adopter ou la combattre
avec force . Dans ces matières l'évidence
feule peut avoir plus d'autorité que fon
nom . Un Souverain de l'Europe , qui venoit
de s'entretenir deux ou trois heures avec lui ,
écrivoit à unautre Philofophe : Cet homme
» connoît le paffé , le préfent & l'avenir des
» deux Mondes ; j'ai cru m'entretenir avec la
» Providence . »
Ces paroles font belles ; elles deviennent
fublimes quand on fait que le Souverain
pouvoit avoir à fe plaindre du Philofophe
dont il parle ainfi.
M. l'Abbé Robin termine fon Ouvrage
par des réflexions fur la tolérance . Qui auroit
imaginé que c'eft dans l'Amérique Septentrionale
, où elle règne depuis plus d'un
fiècle au milieu d'une multitude de fectes
pacifiques & heureuſes , que M. l'Abbé
Robin auroit appris à la craindre ?
Il convient que , jufqu'à préſent , elle ya
fait beaucoup de bien , qu'elle a donné à
l'Amérique une puiffance & une population
rapides ; mais il craint qu'elle ne produiſe à
l'avenir des effets tout contraires. Pourquoi
cette crainte , & d'où peut- elle venir ?
Jufqu'à préfent , dit il , les hommes y ont
été ifolés , & leurs diverfes opinions n'ont
pas pu fe heurter & fe combattre. Mais M.
l'Abbé Robin n'y a pas bien réfléchi ; les diverfes
fectes de l'Amérique ont été , dès le
principe , rapprochées dans les villes ; à
Bofton , à Philadelphie , les Temples fe font
DE FRANCE. ཏོ་
élevés à côté des Temples , & tous font debout
encore.
L'intolérance eft le fignal de la guerre , &
la tolérance eft la déclaration de paix.
-
Comment des Sectes qui ont vécu en paix
à côté les unes des autres , au moment de
leur naiffance , s'armeront elles les unes
contre les autres lorfqu'elles n'auront
plus ce zèle inquiet qu'elles avoient à leur
origine ?
,
La tolérance eft difficile à établir , & facile
à maintenir. Cela tient à la nature de l'efprit
humain.
M. l'Abbé Robin prétend encore qu'en
s'enrichiffant & en s'éclairant , les Américains
deviendront défoeuvrés & fophifticans , &
que la difpute fera de tant de Sectes autant
de fources de guerre. Quelle crainte !
Ce ne font pas les peuples riches & éclairés
qui fe battent pour leur religion , ce font
les peuples pauvres & ignorans. C'eſt dans
fes premiers efforts que l'efprit humain eſt
le plus audacieux & le plus téméraire ; il
femble dédaigner les chofes fenfibles de la
Nature , & veut en pénétrer les myftères : les
Philofophes, les Poëtes , tous veulent deviner
les caufes ; mais à mesure qu'on s'éclaire &
qu'on s'enrichit , les Philofophes étudient la
Nature , les Poëtes la peignent, & tout le mon
'de en jouit. L'imagination n'a plus l'audace
d'interroger l'Être Suprême fur des mystères
qu'il ne doit nous révéler que dans l'éternité.
Plus les religions font éclairées , ajoute ce72
MERCURE
pendant M. l'Abbé Robin , plus elles font
intolérantes. On ne peut être affez étonné
d'une pareille affertion , & l'on fent bien que
nous fommes obligés de fupprimer les meilleures
réponfes qu'on pourroit y faire .
Une religion fauffe fe détruit en s'éclairant
, & la vraie n'a point de progrès dans
fes lumières. En fortant du fein de Dieu,,
fa lumière a plus d'éclat que les hommes ne
pourront jamais lui en donner. La nôtre , au
moment de fa naiffance , a été perfécutée par
les fauffes , & elle les a tolérées .
M. l'Abbé Robin a été embarraffé des
exemples de l'Angleterre & de la Hollande ,
où toutes les Sectes vivent en paix. Il répond
à cela que les Hollandois ne font occupés
que de leur commerce , & que toutes les
Sectes en Angleterre fe réuniffent dans leur
commune haine pour l'Églife Catholique.
Ces réponses ne font point fenfées. L'Églife
Catholique eft trop peu de chofe en Angleterre
; & la haine qu'elle infpire ne peut être
affez forte pour réunir & concilier des Sectes
ennemies. Si l'intérêt du commerce rend les
Sectes pacifiques en Hollande , elles trouvent
auffi le commerce en Amérique ; elles y trou
veront de plus l'Agriculture & les Arts ,
qui portent à la paix autant que le commerce.
M. l'Abbé Robin n'a pas joint à
ces deux exemples celui de la Suiffe ; eft- ce
qu'il lui a paru plus embarraffant ? Il ne l'eft
pas davantage , mais il l'eft beaucoup. La
différence des religions , difoit le Congrès ,
dans
1
DE FRANCE. 73
1
dans un de ces beaux Difcours qu'il adreffoit
aux peuples de l'Amérique , ne peut être
un obftacle à notre réunion . Elle exifle dans les
Cantons Suiffes, ils n'en font pas moins unis.
Quand les Légiflateurs parlent ainsi , les
Peuples penfent de même.
Nous ne pouvons trop blâmer M. l'Abbé
Robin d'avoir terminé par cette difcuffion
affligeante un tableau de vertus , de fagelle &
de bonheur.
Son Ouvrage d'ailleurs fe lit avec intérêt.
Il fait mettre fous les yeux du Lecteur les
objets qu'il a vus lui même . Son ſtyle man ,
que fouvent de correction ; mais il eft na
turel , animé , qualités beaucoup plus précicules
; & quoique la marche de l'Armée
qu'il fuivoit ne lui ait pas laiffé le temps
d'obferver les chofes avec une certaine profondeur
, il montre fouvent de la fagacité &
de la philofophie. Ceux qui ont le plus
étudié les Voyageurs , connoîtront mieux l'Amérique
après l'avoir lû , & ce feul mérite
fait affez l'éloge d'un Voyage.
( Cet Article eft de M. Garat. )
VUBS fur l'Education de la première Enfence.
A Amfterdam , & fe trouve à Paris,
chez Lefclapart , Libraire de MONSIEUR ,
Frère du Roi , Pont Notre Dame. Brochure
de 42 pages,
Il n'y a peut être aucun objet d'utilité qui
N°, 19 , 8 Mars 1733 . Ν .
Ꭰ
74
MERCURE
n'exerce aujourd'hui la plume de nos Écrivains.
En eft- il réfulté tout le bien que l'humanité
doit en attendre ? On ne peut guère
fe décider pour la réponſe affirmative. Mais
il y a tout lieu de penfer que de ces difcuffions
il naît toujours quelques germes heureux
, qui , fufſent- ils jetés au haſard , ſeront
quelque jour développés & fécondés
par la réflexion , le temps & l'expérience.
Il ne fuffit pas de montrer le bien aux
hommes , il faut leur infpirer encore la volonté
de le faire ; & il y a fouvent bien loin
d'une découverte philofophique à un établiſfement
utile. Mais un temps arrive où l'on
ceffe de regarder dans un Auteur la défaite
des préjugés dangereux , comme une beauté
oratoire qui ne mérite & qui ne prétendoit
que nos éloges ; où l'on commence à croire
que la plus digne manière de louer un
Écrivain , c'eft de tourner fes idées , fes
découvertes , au profit de la fociété , où l'autorité
enfin , éclairée par la raiſon, exécute ce
qu'on le contentoit d'applaudir , & fait parlà
de chaque vérité qu'on découvre un bienfait
pour l'humanité.
Malgré le grand nombre d'Ouvrages qu'on
a publiés fur l'Éducation , en voici encore
un qui s'offre au jugement du Public. Il eſt
vrai que l'afpect fous lequel l'Auteur a confidéré
fou fujet , le fait fortir de la route ordinaire.
Il s'eft attaché particulièrement à
l'éducation de la première enfance ; éducation
d'autant plus digne de nos foins ', qu'elle influe
ལས་ ས་་ མ་ ་ལུང་ དག་པ ཏཱཔུ ཏྟ
1
DE FRANCE.
75
fur celle qui doit la fuivre , & qu'elle peut
fervir ou nuire à fon fuccès.
On convient depuis affez long - temps que
l'éducation de l'homme commente quand il
vient au monde ; & cette éducation eft prefque
totalement négligée , abandonnée. Tel
eft l'abus que l'Auteur anonyme a effayé de
détruire. Ilveut que pour accoutumer l'enfant
à faire des idées de fes fenfations , on lui montre
ce dont on veut lui parler , ce dont il doit
parler aufi ; qu'on lui facilite l'étude des
mots par la vûe des chofes mêmes. Voilà
quant à fon efprit.
L'extrême fenfibilité d'un enfant lui donne
une aptitude à recevoir toutes les impreffions
, & lui communique la faculté imitative
, qui peut devenir un reffort toutpuiffant
pour cette première inftitution . Ce
defir de tout imiter, fournit le moyen de
faire entrer dans cette âme toute neuve le
germe de toutes les vertus. " Son effet prin-.
"
"
cipal , dit l'Auteur , eft de donner à l'âme
» ces tournures qui lui conſtituent un ca-
» ractère bon ou méchant , aimable on
..haïffable. En vertu de cette difpofition
» imitative , répandue dans tout notre individu
, les paffions exprimées fur le vifage,
dans les difcours , dans le ton de
» voix , dans les mouvemens de ceux avec
qui l'on le trouve , fe communiquent tou-
» jours à nous. Une perfonne gaie & folâ-
» tre infpire la gaîté ; il ne faut quelquefois
» qu'un fujet triste pour répandre la trifteffe
"
ور
Dij
16
MERCURE
"
27
» dans toute une affemblée. C'eſt ainfi que
» dans une fédition , dans une fête , la fu-
» reur ou la joie gagnent de proche en proche
jufqu'aux perfonnes les plus indiffé-
» rentes ; c'est ainsi , comme il eft affez
connu , que chacun fe forme infenfible-
» ment fur ceux qu'il fréquente d'ordinaire,
» A plus forte raiſon des enfans , bien plus
fenibles que nous , doivent - ils prendre
» un caractère fombre , farouche , colère ,
ou bien riant , doux , humain , fuivant les
modèles qui agiffent continuellement fur
❞ eux . »
Combien de vices & de vertus qu'on croit
innés dans l'homme , ne doivent leur naiffance
qu'à une première impreflion habituelle
! Des fenfations voluptueufes données
à un enfant , en feront peut- être un homme
efféminé , comme les cris & la dureté peuvent
lui donner un caractère lâche ou féroce,
L'habitude de s'occuper d'un même
objet , nous donne fouvent du goût pour les
chofes mêmes qui fembleroient devoir nous
infpirer de la répugnance . Combien de perfonnes
continuent d'exercer un emploi , un
commerce difficile & pénible , lors même
que leur fortune leur permet de s'en paffer,
& que l'âge leur ordonne de s'en affranchir !-
On l'attribue toujours à la cupidité ; & fouvent
il ne faut en chercher la caufe que dans
le plaifir qu'on trouve à s'occuper d'un ebjet
dont on s'eft toujours occnpé. Qu'on juge
donc quels avantages & quels dangers accons
DE FRANCE. 77
pagnent cette difpofition fi naturelle à l'hom
me, & quelle attention on doit y porter,
quand il s'agit de notre premier âge !
La diverfité des tempéramens , plus ou
moins foibles, ne peut être révoquée en doute:
mais elle ne rend pas l'éducation inutile , elle
fournit au contraire l'occafion de conformer
à cette différence la première inftitution
qu'on veut donner à un enfant , & de
coopérer ainfi avec la nature à diriger fes
vertus & à corriger fes défauts . « N'en dou-
» tons point , s'écrie l'Auteur de cet Ou-
» vrage , l'éducation que l'homme reçoit
و د
23
alors , contribue à le rendre orgueilleux
» ou modeſte , dur ou humain , impudent
" ou fage , groffier ou poli , tout auffi bien
» que François , Allemand , Anglois ou Hot-
» tentot. Ah ! fi l'on voit tourner mal tant
» de fujets , même élevés par des Inftituteurs
habiles , ne nous en prenons pas unique-
» ment à la Nature ; & fi quelques - uns
profpèrent en mauvaiſes mains , ne lui en
faifons pas tout l'honneur. C'est que bien
» des Inſtituteurs ont précédé celui qui eft
"
en titre , & ont femé dans l'efprit & dans
» le coeur des jeunes élèves , beaucoup de
" bons & de mauvais grains qui décident
enfuite de la récolte. Combien de perfonnes
, fi elles fe remettoient devant les
» yeuxune partie de leurs premières années ,
" & fi elles pouvoient fe rappeler l'autre ,
fe diroient à elles - mêmes : ce fut cette
nourrice emportée & brutale , ou inatten
Duj
30
78 MERCURE
» tive & dure, qui, par fes fureurs & par for
» lait empoisonné , ou en me laiffant fouf-
» frir & crier fans daigner y faire attention ,
» me fit contracter cette humeur violente
» dont je fuis dominé. Ce fut l'air effronté ,
» le ton impudent de cette femme perdue ,
qui me difposèrent , dès le berceau , à deve-
» nir la honte de mon fexe. Je dois au ſpec-
" tacle de l'admiration & de l'attendriffe-
» ment que caufoit la préfence de cet hom-
» me de bien au milieu de ceux dont il étoit
» le père & le modèle , le commencement
» de ce goût heureux qui m'a de tout tems
porté à la vertu, & qui m'y rappelle avec
» force lorfque les paffions m'en écar
» tent. »
Après avoir prouvé le befoin , la néceffité
de foigner cette première éducation ,
l'Auteur en trace le plan , & la confidère
fous deux afpects , comme particulière &
comme publique. Nous ne le fuivrons
point dans tous les détails qu'il propofe
aux Inftituteurs de la première enfance , &
qu'il faut lire dans l'Ouvrage même . Nous
nous arrêterons feulement à une idée qui
s'éloigne un peu des opinions reçues , & qui
n'en eft pas moins raifonnable . On croit d'ordinaire
qu'il faut toujours confulter un enfant
fur l'état qu'il veut embraffer. Mais , au
fonds , connoît- il affez , pour être en état de
choifir ? Êtes-vous bien sûr que ce fera la
raifon plutôt que le caprice qui déterminera
fon choix ? Au lieu de confulter l'inclination
DE FRANCE. 79
d'un enfant , l'Auteur croit qu'on ne rifque
rien à la fuppofer d'avance , & qu'il eft facile
de la lui infpirer . Il fonde cette opinion
fur ces deux principes : fur le goûr qu'on
prend aux chofes dont on s'eft occupé longtemps
& de bonne heure , & fur cet efprit
d'imitation , qui eft inféparable du premier
âge , il faut donc lui faire connoître & lui
offrir comme amuſement ce qui doit être
un jour fon occupation . L'Auteur n'admet
pour exception à cette règle que les cas , affez
rares d'ailleurs , où la Nature a décidé irrévocablement
la deftination d'un individu ,
& lui a donné ce penchant impérieux que
rien ne peut furmonter . Mais alors la méthode
propofée ne fert qu'à mieux manifefter
ce penchant , en lui oppofant des obftacles;
on eft moins expofé à s'y méprendre , & il
n'y a par conféquent aucun danger à courir.
Cer Ouvrage , fans préfenter des idées
neuves , offre des rapprochemens heureux
& des résultats intéreffans. L'Auteur a de la
méthode , de la fageffe dans les idées , & de
la clarté dans fon ftyle , quoique négligé quel
quefois. Il paroît avoir obfervé avec intérêt les
moeurs de l'enfance , & n'avoir pris la plume
que pour coopérer à fonbonheur . L'Ouvrage
eft accompagné d'une note qui eft l'explication
d'un projet conçu & propofé par l'Auteur.
Comme il n'eft pas poffible , qu'il n'eft
peut- être pas même à defirer que les parens
fe chargent tous de l'éducation de leurs en
Div
MERCURE
fans en bas - âge , il voudroit qu'il y eût des
établiffemens publics, où l'enfance pût recevoir
l'éducation la plus foiguée. Il defireroit
qu'on choisît pour cela une campagne riante .
& bien cultivée , & même , s'il fe peut , une
petite éminence , tout auprès de chaque ville.
Il entre enfuite dans quelques détails fur le
plan qu'il faudroit fuivre , & qui eft conforme
aux principes développés dans le refte
de l'Ouvrage.
CALENDRIERpour l'année 1783 , à l'ufage
des Élèves qui fréquentent l'Ecole gratuite
de Deffin , avec le Plan & l'élévation de
ladite École. A Paris , aux Écoles gratuites:
de Deflin , rue des Cordeliers.
De tous temps on a regardé la Capitale
comme le lieu le plus propre à électrifer le
génie , fur tout à diriger fon effor , & à lui
donner pour compagnon le goût , qui l'embellit
en guidant fa marche. Le choc des opinions
, fi propre à dévoiler la vérité ; le
commerce des hommes célèbres dans tous.
les genres ; les Bibliothèques publiques ; les
Cabinets particuliers , les Écoles , les Académies
, les atteliers ; tout lui préfente à la fois
des lumières & des fecours ; tout contribue
à nourrir l'émulation . Paris enfin a toujours
été tout enſemble & le foyer & le flambeau
des talens & des arts. Mais combien la
fageffe de l'Adminiftration a - t'elle multiplié .
DE FRANCE. 81
•
I
ces avantages depuis quelques années ! combien
d'établiffemens utiles , non -feulement
par les lumières qu'ils répandent fur les ta
lens , mais par des fecours gratuits , propres
à écarter les obftacles que la fortune oppofe
trop fouvent au génie !
Parmi ces établiffemens fi utiles , on doit
compter l'Ecole gratuite de Deffin , qui a le
Roi pour fon Protecteur , & pour Prefident ,
ce fage Magiftrat de Police , moins recommandable
par fa dignité que par une vigilance
auffi infatigable qu'incorruptible ; qui
a lui - même fondé plufieurs établiffemens
utiles aux Arts & à l'Induſtrie ; & qui femble
avoir befoin d'être le zélé protecteur de
ceux qui ont précédéfon Adminiſtration , pour
fe confoler de n'en être pas le fondateur.
On doit l'établiffement de l'École de
Deffin à M. Bachelier , qui n'a pas ceffé d'y
exercer avec diftinction la place de Directeur.
Le Calendrier qu'on vient de publier
a pour objet d'en faire connoître tous les
détails , & de donner des réglemens aux
élèves , c'eft à dire , d'en expliquer l'Adminftration
& l'Inftruction .
Cette École fut ouverte en 1966 , par une
fimple permiffion du Gouvernement ; & au
mois d'Octobre de l'année fuivante , des
Lettres Patentes en ordonnèrent l'établiffement.
Son premier local a été le Collége
d'Autun ; mais en 1776 , le Roi lui a fait donation
de l'ancien amphithéâtre de S. Côme ,
où elle eft établie irrévocablement.
D▾
82 MERCURE
Le but de fon inftitution eft d'enfeigner
gratuitement, aux ouvriers ou aux enfans fans
fortune , les élémens de la Géométrie - pra
tique , de l'Architecture & des diverfes parties
du Delfin , relativement aux Arts mécaniques
, pour leur faciliter le moyen d'exé
cuter , fans le fecours d'autrui , les différens
ouvrages qu'ils pourront imaginer.
Ce Calendrier n'eft point fufceptible
d'extrait. Il faut fe contenter de dire que le
but de cet Ouvrage eft de faire connoître ,
. les avantages de l'établiffement de l'École
gratuite élémentaire de Deflin en faveur des
Arts mécaniques ; 29. les détails de l'adininiftration
relativement à l'inftruction des
élèves , à la manutention des claffes & à la
difcipline qui s'y obferve. 3 ° . L'état des gravures
destinées à l'inftruction des élèves.
On y trouve aufli un Calendrier à l'ufage
de l'École ; les noms des Corps , Communautés
& Fondateurs qui ont contribué à fa
dotation ; les noms & demeures des élèvés
qui ont remporté des maîtrifes ; les noms de
ceux qui ont reçu les grands Prix pour être
admis aux concours des maîtriſes ; & enfin
les noms de ceux qui ont fréquenté l'École
pendant l'année 1782 .
La lecture de tous les détails contenus dans
ce Calendrier, fuffit pour prouver la fageffe
du plan adopté pour cette École , & pour en
démontrer l'utilité.
DE FRANCE.
83
SPECTACLES.
'ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
LE Vendredi 28 Février , on a donné la
première repréſentation de Renaud , Tragédie
Lyrique en trois Actes , paroles de
M. le Boeuf , mufique de M. Sacchini .
La Reine a honoré de fa préſence certe repréfentation
, qui a été très- brillante & trèsnombreuſe.
L'Abbé Pellegrin donna , en 1722 , un
Opéra en cinq Acte avec le même titre , mis
en mufique par Defmarets . C'étoit une fuite
de l'Armide de Quinault : les fuites ne réuffiffent
guère au Théâtre. Le Renaud n'eut
aucun fuccès , & n'en méritoit guère. Le
fond du fujet eft fufceptible d'intérêt ; mais
le plan de Pellegrin étoit mal conçu ; les
principaux caractères fans nobleſſe , l'action
lente , le dialogue lâche , le ftyle foible &
négligé ; mais au travers de tous ces défauts
on trouve des vers heureux , des morceaux
bien écrits , & deux Scènes intéreffantes &
bien conduites .
Quoique M. le Boeuf ait fuivi en général
le plan de Pellegrin , il y a fait des changemens
confidérables , & plufieurs de trèsavantageux.
Sa marche eft plus rapide ,
D vj
$4
MERCURE
& la coupe des Scènes eft mieux appropriée
aux procédes de la mulique moderne.
Nous allons donner une idee du ſujet &
de la conduite de la Pièce.
Renaud , après s'être arraché des bras
d'Armide , a rejoint Godefroy , & a repris
Solyme. Les Rois alliés , que leur amour
pour Armide avoient réunis contre les
Croifes , ne la voyant plus reparoître , fe
laffent d'une guerre qu'ils n'avoient entreprife
que pour elle ; c'eft ici que commence
l'action . Ils témoignent le defir qu'ils ont de
la paix ; Renaud vient la leur offrir de la part
de Godefroy ; ils l'acceptent avec joie. En ce
moment arrive Armide, qui leur fait honte de
leur défection.Étonnée & indignée de trouver
Renaud au milieu d'eux , elle promet fa main à
celui qui lui apportera la tête du perfide . Cette
promeffe ranime le courage des Rois amans.
Renaud fe retire en annonçant la guerre, & les
Rois jurent la mort. Armide leur préſente
de nouveaux defenfeurs qu'elle amène avec
elle ; ce font des Amazones & des Circaffiens,
qui terminent le premier Acte par un Ballet.
Le fecond Acte fe paffe dans la tente d'Armide.
On vient lui apprendre que les Rois ,
au mépris des droits de la guerre , ont attaqué
Renaud avant qu'il fût forti du camp ,
& qu'ils font près de l'accabler fous le
nombre. Armide prend fes armes , vole au
fecours de Renaud , & le ramène dans fa
tente. Renaud eft étonné de reconnoître Armide
dans le Guerrier inconnu à qui il doit
DE FRANCE. 85
la vie. Elle lui reproche fa perfidie ; il s'en
défend vaguement. Dans ce moment on vient
annoncer que les Soldats , indignés de ce
qu'on leur a enlevé Renaud , veulent le maf
facrer dans la tente même d'Armide . Elle
lui dit de fuir , il fuit ; mais , toujours alarmée
fur le danger qu'il court , elle est prête
à appeler les Demons au fecours de ce cher
ingrat , lorfqu'elle apprend que Renaud , à
la tête de fes Guerriers , répand par- tout l'effroi
, alors elle invoque les Demons contre
Renaud. Hidraot , fon père , joint ſa voix à
la fienne ; mais cette invocation eft vaine ;
les Démons , retenus par d'invifibles fers ,
leur déclarent qu'ils ne peuvent fervir fa
vengeance. Hidraot fe dérobe aux inftances
de fa fille , & va combattre Renaud.
Au troifième Acte , le Théâtre repréſente
une forêt , au fond de laquelle on voit combattre
des pelottons de Croilés & de Sarrazins.
Sur le devant , Armide en défordre ,
vû les Chrétiens victorieux , & fes Troupes
fuyent partout ; on lui amène mourant
Adrafte , le principal des Rois fes amans ;
elle craint le même fort pour fon père. Privée
de reffources & d'efpérance , elle ramaſſe un
fer pour s'en percer. Renaud arrive à temps
pour retenir fon bras ; elle lui reproche tous
les maux qu'il lui a faits ; Renaud lui dit enfin
qu'il n'a jamais ceffé de l'adorer , que fa
gloire eft fatisfaite , & qu'il va reprendre
fes premières chaînes.Un Divertiffement des
86 MERCURE
Génies d'Armide & des Guerriers de Renaud
terminent l'Opéra par un Ballet général.
Nous ne nous arrêterons pas fur les vices
de ce Drame ; les principaux appartiennent
à Pellegrin ; on regrette que M. le Boeuf n'ait
pas choifi un meilleur modèle. Le changement
le plus important qu'il y ait fait , eft
dans l'expofition , qui eft rapide & théâtrale ,
tandis qu'elle eft découfue & délayée dans les
trois premiers Actes de Pellegrin.
Dans le Poëme original , Renaud laiffe
voir , dès le premier Acte , tout l'amour qu'il
conferve pour Armide ; mais il le furmonte
pour obéir à la gloire . Il eft vrai que cet
amour eft foiblement développé , plus languiffant
que tendre , plus galant que paffionné
; mais le contrafte de fes fentimens
rend fon caractère plus intéreffant & fon.
rôle un peu plus dramatique que dans le
nouveau Poëme, où il ne répond jamais que
vaguement à Armide , & ne lui déclare qu'au
dénouement ce qu'il auroit dû au moins laiffer
entrevoir beaucoup plus tôt.
Le Ballet d'Amazones & de Circaffiens
que M. Leboeuf a imaginé pour amener de
la Danfe dans cet Acte , qui n'en avoit pas
befoin , a jeté du froid fur l'action , & a
déplu fur-tout par fa longueur.
L'invocation des démons ne produifant
aucun effet pour l'action , termineroit mal
le fecond Acte fi elle n'étoit pas foutenue
par les beautés de la Mufique. Pellegrin n'aDE
FRANCE. 87
voit imaginé cette reffource de magie que
pour amener un Ballet de Démons.
Ces Ballets faifoient toujours plaifir du
temps de Pellegrin . M. le Boeuf a bien fait
de fupprimer celui- ci.
Le tableau du combat par lequel ouvre
le troifième Acte eft d'un bel effet , qui prépare
heureuſement la cataſtrophe ; mais on eft
un peu bleffé de voir que la guerrière Armide
refte oifive fur le devant de la Scène à
déplorer fes malheurs, fans paroître prendre
aucune part à ce combat d'où dépend ſon
fort , celui de fon père & de fon Amant. Le
dénouement a paru froid & languiffant.
Nous croyons que l'Auteur pourroit en retrancher
plufieurs détails inutiles , & qu'en
faifant déclarer beaucoup plus tôt à Renaud
qu'il n'a jamais ceffé d'aimer Armide ,
en développant & en graduant tous les fentimens
qu'ils doivent éprouver à cet inftant
où ils fe réuniffent pour ne plus fe féparer ,
il pourroit en réfulter une Scène plus touchante
, plus animée & même plus muficale
que celles qui terminent l'action .
Nous nous arrêterons peu fur le ſtyle
de cet Ouvrage ; il manque trop fouvent
d'élégance , de propriété & d'harmonie ; on
y remarque auffi une inégalité inévitable ;
l'Auteur à confervé un affez grand nombre
des vers de Pellegrin , & l'on ne peut s'empêcher
de regretter qu'il n'en ait pas confervé
davantage.
Quant à la Mufique , nous n'avons pas
88 MERCURE
befoin de dire qu'elle eft pleine de beautés
du premier ordre. La grande réputation de
M. Sacchini eft etablie dès long - temps dans
toute l'Europe. Comme nous écrivons cet
article après une feule repréfentation , nous
ne nous permettrons pas d'en parler en
détail , & nous attendrons que d'autres
repréſentations nous aient mis à portée
de recueillir l'opinion des gens de goût ,
& d'y joindre les obfervations que Hous
dicteront à nous - mêmes notre zèle pour
les progrès de l'Art , & l'intérêt que tout
homme jufte & fenfible doit prendre
aux fuccès d'un aufli grand Maître que M.
Sacchini ; mais nous nous empreffons de
dire que l'Ouvrage a été généralement applaudi
dans tous les Actes , fouvent même
avec transport.
Nous renverrons auffi au Mercure prochain
nos obſervations fur les différentes
parties de l'exécution de cet Ouvrage.
COMEDIE FRANÇOISE.
LE Vendredi 21 Février , on a remis la
Mort de Céfar, Tragédie de Voltaire , en
trois Actes & en vers.
Il eft vraisemblable que Voltaire connoiffoit
le Jules Céfar de Shakespeare , lorſqu'il
compofa la ragédie dont nous allons parler
. Les deux Ouvrages ont entre- eux quelques
points de reflemblance affez frappans
DE FRANCE. 89
pour le faire préfumer. Il n'eft pas douteux
que les admirateurs enthoufiaftes du Tragique
Anglois ne lui donnent la préférence
fur le Poëte François , & n'acculent même
ce dernier d'avoir négligé les beautés mâles
de Shakespeare , de n'avoir pas fenti le mérite
de cette nature vierge qui infpiroit le
Sophocle de la Grande - Bretagne. Laiffons
aux illuminés le bonheur dont ils jouiffent
en admirant & les inégalités monftrueufes
de Shakespeare , & fes détails populaires ,
&fa nature vierge . Contentons nous de dire
que fi la Tragedie exige de la grandeur , de
la nobleffe , de la raifon ; Voltaire a ſu atteindre
fon véritable but bien plus sûrement
que l'Auteur de Jules Cefar. Ajoutons que
cette accumulation inconcevable d'événemens
dont toutes les Tragédies de Shakefpéare
font furchargées ; ces paffages ſubite ,
d'une ville , & fouvent d'un royaume à un
autre ; enfin l'étendue qu'il donne toujours à
la durée de la repréſentation , choquent la
vraisemblance , fatiguent l'attention , nuifent
à l'intérêt & à l'illufion . Shakeſpeare eft certainement
un homme d'un très grand génie. Sa
manière dramatique peut plaire à des Anglois;
mais elle ne fauroit convenir à des Spectateurs
François : ceux- ci liront avec un vrai plaifir, ils
rendront même la juftice la plus authentique
à quelques Scènes fublimes de cet homme
extraordinaire ; mais ils rejetteront tous les
Drames , parce qu'ils n'y verront ni plan ,
ni fageffe , ni ordonnance. Telles font les
و د
MERCURE
réflexions que nous a infpirées un examen ré
fléchi du Jules Céfar de Shakeſpeare : nous
les abandonnons à la critique de les admirateurs
, & nous les foumettons aux lumières
des Gens de Lettres fans prévention.
Pour ne pas trop étendre cet article , nous
ne rapprocherons ici que deux fituations des
deux Ouvrages. Citons d'abord Shakespeare .
Dans la première de ces deux fituations ,
un des Serviteurs de Brutus remet à ce Conjuré
un billet qu'il a , dit- il , trouvé en cherchant
une pierre à feu fur la fenêtre . Le Romain
refte feul, l'ouvre & lit : Brutus , tu
» dors : réveille- toi, vois qui tu és . Rome fera-
و ر
t'elle.... Parle,frappe ; faisjuftice . Brutus ,
» tu dors , réveille - toi . J'ai trouvé fouvent
» de pareilles exhortations femées fur mon
» paffage : Rome fera t'elle.... Voici ce que
» je dois fuppléer : Romefera- t'elle immobile
de crainte & de refpect fous le regard
d'un homme ? Quoi ! Rome ! ...... Mes an-
», cêtres chafsèrent des rues de Rome le Tar
quin qui portoit le nom de Roi. Parle
frappe , fais juftice. Eft ce moi qu'on ex-
» horte à parler & à frapper ? O Rome ! je
30.
و
t'en fais la promeffe ; s'il eft poffible de
" fairejuftice , tu obtiens ta pleine demande
» de la main de Brutus. » Que l'on compare
cette Scène avec le beau monologue de
Brutus dans l'Ouvrage de Voltaire. Citonsen
quelques vers.
* Traduction de M. le Tourneur .
DE FRANCE. 91
sx
Que vois-je , grand Pompée , aux pieds de ta ftatue !
Quel billet , fous mon noin , ſe préſente à ma vûe !
Lifons: Tu dors , Brutus ! & Rome eft dans les fers.
Rome! mes yeux fur toi feront toujours ouverts ;
Ne me reproche point des chaînes que j'abhorre.
Mais , quel autre billet à mes yeux s'offre encore !
Non , tu n'es pas Brutus. Ah ! reproche cruel !
Céfar ! tremble , Tyran , voilà ton coup mortel.
Non , tu n'es pas Brutus ! je le fuis , je veux l'être.
Je périrai , Romains , ou vous ferez fans maître .
Je vois que Rome encore a des coeurs vertueux ;
On demande un vengeur , on a fur moi les yeux ;
On excite cette âme & cette main trop lente ,
On demande du fang ; Rome fera contente.
Nous croirions faire injure à nos Lecteurs
fi nous faifions ici la moindre réflexion capable
de déterminer auquel des deux Auteurs
on doit la préférence.
La feconde fituation eft celle où Antoine
harangue le Peuple Romain devant le corps
de Célar. Voici comme ce Triumvir s'explique
dans Shakefpéare. « Ici , de l'aveu de
» Brutus & des autres *; car Brutus eft un
» homme d'honneur , & tous les autresfont
auffi des hommes d'honneur , je viens pour
parler aux funérailles de Céfar. Il étoit
» mon ami , il fut fidèle & jufte envers moi ;
» mais Brutus dit qu'il étoit ambitieux ; & ,
» certes , Brutus eft un homme d'honneur....
و د
99
* Traduction de M. le Tourneur.
•
2 MERCURE
12
20
Loffque les pauvres gémilfoient , Cefar
pleuroit. L'ambition feroit formée d'une
» trempe plus dûre . Cependant Brutus , & c .»
Et toujours ce membre de phraſe : Brutus
eft un homme d'honneur , forme le refrein
des réflexions d'Antoine , depuis l'inftant
qu'il commence jufqu'à celui où il ceffe de
parler. Que ce retour perpétuel d'une phrafe
hypocrite & artificieuſe foit une beauté dans
l'éloquence Angloiſe , à la bonne heure ;
mais il eft vraisemblable que peu d'Orateurs
regretteront de n'en pas faire ufage , furtout
s'ils ont auprès d'eux d'autres modèles
. Voltaire ici peur en fervir. Nous allons
encore citer quelques vers du diſcours
qu'il prête à Antoine . Il aimoit trop Céfar),
dit un des Plébeïens .
ANTOIN I.
Oui , je l'aimois , Romains ,
Oui , j'aurois de mes jours prolongé fes deftins , &c.
Ilofe enfuite faire l'éloge des vertus de l'hom
me qu'il a aimé. Saififfant avec adreffe tous les
moyens qui peuvent contribuer à lui gagner
les efprits , il ménage en apparence les meurtriers
de Céfar , mais ce n'eft point en répétant
juſqu'à la fatiété un aveu trop ironique
pour que l'intention n'en foit point apperçue
; il s'explique avec toute l'habileté d'un
fin politique & d'un homme vraiment éloquent.
Contre les affaffins je n'ai rien à vous dire ;
C'eft à fervir l'État que 1 eur grand coeur afpire.
De votre Dictateur ils ont percé le flanc ;
DE FRANCE. 930
Comblés de fes bienfaits ils font teints de fon fang.
Pour forcer des Romains à ce coup déteſtable ,
Il falloit bien pourtant que Céfar fût coupable :
Je le crois ; mais enfin Céfar a t-il jamais
De fon pouvoir fur vous appefanti le faix , &c.
C'est ainsi que par degrés , & toujours
avec des reffources dignes de l'eloquence
tragique , il émeut les efprits , attendrit les
coeurs , & dans les Partifans même des Bru- .
tus & des Callius , trouve des vengeurs à
Gefar , & les ennemis les plus irréconciliables
des conjurés. Nous laiffons encore à
nos Lecteurs le foin de prononcer fur celui
des deux Auteurs qui , dans la même fituation
, a fu le mieux employer les mêmes
moyens , & celui de dire lequel de Voltaire
ou de Shakespeare doit être regardé comme un
modèle par ceux qui croient que les Arts
ont des principes & des limites , que le goût
n'eft point un mot vuide de fens , & que le
beau ideal n'eft point une chinère. Si quelqu'un
nous demandoit pourquoi cette fortie
contre Shakeſpeare , nous répondrions
que nous admirons fincèrement cet homme
de génie , mais que nous croyons devoir
nous élever contre l'enthouſiaſme qu'on a
fu faire naître depuis quelque temps , & que,
l'on cherche tous les jours à propager , en
faveur d'un Écrivain qui , malgré ce qu'on
lui deit de confidération , ne fauroir entrer
en comparaifon avec les grands Poëtes tragiques
de la Scène françoife.
94
MERCURE
La mort de Céfar a produit beaucoup
d'effet à cette repriſe. Indépendamment du
mérite de l'Ouvrage , il faut avouer que cet
effet eft dû en grande partie au talent que
M. de la Rive a déployé dans le rôle de Brutus.
Fier , profond , énergique & fenfible , il
a paru fupérieur à lui-même , & nous ne
pouvons que nous féliciter d'avoir encou
ragé ce Comédien , qui devient de jour en
jour plus intéreffant , & qui juftifie nos
éloges en obtenant de nouveaux fuccès.
Au Mercure prochain, la fuite des Articles
de la Comédie Françoife & ceux de la Comédie
Italienne.
ANNONCES ET NOTICES.
ARCHITECTURE Hydraulique - Canal des deux
Mers , par M. de la Roche , ancien Ingénieur des
Ponts & Chauffées , in - 4° . Prix , 12 liv. relié . On
féra une remife de 3 liv . aux Artiftes , aux Savans
& aux Gens de Lettres , pourvu qu'ils veuillent
bien écrire leur nom en prenant l'Ouvrage , s'ils ne
s'adreffent pas directement à l'Auteur. A Paris ,
chez Demonville , Imprimeur - Libraire de l'Académie
Françoiſe , rue Chriftine , Fauxbourg S. Germain;
à Verfailles , chez Blaizot , Libraire , rue
Satory , & chez l'Auteur ( en feuilles ) enclos des
Cordelières , rue de l'Ourfine , Fauxbourg Saint-
Marcel.
La manière dont cet Ouvrage a été levé & deffiné
mérite de grands éloges ; & par le projet de le
la re- mettre au jour l'Auteur a acquis des droits
connoiffance du Public. On n'avoit encore rien
DE
FRANCE.
d'exact à ce fujet , & ce que le Canal a de plus intéreffant
n'avoit pas encore paru. Les Planches , trèsbien
exécutées dans le genre du Deffin , ne permettent
pas de tirer un grand nombre d'Exemplaires.
ÉTAT de la Nobleffe , année 1783 ,
contenant ,
1º . l'état actuel de la Maiſon Royale de France &
des Maiſons Souveraines de l'Europe dans un nouvel
ordre qui exclut tout double emploi ; 2. leurs
Généalogies
lorfqu'elles n'auront pas été données
dans les Volumes précédens ; 3 les
Généalogies des
Maiſons illuftres & Familles nobles du Royaume qui
feront dans le même cas , leurs Armes en grande
partie gravées & toutes énoncées , les faits qui
tiennent à leur hiftoire , un précis des droits attachés
à leurs terres lorfqu'ils pourront intéreffer par
quelque
circonstance
remarquable ; 4°. un Répertoire
des changemens furvenus pendant l'année
dans chacune d'elles , les corrections à faire , les
honneurs, charges , dignités conférés à la Nobleffe
de tous les États , &c.; enfin , une nouvelle
Table en trois parties , plus commode pour le Lecteur,
pour fervir de Supplément à tous les Ouvrages
Hiftoriques ,
Chronologiques , Héraldiques
& Généalogiques , & de fuite à la Collection des
Étrennes à la Nobleffe , & c. A Paris , chez Leboucher
, Libraire , quai de Gêvres ; Onfroy & Lamy ,
quai des Auguftins.
Le titre de cet Ouvrage , que nous avons tranſ
crit en entier , en fait connoître le plan , & en
prouve l'intérêt pour la claffe à laquelle il eft deftiné.
L'Éditeur , loin d'en exagérer le mérite dans
fa Préface , fe plaint de n'avoir pas reçu encore les
fecours néceffaites pour le
perfectionner. Cette modeftie
n'ôte rien au mérite de fon travail , & elle
doit engager les Perfonnes intéreffées à lui fournir
les matériaux dont il a befoin . Ceux qui voudront
96
MERCURE.
faire inférer des Armes , font priés d'en affranchir
l'envoi , & de faire paffer les frais de gravure , dont
les différens prix font indiqués dans l'Ouvrage
même.
LE DUC DE CRILLON , profil deffiné d'après
nature , par M. Homboure , Secrétaire d'Ambaffade
à Madrid , gravé dans la grandeur des profils de M.
Cochin , par Legrand , rue S. Jacques , n ° . 41. A
Paris , chez l'Auteur . Prix , 1 liv . 16 fols.
Ce Portrait , qui nous a paru reffemblant , & qui
eſt bien gravé , eſt dans la manière rouge Angloife.
→
La
Fautes à corriger au dernier Mercure. Article
Abrégé des Traités , 6 liv. broché ; lifez , s liv.-
Page 6. Par M. M. de ; lifez , par Madame.
Le Logogryphe eft de M. Bremont de V.
demeure du fieur Jacquet eft rue des Saints Pères ,
la troisième porte -cochère par la rue de Grenelle.
24 liv.
Le prix de la boëte eſt de
-
Voyez, pour les Annonces des Livres , de la Mufique & des Eftampes , le Journal de la Librai
rie fur la Couverture .
TABLE
.
A Mlle de Saint-Léger , 49 | Calendrier pour l'année 1783.
Réponse,
Enigme & Logogryphe ,
So
521
à l'ufage des Elèves quifréquentent
l'Ecole gratuite de
Deffin,
So
83
88
Nouveau Voyage dans l'Amé
rique Septentrionale , ss Acad. Royale de Mufiq.
Vuesfur l'Education de lapre- Comédie Françoife ,
mière Enfance,
73 Annonces & Notices,
APPROBATION
.
94
JAI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le Mercure de France , pour le Samedi 8 Mars. Je n'y ai rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion. A Paris ,
le 7 Mars 1783. GUIDI.
4
Jer . 135 .
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 15 MARS 1783.
PIÈCES FUGITIVES.
EN VERS ET EN PROSE.
2912
LE COLIN MAILLARD.
T
J'AIME ce jeu bruyant , d'adreſſe & de hafard
Qui du fort des humains eft l'image fidelle ,
Où la beauté timide & fuyant avec art ,
Tombe enfin dans les bras qu'on étènd autour d'elle ,
Et par un foible cri , par un charmant ſoupir ,
Trahit fa crainte & fon plaifir.
Combien , en la fuivant , s'irrite le defir!
Quand on la faifit , quelle joie !
Toutes les rufes qu'elle emploie ,
Ses pieds légers fur le parquet gliffans ,
fi beaux & fi perçans ,
Ses
yeux
Pour la fauver font impuiffans ;
D'un fimple aveugle elle eft la proie.
Un aveugle fouvent exerce un grand pouvoir ;
N°. 11 , 5 Mars 1783.*
Say itche
Stectsuihkukok
E
98 MERCURE
Son état malheureux touche le cecur des Dames ;
Et fans doute pour émouvoir
Leurs naïves & tendres âmes ,
Mieux vaut bien ſentir que bien voir.
On dira , je le fais , que la raiſon févère ,
•
Dont les yeux font toujours ouverts ,
De fa vive & pure lumière
Doit éclairer tout l'Univers.
*
L'Univers pourtant ne l'eft guère;
Et malgré les nobles regards
De la Déeffe auffi fage qu'altière,
Qui préfide aux vertus , à la gloire , aux beaux - arts ,
La Fortune & l'Amour font deux Colin-Maillards
Que le ciel a chargés de gouverner la terre. 3 1
( Par M. Dupont , Auteur de l'Effai de Traduction
en vers du Roland Furieux de l' Ariofte, * ´)
LES VOYAGEURS , Fable très -vraie, {
CINQ ou fix Voyageurs dans une Hôtellerie
Soupoient enfemble : on penſe bien
Que chacun d'eux parla de fa patrie ,
F que pour la vanter il ne négligea rien.
On débita maintes merveilles ,
Qui quelquefois aux Auditeurs
Firent fecouer les oreilles
* Cet Effai fe trouve chez Al. Jombert jeune , Libraine
He Dauphine .
DIBLIOTHECA
REGIA
MONAGENSIS .
DE FRANCE 99
Sans déranger les raconteurs.
Un François , dans un coin , écoutoit en filence ;
Ce qui fut remarqué , fur-tout par un Anglois.
Ces Meffieurs- là croyent que les François
Ont tous abondamment & parole & jactance.
Enfin on l'interpelle . Eh ! pourquoi , lui dit-on ,
Ne parlez-vous pas de la France ?
Ce
Sans prétendre donner le ton ,
On peut bien , comme nous , dire avec confiance
que dans fon pays on remarque de bon.
Il répond..... Vous favez , comme l'Europe entière ,
Ce qui dans ma patrie eft le plus admiré.
Vingt milliers d'enfans n'ont tous qu'un même père ;
Tel que féparément chacun l'eût defiré.
Étant à peine à la fleur de ſon âge ,
Un defcendant de l'immortel Henri
Eft auffi bon , & certes bien plus ſage ,'
Il eft du peuple auffi chéri.
Après une terrible guerre
Un Monarque de vingt- huit ans
Rétablit la paix fur la terre ,
Lorsqu'il peut efpérer des ſuccès éclatans:
Un vafte Empire , & déjà formidable ,
Lui doit fon exiftence & fa félicité......
Oh ! tout ceci n'eft qu'une fable ,
S'écrie un Allemand incrédule , irrité.
Hélas ! lui dit l'Anglois , cela n'eft pas croyable ,
Mais c'est pourtant la vérité.
( Par M. le C. D. , à Chaillot. ) 4
E ij
100 MERCURE
LE SOUVERAIN BIEN.
AIR: Charmantes Fleurs , &ç. *
ZIPHIRS
ÉPHIRS légers , qui , fur le fein de Flore ,
Volez fans ceffe & changez de lien ,
Il eſt un Bien plus doux cent fois encore ;
Et voir Jeannette eft le fouverain Bien. bis.
CEPHALE aimé de la brillante Aurore ,
Au fort des Dieux crut égaler le fien :
-! Il eft un Bien plus doux , Jeannette , encore ;
Et vous entendre eft le fouverain Bien . ´bis.
BELLE Jeannette , un coeur qui vous adore
Au fort des Dieux peut préférer le ſien ,
Il eft ua Bien cent fois plus doux encore :
Plaire à Jeannette eft le fouverain Bien. bis.
QUE manque- t'il à ce coeur qui l'adore ?
Je vois Jeannette , & même je la tien ,
Dieux ! il eft donc un bien plus doux encore?
Mais taifons -nous fur ce fouverain Bien , bis.
LA voir , l'ouïr , la tenir même encore ,
Triple bonheur , oui , vous fûtes le mien.
* Ces Couplets vont auffi fur l'Air : Daigne écouter , &c.
On trouve , pour l'un & l'autre Air , chez les divers Marchands
de Mufique, un nouvel accompagnement de Guittare,
par le Signor Alberti,
DE FRANCE. 101
Mais Jeanne eft fage ; & l'Amant qui l'adore
Peut tout attendre , hors le fouverain Bien. bis.
( Par M. Poinfinet de Sivry. )
Explication de l'Enigme & du Logogryphe
du Mercure précédent.
LE mot de l'Enigme est la Lettre Anonyme ;
celui du Legogryphe eft Préliminaires , où
fe trouvent pré , Emir , Maire ' , Pair ,
pair ( nombre ) , air , Mai , ré, la, mi ,
Lima , Aire (ville de Gafcogne ) , Aire ( ville
d'Artois ) , rime , lai , paire , ire , lys , lime ,
pie , prime , lie , ris , ras , Lare , mare ,
pire , mine, lire & lyre , que certaines perfonnes
écrivent lire.
CHARADE à Mlle P..... DE LA CH.......
Sox premier t'offre un inftrument
Rempli d'éclat & d'harmonie ,
Que tu vas ordinairement
Applaudir à la Comédie.
L'emploi que j'ai fait de mon coeur
Quand je te vis , belle Glycère ,
De fon fecond eft le mystère ,
Et ce fecond fait mon bonheur.
Lorfque tu tire ta fonnette ,
Son tout badine dans tes doigts ;
Eij
102 MERCURE
Mais à la fin je m'apperçois
Que ma Mufe eft trop indifcrette.
( Par M. P. G. D. R... )
AUTR E.
Mon premier avec bruit roule fur mon fecond :
Al'aide de mon tout un champ devient fécond.
(Par M. Lyon , Etudiant en Réthorique
au Collège de Lifieux. )
ENIGM E.
DANs mes folides bras je reçois en filence
Des êtres pareffeux la paifible indolence.
Souvent dans mon courroux , un regard menaçant
De mes bras arrondis écarte un infolent.
Autrefois inconnue , à préfent à la mode ;
Autrefois très-célèbre , aujourd'hui fans crédit ;
Jadis à me chanter on mettoit fon efprit ;
Dans ce fiècle on fe borne à me trouver commode.
( Par M. de B..., Officier d'Artillerie. )
LOGOGRYPHE.
J'EXERCE mon pouvoir fur tout ce qui refpire;
Par un charme fecret je maîtrife les coeurs ;
Ma préfence bannit les haines , les fureurs ,
DE FRANCE,
101
La paix & l'union fignalent mon empire.
Seule , je rends un couple heureux ,
Et l'hymen n'eft fans moi qu'une chaîne pefante ;
Mais quand j'en ai formé les noeuds ,
Des plaifirs , du bonheur , c'eft la fource conftante.
Dans mes neufpieds , Lecteur , en les arrangeant bien ,
Tu trouveras un Pontife Chrétien ;
Ce qui pour tous paffe trop vîte ;
Un tréfor très-rare en tout tenips ;
De maint levreau le dernier gîte ;
Ce qu'on foule aux pieds chez les Grands ;
Celle qui dans fes mains tient toujours la balance ;
Ce qui dans toi connoît & penfe ;
Deux tons de la mufique ; une exclamation ;
Ce qu'au loin fur les mers on voit d'abord paroître ;
Un mois ; une négation.
Mais c'eft affez , crains de mne trop connoître.
( Par M. l'Abbé Lancelin , de Caën. ) ..
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
• COUTUMES Générales & Locales du
Bourbonnois , avec des notes , par M.
Ducher , Avocat au Parlement . A Paris ,
chez les Libraires au Palais.
ON fe plaint beaucoup , & fans doute
avec raifon , du grand nombre de Cou
E iv
104 MERCURE
tumes qui partagent le Royaume ; de leur
barbarie , qui foumet un peuple éclairé à
des Loix faites dans des temps d'ignorance ;
de leur obfcurité , qui enveloppe dans des
mots qu'on n'entend plus , des décifrons qui
devroient être le guide & la lumière du Citoyen
dans les circonftances les plus impor
tantes de la vie . Mais cependant ces Coutumes
exiftent , elles établiffent nos droits
& nos devoirs , difpofent de nos biens , elles
foumettent le Citoyen à leur puillance ,
& le Juge à leur autorité. On peut les
comparer à des Monarques dont il faut
refpecter le règne , & qui auront le dreit
de commander tant qu'ils feront fur le
trône. Si elles font obfcures , il faut donc
tâcher de les éclaircir ; puifqu'elles forment
la plupart de nos droits & de nos devoirs ,
il faut donc les connoître'; & leurs defauts
mêmes ne font qu'augmenter la néceffité d'en
faire une étude profonde. On ne le croiroit
pas. L'étude de ces Coutumes barbares , écrites
dans une langue plus barbare encore que
leurs difpofitions , a quelquefois plus d'intérêt
encore que d'utilité. Le Philofophe pourroit
les lire par curiofité , quand le Jurifconfulte
ne feroit pas obligé de les connoître
par devoir. Elles préfentent une partie trèsimportante
de l'hiftoire de l'efprit humain ;
ces Loix , qui font barbares pour des fiècles
éclairés , étoient fouvent pleines de fagelfe
pour des fiècles barbares. On aime à recher
cher comment , dans cette nuit profonde ,
DE FRANCE. TOF
l'homme a ſuivi à tâtons fes beſoins loifqu'il
ne pouvoit encore être guidé par fes lumières
; & l'on voit quelquefois avec ſurpriſe
que la logique de l'inftinct a eu autant de
fagacité que la prévoyance du génie. Les
Coutumes des Sauvages & des Barbares font.
très-fouvent à la Légiflation des peuples civilifés
, ce que la ruche des abeilles & les édifices
des caftors font aux monumens de l'architecture
. Montefquieu admiroit le code
des Lombards comme Vitruve & Perrault
l'architecture des caftors ; mais l'orgueil de
nos progrès dédaigne ces chef- d'oeuvres de
l'instinct , & un homme de goût à Paris
croira toujours difficilement au génie d'un
barbare. Quel est aujourd'hui l'Homme de
Lettres dont la délicateffe pourroit foutenir la
lecture de deux pages d'une Coutume ? Le
vrai talent s'énerve & fe perd dans l'exceffive
délicateffe du goût , comme l'énergie de
l'âme & la vigueur du corps dans la molleffe
du luxe. On peut oppofer cependant
aux Sybarites de notre Littérature , des exemples
qu'ils pourroient imiter , fans craindre
de déroger à cette delicateffe dont ils s'énorgueilliffent.
On peut leur citer Montefquieu,
qui peignoit les Grâces dans le Temple
de Gnide , & analyfoit les Loix des Wifigoths
, les Codes Salique & Ripuaire : il eft
difficile de ne pas croire que cela lui coûtoit
bien un peu je fais comme Saturne, difoit- il
lui - même , je dévore des pierres ; mais les
pierres les plus brutes fe transformoient
Ev
106 MERCURE
fous fes mains en diamans & en porphyre. Il
y gravoit des traits de fon génie , & ces
pierres barbares devenoient des autels pour
le goût. Le Préfident Hénault , qui n'etoit
pas le Président Montefquieu , mais qui ,
s'il n'avoit tout avoit au moins l'art de
plaire , lui que
›
Les femmes ont pris fi ſouvent
Pour un ignorant agréable ,
Et le Dieu joufflu de la table
Pour un connoiffeur fi gourmand ;
de nos
ce Préfident , homme fur- tout de plaifir &
de goût , n'a laiffé un nom dans la Littérature
que par un Ouvrage dont le grand mérite
confifte à avoir beaucoup éclairci l'origine ,
la fuite & la nature de nos coutumes ,
inftitutions féodales ; alors les gens en us le
prenoient pour un Savant. M. l'Abbé de
Mably , après avoir long temps jovi du beau
fpectacle de la liberté Grecque & Romaine ,
n'a t'il pas cherché aufli les fondemens de
notre liberté dans la pouffière de nos Chartes
? Voltaire enfin , qui , fuivant l'expreffion
de M. le Chevalier de ...... , que je fuis
bien-aife de citer à propos de la Coutume
du Bourbonnois , avoit le don des in folio
& des langues , Voltaire n'a- t'il pas écrit
la Philofophie de l'Hiftoire , le pauvre Diable
& Candide? La Philofophie de l'Hiftoire n'eft
pourtant qu'une fuite de recherches fur
l'origine des premiers peuples , & fur la naDE
FRANCE. 107
ture & l'efprit de leurs Coutumes .On me dira
que l'exemple de Voltaire ne prouve que fon
génie ; mais on fe trompe, cela prouve encore
que l'étude des Coutumes n'eft incompa
tible ni avec le génie ni avec le goût. Je reviens
à la Coutume du Bourbonnois , ou
plutôt j'y viens ; car je n'en ai point encore
parlé.
"
"
99
es
Coquille difoit : Que l'intelligence & la
" pratique d'une Coutume doit être traitee
fimplement fans grand apparât , fans y appliquer
ces fanfares de diftinctions , l'imitation
, fallacies , & autres difcours qui
» ont plus de fard que de ſubſtance . Afin
» de ne nous rendre ferfs imitateurs
» ferons bien , difoit- il encore , de n'infrafquer
& embrouiller , de n'encombrer
" nos cerveaux ni nos écrits de plaidoieries
» & de confeils , mais nous contenter d'exa-
» miner chacun à part foi la vraie & foñ¬
» cière raifon des textes .
"
99
"
20
L'efprit d'une Coutume , ajoutoit Coquille
, eft caché dans un ftyle concis &
» laconique , & ne fe découvre que par la
liaifon des articles qui fymbolilent enfemble,
par le rapport & la conformité des
terines , employés par les Compilateurs
» pour exprimer leurs penfées.
"
"3
"
Ce langage de Coquille peut un peu nous
furprendre; les fanfares de diftinctions ont de
quoi nous étonner; mais cela ne reffemble
pas mal au cliquetis des antithefes , c'est l'expreflion
d'un homme d'efprit , fi ce n'eft pas
Evj
108 MERCURE
celle d'un homme de goût . Mais ce qu'il y a
de remarquable furtout dans ce peu de
lignes , c'est le bon fens & la raifon.de Coquille.
On voit bien qu'il a mérité le futnom
de judicieux , qui fuit par - tout fon nom , &
qui le diftingue entre tous les Commentateurs.
Il ne feroit pas impoffible de croire
que cette demi page de Coquille a été écrite
par Locke . Elle rend parfaitement compte
de l'efprit dans lequel M. Ducher a écrit le
nouveau Commentaire de la Coutume du
Bourbonnois , & cela feul fuffit pour faire
l'éloge de fon Ouvrage. Dans ce Commentaire
, on fe fert de l'érudition pour expli
quer le texte , mais on n'en abufe jamais ;
M. Ducher fait en faire ufage avec un efprit
très- philofophique & très précis , d'une prétion
même furpienante. Ce n'eft pas
M. Félicien
Qui noie éloqueinment un rien
Dans un fatras de beau langage.
Une note n'eſt ſouvent qu'une phraſe trèsconcife
, mais cette phrafe eft comme un
point lumineux qui éclaire tout ce qui l'environne.
C'eft quelquefois une étymologie ingénieuſe
, mais inconteftable , qui éclaire le
texte .
D'autres fois un trait hiftorique qu'on feroit
bien aife de connoître par curiofité.feulement.
Plus fouvent encore la citation du texte
DE FRANCE. 109
des Ordonnances qui ont abrogé le texte de,
la Coutume ; & alors le commentaire , fans
aucune réflexion même de la part du Com
mentateur , devient une hiftoire intéreſfante
des changemens & des progrès de notre
légiflation.
Quelquefois enfin il découvre un rapport
caché entre une difpofition de la Coutume
& les Loix Romaines , & alors on voit avec
plaifir que le génie de Rome n'étoit pas encore
entièrement éteint dans la nuit de la
barbarie féodale ; il s'en étoit confervé quelque
chofe dans des traditions dont on avoit
perdu la fource.
On ne peut guère faire connoître le mérite
d'un Ouvrage de ce genie par des cita- ,
tions. Il ne s'agit pas ici du mérite de tourner
une phrafe que l'on peut voir dans une feule
phrafe. Le mérite doit être également répandu
dans tout l'Ouvrage , & c'est pour
cela qu'il en eft plus grand.
Les éloges que nous venons d'en faire ,
font le compte le plus exact & le plus fidèle
de l'opinion que nous en avons prife.
Mais il y a une opinion qui doit avoir
bien plus de poids que la nôtre , c'eſt celle
des Plaideurs , des Avocats & des Juges . Au
moment que nous rendons compte de l'Ouvrage
, fon fuccès eft affuré dans tous les
Tribunaux dont cette Coutume forme la
Légiflation ; & cependant aujourd'hui il eſt
bien difficile d'obtenir un fuccès de ce genre.
On eft bien las dans tous les Barreaux &
110 MERCURE
dans tous les Tribunaux, des Commentateurs
& des Commentaires : Chaque Lecteur leur
devient un Coquille.
он
( Cet Article eft de M. Garat. )
LE Danger d'aimer. un Étranger ,
Hiftoire de Myladi Chefter & d'un Duc
François, en quatre Part, in- 2. A Londres,
chez Thomas Hookham , Libraire , Nº.
147 , New- Bande- Street ; & à Paris , chez
la Veuve Duchefne , rue S. Jacques.
CE Roman ne doit pas être rangé dans la
claffe de ces Ouvrages légers & immoraux ,
faits par des Auteurs frivoles , & deftinés à
des Lecteurs défoeuvrés. Nous allons voir >
par une courte analyfe , fi le bur moral
que s'eft propofé l'Auteur eft entièrement
rempli.
Myladi Cléontine Chefter , restée veuve des
très bonne heure , vit dans le fein de fa
famille. Comme fes charmes & fon amabalité
enlèvent des conquêtes à Milf Suki ,
qu'on veut établir , leur oncle commun envoie
pour quelque temps Myladi Cléontine
dans une terre qu'elle a aux environs de
Londres ; & c'est par fa correfpondance avec
fon amie Miff Sévillane Sender , jeune perfonne
très aimable , malgré fon extrême vivacité
, que fe développe l'intrigue de ce Roman.
Il y a beaucoup de longueur dans la
première Partie , qui eft deftinée à faire connoître
les charmes & les vertus de l'héroïne .
DE FRANCE III'
L'intérêt ne commence qu'à la fin de cette
première Partie , au moment où Cléontine
fait connoiffance avec un jeune Duc François
; ce n'eft même qu'alors que l'on diftingue
qu'elle fera l'héroïne de cette Hiftoire.
Elle a témoigné déjà fa répugnance pour un
fecond engagement ; l'amour de Mylord
Comte de Worceftre , homme puiſſant &
riche , qui lui offre l'hommage d'un amour
refpectueux , obtient fon eftime fans toucher
fon coeur; & elle ne peut fe réfoudre
à céder aux inftances de fa famille , qui ,
par des vues d'intérêt , voudroit la marier au
Comte.
Le jeune Duc de Durcé , paffé en Angleterre
pour avoir tué un jeune homme qui
avoit feduit & abandonně ſa ſoeur , eft porté
au château de Myladi après une chûte qui
fait craindre quelque temps pour la vie.
Myladi lui fait donner , & lui donne ellemême
tous les foins néceffaires ; & l'amour
finit par fe gliffer dans fon coeur fous les
traits de la pitié. Ce font les progrès & les
fuites funeftes de cette paffion , auffi vivement
fentie que partagée , qui forment l'intrigue
& le but moral de ce Roman. Cléontine
fe brouille tout à fait avec fa famille ,
par le refus qu'elle fait de Mylord Comte.
Le Duc demande Cléontine à fes parens ,
qui la lui accordent , n'étant pas en pouvoir
de la refufer. Mais auparavant il fe commet
une action atroce , qu'on ne doit pas paffer
fous filence. Les perfécutions qu'effuie
1:12 MERCURE
Cléontine, revenue à Londres auprès de fon
oncle malade , derangent totalement fa fanté.
Le Duc , qui ne peut réuflir à la voir , ni
même à lui faire parvenir une lettre pendant
fa maladie , gagne un des nouveaux domeftiques
, & par fon moyen s'introduit pendant
la nuit auprès du lit de Cléontine ,
qui avoit fait coucher la femme-de chambre
dans un cabinet voifin. Elle venoit de prendre
alors un calmant , dont elle avoit doublé
la doſe par mépriſe , & qui l'avoit jetée dans
un fommeil léthargique. Il la furprend feule
dans un défordre qui irrite fes defirs , & il
ravit à fa maîtreffe ce qu'il ne mérite plus
d'obtenir. La malheureufe Cléontine ne s'eft
point éveillée ; & elle porte déjà dans fon
fein le fruit d'un crime qu'elle n'a point
partagé.
Cependant le Duc , rappelé par fon père ,
qu'on croit mourant , revient à Paris. Le
vieux Duc , dont la fanté fe rétablit , lui
propoſe la main d'une perfonne jeune , jolie
& riche il la refufe d'abord ; mais il finit
par fe refroidir fur l'amour de Cléontine. La
famille de celle- ci , furpriſe de fon filence ,
écrit à Paris pour s'informer de fa conduite
& de fes projets. Tout s'éclaircit ; les perfécutions
recommencent contre Myladi , &
avec d'autant plus de chaleur , qu'on reconnoît
l'état où elle fe trouve ; malheur affreux
qu'elle ne foupçonne pas elle - même , &
qu'on ne peut guère regarder que comme un
crime. L'infortunée Cléontine , chaffée inhu
DE FRANCE. 113
mainement par la famille , inftruite de la
legèreté de fon amant , éclairée même à la
fin fur fon forfait par des circonftances qu'il
ek inutile de rapporter ici , s'abandonne à
tout fon defefpoir. Elle s'er fait avec fa
Femme de chambre & un vieux Domefti
que ; arrive à Paris , prend des habits d'homme
, donne au Duc , fous un nom fuppofé ,
un rendez- vous pour fe battre , le précipite
fur la pointe de fon épée, & tombe mourante
à fes pieds. Son repentir & la mort font reprefentés
avec autant de vérité que d'in ,
térêt. Le fentiment & la raifon marquent
tous les difcours qu'elle tient à fon agonie,
" Dites à tous mes chers amis qu'il a pu
m'en coûter de ne les pas revoir ( ici un
93
"
foupir lui a coupé la refpiration ) mais ,
" a t'elle continué , en confidérant que cette
féparation eft indifpenfable , que li j'euffe
» vécu , j'aurois éprouvé la douleur qu'ils
vont fentir , & qu'elle fe feroit renouvelée
à chaque perte, qu'infenfiblement je ferois
reftée fans lieu , ifolée au milieu du monde
, étrangère au fein de ma patrie, pas un
» coeur ne m'auroit aimée ni connue ; &
après avoir fermé les yeux à tout ce qui
» m'eft cher , les miens fe feroient fermés
» feuls & dans l'abandon . Je trouve donc
» que la Providence a diſpoſe toutes les
chofes pour mon avantage ; & fi c'eft un
bonheur pour moi , ce doit être un motif
de confolation pour eux & pour vous. »
Ces paroles font adreffées à Mylord Comte ,
"
20
22
114 MERCURE
qui , après avoir facrifié fon amour au repos
de Cléontine , finit par mourir de douleur
pour l'avoir perdue.
Il y a des négligences de ftyle dans cet
Ouvrage. Je n'y trouvai pas abfolument
un fiège affez commode pour y refter ; je
les fis tous les uns après les autres ........
J'ens un mal de tête à fendre... J'ai remercié
lespropofitions qui m'ont été faites pour lui ...
Vous m'accufez du projet de vous abandonner,
quand , par le plus cruel effort , je vis
en un feul moment tout le bonheur de ma
vie s'écrouler & s'enfevelir pour jamais dans
cet affreux facrifice..... Fouler aux pieds l'innocente
& célefte victime de votre forfait ,
ce feroit marcher fur votre propre coeur, &
vous écrafer vous- même fous le poids defon
opprobre. » Malgré ces négligences , il y a
des lettres entières , de très - longs morceaux
écrits d'un fort bon ftyle.
Mais le Duc offre une remarque plus importante
à faire fur le fonds de l'Ouvrage.
Ce perfonnage nuit à l'intérêt , par la raiſon
qu'il eft fans caractère , & qu'on lui fait
faire des actions qui en fuppofent un décidé ,
ou qui du moins ne vont pas à la phyfionomie
qu'on lui a donnée. Par exemple , prefqu'au
commencement de fon intrigue avec
Myladi , après avoir prouvé de l'amour &
montré de l'efprit , il cède fa maîtreffe , &
fe laiffe tromper par des menfonges maladroits.
Il revient à Myladi ; & c'eft alors
qu'il commet , fur la perfonne de fa maî
DE FRANCE. IIS
treffe , cet attentat fi peu délicat & fi peu
attendu ; c'est- à dire , que , fans être ni léger
, ni ce qu'on appelle un roué , il fe conduit
plufieurs fois en homme frivole & en
roué. Il eft impoffible de lire ce Roman , &
de ne pas fentir cette difparate. D'ailleurs
cette dernière action , outre qu'elle eft choquante
, eft encore invraisemblable ; car
enfin le Duc , quand il furprend Myladi
ignore la prife & l'effet du calmant ; il doit
par conféquent s'attendre à un prompt réveil.
Lowelace , qui fe trouve dans la même
fituation avec Clarice , a préparé lui -même
le breuvage ; il a prévu tout & pourvu à
tout ; il eft plus coupable , mais plus
conféquent ; & ce trait eft conforme à
fon caractère. Mais dans une pareille pofition
, le Duc n'a pas ce caractère qui peut
le rendre criminel & conféquent tout- à- lafois
; & il n'eft pas naturellement d'une
étourderie à fe montrer auffi inconféquent
avec vraisemblance.
Il n'en eft pas moins vrai que ce Roman
fe lit avec plaifir . Les caractères en font diftincts
& variés. Mylord Comte eft intéreffant
; Myladi Sender eft pleine d'amabilité ;
& le caractère de l'Héroïne eft en foi-même
rempli d'intérêt : elle fent vivement l'amitié,
la nature & l'amour ; & fon coeur n'eft jamais
fermé ni aux confeils de la raison , ni
à l'amour de la vertu . Son agonie eft attendriffante
, quoiqu'elle rappelle un peu celle
de Clarice. Au refte , cette reffemblance
116 MERCURE
n'eft pas la feule qui exifte entre ce nouveau
Roman, & l'immortel Ouvrage de Richardſon .
NECROLOGIE.
LA France & l'Europe ont perdu un des
Savans de notre fiècle , & peut être le Mécanicien
le plus parfait qui ait jamais exifté .Tour
le monde, à ce feul mot, doit reconnoître M.
de Vaucanfon ; & tout le monde nous a pré
venus fur les éloges que l'on doit aux diver
fes créations de fon génie. Ses automates
auroient fuffi pour l'immortalifer. Un Fiûteur
, qui introduit réellement dans la Alûte
un fouffle que le mouveinent de fes doigts
modifie avec jufteffe , & qui exécute huit ou
dix airs avec précifion ; un Canard , dont
l'eftomac digère les alimens qu'il a reçus ,
étoient faits pour amufer tous les curieux ,
& pour étonner les hommes inftruits . Il faut
avouer que fi l'hiftoire de pareils automates
nous eût été tranfmife par quelque Poëte
Grec , on l'eût rangée au nombre des
fictions mythologiques , & qu'on l'eût donnée
pour pendant à l'hiſtoire de Prométhée.
M. de Vaucanfon étoit né à Lyon. Le hifard
développa chez lui , comme chez Pafcal
& chez tant d'autres hommes célèbres ,
le talent que la Nature lui avoit donné . Ayant
été enfermé, encore enfant , dans une chambre
pour y étudier une leçon de grammaire , une
pendule qui fe trouva- là , furprit , captiva
DE FRANCE. 117
fon attention. Son Livre lui tomba des mains ;
il examina la pendule avec beaucoup d'intérêt
, & parvint à en concevoir la mécanique.
Dès lors fon goût pour cette Science
devint pour lui une paffion entraînante , irréfiftible.
Après quelques heureux effais , il
vint à Paris avec le Flûteur & le Canard dont
nous avons parlé , & qui fondèrent fa répu
tation . L'Académie des Sciences fentit le
mérite de M. de Vaucanfon , & lui rendit
juftice , en l'adoptant parmi les Membres
l'an 1746. Il a enrichi de plufieurs Articles ,
juftement eftimés , les Mémoires de cette
célèbre Compagnie, qui lui payera fans doute
un de ces tributs de louanges qu'elle eft dans
l'ufage de diftribuer, & qui ajoutent à la gloire
de fon adoption . Nous nous contenterons
de dire qu'il ne fe borna pas à fes automates
qui, en fervant à fa gloire , auroient été inutiles
à l'humanité, & qu'il dirigea fes talens vers
J'utilité publique. Tout le monde a entendu
parler de ces fameux moulins qu'il avoit
créés & établis dans plufieurs endroits de la
France , qui , en fimplifiant la main d'oeuvre ,
donnent aux organlins une préparation plus
parfaite , & beaucoup moins difpendieufe.
Ayant trouvé des imperfections effentielles
dans les tours à tirer la foie , il y remédia
par une nouvelle machine ; il inventa aufli
un métier fur lequel un enfant pouvoit
faire les plus belles étoffes connues. Ce fut
à Lyon , foit parce que c'étoit fa patrie ,
foit parce que c'eft la ville la plus con18
MERCURE
fidérable de la France pour les Fabriques des
étoffes , qu'il voulut établir fes inventions
économiques ; mais elles rendoient inutile
une foule de bras , & laiffoient fans travail ,
& par conféquent fans reffource , une claffe
nombreuſe d'hommes qui ne vivoient que
de cette branche d'industrie . Les Ouvriers
s'ameutèrent ; & le célèbre Inventeur faillit
payer de les jours fon génie & fon zèle patriotique
; tant il eft vrai qu'un trop grand
bien peut devenir quelquefois un mal réel
pour l'inftant préfent , comme il arrive quelquefois
qu'un corps politique ou focial eft
trop malade pour fupporter les remèdes qui
pourroient le guérir.
M. de Vaucanfon eut encore à combattre
un obftacle qu'il n'a jamais pu vaincre toutà
- fait ; c'eft la routine , ce vieux tyran du
peuple & des fots , qui ont autant de peine à
la quirter , qu'un aveugle à ſe deffaifir de fon
bâton. Une nouvelle méthode déplaît à l'artifan
, par cela feul qu'elle eft nouvelle . La pareffe
naturelle à l'homme fe joint , fans qu'on
y fonge , à l'indocilité de l'ignorance ; & fi
l'on tient à un vieil ufage , c'eft peut être autant
parce qu'on craint la fatigue d'en changer
, que parce qu'on tient aux préjugés de
fon enfance. Cette routine aveugle & inflexible
empêcha l'ufage de fon tour
qui auroit donné à la foie plus d'égalité ,
de folidiré & d'éclat. Ce fut en vain que
principales villes de nos Provinces Méridiomales
s'emprefsèrent de lui en demander le
>
les
DE FRANCE.
modèle , & d'en démontrer le réſultat à leurs
Ouvriers ; l'évidence d'un plus grand avantage
& d'une moindre peine ne put l'emporter
fur le pouvoir de l'habitude.
Un jufte reffentiment devenoit permis à
M. de Vauçanfon ; il eût pu fe venger en retirant
fes bienfaits ; mais il ne pouvoit fe
croire humilié par l'ignorance indocile , &
l'amour du bien l'emporta fur de vaines confidérations
d'amour - propre. On affure que
jufqu'à fes derniers inftans il a formé des
Ouvriers qu'il payoit lui- même ; & qu'il les
a inftruits à faire ufage de fes machines ;
aiafi par ces bras qui lui furvivrent , il a
trouvé le moyen d'être utile à fa patrie ,
même après la mort.
Ce dernier trait donne l'idée d'une âme
fenfible & généreuse , & nous conduit naturellement
aux qualités perfonnelles de M. de
Vaucanfon. Sa mort paroît avoir plongé dans
la douleur tout ce qui l'environnoit ; & il
emporte les regrets de fa famille & de fes
amis. Nous ne pouvons en parler que fur le
témoignage d'autrui ; mais ce témoignage eſt
unanime en la faveur , & il mêle au plaifir
de lui rendre juftice après la mort , le regret
de ne l'avoir pas connu vivant.
( Cet Article eft de M. Imbert. )
120 MERCURE
LETTRE fur la réimpreffion du Plutarque ,
adreffée à M. Bérenger , de l'Académie
de Marfeille , par M. l'Abbé de Rochas ,
-Curé dans le Diocèse d'Orléans.
PERERMMEETTTTEEZ-MOI , mon cher ami , de vous
adreffer quelques réflexions fur la nouvelle Édition
du Plutarque d'Amiot , annoncée dans tous les papiers
publics. Les vrais Amateurs , le Magiftrat , le
Guerrier , le Philofophe , & fur- tout ceux qui
aiment , felon l'expreffion de Montaigne , à voir
l'homme à fond tous les jours , doivent s'intéreſſer à
l'exécution d'un projet conçu fans doute par des
gens éclairés & verfés dans la Littérature grecque.
C'eft un hommage dû à la mémoire de ce favant
Évêque , le père , fi je l'ofe dire , de la Langue françoife,
laquelle, avant lui , étoit plutôt un jargon qu'une
véritable Langue. Sa Traduction d'ailleurs eft lue
par tout Honime de Lettres préférablement à celle
de Dacier, dont la plume eft légère & fans grâce ,
contrafte d'une manière frappante avec le ftyle
plein de naïveré , de franchife & d'agrément du
Précepteur de Charles IX .
Mais quand on dit que cette Edition aura l'avantage
d'étre plus exacte que celle de Vafcofan , il
eft à préfumer qu'on n'entend pas fimplement parler
de la ponctuation , de l'orthographe , de l'arrangement
chronologique des vies ou des repos marqués
& diftingués par des alinea ; je penfe qu'il s'agit
de la clarté du ftyle & de l'exactitude du fens Il
eft sûr que le bon Amiot eft fouvent d'une obfcurité
fatigante , quelquefois même impénétrable. Si
ce défaut n'a fa fource que dans la manière peu
nette & peu facile avec laquelle il s'exprime , il
faut
DE FRANCE. 1211
faut le refpecter prefque autant que Montaigne &
Charron. Ce feroit en effet introduire la confufion
& l'anarchie dans la Littérature, que de toucher
aux textes des Auteurs fous prétexte de les rendre
plus clairs ou plus concis.... Si ce vice naît au contraire
de l'altération du texte original , ou de ce que
le Traducteur n'en a pas toujours bien faifi la penfée
, il eft permis , ce femble , de le réformer quand
il a d'ailleurs , comme Amiot , les excellentes qualités
qui rendent précieuſe une traduction. Tout
mon refpect pour ce laborieux Ecrivain ne me permet
pas de paffer fous filence qu'il tombe fréquemment
dans des erreurs palpables qu'il auroit pu aifément
éviter, ou du moins qu'il feroit facile de corriger.
Rollin, dans fon Traité des Etudes, cite deux
vers du neuvième Livre des Propos de table , qui
fourmillent de fautes. Les noms propres y font mis
pour des noms de Province , & des épithètes pour
des noms propres. C'eft Dom Quichotte qui prend
des moulins pour des montagnes , ou le finge de La
Fontaine qui croit que le Pirée eft un Magiftrat
d'Athènes. Il eft inutile de multiplier les citations ;
on n'a qu'à voir à ce fujet les Commentaires de M.
de Mézeray fur les Epîtres d'Ovide , Edition de la
Haye , 1716.
Je lis dans un Auteur du dernier fiècle , que cet
Ecrivain avoit laiffé en mourant de fort bonnes
Notes manufcrites fur les Vies de Romulus , de
Théfée , de Fabius- Maximus , de Jules- Céfar , &c.
En a- t-on fait part au Public ? c'eft ce que j'ignore.
Le judicieux Critique relevoit , dit- on , une foule
d'inadvertances de notre Traducteur , & rétabliſſoit
en même-temps les corruptions du texte. ( Or il n'y
en a guères de plus maltraité que celui de Plu
tarque. ) J'ai dit inadvertance, car Amiot , quoi
qu'en difent fes détracteurs , étoit très-favant dans la
Langue de ce grand Biographe. Il est vrai qu'en
Nº. 11, 15 Mars 1783.
F
122 MERCURE
" comparant fa traduction avec l'original , on apperçoit
dans beaucoup d'endroits peu de conformité
entre l'un & l'autre . Ceci ne vient pas néanmoins
d'ignorance , mais de ce qu'il corrige fouvent le
texte grec fans en avertir fon Lecteur , tantôt fur la
foi des manufcrits , tantôt d'après l'autorité des
Commentateurs qui l'avoient précédé , ou de fes
contemporains , quelquefois même d'après les propres
conjectures , lorfqu'il croyoit la leçon eftropiée
ou corrompue.
Mais comme l'Avocat n'eft point juge dans la
caufe qu'il défend , qu'il ne lui fuffit pas d'avan-.
cer les faits , mais qu'il doit en adminiftrer les
preuves, je vais indiquer les pièces du procès. On les
conferve, ces pièces effentielles, dans la riche Bibliothèque
des PP. de l'Oratoire de Paris , rue S. Honoré
, où il fera facile de les confulter. Ce font
deux Imprimés format in - folio , contenant les
Vies & les Morales. Ils ont jadis appartenu à ce
Prélat ( Amiot. ) On voit fur les marges des Notes ,
des Remarques critiques fur le texte de Plutarque ,
des variantes ; le réſultat de la confrontation & comparaifon
des manufcrits par Amiot , & à leur défaut
fur quoi il fondoit fes conjectures. Voici des expreffions
écrites de fa main.... Locus ille valdè fufpectus
eft.... Locus hic ita videtur legendus....
Alii malunt , &c .... Hoc ex fide manufcriptorum...
Reliqua ex conjettura , &c. &c. Il s'enfuit de cette
Lettre , & vous en conviendrez , Monfieur , qu'il
feroit à defirer qu'on fît difparoître d'une traduction
de cette importance toutes les fautes d'Amiot.
On pourroit imiter fon ftyle pour lui donner un
même ton de couleur, ou , ce qui, je crois, vaudroit
encore mieux , il faudroit donner au Public un
dix - feptième Volume en fupplément ; on y renverroit
le Lecteur au moyen d'un aftérique.
Quant aux erreurs qui ne viennent que des mauDE
FRANCE. 123
raifes leçons des manufcrits , ou d'un défaut de
critique , ou enfin de la hardieſſe des conjectures que
les divers Commentateurs fe font permifes , on en
purgeroit également ce bel Ouvrage. Il ne s'agiroit
pour cela que de conférer enſemble les manufcrits
les plus authentiques, de fouiller dans les Commentaires
les plus eftimés , de confulter les meilleures.
Editions , & fur-tout celle d'Angleterre. Dacier &
bon nombre de Traités choifis des Morales , traduits
il y a quelques années , foit par M. de la
Porte du Theil, foit par le Père Gaudin , de l'Oratoire
, Vicaire Général de Mariana , &c. &c. &c.
faciliteroient encore ce travail.
de
la
la
Je finis, mon cher compatriote , dans la crainte
de n'attirer de la part des Littérateurs éclairés qui
vont préfider à renaiffance de cette eftimable
production le reproche fait à ce Rhéteur qui s'avila
de parler de l'Art de la Guerre devant Alexandre
(ou Annibal ) ; j'emprunte ici , comme vous le
voyez , une comparaiſon qui tetmine heureufement
votre charmante Differtation fur nos Troubadours,
dont vous défendez fi bien la cauſe en marchant fur
leurs traces . Adieu encore une fois , mon cher ami ,
je n'ajoute plus qu'un mot. Il paroît par les Lettres
qu'on m'écrit ,que votre morceau fur l'Abbé de
Reyrac, inféré dans le Journal de Paris , a fait nonfeulement
plaifir , mais fenfation. On le trouve ( &
je n'en fuis pas furpris , votre coeur vous l'inſpiroit )
trop digne d'être relu & confervé. Une noble fimplicité
, une fenfibilité douce , des détails bien développés
avec choix & fans profufion , l'expreffion de
Famitié & le langage de la vertu font chérir &
l'Ouvrage & l'Auteur , & la mémoire de ce refpectable
Abbé que j'aimois de toute mon âme. Ses
Ouvrages feront lus tant qu'il y aura des âmes fenfibles
; mais , hélas ! fa Société n'exiſtera plus ni
pour fes vertueux amis , ni pour vous , ni pour
Fij
124
MERCUREC
moi. Voilà la perte vraiment irréparable. Je verfe
des pleurs fur fa tombe ; c'eft à vous à l'environner
des cyprès du Parnaffe .
Je fuis avec un parfait attachement ,
Votre , &c.
DE ROCHAS ,
is de Santoy.
Curé
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
ON a continué les repréſentations de Renaud
avec une grande affluence de Spectateurs.
C'eſt après avoir fuivi les trois premières
que nous allons rendre compte des
impreffions que la mufique de cet Ouvrage
a faites fur le Public , & de celles que nous
avons reçues nous - mêmes.
Il n'eft pas queftion de juger ici le talent
de M. Sacchini comme Compofiteur : il y a
déjà long- temps que fon rang eft fixé parmi
les plus grands Maîtres que l'Italie ait produits.
Le fuccès éclatant & foutenu de la
Colonie , une multitude de beaux airs & de
choeurs charmans qu'on a entendus dans
l'Olympiade ou dans les Concerts , ont juſtifié
en France la grande réputation dont il
jouit dans toute l'Europe. L'Auteur de cet
Article a eu de plus l'avantage de voir jouer
& applaudir fur un grand Théâtre étranger
quelques- uns de ſes plus beaux Opéras Ita
DE FRANCE. 125
liens. C'est donc avec les préventions les
plus favorables que nous l'avons vu difpofé
à enrichir notre Théâtre Lyrique des productions
de fon génie ; & nous avons dû en
elpérer de nouveaux modèles pour la perfection
de l'art & pour les plaifircs du Public .
Mais il faut craindre que des préventions
fi avantageufes ne rendent injufte & ne
nuifent au fuccès de l'Artiste même qui en
eft l'objet. M. Sacchini a fait un grand nombre
de beaux Opéras ; mais dans une langue
qui eft la fienne ; fur des Poëmes dont la
coupe eft totalement différente de celle des
nôtres ; pour des Spectateurs accoutumés à
ne porter que des oreilles à ce genre de fpectacle
, à ne chercher dans un Opéra que de
la mufique , & à ne voir guère la mufique
que dans les airs ; à préférer la nouveauté
& la grâce des formes à la vérité & à la
force de l'expreflion , & à fupporter le long
ennui d'une Scène fans action & d'un récitatif
fans intention , pourvu qu'ils en fuſfent
dédommagés par trois ou quatre beaux
morceaux de chant .
• •
En venant en France , M. Sacchini a eu
à étudier notre langue & notre déclamation ,
la forme de nos Poëmes , les moyens de nos
Acteurs , le goût de notre Public ; il a fenti
la néceffité de trouver un récitatif plus accentué
& plus varié ; de donner à ſes airs
plus de vérité , de fimplicité , de rapidité ;
de s'interdire une infinité d'ornemens d'un
effet toujours sûr dans les Opéras Italiens ,
Fiij
126 MERCURE
1
mais déplacés dans les nôtres ; de chercher
enfin cet art , inconnu avant M. Gluck , de
lier & de fondre enfemble le récitatif , les
airs & les choeurs , de manière à ne faire ,
pour ainsi dire , d'un Acte entier qu'un feul
tableau de mufique. Tout le génie du monde
ne fuffit pas pour rompre ainfi d'anciennes
habitudes , & remplir du premier coup toutes
les conditions d'un problême fi compliqué.
Si M. Sacchini s'étoit égaré quelquefois dans
des routes inconnues où il entre pour la première
fois , il feroit très injufte de le juger
à cet égard avec févérité ; il fuffit pour nos
efpérances qu'il ait vû le but , & qu'il ait
montré les moyens d'y atteindre. C'eft ce
dont fon premier effai ne nous permet pas
de douter.
Jetons maintenant un coup d'oeil fur les
principaux effets de la mufique de Re
naud. Si nous ne confidérons que les beautés
propres de l'art, nous y trouvons par- tout la
main du grand Maître. C'eft à chaque inftant
une mélodie agréable , élégante , fenfible
; des airs parfaitement arrondis , où le
motif eft bien fuivi fans effort , développé
fans rempliffage , adroitement foutenu &
embelli par l'accompagnement ; c'eft une
harmonie brillante & pure , riche fans confufion
, claire fans monotonie , avec la plus
belle diftribution de parties & l'emploi le
plus heureux des divers inftrumens. Mais
nous confidérons enfuite l'application de
cette belle mufique aux effets dramatiques a
DE FRANCE. 127
c'eft- à-dire, dans fes rapports avec la décla-,
mation de notre langue , avec le mouvement
de l'action , avec le caractère des perfonnages ,,
avec l'expreffion des fentimens , fans doute
qu'on y trouvera quelque chofe à defirer .
Par exemple , l'ouverture eft une fymphonie
charmante & d'un effet très - brillant
; mais le fecond morceau nous a paru
d'un chant plus paftoral qu'héroïque , &
par -là ne fe lie pas heureufement avec l'action
qui commence la Pièce. Les deux airs que,
chantent Hidraot & Adrafte font d'un chant
naturel & d'un beau caractère . Le choeur
Marsà nosyeuxn'aplus d'attraits, celui où les
Chefs Sarrazins jurent la paix dans les mains
de Renaud , & le ferment que leur fait prononcer
Armide après le départ de fon
ainant , font d'un effet qui juftifie la répu
tation que M. Sacchini a déjà obtenue
dans ce genre de compofition. Nous obferverons
feulement que dans ce vers du dernier
choeur , Du fuperbe Renaud nousjurons,
tous la mort , les Rois répètent le dernier
hémiftiche en piano ; cet effet nous paroît
plus propre à fatisfaire l'oreille que l'efprit,
Ces Guerriers, animés par la préfence d'Armide
, n'ont aucune raifon pour baiffer la
voix en lui jurant la mort de fon ennemi,
Mais cette légère critique ne nous empêche
pas de trouver ce choeur admirable.
Nous croyons que le récitatif de cet
Acte n'a pas toujours l'accent , que notre
déclamation exigeroit , ni fur- tout le mou
Fiv
128 MERCURE
vement & l'intérêt que demanderoient la
Scène. On en peut juger par ce couplet
d'Armide : Vous voyez ce Guerrier dont
Pafpect feul m'outrage , morceau important
, dont la déclamation eft trop vague , &
qui pourtant devoit être exprimé avec autant
de force que de vérité , parce qu'il annonce
& prépare toute l'action du Drame.
Nous pourrions obſerver auffi des défauts
affez fenfibles de ponctuation ; par exemple,
dans ce vers d'Armide : Quand l'amour de
vos coeurs m'afflure la conquête , le chant
coupe le vers par le milieu , & il y'a même
une paufe après vos coeurs , ce qui donne
un faux fens à la phrafe. Cette obfervation
eft minutieuſe ; mais elle peut fervir à prévenir
d'autres négligences de ce genre , fur
lefquelles un homme comme M. Sacchini
n'a befoin que d'être averti.
"
Un défaut plus grave , parce qu'il tient à
l'effet d'un moment intéreffant de l'action ,
c'eſt la manière dont le Compofiteur a exprimé
les mots de furpriſe des différens
Guerriers lorfqu'Armide paroît au milieu
d'eux. Ces mots , par la manière dont ils
font déclainés , font froids & fans aucun
effet ; il nous femble que fi au lieu de leur
faire exprimer l'un après l'autre leur étonnement
, ils fe fuffent écriés tous à- la- fois , chacun
felon le fentiment dont il eft affecté ,
eela eût été plus naturel & plus animé.
Nous prendrons encore la liberté d'obferver
que l'air de Renaud , déjà la tromDE
FRANCE. 129
pette guerrière, quoique brillant & agréable,
n'a pas toute la fierté & le caractère de Renaud
, que les paroles & la fituation ſemblent
exiger; & que les traits des clarinettes & des
hautbois qui l'accompagnent , ont dans quelques
momens un ton champêtre peu d'accord
avec les traits de fanfare par lesquels
la trompette annonce le fujet.
C'eft dans le fecond Acte que M. Sacchini
a déployé toutes les richeffes de la mélodie
; il y a dans le rôle d'Armide trois airs
du chant le plus élégant & le plus fenfible .
La cavatine , il retraçoit à ma mémoire , nous
paroît du meilleur goût ; l'air qui fuit , ah !
que dis- tu? trop foible Armide, eft d'un
mouvement très- animé ; nous defirerions
feulement que les deux derniers vers , & que
le poignard de la haine déchire fon coeur
inhumain , ne fuffent pas répétés auffi fouvent;
que le chant du premier fût plus fimple
& moins précipité , & que dans le mot
déchire l'accent ne portât pas avec tant d'affectation
fur la première fyllabe , où une
longue note répétée plufieurs fois nous
paroît faire un mauvais effet. L'air , cruel
pourquoi m'as-tu trahie , eft d'une expreffion
li belle , fi vraie , fi touchante , que nous
n'ofons pas y relever une petite faute de
déclamation qu'il eût été bien aifé d'éviter,
L'air non moins touchant , barbare amour
&c. mériteroit le même éloge , fi la fituation
& le caractère convenu d'Armide ne nous
paroiffoient pas demander fur ces paroles
Fv
130 MERCURE
une expreffion plus forte & plus paſſionnée.
Le duo entre Armide & Renaud eft d'un
beau chant & d'une grande manière ; le ſujet
en eft bien développé ; la modulation variée &
naturelle , l'expreffion noble & fenfible ; mais
la marche en eft un peu lente pour l'effet de la
Scène , & le morceau d'un mouvementvifqui
le termine , contrafte peut- être un peu trop
avec le caractère de ce qui précède. M. Sacchini
connoît fi bien l'art de fondre & d'adoucir
fes couleurs ; il évite avec tant de foin les
paffages brufques & heurtés , qu'on ne peut
attribuer la légère difparate dont nous par
lons , qu'aux coupures qu'il a été obligé de
faire à ce duo pour accélérer le mouvement
de la Scène.
Nous fommes obligés de dire que l'invocation
des Démons , par Armide , eft abfolument
manquée , & la caufe de ce peu
d'effet eft aisée à expliquer. Après avoir dit :
Des Dieux des Enfers implorons le fecours
c'eft fur un récitatif fimple , préparé par un
trait d'orchestre d'une feule mefure , & en
paffant dans une modulation fi voifine de
celle qui précède , qu'à peine l'oreille en eft
frappée , qu'Armide s'écrie :
Accourez à ma voix , Déités implacables.
Sans prétendre établir aucune comparaiſon
défobligeante , nous ne pouvons nous dif
penfer de dire que ce n'eft pas ainfi que
l'Armide de M. Gluck , dans une fituation
femblable , évoque les Divinités infernales.
DE FRANCE. 131
Nous croyons donc que cette invocation.
devoit être préparée par une ritournelle
d'un caractère un peu magique , s'exprimer
en chant mefuré , & étonner l'oreille par une
modulation fenfiblement contraftée avec celle:
qui précède. Nous nous en rapportons làdeffus
au goût de M. Sacchini lui même.
Le peu d'effet de ce morceau eft bien réparé
par celui du choeur des Divinités infernales
. Le motif en eft fi heureux & fi natnrellement
conduit dans les diverfes parties ;
l'harmonie , concentrée dans les tons graves
& moyens des voix & des inftrumens en eft
fi tranfparente , fi fuave & fi piquante à la
fois , qu'on ne peut l'entendre fans éprouver
une vive émotion de plaifir . Plufieurs
perfonnes lui ont reproché de n'avoir pas
un caractère & des formes de chant affez
fières & même affez rudes pour un chant infernal
; mais M. Sacchini , qui paroît craindre
en général tout ce qui peut heurter trop fort
l'oreille , a cru , en habile homme , pouvoir
profiter de l'éloignement où font fuppofés les
Démons chantans, & de la forte d'oppreffion
où les tient une puiffance fupérieure , pour
adoucir un peu les teintes dures qui caracté
rifent en général un chant de Démons.
Le récitatif de cet Acte nous paroît fufceptible
des mêmes critiques que nous avons
indiquées.
Le combat de nuit qui ouvre le troisième
Acte , offre un Spectacle impofant dont la
mufique rend l'effet plus intéreffant. Le mor
F vi
$132 MERCURE
ceau de récitatif & la cavatine que vient
chanter Adrafte mourant , nous paroiffent
d'un caractère vrai & d'un ſentiment exquis
L'air d'Ariide : Ciel injufte ! ciel implacable !
a de la chaleur & de la nobleffe , & pourroit
fe paffer de l'accompagnement du tonnerre
, qui en trouble l'effet au lieu de le
fortifier. Ces imitations mécaniques ne doivent
être employées que lorfqu'elles font
liées intimement à l'action ; le bruit du tonmerre
peut ajouter à l'effet d'un tableau ;
mais quand il faut exprimer les fentimens
de l'âme , la mufique n'a befoin que des
moyens qui lui font propres. L'air fuivant :
Eh! comment veux- tu que je vive ? eft d'une
tournure élégante & fimple , avec une expreffion
auffi vraie que touchante. On regrette
que l'air de Renaud qui fuccède produife
fi peu d'effet , quoiqu'il nous ait paru
d'un chant agréable & fenfible ; peut-être
cela tient- t'il à la manière dont il eft préparé
& placé. Nous ne dirons rien des dernières
Scènes , nous répétons ce que nous avons
déjà dit , que la coupe de ces Scènes ne permettoit
guère d'y adapter une mufique d'un
grand intérêt.
On reconnoît dans les airs de Ballet la
main d'un habile Compofiteur , quoique ce
foit l'effai de M. Sacchini dans ce genre. Les
Muficiens étrangers y attachent trop peu
d'importance, & peut être y en attachons- nous
trop. L'air que danfe Mlle Gervais au premier
Acte , & ceux que danfent Mlle Dori
DE FRANCE. 133
val avec le fieur Nivelon , & Mlle Guimard
avec le fieur Veftris , au troifième Acte , font
ceux qui ont fait le plus de plaifir.
Il réfulte des détails où nous fommes en
trés fur la mufique de cet Opéra , qu'une
partie des défauts que nous avons cru y remarquer
, tiennent au fond & à la coupe du
Poëme, & quelques uns au peu d'habitude que
M. Sacchini avoit de notre Langue & de notre
Théâtre en compofant cet Ouvrage ; mais que
les beautés nombreuſes & variées qu'on y
admire annoncent un grand Maître , qui réu
nit à un profond favoir , à une manière originale
, un goût exquis & une grande ſenſibilité
; qu'on doit attendre les plus grands fuc
cès de cette réunion de qualités fi rares , éclai→
rées encore par l'épreuve qu'il vient de
faire, lorfqu'il pourra déployer tous les talens
fur un Poëme plus favorable encore à tous les
effets de la mufique dramatique.
Nous aimons à croire que M. Sacchini ne
verra dans nos critiques comme dans nos
éloges qu'une preuve de l'intérêt que nous
prenons à fa perfonne autant qu'à fa gloire ,
& que le defir de lui voir ajouter à ce premier
fuccès , les fuccès plus complets encore qu'il
a droit d'attendre .
Le defaut d'espace a forcé de renvoyer au
Mercureprochain la fin de cet Article , qui
contient les détails de l'exécution de l'Opéra
de Renaud,
134
MERCURE
COMEDIE FRANÇOISE.
LEE Lundi 24 Février , on a joué , pour la
première fois, les Aveux difficiles , Comédie
en un Acte & en vers .
Mélite & Cléante ſe font aimés . L'amant
forcé de voyager, a reçu en partant la foi de
fon amante, & lui a juré de lui garder la
fienne ; mais trois années d'abfence ont
abfolument changé leurs coeurs . Dans le
cours de fes voyages , Cléante a été fubjugué
par les charmes d'une jeune perfonne.
De fon côté Mélite a reçu les affiduités
de Merval , ami de Cléante , & n'a pas
été infenfible aux preuves réitérées qu'il lui
a données de la tendreffe la plus vive & la
plus conftante. Le retour de Cléante jette
Mélite dans un embarras extrême ; il n'éprouve
pas moins d'inquiétude qu'elle. Chacun
d'eux, qui fuppofe que le premier objet
de fon amour a fu garder les fermens, tremble
de déclarer fon infidélité , moitié par honte ,
moitié dans la crainte d'affliger l'amant qu'il
croit encore fidèle. Après une tentative inutile
de part & d'autre , ils prennent le parti de fe
faire l'aveu fatal , l'un par le ministère de fon
valet , l'autre par celui de fa fuivante . On fe
doute bien que les deux amans , furpris d'a,
bord de fe trouver dans la même pofition ,
finiffent par rire de leur embarras , & fe
pardonnent de bon coeur leur infidélité.
DE FRANCE. 135
Cette bagatelle a donné lieu à une querelle
littéraire qui a occupé nos oififs pendant
quelques jours. M. le Baron d'Eftat ,
Auteur de la Somnambule , Comédie repréfentée
fur le Théâtre de la Comédie Italienne
au commencement de l'année der
nière , a réclamé le fonds des Aveux diffi
ciles dans une lettre qu'il a adreffee au Journal
de Paris. M. Vigée a ripofté par une aus
tre , dans laquelle il déclare que ce fujet lui
a été donné par M. Marignié , Auteur de
Zorai. Réplique de M. d'Eftat , qui affure
qu'il a lû fa Pièce à M. Vigée à la fin de l'hiver
de 1781 ; enfin , nouvelle lettre de ce
dernier , qui , tout en affurant que les deux
Ouvrages ne fe reffemblent point , abandonne
néanmoins le fonds du fujet à M. le
Baron d'eftat. Il faut avouer que l'amourpropre
des Auteurs occafionne quelquefois
entre-eux des débats bien extraordinaires.
Dufresny & Regnard fe font difputé le fonds
du Joueur. La choſe en valoit la peine. Une
Comédie de caractère eft un Ouvrage important.
Mais que l'on fe difpute un Opufcule
; que deux amis donnent au Public le
fpectacle de l'amitié facrifiée à toute la gloire
que peut donner la propriété d'une baga
telle en vérité cela eft inconcevable.
Au refte , il y a de la gaîté , de la grâce , de
l'efprit & des étincelles d'un comique trèsagréable
dans les Aveux difficiles . Le ftyle a
fouvent de la facilité , quelquefois un peu
de recherche & d'affèterie. Le dialogue a de
136 MERCURE
la contrainte ; mais au total cet Effai de M.
Vigée annonce du talent & donne des efpérances.
Nous defirons que la Comédie de
M. le Baron d'Eftat , qui doit être , à ce qu'on
affure , repréſentée fur le Théâtre de la Comédie
Italienne , ait un auffi joli fuccès que
celle de fon Rival.
Nous avons gardé & nous continuerons
de garder le filence fur trois débuts qui ont
eu lieu à ce Théâtre depuis fix femaines. Il
feroit impoffible d'en rien dire fans donner
de l'humeur à bien des gens , & l'Art n'y
gagneroit rien. Que de motifs pour ſe taire!
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Mardi 25 , on a joué Sophie de Fran
cour , Comédie en profe & en cinq Actes.
Cette repréſentation eut un fuccès fort équivoque.
La marche de l'action fut trouvée
lente , & l'on remarqua que l'intérêt étoit
toujours atténué par des Scènes ou inutiles
ou trop longuement filées. Du Mardi au
Vendredi fuivant, l'Auteur a refferré l'action
de fon Ouvrage en quatre Actes , & les repréſentations
qui en ont été données depuis
ont eu du fuccès.
M. de Francour, obligé de fuir relativement
à une affaire grave , & pour laquelle il avoit
à craindre les fuites de l'intrigue & de la
calomnie , a laiffé Sophie , fa fille , entre les
mains de Mme Dormont fa foeur . Cette
DE FRANCE. 137
Mme Dormont , veuve , déjà fur le retour ,
a pris de l'amour pour le Marquis d'Orville.
Elle fe propofe de l'époufer , & de
marier fa nièce au Comte de Fierval , oncle
du Marquis. Mais d'Orville , en fortant d'un
bal , a rendu un fervice effentiel à Sophie ,
en eſt devenu amoureux , & a eu le bonheur
de le voir payé de retour. Par un hafard
qui n'eft pas moins heureux , il a fauvé
la vie du fils du Miniftre , & fe trouve en
conféquence dans la plus haute faveur. M. de
Fierval en profite pour fe faire donner le
Gouvernement d'une Place , vacant par l'abfence
de celui qui en étoit pourvu . Ce Gouvernement
eft celui que M. de Francour
s'eft vû forcé de quitter. L'honnête Gentilhomme
revient à Paris fous le nom de Germeuil
, dans l'intention d'éclairer le Minif
tère , & de ſe juſtifier . C'eſt chez d'Orville ,
qu'il a connu en Allemagne , que le vieillard
vient chercher un afyle. Qu'on juge de la douleur
du jeune homme quand il apprend que
c'eft en dépouillant fon ami perfécuté qu'il
a fatisfait fon oncle. Il vole chez le Miniftre
pour réparer la faute. Pendant ce temps
le Comte de Fierval , qui craint la préſence
du vieillard & les effets de l'amitié que
d'Orville lui a vouée , fait intriguer auprès
du Miniſtère , & obtient un ordre d'arrêter
M. de Francour : mais à l'inſtant même
où l'Exempt va conduire l'infortuné en prifon
, le Marquis reparoît avec des ordres
contraires , & dont le Comte doit être la
138 MERCUREJ
victime , ainfi que Mme Dormont. La géné
rofité de M. de Francour peut feule annuller
l'effet des nouveaux ordres ; il pardonne , &
confent à l'union de d'Orville avec Sophie.
Le fonds de cette Comédie eft tiré d'un
Roman qui a paru il y a quinze ans. La
même perfonne eft Auteur des deux Ouvrages.
On a dit fouvent , avec raiſon , que
les données d'un Roman ne pouvoient être
que très-rarement admiffibles dans un Ouvrage
de Théâtre. Sophie de Francour en eft
une nouvelle preuve. La vraifemblance un
peu forcée y nuit fouvent à l'intérêt ; les incidens
en font trop multipliés pour que l'at¬
tention ne fe fatigue pas à fuivre leur enchaînement
; & le dénouement , qui ne s'opère
que par un coup d'autorité , n'a pas
paru très fatisfaifant. Ce qu'il y a d'odieux
dans les caractères de Mme Dormont & de
M. de Fierval , leur reffemblance trop mar
quée ont nui à l'effet des Perfonnages de
d'Orville , de Sophie & de M. de Francour ,
qui ont auffi entre eux quelque reffeniblance.
Il faut pourtant convenir qu'il y
a du mérite dans ce Drame , & que fi
l'ordonnance en eft un peu fautive , les
caractères y font fouvent mis en jeu
avec beaucoup d'adreffe , principalement
ceux du Comte de Fierval & du Marquis
d'Orville. Ce dernier Perfonnage eft repréfenté
par M. Granger avec une fupériorité
de talent qui ne peut qu'ajouter à la répu
tation.
❤
DE FRANCE. 139
Le Mercredi 26 on a donné la première
repréſentation de Henri d'Albret , Comédie
en un Acte & en profe , à l'occafion de la
Paix.
2
Si l'on en excepte une partie du monologue
de Henri , cette Comédie , qui ne mérite
aucune analyfe , eft un tiffu de phrafes
triviales , d'idées communes & rebattues.
Point de plan , point d'action , point d'inté
rêt point de caractères. Le motif qui a
donné lieu à cet Ouvrage , pouvoit engager
les Comédiens , qui l'ont reçu , à beaucoup
d'indulgence ; mais il eft des bornes à tour.
Les Comédiens Italiens feroient très- répréhenfibles
, aux yeux des Ainateurs du Théâtre
, s'ils continuoient d'être auffi indulgens
qu'ils l'ont été depuis quelque temps . Pour
encourager les Auteurs , il ne faut pas dégoû
ter le Public. L'humeur de celui - ci eft bien
plus dangereufe que celle des Écrivains mé
diocres.
ANNONCES ET NOTICES.
ON vient de mettre en vente à l'hôtel de
Thou , rue des Poitevins , Hiftoire Naturelle des
Minéraux , par M. le Comte de Buffon , in - 4° .
Tome I. Prix , 15 liv . en feuilles , 15 liv. 10 fols
broché , 17 liv. relié,
Ce Volume fert de fuite tant à l'Édition in-4® .
avec la partie anatomique, qu'à celle qui a paru fans
140 MERCURE
cette même partie anatomique fous le titre d'Euvres
complettes.
Les années 1776 , 1777 & 1778 de l'Hiftoire &
des Mémoires de l'Académie Royale des Sciences ,
in - 12 , 6 Volumes . Prix , 15 liv . en feuilles , 16 liv.
4fols brochés , 19 liv. 10 fols reliés .
Ces 6 Volumes mettent cette Édition au pair de
l'in-4°.
L'AMI DES ENFANS , par M. Berquin. Le
Volume de Mars 1783 vient de paroître. A Paris ,
rue de l'Univerfité , au coin de celle du Bacq , nº . 28.
S'adreffer à M. Leprince , Directeur. Pris , 13 liv.
4 fols Paris , & 16 liv. 4 pour
la Province
franc de port.
fols pour
DELASSEMENS de l'Homme fenfible . C'eft
fous ce titre que M. d'Arnaud fe propofe de préfen
ter au Public une Collection de nouvelles Anecdotes
indépendantes des Épreuves du Sentiment &
des Nouvelles Hiftoriques. Cette Collection intitulée
Délaffemens de l'Homme fenfible , formera
douze Parties de la groffeur de celles des Epreuves
du Sentiment , in- 12 ; elles compoferont de même fix
Vol. L'Auteur , toujours fidèle à fon objet , fe propoſe
dans ce Recueil de mettre en quelque forte fous les
yeux de la jeuneffe un Cours de Morale en action ;
il a eu foin de raffembler les Anecdotes les plus
propres à entretenir l'amour des vertus , des devoirs,
&c. Les fix Volumes des Délaffémens de l'Homme
fenfible fe diftribueront par douzième Partie de
mois en mois , à commencer du premier Avril
prochain , chez l'Auteur , rue des Poftes , près l'Eftrapade
, maifon de M. de Fouchy . Les douze Parties
parviendront par la pofte , & port franc , pour
la fomme de 18 liv. On aura la complaifance d'affranchir
la remife du montant des foufcriptions ,
DE FRANCE: 141
alafi que les lettres, Les Délaffemens de l'Homme
Jenfible n'empêcheront point la continuation des
Epreuves du Sentiment & des Nouvelles Hiftoriques.
Deux Quvrages dans ce dernier genre vont fe publier
fucceffivement.
On fait quels fuccès M. d'Arnaud a obtenus dans
les Ouvrages de Sentimens. Ces fuccès font un préjugé
favorable & une efpèce de certitude pour la
Collection qu'il annonce au Public.
IDEE du Monde , ou Idées générales des chofes
dont un jeune homme doit être inftruit , Ouvrage.
curieux & intéreffant , orné de neaf Planches en,
taille-douce ; par M. A. T. Chevignard de la Pallue
, Ecuyer , nouvelle Édition , confidérablement
augmentée , & enrichie des Obfervations & des.
Expériences les plus récentes. Prix , 6 livres les deux
Volumes reliés. A Paris , chez Moutard , Imprimeur-
Libraire , rue des Mathurins , hôtel de
Cluny.
.
Etre favant n'eft pas le devoir d'un homme du
monde ; mais être tout- à- fait ignorant eft devenu un
ridicule qu'on ne pardonne plus. Cet Ouvrage renferme
tout ce qu'il eft bon de favoir quand on n'af
pire pas à être un Savant de profeifion . La première
Édition de cet Ouvrage , qui remplit parfaite
ment fon titre , ayant réuffi , les corrections heureufes
& les augmentations confidérables font un
garant que celle - ci n'aura pas moins de fuccès.
INSTITUTION au Droit de Normandie , ou
Conférence des Principes des Inftitutes de Juftinien
avec le Droit François , & en particulier avec le
Droit de Normandie ; par M, J. H. de Rouffel
de la Bérardière , Confeiller Honoraire au Bailliage
& Siège préfidial de Caen , Profeffeur Royal du
Droit François en l'Univerfité de la même Villes
142 MERCURE
1
&c. A Caen , de l'Imprimerie de Jean-Claude Pyron,"
Imprimeur du Roi & de l'Univerfité , in - 12 de .
460 pages.
M. de la Bérardière , dans la place qu'il remplit
avec honneur depuis dix-fept ans , s'étant fouvent
apperçu que les différences qui fe trouvent entre
les Principes du Droit Romain & ceux de Normandie
embarraffoient les Élèves de Droit , & nuifoient
à leurs progrès , a fenti la néceffité d'un Ouvrage
élémentaire qui pût rapprocher les uns &
les autres. L'Ouvrage qu'il vient de publièr fur cette
matière nous a para bien conçu , & remplit l'objet
d'utilité que s'étoit propofé l'Auteur.
Les Antiquités d'Herculanum , avec leurs explications
en François , troifième Volume , Numé
ros 1 , 2 , 3 & 4. A Paris , chez David , Graveur
rue des Noyers , n°. 17.
Rien ne doit être plus intéreffant pour les Ama
teurs & les Artiſtes que les Antiquités d'une grande
Ville , dont la fondation eſt antérieure à celle de
Troyes , placée fous le beau ciel de l'Italie , & qui
eft reftée cachée dans le fein de la terre pendant
plus de dix-fept fiècles.
L'original étoit un grand in -folio , d'un prix
exceffif. M. David s'eft propofé de le réduire aux
formats in-4 . & in- 8 ° . Il a fait entrer jufqu'à cinq
fujets fur la même Planche pour rendre cette Collection
moins coûteufe & moins volumineuſe.
Chaque Cahier eft composé de douze Planches , &
chaque Voluine de l'in-folio n'occupe que fix Cahiers.
M. David a mis toute fon attention à ne rien
faire perdre des beautés des fujets réduits . On doit
les plus grands éloges à fon burin , digne interprête
des beautés antiques , & au Rédacteur du
Texte Italien ( M. Marefchal ) , qui dans fa ver
fion Françoife a confervé tout ce qu'il y avoit de
DE FRANCE. 143
3
favant dans l'original , & qui l'a enrichi encore de
rapprochemens & de parallèles intéreffans & inftruc
tifs. L'on foufcrit pour cet Ouvrage en payant d'avance
les deux derniers Numéros qui termineront le
fixième Volume , & il paroît deux Cahiers tous
les deux mois. Chaque Cahier eft composé de douze
Planches. Prix , 9. liv. l'in- 4° . , & 6. liv. l'in-8.02
ENTRETIENS de Phocion fur le rapport de la
Morale avec la Politique , traduits du Grec de Nicocles
; par M. l'Abbé Mably. A Paris , chez Bailly',
Libraire , rue S. Honoré , & Lamy , Libraire , quai
des Auguftins. De l'Imprimerie de Benoît Morin ,
rue S. Jacques.
Cet Ouvrage eft trop connu pour en porter an
jugement; mais on ne peut refafer des éloges à
l'exécution typographique , qui doit faire honneur
aux preffes de M. Morin. Il fe vend 9 livres. broché
en 3 Volumes, imprimé fur papier d'Annonay, &
avec les caractères de Garamont , même format que
les Moraliftes.
HISTOIRE Phyfique , Morale, Civile & Poli
tique de la Ruffie ancienne & moderne , par M.
Leclerc , D. M. Écayer , Chevalier de l'Ordre du
Roi , & Membre de cinq Académies.
Il paroît deux Volumes de cet important Ouvrage,
qui doit en avoir cinq , & qu'on propofe
par foulcription. L'un de ces deux Volumes eft le
premier de l'Hiftoire ancienne , & l'autre le premier
de l'Hiftoire moderne. Cet Ouvrage nous a paru
très-foigné pour la Gravure & pour la Typographie,
& l'Auteur eft entré dans des détails qui nous femblent
faits pour fatisfaire la curiofité fur cet Empire
intéreffant. Nous nous hâtons d'annoncer ces
deux premiers Volumes en attendant que nous
puiflions en rendre compte. Le prix de la foufcrip
144 MERCURE
tion eft de 120 liv. L'Ouvrage coûtera 160 lv.
ceux qui n'auront pas foufcrit. Les foufcriptions fe
paient d'avance . ou en quatre termes ; favoir ;
30 liv. en retirant les deux premiers Volumes ,
goliv. en recevant le troifième , & 30 liv. en retirant
les deux derniers. On foufcrit à Verſailles ,
chez Blaizot , Libraire ; & à Paris , chez Froulé , Li-
Braire , Pont Notre-Dame.
RETOUR de Chaffe , deffiné & gravé par A. J.
Duclos , en Janvier 1783. Prix , 1 livre 4 fols . A
Paris , chez Godefroy , rue des Francs - Bourgeois-
Saint- Michel , vis - à- vis la rue de Vaugirard.
Cette jolie Eftampe repréfente une de ces petites
anecdotes qui font aimer les Grands & les peignent
mieux que les actions d'éclat ; elle fait pendant à
l'Exemple d'Humanité , qui fe trouve à la même
adreffe.
Pour les Annonces des Titres de la Gravure ,
de la Mufique & des Livres nouveaux , voyez les
Couvertures.
TABLE. -
LE Colin Maillard,
Les Voyageurs, Fable ,
Le Souverain Bien ,
Charades , Enigme &
grypke ,
971 ger
110
98 Necrologie ,
116
Logo-
Plutarque,
100 Lettre fur la réimpreffion du
120
102 Académie Roy, de Mufiq. 124
Coutumes Générales & Locales Comédie Françoife ,
du Bourbonnois , 103 Comédie Italienne ,
Le Danger d'aimer un étran- Annonces & Notices ,
APPROBATIO N.
134
136
139
JAI lu , pár ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 15 Mars. Je n'y al
rien trouvé qui puiflè en empêcher l'impreffion. A Paris ,
le 14 Mars 1783. GUIDL
Jer . 135 .
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 22 MARS 1783 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSÉ.
1 VERS à Mde CLÉRY , de la Mufique de
la Reine , furfon Portrait quej'avoisfait
au Paftel.
Aux Grâces , aux Talens , jaloux de rendre hommage
,
J'ofai , plus zélé que prudent ,
Crayonner votre douce image ,
Je ne prévoyois pas quel feroit mon tourment ;
Mais lorsque je vous vis , fi naïve & fi belle,
M'offrir à tout moment une grâce nouvelle ,
Attendri par le fentiment
Qai varioit les traits de mon modèle ,
Je gémiffois fur mon talent ,
Je maudiffois ma mal- adreffe.
Ah ! de mon art pardonnez la foibleffe ;
Il ne peut fixer qu'un inftant ,
Et vous en avez inille où vous êtes charmante.
No. 12 , 22 Mars 1783 .
G
146
MERCURE
Pour les faifir , mon âme impatiente
A fait des efforts fuperflus.
Ce portrait n'eft pas vous , je ne l'admire plus.
Il eft plein de défauts qu'aifément on dévoile.
Ce n'eft pas vous , il n'eft pas enchanteur ;
Mais qu'il feroit divin , s'il étoit fur la toile
Tracé comme il l'eft dans mon coeur !
(Par M. François , Peintre. )
Explication des Charades , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercureprécédent.
LE mot de la première Charade eft Cordon;
celui de la feconde eft Charrue ; celui de
l'Enigme et Bergère ; celui du Logogryphe
eft Sympathie , où fe trouvent pie , temps ,
ami , pâté , tapis , Thémis , âme ,fi, mi ,
mất , Mai , pas .
CHARADES.
I.
MON premier t'offre une voiture ,
Mon fecond aux Nochers une retraite sûre ,
Mon tout te met l'efprit à la torture.
I I.
Si toujours on defire augmenter mon premier ,
On voudroit dans fon cours arrêter mon dernier
Quant à mon tout , jamais ne le fouhaite :
Las ! quand je crève , adieu panier
Vendanges font faites
GALIOTEMA
REOLA
DE FRANCE. 147 +
I I I.
ADIEU mon tout , fi mon dernier
Te porte à couper mon premier.
JE
(Par M. Bezançon de la Percerie. )
ENIG ME.
E fuis ce qui plaît moins au préfent qu'au futur
Quoi qu'autant quelquefois je plaife .
Or fus , Lecteur , qui fuis - je ? Un Ange ? ... je fuis sûr :
Un diable , dit tout bas la femme de Nicaife.
(Par M. Portier , Curé de Bonnemain ,
en Bretagne. ).
LOGO GRYPH E.
LA célèbre Laïs eut moins d'amans que moi :
Alexandre & Céfar ont été mes esclaves ;
Et lorsqu'à l'Univers ils donnoient des entraves ,
Je favois à mon tour les tenir fous ma lol .
Si tu coupes mon chef , je traverſe la France ;
Et loin du lieu de ma naiffance ,
Je porte un tribut à la mer.
Retranche encor ma queue , & je dors tout l'hiver.
Pour mieux me deviner , coupe , taille , tranſpoſe ,
Et je t'offre à l'inftant mainte métamorphofe..
Ici , mon cher Lecteur , c'est un jeu de hafard ;
Ou , fitu laimes mieux , un oifeau fort criard ;
Gij
148
MERCURE
Là , c'eſt une ordonnance , écrite ou non ; n'importe ,
Le nom de celui qui la porte ;
Un Saint Évêque de Noyon ;
L'inftrument délicat que le galant Horace
Manioit avec tant de grâce ;
Ce que rendoit fi bien la célèbre Clairon ;
La place qu'on payoit pour la voir & l'entendre ;
Un métal chéri d'Harpagon ,
Et pour lequel il veut fe pendre ;
Certain canal que l'on fait à fon gré ,
Pour arroſer ou deffécher un pré ;
De la Rochelle une Ifle fort yoifine ;
Un uftenfile de cuifine ;
Enfin ce qu'un Buveur n'aima jamais à voir,
J'en ai trop dit , Lecteur , bon foir.
( Par M. L. C... de B... , à la Source de la Dive.)
NOUVELLES LITTERAIRES.
LE CORAN , traduit de l'Arabe , accompa
gné de Notes , & précédé d'un Abrégé de
la Vie de Mahomet , tiré des Ecrivains
Orientaux les plus eftimés , par M. Savary,
A Paris , chez Knapen & fils , au bas du
Pont Saint- Michel , & Onfroy , quai des
Auguftins. 2 Vol. in - 8 ° . 1783 .
M. SAVARY écrit le Coran , & non pas
Alcoran , parce que ce feroit répéter l'ars
DE FRANCE. 149
ticle al , fignifiant le. Il eſt toujours temps ,
dit il , de s'affranchir du joug d'un ufage mal
établi ; non , il n'eft pas toujours temps , &
il s'agit avant tout de favoir ce que l'Auteur
entend par mal établi. Si l'ufage n'eft pas
conftant , on peut s'en affranchir . S'il l'eft ,
il fait loi , & on eft obligé de le fuivre , fûtil'
déraisonnable dans le principe . Il s'enfuivroit
de la propofition de l'Auteur , qu'il
faudroit ceffer de dire l'Alcade , un Alcade,
( Officier de Juftice en Eſpagne ) l'Algèbre ,
Alkaëft , l'Alkali , les Alkalis , les Alkalis , l'Alkool ,
l'Almageste de Ptolomée , un Almanach ; il
faudroit en un mot bouleverfer entièrement
l'ufage , relativement à tous ces termes d'origine
Arabe , où l'article eft entré dans le
mot , originairement peut- être par l'effet de
l'ignorance , mais n'importe ; & s'il falloit
changer tous les mots mal formés , foit d'après
les langues étrangères , foit même dans
la langue maternelle , la réforme n'auroit
point de borne ; tenons nous- en à la maxime
d'Horace: Si volet ufus.
Cette nouvelle Traduction de l'Alcoran
( car nous continuerons de dire ainfi ) a été
faite en Égypte , fous les yeux des Arabes ,
au milieu defquels le Traducteur a vécu
pendant plufieurs années ; on fent combien
l'étude des moeurs de ces peuples & du génie
de leur langue , faite fur les lieux , & fortifiée
du fecours continuel de la converfation
, a dû donner de mérite & de prix à
sette Traduction ; M. Savary prouve aifé-
Gij
150
MERCURE
ment que celle de Duryer n'a pas dû l'empêcher
de donner la fienne , & la vie de
Mahomet , par le fameux Comte de Boulainvilliers
, n'allant que jufqu'à l'Hégire ,
n'a pas dû non plus l'empêcher de donner
l'Abrégé de la Vie de Mahomet , qu'on trouve
à la tête de ſa Traduction . D'ailleurs , il y a
peut-être quelque chofe à rabattre de l'enthoufiafime
que Mahomet infpiroit à M. le
Comte de Boulainvilliers. « Il avoir , dit M.
de Voltaire , du goût pour Mahomet. » A
la bonne heure , il ne faut pas difputer des
goûts ; mais on peut en avoir de contrai
res ; quant à M. de Voltaire , il n'en avoit
aucun pour un Marchand de chameaux
qui excite une fédition dans fa Bourgade ;
» qui , affocié à quelques malheureux Ca
» racites ou Coreishites , leur perfuade qu'il
s'entretient avec l'Ange Gabriel ; qui fe
" vante d'avoir été ravi au Ciel, & d'y avoit
» reçu une partie de ce Livre intelligible ,
qui fait frémir le fens commun à chaque
page ; qui pour faire refpecter ce Livre ,
poite dans fa Patrie le fer & la flamme ;
qui égorge les pères ; qui ravit les filles ;
qui donne aux vaincus le choix de fa religion
ou de la mort.
و د
ود
"
"
و ر
"
"
و د
L'Alkoran , dit- il ailleurs , eft une rapfodie
fans liaiſon , fans ordre , fans art.
On dit pourtant que ce Livre ennuyeux
. eft un fort beau Livre ; je m'en rapporte
aux Arabes , qui prétendent qu'il eft écrit
DE FRANCE.
Ifr
avec une élégance & une pureté dont per-
" fonne n'a approché depuis .
"
M. Savary le prétend aufli d'après la connoiffance
qu'il a de l'Arabe , & il explique
comment & pourquoi ceux qui ne connoiffent
l'Alcoran que par la Traduction infidèle
& difforme de Duryer , doivent avoir
une idée très - fauffe & une très mauvaife
opinion de ce Livre. Mais M. de Voltaire
pouvoit le connoître par la Traduction Angloife
de M. Sale , dont il parle , & qu'il dit
excellente ; M. Savary , de fon propre aveu ,
ne fait pas affez l'Anglois pour en juger ,
mais il dit auffi qu'elle doit être excellente ,
à en juger par les Obfervations hiftoriques &
critiques de cet Auteur fur le Mahométifme ,
qui ont été mifes à la tête de la dernière Édition
de Duryer.
M. Savary parle encore d'une mauvaile
verfion Latine de l'Alcoran , par un Moine
nommé Maracci , qui ne le traduifoit que
pour le réfuter , comme fi ce Livre avoit befoin
de réfutation .
Les principes que M. Savary a fuivis dans
fa Traduction , & dont il rend compte dans
fa Préface , nous paroiffent excellens , & fa
Traduction juftifie & rend fenfible ce qu'il
dit de l'original .
A travers toutes les folies myftérieufes de
l'enthousiasme prophétique , à travers l'emphafe
des tournures orientales , on y trouve
des traits remarquables par l'élévation & la
précifion , tels que celui ci :::
Giv
'152
MERCURE
K
Ne donnez point d'égal à Dieu . Il fait ,
» & vous ne favez pas. »
A travers tous les principes fanatiques &
perfécuteurs , on y trouve auffi d'excellens
préceptes.
" Faites le bien. Le Seigneur aime les bienfaifans.
Faites l'aumône le jour , la nuit
» en fecret , en public. L'humanité dans les
paroles & les actions , eft préférable à l'aumône
que fuit l'injuftice. »
L'Abrégé de la Vie de Mahomet , par M.
Savary , ne laiffe pas que d'être un Ouvrage
de 248 pages in 8 ° . C'eft un Ouvrage favant
, tiré des meilleurs Auteurs Arabes ,
principalement d'Abulfeda & des traditions
raffemblées dans le Livre qui a pour titre :
la Sonna ; il y a tout lieu de penser que cette
Vie abrégée eft l'Ouvrage qui donne de Mahomet
l'idée la plus exacte. Ce Prophète
violent commit la plupart des crimes du fanatifme
, du defpotifme & de l'ambition ,
mais il eut quelquefois auffi la modération
& la clémence d'un grand homme ou d'un
homme habile ; il répandit la fuperftition &
l'erreur , mais il diffipa d'autres fuperftitions
& d'autres erreurs , dont quelques - unes
étoient plus funeftes. Les Arabes tuoient
leurs enfans pour les fouftraire à la pauvreté,
ils les immoloient aux autels de leurs
Dieux , comme ont fait tant d'autres peuples
; Mahomet abolit ces ufages barbares ;
ainfi l'humanité lui a des obligations ; & M.
de Voltaire le reconnoît.
DE FRANCE.
153
" Si fon Livre , dit -il , eft mauvais pour
» notre temps & pour nous , il étoit fort
» bon pour les contemporains , & fa reli-
"
ور
"
gion encore meilleure. Il faut avouer
qu'il retira prefque toute l'Afie de l'ido-
» lâtrie. Il enfeigna l'unité de Dieu ..... Chez
lui l'ufure..... eft défendue , l'aumône or-
» donnée. La prière eft d'une néceffité abfolue
; la réfignation aux décrets éternels
» eft le grand mobile de tout, »
و د
L'horrible attentat du quatrième Acte de
la Tragédie de Mahomet , & la catastrophe
funefte du cinquième , n'appartiennent pas
à l'Hiftoire de Mahomet.
و د »Je n'ai pas prétendu , dit M. de Voltaire ,
» mettre fur la Scène une action vraie , mais
» des moeurs vraics ..... j'ai voulu reprefenter
» ce que la fourberie peut inventer de plus
» atroce , & ce que le fanatifine peut exé-
» cuter de plus horrible. Mahomet n'eft ici
autre chofe que Tartuffe les armes à la
»
» main. »
Le reste de la Pièce a du rapport avec
l'Hiftoire ; Zopire eft Abufofian , l'ennemi
le plus conftant de Mahomet. Omar eft
peint avec la plus grande verité ; c'étoit un
fanatique , qui d'abord avoit voulu affatliner
Mahomet , par zèle pour l'idolâtrie , & qui
enfuite changé par la lecture de quelques
morceaux de l'Alcoran , auroit voulu foumettre
la terre entière à fon nouveau Maître ,
& lui facrifier tous fes ennemis ; c'est lui qui
dans la Pièce confeille le meurtre de Zopire ,
Gv
154
MERCURE
& qui indique les moyens de confommer
ce crime ; dans l'Hiftoire , il demande à Mahomet
la tête d'Abufofian ; enfin on retrouve
par tout , dans l'Hiftoire comme dans la
Tragédie de M. de Voltaire ,
Ce farouche Omar,
Que l'erreur aujourd'hui conduit après fon char ,
Qui combattit long- temps le Tyran qu'il adore.
Cer Omar à qui Zopire dit :
Eh bien , après fix ans tu revois ta Patrie ,
Que ton bras défendit , que ton coeur a trahie ;
Ces murs font encor pleins de tes premiers exploits.
Déferteur de nos Dieux' , déferteur de nos Loix ,
Perfécuteur nouveau de cette Cité fainte ,
D'où vient que ton audace en profane l'enceinte ? ……..
Toi même alors , toi- même écoutant la raison ,
Tu voulus dans fa fource arrêter le poiſon ;
Je te vis plus heureux , & plus juſte , & plus brave ,
Attaquer le Tyran dont je te vois l'efclave ;
S'il eft un vrai Prophète , ofas - ta le punir ?
S'il eft un impofteur , ofes - tu le fervir ?
Cet Omar enfin qui répond à Zopire :
Je voulus le punir , quand mon peu de lumière
Méconnut ce grand homme entré dans la carrière.
Mais enfin , quand j'ai vû que Mahomet eſt né
Pour changer l'Univers à fes pieds confterné ;
Quand mes yeux éclairés du feu de fon génie
Le virent s'élever dans fa courfe infinie ,
<t
ct
ht
C
DE FRA N.CE.
IS'S
Eloquent , intrépide , admirable en tout lieu ,
Agir , parler , punir ou pardonner en Dieu ,
J'aſſociai ma vie à fes travaux iminenfes ;
Des trônes , des autels en font les récompenfes.....
Tu me vois après lui le premier de la terre ,
Le pofte qui te refte eſt encore affez beau
Pour fléchir noblement fous ce Maître nouveau.
Ce fut en effet le parti que prit Abufofian
, à fon exemple tout le foumit . « Il étoit
» bien difficile , dit M. de Voltaire , qu'une
religion fi fimple & fi fage ( en compa-
» raifon de l'idolâtrie ) enfeignée par un
» homme toujours victorieux , ne ſubjuguât
» pas une partie de la terre. »
و د
UVRES complettes de Meffire Efprit
Fléchier , Evêque de Nifmes , & l'un des
Quarante de l'Academie Françoife , revues
fur les manufcrits de l'Auteur , augmentées
de plufieurs Pièces qui n'ont jamais été
imprimées , & accompagnées de Préfaces ,
d'Obfervations & de Notes fur tous les
endroits qui ont paru en avoir befoin. Dix
Vol. in 8. Pix , 30 liv . en feuilles , &
40 liv. reliés . A Nifmes , chez Pierre
Beaume , Imprimeur - Libraire , & fe
trouvent à Paris , chez G. Defprez , Imprimeur
du Roi & du Clergé de France ,
rue S. Jacques ; Eſprit , au Palais Royal.
CETTE Édition eft auffi ample & aufli
Gvj
156
MERCURE
exacte qu'il foit poffible . M. du Creux, Chanoine
d'Auxerre, & Chapelain de MONSIEUR,
qui la dirige , a tout revu fur d'anciennes
Éditions & fur les manufcrits de l'illuftre
Prélat , qui lui ont été communiqués par
M. Fléchier , Capitaine de Dragons , le feul
qui refte d'un nom fi cher aux Lettres & à
la Religion . Plusieurs papiers y étoient joints.
On a fait ufage de beaucoup d'anecdotes
qu'il a fournies fur la perfonne de l'Auteur
& fur fes Ecrits.
L'entière Collection forme 10 Vol. le
papier & le caractère en font très beaux , &
F'on doit de la recounoiffance à M. Beaume ,
pour avoir formé une pareille entrepriſe ,
& pour l'avoir exécutée avec autant de
fuccès.
Le titre annonce tout ce que l'Éditeur a
jugé à propos d'y ajouter de fon chef. On
peut regarder fon Difcours fur la Perfonne
& les Écrits de M. Fléchier , comme un éloge.
On n'y relève pas moins fes talens que fes
vertus , en retraçant les principaux événemens
de fa vie.
Il vint à Paris après avoir prononcé , avec
applaudiffement , devant les États de Languedoc
, l'Oraifon Funèbre de l'Archevêque
de Narbonne. Ainfi , en arrivant dans la
Capitale , il avoit l'efpoir des fuccès & des
récompenfes qu'obtiennent tôt ou tard les
talens.
Il fut fucceffivement Précepteur du fils de
M. de Caumartin , Prédicateur du Roi , Au,
:
DE FRANC E. 157
mônier de Madame , la Dauphine , Académicien
, nommé à l'Évêché de Lavaur , après
avoir catéchisé les Proteftans en Bretagne en
1685 , & transféré à celui de Nifmes dans
de triftes circonftances .
La difpute pour la Régale avec la Cour de
Rome , étoit caufe qu'on n'y expédioit point
de Bulles ; & la violence ayant réveillé le
fanatifme , il avoit enfanté la révolte dans
le Languedoc. Le Diocèfe de Nifmes étoit
fur- tout en proie à d'affreux ravages . L'Auteur
du Difcours en trace un tableau fort
vif; & il paroît rendre juftice aux uns & aux
autres. Quel temps d'épreuve , dit il , pour le
coeur fenfible de ce bon Prélat , où le fanatifme
armoit la moitié de fes enfans pour
égorger l'autre ! Ce qui fait de plus en plus
fentir la néceffité de la tolérance civile ; ces
mêmes hommes , qui déchiroient le fein de
leur Patrie avec fureur , auroient donné leur
fang pour elle avee joie , fi on leur eût laiffé
leur tranquillité.
Pendant ces troubles , la patience de l'illuftre
Prélat fut fouvent mife à l'épreuve. If
étoit tolérant comme Fénelon ; mais fon
coeur le fervoit mieux que fes principes. En
fe concertant avec l'Intendant de Bafville ,
fur les réfolutions à prendre pour remédier
aux défordres de la Province , il penchoit
ordinairement vers la douceur , & le Magiftrar
vers la févérité. Sa charité étoit fans bornes.
La ville de Nifmes doit plufieurs établiffemens
à ſa bienfaiſance. Dans le fein de
158 MERCURE
la piété , il cultiva toujours la belle Littérature
; & tout manifefte la delicateffe de fes
goûts & les vertus. Ce grand Évêque termina
fa carrière en 1710 ; il fut univerfellement
regrette.
Ce Difcours et digne de fon fujer . Il tient
comme le milieu entre l'eloge oratoire &
l'éloge hiftorique . Il vaudroit peut être mieux
qu'il fût l'un ou l'autre.
La Préface fur les Oraifons Funèbres pourroit
paffer pour un effai fur ce genre de Littérature.
Le ftyle en eft noble , foutenu , &
l'Auteur a cru , avec raifon , qu'il étoit à
propos d'être éloquent en traitant de l'éloquence
.
Ainfi que l'Editeur de Boffuet , M. du
Creux a ajouté aux Oraifons Funèbres de
fon Auteur , des notices qui mettent dans la
inain du Lecteur le fil des événemens , & le
rendent comme contemporain & de l'Orateur
& des perfonnages qu'il célèbre . Mais il
ne fait qu'y ajouter éloge fur éloge . Une fage
difcuffion , au lieu d'une louange redoublée
, eût ajouté de l'intérêt & du piquant
à ces notices. Le Lecteur eût goûté le plaifir
de connoître au jufte ce que le Héros devoit
au Panégyrifte , & de voir fans mafque le
perfonnage qui n'étoit plus fur la Scène.
Quant aux Ouvrages de M. Fléchier , ils
font connus & jugés. L'Éditeur les juge
pourtant à fon tour ; & quoiqu'il accorde
la préference aux Oraifons Funèbres , il regarde
les autres comme des modèles . L'HifDE
FRANCE. 159
toire de Théodofe , fur- tout ,
lui paroit
digne de grands éloges . Il regrette que l'on
n'ait pas chargé M. Flechier d'un plus grand
nombre d'Ouvrages de ce genre. Tous auroient
été des modèles , des monumens dignes
du beau fiècle de Louis XIV . Il croit
réfuter M. d'Alembert , qui , avec cette
fineffe de tact & ce ton d'honnêteté qui lui
font propres , a fait entendre que le ftyle de
M. Fléchier en Hiftoire s'éloignoit de la fimplicité
du genre. Notre devoir etant de n'être
que juftes , nous dirons ce que nous penfons.
Sans doute le fiècle dernier a peu vu d'Hiftoire
dont le ſtyle foit auffi pur & aufli élé
gant que le ftyle de l'Hiftoire de Théodofe
& même de cel e du Cardinal Ximenès ;
mais il eft aufli quelquefois diffus , fur tout
dans cette dernière , il manque de rapidité
& d'énergie.
Pour s'allurer de la vérité , il ne faut
confulter ni les anciens Hiftoriens ni M. Fléchier
, mais les fairs. En procédant ainsi , on
trouve que les événemens font quelquefois
un contrafte frappant avec ce qu'il dit . Par
exemple , il peint Theodofe aufli chéri qu'admiré
, plus doux , plus clément que Valentinien
n'avoit été fevère. Cependant , outre
que ce même Valentinien avoit rendu l'Empire
refpectable , introduit la difcipline dans
les armees , il avoit aimé la juftice , respecté
les loix , diminué les impôts , mené une vie
irréprochable , éloigné de la Cour la corruption
, montré dans toute fa conduite de
160 MERCURE
l'efprit , du courage , de la politeffe & de la
grandeur. Orthodoxe , il n'opprima jamais
perfonne pour fa Religion , & toutes les
fectes , fous fon Empire , furent contenues
dans les bornes du devoir & de la paix.
Théodofe , d'un caractère bien différend ,
vit dans la pompe & dans les plaifirs , étale
un fafte orgueilleux , il s'entoure de légions
à Conftantinople , règne defpotiquement ,
augmente les impôts , & paroît plus occupé
de matières théologiques que du falut de
l'Empire. A peine eft - il monté fur le trône ,
qu'il ordonne , par un édit , que tout le
monde fe faffe Catholique ; il s'empare avec
violence de toutes les églifes des Ariens qui
dominent à Conftantinople , comme dans
tout l'Orient. Mandoniens , Donatiftes , Eunomiens
, Manichéens , Juifs , Payens , font
également perfécutés , tourmentés par lui . Il
brife les Temples , & pourfuit les troupeaux
comme les pafteurs . Qu'on juge à ces traits.
dans quelle confufion il plongeoit l'Empire
, & s'il méritoit plus d'amour que Valentinien.
Ne doutons point que la haine générale
n'ait eu beaucoup de part à la révolte d'Antioche
, quoiqu'un nouvel impôt en fût l'occafion
, & il fit bien voir qu'il n'étoit pas
moins violent que Valentinien. Dès qu'il a
appris que fes ftatnes ont été renversées , il
veut que cette Métropole de l'Orient foit
détruite de fond en comble , qu'on brûle les
habitans avec leurs maifons. Il eft vrai qu'il
DE FRANCE. 161
finit par pardonner , mais ce ne fut pas fans
peine , & le maffacre de Theffalonique devint
bientôt un monument effroyable des
excès de fa colère .
Du refte , il fut intrépide dans les combats
; il combattit quelquefois pour l'Empire
, plus fouvent pour lui-même , & il
en reçut le prix. Il tira l'églife de l'oppreffion
des Arriens. On doit le louer fur tous
ces points , mais il fut cruel , on ne doit pas
bénir fa mémoire.
L'Hiftoire du Cardinal de Commendon
n'eft qu'une traduction du Latin de Gratiani ,
d'abord Secrétaire de cette Eminence , & fa
créature , puis Evêque d'Amélia , enfin Secrétaire
de Sixte V , & Nonce Apoftolique à
Venife.
Ce Cardinal fut un des plus fameux Négociateurs
de la Cour de Rome. Il fut envoyé
dans prefque toutes les Cours de l'Europe.
La tenue d'un Concile à Trente ayant
été réfolue , on le choifit pour aller inviter
l'Empereur & les autres Princes Allemands
à s'y trouver , ou à y envoyer des Ambaffadeurs.
Il parut même dans l'Affemblée des
Princes Proteftans, qui le tenoit alors à Nanbourg.
Il reparut enfuite à Vienne en différens
temps. Il ofa même y venir malgré les défenfes
de l'Empereur Maximilien II. Ce
Prince foible, fubjugué d'ailleurs par les circonftances
, loin de lui fermer fa Cour , l'accueillit
avec politeffe , reçut de lui la loi
162 MERCURE
avec refpect , & rétracta , felon l'objet de
la miffion du Cardinal , la tolérance civile ,
promife folemnellement aux Proteftans de
fes États. L'Éditeur , on doit l'avouer à fa
gloire , parle là deffus d'une manière fort
iaifonnable , & fupplée ainfi à ce qu'auroit
dû faire M. Fléchier , qui fait voir dans cette
occafion , & dans plufieurs autres , qu'il fe
fouvenoit un peu trop qu'il étoit né ſujet
du Pape.
Cet Ouvrage contient des objets trèsimportans
, tels que l'Élection du Duc d'Anjou
pour le trône de Pologne. Cet article y
eft traité d'une manière intéreffante ; mais .
cette Hiftoire en général eft prolixe . Le ſtyle
en eft quelquefois négligé , la doctrine toute
ultramontaine. On nous parle de la Saint-
Barthélemi , & on eft loin de la blâmer ; ce
qui nous paroît étrange maintenant , & qui
ne l'étoit pas alors.
L'Hiftoire du Cardinal de Ximenès , figure
à une époque bien remarquable , à celle où
l'Efpagne enfin toute réunie fous un même
fceptre , parvint bientôt au comble de la
gloire. Cet Ouvrage a auffi pour ſujet un
perfonnage bien fingulier , né dans l'obſcurité,
homme à fandales, qui annonça toujours
une âme également fière & auftère. Dans
l'ombre du cloître , il affecte le recueillement
, & fe macère. Devenu Provincial de
fen Ordre , il veut le réformer. Confeffeur
de la Reine , il ne change point de moeurs.
Archevêque de Tolède , fous les habits d'un
DE FRANCE. 163
Pontife il conferve ceux d'un Cordelier.
Il réfifta inflexiblement à fes maîtres toutes
les fois que l'occaſion s'en préſenta , & fit
voir qu'il n'étoit pas moins opiniâtre que les
Anfelme & les Thomas Bequet , ni moins
fuperbe que les Grégoire VII , & peut être
encore plus redoutable aux ennemis de
TÉglife Romaine que les Simon de Monfort.
Ce n'eft pas ainfi que le caractérife M. Flé
chier ; mais il étoit tel.
Ximenès déploya le même efprit dans fon
expédition d'Afrique . Il parot au milieu de
l'armée devant Oran , en habits pontificaux ,
à la tête d'une foule de Prêtres , qui chantoient
des hymnes en portant la croix , &
qui , à leurs ornémens facerdotaux , avoient
ajouté la cuiraffe , l'épée & le moufquet
Cet accoutrement bizarre , que nos Prêtres
Ligueurs imitèrent trop bien enfuite , infpira
un enthoufiafme fi véhément aux Soldats
, que la ville d'Oran fut priſe d'affaut
auffitôt qu'affiégée , & traitée avec la même
cruauté que les habitans du Nouveau-
Monde , par ces Soldats pieux ; attendu , dit
l'Auteur , que c'étoient les ennemis de la Religion
, & que l'on croyoit pouvoir perdre
envers eux toute humanité.
Après cela on ne doit point s'étonner
qu'il fut le boulevard de l'Inquifition , dont
il étoit le Chef. Ce Tribunal terrible , à
peine établi , avoit débuté par faire arrêter
quinze mille perfonnes , & par en faire
brûler deux mille. Quel fpectacle !
164 MERCURE
Le genre oratoire eft , fans contredit ,
celui que l'Auteur avoit le plus approfondi.
Ses Oraifons Funèbres pafferont à la poſtérité
la plus reculée . Jamais on ne porta plus
loin l'élégance , l'harmonie , la fineffe dans
les tournures , ni jamais on ne mêla fi bien
les richeffes de l'imagination avec la beauté
de la penfée. Que d'à - propos faifis avec précifion
! que de nuances délicates accompagnent
les grands traits ! quel art de rendre
tout éloquent , de faire parler la Religion à
un Empire au milieu des affaires tumultueufes
du fiècle, de forcer les puiffans à rentrer
en eux - mêmes à l'efpect du néant de
leurs grandeurs. Cependant , cette facilité
fi heureufe & fi féconde , laiffe entrevoir
quelquefois de la ftérilité ; la Nature quelquefois
femble manquer à l'Art . La force ,
la véhémence , la fublimité affignent conftamment
la première place à Boffuet. D'au
tres Orateurs partagent la feconde avec Fléchier
; mais c'en eft affez pour être compté
parmi ces hommes prévilégiés qui illuftrèrent
le grand fiècle.
Les autres Ouvrages de M. Fléchier font
des Panégyriques , des Sermons prêchés avec
un applaudiffement univerfel , des Mande
mens , des Lettres Paftorales , où fe manifefte
plus ou moins , felon les occafions
cette éloquence douce , perfuafive , pleine
d'onction qui lui étoit comme naturelle , &
qui conftitue le véritable Orateur Évangélique
; un Recueil de Confidérations & de
DE FRANCE. 165
Penfees fur divers fujets de morales , des
Mêlanges , un Volume de Lettres , dont plufieurs
n'avoient pas encore paru.
Enfin , il n'eft pas juſqu'à des Poéfies Latines
& Françoifes , qui ne foient intéreffantes
, parce qu'elles font comme les prémices
& les gages de ces talens fupérieurs , qui ont
conduit ce Prélat à l'immortalité,
LA Matinée du Comédien de Perfepolis ;
Proverbe en un Acte & en profe. A Paris ,
chez Cailleau , Imprimeur- Libraire , rue
S. Severin , & chez les Marchands de
Nouveautés,
Cette bagatelle dramatique , dédiée à
MM. les Auteurs du Journal de Paris , eft
précédée d'un Avertiffement analogue au
genre de la Pièce.
"?
" Ce n'eft pas une Pièce de Théâtre que
», l'Auteur donne au Public , c'eft à peuprès
la peinture de l'emploi que les Co-
" médiens faifoient autrefois de leur temps.
» Actuellement que tout eft change , ces
» Meffieurs ne peuvent voir de fatyre dans
» cette petite Pièce. Au contraire , s'ils com-
→ parent leur conduite préfente avec celle
qu'on a tâché de décrire ici , ils s'appercevront
fubitement que c'eft un éloge in-
» direct qu'un homme délicat a voulu leur
ménager, "
20
166 MERCURE
و ر
99
»
Belval , en robe de chambre fuperbe , fe
regardant dans fa glace , récapitule les importantes
occupations de fa journée ..... " A
» quatre heures & demie je m'évade , &-
cours dans ma loge m'écrâfer la tête de
» mon rôle dans cette Pièce nouvelle. C'eſt
» le déplaifant. Pourquoi ne s'en pas tenir à
» ce que nous avons ? Ce n'eft pas ma faute ,
je fais tout ce que je puis pour faire re-
» noncer aux nouveautés. Mais mes cama-
» rades fe laiffent entraîner , & moi je ſuis
» la victime de ces complaifances mal- en-
» tendues. Ce qu'il y a de cruel , c'eſt que ne
pouvant mal jouer , je foutiens feul l'ou-
» vrage , auquel je donne un mérite dont le
» pauvre Auteur ne s'étoit pas douté. » Sophie
, Comédienne , arrive. Belval prodigue
» à la fois les galanteries & les airs de fa-
» tuité. Sophie fe moque de toutes les belles.
proteftations. Brifons là , dit elle , ou je
pars. Parlons de chofes ferieuſes. Et en effet
il lui parle d'un congé pour trois mois , qui
lui eft néceffaire pour arranger fes affaires ;
de fa petite maifon de campagne , qui lui.
coûte tant d'argent ; de fes meubles , de fa
voiture , de la fantailie d'aller voir fiffler .
leur doubles , de s'amufer de la groſſe humeur
du Public , & de mille autres folies.
Au milieu de cette converfation , la Fleur
annonce un étranger qui revient au moins
pour la fixième fois , qui a toujours éré d'une.
patience comme Monfieur l'exige , & qui ,
s'eft en allé bien fouvent fachant que Mon-
"
a
DE FRANCE. 167
fieur y étoit , fans marquer la moindre humeur.
« A la bonne heure , dit Belval , fais-
» le entrer. “ --- Ah ! c'est qu'il eft fi crotté !
-
"
Là , bien crotté ? -11 eft venu à pié par
le temps qu'il fait. C'eft à caufe de cela
qu'il faut le recevoir . L'étranger eft le
» Comte de Meurfeville. Différens billets
» que je vous ai laiffés , ont pu , dit- il , vous
rappeler que vous avez daigné . me promettre
vos foins pour une Pièce que je
» vous ai remiſe il y a près de trois ans.
"3
»
BILVA L.
» Une Pièce ..... Ah ! pardonnez - moi.....
» Vous l'appelez-?
LE COMT E.
» L'oubli de foi-même.
"
BELVA L.
Daignez vous feoir ; je ne faifois pas at-
» tention ....
SOPHIE.
» C'eft un caractère qui promet.
"
LE COMT E.
Oui , Madame , on ne manque pas d'òri
❞ ginaux.
19
BELVA L.
, Oui , je crois que je l'ai lûe ; je m'en
fouviens très-bien. Mais je vous l'avouerai
franchement , elle ne nous convient pas.
168 MERCURE
ور
» Ce n'eft pas qu'elle ne foit bien écrite ; ez
» contraire. Elle montre auffi que Vous avau
» infiniment d'efprit ; mais le fujet de
» morale....
و ر
Déplaît.
LE
COMTE
BELVA L.
» Neth'en voulez pas de ma franchiſe.
LE COM T E.
» Je l'ai toujours trop eftimée pour qu'elle
» me fit quelque peine .
BELVA L.
» Cette réfignation annonce des talens peu
» communs ; exercez- les , Monfieur , fur
» un autre fujet , & vous verrez avec com-
» bien de zèle je m'emploierai.
LE COMT E.
" Ah ! combien de reconnoiffances ! je
» vous quitte , Monfieur , & ne veux point
abufer de vos momens. 20
BEL VAL.
» Quoi ! par un temps auffi mauvais !
LE COMTE.
» Je le prends comme il vient, & fais me
faire à tout. »
Belval fonne. Ses chevaux font à fa voiture.
DE FRANCE. 169
ture. Il prie l'étranger de les accepter. Il fort.
Le Comédien avoue à Sophie qu'il n'a pas
lû la Pièce en queftion . Sophie lui en témoigne
de la furpriſe & de l'humeur. « Il falloit
» la lire , au moins , dit- elle .
و ر
"
BEL VAL.
Ah ! j'apperçois ce que c'eft : vous
» lui trouvez des qualités que je n'ai pas
apperçues. D'ailleurs , il eft bien fait. Ah!
Sophie , fous mes yeux un nouveau penchant
! convenez donc que c'eſt humiliant
» pour moi. »
ce
Au retour de la Fleur , fon Maître lui demande
s'il a conduit l'Auteur à fon cinquième.
LA FLEUR .
A fon cinquième , Monfieur ; c'eſt , je
» vous affure , quelqu'un de grande impor-
» tance. D'ici à votre voiture il m'a fuivi en
» ricannant. Je lui en ai ouvert la portière ;
il l'a regardée avec admiration .
22
" Ah !
"2
""
"
BELVA L.
LA FLEUR
.
C'est- à- dire , en hauffant les épaules.
BELVA L.
Que dis- tu ?
LA FLEUR.
Ah ! rien , Monfieur. Je touffois.
Nº. 12 , 22 Mars 1783 .
H
170
MERCURE
BELVA L.
LA FLEUR
" Oui......
, Oui , Monfieur.
و د
ود
» Achève.
و د
BELVA L.
LA FLEUR.
Enfin il eft monté , & s'eft fait conduire
» à deux pas d'ici dans un hôtel fuperbe ; &
la preuve qu'il en eft le maître , c'eft que
le Suiffe eft venu avec fon baudrier lui
» remettre des lettres ; enfuite il en a tiré
» une de fa poche , qu'il a ouverte , & à
laquelle il a ajouté quelque chofe , &
» m'a recommandé de vous la donner
» avec deux louis qu'il m'a prié d'accepter ;
» vous fentez , Monfieur , avec quel plaifir
je m'acquitte de cette commiffion.
و د
و ر
*
وو
و د
BELVA L.
» Que peut- il dire ? Voyons. Il femble ;
Monfieur , que vous devriez vous défaire
» de l'habitude d'offrir des fervices , que
fecrettement vous vous promettez bien dene
» pas rendre ; ce n'eft que du verbiage que
» cela. Ne me croyez pas votre dupe. Vous
» n'avez pas lû ma Pièce. Ah ! j'aime bien
qu'il en doute. Car je ne vous en ai poin
remife . Quoi ! je ferois .... J'ai voulu vérifier
» fi les plaintes que j'ai entendu faire à un
وو
و د
و و
DE FRANCE. 171
?)
jeune homme de ma connoiffance avoient
quelques fondemens. Vous devez croire
» que je n'ai pas befoin d'autres preuves que
» les confeils que vous avez bien voulu me
» donner ce matin , fur ce qui n'existe pas ,
» pour être convaincu qu'il a raifon. Comme
» ma lettre étoit écrite avant de me rendre
chez vous , fachant à point nommé votre
réception , & mon deffein étant de la laiffer
" en fortant , je n'ajouterai que deux mots.
Je vous remercie de votre voiture , qui eft
fort douce , & plus élégante qu'aucune des
» miennes. Je vous dois cet aveu , pour vous
» prouver ma reconnoiſſance. » Le Comte de
Moeurfeville.
"2
و ر
ود
Tel eft le dénouement de ce Proverbe ,
où les Comédiens , après avoir tant de fois
joué les Auteurs , fe trouvent un peu joués
» eux-mêmes. Quel mal y a t'il?
LES NUMEROS. Seconde Édition
augmentée d'une feconde Partie , qui fe
vendféparément. Prix , 3 liv. 12 fols. br. A
Amfterdam , & fe trouve à Paris , rue &
hôtel Serpente.
CET Ouvrage , par fon titre , préfente une
idée de loterie ; mais il y a moins à rifquer à
celle- ci qu'à beaucoup d'autres , & l'on eft
toujours sûr d'y rencontrer quelques bons
numéros. Il y auroit bien auffi quelques nom
bres à fupprimer ; mais par- tout les bons
numéros font rares.
Hij
172 MERCURE
Au refte , c'est ici l'Ouvrage d'un Obfervateur
moralifte , qui exprime fouvent avec
gaîté , ce qu'il oblerve avec fineffe. S'il y a
des articles minutieux , & qui n'apprennent
rien , il y en a d'autres auffi qui annoncent
une raifon aimable & exercée. Le No. 6 offre
fur la campagne des réflexions très fenfées ;
on y trouve une defcription précile & piquante
de ce qu'on appelle à Paris vivre à
la campagne.
Dans le N°. 10 , l'Auteur fait une fortie
contre l'ufage univerfel des voitures , la fureur
qu'on a d'aller le plus grand train , &
parle des malheurs multipliés qui en résultent,
malgré la vigilance de la Police . Il n'y a pas ,
dit- il , jufqu'aux Médecins , qui ont tant de
moyens de détruire l'efpèce humaine , qui
ne fe permettent encore cette façon de rendre
leur profeffion plus meurtrière. Il regrette
ces temps encore peu reculés , où
le Chancelier de France alloit fur une mule ,
& où le Premier Préfident , en donnant un
de les domaines à ferme , infcrivoit dans le
bail la claufe que le Fermier feroit tenu
tous les Dimanches d'envoyer au château fa
charrette avec de la paille fraîche , pour
'mener Madame la Préfidente à la Meffe. »
L'Auteur coupe quelquefois fes réflexions
par des anecdotes plaifantes. Telle est celle
d'un Provincial , dont le défaut étoit une exceffive
timidité. « Quelqu'un préfenta , il y
a peu d'années , dans une bonne maifon de
Paris , un Gentilhomme de Province qui
DE FRANCE. 173
avoit toutes les qualités requifes pour paroître
avec diftinction dans le monde ; mais
qui étoit malheureufement d'une extrême
timidité. L'Introducteur entre le premier ;:
le Provincial le fuit ; & au premier pas qu'il .
fait dans l'appartement , la timidité le trouble
, l'afpect d'une brillante affemblée le
déconcerte ; il enfonce mal- adroitement fon
pied entre le tapis & le parquet ; il fent un
obftacle , il le force pour avancer ; il emporte
le tapis avec lui , renverfe tous les
fiéges qui l'arrêtent , & arrive à la maîtreffe
de la maifon avec le tapis au cou , en guife
de cravate ; en faluant , il gliffe & tombe fur
elle ; il fe relève , fait fes excufes ; les Laquais
réparent au plutôt ce défordre . On lui offre
un fiége ; il fe méprend , & s'affied dans un
autre , fur la guittare de Madame , qu'il met
en pièces ; il fe drelle , tout effrayé , fe jette
dans un autre cabriolet , & écrafe la petite
chienne ; il tombe en confufion , perd contenince
, & ne voit d'autre parti que celui
de fe fauver fans rien dire ; en fuyant avec
précipitation , il coudoye le Valet - de- chambre
, lui fait tomber des mains le cabaret de
chocolat qu'il alloit fervir à la compagnie ,
caffer toutes les raffes , & renverfer le chocolat
fur les robes de toutes les Dames du
cercle. L'ami fort après lui pour tâcher de le
ramener & de racommoder les chofes ; mais
fon homme a difparu , & court encore . La
honte de cette aventure empêche l'Introducteur
de rentrer lui- même , & le force de
Hiij
174
MERCURE
renoncer à jamais à une maifon dans laquelle
il a eu le malheur de préfenter cet ami deftructeur
, qui y a fait , en un clin d'oeil , autant
de ravage qu'en auroit pu faire une
troupe ennemie qui y feroit entrée à difcrétion.
»
La troisième Partie de cet Ouvrage n'eft
pas inférieure aux deux précédentes. On y
diftinguera le N°. 41 , qui traite de la Fête-
Dieu. Dans le 43 fe trouve une obfervation
piquante par le fond , & rendue avec beaucoup
de vérité. Si la preffe a multiplié les
livres utiles , il faut convenir auffi que la
fabrique des livres , abfolument inconnue
aux anciens , a infiniment multiplié les livres
inutiles & fuperflus ; l'abondance des livres .
a embrouillé les études , & les a rendues
peut être auffi fatigantes qu'elles l'étoient
autrefois par la raifon contraire. Notre fiècle
peut s'attribuer tout l'honneur de cette nouvelle
méthode . Il eft curieux d'examiner
combien de fois le Public achette la même
choſe pour ne rien avoir. D'abord un Amateur
fe procure les Gazettes , qui ne tardent
pas à reparoître dans le Mercure ; peu après
elles forment des corps d'hiftoires qui fubiffent
à leur tour d'autres métamorpholes ; ils
deviennent des Dictionnaires , des Hiftoires
de fiéges , de batailles , de traités , de négociations
, des portraits , des vies de grands -
Hommes. Ils fe transforment même en recueil
d'anecdotes Quand on a imprimé tout
cela jufqu'à la fatiété , on met ces hiftoires
DE FRANCE. 75
en eftampes , au bas defquelles font des notices
au burin. On croiroit que tout eſt fini ;
point du tout ; elles reparoiffent encore ſous
la forme de voyages , d'éloges ; tantôt c'eſt
le Plutarque François , tantôt ce font des
Lettres , tantôt des Mémoires , & dans le
vrai les mêmes faits préſentés dans un cadre
différent. Même marche en Littérature , mêmes
opérations typographiques. Les poéfies
légères embelliffent les feuilles périodiques ;
elles forment enfuite des Almanachs des
Muſes , des Étrennes Lyriques , des Recueils
qui deviennent des Annales Poétiques , des
Bibliothèques. Après un certain temps ,
chaque Poëte reprend fon bien , ramafle
dans une édition fes oeuvres morcelées &
difféminées dans ces divers dépôts , & fe
donne tout entier au Public. Parcourez tous
les genres , vous trouverez les mêmes géné
rations. Les Factums deviennent des Caufes
célèbres , les Caufes célèbres , des hiftoires
de Tribunaux ; les Fabliaux fe changent en
Contes , les Contes en Comédies , les Comédies
en Opéras , les Opéras en Parodies :
dans la métaphyfique & le morale , c'eft bien
autre chofe ; une vingtaine d'idées font délayées
dans cinquante mille Volumes . »
Terminons cet article par une Anecdote
fort gaie , qui fe trouve dans les premiers
Volumes . Telle eft celle d'un Parifien arrivé
en Hollande , fans favoir un mot de la langue
du pays. " Un jeune Parifien allant à
Amfterdam , fut frappé de la beauté d'une
Hiv
176 MERCURE
<c
des maifons de campagne qui bordent le
canal. Il s'adreffa à un Hollandois qui fe
trouvoit à côté de lui dans la barque , & lui
dit : Monfieur , oferai - je vous demander à
qui appartient cette maifon ? Le Hollandois
lui répondit , dans fa langue : Ik kan niet
verftaan , qui fignifie , je ne vous comprends
pas. Le jeune François ne fe doutant pas
même qu'il n'avoit pas été compris , prend
la réponſe en Hollandois pour le nom du
propriétaire. Ah ! ah ! dit il , elle appartient
à M. Kaniferftan Eh bien , je vous affure
que ce Monfieur- là doit être très - agréablement
lcgé ; la maifon eft charmante , & le
jardin paroît délicieux ..... Et il ajoute quelques
autres propos dans le même genre , auxquels
le Hollandois n'entend & ne réplique
rien. Arrivé à Amfterdam , il voit fur le quai
une jolie Dame , à laquelle un Cavaher don
noir le bras ; il demande à un paffant quelle
eft cette charmante perfonne. Celui- ci ré
pond de même : Kan niet verstaan. Comment
, dit il , Monfieur , c'est là la femme
de M. Kaniferftan , dont nous avons vu la
maiſon fur le bord du canal ? Mais vraiment
le fort de ce Monfieur- là eft digne d'envie .
Comment peut- on pofféder à la fois une fi
belle mail & une fi belle compagne ! A
quelques pas delà , les trompettes de la ville
fonnoient une fanfare à la porte d'un homme
qui avoit gagné le gros lot à la loterie de
Hollande. Notre jeune Voyageur veut s'informer
du nom de cet heureux mortel ; on
"
DE FRAN C'E. 177
lui répond encore : ik kan niet verſtaan. Oh !
pour le coup , dit - il , c'eft trop de fortune ;
M. Kaniferftan , propriétaire d'une fì belle
maiſon , mari d'une fi jolie femme , gagne
encore le gros lot à la loterie ! Il faut convenir
qu'il y a des hommes heureux dans ce
bas monde. Il rencontre enfin un enterrement,
& demande quel eft le particulier qu'on
porte à la fepulture : Ik kan niet verflaan ,
lui répond celui à qui il a fait cette question.
Ah ! mon Dieu , s'écrie t'il ! c'eft là ce pauvre
Kaniferftan , qui avoit une fi belle maifon
, une fi jolie femme , & qui venoit de
gagner le gros lot à la loterie ! Il doit être
mort avec bien du regret ! Mais je penfois
bien que fa félicité étoit trop complette pour
être de longue durée . Et il continue d'aller
chercher fon auberge en faifant des réflexions
morales fur la fragilité des chofes humaines.
»
SPECTACLE S.
ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE.
DANS
ANS les trois premières repréſentations
de Renaud , le rôle d'Armide a été rendu
par Mlle Levaffeur, avec l'intelligence , la
nobleffe & la vérité d'expreffion qu'on devoit
attendre de l'Actrice qui a joué pendant
fix ans avec tant de fuccès & de fupériorité
les rôles les plus forts & les plus intéref-
Hv
178
MERCURE
·
fans de ce Théâtre ; mais nous ne pouvons
pas diffimuler que dans la partie du chant
elle a paru au deffous de ce qu'on avoit
droit d'efpérer , foit que la musique de ce
nouveau rôle ne foit pas analogue au genre
de fa voix & à fa manière de chanter , foit
que fon organe, fatigué par un travail forcé
& continu , ait perdu de fa flexibilité , on
a trouvé qu'elle ne mettoit pas dans fon
chant , fur tout dans les beaux Cantabiles
du fecond Acte , la grâce , la rondeur & la
douce molleffe qu'exige ce caractère de mufique.
Le Public , aufli ingrat pour elle que
Renaud l'a été pour Armide , oubliant tout
ce qu'il lui a dû de plaifir pendant plufieurs
années , tout celui qu'il devra aux Actrices à
qui elle a fervi de modèle , l'a reçue avec
une froideur bien févère.Elle a quitté le rôle
d'Armide après la troisième repréſentation.
Mlle Saint- Huberti , dont le zèle eſt infatigable
, l'a pris à la quatrième ; elle a été accueillie
avec des applaudiffemens univerfels
& répétés. Elle a joué en effet ce rôle avec
plus d'abandon , & en a chanté les airs avec
plus d'adreife , d'agrément & de fenfibilité.
Nous ne doutons pas que dans les repréfentations
fuivantes elle ne le rende avec plus
de perfection encore , & qu'elle ne mérite
tous les applaudiffemens dont on l'a comblée
à celle- ci.
Le fieur Legros n'a pas eu , dans le rôle de
Renaud , le fuccès qu'il devoit fe promettre ,
il l'a quitté après la quatrième repréfentaDE
FRANCE. 179
tion, & il fera remplacé par le fieur Lainez.
Le fieur Laïs , dans le rôle d'Hidraot , &
le fieur Chéron , dans celui d'Adrafte , ont
obtenu les applaudiffemens du Public.
Mlle Maillard a joué avec intelligence &
avec grâce le rôle d'Anthiope. Cette jeune
Actrice , qui joint à une figure agréable , à
une taille avantageufe , une voix facile , fonore
& fenfible , annonce un talent naturel
qui peut devenir précieux pour ce Théâtre
fi on s'occupe à le cultiver & à le perfectionner.
Mlle le Boeuf, fille de l'Auteur du Poëme ,
a chanté dans le dernier Divertiffement
deux airs de différent caractère , avec une
voix légère , flexible & très- exercée ; & elle
a été fort applaudie.
Nous ne pouvons que répéter ici les éloges
que nous avons déjà donnés en plufieurs
occafions à la préciſion , à l'enſemble , à la
grande intelligence que l'Orcheſtre a mis
dans fon exécution , moyen qui contribue
plus qu'on ne penfe aux fuccès & au grand
effet des Opéras. Ce tribut d'éloges pour
les Virtuofes qui compofent l'Orcheftre
& pour le Chef qui les dirige , eft une
dette que nous acquittons au nom du Public ,
qui ne peut pas leur rendre par des applaudiffemens
particuliers , comme aux Acteurs ,
la juftice que méritent leur zèle & leurs
talens.
La marche qui prépare le Divertiffement
du premier Acte , & la difpofition des qua-
Hvj
180
MERCURE
."
drilles des différens Peuples Afiatiques qu'elle
introduit fur la Scène , ont paru d'un trèsbon
effet.
Mlle Gervais exécute dans ce Divertiffement
un pas qui ajoute encore à l'idée qu'on
avoit dejà de fon talent : on ne peut pas exprimer
avec plus de légèreté & de précifion
le caractère & le rhythme de l'air qu'elle danfe.'
Mlle Guimard & le fieur Veftris danfent
au troisième Acte une entrée Pantomime ,
dont l'intention eft agréable & l'exécution
parfaite.
Mlle Peflin & le fieur Lefevre ont fait le
plus grand plaifir dans l'entrée des Pâtres ,
par la force , la vivacité & la gaîté qu'ils y
ont mis.
Mlle Dapré & le fieur Gardel terminent
ce Ballet par une chacone qu'ils ont exécutée
avec cette fupériorité de talent que l'on leur
connoît.
Cet Opéra a été mis avec affez de foin ,
quoiqu'il y ait beaucoup d'obfervations à
faire fur le coftume & fur les décorations.
On eft étonné de voir des guerriers Sarrafins
vêtus à - peu - près comme des Chevaliers
Européens & tenant confeil en plein
air , affis dans des fauteuils à bras. A la première
repréſentation Armide fe montroit au
premier Acte vêtue d'une efpèce de dalmatique
par deffus fon armure , qu'on a trouvée
de mauvais effet . A la feconde & à la
troisième repréſentation elle a été vêtue en
Guerrier armé de pied en cap , même en
DE FRANCE. 181
arrivant fur fon char. Mme Saint - Huberti
arrive au premier Acte vêtue de l'habit
de femme avec la baguette de Magicienne.
Au fecond elle prend une armure , mais,
avec une espèce de jupe qui defcend jufqu'au
deffous du genou , & qui femble caractériſer
une femme. Ce coftume eft , de
meilleur goût , mais nous femble peu d'ac
cord avec la Scène du fecond Acte , où Renaud
, à qui elle vient de fauver la vie , la
prend pour un Guerrier.
Il feroit à defirer que la décoration du
fond qui repréfente le développement du
camp des Sarrafins fût peinte avec plus de
vérité , d'accord & d'entente de la perfpective.
On trouve cre les arbres & les tentes
du dernier plan fur- tout n'ont pas les dégradations
de formes & de couleurs qu'exis
geroient les diftances & les grandeurs refpectives
des objets .
La forêt du troifième Acte , les côteaux
qui la terminent , le combat qui s'exécute
dans le fond pendant la nuit au bruit du
tonnerre & au feu des éclairs , ont paru d'un
effet très bien entendu & très- pittorefque.
On defireroit feulement que le Palais magique
qui remplace cette Scène fût plus
éclairé , le contrafte en feroit plus brillant &
plus agréable.
N. B. Il s'eft gliffé dans le dernier
Mercure , article de l'Opéra , une faute
d'impreffion qu'il importe de corriger.
Page 129 , ligne 2 , on lit : N'a pas toute la
182 MERCURE
fierté & le caractère de Renaud que les paro
les & la fituation femblent exiger , lifez :
Toute la fierté que les paroles , le caractère
de Renaud &fafituation femblent exiger.
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Mardi 11 de ce mois , on a repréfenté
, pour la première fois , Corali &
Blandford,Comédie en deux Actes & en vers.
Blandford , en partant pour un voyage
de long cours , a laiffé entre les mains de
fon ami Nelſon , une jeune Indienne nommée
Corali , qu'il s'eft propofé d'époufer à
fon retour. Pendant fon abfence , Corali a
infpiré à Nelfon une paffion auffi vive que
celle dont elle brûle pour lui. Le retour de
Blandford livre Corali , Nelfon & Lady
Albury fa foeur aux plus cruels chagrins.
Nelfon veut immoler l'amour à l'amitié.
Corali cherche à quitter un pays où l'on
n'eft pas libre de fuivre l'impulfion des fentimens
honnêtes que la Nature inſpire ; elle
fuit fans faire part à perfonne de fon projet.
Blandford la rencontre & la ramène. Un
mot de Nelfon ouvre les yeux de fon ami.
D'abord en proie à toutes les fureurs de
l'amour , Blandford accufe Nelſon de perfidie
& d'ingratitude : enfuite il cherche à
dompter fa paffion par le fecours de la raifon
& de l'amitié. Certain d'ailleurs que
Corali aime Nelfon , il renonce à fes defDE
FRANCE. 183
feins ; & malgré la réfignation de Corali
qui confent à l'époufer , malgré la réfiftance
de Nelfon qui veut à fon tour immoler
fa tendreffe , il exige des amans qu'ils
s'uniffent en fa préfence.
Nous ne donnons pas une analyſe plus
étendue de cette Comédie , parce que les
motifs fur lefquels la bafe de fon action
eft fondée , font abfolument les mêmes qui
établiffent & filent la marche d'un des
Contes Moraux de M. Marmontel , connu
fous le titre de l'Amitié à l'épreuve.
En 1771 , M. Favart fit repréſenter à la
Comédie Italienne un Drame Lyrique en
deux Actes & en vers , dont le fonds eft auffi
tiré du Conte que nous venons de citer.
Cet Ouvrage eut alors tout le fuccès qu'il
pouvoit avoir. Expliquons- nous plus clairement.
On en trouva la marche raifonnable
quoiqu'un peu lente ; on rendit juftice
au ftyle , en général élégant & facile , & la
mufique fit infiniment d'honneur à M. Grétry.
On fut gré à M. Favart d'avoir fait ufage
de plufieurs idées & de quelques fituations
du Conte, parce qu'on préfuma, à jufte titre,
qu'il étoit impoffible de les altérer fans
nuire à la vérité des caractères , & fans ôter
à l'intrigue donnée par M. Marmontel quelque
chofe de fa vraisemblance. Malgré tout
cela , l'Ouvrage produifit peu d'effet , & ne
devoit pas en produire davantage . Il eſt
des fujets que toutes les reffources de l'efprit
ne peuvent rendre propres à être portés
134 MERCURE
fur la Scène , & celui - ci eft du nombre. Que
l'on jette un coup - d'oeil fur le Conte de M.
Marmontel ; on verra que Nelſon eft celui
des deux amis dont il met le coeur à l'épreuve
la plus rude. La marche de la Nature
& les conventions de l'Art le vouloient
ainfi . Pour le prouver nous allons comparer
la pofition & le caractère des deux amis.
Blandford eft un bon & franc Marin , ami
plein de chaleur , amoureux il eft vrai ; mais
entraîné par fon état loin de l'objet qu'il
aime , il eft forcé , par la nature de ce même
état , à des diftractions continuelles dont le
genre peut & doit même atténuer une par
tie de cette fenfibilité profonde , de ces impreffions
délicates qui allument , échauffent
& nourriffent la pallion de l'amour. Nellon
admis au rang des Magiftrats , fage , éloquent
, doux & fenfible , obligé par les fonctions
de fon miniftère, à étudier le coeur humain
, fes pallions , fes replis , fes foibleſſes ,
& à s'attendrir fouvent fur les vices ou les
imperfections de notre malheureufe humanité.
Il eft certain qu'il eft chargé du dépôt d'un
ami ; mais dans ce dépôt, il voit tous les jours
l'objet le plus aimable , le plus naïf, le plus
tendre , le plus fait pour être adoré. D'abord
c'eft pour répondre aux voeux de fon ami qu'il
donne des foins , qu'il veille à l'éducation
de Corali . Bientôt il fent qu'il l'aime ; mais
il s'abule & croit que c'eft Blandford qu'il
aime en elle. Enfin , le moment fatal arrive ,
le voile fe déchire , Nelfon lit dans fon
DE FRANCE.
186
coeur ; il fent qu'il eft coupable, avant d'avoir
penfé qu'il pouvoit le devenir : de là le remords
, les déchiremens de l'âme , les combats
& les facrifices. Voilà de quelle ma
nière M. Marmontel a établi le caractère
des deux amis, & cette manière eft auffi bien
vûe qu'elle eft parfaitement exécutée. Mais
tous ces moyens , qui font très- bien placés
dans un Conte , parce que l'intrigue de cette
efpèce d'Ouvrage n'eft pas néceffairement ref
ferrée dans des bornes étroites , ne fauroient
l'être que très difficilement dans une Comé
die. Jamais dans la règle des vingt - quatre
heures on ne pourra développer avec quelque
apparence de vérité tous les mouvemens d'un
coeur tel que celui de Nelfon . En mettre
une partie en récit , c'eft en éteindre l'effet ,
c'eft ôter à l'épreuve imaginée par l'Auteur
du Conte tout l'intérêt qu'elle peut avoir,
Chez M. Marmontel le dénouement devient
naturel par l'oppofition des caractères , & lé
Lecteur voit avec fatisfaction un ami généreux
facrifier fon amour à l'amitié. La raifon
eft fatisfaite , parce que la paffion de Nelſon
eft plus profonde , plus attachante , plus infurmontable
que celle de Blandford : en un
mot , l'Art & la vérité y font toujours d'ac
cord.
Il s'en faut bien que nous ayons les mêmes
éloges à donner à l'Auteur de Corali & Blandford.
En cherchant à produire de l'effet , il a
manqué à la vraisemblance. Chez lui les
deux amis brûlent d'une égale paffion. C'eſt
186 MERCURE
la flamme du plus ardent amour qui dévore
le coeur du Marin. Le facrifice en eft plus
généreux , nous dira- t- on ; à la bonne heure :
mais quelle générofité inconcevable que
celle d'un ami qui n'a pas beſoin de plus de
deux heures de combat , pour immoler la
tendreffe la plus vive & la plus paffionnée !
S'il y a de la vérité dans un tel facrifice ,
il faut renoncer à toutes les notions qu'on a
cru acquérir jufqu'ici des effets , des mouve →
mens & de la force de l'amour. Ce moyen
eft encore fufceptible de reproches , en ce
qu'il donne aux Perfonnages de Nelfon &
de Blandford une phyfionomie à peu- près
femblable , défaut effentiel au Théâtre , où
les oppofitions font aufli néceffaires que
dans l'Art de la Peinture. Quant à la marche
de la Pièce , elle eft monotone & trifte.
Depuis l'expofition jufqu'à l'arrivée de Bland→
ford , les Perfonnages font toujours dans la
même attitude, & l'action n'a pas fait un
pas. Tous ces défauts annoncent l'Effai d'un
jeune homme qui n'eft pas encore familier
avec les effets de la Scène : ils ne peuvent néan
moins faire préfumer rien qui foit défavora→
ble pour fon talent s'il veut mettre à profit
fes erreurs avant de reparoître dans la car
rière Dramatique. L'Ouvrage eft affez géné
ralement bien écrit ; le ftyle en eft ferme ,
noble , fleuri , quelquefois antithétique &
trop chargé d'ornemens poétiques. Il y a
loin des conventions du ftyle tragique à celles
du ftyle comique. Ne confondons jamais les
DE FRANCE. 187
genres ; c'eft outrager à-la- fois le goût & la
raifon .
Cette Comédie , ou , pour mieux dire ,
ce Drame a été très tragiquement repréſenté
par tous les Acteurs , ce qui a fingulièrement
ajouté à la pompe du ftyle & à l'exagération
de quelques idées . Nous devons néanmoins
des éloges à M. Granger ; ce que cet Acteur a
développé de fenfibilité , de talent & d'adreſſe
dans le moment où Blandford , en immolant
fon amour pour Corali, femble craindre de
l'aimer encore, lui a mérité tous les fuffrages.
VARIÉTÉ S.
AVIS fur la troisième Livraison de l'Encyclopédie
, & la Soufcription de cet Ouvrage
auprix de 751 liv.
1
LA Soufcription de cet ouvrage , au prix de 75 i !.
fera rigoureufement fermée au 30 Avril prochain
ainfi que nous en avons pris l'engagement par le Prof
pectus; paffé ce terme, chaqueVoluine de difcours fera
du prix de douze livres au lieu de onze livres , &
chaque Volume de Planches trente livres au lieu de
vingt- quatre livres pour les Perfonnes qui n'auront
pas foufcrit.
La troifième Livraiſon de l'Encyclopédie fera en
vente Lundi 7 Avril. Cette troifième Livraiſon eft
compofée du Tome premier des Planches ; du
Tome premier du Commerce , & du Tome premier,
feconde Partie des Arts & Métiers méchaniques .
Nous espérons que ce premier Volume de Planches
fera favorablement accueilli de nos Souſcrip
188 MERCURE
teurs. Il renferme plus de trois cent Planches anciennes
de l'Édition in-folio , réduites . On a confervé
toutes les Vignettes qui repréfentent les Atteliers
des Arts & Métiers ; elles font au nombre de
plus de huit cent. Ce premier Volume en contient
plus de quatre- vingt dix . Toutes ces Planches , fans
exception , font deflinées , réduites avec foin , exactitude
, & gravées à neuf fous la direction de M.
Benard, connu par fon zèle & ſon intelligence dans
ce genre de Gravure. Chaque cuivre contient en´
général deux anciennes Planches in-folio. Les cinq
cuivres de la Forge des Ancres en contient treize ; les
vingt-un cuivres de la Charpenterie foixante- dix ,
& c. & c. Ces trois cent Planches in - 4. , que nos
Soufcripteurs ne paient que vingt - quatre livres ,
ont coûté aux Soufcripteurs de l'in -folio près de
quatre vingt livres .
Le Prix de cette Livraiſon eft de quarante- deux
livres broché , & de quarante livres dix fols en
feuilles.
Savoir , le Tome premier du Commerce ,
imprimé chez M. Delaguette ,
Tame premiet , feconde Parties
Arts Mécaniques , broché , imprimé
chez M. Didot jeune,
Tome premier des Planches ,
Brochure de ce Volume ,
broché ,
II liv. 10 f
· 24
10 f.
42 liv. Nous ne faifons payer la brochure du Volume de
Planches que dix fols , quoiqu'elle nous coûte réellement
vingt fols ; mais nous avons cru que nos
Soufcripteurs nous fauroient gré de ce facrifice
étant eux -mêmes obligés à quelques dépenses de plus
de brochure , par la néceffité où nous fommes de
paroître par Volumes & demi -Volumes .
>
Sans cet arrangement , nous ne pourrions faire
DE FRANCE. 189
fuivre les Livraiſons avec régularité & célérité. Ces
Volumes font fi chargés de matières , qu'il faut fix
& huit mois pour les imprimer. Nos Soulcripteurs
doivent confidérer que l'on travaille dans un grand
nombre d'imprimeries à- la- fois , & qu'on mène de
front vingt Ouvrages différens ; enfin , avec cette
facilité , nous fommes sûrs , avant un an , de publier
an moins un demi-Volume de prefque toutes les
Parties ; & fans elle nous ne pourrions pas donner
des .Volumes entiers de ces mêmes Parties avant plus
de deux ans. Cette publication par demi - Volume hâte
les jouiffances du Public , foutient l'entrepriſe , anime
courage des Auteurs , & nous mettra à portée de
finir certainement ce grand Ouvrage en moins de
cinq ans.
le
Cette troifième Livraiſon ne devroit être com
pofée que d'un Volume de Difcours & d'un de Planches
; mais la feconde Livraiſon n'ayant été que d'un
Volume & demi , nous avons joint à celle-ci le demi-
Volume qui auroit dû en faire partie.
Cette Encyclopédie , en ne la fuppofant que de 53
Vol., contiendra près du double de Difcours de la
première Édition in -folio ; & cependant elle ne coûte
pas moitié de cette Édition.
P. S. Autres Parties actuellement fous preffe. La
Botanique , chez M. Gueffier ; l'Hiftoire , chez
M. Ballard ; l'Art Militaire , chez MM. Simon &
Nyon ; les Beaux -Arts , chez M. Prault ; les- Finances
, chez M. Valade. On mettra ſous preffe au mois
d'Avril , la Chimie , la Marine & les Mathématiques.
Il paroîtra cette année deux autres Volumes de
Planches , dont l'un en Juillet prochain.
*
190 MERCURE
•
ANNONCES ET NOTICES.
HISTOIRE de l'Eglife Gallicane , dédiée à
Noffeigneurs du Clergé , par le Père Jacques Longueval
, de la Compagnie de Jéfus , in - 12 , dix -huit
Volumes , contenant les dix - huit Volumes in-4° . de
l'Édition de Paris
Les trois premiers Volumes paroiffent actuellement,
& fe délivrent à Paris , chez Baſtien , Libraire
, rue du Petit Lion , Fauxbourg S. Germain.
En les recevant on paiera 9 livres ; en retirant les
Tomes IV , V & VI on donnera 6 liv . 12 f. , & ainfi de
trois en trois Vol. , excepté pour les Tomes XVI , XVII
& XVIII , pour lesquels on ne paiera que 4 livres
4 fols. Cet Ouvrage doit être entièrement fini cette
année. Les Tomes IV , V & VI font imprimés , &
ferent inceffamment délivrés .
N. B. Tous les Volumes font brochés & étiquetés
La feconde Livraiſon de l'Atlas nouveau , dédié à
M. le Comte de Vergennes , retardée long- temps par
la maladie d'un Artifte , & depuis par les apparences
de la Paix , paroît en ce moment , & contient quatorze
Cartes au lieu de douze.
L'Auteur a eu foin de diftinguer par les couleurs
des enluminures les différentes poffeffions européennes
dans les Antilles . Le bleu indique les Ifles
Françoifes ; le rouge les Ifles Angloifes ; le jaune les
Efpagnoles ; l'oranger les Hollandoifes ; le violet
les Danoiſes . La Carte de la prefqu'Ile de l'Inde
en-deçà du Gange depuis Chandernagor , & qui
DE FRANCE. 197
doit faire partie de la troifième Livraiſon , fera
délivrée fous peu aux Soufcripteurs qui feront empreffés
de fe la procurer. On foufcrira jufqu'à la
quatrième Livraiſon , à Paris , chez l'Auteur , M.
Mentelle , Hiftoriographe de Mgr. le Comte d'Artois
, hôtel de Mayence , près le Notaire , rue de
Seine , Fauxbourg S. Germain.
MANUEL d'Épietète en Grec , avec une Trai
duction Françoife , précédée d'un Difcours contre la
Morale de Zénon & contre le Suicide ; par M.
Lefebvre de Villebrune . A Paris , de l'Imprimerie
de Ph. D. Pierres , Imprimeur ordinaire du Roi , rue
S. Jacques , & fe trouve chez Lamy , Libraire , quai
des Auguftins.
Il a paru deux Éditions d'Épictère en Grec qui ont
été accueillies comme elles devoient l'être , & l'on a
rendu juftice au favant Éditeur M. Lefebvre de
Villebrune . En voici une troisième , avec la traduction
à côté , qui n'aura pas moins de fuccès , puif
qu'elle eft utile à un plus grand nombre de Lecteurs.
L'exécution typographique mérite des éloges. Prix ,
en papier ordinaire , 2 livres 8 fols ; en papier d'Annonay
, 4 livres. On en a tiré quelques Exemplaires
fur vélin d'Italie .
t
LETTRES contenant le Journal d'un Voyagefait
à Rome en 1773 , 2 Vol . in- 12 . Prix , 4 liv . brochés ,
sliv, reliés. A Genève , & fe trouve à Paris , rue &
hôtel Serpente.
Cet Ouvrage nous a paru intéreffant. Nous en
rendrons . compte auffitôt que l'abondance des ma
tières nous le permettra .
JOURNAL de Clavecin , par les meilleurs Maîtres,
192 MERCURE
avec accompagnement de Violon ad libitum ;
n°. 2. Ce Cahier contient un Air d'Atys arrangé
par M. Edelmann , un Andanté de M. Cambini
arrangé par M. Hubsh , un Air de chaffe d'Amadis
arrangé par M. J. Ph . Meyer , un Rondo par
M. le Baron de Rumling , un Air des Ballets de
Perfée arrangé par M. Hoppé , & un Air des Ballets
d'Éle &re arrangé par l'Auteur . Prix , 2 livres 8 föls.
A Paris , chez Leduc , rue Traverfière-Saint- Honoré
, au Magafin de Mufique , où l'on s'abonne
en tout temps moyennant 15 livres pour Paris & la
Province , port franc. On trouvera à la même
adreffe la première année. Prix , 15 liv . port franc.
Faute à corriger dans le Mercure précédent .
Page 140, article Délaffement de l'Homme fenfible
, après la fomme de 18 livres , ajoutez , &
21 liv. pour la Province.
Voyez, pour les Annonces des Livres , de la
Mufique & des Eftampes , le Journal de la Librai
rie fur la Couverture.
TABLE.
145 La Matinée du Comédien de
VERS àMde Cléry
Charade , Enigme ' હું Logo- Perfepolis,
gryphe , 146 Les Numéros
165
171
Le Coran , traduit de l'Arabe , Acad. Royale de Mufiq. 177
J
Euvres complettes de
chier ,
148 Comédie Italienne , 182
Flé- Avis fur l'Encyclopédie , 187
155 Annonces & Notices , 190
APPROBATION.
AI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 8 Mars. Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion. A Paris ,
le 7 Mars 1783. GUIDI.
Jer . 135 .
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 29 MARS 1783 .
PIÈCES
FUGITIVES.
EN VERS ET EN PROSE,
IMITATION DE CLAUDIEN ,
Poëme contre RUFIN.
dans fon
Surs , vil ambitieux , la fureur qui t'égare ;
Dépouille , fi tu peux , tous les pays divers ;
Ote à Créfus fon fceptre , à Cyrus fa tiare ;
Dans tes poffeffions enferme l'Univers ;
Rien ne t'enrichira : ton coeur infatiable
Ayant tout englouti , fera plus affamé ;
De defirs renaiffans fans ceffe confumé ,
Rien n'en pourra remplir le gouffre épouvantable
Qui defire , a déjà trouvé la pauvreté.
Heureux Fabricius ! la médiocrité
Filoit , doroit tes jours au fein de l'innocence ;
Limité dans tes biens , dans tes voeux limité ,
Tu puifois en ton coeur la folide opulence .
Nº. 13 , 29 Mars 1783 .
I
194
MERCURE
Il a fai l'âge heureux où d'illuftres Guerriers ,
Aux pieds de Jupiter , dépofant ces lauriers ,
Dont les moiffons courboient leurs têtes glorieules ,
Retournoient habiter de ruftiques foyers ;
Le chaume alors cachoit des âmes généreuses.
Ce fut la pauvreté qui forma les Héros.
Ton fafte te Bétrit , ma pauvreté m'honore ;
Dans mon réduit champêtre habite le repos ;
Sous tes lambris dorés la crainte te dévore.
Que Tyr far tes habits étalant fes couleurs ,
Prête à ta vanité fa brillante impofture ;
L'art menteur eft pour toi : pour moi j'ai la nature ;
C'est pour moi que fa main a coloré ces fleurs ,
Qu'elle rend à ces bois leur verte chevelure ,
Qu'elle émaille ces bords baignés d'une onde pure....
Ta table eft d'alimens ſurchargée à grands frais ,
Pour aiguiſer ton goût qu'émouffe l'abondance ;
Une faim falutaire affaiſonne les inets
Que la frugalité vient m'offrir fans apprêts ,
Et je brave l'orgueil de ta riche indigence.
( Par M. Gautier, )
LETTRE écrite à M, Garat , par un Officier
récemment arrivé d'Amérique,
MONSIEUR ,
ACCOUTUME , pendant une longue, abſence ,
' avoir d'autre connoiffance, des nouvelles produce
tions de notre Littérature , que celles que je puifois
HATA
P
DE FRANCE.
195
nom .
dans les Ouvrages périodiques dont je pouvois me
procurer la lecture , j'ai toujours été avide du Journal
auquel vous travaillez , & fur- tour de ces articles
intéreffans , où l'on reconnoîtroit aisément votre
cachet quand vous n'y mettriez pas votre
Celui que vous venez d'inférer dans le Mercure du
premier Mars avoit encore un autre droit à mon
attention . Il traite un fujet qui m'intéreſſe perfonnellement
par le long féjour que j'ai fait en Amérique,
& par les fentimens qui m'attachent à une Nation
beaucoup plus célèbre en Europe qu'elle n'y
eft encore connue & appréciée. Cette célébrité feuie
exige qu'on l'étudie avec application , & qu'on en
Farle avec circonſpection ; mais les liens folides &
durables qui nous uniffent avec elle en font un
devoir plus cher & plus facré. Les Militaires, tant de
terre que
de mer ont été affez heureux pour détruire
en Amérique cette opinion de notre légèreté
rationale , qui peut-être fubfifte encore en Europe ;
nos fcrivains feroient- ils plus indifciplinables que
ros Guerriers ? Le premier Ouvrage françois eu
l'on traite des moeurs , des loix , du climat , de l'agriculture
, des productions de l'Amérique , &c &c.
a été écrit par un homme qui n'entendoit pas la langue
du pays , qui n'y a paffé que quatre mois , & qui
ne s'eft jamais arrêté huit jours dans une Ville. Je
ne prétends ni juger ni examiner l'Ouvrage de M.
Abbé Robin , que je ne connois encore que par
votre Extrait. On dit qu'il eft écrit agréablement ;
c'eſt un mérite , s'il eft exa& ; c'est un inconvénient
s'il ne l'eft pas. Mais dans tous les cas il eft du
devoir d'un homme plus inftruit de relever les erreurs
qui peuvent s'y trouver. Je ne parlerai que de
celles dont l'analyse que vous en avez faite m'a
donné connoiffance ; & comme je n'ai pas le loifir
de me livrer à la difcuffion , je vous demanderai la
liberté de n'y oppofer que des affertions contraires,
I ij
196 MERCURE
•
bien sûr de n'être démenti par aucun de ceux qui
connoiffent l'Amérique , & j'oſe même dire de ceux
qui , en liſant cette Lettre , pourront en reconnoître
l'Auteur.
1 ° . M. l'Abbé Robin dit qu'à Boſton toutes les
maifons font de bois , & d'une conftruction fi légère
qu'on peut les changer de place , & c.
Il s'en faut de beaucoup que toutes les maiſons
foient bâties de bois ; on en voit un très - grand
nombre de briques , très-belles & très - bien ornées ,
tant en dehors qu'en dedans. Il eft vrai qu'on
transporte quelquefois des maifons de bois d'un endroit
dans un autre , mais ce font de petites habitations
de Cultivateurs ; & la facilité qu'on trouve à
les mouvoir vient de la manière de les conftruire .
Ces maisons baſe un ayant communément pour
quarré formé par quatre folives , qui eft lui - même
foutenu aux quatre angles par des piliers de pierre
ou de brique , hauts de deux ou trois pieds , lorfque
l'édifice et achevé , on en affure la folidité en formant
un grand focle de pierre ou de brique qui
remplit tout l'intervalle entre le plancher & le niveau
du terrein , La maifon , lorfqu'elle n'eft pas
grande , peut donc être enlevée de deffus ce focle
pour être tranfportée ailleurs.
, pour
à
Vous voyez , Monfieur , que s'il fuffit de cet
ufage , qui n'eft établir même commun pas
un rapport entre les Américains & les Scythes , les
premiers pourront un jour , en voyant nos parcs
moutons & nos cabanes de Bergers , affurer que les
François font un peuple nomade . Permettez-moi de
vous dire que les moeurs de Boſton ne rappellent pas
l'antique & auftère fimplicité des premiers âges , mais
qu'elles offrent le réfultat des principaux avantages
de la Société, dirigés & modérés par la raifon , qui
peut
feule les rendre chers & durables.
2º . M. l'Abbé Robin s'eft manifeftement trompé
DE FRANCE. 197
fur la population , tant de Bofton que de Philadel
phie. Il donne vingt mille habitans à cette dernière
Ville & trente mille à la première. C'eft tout le
contraire . On en compte à- peu- près trente - cinq
mille à Philadelphie , & feulement vingt mille à
Boſton.
3º. S'il eft vrai , comme dit le même Auteur , que
les Américains font grands hofpitaliers , il n'eft pas
vrai qu'ils n'aient qu'un lit chez eux , & que l'épouse
chafte &fans remords le partage avec fon hôte. On
peut affurer au contraire qu'on ne trouve pas de
propriétaire un peu aifé ( & il n'y en a guères d'autres
en Amérique ) qui n'ait au moins une trèsbonne
chambre & un bon lit à donner ; c'eft ce
qu'on appelle a Spare room , a spare bed. Peut-être
que fi l'on voyageoit au-delà des montagnes , dans
des pays qui commencent à peine à le peupler,
le principe d'hofpitalité , fi facré par tout , engageroit
le Colon qui n'auroit qu'un lit pour lui & pour
fa femme à le partager avec fon hôte , c'eſt- à- dire ,
qu'en étendroit des lits de plumes fur le plancher , &
que tout le monde dormiroir enfemble ; mais c'eft
ce qui arriveroit en France comme ailleurs , fi l'on
s'égaroit dans les montagnes des Cévennes ou du
Gévaudan. Peut- être M. l'Abbé R. a- t-il été induit
en erreur par un ancien ufage du pays dont il aura
entendu parler confufément ; c'étoit autrefois , &
l'on affure même que c'eft encore la coutume dans
quelques pays de la nouvelle Angleterre , de faire
boundler les Voyageurs lorfqu'on les recevoit chez
foi. Ce genre de politeffe pourra paroître bizarre en
Europe. Il confifte à propofer à fon hôte de partager
le lit d'une des filles de la maiſon ; mais on ob
fervera que ni l'un ni l'autre ne doivent fe déshabiller
complettement , & que cette familiarité ne
peut avoir lieu qu'entre deux perfonnes libres . La
pureté des moeurs , la proximité du père & de la
I jij
198...
MERCURE
mère , qui ne font ordinairement féparés que par
ane mince cloifon ; enfin , le peu d'obstacle qu'on
trouve au mariage , qui eft le but &-le remède de
tous les defirs , ont jufqu'ici pofé des limites à cette
liberté , dont il eft fans exemple qu'il ait réfulté
quelque inconvénient.
4°. M. l'Abbé R. affure qu'en Amérique les
femmes à vingt ans n'ont déjà plus la fraîcheur de
la jeuneffe , & qu'à trente-fix ou quarante elles font
déjà ridées & décrépites. Pour cette fois on ne l'ac
cufera pas d'avoir jugé en jeune homme , & l'on ne
peut attribuer cette affertion fingulière qu'à la fainteté
de fon état, qui ne lui a pas permis de fixer les
yeux fur les Américaines. Avec un examen plus !
mondain , mais plus réfléchi , il n'auroit pas confondu
la fleur de l'adolefcence , qu'on peut perdre à
vingt ans , avec la fraîcheur de la jeunetle , qu'on
conferve jufqu'à trente , & la beauté des formes qui
dure encore plus long-temps. S'il exifte quelques
différences fur cet article entre l'Europe & certains
pays de l'Amérique , on peut affurer qu'elles font
légères & dûes en grande partie à l'extrême fécondité
des femmes , ou à la négligence de cette utile
coquetterie qu'on doit regarder comme la furveillante
de la Nature. Ceux qui ont vû Mine T.... à
Boſton , Mme Ch... à Newport , Mefdames M ....
P ... & A.... à Philadelphie , & Mme B.... à Rich
mont , rendront témoignage qu'entre l'âge de trente
à quarante ans les Américaines font bien loin de
reffembler au portrait que M. l'Abbé R. s'eſt donné
la peine d'en faire . La dernière que je viens de citer ,
a- quarante trois ans ; elle a été mère de dix enfans
dont fept font vivans , & elle a conſervé une figure
auffi fraîche & auffi agréable qu'aucune Européenne
du même âge. Il ne faut- pas
moins que
motif qui m'anime pour m'engager à rappeler ici.
ane aventure tragique dont j'ai prefque été le
1-
le.
DE FRAN- C E. 199
témoin. M. de V ** . , Officier diftingué , s'eft tué
de défeſpoir après avoir inutilement demandé la
main d'une veuve Américaine. Ici l'honneur des
deux Nations follicite également mon témoignage ,
car l'Américaine avoit plus de trente ans , & l'Amant
malheureux étoit François.
". Quant à l'article de la longévité , il mériteroit
une difcuffion plus férieufe . Je crois qu'elle eft plus
rare en Amérique qu'en Europe , fans croire que la
vie moyenne y foit plus courte en effet , ces deux
objets n'ont pas entre-eux une liaiſon néceſſaire. A
Paris, où la longévité eſt très - commune , la vie,
moyenne de 1 homme n'eft que de trente-deux ans ;
dans les Provinces elle n'eft que de vingt - fix à
vingt-fept ans , c'est- à - dire , que pour connoître le
nombre des habitans, il faut multiplier les naiffances,
dans les campagnes par vingt- fix où vingt ſept , dans
les Villes par trente ou trente-deux , différence qui
pourroit paroître étonnante , fi on ne faifoit pas atten
tion qu'il existe une émigration perpétuelle des
campagnes vers les Villes. Or il paroît que la longé
vité tient particulièrement à la falubrité du climat
& au régime , ce qui renferme les alimens ,
boiffon , & en général la manière de vivre phyfique
& morale ; tandis que la vie moyenne dépend plus
particulièrement de l'aifance , & du plus ou moins
de facilité qu'on trouve à fubniter. Dans un pays
où les mères allaitent leurs enfans & ne manquent
d'aucun des moyens de les nourrir & de les élever
ceux qui font nés d'une conftitution foible écharpent
plus aifément aux dangers de la première enfance ,
fans être pour cela en état de fournir une longue
carrière. Il doit donc en réſulter moins d'enterre →
mens depuis la naillance jufqu'à l'âge de fept ans ,
& plus depuis l'âge de fept aus jufqu'à celui de
quarante. Ajoutez , Monfieur , à ces réflexions qu'en
Amérique chaque famille a pour l'ordinaire fon
T
la
>
1v
200 MERCURE
propre cimetière ; que c'eft un ufage auffi général
que refpectable de placer fur chaque foffe une pierre
qui rappelle le fouvenir du parent qu'on a perdu , &
que cet honneur eft prodigué aux enfans , même à
ceux qui font morts dans le plus bas âge . Or , confultez
les tables de mortalité dans les Ouvrages de
M. de Parcieux & de M. de Buffon ; lifez ce qu'ont
écrit fur cet objet MM. Dupré de Saint - Maur
Moheau , de Meffence , Corbin Morris , &c. &
vous jugerez aifément qu'un homme qui fe promène
dans un cimetière d'Amérique , doit lire trente
épitaphes de jeunes perſonnes avant de trouver celle
d'un vieillard. Prefque tous les Mufæum d'Italie , &
particulièrement celui du Capitole , contiennent
beaucoup d'épitaphes anciennes ; je vous affure
qu'on en trouve à peine deux ou trois qui retracent
une longue vie. Il faute encore aux yeux que dans
un pays où le nombre des habitans double tous les
vingt ans, on doit voir moins de vieillards en proportion
de la population actuelle, puifque la population,
il y a quatre- vingt ans ,, étoit quatre fois moindre
qu'à préfent.
Je doute , Monfieur , que M. l'Abbé R. ait fait
toutes ces réflexions. Quant à moi , j'avoue que les
miennes ne m'ont encore infpiré que des doutes &
le defir de faire des recherches ultérieures. En arendant
, j'obferverai , 1 ° . que c'eft une chofe abfurde
de parler de l'Amérique Septentrionale comme
d'une fimple Province de la France , puifque les
Treize États- Unis s'érendent depuis le trente- deuxième
jufqu'au quarante- cinquième degré de latitude , &
qu'il s'en faut de beaucoup que la nature du fol y
foit uniforme. 2 ° . Que fi dans les contrées de l'Amérique
, où la température eft douce , la force de
l'homme & la durée de fa vie font un peu moindres
que dans les climats correfpondans en Europe ,
on n'en doit affigner d'autre cauſe que la récence des
DE FRANCE. 201
›
établiſſemens . Tout pays nouvellement cultivé , tout
pays dont la plus grande partie eft encore inculte
fera moins fain que celui où la population & l'agriculture
font dans une jufte proportion . Ce défavantage
, s'il exifte maintenant pour les Américains ,
doit donc toujours aller en décroiffant ; car leurs
progrès font à la fois très - rapides & très- éloignés
de leur terme ; & en vérité , Monfieur , on ne conçoit
pas ce qui a pu induire le Philofophe refpectable .
que vous citez à avancer que les États - Unis de
l'Amérique n'auroient jamais plus de douze millions
d'habitans. Tout ce qu'on peut dire , c'eft qu'un
Voyage en Amérique pourroit épargner bien de
l'efprit aux Européens , lorfqu'ils font de ce nouveau
Monde l'objet de leurs recherches . 3 ° . Je doute que
la prévoyance qui fait craindre à M. l'Abbé R. de
voirun jour nos Alliés en proie aux guerres de Religion
ait eu véritablement l'Amérique pour objet ;
votre fagacité , Monfieur , vous a fait oppofer d'excellens
raiſonnemens à ces étranges conjectures . Pour
moi je me contenterai d'affurer qu'elles n'ont aucun
fondement. Je dirai même que les Américains font
fi tolérans , que fi M. l'Abbé R. avoit dit chez eux
ce qu'il écrit ici , ils n'auroient fait qu'en rire. Fe le
prie de confidérer fur la carte les limites de leur empire
, les fleuves , les ports dont ces vaftes contrées
abondent , & de me dire enfuite à quelle époque ils
feront défoeuvrés & fophiftiquans . Croyez - moi
Monfieur , ils continueront long - temps à trouver
Dieu & le monde bien grands , & l'efprit humain
bien petit , fur tout lorsqu'il devient ſectaire & contentieux.
J'ai l'honneur d'être , & c.
J'apprends dans l'inftant que M. l'Abbé R. eft
tombe dans une erreur beaucoup plus grave , puifqu'elle
peut compromettre un ancien & excellent
I v
19 ་་
202 MERCURE
Militaire , à l'article du fiège d'Yorck . Il parle Fune
fortie que les ennemis firent dans la nuit du 15 au
16. Voici le paffage tel qu'on me l'a rapporté.
35'
"95"
›
« La nuit fuivante , 400 alliégés fe difant Améericains
, furprirent une batterie , enclouèrent fept
pièces de canon tuèrent & firent prifonniers
quelques hommes , & en tuèrent une trentaine.
Le Régiment de Soiffonnois , pofté tout près , ne
fut inftruit de l'action que fur la fin , parce que
le Capitaine commandant la redoute avoit fait
défente de tirer à l'approche de ces prétendus
Américains. Ce Régiment y accourut aufli - tôt ;
» & fi le Lieutenant - Colonel de Saintonge n'eût fait
fonner la charge , les Anglois auroient été enveloppés.
55
ןכ
1. Le Régiment de Soiffonnois , dont le premier
Bataillon étoit placé à la gauche de la feconde
parallèle , & l'autre en réfervé dans la première ,
marcha au bruit des premiers coups de fufils , fans
avoir befoin d'être averti , & les ennemis avoient à
peine mis le pied dans la tranchée , que la réferve y
étoit arrivée & les en avoit chaffés.
2 °. Le Capitaine qui commandoit dans la redoute
ne défendit pas de tirer ; mais l'extrême obfcurité de
la nuit permit aux ennemis d'arriver juſqu'à la redoute
fans être découverts .
3 °. On ne fit fonner ni battre la charge.
4. Le Lieutenant - Colonel du Régiment de
Saintonge , que M.l'Abbé R. dit en avoit donné
l'ordre , n'étoit pas de tranchée , & il n'y avoit pass
ce jour- là un feul Soldat du Régiment de Saintonge
qui fût de fervice.
DE FRANCE.
203
LA RÉPARATION , Conte.
DORMENON reçut un jour de fon frère la
23
"
1
Lettre fuivante : « Je vous ai demandé votre
fils ; vous me l'avez confié dès la plus
tendre enfance . Avant de le nommer mon
» héritier, j'ai voulu m'en faire un ami ; doué
» d'un coeur tout paternel , j'ai voulu me
donner ce que m'avoit refufé la Nature
un fils que je puffe aimer. J'ai defiré
» l'avoir tout jeune auprès de moi , voir fes
» organes fe développer fous mes yeux , &
» l'accoutumer , par de longs bienfaits , à
» voir en moi , non pas un oncle riche
"
"
1
mais un père tendre. Vous avez cédé à
» mes inftances ; vous vous êtes féparé de ce
» que vous aviez de plus cher au monde ; &
» mettant cent lieues entre votre fils &
» vous , vous avez cru avoir fait au moins le
bonheur d'un frère. Eh bien , mon frère ,
» mon ami , nos efpérances font trompées.
C'est un aveu que j'ai retardé plufieurs
années , parce que j'ai preffenti le chagrin.
» qu'il vous cauferoit. Mais je ne peux le
différer plus long - temps ; Merfeuil eft
indigne de vous & de moi ; & fa con-.
» duite paffée ne me laiffe plus aucun espoir
» pour l'avenir. Je ne vous parle point des
» torts de fon enfance ; les défauts , à cette
époque , font plutôt attribués à l'âge qu'au
caractère. Que dis je ? fon extrême viva
ود
93
Ivj
204
MERCURE
ور
30
"
» cité me fembloit le gage & les prémices
» de fon efprit ; je ne voyois dans fon indo-
» cilité qu'un noble orgueil : en adoptant le
» titre de père , j'en avois contracté les
» foibleffes. Et il faut l'avouer auffi , les défauts
de Merfeuil avoient un éclat fait
pour féduire. J'étois aveugle ; que ne m'eſt-
» il permis de l'être encore ! Il ne me quitte
plus fans me laiffer dans les plus vives
» alarmes. En proie à toutes les paffions de
» fon âge , il y porte une effervescence que
» la raiſon ni l'autorité ne peuvent calmer ;
enfin , il ne ſe paffe pas un feul jour qui
» ne mette en péril & fa fortune & ſa ſanté.
» Ni mes chagrins ni les fiens propres n'in- » Ni
fluent fur fa conduite ; & il eft à chaque
» inftant puni , fans être corrigé. Je fens que
» je déchire votre coeur ; mais le mien a
long - temps faigné avant que j'aie pu me
réfoudre à rompre le filence. Il me refte
» encore un espoir , c'eft vous . Écrivez - lui ;
» faites parler le coeur & l'autorité d'un
père. Si ce dernier effort ( & je le crains )
» ne nous réuffit point , je renonce à toutes
» mes espérances ; je vous rends un préfent
qui fera funefte à tous deux ; car on ne
change point de coeur en fe déplaçant ; &
» j'aurai ce malheur encore , de ne pouvoir
» me défaire d'un neveu ingrat , fans être
prefque sûr de vous charger d'un fils dé-
» naturé.
ود
"
و د
"
"
»
ور
Cette Lettre plongea Dorménon dans le
plus violent chagrin. Il poffédoit à Lyon une
DE FRANCE.
205
fortune bornée qu'il avoit mife dans le commerce
. Il n'avoit que ce fils , qu'il aimoit
tendrement ; & pour lui affurer un riche
héritage , il l'avoit envoyé à Paris auprès de
fon frère . Ce facrifice rendoit plus amer le
fentiment de les maux. Peut être même un
refte d'illufion , qui ne quitte guère un coeur
paternel , lui perfuadoit que fi fon fils étoit
demeuré fous les yeux , il eût été plus fidèle à
fon devoir. Il lui en coûtoit moins pour accufer
le fort , que pour condamner fon fils.
Cependant il avoit befoin d'un coeur
pour y épancher tant de chagrins. Il va trouver
Florimel , qui étoit moins fon affocié
que fon ami ; ils habitoient enſemble ; &
ils étoient plus unis par leurs fentimens que
par leur commerce. Après s'être affligés d'un
malheur qui leur devenoit commun par
l'amitié , Dorménon écrivit à Merfeuil. Merfeuil
reçut la Lettre , pleura peut être en la
lifant , & ne changea rien à fa conduite.
C'étoit un des agréables du jour ; il en avoit
toutes les grâces & tous les ridicules . Il fit
de groffes pertes au jeu , joua des tours fanglans
aux femmes ; fes pertes l'engarèrent
dans des actions que l'honneur condamnoit;
fes tours fanglans lui firent des affaires;
& il expofa plufieurs fois le repos de fes
parens & fa propre vie , pour des objets
qu'il méprifoit. Les prières , les menaces de
fon oncle ne portoient qu'un vain bruit à
fes oreilles ; & les Lettres de fon père ne lui
parurent bientôt plus que de ridicules dé
206 MERCURE
clamations. Eh ! comment corriger un fat ?
It fire vanité des égaremens qu'on lui reproche.
L'entrée de toutes les maifons honnêtes
lui fut fermée. Les uns étoient indignés , les
autres le plaignoient , perfonne n'ofoit le
recevoir. Enfin il alla fi loin , que l'autorité:
des loix crut devoir s'armer contre fon inconduite
; l'une de fes actions fut dénoncée ,
empoisonnée peut- être par des ennemis ; &
bientôt cet exil , dont il avoit été fi ſouvent :
menacé par fon oncle , devint fa reffource
unique & fon feul moyen d'impunité. Forcé
de s'enfuir , abandonné par fon oncle , n'o--
fant reparoître devant fon père , quel afyle:
ira t'il chercher ? Quel fecours implorera-:
t'il ? Il ne voyoit d'autre perfpective que la :
misère & l'humiliation. Ce tableau étoit .
d'autant plus effrayant pour lui , que la for-:
tune & la confidération dont fon oncle jouiffoit
, ne lui avoient laiffe connoître encore .
que l'aifance de la richelfe & les jouiffances
d'amour - propre . En raffemblant d'un coupd'oeil
fon état préſent , fa fortune paffée , &
ce qu'il devoit attendre de l'avenir , il refta
un moment comme accablé fous le poids de
fes douleurs ; mais bientôt recueillant toutes
les forces de fon âme , il conçut un projet
qui étonnera peut - être.
Quand , par les égaremens de fa jeuneſſe
l'homme a perdu fon bien être , & , ce qui
eft plus effrayant encore , l'eftime publique ,
alors le fort de fa vie entière dépend de la
première réfolution qu'il embraſſe ; & cette
DE FRANCE. 207*
première réfolution eft déterminée par fon
caractère particulier. Alors celui qui eft né
foible , même avec l'amour des chofes honnêtes
, ne trouve aucune reſſource en lui-:
même, il ne fait oppofer à fes malheurs
que des larmes & de vains regrets. Le remords
qui le pourfuit est toujours fuivi du
découragement ; il fent le repentir de fest
fautes , fans avoir la force de les réparer.
Dès qu'il s'apperçoit qu'il a perdu l'eftime
des hommes , il eft effrayé des efforts qu'il
lui faudroit faire pour la recouvrer ; & le
defefpoir d'éviter la honte fait qu'il s'y dé
voue volontairement. Celui que le ciel , au
contraire , a doué d'une âme énergique , n'a
pas plutôt vû l'abîme où fes paffions l'ont
précipité , qu'il s'indigne des obftacles qui l'y
enchaînent ; le remords ne lui apprend pas
feulement à pleurer fes fautes , il le pouffe
à les effacer ; il ne cherche point cette phi
lofophie qui fait fupporter les malheurs ,
mais le courage qui fait les vaincre. C'eſt
par- là que des hommes célèbres dans l'hiftoire
, après avoir traîné leur jeuneffe dans
le fentier même du vice , font parvenus
enfin à la gloire qui accompagne la vertu.
Cette fermeté active , qui eft prefque tou
jours couronnée par le fuccès , étoit dans
l'âme de Merfeuil. Ses yeux n'étoient plus
couverts du bandeau de l'illufion ; il vit fon
inconduite avec les yeux de la raifon & de
l'équité ; il s'avona juftement puni ; il fentit .
qu'il avoit mérité l'abandon de les parens &
+
208 MERCURE
le mépris des hommes vertueux ; mais il crut
que ne faire aucun effort pour s'y fouftraire ,,
c'étoit les mériter deux fois . Puni par les
malheur , corrigé par le repentir , il com- .
mença par vouloir recouvrer fa propre ef- :
time. Le mouvement le plus naturel , peutêtre
, à fa fituation , étoit d'aller ſe jeter aux
pieds de fon père ; mais il ne vouloit pas demander
fa grâce , il vouloit la mériter. Les
talens divers qu'on ne lui avoit procurés que
pour fon amuſement , il les fit fervir à fes
befoins. Il parcourut plufieurs villes de la
Province fous un nom étranger ; il ajoutoit
par l'étude aux connoiffances qu'il avoit
déjà ; mais il entroit fur tout dans ſes vûes
de s'inftruire dans l'art du Commerçant.
1
Déjà quelques années s'étoient écoulées
depuis qu'il avoit quitté la maifon de fon
oncle. Son père , averti de fes déportemens
& de fa fuite , avoit prefque renoncé à l'eſpérance
de le revoir ; mais il n'étoit pas encore
confolé de fa perte. Il avoit condamné
fon fils , & il le pleuroit encore. Il n'avoit
d'autre confolation que l'amitié de Florimel,
qui avoit ceffé de lui parler de fon fils , &
qui cherchoit à le lui faire oublier. Ce Florimel
étoit un bonhomme , qui avoit peu
d'efprit , mais un bon coeur. Son intelligence
fe bornoit à la feience de fon commerce
, qu'il favoit faire profpérer fans man--
quer à la probité la plus rigoureufe. Il étoit
refté veuf de bonne heure avec une fille de
ſeize ans , qui , à la franchiſe qu'elle avoit
DE FRANCE. 209
héritée de fon père , joignoit la pudeur qui
appartient à fon fexe , & la timidité qui eft
naturelle à fon âge . Aux charmes de fa figure
fe réuniffoit la grâce qui embellit la plus
jolie femme , & cette fleur d'efprit qui double
le pouvoir de la beauté. Marianne ( c'eft
ainfi qu'on l'appeloit ) partageoit fes foins
entre fon père & Dorménon qui l'aimoit
tendrement , & qui tâchoit de retrouver en
elle le fils qu'il avoit perdu .
Les chofes en étoient là , quand Merfeuil,
bien différent de ce qu'il étoit chez fon oncle
, bien appauvri , mais bien changé de
moeurs & de principes , revint dans la ville
que fon père habitoit. Il fit plus ; toujours
fidèle au voeu qu'il avoit formé , d'expier &
de réparer fon inconduite , il s'étoit promis
de pénétrer jufques dans la maifon paternelle
. Mais il ne vouloit pas s'y préfenter
comme un fils coupable , amené par le repentir.
Peut- être pouvoit - il fe flatter d'obtenir
grâce aux yeux d'un père qui n'avoit
pas été témoin de fes égaremens ; mais moins
jaloux d'être pardonné que de mériter fon
pardon , il vouloit prouver par des faits que
fon coeur étoit changé , & acquérir des droits
effectifs à la clémence paternelle.
Il ne faut pas oublier ici que Merfeuil
ayant été éloigné de fon père dès fa première
enfance , ne devoit pas en être reconnu.
Cette circonftance favorifoit fon
projet ; & il ne négligea rien pour le faire
réuffir. Je n'entrerai point dans le détail de
210 MERCURE
tous les refforts qu'il employa. Il faffita de
rappeler ici qu'il avoit férieufement travaillé
à s'inftruire de l'art du négoce ; & d'ajouter
que fous le nom qu'il avoit adopté , il s'y
étoit fait une réputation , & que , recommandé
de ville en ville , il eut le bonheur:
d'arriver jufqu'auprès de Florimel , qui avoit
alors befoin d'un Commis. Merfeuil fut.
charmé de cet heureux hafard ; mais j'ai dit
que Florimel & Dorménon vivoient enfeinble,
& ce ne fut pas fans frémir que Merfeuil
mit le pied dans leur maiſon . It
fut un peu raffuré par l'accueil qu'on lui fit.
Sa phyfionomie prévint d'abord . Il étoit naturellement
beau & bien fait ; & quoiqu'il
fût un peu changé par fes chagrins , & même
par fes plaifirs , il étoit encore affez bien
pour plaire par les feuls agrémens de fa
figure. Il ne tarda pas à faire connoître fon
intelligence ; & l'on vit bien que ſon habileté
fe trouveroit toujours au niveau des af
faires les plus délicates ; mais pour lui accorder
une entière confiance , il falloit des
titres plus effentiels ; & il ne tarda pas à less
acquérir. On mit , fans l'en avertir , fa probité
à l'épreuve ; elle n'eut pas de peine à
demeurer intacte ; fa fenfibilité ſe manifeſta
dans plufieurs occaſions ; & la délicateffe de
fes fentimens éclatoit encore plus dans fes
actions que dans fes difcours. Quant à fes
moeurs , elles ne furent pas foupçonnées un
feul moment. Ces qualités lui acquirent l'ef
time des deux pères ; & à ce fentiment ſe joi
DE FRANCE. 211
gnit bientôt l'amitié. Des coniplaifances fans
baffefle , des égards fans affectation , cette
politeffe qui eft un befoin du coeur , & non
une coquetterie de l'efprit ; tout concourut
à le faire aimer de Dorménon & de Florimel.
Il entroit toujours dans la confidence
de leurs affaires & il partageoit tous leurs
plaifirs. O comme le premier met affectueux
que lui adreffa Dorménon fans le connoître ,
toucha fon coeur. Comme il étoit confolé !
comme il fentoit fes remords s'appaifer ! il
lui fembloit au moins que chaque louange
que fon père lui donnoit , effaçoit une des
fautes de fa jeuneſſe.
r
Cependant la conduite de Merfeuil , en
obrenant l'eftime de Dorménon , renouveloit
fes chagrins paternels. Il comparoit le
jenne Sérigny ( c'eft le nom qu'avoit pris
Merfeuil ) à ce fils qu'il croyoit perdu , & il
geminion. Un jour que cette idée , trop préfente
à fon imagination , peignoit la doulcus
fur fon vifage , le fenfible Merfeuil ● fa lui ›
demander s'il avoit quelque chagrin . Qui ,
mon ami , lui répondit Dorménon , & ce
chagrin ne finira qu'avec ma vie. J'eus un
fils autrefois ; mais tous les pères ne font pas
heureux. Vous pleurez , m'avez- vous dit ,
un père tendre. O cruelle bizarrerie du fort !
il n'est plus celui qui pourroit être heureux
par le fpectacle des vertus de fon fils ; &
moi, moi , je vis encore ! A ces mots fes
larmes coulèrent fur la main de Merfeuil
qu'il avoit prife , & qu'il ferroit affectueu
212 MERCURE
fement. Merfeuil fentit alors fa poitrine fe
gonfler , & fes larmes coulèrent malgré lui .
Dorménon , charmé d'un attendriffement
dont il ne foupçonne point la caufe , l'embraffe
avet tranfport , & leurs larmes fe confondent.
On fe figure fans doute la douce
joie de Merfeuil , quand il fe fentit dans les
bras de fon père. Il eut de la peine à garder
fon fecret ; mais il craignit de perdre tout
fon mérite en fe nommant ; il ne croyoit
pas encore avoir mérité fon pardon .
Cependant les affaires des deux amis
étoient de beaucoup améliorées depuis que
Merfeuil étoit entré dans leur maifon. Ils ne
fe diffimuloient pas que c'étoit à fes foins
qu'ils en étoient redevables . Ils crurent devoir
l'en récompenfer , & ils l'intérefsèrent
dans leur commerce. Cette faveur le flatta
infiniment , non comme un moyen de fortune,
mais comme le témoignage & le garant
d'une amitié qui lui étoit chère & précieuſe.
1915
Une maladie qui furvint quelques jours après
à Dorménon , alarma la tendreffe de Mer-.
feuil , & fit connoître encore mieux fa
fenfibilité. Toutes les heures qu'il n'étoit
pas obligé de donner à fon devoir , il les
paffoit auprès du lit de fon père. Sous prétexte
qu'il favoit un peu de Médecine , il
préparoit lui même tous les remèdes qu'on
ordonnoir, & ne vouloit pas fouffrir qu'un
autre les lui préfentât . Il le foignoit le jour
le veilloit la nuit ; & fi cette maladie eût
>
DE FRANCE. 213
.
duré plus longtemps , il fût devenu malade
lui- même , & de fatigue & de chagrin.
Tout cela ne faifoit qu'augmenter de jour en
jour la tendreffe que Dorménon avoit pour
Merfeuil. Il auroit voulu ne pas le quitter
un moment ; & il fe plaifoit à lui ouvrir ſon
coeur , à lui parler de fes chagrins. Pourquoi,
lui difoit- il quelquefois en le regardant tendrement
, le ciel ne m'a t'il pas permis d'être
votre père ? Je ferois fi heureux ! Alors il lui
racontoit les égaremens de fon fils . Ce récit
puniffoit , affligeoit Merfeuil ; mais les careffes
qui l'accompagnoient , le confoloient
auffi tôt. Combien de fois fut - il fur le point
de fe découvrir ! mais la crainte venoit toujours
l'arrêter. Non , fe difoit- il , reftons
tel que je fuis , puiſqu'ainſi je ſuis heureux.
Eh ! pourquoi rappeler ce que j'ai été , quand
je voudrois l'oublier moi - même ? J'ai l'eftiine
& l'amitié de mon père , pourquoi hafarder
l'une & l'autre Sérigny eft aimé ,
eftimé ; Merfeuil feroit haï peut- être. Après
cela il redoubloit d'attentions auprès de
Dorménon , & il fe confoloit du déplaifir de
ne pouvoir l'appeler mon père , en lui ren-.
dant tous les devoirs d'un fils . Telle eft la vie
que menoit Merfeuil ; elle ne s'écouloit
point dans le bruit & dans les plaiſirs , &
fon coeur la préféroit à ces jours de tumulte
& d'éclat qui l'avoient rendu coupable.
Mais ce coeur , pour être changé , n'étoit
pas devenu infenfible ; l'amitié , l'amour
même y avoit confervé fes droits . Il voyoit,
$124
MERCURE
il entendoit trop fouvent la jeune Marianne ,
pour n'être pas touché de fa beauté & des
charmes de fon efprit. Il avoit effayé d'arrêter
les progrès de cette paffion dans fa naiffance
; mais comment pouvoit - il éteindre
fon amour , quand il étoit obligé de voir à
chaque inftant celle qui pouvoit le rallumer
d'un coup- d'oeil ? D'ailleurs , outre que la
confcience de ce qu'il étoit né , fervoit à l'enhardir
, Florimel lui avoit laiffé entrevoir
plus d'une fois qu'il ne feroit pas fâché de
le voir plaire à fa fille . Il n'en falloit pas tant
pour encourager un coeur ardent & amoureux.
Il ofa donc fe livrer aux douces impreffions
de l'amour ; mais ce Merfeuil , cet audacieux
conquérant, pour qui une déclaration
amoureufe n'étoit autrefois qu'un jeu , il ofe
à peine aujourd'hui laiffer parler les regards.
Ils furent pourtant affez expreflifs pour fe
faire entendre , & affez timides pour intéref
fer. Merfeuil étoit aufli aimable que fa conduire
étoit honnête. Sa morale étoit pure
fans être fauvage , & il avoit de la vertu fans
pédanterie. Il poffedoit plufieurs talens ; la
danfe , la mufique , pluſieurs inftrumens &
le deffin ; tout cela formoit une féduction
d'autant plus puiffante , qu'il avoit l'air d'en
faire ufage pour amufer , fans y chercher un
moyen de plaire. Enfin , (oit que Marianne
regardât les talens de Merfeuil , & la diſtinction
qu'on lui avoit accordée , comme un
équivalent à la fortune qui lui manquoit ,
foit qu'elle eût deviné là- deffus les difpofiDE
FRANCE. 215
tions de fon père , foit enfin qu'elle eût plutôt
écouté fon coeur que fa raifon , Merfeuil
obtint l'aveu d'un amour qu'il avoit peutêtre
infpiré avant d'avoir ofé déclarer le
fien.
Dès que leurs deux coeurs fe furent expliqués
, quel charme fe répandit fur tous
lears entretiens ! l'amour de Marianne fembloit
augmenté par l'aveu qu'elle en avoit
fait ; & la naïveté de fon caractère y ajoutoit
un intérêt nouveau. Son efprit & fon coeur
avoient des grâces que Merfeuil n'avoit
point connues , qui ne fe trouvoient point
ailleurs . Enfin , elle mettoit dans l'expreflion
de fes fentimens une franchiſe ingénue , qui
favoit tout- à- la - fois enflammer le defir &
infpirer le refpect.
J'aurois pu dire déjà que de tout temps
les deux pères avoient projeté de refferrer
les noeuds de leur amitié par l'hymen de Merfeuil
& de Marianne. On les en avoit infor .
més l'un & l'autre ; & avant d'être inftruit
de la conduite de Merfeuil , Dorménon avoit
cru devoir lui en parler plufieurs fois dans
fes Lettres . Comme Merfeuil étoit déjà jeté
dans le tourbillon des jeunes gens de fon âge ,
il en avoit pris le langage ordinaire ; il lui
avoit répondu qu'il étoit bien jeune pour
fonger au mariage , & que d'ailleurs il fentoit
beaucoup de goût pour le célibat. Dorménon
avoit infifté ; Merfeuil , dans l'ivreffe de la diffipation
, s'étoit même permis fur le compte
de Marianne des traits de légèreté , de fa216
MERCURE
tuité même ; & en plaifantant fur fa beauté ,
qu'il ne connoiffoit pas , il avoit , comme le
Dorante du Méchant , parlé de ſes beaux
yeux de Province. Cette infulte avoit été réparée
depuis par fon amour refpectueux , &
expiée par fon repentir ; mais Marianne, dans
le temps , ayant furpris une de ces Lettres ,
fon amour propre en avoit été juftement offenfe
, & elle gardoit la Lettre, peut - être pour
s'en faire un titre de refus , fi l'on vouloit un
jour l'obliger d'épouſer Merfeuil.
-
Un foir , comme nos deux amans s'entretenoient
feuls de ce qui fe paffoit dans leur
coeur , Marianne apprit à Merfeuil ce qu'il
favoit au moins auffi bien qu'elle ; qu'on
avoit promis fa main au fils de Dorménon ;
mais que ce fils , par fon inconduite , avoit
mérité la colère de fon oncle & de fon père ;
& que même , depuis long- tems , il avoit dif
paru tout- à- fait . Mais , lui dit Merfeuil avec
une espèce de tremblement , fi ce fils revenoit
un jour , votre coeur.....
Oh! non ,
interrompit Marianne , il ne reviendra point,
on le croit mort ; & d'ailleurs quand je pourrois
difpofer de mon coeur , il fe l'eft fermé
par fa conduite & par des affronts , que je
ne lui pardonnerai jamais. Ces mots firent
frémir le tendre Merfeuil ; & la naïve Marianne
lui montrant la Lettre qu'elle avoit
furprife : tenez , lui dit- elle , voyez comme
il me traite ! moi , qui ne lui avois jamais
rien fait ; moi , qu'il devoit époufer ! Non ,
ajouta-t'elle , je ne fuis point méchante ; mais
je
DE FRANCE.
217
Je n'épouferai jamais un homme qui m'a
méprilée, Merfeuil reconnut bien cette Lettre
fatale ; il eût voulu effacer avec fes larmes
, laver de fon propre fang ces affreux caractères.
Ce fut de bien bon coeur qu'il traita
de blafphêmes ces coupables plaifanteries.
Son coeur ( la crainte accompagne toujours
l'amour ) étoit en proie aux plus vives alarmes
; il regardoit le difcours de Marianne
comme un arrêt qu'elle venoit de
prononcer contre lui. Il ne répondit que
des mots entre coupés & fans fuite ; &
tout ce qu'il put prononcer d'intelligible ,
ce fut: ah! belle Marianne ! fes remords ont
fans doute expié fon crime ; & il eft affez
puni s'il a perdu l'efpoir de vous poffèder .
Allons , reprit Marianne , ne parlons plus
de cette Lettre qui nous afflige tous deux.
·
Enfin , un jour ( & c'étoit un beau jour )
Florimel , après avoir confulté Dorménon ,
fit appeler Merfeuil , & lui propoſa la main
de fa fille. Merfeuil accepta cette offre avec
des tranfports de reconnoiffance , & il fut
décidé que le jour même on figneroit le
contrar. Le foir , quand on fe fut raffemblé
pour mander le Notaire & quelques témoins,
Merfeuil, prêt à donner fa fignature, ne crut
pás pouvoir garder plus long- temps l'incognito
, & il trembloit de le quitter. Jamais
il n'avoit fenti tant de trouble & d'effroi ; fa
trifteffe fut même remarquée , & on lui en
demanda la caufe. O mes Bienfaiteurs , leur
dit- il , pardonnez fi la trifteffe ſemble me
N°. 13 , 29 Mars 1783 .
K
218 MERCURE
·
poursuivre au moment le plus heureux de
ma vie. Il manque à mon bonheur un confentement...
Quel confentement, interrompit
Florimel ? Celui d'un tuteur ? Vous êtes orphelin.
Quoi , demanda preſque en mêmetemps
Dorménon , auriez vous un père ? Je
l'ignore , Monfieur , s'écria Merfeuil en fe
jetant à fes pieds , j'ignore s'il me refte un
père. C'eſt à vous feul à me l'apprendre.
Vous voyez ce coupable Merfeuil qui a mérité
votre colère & votre abandon . J'ai
voulu commencer une nouvelle carrière ,
me punir de mes fautes , les expier. Vous
m'avez vû , non tel que j'étois , mais tel que
je ferai toute ma vie. En parlant ainfi il le
regardoit en fondant en larmes , & dans l'attitude
d'un homme qui attend la vie ou la
mort. Dorménon avoit eu le temps de revenir
de fa furpriſe en l'écoutant . Son coeur
ne peut réfifter à ce fpectacle ; il tombe dans
les bras de Merfeuil , l'avrofe de fes larmes ,
& non content de lui pardonner , ce bon
père le remercie encore de lui avoir rendu
fon fils . Florimel mêla fes larmes à celles de
fon ami & de fon gendre ; Marianne brûla
bien vite fa lettre ; le mariage fut célébré
comme un événement qui faifoit quatre
heureuxà la fois ; & le bonhomme d'oncle ,
qui apprit cette nouvelle avec autant de furprife
que de plaifir , affura toute la fortune
aux deux époux,
( Par M. Imbert:)
DE FRANCE. 219
COUPLETS à Mlle DE GAUDIN l'aînée ,
à laquelle j'avois promis de faire une
Satyre à fon fujet , en la défiant d'y
répondre.
AIR : Mon petit coeur à chaque inftant foupire.
1
Je t'ai promis , Áglaure , une Satyre ;
Mais c'eſt en vain , tu ne peux l'inſpirer ;
Qui peut t'entendre , ou qui te voit fourire ,
Perd tout efpoir de jamais cenſurer :
Ou bien il faut qu'à la Mufe légère
Phébus accorde , afin de s'acquitter ,
Ce qu'aujourd'hui nos Ecrivains n'ont guère ,
L'heureux talent de plaire & d'inventer . bis.
LORSQUE par fois , fous ta gaze mi- cloſe ,
En tapinois nos regards éblouis
Comptent les lys en cherchant une rofe ,
Qui ne croit voir les charmes de Cypris ?
Ton fexe feul a befoin d'en médire ;
Mais parmi nous crois qu'il n'en eft aucun
Qui puifle alors s'occuper de fatyre ,
Ou ce feroit contre un voile importun. bis.
PUISQUE la haine en tous lieux fuit fes traces ,
D'un Satyrique abjurons donc l'emploi ;
Va , l'ennemi des Talens & des Grâces
Kij
220 MERCURE
Peut feul , Aglaure , écrire contre toi :
Comme ta foeur , tu fais plaire & féduire ;
Vous poffédez mille agrémens divers :
Pour moi , j'ai beau condamner la fatyre ,
Je n'en fuis pas moins jaloux de ſes vers. bis.
( Par M. Damas. )
Explication des Charades , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la première Charade eft Charrade
; celui de la 2. eft Orange; celui de la
3. eft Courage; celui de l'Enigme eft Mari ;
celui du Logogryphe eft Gloire', où le trouvent
Loire , loir, oie , loi , Roi , Eloi , lyre ,
rôle , loge , or , rigole , ré , gril , lie.
JE
ÉNIGM E.
E fuis jeune , je fuis vieux.
"
J'ai la prudence en partage.
Mon coeur pur brûle des feux
D'un Hymen dont plus d'un gage
Me fait chérir les doux noeuds ,
Aufli dit-on , en tous lieux
Que Salomon fut moins fage.
Chez moi , j'ai de l'esclavage
Brifé le joug odieux.
Le calme , fous d'autres cieux ,
DE FRANCE. 221
Par moi fuccède à l'orage.
Un accufé vertueux
Mouroit faute de courage ,
Niant trop tard des aveux
Arrachés par un outrage
Et des tourmens douloureux.
J'ai fait, Neftor à mon âge ,
Ceffer ces moyens douteux
Qu'un fenfible Aréopage
Reprochoit à nos aïeux.
On me verroit glorieux
Du fuccès de mon Ouvrage ,
S'il ne manquoit à mes voeux
De changer le bien en mieux ;
Mais l'avenir m'encourage.
Quand j'aurai fait plus d'heureux ,
Je le ferai davantage.
( Par M. Félix- Nogaret. )
LOGOGRYPHE.
JE fuis avec fept piés un animal utile ;
Retranche le premier , j'offre au Sage un aſyle,
( Par M. Saint-Gervais , Officier au Régim.
de Picardie , Infanterie. )
Kiil
222 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
LES Quatre Ages de l'Homme , Poëme.
A Paris , chez Moutard , Imprimeur-
Libraire de la Reine , rue des Mathurins ,
hôtel de Cluni.
IL eft certain que le ſujet de ce Poëme eſt
un des plus heureux qu'on ait pu choilir.
Horace, Defpréaux & Rouffeau ont laiffé une
efquiffe des Quatre Ages de l'Homme ; mais
nous ne connoiffons aucun Poëme où l'on
ait développé ce tableau intéreffant . Il offre
au Poëte un fonds inépuifable de variété ; on
peut y parler également à l'efprit , au coeur
& à l'imagination . Mais fi un fujet trop pauvre
peut glacer le génie poétique , un ſujet
trop riche a bien fes dangers auffi . Outre
qu'il impofe une tâche auffi pénible que
difficile , le Lecteur , qui mefure fes prétentions
à la richeffe du fujet , devient plus
févère & plus exigeant ; quelquefois il eft
plus facile & moins dangereux de féconder
un fujet ftérile , que de choisir & diftribuer
des richeffes qu'on trouve abondamment
fous fa main. C'eft peut - être cette feule réflexion
qui a jufqu'ici empêché nos bons
Poëtes de traiter les Quatre âges de l'Homme.
Peut-être ils n'ont fait que craindre ce fujet ,
quand on s'imagine qu'il leur eft échappé.
DE FRANCE.
223
Cette confidération n'a pas arrêté l'Auteur
du Poëme que nous annonçons au Public.
Ce feroit le flatter que de lui dire qu'il
a parfaitement rempli fon fujet ; mais il y
auroit peut -être autant d'injuftice à ne pas
reconnoître un véritable talent dans fon
Ouvrage.
Ce Poëme eft en quatre Chants , comme
le titre l'annonce , comme le fujet le prefcrit.
Dans le premier , le Poëte peint l'enfant
au berceau ; & il s'élève contre l'ufage
meurtrier où l'on eft, où l'on étoit fur- tout ,
de l'emmailloter. Les craintes qu'il témoigne
fur la fanté du nourriffon , l'amènent naturellement
à parler de la petite vérole. On
lira avec plaifir quelques traits de la peinture
de ce redoutable fléau :
Fuyez fur-tout , fuyez ce mal contagieux ,
Dont l'approche eft funefte & l'afpect feul hideux ;
Qui , fatal à l'enfant , chez le vieillard s'irrite ,
Et qu'avant de mourir rarement l'homme évite.
Sans s'épurer jamais , fon fouffle empoisonné
·Dans le fang qu'il aigrit fermente emprisonné ;
Le friffon , le dégoût annoncent, fa présence ,
Et für un front livide ont peint la défaillance ;
La fe tend , s'élève , & , plus vive en couleur ,
peau
Du feu qu'elle contient décèle la chaleur ;
Mais le malexcité fortant avec furie ,
Défigure le corps s'il épargne la vie.
C'est à Vénus , implorée par Mirza , que
Kiv
224
MERCURE
le Potte attribue l'idée de l'inoculation.
Depuis , ajoute t'il ,
Depuis , dans ces climats cette pefte adoucie
S'eft dans fon propre piège elle -même affoupie ,
Et le mal n'eft armé que pour chaffer le mal.
Il fait une fortie contre l'ufage des nourrices
mercénaires , & il rappelle les dangers
qui menacent en pareil cas & la mère &
l'enfant. A ce tableau il oppofe celui d'une
mère qui nourrit fon enfant de fon propre
lait. On ne pouvoit guère abandonner cet
article important fans parler de Jean - Jacques
Rouffeau . Voici quelques vers que lui
adreffe le Poëte :
Homme tendre & fublime , ô toi , dont le mépris
Condamna nos erreurs dans tes fougueux Écrits ,
Que j'aime en t'écoutant certe fainte colère ,
Que tu fais retentir dans l'âme d'une mère !
Le cri de la Nature , & dont tu fus l'écho ,
Nous parut dans ta bouche un langage nouveau ;
La vérité fortit , & fà vive lumière
Long temps bleffa nos yeux qu'à préfent elle éclaire.
Puiffe donc fa clarté pénétrer tous les coeurs ,
Faire au milieu de nous revivre pour les meurs
Des époux plus foumis , des épouſes plus fages , &c.
L'enfant que la nourrice emmène dans fon
village , a fourni à l'Auteur une tirade où fe
trouvent des détails agréables , & qui fe termine
par une comparaifon heureuſement
exprimée :
*
DE FRANCE. 225
Cependant , exilé du fol qui l'a vû naître ,
L'enfant ouvre les yeux , & voit déjà paroître
Une foule d'objets qu'il ne diftingue pas.
La robuſte Lifen , qui le tient dans fes bras ,
En fixant fes regards a reçu fon hommage ,
D'un amour qui va naître , innocent témoignage ,
Et découvrant un fein que l'art n'a point gâté ,
Où fous un lin greffier refpire la fanté ,
Lui donne cette fois une ſeconde vie.
Ce don fi précieux l'un à l'autre les lie ;
Tous les deux , fatisfaits de cette illuſion ,
Vont fe prêter l'un l'autre à la féduction .
Tel un arbre choisi pour un nouvel uſage ,
A des fruits qu'il adopte offre fon tronc fauvage ,
Et ce fruit élevé dans fon fein généreux ,
Preffe amoureuſement fes rameaux orgueilleux.
Un tableau qui n'a pas dû échapper à l'Auteur
, c'eft celui du retour de l'enfant. La
mère court au- devant de lui avec des mouvemens
de joie :
O'mortelle douleur !
L'enfant , de cette ivreffe altère la douceur ;
Car en lui l'habitude abuſant la nature ,
Il ne l'appercevra qu'en lui faisant l'injure
De détourner la tête & de pouffer des cris ;
Elle frappe fes yeux fans frapper fes efprits.
Mais faut- il s'étonner , fi dans un tel myſtère ,
Le fein qui le nourrit eft celui qu'il préfère ?
K v
226 MERCURE
On cherche à le convaincre , on n'y réuffit pas.
Il demande fa mère en pleurant dans fes bras.
Ce dernier vers eft très- heureux.
Dans le fecond chant , le Poëte décrit les
jeux de fon élève. Celui du volant , à un mot
près , qui manque de jufteffe , eft heureuſement
exprimé :
Au milieu de leurs jeux , tel un liège emplumé ,
S'élance en pirouettant dans le vide animé ;
Et trompant le coup- d'oeil du joueur qui la guette ,
Vingt fois par un faux bond échappe à la raquette.
Après l'avoir fait promener fur la glace
après l'avoir conduit à la nâge , & lui avoir
fait furprendre dans fon nid la famille de la
fauvette ; c'est- à- dire , après avoir decrit les
plaifirs de fon élève , il retrace fes peines &
fa trifte fervitude. Un des morceaux les
mieux faits , fans doute , c'eft une peinture
fort gaie du Collège .
e
Dans un réduit obſcur , où la pédanterie
Loge avec la fottife & la caffarderie ,
Sous l'oeil d'un Magiſter , des pédans fubalternes
Répandent la terreur dans ces doctes caſernes :
C'eft-là qu'avec méthode on doit aller , venir ;
Qu'au coup de cloche il faut boire , manger , dormir,
Jouer ou travailler , ou jafer ou fe taire ;
C'eft-là qu'on parle Grec à la barbe d'Homère ;
Que maint Cicéron bâille en fon coin triftement ,
DE FRANCE 227
Du chagrin de fe voir trop près d'un rudiment ;
Etque Phèdre après lui traîne ſon commentaire :
Vous ne trouverez là Racine ni Molière ,
Ni ces Auteurs François , dont le vers bien écrit
Épure le difcours en amuſant l'eſprit.
( Il manque ici deux vers à rime féminine ;
c'eft un oubli de l'Auteur ou de l'Imprimeur.)
Mais on pourroit y voir le maître & fes grimauds ,
Un vieux Tacite en main , en traduire les mots ,
Ou d'un ton lamentable interprêter fans grâce
Les beautés de Virgile ou la gaîté d'Horace.
Là , mon lourdaut , bridé par fon génie étroit ,
Préparant à la troupe un travail mal - adroit ,
Vous met dans l'embarras de pouvoir reconnoître
Lequel eft le plus fort de l'élève ou du maître :
Toujours froid & pefant , c'eft avec dureté
Qu'il vient à cet enfant prêcher l'humanité , &c.
Quand on parle ainfi du Collége , on fait
fort bien de n'être plus en âge d'y retourner.
Il paroît que l'Auteur ne s'y eft pas infiniment
amuſé dans fa jeuneffe . Quelques perfonnes
trouveront la peinture qu'il en fait
un peu vive ; mais il a trop visiblement attaqué
les ridicules pédans, pour que les fages
Inftituteurs puiffent s'en offenfer.
Delà il paffe à la puberté ; &c , à quelques
négligences près , la peinture qu'il en fait
eft d'un ton vrai & ferme.
Superbe , & fe fentant fait pour donner des loix,
K vj
228
MERCURE
Il vient de s'éveiller pour la première fois ;
La majefté, la force ont chaffé la foibleffe ,
Et la virilité va parer fa jeuneffe.
A fa marche impoſante , à ſon geſte aſſuré ,
Les animaux ont fui d'un pas moins mefuré.
Devenus fes vaffaux en le voyant paroître ,
Tous ont été forcés de plier fous un maître.
Quelques-uns plus foumis ont accepté ſes fers ,
Et même les premiers au joug fe font offerts.
Lui-feul au-deffus d'eux levant la tête altière ,
Peut jeter fes regards fur la nature entière ;
Sa voix foible jadis , qui va fe décider ,
Annonce un être fier , & fait pour commander ;
Sa raison qui mûrit , déjà plus exercée ,
Fait dans un plus bel ordre éclore fa penſée ,
Et frappant fon cerveau de ſes feux les plus prompts ,
Dans un foyer plus pur épanche ſes rayons.
C'eft à cet âge que chaque détail du tableau
de la Nature lui imprime un fentiment.
Il reípire la vie avec trop d'abondance ,
Et voudroit au dehors porter fon exiſtence.
Dans le troifième Chant , le Poëte trace
le portrait des deux paffions qui fe partagent
notre coeur , l'amour & l'ambition.
Après avoir rappelé quelques malheurs caufés
par l'amour , il adoucit ce tableau par
celui d'un amant qui a furpris fa maîtraffe
au bain. Ce Chant eft terminé par
quelques vers fur l'ambition & fur l'amitié.
DE FRANCE. 229
Le quatrième traite des infirmités , & ſurtout
des défauts de la vieilleffe . Sans doute
il falloit peindre l'ennui que la vieilleffe
fouffre & caufe tout-à- la- fois ; mais il ne
faut pas retracer les défauts des vieillards
fans Faire plaindre leurs maux. Ce Chant ,
qui eft un peu monotone , auroit pu être,
plus intéreffant. Ce n'eft pas qu'on n'y trouve
des détails heureux qu'on liroit ici avec
plaifir ; mais ce que nous avons déjà cité
doit fuffire pour faire apprécier le ftyle de
l'Auteur. On a dû s'appercevoir qu'il eft
ſouvent négligé ; mais on a dû remarquer
auffi qu'il y a toujours un ton de vérité , une
efpèce d'ingénuité attachante , & une fenfibilité
douce qui ſe répand fur tous les objets.
Il y a de ces vers heureux qui fe gravent
dans la mémoire. En parlant de l'embarras
de Clariffe , furpriſe au bain , il dit :
Et voulant trop cacher de roſes à la fois , &c.
Voici un détail bas , rendu heureuſement
& naturellement :
Ainfi dans nos jardins la plus vile matière
Sous nos yeux fe transforme en plante nourricière.
Après avoir dit que le bonheur n'eft pas de
vivre , mais de favoir vivre , l'Auteur ajoute
avec grâce :
Car ces Dieux de la Fable , autrefois fi fameux ,
Étoient tous immortels , & n'étoient pas heureux !
On les voyoit au ciel former des entrepriſes ;
Et, tout Dieux qu'ils étoient, payer cher leurs fotifes .
230 MERCURE
Quelquefois l'expreffion eft noble & poétique
, comme dans ces vers où le Poëte ſe
plaint qu'on n'élève pas des monumens funèbres
aux Héros & aux Sages :
En effet , a-t'on vû les races déſolées
Leur élever à tous d'auguftes mauſolées ?
Non , c'est au vice heureux que des marbres menteurs
Décernent lâchement ces ferviles honneurs.
Mais nous croyons devoir inviter l'Auteur
à ne pas fe négliger fur l'exactitude de la
langue.
Si le ton qu'on y met m'avertit quej'yfonge.
Avertir de & avertir que , offrent des fens
tout différens .
Forcée hors des canaux qui la tenoient foumife.
Hors eft afpiré ; & dès lors le vers eft trop
long d'une fyllabe.
N'y voyoit plas ni vent badiner fes bouquets ,
Ni , & c.
Badiner eft un verbe neutre , & par conféquent
fans régime.
Souviens-toi qu'aujourd'hui c'eft toi qui fus la caule.
On ne peut pas dire , tu fus aujourd'hui , on
doit dire tu as été.
Ces obfervations ne peuvent rien ôter à
l'eftime que doit infpirer l'Auteur de ce
Poëme. Le talent qui brille déjà dans fa
poéfie , prouve qu'il peut en corriger ailéDE
FRANCE. 231
ment les défauts. C'eft un de ces Poëmes quipromettent
plus qu'ils ne donnent , & qui
font penfer encore plus de bien du talent de
l'Auteur que de l'Ouvrage même.
VARIÉTÉS.
LETTRE de M. DUPONT au Rédacteur
du Mercure pour la partie des Pièces
Fugitives.
JE trouve dans le Mercure , Monfieur , quelques
vers de moi que vous avez jugé à propos d'y inférer ,
& je vous en remercie . Mais je trouve à la fin de ces
vers qu'ils font de l'Auteur d'une Traduction de
l'Ariofte, qui fe vend chez un tel Libraire , & je
vous avoue que je n'ai pas lû cette annotation fans un
fentiment de peine affez vif.
Je rends juſtice au motif qui vous la dictée , &
fuis convaincu que votre amitié a cru m'obliger.
J'aurois defiré qu'elle eût compris combien il importe
peu au Public que l'Auteur de vingt vers médiocres
qui feront oubliés demain l'ait encore été de
quatre ou cinq cent autres oubliés depuis long - temps.
Je ne me fuis nommé à la tête d'aucune traduction
de l'Ariofte . Perfonne ne peut donc affirmer qu'il en
exifte une de moi ; & quand j'aurois publiquement
avoué celle que vous m'attribuez , je me ferois bien
gardé de le rappeler au bout de deux ans.
«C'est mon Ouvrage ilfe vend chez Moutard. »
Senfible à la bienveillance que vous me témoi
gnez , je vous fupplierai donc , fi l'occafion s'en retrouvoit
jamais , de la manifefter d'une autre manière.
De tous les maux qui peuvent fondre fur un
homme, le plus cruel peut-être & le plus incurable ex
232 MERCURE
France eft le ridicule. C'eft certainement celui qu'il
faut le plus éviter pour foi-même , & craindre le plus
de communiquer à ſes amis.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Paris , le 15 Mars 1783 .
SPECTACLES.
COMÉDIE FRANÇOISE.
LE Lundi 17 de ce mois , on a joué , pour
la première fois , le Déjeûné interrompu
Comédie en deux Actes & en profe.
M. & Mme de Merval fe propoſent d'unir
leur fille Henriette & leur neveu Damis.
Celui - ci a voyagé pendant trois ans.
fous le nom de Dorval : il eft de retour.
Tandis qu'il voyageoit , un certain Marquis
nommé Valère , a vû Henriette , l'a lorgnée
fuivie , agacée ; enfin il eft parvenu à infpirer
quelque goût à la jeune perfonne. Ce'
Marquis n'eft qu'un fat fans délicateffe , &
qui a été beaucoup moins touché par les
charmes d'Henriette que par l'espoir d'épou
fer une riche héritière. Il étoit fur le point
de recevoir la main d'une Mme de Saint-
Lambert , dont il a fubjugué l'efprit ; il y
renonce , parce que la fortune de Mlle de
Merval eft plus confidérable que celle qu'il
convoitoit. C'est par l'entremile de Frontin
& de Marton , tous deux attachés au fervice
DE FRANCE. 233
de M. de Merval , que Valère veut faire expliquer
les intentions. On devine fes deffeins
, & l'on fe promet de le berner. On lui
propoſe de lui ménager un rendez- vous avec
Henriette ; c'eft le faux Dorval qui fe trouve à
ce rendez - vous. Le Marquis eft éloigné de
foupçonner que Damis foit fon rival , en
conféquence il lui parle de lui-même avec
beaucoup de légèreté , & explique tout naturellement
fes vûes. Damis feint de s'y
prêter ; il engage Valère à fe retirer dans fon
appartement pour y attendre l'inftant favorable.
M. & Mme de Merval fe rendent
dans le fallon pour déjeûner . Une lettre de
Mme de Saint- Lainbert leur apprend les
projets du Marquis . Leur étonnement eft
extrême. Marton , Frontin & Damis les inf
truifent de tout. On appelle le Marquis. A
l'afpect des parens d'Henriette , il croit d'abord
que tout s'eft arrangé en la faveur ;
l'explication le défabuſe ; il ſe retire en affectant
de plaifanter. Damis épouſe Mlle de
Merval.
Cette petite Comédie , qui n'a pas eu un
grand fuccès , a néanmoins obtenu des ap
plaudiffemens.On y a remarquéde l'efprit, une
teinte de philofophie douce & quelques détails
très agréables. La Scène entre Valère &
Damis a été goûtée généralement ; c'est la
meilleure de la Pièce. Une Dame eft l'Auteur
de cet Ouvrage. Nous propofons ici à
nos Auteurs galans , à ceux qui poſsèdent ou
croient pofféder tous les fecrets de l'urbanité
234
MERCURE
polémique, une question que nous voudrions
voir réfoudre. La voici. Lorfqu'une femme
entre dans la carrière des Lettres , quand elle
ne craint pas de defcendre dans l'arène poury
difputer la palme aux Écrivains d'un autre
fexe ; doit -on la juger avec les ménagemens ,
la complaifance , les égards que l'on accorde
à fon fexe dans d'autres circonftances , ou
ne faut- il la confidérer que comme un
Athlète littéraire? Si on répond à cette queftion
, nous faurons de quelle manière nous
devrons par la fuite nous expliquer fur des
productions telles que la Comédie dont
nous venons de parler .
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Mardi 18 Mars , on a donné la première
Repréfentation des Aveux difficiles ,
Comédie en un Acte & en vers , par M. le
Baron d'Eftat .
Le fonds de cet Ouvrage eft abfolument
le même que celui de la Comédie de M.
Vigée , dont nous avons rendu compte Numéro
11 de ce Journal. La différence que
l'on trouve entre quelques tuations des
deux Pièces , n'eft point affez marquée
pour qu'il foit poffible d'élever aucun doute
fur leur reffemblance générale. Qui de M.
le Baron d'Eftat ou de M. Vigée a les droits
les plus inconteftables à la propriété du
fujer? Voilà le point de la difficulté , & nous
DE FRANCE. 235
ne faurions le réfoudre. Il eft vraisemblable
que c'est pour
terminer la querelle des deux
Rivaux, qu'on s'eft avifé d'adreffer au Journal
de Paris une Lettre datée des ChampsÉlyfées
, & fignée Néricault Deftouches . Čet
Auteur comique y réclame le fonds des
Aveux difficiles , & citè fa Comédie de
l'Amour ufé , comme la fource où MM.
d'Eftat & Vigée ont puifé le fujet de leurs
Ouvrages . Le Secrétaire de Deftouches nous
permettra de lui obferver qu'il eft très- poffible
& même très - probable que fans avoir
aucun fouvenir de l'Amour ujé, on ait imaginé
l'intrigue des Aveux difficiles. Chez
Deftouches un vieux garçon & une vieille
fille ont projeté de s'époufer ; il y a vingtcinq
ans que la minute de leur contrat de
mariage eft reftée chez le Notaire. Ils ne
s'aiment plus , & rien de plus ordinaire qu'un
amour mort après vingt - cinq ans. Un amour
de cet âge feroit , pour me fervir d'une expreffion
de Fontenelle , le Mathufalem des
Amours. Un jeune homme & une jeune perfonne
ont fixé l'attention & les defirs le premier
de la vieille fille & la feconde du vieux
garçon. Après une fuite d'incidens , la plu
part d'un excellent comique , les deux jeunes
gens font unis , & les deux vieux amans
font trop heureux de fe reprendre . Ce n'eft
pas- là le fonds des Aveux difficiles , où , pour
F'y retrouver , il faut étrangement forcer les
rapprochemens. Deux jeunes gens , tous
deux aimables , tous deux faits pour plaire ,
236
MERCURE
qui ceffent de s'aimer parce que chacun
d'eux eft entraîné vers un autre objet , &
qui n'ofent fe faire l'aveu de leur inconftance
, qui en rougiffent , qui fentent , pour
ainfi dire , l'injuftice de leur coeur; ne fauroient
reffembler auxPerfonnages de l'Amour
ufé ni par le caractère , ni par la fituation ,
ni par l'attitude dramatique. A notre avis
Deftouches, n'a rien à réclamer ici. C'eft entre
MM. d'Eftat & Vigée qu'eſt tout le
débat.
La Comédie de M. d'Eftat n'a pas eu un
fuccès auffi décidé que celle de M. Vigée ,
parce qu'il y règne moins d'enſemble , que
la marche en eft moins sûre , & les Scènes
moins motivées ; néanmoins nous préférons la
Scène des Aveux de M. d'Eftat à celle de
M. Vigée. Ce n'eft pas qu'il n'y ait du mérite
dans celle- ci ; mais le moyen employé .
par M. Vigée , le ministère des Valets mis en
oeuvre pour déclarer l'inconftance mutuelle
des Amans , préfentoit moins de difficultés
que le reffort qui a été adopté par M.
d'Eftat. Cet Écrivain a placé fes Aveux dans
la bouche des deux rivaux , & ce moyen plus
délicat , plus fufceptible d'inconvéniens que
l'autre, a produit une Scène qui eft filée avec
affez d'adreffe , d'intelligence & de comique
pour faire honneur à M. d'Etat . Le ſtyle de
fon Rival a plus d'éclat , eft plus foutenu ;
le fien nous a paru plus naturel . Au total
cette dernière production de M. d'Eftat annonce
plus de talent que la Somnambule ne
DE FRANCE. 237
fembloit en promettre. Voilà le fruit de
l'étude , du travail & de l'expérience.
Dans le prochain Mercure , nous parlerons
du Corfaire , Comédie en trois Actes
& en vers , mêlée de mufique , repréſentée
avec fuccès , fur ce Théâtre , fur ce Théâtre , le 17 Mars.
ANNONCES ET NOTICES.
THEATRE choifs de Pierre Corneille , papier grand
raiſin ſuperfin d'Annonay. Prix , 36 livres broché en
carton.
M. Didot femble faire tous les jours de nouveaux
efforts, qui font toujours juftifiés par de nouveaux
fuccès. Cette fuperbe Édition de Corneille doit lui
faire le plus grand honneur par la beauté rare du
papier & du caractère. Ce premier Volume renferme
le Cid , Horace , Cinna , Polieucte , le Menteur ; le
fecond, qui paroîtra en Juillet , contiendra Pompée ,
Rodogune, Héraclius , Don Sanche , Nicomède &
Sertorius. On n'en tire que deux cent Exemplaires.
Le même Imprimeur vient de faire paroître la
Morale de Théophrafte , neuvième Volume de la
Collection des Moraliftes anciens , dédiée au Roi.
Prix , 4 livres broché ; le même , papier commun,
Prix , 1 liv. 10 fols .
Première & deuxième Vues des Environs de
Gaillon. Deux Eftampes gravées d'après Pillement ,
par Jean- Baptifte Racine , & dédiées à M. Campan
fils , Maître d'Hôtel de la Reine,
La Gravure de ces deux Tableaux intéreffans
doit faire honneur au talent de l'Artifte. Ces Etampes
fe vendent à Paris , chez M. Lebas , Graveur
du Roi , & aux Adreſſes ordinaires. Prix , 1 livre
10 fols chacune .
238 MERCURE
L'Affemblée au Sallon , peint à la gouache , par
N. Lavreince , Peintre du Roi de Suède , & de
l'Académie Royale de Stockholm , gravé par F.
Dequevauviller . A Paris , chez l'Auteur , rue Sainte-
Hyacinthe , la troisième porte- cochère à droite par
la Place S. Michel, Prix , 9 liv.
Cette Gravure eft d'un effet très agréable.
ÉTRENNES de la Vertu pour l'année 1783 ,
contenant les actions de bienfaiſance , de courage ,
d'humanité , &c. A Paris , chez Savoye , Libraire ,
rue S. Jacques.
Voici la deuxième année que paroît ce Recueil ,
qui peut devenir très - intéreſſant. Il renferme ,
d'après le plan adopté par l'Éditeur , 1º . les anecdotes
de l'année ; 2. d'autres faits plus anciens , &
qui méritent d'occuper une place dans ces Annales de
la Vertu.
LA Machine à élever l'eau par une corde fans
fin, perfectionnée par M. Campmas , Ingénieur-
Hydraulique. Prix, 3 liv. avec des Explications , &
livre 16 fols fans Explication . A Paris , chez
l'Auteur , rue Gît-le- coeur , hôtel S. Louis , près le
quai des Auguftins.
M. Campmas a obtenu du Roi le privilège de
faire débiter feul dans tout le Royaume les Machines
Hydrauliques qu'il fera graver. Il donnera
fucceffivement divers moyens d'appliquer les hommes
, les chevaux , le vent , le feu & les chûtes
d'eau au mouvement de cette Machine.
On trouve à Paris chez Dezauche , Géographe ,
Succeffeur des Sieurs de l'Ifle & Philippe Buache ,
rue des Noyers , 1º . Carte particulière & très- détaillée
du Royaume de Naples , en deux feuilles.
2. Carte de l'Ifle & Royaume de Sicile , par
DE FRANCE. 239
Guillaume de l'Ifle & Philippe Buache , Premiers
Géographes du Roi , & de l'Académie Royale des
Sciences. 3. Carte Générale de l'Italie & de la Sicile,
par les mêmes , nouvellement revues & augmentées
par Dezauche , Géographe. Prix , 1 liv. 5 fols chaque
feuille.
Li-
LETTRES fur la Danfe & fur les Ballets, nouvelle
Édition par M. Noverre , Penfionnaire du
Roi , un Volume in- 8 ° . de 368 pages , imprimé chez
Didot. Prix , 3 liv. 12 fols broché. Cet eftimable
Ouvrage fe vend chez la Veuve Deffain Junior ,
braire, quai des Auguftins , à la defcente du Pont-
Neuf , près la rue Dauphine. Elle vend auffi
les Impoftures innocentes , ou Point de Vue de
t'Opéra chez les Grecs , avec plufieurs Hiftoires des
Courtifannes Grecques , un Volume in- 16 , & les
nouveaux Contes des Fées entremêlés de quelques
Hiftoriettes pour fervir de fuite aux Bibliothèques
amufantes , &c. 2 Vol . in - 12 . Prix , 2 liv . 8 fols
brochés.
On voit toujours dans fon Cabinet de lecture
toutes les Feuilles politiques , étrangères & nationales
; pour le rendre toujours plus agréable & plus
recherché , elle vient d'y ajouter tous les Journaux
littéraires , les nouvelles Pièces de Théâtre en tout
genre , les Catalogues , Livres & Almanachs de
curiofité ou d'utilité journalière , les Édits , Arrêts ,
&c. On en trouve chez elle un Tableau imprimé
plus étendu qui préfente d'un coup- d'oeil les jours
où tous les Courriers arrivent , & où tous les Ouvrages
fe lifent. On s'y aboune non - feulement
pour les venir lire , mais encore pour les avoir chez
foi , foit à Paris , dans la Province ou à la Campagne.
JOURNAL de Harpe , troisième année , n . 3 ,
240
MERCURE
avec accompagnement de Violon ad libitum . Ce
Cahier contient trois Airs de chant de l'Embarras
des Richeffes & d'Amadis, les accompagnemens par
MM . J. P. Meyer , X *** & Petillot , & un
Rondo , par M. Meyer. Prix , 2 livres 8 fols. A
Paris , chez Leduc , rue Traverfière- Saint- Honoré ,
au Magafin de Mufique. Le prix de la foufcription
pour les douze Numéros eft de 15 livres pour
Paris & la Province , port franc. On trouvera à
la même adreſſe la première & la deuxième année.
Prix , Is liv. port franc.
HERBIER de la France. Le Numéro 3 ; de
cet intéreffant Ouvrage paroît actuellement , &
renferme la Pédiculaire des marais , Plante fufpecte
de la France , la Gratiole officinale , Plante
vénéneufe , le Ményante tréflé, Plante fufpecte ,
& le Champignon , appelé le Bolet rude . On foufcrit
toujours chez l'Auteur ( M. de Bulliard ) rue des
Poftes.
Pour les Annonces des Titres de la Gravure ,
de la Mufique & des Livres nouveaux , voyez les
Couvertures.
TABL E.
IMITATION de Claudien, Les Quatre Ages de l'Homme,
193 Poëme , 212
Lettreà M. Garat , 194 Lettre de M. Dupont au Ré-
La Réparation , Conte , 203 dacteur du Mercure , 231
Couplers à Mlle de Gaudin Comédie Françoise ,
219 Comédie Italienne,
Enigme & Logogriphe , 220 Annonces & Notices ,
l'aînée ,
J'AI lu
AP PROBATION.
232
234
239
I lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 29 Mars. Je n'y al
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion . A Paris ,
le 28 Mais 1783. GUIDI
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
DANEMARCK.
De COPENHAGUE , le 28 Janvier.
Il ouvertpinein S.hlef wig
L vient d'être ouvert par ordre du Roi ,
>
un emprunt d'un million d'é us en billets
de banque à 4 pour 100 d'intérêt . L'objet
de cet emprunt eft d'obvier à la rareté du
numéraire dans ce Duché.
Il a paru dans le cours du mois dernier
3 nouvelles Ordonnances ; la piemi re prefcrit
à tous les vaiſſeaux qui voudront entrer
dans la Baltique , de dépofer la poudre à
tirer qu'ils ont à bord , & qui leur fera endue
lorfqu'ils fortiront de cet e mer ; ils ne doivent
conferver que deux charges pr canon .
La feconde défend , jufqu'au 10 Juin prochain
, de tirer de l'Ile de Zélin ' e de l'orge
& de l'avoine , & permet au contraire d'y
en porter juſqu'au o Mai , ainſi que l'importation
de l'orge , du feigle , du fel & du
fuif dans tout le Royaume de Danemarck
1er. Mars 1783. a
( 2 )
jufqu'au 10 Juiller. La troifième proroge ,
jufqu'à la fin de Juin , l'introduction du bled ,
farine , chairs falées , & autres provifions
dans les ports méridionaux de la Norwége .
Les navires qui ont paffé le Sund pendant
le cours de l'année dernière , font au nombre
de 8330 , dont 1262 Anglois & 2117
Suédois. Sur 80 bâtimens qui , pendant la
même année , ont chargé du vin à Cette en
Languedoc , il y en a eu 5-1 Danois.
Nous avons donné le Traité de commerce
conclu entre cette Cour & celle de Ruffie ;
nous obferverons ici qu'il a pour bafe les
principes fondamentaux de la neutralité armée.
L'article 21 , qui détermine les effets
ou marchandifes qui feront cenfés être de
contrebande , offre l'énumération faite dans
le Traité de 1674 entre la Grande-Bretagne
& la Hollande. Cette énumération ne comprend
point le bois de conftruction , les
mâts , le chanvre , le fer , ni aucune des
marchandifes connues fous le nom de munitions
navales , dont la Grande - Bretagne
a voulu dans ces derniers tems interdire le
transport à fes ennemis .
POLOGNE.
De VARSOV IE , le 28 Janvier.
Le jour anniverfaire de la naiffance du
Roi , qui eft entré dans la sie. année de
fon âge , a été célébré hier avec la plus
grande folemnité. Le Prince Martin Lubo(
3 )
mirski , Lieutenant- Général des troupes de
la Couronne a donné le foir un bal
fomptueux dans le Palais de Radziwill .
2
Les foins paternels & infatigables_du
Roi , viennent enfin de terminer les diffentions
qui fubfiftoient depuis un an & demi
entre les Membres de la Confeffion d'Augsbourg.
Tous les bruits répandùs au fujet de la
convocation prochaine d'une Diète extraordinaire
, font jufqu'à préfent deftitués de
tout fondement. Il faudroit un concours
d'évèneihens bien finguliers , pour qu'elle
eût lieu dans le courant de cette année.
On parle beaucoup d'un traité de commerce
qui eft fur le point d'être conclu
avec l'une des Puiffances voifines ; la Pologne
peut , s'il a lieu , s'en promettre des
avantages infinis. Il eft encore queſtion de
l'établiffement fucceffif de différentes Manufactures
dans ce Royaume .
» Plusieurs Négocians de la Moldavie & des Provinces
limitrophes de la Turquie , lit-on dans quelques
lettres , font venus dans le pays de Lemberg
& de Dubno , & affurent qu'on prévoyoit , à l'égard
de la Moldavie , de la Walachie , de la Crimée &
même de la Beffarabie , des changemeus confidérables
, que la Porte Ottomane , malgré tous les efforts ,
ne pourroit pas empêcher. Ces Provinces fi fertiles ,
méritent certainement un meilleur fort que celui
qu'elles ont effuyé jufqu'à préfent ; & peut- être que
le moment qui les en fera jouir , n'eft pas éloigné «
a 2
( 4 )
ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 30 Janvier.
,
Le bruit eft général que l'Archiduc Maximilien
fe rendra dans peu à Rome ou
l'on dit qu'on prépare déja dans le Vatican
plufieurs appartemens pour le recevoir.
L'hiver que nous éprouvons cette année
ne reffemble en rien à ceux des années
précédentes ; les neiges font fréquentes ;
mais elles ne tiennent point fur la terre ;
à peine font - elles tombées qu'elles font
fondues par un vent du midi qui les fait
difparoître , ce qui caufe des inondations
en divers endroits où elles font beaucoup
de dégats. Les pluies fe renouvellent auth
fouvent , & dégradent les chemins qui
font impraticables.
Les tranfports des munitions pour la Hongrie
fe continuent avec la même ardeur ;
cependant toutes les nouvelles de Conftantinople
font pacifiques ; la Porte ne fe laffe
point de répondre avec la plus grande condefcendance
aux demandes qui lui font faites
; on affure qu'elle vient de nous accorder
la libre navigation fur la mer noire.
Les dernières lettres de la Capitale de
l'Empire Ottoman font du 7 de ce mois ;
elles annoncent que le peuple qui faifoit
entendre précédemment des cris de guerre
paroît maintenant modérer fon ardeur &
les fupprimer ; on ignore fi cette tran(
5 )
quillité durera. Il y a lieu de craindre que
l'extrême détreffe à laquelle il eft réduit
ne renouvelle les clameurs & la fermentation.
>
Tout eft difpofé ici pour la réception de
l'Empereur de Maroc , qu'on attend dans
peu de jours . Parmi les préfens qu'il apporte
, il y a 8 fuperbes chevaux Africains ,
équipés à la Barbarefque de la manière la
plus riche , puifqu'on y a employé l'or , les
perles & les diamans. On compte que ce
Miniftre reftera ici trois mois.
L'Edit de S. M. I. portant fuppreffion
de la fervitude dans fes Etats de l'Autriche
antérieure vient d'être imprimé ; il eſt
ainfi :
conçu
Voulant favorifer la culture du Pays & l'induftrie
de mes Sujets , ce qui ne fauroit être obtenu
que par le moyen d'une honnête liberté ;
avons jugé à propos d'établir dans les Etats de
l'Autriche antérieure , les mêmes principes de foumiffion
modérés que nous avons fuivis pour nos
autres Pays Héréditaires. Dans cette vue nous
avoas ordonné & ordonnons ce qui fuit : 1º . Chaque
Sujet pourra le marier en en prévenant le Seigneur
de l'endroit ou de la terre où il demeure , lequel
fera tenu de lui donner gratis la permiffion par
écrit pour le Mariage. 29. Il fera libre à chaque Sujet
de quitter la Seigneurie à laquelle il étoit attaché
, & de s'établir cu de fe mettre en fervice
dans d'autres endroits de l'Au riche antérieure ;
mais dans ce cas il fera obligé de demander à fou
Seigneur un certificat de manumiffion . Cependant
pour empêcher que les terres du Seigneur ne foient
pas délaiées a grand détriment de l'agriculture ,
a ?
46 )
le Vaffal ne pourra obtenir la manumiffion &
quitter la terre qu'il avoit cultivée , juſqu'à ce
qu'il ait fourni au Seigneur pour cette terre un
autre laboureur capable. 3 ° . On ne payera pour
les certificats de manumiffion que deux florins ;
dans les endroits où on en a payé moins , on continuera
l'ancienne taxe ; & dans ceux où on n'en a
rien payé , on fera auffi difpenfé de payer quelque
chofe à l'avenir. 4° . Ceux des Sujets qui voudront
apprendre des Métiers & Arts pourront le
faire , fans que le Seigneur puiffe y mettre obftacle;
& ils pourront les exercer pour s'entretenir ,
dans tous les endroits des Etats de l'Autriche antérieure.
° . La fuppreffion de la fervitude n'entraîne
pas celle des corvées , & d'autres fournitures en
nature & en argent , qui font déterminées pour
chaque terre dans les lettres de Fief , les terriers ,
les jugemens & convention. Mais outre ces droits
fixés , aucun Seigneur ne pourra exiger davantage
de fes Vaffaux. -La modification que nous
avons apportée à la foumiffion des Vaffaux ,
doit nullement nuire à l'obéiffance que les Vaffaux
doivent à leurs Seigneurs , conformément aux loix
& cette même obéiffance aura lieu à l'avenir
comme par le paffé . Le Gouvernement , & les autres
Tribunaux fe conformeront au préfent Edit
& veilleront à ce qu'il foit exécuté ponctuellement.
Donné à Vienne le 20 Décembre 1782 .
De HAMBOURG , le 6 Février.
ne
TOUTES les feuilles publiques de l'Empire
, qui ne parloient depuis quelque tems
que des démêlés prêts à éclater entre la
Rullie & la Porte , & dans lefquels l'Autriche
devoir entrer annoncent aujourd'hui
que tout eft arrangé ; les bons offices de la
3
( 7 ).
France n'ont pas peu contribué , ajoutentelles
, à infpirer à la Porte des fentimens de
modération ; elle a promis , dit- on , d'obferver
fidèlement toutes les conditions du
Traité de Kainardgi . L'Impératrice de Ruffie ,
ajoute -t-on , a écrit à M. le Comte de Vergennes
, pour le remercier de fes bons offices ;
rien de plus flatteur que ces témoignages
pour un Miniftre qui peut être regardé , à
bon droit , comme le pacificateur de l'Europe.
Les voeux des bons Citoyens fe réuniffent
pour la confirmation de ces nouvelles intéreffantes
; l'efpérance les accompagne , malgré
les mouvemens qui continuent encore
dans les Etats de l'Empereur . On fait toujours
des levées en Bohême ; il y a eu ordre
à Prague d'engager 100 Chirurgiens , pour
être répartis dans les divers régimens , & on
a auffi ordonné des uniformes pour 18,000
Croates.
» Ces mouvemens , lit - on dans quelques papiers ,
ne nous ôtent pas encore l'efpérance de la continuation
de la paix . Tout ce que l'on pe it affurer jufqu'à
préfent , c'eft que la plupart des nouvelles qui ont
été publiées étoient hafardées , & plufieurs fans fondement.
Telle eft celle de l'envoi d'un Courier
Pruffien à Vienae , qui avoit apporté des dépêches
fi fatisfaifantes , que l'Empereur lui avoit fait donner
200 ducats ; tel eft encore le bruit qu'on avoit répandu
d'un voyage du Prince Henri de Pruffe à
Vienne , dont il n'a pas été queftion . L'état de la
Porte , les défaftres que la Capitale de l'Empire
Ottoman a éprouvés , les troubles qui règnent dans
plufieurs Provinces , doivent influer néceffairement
a 4
( 8 )
fur les difpofitions , & les bons offices de la Cour
de France , font faits pour lui en infpirer de conformes
au voeu général pour la paix. Nous espérons
qu'elle ne fera pas rompue , & nous nous défierons
de tous les bruits qui pourront fe répandre , & dɔnt
on s'appuyera pour affoiblir cette eſpérance «< .
Selon les lettres de Munich , l'Electeur
Palarin eft parfaitement rétabli de fon indifpofition
; il a témoigné ſa fatisfaction à ſes
Médecins , par diverſes gratifications qu'il
leur a faites. Le 19 du mois dernier , ajoutent
ces mêmes lettres , les Commandeurs
de la nouvelle Langue Anglo Bavaroife , de
la Religion de Malte , ont fait leur Profeffion
folennelle entre les mains du Baron de
Flachflanden , Grand - Croix & Miniftre Plénipotentiaire
de l'Ordre.
» Il y a eu , écrit on de Prague , une espèce
d'émente populaire , à l'occafion du premier enterre
ment d'un Proteftant , fait publiquement ici ; mais
les détails en ont été fort exagérés dans les papiers
publics . L'efprit de tolérance a déja fait des progrès
dans cette ville ; on en peut juger par ce fait. Quelques
jeunes Ecoliers , touchés de la misère où le
trouvoit réduit un honnête Proteftant , homme
d'efprit & dont les talens auroient mérité un
meilleur fort , s'étoient cotifés pour lui fournir le
bois , le logement & la nourriture. Après avoir
contribué pendant 7`mois à la confervation d'un
citoyen utile à l'Etat , ils ont demandé à leurs
maîtres la permiffion de faire en fa faveur une quête
générale dans leurs Clafles , ce qui leur a été accordé
avec plaifir & à différentes reprifes . Ces fentimens
d'une tolérance vraiment Chrétienne , leur ont valu
les éloges bien mérités de leurs parens , de leurs
maîtres & de tous les citoyens en général «.
( و )
ITALI E.
De LIVOURNE , le 25 Janvier.
PLUSIEURS Captifs écrivent d'Alger que
l'on y a traité du rachat de quelques - uns ,
& particulièrement du Capitaine Benoît Gazano
, pour qui on avoit d'abord demandé
1000 fequins . Le Bey ayant appris enſuite
que cet Efclave avoit un frère qui étoit
Officier de la marine Tofcane , n'a plus
voulu lui donner la liberté pour moins de
3000 fequins.
Suivant un ordre fuprême , tous les biensfonds
appartenant autrefois au Tribunal du
Saint-Office qui a été fupprimé , & qu'on
porte à la valeur de 7000 écus Romains ,
feront mis inceffamment en vente publi
que.
- Le
» Le Sénat , écrit-on de Venife , defirant que les
arfenaux & parcs d'artillerie de la République , foient
dorénavant pourvus de tout ce qui peut être néceffaire
à la Marine , a nommé pour Surintendants de
cette partie L. E. Errizzo , Lafto & Emo.
vaiffeau le Phénix de 70 canons , qui eſt arrivé ici
de Corfou , commandé par M. Gradenigo , doit s'y
réparer & prendre des vivres , avant de fe joindre à
notre efcaire , qui croife conftamment dans les mers
du Levant. - Les lettres de Mogador , datées des
derniers jours d'Octobre , portent que l'Empereur
de Maroc en étoit parti le 29 Septembre pour Salé ,
d'où il devoit fe rendre à Mequinez , & que fon fils
Muley Abfelin devoit gouverner cette place pendant
fon abfence. Le voyage de ce Monarque a pour
objet d'aller calmer les foulèvemens qui font farveas
( 10 )
nus dans les environs de Meqinez , & l'attaque que
les rebelies ont faite par furprife contre l'armée
commandée par Hafchaï fon frère , qui a , dit- on ,
agi contre les ordres qui lui avoient été donnés , en
commettant des hottilités contre ces provinces , & que
fa conduire à cet égard a été totalement défapprouvée
de fon Souvera n. Ces lettres ajoutent que
Samuel Sumbel , Juif, Miniftre de ce Prince , eit
mort depuis peu à Tanger , s'étant maintenu fans'
aucune interruption dans un emploi délicat , & fujet
aux plus grandes variations dans un Gouvernement
defpotique «.
ESPAGNE.
De CADIX le 30 Janvier.
,
PRESQUE tous les vaiffeaux font prêts ;
& il n'y a plus que les troupes à embarquer ,
pour ainfi dire , le moment en eft encore incertain
, & tout le monde croit que la paix
aura lieu inceffamment. Cependant , fi contre
l'attente générale , la campagne doit s'ouvrir
, jamais armement auffi formidable ne
fera parti de l'Europe ; 52 vaiffeaux de ligne ,
11 frégates , f corvettes , plus de 200 tranfports
, chargés de munitions de toute eſpèce ,
& 15,000 hommes de troupes Frarçoifes ,
fans compter les Efpagnoles , mettent un
Général en état d'entreprendre de grandes.
chofes .
Il y a quelques jours qu'un vaiſleau &
une frégate qu'on croit Anglois , le font
approchés à une lieue de la Tour de Saint-
Sébastien ; & on a diftingué de cette Tour
( II )
3
7 hommes fur les barres des hunes avec
des lunettes, Quoi qu'il en foit , hier , à
heures après midi , M. Dupleffis Pafcaut
reçut ordre de fe tenir prêt à appareiller
avec les vaiffeaux fuivans : le Royal- Lous
de 110 canons , le Dictateur , le d'Estaing
le Puiffant , le Suffifant de 74 ; l'Eveillé ,
le Réfléchi & la Provence de 64 ; & les
frégates la Précieufe , l'Iris , l'Engageante
de 32. Perfonne ne connoît la deftination
de cette divifion ; les uns difent qu'elle va
protéger l'arrivée d'un convoi attendu
de la Havane ; d'autres qu'elle va au- devant
de celui de Rochefort ; quelques- uns prétendent
que fon objet eft d'en intercepter
un parti d'Angleterre pour 1 Inde.
Malgré le grand nombre de tranſports
qui fuivront l'armée , on a confidérablement
chargé les vaiffeaux de guerre ; on a
embarqué fur chacun 2 canons de 24 &
4 de 4 , avec leurs affurs , de la poudre &
des boulers pour leur fervice , 2 mortiers
& quantité de bombes , plufieurs caiffes de
fufil ; tous ces effets doivent toujours être
prêts à être débarqués.
» Il vient de s'ouvrir un nouvel emprunt de 180
millions de réaux de Vellon . Le décret figné à ce
fujet par S. M. à Aranjuez le 17 Décembre , a été
publié ces jours - ci. L'emprunt eft en rentes viagères
à 8 pour cent fur une tête , & à 7 pour cent fur
deux , & en rentes rachetables à 3 pour cent d'intérêt
, fous hypothèques des revenus du tabac d Europe
& de l'Inde. Outre la faculté de fournir des
fonds en billets royaux au lieu d'efpèces , les pré-
2
a 6
( 12 )
teurs ont encore l'avantage de pouvoir donner le
tiers de la fomme pour laquelle ils s'intérefferont à
l'emprunt en créances contractées fous le règne de
Philippe V; avantage qui eft même affuré aux étrangers
, par l'article V du décret «.
P. S. Dans ce moment M. Dupleffis Pafcaut
, a tiré un coup de canon en hiffant le
fignal de mettre à la voile le plutôt poffible.
ÉTATS- UNIS DE L'AMÉRIQUE SEPT.
De Philadelphie le premier Janvier.
ON apprend que le Marquis de Vaudreuil
a mis à la voile de Boſton avec l'efcadre à
fes ordres , compofée de 13 vaiſſeaux de
ligne & de 4 frégates.
> Le 21 du mois dernier , il a été fait
lecture au Congrès de la Commiffion de
M. Ofwald , par laquelle il eft autorifé à
traiter comme Commiffaire Britannique
avec les Etats Unis d'Amérique , ou leurs
Commiffaires dans la négociation générale
pour la paix.
L'intérêt qu'a infpiré le Capitaine Afgill a
été général ; le fort cruel qu'il étoit menacé
de fubir n'a pas excité moins de pitié en
Amérique qu'en Europe ; on fait à quelle
Protection puiffante , il doit le bonheur de
l'avoir évité ; les lettres fuivantes qui ont
opéré fon falut , méritent d'être publiées ;
& les ames fenfibles ne les liront pas fans
attendriffement. La première avoit été écrite
par M. le Comte de Vergennes au Général
Washington le 29 Juillet 1782 .
7139
5 M. , cen'eft pas en qualité de Miniftre d'un Roi ,
ami & allié des Etats- Unis ( quoique ce foit avec la
participation & du confentement de S. M. ) que j'ai
l'honneur d'écrire à V. E .; c'eſt comme homme
fenfible , comme père tendre , qui éprouve toute
la force de l'amour paternel , que je prends la
liberté d'adreſſer à V. E. mes preffantes follicitations
en faveur d'une mère & d'une famille en pleurs .
Sa fituation femble d'autant plus mériter toute notre
attention , que c'eft à l'humanité d'une Nation en
guerre avec la fienne , qu'elle a recours , pour ob .
tenir ce qu'elle devroit recevoir de la juftice impartiale
de les propres Généraux . J'ai l'honneur de
faire paffer çi- inclufe à V. E. copie d'une lettre que
je viens de recevoir de Lady Afgill ; je ne lui fuis
point connu , & j'ignorois que fon fils étoit la victime
infortunée , deftinée par le fort a expier le
crime odieux dont un déni formel de juftice vous
oblige de tirer vengeance. V. E. ne lira pas cette
lettre fans être extrêmement affectée ; elle a produit
cet effet fur le Roi & la Reine , auxquels je l'ai
communiquée. La bonté du coeur de L. M. leur fait
défirer que les inquiétudes d'une mère infortunée
foient calmées , que fa tendreffe foit raffurée . Je
fens , M. , qu'il eft des cas où l'humanité elle-même
exige la plus extrême rigueur ; peut-être celui dont
il s'agit eft - il du nombre ; mais en reconnoiffant
l'équité des repréfailles , elles n'en font pas moins
horribles pour ceux qui en font les victimes ; & la
façon de penfer de V. E. eft trop connue , pour que
je ne fois pas perfuadé que vous n'avez rien de plus
à coeur que d'éviter cette fâcheufe néceffité . Il eft ,
M. , une confidération qui , fans être décifive , peut
influer fur votre réfolution ; le Capitaine Afgill eft
indubitablement votre prifonnier , mais il eft du
nombre de ceux que les armes du Roi ont contribué
à mettre entre vos mains à Yorck- Town. Quoique
cette circonftance ne foit pas en elle - même une
( 14 )
fauve- garde , elle juftifie du moins l'intérêt que je
me permets de prendre dans cette affaire. S'il eſt ,
M. , en votre pouvoir de la confidérer & d'y avoir
égard , vous ferez ce qui fera très - agréable à L. M. :`
le danger du jeune Afgill , les larmes , le défefpoir :
de fa mère les affectent fenfiblement ; & elles verront
avec plaifir l'espoir de confolation luire fur ces
infortunés . En cherchant à fouftraire M. Afgill à la
deſtinée dont il eft menacé , je ſuis bien éloigné de
vous engager à chercher un autre victime ; le pardon
, pour être parfaitement fatisfaifant , doit être
entier. Je n'imagine pas qu'il puiffe avoir aucunes
mauvaites conféquences. Si le Général Anglois n'a
pas été en état de punir le crime horrible dont vous
vous plaignez , d'une manière auffi exemplaire qu'il
l'auroit du , il y a raifon de croire qu'il prendra les
mefures les plus efficaces pour en prévenir de pareil
à l'avenir. Je fouhaite fincèrement , M. , que mon
intercellion foit couronnée du fuccès ; le fentiment
qui la dicte & que vous n'avez ceffé de manifefter
dans toutes les occafions , m'aflure que vous ne ferez
pas indifférent aux fupplications & aux larmes d'une
famille qui , par mon entremife , a recours à votre
clémence. C'eft rendre hommage à votre vertu que
de l'implorer ".
La lettre de Lady Afgill à M. le Comte
de Vergennes étoit du 18 du mê.ne mois ;
nous la tranferirons auffi .
» M. , fi la politeffe de la Cour de France permet
qu'une étrangère s'adreffe à elle , il n'eft pas douteux
que celle en qui le réuniffent toutes les fenfations
délicates dont un individu puiffe être pénétré , ne
ſoit favorablement accueillie d'un Seigneur dont la
réputation fait honneur , non- feulement à ton propre
pays , mais à la nature humaine. Le fujet fur lequel
j'ofe , M. , implorer votre affiftance , eit trop déchirant
pour mon coeur pour qu'il me foit poffible de
m'y arrêter très - probablement , le bruit publis :
( 15 )
vous en aura informé ; il n'eft donc pas néceffaire
que je me charge de cette tâche douloureufe. Mon
fils , ( mon fils unique ) qui m'eft auffi cher qu'il eft
brave , auffi aimable qu'il mérite de l'être , âgé de
19 ans feulement , prifonnier de guerre en conféquence
de la capitulation d'York-Town , eft actuellement
confiné en Amérique , comme un objet de repréfailles
. L'innocent fubira- t - il la peine due au coupable
? repréfentez - vous , M. , la fituation d'une
famille , qui fe trouve dans ces circonftances , environnée
comme je le fuis d'objets de détreffe ,
accablée de crainte & de douleur , il n'eft pas de
mots qui puiffent exprimer ce que je fens ou peindre
cette fcène de douleur : mon mari abandonné de fes
Médecins , quelques heures avant l'arrivée de cette
nouvelle , hors d'état d'être informé de l'infortune ;
ma fille attaquée d'une fièvre accompagnée de délire
, parlant de fon frère du ton de l'extravagance
& fans intervalles de raifon , fi ce n'eſt pour écouter
quelques circonftances propres à foulager fon coeur !
que votre fenfibilité , M. , vous peigne ma profonde ,
moninexprimable misère , & plaide en ma faveur ; un
mot de votre part , comme la voix du ciel , nous
fouftraira à la défolation , au dernier degré de l'infortune
je fais combien le Général Washington
révère votre caractère ; dites- lui feulement que vous
defirez que mon fils foit élargi , & il le rendra à
ſa famille déſolée , il le rendra au bonheur ; la vertu
& la bravoure de mon fils juftifieront cet acte de
clémence . Son honneur , M. , l'a conduit en Améri .
rique , il étoit né pour l'abondance , l'indépendance
& les perspectives les plus heureuſes . Permettezmoi
de fupplier encore votre haute influence en faveur
de l'innocence , dans la caufe de la juftice
& de l'humanité , de vouloir bien , M. , dépêcher de
France une lettre au Général Washington , & me
favorifer d'une copie pour lui être tranfmife d'ici . Je
fens toute la liberté que je prends en follicitant cette
grace; mais je fuis certaine , que vous me l'accor-
:
( 18 )
f
dież ou non , que vous aurez pitié de la détreffe qui
m'en fuggère l'idée : votre humanité laiffera tomber
une larme fur la faute , & elle fera effacée . Puiffe le
Ciel que j'implore vous accorder de n'avoir jamais
befoin de la confolation qu'il eft encore en votre
pouvoir d'accorder à Lady ASGILL « .
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 18 Février.
TOUTES nos nouvelles de l'Amérique
Septentrionale ſe réduiſent à la lettre fuivante
, apportée par le paquebot le Roebuck,
qui mit à la voile le 20 Janvier dernier de
New- Yorck , & eft arrivé à Falmouth le
12 de ce mois.
―
» Le Lieutenant - Général Leflie , Commandant
en Chef de Charles-Town , arriva ici avec ſa fuite
le 2 Janvier. Le bâtiment la Ducheffe de Gordon
, Capitaine Holmes , arriva ici le même jour ,
venant de Charles Town. Il avoit mis à la voile
le 19 Décembre , avec une flotte composée d'environ
70 voiles , dont so étoient deſtinées pour ce
port , & avoient à bord les troupes étrangères &
Provinciales . Cette flotte étoit efcortée par les vaiffeaux
de S. M. , l'Affurance , le Charles-Town
& le Hound. Les autres bâtimens de cette flotte
au nombre de 20 environ , s'en ſéparèrent le 18
Décembre devant la Berre de Charles-Town , &
firent voile pour l'Angleterre. Le 17 Décembre
une flotte compofée de plus de so voiles , ayant
à bord les troupes Angloifes & la principale partie
des habitans de Charles-Town , appareilla de ce
port pour la Jamaïque . Au moment où les troupes
du Roi s'embarquèrent à Charles-Town , le
Général Waine à la tête d'environ 5000 hommes
de troupes Continentales , p: ir poffeffion de la Ville,
-
( 17 )
-
Quatre autres bâtimens de la flotte partie le
19 Décembre de Charles -Town , mouillèrent le
2 Janvier au foir en dedans du Hook. Le refte
de la flotte , ainfi que les vaiffeaux qui l'efcortoient ,
étoit alors en vûe. L'évacuation de Charles-
Town s'eft effectuée avec le plus grand ordre «.
Nos nouvelles des Illes fe réduisent à
l'affurance que tout étoit auffi tranquille à
Ste-Lucie , le 20 Janvier , au départ d'un
bâtiment qui en étoit forti à cette époque.
» Ceux , dit à cet occafion un de nos papiers , qui
montrent du mécontentement des articles de paix , &
qui prétendent qu'il auroit mieux valu faire encore une
campagne aux Ifles , paroiffent être dans une grande
erreur ; il eft poffible que les premières dépêches
qu'on recevra de ces parages ne le confirment que
trop ; les François & les Efpagnols ont un corps de
troupes fi nombreux dans leurs différentes Ifles qu'en
tout tems ils font en état de détourner l'attention de
toutes nos flottes , & de les empêcher d'entreprendre
aucunes opérations offenfives. On a fu que ce font les
inquiétudes qu'ils nous donnent qui ont forcé l'Amiral
Hood à fon retour de New -Yock de marcher à
la Jamaïque , que D. Solano menaçoit de la Havane,
Heft donc au pouvoir de nos ennemis d'attirer nos
forces fous le vent , de les divifer , & de prévenir
toutes les opérations offenfives que nous aurions pu
faire au vent ; à quoi fert donc notre fapériosité ? elle
ne nous a pas empêché de perdre plufieurs Ifles ; &
que feroit-il arrivé fi l'armement formidable de Cadix
étoit parti ? «
Nos papiers ne font plus remplis depuis la
publication des préliminaires , que des démarches
faites par les perfonnes intéreffées
au commerce des parties cédées ; nous
avons déja rendu compte de quelques-unes ,
nous en préſenterons ici la fuite , d'après ces
mêmes papiers.
( 18 )
11
» Le Lord Hawke s'eft rendu chez le Comte de
Shelburne , pour lui expofer la pofition déplorable
où le trouvent les perfonnes qui ont des propriétés
dans la Floride Orientale cédée à l'Eſpagne par le
traité ; ce premier Lord de la Tréforerie lui a dit que
le Gouvernement s'occupoit du moyen de ve ir au
fecours des particuliers qui pourroient fouffrir de
cet arrangement , & il lui a donné à entendre qu'ils
pourroient avoir en dédommagement du terrein dans
la nouvelle Ecoffe ou dans l'Ifle St-Vincent ; mais il
a abfolument écarté toute idée d'indemnité pécuniaire
comme incompatible avec la fituation actuelle
des Finances. Les perfonnes intéreflées à cette Colo.
nie ayant tenu une nouvelle affemblée le premier
de ce mois , le Lord Hawke leur a rendu compte de
cette réponſe. Après différens avis ouverts à ce ſujet ,
on a adopté celui du Lord Hawke , qui avoit confeillé
de s'adreffer au Secrétaire d'Etat , pour le prier
de retenir quelques jours le paquebot deftiné pour la
Floride , afin de laiffer aux intéreffés le tems d'écrire
à leurs agens & correfpondans. Il a été auffi réfolu
de préfenter à ce fujet un mémoire au Miniftre
d'Elpague «.
» Il s'eft tenn le 11 une troisième affemblée des
propriétaires , négocians , planteurs , & autres inté
reflés à l'ile de Tabago. M. Greig a été nommé pour
aller à Paris préfenter au Ministère de France un mé.
moire des propriétaires , où ils rendent compte de
leur fituation , & demandent qu'il leur foi permis
de difpofer de leurs biens , &c. en faveur des per,
fonnes réfidentes dans l'Ifle ou à des fujets Fran.
çois ".
» Il fe tint hier une affemblée des négocians &
atres perfonnes intére lées dans le commerce des
foieries , pour prendre en confidération l'état actuel
de ce commerce , & les moyens de le faire profpérer
en établiſſant des liaifons mercantiles avec l'Amérique
Septentrionale. On jugea qu'à moins qu'il ne fût
fait des changemens contidérables relativement aux
( 19
droits , les François pourroient exporter totes les
foleries manufacturées ou autres en Amérique à vingt
pour cent meilleur marché que les négocians de la
G. B.
Il fut donc réfolu de mettre fous les yeux du
Gouvernement un expofé des faits , & de folliciter
fes bons offices ; & dans le cas où cette démarche
n'auroit point de fuccès , de préfenter une pérition
au Parlement en faveur de toutes les perfonnes inté
reffées dans le commerce des foieries , ou que leurs
intérêts , ainfi que ceux de toute la Nation , feroient
fortement léfés fi l'on n'apportoit pas les remèdes
que les circonstances femblent exiger «.
» Parmi les diverfes méthodes propofées pour
fonder une grande partie des quarante millions de dettes
non-fondées , il eft très - probable que le Ministère
a loptera celle de foader vingt millions de la Marine
à quatre pour cent , avec une douceur de douze ou
treize fols pour cent à longues annuités , ce qui
équivaudra à un emprunt à quatre & demi pour cent ;
il ne fera point alors néceffaire d'ouvrir cette année
un emprunt qui excède douze millions , & on
pourra lever cette fomme à un intérêt au-deffous de
5
liv. 17 6 d. pour cent , qui eft l'intérêt accordé
L'année dernière dans l'emprunt de 13,500,000 liv. ,
outre que les prêteurs eurent pour chaque fomine de
mille livres trois billets de loterie de d'x livres chaque
, dont ils ti èrent un profit confidérable « .
Parmi les obfervations que les mêmes
papiers préfentent fur les effets que doit
avoir la paix actuelle pour la Grande-Bretagne
; nous faifirons celles - ci .
כ כ
Il eft de fait que les meilleurs & les plus gros
mâts dont notre mari e air fait jamais ufage , vcnoient
de la Nouvelle- Angleterre ; ce fait eft auffi
pofitif qu'affligeant. Les chênes de cette Province &
de la Virginie , croiffent fur un terrain très - riche ,
où les arbres viennent d'une groffeur très - confidéra201
ble , & le bois eft plus flexible que celui qui croit
dans un fol plus léger , quoique le dernier foit , à ce
qu'on dit , pls compact & plus dur. Depuis cinq ans
le Général Washington a encouragé le cru du chêne
Américain ; la politiquement mis les Indiens à
l'avre , & leur a donné le privilége d'extraire
T'huile du gland pour la vendre à l'armée , ou en
difpofer autrement , cette huile n'eft pas de beaucoup
inférieure à celle d'amandes douces , & eft trèsnourriffante.
Les principales émigrations que nous pouvons
craindre , feront celles des ouvriers de toute cfpèce
qui ne feront pas employés ou qui ne le feront plus
du moment où les Manufactures qui concernent le
Militaire cefferont de leur procurer de l'occupation
celle des foldats & matelors licentiés , celle des
je nes Chirurgiens-Apothicaires , en un mot de toute
efpèce d'hommes ofifs ou Artistes fans emploi. Il
réfultera cependant quelqu'avantage de l'éloignement
de cette claffe d'inutiles ; leur réfidence ici ne fercit
que nuifib'e , puifqu'on ne pourroit pas les occuper.
On dit auffi que nombre de Génevois ont renoncé
au projes qu'ils avoient formé de fe retirer en Irlande
, & ont réfolu d'aller s'établir en Amérique ,
où la forme du gouvernement & les cérémonies religieufes
, font à bien des égards analogues à celles de
Jeur pays natal.
Au milieu de toutes les obfervations critiques
qu'effuye la paix , nous commençons
à en recueillir les fruits ; le 6 de ce mois
on a vu entrer dans la Tamife & faire fa
déclaration à la Douane , un bâtiment portant
le pavillon des Etats - Unis ; Ce bâtiment,
le premier qui ouvre le commerce entre les
deux Pays , comme Etats indépendans , fe
nomme le Bedfort , & vient de Nantusket ,
avec une cargaifon d'huile & autres pro(
21 )
duits de la pêche ; il étoit deftiné pour
Oftende ou pour un port de France ; mais
en apprenant la fignature des préliminaires ,
il a préféré de porter ici fon chargement.
Des milliers de curieux ont été voir le
navire , & fon pavillon.
Les troubles font entièrement appaifés à
Portſmouth ; le 68e . régiment eft en marche
pour les quartiers qui lui font affignés ,
& les Montagnards font renvoyés en Ecoffe.
Le Gouvernement a promis à la Compagnie
un autre régiment qui ira fervir dans
Les établiflemens , & qui s'embarquera inceffamment.
Le 1s de ce mois le Roi a rendu la
proclamation fuivante pour la ceffation des
hoftilités tant par mer que par terre , convenue
entre S. M. T. C. , le Roi d'Espagne ,
les Provinces - Unies & les Etats- Unis de
l'Amérique.
» G. R. Les articles provifionels ayant été fignés
à Paris , le 30 Novembre dernier , entre notre
Commiffaire pour traiter de la Paix , avec les Commiffaires
des Etats-Unis de l'Amérique, pour être inférés
dans le traité de Paix propo é à être conclu en re
nous & lefdits Etats - Unis , & conftituer ledit traité
lorfque les conditions de Paix feroient arrêtées ,
entre nous & S. M. T. C. Et les préliminaires
pour rétablir la Paix , entre nous & S. M. T. C. ,
ayant été fignés à Verfailles , le 20 de Janvier dernier
, par nos Miniftres & ceux du Roi T. C .;
& les préliminaires pour rétablir la Paix , entre nous
& le Roi d'Espagne , avant été pareillement fignés
à Ver ailles , le 20 Janvier dernier , per nos Minif
tres & par ceux du Roi d'Efpagne ; & comme pour
faire ceffer les calamités de la guerre le plutôt &
( 22 )
1
,
- Et les
autant qu'il eft poffib'e ; il a été convenu entre
nous , S. M. T. C. le Roi d'Espagne , les Etats- Généraux
des Provinces-Unies , & les Etats - Unis de
l'Amérique , ce qui fuit , favoir : Que les Vailfeaux
& effets qui feront pris dans la Manche ,
& dans les mers du Nord , après l'efpace de 12
jours , à compter de la ratification de dits articles
préliminai es , feront réciproquement reftitués ; que
le te me fera d'un mois , depuis la Manche & les
mers du Nord , jufqu'aux ifles Canaries inclufivement
, foit dans l'Océan , foit dans la Méditerranée
; de deux mois depuis lefdites ifles Canaries ,
jufqu'à la ligne Equinoxiale ou l'Equateur , & enfin
de cinq mois dans tous les autres endroits du
Monde , fans aucure exception , ni autre diftinction
plus particulière de tems & lieux .
ratifications defdits articles préliminaires entre
nous & le Roi T. C. en due forme , ayant été
échangées , entre nos Miniftres & ceux du Roi
T. C. , le 3 du préfent mois de Février ; & les
ratifications des articles préliminaires , entre nous
& le Roi d'Espagne , ayant été échangées , entre
nos Miniftres & ceux du Roi d'Espagne , le 9 du
préfent mois de Février , defquels jours refpectivement
les divers termes ci- deffus mentionnés , de
12 jours , d'un mois , de deux mois , & de cinq
mois doivent être comptés ; & comme c'est notre
volonté Royale , que la ceflation d'hoftilités , entre
nous & les Erats - Généraux des Province - Unies ,
& les Etats - Unis d'Amérique , s'accorde avec les
époques fixées entre nous & le Roi T. C.
Nous avons jugé à propos , de l'avis de notre
Confeil privé , de notifier ce que deflus à tous
nos chers Sujets ; & nous déclarons que c'est notre
plaifir & notre volonté Royale , & par la préfente
nous donnons charge & commandement exprès à
tous nos Officiers , tant par mer que par terre
& à tous nos autres Sujets quelconques , de défendie
d'exercer aucun acte d'hoftilité , foit par
>
›
( '23 ) .
mer, foit par terte , contre S. M. T. C. le Roi
d'Espagne , les Etats- Généraux des Provinces Unies ,
& les Etats- Unis d'Amérique , leurs Vaiffeaux &
Sujets après l'expiration des termes ci- deflus men❤
tionnés fous peine d'encourir notre difgrace.
Donné à la Cour de St- James , le 14 Février 1783 .
>
Les préliminaires ont été mis hier fous les
yeux du Parlement . Nous allons fuivre ici
les débats auxquels ils ont donné lieu.
» Ce jour la Chambre Haute devant prendre en
confidération les articles de la paix avec la France
& l'Eſpagne , & les articles provifionnels avec l'Amérique
, le Lord Pembroke , après que lecture fut
faite de ces pièces , fe leva & propofa une adreffe :
-
Pour remercier S. M. en termes généraux fur la
paix qui venoit d'être conclue , fur les efforts vi.
goureux que S. M. avoit faits en faveur des malheureux
Loyaliftes , porr témoigner que la Chambre
ne doutoit point que le Congrès ne remplît fes
engagemens relativement à la reftitution de
leurs propriétés & à la fûreté de leurs perfonnes
".
Le Marquis de Carmarthen appuya
la motion & déclara qu'il étoit très -content des
conditions de paix . Le Comte de Carliſle défapprouva
principalement l'article 5 des articles provifionnels,
par lequel les Loyalifles font abandonnés
prétendant que c'étoit une action infâme pour la
quelle nous ferions damnés , tant dans ce monde-ci
que dans l'autre , & il propofa de fupprimer dans
Padreffe tout ce qui le trouve après le mot conclue
, & d'y fubftituer une fimple phrafe qui fit
connoître que la paix ne répondoit ni aux juftes
efpérances que nous pouvions avoir , ni à la fitua
tion des Puiffances belligérantes , & qu'elle n'étoit
ni avantageufe , ni honorable pour la Grande - Bre
tagne. Le Comte de Coventry, dit que, tour confidéré
, la paix étoit bonne & qu'il l'approuvoit.
-
Le Lord Wallingham s'étendit fur les pertes
( 24 )
---
que la Nation alloit éprouver relativement aux Hmires
fixées pour le Canada. Ses objections contre
la paix porterent principalement fur le grand nombre
de concellion faites par la Grande - Bretagne , dans
toutes les parties du monde , fans aucun égard pour
la dignité ou l'intérêt du Royaume. Le Lord
Hawke donna fon approbation à la paix , & dit que
les limites du Cana la n'étoient point défavantageufes
pour l'Angleterre , attendu qu'il étoit notoire que
les pelleteries fe trouvent généralement fur la partie
feptentrionale des lacs . Il fit fentir qu'il efpéroit qu'on
donneroit un dédommagement ax perfonnes intéreffées
dans la Floride orientale . Le Lord
Vicomte Dudley défapprouva la paix comme humiliante
& défavantageufe en tous points. Le Duc
de Chandos fut d'un avis tout contraire , & dic
qu'il falloit être fûr de pouvoir faire une meilleure
paix , avant de blâmer celle- ci , qui au furplus étoit
infiniment plus avantageufe qu'on n'avoit lieu de
l'attendre . Le Lord Vicomte Townshend parla
en faveur de l'amendement. Le Duc de Grafton
déclara que vu les factions , les divifions & les
diffentions qui régnoient dans tout le Royaume ,
vu notre foibleffe comparée à la force de l'ennemi ,
nous ne devions pas nous attendre à une paix plus
honorable; qu'il y avoit actuellement 60 vaiffeaux de
ligne à Cadix.
-
www
Le Lord Keppel dit qu'il étoit trop honnête
homme pour avoir confeillé à fon Souverain de
conclure la paix telle qu'elle a été faite , parce que
les circonftances nous autorifoient à en attendre une
plus favorable ; qu'il n'y avoit pas plus de 42 vailfeaux
à Cadix ; que la G. B. avoit 10s vaiſſeaux de
ligne tans bons que mauvais ; que les François & les
Elpagnols en avoient 124 , mais qu'ils avoient beaucoup
plus de mauvais vaiffeaux que nous facs
aucune perfpective d'augmentation. Le Duc de
Richmond dit qu'il étoit impoffible à la Chambre de
-
".
donner
( 25 )
-
donner fon approbation à la paix , parce qu'il falloit
mettre fous les yeux une longue fuite d'informations
dont elle avoit befoin pour prononcer fur cet objet
avec connoiffance de caufe ; qu'il déclaroit hautement
qu'il s'oppofoit à la paix & il indiqua enfuite
les divers points d'information qui manquoient à la
Chambre. Le Lord Vicomte Stormont parla
pendant deux heures il paffa en revue tous les
articles des trois traités , & conclut que c'étoit la
pix la plus défavantageute & la plus humiliante que
la Nation eût jamais faite. Le Lord Vicomte
Grantham défendit la paix avec beaucoup de modeftie
. Il parla des conceffions faites à la France ,
qu'on devoit regarder plutôt comme un acte de complaifance
pour elle , que comme des pertes pour nous.
Il convint d'avoiromis dans les articles préliminaires ,
deux outrois mots néceffaires relativement aux pêcherics,
qui depuis avoient été rectifiés parun article féparé.
-
-
Le Lord Sackville cenfura prefque tous les articles
de la paix , & principalement les articles provifionnels
avec l'Amérique , qui lui parurent ruineux
pour l'Angleterre. Le Lord Vicomte Howe prétendit
que la paix n'avoit été conclue qu'à caufe du
mauvais état de notre marine. Il dit que nous n'avions
que 99 vaiffeaux de ligne , & qu'il croyoit qu'il
y en avoit 60 à Cadix. Le Lord Keppel lui répon
dit que nous avions 10s vaiffeaux de ligne , ainfi qu'il
l'avoit dit , & qu'il avoit entendu dire qu'il n'y en
avoit que 42 à Cadiz . — Le Comte de Shelburne fit
un long difcours & répondit aux diverfes objections
faites contre la paix. Il commença par les limites
du Canada , & préten dit que la portion de commerce
de pelleteries , cédée aux Américains , ne nous porteroit
ancun préjudice . Il entra dans le détail des
importations & der exportations du Canada ; il paſſa
enfuite aux object ons fur les pêcheries , & dit que
l'Amiral Edwars , le Capitaine Levifon - Gower & le
Lieutenant Lane eftimoient qu'une lieue au fud & à
1er. Mars 1783. b
( 26 )
l'eft étoit plus précieuſe que dix au nord & à l'oueft
Il fe défendit , relativement aux Loyalistes , en affurant
que le Congrès n'avoit d'autre pouvoir que celui
de les recommander.
Enfin après avoir répondu à d'autres reproches
par rapport aux Florides , à Tabago & aux ceflions
faites en Afrique & en Afie , il ne diffimula point
que l'état de foibleffe où fe trouvoit la Nation , relativement
à la guerre , fembloit indiquer la néceffité
de faire la paix. Le Lord Lougborough demanda
à la Chambre la permition de prouver qu'il n'y
avoit point de prérogative pour céder à l'Amérique.
---
---
―
Le Lord Chancelier fe leva , & dit qu'il fe
chargeoit de répondre fur ce point au Lord Lougborough
qu'il traita fort durement. Le Comte
Gower dit qu'il étoit mécontent de la paix , mais
qu'il s'oppofoit à l'amendement. · A heures & un
4
quart du matin la Chambre alla aux voix fur l'amendement
qui fat rejetté à la pluralité de 72 contre 59.
Les débats ne furent pas moins vifs dans
la Chambre baffe.
Auffi- tôt que l'ordre d'examiner les articles préliminaires
de la paix eut été lu , M. J. Pitt fe leva &
obferva que va notre pofition la paix devoit être le principal objet de nos defirs , que nous venions
de faire une guerre auifi longue que deftructive , &
qui nous avoit occafionné des pertes bien fenfibles à
tous égards ; que puifque le Ministère avoit conclu fi
heure fement la paix , il penfoit que tous les amis de
l'humanité devoient en approuver les conditions
quelque défavantageufes qu'elles puffent paroître à
certaines gens ; que de plus , il étoit certain qu'en
faifant le traité , le Ministère avoit eu devant les
yeux l'intérêt de la Nation , & qu'en l'examinant à
fonds , ce traité paroîtroit beaucoup plus avantageux
qu'on ne l'avoit d'abord cru. Il jetta enfuite un coup
d'ail fur l'étendue du territoire de l'Amérique au
commencement de la guerre , & il déplora le démembrement
d'une fi grande portion de l'Empire
( 27 )
Britannique. Il entra enfuite dans le détail parti
culier de l'état du revenu de l'Angleterre . Il avança
qu'avant la guerre , l'intérêt de la dette nationale
n'alloit pas à plus de 4 millions , que depuis la
guerre , il s'étoit accru de 5 millions , ce qui faifoit
à préfent 9 millions , & que l'établiſſement de paix
étoit actuellement de 14 millions , dont il falloit à
préfent affurer l'intérêt. De-là il paffa aux conceffions.
que nous avons faites à l'ennemi par les articles préli
minaires. La France , dit - il , nous a cédé les Illes de
la Grenade , les Grenadines , St - Vincent , la Dominique
, St-Christophe , Névis & Montferrat , toutes
poffeffions fort avantageufes pour notre commerce .
De notre côté , nous avons cédé à la France la
rivière de Sénégal & fes dépendances , avec les
forts de Saint -Louis , Podor , Gallam , Arguin
& Porrendic , comme auffi l'ifle de Gorée , qui , ditcn
, ſera remiſe à la France dans l'état où elle étoit
lorfque nous en prîmes poffeffion . Nous lei avons
cédé encore quelques territoires dans les Indes-
Orientales , favoir tous les établiffemens qui lui
appartenoient au commencement de la préfente
fur la côte d'Orixa & dans le Bengale , avec
guerre
la liberté de creufer un foffé autour de Chandernagor
, pour en faire écouler les eaux . Nous avons
fait encore à la France d'autres conceffions , mais
qui ne nous font pas autant de tort , & qui ne lui
nt pas auffi avantageufes que beaucoup de gens fe
le perfuadent. Enfin il parla des articles de la paix
avec l'Espagne , & il obferva que quoique nous lui
euflions cédé les deux Florides & c. , aucune de ces
conceffions ne nous étoit abfolument préjudiciable.
G
M. Pitt paffant enfuite au traité conclu avec les
Américains , témoigna fa fatisfaction de ce que cette
paix portoit fur des principes de juftice fi évidens
& établiffoit de part & d'autres une telle réciprocité
d'avantages , qu'elle ne pouvoit manquer d'opérer la
réconciliation la plus durable entre les deux Pays,
b 2
( 28 )
Il parla auffi de la recommandation faite au Congrès
en faveur des Loyaliftes , en difant qu'on avoit
tout lieu d'en attendre les plus heureux effets . Qant
à la paix en général , pourfuivit-il , elle paroifloit le
vcu unanime de la Chambre & de la Nation . Si elle
n'eft pas auffi favorable que nous aurions pu le
defirer , elle eft au moins avantageufe relativement
aux circonftances. Quels que puiffent être les murmures
de la faction , je ne vois point ce que l'on peut
raisonnablement reprocher au traité , fur- tout fi la
Chambre porte dans cet examen l'esprit d'impartialité
, fi néceffaire à ces difcuffions , fi elle réfléchit
aux conjonctures préfentes , & fi elle s'abftient de
ces comparaifons , qui , approchant des tems & des
circonftances très -diffemblables , peuvent préfenter
fous un jour défavorable les opérations les plus
fages & faire briller de vains déclamateurs aux dépens
de la justice & de la vérité . Je répète donc , que
felon moi , il n'étoit pas poffib e de faire une meilleure
paix . Je n'ignore pas qu'une certaine claffe
dira le contraire , & s'efforcera de perfuader à la
Chambre qu'elle auroit obtenu des conditions beaucoup
plus avantageufes ; mais jufqu'à ce qu'ils aient
communiqué leur plan de pacification , ils me permettront
de n'être point de leur avis . Trouvant la
conduite des Miniftres entièrement irréprochable ,
mon intention eft de les foutenir , & c'eft dans cette
vue que je fais la motion fuivante. Je demande donc
qu'il foir préfenté une humble adreffe au Rei ,
pour le remercier d'avoir mis fous les yeux de la
Chambre les articles de la paix entre S. M. B. & les
Rois T. C. & C. & les Etats-Unis d'Amérique , pour
que la Chambre les prit en confidération & expofât
fon avis à leur fujet ; que ar cette adreffe la Chambre
informât le Roi qu'elle a exécuté les ordres &
qu'elle approuve lefdi's articles , & qu'elle emerciât
S. M. des foins extrêmes qu'elle avoit pris pour
procurer à fes fujets les douceurs de la paix , &
qu'elle voyoit avec fatisfaction les apparences d'une
( 29)
heureufe réconciliation entre la G. B. & l'Amériqiee
«. Cette motion fut fuivie d'une longue adrefle ,
relativement à la fituation de nos affaires domeftiques.
M. Welberforet parla fortement en faveur
de la motion. Selon lui , ceux qui di ent qu'il falloit
continuer la guerre & qu'ils auroient obtenu des
conditions plus avantageufes , difent une abfurdić.
La Nation , avec des forces de terre & de mer , ECdoutables
en apparence , mais manquant d'argent
pour les mettre en action , étoit en effet fans reffources.
Abymée de dettes , il lui étoit phy fiquement
impoffible de continuer une guerre auffi ruineufe.
Le Lord John Cavendish foutint précisément
le contraire , & il affura qu'on auroit pu obtenir des
conditions beaucoup plus favorables , qu'il étoit
également impoffible à la Chambre de témoigner
S. M. fa fatisfaction , des articles préliminaires ,"
n'ayant point eu le tems néceffaire pour les connoître,
à les difcurer ; & qu'on auroit dû atrend e
que le traité actuellement en négociation , fût auffi
remis à la Chambre , parce que très- certainement
ce traité a une grande connexion avec les articles
de paix actuellement fur le bureau . Il finit par
propofer un amendement , conçu dans les termes
fuivans. Qu'il foit préſenté au Roi une humble
adreffe , pour remercier Sa Majefté de l'attention
qu'elle a eu de mettre fous les yeux
» de la Chambre , les articles de paix entre S. M.
B. & les Rois T. C. & C & les treize Etats Unis
d'Amérique , & lui dire que la Chambre prendra
ces articles en confidération & expofera fen
agrément à ce fujet le plutôt poffible «.- Le
Lord Cavendish demanda auffi qu'oz fupprimât la
dernière partie de l'adreffe , comme abfolument
M. S. Jonh parla en faveur de l'amendement
, en fe plaignant beaucoup des conceffions
que le Gouvernement avoit faites aux ennemis .
Mais un perfonnage plus important attira bientôt
in tile. -
›
bz
( 30 ་
les
fur lui toute l'attention de la Chambre. Le
Lord North fe leva , & dit : Il y a trente ans que
je fers , avec le plus grand plaifir , mon Roi &
mon pays dans le Parlement , & , pendant le cours
de cette longue période , je n'ai jamais fenti tant
de répugnance à faire entendre ici ma voix , que
dans la circonftance actuelle. J'aurois defiré pouvoir
garder le filence , & c'étoit même mon projet en me
rendant à la Chambre . Mais les difcours étranges
de MM. Pitt & Welberforet , me mettent dans la
néceffité indifpenfable de déclater mon opinion dans .
une conjoncture auffi férieufe & auffi importante.
Hs regardeat , comme très peu intéressantes ,
conceffions que nous avons faites à l'ennemi , &
femblent s'applaudir d'avoir acheté la paix à ce
prix. Mais je ne fuis nullement de cet avis , & je
penfe , comme le Lord Cavendish , que l'on aurait
dû laiffer à la Chambre beaucoup plus de tems
pour prendre en confidération les articles préliminaires
. C'eft avec le plus grand regret que j'expofe
en cette occafion un fentiment contraire à celui des
Miniftres ; mais ce que je dois à mon pays & à mes
conftituans , ne me permet point d'approuver ces
articles avant de connoître les grands avantages
que cette paix procure à la G. B. Mais , en quoi
confifte l'importance des conceffions qui nous ont
été faites ? En quoi confifte l'utilité générale d'une
telle paix ? Je vois , avec chagrin , que les Miniftres
n'ont pas bien confidéré la teneur des articles. Le
Traité fourmille d'erreurs , & d'erreurs les plus
graves. S'ils ignoroient l'étendue & la fituation
des différens pays , ils auroient du moins pu confulter
les perfonnes qui en étoient inftruites ; car
on verra que leurs conceffions les expofent au ridicule
, & ce qui eft pire , aux plus juftes reproches .
Encore une fois , mon intention n'eft point de confterner
, ni même de chagriner les Miniftres ; mais
puifqu'on me fomme de donner mon confentement
& mon approbation aux articles de paix , je vous
1 31 )
drois au moins que l'on m'apprêt quel droit ces
articles ont à mon approbation. Jufqu'à ce mo
ment, il m'eft impoffible de confentir à l'adrefle pro
pofée par M. Pitt , d'autant plus que je ne vois
dans la paix , aucun de ces rares avantages que le
parti du Ministère annonce avec tant d'emphafe.
Nos Adminiftrateurs actuels auroient dû avoir
fous les yeux la conduite du Miniftre qui a fair
le Traité d'Aix - la - Chapelle . Sa modeltie , dans
cetre circonftance , étoit un exemple fait pour être
imité. Il porta les articles à la Chambre , & avec
cette magnanimité qui fied fi bien à une belle ame
ils les mit fur le bureau fans craindre la moindre
recherche fur fa conduite. » Voilà , dit - il , les
» articles de paix que je vous prie d'examiner. J'ai
fait tout ce qu'il n'a été poffible de faire pour
» mon pays , & fans, m'appuyer du fecours d'aucun
de mes amis , je ne demande autre chofe à
la Chambre que de prendre ces articles en confidération
, de juger ma conduire dans cette affaire ,
» & de ne confulter que fon opinion dans fa cenfure
» & dans les éloges qu'elle croira devoir à mes opéra-
35
tions. En effet , convaincu de la droiture de mes
» intentions , certain d'avoir fait tout ce qui défen-
» doit de moi dans la fituation critique des affaires ,
» & méprifant fouverainement les intrigues & les
» menées des jaloux & des méchans , je mets ma
confiance dans la candeur & dans l'impartialité de
» la Chambre , & c'est à fon opinion feule que
» je veux devoir mon exiſtence ou ma chûte «.
Cette conduite étoit digne d'être imitée par le plus
grand homme d'Etat dans une femblable occafion ;
mais nos Miniftres actuels auroient cru s'avilir en
fuivant une conduite fi refpectable. Ils vous fomment
fans ceffe de donner vos fuffrages à ce traité ,
fans vous donner le tems d'e approfondir le fens .
Je me fouviens , dit-il , que lorsqu'on demanda précédemment
les articles de paix , quelques perfonnes
b 4
( 32 )
actuellement en place obfervèrent qu'il n'étoit pas
encore tems de difcuter fi la paix étoit avantageuſe ;
qu'il y avoit de l'injuftice à blâmer les ceflions faites
par les Miniftres avant d'être inſtruit fi elles n'étoient
point balancées par des avantages. J'étois charmé
d'entendre les Miniftres parler de la forte , parce
que je me flattois que ce langage étoit fondé , &
qu'on nous dévoileroit enfin ces grands avantages
qui devoient nous confoler de nos pertes . Mais
hélas ! j'ai été fruftré dans mon attente. Il difcuta
enfuite très-fcrupuleufement les divers articles de
paix , combatrit les argumens des deux premiers
Membres , & prouva que la paix n'étoit point auffi
avantageufe qu'on auroit pu l'efpérer. Plofieurs
articles de paix entre la France & l'Angleterre
font , dit -il , fufceptibles d'objections , & je fuis
étonné que nous ayons fait de femblables celfions
aux Indes occidentales . Pourquoi avons-nous cédé
Ste-Lucie ? Cette Ifle étoit - elle d'une affez petite
conféquence pour être jugée entièrement indigne
de notre attention ! Je puis dire avec fondement que
cette Ifle protège l'entrée & la fortie de nos poffeffions
les plus précieufes dans cette partie du monde ,
& je vois à regret que les Miniftres ont commis de
grandes bévues. La France nous a furpaffés en habileté
dans la négociation , car nous étions liés en
quelqué forte par les condicions de paix ; mais elle ,
au contraire , pouvoit , malgré la ratification da
Traité , accepter ou rejetter les conditions de paix ,
felon qu'elle le jugeoit convenable. Mon bur n'eft
point d'attaquer la réputation des perfonnes qui ont
travaillé à la négociation , mais je fuis fâché de
voir que la France a trop gagné. Je ne fais fi nous
fommes en paix ou en guerre avec la France ; l'un
des articles porte , que , dans le cas où la France
auroit des Alliés dans l'Inde , ( mais nous favons
qu'elle y a de très - puiffans Alliés ) dans le cas ,
dis-je , où elle auroit des Alliés dans l'Inde ,
ils
feront invités à accéder au Traité , & il leur fera
( 33 )
•
accordé un terme de
Voilà donc une très
quatre mois Four fe décider.
belle occafion pour Hyder-
Aly de ravager le pays , il peut fe livrer fans
obitacle à toutes les guerres de cruauté. Le Lord
North condamna les priviléges accordés à la
France fur le banc de Terre Neuve , & dit qu'ils
feroient très - nuifibles aux pêcher es de l'Angleterre.
Il parla des articles relatifs à l'Espagne ,
& demanda pourquoi les Miniftres avoi 、nt céé les deux Florides , & il fit voir qu'elles éaient
toutes deux d'un grand avantage pour notre com.
merce , furtout la Floride orientale. Oùeft donc ,
dit-il , cette réiprocitéd'avantages qu'on nous
vante fi fort ? - Il paffa enfuite en revû les articles
relatifs àl'Améique , & dit qu'il ne pouvoit
y déouvrir la moindre trace de cette éuité& de
cette réiprocitédont on avoit parlé. I cenfura
les Miniitres pour avoir fait des ceflions éormes
dans le Canada , & avoir abandonnéles Allié
de l'Angleterie dans cette partie du monde. Nous
avons anénti , dit-il , notre commerce avec les
Indiens de ce Pays , & abandonnéhonteufement
vingt quatre Nations de ces Indiens qui éoient nos
Allié , & qui nous ont fouvent fecondé pendant
guerre «. Il parla enfuite des limites fixés entre
les poffeffions Angloifes en Améique & les Etats-
Unis , & il expola l'abfurdité& les erreurs qui fe
trouvoient dans la fixation de ces limites. »Je ne
combats point , dit-il , l'indéendance Améicaine
mais je parfite àdire que nous lui avons donné trop & plus qu'elle n'efpéoit «. cenfura les Miniftres
dans les termes les plus forts & les plus
Alériflans pour avoir abandonnéles Loyaliftes , &
les avoir livré àla merci du Congrè . En prenant
la parole , dit-il , je n'ai point voulu prendre la
déenfe des Miniftres qui ont fait la paix , car je
ne donnerai jamais mon fuffrage àune telle paix.
Je ne fuis refponſble ni àDieu , ni àma Patric ,
la
L
bs
( 34 )
1
-
des conditions de cette paix , mais je fuis refponfable
de la guerre & des motifs qui l'ont fait
entreprendre , & je fuis prê àréondre àtoute
accufation qu'on produira contre moi fur ce chef.
En faisant la paix , pourquoi avons - nous abandonné nos vrais amis & allié ? Il y en a plufieurs que
j'eftime. Ils ont fervi leur Roi léitime de tout leur
pouvoir , & ils ont combattu fous fes drapeaux
pour la caufe de notre Patrie Pourquoi donc les
abandonner & les laiffer deftitué de tout , fans ,
déenfeurs ni propriéé, & fans avoir pourvu aucunement
àleur fort ? C'eft une honte une hone
infupportable & je crois que ni le parti Miniftéiel
, ni le parti Anti-Miniftéiel ne confentiront
àun procééfi blâable & fi flériſ .ant. Bon
Dieu ! quel eft le coeur qui ne doit pas faigner
en voyant proftituer ainfi l'homme national ? I
feconda l'amendement , & dit qu'auffi - tô qu'il auroit
paffé, il le propofcit de faire une motion tendante
a ce qu'il y fû ajoutéun article relatif aux Loyaliftes
.
Le Lord Mulgrave prit la parole. Lóíue
j'envifage , dit -il , la conduite de la France ,
j'ai lieu de penfer que la paix ne fauroit êre durable.
Cette Puillance a le deffein de prendre poffeffion des
Places qu'elle pent fortifier fans vouloir en tirer un
avantage imméiat. Si elle eû déirévivre en bonne
amitiéavec nous , elle eû cherchéàfe faire reftituer
les éabliſ .emens qu'elle a perdus . Les Miniftres
auroient - ils dûpermettre que Dunkerque
fut fortifié? Ignorent-ils que fi la guerre venoit à fe rallumer , cette place , àraifon de la proximité oùelle est de nos côes , feroit fatale ànotre
commerce ? Il fit les plus grands éoges de la fidéité & de la bravoure des Loyaliftes , & plaignit
leur fort. »Si les Miniftres , dit -il , avoient confulté leurs intéês , ils auroient gardéNew- Yorck ,
Charles- Town & Long- land , jufqu'àce qu'on cû
affuréaux Loyaliftes la reftitution de leurs propriéé
". M. Townshend fe leva , & dit : Les
( 35 )
perfonnes qui cenfurent la paix le plus vivement ,
ont délaré, il n'y a pas long - tems , que la paix
feule pouvoit fauver ce pays de la ruine . L'Indéendance
de l'Améique n'eft point l'ouvrage des
Miniftres ; on doit l'imputer a la Chambre , qui
palla l'anné dernièe une réolution , laquelle délaroit
de fait l'Améique indéendante , en liant
les mains àla Nation , & l'empêhant de continuer
la guerre avec l'Améique. Dans de telles circonftances
, les Miniftres ne pouvoient chercher qu'àobtenir
les meilleures conditions poffibles . J'ai plaidé, avec
zèe , la caufe des Loyaliftes ; mais les Commitfaires
Améicains n'avoient pas le pouvoir de ftipuler
de plus grands avantages pour les Loyalites.
Je délore bien fincéement lear deſiné
je délate que fi l'Angleterre ne les indemnife pas
de leurs pertes , elle méitera d'êre mife au nombie
des nations les plus mérifables. Il fit une
Analyfe des diverfes parties des traité , & les juftifia
fur le fondement que l'Angleterre éoit dans la
néeffitéde faire la paix , àcaufe de l'éat éuifé de les finances. On alla alors aux voix ; il v
eut pour l'amendement 224 , contre l'amende
ment 208 , majoritépour l'amendement 16 .
w
&
Le Gééal Murray s'eft enfin déidéà donner au Chevalier William Draper la
fatisfaction qui lui éoit due , & cette affaire
eft abfolument terminé . On s'occupe actuel
lement de la prife de St- Euftache , & le
Confeil de guerre nommépour examiner
la conduite du Lieutenant - Colonel Cockburne
a commencéfes fénces.
La Compagnie des Indes a donnéordre
de ne point déharger les éiceries venant
de Trinquemale , & d'attendre l'iffue des
néociations avec la Hollande , qui vont
toujours lentement.
( 36 )
FRANCE.
De VERSAILLES , le 25 Férier.
Le Roi a nomméàl'Abbaye du Montde-
Sion , Ordre de Cîeaux , la Dame de
Senery , Religieufe Profeffe de l'Ordre de
St. Auguftin ; dans la mêe Ville.
M. Gerard de Rayneval' , Miniftre Pléipotentiaire
du Roi prè S. M. B. , de retour
de Londres , a eu l'honneur d'êre
préentéàS. M. par M. le Comte de Vergennes
, Miniftre & Secréaire d'Etat ayant
le Déartement des Affaires Etrangèes .
Le Vicomte de la Cropte de Bourzac , qui
avoit eu prééemment l'honneur d'êre
préentéau Roi , a eu celui de monter le
7 dans les carroffes de S. M. , & de chaffer
avec Elle.
Le Comte de Vergennes , Miniftre & Secréaire
d'Etat , ayant le déartement des
affaires érangèes , que le Roi avoit nommé le 20 de ce mois , Chef du Confeil des Finances
, a prêé, le 23 , ferment
qualitéentre les mains de S. M.
en cette
De PARIS, le 25 Férier.
LA fréate qui a ramenéM. le Comte
de Rochambeau & les Officiers de l'Etat-
Major de fon armé , mouilla le 12 de ce
mois dans la rivièe de Nantes . Ce Gééal
a éépréééici par M. le Marquis de
Vauban, qu'il avoit chargéde fes déêhes;
1
( 37 )
il est arrivélui- mêe le 19 , & a éétrèbien
reç du Roi , qui s'eft entretenu avec
lui pendant plus de demi-heure fur tous
les objets relatifs àfon armé & fa pofition
en Améique.
avant
C'eft fur la fréate la Gloire que ce
Gééal eft venu , & pendant fa traverfé
, il a eu quelques alarmes , d'abord
par le feu qui prit àla fréate , & qui
avoit fait des progrè effrayans ,
qu'on pû parvenir àl'éeindre ; enfuire
par la chaffe que lui donna un vaiffeau
ennemi de 74 canons auquel la Gloire
n'éhappa qu'àla faveur de la brume &
de fa bonne manoeuvre. · Le Gééal n'eft point inquiet de l'armé
ni de l'efcadre de M. le Marquis de
Vaudreuil. Il parcî certain aujourd'hui ,
que cette flotte a atterréau Continent
Efpagnol , dans un port qu'on avoit choiſ
àcet effet pour le rendez-vous gééal
mêe pour ce qui devoit venir d Europe.
Un petit bâiment qui eft parti de Boſon
long- temps aprè M. de Vaudreuil , &
qui vient d'arriver àNantes en 17 jours
de travei fé , ne nous apprend rien de la
navigation de notre flotte fur les côes des
Etats -Unis , ce qui prouve qu'elle a fait
un voyage heureux .
Les vents contraires ont forcéles divers
avifos fortis de Breft pour aller annoncer
la paix , a rentrer dans ce port , & nous
apprenons que Andromaque , qui avoi
,
( 38 )
ééexpéié de Rochefort pour le mêe
objet , a ééobligé de relâher le 11 de
ce mois àl'Orient. Les fiéates Anglifes
n'auront pas ééplus heurenfes , puifque
nous avons qu'une efcadre entièe a éé fi maltraité , qu'elle n'a pas pu continuer
fa route ; auffi 8 ou 10 jours de mauvais
temps pourront peut- êre faire couler du
fang en pure perte dans l'Inde & en
Améique.
>
Selon les nouvelles apportés par un
Courier extraordinaire d'Espagne nous
avous appris que tout a ééarrêéàCadix
; on a dit auffi que D. Antonio Barcelo
éoit parvenu àdéruire le St- Michel
que fes chaloupes canonnièes avoient éé s'accrocher àce vaiffeau fous le feu de la
Place , & ne l'avoient quittéqu'aprè l'avoir
percéen difféens endroits , & au
moment oùil alloit couler bas. On dit
aujourd'hui , que cette nouvelle n'éoit
qu'un bruit de Madrid , que le Courier
d'Efpagre avoit rendu ici. Quelques lettres
de Bayonne l'ont depuis confirmé,
mis il ne l'eft pas encore par celles de
Madrid ni par celles de Cadix : ces dernièes
font du 31 Janvier , & nous apprennent
que le 31 on a fait fortir une divifion
de 8 vailleaux de ligne & de 3 fréates
qu'on croit avoir ééau - devant de
la riche flotte de la Havane . Cette divifion
eft fous les ordres de M. Dupleffis
Pafcaut.
( 39 )
On a des lettres de Toulon , en date du
4 de ce mois , dans lefquelles on lit les
déails fuivans.
La corvettte la Brune , commandé par M. de
Raouffer- Seillan , Lieutenant de vailleau , a mouillé hier matin dans cette rade , venant de Lixourne ;
elle avoit àbord M. le Duc de Chartres , qui a
déarquéici pour fe rendre àVersailles . Quoique
ce Prince garde l'incognito , M. le Chevalier de
Fabry , commandant la Marine , s'eft tranfportéfue
la corvette pour lui préenter fes hommages , & l'a
conduit enfuite chez lui oùce Prince a acceptéun
logement. Ce Commandant a eu l'honneur de lui
préenter les Officiers de fon corps ; ceux du corps
qui forme notre garnifon & ceux de l'Adminiftration
ont éééalement préenté àce Prince par
leurs Commandans & par Intendant ; il les a reçs
D
avec la mêe bonté, ainfi que les Confuls & la
Sééhauflé . Le réiment du Perche cft parti
hier de cette ville pour le rendre àMontpellier. Ce
réiment a ééremplacépar celui de Dauphiné, qui
eft arrivéici le mêe jour , venant de Valence .
Le Vrebourg , vaiffeau Hollandois de la Compagnie
des Indes qui eft ea relâhe dans notre port , fe difpofe
àaller joindre àMarſille les cinq autres vailfeaux
de la Compagnie des Indes qui y font arrivé
dernièement de Batavia. Leurs cargaifons confiftent
en productions de l'Inde , telles que coton , foie de
Bengale , éiceries , toiles , mouffelines , nacre de
perle , fucre , caféde Java & c .; la vente s'en fera
publiquement par M. Simon Birard de l'Orient ,
Conful gééal de Suèe en Bretagne , & cette vente
commencera vers la fin d'Avril prochain . Toutes les
marchandifes àla pièe & au poids , le vendront à l'entrepô , & pourront êre expéiés pour l'éranger
foit par terre , foit par mer , en franchife de tous
droits ".
On lit dans une lettre de Nantes l'avis.
( 40 )
fuivant ,,
que fon importance nous engage
àtranferire & àpublier.
»MM. les Adminiſrateurs gééaux de la manufacture
royale du nouveau doublage des vailleaux
de la Marine & du vernis méallique pour les ferru
res , éablie ici , ne pouvant entrer dans un grand
déail fur ces préieufes déouvertes , dont ils font
redevables aux travaux d'un favant , ſ borne ont
àune fimple notice , fuffifante pour prouver l'avantage
que toutes les Nations doivent en retirer . Le
nouveau doublage propre aux vailleaux , aux pilotis
& aux digues , elt un méal incorruptible : aucun infecte
, aucune plante marine ne peut s'y attacher. It
n'eft pas plus pefant que le cuivre , & n'a aucun de
fes inconvéiens . Les acides ne peu ent rien fui lai ;
il augmente beaucoup le fillage des vaiffeaux , &
peur mée êre employéàcouvrir les maifons fans
charger les charpentes . Le vernis méaliq e péère
le fer jufqu'au centre , en remplit exactement les
pores , & l'empêhe de fe rouiller . Tous les clous ,
chevilles & autres fers employé dans la conftruction
des vailleaux ou dans la bâille des maisons ne
prennent, par fon moyen , aucune humidité& ne ſ
rouillent jamais. Tous les fers enduits de ce vernis
changent de nature & deviennent plus durs . Sa couleur
eft blanche argenté , fufceptible d'êre polie ,
& peut faire ornement par- tout . MM . les Adminif
trateurs offrent àtoutes les Puiffances & aux Armateurs
de traiter de lun & de l'autre àleur fatisfaction
".
Nous placerons aprè cet avis des obfervations
non moins importantes , fur la manièe
de préerver de la foudre les vailleaux
& particulièement la Sainte - B rbe ; elles
font fondés fur la doctrine de M. Franklin
& du P. Becaria , & extraites d'une diller
tation du P. J. B. Toderini.
( 41 )
»Il eft déontréque la foudre eft formé par la
matièe éectrique . Parmi les corps éectables par
communication , les méaux font ceux qui attirent
le plus fortement cette matièe , fu -tout lorfqu'ils
font terminé en pointe : c'eft ourquoi les
tours , les clochers , &c . furmonté de croix méalliques
& fort éevé , font plus exposé àêre frappé
de la foudre . Afin que le Auide éectrique , lorfqu'il
s'eft infinuédans un corps , pourfore paifiblement
fon cours , il faut il trouve fur fon
paffage une féie de corps ou de conduits éalement
propres àle recevoir ; s'il rencontre une manièe
qui fe refufe àſn introduction , il clae : c'eft ce
qui arrive fur les tours dont les ornemens de fer
font arrêé par du marbre ou de la chaux , qui n'admet
point la matièe fulminante. Enfin l'éince le
éectrique fond les méaux d'un trè - pe it diamère
& fi leur diamère eft fuffisamment grand , il paffe
àtravers fans les endommager : ainfi pour éoigner
tout danger , quoiqu'on puiffe s'en tenir à trois lignes de diamère , felon l'avis du P. Beccaria
, il vaut mieux que le méal en ait quatre ,
ou mêe , par furabondance , un pouce. Quant
aux vailfeaux , il eft manifefte , que la coutume de
placer la Sainte Barbe fous le grand mâ , eft trèdangereufe
: car la foudre fe jette plutô fur la partie
la plus éevé , & en defcendant par ce mâ , elle fe
déharge dans la poudre placé au-deffous. Il faut
donc éablir la Sainte-Barbe àla poupe , en recou
vrant d'une double garde de cuir qui réifte au feu ,
tant éectrique qu'ééentaire , les armures ordinaires
des magasins àpoudre , lefquelles font de
fer , & en vernillant ces armares . Pour mieux pourvoir
àla fûetédes vaiffeaux , attendu qu'au-delfus
de la Sainte - Barbe eft un autre mâ moins baut , il
faut enfiler àla cîe du mâ parallèement au na,
vire , un grand anneau de bronze fur lequel s'éèent
quatre groffes & trè-courtes pointes dorés ,
de manièe qu'elles foient un tant foit peu domi
----
( 42 )
nés par la cime da mâ enduite de poix , & que
dudit anneau il defcende tout le long de l'arbre
une verge méallique de trois lignes de diamère ,
qui communique avec un autre conducteur plus
grand , lequel doit traverfer le plancher , & en paffant
aux deux bords oppofé , deſendre par les
flancs extéieurs de la poupe , & plonger dans la
mer. Il convient d'enduire éalement de foix la
girouette , fi elle eft de bois , & encore pius , fi
elle eft de fer , parce que la matièe en coulant dans
ce fer pourroit élater entre le fer & le mâ couvert
de poix. Enfin , pour plus grande fûeré, on
attachera àla flèhe de la girouette des hls méalliques
qui communiqueront avec le grand anneau.
Parmi les Procè finguliers , en voici un
qui peut intéeffer nos lecteurs , & leur
apprendre fur-tout àfe déier des affiduité
officieufes de gens dont l'éat peut favorifer
des rééitions exceffives pour raifon de
vifites , qui , faites en apparence fous les
dehors de l'amitié, font fouvent de leur
part trè - intéeffés .
› Une Dame de ... > demeurant en Province
avoit eu en Mai 1754 une maladie dangereufe ,
dont il lui reftoit un vemiffement qui avoit réifté àtous les remèes. Le Méecin de l'endroit qui l'avoit
traité dans fa maladie , aprè avoir tentédifféens
réimes , crut devoir lui confeiller de repren
dre la vie commune. Des Méecins de Paris confulté
furent du mêe àis . La Dame , l'ayant ſivi),
paya àfon Méecin ordinaire 100 éus d'honoraires
pour folde de compte déinitif le 19 Juillet 1776.
Ce mêe Méecin a depuis continuéles affi
duité fous le titre d'ami dans la maiſn de cette
Dame , qui n'a pas éémalade depuis . Ses de x
enfans ayant eu enfuite la petite véole , ce Méecin
, qui venoit habituellement dans la maiſn , fut
confulté& réompenféde fes feins pour eux par
( 43 )
-
-
des préens ; canne àpomme d'or & pièes de toi.
les pour linge de corps & de méage : ce Méecin
avoit auffi profitéde la voiture de la Dame ,
pour venir avec elle àParis , oùdes affaires perfonnelles
apppelloient ce Méecin. Au mois
d'Aoû dernier ce Méecin defirant mettre àprofit
fes affiduité , fit affigner les fieur & dame de
au Bailliage de ... , pour les faire condamner àlui
payer une fomme de 1856 liv . pour 1667 vifites
faites chez cette Dame , dans la Ville oùeft fon
domicile , pour 114 vifites faites àfa campagne ,
diftante de la Ville de 4 lieues , & pour l'avoir
accompagné dans un voyage àParis , oùelle alloit
confulter les Méecins . Il faut avouer que ce
Méecin avoit une heureufe méoire & favoit
compter ; il n'eû pas éémal- adroit fi aprè avoir
pendant prè de 6 ans partagépeut- êre la table
de cette Dame , il avoit pu s'en faire payer unc
fomme conféuente , pour l'aider àfonder la fienne
par la fuite ; mais les Sieur & Dame... , peu complaifans
, ont cru devoir déendre àcette demande par
l'expofédes faits ci - deffus. Ce nombre prodigieux
de vifites a para invraisemblable aux Jeges ,
& au furplus trè- inutile àune perfonne qui ,
remife àla vie commune , n'avoit plus eu aucun
réime àgarder. Ils ont eftiméqu'il y avoit compenfation
des foins donné aux enfans pendant leur
petite- véole avec les préens reçs , & ont déouté le Méecin de fes demandes avec déens .
quoi faut- il qu'un auffi vil & fordide intéê de quelques
particuliers indignes du nom de Méecin , dé.
honore ainfi une des plus honorables & des plus utiles
profeffions.
- Pour-
On mande de Rouen que les Curé&
Marguilliers d'une Paroiffe de cette ville
envoyèent au Confeil dans le mois dernier
des Déuté de leur part , pour repré .enter
que leur cimetièe éant affez grand pour
( 44 )
y inhumer les morts qui déèent fur cette
Paroiffe , devoit êre confervé Il leur a éé réondu que le Parlement leur avoit fixéun
terrein hors de la ville , qu'ils doivent en
confequence y faire leurs féultures , que
c'éoit la volontédu Roi , qui vouloit que
fon E it àcet éard fû exéuté, ainfi que
les Ar ês de fes Parlemens , & qu'ils n'avoient
qu'àfe conformer àceux que celui
de Rouen avoit renda les 23 Juin 1779 , 7
Aoû 1780 , & notamment àcelui du 7
Déembre dernier ? Il feroit àfouhaiter que
par tout dans les grandes Villes on s'occupâ
efficacement àtranfporter toutes les féul
tures hors des Villes , c'eft fur tout dans
les grandes qu'une pareille difpofition feroit
le plus néeffaire , & qu'elle érouve le
plus d'obstacles.
M. de Bouffois , Notaire àChâeau- Thierry,
nous érit qu'ayant ééchargéde faire des
recherches d'actes concernant la famille de
Jean Thierry , déééàVenife , par un
des préendans àcette fucceffion , il a trouvé difféens actes dont il a pris note , paffé
devant fes prééeffeurs par des Thierry,
Ces Thierry font Jean , Sergent , Nicolas , de
pareil éat , Victor , Marchand. Les héitiers de Jean
& de Victor , Françis , Chirurgien ; il a trouvé entr'autres le partage des biens de Nicolas , & Marie
l'Oifeleur fa femine , fait entre Claude , Catherine &
Nicolle , Jeanne , Nicolas , Curéde Dormans ,
Françis & Marie leurs enfans , tous demeurant à Châeau- Thierry , depuis & compris l'anné 1612
jufqu'en 1673 inclufivement , Il en a aufli trouvéde
( 45)
Thierry de Monmirail , & on peut s'adreffer directe,
ment àlui.
Nous ne pouvons refufer àla jufte inquiéude
d'un pèe pour le feul fils qui lui refte ,
& dont il n'a point de nouvelles depuis fix
ans , d'inféer ici l'avis fuivant.
»Ce jeune homme eft Claude- Féix Regnault
Delmarets , néàQuimper , Paroiffe St -Mathieu ,
Evêhéde Cornouailles , le 20 Mai 1757 , embarqué Pilotin fur le vaiffeau le Turgot , aiméau port de
l'Orient le 19 Avril 1775 pour la Chice , déarqué dudit vaiffeau le Turgot en rivièe de Chine le
19 Octobre 1776 , pour le rembarquer fur le vaiffeau
le Shrewbury de la Compagnie d'Angleterre ,
deftinépour Bengale . On prie ceux qui pourront
procurer quelqu'indication fur ce qu'il eft devenu
d'en donner connoiffance àM. Regnault Delmarets ,
ancien Capitaine de Cavalerie , demeurant àl'Orient
en Bretagne ",
De BRUXELLES , le 25 Férier.
Ο ÍON affure que le Roi de Suèe , attertif
àfaifir toutes les occafions d'éendre
& de favorifer les commerce de fes fujets ,
n'a point néligécelle qui s'eft offerte par
la déarche de la Grande- Bretagne , en
reconnoiffant l'indéendance de l'Améique ;
ila , dit-on , propoféun traitéavec la nouvelle
Réublique , qui , dit-on , a ééconclu
& fignéàParis le 5 de ce mois par fon
Miniftre & ceux des Etats -Unis ; la Suèe
a donnéaux autres Puiffances de l'Europe
un exemple qui fera fans doute bientô imité
On apprend de Hollande que les Etats
de Hollande & de Weftfrife ont , en vertu
d'une réolution , remis aux Etats - Gééaux
( 46 )
l'examen de l'affaire des vaiffeaux dont le
déart pour Breft avoit ééordonné; ils
n'ont pas jugéque les Amirauté en
puffent connoîre convenablement , parce
qu'elles font , en quelque façn , parties intéeffés
. On attend la déifion de cette affemblé
, celle des Etats de Hollande & de Weftfrile
, fur la léalité& la compéence du
haut Confeil de guerre. On dit que la Jurifdiction
de ce Tribunal fera fixé fur un
pied permanent , & réuite dans des bornes
compatibles avec la conftitution de la
Réublique.
כ ë
Nous ignorons encore , érit-on de la Haye ,
oùen font les néociations pour notre paix particu
lièe. Il paroî que les Anglois exigent toujours
quelques ceffions de notre part ; peut- êre n'ont-ils
en vue , en infiftant fur ce point que de faire une
balance avec les déommagemens que nous deman
dons ; quoiqu'il en foit , il est sû que l'on a fait
partir fucceffivement 3 Couriers pour Paris , avec
le refus formel de céer Néapatnam . Il en réul e
que notre arrangement particulier ne paroî pas
encore prê àfe conclure. Cette indéifion occafionne
quelques plaintes ; mais tous les citoyens
cenfé , ceux qui réléhiffent , conviennent tous des
obligations que nous avons àla France ; elle nous a
fauvéTrinquemale , & fi elle n'a pu engager les
Anglois àfe déifter des autres poffeffions qu'ils
ont conquifes fur nous , il ne faut s'en prendre qu'à notre lenteur & àl'apathie de nos confeils qui , au
lieu de fe preffer de faire caufe commune avec nos
allié , & d'agir de concert , ent toujours voulu
faire bande àpart. On dit bien que quatre jours
avant la fignature des préiminaires , on éoit convenu
d'un plan d'opéations communes ; mais alors
il n'éoit plus tems.-- Il eft arrivéun Exprè des
Commiffaires de notre Compagnie des Indes qui fe
trouvent en France ; & les 17 Directeurs déuté
--
( 47 )
de ce corps fe font affemblé extraordinairement
ici. Cette circonstance denne lieu àune multitude
de raifonnemens & de conjectures , parce que c'eft
àAmfterdam ou àMiddelbourg que s'aflemble or
dinairement la Direction de la Compagnie. On at-
\ tend avec impatience l'iffue de fes déibéations &
celle des néociations entamés ; quelle que foit celle
de ces dernièes , les travaux fe continuent pour
mettre notre marine fur un pied refpectable ; les
péitions pour cet objet montent 13,956,073
florins fols 8 den. outre 2,100,000 pour les magafins,
D'autres lettres de La Haye nous apprennent
que les ordres ont éédonné de fufpendre
provifionnellement les hoftilité contre
l'Angleterre , en vertu de l'Armistice figné àParis entre les Miniftres de la Réublique
& ceux de la Grande-Bretagne .
PRÉIS DES GAZETTES ANGL. du 18 Férier.
On dit que le Lord Beauchamp a éénommé Secréaire de la Guerre , àla place du Chevalier
George Yonge. L'intéê de l'argent fera , diton
, bientô réuit àquatre pour cent , par acte du
Parlement.
-
Le déart du Marquis de Carmarthen pour Paris
´ft fixéau 21 de ce mois. Le Duc de Rutland
nomméGrand - Maîre de la Maifon du Roi , àla
place du Lord Carlisle , a eu l'honneur de faire ,
le 16 , fes remerciemens àS. M.
"
Le Prince Edouard partira demain pour Dublin ,
accompagnéde fon Gouverneur ; fa fuite fera peu
nombreufe.
Les Irlandois femblent déerminé àfaire leur
cour aux Améicains ; un corps de volontaires ,
connu àDublin fous le nom d'Hibernian- Union ,
a pris l'arrêéfuivant :
و Ï
Le Roi de la G. B. ayant pour lui , fes héitiers
& fucceffeurs , reconnu les Treize Etats- Unis de
( 48 )
l'Améique feptentrionale , pour Etats libres , fouve.
rains & indéendans «.
Arrêéunanimement que ce corps faluera de
trois déharges le premier vaifleau qui entrera dans
le port de Dublin , avec pavillon Améicain «.
L'Amirautéa expéiédes ordres àPlymouth ,
Four qu'on lui envoy â fur-le-champ un éat des
vaiffeaux de guerre de ce port , en ordinaire , en
réaration ou en construction .
Le Canada nous coûe beaucoup plus qu'il ne
nous rapporte. L'avant - dernièe anné , il nous a
coûé1,200,000 1. , & l'anne dernièe 800,000 ,
tandis que fon commerce & toutes les pelleteries ne
nous ont jamais rapportéplus de 100,000 liv . Aiafi
les limites éablies par les articles provifionels ne
pourront nous êre que trè-avantageuſs , fi elles
nous privent d'une poffeflion qui coûe fi cher à garder.
L'Amiral Hyde Parker continuera de commander
dans les Indes O ientales , avec 8 vaikeaux de ligre
fans compter les fréates qui font l'armement fixé par le préent éabliffement de paix .
Il eft remarquable , obſrve une de nos Gazettes ,
que les dates de dex grands éèemens corref
pondent fi bien. En Férier 1763 , par le traitéde
paix avec la France & l'Espagne , l'Améique Septentrionale
nous a éédonné a perpé iré En Férier
1783 , nous avons donnéàperpéuitél'Améique
àelle -mêe.
-
Il n'a pas encore éédonnéd'ordre pour faire
rentrer en Angleterre aucun des vaiſ .eaux ſationné
dans les difféentes parties du globe . Le
Royal-William de 84 , & le Vigilant de 64 , déa
ment àPortſou.h. L'Irréiftible de 74 & le
Diadêe de 64 , vaiffeaux neufs actuellement en
commiflion àChatam , ne feront point éuipé pour
la mer. Les vailleaux armé qui avoient éé employé pour la protection du cabotage , feront
déa méle mois prochain , parce qu'ils deviennent
-
déormais inutiles .
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E.
De CONSTANTINOPLE , le 10 Janvier.
E calme commence àfe réablir dans
Lect
,
cette Capitale ; tout nous fait eſéer
que la rupture qu'on craignoit avec la
Ruffle n'aura pas lieu . Ce changement dans
les efprits & dans les difpofitions fe manifefte
depuis la retraite du Grand - Vifir
qui a éédéofé& qui s'eft retiréàVidin fur
le Danube , dont on lui a donnéle Gouvernement.
Le Kiaya- Bey Halid - Hamid le
remplace. La fermetédu nouveau Grand-
Vifir a contribuéàcontenir par- tout les
mutins , qui ne font plus entendre comme
auparavant le cri de guerre. Le Grand - Scigneur
a , dit-on , délarépofitivement qu'il
rempliroit les engagemens qu'impofe àla
Porte le traitéde Kainardgi ; & l'on affure
que tous les difféends font non-feulement
arrangé avec la Ruffie àla fatisfaction réiproque
des deux Puiíanees , mais que S. H.
8 Mars 1783.
( 50 )
a foufcrit àune nouvelle convention qui
lui a éépropofé par la Cour de Péersbourg.
On ignore encore la nature de cette
dernièe & celle des arrangemens qui ont éé pris.
DANEMARCK.
De
COPENHAGUE , le 4 Férier.
Le luxe qui commençit àgagner tous les
rangs de la fociéécivile , vient de fixer
l'attention du Gouvernement. Pour en rérimer
les effets toujours funeftes , il a rendu
une Ordonnance qui doit le limiter dans les
Royaumes de Danemarck , de Norwèe ,
ainfi que dans les Duché .
Chriftian VII. & c. Nous avons remarquéavec
regret , par les recherches que nous avons faites ,
qu'il rène dans nos Etats un luxe , qui , en faisant
employer les marchandifes érangèes beaucoup
au-delàdu néeflaire , fait paffer aux érangers les
richeffes du pays , & confume , par la prodigalitéde
nos propres productions intéieures , une partie importante
de ce qui pourroit fe vendre àl'éranger ;
& nous avons obfervéen mêe tems , que des
familles , qui conftituent l'Etat , les unes s'affoibliffent
& les autres s'appauvriffent par un pareil
luxe , foir qu'elles choififfent de leur propre gréune
fompruotité, qui furpaß leurs forces , ou que par
une espèe de déence elles fuivent l'exemple des
riches. Pour couper cours àce mal , fecourir les
familles qui defirent du foulagement , & ramener
l'éonomie , avantageufe aux familles & recommandable
àl'Etat , de façn que l'on puiffe faire , autant
que poffible , ufage de ce que l'on pofsèe déa ,
& qu'aucun bon méier ou néoce n'en fouffie far(
si )
ticulièement , nous avons trouvébon d'ordonner
& de ftatuer ce qui fuit.-I. Il ne fera plus permis
àl'avenir àaucun de nos chers & fidèes fujets
de faire ufage , foit fur leurs perfonnes & dans les
fociéé , foit dans leurs maifons , d'autre or ou
argent , que de boîes , éés , boucles , boutons de
cou & de poignet , montres , éuis , cuillers , coûeaux
, fourchettes , chandeliers , fucriers , cuillers à thé, tenailles àfucre , & autres petites pièes d'argenterie
dont on fe fert àtable , comme auffi des gobelers
en ufage chez les payfans ; àquoi il faut ajouter
les bagues & autres ornemens , que le fexe porte
aux oreilles & au cou ; ceux que les pay fans portent
d'argent maffif, & ce que les gens ont d'ailleurs
dans leurs maifons pour leur ufage perfonnel , comme
auffi jufqu'au nombre de 8 plats pour la table
avec des terrines & des caffetièes pour ceux qui
en ont déa. Il ne fera plus permis de fe fervir d'autres
uftenfiles d'or ou d'argent pour le thé. Cependant
l'on pourra conferver l'argent , que portent les
coureurs & les chaffeurs , de mêe que les boutons
d'argent unis pour les habits de livré , au cas qu'on
veuille les faire porter. Au refte , tout l'or & l'argent
travaillé, qu'on voudra importer àl'avenir de
l'éranger dans nos Etats , fera confifquépar-tout
oùon le trouvera ; àl'exception nénmoins de ce
que les voyageurs portent avec eux pour leur ufage
perfonnel, ou qu'ils font introduire dans le Royaume
pour
le tranfit rél d'un endroit àl'autre . II. Tous
les galons d'or & d'argent fur les habits neufs ,
comme auffi les houppes ou fous quelque nom que
les ornemens d'or ou d'argent fur les habits foient
connus , font déendus dis - à- préent . Voulons cependant
, afin que perfonne n'effie des pertes , qu'il
foit permis àceux qui ont préentement de pareils
habits , de les porter jufqu'au premier Janvier 1786.
Il en faut excepter nénmoins les uniformes , que
nous pourrons ordonner & preferire nous-mêes ,
C 2
( 52 )
comme auffi ceux que nous avons déa rélé pour
certaines perfonnes , qui font au fervice de notre
Cour ou dans le fervice militaire , & que nul autre ne
peut préumer de porter . III . A compter du premier
Férier 1783 , il ne fera permis àaucun homme de
faire faire des habits d'or , d'argent ou de foie , mais
ceux qu'on a déa peuvent êre porté jufqu'au premier
Férier 1786. La mêe déenfe concerne les
houffes & couvertures de chevaux . Cependant , afin
que ceux qui fe font occupé jufqu'àpréent de la
broderie & qui ont véu de ce travail , n'en foient
pas privé entièement , nous voulons bien permettre
au fere jufqu'ànouvel ordre de porter des broderies
de foie , àcondition qu'auffi fouvent qu'une
pièe , grande ou petite , aura ééachevé , elle foit
timbré àla halle éablie en notre réidence , aprè
qu'il aura ééprélablement conftaté& duement
attefté, qu'elle a éétravaillé dans nos Etats : mais
dans les autres villes marchandes , comme auffi
au Plat-pays , ledit timbre fera appofépar les Officiers
du district , auxquels nous avons confiél'adminiftration
de la police , & ce timbre fera compofé de notre nom en chiffre , du nombre de l'anné ,
& des mots : Til Bruck ( pour l'uſge ) . Au refle le
fexe pourra porter jufqu'au premier Janvier 1786 ,
les habits brodé , qu'il a déa . IV . Tous les habits
& pièes broché en or & en argent , ainsi que tout
ce qui eft montéde pierres érangèes , fines cu
fauffes , ne pourront plus fe porter ni fervir d'ornement
àqui que ce foit , non plus que les perles
fines ou fauffes , depuis le premier Janvier 1784.
L'on en excepte nénmoins , comme de coutume ,
les préens orné de pierres préieufes , dont nous
ou notre maiſn royale auront gratifiéquelqu'un .
A compter dudit premier Janvier 1784 , ceffera
éalement tout- à fait l'ufage des dentelles érangèes
& de ce qu'on nomme des points. Mais , fi
quelqu'un fait exéuter des ouvrages de pierres , qui
( 53 )
par
fost des productions de nos Etats , on prouvera
des certificats , que tel ouvrage a ééréllement
fait de pierres du pays . V. Aprè la publication de
la préente Ordonnance , il ne fera plus permis de
faire ni d'ordonner de dorer ou d'argenter d'or ou
d'argent fin les voitures , meubles , ou maifons.
VI . Tous les boutons pour les habits d'hommes ,
exceptéfeulement les uniformes que nous aurons
or lonné, feront pour les habits , qu'on fe fera faire
àl'avenir , de la mêe éoffe que les habits mêes ,
ou bien de foie & de poil de chameau , fabriqué
dans nos Etats . Les boutons communs de paylan
pourront feuls êre confervé. VII. Les hommes ,
jufqu'an premier Janvier 1786 , porteront les habits
, qu'ils ont actuellement de foie & de velours ,
tels qu'ils font àpréent , pour autant qu'il n'y a
point éémis de reftriction par l'article IV ci -deſ .us ;
nais , àcompter dudit premier Janvier 1786 , il
leur sera déendu de porter des habits ou furtouts de
foie ou de velours , comme il leur eft auffi déendu
d'en faire faire aprè la publication de la préente
ordonnance. Cependant , en faveur de nos fabri
ques , il eft permis au fexe mâe de porter des veftes ,
culottes , & bas de foie , ainfi que la doublure des
habits ; mais en revanche le velours eft déormais
déendu abfolument aux hommes. Il ne fera plus
permis non plus de porter des mouchoirs de foie ,
qui ne peuvent êre lavé . Cette déenfe ne concerne
pas nénmoins le velours de Manchefter ni autres
éoffes , mêés de foie & de coton , & ne s'é ‹ end
pas non plus aux éoffes mêés de foie & de laine ,
ni àcelles mêés de foie & de fleuret , qu'il fera
permis de porter comme ci - devant , pourvu que l'on
puiffe prouver qu'elles ont ééfabriqués dans le
pays. VIII . Tout ufage de pelleteries pour border
les habits , comme auffi pour doubler des habits
de cééonie , ceffera abfolument àcompter
du premier Janvier 1786. En revanche l'on
c 3
( 54 )
I
ne portera déormais que des pelleteries du pays
pour les furtours & pour le garantir du froid.
IX. A compter du 1 Janvier 1786 , il ne fera point
permis aux domestiques de nos Officiers de porter
rien qui foit fait de foie , finon des bourſs àcheveux
, des rubans de queue , des cravates & des bas.
Aprè la mêe éoque , les fervantes ne pourront
plus rien porter de foie , finon un mantelet & une
jupe de foie noire. X. A compter du 1 Janvier 1786 ,
il ne fera point permis au fexe de porter fur fes
habits d'autres garnitures que de la mêe éoffe
dont font les habits , ou , fi elles n'en font point ,
d'en porter qui coûent plus de 16 éus : toutes les
garnitures qui feront faites depuis le 1 Férier 1783 ,
fe rèleront d'aprè ce qui a ééfixéci- deſ .us . Il fera
abfolument déendu , aprè le 1 Janvier 1786 , de
porter des fleurs d'Italie & autres , àmoins qu'on
ne puiffe prouver qu'elles ont ééfaites dans le pays 5
il cft déendu dè-à préent d'en importer de nouvelles.
Il fera de mêe prohibéàl'avenir de fe
fervir de feuilles d'argent fur des habits nouvellement
faits , ou de les porter d'aucune autre façn
pour l'ajustement. XI. Les fervantes ne pourront
porter des bonnets ou coëfures d'un prix plus haut
qu'un éu ou 9 marcs Danois , exceptéle jour de
leurs noces. Il leur eft auffi déendu de porter des
boucles d'oreilles . XII . Tout domestique convaincu
de s'êre fait frifer par un Perruquier - Coëfeur ,
payera chaque fois une amende de 4 éus . XIII . II
eft abfolument déendu de faire faire des tapifferies
en foie , ainfi que des rideaux de foie aux fenêres.
XIV. Nous rétéons toutes les déenfes faites cidevant
; & déendons abfolument pour l'avenir
l'importation des articles fuivans : 1 ° Tous meubles
, quelque nom qu'ils portent , y compris les
tapis de pied . 2 °. Les voitures de toute eſèe avec
les éuipages de chevaux. 3 ° Toutes pendules ou
montres déa montés . 4º Toutes verreries , porce(
53 )
laines & fayance , excepténénmoins les miroirs ,
jufqu'ànouvel ordre. Cependant l'on conferve les
droits octroyé àla Compagnie des Indes orientales
& àla Compagnie du Canal . L'on ne comprend pas
non plus fous cette déenfe ce que les Etrangers
apportent avec eux pour leur ufage perfonnel ou
ce qu'ils font importer comme des effers , qui ne
font réllement que de fimple tranfit. XV. Pour
rérimer le luxe & diminuer les déenfes de nos
Sujets , nous ordonnons encore : 1 °. Il ne fera permis
de donner déormais aux dîers que fix plats ,
en comptant les grands & les petits ; & enfuite ,
outre les falades & ce qu'on peut regarder comme
éant da ciûdu pays , tout au plus quatre plats de
deffert , outre les fruits indigèes ; de forte que
toutes confitures érangèes , tant sèhes que li
quides , ne feront plus fervies . 2º Aux foupers ,
aucun Sajet du Roi ne pourra donner plus de 6 plats ,
tant grands que petits , & outre les falades , tout au
plus 2 plats de deffert avec des fruits du crûdu pays.
3. A table & ailleurs , lorfqu'on a des convives
i ne fera pas permis de donner d'autres vins que
des vins blancs & rouges de France avec des vins
de Maliga & de Madèe . En revanche , tous autres
vins fius & liqueurs , comme aufi le vin vieux de
France & la bièe érangèe , font déendus. L'on
pourra nénmoins donner du punch àceux qui en
déirent 4 °. Aux noces & àd'autres feftins femblables
, l'on pourra ajouter 2 plats & 2 articles de
deffert au nombre fixépour les repas ordinaires.
Enfia, àcompter du 1 Octobre 1783 , l'on ne pourra
fervir au repas , ni mettre en vente , ni annoncer à cet effet dans les Gazettes , des comeftibles érangers
, ni aucune espèe de mets préaré dans l'Etranger
, & dont les principaux ingrediens fe trouvent
dans le pays . Mais , comme nous ne comprenons
point fous cette prohibition des ingréiens
érangers , propres & utiles àfervir de nourriture ,
>
C 4
( 56 )
nous avons deffein de fixer d'une manièe plus cin
conftancié par un placard , que notre Collée-Gééal
d'Economie & de Commerce publiera, ce qu'on
doit tenir pour déendu. Pareillement l'on ne pourra
vendre & verfer , àcompter du 1 Janvier 1784 ,
dans les Auberges & Cabarets , & annoncer dans les
Gazettes , que les feuls vins dont nous avons accordé l'ufage par l'article prééent. La mêe déenſ a
lieu àl'éard des bièes érangèes & des liqueurs
déa préarés qu'on importeroit de l'Etranger , &
qu'on ne pourra verfer , vendre ni annoncer dans
les Gazettes , aprè le 1 Octobre 1783. Au reste ,
nous verrons avec plaifir que nos Sujets , pour ne
point perdre ce qu'ils poſèent déa , en faffent
ufage jufqu'àl'éoque que nous avons fixé ; comme
autfi qu'ils fe bornent enfuite relativement àce qui
eft réléci- deffus, tant pour le boire & le manger
que pour d'autres objets. Afia que notre préente
Ordonnance , aprè fa publication , fe conferve
conftamment dans la méoire de nos chers & fidèes
Sujets , pour qu'ils s'y conforment , il en fera fait
lecture annuellement de toutes les Chaires dans
toutes les Villes marchandes de nos Royaumes
& Etats , le premier Dimanche aprè le nouvel an &
le premier Dimanche du mois de Juillet . Et comme
nous nous affurons que nos chers & fidèes Sujets
inftruits de ce qui fert àleur propre bien - êre , fe
réouiront de recevoir cette rèle d'éonomie , &
qu'ils feront attentifs àfon obfervation , nous ne
voulons point provifionnellement la faire exéuter
par voie de Police & autres moyens de force : ce
que tous & chacun doivent favoir pour s'y conformer
«
Cette Ordonnance eft du 20 Janvier. Le
31 , il en a éérendu une autre pour rérimer
la déenfe du jeu ; comme c'est la
Cour qui doit donner l'exemple àla Ville
& au refte du Royaume , elle a ééadreffé
( 57 )
au Grand-Maréhal de la Cour. Il n'y fera
donnéàl'avenir qu'un éu pour les cartes
àchaque table de jeu .
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 4 Férier.
C'EST le 2 de ce mois que l'on a annoncé dans l'Eglife Proteftante de cette Ville l'accommodement
des difféends qui fubfiftoient
entre les Diffidens. On fe flatte que leur
union , àpréent qu'elle eft réablie , ne
fouffrira plus d'altéations.
Le Roi a confééla Waiwodie de Czernicovia
, vacante par la mort du Comte de
Leduchowski , àM. de Wilga , Staroſe
de Grabowicz.
ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 8 Férier.
L'ARCHIDUC MAXIMILIEN eft parti d'ici
les de ce mois pour l'Italie ; il fe rend
d'abord àFlorence , d'oùil fera un tour à Milan , àParme , & en d'autres Villes d'Italie
, & particulièement àRome , oùdes
appartemens au Vatican font préaré pour
le recevoir. Le Comte de Hardyg , Grand-
Maîre de fa Maiſn , l'accompagne.
Les tranfports de munitions de guerre
fur les frontièes des Provinces Ottomanes
ne font pas interrompus comme on le
difoit ; cependant on remarque que tous ces
préaratifs fe rallentiffent.
( 58 )
Il vit dans le cercle de Chrudin , érit - on de
Prague , une claffe d'hommes trè -nombreufe , qui
préend fuivre la religion d'Abraham ; un des points
principaux de leur croyance eft la connoiffance d'un
Etre fuprêe , Créteur de l'Univers , qui réompenfe
le bien & punit le mal dans ce monde comme
dans l'autre. Ils n'ont point de livres , & on ignore
d'oùils ont pris leur fyftêe religieux . Leurs moeurs
font trè-douces & leur conduite eft fans reproche.
D'aprè les ordres de S. M. I. ces gens auront des
éabliffemens dans la Hongrie «.
L'Empereur , en confi.léation de la mauvaife
réolte de l'anné dernièe , & d'aprè
les repré .entations qui lui ont ééfaites par
les habitans des environs d'Infpruck , vient
d'accorder la fomme de 24,000 florins
pour êre diftribué aux plus indigens.
Pour mieux favorifer & faciliter l'exportation
dans l'éranger des productions du
pays , l'Empereur vient d'ordonner que vu
la grande confommation de cuivre qui
augmente journellement pour les befoins
de la navigation , il fera éabli àFiume
un entrepô de cuivre , qui fera àtous éards
conforme àcelui qui exifte àTrieſe . Cet
entrepô fera confiéàla Compagnie priviléié
de Fiume .
De HAMBOURG , le IIsS Férier.
S'IL faut en croire des lettres de la Bofnie
, 30,000 Turcs fe font raffemblé dans
les environs de Sevaglio , afin de pouvoir
fe porter àWiddin dans la Bulgarie , en
cas de rupture avec la Ruffie , ce qui fait
( 59 )
conclure que les Mufulmans ont choisi cet
endroit pour le rendez-vous de leur troupes.
Mais il paroî que ces mouvemens ont éé faits avant que la Porte eut pris une réolution
fur les déêé qui s'éoient éevé ,
& les nouvelles de fes difpofitions pacifiques
fe foutiennent , celles des Etats hééitaires
de l'Empereur annoncent toujours
des préaratifs , s'ils paroiffent ralentis , ils
fe continuent cependant. Les troupes Impéiales
dans la Pologne Autrichienne ont
éérenforcés , & leur nombre eft porté jufqu'à40,000 hommes. Le réiment
d'Huffards de Wurmfer a eu ordre de le
rendre avec la plus grande diligence fur
les frontieres de la Turquie , Plufieurs autres
ont ordre de fe tenir prês pour la
fin de Mars , & beaucoup de maifons religieufes
ou Couvents qui ont ééfupprimé
, font remplis de toutes fortes de munitions
de bouche & de guerre . A ces déails
un de nos papiers joint les fuivans .
" Un Courier de Vienne , dit on , arriva à Bruxelles le 10 au foir ; le Confeil de la
Réence s'affembla auffi tô & ne fe féara
que fort avant dans la nuit . Le lendemain
II tout l'argent du tréor public & celui
que les Banquiers purent fournir fut envové àVienne. "
ود L'Elbe & 1 Eger , lit on dans des lettres
de Seif Meritz en Bohêe , fe font déordé ,
& toutes les campagnes aux environs de
ces fleuves fe trouvent fous l'eau . Cette
€6
( 60 )
4
1
inondation a ravagéplufieurs cantons cu
beaucoup de perſnnes & de beftiaux ont éé noyé . La fortereffe de Thééienſadt eft
de trois côé entièement ſbmergé ; mais
les ouvrages du dehors de ce fort n'ont éé que trè- peu endommagé .
Le commerce & la navigation de cette Ville ,
érit-on de Gothembourg, depuis quelques annés ont
fait des progrè confidéables . Dans le courant de
l'anné dernièe , il est entrédans notre port 693
bâimens érangers , tant grands que petits , & 812
venant des difféens ports du Royaume , ce qui fait
en toet 1505. Le nombre de ceux que nous avons envoyé
chez l'éranger eft de 647 , & pour les ports du
Royaume de 860. Total 1507 bâimens de fortis . Ncs
exportations , l'anné dernièe , ont ééprincipalement
113,151 fchifund de fer , 30,537 douzaines de
planches , 98,857 tonnes de harengs , & en outre
des marchandifes de l'Inde de la valeur de 2,980,178
rixdal. D'aprè l'éat exact qu'on vient de faire des
bâimens de cominerce de cette Ville , il s'en trouve
190 gros & petits , dont 32 font depuis 100 jufqu'à 352 lafts , &, 68 depuis 50 jufqu'à100 lafts . Les 90
reftants font moins confidéables . En 1782 , ily
a eu ici 519 naiffances , 669 morts & 124 mariages.
A Carlfcrone , 481 naiſ .ances , 677 morts & 130
mariages.
-
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 23 Férier.
LE Lieutenant- Gééal Leflie , ci- devant
Commandant en Chef àCharles -Town ,
eft arrivéen Angleterre fur le Roebuck. Au
déart de ce vaiffeau les arrangemens éoient
pris àNew-Yorck par rapport àla diftri(
61 )
bution des troupes dans cette place ; celles
de Charles-Town n'avoient pas reç encore
d'ordres déinitifs ; on fait qu'àleur déart
de cette place , le Gééal Wayne y entra
àla têe de sooo hommes de troupes continentales
, laiffant un corps de cavalerie
pour garder les paffages , avec l'ordre trèpréis
de ne molefter aucune perfonne qui
fe rendoit àbord des vaiffeaux. Lorſue la
garniſn Britannique fut embarqué , &
pendant les trois jours que la flotte mouilla
dans la baie , le Gééal Wayne eut la politeffe
de ne point arborer le pavillon
Améicain. Auffi-tô qu'il fut maîre de la
ville il ordonna d'ouvrir les maisons qui
avoient ééfermés , & traita les habitans
avec toutes fortes d'éards ; la convention
conclue entre le Gouverneur de l'Etat &
les Marchands de la ville a ééinviolablement
obfervé.
On a appris par le retour du mêe vaiffeau
que le difféend qui a fubfiftélong- tems
entre l'Etat de Penfylvanie & celui de Connecticut
, relativement aux frontieres , a éé enfin déidéen faveur du premier. Les Commiffaires
nommé par les parties fous la
fanction du Congrè , conforméent au
9e. article de l'acte de confééation , prononcèent
unanimement fur ce fujet àla
fin du mois de Déembre dernier.
Hier matin on a reç des déêhes des
ifles du Vent , en date du 28 Déembre ;
tout y éoit alors tranquille. Plufieurs lettres
( 62 )
de marque parties de Londres & de Bristol,
éoient arrivés àla Barbade & y avoient
déarquéleurs cargaifons compofés de
quantitéd'articles dont on avoit un grand
befoin dans cette ville.
On attend d'un jour àl'autre un paquebot
de la Jamaïue , par lequel on eſèe
apprendre le déart de la flotte deftiné pour
l'Angleterre ; on fe flatte qu'il nous infor
mera auffi que la Proferpine & la Réiſance
font rentré heureufement dans les ports
de cette ville avec leurs convois reſectifs .
»Les affemblés des perfonnes intéeſ .és au commerce
de la Floride orientale fe multiplient ; il s'en
eft encore tenu dernièement une , préidé par le
Lord Hawke , qui lui a rendu compte de ce qui
avoit ééfait depuis la dernièe ; il l'a informé que
le Gouvernement avoit bien voulu fufpendre le déart
du paquebot deftinépour St-Augustin ; qu'il avoit
vu le Réident de la Cour d'Efpagne , D. Ignatio de
Sanara , qui l'avoit parfaitement bien reç , mais
qui ne lui avoit paru aucunement préaréàlui
donner une réonſ déinitive fur cette affaire , & en
particulier fur ce qui concernoit les propriéaires
qui prééeront de refter dans la Floride orientale ,
aprè que S. M. C. en aura éémise en poffeffion
& les privilées qu'ils pourroient eſéer. Il fit enfuite
la lecture d'un méoire que les propriéaires
& autres intéeffé doivent préenter àla Cour de
Madrid ; il fut réolu de l'envoyer & de l'adreffer au
Ministèe Britannique pour obtenir la recommandation
de S. M. «.
Depuis la conclufion de la paix le prix
du bois de conftruction a baifféde 18 pour
100. Le chanvre , le fer & divers autres
articles ont auffi confidéablement diminué,
( 63 )
& plufieurs conftructeurs particuliers ont
forméla fpéulation de conftruire des bâimens
pour le commerce.
»On vient d'érouver dans cette Ville , érit- on
de Dél , une éeute beaucoup plus forte que celle
de Portſouth : voici ce qui a donnélieu àcet éè nement funefte. Dans la nuit du 8 au 9 un déachement
de 60 Dragons entra dans la Ville pour aider
les Officiers de l'Accife àenfoncer les portes des magafins
& àfaire des faifles . Les Contrebandiers préenus
de leur arrivé fe raffemblèent en corps , &
les deux partis éant venus aux mains l'action fut
opiniâre & trè - fanglante. Sept Dragons furent
tué fur la place & plufieurs autres furent dangereufement
bleffé . L'un de ces derniers , qui éoit
Officier , eft mort hier ; le Commandant de ce déachement
eft auffi trè- mal des fuites de fes bleffures.
Nous avons actuellement fept hommes de
cette troupe dans notre Hopital . Les Contrebandiers
ont eu , dit - on , 20 hommes tué «.
Malgréles clameurs contre la paix , l'opinion
gééale eft qu'une paix tant foit peu
convenable , vaut mieux qu'une guerre ruineufe.
M. Fox a lui-mêe délaréau Parlement
, qu'une paix dont on n'avoit pas
lieu d'êre fatisfait dans tous les objets
des voeux de la Nation , pouvoit nénmoins
êre une paix fupportable , & à la dernièe rigueur analogue àce que nous
pouvions exiger raifonnablement ; qu'ainfi
la paix actuelle , quoiqu'on pû la regarder
comme mauvaife , & la critiquer àjufte
titre , éoit cependant , dans notre pofition ,
prééable àla guerre. C'eft ainfi que la Ville
paroî avoir penfé, puiſuelle a arrêé&
pré .entéune adreffe au Roi , pour le re(
64 )
mercier d'avoir procuréla paix àla Nation
. Il en a ééde mêe en partie dans
la Chambre Haute , ooù ù ll''aaddrreeffffee ,, comme
nous l'avons déa remarqué, fut agré ée à la pluralitéde 72 voix contre 59 , telle
qu'elle avoit ééconçe par l'Adminiftration.
Il n'en fut pas de mêe dans la
Chambre des Communes , oùl'Oppofition ,
comme nous l'avons vu , a gagnéune victoire
complette fur le Ministèe , par une pluralité de 16 voix , en faifant paffer l'amendement
, préaré par le Lord Cavendish ,
àl'adreffe préenté par M. Pitt . Cette
adreffe a éépréenté le 19 au Roi , & eft
conçe ainfi.
› avec
VOS
»Nous affurons V. M. que fes fidèes Communes
examineront les préiminaires de la paix avec l'attention
féieufe & entièe qu'exige ce fujet important
& effentiel aux intéês préens & àvenir des
Domaines de V. M ; elles mettent une confiance
entièe dans les foins paternels de V. M. , & ne dou
tent point qu'elle ne prenne , de concert
fon Parlement les mefures les plus propres
àéendre le commerce de fes Sujets ;
fidèes Commones fentent qu'il feroit fuperflu de
rappeller àV. M. les éards dû par la Nation à toutes les clalles d'hommes qui , dans la duré
d'une guerre longue & malheureufe , ont fignalé leur loyauté& leur fidéitéen expofant leur vie &
leurs biens . Quelle que puiffe êre l'opinion des
fidèes Communes de V. M. , d'aprè l'examen
que la Chambre va faire des termes de la paix ,
elles demandent la permiffion d'affurer V. M. de
leur ferme & inaltéable réolution de fe conformer
inviolablement aux difféens articles qui engagent
la foi publique , en maintenant les avantages
-
( 65 )
qui réultent d'une paix fi néeffaire aux Sujets
de V. M. & au bonheur de l'humanité«.
Les déats du 21 ne furent pas moins.
vifs dans la Chambre des Communes , que
ceux qui avoient eu lieu le 17 fur les préiminaires
de la paix.
" Mon premier deffein , dit le Lord John Cavendish
, éoit d'attendre que les articles de la Hollande
fuffent mis fous les yeux de la Chambre , pour qu'elle
pû porter un jugement plus certain fur les condi
tions de paix. Mais aprè l'iffue des déats du 17 ,
je ne doute point qu'elle ne s'occupe , fans interruption
, de l'examen des articles préiminaires . Je délare
que je ne fuis provoquépar aucune inimitiéperfonnelle
; le feul bien de la Nation m'anime , & je
fuis convaincu que tel eft l'objet de chaque Membre
de cette Chambre . Le bruit s'eft réandu que ce que
j'ai dit dans les déats de Lundi dernier , tendoit à manifefter quelque oppofition àla paix ; c'est une
ilé que je n'ai jamais eue . En propofant un amendement
, mon intention éoit de difféer l'examen
des conditions du traité, jufqu'àce que le Parlement
ait eu une pleine counciffance des difféens articles ,
& je m'oppofois feulement àce qu'on avanç ât à S. M. qu'il avoit examiné& approuvéle traité,
tandis qu'en effet il ne le connoiffoit prefque pas.
Je n'ai point du tout voulu infinuer que le traiténo
liâ pas àtous éards , & toujours j'ai ééperſadé,
ainfi que je le délare hautement àla Chambre ,
que l'honneur & la parole de la Nation font engagé
par ce traité, & que les articles de paix ratifié
comme ils le font aujourd'hui , doivent êre regar
dé comme conclus & arrêé déinitivement par
les difféentes Puiffances contractantes ; mais cela
n'empêhe pas d'obſrver que la paix n'eft pas auffi
honorable àl'Angleterre qu'on auroit dûl'attendre.
Je ne crois pas que ceux qui ont fait ce traitéméitent
les éoges qu'on leur prodigue. Notre pofition
( 66 )
-
n'eft pas anffi fâheufe que certaines gens la repréentent.
Nous avons éévictorieux dans plufieurs
parties du globe , & nous n'aurions pas dûfaire les
ceffions hontenfes & extravagantes que nous avons
faites . La victoire remporté dans les Ines par le
Lord Rodney , fera un objet d'éonnement pour la
poftéité; elle auroit dûnous encourager àcontinuer
la guerre avec une aideur nouvelle , ou du
moins nous procurer une paix moins humiliante .
La bravoure & les talens fupéieurs du Gééal
Elliot avoient fait éhouer une partie des projets
ambitieux de nos ennemis. Pourquoi donc avonsnous
céétant de riches poffeffions , fans avoir rien
obtenu en retour ? Je fuis bien éoignéd'en faire un
crime àaucun Membre de l'Adminiftration en particulier;
mais tout homme de bon fens ne peut fe
difpenfer de convenir avec moi qu'on a commis de
lourdes fautes en faifant ce traité; & c'est ce qu'il
faudroit examiner. Le Lord John Cavendish termina
fon difcours par les cinq propofitions fuivantes.
1º Qu'en confidéation de la foi publique qui doit
êre gardé inviolablement , la Chambre prêera
fon appui àS. M. pour affermir & rendre durable
la paix conclue entre elle & les difféentes Puiſ .ances.
2° Que la Chambre emploiera tous les efforts pour
faire donner aux Sujets de S. M. tous les avantages
de la paix. 3 ° Que S. M. en reconnoiffant l'indéendance
des Etats - Unis de l'Améique , en vertu
des pouvoirs dont elle a éérevêue par l'acte de la
dernièe feffion du Parlement , lequel autorife S. M.
àconclure la paix ou une trèe avec certaines Colonies
de l'Améique Septentrionale , a agi felon
que l'éat actuel des affaires l'exigetit , & conforméent
au vou du Parlement. 4° Que les ceffions
faites aux ennemis de la Grande- Bretagne par ledit
traitéprovifionel & par les articles préiminaires ,"
font plus confidéables qu'ils n'avoient droit de
l'attendre , relativement àl'objet actuel de leurs
poffeffions & de leurs forces refpectives. s . Que
( 67 )
>
la Chambre connoî les éards dus par la Nation
àtoutes les claffes d'hommes qui , pendant une
guerre longue & malheureufe , ont fignaléleur
loyauté& leur fidéitéen expofant leur vie &
leurs biens , & qu'elle affure Sa Majestéqu'elle
prendra les mefures les plus convenables pour
les tirer de l'éat de déreffe oùils font réuits .
M. Keith-Stuart nia que notre Marine fû auffi fupéieure
àcelle de l'ennemi , que l'avoit avancéle Lord
John Cavendish , & nomméent aux Ifles . Les derniers
éats que nous avons reçs , font monter
dit-il , les efcadres combinés àplus de 60 vaiffeaux
de ligne. On donc eft cette fupéioritéde notre part ?
Je fais d'ailleurs que les Hollandois conftruiſnt
beaucoup de vaiffeaux de ligne , & qu'ils en auroient
pu mettre en mer so , au commencement de l'éé prochain , fi la guerre eû continué. D'aprè ces
faits , qu'on ne peut nier, la paix me paroî auffi
avantageufe qu'honorable , fur tout lorsque je jette
les yeux fur la pofition critique de nos affaires . Je ne
dis point que les fuccè glorieux du Lord Rodney &
la belle déense du Gééal Elliot , ne leur méitent
les plus grands éoges & la plas vive reconnoiffance
de la part de la nation Angloife ; mais ces grands
triomphes ne nous ont poin: donnéaffez d'avantage
& de fupéioritéfur les ennemis , pour nous faire
rejetter & mérifer aucune de leurs offres , tendantes
àune réonciliation . M. Towshend , Secréaire
d'Etat , fe leva & parla en ces termes : en déen
lant la paix , mon intention eft de n'employer
que des principes avoué par la conftitution . Si les
repréentans de la Nation veulent éablir une enquêe
fur le traité, qu'ils fuivent le mêe fyíêe, &
ne fe laiffent point gouverner par l'esprit de parti
Au furplus rien n'empêhe de faire une motion pour
demander la retraite des Miniftres actuels , fi l'on
croit qu'ils n'aient pas réléleur conduite fur les
intéês de la Nation. En mon particulier , fi quelqu'un
a des reproches àme faire , je fuis prê àfou-
― ( 68 )
mettre mes opéations àtoutes les éreuves qu'il
pourra defirer , & je connois affez la dreiture & la.
loyautéde mes collèues , pour êre perfuadéqu'ils
ne chercheront jamais àéuder une pareille enquêe.
Je n'ai aucune objection àfaire contre la premièe ,
la feconde & la troiſèe motion , mais je m'oppoferai
de toutes mes forces àla quatrièe , parce que
je la regarde comme injufte & délacé ? En effet , fi
les Miniftres de S. M. ont fait quelques ceffions ,
elles ont certainement éécompenfés par celles
qu'ils ont obtenues en retour. Je m'oppoſ pareillement
àla cinquièe , quoique je convienne qu'il
faille pourvoir aux intéês des loyaliftes .
--
-
Le
Chevalier Cecil Wray , aprè avoir afluréqu'il ne
tenoit àaucun parti , invita les propriéaires des
terres àfaire caufe commune avec lui dans la déenfe
des droits & des privilées de la Nation ,
& dans les pourfuites contre les Miniftres qui ont
oféles violer. Il s'éeva en particulier contre le Lord
North , qu'il déonç comme l'auteur de cette
guerre ruineufe & deftructive àtous éards. —Il
y cut enfuite une converfation entre le Lord North ,
le Chevalier Richard Sutton , le Chevalier Horace
Mann , M. Townshend , Secréaire d'Etat , le Gééal
Conway , & c . pour favoir fi les difféentes motions
fero ent exaininés enfemble ou l'une aprè
l'autre . L'avis de ceux qui defiroient qu'elles fuilent
déattues féaréent ayant préalu , la premièe &
la feconde motion furent lues & pafsèent àl'unanimité ; mais lorsqu'on eut fait lecture de la troiſèe ,
le Lord Newhaven , & le Chevalier Dolben dirent
qu'ils ne favoient quel éoit le droit de S. M. , pour
déembrer l'Empire ; felon eux , il ne peut provenir
du Bill pafféau Parlement , àl'effet d'autorifer
S. M. àconclure une trèe ou la paix avec l'Améique
; l'auteur du bill avoit- il l'intention d'y comprendre
la conceffion de l'indéendance ? Comme il
éoit dans la Chambre , ils le forcèent de s'expliquer
àce fujet, En attendant ils affuroient que S. M.
I
H
( 69 )
n'avoit aucun droit par fa préogative Royale , d'accorder
l'indéendance aux Améicains , & que cette
conceffion n'auroit dûéaner que d'un acte du
Parlement. M. Wallace réondit que , lorfque
le Bil avoit ééportéau Parlement , perfonne ne
doutoit qu'il n'eû cet objet , & qu'il ne donnâ à S. M. plein pouvoir d'accorder l'indéendance aux
Améicains , fi elle éoit le prix de la paix . Le
Chevalier Adam Ferguſn téoigna qu'il doutcit
beaucoup que cela fut dans l'origine du bill ; mais
en admettant mêe cette fuppofition , il préendit
que S. M. n'avoit point le droit de céer la
majeure partie du Canada. M. Eden , ufa des mêes
argumens , & il parut fort furpris que le Gouver
nement eû abandonnéun terrein aufli préieux ,
que celui par lequel fe faifoit notre commerce àec
les Sauvages , & qui contient 18,000 milles quarré
. Le Lord North , ſ réria auffi fur l'éormitéde
nos conceffions en ajoutant nénmoins qu'il ne
vouloit point ajouter aux embarras des Miniftres
en fe livrant contr'eux àdes délamations , procéé
violens & qu'il regardoit comme peu honnêes.
>
Le Gouverneur Johnſone dit qu'il auroit ééfort
aife de voir le mot indéendance articulédans l'acte
du Parlemen: qui donnoit àS. M. un tel pouvoir, qu'il
avoit éépeu àporté de connoîre l'esprit du bill
lorfqu'il avoit éépréentéau Parlement , mais que
d'aprè les informations & les élairciflemens qui lui
avoient éédonné " ce bill n'emportoit nullement
l'extenfion qu'on a jugéàpropos de lui donner , &
qu'il éoit fort éonnéqu'on eû inveſi S. M. de
Pouvoirs qui l'autorifoient àaccorder l'indéendance
aux Améicains fans le confentement du Parlement.
La motion ayant paffé, on lut enfuite la quatrièe
propofition . M. Powis prenant la parole imméiatement
aprè s'éeva avec beaucoup de chaleur
contre ceux qui éoient méontens de la paix , & iĮ parut fort furpris que le Lord Jonh- Cavendish cû
fait une parcille motion . Il fe plaignit aufli en géé ( 70 )
ral des troubles arrivé par l'efprit de parti & par
le Lord North auquel il attribua les maiheurs de la
Nation .
---
»Mon deffein , dit alors le Lord John Cavendish
, n'eft point d'accufer l'Administration , mais
je crois qu'il eft néellaire de rechercher les motifs
qui ont donnélieu àde fi grandes ceffions . Les
circonftances actuelles me rappellent notre pofit on
en 1757. Le Royaume fut alors agité, le Gouvernement
en déordre , & pendant huit mois environ
l'Angleterre n'eut en quelque forte aucune
adminiftration. Je mérife , dit le Chevalier
Edouard Aftley , tous les partis , & je crois que
chacun devroit s'occuper uniquement des intéês
de la Nation ; je fouhaiterois qu'on bannî la difcorde
de cette Chambre , & que tous les Membres
qui la compofent , employaffent leurs efforts pour
la caufe commune. Je fuis fi peu liéavec l'Adminiftration
que je n'aurois pas affez de créit pour
faire nommer un Officier de la Douane. Il attaqua
enfuite le Lord North , & dit que c'éoit lui qui
avoit occafionnéla guerre ruineuse & deftructive
dans laquelle ce pays avoit ééengagépendant plufieurs
annés. On a tellement prodiguéles penfions ,
dit-il , qu'on en a accordéune au noble Lord ( Lord
North ) & une autre àfen Secréaire en réompenſ
de leurs fervices . Ses fucceffeurs n'oferoient le lui
reprocher , car ils le font fait traiter avec la mêe
largeffe. Il s'oppofa àla motion . —M. M'Donald
s'oppofa àla motion , & dit que les poffeffions céés
par l'Angleterre éoient un facrifice indiſenſble
pour obtenir la paix.-M. Fox fur d'un avis entièement
difféent , & foutint ainfi fon opinion.
Les ceffions que nous avons faites ànos ennemis
nous ont avilis & déradé . Ce pays fe trouve actuellement
dans une pofition beaucoup plus refpectable
qu'on ne l'a repréenté. On a groffi beaucoup les
forces navales de nos ennemis. Il eft cependant vrai
que celles de la France ont éédiminués l'anné
( 71 )
---
dernièe de treize vaiffeaux de ligne , tandis que
celles de la Grande-Bretagne ont ééaugmentés
de 17 vaiffeaux de ligne. Nous avons une grande
fupéioritéaux Indes Occidentales ; nous y avons
54 vaiffeaux. Notre marine a éémife fur le pied
le plus refpectable par le premier Lord de l'Amirauté
Cet homme plein de zèe , & qui méite la
reconnoiffance de fa patrie , n'a pu cependant éhapper
aux traits de l'envie &. de la calomnie. Nous
avons céédes poffeffions du plus grand prix. Ce
que nous avons donnéàla France éuivaut àune
reftitution gééale . Il délora enfuite la mort préaturé
du Marquis de Rockingham , & donna des
éoges àfa méoire. Il dit qu'il s'éoit retiréde
l'Adminiſration actuelle parce que les perfonnes en
qui il avoit mis la confiance pendant plufieurs annés
, avoient abandonnéleurs principes . Il cenfura
le Comte de Shelburne , & dit qu'il n'avoit jamais
eu une haute idé de fes talens. M. Pitt s'efforç
de prouver que l'expoféde M. Fox , relativement
àl'éat de la marine Angloife , éoit faux . Il dit que
fi lui & fes Collèues éoient obligé de quitter
leurs places , il ne fuivroit pas l'exemple de M. Fox ,
qui s'éoit forméun parti pour combattre toutes
les mefures du Miniftre. On a beaucoup cenfuré,
dit le Lord North , ma conduite prééente & mes
liaifons actuelles . Je ne renoncerai jamais aux principes
qui m'ont guidépendant que j'éois en place.
Quant aux nouvelles liaifons que j'ai formés ,
j'avoue que l'honorable Membre ( M. Fox ) a éé mon ami pendant plufieurs annés . J'éois alors fier
de fon appui lorfqu'il devint mon ennemi , j'ai
trouvéen lai un adverfaire formidable , mais gééeux.
Quels que foient les Miniftres qui fuccéeront
aux Miniftres actuels ,,;je fuisfû que l'honorable
Membre a une trop bonne opinion de moi pour ne pas
compter fur mon honneur & ma probité, & j'ai la
mêe opinion de lui . L'honorable Membrefsèe ,
fans contredit de rares talens,& quoique nous n'ayons
--
( 72 )
pas toujours ééd'accord far certains points , je fuis
perfuadéque nos vues ont ééles mêes. Nous avons
tous deux àcoeur le bien public .
alla aux voix àtrois heures.
Pour la motion
Contre la motion ,
Majoritécontre les Miniftres ,
-
La Chambre
207
197
10
Le Lord John Cavendish retira la cinquièe
motion relative aux Loyalistes , & la Chambre
s'ajourna «
D'aprè l'éat des vaiffeaux en commiffion
ou prês àêre armé de la Marine Britannique
, mis le 17 Férier fous les yeux du
Parleinent , on en compte 20 de 80 , 98
à10 canons , & de 700 à850 hommes
d'éuipage ; 44 de 70 canons & de 600
hommes d'éuipage , 45 de 60 à68 canons
& de 500 à570 hommes . Total 109 vaiffeaux
de ligne .
En conféuence des paffeports déivré
par le Ministèe pour le dehors , plufieurs
bâimens des Ifles actuellement àPortsmouth
fe propofent de partir au premier
bon vent , fans attendre un convoi.
La Douane a refuſ é le 20 de donner
des acquits de vaiffeaux pour New-Yorck
dans la perfuafion que ce port feroit éacué avant qu'aucun vaiffeau y puiffe arriver
d'Angleterre.
»Le Confeil de guerre affembléàPortſouth ,
pour examiner la caufe de la perte du vaiffeau de
S. M. l'Hector , & la conduite de ceux des Officiers
& de Péuipage de ce vaiffeau qui n'ont point péi
avec lui , a rendu fa Sentence le 15 de ce mois. Il
parcî p ce jugement que la conduite du Captaine
( 73 )
saine Bourchier , commandant l'Hector , eft entièenient
irrérochable ; qu'avant d'abandonner ce vailfeau
, le mauvais éat oùl'avoit réuit fon combat
contre deux bâimens ennemis , ne laiffoit aucun
efpoir de le fauver , & qu'en gééal le Capitaine
Bourchier , fes Officiers & fon éuipage méitent
les plus grands éoges «
On a reç de Gibraltar des lettres en
date du 4 de ce mois . Tout éoit alors
tranquille dans cette place , oùun cutter
éoit arrivéavec la nouvelle de la paix
qui avoit réandu la plus grande joie.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 4 Mars.
LE Roi a nomméà1 Abbaye de Font-
Gombaud , Ordre de St-Benoî , Diocèe de
Bourges , l'Abbéde Rech de St - Amans
Vicaire Gééal de Vabres & Aumôier
de Monfeigneur le Comte d'Artois .
La Vicomtelle du Roure a eu le 12 du
mois dernier l'honneur d'êre préenté au
Roi & àla Reine par Madame , en qualité de Dame pour accompagner cette Princeffe .
Le 23 , la Comteſ .e de Coucy a eu l'honneur
d'êre préenté àL. M. & àla Famille
Royale par la Ducheffe d'Avray ..!
L. M. & la Famille Royale ont fignéle
16 le contrat de mariage de M. de Belboeuf ,
Avocat- Gééal du Parlement de Rennes &
Procureur Gééal du mêe Parlement en
furvivance , avec Mademoifelle de l'Averdy.
Le 23 , elles ont fignécelui du Comte de
8 Mars 1783.
d
( 74 )
Canouville , Sous - Lieutanant au Réiment
des Gardes - Françiſs , avec Mademoiſlle
de St Chamans , & celui du Comte de
Cofnac , Sous- Lieutenant de la Gendarmerie
, avec Mademoiſlle de Chavauden.
De PARIS , le 4 Mars.
M. le Comte d'Adhemar doit partir inceffamment
pour Londres ; il monte fa Maifon
avec la plus grande magnificence. On
ne doute pas que le Lord Carmarthen n'arrive
de fon côébientô ; c'est vraiſmblablement
àCalais quéles deux Ambaffadeurs
fe rencontreront ; auffi- tô que celui- ci aura
déarqué, M. le Comte d'Adhemar s'embarquera
lui- mêe.
On ne s'attend pas que les traité de paix
déinitifs foient conclus avant le mois de
Juillet prochain ; les articles font convenus ;
il ne s'agit que de les déailler ; ce qui peut
fufpendre cette réaction , ce font les difficulté
qu'érouve l'arrangement des Hollandois
, qui perſſent àne vouloir rien
céer.
Toute la Nation a pris part àla nomination
du Miniftre auquel l'Europe doit la
paix , àla place de Préident des Finances.
Son efprit d'éononie & de juftice eft connu ;
c'eft par une fuite de cette éonomie , &
d'aprè la réolution du Roi , que les travaux
pour le réabliffement d'une partie du
Châeau de Verfailles , font remis à3 ans ;
S. M. voulant auparavant que les dettes de la
६
? 75 J
guerre foient acquittés , & que les déen
fes néeflaires àl'augmentation de ſ Marine
& àla conftruction des nouveaux
vaiffeaux ne trouvent aucune entrave.
D'aprè des lettres de Londres du 24 , on dit
que le Lord Shelburne a donnéfa déiffion ,
ainfi que tous les Membres qui compofoient
avec lui le nouveau Miniftèe ; les emplois
éoient encore vacans ce jour - là.
Nos lettres d'Espagne ne nous apprennent
rien , finon que les éuipages de M. le
Comte d'Estaing font rentré , & que ce Gééal
arrivera bientô ici. Elles ajoutent que
le Marquis de la Fayette , le Prince de
Naffau , avoient ééàGibraltar , oùfans
doute , ils auront éébien reçs du Gééal
Elliot.
»Les Néocians de cette Ville , érit- on de Dunkerque
, qui fembloient avoir befoin de repos ,
aprè la multitude de Corfaires qu'ils avoient armé
pendant la guerre , femblent au contraire redoubler
d'activitédans ce moment ; ils tournent toutes
leurs vues du côédu commerce , & on n'a pas
comptémoins de 61 navires fortis de ce port depuis
le 11 jufqu'au 18 Férier ; dans le mêe efpace.
de tems il y en eft entré18 tant nationaux qu'érangers
".
M. Joly de Fleury , Miniftre d'Etat & des
Finances , a érit la lettre fuivante à Mess
Déuté du Commerce.
Vous avez ééinformé MM . que par une fuite
de la protection que le Roi accorde àfes Colonies ,
il a éédonnéaux vaiffeaux neutres des permiffions
d'y transporter des denrés & marchandifes d'Europe
, & d'en rapporter les denrés & marchandid2
( 76 )
>
fes du cru des Colonies , dans la vue d'y entretenir
l'abondance des chofes néeffaires & de faciliter
l'exportation de leurs productions pendant la guerre,
-La fignature des préiminaires entre la France.
& l'Angleterre rendant au commerce Françis
la libertéde toutes les mers & lui permettant
d'approvifionner les Colonies Françifes , &
d'en importer les productions , S. M. a déerminé de rendre aux vaiffeaux Françis le privilée exclufif
qui leur eft accordé, de faire l'éuipement des
Colonies & de l'Inde , par Lettres patentes de 1716
& 1717 , & l'Arrê du Confeil du 6 Septembre
1769 ; elle vient en conféuence d'ordonner qu'il
ne fera plus accordéde permillions aux vaiffeaux
neutres pour le commerce , qui fera exclufivement
réervéaux vaiffeaux Françis . Vous voudrez bien
préenir de ces difpofitions les Chambres de Commerce
qui ont intéê de les connoîre «
Il vient de paroîre une Ordonnance du
Roi , du 15 Janvier dernier , concernant les
formalité àobferver pour la remife des
billets ou engagemens de rançns , ainfi
que des ôages , qui feroient faits en contravention
àl'Ordonnance du 30 Aoû
dernier. Le titre de cette Ordonnance en indique
l'objet , qui n'eft plus intéeſ .ant à préent que les hoftilité ont ceffé
»Le 10 Férier , à10 heures & demie du matin
, érit-on de Bordeaux , toute cette Ville fe
reffentit , d'une fecoffe reffemblante àcelle d'un
tremblement de terre ; un coup de yent affreux
accompagnéd'un grand coup de tonnerre , fuivit
de prè cette commotion . On fut deux heures aprè
que c'éoit l'effet de l'explofion du Magafin àpondre
de St-Méard , qui eft àtrois lieues de Bordeaux;
il contenoit alors plus de 45 milliers de
1
( 77 )
poudre. Le moulin a ééemporté, il n'eſ reflé aucun veftige du Magafin. De fix hommes qui s'y
éoient réugié pendant l'orage , on n'en a trouvé qu'un entier àplus de cent pas de diftance ; & des
cinq autres , il n'a éétrouvéqu'une main & une
jambe ; toutes les maifons voifines ont éédéruites
, ou fortement éranlés par la fecouffe. Les
champs d'alentour font couverts de déris calciné
& l'on compte 39 perfonnes meurtries ou bleés.
On a remarquéque le malheureux qu'on avoit
trouvéentier avcit dûêre enlevéàplus de 60
pieds de haut , parce que dans l'efpace qu'il avoit
du parcourir , il fe trouve un bois , qui en a plus
de so d'ééation . M. Dupréde St-Maur , faus ceffe
occupédu bonheur de la Province qu'il gouverne ,
& toujours vivement éu par les malheurs de l'hu
manité, s'eft tranfportéfur-le- champ dans la Paroiffe
de St- Méard ; il y a repandu les bienfaits
& la confolation . « Au réit de ce déaftre , nous joindrons
celui d'un autre qu'on vient de nous faire
pafler , & nous nous empreffons de recommander
àla bienfaifance les malheureux qui
en ont ééles victimes .
»Le 19 Férier , fur les deux heures aprè midi ,
le feu a pris au Bourg de Creffy en Ponthieu ,
par l'impradence d'une femme qui a portédans une
éable un chaudron qu'elle venoit de retirer du feu ,
& auquel probablement éoient reflés quelques
éincelles : le feu s'eft communiquéàquatre maifons
voisines qui ont ééentièement déruites ;
il a gagnéenfuite les derrièes de trente
tres maisons qui bordent la principale rue du
Bourg: le vent qui fouffloit nord-ouest , a porté les flammes fur toutes les granges , éuries , éables
& autres bâimens couverts en paille déendans
de ces mailons , qui ont ééconfumé en
dz
all(
78 )
moins de deux heures : heureufement il y avoit en
quartier dans ce Bourg une Compagnie du Réiment
Royal Champagne , Cavalerie , dont les foldats
, fous les ordres de leurs Officiers , fe font
porté avec la plus grande activitéàarrêer les
progrè de l'incendie , & l'ont empêhéde ſ communiquer
aux devantures des maifons qui ont éé garanties : le dommage eft fort confidéable par
la grande quantitéde bâimens qui ont ééla proie
des flammes , & des grains & fourrages qu'ils contenoient
: il l'eû éébeaucoup plus , fi les chevaux
& autres beftiaux n'euffent point ééaux champs
& dans les pâurages : parmi ceux qui ont reffenti
plus vivement ce malheur , font deux jeunes éoux
qui s'éoient marié trois heures auparavant ; la
maifon qu'ils devoient occuper , & oùfe cééroit
la noce , voifine de celle par oùl'incendie a commencé , a ééentièement déruite , avec les meubles
qu'ils avoient tâhéd'y raffembler pour former
leur nouvel éabliffement : la trifteffe de leur
fituation fera facilement fentie par toutes les Per
founes amies de 1 humanité; & celles qui voudront
y compâir utilement , ainfi qu'àla perte de plufieurs
malheureux enveloppé dans le mêe déaftre
, font prices de faire pafler àM. Briet , Curé dudit lieu , les aumôes que leur charitéles ergagera
de leur accorder. « Le Roi vient de donner un brevet de
Confeiller d'Etat , àM. Vayeur , Confeiller-
Maîre en la Chambre de Comptes
de Bar - le - Duc , & Lieutenant-Gééal du
Bailliage de la mêe ville. Par cette grace
auffi flatteufe que bien méité , S. M. a
réompenfédans cer Officier tout ce qui
peut rendre un Magiftrat recommandable
l'affabilité, l'intérité, la puretédes moeurs
des connoiffances trè- éendues & l'affiduité 1
( 79 )
la plus infatigable aux devoirs de fon éat.
Il y a actuellement en certe Ville , érit - om
d'Amiens , un Phoque ou Veau-Marin , qui a éé pris àla pointe de Saint- Quentin , prè de Saint-
Valeri. Cet Amphibie a environ trois pieds & demi
de longueur ; fa têe reffemble àcelle d'un chien
auquel on a coupéles oreilles , parce qu'il n'a à leur place que deux trous auditifs ; fó muſan eft
large comme celui d'une loutre ; il a aux deix côé
de la mâhoire fupéieure & au-deffus de l'orbite ,
de longs poils recourbé d'une fubftance corné &
tranfparente ; fa gueule eft garnie de fortes dents
difpofés comme celles du chien ; fes deux grands
yeux noirs lancent des regards ardens & animé ,
auxquels réond la vivacitéde fes divers mouvemens
; dans le refos , fon cou paroî ramaffé, mais
il peut l'allonger au moins d'un demi-pied ; de fa
poitrine , qui eft fort large , partent deux mains
ou jambes affez reffemblantes àcelles d'une taupe ;
fon corps va enfuite toujours en diminuant , & il
fe termine par une queue trè-courte , que furpaffent
fes deux jambes de derrièe , plus grandes
que les mains , & divifés comme elles en cinq
digis palmé & onguiculé , mais qui ne peuvent
lui fervir que de nageoires . Le poil ras & life qui
recouvre la peau de cet animal eft fur la têe &
toutes les parties fupéieures du corps d'un brun
ardoifé, & parfeméde taches blanchâres ; la gorge ,
la poitrine , & le ventre font d'un blanc file . Le
Phoque eft de tous les Animaux Marins celui qui
eft dotéde la plus grande intelligence , & des
faculté les plus éendues. Jeune , il minule comme
un chat , & plus âé, fa voix peut fe comparer
àcelle d'un chien enroué Il elt , avec le Morfe ,
le feul Quadrupèe véitablement amphibie , le feul
qui ait le trou ovale du coeur ouvert , & qui puiffe
fe paffer de refpirer. Il ne craint ni le froid ni le
chaud , & il habite éalement l'eau , la terre & la
d 4
( 80 )
glace. Son climat naturel eft le nord ; mis on en
trouve quelques-uns dans prefque toutes les Mers
d'Europe. Cet Amphibie , que l'on conſrve trèbien
dans l'eau douce , eft fufceptible d'éucation .
On l'apprend àfaluer de la têe , & àobér àla
voix de fon Maîre. On nourrit celui qui eft en
cette Ville de poiffons de mer , qu'il déore avec
avidité Pendant le jour on le tient dans une cuve
pleine d'eau , & le foir on lui préente un long
panier d'ofier tapifféde paille , dans lequel il defcend
de lui-mêe. Quoiqu'il ne foit ici que depuis
quelques jours , il eft déàfingulièement appris oifé:
il femble reconnoîre fon monde , & fe laiſ .e careffer
avec complaifance , fur tout par ceux qui ont
T'habitude de lui donner àmanger. « Parmi les entreprifes importantes conçes
depuis quelque tems , les militaires diftingueront
celle des Manoeuvres Militaires de
Potfdam . Ce grand ouvrage proposépar
foufcription contiendra 51 planches gééales
gravés d'aprè les plans dreffé fur le
terrein mêe , & quantitéde planches de
déails explicatifs , exéutés avec le p'us
grand foin. Nous ne pouvons le faire mieux
connoîre qu'en publiant la réonse de
l'Editour aux queftions de M. Filaffier , inféés
dans le Journal de Paris du 30 Janvier
dernier.
»Je n'ai pas déoréd'un vain titre l'important
Ouvrage que j'annonce , puifque fous celui de
Manoeuvres de Potfdam , il préente un tableau
fidèe & complet de la Pratique technique & privé
du Roi de Pruffe , & l'en'emble intéeffant &
lumineux des favantes leçns que ce Monarque
donne àfes Guerriers. C'est pour le rendre plus
fuivi & plus inftructif que , d'aprè l'avis gééal
qui m'a éédonnépar plufieurs Militaires diftingué ,
( 81 )
je rénirai tous les principes pour n'en former qu'un
feul & mêe corps de doctrine . Ainfi , je donnerai
1º un Cours de Tactique , tant pour l'Infanterie
rélé , que pour l'Infanterie léèe. 2 °. Un autre
Cours pour la Cavalerie , c'elt-à- dire , àl'ufage
des Cuiraflers , Dragons & Hullards . Je dée'opperai
dans l'un & dans l'autre tous les principes
des éolutions particulièes d'un Bataillon , d'un
Efcadion ou d'un Réiment. 3 °. Un Cours des
opéations combinés de l'I . fanterie & de la Cavalerie
rénies en Corps d'armé , tant pour les
marches & les campemens , que pour l'attaque , la
déenfe & la retraite ; en un mot un Cours de Tactique
en grand , dans lequel fe trouveront des Traité
de l'Artillerie & des ouvrages de Campagne .
Ces trois Cours feront accompagné de cent planches.
4°. On trouvera dans mon Ouvrage tous les
documens néeflaires àl'inftruction du Solda: depuis
l'inftant oùil eft recruté, jufqu'àcelui oùil
manoeuvre en troupe. Les principes de toutes les
éolutions viendront enfuite dans un ordre fyfſéatique
, au moyen duquel on paffera infenfiblement
& graduellement des chofes les plus fimples
aux opéations les plus compliqués . J'y éablitai
des principes certains fur le grand art des alignemens
, des changemens de pofition , des points de
vue , & c. parties que j'ai eru devoir traiter fort
en déail. 5. Les Manoeuvres de Potſam , qui
viendront àl'appui de tous les principes , comprendront
cinquante-une Pianches auxquelles fera joint
le grand Plan compoféde quatre feuilles ; & il
paroîra avec la premièe livraiſn . 6 °. Enfi , je
donnerai une Hiftoire gééale & déaillé du
Militaire Pruffien , depuis fon origine jufqu'àpréent
, avec l'Histoire particulièe des Réimens qui
le compofent ; leur origine , les difféens changemens
que chacun d'eux a fucceffivement érouvé ,
& en un mot leur éat actuel . Les 150 Planches
d s
( 82 )
comprifes dans l'enſmble de mon Ouvrage , feront
toutes àpeu-prè de mêe grandeur. Le front , tant
de l'Infanterie que de la Cavalerie , y fera toujours
déerminéde la manièe la plus fimple comme la
plus vifible , & il fera impoffible de s'y mérendre .
La Cavalerie y fera repréenté fur une profondeur
proportionné àcelle de l'Infanterie , & la
pofition fera trè -éidente . D'ailleurs je fats enluminer
mes Plans , afin qu'on apperçive au premier
coup d'oeil les difféentes politions des Troupes ,
foit dans leur attaque , foit dans leur retraite ; &
c'eft au moyen des teintes plus ou moins foncés
de la mêe couleur , employés pour chaque efpèe
de Troupe , que je rends mes tableaux infiniment
clairs , & par confquent plus utiles , puifqu'ils
font trè-faciles àfaifir , & qu'ils offrent en
mêe-tems un afpeet trè-agréble . Si le Roi de
Prufle n'eû pas jugéle terrein oùil fait fes Manoeuvres
, propre àdonner àfes Gééaux les inftructions
- pratiques les plus variés , l'auroit il
choisi pour êre le thé âtre de fes favantes leçns ?
on y trouve des lacs , des éangs , des marais ,
des hauteurs aſ .ez conſdéables , du bois , de la
plaine , & les opéations qui s'y font font fufceptibles
d'êre transportés avec fuccè dans une infinité d'endroits . D'ailleurs le Cours de Tactique en
grand , contiendra des principes qui pourront s'adap
ter àquelque pofition , àquelque circonstance que
ce puiffe êre. Si le Public daigue faire attention à ce travail & aux foins que je prends pour le lui rendre
agréble , j'efpèe qu'il fecondera les vues que
j'ai de lui êre utile. Au refte , M. , je ne demande
qu'àmontrer mon Ouvrage ; & je vous fupplie de
croire que je ferai trè-aife de me trouver àporté
de le mettre fous vos yeux , afin que vous puiffez.
juger par vous- méa de l'avantage qu'il aura , j'ofe
le dire , fur tous ceux du mêe genre qui ont paru
jufqu'ici . M. Méuignon l'aîé, Libraire , rue des
Cordeliers , chez lequel on continue de foufe : ire ,
8
1
( 83 )
vous facilitera les moyens , ainfi qu'àtoutes les
perfonnes qui déi : eront en prendre une connoiffance
plus particulièe . « A cette annonce nous nous emprefferons
de joindre celle d'une nouvelle éition des
Devoirs du Prince réuits àun feul principe
, ou Difcours fur la Juftice , par M.
Moreau , Hiftoriographe de France ( 1 ) .
Cet ouvrage le plus important de ceux qui
furent autrefois compofé pour l'éucation
du Roi & des Princes fes frèes , avoit éé impriméàVerfailles par ordre de S. M.
en 1775. Cette éition àlaquelle l'Auteur
n'a rien changé, ne contient de plus que
la premiere , qu'une nouvelle Epîre déicatoire
& un court Avertiffement. Le
fuccè qu'a cu ce Difcours en France &
dans les pays érangers eft connu , il en eft
peu oùles grandes véité que l'on cache
ordinairement aux Princes , foient exprimés
avec plus de liberté& d'éergie.
D'aprè les difféentes expéiences & les procèverbaux
qui conftatent la bonté& l'utilitéde la Pouzzolane
, déouverte depuis plufieurs annés par M.
Faujas de St- Fond dans les montagnes du Vivarais ,
& qui eft d'une qualitéfupéieure àcelle que l'on
faifoit venir àgrands frais d'Italie , une Compagnie
s'est déerminé àen faire exploiter une certaine
quantitéqui arrivera inceffamment dans la Capitale
comme la plus grande partie fera abſrbé
(1)Il forme un Volume in- 8 °. , & fe trouve àParis chez
le fieur Moutard , Libraire- Imprimeur de la Reine , rue des
Mathurins , & le lieur Valcourt , Place Vendôe , Nº. 13 .
Prix livres 6 fols , en beau papier , & 4 livres 10 fols
en papier ordinaire .
d 6
( 84 )
pour les éifices publics , les perſnnes qui defireront
s'en procurer font priés de faire leurs foumiffions
chez Me. Morin , Notaire , rue St-Paul.
On leur d.livrera la quantitépour laquelle ils fe
feront fat infcire àraifon de ; liv . 15 fo's le
quintal. Ceux qui , en faisant leurs foumiffions ,
déo eront ur argent chez Me. Mɔa , fe ont
fervis par prééence àtous autres , & obtiendront
une rem fe de fix pour cent , compte du jour
de leur déô. On n'a pas besoin de rééer ici
que la Po zzolane eft une espèe de maftic ou de
ciment impéérable àl'eau , & qui eft , par cette
rai on , du meilleur ufage pour les terraffes , les
bathns , les pifards & les lieux d'aifance ; enfin ,
pour tout ce qui eft expoſ é àla pluie & au ravage
des eaux.
-
à »La SociééRoyale de Méecine ayant entendu ,
dans fa fénce du 17 Mai 1782 , la lecture du rapport
des Com niffires qu'elle avoit nommé , pour
lui rendre com te du remèe que le fieur Dacher
a préentéfois le nom d'eau ftomachique , déurative
& anti-dartreuse , a penféque ce remèe ne
méi cit point fon approbation ".
La fuire des Eftampes , dont le Tééaque
a fourni les fujets , fe continue avec fuccè par M.
de Muchy. Il vient de peblier la 9e . & la 10e .
faifant fire aux 8. qui ont prééemment par .
Elles repréentent , l'une , l'Evanouiffement de Calypfo
àla vue du vaiſ .eau conftruit par Mentor ,
& l'autre Calypfo au retour de la chaffe , montrant
fon déit & fa jalousie contre Eucharis & Tééaque
( 1 ) . Les deffins font de M. Mornet , Peistre du
Roi, & agravure eft d'un effet trè agréble ; les deux
premièes qui paroîront au mois de Juin prochain ,
( 1 ) Ces Eftampes ſ trouvent àParis chez M. de Mouchy
Cloîre St-Benoî , la premièe pore co.hèe àgauche , en
entrant par la rue des Mathurins ; le prix de chacune eft de
1 liv. 10 fols,
• 1
( 85 )
& qui formeront la 11e. & la 12e. , feront d'aprè
des de fins de M. Cochin . Cette collection préieuſ
ne peut qu'intéeffer les Amateurs «.
L'hiftore de l'Art de l'antiquité, par M. Winkelmann
, eft un des meilleurs ouvrages qui aient
paru dans ce genre ; les fuffrages qu'il a obtenus
par-tout, les traductions qui en ont ééfaites en
plufieurs langues , en difent plus que nous ne pour
rions en dire ici ; la traduction que M. Hubert en a
faite en françis , a eu le plus grand fuccè , mais a
éépre qu'entièement éuifé en Allemagne , où elle a ééimprimé. Le fieur Belin , Libraire , rue
S. Jacques , prè S. Yves , vient de recevoir de
Lépfick le refte des exemplaires qui reftoient de cet
excellent cuvrage , en 3 vol. in-4 °. enrichi de beaucoup
de figures fupéieurement exéutés . On le
vendoit 48 liv . bro hé, & il le propofe à30 liv.
broché Ceux qui feront emp: effé de fe le procurer
, font invité àfe preffer ; car les exemplaires
font en trè -petit nombre , & ne peuvent manquer
d'êre éuifé fous peu de jours ".
N. de Ligny , Abbeffe du Noble Chapitre
des Dames Chancinelles d'Avelnesles-
Arras , eft morte en fon Abbaye dans la
649. anné de fon âe .
Marie-Henriette Rebecca Mallier de Chaffonville
, veuve de Philippe Augufte , Comte
de Voloire de Ruffec , Lieutenant Gééal
des Armés du Roi , Commandant pour
S. M. en Bretagne , eft morte àl'Abbaye de
Montcaffin de Joffelin , en Bretagne , âé
de 72 ans .
»Ordonnance du Roi , concernant les termes
de la ceflation des Hofiilité en mer , du 4 Férier
1783.-S. M. ayant ratifié, le 3 du préent mois
de Férier , les articles préiminaires de la Paix ,
figné àVeifailles le 20 du mois de Janvier der
( 86 )
nier , entre les Miniftres pléipotentiaires de France
d'une part , & ceux de la G. B. de l'autre , par l'un
defquels articles il eft portéqu'il y aura ceffation
d'hoftilité par mer , fuivant les termes & efpaces
de temps ci - aprè expliqué , àcompter du jour
de la ratification defdits articles préiminaires , &
ftipuléque les Vaiffeaux , marchandifes ou autres
effets qui feront pris par mer , aprè lefdits termes
& efpaces de temps , feroat réiproquement
reftitué ; elle a ordonné& ordonne : que les Vaiffeaux
, marchandiſs & effets appartenans àS. M.
& àfes Sujets , qui pourront êre pris dans la Manche
& dans les mers du Nord , aprè l'efpace de
douze jours , àcompter du 3 du préent mois de
Férier , leur feront reftitué ; que le terme fera
d'un mois depuis la Manche & les mers du Nord ,
jufqu'aux îes Canaries inclufivement , foit dans
l'Océn , foit dans la Méiterrané ; de deux mois
depuis lefdites îes Canaries , jufqu'àla ligne Equinoxiale
ou l'Equateur , & enfin de cinq mois dans
tous les autres endroits du Monde , fans aucune
exception , ni autre distinction plus particulièe de
temps & de lieux . Déend S. M. àtous les Sujets ,
de quelque qualité& condition qu'ils foient , d'exercer
aucun acte d'hoftilitépar mer contre les
Sujets de S. M. B. , ni de leur caufer aucun préudice
ou dommage , aprè l'expiration des éoques
ci-deffus mentionnés «
,
Les Numéos fortis au'tirage de la Loterie
Royale de France du premier de ce mois ,
font : 26. 73. 77. 82 & 10 .
Il s'eft glifféune erreur dans l'annonce des Numéos du 16
Férier au lieu de 25. 15. 68. 27. & 5. que l'on a mis ,
lifez 25. 15. 68. 37. & 3 .
}
De BRUXELLES le 4 Mars. >
C'EST le 14 du mois dernier que les Etats-
Gééaux des Provinces Unies ont arrêéla
publication de l'armiftice avec la Grande(
87 )
Bretagne ; les termes font les mêes que
ceux qui ont ééconvenus entre les autres
Puilfances , & datent tous du 3 du mêe
mois , éoque de l'éhange des ratifications
des préiminaires entre la France
l'Espagne & l'Angleterre . On a expéiéen
mêe temps aux Amirauté des palfeports
pour les navires marchands de la Réuplique
. Ainfi le commerce & la navigation
des Hollandois rentreront en pleine
activité, en attendant qu'on parvienne à arranger déinitivement leur paix avec la
Grande Bretagne .
On attendoit avec impatience le ré .ultat
des déibéations de l'affemblé des 17 Directeurs
déuté de la Compagnie des Indes ,
qui s'eft tenue àla Haye ; on dit qu'ils
ont délaréqu'ils ne pourroient jamais
donner leur aveu àaucune conduite qui
gêeroit ou limiteroit le commerce & la
navigation de la Compagnie dans l'Inde
que quant àla ceffion de Néapatnam , fur
laquelle l'Augleterre infifte , ils s'en remettent
àla fageffe des Etats Gééaux , pour
éargner ce facrifice àla Compagnie.
;
On dit que M. Tor qui a pafféàLondres
, y a d'abord ééenvoyécomme particulier
, par M. Brantfen , Miniftre pléipotentiaire
de la Réublique en France ;
les Etats - Gééaux ont enfuite approuvécet
envoi.
Les Etats de Hollande ont choisi le Baron
de Dedea de Peckendam , Membre de
( 88 )
l'Ordre éueftre d'Overyffel , & Déuté de la part de cette Province aux Etats Gééaux
, pour aller en Améique en qualité d'Envoyéextraordinaire de la Réublique
auprè des Etats-Unis ; on a lieu de croire
que cette nomination fera bientô agré ée par
les autres Provinces.
Le 13 Férier le Stadhouder a envoyé aux Etats - Gééaux la fuite du méoire
concernant la conduite en qualitéd'Amiral
Gééal de la Réublique , qu'il leur
avoit remis le 8 Octobre dernier. Cette
fuite s'éend jufqu'àla fin de la campagne de
Panné dernièe , & comprend par conféuent
tous les déails relatifs àl'affaire
des vaiffeaux ordonné pour Breft , & qui
reftèent au Texel.
L'Impéatrice de Ruffie vient d'agir à l'éard du Prince de Gallitzin , ci - devant
fon Envoyéextraordinaire àla Haye , &
nommédepuis peu pour aller réiler en la
mêe qualitéàTurin , avec fa gééofité & fa munificence ordinaire ; elle lui accorde
fa retraite , avec une gratification ,
penfion & la permiffion de vivre cùil
jugera àpropos.
une
PRÉIS DES GAZETTES ANGL . du 24 Férier.
Les deux Chambres du Parlement s'affembleront
aujourd'hui.
Le Duc de Grafton , s'eft demis ces jours derniers
de la place de Lord da Sceau privé, & le Lord
Camb len , de celle de Préident du Confeil ; & aujourd
hei le Comte Shelburne a donnéfa déiffion .
Tous les Membres qui compofolent avec lui le Min.
7891
tèe , ont , dit- on , fuivi fon exemple ; on attend avec
impatience quels feront leurs fucceffeurs . S'il faut en
croire le bruit Public , c'eft le Duc de Portland ,
qui remplacera le Lord Shelburne.
Les Actionnaires de la Compagnie des Indes
ont éérequis de s'affembler , pour réiger une
adreffe tendante àfupplier le Parlement , de venir
au fecours de la Compagnie dans le payement
des 400,000 liv . , qu'el'e doit au Gouvernement
en vertu d'un acte du Parlement.
-
› >
La Douane a reç depuis quelques jours des
fommes trè confidéables , pour les droits des
Marchandifes que l'on embarque pour le Canada.
Cette circonftance prouve qu'il n'eft point vrai ,
comme le bruit en avoir couru , que les Néocians
de Quebec , éoient fi méontens des articles pré ,
liminaires , relativement àla fituation des limites ,
qu'ils avoient contremandéleurs ordres.
Le Gouvernement a donnéordre de dreffer diverfes
Lettres-Patentes pour êre fcellés du grand
Sceau, l'une pour conftituer Edward Mathews ,Major-
Gééal de l'armé & Commandant en chef des forces
de S. M. aux Indes occidentales , Capitaine- Gééal
& Gouverneur en chef des Inles de la Grenade & des
Grenalines ; la feconde pour conftituer Joh Ord
Capitaine - Gééal & Gouverneur en chef de la
Dominique ; & la troisièe pour conftituer Edmond
Lincoln Capitaine - Gééal & Gouverneur en chef
de l'Ifle St-Vincent & des Ifles Caraibes adjacentes.
Le 22 , le Bureau de la Guerre a envoyéau Gééal
Burgoyne , Commandant en chef des forces
du Roi en Irlande , des inftructions relatives au
licenciement des troupes qui font àla paie de la
Grande- Bretagne.
Le Roi a nomméM. John Trevor , Envoyé extraordinaire de S. M. auprè du Roi de Sardaigne ;
& le Lord Vicomte Gaway , fon Envoyéextraordi
naire auprè de l'Electeur Palatin & fon Miniftre à la Dièe de Ratisbonne.
( 90 )
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉÉ .
Defirant donner àce Journal une existence durable
& permanente , nous avons cru que la variéé feule pouvoit y contribuer & que nos Soufcripteurs
verroient avec plaifir un nouvel effort & de nouveauxfacrifices
de notre part pour parvenir àce but.
Non-feulement nous avons acquis le droit de rémprimerfur
les couvertures le Journal de la Librairie
, qui contient la Notice exacte des Livres nouveaux
, de la Mufique , des Eftampes , des Arrês ;
mais nous venons d'aquéir de M. Mars , Auteur
de la Gazette des Tribunaux , le droit d'imprimer,
dans ce Journal , la Notice plus ou moins abréé
de toutes les Caufes civiles & criminelles avec
leurs Jugemens dont fon Journalfait mention . Cette
Gazette des Tribunaux, abréé par M. Mars luimêe
, fera imprimé àla fin du Journal Politique
, & contiendra plus ou moins de pages , ſivant
qu'ily aura plus ou moins de caufes &fuivant leur
importance.
PARLEMENT DE PARIS. Caufe entre le Vicomte
de Roquefeuille , Garde-du- Corps de Monfieur &
le Marquis de Roquefeuille , fils & héitier du
Comte de Roquefeuille , Vice - Amiral de France.
-
-
Demande en reconnoiffance de nom , action en
trouble & en injures , pour raifon d'accufation fecrèe
d'ufurpation de nom. La maifon de Roquefeuille
, trè- ancienne & trè- diftingué , fe divife
en une multitude de branches , qui toutes prove-
´ues d'une mêe ligne , mais réandues dans difféentes
provinces , ne peuvent fe connoîre. La fortune
& les honneurs ont plus ou moins favorifé les unes & les autres. Le fieur Raimond , Vicomte
de Roquefeuille , ayant ééadreffé& pré .enté au Comte de Roquefeuille , Vice- Amiral de France ,
comme fon parent , celui-ci s'eft emprefléde cons
( 91 )
tribuer àfon avancement , & mêe àcelui de fa
famille. Il l'a fait entrer dans les gardes de M. le
Comte d'Artois , & a fellicitépour un de fes frèes
une place d'aumôier de Madame Adelaide. Le
Vicomte de Roquefeuille n'avoit qu'àfe louer du
Comte & de fes bons offices , lorsqu'il fut inftruit
par des bruits vrais ou faux , que le Comte
jettoit des doutes for la gi imitéde fon Nom ,
& fur le droit qu'il avoit de le porter ; qu'il difoit
dans les cercles de la Cour & de la Ville , que
le fieur Raimond n'éoit pas vraiment de la famille
des Roquefeuille , & qu'il fortcit d'en bâard
d'un des defcendans de cette mailon . Le fieur
Raimond de Roquefeuille , qui ne doit fon avance.
ment & celui de fa famile qu'àla naiflance , & au
nom qu'il porte , avoit le plus vif intéê de déruire
ces doutes . En conféuence il a ramafléles
tittes de fa géélogie ; il les a communiqué au
Comte de Roquefeuille , & l'a fait alligner , pour
obtenir la réaration du préudice àlui caufé&
àfa famille , par les difcours réandus dans le
public , des dommages & intéês , l'impreffion
& l'affiche du Jugement àintervenir . Le Comte de
Roquefeuille s'eit emprefféde déavouer les dicours
qu'on lui prêoit. Le Vicomte a demandé acte defdites délarations , & fe déiftant pour lors
des demandes en dommages & intéês , a conclu
a êre maintena dans la poffeffion du Nom & des
Armes de Roquefeuille , comme defcendant d'Antoine
premier du Nom. Une Sentence du Châelet
a donnéacte , purement & fimplement , des
déaveux & des délarations faites par le Comte ,
de Roquefeuille , fur le furplus des demandes du
Vicomte , l'a mis hors de Cour déens compenfé
. Appel de la part du Vicomte , fur ce qu'il
n'avoit pas éémaintenu dans le droit & poffeffion
du nom de Roquefeuille , ainſ qu'il y avoit conclu
792 )
Arrê du 1er. Aoû 1782 , conforme aux con
clufions de M. l'Avocat- gééal d'Agneffeau . Qui
a donnéacte àla partie de Delinieres , des délarations
faites par celle de la Croix de Frainville ,
de ce qu'elle n'entend ni conrefter , ni avouer le
Nom qu'elle porte ; ce faifant , a mis l'appellation
au nént , ordonne que ce dont eft appel fortiroit
fon plein & entier effet ; condamne l'appelant en
l'amende , & aux déens . Ordonne , la fuppreffion
de la partie d'un Méoire , dans laquelle on éèe
des doutes fur la léitimitédu nom de Comte de
Roquefeuille .
Caufe entre la veuve Buchon , & les Héitiers
de fon Mari. Teftateur , qui fachant figner , délare
nénmoins le contraire par un Teftament.
Ses difpofitions font- elles valables , & l'acte peutil
êre attaquécomme nul ?. RenéBuchon a
éouféen 1746 , Madelaine Ribouleau , aprè 20
ans de mariage , les deux conjoints n'ayant point
d'enfants , ni efpéance d'en avoir , font , par devant
Notaire , leur Teftament conjoint & mutuel,
Far lequel ils délarent , que le préourant des
deux , donne & léue au furvivant l'ufufruit de
fes immeubles propres , & la propriééde fes
meubles & acquês . A la fin de l'article le Teftateur
, RenéBuchon , délare ne favoir figner . Par
l'éèement , c'eſ le Mari qui a préééé: fes
Héitiers ont attaquéle Teftament , fous préexte
que le Teftateur auroit dûle figner , puifqu'il
favoit érire , & que la délaration par lui faite
de ne favoir figner , éoit fauffe . M. d'Agueffeau ,
Avocat - Gééal , a conclu àla validitédu Teftament
, & àfa pleine & entièe exéution : c'eft
auffi ce que l'Arrê du 8 Janvier 1783 a jugé
PARLEMENT DE NORMANDIE . Droit d Ufage.
Les Religieux Bééictins de Leffay , au diocèe
de Coutances , font Seigneurs & Propriéaires d'un
( 93 )
marais fituédans la Paroiffe d'Appeville. Ce marais
éoit affujetti àl'afage des habitans d'Appeville ,
Honefville , Liéille & St- Côe - du- Mont, En 1670 ,
les Religieux voulant en faire un triage , aux termes
de l'Ordonnance de 1669 ; conteftation de la
part des habitans d'Appeville , ufagers feulement à titre gratuit ; & de la part des habitans des trois autres
Paroifles , ufagers àtitre onéeux. Les Parties
traduites au Parlement de Paris , cette Cour , par
fon Arrê du 5 Aoû 1670 , a autoriféles Religieux
àprocéer au triage. L'affaire éoqué au Confeil
du Roi , Arrê en 1673 qui prononce ainfi . »Le
Roi , en fon Confeil , faiſnt droit fur les Requêes
refpectives , ayant aucunement éard àcelle du fieur
Abbéde Leffay , & àl'Arrê du Parlement de Paris
du S Aoû 1670 , a ordonné& ordonne que ledit
fieur Abbéde Leffay aura & prendra fon tiers
en la totalitédu marais en queſion , dans le
quel nénmoins lefdits habitans de St-Côe- du-
Mont , ceux de Honefville & autres ufagers pofféans
le droit àtitre onéeux , pourront avoir leurs
ufages & pâurages , ainfi que dans les deux autres
tiers àeux appartenans , en continuant les redevan
ces accoutumés , fans qu'ils puiffent y envoyer que
le tiers des beftiaux qu'ils auront hiverné , tant
que
lefdits triages demeureront féaré , & ce àl'exclufion
des habitans de ladite Paroiffe d'Appeville , lefquels
ne pourront préendre aucun droit d'ufage
ni pâurage fur ledit tiers mais fur les deux autres .
-Le triage a ééfait . - Le 10 Mars 1781 , les Reli
gieux autorifé de leur Abbé, & toutes autres formalité
prélablement obſrvés , ont donnéàcens &
rentes aux fieurs Gaumia & d'Apres , tout ce qui peut
appartenir & appartient , porte le contrat , a l'Abbaye
, dans le marais d'Appeville , au droit de la
baronnie d'Offeville , fans en rien excepter ni réerver
, n'entendant céer que la quantitéd'arpens
94
T
exempts de tous ufages , moyennant 3 liv. de cens
& rente annuelle , ... par chaque vergé affranchie ,
exempte & libéé de tous ufages. Les Lettres - Patentes
obtenues fur ce contrat , au mois de Novembre
1781 , portent auffi cette claufe : fans cependant
que les préentes puiffent préudicier en aucune
manièe àceux qui peuvent avoir des droits d'uſge
ou autres àexercer fur lefdits marais. Ces Lettres-
Patentes , préentés àl'enregistrement au Parlement
de Rouen , les habitans d'Appeville , d'une
part , ceux de Honefville , Liéille & St - Côedu-
Mont , d'autre part , y ont forméoppofition.
-
--
Arrê du 28 Janvier 1783 , qui a déoutéles
fieurs Gaumin & d'Apres, de leurs demandes en enregiftrement
, & les a condamné aux déens .
PARLEMENT DE LANGUEDOC . Antropophage
condamnéàmort. Blaife Ferrage , furnommé Seyé, Maçn de profeffion , natif du lieu de Cefcan
, dans le Comtéde Comminges , trè - petit de
taille , mais d'une force extraordinaire , trè-brun ,
éoit vicieux & libertin par tempéament. Dans
un âe peu avancéil pourfuivois déa les perfonnes
du fexe. Craignant d'érouver la fééitéde
la Juſice , il ſ retira dè l'âe de 22 ans dans les
montagnes d'Aure , voifines de fa patrie. Il y choifit,
àla manièe des Ours , une retraite dans la concavité d'un rocher placéfur le haut d'une montagne ; delà il ſ réandoit dans les campagnes , dont il devint
bientô le plus terrible fléu . Il enlevoit les
brebis , les moutons , les veaux , la volaille , pour
fe nourrir , & fur- tout des femmes & des filles pour
affouvir fa brutale paffion. Il pourfuivoit àcoups de
fufil celles qui fuyoient ; en abufoit quoique mourantes
& baignés dans leur fang. Comme il ne fe
nourriffoit plus de pain depuis quelque tems , &
qu'il manquoit mêe fouvent de vivres , on préend
( 95 )
qu'il éoit devenu antropophage. Il coupoit ordinairement
les feins & les cuiffes des femmes & des filles
aprè en avoir abufé, & il achevoit de les
mettre en pièes pour en tirer les inteftins & le
foie qu'il mangeoit ; il n'éargnoit pas les impubèes.
Mais nous devons éarter ici ces images affreufes
de la barbarie & de la brutalitérénies . Il tuoit
auffi les hommes & en mangeoit ; dernièement il
aſ .aſ .ina un marchand de meules , Eſagnol , qu'il
attira dans fa retraite , fous préexte de le conduire
fur les tertes de France oùil fe rendoit pour faire des
achats. Il avoit mis le feu àune Grange , qui renfermoit
des beftiaux ; pour fatisfaire fa rage contre le
propriéaire , qui avoit voulu le faire arrêer . On
préend qu'il portoit dans fes cheveux une herbe
qui a la propriééde ronger le Fer ; elle croit dans
les montagnes , & n'eft connue que d'un Oiseau ,
appelléle Pic. S'il faut en croire la tradition populaire
, pour fe procurer de cette herbe , on cherche
le nid de cet Oiſau , qui le place ordinairement
dans le creux d'un Arbre ; on cloue en fon abſnce
une planche fur l'ouverture ; l'Oifeau de retour ,
pour êer les cloux qui retiennent la planche , va
chercher l'herbe en question. On fe tient àl'éart ,
& lorfqu'il a liméles cloux , & laiffétomber l'herbe
, on s'en faifit. Blaife Ferrage , dit Seyé, fut
enfin arrêépar la trahifon d'un faux Ami , qui
avoit feint de fe retirer avec lui dans les montagnes
, pour le déober aux pourfuites de la justice ,
& qui dans le fait , n'avoit pas une conduitéfans
reproches. On avoit promis àcet homme fa grace ;
& plufieurs Communauté d'habitans s'éoient cotifés
, pour donner une réompenſ àcelui qui parviendroit
àle livrer àla Juſice . Il éhappa nénmoins
une premièe fois , mais , peu de tems
aprè , s'éant éarépendant la nuit dans les mon-
-
( 96 )
agnes , il fut arrêé. Il marchoit toujours armé d'une ceinture de Piſolets , d'un Fufil àdeux coups ,
& d'une Dague. Il alloit dans la Ville la plus prochaine
de la retraite , pour acheter de la poudre
& des balles ; & la Maréhauffé n'ofoit l'arrêer.
Il avoit environ 25 ans lorqu'il fut jugé. Le Juge
Châelain de Caftillon , l'avoit condamnéàexpirer
fur la roue , & a êre jettéan feu. Par Arrê du
12 Déembre 1782 , la Sentence a ééconfirmé ,
exceptédans le chef du feu , & àcet éard , le
Parlement a ordonnéque fon corps mort fercit
exposéaux fourches patibulaires ; & que l'Arrê
feroit imprimé& affichéàCefcan , Caftillon &
Toulouſ. Il a ééexéutéle 13 quatre heures
de relevé ; on avoit tripléla garde ; toute la Ville
& une multitude de gens de la Campagne éoient
àfon ééution : on ne parloit que de ce monftre .
Il marcha au fupplice d'un vifage ferein. On fait monter
àplus de 80 les filles & les femmes , victimes
de fa brutalité
à Na. L'abrééde la Notice des caufes de la Gazette des
Tribunaux n'apportera aucun changement àcet Ouvrage ,
qui paroî tous les Jeudis depuis fept annés conféutives ,
& dont M. MARS , Avocat , eft l'Auteur. On y trouve toujours
le mêe nombre d'articles ; 1. la Notice des caufes
civiles & criminelles du Royaume ; 2 °. l'expofédes queſions
fur lefquelles on demande l'avis des Jurifconfultes , avant de
fe déerminer àplaider ; 3 °. les réonses àces mêes queftions
; 4. des differtations fur des points de droit , d'Ordennance
, ou de Coutumes ; 53. une Notice fommaire des Méoires
, Plaidoyers , & c. 69. l'annonce & l'objet des livres
de Droit , de Jurifprudence ; 70. l'indication de ce qui fait
Loi ou Rèlement , les Arrês du Confeil , ceux des Parlemens
, des autres Cours Souveraines , &c. &c . 8 ° un article
de Léiflation érangèe , dans lequel on trouve fouvent des
caufes extraordinaires. On foufcrit en tour tems pour cet
Ouvrage , dont le prix eft de 15 liv . par an , franc de port ,
chez M. MARS, Avocat au Parlement , rue & Hôel Serpente.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E.
De CONSTANTINOPLE , le 1 sJanvier.
LE
E nouveau Grand -Vifir Halid Hamid ,
paffe pour avoir des connoiffances encore
fupéieures àcelles qu'on prêoit àfon
prééelleur Jagen Méemet , Pacha , auquel
on en attribuoit beaucoup au moment
oùil fut revêu de cette dignité; il
connoî fur-tout parfaitement l'éat de l'Empire
Ottoman , & le befoin qu'il a de vivre
en paix avec toutes les Puiflances voisines.
Ce Miniftre eft éroitement uni au Capitan
Bacha , & montre beaucoup d'eftime
pour les Européns . C'eſ àfes foins qu'on
doit le réabliffement de la tranquilli édans
cette capitale , & l'efpéance de la continuation
de la paix, Cela n'empêhe pas
qu'on ne pou fuive àl'arféal les réarations
des vaiffeaux ; mais on vient de renvoyer
dins leurs terres environ 20,000
vaffaux qui font obligé de prendre les
15 Mars 1783.
( 98 )
armes & de faire le fervice militaire auffitô
que l'Empire eft menacéd'une guerre ;
c'eft àcette condition qu'ils poſèent des
terres qu'ils tiennent de S. H.; ils éoient
venus depuis que les déêé avec la
Rulle avoient élaté, & confommoient
dans cette capitale leurs revenus qui , déenfé
dans leurs campagnes , peuvent faire
circuler quelque argent parmi les habitans
& tourner àl'avantage de la culture.
RUSSI E.
De PETERSBOURG , le 2 Férier.
LE Lieutenant - Colonel de Neplujew ,
fils du Confeiller & Séateur de ce nom ,
arrivédepuis peu de la Crimé , a éééevé au grade de Colonel ; il commandoit l'avant
garde du corps du Gééal Belmain
qui a agi avec tant de fuccè contre Bathi-
Guéay , frèe du Khan actuel . Le Colonel
àla têe de 200 hommes le rencontra dans
les montagnes de Caras - Bafarche , & au
moyen d'une manoeuvre habile , il le furprit
& diffipa avec fa petite troupe 1000
rebelles qui éoient avec lui , en tua 70 ,
difperfa le refte & s'empara de leurs éuipages.
Bathi-Guéay ne dut dans cette occafion
fon falut qu'àla fuite ; mais peu de
tems aprè le Colonel l'atteignit prè de
la mer Noire dans la maifon de la four da
Khan oùil s'éoit réugié, & oùil fut fait
prifonnier.
799 )
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 8 Janvier.
PLUSIEURS Miniftres érangers ont reç
dernièement l'agréble nouvelle de la conclufion
de la paix entre la France , l'Eſagne
& l'Angleterre. Un Eccléiaftique d'Yaffy
qui fe trouve ici depuis quelque tems
déêha auffi-tô un Exprè pour la porter
àl'Hofpodar de Walachie , qui de fon côé ne manquera pas d'en informer fur- le-champ
la Porte que cette nouvelle doit intéeffer
infiniment.
Depuis quelques femaines , le Confeil
Permanent s'eft occupéd'affaires relatives.
àl'améioration intéieure du Royaume.
On fe flatte que les arrangemens pris fucceffivement
obtiendront peu àpeu le but
falutaire déirédepuis fi long-tems . Déa
les Seigneurs du rang le plus éevé, commencent
às'appliquer àl'éonomie , & à éudier les principes de cette fience fi
utile dans tous les Etats , mais jufqu'àpréent
trop néligé dans le nôre.
ALLEMAGNE
De VIENNE , le 18 Férier.
ON érit de Klagenfurt que l'Archiduc
Maximilien qui eft en route pour l'Italie , y
e 2
( 100 )
eft arrivéle 7 de ce mois ; il eft defcendu au
Palais de l'Archiducheffe Marie- Anne , qui
l'a reç avec les téoignages de la plus grande
tendrelle.
On a érouvéle 15 de ce mois àNeuftadt
quelques léèes fecouffes de tremblement
de terre.
Il a ééenvoyéordre en Efclavonie de
couper les bois dans la largeur de 8 toifes
fur les deux bords de la Drave , afin d'empêher
par ce moyen , que cette rivièe ne
puiffe jamais êre embarraffé par les arbres
qui tombent de véuftéou qui font
renversé.
Ileft parti d'ici dans le commencement de
ce mois prè de 30 chariots chargé de canons,
de boulets & d'autres munitions de guerre,
Ces tranfports font pour Carlstadt en Hongrie
, & ont ééaccompagné de quelques
déachemens d'artilleurs , de grenadiers
& d'autres foldats d'infanterie. Quoique ces
tranfports foient nombreux , & femblent
annoncer une guerre prochaine , on ne s'entretient
plus guèe ici d'une rupture avec la
Porte.
On fait àPrague de grands préaratifs
pour le couronnement de l'Empereur ; &
on croit que cette folemnitéaura lieu dans
le mois prochain.
Les Juifs demeurant dans les Etats Hééitaires
d'Autriche & dans la Bohêe , ont
obtenu la permiffion d'aller & de revenir .
( 101 )
librement dans la Hongrie , pourvu qu'ils
foient munis d'un paffeport du Juge de
lear domicile ; mais les Juifs érangers
payeront , comme par le paffé, un florin ,
en entrant dans ce Royaume.
Vienne ,
»L'Ambaffadeur Marocain deſiné pour
érit-on de Triefle , eft encore dans cette Ville , àcaufe
d'une indifpofition qui l'arrêe . Il entreticat la difcipline
la plus exacte parmi les gens . Il en a renvoyé 3 àMaroc , avec ordre de les faire empaler àleur
arrivé ; il en a fait mettre 3 autres aux fers àLivo.rne
, oùil les reprendra àfon retour . Cer Ambaladeur
eft Gouverneur d'une Province confidéable ,
& paffe pour avoir des talens politiques & une grande
expéience. Depuis fon féour ici , il a voulu voir les
bals , les opéas ; ces divertiffemens l'ont beaucoup
amufé. Notre Evêue lui a fait une vifite , & en a
ééreç avec les plus grands éards « ‹ .
De HAMBOURG , le 24 Férier.
LES papiers ne parlent plus aujourd'hui
que d'une manièe pofitive de l'arrangement
des difféends qui s'éoient éevé
entre la Ruffie & la Porte ; les mouvemens
que faifoient ces Puiffances & quelques
autres , avoient réandu l'alarme dans la
Servie. Les habitans de Belgrade s'éant
affemblé , s'éoient rendus chez le Bacha
de cette place , pour le prier de vouloir
bien donner les ordres néeffaires , pour
que dans ces circonftances critiques , les
Commandans & les Magiftrats miffent
toute leur préoyance àfauver le peuple
du danger & de la misèe dont il cft mee
3
( 102 )
nacé Le Bacha ne néligea rien pour les
tranquillifer , en les affurant qu'il vivoit
dans la meilleure harmonie avec les Gouverneurs
voisins ; & en ajoutant que d'ailleurs
ils devoient , ainfi que lui , fe repofer
fur la fageffe de la fublime Porte , qui fauroit
bien applanir , fans guerre , les difféends
fubfiftans entre elle & la Ruffie .
»On continue toujours ici , érit-on de Vienne , les
préaratifs de guerre , on tranfporte auffi toujours des
munitions vers les frontièes de Turquie . Il y a quelques
jours qu'un déachement de cavalerie manouvroit
en préence de l'Empereur ; aprè quelques
éolutions , ce Prince demanda fi quelqu'un des Cavaliers
auroit le courage de franchir , avec fon cheyal
, des chevaux de frife qu'il avoit fait amener. Il
n'y eut qu'un foldat qui fe trouva prê ; il ofa mêe
dire : fi V. M. me le permet je les franchirai dans
un moment ; c'eft une bagatelle pour moi. L'Empereur
eut l'humanitéde lui recommander d'agir avec
prudence & de renoncer plutô àfon projet que d'expofer
fa vie. Le foldat fe mit auffi-tô en ordre ; il
galoppa trois ou quatre fois auprè des chevaux de
frife , & prenant enfin tout-à- coup fon effor , il les
franchit fans ſ bleffer ni faire aucun mal àſn
cheval . L'Empereur l'a éevéàun grade , & lui a
fait préent de 200 ducats pour le mettre en éuipage
, il a demandéde conferver fon cheval , ce qui
lui a ééaccordé«
S'il faut en croire des lettres de Berlin ,
le Roi de Pruffe a déignéune perfonne
qui doit aller àPhiladelphie en qualité d'Agent auprè des Etats- Unis de l'Améique
; & plufieurs navires Pruffiens feront
voile pour cette partie du monde , oùils
ouvriront un commerce.
( 103 )
S. M. , ajoutent les mêes lettres , voulant
donner une nouvelle preuve d'encouragement aux
Fabriques dans les Etats , en-deç du Wefer , y a
déendu l'importation des articles fuivans venant de
l'éranger ; favoir : les rubans de foie , de laine , de
coton & de fil , les ouvrages de bois & de fil- d'archal ,.
les clinquailleries d'acier , d'éain , de fer , & c . les
baffins de méal , les haches & coins , lé perles de
cire , les chaîes de montre d'acier , la vaiſ .elle d'éain
, les gants de peau , de foie , de laine ,
de coton
de fil . Les gants de peau de Danemarck font excepté .
Les marchandifes fuivantes venant de l'éranger
payeront un droit de so pour 100 ; favoir : les
poids de méal , les agréens de foie & de filofelle ,
les éantails , les plumes & parures en plumage , les
aiguilles , les éiceries & les moulins àcafé; la cire
àcacheter payera 25 pour 100. Il réulte d'une
pièe authentique que le Roi de Pruffe a réandu ,
l'anné dernièe , dans les Etats , en bienfaits de
tout genre , tant pour de nouveaux éabliffemens que
pour encourager l'induftrie , la fomme de 2,118,000
rixdalers. Les mines qui avoient éétrè néligés
font exploités aujourd'hui avec le plus grand fuccè .
Auffi S. M. a verfédes fommes confidéables dans
cette partie. Elles font actuellement en fi bon éat ,
que non-feulement elles fourniſ .ent abondamment
le pays de fer , de cuivre , de plomb , de vitriol ,
d'alun , de charbon de terre , &c. mais qu'il en refte
encore pour l'exportation dans l'éranger. Depuis le
réabliffement de l'exploitation des mines on a exporté pour 234,000 rixdalers de minerai .
Les préentions de la Ruffie , relativement
au commerce de la Courlande qu'elle
veut faire paffer àl'avenir par les mains
des Marchands de Riga & par le port de
cette Ville , font fondés fur une convention
entre le Duc Frééic & la Ville de
¥ 1
€4
(
104 }
Riga en 1613 , par laquelle on préend
que la Courlande a renoncéau droit de
faire exporter de fes ports toutes fortes de
denrés & de grains. Un traitéconclu à Riga en 1630 entre les Pléipotentiaires de
Suede & de Courlande , la trèe faite à Stumsdorff en 1635 , & le traitéde paix
d'Oliva en 1660 , renferment , dit on , la
confirmation de cette convention . Les Miniftres
d'Etat de Courlande réondent àces
affertions :
1° Que la Convention de 1615 , n'a jamais éé un Acte obligatoire ; parce que les Etats du Pays n'y
ont pas accéé, & qu'elle n'a pas ééconfirmé par
le Seigneur Suzerain ; ce qui auroit ééabfolument
néellaire d'aprè la conftitution de Courlande, (dont
S, M. Impéatrice de toutes les Ruffie s'eft rendue
garante , ) fi cette convention devoit maintenant
fubfifter au préudice des Droits , qui appartiennent
au Seigneur Suzerain , au Duc & aux Etats de Cour
lande : 2 ° Que cette Convention n'a pu acquéir
plus de force & de validitépar le Traitéde 1630 ,
qui fut éalement conclu àl'infç & fans le confentement
des Etats . 30. Que cette convention n'a
jamais éémise en exéution ; mais qu'au contraire
il ya ééportéatteinte en plufieurs occaſons : 4º.
Que , fuppoféque cetre Convention ait d'abord -
ééen quelque forte obligatoire , elle ne peut pourtant
nullement êre regardé comme une raiſn concluante
pour les préentions formés de la part de
la Ruffie , vu qu'elle n'offre aucune preuve pour la
renonciation faite par la Courlande au droit de le
fervir de fes Ports , pour faire pafler toutes fortes
de grains & de denrés : 5º. Que , fi dans la Trèe
de Stumsdoff il eft ftipulé: »Que le Commerce· de la Pologne & de fes Provinces doit êre réa
( 105 )
»blifur l'ancien pié; qu'il doit fe continuer comme
»il a ééfait dè fon commencement , & que toutes
»chofes doivent rentrer dans le mêe éat oùelles
»ont ééavant cette Guerre , attendu que les inno-
»vations , faites pendant la Guerre , feront nulles
»& de toute nullité: & fi dans l'art . XV du Traité de Paix d'Oliva il eft arrêé»Que le Commerce
»de Pologne , de Lithuanie & de Suèe , ainfi que
»de leurs Provinces , Sujets & Habitans , doit êre
»fans entraves & le faire avec toute liberté, tant
› :
par terre que par mer & êre maintenu dans
»l'éat oùil a éépendant la Trèe «; il eft éident
, qu'on n'a point voulu gêer le Commerce de
la Courlande , mais plutô en fixer la libertéillimi
té par mer & far terre , fur-tout quand on fait
rélexion , que le Commerce de la Courlande n'a
jamais éétroubléni interrompu par la convention
de 1615 ; mais qu'il s'eft toujours fait fans empêhement
de tems imméorial avant la Guerre avec
la Suèe , & mêe pendant la Trèe : 6 °. Que
d'ailleurs , comme les Articles IV & V , du Traité d'Oliva portent , »que le Roi & le Royaume de
»Suèe ne pourront pas éendre les limites de
»leurs poffeffions dans la Courlande & la Séigalle ,
ni préendre quelque fervitude àla charge du Duc
»de Courlande , ni s'arroger le droit àla coupe de
»Bois ni quelque autre droit que ce foit ; qu'éalement
le Roi & le Royaume de Suèe ne feront
pas en droit de former , fous quelque préexte
»que ce foit, des préentions àla charge de la Courlande
« ce Duchéet pleinement fondéàimplorer
la protection de S. M. l'Impéatrice de toutes les
Roffies contre les préentions mal - fondés , que la
Ville de Riga , déàallez floriffante par l'éendue de
fon commerce , s'efforce de faire valoir , & àreclamer
cette juftice éinente avec laquelle S. M.
Impéiale a daignégarantir àla dièe de Courlande ,
tenue en 1763 , la religion , les droits , les privilées
es
( 106 )
& immunité des Duché de Courlande & de Semigalle
, tels qu'ils ont éédans les rems antéieurs ,
& pour le maintien defquels les Rois de Pologne ont
prêéferment.
>
On lit dans un papier Allemand une differtation
fur l'origine de la Méiterrané
qu'on regarde comme une nouvelle mer , ainfi
que fes branches , la Mer Adriatique
l'Archipel & la Mer Noire , qui ne doivent
leur exiftence qu'àquelques grandes réolutions
de la nature. Le préis de cette
pièe peut êre curieux , fú-tout dans la circonftance
préente , oùle bruit du malheur
arrivéàMeffine paroî fe confirmer.
59
L'Italie , la Grèe & la Natolie , ne faifcient
anciennement qu'un feul continent avec la côe feptentrionale
de l'Afrique , mais les piles fouterraines
fur lefquelles repofoit ce pays , s'éant rompues
dans un tremblement de terre , ce continene fut déembré , tel qu'on le voit aujourd'hui. C'est par
une mêe réolution que l'Angleterre fe déacha
de la France; que l'Améique , déagé de les premiers
fondemens , prit la place qu'elle occupe actuellement
, & que la mer fe fit jour avec impéuofité entre l'Espagne & l'Afrique , inondant à droite & àgauche les pays , jufqu'au Caucaſ , & ne
revint dans les limites qui circonfcrivent aujourd'hui
la Méiterrané , que fucceffivement & àmefure
que les pays inondé s'éoient enfoncé davantage.
L'Efpagne orientale , la France méidionale ,
I'Italie , la Grèe & la Natolie , durent leur falut ou
leur confervation aux Pyrenés , àl'Apennin , alr
Taurus & au Téarus , comme la Lybie feptentrionale
la doit àfes montagnes. La Sicile , la Sardaigne ,
les Illes de Corfe , de Crèe , de Chypre & celles de
l'Archipel , qui éoient les fommets du pays enfoncé , font les monumens & les preuves vifibles de
蔓
( 107 )
--
cette grande réolution. Il eft probable que ce
qui eft terre ferme aujourd'hui , eft forti du fein
de la mer ; comment expliquerions- nous autrement
les périfications des poiffons & d'autres animaux
de mer que l'on trouve fur nos montagnes ? De
la mêe manièe il fe peut qu'un jour une grande
partie de notre globe foit engloutie par la mer , &
que celle ci rende de fes entrailles une nouvelle
portion de terre. Eft-il abfolument invraisemblable
que les couches dans le centre de la terre ne foient
ni fi compactes , ni fi ferrés qu'on l'imagine ? Ne
peuvent- elles point avoir de fciilures dans lefquelles
l'eau péère & forme fucceffivement des excavations
? Eft-il impoffible qu'un feu fouterrain n'attaque
les piles de ces voutes & ne les renverſ ?
Quelle eft l'opéation au- deffus des efforts lents
de la nature ? Oùune taupinièe qui s'éroule eftelle
une perte pour l'univers ? Le Créteur met dans
chaque deftruction le germe d'une crétion nouvelle.
-
Une pareille réolution eft , ce me ſmble , plus
naturelle que l'hypothè .e de Whifton , qui attribue
àune comèe le changement qu'a fubi notre globe.
Le Véuve , l'Etna & les Volcans dans les Ifles
Eoliennes , font des preuves vifibles que l'Italie
eft remplie de feux fouterrains , qui anciennement
éoient peut- êre plus multiplié encore , & je ne
connois pas de pays qui en ait autant que l'Italie , &
qui par conféuent foit plus fujet qu'elle aux tremblemens
de terre. Ces tremblemens fe manifeftent
auffi fréuemment dans l'Afie mineure , ce qui ,
quoiqu'il n'y ait point de Volcans vifibles , prouve
néeflairement qu'elle nourrit beaucoup de feux
fouterrains. La profondeur de la Méiterrané eft
connue ; & par cette raison mêe il est trè probable
qu'elle doit fon origine , comme la mer Cafpienne
, àun continent fubmergé On connoî auffi
le courant qui fe jette dans la méiterrané par le
Déroit de Gibraltar, Ce courant indique clairement
€6
( 108 )
que la Méiterrané a pris fes eaux de ce côé,
& qu'elle eft par confé ent une mer nouvelle .
Lor qu'on confidèe le nombre prodigieux d'ifles
dans l'Archipel , on ne peut guèes s'empêher de
les regarder comme des fommes de montagnes ,
autour de que's la plaice a ééùm igé . Cette
opi ion ef? encore appuyé par la tradition grecque,
que l'Ile de Delos & les Cyclades avoient vogué long temis avant de fe fixer. Cetre circonftance luppole
, fans contredit , the réolution precéente. "
---
Les côes de cette mer fe préentent comme des
fragmens provenus d'une r prure faite avec vio
lence , fu - tout celles de la Dalma ie & de l'Afrique .
On y voit un gra d nombre de finuofité , oùla
terre Gtué plus bas , paroî avoir ééemporté.
Ie: Ifles de forme longue fur la côe de Dalmatie ,
éo ent une terre dont la fituation éoit éevé . Les
côes y font prefque par- tout montueufes & rem-'
plies de rochers . La Méiterrané augmente en'
profondeur, & les mers qui lui fourniffent des eaux
diminuent. Cette mer a ééd'abord trè-baſ .e , aprè
la grande réolution de la fubmerfion . Il falloit un
certain tems , pour que les eaux , qui paffo: ent par
le Déroit de Gibraltar , pûfent remplir toure la
furface dep is Gibraltar jufqu'àCaffa & àTyr. En
outre la terre fubmergé s'imbiboit auffi d'eau , &
il est trè probable que fur les nouvelles côes il
s'érouloit par-ci par- làdes fouterrains qui fe rempliffoient
éalement d'eau ; mais actuellement la
terre fubmergé éant impréné & les caves fonterraines
éant remplies d'eau , & l'affluence de l'Océn
par le Déroit continuant toujours , la Méiterrané
gagnera tous les jours en profondeur . Le volume
d'eau que l'Océn lui fournit , eft pris for
d'autres mers ; on fait par exemple que la mer d'Allemagne
diminue & perd vifiblement de fes anciennes
rives . Le Baron de Harleman , dit dans les
voyages , par quelques provinces de Suèe , qu'ayant
( 109 )
examinéle lac de Goeta , nous déouvrîes dans
diverfes excavations far le rivage , & quelques piedsau-
deffus de la furface a&tuelle de l'eau , des couches
de ſble de mer mêéde coquillage , ce qui prouve
éidemment que ci-devant les eaux montoient àcette
hauteur. De l'autre côédu lac , nous entrâes dans
une plaine fitué entre deux montagnes , laquelle ,
quoique affez baffe , a cependant 25 aunes plus en
hauteur que l'eau du lac . Ayant fait fouiller dans
cette plaine , nous vîes que ce terrein n'éoit qu'un
mêange de fable de mer trè - fin , mêéde coquillages
, & que plus on creufcit , mieux les coquillages
éoient confervé . Les coquillages qu'on trouve de
cette manièe , obferve encore M. de Heileman , ne
fauroient êre attribué qu'àla baiffe annuelle de la
mer; on en rencontre fur-tout dans ces environs ies
preuves les plus convaincantes. Ces obfervationsde
M. de Hotleman viennent àl'appui de mon hypothèe.
Lorsque la Méiterrané s'eft formé , les
eaux dans ces pays feptentrionaux diminuèent fubitement
& déosèent le fable & les coquillages
de mer. Il eſ mêe vraisemblable , qu'avant l'exiftence
de la Méiterrané , la Suèe éoit couverte
d'eau jufques vers la Laponie ; mais àla formation
de cette mer , les eaux s'éant fait jour , il n'y refta
plus d'autres trous de cette éendue d'eau que les
lacs de la Gothie , & fur-tout ceux de la Daléarlie.
Le déroiffement annuel de la Baltique ne fauroit
êre mieux expliquéque par l'accroiffement en profondeur
de la Méiterrané qui augmente fes eaux ,
par le courant de mer prè de Gibraltar . Toutes
ces circonftances fe réniffent en faveur de mon
hypothèe , pour laquelle je citerai encore l'obſrvation
qui a ééfaite , que l'eau de la Méiterrané
n'éoit pas fi falé que l'eau des autres mers , ce qui
prouveroit auffì, ce me femble, qu'elle est une mer
nouvelle. La grande réolution que j'éablis ,
explique encore les relations que d'anciens Auteurs
-
? 110 )
nous donnent , d'un vafte pays fituéàl'oueft , &
appelléAtlantis , & celles des déuges de Noach &
de Deucalion , & elle explique aufli la manièe de
la population de l'Améique , la mer Morte , les
lacs de Genezaret , de Sirbonis , de Moeris , & c.
Je finis mes rélexions par un paffage tirédu recueil
des voyages de M. Bernoulli . Il dit , àla page 25 du
premier livre , que les Naturaliftes avoient conjecturé , avec quelque fondement , que lIfle de Capri
( Caprea ) avoit éédéaché de la terre ferme dans
un tremblement de terre. En la regardant du côéde
Salerne , on obferve que les rochers fur la côe de
l'Ifle & ceux fur la côe correfpondante de la terre
ferme , font conformé d'une manièe qui fait préumer
qu'ils ont éédéaché les uns des autres .
La mêe chofe fe pré .ente àl'Ifle de Malte , vis- à-vis
les côes de la Barbarie «
ANGLETERRE.
De
LONDRES , le 3 Mars.
Nous n'avons point d'autres nouvelles
de l'Améique Septentrionale que celles qui
nous font arrivés par le tranſort armé,
l'Expéiment, qui nous a apportédes lettres
d'Hallifax en date du 18 Janvier . Il ne s'y
éoit rien pafféd'intéeffant & tout éoit
tranquille de ce côéàcette éoque. Nos
troupes éoient dans la mêe fituation à New-Yorck , & depuis long tems les hoftilité
avoient cellé, & tout fe paffoit en
néociations entre le Gééal Clinton & le
Gééal Washington.
גכ Chaque Etat , difoit- on , continuoit àdonner
de la confiftance àfon gouvernement particulier ,
& le Congrè s'occupoit des intéês gééaux de
( III )
l'union . Les Sauvages que nous avions excité contre
la nouvelle Réublique , & qui ont fait certainement
beaucoup de mal, fans qu'ils nous aient ééfort utiles ,
commencent àfaire leur paix avec leurs voifins ;
quelques Nations fe préarent às'unir plus éroitement
avec eux. Au mois de Nov. dernier , 4 Indiens
Iroquois ont ééàPhiladelphie , & ont ééadmis
dans le Congrè pour faire un traitéd'alliance &
d'amitiéavec les Etats-Unis pour leur tribu & pour
celle des Shawanèes & des Illinois . Il a éénommé un Comitépour les recevoir , traiter avec eux &
leur faire les préens d'ufage dans ces occafions «.
On lit dans une lettre de Philadelphie
les déails fuivans qui prouvent les fentimens
de reconnoiffance de l'Améique pour'
Palliéqui l'a protéé fi heureuſment , &
fur lefquels on a malheureufement trop
fouvent & tro»vainement éevédes doutes.
Les Etats - Unis voulant confacrer leur recon
noiffance envers leur alliépar un monument durable ,
fe propofent , dit- on , d'éiger fur la principale place
de cette Capitale , en face du Palais du Congrè , une
ftatue de bronze avec cette infcription :
Poft Deum
Diligenda & fervanda eft libertas
Maximis empra laboribus
Humanique fanguinis flumine irrigata
Per imminentia belli pericula.
Juvante
Optimo Galliarum Principe Rege
LUDOVICO XVI.
Hanc ftatuam Principi Auguftiffimo
confecravit
Et æernam pretiofamque beneficii memoriam
Grata Reipublicæveneratio
Ultimis tradit Nepotibus.
Ce monument fera comme celui d'Horace are pe
rennius. Voici la traduction de l'Infcription : Aprè
Dieu , aimons & cultivons la liberté, acheté par
degrands travaux, arrofé par un torrent defanghus
( 112 )
H
main pendant les calamité de la guerre , avec l'aide
du trè-bon Souverain de la France . La vééation
reconnoiffante de la Réublique confacre cette ftatue
àLouis XVI , & tranfmet ce gage préieux
& éernel defa reconnoiffance àla postéitéla plus
reculé «
On eft dans les plus vives alarmes pour
la flotte de la Jamaïue , qui paroî avoir
ééréervé àérouver le fort de la prééente.
Elle éoit compofé de 63 vaiffeaux
lorfqu'elle fut difperfé le 17 Janvier par
un coup de vent. Le Speaker qui eft arrivé àBristol , & le Friendship aux Dunes venant
tous deux de la Jamaïue , faifoient partie de
la mêe flotte ; ils racontent que le coup
de vent qui les féara du convoi eut lieu
deux jours aprè qu'ils eurent déɔquéle
Golfe ; le Friendship rencontra enfuite le
George avec lequel il fit route pendant dix
jours , aprè lefquels il le perdit de vue dans
une tempêe affreufe qui commenç le 31
Janvier , & qui dura fans interruption jufqu'au
8 Férier.
Cette nouvelle alarmante pour le commerce
eft arrivé dans un moment oùla
Nation eft entièement occupé de la nouvelle
réolution qui va changer encore l'Adminiftration
; on attend avec impatience les
fujets fur lefquels tombera le choix du Roi ;
c'eft le 24 que le Lord Shelburne & les
Miniftres fe rendirent àSt- James pour prier
S. M. d'accepter leur déiffion. Le lendemain
25 , la Chambre des Communes ne
s'affembla que pour s'ajourner au 28
dans l'efpéance que le Roi àcette éoque
( 113 )
auroit nomméles nouveaux Miniftres. Ils
ne le font point encore. Il eft certain qu'il
y a beaucoup de brigues dans ce moment
pour des places affuréent difficiles & dans
lefquelles on eft fi rarement fû , quoiqu'on
fafle , de ne pas trouver des contradicteurs
& mêne des enn mis .
»Nous ne nous occupons , dit àcette occafion un
de nos papiers , que d'intrigues & de cabales ; & les
intéês du Royaume font abfolument néligé . La
Compagnie des Indes a préentement 46 vaiffeaux
àflot , dont la valeur eft eftimé plus de 8 millions
fterlings . Les hoftilité ne doivent celler dans l'Inde ,
que dans quatre mois , & les Françis y peuvent
faire paffer des avis un mois avant nous. Nous
n'avons point d'adminiftration , puifque dans ce
moment nous n'avons pas de Miniitres , par conféuent
perfonne ne veille fur nos propriéé dans
l'Afie , & ne s'occupe de la flotte de la Jamaïue
que nous favons êre difperfé «
Cependant l'Amirautéa envoyéordre à Portſouth aux flottes deftinés pour les
Indes orientales & occidentales de remettre
imméiatement en mer ; le Salisbury de so
canons & 2 fréates efcorteront la flotte des
ifles.
Il s'eft tenu ces jours derniers une Affemblé
des actionnaires de la Compagnie des
Indes , relativement àla péition qui doit
êre préenté au Parlement , pour le prier
de venir au fecours de la Compagnie. Il
paroî par les élairciffemens donné àce
fujet , qu'elle a le plus preffant befoin d'une
fomme d'un million 500,000 livres ; la
difficulténe confifte que dans les moyens
( 114 )
de fe la procurer. Quelques Membres demandent
que la Compagnie faffe elle- mêe
cet emprunt àfa volonté; mais d'autres
obfervant qu'un acte du Parlement lui ôe
cette faculté, il a ééconvenu qu'on fe
conformeroit fur cet objet aux volonté du
Parlement , en fe bornant àlui faire connoîre
la fomme dont la Compagnie a befoin.
On a adrefféen conféuence la péition
qui doit êre préenté inceffamment.
Ce fut le 26 que le Lord Maire accompagné des Shéifs , des Officiers de la Cité,
fe rendit àSt- James pour préenter au Roi
l'adreffe de la Ville àl'occafion de la paix ,
S. M. y fit la réonſ fuivante.
>
»Je vous remercie de cette adrefle refpectueuse
& loyale. C'est pour moi une grande fatisfaction.
de voir la fin des calamité de la guerre & la perfpective
de tous les avantages qu'on a lieu d'attendre
d'une paix durable. En conféuence , je reçis avec
plaifir les téoignages de l'approbation que le Lord
Maire , les Aldermans , & les Communes de la Cité de Londres , donnent aux mesures que j'ai adoptés.
Vous pouvez êre affuré que je ferai tout ce qui
déendra de moi pour protéer & pour éendre le
commerce de mes Domaines , dont celui de la Cité de Londres forme une partie fi confidéable. Je pense
abfolument comme vous que les intéês du commerce
de ce Pays & de l'Améique font les mêes .
Je ne néligerai rien de tout ce qui fera néeffaire
pour faire renaîre fans déai & éablir àl'avenir la
correfpondance amicale qui doit réulter de l'intéê
mutuel & de l'affection réiproque «
Les Néocians de cette Capitale & des .
ports du Royaume demandent hautement
( 115 )
la réocation des loix qui empêhent les
vaiffeaux deftiné pour l'un des ports des
Etats-Unis de l'Améique , de recevoir leur
acquit àla Douane. Les vailleaux mêe qui
fe font procurédes paffeports , ne peuvent
recevoir ces acquits , parce qu'on n'a point
réoquécertaines loix pofitives. Il feroit à defirer que l'Adminiftration formâ fans.
déai quelques rèlemens àcet éard ..
Les Irlandois , toujours attentifs àfaifirtous
les avantages qui s'offrent en matièe
de politique & de commerce , ont ééles
premiers àenvoyer des vaiffeaux dans les
ports des Etats- Unis de l'Améique. Plufieurs
bâimens ont déa mis àla voile , &
d'autres font fur le point d'appareiller pour
Philadelphie & d'autres ports , fans êre
munis de paffe- ports.
»Suivant des lettres du Nord , les Cours qui
compofent la Neutralitéarmé , ont fait entr'elles
des traité favorables àleur commerce ; la Ruffie &
le Danemarck entr'autres , ont ftipulédes avantages
réiproques pour les navigateurs des deux Nations.
La réolution qui naîra néellairement de
l'indéendance des Améicains , fait une loi àtous
les Etats commerçns d'ufer fobrement du droit
qu'ils ont de taxer les importations du nouveau
Monde. Les Améicains vont fe préenter par- tout ;
ils compareront les facilité qu'ils érouveront
dans d'autres , & le réuitat de cette comparaiſn
les déerminera fans doute dans leur choix. S'il
en réulte une balance politique dans les mesures
éonomiques de difféens Gouvernemens , la paix
aftuelle remplira parfaitement fes vues , en introduifant
une modéation parfaite dans les droits de
Douane , perçs dans tous les Ports d'Europe. Enfin ,
( 116 )
cette éuitécoupera les racines des guerres
de com
merce , qui ruinent tant de Nations , quoiqu'elles
aient toujours pour préexte une augmentation de
richelles «
Il n'eft pas douteux que les vues de commerce
qu'on peut avoir ailleurs , ne méitent
l'attention de la Nation , & que le
Parlement ne s'occupe efficacement des
moyens d'éiter les inconvéiens de la
concurrence , pour que la balance ne foit
pas contre nous. Nous devons nous attendre
en conféuence àdes déats intéeffans
avant qu'il foit peu ; on pourra préumer
la nature de quelques - uns , quand les places
de l'Adminiſration feront remplies . On
ne doute point que le Lord North ne rentre
; on fait qu'il n'eft point d'avis de la
réorme Parlementaire , & qu'il a délaréqu'il
ne penfoit pas qu'on pû toucher fans danger
& fans conféuence àla conftitution.
»Les Miniftres , obferve àcette occafion un de
nos papiers , éaluoient autrefois àune guiné prè
ce qu'il leur en coûoit pour acheter une majorité dans le Parlement ; mais le nouveau plan de réorme
Parlementaire, s'il a lieu , comme on le defire , grof
fira tellement le nombre des repréentans du peuple ,
que les moyens de corruption deviendront impraticables
, mêe pour des Miniftres auffi diffipateus
que l'éoient le Lord North & fes collèues ; c'eft à cette caufe qu'il faut attribuer les efforts qu'oa
a faits jufqu'àpréent , pour faire éhouer ce plan fi
utile , & dont le fuccè déruiroit , non pas la forme
du Gouvernement , mais le fyftêe d'adminiſration
".
Le Capitaine Kemptone qui commandoit
( 117 )
le vaifleau de S. M. le London , lors de fon
combat avec le Scipion , ayant préuméque
vu la fupéioritéde fon vaiffeau fa conduite
pourroit êre mal interprêé , a demandé, à fon retour àla Jamaïue , un Confeil de
guerre qui a prononcéque cer Officier s'eft
conduit honorablement. Il est revenu en
Angleterre fur l'Hydre en qualitéde pallager,
Les Lords de l'Amirautéont ordonné qu'il feroit préentéune fomme de 100 liv,
fterl. àM. Hill , Capitaine du Hawke , lettre
de marque , qui fauva l'éuipage de l'Hector
lorfqu'il coula bas ; l'activité& l'attention
qu'il a montré en fauvant la vie des hommes
qui compofoient cet éuipage & les dangers
auxquels il s'eft expofe , lui donnoient
les plus juftes titres àcette réompenfe . Les
Lords de l'Amirautéont aufli ordonné qu'il foit remis aux Propriéaires du Hawke
une fomme de 950 liv . fterl . pour les indemnifer
des pertes qu'ils ont érouvés ,
une grande partie de la cargaifon ayant éé jerré àla mer pour faire place àl'éuipage
de l'Hector.
Nous reviendrons un inftant fur l'affaire
entre le Gééal Murray & le Lieutenant-
Gééal Sir William Drapper.
Les craintes , qu'on avoit d'un duel entre ces
deux Gééaux , écient trè - bien fondés ; & dans
l'incertitude de l'éèement le premier avoit déa
fait fon teftament la prudence du Gouvernement
a préenu ce malheur. Le Gééal Murray
, ayant refuféde faire àSir William Drapper
l'excufe , que le Confeil - de - Guerre defiroit , fut
:
( 118 )
: mis aux arrês pour juftifier fa conduite , il adreffa
un Méoire au Roi , par lequel il expofa àS.
M. les raions qu'il avoit cues de ne pas fe prêer
àla queftion , vu que l'excufe prefcrite éoit conque
en termes , fi incompatibles avec les idés fur
le point- d'honneur , qu'il éoit impoffible de jamais
s'y foumettre mais il délara en mêe tems
qu'il éoit prê àfaire des excufes àSir William
Drapper , pourvu qu'on lui laiflâ la libertéd'ufer
d'expreffions de fon choix , priant qu'enfuite il fû
relâhéde fes arrês . S. M. accorda la prièe ,
fous conditition que M. Murray engageâ fa parole
d'honneur de ne point envoyer de déi àfon
Adverfaire. M. Murray accepta la condition ; &
en conféuence le Confeil -de - Guerre s'aflembla de
nouveau , pour prendre en confidéation l'excuſ ,
que le Gééal propofeit . Celle qu'on lui avoit
préerite portoit , »qu'il éoit fâhé( concerned )
qu'aucune partie de fa conduite durant fon Commandement
àMinorque eû donnéoffenſ àSir Wil
liam Drapper. »M. Murray pria qu'on changeâ
cette formule , & qu'il lui fû permis de dire , »qu'il
s'eftimoit malheureux ( thinks himfelf unfortunate
) qu'aucune partie de fa conduite durant fon
Commandement àMinorque eû donnéoffenſ à Sir William Drapper. »Le Confeil ayant déibéé,
délara qu'àfon avis le terme adoptépar le Gééal
Murray éoit beaucoup plus fort , que celui
employéoriginairement par le Juge- Avocat , &
tel par conséuent que l'on n'infifteroit point far
l'offre du Gééal , s'il vouloit encore s'en déire :
mais il perfifta àle prééer àl'autre ; & les Juges
acquiefcèent. En conféuence les deux Gééaux
parurent en préence l'un de l'autre devant le Confeil
; & s'éant falué M. Murray fit l'excufe , qu'il
avoit adopté de fon propre choix . Comme ils
ont engagéleur parole tous les deux de ne point
s'envoyer de déi , l'on regarde l'affaire comme
terminé «
( 119 )
L'Amirautévient de publier un avis à tous ceux qui , vivant dans le pays ou hors
du pays , ont des préen ons fui les denrés
& autres effets enlevé àSt Euftache , portent
leurs titres & papiers àla Cour des
Docteurs communs ; on les invite àfe hâer
le plus qu'ils pourront , & on leur donne
jufqu'au premier Juin prochain , paffélequel
tems ils ne feront plus admis.
On doit mettre dans peu , fous les yeux
du Parlement , quelques rèlemens relatifs
au commerce du charbon , & qui lui font
trè-néeffaires.
FRANCE. "
De VERSAILLES , le 11 Mars.
Le Roi a nomniéàl'Abbaye réulièe de
Clairmarais , Ordre de Cîeaux , Diocèe de
St-Omer , Dom Martin Bernard , Religieux
Profè de cette Abbaye ; àl'Abbaye de
Licques , Ordre de St-Benoî , Diocèe de
Boulogne , l'Abbéde la Fare , Vicaire- Gééal
de Dijon , & Doyen de la Sainte
Chapelle de la mêe ville ; àl'Abbaye de
Notre- Dame de Gundon , Ordre de Cîeaux
, Diocèe de Cahors , l'AbbéColas ,
Vicaire Gééal & Archidiacre d'Auch.
S. M. a éevéau grade de Lieutenant-
Gééal de fes Armés navales , le Chevalier
de Monteil & le Bailli de Suffren - St-
Tropez , Chef- d'Efcadre..
M. Guerrier de Bezance , ancien Maîre
( 120 )
des Requêes , nommépar le Roi àla place
de premier Préident de la Cour des Aides
de Clermont Ferrand , a eu l'honneur de
faire fes remerciemens àS. M. àlaquelle
il a éépréentépar M. le Garde des
Sceaux.
De PARIS , le 11 Mars.
Nos dernièes nouvelles de Cadix font
du 15 du mois dernier , àcette éoque on
n'attendoit plus que l'efcadréde la Cour
pour embarquer les troupes Françiſs , &
les ramener en France avec la Hotte. M.
le Comte d'Estaing ne devoit partir que
lorfque les vaiffeaux feroient prês àappareiller,
M. le Marquis de la Fayette & M. la
Prince de Naffau éoient revenus àCadix
avec la douleur de n'avoir pu voir Gibraltar.
Le Gééal Elliot s'éoit excuféde les
recevoir , parce qu'il n'avoit pas encore
ééinftruit par la Cour de la fignature des
préiminaires de la paix , & que les hoftilité
devoient, ceffer ; la certitude qu'il en
avoit par l'Espagne , n'éant pas feffifante
pour lui permette l'admettre des érangers
dans fa place malgréle defir qu'il avoit de
recevoir des Offi iers auffi diftingué que
M. de Naffau & M. de la Fayette .
Si jamais un éèement a méitéd'êre
retracéfur un monument durable , c'eſ
fans doure la guerre d'Améique , & la
reconnoiffance de fon indéendance qui en
3
( 121 )
a ééla fuite. M. Franklin fait frapper ici
une méaille relative àces grands éèemens
. Elle repréente Hercule au berceau
éouffant deux ferpens ; un lépard furpris
de fa force veut fe jetter fur lui , il en
eft repouffépar la France qui , fous la figure
de Minerve , lui oppofe fon éide , oùfont
trois fleurs de lys. Au bas font les annés
1777 , 1781 , éoques des capitulations des
Gééaux Burgoyne & Cornwallis.
L'emprunt de 3 millions que M. Grandclos
- Mééa ééautoriféde faire pour le
commerce de la Chine eft déa rempli ; &
les cinq bâimens qui doivent êre envoyé
fur les côes de ce vafte Empire , font déa
chargé de toutes les efpèes de marchandifes
dont le déit eft fü aux Indes , où ils prendront partie de celles qui font néeffaires
pour la Chine .
Une lettre de Rome contient les déails
fuivans fur le déa ftre arrivéàMeffine.
Le Courier fe fait attendre depuis deux jours.
L'Italie feptentrionale eft en partie inondé ; mais
c'est bien autre chofe dans la méidionale ; on peut
dire que toute la Calabre n'eft plus qu'un vafte defert.
De 365 Villes, Bourgs ou Villages qu'on y comptoit ,
àpeine en refte - t-il 25 : tout a ééenglouti par la
terre , horriblement & alternativement ouverte du .
rant plus de trois jours , & refermé par les plus
violentes fecouffes , ou brûé par le feu du ciel ou
les feux fouterrains qui éhappoient continuellement
par les ouvertures . Les élairs , le tonnerre ,
la pluie , la grêe, les vents , la mer foulevé , tout
Is Mars 1783.
f
( 122 )
toire fait mention.
--
a concouru àrendre cet éèement le plus éouvantable
& le plus funefte de tous ceux dont l'Hi
Ce pays
fi beau , fi produifant
, oùla plus grande partie des premièes maifons
du Royaume de Naples avoient leurs fiefs , n'eft
plus qu'une éendue immenfe de terres bouleversés ,
de laquelle les chemins mêes & les rivièes ont
difparu. Un Courier de la Cour de Naples ,
déêhédans cette Province àla premièe nouvelle
du déaftre , a fait trois lieues fans rencontrer une
ame. Cette horrible folitude nous préare des déails
dont l'idé ſule de la poffibilitéfait fréir :
car je ne vous éris que d'aprè ce qu'on a pu bols
mander dans les premiers momens de furprife &
de déolation. Le fort de la Sicile ne pourra
qu'ajouter , s'il eft poffible , àla confternation. On
fait déa qu'il ne refte de Meffine que deux Eglifes
de Religieux tout a ééabymé, Palais , mailons ,
magafins , habitans , & c. Les ifles de Lipari n'exiftent
peut-êre plus des Lipariens éhappé dans
des bateaux aux premièes fecouffes de tremblement,
on ignoreau moment que le fléu les a atteints,
s'il ne les a pas entièement déruites ou englouties
de
Le Roi de Naples a envoyédes troupes ,
l'argent , des vivres , des habits , & tous les fecours
dont on a pu s'aviler , aux reftes infortuné & trop
peu nombreux éhappé aux gouffres & aux flammes.
Vous croyez bien qu'il ne fe parle pas de thé âtre
ni de carnaval àNaples : on court en foule aux
Eglifes , criant miféicorde. Que de grands Seigneurs
dont tous les biens éoient en Calabre , nont plus
rien au monde. Il n'eft plus queftion de ceux qui
habitoient leurs Châeaux. Mais on n'a encore nommé que la Princefle de Gerafy , que nous avons vII
plufieurs fois àRome ; elle s'éoit retiré depuis
quelque tems dans une Ville qui lui apparteroit ,
& qui a difparu avec elle.
( 123 )
>
"
»Le 9 Férier , le tonnerre eft tombépendant
la Meffe , fur l'Eglife de la paroiffe de Lande , déendante
de l'Election de Verneuil , fitué quatre
lieues de Verneuil & àcinq de Mortagne. L'Eglife
fut auffi-tô remplie d'une fumé trè - éaiffe & d'une
odeur fulphureufe. L'effet de la foudre fut fi violent
que tous les affiftants , foit debout , foit affis
furent renversé fans qu'on fe foit apperç qu'aucun
d'eux eû ééparticuliéement frappédu tonnerre.
Le Curéauroit éééalement renversé, s'il
ne fe fû foutenu en s'attachant àl'Autel. La fumé
s'éant diffipé & les affiftans éant revenus de
leur effroi , plufieurs d'entr'eux s'apperçrent qu'ils
s'éoient faits dans leur chûe des contufions , dont
heureufement aucune n'éoit dangereufe. Cet éèement
fi rare dans cette faifon , n'avoit ééfunefta
qu'àun feul homme qui éoit reftémort fur laplace.
Comme on n'a trouvéſr ſn cadavre aucune impreffion
de la foudre , on a jugéqu'il avoit ééfuffoqué par la vapeur qui s'éoit réandue dans l'Eglife.
Cet orage qui n'a eu que ce feul accident , s'eft
fait fentir àAlençn , où, la nuit du 8 au 9 ,
entendu plufieurs coups de tonnerre .
on a
On lit dans une lettre de Rouen l'anecdote
fuivante qui méite d'êre rapporté.
En Janvier dernier , les Juges de la Chambre
du Commerce éant aſ .emblé pour affaires extraordinaires
, on vint les avertir que l'on venoit àl'inſant
traduire en haro àleur audience un pauvre
Menuisier de la Ville arrêépour dettes . Les Jeges
le firent auffitô comparoîre , & lui demandèent
fes moyens de déenſ ; je n'en ai point réonditil
: mais ma femme infirme eſ au lit depuis longtems
, je fuis chargéde quatre enfans , & la dé .olation
de ma maiſn m'a arrachépour ainfi dire les
bras du corps. On le fait retirer un inftant , &
f 2
( 124 )
ces Meffieurs s'éant tous cotifé & ayant fourni
la fomme due au Créncier, on le fit rentrer pour
lui dire que fa dette éoit payé. Le malheureux
pééréde reconnoiffance fe profterna àleurs pieds ,
les remercia de leurs bienfaits , d'une manièe qui
leur arracha àtous des larmes d'attendriffement ;
leur gééaliténe fe borna pas là: le Propriéaire
de la maifon du pauvre Menuifier avoit fait avili
des diligences. Il lui éoit dûune anné de loyer.
Nos Mellieurs firent une nouvelle quêe entre eux
payèent le Propriéaire , & il fe trouva fur le produit
de la quêe an excéent d'un louis ou de deux ,
que le Greffier de la Jurifdiction fut chargéde
porter àla maison du malheureux , oùil ramena
en mêe-tems la joie & l'attendriffement. Nous
nous ferons un plaifir de joindre àce fait les noms
de ces Juges bienfaifants , ce font MM. PRÉEL
l'aîé, TAILLET , GORLIER , BOURNISIEN «.
› M. de Fer , de l'Acadéie de Dijon , ancien
Capitaine d'Artillerie au fervice des
Colonies , nous a fait paffer la lettre fuivante
, comme pouvant fervir àfixer l'opinion
fur un Méoire qu'il a lu àl'Acadéie
Royale des Sciences & qui a fait
beaucoup de bruit .
د »M. J'ai lu un Méoire àl'Acadéie des Sciences
le 26 du mois dernier , fur le danger d'éablir les
pouffés horisontales dans les Menumens publics.
Pour éayer mon opinion , j'ai citéplufieurs Ponts
éroulé conftruits d'aprè ce fyftêe . J'ai fait
obferver qu'on pouvoit remarquer dans un Pont
prè de la Capitale , des mouvemens qui méitoient
la plus féieufe attention . J'ai indiquédes moyens
pour arrêer ces mouvemens perdant qu'il éoit poffible
de le faire. J'ai enfin propoféde fubftituer aux
pouffés horisontales , les pouflés verticales. Mon
!
( 125 )
Méoire a fait une grande fenfation , & comme
j'avois effectivement annoncédans un Méoire
imprimé, & diftribuédè les premiers jours de
Novembre , la chûe du Pont de la Mulatiere ( 1 )
arrivé le 15 Janvier , chûe occafionné par un
effet tout-à- fait contraire aux craintes qu'on avoit
cherchéàéever fur la conftruction de ce Pont ,
avant que la premièe afli e fû pofé ; quelques
perfonnes peu inftruites des faits contenus dans
mon Méoire , ont déigurémes idés , & combattent
mon opinion fans la connoîre . J'ai pensé devoir vous prier , M. , de faire inféer cette lettre
dans votre Journal , afin de fixer l'attention de
tous les Savans fur l'objet rél que j'ai traité l'objet de faire rejetrer , comme abfurde , le fyfi
têe des poutlés horifontales . -Je fuis déàconnu ,
M. , de l'Acadéie , par plufieurs Ouviages qui
ont méitéfon approbation. Je vous citerai entr'autre
, la Thérie Gééale des Canaux de Navigation
, Ouvrage qui contiendra trois volumes
in-4 °. Je fuis l'Auteur du projet de l'Yvette , c'està
dire , qu'en changeant la route indiqué par M.
de Parcieux , & les moyens de conduire les eaux
que ce Savant & M. Perronet aprè lui , avoient
propofé , j'ai pu déontrer la poffibilitéd'exéuter
ce projet àmoins d'un milion de déenſ , au liet
de huit millions que cette déenfe avoit ééefti
mé. Un grand Prince a agré é mon projet , & doir
faire exéuter àfes frais ce monument éernel
d'utilitépublique. J'ai trouvéles moyens de conduire
la Loire , & la rivièe d'Eure àVerfailles ,
& de fubftituer àla Seine un Canal de Naviga
,
(1 ) Le Pont de la Mutatiere eft fituéàLyon au confluent
du Rhôe & de la Saone . Ce Pont en pierres avoit cinq ar
ches. Il n'éoit pas entièement achevé.
f }
( 126 )
tion depuis Paris jufqu'àRouen , Canal qui pafferoit
par Verſilles , & feroit alimentépar les mêes
caux qui auroient déoréles jardins du Palais
& ceux de Trianon . Ce projet effrayant par fon
éendue , jugé en parcie phyfiquement impoffible
fous Colbert , fera prouvé poffible fans de grandes
déenfes. J'ai enfin réigéle projet de garantir des
inondations de la Saone , plus de cinq cents mille
arpens de prairies , dont les réoltes font toujours
incertaines , & fouvent emportés , en procurant
nénmoins àces prairies les avantages de les arrofer
àvolonté J'ai prouvéjufqu'àl'éidence que ce
projet procureroit au moins quinze millions , &
trè- probablement quarante-cinq millions de revenu
annuel avec une premièe déenfe de moins de fix
millions. Ce projet a fixél'attention du Gouvernement
, & la Breffe s'occupe des moyens de le
faire exéuter dans la partie qui la concerne. Je
dois vous ajouter , Meffieurs , que je n'ai jamais
propoféune idé au Gouvernement , fans l'avoir
foumife au jugement de l'Acadéie des Sciences ,
dans la perfuafion oùje fuis que cette Compagnie
pouvoit feule ia juger , & pour éiter des rélexions
déagrébles que la jaloufie , les petits intéês particuliers
, l'envie de nuire excitent journellement
dans le Public , en employant les armes du ridicule
, armes d'autant plus dangereufes , qu'ordinairement
la lenteur de l'Adminiftration fuite d'une
prudence réléhie , àadopter une idé utile , paroî
les acéer. J'ai l'honneur d'êre &c. Signé, DE FER,
de l'Acadéie de Dijon , ancien Capitaine d'Artillerie
au Service des Colonies , &c . &c . « Le public defiroit depuis long-tems la
collection des OEuvres du céère M. Pouteau
, dont il ne connoiffoit la doctrine &
l'heureuſ pratique , que par des Méoires
éars ou des Recueils incomplets. En raffen(
127 )
blant les obfervations nombreuſs & les préeptes
lumineux de ce Praticien habile , on
a fait un préent éalement utile àl'humanité & aux Gens de l'Art. La thérie de
M. Pouteau est toujours prééé du flambeau
de l'expéience ; la préifion & la
dextéitéde fes traitemens lui ont méitéles
plus brillans fuccè dans les maladies les plus
rebelles , & les méhodes hardies , mais
toujours heureufes , dont il eft créteur
expofés avec autant d'ordre que de netteté dans le Recueil qu'on vient de publier
, font auffi propres àcaliner les malades
, qu'àdiriger la main qui vient àleur
Lecours (1).
>
M. Bernard , Orfére Méhanicien , rue des
Noyers , la feconde porte cochèe aprè St- Yves ,
Nº. 34 , a inventéde nouvelles fondes & bougies de
gomme éaftique , qui ont la propriééde pouvoir
refter àdemeure dans la veffie pendant un mois , &
avec lesquelles les malades peuvent s'affeoir , marcher
, vaquer àleurs affaires & aller en voiture fans
la moindre incommodité. Ces fondes ont ééapprouvés
par difféens Corps de Méecine & de Chirurgie.
Le prix de chaque fonde de gomme éaftique
eft de 6 liv. ; de chaque bougie 4 liv. 10 fols ,
des bougies de boyaux ro fols , des ftilets de baleine
10 fols , & le prix eft le mêe pour la boîe qui les
contient . En lui érivant il faut affranchir les lettres.
Les divertiffemens du carnaval ont éé (1 ) Cette Collection , fous le titre d'Euvres pofthumes de
M. Pouteau , 3 vol . in-8°.; prix 18 liv. relié, le trouve à Paris chez Méuignon l'aîé, Libraire , rue des Cordeliers ,
chez qui l'on foufcrit pour les Manoeuvres Militaires de
Potfdam.
£4
( 2281
plus vifs & plus bruyants cette anné que
les prééentes ; depuis long- tems on n'avoit
vu dans les rues de Paris une auff
grande quantitéde mafques . On ne dit
point que la licence ordinaire dans les jours
gras ait produit d'autre malheur que la
mort d'un mafque , qui ayant jettéune
fouris dans le fein d'une dame enceinte , a
reç un coup d'éé du cavalier qui donnoit
le bras àcette dame.
On érit de Marfeille qu'il s'y eſ paſ .é dans ces tems un éèement plus malheureux
encore , & fur-tout plus atroce .
»Ces jours derniers il y avoit un bal dans une
guinguette hors la ville ; c'éoit une fociééde jeu
nes gens qui avoient invitéplufieurs Dames àdanfer.
L'une d'elles , aimable & jeune , fe retiroit
affez avant dans la nuit en chaife àporteurs . A
mi-chemin de la ville , un mafque s'approcha de
Ia chaife , & s'informa d'un porteur du nom de la
Dame qui éoit de dans ; mais le porteur n'ayant
pas réondu , le mafque s'éoigna. En arrivant à la porte de la maifon de la Dame , un malque
s'approcha encore de la chaife que les porteurs
venoient de mettre àterre , & au mêe inſant
il partit un coup ddee ppiiffttoolleett , dont le bruit
effraya affez les porteurs pour les renverfer ; en
fe relevant , ils virent s'éoigner l'affaffin , & l'un
d'eux ayant ouvert la portièe , trouva la Dame
noyé dans fon fang , & morte du coup qui lui
avoit ééportédans la nuque du cou . On cria
tout de fuire au fecours , & on remarqua que cinq
balles s'éoient attachés àla porte de la maifon
de la Dame affaffiné. On fait actuellement des
recherches fur cet éèement exérable , & qui
femble avoir ééprééité«
( 129 )
J. de Brancas , Marquis d'Oyle , Doyen
des Maréhaux de Camp , & des Chevaliers
de l'Ordre de St- Louis , eft mort au Palais du
Luxembourg , dans fa 96e. anné.
Jean- Jofeph de Sahuguet d'Amarzit , Baron
d'Espagnac & de Cazillac , Lieutenant-
Gééal des Armés du Roi , Grand'Croix
de l'Ordre Royal & Militaire de St - Louis ,
Lieutenant pour Sa Majeftédes ville & châeau
d'Iffoudun , Gouverneur de l'Hôel
royal des Invalides , Infpecteur Gééal
des Compagnies déachés dudit Hôel ,
mort le 2 de ce mois .
eft
Marie de Sales de Gudanes , éoufe de
Philippe Matthieu , Comte de Lons , Bri
gadier des Armés du Roi , Meftre-decamp
commandant du Réiment Royal- la-
Marine , eft morte àTouloufe le 6 du mois
dernier , dans la 49e. anné de fon âe.
Marie-Charlotte- Nicole de St - Maurice ,
veuve de Claude Louis , Comte de Scey
de Montbelliard , eft morte àBesançn le s
Déembre dernier âé de 84 ans . L'Epitaphe
fuivante dicté par le fentiment &
la véité, rappelle fes vertus & méite d'êre
tranfcrite .
― ¯
Dilectis manibus Maria- Carola- Nicolas de St-
Maurice- Montbarrey , Comiteffa de Scey-Montbelliard.
Hic jacet quam Plebs , quam magnates
collacrymant , cujus & tumulo , Oribus compreffis
pauper infelix affident : Obiit die Decembris anno
M. DCC. LXXXII. fed in fequanorum pectore
vivit.
( 130 )
ARRÊ du Confeil d'Éat du Roi , &c . du
23 Férier : Le Roi voulant prendre des mefures
certaines pour le paiement des dettes de la Marine ,
occafionnés par la guerre , il lui a éérepré .enté que l'heureux éèement de la paix , en réabliſ .ant
la libertédes mers , donneroit néeffairement lieu à une frcharge plus confidéable dans des éoques
trè -prochaines pour l'acquittement des Lettres de ,
change de l'Inde & de l'Améique , qu'elle n'auroit
éépendant le cours mêe de la guerre : qu'indéendamment
de cette premiere confidéation , on ne
pourroit fe difpenfer de pourvoir extraordinairement
aux frais de déarmement des Efcadres àmefure
de leur arrivé dans les ports de France
au licenciement des Matelots , ainfi qu'au paiement.
des lettres de change provenantes de l'Inde & des
Colonies , ci -devant enregistrés , & àune infinité d'autres déenses & engagemens concernant le mêe
fervice de la Marine , qu'il faudroit acquitter avant
la fin de la préente anné. Que dans cette difpofition,
il éoit indifpenfable de prendre àl'éard de
celles qui font enregistrés , & de celles qui feront
encore tirés de fdits pays , pour raifon du ſrvice
des annés de la guerre, des arrangemens qui , en
affurant le fort de ceux qui en font propriéaires ou
porteurs , puiffent mettie àporté de maintenir
pendant la paix , l'acquittement des autres déenfes
de l'Etat déàconftatés , avec la mêe exactitude
qui a ééobfervé pendant toute la guerre. 1°
Toutes les lettres de change de l'Inde & de l'Améique
, concernant le fervice de la Marine & des Colonies
, non déàenregistrés , ou celles qui pourront
êre encore tirés defdits pays pour l'acquit
tement des déenfes de la guerre , tant celles qui feront
fur le Tréoriergééal que fur le Munitionnaire
des vivres de la Marine, feront repré .entés au Tréo
rier gééal pour êre par lui enregistrés payables à une anné d'éhénce de plus que celle indiqué par
( 131 )
Jefdites lettres , & ce àcompter du jour de la préentation.
2° L'intention de S. M. n'éant pas que cette
anné de retard puiffe préudicier aux propriéaires
ou porteurs desdites lettres de change , i fera tenu
compte d'une anné d'intéê , fur le pied de cinq
pour cent ; & àcet effet , le Tréorier gééal en
fera mention dans l'enregistrement qui aura déerminé l'éoque fixe du paiement du capital . 4 °. Le Tréorier
gééal remettra le dernier jour de la femaine
au Miniftre des Finances , l'éat déaillé, & de lui
certifié, des lettres de change qui lui auront éépréentés
.
و Ï
Rèlement pour l'adminiftration des Finances
, fait par S. M. àVerfailles , le 26 Férier.
Le Roi voulant faire goûer àfes peuples les
avantages de la Paix , S. M. a confidééqu'elle
ne pourroit leur procurer des foulagement réls
& durables , que lorfqu'elle connoîroit le montant
des déenfes dont la duré de la guerre a
retardéle payement , & qu'elle auroit fixéinvariablement
, avec l'efprit d'éonomie qui l'anime ,'
l'éat des dééfes de tous les déartemens & de
tous les Ordonnateurs en tems de paix. S. M. a
pareillement confidééqu'il n'éoit pas moins intéeflant
de s'occuper des moyens de fupprimer
les impofitions qui font les plus àcharge , de
changer la nature & la forme de quelque- unes ,
de diminuer & fimplifier les frais de perception .
Et comme S. M. ne peut donner àfes peuples une
plus grande marque de fon amour , qu'en s'occupant
par elle-mêe de foins auffi importants ,
elle a
réolu , conforméent àl'exemple de Louis XV ,
d'appeler auprè d'elle , pendant le tems qui paroîra
convenable , un Comitécompofédu Chancelier
ou Garde des Sceaux de France , du Chef
du Confeil royal des Finances & du Miniftre
des Finances qui fera le rapport des affaires , &
réigera les réolutions de S. M. , dont il tiendra
>
£6
( 132 )
"
regiftre. S. M. fe propofe de tenir ce Comitéune
fois par femaine ou plus fouvent, s'il eft befoin ;
n'entendant , au furplus , sien changer àl'éabli
fement de fon Confeil royal des finances , qu'elle
fe réerve d'affembler , comme par le pallé. Les
affaires contentieufes continueront d'êre portés
au Comitécontentieux dont S. M. a confirmé l'éabliffement. Tous les Ordonnateurs , fans au
cune exception , remettront inceffamment àS. M.
l'éat des dettes arriéés de leur déartement ref
peéif, au Ler. Janvier dernier. Ils remettront pareillement
l'éat des déenfes ordinaires & extraoïinaires
qu'ils eftimeront indifpenfables en tems
de paix. Tous ces éats feront revus , véifié &
difcuté par le Ministre des finances & l'Ordonnateur
ou ceux qu'ils jugeront àpropos d'en
charger ; & ils feront arrêé au Comitédes Finances
en préence de l'Ordonnateur du déarte
ment dont il fera queftion de réler les déenfes ,
lequel y fera appelléchaque fois qu'il fera queftion:
d'objets relatifs àfon déartement . Délare , S..
M. , que fon intention eft que toutes les demandes
tendantes àobtenir les dons extraordinaires
ou le payement d'anciennes crénces , & gééale
ment toutes les demandes àfin d'emploi de nouvel'es
charges dans les éats , foient portés au
Comité, & difcutés en préence de S. M. , qui:
fe propofe d'y appeller le Sr. Moreau de Beau-
Confeiller d'Etat ordinaire & au Confeill
royal , quand il fera queftion de conceffions de
Bois ou Domaines . L'adjudication ou déivrance
des revenus du Roi , en Ferme ou en Réie , fera
faite au Comité Les Fermiers , Réiffeurs & Rece
veurs des deniers Royaux , remettront inceflam · ment au Miniftre des Finances l'éat de leurs recet
tes , Fermes ou Réies , & des frais de perception ,
avec leurs obfervations fur les moyens de dimimuer
lefdits frais & de fimplifier les impofitions.
mont ,
( i33 )
Le Miniftre des Finances en rendra compte at
Comité, & il propofera ce qui lui paroîra le plus
capable de parvenir àla libéation des dettes exi
gibles , au foulagement des Contribuables , & aux
changemens qui pourroient êre néeffaires dans
la nature & la forme actuelle des impofitions. S.
M. autorife le Miniftre de fes Finances àfe faire
aider dans fon travail , par des Membres de fon
Confeil , en les chargeant de difféentes affaires
dent le rapport fe fera au Comité S. M. l'autorife
parcillement àemployer deux Officiers de fa Chambre
des Comptes , pour les objets de comptabilité ; & deux de fa Cour des Aides , pour la
partie des impofitions. Et feront au furplus exéutés
toutes les difpofitions du Rèlement du 15 Sep
tembre 1661 , en ce qui n'y eft pas déogépar le
préent a
De BRUXELLES le 11 Mars.
>
ON lit dans des lettres de Portugal , qu'il
s'eft éevéun procè trè fingulier entre les
Capucins & le Curéde Ponbal , relativement
aux cendres de cet Ex- Miniftre céère
pourſivi jufques dans le tombeau . Les
Capucins , dans l'Eglife defquels elles font
déosés , refuſnt de les garder , & le Curé de leur accorder la féulture dans la fienne .
Ce procè , ajoute-t- on , fait beaucoup de
bruit , & on en attend la déifion avec impa
tience.
Ce n'eft pas fur le Baron de Deden , Seigneur
de Peckendam , ni fur fon coufin
le Baron de Deden , Seigneur de Gelder
& de Hartsmenben , que s'eft arrêéle
choix des Etats de Hollande pour l'envoi
( 134 )
d'un Miniftre en Améique ; on dit
fur M. Pierre Jean Van- Berkel .
que c'eft
»Les déibéations fur les néociations de paix ,
& en particulier fur la ceffion de Negapatnam & la
libertéde la navigation dans l'Inde , demandé par
les Anglois , occupent toujours les Etats de Hollande
. Les villes de Dort , Harlem , Leyde , Gouda ,
Amfterdam , Alkmaan & Ham, fe font expliqués
de la manièe la plus vive & la plus ferme , fur l'impoffibilité d'admettre ces propofitions ; le Corps
éueftre , Delft & Enckhuysen n'ont pas encore
jugéàpropos de s'expliquer. Ce qui fembleroit
fufpendre les déifions des Etats fur l'article de
Néapatnam , eft la nouvelle que cet éabliſ .ement
eft tombéau pouvoir d'Hyder- Aly , au milieu du
mois de Juin dernier. Si ce fait eft certain , on pourroit
ftipuler avec l'Angleterre , que dans ce cas , elle
renonceroit àfes préentions , afin que foit par le
créit de nos allié , foit par d'autres
puffions en recouvrer la poffeffion «,
moyens , nous
Les difféends au fujet de la Jurifdiction
Militaire fubfiftent toujours en Hollande ; il
paroî qu'ils ne font pas prè d'êre terminé.
»Les Bourgeois de cette ville , érit- on d'Utrecht ,
ont préentédernièement une requêe pour réablic
la Milice bourgeoife fur les principes des anciens
rèlemens , & lui rendre fon premier élat pour le
maintien de la libertécivile , qui n'eft jamais mieux
affuré que lorfque les Citoyens fe déendent euxmêes.
Cette requêe fut adopté avec tant d'ardeur
& de fuccè , que plus de 650 bourgeois l'ont figné .
Mais lorsque le Séat alloit s'occuper de cet objet ,
il parut une requêe contraire , qui taxa la premièe
de tééaire , fous préexte qu'elle tendroit à preferire àla Réence des plans nouveaux , & àempiéer
en conféuence far fes droits , Mais cette
1
( 135 )
dernièe requêe , oùles principes du Gouvernement
populaire font auffi altéé , ne paroî avoir
eu ni la fanction des bourgeois , puifqu'on n'y
trouve que 34 fignatures , ni mêe celle des Magiftrats
repréentans de la bourgeoifie . Ces derniers
ayant oui le rapport des Colonels & autres Chefs de
la Milice bourgeoife , ont approuvéla premièe
adreffe au point d'autorifer ces Chefs àpréarer
un rèlement de redreffement pour fervir de modèe
au plan propofé Ils ont en mêe -tems pris en confidéation
le rapport fait relativement aux déordres
qui s'éoient gliffé dans la collation des emplois
appartenans primitivement aux bourgeois «.
PRÉIS DES GAZETTES ANGL. du Mars.
Suivant les lettres de la Jamaïue , venue fur la
fréate l'Hydre , l'Amiral Hood éoit arrivéd'Améique
aux Ifles du Vent avec 13 vaiffeaux de
ligne , 2 de so canons , 9 fréates , &c. ; & il avoit
informél'Amiral Rowley du lieu oùil avoit éabli
fa croifièe , en cas qu'on eû befoin de fon fecours.
Le Gouvernement a donnéordre de licencier la
milice d'Effex ; elle le fera le 24 Mars. On compte
que les autres corps de milice le feront vers le mêe
tems .
On érit de Corke que la flotte pour les ifles de
l'Améique a mis àla voile de ce Port , fous le con
voi des fréates le Boreas & la Ramillies.
Les Matelots des vaiffeaux de guerre deftiné
pour les Illes de l'Améique refufent de s'embarquer
, fans donner d'autres raifons de leur déobéffance
que leur réugnance àquitter l'Angleterre .
Si l'on et dans la néeffitéd'employer la force
en cette occafion , il eft àcraindre qu'il n'en ré .ulte
des fuites fâheufes .
Les fouds , pendant l'adminiftrarion du Lord
North , ont bailléde 39 pour 100 , c'eſ-àdire de
93 à54. Pendant celle du Lord Shelburne , ils ont
( 136 )
haufféde 19 , c'eft-à dire de 54 à73. C'eft l'effet de
la guerre fous l'une de ces adminiſrations & de la
paix fous l'autre.
Le Difcours que le Lord Shelburne a prononcéen
donnant la déiflion , contient une réonſ àtout
ce qu'on lui a reprochéfur la paix qu'il vient de
faire . On ne doute pas qu'il ne foit bientô inféé dans nos papiers ; en attendant , voici l'idé qu'on en
donne. Ce Miniftre réond d'abord àtoutes les
objections qu'on lui a faites fur les conceffions qu'il
a accordés. Il s'efforce de déontrer que Tabago
eft une Ile de peu de conféuence ; la partie de
Terre Neuve céé , mauvaife pour la pêhe , & c. IL
expofe enfuite les motifs qui l'ont déerminéàfaire
la paix , outre ceux qui font connus & dont fes
adverfaires conviennent , tels que le prochain déart
du grand armement de Cadix , la difficultéde
faire de nouveaux emprunts par l'impoffibilité d'affeoir l'impô fur un objet quelconque , ( & il
y avoit un impô principal qui n'éoit fu que du Roi
& de fes Miniftres , & qui éoit véitablement lo
fecret de l'Etat ) ; il ajoute que les troupes de l'Inde
n'éoient point parés depuis 4 mois , qu'elles éoient
prêes àfe foulever & àpaffer du côédu premier
Nabab qui voudroit les foudoyer ; que les Agens du
Gouvernement & de la Compagnie dans l'Inde ,
avoient uféleurs dernièes refources , qu'ils n'avoient
plus de gages àoffrir aux Princes & auxriches
Néocians du pays qui leur avoient fourni
de l'argent , au point que ceux-ci envoient àLondres
2 Déuté avec 2000 liv. fterl. de traitement aux
frais de la Compagnie , pour que leur crénce foit
reconnue par les Directeurs ; que la flotte eft dans
Féat le plus délorable , & que le moindre éhec
pourroit êre fatal à1 Angleterre , au point de lui
faire perdre l'ude pour toujours . Je jure fur
mon honneur , s'eft érit alors le Miniftre , qu'àla
vue de toutes ces confidéations j'ai ééplus de
-
( 137 )
8 jours fans dormir , & je pourrois dire , fans prefque
pren ire aucune nourriture , tant j'attendois avec
impatience l'ultimatum que j'avois envoyéen Fran
ce, tant je craignois qu'il ne fut pas adopté, & que · le Confeil de Verſilles , inftruit comme nous , par
un Exprè , de notre fituation critique dans l'In le , ne
rompit toute néociation , ou du moins n'éablî
des préentions exorbitantes . Qui me reprochera
donc , àpréent que le fecret de l'Etat cft divulgué,
de m'êre trop prefféde faire la paix « ?
La nouvelle Adminiſration n'eft point encore
formé. Le Lord North a es dernièement un entretien
avec S. M. , qui l'engagea , dit- on , àne plus
faire caufe commane avec M. Fox ; le Lord délara
que dans l'éat actuel des chofes , aucun fyftêe
d'adminiſration ne pourroit fubfifter , fans l'appui
du parti de Rockingham.
Le Lord Chan.elier fe rendit hier àSt-James &
eut un entretien avec S. M. Il lui repré .enta que
comme il éoit abfolument impoffible en ce moment
de former une adminiſration àlaquelle il pû prendre
part , il la prioit de lui permettre de réigner les
Sceaux. S. M. accepta fa déiffion . Le Chancelier
gardera les fceaux jufqu'àce qu'on lui ait nomméun
fucceffeur.
Dans la fénce de la Chambre des Communes
du 28 Férier , le Chancelier de l'Echiquier M. Pitt ,
a informéla Chambre d'un fait trè- fingulier &
trè-intéeffant ; felon le Miniftre , pendant la guerre
dernièe , & ce qui eft encore plus érange , pendant
l'avant - dernièe , les difféentes fommes d'argent
donnés par la Nation , fans qu'il ait éérendu aucun
compte de leur emploi , ne montent pas àmoins
de so millions fterling ; en conféuence M. Pirt a
délaréqu'il fe propofoit de demander qu'il fû paffé un bill, pour obliger les perfonnes entre les mains
defquelles lefdites (ommes avoient ééremiſs , pour
êre appliqués au fervice du Gouvernement , a pro
duire les preuves de leur emploi.
( 138 )
L'Europa , de so canons , fur le chantier.de Woolwich
, eft i avancéqu'on penfe qu'il fera lancéle
mois prochain. L'Irréiftible , de 74 , a ééretiré de commiffion àChatam .
-
On demande dans toutes nos Feuilles pourquoi
le Secréaire des affaires érangèes exige de nos
Néocians 28 liv. 6 den. fterl. pour les 3 paffeports
dont ont befoin ces navires , avant le terme fixé pour la ceffation des hoftilité fur mer ; les Françis
, les Efpagnols & les Agens Améicains , donnent
ces paffe-ports gratis ; mais ici pour la fignature
de chacun d'eux , les Commis exigent l'éorme
fomme dont on vient de parler.
Les éigrations , dost ce pays eft menacé,
commencent déa leurs déaftations dans difféens
endroits de l'Irlande .
PRISES FAITES SUR LES ANGLOIS . Par les
Françis. Le Stag , de Briftol , pour Antigues ,"
envoyéàl'Orient ; le Betfy , de Charles- Town ;
pour Londres , envoyéàSt-Malo ; le Ward , envoyé àDunkerque ; les Trois- Soeurs , envoyéàla
Martinique ; le Lark , d'Oporto , pour l'Irlande ,
envoyéen France ; le New-Yorck , envoyéàDunkerque
; le Betfey , de Falmouth , pour la Barbade ,
envoyéàla Martinique. Par les Espagnols. -
Trois bâimens envoyé àVigo ; un venant des
Echelles da Levant , pour Londres , envoyéàAlgéiras.
Par les Hollandois. L'Athol , envoyé àFleffingue. Par les Améicains. - La Provi
dence , de Briftol , pour Waterford , cavoyéà Salem; le Kitty, de Lisbonne , envoyéen Áéique.
GUE
- -
S
PRISES FAITES PAR LES ANGLOIS. Sur les
Françis. Quatre bâimens de Breft , pour l'Orient
, envoyé àJerfey ; le Curieux , de St-Domingue
, pour Marſille , envoyéidem. Un bâiment
de la Martinique , pour la France , envoyéàTatola.
Sur les Espagnols. Un bâiment de Cadir ,
pour la Havane , envoyéàla Barbade.
( 139 )
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉÉ .
PARLEMENT DE PARIS . Chambre des Vacations.
Caufe entre la Demoiselle A ... éouse du
fieur G... & le fieur M .... Ne fera reç aucune
preuve par téoins contre & outre le contenu
aux actes. Art . 2 , tit . 20 , Ordon . de 1667.
L'amour eft inconfidéé& prodigue . Dans les tranf
ports de la paffion , & au milieu de cette illufion
pafsagèe dans laquelle elle nous plonge , on fonfcrit
quelquefois en faveur de l'objet aimédes obligations
que la rélexion condamne. Mais l'article
de l'Ordonnance qui déend de recevoir la preuve
par téoins contre & outre le contenu aux actes ,
eft une barrièe infurmontable , & le Juge fe trouve
fouvent obligéd'ordonner l'exéution d'actes , dont ,
comme homme , il fufpecte la fincéité; tel eft le
fonds de la Canfe. Entrons dans le déail des faits .
Par acte paffédevant Notaires , le 22 Octobre
1781 , le fieur M ... a conftitué, au profit de la
Demoiſlle A ... 600 l . de rentes viagèes , pour la
fomme de 6000 1. qu'il a reconnu avoir reç d'elle
le mêe jour , & dont il lui a donnéquittance par
le contrat. On pourra foupçnner aiséent en quelle
valeur le principal a ééfourni , lorfque l'on faura
que le fieur M ... eft un homme dans la force de
l'âe , aifédans la fortune ; que la Demoiſlle A ...
eft mineure , aus autre avantage que fa jeuneffe &
fes agréens. Le fieur M ... réléhiffant un peu
tard fur le contrat par lui fourni , voulut du moins
fe mettre en garde contre les dangers de l'inconf.
& il obtint de la Demoiselle A ... uun érit
par lequel elle s'obligeoit àne plus recevoir la
rente de 600 liv. du jour qu'elle ne voudroit plus
vivre avec lui. La Demoiselle A ... inftruite par
celui qui la recherchoit en mariage & qu'elle a depuis
éoulé, de l'inconféuence qu'elle avoit faite
en foufcrivant un billet qui jettoit du doute fur la
tance ,
( 140 )
valeur fournie du principal de la rente , & faifoit
déendre la duré de cette rente , de l'engagement
de demeurer toujours avec un homme marié, fir
tous les efforts pour retirer fon billet des mains du
feur M... Quel empire n'a pas une femine aimable
fur un homme qu'elle tient enchaîé! La Demoiſlle
A... ne fut pas long- tems àobtenir ce qu'elle déiroit
, ou du moins un autre érit conç en ces
termes , & qui eft l'éuivalent du premier.
Je fouffignéM ... promets & m'engage ne faire
»aucun ufage qui puiffe préudicier àDemoiſlle
»A... d'un érit fous feing privéqu'elle ma remis
»dans le courant d'Octobre dernier , par lequel elle
»confent de ne point exiger la rente viagèe de
600 liv. que je me fuis obligéde lui faire , par
»contrat paffédevant Notaires , le 22 Octobre dernier,
au principal de 6000 liv . , dans le cas on
elle cefferoit de vivre avec moi , ou me refuferoit
"
»fa porte ; reconnoiſ .ant que ladite A ... ne m'a
»fait ledit érit que par pure complaifance , & »qu'elle m'a réllement comptéladite fomme de
6000 liv. , capital du contrat , que j'approuve &
ratifie de nouveau en tant que de befoins pro-
»mettant au furplus lui remettre ledit érit qui fe
trouve maintenant éaré, auffi-tô que je pourrai
»le retrouver ; en foi de quoi je lui ai confenti le
préent acte pour la déivier de toute inquiéude , relativement àladite rente de 600 l. , dont je pro-
»mets lui payer le premier terme àfon éhénce «
La Demoiselle A... n'a pas eu plutô ce billet
qui affuroic fes droits , qu'elle a quittéle fieur M ...
pour le marier avec le fieur G... Le premier ne
voulut plus acquitter la rente ; mais le fieur G ...
àl'éhénce du premier terme , lui fit faire commandement
de payer , obrint Sentence , & fit faifir &
exéuter les meubles du fieur M ... Appel de la
faifie : Arrê proviloire qui ordonne la continuation
des pourfuites. La voie civile ne paroiffoit pas fayo(
141 )
rable au fieur M... il efpéa plus de fuccè de la
voie extraordinaire. En conféuence il rendit plainte
contre la Demoiselle A... en efcroquerie de la
rente viagèe , en fouftraction de la préendue contre
lettre qui annulloit le contrat , & en vol d'une montre
d'or ; demanda permiffion d'informer deſits faits ,
& de prouver qu'il n'avoit confenti la rente , dont il
n'avoir reç aucune valeur en capital , que fous la
condition que la Demoiſlle A ... demeureroit chez
lui en qualitéde gouvernante de fes enfans . La permiffion
d'informer fut accordé , & l'information
faite , elle fut fuivie d'un déret d'ajournement per.
fonnel qui , faute de comparution , fut converri en
déret de prife-de - corps , en vertu duquel ia Demoifelle
A ... fut conftitué prifonnièe ; cependant ,
aprè fon interrogatoire , elle fur relaxé. Alors elle
interjerta appel de toute la procéure & en demanda
la nullité. Arrê de la Chambre des Vacations , du
16 Octobre 1782 , qui met l'appellation & ce dont
eft appel au nént , éendant , éoquant le principal
& y faifant droit , délare nulle toute la procéure
extraordinaire faite contre la Demoiſlle A ... par
le fieur M... Sur le furplus des demandes , fins &
conclufions des Parties , les met hors de Cour ;
condamne le fieur M ... aux déens
*
PARLEMENT DE DAUPHINÉ. Est- il dûdes domma
ges-intéês àune Majeure qui , fucceffivement
a eu trois enfans du mêe homme. Peut- elle pré .
tendre àla reftitution des alimens qu'elle leur a
fournis. Doit - elle êre prééé pour leur éucation
future , quand le pere a contractédes enga
gemens léitimes ? Enfin , lorfque fes enfans feront
en âe d'apprendre un méier , le pere ferai
t-il tenu d'y pourvoir. Telles font les queſions
qui fe font préentés dans la Caufe de la Demoifelle
S.... contre le Sieur N.... Elles ont éédifcutés
avec foin par leurs Déenfeurs. ( Ce n'eſ
( 142 )
1
1
point ici difoit l'Avocat de la Demoiſlle S .... )
fimplement la Caufe d'une fille qui demande des
dommages intéês contre un féucteur qui l'a
trompé la Demoiselle S .... a fans doute plus de
droit que tout autre pour en obtenir de confidéables
; cependant elle l'avoue , s'il ne fe fû agi
que de fes intéês particuliers , elle en eû fait volontiers
le facrifice ; mais ceux de fes enfans ! Pouvoit-
elle les abandonner quand elle les voyoit prês
dé àmanquer de fubfiftance ? Ne devoit-elle pas
féer leurs plaintes àla Juftice ? Aprè avoir tout
facrifiépour eux , fortune & fanté; tandis qu'il
ne lui reste plus que la mêe tendreffe , ne feroitelle
pas coupable de néliger des droits qui doivent
lui en procurer ? Le fieur N .... l'a trompé
fous des promeffes de mariage . Il ne peut déavouer
la lettre qui les contient . La majoritéde la
Demoiselle S.... eft indifféente , dè que fon féucteur
eft plus âéquelle ; le nombre des enfans ne
peut auffi former obftacle àfa préention , dè que
le fieur N.... eft forcéde les reconnoîre tous : &
tout ce qu'on peut dire , c'eft qu'il y a de fa part
un excè de cruautéàpréenter comme un moyen ,
contre une infortuné , cet abîe de maux dans
lequel il eft parvenu àla plonger. Mais elle a
nourri fes enfans : la Loi prononce , & les Arrês
ont jugéque la mere eft fondé àrééer les alimens
qu'elle leur a fournis . Une mere tendre oublic
les peines paffés . L'avenir feul occupe la Demoifelle
S .... Quel fera le fort de fes enfans ? A qui
la Juftice va-t-elle les' livrer ? ' Leur intéê doit
uniquement déerminer le choix qui fe préente à faire , c'est le cri de la Nature , c'eft celui de la
Loi , qui préumant àla mere une plus grande affection
, lui accorde toujours le foin de les enfans , à moins querddes raifons particulièes ne l'excluent.
D'aprè ce principe , y a-t-il àbalancer entre la
Demoiselle S.... qui a nourri les fiens & le fieur N....
( 143 )
---
qui les a abandonné ; entre une mere qui les adore
& un pere qui ne leur a que trop prouvéqu'il ne
les aimoit pas ; entre une mere qui ne confultant
que fon affection , brave tous les obſacles pour
leur procurer des foulagemens , & un pere qui n'offre
de s'en charger en apparence , que pour
éiter de les fecourir réllement. Ce n'eft pas
affez de déigner la main qui doit veiller à leur enfance ; quand ils auront atteint l'âe de
raifon , leur pèe doit encore leur faire apprendre
un méier le fieur N ... avoit d'abord méonnu
cette obligation ; àl'Audience il a offert de la remplir.
Jufqu'àquand , difoit le Déenfeur du fieur N...
confondra-t-on la féuction avec le commerce illicite
? Aura- t- on toujours des vierges féuites àindemnifer
? des féucteurs àpunir ? Et dans un crime
qui fuppofe néeffairement deux complices , ne
trouvera- t- on jamais qu'un feul coupable ? La Demoiſlle
S ... ne doit point obtenir de dommages-
intéês , parce que la duré de fes erreurs
annonce qu'elle ne fut jamais féuite , mais fille
entretenue : la loi la repouffe en mêe tems que
l'opinion la flérit . Elle ofe demander la nourriture
qu'elle préend avoir fournie àfes enfans : cette rééition
eft profcrite par toutes les loix. La prééence
qu'elle follicite pour leur éucation doit lui
êre refufé ; leur propre intéê , le refpect qu'on'
doit aux moeurs publiques , tout s'oppose àce qu'une
fille foit entouré d'enfans conçs & né dans le
crime. Arrê du 16 Janvier 1783 qui condamne
le fieur N... àpayer àla Demoiſlle S ... 1800 l .
pour lui tenir lieu des dommages - intéês , frais de
couche & alimens. Ordonne que les enfans continueront
de refter entre les mains de la Demoiſlle
S ... que le feur N... lui payera une penfion de
80 l. pour chacun , jufqu'àce qu'ils foient en âe
d'apprendre un méier , auquel temps le fieur N...
( 144 )
fera tenu d'y pourvoir ; & condamne le fieur N ...
aux déens.
ود --
PARLEMENT DE DOUAY. Inftance entre les fieurs
& dame Lefoing appellans : & les fieurs & demoiselle
Leblanc intimé . Voici le déut du
Méoire que M. Merlin a publiédans cette affire
, pour les fieurs & dame Left ing. > Une Mai
»fon commune àplufieurs Propriéaires & jugé
»impartageable, par un rapport d'Experts , qui n'eft
»point critiqué; doit- elle êre vendue par licita-
»tion , lorsqu'une des Parties le demande , & qu'il
»eft avouén'y avoir pas d'autre moyen de fortir
»de l'indivifion ? Propofer une parcille queftion ,
»c'eſ en quelque forte mettre l'éidence en pro-
»blêe. Toutes les Loix déident , tous les Juso
rifconfultes enfeignent , toutes les perfonnes de
ל ë
bon fens favent que la licitation eft d'un ufage né
»ceffaire , dans les partages de chofe , indivisibles .
Cependant on a voulu préendre qu'il y avoir dans
une partie du reffort de la Cour , une pratique
»contraire ; & la Sentence dont eft appel , a en effet
»jugéque les ficurs & dame Lefoing , ne pour
roient pas contraindre leurs communiers àla licitation.
Cette Sentence a éérendue àLille ,
»c'eſ - à- dire , dans une Ville oùla routine de l'ufage
, toujours réelle àl'efprit d'une coutume
homologué , & toujours profcrite , par les
»Arrês de la Cour , a cependant toujours cherché àfe reproduire fous de nouvelles formes.
»Mais les feurs & dame Lefoing , ont fondéleur
efpéance fur le recours qu'ils ont aujourd'hui
»àun Tribunal fupéieur. Arrê du 9 Déembre
1782 , qui a infirméla Sentence , a ordonné que la Maifon fercit licité entre les Parties : &
a condamnéles fieurs & demoiſlle Leblanc aux
déens.
--
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E.
De CONSTANTINOPLE , le 25 Janvier.
A tranquillitéfe foutient dans cette
pas troublé , la réonſ qu'on attendoit de
la Cour de Péersbourg éant arrivé , le
Divan s'eft affembléplufieurs fois , & l'on
préend qu'il y eft queftion des conditions
d'un nouveau Traitéde commerce àfaire
avec cet Empire.
Tout paroî àpréent calme dans la Cri- .
mé. Le Gouvernement du moins femble
déidéàne pas fe inêer des affaires de cette
Péinfule ; & il a pris des mesures pour
qu'il n'en arrive plus des avis qui puiffent
donner lieu àde nouvelles clameurs de la
part d'une populace inquièe. Cependant
les travaux dans l'arfenal & dans les chantiers
fe continuent , on en a feulement rallenti
l'activité On a auffi envoyédans quelques
Provinces les ordres néeffaires pour que les
22 Mars 1783, &
( 146 )
troupes qui s'y trouvent fe tiennent prêes
àmarcher au premier befoin . Les diffentions
qui rènent en Afie font faites pour autorifer
ces mefures .
RUSSI E.
De PETERSBOURG , le 11 Férier.
LE 8 de ce mois le Séat Dirigeant a adreffé un Ukafe àl'Acadéie Impéiale des Sciences,
pour lui annoncer que l'Impéatrice avoit
confiéla Direction de cette Compagnie favante
àla Princeffe Dafchkow , fa Dame
d'Honneur, qui a eu une part diftingué àla réolution
qui àplacéCatherine II fur le Trôe.
En conféuence des ordres de S. M. I. l'Acadéie
a tenu hier une Affemblé , àlaquelle
tous les Membres Honoraires avoient éé invité. Madame de Dafchkow a prononcé en Françis un Difcours , auquel le Secré taire de l'Acadéie a réondu ; Madame la
Directrice nomma enfuite deux nouveaux
Acadéiciens , M. Blake , habile Chymifte
d'Edimbourg , & le céère Hiftorien Roberfton
; elle avoit eu l'occaſon de lier avec
eux une connoiffance perfonnelle dans fes
voyages en Angleterre & en Ecoffe.
DANEMARCK.
De COPENHAGUE , le 18 Férier.
LA Princeffe Sophie Frééique , éouſ
du Prince Hééitaire , eft accouché hier
1 .
( 147 )
d'une Princeffe , qui eft morte en venant au
monde .
On parle de l'éabliſ .ement prochain d'une
Commiffion , qui doit réler & déerminer
avec encore plus de préiſon , difféens
articles du rèlement publiéle 20 du mois
dernier contre le luxe.
Les préiminaires de paix entre la France ,
l'Espagne & l'Angleterre tournent l'attention
du Gouvernement du côédu commerce
; il y en a un intéeſ .ant àouvrir avec
l'Améique ; & déàl'on affure que nous
aurons bientô un Miniftre réidant de la
part de notre Cour àPhiladelphie ; le bruitpublic
eft que le Roi a fait choix pour ce
pofte important du Chambellan de Walterftorff.
Nos Néocians font de nouvelles
fpéulations ; & ils ont déàcommencéà charger 3 bâimens deftiné pour l'Améique
Septentrionale.
On dit que la Compagnie du Canal va
êre rénie àcelle de la Baltique & de la
Guiné ; fi cela s'effectue notre commerce
en doit retirer un avantage confidéable .
Un Planteur de l'Ifle de Ste-Croix , nemmé Brown , qui traitoit fes Nères avec une
barbarie inouie a éécondamnépar le
Suprêe Tribunal àtravailler comme Ef
clave pendant deux annés .
,
8 2
( 148 )
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 18 Férier.
LE Prince Potemkin , Aide de-Camp- Gé néal de l'Impéatrice de Ruffie , vient de terminer
la néociation de l'achat qu'il vouloit
faire des biens confidéables que le Prince
Sapieha , Grand - Chancelier de Lithuanie ,
pofféoit dans la partie de ce grand Duché,
qui en a éédéembré ; on dit qu'il les
paye un million de roubles . On croit que
plufieurs de nos Seigneurs qui ont auffi des
terres dans les Provinces , qui n'appartiennent
plus àla Pologne , fuivront l'exemple
du Prince Sapieha ; ils les vendront & emploieront
le prix qu'ils en retireront àl'améioration
des biens fonds qui leur reftent
dans les Provinces qui font restés àce
Royaume.
Le nombre des naiffances a éél'anné
dernièe dans cette Capitale de 3778 , &
celui des morts de 4958 ; ce qui fait 1180
morts de plus que de naiffances.
ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 2 Mars.
L'AMBASSADEUR de Maroc eft arrivéici
avec fa fuite le 20 du mois dernier ; le 24
il s'eft rendu chez le Prince de Kaunitz ,
Chancelier d'Etat , qui lui avoit envoyéfes
voitures & les Officiers de fa maifon. Le
( 149 )
27 il fit en cééonie une vifite au Prince
de Colloredo , Vice - Chancelier d'Etat , &
le lendemain , vers midi , il fe rendit au Palais
Impéial , oùil eut une audience folemnelle
de l'Empereur àqui il remit fes lettres
de crénce ; il fut enfuite conduit dans
un autre appartement oùl'on avoit préaré pour lui & fa fuite une table fplendidement
fervie.
Des lettres de Brodi portent que depuis
quelques femaines on eft trè - occupéa réarer
les fortifications ; & on apprend la
mêe chofe de Gradiffa. Les Turcs , ajoutent
ces lettres , font trè- attentifs àces travaux
& exercent continuellement leurs trou
pes ; cependant on ne s'attend plus àla
guerre , on allure mêe que dans quelques ,
mois on verra ici un Ambaffadeur de la
Porte Ottomane qui fera chargéde réler
avec notre Cour plufieurs points de la plus
grande importance .
On eft actuellement occupéàréiger le
plan d'aprè lequel les impofitions feront
affifes & perçes dans les provinces de la
Pologne Autrichienne . Les Juifs ont , diton
, propoféàla Cour de payer leur impofition
d'aprè un nouveau projet , ils s'engageront
en outre àacquitter une certaine
fomme d'avance , & on croit que la Cour
acceptera ces propofitions.
Cette efpèe d'hommes réandue dans la Hongrie
, fous le titre de Bohéiens , dont la déra
vation avoit depuis long-temps déerminéle Gou
83
( 150 )
vernement àne pas leur permettre de vivre rénis ,
éoit difperfé dans les villages ; quelques- uns habitoient
fous terre dans les campagnes , mais c'éoit
le plus petit nombre : ca gééal ils vivoient dans
un éat apparent de tranquillité& de refpect pour
l'ordre public , lorfque l'automne dernier l'un
d'eux ayant éétraduit en juftice , fes réonses à difféentes queftions du Juge qui l'interrogeoit ,
donnèent lieu àla déouverte des plus grandes
atrocité. D'aprè les recherches qu'on a faites , il
eft réultéque depuis douze ans , les Bohéiens
difperfé dans les Comitats Hongrois les plus voifins
de l'Autriche ſ nourriffoient de chair humaine
, fans que l'autoritépublique en ait eu la moindre
connoiffance. Les petits marchands érangers
ou habitans des Comitats plus éoigné qui parcouroient
les villages éarté des grandes routes
éoient les victimes de ces Barbares , qui les attiroient
dans les bois ou dans leurs réuits ; c'eſlà qu'ils les maffacroient au fon des inftrumens de
mufique , dont ils font grand ufage. Ils faloient
enfuite les membres de ces malheureux , les mangeoient
& en nourriffoient leurs femmes & leurs
enfans . On ignore le nombre des infortuné qui
ont péi de cette manièe , mais on fait qu'il eft
confidéable. Les recherches que la premièe déouverte
de cette monftruofitéàoccafionnés , fe
font tellement éendues , que bientô les prifons
ont eu peine àcontenir tous ces criminels qu'on
a d'abord voulu exterminer par tous les genres
de fupplices ; mais l'Empereur en ayant ééinftrait
, a arrêéla fuite de ces exéutions ordonnés
par les Comitats , & a prononcéque ce qui
reltoit de ces Bohéiens condamné , fû chaffé fur le territoire Turc . Cette déifion tient au fyftêe
de S. M. I. , d'abolir dans les Etats la peine
de mort. Les procè - verbaux qui ont ééenvoyé
par les Comitats àla Chancellerie de Hongrie ,
( 151 )
pour êre mis fous les yeux de l'Empereur , ne
laiffent pas douter de la véitéde ces horreurs fi
humiliantes pour lefpèe humaine , & qui doivent
faire fentir combien il pourroit devenir dangereux
d'abandonner les hommes aux feuls principes
qu'ils feroient capables de fe faire eux - mê .
mes , abftraction faire de tout fyftêe religieux
& de police ".
De HAMBOURG , le 3 Mars.
TOUTES les nouvelles de Conftantinople
confirment l'efpéance qu'on a conçe depuis
quelques tems de voir terminer par
un arrangement tous les difféends qui s'éoient
éevé entre la Porte & les Paillances
voifines. Le Grand- Seigneur s'eft expliqué fur ce fujet d'une manièe qui ne laiffe
aucun doute fur fes difpofitions. »Avant
de monter fur le trôe , j'ai véu dans une
prifon oùj'ai pafféles plus beaux jours de
ma vie. Je fouhaiterois aujourd'hui de finir
ma carrièe en repos ; & je prééerai toujours
toutes les conditions dictés par l'éuité & la convenance , àune guerre , qui
dans la pofition actuelle de cet Empire ' ,
pourroit avoir les fuites les plus fâheufes
".
Le Capitaine John- Goufill eft le premier
navigateur Améicain , qui aprè la ratification
des préiminaires de la paix , foit venu
ici avec une cargaifon de tabac de Philadelphie.
Il en avoit mis àla voile au mois
de Janvier.
€4
( 152 )
10
»Les Provinces qui compofent le royaume de
Pruffe , érit-on de Konigsberg , ne préentent plas
comme autrefois des déerts ; elles font aujourd'hui
bien peuplés & doivent en grande partie leur population
aux éigrations des fujets de l'Archevêhé de Salzbourg. On fait qu'en 1732 vingt mille Salzbourgeois
s'y font éablis & y ont apportéleur
induftrie. En 1755 og comptoit dans la Pruffe orientale
700,000 ames , & en 1779 , 345,729 dans la
Pruffe occidentale . Cette population s'eft accrue confidéablement
depuis ce tems , plufieurs centaines
de familles du pays de Wurtemberg s'y éant fixés.
Les habitans font actifs & induftrieux . Il y a dans
le pays toutes fortes de Manufactures ; celles de
la Piuffe occidentale ont fourni en 1779 pour
188,213 rixdalers de marchandifes qui font restés
dans le pays ; les marchandifes fabriqués qui en
ont ééexportés chez l'Erranger dans la mêe
anné , fe montoient à73,614 rixdalers . Dans
l'anné 1781 il a ééconftruit 19 bâimens àKonigsberg
& 3 àMeinel , depuis 80 jufqu'à300 laſs ,
ce qui a mis en circulation une fomme de $ 24,000
Borins. Le nombre des bâimens appartenans aux
fujets de la Ruffie , fe monte aujourd'hui àplus de
80, depuis 200 jufqu'à400 lafts «
-
Un Journal trè - accréitéen Allemagne
offre le tableau fuivant de l'éendue & de
la population des Etats hééitaires de la
Maifon d'Autriche ; il ne peut que piquer
la curiofitéde nos Lecteurs , qui pourront
en fuivant fur la carte les pays indiqué
, comparer leur population avec leur
éendue , fe former une idé de cette
Puiffance , & de l'importance de fes poffef-
Sons fi elles éoient toutes rapprochés.
( 153 )
mil. quar. perfonnes.
1. Royaume de Bohêe....
2. Royaume de Hongrie, &
le Bannat de Temeſar..
909 2,265,867
2,790 3,170,000
3. Principautéde Tranfylvanie.
1,056 1,250,000
4. La Croatie & la Dalmatie.....
477 367,000
5. ( 1 ) Les Royaumes de
Gallicie & de Lodomerie....
1,300 2,580,796
6. L'Esclavonie.
331 253,000
7. La Buckovine..
178
130,000
8. La Siléie Autrichienne ... 81 247,886
9. La Moravie... 396 1,137,227
10. La Baffe- Autriche ou
l'Archiduché. 637
1,682,395
11. La Stirie , la Carinthic ,
la Carniole , le Comté de Gorz , Gradiſa & le
Gouvernement de Trieftc....
12. La Haute- Autriche ou
le Comtéde Tyrol.....
13. L'Autriche antéieure
ou les Seigneuries que la
maifon d'Au riche pofsèe
dans le Cercle de
993 1,508,042
435 $89,963
Sorabe...
156 362,446
14. Le Comtéde Hohenembs
..... 3 3,667
15. Le Comtéde Falkenf
tein..
2 4,000
16. Les Pays - Bas Autri-
(1) Dans le nombre des habitans de Gallicie & de Lodomerie
on compte 72,000 Juifs . Chaque têe des Juifs paye une capitation
de 30 kreutzers ; & lorfqu'un Juifſ marie dans le pays
il acquitte àla Couronnne 12 ducats.
% S
( 154 )
chiens ....
mil.quarr. perfonnes.
469 2,000,000
17. Le Duchéde Milan .... 152 1,100,000
18. Le Duchéde Mantoue. 40 150,000
18,802,294
Total .... 10,406
ITALIE.
De NAPLES , le 16 Férier.
LA fréate Napolitaine la Ste- Dorothé
arrivé hier de Melfine , nous a apporté les nouvelles les plus accablantes du déaftre
que cette ville malheureuſ vient
d'érouver.
Le s de ce mois àune heure aprè midi , le
tremblement de terre le plus affreux qui fe foit jamais
fait fentir , & dont les fecoufles auffi violentes
que multipliés , duroient encore le 8 , lorfque la
Fréate eft partie , a prefqu'entierement déruit cette
ville céère , qui ne préente plas qu'un amas de
ruines fous lesquelles eft enfeveli un grand nombre
de fes habitans , qu'on fait monter jusqu'àpréent
àdouze mille. Le Palais royal , celui de l'Archéêue
, le Lazaret , partie de la Citadelle , les éifices
publics les plus remarquables , la plus grande
partie des Eglifes , Couvens & maiſns , ainfi que
toute la Palazzata ou cercle de Palais , fymmériquement
conftruits autour du port & qui formoit
le plus bel ornement de cette malheureufe ville ,
ont ééengloutis. Le feu qu'on n'a pu parvenir à éeindre les & le jour ſivant , a déoré& confumé ce que le tremblement de terre avoit éargné-
Meffine & les environs n'ont pas feuls effuyéces
horribles ravages ; il fe font éendus d'un rivage à l'autre du déroit. Les villes de Reggio , Palmi ' ,
Bagora, Séitana , Milet , Saint- George , Terranova ,
( 155 )
Cafalnueva , Oppido & plufieurs autres lieux de la
Calabre ultéieure , fur -tout Scilla , Catanzaro &
Monteleone , ont érouvéle mêe fort. On ne peut
encore déerminer exactement le nombredes milliers
d'individus qui ont ééenfevelis fous les ruines. Le
mouvement s'eft fait fentir jufqu'àNaples , mais fi
foiblement , qu'àpeine la huitièe partie des habitans
a pu s'en appercevoir.
Le Courier ordinaire
pour Reggio eft revenu avec les lettres , parce
qu'il a ééarrééàMonteleone par une ouverture
qui s'eft faite dans les terres , ce qui a fans doute
empêhéqu'on n'ait reç des déails par la voie
de terre , depuis onze jours , de cette catastrophe.-
Auffitô que cette nouvelle affreufe eft arrivé , on
s'eft occupéde tous les moyens de porter les plus
prompts fecours aux infortuné. Il a ééréolu d'envoyer
dans la Calabre D. Vincenzo Pignatelli , &
M. de Calvarafo àMeffine , dont il cit Gouverneur
, pour y diftribuer de l'argent , réarer autant
qu'il fera poffible les dommages foufferts , & préenir
les déertions & les déordres , fuites ordinaires
d'auffi finiftres éèemens. La Fréate eft resté armé
pour convoyer les Bâimens que l'on s'empreffe
de charger de comeftibles & autres effets de premièe
néeffité; mais le vent contraire eft un nouveau
fléu dans ce moment-ci pour les malheureux
qui attendent des fecours . On nomme déàparmi
les morts àMeffine M. Bretel , Conful d'Ho'-
lande , le plus riche Néociant de cette ville. A
Scilla , le Prince de ce nom , noyéen voulant fe
fauver fur une barque qui a ééérasé par une
roche , & àBagnara , la Princeffe de Gerace. Tout
eft dans la plus grande confternation . Les Siciliens
éablis dans cette ville attendent àchaque instant
l'arrivé des barques , qui doivent leur amener une
partie de leurs parens , & leur apprendre le fort funefte
des autres . Les fpectacles ont ééfufpendus &
l'on a ordonnédes prieres publiques pendant trois
jours.
› ( 156 )
On attend avec impatience des déails
ultéieurs , mais dans l'incertitude accablante
s'ils agraveront ou s'ils diminueront
le mal ; on fait des voeux pour que la
terreur gééale l'ait exagéé; un fi fuperbe
& vafte pays ne peut que caufer les plus
juftes regrets ; l'Europe entièe les partagera
, en lifant les defcriptions qu'en ont
donnés les voyageurs , fi en effet , il
n'existe plus que dans leurs livres ( 1 ).
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 8 Mars.
Nous n'avons dans ce moment aucune
nouvelle de l'Améique feptentrionale ; le
Gouvernement en attend des ifles par la
fréate que l'Amiral Hood doit expéier
aprè fon arrivé àla Jamaïue pour nous
en inftruire ; en attendant l'Amirautéa
envoyéàPortſouth des ordres pour faire
appareiller fur- le- champ la fréate la Syrene
qui doit fe rendre àla Jamaïue , & qui
(1) Nous ne pouvons nous empêher de rappeller ici ànos
Lecteurs les Lettres érites de Suiffe , d'Italie , de Sicile &
de Malte , 6 vol , in - 12 ; prix 15 liv. broché, qui fe trouvent
àParis chez Viffe , rue de la Harpe ; on ne lira pas , fans un
nouvel intéê , qui ne peut qu'ajouter aux regrets actuels , ce
qui eft dit de la malheureufe ville de Meffine dans le tome III.
Les Lecteurs ne rechercheront pas avec moins d'empreffement
le Voyage de Sicile & de Malte , par Brydone , la traduction
de cet Ouvrage , qui eft celui d'un voyageur philofophe , fe
trouve àParis chè Delalain le jeune , rue St - Jacques , elle eft
accompagné d'une carte du Royaume de Naples & de Sicile
2 vol . in- 12, prix reliés liv.
( 157 )
#
prendra fous fon convoi les bâimens ma
nitionnaires armé , le Lord Howe & le
Whitby ; on préume qu'une grande partie
des bâimens deftiné pour les ifles profi
teront de cette efcorte.
Les lettres de Ste - Lucie qu'on a reçes
font du 26 Janvier ; elles nous apprennent
que plufieurs vaiffeaux de la flotte de la
Jamaïue y ont abordéen trè-inauvais éat.
On compte que de cette flotte malheureuſ
qui éoit compofé de 16 voiles , il en eft
arrivé14 , 6 ont rebroufféchemin , & 3
ont coulébas ; de forte qu'il en manque
33 dont on n'a point de nouvelles & dont
on eft fort inquiet.
Nos nouvelles de l'Inde fe réuisent à une lettre de Chingleput , ville fur la côe
de Coromandel , en date du premier Juillet
dernier.
Toutes les provifions , dit- on dans cette lettre ,
fontici àun prix fi haut qu'on ne peut fe les procurer;
Hyder-Aly a ruinétout le pays oùil a paffé. On eft
obligéde faire venir les vivres du Bengale. Sir Eyre
Coote eft avec notre armé àWandiwas , d'oùil
marchera vers la partie méidionale. Un grand nombre
de bandits àcheval qui font entretenus par Hyder-
Ali parcourent le pays & rendent les chemins dangereux
aux voyageurs , ils viennent mêe fous les
murs de Madrafs pùils pillent on maffacrent tous
ceux qu'ils rencontrent. Le Gééal Monro ſ trouvant
un foir dans fa maifon prè de Madrafs , a
couru rifque d'êre enlevépendant la nuit & fait
prifonnier «
On a reç les déails faivans fur le naufrage
du navire de la Compagnie des Indes
( 158 )
le Darmouth , qui le 8 Juin dernier avoit
mis àla voile de Madrafs pour l'Europe.
»Ce Navire pouflépar les gros vents pendant
la nuit vers l'Ile Car- Nicabor , fut jettéfur les
rochers & briféen deux. Il avoit àbord un grand
nombre de paffagers , parmi lefquels fe trouvoient
deux Dames , dont une éoit accouché peu de jours
avant. Il eft impoffible d'exprimer les cris & les
lamentations des difféentes perfonnes qui fe trouvoient
fur les déris du Navire , la plupart furent
englouties dans les flots . Un matelot , dont les
deux bras éoient caffé , fe tint pendant longtems
avec les dents àune corde , mais enfin il fuccomba
& tomba dans la mer. D'autres voulant le fauver
àla nage , péirent prefque tous ; mais ceux qui
fe retirerent fur les déris ont ééfauvé . Le lendemain
, lorfque le jour élaira cette fcèe tragique
, on ne voyoit de rous côé que des déris , des
corps morts & des marchandifes. Vers les trois heures
de l'aprè-midi , le refte de l'éuipage arriva
àterre , la ples grande partie fe trouva nud & ſ
couvrit des toiles que les flots avoient jettés fur
la côe. Ceux qui n'éoient pas bleffé , parcoururent
l'Ifle & déouvrirent de l'autre côéle Navire
le Chapman , qui éoit àl'ancre ; mais les
bleffé ferent obligé de refter durant trois jours
fur la côe , n'ayant pour toute nourriture que des
Noix de Coco. On ne peut affez louer la politeffe
& l'humanitédu Capitaine Walker qui a fait
prendre àbord de fon Navire , le Chapman , les
paffagers , les malades & les bleffé , & leur a
procurétout le néeffaire. Le Darmouth éoit le
plus riche Navire qui eû pafféen Europe. On
éalue la perte à200 mille liv. fterl. Il avoit à bord une grande quantitéde diamans , beaucoup
de barres d'or & c «
On ne s'occupe plus aujourd'hui que
de la nouvelle réolution de l'Adminiftra(
159 )
tion ; on ignore encore comment elle fera
composé ; c'est un objet de brigues &
d'intrigues qui n'eft pas prè d'êre terminé
»Il feroit difficile , dit un de nos papiers , de
dérouiller la véitédans le cahos des nouvelles
contradictoires qui fe déitent ici fur le choix des
nouveaux Miniftres . Il paroî certain feulement que
le parti de la coalition , c'eft-à dire , celui du Lord
North & de M. Fox ne confervera pas long-tems
fon créit. Le Roi eft parvenu a fon but ; il s'eft
déarraftédu Lord Shelburne ; il a rendu le Lord
North encore plus odienx àla Nation . M. Fox a
perdu fa popularitéen s'uniffant au Lord North , &
le Roi , aprè avoir pliéfous le torrent , va triompher
& nommer lui-mêe fon Miniſèe ; mais il
rencontrera des d fficulté . Il a déa faitoffrir ſcceſ fivement la Tréorerie au Lord Cavendish , au Lord
Gower & au Chancelier Pitt. Les deux premiers ont
refuféce pofte fcabreux ; mais M. Pitt , plein d'ambition
, oubliant fon âe , aveuglépar les fuccè
dans la carrièe de l'éoquence , a balancé& balance
encore. Cependant c'éoit un bruit gééal ces jours
derniers àla Bourfe que le Lord Thurlow , chargé par le Roi de néocier avec les difféens partis ,
avoit déêhéun courier au Lord Temple , Vice-
Roi d'Irlande , pour mettre àfes pieds le timon
du Gouvernement. En attendant l'éèement de
toutes ces cabales , qui fixent entièement l'attention
des Anglois , les affaires font en fufpens ; les
finances font dans la pofition la plus critique , toutes
les caifles font vuides ; & fi les fubfides de l'armé
n'euffent point ééaccordé , on auroit éé obligéd'arrêer le paiement des troupes . M. Pitt
a donnéle fignal de déreffe , en faisant une motion
pour lever un million fterling par emprunt fur
des billets de Echiquier , & en mêe tems il a
( 168 )
lancécontre le Lord North un trait qui deviendra
peut-êre mortel . Il a déaréàla Chambre des Com
manes que , d'aprè les recherches les plus exactes ,
il avoit déouvert dans les comptes de l'Etat une
fomme de so millions fterlings , fur l'emploi de laquelle
il éoit impoffible de trouver la moindre
trace , & qu'en conféuence il faifoit une motion
pour qu'on mit fous les yeux du Parlement les noms
des comptables fur lefquels portoit cette accufation
".
On eft fort curieux de favoir comment
toutes ces difputes finiront , & quel
fera l'arrangement qui fera pris ; en attendant
on dit que le premier fruit de ce
changement d'Adminiſration coûera au
Gouvernement 12,000 liv. fterl. de rentes ,
parce qu'il faut des penfions àchaque Membre
qui fe retire.
En attendant que les difficulté qui retardent
la formation du Ministèe foient
levés , nous fuivrons ici les principaux objets
qui ont occupéle Parlement.
»Le 28 Férier , la Chambre s'éant formé en
comitéde fubfides , le Chevalier George Yonge ,
Secréaire de la guerre , profuific diverles eſimations
àla Chambre , & fit une motion tendante à ce qu'il fû octroyéune fomme de 1,356.919 1.
10 f. 2 d. pour payer les extraordinaires de l'armé.
M. David Hartley dit qu'il ne s'oppofoir
point àl'octroi de la fomme demandé ; mais qu'il
déiroit qu'on formâ un comitéchargéd'examiner
l'emploi particulier des fommes deſinés au parement
des extraordinaires de l'armé . Lorfqu'on
propofa la queſion , la fomme fut voté unanimement
.N
Le 3 de ce mois , le Secréaire de la guerre pro(
161 )
pofa que la Chambre s'affemblâ en comitéphut
prendre en confidéation les réolutions fuivantes,
1º D'accorder àS. M. une fomme qui n'excéâ
point celle de 456,904 l . 19 f. 9 d. pour fubvenir
aux déenfes de fes garnifons. 2 °. De 310,623 l.
15 f. 6 d. pour le paiement des troupes dans les
plantations érangèes. 3 ° De 64,714 1. pour le
paiement des troupes érangèes . 4°. De 15,961 l.
171f. f. 2 d. pour le paiement des Officiers de l'Etat-
Major. 5. De 15 074 l. 10 ር pour l'entretien de
fes troupes dans l'Inde. 6 °. De 165,418 l . 10 f. ,
pour le paiement de la milice & de quatre réimens
de Fencibles en Ecoffe. 7 °. De 41,140 l. 16 f. 2 d .
pour le paiement du réiment Irlandois qui a éé envoyéen Améique. 8 °. De 25,126 l. 3. l. 9 d.
pour le paiement des cinq corps Provinciaux qui ont
éélevé en Améique. 9. De 96,719 l . 7 f. II d.
pour l'hopital de Chelfé. 10° De 28,017 l. 11. L
1 d. pour le paiement des troupes de S. M. qui font
en garaifon àGibraltar . 11º De 367,203 1. 9
L.
10 d. Four le paiement des troupes Helloiles au fer
vice de S. M. pendant une anné , commençnt au
25 Déembre 1782 & finiffant au 25 du mêe mois
1783. 120. De 65,152 1. 12 f. 8 d. pour le paiement
des troupes de Hanau pendant une anné , commen.
çnt depuis le 25 Déembre 1782 juſuau 25 Déembre
1783. 139. De 36,747 1. pour le paiement
des troupes de Brunſick fervant en Améique ,
ainfi que deffus. 14°. De 1749 l . 11 f. 3 d. pour le
paiement des troupes de Waldeck fervant en Amé
rique , commençnt & finiflant ainfi que deffus .
15 °. De 54,504 1. pour le paiement des troupes de
Brandebourg , fervant ainfi que ci- deffus , jufqu'au
25 Déembre prochain. 16° De 23,318 1. 14 f. 1 d.
pour le paiement des troupes de Hanau fervant en
Améique , pendant le péiode ci deffus mentionné
M. D. Hartley forma des objections contre
le fubfide deſinéàpayer une anné entièe aux
( 162 )
+
troupes érangèes . C'eft indiquer clairement , dit-il ,
le deffein de renouveller la guerre Améicaine , autrement
l'ectroi teroit limitéàquatre mois ou à fix au plus . Ce tems feroit plus que fuffifant pour
ramener de l'Améique les troupes qu'on a tirés
des divers pays de l'Allemagne . Ces octrois ne ferviront
qu'àexciter les inquiéudes , les craintes , &
àfaire fufpecter la droiture de nos intentions , furtout
àl'éard de l'Améique , oùl'on n'eft déa
que trop fondéàdouter de notre bonne foi , àcauſ
de la duplicité& de la foiblefle de notre Miniſèe ,
qui tantô a autorifénos néociateurs àoffrir l'indéendance
, & tantô leur a enjoint de ne point
admettre l'indéendance comme un article préiminaire
du traité Les inftructions de M. Ofwald pourroient
fournit des preuves fuffifantes de la véité de ces affertions ; mais les Miniftres ont eu foin
de déober ànotre connoiffance les ordres donné
àce Néociateur & la correfpondance qu'ils ont
eue avec lui , parce que des élairciffemens fur ces
points & fur plufieurs autres expoferoient probablement
la conduite qu'ils ont tenue dans toute
cette affaire , àune interpréation peu favorable.
M. Hartley ayant déiréque la Chambre allâ aux
voix pour favoir fi le fubfide relatif aux troupes
érangèes feroit examinéde nouveau par le Comité,
il y eut pour l'affirmative 185 , pour la néative 10,
majorité175. La Chambre s'éant formé
en Comité, le Secréaire de la guerre expoſ au
Comitéla deftination des diverfes fommes qu'il
éoit néeffaire d'octroyer. Elles font beaucoup
moindres , dit- il , que l'anné dernièe , & on feroit
parvenu àles réuire encore davantage , fi l'on
n'avoit pas éédans la néeffitéde payer quatre
réimens d'Irlande qui ont ééenvoyé en Améique.
Ces octrois ont ééaugmenté auffi , parce qu'il eft
indifpenfable d'affigner quelque traitement aux cinq
réimens provinciaux des Améicains , qui , dans
I
( 163 )
toutes les occafions ont montrébeaucoup de zèe
& de bravoure. Il est bien jufte que de tels hommes
foient porté fur l'éabliſ .ement . Je ne conçis
pas , dit le Chevalier Philip Jenning Clerke ,
pourquoi l'on uſroit d'une telle largeffe àl'éard
de ces corps , fi l'on n'eft point difpoféàréompenfer
auffi libéalement les corps levé en Angleterre.
Quel traitement a-t- on affignéau corps du Duc de
Rutland ? Dira- t- on que ces troupes méitent moins
d'êre portés fur l'éabliffement - M. Townshend
fic l'éoge des réimens provinciaux , & dit qu'on
ne pouvoit trop les réompenfer . Il cita entr'autres
les réimens de Carleton , de Farming & de
Simcoe . M. David Hartley s'oppofa de
nouveau dans le Comitéàla réolution relative
aux troupes érangèes . Enfin les diverfes réolutions
furent approuvés par le Comité, & l'on arrêa qu'il
en feroit fait rapport le lendemain.
lier de l'Echiquier fit une motion tendante àce que
la Chambre fe formera en comité, relativement à l'importation du fuere des Ines qui nous ont éé céés par le traité Il préenta enfuite un bill ayant
pour objet d'éablir des liaifoas mercantiles avec
l'Améique . Les articles de ce bill font les fuivans.
Le Chance-
D'autant que les treize provinces de l'Améique
Septentrionale , favoir , New- Hamshire , Malachufets-
Bay , Rhode- Iſand & les plantations de la Providence
, Connecticut , New- York , New -Jerfey ,
Pensilvanie , Delaware , Maryland , Virginie , Caroline
Septentrionale , Caroline Méidionale & Gér
gie , ont éédernièement reconnus folemnellement
par S. M. , & font actuellement des Etats libres ,
Souverains & indéendants , fous le nom & titre
d'Etats- Unis de l'Améique ; il eft ordonnéque toutes
les loix faites prééemment , pour réler le Com
merce & lerraficentre la Grande -Bretagne & les plan.
tations Angloifes de l'Améique , ou pour déendre
toute liaiſn entre les mêes, feront en tant qu'elles
( 164 )
rèlent ou déendent les liaiſns & le Commerce
entre la Grande- Bretagne & les Territoires qui conpofent
aujourd'hui lefdits Etats - Unis de l'Améique
entierement & abfolument abolies . On fait que lefdites
13 Provinces éoient annexés àla Grande - Bretagne
& formoient une partie de fes Domaines , les
habitans defdites Provinces jouiffoient des mêes
droits , franchiſs , privilées & bééices que les
fujets Anglois né dans la Grande Bretagne, taat par
rapport au Commerce , au trafic avec la Grande-
Bretagne que pour d'autres cas. Mais on fait auffi que
par les difféentes loix actuellement exiftantes pour
le rèlement du Commerce & du trafic de la Grande-
Bretagne avec les Etats Etrangers , les fujets des
Etats- Unis font en leur qualitéd'érangets , foumis
àdifféentes reftrictions , & pareillement àplufieurs
droits & accifes dans les ports de la Grande- Bretagne
; ainfi , comme il eft abfolument avantageus
que les liaifons entre la Grande-Bretagne & ledits
Etats-Unis foient éablies fur les principes les plus
éendus d'un avantage réiproque ; mais que vu
Féoignement de la Grande-Bretagne & de l'Améique
, il doit s'éouler beaucoup de tems avaut qu'on
ait conclu aucun traitéou convention pour éablir
& réler le Commerce & le trafic entre la Grande-
Bretagne & lefdits Etats - Unis , fur un pied ſable
-Ileft ordonné, dans la vue d'éablir un rèlement
momestanéde commerce & de liaiſns entre la
Grande-Bretagne & les Etats - Unis d'Améique , &
pour prouver combien la Grande-Bretagne eft difpofé
amicalement en faveur des Etats - Unis de l'Améique
, & attend d'eux les mêes difpofitions , il eft
ordonnéque depuis & aprè le ..... les Navires &
Vaifleaux des fujets & Habitans defdits Etats - Unis
d'Améique , ainfi que les marchandiſs & denrés
qu'ils auront àbord , feront reçs dans tous les ports
de la Grande-Bretagne de la mêe maniere que les
navires & vaiffeaux des fujets d'un autre Etat indé
>
( 165 )
--
pendant & Souverain ; mais les marchandifes & les
denrés àbord defdits navires & vaiſ .eaux des ſjets
ou habitans defdits Etats - Unis , éant du crû, du produit
ou des Manufactures deſits Etats , ne feront fujettes
feulement qu'aux mêes droits & charges , que
fupporteroient les mêes marchandifes fi elles appar
tenoient àdes fujets de la Grande- Bretagne , & fi elles
éoient importés fur des vaiffeaux conftruits dans
la Grande-Bretagne , & monté par des fujets Anglois
, né dans la Grande - Bretagne . Il eft de plus
Grdonnéue pendant le tems fufdit , les navires & vailfeaux
appartenans aux Sujets ou Habitans defdits
Etats- Unis , feront reçs dans les ports des Ifles ,
Colonies ou Plantations de S. M. en Améique, ayant
àleur bord toute eſèe de marchandiſ ou denré
du crû, du produit ou des manufactures des territoires
defdits Etats-Unis , avec la libertéd'exporter
defdites Illes , Colonies ou Plantations en Améique
, pour lefdits territoires des Etats-Unis , toute
efpèe de marchandiſ ou de denré ; & les marchandifes
ou denrés qui feront ainfi importés ou
exportés desdites Ifles Britanniques ne feront foumiles
& fajettes qu'aux droits ou charges auxquels
elles feroient fujettes , fi elles appartenoient
Sujets de la G. B. , & importés ou exportés fur des
navires ou vaiffeaux conftruits dans la G. B. & monté
par des matelots Anglois . Il a de plus ééordonné que pendant tout le tems fus- mentionné, il
y aura fur les marchandifes & fur les denrés exportés
de la G. B. dans les territoires desdits Etats-
Unis de l'Améique les mêes retenues , exemptions
& remifes , que fur les exportations deftinés pour
les Ifles , Plantations ou Colonies actuellement ref
tantes & appartenantes àla Couronne de la G..B . en
Améique. Enfin , il eft de plus ordonnéque tous
les navires ou vaiffeaux appartenan's àtout Sujet ou
Habitant defdits Etats de l'Améique , lefquels feront
entré dans aucun port de la G. B. , depuis le
---
des
de mêe que les denrés & marchandiſs àbord
( 166 )
defdits vaiffeaux , jouiront de tous les avantages
accordé par cet acte .
Le 4 Mars les difféens articles compofant le
rapport du comitédes fubfides , ayant éélus , le
Chevalier Philip Jenning Clerke fe leva pour s'oppofer
àceux relatifs aux Corps Provinciaux en Amé rique. Selon lui , on ne devoit point leur accorder
la demi-paie , en leur confervant en mêe-tems leur
rang dans l'armé , & il demanda que cet arrêé fû renvoyéde nouveau àl'examen du Comité
Le Gééal Smith & le Colonel Onflow furent du
mêe avis , en ajoutant qu'une telle difpofition éoit
une injure fanglante pour l'armé , en ce que c'éoit
donner en quelque forte la prééence aux Loyaliſes
fur les troupes Britanniques , dont les Officiers
avoient fervi plus long tems , & méitoient davantage
la réompenfe du zèe & de la valeur . Enfin
ils voulurent favoir àquelles conditions ces Corps
avoient éélevé , & s'ils avoient réllement des
droits àune telle diftinction. Le Secréaire de
la Guerre prit alors la parole , & dit , ces corps n'ont
point éélevé avec la promeffe formelle d'avoir la
demi-paie ou un rang dans l'armé. Mais on ne
doit pas oublier tous les maux que les Loyaliftes
ont foufferts , le fang qu'ils ont verfé, tous les
dangers enfin auxquels ils le font exposé pour déendre
nos intéês . Quoiqu'il foit trè -vrai qu'aucune
ftipulation ne leur donne de droits ni àla demipaie
ni a conferver leur rang dans l'armé , il n'y
a nénmoins dans leur engagement aucun article .
qui les exclue de ces graces , & il me semble qu'elles
ne peuvent que faire honneur ànotre reconnoiffance
& mêe ànotre probité, car , felon moi , on doit
pourvoir au fort de ces infortuné autant que les
circonftances le permettent. M. Hulay ayant
-
demandéles corps nouvellement levé éoient
dans le mêe cas relativement àla demi- paie & au
rang , & fi leur engagement leur donnoit des droits
( 167 )
3
àl'une on l'autre de ces réompenfes ? le Secréaire
de la Guerre réliqua qu'ils n'y avoient aucun droit ,
mais qu'il efpéoit que ce ne feroit point une raifon
pour empêher la Chambre de téoigner la bienveillance
àdes hommes qui avoient certainement
des droits àtoutes les marques de commiféation
& de fenfibilitéqu'il éoit en fon pouvoir de leur
donner. Aprè quelques autres obfervations pour
& contre , il fut fait une motion tendante àce
que ledit arrêéfut renvoyéde nouveau àl'examen
du Comité, mais la Chambre ayant ééaux voix
fur cette propofition , elle fut rejetté àla pluralité de 76 voix contre 37.
-
»Les , la Chambre s'éant formé en Comité pour prendre en confidéation le bill relatif àl'Irlande
. M. Eden fe leva, & dit qu'il regrettoit que
cette affaire fû difcuté dans un moment oùil
n'y avoit point de Ministre ottenfible . Je donne ,
ajouta-t- il , mon appui au bill , parce qu'il éonce
que l'Irlande jouira des droits qu'elle éoit fondé à rélamer . Je fouhaiterois , dit le Lord Newhaven ,
qu'on éartâ tous les doutes qui pourroient naîre
par la fuite , & que pour cet effet il fû infééane
claufe aux fins de réoquer celle de l'acte paſ .édans
la huitièe anné du rène de Henri VIII , laquelle
autorise l'Angleterre àexercer une jurifdiction criminelle
fur les perfonnes qui fe rendent coupables
de haute-trahien dans le royaume d'Irlande . Le
Lord Nugent , dit qu'il regardoit la clauſ comme
fuperflue , parce que le bill aboliffoit tonte préention
àune autoritéléiſative -& judiciaire fur l'Irlande
, & elle fut rééé. Le Lord Beauchamp
ayant propoféqu'on fubftituâ les mots pour toujours
, a la place de ceux - ci , a l'avenir , la propofition
fut admife & il fut fait rapport du bill àla Chambre
. Le Chevalier Henry Fletcher préenta une
péition de la Compagnie des Indes , ayant pour
objet qu'il lui foit permis d'ouvrir un emprunt
-
--
( 168 )
de 1,500,000 1. Il fit une motion , tendante àce que
la péition fû prife en confidéation par un Comité particulier qui en feroit rapport àla Chambre ;
fa motion paffa ainfi que celle du Gééal Smith ,
qui propofa que la péition fû imprimé «.
― Le 6 , M. Powis fit la motion fuivante : D'autant
que S. M. , dans l'intention de foulager fon peuple
, a bien voulu fupprimer les divers offices mentionné
dans fon meffage àcette Chambre pendant
les dernièes feffions du Parlement , & que S. M.
a donnéfon confentement royal àun acte tendant à l'exéution de ce projet , comme auffi àfaire des
rèlemens fur l'octroi des penfions & àempêher
les abus qui en réultent ; cette Chambre fe flatte
que le mêe efprit d'éonomie fera adoptépar
rapport àtoute penfion que l'on pourroit fuggéer
au Roi d'accorder avant le 5 du mois d'Avril prochain
, attendu que ledit acte ne doit avoir lieu qu'à cette éoque. Alors le Chancelier de l'Echiquier
fe leva & parla ainfi . Je ne déapprouve point la
motion , mais je voudrois favoir fur quel principe
les Miniftres du Roi doivent agir relativement à cet objet , & connoîre l'opinion de la Chambre
àcet éard , afin qu'elle puiffe àl'avenir fervir
de bafe àleur conduite . Je defirerois favoir encore fi
la Chambre eft méontente de leurs procéé par
rapport aux penfions . Pour la mettre en éat de les
mieux juger , je vais lui rendre compte des penfions
qui ont ééaccordés depuis que je fuis entréen
place & de celles qu'en fe propofe de donner. J'obferverai
cependant que , felon moi , le Roi & fes
Miniftres ne font point ftrictement lié par le bill
en queſion , parce qu'il ne doit avoir de vigueur
qu'au 5 Avril prochain. Je reviens àl'éuméation
des penfions. Il en a ééaccordéune au Lord Chancelier
, laquelle fera fupprimé lorsqu'il prendra
dans l'Echiquier la place dont il a l'expectative.
Il en a éédonnéune au Lord Grantham , qui àſn
retour
( 169 )
retour de Madrid n'a point voula recevoir les appointemens
d'Amballadeur que S. M. vouloit lui
continuer. Le Chevalier Jofeph Yorck a obtenu une
Fenfion de 2000 liv. pour trente annés de fervice.
On en a promis une de 700 liv . àun commis de la
Tréorerie qui fe diftingue depuis long- tems dans
fa place par fon zèe & par fon intérité Il en a
éépromis une autre de 300 liv. àM. Morgan
Secréaire du Chevalier Guy Carleton , & une de 2
à300 liv. àun éuyer du Roi retirédu fervice de
S. M. àcauſ de fon grand âe. Si la Chambre veut
bien confidéer que ces penfions ont ééaccordés à toutes perfonnes qui ont fervi le Roi ou l'Etat avec
d.ſinction , & qui pour la plupart font avancés en
âe ou infirmes ; je ne doute point qu'elle n'approuve
la conduite des Miniftres en cette occafion.
>
M. Fox prit enfuite la parole & dit : »J'approuve
haurement la motion , & je pense qu'elle fait honnur
àM. Powis . Qacique mes opinious politiques
foient trè - difféentes de celles du Lord Chanceler
, cela ne m'empêhe point de rendre juftice
àfes talens & àfa capacité Mais pourquoi lui
avoir accordécette Penfion ? Eft-ce pour le réompenfer
d'avoir contribuéaux meſres qui ont caufé le malheur de ce Pays ; car en eftimant le Lord
Thurlow comme particulier je le trouve trèapiéumable
comme homme public. J'en dirai autant
du Lord Grantham . Il peut fe faire qu'il méite
en effet tous les éoges qu'on fait de lai ;
mais je fai qu'il méite une Penfion . Apparemment
que felon le dogme politique de M. Pitt , perfonne
ne peut entrer dans les Comité de S. M. , fans
s'êre d'avance affuréd'une Penfion , lors de fa retraite
; c'est par une fuite du mêe fyftêe , que
l'on a donnéàM. Dundaff une place fans fonctions
mais trè- lucrative , en Ecoffe , pour l'engager
à accepter la place de Tréorier de la Marine .
Il falloit en véitéque l'Adminiſration fû biem
22 Mars 1783. h
( 170 )
foible , pour êre obligé de recruter àfi haut prix ,
le Membres dont elle croyoit avoir befoin. La
motion actuelle dont M. Burke a donnéle premier
l'idé , eft de la dernièe importance dans ce
moment de crife. Les repréentans de la Nation
ne peuvent veiller avec trop de fermeté, de vigilance
& mêe de circonſection , au maintien de
leurs droits & de leurs liberté ; car jamais la
conftitution de ce Pays , n'a couru un danger auffi
alarmant & auffi manifeſe , que ce dont elle eſ
menacé. Déa le bruit fe réand que le Parlement
va êre diffous. Quoique je ne puiffe ajouter foi
àune pareille nouvelle , j'avoue que cette feule
idé me fait fréir d'horreur , & j'espèe que perfonne
ne fera affez vil , ou pour mieux dire aflez
tééaire , pour ofer donner àS. M. un confe
auff dangereux. Le Lord Avocat d'Ecoffe
( M. Dundaff ) chercha àfe juftifier du reproche de
M. Fox , en difant que la place dont parloit ce
Membre , lui avoit éédonné avant qu'il eû aucune
liaiſn avec l'Adminiftration , que c'éoit une
grace particulièe & fpontané du Roi , & qu'il ne
pouvoit la refufer fans manquer àS. M. - Aprè
quelques obfervations , la Chambre donna fon
confentement àla motion pour l'adreffe , avec les
léers amandemens propofé par M. Elliot , & il
fut ordonnéque l'adreſ .e ainfi réigé , feroit préenté
au Roi , par ceux des Membres de la Cham
bie qui font Confeillers-privé de S. M.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 18 Mars.
Le Comte d'Andlau , premier des quatre
Chevaliers hééitaires du S. Empire , Brigadier
des Armés du Roi , & Mestre de
Camp , Commandant du Réiment Royal-
1
( 171 )
1
Lorraine Cavalerie , que le Roi a nommé fon Miniftre Pléipotentiaire àBruxelles ,
a eu l'honneur d'êre préentéàS. M. par
le Comte de Vergennes , Chef du Confeil
des Finances , Miniftre & Secréaire
d'Etat ayant le déartement des affaires
érangèes.
Le Roi a accordéles places de Meftre de
Camp en fecond du Réiment d'Infanterie
de Bearn , au Marquis de St- Tropè ; du
Réiment de Bourbonnois , au Marquis de
Montefquiou ; du Réiment de Lyonnois ,
au Vicomte de Montefquiou- Marfan ; du
Réiment de Berry , au Comte de Senlis ;
du Réiment de Boulonnois , au Comte
d'Avaray ; celles de Mestre de Camp , Lieutenant
en fecond du Réiment du Commiffaire
Gééal de Cavalerie , au Marquis
de Contades ; du Réiment des Cuiraffiers ,
au Comte de Gouy- d'Arcy ; du Réiment
Royal Cravattes , au Duc de Valentinois ;
du Réiment Royal- Picardie , au Comte de
Beuvron ; du Réiment Royal - Dragons ,
au Comte de Grammont d'Aftré
Le 9 de ce mois la Ducheffe de Charoft
୨ a cu l'honneur d'êre préenté àL. M.
& àla Famille Royale par la Ducheffe de
Bethune , & de prendre le tabourer.
De PARIS , le 18 Mars.
LES lettres d'Espagne nous apprennent
que M. le Comte d'Estaing qui avoit paffé àMadrid , oùil s'éoit arrêéen revenant
h 2
( 172 )
1
en France , a quittétout à coup cette Cour
pour retourner àCadix ; on ignore le motif
de ce nouveau voyage , àmoins qu'il n'aille
préider au déarmement de la flotte Efpagnole.
--
-
Une partie des vaiffeaux que nous avons àCadix ,
érit- on de Toulon , doit venir déarmer dans ce
port ; plufieurs de ceux qui font en commiſ .ion dans
les difféentes parties du monde y reviendront auffi ;
& voici l'éat de ceux qui resteront affecté àce déartement.
Vaiffeaux de 80 canons . La Couronne ,
Je Triomphant qui font actuellement en Améique .
-Vaiffeaux de 74 , l'Actif, l' Alcide , le Cenfeur , le
Deftin , le Dictateur , le Guerrier , le Puiffant , le
Suffifant , le Zodiaque qui font àCadix ; la Bourgogne
, le Conquéant , le Souverain qui font en
Améique ; le Centaure , l'Heureux qui font dans ce
port , & le Mercure & le Séuifant qui y font en
conftruction. Vaiffeaux de 64 ; Alexandre , le
Hardi qui font dans l'Inde ; l'Indien , le Lyon , la
Provence , le Réléhi àCadix. - Fréates de 40
canons de 18 1.; la Jeanne , la Minerve qui font ici ;
l'Iris àCadix. Fréates de 32 canons de 12 liv.;
Alcefte , la Friponne , la Serieufe qui font ici ;
la Veftale , la Préieuse àCadix ; l'Aurore , la Sultane
en Syrie ; la Lutine , le Mont-Réi au Levant ;
la Boudeufe dans l'Archipel. -Fréate de 26 canons
de 18 liv . La Flore qui eft àTunis ; la Mignone , la
Pleyade ici.
Corvettes de 18 canons de 8 liv. La
Badine qui eft àBonne en Afrique ; la Belette &
la Poulette àCadix ; la Séillante , la Blonde , la
Brune ici ; la Coquette ea Améique ; la Nayade
dans l'Inde . - Corvettes de 18 canons de 6 liv . La
Fleche ici ; la Sardine àCadix . Corvettes de 16
--
- canons de 4 liv. La Suzanne qui eft ich. Nous
avons encore dans ce port 3 galiotes àbombes qui
font l'Etna , la Salamandre , la Tempêe de 6 canons.
( 17 ; )
-
Toutes les lettres d'Italie ne font rem
plies maintenant que des déails du déaftre
de Mefine , àcelles que nous avons déà donnénous en joindrons une de Turin , qui
contient les fuivans ; elle eft du 1 Mars .
גכ»Hier le Courier nous apporta le premier déail
du déaſre arrivédans le Royaume des Deux- Siciles
. Les lettres de Naples difent que le S Fevrier ,
vers les onze heures du matin , on reffentit dans
la Calabre intéieure & dans la Sicile un tremblement
, qui avoit fa direction du levant au couchant ,
il dura environ fix minutes dans un mouvement d'ondulation
; les fecouffes furent fréuentes , puifqu'on
en compta 32 jufqu'àune heure aprè - minuit , qu'on
éro iva la plus forte ; elles continuèent encore le
6. & le 7 ,
àdifféentes rérifes , la mer en furie
cherchoit àrompre les bornes de la nature. Le ciel ,
par un déuge d'eau , paroiffoit concourir àla deftruction
de ce miferable peuple qui , pendant cet
intervalle , dans les plus profondes téères , é:oit
encore menacéd'êre foudroyétant le tonnerre éoit
fréuent. On ignore encore une grande partie des
tines effets de ce phéomèe , ce qu'on en fait
a ééannnoncépar le Courier de Calabre , arrivé le 14. La Calabre ultéieure contenoit 375 Villes
ou Villages , 310 defquels font prefque déruits.
Le Prince Cariati y a perdu 17 fiefs , dans lefquels
éoient les Villes de Sommera & Palmi , dont il n'eſ
pas teſépierre fur pierre. Le Prince d'Iſhiſ , qui
éoit dans la Ville de ce nom , aux premièes fecouffes
fortit de la Ville & fe réugia dans une chaloupe
oùil fut fubmergéquelques inftans aprè & la Ville
de fond en comble . Celui d'Ardoréeft réuit au feul
fief de S -Georges. La Princeffe Genare Grimaldi ,
qui fe trouva àGenare , fut enterré fous les ruines
, & confumé par le fea qui réuifit tout en cesdres.
Enfia , le Roi , les Seigneurs & les Néocians
h 3
( 174
ont tout perdu. Les foies , l'huile , les grains , le
vin , tout eft anénti ; les fortifications ruinés ; la
pointe d'Atorre del Farro & la Ville de Pizzo fe font
abîés dans la mer , de mêe que la fi céère &
ancienne Ville de Reggio , celle de Monte Leone &
plufieurs autres confidéables : le fleuve Petrarchéqui
traverfeit la Province a diſaru , car le Courier le
paffa àfec. Une fréate du Roi qui éoit àl'ancre à Melfine, affure qu'une grande partie de la Ville eft ruiné.
La Nobleffe s'eft lauvé en partie fur des chaloupes,
mais déué de tout.Il s'eft ouvert plufieurs abîes.
aux environs de Meſ .ine , dont un exhale continuellement
de la fumé mêé de ſufre. On doute de .
plus fi l'Ile de Lipari exifte encore , parce qu'un
bâiment qui éoit àcette hauteur & qui a recueilli
plufieurs habitans qui s'enfuyoient dans des bateaux ,
difent que les fecouffes y éoient fi terribles qu'on
croyoit que les quatre ééens alloient fe confondre".
Nous recueillerons encore quelques déails
tiré d'une lettre de Naples du 20 .
Férier.
On n'eft pas encore revenu ici de l'effroi & da
faififfement que la terrible cataftrophe de Metline &
de la Calabre a canfé , & tous les avis que l'on
reçit des difféentes perfonnes envoyés par le
Gouvernement , font bien propres ànous entretenir
dans l'idé que nous avions de cet affreux déaftre. '
Nous n'avons encore de Meffine que des nouvelles
vagues ; nous favons feulement que le nombre des
morts peut monter àenviron cinq mille. Mme l'AIdement
, femme du Conful , a eu le bonheur de ſ
fauver avec les enfans . M. Brechtel , Conſl de
Hollande & chargédes affaires de France dans l'abfence
de M. l'Allement n'a pas ééauffi heureux ;
il a ééenſ éveli fous les ruines de ſ maiſn avec
trois domestiquer. En Calabre le Prince de Silla s'eft
royé, en voulant fe fauver d'entre les ruines de fon
châeau qui s'éroula avec le Village. Un petit bourg
175.
1
appelléPirobal , fituéfur le haut d'une montagne au
bord de la mer , a coulétout enter dans les flots
avec une grande partie du rocher. Le Prince Cariati
y a perdu dix - fept fiefs avec châeau , villages . Le
Duc de Monteleone , villages , châeaux & trois
villes. Le Prince de la Vocella a perdu les fiens ,
ainfi que le Duc de l'Iufantado fa jolie ville de
Melito. Le châeau de Belmontéest tout ouvert &
une grande partie s'eft éroulé avec le village. Enfin,
les Villes de Reggio, de Silla , de Bagarara, Crotone,
font prefqu'entièement déruites . Le Roi a envoyéà Meffine des ch becs & une fréate chargé de vivres
, d'habillemens , de méicamens , & c . & cin- ,
quante mille onces [ 750,000 liv. ] . Le Prince de
Člvafoufla commande ce déachement , le Roi a
priéauffi tous les Barons d'aller eux-mêes dans
leurs terres pour encourager & fecourir leurs vaf
faux , le Maréhal Pignatelly les a prééé avec
100,000 ducats deftiné àfoulager le pauvre peuple.
Nous attendons & nous craignons de voir les Coutiers
qui doivent nous rendre comp e des déails ultéieurs
de cet horrible éèement «,
Par des avis poftéieurs , on a appris que ces
déaftres avoient ééfort exagéé : les déails que
l'on reçit de par- tout , diminuent le nombre des
morts , qui eft infiniment au-deffous de celui auquel
les premiers rapports groffis par l'effroi l'avoient
porté
Nous avons parléde l'attentat horrible.
commis pendant le carnaval dernier àMarfeille.
Une lettre que nous venons de re-'
cevoir en offre un réit plus circonftancié que nous placerons ici.
33
Les principaux citoyens de cette ville avoient
forméun pique-nique dans la guiaguette da ficar
Conftant , vers la porte de Noailles : toute la no
bleffe & la haute bourgeoifie s'y affembloient le foir
la
4
( 176 )
deux fois par femaine : on y danfoit , on y foupoit
& y jouoit enfuite une partie de la nuit . Le
famedi 22 Férier , Mde. de Bras , femme jeune ,
jolie & irrérochable dans fes moeurs , fortit de
cette affemblé , entre deux & trois heures du matin.
Lorfqu'elle fut àfa porte , & tandis que fes
porteurs tiroient les bâons de fa chaife pour la faire
fortir , un homme marqué& enveloppéd'un grand
manteau , s'approcha par derriere , appuya fon bras
gauche fur le porteur qui s'éoit baillé, & de la
droite , il tira en plongeant un coup de pistoler ou
plutô de tromblon , & le reira tranquillement . Les
porteurs crurent d'abord que c'éoit une plaifanterie
de Carnaval , & qu'on avoit voulu feulement faire
peur àcette dame ; ils frapperent àla porte , &
comme Mde . de Bras ne faifoit aucun mouvement ,
its crurent qu'elle fe trouvoit mal de la frayeur que
le bruit pouvoit lui avoir caufé. On la menta dans
fa Chambre , & comme on s'efforçit en vain de la
faire revenir , on manda un Chirurgien qui la trouva
morte. Il n'y avoit aucune trace de fang ; on la
déhablla , & en la retournant fur le dos on apperçz
un trou derriere le col , & d'autres plus bas , qui
alloient en plongeant , fans aucune marque fanguinolente
; on fit l'ouverture du cadavre & on trouva
fept balles dans le corps , dont quelques unes éoient
mâhés. Ce terrible éèement fit beaucoup de
bruit dans la matiné ; on ne pouvoit concevoir
l'auteur & la caufe de cet infâe affaffinat . Les foupçns
publics fe portèent enfin fur le Commandeur
de Franc *** ( Commandeur , non de Malthe , mais
d'un Ordre d'Italie ) qui éoit en mêe tems fon
beau-pere & beau-frere. La Juftice ayant apparemment
acquis des preuves contre lui , le déréa de
prife de corps , & fit inveftir fa maiſn àquatre
heures du matin . Un homme déuiléfrappa rudement
àla sorte , fous préexte d'avoirune lettre pref
fé àlui remettie. Une fervante , aprè bien des diffi(
177 )
culté , ouvrir. Le Commandant de la Maréhauffé
entra dans l'inftant avec tous les Grenadiers ; mit úe
fentinelle àla perte de la chambre de chaque domeftique
, & entra dans cel e du maîre qu'on trouva
levé& habillé, il l'arrêa : le Lieutenant- Criminel
qui éoit dans le voisinage , arriva fur -le- champ avec
fes Officiers ; on fouilla dans l'appartement , & l'on
trouva dans un cabinet un petit fufil àdeux coups ou
efpece de doublet omblon. Interrogéfur cette arme ,
il parut pâir ; on dreffa procè - verbal de tout , & on
conduisit l'accuféefcortépar cinquante grenadiers.
Il avoit demandéfa malle qu'on eut l'imprudence de
lui faire remettre fans la vifiter ; dans cette malle
éoit fon néellaire , ou il y avoit deux rafoirs. Lorf
qu'il s'eft trouvéfeul , il s'eft mis fur fon lit & s'eit
coupéla gorge avec fes deux rafoirs : le premier
avoit rencontréles os de la mâhoire , il s'éoit éréhé
& il avoit cu la force de prendre le fecond pour
s'achever ; on lui a fait fon procè , comme fuicide
àêre traîéfur la claie , pendu par les pieds , & jette
àla voierie. On a hier arrêéſn fils , ancien Officier
dans le réiment de *** aux environs d'Aix , ila éé mis aa cachot , & aujourd'hui on l'a transfééàMarfeille
, efcortéde deux brigades de Maréhauffé &
de cinquante grenadiers . L'on fouhaite qu'il ne foir
pas complice de ce crime. Voici fur quoi portoient les
premiers foupçns du public . La mere de Mde. de
Bas éoit une riche veuve en Améique , elle devint
amoureufe de M. de Franc *** , Chevalier de Saint-
Louis , qui éoit alors dans les Colonies , & l'éoufa :
elle n'avoit qu'une fille unique envoyé en France dè
l'enfance , àqui tous les biens appartenoient ; le mari
propofa àfa femme de marier cette fille àun de fes
freres : cette union eut lieu , quoique cette fille n'eû
pas encore douze ans ; elle refta dans le Couvent jufqu'à ce qu'ellefû nubile. M.de Franc *** & fa femme
ont diffipéla plus grande partie de la fucceffion , &
aprè la mort de fa mere ; madame de Bras éoit fur le
h s
"
( 178 )
point de demander compte àfon bean- pere , en mêe
tems fn beau-fiere ,
de ce qui devoit lui appartenir ,
& ce procè alloit bientô commencer,
Le Gouvernement vient de faire imprimer
un méoire trè- intéeffant fur la maladie
qui a attaquéen difféens tems les femmes
en couche àl'Hôel-Dieu de Paris. Son
objet eft de faire connoîre une méhode
auffi fimple que fûe , dû àfeu M. Doulcet,
& employé avec un fuccè conftant á 1 Hôel-Dieu contre cette maladie affreufe
qui s'y eft montré àdifféentes éoques
& qui toujours a paru y réner éidéi
quement.
La defcription de cette terrible maladie fait
mieux fentir l'importance du fervice rendu àl'hu→
manitéouffrante , par un Citoyen modefte & vertueux
, qu'une mort préaturé , comme s'exprime
le Rappert de la Facultéde Méecine , vient
d'enlever aux juftes téoignages de la reconnoiffance
publique. Il n'eur pas déouvert la méhode
dont il s'agit , qu'il la fit pratiquer jour &
nuit , àl'Hôel Dieu ; »& en quatre mois , pendant
lefquels l'éidéie réna avec fureur , prè
de 200 femmes furent rendues àla vie : cinq o
fix feulement , qui toutes avoient refuféde prendre
le remèe , furent les victimes de leur obftination
« Voilà, difent les Commiffaires qui ont
fignéle Rapport , un de ces phéomèes rares qui
font éoque en Méecine . Le Traitement indiqué par M. Doulcet confifle àfaifir le moment de
Îinvafion ; àdonner alors , fans perdre un inftant ,
quinze grains d'i éaca nha en deux dofes , àune
heure & demie d'intervalle ; àrétéer le lendemain ,
foit que les fymptôes forent d'miné , ou qu'ils
perfiftent dans la mêe intenfité; & s'ils conti
( 179 )
nuent encore , àrééer l'uſge du mêe remèe
jufqu'àtrois & quatre fois , fuivant leur opiniâreté
Dans les intervalles , on foutient l'effet de
l'ipéaenaoha par une potion , compafé de deux
onces d'huile d'amandes douces , d'une once de fyrop
de guimauve & de deux grains de kermè
minéal, La boiffon ordinaire confifte dans une fimple
cau de graine de lin ou de feorfonnere , éulcoré
avec le fyrop de guimauve ; & vers le feptièe
ou le huitièe jour de la maladie , on fait,
prendre aux malades une douce purgation , que
l'on rétèe trois ou quatre fois , felon que le,
cas l'exige « Aprè avoir confignéici cette méhode
, nous invitons àlire l'ouvrage cu la maladie
eft dérite. On y verra qu'elle n'eft ni nouvelle , ni
particulièe àl'Hôel-Dieu : »qu'il éoit par conféuent
d'autant plus avantageux d'en publier la
defcription , qu'au moyen du déail exact de fes
fymptôes , que la Facultédonne dans fon Méoire
, elle ne fera plus méonnue , & qu'enfin le
traitement qui lui eft propre éant rendu public , on
aura la fatisfaction de fauver la vie àdes femmes
voués auparavant une mort certaine «.
Parmi les entreprifes dont l'importance
eft éale àl'intéê , le Public a dûdiftiaguer
la nouvelle éition des OEuvres de -
Plutarque , traduites par Amyot , en 24
vol . in- 8 °. orné de figures en taille - douce ,
dont nous avons annoncéla fouſription.
Elle fera fur papier fin d'Angoulêe , &
on en tirera quelques exemplaires in- 8°fur
papier de Hollande , & un in 4º, fur papier
d'Annonay & fur papier velin . L'Edireur
a fait faire des effiis de chaque formit
& de chaque papier ; les amateurs &
les curieux peuvent les voir chez lui tous
h 6
( 180 )
les jours & àtoute heure. Nous les avons
eu fous les yeux , & nous ne pouvons que
joindre nos éoges àceux que le Public ne
manquera pas de donner àla beauté, aufoin
& àl'ééance qui caractéiferont cette
nouvelle éition ; elle eft digne des preffes
de M. Pierres (1).
La feconde livraison des Eftampes deſinés aux
Euvres de M. de Voltaire , vient de paroîre ; la
premièe contient les gravures de la Henriade , celles
que nous avons fous les yeux font éalement au
nombre de 10 ; les 8 premièes font pour le thé âtre ,
elles font toutes des tableaux dans ce grand genre.
La reconnoiffance de Jocafte & d'Edipe eft le fujer
de la premièe ; l'horreur & l'effroi font peints fur
les figures pincipales , avec une éergie qui paffe
dans l'ame du Spectateur. Héode alfallin' des parens
de Marianne , fon perféuteur comme celui de fa
familie , & lui demandant fa tendreffe , eft le fujet
de la feconde. La troifièe préente Brutus , fuppliant
les Dieux de pardonner àRome le déai
qu'elle a apportéàcondamner Tarquin . La quatrièe
, Lufignan au nilieu de les enfans , qu'il vient
de reconnoîre , & exprimant la reconnoiffance envers
Dieu , qui lui rend Zaire , & fon doute for
la religion qu'elle profeffe . Toutes ces figures ont un
caractèe bien prononcé; Zaïe feule cache fon vifage
& fon trouble. La cinquièe offre Zamore , rélamant
les fermens & la foi d'alzire , éanouie entre
les bras d'une de fes femmes. Dans la fixièe , An-
( 1 ) La foufcription fera fermé àla fin de ce mois pour
Paris , & àla fin du mois prochain pour la Province & pour
l'éranger. Elle eft de 132 liv . , dont on paye 27 en foufcriyant
& pareille fomme en recevant chaque livraiſn pour
les exemplaires en papier fin d'Angoulêe. De 264 done
on paye en foufcrivant 54 pour le papier de Hollande . De
$76 pour l'exemplaire in-4 . , papier d'Annonay , & dont on
Pay 144 liv. en foufcrivant.
-
7181 )
a
toine montre au Peuple Romain les Reftes de Céar.
En voyant cette Eftampe on déiteroit que les Coméiens
qui repréen ent cette Pièe , ellayallent
d'imiter le Peintre habile qui a rendu ce tableau . La
feptièe eft de l'effet le plus agréble , & qui contrafte
avec les prééentes ; elle eft destiné àêre
placé au-devant de la Coméie de l'Indiferet. La
huitièe offie la Baronne irrité des graces de Nanine
, & s'empreffant de lui dire : Gardez- vous , je
vous prie , d'imaginer que vous foyez jolie. Les
deux dernièes Ettampes font , l'une pour le pauvre.
Diable , & l'autre pour l'Ingéu ; & toutes séondent
aux talens fupéieurs de M. Moreau le jeune
qui les a destinés , & qui a préidéàla gravure faite
par les meilleurs Antiftes ( 1).
:
»Le Musé de Paris a tenu le 6 de ce mois ,
àl'occafion de la paix , une fénce publique . M. le
Docteur Franklin , membre du Mafé , s'y eft rendu
à heures dè qu'il a paru , le public lui a téoigué fa fatisfaction par des applaudiilemens redou
blé . M. de Cailhava , Préident en exercice , a fat
l'ouverture de la fénce par ua Difcours analogue à la circonftance. M. Trincano a lu un Difcours fur
l'éat de paix confidéérelativement au bonheur & à la force des Nations . M. de Paſoret , un Parallèe
raifonnéde la léiflation des Francs & de celle des
Germains. M. l'Abbéde Cournand , Secréaire da
Mufé , un Difcours en vers fur la protection que
les Princes & les Grands doivent aux Arts , aux Lettres
& aux Sciences . M. l'AbbéGuyot , un Eflai far ,
les avantages des jeux & exercices publics , confdéé
dans leur rapport avec la conftitution des
Etats . M. l'AbbéCordier de Saint-Firmin , une Epitre
en vers àun Magiftrat , compofé par M. de la
Louptiere , correfpondant du Mufé. M. du Carla ,
(1 ) Ces Estampes préieufes fe trouvent chez M. Moreau ,
Deflinateur & Graveur du Roi & de fon Cabinet , rue du Coq
St-Honoré
(, 182 )
Vice Pré .ident de la Sociéé, un Difcours fur la ré volution préente de l'Améique. M. de Paftoret ,
une Eş ître en vers fur les Soupers de Paris , par M.
de Lanier , correfpondant du Mifé . M. l'Abbé Brifard , une Alléorie ingéicate cùil a rapproché les faits les plus intéeffans pour la Nation , fous
le titre de fragment de Xéophon , trouvépar un
Anglois dans les uines de Palmyre. M. Vieith , des
Stances de M. Berenger , correfpondant d'Orléns ,
avec ce titre le Sage bienfaifant . M. Pons de Verdun
, difféens Contes en vers . M. l'Abbéle Monnier
, deux Fables , l'une intitulé le Ruiffeau , l'autre
le Cheval bledé. M. Court de Gebelin , Pré .ident
honoraire perpéuel , 3 morceaux extraits d'un ouvrage
en vers , qui a pour titre : 1 Aigle Voyageur.
M. de Piis , un fragment de fon Poëe fur l'harmonie
imitative. - La variéé, le goû & le choix des
morceaux qui ont éélus , les éoges du Roi , ceux
des perfonnes diftingués qui ont concouru aux fuccè
de la guerre & àla conclufion de la paix , ont
excitéla plus vive fenfation dans l'affemblé qui
éoit trè-nombreu e & trè -brillante. Le Bufte du
Docteur Francklin , dennéau Mufé par M. Houdon
, a éépréentéau public. Sa effemblance parfaire
, dont on écit en éat de juger dans le moment
mêe , a valu àcet habile Artifte les applaudiffemens
les plus méité . On a la des vers de M.
Vieilh , composé pour êre mis an bas de ce Buſe.
Le concert a éébrillant par le nombre & le méite
des excellens Artiftes qui ont concouru àle former ,
par l'i telligence qui a rénéentr'eux , & par l'enthoufia
me avec lequel ils fe font prêé aux vues
du Mufe de Paris , d'une manièe auf honorable
pour eux que fari faifante pour le public Ils ont fait
l'ouverture du Concert par une fuperbe fymphonie .
de Golfec. M. l'AbbéGontier a chantéun morcea
de Profe cadencé , mife en muliq e par M. Navogil
l'aîé. MM de la mufique de M. le Comte d'Albaret
ont chantéle Sommeil d'Athys , avec des paroles
I
( 183 )
de M. Garnier , membre du Mufé , relatives àla
paix , & ane Chanfon en quatuor fur la paix &
fur l'air de Malborough , paroles du mêe Auteur.
Mademoiſlle Ponti a exéutéavec M. Neveu un
duo àquatre mains fur le piano forté. Elle a exéuté enfuite une fonate de fa compofition. M. Coufineau ,
Luthier de la Reine , a exéutéfur la harpe une
fonate de M. Cardonner. M Adrien a chantéune
fcèe Italienne , qui a ééfort applaudie . Le concert
a fini par une fymphonie de la compofition de M.
Bach ".
Le Déô gééal des mèhes éonomiqué
du Sieur Léer que nous avons annoncés
, eft àParis rue & Hôel Serper te.
C'eft au fieur Buiffon , Directeur de ce déô audit
Hôel , & feal chargéde la diftribution pour
les Provinces & les Pays érangers , qu'il faut adreffer
les lettres & l'argent francs de port. Il expéiera,
avet cééitéles demandes qui lui feront faites ,
par les diligences & autres voitures , dans des
boîes faites exprè , qui peuvent en contenir plu
fieers douzaines ; le prix de la douzaine de mèhes
marqués no. 1 , qui confument un quarteron d huile.
dans 20 heures , eft de 30 fols ; la douzaine marqué
no. 2 , en confi me la mêe quantitéen 18
heures , & coûe 36 fols ; celle n°. ; , qui confume
autant d'huile en 12 à13 heures , coute 2 liv .;
les mèhes rondes ou de nuit en 22 ou 24 heures
coûent 24 fols. Le prix de la boîe qui les contient
eft de 10 fols , qu'on paie àpart ( 1 ) .
>
(2) On trouve àla mêe adreffe un Ouvrage qui peut piquer
la curiofité, & dont le titre indique l'objet . Bibliothèue
Phifico éonomique inftructive & amufante , recueillie en
1782 , contenant des Méoires & Obfervations - pratiques fur
l'éonomie rustique , fur les nouvelles déouvertes les plus in-.
téeffantes ; la Defcription des nouvelles machines inventés
pour la perfection des Arts utiles , agrébles , &c. nombre
de recettes , pratiques & procéé déouverts en 1782 , fur
les maladies des hommes & des animaux , fü l'éonomie
( 184 )
Le Public qui a vu avec plaifir le Sa
vetier & le Financier , Opéa comique de
M. Rigel , apprendra avec plaifir que ce céère
Compofiteur vient d'en arranger l'ouverture
pour le fortépiano avec accompagnement
d'un violon , ainfi qu'un recueil
d'airs choifis du mêe Opéa. Il fe peut que
ces mêes morceaux qui font trè agrébles
engageat d'autres Muficiens àles arranger
pour le clavecin ; mais le Public élairé prééera toujours le travail fait par l'Artifte
habile qui les a compofé ( 1 ) .
Pierre Laurel , ayant fervi dix-fept ans
fous le rène de Louis - le Grand , blefféau
fort d'Eſarpe au fiée de Lille en 1708 &
retiréen 1711 , eft mort en la paroiffe du
Menil-Oury , Diocèe de Lifieux , dans la
103e. anné de fon âe , le 26 Déembre
dernier. M. Noë Dupendant , Carédu
mêe lieu , y eft mort le 15 Férier dernier
, âéde 107 ans , ayant continuéde
remplir fes fonctions jufqu'à104 ans .
Edme-Françis Marcel d'Allonville , Sire
de Fuligny , Baron d'Oifonville & de Vertoin
, ancien Officier au réiment des
Gardes - Françifes , eft mort dans fon Châomeftique
, & en gééal fur tous les objets d'agréent &
d'utilitédans la vie , avec des planches en taille - douce ; prix
3 liv. relié& 2 liv . 10 fols broché, franc de port par la poſe.
(1) L'ouverture du Savetier & du Financier coûe 2 liv . ,
in- 8° , & le recueil d'airs choifis du mêe opéa 4 liv. 4 fols ,
ce dernier forme l'Euvre quinzièe de M. Rigel , l'un &
L'autre fe trouvent chez lui , rue neuve St-Roch , la deuxièe
porte cochèe àgauche par la rue neuve des Petits Champs.
( 185 )
teau de Fuligny en Champagne , le 3 Mars ,
dans la . 89e . anné de fon âe.
Françis - Jofeph Charles de Kergu , Prêre
, néau Châeau du Plefiis -Trin , Diocèe
de Dol , le premier Novembre 1713 ,
eft mort àRennes le 14 Férier 1783 , à P'Hôel des Gentilshommes , dont il éoit
Supéieur principal , & dont il eft regardé àjuste titre comme premier Inftituteur ,
ainsi que de l'Hôel des Demoifelles . Ces
deux éabliffemens d'éucation gratuite pour
la pauvre Nobleffe , auxquels il a confacré fa vie entièe , lui doivent leur exiftence.
Son zèe avoit excitéla bienfaifance des
Etats de Bretagne , celle d'un grand nombre
de particuliers de la province , & a méité l'approbation du Gouverneur. Les Bureaux
d'Adminiſration des deux Hôels , ont arrêé de faire céérer pour l'Abbéde Kergu ,
un Service folemnel , & ont priél'Abbéde
Boisbilly , Vicaire-Gééal du Diocèe de
Rennes , & ancien Commiffaire des Etats
de Bretagne , d'y prononcer l'éoge funère
de ce Prêre citoyen.
De BRUXELLES , le 18 Mars.
Les lettres de Portugal portent que la
Reine a réolu d'accorder dans fes Etats la
libertéde la navigation aux ſjets des Etats-
Unis de l'Améique , & que le decret royal
àce fujet ne tardera pas àêre publié. Les
droits qui fe lèent fur les effets érangers
qui entrent en Portugal pour êre tranfporté
directement àGoa , ainfi que fur ceux
( 186 )
.
qui reviennent de cette ville de l'Inde en
Europe , ont ééfufpendus. Ils feront enfuite
réuits à4 pour 100 , ce qui ne peut
que faire fleurir davantage le commerce de
ce Royaume.
Les lettres de Hollande n'annoncent point
encore l'arrangement de la Réublique avec
l'Angleterre , on s'y flatte toujours qu'avec
la méiation de la France cet accommodement
ne tardera pas , & que les Provinces-
Unies feront remifes dans la pofition oùelles
fe trouvoient , eu éard àleurs territoires
& àleurs poffeffions au commencement des
hoftilité. On dit que la Cour de Londres
confent àla reftitution de Néapatnam &
de Trinquemale , & que la Réublique de
fon côérenonce aux indemnité qu'elle
demandoit.
La grande affaire des fervices fédaux que les
Sééhaux des diſricts de la Province d Over-Yel
exigeoient, quoiqu'ils euffent ééfupprimé dans le
fièle dernier , & que l'on a voulu abolir de nouveau
eft enfin terminé. On connoî les déagréens
& les perféutions qu'elle a occafionné àM. la
Baron Van-der Capellen du Pol , qui a ééréabli
dans fes droits au moment mêe oùles fervitudes.
ont ééanénties. Comme il en réulte une perte
pour les Baillifs , on a déibééfur les moyens de
les en déommager ; & l'Affemblé a nommédes
Commiffaires pour examiner ce qui feroit convenable
, & en rendre compte au Corps Equeft: e & aux
Villes de la Province. Cette Affemblé a pris aulfi
la réolution fuivante au fujet de l'affaire des vailfeaux
qui eurent ordre l'anné dernièe de fe rendre
àBreft. Le Corps Equeftre & les Villes adoptant
1
( 187 )
àcet éard la réolution des Etats de Hollande Sé de Weltfrife , penfent qu'il faudroit que L. H. P.
nommaffent une Commiflion chargé d'examiner
fans déai , fi la difette du néeffaire préexté par
lé Officiers commandé pour cette expéition a eu
lieu , & combien les Collèes d'Amirauté peuvent
y êre impliqué ; afin que dans le cas oùil
confteroit par le rapport de cette Commiſ .ion , que
ces Collées ne fe trouvent ni in mora , ni in culpâ,
il puiffe êre pris des diffofitions àcet éard , &
procééàla recherche des Officiers ou de ceux
qui peuvent s'en êre mêé , fans l'intervention
d'aucun examen prélable «.
PRÉIS DES GAZETTES ANGL. du 8 Mars.
L'arrangement pour la nouvelle Adminiftration
n'eft point encore terminé; tout ce que l'on fait
c'est que
fi cette affaire n'eft pas finie d'ici au 10 ,
le Parlement la prendra en confidéation . Il n'y a
qu'une voix fur le compte du Lord North , pour
la manièe honnêe & loyale , dont il s'eft conduit
pendant tout le cours de cette néociation.
L'octroi d'une Penfion de 2681 liv . par an , au
Lord Thurlow , a pafféan grand Sceau le de. ૬હ . .
ce mois. Ladite Penfion aura lieu jufqu'àce que
la place ( Tellership ) qui lui eft destiné àl'Echiquier
foit vacante , éoque àlaquelle ce Lord ,
éant mis en poffeffion de ladite place , la Penfion ,
ceffera d'avoir lieu .
Le 6 le Lord Howe a préidéau Bureau de l'Amirauté , oùil a ééordonnéde mettre en ordinaire
, un plus grand nombre de vailleaux .
Tous les vaifeaux de l'Inde actuellement à
Portſouth , partiront enfemble pour leurs defti- ,
nations refpectives vers la fin de ce mois , éoque
àlaquelle ils ne courrent plus aucun rifque , d'êre
pris par l'ennemi .
Huit bâimens , deftiné pour la Chine , font
en route pour les rades de Cowes & d'Yarmouth.
( 188 )
Plufieurs vaiffeaux deftiné pour les Ifles , ayant
reç des pafleports de France , d'Efpagne & d'Améque
, font partis de Torbay fans con oi.
On a reç le 6 des déêhes de Gibraltar , en date
du zo Férier ; il y éoit arrivéde Livourne quatre
bâimens Italiens avec de riches cargaifons . Ces
bâimens , chargé pour Londres , ne devoient faire
qu'une courte relâhe dans ce Port .
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉÉ ( 1 ) .
PARLEMENT DE PARIS. Fonctions des Avocats
& Procureurs de la Sééhauffé de Moulins.
Vu par la Cour la Requêe préen é par le
Procureur- Gééal du Roi , contenant qu'il eft in.
forméque les Procureurs de la Sééhauffé de
Moulins font journellement des éritures du minitèe
des Avocats , & entreprennent de traiter des
queftions de Droit & de Coutume ; & comme il eft
important de pourvoir àce que les fonctions des
Procureurs foient réuites dans les bornes qui leur
font preferites par les rèlemens , &c. - La Cour
ordonne que les Arrês de rèlemens dont il s'agit ,
ferent exéuté felon leur forme & teneur ; en
conféuence maintient & garde les Avocats de la
Sééhauffé de Moulins dans le droit de plaider
feuls & privativemet les caufes d'appel ou celles
en matièe de droit & de coutume ; comme autfi
de faire les griefs , caufes d'appel , avertiffemens
dans les affaires appointés en droit , réonſs ,
contredits , falvations , & les autres éritures de
leur ministèe fait déenfes aux Procureurs de
ladite Sééhauffé de plus faite aucunes éritures
du ministèe des Avocats , mêe par Requêe ;
ordonne que les éritures du ministèe des Avocats
n'entreront point en taxe , fi elles ne font faites &
fignés par un Avocat du nombre de ceux qui feront
:
(1 ) On fouferit en tout tems pour ce Journal , du prix de
15 liv. , chez M. Mars , Avocat , rue & hôel Serpente .
( 189 )
inferits fur le tableau ; orioane que les Avocats ne
pourront figner des éritures qu'ils n'auront pas
taites , ni traiter de leurs honoraires avec les Pio-
Curents , àpeine contre les Avocats qui en feront
convaincus , d'êre rayé du tableau ; & contre les
Procureurs , d'interdiction pendant fix mois , pour
la premièe fois , & pour la feconde fois d'inter
diction pour toujours ; ordonne que le préent Arrê
fera lu & publié, l'Audience terante de la Séé chauffé de Moulins , & inferit fur les regiftres
dudit Siée , & fignifiéaux Procureurs , àce qu'ils
aient às'y conformer . Fait en parlement le 6 Septembre
1782.
Frouver,
PARLEMENT DE ROUEN.- Curéadmis à vis-àvis du gros Déimateur , fa poſ .eſ .ion ſr les
menues & vertes dimes. La queftion s'elt éevé
entre les Doyen & Chapitre de la colléiale de Mortain
, & le Curéde Notre-Dame de Tinchebiai.-
Par une charte de 1082 , les Comtes de Mortain ont
fondédans la vile de ce nom , une Colléiale compolé
de feize préen les ils ont attachéles fonctions
de Thélogal ou Préendier de Goron , & lui
'ont donnépour revenus , la dîe de la Lande pourrie
: decimam tolius Landa putride. En 1746 ,
la Thélogale a ééfupprimé & sénie àla manfe du
Chapitre ; ainfi la Colléiale eft maintenant au droit
du Thélogal . La Laade pourrie paroî êre une
forê dériché. Son terrein eft partagéentre quinze
àfeize paroifles qui l'avoifinent : Notre - Dame de
Tinchebrai eſ du nombre. Cependant les Chanoincs
de Mortain , auxquels on ne contefte point la dime
des gros grains , qui leur a ééprobablement accor
dé dans l'origine , àtitre d'indemnité, ont disputé au Curéde Tinchebrai toutes les menues & vertes
dîes , & lui ont offert l'honoraire de fa defferte en
argent, - Sentence du Bailli de Mortain , du 22 Juin´ 1775 , qui avant faire droit , appointe le Curéàla
preuve par lui demandé. - Appel de la des
part
Chanoines. Arrê confirmatifle 12 Férier 1783 ..
-
---
― ( 190 )
PARLEMENT DE BRETAGNE.
-
― Penfion ne peut
êre retenue fur des bééices ré .igné ; en quel cas.
-Vu par la Cour , la requêe de La Cour faifant
droit fur les conclufion's du Procureur Gééal du
Roi , fait déenfes àtous titulaires de cures , préendes
& aurres bééices imcompatibles de retenir penſon
fur celui des bééices qui fera par eux ré .ignépour
garder l'autre , & àtous Notaires de rapporter en
pareil cas la réerve de penfion , àpeine de nullité,
& d'êre procééextraordinairement contre eux ;
fait
pareilles déenfes aux titulaires des cures ou de préendes
, qui les auront réigné avec penfion , & qui
ont ééou feront pourvus dans la fuite d'une autre
cure ou préende , d'exiger les arréages de ladite
penfion par eux réervé fur le premier bééice qu'ils
poffedoient ; ordonne que le préent Arrê fera imprimé , lû& affichépar- tout oùbefoin fera .... afin
queperfonne n'en ignore. Fait en parlement àRennes,
ce 14 Aoû 1782. SignéTRUBLET .
Contestation re-
BAILLIAGE DE MIRECOUR .
lative àla fucceffion d'un Hermite, -Lépold Petit-
Jean dit frere Valbert , Hermite de l'Inftitut de
Saint Antoine & de Saint Jean- Baptiſe , habituédepuis
long-tems de Sainte- Menne , s'eft noyéle préier
Férier dernier dans un ruiffean voifin de fa retraite.
Les parens de cet Hermite ont requis le
Juge du Chapitre de Pouffay , Seigneur du territoire
oùl'hermitage eft fitué, d'appofer les fcellé fur les
effets déaiffé par le frere Valbert , qui avoit la réetation
de faire un commerce affez confidéable en
fouliers & en miel . Le Juge feigneurial a déééà cette requêe ; mais les fcellé ont éécroisé par les
Officiers du Bailliage pour la confervation des droits
de l'Inflitut & le maintien de la juriſiction des Officiers
royaux. Les Supéieurs vifiteurs des Hermites
ont demandéla levé des fcellé . Le Bailliage
a fait déenfes aux parties de fe pourvoir ailleurs
que pardevant lui en premiere inftance. —En
-
( 191 )
conféuence , les parens du frere Valbert ont fait
aligner l'Inftitut au Bailliage de Mirecour , & ont
demandéun Commiflaire de ce Siée pour procéer
àl'inventaire des effe: s de la fucceflion par eux préendue
. Les Hermites ont foutenu qu'on ne pou
voit pas faire d'inventaire dans leurs hermitages.-
Et le 15 Férier 1783 , fur les conclufions de M.
l'Avocat du Roi , le Baillage de Mirecour a ordonné qu'il feroit procéépardevant M. Gaillard , commis
àl'inventaire des tities de famille , papiers & contrats
, ainfi que des effets de trafic & commerce feulement
, Jaiffé par le frere Va bert , avec cet e modification
remarquable , que l'on ne pourroit comprendre
dans cet inventaire les habits , meubles
outils , livres & effets fervans àl'hermitage , & qui
ont éédè ce moment abandonné àl'Inftitur.
PARLEMENT DE TOULOUSE. Gâeau des Rois,
(Caufe extraite du Journal ( 1 ) des Cauſs céères ) .
L'ufage de faire les Rois , on une fêe éuivalente
, eft trè - ancien . Il fe pratiquoit chez les Juifs ,
les Grecs & les Romains . Nous nous en tiendrons - là fur fon origine , afin qu'on ne nous accufe pas de
remonter jufqu'au déuge , far un point d'hiftoire.
peu intéeffant en lui-mêe , quoiqu'aprè tout , il
foit affez intéeffant pour l'homme accabléde maux
& de peines , de les oublier quelquefois , & de réarer
Les forces morales dans la joie d'un feſin où rènent la gaieté& l'amitié; & pour la fociéé,
de conferver ces jours de concorde & de fenfibilité,
oùles familles fe raffemblent àla table de leurs
chefs , refferrent entr'elles les liens de la nature &
du coeur , & éeignent fouvent , dans la bonne hu-
( 1 ) On foufcit pour ce Journal , qui a le fuccè le plus
méité, chez M. des Effarts , Avocat , rue Dauphine , Hôel
de Mouy , qui nous a lui - mêe fourni l'extrait de cette
caufe , & chez Méigot le jeune , Libraire , quai des Auguftins
. Le prix de l'abonnement eft de 18 liv . pour Paris & de
24 iv. pour la Province ,
! 1921 )
''
→
meur de la fêe & l'effufion des fentimens doux ,
d'anciennes injures , des haines fatales . Mais comment
faire les Rois fans un gâeau , fans ce gâeau
fi cher àl'enfance , & mêe aux âes plus Lex
& qui cache dans on tein , la fèe préieuſ qui
doit couronner un des convives ; qui fait naîre dè
le préude du feftin , cette homeur vive & gaie
qu'on n'attend dans les autres galas , que des vapeurs
du dîer & de la mouffe péiliante du vin d'Aï?
Si le pèe de famille n'offre point le gâeau des
Rois àla table oùil rénit fes enfans ; fi le boulanger
malin , cu fars méoire , n'a conftruit qu'un
gâeau vulgaire , fans la fèe royale qui le diftingue ,
plus de joie , & le feftin n'eft plus qu'un diner. Il
n'y a que le boulanger qui le donne qui voit le
gâeau fans joie , ou mêie avec chagrin , s'il eft
avide , comme un retranchement annuel fur les
bééices . Ii eft des villes cu fon préent eft entièement
libre : il en eft d'autres oùle tems & l'ufage
lui en ont fait un devoir . A Touloufe , les boulangers
ont coutume de donner le gâeau des Rois
àleurs pratiques , & le jour mêe de cette fée.
L'anné dernièe ne fut pas heureuſ en r'colie
pour cette province : la cherté, la difette des graius ,
dont le prix cependant le partage ente les contommateurs
autant qu'entre les fabriquans du pain , les
fit difpenfer de leur préent ordinaire , fans tirer à conféuence pour l'avenir. Les Boulangers , bien plus
fatisfaits de l'exception que de la rèle , oublièent
Ja reftriction mife àla grace par les Magiftrats Municipaux
, & voulurent commencer àcette éoque
un nouvel ufage deftructif du premier. Ils refuse rent
net le gâeau de cette anné . Les Capitouls inftruits
de ce refus , appaisèent la plainte univerfelle par
une Ordonnance du 31 Déembre 1782 , qui enjoignit
aux Boulangers ingrats , de donner le gâeau
des Rois fuivant l'ufage. Cette Ordonnance vient
d'êre confirmé par un Arrê qui a éérendu fur
les conclufions de M. l'Avocat- Gééal Reffeguier .
www.m
1
JOURNAL
POLITIQUE
DE BRUXELLES.
Q
TUR QUI E.
De SMYRNE , le Is Férier.
UOIQUE l'on dife depuis quelque tems
des difpofitions pacifiques du Divan ,
relativement aux difféends furvenus entre
la Ruffie & la Porte , & que l'on ait lieu
de fe flatter qu'il n'y aura aucune rupture ,
il est arrivéici des ordres pour faire lever
300 matelots , qui partiront fur- le-champ
pour Conftantinople. On dit que tous les
chantiers de cette Capitale font actuellement
remplis d'Ouvriers occupé àremettre tous
les vaiffeaux en éat. Les ordres expéié ici
pour enrôer des matelots ont ééenvoyé
éalement dans difféens ports de cet Empire
, & les Bachas font exprefféent chargé
de veiller àce qu'ils foient promptement
exéuté.
Il est entréavant-hier dans ce port un
navire Danois nomméla Ville d'Altona ,
Capitaine Hans- Hull ; il vient de Rotter
dam .
29 Mars 1783.
i
( 194 )
DANEMARCK:
De COPENHAGUE , le 26 Férier.
LE Roi , dont les vues bienfaifantes ont
pour objet ſéial l'augmentation du commerce
national , vient d'encourager par des
avances confidéables la pêhe de la baleine
au déroit de Davis , & la conftruction de
plufieurs vaiffeaux marchands dans les difféens
chantiers du Royaume . Le canal creufé· dans le Duchéde Holftein pour joindre la
Baltique àla mer d'Occident avance , & on
croit qu'il fera navigable au commencement
de l'anné prochaine.
La Compagnie d'Affurances de cette Ville
a tenu dernièement une Affemblé gééale
, dans laquelle elle a fixéàSo éus le
bééi e de chaque action ; le lendemain il
en a éévendu plufieurs àraiſn de 610 éus
chacune .
On érit de Moff en Norwèe , que le
20 du mois dernier le navire les Trois- Frèes
a ééréuit en cendres avec toute fa cargaifon
, qui confiftoit en bois de conf
truction.
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 26 Férier.
On a beaucoup parléde l'éection d'une
Compagnie Economique nationale ; ce projet
avantageux àla Nation va êre rélifé;
& voici le plan & l'objet de cette inftitution
.
( 195 )
»La Compagnie Economique Nationale aura fon
Préident , fon Adminiftrateur & fon Caiffier ; il y
aura pour les fonds une chancellerie particulièe ,
pourvue des Officiers néeffaires. Ces fonds feront
principalement employé àfournir le pays de fel , àdé
couvrir les méaux & les minéaux qu'exige la fabrication
des monnoies . On tâhera encore d'éablir une
banque publique qui prêera de l'argent dans le befoin
aux particuliers , avec des intéês convenables.
La Compagnie s'occupera des manufactures da
Royaume , & fur- tout d'y introdure les plus indifpenfables.
Elle formera des magafins publics dans
les Provinces . En faifant des recherches fur les caufes
de déopulation dans ce Royaume , elle cherchera
les moyens d'y reméier. En s'occupant de
l'augmentation des revenus de l'Etat & de ceux du
Rei , elle exclura tout ce qui tendroit àl'accroiffement
des impôs , àl'introduction des monopoles
& àtout autre éabliſ .ement pernicieux «,
ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 8 Mars,
L'ARCHIDUC - MAXIMILIEN ne quittera
'Italie qu'au mois de Juin prochain ; on ne
croit pas qu'il revienne fur-le- champ dans
cette Capitale. Le bruit gééal eft qu'il
pourra paffer en France & dans les Pays -Bas
pour y voir fes auguftes Seurs ; alors il
reviendroit par Cologne , Munſer & Mer,
gentheim.
En conféuence d'un ordre de l'Empe
reur , on ne céérera plus àl'avenir qu'ure
Meffe àla fois dans chaque Eglife & toujours
au mêe Autel. Le but de cette innovation
eft de déaciner l'idé des petites dé i 2
( 196 )
votions particulièes & des Autels priviléié.
Cependant fur les repré .entations de
l'Archevêue , on excepte de ce rèlement
L'Eglife de S. Etienne , oùl'on pourra dire
3 Meffes en mêe- tems , parce que cette
Eglife eft conftruite & divifé , de manièe
àrepréenter trois Eglifes diftinctes.
:
L'Ambaffadeur , beau-frèe du Roi de Maroc , eft
de moyenne taille , & âéde si ans ; d'un caractèe
doux & affable. Il ne parle qu'Arabe & les difféens
idiomes de fon Pays , & des Etats circonvoisins .
Sa peau est trè- noire , mais il a les traits du vifage
trè- réuliers ; fon menton eft entouréd'une barbe
noire ; il porte un bonnet àla manièe des Arabes ,
& un vêement de moufleline blanche femblable au
rochet de nos Eccléiaftiques , qui recouvre une
vefte noire àla Turque ; il n'a point de bas ; une
large culotte lui defcend jufqu'àla cheville du pied ;
fa chauffure eft des fandales un large fabre pend
àfon côé Les gens de fa fuite , trè - bruns de
peau , ont des veftes de diverfes couleurs , mais ils
portent tous un marteau blanc & des chemiſs avec
des manches trè- larges , coupés comme celles des
femmes Europénnes. Le Secréaire de léation eft
le plus blanc de vifage , & fa barbe eft blanche.
Il parle un peu d'Italien ; il a trois Muficiens àfa
fuite ; mais nos oreilles ne peuvent fe faire àleur
mufique . L'Ambaffadeur ne mange que les mets que
lui apprêent les cuifiniers. On lui fert toujours 12
plats ; fa boiffon fe borne àune espèe d'hydromel
trè-fucré& au thé, avec du badian .
De HAMBOURG , le 10 Mars.
LES préaratifs de guerre qui avoient
ceffédans la Bohêe , viennent tout-à coup
d'y recommencer de nouveau ; & l'on y
( 197 )
voir plus d'activitéque jamais ; on eft auffi
fort occupédans les arfenaux d'Autriche &
de Hongrie ; ces mouvemens font le thermomère
des fpéulations de nos Politiques ,
qui tantô annoncent la paix , tantô la
guerre , & qui préendent aujourd'hui que
quoiqu'on en dife, l'éincelle apperçe en Cri
mé , annonce un grand incendie . Quelquesuns
de nos papiers parlent déa de quelques
hoftilité commifes par les Turcs contre les
troupes Ruffes , qui , fi elles avoient eu lieu
en effet , pourroient avoir des fuites fâheufes
; mais ces braits vagues ont ééfi ſuvent
réandus & déentis , que l'on ne peut y
prêer encore aucune confiance .
»L'Empereur , érit- on de Vienne , paffant dernièement
àcheval au Port de Roffan , oùle trouvoient
quelques bâimens chargé de munitions ;
demanda l'Officier chargéde leur direction & de
leur infpection ; quelqu'un lui réond qu'il eft au
cafévoifin : un fecond court pour l'aveitir ; l'Officier
fe hâe d'arriver & voit l'Empereur qui éoit
déa montéfur le bâiment , & qui lui dit d'un ton
froid & féèe : il éoit inutile de vous prefler fi
fort ; vous êes le maîre de retourner : je ne veux
plus que mon fervice vous gêe dans vos plaifirs «.
Les mêes lettres de Vienne offrent les
déails fuivans.
»L'une des vues de l'Empereur eſ d'éablir dans
toutes les Ecoles de fes Etats la plus grande unifor
mitéde doctrine ; & pour y parvenir , il a ordonne
àtous les Ordres réuliers qui voudront permettre
àleurs fujets l'éude de la Thélogie , de les envoyer
tous , fans exception , àl'Univerfitéde la Capitale.
Il fe propofe auffi d'éablir une Ecole de
i 3
( 198 )
Thélogie & univerfelle , oùles Etudians de cha
que Secte , admife dans fes Etats , fe réniront aprè
avoir achevéleurs cours particuliers , afin d'y en
commencer un fur toutes les matièes non controverfés.
On regarde ce moyen comme propre à faire oublier tous les germes de divifion & de
haine contre les adorateurs d'un mêe Dieu «
ITALI E.
De LIVOURNE , le 26 Férier.
ON a reç de Naples la relation fuivante
du tremblement de terre qui s'eft fait ſntir
dans la Calabre & àMeffine le s de ce mois ;
cette relation eft du 18 , & l'Auteur dit
qu'alors les fecouffes continuoient encore.
Tacite
Les effets de ce tremblement de terre n'ont point
d'exemple dans les annales de l'Europe . Le feul qui
lui reffemble en tout point , eft celui des douze
Villes de l'Afie , arivéfous Tibere , & que
a fi bien dérit en peu de mots dans le fecond livre
de fes Annales ( 1 ) . Ces effets font fi terribles qu'ils
font capables de nous retracer une image de la fubmerfion
douteufe des Ifles Atlantides , de la féaration
des terres au déroit de Gibraltar , & de celle
de la Sicile d'avec le continent de l'Italie , éèemens
dont on n'a point de monumens authentiques .
Avant d'entrer dans le déail des effets de ce déaſre ,
il faut donner une idé de l'éendue du thé âtre ſr
lequel il s'eft manifefté Suivant tous les rapports
parvenus jufqu'àpréent dans cette Capitale , ce
thé âtre embraffe une ellypfe allongé d'Orient en Oc
cident , une partie de la mer Ionienne , toute la Calabre
méidionale , les ifles de Lipari , la pointe feptentrionale
de Sicile & cette partie de la mer de Tof-
(1) Eodem anno , duodecim celebres Afiæurbes collapfe
`nodurne motuterræquo improvifior, graviorque peftisfuit&é »
7199 )
---
cane qui fe joint àcelle d'Ionie par le Phare de Mef .
fine , connu autrefois fous le nom de Fretum ficulum.
Il n'eft pas inutile non plus de fe faire une idé de
la fituation de la Calabre . Elle eft divifé dans fa largeur
, en deux parties par un ifthme ou langue de
terre trè- éroite , entre le golfe de Ste - Euphéic
& celui de Squillace ( Lamenticum & Scyllaceum ) ,
fur lequel courent en direction oppofé , les fleuves
Amato & Corace . La partie méidionale forme ce
qu'on appelle Méatarfe ou la pointe du pied de la
fameufe botte d'Italie. Le terrein de cette péinfule
eft peut-êre le plus fertile de toute cette grande ré-
gion. On dit mêe que quoiqu'il ne forme pas la
vingtieme partie du Royaume de Naples , il produit
au moins le dixieme de fon revenu. Chacun fait que
ce pays entier a ééconnu ſus le nom de la Grande
Grèe ( Magna Grecia ) . C'éoit la patrie des arts &
des fciences , du tems de Pythagore & de fes difciples.
Il femble que le centre du tremblement de
terre-dunt nous allons donner la defcription , foit fitué imméiatement fous la partie méidionale & le
terme des ruines fixéaux deux fleuves don : on a déà parlé; tous les phéomèes fe réniffent pour confirmer
cette conjecture. Les parties les plus voifines de
fon éuilibre ont ééles plus fortement éranlés ;
des gouffres ouverts tout- àcoup y ont englouti tout
ce qui éoit àleur porté ; les arbres ont éédéaciné
, les villes déruites de fond en comble ; les eaux
courantes ont perdu ou cachéleur cours . Une riviere
trè-profonde a laifféfon lit àfec. La matiere
volcanique qui a produit tous ces mouvemens
doit le trouver àune profondeur immenſ , & êre
d'une violence inconcevable. L'éendue de la fuperficie
qu'elle a agité , & la pefante ar des montagnes
de granit qu'elle a foulevés, femblenten êre lapreuve
incontestable . Ses fecoufles ont communiquéleurs
impulfions deftructives àl'un & àl'autre ééent. Si
les éifices fe font éroulé , les navires n'ont pas
i
4
( 200 )
-
moins éétourmenté par la mer. Les canons avec
leurs affuts ont éééevé jufqu'àla hauteur de
quelques pouces fur les ponts des bâimens mouillé
àMeffine. La Fréate du Roi a érouvéces effets
. Le gonflement des flots s'eft fait fentir en mêe
tems & avec la mêe force que l'agitation des montagnes.
La maré a fouffert une irréularitéàTarente.
Le Aux a manquédans ce petit golfe , tandis que
les eaux fe portoient avec tant d'abondance dans le
Phare de Meffine , qu'elles inondoient les rivages
dont elles enterroient les malheureux habitans . Des
nouvelles poftéieures nous apprendront que les ravages
fe font éendus plus loin. Le tremblement
de terre a commencéle mercredis de ce mois. La
premiere fecouffe , la plus terrible de toutes & qui a
durédeux minutes, s'eft fait fentir àmidi trois quarts,
la fecon le prefque auffi forte , àfept heures de nuit ;
la troifieme qui a achevéde renverfer la Ville & les
Villages , a eu lieu le vendredi fuivant àdeux heures
& demie aprè midi . On en a comptéjufqu'au famedi
8 , vingt-cinq ou trente autres plus ou moins
léèes , & , felon les avis poftéieurs , on parle d'un
tremblement de terre continuel. Leur mouvement a
ééun composéde foubreffaut , d'ondulation & de
tréidation. Ce n'a pas éépréiséent un tremblement
de terre , mais un renversement de la fuperficie.
Tous les ééens , tous les êres vivans l'ont
reffenti. Le contrecoup s'eft éendu jufqu'àNaples &
fes environs , préiséent au mêe inftant que le
tremblement s'eft fait fentir en Calabre. - Entrons
actuellement dans les déails . Nous commencerons
par Melline , parce que c'eft de cette ville qu'on a
reç les premieres nouvelles du fléu . Il y a plus
d'un fiecle que cette ville céère dans l'hiftoire , &
jouiffant du fite le plus heureux , a commencéàérou
ver des calamité publiques. La guerre fut le premier
fignal de fa ruine , vers le commencement du
fièle dernier. La mort de l'Amiral Ruyter , qui éoit
'( 201 )
· venu pour en preffer le hée , fut le préage fatal de
l'anéntiffement de fa pro péitépolitique . La pefte
de 1743 la déeupla prefque entierement. Le tremblement
de terre dont il est ici queftion , boulverfant
fon fol , en a fait un amas de matiere calciné.
Sa belle Palazzata ou cercle de Palais , a éédéruite
de fond en comble. Le Village de Torre di Faro ou
l'ancien Cloro , n'offre que ruines . Les deux lacs
voifins ont éécomblé ; on ne fait pas encore file
refte de la Sicile a érouvéle mêe fort. Dans la
Calabre , lè déaftres ont ééencore plus grands. A
prendre du côéoccidental de l'Ifthme Lametico ,
On ne voit que villes & villages endommagé ou ruiné.
De ce nombre font Pizzo , Briatico , Bivona ,
Monteleone , Zelogafo , Tropea & tous les Hameaux
qui en déendent ; Milet & tous les environs , Palmi ,
Seminara , Rofarno , Oppida , tous les lieux fitué
dans l'ancien territoire de Mamerto. Les Habitans de
Palmi qui font prefque tous Manufacturiers , ont
éépour la plupart enfevelis fous les ruines avec leurs
méiers : ceux de Séinara qui font prefque tous
Agriculteurs , ont eu le bonheur de fe fauver : Pafquale-
Zaffioti , l'un des meilleurs difciples du Philofophe
Genoveſ a ééretiréavec peine des ruines de
fa maifon. Bagnara & tous les environs ont éédéruits
, ainfi que les autres lieux le long de la côe
jufqu'àReggio , & fur la pente des Apennins , la
Chartreufe de St-Stéhano de Bofco , la mere de
toutes les autres , & le fanctuaire principal des Dominicains
àSoriano , ont éérenversé de fond en
comble. En gééal , les maiſns religieufes ont éé plus en proie àla fureur de ce fléu que les autres.
L'éueil de Scylla , fi fameux par les deſriptions
qu'en ont donnés Homèe & Virgile , s'eft entr'ou
vert , & le Châeau fituéau -deffus , s'est éroulé en partie. Le Prince connu par les cruauté qu'il exerçit
envers fes Vaffaux, ne fe croyant pas àl'abri du
danger dans fon Châeau , bâi fur une roche , fe
2
is
( 202 1
• 6
fait
que
réugiadans unebarque fur le rivage , mais lesvagues
éant extraordinairement agités , àla feconde ſcouffe
detremblement de terre , l'emportèent & l'engloutirent
ainfi que la barque. Tous les gens , &
2700 de fes vaffaux qui s'éoient réugié dans leurs
barques fur les fables de ce rivage , péirent de la
mêe maniere ; on ne fauroit mieux appliquer qu'à ce Prince ce vers fi connu ; incidit in fcyllam cupiens
vitare carybdim. Ce Prince qui éoit octogéaire
fera peu regrettéde ceux de ſs vaffaux qui lui
out furvéu. On regrettera beaucoup , au contraire ,
la Princeffe de Géace Grimaldi qui a ééérasé avec
tous les gens , par le toî de fa maiſn , dans une de
fes terres appellé Cafalnuovo. Cette Princeffe éoit
adoré de fes vaffaux & aimé de tout Naples. On
fa maifon & fa table éoient ouvertes àtous.
Ses autres grands fiefs, Terranova , Drofi & Pieza ,
fitué fur la mer de Tofcane, ont érouvéles mêes
: déaftres ainfi que Géace , fituédans l'ancienne réion
de Locre , fur la mer Ionienne , & tout le pays
de Reggio , qui s'éend fur la rive méidionale de
cette Province. On peut dire en gééal que toute
la côe & tout l'intéieur du pays , depuis le cap
Spartivento jufqu'au cap Stilo & jufqu'àSquillace
ont érouvéle mêe fort. La partie de l'Iftlime depuis
cette derniere ville jufqu'àPizzo & Bivona , n'a
point ééexempte des ravages caufé par ce tremblement
de terre , Carafa & Vena , villages habité par
des Grecs Albanois , ainfi que Borgia , St- Floro , Girefalco
, Maida & autres lieux fitué plus en dedans
des montagnes , ont plus ou moins fouffert felon
leur proximitédu centre du mouvement. Queique
toutes les terres fitués au nord de l'Ifthme , n'ayent
érouvéufqu'àpréent d'autres dommages que des
crevaffes de murs & des chûes de toits , & qu'il ne
foit péi aucun homme , la violence & la continuité des fecouffes y a cependant plongéles habitans dans
la plus grande confternation & le plus grand ef-
2
( 203 )
froi. Ils vivent en attendant fous des tentes & dan's
des baraques que les gens aifé ont fait conſruire.
-Les dommages caufé par les fecouffes du tremblement
de terre , font certainement confidéables ;
mais ils auroient éébeaucoup moindres , fans les
incendies qui ont ééoccafionné par les matièes
combuſibles , tombés fur les cheminés , & dans
les brafiers ardens , àl'heure du dîer . On ne ſuroit
encore calculer le nombre d'hommes qui ont
péi. La perte des effets fera fans doute éorme ;
on en peut juger par ce qui fuit. Le Prince de
Cariati & fes Affocié , ont perdu dans les magazins
de Seminara & de Palmi , environ deux mille
bariques d'huile , éalués àplus de 70 ducats la
barique , & le Baron de Stizano , en a perdu mille.
Il a eu en outre le malheur de perdre toute fa
famille. On dit que l'huile couloit àgros ruiffeaux
dans quelques endroits , & dans d'autres le vin.
Une quantitéprodigieufe de balles de foie , a éé confumé par le feu . Les comestibles , & les autres
productions de la terre , qui font de premièe néeffité & celles deftinés au commerce , manquent
abfolument. La plus grande partie des habitans
, fe nourrit de viande & d'herbes. Les Chartreux
de St- Stefano , qui font toujours bien approvifionné
, ont envoyéacheter du pain , àMonteleone.
Les habitans fe nourriffoient àMeffine , de grains
& de léumes bouillis , qu'on avoit trouvé à Bord des bâimens venus de la Pouille , & chargé
pour Naples . Un des Couriers expéié pour cette
ville , n'a pris d'autre aliment fur toute la route
qu'il a parcourue dans cette malheureufe péinfule ,
qu'un morceau de fromage , qu'il avoit emportévec
lui , & il n'a bu que de l'eau de rivièe. Celui
parti de la pofte de Naples pour la Sicile , éant
arrivéàMonteleone , a ééobligéde rebrouffer
chemin. Tout offre en effet le fpectacle de la
déolation , & de la mort. Un fombre effroi s'elt
i 6
( 204 S
-
emparédes coeurs les plus audacieux. Une pluie
a mis le comble aux déaftres , en offrant aux habitans
confterné , tous les fignes redoutables de
la colèe Divine. Le Roi ayant ééinforméde
ces déaftres , a éépééréde la plus vive douleur.
Le Gouvernement s'eft occupéauffi-tô des
moyens de venir au fecours des habitans de la
Calabre & de la Sicile. Le Chevalier Acton , qui
ále déartement de la Marine & de la guerre ,
a fecondéavec tout le zèe poffible , les mouvemens
de la tendreffe paternelle du Monarque. Dè
les premièes nouvelles , apportés par le Capitaine
Caffiero de Melazzo , ce Miniftre vigilant , a eu
l'attention de fe pourvoir de tout ce qui pouvoit
contribuer au foulagement des malheureux , foir
pour guéir leurs bleffures , ou pour leur procurer-
des alimens. La fréate qui éoit venue
donner la nouvelle de la deftruction de Meffine ,
a dûremettre ce matin àla voile , pour eſorter
quelques bâimens , chargé de tous ces fecours.
D. Vincenzo Pignatelli , s'eft rembarquépour
aller rejoindre fon réiment , en garnifon àMonteleone.
Le Prince de Cavalraſ , s'eſ hâéauffi
de fe rendre àfon Gouvernement de Meffine.
On doit préumer que le Vice- Roi Caracciolo
dont la philantropie eft connue , n'aura pas manqué de préenir par fon zèe & fon activité, les
fages mefures prifes par le Ministèe ; aprè s'êre
Occupéda foulagement des habitans de la Sicile ,
il aura éendu fes foins àceux de la Calabre.
On dit que la Princeffe Douairièe de Villafranca
, a préenu les defirs de l'humanité. Elle a
ouvert fa bourfe , & les magazins de fes terres ,
pour fecourir les malheureux compatriotes. Le
Roi a remercié, par une lettre figné de fa main ,
cette dame gééeufe. Pour empêher l'éigration
des habitans confterné , le Confeil du Roi
a ordonnéque tous les Calabrois & les Siciliens
-
( 205 )
néeffiteux qui fe réugieront dans la Capitale ,
foient pourvus de tout ce qui leur fera néeffaire ,
& renvoyé chez eux pour y reconſruire leurs
maifons. On a fait plus. On leur a envoyédes
fecours , mêe par mer ; & le Maréhal Pignatelli ,
accompagnéd'un grand nombre de perfonnes intelligentes
& actives , eft parti dimanche 16 de
grand matin pour porter ces fecours. M. le Marquis
de Marco , Miniftre des affaires intéieures ,
a érit àtous les Evêues & Gouverneurs des
Pays déolé , d'employer aufki l'argenterie des Eglifes
, qui en ont prodigieufement , au foulagement
des malheureux ; on a mêe infinuéàcet effet ,
aux Seigneurs de fe rendre àleurs terres . Celles des
Ducs de Monteleone & de Seminara , des Princes
de la Roccella & d'Ardore , font en effet fur les
territoires oùle tremblement de terre s'eft fait
fentir. Le Duc de la Guardia eft déa parti , pour
aller recueillir la riche fucceffion du Prince de
Scylla , fon ayeul , qui a éénoyé- Le Gouvernement
a pris en outre des mefures pour préenir les
fuites fâheufes de la terreur , dans une ville auffi
peuplé que Naples , & éalement fujette aux effets
fubits des fermens Volcaniques . Il a fait fufpendre
tous les fpectacles du Carnaval . Le Roi & la Reine
ont ééles premiers , àdonner l'exemple de ces
privations. Leurs Majefté ont confacré, àdes actes
d'une vraie piéé, dans la grande chapelle de la
Cour , les momens deftiné ces amufemens profanes.
Le Gouvernement avoit depuis long- tems
arrêéun Plan , pour guéir Meffine & la Calabre ,
des maux politiques que l'ignorance & les calamité
de plufieurs fièles avoient accumulé , fur des
parties fi importantes , du domaine de fa Majefté
Leurs habitans opprimé , attendoient avec impatience,
le moment d'an foulagement tant de fois
promis , faus jamais s'êre rélifé. La barbarie des
rèlemens fur la foie , l'huile & fur les impofi(
206 )
tions , alloit fubir une forme falutaire . Mais cette
catastrophe oblige le Gouvernement , de donner
d'abord cous fes foins aux maux phyfiques de fes fujets .
Cependant elle pourroit êre l'éoque de leur entier
réabliffement , par le renouvellement de l'ordre
civil dans la Sociéé. Voici certainement une
occafion favorable d'abolir pour toujours , la jurif
diction Fédale & les autres oppreffions , dont la
continuation ne feroit jamais que pallier leurs
maux fans les guéir radicalement. Voici pour
Ferdinand le moment d'imiter avec fermeté, l'exemple
de fon Augufte Pèe , le Roi d'Elpagne.
>
Les déails poftéieurs reçs àNaples
portent que c'eft dans la Calabre ultéieure
que l'on a érouvéles plus grands déâs.
D'aprè tous les rapports on fixe le centre de
l'éranlement au Mont - Affero , dans la grande
chaîe des Apennins , puifque la déaſa ion a diminué en raison de l'éoignement de cette montague.
Razaluevo , village de 4 à5ooo ames , qui en eft
tout prè , a éérenverséavec tant de rapidité, qu'il
ne s'en eft pas fauvéune feule perfonne de toutes celles
qui éoient dans les maifons ; c'eſ làqu'a péi la
Princeffe de Gerace. Stelo a ééféaréen deux par
une ouverture qui s'eft faite dans le milieu du bourg.
Il a péi du monde àSeminara , Palmi & Reggio .
Cependant la plus grande partie des habitans a cu
le tems de fe fauver. Meffine , dont le fort, avoit paru
d'abord le plus délorable , eft de tous les pays qu'on
vient de citer , ce'ui qui dans la proportion a le
moins fouffert , puifque les maifons n'ont éérenverfés
que dans la partie baffe de la ville ; & que
celles de la montagne ent donnéretraite àceux
qui avoient éhappéàl'éoulement , & que tous fes
genres de comeftibles qui y ont ééenvoyé de
toutes les par ies de la Sicile , y ont réandu labondance.
Au premier moment de la cataſrophe , la
veuve du Prince de Villa-Franca fic ouvrir les ma(
207 )
gafins & diftribuer ce qu'ils renfermoient d'huile ;
de vin & de farine ; elle fit paſ .er des ordres dans fes
fermes, pour faire paffer àMeflise des troupeaux
de toutes fortes de béail. On ignore encore le
nombre des morts que les rapports ultéieurs diminuent
tous les jours. Ce n'eft que lorfque D. Vincent
Pignatelli , envoyéen Calabre , & M. de Caval
Rafo , envoyéàMeffine , feront arrivé àleur
deftination , que l'on aura une relation de cet éèement
, & qu'on faura jufqu'àquel point il a éé funefte ".
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 18 Mars.
L'ESPÈE d'interrène miniftéiel dure encore.
La nation qui n'y eft point accoutumé
fe permet toutes fortes de rélexions ,
& les gens fages voient avec peine des
retards dont les affaires peuvent fouffrir.
Jufqu'àpréent on a beaucoup parlédes
motifs des difficulté qui jettent tant de
lenteur dans la formation d'un nouveau
Ministèe. Nos papiers ne font remplis que
de déails fur ce fujet ; dans l'incertitude
de ce qui fe fait , car ces papiers ne le difent
pas ,
nous devons nous borner àrecueillir
les articles les plus piquans qu'ils préentent.
L'un d'eux a fait le tableau fuivant des quatre
partis qui divifent le Parlement .
Parti de Portland. Ce parti appelléalternativement
le parti de Whig , le parti de Newcastle , de
Rockingham & de Portland , eft principalement
compoſ de deſendans des perfonnes , dont l'attachement
àla libertécivile & religieufe de ce pays
nous a procurél'acte de Succeffion & a éabli Ba
( 208 )
préente Famille Royale fur le trôe . Le feu Duc
de Newcaſle en éoit regardécomme le chef. Le
Marquis de Rockingham lui fuccéa ; & le Duc de
Portland en a pris la conduite depuis la mort de ce
dernier. Il est forméde quelques-uns des hommes les
plus diftingué qui compofent les deux Chambres du
Parlement; & dans ce nombre on peut nommer les
Ducs de Bolton , de Devonshire & de Portland ; les
Lords Derby , Stamford , Thanet , Berkeley , Scarborough
, Jerfey , Cholmondeley , Tankerville ,
Effingham , Fitzwilliam , Spencer , Townshend ,
Falmouth , Keppel , King , Ravensworth , Befsborough
, Walpole , Sondes & Lauderdale ; M. Fox ,
M. Burke , & environ 90 autres Membres des Communes.
Parti de North. Il eft connúfous les divers
noms de Parti Ecollois , Tory & de North ,
parce qu'il a réni prefque tout l'intéê dans le
Royaume , la plupart des Membres Ecoffois du
Parlement , & que Milord North en eft le chef.
Dans la Chambre Haute ce Parti eft ,foutenu par les
Ducs de Beaufort , Newcastle , Northumberland &
Montagu; & par les Lords Denbigh , Weftmoreland
, Sandwich , Cheſerfield , Oxford , Darmouth ,
Warwick , Hertford , Guildford , Batkurft , Aylefbury
, Clarendon , Dudley , Mount Edgecumbe , Sackville
, Onflow , Bofton , Browlow , Rivers , Walfingham
, Bagot , Loughborough , Stormond & Massfield
; & dans la Chambre Balle par Mylord North ,
M. Wallace , M. Mansfield , & environ 130 autres
Membres. Parti de Bedford. Il eft compoféde
Wighs & de Torys : il s'eft forméau commence.
ment de ce rène , fous la direction du feu Duc de
Bedford , dont il a pris le nom. Il a commencéfa
carrièe politique de concert avec le Comte de Bute ,
a foutenu Mylord North durant toute fon Adminif
tration , & depuis a joint le Comte de Shelburne : il
s'eft beaucoup affoibli, depuis ia mort de fon chef ;
mais il conferve toujours allez de force pour fe
( 209 )
rendre important , & pour foutenir la préogative
Royale ou déendre la Majeftédu Peuple , ainſ qu'il
convient le mieux àfes intéês. Il compte au rombre
de fes Adhéens dans la Chambre Haute les
noms du Duc de Marlborough & des Lords Salisbury
, Carlifle , Aylesford , Gower , Hillsborough ,
Weymouth , Talbot & Thurlow . Dans la Chambre
Baffe , M. Rigby en eft le chef , & peut compter
une quarantaine de Membres avec lui. Parti
de Shelburne. On n'en a entendu parler que depuis
12 ou 14 ans . D'abord il n'éoit compoféque du
Lord , dont il porte le nom , avec M. Dunning
actuellement Lord Ashburton , le Colonel Barré,
M. Welfran Cornwall , préentement Orateur
des Communes , l'Alderman Towshend , M. Horae
Tooke , & quelques autres Perfonnes. A la mort
du Comte de Chatham , il gagna des forces par fa
rénion avec les noms honoré de Camden , Temple
& William Pitt : mais ces hommes diftingué
commencent àfe laffer de la liaiſn ; & il eſ déa
certain que le Comte Temple confervera fa place
( de Vice- Roi d'Irlande ) fous la nouvelle Adminiftration
: ce qu'on croit auffi gééalement du Lord
Camden ( Préident du Confeil ). Depuis que le Lord
Shelburne eft premier Miniftre , on dit qu'il a gagné àfon parti les Ducs de Leeds , de Rutland , de Manchefter
& de Chandos ; le Marquis de Carmarthen ; &
les Lords Surrey , Stanhope , Mahon , Nugent , Chatham
, Howe , Percy , Stawel , Hardwicke , Grantham
, Beaulieu , Hawke & Abingdon : mais le tems
fera bientô voir , s'ils ont foutenu le Miniftre ou
l'Homme. Il est nénmoins certain , qu'il n'a jamais
pu compter plus d'une douzaine de Membres dans la
Chambre- Baffe , avant qu'il fû Miniftre ; & il n'eſ
guèe poffible , qu'il ait pu augmenter ce nombre àun
degréquelque peu confidéable depuis qu'il a ééàla
têe de l'Adminiftration , vu que quelques - uns de fes
plus habiles partifans l'ont réemment abandonné,
parce qu'il manquoit d'attention àleur éard , & qu'il
( 210 )
leur prééoit fes anciens ennemis . Il y a nénmoins
dans fon parti des hommes de capacité& de talent
, tels font Mylord Ashburton , le Colonel Barré,
MM. Ora , Morris , &c.
On voit aiséent que ce tableau n'a pas
éétracépar une main impartiale & que
l'Auteur appartient au parti de Portland
ou de Fox ; c'eft en effet une feuille de ce
parti qui le fournit. Au reste cette fciffion
des Chefs de la nation Britannique en quatre
factions n'eft pas neuve. Rapin Thoyras en
a donnéle modèe dans fa differtation fur
les Whigs & les Torys qu'il diftingue en
Torys outré & Torys modéé , & en
Whighs outré & Whigs modéé. En gééal
il faut fe déier de tous nos papiers
fur les mouvemens actuels ; ceux qui intéeffent
le plus font ceux qui regardent
la formation des nouveaux Miniftres ; mais
tout ce qu'on en dit eft fort contradictoire.
Il n'y a encore rien de déidéàcet éard ,
lit-on dans un de nos papiers. Le parti de Rokingham
, avoit déerminéle Comte de Gower a
accepter la place de premier Lord de la Tréorerie
, du moins pour, un certain temps . Il y avoit
confenti , àcondition que M. Pitt , continueroit de
remplir celle de chancelier de l'Echiquier : d'aprè
cet arrangement , l'Aminiftration devoit êre formé
de la manièe fuivante. Le Lord Ashburton ,
Chancelier, Le Lord Thurlow , préident du Confeil.
M. Jenkinfon & le Lord de Stormont , fecréaires
d'Etat. La feule difficultééoit de gagner M. Pitt ;
mais le 14 , il a abfolument refufé, d'avoir
part àune Adminiſration compofé d'aucuns Mem
bres de la Junte fecrèe , & en conféuence , le
Comte de Gower a délaréqu'il n'accepteroit point
7211 ▼
la place de premier Lord de la Tréorerie . On dit
que le Roi , àcette occafion , s'eft plaint amèement
d'avoir ééamulépar des gens qui n'avoient
pas affez de créit dans le Royaume pour former un
Ministèe capable de géer les affaires de la Nation .
Aprè avoir manifeftéfon méontentement , fa Majefté eft partie pour la campagne ,
Un autre papier préente cette affaire
dans un éat bien difféent.
L'ouvrage de la formation d'un nouveau Minif
tèe , dit- il , eft trè-avancé. Le Lord North eut
le 12 un long entretien avec le Roi , relativement
àcet objet. Il y avoit encore quelques points àdéider
le 13 au foir. Il éoit furvenu une petite
altercation occafionné , dit - on , par l'oppofition
que certaines perfonnes avoient formé contre la
nomination du Lord Stormont , àla place de lecréaire
d'Etat. On affuroit nénmoins , que l'arran
gement déinitif en fouffriroit peu de retard , & que
les nouveaux Miniftres feroient aujourd'hui leurs
remerciemens au Roi. Le Lord de Portland doitêre
premier Lord de la Tréorerie , & M. Fox l'un
des fecréaires d'Etat. Le Lord Keppel fera remis
àla têe de l'Amirauté. Le Duc de Portland lui
a fait une vifite , pour le déerminer àrentrer ea
place , & l'on affure que pendant leur entretien qui
a duréplus de deux heures , ils ont fait choix des
Membres qui doivent compofer le Bureau de l'Amirauté
M. Pitt s'eft oppofé, dit- on , àce qu'aucune
perfonne du parti Ecoffois , n'entrâ dans le nouveau
Miniftèe , & pour cette raiſn , il n'a point voula
confentir directement àgarder la place , mais il eft
le maîre de refter ou de fe retirer. Selon quelques-
uns , la place de Tréorier des troupes de terre
fera partagé entre M. Burke & le Colonel North.
-On préendoit que le Colonel Fitzpatrick , feroit
ou Treforier de la Marine , ou de la Guerre,
7312 )
>
parle d'éever àla pairie plufieurs Membres de la
chambre des Communes entr'autres le Lord Milbourne
, & le Lord John Cavendish . Le Comte
Fitz-William , & le Comte de Guilford , feront
cré és Marquis.
En attendant que nous ayons de nouveaux
Miniftres , tout paroî dans une eſèe
de ftagnation ici. Les fénces du Parlement
offrent mêe peu de déails àla curiofité
»Le 7 , le Lord Ludlow annonç àla Chambre
des Communes que l'adreffe relative aux penfions ,
avoit éépréenté la veille àS. M. qui avoit bien
voulu promettre d'avoir éard aux déirs que fes
fidèes Communes avoient manifefté dans cette
adreffe. La Chambre s'éant formé en grand Comité,
pour prendre en confidéation le bill relatif
aux liaiſns mercantiles àéablir entre l'Angleterre
& l'Améique , elle le difcuta paragraphe par paragra
phe , aprè quoi le Comités'ajourna au 10 pour
faire rapport du travail relatif àce bill.
Le 10 , il ne fut rien réolu fur ce bill dont
le rapport occafionna de nouveaux déats & un
nouvel ajournement , malgrél'obfervation du Miniftre
M. Pitt, qui fouhaitoit qu'on preffâ ce travail.
Le Lord Neuhaven propofa enfuite une adreſ .e au
Roi , pour le fupplier d'ordonner que les dernièes
déêhes du Chevalier Guy Carleton , fuffent mifes
fous les yeux de la Chambre ; mais la propofition
fut rejetté prefque unanimement.
Le mêe jour 10 , il fut préentéàla Chambre
Haute un bill pour réoudre & mêe préenir tous
les doutes qui fe font éevé ou ont pu s'éever fur
les droits exclufifs du Parlement & du tribunal
d'Irlande , en fait de léiflation & de judicature ,
& pour empêher qu'aucun acte ou appel d'aucuns
des tribunaux de S. M. dans ce Royaume , ne foit
reç , diſuté& jugédans aucuns des tribunaux de
7 213 )
J
S. M. dans la G. B. Cet acte fut lu pour la premièe
fois & l'impreffion en fut ordonné «.
Dans la fénce des Communes du 12 , le Chevalier
Henri Fletcher a préentéune péition de la Compagnie
des Indes , en affurant que fi dans l'éat oùfe trou .
vent les affaires de la Compagnie , le Parlement ne lui
accorde pas le plutô poffible les fecours dont elle a un
befoin fi urgent , il y a tout àcraindre pour fon créit ,
attendu que les actes qui la foutiennent expirent au
premier Avril prochain. Cependant , ajouta-t-il , je
ne prefferai point la Chambre de s'occuper de cet
objet que les Min ſres n'aient éénommé , d'autant
plus que felon ce que je viens d'apprendre , cette
nomination fi long-tems difféé eſ enfin faite ou du
moins fur le point de l'êre.
Il a ééordonnéque la péition feroit mife fur le
Bureau .
Dans la fénce du 13 le Gééal Rofs a fait une
motion , tendante àce qu'il fû mis fous les yeux de
la Chambre une lifte des noms des Officiers qui ont
fervi dans les Corps Améicains porté depuis peu
fur l'Etabliffement Britannique , ainfi qu'une copie
des commiffions qu'ils avoient prééemment , enfemble
les conditions auxquelles ces divers Corps
font entré au fervice de l'Angleterre. Aprè quelques
léers déats la motion fut admife.
On dit qu'il n'y aura que quatre millions
fterling àemprunter dans la feffion actuelle
du Parlement , & que cette fomme fera levé
d'aprè le plan fuivant.
-
Tout foufcripteur de cent livres aura 100 liv . en
actions dans les 4 pour cent éalué à84 liv . 12 f.
6 den. en longues annuité , éalués à20 annés
d'achat , 12 liv . 10 f. Un billet de loterie éalué à15 liv. de profit , s liv . Total 101 liv . 10 fols.
Cela produira un profit d'en & demi pour cent
mais qui avec l'escompte ordinaire peut êre eftimé d'environ 3 pour cent. Quatre particuliers trè-ac(
214 )
créité ont déàpromis au Gouvernement de lui
prêer la totalitéde cette fomme. Le Budget s'ouvrira
ea Avril . Cinq ou fix millions des billets de
la marine doivent êre fondé en nouvelles actions
de 4 & demi pour cent ou en longues annuité ;
mais il n'eft point encore déidéfi cette opéation
aura lieu dans la feffion actuelle ou vers le commencement
de la prochaine.
On a reç hier des nouvelles de Bombay
du 28 Septembre qui portent en fubftance
ce qui fuit.
33
Aprè le fecond combat du 12 Avril , le Chevalier
Edward Hughes fit route pour Trinquemale
avec toute fon efcadre. Il y réara fes vaiffeaux endommagé
& remit àla voile le 14 Juin , & mouilla
dans la rade de Negapatam le jour fuivant pour éier
les mouvemens de l'ennemi . Les Juillet l'efcadre
Françife parut en vue , & le 6 l'eſadre Angloife
engagea un nouveau combat avec elle. Le Chevalier
Hughes eut un avantage déidé, & fi le vent
n'eû point changé& mis une partie de l'efcadre
Angloife hors de combat au moment mêe oùla
ligne ennemie éoit rompue & miſ en déoute , il
y a tout lieu de croire que nous aurions pris plufieurs
vaiffeaux Françis : un d'eux , le Séèe amena au
Sultan ; mais tandis que le Sultan viroit de bord
pour rejoindre l'Amiral , le Séèe fit le plus de
voile qu'il put , enfila lëSultan fans montrer fon
pavillon ; & par cette manoeuvre parvint àfe fauver.
Le lendemain le Chevalier Hughes envoya demander
àM. de Suffren le vaiffeau qui avoit amené;
mais M. de Sufften réondit que le pavillon du Séèe
avoit ééemportépar un boulet , & que cette
avarie feule pouvoit avoir fait tomber fon pavil
lon. L'efcadre Françife , dans ce combat , éoit
compofé de 10 vaiffeaux , de l'Annibal , de 90 , &
de 4 fréates. L'efcadre Angloife des 8 vaiffeaux du
Chevalier Hughes , du Sultan & du Magnanime ,
--
( 215 )
و de l'Iris & du Seahorse. La perte de notre côé confifte en un Capitaine de vaiffeau , 6 Officiers &
77 hommes tué. Le nombre des bleffé eft
de 233. On ignore la perte de l'ennemi ; mais
on fait qu'il a fait route vers Cuddalore.
Nos avaries furent fi graves , que le Chevalier
Hughes abandonna le projet de fuivre l'ennemi , &
fe trouva contraint de rentrer àNéapatam ; le 15
Juillet , aprè s'êre mis en éat d'aller chercher des
provifions & des munitions àMadrafs , il fortit de
Néapatam , & mouilla àMadraſ le 20 ; il devoit
remettre en mer le М îй ñ pour aller reconnoîre
Fefcadre Françife. —e Sceptre , l'un des vaiffeaux
de l'Amiral Bickerton arriva àMadrafs le 9 Juillet.
Ce vaiffeau avoit quittéla conferve de l'Amiral
Bickerton àl'ouverture de la Manche. Il arriva feul
àRio Janéro , oùil trouva la fréate la Méé;
ces deux vaiffeaux attendirent l'Amiral pendant un
mois ; mais voyant qu'il n'arrivoit pas , ils mirent
àla voile de conferve pour l'Inde le 28 Avril . Au
large du Cap , ils prirent un gros bâiment muni .
tionnaire Françis , que le Sceptre laiffa fous la
conduite de la Méé , dans le canal , & il continua
fa route pour Madrass . L'Amiral Bickerton
arriva àBombay les Septembre avec s vaiffeaux de
ligne & la fréate la Junon , & il mit àla voile le 17.
Dix-huit navires , tant tranfports & munitionnaires
que bâimens de la Compagnie , ont mouilléàBom-
Bay en mêe-tems que l'Amiral Bickerton , & la
plus grande partie a ſivi ſn Eſadre àMadrals.
Un cutter & trois tranfports ont éééaré dars
la route de Rio- Janéro àBombay , & on n'en a pas
encore entendu parler . Le 6 Aoû , 4 vaiffeaux
de la Compagnie , favoir : le Locko , l'Afia , l'Ofer
& l'Effex , ont mis àla voile de Bombay pour la
Chine , & on efpèe qu'ils feront arrivé heureufement
, l'efcadre Françife éant toujours fur la
côe de Cuddalore . Selon les nouvelles de Mofambique
, plufieurs de nos vaiffeaux Indiens , qui
-
-
( 126 )
n'avoient pas pu doubler le Cap , éoient encore
àSt Augustin , dans le mois de Juillet dernier. On
croit que les vaiffeaux de la Chine , qui avoient
pafféle déroit de Malacca le 10 Mars , font avec
eux . La paix avec les Marattes eft encore incertaine
, & le Carnate eft à peu - prè dans la mêe
pofition,
--
Une lettre de Bombay en date du 29
Octobre contient ce qui fuit.
Les dernièes nouvelles de Madrafs font du 10
Aoû , & àcette éoque le Monmouth & le Sceptre
éoient revenus de Trinquemale oùils avoient éé déarquer un renfort de 380 Européns ; mais des
lettres d'Aujengo reçes directement ici par difféens
navires , difent d'une maniere indubitable que l'efcadre
Françife mouilla devant Trinquemale le 30
Aoû , & s'empara du Foit le lendemain . L'eſadre
Angloife parut le 3 Septembre. Les deux armés
engagerent le combat , & M. de Suffren , aprè avoir
foutenu l'action la plus chaude , rentra dans le port
de Trinquemale avec toute fon efcadre . On dit que
le Chevalier Hughes eft reftéàla hauteur de Trinquemale
pour y bloquer M. de Suffren . L'Amiral
Bickerton a paffédevant Tilli herg le 28 du mois
dernier , & on croit qu'il aura rejoint le Chevalier
Hughes vers le 10 de ce mois. Toutes les apparences
de paix avec les Marattes ont entièement croulé
"On s'attend àvoir arriver dans le Cowan un gros
corps de leurs troupes , & le déachement du Bengale
a ordre de fe mettre en marche le premier du
mois prochain.
La flotte de la Jamaïue felon les derniers
éats éoit de 5s voiles ; de celles deftinés
pour Londres , 14 font arrivés , 14
manquent , 3 font retournés àla Jamaïue ,
& 2 ont péi ; de celles deftinés pour
Briſol , 2 font arrivés , 4 manquent & 3
font
( 217 )
font retournés fur leurs pas ; de celles
pour Liverpool 3 font arrivés , 4 manquent ,
2 font retournés ; de celles pour Glafgow
une eft arrivé , 4 manquent ; ce qui fait
20 arrivés , 26 manquant , 8 retournés &
2 fubmergés.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 25 Mars.
LE 16 de ce mois les Déuté des Etats
de Cambrai , du Pays & Comtédu Cambréis
, furent admis àl'Audience du Roi,
& préenté par le Maréhal de Soubife
Gouverneur de la Flandre , Haynaut & Cambrefis
, & par le Marquis de Séur , Miniſre
de la Guerre , ayant le déartement de la
Flandre. La déutation conduite par MM.
de Nantouillet & de Watronville , Maîre
& Aide des cééonies , éoit composé
pour le Clergédu Prince Ferdinand de
Rohan , Archevêue- Duc de Cambrai , qui
porta la parole ; pour la Nobleffe , du Marquis
d'Eftourmel , Brigadier des Armés du
Roi , Metre-de Camp , Lieutenant- Commandant
du réiment Royal Pologne ; &
pour le Tiers-Etat , de M. de Lievra , Avocat
au Parlement & Echevin de la Ville.
Le 17 le Marquis de Barain prêa ferment
entre les mains du Roi pour la place de
Lieutenant - Gééal de la Principautéde
Dombes , dont S. M. l'a pourvu , fur la
déiffion du Comte de Barain fon pèe.
Le Comte de Banc d'Altier , que le Roi
29 Mars 1783. k
( 218 )
a nomméMeftre - de - Camp - Lieutenant en
fecond du Réiment de Conti , Dragons ,
a eu l'honneur d'êre préentéau Roi par
le Prince de Conti , & de faire fes remerciemens
àS. M.
Le 9 de ce mois la Marquife de Brunier
d'Adhemar , & la Comteffe du Diefnay des
Roches eurent l'honneur d'êre pré .entés
àL. M. & àla Famille Royale , la premièe
par la Princeffe de Chimay , Dame d'Honneur
de la Reine , & la feconde par la Ducheffe
de Lorges , Dame d'Honneur de
Madame la Comteffe d'Artois.
M. le Comte de Courcy , Capitaine de
Dragons au réiment de Dutfort , ayant eu
l'honneur d'êre préentéau Roi & àla famille
Royale , a eu , le 21 Férier , celui de
monter dans les carroffes de S, M. & de la
fuivre àla chaffe.
De PARIS , le 25 Mars.
SELON les nouvelles d'Efpagne la divifion
de la flotte Françife en rade àCadix ,
deftiné pour Toulon , a dûmettre àla
voile le 4 de ce mois fi le tems le lui a
permis ; celle pour Breft devoit partir deux
jours aprè.. M. de Vialis avec fon vailleau
de 74 alloit appareiller feul pour une miſ .ion
particulièe. M. le Comte d'Estaing n'aura
quittéCadix qu'aprè le déart des efcadres.
M. le Prince de Naffau a fuivi de bien
prè M. le Marquis de la Fayette ; il eſ
arrivéici quatre jours aprè lui. Ce Prince
a ééarrêépar des voleurs dans fa route
( 219 )
-
>
de Madrid àCadix ; non contens de la
bourfe qu'il leur avoit préenté d'abord
ils ont exigéun fac d'argent qu'ils favoient
êe dans fa voiture . Aprè l'avoir obtenu ,
ils offrirent au Prince de l'efcorter de
crainte qu'il ne fî une feconde rencontre ;
mais il les remercia en lur difant qu'il
pouvoit s'en paffer , parce qu'il n'avoit plus
en àperdre.
,
La feule nouvelle que nous ayors àrecueillir
des lett: es de Cadix , ett celle de
la mort du Baron de Pirch Colonel-
Commandant du Réiment de Heffe - Darmftadt
, arrivé dans un âe pu avancé,
en moins de trois jours d'indifpofition . On
avoit d'abord attribuéce malheureux éè nement àune forte méecine prife àcontretems
; mais on a reconnu àl'ouverture de
fon corps que la caufe de fa mort éoit un
polype au coeur. Cet Officier eft extrêement
regreté Il avoit éééevéàla Cour
& dans les troupes du Roi de Pruffe ; &
on fait que le Prince Royal l'honoroit de
fon amitié& d'une bienveillance particulièe.
On avoit raifon de fe déier de la plupart
des relations qui venoient d'Italie au fujet
du déaftre de la Sicile. Le dernier Courier
nous apprend qu'en effet le nombre dest
morts a éébeaucoup moins confi léable
àMeffine , & qu'il n'y a péi que ceux
qui en éant fortis àla premièe fecouffe ,
y retournèent pour chercher d s effets &
des provifions , & qui furent forpriſs par
k 2
72209
celle qui renverfa la ville : quant àla Calabre
jufqu'àpréent on n'a pas de plus
grands déails , & ce beau pays paroî avoir
éétotalement bouleverfé
La Seine qui a groffi avec beaucoup de
rapidité, a diminuéavec plus de lenteur ;
comme elle a ééfort baffe pendant tout
l'éédernier , & que fur la fin de l'hiver
elle eft devenue trop haute , l'approvifionnement
de Paris en a fouffert , & on a eu
quelque inquiéude pour le bois de chauffage
; pour fubvenir aux befoins du Public ,
le bois pour les Boulangers a ééd'abord
mis en ré .erve , & ce qui reftoit a éédiftribué aux particuliers qui ne pouvoient
en prendre qu'une certaine quantité On
a avancéla coupe ordinaire du bois de
Boulogne & celle du parc de Vincennes
ce qui a fourni plufieurs milliers de cordes
de bois. A préent que la rivièe eſ deſendue
les bateaux qui font dans les environs
ramèeront l'abondance.
Ce n'eft pas feulement dans nos parties
que la crue fubite des eaux a caufédes
alarmes . On apprend que les principales
rivièes de France , la Garonne , la Dordogne
, la Charante & fur-tout la Loire ,
ont déordé& cauféde grands ravages .
A Nantes la Loire eft monté à18 pouces au
deffus de la grande eau de 1711 , la plus forte dont cn
fe fouvienne. Elle est entré dans tous les magaſns &
dans l'entrepô gééal ; le déâ qu'elle a caufédans
les fucres , les café , &c. eft éaluéàdes fommes
confidéables. Cette grande rivièe ayant rompu fes
digues en deux endroits , Saumur , & ce qui eft
7 221 1
plus éonnant , le Mans ont ééentouré d'eau , de
manièe que les habitans de ces Villes ainfi affligés
ont ééréuits , pendant plufieurs jours , àn'avoir ,
par têe , qu'une demi - livre de pain . Dans toutes ces
Provinces les pluies ont déradéles chemins , enforte
que tous les Couriers ont ééen retard. Bordeaux
n'a pas moins fouffert par le déordement des eaux
de la Garonne cauféprincipalement par celui de la
Gironde , que Nantes par la crue fubite de la Loire ,
quantitéde navires ont déapé, & des bateaux ont
ééporté bien avant dans les terres . Le dommage
eft portéàplus de 2 millions.
Les orages ont ééfréuens dans plufieurs
endroits pendant le mois dernier.
Le 9 Férier le tonnerre tomba dans le choeur de
l'Eglife de St. Sulpice de Ballet , doyennéde Sablé,
fendant la Meffe àdix heures trois quarts. La foudre
entra par une des ouvertures du clocher , brifa le fil
de fer de l'horloge , en plufieurs morceaux , & en
fouda & colla partie. De làelle caffa une pierre de
la voûe , & fe portant obliquement contre un des
piliers dans une pierre dure , elle en calcina partie à la hauteur de deux pieds & demi deterre. A ce choc
le globe de feu s'ouvrit avec un bruit violent , & dans
fon explofion renver fa plufieurs perfonnes dont deux
reftèent fans connoillance. Dans le mêe inftant les
perfonnes voilines fentirent un coup fur les cuiffes
comme celui d'une barre de fer. On emporta fept
perfonnes couvertes de bleffures & dangereufement
frappés , & plus de vingt autres lééement
les plus malades font hors de danger , mais se font
pas guéis Le 16 du mêe mois le tonnerre
tomba àChampteci , route de Nantes , fur le clocher
de la Paroiffe dont il endommagea la couver
ture & la charpente. Il pééra enfuite dans l'Eglife
oùtout le monde éoit alors affemblépour entendre
la Grand'Meffe ; il fit érouver àquinze perfonnes
qui occupoient les deux bouts voifins da chocur une
k z
"
( 222 )
ques
commotion trè -vive , dont toutes portent des marfur
diverfes parties de leur corps ; il en éectrifa
plufieurs autres au- deffus du gias de la jambe ,
& ne caufa aucun dommage confidéable .
En annonçnt dernièement la feconde
livraifon des Eftampes deftinés àla nouvelle
éition des OEuvres de Voltaire , propofés
par foufcription par M. Moreau le
jeune , nous avons omis d'y joindre le prix .
Il eft de 2 livres pour chaque Eftampe imprimé
grand in- 49 . fur le papier Nom de
Jéus , & de liv. pour chaque Etampe
in- 8 ° Chaque livraifon jufqu'ici a ééde
10 Eftampes ; il en paroî 2 ; il en paroîra
8 encore de 4 en 4 mois. Cette fuperbe
entreprife digne de l'Artifte habile qui en
a conç le plan , qui a fait tous les delfins,
& qui dirige toutes les parties de l'exéution
, eft au - deffus de tous les éoges .
Mademoiselle Saugrain , aimable éèe de cet Artifte
céère , dont nous avons déàannoncédeux
Estampes trè - agrébles , vient d'en fair deux nouvelles
qui préentent deax Vues de Drefde , d'aprè
deux tableaux de Wagner. Elle les a gravés fous la
direction de fon maîre M. Moreau le jeune. Ces
deux Eftampes qui font d'un effet trè-agréble , d'un
burin trè -léer & trè -foigné, font le plus grand
honneur àMademoifelle Saugrain , & àl'Artiite qui
a déeloppé& cultivéfes talens ( 1).
Nous nous emprefferons d'annoneet ici une autre
Eftampe intéeffante & qui méite d'erner le cabinet
& le porte- feuille des amateurs. Il fuffit de nommer
(1 ) Ces Eftampes coûent chacune 1 liv. 10 f. ainfi que les
deux premièes de Mademoiſlle Saugrain qui font deux Vues
des environs de Paris , d'aprè des Tableaux de M. L. G. Mo,
reau. Elles fe trouvent les unes & les autres chez M. Morea
le jeune , rue du Coq - St -Honoré, prè le Louvre.
1
( 223 )
M. J. Danzel qui l'a gravé d'aprè le tableau origi
nal peint pour la Manufacture des tapilleries de la
Couronne par M. Boucher , premier Peintre du Roi .
Le fujet eft Vulcain préentant àVenus des armes
pour Enfe ; rien de plus beau que l'enfemble & les
déails de ce tableau , rien de plus agréble , de plus
frais , de plus pittorefque que l'exéution . On connoî
les talens de M. Boucher & les graces qui animent
tous les fojets ; la gravure a tout rendu d'une
manièe fupéieure. Cette Eftampe eft de la mêe
grandeur que celle que le mée Artiſe a déàpublié
fous le nom de Callirheé, àlaquelle il done
mera bientô un pendant que le Public ne peut qu'at-*
tendre avec impatience ( 1 ) .
Le Bureau Royal de Correfpondance nationale
& érangèe , éabli par Arrê du
Confeil du 16 Avril 1780 , fous l'infpection
du Gouvernement , a pour objet la
fûeté& la commoditédes perfonnes qui
ont des affaires hors de leur domicile , ou
qui ne peuvent les géer par elles mêes.
La nature des objets qu'il embraffe font
les fuivans.
It fe charge des recettes de penfions , rentes , &
revenus de toute efpece , de fuite d'affaires , de re-
Convremens tant àParis que dans les autres villes
du royaume & de l'éranger ; de toutes les commiffions
& follicitations qui exigent les foins d'un ami
o la préence d'un intéeffé Perfonne n'eft forcéde
s'adr fler àlui ; mais il eft feul autoriféàs'annoncer
par des avis imprimé pour les commiffions de
cette efpece , & qui puiffe offrir au public une folidité àl'abri de tous les éèemens ; le bon ordre ,
(1 ) Cette Etampe du prix de 16 liv . fe trouve àParis chez
P'Auteur M. Danzel , rue d'Enfer , a côédu Séinaire de
Saint- Louis .
k 4
1224
2
Lactivité& l'exactitude éabliſ .ent cette folidité; uæ cautionnement de 500,000l. , une Compagnie folidai
re& l'inſection du Ministèe en font les fûs garants.
Ses opéations principales font la recette des rentes
penfions & autres revenus ; les brevets , les ordonnances
, les gages de la Maifon da Roi & des Princes;
les Erats du Roi; les Offices fupprimé ; les placemens
dans les emprunts ; l'achat & vente des effets royaux;
la liquidation pour les Corps & Communauté ; la
forme des paiemens ; les conventions particulièes
relativement àla vente des revenus & penfions ; la
recette gratuite pour les hofpices de charité; les recouvremens
; les affaires contentieufes ; les parties
cafuelles ; les affaires àfuivre au Confeil , àla gran
dé& petite Chancellerie de France , aux Bureaux -
des Miniftres ; les expéitions des actes , la vente.
des biens immeubles . De veiller aux déenfes des
jeunes gens envoyé de Province ou des Pays érangers
àParis pour leur éucation , quand les chefs
de familie auront déoféles fonds qu'ils deftinent
pour cet objet dans la caille ; de procurer des logemens
aux érangers ; d'acquitter fur de fimples mandats
les méoires de déenfes , lorfque les fonds en
auront ée prélablement faits ; du fervice gratuit
pour les hofpices & des autres maifons de charité
Le Bureau ne prendra pour tous les foins de ceite
efpèe qui regardent les jeunes gens & les érangers ,
qu'un pour cent des fonds qui lui auront ééconfié ,
c'eft-àdire , 20 fols par chaque cent livres des fommes
qu'il aura eu àdiſribuer , lorſu'elles ne monreront
pas à3000 liv. , & demi pour cent feulement
fi elles excèent ; mais il ne fera jamais d'avances , à moins qu'il ne foit muni de sûeté convenables . Il
faut s'adreffer àParis , àM. Perrot de Chazelle ;
J'un des propriéaires du Privilée , Directeur Gééal
du Bureau , rue neuve St- Augustin.
On vient de nous faire paffer l'avis fuivant
que nous nous empreffons de publier.
( 225 )
1
1
Le déangement que les fouilles & les éuifemens
néeffaires pour la reconſruction des bains
de Bourbonne , avoient occafionnéàla fontaine
miséale chaude de ce lieu , n'a ééque paffager ,
ainsi que les craintes qu'il avoit fait naîre cette
fontaine a repris fa chaleur & fon éat ordinaire.
Les déouvertes auxquelles ces travaux on donné lieu , ajoutent aux téoignages qu'on avoit déa´ que ces eaux céères ont ééfréuentés des Romains
, lorfqu'ils éoient les maîres des Gaules . On
a trouvéfous les bains attenant ces baffins , trois
espèes de réervoirs ou éuves de 7 à8 pieds de
hauteur , fans voûe , & de 6 pieds de large , rempiis
d'une cau trè-chaude : on a trouvéauſi un puits
de forme quarré , renfermant une cau dont la cha
leur eft à64 degré & demi du thermomère de
Réumur , c'est- à dire , d'environ 15 degré de plus
que celle de la fontaine. Ces Ouvrages fouterrains
dont on n'avoit nulle idé , ne prouvent- ils pas l'affaillement
fucceffif des colines qui aura éhaufféle
fol du vallon , oùfourdent ces eaux : la barbarie ,
qui ne conferve rien , a pu faire oublier ces monumens
fur lefquels , dans la fuite , on auroit conftruit
les bains qu'on vient de déruire pour en éablie
d'autres plus commodes. Signé, MONGIN DE
MONTROL , Méecin , Intendant des Eaux de
Bourbonne.
Nous annoncerons ici un ouvrage intéeffant
dans les circonstances préentes , &
qui le deviendra davantage lorfque le fuppléent
indifpenfable que l'Auteur doit y
faire aura paru ; c'eſ l'Abréédes principaux
Traité conclus depuis le commencement
du 14e. fièle jufqu'àpréent , difpofé
par ordre chronologique. Ces Traité ne
vont que jufqu'àl'anné 1778 ; celui de
( 226 )
霉 Tefchen & celui qui met fin àla guerre
actuelle , doivent former un fuppléent intéeffant
qui procurera en mêe tems l'occafion
de réarer quelques omiſ .ions dans
les teins prééens ( 1 ) .
con-
Le feur Dupuy, déa connu par les Fortifications ,
Châeaux & Seigneuries entièes en relief qu'il exéute
, & de la premièe eſèe , dont on trouvera
chez lai de tous faits, avertit MM. les Officiers , qu'on
trouvera aufli chez lui des tables de Tactique de
fon invention. Elles font compoftes de manièe
qu'on peut y former tous les terreins poffibles , y
faire marcher , manoeuvrer deux armies , avec tout
ce qui eft relatif , comme artillerie , pontons ,
vois , &c. &c. &c. dans un Pays fur 4 lieues de
long , & 3 & demie de large. Le nombre des objets
qui fervent àla repréentation de tous les difféens
changemens dont elle eft fufceptible , eft de 1030
à40. Cette Table eft indifpenfable aux Officiers
qui veulent approfondir l'art de la guerre dans
toutes fes parties. Il en a maintenant de toutes faites ,
que MM. les Militaires pourront venir voir tous
les matins , depuis 9 heures jufqu'à2 heures de l'aprè-
midi. Il ouvrira , au premier Avril prochain ,
un Cours de Tactique complet , conforme aux Ordonnances
& aux Rèles militaires dont il fera
l'explication & la déonftration , àl'aide de cette
Table. Ceux qui voudront le fuivre , font prié
de fe faire infcrire le plutô poffible , puifque le
nombre des Soufcrivans ne fera pas au- deíus de 18.
(1 ) Cet Ouvrage déiéàMonfieur , fait la feconde partie
de la Bibliothèue politique àl'ufage des Sujets deftiné aux
néociations ; par M. le Vicomte de la Maillardiere , Lieute
nant-Gééal pour le Roi en Vermandois , & Thierache , Capitaine
de Cavalerie , Membre de l'Acadéie Royale des
Sciences & Arts de Dijon , de celle de Lyon , & c . 2 vol in 12.
AParis , chez la veuve Duchefne , rue St- Jacques , & Valade ,
rue des Noyers.
227 )
MM. les Officiers gééaux pourront y affifter quand .
ils le jugeront àpropos. Le Cours eft de so leçns
de trois heures chacune , les Lundi , Mardi & Vendredi
, à9 heures du matin. Le premier Cours fuivi ,
on n'aura plus befoin de fe faire infcrire pour les
Suivans . Sa demeure eft rue des Liens St - Paul , la
troisièe porte cochere àgauche en entrant par la
rue St- Paul.
Le Roi de Suèe vient de faire remettre àM. Valade
, qu'il avoit déàhonorédepuis long-tems du titre
de fon Imprimeur & de fon Libraire àParis , la
méaille d'or frappé en Suèe àl'occafion de la réolution.
Cette diltinction flatteuſ eſ un téoignage
authentique de la munificence du Monarque & de
la fatisfaction des fervices & du zèe de M. Valade ,
qui en fourniffant àla bibliothèue de S. M. Suéoife
les meilleurs ouvrages qui s'impriment en
France , l'a enrichie de la jolie collection des petites
éitions préieufes & trè - foignés qui font forties
& qui fortent journellement de fes preffes , & qui au
méite de l'ééance typographique joignent le méite
rare du choix ( 1 ) .
Pierre Jofeph de Chapelle , Marquis de
Jumilhac , Lieutenant Gééal des Armés
du Roi , Lieutenant de Roi en Péigord
au déartement de Carlat , ci-devant Gouverneur
de Philippeville , &c. eft mort le
9 de ce mois dans la 92e . anné de for
âe.
»Arrê du Confeil d'Etat du Roi. Le Roi
voulant , àl'exemple de fes Prééeffeurs , donner
des marques fpéiales de fa protection àcette
claffe de fes Sujets , que la perte de la vue met hors
(1 ) Cette Collection des Poëes Françis , en petit format ,
qui eft àpréent trè - nombreufe , fe trouve àParis chez M
Valade , Imprimeur- Libraire , rue des Noyers.
1
k 6
( 228 )
>
d'éat de travailler pour le procurer les befoins
de la vie , s'eft fait rendre un compte particulier
& déailléde l'exéution du nouveau plan d'Adminiftration
que S. M. avoit approavé, concernant
I'Hopital Royal des Quiaze-vingts Aveugles de
Paris , lequel lui avoit éépréentépar le Cardinal
de Rohan , Grand Aumôier de France , Supéieur
gééal & imméiat dudit Hopital , pour le fpirituel
& le temporel ; S. M. auroit reconnu qu'avant
la vente de l'ancien enclos des Quinze- vingts &
leur tranflation au fauxbourg S :-Antoine , autorifés
par Lettres -patentes du Roi , enregistrés en
Parlement le 31 Déembre 1779 , les Aveugles domicilié
n'ayant alors par jour fur leurs revenus
qu'une réribution infuffifante , éoient obligé de
fe réandre avec importunitédans les Eglifes , &
mêe avec danger dans les rues de la Capitale ,
pour trouver dans la commiféation des perfontes
charitables , de quoi pourvoir àleur propre fubfif
tance & àcelle de leurs femmes & enfans ; que plu-
Leurs éant ſuls & ifolé , fouvent fans aide ni fecours
, lorfque la vieilleffe & les infirmité les réuifoient
àne plus fortir , n'avoient d'autre reffource
que de folliciter leur tranfport dans l'Hôel - Dieu .;
mais que par les foins du Cardinal de Rohan , on
auroit trouvédans l'emploi des revenus ordinaires
de quoi améiorer le fort des Trois cents Aveugles ,
en fupprimant la quêe & la mendicité; & dans
l'accroiffement de ceux qu'a procuré , la vente de
l'ancien enclos , des fonds fuffifans pour de nouveaux
éabliſ .emens analogues àla fondation primitive
& propres àconfoler l'humanitéfouffrante :
Qu'en conféuence , on auroit fait aux Trois cents
Aveugles de l'ancienne fondation , domicilié dans
Hopital , un traitement beaucoup plus confidéable
, en le graduant felon les befoins , àraifon de
vingt fols par jour , outre le fel , pour les garçns
& les veufs ; de vingt-fix fols pour les perfonnes.
( 229 )
mariés àdes érangers ; de trente- fix fols pour ceux
ou celles marié àdes Aveugles de l'Hopital : Qu'en
outre , on auroit deftinédes fonds pour contribuer
àéever les enfans des Aveugles marié , jufqu'àl'âe
de feize ans , & leur faire apprendre des méiers
& enfuite pour l'éabliflement d'une Infirmerie dans
l'intéieur de l'enclos , oùles Aveugles domicilié
& malades trouveront tous les fecours qui leur
feront néeffaires : Que dans l'augmentation des
revenus , on avoit déa trouvéles moyens de
crér les nouveaux éabliſ .emens fuivans : 1º. vingtcinq
places pour des Gentilshommes , & huit pour
des Eccléiaftiques pauvres & aveugles : 20. Des
penfions alimentaires de cent livres , cent cinquante
livres & de deux cents livres pour trois cents
pauvres Aveugles de Province ; 30: Cent cinquante
Aveugles choifis parmi les pauvres A pirans , auxquels
on donne tous les jours le pain : que de plus ,
il feroit fondéun Hofpice de vingt- cinq lits pour
des pauvres de Province, qui , affligé de la maladie
des yeux , y feront nourris & traité gratuitement
, jufqu'àleur guéifon ou juſu'àce que la
céitéparfaite foit déidé : qu'il y aura d'habiles .
Oculiftes attaché au fervice de l'Hopital , lefquels.
donneront , deux fois par femaine , gratuitement
leur temps , leurs foins & les fecours de leur art
àtous ceux qui viendront les confulter : qu'il doit
êre donnéun prix annuel de quatre cents livres
lequel fera adjugéau meilleur Méoire , dont le
fujer aura éépropofé, fur les maladies des yeux ,
fur la manièe de les préenir & de les guéir ,.
avec le prix des remèes àemployer.. S. M. ayant
bien voulu approuver ces nouveaux éabliffemens
& en marquer la fatisfaction , il lui a éérepréenté que vu la retraite & la déiffion des anciens
Gouverneurs-Adminiftrareurs , il éoit important:
qu'Elle voulû bien agrér , approuver & confitmer
, la nomination faite par le Cardinal de Ro(
230 )
han , comme il lui appartient , par le droit de
fon éat & charge de Grand- Aumôier , & d'aprè
les Statuts enregistré en Parlement , de fix Gouverneurs-
Adminiftrateurs , pour l'aider & réir avec lui
en fon abſnce les biens & revenus dudit Hopital :
Qui le rapport ; le Roi éant en fon Confeil , a approuvé les nouveaux éabliſ .emens ci - deſ .us mentionné
, &c. «
Les numeros fortis au tirage de la loterie
royale de France du 17 de ce mois ,
font , 24 , 41 , 75 , 23. & 78.
De BRUXELLES >, le 25 Mars.
LES nouvelles qui fe réandent du Nord
font trè vagues & trè incertaines ; s'il faut
en croire quelques papiers , de jeunes Seigneurs
Ruffes qui voyagent , ont , dit- on ,
reç avis de Péersbourg , que les Turcs
ayant commis des hoftilité contre un corps
de troupes Ruffes , l'Impéatrice a fur- lechamp
délaréla guerre , mais on n'apprend
de nulle part qu'aucun Ambafladçr de
Ruffie ait reç ou confirmécette nouvelle.
On apprend de la Haye que Fultimatum
de la Réublique portéàla gééalitépar
la Hollande , contient en fubftance , 1 °. un
refus abfolu de faire aucune ceffion àl'Angleterre
. 2 ° La demande d'une navigation
libre , d'aprè le plan tracépar la neutralité armé . 3 ° Des follicitations d'indemnifation.
4° Qu'avant d'avoir réléces points
on ne fauroit fe déerminer d'envoyer un
( 231 )
Miniftre àLondres. Cinq provinces fe conformèent
d'abord àce prévis. Les Déuté
de Zéande demandèent un déai . Cependant
les Néociations éant preffés on paffa
àla conclufion , & le Courier chargéde
cet ultimatum fut expéiéàParis le 5.
Les Etats de Hollande & de Weftfrife , ajoutent
ces lettres , alfemblé le 14 de ce mois , le feront en◄ core demain 18. Ca croit qu'ils déibéeront fur la
réonse qui aura ééfaite àl'ultimatum , & qu'on
compte recevoir aujourd'hui. Le courier qui l'ap
portera fera àce qu'on efpere chargéauffi de la fignature
des préiminaires entre la Réublique & la G.
B. On ne pense pas que l'article qui regarde l'indem--
niſtion arrêe rien , pourvu qu'on obtienne la reſitution
de Negapatnam & la libertéde la navigation.
Cependant les Intéeffé àcette indemnifation , ont
préentétequêe aux Etats - Gééaux pour qu'on lat
leur procure , ou que
du moins on prenne des inefures
pour les déommager de quelque manièe ; les
Provinces de Hollande & de Zéande ont pris cette
requêe en confidéation . On attend inceffamment
un plus grand nombre de paffeports Anglois ; les
cent qu'on a d'abord reçs ont éédiftribué fur le
champ.
a
--
PRÉIS DES GAZETTES ANGL . du 18 Mars.
Quelles que foient les perfonnes qui compoferont
l'Adminiftration , le Chancelier de l'Echiquier eft
déerminéàpourfuivre fon enquêe fur le péulat
des cinquante millions , jufqu'àce qu'elle parvienne
àforcer les coupables d'avouer leur crime.
La diffolution du Parlement ne peut manquer
d'êre vivement cenfuré par tous ceux dont elle
contrarie l'ambition & les vues intéeffés . Il n'en
eft pas moins vrai nénmoins que ce feroit le
moyen le plus raifonnable de connoîre les vrais
( 232 )
fentimens de la Nation fur le compte des difféens
perfonnages qui fe difputent l'autorité
L'armé d'Irlande doit êre réuite à4000 hommes
effectifs , en y comprenant quatre Réimens
de Cavalerie & trois de Dragons.
Les vaiffeaux retiré de commiſ .ion ont déa
fait licentier plus de 11,000 matelots . Plufieurs
d'entreux le font engagé àbord des bâimens de
commerce ; les autres fortis d'emploi feront' obligé
d'entrer au fervice éranger.
Des ordres ont ééexpéié pour faire revenir
des Ifles & de la Jamaïue 32 vaiffeaux de ligne ,
mais ils ne doivent mettre àla voile que lorfque les
Françis àSaint-Domingue & les Efpagnols àla
Havanne , auront fait toutes les difpofitions néeffaires
pour leur déart.
Le Marquis de Carmarthen a eu ces jours derniers
un long entretien avec le Roi , relativement
àfon Amballade de France.
Il eft arrivéun Exprè venant de Portſouth ,
avec la nouvelle que les éuipages des Sloops de
guerre le Speedy & le Marquis de Seignelay , qui
avoient éédéigné pour convoyer les bâimens
allant aux Ifles de l'Améique , s'éoient réolté
& avoient refuféde faire la travetfé.
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉÉ .
»PARLEMENT DE PARIS. Grand Chambre. Caufe
entre la veuve Magrah , Aubergifte àLaon , & la
communautédes Aubergiftes & Limonadiers de la
mêe ville. Les anciens Statuts des communau- -
té d'arts & méiers portoient , que les veuves des
maîres pourroient , pendant leur viduité, continer
les mêes trafics que faifoient leurs maris , & tenir
garçns & apprentifs fous elles . L'Edit de réabliffement
des corps & communauté d'arts & méiers ,
( 233 )
---
qui a fuivi leur fuppreffion , ordonné par un prééent
Edit , a apportéquelque changement àcette loi.
L'article VI pore , que les veuves des maîres qui
Leront reçs àl'avenir ne pourront continuer d'exercer
le commerce , profeffion , ou méier de leurs
maris , que pendant une anné , lauf àelles àfe
faire recevoir dans la communautéen payant moitié des droits de réeption . Et l'article VIII , accorde
aux anciens maîres des communauté tupprimés &
àleurs veuves , le droit de continuer d'exercer le
commerce , profeffion & méier de la communauté dans laquelle ils avoient ééreçs fans payer aucuns
nouveaux droits , & le aggièe feulement aux nouvelles
communauté . Ces deux articles ont donné lieu a la queftion de favoir , fi ce privilée accor
déaux veuves d'anciens maîres , devoit s'entendre
feulement des veuves d'anciens maîres au moment
de l'Edit , ou s'il devoit êre éendu àcelles des anciens
maîres , qui deviendroient veuves depuis l'E
dit. La communautédes Aubergiftes & Limonadiers
de la ville de Laon , vient d'éever cette question
vis-à vis de la veuve Magrah , concluant àce que
déenfes lui fuffent faites d'exercer l'éat d'Aubergifte
, & qu'elle fû condamné en des dommagesintéês
, pour l'avoir induement exercédepuis le déè
de fon mari . Une Sentence par déaut du 17
Septembre fuivant ayant adjugéàla communautéles
conclufions qu'elle avoit prifes , la veuve Magrah en
a interjertéappel . Arrê du 11 Janvier 1783 , fus
les conclufions de M. l'Avocat- Gééal Joly de
Fleury qui a infirméa Sentence , a déhargéla veuve
Magrah des condamnations contr'elle prononcés ,
& àcondamnéla communautéaux déens .
---
---
Caufe entre les fieur & dame M*** . Séaration
de corps. La diffamation eft dans tous les éats
un moyen de féaration pour la femme. Nous ca
( 234 )
avons rapportéplufieurs exemples ; cette Caufe en
offre un nouveau. Un Arrê du mois de Déembre
1781 , avoit admis la femme àla preuve des faits
par elle articulé ,fauf au mari déunt la preuve contraire.
Elle a fait la preuve. Arrê du 12 Férier
1783 , fur les conclufions de M. l'Avocar-Gééal
Dagueffeau , qui prononce la féaration de corps &
de biens ; condamne le mari àrendre la dot & les
effets de fa femme , & aux déens.
-
Caufe entre la dame de B*** & fes enfans . - Parmi
les difféentes espèes d'avantages poffibles entre maris
& femmes , il y a une grande diftin&tion àfare entre
deux éablis par le contrat , & ceux faits durant le
mariage. les prem ers font licites quelque confidéables
qu'ils forent , fauf l'exception de l'Edit
des fecondes noces , qui limite les avantages au don
d'une part d'enfant : l'excè de la donation ce la rend
pas nulle , mais réuctible feulement ad legitimum
modum. Quant aux avantages faits durant le mariage
as Coutumes les regardent d'une manièe
bien difféente : les unes les permetent , les autres
les déendent. Celle de Paris les déend : & elle doune
lieu àdes queftions d'avantages - indirects , lorf
qu'un des conjoints voulant reconnoîre les fains ,
les attentions & la tendreffe de l'autre , choifit des
perfornes tierces , àla probitédefquelles il fe confie
, pour lui remettre des objets de donation plus ou
moins conféuens : ou lorfque des conjoints , ayant
leurs biens en Coutume prohibitive , les déaturent
pour en acquéir d'autres en Coutume permiffive ,
pour avoir la facilitéde les léuer par teftament au
furvivant. Ces questions font trè éineules , &
leur folution déend beaucoup des circonftances .
Le fieur de B *** , ancien Capitaine de Dragons ,
& Chevalier de St - Louis , éoufa en Novembre 1747,
la demoiſlle P*** ; il avoit 45 ans , & la demoi
( 235 )
felle fature àpeine 26. Sa dot fut de 120,000 livres ,
les biens du mari furent porté àla femme de
210,000liv. ; la mife réiproque en communautéfor
ftipule à20,000 liv. , le douaire à6000 liv . de
rente ; les reptiles de la femme à12,000 livres 5
le contrat de mariage contient auffi donation entrevifs
car le fatur àla future. en cas de furvie , foit
qu'il y ait enfans ou non, de la femme de 30,000 live
L'union a éétrè heureuſ entre les éoux : trois
enfans en font provenus ; le Baron de B *** & deux
filles mariés , dotés chacune a leur mariage , de
16,000 liv. de rente au principal , an denier vi go
cinq , de 400,000 liv . Le 31 Mai 1768 , acquifition
faite par le fieur de B*** , d'un terrain de
2 arpens & demi en marais far les nouveaux boulevards
, pour le prix de 43,000 liv. Sur la moitié de ce terrein , le fieur de B*** a fait un potager
enclos de murs garnis d'efpaliers , avec un pavillon
ornéde glaces & fculptures . Le 17 Juillet 1780,
il a fait , par acte devant Notaires , donation enentrevifs
en toute propriééde cette partie de terrein ,
avec les bâimens àla dame L*** , tante de fon
éoufe , fous la réerve feulement d'ufufruit pour
lui fa vie durant ; la donation a ééfellé & infinué
le 29 Aoû 1780. Le 2 Septembre de la mêe
anné , donation entrevifs faite par la dime L***
àla dime de B *** de l'objet àelle donnéle 17
Juillet prééent. Le 13 Novembre 1780 , donation
paffé devant Notaires , par l'Abbé** au profit
de la dame de B *** , préente & acceptante de
la fomme de 150,000 liv . contenue en 30 billets
des Fermes , de chacun sooo liv . remis du confentement
de la donataire au fieur fon mari , qui
le reconcit en fa charge , fous condition que ladite
fomme demeurera propre àla donataire.
Octobre 1781. Acquifition de la Terre du B ***
& fes déendances , fitués dans la Coutume de
2
,
- Le if
( 236 )
-
Chartres , faite par le fieur de B ***, de M. de M***,
moyennant la fomme de 470,000 liv . & 6000 liv.
de pet-de-vin ; le prix principal payable , moitié aprè l'obtention des lettres de ratification , l'autre
moitiéen deux paiemens éaux àun an de diftance
l'un de l'autre . Plus , par le mêe acte , vente &
ceffion de tout le mobilier pour le prix de 30,0co liv. ,
& de difféens autres objets déaillé dans l'acte
pour 10,000 livres , les deux dernièes fommes faifant
celle de 40,000 liv. payés comptant . Codicile
du fieur de B *** , du mêe jour 13 Octobre
1781 , 11 heures du foir , par lequel , pour marquer
fon eftime & fon attachement àla dame fon éouse , it
lui donne & lèue ladite Terre & Seigneurie du B ***,
avec toutes les appartenances & déendances , fiués
Coutumes de Châeau-Neuf en Thimerais , & de
Chartres , fans en excepter ni réerver. Le feur
de B*** eſ déééle 27 Octobre de la mêe
anné. Par fon teftament fait au codicile dont on
vient de parler , il avoit affignéàchacune de fesfiles
une partie de fes biens pour les remplir des
400,000 liv. de dot donnés àchacune par contrar
de mariage , & avoit du furplus inftituéfon fils de
B*** , fon Léatataire univerfel , àla charge de
payer les dettes. Ce fils a attaquécomme nuls
les donations entrevifs faites par la dame L*** &
l'Abbé** , le legs fait par le codicile du ficur de
B*** de la Terre du B*** . Une Sentence par
déaut, d16 Mars 1782 , ayant délarénulles lefdites
donations & le legs de la Terre du B *** , la dame
de B*** en a interjettéappel. - Arrê , le 24 Jan.
vier 1783 , qui a délaréles deux donations nulles
& de nul effet & valeur , & a fait déivrance àla
dame de B*** , du legs de la Terre du B*** , déens
compenfé.
Caufe entre la Communautédes Maîres Chande
( 237 )
-
-
-
Tiers de Paris & le fieur Petit , Maitre Chandelier.
Le fieur Petit , Maîre Chandelier , occupe une
moitiéde boutique , dont l'autre eft occupé par le
fieur Cunenbourg , Maîre Epicier , fon beau- frèe.
Ces particuliers ont fait metttre au- deffus de
cette boutique commune cette infcription : Gutenbourg
& Petit tiennent magafin de toutes marchandifes
de l'éat d'Epicier & de Chandelier. ·La
Communau édes Maîres Chandeliers a cru voir
daas la manièe dont ces commerçns font loges ,
une contravention àfes Statuts , qui déend le cumul
de deux éats difféens & incompatibles. En conféuence
les Gardes & Juré fe tont tranfporté chez
le fieur Petit , & ont dreffécontre lui un procèverbal
de contravention . Ce procè- verbal ne porte
cependant pas qu'ils l'aient trouvéoccupéàaucune
chofe de l'éat d'Epicier , mais feulement àfon éat
de Chandelier , les deux moitié de boutique éant
bien diftingués par la difféence des marchandifes
des deux éats . La Communautédes Maîres
Chandeliers a nénmoins fait affigner le fieur Petit
en la Chambre de Police du Châelet , pour que
déenfes lui fuffent faites de cumuler ainfi les deux
éats , & de faire fon commerce dans une moitié de boutique ; qu'il i fû enjoint d'en avoir une
diftincte & féaré , & qu'il fû condamnéen l'amende
pour raifon de la contravention . Sentence
de Police qui l'a ainfi ordonné, & l'a condamnéen
dix livres d'amende & aux déens. -Le fieur Petit
en a interjettéappel Arrê du 11 Déembre
1782 qui a mis l'appellation & ce dont eft appel
au nént ; éandant a déhargéPetit des condamnations
contre lui prononcés , &condamnéla Communautê des Chandeliers aux déens.
-
PARLEMENT DE TOULOUSE. ( Suppofition de
perfonne , dans un ate public , punie ) . Caufe ex
( 238
)
tueux ,
traite du Journal des Caufes céères ( 1) . Il eſ
dans le Droit Romain plufieurs manièes d'acquéir .
-Juftinien en a fait un titre particulier dans les inftitates
. Un maçn de Fons , en Languedoc , nommé Péouris , pen fatisfait de toutes celles qui font déombrés
dans les loix romaines , en voulut inventer
*unenouvelle àfon uſge. Comme l'avare de Molièe,
qui n'a imiroit point un bon repas qu'il falloit payer >
& exhortoit fon clinier àlui faire , pour chefd'oeuvre
de fon induftrie , un repas déicat & fompqui
ne lui coutâ pas un fou ; Péouriéne fe
foucioit point d'acquéir une chofe , en donnant fon
prix en argent ou autre éuivalent. Il convoitoit
beaucoup, depuis long- tems , une pièe de terre d'un
de les voifins ; mais il vouloit en devenir propriéaire
, fans bourte déier. Cela paroî difficile àbien
des honnêes gens : voici le moyen de l'induſrieux
maçn il choifit , pour confident de fon defir ,
un nomméDebrieu , laboureur de fon voisinage.
Soit par fon éoquence , foit en l'intéeflant , il fut
l'engager dans les vues . Si Debrieu ne fut que complaifant
& gééeux , c'eft malheureufement une
efpèe de gééofitépour laquelle les loix n'ontpoint
éabli de reconnoiffance. Quoi qu'il en fois du falaire
, voici le pacte. Les deux amis conviennent
enfemble que Debrien fe préentera chez un Tabe !-
lion un peu éoignédu lieu , fous le nom du propriéaire
du champ convoité, & que la vente le fera
ainfi paifiblement entr'eux deux . Un fi beau projet
(1 ) On foufcrit pour ce Journal , qui a le fuccè le plus
méité, chez M. des Effarts , Avocat , rue Dauphine , Hôel
de Mouy , qui nous a lui -mêe fourni l'extrait de cette
caufe , & chez Méigot le jeune , Libraire , quai des Auguftins.
Le prix de l'abonnement eft de 18 liv. pour Paris & de
24 liy. pour la Province.
( 239 )
s'exéuta fans déai . Nos deax affocié vont , l: 8
-Juin 1781 , chez un tabelion : Je fuis moi , Péourié , qui veut acheter telle pièe de terre , & voila
Tyffeyre , propriéaire de ladite pièe , qui veut me
vendre. Il n'y eut que ces deux mots àdire . Le
tabellion dreffa l'acte , & voilàla vente confommé
; & les deux contractans fortent tout joyeux
du fuccè . On conçit pourtant qu'il devoit efter
quelques petites difficuité fur la tradition de l'immeuble
vendu. Il n'éoit pas aiféàPéoutié, malgré fon acte en bonne forme , d'aller fe mettre en poffellion
du champ. Tyileyre n'auroit pas ééfacile à déofléer fans bruit ni querelle. Apparemment que
l'acquéeur , content de la propriéé, le propofort
d'en laiffer quelque tems l'ufufruit au poflefleur ,
ou fe commandoit la patience d'attendre fa mort ,
ou enfin , eſéoit de l'avenir ou de fon géie quelque
expéient nouveau pour donner àl'acte fon effet,
Un incident fort fimple vint lai éargner les embarras
. Soit indifcréion de fa part ( car les petits
criminels font quelquefois indifcrets par vanité) ,
foit propos éhappé au faux vendeur , la nouvelle
de cette fupercherie parvint , quelque tems aprè , au
Tabellion furpris . L'amour-propre de l'officier fur
piquéde le voir dupe ; & d'ailleurs l'intéê de s'abfoudre
lui-mêe de tout foupçn de complicitéavec
ces deux fauffaires , lui firent bientô rompre le
filence. Il rendit plainte contre les deux coupables
devant les Juges du lieu . Les preuves de leur déic
ayant ééacquifes , ils furent condamné au banniffement
par Sentence du 26 Mars 1782.
tèe public ayant interjettéappel de cette Sentence ,
le Parlement de Languedoc l'a confirmé quant au
prononcé mais cette Cour a prononcéune peine
plus féèe contre Debrieu , elle l'a condamnéàfaire
amende honorable & au banniffement , par Arrê
du 30 Octobre 1782 «.
- Le Minif
240 )
PRISES FAITES SUR LES ANGLOIS.
-
- -
- Par les
Françis. Le Caffandre de Clyde pour Antigue,
envoyéen France ; le Walter de Clyde pour les
Ifles , envoyéàla Grenade ; le Cartier de la Chine
pour Bombay, envoyéa ... ; le Dove de Waterford
pour Arundel , envoyéàMorlaix ; l'Intrepid envoyé en France ; le Betfey àMorlaix ; le Hope de Briſol
pour
la Barbade à... ; la Pomona à... ; le Charles
àNantes Par les Améicains . Le Tyback de
Terre- Neuve pour Tortola , envoyéàSalem ; l'Amiral
Hawke àl'Orient ; le Bailie de Sainte- Lucie
pour Saint-Martin envoyéàBolton ; le Hope de Lisbonne
pour Terre-Neuve pris & péi ; le Swallow
de Terre-Neuve pour New-Yorck , envoyéàSalem.
PRISES FAITES PAR LES ANGLOIS . Sur les Efpagnols.
Un bâiment envoyéàla Jamaïue.
Sur les Hollandois. Un bâiment de Curaço
pour Amfterdam , envoyéàPortfmouth . Sur
les Améicains.- Un bâiment envoyéàLiverpool ;
un autre envoyéàla Barbade ; un troifièe de New
London pour Sainte-Croix .
-
-
-
N. B. Defirant donner àce Journal une exiftence durable
& permanente , nous avons cru que la variééſule pouvoit
y contribuer & que nos Soufcripteurs verroient avec plaifir un
nouvel effort & de nouveaux facrifices de notre part pour
parvenir àce bur . Non-feulement nous avons acquis le droit
de rémprimer fur les couvertures le Journal de la Librairie ,
qui contient la Notice exacte des Livres nouveaux , de la
Mufique , des Eftampes , des Arrês ; mais nous venons d'acquéir
de M. Mars , Auteur de la Gazette des Tribunaux , le
droit d'imprimer , dans ce Journal , la Notice plus ou moins
abréé de toutes les Caufes civiles & criminelles avec leurs
Jugemens dont fon Journal fait mention. Cette Gazette des
Tribunaux , abréé par M. Mars lui-mêe , fera imprimé à la fin du Journal Politique , & contiendra plus ou moins de
pages , fuivant qu'il y aura plus ou moins de Caufes & fuivant
leur importance. On fonferit en tout tems pour cet Ouvrage ,
dont le prix eft de 15 liv. par an franc de port , chez M.
Mars , rue & hôel Serpente,
( 1 )
Suppléent aux Nouvelles de Londres , le
Jeudi 20 Férier 1783 .
HIER , on fit àla Chambre de Communes une feconde
lecture du Bill propofépar M. Townshend , pour déruire
tous les doutes qui fe font éevé , ou qui pourroient s'éever
relativement aux droits exclufifs du Parlement &
des Cours d'Irlande , fur des objets de Léislation & de
Judicature , & pour empêher qu'aucun appel d'aucunes
des Cours de Sa Majeftédans le Royaume d'Irlande ne fut
reç , entendu & jugédotéavant dans aucune des Cours
Sa Majeftédans le Royaume de la Grande- Bretagne . Mais
àla demande de ce Secréaire d'Etat , toutes les difcuffions
fur cet objet ont ééremifes au jour oùle Bill en queſion
feroit mis fous les yeux du Comité
Quant àla Paix , il en fut peu queftion . M. Fox ayant
demandéque l'on mî le plus tô poffible la Chambre à porté de faire connoîre fes fentimens fur les Articles
Préiminaires , M. Pitt réondi : qu'il n'éoit pas moins
emprefféde voir terminer cette affaire ; mais qu'il defiroit
feulement êre préenu du jour auquel la Chambre s'en
Occuperoit ; & qu'en conféuence , fi elle avoit befoin de
quelques nouveaux papiers , il la fupplioit de les demander
promptement pour accééer d'autant les déibéations
fur d'autres objees que l'importance de celui - ci avoit fufpendus.
Le Lord John Cavendish dit que le jour lui éoit indifféent
, & que c'éoit aux Miniftres àle fixer. Il profita
de cette eirconftaece pour ſ juſifier d'un bruit calomnieux
réandu dans le Public àfon fujet , par lequel on
préendoit que fa motion tendoit àannuller la Paix , tandis
qu'au contraire elle portoit exprefféent que la Cham
bre devoit refter inviolablement attaché au maintien de
la foi publique.
Le mêe jour , la Chambre des Paris s'eft rendue à Saint James , oùelle a préentéau Roi l'Adreffe voté
par cette Chambre le 17. Sa Majestéy a fait la réonſ
fuivante :
MILORDS ,
«Je reçis avec plaifir cette Adreſ .e refpe&ucuſ , &
je vois avec une vive fatisfaction que les Articles Pré
»liminaires & provifionnels vous paroiffent , comme à ( Samedi 1 Mars 1783 ) .
>
( 2 )
moi , offrir la perſective d'une Paix qui , en déivrant
»mes Peuples de tous les fardeaux que les déenses de
»la Guerre avoient rendus inéitables , éablira , fi on
»fait profiter de fes avantages , la prospéiténationale fur
»une bafe folide . Ce font des objets que j'ai toujours
»àcoeur ; & toutes les mesures qui tendent àles rem-
»plir ne peuvent que m'êre agrébles . Je fuis ferme-
»iment réolu àexéuter tous les articles des Traité
»avec la bonne -foi qui a toujours caractéisécette Na-
»tion.
»Je partage entièement vos fentimens relativement
»àla jute confiance oùvous êes que dans l'Améique,
»feptentrionale on obfervera avec la mêe exactitude
»les ftipulations en faveur des malheureux qui ont fouf-
»fert de la Guerre ; ftipulations qui font fondés ſr
»la juftice & l'humanité, & qui ont actuellement la
»fanction d'un engagement public . Je n'ai pas le moindre
doute que cet article & tous les autres , faifant par-
»tie des Traité dont on s'occupe , feront déinitivement
>> arrêé & exéuté par les autres Puiffances , avec l'ef-
»prit de gééofité& de juftice dont elles doivent êre
»animés. >>
On érit de Chatan , en date du 17, que quelques Sol .
dits Irlandois , icen ié àl'occafion de la Paix , & qui
viennent de s'engager pour le fervice de l'Inde , ont commis
, depuis trois o 1 quatre jours , beaucoup de déordres
dans certe Place. Ils ont tuéou bleffédifféentes perfonnes
, & la frayeur des Habitans a éételle , qu'ils ont
ferméleurs boutiques & leurs maiſns bien avant la
nuit.
L'Irlande fait tous les efforts pour avoir la prééence
fur nous dans les marché Améicains. Il n'eft encore
parti d'Angleterre aucuns Bâimens pour les Etats-Unis ;
mais , le 16 de ce mois , il en a dûpartir un de Dubin
pour Philadelphie . Ce Vaiffeau , nomméla Marie , fera le
premier des trois Royaumes qui aura ouvert le Commerce
avec l'Améique.
Le Congrè a délaréle Presbytéianifme pour la Reli
gion dominante des Éats - Unis , oùd'ailleurs toutes les
autres Religions feront toléés. -
( 1 )
Suppléent aux Nouvelles de Londres , des 25 ,
26 & 28 Férier 1783 .
Du725
Férier
, Les Miniftres
fe font rendus
hier àSaint-James
, &
ont prié le Roi
d'accepter
leur
déiffion
, reprefentant
àS. M.
qu'ils
ne pouvoient
plus garder
leurs
places
aprè
avoir
perdu
, par la
Paix
, la confiance
du Parlement
. Le Roi a confenti
àleur demande
;
mais
ils garderont
les Sceaux
jufqu'à ce que la nouvelle
Adminiſration
foit formé
. Outre
les Miniftres
, le Duc de Manchester
& plufieurs
autres
Seigneurs
fe font
préenté
aulever
, & ont donné pareillement
la déiffion
de leurs
Places
. Le Lord
Avocat
d'Ecoffe
ne
s'y eft point
trouvé .
Le Roi n'a point encore délaréfon choix , relativement au nouveau
Miniftèe. On préend qu'il fera compoféde la manièe fuivante :
Le Duc de Portland , premier Lord de la Tréorerie ; le Lord
North , cré é Pair , & nomméGarde du Sceau Privé; Frééich
Montagu , Chancelier de l'Echiquier ; M. Fox & le Comte de Carlife
, Secréaire d'Etat ; le Lord Lougboroug , Lord Chancelier ; M.
Wallace , nomméPair & Premier Juge des Plaids Communs ; le
Lord Keppel , Premier Lord de l'Amirauté; le Duc de Devonshire
ou le Comte Fitzwilliam , Lord Lieutenant d'Irlande ; M. Burke ,
Tréorier des Troupes de Terre ; le Colonel Fitzpatrick ou le Colonel
North , Tréorier de la Marine . La place de Commandant en
Chef des Troupes de Terre fera fupprimé ; le Duc de Richmond ,
Grand- Maîre de l'Artillerie. Le Lord John Cavendish , ne voulant
accepter aucun emploi , fera cré é Pair , & la Pairie réerfible àfon
neveu.
Le Comtéde Shelburne s'eft entièement méris dans l'expofé qu'il a donnéàla Chambre des Pairs de l'importation des Pelleterie
du Canada , dont le Miniftre a éaluéle produit à50,000
livres . Il a appréiéavec aufii peu de juttene la perte de l'Ile de
Tabago , qui eft non-feulement trè préieufe par fa fituation en
temps de guerre , mais encore trè - fertile en coton . Elle produit
prè des deux cinquièes de tout celui qui eft importédans la
Grande-Bretagne . La perte de cette Ifle a déàfait hauffer confidéablement
le prix de cet article effentiel pour nos Manufactures
, & on ne doit pas douter qu'il ne hauffe encore davantage.
L'importation des pelleteries fe monte àplus de 200,000 livres par
anné .
Il s'eft tenu ce matin , chez le Duc de Portland , une trènombreuſ
affemblé des Perfonnes que l'on croit devoir former
la nouvelle Adminiftratier .
La Fréate l'Hydre , venant de la Jamaïue , eft arrivé àPortmouth.
Elle avoit appareilléde Port - Royal le 22 Déembre avec
l'Ardent , de 64 , & le Sloop le Vaughan , ayant fous leur Convoi la
Flotte de la Jamaïue. Le 4 Janvier , quarante huit Voiles fortirent du
Golfe ; le 17 , elles furent accueillies d'une violente tempêe qui difperfa
la Flotte , de forte que le 19 elle ne fe trouva compofé que de
trente- deux Bâimens rénis . Quelques jours aprè , le Vaideau de
guerre l'Ardent fit route pour Antigue, faifant deux pieds d'eau . Deux
( Samedi 3 Mars 1783. )
( 2 )
"
Bâimens péirent , mais les éuipages fe fauvèent. Les lettres appor
tés par l'Hydre annoncent que l'Amiral Hood croife avec l'efcadre
de New-Yorck entre Saint-Domingue & la Jamaïue , & qu'il a éé joint par les Vaiffeaux de cette dernièe ftation. Il eft àcraindre que
cette Flotte ne foit auffi malheureufe que la dernièe .
Suivant des Lettres de Dublin , les Néocians de cette Ville , de
concert avec ceux de Coike , fe ptopofent de former une Compagnie
pour faire le Commerce de l'Inde. On ne fait point encore fi cette
entrepriſ fe fera fous les auſices du Gouvernement ; mais il y a tour:
lieu de préumer que cette Compagnie ne pourra s'éablir fans l'agréent
& la fanction du Parlement d'Irlande.
Du 26 Férier. Le Lord Avocat d'Ecoffe a fait hier , dans la Chambre des
Communes, une Motion tendante àce que la Chambre s'ajournà au 28
pour donner àS. M. le temps de fe déerminer fur le choix des nouveaux
Miniftres. La Motion paffa par une pluralitéde 49 contre 37.
On dit que M. John Adams eft le feul Commiffai e nommépar le
Congrè pour faire un Traitéde Commerce & d'amitiéavec la
Grande- Bretagne ; & qu'àcet effet il ſ rendra àLondres auſ .i - tô
aprè la conclufion du Traitéde Paix actuel ..
Ce matin , le Capitaine Gower eft revenu de Portsmouth , oùil
éoit allévifiter les Chantiers , & donner de nouveaux ordres pour
que l'on mî en ordinaire les Vaiffeaux qui avoient ééretité de leur
commiflion.
Le Gouvernement a déàpafféun marchépour tout le Salpêre qui
fe trouvoit àbord des Vaiffeaux arrivé du Bengale.
Les Fonds baiffent àcaufe du nouvel Emprunt qui va avoir lieu ,
& qui ne fe fera qu'en efpèes.
Du 28 Férier. Le Roi n'a point encore forméla nouvelle Admiuiftration.
On afluroit hier que tandis que le Lord North & M. Fox
éoient occupé àajuſer les articles préiminaires de leur Traitéde
Paix & d'Union , il s'éoit fait une nouvelle ligue entre le Roi , le
parti de Bedford & ceux des anciens Collèues du Lord North ,
dont la conduite a ééle plus cenfuré par le Public , qui les regar
doit comme les inftrumens du Lord Bute. Telle éoit la nouvelle du
jour. Ce qu'il y a de trè - certain , c'eft que le Comte Gower , Chef
de la faction de Bedford , a eu ce matin un entretien avec S. M.
Cette nouvelle alliance a ééformé , dit- on , par le Lord Chancelier.
Si elle l'emporte fur l'autre , M. Jenkinfon fera Chancelier de
J'Echiquier , & M. Pitt nomméSecréaire d'Éat.
Le Duc de Portland , ainfi que le Lord Chancelier , ont eu hier un
long entretien avec S. M.
Il a ééoffert une Prime additionnelle de quatre pour cent pour
quelques Bâimens de la Flotte de la Jamaïue , mais elle a éé defufé.
Les Lettres d'Antigue donnent les nouvelles les plus alarmantes
de la fituation de cette Ile . Une féhereffe continuelle a totalement
ruinéla réolte de fucre pour l'anné préente , & les plants pour
l'anné prochaine feront pareillement déruits , fi l'on n'a prompteme
nt des pluies .
Les Lettres de Terre Neuve , datés du 14 Janvier , portent qu'on
y chargeoit environ 20 Vaiffeaux qui devoient partir fous quinae
jours,
A VIS.
1
Guillaum Uillaume Defprez , Imprimeur du Roi & dú Clergéde France , rue Saint- Jacques , àParis , donne
avis au Public , qu'il met en vente un Ouvrage trè
intéeſ .ant ſr la Guerre , ayant pour titre :
TRAITÉSUR LA CAVALERIE , par M. le Comte
DE DRUMMOnd de MelforT , Lieutenant- Gééal
des Armés du Roi , & ci- devant Inspecteur- Gééal
des Troupes-Léeres de France , avec Approbation &
Privilege du Roi. Un Volume in-folio de sos pages
d'impreffion , fur papier grand raifin , enrichi de Vie
gnettes & de douze Figures en taille- douce , dont un
Frontifpice gravéavec le plus grand foin ; & un grand
in-folio, forme d'Atlas , de trente-deux Planches gravés
en taille-douce , oùfont repré .enté , dans les
attitudes les plus juftes , tous les mouvements des
hommes & des chevaux , tant dans les procéé qu'entraîent
les principes de l'Equitation analogue au fervice
de la Cavalerie , que dans les tableaux qui traitent
des manoeuvres les plus favantes de cette arme
que dans ceux enfin qu'occafionnent toutes les parties
de fon fervice àla guerre , ils font éalement vus eri
actions fur toutes fortes de terreins , deffinés par le
Sieur Van Blarembergh , Peintre du Roi , attachéau
Déartement de la Guerre , & gravés par les plus
habiles Artiſes du Royaume.
Cet Ouvrage eft d'autant plus préieux, qu'il eft à la porté de tout le monde , puifqu'il conduit l'Hom
me de guerre , depuis l'éat de fimple Cavalier , juf
qu'àcelui , pour ainfi dire , de Gééal d'Armé. I
eft le fruit de quinze Campagnes de guerres , faites
fous MM. les Maréhaux de Coigny en Allemagne,
de Belleifle , de Broglie en Boheme , de M. le Prince
de Conti en Italie , du Maréhal de Saxe en Flandre ,
& depuis fous MM. les Maréhaux de Soubife , de
Contades & de Broglie en Weftphalie & en Heffe ,
oùM. le Comte de Melfort a commandéune des
avant-gardes de l'Armé pendant les quatre dernieres
Campagnes.
L'Auteur traite , dans la troifieme Partie de cet Ouvrage
, de toutes les opéations de la guerre de campagne
; & il s'eft attachéàrendre fes principes auffi utiles
aux Troupes-Léeres & àl'Infanterie , qu'àla Cavalerie
.
Il eft auffi le fruit d'une éude fuivie , tant dans le
Cabinet , que fur le Terrein , pendant le cours de
quarante annés de fervice , oùcet Officier - Gééal ,
qui a eu la permiffion de le déier au Roi Louis XVI ,
a vu manoeuvrer la plus grande partie des Troupes de
l'Europe , & entr'autres celles du grand Frééic , pendant
l'efpace de trois mois , fous les yeux du Felt-
Maréhal Keith , fon oncle.
Le prix eft de 120 livres en feuilles .
La reliure en veau du Volume d'impreffion in-folio
grand raifin , avec Figures , & du Volume des Figures
fur papier grand aigle , forme d'Atlas , le prix aujufte
eft de 24 livres , àajouter aux 120 livres ,
font
Pour l'envoi en Province , la caiffe coutera
Ce qui fait .
· • Les mêes Volumes , broché en carton ,
font de 9 livres , àajouter à120 livres ,
font ·• Et de mêe
pour
la caiffe
144
1.
6 1.
150
1
129
l.
6 I.
·135 1.
Ce qui fait
•• Ceux qui voudront fe procurer cet Ouvrage , s'adrefferont
audit Sieur Defprez , auquel on peut érire , en affranchiffant
les lettres & l'argent qu'on lui enverra , foit par la Pofte ,
foitpar toute autre voie , & ilfera remettre chaque exemplaire
aux Perfonnes qu'on lui indiquera.
chancellor of the diocele of Le- la Fabrique de la Paroifle de
terborough , and fellow of the Bagnolet Extrait des Regift es
royal and antiquary focieties ,
deceated , which will befold by
auction , by M. Peterfon , at his
great room Numero 6 king- Mignon S. André des- Arcs.
du Parlement , du 17 Janvier
1-83 . A Paris , chez P. G. Sirion,
& N. H. Nyon , Libr.- Impr. rue
Arect , covent garden , London , Arrê de la toutesment,
on monday , April 7 , 1783 and qui fait defenfes perfonthe
fortytwo following days.nes , de quelqu'éat & condition
London , 1783 , in - 8 ° 420 pag.
8360 articles .
qu'elles puiffent êre , de s'affembier
& de s'attrouper, fous aucun
préexte , & dans aucun ttemps
de l'anné ; de fimuler les fonc
trons de la Justice ; de courir
Hiflorical fragments of the
Mogul empire , of the morat
toes , and of the english concerns
in Indotan. Lond. 1782 , in - 8°.mafqués ou déuirés dans la
A history of the revolution of Ville & Fauxbourgs de Verbe-
Ali Bey , against the Ottoman rie ; porter ou reprefenter aucune
Porte , including an account of effigie ; faire aucuns charivaris ,
the form of governement of parades , cavalcades , ou autres
Egypt together with a defcription Jeux tumultueux ; infulter aucuns
of grand Cairo , and of feveral Particuliers de quelqu'éat & concelebrated
places in Egypt , Pa- dition qu'ils foient , par defignaleftine
& Syria. London , 1783 tions directes ou indirectes , fous
in-897 les peines portés audit Arrê :
Extrait des Regiftres du Parlement
, du 6 Férier 1783. Chez
les mêes,
Le Vocabulaire de Marine ,
Anglois & Françis , Françis &
Anglois ; par M. Lefcallier. London
, 1783 , gr . in- 8°. avec fig.
Suite des Ouvrages de Gégraphie
qui fe trouvent chez
Defnos , Ingéieur- Gégraphe ,
rue S. Jacques.
Lettres - Patentes du Roi , portant
abolition du droit d'Aubaine
entre la France & les Etats du
Comtéde la Leyen ; donnés à Verfailles le 12 Novembre 1782,
Atlas de Coilées , adapté& registrés en Parlemeur le 31 Janfaifant
fuite àla Gégraphie , vier 1783. Chez les mêes.
déiéàMile de Crozat : 28. Lettres -Patentes du Roi , fur
Cartes in 4. 15 liv.. Arrê
Atlas Hiftorique , dreffépour pofé aux quêes pour la ré
, portant que les Pré'intelligence
de l'Hiftoire de demption des Captifs , re joui-
France de MM . Véy, Villaret : ront de l'exemption d'aucunes
60 Cartes in 4.3212 liv.
Charges publiques ; donnés àla
Atlas , idem , en 34 Cartes , Muctte le 28 Septembre 1782 ,
fans celle de rééition ni Vi- registrés en Cour des
gnette, volume in-4 . de 34 Car- r Férier 1783. Chez Knapen &
tes ; 15 livi
fls , Libr. - Impr. Pont S. Michel.
CARTE 3. Atlas Hiftorique & Chronologique
, faifant fuite àl'Abréé de M. le Préident Henault : in-
4. rel . 21 liv .
Aides le
Seconde livraifon de l'Atlas
nouveaa , déiéàM. le Comte
de Vergennes , contenant 14 Cartes
au lieu de 12. ARRET S.
Arrê de la Cour de Parlement,
portant Rélement pour l'admi- guer ,
L'Aureur a eu foin de diftinpar
la couleur des enluminiftration
des bicus & revenus de nures , les difféentes poffeilions
chez Servièe
de- Beauvais
On trouve chez
Education corper.
par M. De
Le bien indique les 10es Fran - Tome 1 , 2 vol
soifes ; le rouge , les Angloifes : 4 Londres , &
le jaune , les Epagnoles , l'oranger
, les Hollandoifea ; le violer
fes Dancies. La Carte de la pref
que fic de l'Inde en deç du Gan
ge , depuis Charlemagor, & qui
doittane partie de la troièe if
vraifon , fera déivré fous peu
aux Soufcripteurs qui feront en
preffes de fe la procurer.
On fouferira jufqu'àla quatrieme
livrai on , chez TAuteur,
M. Mentelle , Hitoriographe de
Mgr . le Comte d'Artois , hôel
de Mayence prè le Notaire
rue de Seine faurb. S. Germain.
LIVRES ETRANGERS.
De education des enfans ,
traduit de l'Anglois de M. Jean
Locke pá M. CofMembre
de la Societe Royale de Lores :
nous edit . àlaquelle ond jon
la méhode obfervé pour Fedu
A
Philippe Ii fon fir
liv . to f
1
Des befoins de l'ciuta
l'éucation des
12. broch, 11
Préisde l'Hite
àl'afage des
Mouftolon :
Gégraphie ele
fage des College
Geographe ording
12 , avec des cartes
Le Méecin
M. Geullin :
Le Medecin
mêe ; in-12
Avec Approbation & Privilée du
Le Journal de la Librairie fe vend féaréen
Impriment Ordinaire du Roi , rue S. Jacques
l'imprime chaque féaine fur les Couvertures du
Souferipteurs n'ont rien de plus àpayer.
On s'abonne en tout temps , àPans
THOU , rue des Poitevins. Le prix cl
de trente vres , & pour la Province
Brente deux livres , que l'on remettra
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Meffieurs les Souferipteurs du mois
prié de renouveler de bonne heure leur
nici , claffium methodi fexualis
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, &c. curante D. J. Gor.
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relations les plus nouvelles & les
plus approuvés , & augmenté
des déouvertes du Capitaine
Cook ; par les fieurs Brion de la
Caroli A Linnémateria Tour & Deinos , Ingéieursme
dica , editio quarta , auctior. curante
J. Ch. D. Schrebero . Lipf.
1782 , in - 8 °
Catalogue des livres dont la
vente fe fera àl'amiable le Jeudi
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ARRÊS.
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paru , chez le mêe : 4 liv.
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L'Attention dangereufe , Eftampe
gravé d'aprè F. Boucher,
par A. F. Dennel , & déié.
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Paris , chez l'Auteur , rue du Petiz
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Cette Eftampe fait fuite àle
Troisièe cahier de jardinage.
12 fols. A Paris , chez le fleur
Panferon Architecte rue des
Maçns , prè la Sorbonne.
L'Evanouiffement de Calipfe
Arrê du Confeil d'Etat du
Roi , du 23 Déembre 1782 , qui
ordonne que les Etapiers continueront
de jouir de la facultéde
tuer ou faire tuer , mêe pen- Vertu irréolue .
dant le carêe , les beftiaux néeffaires
pour la fourniture de
Péape , & de vendre aux particuliers
des lieux & àceux du voi
finage , ce qui n'aura pas éécon
fommépar les troupes . De l'Im- àla vue du Vaiffeau conftruit par
primerie Royale. Mentor , & la Colèe & la Jalou-
Arrê du Confeil d'Etat du fie de Calipfo contre Eucharis &
Roi, du Is Janvier 1783 , qui Tééaque , deux Eftampes faiexcepte
les afpirans àla Maitrife fant fuite au huit du mêe fujet
d'Orfére , des difpofitions gééravés par de Monchy , d'aprè
rales de l'Arrê du Confeil du 24 Ch. Monet ; chacune , 1 liv. 10 f.
Novembre 1782 concernant Chez Auteur , cloltre S. Benot .
Papprentiffage Del Impr. Royale. Machine àelever l'eau par une
corde fans fin , perfectionné par
M. Campmas , en fept figures ,
jointe àla defcription : 3
Arrê du Confeil d'Etat du
Roi , du 2 Férier 1783 , concernant
le commerce de la Chine.
De l'Imprimerie Royale.
Ordonnance du Roi , du Is
Janvier 1783 , concernant les formalité
àobferver pour la remife
des billets ou engagemens de rançns
, ainfi que des otages qui feroient
faits en contravention à l'Ordonnance du 30 Aoû 1782 .
De l'Imprimerie Royale.
liv.
Et fans defcription : 11. 16 f.
A Paris , chez l'Auteur , hôel S.
Louis , rue Git le coeur.
Plan general de la nouvelle
foire S. Germain projetté à l'extréitédurjardin du Luxem
bourg. A Paris , chez les frèes
Campion , rue S. Jacques.
Le Port des Sables d'Olonne
Ordonnance du Roi , du 4 Féle Port de Landerneau , for
vrier 1783 , concernant les termes mant les planches XXXIII &
de la ceflation des hoftilité en XXXIV de la collection des ports
met. De l'Imprimerie Royale.de France , deffiné pour le Roi
par le fieur Ozanne , Ingéieur de l'Ate du Feu , remis en mußde
la Marine chacun , 1 1. 10 f, | que ; par M. Edelmann ; paroles
AParis , chez le Goung , Graveur , de M. Moline 2 livres s fois.
rue . Hyacinthe place S. Michel A Paris , chez Bignon Graveur ,
On trouve àla mêe adreffe place du Louvre , àAccord per.
la Tempêe ou clair de lune , gra- fait , & àla falle de l'Opéa ; &
vé d'aprè M. Vernet , par J. J. chez Mlle Caftagnery , rue des
Flipart 6 liv.
Prouvaires.
LIVRES ETRANGERS.
Dictionnaire univerfel des fcien
Le Triomphe de Véus , Eftampe
gravé en couleur , par R.
Lenoir , d'aprè Angelica Kauff - ces morale , éonomique , politimann
: 6 liv. , & en rouge , 3 1. que & diplomatique , mis ca or
A Paris , chez Lenoir, Marchand dre & publie par M. Robinet ,
d'Estampes , au Louvre , & rue du Tomes XXVI & XXVII ; in - 4 ° Cog S. Honoré Chaque vol . fe vend br. 1a 1.
Paris , chez l'Editeur , rue de la
Harpe, an College de Bayeux.
Les Exilé du Parnaffe , Sayre ;
par M. Duchozal Amfterdam,
& fe trouve àParis , chez Anteur
, rue Montmartre,
MUSIQUE.
Bonheur de la France , Ron
deau fur la Paix , arrangépour le
clavecin ou le fortépiano , avec
accompagnement de deux violons
& la balle chiffré , paroles de
M. l'AbbéAubert , mufique de P. M. Augufti Brouffonet
M. Benant : 3 liv . A Paris , chez Medicine Doctoris , Societatis
Milete Vaffeur , r. de la Monnoie regie Londinenfis & Montge
Journal de clavecin , par les lienis feci , Ichthyologia liftens
meilleurs Maltres , avec accom- pifcium defcriptiones & icones
pagnement de violon ad libitum , grand in 4. orne de onze pannuméo
2 : 2 1.81. A Paris , chez ches : br. 6 liv. A Paris , chez Dr
Leduc , rue Traverfièe S. Honore dot le jeune , Impr.- Libr.
Le Pouvoir de l'amour , Ariette
Avec Approbation & Privilée du Roi
Le Journal de la Librairie fe vend féaréent chez Pietre
Imprimeur Ordinaire du Roi , rue Saint Jacques , 7 liv . 4 fals. On
l'imprime chaque femaine fur les Couverures da Mercure , & les
Soufcripteurs n'ont rien de plus àpayer.
On s'abonne en tout temps , àParis , Hôel de
THOU , rue des Poitevins. Le prix eft , pour Paris ,
de trente livres , & pour la Province , port franc
trente- deux livres , que l'on femettra la Pofte ,
en affrancaffant le Port de l'argent & la lettre
d'avis.
Meffieurs les Soufcripteurs du mois d'Avril fot
prié de renouveler de bonne heure leur Abonnement.
GRAVURES.
On trouve àParis , chez Ge
Cinquièe
Difpofition gééé & Né de la Rochelle ,
Libraires , quai des Auguftins ,
prè du pont S. Michel :
Hiftoire de Sophie de Francourt;
par M *** : 2 vol. in- 12. avec fig.
broch. 4 liv .
I
rale pour la diftribution des jardins
de propreté, compofé fur
un terrein irréulier contenant
environ 66 arpens , mefure de
Paris , projeté par le fieur Pan-
Les mêes Libr . peuvent differon , Architecte , liv. A Pa
pofer de quelques exemplaires ris , chez l'Auteur , ue des Mades
Tables latine & françife fons , prè la place Sorbonne.
des plantes qui forment la feconde Le retour de la chaffe , Ef
partie de l'Hiftoire naturelle du tampe deffiné, & gravé par A.
rène vééal , en 1200 planches J. Duclos , & déié àla biengravés
en taille- douce prix , faifance : liv. 4 f.
liv. 12 f. en feuilles . Ces Tables
, fans lefquelles
peut
faire ufage de cer Ouvrage , our
Cette Eftampe fait pendant à l'Exemple d'humanité L'une &
l'autre fe trouvent a Paris , chez
éétirés àpetit nombre , & ne Godefroy , rue des Francs- Bourforment
que cinq feuilles & degeois S. Michel.
mie d'impreflion in fol . LIVRES ETRANGERS.
Pidot , Libr. quai des Auguf Cecilia , &c. Céile , ou Méins
, a reç de Londres : Y moires d'une héitieres vol.
works of addifon , Bir- in- 12. 1782 ,
mn, printed by Basker- Payne.
ville : 4 vol . in-4
Londres , chez
Hiftoriæpriorum Regum Per-
Jch fon's Dictionary of the fatum poft firmatum in regte
english languaeze : 2 vol in fol , Ilumifmum , ex Mohammede
Cullen's first lines of prac- Mirchendo , perficè& latinè cum notis geographico- litterariis
: 1782. A Vienne , chez
Kursback .
tice of physc : vole ,
Fordyce's fermons to young
men : 2 vol . in -va.
Fordyce addreffes to young
Men : 2 vol. inerz
Lettre adreffé àl'AbbéRaynal
, fur les affaires de l'Améi
Suite des Ouvrages de Gé- que feptentrionale , oùl'on regraphic
qui fe trouvent chez lèe les erreurs dans lefquelles
Denos , Ingéieur-Gégraphe , cet Auteur eft tombé, en renrue
S. Jacques. dant compte de la réolution
Atlas , ou Tableau analytique d'Améique traduite de l'ande
la France , pour l'intelligence glais de M. Thomas Payne , M.
du déombrement du Royaume : A. de l'Univerfitéde Penfilya
vol . in 4. rel. 32 liv. nic , Auteur du pamphlet intitulé le Sens commun des autres
ouvrages, Philadelphie , 17823
br. in-8 °. de 124 pages : liv.
10 f.A Philadelphie , & fe trouve
àParis , chez Knapen & fils
Libr.-Impr . au bas du Pont S,
Michel,
Atlas , ou Neptune françis ,
contenant les côes maritimes de
la France , 40 cartes in- 4 . rel .
18 liv.
Atlas d'Angleterre , levétopographiquement
par ordre de S. M.
Britannique in-4 °. rel. 24 liv.
Atlas Eccléiaftique , conte- Letters adreffed to two yound
nant tous les Evêhé & Méro- maried ladies , &c. Lettres adref
poles des quatre parties du mon- fés àdeux jeunes Dames made:
in-4°. cl. 12 liv. riés fur les fujets les plus
intéeffans : 2 vol . petit in-3 °. | comique , le Jeudis Déembre
1782. 4 Londres , chez Dadley.
Ludwig der firenge , &c. Louis
le Severe , Tragéie patriotique
en cinq actes in - 8 °. 1782. A
Munich , chez Strobl. *
Le Maîre de délamation ,
Coméie en fcèes àtiroir , en
profe & en un acte ; par M. le
Teffier. A Amfterdam , & fe
trouve d Paris , chez la veuve
Ballard & fils , Lib.- Imp. rue des
Mathurins.
1782 , 1 liv. 4f. A Amfterdam , &
le trouve àParis , chez Cailleau
Litr.- Inpr, rue Galande , vis-àis
celle du Fouarre.
Remarks ou Rouffeau's Fm
lius , & c. Remarques fur l'Emile
de Rouffeau : in-12 . 1782. A
Londres , chez Nicoll.
Vida interiorA & . Vie inté rieure , ou Confeffiors du vééable
ferviteur de Dien D. Jeande
Palafoxy Mendoxa , Evêue
Le Mal entendu , ou il ne faut de la Puebla de los Argeles &
jurer de rien. Coméie-Proverbe d'Ofma : nouv . éition : 1782 .
en un acte & en profes repréen- 4 Madrid , chez Doblado
té pour la premièe fois àPa- chez del Barco & Hurtado
sis , fur le thé âtre de l'Ambigu-
Avec Approbation & Privilée du Roi.
Le Journal de la Librairie fe vend (éaréent chez Pier when re
primeur Ordinaire du Roi , rue Saint Jacques , 7 liv. 4 fols On
Fimprime chaque femaine fur les Couvertures du Mercure , & les
Soufcripteurs n'ont rien de plus àpayer .
On s'abonne en tout temps , àParis , Hôel de
THOU , rue des Poitevins. Le pi eft, ponr Patis ,
de trente livres , & pour la Province ,pet fr.
trente- deux livres , que l'on remettra la Pofte
en
d'avanchiffant
le Port de l'argent
& la lettre
Meieurs les Soufcripteurs du mois d'Avril fors
prié de renouveler de bonne heure leur Abonnement.
The hiftory of england , byD.
Hume , a new edition , with the
author's last corrections and imiv.
Ceux qui n'auront pas foufrit
, paieront l'exemplaire 168
iv . La brochure en carton de
chaque vel in - 8 °. Le paiera 6.f.provements to which is prefixed ,
avec une éiquette fur le dos. a short account ofhis life , writ-
Le prix du mêe format enten by Himself : 8 vol. in-89 .
papier de Holl. , fera de 264 liv. London . 1782 .
Le prix de l'exemplaite in-4°.
ur papier d'Annonay , fera de
76 liv. A Paris , au Parnaffe
françis ,, rue du vieux Colom- graphie qui fe trouvent chez
bier , en face de la rue Caffette . Deinos , Ingéieur-Gégraphe
On le propoſ en outre d'en rue S. Jacques.
faire exéuter quelques exemplaires
fur du papier véin , le
premier fabriquéen France par
M. Réeillon.
Syftêe du Philofophe chréien
: in -3 °. 11.4f. AParis , chez
Gellor, Libr. Impr. rue des grands
Auguftins.
AVIS.
Sterne's works : to vol petit
in- 8 °. avec figures. London .
Suite des Ouvrages de Gé-
Atlas hiftorique & chorogra
phique des vingt-deux éections
de la gééalitéde Paris , enluminé : in- 4 . relié, 18 liv.
Atlas chorographique de la
Picardie & de l'Artois , du haut
& du bas Boulonnois : in - 4°. relié , 18liv.
Atlas topographique de la
Flandre , fous le titre de frontièes
de France & des Paysbas
: broché, 18 liv
Théphile Barrois , Libr. quai
des Auguftins , a acquis du fonds
de M. P. F. Didor le jeune
les ouvrages fuivans :
Le Boucher , Libr. quai de
Gevres ; Onfroy & Lamy , Libr.
quai des Auguftins , chez lef
quels fe trouve l'Etat de la No
blefe , prient les perfonnes qui
auoient des méoires àar
faire paffer pour êre eres
dans Ear de l'anné 184 , de Dictionnaire de chymie , conne
les adreffer qu'àle Boucher , tenant la thérie & la pratique
f chargéde tous les foins re- de cette fcience , fon application
àcet objet. àla phyfique , àl'hitoire na-
On trouve àParis , chez Laturelle , àla méecine , & aux
my, Libr. quai des Auguftins , arts déendans de la chymie ;
l'ouvrage fuivant : par M. Macquer : feconde éi-
L'Amerique déouverte , en fix tion , vue & confidéablement
lives : broch, in- 12. de 174 pag. augmenté . Paris , 1778 : 4 vol .
On trouve àParis , chez Mein- 8 °. relié , zo liv,
rig jeune , Lior, quai des Au
gufins , au coin de la rue Pavé ,
Poivrage fuivant :
"
Henri IV, ou la Réuction de
Pais , Poëe en trois actes :
pa M. P. de V: in-8 °. broché,
jlv. 4f..
Piffot , Libr. quai des Auguftins
, a reç de Londres :
Evelina , or , the history of a
young Lady's entrance into the
world , bythe author ofCecilia :
vol. in 12. London 3
Le mêe : 2 vol . in -4" ,
relié , 30 liv.
Le mêe 2 vol. in 4°
grand papier , en feuilles , 48 liv.
Plan d'un cours de chymie
expéimentale & raifonné, avec
un Difcours hiftorique fur la
chymie ; par M. Macquer. Paris ,
1757 , in- 12 , relié, 2 liv. 10 f.
Manuel de chymie , ou Expofé des opéations de la chymie &
de leurs produits : ouvrage utile
aux perfonnes qui veulent prendre
une idé de cette fcience , ou
qui ont deffein de fe former un
cabinet de chymie : feconde éition
, revue & augmenté ; par
M. Beaumé Paris , 1766 , in-12.
relié, 3 liv.
Chymic expéimentale & raifonnés
par M. Beaumé Paris ,
1773 , 3 vol. in-8 °. rel. 18 liv.
Méoire fur la meilleure man
èe de conftruire les alembics
& fourneaux propres àla diftillation
des vins , pour en tirer les
Paris , 1778 , in-8 °, broché, 1 1.
eauxde vie ; par M. Beaumé
10 fols.
ARRET S.
Arrê du Confeil d'Etat du
Roi , du 14 Mars 1783 , concernant
l'adminiftration de l'Hôital
royal des Quinze vingts aveu
gles de Paris . A Paris , de l'Im
Prime Royale.
Arrê du Confeil d'Éat du
I
Roi , du 16 Mars 1783 , portant
modéation de droits fur les
charbons de terre entrans dans
la ville de Taris ou dans la ban
lieue. A Paris, de l'Imprimerie
Royale.
Ordonnance du Préô des
Marchands , & Echevins de la
ville de Paris, concernant la tare
provifoire pour les prix des voi
tures de bois àbrûer , chez les
habitans de cette ville du 15
Mars 1783. A Paris , chez Lottin
au Cog
RAVURE
S.
aîé, Impr. -Libr. rue S. Jacques ;
:
Portrait en couleur de Mile
Saint-Huberti , de l'Acadéie
Royale de Mufique , gravépar
M. Lemoine , & faifant pendant
àcelui de Mile. Colombe : 3 liv
AParis , chez l'Auteur , rue Gre
netai , maifon du Roi David,
Aves Approbation & Privilée du Roi.
Le Journal de la Librairie Te vend féaréent chez Pierres ,
Imprimeur Ordinaire du Roi , rue Saint Jacques , 7 liv. 4 fois. Q
l'imprime chaque femaine fur les Couvertures du Mercure , & les
Soufcripteurs n'ont rien de plus àpayer.
En s'abonne en tout temps , àParis , Hôel de
THOU , rue des Poitevins. Le prix eft , pour Paris,
de trente livres , & pour la Province , port frand,
trente deux livres , que l'on remettra àla Pofte ,
en affranchiffant le Port de l'argent & la lette
d'avis.
Meffieurs les Soufcripteurs du mois d'Avril__
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