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1763, 01, vol. 1-2
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MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI .
JANVIER. 1763 .
PREMIER VOLUME.
Diverfité , c'eft ma devife . La Fontaine.
Cochin
Filinainve
PopionSculpe
A PARIS ,
CHAUBERT , rue du Hurepoix .
JORRY, vis- à-vis la Comédie Françoife .
Chez PRAULT , quai de Conti.
DUCHESNE , rue Saint Jacques.
CAILLEAU , rue Saint Jacques.
CELLOT , grande Salle du Palais.
Avec Approbation & Privilége du Roi.
439 €
BIBLIOTHECA
REGIA
MONACENSIS
AVERTISSEMENT.
,
LE Bureau du Mercure eft chez M.
LUTTON , Avocat , Greffier Commis
au Greffe Civil du Parlement , Commis
au recouvrement du Mercure , rue Sainte
Anne , Butte Saint Roch à côté du
Sellier du Roi.
C'eft à lui que l'on prie d'adreffer ,
francs de port , les paquets & lettres ,
pour remettre , quant à la partie littéraire
, à M. DE LA PLACE , Auteur
du Mercure.
Le prix de chaque volume eft de 36
fols , mais l'on ne payera d'avance , en
s'abonnant , que 24 livres pour feize volumes
, à raifon de 30 fols piece.
Les perfonnes de province aufquelles
on enverra le Mercure par la poste ,
payeront pour feize volumes 32 livres
d'avance en s'abonnant , & elles les recevront
francs de port.
Celles qui auront des occafions pour
le faire venir , ou qui prendront les frais
du port fur leur compte , ne payeront
comme à Paris , qu'à raifon de 30 fols
parvolum. c'est-à dire 24 livres d'avance,
en s'abonnant pour feize volumes.
Les Libraires des provinces ou des
A ij
pays étrangers , qui voudront faire ve-·
nir le Mercure , écriront à l'adreſſe cideffus.
On fupplie les perfonnes des provinces
d'envoyer par la pofte , en payant
le droit , leurs ordres , afin que le payement
en foit fait d'avance au Bureau.
Les paquets qui neferont pas affranchis
, refteront au rebut.
On prie les perfonnes qui envoyent
des Livres , Eftampes & Mufique à annoncer,
d'en marquer le prix,
Le Nouveau Choix de Piéces tirées
des Mercures & autres Journaux , par
M. DE LA PLACE , fe trouve auffi au
Bureau du Mercure . Le format , le nombre
de volumes & les conditions font
les mêmes pour une année . Il y en a juſqu'à
préfent quatre-vingt-cinq volumes.
Une Table générale , rangée par
ordre des Matières , fe trouve à la fin du
foixante-douxiéme.
A VIS.
On trouvera le Mercure dans les Villes
nommées ci- après.
A Bbeville , chez L. Voyez
Amiens , chez François , & Godard.
Angers , chez Jahier.
Arras , chez Nicolas , & Laureau.
Auxerre , chez Fournier.
Bâle en Suiffe , à la Poſte.
Beauvais , chez Deffaint.
Berlin , chez Jean Neaulme , Libraire François.
Blois , chez Maſſon .
Bordeaux , chez Chappuis l'aîné , à la nouvelle
Bourſe , Place royale ; les freres Labottiere
Place du Palais ; L. G. Labottiere , rue Saint
Pierre , vis- à -vis le puits de la Samaritaine , &
à la Pofte.
Breft , chez Malaffis.
Bruxelles , chez Pierre Vaffe , & J.Vendenberghen.
Caen , chez Manouri.
Calais , chez Gilles Née , fur la grande Place.
Châlons en Champagne , chez Bricquet.
Charleville , chez Thezin.
Chartres , chez Feſtil & Goblin.
Coppenhague , chez Chevalier , Libraire François .
Dijon , à la Pofte , chez Mailly , & Coignard de la
Pinelle.
Falaife , chez Piftel - Préfontaine.
Fribourg en Suiffe , chez Charles de Boffe."
La Rochelle , chez Saluin & Chaboiceau - grandmaiſon
Liege , chez Bourguignon .
Lyon , à la Pofte , chez J. Deville .
I. Vol. A iij
Marſeille , chez Sibier , Moffy , Royer , Jayne fils .
Meaux , chez Charles.
Moulins chez la veuve Faure.
Nancy, chez Babin
Nantes , chez la veuve Vatard .
Nifmes , chez Gaude .
Noyon , chez Bonvalet.
Orléans , chez Rofeau de Monteau.
Poitiers , chez Faulcon l'aîné , & Felix Faulcon .
Rennes , chez Vatar , à la Science , Vatar , Julien
- Charles Vatar , & Garnier & Compagnie ,
Joanet Vatar , & Jacques Vatar .
Rheims , chez Godard & Cazin.
Rouen , chez Hérault , & Fouques,
Saint- Malo , chez Hovius.
Senlis , chez Desroques.
Soiffons , chez Courtois.
Strasbourg , chez Dulfecker.
Touloufe , chez Robert.
Tours , chez Lambert , & Billaut.
Troyes , chez Bouillerot.
Verlailles , chez Fournier.
Vitry-le-François , chez Seneuze.
MERCURE
DE FRANCE.
JANVIER. 1763 .
ARTICLE PREMIER.
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
ÉPITRE AU MERCURE.
Toror qui du monde ſtudieux
Seize fois dans un an parcours l'immenfe eſpace,
Ardent Meffager du Parnalle ,
Et rival quant au nom , du Mellager des Dieux :
On dit qu'allez longtemps votre emploi fat le
même ;
Que fouvent , l'un & l'autre avec art travestis ,
Votre foin journalier , votre devoir ſuprême
A iv
8 MERCURE DE FRANCE .
Fut de porter à quelque Iſis ,
En dépit des Argus , plus d'un galant emblême.
Des Logogryphes , des Chansons ,
Jadis , de nos François captivoient les fuffrages.
Le Mercure Galant , fi j'en crois mes foupçons ,
Eût alors dédaigné de plus graves meſſages .
Ces temps ont difparu : tout change avec les
moeurs.
Le Mercure de France , au brillant joint l'utile.
Son moderne appanage eft un enclos fertile
Où les fruits s'uniffent aux fleurs.
Là , comme auparavant , Beliſe peut encore
Cueillir les doux préſens de Flore :
Là , figurent , en même temps ,
VERTUMNE CERES & POMONE :
Là , chacun à fon gré moiffonne
Les dons paffagers du Printemps ,
Et les fruits durables d'Automne.
Je vois l'Agriculteur , ce Philofophe heureux ,
Guidé par tes leçons dans fes travaux ruſtiques :
Je vois nos Citadins , raiſonneurs haſardeux ,
Réformer , d'après toi , leurs calculs chimériques:
Je vois l'Emule de Strabon ,
Celui d'Archimède & d'Euclide ,
Ceux d'Hipocrate & de Newton ,
Grace à ta courfe uniforme & rapide ,
JANVIER . 1763 . 9
Donner & recevoir mainte docte leçon.
Plus loin la jeune Eglé pour qui tant de ſcience
N'eſt rien , avec raifon , auprès d'un Madrigal ,
Détourne cent feuillets pour chercher une ftance,
Et fourit , en lifant certain Conte moral :
Route fleurie , où trop d'orgueil peut- être ,
Même, après Marmontel , m'a déja fait paroître : *
Ah , puiſſé- je , du moins , y marcher ſon égal !
Ce n'est pas tout je vois encore
Et Polymnie & Terpficore ,
>
Se foumettre à ton Tribunal .
Ces jeux où Dangeville , Eléve de Thalie,
Emprunte les accens , fon fouris , fon regard ,
Où Clairon , du Tragique épuifant l'énergie
Atteint , fans nul éffort , les bornes de fon art :
Cet autre art plus fublime où triomphe Voltaire ,
Où Saintfoix , où Piron brillent chacun à part :
L'art dramatique enfin , pour nous fi néceſſaire ;
Tous ces talens , du Sage accueillis , révérés ,
'Dont le but en tous lieux eft d'inftruire & de
plaire ,
Trouvent dans ton recueil leurs faftes confacrés.
La Corne d'Amalthée , l'Anneau de Gygès , Lindor
Délie , trois Contes inférés dans les précédens Mercures
, font de l'Auteur de cette Epitre , de même que les
Quiproquo , Nouvelle inférée en partie dans ce premier
Volume,
A v
10 MERCURE DE FRANCE .
Que dirai - je de plus ? C'eft ton heureux domaine
Qui fert de récompenfe à ces Mortels vantés ,
Dont le crayon fublime ou l'éloquente veine
Plus d'une fois à nos yeux enchantés
Fit triompher Clio , Thalie & Melpomène.
Aux foutiens des beaux Arts , trop longtems ou
bliés ,
Tu fournis des fecours que res fuccès font naître .
Par-là de leurs travaux ils fe verroient payés ,
Si de teis travaux pouvoient l'être .
Ainfi , Rome naiffante oroit à fes Guerriers ,
Outre de ftériles Lauriers ,
Une part du Domaine accrû par leur courage.
Bientôt elle y joignit d'auguftes monumens ,
De la reconnoiffance ingénieux hommage ,
Et muets orateurs de leurs faits triomphans.
Chez toi renaît encor ce jufte & noble uſage :
Oui , lorfque parvenus au terme rigoureux
De leur humaine deſtinée ,
La mort fur tes Héros étend fon voile affreux ;
Quand des Mufes en deuil la troupe conſternée ,
Regrette Echyle * Plaute , arrachés à nos voeux ;
Par des monumens plus durables
Que des fimulachres pompeux ,
Tu confacres chez nos neveux ,
* Feu M, de Crébillon 5 fi juftement furnommé l'Echyle
François , avoit une penfion fur le Mercure . Il ne
feroit pas difficile de trouver plus d'an Plaute parmi
MM. les Penfionnaires vivans.
JANVIER. 1763 .
11
La gloire de ces morts à jamais mémorables ,
Et toujours vivans à leurs yeux.
Poarfuis ; & que ton Caducée
Devienne le fceptre des Arts ;
De ces Enfans des Cieux la troupe difperfée
Par les cris du terrible Mars ,
Se réunit de toutes parts ,
Et reprend ſa ſplendeur trop longtems éclipſée .
Un Roi qui la chérit , qui dans tous les deffeins ,
Prend l'honneur pour flambeau , prend la vertu
pour guide ,
Enchaînant fous les pieds la difcorde homicide ,
De nos jours orageux a fait des jours fereins .
Louis , ( à ce nom feul votre elpoir ſe ranime ,
Beaux Arts , que fi ſouvent ont cherché les bienfaits
! )
LOUIS , à votre éffor fublime
Prépare un libre cours , & de vaſtes ſujets.
Déja plus d'une fois l'Art de nos Praxitelles
Imprima fur l'airain l'image de ſes traits * :
* On ſçait qu'il y a déja plufieurs années que les Villes
de Bordeaux & de Rennes ont l'une & Pautre fait elever
une Statue au Roi dans leur enceinte . Paris & Rheims
vont jouir du même avantage. Ces quatre Monuniens
doivent à tous égards fixer l'attention de la pollerité.
On a beaucoup écrit fur celui que fait riger la Walle
de Rheims. Je dois ajo ter qu'à cette occafio 1 , cette Cité
antique femble avoir pris une nouvelle forme. Une foule
d'Ouvrages modernes l'embellit & la decore . Ceft de
quoi le Public pourra juger par le Plan qui en doit bien-
A vj
12 MERCURE DE FRANCE ..
C'eſt à vos touches immortelles ,
Mufes , qu'il appartient d'animer ces Portraits.
Peignez cette ame égale , intrépide , fincère ,
Cette ame de LOUIS , fi digne de TITUS ,
Ce coeur né pour aimer , ce noble caractère ,
Cette fermeté rare , & pour dire encor plus ,
Cette bonté que rien n'altère ....
O toi , prompt Meffager , qui dans ton cours heureux
Ne marches que fous fes aufpices ,
T
Porte jufqu'à fes pieds mon encens & mes voeux.
Jadis mes yeux ont vu ce Roi victorieux
De mes foibles éffais accueillir les prémices * .
Renaîffez , ô momens pour moi fi glorieux !
Du moins , puiffe à fon gré , mon zéle induſtrieux
Multiplier fes facrifices.
Ont dit que pour chanter les vergers & les champs ,
Tranſporté d'une ardeur extrême ,
Le Berger Héfiode obtint des Mufes même
La Lyre qui régla ſes ruftiques accens :
Ah ! fid'un pareil avantage
tôt paroître. Tous ces travaux , ainfi que ceux de la nouvelle
Place , te font exécutés d'après les Deffeins & fous
les yeux de M. le Gendre , Ingénieur en Chef de la
Province de Champagne. Ses talens ont dignement fecondé
le zéle des Citoyens & des Magiftrats municipaux
de cette Ville ancienne & célébre,
* En 1748 , l'Auteur n'étant âgé que de 19 ans, eut
l'honneur de préfenter au Roi un Difcours en Vers de fa
compofition fur les Victoires de SA MAJESTE'.
JANVIER. 1763 . 13
Mes voeux ardens étoient ſuivis ;
Mon choix eft fait : je jure par LOUIS ,
D'en faire un plus fublime uſage.
Par M. DE LA DIXMERIE.
DIALOGUE entre l'Amour & l'Auteur ,
le premier de Janvier 1763.
QUIur de fi bon matin frappe à ma porte ? ... Moi...
C'est mon Maître , ouvrons vîte ; entrez Amour :
Eh ! Quoi ! ....
Que je te dife un mot , écoute !
Ta premiere vifite eft pour Eglė ? ... Sans - doute....
Ne prens point le jargon de tous ces Diſcoureurs
Habiles à mentir en face ,
Qui d'un Compliment à la glace
Vont circulairement promener les fadeurs ....
Fi donc ! .... Sçais - tu ce qu'il faut faire ?...
Mais , fauf, Amour , votre meilleur avis ,
Fixer des yeux Eglé , l'embraffer & me taire. ...
A merveille ! pars , je te fuis.
Par M. GUICHARD .
14 MERCURE DE FRANCE.
VERS à Madame A ..... pour le jour
defa Fête.
DE Cécile autrefois l'on admiroit les grâces :
Dans Cécile aujourd'hui , l'on en admire autant ;
Car en tout vous fuivez les traces ,
Je vous le dis fans compliment.
Elle chantoit , elle étoit belle ;
Vous chantez bien : vous l'êtes autant qu'elle ,
Et vous touchez des inftrumens
Comme en touchoit votre Patronne .
Vous en avez tous les talens ,
Vous en méritez la Couronne.
Par M. GOUDE.
VERS à Mlle de GRISS.
QUEL aftre lumineux dans
bre
un mois de Novem-
Sur mes rideaux répand un ſi grand jour ?
Apparemment qu'il fixe ſon féjour
Tout vis -à - vis de cette chambre.
Car enfin on ne voit point clair
Avant fix heures en hyver ;
Et j'y vois , c'eſt ce qui m'étonne ! ...
Parbleu , vous nous la bâillez bonne ,
JANVIER. 1763. 15
Dit un Voifin qui m'écoutoit ;
Avant vous , une autre y gîtoit....
Lorfque j'y penfe , ah ! la belle perfonne ? ...
Qui donc ? La charmante de Griff.
Sandis ! Je n'en fuis plus furpris :
C'eſt comme le Soleil , quandil nous abandonne.
Par le même .
ODE SUR LA PAIX.
DESEs antres glacés de l'Ourſe
Borée , au fein du Printemps ,
Vient fouvent tarir la fource ,
Qui fertilife nos champs .
L'on voit fécher la verdure
Et les fruits encore en fleur :
Tout languit , & la Nature
Semble expirer de douleur.
Le Cultivateur foupire ;
Et Dieu fait vers les enfans
Sur les aîles du Zéphire
Planer de riches torrens ;
Leurs eaux forment une voute
Qui pour combler nos defirs ,
Nous diftile goute- à- goute
L'abondance & les plaifirs.
16 MERCURE DE FRANCE.
Tel le plus tendre des Pères
Et le plus humain des Rois ,
Louis ! qui de nos mifères
Plus que nous reffent le poids ,
Brulant de rendre la France
Heureufe par fes bienfaits ,
Y fait voler l'opulence
Sur les aîles de la Paix.
Peuples calmez vos allarmes ;
Ce grand Roi peut aujourd'hui
Quitter ces funeftes Armes ,
Qu'il prit toujours malgré lui .
A vos compagnes ſi chères
Volez , fidéles Epoux ;
Près de vos tremblantes mères
Chers Enfans raffemblez-vous.
Puiffe à jamais dans la France
Vivre comblé de faveurs ,
Ce Sage que fa prudence
Vient de graver dans nos coeurs !
De fon Maître pacifique ,
Faifant refpecter la voix ,
Sa profonde politique
Triomphe des plus grands Rois.
Riche , dont la main avare
Enfouit fecrettement ,
JANVIER. 1763. 17
Cet or que tu rends fi rare
Pour le Public indigent ;
Ne crains plus qu'on te l'enléve
Pour en nourrir le Soldat ; *
Laiffe circuler la féve
Qui fera fleurir l'Etat.
Mais quel merveilleux ſpectacle
Vient exciter mes tranſports ?
Mille vaiffeaux fans obſtacles
Quittent nos pailibles bords.
Bravant d'un oeil intrépide
La fureur des élémens ,
Je les vois d'un vol rapide
Fendre les flots écumans.
**
Que le poifon de l'Envie
Ne fafcine plus vos yeux ,
Fiers Difciples d'Uranie ,
Pilotes chéris des Cieux :
Cet Etre puilfant & ſage
Qui nous commande la Paix ,
Peut fans dépouiller CARTHAGE ,
Combler ROME de bienfaits.
O délices de la Tèrre ,
Douce & raviflante Paix ,
* Cette injufte crainte a toujours été le honteux appana
ge de l'avarice.
** Les Anglois.
18 MERCURE DE FRANCE.
Peut-on préférer la Guèrre ,
A res folides attraits ?
Toujours les Palmes fanglantes ,
S'acherent par des ſoupirs ;
Tes mains toujours bienfaiſantes
Sement partout les plaifirs.
Je les vois avec les graces ,
Les jeux , les aimables ris ,
Naître en foule fur tes traces
Et charmer tous lesfoucis ;
Les Arts pour les faire éclore
N'attendoient que tes faveurs;
Telle des pleurs de l'Aurore
La Tèrre engendre des fleurs.
Tendres Enfans du Génie ,
B- AUX- ARTS , éífuyez vos yeux ;
Ne craignez plus la furie
Du Soldat victorieux :
Dans les fers de l'indigence
Ne craignez plus de languir ;
Arrofés par l'opulence
Vos beaux jours vont refleurir.
Et toi qu'un noble délire
Rendit l'émule des Dieux ,
Génie , au feu qui m'inſpire
Viens rallumer tous tes feux !
JANVIER. 1763. 19
Viens par l'éclat de tes flâmes ,
Faire briller les talens ,
Et pour embrâfer nos âmes ,
Viens enchanter tous nos fens .
GRAND ROI , dont les mains propices
Nous ont fait un fort fi doux ,
Et qui faites vos délices
Des biens répandus fur nous ;
Puille une gloire immortelle
Dans la fource des plaifirs ,
D'une douceur éternelle
Combler vos fages defirs !
DESBORDES.
A
LES QUIPRO QUO ,
O U
Tous furent contens.
NOUVELLE.
PEINE Damon fut épris de Lucile ,
que déja il lui avoit dit cent fois : je vous
aime. Six mois après que Lucile aimoit
Damon , elle ne le lui difoit pas encore .
D'où provenoit une conduite fi oppofée
? D'une oppofition de caractère en20
MERCURE DE FRANCE.
,
core plus grande. Damon étoit vif , impétueux
, impatient , plutôt tourmenté
qu'occupé de ce qu'il projettoit . Lucile
étoit douce , modérée , timide , affervie
à certains confeils qui la dirigeoient
impérieuſement. Elle étoit née tendre
mais elle fçavoit ne paroître que fenfible
; elle fçavoit même encore mitiger
ces apparences de fenfibilité. Tant de
retenue mettoit Damon hors de lui - même.
Non difoit-il , jamais on ne porta
l'indifférence auffi loin ; c'eft un marbre
que rien ne peut échauffer! Oublions Lucile
, & formons quelque intrigue beaucoup
plus fatisfaifante qu'un amour métaphyfique
& fuivi . Il étoit fortifié dans
ces idées par Dorval , jeune homme àpeu-
près de même âge , mais infiniment
plus expérimenté que lui . Dorval étoit
devenu petit-maître par fyftême autant
que par goût. Il en préféroit le ton à
tout autre , parce qu'il le croyoit le plus
propre à tout faire paffer. Il aimoit à
donner un air d'importance à des bagatelles
, & un air de bagatelle aux chofes
les plus importantes. Il s'occupoit auffi
volontiers des unes que des autres ; &
étoit capable , tout à la fois , d'actions
fublimes , de procédés bifarres & de
menües tracafferies. Il confervoit une
JANVIER . 1763 .
21
humeur toujours égale , parce qu'il ignoroit
les paffions vives ; & , ce qui n'eſt
pas moins rare , il excufoit le contraire
dans autrui. Damon étoit plus réfléchi
en apparence , & , peut-être , au fonds
moins folide . Son férieux étoit plus triſte
que philofophique. Une feule paffion
fuffifoit pour abforber toutes fes idées ;
& fes idées n'étoient fouvent que frivoles
. En un mot , il reftoit peu de chemin
à faire au Philofophe pour devenir
Petit - maître , & au Petit- maître pour
devenir Philofophe.
C'étoit auffi ce dernier qui dirigeoit
l'autre. Quoi ! Lui difoit ce prétendu
Mentor , tu te laiffes gouverner par un
enfant ? pour moi je gouverne jufqu'aux
Douairières les moins dociles & les plus
rufées . Le temps n'eft plus où l'on vieilliffoit
à ébaucher une intrigue. Les rives
de la Seine différent en tous points de
celles du Lignon , Crois - moi , voltige
quelque temps & me laiffe le foin de
former l'innocente Lucile. Mais Damon
ne vouloit point d'un pareil précepteur
auprès de fa Maîtreffe . Il aimoit , &
par cette raiſon , étoit un peujaloux . Il
avoit d'ailleurs affez bonne opinion
de lui-même , pour efpérer de vaincre
enfin la timidité de Lucile ; car il avoit
,
22 MERCURE
DE FRANCE
.
peine à fe perfuader qu'elle pût être indifférente.
<
Mais cette timidité vaincue , Damon
eût encore trouvé d'autres obftacles .
Lucile vivoit à une petite diftance de
Paris , fous la tutelle d'une tante qui , à
quarante ans, confervoit toutes les prétentions
qu'elle eut à vingt , & vouloit
que fa niéce n'en eût aucune à feize .
Tout homme eft trompeur , lui difoitelle
, ou ne peut manquer de le devenir.
Croyez-en mon expérience , & fuyczen
la trifte épreuve . Ce difcours , ou
quelque autre équivalent à celui – là ,
étoit fi fouvent répété, qu'il impatientoit
Lucile , toute modérée que la Nature l'eût
fait naître. Cependant il faifoit une vive
impreflion fur fon âme. Il faut bien en
croire ma tante , difoit- elle triftement !
elle eft plus inftruite que moi fur ces
fortes de matières . Elle a fans doute
été bien des fois trompée , ( ce qui étoit
vrai ) mais , fans doute , ajoutoit Lucile,
qu'elle ne le fera plus. Or , en cela
Lucile fe trompoit elle-même.
Cinthie ( c'est le nom qu'il faut donner
ic à cette tante ) avoit des vues fecrettes
fur Damon ; je dis fecrettes , par
la raifon qu'elle ne vouloit point que -
Dorval en prit ombrage. Elle croyoit
JANVIER. 1763. 23
tenir ce dernier dans fes liens , parce
qu'il avoit la complaifance de le lui laiffer
croire . Mais elle le trouvoit un peu
trop diffipé : elle fe fut mieux accommodé
du férieux apparent de Damon.
C'eſt-là ce qui la portoit à envier cette
conquête à fa niéce. Auffi leur laiffoitelle
rarement l'occafion de s'entretenir
feuls. Elle étoit préfente à prèfque toutes
leurs entrevues ; ce qui mettoit l'impatient
Damon hors de lui -même . A peine
répondoit- il aux queftions qu'elle fe
plaifoit à lui faire. Il ne parloit que pour
Lucile & ne regardoit qu'elle mais
Lucile, les yeux baiffés , n'ofoit pas même
regarder Damon . Elle écoutoit , fe taifoit
, trouvoit Damon fort aimable &
fa tante fort ennuyeufe .
Les pauvres enfans ! Difoit un jour
Dorval , en lui - même ils ont mille
chofes à fe dire , & ne peuvent fe parler.
Peut-être n'en diront -ils pas davantage ;
mais n'importe , il faut , du moins , les
mettre à portée de foupirer à leur aife.
Il y réuffit . Ayant imaginé un prétexte
qui oblige Cinthie à s'éloigner , il laiffe
lui-même les deux amans tête- à - tête.
Lucile étoit contente , mais interdite.
Pour Damon il ne perdoit pas fi facilement
la parole. Il vouloit déterminer
24 MERCURE DE FRANCE .
Lucile à s'expliquer nettement ; & de fon
côté , elle fe propofoit bien de n'en
rień faire . Elle parut même vouloir s'éloigner
aux premiers mots que Damon
lui adreffa. Il la retint & ne fit qu'accroître
fon trouble . Serez - vous donc
toujours infenfible , ou diffimulée ? lui
difoit-il. Quoi ! pas un mot qui puiffe
me fatisfaire , ou me raffurer ? Vous
raffurer ! reprit naïvement Lucile . Eh
mais ! ...croyez vous que je fois bien raffureé
moi-même ? ... Dites moi le fujet de
vos craintes ? ... Je l'ignore : mais quel
peut être celui des vôtres ? ... Je crains
que vous ne m'aimiez pas. Lucile rougit
& ne répondit rien . Parlons fans feinte ,
ajoutoit Damon , & fouffrez que je
m'explique fans détour : je vous aime
charmante Lucile .... Oh ! reprenoitelle
, je ne veux pas que vous me le difiez
! ... Mais , ingrate ! vous ne m'aimez
donc pas ? ... Je ne fuis pas ingrate ....
Vous m'aimez donc ? je n'ai point dit
cela . Ciel ! ... s'écria l'emporté Damon
je le vois trop , ma préfence vous eft
à charge , il faut vous en délivrer : il
faut renoncer à vous pour jamais. A
ces mots Lucile changea de couleur ,
baiffa la vue , & refta interdite . Son
filence étoit très - éloquent. Tout autre
que
JANVIER. 1763. 25
que Damon fut tombé à fes genoux ;
mais il vouloir quelque chofe de plus
qu'un aveu tacite ; il vouloit que la
timide , la douce , la tendre Lucile
s'expliquât fans réſerve , & mît dans
fes difcours autant d'impétuofiité que
lui - même . Heureufement Cinthie vint
la tirer d'embarras. Ce fut peut- être là
l'unique fois que fon arrivée caufa
quelque joie à fa niéce . Pour Damon ,
il ne put diffimuler la mauvaiſe humeur
qui le dominoit : ce qui donna beaucoup
de fatisfaction à Cinthie.
En vérité , difoit Lucile en elle- même
, Damon fe comporte finguliérement.
Que veut- il de plus ? N'en ai-je
pas déja trop dit ? Ne peut-il rien deviner
? Ah ! fans doute , il veut m'entendre
lui dire que je l'aime pour ne plus
l'écouter par la fuite. Hé bien ! il l'apprendra
fi tard que du moins il le defirera
longtemps. Ma tante me l'a dit cent
fois , les hommes n'aiment qu'eux , &
ne veulent être aimés que pour eux,que
pour fatisfaire leur amour-propre . En
vérité , ma tante a bien raifon !
Dorval s'étoit bien apperçu que le
tête-à-tête qu'il avoit procuré au jeune
couple avoit été perdu à difputer. C'est
toujours un pas vers la conclufion
, di-
I. Vol.
B
26 MERCURE DE FRANCE .
fait- il ; une rixe , en amour , vaut mieux
que le filence. Mais Damon ne calculoit
pas ainfi . Obligé de fe contraindre en
préfence de Cinthie , il ne put longtems
foutenir cette épreuve. Il part fous un
faux prétexte & fe retire chez lui . Là ,
il fe livre aux réfléxions les plus emportées.
Un obftacle étoit pour lui un fupplice
: Il lui êtoit le repos , F'appétit &
la raifon . Celui-ci lui ôta jufqu'à la
fanté. Il n'auroit pas été affez patient
pour fuppofer trois jours des maladies ;
il fut réellement faifi d'une fiévre
qui le retint beaucoup plus longtems
chez lui. Dorval le trouva dans cette fituation
& fut très - furpris d'en apprendre
la caufe. N'eft- ce que cela ? lui ditil
, d'un ton ironique ; j'entreprends cette
cure. J'irai parler à ton inhumaine , je
lui peindrai ton amoureux défefpoir.
Ce n'eft plus de nos jours l'ufage d'être
inéxorable. Je fuis für que Lucile fera
des veux pour ta fanté & ta perfévérance
.
Damon fut plutôt piqué que confolé
par ce Difcours. Je ne veux point de
toi pour médiateur , difoit-il à Dorval;
de pareils agens ne travaillent guère que
pour eux-mêmes. Continue à voltiger
& laiffe-moi aimer à ma mode ; furtout
JANVIER . 1763. 27
point de concurrence. Oh ! ne crains
rien , reprit Dorval. Lucile eft fort aimable
; mais je n'aime que quand &
autant que je veux. Je te promets de ne
devenir ton rival qu'au cas que tu ayes
befoin d'un vengeur. Damon voulut répondre
; mais Dorval avoit déja diſparu.
L'abfence de Damon étonnoit beaucoup
Cinthie , & affligeoit encore plus
fa niéce. Lucile regardoit cette abſence
comme une preuve de légéreté ; elle
s'applaudiffoit triftement de n'avoir
point laiffé échapper l'aveu que Damon
avoit voulu lui arracher. Que feroit- ce ,
difoit-elle , s'il étoit certain de fon triomphe
, puifque n'en étant fûr qu'à demi
il vole déja à de nouvelles conquêtes ?
En vérité, ma tante a bien raifon ! L'inf
tant d'après furvient Dorval , qui lui apprend
que Damon eft affez enfant pour
être malade , qu'il féche , qu'il languit ,
confumé par l'amour & la fiévre. Ce
récit allarme & touche vivement la tendre
Lucile. Elle paroît un inftant douter
du fait ; mais ce n'eft que pour mieux
s'en affurer, & Dorval le lui affirme de
manière à l'en convaincre. Il n'eft pourtant
pas vrai , difoit Lucile en elle- même
, que Damon foit inconftant & qu'il
n'aime que lui ; on n'eſt point touché de
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
la forte de ce qu'on ne defire que par
vanité. Mais ces réfléxions ne fervoient
qu'à rendre fa perplexité plus grande .
Elle n'entrevoyoit d'ailleurs aucun
moyen de raffurer Damon. Elle continuoit
à garder le filence. Dorval que
rien n'embarraffoit , & qui prenoit toujours
le ton le plus propre à fauver aux
autres tout embarras , éxhorte Lucile à
réparer le mal qu'elle a fait. Quel, mal ?
Lui demanda-t-elle..... Celui d'avoirconduit
le fidéle Damon au bord de la
tombe....Qui ? Moi ! ... Vous-même .
C'est un homicide dont vous voilà chargée.
Croyez -moi , écrivez à ce pauvre
moribond , ordonnez -lui de vivre. Il eſt
trop votre esclave pour ofer vous défobéir
! ... Oh ! pour moi , je n'écrirai
point... Il le faut .... Mais , Monfieur
fongez - vous bien à la démarche que
vous faites ? ... N'en doutez-pas . C'eft
un trait d'Héroïsme qui doit fervir d'éxemple
à la postérité. Je voudrois pouvoir
y tranfmettre vos charmes , elle jugeroit
encore mieux de la grandeur du
facrifice . Au furplus , je ne prétends pas
faire de tels prodiges en vain . Ou déterminez
-vous à aimer , à confoler Da
mon , ou fouffrez que je vous aime,
L'alternative parut des plus fingulie
JANVIER. 1763. 29
pas
res à Lucile. Cependant elle n'héfitoit
fur le choix : elle ne balançoir que
fur la démarche où Dorval prétendoit
l'engager. Ce feroit , difoit Lucile en
fon âme , ce feroit bien mal profiter
des avis de ma tante . Quoi ! Ecrire
tandis qu'elle me défend de parler ?
Mais , après tout , fi le doute où je laiffe
Damon eft la feule caufe de fa maladie
; fi un mot peut le guérir ? Si faute
de ce mot fon mal augmente ? Que
n'aurois- je pas à me reprocher ? Que ne
me reprocherois je pas ? ... En vérité ,
ma tante pourroit bien avoir tort .
Dorval devinoit une partie de ce qui
fe paffoit dans l'âme de Lucile. Le temps
preffe , lui dit- il ; chaque minute pourfoit
diminuer mon zéle , & augmente à
coup für le mal de Damon . Mais , Montfieur
, reprenoit Lucile que voulezvous
que j'écrive ? ... Ce que le coeur
vous dictera ; que la main ne faffe qu'obéir
, & tout ira bien .... Oh ! je vous
protefte que mon coeur ne s'eft encore
expliqué pour perfonne ..... Il s'expliquera.....
Point du tout , reprit Lucile
toute troublée , je ne fais par où
commencer .... Je vois bien , s'écria
Dorval , qu'il faut m'immoler fans réferve
. Hé bien ! Ecrivez , je vais dicter.
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
Lucile prit la plume en tremblant , &
Dorval lui dicta ce qui fuit :
Votre abfence m'inquiétoit , & cepen
dant , j'en ignorois la vraie caufe . Maintenant
que je la fais , cette inquiétude
redouble ...
Mais ; Monfieur , interrompit Lucile
, après toutefois , avoir écrit , cela
n'eft- il pas bien fort ? Point du tout
reprit froidement Dorval , il n'y a point
de prude qui voulût fe contenter d'expreffions
fi mitigées . Continuez , fans
rien craindre ... Mais cela doit , du moins
fuffire... Laiffez -moi faire... Lucile continua
donc à écrire , & Dorval à dicter.
*
On m'a dit que vous vous croyez mal-
-heureux ; fachez qu'il n'en eft rien ....
En vérité , Marquis , interrompit encore
Lucile , vous me faites dire là des
chofes bien furprenantes ! Bagatelle !
reprit Dorval ; rien de plus fimple que
cette maniere d'écrire . Encore une phrafe
, & nous finiffons ... De grace , grace , Monfieur
, fongez bien à ce que vous allez
me dicter ? ... Repofez-vous- en fur
moi. Voici quelle fut cette phrafe.
Ceffez d'être ingénieux à vous tourJANVIER.
1763. 31
menter , & confervez-vous pour la tendre
LUCILE...
Oh ! je vous jure , s'écria-t- elle , que
je n'écrirai jamais ces derniers mots ! Il
le faut cependant , repliqua Dorval ...
Je vous protefte que je n'en ferai rien !..
Il le faut , vous dis-je ; autrement le fecours
fera trop foible , & demain je
vous livre Damon trépaffé... Comment ;
Monfieur , vous prétendez m'arracher
un aveu de cette nature ? ... Eh quoi ?
Mademoiselle , qu'a donc cet aveu de fi
extraordinaire ? Savez-vous que je ménage
prodigieufement votre délicateſſe ?
Avec plus d'expérience vous me rendriez
plus de juftice . Je vous jure qu'on
ne s'eft jamais acquité fi facilement envers
moi ; j'éxige en pareil cas , les expreffions
les plus claires , les plus propres
, les plus authentiques . Pour moi ,
repliqua Lucile , je ne veux point écrire
des chofes de cette efpéce. Belle Lucile ,
dit alors Dorval , de l'air du monde le
plus férieux , je fens que ma fermeté
chancéle ; ne préfumez point trop de
mes forces. Encore un peu de réfiſtance
de votre part , & je croirai que Damon
n'a plus rien à prétendre ; je renoncerai
à fes intérêts pour m'occuper des miens .
Fiv
32 MERCURE DE FRANCE.
Oui , pourfuivit-il , je tombe à vos genoux
, & c'est encore pour lui que j'y
tombe ; mais fi vous perfiftez dans vos
refus , j'y refterai pour moi.
Lucile , quoique très - agitée , avoit
peine à garder fon férieux. Elle craignoit
, d'ailleurs , que fa tante fa tante , occupée
alors à conférer avec un célébre
Avocat fur un procès prêt à fe juger , &
dont le gain où la perte devoit accroître
ou diminuer confidérablement fa
fortune ; Lucile , dis -je , craignoit que
Cinthie ne vînt les furprendre , & ne
trouvât Dorval dans cette attitude. C'eft
de quoi elle avertit ce dernier mais il
parut inébranlable. Il fallut donc fe laiffer
vaincre en partie ; c'est-à-dire , que
des quatre mots Lucile confentit à en
écrire trois. Dorval diſputa encore beaucoup
avant de fe relever. Il ne put ,
toutefois , empêcher que l'épithète de
tendre ne fût fupprimée . La Lettre finiffoit
ainfi Confervez- vous pour Lucile.
C'en étoit bien affez ; mais pour l'inquiet
Damon c'étoit encore trop peu.
Dorval entra chez lui avec cet air de
fatisfaction qui annonce le fuccès . Tiens ,
lui dit-il , voilà qui vaut mieux pour toi
que tous les Aphorifmes d'Hipocrate.
Damon étonné , fe faifit avidement de
JANVIER. 1763. 33
la Lettre & la dévore plutôt qu'il ne la
parcourt. Un mouvement de joie avoit
paru le tranfporter : quelle fut la furprife
de Dorval en voyant cette joie fe
ralentir tout-à- coup ! Quoi ? lui dit-il ,
quel eft cet air morne & glacial ? Efpérois-
tu qu'au lieu d'une lettre je t'amenaffe
Lucile en perfonne ? Je doute
que de tous les héros de l'amitié aucun
ait porté le zéle jufques-là. Ah ! mon
cher Dorval , s'écrie Damon , je ne
vois que de la pitié dans cette lettre : j'y
voudrois de l'Amour . Un je vous aime ,
eft ce que j'exige , & ce que je n'ai encore
pu obtenir ; ce qu'il ne m'eft pas
même permis de prononcer. Eh , qu'importe
, reprit Dorval , que Lucile s'éffraye
du mot , pourvu qu'elle fe familiarife
avec la chofe ? Combien de femmes
à qui la chofe eft inconnue & le
mot trop familier !
Tandis que Dorval raffuroit ainfi
Damon Cinthie queftionnoit & impatientoit
fa Niéce . Elle vouloit juger
de l'effet que l'abfence & la maladie
.de Damon produifoient fur fon âme.
Mais Lucile qu'elle avoit inftruite à diffimuler
, ufà de ce fecret contre ellemême.
Elle fe garda bien , furtout
d'avouer qu'elle eût écrit à Damon. Ce
By
34 MERCURE DE FRANCE.
n'eft pas qu'elle n'eût quelque inquiétude
de s'être ainfi fiée à Dorval ; mais
cette refléxion lui étoit venue trop-tard.
Elle réfolut d'attendre l'événement. Damon
, au bout de quelque jours , reparut
chez Cinthie. Il avoit l'air extrêmement
abbatu . Lucile en fut vivement
' touchée . Elle ne douta prèfque plus de la
fincérité de fon amour. Une feule preuve
de cette efpéce fait plus d'impreffion
fur une âme tendre , que des proteftations
fans nombre. Il étoit naturel
que Damon témoignât fa reconnoiffance
à Lucile. Mais lui - même s'y
croyoit peu obligé. Ses réfléxions n'avoient
fait qu'accroître fes doutes. Il
ne regardoit la lettre de Lucile que
comme l'effet d'une fimple politeffe ,
ou des perfécutions de Dorval. De fon
côté Lucile fe reprochoit d'en avoir
trop
fait. Elle attribuoit cette froideur
de Damon au trop d'empreffement &
de fenfibilité qu'elle avoit laiffé voir à
la lettre qu'elle avoit écrite. C'eſt à
ce coup , difoit- elle , que l'inconſtant
ne va plus fe contraindre . Sa vanité
eft fatisfaite ; il va lui chercher de nouvelles
victimes. Ainfi Lucile reprend un
air timide & compofé qui difoit beaucoup
moins que n'avoit dit la lettre ,
JANVIER. 1763 . 35
& infiniment plus encore qu'elle n'eût
fouhaité . Ah Dieu ! difoit à fon tour
en lui -même l'impatient Damon , ne
l'avois-je pas deviné ? Cette lettre eftelle
autre chofe qu'une froide politeffe
? Une démarche qui ne fignifie
rien , ou qui , peut-être fignifie trop !
Lucile n'a fait que céder aux perfécutions
de Dorval. Qui fçait même fi
ce n'eft point un jeu concerté entre- elle
& lui?
A l'inftant même furvient Dorval,
Eh quoi ? Dit-il , au couple confterné ,
vous voilà froids comme deux fimulachres
! N'avez - vous plus rien à vous
dire , ou vous fuis-je encore néceffaire ?
De tout mon coeur ! ... Soyez moins
zélè , reprit Damon , avec une forte
d'impatience. Suis donc toi -même plus
ardent , répliqua vivement Dorval. Je
ne prétends pas qu'on gâte ainſi mon
ouvrage. Queft-ce que cela veut dire ?
Reprit Damon. Que fi vous n'êtes d'accord
l'un & l'autre , ajouta Dorval , je
me croirai par honneur obligé de vous
féparer. Ma méthode n'eft pas de rien
entreprendre en vain . J'ai décidé que
Lucile deviendroit fenfible : elle le fera
, ou pour toi , ou pour moi.
Lucile faurit malgré elle. Damon fré-
B vj
36 MERCURÉ DE FRANCE.
mit de la voir fourire . La déclaration
n'eft pas maladroite , dit-il avec dépit.
Elle n'eft pas nouvelle , reprit Dorval ;
je ne fais que répéter en ta préfence ce
que j'ai déja dit à Lucile en particulier.
On ne m'a jamais vu dérober la victoire.
Je veux bien cependant ne te la difputer
qu'autant que tu continueras d'attaquer
comme quelqu'un qui ne veut
pas vaincre. Ah ! c'en eft trop ! s'écria
Damon... L'arrivée de Cinthie l'empêcha
lui -même d'en dire davantage . Cinthie
venoit d'achever fa toilette , à laquelle
depuis quelques années perfonne n'étoit
plus admis . Dorval , qui ne ſe laffoit
ni de perfiffler , ni de fervir Damon
, crut l'obliger en propofant d'aller
l'après- dînée aux François . Il avoit
accoutumé Cinthie à ne jamais le contredire
; elle fouferivit à ce qu'il vouloit
. Lucile applaudiffoit tacitement ;
mais Dorval fut bien furpris de voir
Damon s'y refufer. Cet amant bifarre
méditoit un projet qui ne l'étoit guè
res moins . Peu affuré que Lucile foit
fenfible , il veut éprouver fi elle fera
jaloufe. C'est ce qui le porte à rejetter
la partie qu'on lui propofe , fous prétexte
qu'il eft engagé avec la Marquife
de N... Cette Marquife étoit une
JANVIER. 1763. 37
jeune veuve débarraffée depuis peu d'un
mari vieux & jaloux . Elle ufoit très-amplement
de la liberté que cette mort
lui avoit laiffée . Elle ne manquoit ni
d'agrémens , ni d'envie de plaire . Auffi
fa cour étoit-elle nombreufe. Cinthie &
fa niéce la connoiffoient. A peine Damon
l'eut-il nommée que la premiere
rougit de dépit , & que la feconde foupira
de douleur . Damon s'applaudit en
voyant Lucile s'allarmer. Il s'affermit de
plus en plus dans fon deffein , & partit
pour fon prétendu rendez-vous . Ce départ
étoit pour Dorval un problême, une
fource de conjectures. Sans doute , concluoit-
il , que Damon rectifie fa maniere
d'aimer , qu'il fe produit , fe partage , en
un mot qu'il fe forme. Il a raifon. Mais la
trifteffe de Lucile laiffoit facilement defelon
elle , Damon avoit tort.
Cinthie n'étoit cependant pas la moins
piquée. Elle concevoit bien comment
la Marquife pouvoit l'emporter fur une
rivale auffi inexpérimentée , auffi novice
que fa niéce ; mais elle ne concevoit
pas comment on ne lui donnoit point à
elle - même la préférence & ſur fa niéce
& fur la Marquife.
viner que ,
L'heure du Spectacle arrive , on s'y
rend , & Cinthie felon fa méthode , fe
3
38 MERCURE DE FRANCE .
place dans une loge des plus apparentes
. Elle avoit relevé ce qui lui reftoit
de charmes par une extrême parure.
Lucile , au contraire , étoit dans
une forte de négligé ; mais ce négligé
même fembloit être un art , tant la nature
avoit fait pour elle. Un fond de
trifteffe , un air languiffant la rendoient
encore plus touchante. Tous les Petits
Maîtres , jeunes & vieux , la lorgnoient ;
toutes les femmes belles , ou laides , la
cenfuroient , quand Damon parut avec
le Marquife. Soit hazard , foit deffein
la loge où ils fe placerent étoit oppofée
en face à celle de Cinthie. Damon
la falua , ainfi que fa Niéce , avec une
aifance étudiée & qui lui coutoit. Cinthie
n'eut guères moins de peine à cacher
fon dépit & Lucile fon trouble.
Mais à force de faillies , Dorval leur
en fournit les moyens. Il parvint même
à les égayer véritablement. L'amour-
propre dont une Belle , fi jeune
& fi novice qu'elle foit , eft rarement
éxempte , vint à l'appui des difcours
de Dorval , & fit prendre à Lucile un
air de fatisfaction qu'au fond elle ne
reffentoit pas . Mais à mefure que fa
gaieté fembloit renaître , on voyoit s'évanouir
celle de Damon. Il ne répon
JANVIER. 1763. 39
"
doit plus que par monofyllabes aux difcours
de la Marquife.Il releva même affez
brufquement quelques mots qui fembloient
tendre à ridiculifer Lucile , &
qui ne tendoient qu'à l'éprouver luimême.
La Marquife avoit affez d'attraits
pour pardonner à celles qui en
poffédoient beaucoup ; elle avoit une
cour affez nombreufe pour ne point
chercher à dépeupler celle d'autrui.
C'étoit d'ailleurs , une de ces femmes
qui ne traitent point l'amour férieufement
, pour qui cette paffion n'eft
guères qu'un caprice , & chez qui un
caprice n'eft jamais une paffion ; en
un mot , c'étoit une Petite - Maîtreffe ,
digne d'entrer en parallèle avec Dorval
& plus propre à lui plaire qu'à
fixer & captiverDamon. Auffi ambitionnoit
- elle moins la conquête de celuici
que de l'autre . Elle le connoiffoit &
en étoit fort connue. Il ne doutoit point
qu'elle ne fût très-propre à débarraffer
Damon de fes premiers liens. Mais elle
ne vifoit qu'à défoler cet Amant jaloux
; à quoi elle réuffit parfaitement.
Dorval , fans le vouloir , la fecondoit
de fon mieux. Il achevoit de déſeſpérer
Damon , "lorfqu'il croyoit ne faire
que confoler Lucile. Le perfide , difoit40
MERCURE DE FRANCE.
il , ceffe de fe contraindre ; il ne garde
plus aucuns ménagemens envers moi ;
il fe déclare hautement mon rival ....
Eh bien ! c'eft en rival qu'il faudra le
traiter.
On repréfentoit Zaïre.Les foupçons &
la jaloufie d'Orofmane donnoient beau
jeu aux plaifanteries de la Marquife , &
encore plus de matière aux réfléxions de
Lucile. La fituation de Zaire lui arrachoit
des larmes ; elle y trouvoit quelque rapport
avec la fienne : elle s'en laiffoit d'autant
plus pénétrer. Une âme ingénue
s'émeut facilement. Ce n'eft point fur
des coeurs blafés que les Zaïres & les
Monimes éxercent leur pathétique empire
. Lucile fut encore plus affectée par
la petite Piéce . On eût dit que ces rencontres
fortuites étoient l'effet d'un arrangement
prémédité. On repréfentoit
Ja charmante Comédie de l'Oracle, La
Fée , difoit Lucile , voudroit
que Lucinde
ignorât ce que c'eft qu'un Homme:
Cinthie me défend de les écouter.
Les raifons de la Fée ne pouvoient
fans doute être mauvaiſes. Et pour ce
qui eft de ma tante , les fiennes me
paroiffent affez bonnes.
Le Spectacle fini , Dorval accompagna
& la tante & la niéce jufques chez
JANVIER. 1763. 4.I
elles. Damon reste avec la Marquife . Il
frémit de la loi qu'il s'eft lui même repofée.
Il fe repréfentoit Dorval mettant
à profit , pour le fupplanter , les momens
qu'il lui laiffoit. Pour combler
fon embarras , il y avoit fouper chez la
Marquife & il fe vit contraint d'y affifter.
Les convives étoient tous d'une hu
meur très-analogue à celle de l'hôteffe.
La converfation fut vive & enjouée ;
mais Damon y mit peu du fien . Il repouffa
même fort mal tous les traits que
la Marquife lui lança , ou lui fit lançer.
Rentré chez lui , il ne put dormir ; &
dès le jour fuivant , après avoir beaucoup
héfité , il reparoît chez Cinthie. Il
eft fort furpris d'en être bien reçu , &
fort affligé d'éprouver le même accueil
de la part de Lucile ; rien n'annonçoit
en elle aucun reffentiment , aucune atteinte
de jaloufie. Ce n'eft pas qu'elle en
fût éxempte. Mais les ordres de Cinthie ,
& furtout fa préfence , l'obligeoient à
diffimuler. Peut-être auffi un peu d'orgueil
, bien fondé , fe joignoit-il à toutes
ces raifons. Mais dans tout cela Damon
n'appercevoit que l'ouvrage de Dorval ;
il n'imputoit qu'à lui l'indifférence dont
Lucile faifoit parade ; il le croyoit fon
rival , & fon rival préféré. Les réfolu
tions les plus violentes s'offroient à fon
42 MERCURE DE FRANCE .
efprit : l'amitié les combattoit . Obfédé
par Cinthie , il ne pouvoit s'expliquer
avec Lucile. Peut-être même en eût-il
fui l'occafion fi elle fe füt offerte ; peutêtre
la vanité eût- elle impofé filence à
fa jaloufie .
Inquiet , troublé , mais attentif à
me point le paroître , il fort & laiffe
Lucile perfuadé plus que jamais de fon
inconftance . L'envie de fe diffiper l'entraîne
chez la Marquife. Il y trouve
fon prétendu rival & le Chevalier de
B.... leur ami commun . Sçais- tu bien ,
difoit ce dernier à Dorval , que la Niéce
eft jolie ? A quoi fonge la Tante, de la
placer en perfpective à côté d'elle ? It
y a là bien de la mal-adreffe & de la préfomption
! ... A propos , pourſuivoit- il,
en s'adreffant à Damon , tu femblois
deftiné à former ce jeune Sujet ? mais
cet honneur me paroît réfervé à Dor
val on voit que la petite perfonne
eft très difpofée à mettre à profit ſes
documens. Dorval ne contredit en rien
ce difcours ; c'eût été déroger au ton
que lui- même avoit adopté. Mais fon
filence acheva de rendre Damon furieux.
Dès-lors , il fe réfout à en venir
aux dernieres extrémités , à fe battre contre
lui.
Le reste au Mercure prochain.

JANVIER. 1763. 43
VERS à Mlle ARNOULD , fur le rôle
de Pfyché qu'elle a chanté devant le
Ror à Fontainebleau .
FIILLLLEEde Melpomène , aimable enchantereffe ;
Toi , fur qui l'oeil des Dieux ſe plaît à s'arrêter ,
Qui leur as de Pfyché fibien peint la Tendreſſe ,
Qu'en te prenant pour elle , ils ont crut la flatter !
Apprends de moi par quel charme invisible ,
Tu fçais tromper ainfi les yeux du Spectateur :
Pfyché fut comme toi jeune , belle & fenfible ;
Elle avoit & ta voix & tes yeux & ton coeur ;
L'efprit qui l'anima fut un rayon de flâme.
Le même fea brille auffi dans ton âme.
Quand Jupiter la fit paroître dans la cour ,
Tout le Ciel l'accueillit , & même la rivale ,
Venus , en abjurant une haine fatale ,
Pour fon époux lui préfenta l'Amour.
Quand tu parus , les Dieux t'applaudirent comme.
elle.
Comme elle tes talens te ren front immortelle.
Lorſqu'on le rellemble fi bien ,
Peut-on diftinguer le modèle ?
Les Amans feuls nuifent au parallèle :
En le voyant , Pfyché perdit le fien ;
En te voyant ,
tout le monde eſt le tien.
44 MERCURE DE FRANCE .
!
PSYCHÉ VENDANGEUSE ,
FABLE.
A la même , fur une partie de vendange
qu'elle a faite avec une de fes amies.
L'AMOUR étoit parti , Pfyché le lamentoit.
Car fans l'Amour , que devient une Belle ?
Aufli Pfyché s'ennuyoit - elle ;
11 eft vrai que fa foeur auprès d'elle reftoit :
Mais qui peut remplacer ces tranſports , cette
ivreſſe ,
Ces querelles , ces riens & ces brulans ſoupirs ,
Qui de deux coeurs livrés à leur tendreſſe ,
Font ou préparent les plaifirs ?
Pfyché dit à la foeur : pour punir l'Infidéle
Qui femble négliger mes feux ,
Je veux former une chaîne nouvelle ;
Au Dieu du vin je vais porter mes voeux ;
Suis-moi,... Tu vois les champs où la Seine ferpente
:
C'est là que de Bacchus on célébre les jeux ;
Courons y dépouiller cette vigne abondante
Dont le jusfçait calmer les chagrins amoureux ;
L'Amour eft trifte , & Bacchus eft joyeux .
Elle dit ; & nos Soeurs fur l'Afne de Silène
JANVIER. 1763 .
45
Au grand galop bondiffent dans la plaine ;
L'Afne les mène au pied d'un des côteaux
D'où le nectar renommé de Surène
Foulé , preffé , coule dans des tonneaux.
Voilà les deux jeunes Amantes
Cheveux épars & le tyrfe à la main ,
Qui le mêlant aux troupes des Bacchantes,
Vendangent le raifin , boivent fon jus divin :
Mais ce n'eft point affez d'en boire ,
L'une & l'autre à l'envi fe barbouillent de vin .
Adieu les lis , les rofes de leur teint !
Pour le coup fur l'Amour Bacchus a la victoire ,
Et Pfyché pour lui plaire a mafqué fes attraits .
On fçait qu'Amour fait fouvent fentinelle ;
Il voloit près de là , planoit près de fa belle
Dont il méconnoiffoit les traits ;
Et fans ces beaux yeux noirs dont à travers la lie
Le regard féducteur perçoit comme un éclair ,
L'Amour fût demeuré dans l'air
Sans remarquer la Nymphe & fa folie.
Mais Pfyché l'apperçoit , elle ſent ſon erreur .
Bacchus peut- il remplir un jeune coeur ?
Elle court , elle atteint fon Amant infidele ;
Il rit ; & lui promet de refter auprès d'elle.
46. MERCURE DE FRANCE.
LES VEUX D'UN CITOYEN.
VIENS
IENS dans ces lieux , aimable Paix ,
Fixer ton féjour ordinaire ;
Que l'horrible Dieu de la guerre
Porte ailleurs fes nobles forfaits.
Que le plaifir & l'abondance ,
Les jeux & la tranquillité
Bientôt des Peuples de la France
· Affurent la félicité.
Que de fes campagnes fertiles ,
Le Laboureur au ſein des Villes ,
Puiffe apporter en ſureté ,
Le fruit de fes travaux utiles.
Que les Sciences pour fleurir ,
Dans un Miniftre qu'on révère
Trouvent un Mécène profpère.
Toujours prêt à les annoblir.
Que Condé ce jeune Héros ,
Dont la valeur devança l'âge ,
Vienne jouir dans le repos ,
Des Lauriers dûs à ſon courage.
Et toi Monarque bienfaisant ,
JANVIER. 1763. 47
Prince que l'Univers admire ,
Eft-il Sujet dans ton Empire ,
De qui le coeur reconnoiſſant
Ne foit un temple où l'on adore ,
Et la vertu qui te décore ,
Et la bonté qui fait ta loi ? ....
Seigneur ! ce n'eft point pour mon Ro
Que ma timide voix t'implore
Au deſſus de ce nom pompeux ,
Image des Dieux fur la Tèrre ,
Louisveut le montrer comme eux
Moins notre Roi que notre Père ! ....
Accorde-lui des jours nombreux ,
Ates genoux ma nation entière ,
T'adreffe la même prière !
Fourrois-tu rejetter nos voeux ?
GEOFFROY.
LE TEMPS ,
ODE.
QUEL eft l'objet qui me frappe ?
Approchons : Ciel je le perds ;
Il fuit , il vole , il s'échappe
Dans l'immensité des airs.
En vain je m'ouvre un paffage ,
Il fe voile d'un nuage
Qui le dérobe à mes yeux.
48 MERCURE
DE
FRANCE
.
Téméraires que nous ſommes ,
Les Dieux puniffent les hommes
D'un defir trop curieux .
N'importe , perçons la nue.
Je vois Saturne en courroux :
Sa barbe longue & chenue
Defcend jufqu'à les genoux.
Sa Clepfidre redoutable
D'une mort inévitable
M'annonce la dure loi ;
Miniftre des deſtinées ,
Il meſure les années
F
Que Cloto file pour moi.
A fon afpect je friſſonne ;
Mon fort eft entre les mains ;
Il ne fait grace à perfonne
Ce deftructeur des humains.
De mes fens l'horreur s'empare :
En vain à ce Dieu barbare
Je voudrois avoir recours :
Armé d'une faulx tranchante ,
Au moment que je le chante ,
Il moiffonne mes beaux jours .
Contre ce Tyran du Monde
Nous nous révoltons en vain
La Tèrre en fecours féconde
A beau nous offrir fon fein.
Ce
JANVIER . 1763 . 49
*
Ce fer , ce marbre , ce cuivre ,
Pour toujours font- ils revivre
Les noms les plus éclatans !
Malgré nos pompeux hommages,
Les héros & leurs images
Sont tributaires du Temps.
Quel monument affez ferme
Des Ans brave les éfforts ?
Le Tybre a vu le Dieu * Terme
Difparoître de fes bords.
D'un grand revers , grand exemple !
Ce Dieu fi fier , dont le Temple
Ne peut être déplacé ,
Et dont le pouvoir fuprême
Réſiſte à Jupiter même ,
Par le Temps eft terraſſé.
1
Vante moins tes Pyramides ,
Memphis , oùfuyant des Cieux ;
Porterent leurs pas timides
Jupiter & tous les Dieux.
Elles montoient juſqu'aux nues :
Que font- elles devenues ?
L'oeil qui les cherche eſt ſurpris.
Tarquin ayant voulu élever un Temple à Jupiter
, fur la ruine de quelques autres , celui du
Dieu Terme fubfifta toujours dans fa même place ,
conformément à la voix des Oracles.
I. Vol. C
50 MERCURE DE FRANCE .
Un Dieu cruel les dévore ;
A peine en voit-on encore
De pitoyables débris.
Les temps vole , & fous fon aîle
Naiffent d'illuftres revers ;
Il détruit , il renouvelle
La face de l'Univers.
Changement , chûre funefte ,
Voilà tout ce qui nous reſte
Des Empires & des Rois !
Leur grandeur eft diſparue ;
Je ne vois qu'une charrue
Où Troye étoit autrefois.
Temps , n'eft-il point de barrière
Contre ta fatalité ?
Dans une noble carrière
Cherchons l'immortalité..
Oui , l'homme a le droit ſuprême
De furvivre à l'homme même :
Je me livre à cet espoir.
Je vivrai , je l'ofe croire ;
Et le Temple de Mémoire
S'ouvre pour me recevoir.
* Des champs confacrés à Flore ,
M'offrent de célébres jeux.
Lauriers , que j'y vois éclore ,
*Les Jeux Floraux.
JANVIER. 1763 . SI
Combien vous flattez mes voeux !
L'immortelle recompenfe
Qu'un jufte choix y diſpenſe ,
Eft un bien où je prétends.
Dieux ! Quelle gloire environne
Les écrits qu'on y courronne !
Seuls , ils triomphent du Temps.
Dignum laude virum Muſa vetat mori.
Horat. Lib. 4. Od. 8.
Par M. D ... ɗH ...
}
VERS à S. A. S. Mgr le Prince de
CONDE.
CONDE , reviens couvert de gloire ,
>
Goûter , à l'ombre des lauriers
Que t'a moiffonnés la Victoire ,
Le fruits de tes travaux guerriers ;
Et dépofant au pied du Trône
Le foudre vengeur de Bellonne ,
Reviens jouir d'un doux repos .
Ainfi Mars quittoit fon Tonnèrre ,
Et loin des horreurs de la guèrre ,
S'alloit délaffer à Paphos.
201
C ij
52 MERCURE DE FRANCE .
CONSEILS d'un Homme de 80 ans *
à une Demoiselle de neuf ans qu'il
appelloit fa femme.
QuUOIQU'IL y ait déja quelques
années que vous foyez ma femme , &
que vous paroiffiez fatisfaite de votre
fituation ; cet état heureux ne peut durer
encore tout au plus que cinq ou fix
ans, & un autre mari me fuccédera, avec
fequel vous aurez plus longtemps à vivre
qu'avec moi . L'amitié que j'ai pour
vous m'oblige de vous faire part de quelques
réfléxions qui pourront vous être
utiles par la fuite , & qui fuppléront à
celles que la jeuneffe vous empêche de
faire aujourd'hui . Vous devez avoir une
fortune & des biens confidérables ; vous
ferez recherchée d'une infinité de Soupirans
, qui , avant de fe déclarer s'informeront
avec la plus grande éxactitude
de la quantité & de la qualité de
vos richeffes , mais ne s'embarrafferont
nullement ni de votre figure , ni des
qualités de votre efprit : ce n'eft donc
point vous , pour ainfi dire , que votre
mari époufera , ce fera vos biens &
JANVIER. 1763 . 53 1
votre fortune . Penfez bien à cet article
ma chère petire femme ! & comprenez
que fi vous n'aviez que quatre mille liv.
de rente , tous ceux qui fe montreront
fi empreffés de vous pofféder , s'éloigneroient
bien vîte de vous. Vous ignorez
ce que c'eft que la richeffe & quel fond
vous devez faire fur les biens que vous
apporterez en mariage je m'en vais
vous l'expliquer. Votre Contrat ne fera
pas plutôt figné que toutes ces richeſſes
& ces biens ne feront plus en votre difpofition
; ce fera votre mari qui en fera
le maître & l'éconôme. Il eft vrai qu'il
ne pourroit pas manger le fond de votre
bien ; mais qu'est-ce que c'eft qu'un
fond de bien , dont vous ne pourrez faire
aucun ufage fans la permiffion de ce
mari , qui peut prodiguer vos revenus
pour tout autre que pour vous , & qui
vous privera de toutes les douceurs de
la vie pour ne s'attacher qu'à des dépenfes
frivoles & inutiles ? Il faut donc ,
ma chère petite femme , que vous vous
précautionniez de bonne heure contre
un pareil malheur qui n'arrive que trop
fouvent , & que cependant vous pouvez
éviter , fi vous fuivez mes confeils . La
beauté & les talens aimables ne fuffifent
pas pour fixer l'inconftance des maris ;
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
il est des moyens plus fùrs. Le premier
moyen , eft d'avoir un grand fond de religion
; & à mefure que vous avancerez
en âge , de faire férieufement tous
les jours réfléxion que la beauté n'eft
qu'une chofe paffagère ; que la vie eft
fort courte ; & qu'il n'y a rien de folide
, que de travailler dans ce bas - monde
à vous procurer une félicité éternelle .
Ne regardez donc pas , ma chère petite
femme , les pieufes inftru &tions que
l'on vous fait aujourd'hui comme des
leçons d'Hiftoire & de Géographie ; il
n'y a qu'une chofe abfolument néceffaire
, qui eft de fçavoir bien vivre pour
apprendre à bien mourir. Mais fouvenez-
vous bien , que la véritable piété
ne confifte pas dans les fimagrées de la
dévotion , ni dans tout un appareil extérieur
; il faut que votre dévotion foit
douce , éclairée & charitable ; il faut
que vous foyez complaifante pour votre
mari , compâtiffante pour vos femmes
& pour vos domeftiques ; que fi
quelque chofe vous déplaît dans votre
mari , le moyen de le corriger , c'eſt de
fouffrir avec patience ce qui peut vous
déplaire. Vous avez le bonheur d'être
actuellement fous les yeux d'une grandmaman
dont l'efprit , le coeur & l'expéJANVIER.
1763. 55
rience font un tréfor pour vous préférable
à toutes vos richeffes . Ne lui cachez
rien de vos plus fecrettes pensées ,
jafez & caufez avec elle comme les jeunes
perfones font naturellement avec
leurs jeunes compagnes , ne ceffez jamais
de lui débiter vos goûts & vos
imaginations ; & bavardez continuéllement
avec elle , afin d'apprendre à vous
taire. Les premieres années que vous
entrerez dans le monde , quand vous
aurez un âge plus avancé , & que vous
aurez appris à difcerner ce qui eft bon
d'avec ce qui eft mauvais , ce qui eft
décent d'avec ce qui n'eft pas convenable
, profitez de votre difcernement
pour ne point imiter les mauvais exemples
, mais gardez-vous bien de critiquer
perfonne ; évitez les compagnies des
jeunes perfonnes de toutes efpéces autant
que faire fe pourra ; mais attachez
vous à des perfonnes d'un certain âge :
il y a tout gagner avec elles & tout
à perdre avec les autres . Les perfonnes
âgées font quelquefois ennuyeufes &
donneufes de leçons , elles veulent inf
truire la jeuneffe ; mais elles ne font
point leurs rivales , & ne font point affectées
de la jaloufie qui régne ordinairement
parmi les jeunes Dames, N'af
4
C iv
36 MERCURE DE FRANCE.
fectez point dans vos habillemens &
dans votre maniere de vous coeffer ,
certains airs qui ne font aujourd'hui que
trop à la mode ; imitez les jeunes perfonnes
de votre âge qui fe mettent d'une
façon élégante , mais modefte . Ne
foyez jamais affez hardie pour inventer
une nouvelle mode de coëffure ou d'habillement
; abandonnez aux jeunes folles
de votre âge la gloire de l'invention en
pareille chofe. Cependant quand une
nouvelle mode eft établie & fuivie par
les perfonnes de votre caractère & de
votre rang , il faut fuivre cette mode
car il feroit auffi ridicule' de vous voir
coëffée & habillée à l'antique , que d'avoir
la folie de vouloir être la premiere
à inventer & à dominer fur les ufages
& le goût établi parmi les perfonnes de
votre condition . Ce n'eft point la quantité
d'ornemens qui rendent une perfonne
aimable , c'eft la propreté , c'eft
un certain arrangement qui convienne
à votre figure & à votre vifage . Il
faut apprendre à vous coëffer vous-même
; & quand vos femmes feront empreffées
à entourer votre toilette de
n'avoir jamais d'impatience ni d'humeur
: furtout de ne les point apoftropher
des noms de maladroites & d'im-
,
JANVIER. 1763. 57
pertinentes. Apprenez , ma chère petite
femme , que votre réputation publique
dépend en grande partie des difcours
de vos domeftiques . Si vous les
aimez , & que vous les traitiez bien , ils
cacheront vos défauts ; & fi vous en agiffez
autrement , ils groffiront vos imperfections
, & même vous donneront
celles que vous n'aurez pas. Il n'appar
tient qu'aux bons Maîtres d'avoir d'anciens
Domeſtiques. Quand vous ferez
à table , ayez attention de fervir tout
le monde mangez vous -même avec
propreté , & proportionnez la dépenfe
de votre table au nombre & à la qualité
de la compagnie. Soyez de la plus grande
modeftie , même devant vos femmes
lorfque vous vous leverez & que vous
vous coucherez . Témoignez beaucoup
d'amitié & de tendreffe à votre mari
dans le particulier : évitez les minauderies
& les afféteries avec lui dans le Public.
Ces fortes de façons font des façons
bourgeoifes , & ne marquent bien fouvent
que de la fauffeté & de l'indécence.
Ne dites jamais rien que ce que vous
penfez véritablement ; mais gardez -vous
bien de dire indifcrétement tout ce que
Vous pensez .
Ornez votre efprit de bonnes led-
Cy
58 MERCURE DE FRANCE .
ne
res ; foyez attentive aux différentes leçons
que l'on vous donne , tant pour
orner votre efprit que votre corps :
mais ne reffemblez pas à un perroquet
qui ne fait que répéter ce qu'il ne comprend
pas. Quand votre efprit & votre
mémoire feront ornés des plus belles
connoiffances , gardez-vous bien de débiter
mal-à-propos dans le Public ce
que vous aurez appris dans votre jeuneffe
; & lorfque vous trouverez des
perfonnes ignorantes qui débiteront des
chofes contraires à la vérité de l'Hiftoire
, de la Géographie & autres
vous érigez point en Docteur pour réprimer
leurs erreurs ; & fi vous gliffez
quelques paroles , vous pouvez faire
voir adroitement & fans aigreur que
vous êtes mieux inftruite que les autres.
Apprenez que le moyen de vous faire
hair c'eft de vouloir dominer & de vous
attribuer toute efpéce de préférence :
vous deviendrez infupportable dans la
fociété ; & quand réellement vous furpafferiez
les perfonnes que vous fréquentez
dans toutes les efpéces & de toutes
fortes de manieres , les Dames ne vous
pardonneroient jamais cette fupériorité.
Ayez donc attention , ma chere petite
femme , de faire aimer vos talens &
JANVIER. 1763. 59
vos vertus , & de ne vous point faire
haïr à force de mérite. Tâchez de pofféder
réellement tous ces talens fupérieurs ;
mais n'en montrez , avec beaucoup de
difcrétion , que ce qui eft néceffaire pour
vous faire aimer & pour donner bon
exemple aux autres fans affectation .
Mais fur-tout , à l'égard de votre mari
gardez-vous bien de lui faire voir indifcrétement
que vous avez plus d'efprit
que lui ! Ne difputez jamais avec lui dans
les momens où vous lui verrez de l'entêtement
. Prenez bien votre temps , &
attendez le moment pour calmer fa colere
, ou pour lui faire goûter la vérité.
Avec de la patience & de la douceur
vous en viendrez à bout , & avec de
l'arrogance & de l'imprudence , vous
l'irriterez & ne le perfuaderez pas. Soyez
complaifante envers votre mari dans
tout ce qui ne fera pas contraire à la
Religion ; & fi par malheur votre mari
n'en avoit point , gardez-vous bien de
le prêcher mal - à - propos : prêchez- le
d'exemple , & quelquefois bien mieux
par votre filence que par vos exhortations
. Ne regardez le jeu que comme
un amuſement ,, & ne montrez jamais
dans cette occafion ni avidité , ni thuni
difpute . Accoutumez -vous à
meur ,
C vj
60 MERCURE DE FRANCE .

vous renfermer quelquefois dans votre
cabinet donnez envie à votre mari
d'aller troubler votre petite folitude ; &
quand le cas arrivera , recevez - le avec
amitié , & quittez vos Livres & votre
écriture avec un air de gaîté . Dans les
difputes de Religion , gardez-vous bien
de vous ériger en Docteur : vous n'entendrez
que trop dans la fuite de ces
Femmes-Docteurs qui parlent avec beaucoup
de vivacité fur des matieres qu'elles
n'entendent pas. Quand vous vous trouverez
dans ces occafions , gardez-vous
bien de vous mêler de la converfation ;
& fi l'on vous preffe pour vous faire
parler , dites fimplement que vous vous
en tenez à votre Catéchifme. N'ayez
pas peur que l'on vous prenne pour ignorante
: cette modération vous fera beaucoup
plus d'honneur que fi vous vouliez
régenter la fociété. Ne critiquez jamais
le gouvernement des pays que
vous habiterez. Ayez un petit tribunal
dans vous-même pour prifer ce qui eft
bon & le diftinguer de ce qui eft mauvais
; mais ne communiquez jamais au
Public les Arrêts de votre petite jurifdiction
intérieure ; & apprenez de votre
vieux mari qu'une femme qui décide
toujours , quoique fort bien , qui a touJANVIER.
1763. 61
jours raifon dans le Public , eſt une
femme infupportable ; & que celle qui
décide mal eft impertinente , méprifable
& ridicule .
A Mile DU MESNIL fur la Penfion
dont S. M. l'a gratifiée.
HEUREUSEME UREUSEMENT vous voilà fatisfaite !
LOUIS LE BIEN- AIMÉ , qui chérit le Talent ,
Au vôtre vient de payer une dette
Dont chaque année , en fe renouvellant ,
Vous va renouveller aufli le payement.
D'une âme auffi franche que nette
Je vous en fais ici mon compliment ;
En vous faisant remarquer fimplement ,
Que ce bien , que chacun dès long- tems vous
fouhaite ,
Vous eft annoncé juſtement
Le jour qu'on joue Heureufement !
Ce 29 Novembre 1762 .
Par M. D. G .....
* Petite Piéce repréfentée au Théâtre François.
62 MERCURE DE FRANCE.
*
EXTRAIT d'une Lettre écrite par
M. LOUIS BERANGER , Officier
fur la Frégate la Modefte , à M.
BERANGER , fon oncle , à Paris.
A Leftague , le 22 Octobre 1762.
MONON CHER ONCLE .
Je vous apprends avec une fatisfaction
entière , l'agréable nouvelle de notre arrivée
à Leftague. La Ville de Marſeille
retentit de l'allégreffe publique , & j'ai
voulu qu'elle allât jufqu'à vous : je n'en
fuis pas furpris , notre charge eft au-deffus
de trois millions & demi , & prèſque
tous les Habitans de cette Ville
y ont directement ou indirectement
quelque intérêt .
Je puis dire à la louange de notre Capitaine
, qu'il fait revivre en lui les
Jean Bart & les Caffart ; fa fermeté, fon
fang-froid & fa prudence dans les combats
, font dignes d'admiration .
Le combat langlant que nous avons
livré à une Frégate Angloife de 36
canons , le 18 Septembre dernier , en
** M . Louis Simon.
JANVIER. 1763. 63.
embouquant le détroit de Gibraltar,
juftifie ce que j'avance de ce Capitaine.
Après neuf heures de combat , voyant
que nous avions plufieurs coups de
canons à fleur-d'eau , qui nous incommodoient
beaucoup : Ilfaut, dit-il, mes
enfans , aborder notre ennemi ; je fuis
étonné de combattre fi long - temps fans
en triompher. Dans l'inftant , nous portâmes
l'abordée fur la Frégate Angloife ,
qui l'évita ; ce que nous réiterâmes
trois fois avec beaucoup d'adreffe dans
la manoeuvre ; & quoiqu'elle eût le
vent pour elle , elle ne l'évita la dernière
fois que par miracle . Alors l'ennemi
fe décida à prendre fa bordée au large ,
& nous tourna fon talon. Nous fimes
voile pour entrer à Tariffe , où nous
mouillâmes ; mais nous en fortîmes bientôt
pour aalllleerr àà CCeeuuttaa ,, ne trouvant
point dans ce Port ni la fûreté ni les
fécours néceffaires pour nous radouber.
Arrivés à Ceuta , nous y trouvâmes
ce que nous cherchions. Vingt - cinq
jours après , nous appareillâmes pour
en fortir à la faveur de la nuit , avec
un vent für O- frais , ayant toutes nos
voiles au vent , même nos coutelas ;
& nous pafsâmes prefque bord à bord
de plufieurs vaiffeaux de guerre Anglais
64 MERCURE DE FRANCE .
qui nous bloquoient : nous rangeâmes
les côtes de Barbarie , & nous nous trouvâmes
au lever de l'aurore fur Malaga, où
nous apprîmes que la côte étoit nette . Le
règne du même vent pendant trois jours
nous fit arriver à la hauteur de Mahon
où nous primes un Sénau Anglois chargé
de moutons & de poules venant d'Alger
, qui nous a obligés en arrivant ici
à faire dix- huit jours de quarantaine.
Vous avez fans doute appris l'hiftoire
de notre traverfée , des prifes prodigieufes
que nous avons faites , & qui
donnent à M. le Marquis de Roux ,
notre Armateur , au moins deux millions
de bénéfice : il s'agiffoit pour lui
de cent mille livres.de rente confiés à la
Providence. La grande confiance qu'il
avoit en nous, n'a pas été compromiſe :
il avoit donné l'ordre furprenant à notre
Capitaine de bruler tous les vaiffeaux
Anglois qui faifoient la traite des Négres
en Guinée ; ce qui a été exécuté à
la rigueur. Nous avons brulé douze
prifes : nous en avons amariné trois, trois
autres chargés de troupes , remiſes à M.
de Blenac ; & nous en avons expédié
deux à Londres contenant les équipages
des douze vaiffeaux. Dans ce nombre
elt comprife une Frégate de vingt-huit
JANVIER . 1763 . 65
piéces de canon qui faifoit l'admiration
des Conftructeurs Anglois , & qui étoit
la meilleure voiliere qu'on ait jamais vûe.
Nous y avons pris douze barriques des
plus précieufes marchandifes. Le Capitaine
Anglois a demandé à genoux la
rançon de cette Frégate , & a offert
cinq mille livres fterling de la coque
feule. Le Capitaine Simon lui a répondu
:
Il en coûte beaucoup à mon coeur de
refufer des graces qu'on me demande à
genoux ; mais dans cette circonftance
je fuis forcé d'immoler à ma Nation &
les cinq mille livres fterling que vous
m'offrez, & les regrets de ne pouvoir
vous obliger. Votre Frégate exiftante
pourroit s'emparer à l'avenir de quelques
vaiffeaux François : voilà précisément le
motif de mon facrifice ; & en prononçant
, elle n'en prendra certainement
point , il y a mis le feu de fa propre
main.
C'eſt à cette occafion que M. le Marquis
de Roux , écrivant au Capitaine
Simon, au moment de notre arrivée ici ,
pour lui témoigner fa joie , lui mande :
l'action mémorable que tu as faite , mon
ami , d'avoir brûlé la Frégate Angloife
de 28 canons, au mépris de cinq mille liv.
66 MERCURE DE FRANCE.
fterlings de rançon , eft fi relative à ma
façon de penfer , que les termes que je
voudrois employer pour t'en remercier,
ne me font pas connus .
TRADUCTION libre des Etrènnes
d'un vieux GAULOIS, à tout ce qu'il
aimoit.
D'ou vient , quand l'An ſe renouvelle ,
Que Tout n'eft pas renouvellé ?
Pourqnoi , comme la jeune Eglé ,
Que chaque matin rend plus belle ,
Le retour du mois de Janus ,
Aux Sots , aux Sages , à chaque Etre
( Confondant l'Efclave & le Maître )
Loin d'apporter un An de plus ,
Ne fait-il pas plutôt renaître
Tous les inftans qu'on a perdus ?
Ah ! fi ce jour , qu'on fête encore
Avec le retour du Soleil ,
Chez les Peuples où naît l'Aurore ;
Si ce grand jour , à mon réveil ,
Me rendoit digne de ma Flore ! ....
Si feulement ( car dans les voeux
Il faut un peu de modeftie )
Si feulement , un luftre ou deux
JANVIER. 1763 .
69
Par lui s'éffaçoient de ma vie ;
Ciel ! que je me croirois heureux !
Avec quelle chaleur , quel zéle ,
A l'Amour , comme à l'Amitié ,
Mon âme de tout temps fidéle ,
Plus vigoureuſe de moitié ,
En ce jour exprimeroit- elle
Tout ce qu'elle aime à reffentir ,
Sans regret & fans repentir ,
Pour mes Amis & pour la Belle
Par qui mon bonheur fut comblé ! …….
D'où vient quand l'An fe renouvelle ,
Que Tout n'eft pas renouvellé ?
*
Avec quel raviffant délire ,
Moins à mon âge & plus à moi ,
Un coeur François tout à fon Roi ,
Fièr d'être né fous fon Empire ,
Joignant la Trompette à la Lyre ,
N'auroit-il pas ofé tenter
Ce que les Pirons , les Voltaires *
Et maintes Mufes plus vulgaires ,
Bien mieux que moi fçauront chanter !
Mais la trop récente mémoire
D'un luftre complet de tourmens,
Pour m'en promettre quelque gloire ,
* C'eft-à -dire les Bardes , ou Poëtes de ces temps
reculés .
68 MERCURE DE FRANCE.
Atrop affbibli mes accens .
Virgile , en célébrant Augufte ,
N'éprouvoit pas même langueurs :
Une voix foible , quoique jufte ,
Ne brillejamais dans les Chaurs .
Auffi la mienne chante -t - elle
Tout bas , & d'un ton déſolé :
Mon Roi , mes amis , & ma Belle !
D'où vient , quand l'an fe renouvelle ,
Que tout n'eft pas renouvellé?
DE LA PLACE.
LEE mot de la premiere Enigme du
mois de Décembre eft la Lune. Celui
de la feconde eft la Montre. Celui du
premier Logogryphe eft efprit , dans
lequel on trouve Sire , re , fi , pie, pite,
lire , pifte , ris , prife, pife , terpfi. Celui
du Second eft Solitude , dans lequel on
trouve duel , folive , ifle , fol , ut &fol,
lit , vide , olive , os , fot , fol , ovide ,
dot , Dieu , dole & dol, Toul,& LOUIS.
Celui du troifiéme eft cal , qui retourné,
fait lac.
* *
JANVIER. 1763. 69
O
ENIGM E.
N vous propoſe une maiſon
A louer en toute faifon ;
Elle a deux portes , trois fenêtres ;
Elle peut loger quatre Maîtres ,
Et même cinq en un befoin ;
Deux caves , un grenier à foin ;
Peut-être le quartier pourroit vous en déplaire .
En ce cas le Propriétaire ,
Avec fa verge d'Enchanteur ,
Et certains mots qui vous font peur ,
Enlévera maiſon , meubles & Locataire ,
Qu'auffitôt il tranſportera
Dans le quartier qu'il vous plaira.
On reconnoît l'hôtel célébre
A fon écriteau fingulier ,
Tiré de Barême & d'Algébre.
On voit dans le Calendrier
Son nom & celui du Sorcier.
AUTR E.
J fuis petit ou grand , ma taille eft arbitraire ,
E
Beau , laid , bien ou mal fait , ce n'eſt pas là
l'affaire.
70 MERCURE DE FRANCE .
Tantôt en ris ,
Tantôt en pleurs ,
Ici je vis ,
Et là je meurs.
En même lieu je place & la paix & la guèrre ;
Je fais plus , & fans bruit je lance le tonnèrre.
Je flatte en même temps l'Impie & le Dévot ,
En gardant le filence & fans leur dire mot.
Poëte , Hiftorien , fans vers & fans hiftoire ....
Cher Lecteur , cela te ſurprend !
Le refte eft bien plus étonnant :
Pour être tel il me faut boire.
Par un Abonné au Mercure.
LOGO GRYPH E.
Js fuis du genre féminin , E
Inconftante , jeune , volage ;
Je ne déplais pas moins au Sage ,
Que je charme un jeune Blondin .
Mère du bon efprit & du parfait génie ,
On trouve dans mon nom deux prépofitions ,
Un terme de Muſique , un de Philoſophie ,
L'inftrument qui nourrit une des paffions
Qui chaque jour ne manque guères
D'apporter le défordre aux meilleures affaires.
Deux de mes membres feulement
Font voir plus de quatorze cent .
On trouve auffi certain Ouvrage
JANVIER. 1763 . 71
Que Malherbe & Ronfard ont mis en leur langage,
Un Monument facré d'où le Chrétien pieux
Vient offrir au Seigneur fon encens & ſes voeux.
Je n'en dirai pas davantage.
Par M. D... d'H.....
AUTRE.
BOURREAU de ceux chez qui j'habite ,
J'agis comme un enfant gâté
Qui preffe , crie & follicite
Jufqu'à ce qu'on l'ait contenté :
"
Mais fi je fuis comme lui volontaire ,
Avec la même aifance on ne m'appaiſe pas ;
Et les bonbons , quand je fais du fracas ,
Certainement ne me feroient pas taire.
Ceci pofé , Lecteur ; fi de mon petit corps
Tu fçais faire mouvoir les différens refforts ,
Je pourrai fans vertu magique
Te préfenter l'objet des foins d'Argus ;
Certaine Note de Mufique ;
Un Arbriffeau des plus touffus
Une Vertu Théologale ;
Ce dont un chien , quand il peut , fe régale ;
Un terme enfin de dédain , de mépris ;
Souffre , Lecteur , qu'à ce trait je m'arrête ;
72 MERCURE DE FRANCE .
Mon procédé doit te paroître honnête ,
Puifque tout bien compté , quatre t'ont rendu fix.
Par M. DESMARAIS DU CHAMBON
en Limousin.
PARCEL
AUTRE.
ARCELLE de ce feu divin
Qui du chaos a tiré la matière ,
Je communique à tout la chaleur , la lumière ,
Et cependant la neige eft dans mon ſein.
COMBIEN l'art d'écrire eft utile aux
Amans abfens.
CHANSON
L'ÉLOIGNEMENT eft un martyre
Fatal au repos des Amans ;
Et c'eft pour charmer leurs tourmens
Qu'Amour inventa l'art d'écrire .
Que l'abſence gêne les voeux
D'un couple épris des mêmes feux ;
Ce fecret rapproche leurs âmes,
Garant de leurs tendres foupirs , '
Il prête un langage à leurs flâmes ,
Et des aîles à leurs defirs.
BLANDUREL DE S. JUST , près Beauvais.
ARTICLE
L'éloignement est un martire Fatal au
repos des amans;Et c'estpour charmer leurs tour -
-
`-mens,Qu'Amour inventa l'art d'écrire.Que l'absen
+
= ce gêne les voeux;D'un couple épris des mêmes
Feux Ce secret raproche leurs ames . Garant de
leurs tendres soupirs. Il prete un langage à leurs
flames; Et des ailes à leurs desins.

JANVIER. 1763. 73
ARTICLE II.
NOUVELLES LITTERAIRES.
DISSERTATION de M. de SAINTFOIX
, au fujet de la Statue Equeftre
d'un de nos Rois , qui eft dans
l'Eglife de Notre-Dame de Paris.
M. le Préfident Heinaut dit qu'en
mémoire de la victoire que Philippe
le Bel avoit remportée fur les Flamans
à Mons en Puelle , le 18 Août
1304 , on éleva à Notre- Dame une Statue
équestre de ce Prince , & qu'il fonda
une rente de cent livres à l'Eglife
de Notre- Dame de Paris. Il y a eu ,
ajoute- t-il , des méprifes fur ce monument
que quelques Auteurs , & entr'autres
Nicole Gilles , ont attribué à Philippe
de Valois ; mais pour s'aflurer
de la vérité du fait , il n'y a qu'à lire le
Nécrologe de l'Eglife de Notre-Dame
de Paris , ainfi que la fixiéme Leçon
du Breviaire de Paris , où il eft fait
commémoration de cette victoire au 18
I. Vol.
D
74 MERCURE DE FRANCE.
Août , jour auquel fe donna la bataille
de Mons en Puelle , au lieu que celle
de Caffel, fe donna le
23 Août.
M. Le Préfident Heinaut ne s'eft
pas
fans doute fouvenu qu'un Hiftorien ,
témoin oculaire & qui a écrit l'hiſtoire
de fon temps depuis 1301 jufqu'en
1340 , en parlant de Philippe le Bel &
de la bataille de Mons en Puelle , dit
fimplement que ce Prince , en actions
de grâces de cette victoire , fit des fondations
à Nôtre-Dame , à S. Denis &
dans plufieurs autres Eglifes ; au lieu
que ce même Historien , en parlant
de Philippe de Valois & de la bataille
de Caffel , dit que Philippe de Valois ,
à fon retour en France , alla à S. Denis
& enfuite à Nôtre-Dame de Paris , où
il monta fur le même cheval & fe fit
armer des mêmes armes qu'il avoit
dans le combat , & les préfenta en offrande
à la Sainte Vierge : Rex vere
(Philippus ** Valefius ) in Francia exiftens
, beatum Dionifuum primitus devote
& humiliter vifitavit , & poftea ivit Parifios
, & Ecclefiam Beatæ Mariæ ingreffus
coram imagine eifdem armis
quibus in bello armatus fuerat , fe armari
fecit & fuper equum cui exiftenti
* Continuat. Guill . de Nangis , p. 61.6.
** Continuat. Guill, de Nangis , p . 737•
JANVIER. 1763. 75
in bello infederat , afcenfus , Bear
Mariæ cui fe in hoc belli periculo facturum
dona voverat , Ecclefiæ ejufdem
arma & equum deferens , devotiffime
præfentavit , eidem de tanti evafione periculi
gratias agens.
On prétend que s'il y a dans quelques
manufcrits ivit Parifios , il y a dans
d'autres ivit Carnutum , c'est-à-dire à
Chartres , & que ce fut dans l'Eglife de
Chartres que Philippe de Valois entra à
cheval , & fit l'offrande de fon cheval
& de fes armes , comme Philippe le Bel
avoit fait vingt- quatre ans auparavant
dans l'Eglife Cathédrale de Paris . Mais
eft-il naturel que l'Hiftorien contemporain
de ces deux Princes,ayant rapporté
l'action de Philippe de Valois , n'eût pas
parlé de la même action faite par Philippe
le Bel , fur- tout lorfqu'il fait mention
des fondations que fit Philippe le
Bel en mémoire & reconnoiffance de
la victoire qu'il avoit remportée à Mons
en Puelle ?
Joignons à ce témoignage de l'hiftorien
contemporain , celui d'un manufcrit
qui paroît être de 1360 , cotté H ,
numero 22 , & faifant partie des manufcrits
que le Chapitre de Notre-Dame
a donnés au Roi : il y eft dit que Phi-
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
>
lippe de Valois , après la bataille de Caffel
, l'an 1328 , entra tout arméfurfon
deftrier en l'Eglife de Notre- Dame de
Paris & lui offrit ledit cheval & fes
armes en oblation , la remerciant de la
victoire qu'il avoit obtenue par fon interceffion
; & que la repréfentation dudit
Roi eft affife fur deux piliers devant l'image
de ladite Dame , en la Nef de ladite
Eglife.
On peut encore ajouter à ces autorités
, celle des grandes Chroniques de
France , manufcrit de l'an 1380 : elles
difent que Philippe de Valois monta fur
fon deftrier , & ainfi entra dans l'Eglife
de Notre-Dame de Paris , & très - dévotement
la remercia , & lui préfenta ledit
cheval fur lequel il étoit monté , & toutes
fes armures.
Á l'égard du Nécrologe de l'Eglife A
de Nôtre- Dame de Paris , il y eft fimplement
parlé d'une fondation de cent livres
de rente , faite par Philippe le Bel en
actions de graces de la victoire qu'il
avoit remportée à Mons en Puelle ; &
comme il n'y eft point dit que ce Prince
entra dans l'Eglife de Notre - Dame à
cheval , & qu'il fit l'offrande de fon
cheval & de fes armes à la Vierge
c'eft encore une preuve que ce ne fut
point lui , mais Philippe de Valois qui
JANVIER. 1763. 77
entra de la forte dans cette Eglife , &
qui fit cette offrande. L'apoftille qui eft
à la marge de ce Nécrologe , eft d'un
ftyle & d'une écriture très-moderne , &
par conféquent ne prouve rien.
Je conviens que les nouveaux Breviaires
de Paris portent : Philippus Pulcher
reverfus poftea Lutetiam , in ejufdem
Bafilicæ pronao ftatuamfuam equeftrem
, eamque armatam coram Beatæ
Virginis imagine , in perenne collati beneficii
monumentum , erigi voluit. Mais
dans les anciens Breviaires il n'y a que
ces mots , in Ecclefia Parifienfi , propter
commemorationem victoria Philippi Pulchri
, fit duplum. Non feulement on
n'y trouve pas les trois leçons qu'on a
faites & inférées pour Philippe le Bel
dans les nouveaux Breviaires , mais au
contraire on trouve les deux Leçons
fuivantes :
*
LECTIO QUINTA.
Quod intelligens gloriofa memoriæ
Rex Philippus Valefius , cum opitulante
Deo per merita Beata Virginis
Matris , infignem victoriam de rebellibus
Flandris obtinuiffet , quæ contigit
anno 1328 , acturus Deo & Sanc-
* Breviar. Ecclefia Parifienfis. Festa Augufti ,
anno 1584.
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
tæ Virgini gratias , triumphans & equitans
Ecclefiam Beata Maria Parifiis
ingreffus eft , non vaná oftentatione elatus
, fed Deo , per quem de ancipiti bello
evaferat , profunda humilitate fubjectus.
LECTIO SEXTA.
Itaque & æquum & arma in quibus
vicerat , gloriofiffimae Virgini devovit :
atque ut teftimonium tanti beneficii pofteritati
relinqueret , ftatuit ut infra octavam
affumptionis ejufdem genitricis
Dei , dies ifta duplo celebrior haberetur
, & propter affumptionis Beatæ Mariæ
folemnitatem , & propter tanta victoriæ
nullis abolendam temporibus memoriam.
On demandera fans doute pourquoi
ces changemens dans les nouveaux breviaires
? je répondrai que je n'en fais pas
la raifon ; mais que de mauvais efprits
pourroient s'imaginer qu'attendu la rente
de cent livres fondée par Philippe le
Bel , pour qu'on fit commémoration de
fa victoire , on a jugé que ce Prince méritoit
qu'on fe fouvînt de lui ; au lieu
qu'on a cru qu'on pouvoit enfin oublier
Philippe de Valois , qui n'avoit donné
àl'Eglife que fes armes & fon cheval .
Dans le récit de la bataille de Caffel
on voit que l'attaque des ennemis fut
affez foudaine & imprévue ; mais que
JANVIER. 1763. 79
cependant Philippe de Valois eut le
temps de s'armer à moitié & de monter
à cheval ; au lieu qu'à la bataille de
Mons en Puelle , Philippe le Bel fut
furpris dans fa tente & combattit à pied
jufqu'à ce que plufieurs Seigneurs étant
accourus a fon fecours , il eut le temps
de monter à cheval. Or , s'il avoit voulu
qu'on mit fa ftatue à Notre - Dame , il
n'eft pas douteux qu'il s'y feroit fait repréfenter
à pied , comme au moment
du plus grand danger , & par conféquent
le plus glorieux pour lui. Je fais
cette remarque * en réponſe à ce qu'a dit
Moreau de Mautour qui , pour foutenir fon
opinion , fe déguife à lui- même les faits .
Je crois que tout ce que je viens de
rapporter doit déterminer à changer
l'infcription nouvelle qu'on a mife à
Notre-Dame , & à y mettre : Rex Philippus
Valefius , &c. au lieu de Rex Philippus
Pulcher. D'ailleurs on a eu tort
de critiquer la fin de cette infcription
& de dire qu'il n'eft pas vraisemblable
qu'un Roi foit entré dans une Eglife
à cheval , parce que cela auroit été
trop indécent. Une pareille critique décéle
un homme peu verfé dans l'étude de
notre hiftoire & de nos anciennes moeurs
* Mém, de l'Acad. des Infcript. T. 3. p. 299.
Div
80 MERCURE DE FRANCE.
*
& coutumes ; il y auroit vu qu'au fervice
fait à S. Denis , en 1389, pour Ber
trand Duguefclin , par l'ordre de Charles
VI , les Chevaliers qui menoient le deuil
entrerent dans l'Eglife fur des chevaux
caparaçonnés de noir , & que l'Evêque
qui célébroit la Meffe , defcendit de l'Autel
après l'Evangile ; & que s'étant placé
à la porte du choeur , il reçut l'offrande
des chevaux , en leur mettant la main
fur la tête.
"
ESSAI hiftorique fur ABRAHAM
DUQUESNE Lieutenant Général
des Armées Navales de France. ( a )
Non ille pro patriâ timidus perire.
Horat.
D
E tous les Etats qui concourent à
la gloire de la patrie , il n'en eft point
de plus utile ni de plus honorable que
la profeffion des armes. De tout temps
elle fut fpécialement dévolue à notre
Nobleffe , deſtinée par état à fervir fon
( a ) Ce Sujet a été proposé par l'Académié
de Marſeille pour la diſtribution des Prix du 25
Août 1762 .
* V. p . 2 32. & 2 33. de ce ſecond volume .
7 81
JANVIER. 1763.
Roi. Ce n'est qu'en prodiguant fon fang
qu'elle reléve fa fplendeur & s'immortalife
dans les faſtes de la postérité : elle
fe flétrit au contraire dans une honteuſe
oifiveté. Qui peut compter fans interruption
une longue fuite d'ayeux qui
ont facrifié leurs vies pour le falut de la
Patrie , fe glorifiera-t-il de fa nobleffe ,
s'il ne marche fur leurs traces dans la
carriere de l'honneur ? Qu'eft - ce en effet
qu'un grand nom fans vertus ? Un héros ,
le premier de fa race , fera toujours préféré
au Noble faftueux , qui ne fonde
fon illuftration que furfes titres. La naiffance
eft un effet du hafard ; mais la
vertu , jointe à la valeur , diftingue &
caractériſe le vrai Noble , le Citoyen &
tout bon François.
Volez, s'écrioit l'illuftre Vendôme à
fes ,foldats , volez où l'honneur vous
appelle ; fongez que vous êtes François
! ....
(b) Duquesne , nom à jamais immortel
! Duquefne , l'un des plus grands
hommes de fon fiécle , fe dévoua au
fervice de mer dès fa plus tendre jeuneffe .
(b) Abraham Duquesne nâquit en Normandie
l'an 1610 , d'une famille noble & habituée de
puis longtemps dans cette Province.
D v
82 MERCURE DE FRANCE.
Son pere (c) Abraham Duquesne , blanchit
fous les armes , connut fes talens
& les perfectionna. Ce fut fous cet
illuftre père que notre jeune héros fit fes
premieres campagnes. Ils contribuerent
T'un & l'autre par l'éclat de leurs exploits
à la gloire du fiécle de Louis XIV.
C'eſt être vraiment grand que de travailler
à la grandeur des autres ; c'eſt le
comble de l'héroïfme que de concourir à
la gloire de fon Prince & à celle de l'Etat.
(d) Sanctuaire des Mufes & des Sciences
, dépofitaire des merveilles de mon
héros , je devrois fans doute dans un
humble filence vous entendre ici , Meſfieurs
, prodiguer les juftes louanges qui
font dues à ce grand homme. C'eft dans
(c ) Abraham Duquesne , père de notre Héros ,
mâquit au Bourg de Blangi dans le Comté d'Eu ,
de parens pauvres & Calviniftes . 'S'étant retiré de
bonne heure à Dieppe , il y apprit la Carte marine
, fe mit fur les vaiffeaux , & fe rendit capable
d'être Pilote. Après avoir exercé quelque temps
cette profeffion , il paffa en Suéde , obtint une
place de Pilote dans les vaiffeaux de la Reine
Chriftine ; fut choifi enfuite par cette Princeffe
pour conduire quelques vaiffeaux en France , &
s'étant diftingué dans cette occafion , il fut fait
Capitaine de vaiffeau dans l'Armée Navale de
France.
(d) L'Auteur s'adreffe ici à l'Académie de Marfeille.
JANVIER. 1763. 83
vos ports qu'il préféra de fixer fon féjour
: c'est là qu'il employa ces jours fi
précieux de la jeuneffe à acquérir la
fcience qui fait les grands hommes. On
le voyoit toujours affidu aux écoles de
la marine , toujours attentif aux exercices
& à la manoeuvre des Matelots ;
toujours avide de s'inftruire , entrer dans
les moindres détails . Il favoit qu'on ne
doit rien ignorer dans l'état qu'on embraffe
; bien différent de cette jeuneffe
éfféminée qui néglige l'étude , & lui
préfére fans honte l'cifiveté des Cours ,
où la Nobleffe fe dégrade , où le coeur
s'amollit , où les moeurs enfin fe corrom-
-pent par l'air contagieux que fouvent
on y refpire.
Si je ne puis , à l'exemple de Duquefne
, prodiguer mon fang pour le falut
de l'Etat ; qu'il me foit du moins permis
, comme Citoyen , d'élever ma foible
voix pour immortalifer un de fes
illuftres défenfeurs. N'y auroit- il pas une
forte d'ingratitude , fi animé par l'organe
refpectable d'une des plus célébres
Académies du Royaume , on ne
confacroit pas à la gloire de ce Hiros
une partie de fes veilles , pour ajouter
de nouveaux lauriers à ceux dont il a
été couronné tant de fois ? Je connois
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
mon infuffifance , MM. mais j'ofe me
flatter que vous applaudirez à mon zéle.
On ne peut fe rappeller l'horrible attentat
qui plaça Louis le Jufte fur le Trône
dans un âge encore tendre. La mort
précipitée d'un Prince , l'amour de fes
Sujets & la terreur de fes Ennemis ,
laiffa l'Etat en proye au Démon de la
difcorde. Habile à profiter d'une minorité
qui devoit être longue , ce Monf
tre , le plus cruel ennemi du genre
humain , alluma le flambeau de la
guerre ; la Religion en fut le prétexte
Ipécieux , l'ambition des Grands la fe-
.conda , & l'Etat en fut la victime. Des
Puiffances voifines & formidables fembloient
mettre le comble aux malheurs
de la France menacée de toutes parts.
Richelieu ( e ) paroît : le Génie fans vigueur
& prèfque engourdi fe réveille
a fa voix ; les Arts renaiffent , la Marine
fe rétablit , & le Commerce , ce
canal précieux qui porte la circulation
& la vie dans tous les membres de l'Etat,
( e ) En 1627 le Cardinal de Richelieu fit fupprimer
la Charge d'Amiral dont étoit revêtu le
Duc de Montmorenci , & celle de Connétable vacante
par la mort de Lefdiguieres . Il fe fit créer
Chef & Surintendant Général de la Navigation
& du Commerce.
JANVIER. 1763. . 85
ranime ce corps fans chaleur & prèſque
anéanti .
Richelieu , Politique fublime , renouvelle
l'alliance avec les Hollandois
porte les premiers coups à la Maiſon
d'Autriche , ce Coloffe éffrayant , qui
faifoit trembler l'Europe ; prépare la
deftruction des Huguenots en France
& médite la prife de la Rochelle , boulevard
formidable qui fervoit d'afyle à
l'héréfie & de retraite aux Rebelles .
,
Déja la Flotte Angloife s'avance vers
l'ifle de Rhé , à la follicitation des
Rochelois & du Duc de Rohan leur
· Chef.
Quel délire n'excite pas le fanatiſme !
Le Citoyen s'arme contre le Citoyen ;
Les Grands , qui par leur naiffance &
leur rang doivent être les défenfeurs de
l'Etat , s'en déclarent les plus cruels ennemis.
Le voile facré de la Religion
couvre leur ambition démesurée : tout
leur paroît permis , dès que tout leur
paroît poffible.
Abraham Duquesne , Calviniste , demande
à ne point fervir dans l'Armée
Royale : il l'obtient ; mais fon zèle pour
la Patrie l'engage à folliciter un autre
emploi. Il fait que la différence des
fentimens ne préfcrit point contre la
86 MERCURE DE FRANCE.
fidélité qu'il a jurée à fon Roi & à l'Etat.
Ses devoirs gravés dans fon coeur
font puifés dans ces principes inébranlables
de la Religion naturelle , fondement
de toutes les autres Religions.
L'amour des François pour leur Prince
ne fut jamais pour eux une loi tyrannique:
c'eft un penchant naturel , auquel
ils fe livrent d'autant plus volontiers ,
qu'ils y attachent leur bonheur & leur
gloire.
Généreux Marfeillois ! braves François
la fidélité à votre Roi eft votre
premiere vertu. Vos premiers fentimens
font les premieres chaînes qui vous attachent
inviolablement à votre Prince :
vos premiers voeux , vos premiers defirs
furent toujours de vous facrifier mille
fois pour fon falut & pour celui de la
Patrie .
Notre brave Guerrier fe tranſporte
d'un autre côté avec fon Efcadre. Son
fils âgé de 17 ans , commandoit un vaiffeau
fous fes ordres . Sa valeur annonça
dès-lors fa future grandeur , & la
force de fon génie lui tint lieu de plus
d'expérience ; mais le Ciel dont les décrets
fon impénétrables , le priva bientôt
de ce généreux père : pris par les
Efpagnols a fon retour de Suéde , il
JANVIER. 1763 . 87
reçut
le coup
de la mort
dans
un combat
inégal
. (f)
Quel coup de foudre pour un fils
également doué d'une belle âme & d'un
coeur excellent !
Brave Duquesne : ah ! fi la Parque
cruelle a tranché le fil d'une vie fi belle
& fi glorieufe , vous revivez de nouveau
par la gloire & les exploits de ce jeune
guerrier.
(g) La furpriſe de Tréves par les Epagnols
& l'enlévement de l'Electeur
(f) Le vieux Duquesne mourut à Dunkerque
l'an 1635 , dans les fentimens de la Religion
Prétendue Réformée.
(g ) Quoique jufques- là il n'y eût point eu de
rupture ouverte entre la France & l'Espagne ,
parce que , foit en Italie , foit en Allemagne ,
les Eſpagnols ne fervoient que comme auxiliaires
, en vertu des Traités. d'alliance entre les
deux Branches de la Maiſon d'Autriche ; la prifon
de l'Electeur produifit cependant la guèrre.
qui dura depuis 1635 jufqu'à la paix des Pyrénées
& le mariage de Louis XIV. Le Cardinal
Infant , Gouverneur des Pays- Bas , ayant refufé
à ce Monarque la liberté de l'Electeur , força le
Roi à lui déclarer la guerre & à interdire tout
Commerce entre les deux Nations.
En 1637 on attaqua l'Ile de Sainte Marguerite
& de les Forts , qui furent rendus au Comte
d'Harcourt 43 jours après fa defcente dans Lifle.
Les Espagnols perdirent 1 500 hommes ; & le
jeune Duquesne fe trouva à cette attaque.
N
88 MERCURE DE FRANCE.
firent voler Duquefne aux ifles de Sainte-
Marguerite. Il en forme l'attaque. La
réfiftance opiniâtre des Affiégés ne le
rebute point ; plus elle eft vive , plus fon
activité redouble. Les difficultés femblent
ne ſe préſenter que pour ajouter
à l'éclat de fon triomphe ; & les Efpagnols
ne fe multiplient que pour aug
menter le nombre des victimes qu'il
facrifie aux mânes de fonère.
Mais ce n'eft encore ici qu'un foible
crayon de ce qu'ils avoient à craindre
de fon habileté & de fon courage. On le
voit bientôt près du Môle de Gattary (h),
attaquer une Flotte de dix-huit vaiffeaux.
Dix-fept font pris , & le dix-huitiéme
mis hors de combat.
Intrépide , il ne connoît aucun danger.
Son courage le porte à Saint-Ogue ( i ) ;
il attaque les vaiffeaux qui font dans le
port ; & ce fut dans la chaleur du combat,
que bleffé d'un coup de moufquet ,
il fit à la Patrie la premiere offrande de
ce fang précieux qu'il prodigua fi géné-
( h ) En 1638, Duquefne contribua beaucoup à
la défaite des Efpagnols devant Gattary en Bilcaye.
( i ) En 1639 , il fut bleffé dans le Port de
& Ogue.
IAN VIER. 1763.
89
reuſement dans la fuite à Tarragone (k) ,
à Barcelone ( 1) , à la prife de Perpignan
(m) , & au Cap de Gattes .
Le fang ne s'épuife jamais , fi l'on en
croit les Héros , & le courage femble
fuppléer aux forces de la nature. Plus le
fang coule , plus il devient pur ; & fi la
guèrre eft le fléau de l'humanité , elle
eft aux yeux du Héros l'école de la
valeur & le creufet de la nobleffe.
Funeſte préjugé qui ne s'accordera
jamais avec les maximes du vrai Philofophe
, qui ne regarde la guèrre que
(k ) En 1641 , la Motte- Houdancourt , Commandant
en Catalogne , après avoir pris la Ville
& le Château de Conftantin & quelques autres
Places , vint mettre le fiége devant Tarragonne.
L'Armée Espagnolle qui y étoit enfermée fouffroit
beaucoup de la difette. On fit des efforts
incroyables pour la ravitailler , ce qui donna
lieu à un combat où le Général François défit
un grand nombre d'ennemis . L'Archevêque de
Bordeaux qui bloquoit Tarragonne par mer , attaqua
41 Galéres Eſpagnolles & en prit 12. Ce
fut dans cette action que Duquesne fut encore
dangereufement bleſſé .

( i ) En 1642 , il reçut de nouvelles bleſſures devant
Barcelone dans le temps de la priſe de
Perpignan qui fe rendit au Roi après trois mois
de fiége.
( m ) En 1643 , il répandit fon fang à la Bataille
qui le donna au Cap de Gattes.
90 MERCURE DE FRANCE .
comme le fléau du genre humain
comme un gouffre affreux , où tant de
Héros font enfévelis , tant d'hommes
facrifiés ; moins fouvent au bien de l'Etat
qu'aux capricés des Puiffances & à
l'imprudence des Généraux !
Je vous en attefte , ombres chères à
la patrie Intrépide Bayard ! Brave
Turenne ! Vaillant Duguai-Trouin ! Illuftre
Barwik ! vous qui n'allâtes moif
fonner tant de lauriers chez les ennemis
, que pour rapporter à vos concitoyens
le précieux rameau de la Paix .
(n) Richelieu meurt , & fa mort fut
pour les Espagnols l'événement le plus
heureux ils crurent le génie de la
France abattu & enfeveli avec ce grand
homme mais quelle furprife ! Louis le
Grand monte fur le Trône , & le génie
du gouvernement s'affied à côté du
Monarque. Nouvel Augufte ; fon fiécle
fut celui des Sciences & des beaux Arts :
il produifit ces grands hommes
ces
hommes immortels , dont les noms célébres
pafferont d'âge en âge , & feront
( n .) Les Espagnols furent battus prèfque partout
cette année. Le Maréchal de la Motte en
Catalogne conferva toujours fur eux la fupériorité
, & fit échouer toutes leurs entrepriſes.
JANVIER. 1763. 91
l'admiration de la postérité la plus reculée
.
(o) Duquefne part pour la Suéde ; fon
nom y eft connu ; fa réputation le précéde.
Les exploits fameux & les fervices
fignalés de fon illuftre père étoient profondément
gravés , ( non für des monumens
que le temps peut détruire , ou que
fouvent la flatterie éléve moins au mérite
qu'à l'orgueil des mortels & au faſte
de la décoration ; ) mais dans les coeurs
des Suédois , monumens plus fincères
& plus folides. Le Peuple , dont le fuffrage
n'eft point équivoque , accourt en
foule , fait éclater fa joie ; joie toujours
pure & véritable , lorfqu'elle a pour objet
le mérite d'un grand homme.
Bien différent de ces Guerriers qui
paffent dans le fein des plaifirs , &
dans les douceurs d'un indigne repos
(o ) En 1644 , Duquefne alla fervir en Suéde. Il
fut fait d'abord Major-Général de l'Armée Navale
, enfuite Vice- Amiral . C'est en cette qualité
qu'il fervoit le jour de la fameufe bataille où les
Danois furent entierement défaits. Il aborda lui
deuxième leur Vaiffeau Amiral appelé la Pctience.
Le Général Danois fut tué. Le Roi de
Dannemarck eût été fait prifonnier , fi ce Prince
bleffé à l'oeil d'un éclat de bois près d'un canon
qu'il pointoit , n'eût été obligé de fortir de
ee Vaiffeau la veille de l'action.
92 MERCURE DE FRANCE.
à
le loifir que leur laiffe la Patrie ; ce
fut pour l'employer utilement que vous
paffâtes au fervice de la Suéde , invincible
Duquesne ! Qui connut jamais
mieux que vous le prix du temps ? Qui
jamais mieux que vous , fçut le mettre
profit ? Ce temps finéceffaire peut-être
à votre repos , en même -temps fi utile
& fi glorieux à la Patrie , vous le deftinez
à fecourir les Suédois nos fidéles
Alliés , & à les garantir de l'injufte
ufurpation des Danois. Les titres éclatans
qui font l'appanage du vrai mérite
, qui jamais ne furent fufpects ,
lorfqu'ils font donnés par une Nation
étrangère , vous font juftement prodigués.
Nommé Vice Amiral , vous fervîtes
en cette qualité à la fameufe journée
où les Danois furent défaits.
Déja les deux Flottes font en préfence
mille bouches d'airain vomiffent
la foudre & la mort. Un jour artificiel
inventé par la fureur des hommes,
femble cacher aux combattans ce jour
doux & bienfaifant qui éclaire la nature.
Les vaiffeaux s'élancent contre les vaiffeaux.
Mille débris éclatans obfcurciffent
l'air , & font dans le même inf
tant engloutis dans les eaux. De tristes
lambeaux de malheureux couvrent la
JANVIER. 1763. 93
Turface des mers. Le défordre fe met
dans l'Armée Danoife . La confufion des
Matelots , le cris des Officiers , le découragement
des foldats , tour lui annonce
une prompte défaite.
D'un autre côté , le bon ordre fe
maintient dans l'Armée Suédoife. La
bonne contenance des Officiers éxcite
la confiance du Matelot , occupé à la
manoeuvre. Duquefne fe fignale on
croiroit à le voir que la victoire eft à fes
ordres. Au-deffus de toute crainte , il
fend les flots ; & fe faifant jour à travers
la flotte ennemie , il aborde lui
deuxième le vaiffeau Amiral. Il s'élance
au milieu du fang & du carnage . Le
choc eft furieux ; mais rien ne réfifte à
l'ardeur de fon courage. Son bras invincible
porte par-tout la mort. Le Général
Danois tombe fous fes coups : il
fe rend maître du vaiffeau. Le vaincu
implore la clémence du vainqueur , &
le Roi lui-même eût fubi le même fort ,
fi un événement inopiné n'eût ravi à
Duquefne cette illuftre conquête.
(p ) La Suéde étonnée retentiffoit des
(p) En 1647 il fut rappellé en France & commanda
cette année & la fuivante une des Eſcadres
qui furent envoyées à l'expédition de Naples. Le
Roi d'Espagne battu de tous côtés , voyoit avec
94 MERCURE DE FRANCE.
louanges de mon Héros , lorfqu'il fut
rappellé en France. La voix de fa Patrie
fe fait entendre il ne délibére
>
chagrin le Rouffillon & la Catalogne entre les
mains des François. Naples révoltée contre lui ,
venoit de fe donner au Duc de Guife . Celui- ci ,
qui ne paffa que pour un Avanturier audacieux ,
parce qu'il ne réuffit pas , avoit eu du moins la
gloire d'aborder feul dans une barque au milieu
de la Flotte Efpagnole , & de défendre Naples
fans autre fecours que fon courage.
La Sicile depuis le temps des Tyrans de Syracufe
, a toujours été fubjuguée par des Etrangers;
affervie fucceffivement aux Romains , aux Vandales
, aux Arabes , aux Normans , fous le val
felage des Papes , aux François , aux Allemands ,
aux Efpagnols : haïllant prèfque toujours fes
maîtres , le révoltant contre eux , fans faire de
véritables efforts dignes de la liberté , & éxcitant
continuellement des féditions pour changer de
chaînes .
En 1674 , les Magiftrats de Meffine venoient
d'allumer une guèrre civile contre leurs Gouverneurs
& d'appeller la France à leur fecours. Une
Flotte Efpagnole bloquoit leur port ; ils étoient
réduits aux extrémités de la famine..
En 1675 , le Chevalier de Valbelle vint d'abord
avec quelques Frégates à travers la Flotte
Efpagnole. Il porta à Meffine des vivres , des årmes
& des foldats. Ayant enfuite tenté d'y conduire
un nouveau fecours , les Galéres Eſpagnoles
& quelques Vaiffeaux Hollandois entreprirent
de lui difputer l'entrée du canal. Il y eut un combat
; le paffage fut forcé , & le convoj arriva heureufement,
JANVIER. 1763 .
point ; il s'arrache à la gloire & aux
applaudiffemens pour voler à ſon ſecours.
Il eft auffi -tôt chargé du commandement
de l'Efcadre deſtinée a l'expédition
de Naples. Puiffe tout François
, à l'exemple de ce grand homme
facrifier les intérêts les plus chers à l'amour
de fon devoir !

La France déchirée par les guerres
civiles fous les Régnes des Valois ,
Régne malheureux , où l'ambition des
Grands & la fureur des Hérétiques la
mirent à deux doigts de fa perte ,
l'enthouſiaſme aveugle du fanatiſme
infpiroit les plus éxécrables maximes.
La France , dis- je , dans ces temps de
troubles & d'horreurs , n'avoit pu entretenir
fa Marine ; fon rétabliffement
étoit dû à la fage prévoyance de Richelieu
.
Mazarin dont les vues furent moins
étendues , la négligea. Il étoit réſervé
au généreux Duquesne de la réparer
par fon défintéreſſement.
Vrai citoyen , il penfe que fon patrimoine
eft celui de l'Etat. Général vertueux
, la gloire de le fervir eft l'unique
récompenfe qu'il ambitionne. Il arme à
fes frais plufieurs vaiffeaux. Il vole au
fecours de l'Armée Royale , qui tenoit
96 MERCURE DE FRANCE.
bloquée la ville de Bourdeaux . Il eft
rencontré par une Efcadre,Angloife. On
veut lui faire baiffer pavillon : c'est ici
que l'orgueil peut être une vertu dans
les Héros. Son courage dicte fon refus.
Le combat s'engage, & il y eft dangereufement
bleffé. Il fe retire glorieufement ,
quoiqu'avec des forces inégales. Obligé
de s'arrêter à Breft pour faire radouber
fes vaiffeaux , il revole à Bourdeaux
fans attendre l'entière guérifon de fes
bleffures . La Flotte Efpagnole arrive
en même temps que lui dans la rivière :
elle s'oppose à fon paffage. La barrière
eft forcée : il entre en préfence des Efpagnols
, & fa belle manoeuvre oblige la
ville de fe rendre.
Anne d'Autriche , Régente du Royaume
, qui n'ignoroit pas que ces fuccès
n'étoient dûs qu'à la valeur & à la générofité
de Duquesne , crut qu'il étoit
de fa gloire de le récompenfer : elle lui
donna le château & l'ifle d'Indred , qui
étoient du Domaine de Sa Majeſté.
Ce n'eft que par les bienfaits qu'on
réuffit à s'attacher les hommes. Le feul
efpoir d'une récompenfe glorieufe peut
produire des Héros. La fage politique
d'un Etat eft de favoir les multiplier par
un appas fi juſte & fi raiſonnable.
Deux
JANVIER . 1763 . 97
- Deux Provinces envahies par les François
font trembler le Roi Catholique
pour le refte de fes Etats. Naples révoltée
contre fon Souverain ; les Siciliens ,
peuple inconftant , venoient de fe donner
au Duc de Guife , dernier Prince
de cette branche d'une Maifon fi féconde
en hommes illuftres , mais dangereux
.
(9 ) Le Roi d'Espagne eft contraint
par la révolte de Meffine d'implorer le
( q ) En 1676 , l'Efpagne appella les Hollandois
pour défendre la Sicile. Rhuiter fut chargé
de cette expédition. Les François qui réunis aux
Anglois , n'avoient pu battre les flottes de la
Hollande , l'emporterent feuls fur les Hollandois
& les Elpagnols . Le Duc de Vivonne obligé
de refter dans Meffine , pour contenir le Peuple
déja mécontent de les défenfeurs , laiffa donner
cette bataille par Duquesne , Lieutenant- Général
des Armées Navales ; homme auffi fingulier que
Rhuiter, parvenu comme lui au commandement
par fon mérite .
Rhuiter dont la mémoire eft encore dans la
plus grande vénération en Hollande , avoit commencé
par être Valet & Mouffe de Vaiſſeau ; il
n'en fur que plus refpectable. Le Confeil d'Elpagne
lui donna le Titre & les Patentes de Duc ,
dignité frivole pour un Républicain. Ces Patentes
n'arriverent qu'après la mort . Les enfans de
Rhuiter refuferent ce Titre fi brigué dans nos
Monarchies , mais qui n'eſt pas préférable au nom
de bon Citoyen ..
I. Vol. E
98 MERCURE
DE FRANCE .
fecours des Hollandois fes anciens ennemis.
Rhuiter , le fameux Rhuiter , un
des plus grands hommes de fon fiécle
à la tête d'une Efcadre de vingt-trois
vaiffeaux , joint l'Efcadre Efpagnole ,
compofée de vingt.
C'est contre ces forces formidables
que Duquesne devenu Lieutenant Général
des Armés Navales, va combattre.
C'est ici que l'éloge de mon Héros
va devenir plus intéreffant ; c'eft ici
que l'étendue de fon génie , fon activité
, fa valeur vont paroître dans tout
leur jour ; c'eft contre Rhuiter enfin
contre le Capitaine de fon fiécle qui jouiffoit
de la plus haute réputation , que l'Europe
étonnée admire fa fupériorité .
Toulon le voit partir à la tête de 20
vaiffeaux, efcortant un grand convoi de
munitions pour Meffine. Un pareil
nombre de vaiffeaux s'offre à fa rencontre
à la vue de Stromboli ; c'eft
Rhuiter qui les commande. Duquesne
attaque , Rhuiter plie. Preuilli , qui
commande l'avant- garde , charge celle
des Hollandois , la met en défordre , &
Duquefne fait entrer fon convoi dans
Meffine .
Les Flottes combinées d'Efpagne &
de Hollande font voile vers Agofta
JANVIER . 1763 . 99
dans l'efpérance qu'il s'y feroit quelques
mouvemens en leur faveur. L'Efcadre
Françoife fort du Port de Meffine pour les
combattre. Duquefne découvre les ennemis
à travers le Golfe de Catane. Les
Efpagnols & les Hollandois viennent à
lui avec l'avantage du vent ; avantage
qui décide prèfque toujours des combats
de Mer. Rhuiter fond fur la Flotte Françoife
; il eft repouffé avec perte & attaqué
lui-même. C'est là que nos deux
Généraux mettent en ufage tout ce que
la valeur & la prudence , tout ce que
la fupériorité du génie & la préfence
d'efprit peuvent fuggérer aux grands
Hommes. On les voit attentifs à profiter
de leurs avantages , ou à réparer
leurs pertes , donner des ordres à propos
& avec intelligence, fe porter aux endroits
où leur préfence eft néceſſaire :
nul danger ne les étonne : Ruither &
Duquefne fe multiplient ; on les voit
fur tous les vaiffeaux diriger la manouvre
, animer les foldats par leur exemple ,
voler au fecours des foibles & encourager
les forts. Les Galères d'Efpagne
dégagent quatre de leurs vaiffeaux qui
étoient fur le point d'être pris. Rhuiter
dans la chaleur de l'action , reçoit le
coup de la mort ; il tombe ; & LOUIS
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
LE GRA ND en eft affligé. En vain des
Courtisans lui difent qu'il eft défait d'un
Ennemi redoutable : rien , dit - il , ne
peut empêcher d'être fenfible à la mort
d'un grand Homme.
Je dois ajouter à la gloire de mon
Héros le témoignage authentique que
lui rendit Rhuiter dans les différentes
actions qu'il eut à foutenir contre les
François il difoit franchement qu'il
ne craignoit que Duquefne. Les grands
Hommes fe rendent juftice : la jaloufie ,
vice des âmes baffes , ne peut offufquer
leur raifon , ni corrompre leur coeur.
Durquefne toujours infatiguable, pourfuit
les deux Flottes , les attaque pour
la troifiéme fois , & aucun vaiffeau ne
ne lui eût échappé , fi les ombres de
la nuit & le Port de Syracufe ne les
euffent mis à couvert.
LOUIS ( r) donne la paix à l'Europe;
(* ) Le Roi d'Angleterre ayant commencé la
guerre pour l'intérêt de la France , étoit fur le
point de fe liguer avec le Prince d'Orange qui
venoit d'époufer fa niéce . Louis XIV. donna la
paix à l'Europe . Les Ennemis licentierent leurs
troupes extraordinaires ; il garda les fiennes ,
fis en quelque forte de la paix un temps de conquêtes.
Depuis Charlemagne on n'avoit vu aucun
Prince agir ainfi en' Maître , en Juge des Souve-
#ains , & conquérir des Pays par des Arrêts. La
&
"
JANVIER. 1763 . ΙΟΥ
il en préfcrit lui - même les conditions
en Vainqueur. Pour affurer le repos de
fes Peuples , & contenir fes Ennemis
dans le refpe &t & la crainte , ce Monarque
porte fa Marine au- delà des efpérances
de la France , & de l'Europe
étonnée . Soixante mille matelots font à
fa folde ; & des Loix auffi fages que
févères préfcrivent à ces hommes groffiers
les régles de leurs devoirs . Des
fommes immenfes font employées à
conftruire le Port de Toulon fur la
Méditérannée , celui de Breft , de Dunkerque
, du Havre - de - Grace & de Rochefort
fur l'Océan . L'école de la Marine
eft inftituée dans ces différens
Ports. Une foule de jeune nobleſſe vient
s'inftruire auprès des grands Hommes
que le mérite a défignés pour maîtres.
( s ) Le Roi avoit plus de cent vaifpuiffance
formidable de ce Monarque qui s'étendoit
ainfi de tous côtés , & acquéroit pendant la
paix plus que fes prédéceffeurs n'avoient acquis
par la guerre , réveilla les allarmes de l'Europe.
L'Empire , la Hollande , la Suéde même , firent
un traité d'affociation . Les Anglois menacerent.
Les Eſpagnols voulurent la guèrre . Le Prince d'Orange
remua tout pour l'allumer ; mais aucune
de ces Puiſſances n'ofa porter les premiers coups.
(s) En 1681 Duquefne attaqua les Tripolitains ,
& les obligea à conclure une paix très- glorieufe
E iij
102 MERCURE DE FRANCE .
>
feaux de ligne ; ils ne reftoient pas oififs
dans fes Ports. Ses Efcadres fous le
commandement de Duquefne nettoyoient
les Mers infectées par les Corfaires
d'Alger & de Tripoli. Notre Hé
ros à la tête de fix vaiffeaux va jufques
dans le Port de Chio attaquer les Tripolitains
; & le Capitan Bacha ne peut
avec quarante Galéres les mettre à l'abri
des foudres du Général François . Ces
Africains fe foumettent & n'obtiennent
la paix qu'à la prière & par l'entremife
du Grand- Seigneur.
( t ) LOUIS veut fe venger d'Alger.
>
pour la France. Ils rendirent un Vaiffeau François
qu'ils avoient pris , tout le canon , les armes
tout l'équipage , & un très-grand nombre de
Chrétiens qu'ils avoient fait esclaves.
(t ) En 1683 Louis XIV. fe vengea d'Alger
avec le fecours d'un art nouveau , dont la découverte
fut due à cette attention qu'il avoit d'exciter
tous les génies de fon fiécle. Cer art funeſte ,
mais furprenant , eft celui des galiotes a bombes ,
avec lesquelles on peut réduire des villes mariti
mes en cendres. Bernard Renaud , plus connu
fous le nom du Petit Renaud , fut l'auteur de
cette invention . Ce jeune homme , fans avoir jamais
fervi fur les vaiffeaux , étoit cependant par
fon génie un excellent Marin . Colbert , qui déterroit
le mérite dans l'obfcurité , l'avoit fouvent
appellé au Confeil de marine , même en préfence
du Roi. C'étoit par les foins & fur les lu
JANVIER. 1763. 103
Duquesne attaque ces Corfaries , brûle
leurs vaiffeaux , confume une partie de
la Ville par le moyen d'une forte d'artillerie
jufqu'alors inconnue & qui par
la fuite fera un des plus terribles fléaux
de l'humanité. Ce Monarque généreux
dont la grande âme fçavoit toujours
mettre des bornes à ſa vengeance , avoit
mieres de Renaud que l'on fuivoit depuis peu une
méthode plus réguliére & plus facile pour la conftruction
des vailleaux . Il ofa propofer dans le
Confeil de bombarder Alger avec une Flotte. On
n'avoit pas d'idées que des mortiers à bombes
puffent n'être pas polés fur un terrein folide. La
propofition révolta Il éffuya les contradictions &
les railleries que tout inventeur doit attendre ;
mais fa fermeté & cette éloquence qu'ont d'ordinaire
les hommes frappés de leurs inventions
déterminérent le Roi à permettre l'élai de cette
nouveauté . Renaud fit conftruire cinq vaiffeaux
plus petits que les vaiffeaux ordinaires mais plus
forts de bois , fans ponts , avec un faux tillac à
fonds de cale , fur lequel on maçonna des creux ,
où l'on mit les mortiers. Il partit avec cet équipage
fous les ordres de Duquefne , qui étoit chargé
de l'entrepriſe. Ce Général & les Algériens
furent étonnés de l'effet des bombes . Outre deux
vaiffeaux de ces Corfaires qu'il brula , le feu des
bombes confuma une partie de la ville : mais cet
art porté bientôt chez les autres Nations , ne fervit
qu'à multiplier les calamités humaines . La Marine
ainfi perfectionnée en peu d'années , étoir
le fruit des foins du grand Colbert.
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
épargné les Algériens. Ces Corfaires infolens
s'en prévalurent & le contraignirent
de les punir de nouveau. Il fit
bombarder leur Ville pour la feconde
fois l'année fuivante. Le dommage fut
très- confidérable dans cette Capitale.
Les Vaiffeaux & les Galéres furent pris,
brûlés ou coulés à fond ; un grand
nombre de maifons renverfées , des
magafins ruinés. La néeeffité leur fir
demander la paix. LOUIS la leur accorda.
On éxigea pour préliminaires de
rendre fans rançon plus de fix cens Chrétiens
efclaves , & de payer une fomme
d'argent , punition dure & fenfible
pour des Corfaires ! Tunis & Tripoli
firent à leur exemple les mêmes foumiffions
.
(u) Gênes avoit vendu des munitions
( u ) En 1684 , la République de Gênes ayant
refufé de ſe ſoumettre aux ordres de Louis XIV ,
& comptant trop fur le fecours de l'Eſpagne , ſe
vit fur le point d'être détruite de fond en comble
par l'effet des bombes. Elle fut forcée de céder.
Le Roi exigea que le Doge & quatre principaux
Sénateurs vinffent implorer fa clémence
dans fon Palais de Verſailles ; & de peur que
les Génois n'éludaffent la fatisfaction
dérobaffent quelque chofe à fa gloire , il voulut
que le Doge qui viendroit lui demander pardon,
& ne
JANVIER. 1763 . 105
+
de guèrre aux Algériens . Elle conftruifoit
quatre Galéres pour l'Espagne .
Le Monarque François lui défend par
fon Envoyé de les lancer à l'eau , &
la menace d'un châtiment prompt
& rigoureux fi elle refufe de fe foumettre
à fes volontés. Les Génois irrités
de cette entréprife fur leur liberté ,
n'y eurent aucun égard. Duquesne fort
de Toulon à la tête de 14 Vaiffeaux ,
20 Galéres , 10 Galiotes a bombes &
plufieurs Frégates. Il fe préfente devant
Gênes . Les 10 Galiotes y jettent
quatorze mille bombes & réduifent en
cendres une partie de fes Palais. Quatre
mille foldats débarquent , & portent le
fer & le feu dans les fauxbourgs. Le
Génois effrayé craint la ruine totale de
fes Etats. Ces fiers Républicains humiliés
par des progrès fi rapides , députent
fût continué dans fa Principauté , malgré la loi
perpétuelle de Gênes , qui ôte cette dignité à tout
Doge abfent un moment de la Ville . Le Doge
arriva a Verſailles le 22 de Février 1685 , demanda
pardon au Roi . Cegrand Prince , qui dans
toutes les actions de fa viejoignoit la politeffe à la
dignité , traita de Doge & les Senateurs avecautant
de bonté que de fafte. Ses Miniftres leur firent fentir
plus de fierté. Aufli le Doge difoit : Je Roi ôte à
nos coeurs la liberté , mais les Miniftres nous la
rrendent.
Ew
106 MERCURE DE FRANCE.
le Doge avec quatre Sénateurs , pour
aller demander pardon au Roi . Ils fe
rendent à Verfailles. Le Monarque , qui
favoit que la véritable grandeur confifte
particuliérement à oublier les injures ,
paroît fatisfait , les reçoit avec bonté ,
& les traite avec magnificence.
L'hiftoire des temps femble terminer
à ce dernier trait les glorieux exploits de
mon héros. Je finirai fon éloge par l'apologie
de fon coeur , auffi recommandable
par fon défintéreffement
noble & fublime par fes vertus .
> que
J'en appelle au témoignage de l'Afie ,
de l'Afrique & de l'Europe . Quelle foule
de témoins de fa valeur & de fon âme
bienfaifante ! Des Chrétiens arrachés à
l'esclavage viennent dans les tranſports
de la joie la plus pure , pénétrés des fentimens
de la plus vive reconnoiffance
baifer ces mains généreufes qui ont brifé
leurs fers.
O Duquefne ! à quels fentimens délicieux
ton âme ne fe livroit- elle pas ,
en voyant couler ces larmes précieufes
que la grandeur de cette action , que
l'héroïsme de la vertu , que l'amour de
l'humanité & l'admiration font répandre
! Qu'il eft glorieux pour toi de régner
ainfi fur les coeurs & de te les
JANVIER. 1763. 107
attacher par les bienfaits ! On t'offre
des rançons ; ton âme généreufe en
eft offenfée . Toute la récompenfe que
ton grand coeur ambitionne eft le feul
plaifir du bienfait .
(x) Duquefne arrive à la Cour. Son
nom vole de bouche en bouche . Il
perce la foule des Courtifans , il pénétre
jufqu'au Roi . Il lit dans fes yeux
pleins de majefté qu'il a gagné l'eftime
de fon Maître ; & c'eft la feule récompenfe
à laquelle il afpire : mais
LOUIS dont la grande âme ne laiffa
jamais le mérite & les fervices fans récompenfe
, lui donna & à fa poftérité
, comme un monument éternel de fa
bienveillance , la terre Dubouchet qu'il
érigea en Marquifat.
Duquefne en ceffant de combattre ,
n'en fert pas moins la Patrie . Dans une
retraite honorable , il forme des voeux
(x) Le Roi qui honoroit Duquesne d'une eftime
particuliere pour fon mérite , ne pouvant à cauſe
de la religion qu'il profelloit , le récompenfer
avec tout l'éclat qu'il auroit fouhaité , n'a pas
laiffé de lui donner & à fa poftérité une marque
de fa bienveillance , en lui faifant don de la Tèrre
Du bouchet , qui eft une des plus belles du Royaume
, fituée auprès d'Etampes. Il l'érigea en Marquifat
, lui ôta fon premier nom , & lui donna
celui de Duquefae.
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
pour fon Prince , & pour l'Etat. Adoré
de fa Famille , il inftruit fes enfans &
leur apprend à marcher fur fes traces.
Témoin de leur valeur & de l'éclat de
leurs exploits , il fe voit convaincu que
fon fang illuftre ne pouvoit dégénérer.
Quels motifs de confolation pour ce
refpectable Guerrier dans un âge où
les infirmités fe multiplient , où la fenfibilité
augmente , où les organes d'un
corps épuifé s'affaiffent & fe détruifent.
Il attend la mort avec affurance ; il envifage
avec fermeté le terme de fa carrière.
(y ) Duquesne meurt enfin ; il meurt
( yCe grand homme qui étoit né Calvinifte ,
mourut dans la même créance , à Paris , le 2 Février
1688 , après avoir vêcu 78 ans avec une
vigueur & une fanté extraordinaire . Son coeur
fut porté dans le Temple de la Ville d'Aubonne ,
dans le canton de Berne en Suiffe , où fon fils aîné
Henri Duquesne , Baron du lieu , lui fit placer
une épitaphe. Il avoit époufé Gabrielle de Bernière
, dont il a laiffé quatre fils.
Henri , l'aîné de fes enfans , formé aux armes
dès fa plus tendre jeuneffe , s'y est toujours diftingué.
Conftamment attaché à la Religion Proteftante
, il fe retira dans une Tèrre qu'il avoit
acquife en Suiffe , avec la permiffion du Roi. Il
mourut à Genève le 11 Novembre 1722 , âgé de
près de 71 ans , eftimé , aimé & regretté de tous
ceux qui le connoilloient.
JANVIER. 1763 . rog

en héros il emporte dans le tombeau
les pleurs de fa famille , les juftes regrets
de la France , & l'eftime de l'Europe
entiere .
DAGUES DE CLAIRFONTAINE.
Le fecond, Abraham , Capitaine de Vaiffeau ,
fe fignala auffi en plufieurs occafions importantes
. En 1683 , il prit & emmena à Toulon le
Prince de Montefarchio , Général de l'Armée Efpagnole
, & en 1684 dans la defcente de Gênes ,
il foutint le bataillon qu'il y commandoit avec
beaucoup de valeur.
Le troifiéme , Ifaac , & le quatrième , Jacob ,
furent des Officiers très recommandables par
leur mérite & leur courage.
Duquesne avoit auffi plufieurs frères , qui font
tous morts dans le Service. L'un d'eux , Capitaine
de Vaiffeau , fut tué d'un coup de canon. Il
laiffa un fils , Duquefne Monier , qui après s'être
Egnalé en diverses occafions , & avoir eu un bras
emporté , fut fait Chef d'Eſcadre en 1705.
LA RELIGION VENGÉE, pour l'année
1763 , ou Réfutation des Auteurs
impies , Ouvrage périodique dédié à
Monfeigneur LE DAUPHIN.
Dès que cet Ouvrage parut en 1756
ou 1757 , il reçut du Public un accueil
favorable. Parmi les Lecteurs bien inITO
MERCURE DE FRANCE.
>
tentionnés quelques -uns voudroient
qu'il fût moins férieux , & que les matieres
y fuffent traitées plus briévement :
mais comment concilier la plaifanterie
avec la gravité des fujets qu'on y traite ?
A l'égard de la brieveté , peut- être feroitil
à craindre qu'elle ne rendit l'ouvrage
fuperficiel , & qu'en n'infiftant pas affez
fur l'examen de chaque Livre , on ne
fit un Livre inutile. Il paroît donc que
les Auteurs de cette religieufe entrepriſe
ont eu envie de donner un corps complet
de réfutation des Ecrivains impies ,
& de le rendre folide & inftru&tif , plutôt
qu'amufant . Si cet Ouvrage n'eft pas
une digue affez puiffante pour arrêter le
débordement de l'impiété, c'eft du moins
une réclamation de la vérité contre le
menfonge , & un acte public qui interrompra
la préfcription de l'érreur.
Dans les dix-huit volumes déja imprimés
, les Auteurs de la Religion vengée
ont réfuté la plupart des écrits irréguliers
qui ont paru depuis Bayle jufqu'aux
Tuvres philofophiques du fameux Lamettrie
. Il refte encore affez de mauvais
Livres pour fournir pendant quelques
années au travail des Auteurs. Il faut
efpérer pourtant que la matiere de leur
critique deviendra plus itérile , & qu'ils
JANVIER. 1763 .
III
cefferont enfin de défendre la Religion ,
parce qu'on fe laffera de l'attaquer. C'eft
chez Chaubert , quai des Auguftins , &.
chez Hériffant , rue Neuve de Notre-
Dame , que fe trouvent ces dix - huit volumes.
On foufcrira déformais pour les
cahiers fuivans chez la veuve Brunet
rue baffe des Urfins , ou grand'Salle du
Palais , & chez le même Chaubert. Il y
aura , comme à l'ordinaire , quinze cahiers
par an , & le prix de la foufcription
eft de o livres pour Paris , & 12 liv . port
franc , pour la Province.
>
MÉMOIRES pour fervir à l'Hiftoire de
"
la Maifon de BRANDEBOURG , deux
volumes in-12, nouvelle édition , 1762.
LORSQUE ORSQUE cet Ouvrage parut pour la
premiere fois , on en fit un long extrait
dans le Mercure : c'cft ce qui nous difpenfe
d'entrer aujourd'hui dans aucun
détail fur le fond de ce Livre mais
comme cette édition nouvelle contient
des augmentations qu'il faut faire con-.
noîtie , nous en parlerons plus amplement
dans un des Mercures fuivans :
1.12 MERCURE DE FRANCE.
nous avertirons feulement qu'on en
trouve des exemplaires chez Cellot
grand'Salle du Palais.
2
LETTRES de Mademoifelle de Jussy
à Mademoiselle de *** . A Amfterdam
, &fe trouve à Paris chez Bauche,
quai des Auguftins ; Duchefne , rue
S. Jacques , & Cellot , grand' Salle
du Palais , brochure in- 12 , 1762 ,
Prix 30 fols broché.
Nous donnerons bientôt un extrait
de cette brochure , dont la lecture nous
a paru trop intéreffante pour nous en
tenir à une fimple annonce. L'abondance
des matières nous oblige à remettre
pour les volumes fuivans , plufieurs
Guvrages qui méritent d'être connus ,
& ces Lettres ne feront pas un des moindres
objets de la curiofité du Public. On
trouve chez les mêmes Libraires quelques
exemplaires du projet de paix perpétuelle
, par M. Rouffeau de Genève ,
avec une belle eftampe de M. Cochin à
Ma rête du Livre . Prix 24 fols broché.
JANVIER . 1763. 113
ETRENNES AUX DAMES , avec le
Calendrier de l'année 1763. Premiere
partie. Notice des Femmes illuftres
dans les Belles- Lettres . Seconde partie
; Notice des Livres composés par
des Femmes . A Paris , chez Mufier
fils , quai des Auguftins , au coin de
la rue Pavée , à S. Etienne , avec
approbation & permiſſion , 1763 ,
in-16.
L A premiere Femme de ce Catalogue
chronologique eft la célebre Héloife ,
amante du malheureux Abaillard , & la
derniere eft la charmante Mde Favart.
Il n'eft ici queftion que des Femmes
Françoifes ; encore ce Catalogue eft- il
bien imparfait à cet égard : car fans remonter
à celles qui font mortes , parmi
les vivantes feules nous en trouvons huit
ou neuf que l'Auteur a oubliées : telles
font par exemple Madame de Beaumer ,
Auteur du Journal des Dames, & c. Madame
Benoit , Auteur d'un Journal littéraire
& d'un roman 'intitulé Mes Principes
; Madame Bontems , qui a traduit
114 MERCURE DE FRANCE .
les Saifons de Tomfon ; Madame de
Beaumont , Auteur du nouveau Magafin
Anglois , du Magafin des Enfans , &c ;
Madame Robert , Auteur de la Payfanne
Philofophe , roman en quatre
Parties ; Mademoiſelle Brohon , Auteur
des Amans Philofophes , & d'un joli
Conte inféré dans le Mercure ; Mlle de
la Guefnerie , de la ville d'Angers
Auteur des Mémoires de Milady B *** ;
Madame de la Gorfe , de Touloufe , qui
à remporté des Prix de Poëfie aux Jeux
Floraux. Nous pourrions peut - être
augmenter cette lifte , dont nous exhortons
l'Auteur à faire ufage dans
une feconde édition . Nous voudrions
auffi qu'il s'attachât à faire connoître
davantage les Femmes qui compofent
fon Catalogue , & qu'il nous donnât des
notices plus étendues fur leurs vies &
fur leurs ouvrages. Tel qu'il eft , c'eſt
toujours un trophée érigé à la gloire du
beau Séxe , & dont les Femmes ne peuvent
fe difpenfer de favoir gré à l'Auteur.
JANVIER. 1763. 115

PRINCIPES de certitude > ou Effai
fur la Logique , brochure in- 12 avec
cette épigraphe : Difficile eft propriè
communia dicere , Horat. Art. Poet.
A Paris , chez Defain Junior , quai
des Auguftins, à la Bonne- Foi , 1763 ,
avec approbation & permiffion.
ItL
paroît que l'Auteur de ce petit ouvrage
n'a eu d'autre deffein que d'expofer
avec plus d'ordre & de fimplicité
qu'on ne l'a fait jufqu'ici , des vérités
qu'il importe à tout le monde de connoître
. Au lieu d'entrer dans des difcuffions
métaphyfiques , il a préféré la multiplicité
des exemples,pour rendre fenfi
ble par plufieurs applications , ce qui
peut-être ne l'eût pas été par une feule.
il préfente tellement les chofes , que ce
qui précéde fuffit toujours pour entendre
ce qui fuit. Ainfi dans la premiere
partie , où il s'agit des idées ; dans la
feconde , où il s'agit du jugement ; dans
la troifiéme , où il s'agit du raiſonnement
, il examine d'abord la nature de
toutes ces opérations , pour en déduire
116 MERCURE DE FRANCE.
les qualités , & paffer enfuite aux différentes
efpéces. Il réfulte de tout cela
une clarté & une précifion qui font tout
l'avantage & le mérite de ces fortes
d'écrits.
DISSERTATION fur l'ufage de boire
à la glace , par M. D. D. Licentié en
Droit , avec cette épigraphe : Eft mihi
dulce magis gelidos haurire liquores.
Gal. A Paris , de l'imprimerie de Valeyrefils
, rue de la vieille Bouclerie , à
t'arbre de Jeffé, 1762 brochure in-12.
Il y a dans ce petit Ecrit des recher- Ly
ches très-fçavantes & très- curieuſes ;
& ce qui en reléve encore le mérite , c'eſt
que l'ouvrage est écrit avec cette facilité
& cette élégance qui caractériſe l'homme
du monde cultivé par l'étude des Belles-
Lettres.
ALMANACHS NOUVEAUX pour
l'année 1763 , quife trouvent au CABINET
LITTERAIRE de la NOUVEAUTÉ
, & dont la plupart contiennent les
plus jolis couplets fur des airs choifis &
JANVIER . 1763. 117
-
connus . L'Amour Poëte & Muficien .
-Mêlange agréable & amufant.-Ah !
qu'il eft drôle , Etrennes de la gaité .
Folichon , ou le Joujou des Dames ;
Etrennes galantes. Le Calendrier du
ménage . - Babioles amufantes , ou le
Badinage du moment. - Le Paffe-Tems
galant , fuivi des Oracles. - Le Deffert
des bonnes compagnies , Etrennes grivoifes
. Etrennes d'Apollon. - Le nouveau
Chanfonnier , ou le Portefeuille de
Pégafe. -L'Amour vous le donne pour
étrennes. Collection lyrique. —Almanach
de la Pofte de Paris , contenant les
divers avis de la Pofte , le Plan de Paris
, divifé par quartiers , les arrondiffemens
des bureaux , & les noms des villages
où s'étend la banlieue , les rues
avec leurs quartiers , & leurs tenans &
aboutiffins , la demeure des Banquiers ,
avec une carte géographique des quartiers
de Paris. On trouve auffi dans le
même CABINET LITTERAIRE DE LA
NOUVEAUTÉ un affortiment général
de tous les Almanachs qui s'impriment
chez tous les Libraires de Paris .
Ce CABINET LITTERAIRE DE LA
NOUVEAUTÉ dont il vient d'être fait
mention , eft un établiflement nouveau
& très utile pour la lecture des brochures
118 MERCURE DE FRANCE.
nouvelles en tout genre , des Journaux ,
gazettes de France & étrangeres , & généralement
de tous les papiers publics.
A Paris au Magafin de Grangé & Dufour
, Libraires , Pont Nôtre-Dame ,
près de la Pompe . Nous donnerons un
autre jour un plan plus détaillé d'un établiffement
auffi avantageux pour le Public
, & dont il eft à propos de faire
connoître toute l'utilité.
ANNONCES DE LIVRES.
MISCELLANEA Philofophico - Mathematica
, Societatis private Taurinenfis.
2 vol. in-4° . avec cette Epigraphe :
Favete , adefte æquo animo , & rem cognofcite
Ut pernofcatis , ecquid fpei fit reliquum .
Terent Prolog. Andr.
Augufta Taurinorum , ex Typographiâ
Regia. 1759. Et fe trouve à Paris chez
Briailon , rue S. Jacques , à la Science.
Ces deux Volumes font beaucoup.
d'honneur à l'Académie de Turin ; &
nous nous propofons d'en rendre compte
inceffamment .
VOYAGE en France , en Italie &
JANVIER. 1762. 119
aux Ifles de l'Archipel ; ou Lettres écrites
de plufieurs endroits de l'Europe &
du Levant , en 1750 , &c , avec des obfervations
de l'Auteur fur les diverfes
productions de la Nature & de l'Art :
Ouvrage traduit de l'Anglois , 4 vol.
in- 12. Paris , 1763. Chez Charpentier ,
Libraire , quai des Auguftins , à l'entrée
de la rue du Hurepoix , à S. Chryfoftôme.
Nous donnerons l'Extrait de cet
Ouvrage auffi curieux qu'inftructif.
OEUVRES diverfes de M. Defmahis.
in - 12 . Geneve. 17762. Se trouve chez les
Libraires qui vendent les Nouveautés.
On fera fans doute bien-aife de trouver
enfin réunis les différens Ouvrages de
cet aimable Auteur.
LES SUCCÈS d'un Fat , Nouvelle. 2
vol. in- 12. à Avignon , 1762. On les
trouve à Paris chez Lefclapart , Libraire
, quai de Gêvres.
FABLES nouvelles divifées en 4 Livres
, Traduction libre de l'Allemand ,
de M. Lichtwechr , in- 12 . Strasbourg
1763 , chez Godefroi Baver ; & fe trouve
à Paris , chez Langlois , Libraire ,
rue de la Harpe , à la Couronne d'or.
4
120 MERCURE DE FRANCE .
>
TRAITÉ hiftorique des Plantes qui
croiffent dans la Lorraine & les trois
Evêchés , contenant leur deſcription
leur figure , leur nom , les lieux où elles
croiffent , leur culture , leur analyſe
& leurs propriétés , tant pour la Médecine
, que pour les Arts & Métiers . Par
M. P. J. Buchoz , Avocat au Parlement
de Metz , Docteur en Philofophie & en
Médecine , Aggrégé du Collége Royal
des Médecins de Nanci, in - 12. Tom. I.
à Nanci , 1762.
HISTOIRE DE FRANCE depuis l'établiffement
de Louis XIV, Par M. Villaret
, Secrétaire de Noffeigneurs les
Pairs de France , Garde des Archives
de la Pairie. in- 12 . Tomes 11. & 12 .
Paris , 1763. Chez Defaint & Saillant,
rue S. Jean de Beauvais vis-à -vis le
Collége. Nous donnerons , dans le Mercure
prochain , l'Extrait de ces deux nouveaux
volumes , qui ne peuvent qu'ajou
ter à la réputation méritée de leur Auteur.
>
LETTRE de M. Marin , Cenfeur
Royal & de la Police , de l'Académie
de Marfeil'e & de la Société Royale des
Sciences & Belles- Lettres de Nanci , à
Mde
JANVIER. 1763. 121
Mde la P *** de *** fur un Projet intéreffant
pour l'humanité. Nous fommes
fâchés que l'abondance des matières
ne nous permette point d'inférer ici
dès à préfent cette lettre , qui fait honneur
au coeur & à l'efprit de fon Auteur.
PETIT TABLEAU de l'Univers , qui
comprend la defcription de tous les
Pays & Villes du Monde , avec leurs
pofitions & leurs diftances de Paris
toutes les grandes routes de Tèrre , de
Mer & des rivieres de France , l'étendue
des côtes de mer , avec les Royaumes
& les Villes qui y font fituées , le
cours des rivieres , les hautes montagnes
, les Gouvernemens de France , les
Refforts des Parlemens , les Généralités
les Diocéfes , les Ordres de Chevalerie
&c , & les Ecrivains profanes de tous
les fiécles de l'Ere Chrétienne , in-24.
ALMANACH du Tableau de l'Univers
, qui marque la diftance de Paris à
toutes les Villes les plus remarquables
du Monde, in-32.
>
LE BON JARDINIER Almanach
pour l'année 1763 , contenant une idée
générale des quatre fortes de Jardins ,
I. Vol. F
122 MERCURE DE FRANCE .
les régles pour les cultiver , & la maniere
d'élever les plus belles fleurs. Nouvelle
édition confidérablement augmen→
tée , & dans laquelle la partie des fleurs
a été entierement refondue par un Amateur
Ces trois petits Ouvrages fe vendent
à Paris chez Guillyn , quai des Auguf
tins du côté du Pont S. Michel au
Lys- d'or.
,
ETRENNES du Chrétien ; Almanach
DE BERRY. Chez Barbou , Libraire ,
rue S. Jacques , aux Cigognes.
ETRENNES curieufes & utiles , à,
l'ufage de la Province de Berry , pour
l'année 1763. A Bourges , chez la veuve
Boyer.
2
ETRENNES maritimes , pour l'année
1763 , contenant des idées générales de
la Marine & des Vaiffeaux ; l'explication
de quelques termes de Marine ; la
lifte des Vaiffeaux offerts au Roi ; &
l'état des Officiers de la Marine à la fin
de 1762. A Paris , chez Nyon , quai
des Auguftins , àl'Occafion
TRAITÉ élémentaire de Méchanir
JANVIER. 1763. 123
que & de Dynamique appliqué princi
palement au mouvement des mâchines ,
par › M. l'Abbé BOSSUT , Profeffeur
Royal de Mathématique aux Ecoles /du
Génie , à Mézieres , Correſpondant de
l'Académie Royale des Sciences de
Paris. A Charleville , chez Tefin..
M. l'Abbé Boffut connu par deux
Prix qu'il a remportés à l'Académie des
Sciences , & 1par d'excellens mémoires
qu'il a donnés fur la Géométrie & la
Méchanique tranfcendantes , vient de
publier cet Ouvrage , dont nous n'entreprendrons
point de faire l'analyſe..
Nous nous contenterons de dire que
l'Académie des Sciences l'a approuvé
avec éloge ; mais comme iba pour objet.
des matières utiles;nous nous propofons.
de le faire connoître à nos Lecteurs ,
en tranfcrivant dans le Mercure prochain
une partie de la préface même
de l'Auteur,que nous trouvons très-bien
écrite rogs a
XUS
Le Public eft avertique le Tome
cinquième du Nouveau Traité de la
Diplomatique , par les Bénédictins , paroit
actuellement chez Defprez , Immprimeur
du Roi & du Clergé de Frande.
Les Soulcripteurs font pries len venan
Fij
124 MERCURE
DE FRANCE.
retirer ce volume , d'appporter la re--
connoiffance qu'ils doivent avoir pour:
lesTomes 5 & 6 fin de l'ouvrage , afin que
le volume qu'on leur donnera foit regiftré
derrière.
NOUVELLES Etrennes gravées , emblématiques
& chantantes pour l'année
1763 :
Sur divers fujets de piété & de morale
, par le fieur Breffon de Maillard,
graveur & découpeur privilégié en caracteres
& deffeins- vignettes , de feu
Monfeigneur le Duc de Bourgogne ..
On trouvera pareillement chez ledit
fieur Maillard , en fa demeure rue S.
Jacques , Maifon de M. de Lambon
Avocat , près les Mathurins , une fuite
d'autres petites eftampes en emblêmes ,
relatives aux temps des Etrènnes , comme
auffi un affortiment de fes ouvrages de
caractères & de deffeins pour peindre
toutes fortes d'ouvrages. L'époufe du
fieur Maillard montre aux Dames la
maniere de s'en fervir & de les terminer
au pinceau.
TRAITE' fur la culture des Muriers
blancs , la maniere d'élever les vers - àfoie
, & l'ufage qu'on doit faire des
JANVIER. 1763 . 125
cocons , avec figures. Par M. Pomier.
Ingénieur des Ponts & Chauffées. A
Orléans , de l'imprimerie de Couret de
Villeneuve , Imprimeur du Roi & de
l'Evêché , 1762 , avec approbation &
privilége du Roi.
Pater ipfe colendi
"
Haud facilem effe viam voluit , primufque per
artem
Movit agros.
Quare agite , & proprios generatim difcite cultus
Agricolæ , fructufque feros mollite colendo.
up
Georg. I. & II.
F iij
126 MERCURE DE FRANCE.
ARTICLE IIL
SCIENCES ETBELLÈS-LETTRES
---- GÉOMÉTRIE L
LA diverfiré des termes employés pour
la mefure des Terres fait fouvent une
difficulté embarraffante , aft
arpent , journal-
bacre , "fecter , faumac , & c , font
des termes pfités en parlant d'arpentage.
Mais fi ces noms font différens , les
mefures ou les quantités qu'ils expriment
ne le font guères moins. Il y a
plus , c'eft que le même terme ne fignifie
passtoujours la même chofe ; par
exemple , l'arpent eft plus ou moins
grand , fuivant les différentes Coutumes
; ce qui fait varier, la pratique de
l'arpentage , & le rend même plus difficile.
L'arpent eft ordinairement de cent
perches ; mais les perches varient beaucoup
: tantôt elles font à dix-huit pieds
en tout fens , ou pour mieux dire en
quarré tantôt de vingt . Ailleurs elles
7
JANVIER 1763 127
font de vingt- deux , de vingt- quatre ,
&c , fur quoi il feroit à defirer qu'on
pût établir dans le Royaume des mefures
& des dénominations qui fuffent
les mêmes dans toutes les Provinces. ;
l'art de mesurer les Terres deviendroit
plus uniforme & plus aifé.
7
Plufieurs Savans , amateurs d'agricul
ture , employent dans leurs calculs l'arpent
de cent perches , à vingt pieds
en quarré pour perche. Cette mefure
moyenne entre les extrêmes feroit fort
commode : elle donne des comptes
ronds faciles à entendre & à manier ,
& dès-lors elle mériteroit la préférence.
Si l'on admettoit la perche de vingt
pieds de quarré , en multipliant 20 par
20 pour la perche quarrée , son auroit
400 pieds quarrés pour la perche de
terre. En ajoutant à ce produit deux zéros
pour multiplier par cent , nombre
des perches dont l'arpent eft compofé ,
on auroit 40000 pieds quarrés pour l'arpent
total.
Du refte , pour faciliter les opérations
de l'Arpenteur , au lieu de fuivre les variétés
de la perche , on pourroit s'en tenir
à une mefure commune, & plus
conftante , je veux dire le pied de douze
pouces , qu'on appelle pied- de - rçi, Ainfi
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE.
4
F'on n'auroit qu'à mefurer par pied les
deux côtés d'une piéce quelconque ,
piéce ou quarrée ou réduite en triangle ,
fuivant les procédés connus : pour lors
par une feule multiplication , dont les
moindres fujets font capables , on fauroit
le nombre de pieds quarrés contenus
dans une piéce de terre. Si l'on avoit
choifi l'arpent moyen dont nous avons
parlé , & il y a mille occafions où l'on
en pourroit convenir alors autant de
fois qu'on auroit quarante mille pieds
quarrés , autant on auroit d'arpens de la
grandeur convenue.
,
Quant aux fractions , autant de fois
qu'on auroit 20000 ou 10000 , autant
de fois on auroit des demis ou des
quarts ; & quant aux fractions ultérieures
, autant de fois qu'on auroit 400
pieds , autant on auroit de perches quarrées.
Il feroit aifé de faire pour cela des
tables qui ne feroient ni longues ni embarraffantes
, & qui rendroient l'arpentage
une opération fimple & à la portée
des moindres villageois ; aulieu qu'il faut
aujourd'hui pour ce travail de prétendus
-Experts , qui font les importans , & qui
font payer chérement leurs vacations.
Pour opérer dans cette méthode , on
prend une chaîne de vingt pieds où les
JANVIER. 1763. 129
demis & les quarts , les pieds même
font marqués ; on mefure les deux côtés
d'un quarré quelconque , le nombre des
chaînes contenues en chaque côté ſe
réduit aisément en centaine & en mille,
& on les porte féparément fur le papier
à mesure qu'on avance dans fon
opération ; & comme on l'a dit , autant
de fois qu'on a 40000 pieds , autant
on compte d'arpens ; bien entendu que
s'il y a quelque inégalité dans les côtés
correfpondans , on redreffe le tout , en
prenant un moyen proportionnel ; je
veux dire que fi un côté avoit 110
pieds , tandis que fon correfpondant
n'en auroit que 102 ; alors on additionneroit
ces deux nombres , & l'on en
prendroit la moitié 106 pour en faire
l'un des membres de la multiplication .
Mais du refte ce font là des notions
qu'on doit fuppofer dans tout homme
qui fe mêle d'arpentage.
Voici une table relative à la propofition
précédente.
400 pieds font une perche quarrée.
600 pieds font une perche & demie.
800 pieds font deux perches,
1000 pieds font deux perches & demie.
1200 pieds, font trois perches..
F v
130 MERCURE DE FRANCE.
1600 pieds font quatre perchesel X nimch
2000 pieds font cinq perches.prem zie
3000 pieds font fept perches & demien
4000 pieds font dix perches . oo 29uiting
5ooo pieds font douze perches & demie.
6oco pieds font quinze perches:
7000 pieds font dix fept perches & demie.
8000 pieds font vingt perches. int
39000 pieds font vingt- deux perches & demie.
10000 pieds fontvingt-cinq perehes.
20000 pieds font cinquante perches.
30c00 pieds font foixante- quinze perches.
40000 pieds font roo perches ou l'arp, moyen.
60000 pieds font 150 perches.
* 8000 pieds font 200 perches ou deux arpens.
100000 pieds font 2 arpens & demi .
200000 pieds font ƒ arpens.
300000 pieds font 7 arpens & demi..
400000 pieds font 10 arpens.
500000 pieds font 12 arpens & deini.
600000 pieds font 15 arpens.
700000 pieds font 17 arpens & demi.
300000 pieds font zo arpens.
900000 pieds font 22 arpens & demi.
1000000 pieds font 24 arpens.
Au furplus la méthode que je propoſe
du pied-de-roi pour antique meture des
Arpenteurs conviendroit à toutes les
variétés admifes par nos Coutumes ; car
JANVIER. 1763. 131
fi l'entier qu'on cherche , foit journal),
acre ou faumac , & c , fi cet entier contient
par exemple : 36000 pieds quarrés ,
plus ou moins , peu importe , autant
de fois qu'on aura 36000 pieds quarrés ,
autant on aura des mefures dui des entiers
que l'on cherché , & à proportion
des moindres fractions ou quantités. Il
n'y aura qu'à faire des tables relatives à
ces différentes mefurés pour abréger les
opérations , & fur-tout pour les rendre
beaucoup plus faciles à tout le monde.
ARTICLE IV.
BEAUX-ARTS.:'
!
ARTS UTILES. 1 .
ARCHITECTURE..
MESSIEURS ESSIEURS les Commiffaires dénommés
par l'Académie Royale d'Architecture
à l'examen des gravures du
fieur Dumont , ayant marqué par leur
rapport lé defir de voir augmenter la
-collection de cet Artite fur S. Pierre
de Rome, de nombre d'autres détails:
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
de cette Bafilique & continuer cet Ouvrage
autant pour l'utilité des Artiſtes
& Amateurs & la fatisfaction du Public
, que pour l'honneur de cet Architecte
, ont déterminé par leur rapport
-cet Artiſte à nous donner un fupplément
de 7 planches des détails de ce
Monument. La précifion & l'exactitude
de ces dernieres planches répond au
précieux que ces Meffieurs ont reconnu
aux premieres, Cette collection fe trouve
actuellement fixée à 30 planches fur
S. Pierre feul ; le prix en feuilles eft de
71.4 f.
Les portes du chevet de Ste Marie
Majeure ainfi que le profil & l'élévation
de la porte Farméfe qu'il avoit mis
à la fuite de fa collection de S. Pierre ,
font partie d'un fecond Cahier où il
joint une des Campaniles de Sté Agnès
avec fept croifées des plus beaux Palais
de Rome , imprimées deux à deux fur
une même feuille , ce qui fe monte à
12 études particulieres dont le prix en
grand papier eft de 3 l.
En petit papier ,
21. 10 f.
Les élévations , profils & détails de
la Sacriftie de Notre- Dame de Paris ,
gravées d'après les deffeins de M. Soufflot
, Architecte & Contrôleur des BâJANVIER.
1763. 133
timens du Roi forment un cahier de 6
planches , le prix en feuilles grand papier
,
Petit papier ,
I l. 10 f.
1 1. 4 f.
Divers projets de l'Auteur , cahier de
9 planches en feuilles , grand papier ,
I l. 10 f.
Une Fontaine de Bernin , exécutée à
la vigne Panphile, jointe au plan géométral
& élévation perfpective d'un Temple
des Arts , compofition de l'Auteur
pour fa réception à l'Académie de Rome,
en feuilles & grand papier , 1 1. 16f.
Petit papier ,
Il. Io f.
Les quatre petits cahiers de diverfes
parties d'Architecture , dont nous avons
ci-devant parlé , fe trouvent chez l'Auteur
également en grand papier à raifon
I l. 10 f
Et de même en petit papier à 1 1.5 f
Il les débite auffi tous quatre reliés
enfemble . Prix , .61.
de
A ces augmentations ci - deffus l'Auteur
met actuellement au jour douze plan .
ches fur les Salles de Spectacle . Ce cahier
renferme quatre plans des plus belles
Salles d'Italie . La cinquiéme eft occupée
par la fameufe Salle de Turin . La fixiéme
nous donne un projet de Salle de
l'Auteur. La feptiéme contient les plans ,
134 MERCURE DE FRANCE.
coupe & profil de la Salle de l'Opéra-
Comique , Foire S. Laurent. La huitiéme
donne tous les détails néceffaires à l'établiffement
des théâtres , & les quatre
dernieres les plans , coupes & profils
d'une petite Salle de machine , très - curieufe
par la fimplicité de fa méchanique
& par le peu de frais qu'elle entraîne
dans fes opérations . Ce cahier n'eft pas
le moins intéreffant des gravures que le
fieur Dumont vient de mettre au jour.
Les notes qu'il a eu foin de faire appofer
autant qu'elles étoient néceffaires
avec une échelle commune à la plus
grande partie de ces plans , donnent
Féclairciffement de leur rapport entre
elles. Le prix de ce cahier eft de 3 liv.
Une nouvelle perfpective repréfentant
l'intérieur d'un Sallon à l'Italienne
, compofition de l'Auteur auffi proprement
gravée que deffinée avec précifion
de perſpective. Prix , 11.4 £
Toutes ces gravures fe debitent toujours
chez l'Auteur, rue neuve S. Merry,
à l'hôtel de Jabac.
JANVIER. 1763, 135
PRIX propofé par l'Académie Royale
de
Chirurgie , pour L'année 1764...
L'ACADEMIE
' ACADEMIE Royale de Chirurgie
avoit propofé pour le Prix de l'année
1762 le Sujet fuivant :
Déterminer la manière d'ouvrir les
abfcès , & leur traitement méthodique fuivant
les différentes parties du corps .

De quatorze Mémoires reçus , un
feul dont la Devife eft : Inter utrumque
tene , medio tutiffimus ibis : a paru mériter
des éloges ; mais une mariere auffi
importante n'ayant pas été fuffifantment
approfondie , l'Académie a cru devoir
propofer le même fujet pour l'année
1764.
Le prix eft une médaille d'or de la valeur
de cinq cens livres , fondée par M.
de la Peyronie , & il fera double pour
cette année , c'eft -à-dire que celui qui
au jugement de l'Académie , aura fait
le meilleur ouvrage fur le fijet propofé ,
recevra les deux médailles d'or , ou une
-médaille & la valeur de l'autre , au choix
de l'Auteur.
Ceux qui envoyeront des Mémoires
136 MERCURE DE FRANCE.
-font priés de les écrire en François ou
en Latin , & d'avoir attention qu'ils
foient fort lifibles...
Ceux qui ont déja compofé pourront
faire à leurs Mémoires tels changemens
qu'ils voudront , & les renvoyeront
écrits de nouveau.
Les Auteurs mettront fimplement une
devife à leurs ouvrages ; mais , pour fe
faire connoître , ils y joindront à part
dans un papier cacheté & écrit de leur
propre main , leurs nom , qualité & demeure
, & ce papier ne fera ouvert qu'en
cas que la Piéce ait remporté le prix .
Ils adrefferont leurs ouvrages franc de
port à M. Morand , Secrétaire perpétuel
de l'Académie Royale de Chirurgie , a
Paris , ou les lui feront remettre entre
les mains.
Toutes perfonnes de quelque qualité
& pays qu'elles foient , pourront afpirer
au prix on n'en excepte que les Membres
de l'Académie .
Qu'au
La médaille fera délivrée à l'Auteur
même qui fe fera fait connoître
porteur d'une procuration de fa part ;
l'un ou l'autre repréfentant la marque
diſtinctive , ou une copie nette du Mémoire.
Les ouvrages feront reçus jufqu'au
JANVIER. 1763 . 137
dernier jour de Décembre 1763 inclufivement
; & l'Académie , à fon Affemblée
publique de 1764 , qui fe tiendra
le Jeudi d'après la quinzaine de Pâques
proclamera la Piéce qui aura remporté
le prix.
L'Académie ayant établi qu'elle donneroit
tous les ans fur les fonds qui lui
ont été légués par M. de la Peyronie
- une médaille d'or de 200 1. à celui des
Chirurgiens Etrangers ou Regnicoles ,
non membres de l'Académie , qui l'aura
mérité par un ouvrage fur quelque matiere
de Chirurgie que ce foit , au choix
de l'Auteur , elle l'adjugera à celui qui
aura envoyé le meilleur ouvrage dans le
courant de l'année 1763. Ce prix d'émulation
fera proclamé le jour de la Séance
publique .
Le même jour elle diftribuera cinq
médailles d'or de cent frans chacune à
cinq Chirurgiens , foit Académiciens de
la Claffe des Libres , foit fimplement
Regnicoles , qui auront fourni dans le
cours de l'année 1763 un Mémoire ou
trois obfervations intéreſſantes .
138 MERCURE DE FRANCE.
ARTS AGRÉABLES.
GRAVURE.
EDITION des CONTES DE
LA
LA FONTAINE,
?
A Littérature a été enrichie cette année
d'une très-belle édition des Contes
de M. de la Fontaine en deux vol. in- 8°.
A Amfterdam .
Peu d'ouvrages ont été traités avec
autant de foins le texte en eft épuré
d'après les éditions du temps de l'Auteur.
Son ortographe même y a été fcru
puleufement confervée ; le format , le
papier , les caractères , tout annonce le
choix , le goût & l'élégance . Le premier
Tome commence par un court éloge
hiſtorique du Poëte , morceau neuf en
ce genre , & généralement eftimé. Les
deux volumes font ornés de 140 gravu
res , dont deux portraits , quatre - vingt
eftampes d'après les Contes , quatre fleurons
, deux vignettes & cinquante-deux
culs - de-lampe.
Le portrait de M. de la Fontaine regarde
le frontispice du premier Tome :
JANVIER: 1763. 139
celui du Deffinateur occupe la même
place dans le fecond : tous deux font gravés
par le fameux Fiquet.
1
"
Les deffeins des eftampes & des vignettes
font de M. Eifen. Si cet Artifte célébre
s'eft quelquefois négligé(qui peut fe flater
d'être toujours égal ? ) Les fujets de
Richard Minutolo , de la Fiancée du Roi
de Garbe dans la grotte , la feconde
Deftampe du Faucon , & nombre d'autres
, renferment une expreffion pleine
d'intérêt 8a de fentiment. On fe rappelle
la touche de Rubens dans le Magnifique;
celle de Tenières dans les Troqueurs ;
celle des grâces dans le Villageois qui
i cherchefon veau , dans les deux amis &
ailleurs. Le paysage de promettre eft un
eft plein degoût. L'architecture eft noble
udans le mari confeffeur , & la fineffe de
•fa femme eft bien rendue . C'eft un beau
-morceau que le deffein de comment l'efprit
vient aux filles . Le pittorefque , la
force & la correction ifrappent auffi les
Connoiffeurs dans le Glomon, le Juge de
-Mefle ,Feronde , Oraifon de S. Julien ,
son ne s'avife jamais de tout. Nombre
d'autres d'une compofition riche & heureufe
, fe font affez remarquer pour que
nous nous, difpenfions: d'en parler. La
collection ' eft d'autant plus précieuſe ,
140 MERCURE DE FRANCE .
que MM. Aliamet , Lemire , Phlipart &
Longueil ont répandu dans la gravure de
prèfque tous les deffeins , l'excellence
& le charme de leur Art.
C'eft par une fuite néceffaire des foins
qu'on a apportés à la perfection de cette
édition que nous nous trouvons engagés
à dire quelque chofe du genre d'ornement
& des allégories dont on s'eft ſervi
pour les culs-de - lampe & fleurons. Il
fuffit pour en apprécier le choix d'entrer
dans le caractère de poëfie des Contes
de la Fontaine , dans lefquels an
remarque les graces , la légéreté & la
naiveté réunies , en un mot , cette fineffe
de touche ( fi nous ofons nous exprimer
ainfi ) qui anime fes peintures : c'eftice
que M. Choffard , deffinateur & graveur
chargé de cette partie , femble avoir
fenti & éxprimé en employant le genre
Arabefque , genre léger , délicat , illuftré
dans le dernier fiècle , & malheureufement
oublié de nos jours. Il a fçu
le faire revivre par des pensées & des
allégories d'autant plus piquantes & heureufes
, qu'elles font en général d'une
exécution parfaite.
Nous éffleurerons nos remarques à
ce fujet , & nous nous contenterons
d'obferver en faveur de l'Artiſte , &
"
JANVIER. 1763. 141
1
pour la commodité des perfonnes peu
verfées en cette partie , quelques allégories
relatives à l'ouvrage en général , &
particulieres aux Contes.
Nous y avons remarqué le fleuron du
premier Tome repréfentant la Lyre de
la Fontaine placée en regard de fon
portrait , environnée de myrthes & de
rofes pofées fur des couronnes de même
efpéce , & furmontées par celle de l'im-
"mortalité.
Le fleuron qui termine la Préface repréfente
un Satyre , emblême connu de
la paffion de l'amour , qui léve d'une
main le voile qui couvroit les plaifirs
du monde , & femble prêt à les divulguer
avec une trompette fatyrique qu'il ·
tient de l'autre. Ce Satyre paroît regarder
le génie de la nature , embrafant tout de
fon flambeau , qui fait la vignette du
premier Conte.
"
Les culs-de -lampe du cocu battu , du
payfan qui avoit offenfe fon Seigneur
de la fervante juftifiée , de la gageure des
trois commeres &c , quoiqu'agréables
par leurs formes & leur élégance , laiffent
remarquer des allufions plus recherchées
dans ceux du Calendrier du
Gafcon puni , de la Fiancée du Roi de
Garbe , de la coupe enchantée , &c.
و
142 MERCURE DE FRANCE .
L'Artiste paroît avoir voulu exprimer
dans celui du Calendrier des vieillards ze
par un amour entouré de fleurs de la
jeuneffe , & qui montre l'heure de midi
à un globe horaire qu'il foutient , que
la fleur de l'âge eft le vrai temps du
mariage.
Celui de la Fiancée du Roi de Garbe
eft principalement formé des attributs
& du voile de l'hyménée , fur lequel
font pofés les chiffres d'Alaciel & de
Mamolin. Il couvre de fon ombre une
efpéce de chaîne de myrtes fleuris , enrichis
des huit médaillons de fes premiers
amans .... voile très-bienfaifant !
L'allégorie de la coupe enchantée ſẹ
trouve dans la nature de la jaloufie. On
diftingue au milieu des fumées funébres
le trepied d'Hecate , qui fervoit aux enchantèmens
, portant un coeur rongé
des ferpens de la jaloufie .
Les ornemens de ce volume font terminés
par le cul - de-lampe de la differta- i
tion fur la Joconde , où l'on voit des
grenouilles croaffant après les attributs
de la Poëfie , vrai fymbole des mauvais
critiques.
Le fecond volume s'ouvre par un
fleuron en regard du portrait de M.
Eifen. L'allégorie en eft animée & hoJANVIER.
1763 . 143
norable à la Peintnre. La Préface eft fuivie
d'une autre dont la penfée paroît liée
avec le fujet de la vignette fuivante . It
repréfente deux jeunes amours qui , dès
leur aurore , femblent offrir un myrthe ,
& confacrer une chaîne de fleurs à leur
mere , défignée fous l'emblême de la
volupté , fervant de vignette à la premiere
page où commence le Conte des
oies de Frère Philippe. Ce Conte eft
terminé par un cul-de-lampe des plus
agréables : c'eſt un jeune oifeau qui au
lever du foleil s'élance vers d'aimables
objets en cherchant à s'éloigner d'un
trifte féjour , d'une beface & d'un bâton
, où il eft encore attaché. Le fuivant
eft une allufion fenfible du Conte de
Richard Minutolo : l'amour au milieu
des rofes s'appuyant un maſque à la main
fur un fac d'argent , & entouré d'un
filet tendu , rend affez bien les moyens
& les reffources qu'un amant employe
en pareil cas .
L'Oraifon de S. Julien , Hermite , la
Mandragore , où l'on voir l'aveugle ftu
pidité bridée & enlacée par la fineffe ; les
Remois, la Courtifane amoureufe , Nicaife
, le diable de Papefiguierre ont auffi
leurs attributs dans celui de la Courtifanne,
qui eft le corps piqué d'or du Conte , fe
144 MERCURE DE FRANCE .
trouve brodée la Vanité faifant hommage
à l'Amour. Celui de Nicaife eft
tiré fans doute des deux derniers vers
qui ont fait naître l'idée de l'occafion
entourée de fes vapeurs s'échappant de
deffus un tapis.
Féronde , dont le travail eft précieux ,
mérite qu'on en recherche la penſée.
Celui du Roi Candaule & du Maître
en Droit réunit les attributs des deux
Contes dans un tableau furmonté d'un
trophée convenable à la famille des Héraclides.
C'eft un Prince , le bandeau fur
les yeux , répandant fes tréfors les plus
chers devant un courtisan prêt à s'en
emparer. Le bas du cul-de-lampe eſt
orné d'un bas-relief affez plaiſamment
couronné , qui repréſente le moment de
la lanterne du Maître en Droit.
Ceux du diable en enfer , de la Jument
du compere Pierre , de la chofe
impoffible , font très- ornés , & précedent
celui du tableau. Si l'Artiſte a eu
en vue ce mot de la Fontaine
Tout y fera voilé , mais de gaze & fi bien ,
Que je crois qu'on n'y perdra rien.
on peut dire à fa louange , qu'il a rendu
l'intention du Poëte.
Nous pourrions auffi parler avantageufement
JANVIER. 1763 . 145
geufement du bât , dufaifeur d'oreilles ,
du fleuve Scamandre , du reméde , du
contrat & de plufieurs autres que nous
n'avons point nommés ; mais ce feroit
priver le Lecteur intelligent des amufemens
qu'il y trouvera lui - même. Nous
finirons nos remarques par le cul - delampe
du Roffignol , qui eft le dernier
des Contes.
L'Auteur a profité de l'efpace pour y
placer un médaillon , dans lequel il a
gravé fon portrait , qu'on lui avoit demandé.
Quelques nuées légéres & tranfparentes
féparent ce médaillon & les ornemens
d'avec le Roffignol , qui y eft
dans fa cage , & donnent au tout enfemble
une douceur & une harmonie
intéreffante. Nous croyons l'allégorie.
& le fymbole de la guirlande d'olives
& les rofes qui entourent ce portrait ,
auffi-bien employés à ce fujet, que toutes
celles qui font répandues dans l'ouvrage
.
Lambert & Duchefne , rue de la Comédie
Françoife & rue S. Jacques , &
plufieurs autres Libraires , ont reçu quelques
exemplaires de cette belle édition .
I. Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE.
LARÉCOMPENSE VILLAGEOISÉ ,
eftampe admirable gravée par M. Lebas ,
d'après C. Lorain , & dédiée à M. le Marquis
de Marigny , fe vend , ainfi que les
premiers & feconds Ports de France ,
chez l'Auteur , rue de la Harpe , vis- àvis
la rue Percée , en porte cochere .
LETTRE à M. D ...
ga
JE
E ne fais
aucun
doute
, Monfieur
que
l'eftampe
que
M. Feffard
vient
de
donner
au Public
d'après
le beau
tableau
de P.P.
Rubens
, du cabinet
du Roi
, &
faite
pour
augmenter
la belle
collection
:
que
Pon
conferve
au cabinet
de S. M.
ne vous
ait fait
la même
impreffion
ainfi
qu'aux
foufcripteurs
& amateurs
, qu'elle
m'a
faite
à moi-même
. L'Auteur
me
paroît
confommé
dans
l'étude
de l'art
qu'il
profeffe
, & l'on
peut
dire
qu'il
a
rendu
Rubens
dans
fa touche
& dans
fes effets
avec
une
grande
vérité
. Je
crois
que
nous
devons
nous
attendre
encore
à de nouveaux
efforts
de fa part
pour
la fuite
de ce grand
projet
, puifqu'il
a rendir
le coloris
de Rubens
, &
les
différentes
étoffes
de fes tableaux
,par
JANVIER . 1763. 147
un genre de gravure & d'oppofitions qui
ne dérangent rien à l'effet. Je crois
donc que le fujet qu'il grave actuéllement
dont la pureté du deffein eft
d'une grande beauté & d'une belle ordonnance
, gagnera encore par l'étude
qu'il a faite du coloris de Rubens. Le peu
d'exemplaires qui lui refte de cette
eftampe , la planche étant déposée au
cabinet de S. M. doit l'encourager à
fuivre vivement fon entreprife. Quant
à moi , je fouhaite que fa convalefcence
lui permette un travail qui ne peut que
lui faire honneur : & je me flatte qu'il ne
fera pas fâché qu'un de fes foufcripteurs
ait entrepris de lui rendre la juftice qui
lui eft due.
J'ai l'honneur d'être , & c.
MDE
MUSIQUE.
·
DE de Saint- Aubin , connue par
fes talens pour la Mufique , a imaginé
une lyre qu'elle a fait exécuter par le
fieur Macra. Il y a un méchanifme de
regiftres pour les diézis & les bémols
qui donne la facilité de jouer fur tous
les
tons.
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
"""
ARTICLE V.
SPECTACLE S.
AVERTISSEMENT.
LES Spectacles font, fans contredit,
» l'objet le plus intéreffant des amufe-
» mens du Public , & la partie la plus,
» agréable de notre Littérature : rendre
» compte féchement de ce qui les con-
» cerne , n'en faire pour ainfi dire que.
» copier les affiches , feroit un travail
» ftérile à l'égard de ceux même qui fré-
» quentent habituellement nos Théâtres ;
» bien plus encore à l'égard de ceux®
» que l'abfence de la Capitale ou d'au-
» tres caufes privent de cet amuſement.
» On a donc cru devoir entrer dans cer-
» tains détails fur les ouvrages nou-
» veaux , fur la remife des anciens
» ainfi que fur les talens de ceux qui les
» repréfentent. Ces détails peuvent &
» doivent fatisfaire les Lecteurs qui ont
» affez d'efprit pour douter de leur ju-
» gement , & vouloir le conférer avec
"
?
JANVIER. 1763 . 149
"
» celui de la plus faine portion du Pu-
» blic , que nous confultons toujours
» avec foin , & qui dicte ordinairement
" tout ce que nous avançons . Combien
» ces mêmes détails deviennent-ils plus
» inftructifs pour les Lecteurs éloignés
» des Théâtres , defquels cependant
» ils ont quelques connoiffances , par
» la célébrité de plufieurs ouvrages &
» des talens diftingués dans nos jeux
dramatiques. Le foin d'être utile
» pour l'avenir aux recherches des
» Curieux , amateurs du Théâtre , feroit
» feul un motiffuffifant pour nous en-
» gager à en conferver , comme un dé-
»pôt , toutes les particularités , celles
» même qui paroiffent minutieufes dans
» le temps où elles font fous nos yeux .
» C'eft d'abord dans notre Journal
» qu'on va les chercher ; & nous remar-
» quons tous les jours que lorsqu'on ne
les y trouve pas auffi détaillées qu'elles
» pourroient être , on fait mauvais gré
» à ceux de nos Prédéceffeurs qui les ont
·» négligées. Nous connoiffons tous , par
» exemple , & l'on n'oubliera de long-
» temps encore la réputation de quel-
>> ques anciens Acteurs du Théâtre Fran-
» çois & de celui de l'Opéra ; mais une
tradition , déja fort incertaine , & qui
G iij
150 MERCURE DE FRANCE .
" s'obfcurcit de plus en plus en s'éloi-
» gnant , nous laiffe à peine diftinguer
» en quoi confiftoit fpécialement l'ex-
» cellence de chacun de ces grands ta-
»lens , & ce qu'ils pouvoient avoir de
» commun ou de diftinctif par rapport
» à ceux que nous admirons aujour-
» d'hui circonftances indifférentes au
» Lecteur indifférent lui-même fur cette
» matière , mais circonftances précieu-
» fes pour l'amateur éclairé , & qui de-
» vroient l'être encore davantage pour
» quiconque defire férieufement faire
» des progrès dans les mêmes talens.
» Nous avons reçu fréquemment tant
» de la Province que de la Capitale , des
» témoignages affurés de fatisfaction fur
» cette maniere de traiter l'Article du
» Théâtre . Mais elle nous engage dans
» une critique difcutée de bien des par-
»ties qui n'en paroiffent pas fufceptibles
» à tous les Lecteurs ; & par une autre
» néceffité , qu'indique l'honnêteté pu-
» blique à quiconque eft fait pour la
» connoître , cette critique nous a en-
" gagé dans des éloges étendus & réï-
» térés. La raiſon en eft facile à fentir .
» A l'égard des talens fupérieurs , ils
» font fouvent dans le cas de varier les
» motifs & les occafions de l'admiraJANVIER.
1763. 151
tion publique. Il nous avoit paru jufte
>>alors moins encore d'yjoindre la nôtre,
» que de conftater les différentes épo-
» ques de leur gloire. A l'égard des ta-
» lens inférieurs , même des talens mé-
» diocres ; nous avons penfé qu'il feroit
» fouvent cruel & toujours décourageant
» pour eux , de ne pas envelopper les
»juftes cenfures qu'exige leur propre
» intérêt , dans l'éloge de quelques par-
» ties où ils font des progrès & quelque-
»fois de difpofitions ou de facultés na-
» turelles , dont on les avertit par-là de
"
faire un meilleur ufage. C'eft une fem-
» me que l'on trouve laide ordinaire-
» ment , parce qu'elle fe néglige , que
l'on peindroit dans un moment heu-
» reux , où fes foins auroient embelli fa
» phyfionomie. Il eft à préfumer que ce
» Portrait l'engageroit à redoubler de
» pareils foins , à en prendre de nou-
» veaux , pour juftifier & furpaffer , s'il
» étoit poffible , l'art officieux du Pein-
» tre. Nous fommes & nous devons
» être fouvent ce Peintre à l'égard des
» gens de talens . Voilà ce que nos Lec-
» teurs ne veulent pas toujours affez con-
»fidérer. Ce ne font pas nos Portraits
» qu'il faut accufer d'être infidéles , lors
» même qu'ils font flattés , c'eſt aux
"
Giv
152 MERCURE DE FRANCE .
objets de nos peintures à qui il faut
» s'en prendre , s'ils ne font pas toujours
» conformes , & quelquefois fupérieurs
» au moment favorable que nous avons
étudié , & que fouvent nous avons eu
» tant de peine à faifir.
»
» Malgré des raifons qui nous fem-
» blent fi bien fondées, nous ne pouvons
» nous diffimuler ( & nous l'avons trop
» éprouvé ) qu'en général la louange
» entre Concurrens , ou qui prétendent
» l'être , eft l'écueil où fe brife toute
» prudence humaine.L'amour- propre de
» chaque particulier eft , fur cela , dans
» une oppofition perpétuelle au fenti-
» ment des autres , & prèfque jamais
» dans un rapport exact avec la vérité ;
»il n'en faut pas excepter les talens les
» plus modeftes . Il arrive donc que cha-
>> cun de ceux à qui nous diftribuons
» des éloges , ne trouve de trop reffer-
» rés que les fiens & tous les autres d'une
» prolixité injufte & fuperflue . Les amis
» de chaque Complaignant leur prêtent
"
obligeament leurs voix ; car il eft pro-
>> digieux combien on trouve d'amis pour
déprimer les autres , & fur-tout pour
» condamner un Journaliſte !
» Nous connoiffions tousles inconvé-
» niens de notre conduite ; nous les
JANVIER. 1763 . 153
» avons bravés. Ce n'eft ni par une or-
»gueilleufe indifférence fur le fentiment
» de ceux que nous avons toujours chefché
à obliger & que malheureufe-
» ment nous avons pu mécontenter , ni
» par la coupable négligence du premier
de nos devoirs , qui eft de fatisfaire
» le Public ; mais parce que nous avons
» regardé cette conduite comme la plus
» utile au progrès de l'Art dramatique :
» partie éffentielle de la gloire littéraire
» de notre Nation .
» Si les motifs que nous venons d'expofer
dans cet avertiffement , ne nous
» juftifient pas fur les moyens,aux yeux
» de l'amour-propre bleffé & encouragé
" par l'Envie ; nous nous flatons au moins
» qu'ils nous juftifieront fur l'intention,
auprès de tous les Juges défintéreffés .
» Cependant comme on doit éviter
les reproches les plus mal fondés ; confme
d'ailleurs la puérile jaloufie de quel-
» ques Ecrivains pourroit leur faire croire
» & peut- être faire dire par leurs amis ,
» qu'ils poffédent exclufivement à nous ,
» ce talent de l'efprit , dont nous ne
connoiffons point encore d'exemple
fur la terre , par lequel on puiffe fe concilier
un fuffrage unanime dans une
» inégale diſtribution d'éloges ; nous fe
Gv
154 MERCURE DE FRANCE .
» rons déformais plus moderés dans cette
» diſtribution, même à l'égard desTalens
» les plus fupérieurs , qui , peut- être en
» fecret , fe trouvent humiliés de n'être
» pas les objets uniques de toute efpéce
» d'attention .
» Nous donnons cet avis afin que. dans
les Provinces , on n'infére pas de no-
» tre filence fur ceux dont nous avons
» parlé fouvent avec éloge , que leurs ta-
» lens foient dégénérés , & qu'ils ayent
» ceffé d'en mériter journellement de
> nouveaux .
» Nous prévenons encore , que nous
>> ne nous reſtraindrons pas dans une fervile
contrainte fur ce que nous nous
» propofons ; relativement fur- tout aux
» Spectacles de la Cour. Aucune confi-
» dération perſonnelle ne nous détermi-
» nera à priver des Sujets affez heureux
» pour plaire à leur Souverain , du prix
de leur zéle & de leurs foins , en ne
» publiant pas cet ineftimable avantage.
» Nous ne nous difpenferons pas
» non plus , de continuer à donner fur
les Ouvrages nouveaux , des extraits
& des remarques affez étendues pour
»développer tout le mérite qui peut s'y
» trouver quelque fuperflu & quelque
» déplaifant que cela puiffe paroître à
JANVIER. 1763 . 155
» ceux de nos Auteurs dramatiques que
» le Public n'a pas accoutumés à fes ap-
-» plaudiffemens , & qui par conféquent
» ont eu peu à fe louer des Journalistes.
SPECTACLES du Roi à Choifi.
LEE Lundi 13 Décembre , les ComédiensFrançois
repréfenterent fur le Théâ
tre du Roi, dans fon Château de Choifi
en préfence de Leurs Majeftés & de la
Famille Royale , Irène , Tragédie du
fieur BOISTEL , Tréforier de France à
la Généralité d'Amiens. On a vu par
l'extrait de cette Piéce dans le précédent
Mercure , qu'elle contient un rôle très-
.confidérable pour la Dle CLAIRON,,
aux rares talens de laquelle la Cour eft
auffi fenfible que la Ville.
Cette Tragédie fut fuivie du Legs ,
Comédie en un Acte en profe de M.
MARIVAUX de l'Académie Françoife
(a) . La Dlle DANGEVILLE & le
fieur PREVILLE y jouoient les rôles
,
(a) Certe Piéce fut donnée à Paris pour la pre-
-miere fois en 1736 , elle eft repriſe très-fouvent
toujours avec fuccès.
(G vi
1
156 MERCURE DE FRANCE .
dans lesquels ils font toujours un nouveau
plaifir .
Le lendemain 14 les mêmes Comédiens
repréfenterent le Complaifant
Comédie en cinq Actes en proſe , Auteur
anonyme ( b ) , & l'Epouxparfipercherie
(c) , Comédie en deux Actes ,
en vers de feu M. de Boissi , de l'Académie
Françoife.
,
Le fieur GRANDVAL retiré du
Théâtre de Paris , comme Penfionnaire
du Roi & rempliffant ce fervice à la
Cour , a joué le rôle qui donne le titre à
la premiere de ces deux Piéces. On lui a
retrouvé les mêmes talens que l'on a long
temps & conftamment applaudis en lui ,
particuliérement dans ce que nous entendons
par le haut-comique. Le fieur
BELCOUR , qui a remplacé le fieur
GRANDVAL dans fon emploi à la Comédie
, a joué avec fuccès dans la feconde
Piéce le principal rôle , qui exige
beaucoup d'art , & par lequel il a contribué
avec les autres Acteurs à rendre
cette Comédie très-agréable au Public
( b) Repréſentée pour la premiere fois à Paris
en 1732 , à la Cour en 1733 , repriſe en 1734
avec autant de fuccès que dans la nouveauté.
(c)L'Epoux par fupercherie a été donnée à Pa
ris pour la premiere fois en 1744 .
JANVIER. 1763. 157
1
Toutes les fois qu'on la repréfente à
Paris . Ce Spectacle a paru faire plaifir
à la Cour , dont le fuffrage femble auffi
confirmer le goût du Public pour les tálens
du fieur MOLÊ , qui a joué dans les
deux Piéces.
Le Mercredi 15 on fit exécuter fur le
même Théâtre par les Sujets de la Mufique
du Roi & de l'Académie Royale
deux Actes détachés d'Opéra en forme
d'intermédes. Le premier étoit Alphée
& Aréthufe ( d) , Poëme du feu lieur
DANCHET , mufique du fieur d'Au-
VERGNE . La Demoifelle ARNOULD
dont on connoît la touchante expreffion
dans la voix , dans le jeu & dans
la figure , repréfentoit Aréthufe . Le fieur
L'ARRIVÉE , dont les talens n'avoient
pas encore eu occafion d'être connus fur
les théâtres de la Cour , chantoit le rôle
d'Alphée. Le fieur GELIN , celui de
Neptune. La Demoifelle DUBOIS L.
chantoit le rôle de Vénus .
Le fecond intermédt étoit un Acte
des Fêtes de l'hymen & de l'amour ,
ballet intitulé Arueris ; Poëme du feu
(a Cet Acte fait partie des fragmens que l'on
a donné cet Eté fur le théâtre de l'Opéra , & que
l'on y continue tous les Jeudis,
158 MERCURE DE FRANCE.
fieur CAHUSAC ; Mufique du fieur RAMEAU.
Le fieur GELIOTE , Ordinaire de la
Mufique du Roi , retiré du Théâtre depuis
plufieurs années , a exécuté dans
cet interméde le rôle d'Arueris avec la
même voix & les mêmes talens qui l'ont
rendu fi célébre . La Dlle LEMIERRE ,
( époufe du fieur LARRIVÉE ) y chantoit
le rôle d'ORIE : elle s'en eft acquittée
d'une maniere à réaliſer la fiction
des rôles , par laquelle ARUERIS ,
Ordonnateur & Juge des jeux , où concourent
les talens dont il eft le maître
& le modéle couronne la jeune ·
ORIE pour le prix du chant . La Demoifelle
DUBOIS L. & le fieur BÊCHE , de
-la Mufique du Roi , repréfentoient un
Berger & une Bergère , perfonnages
acceffoires dans cet Acte .
Dans le premier interméde les pas
Teuls & les principales entrécs ont été
danfés par les fieurs LANI , LAVAL,
GARDEL , DAUBERVAL & GROSSET
, & par les Demoiselles ALLARD.,
PESLIN & DUMONCEAU. Dans le fecond
, les Demoifelles LANI , ALLARD
, PESLIN & DUMONCEAU, à la
place de la Demoiselle VESTRIS , malade.
Les fieurs VESTRIS , LANI, LA
JANVIER. 1763. 159
VAL, GARDEL , DAUBERVAL &
GROSSET.
On avoit ajouté à la fin de l'Acte d'ARUERIS
l'arriette & la belle chaconne
du fieur LE BRETON dans IPHIGENIE.
Ces deux morceaux firent la même impreffion
qu'ils font journellement fur le
Théâtre de Paris , & exciterent les plus
grands éloges , tant en faveur de l'Auteur
que de la Demoifelle LEMJERRE
qui chantoit cette Arriette , & du fieur
VESTRIS fur fa danfe dans la chaconne .
On a remarqué dans ce morceau, plusfenfiblement
que jamais , le talent fpécialement
propre à ce grand Danfeur, d'adapter,
avec une forte d'enthoufiafme poëtique
, fes pas au caractère & à l'expref
fion de la Mufique.
Sa Majefté , après le Spectacle , a eu
la bonté de déclarer publiquement la
fatisfaction qu'elle avoit eue des principaux
talens qui s'étoient diftingués en
divers genres dans l'exécution de ces
Spectacles.
SPECTACLES de la Cour à Versailles.
LES
ES changemens & augmentations
qu'on a faits au Théâtre du Château ,
n'ayant pû être finis plutôt , on n'a.com160
MERCURE DE FRANCE .
mencé à y repréfenter cet hyver que le
Mercredi 21 Décembre. Les Comédiens
Italiens y jouerent Arlequin Baron Suiffe
, Piéce Italienne , & le Cadi dupé ,
Opera- Comique , dans lequel le fieur
CAILLOT joue le rôle d'Omar Teinturier
, que jouoit le fieur AUDINOT
dans l'établiffement de cette Piéce.
Le lendemain 23 les Comédiens Fran
çois y repréſenterent Iphigénie en Tau
ride , Tragédie du feu fieur GU IMONT
DE LA TOUCHE , fuivie du Rendezvous
, Comédie en un Acte & en vers
du feu fieur FAGAN.
N. B. On rendra compte dans le
prochain Mercure des Spectacles de la
fin du mois de Décembre.
SPECTACLES DE PARIS.
OPERA.
L'ACADÉMIE Royale de Mufique à
continué le repréfentations d'Iphigénie
les Dimanche , Mardi & Vendredi , &
les Fragmens les Jeudis. Le fieur VARIN
, bafle-taille , nouvellement arrivé
de Bordeaux, a débuté dans un des Actes
des Fragmens par le rôle de Neptune .
JANVIER. 1763 .
161
La voix de ce débutant paroît intéreffer
beaucoup les amateurs de ce Spectacle.
On la trouve belle, bien timbrée , d'une
qualité de fon agréable , jointe à la facilité
des agrémens du chant , & notamment
des plus belles cadences battues
de tout le volume de la voix .
On prépare fur ce Théâtre pour le
courant du préfent mois,un Opéra nouveau
, intitulé Polixène , Tragédie,Poëme
de M. JOLIVEAU , Secrétaire perpétuel
de l'Académie Royale de Mufique,
Mulique de M. DAUVERGNE.
Depuis l'abfence de M. VESTRIS ,
M. GARDEL a danſé , à chaque repréfentation
d'IPHIGENIE , la Chaconne
qui termine cet Opéra avec tant d'éclat.
Dès le premier jour il y eut les plus
grands applaudiffemens , & ils ont êté
chaque fois plus unanimes & plus mérités.
M. GARDEL ne copie point dans ce t
Entrée, & y met cependant tout le feu &
toute la jufteffe d'expreffion qu'on puiffe
defirer. On remarque particuliérement
dans le Couplet du Crefcendo une maniere
de pas précipités & enchaînés par
lefquels ce jeune Danfeur écrit exactement
aux yeux les notes de ce Coupler.
Il joint à cette fidelle & vive expreffion
162 MERCURE DE FRANCE .
dans tout le morceau , une légéreté facile
& un à-plomb furprenant , avec une
force qui laifferoit croire , à la fin de
cette Entrée , une des plus fortes & des
plus longues qu'on ait encore vu danfer
au Théâtre , qu'il fourniroit de fuite
une pareille carrière avec la même facilité.
COMEDIE FRANÇOISE.
ONNa continué fur ce Théâtre la
Piéce intitulée Heureufement , dont nous
avons parlé dans le précédent Mercure ;
fon fuccès nous engage à en donner
une analyfe.
EXTRAIT d'HEUREUSEMENT ,
Comédie en Vers , en un Acte , par
M. ROCHON DE CHABANNES.
PERSONNAGES.
M. LISBAN ,
Mde LISBAN ,
LINDOR ,
MARTON ,
PASQUIN ,
ACTEURS.
!
M. Préville.
Mlle Huffe.
M. Molé.
Mlle Dangeville.
M. Dubois.
La Scène eft dans l'appartement de Mde Lisban.
JANVIER. 1763. 163
1
Caractères des Perfonnages.
M. LISBAN eft un mari fur le retour
de l'âge , confiant , avec la fauffe
'prétention d'être un homme agréable &
amufant. Mde LISBAN ,une jeune femme
de vingt ans , étourdie , fans expérience
, mais éffentiéllement honnête.
LINDOR,un jeune homme de feize ans,
nouvellement dans le fervice , ne refpirant
que l'amour & la gloire , un caractère
enfin vraiment nationnal. MARTON
, une Soubrette vive , gaye & franche.
PASQUIN , un valet fans autre action
dans la Piéce qu'une fimple commiffion
de la part de LINDOR, mais dans
le rôle duquel il y a cependant quelques
petits détails de portrait affez agréables.
ANALYSE.
Mde LISBAN aime LINDOR fon petit
parent,beaucoup plus qu'elle ne croit;
MARTON l'aime auffi , mais ne s'en
fait point accroire à elle- même fur ce
fentiment. Mde LISBAN regarde LINDOR
comme un enfant fans conféquence
& MARTON comme un enfant fort
dangereux . La premiere compte beaucoup
fur elle-même la feconde n'y
compte point du tout & fait très-bien.
Tel eft le précis de l'entretien entre
164 MERCURE DE FRANCE .
Mde LISBAN & MARTON dans la
premiere Scène. M. LISBAN vient pour
emmener fa femme fouper avec lui
chez une Madame DORMENE . Mais
elle avoit déja pris fon parti fur ce foupër
: un attrait fecret donne d'autres affaires
à fon coeur ; cette Madame DORMENE
eft une femme qui l'ennuye ,
une migraine lui fert d'excufe . Le mari
confent à y aller feul , mais avant de
fortir , il apprend à fa femme que LINDOR
va partir pour l'armée. Elle eft
un peu troublée de cette nouvelle ; il
en plaifante à fa maniere & fort.
MARTON,qui a remarqué l'émotion
de fa Maîtreffe en apprenant le départ
de LINDOR , lui en fait malignement
la guerre , & Mde LISBAN s'obftine à
ne pas vouloir convenir de fa foibleffe.
Le valet de LINDOR vient annoncer
le départ de fon Maître , & demande
pour lui un moment d'audience ; on
fait beaucoup de réfiftances fondées fur
l'absence du mari ; MARTON les fait
ceffer & dit à PASQUIN d'aller chercher
fon Maître . Mde LISBAN gronde
MARTON de l'expofer ainfi dans une
démarche équivoque ; mais en fe retirant
elle lui recommande de la faire
avertir quand LINDOR viendra .
JANVIER. 1763 . 165
MARTON, reftée feule , fait des réfléxions
fur les fentimens de fa Maîtreffe
pour LINDOR , & ne fe déguife point
les fiens pour le même objet. Le jeune
Etourdi arrive en habit uniforme & le
chapeau fur la tête. Il aime fa coufine ,
il aime MARTON , dans le vrai , il aime
toutes les jolies femmes ; mais bien plus
qu'elles alors , il aime fon nouvel état
il est enchanté de fon habit d'ordonnancę
, & veut que MARTON le foit de
même .
,
Il parle guerre , amour , combats
maîtreffe , chevaux ; c'eft enfin ce qu'on
appelle un franc Poliffon . Mde LISBAN
le furprend avec MARTON même
fcène , mêmes folies , mais avec des
nuances différentes ; il eft plus galant
avec fa coufine , c'eft un Francois qui
en compte à une jolie femme. On fert
une colation ; il ne peut décemment y
avoir de foupé chez là coufine , à caufe
de la migraine & de l'abfence du Mari .
Les deux jeunes têtes , Mde LISBAN &
LINDOR fe mettent cependant à table
pour manger des fruits , des confitures ,
& c. M. LISBAN s'eft avifé de rompre fa
partie de fouper , pour faire le cadeau
à fa femme de revenir paffer la foirée
avec elle . On entend fon carroffe , on
166 MERCURE DE FRANCE.
temps ,
eft un peu déconcerté , & MARTON dit
qu'il faut faire cacher LINDOR . Elle
n'attend pas les ordres de Mde LISBAN ,
elle s'empare du jeune homme qui court
précipitament pour la fuivre & fe fauver
dans le falon. M. LISBAN entre
auffi-tôt que LINDOR eft retiré. Mde
LISBAN qui n'approuve pas l'étourderie
de MARTON , eft vingt fois
fur le point d'avouer que L IN DOR eft
dans la maifon ; mais fon mari , qui
parle toujours , ne lui en laiffe pas le
il débite avec confiance fes mauvaifes
plaifanteries , & développe la fotte
fatuitéde fon caractère , avec une bonne
foi très -comique . Il croit fa femme trop
heureufe de le pofféder. Il fe mocque de
tous ceux qui lui font la cour, il les plaint,
il les plaifante , il les défie ; il défie fa
femme elle-même , en un mot il eſt d'un
ridicule achevé. Mde LISBAN que tous.
fes propos -là ennuiroient en tous temps,
en eft impatientée dans fa fituation actuelle
. Elle veut fe retirer & prie ſon mari
de lui donner la main jufqu'à fon appartement
pour l'éloigner du voifinage de
l'endroit où elle foupconne LINDOR .
La bêtife déconcerte fouvent toutes les
mefures de la prudence , c'eft ce que
fait celle de M. LISBAN ; il veut abfoluJANVIER.
1763. 167
ment, pour l'amufer,lui aller chercher un
conte , & ce conte qui eft HEUREUSEMENT
, eft fort malheureuſement
dans le falon voifin , il y court. On doit
juger de l'embarras & des perpléxités de
Mde LISBAN , fon mari va tout découvrir.
Elle eft dans la plus grande agitation
lorfqu'il reparoît en jettant de grands
éclats de rire. Il a furpris LINDOR aux
genoux de MARTON ; ilvoit cela en plaifanterie
, & ne voit que cela ; il en fait.
le récit à fa femme, qui refpire en voyant
dequelle façon il prend le change . C'eſt
ainfi que fe dénoue la Piéce. Le mari ,
qui croit avoir le point de vue très-fin
fe félicite d'être arrivé chez lui très-àpropos.
Il fait des applications d'Heureufement
dans fon tourordinaire de plaifanterie
; mais dans fon opinion tout l'Heureufement
tombe fur MARTON ; & Mde
LISBAN , dont l'honneur eft fauvé , expofe
dans un Aparté , le but moral de
l'Ouvrage .
M. LISBAN.
9
Voilà de ces hazards. •
Mde LISBA N. ( à part. )
Qui fauvent l'innocence
Du danger oùſouvent l'expofe une imprudence
168 MERCURE DE FRANCE .
Pour donner une légére idée du ſtyle
de cette Piéce , nous allons rapporter le
peu de détails que les bornes de cet Article
peuvent nous permettre.
MARTON , dans la premiere Scène
trace ainfi le portrait du jeune . LINDOR
:
C'eſt un vrai Poliſſon , un Polifſon charmant ,
Il s'aime, il fe contemple, il court dans une glace
Admirer de fon port l'élégance & l'audace ;
Il nous fait admirer fa jambe , fon mollet ,
>> S'ils étoient emportés , dit- il , par un boulet ,
» Là , ſerieuſement ce feroit grand dommage !
» Eh bien j'aurois la croix ; oui la croix à mon âge,
» La croix pour une jambe ! Ah ! de bon coeur ,
» ma foi ,
> Je les facrifierois toutes deux pour le Roi.
Il tire fon épée , & bravant nos allarmes ,
» Une , deux , trois , à vous , & rendez - moi les. 22
>> armes ,
Nous dit-il. Un fufil vient àfrapper les yeux ; .
Il le met fur l'épaule & fait le merveilleux ,
Enfonce fiérement fon chapeau fur la tête ,
Va de droite & de gauche , avance un pas , arrête ,.
Nous ajuste , fait feu , s'amufe de nos cris ,
Et vole dans nos bras pour calmer nos eſprits.
Dans une Scène où Mde LISBAN
reproche
JANVIER . 1762. 169
reproche à LINDOR d'avoir l'air fi
content fur le point de la quitter , il lui
répond :
Audacieux Amant , Soldat vraiment François ,
Je n'ai jamais formé que deux ardens ſouhaits ,
De réduire une Belle & venger ma patrie.
La moitié de mes voeux fera bientôt remplie ;
Je pars , & je vaincrai : j'eſpére à mon retour
Joindre aux lauriers de Mars les myrthes de l'Amour.
OBSERVATIONS.
Le Conte d'où l'Auteur de la Comédie a tiré
fon Sujet , n'étant lui-même qu'un exemple moral
du hazard heureux , auquel les plus honnêtes femmes
doivent fouvent leur innocence , ne pouvoit
lui fournir une action bien intriguée ni complette.
Mais on doit , en rendant jultice à cet Auteur ,
lui fçavoir gré du joli Tableau qu'il a fait de ce
Sujet , fur la Scéne , & du comique agréable
qu'il a répandu dans les détails , fans blefler trop
fortement les bienſéances ſi délicates à conferver
dans un Sujet de cette nature . Quoique l'idée générale
d'Heureufement foit due primitivement à
l'Auteur des Contes Moraux , on doit convenir
cependant que prefque tout ce qu'il y a de Dramatique,
appartient à l'Auteur de la Comédie , &
même dans la partie de l'invention . Si, par exemple,
il a emprunté duConte le trait général du caractère
de LINDOR ,tous les détails du portrait (ont
de lui , excepté le Couplet où LINDOR dit à Mde
LISBAN qu'il reviendra bleffé , ce qui eft l'imita-
I.Vol. H
170 MERCURE DE FRANCE.
tion d'un des détails du Conte. Il en eft de même
du retour de M. LISBAN , pour venir caufer &
ennuyer la femme. Mais les ris de ce mari , à la
découverte qu'il fait de LINDOR avec MARTON ,
& toute la tournure de ce dénoûment font de
l'Auteur du la Comédie. Le plaifir qu'elle a paru
faire au Public , pendant onze Repréſentations de
fuite , autorife la confiance avec laquelle nous en
annonçons l'impreffion .
Cette Comédie imprimée , fe vend à Paris , chez
-SEBASTIEN JORRY rue & vis-à-vis la Comédie
Françoife. Prix vingt-quatre fols.
"
Cette Edition elt ornée d'une Eſtampe qui repréfente
le moment de la colation . Au bas de
l'Estampe , on voit les Armes de S. A. S. Monfeigneur
le PRINCE DE CONDÉ & pour Epigraphe,
le Vers : Je vais donc boire à Mars , qu'adreffa
Mlle HUSSE. très- refpectueufement à ce Prince , le
jour de la premiere Repréfentation de cette Piéce.
Voyez la Relation de ce fait dans le Mercure précédent.
Je finis cet Article par des Vers de
'Auteur à Mlle DANGEVILLE.
Un aurre Auteur que moi, charmante Dangeville,
Te loueroit fur ton jeu naturel & facile ,
Te repréfenteroit dans le facré vallon
Couronnant de lauriers les enfans d'Apolton,
Donnant à leur Ouvrage une nouvelle vie ;
Mais j'aime mieux louer ton coeur que con génie
Chez toi , parmi les tiens , au fein de tes amis ,
Recus avec candeur , mais avec choix admis :
Voci la belle Scène, ou loin de l'oeil du monde
JANVIER. 1763. 171
Tu m'as fçu pénétrer d'une eftime profonde ;
C'eft le Tableau touchant qui s'eft offert à moi :
On t'admire au Spectacle , on t'adore chez toi .
*.
Le Jeudi 2 Décembre , le fieur Bou-
RET,, fi connu & fi agréable au Public
dans un genre & fur un Théâtre différent
, a débuté fur celui de la Comédie
Françoife , par le rôle de Turcaret dans
la Comédie de ce nom , & par celui de
Crifpin dans Crifpin rival de fon Maître.
Il fut accueilli du Public très-favorablement.
On parut plus content de
fon jeu dans la feconde Piéce que dans
la premiere. Il avoit encore la crainte
& l'embarras que doit infpirer un Tribunal
auffi impofant qu'eft le Public à
ce Théâtre , beaucoup moins indulgent
pour fon Spectacle national dont il prife
le mérite réel , que pour ceux à qui il
permet de l'amufer , fans autant de délicateffe
fur le choix des moyens. Il a
continué fon début dans cette Piéce de
Turcaret & par le rôle de Crifpin des
Folies amoureufes , par celui d'un des
Ménechmes , de Sofie dans Amphitrion ,
de Crifpin Médecin , de Crifpin dans le
Légataire , du Valet dans l'Impromptu
de Campagne , dans le Joueur , dans
Pourceaugnac , & c. Le refultat des Ju-
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
gemens du Public fur cet Acteur , dans
ces différens rôles , nous a paru être, qu'il
feroit utile à ce Théâtre , furtout lorfque
l'exercice & l'expérience lui auroient
entiérement fait acquérir la fineffe
du comique que l'on y éxige.
Le Lundi 6 Décembre on donna
pour la premiere fois Eponine , Tragédie
nouvelle , retirée par l'Auteur après
la feconde repréfentation. Quoique le
Public ait paru juger que l'Auteur de
la Tragédie n'eût pas profité de tour
l'intérêt dont le Sujet étoit fufceptible ,
& qu'il ait eu à attendre jufqu'au troifiéme
A&te le commencement de l'action
tragique, les applaudiffemens qu'on
a donnés & qui étoient dûs à plufieurs
beautés diftinguées dans cette Piéce ,
doivent encourager cet Auteur à mériter
des lauriers qu'il femble fait pour
cueilir Ha premiere fois qu'il fe repréfentera
dans la carrière .
On a remis & continué, fur le même
Théâtre, ZELMIRE , Tragédie nouvelle
de M. DU BELLOY , donnée pour la
premiere fois le Printemps dernier. Cette
Piéce eft rendue avec une chaleur admirable
par les Acteurs , & cette remife
a beaucoup de fuccès. Nous avons donné
dans deux de nos Mercures antéJANVIER.
1763. 173
rieurs , des détails très- étendus fur cette
Tragédie .
Les Comédiens François répétent une
Comédie nouvelle en trois A&tes & en
Vers , intitulée Du Puis & Defronais ,
Sujet tiré du Roman des Illuftres Françoifes.
ANECDOTE fur feu M. SARRAZIN,
ancien Acteur du Théâtre François ,
décédé à Paris le 15 Novembre dernier
, & inhumé le 16 à S. Sulpice fa
Paroiffe.
Feu M. SARRAZIN , né à Dijon , étoit
d'une très-honnête famille . Son goût
pour le Théâtre l'avoit engagé dans plufieurs
Sociétés qui en faifoient leur amufement
, qui avoient acquis affez d'art
pour faire celui de beaucoup d'Amateurs
de ce genre . La plus remarquable de ces
Sociétés , où primoit M. SARRAZIN, repréfentoit
affez fréquemment au Château
de S. Ouën , appartenant alors à
feu M. le Duc de Gêvres , qui avoit bien
voulu accorder cette permiffion. C'eſt
de cette Société , & fans avoir joué ni
dans les Provinces , ni fur aucun Théâtre
Public , que M. SARRAZIN , dans
H iij
174 MERCURE DE FRANCE.
un âge où l'on eft ordinairement trèsformé
, avoit paffé tout de fuite au Théâtre
de la Comédie Françoife . Il y débuta
le 3 Mars 1729 par le rôle d'Oedipe
, dans la Tragédie de ce nom de
P. CORNEILLE ; le fuccès de ce début
fut fi favorable , que dès le 22 du même
mois , M. SARRAZIN fut reçu pour
doubler le célébre BARON dans l'emploi
des Rois. Après la mort de ce dernier
, arrivée le 22 Décembre 1729 , M.
SARRAZIN fut confirmé dans fon emploi
, préférablement à M. BERCI , par
un ordre du mois de Janvier 1730. Il
fut gratifié de la penfion de 1000 liv. à
la mort de M. DU CHEMIN en 1756.
L'année fuivante , il fut affligé d'une extinction
de voix qui l'empêcha de remplir
fon fervice jufqu'au mois d'Avril
1759 , qu'ilife retira du Théâtre avec
le Brévet de penfion de la Comédie de
1500 liv. conformément à l'Arrêt du
Confeil du 18 Juin 57 enregistré au
Parlement. Ainfi M. SARRAZIN a resté
30 ans à la Comédie , où il a fervi avec
un fuccès très-diftingué , jufqu'à la fin
de fà carriere. Dans les premieres an
nées , on lui reprochoit quelques difgraces
dans l'action , & peu d'enfem
ble dans l'habitude du corps ; mais ces
JANVIER. 1763... 175
légers défauts étoient fi heureufement
couverts par la partie du fentiment , qui
étoit naturelle & d'un effet admirable
dans cet Acteur . On fe reffouvient encore
avec fenfibilité , des larmes qu'il a
fait verfer dans beaucoup de rôles tragiques
de fon emploi & de l'attendriffement
qu'il faifoit éprouver dans les
Peres du HAUT COMIQUE .
N. B. La Penfion du feu Sr. SARRAZIN
a été donnée au S. ARMAND , le
plus ancien des Comédiens , fervant
actuellement au Théâtre François . Le
Roi a accordé à la Demoiſelle Du-
MESNIL , une penfion particuliere de
1000 liv. affignée fur le fond des Menus
.
COMÉDIE ITALIENNE.
ONN continue fur ce Théâtre avec un
fuccès égal & foutenu le Roi & le
Fermier , paroles de M. SEDA INE, Mufique
de M. MONSIGNI . Nous avons
annoncé la premiere repréfentation de
cette Comédie en trois Ades mêlée
de Mufique , dans notre précédent Mercure.
Le goût du Public s'eft promptement
décidé en faveur de cet Ouvrage ,
Hiv
176 MERCURE DE FRANCE.
pour lequel il n'a pas difcontinué de
marquer le plus grand empreffement.
Nous ne pouvons douter qu'on ne nous
fçache gré de préfenter une idée de la
contexture de ce Drame imité , comme
nous l'avons déja dit, d'un autre Drame
Anglois dont on a la traduction .
ANALYSE de la Comédie intitulée le
Roi & le Fermier.
La Scène eft en Angleterre.
Le premier & fecond Acte font dans
une forêt , & le troifiéme eft dans la
maifon du Fermier.
RICHARD , fils d'un Fermier, Infpecteur
des Gardes de la Forêt de Scheroud,
areçu de fon pere la meilleure éducation;
on l'a fait étudier, on l'afait voyager, peutêtre
pour le diftraire du trop vif attachement
qu'il commençoit à témoigner
pour une petite coufine nomnéeJENNY ,
& qui , orpheline dès fon bas âge , avoit
été élevée dans la maifon & par la mere
de RICHARD .
Après la mort du pere , le fils , de retour
dans fa patrie , prend poffeffion , &
de la ferme & de l'inſpection des chaffes ,
ainfi que du coeur de JENNY , plus belle,
& plus tendre que jamais. La mere apJANVIER.
1763. 177
prouvoit cette union ; le mariage étoit
près de fe faire ; mais JENNY n'avoit
pour tout bien qu'un troupeau qu'elle
conduifoit elle- même aux champs.
Un jeune Milord , qui avoit voyagé
auffi , mais qui n'avoit rapporté de fes
voyages que des vices & des ridicules ,
poffédoit un château aux environs , où
il faifoit fa réfidence . Il devient amoureux
de JENNY , fait détourner par fes
gens dans les cours de fon Château , le
troupeau de la Bergère. On lui dit d'aller
demander juſtice à Milord ; elle y court ,
mais loin de trouver, un Seigneur équitable
& bienfaifant , le Juge étoit le
complice , ou plutôt l'auteur du délit . Il
lui offre fon coeur & beaucoup d'or. Il
la prie , il la menace ; l'innocence étoit
fur le point d'être opprimée par la violence
, lorfqu'un ordre du Roi force le
Milord de monter à chevalpour le fuivre à
la chaffe.LeMilord ne perdpoint fes vûes,
il laiffe JENNY entre les mains d'une
femme qui , après avoir mis en ufage
toutes les infinuations de la féduction
l'enferme dans un cabinet à rez-de -chauffée
, & qui donnoit fur les foffés du château.
JENNY vive , alerte , en mefure
des yeux la profondeur , détache des ri
H v
178 MERCURE DE FRANCE.
deaux , les attache , fe gliffe , & le fauve
chez la mere de RICHARD .
2. Tout ce qu'on vient de rapporter pré-
'cede l'infant où commence la Comédie .
RICHARD ouvre la Scène ; fes premiers
regards dans la plaine avoient cherché
le troupeau de JENNY ; il apprend
qu'elle - même & fans efforts elle avoit
conduit fon troupeau chez le Milord , &-
qu'elle n'en étoit pas fortie : tous les tourmens
de la jaloufie & de l'incertitude
l'agitent tour-à- tour.
Des Gardes- Chaffe arrivent , il leur
donne l'ordre de battre le bois , d'arrêter
les Braconniers & de les amener chez
lui. Il demande comment le Roi eft vêtu,
il ne l'avoit jamais vû ; le Roi chaffoit
rarement dans cette forêt.
JENNY de retour chez la mere de
RICHARD , devant laqnelle elle s'étoit
totalement juftifiée , ( fon troupeau retenu
devenoit une preuve ) JENNY, certaine
de l'inquiétude de fon Amant,court le
chercher dans la forêt , accompagnée de
BETSY foeur de RICHARD , petite fille
de
quatorze ans , plus folle même que
fon âge : Elles le trouvent ; JENNY fait
connoître toute fon innocence , dans les
plus vives expreffions de la joye & de la
JANVIER. 1763. 179
tendreffe. Un orage annoncé dès le commencement
de la Piéce,forceRICHARD ,
BETSY & JENNY de fe retirer,
La nuit fuccéde à l'orage dont le
bruit exprimé par la fymphonie , remplit
T'Entre-Acte . Les Chaffeurs font difperfés
, le Roi eft égaré ; il eft tombé de
cheval , accablé de fatigues , ne ſçachant
où paffer la nuit , & comment retrouver
fa route. RICHARD le rencontre fans
le connoître, lui offre fon fouper ; le Roi
l'accepte & ne fe nomme point . Les
Gardes -Chaffe cependant rodent dans le
bois , trouvent deux Milords qu'ils prennent
pour des Braconniers ; ils les arrê
tent & les conduifent chez RICHARD.
Le troifiéme Acte repréfente l'intérieur
de la Ferme , la maifon de RICHARD .
Sa mere , JENNY & BETSY travaillent
en l'attendant. Il arrive avec le Roi
qui couvert d'une Redingotte n'a nulle
marque extérieure. Le fouper prêt, il fait
paffer le Roi dans une autre chambre.le
vin manque : RICHARD Court à la cave;
mais en revenant , un regard de JENNY
Tarrête fur la Scène ; il oublie le Roi &
l'Univers.
Le Roi laiffé feul à table , peut-êue
ennuyé des propos de la mere de R1-
CHARD , fort du lieu où il foupoit ; BIH
W
180 MERCURE DE FRANCE.
CHARD veut le faire rentrer : Non , dit
le Roi , je refte là ; vite , des verres , dit
le Fermier ; le Roi & lui boivent à la
fanté du Roi . JENNY & RICHARD
s'efforcent à l'amufer , en attendant un
Garde qui doit amener un cheval . Ils
chantent ; BETSY, qui eft fortie , rentre
en difant: Voilà les Gardes qui amènent
des voleurs. Ah Ciel ! dit JENNY , c'eſt
le Milord . Et elle fe cache.
La Scène eft difpofée de façon que
RICHARD , fa mere , & BETSY empêchent
que les Milords n'apperçoivent
le Roi.
Il est témoin fans être vû , de toute la
dureté d'expreffion de l'ironie amère que
peut mettre dans fes difcours un homme
puiffant qui abuſe du privilége de fa
naiffance. JENNY , dit le Milord ,
fortira de chez moi qu'à bonnes enfeignes.
Ilfied bien à un drôle comme toi... Voilà
le Roi , dit l'autre Milord . Le Roi fe
léve , & paroît.
ne
Après la furpriſe , le mouvement , le
murmure , caufés par fa préfence inattendue
, après les complimens emphafés
des Courtifans , après la confufion & les
excufes de RICHARD , ( tout cela exprimé
dans le cours du morceau de mufique
, ) le Roi demande au Milord ce
JANVIER. 1763.
181
que RICHARD veut dire touchant cette
fille , touchant cette JENNY . Ah ! Sire,
répond le Milord : une orpheline , une
infortunée de ce canton , que j'ai prife
fous ma protection,parce que RICHARD
vouloit l'époufer malgré elle. Malgré mois
dit JENNY ,dont l'apparition fubite confond
le Milord. Al'inftant le Roi punit
le Miord en l'éxilant , récompenfe RICHARD
en l'annobliffant , venge JENNY
en payant fa dot ; enfin il comble de
bienfaits une famille honnête , qui finit
la Piéce par des voeux pour le meilleur
des Rois.
N. B. Cette Piéce imprimée , fe vend
à Paris chez C. HERISSANT rue
Neuve Notre- Dame , à la Croix d'Or.
Prix 24fols. Les Airs détachés fe trouvent
chez le même Libraire , féparément.
Le prix 36 fols. La Partition générale
fe trouve auffi au même endroit & chez les
"Marchands de Mufique.
cien
REMARQUES.
L'Auteur des paroles , dans un Avertiffement ,
nous informe de la peine qu'il a eue à faire paroître
fa Piéce , par celle qu'il y avoit à trouver un Mufiun
grand Artifte qui voulût rifquer un
genre auffi nouveau en mufique. Il prévient par-
Ta les fuffrages que l'on doit & que le Public ac-
Corde à M. de MoNSIGNI. On prévoit facilement
182 MERCURE DE FRANCE.
en effet par la feule lecture de l'Analyſe du Sujet,
combien il étoit plus propre à la récitation fimple
de la Scène Dramatiqué , que fufceptible des ornemens
de la Mulique. Malgré tous les facrifices
qu'a fait l'Auteur du Drame à Idole nationale
du jour , à l'effet mufical , il luia fallu un arc
infini pour conferver ce qu'il y a dans quelques
Scènes de comique de l'efprit & de morale fpirituelle.
C'est ce que l'on reconnoîtra à la lecture de
l'ouvrage , beaucoup plus fatisfaifante que celle
d'autres Piéces qui font & ne peuvent être que des .
canevas de mots difpofés à recevoir des chants .
D'un autre côté , l'Auteur de la Mufique mérité
de très- juftes éloges , non-feulement des belles
images ingénieuſes & raiſonnées répandues dans
fes fymphonies , mais de la fagacité avec la
quelle il a trouvé le moyen de faire parler le
chant , & de le faire parler fans confufion dans les
morceaux à plufieurs parties. La Scène , où en at
tendant RICHARD , la MERE , BETSI & JENNI
chantent chacune des chofes différentes , eft un
tableau très-bien renda , & dont l'effet agréable
n'avoit pu être auffi bien fenti à la premiere
Repréfentation ; attendu la difficulté del'extrême
précifion qu'il exige dans l'exécution .
M. SEDAINE , décemment inqnier des foapçons
qu'on auroit pû concevoir contre certaines vérités
exprimées avec la fermeté qu'il avoit imitée du
modéle Anglois , a fait imprimer ce peu de phraſes
fur un feuillet joint à l'édition . On voit par - là
qu'elles ne font que des vérités de tous les temps ,
de toutes les nations , & que far-tout juftifie le
cadre où il avoit cu deffein de les enchâller Mais
il fe foumet modeftement aux regles policées de
notre goût , qui n'admettent pas l'air de dureté
qu'elles auroient pu avoir dans l'énonciation.
JANVIER. 1763. 183
On a remis fur ce Théâtre le 27 Décembre
Solimanfecond on Les Sultanes.
agréable Ouvrage de M. FAVART
dont on continue les Repréfentations
& que le Public revoit toujours avec un
nouveau plaifir .
CONCERT SPIRITUEL .
LA Concert do 8 Decembre Fête de la Conception
, commença par une fymphonie de la
compofition de M. GAVINIES . On éxécuta enfuite
un nouveau Motet a grand choeur de M. l'Abbé
GIROUT , Maître de Mufique de la Cathé
drale d'Orléans. M. BALBATRE éxécura fur l'Orgue
une fymphonie de fa compofition , à Timbales
& à Trompettes . Mile FEL chanta on petit
Motet. M. GAVINIES joua un Concerto de la
compofition & le Concert finit par un nouveau
Te Deum , Motet à grand choeur de M. REBEL
Surintendant de la Mufique du Roi .
Celui de la veille de Noël a commencé par
la Note di Natale de Correlli ; enfuite on éxécuta
un Motet à grand choeur mêlé fort agréablement
de Noëls par feu M. BOISMORTIER.
M. MAYER joua un Concerto fur la Harpe . Mile
Rozer chanta un petit Motet nouveau : le Public
parut content de fes progrès . M. CAPRON
joua avec fuccès le Printemps de VIVALDI , qui
fit un grand plaifir : ce qui devroit être une leçon
pour tous les gran is Talens ea inftrumens ,
qui manquent prèfque toujours l'avantage d'être
agréables aux Auditeurs , à force de vouloir éto:
utile.
184 MERCURE DE FRANCE .
ner un trés-petit nombre en état de leur tenir
compte de difficultés dont tous les autres ne fentent
pas le mérite. Mlle FEL chanta un petit
Motet du jour , mais toujours à l'Italienne. Le
Concert finit par Confitebor , Motet à deux choeurs
de M. FEO , Maître de Mufique de S. M. le Roi
des Deux Siciles . On croit que les Moters de ce
genre auroient de la difficulté à plaire à des
oreilles Françoiſes.
Le lendemain jour de Noël , la même ſymphonie
& les deux mêmes grands Motets de la
veille , ainfi que la fuite de Noël fur l'Orgue,
Petit Motet Italien de Mlle FEL. M. GAVINIES
joua un Concerto de fa compofition , où dans
an point d'Orgue il travailla très-fcavament &
avec beaucoup de variété un Noël connu. Ce
Concert finit par Domini eft Terra , Motet nouveau
à grand choeur d'un Auteur anonyme.
N. B. Depuis la nouvelle Direction , les Concerts
ont étéfort fuivis . L'affemblée étoit fi nombreufe
au Concert de NOEL , que quelque vafte que
foit la Salle , elle n'a pu contenir qu'une partie
des Auditeurs qui s'y font préſentés.

JANVIER. 1763. 185
ARTICLE V I.
SUITE des Nouvelles Politiques du
mois de Décembre 1762.
De HAMBOUrg , le i 15 Octobre.
IL eft à craindre que les différends qui s'élevent
entre le Roi de Danemarck & l'Impératrice de
Ruffie au fujet de l'adminiſtration du Duché de
Holftein n'ayent des fuites plus fâcheufes qu'on
ne l'avoit d'abord imaginé. La ceffion que le Roi
de Suéde a faite de fes droits au Roi de Dannemarck
par une convention particuliere , dont la
Ruffie ni les Princes freres de Sa Majeſté Suédoiſe
n'ont eu aucune connoiffance, ne fera vraisemblablement
pas reconnue ni adoptée par la Czarines
& cette Princeffe étant déclarée tutrice du Prince
fon fils , ne paroît pas difpoflée à partager le gouvernement
de les Etats . La Régence de Kiel avoit
dépêché un Courier à Petersbourg pour informer
Sa Majesté Impériale que le Roi de Dannemarck
avoit nommé des Commiffaires qui devoient régir
en fon nom le Duché de Holſtein pendant la
minorité du jeune Duc Paul Petrowitz . Au retour
du Courier la Régence de Kiel a fait arracher publiquement
les placards que les Commiffaires de
la Cour de Coppenhague avoient fait afficher
pour faire reconnoître l'autorité du Roi leur
maître & leurs pouvoirs. Le Prince George ,
nommé Gouverneur Général du Holſtein , doit
s'arrêter ici jufqu'à ce que ces différends foient
terminés.
186 MERCURE DE FRANCE.
Tout eft dans la plus grande confuſion à Mittau.
Le parti du Duc de Biren s'accroît chaque
jour. Ce Prince pourroit cependant rencontrer encore
des obftacles pour l'inveftiture des Duchés
de Courlande & de Semigalle , parce qu'il doit la
recevoir du Roi & de la République de Pologne ,
qui ont le droit de Souveraineté fur ces Fiefs . Le
parti du Prince Charles paroît difpofé a défendre
avec vigueur l'élection de ce Prince.
DE VIENNE , le 3 Novembre.
L'Impératrice de Ruflie ayant fair propofer à
l'Impératrice Reine , & au Roi de Prutie , de faire
évacuer la Saxe par leurs troupes refpectives
notre augufte Souveraine a fait répondre à certe
propofition par la déclaration fuivante.
Le tendre & vif intérêt que Sa Majesté l'Im-
» pératrice de toutes les Raffies témoigne prendre
au trifte fort de la Saxe opprimée , la compaf-
>>-fion qu'excitent dans fon coeur bienfaisant les
revers qu'éprouve depuis tant d'années le Roi
de Pologne , les fentimens d'humanité qui lui
» ont dicté la propofition d'évacuer les Etats
>> Electoraux de Saxe , énoncée dans la noté re-
» miſe à M. l'Ambaffadeur Comte de Mercy
» tout cela n'a pu qu'affecter fenfiblement S. M.
» l'Impératrice Reine. Elle trouve dans les vues
D
& les intentions de S. M. l'Impératrice de
>> toutes les Rullies tant de conformité aux faits
par lefquels S. M. a conftamment prouvé fon
» amitié pour le Roi de Pologne , qu'Elle defire
» avec ardeur pouvoir concourir à ce que la juf
>> tice & l'humanité ne permettent pas de lui re-
>> fufer .
و ر
و د
>> Toute l'Europe voit les efforts que S. M.
l'Impératrice fait & foutient pour la défenſe &
JANVIER. 1763. 187
» la délivrance de la Saxe. Il n'a pas dépendu
» d'Elle que fon ami le Roi de Pologne ne jouît
» de la plus grande tranquillité au milieu de la
» guerre qui défole les propres Etats de S. M.
» l'Impératrice Reine . Elle ne lui a jamais de-
» mandé ni fecours , ni démarche , ni démonf-
» tration , qui puffent lui attirer l'inimitié de S.
» M. Pruffienne , & , le voyant malgré cela enve-
» loppé dans la guerre , S. M. n'a pas balancé un
» moment à lui offrir & à lui donner réellement
» tous les fecours qui pouvoient dépendre d'Elle.
>> Ces circonftances juftifient fans doute aux
yeux de l'univers la fatisfaction que doit lui
» donner la différence qu'il y a entre défendre .
"
פכ
و ر
25
& opprimer un pays ; mais S. M. n'en eft que
» plus animée à rechercher & à embraffer tous
» les moyens propres à conduire à une paix jufte
» & raifonnable ; & comme S M. l'Impéra-
» trice de toutes les Ruffies regarde comme telle
» l'évacuation de la Saxe , il ne s'agira que de
» conftater , par les fentimens de S., M. Pruf
» fienne fur cet objet , la certnude des expérances
» qu'on pourroit en avoir conçues. Ainfi , dès que
le Roi de Pruffe fe fera expliqué fur le temps &
» la maniere d'évacuer le dits Etats Electoraux de
» Saxe pour ce qui regarde fon armée , S. M..
Impératrice Reine , de concert avec fes Alliés ,:
» ne tardera , certainement pas à y apporter tou ›
» tes les facilitées que S. M. le Roi de Pologne
peut le promettre d'ailleurs de fon amitié , &
qui feroit propres à faire connoître de plus eni
>> plus à S. M. l'Impératrice de toutes les Rules
» combien l'on fouhaite de voir les defirs , fur un
» objet fi intéreffant , fuivis de tout le fuccès que
» mérite la grandeur d'âme qui les lui a inſpiɔɔ
rés. ».
»
כ כ
כ כ
188 MERCURE DE FRANCE.
On voit par cette réponſe , que l'Impératrice
Reine donneroit volontiers les mains à l'arrangement
qu'on propofe , mais auquel il paroît que
le Roi de Pruffe eft fort éloigné de confentir .

De DRESDE , le 26 Octobre.
Le Baron de Haddick pourſuivant avec activité
le plan qu'il avoit concerté pour déloger les
poftes avantageux qu'il occupoit en Saxe , prit
la réfolution d'attaquer à la fois les différens corps
des ennemis. Le Prince de Stolberg , à la tête de
l'Armée de l'Empire , a été chargé de la premiére
attaque , qui étoit la plus importante. La feconde
attaque , qui a très bien réuli , étoit conduite
par le Général Weczey ; la troifiéme , par le Général
Lucfinsky ; la quatrième , par le Colonel
Schiebel , aux ordres du fieur Bagendorff , Général
- Major au Service de Saxe ; & la cinquiéme a
été dirigée par le Général Butler , au Village de
Conradsdorff; où le Général Haddick s'eft tenu >
parce que c'étoit à-peu-près là le centre du terrein
où fé faifoient les différentes attaques.
Cette affaire , qui s'eft paffée le is près de Freyberg
, a coûté aux Impériaux quatorze cens hommes
tant tués que bleffés. On compte que les Pruf
hens en ont eu deux mille taés & bleffés , & autant
de prifonniers. On leur a pris dans l'action
douze piéces de canon & deux autres dans la
retraite , avec onze drapeaux & un étendard .
• Le 23 les ennemis évacuerent Chemnitz , mais
ils laifferent encore un piquet à Ponig.
Le Général Haddick a appris le 17 par un Courier
du Maréchal de Daun que Schweidnitz avoit
été rendue le 9 , & que la garniſon étoit priſonniere
de guerre. La reddition de cette Place a été
déterminée par l'effet d'un obus, qui étant tombé
JANVIER. 1763. 189
dans le laboratoire du Fort Javernick , y avoit
mis le feu , & avoit fait fauter quatre cens hommes
avec une grande partie de cet ouvrage.
Comme cet accident rendoit le Fort aifé à emporter
, le Comte de Gualco a affemblé les principaux
Officiers de la garnifon pour délibérer fur
le parti qu'il y avoit à prendre. Il a été convenu
unanimement qu'il n'étoit plus poffible de défendre
la Place , d'autant qu'il ne reftoit plus
de poudre depuis l'accident du Fort Javernick :
Le Roi de Prufle a comblé d'éloges le Commandant
& toute la garnifon. Il leur a dit qu'ils
avoient donné un bel exemple à imiter à ceux
qui auroient à défendre des Places , & que
leur longue réſiſtance lui coûtoit plus de huit mile
hommes. Les Autrichiens ont eu dans ce fiége
vingt-cinq Officiers tués , cinquante-huit bleflés ,
& deux mille huit cens foldats tant tués que
bleffés.
Du 4 Novembre.
Les affaires de la Saxe viennent d'éprouver encore
une révolution . Le Prince Henri ayant raffemblé
la plus grande partie de fes forces derriere
le Zetterwald , en a débouché le 28 du mois dernier
, & a replié le même jour tous les avantpoftes
de l'Armée du Prince de Stolberg . Le lendemain
29 , à la pointe du jour , les Pruffiens ont
attaqué par quatre différens points la pofition de
Freyberg , dont ils fe font emparés après une réfiftance
de plus de huit heures . La fupériorité du
nombre leur a donné cet avantage fur les troupes
de l'Empire , qui n'ont pas pû être renforcées
allez promptement par le Général Butler. On
eftime la perte des Impériaux à deux ou trois
mille hommes & à quelques piéces de canon.
190 MERCURE DE FRANCE.
Leur retraite s'eft cependant faire fans défordre ,
& le Prince de Stolberg a pris une pofition qu'il
eſpére de pouvoir foutenir entre Freyberg & Fravenſtein.
Suivant des nouvelles très- poſitives de Gorlitz ,
du 2 de ce mois , un nouveau Corps Pruffien eſt
en marche pour fe rendre en Saxe. On le croit de
- quinze Elcadrons & quatorze Bataillons. On
affure que le Roi de Prulle le commande en perfonne
, ayant fous les ordres les Généraux Ziethen
, Lentulas & Rammin , & l'on ajoute qu'il
prend fa route par la Baffe-Luface.
Le Général Maquire s'eft démis , pour cauſe
d'indifpofition , du commandement de l'Armée
campée près de Fravenſtein , & il a été remplacé
par le Général de Wied.
De HANOVRE , le 15 Octobre.
Il s'en faut beaucoup que le Prince Héréditaire
de Brunswick foit hors de danger. On a été obligé
le de ce mois de lui faire 3 une incifion au bras
pour en retirer une efquille. Comme la fiévre
continue toujours , le fieur de Wershoff , premier
Médecin de notre Monarque , eft parti d'ici
pour aller porter fes fecours à ce Prince , dont la
jeunelle , les talens & la valeur ont intéreffé à fon
fort même nos ennemis.
De MADRID , le 26 Octobre.
L'Armée du Roi , qui conferve fon Quartier
Général à Sarceda , s'eft réunie fur les bords du
Tage , aux environs de Caftelblanco .
De ROME , le 13 Octobre.
Le 6 de mois on a reffenti dans plufieurs quartiers
de cette Ville un tremblement de terre affez
JANVIER . 1763. 191
foible , & qui n'a pas duré une minute ; mais on a
craint que ce ne fût la fuite du mouvement plus.
confidérable qui fe feroit fait fentir dans les environs
de l'Etat Eccléhaſtique. En effet , nous avons
appris depuis quelques jours que la fecouffe avoit
été beaucoup plus violente dans la ville d'Aquila ,
& y avoit endommagé plufieurs des principaux
édifices. Une partie de cette Ville , fituée dans
l'Abruzze ultérieure au Royaume de Naples fur
la riviere de Palcara , à vingt-deux lieues au
Nord - Eft de Rome , fur détruite en 1703 par un
tremblement de terre qui fit périr alors plus de
deux mille perfonnes . Le village de Poggio Picenza
, fitué près d'Aquila , vient d'être prefque
entierement détruit par la derniere Lecoulle . Un
grand nombre de perfonnes ont eu le malheur
d'être écrasées fous les ruines des bâtimens renverfés.
De GENES , le 25 Octobre.
Le neveu de Gian Carlo , un des plus célebres
Partifans de Paoli , ayant été fait prisonnier &
conduit à la Baftie , avoit été relâché fur les inftances
du Général Matra. Il étoit retour né auprès
de Paoli , qui lui donna le commandement du
Fort de la Cofcia. Dès que ce Corfe fe vit en poffeffion
du Fort , il le remit entre les mains du Général
Matra , en reconnoillance de la liberté que:
celui- ci lui avoit procurée : il fe contenta de ſtipuler
une capitulation honorable pour les habitans
du Cap Corfe , qu'il remit au pouvoir de la
République , & déclara qu'il n'accepteroit aucune
récompenfe du fervice qu'il n'avoit rendu que
par reconnoiffance pour fon Libérateur . La polfeffion
de ce Fort tend la République maîtreffe de
tout le Cap- Corfe , & mer en même temps Ma192
MERCURE DE FRANCE .
cinaggio à couvert. Le Fort de la Cofcia avoit été
conftruit par les Rébelles pour empêcher la communication
des Génois avec Macinaggio , & ils
l'avoient fibien fortifié , qu'il ne leur fera pas facile
de le reprendre : une petite garnifon des
troupes de la République fuffira pour le défendre.
Le Général Matra eſt toujours à la Baſtie , n'atrendant
pour agir que les renforts que la République
de Génes doit lui envoyer.
La troupe de Paoli ne ceffe de ravager les Gan-
> tons d'Antizanti , de Vezani & de Rivario. Les
habitans fons obligés de ſe retirer à Aleria & à la
Baftie.
On apprend de Naples que les Barbarelques
qui étoient venus attaquer l'ifle d'Uftica dans le
mois d'Août , irrités par le mauvais fuccès de leur
entrepriſe , font revenus avec des forces plus confidérables
, comme ils l'avoient annoncé. Ils fe
font emparés de cette petite ifle ; ils l'ont faccagée,
& en outre enlevé les habitans , au nombre
de cent vingt ou cent trente.
De LONDRES , le 3 Novembre.
On dit que l'Amiral Pocock & le Comte d'Albemarle
ont pris la réſolution d'élever en l'honneur
de Don Louis de Velasco , qui a été tué en défendant le Fort Moore , un Monument dans
l'Abbaye de Weſtminſter
, avec une inſcription
honorable pour ce brave Officier , qui a fi bien mérité d'emporter , en mourant , l'eftime & l'admiration
d'un ennemi généreux.
EXTRAIT du Saint- James , s Chronicle , du 23
Octobre 1762.
» Nous favons , Monfieur , l'eſtime que tous les
» honnêtes gens ont pour votre Gazette ; c'eſt ce
» qui
IANVIER. 1763. 193
"
qui nous engage à vous prier d'y inférer l'ar-
» ticle fuivant. Il eſt trop jufte de rétablir l'hon-
» neur des citoyens de Londres , griévement bleifé
par l'imputation d'une conduite incivile & grof-
» Gere envers M. le Duc de Nivernois , dont on
charge particuliérement ceux d'entre nous que
» leurs affaires raffemblent à la Bourſe.
"
»SIGNE , Plufieurs Marchands de la Ville de
» Londres. »
Il s'eft répandu que le Duc de Nivernois , Miniftre
Plénipotentiaire de France , avoit été infulté
à la Bourle le 15 de ce mois : le fait eft exactement
tel qu'on va le rapporter . Sur les deux
heures & un quart le Duc de Nivernois , accompagné
d'une autre perfonne , vint à la Bourfe
dans le carroffe du Lord Spencer. Il s'arrêta vis- àvis
de la porte du Midi , dans l'intention apparemment
de voir la Bourſe , & de fe rendre enfuite
, en la traverfant , chez le fieur Ellicott , Hor
loger du Roi , pour lui commander quelque ouvrage.
Le bruit de l'arrivée du Duc de Nivernois
fe répandit promptement : chacun defirant de
voir ce Miniftre , la multitude ne tarda pas à l'environner
; mais ce fut fans qu'on lui fît là moindre
infulte, ni fans qu'il parût même qu'on en eût le
deffein. Le Duc de Nivernois ne put prendre cet
empreffement général que comme un fentiment
honnête. S'appercevant néanmoins qu'il ne pouvoit
plus refter inconnu , il s'avança vers la maifon
du fieur Ellicott . Il eft vrai qu'il s'étoit amaffé
autour de lui une foule prodigieufe mais : perfonne
ne manqua à ce qui lui étoit dû , & il ne fut point
preflé par cette foule , ainfi qu'on l'a prétendu.
Tant que le Duc de Nivernois refta chez le fieur
Ellicott , il y eut toujours une grande quantité de
I. Vol. I
194 MERCURE DE FRANCE.
l'allée du
monde autour de la maifon . Le Connétable ou
Exempt de la Bourfe , pour le traiter avec la diftinction
& les égards qui font dus à une pertonne
revêtue d'un caractère fi refpectable , l'accompagna
lorfqu'il fortit , comme le fit anffi le fieur
Ellicott lui-même. La porte du Midi , vers lail
quelle il étoit retourné , le trouvant fermée ,
fut obligé de retourner fur les pas pour fortir par
celle du Nord , & de faire le tour par
Château pour regagner la rue de Cornhill. La
foule fe groffit, toujours , & quelques gens éloignés
du chemin que fuivoit le Duc de Nivernois
ont peut- être imaginé , fur ce qu'ils le voyoient
revenir fur fes pas , qu'il avoit reçu quelque infulte
: il eft cependant conftant qu'il eſt arrivé à
fon carroffe fans avoir éprouvé la moindre malhonnêteté
de la part de ceux qui l'avoient approché
de plus près , & que quand il eft parti on n'a
pas tenu le moindre propos indécent ou groffier .
Le murmure que l'on dit avoir entendu eft venu
d'un Négociant qu'on ne peut. foupçonner d'incivilité
: ce Négociant ayant imaginé que le Duc de
Nivernois , dont il étoit fort éloigné , avoit reçu
a fait entendre un murmure quelque offenle
léger & très-innocent , dans la vue de contenir
dans les bornes de la bienséance & de rappeller à
leur devoir ceux que l'ardeur de la curiofité auroient
pu emporter trop loin . Le Duc de Nivernois
eft lui-même fi perfuadé qu'il n'y a aucun défagrément
à craindre par le manque de fçavoir vi
vre des citoyens de Londres , qu'il le propofe de
venir revoir la Bourſe , jugeant avec raifon que
c'est un érabliffement qu'on ne fçaurolt trop louer
top admirer
2
JANVIER. 1763. 195
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
De FONTAINEBLEAU , le 13 Novembre 1762.
I. EE Roi a accordé à la Ducheffe de Villequier la
furvivance de la Place de Dame d'Honneur de
Mesdames , occupée par la Maréchale de Duras ;
& la Place de Dame da Compagnie de Madame
a été donnée à la Comteffe de Valentinois .
Le Roi a créé Duc & Pair le Comte de Choifeul
, Secrétaire d'Etat des Affaires Etrangères ;
ce Miniftre portera dorénavant le nom de Duc
de Praflin .
"
La Comteffe de Choifeul a été préſentée le
même jour à Leurs Majeftés en qualité de Ducheffe
de Praflin Elle a pris le tabouret chez la
Reine. Le Roi a déclaré Miniftre d'Etat le fieur
Bertin , Contrôleur Général des Finances , qui
a pris féance au Confeil le 7 de ce mois.
Le même jour , la Ducheffe de Villequier prêta
ferment entre les mains de Sa Majefté pour
la Charge de Dame d'Honneur de Mesdames ,
dont elle a obtenu la furvivance .
L'Abbé Expilly Chanoine , Tréforier en dignité
du Chapitre Royal de Sainte Marthe de
Tarafcon , de la Société Royale des Sciences &
Belles-Lettres de Nanci , & connu par des ouvrages
eftimés , a eu l'honneur de préſenter au
Roi , le 11 , fon Dictionnaire Géographique, Hiftorique
& Politique des Gaules & de la France ,
Le fieur le Blond , Maître de Mathématiques
des Enfans de France , & connu par d'excellens
I ij
196 MERCURE DE FRANCE .
\
Ouvrages de Mathématiques , a eu l'honneur de
préfenter au Roi une feconde édition conſidérablement
augmentée de fon Traité de la défenſe
des Places.
On vient d'apprendre par la voie de Strafbourg
, que , le 26 du mois dernier , le Chapitre
d'Arlesheim a élu pout Prince & Evêque de Baſle ,
le Comte Simon- Nicolas de Montjoye , l'aîné des
deux Capitulaires de ce nom , d'une très - ancienne
famille d'Alface.
De VERSAILLES , le 20 Novembre.
Le Prince Ferdinand de Brunſwick ayant reçu
le 14 au foir un courier de la Cour de Londres
qui lui apprenoit la fignature des préliminaires
de paix entre la France & l'Angleterre , a arrêté
le lendemain , felon les ordres de Sa Majeft
Britannique , avec les Maréchaux d'Eftrées & de
Soubife , munis des ordres du Roi , une fufpenfion
d'armes générale pour les deux armées. En
voici la copie.
CONVENTION arrétée entre l'armée Françoiſe
& l'armée Britannique .
Nous Claude-Louis -François de Regnier,Comte
de Guerchy , Lieutenant- Général des Armées
du Roi , Chevalier de fes Ordres , Colonel - Lieu-
Gouver- tenant de fon Régiment d'Infanterie ,
neur des Ville & Château d'Huningue , muni
des pouvoirs de Meffieurs les Maréchaux Comte
d'Eftrées & Prince de Soubife , commandans én
chefs les armées de Sa Majefté en Allemagne.
Et George Howard , Lieutenant - Général des
Armées de Sa Majefté Britannique , Colonel des
Bafs , le troifiéme Régiment d'Infanterie de Sa
Majeſté , muni des pouvoirs de Son Alteffe SéJANVIER
. 1763 .
197
réniffime Mgr le Duc Ferdinand de Brunſwick &
de Lunebourg , &c &c. commandant en chef
l'armée de Sa Majesté Britannique en Allemagne.
D'après la connoiffance donnée à nos Généraux
refpectifs de la fignature des préliminaires
de la paix , le 3 de ce mois de Novembre à Fontainebleau
, entre le Roi & le Roi d'Eſpagne ,
d'une part ; & le Roi d'Angleterre , de l'autre ; &
nos Généraux defirant faire ceffer , le plutôt poffible
, toute éffufion de fang & les calamnités des
pays quiforment le théâtre de la guerre ; Nous
fommes convenus , en leurs noms & avec leur
approbation , de ce qui fuit :
1.Qu'une fufpenfion d'armes entre toutes les
troupes des deux armées aura lieu , du jour de
la fignature & de la ratification , par les deux
Généraux , de la préfente convention , & le plutôt
poffible , par les troupes qui en font éloignées.
2º. Il y aura une ligne de démarcation , pour
féparer les deux armées , (pécifiée ci- après .
Pour le centre des deux armées ; le cours de la
Lahn , depuis la fource jufqu'à la jonction avec
l'Ohm , & delà , en remontant cette riviere jufqu'à
Merlan. Pour la droite de l'armée Françoife
& la gauche de l'armée Britannique ; pallant
par Lauterbach , & de là fe dirigeant en droiture
fur la Fulde en longeant la riviere d'Alfeld , en
laillant Schlitz devant foi , & enfuite pallant la
Fulde par Hunfeld , Fladungen , & la riviere qui
y palle & va ſe jetter dans la Sala .
A la gauche de l'armée Françoiſe & à la droite
de l'armée Britannique ; depuis les fources de la
Lahn jufqu'à celles de Lenn , & enfuite le cour
de cette derniere riviere , à travers le Duché de
Weftphalie ; & de là , cette même ligne aboutira
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
1
à Nehem fur le Roër , paffera à Uuna , Dormon
de , Alteren , Coesfelt , & finira aux frontieres de
la Hollande.
3. La Garnison de Ziegenhayn fe tiendra tranquille
, & payera dorénavant les beſoins , argent
comptant ,jufqu'à ce qu'elle évacue la Place.
Il lui fera indiqué un endroit pour couper le
bois néceffaire pour fon chauffage , & qui lui fera
fourni pour fon argent au prix établi & connu
dans le pays.
Et , pour pleine & entiere exécution de la préfente
Convention , Nous l'avons fignée , & y
avons mis le fceau de nos armes , lequel fera de
pleine valeur pour être inviolablement obfervée ,
ainfi que fi elle étoit fignée par nos Généraux mêmes
; & pour plus grande affurance , après en
avoir obtenu le pouvoir de nos Généraux , Nous
déclarons qu'elle fera par eux ratifiée . Fait au
Pont de Brükmüle , fur l'Ohm , le quinzieme de
Novembre, milfept cent foixante- deux , à midi.
( Signé ) LE COMTE DE GUERCHY
& G. HOWARD , Lieutenant - Général,
NOUS , LOUIS - CESAR , COMTE D'ETRÉES
Maréchal de France , commandant les armées du
Roi en Allemagne , Gouverneur de Metz & du
Pays Meflin , Miniftre d'Etat , Chevalier des Ordres
du Roi. Et CHARLES DE ROHAN , PRINCE DE
SOUBISE , Pair & Maréchal de France , Miniftre
d'Etat , Capitaine - Lieutenant des Gendarmes de
la Garde ordinaire du Roi , Gouverneur & Lieutenant-
Général pour Sa Majefté des Provinces de
Flandre & de Haynault , Gouverneur particulier
des Ville & Citadelle de Lille , commandant les
armées du Roi en Allemagne , & c.
Et NOUS FERDINAND , par la grace de Dieu ,
JANVIER. 1763. 199
DUC DE BRUNSWICK ET DE LUNEBOURG , Feld
Maréchal des Armées de Sa Majeſté Prufſienne ,
Colonel d'un Régiment d'Infanterie , Gouverneur
de la Forterelle de Magdebourg , Chevalier des
Ordres de l'Aigle Nair & de Saint Jean de Jerufalem
, commandant en chef l'Armée de Sa Majefté
Britanique en Allemagne , & c.
Après avoir pris la lecture des conditions qui
ont été arrêtées avec M. le Comte de Guerchy
Lieutenant- Général des Armées du Roi , & M.
Howard , Lieutenant- Général des Armées de Sa
Majesté Britanique , fignées aujourd'hui , & contenant
trois articles : DECLARONS que nous avons
pour agréables les conditions portées dans lefdits
articles ; & promettons de les faire exécuter de
bonne foi dans tous les points. EN FOI DE QUOI
Nous avons figné les préfentes , & y avons fait
appofer le fceau de nos armes. FAIT au Pont de
Brükmüle , fur l'Ohm , le quinzième jour de Novembre
milfept centfoixante- deux , à deux heures
après-midi. Signé ) LE MARECHAL D'ESTREES.
LE MARECHAL PRINCE DE SOUBISE
; & FERDINAND , Duc de BrunSWICK
ET DE LUNEBOUrg.
De PARIS , le 22 Novembre 1762 .
Les Lettres de Londres ont confirmé la nouvelle
que le Fort Saint - Jean de Terre- neuve avoit
été repris par les Anglois , & que le Chevalier de
Ternay leur avoit échappé ; mais on a fuppofé
mal - à - propos que cet Officier avoit cinq vaiffeaux
de guerre . Son efcadre n'étoit compofée que des
vailleaux le Robufte , de foixante quatorze canons
, & l'Eveillé de foixante- quatre ; de la Frégate
la Licorne de trente canons , & d'une flute
nommée la Garonne , de vingt-huit .
Le 31 du mois dernier la Maréchale de Broglie
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
eft accouchée d'un fils dans fon château de Bro
glie en Normandie.
L'escadre du Roi , commandée par le Comte de
Blenac , eft partie de Saint- Domingue le 7 Sepsembre
, & eſt arrivée à Breſt le 8 de ce mois.
La ville de Callel , où commandoit le Baron de
Diesback , a été obligée par le manque de fubfiftances
de ſe rendre aux Alliés le premier de ce
mois. La garniſon en eft fortie avec les honneurs
de la guerre , tambour battant , méche allumée ,
avec armes & bagages .
Le 12 , l'ouverture du Parlement s'eft faire avec
les cérémonies accoutumées , par une Meffe folemnelle
, à laquelle le fieur Molé , premier Préfident
, & les Chambres affifterent , & qui fut célébrée
par l'Abbé de Sailly , Chantre de la Sainte
Chapelle , & Aumônier de Madame la Dauphine.
Le 20 , le Duc de Bedfort a reçu on Courier de
fa Cour , avec la ratification des articles prélimi
naires de la Paix , figné à Fontainebleau , le trois
de ce mois , entre la France , l'Eſpagne & l'Angleterre.
-Le Marquis de Grimaldy a reçu le même jour
un Courier de Madrid , qui lui a apporté la ratification
de Sa Majefté Catholique.
Le vingt- deuxième tirage de la Lotterie de
l'Hôtel- de- Ville , s'eft fait le 20 de ce mois. Le
Lot de cinquante mille livre eſt échu au Numero
87329 , celui de vingt mille au Nunero 87187 ,
& les deux de dix mille aux Numeros 85367 , &
92964
Le cinq on tira la Lotterie de l'Ecole- Royale-
Militaire. Les Numeros fortis de la roue de fortune
, font , 31 , 87 , 54 , 20 , 53. Le prochain
tirage fe fera le 4 Décembre .
Il paroît que la nouvelle du Combat Naval qui
JANVIER. 1763. 201
s'eft , dit- on , donné le fept Septembre dernier,
entre les Galeres de la Religion & plufieurs Vaiffeaux
Barbarefques , n'a aucun fondement. Cette
nouvelle , qui s'eft d'abord répandue en Italie fembloit
être confirmée par une prétendue Lettre de
Malthe , du 30 Septembre , qu'on vient d'inférer
dans les Gazettes étrangères ; mais on a reçu dans
cette Ville des lettres du cinq Otobre , dans lef
quelles on annonce l'arrivée des Galeres , fans y
faire la plus légére mention de ce combat.
MORTS.
Le Comte de Lannion , Chevalier des Ordres
du Roi , Lieutenant- Général des Armées de Sa
Majefté , Gouverneur de Minorque , & l'un des
premiers Barons des Etats de Bretagne , eft mort
à Mahon , le 2 Octobre , dans fa quarante- qua
triéme année. Il a été généralement regretté
tant des François , que des habitans de l'Ifle dont
il avoit le Commandement.
Jean - Louis Ogilvy , Baron de Boyn , Colonel
à la fuite du Regiment d'Ogilvy, Ecolfois , mourut
à Gaigne en Brie , le 10 du même mois , âgé de
quarante ans.
Jacques Hardouin- Manfard , Comte de Sagon
ne , ci-devant Intendant du Bourbonnois , fils de
Jules Hardouin Manfard , Comte de Sagonne ,
Chevalier de l'Ordre de Saint Michel , Sur-Intendant
des Bâtimens du Roi eft mort en cette Ville,
le 27 du même mois , âgé de quatre- vingt-fix
ans.
Bertrand de Montgibault , Lieutenant - Général
des Armées du Roi , & ci-devant Lieutenant de
Gardes - du-Corps du Rof , eft mort à S. Germain
en Laye , le 29 , âgé de quatre- vingt -quatre ans.
Pierre- François - Thomas de Borel , Comte de
Manerbe, Lieutenant -Général des Armées du Roi
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
Gouverneur de Joux & de Pontarlier , Commandeur
de l'Ordre Royal & Militaire de Saint Louis ,
ci-devant Lieutenant & Aide Major des Gardes du
Corps de Sa Majefté , mourut le 12 Novembre ,
dans fa foixante- dix feptiéme année .
Françoife Amable Charlotte Affelin de Frenelle,
veuve de Henry Jofeph , Marquis de Maneville ,
Gouverneur de Dieppe , mourut en fon Château
de Maneville , le 1 Novembre , âgée de foixantefix
ans . Elle n'a laifié qu'une fille , Charlotte Natalie
de Manneville , mariée à Jean-Victor de
Rochechouart, Duc de Mortemart , Pair de France.
Louis-Gaucher de Châtillon , Duc de Châtillon ,
Pair de France , Grand Fauconnier de France ,
en furvivance du Duc de la Valiere fon Beau-
Père , Grand Bailly d'Hagueneau , Conte d'Argenton
& de Sanzay , Lieutenant- Gégéral de la
Haute & Balle Bretagne , & Meftre de Camp
du Régiment du Roi Cavalerie , né le 27 Juillet
1737 , mourut en cette Ville le Novembre
dernier.
Il étoit fils d'Aléxis - Magdeleine - Rofalie de
Châtillon , Duc de Châtillon , Pair de France ,
Chevalier des Ordres de Roi , Lieutenant- Général
de les Armées & de la Haute & Balle Bretagne ,
Ancien Mettre de Camp Général de la Cavalerie
Légére de France , Grand Bailli de Hagueneau ,
nommé par Sa Majefté en 1736 , Gouverneur
de la Perfonne de Monfeigneur le Dauphin ,
Grand - Maître de la Garderobe & premier Gentil
-homme de fa Chambre . Et d'Anne- Gabrielle
le Veneur de Tillieres , d'une des plus anciennes
& des plus illuftres Maifons de Normandie . De
laquelle eft née auffi Louiſe Gabrielle de Châtillon
, mariée le 22 Janvier 1749 , à Maximilien-
Antoine-Armand de Bethune , Prince Souverain
JANVIER. 1763. 203
d'Henrichemont & de Boisbelles , Duc de Sully
Pair de France.
Le Duc de Châtillon avoit épousé en 1756 ,
Adrienne Emilie de la Beaume - le-Blanc , fille
unique du Duc de la Valiere & de Anne-Julie-
Françoife de Cruffol Uzez de laquelle il a laiffé une
fille qui vit & l'efpoir de voir revivre la maiſon, la
Ducheffe de Châtillon étant demeurée enceinte.
On voit dans la Maifon de Châtillon -fur - Marne
, briller trop de rayons de fplendeur pour ne
pas les retracer ici , tant par l'anciennèté & la
grandeur de fon origine , qu'on peut prouver remonter
au neuviéme fiécle , & que plufieurs Auteurs
eftiment avoir pris fa fource dans la Maifon
des Anciens Comtes Souverains de Champagae
, que par le nombre d'Alliances qu'elle a eu
Thonneur de contracter avec l'Augufte Maiſon
Royale de France , trop flatteufes à la mémoire
pour ne pas en rappeller ici les époques tirées de
' Hiftoire de la Maifon de France . mème de
l'Hiftoire de Châtillon par Duchefne , & rappellées
dans les Lettres d'Erection du Duché & Pairie
de Châtillon .
Gui de Châtillon , petit-fils d'Urfus , premier
de ce nom , époufa en 1156 , Alix de Dreux .
fille aînée de Robert de France , frère du Roi
Louis le Jeune,
Gaucher de Châtillon épousa en 1236 , Jeanne ,
fille de Philippe , Comte de Clermont , oncle du
Roi S. Louis.
Jeanne de Châtillon époufa en 1263 , Pierre de
France , Comte d'Alençon , cinquiéme fils du
Roi S. Louis.
Gui de Châtillon , épouſa en 1298 , Marguerite
de Valois , foeur du Roi Philippe de Valais , &
niéce de Philippe- le- Bel.
I
vj
204 MERCURE DE FRANCE .
Mahaut de Châtillon , fut mariée en 1308 avec
Charles de France , Comte de Valois , frere du
Roi Philippe-le-Bel.
Jeanne de Châtillon , épouſa en 1335 , Jacques
de Bourbon , Comte de la Marche , duquel defcend
en droite ligne , le glorieux Monarque qui
nous gouverne aujourd'hui.
Marie de Châtillon épouſa en 1360 , Louis
de France , Duc d'Anjou , Roi de Naples & de
Sicile .
Louis de Châtillon , époufa en 14c6 , Ifabéau
de Bourgogne , fille de Jean- Sans- Peur , Duc de
Bourgogne , Comte de Flandres & d'Artois.
On voit aufli que cette Maiſon s'eft alliée avec
les Maiſons Souveraines les plus conſidérables de
l'Europe , comme celle de Luxembourg , qui a
donné des Empereurs à l'Allemagne , par le mariage
de Mahaut de Châtillon avec Gui de Luxembourg
, duquel defcendit Marie de Luxem →
bourg , mariée avec François de Bourbon , Comte
de Vendôme , grand- Pere d'Antoine de Bourbon ,
Roi de Navarre , cinquiéme Ayeul du Roi Régnant.
Avec les Empereurs de Conftantinople ,
les Rois d'Angleterre , de Naples & de Sicile ;
les Comtés de Flandres , d'Artois , de Hainaut ;
les Ducs de Gueldres & de Brabant , de Berry ,
de Bretagne , de Bourgogne , de Savoye , d'Albret
& de Lorraine , par le Mariage de Marie de
Châtillon avec Raoul , Duc de Lorraine en 1 334.
On voit encore qu'elle a poffédé le Duché de
Bretagne , par le Mariage de Charles de Châtillon
dit de Blois , avec Jeanne , fille & héritière
du Duc de Bretagne , lequel Charles fut tué à la
Bataille d'Auray , & béatifié après la mort. Qu'elle
a de même poffédé par toutes ces Alliances ,
les Comtés de Blois , de Chartres , de Dunois ,
JANVIER. 1763.
205
de Soiffons , de Porcean , de S. Paul ; le Duché
de Gueldres & le Vicomté de Limoges.
Quant aux grands Hommes qu'elle a produits
& qui ont été fucceffivement revêtus des premiéres
dignités de la Couronne . Comme de Connétables
, de Grands Maîtres , de Grands Veneurs
, de Grands Queux de France , & en un
mot , toutes les plus Honorables du Royaume :
nous n'en parlerons point ici , les Hiftoires en
faifant mention fans ceffe.
On apprend par des Lettres de Saint Domingue
, que le Chevalier de Sainte Croix y eft mort
le 8 Août dernier. On ne fçauroit trop regretter
la perte
de ce brave & habile Officier qui s'étoit
fi fort diftingué par la belle défenfe de Belle-Ifle.
Le Public va enfin être à portée de tirer le plus
grend avantage des dragées antivénériennes du
fieur Keyfer , fi généralement connues par les cures
nombreufes qu'elles ont conftamment opérées ,
foit dans les armées de Sa Majeſté , & dans le Régiment
de fes Gardes , foit fur une infinité de particuliers
de cette Capitale & des Provinces. Le Sr
Keyfer ayant offert au Roi le fecret de fon remé
de , Sa Majefté l'a agréé , & dans la vue de proportionner
la récompenfe à l'utilité de cet admirable
fpécifique , le Roi a gratifié le fieur Keyſer
d'une penſion annuelle de dix mille livres , & du
privilége exclufif, pour éviter toute fraude , de
fabriquer , & débiter lui - même fon reméde , reconnu
fupérieur à tous les autres de ce genre. Le
prix de la quantité néceffaire des dragées pour chaque
traitement à été fixé à 13 livres 10 fols . On en
trouvera de proportionnées & dofées ſelon la force
de l'âge & du fexe, depuis la naiffance jufqu'à l'âge
le plus avancé , avec la méthode de l'adminiftrer.
206 MERCURE DE FRANCE.
Le débit a commencé au mois de Septembre de
cette année 1762 , dans la maifon du fieur Keyſer,
qui ne recevra de lettres franches de port , rue
& Ifle Saint-Louis , près le Pont Rouge , à Paris.
que
ARTICLES Préliminaires de Paix entre le Roi ,
le Roi de la Grande-Bretagne & le Roi d'Ef
pagne , fignés à Fontainebleau le 3 Novembre
1762.
AU NOM DE LA TRE'S - SAINTE TRINITÉ.
E Roi Très- Chrétien & le Roi de la Grande-
Bretagne , animés du defir réciproque de
rétablir entre eux l'union & la bonne intelligence
, tant pour le bien de l'humanité en général ,
que pour celui de leurs Royaumes , Etats & Sujers
refpectifs , ayant réfléchi peu après la rupture
entre la Grande - Bretagne & l'Efpagne , fur l'état
de la négociation de l'année paflée , qui malheureufement
n'a pas eu l'effet qu'on s'en étoit
promis , ainfi que
fur les points en difpute entre
les Couronnes de la Grande-Bretagne & d'Efpagne
; Leurs Majeftés Très- Chrétienne & Britannique
, ont entamé une correſpondance pour chercher
les moyens d'ajuster les différends qui fubfiftent
entre leurfdites Majeftés . En même-temps ,
le Roi Très- Chrétien ayant fait part au Roi d'Efpagne
de ces heureufes difpofitions , Sa Majefté
Catholique s'eft trouvée animée du même zéle
pour le bien de l'humanité & celui de fes Sujets ,
& réfolue à étendre & multiplier les fruits de la
paix par fon concours à de filouables intentions .
En conféquence , Leurs Majeftés Très- Chrétienne
, Britannique & Catholique , ayant muremeut
confidéré tous les points ci- deffus , ainfi que lès
JANVIER. 1763. 207
différens événemens furvenus pendant le cours
de la préfente négociation , font convenues d'un
commun accord des Articles ci après , qui ferviront
de bale au Traité de paix futur . A l'effet
de quoi Sa Majefté Très - Chrétienne a nommě
& aurorifé le fieur Cefar Gabriel de Choifeul ,
Duc de Praflin , Pair de France , Chevalier de
fes Ordres , Lieutenant - Général de fes Armées ,
Confeiller en tous fes Confeils , & Miniftre &
Sécrétaire d'Etat & de fes Commandemens & Finances
; Sa Majefté Britannique le Sr Jean Duc
& Comte de Bedford Marquis de Tavistock, &c.
Miniftre d'Etat du Roi de la Grande- Bretagne ,
Lieutenant Général de fes Armées , Garde de fon
Sceau Privé , Chevalier du très - noble Ordre de
la Jarretiere , & Miniftre Plénipotentiaire de Sa
Majesté Britannique près Sa Majesté Très Chrétienne
; & Sa Majesté Catholique a pareillement
nommé & autorifé Don Jerôme Grimaldi , Marquis
de Grimaldi , Chevalier des Ordres du Roi
Très -Chrétien , Gentilhomme de la Chambre
de Sa Majefté Catholique avec exercice , & fon
Ambaladeur Extraordinaire près de Sa Majefté
Très-Chrétienne ; lefquels , après s'être duement
communiqués leurs pleins pouvoirs en bonne forme
, font convenus des Articles fuivans.
ARTICLE PREMIER.
Aulli tôt que les Préliminaires feront fignés &
ratifiés , l'amitié fincère fera rétablie entre Sa
Majefté Très- Chrétienne & Sa Majeté Britannique,
& entre Sa Majefté Britannique & Sa Majefé
Catholique , leurs Royauines , Etats & Sujers
, par mer & par terre , dans toutes les parties
du monde . Il fera envoyé des Ordres aux
Armées & Efcadres , ainfi qu'aux Sujets des trois
Puiffances , de ceffer toute hoftilité , & de vivie
208 MERCURE DE FRANCE .
dans la plus parfaite union , en oubliant le paffé
, dont leurs Souverains leur donnent l'ordre
& l'exemple ; & pour l'exécution de cet Article .
il fera donné de part & d'autre , des Paffeports
de mer aux Vaiffeaux qui feront expédiés pour
en porter la nouvelle dans les poffeffions refpectives
des trois Puillances.
Art. 2. Sa Majeſté Très- Chrétienne renonce à
toutes les prétentions qu'Elle a formées autrefois
ou pû former à la Nouvelle- Ecoffe ou l'Acadie ,
en toutes les parties , & la garantit toute entiere,
& avec toutes les dépendances , au Roi de la
Grande-Bretagne. De plus , Sa Majeſté Très-
Chrétienne céde & garantit à Sadite Majefté Britannique
, en toute propriété , le Canada avec
toutes les dépendances , ainfi que l'Ile du Cap
Breton & toutes les autres Ifles dans le Golfe &
Fleuve Saint-Laurent , fans reſtriction & fans
qu'il foit libre de revenir fous aucun prétexte contre
cette ceffion & garantie , ni de troubler la
Grande-Bretagne dans les poffeffions fulmentionnées.
De fon côté , Sa Majefté Britannique convient
d'accorder aux Habitans du Canada , la
liberté de la Religion Catholique. En conféquence
, Elle donnera les ordres les plus précis & les
plus effectifs pour que fes nouveaux Sujets Catholique
Romains puiffent profeffer le culte de leur
Religion felon le rit de l'Eglife Romaine , en tant
que le permettent les loix de la Grande-Bretagne.
Sa Majesté Britannique convient en outre que les
Habitans François ou autres qui auroient été Sujets
du Roi Très- Chrétien en Canada pourront fe
retirer en toute fûreté & liberté où bon leur femblera
, & pourront vendre leurs biens , pourvû
que ce foit à des Sujets de Sa Majesté Britannique,
& tranfporter leurs effets , ainfi que leurs
JANVIER. 1763. 209
"
perfonnes , fans être gênés dans leur émigration
fous quelque prétexte que ce puiffe être hors
celui de dettes ou de procès criminels ; le terme
limité pour cette émigration étant fixé à l'espace
de dix- huit mois , à compter du jour de la ratification
du Traité définitif.
Art. 3. Les Sujets de la France auront la liberté
de la pêche & de la fécherie fur une partie des
côtes de l'Ile de Terre-Neuve , telle qu'elle eft
pécifiée par l'Article 13 du Traité d'Utrecht , lequel
Article fera confirmé & renouvellé par le
prochain Traité définitif , ( à l'exception de ce qui
regarde l'Ifle du Cap Breton , ainfi que les autres
Ifles dans l'embouchure & dans le Golfe Saint-
Laurent ) , & Sa Majefté Britannique confent de
laiffer aux Sujets du Roi Très- Chrétien la liberté
de pêcher dans le Golfe Saint - Laurent , à condition
que les Sujets de la France n'exercent ladite
pêche qu'à la diſtance de trois lieues de toures
les côtes appartenantes à la Grande- Bretagne ,
foit celles du Continent , foit celles des lles fituées
dans ledit Golfe Saint - Laurent ; & pour ce
qui concerne la pêche hors dudit Golfe , les Sujers
de Sa Majeſté Très - Chrétienne ne l'exerceront
qu'à la diftance de quinze lieues des côtes de
I'lfle du Cap Breton .
Art. 4. Le Roi de la Grande - Bretagne céde les
Inles de Saint- Pierre & de Miquelon , en toute
propriété , à Sa Majefté Très- Chrétienne , pour
fervir d'abri aux Pêcheurs François , & Sadite
Majefté s'oblige , fur fa parole Royale , à ne point
fortifier lesdites Ifles , à n'y établir que des Bâtimens
civils pour la commodité de la pêche , &
à n'y entretenir qu'une garde de cinquante hommes
pour la police.
Art. 5. La Ville & le Port de Dunkerque feront
210 MERCURE DE FRANCE.
mis dans l'état fixé par le dernier Traité d'Aix
1a -Chapelle & par les Traités antérieurs ; la Cunette
fubfiftera telle qu'elle eft aujourd'hui, pourvu
que les Ingénieurs Anglois , nommés par Sa
Majefté Britannique , & reçus à Dunkerque par
ordre de Sa Majesté Très- Chrétienne , vérifient
que cette Cunette n'eft utile que pour la falubrité
de l'air & la fanté des habitans .
Art. 6. Afin de rétablir la paix fur des fondemens
folides & durables , & écarter pour jamais
tout fujet de diſpace par rapport aux limites des
Territoires François & Britanniques fur le Continent
de l'Amérique , il eft convenų qu'à l'avenir
les confins entre les Etats de Sa Majefté Très-
Chrétienne & ceux de S. M. Britannique en cette
partie du monde , feront irrévocablement fixés
par une ligne tirée au milieu du fleuve Miffiffipi ,
depuis fa naiflance jufqu'à la riviere Iberville , &
de la par une ligne tirée au milieu de cette riviere
& des lacs Maurepas & Pontchartrain jufqu'à
la mer ; & à cette fin le Roi Très- Chrétien
céde en toute propriété & garantit , à Sa Majeſté
Britannique la riviere & le Port de la Mobile , &
tout ce qu'il pofféde ou a dû pofféder du côté
gauche du fleuve du Miffilipi , à l'exception de
fa Ville de la Nouvelle- Orléans & de l'Ifle dans
laquelle elle eft fituée , qui demeureront à la
France , bien entendu que la navigation du
fleuve Miffiffipi fera également libre , tant aux
Sujets de la Grande- Bretagne comme à ceux de
la France , dans toute fa largeur & dans toute
fon étendue , depuis la foarce jufqu'à la mer , &
nommément cette partie qui eft entre la fuſdite
Ifle de la Nouvelle-Orléans & la rive droite de ce
fleuve , auffi bien que l'entrée & la fortie par fon
embouchure. Il eft de plus ftipulé que lès BâtiJANVIER.
1763 .
211
mens appartenans aux Sujets de l'une ou de l'autre
Nation ne pourront être arrêtés , vilités ni
affujettis au payement d'aucun droit quelconque .
Les ftipulations inférées dans l'Article 2. en fa
veur des habitans du Canada auront lieu de même
pour les habitans des pays cédés par cet Article
.
Art . 7. Le Roi de la Grande - Bretagne reftituera
à la France les Ifles de la Guadeloupe , de Marie-
Galante , de la Defirade , de la Martinique & de
Belle- Ifle , & les Places de ces Ifles feront rendues
dans le même état où elles étoient quand la conquête
en a été faite par les armes Britanniques ;
bien entendu que le terme de dix-huit mois , à
compter du jour de la ratification du Traité définitif
fera accordé aux Sujets de Sa Majesté Britannique
qui le feroient établis dans lesdites Ifles
& antres endroits reftitués à la France par le Traité
définitif, pour vendre leurs biens , recouvrer leurs
dettes & tranfporter leurs effets , ainfi que leurs
perfonnes , fans être gênés à caule de leur Religion,
ou fous quelque prétexte que ce puiffe être ;
hors celui de dettes ou de procès criminels .
Art. 8. Le Roi Très- Chrétien céde & garantit à
Sa Majesté Britannique en toute propriété les Ifles
de la Grenade & les Grenadins , avec les mêmes
ftipulations en faveur des habitans de cette Colo
nie, inférées dans l'Art . 2. pour ceux du Canada ; &
le partage des les appellées Neutres eft convenu
& fixé de manière que celles de Saint-Vincent , la
Dominique & Tabago resteront en toute propriété
à l'Angleterre , & que celle de Sainte-Lucie fera
remife a la France , pour enjouir pareillement en
toute propriété , les deux Couronnes fe garantiffant
réciproquement le partage ainfi ftipulé.
Art. 9. Sa Majesté Britannique reftituera à la
1
212 MERCURE DE FRANCE.
France l'Ile de Gorée , dans l'état où elle s'eft
trouvée quand elle a été conquife , & Sa Majesté
Très-Chrétienne céde en toute propriété & garantit
au Roi de la Grande- Bretagne le Sénégal.
Art. 10. Dans les Indes Orientales , la Grande-
Bretagne reftituera à la France les différens Comptoirs
qu'avoit cette Couronne fur la côte de Coromandel
, ainfi que fur celle de Malabar, auffi- bien
que dans le Bengale , au commencement des
hoftilités entre les deux Compagnies dans l'année
1749 , dans l'état où ils font aujourd'hui , à condition
que Sa Majesté Très - Chrétienne renonce
aux acquifitions qu'Elle a faites fur la côte de Coromandel
depuis ledit commencement des hoftilités
entre les deux Compagnies dans l'année 1749.
Sa Majesté Très - Chrétienne reftituera de fon côté
tout ce qu'elle pourra avoir conquis fur la Grande-
Bretagne aux Indes Orientales pendant la préſente
guerre , & Elle s'engage auffi à ne point ériger
de fortifications & à n'entretenir aucunes troupes
dans le Bengale,
Art. 11. L'Ifle de Minorque fera reftituée à Sa
Majefté Britannique , ainfi que le fort Saint Philippe
, dans le même état où ils fe font trouvés
lorfque la conquête en a été faite par les armes du
Roi Très Chretien , & avec l'Artillerie qui y étoit
lors de la priſe de ladite Ifle & dudit Fort.
La fuite des Nouvelles Politiques au Mercure
prochain.
JANVIER. 1763. 213
ARTICLE VIII.
ECONOMIE ET COMMERCE.
PRIX de la Volaille & du Gibier des
premieres qualités , à Paris , pendant
la fin du mois de Décembre.
GROS Chapons , la pièce , s liv. 4 liv . 10 f.
Poulardes , liv. 2 liv. 10f. 3
Dindon commun , 4 liv , 3 liv . 10 , 2 liv. 10.
Poulet gras , 2 liv ,
Poulet commun ,
I liv. f , 1 liv. s.
I liv. f, 1 liv. & 15 f.
Levreau , 3 liv , 2 liv. 10 f.
Lapreaur liv . & 15 f..
Canard fauvage , 2 liv . 15 f, 2 liv. 10 f, 2 live
Bécaffes , 3 liv , 2 liv . 10 f. & 2 liv. § ſ.
Bécaffines , 1 liv . 10 f
I
Perdreau rouge , 2 liv. 10 f. 2 liv.
Perdreau gris , liv . s f, 1 liv. & Is
Pluvier , 2 liv. 5 f , 2 liv , 1 liv. 15 f.
Agneau , 1 liv , to liv , liv.

9
Cochon de lait , 7 liv. & liv.
Allouetes , le paquet , i liv. & 15 f.
f.
Prix des Grains du même temps.
Froment , le feptier , 1s liv. s f , à 16 liv. 5. H
en a été vendu à 12 liv . 10 f. & 15 liv.
Seigle 7 liv. 10 f. à 9 liv.
Orge , 8 liv. 10 f. à 9 liv. 5.
Avoine , 16 à 18 liv . 10 f.
Avoine en banne , 16 à 16 liv. 10 f.
Farine blutée , le boiffeau , 1 liv. s f, 1 liv. 9 f.
+
1.
214 MERCURE DE FRANCE .
Menus Grains.
Lentilles , le feptier , 25 à 52 liv .
Lentilles à la Reine , 24 liv .
Sarrazin , 9 liv. 10 f.
Vefce , 17 à 18 liv.
Fourages.
Par Ordonnance de Police du 7 Décembre
dernier , le prix des Foins a été réglé & fini depuis
21 , 22 , 23 , 24 , 25 & jufqu'à 26 liv ,
avec défenles de vendre à plus haut prix , fous
peine de 300 liv. d'amende & de confiſcation .
APPROBATIO N.
J'ai lu , par ordre de Monfeigneur le Chancelier , 'AI
le premier volume du Mercure de Janvier 1763 ,
& je n'y ai rientrouvé qui puiffe en empêcher
l'impreffion. A Paris , ce 31 Décembre 1762.
GUIROY .
TABLE DES ARTICLES.
PIECES FUGITIVES EN VERS ET EN PROSE.
EPITRE
ARTICLE PREMIER.
PITRE au Mercure .
DIALOGUE entre l'Amour & l'Auteur,
Page 7
13
VERS à Madame A..... pour le jour de fa fête. 14
VERS à Mlle de Grifs .
ibid.
JANVIER. 1763. 215
Opi fur la Paix.
LES Quiproquo , Nouvelle.
VERS à Mlle Arnould , fur le rôle de Pfy--
ché qu'elle a chanté devant le Roi à Fontainebleau.
PSYCHE Vendangeufe , Fable.
LES Voeux d'un Citoyen .
LE TEMPS , Ode .
VERS à S. A. S. Mgr le Prince de Condé.
CONSEILS d'un Homme de 80 ans , à une
Demoiselle de neuf ans.
A Mile Dumefnil , fur la penfion dont S. M.
l'a gratifiée.
EXTRAIT d'une Lettre écrite par M. Louis
Beranger , Officier.
TRADUCTION libre des Etrènnes d'un vieux
Gaulois.
15
19
43
44
46
47
fi
52:
61
6.24
ENIGMES .
LOGOGRYPHES.
66
69 &70
70 &71
720. CHANSON.
ART. II. NOUVELLES LITTÉRAIRES.
DISSERTATION de M. de Saintfoix , au fujet
de la Statue Equeftre d'un de nos
Rois qui eft dans l'Eglife de Notre-
Dame de Paris .

ESSAI hiftorique fur Abraham Duquesne ,
Lieutenant Général des Armées Navales
de France.
LA Religion vengée , pour l'année 1763 .
MEMOIRES pour fervir à l'Hiftoire de la
Mailon de BRANDEBOURG.
LETTRES de Mlle de Juffy à Mlle de ***,
ETRENNES aux Dames , avec le Calendrier
de l'année 1763 .
PRINCIPES
de certitude , ou Effai fur la Lo
gique.
"
73
80
109
III
112
II
216 MERCURE DE FRANCE.
DISSERTATION fur l'ufage de boire à la
glace , par M. D. D. Licentié en Droit. 116
ANNONCES de Livres.
118 &fuiv.
ARTICLE III . SCIENCES ET BELLES-LETTRES.
GEOMETRI E.
ART. IV. BEAUX - ARTS.
ARTS UTILES.
ARCHITECTURE.
PRIX proposé par l'Académie Royale de
Chirurgie , pour l'année 1764.
ARTS AGRÉABLES.
GRAVURE.
EDITION des Contes de la Fontaine.
126
134
135
LETTRE à M. D...
MUSIQUE.
ART. V. SPECTACLES .
AVERTISSEMENT.
SPECTACLES du Ror à Choifi.
SPECTACLES de la Cour à Versailles.
SPECTACLES DE PARIS.
OPÉRA.
COMÉDIE Françoiſe .
COMÉDIE Italienne.
CONCERT Spirituel .
SUITE des Nouv . Polit . de Décembre.
MORTS.
ART. VIII . Economie & Commerce.
138
147
148
ISS
159
160
162
175
183
185
201
213
De l'Imprimerie de SEBASTIEN JORRY ,
rue & vis-à- vis la Comédie Françoiſe.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI .
JANVIER. 1763.
SECOND VOLUME.
Diverfité , c'est ma devife . La Fontaine.
Chez
Cochin
Situs inve
PapillonSculp
A PARIS ,
CHAUBERT , rue du Hurepoix.
JORRY, vis- à-vis la Comédie Françoiſe.
PRAULT , quai de Conti.
DUCHESNE , rue Saint Jacques.
CAILLEAU , rue Saint Jacques.
CELLOT , grande Salle du Palais.
Avec Approbation & Privilége du Roi.
EYBLIOTH
KIG ! &
MINACEAEIS
AVERTISSEMENT.
LE Bureau du Mercure eft chez M.
LUTTON , Avocat , Greffier Commis
au Greffe Civil du Parlement Commis
au recouvrement du Mercure , rue Sainte
Anne , Butte Saint Roch à côté du
Sellier du Roi.
2
C'est à lui que l'on prie d'adreffer ,
francs de port, les paquets & lettres
pour remettre , quant à la partie littéraire
, à M. DE LA PLACE , Auteur
du Mercure.
Le prix de chaque volume eft de 36
fols , mais l'on ne payera d'avance , en
s'abonnant , que 24 livres pour feize volumes
, à raifon de 30 fols piece.
Les perfonnes de province aufquelles
on enverra le Mercure par la pofte ,
payeront pour feize volumes 32 livres
d'avance en s'abonnant , & elles les re--
cevront francs de port.
Celles qui auront des occafions pour
le faire venir, ou qui prendront les frais
du port fur leur compte , ne payeront
comme à Paris , qu'à raifon de 30 fols
parvolum, c'est-à- dire 24 livres d'avance,
en s'abonnant pour feize volumes.
Les Libraires des provinces ou des
A ij
pays étrangers , qui voudront faire venir
le Mercure , écriront à l'adreſſe cideffus.
On fupplie les perfonnes des provinces
d'envoyer par la pofte , en payanı
le droit , leurs ordres , afin que le payement
en foit fait d'avance au Bureau.
Les paquets qui neferont pas affranchis
, refteront au rebut.
On prie les perfonnes qui envoyent
des Livres , Eftampes & Mufique à annoncer,
d'en marquer le prix,
Le Nouveau Choix de Piéces tirées
des Mercures & autres Journaux , par
M, DE LA PLACE , fe trouve auffi au
Bureau du Mercure. Le format , le nombre
de volumes & les conditions font
les mêmes pour une année. Il y en a juf
qu'à préfent quatre - vingt - fix yolumes.
Une Table générale , rangée par
ordre des Matières , fe trouve à la fin du
foixante- douxiémę,
MERCURE
DE FRANCE.
JANVIER. 1763 .
ARTICLE PREMIER.
PIECES
FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
)
ODE SUR LA PAIX .
UN léger Tourbillon , prémices des orages ,
A peine de Cérès fait courber les épis ,
Qu'il vole fur les mers éveiller les naufrages
Et les flots affoupis.
C'eft ainfi que voilant fa funefte origine ,
La Guèrre , qui dans l'ombre alluma fes fambeaux
,
II. Vol. A iij
6 MERCURE DE FRANCE .
Vint changer tout-à- coup nos Palais en ruine ,
Et la Tèrre en tombeaux.
J'aivuMars, jeཏུ མl'ai vû, des fommets du Rodope ,
Précipiter fon char & les courfiers fougueux ;
Je t'ai vue , ô Bellone ! épouvanter l'Europe
Detes cris belliqueux .
Ah ! périffe le jour où la Sprée infultante ,
Pareille à ces torrens échappés de l'Etna ,
Vint choquer fa rivale , éperdue & tremblante ,
Aux rochers de Pyrna . *
*
Depuis ce jour fanglant , ô que de jours funeftes
Ont épuifé fur nous leurs tragiques horreurs ,
Les crimes , les revers , les vengeances céleſtes ,
Et nos propres fureurs.
Organe de la Mort , la trompette éffrayante
Appelloit aux combats & la Tèrre & les Mers ;
Et l'Amérique a vû l'Europe foudroyante
Tonner dans les déferts.
Alors furent changés en glaives homicides
Le foc de Triptolème & la faulx de Cérès :
Aux yeux du Laboureur le char des Euménides
Sillonna les guérêts.
Sept fois l'Eté brûlant , fept ois l'humide
tomne ,
* Invafion en Saxe.
JANVIER. 1763. 7
Sept fois le fombre Hyver entouré de glaçons ,
Vit l'affreufe Atropos faire aux champs de Bellone
D'éffroyablesmoillons.
Eh ! pourquoi de la Mort précipiter les aîles ?
La tombe eſt-elle encor trop loin de nos berceaux ?
Malheureux ! eft- ce à nous que les Parques cruelles
Ont remis leurs ciſeaux ?
Mortel , que veut ce glaive en tes mains fanguinaires
?
Menace-t-il le fein des Tigres dévorans ?
Quoi ! l'Homme égorge l'Homme , affaffins mercenaires
Vendus aux Conquérans !
O fainte Humanité ! quel fpectacle fauvage
Offre à tes yeux en pleurs ce Globe malheureux ,
Tous ces fleuves de fang , ces plaines de carnage,
Et ces piéges de feux !
Sans doute Néméfis , en fes profondes nues ,
Accumulant fur nous les orages du Sort ,
Lança de toutes parts ces fléches inconnues
Au carquois de la Mort.
Affez & trop long- temps ont roulé fur nos têtes
Tous ces globes de fer qui brifent les remparts ;
Trop long- temps ont regné les homicides fêtes ,
Les jeux fanglans de Mars.
A iv
8 MERCURE DE FRANCE .
Que ces Bouches de feux ouvertes au carnage ,
Que ces Monftres d'airain fe taifent pour jamais ;
Ou grondent fans fureur , expiant leur ravage ,
Aux fêtes de la Paix .
Telle après les éclats d'un horrible tonnèrre ,
Sur les reftes grondans d'un nuage enflammé ,
La bienfaiſante Iris vient apprendre à la Tèrre
Que l'Olympe eft calmé.
Rois , enfans des Dieux , imitez leur clémence !
Un thrône bienfaiſant eft rival des autels :
Etouffez des combats la fatale femence ,
Epargnez les Mortels.
Paſteurs des Nations que le Ciel vous confie ,
Quittez ce titre augufte , ou rendez-nous heureux ;
Mais l'orgueil des Héros fouvent nous facrifie
A fes coupables voeux.
Zh !qui peut envier une palme fragile ,
S'il faut , pour la cueillir , enfanglanter fes mains ?
LOUIS , ton coeur préfére à fon éclat ſtérile
Le bonheur des Humains.
Ton Miniftre fidéle , & que Minerve inſpire ,
Va réparer de Mars les finiftres revers ;
Le moment qui rendra la Paix à ton Empire,
La rend à l'Univers .
JANVIER. 1763 . 9
Quel Mécène nouveau , jaloux de ſa mémoire ,
Raffermira des Arts les autels chancelans ?
CHOISEUL , ce fera toi ; tout Amant de la Gloire
Eft Ami des Talens.
O PAIX , divine Paix fi long-temps implorée ,
Prends du haut de l'Olympe un favorable éffor !
Et fur le front fanglant de l'Europe éplorée ,
Fixe tes aîles d'or !
Tes mains de l'Océan nous ouvrent les barrières ;
Ces Pins navigateurs , amis des Matelots ,
Vont deſcendre à ta voix de leurs forêts altières ,
Pour traverser les flots.
Par les noeuds du Commerce embraſſe les deux
Mondes ;
Et des climats de l'Inde aux rives du Boetis ,
Guide nos pavillons fur les vagues profondes
De l'immenfe Thétis.
Tes regards ont calmé l'orageuſe Angleterre ;
Les Peuples du Soleil , enfans des vaſtes Eaux ,
Ne verront plus fortir & la foudre & la guèrre
Des flancs de ſes vaiffeaux.
Aux deux Mondes rivaux donne un juſte équilibre,
Rends les Peuples heureux & les Rois citoyens :
Exile tous les maux ; le bonheur d'être libce
Eft le premier des biens.
1
A v
10 MERCURE DE FRANCE.
Eh ! peux-tu , fans pitié voir un or tyrannique
De l'Africain fervile acheter les malheurs?
L'Humanité qu'outrage un abus politique
Te préfente fes pleurs.
Des enfans du Niger affranchis le rivage ;
De la Nature entin ofe venger les droits :
Fais que l'Humanité , briſant leur esclavage ,
Signe aux Traités des Rois .
L'Univers te rappelle , aimable Fugitive ;
Enchaîne la Difcorde aux Autels dé Janus :
Brife les noirs Cyprès , & joins ta douce olive
Aux myrthes de Vénus .
De pampres & de fleurs tu couronnes la Tèrre ;
Les Bergers conduiront leurs paifibles troupeaux ,
Où Mars tendit fes camps , où grondoit fon tonnèrre
,
Où flottoient fes drapeaux.
O que
de fils rendus à leurs mères tremblantes !
Que d'époufes en pleurs reverront leurs époux ,
* M. de Montefquieu , ce Légiflateur de l'Humanité
, dit au fujet de la Traite des Négres :
» Ne viendrait il pas dans la tête des Princes
» d'Europe qui font entr'eux tant de conven-
> tions , d'en faire une générale en faveur de la
>> miféricorde & de la pitié ? Liv . 15. chap . 5. de
"Efprit des Loix.
JANVIER. 1763 . II
Et ne pâliront plus aux nouvelles fanglantes
De Bellone en courroux !
Ta fouris & de Mars domptant la fière audace
Tu vois fuir les combats devant tes yeux fereins
Ton afpect fait tomber la guèrre & la menace
Du front des Souverains.
Ainfi , quand les Zéphyrs , fur leur aile fleurie ,
Raménent l'Alcyon , doux efpoir des Nochers ,
Le flot grondant s'appaife , & roule fans furie
Du fommet des rochers.
VERS envoyés à Madame la Marquife
de P ** , avec l'Ode fur la Paix.
Il fut une Déeffe aimable L
Qui permit aux Beaux- Arts de lui faire la cour.
C'étoit Minerve , à ce que dit la Fable ;
***
La Vérité dit . c'eft P *
que
ETRENNE à Madame de M ***
DANS ANS ces jours de fadeur , de faulleté, d'ennui,
Chacun à l'envi vous prétente
Quelque inutilité brillante
Que très- atilement pour luit
L'industrieux Dulacq invente.
A vi
12 MERCURE DE FRANCE .
Peut-ètre aufli quelqu'un vous offre- t- il des vers ;
Car le talent aifé de rimer fans génie,
De mille honnêtes gens eft le commun travers .
Moi-même j'ai par fois cette froide manie:
Cependant n'en redoutez rien .
J'ai fait un Madrigal , mais c'eſt pour votre chien.
A MEDOR.
Chien favori d'une Vénus- Minerve ,
A qui le Ciel prodigua fans réferve
Le don de plaire & celui d'éclairer ,
Reçois avec mes voeux ces bonbons pour Etrenne,
Et compte que pour t'en bourrer ,
J'en aurai toujours poche pleine ;
Mais j'ai besoin de ton fecours :
Tu fçais te faire entendre à ta belle maîtreffe.
Pour la rendre attentive invente quelques tours ;
Puis remuant la queue en figne de careſſe ,
D'un air tendre & flateur jappe - lui ce Difcours :
Vous qui fçavez unir par un rare aſſemblage
La vérité des fentimens ,
Et la candeur du premier âge
A tout l'efprit des derniers temps !
Celui qui près de vous follicite mon zéle ,
Eft foumis , attaché , fidéle ;
Son mérite eft d'aimer ; c'eſt auffi tout le mien :
Traitez- le comme votre chien.
AUTRE A GLY CERE .
Voici les voeux que mon coeur forme :
JANVIER. 1763. 13
Le bonheur de Glycère eft mon premier defir ;
Que fans opium elle dorme ;
Que l'affreufe douleur ne vienne plus faifir
Un corps charmant dont à plaifir
Les Grâces ont moulé la forme.
Dieux , épuifez fur moi toute votre rigueur ,
Mais ne déchirez plus une fi belle trame ;
Ne livrez point à la douleur
Des jours que le plaifir reclame.
Si Glycère pouffe an ſoupir ,
Que ce loupir pouflé foit enfant du defir.
S'il échappe des pleurs à l'aimable Glycère ,
Que ce foit le Dieu de Cythère
Qui mouille fes beaux yeux des larmes du plaifir.
Toi qui feras couler ces précieuſes larmes ,
Mortel favorifé des Dieux ,
Je t'enviraî , fans doute un fort fi plein de charmes !
N'importe , fois-en digne , & je mourrai joieux.
Je connois le coeur de Glycère :
Mais s'il fe peut , qu'un tel coeur foit à toi .
Tu fauras mieux que moi lui plaire ;
Puiffes-tu l'aimer comme moi ! ..
A Madame la Préfidente CH ..... en lui
envoyant la clefde l'OEuvre de S. Paul.
AIMABLE , vertueuſe , & jeune Préſidente
Un Exmarguillier vous préſente ,
14 MERCURE DE FRANCE.
La clef de ces bancs deftinés
Aux notables prédestinés.
Vous y verrez Befeaux , Quêteurs, Marchands du
Temple ,
Et nos petits Bourgeois gonflés de Pains - benis ;
Mais fi tout , de trop près , dans le monde on
contemple ,
Tout jufques au plaifir entraîne les foucis.
Si d'un foible préfent vos mains reconnoiffantes
Faifoient verfer fur moi vos priéres ferventes ;
Cette clef qui chez moi n'eft pas d'un fort grand
prix ,
Me deviendra chez vous la clef du Paradis.
P. M. B....
LE MAQUIGNON,
FABLE.
CHEZ un Maquignon mon voifin
Je ne voyois jamais étriller que des roffes.
Cependant maint gens à carroffes
En achetoient foir & matin
Quel est votre fecret , dis - je au Maître Gonin ,
Pour vendre ainfi vos haridelles ?
J'ai , dit -il , magazin de houffes des plus belles ,
Je les leur jette fur le dos ,
Je les bride bien haut , en avant je les pouffe ,
JANVIER. 1763 . 15
Je manége vingt pas , elles plaifent aux Sots.
Que j'ai vû depuis ce propos ,
De roffes fous de belles houffes !
Par le même.
SUITE DES QUIPROQUO ,
L
NOUVELLE.
A Marquife n'étoit point préfente
à ces propos ; Damon profita de fon
abfence pour tirer Dorval à l'écart. Il
l'invite fimplement à fe rendre avec lui
à l'étoile fous quelques minutes. Je vais
t'y devancer , reprit ce dernier , fans'
être cependant , au fait du myftère . En
effet , il fortit l'inftant d'après . Damon
ne tarda pas à le fuivre. Tous deux fe
rejoignirent au lieu indiqué. L'air férieux
de Damon ne furprit point Dorval
; il ne lui en connoiffoit guères d'autre.
Comment va la nouvelle intrigue
lui dit- il ? ma foi , Comte , je t'en félicite
, ton choix ne pouvoit mieux tomber
que fur la Marquife. Elle te fera
faire plus de progrès en deux mois que
Lucile en deux ans. Mes progrès , répondit
féchement Damon , font encore
plus prompts que vous ne penfez ; j'ai
16 MERCURE DE FRANCE.
,

déja appris à difcerner un ami vrai d'a-.
vec un ami faux. Quoi ? repliqua Dorval
, un peu furpris du ton avec lequel
ces paroles avoient été prononcées
eft- ce à ces fortes d'inftructions que la
Marquife borne fes foins ? Laiffons-là
la Marquife , reprit Damon , avec encore
plus de hauteur , parlons de vos
procédés : ce n'eft pas la premiere fois
qu'ils me choquent ; mais je fonge à
m'en venger plutôt qu'à les définir.
Sçais-tu bien, Comte , ajouta Dorval
qu'à la fin ce ton m'ôteroit la liberté
& même la volonté de te défabufer ?
Peu m'importe , interrompit Damon
& d'ailleurs , ce feroit peine perdue ; je
fçais à quoi m'en tenir . Cherchons quelque
endroit plus écarté. Ils s'avancent
fans ancune fuite , & ne tardent pas à
trouver ce qui leur convient. Dorval qui
n'avoit qu'un feul ton pour toutes les
circonftances de la vie , n'en changea
point dans celle où il fe trouvoit . Il me
femble , difoit-il , voir renaître le fiécle
de nos anciens Preux : quand ils n'avoient
rien de mieux à faire , ils s'amufoient
à rompre une lance en l'honneur
de leurs Dames. Il eft vrai , pourſuivoit-
il , qu'un bras en écharpe eut toujours
des grâces aux yeux d'une Belle.
>
JANVIER. 1763 . 17
Ils s'arrêtent en un lieu qui leur paroît
propre à ce qu'ils méditent. Là ils mettent
l'épée à la main & fe battent avec
la même ardeur que s'ils euffent toujours
été ennemis. Ils s'étoient déja
bleffés l'un & l'autre, quand le Chevalier
de B..... arriva. Meffieurs , leur dit il ,
en les féparant , que fignifie cette fcène
? Ma foi , mon cher Chevalier ,
prit Dorval , je l'ignore : demande-le à
Damon ; peut - être le fçait-il . Damon
croyoit effectivement le fçavoir ; mais
il ne jugea pas à propos de s'expliquer.
Les deux prétendus rivaux avoient chacun
befoin des fecours d'un Chirurgien.
On en fait venir un chez le Suiffe
du Bois de Boulogne. Il panfa les
deux bleffés ; après quoi , l'un & l'autre
ayant envoyé ordre à leurs épuipages
d'avancer , chacun remonta dans le fien .
Le Chevalier accompagna Damon qu'il
jugeoit avoir été l'aggreffeur dans cette
affaire . Il lui fit encore quelques quef
tions inutiles pour en favoir le motif. II
conclud , enfin , que la jaloufie armoit
les deux rivaux l'un contre l'autre , &
que l'objet de cette jaloufie étoit la Marquife.
C'étoit du moins elle qui avoit foupçonné
la premiere le motif de leur for18
MERCURE DE FRANCE.
tie . Elle étoit fans qu'on le fçût , dans
un cabinet voifin , lorfque Damon avoit
parlé en fecret à Dorval ; elle avoit entendu
nommer le lieu du rendez -vous
& c'étoit à fa priére que le Chevalier
avoit fuivi les deux Champions. De-là
fon apparition fi fubite , & que ni Dorval
, ni Damon n'avoient pû prévoir.
Le Chevalier l'inftruifit de ce qui s'étoit
paffé , & lui fit part de fes conjectu
res. Le mot de combat l'éffraya d'abord.
Elle n'étoit pas de nos Coquettes qui
dans ces fortes d'occafions regardent la
mort d'un amant , comme une victime
offerte à leurs charmes, comme le triomphe
le plus réel de leur beauté. Le Che
valier la raffura , en lui apprenant que
les bleffures des deux rivaux n'étoient
pas dangereufes . Rien , au furplus , ne
pouvoit l'induire en erreur . Elle favoit
que Damon aimoit Lucile , elle favoit
qu'il etoit l'aggreffeur dans cette difpute.
Elle n'avoit qu'une crainte ; c'étoit que
la jaloufie de Damon ne fût point mal
fondée. Cependant , par un motif de
tracafferie , affez commun parmi les

femmes elle fit fécrettement informer
Cinthie de la difpute des deux amis. On
ajouta de plus , par fon ordre , que felon
toutes les apparences , la Marquife les
avoit rendus rivaux.
JANVIER. 1763. 19
A
Il eft facile de rendre jaloufe une
femme qui ne peut que difficilement réparer
fes pertes . Cinthie étoit dans le
cas. Lui enlever Dorval c'étoit lui ravir
Tout ce qui lui reftcit . Elle ne put déguifer
fon défefpoir , même aux yeux
de fa niéce. D'ailleurs elle diffimuloit
beaucoup moins avec Lucile , depuis
qu'elle la croyoit oubliée de Damon .
J'ajouterai même qu'elle avoit porté la
confiance envers elle à un point éxceffif.
Lucile s'amufoit à peindre en miniature
, & y réuffiffoit parfaitement . Cinthie
voulut qu'elle traçât de mémoire lè
Portrait de Dorval. Un prétexte affez
frivole vint à l'appui de cette demande.
Lucile fans approfondir fes vues , obéit
à fes ordres , & fongea à faire auffi
ufage de ce talent pour elle - même . Elle
fe trouvoit cependant encore plus hu
miliée que fa tante. Hélas ! difoit- elle
s'il eft vrai que Damon & Dorval s'étoient
querellés pour la Marquife , il
eft donc bien sûr que Damon ne fonge
plus à moi , qu'il me facrifie à cette rivale
! C'étoit pour accroître ce facrifice
que l'Ingrat vouloit fçavoir ce qui fè
paffoit dans mon coeur. Je lui en ai tû
la meilleure partie , & lui en ai trop dit
encore .

20 MERCURE DE FRANCE .
mon ,
Tandis que Lucile accufoit ainfi Dail
étoit lui-même partagé entre
les regrets d'avoir peut- être injuftement
querellé Dorval , & la crainte d'avoir
eu trop de raifon de le faire. La fiévre
l'avoit faifi & retardoit la guériſon de
fa bleffure . Dorval , au contraire fut
guéri de la fienne au bout de huit jours.
Il apprit l'état où étoit fon adverfaire
& en fut touché. Toute rancune étoir
bannie de fon âme , ou pour mieux dire
fon âme étoit incapable d'en conferver.
Il s'étoit battu avec Damon fans être fon
ennemi . Il réfolut de le fervir comme'
s'ils ne fe fuffent jamais battus , à le réconcilier
une feconde fois avec Lucile.
Ce font , difoit-il , deux enfans qui s'aiment
& qui fe boudent. Il faut avoir pi
tié de leur inexpérience , il faut les obliger
à s'entendre.
Dans ce deffein il ſe rend chez Cinthie
, à laquelle il fe propofoit de taire
la vraie caufe de fon abfence depuis huit
jours. Il fut furpris de l'en trouver inftruite.
Quoi ! Monfieur , lui dit - elle ,
auffi-tôt qu'elle l'apperçut , vous vous
expofez aux rifques de fortir ? Celle qui
vous a fait braver les périls d'un combat
ne vous oblige pas , du moins , à
prendre foin de votre guérifon ? C'eſt
JANVIER. 1763 . 21
bien mal connoître le prix de certaines
choſes. Je vous jure d'honneur , Madame
, reprit Dorval , que j'ignore de qui
vous vouliez parler.... Comment , Monfieur
n'avez-vous pas eu affaire avec
Damon ? ... Je l'avoue , puifque vous le
favez ; mais c'eft tout ce que je fais làdeffus
moi-même.... Quoi ? vous vous
battez fans fçavoir pour qui , ni à quel
fujet ? ... Eh ! Madame , eft- ce donc une
chofe fi extraordinaire ? ... Mais on s'explique
du moins .... Madame , reprit
encore Dorval, ces fortes d'explications
ne fervent qu'à faire foupçonner la valeur
de quiconque s'y arrête , un peu
équivoque. Il vaut mieux paroître s'entendre.
On s'explique après , s'il en eft
encore temps. Mais Damon garde encore
pour lui fon fecret.
Dorval en étoit cependant bien inf
truit ; mais il n'en vouloit faire part qu'à
Lucile. Nayant pu alors l'entretenir en
particulier , il revint le jour fuivant.
L'occafion étoit favorable ; Cinthie étoit
abfente & Lucile abfolument feule dans
fon cabinet. Dorval qui étoit en poffeffion
d'entrer librement , ufe de ce privilége.
Il pénétre fans bruit jufqu'au cabinet
, dontla porte fe trouva toute ouverte.
Il voit Lucile occupée à peindre ,
22 MERCURE DE FRANCE.
& reconnoît le Portrait de Damon qu'elle
traçoit de fouvenir , en laiffant de loin .
à loin échapper quelques larmes. L'ouvrage
étoit affez avancé pour que Dorval
ne pût s'y méprendre. Il comprit dèslors
que le foin d'apaifer Lucile n'étoit
pas le plus preffé & qu'on pouvoit s'en
repofer fur elle même . Il fort comme il
étoit entré fans faire de bruit , fans être
apperçu . Lucile étoit trop férieufement
occupée pour qu'il fût aifé de la diftraire.
Voici ,, difoit
Dorval
, chemin
faifant
, voici
un
nouveau
fpécifique
pour
ce
pauvre
Damon
; refte
à trouver
le
moyen
de
lui
en
faire
part
. Il craignoit
d'irriter
fon
mal
, en
s'offrant
à fa vue
.
Il fe rendit
chez
le
Chevalier
qui
leva
fes
doutes
avant
qu'il
les
lui
eût
expliqués
. J'allois
chez
toi
, lui
dit-il , auffitôt
qu'il
l'apperçut
, &
j'y
allois
de
la
part
de Damon
, qui
t'invite
fincérement
à te
rendre
chez
lui. De
tout
mon
coeur
reprit
Dorval
; ma
vifite
je crois
, vaudra
mieux
pour
lui
que
celle
de
fon
Médecin
. Tous
deux
fe
rendent
chez
le
malade
, qu'ils
trouvent
au
lit.
A peine
apperçut
-il
Dorval
, qu'il
lui
tendit
la
main
de l'air
le plus
intime
. On
m'affu
re , lui
dit-il , que
tous
mes
foupçons
à
F
JANVIER. 1763. 23
ton égard font faux , je commence à le
croire. Oublions le paffé , & daigne encore
être mon ami. Très -volontiers , répondit
Dorval , je le fuis , & n'ai point
ceffé de l'être. J'ai fait , de plus , une
découverte qui doit anéantir ta fiévre
& tes foupçons . Quelle est - elle ? reprit
vivement Damon... Des meilleures pour
toi.Tu fçais ou ne fçais pas que la fille d'un
certain Dibutade craignant de ne plus revoir
fon amant , charbonna fes traits fur
le mur de fa chambre ? ... Hé bien ! que
m'importe ? ... Lucile te traite avec plus
de diftinction ; elle te peint en miniature.
Lucile me peint ! s'écria Damon....
Mieux que ne feroit un peintre , repliqua
Dorval: une jeune perfonne dont
F'Amour conduit le pinceau , fait toujours
des prodiges dans ces fortes d'occafions.
Tu me flattes , mon cher Marquis
, ajoutoit Damon , en fe foulevant
pour l'embraffer , tu me flattes ! Lucile
eft trop indifférente pour en ufer ainfi ...
Oh , parbleu ! je veux t'en donner le
plaifir. D'ailleurs , il faut bien que tu
viennes obtenir ton pardon ; c'eſt une
cérémonie préalable... Je t'avoue que je
crains les reproches de Cinthie ... Cinthie
eft occupée à faire juger un procès de
la plus grande là conféquence. Elle fort
24 MERCURE
DE FRANCE .
"
tous les matins & a la maladreffe de ne
pas mener Lucile avec elle. Tu profiteras
de cette lourde bévue.
Damon fut en état de fortir au bout
de quelques jours , tant le ſpécifique de
Dorval avoit produit un prompt effet.
Ce dernier conduit Damon chez Cinthie.
Elle étoit abfente , comme ils l'a--
voient prévu. Lucile elle-même ne fe
trouva point dans fon appartement. On
leur dit qu'elle accompagnoit
dans le
Parc une vieille parente qui étoit venue
la vifiter. Damon pria Dorval d'aller la
prévenir fécrettement
fur fon arrivée :
ce que ce dernier exécuta avec plaifir.
A peine commençoit - il à s'éloigner ,
Damon entre dans le cabinet de
Lucile. Son but ne pouvoit pas être
bien décidé. Peut être efpéroit-il y trouver
ſon portrait. Mais que devint-il ,
en appercevant celui de Dorval , trèsreffemblant
, & auquel Lucile paroifloit
avoir encore travaillé le jour même ?
Une pareille vue déconcerteroit
l'amant
le plus flegmatique . Pour Damon , il
devint furieux. Quoi ! s'écria-t- il , hois
de lui-même , je ferai donc fans ceffe
le jouet d'une perfide & d'un traître ?
C'est pour me rendre le témoin de ma
honte qu'il ofe me conduire ici ? Ah !.
que
je
JANVIER. 1763.. 25
je, ne dois plus écouter que ma rage . Il
s'en fallut peu qu'il ne mît le portrait en
piéces ; mais il fe contenta de fortir de
la maiſon , fans avoir parlé ni à Lucile
ni à Dorval.
Tandis qu'il retourne chez lui ne refpirant
que vengeance , Dorval inftruifoit
Lucile de fon arrivée. Cet avis la
jette dans le plus grand trouble . Elle
quitte avec précipitation fa Parente &
Dorval pour courir à fon appartement.
Voilà , difoit ce dernier , une activité
qui n'eft point de mauvais augure pour
Damon. Mais le defir de le revoir n'étoit
pas l'unique raifon qui engageât
Lucile à fe preffer ainfi . Elle vouloit
fouftraire à fa vue le portrait qu'elle
avoit laiffé en évidence ; oubli dont l'arrivée
de fa vieille parente étoit la feule
caufe. Lucile arrive , retrouve le portrait
à peu près à la même place , mais elle
n'apperçoit point Damon : elle fonne
elle demande ce qu'il eft devenu ; on
lui apprend qu'il vient de remonter dans
fon vis-à-vis & de s'éloigner en toute diligence.
Alors Lucile ne doute plus
qu'il n'ait vû le fatal portrait. Je fuis
perdue , difoit- elle , il va me regarder
comme une perfide , rien ne pourra plus
le défabufer : que je fuis malheureuſe !
II. Vol. B
>
26 MERCURE DE FRANCE.
Elle s'étoit renfermée dans fon cabinet ;
elle y reftoit accablée, elle oublioit qu'elle
eût compagnie dans le jardin . Dorval,
qui s'ennuyoit fort avec la vieille, jugeoit
qu'apparemment Lucile & Damon trouvoient
les inftans plus courts. Il avoit été
un peu furpris de voir Lucile s'éloigner
avec tant d'activité ; il ne le fut pas moins
de la voir reparoître avec un air de trifteffe
& d'abattement . La vieille Coufine
ayant mis fin à fa vifite , leur laiffa le
temps de s'expliquer. Eh bien ! belle
Lucile , lui dit Dorval , ne vous ai -je pas
ramené Damon , le plus docile de tous
les hommes ? je ne crains plus qu'une
chofe , c'eft qu'il ne devienne timide à
l'excès . Je n'ai pù le réfoudre à fe montrer
avant que vous foyez prévenue de
fon arrivée mais que vous a-t - il dit ?
qui ? Damon ? reprit Lucile , hélas ! je
ne l'ai pas même vû ! ... Quoi , Mademoiſelle
, vous m'avez laiffé morfondre
une demie -heure auprès d'une Baronne
feptuagénaire , & vous n'étiez pas -avec
Damon ? ... Je ne l'ai point vû , vous
dis -je , il étoit déjà parti : fa viſite n'eſt
qu'un outrage de plus pour moi ... Oh
parbleu , il y a là-deffous du fingulier ,
de l'extraordinaire ! Lucile foupçonnoit
bien ce qu'il pouvoit y avoir , mais elle
JANVIER. 1763. 27
n'ofoit en inftruire Dorval. Je vais , lui
dit ce dernier , éclaircir cette énigme
& reviens auffi-tôt vous faire part de ma
découverte. Arrêtez ! lui cria Lucile
je crains quelque nouvelle criſe entre
Damon & vous ... mais cette objection ,
& beaucoup d'autres , ne purent empêcher
Dorval de s'éloigner.
Il arrive chez Damon & le trouve
feul fe promenant à grands pas . Sçaistu
bien , lui dit-il , que tu deviens l'homme
de France le plus fingulier ? &
qu'on rifque de fe couvrir de ridicule
en s'intéreffant pour toi ? Damon
furpris de fa vifite , & le regardant
avec des yeux ou la furcur étoit peinte :
Monfieur , lui dit- il , venez-vous braver
jufque chez lui un ami que vous
trahiffez indignement ? ... Alte- là , interrompit
Dorval , je vois qu'il y a
ici quelque nouvelle méprife. Non ,
non , reprit Damon , il ne peut y avoir
d'équivoque ; tous mes doutes font
éclaircis. Julie , & vous êtes d'accord
enfemble pour me jouer. Mais que
plutôt .... Écoute , Damon , ajoûta
Dorval, nous nous connoiffons ; que
penferois-tu qui pût me réduire à diffimuler
avec toi ? Sais- tu qu'il y auroit
urieuſement d'orgueil de ta part à me
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
foupçonner de cette baffeffe ? ... Hé
bien , foit ; je confens à croire que tu
n'es point le complice de Lucile ; mais
je n'en fuis pas moins trahi , tu n'en es
pas moins la principale caufe... Oh !
explique-toi plus clairement fi tu veux
que je t'entende. Mais non, réponds- moi
d'abord : pourquoi , quand je vais annoncer
ton arrivée à Lucile, & que cette
pauvre enfant accourt vers toi , fans
prendre garde qu'elle rifque de facher
une parente , riche , caduque & qui
veut la faire fon héritière ; pourquoi Lu
cile ne te retrouve-t- elle plus ? Ah la
perfide ! s'écria Damon , ce n'étoit pas
moi qu'elle afpiroit à voir , c'étoit la
preuve de fa trahifon qu'elle vouloit
fouftraire à mes yeux ! , .. Comment ?
quelle preuye ? .., ton portrait , puifqu'il
faut le dire : l'ingrate eft actuellementoccupée
à te peindre...Mon portrait ! mais tu
te trompes , Damon , c'eſt le tien ; j'ai vu
Lucile occupée à l'achever... c'eft le tien ,
te dis-je ; crois- en l'attention avec la
quelle je l'ai examiné , crois-en la rage
qui me possède ! ... Parbleu l'aventure
eft des plus comiques , le quiproquo des
plus bizarres : tu crois , dis- tu , être bien
fur de ton fait ? ... Ah , trop fùr ! que
n'en puis-je au moins douter I mais non ,
JANVIER. 1763.. 29
tout est éclairci. C'est toi que l'ingrate
me préfére, c'est toi qu'elle aime. Dorval
reſta un moment rêveur , après quoi il
ajoûta , en pirouettant , ma foi , mon
pauvre Damon , cela pourroit bien être ,
je ne vois rien là de miraculeux , ce n'eft
pas la première fois que je triomphe fans
le fçavoir & fans y prétendre : après tout ,
il y auroit de la barbarie à rébuter cet
enfant ... Songe que la vie n'eft rien
pour moi fi Lucile m'eft enlevée , &
que tu n'obtiendras l'une qu'après m'avoir
arraché l'autre ... En vérité , Damon,
tu ne te formes point , tu es l'homme du
monde que je voudrois le moins tuer ;
mais , enfin , que veux -tu que je faffe ?
tu connois Lucile ; crois - tu qu'il foit
bien-aifé de lui tenir rigueur ? ... La
perfide ! ... Qu'entends-tu par ce mot ?...
Quoi ! peut- elle douter un inftant que
je ne l'adore ? ... Elle s'en fouviendra
quelque jour , & alors tu prendras ta
revanche , en lui préférant une rivale ...
Non , je veux , je prétends qu'elle s'explique
dès aujourd'hui , qu'elle prononce
entre toi & moi ... Tu n'y fonges pas ;
as-tu donc oublié que Lucile n'eft qu'un
enfant ? & qu'un pareil aveu embarrafferoit
la femme la plus aguerrie ? ....
N'importe , je jouirai de fa confufion ,
B iij
30 MERCURE DE FRANCE .
je pourrai l'accabler de reproches....
oh parbleu , c'eft ce que je ne dois pas
fouffrir. D'ailleurs , fonge au ridicule de
la démarche oùtu veux m'engager : l'amour
n'eft aujourd'hui qu'une convention
tacite ; on s'aime , on fe laiffe , &
tout cela doit fe deviner ; toute queſtion
à cet égard eft puérile , tout aveu fuperflu,
tout reproche ignoble & déplacé.
Il fallut , cependant , que Dorval cédât
aux inftances de Damon ; mais ce
ne fut qu'avec beaucoup de répugnance.
Lorfqu'il avoit promis à Lucile de le
lui ramener , il croyoit lui caufer de la
joie , & non de l'embarras . Leur arrivée
la fit pálir. C'eft de quoi Dorval
s'apperçut d'abord. Il prit ce ton léger
qu'il employoit à tous propos. Belle Lucile
, lui dit-il , banniffez toute contrainte.
Le défolé Damon veut être inftruit
de fon fort. Il foupçonne votre coeur de
fe déclarer pour moi , il croit que cer→
tain portrait , dont vous faites myftère
eft le mien. C'eft éxiger un aveu bien
authentique je l'avoue ; mais tel eft Damon
; Il préfére un arrêt foudroyant à
une plus longue incertitude .
Lucile ne répondit rien & parut encore
plus agitée . Ah ! s'écria Damon
ce filence n'en dit que trop. C'en eft
JANVIER. 1763. 31
>
fait , je fuis facrifié. Mais cruelle , celui
que vous me préférez ne jouira pas de
fon triomphe , ou la mort que je recevrai
de fa main m'empêchera de voir
mon opprobre. Lucile ne répondoit rien
encore. Ma foi , mon pauvre Damon
dit alors Dorval , j'ai pitié de l'état où
je te vois , & s'il n'étoit pas au-deffus ·
de l'homme d'être ingrat envers Lucile
peut- être euffé- je porté l'héroïsme à
fon comble. Mais regarde-la & vois ce
qu'il eft poffible de faire ? Lucile ne put
foutenir plus long-temps cette bifarre
-méprife. Mais , Monfieur , dit- elle à Damon
, avec une agitation extrême , depuis
quand prenez- vous tant d'intérêt à
ce qui fe paffe dans mon coeur ? Vous
avez paru en faire trop peu de cas
pour.... Oui , Oui , interrompit Damon
oui , j'ai mérité vos rigueurs , votre haine.
J'ai paru oublier vos charmes , j'ai
paru vous donner une rivale ; mais , en
vous fuyant , je vous adorois , je n'entretenois
cette rivale que de vous . Elle
a des charmes & je ne lui parlois que
des vôtres.Peut- être elle m'abhorre pour
avoir connu à quel point je vous aime ...
Ah Ciel ! s'écria Lucile , à quelle extrẻ-
mité me vois-je réduite ? Parlez , reprenoit
Damon , il n'eft plus temps de fein-
>
>
Biv
32 MERCURE DE FRANCE .
1
du
>
dre . Mais que pourriez-vous dire qui pût
démentir ce que j'ai vu ? Tranchez net
la difficulté , difoit Dorval , ou ,
moins , expliquez-vous par emblême ;
laiffez parler le portrait en queftion. Je
tremble ! ajoûta Lucile , en tirant un
portrait de fa poche. O Ciel ! s'écrioit
Damon , cette vue va donc regler ma
deſtinée ? Courage , difoit Dorval à Lucile
qui héfitoit toujours , faites ce que
votre coeur vous préfcrira. Hé bien , lui
dit-elle , en tremblant de plus en plus
voyez vous-même ce qu'il convient de
faire... A ces mots elle lui donne le
portrait.
Grand Dieu ! s'écrie de nouveau
Damon , c'en eft donc fait ? Il ne me
refte plus qu'à m'immoler aux pieds de
l'ingrate. Déja il avoit tiré fon épée &
la tournoit contre fon fein . Arrête , arrête
lui cria Dorval , voila un défefpoir
finguliérement placé : regarde cette
pienture. Damon la fixe d'un ceil égaré ,
& reconnoît fes traits. Adorable Lucile
dit-il , en fe précipitant à fes genoux ,
que ne vous dois-je point ? & que mes
foupçons me rendent coupable ! Quoi ,
tandis que je vous outrageois , vous daigniez
raffembler les traits d'un ingrat ?...
Mais reprenoit-il , en s'interrompant ,
un autre a joui de la même faveur ! A
JANVIER. 1763. 33
ce difcours Lucile change de couleur &
refte interdite. Nouvelles allarmes pour
-Damon. Oui , pourſuivoit- il , un autre
portrait a tantôt frappé ma vue. De grace
, expliquez- nous ce qu'il fignifie . En
faites- vous une collection ? Ecoute
mon cher, interrompit Dorval , Mademoiſelle
a un talent fi décidé pour ce
genre qu'il feroit affreux qu'elle l'enfouît.
Craignez , dit alors Lucile à Damon
, craignez que je n'éclairciffe vos
injuftes foupçons ; je ne vous les pardonnerai
pas après les avoir détruits .
Ces trois perfonnes étoient occupées
au point que Cinthie entra fans qu'on ſe
fut même douté de for arrivée . Elle
venoit annoncer à fa niéce le gain de
fon procès. Elle la trouve dans une agitation
extrême , voit Damon à -peu-près
dans le même état , & Dorval qui fembloit
participer à cette fcène . Qu'est-ce
que cela fignifie , Mademoifelle ? demanda
Cinthie. Mais Lucile n'avoit pas
l'affurance de répondre. Dorval commençoit
à fe douter du fait. Il réfolut de
mettre fin à toute cette intrigue , &
d'ufer de l'afcendant qu'il avoit fur l'efprit
de la tante. Il s'agit , Madame , lui
dit-il , de certain portrait furtivement
apperçu . Comment ! quel portrait ? de-
B
34 MERCURE DE FRANCE .
manda- t-elle avec empreffement. Lucile,
qui ne pouvoit plus foutenir l'état où
elle voyoit Damon, fit un effort fur ellemême.
Le voilà ce portrait , dit- elle à
Cinthie; il n'appartient qu'à vous d'en
difpofer. Alors elle le lui donne . Cinthie
irritée , n'en prit que plus promptement
fa réfolution . Elle s'approche de Dorval
& lui fait voir le portrait que Lucile
vient de lui remettre. C'eft le vôtre , lui
dit-elle , & c'est par mon ordre que
Lucile a imité vos traits. Vous ne doutez
point que l'on ne s'intéreffe à un objet
que l'on fait peindre . Je garde le portrait,
& vous offre en échange ma main avec
toute ma fortune augmentée de cent
mille livres de rente par le gain de mon
procès. Madame , reprit Dorval , voilà
un concours de circonftances bien favorable.
Mais fouffrez que je m'occupe
d'abord des intérêts d'un ami. Sans doute
qu'en vous décidant à vous marier vous
ne prétendez pas condamner Lucile au
célibat. Il y auroit de l'inhumanité dans
cet arrangement. Ici Damon interrompit
Dorval , & s'adreffant à Cinthie : je
ne puis plus vous cacher , Madame , lui
dit-il , que j'adore votre charmante niéce.
Ma conduite , je le fais , annoncoit
tout le contraire ; mais ce n'étoit qu'une
JANVIER. 1763. 35
ce
feinte , & cette rufe eft une faute que
l'aimable Lucile me pardonne : daignez
imiter fon indulgence. Vraiment , reprit
Cinthie , je m'apperçois bien que ma
niéce eft fort indulgente. Mais , enfin
Marquis , dit- elle à Dorval , confeillezmoi
, que faut- il faire ? Il faut , Madame,
repliqua-t- il , unir Lucile avec Damon ,
& partager avec eux votre fortune.
Madame , interrompit ce dernier ,
n'eſt point à vos richeffes que j'en veux ;
l'aimable Lucile eft au- deffus de tous les
tréfors de la terre ; & d'ailleurs , ce que
j'ai de bien peut fuffire... Non , non ,
interrompit Cinthie à fon tour , il en
fera comme le Marquis vient de le régler.
Ah ! ma chère tante ! s'écria Lucile ; ah
cher Dorval! s'écria en même temps
Damon... Dorval fe refufa à de plus
longs remercimens . Maintenant , Madame
, ajoûta- t-il , voyez quelles font
vos dernières réfolutions. Comment ,፡
Marquis , reprit Cinthie , que fignifie ce
langage ... Oh ! Madame , il ne fignifie
que ce que vous voudrez... Le mariage
vous éffraye - t-il? ... Point du tout;
le mariage n'éffraye point quiconque
fait fon monde ... C'eft -à -dire , que vous
imirerez ceux qui fe piquent de le bien
favoir ? ... Moi ? Madame ; oh parbleu ,
B vj
36 MERCURE DE FRANCE .
je ne me calque fur perfonne . Mais il eft
des cas où il faut fuivre l'ufage , ou fe
couvrir d'un éternel ridicule ... Et moi ,
Marquis , je vous déclare qu'un mari du
bon ton me conviendroit fort peu...
Mais , Madame , comment donc faire ?
Faut-il fe reléguer jufques dans la claffe
des moindres bourgeois ? Ce font les
feuls qui n'ayent pas encore mis à l'écart
les gothiques entraves de l'hymen . Cela
étoit bon du temps de Saturne & de
Rhée !... Je prétends vivre comme on
vivoit alors... Alors , Madame , l'hymen
étoit le Dieu de la contrainte : aujourd'hui
c'eſt le Dieu de la liberté . On a
fubftitué aux froids égards , à l'éternelle
affiduité , une aifance toute aimable ,
une confiance à toute épreuve. En un
mot , le domaine de l'hymen eft devenu
la maiſon de campagne de l'amour. C'eſt
le lieu où il prend les vacances & où il
fe remet de fes fatigues. Il femble , reprit
vivement Cinthie , que vous ayez
reçu des mémoires de feu mon époux ,
il agiffoit comme vous propofez d'agir ;
mais il a fçu me dégoûter d'un mari
Petit- maître. Oubliez l'offre que je vous
ai faite : j'oublierai de mon côté.... Ah
cher Dorval! interrompit Damon tu
me replonges dans l'abîme d'où tu fem-
,
JANVIER. 1763. 37
blois m'avoir tiré ! Mais , point du tout ,
reprit Dorval , me voila encore tout prêt
à me dévouer. Il n'en eft pas befoin ,
ajoûta vivement Cinthie; raffurez - vous ,
Damon. En rompant pour jamais avec
Dorval, je n'en tiendrai pas moins ce
que je vous avois promis . Je confens
que vous époufiez ma Niéce , & je lui
donne la moitié de mon bien , en attendant
mieux. A ces mots , Cinthie entre
& s'enferme dans fon boudoir.
Que ne te dois-je , point , cher Dorval,
difoit Damon ? C'est toi qui as conduit
les chofes jufqu'à cet heureux dénouement
. Oublie mes torts. & mes injuftes
foupçons : J'ai pour jamais appris
à te connoître . Comment donc ? reprit
Dorval , tes craintes n'avoient rien de
ridicule ; on craindroit à moins . Il n'eft
pas maintenant douteux que Lucile ne
te préfére : mais , franchement , j'ai eu
peur pour toi.
Le temps éclaircit la deftinée de ces
différens Perfonnages. Cinthie ſe jetta
dans la réforme , y joignit la médifan-
& y prit goût. Dorval époufa la
Marquife , & tous deux vécurent dans
une confiance & une diffipation réciproques.
Lucile & Damon vécurent en
ce 9
38 MERCURE DE FRANCE.
Epoux qui fe fuffifent à eux mêmes.
tous furent contens.
Par M. DE LA Dixmerie.
INSCRIPTION , pour être miſe ſur
le Maufolée de M. DE CRÉBILLON
annoncé dans le dernier Mercure.
D'UN célébre Ecrivain regretable à jamais ,
De Crébillon la cendre ici repofe en paix.
Entre le fublime & le tendre
Il choifit le feul ton que , malgré leurs talens ,
Ses deux Devanciers excellens
N'avoient ni pris , ni peut-être ofé prendre.
Louis dont la bonté porte au loin fes regards ,
En Roi difpenfateur & foigneux de la gloire
De ceux qui , fous fon Régne , honorent les
Beaux-Arts ,
Veut que ce Monument confacre fa mémoire.
PIRON.
POSUIT
Regalium Præfectus Edificiorum
Marchio DE MARIGNY.
Jubente Principe ,
Plaudente Patria
Et
Invidia fremente.
JANVIER. 1763. 39
MORALITE .
UNN Philofophe très-moderne ,
Non de ceux qui portent lanterne
Comme un Cynique d'autrefois ,
Mais quoique franc , moins diſcourtois ;
Interrogé fur cette différence
Des jugemens que portent , même en France ,
Le Grand & le Petit , fouvent fur même cas...
» Hélas ! dit il , ne vous étonnez pas ,
» Quelle que foit leur vue ou leur ſcience ,
» Dé les trouver à toute heure en défaut.
» L'un voit tout de trop bas , & l'autre de trop
» haut.
D. L. P....
A fon ALTESSE SÉRÉNISSIME
Mgr le Prince DE CONDÉ.
ILLUSTRE rejetton du ſang le plus auguſte ;
Jeune CONDÉ , Veux- tu fçavoir au juſte
La meſure d'amour que la France a pour toi ?
Ton coeur a tout le feu du vainqueur de Rocroi ;
Tu n'as cherché que la Victoire :
Eh bien la France t'aime autant , que toi la
gloire.
Par la MUSE LIMONADIERE.
40 MERCURE DE FRANCE.
VERS préfentés au ROI.
SOUFFREZ , SIRE , fouffrez qu'un Citoyen fidèle
Qui fait de l'art des vers les uniques emplois ,
S'abandonnant fans crainte aux fougues de fon
zěle,
Jufques à votre Trône ofe élever la voix.
Le même jour que vous , * Sire , j'ai pris naiſſance.
J'ai vu par deux foisnaître & mourir treize hyvers.
Le fort d'un bras d'airain a plongé mon enfance
Dans un abîme de revers.
Dans un cercle de maux j'ai vu languir mon Etre.
Sire , je fuis obſcur : l'Aftre qui m'a fait naître ,
N'a point infcrit mon nom aux faftes des honneurs
.
Mais par la nobleffe de l'âme ,
Mais par l'amour qui pour mon Roi m'enflâme ,
Je le difputerois à vos plus grands Seigneurs.
Du Maître des deftins la prudente fagelſe ,
En me privant de tout , m'apprit a me borner
Souvent je vois avec triſteſſe ,
Que le fort contre moi fe plaît à s'acharner.
Mais quand le ciel fur vous répand quelqu'avan
tage ,
Au monde entier quand vous donnez la paix ,
* Le 15 Février.
1
JANVIER. 1763. 41
Quand je vois tous les coeurs heureux par vos
bienfaits ;
Sire , je fuis content , & j'ai tout en partage.
Par un Parifien.
LETTRE d'une jeune Etrangère à
une de fes Compatriotes , fur la
coëffure & les modes actuelles des
Françoifes.
AVERTISSEMENT.
LES modes font une partie plus confi
dérable qu'on ne croit dans l'Hiftoire
Philofophique d'une Nation. Il feroit
curieux d'en avoir des époques affurées
avec certains détails . Elles feroient nombreuses
& intéressantes dans notre Hiftoire
, parce que leur variation y eft perpétuelle.
Ony découvriroit peut-être plus
d'analogie qu'on ne paroît en voir entre
leurs révolutions & celles du génie ou du
tour de penfées . Enfin , ne fe borna-t- on
en cela qu'à la connoiffance des faits , il
n'eft pas douteux que celle- ci feroit trèsféconde.
L'occafion de faire ce qu'on a
négligé jufqu'à préfent , qui eft de conflater
ces variétés de COSTUME ,
nous
42 MERCURE DE FRANCE.
1
1
de
eft offerte par la permiffion que nous
avons obtenue de produire les Lettres
qu'unejeune Etrangère , à Paris depuis
la Paix , écrit dans fa Patrie. Ces Lettres
nous ont paru écrites avec un peu
malice quelquefois , mais fans fiel, &
avec moins de prétention de briller que
de s'amufer & d'amufer en même temps
la Perfonne à qui elles font adreffées.
Lepreftige de l'habitude n'altérant point
encore la vue de cette jeune Perfonne
elle eft plus en état de nous faire voir
certains goûts confacrés par nos ufages
dans un jour plus vrai . Quelle que foit
cependant notre opinion, nous la foumertons
ainfi que les Lettres même , au
jugement des Lecteurs , en donnant cette
premiere pour éffai.
A M. CH. KAREV
,
Ce qu'on nous a dit des Françoiſes ,
ma chère M** , fur le goût des ajuftemens
eſt apparemment un de ces préjugés
entre les Nations , qui fubfiftent
encore longtemps après ce qui avoit pu
y donner lieu. Il faut que les femmes
de Paris comptent prodigieufement fur
leurs charmes , pour les facrifier à la
bizarrerie de leur coëffure actuelle , ou
qu'elles ayent une étonnante vénéraJANVIER.
1763. 43
tion pour leurs Trifayeules , puifqu'elles
aiment mieux reffembler en cette partie
, aux vieux portraits que j'en ai
vus , que de s'en tenir tout naturellement
à leurs jeunes & jolies figures.
On nous avoit appris , comme tu fçais
ma chère bonne , que les Dames Françoifes,
il y a quelques années, avoient fi
confidérablement abaiffé leurs coëffures,
qu'on ne leur foupçonnoit plus de têtesce
n'eft plus cela , il s'en faut bien, Imagine-
toi , en voyant aujourd'hui des
Françoifes mifes galamment , dans un
cercle , dans une promenade , ou aux
Spectacles , rencontrer une troupe d'Euménides
noires ou blondes , qui ont enjolivé
de quelques ornemens les ferpens
qui fe dreffent & fe replient fur leurs
têtes ; & d'autres , plus négligées , dont
les cheveux fe hériffent à la vue de leurs
éffrayantes camarades. Tu trouves peutêtre
l'image un peu forte ? Je te proteſte
que fans la poudre & ces légers ornemens
qui en impofent , je ne fçais fi la
comparaifon ne feroit pas totalement
éxacte . Les plus timides des femmes ,
Paris , fur l'adoption des modes outrées ,
n'ont pas moins aujourd'hui , d'un demi-
pied de chevelure , artiſtement dreffée
fur leurs têtes . Ceci eft un fait fur
44 MERCURE DE FRANCE .
,
lequel il n'y a qu'à vérifier la mefure à
la main. Tel eft l'ufage journalier des
plus modeftes en parure , car fur les
Théâtres où les femmes du monde
vont étudier les airs & l'ajustement de
celles dont elles cenfurent la conduite ,
je ne fçaurois te rendre l'excès de ces
montagnes chevelues . Toutes les Actrices
à la vérité n'ont pas encore ofé
aller jufqu'à la hauteur des plus jeunes
têtes. Je t'affure en avoir vu dont
les Cornettes on autres ajuſtemens
perchées fur la cime de ces pyramides
de cheveux , font fi loin du vifage qu'elles
ont à coëffer , que le même coup
d'oeil ne peut les raffembler. J'oubliois
de te dire qu'un petit morceau de linge
ou dé dentelle , fort en arrière fur la tête
forme aujourd'hui feulement les Cornettes
ou garnitures , dont on n'a confervé
que cela , comme certaine marque
d'état , qu'on porte par obligation ,
mais dont on dérobe , autant qu'on
peut , l'apparence .
Fort furprife , comme on peut croire
, de l'efpéce de Mafcarade qui chan
geoit à mes yeux le caractère des figu
res , j'ai ofé m'informer à quelques-unes
de ces Dames , du motif qui avoit engagé
à ce fingulier exhauffement . Je
JANVIER. 1763. 45
>
m'adreffai pour cela aux plus hautes
huppées , comme devant être plus inftruites
de l'origine des Huppes ; elles
me répondirent de bonne foi , qu'elles
avoient remarqué que cela alloit beaucoup
mieux , que toute autre manière
à l'air de leur vifage. Remarquez que
celles qui me parloient ainfi , n'avoient
déjà plus de vifage , fous l'énorme monceau
qui l'anéantiffoit. En général , j'avoûrai
n'avoir encore rencontré aucun
vifage qui allât à cette coëffure
moins qu'ils ne fuffent auffi ridicules
que les coeffures elles-même. Que ne
défigureroit pas ce qui eft fi contraire
aux proportions que la nature & la raifon
indiquent à tous les yeux ? Ce qu'il
y a de plaifant en cela , pour nous autres
, ma chère , qu'on accoutume à raifonner
de bonne heure & fur tous les
fujets , c'eft que beaucoup de ces femmes
, imaginent qu'en fe hériffant ainfi
les cheveux fur la tête , elles en élévent
d'autant leur petite ftature ; comme fi la
comparaifon d'un objet exhauffé ne rabaiffoit
pas l'objet qu'il furmonte. En
forte que par-là elles parviennent précifément
à ce qu'elles veulent éviter. Elles
n'ont pas fait attention apparemment
, quoiqu'elles ayent fréquemment
46 MERCURE DE FRANCE .
des Polichinelles fous leurs yeux , que l'on
a grand foin de donner de hautes coëffures
pointues à toutes les Bamboches ,
afin que ces figures deviennent encore
plus courtes & plus ramaffées.
Pardeffus toutes les autres Nations
de l'Europe , même celles de l'Afie
auxquelles nulle autre ne diſpute le prix
de la beauté , les Françoifes avoient
fans conteftation & par excellence
l'avantage de la Phyfionomie. Je ne fçais,
ma chère Bonne , fi tu entends bien
tout ce qu'il faut entendre par ce mot ,
& toutes les idées agréables qu'il contient.
Quoiqu'il en foit , je t'apprends au
profit des autres femmes du monde ,
que les Françoifes , par leur maniere de
fe coëffer , ont perdu entiérement ces
phyfionomies fi variées & fi piquantes.
Il ne refte à celles qui ont les traits
affez forts pour foutenir ce pompeux
édifice de cheveux , que des vifages ,
dont fouvent il n'y a pas à fe vanter.
Tu mourrois de rire furtout à l'aspect
de certaines faces rondeletes , entourées
des rayons que forme cette chevelure
bien redreffée en l'air. Figure -toi ces
petites images groffières du Soleil qui
ornent nos Almanachs ruftiques.
J'ai remarqué qu'à la Cour on avoit
JANVIER. 1763 . 47
و
jufqu'à préfent moins adopté cette
mode qu'à la Ville , & que dans cette
Iderniere , celles qui la chargeoient davantage
étoient ordinairement les femmes
d'un état où l'étalage eft utile au
produit des charmes. Je ne ferois pas
éloigné de croire que celles- ci n'euffent
l'honneur de l'invention dans ce ridicule
ufage , & cela , pour offufquer les femmes
honnêtes dont elles commençoient
, dit- on , à craindre la concurrence.
La rufe de guerre ne me femble
pas avoir réuffi , car ce qu'on appelle
en ce pays honnêtes femmes , ont bientôt
fait voir aux autres , qu'un cheval
pour être de bonne race & renfermé en
bonne maiſon , n'en redreffe pas moins
fiérement fes crins dans l'occafion , que
celui qui paît en liberté dans les communes.
Adieu, ma tendre amie ; ta voyageufe
aura bien des chofes de pareille
importance à t'apprendre de ce paysci
, pourvu que les relations t'amufent.
48 MERCURE DE FRANCE.
VERS fur le jour de l'An , à M. de
QUANT
B ***.
UAND nous voulons aux Dieux offrir un pur
hommage ,
Nous ne connoiffons point de plus digne langage
Qu'un filence reſpectueux ;
Un Mortel bienfaiſant , éclairé , vertueux
Ici-bas devient leur image :
Ces titres font votre partage :
Je dois vous honorer comme eux.
A Paris ce Janvier 1763 .
BRUNET .
É PIGRAMME
Envoyée pour Etrennes à Mlle
DUMONCEAU.
OUI, ur , toute fille aimable eſt un Démon
nous.
pour
DUMONCEAU vainement de ce propos s'étonne.
Les Grâces parent fa perfonne ,
Son minois eft riant & doux :
Mais hélas ! le tourment étrange
Que me font éprouver les traits victorieux ,
Me
JANVIER . 1763 .
49
Me force à dire : c'eſt un Ange
Qui porte l'Enfer dans les yeux !
A Paris, le 31 Decembre 1762.
Par le même.
A Madame de B ..... fur fes
premieres couches.:
Da votre heureux accouchement
Dont la nouvelle m'eft tranfmife ,
Je fuis charmé , mon aimable Païfe ;
Et de bon coeur vous fais mon
compliment .
Envain une critique amère
Veut déprimer l'enfant qui de vous tient le jour;
C'eft une Fille ! Eh bien ? Un Fils aura fon tour .
Des Grâces Venus fur la mère ,
Et le fut aufli de l'Amour.
Par un Dongiois , au mois de Juillet 1762.
-ESSAI SUR LES
DEUILS.
MENAGE fait
dériver ce mot du latin
doleo , dolere , qui fignifie ,
s'affliger
s'attrifter , fentir de la douleur , être
touché du malheur de
quelqu'un , & c.
A la Chine on porte le deuil avec des
habits blancs ; il dure trois ans , & fait
II. Vol.
C
50 MERCURE DE FRANCE.
vaquer toutes fortes de Charges & de
Magiftratures.
En Turquie , on le porte en bleu .
Au Pérou , on le portoit de la coubeur
de gris de fouris .
Rabelais le fait porter en verd.
Les Dames Argiennes & Romaines
portoient le deuil en blanc ; & les Romains
le portoient en brun tirant fur
le noir.
Le grand deuil fe porte en France
avec du drap, noir fans ornemens , des
manteaux longs du linge uni , & un
grand crêpe ; les veuves fe portent avec
un bandeau & un grand voile de crêpe
noir.
Le petit deuil fe porte avec la ferge
ou le crépon , & des rubans bleus &
blancs mêlés avec du noir.
Le Roi & les Cardinaux portent le
deuil en violet.
En Caftille , à la mort des Princes ,
on fe vêtoit de ferge blanche pour porter
le deuil ; on le fit pour la derniere
fois en l'année 1498 , à la mort du Prince
Dom Juan , Fils unique du Roi Ferdinand
& d'Isabelle , comme le dit
Herrera.
Mézerai remarque que la Reine
Anne de Bretagne porta le deuil du
JANVIER. 1763 . 51
Roi Charles VIII , en noir , quoique
les autres Reines euffent accoutumé de
porter le deuil en blanc . Ce Prince
mourut au Château d'Amboife fans
laiffer d'enfans , le 7 Avril 1497 , après
avoir regné 14 ans 7 mois & 9 jours ,
âgé de 27 ans 2 mois & 23 jours , felon
le Pere Anfelme , T. 1. p . 124. E.
C'est une ancienne maxime que la
veuve porte le deuil aux dépens de la
fucceffion de fon mari , & les héritiers
du mari font obligés de lui fonrnir le
deuil fur leur portion . En droit on appelle
année de deuil , l'année de viduité
, pendant laquelle une veuve doit
s'abftenir de paffer à un fecond mariage ;
les Loix ont voulu qu'elle rendît ce
refpect aux cendres de fon mari , & que
du moins elle honorât fon tombeau de
fes larmes & de fes regrets pendant la
premiere année de fon veuvage .
Par le Droît Romain , les veuves qui
convoloient à de fecondes nôces dans
l'an du deuil , étoient privées de tous
les avantages qu'elles avoient reçus de
leurs maris , afin de les obliger à conferver
le fouvenir de l'amitié conjugale.
Cela s'obferve encore dans les
Pays de Droit écrit. Ailleurs on fuit
plus communément le Droit Canoni-
Ci
52 MERCURE DE FRANCE.
que , & l'an de viduité n'eſt qu'une Loi
de bienféance ; feulement s'il y a foupçon
de groffeffe , là veuve ne doit
précipiter fon mariage , pour éviter la
confufion du fang.
pas
Les deuils étoient avant la mort du
feu Roi LOUIS XIV , beaucoup plus
longs qu'ils ne font aujourd'hui ; depuis
l'année 1716 , ils ont été confidérablement
abrégés.
» Par Ordonnance du Roi concer-
» nant les deuils , donnée à Paris le 23
" Juin 1716 , Sa Majefté en faveur du
»Commerce & des Marchands , de l'avis
» de M. le Duc d'ORLEANS , Régent
» du Royaume , voulut que les deuils qui
? fe portent à la mort des Têtes couron-
» nées , des Princes & Princeffes du Sang
» & des autres Princes & Princeffes de
» l'Europe , feroient réduits à la moitié
» du temps qu'ils avoient coutume de
» durer ; enforte que les plus grands
» deuils ne dureroient que fix mois
» & tous les autres à proportion ; &
» à l'égard des deuils qui fe portent
و ر
"
dans les familles des Sujets de ſa Ma-
»jefté , de quelque qualité & condition
qu'ils foient , le Roi ordonne qu'ils
» feront réduits à la moitié du temps
qu'ils avoient coutume de durer ; fçaJANVIER.
1763. 53
» voir , ceux que les femmes portent à
» la mort de leurs maris , à une année ;
» ceux qui fe portent à la mort des fem-
» mes , peres , merès , beau -peres & bel
» les- meres , ayeuls & ayeules , & des
autres perfonnes de qui on eft Léga-
» taire univerfel , à fix mois ; ceux des
»freres & foeurs , beaux - freres & belles-
»foeurs de qui on n'eft point héritier ,
» à trois mois , fans que tous les autres
deuils puiffent excéder plus d'un mois,
» ni qu'il foit permis de drapper , fi ce
n'eft pour les maris & femmes , peres
» & meres , beaux- peres & belles-meres,
» ayeuls & ayeules , des perfonnes de
» qui son eft héritier ou Légataire uni
» verfel...
-J
9
à
Et par autre Ordonnance du Roi donnée
auVerfailles le 8 Octobre 1730 ,
Sa Majesté a encore ordonné » que les
» deuils qu'elle a coutume de porter
la mort des Têtes couronnées des
» Princes & Princeffes du Sang & des
" autres Princes & Princeffes de l'Euro¹
» pe., ainfi que ceux qui fe portent dans
» les familles des Sujets de Sa Majesté ,
» feront réduits, à l'avenir à la moitié
» du temps préferit par l'Ordonnance
» du 23 Juin 1716. N'entend néan-
.
C iij
54 MERCURE DE FRANCE .
23
moins Sa Majefté , " comprendre dans
» cette rédu& ion les deuils que les fem-
» mes portent à la mort de leurs maris ,
» & ceux qui fe portent à la mort des
femmes , peres , meres , beaux- peres
» & belles - meres , ayeuls & ayeules , &
» des autres perfonnes de qui on eft hé-
» ritier ou légataire univerfel , lefquels
» demeureront fixés au temps préfcrit
par ladite Ordonnance du 23 Juin
" 1716. Renouvellant Sa Majesté en
» tant que befoin feroit les défenfes faites
par ladite Ordonnance de draper ,
» fi ce n'eft pour les maris & femmes ,
» peres & meres , beaux-peres & bellesmeres
, ayeuls & ayeules , & des per-
" fonnes de qui on eft héritier ou légataire
univerfel , & c and t

On a donné l'année derniere un avis
au Public concernant les deuils , on croit
lui faire plaifir de le renouveller , en
voici la copie qu'on m'a prié , Monfieur,
de vous adreffer , avec cette differtation
pour en faire , s'il vous plait mention
dans votre premier Mercure .
J'ai l'honneur d'être , & c. 、
D. N. Abonné aut Mercure
JANVIER. 1763. 55
AVIS AU PUBLIC
" L'incertitude où l'on eft fouvent à
» Paris & dans les Provinces , fur les
» jours que fe prennent & fe quittent
» les Deuils de Cour , a fourni l'idée
» d'en informer éxactement le Public .
" On fe propofe de les annoncer par un
» billet imprimé qui fera envoyé à Paris
» par la petite Pofte ; lequel contiendra
» 1 ° . le nom & les qualités du Prince ou
» de la Princeffe dout on devra porter
» le deuil . 2°. Les autres particularités
» d'étiquette , quand il y en aura. 3º . Les
»jours fixés pour le prendre & le quitter .
" Le prix de l'Abonnement , pour
» Paris , n'eft que de 3 liv . par an , && 3
» pour les Provinces , de 6 liv . attendu
» que les avis feront envoyés francs de
» port.
Ceux qui voudront s'abonner
» payeront d'avance : leurs noms , qua-
» lités & demeure feront infcrits fur un
registre . L'année d'Abonnement com-
» mencera du jour que l'argent aura été
» reçu .
» Le Bureau pour les abonnemens de
» Paris eft établi rue & vis - à - vis la
» Monnoie , chez le fieur ROUGEUX ,
» Marchand Miroitier , au grand Prieur
» de France . " Civ
56 MERCURE DE FRANCE .
» Pour les Provinces , les Lettres de-
» vront être adreffées , port franc , ainfi
» que l'argent , à M. DUBOIS , rue d'En-
» fer , vis-à-vis la rue S. Thomas > à
» Paris . On ne recevra ni les Lettres ni
» l'argent qui n'auront point été affian-
» chis.
EPIGRAMMES
SUR un vieux Bibliothéquaire ignorant.
СЕТ CET ignorant porte perruque
De ta Bibliothéque a voulu fe charger ,
Apparemment pour nous prouver
Que le loin du Serrail appartient à l'Eunuque.
G.... de Nevers.
AIRI S.
CHARMANTE Iris , quitte le foin frivole
De nous offrir un minois moucheté ;
31
> Chaque mouche en toi nous déſole
Puifqu'elle cache un trait de ta beauté.
Par le même.
JANVIER. 1763 . 57
EPIT APHIUM PAROCHI
Urbis Nivernenfis.
Quiui jacet hic Parochi fi vis cognofcere fatum ;
Vita beare gregem , mors cruciare , fuit.
Par le mêmes
PORTRAIT de Madame, b
UN efprit formé pour plaire ,
Uir langage féducteur, ✅ " shitill un??
Un ton naif enchanteur
Et le plus beau caractère.
12. a
Un coeur ou regnent encor
Les vertus de l'Age d'or ;
Où l'amitié fimple & pure
Sans ornement & fans fard
Fait honneur à la Nature a
Sans rien emprunter de l'art.
Un vifage GE ou l'on voit l'âme
Brillante de milfe attraits
21
Des yeux pleins de cette fâme
Où l'Amour forge les traits.
Une bouche où l'innocence
Sourit avec agrément
I
Cv
58 MERCURE DE FRANCE.
Au baifer que la décence
N'accorde qu'au fentiment ;
1. Un fein dont l'éclat efface 11.
Et les Rofes & les Lys ;
La taille & l'air d'une Grâce
Et fon charmant coloris ;
Tel eft le portrait d'Iris. sto
COUPLETS à Mlle *** à l'accafion
d'un Narciffe qu'elle avoit donné la
veille à l'Auteur.
2
Sur l'air de la Romance : On ne s'ayifejamais
Q
t
depotout.a noi nu
Sábana ussd aria of
UAND ta main , jeune Clarice ,
1009 1er get to 1222 AU
A mon chapeau , fans deffein
Vient attacher ce Narciffe
Dont tu
116352 parois ton beau fein
De fa feuille qui voltige ,
Vois-tu flétrir la couleur ?
JIET SA
"
Vois-tu s'incliner fa tige
L
Pour te peindre fa douleur?
233
Dans le clair d'une onde vive
Le beau Narciffe un beau jour
#dored snU
Pour fon ombre fugitive
Se fentit bruler d'amour ;
70
JANVIER. 1763.
59
En cent façons à foi-même ,
Cent fois il cherche à s'unir :
Touchés de la peine extrême
Les Dieux fçurent la finir.
Plus heureux quand je me mire
Dans le criſtal de tes yeux ,
Mon coeur tranſporté t'admire ,
Je crois lire dans les Cieux ;
Mais de mes tourmens , Clarice,
Loin de vouloir me guérir ,
Plus jaune , hélas ! qu'un Narciffe
Voudrois- tu me voir périr?
LE mot
E mot de la premiere Enigme du
premier volume de Janvier eft Fiacre,
Celui de la feconde eft le Tableau, Celui
du premier Logogryphe eft Mode
dans lequel on trouve de , me , mode
dé , M. D. 500 , Ode , Dome. Celui du
fecond eft Soif, dont les quatre lettres
ont rendu les fix mots fuivans , io ,fi ,
if, foi , os , fi. Celui du troifiéme Lo
gogryphe eft le génie.
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
Qu
ENIGM E.
Us ma ftructure eft fingulière !
Plus je fuis maigre & vieux, & plus j'ai des appas :
Quiconque ne me connoît pas
Trouvera ce début bien extraordinaire .
Souvent par mes expreflions
Je fçais repréfenter toutes les paffions .
Sans même qu'on s'en ſcandaliſe ,
Je fers également le Théâtre & l'Eglife ,
Car de mon naturel je fuis tendre , badin ,
Doux , trifte , furieux , dévot & libertin .
A ces traits , cher Lecteur , fuis-je méconnoiffable
?
Non pas affurément ; quand j'en aurois moins dit ,
Il ne faudroit ni ſe donner au Diable
Ni s'alambiquer trop l'efprit ,
Pour deviner ma nature & mon être.
Ainfi , puifque tu peux aifément me connoître ,
Je me borne à te dire enfin ,
Que traité comme Etre volage ,
Pour de moi faire un bon uſage ,
Souvent on me conduit le bâton à la main .
Par M. FABRE , Licentié enl
à Strasbourg.
JANVIER. 1763. 61
AUTRE.
EN certaine Contrée on m'adoroit jadis ;
Mais, Dieux ! que la fortune eft injufte & légére !
Arraché du ſein de ma mère ,
On me jette aujourd'hui dans un méchant taudis :
On m'écorche ; & jouet du fort & des caprices ,
On me fait éprouver cent fortes de fupplices.
Je ne fuis point, Lecteur , fenfible à mes malheurs,
Cependant mes Boureaux fouvent verfent des
pleurs.
A L'AUTEUR DU MERCURE.
MONSIEUR ,
ONN
fçait qu'il faut fuivre les ufages
lorfqu'ils ne font pas vifiblement déraifonnables
. Cette maxime me condamne
; je le fens bien . Le Public eft accoutu
mé aux Logogryphes en Vers ; pourquoi
lui en préfenter qui ne font qu'en Profe ?
Le mauvais fuccès de l'Edipe en profe
de M. de la Mothe , doit me faire
trembler pour mes Ouvrages ; ils pourroient
bien tomber comme une Tragé62
MERCURE DE FRANCE .
die. Après tout, c'eft un rifque qu'il eft
permis de courir fans un excès de témérité.
Les Logogryphes , ( diront mes
Cenfeurs ) font fufceptibles des ornemens
de la grande Poëfie ; c'eft leur
faire un affront que de les réduire à la
fimplicité de la profe . Ils ont furtout
beaucoup de rapport au genre lyrique ,
puifque de l'aveu de tout le monde un
très-grand nombre d'Odes ne font que
de véritables Logogryphes. On me repréfentera
qu'ils perfonifient des êtres
inanimés , qu'ils donnent une tête , un
corps , des pieds , une queue à la vie
& à la mort , au vice & à la vertu
&c ; qu'ils font un ufage familier des
figures les plus poëtiques. A cela je répons
bien ou mal : c'eft toujours une
petite nouveauté qu'un Logogryphe en
profe , & le Public a befoin de Nouveautés.
Je fuppofe de plus une chofe
qui pourroit bien n'être pas vraie , c'eft
que j'ai quelquefois des occupations
plus importantes que ce genre d'ouvrage
: s'il eft en profe , il ne coûte que
la peine de l'écrire ; s'il eft en vers , il
peut arrêter une heure ou deux. Ce feroit
bien le cas de parler avec éloquence
du prix inestimable du temps : mais
j'aime mieux n'en pas perdre davantage
JANVIER. 1763. 63
& ménager le vôtre. Voici mes Logogryphes.
J'AT
LOGO GRYPH E.
'AI quatre pieds & deux lettres . Je renferme
une Saifon, & , rien de plus. Quand je fuisfroide
, on m'on fait un mérite , blanche on me refpecte
, verte en m'aime fouvent mieux . Suis- je
quarrée , je paffe pour un oracle. Suis-je creule,
on fe défie un peu de moi,
AUTRE.
PRÉSENT du Nord , je préſerve de les rigueurs.
Je contiens ce qui embellit la nature ; une plaine
-immenfe , un animal dont les Mules Gréques &
Françoiles ont chanté les combats ; ce qui finit
le plus beau des jeux , une eau dormante , la victime
d'un barbouilleur , la maîtreffe d'un Elément,
& ce qu'il eft le plus fâcheux de perdre.
AUTRE.
+
Ma têre gouverne le monde ; ma queue eft dans
le Ciel & dans les Enfers.
3 J'ai l'honneur d'être , & c. ,
A. BC. Abonné au Mercure
64 MERCURE DE FRANCE .
ARTICLE II.
NOUVELLES LITTERAIRES.
.211.
I
} 8.5
SÉANCE DU CHASTELET DE
PARIS , du Lundi 25 Octobre 1762,
& Difcours prononcés par M. DE
SARTINE , Lieutenant Général de
Police ; par M. MOREAU , Procureur
du Roi au Châtelet , faifant les fonctions
d'Avocat du
Roi
; & par
M. CHARDON , Lieutenant Partici
lier , Préfident au Parc Civil : imprimés
parles foins de M Jean- Baptifte
Courlefvaux , l'aîné , M Jacques
Roger le Comte , M Jean - Baptiffe
Marye Procureurs au Châtelet &
Procureurs de Communauté en éxercice
, & de Me Louis Varnier , auffi
Procureur au Châtelet , Syndic , à Paris
, de l'Imprimerie de le Breton , premier
Imprimeur ordinaire du Roi , &
ordinaire de fa Communauté , rue de
enbroe
JANVIER. 1763. 65
la Harpe , 1762 , Brochure in - 4° . à
la tête de laquelle fe trouve le Portrait
de M. d'ARGOUGES , gravé d'après
l'Argiliere.
CE Recueil peut être regardé comme
un monument de refpect & de reconnoiffance
, érigé par MM. les Procu
reurs du Châtelet , à la gloire de M.
d'Argouges père , qui pendant plus de
52 ans a rempli la Charge de Lieutenant
Civil , & dont la retraite les rendroit
inconfolables , fi d'un côté elle
n'étoit pas réparée par un fils digne d'un
père auquel il fuccéde , & de l'autre ,:
par la fatisfaction de voir un Magiftrat
refpectable jouir du repos qu'il a fi bien
mérité.
Trois Magiftrats refpectables par leur
place , leur probité & leurs lumières
ont été dans cette occafion les interprêtes
des fentimens du Public , en rendant à
M. d'Argouges le tribut d'éloges dû à un
Citoyen chargé d'années & de gloire ,
& qui va paffer une vieilleffe honorable
au fein d'une tranquillité qu'il a toujours
facrifiée au bien des Particuliers.
Ce fut M. De Sartine qui prononça le
premier Difcours. S'étant rendu dans
66 MERCURE DE FRANCE.
la Chambre du Confeil , il fit part à la
Compagnie qu'il préfidoit , de la Lettre
par laquelle M. d'Argouges , père , Lieutenant
Civil , lui annonçoit fa retraite ,
& il dit en parlant de ce grand Magiftrat :
»les Citoyens dont il a affuré le bon-
» heur & la fortune , les Familles qui
» lui doivent & leur union & la paix dont
» elles jouiffent , les Juges qui ont ad-
» miré fa prudence & fon équité , con-
» ferveront pour lui ce tendre fouvenir ,
» cette eſtime précieuſe qu'on a pour les
» grands hommes.
"
"
"
La Compagnie fe rendit enfuite à la
Chapelle où la Meffe fut célébrée folemnellement.
La Meffe finie , on remonta
dans la Chambre du Confeil ; & après
y avoir délibéré fur différentes affaires
on defcendit au Parc Civil. M. Chardon
qui y préfidoit , fit l'ouverture des Audiences
par la lecture des Ordonnances.
M. Moreau , Procureur du Roi , prenant
enfuite la parole , prononça un long
difcours fur les devoirs des Magiftrats ,
qu'il envifage fous trois points de vue :
ce qu'un Magiftrat doit faire pour le
Public en général , ce qu'il doit à chaque
Particulier , & ce qu'il fe doit à luimême
. Cette divifion forme les trois
parties de fon diſcours , dont la premiere
JANVIER. 1763. 67
fe fubdivife en trois autres points : les
devoirs publics d'un Magiftrat par rap
port à la Religion , aux fentimens dûs aut
Prince , & à l'union qui doit régner
entre les Concitoyens. On fent dans
quels détails l'Orateur a dû entrer , & les
bornes que nous préfcrivent les Loix de
l'Analyſe . Nous nous contenterons de
citer quelques morceaux choifis qui
pourront donner une idée de l'efprit ,
du talent & du ftyle de l'Auteur. It
fait ainfi le portrait du fanatifme. » Le
20 fanatifme audacieux marche la tête
2 haute , le front découvert ; le nom de
» Dieu eft dans fa bouche ; toute la cha-
» leur de l'amour-propre eft dans fon
» coeur. Il cherche à dompter les efprits
» en les échauffant , il prend en main le
» flambeau de la Religion , il détruit les
» temples du Dieu que le peuple adore ;
» il renverfe fes autels , & c'eft für leurs
», débris , que fumant de fang & de car
» nage , il veut en élever d'autres à fon
nidôlei ,
Le Magiftrat doit veiller à l'éducation
publique , & conféquemment doir s'op
pofer à tout fyftême d'éducation qui
pourroit allarmer les moenrs & la Religion.
» Si l'on peut craindre , dit M.
Moreau , qu'une mère aveugle , ou
68 MERCURE DE FRANCE.
N
» plutôt aveuglée par le défir de paroître
» inftruite , ne tire de fon fein l'objet de
» fa tendreffe , pour l'élever comme les
» bêtes , & le confier aux foins , de ce-
» lui qui en s'annonçant pour l'Apôtre
» de la nature, n'a travaillé, on peut le dire ,
» qu'à dénaturer & avilir ce qui en eſt le
» plus bel ornement ; c'eft au Magiftrat à
" employer toute fon autorité & l'organe
» de la juftice , afin de faire profcrire
» avec éclat l'auteur, l'ouvrage & fes fec-
» tateurs , comme autant de peftes pu
» bliques , capables par le poifon qu'ils
» répandent , d'infecter l'air le plus pur.
On aimera le morceau fuivant fur les
devoirs du Magiftrat dans les calamités
publiques: » Qu'un fléau afflige une Pro
» vince , qu'une affreufe difette la déſole
» & la dévafte que l'Ange de la mort
» étende fes aîles fur une contrée ; qu'un
» incendie fubit , en développant des
» tourbillons de flammes , répandent au
loin la confternation & l'effroi»; les
» édifices les plus fomptueux , les mo-
» numens élevés pour la postérités, les
» temples , les palais comme la maiſon
» du Citoyen & la cabane de l'Artiſan ;
» les richeffes de l'Etat comme le patrimoine
du Particulier , deviennent la
» proie d'un élément qui réduit tout en
JANVIER. 1763. 69
» cendres. Le zéle du Magiftrat le fait
» fuffire à tout ; il fe porte avec ardeur
» dans les endroits même périlleux , où
» il croit que fa préfence peut être utile.
» Quelque affecté qu'il foit du malheur
» public , le défaftre de chaque particu-
» lier ne paroît pas moins l'intéreffer ;
» chacun lui fait part de fes peines , il
les écoute avec fenfibilité ; il les par-
» tage ; & chacun eft für de trouver en
lui le confolateur le plus tendre , le plus
» zélé prote&eur , & la reffource la
» plus éfficace,
มุ
En peignant les devoirs d'un grand
Magiftrat , par une tranfition toute naturelle
, M.. Moreau paffe à l'éloge de
M. d'Argouges qui les a fi bien obfervés.
Il dit , en parlant de la retraite de
M. le Lieutenant Civil : » Dans le centre
» d'une famille jaloufe à juste titre de
" recueillir déformais tous fes momens,
» il va jouir du calme & de la paix
» connus dans les lieux où l'honneur
» & la vérité régnent , & réfervés aux
» âmes fur lefquelles les paffions n'eurent
jamais d'empire : ofons même
» nous flatter que fon affection ne fera
qu'augmenter à l'égard d'un Tribu-
» nal à la tête duquel fes exemples fem-
» blent avoir fixé pour toujours le plus
70 MERCURE DE FRANCE.
"
» ferme appui de la Juftice. Le Public
» peut y compter , foit qu'il y voye
» préfider, comme il arrive aujourd'hui,
» ceux que les droits de leur Charge y
» appellent en l'abfence du Chef, foit
» que nous foyons au moment où l'hé-
» ritier du nom de celui qui cauſe nos
» regrets , déja recommandable par lui-
» même par fes fervices au Parlement
» & dans les Confeils du Roi , va venir
» revivre parmi nous , marcher fur fes
» traces , & déja prendre part à ſa gloire.
Le Difcours de M. le Procureur du
Roi fini , M. Chardon , Lieutenant Particulier
, affis & couvert , a adreffé la
parole à MM. les Avocats , & leur a
parlé fur la décence néceffaire dans leur
profeffion. Il a fait enfuite le portrait
d'un Magiftrat , & de là , il a paffé à
l'éloge un peu étendu de M. d'Argouges
dont nous ne rapporterons ici que
les traits principaux . Revêtu de cette
place diftinguée , M. le Lieutenant
» Civil fit paroître dans un âge où la
» voix des paffions eft prèfque la feule
qui fe faffe entendre , une maturité
» qui dans la plupart des hommes n'eft
» que le fruit d'une longue expérience
» ou d'un travail de beaucoup d'années.
» Ses premieres décifions porterent le
">
"
JANVIER. 1763. 71
caractère de la prudence la plus con-
" fommée ; & fi l'on reconnoiffoit fa
» jeuneffe , ce n'étoit que par le feu
» de fon efprit , & plus encore par le
» jufte étonnement où chacun étoit de
» voir la fageffe de Neftor dans la bou-
» che d'un jeune Magiftrat qui avoità
» peine acquis fon fixiéme luftre………….
» Combien de fois affis fur le Trêne de
» la Juſtice , fes fages décifions ont- elles
» confondu l'erreur & l'impofture , &
» fait triompher la vérité ? Les voutes
» retentiffent encore des oracles qu'il a
» rendus , & des applaudiffemens qu'il
» a mérités . Mais il eft un hommage plus
" pur , peut-être moins brillant , mais
» plus flatteur pour les coeurs bienfai-
» fans , c'est celui que lui doivent les
» malheureux opprimés , à qui plus d'u-
» ne fois par fes confeils fes confeils , & même
.
par fes fecours généreux , il a fauvé
» les frais d'une inftance auffi longue
» que difpendieufe ; plus content mille
» fois d'avoir , fans autre témoin que fa
» vertu , épargné un procès à fes conci-
" toyens , que d'avoir , au milieu d'une
» Audience nombreufe , prononcé fur
» leur fort ; & plus fatisfait de goûter
» cette joie pure que reffentent fi bien
» les âmes généreufes , que d'avoir en-
M
72 MERCURE DE FRANCE.
» tendu les applaudiffemens de la mul- .
» titude .... Son fouvenir fera gravé dans
" nos âmes par les traits de la plus gran-
» de vénération. Il vivra parmi nous
» par les regrets qu'il nous laiffe ; & fi
"
"
nous ne pouvons plus jouir de fes
» exemples , nous tâcherons au moins
» de les imiter. Mais que dis-je , Mef-
» ficurs , nous ne la perdons pas ; il vit
» dans fon illuftre fils . Succeffeur de fa
» place , il l'eft auffi des vertus qui dans
» cette famille fe perpétuent ainfi que
» la Nobleffe . L'une coulera dans fon
fang , l'autre animera fon coeur . Né
» lui- même dans le fein de la Juſtice ,
» élevé fous les yeux du plus refpecta-
» ble de fes Miniftres , tout nous dit qu'il
» remplira avec éclat la carrière qui s'ou-
» vre fous fes pas .. pas.... Notre premier
" defir fera de le voir occuper longtemps
» cette place ; notre plus douce fatis-
» faction , d'applaudir à fes fuccès ; &
» s'il nous refte des regrets , ce fera de
» ne pouvoir jouir à la fois & des éxem-
» ples du pere & des talens du fils .
On peut voir par l'extrait que nous
venons de faire de ces trois difcours ,
que la vénération , le refpect & la reconnoiffance
font les fentimens de tous
-les Magiftrats , & de tous les membres
du
JANVIER. 1763 . 7%
du Châtelet , à l'égard de M. d'Argouges,
& que ces fentimens ont été exprimés
avec autant de force & de vérité , que
d'élégance , par les trois Orateurs , interprêtes
des fuffrages publics. La Communauté
des Procureurs , pour donner
au Magiftrat illuftre qu'elle a le malheur
de perdre , une marque certaine & autentique
de ces mêmes fentimens , a fait
imprimer les trois Difcours , après en
avoir obtenu le confentement des Magiftrats
qui les ont prononcés. M. le
Breton,Imprimeur, n'a rien épargné pour
donner à ce Recueil , dans l'exécution
typographique , toute la perfection que
demande un Ouvrage qui doit être pour
la Poftérité un monument de refpect &
de reconnoiffance érigé au zéle & à la
vertu .
ALM AN ACH ROYAL , Année 1763 ,
contenant la Nailfance des Princes
& Princeffes de l'Europe , les Archevêques
, Evêques , Cardinaux & Abbés
Commendataires , les Maréchaux
de France , les Lieutenans Généraux,
Maréchaux de Camp & Brigadiers
des Armées , les Lieutenans Généraux
II. Vol. D
74 MERCURE DE FRANCE.
,
des Armées Navales , Chefs d'Efcadres
, les Chevaliers , Commandeurs
& Officiers des Ordres du Roi , les
Gouverneurs & Lieutenans Généraux
des Provinces , & c ; les Confeillers du
Roi , les Départemens des Secrétaires
d'Etat & des Intendans des Finances,
les Confeillers d'Etat les Bureaux
du Confeil , les Maîtres des Requêtes,
les Intendans des Provinces , la grande
Chancellerie , le Grand- Confeil , le
· Parlement , la Chambre des Comptes,
la Cour des Aydes , toutes les Cours
& Jurifdictions de Paris ; l'Univerfité
, les Académies , les Bibliothèques
publiques , &c ; les Fermiers Généraux
, les Receveurs Généraux des
Finances , les Tréforiers des Deniers
Royaux , les Payeurs des Rentes &
leurs Contrôleurs , la Compagnie des
Indes , &c . A Paris , chez le Breton ,
Imprimeur ordinaire du Roi , au bas
de la rue de la Harpe. Avec Approbation
& Privilége du Roi. 1 vol. in-
8°. 1763.
$
JANVIER. 1763. 75
L E Titre
feul
de cet
Ouvrage
en
marque l'importance & l'utilité univerfelle
. Quoique ce Livre foit extrêmement
connu , nous avons cru devoir en
faire mention , furtout après avoir parlé
dans les Mercures précédens , de prèfque
tous les autres Almanachs , aufquels
celui - ci a , pour ainfi dire , donné
la naiffance. Laurent d'Houry , Imprimeur-
Libraire , l'imagina & le donna en
1684, fous le fimple titre d'Almanach ou
de Calendrier. Louis XIV le fit demander
à l'Auteur en 1699 ; & depuis ce
temps -là d'Houry & fucceffivement fa
veuve ont eu l'honneur de le préfenter
à Sa Majefté , fous le titre d'Almanach
Royal. Le Breton , leur petit- fils , Imprimeur
ordinaire du Roi , qui a actuellement
le même honneur , y a fait depuis
1726 , que cet Ouvrage lui eft confié
, des augmentations confidérables
pour le rendre toujours plus utile &
plus digne de l'attention du Public. Il
n'eft prefque point de Lecteurs qui ne
foient dans le cas de le confulter chaque
jour ; & l'on peut dire qu'il n'y a
point de Livre de ce genre, où l'on trou
ve autant de chofes dont la connoiffance
eft abfolument néceffaire.
2
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
ALMAN ACH ROYAL , petit in-24,
chez le même Libraire. C'eſt l'abrégé de
l'ouvrage précédent.On n'y a inféré que
ce qui peut être d'un ufage plus fréquent
& plus journalier. Il eft très -portatif &
fatisfait dans le moment la curiofité
fur une infinité de points qui font la
matière la plus ordinaire des converfations
.
Il paroîtra au commencement de cette
année 1763 , un Almanach d'Hiftoire
naturelle , intitulé Almanach Hiftorico-
Phyfique , ou la Philofophie des Dames,
dans lequel l'Auteur a réuni ce qui lui
a paru de plus intéreffant aux curieux ,
& de plus utile à ceux qui commencent
à étudier cette Science , qui eft à préfent
fi cultivée par les Sçavans , & dont la
plupart des femmes font avec plaifir le
fujet de leurs occupations. L'Auteur,
promet auffi que des obfervations plus
particulieres le mettront en état de rendre
l'année fuivante cet Almanach beaucoup
plus intéreffant. On le trouvera
chez M. Belanger , c'eſt le nom de l'Auteur
, qui demeure rue S. Antoine , la
premiere porte-cochere après l'Eglife ;
& chez Duchefne , rue S. Jacques , au
Temple du Goût.
JANVIER. 1763. 77
LETTRE de M. BOURGELAT , Ecuyer
du Roi à Lyon > & Correspondant
de l'Académie Royale des Sciences de
Paris , à l'Auteur du Mercure.
LY ON , 23 Décembre 1762.
J'APPRENDS à l'inftant
Monfieur ,
que dans la 3e partie & dans les additions
du fecond fupplément à la France
Littéraire , pour les années 1760 &
1761 , on m'attribue un Ouvrage qui
a pour titre , Modéle de Lettres fur dif
férens fujets , in- 12,1761 ..
Que cette compilation ait quelque
mérite , ou qu'elle en foit totalement dépourvue
, elle pourroit dans le fecond
cas comme dans le premier , être également
chère à l'Auteur. Je n'ai donc
" 2 garde Monfieur de participer par
mon filence à un larcin dont je ne fus
jamais coupable ; & je vous fupplie de
rendre public le défaveu que je fais d'avoir
donné l'être à cette production
qu'on doit, à toutes fortes de titres , laiffer
à celui qui en eſt le véritable père .
J'ai l'honneur d'être , & c.
BOURGELAT.
D iij
18 MERCURE DE FRANCE.
EN remuant la Tèrre dans un Jardin
particulier à Paris , on a trouvé un jetton
de plomb dont on demande l'explication.
Il eft de la grandeur d'un double
louis. Sur l'une des faces eft un
homme dont on diftingue à peine l'habillement
mais qui paroît cependant
revêtu d'un long manteau royal, & porter
fur fa tête une couronne fermée . Il
a une main fur un Autel qui eſt auprès
de lui ; l'autre élevée femble montrer
le Ciel. Sur l'Autel étoit quelque
chofe que le temps a effacé. On lit ces
mots pour Légende : Tuta mihi Numinis
ara.
L'Exergue porte les chiffres 1606 ,
qui font apparemment la date de l'année
dans laquelle le jetton a été frappé.
Sur le revers eft repréſentée une femme
qui tient un enfant par la main , &
qu'elle paroît conduire à une Eglife de
conftruction gothique , & furmontée
d'un clocher élevé , qu'on voit dans
l'éloignement audeffus d'une montagne,
& pour légende . Hæc tibi certa domus.
>
1

JANVIER. 1763. 79
ANNONCES DE LIVRES.
CALENDRIER DES PRINCES , ET
DE LA NOBLESSE , DE FRANCE
contenant leur état actuel , par ordre
alphabétique . Par l'Auteur du Dictionnaire
Généalogique , Héraldique , Hiftorique
& Chronologique , pour l'année
1763. A Paris , chez Duchefne ,
Libraire , rue S. Jacques , au Temple
du Goût.
TRADUCTION DE SALUSTE
avec la vie de cet Hiftorien & des Notes
critiques ; feconde Edition revue ,
corrigée & augmentée du Texte latin
à côté de la Traduction , avec des Variantes
choifies ; par Jean -Henri Dotteville
, de l'Oratoire . On y a joint la lif
te Chronologique des Éditions , des
Commentaires , & des Traductions de
Sulufte , qui fe trouvent à la fin , depuis
la page 398 , jufqu'à la page 416 :
Lifte qui ne fe trouve dans aucune des
Editions précédentes & qui ajoute au
mérite de celle - ci. In-8° . Paris , 1763 ,
chez A. M. Lottin , l'aîné , Libraire &
Imprimeur de Mgr le Duc de Berry
rue S. Jacques , près S. Yves , au Coq.,
D iv
80 MERCURE DE FRANCE.
DE
L'EDUCATION
PUBLIQUE .
Populus fapiens , gens magna.
In-12. Amfterdam , 1762.
Deut. 4.
N. B. Nous prions de nouveau MM.
les Libraires de Paris , qui nous envoient
des Livres imprimés chez l'Etranger
, de nous indiquer précisément où
l'on peut les trouver à Paris.
LES PROMENADES & Rendez-vous
du Parc de Verfailles , 2 vol. in- 12 .
Bruxelles , 1763. Et fe trouvent à Paris ,
chez Muzier , fils , Quai des Auguſtin ,
& chez Duchefne , rue S. Jacques .
TRAITÉ DE LA DEFENSE DES
PLACES , avec un Précis des Obfervations
les plus utiles pour procéder à la
vifite ou à l'examen des Villes fortifiées :
un Abrégé des principes généraux qui
peuvent fervir à l'établiſſement des quartiers
d'hyver ; & un Dictionnaire des
termes de l'Artillerie , de la Fortification ,
de l'attaque & de la défenfe des Places .
Par M. Le Blond , Maître de Mathématique
des Enfans de France , & c . Secon
JANVIER. 1763. 81
de Edition , retouchée & augmentée.
In- 8° . Paris , 1762. Chez C. A.Jombert,
Libraire du Roi pour l'Artillerie & le Génie
, rue Dauphine , àl'Image Notre-
Dame. Nous avons donné un extrait de
ce Livre dans le temps de fa premiere
Edition .

PETITES ETRENNES , ou Emblêmes
facrées fur chaque mois , pour la préfente
année ; Bouquets ou Etrennes fleuries
; petites Etrennes ou Devifes ; petites
Etrennes galantes ; & autres Almanachs
joliment enluminés , par le fieur
Maillard de Breffon , fe trouvent à Paris
chez Maillard , au Magafin des belles
Emblêmes , rue S. Jacques , chez M.
Lambon , Avocat , proche la rue des
Mathurins.
LES EPHEMERIDES TROYENNES ,
pour l'Année 1763 , fe diftribuent aux
Adreffes ordinaires.
Elles offrent de nouveau pour cette
année :
1 °. Les curiofités & fingularités de
Troye, améliorées, corrigées & rectifiées
d'après les Obfervations que procu
rent le temps & fouvent le hazard.
2º. Toutes les Piéces originales de la
conteftation élevée par l'Abbeffe & les
Religieufes de N. D.aux Nonnains, fur
D v
82 MERCURE DE FRANCE.
la Dédicace de l'Eglife de S. Urbain &
de fon Cimetière . Tous les détails de
cette conteftation & des voyes de fait
dont elles l'appuyerent, font refutées dans
la fentence
d'excommunication prononcée
contre elles par des Commiffaires
Apoftoliques , en 1272.
3º. Une relation très- étendue de tout
ce qui fe paffa à l'entrée du Roi Charles
VIII. à Troyes , en 1486. Relation
écrite en vers par un Contemporain.
4°. Un Mémoire contenant le réfultat
d'obfervations faites l'année derniere
en Picardie fur toutes les parties de
la culture du lin dans cette Province
pour fervir de modéle & de guide aux
Cultivateurs des environs de Troyes
qui voudront appliquer à cette culture
les terreins qui y font propres.
ex-
5º. La vie de M. Pierre Pithou
traite de celle qui a paru en 1756 , chez
Cavelier , à Paris.
,
MELANGES DE LITTERATURE ,
D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE
par M. d'Alembert , 4 vol. in- 12 . Nouv.
Edit. à Amfterdam chez Zacharie
Chatelain , & fe trouve à Lyon , chez
Jean-Marie Buyzet , & à Paris , chez
Defaint & Saillant , & chez les Libraires
qui véndent les nouveautés .
JANVIER 1763. 83
Cette nouvelle Edition ne différe
de celle de 1759 , qquuee ppaarr des
changemens très-légers ; on y a furtout
corrigé plufieurs fautes d'impreffion
dont quelques-unes altéroient le fens.
L'Auteur a ajouté à la fin du troifiéme
volume , des notes fur fa traduction de
quelques morceaux de Tacite , qui fe-
Font vendues féparément à ceux qui
ont acheté l'édition de 1759. La Tra
duction & les Notes fe vendent auffi
féparément à l'ufage des jeunes Etudians.
Il eſt des Ouvrages dont on ne fçau-
Foit trop multiplier les Editions.
AVIS AU PUBLIC.
GUILLAUME DESPREZ , Imprimeur
du Roi & du Clergé de France , demeurant
à Paris , rue S. Jacques , propofe
, pour la derniere fois , une diminution
fi confidérable fur cinq Bibles
différentes , traduites en François par
feu M. de Saci , que les Eccléfiaſtiques
& même les Laïques , qui ont du goût:
pour les Livres faints , ne fçauroient
trop s'empreffer de fe procurer ces excellens
Livres , au prix modique auquel
il s'eft relâché.
D vit
84 MERCURE DE FRANCE.
Ces Ouvrages , quoiqu'ayant le même
objet , font cependant de différentes
étendues , & par conféquent de pluheurs
prix. Voici les diminutions qu'il
propofe fur chacun .
1º. La grande Bible en Latin & en
François , avec l'explication dufens littéral
& fpirituel , 32 vol. in - 8 ° , qui fe
vend 120 livres en feuilles , fera donnée
pour 72 livres.

Comme il faudra réimprimer quelques
volumes , pour compléter un certain
nombre d'Exemplaires , ceux qui
voudront s'en pourvoir foufcriront
d'avance pour la fomme de 36 livres ,
dont il leur fera donné une reconnoiffance
; & au premier Juillet 1763 , on
leur fournira les 16 premiers volumes :
en les retirant , ils payeront les 36 liv .
reftant , & au premier Janvier 1764 ,
on leur délivrera les 16 derniers volumes.
2º. La Bible en Latin & en François
, avec des Notes , en 23 volumes
in- 12. laquelle a toujours été vendue
46 livres en feuilles , fera donnée pour
18 livres.
3 °. La même Bible toute Françoife ,
avec les mêmes Notes , en 14 volumes
in-12. qui fe vendoit 28 livres en feuil
les ,
fera donnée pour 12 livres.
JANVIER 1763. 85
4°. La Sainte Bible toute Françoise ,
avec de courtes Notes pour l'intelligence
du fens littéral & prophétique , imprimée
en 1759 , en un très - gros volume
in - fol. orné d'un beau frontispice en
taille-douce , qui fe vendoit 20 livres
en feuilles , fera auffi donnée pour 12
livres.
5°. Enfin , la Sainte Bible toute Françoife
en 2 volumes in - 4°. que l'on vendoit
16 livres en feuilles , fera donnée
pour 10 livres.
Une fi forte diminution fur ces cinq
objets , n'aura lieu que jufqu'au premier
Mars 1763.
On donnera auffi , jufqu'à ce terme
les volumes féparés qui peuvent manquer
à ceux qui ont acquis précédemment
la Bible in- 8°. & chaque volume
fe vendra 3 livres en feuilles . Ceux
qu'on peut donner font :
L'Erode & le Lévitique.
Les Nombres & le Deutéronome.
Jofué , les Juges & Ruth.
Les Rois , 2 volumes.
Les Paralipomenes , Efdras & Néhémias.
Job.
Ifaïe.
86 MERCURE DE FRANCE.
Jérémie & Baruch.
Ezechiel.
Daniel & les Machabées.
S. Matthieu , S. Marc , S. Luc & S
Jcan , 4 volumes.
Les Actes des Apôtres .
Et l'Apocalypfe.
LOUIS CELLOT , Imprimeur-Libraire
, Grand'Salle du Palais , & rue Dauphine,
la feconde Porte Cochere à droite ,
en entrant par le Pont- Neuf , même
maifon que M. Jombert , Libraire du
du Roi pour l'Artillerie & le Génie ;
vient d'acquérir de M. Défprez , Imprimeur-
Libraire du Clergé, le Privilége
entier , & tous les Exemplaires
fuivans :
HISTOIRE UNIVERSELLE , facrée
& profane compofée par l'ordre de
MESDAMES DE FRANCE , par M.
Hardion , de l'Académie Françoife
16 volumes in- 12.
?
40 liv..
Les Volumes
fe vendent
féparément
.
Sçavoir :
Les cinq premiers Volumes .
Les Tomes VI . VII. & VIII.
Les Tomes IX. & X.
Les Tomes XI & XII.
JANVIER . 1763. 87
Les Tomes XIII . & XIV.
Les Tomes XV . & XVI . qui paroitront
dans le courant de Novembre.
On aura fa plus grande attention pour
que la reliure foit toujours la même pour
tous les volumes , quoique vendus féparément.
Les applaudiffemens que cet Ouvrage
a reçus dès fa naiffance , & qu'il n'a
ceffe de recevoir depuis , prouvent affez
fon importance & fon utilité. Il nous
fuffit de renvoyer à tous les Journaux
qui en ont fait mention..
La même Hiftoire traduite en Italien ,
14 volumes.
HISTOIRE POÉTIQUE , & deux
Traités abrégés , l'un de la Poëfie , l'autre
de l'Eloquence , compofés pour
l'ufage de MESDAMES , par le même
Auteur , 3 vol. in- 12 . 7 l. 10 f..
HISTOIRE DES VARIATIONS des
Eglifes Proteftantes , Par M. Boffuet ,
Evêque de Meaux , 4 vol. in- 12. petit
caractere. 10 liv.
EXPOSITION de la Doctrine de l'E88
MERCURE DE FRANCE.
glife Catholique fur les matières de Con.
troverfe , par M. Boffuet > nouv. édit.
augmentée de la traduction latine de M.
l'Abbé de Fleury , Auteur de l'Hiftoire
Eccléfiaftique , avec une Préface Hiftorique
& critique , par M. l'Abbé le
Queux , 1761. 3 liv.
Pourjuftifier le mérite de cette édition,
nous croyons devoir rapporter le jugement
que M. l'Abbé Lavocat , Docteur
de Sorbonne en a porté.
,
?
Cet Ouvrage immortel , qui a mérité
les éloges de toute l'Eglife , & qui
a produit des fruits fi abondans pour la
converfion des Hérétiques à la Foi Catholique
, avoit befoin de cette nouvelle
Edition , qui eft la premiere qui paroît
en François & en Latin . On ne peut
trop en recommander la lecture aux Fidéles
& principalement aux jeunes
Théologiens , lefquels y trouveront la
méthode la plus excellente de traiter les
matières de Controverfe , non-feulement
en François , mais auffi en Latin .
La Préface que l'exact & fçavant Editeur
a mife à la tête , eft très- curieufe ,
& nous fait fouhaiter la nouvelle Edition
qu'il prépare de tous les Ouvrages
de M, Boffuet.
JANVIER. 1762. 89
LA même , petit in - 12 , tout françois ,
fans préface , 1761 . 2 liv. NOTIONAIRE
, ou Mémorial
rai- fonné
de ce qu'il y a d'utile
& d'inté- reffant
dans les connoiffances
acquifes
depuis
la création
du monde
jufqu'à préfent
, par M. de Garfaut
, très- gros volume
in- 8° , avec
40 Planches
en raille-douce , 1761 .
9 liv.
LIVRES nouveaux que l'on trouve chez
le même Libraire.
MÉMOIRES pour fervir à l'hiftoire
de la Maifon de Brandebourg , deux
volumes in- 12. 1762. 4 liv. 10 f.
On a mis a fa place dans cette nouvelle
édition , l'hiftoire de Fréderic Guil
laume , fecond Roi de Pruffe , qui ne
Te trouvoit jufqu'à préfent que par fupplément
, avec des corrections confidérables
; on y trouvera auffi l'Etat Militaire
de ce Royaume , depuis fon inftitution
jufqu'à la fin du regne de Fré-
'deric Guillaume II.
INSTRUCTIONS MILITAIRES du
Roi de Pruffe à fes Généraux 1 vol.
même format avec 13 Planches en taille
douce. 2.liv. 10 f.
L'EPREUVE DE LA PROBITÉ
90 MERCURE DE FRANCE .
Comédie en cinq A&tes par M. de Baf
tide , 1762. I liv. 4 f
CONTES en profes du même Auteur
, quatre parties brochées , de so
feuilles.
50
EUVRES POSTUMES de M. d'Hericourt
, Auteurs des Loix Eccléfiaftiques
, 4 vol. in-4°
OEuvres de M. de Fremainville. Sca
voir :
Traité des Terriers , 5 vol. in -4º 48 I.
Traité de la Communauté des biens
d'habitans. 10 l.
Dictionnaire de Police , in-4° 10 l.
Inftructions pour un Régiffeur ,
in-4°. broché. I 10 f.
Tous les Volumes fe vendent féparément.
LE DANGER des liaifons , ou Mé- Μέ
moires de la Baronne de Blemon . Par
Madame la M... de S. A ... A Genève ,
1763 , 5 parties. Ce Roman , dont la
fuite eft , dit- on , fous prèffe , eft intéreffant
& fe lit avec plaifir . Nous en
rendrons compre , dès qu'il fera fini.
CONTES MORAUX dans le goût de
ceux de M. Marmontel , recueillis de divers
Auteurs , & publiés par Mlle Uncy,
à Paris , chez Vincent , rue S. Severin
1763. 2 vol. in- 12.
JANVIER. 1763. gr
ARTICLE III.
SCIENCES ET BELLES-LETTRES
MATHÉMATIQUES.
J'AI "AI l'honneur , Monfieur , de vous
adreffer ci-joint deux Problêmes qui ont
été propofés dans les Annonces de notre
Province , lefquels font reftés indécis
par la différence des folutions fournies
; je vous crois trop amateur des
Sciences , Monfieur , pour vous refuſer ,
à la prière que je vous fais au nom
d'une Société , de vouloir bien les admettre
dans votre Mercure , pour en
procurer une décifion certaine , par
MM. les Arithméticiens qui font invités
de vouloir bien la donner pour fi
xer les opinions.
PREMIER PROBLEM E.
On compte dans une Ville affiégée
35000 habitans , dont le nombre d'hommes
eft en proportion à celui des femmes
, comme les
nombre 75 font aux
du nombre 238 1 .
des moins 8 du
127
des , plus 27
92 MERCURE DE FRANCE .
Cette Ville peut foutenir un fiége de
fix mois , & fournir à chacun de fes
habitans 28 onces de pain par jour.
On demande quel temps ( la même ration
journalière continuée ) le fiége
pourroit être foutenu , fi l'on faifoit
fortir toutes les femmes ?
MM. Vincent , Satis & Denis ne s'étant
pas trouvés d'accord fur le nombre
d'hommes & de femmes qui compofent
les 35000 habitans , & d'ailleurs leurs
opérations étant juftes , fuivant leurs
fentimens , l'on demande feulement combien
il fe doit trouver d'hommes & de
femmes dans la Ville en queftion.
II. PROB LÊ ME.
Les Cartes peintes du jeu de Picquet
étant fupprimées , faire avec les vingt
qui restent deux lots inégaux , & tels
que chaque lot contienne autant de
cartes qu'il y aura de fois fept points
dans l'autre lot, l'as n'y étant compté que
pour un point.
Meffieurs les Arithméticiens font
priés de donner une formule qui convienne
à tous les cas poffibles.
MM. Dumanoir , le Clerc , Mallet ,
Loifel , le Baron & le Doyen ont bien
donné leurs folutions fervant de inoJANVIER.
1763 . 93
déle à la formule demandée ; mais aucune
ne fixe le nombre des cas poffbles
, ce que l'on defire fçavoir.
J'ai Phonneur d'être , & c.
LE COMPTE.
GÉOGRAPHIE.
MAPPE MONDE , en deux grands
Hémisphères , Oriental , & Occiden
tal , par M. D'ANVILLE , de
l'Académie Royale des Belles - Lettres.
APPRRIÉS avoir donné au Public des
Cartes très-amples des quatre Parties du
Monde , M. d'Anville rend complet cet
affortiment de morceaux Géographie .
ques , par la Mappemonde , qui raffemble
fous un coup d'oeil ce qu'il avoit
fallu partager en plufieurs divifions
pour pouvoir figurer les objets avec
plus de détail & de précifion que dans
les Cartes précédentes. D'ailleurs , les
Parties du Monde laiffent à l'écart de
grands efpaces fur la furface du Globe
, de vaftes Mers parfemées d'Ifles
en grand nombre dans quelques en94
MERCURE DE FRANCE.
*
droits , & qui n'entrent point dans les
Cartes des Parties du Monde . On ne
s'étend point dans une Carte de l'Amérique
fur tout ce que la Mer du
Sud couvre d'étendue dans l'Hémisphère
Occidental , ou du nouveau Monde.
Il étoit donc néceffaire que M.
d'Anville fit fes Hémisphères plus grands
qu'on ne les avoit , pour que ces fupplémens
aux Parties du Monde fuffent
donnés d'une manière qui correſpondît
autant qu'il étoit poffible à la richeffe
du détail des Cartes de fa collection.
Il est encore à remarquer , que dans
cette collection , de grands Hémisphères
tiendront lieu de Cartes générales .
Quoique l'Europe occupe le moins de
place fur le Globe , les grands Etats
s'y trouvent bien diftingués : la Hongrie
n'y eft point confondue avec ce
qui eft donné pour Turquie d'Europe
dans les autres Mappemondes. Si la
Mappemonde n'eft pas fufceptible d'un
détail d'Etats particuliers , tels que ceux
de l'Allemagne & de l'Italie , il faut du
moins que
les Villes qui tiennent le
premier rang dans chacun de ces Etats ,
fervent à les repréfenter , felon le plan
qu'a fuivi M. d'Anville. Un deffein exact
& févére dans la configuration du local ,
JANVIER. 1763 . 95
& exécuté par le plus habile Graveur
rend un grand détail de pofitions compatible
avec beaucoup de netteté dans
les objets. Et on peut dire de la Mappemonde
de M. d'Anville , que c'eft la
mieux conçue dans fa compofition ,
comme la plus élégante au coup d'oeil,
qui ait paru jufqu'à préfent. On voit
dans cet important morceau de Géographie
une continuation des bienfaits
dont Moufeigneur le Duc d'ORLEANS
favorife les travaux de l'Auteur.
* M. De la Haye , Graveur du Roi pour la
Géographie .
ASTRONOMI E.
LETTRE de M. DELALANDE , de
l'Académie Royale des Sciences , à
M. DE LA PLACE , fur une Anecdote
Littéraire.
Vous ous avez appris déja , Monfieur
avec fatisfaction , les preuves que le
Grand- Seignenr nous a données en
dernier lieu de fon goût pour les Sciences.
Le détail de ce petit événement fera
plaifir aux Gens de Lettres. Il eft d'ail96
MERCURE DE FRANCE.
leurs honorable à l'Académie des Sciencés
, & vous y trouverez peut -être une
raifon d'efpérer qu'un jour la Turquie
cette belle partie de l'Europe , fortira
de l'engourdiffement où elle eft depuis
la deftruction de l'Empire Grec.
I
Les Juillet dernier 5 M. le Chevalier de
Vergennes , Ambaffadeur de France à
Conftantinople , eut une vifite de l'interprété
de la Porte , qui venoit de la
part du Grand- Vifir. Cet Interprête lui
dit que le Grand-Seigneur avoit été informé
qu'il y avoit en France des Aſtronomes
célébres qui avoient publié nouvellement
des ouvrages généralement
eftimés . Sa Hauteffe ( ajouta- t-il ) qui a
du goût pour ce genre d'étude , defire
qu'on lui faffe venir avec le moins de
délai qu'il fera poffible , les meilleures
Tables d'Aftronomie , les obfervations
les plus parfaites & les découvertes les
plus récentes qui ont paru. Pour cet
effet le Grand-Vifir requit M. l'Ambaffadeur
de vouloir bien expédier un
Courier exprès pour les demander en
France & pour les rapporter . M. de Vergennes
l'affura de fon empreffement à
fe conformer aux ordres de fa Hauteffe ,
& à fatisfaire fon goût. Il promit d'en
rendre compte à M. le Duc de Praf.
,
lin
JANVIER. 1763 . 97
lin , Ministre des affaires étrangères ,
ne doutant pas qu'il ne donnât fes foins
pour que cette commiffion fut faite avec
autant de choix que de promptitude.
Les Couriers ne pouvant paffer à
Vienne en Autriche , fans être affujettis
à une longue quarantaine , M. de Vergennes
dépêcha un Janiffaire fur la frontière
de Turquie , avec une recommandation
de M. de Schwacheim au Commandant
Impérial à Semlin , pour le
prier de faire paffer par un Staffette fon
paquet à M. le Comte du Chatelet , Ambaffadeur
de France à Vienne , qui devoit
l'envoyer à Paris. M. de Vergennes,
pria M. le Duc de Praflin de lui faire
parvenir fa réponſe par la même voie ;
l'objet de la diligence qui lui étoit fi fort
recommandée pouvant être rempli fans
beaucoup de dépenfe par M. le Comte
de Kaunitz, qui ordonneroit l'expédition
d'un Janiffaire attaché au fervice de la
Poſte Impériale : il y a toujours plufieurs
de ces Janiffaires à Belgrade.
M. de Vergennes demandoit principalement
les obfervations du paffage de
Vénus fur le foleil , les ouvrages faits
fur les cometes depuis quelques années ,
& les découvertes nouvelles relatives à
l'Aftronomie. Les Turcs auroient bien
II. Vol. ES
98 MERCURE DE FRANCE.
voulu qu'il y joignît quelques ouvrages
d'aftrologie judiciaire & de prédiction
fur l'avenir ; mais il répondit décidément
qu'on n'en trouveroit point en
France , parce que ces fortes d'études Y
étoient totalement décriées .
*
Le Roi ayant appris l'empreffement
& la curiofité du Sultan , voulut lui
donner en cette occafion une marque
de complaifance & d'amitié ; & M. le
Comte de S. Florentin me fi : l'honneur
de me charger , en conféquence des
ordres du Roi , de remettre un état de
tout ce qui pouvoit être raffemblé à ce
fujet à M. Bignon , Bibliothécaire du
Roi , & de concerter avec lui l'envoi
de Livres qui pourroient plaire au Grand
Seigneur. Je m'acquittai avec empreffement
de cette commiſſion : mais vous
favez , Monfieur , qu'il n'y a en France
que trois Traités d'aftronomie élémentaire
, ceux de M. Caffini , de M. Le
Monnier & de M. de la Caille. J'y joignis
des traités particuliers , tels que ceux
de la figure de la terre , de M. de Maupertuis
, de M. de la Condamine , de
M. Bouguer & de M. Clairaut , les
tables aftronomiques de Halley , dont
j'avois donné en 1759 une feconde édition
, mon expofition du calcul aftronoJANVIER.
1763. 99
1
mique , la connoiffance des temps de
plufieurs années , où il eft parlé du paffage
de Vénus , le traité des cometes de
M. Clairaut , le traité de navigation de
M. de la Caille , & c. Tout cela fut relié
avec toute la propreté imaginable , &
envoyé à Marseille , d'où le Grand Seigneur
a reçu cet envoi avec une extrême
fatisfaction .
Il n'eft pas fort étonnant ,
fort étonnant , Monfieur
que les travaux , les voyages , les entreprifes
de l'Académie des Sciences , fous
la protection d'un Miniftre éclairé
ayent étendu la réputation littéraire de
la France jufques dans ces climats.
Il l'eft au contraire bien davantage
que l'efprit de recherche , d'obfervation
& de curiofité n'ait pas fait des
progrès plus rapides du côté du Levant.
On a vu dans les Etats de l'Impératrice
Reine , des Mathématiciens célébres, tels
que le P. Hell , enfeigner les Mathématiques
jufqu'aux confins de la Turquie ;
& l'on favoit à peine dans Conftantinople
à quoi ces études pouvoient fervir.
Puiffe le goût & la curiofité de Muftapha
II produire en faveur des Sciences
une heureufe révolution !
J'ai l'honneur d'être & c.
DE LA LANDE.
Eij
100 MERCURE DE FRANCE .
ARTICLE IV .
BEAUX- ARTS.
ARTS UTILE S.
ÉCOLE Royale vétérinaire , établie à
Lyon fous la direction de M. BOURGELAT
, Ecuyer du Roi , & Corref
pondant de l'Académie Royale des
Sciences de Paris
LE Lundi 20 Décembre 1762 , on a
décerné à Lyon dans l'Hôtel de l'Ecole
Royale vétérinaire une fomme de cinquante
livres , qui devoit être la récompenfe
accordée à celui des Eléves qui
l'emporteroit dans un concours fur l'Anatomie
en général , & fur les os en général
& en particulier,
M. l'Intendant a honoré l'Affemblée
de fa préfence , & a bien voulu y préfi
der. M. de Fleurieu , premier Préſident
du Bureau des Finances , & M. Fay
Confeiller en la Cour des Monnoyes ,
JANVIER. 1763. ΙΟΙ
députés l'un & l'autre par Meffieurs de
la Société d'Agriculture , ont fait auffi
aux Elèves l'honneur d'y affifter , ainfi
que plufieurs citoyens & plufieurs étrangers
invités à s'y rendre .
Dix - neuf des Elèves ont concouru .
La forme obfervée dans cette circonftance
ne laiffoit aucune reffource à la
prédilection & à la faveur. On avoit
divifé & réparti environ trois cens quatrevingt
queſtions dans dix - neuf billets cachetés.
Ces billets remis à M. l'Intendant
, on a nommé à haute voix les contendans
qui ont tiré chacun un de ces
billets , ainfi que le fort le leur a préfenté.
Chaque Elève a été oppofé à un autre
Elève qui lui a été indiqué , & ils fe
font mutuellement interrogés d'après les
queftions inférées dans le billet qui leur
eft échu. Le dix -neuviéme a répondu à
celui qui eft le chef de la Brigade dont
il fait partie.
On a jugé qu'aucun des Elèves ne
pouvoit être regardé comme indigne du
concours ; mais cinq d'entre eux ont été
déclarés fupérieurs aux autres .
Ces cinq Elèves font les fieurs Cofme ,
de la ville de Lyon; Jofeph Defchaux ,
âgé d'onze ans , de la ville de Lyon ;
Denguien , âgé de quatorze ans , de la
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
ville de Lyon ; Bauvais , envoyé & entretenu
à l'Ecole par M. l'Intendant de
Picardie ; Bredin , de la ville d'Auxonne
, déja connu par fes fervices dans les
Provinces de Dauphiné & d'Auvergne .
L'embarras de prononcer entre ces
contendans a obligé de les admettre à
un fécond concours dans lequel les
fieurs Cofme , Bredin & d'Enguien ont
obtenu la préférence fur les deux autres .
Ces trois Elèves , en qui la fupériorité
étoit la même ont été jugés dignes
d'obtenir le prix . Ils ont tiré au fort , &
le hafard qui a enfin prononcé en faveur
du fieur Cofme , n'a pu diminuer
l'honneur que les fieurs Bredin & d'Enguien
fe font acquis .
"
Le fieur Bauvais a eu le premier
acceffit : il eft d'autant plus louable , qu'il
n'y a que quatre mois qu'il eft admis au
rang des Elèves , & qu'il a été malade
un mois & demi.
Le fieur Jofeph Defchaux , le fecond.
Le fieur Brachet , de la Province du
Bugey , Eléve envoyé & entretenu à
l'Ecole par cette Province , à eu le troifiéme
.
Et le fieur Preflier , Elève entretenu
M. l'Intendant de Moulins , a merité
le quatriéme.
par
JANVIER. 1763. 103
NOMS DES ELEVES QUI ONT CONCOURU.
Les Sieurs
Cofme .
Defchaux .
Moret.
Detuncq.
Defavenieres.
Brachet.
Preflier. Bloufard.
Bredin . Kamerlet.
Rambert. Uderville.
Saunier le cadet.
D'Enguien.
Gautier, Rouffet.
Bauvais . Pufenas .
Guillin , interrogé par le fieur Cofme.
L'émulation que ces Elèves ont fait
paroître , & le fuccès avec lequel ils
ont montré leur favoir en préfence
d'une affemblée nombreuſe & choifie
fait un honneur infini aux foins , au
zèle & aux lumières de M. Bourgelat ,.
que le Roi a mis à la tête de cette Ecole
fi utile . On a déja vu dans les nouvelles
publiques les fervices que les Elèves de
cette Ecole , établie depuis très- peu de
temps , ont rendu dans différentes Provinces
du Royaume , pour arrêter une
maladie épidémique des beftiaux . Tous
les bons citoyens doivent s'intéreffer à
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
cet établiſſement , & nous nous ferons
un devoir de rendre compte au Public
des grands avantages qui en réfulteront ,
& qui s'annoncent déja de fi bonne
heure.
HORLOGER I E.
NOUVEL Échapement applicable aux
PA-
>
Montres & Pendules, approuvé par
cadémie Royale des Sciences de Paris
inventé par M. Millot , Horloger du Roi
rue S. Dominique , Faubourg S. Germain
, Auteur de la nouvelle Pendule
aftronomique annoncée au Mercure de
Mars dernier,
Outre la propriété qu'a cet échapement
de vibrer avec très - peu de
force , il a celle de battre les fecondes
d'un feul temps avec une Pendule de
neuf pouces
, fans aucun ajoutement
ni rapport ; l'éguille des fecondes eft
directement placée fur la tige du rochet
d'échapement à l'ordinaire ; il fait
le même effet à la montre lorsqu'il y
eft dirigé en faifant battre 14400 coups
par heures au balancier , de forte que
l'on peut avoir une Pendule à fecondes
portative pour MM , les Aftronomes
JANVIER. 1763. 165
C
qui vont en campagne faire leurs obfervations
, & que
l'on peut même pofer
fur une cheminée , comme l'Académie
l'a jugé.
ARTS AGRÉABLES.
SUITE des Obfervations d'une Société
d'Amateurs .
QUEL genre de décoration & quelle maniere
d'illuminer conviennent dans une
Eglife ?
CETTE ETTE question , que nous allons
difcuter a été propofée à la Société à
l'occafion de la folemnité de Noël.
,
Depuis plufieurs années , le zéle des
Miniftres du Sanctuaire , fecondé apparemment
par celui des Particuliers
qui adminiftrent les revenus de quelques
Eglifes Paroiffiales , a tellement
étendu la pompe des illuminations intérieures
, qu'elles font devenues , avec
les Orgues , l'objet de l'attention du
Public , dans la nuit de Noël.
Cette nuit , fi folemnelle pour les
Chrétiens , & dont beaucoup de Fidéles
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
,
paffent une partie dans les Temples ,
demande en effet une plus grande quantité
de lumières que ce qu'on en allume
pour la feule majeſté du culte.
Une forte de néceffité fe joint à la
convenance de l'éclat en cette occafion.
Il eft affez fimple que lorfqu'on a voulu
tourner cette néceffité en décoration
on fe foit fervi d'abord de quelques
Luftres de criftal. Ces premiers moyens
faciles à trouver ont dû paroître fans
conféquence pour une fplendeur momentanée
; d'autant que les commencemens
font toujours modeftes & fans
prétentions. On n'a peut-être pas fait attention
qu'en les multipliant progreffivement
dans les lieux faints
loignoit d'autant du genre propre à les
décorer. Nous ne prétendons par-là ,
ni cenfurer ni rendre fufpectes les intentions
de ceux qui auroient pu fe
laiffer aller à un excès de zéle , & dont
nous ne refpectons pas moins les motifs
& l'objet. On nous interroge fur
des convenances ; nous fommes obligés,
pour répondre , de confidérer , de chercher
les rapports ; nous déclarons ingénuement
que nous n'en trouvons aucun
, entre l'auftère idée de nos faints
Myftères , entre celle d'une Maifon de
on s'éJANVIER.
1763. 107
prieres , tels que font nos Temples , &
de vaftes Edifices transformés en falles
de fêtés profanes.
Lorfque nous croyons que , fans banir
la magnificence & l'éclat qui doivent
régner dans le Tabernacle du
Très-Haut , tout parlera à nos fens de
fon augufte Majefté ; notre vue , au
contraire diftraite & agitée par le
reflet petillant de tant de lumiéres
dans ces cristaux , emporte naturellement
notre efprit fort loin du feul
objet qui devroit le fixer. On ne devroit
pas être étonné , qu'à cet afpect
, le vulgaire ne tombât dans les
mêmes irrévérences & ne fe portât aux
mêmes excès qu'il fe permet quelquefois
dans les lieux auxquels on rend ſi femblable
celui qui ne doit jamais infpirer
qu'une profonde vénération .
Si l'on veut bien le remarquer , on
s'apperçoit de plus , que par cette quantité
de luftres brillans exhauffés en
plufieurs rangs , dans le milieu d'une
Eglife , le principal Autel eft pour ainfi
dire éteint & refte dans une obfcurité
de comparaifon , qui fait que les Miniftres
célébrans n'y font apperçus que
comme des ombres mobiles . Rien n'eft
donc plus contraire aux principes qui ,
E vi
108 MERCURE DE FRANCE.
en général , préfcrivent de rendre toujours
dominant & dans la plus grande
évidence , l'objet auquel doivent fe rapporter
tous les autres. Dans l'application
de ces principes à notre fujet ; qui ne
fentira pas que cet Autel , qu'on laiffe
ainfi dans les ténébres , eft cependant
le point d'où devroit émaner toute la
clarté répandue dans le refte du vaiffeau
comme d'un foyer dont les autres lumiéres
paruffent n'être que des productions
? Si l'on convient de la jufteffe de
cette idée >
fi le rapport avec l'efprit
de la chofe en eft fenfible , on doit
donc convenir que l'ufage dont nous
venons de parler & la maniere dont
on éclaire aujourd'hui quelques Eglifes ,
font des abus , peut-être à plufieurs
égards , mais principalement contre les
loix du goût raifonné , ce qu'il nous appartient
feulement de confidérer.
Pour réformer cet abus , il faudroit ,
dira-t-on , indiquer d'autres moyens que
ceux que l'on critique , puifqu'il eft
vrai que nous convenons de la néceffité
d'éclairer & de la bienféance à éclairer
pompeufement.
Tant de célébres Artiftes , dont les
talens & le génie font fpécialement dirigés
à l'ordonnance des décorations en
JANVIER. 1763. 109
tout genre , fourniront bien mieux que
nous ces fortes de . moyens. Nous tracerons
feulement & fans aucune prétention
, ce que nous avons entrevû d'abord
de poffibilité pour faire rapporter
l'éxécution à ces mêmes principes.
>
Si , par exemple , au lieu des Luftres
de criſtal enhauffés dans les milieux
en de çà des pilaftres , on plaçoit fous
chacune des arcades , qui féparent la
nef de fes bas-côtés , un très - beau Lampadaire
de quelque riche métal ou de
matiere qui le repréfentât , & que ce
Lampadaire portât plufieurs Godets de
lampes à divers étages , lefquels par la
force ou par le nombre des méches formaffent
des efpéces de Pots-à-feu ; ce
genre de meuble confacré , fi l'on peut
dire , dans tous les temps & dans tous
les Rits , ne feroit- il pas beaucoup plus
analogue dans nos Temples , que les
meubles mondains , dont nous reconnoiffons
l'ufage fi inconféquent? Si l'on
appliquoit fur les pilaftres, des girandoles
, foit de métal , foit de quelque
matiere bronzée ou dorée ; que ces girandoles
, pofées dans une moindre élévation
que ne font les luftres , por
taffent tant de branches que l'on voudroit
, pour éclairer les Fidéles dans
110 MERCURE DE FRANCE.
,
leurs lectures plutôt que les voûtes de
l'Eglife , où la grande lumière étant inutile
, ne peut avoir qu'un vain faſte
pour objet ! penfe -t- on que cette diftribution
formât un effet moins auguſte
aux yeux , & n'eût pas davantage le
prétexte légitime d'une pieufe commo.
dité pour les affiftans ? Rien n'intercepteroit
plus la vue du principal objet ,
qui eft l'Autel ; mais au contraire ces
girandoles ou buiffons de lumières ,
par leur pofition fubordonnée aux pointes
des cierges de l'Autel , y conduiroient
les yeux par degrés inférieurs , &
ne difputeroient point d'effet. On propoferoit
encore de charger ( dans cette
occafion feulement ou de femblables )
le principal Autel des plus hauts & des
plus forts cierges par gradins , entre lefquels
on pourroit en mêler d'inférieurs ,
de telle forte que la maffe de cette lumière
fût prédominante fur toute autre.
Pour étendre davantage cette maffe
on garniroit de lumières dans toutes
leurs hauteurs , les deux pilaftres joignant
& renfermant l'Autel , jufqu'à
l'impofte de l'arcade , fous lequel il fe
trouveroit placé. A la clef de cette même
arcade on chercheroit le moyen d'appliquer
un très -fort groupe de lumières ,
و
JANVIER. 1763 . III
lefquelles on tâcheroit de continuer , en
dégradant jufqu'à l'impofte , qu'elles reviendroient
joindre. Ce que nous venons
de propofer ne pouvant avoir lieu
que dans les Eglifes dont l'architecture
favoriferoit cette difpofition , on trouvera
facilement dans les autres les
moyens d'y adapter d'autres diftribu-.
tions relatives à nos principes.
Il eſt encore à obferver que felon ces
mêmes principes , dans les Eglifes où il
fe trouveroit au- delà du choeur des
Chapelles ou autres lieux en perfpective
, ils doivent être frappés d'une
grande lumière , qui en faffe appercevoir
l'éclat ; mais que cette lumière , ou
plutôt fes cauſes , ne doivent point être
perceptibles du point milieu du vaiffeau
; en forte que ce foit l'éclat répandu
fur ces lieux qui forme le point de
yue , & non les bougies , cierges ou
autres lumières , dont l'effet feuldoit être
fénfible, mais non pas
les corps
corps lumineux.
La raifon de ceci eft naturellement déduit
de l'axiome inconteftable , répété
dans toutes nos obfervations fur les
Eglifes à l'égard de la prédominance
indifpenfable de l'Autel , axiome qui
n'en eft pas moins certain , quoique
chaque jour on s'en écarte de plus en

112 MERCURE DE FRANCE .
plus , & en faveur duquel nous ne cefferons
d'exciter le goût du Public , juſqu'à
ce que ceux qui devroient le maintenir
ceffent de le violer. Nous avons
déja fait voir l'abſurdité qu'il y auroit à
ne faire qu'un paffage à la vue de l'Autel
augufte , où fe célebre le plus faint
des Sacrifices (a). Ainfi les lumiéres apparentes
étant en cette occafion ce qui
marque davantage il s'enfuit que le
Maître-Autel , & ce qui l'environne
doivent être le plus chargés de ces lumières
, & qu'on ne doit en voir aucune
par-delà , afin que ce point termine le
fpectacle de la pompe.
que
,
Nous croyons convenable de nous
expliquer fur certaines Eglifes , telles
celles des Couvents & autres con- .
fidérées , comme Chapelles ou oratoires
domeftiques . Leur peu d'étendue , la
nature , pour ainfi dire , de leur conftitution
, & celle de leur deſtination , les
difpenfent fans doute des régles que
nous venons , non pas d'établir , n'en
ayant nul droit , mais feulement de développer
& de rappeller aux efprits conféquens
, à l'égard des Eglifes Cathé-
(a ) Voyez les obfervations des Amateurs dans
les années 1760 & 1761 de l'Obfervateur Litséraire.
I
JANVIER. 1763 . 113
drales ou Paroiffiales , qui feules doivent
être regardées comme Temples
publics.
PEINTURE.
ACADÉMIE de Peinture , de Sculpture
& autres Arts de MARSEILLE .
LEE 29 , dernier Dimanche du mois
d'Août , à quatre heures & demie aprèsmidi
, l'Académie de Peinture , de Sculp
ture & autres Arts , tint fon affemblée
publique dans la grande Salle de l'Hôtel-
de-Ville. MM. de l'Académie des
Belles-Lettres & MM. les Amateurs
Honoraires y furent invités. M. Verdiguier
, Directeur ouvrit la féance par
un Difcours adreffé aux Eléves médailliftes
pour les exciter à faire de mieux
en mieux , après qu'il eut fait l'éloge des
protecteurs des Beaux- Arts en la perfonne
de MM. les Echevins qui diftribuerent
enfuite les Médailles adjugées aux Eléves
pour leurs deffeins académiques . La
premiere fut donnée à M. J. B. Cofte ,
fils de Profeffeur. La feconde à M. Antoine
Blanc , & la troifiéme à M. Michel
Henri. Les Médailles diftribuées
114 MERCURE DE FRANCE .
M. Dageville , Architecte , Voyer particulier
de Marfeille & Profeffeur d'Architecture
, prononça un difcours fur
l'état des eaux de la Ville , fur leur
diftribution & fur un projet de décoration
générale relativement à l'Hydraulique.
M. Moulinneuf, Profeffeur &
Secrétaire perpétuel , termina la féance
par quelques obfervations fur la Peinture
& fur la Sculpture. L'Affemblée fut
fort attentive à toutes ces differtations
qui marquoient combien l'Académie
s'empreffe de contribuer au bien & à
P'utilité du Public. Le meme jour il y
á eu dans la maifon de la veuve Androny
, rue de Paradis , vis - à - vis l'Eglife
S. Régis , l'expofition des ouvrages de
divers membres de l'Académie . Cette
expofition a continué le matin & l'après-
dîné pendant l'efpace de quinze
jours.
EXPOSITION des ouvrages de divers
Membres de l'Académie de Peinture ,
de Sculpture & autres Arts de Marfeille.
DIRECTEURS.
M. VERDIGUIER , Sculpteur.
Douze figures de cabinet en rondeJANVIER.
1763. 115
boffe , repréſentant divers fujets ; l'étude
d'un Encelade ; quatre petits basreliefs
.
M. VERNET , Peintre du Roi.
Deux tableaux payfages & marines
du cabinet de M. Poulhafiés.
PROFESSEURS.
M. COSTE , Peintre .
Deux Deffeins de Paftorales ; un Payfage
à la Gouache.
M. PICHAUME , Peintre.
Un grand Portrait & huit en Buftes.-
M. MOULINNEUF , Peintre.
Deux grands Tableaux de nature
morte repréfentant un cabinet de Mufique
& un de chaffe. Quatre Deffeins
fujets tirés de l'Hiftoire de S. George ,
éxécutés en grands tableaux pour M. le
Marquis de Roux. Trois Portraits en
mignature.
M. ZIRIO , Peintre.
Un Portrait en bufte. Une Magdeleine
, & un S. François en bufte .

116 MERCURE DE FRANCE.
M. BEAUFORT' , Peintre.
Deux Efquiffes en gouache repréfentant
, l'un Loth & fes deux filles , &
l'autre Noel couvert d'un manteau par
deux de fes fils . Un deffein à la fanguine
qui repréfente Dédale ajuſtant
des aîles à fon fils Icare.
M. KAPELLER , Peintre.
Deux Tableaux de Payfages , deux
de marine. Un d'architecture. Quatre de
fleurs. Quatre deffeins. Deux gouaches.
M. REVELLY , Peintre.
Un Portrait en_grand. Un moindre.
Deux en bufte. Trois en mignature.
M. ARNAUD , Peintre.
Trois portraits en buftes . Une efquiffe
repréfentant l'Afcenfion. Une têt de
vieillard. Uue Vierge peinte en mignature.
ACADEMICIENS.
M. DESPECHES , Peintre ,
Un tableau en Payfage.
M. Loys , Peintre.
Un petit tableau fur cuivre repréfenJANVIER.
1763. 117
tant la tentation de S. Antoine. Trois
têtes de caractère . Deux portraits en
bufte. Une efquiffe de l'Afcenfion. Un
Portrait en mignature.
M. DE CUGIS , Peintre.
Son tableau de réception repréfentant
la Pithoniffe qui fait voir à Sail
l'ombre de Samuël. Une efquiffe de Sufanne.
Une autre de la Nativité de N. S.
AGRÉGÉS.
M. CELONY , Peintre.
Deux tableaux , l'un repréfentant Abigail
aux genoux de David , & l'autre
Moyfe qui défend des infultes de quelques
Bergers les filles de Raguel , Prêtre
de Madian ; du cabinet de M. le
Marquis d'Arcuffia.
M. VIEL , Peintre.
Un Portrait au paftel.
M. BOUTON , Peintre en mignature ,
Membre de l'Académie Royale de
Peinture , de Sculpture & d'Architecture
de Toulouse.
Plufieurs mignatures dans un grand
tableau .
118 MERCURE DE FRANCE.
Outre cette expofition , il y a eu de
la main de M.Verduſſen, un grand tableau
de bataille qui appartenant à l'Académie
, & deux autres repréfentans un
marché de Poiffons & un marché de
toutes efpéces de denrées & volailles ;
du cabinet de M. Poulhariés.
A M. DE LA PLACE , Auteur du
MERCURE.
PERSUADE , Monfieur , des avantages
que les Arts de Peinture , de Sculpture
& c , les Peintres & les Connoiffeurs
peuvent retirer de la defcription d'un
fameux Tableau du célébre Corrége ,
que la France vient tout nouvellement
d'acquérir , je vous prie d'en permettre
l'infertion dans votre Mercure . Elle fait
le contenu d'une lettre que M. Luet de
Bifcontin , ancien Officier d'Infanterie ,
vient de m'adreffer de Marſeille ici à S.
Chamas.Ce favant Connoiffeur nous le
décrit avec beaucoup de lumieres &
de fagacité. Une imagination brillante
& un ftyle délicat femblent en faire le
moindre mérite : en voici l'extrait.
J'ai l'honneur d'être & c.
P. de V **** de P. ****
IANVIER. 1763. 119
LETTRE contenant la defcription d'un
Tableau repréfentant les GRACES
qui fe baignent dans la fontaine
d'Acidalie.
J'AI 'AI enfin vu ce précieux Morceau : il
eft non -feulement très-beau , mais encore
je l'ai trouvé parfaitement bien
confervé. On peut dire , Monfieur ,
qu'il n'a pas été payé , quoiqu'on ne
l'ait acquis qu'en le couvrant d'or. Il a ,
franc de baguette,quatre pieds un pouce
de hauteur fur fix pieds cinq pouces de
largeur . Hâtons - nous de vous le décrire.
Je ne voulus point le découvrir qu'auparavant
je ne l'euffe fait placer en un
jour favorable , afin que je puffe jouir
de l'effet du tout enfemble . Il le fit fi
bien , & j'éprouvai un fi grand plaifir
à fon afpect , que je fentis naître dans
l'ame les mêmes mouvemens que l'action
y eût excité , fi elle fe fût paffée
réellement à mes yeux.
Il eſt certain , Monfieur , que de tous
les fujets de Peinture , ceux du genre
galant font ceux qui intéreffent davanrage
, qui ont le plus d'attraits fur l'ima120
MERCURE DE FRANCE .
gination , & qui pénétrent le plus l'âme
du Spectateur. Vous favez que c'eſt là
un goût qui , en enfantant & exécutant
des Sujets gracieux & aimables , ne
manque jamais de donner aux objets
des fituations riantes , des caractères
agréables , & aux figures des expreffions
douces , tendres , délicates , qui flattent
l'oeil , égayent l'efprit , féduifent le coeur.
11 eft donc conftant que les tableaux
comme celui - ci , repréfentans des femmes
dans l'âge de plaire , ont un appas
général. Cela eft aifé à concevoir ; tout
eft charmes , tout eft délices en elles :
elles font la production la plus touchante
, la plus exquife de la nature :
le plaifir anime leurs moindres mouvemens
, & la plupart de leurs actions acquierent
enfin un redoublement d'intérêt.
Notre Tableau devient ainfi un des
plus fatisfaifans ; il nous dépeint , comme
je vous l'écrivis , les Grâces qui fe
baignent dans la fontaine d'Acidalie.
Mais le Corrége les a épifodiquement
accompagnées de divers petits Génies
repréfentans les Amours , les Ris , les
Jeux , les Attraits dont elles font toujours
fuivies. Cupidon , ce redoutable
Dieu , voltige au-deffus des trois Divinités
:
JANVIER. 1763. 121
nités la Fontaine , le Ruiffeau qui en
naît , les Sites & les Arbres du Payfage
y paroiffent avoir été fi fimplement
conduits par la Nature , qu'on
croiroit encore voir ceux du temps de
l'âge d'or.
L'une des Grâces , que je préfume
être Aglaïa , comme la premiere d'entre
elles , occupe la principale place qui eſt
vers le milieu , un peu dans l'enfoncement.
Elle eft de face & debout fur le
bord du ruiffeau : elle a même un pied
dedans. D'une main elle s'appuye fur
le bras de fa compagne ; de l'autre ,
elle fe preffe le mammellon pour en
faire fortir du lait qu'elle répand dans
l'eau . Cette charmante figure ſe préfente
dans une attitude , dont le contour
eft d'une élégance achevée : elle
étale une gorge des mieux fournies , &
des hanches d'une parfaite conformation.
Son teint , dont l'éclatante couleur
eft des plus flatteufes , frappe vivement.
Ses cheveux dorés , & un voile incarnat
attaché fur l'épaule , flottent au gré des
zéphirs.
Quelle douce langueur ne nous montre-
t-elle pas ! De quelle grace , & avec
quelle fine expreffion n'épanche-t - elle
II. Vol. F
-122 MERCURE DE FRANCE .
pas
fon lait ? On croit voir couler du
nectar. Ses yeux languiffans , fa bouche
riante , & un certain air entre le tendre
& le mélancolique , la rendent touchante
& adorable. Auffi pourroit- on
dire que cette Gráce a plus de grâces que
les deux autres .
Cependant celle fur laquelle Aglaia
s'appuye , que nous nommerons Thalie
ne fe préfente pas moins agréablement ,
quoique de profil. La forme de fa
gorge , la coupe délicate de fa taille ,
ont des charmes qui féduifent & nous
prouvent ce qu'elle eft . Notre incomparable
Peintre ne l'auroit pas admiſe au
nombre des grâces , fi elle n'en eût été
pétrie. Elle tâtonne dans l'eau jufqu'à
moitié cuiffe ; & d'une forte
de flacon de cristal à l'antique , elle
répand fur la tête d'un des Jeux , fans
doute , quelque éffence odoriférante
dont le parfum imaginé femble embaumer
l'air qu'on refpire.
Non loin de-là un des Amours traîne
après foi Euphrofine dans la fontaine ,
celle des Graces qui nous montre le dos.
Elle marche en avant , & femble vouloir
s'élancer dans l'eau. Je n'ai guère
vu de dos mieux deffiné , ni d'une fi
JANVIER . 1763 . 123
charmante eurifthmie. Celui de la Vénus
de Medicis n'eft certainement pas d'une
plus belle proportion ; l'attitude en eft
gracieufe à l'extrême . Les parties de
formes ondoyantes ont je ne fai -quoi
de vif, de remuant , d'animé , qu'il n'eft
pas poffible de rencontrer fi bien
ailleurs. Elle eft de caractère léger , délicat
, tel que le charmant Corrége le
donne ordinairement aux Déeffes & aux
Nymphes.
Quelle légéreté ne remarque-t- on
pas dans l'Amour qui vole ? Sufpendu
dans les airs , il femble planer , pour
mieux ajufter fon coup . Le minois capricieux
& dépité , avec lequel il décoche
fon dard , eft d'une expreffion fi
vive , & fi naturelle , qu'en croyant
qu'il refpire véritablement , on ſe perfuaderoit
prefque être foi même en
butte à fes traits.
-
Notre aimable Artifte enfin , toujours
plus ingénieux à nous peindre les
mouvemens de la Nature , a mis entre
les mains d'un des Ris le brandon de
ce Dieu , que fans doute il vient de lui
dérober ; car de l'air avec lequel il fe
cache derrière Thalie l'on préfume
qu'il en eft l'efcamoteur. De plus ,
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
croyant mieux couvrir fon larcin , il
l'enfonce & l'éteint dans la fontaine
d'où s'éxhale une vapeur noire , qui
doit vraisemblablement le décéler. Cette
fumée eft caractérisée & coloriée avec
tant de vérité , qu'elle fait illufion au
point de nous perfuader que l'on entend
le même bouillonnement que produir
la flamme précipitée dans l'eau.
Tous ces petits Génies fe divertiffent
parmi elles ; l'un nâge , l'autre
plonge , l'un danfe , l'autre voltige , &
tous expriment certaines naïvetés fi ingénues
& fi enfantines , que l'Art reffemble
à la Nature même.
C'est en ces fortes de fituations
tendres que l'inimitable Corrége , excellemment
doué du talent merveilleux
de remuer les coeurs par la fineffe
des expreffions ,
a caractérisé en cet
intéreffant tableau différentes paffions.
Je ne finirois point , s'il falloit
vous détailler tous les agrémens que le
Corrége a donné aux objets de fa riante
peinture. On ne peut difconvenir que
toutes les idées qui compofent les tableaux
de ce grand Maître , ne foient nobles
, élevées , extraordinaires
, même
un peu bifarres : que le ftyle en eft fuJANVIER.
1763. 125
blime , les airs de tête finguliers & frappans
: cela eft habituel à notre favant
Artifte ; mais ce qui doit vous furpren
dre , ainfi qu'il m'étonné aujourd'hui
dans la compofition de celui-ci , c'eft
que contre fon ordinaire ce fécond génie
a chargé la fcène d'un nombre confidérable
de figures. Sa verve montée
fur le ton riant & badin' , y a caractériſé ,
d'une aimable gaieté , les principales
paffions . Sous ce nouveau crayon , devenues
plus attrayantes , elles m'ont
paru intéreffer jufqu'à féduire. Je pense
que c'eft ici le plus précieux morceau
qui foit forti de fes mains. Je me flatte
de n'être pas contredit, & nos vrais connoiffeurs
feront de mon opinion lorfqu'ils
l'auront vu . Mais pourquoi ne pas dire
un mot de fon furprenant coloris ? Je
ne puis paffer fous filence la partie ou
ce grand Maître nous a prefque fait
croire qu'un Ange conduifoit fon pinceau.
Tout enchanté dans cette délectable
peinture ; on y trouvé un ragoût
de couleurs , & une touche légère
qu'on ne voit pas même toujours dans
fes ouvrages. Tout y eft moelleux ;
tout y paroît tendre & merveilleux ;
mais en même temps quelle fraîcheur ,
?
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE .
quelle force de coloris ! quelle vérité ! &
quelle excellente manière d'empâter n'y
reconnoît-on pas ? Sa touche élégante
eft d'un fini qui fait fon effet de loin
comme de près. Le tout enfemble tenant
de la magie , a un relief & un
accord dont l'harmonie fe manifefte
généralement dans toutes les parties de
ce délicieux tableau , qui étonne &
fait l'admiration de nos Académiciens ,
ainfi
que de nos plus fins Amateurs.
J'ai l'honneur d'être , & c .
J. LUET DE BISCONTIN.
A Marseille , les Décembre 1762.
MUSIQUE.
LETTRE de M. le LOUP , Éditeur des
Récréations des POLHYMNIE , à
l'Auteur du Mercure.
'AI l'honneur de vous préfenter le
troifiéme Recueil de Polhymnie , dont
la plupart des airs font ainfi que vous
l'avez annoncé , de la compofition de
M. Ponteau , Organifte de S. Jacques
de la Boucherie , & de S. Martin des
JANVIER. 1763 127
,
Champs. C'eſt un Eléve de feu M.
Forcroy , & qui a hérité des talens de
fon oncle , qui étoit célébre pour le
beau chant : vous jugerez en parcourant
fes airs . Il y en a auffi de M. le Jay
Maître de Mufique , ainfi que de M.
Hanot. Si j'en crois plufieurs perfonnes
de goût , ce recueil leur femble le meilleur
des trois . C'eſt au Public à en juger.
J'ofe vous fupplier feulement de
vouloir bien annoncer , que les marchands
de Province qui voudront s'adreffer
à moi pour les avoir , auront
lieu d'être fatisfaits des arrangemens que
je ferai avec eux . Je vous réitére mes
très-humbles remercimens de la manière
obligeante avec laquelle vous
avez annoncé ces recueils .
J'ai l'honneur d'être , & c.
LELOUP.
Premier Livre de piéces de clavecin
, compofé de fix fonates , par M.
Legrand , Organiſte de S. Germain des
Prés , prix , 9 liv.
Six divertiffemens , avec accompagnement
de deux violons ad libitum ,
par M. Wendenbochk , dédié à M.Jean-
François Kniff , premier Bourguemeftre
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE.
de la ville d'Anvers , prix , 12 livres.
Six due pour deux violons ou pardeffus
de viole , par M. Sebetosky ,
prix , 6 liv.
Méthode pour apprendre la Mufique ,
dont toutes les leçons font à deux parties
, par M. Rollay , prix , 9 liv .
.
Six Sonates pour le violoncelle , par
M. Natat-Refta , oeuvre premier . Prix ,
6. liv.
Le tout fe trouve à Paris , rue du
Roule , chez M. Lemenu , Marchand
de Mufique , à la clef d'or.
GRAVURE.
CARTE des noms , armes & blaſons
des Archevêques & Evêques qui compofent
le Clergé de France , tel qu'il
eft actuellement , avec ceux des Généraux
des Ordres & Grands - Prieurs de
France , par le fieur Dubuiffon Généalogifte
& Doreur du Roi. On y a
joint leur taxe en Cour de Rome &
leurs revenus. Cette Carte eft très - commode
, par les changemens que l'on y
peut faire , en mettant un écuffon à la
place d'un autre , ce qui la rend perpétuelle.
Prix , 30 fols , chez le fieur
JANVIER 1763. 129
Dubuiffon , rue S. Jacques , vis -à-vis
S. Benoît.
PIECES de principes d'écriture , par
le fieur Rochon , Maître à écrire & d'Arithmétique
à Verfailles. Ces deux Piéces
, gravées fur une feule feuille , renferment
généralement tout ce qui concerne
l'écriture . Elles font dédiées à M.
le Comte de Noailles , & fe vendent
chez l'Auteur même , à Versailles.
SUPPLÉMENT à l'Art. des Sciences.
AGRICULTURE.
OBSERVATION fur un vice éffentiel
des charrues , & Éſai fur la conftruction
d'une nouvelle qui fera plus d'ouvrage
fans augmenter la dépenfe. Par
M. PIOGER , Gentilhomme , demes
rant à Andrezy.
LA néceffité des labours eft reconnue
des anciens Cultivateurs & des mot
dernes ; cependant les Fermiers les plus
intelligens & les plus actifs ne peuven
pas en donner à toutes leurs terres au
Fv
130 MERCURE DE FRANCE .
tant qu'elles en auroient befoin . La
plûpart de leurs bleds ne reçoivent que
trois façons & leurs mars une , & quelquefois
deux pour les orges.
Ce défaut dans l'état actuel vient du
temps , parce que l'on ne peut labourer
lorfque la terre eft humide. Ainfi les ,
pluies , les neiges , interrompent les
travaux pour long-temps. La gelée &
la trop grande féchereffe y forment auffi
un obftacle , parce que la terre ne peut
alors être entamée & ce manque
de labours en général diminue de beaucoup
toutes les récoltes.
il
Pour parer à ces inconvéniens ,
faudroit avoir toujours une température
à fouhait , ce qui ne peut arriver
ou bien que chaque Fermier doublât
fes harnois , ce qui eft impoffible encore
, parce que cela pourroit lui occafionner
plus de dépenfe que de profit ,
fuivant fa culture actuelle ; ou enfin
que l'on rectifiât les charrues,ce qui n'eſt
pas impoffible , & fur quoi je vais faire
des obfervations & propofer mes idées ;
enforte que fans nouvelle dépenſe elles
puiffent doubler & tripler leurs befognes
ordinaires lorfqu'on le fouhaitera.
La charrue à tourne - oreille eft montée
fur deux roues de vingt- quatre à
JANVIER. 1763. 131
vingt-fix pouces , & eft tirée par deux
chevaux , & fon foc ouvre à chaque
raye fix pouces ou environ , & cette
charrue ne fait pas fon arpent par jour
ordinairement .
Celle que l'on nomme à verfoir eft
pareillement montée fur deux roues de
vingt-fix pouces. Son foc ouvre neuf ,
dix & onze pouces par raye , & eft attelée
de trois chevaux , & elle ne fait
guère plus de fon arpent par jour.
Comme ces deux charrues font les
moins défectueufes de toutes , je parlerai
feulement de celles-ci ; pour en faire
voir le vice radical , & indiquer les
moyens de les rectifier.
Les roues ont été pratiquées pour fervir
de leviers & faciliter le tirage ; &
plus les leviers font longs , plus ils
donnent de force contre la puiffance ,
& le tirage en eft plus facile.
Si nos charrues ne font pas plus expéditives
, c'eft que les leviers qui y.
font joints n'ont que douze à treize
pouces de haut , & voilà le vice radi
cal. Doublez ou triplez la longueur des
leviers , vous aurez facilité pour le travail
du double ou du triple.
pas Si jufqu'à préfent l'on n'a
rectifié ce défaut , c'est que l'on a
F vj
132 MERCURE DE FRANCE .
craint apparemment de ne pouvoir plus
remuer la charrue avec la même facilité.
Mais je vais lever cet obftacle
un nouvel avantage pour la
facilité du tirage.
avec
Lorfque l'on triplera la hauteur des
roues , les chevaux pourront tirer trois
focs avec autant de facilité que le feul
qu'ils tirent à préfent , fur- tout s'ils font
tels que ceux de Meffieurs Duhamel
de Chateauvieux & de la Leverie , qui
ouvrent dix pouces à chaque raye. Ainfi
voilà déja le moyen de tripler l'ouvrage
fans nouvelle dépenfe ; mais j'ai encore
d'autres ajuftemens à propofer qui en
faciliteront le travail .
Pour y parvenir, j'ajouterai deux brancards
& deux roues de derriere pareilles
à celles de devant. Les brancards & les
éffieux feront de longueur néceffaire
pour contenir au dedans le batis de la
charrue à fix focs , & fur le devant l'on
mettra un timon fixe , afin de la faire
manoeuvrer à volonté par les quatre
chevaux qui la tiveront. Et enfin pour
procurer un tirage plus aifé, j'ajouterai
aux roues la force des poulies ; dans
le moyeu de chaque roue l'on pofera
trois cylindres de cuivre roulans fur
eux-mêmes , & fixant par un triangle
JANVIER 1763.. 133
parfait l'effieu qui traverſe le moyeu ;
enforte que le tirage de chaque roue
en fera diminué confidérablement.
-Les travaillans de cette charrue peuvent
être ajustés de différentes maniè
res ; mais il est toujours indifpenfable
de mettre des coultres en avant à qua
tre pouces l'un de l'autre , & je vou- .
drois qu'ils priffent les focs par les côtés
plutôt que par les milieux ; enfuite
je mettrois fur deux lignes les pattesd'oyes
de M. de Chateauvieux , qui
portent un coutre en avant. Ces pattesd'oye
plus étroites que les fiennes
fouilleront & fouleveront aifément une
terre bien coupée par les coutres , &
enfuite les focs que j'ai indiqués renver
feroient la terre avec facilité ; ou encore
après la ligne des coutres je mettrois
les pattes-d'oyes par étage fur deux
lignes , & chaque ligne foulevant la .
terre à deux , à trois pouces feulement ,
les focs qui viendroient enfuire renverferoient
fix pouces de terre , fans qu'il
en coutât plus de force que pour trois
ou quatre pouces ; ou bien j'établirois
fimplement fix focs de M. de la Leverie.
avec leurs coutres fur deux lignes , qui
renverferoient de même cinq pieds de
terre d'un feul trait.
134 MERCURE DE FRANCE .
1
Sous les brancards de cette charrue
& par-devant , des tenons recevront les
bras ronds de différens cylindres de
groffeur & percés de maniere à recevoir
les haies des coutres , pattes- d'oye
& focs. Comme je retranche les manches
à dix-huit pouces de leur naiffance,
il feroit placé néanmoins dans ces dixhuit
pouces , en-dedans & en dehors
de forts anneaux : à ceux du dedans feroit
attachée une corde d'un pouce de
circonférence , qui garniroit fur le devant
un treuil dont les leviers iroient à
la main du chartier , qui appuyant deffus
, tiendroit en terre à la profondeur
qu'il jugeroit à propos , les travaillans
de cette charrue. Aux anneaux , en -dehors
, feroient attachées pareilles cordes
, qui garniffans un treuil fur le derrière
, dont les leviers pourroient d'un
feul coup élever tous les travaillans de
cette machine , qui feroit conduite où
on le defireroit , fans que rien touchât à
terre .
Je ne décris pas plufieurs autres ajuftemens
particuliers , que chacun peut
faire fuivant fa volonté.
Pour ménager les forces & la peine
du charretier , & pour que l'ouvrage
allât plus vîte , l'ou pourroit fur le der- .
JANVIER. 1763. 135
rière ajufter une fcellette , fur laquelle
il feroit affis : mais comme il y auroit à
craindre qu'après s'être amufé il ne furmenât
les chevaux , chacun fera auffi
fur cet article ce qu'il jugera à propos.
Comme cette charrue ne pourroit pas
travailler fur des côtes un peu roides ou
autres endroits difficiles , l'on pourra
alors employer le tourne- oreille ; mais je
voudrois que dans les moyeux des roues
fuffent placés les trois cylindres de la
manière que j'ai recommandé : cette
charrue ayant moins de tirage , feroit
plus expéditive.
Batte à grains.
J'imaginai il y a deux ans une batte
à grains très-fimple , qui auroit'expédié
beaucoup. J'ai négligé jufqu'au mois de
Juillet dernier cette machine , dont j'ai
envoyé le modéle à Meffieurs de la Société
de Bretagne ; mais comme différentes
perfonnes en ont conftruit de
bonnes , je n'en dirai rien ici . Si MM.
de Bretagne la trouvent de quelque
utilité , ils en parleront.
136 MERCURE DE FRANCE .
Caroffes & autres voitures .
Il feroit poffible de rendre légéres
toutes fortes de voitures en plaçant les
cylindres dans le moyeu des roues ,
comme je l'ai remarqué , ou bien de
faire tourner l'effieu fur les cylindres :
deux chevaux f roient aifément l'ouvrage
de quatre..
ARTICLE V.
SPECTACLES.
SPECTACLES de la Cour à Versailles.
LE
29 E 29 Décembre
* le Milicien , Comédie
nouvelle , en un acte
*
, mêlée
d'Ariettes , fut repréfentée pour la premiere
fois par les Comédiens Italiens ,
fur le Théâtre de la Cour. Cette Piéce ,
dans le genre moderne des Opéra bouffons
, n'avoit point encore été repré- ,
fentée à Paris, Les Paroles font du fieur
ANSEAUME ; la Mufique du fieur Du-
NY. Elle étoit précédée de quelqu'autre
Piéce du Répertoire courant.
JANVIER. 1763. 137:
Les Acteurs de la Piéce nouvelle étoient
la Dlle LA RUETTE , les fieurs
CAILLOT , CLAIRVAL , DEHESSE
& DESBROSSES.
Le Jeudi 30 , les Coméniens François
repréfenterent , fur le même Théâtre
, le Mariage fait & rompu , Comédie
en Vers en trois Actes , du feu ficur
DUFRESNI. (a) Cette Comédie fut trèsbien
jouée par les mêmes Acteurs qui
la jouent à Paris lorfqu'on la reprend &
parut amufer beaucoup.
On éxécuta enfuite un Acte d'Opéra
intitulé Philémon & Baucis , extrait
du Ballet de la Paix , (b) Poëme du
fieur Roi , Mufique des fieurs REBEL
& FRANCOEUR , Surintendans de la
Mufique du Roi . Le fieur GELIOTE Y
chanta le Rôle de Philémon & la Dile
ARNOULT celui de Baucis. Les fieurs
LARRIVÉÉ & PILOT , ceux de Jupiter
& de Mercure traveltis .
Cet Acte charmant en paroles & en
mufique › par l'expreffion d'un fentiment
naïf , mais délicat & touchant
dans le Rôle de Baucis , étoit très-bien
choifi pour faire valoir le genre de ta→
lent de la Dlle ARNOULT . Le fieur
( a ) En 1721. pour la premiere fois.
(b ) En 1738, ( 25 Mai, ')
138 MERCURE DE FRANCE .
GELIOTE, avoit fuppléé au peu d'étendue
de fón Rôle dans cet A&te , par une
Cantatille ajoutée au Divertiffement
d'une affez grande longueur, & qu'il éxécuta
avec l'art & l'agrément de la voix
dont on le connoît capable. Un choix
très-agréable d'airs , des mêmes Auteurs
de l'Acte , en ornoit & en étendoit le
Divertiffement. La Dlle LANI a dánfé
des pas feule où elle a fait autant de
plaifir que fi la perfection de fes talens
n'eût pas été déjà connue. Les
principales Entrées ont été danſées par
le's Diles DUMONCEAU , LAFONT &
PESLIN , & les fieurs LAVAL & GARDEL.
*
On fçait que le Théâtre de la Cour
à Verfailles n'eft qu'une efpéce de
Salle particuliere , en attendant la parfaite
conftruction d'une Salle de Spectacles
relative à la grandeur & à la magnificence
de ce fuperbe Palais. Jufqu'à
préfent le lieu où repréfentoient les
Acteurs n'y avoit été que comme une
Eftrade , dreffée dans une Chambre
poury jouer familiérement la Comédie.
On vient , en dernier lieu , d'y établir
un Théâtre avec des Chaffis de côté , &
tout ce qui peut admettre des Décorations;
mais on n'en doit pas moins d'éJANVIER.
1763. 139
loges aux foins induftrieux de ceux
qui dirigent ces Décorations , de trouver
les moyens , dans un efpace auffi
borné par toutes les dimenfions , d'y
opérer les changemens convenables aux
Repréfentations d'Opéra. Dans l'Acte
dont on vient de parler , un Palais defcendu
du Ciel par la puiffance de Jupiter
fuccéde à un Hameau. Ce Palais
étoit garni de diamants & de Pierreries
dans fa totalité , ainfi que l'étoit une des
parties feulement, d'un Palais de Vénus ,
au Théâtre de Fontainebleau ( c ) dans .
la repréfentation de Pfyché. Celui- ci
étant d'un ordre d'Architecture différent
, la diftribution des Pierréries étoit
différente. On doit encore cette difpofition
& l'entiere éxécution de ces britlans
ornemens au fieur LEVÊQUE
Garde-Magafin- Général des Menus-
Plaifirs du Roi , duquel nous avons
parlé dans notre relation des Spectacles
de Fontainebleau , & dont le travail a
mérité les mêmes éloges en cette occafion.

Ces derniers Spectacles ont terminé
l'année fous les ordres de M. le Duc
D'AUMONT , Pair de France , premier
( c) Voyez le Mercure de Décembre. Art. des
Spectacles.
140 MERCURE DE FRANCE.
Gentilhomme de la Chambre du Roi ,
alors en éxercice .
un :
On donnera dans le Mercure de Février
, le détail des Spectacles du commencement
de la préfente année.
Nous allons inférer ici , comme nous
l'avions précédemment annoncé
état des perfonnes employées à la Direction
des principales parties des Spectacles
du Roi , afin de n'être pas obligés
d'en charger chaque article
les cas de mutation.
fauf
Les fieurs REBEL & FRANCOEUR ,
Surintendans de la Mufique du Roi ,
chacun dans le femeftre de leur éxercice
. Pour la difpofition , Direction &
éxécution de tout ce qui concerne la
Mufique , & en adjonction à ce fervice
, le fieur DE BURI , Surintendant
en furvivance . Les fieurs LAVAL père
& fils , Maîtres des Ballets de fa Majef
té , pour la compofition & Direction
des Danfes.
Le fieur Michel- Ange SLODTZ , célébre
Sculpteur, Deffinateur du Cabinet du
Roi , pour les Compofitions & Deffeins
de ce qui concerne le Décore. Les fieurs
ARNOULT & GIRAULD , pour la Direction
des Décorations , Invention
Jeu & conduite de toutes les Machines.
,
JANVIER. 1763. 141
Le fieur LECUYER , Panacher du Roi , dont le
goût & les talens finguliers pour la monture des
Plumes , font connus dans plufieurs Cours de
l'Europe , eft le feul à Paris de cette profeffion ,
qui foit chargé de l'arrangement des coeffures à
tous les Théâtres & Spectacles du Roi.
SPECTACLES DE PARIS.
OPERA.
L'ACADÉMIE Royale de Mufique
a donné le Mardi 11 du préfent mois
la premiere repréfentation de Polixène
Tragédie , Poëme de M. JOLIVEAU
Secrétaire perpétuel de l'Académie
Royale de Mufique. La Mulique de
M. DAUVERGNE , Maître de la Mufique
de la Chambre du Roi.
Cette première repréfentation a été
applaudie , & fur-tout aux deux derniers
Actes , avec beaucoup de vivacité.
Le temps ne nous permettant
pas de faire actuellement l'extrait du
Poëme
, nous nous réfervons à en
parler au Mercure de Février. Une
feule repréfentation n'a pu nousmettre
en état de donner des détails
bien circonftanciés fur les autres par142
MERCURE DE FRANCE.
ties , dont nous croyons que beaucoup
méritent l'attention du Public & fes
fuffrages. A l'égard de la Mufique , on
ne pourroit à -préfent qu'hafarder des
opinions indifcrettes , parce que devenue
plus favante de nos jours , & les
oreilles plus difficiles , cette partie exige
apparemment plus d'application , plus
de recherches qu'autrefois pour affeoir
le jugement du Public. Tout ce que
nous pouvons dire aujourd'hui , à cet
égard , eft qu'en général elle nous a
paru avoir affecté favorablement pour
l'Auteur , les Maîtres de l'Art que nous
avons confultés . Quelques airs de Ballet,
le chant & la ſymphonie de la Tempête
, plufieurs autres morceaux , mais
fur-tout la Mufique de la Jaloufie & de
fa fuite , qui remplit prefque tout le qua
triéme Acte , ont frappé déja le Public ,
& merité des applaudiffemens univerfels.
Une fort belle chaconne , travaillée
favamment , termine cet Opéra.
Nous n'avons que des éloges à rapporter
fur la compofition & l'exécution
des Ballets qui , chacun dans leur genre,
ont fait plaifir & ont été bien reçus. Celui
du plus grand effet eft le Ballet des
Suivans de la Jaloufie. Il eft d'un genre
nouveau de compofition. Les mouveJANVIER.
1763. 143
.
mens rapides , croifés fans confufion ,
& les figures irrégulières y produiſent in
génieufement l'image de ce qu'on veut
repréfenter. Les fieurs LAVAL , D'AUBERVAL
& les Demoifelles ALLARD ,
LYONOIS & PESLIN forment divers
pas . Les talens , la force & l'agilité
des Sujets que nous venons de nommer
, ne doivent pas laiffer douter de
l'impreffion qu'ils font fur les fpectateurs.
Mlle LANI danfe feule au troifiéme
Acte , à la tête des Prêtreffes du JUNON.
Les airs & les danfes de cette Entrée
font d'un genre très - agréable , & que le
Public a paru goûter. M. GARDEL
dont nous avons parlé au précédent
Vol. remplit une grande partie de la
chaconne dans le nouvel Opéra. Il n'y
mérite & n'y reçoit pas moins d'applaudiffemens
que dans la chaconne d'Iphigénie.
En rendant juſtice très-exactement
aux grands talens de ce jeune Danfeur ,
le Public femble mettre une forte de
complaifance à faire recueillir le fruit
d'une affiduité au fervice , que les Sujets
attachés à un Spectacle ne devroient
jamais facrifier à aucune confidération ,
& notamment dans les temps où les
Théâtres font le plus fréquentés. Mlle
144 MERCURE DE FRANCE.
VESTRIS danfe au premier Acte en
pas de deux avec M. GARDEL. M.
COMPIONI danfe dans ce même Acte.
Il y a long- temps qu'on n'avoit vu
un Opéra d'un fpectacle auffi éclatant.
Les habits & les Décorations font prèfqu'entiérement
à neuf. Il y a plufieurs
choſes affez réguliérement dans le coftume
des Anciens , fi ce n'eft quelques
erreurs facilement adoptées de nos jours
d'après la confufion que fait le vulgaire
des anciens Grecs & des Grecs moder
nes ; quoique les habillemens , coëffures
& autres ufages de ces derniers
n'ayent aucun rapport avec ceux des
autres ; ainfi voit-on fouvent fur nos
théâtres des repréfentations informes de
la cour d'un Sultan pour celles des anciens
Peuples de la Gréce . On a été furpris
auffi de voir à l'ouverture d'un Temple
intérieur le feu facré fur un autel ,
gardé par des Prêtreffes , attendu que
c'eft l'indication fpéciale des Temples
de VESTA ; au lieu qu'en cette occafion
il faudroit au premier coup d'oeil
reconnoître un Temple de JUNON. A
cela près & d'autres petites chofes ,
comme les habits de quelques pas feuls ,
qui n'ont aucun caractère , & c, cet Opéra
eft mis avec le plus grand foin.
Dans
JANVIER . 1762 . 145

Dans la repréſentation de cet Opéra
, on a fait un pas vers l'illufion fi néceffaire
au Théâtre ; il mérite d'être
remarqué. Au fort des plus violens orages
, la toile d'Horifon étant fixe , n'offroit
jamais qu'un ciel pur & ferein ,
tel qu'il convenoit aux autres circonf-,
tances de l'action des Poëmes. A la
tempête du fecond Acte de celui - ci
cette toile d'Horifon , tournant apparemment
fur des machines cylindriques
& d'une maniere imperceptible , fait
fuccéder au ciel ferein , des nuages qui
montent du bas de l'Horifon & occupent
tout ce qu'on voyoit de clair
fans qu'il y ait par ce moyen fubftitution
d'une toile à une autre . De même ,
au moment du calme , ces nuages paroiffent
fe perdre dans le haut du Théâtre
, & la partie claire du ciel paroît fe
découvrir du même point d'où l'on a
vû s'élever les nuages ; enforte que la
Nature eft parfaitement imitée dans un
de fes plus grands effets. M. GIRAULD
qui a inventé & fait éxécuter cette ingénieuſe
machine , doit laiffer efpérer
aux Amateurs, qu'il appliquera fes talens
& fon génie à perfectionner l'imitation
des flots & de l'ondulation des eaux :
cette partie étant encore une des cho-
II. Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE.

2
fes imparfaite fur nos Théâtres &
dont la repréfentation feroit néanmoins
très-fatisfaifante. ( d ) C'eft auffi de la
compofition & fur les deffeins du
même M. GIRAULT , qu'eft éxécuté
dans cet Opéra , le Palais de Pirrhus ,
au quatriéme Acte. Cette Décoration
dans le meilleur genre de l'antique , eft
d'une très- belle architecture ; les détails
en font choifis & diftribués felon
les grands principes de cet art & d'un
très- bon goût : l'ordonnance en eft grande
& officieufe à la perspective. Des
Percés en colonades , dont les points
d'optique font ménagés avec art , étendent
le Théâtre à la vue , fort
loin de fes bornes . La diftribution de
la lumiere eft d'un très -bon effet &
fâvament pittorefque ; en un mot nous
croyons pouvoir dire que depuis la fameufe
Décoration du Palais de Ninus
par le Chevalier Servandoni , on a peu
(d ) M. GIRAULD eft le même nommé dans
l'Art . des Spectacles de la Cour avec M. ARNOULT
, auquel il a fuccédé à l'Académie Royale
de Mufique , où M. ARNOULT s'étoit fait , ainfi
qu'aux Théâti es du Roi , une très -grande & trèsjufte
réputation par plusieurs machines qui font
encore célébres . M. GIRAULD prouve au Public,
qu'il achevera ce qu'avoit heureufement com
mencé fon Prédéceffeur , pour la perfection de
cétre parrie.
JANVIER. 1763.
147
vû à l'Opéra de plus belle Décoration
d'architecture que celle- ci.
Le tombeau d'Achille au cinquiéme
Acte , eft encore une Décoration diftinguée
dont l'effet eft très -agréable
quoiqu'elle conferve le genre propre à
fa deftination. Les autres ont quelques
parties de neuf & toutes en ont l'éclat.
Chacune mériteroit même en particulier
des éloges fur la
convenance avec
les fites de l'action.
1
? Avant de finir cet Article
nous devons
faire obſerver que les Rôles font
très-bien éxécutés . Le Public entendit
avec fatisfaction , à la premiere repréfentation
, la voix de Mlle ARNOULD
entierement rétablie ; & malgré l'indifpofition
momentanée de celle de M.
GELIN , on fut fatisfait des efforts qu'il
fit pour rendre le Rôle de Pirrhus ,
le principal de cette Tragédie .
J
LETTRE à M. DE LA
GARDE ,
Auteur du Mercure pour la partie des
Spectacles.
MONSIE CONSIEUR ,
Je crois qu'en parlant de l'Opéra, vous
E
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
ferez plaifir aux Amateurs de Mufique ,
de leur annoncer un Inftrument nouveau
qui ramenera parmi nous l'ufage
de la Lyre des Anciens ; il en aura le
nom d'autant plus qu'il en a trèséxactement
la forme. Vous fçavez que
cette forme eft celle qui eft la plus
agréable à la vue , & que les Peintres
choififfent par préférence. Elle a d'ailleurs
l'avantage de donner à celui qui
la touche une attitude noble , facile &
naturelle. Celle-ci a des doubles cordes
de chaque côté avec un regître dans le
haut pour les femi-tons : ce qui donne
une affez grande étendue à ſon jeu . La
Lyre fera à la Harpe à-peu-près ce qu'eſtl'altoviola
aux Baffes de violon , avec
néanmoins plus d'étendue dans le bas ;
elle fe pofe fur les genoux & n'eft point
d'une pefanteur incommode , moyennant
quoi elle eft infiniment plus
portative que la Harpe. On croit
que l'on fera très- fatisfait du Concert
de ces deux Inftrumens dont l'harmonie
eft très-analogue l'une à l'autre.
Le fieur COUSINEAU , Luthier , demeurant
rue des Poulies , vis-à-vis la
Colonade du Louvre , a travaillé pour
donner plus de perfection à cet Inf
trument , qu'il n'avoit pu faire à ſon
JANVIER. 1763. 149
premier éffai. Il fe flatte de répondre
au choix qu'on a bien voulu faire de
lui pour remplir une idée auffi agréable.
Il fera en état de fournir des Lyres
à ceux qui en defireront , dans le
courant du mois prochain.
J'ai l'honneur d'être , &c.
"
P. **
COMÉDIE
FRANÇOISE.
LE 30 Décembre dernier , on a remis
la Tragédie du Comte d'Effex. Attentifs
à tout ce qui peut contribuer à
l'illufion Théâtrale les Comédiens
François ont fait faire une Décoration ,
pour que le quatriéme Acte de cette
Tragédie fe paffàt dans une Prifon
comme l'éxige fa fituation. La compofition
de cette Décoration , qui eft
du fieur Brunetti , fait d'autant plus
d'honneur à cet Artifte , qu'elle eſt d'un
très-grand effet & montre un lieu trèsvafte
& très- profond , quoiqu'il n'y ait .
d'employé à cette repréfentation perfpective
, que les deux chaffis de devant
terminés au troifiéme par un rideau de
fond. Le Temple fépulchral , en forme
de rotonde environné d'un Périftile
cintré en colonade , que l'on a vû dans
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.

les repréſentations d'Eponine , étoit du
même Artifte. Il feroit difficile de produire
rien qui méritât davantage l'admiration
des Connoiffeurs que cette
Décoration. Ils ont extrêmement regretté
l'occafion de la voir plus long-temps.
M. BOURET , dont nous avons rapporté
le début , a été reçu à l'effai.
,
Le 8 de ce mois , Mlle DORSEY débuta
par le rôle de Médée dans la Tragédie
de ce nom. Elle a continué fon
début par les rôles de Clytemnestre
dans Iphigénie en Alide & de
Phédre dans la Tragédie de ce nom .
Cette A&trice a eu des applaudiffemens
au Théâtre ; mais le peu de concours de
Spectateurs a laiffé croire que la décifion
générale du Public exigeoit qu'auparavant
de repréfenter fur le Théâtre
François , elle perdît ce qu'elle a contra
Até apparemment de contraire à notre
goût national dans les Pays étrangers
où elle a exercé fes talens.
L'indifpofition d'une Actrice ayant
jufqu'à préſent fufpendu la premiere repréfentation
de Dupuis & Defronais ,
Comédie nouvelle tirée des Illuftres
Françoifes , que nous avons déja annoncée
, on a repris fur ce Théâtre les
JANVIER. 1763. 151
Tragédies & les Comédies du Réper
toire
On attendoit la Comédie nouvelle
pour le 17 de ce mois ; nous efpérons
être en état d'en rendre compte dans le
prochain volume,
COMEDIE ITALIENNE.
L E premier Janvier on donna la premiere
repréfentation du Milicien 'fur le
Théâtre de la Comédie Italienne . Cette
Piéce avoit été donnée à la Cour pré¦
cédemment. ( a ) Elle a été interrompue
après là deuxiéme repréſentation ,
ce qui nous met hors d'état de parler
de fon fuccès , ni d'en donner de détails.
On à repris fur ce Théâtre Blaife le
Savetier, Opéra- Comique trop connu
pour éxiger que nous en parlions.
(a )V. dans ce même vol. l'Art des Spectacles
de la Cour .
"
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
AVIS AU PUBLIC ,
SUR LA PETITE POSTE.
Par M. D ....
LA Pofte de Paris paroît plaire univerfellement
aujourd'hui , & fon fuccès eft
tel qu'il ne me reſteroit plus rien à dire
à ce fujet , fi je ne m'occupois que du
produit ; mais je ne faurois marquer trop
fouvent au Public la reconnoiffance que
j'ai de la justice qu'il veut bien rendre à
mon zèle; j'ai donc cru devoir lui préfenter
quelques réflexions qui tendent à aſfurer
de plus en plus un bon fervice.
On tient au Bureau 'général de cette
Pofte un Regiftre à deux colonnes ;
dans l'une font tranfcrites toutes les
plaintes qui y arrivent ; dans l'autre le
réfultat des recherches qu'on fait en
conféquence. Ce Regiftre prouve que
la plupart des retards ou autres fautes
dont quelques perfonnes fe plaignent
encore , ne doivent être imputés qu'à
des gens étrangers à la Pofte : en effet ,
les perfonnes qui voudront bien venir
parcourir ce Regiftre , verront qu'il ne
contient aucunes plaintes des Marchands
, & en général de tous ceux qui
JANVIER. 1763. 153
de
donnent eux-mêmes leurs Lettres aux
Facteurs , & qui les reçoivent d'eux directement.
Ainfi la plupart des plaintes
juftes , tant de ceux dont les Letrres
n'ont pas été remifes exactement , que
de ceux qui ne les ont pas reçues dans
leur temps , ne doivent point inculper
cet établiffement. On doit plutôt , comme
je l'ai déja dit , imputer ces fautes à
ceux qui font chargés de porter ces
Lettres à la Pofte ou à ceux à qui les
Facteurs font obligés de les confier . Les
timbres qui font fur chaque Lettre ont
été imaginés pour remédier à ces abus
& pour donner au Public la preuve
l'exactitude de la Pofte ; mais prefque
perfonne ne veut fe donner la peine de
les examiner. Un de ces timbres indique
le quantiéme du mois ; un autre celui
de la levée , & par conféquent l'heure
à laquelle la Lettre a été mife à la Poſte.
La premiere levée commence à fix heures
du matin, & toutes les autres d'heure-
& -demie en heure-& - demie , à un
quart d'heure ou une demie heure près ,
lorfque dans quelques-unes de ces levées
les Facteurs ont une grande quantité de
Lettres à rendre. Il faut toujours l'intervalle
d'une levée pour que l'on ait le
temps de porter les Lettres qui ne font
Gy
154 MERCURE DE FRANCE. ·
pás pour le quartier du Bureau où elles
ont été collectées , au Bureau général ,
dans lequel feul on peut les trier , c'eſtà-
dire les diftribuer par quartier , & les
envoyer aux différens Bureaux des quartiers
où elles font adreffées ainfi les
Lettres de la premiere levée , qui fe fait
de fix heures du matin à fept heures &
demie , font portées au triage dans l'intervalle
de la deuxiéme levée , qui eft de
7 heures & demie à 9 heures , & diftribuées
dans les quartiers où elles font
adreffées par les Facteurs qui font la
troifiéme levée & la feconde diftribution
, & qui commencent leurs tournées
à 9 heures du matin & la finiffent à 10
heures & demie. Les Lettres de la feconde
levée , qui font collectées dans
la tournée de 7 heures& demie à 9o heures
, font rendues à leur adreffe dans
la tournée de 10 heures & demie à midi
, & cette tournée fait la quatriéme
levée & la troifiéme diftribution ; les
autres levées & diftributions fe font
pendant toute la journée dans le même
ordre. D'aprés ce détail , & en regardant
les deux timbres dont on vient de
parler , il eft facile de voir de qui vient
la faute. Le troifiéme timbre ne fert qu'à
retrouver d'où vient une Lettre quand
JANVIER . 1763. 155:
cela eft néceffaire ; mais comme fouvent ,
la négligence de celui à qui on a confié
une Lettre pour la mettre à la Boete
fait que la date intérieure de cette Lettre
ne cadre point avec le timbre de la dáte ,
que le Bureau met exactement fur toutes
celles qui lui font apportées , il feroit
à fouhaiter que ceux qui écrivent vouluffent
bien dater leurs Lettres fur le
deffus , furtout lorfqu'on les envoye aux
Boëtes ; car toutes celles qui font remifes
aux Facteurs dans leurs tournées , par
des perfonnes fûres , & qui ont foin de
les faire mettre dans le Coffret du Facteur
en leur préfence , ne peuvent effuyer
de retards ni s'égarer , la clef du
coffret du Facteur ne fortant jamais du
Bureau auquel il eft attaché. Le nombre
de Lettres de Paris pour Paris , qui fe
trouvent journellement dans les Boetes ,
dela Grande Pofte, prouvent l'infidélité
ou le peu d'intelligence de plufieurs de
ceux par qui on envoie des Lettres aux
Boëtes. L'obligation où l'on eft d'entrer
dans les boutiques de ceux qui tiennent
dès Boëtes de la Pofte de Paris & de lesy
affranchir , met une fi grande différence
entre ces Boetes & celles de la .
Grande Pofte , qui font ouvertes dans la
rue, & où on ne paye rien , que l'on
Gvj
156 MERCURE DE FRANCE.
ne peut croire que par imbécilité feule
on puiffe s'y méprendre.
>
S'il étoit encore quelque point dans le
fervice de cette Pofte que le Public ne
trouvât pas affez éclairci , ou fur lequel il
defirât quelque changement ; les principes
& les motifs qui me conduiſent,
doivent l'affurer de l'empreffement avec
lequel je me porterai à le fatisfaire . Le
nombre de Lettres dans le commencement
de l'année eft fi confidérable
que les tournées des Facteurs font néceffairement
retardées , & que les dernieres
finiffent très-tard , ce qui fait que
beaucoup de Lettres , quoique mifes tard
à la Pofte dans ces temps-là , font néanmoins
portées le lendemain à la premiere
diftribution . Pour procurer au Public
le même avantage en Automne , où
le nombre des Lettres diminue beaucoup
, il a été arrêté qu'en tout temps la
derniere tournée pour collecter fe feroit
vers les huit heures du foir dans tous
les Quartiers qui ne font pas trop
écartés
pour y lever les Lettres que l'on voudra
qui foient rendues le matin de 7
heures & demie à 9 heures.
Toutes les perfonnes qui verroient
des Facteurs ne pas mettre les Lettres
qu'on leur donneroit dans leur coffret ,
JANVIER. 1763. 157
ou des Boëtiers qui ne les mettroient
pas dans leur boete , font priés d'en
envoyer une note au Bureau général
en l'adreffant à M. de Beauvoifin , Infpecteur
général , qui y demeure. Il eft
ordonné aux Boëtiers & aux Facteurs de
fe charger fans aucune rétribution de
ces notes , & généralement de tous les
avis qu'on voudra bien lui adreffer.
On continuera toujours de faite des
vifites , foit au commencement de l'année
, foit dans toute autre circonftance
pour tous ceux qui enverronr des cartes
de leur nom , & au bas les noms & demeures
des différentes perfonnes chez
qui ils veulent qu'elles foient portées
en payant un fol pour chaque vifite.
Avant que de rendre la carte , celui qui
fera chargé de la porter aura foin de
couper la demeure.
On ne peut recommander avec trop
d'inftance de ne mettre dans les Lettres
ni or , ni argent , ni effets précieux : on
fe chargera toujours de porter par la
Pofte les fommes & les effets que l'on
voudra , au prix & aux conditions qui
ont été déja annoncées , pourvu que
l'on les déclare , & qu'on en tire reconnoiffance
, fi cela en vaut la peine.
158 MERCURE DE FRANCE.
SUITE des Nouvelles Politiques du
I. Vol. de Janvier 1762 , & des Préliminaires
de la Paix.
II. ART. 11. La France reftituera tous les pays appartenans
à l'Electorat d'Hanovte , au Landgrave
de Heffe ; au Duc de Brunſwick & au Comte de
la Lippe- Buckebourg , qui fe trouvent ou le trouveron't
occupés par les armes de Sa Majesté Très-
Chrétienne. Les Places de ces différens pays feront
rendues dans le même état où elles étoient quand.
la conquête en a été faite par les armes Françoifes,
& les pièces d'artillerie , qui auront eté tranfportées
ailleurs , feront remplacées par le même
nombre , de même calibre , poids & métal . Pour
ce qui eft des ôtages éxigés ou donnés pendant la
guerre jufqu'à ce jour , ils feront renvoyés fans
rançon.
Art.13. Après la ratification des préliminaires ,
la France évacuera , auffi-tôt que faire fe pourra ,
les Places de Cleves , Wefel & Gueldres , & géné
ralement tous les pays appartenans au Roi de
Pruffe , & au même tems les armées Françoife &
Britanniqué évacueront tous les pays qu'elles occupent
ou pourroient occuper pour lors en Weftphalie
, Baffe - Saxe , fur le Bas-Rhin , le Haut-
Rhin & dans tout l'Empire, & le retireront chacune
dans les Etats de leurs Souverains refpectifs ; &
Leurs Majeftés Très - Chrétienne & Britannique
s'engagent de plus & fe promettent de ne fournir
aucun fecours dans aucun genre à leurs Alliés ref
pectifs qui resteront engagés dans la guerre actuelle
en Allemagne.
JANVIER. 1763. 159
Art. 14. Les Villes d'Oftende & de Nieuport , fe
ront évacuées par les troupes de Sa Majeffé Très-
Chrétienne aufli - tôt après la fignature des préfens
préliminaires.
Art. 15. La décifion des priſes faites en tems de
paix par les Sujets de la Grande-Bretagne fur les
Efpagnols, fera remife aux Cours de Juftice de
l'Amirauté de la Grande-Bretagne , conformément
aux réglés établies parmi toutes les Nations,
de forte que la validité defdites pries entre les
Nations Elpagnole & Britannique fera décidée &
jugée felon le droit des gens & felon les Traités
dans les Cours de Juftice de la Nation qui aura
fait la capture.
Art. 16. Sa Majeſté Britanniqué fera démolir
toutes les fortifications que fes Sujets pourront
avoir érigées dans la Baye de Honduras & autres.
lieux du Territoire d'Efpagne dans cette partie du
monde quatre mois après la ratification du Traité
définitif, & Sa Majeftć Catholique ne permettra
point à l'avenir que les Sujets de Sa Majefté Britannique
, ou leurs Ouvriers , foient inquiétés ou
moleftés , fous aucun prétexte que ce foit , dans
leur occupation de couper , charger & tranfporter)
le bois de teinture ou de campêche ; & pour cet
effet ils pourront bâtir fans empêchement , & occuper
fans interruption les maifons & les magasins
qui feront néceffaires pour eux , pour leurs familles
& pour leurs effets ; & Sadite Majeſté Catholique
leur affare par cet Article l'entiére jouiffance
de ce qui eft ftipulé ci- deffus.
Art. 17. Sa Majefté Catholique fe défifté de
toute prétention qu'Elle peut avoir formée au
droit de pêcher aux environs de l'Ifle de Terre-
Neuve.
Art. 18. Le Roi de la Grande-Bretagne reftie
$ 160 MERCURE DE FRANCE.
tuera à l'Eſpagne tout ce qu'il a conquis dans l'Me
de Cuba , avec la Place de la Havane ; & cette
Place , auffi - bien que toutes les autres Places de
ladite Ifle , feront rendues dans le même état où
elles étoient quand elles ont été conquiſes par les
armes de Sa Majefté Britannique.
Art. 19. En conféquence de la reftitution ftipulée
dans l'Article précédent , Sa Majefté Catholique
céde & garantit en toute propriété à Sa Majeſté
Britannique tout ce que l'Espagne poffède fur le
Continent de l'Amérique Septentrionale à l'Eft ou
au Sud- Est , du fleuve Miffiffipi ; & Sa Majeſté
Britannique convient d'accorder aux habitans de
e pays ci- deffus cédé , la liberté de la Religion
Catholique ; en conféquence , elle donnera les
ordres les plus précis & les plus effectifs pour que
fes nouveaux Sujets Catholiques Romains puiffent
profeffer le culte de-leur Religion felon le Rit de
l'Eglife Romaine , en tant que le permettent les
loix de la Grande-Bretagne. Sa Majeſté Britannique
convient , en outre , que les habitans Elpagnols
, ou autres qui auroient été Sujets du Roi
Catholique dans ledit pays , pourront ſe retirer en
toute fureté & liberté où bon leur femblera , &
pourront vendre leurs biens , pourvu que ce foit
à des sujets de Sa Majefté Britannique , & tranfporter
leurs effets , ainfi que leurs perfonnes , fans
être gênés dans leur émigration , fous quelque
prétexte que cepuiffe être , hors celui de dettes ou
de procès criminels , le terme limité pour cette
émigration étant fixé à l'efpace de dix -huit mois à
compter du jour de la ratification du Traité définitif.
Il eft de plus ftipulé que Sa Majesté Catholique
aura la faculté de faire tranſporter tous les effets
qui peuvent luiappartenir , foit artillerie ou autres .
Art. 20. Le Roi de Portugal , Allié de Sa MaJANVIER.
1763. 161
jefté Britannique , eft fpécialement compris dans
les préfens Articles préliminaires , & Leurs Majeftes
Très-Chrétienne & Catholique s'engagent
de rétablir l'ancienne paix & amitié entr'Elles &
Sa Majefté Très - Fidèle , & elles promettent ,"
1º. Qu'il y aura une ceffation totale d'hoftilités
entre les Couronnes d'Espagne & de Portugal , &
entre les troupes Françoiles & Efpagnoles d'une
part , & les troupes Portugaifes & celles de leurs
Alliés de l'autre , immédiatement après la ratification
de ces préliminaires , & qu'il y aura une pareille
ceffation d'hoftilités entre les forces refpectives
des Rois Très-Chrétien & Catholique , d'une
part , & celle du Roi Très- Fidèle de l'autre , en
toutes les autres parties du monde , tant par terre
que par mer ; laquelle ceffation fera fixée fur les
mêmes époques , & fous les mêmes conditions ,
que celles entre la France , l'Espagne & la Grande-
Bretagne , & continuera juſqu'à la conclufion du
Traité définitif entre la France , la Grande- Bretagne
, l'Espagne & le Portugal. 2 °. Que toutes
les Places & Pays en Europe de Sa Majesté Très-
Fidèle , qui pourront avoir été con quis par les ar
mées Françoiſes & Efpagnoles , feront reftitués
dans le même état où ils étoient quand la conquête
en a été faite ; & qu'à l'égard des Colonies
Portugaifes , en Amérique ou ailleurs , s'il y étoit
arrivé quelque changement , toutes chofes feront
remiſes fur le même pied où elles étoient avant la
préfente guerre , & le Roi Très- Fidèle ſera invité
d'accéder aux préfens Articles préliminaires le
plutôt qu'il fera poffible .
Art. 21. Tous les Pays & Territoires qui pourroient
avoir été conquis dans quelque partie du
monde que ce foit , par les armes de Leurs Majeftés
Très-Chrétienne & Catholique , ainfi que
162 MERCURE DE FRANCE.
par celles de Leurs Majeftés Britannique & Très-
Fidéle , qui ne font pas compris dans les préfens
Articles , ni à titre de ceffions , ni à titre de reftitutions
, feront rendus fans difficulté & fans exiger
de compenfations.
LR
Art. XXII. Comme il eft néceffaire de défigner
une époque fixe pour les reftitutions & les éva
cuations à faire par chacune des Hautes Parties
contractantes ; il eft convenu que les troupes
Françoifes & Britanniques procéderont immé
diatement après la ratification des préliminaires
à l'évacuation des Pays qu'elles occupent dans
l'Empire ou ailleurs , conformément aux Afticles
XII & XIII . L'Ifle de Belle - Iſle ſera évacuée
fix femaines après la ratification du Traité définitif
, ou plutôt fi faire fe peut. La Guadeloupe ,
la Défirade , Marie- Galande , la Martinique &
Sainte-Lucie , trois mois après la ratification du
Traité définitif , ou plutôt fi faire le peur. La
Grande-Bretagne entrera pareillement au bour
de trois mois après la ratification du Traité définitif
, ou plutôt fi faire fe peut , en poffeffion de la
riviere & du Port de la Mobile , & de tout ce
qui doit former les limites du Territoire de la
Grande-Bretagne du côté du fleuve de Millipi ,
telles qu'elles font ſpécifiées dans l'Article VT.
L'Ife de Gorée fera évacuée par la Grande-Bretagne
trois mois après la ratification du Traité
définitif , & l'Ifle de Minorque par la France à la
même époque , ou plutôt fi faire fe peut ; & ,"
felon les conditions de l'Article IV , la France entrera
de même en poffeffion des ifles de Saint-
Pierre & de Miquelon au bout de trois mois. Les
Comptoirs aux Indes Orientales feront rendus
fix mois après la ratification du Traité définitif ,
ou pluôt , fi faire le peut. L'ifle de Cuba , avec la
JANVIER. 1763. 163
Place de la Havane , fera reftituée trois mois
après la ratification du Traité définitif , ou plurtôt
fifaire le peut. Et en même temps la Grande-
Bretagne entrera en poffeffion du pays cédé par
l'Espagne , felon l'article XIX. Toutes les Places
& Pays de Sa Majefté Très- Fidèle en Europe feront
reftitués immédiatement après la ratification
du Traité définitif ; & les Colonies Portugaifes
, qui pourront avoir été conquifes , feront
reftituées dans l'efpace de trois mois dans les
Indes Occidentales , & de fix mois dans les Indes
Orientales , après la ratification du Traité définitif
, ou plutôt fi faire fe peut. En conféquence de
quoi les ordres néceffaires feront envoyés par
chacune des Hautes Parties contractantes avec
les paffeports réciproques pour les vaiffeaux qui les
porteront immédiatement après la ratification du
Traité définitif .
?
Art. XXIII. Tous les Traités de quelque nature
que ce foit , qui exiftoient avant la préfente
guèrre , tant entre leurs Majeftés Très-Chrétienne
& Britannique , qu'entre leurs Majeftés Catholique
& Britannique auffi bien qu'entre aucu
ne des Puiffances ci- deſſus nommées , & Sa Matrès-
Fidéle , feront , comme ils le font effective
ment , renouvellés & confirmés dans tous leurs
points auxquels il n'eft pas dérogé par les pré-
Tens Articles préliminaires , nonobftant tout ce
qui pourroit avoir été ftipulé au contraire par
aucune des Hautes parties contractantes &
toutes lefdites Parties déclarent qu'elles ne permettront
pas qu'il fubfifte aucun privilége , grace
ou indulgence contraires aux Traités ci -deffus
confirmés.
Art. XXIV . Les prifonniers faits refpectivement
par les armes de Leurs Majeftés Très- Chré164
MERCURE DE FRANCE.
tienne , Catholique, Britannique , & Très - Fidèle ,
par terre & par mer ,feront rendus après la ratification
du Traité définitif , réciproquement & de
bonne foi , fans rançon , en payant les dettes
qu'ils auront contractées durant leur captivité ,
& chaque Couronne foldera refpectivement les
avances qui auront été faites pour la ſubſiſtance
& l'entretien de fes prifonniers par le Souverain
du pays où ils auront été detenus , conformément
aux reçus & états conftatés , & autres titres
authentiques qui feront fournis de part & d'autre.

Art. XXV. Pour prévenir tous fujets de plaintes
& de conteftations qui pourroient naître à l'occafion
des Vaiffeaux marchandiſes ou autres
effets qui feroient pris par mer ; on eft convenu
réciproquement que les Vaiffeaux , marchandifes
& effets qui feroient pris dans la Manche & dans
les Mers du Nord , après l'efpace de douze jours ,
à compter depuis la ratification des préfens Articles
préliminaires , feront de part & d'autre reftitués
réciproquement ; que le terme fera de fix
femaines pour les prifes faites depuis la Manche ,
les Mers Britanniques & les Mers du Nord , jufqu'aux
ifles Canaries inclufivement , foit dans l'Océan
, foit dans la Méditerranée ; de trois mois >
depuis lefdites Illes Canaries jufqu'à la Ligne
Equinoxiale ou l'Equateur ; enfin de fix mois audelà
de ladite Ligne Equinoxiale ou l'Equateur ,
& dans tous les autres endroits du monde fans
aucune exception , ni autre diftinction plus particulière
de temps & de lieu.
Art. XXVI . Les ratifications des préfens Articles
préliminaires feront expédiées en bonne &
due forme, & échangées dans l'efpace d'un mois ,
ou plutôt fifaire fe peut , à compter du jour de
a fignature des préfens Articles.
JANVIER. 1763. 165
En foi de quoi , Nous fouffignés , Miniftres
Plénipotentiaires de Sa Majesté Très - Chrétienne ,"
Sa Majefté Catholique & de Sa Majesté Britanrien
vertu de nos pleins pouvoirs refpetifs
, avons figné les préfens Articles prélimina
res , & y avons fait appofer le cachet de nos
que ,
armes.
Fait à Fontainebleau , le troifiéme de Novembre
mil fept cent ſoixante- deux.
CHOISEUL , LE MARQUIS BEDFORD.
DUC DE DE GRIMALDI . C. P.,S.
PRASLIN .
DECLARATION fignée à Fontainebleau le 3
Novembre 1762 .
Sa Majefté Très- Chrétienne déclare qu'en accordant
l'Article XIII des préliminaires fignés
cejourd'hui , Elle n'entend pas renoncer au droit
d'acquitter fes dettes envers fes Alliés , & qu'on
ne doit pas regarder comme une infraction audit
Article les remiſes qui pourroient être faites de fa
part dans l'objet d'acquitter les arrérages qui peu .
vent être dûs pour les fubfides des années précédentes.
En foi de quoi je fouffigné Miniftre Plénipotentiaire
de Sa Majefté Très- Chrétienne , ai figné
la préſente Déclaration , & y ai fait appoſer le
cachet de mes armes.
Fait à Fontainebleau le trois de Novembre mil
fept cent foixante - deux.
Signé , CHOISEUL , Duc de Praflin.
De DANTZICK , le 10 Novembre 1762.
Le Comte Soltikow eft arrivé dans cette Ville
le-31 du mois dernier , & il en eft reparti hier
1
166 MERCURE DE FRANCE .
a
pour le rendre en France , où il va réſider en
qualité d'Envoyé Extraordinaire de la Rufie. Il
eu pendant fon féjour ici plufieurs conférences
avec le Comte de Romanzow.
Malgré toutes les précautions que l'on a prifes
dans le Dannemarck , la contagion qui attaque
les bêtes à cornes a pénétré dans la Séelande & s'y
manifeftée avec violence.
Le Chambellan de Larrey eft parti le 6 de
Coppenhague , pour le rendre en Hollande , delà
à Paris , & enſuite à Madrid , où il va réſider
en qualité d'Envoye Extraordinaire de Dannemarck.
Du Quartier Général près de GLATZ , le 18
Novembre.
Le départ du Maréchal de Daun paroît arrêté
pour le 20. Pendant fon abſence , le Général
O-Danel commandera dans tout le Pays , & il
aura fon quartier Général à Neuſtadt , près de
Nachoden en Bohême , fur les Frontiers du Com.
té de Glatz . Le Baron de Podstatsky , Lieutenant
Général , commandera en Haute- Silèfie &
en Moravie
De HAMBOURG , le 19 Novembre.
>
Le Marquis d'Havrincourt , ci-devant Ambaffadeur
de Sa Majesté Très - Chrétienne
étant arrivé dans cette Ville , le Sénat lui a
envoyé , le 13 au matin , une députation compofée
d'un Syndic & d'un Sénateur , pour le
complimenter & lui offrir le préfent auquel on
a donné le nom de vins de ville.
De DRESDE , le 22 Novembre.
On a beaucoup exagéré la perteque les Impé
JAN VIER. 1763. 167
riaux ont faite dans la derniere affairede Freyberg:
elle fe monte en tout à trois mille hommes & à
environ vingt- quatre piéces de canon . On croir
qu'il n'y a eu d'étendards & de drapeaux perdus
que ceux des régimens Hongrois de Giulai & d'Efterhafi
, qui font prefqu'entiérement détruits . Les
troupes de l'Empire le font très - bien conduites
dans cette affaire : on doit aux deux régimens
de Zollern & de Bareith le falut du Corps des
Grenadiers . Ce Corps auroit été taillé en piéces
par la Cavalerie Pruffienne , qui le chargeoit par
derriere , fi elle n'avoit et arrêtée & battue par
les deux Régimens Impériaux.
Le Corps Pruffien , qui étoit déja venu reconnoître
le Landsberg , s'en eft approché de nou
veau le 7. L'Officier qui commandoit dans les
retranchemens établis fur cette montagne , avoit
ordre de ne pas rifquer un engagement ; mais
il a différé trop long-temps de faire fa retraite ;
les Pruffiens l'ont enveloppé & fes troupes ont
été difperfées dans la forêt de Tharand , où il
avoit été obligé de fe jetter. Il a perdu environ
quatre cens hommes & quatre piéces de canon .
Les Pruffiens ont fait diverfes incurfions en Bohème
quelques uns de leurs détachemens ont pouf
fé même jufqu'à trois lieues de Prague , dont on
affure que les portes ont été fermées pendant
vingt- quatre heures ..
On fait monter à quinze ou feize mille hommes
le fecours que le Prince Henri a reçu de Siléfie.
L'Armée de l'Empire a cu auſſi un renfort
confidérable.
Le Général Loudon , qui étoit dangereuſement ,
malade à Giersdhorf , commence à fe rétablir.
Suivant les nouvelles de Siléfie , tour y eft fort
tranquille.
168 MERCURE DE FRANCE.
1
On eſpére qu'il y aura entre les deux Armées
ennemies en Saxe une tréve , comme il y en a
une entre les Armées de Siléfie.
Le Roi de Pruffe eft encore à Meiffen , & fair
abattre tous les arbres fruitiers des environs . Le
17 les Pruſſiens ont repris poſte à Fravenſtein . Le
Prince Henri eft allé prendre les quartiers d'hyver
à Chemnitz. Le Général Hulfen aura les fiens à
Freyberg.
De RATISBONNE , le 15 Novembre.
Le 10 de ce mois , le Miniftre Directorial de
Mayence a fait porter à la Dictature publique un
Decret Impérial Aulique , par lequel Sa Majeſté
Impériale notifie à l'Empire le choix qu'elle a
fait du Prince Chriftian- Charles de Stolberg ,
pour commander l'Armée d'exécution de l'Empire.
De STUTTGARD , le 18 Novembre.
La nuit du 13 au 14 de ce mois le feu a pris à
l'aîle droite du Château neuf du Duc de Wirtemberg.
Ce bâtiment venoit d'être achevé : il n'y
manquoit que quelques meubles , & le Prince
étoit à la veille de l'occuper . Tout a été confumé
par les flammes , & il n'eft refté que les murs.
C'eft une perte qu'on évalue à deux cens mille
florins.
De MADRID , le 16 Novembre.
Le Baron de Gleichen , Envoyé extraordinaire
de Sa Majefté Danoife , eut le 4 une audience
du Roi , dans laquelle il préfenta fes Lettres de
récréance , & prit congé de Sa Majesté pour aller
réfider à la Cour de France en qualité de Miniſtre
Plénipotentiaire du Roi fon Souverain.
Le
JANVIER. 1763. 169
Le 13 le Roi donna une audience particuliere
au fieur Doublet , qui doit réfider en cette Cour
avec le caractere d'Envoyé extraordinaire des
Etats Généraux des Provinces-Unies. Ce Miniſtre
préſenta fes Lettres de créance à Sa Majesté.
De ROME , le 12 Novembre.
Le Cardinal Merlini eft mort la nuit derniere
d'une goute remontée. Il vaque par - là un cinquiéme
Chapeau dans le facré Collège , en comptant
celui qui eſt réſervé à la nomination du Roi
de Portugal.
L'Abbé de Verf , Auditeur de Rote pour la
France , eft arrivé ici hier au foir , & ce matin il
a eu l'honneur d'être préſenté au Souverain Pontife
, au Cardinal Rezzonico & au Cardinal Secrétaire
d'Etat , par le Chevalier de la Houze ,
chargé des affaires du Roi auprès du Saint Siége.

De GENES, le 29 Novembre.
Le petit Confeil ayant réduit , le 24 ,
le nombre
des quinze Candidats à celui de fix , le Grand-
Confeil élut , le jour fuivant , pour nouveau Doge
le fieur Rudolphe Brignolé , oncle de la Princeffe
de Monaco ; il a reçu à cette occafion les
complimens des Miniftres Etrangers & de la Nobleffe.
Un piquet , compofé de trente Grenadiers &
foixante Soldats des troupes de la République, fut
commandé , le 3 de ce mois
, pour attaquer la
Tour de Sainte Marie della Chiapella dans l'Ifle
de Corfe. Les Rebelles firent d'abord la plus vigoureuſe
réfiftance ; mais la Tour fut bientôt
emportée de vive force par les Grenadiers & la
Garniſon fut conduite à la Baſtie.
II. Vol H
170 MERCURE DE FRANCE .
Le même détachement a pris enfuite & brulé
un magaſin confidérable que les Rebelles avoient
à Tomino , & qui étoit rempli de fafcines.
Le Gouvernement a fait partir le 20 pour la
Baftie douze mille hommes , qui ont été repartis
fur différens Bâtimens.
&
On écrit de Lixourne que les Génois le font
emparés des Pays de Zifco , de Mira & de Luri ,
que les Rebelles avoient abandonné Tomino .
Suivant d'autres lettres du même endroit , du
26 de ce mois , on a appris par un Navire nouvellement
arrivé de la Baftie , qu'il y avoit eu
un combat très-vif entre un Détachement des
Troupes de la République & les Rebelles près de
Rogliani au Cap Corfe; que les Génois , après
avoir eu d'abord quelques défavantages , avoient
chargé l'Ennemi fi vigoureufement , qu'ils l'avoient
mis en fuite , & s'étoient emparés de Rogliani.
De TURIN , le Décembre.
Le Bailli de Breteuil , Ambaſſadeur de Malte
à Rome , eft arrivé avanthier en cette Ville ; il
a eu aujourd'hui fes audiences du Roi & de la
Famille Royale , & il compte partir inceffamment
pour fe rendre au lieu de fa réfidence.
De LONDRES , le 31 Novembre.
le 24
Le Duc de Nivernois ayant été admis ,
de ce mois , à l'Audience du Roi en qualité d'Ambaffadeur
Extraordinaire de France , adreſſa à Sa
Majefté le Difcours - ſuivant :
1
» SIRE ,
» Une réconciliation cordiale entre deux puif
fans Monarques qui font faits pour s'aimer ;
JANVIER. 1763. 171
» une union de ſyſtême durable entre deux gran .
>> des Cours que leurs intérêts bien entendus rap-
» prochent l'une de l'autre une liaifon fincére &
» folide entre deux refpectables Nations que de
« malheureux préjugés ont trop louvent diviſées,
» voilà , SIRE , l'époque brillante des premiers
» momens du régné de Votre Majesté ; & cette
» époque fera en même temps celle du bonheur
» rétabli dans les quatre Parties du Monde C'eft
» à la félicité univerfelle que le nom , la gloire
>> & les vertus de Votre Majeſté feront unis pour
» jamais dans les Faftes de l'Hiftoire , & la Pol-
» térité
Y lira avec un fentiment de refpect ce
» Traité qui entre tous les Traités portera pour
» caractère diſtinctif celui d'une bonne foi non
» équivoque & d'une folidité inébranlable . Qu'il
» me foit permis de me féliciter à vos pieds
» SIRE , du bonheur d'avoir été choiſi par le Roi
» mon Maître , pour fervir entre Votre Majeſté
» & Lui d'organe aux nobles fentimens de deux
» coeurs fidignes l'un de l'autre , & pour travail-
» ler à cet Ouvrage facré qui affure la gloire
de Votre Majeſté en faiſant le bonheur de l'hu-
« manité entiere.
ל כ
·
Le Comte d'Egremont a donné avis au Lord
Maire d'un Courier qui a apporté de Paris le 26
l'échange des ratifications des Articles préliminaires
de la Paix . Cette nouvelle a été annoncée au
Public par le canon du Parc & de la Tour.
On parle beaucoup du mariage de la Princeffe
Augufte , Soeur du Roi , avec le Prince Héréditaire
de Brunſwick , on affure que ce Prince
qui commence à ſe rétablir , ſe rendra ici avec
le Prince Ferdinand dans le mois de Janvier ou
de Février prochain.
Hij
172 MERCURE DE FRANCE .
1
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
· De VERSAILLES , le 8 Décembre 1762 .
LES
Es Cours de Madrid & de Londres ayant ratifié
les Articles préliminaires de la Paix qui ont été
fignés à Fontainebleau le 3 du mois dernier , l'échange
des ratifications s'eft faire ici le 22 dans
la forme ordinaire .
Le 23 , le Lord , Duc de Bedford , Ambaſſadeur
Extraordinaire & Plénipotentiaire de Sa Majefté
Britannique , eut une audience particuliére du
Roi , dans laquelle il remit fes lettres de créance
à Sa Majesté. Il fut conduit à cette audience ,
ainfi qu'à celles de la Reine , de Mgr le Dauphin
, de Madame la Dauphine , de Mgr le Duc
de Berry , de Mgr le Comte de Provence , de
Mgr le Comte d'Artois, de Madame , de Madame
Adélaïde , & de Meſdames Victoire , Sophie &
Louiſe , par le fieur de la Live , Introducteur des
Ambaſſadeurs. &
Le Prince de Condé eft arrivé le 23 à la
Cour , & il a fait les révérences à Leurs Majeftés
& à la Famille Royale.
Le 26 , Sa Majesté a accordé au Duc de Praflin,
Miniftre & Secrétaire d'Etat , ayant le Département
des Affaires Etrangeres , la charge de
de Lieutenant Général en Bretagne , vacante
par la mort du Duc de Chatillon . Le même jour
Sa Majefté a difpofé du Gouvernement de Vanne
& Auray en Bretagne , en faveur du Marquis de
JANVIER. 1763 . 173
Montclare , fecond fils du Duc d'Ayen , Chevalier
des Ordres du Roi , & Capitaine d'une des
Compagnie de fes Gardes.
Le 28 Leurs Majeftés , ainſi que la Famille
Royale , fignerent les contrats de mariage du
Marquis Dupleffy- Grénédant avec Demoiſelle de
Maillé ; & du Marquis de Levy avec Demoiselle
de la Reyniere .
Le 30 la Ducheffe de Bedfort , épouse de l'Amballadeur
Extraordinaire & Plénipotentiaire de Sa
Majefté Britannique , a été préſentée au Roi , à la
Reine & à la Famille Royale , avec les cérémonies
accoutumées.
Le 3 de ce mois le Comte d'Affry , ci- devant .
Ambaſſadeur du Roi près les Etats Généraux des
Provinces-Unies , & Lieutenant - Colonel des Gardes
Suiffes , a été préſenté à Sa Majesté par le
Duc de Praflin , comme Miniftre des Affaires
étrangeres , & par le Duc de Choiſeul , comme
Colonel Général des Suiffes .
Le 4 le Maréchal d'Eftrées eſt arrivé à la Cour.
Il a été préfenté le même jour à Leurs Majeſtés ,
ainfi qu'à la Famille Royale.
>
Le 6 on a célébré dans l'Eglife Paroiffiale de
Notre-Dame de Versailles un Service pour le
repos de l'ame de Louife-Elifabeth de France ,
Ducheffe de Parme. La Reine y a aſſiſté , ainſi
que Monfeigneur le Dauphin , Madame la Dauphine
, Madame Adelaïde , & Mefdames Victoire,
Sophie & Louiſe.
Le Marquis de Montclare , fecond fils du Duc
d'Ayen , a pris , avec l'agrément du Roi , le
nom de Marquis de Noailles.
Le Duc de la Roche - Guyon , petit - fils du Due
de la Rochefoucault , a obtenu auffi l'agrément
du Roi pour prendre le nom de Duc de la Roche-
H iij
174 MERCURE DE FRANCE.
foucault ; & fon contrat de mariage avec la Demoiſelle
de Gand a été figné le 7 par Leurs Majeftés
& par la Famille Royale.
Le Roi a difpofé de l'Archevêché de Reims en
faveur de l'Archevêque de Narbonne , Grand-
Aumônier de France. L'Archevêché de Narbonne
a été donné à l'Archevêque de Toulouſe.
Sa Majesté a accordé l'Abbaye de Saint Jean
des Vignes , Ordre de S. Auguftin , Diocèfe &
Ville de Soiffons , au Bailli de Solàr de Breille ,
Ambaffadeur du Roi de Sardaigne à la Cour de
France .
Et l'Abbaye de Ronceray , Ordre de Saint Benoît
, Diocèle d'Angers , à la Dame d'Aubeterre.
Sa Majefté , toujours attentive à protéger le
mérite & à encourager le zèle de ſes Sujets , a fait
préfent d'une épée au Capitaine Simon , Commandant
ci- devant la Frégate la Modefte , de
Marſeille, Ce Capitaine s'eft particulièrement
diftingué dans les courfes à la côte d'Afrique , où
il a troublé efficacement le commerce des ennemis
pour la traite des Négres.
De PARIS , le ro Décembre
Le 24 du mois dernier , la principale cloche
de l'Eglife Métropolitaine , Primatiale & Patriarchale
de Bourges , a été bénite par l'Evêque
de Nevers , & nommée Louife- Adelaide par
Monfeigneur le Duc de Berry, repréfenté par le
Marquis de l'Hôpital , Chevalier des Ordres du
Roi , Grand & Premier Ecuyer de Madame , &c.
& par Madame Adelaïde , repréſentée par la
Dame Charlotte - Marguerite de Menou , époufe
du fieur Dodart , Meftre de Camp de Cavalerie ,
Chevalier de l'Ordre Royal & Militaire de Saint
Louis , & frere du Geur Dodart , Intendant de la
J
JANVIER. 1763. 175
Généralité de Berry. L'un & l'autre ont été conduits
par le Chapitre & la Nobleffe de la Ville &
de la Province à l'Eglife Cathédrale , où la céré
monie s'eft faite avec beaucoup de pompe , aux
acclamations d'un concours unanime de citoyens
de tous états , qui n'ont celle d'exprimer de la
maniere la plus vive , les voeux ardens qu'ils
font pour la confervation & la prospérité de notre
Monarque & de fon augufte Famille. Après la
cérémonie l'Evêque de Nevers , le Marquis de
l'Hôpital & la Dame Dodart , fe font rendus avec
la plus grande partie du Chapitre & toute la
Nobleffe , chez le fiear Dodart, Intendant de la
Province , qui leur a fait fervir un dîner magnifique.
Le 4 de ce mois l'Académie Françoiſe a élu
l'Abbé de Voifenon pour remplir la place vacante
par la mort du fieur Folyor de Crébillon .
Le 6 le Marquis de l'Hôpital , Lieutenant
Général des Armées du Roi , Chevalier de fes
Ordres , de l'Ordre de Saint Lazare & de celul
de Saint Janvier de Naples , premier Ecuyer
de Madame , s'eft rendu au Couvent des Religieux
de l'Obfervance , revêtu des marques
defdits Ordres , & précédé du Héraut & l'Huiffier
des Ordres du Roi , tous deux en habit de céré
monie , pour préfider , au nom de Sa Majesté
au Chapitre de l'Ordre de Saint Michel : il Y
reçu Chevalier de cer Ordre , avec les cérémonies
accoutumées , le fieur Dupré , Commiffaire
ordinaire d'Artillerie. Le Marquis de l'Hôpital
& les Chevaliers fe font rendus enfuite en pro
ceffion à l'Eglife , & y ont affifté au Service qu'on
y célebre tous les ans pour les Rois , les Princes
& les Chevaliers décédés.
Hiv
176 MERCURE DE FRANCE .
Le fieur Briffon de l'Académie Royale des
Sciences , qui commença , l'année derniere , à
faire des Cours particuliers de Phyfique Expérimentale
, le propoſe d'en recommencer un dans
les premiers jours de Janvier. Ceux qui voudront
affifter à ce cours , doivent le faire infcrire chez
lui , au Collège de Navarre , rue & montagne Ste
Géneviève.
L'Univerfité de cette Ville propofe pour Sujet
du Prix d'Eloquence Latine , fondé par le fieur
Coignard , la queftion fuivante : Quanti populorum
interfit , eadem in omnibus fcholis publicis de
Religione , de Moribus & Litteris doceri.
On a appris , par les nouvelles d'Angleterre ,
que le Bureau des Poftes de Londres a recommencé
, le 6 du préfent mois de Décembre, d'envoyer
fon paquebot à Calais , pour y apporter la
malle d'Angleterre pour la France , & y prendre
en échange celle de France pour l'Angleterre ;
ainfi cette correfpondance réciproque ne fe fera
plus par la voie d'Oftende , ce qui la rendra &
plus prompte & plus régulière qu'elle ne l'a été
pendant la guerre ; en conféquence , les lettres
de France pour l'Angleterre , qui pendant cette
guerre partoient de Paris les Lundi & Vendredi ,
ont recommencé le 8 du même mois d'en partir
, comme ci- devant , les Mercredi & Samedi
de chaque femaine. Les Couriers de Londres partiront
réguliérement tous les Lundi & Jeudi.
Sa Majefté vient de publier fucceffivement
trois Ordonnances , l'une du 20 Novembre, l'autre
du 22 , & la troifiéme du 25 du même
mois .
La premiere concerne les Milices : elle enjoint
aux Régimens de Grenadiers Royaux & Bataillons
de Milice de partir des lieux où ils font ,
1
JANVIER. 1763. 177
pour retourner inceffammenr dans leurs Provinces.
Par la feconde , il eft défendu aux troupes de
Sa Majefté , qui entreront dans le Royaume , ou
qui auront ordre de paffer d'une Province dans
une autre, de fe charger d'aucunes marchandifes
, faux fel , ni faux tabac , fur les peines y contenues.
La troifiéme a pour objet de réformer les Régimens
d'infanterie de Bearn , Hainaut , Breffe ,
la Marche-Province , Brie , Soiffonnois , Ifle de
France , Royal- Lorraine , Royal - Barrois &
Royal- Cantabres.
Cette derniere Ordonnance eft composée de
trente- cinq articles. Il eft dit dans le XXII , le
XXIII & le XXIV , que les Colonels desdits
Régimens réformés jouiront de quinze cens liv.
de penfion fur le Tréfor Royal , jufqu'à ce qu'ils
foient remplacés ; de plus , que Sa Majeſté donnera
fes ordres , pour leur faire rembourfer le
prix qu'ils auront payé pour leur Régiment , fuivant
le prix fixé par Sa Majefté ; que tous les autres
Officiers defdits Régimens jouiront en penfion
fur le Tréfor Royal , favoir , les Lieutenans
Colonels , de douze cens livres ; les Majors ," de
huit cens livres ; les Capitaines de Grenadiers , de
cinq cens livres ; les Capitaines de Fusiliers , qui
auront vingt ans de fervice , de quatre cens liv.
ceux qui n'auront pas vingt ans de fervice ,
de
trois cens livres feulement , ainfi que les Aide-
Majors. Voulant au furplus Sa Majesté que lefdites
penfions ne foyent payées qu'à ceux defdits
Officiers qui fe retireront chez eux & non ailleurs.

A l'égard des Lieutenans & Enfeignes qui feront
réformés , Sa Majefté entend qu'ils le re-
Hv
178 MERCURE DE FRANCE .
tirent dans leurs Provinces pour y remplir les
emplois qu'elle leur deftine , le réſervant de leur
faire connoître fes intentions fur cet objet , lorſqu'on
lui aura rendu compte de leurs fervices & de
leurs talens , & c. & c.
Il vient de paroître une Ordonnanc du Roi ,
concernant les termes de la ceffation des hoftilités
en mer : en voici la teneur.
DE PAR LE ROI.
ee SA MAJESTÉ ayant ratifié le 22 du préfent
» mois de Novembre les articles préliminaires de
» la paix , fignés à Fontainebleau le 3 du même
» mois , entre les Miniftres Plénipotentiaires de
> France , d'Elpagne & de la Grande- Bretagne ;
D
par l'um deiquels articles il eft porté qu'il y
> aura ceffation d'hoftilités par mer , fuivant les
» termes & efpaces de temps ci- après expliqués ,
» à compter du jour de la ratification defdits ar-.
» ticles préliminaires , & ftipulé que les Vaif-
» feaux , marchandiſes ou autres effets qui fe-
> ront pris par mer , après lefdits termes & efpa-
» ces de temps , feront réciproquement reftitués ;
» Elle a ordonné & ordonne que les Vailleaux ,
» marchandiſes & effets appartenant à Leurs Majeftés
Britannique & Très - Fidéle , & à leurs Su-
» jets , qui pourront être pris dans la Manche ou
» dans les Mers du Nord , après l'espace de
» douzejours , à compter du 22 du préfent mois
» de Novembre , leur feront reltitués ; que le ter-
>> me fera de fix femaines pour les prifes faites
» depuis la Manche, les mers Britanniques & Fran.
>> çoiſes & les mers du Nord , jufqu'aux Ifles Cana-
>> ries inclufivement , foit dans l'Océan , foit dans
» la Méditerranée; que le terme fera de trois mois
» depuis lefdites Ifles Canaries jufqu'à la Ligne
>>Equinoxiale ou l'Equateur ; enfin de fix mois , à
כ כ
1
JANVIER. 1763. 179

*
» compter de la même date du 2.2 du préfent
» mois de Novembre au delà de ladite Ligne
>> Equinoctiale ou l'Equateur , & dans tous les
>> autres endroits du monde fans aucune ex-
>> ception , ni autre diftinction plus particuliere
» de temps & de lieux. Défend Sa Majesté à tous,
» fes Sujets , de quelque qualité & condition qu'ils
» foient , d'exercer aucun acte d'hoftilité par mer,
» contre les Sujets de Leurs Majeftés Britannique
» & Très Fidele , ni de leur caufer aucun préju-
» dice ou dommage , après l'expiration des épo-
» ques ci- deffus mentionnées . MANDE & ordonne
» Sa Majesté à M. le Duc de Penthievre , Amiral
» de France , aux Vice- Amiraux , Lieutenans- Gé◄
» néraux , Intendans , Chefs d'Eſcadre , Com-
» miffaires Généraux & Ordonnateurs de la Ma-
>> rine , & autres Officiers qu'il appartiendra , de
» tenir la main à l'exécution de la préſente Or-
» donnance ; & aux Officiers de l'Amirauté , de
la faire lire , enregistrer , publier & afficher
» par- tout où befoin fera , afin que perfonne n'en
>> prétende caufe d'ignorance. FAIT à Verlailles ,
» le vingt- trois Novembre mil fept cent foixante-
» deux. Signé , LOUIS. Et plus bas , LE DUC DE
» CHOISEUL. >>
L'Ordonnance du Roi eft fuivie du Mande
ment adreffé par le Duc de Penthievre , Amiral de
France, à tous les Officiers de la Marine , pour
l'exécution de ladite Ordonnance.
Le Roi d'Angleterre a fair publier également à
Londres une Proclamation pour la ceffation des
hoftilités fur mer. Comme elle eft conforme à
l'Ordonnance du Roi , il eſt inurile d'en donner ici
I a traduction ,
Le vingt- troifiéme tirage de la Lotterie de
H vj
180 MERCURE DE FRANCE .
l'Hôtel-de-Ville s'eft fait le 25 Décembre en la
maniere accoutumée. Le lot de cinquante mille
livres eſt échu au numero 3029 ; celui de vingt
mille livres au numero 18764 , & les deux de dix
mille livres aux numeros 8383 & 9213 ,
Le 4 du même mois on a tiré la Loterie de l'Ecole
Royale Militaire . Les numéros fortis de la
roue de fortune font 71 , 8
, 41 , 64 , 35. Le prochain
tirage ſe fera le s Janvier 1763.
MARIAGES.
Jofeph de Bauffremont , Prince de l'Empire ,
Chef d'Efcadre des Armées Navales de Sa Majefté
, a épousé , moyennant une difpenfe du
Pape , Louife- Benigne de Bauffremont , fille de
Louis de Bauffremont , ſon frere , Prince de l'Empire
, Lieutenant Général des Armées du Roi ,
Meftre-de-Camp d'un Régiment de Dragons de
fon nom , Gouverneur de Seiffel , & Chevalier
d'Honneur au Parlement de Franche-Comté ; &
de Marie - Simonne -Ferdinand de Tenarre - Montmain
. La bénédiction nuptiale leur a été donnée
dans la Chapelle particuliere du Château de Sceyfur-
Saone , par
le Cardinal de Choifeul , Archevêque
Diocélain. Le nouvel époux a pris , avec la
permiffion du Roi , le nom de Prince de Liftenois.
Marc-Antoine , Comte de Levy , Colonel du
Régiment Royal Rouffillon , infanterie , a époufé
le premier Décembre Louife. Magdeleine de la
Reyniere. La bénédiction nuptiale leur a été donnée
dans la Chapelle de l'Hôtel de Villeroy.
$ Charles-Anne-Sigifmond de Montmorency-
Luxembourg , Duc d'Olonne & de Châtillonfur-
Loing , Maréchal des Camps & Armées du
JANVIER . 1763 . 181
Roi , a épousé Marie - Jeanne-Thérefe de l'Epinai
de Marteville , veuve de Joſeph- Maurice- Annibal
de Montmorency - Luxembourg , Comte de
Montmorency , Souverain de Luxe , & Lieutenant-
Général des Armées du Roi.
Charles-Magdeleine de Preillac , Vicomte d'Efclignac
, Maréchal des Camps & Armées du Roi ,
a été marié à Toulouſe le 10 Novembre dernier
dans la Chapelle de l'Hôtel de Malte , avec Demoiſelle
Marie- Charlotte de Varagne de Gardouch
, fille du Marquis de Gardouch- Beleſta. La
bénédiction nuptiale leur a été donnée par l'Evêque
de Lombès.
1
MORTS.
Auguftin- Jean , Comte de Sanfay , Vicomte
Héréditaire , Parajeur du Poitou , Capitaine des
Vaiffeaux du Roi , eſt mort à Breſt le 14 Novembre
dernier il revenoit de Saint-Domingue , &
étoit âgé d'environ ſoixante- fix ans .
!
Hardouin de Chaflon , Evêque de Leſcar , Abbé
de l'Abbaye Royale de Sablonceaux , Ordre de
Saint Auguftin , Dioceſe de Saintes , eft mort à
Bazas le 28 Octobre , âgé de foixante- lept ans.
> Auguftin-Felix Barin de la Galiffonniere
Abbé Commendataire de l'Abbaye Royale de
Nôtre- Dame de Reclus , Ordre de Cîteaux , Diocefe
de Troyes , eft mort à Troyes le 18 Novembre,
âgé de cinquante-huit ans.
Louife-Charlotte de Canouville de Raffetot ,
Abbeffe de l'Abbaye Royale du Ronceray , de la
ville d'Angers , eft morte dans fon Abbaye le 23
du même mois.
N. B. En annonçant la mort du Duc de Châtillon
, lorsqu'on a dit qu'il étoit le dernier rejettón
de fon illuftre race , on ignoroit que la Du182
MERCURE DE FRANCE.
cheffe de Châtillon fût enceinte . Ainfi il refte
encore des eſpérances de voir revivre une Maiſon
qui a donné tant d'hommes illuftres à la France .
ARTICLE VI.
NOUVELLES POLITIQUES.
Janvier 1763. II. Vol.
De Moscou , le 30 Novembre 1762.
Ls 23 de ce mois , Sa Majeſté Impériale a reçu
les marques de l'Ordre de l'Aigle noir , des mains
du Baron de Goltz , Miniftre du Roi de Pruffe. LE23:
On adécouvert une confpiration qui s'étoit tramée
contre l'Impératrice . Les Chefs du complot
étoient les trois freres Gourieff , Officiers des Gardes
Ifmael , & les deux Hroufchef, dont l'un étoit
Officier , & l'autre Maréchal des Logis du Régiment
d'Engermanie. Les coupables , fur le rapport
des Juges , ont été condamnés par le Sénat
à être écartelés. Mais fa Majefté Impériale a commué
leur fupplice rigoureux , en un genre de
punition , qui n'avoit pas encore été employé en
Ruffie. Les coupables ont été conduits dans une
place publique le 8 de ce mois ; là ils ont été dégradés
de nobleffe ; le Bourreau les a fouffletés ,
leur a brifé leurs épées par deffus leurs têtes ;
après quoi , ils ont été transférés en Sibérie .
De VIENNE , le 25 Décembre.
&
L'Empereur & l'impératrice font dans la
plus grande affliction de la mort de l'Archidu
JANVIER. 1763. 183
cheffe Jeanne ; cette jeune Princeffe , après avoir
lutté pendant vingt - quatre jours contre une maladie
cruelle , a enfin fuccombé Jeudi dernier
entre quatre & cinq heures après midi. C'étoit
la cinquième des Archiduchelles filles de leurs
Majeltés Impériales & Royales. Elle fe nommoit
Jeanne- Gabrielle- Jofeph - Antoine , & étoit née le
4 Février 1750. Son corps a été inhumé fans cérémonie
, parce qu'ily a eu dans les derniers jours
de fa maladie , qui étoit une fiévre milliaire , une
érruption pourpreufe. La Cour prendra le deuil
pour trois mois.
Du Camp de l'Armée Autrichienne en Siléfie
le 26 Novembre 1762 .
Le Général de Bethlem , qui a pris fon Quartier
Général à Jagerndorff , occupe vingt- fix Villages
de la Haute- Siléfie Pruffienne. L'amniſtie
dont il eft convenu avec le Général Werner depuis
le 1 de ce mois , n'a point de terme fixe :
mais on nepourra le rompre , de l'un ou de l'autre
côté , qu'en s'avertiffant trois jours auparavant.
La même convention a eu lieu entre le Maréchal
de Daun & le Prince de Bevern.
Le Général Beck a pris fon quartier d'hyver à
Wartha , & le Baron de Loudon a établi le fien à
Scharfeneck. Le Général O- Donel remplace le
Maréchal de Dun pendant Phyver.
De DRESDE , le Décembre ,
La fufpenfion d'armes entre les armées Autrichienne
& Pruffienne n'a été réglée qu'après de
grands débats de part & d'autre. On eft convenu
de fixer une ligne de féparation entre les quartiers
refpectifs des deux Armées. La Ligne commence
à Marckliffa , paffe à Lobau , Bautzen , Ca-,7
184 MERCURE DE FRANCE .
mentz , Konigsbruck , vient finir à Groffenhayn,
& fuit le Canal qui communique de la Schvartz-
Elfter à l'Elbe . Les Autrichiens confervent de leur
côté le terrein qui eft entre le cours de la riviére
& celui du ruiffeau de Klein- Triebfche , en gagnant
la forêt de Tharand qui leur refte. Leur
ligne fuit la Wilde-Weifferitz jufqu'à ſa ſource
& de-là continue au pied des montagnes juſqu'à
Olmitz & Adorff , afin de couvrir la Bohème . Le
Général Haddick a détaché de fon Armée huit
Bataillons & quatre Régimens de Cavalerie ,
pour les joindre à l'Armée de l'Empire .
EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Erlang en Franconie
, le 7 Décembre.
On apprend de Bareuth que l'Armée de l'Empire
s'avance en force , pour obliger les Pruffiens
à fe retirer du Cercle. L'avant- garde , après avoir
repoufflé le Corps du Comte de Schulembourg ,
qui étoit à Creuffen , eſt arrivée à Saint Jean près
de Bareuth . Un Régiment de Cuiraffiers Autrichiens
& un Régiment de Dragons fe font portés à
Virbens & Neuftadt fur le Kulm , aux ordres du
Général Pellegrini. Le Prince de Stolberg doit
être de fa perfonne à Weiden , & le Général k léefel
doit avancer par le Haut Palatinat . On allure
que ces difpofitions ont déja fait retirer les Pruffiens
des environs de Bareuth On préfume que le
Général Kleift ne tiendra point à Bamberg , &
qu'il s'empreffera de rentrer en Saxe , pour ne
pas expofer aux hazards de la guerre le butin
confidérable qu'il a enlevé dans la Franconie.
On mande de Leipfick que le Roi de Pruffe s'eft
tranſporté à Gotha ; que la ville de Nuremberg a
été fermée il y a quelques jours, & que le Général
Kleift y eft entré avec un détachement pour y lever
des contributions.
JANVIER . 1763. 185
De la FRANCONIE , le 4 Décembre .
Le Corps du Général Kleift s'eft replié jufqu'à
Schleuffingen , où il a été renforcé par celui de
Trimbach , compofé de mille hommes. Le Général
Comte de Neuwied occupe les environs de
Plauen. L'Armée de l'Empire a établi fon quartier
général à Lauff , à quelques lieues de Nuremberg
, & l'on a diftribué des troupes dans les
villages circonvoisins. Cette Armée vient d'être
renforcée par fix Régimens Autrichiens , un Corps
de Huffards & un de Croates. Il eſt resté fix mille.
hommes dans le pays de Bareuth , afin de couvrir
les endroits les plus exposés.
De HAMBOURG , le 20 Décembre.
Suivant les nouvelles de Warfovie , le Comte
de Keyferling , Envoyé extraordinaire de Ruffie
auprès du Roi & de la République de Pologne ,
eft arrivé dans cette Capitale à la fin de Novembre.
On prétend qu'il eft chargé de traiter l'affaire
de la Courlande , & de concilier , s'il eft poffible
, les intérêts du Duc de Biren avec ceux du
Prince Charles ; mais on ne fait rien de précis fur
les véritables intentions de la Cour de Ruffie >
quoiqu'elles paroiffent très-favorables au Duc
Erneft- Jean.
Le fieur Simolin , Miniftre de Ruffie auprès du
Duc de Biren , a reçu de Mofcou des dépêches ,
par lesquelles on lui marque que la difcuffion qui
s'étoit élevée entre fa Cour & celle de Dannemarck
, au ſujet du Holſtein , étoit entiérement
terminée.
De RATISBONNE , le 20 Décembre.
Le Cercle de Baviere a formé une délibération
186 MERCURE DE FRANCE.
dont l'objet eft de prier l'Empereur de vouloir bien
permettre que l'on détachât de l'Armée de l'Empire
le contingent de ce Cerccle pour couvrir les
Etats qui le compofent . Le Cercle de Suabe , affemblé
à Ulm , a formé , à ce qu'on prétend , la
même délibération .
On mande de Berlin que le Comte de Finckenſtein
, Miniftre & Secrétaire d'Etat au département
des Affaires étrangeres, eft parti de cette
Ville le 13 de grand matin pour le rendre à Leipfick
, où Sa Majefté Pruffienne l'a mandé . Cette
nouvelle donne quelques efperances pour la paix
en Allemagne .
De MADRID , le 7 Décembre.
Avant- hier il eft arrivé de Paris un Courier
qui a apporté les ratifications des articles préliminaires
de Paix conclus entre cette Cour & celle de
France , d'une part ; & l'Angleterre & le Portugal
, de l'autre , & fignés le 3 Novembre dernier.
Sa Majefté a fait expédier auffi tot les ordres néceffaires
pour la ceffation des hoftilités.
De MALAGA , le 16 Novembre.
Le fieur Perrier de Salvert , Lieutenant de la
Frégate Françoife l'Oiseau , commandée par le
Chevalier de Modene , eft arrivée dans ce Port
avec cent quatre - vingt hommes de l'équipage,
On a fu de lui les détails fuivans concernant la
prife de ce bâtiment.
Le 23 Octobre dernier le Chevalier de Modène
découvrit , à la hauteur du Cap de Palos , un
Navire Anglois , auquel il donna la chaffe ; mais
ayant reconnu que c'étoit un vaifleau de guerre
fupérieur en force , il abandonna fa pourſuite &
prit chaffe à ſon tour . Vers les cinq heures du
JANVIER . 1763. 187
foir le vaiffeau ennemi l'atteignit , & le força de
fe rendre après un combat très - vif , qui dura
trois heures. La Frégate reçut trente coups de
canon à fleur d'eau ; quarante- huit hommes
furent mis hors de combat , & il y en eut treize
de tués , du nombre defquels font les fieurs de
Gineftous , de Mauperthuis & de Sainte - Croix .
Le Chevalier de Modene a eu le bras droit emporté
d'un coup de mitraille ; le fieur Perrier de
Salvert une forte contufion au bras , & le fieur de
Chalus une légére bleffure à la main . L'ennemia
eu vingt hommes tués ou bleflés . Le bâtiment Anglois
eft la Brune , Frégate de trente- quatre piéces
de canon & de deux cens foixante hommes
d'équipage. Elle a conduit fa priſe à Gibraltar ,
où eft refté le Chevalier de Modene , dont la
bleffure ne laiffe pas craindre pour ſa vie .
De CIVITA-VECCHIA , le 16 Décembre.
Les démêlés de la Cour de Rome avec la République
de Gênes fubfiftent toujours dans le
même état. La République a demandé la médiation
du Roi des deux Siciles , & l'Abbé Cazali
eft actuellement à Naples pour négocier
cette affaire.
On a déja commencé à deffécher les Marais
Pontins , & les premiers travaux ont été fort heureux
; mais il eft à craindre que cette belle &
grande entreprife ne fott funefte aux habitans des
campagnes voisines , & peut-être de Rome même.
Le remuement de ces terres marécageules pourroit
bien dans les chaleurs dé l'été infecter l'air ,
& répandre des maladies dans les environs.
De la BASTIE , le 22 Novembre.
1
Il n'eſt pas vrai , comme on l'avoit appris d'un
188 MERCURE DE FRANCE.
Navire arrivé ici dernierement , que nos trou?
pes le foient emparées de Rogliani. Paſcal Paoli ,
eft encore à Cafinca.
Le Vifiteur Apoftolique eſt toujours dans l'Etat
de Gênes , quoiqu'on ait répandu le bruit qu'il :
en étoit parti pour retourner en Italie.
De TURIN , le 2p Décembre.
La Princeffe Polixene de Savoye , fille du
Prince de Carignan , eft morte le zo , d'une maladie
de langueur , qui étoit la fuite d'une fiévre
inflammatoire avec oppreffion de poitrine . Elle
n'étoit agée que de feize ans ; la Cour prendra
le deuil demain à cette occafion , & le portera
quinze jours.
De LONDRES , le 16 Décembre.
Le Duc de Nivernois a eu aujoud'hui fa
premiere audience du Duc d'Yorck , Frere du
Roi. Ce Miniftre a toujours de fréquentes conférences
avec les Miniftres du Roi , au füjer
du Traité définitif, auquel les difpofitions de la
Nation ne paroillent apporter aucune difficulté.
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
De VERSAILLES , le 20 Décembre.
LSB 12 de ce mois , le Duc de Praflin prêta
ferment entre les mains du Roi pour la Lieutenance-
Générale de la Province de Bretagne.
Le Premier Préſident du Parlement de Dombes ,
accompagné des Députés de ce Parlement , fur
préfenté au Roi , à la Reine , & à la Famille
Royale. La Comteffe de Levis cut le même hon
I
JANVIER. 1763. 189
neur , & fut préſentée par la Maréchale de Mirepoix
. Le même jour , Leurs Majeftés , ainfi
que la Famille Royale , fignerent le Contrat
de Mariage du Marquis de Noailles avec la
Demoiſelle de Drofmenil .
que
Le 13 , l'Evêque de Tulles a prêté ferment'
entre les mains de Sa Majefté dans la Chapelle
du Château.
Le fieur de Sulauze , Conful , & chargé des
affaires du Roi à Tunis , ayant demandé la retraite
, Sa Majeſté a nommé à cette Place le
fieur de Saizien , Secrétaire du Duc de Praflin
Miniftre & Secrétaire d'Etat au département des
Affaires étrangeres.
Le 21 le fieur de Mello , Miniftre Plénipotentiaire
du Roi de Portugal , eut une audience partieuliere
du Roi , dans laquelle il remit fes Lettres
de créance à Sa Majefté . Il fut conduit à cette
audience, ainfi qu'à celles de la Reine , de Monfeigneur
le Dauphin , de Madame la Dauphine ,
de Monfeigneur le Duc de Berry , de Monfei
gneur le Comte de Provence , de Monfeigneur le
Comte d'Artois , de Madame , de Madame Adélaïde
& de Mefdames Victoire , Sophie & Louiſe ,
par le fieur de la Live , Introducteur des Ambaffadeurs.
La Comteffe de Sommyewe a eu l'honneur
d'être préfentée le 19 à Leurs Majeftés & à la
Famille Royale par la Comteffe de Choiſeul-
Beaupré. Le même jour le Chevalier de Beautteville
a été préfenté au Roi , en qualité d'Ambaſſadeur
de Sa Majeſté en Suiffe , par le Duc de
Choiseul.
Le 22 , le Maréchal Prince de Soubife eft arrivé
à la Cour , & a eu l'honneur de faire les révé
rences à Leurs Majeftés & à la Famille Royale.
190 MERCURE DE FRANCE.
Le 28 la Comteſſe de Saint - Simon- Sandricourt
a eu l'honneur d'être préfentée à Leurs Majeftés ,
ainfi qu'à la Famille Royale , par la Comteffe
d'Helmftalt.
Le fieur Bertin , Controlleur Général des Finances
, a prêté ferment entre les mains de Sa
Majefté le 26 pour la Charge de Grand Tréforier.
de l'Ordre du Saint Eſprit.
Le Roi a donné l'Abbaye du Gard , Ordre de
Citeaux , Dioceſe d'Amiens , à l'Abbé de Talleyrand
, Aumonier de Sa Majefté , & Vicaire Général
du Diocéfe de Verdun. Celle du Breuil ,
Ordre de Saint Benoît , Diocéfe d'Evreux , à
l'Abbé de Beguilhan de l'Arbouft , Abbé de Saint
Chignan , Maître de l'Oratoire de Sa Majefté ,
ci-devant Vicaire Général du Diocéfe de Meaux ;
& de celle des Chanoineſſes de Lons - le - Saunier
Ordre de Sainte Claire , Diocéfe de Besançon , à
la Dame de Montigny , Chanoineffe du même
Chapitre.
Le Roi vient de créer une Charge de Médecin
Oculifte , attaché à fa Perfonne , & en a donné
le Brevet au Sieur Demours Médecin de la
Faculté de Paris , qui depuis plus de 30 ans s'eſt
appliqué avec fuccès au traitement des maladies
des yeux qui ne demandent pas l'opération
de la main .
Du 8 Janvier 1763.
Le premier de ce mois , les Princes & Princelles
, ainfi que les Seigneurs & Dames de la
Cour , ont rendu leurs refpects au Roi à l'occafion
de la nouvelle année. Le Corps de Ville de
Paris a eu le même honneur.
Les Chevaliers , Commandeurs & Officiers de
l'Ordre du Saint Elprit s'étant affemblés dans le
JANVIER. 1763. 191
Cabinet du Roi vers les onze heures du matin ,
Sa Majeſté a tenu un Chapitre dans lequel Elle
a nommé Chevalier de cet Ordre le Prince de
Lamballe , fils du Duc Penthievre. Après le Chapitre
, le Roi s'eft rendu à la Chapelle précédé
du Duc d'Orléans , du Duc de Chartres , du
Prince de Condé , du Comte de la Marche , du
Duc de l'enthievre & des Chevaliers , Commandeurs
& Officiers de l'Ordre . Les deux Huifiers
portoient leurs maffes devant Sa Majesté qui
étoit revêtue du Manteau Royal , le Collier de
l'Ordre pardeffus , ainfi que celui de l'Ordre de
la Toifon d'or. L'Evêque Duc de Langres , Prélat
Commandeur a célébré la Grand'Melle à laquelle
la Reine , Madame la Dauphine , Madame
Adélaïde , & Meſdames Victoire Sophie &
Louife ont affifté dans la Tribune. La Comteffe
de Beaumont a fait la quête. Après la Melle
le Roi fut reconduit à fon Appartement en la
>
maniere accoutumée .
Le même jour , le Marquis d'Aubeterre fut
préfenté à Sa Majesté en qualité d'Ambaſſadeur
Extraordinaire à Rome , par le Duc de Praflin.
Le Roi vient d'accorder les grandes entrées à
la Princelle de Talmont.
Le 2 , Leurs Majeftés , ainsi que la Famille
Royale , fignerent le contrat de mariage du Marquis
de Bellunce avec la Demoiſelle de Drofmenil
, cadette .
Le Roi vient de faire Duc à brévet le Maréchal
d'Eftrées .
Le Comte de Luſace eſt arrivé ici le 4 .
Le Roi a nommé à l'Evêché de l'Efcar l'Abbé
de Noé , Vicaire Général du Diocéfe de Rouen ;
& à l'Evêché d'Aleth l'Abbé de la Cropte de
Chanterac , Vicaire Général du Diocéle d'Autun.
192 MERCURE DE FRANCE .
Sa Majefté a donné l'Abbaye de Sablonceaux ,
Ordre de S. Auguſtin , Diocéle de Saintes , à l'Abbé
Duglas , Vicaire Général du Diocéſe d'Auch ;
celle de Loc - Dieu , Ordre de Cîteaux , Diocéfe de
Rhodès , à l'Abbé Gaſton , Précepteur du Prince
de Lamballe ; & celle de S. Cyprien- les - Poitiers ,
Ordre de S. Benoît , Diocéfe de Poitiers , à l'Abbé
de Lantillac , Vicaire Général du Diocéfe de
Blois.
De PARIS , le 24 Décembre 1762.
Le fieur Gor, Commiſſaire général des fontes de
l'Artillerie , a fondu le 20 Novembre dernier ,
l'Arfénal , les deux figures en bronze qui doivent
accompagner la Statue Equeftre du Roi que la Ville
de Reims fait élever en l'honneur de Sa Majefté .
Cette Statue fera pofée au milieu d'une Place à la
conftruction de laquelle on travaille actuellement
fur les deffins & la conduite du ſieur le Gendre ,
Ingénieur en Chef des Ponts & Chauffées de la
Province de Champagne. Les deux Figures ont
été coulées du même jet , & l'opération a parfaitement
réuffi . On ne tardera pas de jetter en
fonte la Statue même. Ce Monument , qui fait ,
tant d'honneur au zéle & au goût de la Ville de
Reims , eft de la compofition du fieur Pigalle ,
Artiſte célébre , qui a mérité d'être choisi pour
fuccéder aux travaux du grand Bouchardon , par
Bouchardon lui- même.
L'Ordre Royal , Militaire & Hofpitalier de Notre-
Dame du Mont Carmel & de S. Lazare de
Jérufalem , a fait célébrer le Lundi , 20 de ce
mois , dans la Chapelle du Louvre , la fête de
S. Lazare , Patron de l'Ordre . Le Comte de faint
Florentin a affifté à cette cérémonie avec les
Grands Officiers & plufieurs Chevaliers & Commandeurs
Eccléfiaftiques , tous en habits de cérémonie
JANVIER. 1763. 193
>
monie de l'Ordre. L'Abbé de Schulemberg
Commandeur Eccléfiaftique de l'Ordre , y a officié
, le 22 du mcme mois , on a célébré dans la
même Chapelle l'anniverfaire pour les Chevaliers
défunts.
Le 20 , le Duc de Praflin , Miniftre & Secrétaire
d'Etat , ayant le Département des Affaires
Etrangères , fut reçu & prit féance au Parlement
en qualité de Pair de France. Le Duc d'Orléans ,
le Prince de Condé , le Comte de Clermont , le
Prince de Conti , le Comte de la Marche , Princes
du Sang , & la plupart des Pairs Eccléfiaftiques
& Séculiers , affifterent à la réception.
Du 10 Janvier 17636
Le 30 du mois derniet , les Feuillans de la rue
S. Honoré célébrérent dans leur Eglife un Service
folemnel pour les Officiers & Soldats morts
dans les troupes du Roi pendant la dernierecampagne.
Les , on a tiré la Loterie de l'Ecole Royale
Militaire ; les Numéros fortis de la roue de Forsune
font, 69 , 89 , 66 , 82 20. Le prochain
tirage fe fera les Février.
Il paroît une Ordonnance du 10 Décembre
1762 , concernant l'Infanterie Françoife : les difpofitions
qu'elle renferme meritent qu'on entre
dans les détails .
D'après cette Ordonnance , douze Régimens
feront confervés à quatre bataillons : fept Régi
mensferont portés à quatre batallions , au moye
de fept Régimens qui y feront incorporés : ving
deux Régimens feront confervés à deux bataillo
& un à un bataillon : dix-fept Régimens de de
bataillons , & fix d'un bataillon , feront affe
au fervice de la Marine : Sa Majeſté , pour
II. Vol. I
a
194 MERCURE
DE FRANCE
.
la connoiffance & la mémoire des actions des
Régimens de fon Infanterie veut qu'à l'avenir
ils portent tous des noms de Provinces ; les Régimens
qui changeront de noms conferveront le
rang dont ils jouillent actuellement dans l'Infanterie
: les Régimens affectés au fervice de la Marine
conferveront auffi leur rang & leur fervice
dans l'Infanterie & dans les circonstances où
ces Régimens ne feroient utiles ni dans les Colonies
ni dans les Ports , ils feront employés dans
les Armées comme les autres Régimens , qui pareillement
ferviront aux Colonies , lorfque ceux
que S. M. y deftine particuliérement n'y fuffiront
pas. Chacune des Compagnies de Grenadiers fera
foit en temps de paix , foit en temps de guerre ,
commandée par un Capitaine , un Lieutenant &
un Sous Lieutenant , & compofée de deux Sergens
, d'un Fourrier , de quatre Caporaux , quatre
Appointés , ( place créée dans la préfente Ordonnance
pour être fubftituée à celle d'Anfpellade
qui fera fupprimée ) de quarante Grenadiers , &
d'un Tambour : les compagnies de Fufiliers feront
, en tout temps , commandées par un Capi-
' taine , un Lieutenant & un Sous-Lieutenant ,
compolées en temps de paix de quatre Sergens
d'un Fourrier de bruit Caporaux , huit Appointés,
quarante Fufiliers & de deur Tambours . Sa Majefté
le réserve de choisir & de nommer à l'avenir
les Lieutenans - Colonels & les Majors . La charge
de ces derniers qui , dorénavant , auront fur les
Capitaines Fautorité dont ils ont befoin pour rem
plir leurs fonctions , fera dans tous les Régimeas
d'Infanterie un grade fupérieur à celui de Capitaine
, & conduira immédiatement au grade de Lieutenant Colonel ou de Colonel : ilfera établi
une caiffe , où tout l'argent de la folde & de la
&
BOJANVIER. 1763. 195
maſſe , ou de toute autre pattie qui appartiendra
à chaque Régiment , fera enfermé, & l'on crée un
Tréforier qui en aura la régie , fubordonnément
aw Colonel & au Major , fous les ordres du Secrétaire
d'Etat ayant le Département de la Guerre.
Le terme des engagemens fera fixé à l'avenir à
huit années au lieu de fix ; les hautes - paies ne
rengageront point , & les congés feront donnés à
leur expiration . S. M. donnera les ordres pour
faire délivrer dès- a - préfent le congé abfolu aux
quatre plus anciens Soldats de chaque Compagnie
dont les engagemens font expirés , les Soldats
qui auront contracté un fecond engagement , &
qui voudront enfuite fe retirer chez eux & non
ailleurs , y toucheront la moitié de leur folde , &
S. M. leur fera délivrer tous les huit ans un habit
del'uniforme du Régiment dans lequel ils auront
fervi : quant à ceux qui auront contracté on troifiéme
engagement , ils auront le choix ou d'être
reçus à l'Hôtel des Invalides , ou de fe retirer chez
eux avec leur folde entiere , & S M. leur fera déhvter
tous les fix ans un habit de l'uniforme du
Régiment dans lequel ils auront fervi : il y aura
dorénavant une paie de paix & une paie de guerre.
On affigne au Colonel , outre fes appointemens
de Capitaine , 3ooo livres par an , en temps de
paix , & 3600 livres en temps de guerre , au
Lieutenant-Colonel , outre fes appointemens de
Capitaine , 2000 livres en paix , & 3000 livres en
guerre à chaque Major des Régimens de quatre
bataillons , oco liv . en paix , & 4500 livres en
guerre : à chaque Major des Régimens de deux &
d'un bataillon , 2880 livres en paix , & 4000 liv .
en guerre : au Commandant de bataillon qui fera
créé pendant la guerre , 4000 livrés à chaque
Aide-Major , avec commiffion de ' Capitaine ,
:
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
froo liv, en paix , & 2400 liv. en guerre : à chaque
Aide- Major fans commillion de Capitaine
900 livres en paix , & 1800 liv. en guerres à cha
que Sous- Aide-Major , 600 liv. en paix , & Dea
liv. en guerre au Quartier- Maître 1, 554490 livres
en paix , & 80 livres en guerre à chaque Porte-
Drapeau , 450 liv . en paix, & 600 liv. en guerre i
au Tréforier d'un Régiment de quatre bataillons ,
1000 livres en paix , & 3000 livres en guerres;
au Tréforier d'un Régiment de deur & d'un ba¬
raillon , 1200 livres en paix , & 2009 livres en
guerre: au Tambour-Major, as livres en tout
temps à l'Aumônier , soo livres en paix , &
726 livres en guerre , au Chirurgien , foo divres
en paix , & 720 livres en guerre. Dans les com→
pagnies de Grenadiers , à chaque Capitaine , 2008
fivres en paix & 3000 livres en guerre ; au Lieu-*
renant , 900 livres en paix , & 1200 livres en
guerres au Sous Lieutenant , 600 livres en pain
& 900 livres en guerre ; à chaque Sergent , 232:
livres en paix & 228 livres en guerre , au Fourrier
, 189 livres en paix & 186 enguerre
chaque Caporal , 156 livres en paix & 161 en
guerres à chaque Appointé , 138 livres en paix ,
& 144 livres en guerre ; à chaque Grenadier &
Tambour , 110 livres en paix , & 126 livres en
guerre. Dans les compagnies de Fusiliers
Capitaine , 1500 livres en paix , & 2400 livres
en guerre au Lieutenant, 600 livres en paix &
1000 livres en guerre , au Sous Lieutenant , 140
livrés en paix , & 800 livres en guerre ; à chaque
Sergent , 204 livres en paix , & 210 livres en
guerre ; au Fourrier , 162 livres en paix , & 168
en guerre , à chaque Caporal, 138 livres en paix,
& 144 en guerre ; à chaque Appointé , 110 live
en paix & 126 en guerres à chaque Fufilier &
yan
1
JANVIER. 1763. 197
Tambour , 102 livres en paix , & 108 livres en
guerre. Lorsque les Régimens deftinés aux Colonics
auront ordre d'y paffer , en temps de paix ,
ils toucheront la moitié en fus defdits appointe
meris & folde du jour de leur embarquement
jufqu'au jour de tear débarquement à leur retour
en France ; & lorsqu'ils s'embarquerent pour les
Colonies , en temps de guerre , ils toucheront les
appointemens & folde réglés pour le temps de
guerre , & la moitié en fus deldits appointemens
& folde , dujour de leur embarquementjufqu'au
jour de leur débarquement à leur retour en
France: its recevront trois mois d'avance lorfqu'ils
s'embarquerent , indépendamment de la
fubfiftance , fur les Vaiffeaux : Sa Majefté fe
charge à l'avenir des recrues , des armemens
& défend aux Officiers de donner des congés
abfolus : quoique les Capitaines ne foient plus
chargés ni des recrues , ni de l'entretien de leur
troupe , ils feront néanmoins obligés de veiller
au bien-être des Soldats , fous peine de punition:
les Officiers ne pourront s'abfenter qu'en s'engageant
faire deux hommes de recrue au-deffus
de cinq pieds deux pouces : dorénavant tous les
Régimens de l'Infanterie Françoile , à la réſerve
de celui des Gardes- Lorraines , feront habillés
de blanc , avec des marques diftinctives pour
chacun. Il fera fait une revue exacte d'inſpection
& de fubfiftance defdits Régimens. Les Soldats
réformés feront partagés en plufieurs claffes pour
être conduits par étape jufqu'à la premiere Ville
de leur Province , par des Officiers choifis à cet
effer & chargés de leurs congés . Les congés ne
feront délivrés à aucun defdirs Soldats que lorf
qu'ils feront rendus dans l'endroit de leur réli-'
dence. Les Officiers conducteurs auront une gra-
"
I
iij
198 MERCURE DE FRANCE.
tification de cent cinquante livres. Il fera donné à
chacun des Soldats réformés un habit , un chapeau
& trois livres. Il leur eft défendu de s'écarter de
leur route, & il eft enjoint aux Prévôts des Ma “
réchauffées d'y veiller , & d'empêcher toute ef
péce de défordre parmi eux. Leurs armemens
feront remis aux magafins du Roi. Les Colonels
jouiront de quinze cens livres de penfion for le
Tréfor Royal , jufqu'à ce qu'ils foient remplacés.
S. M. donnera de plus fes ordres pour leur faire
rembourfer le prix de leurs Régimens , s'ils l'ont
payé , fur le pied qu'elle a fixé. Tous les autres
Officiers réformés jouiront en penfion fur le Tréfor
Royal ; favoir , les Lieutenans Colonels , de
douze cens livres ; les Capitaines de Fufiliers qui
auront vingt ans de fervice de quatre cens livres ;
ceux qui n'auront pas vingt ans de fervice de trois
cens livres feulement ; voulant au furplus S. M.
que lefdites penfions ne foient payées qu'à ceux
defdits Officiers' qui fe retireront chez eux & nom
ailleurs , & qui s'y employeront a la levée du ba
ta llon de recrue qui y fera affemble. A l'égard
des Lieutenans ou Enfeignes qui feront réfor
més , S. M. entend qu'ils fe retirent dans leurs
Provinces pour y remplir les emplois qu'Elle
leur deftine ; le réfervant de leur faire connoître
fes intentions fur cet objet lorſqu'on lui aura rendu
compte de leurs fervices & de leurs talens .
Ceux des Lieutenans ou Enfeignes réformés qui
feront fortis de l'Ecole Militaire, feront remplacés
par préférence à tous nouveaux Sujets ; & en
attendant , ils jouiront chez eux de deux cens liv.
d'appointemens .
Cette Ordonnance eft terminée par un état
arrêté par le Roi de l'uniforme qui a été ré-,
glé pour l'habillement & équipement de chaque
Régiment d'Infanterie Françoile.
JANVIER. 1763 . 199
Tl vient de paroître encore fix autres Ordonnances
du Roi. Par la premiere datée du 20 Novembre
1762 , Sa Majefté licentie les Compagnies
de Guides , de Brunelly & de Metzenius qui
fervoient à fon armée d'Allemagne. Par la feconde
datée du même jour , le Roi réforme la Compagnie
des Chaffeurs de Bon , ci- devant Monet.
La troifiéme , du 26 Novembre , porte amuiſtie
en faveur des Officiers Mariniers & Marelors déferteurs
du Service de S. M. La quatrième , du 1 .
Décembre , porte fuppreffion des quatre onces
dont la ration de pain de inunition avoit été
augmentée pendant la guerre pour toutes les
troupes de S. M. Par la cinquième , du 4 Décembre
, S. M. ayant reconnu que le nombre de
fes Ingénieurs ordinaires , fixé à 300 par les Ordonnances
antérieures , n'étoit pas fuffifant pour.
remplir fon fervice , en fixe pour l'avenir le
nombre à quatre cent qui porteront exclufivement
la dénomination d'Ingénieurs ordinaires du
Roi. La fixiéme du 20 Décembre concerne la
vente de chevaux , de canons & de pelottons ,
& la fuppreffion du fupplément de folde que S. M.
avoit accordé aux Sergens & Soldats Cannoniers
attachés au fervice des piéces de canon à la Suédoife
, établies dans les Régimens d'Infanterie
Françoile & Etrangere .
1
MARIAGES.
Lundi , 13 Décembre le Duc de la Rochefoucault
a époufé la Demoiſelle de Gand, Nicce
du Maréchal Prince d'Ifenghien . L'Archevêque
de Rouen leur a donné la Bénédition Nuptiale
dans la Chapelle particuliere du Prince.
Paul Comte de Montalembert , Chevalier Seigneur
de Maumont Lavigerie &c . Epoula le 28-
I iv
200. MERCURE DE FRANCE.
Décembre dernier , Jeanne Ainflie , fille de George
Aindie , Ecuyer Seigneur de Pittown en
Ecofle & de Dame Jeanne Anftruther. La Béné→
diction Nuptiale leur fut donnée à Angouleme
en l'absence de M. l'Evêque , par l'Abbé de
Girac , Vicaire Général & Doyen du Chapitre..
La Maifon de Montalembert porte pour armes
d'argent à la croix encrée de fable. Elle tire fon
origine des anciens Seigneurs de la Terre de
Montalembert fituée fur les confins du Poitou
& de l'Angoumois , qu'ils poffédoient dès l'an
1200. Guillaume III de Montalembert , fils de
Jean III & de Sibile de Gourville , eut poar
femme Honoré de Ligniere , & reçut une reconnoiffance
de Johan de Puipolin le Lundi après
la Saint Michel 1282 ,
On ne donnera point ici la généalogie de cecre
Mailon , dont tous les Hiftoriens ont fait mens
tion avec éloge , & nommément à l'occafion
d'André de Montalembert,Comte d'Effé, Seigneur
de Ponvillier en Poitou On fçait qu'il fut premier
Gentilhomme de la Chambre des Rois Françóis,
premier & Henri II , Chevalier de l'Or
dre du Roi , Lieutenant Général & Comman,
dant fes Armées dans la guerre d'Ecoffe
& qu'il for un des plus braves & des plus renommés
Capitaines de fon temps Sa mort le
priva , felon Dubouchet , du Bâton de Maréchal
de France. Il fut tué fur la brêche en défendapt
Theroenne où il commandoje te 12-Juin15:53 .
La Branche des Marquis de Montalembert ,
dite de Vaux , qui eft celle dont il eft ici quef
tion , a poffé dé la Terre de Vaux dans cette Pros.
vince depuis Louis de Montalembert , fils de René
de Montalembert & de Léonore de Voluire , le
quel époufa par contrat du 20 Février 143 S
JANVIER. 1763. 201
Jeanne de Vaux , fille unique & héritiere de
Jean de Vaux , Ecuyer , & de Marie de Morriere
.
Paul , Comte de Montalembert qui a donné
lieu à cet article , eft fils de Jacob Comte de
Montalembert , Seigneur de Moumont , & c. & de-
Marie Vigier de la Vigerie , & frere puîné de
Marc-René, Marquis de Montalembert , Maréchal
des camps & armées du Roi , Lieutenant
Général des Provinces de Saintonge & Angoumois
, Enfeigne de la Compagnie des Chevaux-
Légers de la Garde du Roi , Gouverneur de Ville-
Neuve d'Avignon , de l'Académie Royale des
Sciences de Paris , & de l'Académie Impériale de
Pétersbourg.
MORT S
Le 21 Octobre dernier mourut au Château de
S. Mandé Dame Claude de Volon de Montmain ,
veuve de Meffire Jean- Baptifte - Jules de Ricard ,
Chevalier , Baron de Courgy , Seigneur de Chenevieres-
fur - Marne , Confeiller du Roi en fes
Confeils , fecond Préfident de la Cour des Aides
de Paris.
Elle laiffe deux enfans , Meffire Marc-Antoine
de Ricard ' , & Dame Philiberte- Blanche de Ri
card , époufe de Meffire Jacques- François de Berulle
, Chevalier , Comte de Berulle , Seigneur de
S: Mandé , fils , frere & oncle des trois Magiftrats
de ce nom qui ont occupé fucceffivement la
place de premier Préfident du Parlement de Dauphiné,
Commandant dans ladite Province , &
arriere-petit- neveu du Cardinal de ce nom "
Fondateur de la Congrégation de l'Oratoire .
Cette Dame étoit la derniere du nom de la
Maifon de Volon , établie depuis long temps
I v
202 MERCURE DE FRANCE .
en Bourgogne , où elle a formé deux branches
celle des Seigneurs de Montmain & celle de
Seigneurs de Mimure : elle a donné plufieur
Officiers, dans les troupes du Roi , qui y ont
rempli divers emplois , entr'autres un Chevalier
de Malthe , tué à la bataille de Senef , Major
du Régiment des Gardes des Gouverneurs de
Place & Lieutenans- Généraux des Armées du
Roi. Le dernier de la branche des Seigneurs de,
Montmain , qui étoit frere de ladite Dame , étant.
mort fans enfans de Magdelaine Fouquet , four,
du Maréchal Duc de Belle - Ifle..
Et le Marquis de Mimure , dernier de ſa branche
, Menin de Monfeigneur fils unique du Roi
Louis XIV , étant aufli mort fans poſtérité ,
Lieutenant Général des Armées du Roi , & Gouverneur
des Villes & Châteaux d'Auxonne. Cette
Maifon portoit d'azur à la licorne d'argent.
Marc Antoine de Ricard , fils de ladite Dame ,
eft le dernier mâle de fa Maifon , établie en
Provence dès l'an 1080 , comme le juftifie une 、
chartre de ladite année , tirée des Archives de
l'Archevêché d'Aix à l'occafion de la fondation
des Chapelles de Notre Dame & de S. Sauveur ,
à la confervation defquelles Roftang , Archevêque
d'Aix , veilloit à la priere d'Ifnard , d'Amelin &
de Pierre Ricard , trois freres fondateurs defdites
Chapelles.
Cette Maiſon a fait plufieurs branches en Provence
, en Bourgogne , en Quercy & en Italie.
Elle a donné nombre de Magiftrats , d'Officiers
de terre & de mer , des Gouverneurs de Place ,
Châteaux & Villes.
ㄌ La branche établie en Quercy a donné un
Grand - Maître d'artillerie , qui préta ferment de
Décembre 1479. Cette branche , cette place le
14
JANVIER. 1763 .
203
qui étoit établie dans cette Province dès 1352 ,
n'y eft plus connue que fous le nom de Gourdon
Genouillac.
Dans la branche de Provence il y a eu un
Envoyé extraordinaire dans les Cours d'Espagne ,
de Portugal & d'Angleterre , au retour defquelles
il fut fait Confeiller d'Etat , & eut des Lettres de
conceffion pour ajouter à l'écu de fes armes un
chef d'azur chargé d'une fleur de lys d'or.
- ·
Cette Maiſon a aufli fourni grand nombre de
Chevaliers de l'Ordre de S. Jean de Jerufalem
antérieurement à 1364 , que Jean Ricard étoit
Commandeur d'Aix , juſqu'en 1745 & 1756 ,
que font morts les deux derniers Baillifs de ce
nom ; Grand-Croix de cet Ordre , & qui s'y font
diftingués par plufieurs actions mémorables.
La branche aînée de la Maifon de Ricard , qui
polle le en Provence les Marquifats de Ricard
& de Breganfon ne fubfifte plus qu'en trois filles."
"'
L'aînée a épousé M. le Vicomte de Narbonne-
Pelet , Lieutenant-Général des Armées du Roi
Gouverneur des Villes , Châteaux & Vignerie de
Sommieres .
La feconde a époufé M. le Marquis de l'Eltang-
de-Parade.
La feconde branche eft fondue dans la Maifon
de Rochemore , établie en Languedoc.
Et la troifiéme , qui étoit établie en Bourgogne
, ne fubfifte plus que dans les deux enfans de
Madame la Préfidente de Ricard, qui donne lieu
au préfent article .
Marie-Jeanne de Durfort de Lorge , fille unique
du Duc de Randan , époufe de Jean Brera -
gne Charles Godefroi , Sire de la Trémoille , Duc
de Thouars en Poitou , Pair de France , Comite
I vj
204 MERCURE * DE FRANCE.
de Laval au Maine & de Montfort en Bretagne ,
Baron de Vitré , Meftre de Camp.du Régiment
d'Artois , eft morte en cette Ville le 10 Décembre
dernier dans la vingt -huitiéme année de fon
âge.
Jofeph-François de Bocaud , Evêque d'Aleth ,
Abbé Commendataire de l'Abbaye Royale de
Loc- Dieu , Ordre de Citeaux , Diocefe de Rhodez ,
eft mort en fon Palais Epifcopal le 6 du même
mois , âgé de 27 ans.
Urbin Balthafar , Chevalier d'Aubigné, Maréchal
des camps, & armées du Roi , Commandant
de Rouen , y eft mort le 12 dans la quarante-
quatrième année de fon âge.
Le Sieur Evrard Titon du Tiller , ancien Capitaine
de Dragons , Maître d'Hôtel de feue
Madame la Dauphine , Mere du Roi , & ancien
Commiffaire Provincial des Guerres , eft décédé à
Paris le 26 du même mois , âgé de 86 ans , Ika été
préfenté à Ste Marguerite la Paroifle , & inhuméau
Couvent des Dames Hofpitalieres de S. Mandé ,
où eft la fépulture de fa famille. Il s'eft rendu
recommandable par fon amour pour les Savans
& pour les Belles Lettres , en l'honneur defquelles
il a élevé un monument en bronze , connu fous
le nom de Parnaffe François . Ses ouvrages Font
rendu célebre dans fa nation & chez tous les
étrangers , qui l'ont admis dans leurs Académies
.
François Deya , Marquis de la Salle , Maréchal
des Camps & Armées du Roi , ci- devant
Maréchal des Logis & Aide- Major de la feconde
Compagnie des Moufquetaires , eft mort le 29
Novembre à Tonnerre , dans la foixante- dixhuitième
année de fon âge.
Marie, Louife Perrine Richard de Fondville',
JANVIER. 1763. 205
Marquise de Chamborant , époufe d'André-
Claude , Marquis de Chamborant , Brigadier des
armées du Roi , Meftre de Camp du Régiment
de Cavalerie Hongroife de fon nom , elt morte
à Paris le 28 du même mois dans la vingtuniéme
année de fon âge.
-Etienne Jouan , Abbé Commendataire de
l'Abbaye de Quarante , Ordre de S. Auguftin ,
Diosefe de Narbonne , eft mort à Paris le 2 Janvier
1763 , âgé de 85 ans.
Jean- Baptifte- François de Villemeur , Lieutenant
Général des Arinées du Roi , Inſpecteur
d'Infanterie , Grand'Croir de l'Ordre Royal &
Militaire de Saint Louis , Gouverneur de Monmedy
, mourut à Paris le même jour dans la
foixante-cinquième année de fon âge.
Hardouin- Therefé de Morel , Marquis de
Putangé, Lieutenant Général des Armées du Roi ,
Gouverneur des Ville & Chateau de Péronne
eft mort le 4 du même mois , âgé de 76 ans.
Reine de Madaillan de Lefparre , veuve de
Léon de Madaillan de Lefparre , Marquis de
Laffay , eft morte les dans la foixante dix- neuviéme
année de fon âge.
Le 21 Décembre dernier Sa Majesté a fait la
promotion fuivante d'Officiers Généraux & de
Brigadiers.
LIEUTENAN S- GENERAUX.
Les freurs de Nugent de Blaru , Marquis d'Efpinchal
, Marquis de Laftic , Marquis de Saint-
Simon , Comte de Lhôpital- Sainte - Mefme , de
Saint-Jal , Chevalier de Croifmare , Comte de
Fouquet, Marquis de Bonnac , de Curzay`, Ba206
MERCURE DE FRANCE.
ron Dieskau , Marquis de Roquepine , Marquis
de Monti , Marquis de Trainel Comte d'Egmont
, Chevalier de Redmont , Chevalier de Soupire
, de Glaubitz , Comte de Chabot , Comte
d'Aubigny , de Befenwald , Comte de Clermont-
Tonnerre , Comte de Maugiron de Baye , de :
Balleroy , Comte de Waldner , Vicomte de Merinville
Chevalier de Groflier , de Roftaing ,
Chevalier de Beautteville , Marquis de Bezons ,
Marquis de Langeron , Comte d'Harcourt-Lillebonne,
Marquis de la Chaftre , Baron de Traversd'Orteinstein
, Chevalier de la Cheze , d'Obenheim
, Marquis de Fenelon , de la Morliere
Baron de Blaizel , Comte de Choifeul- Beaupré ,
de Gayon , de Vizé , Comte de Billy , Marquis
d'Efpiés , Prince de Robecq , de Bourcet , de Filley
, de Gantés , Baron de Wurmfer , Marquis
de Pufignieu , Marquis de Lugeac , de Châtillon ,
de Cornillon Prince de Rohan Comte de
Thiars , Comte d'Estaing , Vicomte de Belfunce.
>
MARECHAUX DE CAMP.
Lesfieurs de Zurlauben , Chevalier de Saint-
Simon , de Varignon , de Hebert , de Fitz - Gerald
, de Bouville , d'Anteroche , de Reynold;
Marquis de Saint Herem , Chevalier d'Ally
Comte de Caftellanne , de la Trefne , Marquis
de Boufflers Rouvrel , de Varen , Baron de Stralenheim
, de Domgermain Marquis de Cruffol
d'Amboife , Marquis de Monpouillan , Comte
d'Aitly Ogilvy , Marquis de Vaubecourt , Baron
de Zuckmantel , Comte de Beaujeu , Comte de .
Brienne , Marquis d'Elparbés , de la Porterie , du
Portal , Noifet de Saint-Paul , Chevalier de Longaunay
, Chevalier de Timbrane de Valence
JANVIER. 1763 . 2073
Marquis de Juigné , de Vault Marquis de Fumel,::
de Bourlamaque , de Saint-André , de Labadie ,
du Boufquet , de Chaulieu,, Chevalier de Marbeuf
, de Boisclaireau , Comte d'Halwil , Vi- ›
comte de Barrin , de la Merville , Conte de Morant
, Marquis de Sablé , Marquis de Morbecq ,
Marquis de Molac , Comte de Narbonne , Marquis
de Chaftelux , Duc de Mazarin , Comte de
Morangies , Comte d'Archiac , Comte de Barrin ;
Marquis de Mefme , Comte de la Feronnays ,
Comte Deffalles , Comte de Valbelle , Marquis
de Gamaches , Marquis de Lufignan , de Surlaville.
BRIGADIERS D'INFANTERIE.
2
Les feurs de Ramfault , Cambis d'Orfans
Marquis de Briqueville , Vicomte de Vence ,
Chevalier , d'Obfonville , de Hirtzel , de Schneider,
Bernage de Chaumont , Comte de Rofen ,
Marquis de Coiflin , Comte de Jumilhac , de Nozieres
, le Camus de Bligny , de Guergorlay , du
Sauzay , Chevalier d'Arcy , Comte du Roure ,
Vicomte de Beaune , de Bulkeley , de Scheldon ,
de Moralt , Comte de Laftic , Comte de Montreveld
, de Schwengfeld , de Chatillon , Sabrevois
de Billey , de Gréaume , Delmaris de Brieres ,
de Bréande de Cofne , Baron de Wimpffen ,
Comte de la Luzerne , Comte de Souaftre , Vicomte
de Choifeul , de Maillardoz , Comte
d'Hauflonville , Baron d'Eptingen , de Dariffat ,
Chevalier de Jumilhac , Comte de Boifgelin ,
Comte de Montmorency Logny , Baron de Waldner
, de Coffigny , Comte de Grave , Baron de
Viomenil , Chevalier de Courten , de Comeiras ,
Chevalier de Jaucour , de Courten, Chevalier
208 MERCURE DE FRANCE .
de Saint- Mauris , de Grandpré , de Marfan , de
Fontette , Vicomte de Béon , de Merlet , Moulineuf
de Chatillon , de Lafferée , Virieu de Beau
veir , de Efcher , d'Hermankleim , d'Altermatt ,
de Voyenne, de Bonneval , de Verteuil >
BRIGADIERS DE CAVALERIE
Les fieurs de Geraldin , Chevalier de Scépeaux,
de Scépeaux , de Levignen , de Fargés , Comte de
Balincourt , Comte de Beauvilliers Pontecoulan ,
de la Vaupaliere , Comte de Teffé , Duc de la
Tremoile , Chevalier de la Billarderie , Marquiss
de Chamborans , de la Grange , Comte de Sa
luces , Comte de Talleyrand , Marquisd'Entragues
, Comte d'Ayen , Duc de Villequier , de
Touftain , d'Angé d'Orfay , de Militerni , Marquis
de Montmirail , Baron de Schomberg , Comte de
Marainville , Vicomte de Noé, Chevalier de Ray,
Poiffon de Malvoifin , Marquis de Touftain de
Viray , Marquis d'Hericy , Chevalier de l'Ifle , le-
Baillif de Menager , de Sombreuil , de Couet ,
Chevalier d'Efpinchal , Saumery de Piffons , de
Réalle.
BRIGADIERS DE DRAGONS!
Lest fieurs Comte de Donezan , de Verdieres ,
de la Blache , Marquis de Pons , de la Chaffagne.
Le Roi a difpofe des Régimens: vacans de la maniere
fuivante.
INFANTERIE
Champagne , Marquis de Seignelay: Piémont,
JANVIER. 1763. 209
"
Comte de la Tour-du- Pin- Paulin : Vaubecourt
Comte de Jumilhac : Montmorin , Comte de
Crenolle la Reine , Marquis de Tavannes :
Limofin, Marquis de Damas de Crux: Artois ,
Marquis de Sorans : la Sarre , Comte de Peyre :
Languedoc , Comte de Boeil : Aumont , Chevalier
de la Tour- du- Pin : Medoc , Comte de Tilly :
Cambrefis , de Gauville : Foix , Comte de Maulevrier
Langeron : Perigord , d'Efparbés : Royalla-
Marine , Chevalier de Saint-Mauris.
GRINADIERS ROYAUX.
·
D'Ailly , de la Rochefoucault Magnac : la
Trefne , Maret d'Aigremont : Longaunay , Comie
d'Offlife .
CATA RIB.
-
Du Roi , Duc de Charoft : Royal Piémont ,
Comte de Talleyrand : Royal Lorraine , Marquis,
de Touftain-Viray.
DRAGONS.
9 La Reine Comte de Flamareins : la Feronnays
, Vicomte de Chabor : Languedoc , Man
chault d'Arnouville.
Une place de Colonel dans le Régiment
Grenadiers de France au fieur de Montlibert.
des
210 MERCURE DE FRANCE.
ARTICLE VIII
ECONOMIE ET COMMERCE.
PRIX courant des Grains du 8
de ce mois.
FROMENT , le feptier , 15 liv . 5 f. à 16 liv. 10 f.
11 en a été vendu 12 liv .
Méteil , 9 liv . 10 ſ.
à
Seigle 8 liv . 10 f. 9 liv. ‹ f.
Orge , & liv. 10 f. à 9 liv.
Is liv. 10 f
Avoine , is liv. 10 f. à 18 liv . 10 f.
Avoine en banne , 16 liv . à 16 liv. 10f.
Lentilles 28 liv. 56 liv.
Haricots , 26 à 34 liv.
Vefce , 12 à 18 liv .
Sarrafin , 8 à 9 liv.
VOLAILLE & gibier à la mi-Janvier.
Gros Chapons , la pièce , 4 liv, 10 f. & 3 liv."
Poulardes , 3 liv. 2 liv. 10 f
Dindons gras , 6 liv . 4 liv . 10 f.
Poulet gras , 1 liv. 15 f. 1 liv. 10 f.
Poulet commun , I liv s f. 1 liv.
Lievre & Levreau , 3 liv . 10f, 9 liv , 2 liv . 10f.
Lapreau , liv. 5f.
Perdreau rouge , 2 liv. s f, 1 liv . 15 f. & 1 1.5 fo 5
Perdreau gris , 1 liv. 5 f, 1 liv. & 15
Canard de Rouen , 4 liv . & 3 liv .
f.
Canard fauvage , 2 liv. s f, 2 liv. & 1liv. 10
JANVIER. 1763. 211
Cercelle , 2 liv . & 1 liv. 10 f.
Pluvier , 2 liv , & 1 liv . 10 f.
Pigeon , 1 liv. &· 15 ·f.
Bécaffe , 2 liv. 15 f , 2 liv. 10 f.
Bécalline , 2 liv . & 1 livi IO f.
Marcaffin , to liv, & 7 liv .
Cochon de lait , 6 liv . & 4 liv.
Alouettes, le paquet , 1 liv. 10 f; 2 liv. 5 C.
Beurres & Cufs.
Le prix des Beurres n'a point varié depuis no- !
treprécédent Article. Les OEufs de Gournai ont
été vendus 43 liv . le millier. Ceux de Lonjumeau
42 liv. & ceux de Picardie 38 liv.
FOIRE S. GERMAIN,
La Foire S. Germain des Prez ouvrira le 3 Fé
vrier. On fait que la franchiſe ne dure que is
jours , quoique la Foire continue jufqu'à la dere
niere femaine de Carême."
3
AVIS DIVER S.
Le fieur MAILLE , Diſtillateur fi connu dans
différentes Cours de l'Europe , par les excellentes
compofitions , donne avis aux Amateurs de Liqueurs
, qu'il vient de compofer une Liqueur
nouvelle nommée le Courier de Cythere ; l'Au- "
teur fe flatte que cette Liqueur par la délicateſſe
de fon goût , eft tout ce que l'on a pu faire de
mieux dans ce genre , jufqu'à préfent ; il continue
avec fuccès la vente du ratafiat des Sultanes
& le nouveau caffis blanc pour fortifier l'eftomach
& aider à la digeſtion des alimens ; comme
auffi le vinaigre romain pour conferver les
dents , les blanchir , arrêter le progrès de la ca
212 MERCURE DE FRANCE.
rie , empêcher que les autres ne fe carient, les
raffermir dans leurs alvéoles , guérir les petits
chancres & ulcéres de la bouche , prévient l'haleiné
forte & rafraîchit les lévres ; & différens vinaigres
foit pour guérir le mal de dent , dartre
farineufe , boutons , noircir les cheveux roux ou
blancs , ôter les taches , maſque de couche, blan
chir le vifage & empêcher les rides de la peau ,
& le véritable vinaigre des quatre voleurs préfervatifde
tout air contagieux . L'on trouve chez
le feur Maille toutes fortes de liqueurs , eaux
d'odeurs de quelque efpéce qu'on puiffe le defirer,
& vinaigres à l'ufage de la table, bain &
toilette au nombre de deux cent fortes. L'on s'adreffera
pour le Courier de Cythere , caffis blanc
& ratafiat des Sultanes & autres liqueurs & eaux
d'odeurs en fon magafin à Séve près Paris ,
raure de Verfailles , & pour les Vinaigres en fa
maifon à Paris, rue S. André des Arts, la troifiéme
porte cochère à main droite , Le prix des bouteilles
de pinte de caffis blanc eft de 4 liv. celui du ratafiat
des Sultanes de 6 liv. & celui de Cytherede
8 liv. Les moindres bouteilles de vinaigre foir
pour les dents ou autre propriété fant de 3 liv .
en écrivant une lettre d'avis au fiear Maille , foir
en fon magalin ou à Paris , & remettant l'argent
par la Pofte le tout franc de port , l'on fera les
envois très exactement , avec la façon d'en faire ,
ufage.
Le fieur SAVOY , Valet de Chambre de M.
le Bailly de Fleury , donne avis au Public qu'il
vend du Savon de Naples à & livres la livre.
Du Diabolo de Naples à 4 liv. l'once. Des chanterelles
de Naples pour le Violon à a liv. le
paquet de 30.
JANVIER. 1763. 213
De l'Eau de la Fleur d'Orange de Malte faite
avec de la Fleur d'Orange Bigarade de l'année
1762 à 5 liv. la Bouteille. Il en donnera pour
ellai .
CHAUMONT Perruquier fait non-ſeulement
toutes fortes de Perruques dans les goûts les plus
nouveaux , fpécialement celles qui font nouées &
celles en bourfe ; mais le deſſein dont il faic fa
ge lui donne une facilité pour bien prendre l'air
du vilage & coeffer le plus avantageulement
qu'on puiffe le defrer. Il fait voir les deſſeins en
tout genre d'accommodage , & variésfuivant les
différens goûts , il les exécute enfuite au choix &
à la fatisfaction des perfonnes qui les lui deman
dent. Il envoye auffi dans les Provinces , & même
dans les Cours Etrangères & tous Pays policés (es
divers ouvrages avec les différens deffeins dans
Lefquels ils doivent être foutenus & entretenus , ce
qui en facilitera la manière à ceux qui feront
chargés de leur accommodage & entretien. Il
demeure rue S. Nicaife , à l'Enfeigne du Mont
Véluve.
AP PROBATION.
J'ai lu , par ordre de Monfeigneur le Chancelier,
le fecond volume du Mercure de Janvier 1763
& je n'y ai rien trouvé qui puiffe en empêcher
Fimpreffion. A Paris ce 15 Janvier 1763 .
GUIROY.
>
214 MERCURE DE FRANCE.
TABLE DES ARTICLES.
PIECES FUGITIVES EN VERS ET IN PROSI .
ARTICLE PREMIER.
E
ΟDB fur la Paix.
VERS envoyés à Madame la Marquise de
* p ** , avec l'Ode fur la Paix.
ETRENNE à Madame de M *** .
Pages
ibid.
13
14
15
A Madame la Préfidente CH .... en lui envoyant
la clef de l'Oeuvre de S. Paul.
LE Maquignon , Fable.
SUITE des Quiproquo , Nouvelle.
INSCRIPTION pour être miſe ſur le Maufolée
de M. de Crébillon .
MORALITÉ.
VERS préfentés au Ror.
39
40
LETTRE d'une jeune Etrangère fur la coëffure
& les modes actuelles des Françoiles. 41
VERS fur le jour de l'An , à M. de B ***.
EPIGRAMME envoyée pour Etrennes à Mile
Dumonceau.
A Madame de B, ......
ESSAI fur les Deuils.
48
ibid.
1 .
49.
" •
ibid.
EPIGRAMMES fur un vieux Bibliothéquaire 56
***
PORTRAIT de Madame **
COUPLETS à Mlle *** &c.
ENIGMES.
LOGOGRYPHES.
$7
$8
60 &61
63
64
ART. II. NOUVELLES LITTÉRAIRES.
SÉANCE du Châtelet de Paris.
ALMANACH Royal , Année 1763 , contenant
JANVIER. 1763. 215
la Naiffance des Princes & Princelles de
l'Europe , Archevêques , Evêques , &c . 173
LETTRE de M. Bourgelat , à l'Auteur du
Mercure.
ANNONCES de Livres.
7.7
79 &fuiv.
ARTICLE III . SCIENCES ET BELLES- LETTRES.
MATHÉMATIQUES .
GÉOGRAPH I E.
91
23
ASTRONOMIE.
LETTRE de M. Delalande , à M. De là Place . 98
ART. IV. BEAUX - ARTS.
ARTS UTILES.
ECOLE Royale vétérinaire établie à Lyon
fous la direction de M. Bourgelat.
HORLOGERIE .
ARTS AGRÉABLES.
SUITE des Obfervations d'une Société d'Amateurs.
PEINTURE.
ACADEMIES de Peinture , de Sculpture
& autres Arts de Marſeille .
LETTRE à l'Auteur du Mercure , contenant
la defcription d'un Tableau repréſentant
les GRACES.
MUSIQUE.
LETTRE de M. Leloup , Editeur des Récréations
de Polhymnie.
GRAVURE .
SUPPLEMENT à l'Article des Sciences.
AGRICULTURE .
OBSERVATION fur un vice Effentie ! des char-
100
104
10f
113
119
127
128
116 MERCURE DE FRANCE.
SPECTACLES de la Cour à Verſailles .
rues , & Effai fur la conſtruction d'une
nouvelle. Par M. Pioger.
ART. V. SPECTACLE S.
SPECTACLES DE PARIS.
129
136
OPERA.
ΤΑΙ
COMÉDIE Françoiſe. 149
COMÉDIE Italienne.
151
Avis au Public fur la petite Pofte. 152
SUITE des Nouv. Polit. du I. Vol. Janvier. 138
MARIAGES. 180
MORTS. 181
ART. VI. Nouvelles Politiques. 182
MARIAGES . 199
MORTS.
201
ART. VIII. Economie & Commerce.
Avis divers.
210
(211
De l'Imprimerie de SEBASTIEN JORRY ,
rue & vis-à-vis la Comédie Françoiſe .
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le