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1749, 11, 12, vol. 1-2
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20.40 Mo
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Texte
MERCURE
423081
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
NOVEMBRE . 1749 .
LIGITUT
."
SPARGAT
MOTE
llov
LAQUE
LYON
Chez
A PARIS ,
ANDRE CAILLEAU rue Saint
Jacques , à S André.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY, au Palais.
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguſtins , à la ville de Nevers .
M. DCC . XLIX.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
DE
A VIS.
L'ADRESSE du
'ADRESSE générale duMercure est
à M. DE CLEVES D'ARNICOURT ,
ruë des Mauvais Garçons , fauxbourg Saint
Germain , à l'Hôtel de Mâcon. Nous prions
très - inftamment ceux qui nous adreſſeront
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port , pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter, & à eux, celui de ne pas voir paroître
leurs Ouvrages,
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
de France de la premiere main , & plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreffe ci-deffus
indiquée ; on fe conformera très -exactement
leurs intentions.
Ainfi ilfaudra mettrefur les adreffes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France , rue des Mauvais Garçons , poun
remettre à M. Remond de Sainte Albine,
PRIX XXX. Sols,
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU RO
NOVEMBRE
. 1749.
THECUE
ABLIO
THE
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
L'AMOUR des François pour leurs Rois ,
confacré par des Monumens publics.
O DE
Préfentée à l'Académie Françoife , pour le
Prix de l'année 1749. Par M. LE BRUN.
T
El qu'aux cris de l'oifeau , miniftre du
tonherre ,
Plus leger que les vents , & plus prome
que l'éclair ,
Un Aigle , jeune encor , loin des yeux de la terre ,
S'élance dans les champs de l'air ;
DE
LA
LYJV
*
1833 *
VILLE
A ij
4 MERCURE DE FRANCE .
Envain d'oiſeaux jaloux une foule rivale
Veut le fuivre , l'atteindre , & voler fon égale ;
Il la voit , il frémit , il fend les vaftes cieux ,
Et bientôt dans les airs , théâtre de fa gloite ,
Vainqueur impatient , va chercher la victoire
Et la foudre & les Dieux ,
***
Tel , fi la voix du Dieu de Pindare & d'Orphee
Allumoit aujourd'hui dans mes fens éperdus
Ces tranfports , qui jadis & de l'Hebre & d'Alphée
Charmerent les flots fufpendus ;
1;
Devançant tout à coup une foule timide ,
Sur des aîles de feu mon génie intrépide ,
Dans les Cieux emporté par un fublime effor
Eleveroit fon vol au- deffus du tonnerre ,
Tandis que mes rivaux , frémiffant fur la terre ,
M'y chercheroient encor.
Mais quels traits de lumiere ont embrafé mon
ame ?
D'un jour pur & divin mes yeux font éclairés .
Déja dans les torrens d'une célefte flamme
Nagent tous mes fens égarés.
Un Dieu vainqueur m'agite , il me guide , il
m'entraîne.
Va-t'il porter mes pas aux fources d'Hyppocrêne
NOVEMBRE . 1749. S
Cú fuis-je ? Quel féjour a fixé mes regards ?
Je reconnois ces murs & ces rives fécondes ,
Bords charmans , où la Seine , en repandant fes
ondes ,
Voit triompher les Arts.
炒肉
Quel fpectacle pompeux ! que de rares mer.
veilles !
Que de fameux Héros fur le bronze enfantés !
Quel heureux Phidias , par de fçavantes veilles ,
Les rend à mes yeux enchantés ?
O Rois de nos ayeux , Rois conquerans & juftes,
L'Amour vous éleva ces monumens auguftes ;
Par eux vos noms chéris bravent les tems jaloux ,
Et des peuples encor recueillant les hommages ,
Sur ce bronze animé vos illuſtres images
Revivent parmi nous.
***
*
Puis-je te méconnoître , ô Vainqueur de
Mayenne ?
Sur un courfier fougueux t'élançant aux combats ,
Tel on te vit jadis , aux rives de la Seine ,
Briguer l'empire ou le trépas .
Que j'aime à contempler ce front doux & terrible ,
* Statue équestre de Henri IV.
A iij
6 MERCURE DE FRANCE.
Où brille fans orgueil ta valeur invincible !
Ces marbres à mes yeux racontent tes exploits .
Mais quel eft ce Héros ( a) , dont le cafque étin
celle ?
C'eft ton Fils , c'est un Prince à ta gloire fidelle ,
Qui fit regner les loix.
***
Eft- ce un Dieu qui paroît (6) Quel éclat l'envi
ronne !
Sur ces rives deux fois il frappe mes regards.
La Victoire , en volant , d'une main le couronne
Seroit-ce le terrible Mars ?
Des Titans enchaînés les fureurs menaçantes ,
Sur un débris fanglant d'armes étincellantes ,
Frémiffent à fes pieds , & frémiffent
Il a de Jupiter la majefté fuprême ;
en vain :
La foudre eft dans les yeux ; c'eft Jupiter luiè
même ,
Ou le vainqueur du Rhin.
Que vois-je ? Ces remparts , ces portes (c ) ma
gnifiques ,
De ces lieux fortunés auguftes ornemens ,
(a) Louis XIII. Place Royale.
(b) Places de Vendôme & des Victoires.
(c) Portes Saint Bernard , Saint Denis , &c.
NOVEMBRE . 1749. 7
Des vertus de nos Rois , de leurs faits héroïques
M'offrent de nouveaux monumens .
Quelle pompe , François , brille dans vos hom
mages !
Votre amour pour vos Rois embellit ces rivages ;
Quel bord (a) n'eft point orné de ces tributs heureux
?
Pourfuis , Peuple fidéle en confacrant leur
gloire ,
Ces nobles monumens confacrent la mémoire
De ton zélé pour eux.
Mais quel bruit de la Seine émeut les flots tran
quilles ?
Je l'entens foupirer au fond de fes rofeaux :
France , arrofé- je envain la Reine de tes Villes
ל כ
Suis- je envain Reine de tes eaux ? •
Une fuperbe Nymphe (6) , à ma honte, honorée,
» De Louis fur fes bords ( c ) voit l'image adorée :
»Fiere d'un tel bonheur elle s'égale à moi.
» Ah ! quand pourront un jour mes ondes outra,
gées ,
Sur mes rives enfin heureufement vengées ,
»Reconnoître leur Roi !
(a) Statue équestre de Louis XIV. à Lyon.
(b) La Garonne.
() Statue équestre de Louis XV . à Bordeaux
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE .
Nymphe , fufpens tes pleurs ( 4) ; ta voix s'eft
fait entendre :
Tous les Arts à l'envi déja fervent tes voeux.
Quel Lyfippe nouveau , d'un nouvel Alexandre
Va m'offrir les traits généreux ?
Que je vais admirer mon Héros & mon Maître !
Nos neveux attendris , en le voyant paroître ,
O mes fils., diront-ils , ce Roi de vos ayeux ,
» Dans la paix reveré , terrible dans la guerre ,
» Fut l'amour des François , l'exemple de la terre ,
» Et le rival des Dieux.
Mais déja loin de moi j'ai vu fuir la barriere.
Quels tranfports inconnus précipitent mes pas ?
Contemplez , fiers rivaux , au bout de la carriere
Ce prix de nos doctes combats .
Ah ! j'ai lû dans leurs yeux leur défaite & ma
gloire ;
Ils tremblent , & leur crainte annonçe ma victoire.
Image de LOUIS , eft-ce vous que je voi
Le vainqueur eft nommé ; Dieu des vers , tu m'appelles
;
Venez ceindre mon front , guirlandes immortelles
;.
Mufes , couronnez - moi . (b)
(a ) Projet de la Place de Louis XV. à Paris.
(b) La prédiction de l'Auteur ne s'eft pas vérifiée ,
NOVEMBRE . 1749.
PRIERE POUR LE ROI
Si ta bonté
I ta bonté ſe plaît à faire des heureux ,
Dieu jufte , pour LOUIS daigne entendre nos
voeux .
Conferve-nous un Roi donné dans ta clémence ,
Et que long- tems encor le bonheur de la France ,
Toujours cher à tes yeux , & fidéle à tes loix ,
Il foit le plus foumis & le plus grand des Rois .
送送送送送送洗洗洗洗洗洗洗洗
LETTRES de Rouffeau à M. de Cron-
Zas , de l'Académie Royale des Sciences
de Paris , & de celle de Bordeaux ,
Profeffeur en Philofophie à Lauſanne ,
& ci-devant Gouverneur de S. A. S. le
Prince de Heffe Caffel.
Ous inferâmes l'année derniere dans le
fecond volume de Décembre une Lettre
de Rouffeau à M. de Crouzas . Celles
mais les Juges , ainsi que nous l'avons dit dans le dernier
Mereure , ont été long- tems partagés entre cette
Ode celle de M. le Chevalier Laurés.
Il eft à propos d'avertir les Lecteurs , qu'il
s'eft gliflé une faute dans le nom du lieu , dou
cette Lettre eft dattée , & qu'il faut lire d'Aran
au lieu d'Aran.
A y
10 MERCURE DEFRANCE.
qu'on va lire , nous furent envoyées peu de
tems après par la même perfonne ( a ) de qui
nous tenions la premiere , mais un hazard imprévû
a été caufe que nous ne les avons reçûes
que depuis quelques jours. Comme elles ne
font , ni dans aucune édition des Euvres de
Rouffeau , ni dans le Recueil de Lettres qu'on
vint de donner (b) de ce Poëte , auffi malheu
reux que célébre , nous croyons rendrefervice
au Public , en les faifant imprimer.
De Soleure , le 21 Mars 1713 .
PLût àDieu , Monfieur , que mes Lettres
pûffent avoir pour vous un autre
mérite que celui que votre amitié leur
donne ; mais je fens trop en les écrivant ,
que vos louanges font une inftruction
plutôt qu'un éloge : vous me traitez comme
les habiles Courtifans traitent les Princes
, lorfqu'ils les louent des vertus qu'ils
n'ont pas , pour leur infpirer l'envie de
les acquérir. Le monde donne une cer-
(a ) M. Tollot.
(b) Dans ce Recueil , on ne trouve point d'autres
Lettres écrites par Rouffeau à M. de Crouzas ,
que celle qui avoit paru dans le Mercure indiqué
ci deffus . On a été furpris de n'y point voir une
autre Lettre du même Poëte , imprimée dans le
Mercure d'Août 1748.
NOVEMBRE. 1749. IT
taine facilité d'écrire aifément des chofes
fuperficielles , qui ne laiffent pas d'entretenir
le commerce ; les petits préfens , fuivant
le proverbe , entretiennent l'amitié ;
ce font des marques peu folides d'une folide
paffion , & qui reffemblent aux fleurs
qu'on reçoit d'une maîtreffe , qui ne laiffent
pas d'être cheres , quoique l'odeur
n'en dure qu'un jour.
Il n'en eft pas tout -à - fait de même des
fleurs de la Poësie , lorfqu'elles fervent à
orner la vérité : les chofes les plus utiles
ont befoin d'un agrément qui les infinue
dans le coeur , & qui les falle goûter à
l'efprit ; ce n'eft qu'à force de les polir &
de les tourner , qu'on parvient à les mettre
dans cet état. J'eftime donc qu'on ne fçauroit
trop travailler des ouvrages de cette
nature , comme on ne fçauroit trop peu
méditer les Lettres familieres qu'on écrit
à fes véritables amis ; c'eft en quelque forte
ſe défier d'eux que d'y apporter trop de
foin & trop de précaution ; on ne fçauroit
trop fe montrer à eux dans fon naturel
il y auroitune efpéce de coquetterie à vouloir
paroître trop ajusté en leur préfence.
Je me fouviens toujours du portrait que
le Taffe fait de fa Sophronie ; il le termine
par un trait qui donne de la grace à tous
les autres ; le fuoi artifici fono negligenze.
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
Ce ne fera jamais que par- là , mon cher
Monfieur , que j'effayerai de vous plaire ;.
je réſerverai ma méditation , non pour mes
amis que j'eftime , mais
mais pour
je n'eftime en vérité pas trop , & que je
regarde comme une bête multorum capitum,
contre laquelle il faut toujours fe tenir en
garde .
le Public
que
Préfentement que je fuis réconcilié avec
les Mules , je fens beaucoup plus vivement
que jamais l'utilité de notre commerce
épiſtolaire , & je trouve , dans les
Lettres dont vous m'honorez , la matiere
des plus fages réflexions. Je n'ai jamais
envifagé la Poëfie de l'oeil dont la regardoit
Malherbe , qui l'appelloit un Art
d'arranger des paroles : il me paroît qu'il
n'avoit pris que la moitié de fa véritable
définition , & que le principal art da
Poëte eft d'arranger fes idées : pour cela il
faut fçavoir penfer & raifonner ; la chofe
du monde la mieux dite n'a qu'une luçur
frivole , lorfqu'elle n'eft pas fondée fur la
vérité , & fur la connoiffance de la nature ,
qui font les deux Pôles autour defquels
doivent rouler nos expreffions , nos rimes,
notre cadence & notre arrangement . Vous
faites , Monfieur , de la Poëfie l'éloge le
plus jufte & le plus glorieux qu'on en
puiffe faire , en la regardant comme un
NOVEMBRE . 1749. 11
délaffement inſtructif , & qui redonne des
forces à la fageffe abbattue par une application
trop fuivie. Elle remplit d'ail
leurs l'ame de cette douceur & de cette
joie, fans lefquelles un Philofophe ne fera
jamais digne d'être reçu dans la fociété :
c'eft la penfée que j'ai eue, en faisant l'Ode
dont vous me parlez , où je n'ai mis Epitele
au rang des fages bourus & chagrins ,
que parce que fon Manuel eft plus connu
que fes entretiens familiers , qui ont une
forme moins trifte & moins auftére .
Je fuis , Monfieur , entierement de
votre avis fur la difficulté que vous me
faites , à l'égard des deux vers qui finiffent
ma petite Ode aux Suiffes ; une Critique
auffi modérée & auffi raiſonnable que
la vôtre ne me fera jamais peur ; une telle
Critique fait honneur aux talens en les
perfectionnant : lorfqu'on redoute fi fort
un examen honnête , oh eft justement
foupçonné d'en mériter un plus fevére ;
mais ce que vous cenfurez comme Proteftant
, je ne puis m'empêcher de le foutenir
comme Catholique.... Quoique je
fois ennemi de l'intolérance & de ta fuperftition
, je n'ai jamais approuvé que fes
Reformateurs ayent élevé Autel contre
Autel.
La hauteur & l'emportement de quel14
MERCURE DE FRANCE.
ques Eccléfiaftiques vous bleffent auffibien
que moi ; cela vous paroît jurer avec
leur doctrine & leur caractére : il est certain
que l'envie & la haine qu'ils portent
à ceux qui ont quelques talens , ou qui ne
penfent pas comme eux , font tort à la
Religion. Chez quelques Prédicateurs ,
c'est l'orgueil qui prêche la modeftie. Le
génie n'eft-il pas de toutes les profeffions ,
comme de tous les états N'y a-t'il pas
une forte de pédagogie à vouloir le renfermer
dans certaines limites ? Pour moi
je crois que les fources du beau & du vrai
font ouvertes aux Séculiers comme aux Eccléfiaftiques
, & qu'une main profane peut
y puifer , fans commettre un facrilége .
Je dis plus , & je crois que l'expérience
eft pour moi ; les erreurs d'un fimple Laique
font moins fréquentes que celles d'un
Eccléfiaftique , parce qu'il fe défie davantage
de fes lumières , & qu'il n'eft pas affujetti
au fyftême regnant . Moins lié par
F'intérêt ou par l'ambition , plus indépendant
de l'ufage , ou de fes Supérieurs , le
fimple Laïque cherche fincérement la vérité
, & n'a qu'elle en vûë ; fes erreurs font
auffi moins dangereufes & moins contagieufes
, parce qu'elles manquent d'appui
& d'autorité , & qu'aucun parti n'eft intéreffé
à les foutenir & à les répandre.
Je fuis , & c .
NOVEMBRE. 1749. 15
De Soleure , le 26 Août 1713 .
Monfieur , vous me permettrez de vous
dire que je doute fort , que ni vous ni perfonne
puiffiez rendre votre Logique meilleure
qu'elle n'eft. Si un autre que vous
l'entreprenoit , pourroit-il entrer dans votre
plan , fuivre vos vûes , mettre entre
toutes les parties de votre ouvrage ce concert
& cette harmonie, qui en font un édi
fice régulier , où tout eft à fa place , & où
rien ne fent une main étrangère ? D'ailleurs
, j'ofe dire que pour perfectionner
& améliorer un Livre , tel que le vôtre ,
il faudroit plus d'efprit , plus de lumieres ,
plus de goût que vous n'en avez ; & qui
auroit la témérité de s'en flatter ? Quand
efprit , qui a de la pénétration & de la
jufteffe , a examiné une matiere de tout
côté ; quand il a revû avec ſoin ſon ouvrage
, qu'il l'a corrigé fans entêtement & de
fang froid , tout ce qu'on ajoute dans la
fuite peur bien l'étendre davantage , mais
ne le perfectionne guéres. Chaque fujer
n'exige pour fon expofition qu'un certain
nombre de penfées , qui fe préfentent plus
ou moins vîte , felon qu'on eft plus ou
moins capable d'attention , & felon le
degré de pénétration & de capacité de
ceux qui écrivent . Lorfque l'on va au - delà
16 MERCURE DE FRANCE.
du néceffaire , on tombe dans l'acceffoire ,
ou dans l'inutile , ce qui nous rend languiffans
& diffus.
.
Souvent trop d'abondance appauvrit la matiere.
Il n'y a guéres que l'Hiftoire & les obfervations
Phyfiques qu'on puiffe augmen
ter fans ceffe , parce que chaque jour offre
de nouveaux évenemens , & que l'on fait
auffi chaque jour de nouvelles expérien
ces.
On ne fçauroit fe propofer un meilleur
fent pas ,
but , que
celui
que
vous
avez
d'examiner
&
de
chercher
la
vérité
, fans
affecter
aucun
parti
, ni
aucune
opinion
; je
vous
avoue
que
je fais
peu
de
cas
de
tout
ouvrage
, qui
marque
dans
l'Auteur
de
la partialité
ou
de
la
colére
: les
injures
ne
me
plaimême
dans
les
Peres
de
l'Eglife
;
elles
font
tolerées
dans
le
Barreau
&
dans
les
Factums
; mais
dans
les
ouvrages
de
Théologie
, qui
ne
devroient
refpirer
que
la
charité
&
la
Religion
, elles
font
un
contrafte
odieux
&
infupportable
. Rien
n'eft
plus
beau
que
le
deffein
de
ramener
les
hommes
à la
vérité
, mais
on
ne
peut
y
parvenir
qu'en
leur
infpirant
de
l'amour
pour
elle
, &
de
la
modération
: je
me
repréfente
toutes
les
difputes
, non
- feulement
celles
qui
fe font
par
écrit
, mais
enNOVEMBRE.
1749. 17
core celles qui entrent dans la converfation
, comme des Théfes aufquelles l'amour
propre préfide toujours , prêt à jetter
fon bonnet à la tête de la raifon , lorfqu'elle
n'eft point d'accord avec les préjugés.
Ce qui fait qu'on fort de la difpute
prefque toujours plus confirmé dans fon
opinion , c'est qu'on y entre avec un délic
véhément de vaincre fon adverfaire , &
non de fe vaincre foi - même ; ce n'eft point
pour s'éclaircir qu'on difpute , mais pour
triompher. De-la viennent les faux fuyans,
les changemens de queftion , les logomachies
, les fophifmes & toutes ces autres
échapatoires qui font difparoître l'objet
principal , qui ne fe terminent qu'à des
cris confus , à des aigreurs , & quelquefois
à des haines férieufes . Je me fouviens d'a
voir oui dire à Saint Evremont , qu'il n'y
avoit point d'affaire au monde fi compli
quée , qui ne fe pût réduire à deux ou trois
difficultés , ni de problême fi épineux , qui
ne fe pût réfoudre en deux ou trois raifonnemens
; je ne fçais s'il parloit en Géométre
exact , mais je fçais que dans la plupart
des chofes qui fervent de matiere aux
conteftations , il avoit raifon de penfer.
ainfi , & que fur tout ce qui fe préfente
d'ordinaire dans les affaires du monde ,
18 MERCURE DE FRANCE.
quand on a dit trois ou quatre bonnes raifons
, on ne fait plus enfuite
& battre la campagne.
que bavarder
Les difputes font utiles en deux cas , ou
pour réveiller la converfation , qui s'affoupit,
bien- tôt , quand tout le monde eft du
même avis ; ( alors fi la matiere n'eft pas importante
, je trouve que celui qui a tort en
badinant , eft plus judicieux que celui qui
a raifon avec chaleur ; ) ou pour parvenir
à l'évidence , quand il s'agit d'une matiere
grave & utile ; mais je voudrois qu'on pût
établir une méthode dont les uns & les autres
convinffent , fuivant laquelle , en conduifant
fon raifonnement pas à pas , on pût
découvrir la vérité , & qu'on s'y rendît de
bonne foi & avec joye . C'eft- là , Monfieur
, ce que vous êtes plus capable que
qui que ce foit, d'apprendre aux hommes ;
vous ne pouvez vous propofer un but ni
plus utile , ni plus glorieux . J'eftime en
vous le fçavant , le grand Philofophe ,
l'homme d'efprit ; mais j'aime l'honnête
homme , l'ami tendre & fincére , l'amateur
de la tolérance & de la vérité.
Une grande partie des difputes entre les
gens de Lettres n'a pour motifs que de petites
jaloufies , trop baffes pour n'en avoir
pas honte foi-même , fi l'amour propre ne
nous en déroboit la connoiſſance ; on veut
NOVEMBRE. 1749. 19
,
établir fa réputation aux dépens de celle
de fes concurrens ; on veut les éclipfer &
briller feuls dans le monde Littéraire
comme fi la gloire d'autrui pouvoit obfcurcir
la nôtre , & qu'il n'y eût pas fur le
Parnaffe des places également élevées. Moliere
& Despréaux , Corneille & Racine , n'y
occupent- ils pas à peu près le même rang
Qu'auroit- on penfé de ces grands hommes,
s'ils avoient fait leurs efforts pour ternir la
réputation de leurs rivaux ou de leurs Emules
, aux dépens de la vérité & de la juſtice
? Ne fe dira- t'on jamais que les vices du
coeur font tort aux talens de l'efprit , &c ....
Un homme groffier nous choque moins
par ce qu'il dit , que par la maniere de le
dire; Pafcal n'épargne point les Jéfuites
dans fes Provinciales , mais il ne lui échappe
pas un mot qui fente l'injure cu l'invec
tive ; il employe dans tout ce qu'il dit une
irronie fi fine & fi délicate , fes expreffions
font fi mefurées , que les partifans des Moliniftes
ne peuvent s'empêcher de lui fçavoir
gré de fa retenue.
Mais vous , Monfieur , quels ménagemens
ne gardez - vous pas au milieu même
de la plus grande véhémence de la difpute !
Je me rappelle celle que vous eûtes en ma
préfence avec M... Quelle politeffe dans
le tour & dans les expreffions ! Mais en
10 MERCURE DE FRANCE .
même tems quelle force & quelle juf
telle dans les raifonnemens ! Il s'agiffoit
de foutenir la néceffité de la tolérance , fi
utile aux états , fi conforme à la raifon &
à l'efprit de la Religion .
Je trouve , Monfieur , que vous avez
très-bien fait, & que vous avez agi en homme
fage & éclairé , en ne faifant aucun reproche
à M....... fur fon changement
de Religion ; les reproches n'auroient
fait
que l'aigrir. S'il a changé par intérêt , il
ne feroit pas affez honnête honime pour fe
rendre à la vérité , quand on auroit le bonheur
de la lui montrer ; mais s'il a changé
par principes & par connoiffance
, pourroitil
fe réfoudre à renoncer à des dogmes aufquels
fa confcience
rend témoignage ? Il
feroit à fouhaiter qu'on n'embraffat jamais
une Religion fans l'avoir bien étudiée ,
fans avoir réfolu de la pratiquer , & fans
manifefter par les moeurs & par fa conduite
, qu'on eft fincerement
convaincu
qu'elle eſt la meilleure . Penfez-vous , Monfieur
, que ce foit la force & l'évidence
de
la vérité , qui ait perfuadé mon'adverfaire
?
Chacun fçait quelles étoient fes vûes , &
qu'il a plutôt cherché à être protégé des
hommes , qu'à plaire à Dieu , &c .
NOVEMBRE . 1749. 21
De Soleure le 11 Mars 1715.
Je croirois avoir bien employé mon
tems à la lecture de l'Instruction Paftorale
de feu M. de Cambrai , fi elle m'avoit fourni
d'auffi judicieuſes réflexions que celles
que vous avez faites. Je n'en ai lû que
deux Dialogues , où j'ai trouvé beaucoup
de fineffe & d'élégance ; mais il m'a paru
qu'une matiere auffi férieuſe auroit dû être
traitée avec plus de gravité.Quelque folide
que foit le fond de fes raifonnemens , le
tour du dialogue y donne un air de fiction ,
peu convenable à la dignité d'un Paſteur
qui inftruit fon Troupeau. Il me femble
que chaque fujer a , pour ainfi - dire , une
forme qui lui eft la plus convenable , comme
chaque penfée a une expreffion qui lui
eft propre , ce qui en fait la préciſion & la
nettete,
Si M. de Fenelon a fait une faute à cet
égard , c'eft du moins la faute d'un grand
génie ; perfonne n'avoit plus d'efprit que
lui , mais ce qui vaut encore mieux , per
fonne n'avoit plus de modération & de fageffe
. L'hyperbole qui défigure les objets ,
én les groffiffant , manque de force pour
peindre cet illuftre Prélat. Il regardoit
tous les hommes comme fes freres ; fon
unique foin , fon unique plaifir étoit de
22 MERCURE DE FRANCE.
foulager les malheureux & d'éclairer les
errans , de quelque nation qu'ils fullent.
On peut juger à coup fûr , que M. Boffnet,
fon antagoniste, fe feroit exprimé avec plus
de feu & avec moins de ménagement.
Je fuis , au refte , tout- à - fait de votre
fentiment & de celui de M. de Cambrai ,
fur les Janféniftes , & je ne les crois pas
plus Catholiques que les Proteftans. M.
Arnaud étoit ennemi des Jéfuites , mais
il n'étoit point Janfénifte ; fes fucceffeurs
font à fon égard , comme les nouveaux
Académiciens étoient au regard de Platon :
les uns & les autres , pour renchérir fur
leur Maître , ont été plus loin que lui , &
fe font égarés à ne jamais retrouver leur
chemin , ce qui arrivera toutes les fois
qu'on fecouera le joug d'une fage foumiffion
, & qu'on voudra affecter l'indépendance.
Je vous envoye , Monfieur , le difcours
que S. Exc . prononça hier à la Diette qui
avant que de fe féparer , a mis la derniere
main au renouvellement
de l'alliance ; il
s'eft furpaffé dans cette occafion ; il fait
mieux fans préparation
, que d'autres qui
ont eu le loifir de le préparer ; il femble
fon génie l'infpire & lui dicte ce qu'il
doit dire. Je ne connois perfonne qui parle ,
quand il le faut , avec plus de force & de
que
NOVEMBRE. 1749. 23
dignité. Il ne tiendra pas à ce Seigneur
que l'union entre les Cantos ne foit durable
& fincére , comme l'exigent leurs
intérêts communs & leur confervation ,
11 feroit à defirer pour le bonheur de la
Suiffe , que l'on n'y vît plus ni haine , ni
jaloufie , ni divifions , & que les membres
d'un même corps confpiraffent tous de
concert à fa profpérité. Si S. Exc. n'étoit pas
auffi preffée qu'elle l'eft de fe rendre à
Vienne , elle travailleroit avec plaisir à cet
important ouvrage , & rien ne lui cauferoit
plus de fatisfaction que d'y réuffir ;
mais elle ne fçauroit être en même tems ,
à Vienne & en Suiffe. Si fa perfonne en
eft éloignée , le coeur y demeurera ; le bonheur
de votre Nation lui eft trop cher
pour oublier fes intérêts , en quelque lieu
du monde que la Providence puifle l'appeller.
Il eſt certain , comme vous le dites,Monfieur
, que ce font les évenemens qui décident
toujours de la réputation des hom
mes. Si Alexandre & Cefar avoient échoué
dans leurs projets , on les auroit regardés
comme des téméraires & des infenfés :
il eft certain encore que la fortune a toujours
une grande part à ceux que la prudence
humaine ou la valeur font réuffir ;
mais il n'eſt pas moins sûr , que cette mê
24 MERCURE DE FRANCE.
me prudence manque rarement d'être fuivie
de la fortune , lorfqu'elle n'agit qu'en
vûe du bien public. Il femble alors que la
Providence y intervient d'une façon particuliere
, & qu'elle nous fert de guide,
Que fi avant que de fe déterminer , la prudence
a fçû prévoir tout ce que le caprice
, l'intérêt ou l'ambition peuvent lui
oppofer , & s'affûrer des remédes proportionnés
aux inconvéniens prévûs , vous
m'avouerez , Monfieur , qu'elle peut alors
fe promettre un heureux fuccès , & que
rien ne l'empêche de mettre utilement en
oeuvre ce qu'elle a fi fagement projetté,
Cette maxime , fi elle eft vraie , doit vous
rafsûrer fur les craintes que l'amitié vous
infpire pour la perfonne en faveur de qui
vous vous intéreffez la faine politique
a fes démonſtrations auffi-bien que la ſaine
Philofophie ; les fillogifmes de conduite
ont les mêmes principes que ceux de raifonnement
. En un mot , Monfieur , S.
E. s'eft conduite dans cette affaire comme
elle le devoit ; un plus grand fuccès ne
dépendoit pas d'elle ; fes intentions
étoient droites. Elle n'avoit pas moins à
coeur les intérêts folides de votre Nation
que ceux du Roi fon Maître ; les évenemens
font aifés à critiquer , quand on juge
après coup & piéce à piéce pour bien
juger
NOVEMBRE.
1749. 25
juger d'une négociation importante &
délicate , il faut l'envifager dans toute fon
étendue & de tous les côtés ; il faut examiner
quels font les refforts qu'il a fallu
mouvoir , & quels font les obftacles qu'il
fallu furmonter. Un habile Négociateur
ne fe rebute point par les difficultés
mais il fçait s'arrêter, quand il ne peut aller ,
plus loin. Ne pouvant tout obtenir , il croit
avoir beaucoup gagné lorfqu'il a acquis la
moitié de ce qu'il demande.
a
Madame la Marquife du Luc eft accouchée
d'une fille : ainfi voila une héritiere
de plus dans la Maifon de Vintimille , mais
elle a coûté bien cher à fa mere , nous
avons crû la perdre , & S. Exc . eft encore
fort allarmée. La bonté du coeur eft fouvent
un préfent bien funefte ; elle nous fait
fentir les maux d'autrui auffi vivement que
ies nôtres. La Philofophie eft admirable
dans la fpéculation , mais on reconnoît
fon impuiffance dans la pratique. C'eſt du
moins une confolation de pouvoir répandre
fa douleur dans le fein d'un ami fage
& généreux. Je vous regarde , M. comme
tel, & S. Exc . eft dans les mêmes fentimens .
J'aurai l'honneur de lui .écrire à Vienne ;
j'efpere que la diftance ne diminuera pas
notre amitié , la mienne eft de nature à
ne fe dementir jamais. Sive per Syrtas iter
B
26 MERCURE DE FRANCE.
aftuofas , five facturus per inhofpitalem Caucafum.
De Bade , le 17 Juillet 1714.
Monfieur , quel fujet d'humiliation pour
moi , au milieu des louanges que vous me
donnez , de vous voir aufli folidement
inftruit que je pourrois l'être, des meilleurs
préceptes d'un art que vous ne profeffez
point , & que vous ne comptez pas même
au nombre de vos études ! Il eft certain ,
comme vous le dites , que c'eft uniquement
le plan & l'idée générale d'un ouvrage
, qui conftitue le Poëte , les vers n'étant
à la Poëfie que ce que le coloris eft à
la Peinture , & ne devant fervir qu'à faire
paroîtie dans un plus beau jour l'invention
, le deffein & la compofition , qui
font les feuls fondemens de l'art . Mais il
faut avouer auffi que fans cette partie , je
veux dire la verfification , quoiqu'elle ne
foit que fubordonnée , les premieres deviennent
inutiles , & que les idées les plus
nobles avortent en naiffant , fi l'expreffion
qui eft , fi j'ofe le dire , la Sage-Femme
des penfées , ne vient à bout de les faire
accoucher heureulement. C'eft pourquoi
je tiens que tout Auteur , un peu foigneux
de fa gloire , doit fur toutes chofes s'atNOVEMBRE.
1749. 27
tacher à cette partie , fi cultivée par les anciens
, & fi négligée de nos modernes. Il
eft fûr que c'est moins la chofe qui frappe
l'efprit , que la maniére de l'énoncer. Il
en eft peut- être ici comme de la récitation
d'un Orateur ; fi elle eft défectueuse , les
penfées les plus pathétiques ou les plus fublimes
perdent la moitié de leur prix.
C'eft fur tout dans l'expreffion qu'excelle
Racine : il ne feroit peut- être pas impoffible
de l'égaler dans le choix des pensées &
dans l'arrangement du difcours ; mais ce
qui le caractériſe , ce qui le diftingue des
autres Auteurs Dramatiques , c'eft une
élégance continue , une douceur & une
pureté d'expreffion , où il eft difficile d'atteindre
: fi les Mufes avoient voulu parler
elles-mêmes aux hommes , elles n'auroient
pû choisir un langage plus harmonieux.
Corneille eft peut- être plus élevé , mais il eſt
aufli plus dur & plus inégal . Je vous dis
fimplement ce que je penfe & ce que j'ai
fenti en comparant ces deux grands Poëtes;
mais vous pouvez décider fur cela beaucoup
mieux que moi, vous , Monfieur , qui
fans vous affervir aux régles étroites &
fcrupuleufes de la Poëfie , nous avez fi
bien fait voir dans votre Traité du Bean ,
en quoi confifte ce merveilleux , qui en fait
tout le charme. Mais, quand prétendez-
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
-vous en faire enfin part au Public & à vos
amis ? M. le Comte du Luc a fait depuis
peu l'acquifition d'une belle fille , très capable
& très - digne d'en juger ; elle joint
aux agrémens du difcours une folidité d'efprit
, une jufteffe de difcernement & un
goût de lecture très- peu commun , même
chez les hommes les plus éclairés .
Voila par conféquent une admiratrice
de plus qui vous eft venue dans ce pays, &
dont vous devez fatisfaire l'impatience. Je
ne vous parle point de la mienne vous
connoiffez mon ardeur pour tout ce qui
vient de vous , auffi -bien que mon zéle
pour votre gloire & pour votre bonheur.
Je vous louerois davantage fi vous craigniez
moins d'être loué ; mais il eft certain
que ,
fi les louanges gâtent les efprits
médiocres , les applaudiffemens élevent les
grands courages , & que le défir de plaire
, foutenu d'un peu de confiance , eft capable
de leur faire produire les plus belles
chofes. Quoiqu'il foit bon d'être modeſte
& de s'examiner à la rigueur , une défiance
outrée de foi même rétrécit l'efprit & lui
coupe, en quelque façon , les aîles ; unhomme
à qui jamais rien n'a réuffi , n'oſe fortir
des bornes de la médiocrité ; il craint
de déplaire , parce qu'il n'a j'amais plû ;
femblable à un Général timide , il ne fe

NOVEMBRE. 1749. 29)
t
.;
de
met jamais en état de vaincre , parce qu'il
craint toujours d'être vaincu ..
Multos in fumma pericula mifit
Venturi timor ipfe mali.
Vous n'êtes point , Dieu merci , fujet à
un pareil inconvénient , & vos fuccès paffés
vous font garans de vos fuccès à venir.
Loin d'avoir à vous repentir de l'applica
tion que vous donnez aux ouvrages de Mathématiques
, vous devez les regarder com .
me un chemin affûré à la gloire , lorfque
vous les aurez dépouillés de la fécherelle
& des difficultés rébutantes qui les ont accompagnées
jufqu'ici ; je fuis perfuadé que
ce n'a point été la faute de l'art , mais celle
des ouvriers. Toutes les fciences ont un
cânté difficile & un autre plus aifé ; le plus
ou le moins d'induftrie dans ceux qui en
font profeffion , eft la fource des difficultés
plus ou moins grandes qu'on trouve à
y réuffir. Quelle obligation ne vous aura
point le Public , lorfque vous lui aurez applani
les chemins raboteux d'une fcience
environnée d'épines , & qui jufqu'à vous a
paffé pour être encore plus pénible qu'utile
! Perfonne n'en viendra jamais à bout ,
fi vous n'y réuffiffez pas ; mais on réuffit à
tout avec un efprit aifé & méthodique.
C'eſt par le moyen d'une méthode excel-
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
lente,
que Defcartes a découvert de fi grandes
vérités ; on fe fert aujourd'hui de fa
méthode pour le combattre avec fuccès ;
mais il eft affez facile d'attaquer , parce que
toutes les hypothefes ont un côté foible .
Si Defcartes revenoit au monde , peut- être
forceroit-il à for tour fes adverfaires dans
leurs retranchemens . Il eft certain qu'il
étoit de ces gens qui font honneur à leur
pays , à leur fiécle & à l'humanité . Je fuis
avec refpect , votre , & c.
aseseseses $
EPITRE
istsasas
SUR LA POESIE ,
AM. d'Arnaud , Agent Littéraire de Sa
Majefté Pruffienne , & de S. A. S. le
Duc de Wirtemberg.
D'Arnaud , vous le fçavez , on doit au Dieu des
vers
Les fublimes leçons que reçut l'Univers ,
Quand les Mufes jadis , dans de facrés Cantiques ,
Célébrerent de Dieu les oeuvres magnifiques.
Leurs fons , réuniffant les premiers Citoyens ,
De la focieté formerent les liens ;
Les tirant d'un état & honteux & fauvage ,
Des Sciences , des Arts leur apprirent Pufage
NOVEMBRE. 1749. 31
Combien de fois ,peignant les hauts faits des Héros,
Ont elles par leurs chants égalé leurs travaux ,
Et traçant às yeux leurs talens & leur gloire ,
Ónt- elles , en traits d'airain , illuftré leur mémoire
?
Un Philofophe obſcur , un fubtil Orateur ,
Peuvent - ils de leur vol atteindre la hauteur?
Comme elles, des vertus nous montrant la lumiere,
Peuvent ils du bonheur nous ouvrir la carriere ?
Hé ! que pourroit fur nous l'augufte vérité , ·
Si l'art n'adouciffoit fa trifte auſtérité ,
Et fi pour tempérer fa clarté refpectable ,
La Fable ne prêtoit fon voile favorable
Il faut que la raifon , à l'aide des beaux vers ,
Corrige en badinant nos bizarres travers ,
Et que gagnant l'efprit par cette adreffe utile ,
Jufqu'au coeur elle s'ouvre une route facile.
En vain pour m'éclairer , une froide raiſon
Veut aux régles d'Euclide affervir Apollon ;
La hauteur de fon vol ne fouffre point d'entraves ,
Et d'un ordre trop fec méprite les efclaves.
Sageffe ! à tes appas , dont iron coeur eſt épris ,
La vive Poëfie ajoute un nouveau prix .
Quand tu veux des mortels t'aflûrer la conquête ,
Ses plus brillantes fleurs embelliffent ta tête ,
Et pour mieux l'éclairer , lui prêtant ton flambeau
Ton éclat en paroît & plus vif & plus beau,
Tu fais éclore en nous , à l'aide de fes flâmes ,
Biiij
'32 MERCURE DEFRANCE.
Les femences du Beau que renfermoient nos
ames.
C'est ainsi que Davil , rempli d'un u divin ,
Chante de l'Et rnel-le pouvoir fouverain ,
Nous montre l'Univers lui rendant fes hommages,
Et le néant forcé d'enfanter des ouvrages.
Ranimant les humains de molleffe abbatus ,
Les Mufes dans leurs coeurs font germer les vertus;
Et leurs fublimes fons , en charmant les oreilles ,
De ce vafte Univers étalent les merveilles .
Leur vûe embraffe tout , leur vol audacieux
De ce fombre fejour s'élance jufqu'aux Cieux ,
Et dans des vers nombreux qu'enfante le Génie ,
Tout prend du fentiment , des graces , de la vie.
Dans les fertiles champs que leurs mains ont produits
,
>
Les Mufes font briller des fleurs comme des fruits,
Profcrivant des plaifirs la honteufe licence ,
Elles nous font aimer la paix & l'innocence .
Pour nous faire goûter leur utile leçon ,
Elles ont infpiré Greffet & Pavillon .
Sous un berceau de fleurs leur favori Voltaire , '
De leur art enchanteur inftruifit fa bergere.
Et vous , mon cher d'Arnaud , comblé de leurs
faveurs ,
Vous tenez de leurs dons Part de toucher les
coeurs ;
L'art de plaire en un mot ; art aimable & fublime,
NOVEMBRE. 1749 .
33
Dangereux quelquefois ..... ah ! que jamais le
crime ,
Mufes que je chéris , ne fouille vos accens !
Que l'aimable vertu foit l'ame de vos chants !
Rendez -lui dans vos vers un hommage fincére ,
Et que toujours votre art foit d'inftruire & de
plaire.
7. Baptifte Tollot.
A Genève le 26 Août 1749.
EP IT RE
A M. de G.
A Mi ,de ce féjour tranquille
Les plaisirs ont fait leur azile ;
Ici les Déités des bois
Danfent au fon de leur hautbois.
Que j'aime , errant fur ces rivages ;
A découvrir la vérité !
Loin du tumulte & des orages ,
Qui troubloient ma tranquillité ,
Je vois fous ces épais feuillages
L'innocence & la liberté.
C'eft dans ce féjour où les Sages
Trouverent la félicité.
L'air eft pur , le Ciel fans nuages ;
Ce fleuve n'eft point agité ,
B
34 MERCURE DE FRANCE.
Et ces ruiffeaux dans leurs paffages
Semblent fixer leur cours
beauté
, pour mieux voir la
Que leur préfentent ces bocages ,
Dont notre oeil eft comme enchanté,
Le Zéphir y careffe Flore ;
A peine de les feux a- t'il reçû le prix ,
Que des fleurs qu'elle fait éclore
Le volage paroît épris •
Mais je vois Tircis & Glicére ,
Chantant fur la verte fougere ;
Dieux ! que de tendres fentimens.
L'amour inſpire à ces amans !
Fixant fur la Bergere une vue attentive ,
Tircis laiffe égarer fon ame fugitive ;
Chaque foupir lui vaut le plus tendre retour ,
Et fon amour s'accroît des faveurs de l'Amour.
Il lui jure cent fois que fon ame l'adore :
Pour l'en convaincre mieux , il le répete encore
Pourroit- elle douter de fa fincérité ,
Puifqu'elle a pout garants fon coeur & fa beauté
Belles , dont le coeur infléxible
Ne s'eft jamais laiffé charmer ,
Pourroit-il refter infenfible
Pour un berger fi beau , qui fçait fi bien aimer !
Mon efprit fut frappé de ce doux badinage ;,
NOVEMBRE. 1749- 35
Oui , j'en chéris encor l'image.
Des richeffes , de la grandeur ,
Je ne defire point l'uſage ;
Mais de fixer un coeur volage ,
D'être épris de la même ardeur
Ah ! cher ami , c'eft être fage ,
Que de jouir de ce bonheur.
De Graveline , près Genéve..
T
說洗洗洗洗洗洗洗洗洗淡淡淡說洗準
TROISIEME MEMOIRE
JE
Sur les anciens Evêques de Genève.
E continue, Monfieur, de me fervit de
la voie de votre Journal , pour communiquer
aux RR . PP . Benedictins , qui
travaillent à la Nouvelle Gaule Chrétienne
quelques remarques fur nos

anciens
Évêques. J'avois effayé de charger
de cette commiffion un homme de Lettres
que nous avons chez nous , & qui eft fort
verfé dans nos Antiquités Eccléfiaftiques.
C'est le même qui fit la Réponſe aux
Queſtions qui nous étoient venues de Lyon
il y a dix ou douze ans , fur Salonius
( elle a paru dans le Mercure ; ) mais je
n'ai pas pû gagner fur lui de fe charger
de ce petit travail. Il a fallu me retrancher
B. vj
36 MERCURE DE FRANCE.
à m'entrenir avec lui fur ces matieres , &
à rendre , le mieux que je pourrai , ce qui
m'eſt reſté de ces converfations . Il s'agit
donc de paffer encore en revûe quelquesuns
de nos Evêques , & de tâcher d'applanir
les difficultés qui fe préfentent fur leur
article .
>
>
Le trente fixiéme Evêque du Gallia
Chriftiana eft Apradus. C'eſt un de ces
anciens Prélats dont , comme de bien
d'autres , nous ne connoiffons prefque que
le nom ; nous ne fommes pas même affùrés
de l'avoir fort fidélement . Quelques liftes
le nomment Atallus ; le Rituel d'A-
& nous ap- necy l'appelle Catal lus
prend dans une petite note hiftorique ,
qu'il affifta à l'Acte du rétabliffement de
l'Empereur Louis le Débonnaire , & que fon
nom y paroît C'eft de la Chiefa qu'ils ont
emprunté cette particularité . Je n'ai pas
vû l'Acte , pour pouvoir vérifier 6 l'Evêque
de Genéve parut dans cette occafior
Mais je le trouve dans une autre équivalente.
C'eft pour un Privilége accordé
dans le Concile de Vorms , la vingtiéme année
du Regne de Louis le Débonnaire ,
à une certaine Abbaye. On y fait mention
d'un Archevêque de Sens , & de plufieurs.
Evêques , parmi lefquels on voit celui de
Genéve qui fouferit , Altadus Genevenſis:
NOVEMBRE 1749. 37
Epifcopus , l'an 833 * . Mais par là le
tems de notre Evêque eft également fixé..
Les freres de Sainte Marthe le font fiéger
dès l'an 816. Le Rituel d'Anecy met fa
mort à l'an 849 , & le Pere le Cointe à
842 .
Je vois dans ce Rituel , que cet Evêque
s'appelloit auffi Cataldus. Apparemment
l'on a tiré ce nom de Volaterran , qui en
parlant de lui, a fait une équivoque des plus
fingulieres. Dans les Commentaires fur la
Geographie , il dit que Cataldus a été un des
premiers Evêques de Genéve , qui y ayent
fait connoître l'Evangile , & qu'il y étoit
encore vénéré comme un Saint , dans le
tems même qu'il écrivoit **. Voilà qui
demande une petite difcuffion.
Bonnivard , qui avoit été Prieur d'un
Convent de l'Ordre de Cluny à Genève ,
fut fort furpris , lorfqu'il lut ce paffage de
Volaterran. Voici ce qu'il en dit dans une
Chronique manufcrite qu'il nous a laiffée.
Volaterran a écrit que le premier Evêque de
Geneve s'appelloir Cataldus , qui y étoit tenu
pour Saint. Mais je n'ai trouvé ni dans notre
ancien Catalogue , ni dans aucun autre,
* Voyez les Conciles du P. Labbe , Tome VII.
P. 1681 .
Gebenna.... ubi Cataldum ejus urbis Prafulem
&Profeſſorem adorant. Geogr . Lib. III. p. 1-4 •
38 MERCURE DE FRANCE.
écrit nulle mention de ce Cataldus , & ilferoit
bien furprenant qu'il n'en fût resté aucune
mémoire , s'il eût été réputé pour Saint . Bonnivard
écrivoit fa Chronique environ
l'an 1550 , & Volaterran vivoit encore
au commencement de ce feiziéme fiécle
. Comment dans moins de cinquante
ans ce Saint auroit- il été ainfi entierement
effacé de la mémoire ? Il eſt plus vraiſemblable
que cet Auteur Italien s'eft trompé ,
& que fon Cataldus eft un Evêque , &
fur-tout un Saint imaginaire , au moins à
Genéve .
Si la chofe en valoit la peine , il feroit
curieux de deviner ce qui a pû caufer cette
méprife. On trouve bien dans les Bollandiftes
un Evêque du nom de Cataldus
mis au rang des Saints , & dont la Fête eft
marquée au ro de Mai. La Légende dit
qu'il étoit né en Irlande , elle le fait contemporain
de Saint Patrice , avec qui il
travailla à prêcher l'Evangile à ce peuple.
Il fit enfuite le voyage de la Terre Sainte ,
d'où il vint à Tarente en Italie , dont il fut
un des premiers Evêques * . Il y eft regardé
comme un Saint , & même honoré com
me le Patron de la Ville. Si la Légende
l'avoit fait venir de Jerufalem à Génes
Dans l'Italie Sacrée d'Ughelli , il eft mis pour
le fecond Evêque de Tarente,
NOVEMBRE . 1749. 39
nous trouverions aifément ce qui auroit
pû caufer la méprife de Volaterran ; ce
Teroit la reffemblance de nom entre Génes
& Genéve. Peut- être eft- ce celle qu'il y a
entre Ataldus & Cataldus, quia brouillé les
idées . Il a attribué à Ataldus , Evêque de
Genéve , tout ce qu'il avoit lû de Cataldus,
Evêque de Tarente. On ne doit donc plus
faire d'attention à ce paffage de Volatersan
, & c'est une pure équivoque.
Le Succeffeur d'Araldus fut Domitien ,
que l'on compte pour le trente - feptiéme
Evêque de Genéve. H eft vrai qu'il y a
partage d'opinions fur la place qu'il faut
lui affigner. Dans les Mémoires de Tillemont
, on le fait fiéger beaucoup plutôt ,
vers l'an 644. " Les Evêques Domitien
» de Genéve , dit- il , Gratus d'Aoft , &
» Protais le Diocéfain de Sion , leverent
» le corps de Saint Innocent , un des Mar-
"tyrs de la Légion Thébéenne , & le mi-
» rent avec les autres.Till. ajoute dans une
note , » que le Gallia Chriftiana ne mar-
» que point de Domitien de Genéve avant
» l'an 876 , ni de Gratus d'Aoufte avant
>> 775 , ni de Protais de Sion avant l'an
"9
650 , & que l'époque de ce dernier eft
» plus affûrée , puifqu'elle eft fondée fur
Mém. de Tillemont. T. IV. p. 428. & 5560.
40 MERCURE DE FRANCE.
*
lle troifiéme Concile de Châlons - fur-
» Saone , où il affifta l'an 644.
Quelque porté que l'on foit à fuivre les
décifions d'un auffi habile homme fur
I'Hiftoire Éccléfiaftique ; il y a cependant
lieu de douter qu'il ait bien placé notre
Domitien. Il a pour principe qu'il faut le
mettre à côté de fon contemporain Protais
, Evêque de Sion , qui foufcrivit au
Concile de Châlons . Mais cette foufcription
eft conteſtée . On fçait que dans les
differens Auteurs qui nous ont donné des
recueils des Conciles , cette foufcription
n'eft pas uniforme. Au lieu de Protafius
Sedunenfis , Protais Evêque de Sion , quelques-
uns ont lû Senecenfis , de Senez ,
d'autres Senfienfis , que je n'entends pas.
Il vaut donc mieux prendre pour bouffole
Gratus , Evêque d'Aoft. Ughelli , dans
fon Italie Sacrée , nous a donné un article
fort détaillé fur Gratus , & fort propre à
nous diriger. » Saint Gratus , dit il , étoit
» Grec , né à Lacédémone , d'une famille
illuftre , & il fut élevé à Athènes avec
beaucoup de foin. Il affifta à un Concile
» tenu en Gréce , & fut député vers Char-
» lemagne pour des affaires Eccléfiafti-
» ques. Delà il fe rendit à Rome auprès
du Pape Leon III. La mort de l'Evêque
d'Aoft étant arrivée dans ce tems-là
NOVEMBRE . 1749. 41
¡
35
le Pontife le revêtit de cet Evêché.
» Ughelli ajoute qu'il contribua à faire
»rendre aux Reliques des Martyrs de la
Légion Thebéenne le culte qui leur étoit
» dû , & qu'il en tira quelques - unes des
»bords du Rhône pour les placer plus dé-
» cemment. On ne peut pas méconnoître
ici celui qui conjointement avec Domitien
fit tirer des fables du Rhône le corps de
Saint Innocent. Il met fa mort environ
l'an 810 , ce qui le rapproche beaucoup de
la date que les FF. de Sainte Marthe ont
donnée à Domitien.
Quelques Auteurs , du nombre defquels
il faut mettre les Editeurs du Rituel
d'Anecy , nous parlent d'un autre Domitien
beaucoup plus ancien . Dans leur édition
de 1674 , ils l'avoient appellé Donatianus
après les FF. de Sainte Marthe , qui
le font léger du tems de Gondegifile , premier
Roi de Bourgogne. Il précéde immédiatement
Saint Ifaac dans leur lifte ,
que l'on place environ l'an 440. Ces dates
font contradictoires. Gondegifile fut tué
Fan 501 , & Ifaac étoit contemporain de
Théodore , Evêque d'Octodurum , qui affifta
au Concile d'Aquilée l'an 381. On
trouve encore dans le Gallia Chriftiana ,
que ce fut fous ce Donatien ou Domitien ,
que fe fit la tranflation du corps de Saint

42 MERCURE DE FRANCE :
Victor de Soleure , à Genéve . Mais nous
ne voyons aucune trace de ce premier
Domitien dans le Catalogue tiré de notre
ancienne Bible , & qui eft le plus authentique.
Cela doit rendre fort fufpecte l'existence
de cet Evêque . On s'en rapporte
à ce qu'en diront les habiles Editeurs de
Saint Germain - des Prez .
On foupçonne que ce qui a fait mettre
ce Domitien dans quelques- uns des Catalogues
, c'eft un écrit qui fut trouvé dans
l'Eglife de Saint Victor de Genève , où
l'on voyoit un narré de la Tranflation du
corps de ce Martyr , que la Princeffe Sédéleube
fit venir de Soleure à Genève.
Simler rapporte de cette maniere la conclufion
de cet écrit : Acta funt hæc regnante
Domitiano Epifcopo Genevenfi , quo tempore
etiam Caftrum Solodorenfe Epifcopatui Genevenfi
fubditum erat. On ne peut guére
faire fond fur un femblable récit. Rien
n'eft moins exact. Jamais Soleure n'a été
de la Jurifdiction , ni temporelle ni fpirituelle
, de l'Evêque de Genève. C'eft de
celui de Laufane que cette Ville dépendoit
autrefois . Je ne dis rien du Regnante
Domitiano, phrafe bien enflée, pour
dire , lorfque fiégeoit un tel Evêque de
Genéve , & dans un tems que ces Prélats
n'étoient pas encore Princes temporels.
NOVEMBRE . 1749. 43
Cette expreffion conviendroit mieux au
regne de l'Empereur Domitien , qu'à Domitien
, Evêque de Genève. Je n'infifte
point là -deffus , parce je crois qu'on a des
exemples de cette façon de parler pour
des cas femblables .

Le trente-huitiéme Evêque eft Bofon.
Je n'ai qu'une petite remarque à faire fur
la durée de fon Epifcopat. Les FF. de
Sainte Marthe , & après eux le Rituel
d'Anecy , le font fiéger dix - fept mois ;
c'eft une erreur .J'ai devant les yeux la copie
que Bonnivard avoit tirée de l'ancien Catalogue
, où je lis très - diftinctement , que
Bofon fiégea dix-fept ans & cing mois.
Le trente- neuviéme eft Anfeguinus. Ce
nom eft défiguré , il s'appelloit Anfegifus .
Bonnivard l'avoit mal copié , ce qui eft
d'autant plus furprenant , que cet Evêque
avoit été enterré dans l'Eglife même du
Prieuré de Saint Victor , où l'on voyoit
fon épitaphe avec fon véritable nom. On
la trouve dans l'Hiftore de Genève , de
Spon *. Mais cet Antiquaire s'eft trompé
fur la mort de cet Evêque. Il lá met en
$40. C'eft un autre Anfegifus qui mourût
cette année- là , & qui avoit recueilli les
Capitulaires de Charlemagne. Quelqu'un
* Hiftoire de Genève. T. II. p. 346. dern édition,
-4°
44 MERCURE DE FRANCE.
a foupçonné que notre Evêque fut appellé
Anfeguin pour la facilité de la prononciation
, fon véritable nom étant difficile
prononcer. à
Optandus , fon Succeffeur , eft extrêmement
connu . Les FF. de Sainte Marthe en
ont fait un fort long article. Bernard , qui
vient après , n'a fiégé qu'un mois ; je ne
dirai donc rien de ces deux Evêques.
Il n'en eft pas de même de Riculphe ,
le quarante- deuxième . Cet Evêque paroît
dans tous les differens Catalogues , maist
nous n'avons que fon nom fans aucune
particularité de ſa vie. C'eft beaucoup fi
nous pouvons lui affigner fa véritable
place , ne connoiffant rien jufqu'à préfent
de ce qui s'eft paffé fous fon Epifcopat.
Heureulement j'ai trouvé une pièce , dont
il ne paroît pas qu'on ait fait ufage juſqu'ici
, & que je me flatte qui nous donnera
la date précife de Riculphe.
Parcourant les differentes Chartes que
renferme la Bibliothèque Sébufienne de Guichenon
, Recueil qui eft devenu affez rare ,
j'y ai trouvé une fondation d'Eglife dans
notre voifinage, où cet Evêque eft nommé,
& qui fe fait fous fon approbation , felon
la coûtume.
Eldegarde , Comteffe du Genévois , &
veuve du Comte Airbert , fonde & dotte
NOVEMBRE 1749. 47
un Prieuré dans un village à deux lieues
de Genéve , du côté du Couchant d'Eté ,
connu aujourd'hui fous le nom de Satigni ,
apud villam Satiniatis *. Ce village dépend
à préfent de la République de Genève , &
il y a exercice de la Religion Réformée .
Guichenen , dans une de fes notes , a voulu
nous faire connoître ce lieu , & s'y eſt
tout-à- fait trompé , malgré la grande reffemblance
du nom moderne avec l'ancien.
Il dit qu'il s'agit - là de l'Eglife de Verſoi ,
fituée au bord du Lac Léman. Ce Village
eft à une lieue de Genève , & appartient
aujourd'hui à la France. Satigni en eſt
éloigné de plus de deux lieues. Ceux qui
ne font pas du Pays , peuvent aisément
faire ces fortes de méprifes.
Mais en voici une plus importante , &
qui n'eft
n'eft pas fi excufable. Elle regarde la
datte de cette fondation , & par conféquent
elle doit déterminer dans quel tems
a fiégé Riculphe. Cet Hiftorien a crû l'Acte
beaucoup plus récent qu'il pe l'eft effectivement.
Tout reffent l'antiquité dans
cette Piéce. Pour marquer que l'Eglife
dont il s'agit , eft fituée dans ce que nous
appellons aujourd'hui la Province , ou le
Bailliage de Gex , on dit qu'elle eft dans
Bibliotheca Sebufiana , p. 65.
46 MERCURE DE FRANCE.
le Territoire que pofféde la Colonie
Equettre. In Pago Equeftrico . Voici fur
quoi ce nom eft fondé . Jules- Céfar avoit
envoyé aux environs de Genève une Colonie
qui fut appellée Colonia Equeftris ,
parce qu'il y avoit beaucoup de Cavalerie.
Elle devoit faire tête aux Helvétiens , en
eas qu'il leur prît envie une feconde fois
de paffer dans les Gaules. Il s'agiffoit aufli
de repeupler le Pays. La Colonie des
Equeftres avoit fa réfidence ordinaire à
Nion , entre Laufane & Genéve . Elle jouiffoit
de tout le Territoire , depuis les bords
du Lac Léman jufqu'au pas de la Clufe.
Autre indice d'antiquité dans l'Acte de
fondation de l'Eglife de Satigni. Celui
qui l'expédie à la place du Vice- Chancelier
, fe qualifie Maiolus Levita , c'eſt- àdire
Diacre . Ce mot fe prend ainfi dans le
Gloffaire de Du Cange , qui cite diverfes
autorités , mais de fiécles affez anciens ,
comme de Grégoire le Grand , d'Ifidore ,
du fecond Concile de Toléde , & des Capitulaires
de Charlemagne. Il ne faut pas
oublier de remarquer que la Fondatrice
étoit veuve d'un Comte du Genévois , qui
devoit avoir vêcu dans des tems affez anciens
, puifqu'il étoit Bifayeul du Comte
Gerold , qui en 1034 voulut difputer à
Conrad le Salique la fucceffion de RoNOVEMBR
E. 1749. 47.
dolfe 111. dernier Roi de Bourgogne .
Tous ces differens indices devoient conduire
Guichenon à mettre cet Acte au
commencement du dixième ſiècle . Cependant
il le met cent ans plus tard . On
voit à la marge que cette donation eft de
l'an 1007. Ce ne peut pas être la datte de
Riculphe , puifqu'alors fiégeoit à Genève
Hugues II. ce qui paroît par plufieurs documens
inconteftables. Cet Hiſtorien a
ajouté quelques nores à la fin de cet A&te ,
l'éclaircir. Dans la derniere , il entrepour
prend de prouver la réalité de la datte
qu'il a mile à la tête , & il fait pour cela
un calcul des plus étranges, » On lit à la
nfin de l'Acte , dit il , qu'il a été donné un
» Vendredi , 20 Février , de la vingt-qua
» triéme année du Legne de Rodolfe. Il s'agit
» de Rodolfe 1. que tout le monde fçait
qui commença à regner l'an 888. Donc
la vingt- quatrième année de fon Regne
»tombe à l'an 1001 de l'Ere Chrétienne.
En bonne Arithmétique 888 & 2.4
font 912. Dans celle de Guichenon , c'eft
1001. On est d'abord tenté de mettre
cette addition fautive fur le compte de
l'Imprimeur. Mais outre que la même er .
reur le trouve déja à la tête de l'Acte , la
même datte paroît encore dans fon Hif
toire de Savoye , où donnant la lifte des
48 MERCURE DE FRANCE
,
> à l'an
Comtes de Genéve il met Airbert , ou
Albert , & Eldegarde fa femme
1001 , & bouleverfe par là toute la Généalogie
de ces Comtes . L'Abbé de Longuerue
, fi exact d'ailleurs , a copié cette double
erreur de Guichenon , je veux dire
celle qui regarde la datte de la fondation ,
& celle du lieu où étoit fituée cette Eglife
**.
Il s'agit préfentement de trouver la
vraie datte de la fondation de l'Eglife de
Satigni , pour avoir celle de Ricu.phe. Je
crois cet Acte de l'an 935 , fous Rodolfe
II. A la rigueur cette année là ne feroit
que la vingt- troifiéme de fon Regne , dans
laquelle le 20 Février tomba fur un Vendredi,
mais ce peut être la vingt- quatrième
année commencée & non révolue .
On peut faire ici une remarque affez
finguliere , c'eft que Guichenon fur cet
Evêque a fait une faute toute oppofée à
celle des FF . de Sainte Marthe fur Hugues
II. Ils l'ont placé à l'an 930 , quoiqu'il
fiégeât encore après l'an 1000 , comme je
l'ai déja dit ; & Riculphe , qui vraifemblablement
fiégeoit dès l'an 950 , a été ren- .
voyé par Guichenon jufqu'après l'an 1000 .
Hift. de Savoye , p . 1169 .
**Defcription Hiftorique de la France , T. II.
1.322.
Il
NOVEM BR E. 1749. 49
Il est vrai qu'en plaçant Riculphe à l'an
930 , ou environ , il le préfente une difficulté
que je ne dois pas diffimuler : c'eft
qu'entre Optandus , qui fut facré en 881 ,
& lui , on ne trouve dans le Gallia Chrifsiana
que Bernard I, qui ne fiégea qu'un
mois . Quelle apparence qu'Optandus ait
gouverné fon Eglife cinquante- quatre ans?
On peut obferver que cette objection
eft beaucoup plus forte contre Guichenon
que contre nous. Chez lui , l'intervalle entre
ces deux Evêques eft de plus d'un fié
cle.
"
Pour répondre à cette difficulté , je crois
qu'il faut convenir d'abord que le Catalogue
de Genève que l'on a fuivi , eft ici
défectueux. Il eft clair qu'on y a omis
quelques Evêques. A cette datte , differentes
perfonnes les y infcrivoient , à
mefure qu'ils mouroient. Il n'eft pas furprenant
que par négligence quelqu'un de
ces Prélats ait été oublié. Mais nous trouvons
ailleurs de quoi remplir le vuide du
demi fiécle qu'on nous objecte. Le Pere
Mabillon , dans fes Annales Benedictines
fur l'an 907 , nous fournit un Franco , qui
cette année-là figna quelques Actes qui regardoient
le Monaftére de Savigni près
de Lyon * . Dom Planchet dans fon Hif-
Annal. Benedict. T. III. p . 304.
1
50 MERCURE DE FRANCE.
I
toire de Bourgogne , nous apprend que Rodolfe
11. nouvellement Roi de ce Pays- là ,
fit la guerre à Burchard , Duc de Suabe ;
qu'enfuite l'Evêque de Bâle & Anfelme ,
Evêque de Genève , négocierent la Paix
entre ces deux Princes * . Le Rituel d'Anecynous
fournit auffi deux Evêques , qui
doivent avoir fiégé dans l'intervalle que
nous avons à remplir ; Frederic I. qu'il a
tiré de la Chiefa , & que j'avoue que nous
ne connoiffons point , & Aimar de la Roche
dont j'ignore la fource. Ces quatre ou
cinq Evêques fuffifent pour les
cinquante
ans qui nous manquent .
Un autre Aimar , beaucoup plus connu
dans l'Evêché de Genéve que le précédent ,
c'elt Ademarus Fabri , qui eft le foixanteonzième
du Gallia Chriſtiana , & qui fiégeoit
en 1385. Sa mémoire s'eft confervée
dans notre Ville par divers endroits , mais
furtout par un Acte qu'il publia fur les
Libertés , les Franchifes & les Immunités de
Geneve. Il fut traduit du Latin en 15075
& imprimé en caractéres Gothiques . Ce ne
font pas proprement des conceffions nouvelles,
faites aux Citoyens , mais plutôt la
confirmation des anciens ufages . Il y a
bien des minucies dans ces Franchifes ,
* Hift. de Bourgogne , II. p. 187.k •
NOVEMBRE.
1749. SI
mais il y a auffi des articles affez curieux .
En voici un , par exemple , qui mérite
d'être rapporté ; c'eft que la Garde de la
Ville , depuis le coucher du Soleil jufqu'à ſon
lever , fera entierement aux Citoyens , &
l'Evêque , ni aucun autre en fon nom , ne
pourra exercer la Jurifdiction dans cet intervalle
, mais feulement les Citoyens.
que
preu-
Outre Ademarus Fabri , il y a eu un
autre Evêque de cette famille , qui a été
omis dans le Gallia Chriftiana , & dans
toutes les autres Liftes que nous connoif
fons ; c'étoit Pierre Fabri. Voici des
ves qu'il a réellement fiégé dans notre
Ville. La famille Fabri s'eft confervée jufqu'à
nos jours. Elle a donné plufieurs
Magistrats à notre République , & nous
en avons encore de ce nom. Ils ont dans
leur maifon des manufcrits , qui font des
redditions de comptes des revenus Eccléfiaftiques
de Genéve , dès l'an 1 480 juſqu'à
1505 , où il eft fait mention de l'Evêque
Pierre Fabri * . Un homme de Lettres de
notre Ville avertit Spon , qu'il avoit oublié
cet Evêque dans fon Hiftoire de Genève ,
& lui marqua en même tems la place qu'il
* Voici un article de ces comptes qui y revient
plufieurs fois , Pro fundatione Cappella Rev. Domini
Petri Fabri quondam Epifcopi Gebennenfis ; Flor.
XV.
Cij
52 MERCURE
DE FRANCE.
croyoit qu'on devoit lui donner dans le
Catalogue. Il doit avoit fiégé en 1377 ,
après Guillaume de Marcoffon , foixanteneuviéme
Evêque , & Jean de Murol , le
foixante- dixième , qui entra en poffeffion
de l'Epiſcopat en 1378. Pierre Fabri aųṛa
donc pû fiéger entre ces deux , & cela pendant
une année , & quelque chofe de
plus.
Le quatre-vingt- neuvième Auberius , le
quatre - vingt - dixiéme Ludovicus
de Rie.
Ces deux Evêques n'en doivent faire
qu'un. Ce qui a trompé les FF. de Sainte
Marthe , c'eft que Louis de Rie étoit appellé
Monfieur d'Auberive , du nom d'une
Abbaye qu'il poffédoit.
Le quatre-vingt-onziéme Philibertus
de
Rie. Il étoit frere du précédent , On les
fait mourir tous deux le même jour , 25
Août 1550. Cela demande encore d'être
corrigé . Le premier fut élu en 1544 , & mourut en 1548 ; fon frere lui ayant fuccedé
mourut en 1550.
P. S. Avant que de nous donner les Archevêques
de Vienne & leurs Suffragans ,
entre lefquels doit être Genève , les nouveaux
Editeurs , qui ont choifi l'ordre alphabétique
, travailleront
fur les Archevêques
de Tarentaife. La Bibliothèque
de
Genéve a acquis un Miffel du dixiéme fié
NOVEMBRE. 1749. 53
cle , qui a appartenu à l'Eglife Cathédrale
de Montier , Capitale de la Tarentaiſe
. On y voit à la tête un Obitnaire qui
pourroit fournir quelques dattes. Dans la
Lifte des Archevêques de Tarentaife des
FF. de Sainte Marthe , le trentiéme eft
Aymo , qui vivoit au milieu du onzième
fiécle. On ne marque pas l'année de fa
mort , mais notre Miffel , pour indiquer
fon Anniverſaire , défigne le jour du mois,
c'eft le 21 Février * .
De même à l'égard de Bofon , trentedeuxième
Archevêque , qui vivoit fur la
fin du onzième fiécle , fa mort eft marquée
au 21 Septembre.
Mais voici une datte plus inftructive
& qui pourra être de quelque utilité aux
nouveaux Editeurs. Sur le douzième Octobre
de l'an 1222 , on lit , Obiit Dominus
Bernardus Archiepifcopus Tarentaf. C'est
le trente-feptiéme de la Lifte des premiers
Editeurs, qui l'avoient fait mourir en 1229 .
L'erreur eft confidérable. Il eſt vrai qu'ils
ont prétendu s'autorifer d'un Nécrologe
des Chartreux . Mais celui de la propre
Eglife de ce Prélat , & où il eft mort , mérite
plus de créance .
* Gallia Chrift. T. I. p . 664.
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
EPITAPHE
De Madame la Marquise du Châtelet.
L'Univers a perdu la fublime Æmilie .
Elle aima les plaifirs , les arts , la vérité.
Les Dieux , en lui donnant leur ame , leur génie ;
Ne fe font réfervés que l'immortalité .
QÜPÜRÜNÜİQURUĻAUDUDUDUDI AUDU002
Q
ODE
Sur le Jugement dernier.
Uel bruit terrible
m'épouvante !
La foudre gronde dans les airs .
Des vapeurs que la terre enfante ,
Se forment de fombres éclairs .
Tout fe confond ; l'effroi redouble ;
Le Soleil s'arrête & fe trouble ;
La Lune paroît chanceller ,
Et tous les élemens enſemble
Confpirent pour nous accabler.
+3x+
J'entens la trompette bruyante ,
Dont le fon menaçant , affreux ,
NOVEMBRE.
55 1749 .
Forte le trouble & l'épouvante
Jufques au féjour ténébreux .
Déja la voix fe fait entendre ;
Mortels , venez ici vous rendre ,
Venez au dernier Jugement ;
Un Dieu jufte , vengeur des crimes ,
Va choifir enfin les victimes
Qu'il doit à fon reffentiment.
*3X
A ces mots , des cris effroyables
S'élevent du fond des enfers ,
Et les infortunés coupables
Se hâtent de brifer leurs fers.
Déja les tombeaux fe découvrent;
Les temples , les rochers s'entr'ouvrent ;
Les abîmes pouffent des feux ,
Et du fond des demeures fombres ,
Les limbes , vomiffant des ombres ,
Préfentent des spectres hideux .
Je vois fur ces fatales rives
Se rouler de vieux oflemens ,
Et j'entends mille voix plaintives
Pouffer de longs gémiffemens .
Par l'effet d'un pouvoir fuprême
La cendre s'anime elle même ,
Et l'on voit enfin tous les morts ,
Du fond d'une noire pouffierė ,
9
C iiij
56 MERCURE DE FRANCE.
Reprendre leur forme premiere ,,
Et le revêtir de leurs corps.
A peine ils font rendus au monde ,
Dans l'effroi dont ils ſont ſaiſis ,
Qu'ils regrettent la nuit profonde
Des tombeaux dont ils font fortis :
La mort leur paroît moins cruelle
Que la vie affreufe & nouvelle
Dont Dieu commence à les punir .
Tant de troubles dans la nature
Leur offrent la triste peinture
D'un épouventable avenir.
Cependant la voûte céleste
S'ouvre du côté du Levant ;
Je vois dans cet inftant funefte
La Majefté du Dieu vivant .
Le Ciel brille de feux horribles ,
Et par trois fecouffes terribles
La terre marque fa frayeur :
Mais foudain le bruit du tonnerre ,
La mer , & les vents & la terre ,

Tout s'enfuit devant le Seigneur.
Le Dieu de l'Univers s'avance ,
Il tient la foudre dans fes mains ,
NOVEMBRE . 1749 . 57
La noire terreur le devance ,
Et va faifir tous les humains.
Il vient comme un Juge implacable.
Devant fa face redoutable ,
Tous les Anges font confternés :
Sur fon pouvoir , fur la juftice ,
Il vient meſurer le fuplice
Des mortels qu'il a condamnés.
***
Terrible au milieu de fa gloire ,
Affis fur un Trône d'airain ,
D'un feul trait il trace l'hiſtoire
Et les crimes du genre humain.
Dans ce grand jour de fes vengeances ;
Il veut publier les offenfes
Qui font éclatter fa fureur ;
Et l'afpect d'un Juge févére ,
Auffi jufte qu'il fut bon Pere ,
En redouble toute l'horreur.
**
Frappés de cette affreufe image ;
L'on voit les humains malheureux
Pouffer vers Dieu des cris de rage ,
Pour les traits qu'il lance fur eux :
Forcés d'avouer fa juftice ,
Ils ajoutent même au fupplice
Que leur prépare fon couroux,
Cy
58 MERCURE DE FRANCE.
La terre s'ouvre , & les abîmes
Reçoivent les triftes victimes.
De la fureur d'un Dieu jaloux.
*3*
Enfin la vengeance eft remplie,
Et le Maître de l'Univers ,
Pour ne plus écouter l'impie ,
Scelle les portes des Enfers ;
Il monte au Ciel ; la troupe fainte
Que ne doit plus troubler la crainte ,
Va jouir d'un fort glorieux :
La terre trifte & déſolée ,
Par fon propre poids accablée ,
Retombe en un cahos affreux.
500 500500 200 300 500 506 30% 502- 500 505 506 506 32
SEANCE PUBLIQUE
De l'Académie Royale des Sciences , Infcrip
tions & Belles- Lettres de Toulouse , tenue
le jour de la Saint Louis , 25 Aout 1749.
M
Onfieur de Puivert , Préfident du
Parlement , & Vice Préfident de
l'Académie pour la préfente année , ouvrit
la féance par un difcours plein de
grace & de nobleffe. Il fit fentir les avanNOVEMBRE.
1749.
59
tages que les Sciences & les Belles- Lettres
retirent de l'établiſſement des Académies ,
& des prix qu'elles diftribuent. Il remarqua
à cette occafion , que l'Académie avoit
trouvé dans fon fein des reffources , pour
que la diftribution du prix , fondé par la
Ville , & qu'il étoit devenu néceffaire de
fufpendre pour quelques années , ne fût
point interrompue *.
M. Marcorelle , Directeur de l'Académic
, & Correfpondant de l'Académie
Royale des Sciences , remplit la Séance , en
rendant compte des travaux Académiques
d'une année , & dit :
Meffieurs , je fuis chargé de vous rendre
compte des travaux Académiques
d'une année ; ils font variés dans leur objet
& dans leur forme ; ils embraffent toutes
* En parlant de la Séance publique d'après
Pâques, de cette Académie, nous avons remarqué
2. vol. de Juin ) que plufieurs Académiciens
avoient donné des fommes affez confidérables
pour être employées à l'acquifition d'une maifon ,
deftinée pour le logement de l'Académie ; quelques-
uns de ces mêmes Académiciens ont fait des
fonds fuffifans , pour que la diftribution du prix ,
fondé par la Ville , qu'il étoit devenu néceffaire
de fufpendre pour quatre années, ne fût point interrompue.
Ces évenemens feront toujours précieux
aux yeux de ceux qui s'intéreffent aux pro .
grès des Sciences & des Belles- Lettres , & merient
d'être tranfmis à la postérité.
C vj
60 MERCURE DEFRANCE.
les efpéces des Sciences , & le vafte champ
de la Littérature. La courfe que je dois
fournir eft donc longue & difficile , &
bien au-deffus de mes forces . Je tâcherai
d'unir dans ce détail hiftorique l'exactitude
avec la clarté .
M. d'Arquier a ouvert la carrière géomé
trique, en communiquant à l'Académie fes
réflexions fur la feiziéme propofition du
troifiéme Livre d'Euclide . L'efpece d'obfcurité
qui environne quelques propofitions
de Géométrie , fans prendre pourtant for
la rigueur de leurs démonftrations , fe
fait dabord fentir fur l'angle de contingence
; il donne lieu à plufieurs paradoxes
qu'il eft naturel de chercher à réfou
dre. M. d'Arquier , avec une modeftie qui
honore le mérite , avoue qu'il n'a pû fe fa
tisfaire fur les difficultés des courbes rigoureufes
, dont toutes les parties participent
de la courbure ; mais à l'égard des
courbes non rigoureufes, les difficultés dif
paroiffent , puifque ces dernieres étant formées
de petites lignes droites , leurs angles
font de la nature des angles rectilignes.
Comme rien ne conduit plus fûrement à
la découverte des vérités que l'exactitude
des définitions , M. d'Arquier fouhaiteroit
qu'Euclide n'eût point défini l'angle , l'inclinaifon
de deux lignes qui fe touchent :
NOVEMBRE . 1749. 61
tuffi plufieurs Commentateurs d'Euclide
l'ont-ils défini l'inclinaifon de deux lignes
qui fe rencontrent. M. d'Arquier termine
ſes réflexions par réfuter l'opinion
du P. Taquet fur la notion des angles.
Comment eft -il poffible , dit il , qu'un
homme d'auffi bon efprit ait avancé que
l'angle n'eft point une quantité fufceptible
de plus ou de moins ?
La profondeur philofophique & la rigueur
du raifonnement de M. le Marquis
de Beauteville n'ont pû admettre l'efpece
d'exclufion que M. d'Arquier vouloit donner
aux courbes rigoureufes. S'il n'a pû
parvenir à diffiper les ténebres dont cette
queftion eft enveloppée , il a fait voir du
moins qu'elle ne renferme aucune forte de
contradiction . Ce n'eft que depuis l'inven
tion des nouveaux calculs , qu'on a confidéré
les courbes comme formées par de petites
lignes droites ; mais les deux célebres
Inventeurs de ce calcul fe font bien gardés
de réaliſer cette idée , qui entraîne néceffairement
avec elle tous les myftéres d'un infini
numérique réel , qui ne peut exifter ,"
puifque la furface & le folide ne fçauroient
être comparés , puifqu'il y a des lignes
droites incommenfurables , & qui fe
refufent par -là à la comparaifon, puifqu'on
ne sçauroit comparer des lignes telles que
62 MERCURE DE FRANCE.
le diamètre du cercle & la circonférence ,
fur tout fi la quadrature du cercle eft impoffible
, comme l'a avancé le grand Bernoulli
. Il n'eft pas merveilleux , dit M. le
Marquis de Beauteville , que l'angle de
contingence foit incomparable avec tout
angle rectiligne, mais s'agiffant d'une grandeur
d'un autre ordre , on ne fçauroit en
conclure que l'angle de contingence ne
foit une quantité fufceptible de plus ou de
moins. Il n'eft pas inutile de remarquer
ici, que nos Géométres ne font point divifés
fur ce qui eft purement géométrique ,
mais fur des idées métaphyfiques qui y font
mêlées , & dont la difcuffion eft bien plus
délicate.
C'est ce qui a déterminé le P.Fontenilles,
à les éloigner dans fon Mémoire fur le toifé
des voûtes. Son unique objet a été d'y
rappeller la Géométrie à l'ufage des Arts . Il
étoit bon qu'à des méthodes arbitraires &
peu exactes , introduites par des ouvriers
groffiers & intéreffés , on fubftituât une
méthode fûre. Après les voûtes à berceau
, les voûtes à arêtes & en arc de cloître
font les plus communes ; ce font auffi
celles où le toifé eft ordinairement le plus
fautif Le P. Fontenilles en parcourt tous
les cas , & pour éviter ler erreurs de ceux
qui veulent déduire la folidité de la furNOVEMBRE.
1749. 63
face , il donne des régles particulieres pour
l'une & pour l'autre ; ces régles fe tirent de
la théorie des onglets cylindriques , parce
qu'en effet les voûtes qu'on confidere ,
ne font que des fegmens de ces onglets ,
Pour préfenter une pratique auffi fimpie ,
le P. Fontenilles a été obligé de réfoucre
des problèmes profonds , qui fervent de
fondemer & de preuve à tout fon Mémoire
; mais cherchant plus l'utilité que
l'éclat , il s'eft efforcé de rendre les opérations
les plus aifées qu'il lui a été posible,
tant il faut que la fcience ait des ménagemens
pour les préjugés qu'elle trouve établis.
par-
Les fecours que la Géométrie vient de
donner aux Maçons & aux Architectes ,
elle va les fournir à la Médecine . Lorfqu'on
regarde avec un microſcope la
tie rouge du fang , on voit dabord qu'elle
eft compofée de petits globules. Ceux qui
les ont examinés avec attention , difent
que lorfqu'ils fe changent en férofité , chaque
globule de couleur rouge fe partage
en fix globules de couleur jaune , chacun
defquels fe fubdivife encore quelque tems
après en fix globules aqueux , fort tanfparens
& fi fins , qu'il eft impoffible d'en
difcerner les parties avec les meilleurs microſcopes.
Voila jufqu'où les yeux du
64 MERCURE DE FRANCE.
corps ont pû pouffer leurs recherches &
leurs découvertes ; mais les yeux de l'efprit
, par des inductions fubtiles , ont été
beaucoup au de - là . Leeowenhoek a décou
vert des vaiffeaux fanguins, dont le diamétre
eft moindre que la dixième partie d'un
globule rouge ; les globules aqueux ne
font donc pas les plus petites parties dans
' lefquelles le fang eft divifé . Pour conferver
l'analogie , on a ingénieufement imaginé
une fuite de genres inférieurs de
globules , dont chacun eft compofé de fix
globules plus petits , & cela jufqu'au dixiéme
genre ; mais pourquoi fix globules ,
eft- ce donc là un nombre mystérieux ? La
vraie fcience rejette ces vertus des nombres
; mais fix globules , dit- on , s'ajoûtent
mieux que tout autre nombre , pour donner
une forme durable à un globule plus
gros. S'il n'entroit dans fa compofition,
que 2 , 3 , 4 ou 5 globules , il feroit trop
anguleux, & fes parties intégrantes feroient
féparées trop aifément : fi au contraire il y
en avoit 7 , 8 , 9 ou un plus grand nombre
, plufieurs d'entre eux ne fe toucheroient
par aucun endroit , & leur adhérence
ne feroit pas auffi ferme.
, 9
Ce fyftême a ouvert à M. Garipuy une
vafte carriere ,& a donné lieu à une Differ.
tation géométrique fur l'arrangement &
NOVEMBRE . 1749. os
les diverfes combinaiſons de plufieurs globules
; cette matiere étoit toute neuve ;
elle ne donne aucune prife ni à l'algébre
ni aux nouveaux calculs , & on ne pouvoit
eſpérer de la traiter avec fuccès que
par la fyntheze. Il feroit difficile de ſuivre
M. Garipuy , & plus encore de le faire fuivre
dans le détail épineux où il est entré ;
je n'en prends que la fubftance . Il démontre
d'abord qu'on ne peut placer que douze
globules autour d'un globule central , égal
aux globules environnans qui le touchent.
Quoique le globule environnant n'occupe
qu'un peu plus que la quinzième partie
d'un globule central , cependant les efpaces
vuides que les globules laiffent néceffairement
entre eux , font qu'il n'en pent
être placé que douze autour d'un . De l'arrangement
général des globules , M. Garipuy
paffe aux difpofitions régulieres d'un
nombre déterminé de globules , qu'il réduit
à cinq ; la premiere faite avec 4 globules
, la feconde avec 6 , la troifiéme avec
12 , la quatriéme avec 8 , & la cinquième,
avec 20 globules. Les trois premiers arrangemens
, qui ne laiffent que des vuides
triangulaires, font beaucoup plus ferrés , &
font par conféquent un tout plus compact
& plus folide que les deux derniers , qui
laiffent les interftices à 4 & à 5 angles. Le
66 MERCURE DEFRANCE .
troifiéme , compofé de douze globules ,
fait un affemblage plus durable que le fecond
compofé de fix, fuivant la régle qu'on
a expofée plus haut , parce que le tout y eft
moins anguleux , & que chacun des globu.
les , dont il eft formé , touche les cinq
qui l'environnent. Il s'enfuit donc que ce
n'eft point aux avantages de la difpofition
du nombre de fix globules , qu'on doit attribuer
l'arrangement fixe des globules du
fang ,mais à quelque chofe de particulier,
relle que feroit leur attraction ou leur vif.
cofité , leur fléxibilité & leur reffort. Pour
ne laiffer rien à défirer fur cette matiére ,
M. Garipuy examine l'arrangement d'une
fuite de globules , qui occupe le plus petit
efpace poffible ; le réfultat qu'il en tire par
rapport à la denfité des globules , s'accorde
avec le calcul de M. Georges Martin , de
la Société Royale d'Edimbourg , qui fert
de fondement au rapport de péfanteur
qu'il a établi entre les parties intégrantes
du fang. La théorie de M. Garipuy peut
s'appliquer à tous les fluides compofés de
globules. Dès que la Phyfique s'exercera
fur des figures déterminées , deflors la Géométrie
fera en droit d'y étendre fon empire
, & de lui communiquer fa certitude infiniment
préférable aux hypothéfes les plus
brillantes . De l'examen de la décompofi
NOVEMBRE. 1749. 67
tion du fang en globules , on déduit la denfité
& la péfanteur fpécifique de la partie
rouge , de la férofité & de toutes les autres
parties du fang , & enfin quelle eft la groffeur
des globules de chaque genre. On
fent affez combien font utiles à la Médecine
toutes ces fixations.
Une autre partie des Mathématiques ,
qui tire de fon objet une fi grande dignité
, s'occupe des mouvemens céleftes. Les
Aftronômes en dreffent des tables exactes ,
& les Eclipfes en font les époques les plus
mémorables . Il y en eut deux l'année derniere
dans l'efpace de quinze jours , l'une
de Soleil , arrivée le 25 Juillet , on en a
déja rendu compte : la feconde eft une
Eclipfe de Lune , arrivée le 8 Août , Mrs
Garipuy & d'Arquier l'obferverent avec
des lunettes de huit pieds , & M. l'Abbé
de Sapte avec un Télefcope à réflexion de
30 pouces , faifant l'effet d'une lunette de
vingt- cinq pieds : les obfervations n'ont
eu prefque de difference que celle que devoit
donner la differente force des lunettés
. Suivant l'obfervation de M. l'Abbé de
Sapte , le commencement a précédé de
cinq minutes, & la durée a été moindre de
dix minutes , que ne le déterminoit le Livre
de la connoiffance des tems.
Le S Novembre dernier , la Lune ayant
68 MERCURE DE FRANCE ;
qua
paffé par les Pleyades , M. Garipuy s'applià
obferver la pofition de cet Aftre par
rapport aux Etoiles de cette Conftellation .
Une analyſe exacte eft une forte de création.
Les extraits d'une nouvelle expofition
de l'inftitution de Newton & des
nouveaux Elemens d'algébre de M. Clairaut
, qui ont été faits , l'un par M. d'Arquier
, & l'autre par M. Dufourc , leur
rendent , pour ainfi - dire , propres les lumieres,
de ces fçavans étrangers à l'Académie
.
les
Si toutes les fciences ont entr'elles une
liaifon néceffaire , on peut affûrer que la
Phyfique tient encore de plus près que
autres aux Mathématiques . Les vrais Phyficiens
fe font honneur de reconnoître que
c'est d'elles qu'ils empruntent la folidité
de leurs fyftêmes ; mais dans la Phyſique il
y a des vérités & des expériences , pour
ainfi dire , fondamentales ; les obfervations
météorologiques font de ce nombre ;
elles ont pour objet la conftitution de l'air ,
les differens poids de l'atmoſphere & la
température des faifons. Leur importance
ne les dérobe pas à leur féchereffe naturelle
, & pour s'y adonner il faut facrifier le
défir de plaire à celui d'être utile. Le renouvellement
de cette Académie en a fait
reprendre le fil , qui avoit été interNOVEMBRE.
1749. 69.
rompu. Elle m'a fait l'honneur de me char.
ger de l'exécution de ce travail. Je lui rendis
compte l'année derniere des obfervations
météorologiques de 1747 , & je lui
ai communiqué cette année celles de 1748.
Il en résulte que la hauteur de la pluye ,
tombée à Toulouſe , eft de neuf pouces fix
lignes & de tiers de ligne ; comparée
avec celle des années précédentes , elle eſt
au deffous de la moyenne.
Le plus grand froid marqué par le Thermométre
a été le 14 & le 15 Janvier. La
liqueur defcendit pendant ces deux jours
à 9 degrés & demi au- deffous du terme de
la congelation , & la plus grande chaleur
fut le 23 Juin , le mercu étant monté à
35 degrés & demi .
La plus grande hauteur du Barométre a
été de 28 pouces 4 lignes & demie , par
un vent d'Eft , & le plus grand abbaiffement,
de 26 pouces 8 lignes & demie , par
un vent de Nord , variation plus forte
qu'elle n'a coûtume de l'être dans ce pays.
La déclinaison de l'aiguille aimantée a
été à Toulouſe , le 12 Novembre, de 15 de
grés Nord- Ouest . Ses variations ne font
pas entierement irrégulieres , & les obfervations
fur ce point font d'une conféquence
infinie.
A la fin du Mémoire, on donne une idée
70 MERCURE DEFRANCE.
générale des productions de la terre pendant
l'année 1748. En les comparant à la
conftitution de l'air & à la differente température
des faifons , ne pourroit-on pas
efpérer de parvenir un jour à former une
efpece de prédiction fur la fécondité ou la
ftérilité des années , fur ce qui les rend
faines ou fujettes à certaines maladies ?
"
Les obfervations météorologiques préparent
la voye à une jufte, théorie fur l'origine
des fontaines. Mrs Perrault & Mariote
l'avoient tentée , en comparant la
quantité d'eau qui tombe du Ciel , avec
celle de l'eau qui fort des fontaines ; mais
quelque probabilité que ces calculs paruffent
avoir, M. Sedileau , les ayant examinés
, trouva qu'on n'y pouvoit faire aucun
fondement , faute d'avoir pris un terrein
affez étendu . Le P. Cavallery met à profit
ces differens fentimens,pour en former un
qui lui eft propre. La nouveauté de fon
fystême ne doit pas établir un préjugé contre
lui. Il a crû entrevoir l'origine des
fontaines dans ce mot d'Ovide , Niveo de
pumice fontes. C'est ainsi que les adorateurs
d'Homere ont prétendu trouver dans fes
Poëmes le germe de toutes les Sciences &
de tous les Arts ; il eft vrai que ces germes
y font bien refferrés par la contrainte de
la Poëfic , & qu'ils ont beſoin de la main
NOVEMBRE. 1749 : 71
d'un Artifte ingénieux pour en aider le
développement. C'est ce développement
qui fait le fujet de la Differtation du P.
Cavallery. Selon lui , l'origine des fontaines
reffemble à l'origine des gommes ,
des réfines , des liqueurs , qui diftillent de
certains arbres après s'être féparés du fuc ,
comme la férofité fe fépare du fang , lorfqu'elle
forme des adémes aux corps des
animaux : les fucs accumulés agitent le flui.
de dont ils font preffés, & le forcent de s'échapper
par les pores de l'enceinte qui les
renferme. Selon lui auffi , les réſervoirs
ou les conduits fouterrains des premieres
fources ont une enceinte poreufe comme
une pierre ponce , une éponge , un filtre
propre à attirer , à fuçer & à fournir des
iffues au Auide preffé ; ces filtres font dans
un terrain où ces fucs abondent & fe meuvent
comme autour des profondes racines
d'un grand arbre ; ainfi que la terre nourrit
cet arbre , elle nourrit les fontaines ,
dont on cherche l'origine. L'arbre attire
les fucs qui doivent lui donner la nourriture
, l'enceinte des fources attire la liqueur
qu'elles doivent fournir . De ces
principes il conclud , que l'origine des
fontaines eft l'attraction & la colature de
l'humeur qui s'exprime des fucs de la terre
accumulés , refferrés & preffés par leur
72 MERCURE
DE FRANCE
.
affluence à la rencontre de quelque obſtacle
aux environs des réfervoirs fouterrains,
dont l'enceinte eft comme un filtre propre
à léparer des fucs la liqueur qui va fourdre
aux fontaines. Le P. Cavallery fe fert des
meilleures obfervations
qui ont été faites
fut cette matiere , pour appuyer fon ſyſtême
, & pour réfuter celui des autres Philofophes.
On ne peut , dit-il , dans tout au
tre expliquer les diverfes propriétés
des
fontaines minérales , & l'on peut ofer
beaucoup fans préfomption
, quand on ne
combat les grands hommes qu'avec leurs
propres armes, M. le Préfident
d'Orbeffan
a embraſſé
un objet , qui quoique
moins étendu , n'en eft pas moins intéreffant
; il a fait fur
la fontaine de Salies , à quelques
lieues de
Pau , des obſervations
hiftoriques
, phyfiques
& oeconomiques
. La premiere
obfervation
hiftorique
confifte dans la poſition
ftérile & ingrate du lieu de Salies. I
La feconde anecdote regarde l'origine
de la découverte de cette fontaine , attribuée
à un fanglier , qui fe vautrant dans
l'eau bourbeufe & portant enfuite les empreintes
du fel deffeché , fervit d'indication
à la découverte
de la fource ; elle eft
fortifiée par les anciennes Armes de Salies ,
qui étoient un Sanglier , & par un Fiefou
redevance
NOVEMBRE . 1749. 73
redevance , établi à raifon de la fontaine
au profit du Seigneur d'Andeaux .
La troifiéme a pour objet l'hiſtoire abregée
des autres fources d'eau falée , connues
en differens climats .
Les obfervations phyfiques confiftent
dans la pratique que les Fabriquans em
ployent pour féparer par l'action du feu les
parties aqueufes des parties falines , dans le
produit du fel ainfi féparé; dans la quantité
du fel produit par les eaux de cette fontaine
, comparé avec le fel produit par l'eau de
la mer ; dans la plus grande activité de ce
fel de fontaine , comparé avec le fel tiré de
la mer ; dans l'uſage que la Médecine pourroit
faire de ces eaux falées pour la curation.
de quelques maladies , en fixant & déterminant
précisément la nature de ce fel.
Les obfervations oeconomiques roulent
fur l'utilité les habitans de Salies retique
rent du produit de ce fel , fur le cómmerce
confidérable qu'il occafionne , & fur
l'heureuſe influence que l'agriculture des
terres voisines reçoit par la qualité du fumier
impregné de fes parties falines.
Le hazard , auteur de prefque toutes les
découvertes , a conduit M. Ricaud à découvrir
dans les eaux de l'Oriege d´s propriétés
& des vertus jufques alors incon
nues : il a rapporté cette année à l'Acadé-
D
74 MERCURE DE FRANCE.
mie des atteftations revêtues de toutes les
formalités , & qui mettent dans le plus ,
grand jour beaucoup de cures & plufieurs.
guérifons de maux externes , produites
par l'ufage des bains de ces eaux . M. Ricaud
en attribue la caufe aux mines de plufieurs
efpeces qui font aux environs des
fources de cette riviere , & de plufieurs des
ruiffeaux qu'elle reçoit dans fon cours . Les
paillettes d'or dont le fable de cette riviere
eft chargé , femblent favorifer cette explication
.
La fuite pour le Mercure prochain.
@@@: •• %
A MLLE DE V **.
CE Dieu , qu'encor ne connoiſſez
Ce Dieu que par tout on révere ,
Qu'à fon malin fouris on reconnoît aſſez ,
Et qui , quoiqu'enfantin , fçait plaire ;
Enfin ce Dieu , qu'on nomme Amour ,
Piqué du projet téméraire
Qu'enſemble fîmes l'autre jour ,
S'en eft plaint à ſa mere.
Souveraine des Dieux , a -t'il dit tout en pleurs,
Aide-moi dans ma vengeance ,
NOVEMBRE.
1749. 75
Ou déformais fur les coeurs
Ton fils n'a plus de puiffance.
Deux Rebelles , à mes leix
Veulent aujourd'hui fe fouftraire.
En vain donc fur la terre
Ai - je établi mes droits ;
En vain vois-je à mes pieds le maître du tonnerre,
Une ingrate pour qui je gardois mes faveurs ,
Qui de moi reçut dès l'enfance
L'art féducteur d'enchaîner tous les coeurs ,
Trompe en ce jour ma plus douce efpérance ;
L'ingrate au mépris de mes feux ,
Qui , l'ingrate qui fait qu'aujourd'hui je ſoupire,
Veut loin de mon empire
Paffer des jours qu'elle croit plus heureux.
Que deviendront ces lys qu'avec foin je cultive ?
Roſes que j'ai fait naître, allez - vous donc périr ?
Hélas , pour m'épargner la douleur la plus vive ,
Que ne puis -je avec vous mourir.
Ces yeux où regne la tendreffe ,
Ces yeux où je forge mes traits ,
Beaux yeux pour qui je m'intéreffe
Je ne vous reverrai jamais.
I'
Ce gentil fein qui ne fait que d'éclore ,
Qui promet les fruits les plus beaux ,
Sur ce beau fein faut- il encore
Ne plus prendre mon repos
Dij
76 MERCURE DE FRANCE .
Cruel penfer qui me déchire !
Ingrate , que t'avois -je fait
Pour former ainfi le projet
De te fouftraire à mon empire
Et toi , perfide , as tu pû partager
Le fentiment d'un tel crime ?
De mon courroux fois la victime ,
Traître , ce trait va me venger.
Ainfi l'Amour parla dans fa colere .
De fa part , belle Efther , redoutons quelque tour,
Abandonnons plutôt ce projet téméraire ,
Ne nous oppofons plus aux deffeins de l'Amour,
Suivons les loix qu'il nous prefcrit lui-même,
Il vous a fait pour plaire , & moi pour vous aimer,
Si j'en crois ma tendrefle extrême ,
Pareils engagemens font meilleurs à former,]
Ourfel , de Rouen,
REFLEXIONS DIVERSE S.
Eux malheureux s'entraînent & fe
Dplaignent ; deux fortunés au contraire
fouvent fe haïffent & fe méprifent.
Les Sages & les Philofophes débitoient
autrefois leurs maximes, & frondoient ouvertement
le vice , parce que du moins on
NOVEMBRE 1749 ' 97
les écoutoit ; mais je crois qu'aujourd'hui
ils feroient obligés de fe taire , faute d'auditeurs.
Faire le bien par efpoir d'un autre bien ;
c'eft ce qui fe pratique tous les jours ; mais
faire le bien par le feul plaifir de le faire.
c'eft un prodige dans le fiécle où nous
fommes.
A l'injuftice , crie- t'on ; quoi l'homme,
cette image de la Divinité , ne devoit- il naître
que pour être malheureux ? Quel aveuglement
! Ouvrons les yeux , fuivons la
vertu , nous ferons heureux .
L'amour n'eft proprement ni vertu ni
vice , c'eft une paffion née avec l'homme ,
& elle prend la qualité qu'on lui donne ,
vertu dans les ames bien nées , foibleffe &
vice dans les ames baffes & vulgaires.
Que le beau fexe , felon moi , eft à plain.
dre , & que les hommes font injuftes à fon
égard ! Ifs exigent de lui une vertu qu'ils
s'efforcent fans ceffe d'anéantir.
Quelle extravagance des hommes d'avoir
fait dépendre l'honneur d'un fexe du
déshonneur de l'autre !
Un fat fe croit aimé dès qu'il paroît , un
fage travaille à l'être.
La beauté feule eft un rofier ordinaire
qui n'a qu'un printems ; mais la beauté ,
jointe à l'efprit & à la vertu , voila le rofier
perpétuel
. D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
1
Pour bien connoître jufqu'à quel point
on aime, il faut être haï de ce qu'on aime.
On n'eft pas plutôt maître de ne point
aimer que d'être aimé .
Les réflexions font fouvent à l'amour
ce que l'huile eft à la lampe .
La vraie bravoure , ſelon moi , conſiſte
plus dans la défenfe que dans l'attaque.
Le fage penfe , réflechit & agit en conféquence
; l'étourdi penfe , agit & réflechit
, & le fou agit fans penfer ni réflechir.
Le fage écoute tout , ne dit mot ; l'étourdi
dit tout ce qu'il fçait , le fou tout ce
qu'il ne fçait pas.
Le fage parle peu , l'étourdi beaucoup ,
le fou fans ceffe.
Le fage s'occupe de tout , l'étourdi de
peu de chofe , & le fot de rien.
La diftraction étudiée eft la preuve d'un
foible génie.
Il eft plus beau de regner fur foi- même
& fur les coeurs des autres , que de conquérir
tout l'Univers. Titus a fait l'un
Áléxandre a fait l'autre. Cependant qui
place Titus au-deffus d'Aléxandre ?
Par le même.
>
NOVEMBRE. 1749. 79
COCOCCCCACCCCavass
A MAD . DU BOCAGE .
A Mazone du Pinde , auffi fage que belle ,
Dont cent lauriers couvrent le front ,
( Fontenelle le dit , & fur le double mont
Quel Oracle que Fontenelle ! )
Du haut de cette fphére, où votre efprit vainqueur
Des Filles de Mémoire égale la puiſance ,
Recevez un encens qu'alluma dans mon coeur
Et le refpect & la reconnoiffance.
*( Calliope à vos pieds veut mettre les humains ,
La trompette d'Homere a paffé dans vos mains ,
Déja vous avez (çû , par d'héroïques veilles ,
Vous placer auprès de Milton ,
Et Melpomene en pleurs aux bords du Ther
modon ,
Vous a miſe à côté de l'aîné des Corneilles. )
Que l'efprit a d'éclat au fein de la beauté !
Qu'il eft lumineux dans fa route !
Tel brille dans l'azur de la célefte voûte
L'Aftre qui répand la clarté.
On vante vos attraits , votre fublime audace.
* Cesfix vers ont été déja imprimés dans le Mercure
du mois de Septembre , à la fin de l'Extrait de la
Tragédie des Amazones.
D iiij
To MERCURE DE FRANCE.
Vous réuniffez mieux que n'ont fait nos Saphos ,
Et les couronnes du Parnaffe ,
*
Et les guirlandes de Paphos.
Dans les Temples facrés qu'en ces lieux on révére
,
Un cartouche éclatant , environné de fleurs ,
Préfente votre nom en divin caractére ,
Tracé par les Amours & la main des neuf Soeurs
Je l'adore ce nom au pied de la montagne.
Je remplis l'air du parfum de mes voeux ,
J'invite les bergers d'une vafte campagne ,
A venir fur mes pas vous dédier leurs jeux.
Ils écoutent ma voix , daignez auffi l'entendre ,
Et ne méprifez pas nos ruftiques Autels.
Ce n'eft point la fplendeur , c'eſt le zéle humble
& tendre ,
Qui pénetre l'Olympe & plaît aux immortels.
M. Tanevot.
❁༧@: གུ
CALCUL PROPOSE .
U
Premier Juillet 1743 .
N Particulier doit 125000 livres ,
qu'il s'eft obligé de payer , fans inté
rêt , en cinq payemens égaux de 25000
livres chacun. Le premier payement doit
NOVEMBRE . 1749. 81
fe faire au premier Janvier 1760 , le fe
cond au premier Janvier 1761 , le troifiéme
au premier Janvier 1762 , le quatriéme
au premier Janvier 1763 , le cinquiéme
au premier Janvier 1764.
Le débiteur propoſe à fon créancier de
le rembourfer le premier Juillet prochain
1749 , avec une fomme telle que l'intérêt,
qui en fera tiré à fix pour cent par an ,
& additionné à cette fomme de la manicre
ci-après , faffe le montant des 125000
livres .
Cette propofition a été acceptée par le
créancier, & le calcul des intérêts ayant été
reglé comme il fuit. 1 °. Que l'on tirera
d'abord les intérêts des fix mois, à compter
du premier Juillet jufqu'au premier Janvier
1750 , que l'on ajoûtera à la fomme
fuppofée pour remboursement. 2 °. Que du
total de cette fomme & des intérêts des G
mois , y joints , on tirera les intérêts d'une
année , qui feront pareillement ajoûtés au
total dont ils dérivent , pour en tirer enfuite
les intérêts & les ajoûter an total , &
ainfi de fuite pour chaque année jufqu'à
l'échéance de la derniere obligation . On
demande à connoître quelle eft la fomme
que le débiteur doit payer actuellement
pour le rembourfement du créancier , &
en quelle année cette fomme & les inté-
D v
82 MERCURE DE FRANCE.
rêts à fix pour cent y joints , année par année
, égaleront lefdites 125000 livres.
LA BRULURE D'IRIS ,
ODE ANACREONTIQUE ,
Par M. Senant du Chaftelier.
L'Aimable Enfant , dont l'aile eft fi légère ,
Le coup fifûr qu'on ne peut l'éviter ,
En vain fuivoit une jeune bergere.
Seule à fes traits elle oſoit réſiſter .
+3x+
Pallas , voulant la rendre invulnérable ,
L'avoit baignée en cette onde où Thétis ,
Pour prévenir un deftin déplorable ,
Dès la naiffance avoit plongé ſon fils.
Contre le fort précaution trop vaine ,
Et qui ne put l'arracher à la mort ;
Précaution encore moins certaine
Contre un enfant plus puiffant que le fort.
***
Le pied d'Iris , que tenoit la Déeffe,
En la plongeant , ne fut point arrofé
NOVEMBRE. 1749 .
83
De l'eau du Stix . Au Dieu de la tendreffe
Cet endroit ſeul fe trouvoit expofé.
Cet endroit foible , Amour fçût le connoître ,
Lorſqu'épuiſé de traits & plein d'ennui ,
Il s'arrêtoit . Hélas ! le petit traître !
Qui connoît mieux notre foible que luit
***
De fon flambeau , dans fa rage cruelle ,
Il forme un trait qu'il lance contre Iris.
Atteinte au pied , cette beauté rebelle
Chancelle , tombe , & remplit l'air de cris,
***
Du Dieu bien- tôt la fureur eft calmée ,
Et la pitié fuccéde à ſon courroux .
Il pleure , & dit en la voyant pâmée :
Cruelle , auffi pourquoi me fuyez - vous ?
LA VENGEANCE DE L'AMOUR,
ODE ANACREONTIQUE,
Par le même.
S Ans deffein , fans en être épris ,
Je chantois , accordant ma lyre ,
Les attraits que chacun admire
Dans la jeune & charmante Iris.
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
On
peut , fans aimer une belle ,
Rendre un hommage à la beauté ;
Je la louois , mais fa fierté
Garantifloit mon coeur contr'elle.
De mes chants , qui l'eût på fonger ?
Le Dieu qui prétend que tout aime ,
S'offenfe , & d'Iris elle- même
Se fert , hélas ! pour ſe venger.
*****
Eft-ce à chanter une rebelle ,
Perfide , me dit Cupidon ,
Que tu dois employer un don
Que je n'accordai qu'à ton zéle
***
Puis d'un de fes traits me perçant ,
D'un trait choiſi par la colere ,
Tiens , dit- il , voila ton falaire ,
Chante l'infenfible à préfent.
*XX
Depuis ce trop funefte jour ,
Pour une ingrate je foupire ,
Et ne me fers plus de ma lyre
Que pour me plaindre de l'Amour.
NOVEMBRE. 1749 . 81
DISGRACE DU DIEU DE CYTHERE,
J
ODE ANACREONTIQUE ,
Par le même.
Adis de la fimple candeur
La rofe portant la livrée ,
N'étoit point encor colorée
Du vermilion de la pudeur ,
Ou de celui qu'on voit s'étendre
Sur un teint qu'Amour met en feu.
( Ces nuances different peu ,
On peut aisément s'y méprendre. )
****
Tendre Amour , apprens-nous comment
Arriva la métamorphofe ;
Mais en cet inftant de la roſe
Ton teint prend l'incarnat charmant,
Pourquoi , quand je te queftionne ,
Vois -je rougir ainfi ton front
Eft-ce lui qui reçut l'affront ?
Non; qui donc ? Ah ! je le foupçonne.
****
Je fçais plus , car j'ai tout appris ,
Je fçais par quelle étourderie ,
86 MERCURE DE FRANCE.
Dans les bois facrés de Cinthie ,
Par fes Nymphes tu fus furpris ;
Mais dans ces lieux qu'allois- tu faire ?
Pourquoi dans ces bois t'expofer ?
N'avois-tu point , pour repofer ,
Affez de bofquets à Cythere ?
***
Tandis qu'il étoit endormi
Sous cet ombrage qu'il profane ,
Les fieres Nymphes de Diane
Apperçoivent leur ennemi ,
De bouquets , de rofes nouvelles ;
Après l'avoir adroitement
Saifi , puis lié fortement ,
Elles arment leurs mains cruelles.
(
Quel traitement préparez - vous ,
Nymphes, à cet enfant aimable ?
Le mal qu'il fait eft agréable.
Ah ! que fon châtiment ſoit doux !
Mais de coups quel terrible orage !
Comment à ces membres polis ,
Tendres & plus blancs que le lys ,
Pouvez-vous faire un tel outrage ?
*3*
Arrêtez déja de fon fang,
NOVEMBRE. 87 1749.
Par ces fleurs d'épines armées ,
Je vois mille goutes femées ,
Teindre l'albatre de fon flanc.
Ah ! fi la Reine de Cythere
Voyoit ce forfait odieux !
De fa mere & de tous les Dieux ,
Nymphes , redoutez la colere.
+3M
Vous voyez fon fang & fes pleurs ,
N'êtes-vous pas affez vengées
Ces rofes , de couleur changé ,
Devroient auffi changer vos coeurs .
Rien ne peut dans leur rage extrême
Sufpendre leurs coups inhumains ;
Mais ce beau fang , qui teint leurs mains,
Sçaura bien fe venger lui- même.
* x+
Il porte un poifon dévorant.
Colui du Centaure perfide ,
Dont la mort triompha d'Alcide ,
Fut un poifon moins pénétrant.
Elles laiffent tomber leurs armes,
Brifent les liens de l'Amour
Et fuppliantes à leur tour •
'
S'empreffent d'effuyer fes larmes.
$ 3 MERCURE DE FRANCE.
Mais vainement de ce poiſon ,
Dont les feux ardens les dévorent ,
A leur captif qu'elles implorent
Elles demandent guérison ;
Leurs defirs qui font leurs fupplices ;
Par les remedes ſont aigris.
Dites -moi , mon aimable Iris ,
Ne feriez -vous point leur complice
A Paris le 12 Septembre 1749.
兼洗洗洗洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗洗粥
LETTRE
Ecrite à M ** , fur l'Hiftoire du Comté
d'Eu.
It
L n'y a prefque plus de Ville , un peu
confidérable , qui n'ait fon Hiftoire
particuliere : des Abbayes même ont fait
imprimer leurs Annales ; & nous dont les
Comtes ont joué un fi grand rôle dans le
monde ; nous qui avons eu plufieurs Princes
du Sang parmi nos Seigneurs nous
dont l'Hiftoire particuliere a tant de liaifon
avec celle du Royaume entier , nous
n'avons encore rien mis au jour . Quelle
honte ! Eft-ce le défaut de fcience ? Eft-ce
la ftérilité du fujet ? Eft- ce le manque de
fecours , qui nous a retenus fi long- tems
NOVEMBRE. 1749. 86
dans l'inaction ? Non fans doute . Il s'eft
toujours trouvé parmi nous des gens habiles
: & quelle matiere peut- on défirer ,
qui foit plus fertile & plus abondante ?
Que de grands Hommes , que de Héros ,
que d'actions éclatantes ne pourroient pas
orner & embellir cette Hiftoire ! Que d'érudition
ne pourroit- on pas y faire entrer ?
Quel jour ne pourroit- elle pas répandre
dans l'Hiftoire générale de la France ?
Que de détails , quel fujet pour une plume
élegante ! Quelle matiere pour un Sçavant
verfé dans la doctrine des tems ! Les commencemens
en feroient à la vérité embrouillés
, peu curieux
curieux ,, penu intéreffans :
mais n'eft-ce pas là le fort de prefque toutes
les Hiftoires ? Une Ville ne fe forme
point en un jour , un peuple ne fe rend
pas tout d'un coup recommandable ; il
faut qu'il s'écoule plufieurs fiécles. Quelle
difference entre l'Hiftoire de nos premiers
Monarques , & celle du Regne brillant
du grand Roi qui nous gouverne aujourd'hui
? Quel eft le Lecteur raisonnable ,
qui en prenant les Annales d'un Pays , ne
s'attende à ces premiers dégoûts ? La lumiere
paroît-elle tout d'un coup dans tout
fon éclat ? Non fans doute ; elle femble
long- tems combattre avec les ténébres de
la nuit. Il en eft de toutes les Hiftoires.
90 MERCURE DE FRANCE.
comme du jour ; elles ont une espéce de
crépuscule. C'est alors qu'un Auteur prudent
s'arme du flambeau de la critique
fans s'épouvanter de l'obfcurité des ténébres.
Le plus pénible , le plus épineux , le
plus rebutant de notre Hiftoire feroit donc
fon commencement. Mais l'Hiftorien , une
fois parvenu au douziéme fiécle ; quelle
clarté , quelle connoiffance , quelle certitude
des faits principaux ! Il ne faudroit
prefque plus alors que confulter les archives
du Royaume ; il n'y auroit plus , pour
ainfi dire , qu'à jetter les yeux fur l'Hiftoire
des Grands Officiers de la Couronne.
Quelle multitude de faits intéreſfans ne
fourniroit pas la Maiſon de Brienne , Maîtreffe
du Comté d'Eu fon alliance avec
par
Marie d'Iffoudun ! Alphonfe I.quel Héros !
Compagnon deS.Louis dans fon expédition
de la Terre Sainte ; fes exploits joints à
ceux des autres Croifés ; fa mort arrivée le
même jour que celle de fon Roi , comme s'il
n'avoit pû furvivre à la perte que venoit
de faire la France ; fa fépulture, à Saint
Denis , où l'on voit encore fon épitaphe.
Jean I. fon fils , moiffonné par la Parque à
la fleur de fon âge , fourniroit peu de chofes
, ainfi que Jean II . tué à la bataille de
Courtrai ; mais quelle varieté d'évenemens
en récompenfe ne trouveroit-on pas
NOVEMBRE. 1749. gr
dans l'Hiftoire de Raoul I. & de Raoul II.
tous deux Connétables de France ? Le der
nier étoit-il coupable ? Fut- il convaincu
d'avoir confpiré contre l'Etat ? Mérita- t'il
le fupplice auquel il fut condamné ? Quel
les furent les particularités , les circonftances
, les fuites de fa mort ? A qui fut donné
le Comté d'Eu ? Quel étoit Jean d'Artois
? Pourquoi ce Prince du Sang fut-il
nommé Jean fans terre ? C'eft ici que notre
Hiftoire feroit confondue avec celle
d'Angleterre . Comme Robert d'Artois fit
un tort infini à fes defcendans , en ſe jettant
entre les bras des ennemis de la France;
comme ce fut lui qui fut, à proprement
parler , le flambeau funefte qui alluma les
guerres cruelles , qui penferent réduire en
cendres le Royaume ; l'Hiftorien repren
droit de plus haut fa narration. Le differend
de ce Prince avec Mahaud , fa tante ;
les divers jugemens de nos Rois , la vengeance
que Robert tira de l'injuftice qu'il
crut lui avoir été faite , fes faits d'armes ,
fon expédition de Bretagne , fa bleffure à
Vannes , fa mort à Hennebont , autant de
fujets qui appartiennent à notre Hiftoire.
Après avoir fait connoître le pere , on
entreroit dans la vie du fils , à qui fon attachement
pour la France mérita le Comté
d'Eu , confifqué fur le Connétable Raoul
J2 MERCURE DE FRANCE.
de Nefle. On verroit d'abord ce Prince
reconnoiffant combattre aux côtés de fon
Roi , & fait prifonnier avec lui à la malheureule
journée de Poitiers. On le verroit
enfuite pendant fa prifon dépouillé
injuftement du Comté d'Eu par le Dauphin
Charles , Duc de Normandie , Régent
du Royaume ; mais bientôt rétabli
par le Roi Jean , on le reverroit avec admiration
continuer la même fidélité à fa
Patrie , le même attachement à fon Roi.
Quel fut fon Succeffeur ? C'est ici qu'on
marcheroit au milieu des ténébres , c'eſt
ici où un Hiftorien auroit befoin de toute
fa critique . Jean d'Artois eut , de fon ma→
riage avec Ifabelle de Melun , plufieurs
fils . Le premier , portant fon nom, mourut
à la flenr de fon âge. Le fecond , nɔmmé
Robert , époufa Jeanne , Ducheffe de Du- -
ras. Ce Prince fur-il Comte d'Eu , ou bien
mourut- il avant fon pere : Difficulté d'autant
plus grande que nos Hiftoriens font
moins d'accord fur ce point . Ces nuages
diffipés , on viendroit à l'Histoire de Philippe
d'Artois , troifiéme fils de Jean . La
vie de ce Prince ne feroit point affûrement
une des moins curieufes. Connétable
de France , titre qu'il mérita par les
fervices qu'il rendit au Roi Charles VI .
Deux fois prifonnier des Turcs , fes aven ..
NOVEMBRE. 1749 93
tures , prefqu'incroyables , fourniroient fi
l'on vouloit entrer dans quelque détail
un volume d'une jufte étendue. Charles ,
fon fils , dernier Prince de la branche
d'Artois , ne figureroit pas avec moins d'éclat
que fon pere. Les emplois qui lui furent
confiés , annoncent affez quels étoient
fa réputation , fon mérite & fa fidélité.
Lieutenant du Roi en Guyenne & en Normandie
, Gouverneur de Paris , de tels
poftes demandoient un grand homme ,
furtout dans des tems fi difficiles. On
verroit à la mort de ce Prince le Comté
d'Eu paffer en des mains étrangeres. Révolution
importante , époque remarquable
dans notre Hiftoire . Les Annales de la
Bourgogne feroient ici les feuls guides
qu'il faudroit fuivre. Que de difficultés à
éclaircir ! Que de points douteux à fixer !
Que de faits hiftoriques à difcuter ! Cette
partie de notre Hiftoire feroit peut-être la
plus difficile à bien traiter , & celle qui
demanderoit le plus de jugement & d'érudition
. On verroit d'abord , combien le
mariage de Bonne d'Artois avec Philippe
le Bon , Duc de Bourgogne , a été funefte
aux deux fils qu'elle avoit eus de fon premier
mariage avec Philippe , Comte de
Nevers. On admireroit enfuite l'attachement
de ces deux jeunes Princes pour la
94 MRCURE DE FRANCE.
France , & les fervices qu'ils rendirent à la
Couronne. On verroit peu après le Comté
d'Eu paffer dans la Maifon de Cleves , par
le mariage d'Elifabeth de Bourgogne avec
Jean , Duc de Cleves. Enfin , Henri , Duc de
Guiſe , deviendroit Comte d'Eu , en épfant
Catherine de Cleves , veuve du Prince
Porcien . C'est ici que notre Hiſtoire
feroit plus que jamais intéreffante. Les
Guifes , quels Princes ! Quels Guerriers !
Quels grands hommes ! Il ne feroit plus
néceffaire d'aller confulter les vieilles
Chroniques , ni de parcourir les anciennes
Bibliothèques l'Hiftoire du Royaume
feroit la fource où l'Auteur puiferoit avec
abondance. Enfin parvenu au tems où Mademoiſelle
de Montpenfier acheta le
Comté d'Eu du dernier héritier de la Maifon
de Guife , l'Hiftorien n'auroit plus
qu'à laiffer prendre l'effor à fon efprit,
Quelles richeffes ! Quelle abondance de
matiere ne lui fourniroient pas les Mémoires
de cette Princeffe ! Quand la Ville
d'Eu fut-elle plus connue , plus brillante
que pendant la vie ? Quel amour , quelle
prédilection n'avoit- elle pas pour notre
Patrie ?
Une fi belle matiere ne vous tentera,
t'elle pas , Monfieur ? Tous ces Héros que
je viens de faire paffer en revûe devant
NOVEMBRE. 1749. 95
vos yeux , ne feront- ils pas capables de
vous faire mettre la main à la plume ? Je
n'en connois point de fupérieure à la vôtre.
Perfonne n'est plus que vous en état de
bien exécuter cette Hiftoire : vous êtes fur
les lieux : au milieu des fecours. Que n'aije
votre loihir , votre esprit , votre facili
té , la legereté de votre ftyle ! On ne me
verroit pas balancer ; le travail ne m'épouvanteroit
point. Mais je ne dois pas
porter fi haut mes vûes ; je dois me connoître.
Trop heureux fi cette Lettre peut
vous engager à entreprendre un ouvrage
qui ne peut que vous faire infiniment
d'honneur !
Jac. Queridhan , R. B. D. S. D.
VERS
A M. de Curzay , fur fa promotion au grade
de Maréchal de Camp. A Ajaccio , ce 1 1
Juillet 1749.
T
U ne me verras point , Curzay , dans ce
grand jour ,
D'un flatteur mercenaire emprunter le langage ,
Et par des vers noyés dans un froid verbiage ,
Haranguer , en rampant , fur les dons de la Cour ,
Je laiffe ce jargon aux gens d'un autre étage .
96 MERCURE DE FRANCE.
C'eft Louis aujourd'hui que je veux encenſer ;
Arrêtons....Ce grand Roi , pour s'im mortaliſer
N'a pas befoin ici des Filles de mémoire .
Connoître les talens & les récompenfer ,
C'eft fe placer foi- même au Temple de la Gloire,
*X* X* X. 33X3
LA POULE ETLE RENARD.
FABLE.
Poule féconde un jour tomba malade ;
Dans les lieux d'alentour le bruit s'en répandit ;
Amis , parens , voifins entouroient tous ſon lit ;
Les larmes de plus d'un couloient à la paſſade ,
Quand on vit , comme par hazard ,
V
D'un air tout confterné s'avancer le Renard.
Comment vous va , dit- il , poulette infortunée ?
M'entendez vous ? Parlez. Je t'entends trop
·
hélas !
Je me porterois mieux , & dès cette journée ,
Si dans ces lieux tu ne paroiffois pas.
Comment va la fanté , dit l'héritier avide
A quelque Créfus expirant ,
Dont il ne cherche que l'argent.
Diftinguons à ces traits un ami d'un perfide.
EPIGRAMME
NOVEMBRE . 1749. 97
EPIGRAMME
Imitée d'Owen . Liv. 1 .
Sur un Recueil de Poëfies.
CE Recu E Recueil eft femblable à la machine ronde.
J'y vois fous chaque vers des hommes differens
Mais , ainfi que dans ce bas monde ,
J'en rencontre peu
d'excellens .
A Madame Q**.
Uelle eft cette beauté qui paroît fur la fcéne,
Dit on , l'autre jour à Vitry ?
Eft- ce Thalie , Euterpe , ou Melpoméne ›
A ce port noble , à cet air fi fleuri ,
C'est la Divinité qui préfide à Cythére.
Vous ne vous trompez pas , dit l'Amour : c'eft
.ma mere ;
Je la connoîs à fes beaux yeux ,
A fa bouche vermeille , à fon ris gracieux ,
Bien plus encor à fa ceinture * .
Craignez donc pour vos coeurs dangereuſe bleffure.
1
La Ceinture de Venus , ou l'Art de plaire,
E
98 MERCURE DE FRANCE.
Amour ! Amour ! tu te trompes , lui dis - je
De la Déeffe elie a tous les appas ;
Mais elle eft lage , & Venus ne l'eft pas.
Joindre vertu, beauté , c'eft fans doute un prodige,
Est-il pour un époux de plus heureux deftiu
Cefle de t'étonner › C'eſt l'aimable Q
Brallet , C. D. V.
I
QUESTION,

Equel eft le plus glorieux , de triom
pher de l'infentibilité d'un coeur indifferent
, ou d'exclure d'un coeur épris
un rival tendrement aimé ?
232583ésésés és és és ésè❀❀❀❀❀❀❀❀❀❀**
V
LETTRE
A Mademoiselle C*******.
Ous n'ignorez pas fans doute , Ma
demoitelle , qu'en faveur des fervices
que je rends tous les jours à l'Amour
, en pabliant par tout fa gloire , &
tâchant de lui faire des fujets , ce Dieu
m'a donné mon entrée à Cythére. J'y allai
l'autre jour , & comme je fuis extrêmement
curieux des affaires qui le regardent
perfonnellement , je lui demandai des
ALQUE
DEL
NOVEMBRE. 1749.
;
993
LYON
1893
VILLE
nouvelles de fon Royaume. Il me répon
dir à chaque queftion avec une joie fans
égale , ce qui me fit augurer que tout étoit
dans le bon ordre , & qu'il avoit fait quelque
coup de fa main. Je ne me trompois
pas ; il me donna à lire une lifte de plu
heurs rébelles qu'il avoit récemment rangés
fous les loix de l'autre côté étoient
les noms des volontaires , & ce qui occafionna
ma furprife , fut de voir en tête
parmi ces derniers Mlle L... & M....
Vous les connoiffez tous deux je vous
avouerai que je ne pûs m'empêcher de rire.
Eft- il poffible , m'écriai -je ? de quoi ces
bonnes gens fe font ils donc avifés de s'enrôler
fi tard ? Que veux-tu ? me répondit
l'Amour ; je ménage avec grand foin cè
peu de feu qui leur refte ; ils ont attendu ,
il est vrai , trop long tems , mais il n'y a
point de ma faute. Dans l'âge où ils euffent
pû goûter de plus doux plaifirs , je me
fuis offert à eux , ils m'ont méprifé : maintenant
que je fuis l'objet de tous leurs defirs
, je ne leur en veux pas plus pour cela ;
ils ont agi contre eux- mêmes , je n'en fuis
pas moins l'Amour. Un tel exemple au
cor traire ne fert qu'à prouver davantage
quelle eft ma puiffance , & à convaincre de
leurs efforts ridicules tous ceux qui s'obftinent
à la combattre , en leur apprenant
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
J.
que
foit dans un tems , foit dans un autre ,
on eft contraint de me payer le tribut qui
m'eſt dû,
Rempli de cette vérité , je paffai enfuite
dans un cabinet orné d'emblêmes les
plus curieux & les plus divertiffants. L'arrangement
, le bon goût , la fymmétrie ,
tout y étoit obfervé de telle forte qu'on
auroit pû , fans exagerer , l'appeller le
Triomphe de la Galanterie. J'apperçus
fur un bureau un Livre d'une groffeur prodigieufe
, qui avoit pour titre , Journal
des Horofcopes : je me mis auffi -tôt à le
feuilleter , perfuadé que j'y trouverois le
vôtre ; je l'y trouvai en effet. Voici mot
pour mot les termes dans lefquels il eft
conçû. !
Un teint , mais un teint où l'Amour
Répand une grace divine ,
Un minois charmart , fait au tour ,
Un oeil vif, une taille fine ;
Mille autres appas raviffans
Qu'on ne pourroit jamais décrire ,
Et qui ne font encor que des appas naiffans ,
C'est le portrait du plus beau des enfans.
Tout le monde à préfent l'admire ;
Mais patience , je l'attends
A l'âge de quinze ou feize ans :
La beauté d'une fille a pour lors plus d'empire;
NOVEMBRE . 1749. ΙΟΥ
On fera plus que d'admirer ;
Nous verrons tous les coeurs pour elle fou
pirer.
Hélas ! ce tems eft arrivé , rien de plus
jufte que cette prédiction , elle s'accomplit,"
le bandeau de l'enfance eft arraché ; vos
charmes & le nombre d'adorateurs qu'ils
vous attirent en dépit de vous , en démontrent
tous les jours la vérité ; mon
amour & les malheurs dont il eft fuivi ,
ne m'en inftruifent que trop en mon particulier.
Quelque envie que je marquaffe à l'Amour
d'être éclairci fur mon fort , il me
refuſa , en me retirant le Livre des mains ,
fans doute pour m'épargner la trifteffe de
voir que je nourriffois dans mon fein une
flamme éternelle , pour une perfonne que
je n'aurai peut-être jamais le bonheur de
poffeder, & pour dérober à ma connoiffan
ce le nom du rival fortuné , qui jouiroir
dans ce cas-là d'un auffi riche tréfor. Je
fuis , Mademoiselle , & c.
Du 26 Août 1749.
J. F. Guichard.
E iij
102 MERCURE DE FRANCE .
STANCES
A M..... Confeiller au Parlement de Paris
, pour l'engager à venir paffer l'Antomne
fur le coteau d'Oliver.
Ο
Toi , dont l'efprit , né pour plaire,
Sçait par un art ingénieux
Dérider la fageffe auftére ,
Et la rendre aimable à nos yeux,
Des fcholaftiques rêveries ,
Toi , qui fuis la ſévérité ,
Et qui par des routes fleuries ,
Nous conduis à la vérité :
Aujourd'hui que Thém's fenfible
Accorde un tems à tes plaifirs":
Viens dans notre séjour paifible ,
Partager nos tendres loisirs,
Viens dans cette riche contrée ,
Où malgré de froides faifons * ;
* Le Coteau d'Olivet , où eft fituée la Maifon de
Campagne du pere de l'Auteur , n'ayant point été
gelé , comme tous les autres Cantons du vignoble de
P'Orleannois , a donné lieu à cette Stance.
NOVEMBRE . 1749. 103
Pomone eft encor reyérée ,
Ou Bacchus verfe encor fes dons.
Loin du brillant fracas des Villes ,
Suivi des amours & des jeux ,
Viens goûter ces plaiſirs tranquilles ,
Ces plaifirs faits pour les heureux.
Les noirs chagrins , l'inquiétude ,
Habitent les Palais des Rois :
Où regne la béatitude ,
C'eft où le coeur donne des loix.
Des lieux où le fafte préfide ,
Fuyons les plaifirs languiffans :
C'eft où la liberté réfide ,
Que font les vrais amuſemens.
Cher objet de notre tendreſſe ,
Toi , vers qui s'envolent les coeurs •
De notre champêtre allégreffe
Viens donc partager les douceurs.
Viens fous ce folitaire ombrage ;
Où fouvent ton coeur s'épanchoit ,
Le verre en main , trouver ce fage
Que Diogène envain cherchoit .
Nos vrais amis , que chaque automne
Le plaifir raffemble en ces lieux ,
E iiij
104
MERCURE DE
FRANCE.
Pour chanter Bacchus & Pomone ,·
Attendent ton retour heureux.
Déja par la préfence aimable
Thémire embellit ce féjour :
Tout céde à fon air adorable ;
Les jeux , les ris forment fa Cour.
Quitte donc un monde infipide ,
Et reviens au fein des amours :
Le tems qui fuit d'un vol rapide ,
Ne te rendra point tes beaux jours.
Occupé du bonheur de vivre ,
Ne compte point fur l'avenir :
Chaque inſtant , qu'au travail on livre ,
Eft un larcin fait au plaifir.
Parmi cette troupe choifie
D'amis fans fard , & de coeurs droits ,
D'une douce Philofophie ,
Nous fubirons les fages loix.
Au fein d'une aimable pareffe
Nous pafferons d'heureux inftans ,
Mademoiselle A... connue dans Orleans par fon
efprit & fes graces , & laquelle vient tous les ans
pafler quelques jours de l'Automne fur le Côteau d'O.
livet , près de la Source , chez M. P.
NOVEMBRE . 1749.
105
Et l'amour feul , avec adreffe ,
Viendra réveiller nos talens .
Les uns , reprenant , pour lui plaire ,
L'aiguille adroite de Pallas ,
Scauront d'une vive bergere
Nous tracer les charmans combats . *
Epris d'une douce harmonie ,
D'autres ranimant leurs concerts
Au Dieu des Arts & du génie **
Confacreront leurs tendres airs .
>
Amant de la fimple nature ,
Aminte d'un leger pinceau
Nous peindra la volupté pure ,
Les jeux , les plaifirs d'un hameau *** .
* Piéce de tapiflerie représentant Galatée , qui
après avoir réveillé Daméte , fuit & fe cache fous des
faules , mais de maniere à être apperçu de ce berger
Suivant ces deux vers de la troifiéme Eglogue de kirgile.
Malo me Galatea petit lafciva puella ,
Et fugit ad falices , & fe cupit ante videri.
** Nouvelle Cantate , intitulée Apollon , ou le
Triomphe des Arts , compofée par M. L. B. & notée
par M.D. L. G. tous deux amis de l'Auteur.
*** Tableau déja commencé par M. D. P. repréſen
tant la Fête de Saint Julien , petit Village fitué au bas
du Coteau d'Olivet , entouré de rivieres , & un des
endroits les plus gracieux de la France.
ET
106 MERCURE DEFRANCE
Pour moi , fuivant tantôt les traces
De Chapelle & d'Anacreon ,
J'irai dans le temple des graces
Badiner avec la raison.
Tantôt de l'aimable Claville
Lifant les préceptes charmans
J'apprendrai , diſciple docile ,
A joindre aux vertus les talens .
Ou bien de la nature entiere
Approfondiffant les erreurs ,
J'irai , conduit par la Bruyere ,
Dévoiler le vice des coeurs.
Quelquefois la fage Thalie ,
A ma voix mêlant les chansons ,
Dans les jeux de notre folie ,
M'offrira d'utiles leçons.
Ainfi dans notre République ,
Variant nos fages loisirs ,
Nous jouirons d'un bonheur unique
Au fein des innocens plaifirs.
Par M. Robillard , d'Orleans.
♣ Auteur du Traité du vrai mérite.
NOVEMBRE . 1749 0.7
@@@@@ 3 :
LETTRE *
De M. *** , à M. Remond de Sainte Albine
, fur quelques Poeftes composées pour
Madame la Dauphine.
M
Onfieur , j'ai l'honneur de vous
adreffer quelques Poëfies compofées
pour Forges , que j'y ai envoyées dans
le tems que Madame la Dauphine y prenoit
les eaux. Comme elles roulent
toutes fur l'augufte Princeffe , & fur les
bienfaits fignalés que le Ciel . réferve à la
France , je les crois affez intéreffantes
pour les communiquer au Public. Voici
donc d'abord mes Infcriptions pour les
Fontaines , dont j'ai traduit quelques- unes
affez paffablement pour en rendre le fens
& non la précifion qu'elles ont dans le
Latin . On voudra bien fe fouvenir que ce
font les Nayades de Forges que je fais
parler.
* Cette Lettre nous a été envoyée peu de jours
après que Madame la Dauphine fut de retour de
Forges.
E vj
fo8 MERCURE DE FRANCE.
Infcription pour la Porte de Forges.
Nayades ad Sereniffimam Delphinam .
H
Ue propera , Delphina ', ferunt , tibi dantque
Salutem
Nayades ; ut fubeas hac loca , numen habent.
Numen habent atavis , focero , & tibi numen amicum.
Fons facer hic Marti ; Martis amica Venus.
Traduction.
Fille des Dieux , daignez de grace
Honorer ce féjour d'un feul de vos regards.
Ces bords font confacrés à Mars *
C'eft le Dieu des Héros de votre augufte Race,
C'eft le Dieu des Othons ** , & des nouveaux
Céfars *** .
Commandez donc en Souveraine :
Auprès de Mars Cypris eft Reine.
Nayadum vota.
Difticon primo fonti infcribendum.
Hic ubi bellipotens tingebat fulmina Mavors ;
Aurea , Di melius , ſpicula tinget Amor.
* Forges.
** Empereurs de la Maifon de Saxe,
*** Beurbons.
NOVEMBRE. 1749. 109
Traduction.
Ce n'eft plus le Dieu des allarmes
Qui préfide en ce beau féjour ;
C'eft Cypris avec tous fes charnies ,
Qui tient au nom d'Hymen les Forges de l'Amour.
Infcription pour lafeconde Fontaine .
Difticon fecundo fonti infcribendum .
Fons Martifacer eft ; lymphis hinc ferreus exit .
Diva bibat ; populis aureus ecce fluet,
Traduction.
La vertu fecrette & divine
De ces eaux recelle un tréfor ;
Un fils des Dieux , grande Dauphine ,
Doit transformer leur fer en or .
Infcription pour la Fontaine , dont Madame
la Dauphine afait ufage .
Tertio Fonti.
Exoriare aliquis noftris è Fontibus Heros ,
Quiferro referas Martia facta patrum !
Traduction.
Puiffe bientôt du fein de ma fource féconde
Eclore un Héros glorieux ,
Qui foit l'amour des fiens , & la terreur du monde ,
110 MERCUREDE FRANCE.
Un Bourbon ; c'eft tout dire , & l'égaler aux
Dieux.
DEVISES
Pour fervir d'accompagnement à la Grotte
de la Sibylle de Forges.
Symbolum. Symbolum.
Tethis Achillem ftigiis
Mofes Nili è fluctibus
undis immergens.
Lemma..
enatans.
Lemma.
Tingit
amores , ut Te-
Populis feret ille falu
this , alma Venus. tem.
Sur la Grotte de la Sibylle.
Symbolum.
Nebula liquefcens.
Lemma .
Jupiter hicfubeat , rores vertentur in aurum.
Oraculum.
Auguror ; an Mofes ? Terhidis namfilius alma
Fluctibus emergit ? Neuter ; uterquefimul.
Saxonidas referet , Gallis fic partus Achilles :
Borbonidumfanguis ; fic Deus * alter erit .
* Moyfe , ainfi nommé par Dieu même . Conftitui
te Deum. Exod . c. 7.
NOVEMBRE . 149. III
Traduction.
Oracle de la Sibylle de Forges.
Eft-ce un Moyfe ? Eft-ce un Achille
Qui va fortir du ſein des eaux ?
François , l'augure en eft facile ;
Son fang doit unir deux Héros.
Portrait de M. de Saxe.
Toujours vainqueur , toujours modefte ,
Senfible aux droits de l'amitié ,
C'est plus qu'Achille de moitié.
Portrait des Bourbons.
Armé de l'Egide célefte ,
Zélateur des Autels de fon peuple & des Loix ,
C'est le Dieu de l'Egypte , & le Roi des François.
Au refte , Monfieur , ces Devifes & ces
Infcriptions n'étoient que l'annonce d'un
grand Opera Comique en cinq Actes ,
compofé pour amufer aux caux Madame
la Dauphine. Comme le dénouement eft
fur Forges- même , & n'eft qu'un tiffu d'éloges
de l'augufte Maifon de Bourbon , &
l'annonce des faveurs que le Ciel prépare
* Louis XV.
112 MERCURE DE FRANCE.
à la France ; ces Infcriptions , dans le deffein
de l'Auteur , devoient fervir à décorer
le Théatre en cas de répréfentation ; mais
le défaut de Comédiens à Forges ayant
retardé ce projet , je n'ai plus d'autre reffource
que l'impreffion . J'aurai donc
l'honneur de vous envoyer le mois prochain
, non -feulement le plan de ma Piéce ,
que je regarde comme la plus gaye qui ait
encore paru au Théatre , mais le dénouement
en entier, qui eft une espéce de petit
Opera , ou la Nayade de Forges, métamorphofée
en Sibylle , annonce à Madame la
Dauphine & à la France la naiffance d'un
Duc de Bourgogne , avec les chanſons &
les airs qui amenent & précédent le dénouement.
En attendant , Monfieur , je
vous fupplie de vouloir bien inferer dans
le Mercure les bagatelles que j'ai l'honneur
de vous envoyer.
J'ai l'honneur d'être , &c.
L. ***
Vous me pardonnerez , Monfieur , de
vous laiffer ignorer mon nom ; le titre de
faifeur d'Horoſcope n'attire ni l'eftime ni
la confiance. Voici de quoi raffûrer le
Public , & de quoi me défigner affez à ceux
dont j'ai intérêt d'être connu .
NOVEMBRE. 1749. 113
Vers fur l'Auteur.
Sans être au nombre des Prophétes ,
Qu'on s'en rapporte à mes écrits :
Celui qui de l'ayeul préfagea les conquêtes ,
Peut fans rifque annoncer l'Horoſcope du fils.
Explication de ces vers .
L'Auteur , dans un Poëme imprimé en
1744 , fur la convalefcence du Roi , tatdis
que Sa Majesté étoit encore à Metz , &
plus de fept mois avant la fameufe taille
de Fontenoy , annonça dans un affez grand
détail les Exploits prochains du Conquérant
, & comme le fuccès a pleinement juftifié
l'augure , j'ai crû , à la fuire de cet horofcope
d'un Duc de Bourgogne , devoir
rappeller quelques traits du premier , qui
prouveront que les Prophétes du Parnaffe
rencontrent quelquefois affez heureuſement.
Voici donc comment je m'expliquois
dans la Préface de mon Paralléle , à
la fuite duquel étoit l'horofcope des conquêtes
de Sa Majesté .
" J'ai crû devoir tenir plus que mon ti-
» tre ne promet , & fur la foi d'un horof
»cope, que le glorieux début du Monarque
en Flandre juftifie affez , j'annonce aux
peuples un regne de merveilles , dont
» l'Europe a déja vû les prémices .
ود
214 MERCURE DE FRANCE.
Et plus bas. J'ai crû qu'un médiocre
» impromptu , échappé au premier tranf
» port , valoit encore mieux que d'atten
adre à féliciter le Roi fur fa convalefcen-
» ce , lorsqu'il aura gagné une ou deux bas
tailles .
Dans le
corps de l'ouvrage même.
Grand Roi , que le Ciel rend aux amours de
P'Europe •
Daigne agréer la foi d'un fidéle horofcope..
» Le bras d'un Dieu n'a point frappé de fi grands
coups ,
» Pour conferver encor un refte de courroux.
Les bienfaits du Três- Haut m'expliquent fes
oracles :
Un miracle de choix annonce cent miracles , &c.
»Le fort a tout promis , j'ai tout lû dans les Cieux;
Mais grand Roi , j'en lis plus en confultant tes
yeux.
Tant de charmes puiffans écartent les preftiges ,
» C'eft fur la foi des faits que j'attends des prodiges :
» Sans jurer par le ciel , & fur l'eſpoir des tems ,
» Tes exploits , tes vertus font ici mes garans.
∞ Déja la Lys a vû , fur la rive étonnée ,
"De cent traits éclatans la Flandre confternée.
Ypres , Furnes , Menin , forcés en moins d'un
mois
NOVEMBRE. 1749.
11S
Des plus vieux Conquérans égalent les exploits
Annonce de la bataille de Fontenoy .
» Mais ce n'eft point aiſez pour ta valeur ſublime,
» Bien-tôt nous te verrons dans l'ardeur qui t'a
nime ,
39 Suivi de tes guerriers & la f´udre à la main ,.
Punir les attentats du Pandoure inhumain ,
» De l'orgueilleux Teuton déconce ter l'audace ,
»Et plus craint que le Dieu qui fait trembler la
Thrace ,
■ Animant d'un coup d'oeil l'ardeur des com
batians ,
» Sur leurs monts entaflés foudroyer les Titans.
Defcription de la Mufon du Roi,
J'entends déja mugir fon horrible tonnerre ;
*Sous nos fiers Escadrons je vois trembler la terre
»Et Mars importuné de mille cris guerriers,
Ne voit que des Céfars réclamer fes lauriers.
A la même bataille.
» Le Moufquetaire altier plus prefte que l'orage ;
»Le Gendarme fougueux , rival de fon courage ,
Le Garde impétueux , le fier Chevau- Léger ,
>> Se difputent l'honneur d'affronter le danger ;
» Le front du Cuiraffier d'un nouveau feu s'allume,
De rage & de valeur l'ardent Dragon écume ,
Et le noir Grenadier,dans fes bouillans tranfports
16 MERCURE DE FRANCE.
»
N'attend qu'un feul coup d'oeil pour braver mille
morts. *
Vers la fin.
Que l'infolent Huffart , le Pandoure effrené
» Au bruit feul de ton nom , tremblant & confterne,
» D'un Monarque irrité redoutant la vengeance ,
Aille apprendre au Danube, enflé de fa puiffance,
Que Louis échappé du plus grand - des hazards,
Se plaît à les braver pour venger les Céfars ; **
❤ Que toujours généreux & toujours magnanime ,
Il eft le ferme appui des Héros qu'on opprime ,
que du bras qui donne & foutient les Etats ,
Il punit tôt ou tard l'orgueil des Potentats.
Et
L'original de cette piéce eft dans les
mains de M. le Maréchal Duc de Belle-
Ifle , à qui j'eus l'honneur de l'envoyer à
Metz , d'abord en manufcrit le 5 Septembre
1744 , & quinze jours après imprimée
; ainfi comme la date & le nom de
l'Imprimeur font à la fin , & que tout
Rouen l'a lûe dans le tems , on ne peut
foupçonner que ce foit un horofcope fait
après coup ; je n'en ai cité que les endroits
Si j'avois à recommencer je fupprimerois ce détail,
mais bon ou mauvais , il prouve aujourd'hui que la
bataille de Fontenoy ne pouvoit mieux êire annoncée
ni défignée qu'elle le fut dans mon Paralléle huis
mois avant l'événement.
**
* Le feu Empereur.
NOVEMBRE, 1749. 117
les plus marqués ; mais comme la Piéce
contenoit près de deux cens vers , il y a
bien d'autres morceaux qui annonçoient
l'avenir , & qui par l'événement font deve
nus l'hiftoire du Conquérant.
J'ai encore un autre horofcope qui eft plus
fingulier , & qui remonte bien plus haut ,
car il parut à la mort du dernier Empereur
de la Maifon d'Autriche , ou quelque tems
après ; il s'agiffoit du fameux phénoméno
de Carthagène , que je lûs alors dans les
Gazettes , qui rapportoient à l'article de
Carthagéne , qu'il avoit parû un grand
torrent de feu au Ciel , lequel remontoit
d'Occident en Orient , & après avoir roulé
long-tems fur l'horifon , fe précipitoit
tout d'un coup en forme de cafcade , fouslaquelle
une nappe immenfe de feu paroif
foit couvrir tout le Ciel ; que la nappe s'étoit
tout d'un coup réunie en tourbillon
ou globe de feu , lequel avoit pirouetté
long- tems avec une action extraordinaire ;
qu'après bien des mouvemens , des coups
redoublés de tonnerre étoient partis du
tourbillon , & qu'au dernier coup le globe
éclarté s'étoit partagé aux quatre coins
de l'horifon . J'expliquai dans le tems ce
phénoméne dans une pièce de vers , que
tous mes amis ont vûe , mais comme elle
n'eft point imprimée , & que tout ce qui
118 MERCURE DE FRANCE.
eft arrivé à la Maifon d'Autriche depuis
huit ans , y eft circonftancié dans un détail
qui paffe l'horofcope , je ne pourrai jamais
venir à bout de perfuader au Public
que ce n'eft point une piéce faite après
coup , ainfi je la fupprime ; auffi- bien faudroit-
il chercher mes vers dans ma mémoire
, car je n'en ai point gardé d'exemplaire
, & je m'eftimerois heureux fi quelqu'un
de ceux à qui j'en ai fait part dans
le tems , pouvoient vous reproduire mon
écriture même , afin qu'on ne me foupçonnât
pas d'avoir ajouté ou changé quelqué
vers , quoique je fois bien fûr que je
retrouverois mot pour mor le tout , ſi je
voulois m'en donner la peine. En voila .
bien affez fur cet article , Monfieur , &
peut- être trop pour un tireur d'horofcope
, il ne me reste donc qu'à fouhaiter que
celui d'un Duc de Bourgogne
, que j'ai
l'honneur de vous envoyer , reffemble aux
précédens , & tous mes voeux feront fatisfaits.
NOVEMBRE . 1749. 119
On a dû expliquer les Enigmes du Mercure
d'Octobre par l'Elprit , l'Enigme , la
Lettre ! , & le Ver à joye ,
洗澡洗潔洗澡潔潔洗洗洗洗洗洗: 洗
******
ENIGM E.
A Dmirez , cher Lecteur , l'empire de la mode.
Faite pour les byvers , on me porte en Eté ;
On me tient fans befoin , par air , par vanité ,
Quoiqu'en toute faifon mon poids foit incom
mode .
Pour fuivre des anciens la bifarre méthode ,
En dépit du bon fens j'occupe un feul côté ;
Je devrois être ailleurs , mais on eft entêté .
Quel abus , quand l'ufage aux humains fert de
Code ! -
Au milieu des délerts , fur les monts , dans les bois,
Nature me produit. Par de fatales loix ,
Jamais on ne me voit que dans le fein des Villes.
Stérile par moi-même , inutile en tout lens ,
Quiconque peut m'avoir , paffe des jours tran◄
quilles ,
Sans Souci, fans travail, fans peine , fans tourment
Ear Fr. Lorienx , Cordelier à Blois.
120 MERCURE DE FRANCE.
LOGOGRYPHE,
Formant plus d'un génie heureux ;
Lecteur , dans les Beaux - Arts j'ai ſurpaſſé la
Gréce .
Gardant mon nom , changeant d'efpece ,
Tu vois qu'en me livrant à de coupables feux .
Trop fût des foins d'une Déeffe ,
Téméraire , j'ofai divifer tous les Dieux.
Sur un feul pied mon corps chemine :
Dérangé , j'offre aux curieux
Un Dieu qui de l'Egypte eut l'encens & les voeuxi
Un Seigneur dont le rang domine ,
Lorfque Louis faiſant enregiſtrer les loix ,
De fon trône foutient la gloire & la puiffances
Quoique le même , je balance
En Albion l'autorité des Rois ;
De deux Ambaffadeurs je fais la prefféance ;
Quittant des titres fi pompeux ,
Sans gravité paroîtrai-je à tes yeux?
Comment oferai-je en cadence ,
Animer feul & les chants & la danſe ,
Et me trouver fans ceffe avec les jeux ?
Garde-toi cependant, d'un front trop fourcilleux ;
D'infulter à mon inconftance ;
C'e
NOVEMBRE. 1749 121 .
C'eft chez moi que tu pris naiffance ,
fans moi tu verrois bien-tôt les fombres lieux.
Maillard la jeune.
A Nancy le 25
Août
1749.
AUTR E.
LE Lecteur veut du court & bon ;
Hé bien , huit lettres font mon nom ,
Qu quatre confonnes fidelles
Accompagnent
quatre voyelles.
Enſemble on voit l'arbre & le fruit ;
Un Ecrivain incomparable ,
Doat le Poëme inimitable
Eft connu de tout bel efprit ;
Le métail dont l'éclat féduit
Mainte beauté dans l'indigence ,
Dans Rome ainfi que dans Paris ,
Et qui change par la présence
Plus d'une Lucrece en Laïs ;
Un Prince inhumain & barbare ;
L'Elément de tous les oiſeaux ;
Le plus bête des animaux ;
L'urne du téméraire Icare ;
Un peuple fécond en Héros ;
Une forte Place d'Afrique ;
Deux des notes de la Mufique .
F
122 MERCURE DEFRANCE.
Pour achever en peu de mots ,
Le nom qu'après le mariage
L'homme porte dans le ménage.
Mare , Marne , an , rame , Marin ,
Mine , remorà , rime , mi . ,
Anier , Maire , romarin , moire ,
Ire , noyer , rien , Moine , armoire.
Daire C,
1
NOUVELLES LITTERAIRES
D
DES BEAUX- ARTS , ire.
ISSERTATION fur l'incertitude
des Signes de la Mort , & fur l'abus
des enterremens & embaumemens précipités
. Par M.Jean- Jacques Bruhier , Docteur
en Médecine.Seconde Edition , revûe, corrigée
& augmentée . A Paris , chez Debure
l'aîné , Libraire , Quai des Auguftins , à l'Image
Saint Paul , 1749 , 2 vol. in- 12. Tome
I. pp. 609.Tome II . pp . 534. Avec Approbation
& Privilége du Roi.
Au mois d'Avril 1740 , M. Winflow ,
Docteur Régent de la Faculté de Médecine
de Paris , & l'un des Membres de l'Académie
Royale des Sciences , fit foutenir
dans les Ecoles une Théfe fur une queſtion
NOVEMBRE. 1749. 123
extrêmement intéreffante. Il s'y agiffoit
d'examiner fi dans les cas où l'on doutoit
qu'une perfonne fût morte , les opérations
de Chirurgie étoient des épreuves plus certaines
que toute autre pour s'affûrer de la
vérité , & M. Winflow fe déclaroit pour
l'affirmative . Cette Théfe fut traduite en
François , mais M. Winflo n'ayant pas été
fatisfait de la premiere traduction , M.
Bruhier offrit d'en faire une nouvelle.
Afin de donner plus d'étendue à l'ouvrage
, il jugea à propos d'y joindre le récit
de plufieurs faits , que lui avoit fourni
la lecture de divers Traités fur les funérailles
des Anciens , ou qui lui furent indiqués
par M. Winflow & par quelques autres
Sçavans. La difficulté étoit de placer
ces augmentations. D'abord M. Brubier
n'imagina rien de mieux que d'en compofer
des notes , & de marquer par des renvois
les articles de la Théfe , auxquels elles
étoient relatives.
de
M. Winflow s'étoit propofé feulement
prouver , que pour reconnoître fi une
mort étoit réelle ou fimplement apparente,
on ne pouvoit avoir recours à de meilleurs.
moyens que les opérations chirurgicales.
M. Brubier porta plus loin fes vûes , & il
entreprit de montrer que ces opérations
mêmes étoient quelquefois un moyen in-
ן
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
fuffifant. Par cette raifon , il intitula fon
ouvrage , qui parut pour la premiere fois
en 1742 , Differtation fur l'incertitude des
Signes de la mort.
Des obfervations contenues dans cette
Diſſertation , il réfultoit qu'on s'expofoit
à être homicide , en précipitant trop les
embaumemens & les enterremens. M. Bruhier
, quelque tems après la publication de
fon Livre , compofa un Mémoire particu
lier fur ce fujet. Il en fit la lecture à M. le
Chancelier , qui l'engagea à dreffer un Pro
jet de Réglement, pour remedier à un abus
contre lequel la Nature & la Religion réclament
également le fecours des Loix. Le
Mémoire & le Projet de Réglement furent
imprimés en 1745 , & l'Auteur eut l'honneur
d'en préfenter un exemplaire à Sa
Majefté. Dans la même année , il publia
une feconde Partie , qu'il avoit ajoûtée à
fa Differtation.
Il donna en 1746 , fous le titre d'Addi
tion au Mémoire fur la néceffité d'un Réglement
général ausujet des Enterremens & Ěmbaumemens
, une Réponse aux objections
qui lui avoient été faites , & il la groffit
d'un nombre confidérable de faits dont il
n'avoit
pas encore parlé.
Tous ces differens ouvrages fe trouvent
réunis dans cette nouvelle Edition . Le preNOVEMBRE.
1749. .125
mier volume eft compofé de la premiere
Partie de la Differtation fur l'incertitude des
Signes de la mort , du Mémoire présenté au
Roi , du Projet de Réglement pour empêcher
les enterremens précipités , & de diverfes
biftoires de perfonnes rappellées à la vie ,
après avoir été réputées mories. Ces hiftoires
font celles qui ont été découvertes par
l'Auteur pendant le tems qui s'eft écoulé
entre la publication de fon premier ouvrage
& celle de fon Mémoire. M. Brubier
en faifant réimprimer la premiere partie
de fa Differtation , lui a donné une forme
nouvelle. Chaque paragraphe de la Théle
de M. Winflow ayant un objet particulier ,
notre Auteur a fait de chacun de ces objets
le fujet d'un chapitre.On verra dans le premier
, qui eft le plus long de tous , beaucoup
d'obfervations & de réflexions nouvelles
. Il n'y a aucun des autres chapitres ,
qui n'ait auffi fa part des augmentations .
Quant aux corrections , il y en a d'effentielles.
Celle qui regarde un ufage du troifiéme
fiècle , eft de ce nombre.
Dans le fecond volume eft la derniere
Partie que M. Bruhier ajoûta en 1745 àfa
તે િ
Differtation , & à laquelle il n'a rien changé.
Cette feconde Partie renferme neuf
Chapitres . L'Auteur examine dans le premier
, fi l'on doit ajoûter foi aux hiftoires.
F iij
126 MERCURE DEFRANCE.
rapportées dans la premiere partie de fon
ouvrage . Le fecond Chapitre eft deftiné à
prouver , par plufieurs faits , la poflibilité
de quelques événemens racontés par Pechlin
, & M. Bruhier y parle des ſecours
qu'on peut donnet aux Noyés. Les moyens
de rappeller à la vie quelques- uns des miférables
qui ont fubi le fupplice de la corde
, font la matiere du troifiéme Chapitre .
M. Bruhier , dans le quatrième , parle des
femmes qui meurent enceintes , & des enfans
réputés morts en venant au monde .
Dans le cinquiéme & le fixiéme Chapitres
, il parcourt les differentes cauſes , ſoit
intérieures , foit extérieures , qui peuvent
produire de fauffés apparences de mort. Il
employe le feptiéme à répondre à plufieurs
objections. Le huitiéme traite des ouver
tures fimples & des embaumemens. Notre
Auteur récapitule dans le dernier Chapitre
toutes les épreuves qu'on peut faire
pour éviter l'inconvénient d'inhumer une
perfonne tandis qu'elle eft encore en vie.
Ce volume eft terminé par un Supplément
contenant diverfes obfervations , dont M.
Bruhier n'a eu que depuis peu connoiffance.
L'Addition au Mémoire préfenté au Roi
neforme point, ni dans l'un ni dans l'autre
volume , un article féparé , parce quelle
a été fondue dans ce Mémoire.
NOVEMBRE. 1749. 127
On accufe les favoris des Mufes ; deprodiguer
fouvent leurs éloges à des ob
jets peu dignes d'être chantés . On ne fera
point ce reproche à M. de la Soriniere ,
en lifant l'Epitre fuivante. Il y loue avec
juftice l'utilité du Livre de notre Auteur .
Bruhier , ton immortel ouvrage
Ouvre les yeux à bien des gens
Sur l'abus , le cruel uſage
D'enterrer les morts tout vivans.
Chacua frémit , ne peut s'en taire ;
Et déja dans fon teftainent ,
De claufe expreffe &falutaire ,
Ajoûte un petit Supplément ,
Qui fervira de Réglement ,
Pour brider l'héritier avide ,
Dont l'empreffement homicide
Veut nous loger trop promptement
En telle Eglife ou Cimetiere ,
Où nous repoferions long- tems.
Arrêt fatal aux furvivans .
Collateraux auront beau faire ,
Il attendront affûrément
Quatre jours impatiemment.
Ce n'eft pas trop en telle affaire.
Car je t'avouerai fans myftere ,
Bruhier , qu'il me déplairoit fort ,
F iiij
128 MERCURE DE FRANCE.
Bien à l'étroit dans une biere ,
De me voir vif après ma mort,
M. de la Soriniere eft le feul Poëte qui ait
célebré l'ouvrage de M. Brubier , mais en
récompenfe prefque toutes les Sociétés fçavantes
du Royaume ont honoré authentiquement
de leur approbation le zéle de ce
Médecin. Les jugemens que nos principales
Académies ont portés de fon Livre ,
font à la tête du premier volume. Celle
d'Angers , non contente d'un témoignage
verbal de fon eftime , a aggrégé l'Auteur
à fon Corps, dans une affemblée extraordinairement
convoquée à cet effet.
Quelque glorieux que foient de pareils
fuffrages , M. Bruhier mérite un prix encore
plus flatteur. C'eft la reconnoiffance
de tous les hommes pour le fervice qu'il
s'efforce de leur rendre , en tâchant de les
dérober à un péril dont ne font pas exemts
ceux qui femblent devoir moins le redouter.
Joignons nos voeux à ceux du Public,
pour que l'autorité légiflative affûre l'exécution
d'un projet fi louable & fi important.
CHRONOLOGIE Hiftorique & Universelle,
qui contient tous les événemens mémorables
, arrivés depuis le commencement du
monde , avec leurs époques & leurs prinNOVEMBRE.
1749. 129
·
cipales circonstances . Par M. Gayot , Maître
ès Arts , & Gradué de l'Univerfité de
Paris , Hiftoriographe du Cardinal Evêque
Prince de Liége. A Liége , & fe vend
à Paris , chez Bordelet , Libraire , rue Saint
Jacques , vis- à- vis le Collége de Louis le
Grand ; à Rheims , chez Deffaint , &c. 20
volumes in. 8 °.
99
Nous ne connoiffons cette Chronologie
Historique , & c. que par une annonce qui
nous a été envoyée , & nous ignorons
même , fi cette annonce nous vient de la
part de l'Auteur ou de celle du Libraire.
Suppofé que nous la tenions du premier ,
elle pourra fervir à juger du ftyle & de la
méthode de l'ouvrage. Selon l'efpéce de
Profpectus en queftion , » ce Livre marque
l'origine primordiale des peuples &
» leurs defcendances refpectives par les
» enfans de Noé , l'étendue des pays , la
» durée de chaque Etat , les guerres , les
»batailles , les Traités , les alliances , les
» intérêts , les moeurs , les ufages , les in-
» ventions , les Arts , & c. On y trouve
» tout ce qui peut fe dire fur la Divinité ,
» fur les Anges , &c. les preuves des Religions
Juive & Chrétienne ; les diffi-
» cultés de l'Ecriture expliquées confor-
« mément au texte Hébren & Samaritain ,
ainfi qu'aux verfions & paraphrafes Chal-
>>
F v
130 MERCURE DE FRANCE.
"
ور
و و
daïques , Syriaques , Grecques , Arabes
» & Italiques ; .les Loix de Moïfe rédigées
» dans l'ordre de leurs dates , avec les raifons
de leur inftitution , & leur compa-
» raifon avec celle des Nations voisines ;
» les prophéries difcutées , & l'hiftoire des
Prophétes ; .... l'origine de l'Idolatrie
» des Egyptiens , communiquée aux autres
peuples par les Phéniciens ; l'hiſtoire &
» la génération des faux Dieux ... la def-
»cription de tous les Etres créés ... tout
» ce que l'Aftronomie & la Phyfique ont
» de plus curieux ; tout ce que les Anciens
»ont écrit des enchantemens , des ani-
» maux , de leurs voix , de ceux qui ont
parlé , de leurs penfées , de leurs connoiffances
.... ce qui a été rapporté du
» Paradis terreftre ; la démonftration de
» l'endroit où il étoit ; ce qui concerne la
grace du premier homme , fa nature , fa
chûte .... toutes les notions des anciens
peuples touchant la création , le Ser-
»pent , le Déluge …….. des des remarques fur
la Tour de Babel , fur la confufion des
Langues , fur les Langues des Hébreux ,
» des Chananéens , des Phéniciens , des
Carthaginois , & fur leur affinité ... les
»hypothéles des Philofophes anciens &
» modernes .... toutes les objections des
»impies & des athées avec leur réfutation ;
a
وو
33
NOVEMBRE . 1749. 131
» toute l'Hiftoire prophane d'avant & d'a-
ود
près le Déluge
.... enfin tout ce qui eft
» le plus propre à former le coeur & l'ef-
» prit , à nourrir la piété , à inſpirer la Religion
....
>>
L'annonce ajoûte que l'Auteur donne ,
non-feulement l'hiftoire des peuples les
plus connus, mais encore celle des Scythes ,
des Lybiens , des Ethiopiens , des Bactres ,
des Hircaniens , des Parthes , des Crétois ,
des Etheocletes , des Curetes , des Acarnaniens,
des Corybantes , des Aborigenes , des
Philiftins , des Iduméens , des Ammonites,
des Bootiens , des Myniens , des Meffeniens
, des Thyrintiens , &c. Elle nous
promet en même-tems une infinité d'articles,
des anecdotes par centaines , & des faits des
plus curieux , qui ne font ni dans les Dictionnaires
univerfels , ni dans les Auteurs modernes
les plus diffus.
On peut avoir cet ouvrage pour 36 liv.
Il faudroit méprifer beaucoup l'érudition ,
pour négliger d'acquérir tant de connoiffances
moyennant un prix fi modique.
EPITRE à M. de Voltaire. A Paris , chez
Prault ; fils , Libraire , Quai de Conty , à
la Charité , 1749 .
La plus grande partie de cette Epirre a
déja été imprimée dans un Mercure , * mais
Second volume de Décembre 1748.
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
par des raifons qu'il eft inutile de dire , il
ne nous fut pas permis de la donner entiere.
Elle eft d'un jeune homme de dix-neuf
ans , nommé M. Bafton , & l'on pourroit la
croire de M. de Voltaire , s'il n'y étoit pas
loué . Le fort de cet ouvrage eft de ne paroître
que tronqué . M. de de Crebillon , qui
en a été l'Approbateur , a exigé par modeftie
, que l'Auteur en retranchât ces quatre
vers .
Crébillon , confondant le fang avec les larmes ,
Au fein de la terreur me fit trouver des charmes ,
Tant il fçut exprimer par ſes mâles accords ,
Et les fureurs du crime, & l'horreur des remords.
QUESTION nouvelle & intéreſſante fur l'Electricité
propofée par l'Académie de Di.
jon , & traitée par M. l'Abbé de Mangin ,
Docteur , Prieur de S. Antoine. A Paris ,
chez Delaguette , Imprimeur-Libraire , rue
Saint Jacques , à l'Olivier , 1749. Brochure
in- 12 , avec figures .
On a vû dans leMercure d'Octobre, que
Mrs de l'Académie de Dijon auroient défiré
d'avoir deux Prix à diftribuer , pour pouvoir
en donner un à M. l'Abbé de Mangin.
Sur l'invitation qu'ils lui ont faite de rendre
fa Differtation publique , il s'eft déterminé
à la faire imprimer.
L'AMOUR des François pour leurs Rois ,
NOVEMBRE. 1749. 133
confacré par des monumens publics. Sujet propofé
par Mrs de l'Académie Françoife , &
traité en vers , avec des notes hiftoriques ,
où l'on trouve la defcription des plus beaux
Monumens de la Ville de Paris , & de ceux
de l'Antiquité , qui peuvent y avoir rapport.
Par le même Auteur , & chez le même
Libraire , 1749 .
Voici quelques morceaux de cette Ode.
Tantôt c'eft un Cirque admirable ,
Qui , dans fon contour raviflant ,
Préfente fous un air affable-
L'invincible Louis le Grand.
Tantôt ce Roi , comblé de gloire ,
Eft à côté de la victoire ,
Qui le couronne de ſa main :
Et jufques au Palais Ædile
Amour lui trouve un domicile ,
Comme à Céfar chez le Romain.
Ce n'est là qu'une foible efquiffe
De cet incomparable amour.
Il dreffe un brillant édifice ,
Et met l'hymen en tout fon jour.
**
Puis par des Portes triomphales,
134 MERCURE DE FRANCE.
Que nós Scopas & nos Dédales
Embellirent de leurs ciseaux ,
Il éternife la mémoire
Il fait aux yeux toute l'hiſtoire
De nos plus célebres Héros.
***
Si les emblêmes , les deviles ,
Ont pour nous quelques agrémens ,
Amour en a des plus exquifes ,
Et qui plairont dans tous les tems.
+3x+
D'abord au Ciel il prend les Aftres ,
Puis , il en forme des Pilaftres ,
Er peint les mois & les faifons.
Marly , tu fçais tout le myſtére.
C'eſt un Soleil qu'il mit fur terre ,
Suivi de fes douze Maifons .

Arles dédie un Obélifque ,
Qui furmonté d'un fameux Difque ,
Etale à jamais fa grandeur ,
Et par un courfier magnifique
Bordeaux annonce , apprend , explique
Quelle fut fa haute valeur.
NOVEMBRE . 1749 . 339
Mais pour qu'Amour te préconiſe ,
Grand Roi , faudroit d'autres morceaux.
Phius , Prolomée & Ramife ,
N'en ont pas encore d'affez beaux.
Par la lecture de ces fragmens , on
fentira que M. l'Abbé de Mangin , dès qu'il
prenoit le parti de publier cet effai Poëtique
, ne pouvoit fe difpenfer d'y joindre
un grand nombre de notes.
On fe propofe de donner au Public les
Paftorales & les Géorgiques de Virgile ,
en trois petits volumes in- 8 ° . fous le titre
fuivant :
PUBLII VIRGILII MARONIS BUCOLICA
ET GEORGICA. Ordine perpetuo , interpretationibus
Gallicis , exemplis fere innumeris ,
Dictionario Latino - Gallico fimul & Poërico ,
argumentis , annotationibus Differtationibufque
nonnullis illuftrabat A. Bourgeois , Parochus
S. Germani & in Collegio Crefpiaco-
Vallenfi Primarius , ad ufum puerorum Linguam
Latinam edifcere incipientium .
Extrait de la Préface que M. Bourgeois
doit mettre à la tête du premier volume.
Après une grande variété de Méthodes
propofées pour faciliter aux enfans l'étude
du Latin , on convient affez unanimement,
1. qu'ils doivent fçavoir au moins les
déclinaifons , les conjugaifons & les prin136
MERCURE DE FRANCE .
cipales régles de la Syntaxe Latine , avant
d'en venir à l'explication des Livres : 2º .
que le grand fecret pour leur donner l'intelligence
de cette Langue , eft de les
mettre , le plutôt que l'on peut , dans la
lecture des bons Auteurs. Une Grammaire
Latine , claire & précife , eft fuffifante
pour donner à un enfant la connoiffance
de ce qu'il ne doit pas ignorer , quand il
eft tems de le faire paffer à l'explication ;
mais ce fecours en demande un autre que
nous n'avons point.
De tous les anciens Auteurs qui ont
écrit en Latin , il n'y en a aucun qui foit
tel qu'il le faudroit pour ceux qui commençent
à étudier cette Langue . On s'eft
efforcé de fuppléer à ce défaut, en mettant
entre les mains des jeunes gens des livres
& des recueils faits à leur ufage . Je loue
fort ceux qui ont confacré leurs veilles à
ces fortes d'ouvrages : leurs vûes étoient
très bonnes : il me paroît néanmoins qu'ils
fe font beaucoup éloignés du but où ils
devoient tendre. Il s'agiffoit , à mon avis
de trouver le grand fecret dont j'ai parlé
, & de mettre le plus promptement
qu'il étoit poffible la jeuneffe à portée
de puifer dans les vraies fources &
d'apprendre le Latin de ceux-mêmes qui
l'ont écrit & parlé avec le plus de pu
,
NOVEMBRE. 1749. 137
reté & d'élégance. Tout ce que les modernes
ont fait à ce fujet , ne conduit pas
affez directement à cet unique but , auquel
on doit tâcher d'atteindre , même en commençant
l'étude de la Langue Latine . J'eftime
donc que toutes leurs productions
font affez inutiles , & je me perfuade que
le tems que l'on employe à les expliquer ,
eft un tems prefque entierement perdu ,
s'il eft vrai qu'on puiffe aifément s'en paffer
, & entrer tout d'un coup dans la lecture
des Auteurs Latins , même les plus difficiles
or je prétends que la chofe eft trèspoffible
& très -aifée : il ne faut pour cela
qu'applanir les difficultés , & rendre l'explication
de ces Auteurs , plus facile encore
que ne l'eft celle de ces Livres , aſſez
mal faits , qui font aujourd'hui fi à la mode
dans nos Colléges. C'eft ce que je crois
avoir exécuté dans l'ouvrage que je me
propofe de préfenter au Public , & voici
ce qui me le fait croite.
Quelque Auteur Latin que l'on donne
à expliquer à des Commençans , ils y trouveront
toujours des difficultés de quatre
fortes , & qui , felon un Sçavant de nos
jours , confiftent ,
1º. A faire ou à retenir la conftruction
de chaque phrafe :
2º. A trouver de foi même les mots
fous entendus :
38 MERCURE DE FRANCE.
3. A trouver la fignification jufte des
expreffions figurées :
4° . A choifir dans un Dictionnaire la .
*fignification propre de chaque mot.
A ces quatre difficultés j'en ajoute une
cinquième , qui confifte à trouver un tour
François pour traduire les phraſes Latines
qu'on ne peut rendre mot à mot. Or
j'applanis ces cinq difficultés dans l'ouvra
ge propofé , dont voici le plan .
:
I. A côté du texte eft la conftruction de
chaque phrafe les mots y font rangés
comme ils doivent l'être pour former une
phrafe Françoiſe , quand on les traduira
les uns après les autres. Je ne m'écarte de
ce fentier qu'à l'occafion de certains termes
qu'on ne peut déranger , fans pécher
contre les régles de la Grammaire Latine ,
qui apprend elle- même où on doit placer
ces mêmes termes , quand il eft queftion
de traduire. On ne trouvera pas plus
d'embarras dans quelques phrafes , dont
la conftruction ne paroît pas bien faite au
premier coup d'oeil, & où elle est toutefois
exacte , fi on prend un tour François convenable
. Exemples : Mihi eft fiftula , j'ai
une flûte. Suberunt tamen pauca veftigia :
il restera néanmoins encore quelques veftiges
, & c.
Quand un mot répété eft mis pour la ·
NOVEMBRE . 1749. 139
conjonction , ce qui eft très fréquent , je
place cette conjonction à la fuite du mot
auquel elle eft finonyme en pareil cas.
J'en ufe de même par rapport à certaines
expreffions , dont la fignification me paroît
ou peu ordinaire , ou équivoque.
J'explique encore tout au long quelques
bouts de phrafes , dont le tour Latin ne
peut revenir à notre maniere de nous exprimer
dans notre Langue , & je les traduis
communément tout à la lettre , ou
dans les interprétations dont je parlerai
bientôt , ou dans le Dictionnaire Latin-
François. C'eft- là ce que j'ai jugé néceffaire
pour lever la premiere & la cinquiéme
des difficultés qui fe rencontrent dans
l'étude de la Langue Latine.
II. A l'égard de la deuxième , je l'ai totalement
applanie , en fuppléant dans la
conftruction tous les mots fous- entendus
dans le texte. Sur quoi il eft bon d'obferver
que les mots fuppléés font avec les autres
une phrafe fuivie , au lieu que les termes
finonymes en font feparés par des virgules
mifes devant & après.
III. Avec le fecours des interprétations
placées au bas des pages , on apprendra
fans peine la fignificarion jufte des expreffions
figurées : elles font toutes expliquées
& traduites d'abord à la lettre , &
Y
140 MERCURE DE FRANCE.
enfuite ramenées au fens naturel & fim
ple. Ce n'eft point là à quoi fe bornent
ces interprétations qui font affez étendues
à caufe de leur grand nombre. Elles renferment,
1º beaucoup d'exemples tirés des
meilleurs Auteurs , où l'on peut voir ce
que Virgile a emprunté de fes prédéceffeurs
, & ce que fes fucceffeurs ont emprunté
de lui , par rapport à l'élocution &
aux termes de la Langue Latine : 2 °. beaucoup
d'expreffions & de mots finonymes ,
avec une traduction prefque toujours littérale
de plufieurs endroits qui pourroient
embarraffer les Commençans : 3 ° . de courtes
notes , qui développent davantage la
penfée du Poëte , qui font connoître l'ufa
ge & la proprieté de certaines chofes , &c.
4°. des obfervations fur la Grammaire ,
fur l'élegance du ftyle , fur les expreffions
extraordinaires , &c. Ces interprétations
font écrites en François , & avec les grandes
notes qui font à la fin de chaque volume
, elles forment un Commentaire complet
fur les Paftorales & les Géorgiques de
Virgile.
IV. La quatriéme difficulté qui fe rencontre
dans l'étude du Latin , & qui confifte
à trouver dans , un Dictionnaire lå
fignification propre de chaque mot , m’a
patu tout-à-fait infurmontable pour des
NOVEMBRE . 1749. 141
Commençans , fans le fecours que je leur
offie. La raison de ceci eft , que dans nos
Dictionnaires ordinaires un feul & même
mot Latin eft prefque toujours fuivi d'un
affez grand nombre de fignifications toutes
differentes. Delà il arrive qu'un enfant
qui cherche ce même mot , ne peut
abfolument fçavoir à laquelle de ces fignifications
il doit s'en tenir. Je ne m'arrêterai
point à prouver en détail ce que j'avance
ici : l'expérience ne le prouve que
trop. D'ailleurs M. Vallart l'a clairement
démontré dans l'addition qu'il a faite à la
belle Préface de fes Paraboles Evangéliques.
J'ajouterai feulement à ce qu'il dit
la-deffus , qu'on chercheroit envain , dans
les Dictionnaires à l'ufage des Colléges ,
la fignification propre d'un très- grand
nombre de termes. J'ai remarqué dans ces
Livres plus de cent omiffions de cette efpéce
pour ce qui concerne les Eglogues
feules. C'eft pour remédier à cet inconvé
nient , que j'ai compofé le petit Dictionnaire
, qui fuivra immédiatement le texte
de l'Auteur. Chaque volume aura le fien .
Il fera fait de façon , qu'on ne pourra ja
mais le méprendre fur la fignification propre
des mots que l'on cherchera , & qu'on
trouvera prefque toujours au premier coup
d'ail les termes dont on aura befoin ,
142 MERCURE DE FRANCE.
Voilà ce que j'ai fait en faveur des
Commençans. Avec ces fecours , ceuxmêmes
d'entr'eux , qui paroiffent n'avoir
pas beaucoup de difpofition , peuvent faire
des progrès très-rapides dans l'explication.
de Virgile. J'en ai fouvent fait l'expérience
, & j'ai toujours réuffi en fuivant cette
méthode.
1 °. J'exige de l'enfant qui fçait à peu
près la Grammaire Latine , qu'il cherche
tous les mots dans le Dictionnaire Latin-
François , & qu'il les écrive exactement
dans un cahier avec les fignifications propres
aux endroits qu'il explique,
2° . Je lui fais expliquer la conftruction ,
telle qu'elle eft à côté du texte , & s'il en
a oublié quelques mots , je lui en rappelle
le fouvenir , ou bien je lui permets de
confulter le cahier où il les a écrits .
3 °. Quand il entend bien la conſtruction
, je lui laiffe quelques momens pour
fe difpofer à l'explication du texte , qu'il
rend bientôt après avec autant de netteté
que de précision . Je ne fais faire ces opérations
que quatre ou cinq jours de fuite.
Après ce tems là l'enfant marche feul , je
veux dire qu'il n'a prefque plus befoin
que de fon Livre pour préparer fa verfion ,
& même pour traduire avec allez de fidélité.
NOVEMBRE.
1749. 143
A la vue de ce qui vient d'être dit , il
eft aifé de
concevoir que mon travail fera
d'une grande utilité pour les enfans qui
commencent à étudier le Latin .
Quoiqu'il
en foit , ce n'eft point là l'unique but que
je me fuis propofé : j'ai encore eu en vûe
l'avantage des jeunes gens qui ont mal fait
leurs études , ou qui les ont
abandonnées
de trop bonne heure. Ceux d'entr'eux qui
auront la volonté , ou qui feront dans la
néceffité
d'entendre un peu la Langue Latine
, trouveront dans mon Virgile un excellent
Maître, fous lequel ils
pourront
faire de très-grands progrès en fort peu de
tems .
Le
Dictionnaire de chaque volume fera
non-feulement Latin- François , mais il
contiendra encore un abregé de la Fable ,
de l'Hiftoire , de la
Géographie , de l'Hiftoire
naturelle , &c. Cet abregé fera écrit
en Latin , parce que je le crois inutile
pour les
Commençans . Les grandes notes,
qui fuivront le
Dictionnaire , feront écri
tes en la même Langue pour la même Laifon
. On
trouvera dans ces notes bien des
chofes qu'on
chercheroit
inutilement ailleurs.
Elles feront
indiquées dans la Pré
face. Le premier volume eft
entierement
achevé , & je travaille à mettre la derniere
main aux deux autres.
144 MERCURE
DE FRANCE.
On imprime à Lyon , chez les freres
Duplain , T'Hiftoire Navale d'Angleterre ,
depuis la conquête de ce Royaume par les Normands
en 1966 , jusqu'à la fin de 1734 ,
traduite de l'Anglois de Thomas Lediard ,
Secretaire d'Ambaſſade , avec une Préface
critique, Cette impreffion fe fait en quatre
volumes in-4° . avec des caractéres neufs &
fur de très- beau papier.
Les mêmes Libraires viennent de publier
une très -belle édition , fort augmentée
, en quatre volumes in-8 ° . des Effais
fur l'Hiftoire des Belles - Lettres , des Sciences
& des Arts , par M. fuvenel de Carlencas.
ACTA SANCTORUM Septembris , collecta,
digefta , Commentariifque & obfervationibus
illuftrata à Joanne Stiltingo , Joanne Limpeno
, Joanne Veldio P. M. Conftantino
Suiskeno. Tom . II. Antuerpiæ , apud Bernardum-
Albertum Vander Plafſche , ann .
1748 , in-folio,
DE LA NOURRITURE de Pythagore , à
l'ufage de la Médecine , par M. Cocchi ,
de l'Imprimerie de François Mouke, A
Florence , vol . de 84 pages in-4° . L'ouvra
ge eft en Italien.
DES MALADIES des yeux , par M. Herman
Boerhaave , à quoi l'on a joint fon introduction
à la pratique clinique ; fes leçons
fur la pierre , quelques defcriptions
de
NOVEMBRE . 1749 .
145
de maladies , & quelques confultations
du même Auteur ; le tout traduit du Latin..
A Paris , chez Briaffon , rue Saint Jacques.
Volume in-12. de 370 pages.
TRAITE' des Systêmes , où l'on en démêle
les inconvéniens & les avantages ,
par l'Auteur de l'Effai fur l'origine des
connoiffances humaines . A la Haye , chcz
Neaulme , Libraire , 1749 .
SERMONS & Homélies fur le Carême
par M. Jerôme de Paris , ancien Grand
Vicaire & Official de Nevers . Trois volumes
in- 12 . Le premier de 512 pages ,
le fecond de 537 , & le troifiéme de 520.
A Paris , chez Didot & Nyon , Quai des
Auguftins.
LES AMUSEMENS du coeur & de l'efprit.
Suite nouvelle. Tome fecond , premiere
divifion. A Paris , chez la veuve Piffot
Morean de Bure , l'aîné & Barrois ,
1749..
LA RECHERCHE de la vérité , par le P.
Malbranche. Quatre volumes in- 12. Nouvelle
édition . A Paris , chez Ganean &
Compagnie , Libraire , rue Saint Severin
aux Armes de Dambes.
MEMOIRES & réflexions fur les principaux
événemens du Regne de Louis XIV.
& fur le caractére de ceux qui y ont eû la
G
146 MERCURE DE FRANCE
principale part , in- 12 . Nouvelle édition ,
chez le même.
LES OEUVRES de M, de Crebillon , en
trois volumes in- 12 . petit format , chez le
même. Nouvelle édition . On trouvera
chez le même Libraire le troifiéme volu
me des OEuvres de cet Auteur , en faveur
de ceux qui ont les précédentes éditions.
Ce troifiéme volume contient les Tragédies
de Xerxés & de Catilina , & les Difcours
Académiques de M. de Crebillon .
LES VIES des Hommes illuftres de la
France , continuées par M. l'Abbé Péran ,
Licentié de la Maifon & Société de Sorbonne
. Tome dix-feptiéme. A Amſterdam,
& fe vend à Paris , chez le Gras , grande
Salle du Palais , à l'L couronnée , 1749 ,
In 12.
LETTRES de Rouffeau fur differens ſujets
de Littérature . A Geneve , chez Barillot
fils , 1749. Trois volumes in - 12.
LEÇONS de Phyfique expérimentale ,
par M. l'Abbé Nollet , de l'Académie
Royale des Sciences , de la Société Royale
de Londres , & Maître de Phyfique de
Monfeigneur le Dauphin. Volume in- 12,
de 535 pages. Tome quatrième. A Paris ,
chez les freres Guerin , rue Saint Jacques
vis-à- vis les Mathurins ; à Saint Thomas
'Aquin , 1748.
NOVEMBRE . 147 1749 .
BIBLIOTHEQUE de la Grande Bretagne ,
où l'on a raffemblé par ordre alphabétique
les Ecrivains qui ont fleuri en Angleterre,
en Ecoffe & en Irlande , jufqu'au com- .
mencement du dix-feptiéme fiécle , par
Thomas Tanner , Evêque de Saint Afaph ,
& publiée par David Wilkins , Profeffeur
en Théologie , & Chanoine de Cantorbery
, in fol. de 788 pp . A Londres , chez
Guillaume Bowyer , aux dépens de la Société
établie pour l'avancement des Lettres
, 1748. L'ouvrage eft en Latin.
L'ILLYRIE ancienne & nouvelle de M.
Ducange , ou l'Hiftoire des Royaumes de
Dalmatie , de Croatie , d'Efclavonie , de
Bofnie , de Servie & de Bulgarie ; confi .
dérablement augmentée , & continuée de
puis les premiers tems jufqu'à préfent. A
Prefbourg en 1746. L'ouvrage , dédié à
l'Empereur & à l'Impératrice Reine de
Hongrie , eft de 422 pages in-fol. fans y
comprendre l'Epitre Dedicatoire & la Préface
, de feize pages.
TRAITE' de la Céphalatomie , ou Def
cription Anatomique des parties que la
tête renferme. Ouvrage enrichi de figures
en taille douce , deffinées & gravées d'a
près nature , par J. B*** . Chirurgien Juré
d'Avignon . A Avignon , chez François
Girard , Imprimeur -Libraire , Place Saint
G ij
148 MERCURE DE FRANCE .
Didier , 1748 , in -4° . de 448 pages , fans
l'Epitre Dédicatoire , la Préface & la Table
des titres , qui en font feize.
ce ,
Avis pour la conduite d'un jeune homme
, par M. le M. D***** . AVitry , chez
Jean -François Jobart , Libraire fur la Plavis-
à- vis l'Eglife de Notre- Dame ,
& à Paris , chez Defaint & Saillant , Libraires
, rue Saint Jean de Beauvais , 1748.
Brochure in - 12. de 102 pages , non compris
24 pages pour deux Epitres Dédicatoires
; l'une de l'Editeur à la Nobleffe de
Champagne , l'autre du Libraire de Vitry
à M. le Marquis de Puyfieulx , un avantpropos
& une Préface de l'Editeur.
NOUVELLE EDITION du Martyrologe
Romain. A Rome , chez Jean - Marie Salvioni
, Imprimeur du Vatican. Cette édition
a été augmentée par le Pape Benoît
XIV . de plufieurs piéces importantes , &
en particulier d'un grand nombre de nouveaux
Saints de divers Ordres Réguliers.
Elle est encore enrichie de beaucoup d'Eftampes
& d'autres tailles douces , relatives
au Martyrologe de ces mêmes Saints. Le
prix de cet ouvrage qui eft in-fol. eft de
huit écus Romains.
Le même Libraire imprime actuellement
in 4° . ce Martyrologe , dont le prix
fera d'un écu Romain , pour ceux qui dèsNOVEMBRE
. 1749. 1419
à- préfent voudront , en payant cette fontme
, s'en affûter des exemplaires. Ce Martyrologe
a été traduit en Italien pour l'u
fage des Confreries Séculieres. On imprime
auffi in-4° . cette Traduction qu'on
donnera pour le prix de fix Jules , trois
livres environ monnoye de France , à
ceux qui jugeront à propos de payer
d'avance .
PLAN pour réformer la Juftice , que le
Roi de Pruffe a dreffé par fes proprés lumieres
, & par lequel la procédure eft réglée
d'une maniere que dans le terme d'un
an tous les procès font jugés en premiere ,
feconde & troifiéme inftances . A Halle ,
de l'Imprimerie des orphelins , 1749 ,
in-4° .
EXPOSITION abregée du Plan du Roi de
Pruffe pour la réformation de la Juftice ,
par M. Formey , 1748˚, in -4° . A Berlin.
RECUEIL important des monumens des
Princes de la Maifon d'Autriche . Premier
tome , qui fera fuivi de quatre autres. A
Vienne. L'ouvrage eft en Latin.
DICTIONNAIRE univerfel de Médecine ,
contenant l'explication de tous les termes
d'ufage en Médecine , Anatomie , Chirurgie
, Pharmacie , Botanique , & chez les
anciens & les modernes , où les étymologies
des mots , leurs differens fens font dé
Giij .
150 MERCURE DEFRANCE.
**
·
terminés , les differentes parties du corps
humain exactement décrites , les principales
vertus des remédes officinaux déterminées
, avec des régles exactes pour diftinguer
les bons des mauvais ; le tout tiré des
Auteurs originaux par J.Banow , Chymifte .
A Londres , chez T. Longman & C. Hite'h ,
dans Pater- nofter- Row , 1749 , in - 8 °.
L'ouvrage eft en Latin.
DEUX LETTRES d'un Médecin de Londres
à un Particulier de Bath , dont la premiere
contient des régles certaines & aifées
pour conferver la fanté , & prévenir
toutes les maladies jufqu'à un âge fort
avancé , avec des obfervations fur l'uſage
préfent du tabac , & les effets fur le corps
humain , la feconde montre l'abus d'avoir
recours aux empiriques , dont la pratique
n'étant point éclairée par une éducation
convenable , eft généralement confuſe &
très dangereufe. A Londres , chez Charles
Corbett , à la tête d'Addiffon , dans Fleetftreet
, 1749 , in- 8 ° . Ces Lettres font en
Anglois.
DISCOURS fur toutes les principales
branches de la Religion naturelle , & fur
les vertus de la fociété , par Jacques Fofter.
Ouvrage propofé par foufcription à Lon .
dres , chez Noon , dans Cheapfide ; chez
J. & P. Knapton , dans Lugdate-ſtreet , &
NOVEMBRE. 1749. 151
}
autres Libraires . Cet ouvrage fera imprimé
en deux volumes in-4°. avec de beaux
caractéres fur de bon papier. Le prix de la
foufcription eft une guinée , payable en
foufcrivant. Le premier volume a paru au
mois de Mai dernier , & on avoit promis
le fecond pour le mois d'Octobre. L'onvrage
eft auffi en Anglois.
HISTOIRE de Pyrrhus , Roi d'Epire ,
par M. Jourdan , à Amfterdam , chez Pierre
Mortier , deux volumes in 12. & à Paris ,
chez differens Libraires.
JOURNAL du fiége de Bergopzoom en
1747 , rédigé par un Lieutenant-Colonel ,
Ingénieur volontaire de l'armée des affiégeans,
avec les plans de la Ville & des
Forts . A Amfterdam , chez Arkstée & Merkus
, 1750 , in- 12 . Ce même ouvrage fe
trouvera auffi à Leipfick.
HISTOIRE des révolutions de France ,
Monarchie où l'on voir comment cette »
s'eft formée , & les divers changemens
qui y font arrivés par rapport à ſon érendue
& à fon Gouvernement . On y a joint
des remarques critiques & les faftes des
Rois de France , depuis Clovis jufqu'à la
mort de Louis XIV. Nouvelle édition .
A la Haye , chez Pierre Goffe & Adrien
Moetjens , 1749. Quatre volumes in 12 .
THEORIE du mouvement des Apfides
Gj

152 MERCURE DE FRANCE.
en général , & en particulier des Apfides
de l'orbite de la Lune , par D. C. Walmefley
B. A. A Paris , chez Gabriel François
Quillan , pere , Imprimeur- Libraire , rue
Galande , 1749 ; in-4° .
ELEMENS de Cofmographie , pour fervir
d'introduction à la Géographie & à
-l'Hiftoire , par M. Buy de Mornas , à Paris,
chez Grangé , au Palais ; Jombert , Quai
des Auguftins ; Durand , rue Saint Jacques
; Desprez & Cavelier , même rue ,
1749 ,
in- 12 .
PLINII CAGILII SECUNDI Epiftola &
Panegyricus. Editio nova. Recenfuit & notis
illuftravit Joannes Nicolaus Lallemand ,
in
Marchiano Rhetorica Profeffor : Parifiis ,
apud Defaint & Saillant , 1749 , in - 16.
de 411 pages. On a joint à cette nouvelle
édition la vie de Pline le jeune , une Lifte
alphabétique des noms des perfonnes à
qui il a adreffé fes Lettres , & enfin des
notes pour les corrections du texte .
LETTRE concernant le nouvel Art de graver
& d'imprimer les Tableaux. Par le
Sieur Gautier , Graveur du Roi , & feul
Privilégié pour les Planches anatomiques
en couleur naturelle , 1749 , in- 12. De
l'Imprimerie de Bullot , Imprimeur du
Mercure.
On a lû la premiere partie de cette LetNOVEMBRE
. 1749. 153
tre dans le Mercure de Juillet , & la feconde
dans celui d'Octobre. Nous
avons appris avec plaisir , que plaifir le Roi , voulant
récompenfer les talens du Sr Gautier ,
lui a accordé une penfion de fix cens livres
fur le Tréfor Royal ..
Nous sommes priés d'inferer ici l'article
fuivant.
E
STAMPE ICONOLOGIQUE , en forme de .
Médaille , dont le Type repréfente le
Défintéreffement ; inventée & compofée
par MM. de Palmeus , pere & fils ; dédiée
& préfentée au Roi . Le fond de l'Estampe
repréfente le Temple de la Paix d'après
un deffein antique.
EPITRE DEDICATOIRE,
SIRE ,
Les Peuples du berceau du monde , les
Grecs , les Romains , déifierent les Hommes
Aluftres , les Héros & les Vertus ; il étoit
réservé aux fentimens généreux de yOTRE
MAJESTE' , que le Défintéreffement , cet
auguste caractére de votre magnanimité , fût
revéréfous votre Regne glorieux.
de Oferions-nous célébrer les vertus VOTRE
MAIESTE' ? Non , SIRE. Nos expreffions.
Gy
154 MERCURE DE FRANCE.
trop foibles , nos devoirs , notre reſpect ſe bornent
à les admirer , & à fupplier très-humblement
VOTRE MAJESTE' , d'agréer cette
Eftampe iconologique , qu'ofent vous préfenter
ceux qui font , SIRE , de votre Majeſté
les très -humbles , très- obéiffans , très-fidéles
Serviteurs & Sujets , DE PALMEUS ,
pere & fils.
Defcription de l'Eftampe Iconologique, en forme
de Médaille , ayant pour Type
Un Héros repréfentant le Défentéreffement
, placé fur l'Autel du Temple de la
Paix , coëffé d'un Cafque Impérial , &
vêtu d'une cotte.d'armes , femée de Fleurs
de Lys ; il foule aux pieds la Difcorde & la
Jaloufie , & s'appuye de la main gauche
fur la tête d'un Lion , fymbole de ſa Puiffance
; il répand des richeffes de la droite ,
fymbole de fa magnificence , de fes
& de fa générosité.
graces
*
Lycurgue & Scipion , illuftres dans l'antiquité
Grecque & Romaine , viennent
des Champs Elizées dans le Temple , pour
rendre hommage à ce modéle de vertu
Lycurgue , Athénien , furnommé Libis ,
vêtu de la pourpre , caractériſe les perſonnes
que le Roi honore de ſa confiance ,
Yoyez ci- après , page 156
NOVEMBRE 1749. ' ISS
pour gouverner fous fon autorité * . Scipion
l'Africain caractériſe l'Héroïfme du
Militaire de France.
La Nation Françoife , fous la figure
d'une femme à genoux ,
vêtue de gaze
blanche , ornée d'an manteau violet , femé
de Fleurs de Lys , repréſente les tendres &
fidéles hommages des Peuples pour le
Roi.
** La Juftice & la Paix s'embraffent
dans le Temple. La Paix foule aux pieds
les attributs de la guerre , dont elle éteint
le flambeau , fymbole du repos rendu à
l'Europe par la générofité du Roi .
La Modération & la Concorde entrent
dans le Temple , pour joindre leurs hommages
à ceux de ces Divinités .
Les Nations , repréſentées fous leurs
differens caractéres , expriment avec allégreffe
la jouiffance du repos que la Paix
leur procure , & la facilité qu'ils efpérent
avoir de cultiver les Sciences , les Arts , &
· Voyez page 158.
** Pages , du Mandement de l'Evêque de Valence
, du 15 Février 1749 , fur la publication de
la Paix.
Le Recueil des Mandemens & des Difcours de
ce Prélat , pourroient fervir de Mémoires pour retracer
les vertus & les grandes actions qui caracté
rifent & font admirer le regne du Roi . Il feroit à
fouhaiter que l'on fit imprimer ce Recueil,
G vj
156 MERCURE DEFRANCE.
de travailler à l'accroiffement du Commerce
.
La Légende Victorem vicit Pacis amor
exprime que l'amour du Roi pour fes Sujets
lui a fait arrêter le cours de fes victoires
pour donner la Paix à l'Europe.
L'Exergue 1748 marque l'époque fous
laquelle le Roi a planté les Oliviers de
la Paix fur les murs foudroyés des Villes ,
dont les armes l'avoient rendu maître , &
qui deviennent les monumens éternels de
fa juftice , de fa modération & de fa clé
mence.
Extrait de l'Hiftoire de Lycurgue.
Quoique nous foyions perfuadés que la
plupart des perfonnes , qui liront la defcription
de l'Eftampe Iconologique , fçavent
l'Hiftoire de Lycurgue Athénien &
celle de Scipion , nous avons crû néceffaire
, pour ceux qui l'ignorent , d'en rapporter
l'abregé , afin qu'ils puiffent confulter
les Auteurs cités , pour y reconnoître
la reffemblance fidelle de ces Hommes
illuftres d'Athénes & de Rome , avec ceux
que nous perfonnifions par cette Iconologie.
Lycurgue , Orateur d'Athénes , fur.
nomme Libis , fils de Lycophron , fut
digne › par fes excellentes qualités , fes
NOVEMBRE . 1749 . 157
lumieres & fa prudence , de Feftime & de
la vénération de tous les fiécles .
Son amour pour la juftice & la vérité ,
des connoiffances fupérieures , fes fentimens
élevés , lui firent donner , Fan da
monde 3594.Fadminiftration du Gouvernement
, dans laquelle il eut autant de
vertus qu'il avoit de devoirs à remplir.
Toujours renfermé dans le cercle étroit que
tracent le Défintéreffement & l'Equité , il
n'afpira à d'autres récompenfes qu'à celle
d'être utile à fa Patrie , à laquelle il s'étoit
fi généreufement dévoué , que dans
le tems où les dépenfes de la guerre con
fommoient les fonds publics , il foutint
la République par fon économie & fon
crédit.
Il établit des Loix , dont il corrigeoit
F'austérité par des manieres douces & affables
; il réprima le caractére rétif des
Athéniens , qui les portoit à fe plaindre
des refus équitables que ceux - qui gouver
nent , font obligés de faire pour défendre
les Loix contre l'entreprife des Peuples.
Lycurgue chaffa d'Athénes les fainéans ,
les Poëtes fatyriques , les faifeurs de nou .
velles , & les gens de mauvaifes moeurs.
Après avoir ainfi établi le bon ordre au
dedans , il fe diftingua au dehors: par la
fageffe de fa politique , & l'habileté de ies
}
158 MERCURE DE FRANCE.
négociations avec les Etrangers.
Il écrivoit , jour par jour , ce qu'il faifoit
concernant l'adminiftration du Gouvernement
, & lorfque fon âge avancé
P'obligea de fortir de charge , il fit attacher
ce Journal à une colonne , faiſant inviter
le Public de l'examiner.
Etant tombé malade , il fe fit porter à
l'Affemblée pour y rendre perfonnellement
le compte exact de fa conduite , qui
fut unanimement applaudie * . Il mourut
très- regretté des Athéniens , qui honorerent
fa mémoire avec une diftinction par
ticuliere.
Extrait de l'Hiftoire de Scipion
Scipion , furnommé l'Africain , né l'am
du monde 3815 , fils de Publius Cornelius,
auquel il fauva la vie à la bataille du
Telin , n'ayant pour lors que dix-fept à
dix-huit ans .
C'étoit un prodige de valeur & de pru
dence , plein de zéle & de la fidélité la plus
inviolable ; il en donna des preuves en
toutes occafions , principalement lorfqu'il
arrêta la Nobleffe Romaine , qui abandonnoit
Rome après la défaite de Cannes ,
Ville de la Poüille , dite à préfent , Cannata
deftructa.
* Voyez Plutarque & Paufariasë,
NOVEMBRE . 1749. 159
2
En 3839 , il fut choifi pour aller en
Efpagne , après la mort de fon pere & de
fon oncle , n'ayant pour lors que vingtquatre
ans. Il reconquit ce grand Pays fur
les Carthaginois en moins de quatre ans
En 3844 , il prit en un feul jour la Ville
de Carthage- la- Neuve , fituée fur la Méditerranée
dans le Royaume de Murcie ,
rebâtie par Philippe II. Roi d'Eſpagne ,
F'an de grace 1570.
Sa prudence & fon exactitude pour la
difcipline militaire contribuerent infiniment
à affermir fes conquêtes ; ayant fait
un nombre confidérable de prifonniers de
diſtinction dans ce Pays , il ufa d'une générofité
rare , envers la femme de Mardo
nius & les enfans d'Indibilis , qu'il fit mener
honorablement à leurs parens, & entre
lefquels étoit une perfonne d'une beauté
fi parfaite , qu'elle caufoit l'admiration de
fon armée. Se défiant de lui- même , il la
renvoya fans vouloir la voir , ordonnant
que la rançon qu'on avoit offerte pour
cette belle prifonniere , fervît à augmenter
la dor qu'on avoit promiſe àun Seigneur
Celtibérien auquel elle étoit fiancée.
En 3849 , il donna encore de nouvelles
marques de fa générofité. Avant de paffer
en Sicile .
pour y faire , à ſes frais , les
166 MERCURE DE FRANCE .
préparatifs néceffaires à la guerre d'Afrique
qu'il méditoit , il finit celle d'Efpa
gne par une victoire éclatante dans la Bé
tique , qu'on nomme à préfent l'Andaloufie
, défit cinquante mille hommes de
pied & quatre mille chevaux .
En 3851 , il porta la guerre
projettée
en Afrique
, où il défit en un même jour
deux armées
, commandées
par Afdrubal
,
& Syphax
, Roi de Numidie
. Quarante
mille ennemis
furent
tués ou brûlés dans
la premiere
action
, & fix mille furent
faits
prifonniers
dans la feconde
les Africains
furent
entierement
diffipés .
En 3852 , il défit Annibal à la bataille
de Zama , Ville d'Afrique , à préfent Za
mora , dans le Royaume d'Alger. Vingtmille
hommes furent tués , pareil nombre
fut pris , avec onze éléphans. Scipion ne
perdit pas quinze cens hommes.
Carthage étant affiégée par mer & par
terre , Vermina , fils de Syphax , y mena
du fecours ; Scipion fut à fa rencontre ,
défit quinze mille de fes foldats , obligea
cette ville de fe rendre à des conditions
avantageufes pour Rome , où Scipion retourna
triomphant , l'an 3854. C'eſt à
cette occafion qu'on lui donna le furnom
d'Africain , & qu'il fut élevé aux plus.
grands honneurs de la République.
NOVEMBRE. 1749. г61
Scipion , mécontent de la conduite, des
Romains à fon égard , fe retira en un
Bourg qui lui appartenoit , nommé Lynterne
, près le Lac de Patria , dans la campagne
de Rome , au voifinage de la mer ,
environ à trois lieues de Pouzol , où il
paffa le refte de fes jours dans l'étude &
l'entretien des gens de Lettres , qu'il aimoit
, étant lui -même fçavant & éloquent,
comme nous l'apprenons de Ciceron * .
Il mourut l'an du monde 3869 , âgé de
cinquante quatre ans ,
, ayant ordonné ·
qu'on l'inhumât en ce lieu , & non à Rome
, & qu'on mît ces mots fur fon tombeau
, monument d'où je les ai copiés en
1717 .
Nec corpus habebis , ingrata Patria.
Patrie ingrate , tu n'auras pas mon corps .
Cette Eftampe ne fe vend point ; l'Edition
en a été faite pour la préfenter à la
Cour , & en diftribuer aux perfonnnes de
confidération .
REMARQUE.
Pour éviter qu'on ne confonde Lycur
gue Athénien , avec d'autres hommes du
même nom , on a crû néceffaire de placer ,
* Voyez Plutarque , Florus , Polybe , Eutrope
Orofe , & Tite-Live , l. 23 .
162 MERCURE DEFRANCE.
à la fuite de la defcription de l'Eftampe ,
le court abregé de fon hiftoire , la pureté
de fa vie fervant à caractériſer l'excellence
du Ministére & de la Magiftrature de
France , & d'obſerver ici qu'il y a dans
l'antiquité plufieurs Lycurgues , dont la
comparaiſon feroit fauffe à cet égard : entre
autres
3150. Lycurgue , Législateur des Lacédémoniens
, fils d'Eunome , cinquième
Roi de Lacédémone , de la branche des
Proclides , & de Dianaffe , fa feconde
femme ; frere puîné de Polidecte , Succeſfeur
d'Eunome , & tuteur de Charilaus ,
fon neveu , vers l'an du monde 3150. Ce
Charilaus , fils & fucceffeur de Polidecte ,
fut le feptiéme Roi de Lacédémone , de fa
branche.
3478. Lycurgue , Inſtituteur des Jeux
Neméens , fils de Phérés , Roi de Theffalie
; ces jeux commencerent à Argos , l'an
du monde 3478 , 178 de Rome , & 576
avant J. C. la premiere année de la LI .
Olympiade : ils fe célébroient de cinq en
cinq ans , en mémoire de la mort de fon
fils Opheltes , fur- nommé Achemore ou
Archemore , tué d'un ferpent , par l'im
prudence d'Hypfiphile , fa . nourrice , qui
l'avoit pofé dans un champ fur une plante
d'ache , pendant qu'elle étoit allée à une
NOVEMBRE . 1749.
163

fontaine voifine : on donnoit en mémoire
de cet évenement des couronnes d'ache
aux-victorieux dans les Jeux Neméens.
3812. Lycurgue , Egyptien , de baffe
origine , errant & vagabond , qui excita
une émeute à Lacédémone après la mort
de Cleoméne , dernier Roi de la race des
Agides , en 3812 du monde .
Lycurgue , Roi de Thrace , dont les
peuples s'étoient fi fort adonnés aux excès
du vin , que pour les en corriger , il fit
arracher les vignes dans toute l'étendue de
fon Royaume , ce qui donna occafion aux
Poëtes de ce tems , de feindre par leurs
Fables , que ce Prince étoit ennemi du
Dieu Bacchus , & que cette Divinité s'en
vengea , en le plongeant dans une fureur
fi cruelle , qu'il fe coupa les jambes.
Les Auteurs citent plufieurs autres Ly
curgues qui ne font d'aucune remarque ,
& dont on ne trouve aucunes époques
fûres du tems qu'ils vivoient , ainfi que de
ce dernier *.
>
L'Iconologie eft une fcience qui fert à
repréfenter les Dieux , les Héros les
Hommes illuftres , les vertus , les paffions
& les évenemens , que la Poëfie , la Peinture
, la Sculpture , la Gravûre & l'Art
Voyez Les antiq. Grec , Plutarque , Apollodore
Chronolog. d'Eufebe & du P. Labbe.
164 MERCURE DE FRANCE
Métallique , font dans l'ufage de deffiner
& de perfonnifier fous des figutes empruntées
, des emblêmes & des fymboles ,
foit pour le paffé ou le préfent.
Elle eft neceffaire aux Poëtes & aux
Artiftes , dont plufieurs , ignorant cette
fcience , négligée depuis foixante ans , commettent
des fautes dans la compofition de
leurs ouvrages
.
Il feroit facile de raffembler dans un
feul & même corps d'ouvrage tout ce
que les anciens & les modernes ont fait &
écrit à cet égard.
Plufieurs Auteurs ont traité de cette
fcience , entre autres ,
Philoftrate , vivant vers l'an 200 de
J. C.
Lilio Giraldi , Italien , homme des plus
fçavans de fon fiécle , né en 1478 , mort
en is 52.
J. Beaudoin , qui a expliqué la Colcographie
de Debio , imprimée en 16433
J. Ripa , Céfar Ripa , & Noel le
Comte,
NOVEMBRE . 1749. 165
J
AUTRE ESTAMPE NOUVELLE ,
Ean Moyreau , Graveur du Roi , vient de mettre
au jour une nouvelle Eftampe d'après
Pierre Wouvermens , intitulée : La Buvette des -
Dames. C'eft le n° . 63. de ſa ſuite ; le Tableau e
au Cabinet de M , de la Haye , Fermier Général .
PRIX
Propofés par l'Académie Royale des Sciences ;
Infcriptions & Belles Lettres , de Toulouſe ,
pour les années 1750 1751.
L
A Ville de Toulouſe , célébre par les prix
qu'on y diftribue depuis long-tems à l'Eloquence
. à la Poëfie & aux Arts , voulant contribuer
auffi au progrês des Sciences & des Lettres ,
a , fous le bon plaifir du Roi , fondé un prix de la
valeur de soo liv . pour être diftribué tous les ans
par l'Académie Royale des Sciences , Infcriptions
& Belles- Lettres , à celui qui , au jugement de
cette Compagnie , aura le mieux traité le fujet
qu'elle aura propofé.
Le fujet doit être alternativement de Mathématiques
, de Médecine & de Littérature.
L'Académie avoit propofé pour fujet du prix de
1749 , defixer le tems où les Sciences les Arts ont
commencé à être cultivés chez les Volfques , & de
marquer les changemens qu'ils occafionnerent dans
les moeurs , les coutumes & la Religion de cespeuples.
% f-
Ce prix a été adjugé à la Piéce nº . 1. qui a pour
devife , Sape mihi dubiam traxit fententia mentem.
466 MERCURE DE FRANCE.
On vient d'apprendre qu'elle eft de M. l'Abbé de
Guafco , de l'Académie de Cortone , & Honoraire
Etranger de l'Académie Royale des Infcriptions
& Belles- Lettres.
Le Public fut informé l'année derniere , que
l'Académie a propofé de nouveau , pour fujet du
prix double de 1750. La Caufe Phyfique de l'applatiffement
de la terre , tel qu'il a été déterminépar
les opérations faites au Cercle Polaire , en France &
fous l'Equateur ; & l'on eut foin d'avertir que l'explication
demandée , doit , en rendant raifon du
degré d'applatiffement déterminé par les mesures ,
s'accorder auffi avec les variations de la péfanteur
obfervées à differentes latitudes.
Comme bien des gens font inftruits que pour
conferver au Public la fondation du prix établi par
certe Ville , il étoit devenu néceffaire , que la diftribution
en fût fufpendue pendant quatre années ;
on croit devoir avertir que l'Académie vient de
frouver , dans la liberalité de quelques- uns de fes
membres , des fonds fuffifans pour que le prix foit
diftribué fans interruption.
Elle propofe pour fujet de celui de 1751 , la
Théorie de l'ouse.
Les Sçavans font invités à travailler fur ces fujets
; & même les Affociés étrangers de l'Académie
. Les autres Académiciens font exclus de pré-,
tendre au prix.
Ceux qui compoferont , font priés d'écrire en
François ou en Latin ; & de remettre une copie de
leurs ouvrages, qui foit bien lifible , fur tout quand
il y aura des Calculs Algébriques .
Les Auteurs écriront au bas de leurs ouvrages
une Sentence ou deviſe ; mais ils n'y mettront
point leur nom. Ils font exhortés cependant d'y
attacher un billet féparé & cacheté , qui contienne
NOVEMBRE. 1749. 167
la même devise ou Sentence , avec leur nom
leurs qualités & leur adreffe ; l'Académie exige
même qu'ils prennent cette precaution , lorſqu'ils
adrefferont leurs écrits au Secrétaire. Ce billet ne
fera point ouvert , fi la Piéce n'a remporté le
prix,
Ceux qui travailleront pour les prix , pourront
adrefler leurs ouvrages à M. l'Abbé de Sapte , Secretaire
perpétuel de l'Académie , ou les lui faire
remettre par quelque perfonne domiciliée à Touloufe
. Dans ce dernier cas , il en donnera fon récépiffé
, fur lequel fera écrite la Sentence de l'ouvrage
avec fon numero , felon l'ordre dans lequel
il aura été
reçu.
Les paquets adreffés au Secretaire doivent être
affranchis de port.
Les ouvrages ne feront reçus que jufqu'au dernier
Janvier des années , pour le prix defquelles ils
auront été composés.
L'Académie proclamera dans fon Affemblée
publique , du 25 du mois d'Août de chaque année,
la Piéce qu'elle aura couronnée .
Si l'ouvrage qui aura remporté le prix , a été
envoyé au Secrétaire en droiture , le Tréforier de
l'Académie ne délivrera ce prix qu'à l'Auteur
même , qui fe fera connoître , ou au porteur d'une
Procuration de fa part.
S'il y a un récépiffé du Secrétaire , le prix fera
délivré à celui qui le repréſentera.
L'Académie , qui ne preſcrit aucun fyftême , déclare
auffi qu'elle n'entend point adopter les principes des
Ouvrages qu'elle couronnera.`
168 MERCURE DE FRANCE.
ODE ANACREONTIQUE
A
A Mademoiselle Chevalier.
Chanter le vainqueur des Dieux ,
Je bornois toute mon envie ,
Et de fon joug impérieux
J'efpérois garantir ma vie.
L'Autre jour encor , dans les bois ,
A ce Dieu ma lyre fidelle
Célébroit les fameux exploits ,
Qui rendent fa gloire immortelle.
Les oifeaux fecondoient mes chants
L'onde y mêloit fon doux murmure ;
J'animois par mes fons touchans
Toutes les voix de la nature.
烤茶
Bientôt au célefte féjour
Nos concerts fe font un paffage ;
Le Ciel s'ouvre , & je vois l'Amour
Fendre les airs für un nuage.
Il m'aborde d'un air joyeux ;
J'aime , dit- il , ton zéle extrême ,
Mais
THEATE
DE
LA
VILLE

NOVEMBRE. 1749. 169 .
Mais pour me chanter encor mieux ,
Cornois mon pouvoir par toi - même.
L'ingrat à l'inftant pour Cloris
Me lance un trait qui me déchire.
Dieu cruel , eft ce là le prix
Que tu réſervois à ma lyre ?
Berger , dit l'enfant de Venus ,
J'avois du plaifir à l'entendre ,
Mais les foupirs m'honorent plus
Que le ramage le plus tendre.
ENVO I.
Vous , qui chantez fi bien l'Amour ,
Soumettez-vous à fa puiffance ,
Ou craignez d'éprouver un jour
Les traits cruels de fa vengeance.
Les vers font de M. Pannard , & la Mu.
fique de M. Naudet.
H
170 MERCURE DE FRANCE.
SPECTACLES.
L'Académie Royale de Musique , qui après bien
des révolutions , défagréables pour le génie &
les talens , eft enfin foumile à une autorité digne
de fes refpects & de fon attachement , a donné, le
Mardi 23 Octobre , la premiere repréſentation
d'un Ballet héroïque , intitulé : Le Carnaval du
Parnaffe ; les paroles font de M. Fuzelier , l'un des
Auteurs du Mercure , connu par differens ouvra -
ges , & la Mufique eft de la compofition de M,
Mondonville , Maître de Mufique de la Chapelle
du Roi , de qui les Motets font fi eftimés.
Cette Piéce eft d'un génie fingulier , & ne ref
femble point à tout ce qui a paru fur le Théatre
Lyrique , où plufieurs ouvrages modernes femblent
calqués fur des modéles , qui ne font copiés
que par ce qu'ils ont de défectueux.
Voici l'avertiffement de l'Auteur , qui explique
briévement fon idée .
*
» Le titre de ce Ballet juftifie la legereté de fon
plan ; le badinage doit regner feul dans les jours
du Carnaval , & ne permettre qu'aux jeux d'en
occuper les agréables momens ; ils ne font pas
faits pour les défelpoirs & les Elégies de Melpo-
» méne.
2
» On ne prétend donner ici qu'un spectacle qui
fournifle à Thalie, à Euterpe & à Terpficore , un
champ libre , pour promener leur imagination.
On ignore fi ce mêlange fera goûté du Public ;
l'intention de lui plaire eft toujours certaine
chez les Auteurs , le fuccès n'y répond pas
»Boujours, & l'on s'égare quelquefois en cher 20
NOVEMBRE . 1749 . 171
chant de nouvelles routes pour arriver au bon-
» heur de le contenter ; mais que ce Public judicieux
veuille bien fonger , qu'il eft fouvent plus
facile d'être regulier , que d'être varié , & d'attendrir
, que d'amufer.
el-
Je crois qu'après cet avertiffement , il eft inutile
de répondre férieufement aux objections qui ont
fuivi la premiere repréſentation de ce Ballet ;
les y font toutes prévenues , & fi l'Auteur a rempli
le deffein qu'il s'étoit propofé de peindre les
amufemens & les converfations du Carnaval , il
refte peu de reproches à lui faire.
Le Prologue eft auffi leger que le Ballet : il fe
paffe dans une Maifon de Campagne , où deux
Dames , d'un goût different, difputent fur les agrémens
de la Mufique Françoile & de l'Italienne.
Il y a un air Italien , très - bien compofé & parfaiment
exécuté par Mlle Fel . Les courtes Scénes
de ce Prologue font terminées par un Trio , dont
voici les paroles :
L'ennui fuit bientôt les defirs ,
Quand ils ont obtenu les biens les plus aimables ;
Il faut varier les plaiſirs ,
Pour les rendre durables .
Le divertiffement eft formé par des Jardiniers
qui célébrent le retour du Printems , qu'ils appellent
ainfi :
Printems , dans nos bocages ,
Viens remplir nos defirs
Sous tes naiffans ombrages
Viens payer nos foupirs .
Rends-nous les Zéphirs ,
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
Les roflignols & leurs ramages ;
Rends- nous les Zéphirs ,
Les ris , les jeux & les plaifirs .
Les danfes de ce Prologue font très - amufantes.
& bien deffinées .
La décoration du premier Acte répréfente le
Mont Parnaffe & la Fontaine d'Hypocrêne , à
qui Momus adreffe cette judicieuſe priere :
Précipitez vos eaux , dangereuſe Hypocrêne !
Coulez moins lentement dans le double vallon ;
· Fuyez , dérobez - vous à la foif inhumaine
De plus d'un enfant d'Apollon ,
Et par pitié pour nous, laiffez tarir leur veine.
Si les voeux de Momus avoient été exaucés , bien
des Opéra feroient tombés d'abord , qui étayés
par la Mufique , fe font foûtenus en dépit du bon
fens & du bon goût qu'ils infultoient .
Apollon furvient déguilé en berger , & amene
à Momus les fêtes préparées par les Mufes pour
égayer le Carnaval da Parnaffe. Thalie arrive
Apollon fe retire , & le Dieu de la Raillerie fait
avec la Mufe de la Comédie une Scéne tendre ,
qui conformément à leur caractére fe dénoue comiquement.
La fête qui termine l'Acte eft compofée
par les Zani François & Italiens. Momus y
chante ces vers :
Dans le choix d'un amant , l'Amour de fon bandeau
Couvre fouvent les yeux des belles :
Qu'il m'épargne les traits , qu'il ôte fon flambeau ,
7
NOVEMBRE. 1749. 173
L'es
Je ne veux de lui que fes aîles ;
Gardons- nous de fixer nos voeux ;
trop fenfibles coeurs ne font jamais heureux ;
Les plaifirs les plus doux font pour les infidéles.
La premiere Scéne du fecond Acte eft un Monologue
de Licoris . Momus l'aborde , en raillant à
fon ordinaire : Momus , lui dit - elle ,
Rien ne peut vous contraindre ;
Dans vos difcours , vous ne menagez rien ,
Craignez .......
Momus.
Qui dois-je craindre ?
Quel pouvoir eft égal au mien ?
Si l'époux de Junon veut allarmer la terre ;
Il lui faut les éclats & les feux du tonnerre ;
Le Trident de Neptune , effroi des matelots ,
Déchaîne l'Aquilon & fouleve les flots ;
Le Tyran des enfers voit , au fond du Tenare ,
Cent monftres réunis fuivre fa loi barbare ;
La mort vole à fa voix , & fert fa cruauté ;
De tous ces Dieux le courroux redouté
Fait trembler fous leur empire.
L'Univers épouvanté ;
Mais pour être refpecté ,
Momus n'a befoin que de rire.
Momus fe cache pour épier les difcours d'Apol-
Jon ; Licoris qui le croit berger, & qui eft charmée
Hiij
174 MERCURE DE FRANCE.
de la voix , interrompt à chaque inftant fa décla
ration pour éloigner l'aveu de fa tendreffe , & l'en- .
gage à chanter fucceffivement Jupiter , le Dieu de
la Treille & la Déeffe de la Chaffe.
Le deuxième Acte eft terminé par le Triomphe
de l'Amour conduit par Euterpe. Ce petit Dieu eft
célebré par les Souverains du Ciel , de la Terre &
des Enfers.
Triomphez à jamais, triomphez , Dieu des coeurs ;
Nous goûtons vos plaifirs , nous chantons votre
gloire ;
Vous feul avec des fleurs
Enchaînez la victoire .
La Décoration du troifiéme Acte eft une magnifique
Salle , deftinée aux Jeux que prépare Terpficore
. Momus s'y rend , déguifé en berger comme
Apollon . Il trouve Thalie auffi déguiſée en
bergere, & mafquée ; ils s'abordent fans fe reconnoître.
Le Dieu de la raillerie cajole la feinte Paftourelle
, qui lui répond en coquette exercée ;
la curiofité les engage à fe démafquer . Ils font
furpris de voir deux phifionomies fi peu paftorales ;
ils le féparent en riant . Licoris paroît , & prend
Momus pour Apollon ; elle eft étonnée de la froideur
de fon prétendu berger , qui la quitte fans lui
parler ; fa colere fait éclater fon amour ; elle querelle
Apollon , qui s'approche , & elle lui avoue
qu'elle l'aime , en le grondant. Sa méprife & fon
injufte corroux font bien-tôt diffipés par la préſence
de Momus , qui détruit fon erreur. La dernie
re Scéne finit par un Duo d'Apollon & de Licoris ,
qui a réuni tous les fuffrages .
Terpficore amene le Ballet du Tems, des Saifons
NOVEMBRE. 1749. 175
& des Ages. L'Age viril paroît le premier , répréfenté
par des Chaffeurs enfuite des Mafques galans
figurent l'adolefcence . Les deux enfances
arrivent enfemble .
Choeur.
Profitez du tems ;
Il s'échappe , il fuit fans ceffe ;
Rien n'égale la vîteffe
Des heureux inftans .
Souvent perdu par la jeuneffe ,
Et regretté par la froide vieilleffe ,
Ses bienfaits ne font pas conftans ;
Il paroît long à l'efperance ,
Aux ennuis , à l'indifference :
Il paroît court aux coeurs contens .
Mlle Victoire , jeune Danfeufe vive & piquante
, habillée en vieille , chante & joue finement
ces quatre vers.
Mortels , que le plaifir difpofe de vos ans .
Que malgré la raiſon il triomphe fans ceffe .
Il accroît les beaux jours de l'aimable jeuneffe ,
Et jufques chez l'hyver il conduit le printems.
Chaque Acteur mériteroit un panégyrique , les
Ballets en méritent auffi . Les applaudiffemens réi
térés du Public montrent le plaifir que lui fait la
mufique.
Le Théatre François a offert un joli préfent aux
amateurs de la Comédie , le Jeudi, 25 Septembre
Hij
176 MERCURE DE FRANCE.
c'eft Mlle Guéan , très jeune & très - charmante.
Actrice , qui a débuté par Junie dans Britannicus.
&
par le rôle de la Pupille. Le Lundi fuivant elle
a joué Agnès dans l'Ecole des Femmes , & l'Amou
reufe dans l'Efprit de contradicton. Son jeu eft
fin , touchant & naturel.
Les Italiens ont remis les Amuſemens à la mode ,
Piéce de Mrs Riccoboni le fils & Romagnefi ; trèsingénieulement
verfifiée, & pleine de traits faillans .
La nouvelle Actrice a danfé la Sabotiere , & la
gentille Catinon a fait , en defcendant d'une boëte
portée par Scapin en Savoyard , le jeu de la belle
Catin , après que le petit Vicentini , porté auffi
dans une Curiofit par M. Deheffe , Compofiteur
de cent Ballets variés, pittorefques & très- amufans ,
a danfé en petit Savoyard . On a continué les Enfins
vendangeurs & les Savoyards , jufqu'à la clôture
du Théatre pour aller à Fontainebleau . Les
Comédiens François ont pris le même chemin .
.EX TRAIT
De la Comédie du Faux Sçavant.
Polimatte , le Héros de la pièce , eft un de ces Avantageux , qui , avec peu de mérite & beaucoup
d'arrogance , perfuadent à un certain public,
qu'ils font des gens fupérieurs. Le ton fuffifant
& les airs d'importance de ce Ridicule ont fubjugué
Dorima , dont la fortune eft affez confidérable
, mais dont les lumieres font très bornées . Celui
- ci voulant donner en mariage Lucile fa fille à
l'impertinent qu'il admire , une réfolution fi bizar
re révolte Araminte , foeur de l'imbécille Vieillard .
Elle déguiſe en femme de qualité Lifette , fa Sui
NOVEMBRE. 1749. 177
Fante , & cette adroite Soubrette , fe donnant à
Polimatte pour une veuve extrêmement riche &
paffionément amoureufe de lui , le détermine aifément
à renoncer pour elle à la main de Lucile.
Faux Ami , ainfi que faux Sçavant , il laiffe échap
per , dans une converfation avec Lifette , quelques
traits fatyriques contre Dotiman . Le pere de Lucile
entend , d'un endroit où il eft caché , les difcours
de Polimatte , & il rompt avec lui .
Lifidor aime Lucile , & en eft aimé . Ils ont
mis dans leurs intérêts Timantoni , Maître de Lan.
gue Italienne . Le fils de Doriman avoit befoin
d'un Précepteur , & pour le procurer un accès dans
la maifon , Lifidor a feint de demander cette place.
Il s'eft fait préfenter pour cet effet à Doriman par
Timantoni , peu d'inftans avant l'expulfion de Po-
Himatte. Lorfque le Faux Sçavant a reçû fon congé
Lifidor découvre fon nom & fa naiffance , & Doriman
l'accepte pour gendre.
Cette Comédie a réuffi . Il étoit dans l'ordre
qu'elle fût critiquée. On s'eft plaint de ce que
Pintrigue n'étoit pas neuve. Selon quelques Cen ;
feurs , les deux derniers Actes font foibles . Le
perfonnage du Faux Sçavant a paru , à d'autres
perfonnes , mal caractériſé .
Sans doute il y a peu d'invention dans la Fable
de la Piéce , mais on n'a pas coûtume d'examiner
févérement fur cet article les Auteurs des Comé
dies de Caractére . En convenant que le troifiéme
Acte a moins de chaleur que les précédens , nous ne
penfons pas fur le fecond de la même façon que les
Critiques , & nous croyons qu'il ne cede en rien
au premier. Par rapport an principal perfonnage ,
nous ne dirons point qu'il foit peint avec de faul-
Yes couleurs , nous accorderons feulement que les
touches de fon portrait , ne font pas toutes de la
même délicateffe.
Hy
178 MERCURE DE FRANCE.
Nous avouerons auffi , qu'on eft furpris de ne
voir Lifidor qu'au troisiéme Acte , & que le traveftiflement
de cet Amant , non-feulement eft peu
naturel , mais eft inutile au dénouement.
Du refte , ne craignons point d'avancer que M.
du Vaure , doué d'une imagination vive & gaye ,
fçait faire parler à la Comédie fa véritable langue
qu'il a le talent rare de ne montrer prefque
jamais l'Auteur , & de ne laiffer appercevoir
pour l'ordinaire que fes perfonpages ; que les plai
fanteries,qu'il leur prêté,naiffent naturellement des
caractéres & des fituations , & que les feuls rôles de
Lifette , de Timantoni & du Valet de Polimatte ,
fuffifent pour mériter à ſon ouvrage l'honneur de
demeurer au Théatre . Les Lecteurs feront en état
de juger de l'enjouement de la plume de M. du
Vaure , par l'extrait que nous allons donner de la
derniere Scéne du premier Acte .
Timantoni, Fortuné. *
Fortuné. J'avois peur de trouver mon Maître de
retour .... Depuis notre arrivée , j'ai couru la
moitié de la Ville. Il m'a chargé de vingt commillions
.... je n'ai pas feulement eu le tems de
voir l'objet de ma tendrelle . Mon Maître connoît
tout Paris.
Timantoni. C'eft oun Illouftre fort eftimé , oun
Sçavant du premier ordre , qui a beaucoup de
puiflans amis. Il vous fera parvenir .... Votre
condition chez un pareil Maître doit être un pofte
bien brillant .
For. Je voudrois que quelque curieux en eût
envie. Sçavez - vous bien , Signor Timantoni , que
Vous voyez en moi fon Laquais , fon Intendant ,
* Valet du Faux Sçavant.
NOVEMBRE. 1749- 179
fon Valet de Chambre , fon Cuifinier , fon Secretaire
& fon Lecteur.
Timan. Avec tant d'emplois , votre fortoune fera
bien- tôt faite.
For. Effectivement. Je fuis Laquais fans gages,
Intendant fans régie , Valet de Chambre fans profit
, Cuifinier fans provifions , Secretaire fans tour
de bâton , & Lecteur de mauvais ouvrages.
Timan. De mauvais ouvrages !
For. Oui , ce font les fiens qu'il me fait lire ...

Je l'aurois déja quitté , fans la facilité qu'il me
donne de voir fouvent une fille que j'adore.
Timan. Une fille , aimable fans doute ? Car oun
Vainqour, tel que vous, fait per fon choix feul l'apologie
de fa conquête.
For. Aimable ! Pouf... Vous êtes à cent piques.
de fa jufte valeur . C'est une taille d'Impératrice ;
des yeux de Reine ; un nés de Princeffe , une bouche
de Marquife , une gorge de Griſette..
Timan, Voilà un portrait bien noble .
For.... Son efprit eft encore plus parfait que

figure...... Quoiqu'elle en ait autant qu'on en
puiffe avoir , quand nous femmes tête- à- tête , elle
n'en a pas plus que moi.
Timan. C'eft là lou véritable . Pout- on vous
domander lou nom de fta perſona charmante ?
For. Je vous ai dit que mon Maître me facilitoit
les moyens de lavoir.. C'eſt la Suivante de Mada
me Araminte. • ·

Timan. Ah ! malheureux Fortouné !
For. Qu'y a-t'il donc ?
Timan. Vous êtes perdou.
For. Et pourquoi ?
Timan, Il n'y a piou de Liferte pour vous
I #J
1So MERCURE DE FRANCE. -
For. Ah ! la perfide , l'ingrate , la coquette !
Timan. Que vous a t'elle fait ?
For. Je n'en fçais rien. C'est vous qui me dites
que je la perds.
Tman. Apprenez l'obftacle invincible qui vous'
fépare de fta povere Lifetta . Madame Araminte
ne fçauroit fouffrir Monfou Polimatte..... Elle
défendra à la Suivante de vous voir , de vous parler.
Ah , Poveretto !
...For. Eh ! que faudroit- il faire pour empêcher
tout cela ?
Timan. Trahir votre Maître.
For. Que le Diable l'emporte , s'il veut . . . . .
Timan. Et vous ferez four , en le trahiffant ,
douna bona récompenfe.
For. Ce n'eft pas là la queftion : Je le trahirai
pour rien , & la récompenfe fera par deflus le
marché . ·
Je fais tout à vous , pourvû que Lifette foit à
moi.
Timan. d'un air important . Je te la donne.
For. Eft-ce vous qui donnez auffi la récompenſe?
11 feroit difficile de citer quelque morceau écrir
plus légerement que ce début de Lifette dans la
premiere entrevûe avec Polimatte.
55
"
Je fuis Bretonne très vive ( ma démarche vous
le prouve , ) femme de condition ( mes manieres
le perfuadent , ) alliée à tout ce qu'il y a de
mieux dans ce Pays , ( tout le monde. le fçait , )
fage , quoique libre , jeune & jolie, ( il n'y a qu'u
ne voix là deflus , ) fort riche , ( Dieu merci ) …….
» mon commerce eft aimable , mon goût délicat ,
mon efprit cultivé , ( vous en jugerez ; ) j'ai de la
politeffe, de l'engouement , des graces , tout cela
NOVEMBRE. 1749. 181
» m'eft naturel : mais on ne doit, jamais faire fon
e éloge ſoi - même , auffi je me garde de parler de
tant d'avantages.
52
M.du Vaure n'est pas feulement enjoué , il fçait ,
quand il veut , être ingénieux . Dans la Scéne hui
tiéme du troifiéme Acte , Doriman veut que Lifidor
examine un tableau commencé par Lucile. Li
fidor , après avoir confidéré cet ouvrage , dit :
Puifque vous défitez de fçavoir mon fentiment
j'ai quelque peine à démêler ce fujet . Je vois un
ee Amour , dont le flambeau eft à l'écart , & qui
>> a fon bandeau fur la bouche , au lieu de l'avoir
"
כ כ
....
>>fous les yeux. Son carquois mélé de fleurs avec
lesfléches .... Une Bergere . ... Le Tems ..
L'Hymen
. ... Tout cela me paroît affez difficile
à comprendre
.
ב כ
ככ
2
» Une vérité qui me frappa il y a quelque tems,
répond Lucile , m'en a fourni l'idée . L'Amour ,
dont vous voyez le bandeau fur la bouche , eft
☛ un Amour éclairé qui impofe le fecret en aimant.
Son flambeau , à l'écart , fait voir que l'éclat ne
convient pas aux grandes paffions . Son carquois,
» mêlé de fleches de rofes , prouve que , comme
la rofe a les épines , l'Amour a fes peines ; & le
Tems fait approcher l'Hymen de l'Amour ,
» pour confoler la Bergere , aflife fur ce gazon ,
enforte que tout le réduit à penser que la pru
» dence , le fecret & la perfévérance , furmontent,
en aimant , les plus grands obftacles .
33
A la tête de cette Comédie eft une Préface ,
dans laquelle M. du Vaure avertit qu'il n'a pas crû
devoir retrancher de fa Piéce quelques endroits
qui ont été fupprimés dans la Repiéfentation , &
qui fost marqués par des guillemets. Pour répon
dre aux objections qu'on a faites contre le rôle de
Polimatte , il ajoûte' : » Je n'en ai pas dit tout ce
182 MERCURE DEFRANCE.


qu'on en peut dire , j'en conviens. Je pense qu'il
fuffit d'avoir donné à l'homme artificiel , que j'ai
organifé , les traits les plus frappans de fon caractére.
D'ailleurs , malgré mes précautions , &
la pureté de mes intentions , dans un fiècle auffi
» malin qu'éclairé , on ne sçauroit être trop en garde
contre les applications . Des coups de pinceau
» plus déliés les auroient peut- être occafionnées :
» j'ai dû être attentif à les éviter .

ן כ
Nignorant pas le reproche qu'on a fait à fon
dernier Acte , il effaye de montrer qu'il lui étoit
prefque impoffible de le rendre plus vif. Les autres
critiques lui ont paru trop foibles pour mérites une
réponſe. Je fouhaite , dit- il , que les Comédies
පා que je hafarderai à l'avenir fur la mer orageuſe
»du Théatre , m'attirent encore plus de Cenfeurs.
Malheur à l'Auteur qu'on ne critique point !
Des perfonnes d'efprit n'ont pas approuvé que
dans fa Préface il eût fait l'apologie de l'état de
Comédien. Elles prétendent que l'efpéce de deshonneur
attaché pendant long -tems parmi nous.
à cette profeffion , ne fubfifte plus , & que par
conféquent notre Auteur s'amufe inutilement à
combattre une prévention ſuffiſamment détruite.
Nous ne fommes pas de ce fentiment. Il eſt vrai
que plufieurs Amateurs du Théatre ne regardent
point, comme dégradant, un art dans lequel on ne
peut exceller ,fi Pon ne réunit un grand nombre de
qualités eftimables. Mais cette façon de penfer eft-
‹ elle générale ? A - t'on abrogé les loix qui ont été
portées en conféquence du préjugé contraire ?
Après avoir donné à M. du Vaure les éloges qui
Jui font dûs , nous prendrons la liberté de l'exhorter
à tâcher d'être toujours Ecrivain auffi correct
qu'il eft amufant . Le ftyle de fa Préface eft un peu
top négligé . Même dans fa Comédie , nous avons
NOVEMBRE. 1749. rs3
remarqué certaines expreffions qui ne font pas
exactes. Telles font celles marquées en lettres italiques
dans les difcours de Lifidor & de Lucile. *
La Piéce du Faux Sçavant le vend chez Sébaſtien
Jorry , Quai des Auguftins , près du Pont S.
Michel , aux Cigognes . Elle eft dédiée au Lord
Comte d'Albemarle , Chevalier de l'Ordre de la
Jarretiere , premier Gentilhomme de la Chambre
du Roi de la Grande Bretagne , & ſon Ambafladeur
auprès de Sa Majesté . Il n'eft pas extraordinaire
que nos Auteurs rendent hommage à un Seigneur
, qui eft très - verfé dans la Littérature Fran-
Coife , & qui , quoiqu'étranger , parle notre Langue
, & en fent toutes les fineffes , comme s'il étoit
né dans cette Capitale .
Depuis la onzième repréfentation , cette Comédie
a été jouée encore une fois , & avec un trèsgrand
concours de Spectateurs . Nous nous fommes
trompés , en difant que M. du Vaure étoit de
Provence. Il eft du Dauphiné. Ancien Officier de
Cavalerie , il a fervi pendant la derniere guerre en
qualité d'Aide de Camp dans l'armée d'italie.
* Quoique nous critiquions ici quelque fautes de
Byle échappées à M. du Vaure par inattention , nous
ne prétendons point contredire ce que M. Fuzelier a
dit dans l'article des Spectacles du Mercure de Septembre,
page 193. Il a eu raifon d'annoncer
que la
Piéce étoit bien écrite . On doit trouver telle une Comédie
auffi remplie que celle- ci de bonnes plaifanteries , &
dont le Dialogue eft partout juste ; simple & naturel
184 MERCURE DE FRANCE.
ENTREE PUBLIQUE
Faite à Soleure par M. le Marquis de Paulmy
d'Argenfon , Ambassadeur du Roi
auprès du Corps Helvétique ; Diette de
Légitimation ; Complimens prononcés
occafions , &c.
Monfieur le Marquis de Paulmy d'Argenton,
Ambaffadeur de Sa Majefté auprès du Corps
·Helvétique , qui étoit arrivé le 27 du mois de Juin
dernier à Soleure , lieu de la réfidence des Antbaffadeurs
de France , y a fait fon Entrée publique
le Samedi 23 Août fuivant:
Son Excellence s'étoit rendue far les deux heures
à une fort belle Maifon de campagne hors de
la Ville , ou tout ce qui compofe fa Maifon & fes
équipages étoit déja. Là elle reçut une Déutation
fort nombreufe de l'Etat , qui venoit pour la féliciter
fur fon heureufe arrivée , & pour avoir l'honneur
de la conduire dans leur Ville . S Ex . répondit
à leur compliment dans les termes les plus convenables,
Le fignal étant donné par une décharge
de vingt piéces de canons , qui bordoient le rempart
de la Ville , on fe mit en marche dans l'ordre
fuivant.
Trois Compagnies de Dragóns du Canton , en
fort bon ordre , ouvroient cette marche , ayant
leurs Officiers à leur tête très bien montés & équipés.
Le Suifle de S. Ex . à cheval , le Coureur ; 12
Valets de pied , deux à deux ; 8 Officiers de bouche
à cheval , le Maître d'Hôtel feul à leur tête ;
4 Valets de chambre , auffi à cheval ; le ChirurNOVEMBRE.
1749. 185
A
gien feul , & 4 Secretaires . L'Ecuyer de 9. Ex. &
2 Pages ; 7 chevaux de main richement harnachés,
& portant des caparaçons aux Armes de M. l'Am .
bafladeur , précédoient une Litiere de S. Ex . à vuide
, & fes trois Caroffes , dont les deux premiers
étoient occupés par le Secretaire de l'Ambaffade
& les Secretaires Interprétes ; le dernier étoit
vuide , & étoit immédiatement fuivi d'un groupe
de vingt Gentilshommes ou Officiers au fervice du
Roi , tous fuperbement équipés . Enfuite venoient
les Caroffes de l'Etat , au nombre de 22. S. Ex.
Occupoit le premier , ayant à la gauche le Chefde
la Députation ; ce carofle étoit efcorté de 12 Suiffes
, vêtus à l'ancienne mode Helvétique , ayant
de grandes barbes , & l'Elpadon nudˇfur l'épaule
, les autres étoient occupés par les Membres
de l'Etat , qui étoient venus pour complimenter
M. l'Ambaffadeur , & un grand nombre de jeunes
gens de la Ville fuivoit à cheval ; la marche étoit
fermée par les Cavaliers & Saqtiers de la Ville en
habits de livrée , & par un nombreux Domestique à
-cheval. On fit dans cet ordre le tour du Glacis de
la Place , & on entra dans la Ville par la porte de
Bienne au bruit d'une feconde décharge des canons
du rempart . Les rues , depuis cette porte juf
qu'au Palais de France , étoient bordées par deux
hayes de troupes Bourgeoifes en uniforme , ayant
leurs Officiers à leur tête .
du
Lorfqu'on arriva au Palais de France , S. Ex.
fut faluée par une troifiéme décharge des canons
rempart. Elle reçut fur le Perron de l'escalier
-tous les Membres qui compofoient la Députation
qui l'étoit venu prendre ; elle leur toucha dans la
main , fuivant l'ufage , & fit diftribuer des rafraî
chiffemens en abondance aux Dragons , & géné
ralement à tous ceux qui fe préfenterent , enfuite
186 MERCURE DE FRANCE .
de quoi les Députés ayant pris congé de M. l'Am
baffadeur , les troupes , tant à pied qu'à cheval , fe
retirerent , après avoir fait une décharge générale
de toute leur moufqueterie,
Le Canton de Soleure s'eft fort diftingué dans
cette occafion , & il n'a rien épargné pour prouver
au nouveau Miniftre , combien il fe trouvoit flatté
de le poffeder .
De fon côté M. l'Ambaffadeur n'a rien oublié
pour rendre cette cérémonie des plus éclatantes ; la
richeffe de fa livrée , de fes équipages , la magnificence
la mieux entendue dans l'extérieur des gens
qui compotent fa Maifon , répondoient parfairement
à la grandeur du Monarque augufte qu'il repréſente.
Le lendemain Dimanche 24 , l'Etat vint en Corps
complimenter S. Ex . M. l'Avoyer regnant porta la
parole en Allemand ; fon difcours fur interpreté par
le plus ancien des Secretaires Interprétes , & S. Ex .
y répondit à tous égards en homme d'Etat , & en
homme de Lettres.
Peu après que M. l'Ambaffadeur eut reconduit.
le Corps de l'Etat , arriva le Chapitre de Soleure ,
ayant à la tête le Prevôt , qui harangua S. Ex. Les
complimens réciproques finis, le Chapitre prit congé
, & M. l'Ambaffadeur le reconduifit , comme il
avoit fait le Corps de l'Etat.
Le même jour ,fur les cinq heures du foir, S. Ex.
envoya le Secretaire de l'Ambaffade , chez M.
PAvoyer regnant , demander audience au Confeil
pour le lendemain 25 .
Ce jour , Fête de S. Louis , une Députation de
1'Etat vint prendre S. Ex . pour la conduire au petit
Confeil; elle s'y rendit à pied , dans le plus
grand cortége , fuivie de toute la Maiſon & par un
fort beau tems , bien different de celui de la fusNOVEMBRE.
1749. 187
veille , qui avoit été horrible , la pluye n'ayant pas
ceflé pendant tout le tems de la cérémonie de l'Entrée.
S. Ex . fut reçûe au milieu du Parquet de l'Hô.
tel de Ville par M. l'Avoyer regnant , qui la conduifit
dans la Salle d'audience , où elle s'affit dans
un fauteuil entre les deux Avoyers , ayant derriere
elle fon Secretaire d'Ambaffade & le plus ancien
des Secretaires- Interprétes. Là , M. l'Ambaffadeur
s'étant couvert, & tout le Confeil après lui , S. Ex.
prononça le difcours fuivant .
03
ל כ
ככ
MAGNIFIQUES SEIGNEURS ,
>> Chargé d'affûter le louable Corps Helvétique
» en général , & chacun de fes Membres en particulier
, de la bienveillance du Roi mon Maître ,
qui lui fera toujours remplir , non - feulement avec
exactitude , mais même avec fatisfaction , fes
engagemens avec eux , je m'étendrois ici fur cas
» difpofitions de Sa Majefté , fi je ne faifois réfle-
" xion que je parle à celui de tous les Etats de la
Suiffe , qui les connoît le mieux. Quel autre en
" effet eft en poffeffion d'éprouver d'une maniere
plus diftinguée les fentimens nobles & génereux
de Sa Majefté ! Quel autre eft autorisé à avoir
plus de confiance dans la façon de penfer du Roi ,
qui ne lui permet de confidérer la grandeur de
fa puiffance , qu'autant qu'elle peut être employée
à affûrer la tranquillité de fes voifins & le bon-
» heur de fes Alliés ! Deftinés par une prédilection
flateule à recevoir dans vos murs l'Ambaffadeut
d'un grand Monarque , vous êtes fans ceffe à
portée de vous convaincre de l'affection confé-
» dérale de Sa Majefté. Vous en faire éprouver les
» effets, a toujours été un des objets que mes pré-
» déceffeurs ont rempli le plus volontiers ; celut
auquel je fuccede immédiatement , diftingué par
une fageffe éclairée & par la rectitude de l'ef
93
00
188 MERCURE DE FRANCE.
prit , le premier talent d'un Miniſtre , a mérité .
votre amitié pendant fon féjour , & vos regrets
» lors de fon départ. Qu'il me foit permis de m'a-
» nimer d'une noble émulation à furpaffer , s'il eft
poffible , l'empreffement qu'il temoignoit à vous
plaire. Dans cette difpofition d'efprit , quelle fa-
» tisfaction n'aurai - je poine à rendre compte à Sa
» Majefté de votre confiance en elle , de votre attachement
pour la perfonne & de votre zéle pour
fa gloire:Vos fentimens font trop connus , Magni
fiques Seigneurs , pour que je doute un moment
» que vous ne m'en fourniffiez de fréquentes occafions.
Je m'applaudis d'avance d'avoir à remplir
un Miniftere auffi agréable , & je regarde
l'honneur que j'ai d'y être destiné , comme la
» récompenfe la plus fateufe que le Roi pût ac-
» corder à mon ardeur perfonnelle pour fon fervice
& au zéle de ma famille.
53
ןכ
Enfuite M. l'Ambaffadeur remit la Lettre de
créance du Roi pour le Canton , & finit par inviter
Mrs du Confeil à venir célébrer avec lui la fête du
Roi. S. Ex. fut reconduite à fon Palais dans le
meme ordre qu'elle s'étoit rendue à l'Hôtel de
Ville.
Peu de tems après , M l'Ambaffadeur fe rendit
à l'Eglife des Cordeliers , qui eft fa Chapelle . Le
Corps de l'Etat y avoit prévenu S. Ex. La Meffe y
fut chantée en mufique , & finie par la Priere or
dinaire pour le Roi.
Peu après que l'on fut de retour , on fervit un
fuperbe dîner pour 200 perfonnes fur 6 tables differentes
; tout s'y rencontroit, l'abondance la plus
recherchée , la magnificence , & l'ordre rare dans
ces fortes d'occafions. S. Ex . y porta au fon des
trompettes & au bruit du canon les fantés fuivantes
, la fanté du Roi , celle de la Reine , celles de
NOVEMBRE . 1749. 189
Monfeigneur le Dauphin , de Madame la Dauphine
, de Mefdames de France , & de la Mailon
Royale , debout.
M. l'Avoyer porta la fanté de S. Ex . celle de
Madame l'Ambaffadrice & de la Famille de S. Ex.
S. Ex. porta la fanté des Magnifiques Seigneurs
du L. Canton de Soleure , & celle de M. l'Avoyer
en charge.
fe
Le repas dura cinq heures , & vers la fin Madame
l'Ambaffadrice , qui de fon côté avoit donné
dîner aux Dames les plus qualifiées de la Ville ,
rendit avec fa Compagnie dans la Salle où M.
l'Ambaffadeur faifoitles honneurs de la principale
table. Elle y fut reçûe avec les plus grandes démonſtrations
de joye de la part de tous les Convives
, qui porterent de nouveau la fanté de Madame
l'Ambaſſadrice ; elle y jouit du plaifir d'entendre
faire par tout les éloges les plus mérités de M,
PAmbaffadeur.
Pendant ce tems, le Palais de France étoit entierement
rempli de peuple , à qui l'on fervoit de
tout à difcrétion.
Pour lui laifler plus de liberté , fur les 9 heures
du foir L L. EEx . fe rendirent dans une fort belle
maiſon de la Ville , dont la fituation eft des plus
heureufes pour une fête . M. l'Ambaſſadeur avoir
fait conftruire dans le jardin de cette maiſon une
magnifique falle de Bal , d'où , par fa pofition , on
jouiffoit de la perspective d'une très - belle illumination
, qui couvroit entierement la façade de cette
maifon , bordoit les terraffes & fembloit fe réunir
dans le parterre du jardin , qui étoit pareillement
illuminé & fur fon propre deffein , ainfi que
l'illumination de la façade de la maifon.
Madame ' Ambafladrice ouvrit le Bal , & en fit
les honneurs pendant toute la nuit , ainfi que d'un
190 MERCURE DE FRANCE .
ambigu qu'elle y donna à toutes les Dames de la
Ville & à plufieurs de differens Cantons de la Suiffe,
qui s'étoient rendues à Soleure pour y affifter aux
fêtes de M. l'Ambaffadeur ; la totalité de ces Dames
montoit au nombre de près de 120 ; enfin on
fe retira au jour , extrêmement fatisfait des manieres
aimables & polies de LL . EEx . qui ont donné
encore un nouvel éclat aux magnificences de cette
journée.
Le furlendemain 27 , M. l'Ambaſſadeur traita
magnifiquement à dîner Mrs du Chapitre.
En conféquence de la convocation de la Diette
générale de Légitimation , qui avoit été indiquée
pour le premier Septembre , tous les Députés des
Cantons & Alliés fe rendirent à Soleure le Dimanche
31 Août dans le plus grand apparat. Chaque
Canton étoit efcorté de plufieurs Junker Gefans ou
Gentilshommes , très-bien équipés . Le Canton de
Berne feul en avoit 24 , & cette troupe de Gentilshommes
réunie paffoit le nombre de 100 .
mes ,
Auffi-tôt qu'ils furent tous arrivés , le grand
Sautier vint en avertir S. Ex . & lui remettre une
lifte contenant le nom de chaque Député & fon
logement ; auffi - tôt elle dépêcha fes Gentilshom-
Ecuyer & Secretaires , pour aller féliciter en
fon nom les Députés de chaque Canton en parti
culier, qui les requrent en venant au- devant d'eux,
& leur donnant la droite , & les reconduifirent en
obfervant la même cérémonie , comme ils le devoient
par attention pour le nom de S. Ex . de la
part de qui on venoit les complimenter.
Dans le même tems le Canton de Zurich , en fa
qualité de premier Canton , députa vers S. Ex . pour
lui faire compliment.
Le lendemain premier Septembre , les Députés
arriverent en corps chez M. l'Ambafladeur , chaNOVEMBRE
. 1749. 191
que Canton fuivi de fes Gentils-hommes & Cavaliers
; ils avoient fait demander audience un moment
auparavant à S. Ex. qui les reçut au haut de
Pefcalier & leur donnant à tous la main , ' les introduifit
dans la grande Salle d'audience . M. le
Bourguemeftre de Zurich portant la parole , harangua
S. Ex. en Allemand , tout le monde étant
debout & découvert , & le plus ancien des Secre
taires Interprétes rendit fon difcours en François.
Il étoit conçu en ces termes.
MONSEIGNEUR ,
» C'eft une vérité également fondée fur la rai-
»fon & l'expérience , que la maniere d'agir avec
fes amis contribue beaucoup à la fatisfaction &
» profpérité des hommes , & plus ce lien d'amitié
>> eft refferré par la confiance , plus on en doit ef
perer d'avantages ;mais les moyens d'établir une
amitié & de l'entretenir , font differens ; cela
» peut fe faire réciproquement, quand de bons amis
>> habitent enſemble & converfent journellement ,
» & quand ils font éloignés , cela fe peut faire pat
» un commerce de lettres . Il y a encore une troi-
» fiéme maniere qui eft en ufage entre le Rois ,
» les Princes & les Républiques , en s'envoyant
» des Miniftres confidens , dont la bouche devient
leur organe pour contracter des amitiés , des trai
» tés de commerce , même des alliances & autres
négociations pour l'avantage de leurs intérêts ré
ciproques. Le dernier ufage a toujours été ob-
» fervé fans interruption depuis fort long- tems par
» la Séréniffime Couronne de France envers le L.
Corps Helvetique ; c'eft pourquoi dès qu'un Mi-
» niftre eft rappellé , nous avons l'honneur de voir
auffi - tôt parmi nous un fucceffeur , c'est ce qui
» le manifefte encore aujourd'hui , car auffi- tôt
qu'il a plû à S. M. T. C. d'appeller M. le Mar-
"
33
A
192 MERCURE DE FRANCE.

DJ
D2
2
ככ
quis de Courteilles , à caufe de fes métites , à de
hautes & importantes dignités , le Roi a bien
voulu en même-tems , comme une conftante con .
firmation de fa grace & bienveillance , nommer
& envoyer V. Ex. à une Ambaſſade auffi importante
& diftinguée comme celle de la Suiffe. Ce
grand changement eft la caufe que le Corps
Helvétique , fuivant l'ufage , s'eft préfentement
affemblé ici par les Députés pour complimenter
» V. Ex . fur fon Ambaffade folemnelle , & l'en féliciter
cordialement . Bénie foit l'entrée de V. Ex .
• chez nous, & que bénies foient les négociations;
> nous avons des marques certaines que l'effet confirmera
ce fouhait . Que V. Ex. permette que je
lui en allegue trois. La premiere eft les grandes
qualités & talens dont le Ciel a doué V. Ex. &
qui font que les Societés célebres briguent à
l'envi de voir fou grand nom infcrit dans leurs
Regiftres , étant convaincues que par fon grand ·
fçavoir la Littérature acquerera un nouveau luftre.
La feconde eft fondée fur Pentiere confiance
que le Roi a au zéle pur de V. Ex . pour fon
fervice ; & la troifiéme , eft qu'il lui a plu depuis
le peu de tems qu'elle eft parmi nous , de témoigner
qu'elle tâchera dans toutes les occafions de
contribuer de fon mieux à la profpérité & aux
avantages du L. Corps Helvétique en général, &
de chacun des LL. Cantons en particulier . V. Ex.
ne peut pas nous donner une preuve plus réelle
de ce dernier article , que de vouloir bien pour
»› notie fûreté , nous conferver la faveur Royale ,
la gracieuſe bienveillance & la très précieuſe af-
#fection de S. M. T. C. notre plus ancien allié, &
de l'affarer faintement que de la part du Corps
Helvétique , nous tâcherons de tout notre pouvoir
à remplir nos obligations par rapport à
בכ
2
» la
NOVEMBRE . 1749. 193-
05
00
la paix perpétuelle & autres engagemens .
و ر
>>
Que V. Ex. nous permette outre cela de la rechercher
très -inftamment de vouloir .perfifter
dans ces généreux fentimens pour nous , & de
ne point perdre de vûe les intérêts du L. Corps
Helvétique , ce qui nous engagera à une recon-
» noiffance éternelle , & de tranimettre fa haute
réputation à nos derniers neveux , qui la perpétueront
, lorsqu'ils trouveront ces monumens de
ce que V. Ex. a mérité du L. Corps Helvétique.
Je conclûtai mon difcours par une Sentence
du grand Orateur Ciceron , qui dit : Vetus ef
» lex illajufta veraque amicitia, ut idem amici femper
velint , Que la loi de l'amitié veut qu'on penfe
toujours de même. Nos intentions , nos voeux
» & nos défirs font que Leurs Majeftés Royales le
Roi & la Reine , que Monfeigneur le Dauphin
» & Madame la Dauphine , & toute la Maiſon
Royale, puiffent continuellement jouir de toutes
les bénédictions , & des plus parfaites & des plus
› grandes profpérités .
3
ס כ
"
M. l'Ambaffadeur répondit à cette Harangue
le difconrs fuivant.
par
MAGNIFIQUES SEIGNEURS ,
Les liaiſons qui fubfiftent depuis tant d'années
» entre nos Rois & le L. Corps Helvétique , ont
toujours fait envifager avec une fatisfaction ré-
» ciproque les cérémonies pareilles à celle qui vous
raffemble aujourd'hui . En effet quels momeĥsplus
» intéreflans que ceux où le plus puiffant , le plus
ancien & le plus fidéle de vos Alliés ,vous renouvelle
les affûrances de fon affection , en vous en-
» voyant un Miniftre qui ne doit , conformément
» aux ordres de fon Maître , s'occuper de vos intérêts
, que dans la vie d'affermir votre tranquil.
כ כ
I
194 MERCURE DE FRANCE.
15
95
lité , & de contribuer à votre bonheur. Que je
m'eftime heureux d'avoir à remplir un Miniſtere
dirigé fur de pareils principes , auffi dignes du
Monarque qui m'envoye , qu'ils font ( permettez-
moi de le dire ) conformes à mes fentimens.
Les vertus héroïques de vos Ancêtres ont été la
fource de leurs liaifons avec nos Rois ; la candeur
la plus eftimable , la probité la plus folide ,
» la fidélité la plus inviolable à remplir les enga-
» gemens contractés ; une jufteffe de fens , capable
» de difcerner le vrai , de s'y attacher & d'écarter
30
00
QC
tout ce qui pourroit être vaine fubtilité ou mau
» vaife fineffe : c'eft à ces qualités que l'on a re-
» connu de tout tems la Nation Helvétique , &
c'eft à elle que vous devez ces alliances dont les
effets fe font encore fentir aujourd'hui , & doivent
toujours fubfifter , puifque nous continuerous
» à reconnoître en vous ce caractére reſpectable
qui y a donné lieu . Qui peut mieux connoître
tout le mérite de vos vertus , que le Prince augufte
que je fuis chargé de repréfenter auprès de
vous ? Dans quel tems pouvez-vous attendre plus
de de bienveillance marques , & jouir plus tran
» quillement des avantages accordés par les prédé
ceffeurs à votre zéle pour la gloire & les intérêts
de la Couronne , que fous le regne du Monarque
de l'Europe , le plus grand dans la guerre par
fon courage & fa clémence , & dans la paix par
fa modé ation & fa juftice ; chéri de fes peuples,
dont fa tendreffe fait le bonheur ; de fes Alliés ,
» dont fa fidélité à remplir les engagemens fait la
» fûreté du refte de l'Europe qui fe répofe fur fes
fentimens , trop purs pour ne pas diffiper l'ombrage
que pourroit caufer fa grandeur ?
Co
"
35
Je ne puis douter M. S. que vous ne rendiez à
* ces qualités héroïques de Sa Majefté toute la juf
NOVEMBRE. 1749. 195
E
ןכ
tice qui leur est dûe ; que vous n'y preniez mê
» me intérêt , non contens de les admirer. M. le
»Bourguemeftre Friés n'a pû rendre , dans le dif
» Cours qu'il vient de prononcer en votre noin
» toute l'étendue de vos fentimens , mais ils font
d'ailleurs trop connus , & ce qu'il y a de Aateur
»pour moi dans ce difcours , eft un nouveau témoi-
• gnage du prix que vous mettez à tout ce qui peut
» vous venir de la part du Roi. Puiffent ces heu-
» rcules difpofitions, dans lesquelles je vous trouve,
prendre de nouvelles forces pendant mon Minitere
! Je ne négligerai rien pour y contribuer , &
j'apporterai tous mes foins à concerter fi bien
» mes démarches, qu'on puiffe tou ours me reconnoître
pour l'Ambafladeur du plus grand , du
plus jufte & du plus modéré des Rois , près d'une
République dont le caractére diſtinctif a toujours
été la fagelfe & la bonne foi,
ככ
"
2 )
-Ce Difcours fut généralement admiré , ainfi que
la nobleffe avec laquelle S. Ex . le prononça . Enfuite
elle remit à chaque Canton en particulier les
Lettres de créance du Roi pour leurs Souverains ,
après quoi elle les entretint tous en général & en
particulier jufqu'au dîner auquel elle les avoit fait
inviter la veille. Si - tôt que l'on eut ſervi , les Députés
fe mirent à table , en obfervant entre eux le
rang qu'ils tiennent dans le Corps Helvétique . M.
l'Ambaffadeur étoit feul dans un fauteuil , ayant a.
fa droite le Bourguemeftre de Zurich , & à la gau
che l'Avoyer de Berne fur des chailes , ainsi que
les autres Députés.
Il y eut fix tables ſervies en même tems ; la délicateffe
& la profufion dans ce repas étoient encore
relevées par les attentions obligeantes de M.PAmbaffadeur,
qui fçait fi bien réunir à la dignité de fon
caractére les manieres polies & affables , qui lui
I jj
196 MERCURE DE FRANCE.
ont déja gagné tous les coeurs , & qui mirent dans
un moment tous les convives à leur aife ; de forte
que dans une cérémonie purement d'apparat , on
y voyoit regner le plaifir , ordinairement relegué
aux petites tables . S. Ex . y porta debout , au bruit
du canon & au fon des trompettes , la ſanté du Roi,
celle de la Reine , de Monfeigneur le Dauphin ,
de Madame la Dauphine, & de la Famille Royale,
& de chaque Canton en particulier . M. le Bourguemeftre
de Zurich porta à tous les Députés la
fanté de S. Ex . celle de Madame l'Ambaffadrice , &
l'on refta à table juſqu'à la nuit , que tout le monde
fe retira en faiſant les éloges de la magnificence
de ce fomptueux repas , qui avoit été fervi avec
autant de délicateffe que pourroit l'être une table
de 12 couverts.
Tous les appartemens du Palais , jufqu'à l'orangerie
, la loge du Suiffe & la cour , étoient remplis
par la livrée des Cantons & de tout le peuple , que
Î'on a traité à difcrétion , au nombre de plus de
400.
Le lendemain & le fur -lendemain il yeut encore
deux très grands dîners, auxquels S. Ex . avoit fait
inviter toute la Nobleffe de la fuite des Députés, tour
s'y paffa comme le premier jour avec la plus gran
de magnificence & dans le plus grand ordre.
En un mot M. l'Ambaſſadeur a défrayé les Députés
& toute leur fuite , pendant les quatre jours
qu'a duré la Diette .
Avant leur départ , tous les Cantons vinrent en
particulier remercier M. l'Ambaffadeur de toutes
les politeffes qu'ils en avoient reçûes; aucun d'eux
ne fe difpenfa de cette bienféance , & M. l'Ambaffadeur
a vú, comme un heureux augure pour la
fuite de fon Miniftere , lezéle avec lequel les Can
les moins difpofés à donner lieu à des nou-
80115 .
NOVEMBRE . 1749. 197

veautés , ont concouru avec les autres pour lu
témoigner combien ils fe trouvoient flattés du
choix que Sa Majefté a fait d'un Miniftre , chez qui
la haute naiffance ne fert qu'à faire paroître les
grandes qualités avec plus d'avantage.
LETTRE
Contenant un détail circonftancié de la confpiration
de Malie.
L
E Pacha de Rhodes , outré de fe voir , lut
dans le Châreau Saint Elme , & fa Galére
dans le Port de celles de Malte , vingt jours après
avoir pris pratique, ayant au préalable fait fonder
le gué par fon Kiaia , ou Lieutenant de fa Galére ,
propofa an Cady , aux Rais , aux Papafs , & à
quelques autres Turcs Lévantins , qui fe trouverent
chez lui , le projet de fe rendre maître de la
Gité Valette & du Fort Saint Elme. Les Efclaves
trouverent d'abord l'entrepriſe , non - feulement difficile
, mais même inexécutable . Ce Pacha avoit
écrit à plufieurs Pachas en Levant , & fit encore
écrire par la fuite à Tripoli , à Tunis , & à Alger ,
pour avoir du fecours de vivies & de munitions.
Les fignaux que les conjurés , en cas que leur
projet eût réuffi , devoient faire aux Bâtimens qui
viendroient pour le feconder , étoient , de jour ,
d'arborer un pavillon rouge à la Turque fur le
haut de Saint Elme , & de l'affûrer par un coup de
canon , & la nuit , de tirer un certain nombre de
fufées. Il y a dans Saint Elme une porte qui donne
fur la mer ; quoique bien murée , elle n'étoit pas
inconnue au Pacha. Il comptoit en profiter pour
I iij
#98 MERCURE DE FRANCE.
introduire le fecours , ou pour s'évader s'il pré- ·
voyoit ne pouvoir pas tenir , furtout en cas qu'il
n'eût pas pu s'emparer du Château Saint Ange ,
lequel n'étant pas à lui , ne lui auroit jamais laiffé
libre l'entrée ni la fortie du Port. Le fecours qu'il
attendoit des Pays Etrangers , fes promeffes , &
quelque argent qu'il fema à propos parmi les gens
de fa fecte , les fermens qu'il leur fit de ne les jamais
abandonner , tout cela joint à la vénération,
& à leur foumiffion aveugle pour les ordres d'un
perfonnage tel qu'un Gouverneur de Rhodes , fils
d'un Capitan Pacha , & petit - fils d'un Grand
Vifir , les engagea à fe rendre à fes follicitations
& à lui promettre de ne rien épargner de leur
côté pour affûrer le fuccès de l'entreprife. Le Rais
de la Galiotte lui fut fort utile en cette occafion .
& il fçut applanir bien des difficultés , en prenant
fur lui l'exécution de beaucoup de chofes , que
peut-être le Pacha lui-même dans ce moment regardoit
comme impoffibles , laiffant au tems &
aux circonftances le foin de lui en procurer les
moyens , quand une fois l'affaire feroit engagée .
Après ces premieres démarches , le Pacha , laiffantaux
autres Chefs de la conjuration le foin de faire
des foldats ,fongea à trouver des fcélerats qui pûffent
exécuter le deffein exécrable qu'il avoit formé
de fe défaire de la perfonne du Grand Maître ,
Pour cet effet , il gagna les Efclaves qui avoient le
plus de liberté , & l'accès le plus familier dans le
Palais, entre autres un des deux Chambriers, Turcs
du Grand Maître , appellé Imfelleti. L'ayant mis
dans fon parti , il lip opofa d'empoifonner font
Eminence . Comme le Chambrien y trouva des
difficultés , il fut réfolu qu'il la poignarderoit avec
up coûteau dont la lame étoit empoisonnée , &
que le Pacha lui remit fix jours avant la décou
NOVEMBRE . 1749.199.
verte de la confpiration . Ce Pacha avoit propofé
auffi à un Eſclave de la petite cuifine , de mettre
du poifon dans la foupe du Grand Maître , & à
un autre de la crédence , d'en mettre dans le vafe
d'argent , deftiné à rafraîchir l'eau pour les repas
de S E. mais ni l'un , ni l'autre n'avoit olé le
charger de cet attentat.
Tous les Vendredis , les Chefs de la Confpiration
, le Cady , les, Rais , & les huit Papafs , s'af
fembloient chez le Pacha , y mangeoient , & cha
cun rendoit compte de fes. opérations , des nou
veaux Conjurés qu'il avoit enrôlés , & des moyens
qu'il avoit imaginés pour faire réuffir ce fatal
complot. Enfin au bout de treize ou quatorze
mois , tous les Efclaves ayant donné parole de
feconder leur Chef , le jour de l'exécution fur
fixé au 29 Juin , jour de la Saint Pierre , & le mo
ment , vers deux heures après midi. Ce jour fut
choifi , parce que la Fête qui fe fait à la Cité Vieille
, à deux lieues de la Cité Valette , y attire un
fi grand concours de monde , qu'il ne tefte prefque
perfonne dans celle- ci. Le Pacha devoit trois
jours auparavant témoigner au Grand Maître , que
Pair de la Floriane lui étant mai fain , il aimoit
mieux demeurer dans le Château de Saint Elave.
Voici la façon dont devoient fe conduire les Conjurés.
Le Palais eft compofé de deux appartemens ,
l'un d'hyver & l'autre d'été , lefquels fe communiquent.
Il y a une petite falle , fituée au milieu de
ces appartemens , & dont la porte donne fur la
gallerie , qui eft au haut du grand efcalier du Palais.
Cette porte fait face à celle de la Salle- d'ar- -
mes , qui eft à l'autre extrêmité de la gallerie.
Dans cette même gallerie , dont les fenêtres donment
à gauche fur la grande cour , fe trouve fur la
I iiij
200 MERCURE DE FRANCE.
droite la porte de la Salle du Confeil, à côté de laquelle
eft une chambre , où fe repofent de jour les
Eftafiers de Son Eminence . Derriere la porte de cette
chambre , la clef de la Salle ci - deffus mentionnée
étoit toujours pendue , & elle pouvoit étre prife
facilement par le Chambrier Imfelletti , qui entroit
avec toute liberté dans les appartemens . C'eft
avec cette clef qu'il comptoit , le jour de l'exécu
tion s'introduire vers les deux heures après midi ,
dans l'appartement du Grand Maître , heure d'autant
plus favorable que dans cette faifon tous les
Chevaliers qui mangent au Palais , & les domeſtiques
qui les fervent , font retirés chacun chez eux
dans la Ville pour prendre du repos . Imfelleti devoit
être accompagné de cinq Turcs , & d'un Noir ,
venu fur la Galére de Rhodes. Ils devoient être
foutenus par fept autres Conjurés , qui feroient
reftés à la porte de l'appartement , pour les fecourir
à tout évenement , dans l'inftant qu'Imfelleti
auroit eu commis fou affreux forfait. Un des fept
de la porte , auroit par une des fenêtres de la gallerie,
fait un fignal aux Efclaves du Palais , lefquels
au nombre d'environ cent vingt , devoient fe
tenir prêts dans les cours , les offices & cuifines.
A ce figual ils tomboient fur le Corps- de-garde ,
armés de coûteaux , de haches & de maffues ,
égorgeoient , affommoient les foldats , s'emparoient
de leurs armes . Delà , ils montoient à la
Salle d'armes , dont les quatorze d'en haut euffent
pendant ce tems enfoncé la porte ; ils s'en empa
roient , & s'armoient : cela fait , fans perdre un
inftant , ils le féparoient en deux troupes.
La premiere marchoit droit à la prifon des Efclaves
, en enfonçoit les portes , en faifoit fortir
les Turcs captifs , & delà filoient le long de l'Infirmerie
au Château Saint Elme , qui n'en eft qu'à
NOVEMBRE . 1749. 201
deux pas , prenant cependant la précaution de
détacher quarante ou cinquante Hommes pour
aller s'emparer de la porte de la Marine . La troupe
qui alloit à Saint Elme, n'auroit pas eu de peine
a s'en faifir , attendu que le Pacha s'y trouvoir
dedans avec vingt Turcs , foit de fes gens , ou
autres. Deux foldats de la Compagnie du Grand
Maître , qui étoient de la Conjuration , devoient
fe trouver de garde à la porte , pour favoriferl'entrée
des révoltés
La feconde troupe détachée du Palais , pendant
cette opération , devoit aller droit au four de la Religion
, où il y avoit cinquante ou foixante Efclaves
, lefquels joints à eux , en détachoient vingt
pour s'emparer de la porte de la Marine , du côté de
Marfamufciet,qui n'en eft qu'à une petite diftance.
Le refte devoit faire main baffe fur tous ceux qu'ils
rencontreroient. Ils fe Aattoient que la confufion
& le défordre , inféparables des évenemens in.ttendus
, infpireroient au peuple dans les premiers
momens l'idée de fuir par la Porte Réale , qui donne
fur la campagne , & qu'avant qu'on eût le
tems de fe reconnoitre ( chofe difficile dans un
pays où il n'y a point de troupes reglées ) après la
prife, du Château Saint Elme , toutes leurs forces
pourroient le porter dans les differens quartiers de
la Ville , égorger tous ceux qui feroient réfiftance
, on qui n'auroient pas fui , chaffer le reſte , &
enfuite fermer la Ville .
Ils prétendoient auffi , qu'outre ces cinquante
hommes qui devoient s'emparer de la Porte de la
Marine , du côté du grand Port , il s'en détache
roit vingt des plus déterminés, pour paffer de l'autre
côté du Port , aller ouvrir les prifons du Bourg
& de l'Ifle , délivrer leurs camarades , & s'emparer
du Château Saint Ange , où eft le dépôt des
202 MERCURE DE FRANCE.
poudres des Galéres , & des Vaiffeaux de la Religion
; mais ce projet n'étoit pas ailé à exécuter
parce que felon les apparences , à la premiere allarme
le peuple du Bourg fe feroit retiré , du moins
en partie , dans ce Château , & on n'auroit pû l'y
forcer que par la faim.
Ce projet , qui avoit bien des difficultés , mais
qui auroit été toujours très -funefte à l'Ordre ,
quand même il n'auroit pas réuffi dans tous les
points , a été découvert de la maniere fuivante .
Le Noir dont on a parlé , & un Perfan , bâtifés tous
les deux à Malte , & venus tous les deux fui la
Galére de Rhodes , voulurent attirer à leur parti
un foldat Arménien , de la Compagnie du Grand
Maître. Ce jeune homme , quoique naturellement
imbécile , refufa de fe prêter à leur déteftable
complot ; d'un autre côté , craiguant les ménaces
violentes de ceux qui le follicitaient , il
confulta un Juif bâtifé , fur ce qu'il devoit faire.
Celui- ci lui dit qu'il falloit tout de fuite en donner.
part au Commandant des Gardes. Le jeune foldat
ayant fuivi cer avis , le Commandant des Gardes
fit fon rapport au Grand Maître , qui donna ordre
d'arrêter le Noir & le Perfan . Ces criminels
furent mis à la torture ; ils déclarerent leurs complices
. On a déja exécuté une partie des chefs , le
refte le fera inceffamment. Il a été pris de bonnes
& fages précautions pour éviter dans la fuite un
pareil évenement Graces à Dieu , le Grand Maî
tre , & tous les Chevaliers de votre connoiffance
jouiffent d'une fanté parfaite , en dépit de Maho-¡
met , du Pacha & de fes adhérans.
NOVEMBRE. 1749. 203
********MMMMMMMMM
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
A nuit du 18 au 19 du mois dernier , le Roi
après - midi au Havre , où Sa Majesté refta le 20:
Le lendemain elle alla coucher à Bifi , & arriva à
Verfailles le 22.
Le 24 , le Roi partit pour aller au Château de
Rambouillet.
Le Roi , étant parti de Navarre la nuit du 18 ,
arriva à Rouen fur les huit heures du matin. Le
Duc de Luxembourg , à la tête du Corps - de- Ville ,
préfenta les Clefs à Sa Majefté. Après cette céré
monie , elle fut conduite à un Pavillon , qui avoit
été préparé , d'où elle vit ouvrir le Pont de Bâ
teaux , & pafler un Navire. Enfuite elle traverfa la
Ville , dont les rues étoient fablées & tendues de tapifferies
, & elle continua fa route pour le Havre ,
où elle arriva le 19 à quatre heures après midi.
Elle fut reçue à la porte de la Ville par le Duc de
Saint Aignan , Gouverneur , qui eut l'honneur de .
lui en préfenter les Clefs , & elle fe rendit tout de
fuite à'Hôtel- de- Ville , qui avoit été préparé
pour la réception . Le même jour , le Roi vifita
la Tour de l'entrée du Port ; le lendemain Sa
Majefté fortit à neuf heures du matin , & alla fe
promener fur la jetrée du Nord , d'où elle vit le
Port à marée baffe , & les mouvemens de quel
' ques éclufes , & après avoir été entendre la Meffe
à la Paroiffe de Notre- Dame , elle fe rendit dans
l'enceinte du Bafin de la Marine. Elle monta à
1 vj
204 MERCURE DE FRANCE.
bord du Chariot Royal , & paffa enfuite fur le
balcon des Cazernes de la Marine , d'où elle vic
les differens mouvemens des manoeuvres qui furent
exécutées fur le Vaiffeau , les opérations de
la Carenne d'un autre Vaiffeau , & une Joute ;
elle vifita auffi les principaux atteliers de l'Arfenal
de la Marine , & retourna à l'Hôtel - de - Ville , où
elle reçut les refpects du Parlement & de la
Chambre des Comptes de Normandie , qui lui
furent préfentés par le Comte de Saint Florentin ,
Sécretaire d'Etat . L'après midi , le Roi alla voir
lancer à l'eau trois vaiſſeaux , & un combat entre
fix Bâtimens qui étoient en rade , & après avoir
vifité la Corderie , la Citadelle & la Manufacture
du Tabac , Sa Majesté fortit de la Ville , pour aller
faire un tour de promenade fur la Côte d'Ingouville.
En rentrant dans la Ville , elle vit les
differentes illuminations qui avoient été préparées ,
& entre autres , celle d'un Vaiffeau qui avoit été
placé¹ vis - à- vis l'Hôtel- de- Ville . Le Roi partit le
21 au matin , après avoir entendu la Meffe à
P'Hôtel de Ville. Sa Majeſté a été faluée en fortant
, comme elle l'avoit été en entrant , par une
triple décharge des canons de la Ville , de la Citadelle
& de la Marine. Elle a été gardée au Havre,
tant par le Régiment de Dragons d'Harcourt
que par les Milices Bourgeoiles , & elle a trouvé
en bon ordre les Mi ices Gardes Côtes des Capitaineries
qui étoient fur fon paffage . Le Roi a
paru fort content de toutes les difpofitions qui ont
été faites dans la Ville & dans le Port ; mais ce
qui a le plus touché Sa Majeſté , c'eſt la joye̟ extrême
que la préfence a fait éclater parmi les peuples
, dont le concours a été prodigieux au Havre
dans toute fa route.
Le 18 Septembre , Madame Victoire , accomNOVEMBRE.
1749. 205
pagnée de fes Dames & de fes principaux Offi
ciers , vint entendre la Mefle dans l'Eglife Métropolitaine
de cette Ville ; elle fut faluée à fon arrivée
& en partant , par le canon de la Baſtille
par celui de l'Hotel Royal des Invalides & par
celui de la Ville . Cette Princeffe trouva , à l'entrée
du Quai qui regne le long du Jardin du Palais
des Thuilleries , le Corps- de Ville , lequel lui rendit
fes refpects , étant préfenté par le Duc de Gêvres
, Gouverneur de Paris . M. de Bernage , Prévôt
des Marchands , porta la parole . Madame
Victoire , en arrivant à l'Eglife de Notre Dame ,
trouva les Gardes Françoifes & Suiffes rangés en
haye & fous les armes. L'Archevêque de Paris ,
revêtu de fes habits pontificaux , & à la tête des
Chanoines , reçut cette Princefle à la porte de l'Eglife,
& la complimenta. Madame , épouse de l'Infant
Don Philippe , Madame Henriette , & Ma
dame Adelaide , vinrent auffi le même jour en cette
Ville , elles furent faluées de même par le ca
non de la Baſtille , par celui de l'Hôtel Royal des
Invalides , & par celui de la Ville ; elles entendi
rent la même Meffe , à l'iffue de laquelle elles
allerent faire leur priere à Sainte Geneviève . Delà
, elles vinrent dîner au Palais des Thuilleries.
L'après-midi , elles fe promenerent dans le Jardin
de ce Palais ; elles remonterent en carole , &
allerent voir la Place des Victoires , & celle de
Louis le Grand . Elles fortirent enfuite par la Porte
Saint Honoré , pour retourner à Versailles . Le
Jardin des Thuilleries , ainfi que toutes les rues .
par lesquelles Mefdames ont paffé , étoit rempli
de peuple , que leur préfence avoit attité. Meldames
, en allant à Sainte Geneviève , s'arrêterent
quelque tems devant l'Amphitéatre des Penfionnaires
du Collège de Louis le Grand , & leur ac
corderent des congés.
206 MERCURE DE FRANCE.
L'Evêque de Rennes , ci-devant Ambaffadeur
Extraordinaire du Roi auprès de Sa Majesté Catholique
, fut reçû le 25 dans l'Académie Françoife
, à la place vacante par la mort du Cardinal
de Rohan , & il fit fon difcours de remercîment ,
auquel M. de Fontenelle , Directeur , répondit au
nom de l'Académie.
Le 26 , le Roi revint de Rambouillet à Verfail--
les ; Sa Majesté alla le 30 à Choifi , d'où elle partit
le 2 Octobre pour fe rendre à Fontainebleau .
Madame Infante & Mefdames de France , allerent
le 30 du mois de Septembre à Choify ,
& elles en partirent auffi le 2 Octobre pour Fontainebleau
.
Le Roi arriva à Fontainebleau le 2 Octobre ,
la Reine s'y rendit le 6 , Monfeigneur le Dauphin
y arriva le 4 , & Madame Infante & Mefdames
le 2 .
Le 4 , la Reine fe rendit à l'Eglife des Recollets
de Verſailles , lefquels célébroient la Féte de
Saint François. Sa Majefté y entendit la Meffe ,
& communia par les mains de l'Evêque de Chartres
, fon Premier Aumônier . L'après- midi la Reine
affifta dans la même Eglife au Panégyrique du
Saint , qui fut prononcé par le Pere de Neufville ,
de la Compagnie de Jefus , enfuite aux Vêpres &
à la Bénédiction du Saint Sacrement .
Le Roi a donné le Gouvernement de Seyne
en Provence , & le Régiment d'Auvergne , qui
vaquoient par la mort du Comte de Chaftellux ,
au Comte de Beauvoir , fon frere .
+
M. de Chavigny , Ambaffadeur du Roi auprès
du Roi de Portugal , a été nommé par Sa Majefté
pour aller réfider avec le même caractére auprès
de la République de Vénife ; & M. de Saint Con->
teft , Maître des Requêtes ordinaire de l'Hôteldu
Roi , & Intendant de Bourgogne , a été nom
NOVEMBRE. 1749. 207:
1
mé par Sa Majefté pour le rendre en qualité de
fon Ambaffadeur auprès des Etats Généraux des
Provinces- Unies ..
Le 16 du mois dernier , les Actions de la Compagnie
des Indes étoient à dix-fept cens trentedeux
livres & demi ; les Billets de la premiere Loterie
Royale à fix cens dix- neuf , & ceux de la feconde
à cinq cens quatre- vingt-dix,
ADDITIONS de M. le Monnier à
l'Extrait inféré dans le Mercure, d'un Mé-,
moire lû à l' Affemblée publique de l'Académie
Royale des Sciences du mois de Novembre
de l'année derniere , aufujet des obferva
tions de l'Eclipfe du Soleil, faites en Ecoffe.
Omme je ne fuis pas encore fatisfait fur la
Latitude d'Edimbourg , que j'ai oupçonné ,
après plufieurs tentatives réitérées , être de deux,
minutes& demie plus grande que celle qui avoit été.
établie, en nombres ronds ,par feu M. Maclaurin,de
55 degrés , 55 minutes , j'ai differé jufqu'ici par
cette feule raifon de publier les détails & le réfultat
entier de mon travail ; & les lettres que j'ai
écrites au mois de Novembre de l'année derniere
au Président de la Société Royale de Londres à ce
fujet , feront toujours foi de ce que j'avance , & me
mettront toujours à l'abri de toute difpute ou ufurpation.
Voici cependant quelques éclairciffemens
& corrections que je fuis bien aile de communiquer
au Public , en même tems que je déclare que
s'il s'eft répandu d'autres Ecrits , je ne prétends pas
les critiquer ici , nais que ce n'a jamais été de mon
confentement & plutôt contre mon avis qu'ils ont
été fabriqués. Ainfi je prie le Lecteur de ne me pas
268 MERCURE DE FRANCE.
rendre refponfabe des conclufions contradictoires
qu'il en pourroit tirer. De fept phafes que j'ai
mefurées vers le milieu de l'Eclipfe , il y a certai
nement de quoi en conclure la pofition du lieu où
j'ai fait mon obfervation , relativement au centre
ou à la trace de la penombre . Or c'eſt - là à quoi
fe réduit toute la queftion ; & fi quelques mal - intentionnés
s'éleven: jufqu'au point de vouloir répandre
quelques foupçons fur de femblables obfervations
, il eft vifible que la queftion feroit bientôt
décidée par les obfervations de la plus grande
quantité de l'Eclipfe , faites en Suéde , en Angleterre
& même en France ; mais qu'il faut pour cela
fuppofer la Latitude d'Edimbourg rectifiée , & par
conféquent celle du lieu où j'ai fait mes obfervations.
Comme l'Eclipſe annulaire devoit occuper une
très - grande étendue en Ecoffe , fçavoir depuis les
environs d'Edimbourg jufqu'anx Orcades , je m'étois
déterminé , pour conclure plus fûrement la
quantité du diamêtre apparent de la Lune , à me
placer vers le terme ou limite auftral de l'Eclipſe
annulaire , & les correfpondans , répandus en affez'
grand nombre vers le centre , étoient munis de
Pendules à fecondes pour miefurer la durée de l'Eclipfe
annulaire ; enfin je fuis affûré que celui qui
étoit au limite boréal, pouvoit très- bien contribuer
auffi à nous décider la queftion du diamétre de la
Lune , au cas que le Ciel ne m'eût pas permis de
mefuer avec le micrométre le diamètre , & qu'il
ne fe fût découvert que pendant quelques inftans
vers le milieu de l'Eclipfe .
Heureufement j'ai mefuté très -facilement, & cinq
fois de fuite , le diamètre de la Lune , que j'ai vû
tout entier fur le Soleil pendant 15 à 18 minutes ,
& dont j'ai communiqué l'année derniere les réfultats.
Mais il eft néceffaire d'avertir ici que la
NOVEMBRE. 1749. 209
bafe de 2570 pieds,qui a fervi à vérifier à combien
de minutes & fecondes répondoient les parties du
micrometre , n'a pas été mefurée avec une exactitu
de fuperflue ni plus grande qu'il n'étoit néceflaire ,
car s il eût été queftion de mefurer une étendue
auffi longue , à une ligne près , il eût fallu faire
dreffer une ligne droite ou de niveau par les ouvriers
qui travaillent aux jardins dans toute cette
longueur , les avenues d'un château étant toujours,
comme l'on fçait , moins bien entretenues à une
certaine diſtance , * & à mesure qu'on s'éloigne de
la façade , mais on s'eft fervi chaque fois qu'on a
mefarécette baſe d'un long cordeau ( comme c'eſt
P'ufage en pareil cas ) pour alligner les perches qui
fervoient de mefures , & comme dans cette direction
de la bafe il ne s'eft trouvé aucune inégalité
confidérable , & encore moins des rochers ou précipices
, chofe peu commune dans les avenues d'un
château , on peut donc être affûré d'avoir mefuré
cette bafe à deux ou trois pouces près . Mais ce
qui détruit toute objection , c'eft qu'un pied d'erreur
fur cette diftance n'auroit pas même produit
une feconde de difference fur la quantité du diamétre
de la Lune.
Il me reste à avertir que par une faute de copiſte,
on trouve dans le Mémoire , ou dans l'Extrait publié
l'année derniere, le commencement de l'Eclipfe
à 8 heures , so minutes , 18 fecondes , & la fin à
11 h. so min. 18 fec . Ces nombres fe reflemblent™
trop quant au minutes , pour ne pas faire naître
quelque foupçon , & découvrir qu'il y a eu quelqu'inadvertance
. Or il faut lire 8 h. 51 min. 18 f.
pour le commencement , & 11 h. 48 min. 18 fec.
* Le terrain n'étoit pas ſemblable à une des allées
fablées du jardin des Tuilleries , mais auffi uni qu'eft .
le terrain du petit Cours.
ero MERCURE DE FRANCE.
pour la fin , ce qui fe déduit d'un calcul fait par
M. Catlin , & de la phaſe obſervée au grand Télefcope,
qu'on a donnée pour lors , car cette phaſe
ayant été melurée , comme il a été dit , à 8 h . 54 m.
f. il en faut ôter 3 m . 17. fec. de tems pour avoir
le commencement de l'Eclipfe . Il n'y a donc ici aucune
ambiguité , & d'ailleurs chacun eft libre d'en
faire le calcul à loifir.
-35
De plus par les obfervations faites à Greenwich
le jour de la pleine Lune qui a fuivi immédiatement
l'Eclipfe du Soleil , je trouve le diamètre apparent
de la Lune , qui étoit voifine alors du Périgée , to
fecondes plus grand que je ne l'avois conclu de
quelques obfervations faites en France , ce jour là
la nuit fut tout à - fait obfcure en Ecoffe , & nous
fumes privés par là d'obſerver la longitude d'Edimbourg
par l'Eclipfe de Lune , mais celle du Soleil
fuffit d'ailleurs . Or en augmentant ce diamétre
de la pleine Lune , on aura 3 m. 55 fec. au lieu
de 3 m. 45 fec qu'on avoit conclu pour la variation
du diamérre horisontal de la Lune , depuis le
jour de l'Eclipfe du Soleil , jufqu'à celle de Lune
qui a fuivi immédiatement .
CICA ZACACACacacacacaca
MARIAGE ET MORTS.
Rezol Parlement de Paris,
E 4 Septembre , Charles - François - Henri de
époufa dans l'Eglife Paroiffiale de Saint Agnan de
Gambais , Diocefe de Chartres , Marie Agnés de
Nyert , Dame de Gambais.
Il eft fils de défunt François de Revol , Seigneur
d'Anglieres , Copfeiller au Parlement de Paris ,
mort le 16 Août 1720 , & de Marie du Soul de
NOVEMBRE. 1749. 21T

Beaujour , depuis mariée en fecondes noces avec
Louis le Prêtre de Lezonnet , Confeiller au Par .
lement de Paris , Chef du Confeil de feu S. A. S.
M. le Duc de Bourbon , Prince du Sang .
La famille de Revol eft ancienne dans le Dauphiné
. Dans le feiziéme fiécle , elle fubfiftoit dans
Ja perfonne de trois freres , Ennemond , Antoine
& Louis de Revol . Louis fut Miniftre & Secre
taire d'Etat des Affaires Etrangeres fous les Rois
Henri III. & Henri IV . C'eft de lui que defcendent
Louis , Vicomte de Revol , pere de l'Evêque
d'Oleron , & le Chevalier de Revol , fon frere ;
ainsi que François Felicien de Revol , Confeiller
au Parlement de Grenoble , leur oncle à la mode
de Bretagne.
Ennemond de Revol fut pere d'Antoine , dont
le fils Pierre naquit le 13 Novembre 1994 , &
époufa le premier Septembre 1624 Claudine Martel.
De ce mariage fortit en 1632 Claude , marié
en 1667 avec Jacqueline Michaut de Montaran ,`
qui eut pour fils François de Revol , Confeiller
au Parlement de Paris , pere de celui qui donne
lieu à cet article .
Marie Agnés de Nyert eft fille de feu Louis de
Nyert , Marquis de Gambais , Gouverneur de Limoges
, Grand Bailli d'Amont en Franche Comté,
Premier Valet-de Chambre du Roi , & Gouverneur
du Louvre , & de Marie Anne Matfollier
fille de Denis Marfollier , Confeiller au Grand
Confeil. Louis de Nyert étoit fils de François de
Nyert Marquis de Gambais , à qui il avoit fuccedé
dans toutes fes Charges , & François avoit
eu pour pere Pierre de Nyert , auffi Premier Valetde-
Chambre du Roi Louis XIII.
Le 7 Août . Marie Louise Brebier , veuve de
François Thurmenies de Montigni , Seigneur de
212 MERCURE DE FRANCE.
Nointel , Premier Maître d'Hôtel de S. A. R. M.
le Duc d'Orléans, Régent , mourut , âgée de 64 ans
& fut inhumée à S. Euftache .
Le 13 , Louis Augufte Thibouft de Berry , Comte
de la Chapelle Thibouft de Berry , anciennement
la Chapelle Gautier en Brie , Seigneur de Ru-
Guerrin , des grands & petits Trefuels , des Hangets
, de Gatins & autres lieux , Confeiller d'honneur
au Bailliage & Siége Préfidial de Melun ,
mourut à la Chapelle , âgé de 59 ans , & y fut inhumé.
Le 18 , Gilles Dumefnilurry Sieur des Bergeries,
mourut à Paris & fut inhumé à S. Euftache .
Le 20 , Marie- Jofephe de Croquez , veuve de
Charles Raimond de la Grange , Chevalier de l'Ordre
Royal & Militaire de S. Louis , Lieutenant Colonel
du Régiment du Maine , Brigadier des Ar--
mées du Roi & Commandant pour Sa Majefté au
Mont- Dauphin , mourut , âgée de 63 ans , & fut
inhumée à S. Paul.
Le 30 , Pierre Mocet , Seigneur de Chillois , Brigadier
des Armées du Roi , Chevalier de l'Ordse
Royal & Militaire de S. Louis , mourut , âgé de
64 ans , & fut inhumé à S. Sulpice .
Le 31 , Nicolas- François Fillon de Villemer ,
Seigneur de Mont- Rouge , Garde du Tréfor Royal,
& Secretaire du Roi , Maifon , Couronne de
France & de fes Finances , mourut fur la Paroiffe
de S. Roch , & fut tranfporté à Mont- Ronge ;
Le 4. Septembre , André du Guet , Seigneur de
Balzac , ancien Capitaine au Régiment des Gardes.
Françoifes , mourut , âgé de 61 ans , & fut inhumé
à S. Sulpice.
Les , François le Royer de la Savagere , Sėigneur
d'Artezé , près de Chinou en Touraine ,
Chevalier de l'Ordre Royal & Militaire de Saint
NOVEMBRE. 1749 . 21
Louis , Capitaine au Régiment de Champagne ,
& Ingénieur en chef de la Province d'Anjou
mourut à Artczé dans la foixante -feizième année
de fon âge.
Il étoit né le 21 Mai 1674. Il entra dans la
Compagnie des Cadets Gentilshommes à Tournai,
le 16 Mai 1692. fervit l'année fuivante en qualité
d'Ingénieur volontaire au fiége de Charleroi ,
& fut fait Sous- Lieutenant au Régiment de Bearn
en 1694. Cette même année il fe trouva au Boinbardement
de Calais ; en 1702 à la bata lle de
Fridelingue & à la prife du Fort ; en Janvier 1703
au fiége du Fort de Kell , & fut fait Lieutenant au
même Régiment. Ce Régiment étant paffé en
Baviere , M. de la Sauvagere y fervit en qualité
d'Ingénieur volontaire , fe trouva à la premiere
bataille d'Hochftet , aux fiéges d'Aufbourg & de
plufieurs Places du Wirtemberg ; en 1704 à la
bataille du Mont Charamberg , oùil fut chargé de
fortifier une partie du Camp, & à la feconde bataille
d'Hochftet. Il y fit fur le Danube deux ponts
pour la retraite de l'armée , & les brûla enfuite
fous le feu des ennemis. En 170's , étant Lieute.
nant de Grenadiers , il entra dans le génie ; en
1709 il fut fait Capitaine réformé à la fuite du Régiment
de Champagne. En 1712 au fiége de Douai,
voulant paffer à l'attaque d'une lunette , il fut fur
le point de fe noyer dans le foffé , dont on le retira
dangereufement bleflé . Les Juillet 1915 , il fug
fait Chevalier de S. Louis. Il réfidoit alors à Arras ,
cù il étoit chargé en chef de la conduite des tra
vaux confidérables que le Roi y faifoit faire . Ingé,
nieur en chef àBéthune en 1719, on le fit paffer à la
Rochelle en 1729 pour diriger en la même qualité
les trayaux que l'on avoit projettés dans le Port de
ette Ville , & enfin en 1734 il fut fait Ingénieus
214 MRCURE DE FRANCE.
.
en chefdes Fortifications d'Anjou , où il eſt toujours
refté , à caufe de fes incommodités & de fon
grand âge. De même que par fa capacité & par fa
valeur il avoit mérité les graces de la Cour , il s'étoit
acquis par fa Religion , par fa probité & fon
humanité , l'efſtime & la conſidération de tous
ceux qui l'ont connu .
De fon mariage avec Marie-Gertrude de Fouquerolles
, il laifle trois fils , 1 ° . Félix - François ,
Chevalier de l'Ordre de S. Louis , Capitaine réformé
au Régiment de Champagne , & Ingénieur en
chef de la Ville & Citadelle de Port - Louis , de Concarneau
& de la Côte du Sud de Bretagne , marié
le 18 Avril 1746 avec Anne Catherine- Charlotte
Audiger. 2°. Louis François, dit le Chevalier d'Arrezé
, Chevalier de S. Louis , ayant commiffion de
Capitaine, & Ingénieur ordinaire du Roi , 3 °. Fran- ༣ ་
çois - Sébastien Marc-Antoine , Capitaine au Régiment
d'Infanterie de Montboiffier.
Cette Famille , établie en Touraine , tire fon
origine de Bretagne , & fa nobleffe eft très-ancienne.
Ses Armes font d'azur à trois roues d'or ,'' deux
& une .
Le 2 , Louis Bernardin Cado , Marquis de Seppeville
, Sous-Lieutenant des Chevau -Légers de la
Reine , mourut à Paris , dans la vingtiéme année
de fon âge . Il étoit né le 19 Juillet 1730 , & avoit
été baptifé le lendemain.
Il étoit fils de Charles- Louis - Frédéric Cado ,
Marquis de Seppeville , Seigneur du Pleffis - Paté ,
près de Montlheri , Enfeigne de la feconde Compagnie
des Moufquetaires , Brigadier des Armées
du Roi , mort à Paris le 14 Octobre 1734 , âgé de
27 ans ; & d'Elifabeth - Thérefe Marguerite Chevalier.
Il avoit pour ayeul Charles-Louis , Comte de
Seppeville , Commandant des Carabiniers , Lieu .
NOVEMBRE. * 215 1749.
F
tenant Général des Armées du Roi , qui avoit époufé
Benoîte du Bourdis , & a commencé la feconde
branche des Cado .
Il a laiffé deux foeurs , 1° . Françoife- Antoinette ,
née le premier Décembre 1725 , mariée le 20 Mars
1743 à Louis , Marquis de Mailli , Colonel du Régiment
de Périgord . 2 °. Magdeleine Bernardine-
Marguerite , née le 13 Décembre 1726 , mariée
par contrat paffé le 11 Avril 1746 à Artus- François
Timoleon , Comte de Gouffier , Capitaine de Cavalerie
au Régiment Dauphin.
Il étoit le douzième des defcendans de Guillaume
Cado , Maître d'Hôtel du Roi , vivant en 1300.
Le 26 , Anne- Bénigne- Fare Therele de Berenghen
, veuve d'Emmanuel- Armand , Marquis de
Vaffé , Brigadier des Armées du Roi , Baron de la
Roche- Mabille , Seigneur d'Azegé- le - Rideau , Ba .
lon & autres lieux , mourut , âgée d'environ 69
ans , & fut inhumée à S. Germain l'Auxerrois.
Elle étoit fille de Jacques Louis de Beringhen,
Comte de Châteauneuf & du Pleffis -Bertrand en
Bretagne , Premier Ecuyer du Roi , Gouverneur
de la Citadelle & du Fort Saint Jean de Marfeille ,
Préfident du Confeil du dedans du Royaume pendant
la minorité du Roi , & Directeur Général des
Ponts & Chauffées . & de Marie - Magdeleine Elifabeth
Fare d'Aumont , file aînée de feu Louis Duc
d'Aumont , Pair de France , & c. Elle avoit été mariée
le 11 Avril 1701 , & étoit restée veuve en
1710 .
Le 29 , Céfar-François Comte de Chaftelus , Brigadier
des Armées du Roi , Colonel du Régiment
d'Auvergne , Gouverneur de la Ville de Seyne en
Provence , mourut dans la 26e année de fon âge.
Il étoit né le premier Novembre 1723 de Guillaume-
Antoine, Comte de Chaſtelus & d'Avalon ,
216 MERCURE DE FRANCE.
2
Lieutenant Général des Armées du Roi , mort le
13 Avril 1743 ; & de Claire Thereſc- Angélique ,
fille de Henri François d'Agueffeau , Chancelier
de France.
Cette Maiſon , fort ancienne en Bourgogne , a
porté d'abord le furnom de Beauvoir , s'étant ace
crue de cette Terre par le mariage de Jean , vivant
en 1340 , dixiéme ayeul de Célar François , qui
donne lieu à cet article , avec Jacquettte , Dame
de Beauvoir. Claude , petit fiis de Jean , fut Maréchal
de France , & Jean , fils de Claude , quita
le nom de Beauvoir pour prendre celui de Chaftelus.
Le 9 Octobre , Corneille Richard , Sieur de la
Chevaleraye , Affocié libre de l'Académie Royale
des Sciences , ci-devant Gouverneur de S. A. S. M.
le Prince de Conti , & enfuite Capitaine de fes
Gardes , mourut , & fut inhumé à Saint André
des Arcs,
Le 11 , Henriette Alphonfe Jubert de Bouville ,
fille d'Alphonfe Jubert de Bouville , Chevalier de
l'Ordre Royal & Militaire de , Saint Louis , & Maréchal
des Camps & Armées du Roi , mourut , &
fut inhumée à Saint Jacques du Haut-Pas.
Le même jour , Anne - Etiennette de Bullion Farvaques
, époule de Charles- André Sigifmond de
Montmorenci Luxembourg , Duc d'Olonne , Maréchal
des Camps & Armées du Roi , mourut ,
agée de 35 ans fur la Paroiffe de Saint Sulpice.
& fut tranfportée aux Céleftins . Elle étoit file
d'Anne Jacques de Bullion , Marquis de Farvaques
& de Gallardon , & de Marie -Magdeleine
Gigaud de Bellefonds.
2
ARRESTS
NOVEMBRE. 1749. ·217
"
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗
ARRESTS NOTABLES.
A
RREST du Confeil d'Etat du Roi , qui
ordonne l'exécution de l'Ordonnance de
1687 , & des Reglemens rendus depuis , au fujet
des déclarations des Marchandifes dans les Bureaux
des Fermes , & en conféquence que les
Négocians de Nantes & les Capitaines des Navites
qui aborderont , dans le Port de ladite Ville ,
feront tenus de s'y conformer , & de diftinguer ,
dans lefdites déclarations , le nombre des barriques
de chaque efpéce de fucre , & ce fous les
peines portées par lefdites Ordonnances & Reglemens.
AUTRE , portant reglement pour les Ton
tines.
>
AUTRE , qui ordonne que les Officiers des
Préfidiaux Sénéchauffées , Bailliages , Siéges
Royaux & autres Jurifdictions Royales , inférieures
& de Police , feront reçus au payement du
prêt & annuel de leurs Offices , fur le pied de la
moitié des évaluations d'iceux , pendant les neuf
années de la Déclaration du 8 Juillet 1749.
AUTRE , qui ordonne que les Sous- Fermes
des Domaines , Aides , & droits y. joints , feront ,
au renouvellement prochain d'icelles , adjugées ,
après trois publications de huitaine en huitaine, au
plus offrant & dernier enchériffeur.
ORDONNANCE du Roi , pour la ré-
K
1
218 MERCURE DE FRANCE.
duction du corps des Volontaires du Dauphiné .
AUTRE , concernant le Régiment étran
ger des Troupes légeres de Gefchray.
AUTRE , concernant le Corps de Chaffeurs
'de Fiſcher.
CONVENTION entre le Roi Très-
Chrétien , & Son Alteffe Séréniffime - Eminentif
fime le Duc Jean- Théodore de Baviére , Cardinal
, Evêque & Prince de Liége , pour la reftitution
réciproque des Déſerteurs.
J
APPROBATION.
Ai la par ordre de Monfeigneur le Chance
lier le Mercure de France du mois de Novembre
1749. A Paris , le 28 O&tobre 1749.
MAIGNAN DE SAVIGNY
TABLE .
IECES FUGITIVES en Vers & en Profe.
L'amour des François pour leurs Rois , con
facré par les monumens publics ; Ode préfen
tée à l'Académie Françoife pour le Prix de
l'année 1749. Par M. le Brun ,
3
Lettres de M. Rouffeau à M. de Crouzas ; 9
Epitre fur la Poëfie à M. d'Arnaud , Agent Littéraire
de Sa Majefté Pruffienne , & de S. A.-S. let
Duc de Wirtemberg ,
Epitre à M. de G.
30
33
Troifiéme Mémoire fur , les anciens Evêques de.
Genéve ,
Epitaphe de Mad. la Marquiſe du Châtelet ,
Ode fur le Jugement dernier ,
35
54
ibid.
Séance publique de l'Académie Royale des Sciences,
Infcriptions & Belles Lettres de Toulouſe ,58
A Mlle de V **
Réflexions diverſes ,
Vers à Mad. du Boccage ;
Calcul propofé ,
La Brûlare d'Iris , Ode Anacréontique ,
74
76
79
80
82
La vengeance de l'Amour , Ode Anacreontique
,
83
Difgrace du Dieu de Cythere , autre Ode Anacréontique
,
85
Lettre écrite à M ** fur l'Hiftoire du Comté
d'Eu ,
88
Vers à M. de Curzay fur fa Promotion au grade
de Maréchal de Camp ,
La Poule & le Renard , Fable ,
Epigramme ,
A Mad. Q *
Queſtion ,
**
Lettre à Mlle C *******
95
96
97
bid.
98
ibid.
Stances à M .... Confeiller au Parlement,&c. 102
Lettre de M. * * * à M. Remond de Sainte Albine,
fur quelques Poëfies compofées pour Madame
la Dauphine ,
Mots des Enigmes du Mercure d'Octobre
Enigmes & Logogryphes ,
Nouvelles Litteraires , des Beaux-Arts , &c.
Eftampe Iconologique ,
Autre Eftampe nouvelle ,
107
119
ibid.
122
153
165
Prix propofés par l'Académie Royale des Sciences,
Infcriptions & Belles - Lettres de Touloufe
pour 1750 & 1751 ,
Ode Anacreontique à Mlle Chevalier ,
".
ibid.
168
170
176
Spectacles , le Carnaval du Parnaffe ;
Extrait de la Comédie du Faux Sçavant ,
Entrée publique faite par M.le Marquis de Paulmy
d'Argenfon , Ambaffadeur du Roi auprès du
Corps Helvétique ; Diette de Légitimation ;Complimens
prononcés en ces occafions , &c. 184
Lettre contenant un détail circonftancié de la
confpiration de Malte , 197
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 103
Additions à l'Extrait, publié dans le Mercure , d'un
Mémoire lû à l'Affemblée publique de l'Académie
Royale des Sciences du mois de Novembre
de l'année derniere , au fujet des obfervations
de l'Eclipfe du Soleil , faite en Ecoffe ,
Mariages & Morts ,
Arrêts notables ,
207
210
217
La Chanfon notée doit regarder la page 168
De l'Imprimerie de J. BULLOT.
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ
AU
ROI.
AV
DECEMBR E.
1749 .
PREMIER VOLUME:
DE
LA
LYON
VILLE
1893 *
Chez
A PARIS ,
ANDRE' CAILLEAU , rue Saint
Jacques , à S André .
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais,
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers.
M. DCC . XLIX.
Avec Approbation & Privilege du Roi,
A VIS.
L'ADRESSE
' ADRESSE générale duMercure eft
CLEVES D'ARNICOURT ,
ruë des Mauvais Garçons ,fauxbourg Saint
Germain , à l'Hôtel de Mâcon . Nous prions
très - inftamment ceux qui nous adrefferont
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port , pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter, & à eux , celui de ne pas voir paroître
leurs Ouvrages.
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
de France de la premiere main , plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreffe ci-deffas
indiquée ; on fe conformera très-exactement à
leurs intentions.
Ainfi ilfaudra mettre fur les adreffes à M.
-de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France , rue des Mauvais Garçons , pour
remettre à M. Remond de Sainte Albine.
PRIX XXX. SOLS.
}
16.
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AU
ROI.
DECEMBRE.
1749 .
PIECES
FUGITIVES
en Vers & en Profe.
SUITE
De la Séance publique , tenue le 25 du mois
d'Août dernier par l'Académie Royale des
Sciences , Infcriptions & Belles- Lettres
de Toulouſe .
M
Onfieur Gouazé qui donna , il
y a quelques années , des obfervations
fur les Bains de Ballaruc
a entretenu cette année l'Acadé
* Il faut fe fouvenir que c'est ici M. Marcorelle
qui parle , & que ce Directeur de l'Académie lus rend
compte des differens Mémoires compofés pendant une
année par les Membres de cette Compagnie.
1. Vol. A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
que
mic de la fotmation des Pierres Numif
males , qu'on trouve aux environs de cette
Source ; ces Pierres font rayonnées du centre
à la circonférence , & les rayons y font
relevés en boffe. Après avoir fixé avec précifion
les faits qui peuvent préparer les
voyes à la découverte de leur formation ,
il préfume avec affez de vrai -femblance
le fédiment des eaux bourbeuſes , jetté
du gouffre inverfac dans l'Etang de Taur,
pénetre dans le coquillage vuide de quelques
hériffons qu'on appelle Ourfins , lef
quels , fe couvrant infenfiblement de limon
, s'applattiffent & forment un moule
propre à produire les Pierres Numifmales.
Pour en rendre raifon , M. Gouazé remarque
que le fédiment , principe , felon lui ,
de cette formation , eft un compofé de ſables
fins , de parties argilleufes , que l'eau
du gouffre charie , & du fel que fournit
l'eau de l'Etang , compofé très- propre à
former la génération d'une pierre.
Le dépériffement prématuré de nombre
de Bâtimens vient , fur tout de la mauvaiſe
qualité des matériaux qu'on employe à
leur conftruction . Pour prévenir ces accidens
, M. l'Abbé de Raymond a entrepris
un ouvrage fur la nature de nos bois de
charpente & de menuiferie , & fur les
moyens d'en perfectionner l'ufage. Nous
DECEMBRE. 1749.
avons parlé les années précédentes de ces
premieres obfervations. On voit dans les
Mémoires de l'Académie Royale des Sciences
, que des vûes differentes ont conduit
depuis Mrs Duhamel & d'Alibart à travailler
fur ce même fujet. Il paroît par le Mémoire
que M. l'Abbé de Raymond nous a
lû cette année , que fon objet porte nonfeulement
fur les differentes efpeces des
bois qu'on employe dans nos Edifices
mais encore fur les divers tems que l'eau
employe à pénétrer chacun d'eux , fur le
plus ou le moins de facilité qu'elle a à les
pénétrer dans les divers fens, fur le rapport
de cette quantité à celle des parties de ces
bois déterminée par leur pefanteur ; fur le
tems que l'eau, qui les a penetrés, employe
à s'évaporer dans un air d'une température
déterminée ; fur les pertes que chacun de
ces bois éprouve par fes defféchemens fucceffifs
, & fur les rapports qui font entre
ces pertes, & celles que font les bois differens
par les imbibitions correfpondantes .
M. l'Abbé de Raymond promet de pouffer
plus loin fes expériences , & l'on ne fçautoit
trop l'en folliciter.
Un autre fujet de ce même genre d'uti
lité a été l'objet des recherches de M. Gleizes
. Après les expériences dont on a déja
tendu compte fur la chaux & fur la meil-
.
A iij
6. MERCURE DE FRANCE.
leure maniere de l'éteindre , afin d'en diminuer
la perte dans les fermentations , if
en a fait fur les briques , qu'il nous a communiquées
cette année.
Les matériaux qu'on employe pour la
conftruction des murs , font des pierres ou
des briques ; on trouve les premiers dans
les.carrieres que la Nature a formées, c'eft
à l'induftrie des hommes que nous devons
les autres. L'expérience leur ayant appris
qu'une certaine terre , expofée au feu pendant
un tems déterminé , acquéroit affez
de folidité pour réfifter aux injures du
tems , ils s'en fervirent pour leurs Edifie
ces , & ils donnerent à ces quartiers de
terre le nom de Briques. Les précieux reftes
de l'Antiquité nous prouvent qu'elles
étoient meilleures que les nôtres. Quelle
étoit la qualité des terres dons les anciens
fe fervoient pour former leurs briques , &
quelle étoit la préparation qu'ils leur donnoient
? C'est ce qu'ils ne nous ont pas
tranfinis. Malgré leur filence , M. Gleizes
veut tâcher de découvrir leur fecret . Pour
y parvenir , il examine avec foin les progrès
des opérations de nos ouvriers , foit
dans les differentes préparations de la terre,
avant de mouler les briques , foit dans
la maniere de les mouler & dans la manicre
de les fécher; après ce triple examen , il
DECEMBRE. 1749. 7
paffe à la nature des terres , & fes obfervations
continuelles nous font eſpérer
qu'il parviendra à les ranger en genres ,
en claffes & en efpéces . En attendant cette
méthode , il donne le premier rang à la`
terre argilieufe & mêlée de fablon. Il en
dicte la préparation.
-1 °. Il faut , dit - il , la moitié d'un pied
cube d'eau, pour donner à un pied cube de
terre le degré de molleffe qui convient
pour mouler les briques.
2º. La quantité d'eau néceffaire pour
préparer la terre , bien loin d'en augmenter
le volume , le diminue d'environ un
vingt- cinquième.
30. Cette terre paîtrie & préparée augmente
la denfité d'environ un cinquième.
4°.Lorfque les briques féchent, leur volume
& leur poids diminuent à peu près
dans le même rapport.
Les expériences de M. Gleizes fur la
cuiffon des briques l'ont mené à . appercevoir
une meilleure maniere de conftruire
nos Tuilleries , qui diminueroit la dépen
fe du bois & donneroit un égal degré de
cuiffon à toutes les briques , dans tous les
étages & toutes les pofitions.
Il eſt dans les bâtimens d'autres avantages
qu'on ne doit guéres moins rechercher
que leur folidité ; tel eft celui que
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE .
M. Garipuy cherche à nous procurer , en
nous propofant des moyens pour empêcher
les cheminées de fumer. Le compte
que j'ai rendu de fon Mémoire dans la derniere
Affemblée publique , me difpenfe
d'en renouveller ici le détail .
M. le Chevalier d'Eſpinaſſe a fait parr
à l'Académie d'un effet du tonnerre affez
fingulier , arrivé à Bordenave dans le
Confulat de Granade ; il le tenoit de M.
d'Aldeguier d'Angerville , qui en avoit été
le témoin. Le r2 Septembre 1737 , vers
les cinq heures du foir , le Ciel étoit pur
& ferein , & on n'y appercevoit qu'un ſeul
nuage qui paroiffoit à la vûe exactement
rond , & de 15 ou 16 pouces de diamérte :
tout à coup la foudre gronda & éclatta ;
une femme qui en fut frappée , fut brûlée
à la mammelle droite , fans que fes habits
euffent reçû la moindre atteinte . Les yeux
ouverts & fixes , le corps fans aucun mouvement
, le poulx arrêté , on la crut morte,
& elle refta dans cet état depuis cinq heures
du foir jufqu'à une heure après minuit
: alors elle recouvra la parole , à trois
heures la vûe , à cinq l'ouie . Point de fouvenir
de l'accident . Demie heure après
furvint une toux exceffive , on la faigna
inutilement pour faciliter la refpiration ,
la difficulté fubliſta jufqu'au dernier moDECEMBRE.
1749.
ment de fa vie , qui fut 25 heures après le
coup de foudre. Cet événement pourroit
donner lieu à des conjectures défavorables
au fentiment de ceux qui expliquent la
formation du tonnerre par l'air comprimé
entre deux ou plufieurs nuages.
M. Newton eft le premier, qui ait cherché
à déterminer la loi du mouvement vibratoire
de l'air , qui produit le fon . Ce
célebre Philofophe , qui dans fa Phyfique
faifoit toujours marcher l'expérience à côté
de la théorie la plus fublime , a avancé
dans la quarante-feptiéme propofition du
deuxième Livre de fa Philofophie naturelle
, que ce mouvement eft femblable à
celui d'un corps grave qui fe meut dans une
Cicloïde . Des réfléxions fur l'uniformité
du ton qui est toujours le même , malgré
la difference de l'intenfité ou de la diftance
, lui ont fans doute fait naître cette idée;
& il fe peut que ces preuves à pofteriori
lui ont parû fi fortes , qu'il a négligé de
donner à fa démonftration cette rigueur
dont il ne s'eft que rarement départi dans
fes ouvrages . M. Euler & quelques autres
ont trouvé à redire à cette démonftration .
Quoique les Commentateurs de Newton
fuffent perfuadés de la vérité de fes conclufions
, ils n'ont pas effayé de les juftifier
, & ils ont préféré de les démontrer
A v
10 MERCURE DE FRANCE.
d'une manière nouvelle . Malgré leurs démonftrations
, M. Pumphry , un des plus
utiles Correfpondans de l'Académie , propofe
encore de nouvelles difficultés fur
cette théorie . Il convient que tous les corpufcules
, rangés felon une ligne droite ,
ont le mouvement qu'on leur attribue ,
pourvû que le corps fonore puiffe le communiquer
au premier de ces corpufcules ;
mais le corps fonore n'a ce mouvement
que dans le vuide , donc il ne l'a plus lorfqu'il
le perd à chaque inftant pour le communiquer
aux corpufcules qui l'environnent
dans un rapport different de celui de
la force accélératrice . D'ailleurs quand on
accorderoit que le corps fonore fe meut
dans le plein comme un corps grave dans
une Cicloïde , il refte deux grandes difficultés
, la premiere , c'eft que le fon ne
confifte dans le mouvement du corps
pas
total , mais dans celui de fes particules . La
feconde eft que le fon fe communique ,
non dans une feule ligne droite , mais de
toutes parts & dans toute l'étendue d'une
fphere, dont le corps fonore occupe le centre.
Ces difficultés font grandes , il eſt beau
de pouvoir les former , pourquoi M. Pumphry
ne nous en donne-t'il pas la folution?
S'il laifle quelque chofe à nos voeux fur
cette premiere propofition , il n'en eft pas
;
DECEMBRE. 1749 II
de même fur la forte d'analogie qu'on
imagine entre la propagation du fon &
celle de la lumiere. L'intensité de l'un &
de l'autre décroît , dit- on , comme les
quarrés des diftances : la preuve en eft aifée
pour la lumiere , mais il en eft autrement
du fon ; le nombre des parties fonores
eft le même à toutes les diftances , c'eft
feulement leur force qui change. M. Pamphry
cherche quel doit être ce changement
par la loi du choc des corps à reffort , &
il en résulte que l'intenfité du fon doit diminuer
comme la diftance , & non comme
fon quarré , parce que la viteffe des corpufcules
décroît dans cette même raifon.
M. Pumphry ne s'en tient pas aux démonf
trations directes , il prévient les objections;
la plus forte eft que fi la vîteffe des corpufcules
décroît felon la diftance , le font
doit aller moins vîte, à mefure qu'il s'éloigne.
La réponse à cette difficulté eft auffi
ingénieufe que folide ; ce qui mefure le
progrès du fon , n'eft pas le chemin d'un
corpufcule , mais le tems employé pour
que la vibration fe communique à un corpufcule
éloigné : ce tems peut être le même
à distances égales , pourvû que l'étendue
de la contraction de chacun augmente
comme la vîteffe. M. Pumphry finit fa differtation
en faifant remarquer l'erreur de
A vj
12 MERCURE DE FRANCE !
ceux qui croyent que la figure logautmique
eft la plus avantageufe aux portevoix,
& il démontre que l'effet doit être le même
,pourvû que les deux ouvertures extrê
mes ne changent point , quelles que foient
les autres dans l'entre deux .
Un habile Artifte de cette Ville s'eft
exercé fur la même matiere .
Le Sr Cammas , non content d'enchanter
les yeux par les productions de fon
pinceau , a travaillé pour le plaifir des
oreilles , en perfectionnant le carillon des
cloches. Suivant le rapport qu'il a fait à
l'Académie des moyens qu'il a employés
pour rendre régulier celui de l'Eglife du
Laur , il paroît qu'il a donné une proportion
aux cloches , qui fait qu'avec un tiers
moins de matiere elles rendent le même
volume de fon.
Ce fyftême du fon établi , il eft naturel
de rechercher de quelle maniere fe forme
la voix humaine . Les anciens & prefque
tous les modernes ont crû qu'elle étoit ,
comme les flûtes & les trompettes , un inftrument
à vent. M. Ferrin eft le premier
qui a avancé qu'elle eft un inftrument à
corde , auquel le vent pouflé par les poulmons
fert d'archet. Les expériences fur
lefquelles M. Ferrin appuye fon opinion ,
& qui ont été repetées pour la plupart de
DECEMBRE. 13 1749.
vant des témoins refpectables , paroiffent
décifives; mais c'eft une opinion nouvelle,
& l'ancienne a fes défenfeurs. M. Maynard
, dans un de fes Mémoires , rapporte
avec clarté & avec précifion les deux fentimens
, & les raifons fur lefquelles il font
appuyés. On convient de part & d'autre
que la voix fe forme dans le larinx , parce
que l'air du poulmon , en paffant par la
trachée , trouve à l'extrémité fupérieure
de ce canal la glotte où il eft comprimé &
refferré . Il paroît qu'on convient auffi que
lés bords membraneux ou lendineux de la
glotte font ébranlés au paffage de l'air . Mais
font- ce les vibrations de ces bords , qui déterminent
celles del'air , & qui en fixent le
nombre , ou bien eft-ce feulement la force
du poulmon & la largeur de l'ouverture ?
L'expérience a feule le droit de décider
cette question les deux partis en font
d'accord. Chacun a confulté de fon côté
cet Arbitre fouverain , & chacun prétend
qu'il a prononcé en fa faveur. L'Académie ,
convaincue qu'en fait d'Anatomie il faut
employer plus fes yeux que fa raiſon , a
commencé de voir & d'examiner toutes
les parties du larinx , les trois cartilages
qui en font la charpente , les membranes
qui forment le bord de la glotte , & les
mufcles qui fervent à mouvoir ces piéces.
14 MERCURE DE FRANCE.
Ces préparations étoient néceffaires pour
les expériences qu'elle fe propofe de faire,
& qui peuvent fervir à appuyer ou à contredire
chacune des deux opinions. M.
Maynard finit par des refléxions fur les ac
cidens qui peuvent déranger ou empêcher
le jeu de l'organe de la voix. M. Carriere
nous a auffi communiqué les fiennes fur le
même fujet ; il les a appuyées par des obfervations
exactes , qui font voir quel changemens
ont caufé à la voix des ulcéres &
des polipes à la bouche & au nés , & le défaut
de quelques- uns des os qui en forment
la charpente.
Si l'organe de la voix devient un fujet
immenfe , quand on l'approfondit, que ne
fera- ce pas des organes deftinés à la fecrétion
des liqueurs? Ce font ceux qui fe refufent
le plus obftinément aux recherches des
Anatomiftes ; cependant leur importunité
les avoit conduits à la découverte de deux
reins , de leur ftructure & de leur jeu . M.
Sabatier , Correfpondant de l'Académie ,
en a trouvé dans la diffection d'un cadavre
un troifiéme , adhérent aux deux autres.
Ces trois reins , fuivant les obfervations
de M. Sabatier , n'avoient dans aucune de
leurs dimenfions le rapport qu'ont ordinaiment
les deux reins ; leur volume , auffibien
le calibre des vaiffeaux qui y porque
DECEMBRE . 1749. rf
toient le fang , étoit d'un tiers plus grand.
La diftribution des vaiffeaux , la fituation
du baffinet , l'origine & la figure de l'uretre
, préfentoient auffi des differences effentielles
, qui n'ont pas échappé à l'attention
& à la fagacité de l'Obfervateur .
Comme la Nature ne fait rien en vain ,
il conjecture avec affez de fondement" ,
que ce troifiéme rein fuppléoit au défaut
de la tranſpiration . L'analogie des ſubſtances
évacuées par ces deux voyes , fortifie
cette conjecture. Dans l'une & dans l'autre
c'eft un compofé de parties falines diffou
tes dans une grande quantité d'eau : dès
qu'il ne fe diffipe pas par la tranfpiration ,
il fe diffipe par les canaux urinaires ; en hyver
on tranfpire peu , on urine beaucoup
dans les pays chauds on urine peu , on tranfpire
davantage ; les mêmes remedes font
tantôt diuretiques tantôt fudorifiques ,
fuivant la difpofition des corps. L'affinité
pourroit- elle être plus parfaite , & ne femble-
t'elle pas prouver le fentiment de M.
Sabatier fur l'ufage du troifiéme rein qu'il
a trouvé ?
Vous n'exigez pas , Meffieurs , que je
vous parle encore du Mémoire de M d'Arquier
fur le Méphitis découvert dans un
puits voifin du Canal Royal de communication
des deux mers ; vous vous reffouve-
1
16 MERCURE DEFRANCE.
nez des applaudiffemens qu'il reçut à votre
derniere Séance publique. Je me contente
done d'inviter M. d'Arquier à mettre
à profit le defféchement actuel du Canal
, pour y renouveller & même étendre
fes expériences : elles le conduiront à découvrir
la nature de ce Méphitis , à déterininer
s'il eft accidentel ou périodique , ainfi
qu'il l'a foupçonné , & à trouver des remedes
contre des influences fi funeftes à
nos Concitoyens . Cette invitation regarde
également M. de Mengaud , Affocié à
M. d'Arquier dans cette découverte . S'il
parvient à remplir le plan d'obſervations ,
que l'amitié qu'il a pour moi , l'a porté à me
communiquer en particulier , je ne crains
pas d'affûrer que ces recherches mériteront
la reconnoiffance du Public.
Il la doit à l'attention qu'a M. Fronton
de recueillir les faits qui peuvent l'intéref
fer & lui être utiles ; il nous en a fourni
- cette année une moiffon abondante fur
l'objet principal de fes travaux , je veux
dire fur les accouchemens.
Le premier fait eft effrayant dans fon
commencement , confolant & honorable
pour M. Fronton dans fon terme . Un enfant
qui fe préfentoit mal , fut arraché avec
violence par un Artifte : l'enfant mourut
pendant l'opération , & la mere porta fur
elle le caractére de la violence .
DECEMBRE. 1749. 17
On s'apperçut en fervant un remede a
l'accouchée , que la liqueur paffoit par le
vagin & fortoit par la vulve . M. Fronton
appellé trop tard , fonda , & la fonde entroit
du vagin dans l'inteftin.
M. Clemens , habile Chirurgien , afſocié
à M. Fronton dans cette cure difficile , crut
qu'il faudroit continuer cette ouverture juf
qu'à la marge de l'anus , rafraîchir les bords
de la playe , s'ils étoient devenus calleux ,
les joindre enfuite par des points de future
, & en opérer la réunion par les topiques
convenables
.
C'étoit étayer l'édifice & non pas le réparer
. M. Fronton , en Architecte habile ,
ofa eſpérer de rétablir les cloiſons , & ce
qui furprendra dans une matiere où l'art ne
paroît jamais pouvoir faire l'office de la Nature
, il y réuffit. Il fit paffer une bandelette
dans cette déchirure , il la promena
& la roula dans la playe pour en froiffer
les bords , les entamer & les rafraîchir ;
enfin après avoir lavé , nettoyé ou plutôt
ranimé tout , il parvint même à confolider
la playe au bout de huit jours , & la guérifon
fut fi parfaite , que la femme a depuis
accouché deux fois heureufement .
M. Fronton ne fait point de difficulté
de rendre compte , avec la même fincérité
& le même détail , des accidens où les ré
18 MERCURE DE FRANCE.
gles de fon art ont échoué , parce qu'on
peur s'inftruire par les malheurs .
La deuxième obſervation regarde un
enfant , dont la tête exceffivement groffe
refta toujours engagée dans le paffage
qu'elle avoit commencé de fe faire à l'orifice
du placenta , de maniere qu'il reçut,
pour ainfi dire , le jour fans pouvoir en
jouir.
Sa troifiéme obfervation a pour objet
un enfant , qui ne pouvant fe faire jour
par la route ordinaire , s'en fraya une extraordinaire
, en déchirant l'utérus dans la
cavité de l'abdomen . M. Fronton avoit
été appellé trop tard , les forces de la mere
trop affoiblies l'empêcherent d'en tenter
la fortie . On lui refufa par fuperftition les
éclairciffemens qu'il cherchoit , après la
mort , en faveur des vivans .
Un accouchement naturel , prompt &
heureux en apparence , d'un enfant trou
vé cependant mort , fournit à M. Fronton
fa quatriéme obfervation . Dans les recherches
il s'apperçut que le cordon ombilical
étoit farci d'un fang noir & coagulé
dans la longueur de deux pouces , depuis
l'ombilic , vers le placenta. M. Fronton
attribue la ſtagnation de ce fang , principe
fenfible de la mort de cet enfant , à un
trouble violent de la mere quinze jours
DECEMBRE. 1749. 19
avant l'accoucheinent ; la frayeur , par les
effets naturels , contracta les vaiffeaux de
l'uterus de la mere , au point que l'enfant
ne put pas recevoir une nourriture fuffifante.
Le fang du foetus commença à ſe
rallentir , & forma le thrombus du fangnoir
& coagulé qu'on trouva dans le cordon
ombilical , principe de mort.
.
Une autre femme accoucha naturellement
d'une fille morte. Cet enfant , loin
de porter les marques d'une fuffocation
dans l'uterus , étoit au contraire d'un
blanc pâle , comme une perfonne morte
d'inanition. M. Fronton dans la cinquième
obfervation qu'il nous a communiquée ,
en détermine la cauſe : il trouva le cordon
ombilical , noué affez étroitement à
huit travers de doigt de diftance du nombril
;
; cet étranglement a intercepté la circulation
du fang entre la mere & l'enfant ,
& par là la nourriture au dernier. Il préfume
que ce noeud du cordon ombilical
qui fut trouvé très - long , fe forma dans
le huitième mois de la groffeffe , au tems
où l'enfant changeoit de fituation pour
en prendre une plus commode , & fe ref
ferra infenfiblement par les differentes agitations
de l'enfant.
Cette obfervation eft d'une conféquence
d'autant plus grande , que M. Fronton
Lo MERCURE DE FRANCE.
s'en fert à réfuter l'opinion de ceux qui
veulent que le foetus prenne fa neurriture
par la bouche , & non par le cordon ombilical
, queftion agitée depuis Hypocrate ,
& peut- être encore indécife .
Sa fixiéme obfervation a un rapport
auffi immédiat au fameux fyftême du Pere
Mallebranche , concernant la force de
l'imagination des meres fur les enfans
qu'elles portent dans leur fein . M. Fronton
par le fait qu'il rapporte , fournit une
nouvelle preuve à cet illuftre Métaphyf
cien .
Dans la maifon du Sieur Simonin , fameux
Graveur de cette. Ville , il y avoit
peu
une chienne accoûtumée de traîner un
chat par le col , elle étoit pleine , & prit
de même un perroquet qu'elle trouva fur
fes pas . Celui-ci fait à ce badinage
ripofta par un coup de bec , qui fit une
impreffion profonde fur le mufeau de la
chienne ; quelque tems après elle mit bas ,
& fit trois chiens à tête de perroquet , les
deux pattes de derriere de chien , & à la
place des pattes de devant , deux petits
moignons , affez femblables à ceux qu'on
remarque à l'extrêmité antérieure des aîles
des animaux volatils. La configuration de
leur bec les empêcha de fuccer le mammelon
de leur niere , la fingularité de ces ani
DECEMBRE . 1749. 21
maux fit qu'on s'intéreffa à leur confervation
; mais avec toutes les précautions , on
parvint feulement à en nourrir un , qui
vêcut neufjours.
M. le Préſident de Puyvert , par fa Relation
des fauffes couches de Madame de
Lama , & l'exactitude qui y regne , a fait
voir que rien de ce qui intérelle les progrès
des Sciences , n'eft indifferent , ni
étranger à un bon Académicien .
Le dix-huitiéme jour du mois de Mai
dernier , cette Dame fe trouva incommodée
dans fa maifon de campagne , près de
Verdun & eut tous les avant-coureurs
des couches prochaines ; jufqu'au 22 elle
eut par intervalles , non réglés , des attaques
de colique les fymptômes cefferent ,
elle fe leva , fit une chûte , & tomba fur
le dos dans fon efcalier ; cette chûte parur
n'avoir aucunes fuites , puifqu'elle fe promena
le 23 fans douleur. Le 24 , à une
heure après minuit , elle accoucha fans
autre douleur qu'un peu de colique , d'une
fille morte defféchée , & qui n'étoit
point enveloppée dans fa toile : pour fou
lager & aider la nature , réparer le défaut
de perte , & amener l'arrière - faix , on la
faigna au pied , & on lui donna des prifannes
: elle refta dans cet état jufqu'au 2
Juin , où elle accoucha vers les fix heures
22 MERCURE DEFRANCE.
du matin , d'un garçon qui avoit vie.
Cette deuxième couche avoit été devancée
d'une colique & d'une groffe fiévre , avec
des redoublemens. Les , elle accoucha
d'un troisième enfant à demi pourri , ce
qui empêcha d'en diftinguer le fexe ; le
lendemain fixiéme Juin , elle accoucha enfin
d'un quatrième enfant totalement corrompu.
L'arriere-faix fuivit fans douleur
cette quatriéme couche , & dès-lors la fiévre
commença à diminuer. Quelle fecondité
, fi elle avoit été plus heureufe !
Celle de la Demoiſelle Vintrou , époufe
de M. de Fos , Avocat , domicilié dans
le lieu de Fiat , Diocéfe de Lavaur , dont.
M.Garipuy a fait part à l'Académie, approche
de la précédente avec auffi peu de fuccès
cette femme accoucha de trois filles
:
qui ne vêcurent que deux jours , elle rendit
en même tems deux carnofités enve-
-loppées d'une membrane ; une troifiéme
féjourna dans l'uterus , où elle fe gangréna.
Suivant la même Relation , une fille de
vingt ans , après avoir reffenti pendant
deux mois quelques douleurs legéres dans
le bas ventre , fit fes déjections par la vulve
; trouvant un obftacle invincible dans
l'inteftin rectum , elles fe frayerent une
autre route l'uterus.
par
DECEMBRE. - 1749. 23
>
Un bourrelet calleux , que les hémoroïdes
avoient formé à ce même inteftin rectum
, à huit doigts de diſtance du ſphingter
, & qui dans cet endroit réduifoit le
diamétre de l'inteftin à environ une ligne ,
ce qui n'étoit pas fuffifant pour l'évacuation
, caufa la mort au Sieur Darnes , Li
braire de cette Ville , âgé de 84 ans , après
une tenfion exceffive du ventre qui réfonnoit
comme un tambour. M, Laurans , en
rendant compte du fait avec précifion , en
indique la caufe avec clarté , par le jeu , le
reffort & la méchanique des parties. L'étranglement
de l'inteftin , faifoit que les
déjections ne pouvoient s'écouler par les
voies naturelles , & elles étoient trop loin
de l'eftomach pour qu'elles fe fiffent paffage
par en haut , à la faveur du mouvement
antiperistaltique . La valvule du coecum
, le grand tour du colon , toutes les
autres circonvolutions des inteftins grêles
, & l'air qui y étoit renfermé , étoient
des obftacles invincibles . Cette obfervation
fe rapproche de celle que M. Gouazé
nous communiqua l'année derniere , &
fert en même tems à la confirmer .
La Botanique doit nous être d'autant
plus chere , qu'elle travaille de concert
avec l'Anatomie à la confervation de la
vie. La Science des Plantes , quoique cul$
4 MERCURE DE FRANCE .
tivée depuis les tems les plus reculés , a
fourni de nos jours de nouvelles décou
vertes. Le fçavant M. Dillon eft le premier
, qui revenant du Cap de Bonne Ef
perance, porta en Europe le Sicoides ou la
Glaciale , plante qui a pris fon nom des
glaçons , dont elle eft chargée , même
dans les plus fortes chaleurs de l'année.
Quoique plufieurs Botaniftes l'ayent définie
, M. Maynard la définit de fon chef ,
& en conféquence la place , en obfervant
l'ordre des claffes de M. Tournefort , par
mi les Plantes à fleurs monopetales campaniformes
, dont le calice & le piftile enfemble
forment le fruit. M. Maynard ,
après lui avoir fixé fon rang , en découvre
les proprietés & les vertus. Enfin , après
l'avoir confidérée avec les yeux d'un Botanifte
& d'un Chymifte , il la regarde avec
des yeux de Phyficien , & explique la formation
des glaçons , dont elle eft chargée
par l'abondante nourriture qu'elle reçoit ,
& la petiteffe de fes vaiffeaux , ce qui l'engage
infenfiblement à des réflexions fur
l'analogie de la circulation de la féve , &
de la circulation du fang ; fyftême féduifant.
En donnant des loix générales &
uniformes à la nature , quant aux animaux
& aux plantes , on femble fe rapprocher
de fon génie & annoblir ſon plan , Il feroit
pourtant
DECEMBRE . 25 1749 .
pourtant dangereux de fe livrer trop facilement
à une opinion qui rit à l'imagination.
Il faut la fonder de plus près avant
que de l'admettre .
Les mécomptes, en matiere de faits hiſtoriques
, étant d'une moindre conféquence ,
il femble qu'il foit permis de fuivre avec
moins de précaution le Mémoire critique
de M. de Rabaudy contre le témoignage
de Tite-Live , fur la prife de Rome par les
Gaulois , & fur la mort de Regulus . Comme
j'en rendis compte dans la derniere
Séance publique , je me contenterai aujourd'hui
d'ajouter qu'on ne peut préfenter
avec plus de grace , plus d'efprit , plus
de force & plus de vraisemblance , que
fait M. de Rabaudy , fes doutes hiftoriques
fur les deux paffages de Tite - Live , qui ont
fait l'objet de fa Diſſertation .
l'a
M. Soubeiran de Scopon , jaloux de la
gloire dûe à la fidélité d'un témoin oculaire
, nous a fait part de l'épitaphe du dernier
& célébre Duc de Buckingham , qui
vivoit fous Charles II . Il l'a tranfcrite à
Londres , d'après le monument même ;
dans le mois de Septembre 1728. Il a
par-là reftitué la fauffe leçon d'une note
qu'on trouve fur le chant VI . du Poëme
de la Religion . Une erreur à corriger , &
1. Vol.
B
26 MERCURE DE FRANCE.
une vérité à fixer , font toujours des objets
précieux pour l'Académie. 1.
M. le Préfident d'Orbeffan s'eft ouvert
une carrière plus vafte , par fon Hiftoire
de la vie de Lucullus.
Il faut convenir que pour fe frayer une
route nouvelle fur un Héros , l'objet des
recherches de plufieurs anciens & de quelques
modernes , il a franchi heureuſement
les limites de fon titre , par des épiſodes
bien amenés ; il a fait entrer dans fon
fujet un abregé de l'Histoire générale de
Rome , dans les tems orageux de Marius
de Silla & de Cinna ; il a plus fait encore,
il n'a jamais perdu l'occafion de nous inftruire
des coûtumes & des moeurs des Romains
, de leurs ufages & de leurs Loix,
La matiere s'eft ainfi étendue fous fa main;
il a eu l'art de nous dérober la féchereffe
des premieres années de fon Héros.
Dans la premiere partie de l'Hiftoire
de Lucullus , qu'il nous a communiquée ,
cet illuftre Romain ne paroît , fi j'ofe
m'exprimer ainfi , qu'en fous ordre & dans
les emplois fubalternes de Queſteur , d'Edile
, de Préteur & de Gouverneur de
Province. Elle nous laiffe , pour ainfi dire,
à l'aurore des beaux jours & de l'éclat qui
doivent l'accompagner dans fon ConfuDECEMBRE.
1749. 27
lat ; mais graces au nouvel Hiftorien ,
nous voyons le germe de la gloire de Lucullus
fe développer infenfiblement &
par degrés ; nous le fuivons avec efperance
dans fes foibles commencemens , bien
affûrés fur l'annonce d'un Hiftorien judicieux
, de le fuivre avec admiration à la
tête des affaires de la République , dans
fes courfes & fes victoires contre Mitridate
, le plus fier & le plus implacable ennemi
du nom Romain .
Jufqu'ici nous avons applaudi à fa reconnoiffance,&
àfon amitié conftante pour
Silla. Bientôt fans doute , nous applaudirons
à un héroifme plus modéré que celui
du cruel rival de Marius.
Et , ce qui fera un fpectacle encore plus ,
flatteur pour cette Académie, nous le con- .
fidérerons au milieu de cette immenfe Bibliothèque
, où il raffembloit tous les Sçavans
de l'Univers , charmés de fa douceur
& de fa générofité.
Trop heureux , fi nous pouvions fermer
les yeux fur fes dernieres années , tems
pour lui de foibleffe , & pour ainfi dire
d'anéantiffement , tribut humiliant pour
l'humanité.
La France étoit en droit de réclamer.
partie des veilles que M. le Préfident
d'Orbeffan confacroit à l'ancienne Rome
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
& il eft trop bon Citoyen pour n'en pas
entendre la voix. Auffi s'eft-il acquitté
envers fa Patrie , par un elfai fur l'Hiftoire
de France , confidérée par rapport aux révolutions
arrivées dans le Gouvernement
des Gaules , fous fix époques differentes
.
La premiere , depuis le déluge jufqu'aux
conquêtes de Céfar .
La feconde , fous l'Empire Romain.
La troifiéme , fous les Rois Merovingiens
.
La quatrième , fous les Carlovingiens,
Les cinquième & fixième , fous les Rois
de la race de Caper.
Sur la fimple expofition de ce plan , il
eft aifé de fe faire une idée des dégoûts.
que M. le Préfident d'Orbeffan a eus à dévorer
, & des recherches pénibles qu'il a
eues à faire. Il a raffemblé mille autorités
éparfes fur l'origine des Gaulois , leurs
noms , leurs habitations , leurs moeurs
leur Religion & leur Gouvernement : c'eſt
pour ainfi dire apprendre l'Hiftoire de ſa
famille.
2
M. de Rabaudy , en nous communiquant
le Mémoire dans lequel M. let
Chevalier de Clairac cherche à affigner
le nom que portoient autrefois les Ifles
Fromentieres , nous tranfporte dans un
DECEMBRE. 1749 . 29
Pays étrranger ; ces Ifles font dans la Méditerranée
, dans le Golphe de Valence ,
près de l'Ile d'Ivica. Prefque tous les modernes
s'accordent à prendre les Ifles Fromentieres
pour l'ancienne Ophiufa ; mais
deux difficultés ont empêché M. le Chevalier
de Clairac de foufcrire à leur fentiment,
1º. L'Ophiufa eft au Nord d'Ivica , &
certainement les Fromentieres font au
Sad .
2º . Le mot Ophiufa , qui fignifie en
Grec , l'Ile des Serpens , ne convient pas
aux Fromentieres , puifqu'on n'en trouve
aucun dans ces Ifles , & que même fa terre
tranfportée ailleurs les met en fuite , d'où
M. le Chevalier de Clairac conclud avec
affez de vraiſemblance , que les Ifles Fromentieres
ne font pas l'ancienne Ophiufa.
Après avoir détruit , M.. le Chevalier
de Clairac édifie , & il place les Ifles Fromentieres
dans l'ancienne Ebufus , dont
parle Pline , Liv . 3. chap . 11. comme de
deux Ifles que le Pere Hardouin affûre
avoir été feparées par quelque coup de
mer. Il place au contraire Ophiufa dans
les Ifles du mont Colibre , les Grecs ayant
facilement fait Ophiufa de la Colubraria
de Pline , infectée de ferpens au rapport
de Mariana .
B iij
30 MERCURE DE FRANCE. 1.
M. l'Abbé d'Heliot & M. Turle nous
ramenent à l'objet le plus cher de nos
voeux . Ils ont confacré leurs foins à la
gloire particuliere de Toulouſe , l'un en
tirant heureufement à force de travaux ,
de lumieres & de recherches , un illuftre
Toulousain , de l'efpéce d'obfcurité où il
étoit injuftement plongé ; l'autre , par la
continuation des Annales de cette Ville.
M. de la Faille a difcontinué fon ouvrage
à l'année 1611 , & c'eft à cette époque
que M.Turle fait remonter fes recherches
, auxquelles il donne modeftement le
titre de fimple Recueil , que des mains plus
habiles rangeront & refondront pour en
faire un tout hiftorique.
Les évenemens de cette année 1611
font l'avènement de Louis XIII . au Trône
La Ville étoit occupée à exprimer fa joie
à fon nouveau Souverain , lorfque tout à
coup elle paffa à l'extrêmité oppofée , par
la fauffe nouvelle de fa mort . M. d'Òrthiac
, Capitoul , en fut le premier Au
teur ; fa douleur fans doute le trahit , &
l'ayant confiée à l'oreille de quelques Préfidens
du Parlement , elle devint bientôt
publique : notre attachement pour le Monarque
fe fignala en cette occafion ; le deuil
fut général , mais il fut court ; des nouvelles
plus fûres calmerent tous les coeurs.
{
DECEMBRE. 1749. 31
Le Roi nomma cette année M. de Clary
Premier Préfident de ce Parlement , à la
place de M. de Verdun , tranfporté à la
tête du Parlement de Paris : M. de Clary
avoit été auparavant Maître des Requêtes
ordinaire de l'Hôtel .
C'est cette même année 1611 , que la
Ville profita pour la premiere fois de la
grace de l'abonnement des Tailles pour
vingt années ; grace renouvellée depuis
par les foins de Meffieurs les Capitouls :
grace fpéciale pour la Ville , & dont nous
retirons le fruit fans nous en appercevoir,
& peut -être fans la reconnoiffance que
nous devons aux Magiftrats , qui nous la
procurent par leur vigilance.
Ce fut auffi en 1611 , que M. le Prince
de Condé fit fon entrée à Toulouſe . Le
cérémonial de fa réception fut réglé ſur
celui qui avoit été obfervé en 1545 à
l'entrée de M. le Prince d'Enguien : M. de
Paulo , fecond Préfident , accompagné de
vingt-trois Officiers du Parlement , harangua
M. le Prince aux Recollets : Ce
Prince fut enfuite reçu à la porte du Château
par Meffieurs les Capitouls , & conduit
fous un Dais à l'Eglife Saint Etienne ,
où M. Daffis , Prevôt ,
à la tête
du Chapitre.
le reçut
C'eft à faux que les Regiftres de la
Bij
32 MERCURE DE FRANCE.
Ville font mention de l'achevement du
Choeur de l'Eglife de S. Etienne fous cette
année 1611. Il est étonnant de voir une
erreur de cette nature fe gliffer dans les
Regiftres publics . Pour la prévenir , il n'y
avoit qu'à recourir à la pierre de marbre
noir , placée au- deffus de la porte de ce
Choeur , qui fixe la conſommation de cet
ouvrage à l'année 1612. Elle n'a pas échapé
à l'exactitude de M. Catel , dans les
Mémoires du Languedoc.
Les Perfonnes illuftres font portion de
l'Hiftoire de leur Patrie ; c'eft donc une
attention religieufe de fixer exactement
l'époque de leur mort . En 1611 , Touloufe
perdit M. de Bertier , Préfident à Mortier,
qualifié honorablement de fils aîné des
Mufes ; M. Dumey , fçavant Profeff ur en
Médecine , & Dame Roze de Caulet ,
veuve de M. Duranty , Premier Préſident,
la gloire & la honte de cette Ville.
M. l'Abbé d'Heliot n'a pas eu à puifer
dans des fources auffi faciles , pour donner
au Pere Guillaume Bonjour , Religieux
Auguftin , né à Touloufe en 1670 , l'éclat
dont il eft digne. Attiré à Rome par le
Cardinal Noris dès l'année 1695 , le Pere
Bonjour fe fit bientôt une haute réputation
de fçavoir & de piété. Le Pape Clément
XI. T'employa dans plufieurs rencontres
DECEMBRE . 1749. 33
importantes. Le Cardinal Barbarigo lui
confia le Seminaire qu'il établit à Monte-
Fiafcone , fous le titre d'Académie de
faintes Lettres. C'eft- là que le zéle du Pere
Bonjour prit de nouvelles forces : il courut
à la Chine , le Crucifix à la main , pour
y annoncer l'Evangile , & il y mourut dans
la quarante- cinquième année de fon âge ,
au mois de Février 1714.
pro-
Sa mort prouve qu'il puifoit fa gloire
dans la fublimité de fes vûes. La multitude
& le caractére de fes ouvrages en fournit
une nouvelle preuve. Оп y trouve
une érudition vafte , une intelligence profonde
des Livres faints , de l'Histoire
fane des Langues Orientales , & des
principales parties des Mathématiques . La
mort même le furprit fur la Carte de la
Chine, qu'il avoit entreprife, pour le concilier
la bienveillance de l'Empereur , &
pour faciliter l'oeuvre de fon Apoftolat.
,
Les ouvrages du Pere Bonjour confiftent
en partie dans des Differtations imprimées
l'autre partie a refté en manuf
crit.
:
La premiere Differtation roule fur les
foixante-dix femaines de Daniel , l'une
des plus importantes & des plus difficiles
Prophéties touchant les caractéres du
Meffie & le tems de fa venue. Cette ma-
B v
34 MERCURE DEFRANCE ANCE..
tiere difcutée avant l'arrivée de Jefus-
Chrift , & qui fembloit épuifée depuis par
tous les Sçavans , a pourtant fourni au Pere
Bonjour un fyftême nouveau , ingénieux
, fçavant & infiniment heureux. It
dépend de l'ordre & du caractere des femaines
& des années Sabatiques , que le
Pere Bonjour prétend être le calcul propre
& naturel de la Nation Juive , annoncé
& fuivi dans la Prophétie de Daniel .
Voilà le fil mystérieux qui doit conduire.
dans ce dédale facré ; le Pere Bonjour nous
l'a fourni , & pour nous le tranfmettre , il
faut être , commeM. l'Abbé d'Heliot , fçavant
en Ifraël.La profondeur n'ôte pourtant
rien à la clarté ; elle entraîne feulement
une difcuffion étendue , qu'un extrait ne
peut pas comporter.
La feconde Differtation eft encore plus
importante , & renferme un fonds étonnant
de recherches nouvelles dans toute
l'antiquité facrée & prophane ; elle eft
intitulée , de l'Année du déluge univerfel ;
& par la datte , le caractére & la forme de
cette année , le Pere Bonjour régle tous
les tems antérieurs & poftérieurs , & donne
ainfi un fyftême entier de toute la
Chronologie.
La troifiéme Differtation revient aux
tems qui ont précédé le déluge , & remonDECEMBRE
. 1749. 39
tejufqu'à la fource & à l'origine du monde
; elle eft rédigée en forme de dialogue ,
dont les interlocuteurs font , comme les
députés des Nations , forcés de dépoſer
en faveur de la Religion Chrétienne.
Les autres ouvrages du Pere Bonjour
fourniront à M.l'Abbé d'Heliot une moiffon
encore plus abondante . Pourroit - on
trop lui en témoigner notre jufte reconnoiffance
?
pro .
Une autre forte d'ouvrage , dont la
fimplicité apparente dérobe au vulgaire la
difficulté réelle , confifte dans les infcriptions
qu'on met fur les monumens publics .
La Ville de Touloufe ayant trouvé à
pos de donner une forme nouvelle à la porte
de Montgaillard , l'Académie eft entrée
par-là en poffeffion d'un droit que fon éta
bliffement , & fon amour tendre & refpectueux
pour le meilleur des Rois , lui rendoient
infiniment précieux. C'est elle qui
a fixé les deux infcriptions qu'on voit aux
deux côtés de cette porte, & qui énoncent
la diverfité des exploits & des bienfaits
de Louis XV . dans les années 1747 &
1748.
B vi
6 MERCURE DE FRANCE.
****3X+3X +3 + X *X* X*X
T
VUE D'UN COTE AV· *
Endres fleurs , verd gazon que le printems
fait naître ,
Délicieux jardin dont l'éclat éblouit ,
La nature nous offre un fpectacle champêtre ,
Qui me fait oublier l'art qui vous embellit.
Mon oeil découvre au loin une douce colline ,
Emaillée en tous lieux des plus vives couleurs ,
Les prez , les champs , les bois , une onde cryſtal
line ,
Etalent à l'envi leurs plus rares faveurs.
Dans le fond d'un détroit que couvre la montagne,
Vertumne a menagé des treilles , des berceaux ;
La Déefle Jes fleurs , que Zéphire accompagne ,
Y vient prendre le frais à l'ombre des ormeaux.
Un antique Château qui fe perd à ma vûe ,
Orgueilleux monument de la fureur de Mars ,
Eléve fes débris au deffus de la nue ,
Et m'annonce la paix qui détruit fes remparts.
Là Tirfis & Damon , affis au pied d'un chêne ;
Le Coteau deVal-Dante.
DECEMBRE . 1749.
37
Chantent des airs touchans que l'Amour leur fournit
;
Ici c'eſt Corylas , entretenant Ifinéne ;
Et plus loin , c'eft Eglé que Siléne pourfuit.
La jeune Galathée , au bord d'une onde pure ,
Conte un fonge à Lycas , par la Belle inventé :
Le berger délicat que bleffe l'impofture ,
La preffe de changer le fonge en vérité.
Tout lear donne l'exemple : un languiſſant ra
mage
Annonce des oifeaux la flamme & les plaifirs ;
L'amant eſt tranſporté , mais la bergere eft ſage ;
Je l'entens cependant pouffer quelques foupirs.
O ! vous , fexe brillant dont la cour eft l'afile ,
Vous décidez déja que Lycas eft vainqueur.
L'amour ne fe fait pas aux champs , comme à la
Ville.
On n'a pas triomphé dès qu'on attaque un coeur
Mille & mille fermens , les larmes , la tendreffe ,
Préparent les plaifirs que défire un amant ;
Il fupplie , il gémit , il foupire fans ceffe ,
Il n'eft heureux enfin que lorfqu'il eft conftant,
Ceffez , jeunes Muguets , de vanter vos proueffes ;
Votre amour eft un feu qui s'allume au hazard ;
On y répond par des foibleffes ,
Où le coeur n'eut jamais de part.
Sur ce côteau chéri la pure ſympathie
Unit une bergère à fon tendre berger..
5 MERCURE DE FRANCE.
1
Fidéles tous les deux au beau noeud qui les lie
Ils s'aiment fans jamais changer.
Voyez Amaryllis , ſeule dans la prairie ,
Couchée avec fon chien für le tendre gazon ;
Les bergers ne vont point troubler fa réverie ,
Ils refpectent l'amour qu'elle a pour Palemon.
Si quelquefois Atis s'entretient avec elle ,
C'eft pour diffiper fon ennui.
Parlant avec Atis , elle eft toujours fidelle
Elle aime Palemon , & ne penfe qu'à lui.
Tels on nous peint les caractéres
De nos bergeres du vieux tems ;
Toujours tendres , jamais legéres ,
N'ayant qu'un coeur & qu'un amant.
e;
Tels Daphnis & Chloé , ces deux amans fidéles ,
Que chaque jour encor on vante en ce hameau ;
Telles dans nos forêts on voit deux tourterelles
S'aimer toute la vie , & fe fuivre au tombeau .
ZASS
DECEMBRE . 1749. 39
DISCOURS
Qui fut prononcé par M. le Comte de Tref
fan, Lieutenant Général des Armées du Roi,
& Commandant dans la Province du Boulonnois
, le 18 Août dernier , à l'occafion
des Prix que Meffieurs les Syndics de cette
Province donnerent aux Ecoliers du Collége
des PP . de l'Oratoire de Boulogne
& dont ce Seigneur fut prié de faire la
diftribution.
M
pour
"
Effieurs , qu'il eft flatteur moi
de préfider à vos exercices , & de
couronner vos premiers travaux ! Cet honneur
n'eft point attaché au Commandement
ni au grade dont le Roi m'a honoré .
Je puis me flatter aujourd'hui que Meffieurs
les Syndics du Boulonnois , en me
choififfant , n'ont confidéré en moi qu'un
homme plein de zéle pour vos progrès ,
pénétré de tendreffe pour vous , & fidéle
à fon attachement pour cette Province.
Ils ont voulu que ma main répandît
leurs dons ; ils ont crû que celle d'un
homme qui vous aime y joindroit un nouveau
prix. La place que j'occupe dans ce
moment, me répond de celle que j'ai dans
40 MERCURE DE FRANCE.
leur coeur. Je regarde l'honneur que je reçois
, comme la récompenfe du zéle que
ma conduite leur a prouvé . Ils n'exigent
que j'exerce les fonctions publiques de
Citoyen , que parce qu'ils en ont reconnu
en moi tous les fentimens .
Oui , Meffieurs , je regarde le bonheur
de préfider à cette affemblée , comme une
adoption de la Province , auffi honorable
pour moi , que je l'ai vivement défirée :
adoption dont mon coeur fe plaira fans
ceffe à remplir tous les devoirs , & qui
dans ce moment me donne les droits & de
vos Chefs & de vos Peres , pour vous parler
avec tout le zéle d'un véritable compatriote.
Songez , Meffieurs , que dans ce jour où
vous remportez des prix , jufte objet de
votre émulation , vous vous annoncez à la
fociété par un acte qui fait naître des eſpérances
que vous devez remplir.
Prouver aux yeux d'une affemblée refpectable,
que vous fçavez profiter de l'éducation
que vous recevez , c'eft commencer
à mériter le nom de Citoyen ; c'eft attacher
les yeux éclairés fur vous ; c'eſt préparer
les gens en place à protéger votre jeuneſſe.
Il eft des couronnes pour tous les âges ,
pour tous les états , pour tous les talens.
DÉCEMBRE. 1749. 47
Quelquefois celles qui paroiffent les plus
brillantes , ne doivent leur éclat qu'à l'illufion
qui fe répand fur des actions qui
nous étonnent. Il en eft que le feul hazard
nous donne occafion de mériter , & dont
un moment heureux décide . Il en eft d'autres
, & ce font fans doute les plus flatteuſes
, qui ne font dûes qu'à des travaux
affidus , qu'à l'amour de la Patrie & de la
vertu , qu'au défir & aux foins conftans de
fe rendre utile aux autres hommes.
Tout Citoyen doit prétendre à les mériter
, comme tout bon Citoyen doit aimer
à les prodiguer à ceux qui s'en rendent
dignes. Celles qu'on s'eft acquifes, ne doivent
être qu'un nouveau motif pour en acquerir
de nouvelles . On ne couronne aujourd'hui
les travaux de votre enfance
que pour vous rendre dignes d'être couronnés
dans un âge plus avancé. L'efprit
de la Religion , la voix de la fageffe , l'amour
de la véritable gloire , nous difent
également que notre vie n'eft qu'un fonge,
fi tous nos jours ne fout illuftrés & remplis ,
autant qu'ils peuvent l'être , par les travaux
qui font à notre portée.
Penfez donc à mériter un jour , parmi
vos Citoyens , les mêmes diftinctions que
vous méritez aujourd'hui au- deffus de vos
Emules, Profitez de ces années précieufes
42 MERCURE DE FRANCE.
$
où votre coeur & votre efprit , qui n'é .
prouvent encore aucune efpéce de combat
, font pleins d'une aimable innocence ,
& peuvent recevoir facilement d'heureufes
impreffions . Ecoutez la voix de ia fageffe
& de la Religion . Ce n'eft qu'à elles
qu'il appartient de former des grands hommes
, parce que feules elles écartent de
nous ces vices & ces paffions , qui font le
tombeau des talens , & qui anéantiffent
également & l'homme & le Citoyen.
*
Attachez-vous aux principes qu'on vous
donne des Sciences ; foumettez- vous à la
méthode , dont ma tendreffe prévoyante
vous a déja fait fentir la néceffité dans une
de vos affemblées . Les principes & la méthode
peuvent feuls vous ouvrir le Temple
des Mofes , & aflarer vos fuccès.
Ecoutez quelquefois la voix du génie ;
qui commence à fe dévoiler en vous , mais
qu'il ne vous écarte jamais des régles qui .
doivent maîtrifer fes effors . Evitez furtout
une pareffe honteufe dans tous les
âges . C'est ce trifte abbattement de l'ef
prit & de la raifon , qui nous fait flotter
* En 1746 , les Ecoliers du même Collége dédiérent
à M. le Comte de Treffan un exercice
Littéraire , & ce Seigneur prononça à cette occafion
un Difcours fur la méthode qu'on doit fuivre
en étudiant .
DECEMBRE. 1745 1749. 43
incertains entre les vertus & les vices ; qui
nous abaifle toujours au- deffous du rang
qui nous étoit deftiné , & qui fioit par
nous rendre méprifables. Ne regardez
point comme heureux le tems où vous fi
nirez vos études , & où vous perdrez les
leçons fçavantes de vos Profeffeurs , pour
écouter celles du grand monde . Il n'aide
que trop fouvent à nous entretenir dans
les erreurs qui nous flattent. Il en est peu
qui n'ayent des partifans intéreffés à faire
leur éloge. Une partie brillante de la fociété
, plus capable d'imagination que de
raifonnement , plus affujettie à la mode
qu'aux principes , fait fouvent l'apologic
de cette efpéce de pareffe, qu'elle ofe nommer
aimable ; de cette pareffe , qui obéit
aux defirs fans s'attacher à rien , qui ne
combat point une premiere impreffion
agréable , & qui cherche à cueillir des
fleurs fans fçavoir les faire naître , les cultiver
& les choir.
Quelque fauffe que foit cette façon de
penfer , la mode & la molleffe ne la font
que trop fouvent recevoir . On aime à entendre
les Poëtes chanter la pareffe dans
leurs vers ; mais qu'il eft aifé de pénétrer
qu'ils agilfent en fecret contre d'affi faux
principes , & qu'ils paffene des nuits laborieufes
à parer de fleurs cette idole im
44 MERCURE DE FRANCE.
puiſſante & inanimée , qui déshonoreroit
leurs ouvrages , s'ils ofoient en effet s'abandonner
à fon culte !
L'efprit naturel ne peut jamais remplir
les vuides de l'ignorance . Ses éclairs font
éblouiffans , mais ne peuvent éclairer.
L'ufage du monde n'eft point une école
fuffifante pour notre efprit , qui a beſoin
de principes. L'imagination ne nous préfentera
jamais que des idées vagues &
trompeufes , quand la fcience & le jugement
ne pourront l'affujettir & la lier à
des faits. Ce reffort fi néceffaire s'élancera
vainement , quand il ne fera pas guidé &
retenu par une main fçavante.
C'eſt envain que l'amour propre, foutenu
d'un efprit brillant , mais futile , fera
la critique de ceux qui s'attachent aux
loix rigoureufes du raifonnement , de l'a
nalyſe , de la démonftration , & au détail
pénible des expériences. La plaifanterie
la plus legére n'a prefque toujours qu'un
inftant de fortune & de durée . Le travail
précis & folide ne périt point de même.Un
travail de cette espéce eft admis & goûté
par les gens vraiment dignes d'en connottre
le prix. C'est un nouvel ornement ,
une nouvelle richeffe qui fe lie aux connoiffances
des gens eftimables. Il devient
une partie de leur existence , puifque penDECEMBRE.
1749. 45
fer , c'eft exifter , & c'eft ainfi que les
ames d'un ordre élevé communiquent en
tr'elles.
du Quels fruits en effet peut- on efpérer da
plus brillant génie , s'il n'eft orné & re &tifé
par un travail affidu ? Combien n'en
a - t'on pas connu , dont l'aurore annonçoit
les plus grands fuccès , & qui féduits par
les paffions & la molleffe , n'ont mérité
que les regrets de la fociété éclairée , & la
pitié du Sage ! •
Les jours les plus heureux leur étoient
promis ; ils pouvoient les remplir & les
illuftrer. Ils pouvoient efperer d'être aimés
& refpectés dans leurs dernieres années
, comme un Newton , comme un
Fontenelle. Ils auroient vû les plus beaux
génies de leur fiécle honorer leur vieilleffe
, & la rendre heureufe par des hommages
journaliers , mais comme ils n'ont
rien acquis , ils font abandonnés . Ils fentent
toute l'horreur de la folitude. Leur
mémoire s'efface comme les traces dans
l'onde. Vils fardeaux de la terre , enfans
inutiles dans la famille , on s'apperçoit à
peine qu'ils en font retranchés.
Soyez donc vivement perfuadés , Meffieurs,
que c'eft le défir & l'efpoir de vous
rendre véritablement heureux , qui guid
dent les fages qui yous inftruifent. La fain
46 MERCURE DE FRANCE.
le
teté de leur état , leurs études profondes ,
la douceur & la lumiere qui regnent dans
leurs leçons , tout doit vous infpirer la
tendreffe & la confiance , tout vous preffe
de répondre à leurs foins . C'eft par
même défir de nous rendre heureux , que
nos auguftes Monarques ont prodigué
leurs tréfors. Que de monumens de leur
amour pour les Lettres ! Que de foins prévoyans
pour éclairer l'efprit de leurs
fujets !
Nos Rois ont jugé des François par leur
propre coeur. Ils ont penfé avec raiſon ,
que plus ils feroient éclairés , & plus ils
feroient pénétrés d'amour pour eux , d'attachement
à leur fervice . Loin d'interdire
les Sciences , loin de proferire tout
ce qui peut apprendre aux hommes à raifonner
, & à difcuter leurs véritables intérêts
, ces Chefs , ces Maîtres d'une Nation
guerriere & foumife , dignes de regner fur
des hommes , ont protégé tout ce qui pouvoit
contribuer à ennoblir le caractére ,
L'efprit & les moeurs. Ils ont rejetté avec
mépris la cruelle politique de l'Orient ,
parce qu'ils ont fenti qu'ils n'étoient pas
nés pour regner fur des hommes plongés
dans une ignorance ftupide. Pleins de
cette noble confiance , que la feule grandeur
d'ame & la fageffe du gouvernement
DECEMBRE. 1749. 47
peuvent donner , ils ont crû qu'éclairer
les François , c'étoit fe les affujettir ; images
en cela de l'Etre fuprême , qui ne fe
foumet jamais mieux le coeur des hommes
qu'en les éclairant. Auffi l'Empire
François n'a jamais été plus folidemenr
affermi , que depuis que les Sciences y ont
été cultivées , & le Trône ne craint plus
rien depuis qu'il les protége . Les Belles-
Lettres ont reglé le courage fans l'affoiblir ,
adouci nos moeurs fans les énerver . La
barbarie eft bannie de nos Armées, Nos
Rois , en combattant à notre tête , nous
inſpirent l'humanité même au milieu des
plus grands périls , & les plus longues
guerres ne leur font point négliger tout
ce qui peut contribuer à faire fleurir les
Sciences & les Arts.
Heureufe la Nation , qui trouve dans fon
maître le Général qu'elle défire fuivre dans
les combats , le Juge éclairé auquel cile
peut offrir l'hommage & le fruit de fes
études , de fes découvertes & de fes travaux
! Heureux ceux , qui ont le bonheur
d'approcher celui qui nous gouverne ! Ils
apprennent à ne point féparer le bienfaicteur,
du Souverain ; les graces naturelles, de
la majefté du Monarque, & l'efprit brillant
& orné , de la valeur & des qualités fublimes
du Héros.
48 MERCURE DE FRANCE.
张送洗洗洗洗洗洗淡淡洗洗洗選
I
O DE
A M. Ondry, Peintre du Roi,
Ngénieux Oudry , rival de la Nature ,
Je ne puis me laffer d'admirer l'impofture
D'un art où tout m'abufe & me charme à la fois
Par un choix réflechi de teintes differentes ,
La toile eft animée , & de tes mains fçavantes
Naiffent les animaux , les rochers & les bois.
Quelle Divinité , dans ton heureux délire ,
S'empare de tes fens , te poffede & t'infpire !
Phébus t'a- t'il laiffé fon magique pouvoir ?
Aux accens de fa voix tout devenoit mobile :
Au gré de ton pinceau délicat & fertile ,
La couleur eft fenfible , & paroît fe mouvoir.
*X *X
Sous ces lambris * dorés , où la France conferve
Ces travaux immortels qu'Apollon & Minerve
Couronnent à l'envi d'un laurier glorieux ,
Que de fleurs * * & de fruits ! Qui les a fait éclore ?
* L'Académie de Peinture , où font tous les Tableaux
de réception.
** Tableau de réception de M. Oudry,
Ef-ce
DECEMBRE .
49
1749.
Eft- ce Flore , eft- ce Oudry ? Hé quoi ! je doute
encore ;
Faut- il donc les toucher pour détromper mes yeux ,
**
Qui jamais de ton Art connut mieux les fineffes ?
Les Graces , fous tes doigts prodiguant leurs lar
geffes ,
Offrent à nos regards cent chefs - d'oeuvre nouveaux.
Du riant Païfage entr'ouvrant la barriere ,
Tu ne vois loin de toi , dans ta noble carriere ,
Que des admirateurs ou de foibles rivaux.
Quand d'un cerfaux abois tu nous traces l'image ;
Ses yeux mourans , fes pleurs , pour moi ſont un
langage
Qui jette la pitié dans mon coeur attendri ,
Et cette illufion eft fi vive & fi forte ,
Que des chiens acharnés , que la fureur emporte ,
Je vois les mouvemens , j'entens même le cri.
***
Héritier des fecrets du fameux Largiliere , *
Par la force que l'ombre ajoûte à la lumiere ,
Des objets fans relief tu fais fortir les traits.
Dans un vaſte lointain ,qu'enferme un court eſpace,
Son Maître.
1. Vol. C
so MERCURE DE FRANCE.
Ma vûe avec plaifir & s'égare & fe laffe ,
Et dans ton Attelier je parcours les forêts.
***
Le vrai dans tes Tableaux aux ſentimens s'allie,
Ici , par des mâtins une laye affaillie
Repouffe de leurs dents l'impitoyable effort .
De douleur & d'amour quel heureux affemblage !
De les petits épars elle voit le carnage ,
Et femble , en eexxppiirraanntt,, nnee ppllaaiinnddrree que leur mort.
Là , d'un monftre * à qui l'Inde a donné la naiffance
,
Tu peins la maffe énorme , & cette reffemblance ,
Ces replis de fa peau bizarement formés ,
Cette corne , l'effroi d'un ennemi terrible , **
Cet oeil auffi cruel qu'il paroît infenfible ,
Font parler ta Peinture à mes regards charmés.
Pourfui , non pour donner plus d'éclat à ta gloire
Louis fit ton éloge . Au Temple de Mémoire
Son fuffrage à ton nom affûre un beau deſtin .
Acheve d'enrichir , par de nouvelles veilles ,
Ces Palais où les Rois confacrent les merveilles
Des Zeuxis que la France a nourris dans fon fein.
Le Rhinocéros.
** L'Eléphant.
DECEMBRE . 51 1749.
Du Protecteur des Arts , des Princes le modéle ,
Mérite les bienfaits & feconde fon zéle .
Ton génie & ton goût ont décidé ſon choix. *
D'un peuple d'Artiſans dirige l'induftrie ;
Parle , approuve , critique , & que de la Patric
Ils rehauffent la gloire , en écoutant ta voix.
* Le Roi a nommé M. Oudry pour examiner les onvrages
de Tapiflerie des Gobelins. Il eft depuis longsems
Directeur de la Manufacture de Beauvais.
ass is as sèss is as sèsèsèsèèèèèèès
SEANCE PUBLIQUE
Tenue le 12 Août 1749 par l'Académie des
Sciences, Belles- Lettres & Arts de Rouen.
N diftribua les Prix fondés par Mad,
de Marle & par Mad . le Cat , pour
les Eleves de l'Ecole gratuite du deffeing.
Cette Ecole , dit M. de Premagny , fair
toujours de nouveaux progrès . Les Eleves
, au nombre de 180 , fecondent le
zéle du Profeffeur & les vûes de leurs Protecteurs
, par une émulation qui ne fe dément
point , & par des productions qui
nous confirment plus que jamais l'utilité
de cet établiffement , fans lequel les plus
heureux talens ne fe feroient poinc déve
loppés , & qui tire de l'obfcurité des fu-
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
jets que la Nature avoit formés capables
de briller utilement dans la Société , & c.
On diftribua enfuite trois Prix d'Anatomie
, fondés par M. le Cat pour l'Ecole
Chirurgicale , dont il eft Profeffeur.
Projet bien digne de nos éloges , dit
encore M. de Premagny , que d'exciter
auffi les Eleves de Chirurgie par des récompenfes
honorables. La gloire d'être
couronnés publiquement dans une affem
blée , fera pour eux un puiffant motif pour
fe diftinguer à l'envi par leur application
& leur zéle à fe perfectionner dans un
Art dont l'utilité eft fans bornes , & dont
les progrès font de plus en plus la gloire
de notre fiécle , &c.
Voici les noms de ceux qui ont remporté
ces differens Prix , depuis leur fondation
, & que l'on avoit omis d'indiquer
les deux années précédentes .
1747 , Prix du Deffeing , donnés par
Mad, de Marle .
Le premier au Sr J. Baptifte Bonnet , de
Rouen. Le fecond , au Sr J. Baptifte Derrey
, de Rouen.
1748 , Le premier au S. Derrey ; le fecond
, au Sr Bellanger.
Prix de Mad. le Cat , aux Srs Cottiber
& le Bas , tous deux de Rouen.
1749 , Ces quatre Prix ont été donnés
au jugement de l'Académie.
DECEMBRE. 1749. 53
Le premier de la Claffe du Modéle , à
M. Robert String , Gentilhomme Ecoffois.
Le fecond au Sr Louis le Mire , de Rouen.
Le Prix de la Boffe , au Sr Michel l'Evef
que , de Rouen.
Le Prix du Deffeing , à Mlle Ribard ,
de Rouen.
Prix d'Anatomie .
Le premier , au Sr J. Baptifte- Ant. l'Echevin
, d'Auberville , près la Ville d'Eu .
Le ſecond , au Sr Antoine Dufay , Maître
ès Arts de Paris , fils de M. Dufay ,
Membre de cette Académie.
Le troifiéme , au Sr J. Baptifte- Martin
Quefnay , de Lievray , près Lifieux.
Ceux qui ont le plus approché , font les
fieurs Cl. Vaquet , de Honfleur ; Laurent
Beaumont , de Rouen ; Jacques Simon , de
Saint Vallery en Caux. Tous ces Prix font
de belles Médailles d'argent.
M. de Prémagny annonça enfuite le Prix
d'Eloquence que l'Académie doit diſtribuer
le jour de l'Affemblée publique , qui
fera le premier Mardi d'Août 1750. Le
fujet eft , fi l'on est plus heureux d'être né
avec des paffions fortes , qu'avec des paffions
médiocres. Les Difcours feront au plus d'u
ne demie heure de lecture. Les Auteurs
auront foin de les envoyer écrits lifible-
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
ment , avec une devife & les noms fous
une enveloppe cachetée , le port franc &
dans le courant de Mai au plus tard à l'adreffe
de M. de Prémagny , Secretaire de
l'Académie .
Outre ce Prix d'Eloquence que l'Académie
propofe ; pour parcourir fucceffivement
les differentes parties des Belles - Lettres
, conformément aux intentions de fon
Protecteur, elle diftribuera auffi en la même
Affemblée de 1750 le Prix d'Hiftoire de
1748 , qui a été encore remis cette année ,
& celui de Phyfique de 1749 , qu'elle
a auffi crû devoir differer à l'année prochaine.
Le fujet pour l'Hiftoire étoit la fituation
topographique de la nouvelle Neuftrie ou
Normandie , fes bornes , fes Villes , fes
Ports , fes Places fortes & leurs noms lors
de l'invafion des Normands en 912 .
2°. Par rapport à la Religion , s'il n'y
reftoit pas quelques traces du Paganilme ,
des Temples des faux Dieux & des Cérémonies
qui tinffent du culte des Gaulois &
des Romains ; ce dernier article a été touché
trop légerement par les Auteurs des
Mémoires , & l'on défire qu'ils pouffent
plus loin leurs recherches .
Le fujet de Phyſique eft fur les differences
effentielles du foetus comparé à l'adulte &
DECEMBRE . 1749. 39
les ufages particuliers de ces differences . Les
Mémoires que l'Académie a reçûs fur cette
matiere , ont excedé confidérablement les
bornes prefcrites , par le grand nombre de
faits étrangers à la queftion , que l'on a
traitée ; on fouhaite que les Auteurs le fixent
au fujet propofé avec plus de juftelle
& de précifion .
Ces Mémoires feront adreffés à M. Guerin
, Secretaire , dans le mois de Mai , &
fous la forme ci - deffus indiquée . Chacun
de ces trois Prix fera une Médaille d'or de
300 livres , donnée par M. le Duc de Luxembourg.
M. le Cat lut une Préface fort étendue
d'un Livre de fa façon ,intitulé : Phyfiologie,
ou Phyfique du corps humain , confidéré dans
l'état de fanté. Le premier volume de ce
Livre , que M. le Cat annonce , eft imprimé
dès 1739 ; quelques exemplaires de
l'article des fens , faifant partie de ce voume
, ont été publiés en 1740 fous le titre
de Traité des Sens.
Le premier volume de la Phyfiologie de
M. le Cat renferme d'abord les généralités
de la phyfique du corps humain , la nature
& les fonctions des trois puiflances
générales de l'économie animale , les folides
, les liqueurs & les fluides.
L'Auteur entre enfuite dans le détail des
C iiij
56 MERCURE DEFRANCE .
fonctions ; il commence par l'expofition
de la ſtructure des organes, qu'il affecte fur
tout de repréfenter par des figures neuves
& exactes. La fubordination des phénoménes
reglant fa méthode d'enfeigner , il
commence fes leçons détaillées par les organes
& les puiffances qui tiennent le premier
rang dans la machine , en qualité de
principe des fonctions , c'est- à- dire , par
la tête , le cerveau , les nerfs , leur fluide
&c. Il s'étend beaucoup fur ce fluide , principe
du mouvement & du fentiment. Selon
lui , chacune de ces fonctions , le mou
vement & le fentiment , eft due à deux efpeces
de ce fluide , dont l'une , qui coule
dans la cavité des nerfs , produit le mou
vement, & l'autre , qui eft contenue dans les
filieres qui compofent les parois même des
nerfs , eft l'inftrument du fentiment. Il réfute
les diverfes opinions qui tirent ce
fluide fubtil de nos liqueurs, de l'air ou de
la matiere du feu ; il veut que ce foit un
efprit étheré different de toutes ces matietieres
; il l'introduit dans nos liqueurs par
la refpiration , à l'exclufion de l'air qui ly
porte :de là il le fait paffer au cerveau où
il eft filtré , du cerveau il l'envoye dans les
divers organes par les nerfs ; mais , felon
lui , ce fide eft trop uniforme pour la va.
rieté des fonctions aufquelles il eft deftiné ;
DECEMBRE. 1749. 57
il a befoin de recevoir dans les ganglions ,
que M. le Cat regarde avec Lancifi comme
des fubftituts du cerveau , des préparations ,
des alliages qui le rendent propre à certaines
fonctions générales , après quoi les
glandes , fubftituts à leur tour des ganglions
, donnent à ce fluide une troifiéme
préparation proportionnée à chaque fenfation
, à chaque fonction particuliere .
On voit par-là que M. le Cat établit
un nouveau fyftême des glandes , qu'il prétend
n'être point des organes liquoreux ,
des filtres de liqueurs , comme on l'a crû
jufqu'ici , mais des expanfions nerveuſes ,
filtres des efprits , & des efpeces de temples
, où certaines liqueurs déja filtrées , &
le fluide nerveux , s'uniffent pour des fonctions
particulieres . Il prétend avoir dans
les mammelons glanduleux de la langue ,
& dans plufieurs autres , des preuves démonſtratives
de fon fyftême . M. le Car
entre là-deffus dans un grand détail qu'il
faut lire dans fon Livre .
La nature & les efpeces da fluide, organe
du mouvement & du fentiment , étant établies
, M. le Cat expofe leurs fonctions :
il commence par les fenfations , les paffions
, les facultés de l'ame , confidérées du
côté phyfique.
Tout le monde fçait que ces facultés
Cy
·
58 MERCURE DE FRANCE.
s'expliquent ordinairement par des impreffions
ou des traces imprimées dans le cerveau.
M. le Cat eft le premier qui ait rapporté
ces phénoménes aux modifications
du fluide , qui en eft l'organe. Il compare
ce fluide animal à un lac de lumiere , & fes
modifications , qui font les fenfations &
les paffions , aux diverfes couleurs ; il regarde
enfuite ce lac de lumiere comme une
efpece de Caméléon qui peut changer
d'un inftant à l'autre de couleurs , c'eſt àdire
de modifications , de fenfations , de
paffions ; il a foin de faire faire attention
aux Lecteurs, que ce Caméléon n'est qu'un
inftrument de l'ame. Des fimples conjectures
il paffe à des obfervations qui femblent
prouver cette théorie par des faits .
On fe fouvient qu'il y a dix ans que tout
ce que nous annonçons aujourd'hui , eft imprimé.
M. le Cat a donné cet ouvrage à
plufieurs fçavans de l'Europe : ainfi on ne
fera plus étonné , s'il fe trouve quelque
chofe de femblable dans des ouvrages récemment
publiés fur ces matieres. *
Après avoir traité des fens en général ,
M. le Cat defcend aux fens en particulier ;
c'eft cet article que le Public connoît
fous le nom de Traité des Sens , & dont
* Entr'autres dans l'effai phyfique fur l'économie
animale en trois vol. feconde édition , Paris, 1747~
DECEMBRE.
1749. 59
pour cette raiſon nous ue dirons rien. Là
finit le premier volume.
Le fentiment ayant été l'objet principal
de ce premier volume, M. le Cat commence
le fecond par le Traité du mouvement
mufculaire : il explique fon méchaniſme
dans un article , & donne dans un autre
un examen curieux du jeu& de la puiffance
des differens muſcles. De ces généralités
il vient aux fonctions particulieres , en
commençant par celles des vifceres de la
poitrine , la circulation , la refpiration &
tous les phénoménes qui en dépendent.
Ceci formera le fecond volume.
Les organes contenus dans le bas ventre
, leurs fonctions , comme la digeftion
les fecretions , la génération , & tout ce
qui a rapport à cette matiere , compoferont
le troifiéme volume . Les grands rapports
obfervés de tout tems entre le gen-
Le nerveux & l'eftomach , des dépendances
fingulieres que M. le Cat a obfervées
entre cet organe & les facultés de l'ame ,
l'ont engagé à donner après l'article de la
digeftion quelques digreffions qui éle
vent ledit organe un peu au-deffus de la
condition de fac à digerer , à laquelle on
le réduit communément . Par une espece
de fuite de ces principes , il a crû voir
beaucoup de liaiſon entre certaines difpo-
C vj
量60 MERCURE DE FRANCE.
fitions de l'eftomach & le fommeil , l'infomnie
, les fonges , le délire , &c. Ces:
confidérations lui ont fait placer tous ces
fujets après le traité de la digeftion . Ce
troifiéme volume fera terminé par un
Mémoire fur les tempéramens , réſultat de
toute la Phyfiologie ; matiere importante ,
qu'on ne trouve bien traitée , felon M. le
Ĉat , ni dans les anciens , ni dans les modernes
qui les ont tous fuivis. Les Fondateurs
de notre Art , dit M.le Cat , fr refpectables
d'ailleurs pour la pratique & les obfervations,
nous ont donné prefque partout,
en fait de théorie , des effets pour des caufes
, & des mots pour des choſes.
Enfin ce troifiéme volume fera fuivi d'un
quatrième,intulé Phyfiologie comparée. L'objet
de celui- ci eft de mettre en parallele la
ftructure & le méchanifme du corps humain,
avec la ftructure & le méchanifme des
autres êtres vivans, végétaux & animaux de
tous genres . M.le Cat fe propofe d'y déter-.
miner ce qui conftitue les differentes efpeces.
de vie dont chacun d'eux jouit ; la gradation
infenfible de ces efpeces de vie , leur
paffage de la vie végétative à l'animale , le
principe de cette animalité même , & de
ces divers degrés qu'on obferve dans les
differens genres d'animaux qui couvrent
& embelliffent la furface de la terre.
DECEMBRE. 1749. G$
Tel eft le plan de la Phyfiologie de M.
le Cat , expofé dans la premiere partie
de fa Préface. Dans la feconde partie il
rend compte de la façon dont il l'a exécutée .
Nous ne fçaurions le fuivre dans tous ces
ces détails. Ce que nous pouvons en réſumer
, c'eft qu'il s'eft attaché à mettre ces
matieres à la portée de tout le monde ;
qu'il a préferé les caufes phyfiques & même
, quand il n'a pû faire mieux , les con
jectures phyfiques aux caufes finales dont
il combat l'ufage dans l'hiſtoire naturelle ,
avec d'autant plus de force , que la plûpart
de fes argumens font pris du fujet même ,
c'eft- à dire des obfervations & des faits
anatomiques. Le trou oval du foetus eft un
de ces faits cités par M. le Cat. Il prétend
qu'on n'a jamais traité cette matiere en
Phyficien , parce qu'on l'a toujours regardée
de côté de fa fin prétendue , & non
du côté de fa véritable caufe ; il efpere faire
voir que cette fameufe communication ,
dont on a fait tant d'honneur à la nature ,
n'eft qu'une imperfection des organes de
la circulation , non encore formés , & que
toutes les fingularités du foetus ne font de
même que des gradations de la formation
de l'animal , des efpeces d'échafaudages de
fa conftruction , qu'il n'eft pas impoffible
d'expliquer phyfiquement.
32 MERCURE DE FRANCE.
M. l'Abbé Yart lut enfuite un Difcours
fur l'Apologue : il remonta à l'origine de
ce Poëme , il en expliqua la nature & les
qualités effentielles , & après avoir porté
fon jugement fur les principaux Fabuliftes,
il montra quels font les perfonnages qui
doivent entrer dans les Fables , & comment
ils y doivent agir & parler.
A ces deux lectures fuccéda celle d'un
Mémoire de M. Guerin fur la ftructure &
le méchaniſme du Globe terreftre , à l'occafion
de quelques faits d'hiftoire naturelle ,
obfervés aux environs de Rouen .
L'Académie , établie en cette Ville , s'eft
propofée, fur tout , l'étude de l'hiftoire naturelle
de la Province . La portion du Globe
que nous habitons , dit M. Guérin , n'eſt
pas moins abondante en merveilles que le
refte de la Terre. Il le prouve par un détail
de ce qu'on y trouve de fingulier dans
les trois regnes : il appuye davantage fur
un dernier fait qu'il a obfervé , c'eft une
carriere dont toutes les couches viſibles du
dehors font rompues & délitées . Entre les
fractures il s'eft formé une pierre dont la
ftructure est toute differente de celle de la
carriere . Elle eft compofée de plufieurs
feuilles , pofées les unes fur les autres ,
dont quelques-unes confervent entre elles
des intervalles de plus d'une ligne ; ces
DECEMBRE. 1749. 63
feuilles ont leurs adhérences à la pierre naturelle
de la carriere , elles en rempliffent
les fractures , & ont toutes une pofition
horifontale .. •
Cette carriere eft dans le voisinage d'une
vallée , où l'on trouve une autre pierre
finguliere , dont il eft parlé dans un Mémoire
de M. Guérin , rapporté dans un de
nos Journaux de l'année derniere ; c'eft un
feul lit de pierre de l'épaiffeur de quatre
ou cinq pieds , compofé de toutes fortes
de matieres , & appuyé fur un bourbier
dont on ne peut trouver le fond.
ques
M. Guérin donna l'année derniere fes
conjectures fur la formation de cette pierre.
Il nous donne encore cette année quelobfervations
fur cette lifiere de côreaux
qui bordent d'un côté la Seine ; il
femble , dit-il , que les roches de Saint
Adrian ( c'eft un village à une lieue de
Rouen ) ayent fervi de digue à la mer par
les fillonnemens qu'on y remarque . Elles
font appuyées fur une couche de fable de
mer , mêlé de fer pur : c'eft vrai -femblablement
, dit- il , fur ce fable que coulent nos
eaux minérales , & d'où elles tirent leur
qualité ferrugineufe ...
Par rapport à la pierre feuilletée , dont il
eft parlé ci- deffus , la premiere vûe qui fe
préfente à l'efprit du Phyficien , c'eft qu'el
34 MERCURE DE FRANCE.
le a été formée depuis celle de la carriere
où elle fe trouve , & d'une maniere differente.
Ces fortes de faits ne font pourtant
, dit M. G. que des accidens qui ne
font point des exceptions réelles au méchanifme
général de notre Globe : la difficulté
eft de trouver dans ce méchanifme
les caufes immédiates de ces fingularités ;
les raifons qu'on donne , fe reffentent tou
jours de la théorie qu'on a adoptée.
Celle d'Epicure ne paroît pas être da
goût de M. G. Il rejette même une partie
de celle de Descartes . Les Atônres du premier
ont une figure déterminée , mais ils
n'obfervent point de regles conftantes dans
leurs mouvemens. Les Elémens de Defcartes
ont des mouvemens reglés , mais leur
forme eft trop fujette au changement ; de
ceux- ci il ne doit naître rien de ftable &
de permanent , ceux- là ne doivent rien
produire que de bizarre.

M. G. penfe que la ftructure toute méchanique
de notre Globe fuffit feule pour
en expliquer les phénoménes , fans avoir
recours à des fuppofitions imaginaires ou
à des caufes arbitraires : c'eft ce qu'il effaye
fur les faits rapportés dans le Mmoire &
fur plufieurs autres.
Il finit , en établiffant une diftinction.
réelle entre l'ordre phyfique & l'ordre
DECEMBRE . 1749 . 6.5
moral , qui fe trouvent confondus dans le
fyftême de quelques Philofophes. La fubftance
matérielle , dit- il , reçoit fes déterminations
, la fubftance intelligente fe
donne les fiennes : la premiere , purement
paffive , a des mouvemens fucceffifs & invariables
; la feconde , quoique foumiſe à
l'impreffion des objets extérieurs & à celle
des paffions , qui font les forces mouvantes
du fyftême humain , trouve cependant
dans la raifon le pouvoir d'en régler les
mouvemens , & d'en varier les déterminations,
De- là , la fauffeté du Paradoxe avanpar
M. Leibnitz , que la vie de l'hom
me n'eft qu'une courbe continue & régu
liere, dont les variétés ne font que les plis,
les noeuds , les rebrouffemens de cette mê
me courbe.

Le quatriéme Mémoire qui fut lû , eft
de M. Maillet du Boulley , Adjoint de l'Académie
, & il contient des réfléxions fur
l'efpece de Poëme Dramatique , improprement
appellé Comique larmoyant : voici
l'extrait de ce Mémoire.
Ce Dramatique n'eft point nouveau .
Térence parmi les anciens , & plufieurs
modernes du dernier fiècle , en ont fait
ufage . M. de la Chauffée l'a développé , l'a
enrichi , & a fait l'objet principal de
fes piéces , de ce qui n'entroit que com66
MERCURE DE FRANCE.
me acceffoire dans celles qui l'avoient précedé.
C'eft avec raifon , puifque ce genre
eft néceffaire & utile.
Il est néceffaire , patce qu'il peint d'après
notre coeur des tableaux reffemblans ,
qui ne font point l'objet des autres Dramatiques.
Cela fe prouve en le comparant
avec eux , d'abord avec la Tragédie & le
Comique burlesque qui lui font le plus oppofés
, enfuite avec le haut Comique , qui
en approche davantage , quoiqu'il en foit
téellement different.
Il fait de la comparaifon du Dramatique
dont il s'agit , avec la Tragédie & le
Comique burlefque.
1. Qu'il peint des paffions , des vertus
& des vices ; pris dans le coeur humain , &
que ces dramatiques ne repréfentent point.
Les paffions tragiques font des paffions
violentes , portées jufqu'à l'excès , foit en
bien , foit en mal ; les paffions comiques
font celles qui peuvent être fufceptibles de
ridicule ; les paffions tendres , qui ne font
qu'en fecond dans ces deux dramatiques ,
& qui n'y doivent être admifes que pour
donner lieu à celles qui leur font propres,
font l'objet principal de celui qui fait le
fujet de ces réflexions.
Les vertus que peint la Tragédie , font
des vertus héroiques plus qu'humaines . La
DECEMBRE. 1749 . 67
Comédie ne peint point directement la
vertu , elle n'y entre que comme acceffoire
, pour contrafter avec le ridicule . Ces
fortes de vertus font ordinairement froides
, & peuvent être regardées comme des
exemptions de certains vices groffiers , plutôt
que comme des vertus . Celles du troifiéme
Dramatique font des vertus de fentiment
, attendriffantes & touchantes . Voilà
ce qui les diftingue .
Les vices tragiques font des crimes ; les
vices comiques des ridicules & des baffeffes
; les vices que peint le troifiéme Dra
matique , font ordinairement des foiblef
fes & des vices , proprement dits.
و
2°.Ce Dramatique peint differemment ,
& fous un autre point de vue , les paffions
les vertus & les vices , qui lui font communs
avec les autres . Une comparaifon de Mérope
& de l'Ecole des Meres fait voir que
l'amour maternel , paffion commune à tou
tes les deux , eft l'objet principal de la derniere
& ne l'est pas de la premiere ; en un
mot, qu'elle eft traitée fort differemment
dans l'une & dans l'autre . Il fait voir de même
que les vertus & les vices , communs à
ces trois Dramatiques, font repréfentés par
chacun d'eux fous un point de vue qui lui
eft propre.
3º . Ils font chacun la peinture d'une ef68
MERCURE DE FRANCE.
pece d'hommes particuliere. La Tragédie
nous peint des Héros . La Comédie des ridicules
& des infenfés. Le troifiéme Dramatique,
des hommes polis par l'éducation
& par l'ufage du monde , dont les vertus
font modeftes , & dont les vices fe montrent
avec décence ; tels font la plupart des
Spectateurs du Théatre. Cela fe prouve
par des exemples tirés de ces differens Dramatiques.
4°. Leurs impreffions fur les Spectateurs
ne font pas les mêmes. Celles du Comique
ne paffent pas l'efprit ; celles du Tragique
font l'admiration , l'horreur , la pitié.
Celle du troifiéme Dramatique , eft un
certain attendriffement qui n'eft point
toujours compaffion , & qui eft l'effet de
la vûe de la vertu , ornée de tous fes char
mes , & des fentimens qui intéreffent l'humanité
, heureuſement exprimés , fpectacle
auquel nous ne pouvons être infenfibles .
Ce Dramatique excite cet attendriffement
par excellence & par nature .
M. M. le compare enfuite avec le haut
Comique , & d'abord il fait voir ce qui
diftingue ce dernier du Comique burlef
que , par la comparaifon du Mifantrope
& du Grondeur . Le Ridicule eft tou
jours l'objet de tous les deux ; mais c'eft
on Ridicule bien plus fin & plus délicat
dans l'un que dans l'autre.
DECEMBRE, 1749. 69
Après avoir défini le haut Comique , il
fait voir que malgré la reffemblance de
leurs Acteurs , il differe du troifiéme Dramatique
, en ce que fon objet principal
eft le Ridicule , fin & délicat , & qu'il
peint les vertus touchantes , feulement
lorfqu'il le trouve qu'elles font les contraftes
de ce Ridicule. Au contraire , le
troifiéme Dramatique a pour objet principal
les vertus touchantes , & peint les Ri
dicules fins & délicats , quand ils en font
des contraires. Leurs objets principaux font
donc fort fort differens. Mélanide & le
Milantrope font deux exemples de ces
deux genres dépouillés de leurs acceffoires
, & qu'on ne peut plus confondre enfemble.
L'utilité de ce Dramatique fe prouve
par les avantages.
1º. Son étendue n'eft point auffi peu
confidérable qu'on l'a prétendu , elle n'a
point d'autres bornes que les paffions qui
agitent tous les jours la fociété. M. M. indique
les routes qu'on a prifes , & qu'on
peut prendre pour l'enrichir.
2º . Les plaifirs qu'il nous procure , font
très . purs ; ils font caufés par les charmes
qu'ont pour nos coeurs la vertu & les fentimens
qui intéreffent l'humanité , bien
peints & bien exprimés,

0 MERCURE DE FRANCE.
3. Les inftructions qu'il nous donne ,
tombent fur des vertus & des vices , plus
communs que ceux qui font l'objet de la
Tragédie & de la Comédie. Elles font pratiques
, générales , puiffantes ; trois grands
avantages de ce Dramatique.
4°. Il eſt exempt des dangers qui fe glif
fent dans les autres Dramatiques. Les vertus
que peint la Tragédie ,font quelquefois
Pouvrage de l'orgueil & de la fortune ;
elle peut nous enfler , au lieu de nous élever
les vertus du troifiéme Dramatique ,
grandes par elles - mêmes , gagnent à être
approfondies. La Comédie flatte notre
malignité , fes plaifanteries peuvent ſe
changer en licences dangereufes pour les
moeurs le troifiéme Dramatique n'a aucun
de ces dangers.
Ayant prouvé qu'il eft néceffaire & utile
, on ne peut donc lui conteſter ſon mérite
, ni le droit de plaire à jufte titre aux
coeurs fenfibles à fes charmes .
M. l'Abbé Fontaine termina la Séance
par la lecture du Poëme fuivant,
DECEMBRE . 1749. 71
A MELI E. ( a )
POEME PASTORAL.
Ur ces tranquilles bords , qu'ombragent ces org
Sur meaux ,
Pour la Nymphe Amelie enflons nos chalumeaux,
Chantons , & que nos vers foient dignes d'Ame
lie ;
Sa présence à nos voeux embellir la Neuftric.
Des filles d'Apollon Amelie eft la foeur ; (b)
Ce climat lui devra fa gloire & fon bonheur.
Reine de nos hameaux , par les foins de Philéne (c );
Cette Nymphe amenée aux rives de la Seine ,
Fonde fon doux empire en cet heureux canton ;
Son regne nous promet le regne d'Apollon.
Laiffons- là nos troupeaux , nos bois & nos chau
mieres ;
Ne dois-je donc chanter que les humbles bruyeres
Si de toi quelquefois mes vers font approuvés ,
O Pan , infpire-moi des chants plus élevés !
Dis-moi quel aftre heureux , fous les loix d'Ame❤
lie ,
(a) L'Académie perfonifiée fous le nom d'Amelie.
(b) Les Académies de l'Europe,
( c ) Etablissement de l'Académie , par les foins de
M. de Cid....
72 MERCURE DE FRANCE.
Change cette contrée en nouvelle Arcadie . ( a)
De ton aveu je vais réveler des fecrets ,
Que n'a jamais appris l'écho de nos forêts.
Mufes , vous le fçavez. Dans ce charmant
azile (b) ,
Da vient parmi les lys paître l'agneau tran
quile (c),
Nos Bergers d'Amelie amuſent le loifir ;
L'espoir le plus flatteur anime leur defir .
Chacun de fon talent lui fait un tendre hom
mage (d) ;
Leur gloire eft de pouvoir obtenir fon fuffrage.
Elle aime les chanfons & les vers d'Alcidon ,
Les préfens de Tircis , les entretiens d'Egon,
Egon , inftruit dans l'art des Bergers d'Arabie
De nos aftres connoît la diſtance infinie (e) .
Il fçait quel eft le cours & l'ordre harmonieux
De ces globes errans fous la voûte des Cieux ,
Et comment le Soleil dans le centre du monde
Anime l'univers d'une chaleur féconde ,
Dans un ordre conftant ramene les faifons ,
(a) L'Académie des Crefcenti à Rome , porte lenom
d'Arcadie.
(b) L'Hôtel- de-Ville,
(c) Allufion aux Armes de la Ville,
(d) Séances Académiques,
(e) Aftronomie,
Reverdi
DECEMBRE . 1749 .
73
Keverdit nos côteaux & mûrit nos moiffons ;
Des vapeurs qu'il attire il forme les nuages ,
Qui retombent bientôt en fertiles orages ;
De climats en climats par les vents apportés
Ils humectent nos champs dans les brûlans Etés.
O Cérès ! Nos moiffons en font plus abondantes ,
Nos ombrages plus frais , & nos fleurs plus bril
lantes ;
De ces fleurs nous parons le Temple d'Apollon.
Sophie en vint un jour cueillir dans ce vallon (a) ;
Elle chantoit alors des vers pour Amélie.
Amelie applaudit , & couronna Sophie ;
L'Amour vint à fa voix s'affeoir ſur nos gazons
Faune , dans une grotte écoutant ſes chansons ,
Soupira de plaifir , & la Seine attentive
Fit couler lentement fon onde fugitive.
Damon prit fa mufette & chanta les plaiſirs (6)
Dont la Paix de retour a comblé nos defirs :
Doux bienfaits d'un Héros , l'objet de nos hommages
,
Le vainqueur des lions , l'amour de nos bocages ,
L'éloquent Licidas célébra nos ayeux (c) ,
Que leurs heureux travaux ont mis au rang
Dieux ,
des
Qui , ſans la ravager par le meurtre & la guerre ;
(a ) Madame du Bocage.
(b) Poësie.
(c) Eloquence.
1. Vol. D
74 MERCURE DE FRANCE ,

Ont fait notre bonheur en cultivant la terre .
'Amelie écoutoit , quand Mirtil de retour
De fes difcours fçavans l'entretint à ſon tour ( a) .
Sources des claires eaux , qui baignent nos val❤
lées ,
Les frímats , dit Mirtil , les vapeurs raffemblées ,
Diftillent du fommet de nos monts orgueilleux
L'eau dans les cavités de ces rocs fourcilleux
Se trace lentement des routes incertaines ,
C
Et du pied des rochers fait couler nos fontaines,
Encor foibles ruiffeaux aux détours tortueux ,
Et dans leur cours bientôt fleuves majestueux ,
Leur pente les ramene au fein des mers profondes,
Pour groffit les vapeurs qui s'élevent des ondes ;
De la terre & des Cieux tel eft l'heureux accord.
Dans les fages difcours Mirtil explique encor
Le mouvement des corps & leur caufe premiere ,
La pefanteur de l'air , l'efpace , la lumiere (6 ).
O fubtile lumiere ! à nos yeux enchantés
Atis a découvert tes céleftes beautés .
C'étoit dans cette grotte à Palés confacrée ;
Le feuillage d'un lierre en ombrage l'entrée ;
Un defir curieux vers l'antre nous conduit.
Atis perçant alors la voûte du réduit ,
Dans le fond ténébreux de la grotte fauvage
(a) Physique.
(b) Phylique expérimentale.
DECEMBRE.
1749. 75
Aux rayons du Soleil donne un étroit paſſage ;
Un criſtal (a) dans les mains de ce Berger adroit
Divife en fept couleurs le rayon qu'il reçoit ,
Phénoméne brillant , fecret de la Nature ,
Qui furprit nos regards dans cette grotte obfcure;
L'arc d'Iris eft orné de ces vives couleurs ,
Et le printems n'a point tant d'éclat dans fes
fleurs.
Les rayons
réunis forment cette lumiere ,
Qui dans les airs femée , éclatante pouffiere ,
Luit , vole & fe répand fur les objets divers ,
Et fait tout l'ornement de ce vafte univers.
Rival d'Atis, Lycas par des lignes qu'il trace (b )
D'un terrain éloigné mefure la furface ;
Il décrit ces climats fi long- tems ignorés ,
De notre continent par les mers féparés ,
Et de faits curieux Mopfe ornant ſa mémoire (¿) ;
De nos premiers Pafteurs nous raconte l'hiſtoire.
Mais pourrois-je oublier le plus charmant des
Arts ,
Qui fouvent d'Amelie occupe les regards
Tircis a deffiné pour elle un payſage (d) ;
(a ) Prifme .
(b) Géométrie & Géographie.
(c) Hiftoire & Mythologie.
(d) Peinture.
1
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
De l'aimable Nature on le croiroit l'ouvrage ;
On y voit des troupeaux près d'un hameau paiffans
;
Le tygre & le chevreuil fur l'herbe bondiſſans ;
Des vendangeurs plus loin , qui de grappes ver
meilles
Dépouillent les farmens , & chargent leurs corbeilles.
Sous un faule un Berger , plus beau qu'Endimion ,
Dans des liens de fleurs enchaînant un lion ,
A fes jeux innocens rend l'animal docile . -
Affife près de lui , fa bergere tranquille
Careffe un tendre agneau qui dans les bras s'endort.
Tout charme en ce deffeing , tout peint le fiécle
d'or.
De ce fiécle vanté cette riante image
D'un bonheur plus réel eft fans doute un prée
fage.
Vous pouvez , Amelie , enrichir nos hameaux ,
Dans leurs progrès naiſſans illuſtrer nos travaux.
Etablis fous vos loix vous les rendrez utiles (ā) ;
Nos champs mieux cultivés en feront plus fertiles.
Ce doux espoir du moins doit combler nos neveux
.
(a) Ecole de Deffeing & de Mathématiques
DECEMBRE. 1749. 77
Déja même Pomone , attentive à nos voeux ,
D'un printems plus orné fecondant les promeffes ,
Par de nouveaux préfens augmenté fes largeffes.
Au pied d'un mont , où
rain ,
regne un air pur & fe-
Maris de plans divers embellit un terrain ( a ) .
C'eſt là qu'on voit des fruits & des fleurs étrane
geres ,
Qui jamais n'ont paré le front de nos bergeres.
De la riche Nature ornemens précieux ,
Des plus lointains climats apportés en ces lieux
A leur afpect charmant l'Aurore matinale
Croit parcourir encor la rive orientale .
A l'ombre du palmier & des myrthes fleuris ,
Elle cherche Céphale , & ne voit que Moris
Qui dès l'aube occupé dans ce lieu folitaire ,
Cultive l'arbriffeau , la plante falutaire (6) ,
Dont les fucs préparés , remédes à nos maux ,
Des perfides poiſons guériffent nos troupeaux.
Mais fur ces bords fleuris quel triomphe s'ap
prête !
D'Amelie en ce jour on célébre la fête (c) :
De fons mélodieux l'écho frappe les airs.
Je cours mêler ma voix au bruit de ces concerts.
(a ) Le Jardin des Plantes.
(b) Botanique.
(c) Séance publique.
Diij
78 MERCURE DE FRANCE:
CATD7D7D7D7DVAVAYAVASAVA
RETOUR de l'homme vers Dieu , après
avoir connu la vanité du fiècle.
Loin de la Cité fainte ,
Où m'entraînent , Seigneur , mes longs égaremens
?
Temple facré , témoin de mes pieux fermens
Jadis dans ton augufte enceinte ,
Tu me vis plein d'ardeur au pied de fon Autel ,
L'encenfoir à la main , adorer l'Immortel.
Là , dédaignant les vanités du monde ,
Mon coeur ne s'occupoit qu'à chanter tes bienfaits
,
Grand Dieu ! qu'une folide paix

Enyvroit tous mes fens de fa douceur profonde
Mais bientôt , je ne fçais quelle fubite erreur
Ou -plutôt quel démon , jaloux de mon bonheur ,
Tel qu'on voit un lion que la fureur anime ,
Trace par tout l'image du trépas.
Cherchant à dévorer une foible victime ,
A travers les dangers il dirige mes pas.
Depuis , Seigneur , qu'à ta voix infidelle
J'ai brigué des humains les vains enchantemens ,
Loin de ta maiſon paternelle ,
J'ai vu couler mes jours dans les gémiffemens
repos fur la terre Eft -il du
DECEMBRE. 1749. 79
Pour un malheureux qui te fuit ?
Egaré , chancelant , avec foi- même en guerre ,
Il marche à pas tremblans dans une affreuſe nuit.
Et des ris & des jeux le tendre badinage
M'offroit du fiécle une agréable image ;
Sous l'appas féduifant de fes plaifirs trompeurs ,
Le monde cachoit fes horreurs ;
Il me fit éprouver fon pouvoir tyrannique ;
Ses charmes inconnus , phantôme chimerique ,
Captiverent bientôt mes efprits enchantés .
Convaincu du néant de ces biens trop vantés ,
Mon coeur enfin s'y rend inacceffible :
Aux douceurs de ta Loi pour me rendre fenfible ;
Pour m'attacher à toi déformais fans retour ,
Par un excès d'amour ,
Tu le permis, grand Dieu ! qu'inftruit de leurs
maximes ,
Témoin de leur aveuglement ,
J'appriffe des humains à détefter leurs crimes.
J'ai vû , furpris d'étonnement ,
Ces froides voluptés , ces vanités frivoles ,
Des mortels infenfés pitoyables idoles ;
J'ai vu la folle ambition ,
La fordide avarice , & la fiere opulence ,
Et la jaloufe envie , & la molle indolence ,
Fouler aux pieds les loix de la Religion.
Ici , d'une odieufe flamme
Brillant d'éteindre les ardeurs
Diiij
So MERCURE DEFRANCE.
Au milieu des foupirs & des fades langueurs
Plein de fougue , l'amour infame ,
Tel qu'un torrent impétueux ,
Entraîne le voluptueux.
Mais
que de ces plaifirs la douceur paffager
Bientôt s'évanouit !
Ainfi qu'une vapeur legére ,
Un inftant la voit naître , un inftant la détruit.
Que de longs & d'affreux fupplices
Succéderont à ces courtes délices !
Là,toujours dans le trouble & l'agitation ,
Pour affûrer fon ufurpation ,
L'ambitieux , au gré de fon caprice ,
Immole fes rivaux ;
Croiffans avec les biens , fruits de fon injuftice ,
Ses defirs inquiets en briguent de nouveaux.
Pour s'enrichir aux dépens du pupile,
Il fait jouer mille fecrets refforts ;
Dans la nuit du tombeau fon tréfot inutile
Defcendra- t'il avec lui chez les morts ?
Yvre de fa grandeur , l'orgueilleufe nobleffe ,
Semble braver les mortels & les Dieux .
Du Philofophe altier la captieuſe adreſſe ,
Dans fes difcours pernicieux
Infinuant un dangereux fyftême ,
Voudroit anéantir la Divinité même.
Tout fier de fes déréglemens ,
L'audacieux impie
S'abandonne aux emportemens
DECEMBRE. 1749. SI
Qu'enfante fa folie.
Il ne fuit que fa paffion :
Sur fes pas forcenés marche l'affreux ſcandale ,
Et fa fureur brutale
Porte dans le lieu faint l'abomination .
De la vertu le regne expire ,
Et le vice par tout voit croître fon empire.
Echappé du fond des enfers ,
Le pere du menfonge , habile en impofture ,
De fon poifon mortel infecte la Nature ,
Et fa contagion défole l'Univers .
Le fafte fourcilleux , la fombre hypocrifie ,
L'odieux attentat , la noire perfidię ,
Les impofteurs , les fourbes , les ingrats &
S'offrent à chaque pás.
Le frere ofe égorger fon frere ,
Le fils dans fa fureur
Plonge un fer meurtrier dans le fein de fon pere ,
Quel prodige d'horreur !
Que je fens à ces traits de dégoût pour le monde !
Cette mer orageuſe , en naufrages féconde ,
A de frêles Vaiffeaux préfente mille écueils ,
Et cache fous les flots de funeftes cercueils.
A ces tempêtes redoutables ,
A tant d'abimes effroyables
Que pourroit oppoſer un impuiffant effort
Trop de malheurs , hélas ! me prouvent ma foiblefe
;
Dv
82 MERCURE DE FRANCE
Je fuis dans le néant prêt à rentrer fans ceffe.
Ton bras qui me foutient , peut me conduire au
Port ;
Seigneur , augmente en moi ce généreux cou
rage ,
Que fa bonté fait naître dans mon coeur.
Tu m'as fait triompher du monde & de l'erreur ,
Acheve ton ouvrage ;
Pénétre-moi de faints tranfports ;
Que pour moi déformais ta loi feule ait des char¬
mes.
Sur mes iniquités tu vois couler mes larmes ,
Pourrois- tu rejetter mes fincéres remords ?
-Je fuis cette brebis , l'objet de ta clémence ,
Cè prodigue contrit , profterné devant toi.
Si ma douleur ne peut effacer mon offenſe ,
Le Sang de J. C. coule à grands flots pour moi
Ce fpectacle touchant défarme ta colére ;
Sur moi déja tu répands tes bienfaits.
Sûr de ton fecours falutaire ,
De Babylone déſormais
Jamais la coupe enchantereffe
N'enyvrera mes fens :
Que ne puis je , animé d'une douce allégreffe ,
Offrir à l'Eternel un agréable encens !
Sages mortels , qui dans un faint azile
Jouiffant d'un repos tranquile ,
Coulez vos heureux jours ,
2
DECEMBRE. 1749. 83
Que ne puis-je avec vous m'enfermer pour tou
jours !
Par l'Abbé Guichard , de Senlis.
SOL SOL SOL SOL SOL SOL SOL 506 506 :300 500 500 500 500
.
LETTRE
A Meffieurs les Directeurs de la Compagnie
des Indes , par M. Mopillier , l'aîné , autrefois
Chirurgien des Hôpitaux du Roi ;
ancien Chirurgien- Major de la Compagnie
des Indes , & Chirurgien Juré , reçû à
Paris , demeurant à Angers.
M Effieurs , un grand nombre d'Officiers
& de Matelots qui ont fervi
dernierement, & qui fervent actuellement
La Compagnie , m'ont affûré que le fcorbut
& la dyffenterie ravageoient pour l'or
dinaire les équipages ; qu'on ne s'eft
point apperçu qu'il y eût eu aucune diminution
dans leurs fymptômes ; qu'au contraire
ces dernieres Campagnes qui ont
été un peu longues , & dont les équipages.
ont fouffert , foit par les alimens , foit par
les fatigues , en ont été très - mal traités ,
& qu'il en eft beaucoup mort de ces maladies.
C'est ce qui fait que je prends la liberté
, Meffieurs , de vous remettre lous
D vj
84 MERCURE DE FRANCE :
les yeux le projet que je vous adreffai , il
y a plus de trois ans , après y avoir fair
quelques changemens , afin d'en tirer le
parti le plus convenable qu'il vous plaira ,
relativement aux intérêts de la Com
pagnie.
PROJET.
Meffieurs , la défolation que caufent le
fcorbut & les dyffenteries dans les Vaiffeaux
de la Compagnie des Indes , & dont
j'ai été témoin , m'a touché de compaffion
, & a fçu fixer toutes mes attentions
pour combattre ces deux fleaux de la mer ,
car qui eft- ce qui ne tremblera pas d'horreur
, en voyant ce que j'ai vu , étant
à l'Ile Maurice dans la grande mer des
Indes , en 1734 , dans le Vaiffeau le
Comte de Maurepas ? L'Atalante y arriva
venant de France ; il avoit perdu plus
des trois quarts de fon équipage , tous
péris fcorbutiques & dyffenteriques, dans
quatre mois de trajet , & il ne reftoit plus
que quinze à dix-huit hommes de tout
l'équipage , dont 9 ou 10 furent defcendus
à terre , pourris de fcorbut , ou confumés
de dyffenteries , & reffemblans plutôt
à des fimulacres qu'à des hommes , dont
la moitié périt peu de tems après.
DECEMBRE . 1749 & ;
N'ai- je pas vû la même calamité aux côtes
d'Afrique & d'Afie ?
Après un fpectacle fi effrayant , qui
eft-ce qui n'apprehendera pas la mer ? Je
puis dire que c'eft le principal motif qui
m'a fait abandonner la navigation , në
connoiffant point pour lors les fpécifiques
à ces dangereufes maladies. Il est vrai
que l'Etat -Major y eft rarement fujet ,
quoiqu'il n'en foit pas exempt , parce
qu'on eft quelquefois obligé d'y manger
des viandes falées , du biſcuit vermoulu ,
& de boire des eaux corrompues & putré
fiées , alimens ordinaires des pauvres ma
tefots & foldats ; mais l'humanité veur
qu'on préfere le tout à la partie.
Puifque les befoins de la fociété , &
F'ambition , expofent continuellement les
hommes à parcourir les mers , foit pour
contenter la fenfualité des uns ou le luxe
des autres , il eft d'une conféquence infinie
de les garantir des maladies , prefque toujours
mortelles , qui regnent fur cet élement
, puifqu'on ne peut les préferver des
ouragans & des naufrages , malheureufement
trop fréquens , & par lefquels
néanmoins i périt infiniment moins
d'hommes , que par les maladies dont j'ai
précedemment parlé. Au moins la philan
86 MERCURE DE FRANCE,
tropie nous engage- t'elle à chercher les
moyens de les foulager .
Par toutes ces confidérations j'ai cherché
les caufes du fcorbut dans les diverfes
fubſtances qui nous fervent d'alimens ; les
viandes falées , les eaux putréfiées , le biſcuit
vermoulu , & le repos , m'ont paru en
être la caufe la plus prochaine.
J'ai confideré les caufes du fcorbut fous
Trois tems. Dans le premier tems , le fel
par fes pointes irritantes , étant porté dans
le fang par les loix de la circulation , picotte
les membranes des vaiffeaux , les crifpe
& les racornit , & retréciffant ainfi leur
diamétre , le fang fe trouve gêné à parcourir
les differentes routes de fa deftination
, d'où s'enfuivent les engorgemens, les
congeftions , &c. Le fel racornit de même
les liqueurs qui entrent dans la compoſition
du corps humain , les durcit & les
rend imméables , par conféquent impropres
aux differentes fecrétions qui tiennent
l'équilibre dans l'économie animale.
L'équilibre étant rompu , il s'enfuit mille
accidens fâcheux , les laffitudes , les maux
de tête , l'oppreffion de poitrine , le gonflement
des gencives , l'innapetence , &c.
Dans le fecond tems , les eaux putréfiées
& le bifcuit gâté , joints au repos , vicient
DECEMBRE . 1749. 87
les digeftions , font féjourner les liqueurs
dans les vaiffeaux capillaires , les mettent
en diffolution putride , & quelquefois
gangréneufe , qui fe manifefte par des
taches brunes tirant fur le violet , répan
dues fur la furface du corps , les ulcéres
des gencives , la lividité du teint , l'oppreffion
vive , l'haleine forte , les maux
d'eftomach , les coliques , la tenfion douloureufe
du ventre , les diarrhées , les tumeurs
violettes aux genoux & aux jambes
, & c.
>
Dans le troifiéme tems , les joues s'endurciffent
s'épaiffiffent & deviennent
fquirreufes ; les dents font dépouillées de
leurs gencives , & auffi mobiles que des
touches de clave flin ; il fe forme de petits
ulcéres purulens dans la bouche, qui y fourniffent
une ferofité âcre & corrofive , qui
bleffe la chylofe : l'afophage s'enflamme
& s'enfle , les parties précordiales ſe refferrent
, il y a faignement de nez , oppreffion
violente , palpitation de coeur ,
foibleffes fréquentes ; fouvent il furvient
de fortes tranchées , diarrhées , dyffenteries
, tenefmes , hydropifie , & c. Lorfque
plufieurs fymptômes de ce dernier tems fe
trouvent réunis dans le même fujet , la
mort fuit de près .
Ayant reconnu le miafme contagieux
2
33 MERCURE DEFRANCE.
du fcorbut & fa caufe prochaine , & en fe
confidérant comme une diffolution & pu
tréfaction de toutes les humeurs du corps
humain , j'ai trouvé dans une poudre antiputride
de ma compofition le reméde à
cette fatale maladie , dont on pourra préferver
les équipages, fans qu'ils s'en apperçoivent
, tant par le bifcuit , que par les
viandes & les boiffons qu'elle empêchera
de fe gâter , & qu'elle peat préferver de
corruption pendant plufieurs années.
On peut par ce moyen garantir du
fcorbut toutes perfonnes qui ne font point
infectées de ce vice , & même guérir ceux
qui ne font qu'au fecond tems de la máladie
, & cela fans dégoût , ni d'autre dérangement
de fanté , y joignant de bons
alimens & un exercice convenable aux
forces des malades .
Je puis rendre une pipe d'eau douce
anti-fcorbutique , en y mettant cinq onces
, cinq gros & dix grains de ma poudre ,
ce qui montera à fix grains & demi par
pinte , & fur le pied de 8 liv. la livre ,
puis rendre cent pipes d'eau douce anti-
* On peut mettre la même dofe de la poudte
anti- putride qu'on met fur une pipe d'eau , fur une
pipe de vin qui commence à pouffer , car le poux
du vin n'eft autre chofe qu'une décompofition
patride de fes principes elementaixes .
DECEMBRE. 1749: 89
Tcorbutiques pour 263 liv.5 f. L'eau fera
teinte d'une legere couleur cerifée , &
n'aura aucun mauvais goût. Le biſcuit
doit auffi être pétri avec de l'eau antifcorbutique,
qui lui tiendra lieu de fel . Les
chairs feront préparées de la maniere fuivante
. Pour un baril de deux cens livres ,
on fera fondre une livre & dernie de fel marin
, avec autant de poudre anti-fcorbutique
dans huit , pintes d'eau douce , dont
on arrofera & humectera les chairs pour
les conferver exactement arrangées & fermées
; par cette quantité il entrera foixante-
fept grains & demi de fel marin , &
autant de poudre anti-fcorbutique par livre
de chair , qui feront fuffifans pour fa
confervation ; par ce moyen elles garderont
prefque leur couleur naturelle , &
ne feront pas amétes , comme celles qui
font fimplement pénétrées par le fel marin,
Il est difficile de pouvoir fe perfuader
les avantages qu'on pourra retirer de cette
découverte , qui étant mife en pratique
avec les attentions requifes , pourra tous
les ans ménager à la Compagnie peut - être
plus de quatre-vingt mille livres par les
confommations d'alimens , médicamens ,
fervices , & c. que cette maladie cauſe , &
faire ceffer la crainte qu'elle infpire pour
la navigation.
MERCURE DE FRANCE.
Il manqueroit encore quelque chofe a
mon projet , fi j'obmettois le fpécifique
reméde aux diarrhées , lienteries , dyffen .
teries , & c. dont je fuis poffeffeur , & qui
font fi fréquentes en mer, qu'elles défolent
quelquefois prefque autant que le fcorbut.
-
Ce reméde eft un opiat anti - dyflen
terique , qui renferme toutes les qualités
requifes pour faire un des meilleurs fpéci
fiques qu'il y ait . 1 °. Il eft incorrupti
ble , 2. il n'a ni odeur , ni faveur défagréable
, 3 ° . il fe prend comme il eft ,
ou fi on l'aime mieux , dans toutes fortes
de compottes , gelées , conferves , potages
, pain d'autel , &c. Il eft en petit
volume , & fe donne en petite quantité.
Il m'eft arrivé plufieurs fois de guérir des
dyffenteriques d'une année avec dix - huit
grains de cet opiat à deux fois , fans
aucun accident ; je n'en ai jamais donné
plus de trente grains à trois ou quatre
fois
dans les dyffenteries les plus rébelles. J'ai
traité des malades qui avoient plufieursfois
ufé du fima-rouba , de l'hypecacuana , de
la rhubarbe torrefiée , & de tous les aftringens
mis en ufage dans ces maladies , fans
avoir reçu aucun foulagement , & je les ai
guéris en peu de jours avec mon opiat..
Autre avantage de l'opiat anti - dyffen
DECEMBRE . 1749. 91
terique ; outre fa commodité pour
le pren
dre , & fes autres qualités citées ci - deffus ,
c'eft que le vendant 114 liv- 4 f. la livre ,
qui paroît en gros un prix confidérable ,
cependant fur ce pied un grain ne revient
qu'à un liard : par ce moyen un dyffenterique
peut être radicalement guéri pour
cinq ou fix fols , & peut- être pour moins.
Il n'y a point de Colonie & Comptoir
de la Compagnie, où il ne dût y avoir une
petite provifion de ce ſpécifique , non plus
que de Navire de cent hommes qu'il n'y
en eût au moins un quarteron.
Il faut cependant obferver une chofe ,
qui eft , que je ne promets point de guérifon
dans une dyarrhée ou flux dyffenterique
, qui accompagnent une fiévre de
confomption , ou d'éthifie confirmée , non
plus que celles qui arrivent dans le troifiéme
tems du fcorbut , quoiqu'on puiffe
le tenter fans danger , ayant d'autre part
égard aux forces des malades.
Il femblera peut être aux Lecteurs que
je répands du merveilleux fur les qualités
fpécifiques de mes remédes ; mais j'efpére
que l'expérience les convaincra en peu de
ce que j'avance Je ne prétends cependant
pas faire croire que je fais des miracles ;
ils ne font dûs qu'à la Nature & à la Religion
, & le Public , accoûtumé à être
92 MERCURE DE FRANCE.
trompé par ce qui s'appelle Marchands de
Drogues , pourra me confondre avec ces
Charlatans qui infectent le Royaume ;
mais s'il y a des hommes qui déshonorent
les Sciences & les Arts , il s'en trouve qui
les enrichiffent & les décorent.
A Angers , ce premier Octobre 1749.-
VERS
D'unfils à fon pere , pour le jour de fa Fête,
par un jeune homme de Rouen .
UN enfant doit
toujours
Á l'Auteur de fes jours :
Honneur , foumiffion , tendreffe.
Qui manque à cette régle , offenfe la Sageſfe ;
Et par fon mauvais fort à fa perte conduit ,
Le malheur en tous lieux le tourmente & le fuit
Souffrez donc , qu'en faivant le zéle qui m'anime ,
Guidé par l'amitié , le refpect , & l'eftime ,
Je vienne de nouveau me foumettre à vos loix
Et m'acquitter par- là de ce que je vous dois.
Autrefois la Nature , & prévoyante & ſage ,
Vers vous me conduifoit
Par un innocent langage ,
DECEMBRE.
23 1749.
Mon coeur vous inftruifoit
De ce qu'il reffentoit.
Heureux par cet avantage ;
Que lui falloit-il d'avantage ?
Vous l'écontiez , il vous plaifoit.
Accordez-lui de grace encor votre fuffrage •
La raifon maintenant affermit fon hommage,
Je ne viens point vous offrir
Les dons périffables de Flore
L'inftant qui les voit éclore ,
Les yoit auffi mourir.
Des voeux , c'eft ce qu'un pere & defire & des
mande ;
Des voeux font de mon coeur & l'encens &
l'offrande ;
Des voeux font tout ſon bien , ſon unique tréſor ,
Et puisqu'il faut parler , que l'amour le commandej
Solumfolus erit pignus amoris amor,
Tes vers plairont , me dit l'autre jour Apollon.
Que cet espoir eft doux ! qu'il flarte ma mémoirę į
M'auroit-il trompé ? Non :
Mes vers plairont , mon coeur eft forcé de le
croire ;
En voici la raifon .
Vous fçûtes m'infpirer , toujours prudent & fage ;
Votre poble defir d'apprendre & de fçavoir ;
94 MERCURE
DE FRANCE
.
De vous être foûmis , je me fis un devoir ,
Et ce bouquet , mon pere , eft votre propre ouvrage.
LE LIER RE.
FABLE.
Au pied d'une colline ,
Jetté par le hazard ,
Un lierre croiffoit , fans devoir rien à l'Art ;
Son appui feul long- tems fut fa propre racine .
Bientôt jouet du vent ,
De fa tige fertile
Le fardeau trop pefant
Le fit plier enfin , & l'arbriffeau fragile
Alloit ramper , quaud par un fort heureux
Un berger par l'amour fut conduit dans ces lieux .
Egaré , de fes coups il fuyoit l'injuftice ;
De ce charmant defert fon oeil eft enchanté ;
Is'y fixe , & bientôt y bâtit l'édifice ,
Digne féjour de la tranquillité.
lierre auffi - tôt dans cet appui propice
Cherche fa fûreté ,
Il ferpente , il approche,
A ces murs il s'accroche.
Sa force naît ; il croît , difperfe fes rameaux ,
' DECEMBRE. 1749 . 25
Et fa tige affurée ,
A l'abri de Borée ,
Fait des progrès nouveaux,
Déja d'une force inconnue
Dépliant les refforts
Elle pénétre , s'infinue ,
Et d'un fuc végétal découvre les tréfors
G
Ainfi le lierre vegete ,
Décore l'édifice , en farpaffe le faîte ,
Et de fon tronc bientôt dédaignant le fecours ,
Des dons qu'il en reçoit il interrompt le cours,
Par les frimats privé de fon écorce ,
Ce tronc peu à peu fe détrit ,
Et la tige à la fin s'en fépare , & fleurit
Tandis qu'il eft fans force.
Du tems voilà l'ami.

Quelque foit le noeud qui vous lie ,
Trouve-t'il en un autre un plus folide appui
Sur le nouvel autel l'ingrat vous facrifie.
Annette de l'Orme
A Befançon , le 15 Septembre 1749.
MERCURE DE FRANCE.
QUONANANEMAUTAUQUAUNURUDU JUna
VERS
A Madame de V****. à ſa campagne,
Ici tout marque ton abfence.
Viens ranimer , Iris , nos coeurs par ta préfence ;
Quitte un trifte féjour.
Avec les ris , les jeux , les graces ,
Que j'ai vû voler fur tes traces
Que fais-tu fans l'amour ?
Par la même.
洗洗洗洗洗洗洗洗:洗洗:洗洗洗洗選落
OBSERVATIONS
Sur le Fer plat , dit Taenia on Solitaire
Left furprenant que depuis plus de
2000 ans qu'Hypocrate a parlé des
Vers plats , on ait fait là- deffus fi peu de
découvertes. Que peut- on penfer de nos
Médecins Puifqu'ils connoiffent fi peu
une maladie viſible & palpable , pourrat'on
fe perfuader qu'ils connoiffent mieux
une maladie qu'on ne peut ni voir ni toucher
?
Tous
DECEMBRE . 1749. 97
Tous ceux qui en ont parlé jufqu'à préfent
, n'en ont rien dit ; ils n'ont jamais
connu cette maladie à fond ; rien ne le
prouve mieux que quand les Médecins difent
que ce n'eft rien , car quand ce mal
eft parvenu à un certain degré , c'eſt le
plus affreux , & même l'affemblage de tous
les maux. M. Tollot , de Genéve , dont
j'ai vu une lettre dans le Mercure du mois
d'Août de l'année derniere , eft celui qui
le connoît le mieux , mais les remédes
qu'il propofe , ne font pas certains . Celui
de M. Herenchwanch ne l'eft pas non
plus ; j'en ai pris cinq en un jour , fans
que les Vers ayent paru .
pas
J'ai vu trois fortes de Vers plats : l'un
eſt fait comme un enchaînement de lances,
l'autre comme un enchaînement de petits
anneaux ; je n'ai vû la tête de ces deux
efpeces , M. Andry en parle, & dit que ces
vers ne font pas continus , que ce font plufieurs
vers enfilés les uns dans les autres. Il
y auroit une grande difference entre la condition
du premier & celle du dernier, fi cela
étoit , car l'un autoit tous les bons morceaux,
& l'autre n'auroit que les excrémens
de tous les freres ; il feroit très mal régalé.
La troifiéme efpece , qui eft celle dont je
parle, eft telle que M.Tollot la décrit . Il est
certain que ce Ver vient de naiffance, car de-
1. Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
puis que je me connois , j'ai toujours fenti ,
felon les differens changemens de tems ou
d'affections d'ame , comme un petit peloton
de crin au pharinx. Mrs les Médecins
nient qu'il vienne au pharinx : la fuite les
détrompera. Ils difent qu'un vomitifl'emporteroit;
ils fe trompent, & l'épreuve que
je vais rapporter,leur fera voir le contraire;
j'ai mis un jour environ deux aulnes d'un
de ces vers tout d'un bout fur une table ;
plus de deux heures après être forti , il s'y
promenoit , je mis un des bouts fur le bord
du trou d'une petite phiole de verre , il
traîna toute la partie qui étoit fur la table,
le long de la bouteille, & y entra ; je le repris
& lui remis le même bout fur le bord
du trou de la bouteille , j'attendis qu'il fe
fût bien collé contre le verre , je le tirai
enfuite par le bas , il fe rompit plutôt que
de céder. Le verre n'eft pas , à beaucoup
près , auffi vifqueux que l'ofophage , ni
auffi poreux. Je fentois encore comme une
petite baguette le long de l'ofophage ; les
os brifés, quand je me levois le matin ; des
douleurs dans l'afophage ; aux premiers
morceaux que j'avalois , qui me faifoient
frémir tout le corps , des piquûres au pharinx
, & des petits déchiremens le long de
l'oefophage , qui me faifoient touffer jufqu'à
tomber par terre ; mon corps me femDE
LA
VILLE
le
DECEMBRE. 1749.
bloit fouvent comme une maffe de hain
pourrie , fur tout le matin étant au lit ;
mon eſtomach étoit comme bridé & taverfé
de cordes tendues ; j'avois un embarras
dans les reins , des infomnies , des
étourdiffemens , des étranglemens à la.
moindre inquiétude ; je me fentois des
laffitudes , un gonflement d'eftomach dès ,
que j'avois mangé ; les pieds douloureux
dans les changemens de tems ; des roule
mens , des battemens de coeur & de tout
corps ; des crampes dans les bras , dans
les cuiffes , dans les jambes, dès que je ceffois
de remuer ; des maux de coeur continuels
; le fang comme fi j'euffe été rempli
de fel , de poivre & de vinaigre , auffi
étois-je toujours plein de boutons & tourmenté
de demangeaifons capables de me
faire tomber dans la furie , & bien d'autres
maux qu'il feroit trop long de rapporter
dans une lettre. A mefure que les vers le
font allongés & groffis , ces maux ont augmenté
, & ne pouvant plus les fupporter
fans me plaindre, j'allois confulter nos Médecins,
je leur expofois tous les maux ci-delfus;
c'étoit toujours mon fang qui me faifoit
la guerre, on me faignoit , on me purgeoit ,
& j'étois auffi foulagé après la faignée & la
purgation qu'auparavant. J'ai vêcu dans
la faignée & la purgation plus de dix ans ,
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
fouffrant toujours de plus en plus , fans
que jamais les Médecins ayent foupçonné
les Vers plats . Je fuis devenu tout- à- fait
infirme ; mon corps étoit comme celui
d'un boeuffoufflé ; je ne pouvois plus manger
, quoique j'euffe appétit , parce que
rien ne pouvoit plus entrer dans mon eftomach
. Un Chirurgien de campagne me
dit qu'il me falloit tirer beaucoup de fang,
& boire long- tems du bouillon de creffon .
Je me fis ôter en fix jours trois grandes
écuellées de fang ; je bûs du bouillon de
creffon trois semaines , je pris enſuite une
prife des Poudres de M. Ailhaud . Le hazard
avoit voulu que ces vers le fuffent
embarraffés les uns avec les autres & euffent
fait un noud ; cette prife m'en fit
fortir quelques aulnes. Je continuai d'en
prendre , mais inutilement ; j'avois vû de
fembables chofes à une femme qu'on difoit
avoir un fort. Si j'euffe eu foi à ces
fortes de contes , j'aurois crû être enforcelé
, je ne fçavois pourtant pas ce que c'étoit
; je m'informai , on me dit que c'étoit
le Ver Solitaire , j'eus recours aux Médecins
de notre Ville , je fus quatre ans entre
leurs mains , pendant lefquels je dépenfai
le peu que j'avois , fans avoir aucun
foulagement , & quand ils virent que leurs
remédes ne faifoient pas paroître les Vers,
DECEMBRE . 1749. 101
ils me traiterent de fou , d'imaginaire , &
m'abandonnerent à ma folie . Un Médecin
Empirique me fit vivre quatre mois de
pain trempé dans l'huile d'olive, & me fit
boire de l'eau ; ce remede ne fit rien ,
outre mille drogues qu'il me donna
encore ; plufieurs me dirent que j'avois
une maladie honteufe. Je devins alors
l'opprobre du genre humain , chacun fe
mocquoit de moi , j'eus recours aux Médecins
de Paris ; le premier m'ordonna de
l'aethiops minéral & de l'eau de Wals , j'en
pris fix femaines , mais envain . Le fecond
m'ordonna de l'aethiops minéral avec une
ptifanne de racine de fougere & de meurier
, j'en pris trois mois , il ne vint rien.
Ce fut alors que je fus plus fou que jamais ,
j'étois de plus un pareffeux , un lâche , un
fainéant. Je paroiffois en effet être de la
meilleure fanté du monde , le ventre gros ;
une face tumefiée , rouge , je femblois être
étouffé par la graiffe. M. Herenchwanch
fe fit annoncer , je l'attendois avec plus
d'impatience que les Juifs n'attendent le
Meffie ; il me traita , & ne me fit rien que.
de confirmer que j'étois fou . Je fus voir
un fou en Auvergne , il me dit que j'avois
la goutte ferene , & m'ordonna des remédes
qui ne me firent rien . Je fus voir M, Noufre
à Arberg en Suiffe , il me traita , & j'en
E iij.
102 MERCURE DE FRANCE.
revins auffi avancé que j'y étois allé ; celuici
ne me dit pourtant pas que j'étois fou.
Je retournai chez mon Auvergnac , que je
n'avois pas connu la premiere fois ; il me
dit que j'étois hydropique , il fit apporter
un grand baquet , il me perça le ventre ,
mais il ne vint pas d'eau ; il perça encore une
fois, rien nefortit; il perça une troifiéme, &
tourna fon inftrument entre la peau & la
chair fans qu'il fortît d'eau ; le bruit que
j'entendis de la chair qui fe déchiroit , me
fit alors frémir. Le Curé , le Vicaire , le
Seigneur , le Juge , qui m'avoient encouragé
jufqu'alors les larmes aux yeux , pleurerent
tout de bon , & firent des menaces
affez fortes à mon Auvergnac ; on me blâmera
de m'être laiffé faire cette opération;
mais je répondrai que je fouffrois tellement
, qu'un jour que je croyois avoir
froid , je me brûlai les fouliers , les bas &
les pieds fans le fentir , & que j'aurois
voulu mourir , fans pourtant me tuer. Je
revins à la maiſon pour y mourir , ma
playe s'enflâma , je la traitai & je la guéris.
Dans cet intervalle je vis mourir trois perfonnes
de ces Vers plats , après être reſtées
très-long- tems dans le lit , & qui après
avoir été guéries , difoient- elles , par les
Médecins , n'ont pas laiffé que de mourir
guéries. Je pris alors ma réfolution , aiDECEMBRE.
1749. 103
mant mieux mourir par une médecine ,
que languir fi long tems dans un lit. J'allois
le long des rivieres , dans les bois , je
mangeois de toutes les herbes , & j'attendois
quel mouvement chaque herbe feroit
faire aux Vers ; après plufieurs effais , je
tombai fur le gratiola , dont j'ai appris le
nom depuis ; j'en apportai & j'en pris ; je
me fentis un peu foulagé , mais les vers ne
parurent pas ; j'en repris une feconde fois;
comme cette herbe me vuidoit beaucoup ,
elle me foulagea encore , fans pourtant
que les Vers paruffent ; je devins pourtant
capable de quelque lecture. Léonardus Fucfius
, Auteur Allemand , me tomba entre
les mains ; j'y vis la vertu de la bryonne ,
j'en mêlai avec le gratiola , j'en pris , mais
il ne vint rien : je lus dans ce même Auteur,
qu'Hypocrate ordonnoit une demie once
de racine de fougere en poudre , deux
oboles de fcamonée dans de l'hydromel ;
j'en pris , je reconnus que ce reméde étoit
bon , c'eft en effet un des meilleurs . Il
précipita les Vers du haut de mon eſtomach
, mais rien ne fortit ; tous étoient
trop forts ; je fentis auffi que je ne pou-
-vois pas faire ufage de ce purgatif , parce
qu'il me brûloit. A force de lire , d'éprouver
, de chercher , j'en ai à la fin trouvé
un , que j'ai pris de deux jours l'un , pen-
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE
dant un an , fans avoir jamais manqué de
m'amener quelquefois deux , quelquefois
dix aulnes de ces Vers , plus ou moins ,
j'en tirai bien 900 auines cette année par ce
purgatif, qui ne m'a fait aucun mal , quoique
j'en aye pris jufqu'à quatre en un jour.
CesVers venoient prefque toujours à deux
bouts , dont l'un étoit large d'environ deux
lignes , & l'autre de quatre au bout d'un
an , ces Vers ne venoient que rarement . Je
fentis qu'ils fe ferroient de façon contre
les parois de l'eftomach & dans l'ofophage
, qu'ils fe rendoient inacceffibles à la
médecine . Je fis une ptifanne avec des racines
de fougere , de meurier , de fraxinelle
, de carline , de bryonne , du mercure
, de la tanaiſe ; je ne bûs autre chofe pendant
plus de deux mois ; ils ne faifoient
que fe ferrer davantage dans l'eftomach , &
ils faifoient gliffer la médecine par leur
mouvement vermiculaire , de façon que
je n'en pouvois pas tirer ; il eft certain
qu'ils dirigent les alimens & autres chofes
comme il leur plaît. Je fus convaincu alors
que les Médecins , qui placent la tête de
ces infectes dans le pilore , fe trompoient ;
il eft certain que leur tête eft le plus fouvent
au pharinx , d'où ils s'étendent jufqu'à
l'anus , & qu'à mesure qu'ils s'allongent
, ils ſe retirent , fe collent & fe peloDECEMBR
E. 1749 .
10 ;
tonnent contre les parois de l'eftomach &
contre eux-mêmes , quand tout l'eftomach
en eft tapiffé , jufqu'à- ce que l'eftomach
ne pouvant plus faire fes fonctions , ils
font mourir hydropique ou éthique , &
que les remédes galéniques ne peuvent em-
-porter que les premiers rangs de ces Vers.
La premiere preuve que j'en ai , c'eft que je
me fentois toujours piquer au pharinx ; la
feconde , eft qu'il n'y a pas d'animal qui
puiffe refter deux mois la tête dans la ptifanne
ci- deffus ; la troifiéme eft que j'en ai
arraché un tout entier avec un crochet que
j'avalai jufqu'au milieu de l'oefophage ,
comme je dirai plus bas , & c'est la feule
raifon pour laquelle on ne peut pas tuer
ces Vers , car ils craignent tous les vermifuges
, & quand on les pourfuit fort, ils fe
mettent la tête dans le nez . Il faudroit ,
pour les ruer, un reméde qui agît fur eux
auffi promptement que le fel agir fur les
Vers de terre , pour le trouver, il faut faire
l'épreuve fur des Vers de fromage , jamais
je n'en ai pû tuer fur le champ , ils viyent
plus de fix heures dans la ptifanne ci- delfus
, & plus de demie heure dans l'efprit
de térebentine , qui penfa me tuer fans
tuer les vers. Je m'attends que les Méde
cins , Chirurgiens ou Apotiquaires de notre
Ville , gens fort curieux , feront cette
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
découverte ; j'en ai prié plufieurs d'ouvrir
ceux qui étoient morts de cette maladie
, ils ne m'ont pas écouté ; cependant ils
en font fi peu au fait , qu'ils donnoient à
un vitrier, qui ne pouvoit remuer ni bras ni
jambes , des rôties au fucre, afin , difoientils
, de bien nourrir ces vers ; le vin foulage,
quand l'eftomach n'eſt pas plein ; mais
quand il l'eft , rien ne foulage plus . Je lui
dis de prendre de la fougere , il s'eſt un
peu remis ,mais il aimeroit mieux être mort
que remis de cette façon. Au bout donc
d'un an je m'avifai de faire des petits crochets
de plomb à trois pointes , je les attachai
avec du fil à une balle de plomb pour
les avaler ; je fus confulter les Médecins
ils me dirent que ces crochets me déchireroient
les inteftins , je ne laiffai pas que
d'en avaler , & ils m'ont amené beaucoup
de morceaux de ces Vers , fans jamais me
faire aucun mal , finon que quand ces Vers
étoient accrochés , ils faifoient des efforts.
qui me bouleverfoient ; mais à la fin ils fe
rompoient. Ces crochets m'en ont bien
encore amené trois cens aulnes ; mais il y
a toute apparence qu'ils font plus forts auprès
de leur tête qu'à leur queue , car ils
m'ont gardé fept de ces crochets , pefans:
quatre onces & demies , plus de trois mois ,
encore ces crochets ne m'amenerent - ils
>
DECEMBRE. 1749. 107 .
rien , il fallut avoir recours à autre choſe :
j'en fis un d'une autre façon , je fis entre
le pivot & la pointe , des petites dents
comme de fcie , je l'attachai à un bout de
foye ; je le fis voir au Chirurgien Major
de notre Hôpital , qui eft le feul qui m'ait
jamais écouté, & qui avoit été témoin d'une
partie des effets de mes crochets , il
m'encouragea & s'offrit même à m'aider ,
quand je voudrois ; je ne l'avalai pas ce
jour-là. Un jour que j'avois pris une mé→
decine , ces malheureux Vers m'étrangloient
, j'avalai mon petit crochet , dont
j'avois attaché le fil au manche de la cuillere
, je le laiffai defcendre juſqu'au milieu
de l'efophage ( il y avoit avec moi deux
perfonnes , qui fe fauverent plutôt que de
refter pour me donner du fecours en cas
de befoin ) , je tirai mon crochet environ
un pouce , comme je craignois de m'étourdir
, je n'ofai tirer davantage & je coupai
le fil ; je puis affûrer que ce crochet ne me
fit aucune douleur dans l'ofophage , il
fembloit feulement qu'on m'arrachoit les
dents , je laiffe aux Médecins à en dire la
raifon ; je crus avoir travaillé envain , cependant
la trompe d'un de ces Vers s'étoit
embarraffée dans les petites dents de fcie ,
& quelques jours après il vint avec le crochet
, il avoit environ trente aulnes de lon
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
gueur. Je le portai au même Chirurgien
Major , qui n'avoit pas de microſcope ; il
me le fit porter chez le Directeur du Manége
, nous l'examinâmes bien , & nous lai
vîmes une tête comme celle d'un chat ,
nous n'y vîmes pas d'yeux ; il l'a gardé dans
une phiole . Je crûs être débarraffé , mais
les mêmes maux , moindres pourtant , ſe
firent encore fentir trois femaines après ;
j'avalai des crochets, je pris une médecine ,
& il en vint encore de tout vivans . On
voit par ce récit que ces Vers font vivans,
contre le fentiment de plufieurs ; qu'on
eft plus ou moins malade , felon qu'ils font
plus ou moins longs & forts,qu'ils peuvent
avoir cent , quatre cens , douze cens aulnes
& plus ; qu'ils ne fe peuvent pas tuer
avec des remédes galéniques , parce qu'ils
fe cachent la tête dans le nez ; qu'il faut
de néceffité faire l'opération du crochet
ou autre meilleure ; que c'eft par hazard
qu'une médecine les entraîne , ou quand
ils font foibles; qu'ils ne font pas feuls, &
qu'on ne doit pas les appeller folitaires. Il
difpenfera M. Tollot de les faire herinaphrodites
pour les perpétuer , & M. Andry
, de les placer où il les place. Je
fuis pourtant embarraffé de fçavoir comment
ils peuvent trouver l'endroit , étant
fi longs ; mais j'efpere que Mrs nos Méde
DECEMBRE . 1749. 109
eins l'expliqueront ; on y voit que cette
maladie eft horrible , quoique nos Médecins
la traitent de rien , comme fi ce n'étoit
rien de n'être pas à foi un feul moment
de fa vie , de ne pouvoir pas penfer,
vouloir , manger , marcher ni dormir ; de
fe fentir toujours prêt à erever par quelque
partie du corps. L'ouverture des cadavres
ne peut rien prouver , parce que
ces Vers craignant le froid , la tête le retire
toujours dans l'endroit le plus chaud ;
le col étant plus mince que l'eftomach , eft
en conféquence plutôt froid ; voilà pourquoi
on trouve toujours la tête de ces Vers
dans l'eftomach d'un cadavre. Qu'on prenne
un animal vivant , qu'on lui faffe pren.
dre quelque fort vermifuge quelques jours,
qu'on l'ouvre , on verra fi la tête de ces
Vers n'eft pas au pharinx ; on verra lefquels
, de plufieurs millions de Médecins
en plus de deux mille ans , ou de moi en
trois ans , quelque parelleux qu'on m'ait
dit , avons fait les obfervations les plus
juftes: Quand on fe fera affûré fr mes crochets
ne font pas bons , des perfonnes plus
ingénieufes que moi trouveront quelque
chofe de meilleur ; ce qu'il y a de certain
c'eft qu'il n'y a aucun danger.
J'aurois encore beaucoup de chofes à
marquer , mais ma Lettre eft déja longue ,
110 MERCURE DE FRANCE.
fi je vois que cette matiere faffe plaifir au
Public , je m'efforcerai de faire un Traité
dans lequel je marquerai tous les fymptômes
tirés du mal même , & des effets des
remedes par lefquels on peut connoître
cette affreufe maladie. Je propoferai tous
les remedes connus , les plus forts , les plus
foibles , de quelle façon ils agiffent fur
les Vers , les mouvemens differens de ces
Vers qui caufent differens maux , felon les
tems differens & les differentes affections
d'ame ; je dirai de quelle façon j'ai agi avec
le Ver qui m'étoit refté. * Enfin je ferai de
mon mieux pour faire voir que je n'aime
rien tant que d'être utile à ma Patrie . Je
fuis avec un profond refpect , votre , &c.
A Lyon , le 29 Juillet 1749.
Si quelqu'un veut m'écrire , il aura la
bonté d'adreffer la lettre à M. Biftel , rue
Saint Jean , pour faire tenir à M. Lyon , à
Lyon , & d'affranchir la lettre.
* Nous croyons pouvoir aſsûrer d'avance l'Auteur,
que les Lecteurs feront curieux de voir tout ce qui lui
refte à écrire fur une matiere fi importante, Mais nous
définexions qu'il fût un peu moins diffus.
DECEMBRE. 1749. 111
ODE
Sur la Paix.
Oui , j'ai và la flamme rapide
Dévorer de riches moiſſons ;
J'ai vu fous le fer homicide
Tomber de nombreux Efcadrons ;
J'ai vu d'une lueur obfcure
Sottir l'effroi de la Nature ,
L'airain foudroyer vos remparts;
J'ai vu le démon des batailles
Sur les débris de vos murailles
Planter cent fois les étendarts..
Quelle horreur ! quelle affreufe image
Se préfente de toutes parts !
Quels ruiffeaux de fang ! quel ravage
S'offre à mes timides regards !
Héros , les peuples en allarmes
Tremblent au feul bruit de vos armès ,
Pourquoi devenir leur fleau
De ces conquêtes paffageres ,
De ces grands noms , vaines chimeres ,
Que refte-t'il dans le tombeau
112 MERCURE DEFRANCE.
Sous tes coups , guerrier , tout expire ,
Tu fais pâlir les Souverains ;
Seroit -ce donc pour fe détruire
Que font nés les cruels humains ?
Tandis qu'à la vive lumiere
Nous ouvrons encor la paupiere ,
Pourquoi courir aux fombres bords
Soumise aux ordres de la Parque ,
Affez tôt la fatale barque
Nous fera paffer chez les morts.
XXX
Mettez un frein à la victoire ;
Epargnez vos traits meurtriers ;
Vos mains au Temple de la gloire
N'ont offert que trop de lauriers ;
Lancés par vos bras invincibles ,
Trop long tems vos foudres terribles
Ont déſolé tout l'Univers ; P
Arbitres de nos deſtinées ,
Des Nations infortunées
Daignez enfin brifer les fers.
Le Dieu que la fureur anime ,
Foule aux pieds fon fatal drapeau ;
La difcorde , au fond de l'abîme ,
Vient d'éteindre fon noir flambeau ;
DECEMBRE . 1749.
113 .
Laffe d'exciter le carnage ,
Bellone , en appaiſant l'orage ,
Laiffe refpirer les mortels ;
Des maux d'une fanglante guerre
Minerve a délivré la terre ;
L'encens fume fur fes Autels.
Déja la paix enchantereffe
Par tout arbore l'olivier ;
Du doux repos l'aimable yvreffe
Triomphe du courage altier :
Ainfi l'Aquilon dans nos plaines ,
Calmant les bruyantes haleines ,
Fait place aux folâtres Zéphirs ;
Ainfi quand l'horrible tempête
Ceffe de gronder fur fa tête ,
Le Matelot vole aux plaiſirs.
Commerce , renais ; que tes charmes
Des peuples enchaînent les coeurs ;
Délivrés du fracas des armes ,
Mortels , cultivez les neuf Soeurs ;
Et toi ,de ton cher héritage
Soldat , répare le dommage ;
"
Va former de nouveaux fillons ;
Cérès flatte ton eſpérance ,
Et te promet pour récompenfe
De fertilifer tes vallons.
114 MERCURE DE FRANCE.
Des jours heureux , des jours paifibles ,
Vont diffiper tous vos malheurs ;
Peuples , à vos défirs fenfibles
Les Dieux accordent ces faveurs ;
Dans les Temples qu'à leur clémence
La fincére reconnoiffance
Prodigue d'immortels accords ;
Jointe à l'innocent badinage ,
Que des ris la troupe volage.
Exhale de joyeux tranſports.
+xxx+
Vous , dont la divine fageffe
Forme d'harmonieux concerts ,
Mufes, que vos chants d'allegreffe
S'étendent au loin dans les airs .
Que la Ville en pompeux cortège ,
De Minerve , qui nous protége ,
Par tout annonce les bienfaits ;
Par tout dans vos places publiques
Elevez de brillans portiques
Pour le triomphe de la paix.
E. Guichard , de Senlis.
DECEMBRE. 1749. IIS
LETTRE
Au R. P. C. l'un des Journalistes de
A
Trevoux.
Près avoir lû , mon R. P. l'extrait
que vous avez donné de l'Analyfe
raiſonnée du Systême moderne de Cofmographie
& de Phyfique , dans les Mémoires
de Trevoux , Août 1749 , j'ai été curieux
de la relire , d'en examiner mieux les Cartes
Cofmographiques , & de comparer
toutes celles du même Auteur , avec celles
qui ont paru dans les Mémoires de l'Académie
des Sciences de Paris , pour 1709 .
Il m'a paru fingulier , que pour devenir
le plan de l'Univers , elles coûtent feule
ment de reconnoître que l'apparence du
cours du Soleil & des Planetes dans ces
orbes repréſentés , où elle eft inconteftable
, provient de fa réalité ; d'y fous - entendre
trois mouvemens de la terre , en
rotation , progreffion & regreffion ; de
déterminer que l'orbite , qu'elle y eft défignée
décrire , a un rayon égal à l'excentricité
du Soleil , & coupe l'écliptique fous
un angle de trois degrés ; que fon noeud
afcendant répond au point du perigée
folaire en 1734 , & que cette orbite eft
116 MERCURE DE FRANCE.
1
décrite avec la même lenteur dont eft l'élongation
de ce perigée.
J'ai admiré fúrtout , que la Table de la
connoiffance des Tems fur la distance du
Soleil de dix en dix jours foit réduite en
Cartes Geométriques , qui d'un coup d'oeil
en offrent la raifon fenfible , & décou
vrent même pour les fiécles paffés & à venir
, quelle a été ou quelle fera l'inégalité
périodique de fa diftance pour les mêmes
jours , la proportion de fon féjour en la
partie boréale ou auftrale , orientale ou
occidentale de l'écliptique , l'ordre variable
des faifons dans leur durée aftronomique
, & l'étendue refpective des trois
fignes qui leur font affectés .
Ces Cartes fi hiftoriées , étant impoffibles
dans tout autre fyftême , m'ont paru
prouver , que les trois mouvemens combinés
de la terre , & la réalité du cours
du Soleil & des Planettes dans leurs orbes
apparens , peuvent être confidérés par leur
liaifon fyftématique & leur enfemble ,
comme un rocher inébranlable dans l'Qcean
, contre lequel les Aots ne font que
fe brifer , & comme un phâre qui répand
fa lumiere fur la difpofition du Ciel pour
tous les tems , dans les rapports avec l'écliptique
& fes divifions . Ma furpriſe eft
extrême que cette découverte du plan de
DECEMBRE . 1749. 117
l'Univers ne foit pas généralement accréditée
; & j'ai bien reconnu , que par mé
nagement pour des opinions en faveur ,
vous n'avez pas voulu développer ce que
vous ne pouvez éviter de penfer par votre
droiture d'efprit .
Vous convenez authentiquement que ces
Cartes Cofmographiques repréfentent en
détail les orbes compofés d'épicicloïdes
& de courbes feuillées , où les Planettes
majeures paroiffent fe mouvoir en commun
avec leurs fatellites , vis - à- vis les
arcs de l'écliptique , aufquels leur lieu apparent
eft défigné fe rapporter pour chaque
jour dans les éphémerides ; vous affectez
cependant de ne pas paroître affez
fenfible à la facilité d'expliquer en détail
la caufe de cette apparence notoire , par la
réalité de leur cours , ni à l'impoffibilité
d'en donner d'autre raifon dans aucun fyftême
, s'il s'agit de l'exprimer dans le même
détail : c'eft en quelque forte dire
tacitement par vos réflexions , à en juger
par leurs conféquences fous- entendues .
» Ne vous embarraffez point , Partifans
» de Copernic , d'expliquer fur les Cartes
»du fçavant Caffini , ni de l'Auteur du
Syftême folaire & électrique , bien qu'on
» pourroit vous en requerir , comment la
divifion inégale de l'écliptique par les
# 18 MERCURE DE FRANCE.
"
19
ود
» noeuds de l'Equateur & de l'axe de la
» terre , eft variable , ni comment les
» révolutions & configurations des Pla-
» nettes , qui font défignées journellement
dans ces Ephemérides en figure , font
conformes aux indications des Ephemérides
en nombre ; c'est l'affaire de
ceux qui fuivront un autre fyftême que
»celui des fictions : c'eft ainfi qu'on peut
caractériſer le terreftre que vous fuivez ,
au lieu que le folaire devroit être quali-
»fié de fyftême des apparences , puifqu'il
» les réalife , à la réferve d'une feule dont
» l'explication eft uniforme avec la vôtre ,
»& qu'il dreffe le plan de l'Univers fur
» fon état apparent. Ufez toujours du privilége
de ne connoître que les Pheno-
» ménes , fur l'explication defquels vous
pouvez éblouir. Répandez l'oubli fur
" les autres. Diffimulez même les circonf-
» tances des plus connues , comme le flux
» & reflux , & le cours apparent des Pla-
"
»
nettes. Obftinez - vous à préfenter en-
» core les planches , par lefquelles vous
prétendez expliquer leurs apparences de
retrogradation & de ſtation en général
»& en gros , fans avoir pû jamais y défigner
aucun des arcs de l'écliptique ,
» ni de leurs orbes , ni des termes où elles
font contingentes & prévûes : perfiftez
DECEMB- R E. 1749. 119
"
à croire que toute figure qui repréfente
» le fyftême de Copernic , autant que celles
où les fyftêmes de Ptolomée & de
» Ticho font repréſentés , vaut mieux feu-
» le que les Cartes Cofmographiques qui
» défignent le plan de l'Univers dans le
» plus grand détail , & que vos conjectures
» font préférables aux vérités qui y font
développées fenfiblement. Il eft vrai
» que fans avoir rien ajoûté ni changé aux
» Cartes préſentées à l'Académie en 1709,
il n'y a eu qu'à les continuer & y fous-
» entendre les mouvemens combinés de la
» Terre dans l'orbite , qui y étoit figurée
dès- lors , de- même qu'elle l'eft dans les
» Cartes analogues que Kepler a publiées
» dès l'an 1580 ; mais laifferiez - vous fen-
» tir cet avantage fingulier ni cette longue
poffeffion , ni encore moins l'affinité de
» la plus ancienne hypothéfe aftronomi-
» que ? Et fouffrirez-vous que la Cofmographie
foit reconnue devenir auffi méthodique
, détaillée & inftructive dans
» ces Cartes & leurs documens , que la
Géographie ? Vous en admirerez le pro-
»jet fans le trouver rempli ,
bien que
>> l'Auteur en céde la gloire au célébre
» Caffini , loin de ſe l'approprier.
ל כ
>>
99
Car telles font les inductions , M. R. P.
qui me femblent pouvoir & devoir être ti120
MERCURE DE FRANCE.
rées de votre aveu , & des réfléxions qui
l'accompagnent. Ayez donc la bonté de
paffer cette profopopée un peu longue , en
faveur de ces Cartes , dont vous n'ofez
pas avouer en plein l'illuftration & l'utilité,
de peur de louer un fyftême auffi univerfel
, au préjudice d'un fyftême qu'il eſt
trop à la mode de ne pas blâmer tout au
moins.
J'aurois peut- être un peu plus befoin de
votre indulgence , afin d'excufer l'Auteur
d'avoir dit , page 62 , de l'analyfe de fon
fyftême , que les Planettes décrivent en
tout tems , durant l'apparence même de
leurs ftations , des arcs égaux en termes
égaux , vous auriez voulu la fubftitution
des mots d'aires égales à ceux d'arcs égaux ,
& vous feriez bien fondé , fi les Planettes,
dans le fyftême naturel & intuitif aux
Obfervateurs, parcouroient des ellipfes occultes
, en place des orbes compofés d'épicicloïdes
& de courbes feuillées , où leur
cours eft incontestablement apparent , prévû
, calculé , repréfentable géométriquement
, & repréſenté fort en détail graphiment
par les Cartes Cofmographiques de
Kepler, de Caffini & de l'Auteur du double
fyftême moderne.
Si vous aviez pris ce point de vûe , le
paffage entier du texte critiqué , accompa
gné
DECEMBRE. 1749. 121
gné de ce qui fuit & précéde , auroit dû
vous infinuer que le terme égaux avoit été
fubftitué , dans l'impreffion ou la copie ,
au mot proportionnels. Ainfi vous n'êtes
prié d'être indulgent avec le Public , que
fur la négligence du même Auteur , d'avoir
fouffert qu'on lût encore des arcs
égaux au lieu des arcs proportionnels . Car
dans fon intention , comme pour le fens
même de la phrafe , ce dernier terme eſt
effentiel , n'étant pas douteux qu'à moins de
la fixation du Soleil à l'un des foyers d'une
ellipfe qu'onfuppofe l'orbe d'une Planette,
on ne peut tirer des lignes depuis cet Aftre
jufqu'aux deux points où elle y eft confidé.
rée, lefquelles repréfentent l'aire des triangles
qui auroient pour côtés ces deux lignes
& l'arc compris entre ces points ,
& qu'afin de pouvoir dire qu'une l'lanette
décrit des aires égales , ou borde des triangles
égaux en tems égaux,il faut qu'elle parcoure
une éllipfe occulte, au lieu de l'orbe
apparent dont le Ciel offre le fpectacle &
l'afpect , de l'aveu de tout Obfervateur.
Mais fi le Soleil , changeant de place à chaque
inftant dans l'Ecliptique , felon le fyftême
François , comme ces Planetres dans
leurs orbes renouvellées d'une figure &
d'une étendue pareille , où leur révolu
tion eft conftamment ifochrone , on ne
1. Vol. F
122 MERCURE DE FRANCE.
peut en tirer des lignes aux divers points
confécutifs de leur lieu vrai & apparent,
lefquelles représenteroient de véritables
aires d'une figure fermée , il convient de
dire que les Planettes y décrivent des arcs
proportionels en termes ou tems égaux ,
bien que ces arcs décrits foient égaux ,
fans pouvoir le paroître ; c'eft encore co
qui , mieux que tout ce que j'ai dit , excus
fe l'Auteur , qui par condefcendance voudra
bien changer ce mot.
Le Soleil feul décrit toujours des arcs
tautochrones & ifochrones dans un cercle
perpétuel & immuable , car ils font égaux
réellement , quoiqu'à taifon du point de
vûe & de la grandeur variable de fon dif
que,felon fa diftance, ils foient inégaux optiquement
, & les Planettes n'en décrivent
pas d'autres en apparence , tant à caufe de
la courbure & de la figure de leurs orbes ,
que de la tournure & de la diftance inégale
des arcs parcourus en termes égaux à
l'égard de la Terre ; j'affecte de dire en .
termes au lieu de tems , à caufe de l'indif
ference de l'une où de l'autre expreffion ,
qui n'étant que fynonime en cette occafion
, ne devoit pas être relevée .
Au refte , montrer que des efpaces repréfentés
font égaux dans la plus grande
approximation poffible , eft - ce prouver

DECEMBRE . 1749. 123
qu'ils font parcourus en tems égaux : C'eſt
un écueil des Coperniciens & de Newton
même.
Quand vous avez objecté qu'il refte
d'expliquer comment le Soleil n'attireroit
pas toutes les Planettes , s'il eft le principe
par les rayons de leur mobilité , il eft manifefte
que vous n'avez pas confideré par un
refte de préjugé pour le fyftéme terreftre ,
qu'il parcourt continuellement l'Ecliptique
, & que vous n'avez pas lû l'article 44
de l'analyse du fyftême moderne , p 43 .
Je n'ai l'honneur de yous écrire cette
lettre que par efprit d'équité pour un fyftême
qui concilie les apparences , les obfervations
& tables Aftronomiques , pour of
frir un plan de l'Univers dreffé , comme
une Carte Géographique , fur une table des
longitudes , latitudes & orientations , contre
un fyftême caduque , qui ne donne
qu'un plan de caprice , fans avoir d'autre
avantage que d'expliquer de la même maniere
la circulation optique & diurne de
tous les Aftres , par la rotation de la Terre ,
& qui du refte n'eſt qu'un tiſſu de fictions
que fes Zélateurs n'ont pas ceffé de changer
à leur gré ; au lieu que le fyftême Solaire
eft actuellement fixe & arrêté dans
tous les articles par fon propre inventeur
fans befoin de réformation.
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
Je fçais qu'il fe propofe de montrer dans
fes autres ouvrages qui font à publier ,
que ce fyftême a l'avantage, par le fyftême
physique de l'électricité , qui en eft indivifible
& inféparable, de concilier tous les
paffages du texte facré qui y ont du rapport
, comme de convertir l'explication
de tous les phénoménes conftatés dans leurs
vraies circonstances , à commencer par le
Alux & reflux , en preuves de l'exactitu
de & de l'univerſalité de ce double ſyſtême
, qui par fon développement doit devenir
l'hiftoire physique & théologique
de la Nature. Moyfe, en racontant la création
du Monde , n'a point expofé un fyftême
, mais des faits révelés & traditionels ;
il n'a pas écrit de génie , mais par infpiration
; il a publié ce qu'il fçavoit par une
tradition depuis Adam , confervée dans ſa
famille en toute pureté ; c'est ce qu'il n'eſt
pas difficile de montrer. Mais que tous les
paffages du texte divin fe concilient avec
ce fyftême , c'eft la difficulté décifive en fa
faveur contre tout autre , dont j'attends la
folution. C'est auffi l'efprit d'équité qui
dicte les affurances de l'eftime & des fentimens
refpectueux avec lefquels je fuis,
M. R. P. votre , & c.
L. C. C.
A Toulouse , le 16 Août 1749 ,
DECEMBRE . 1749. 125
BOUQUET
A Mademoiselle de la ***.
Pour l'heureux jour de votre fête ,
Thémire , c'est peu que des fleurs ;
Un bouquet plaît , mais ces vives couleurs
Ces parfums délicats , que la Nature apprête
Avec art dans ces fleurs dont vos fens font épris,
Ce foir fur votre fein vont perdre tout leur prix,
Et demain de mon jufte hommage
Il ne vous reftera qu'un léger fouvenir.
Quoique jeune , je fçais qu'il eft bon à tout âge ,
Même dans les plaifits , de prévoir l'avenir.
Souffrez donc , charmante Thémire
Que j'ajoûte ces vers , qui fans ceffe à vos yeux
Seront le gage précieux
Du tendre attachement qui me guide & m'inſpire.
Par M. du Quefnay.
F iij
126 MERCURE DE FRANCE.
REPONSE
A une nouvelle Lettre au fujet des Corbeaus
de l'Eglife de S. Julien du Mans.
Ous m'accufez , Monfieur , par vo-
Vous
tre Lettre inferée dans le Mercure
de Mars dernier , de m'être écarté de la
queftion que vous aviez propofée au fujet
des Corbeaux qui nichent fur l'Eglife de
Saint Julien du Mans , parce que je me
fuis attaché à prouver que ce n'eft point
une chofe fi finguliere . J'ai crû répondre
par-là à ce qui me paroiffoit vous furprendre.
Fai obfervé dans cette Ville ( du Mans }
dites - vous dans votre premiere lettre ,
une chofe qui me paroît extraordinaire. Tou
le monde fçait que les Corbeaux nichent ordinairement
fur les arbres , & que rarement ils
fe pofent fur les maisons .... communément on
n'y en voit point en Eté. Ici c'est tout le contraire.
L'Eglife de Saint Julien eft pleine de
ces animaux , ils y font une quantité prodigieufe
de nids , & ce qu'il y a de plus étonnant
, c'est qu'ils ne fe pofent jamais fur
les autres Eglifes , ni fur les maisons veifines.
Je demande fi la fingularité de l'ob.
* Mercure de Juillet 1748.
DECEMBRE. 1749. 127
fervation ne paroît pas
tomber fur ce que
les Corbeaux du Mans , négligeant les arbres
, leur retraite ordinaire
, ont choisi
l'Eglife de Saint Julien du Mans pour y
faire leurs nids . Et c'eft à quoi j'ai répon
du que dans les autres Provinces
on les
voit auffi dans les tours & hauts édifices ,
dont je vous ai produit plufieurs exemples.
Ce qui me paroiffoit
d'autant plus à propos
, que vous remarquiez
qu'on ne voit
rien de femblable
aux Eglifes d'Orléans
,
de Tours & d'Angers , voifines du Mans.
Il eft vrai que vous aviez obfervé la même
chofe à Wormes ; mais comme vous attribuâtès
alors cette paticularité
au changement
de climat , votre étonnement
reftoit
le même. Aujourd'hui
que vous en avez
remarqué
autant à Caen & dans un Cloître
de Bénédictins
, vous n'êtes plus en
peine que de la préférence
que ces animaux
donnent à de certains lieux plutôt
qu'à d'autres .
A cela je réponds que les Corbeaux , ou
plutôt les Corneilles ( car il n'eft ici queftion
que de cette efpece ) font des oifeaux
de compagnie. Si une Corneille fait fon
nid fur un certain arbre , les autres y font
auffi le leur , de forte qu'il y a quelquefois
une douzaine de nids fur le même arbre
dans une forêt , tandis qu'il n'y en a pas
Fiiij
128 MERCURE DE FRANCE.
un feul fur ceux qui font aux environs. Il
en eft de- même des édifices où un de ces
oifeaux fait fa retraite , les autres y vien
nent de compagnie , & ils ne cherchent
point les édifices voifins , mais reviennent
toujours au même gîte , comme des pigeons
à leur colombier. Et pour cette conftance
dans un même lieu , & le choix de
l'un préférablement à tous les autres , je
penfe que c'eft un effet de l'analogie établie
par l'Auteur de la Nature à l'égard
des animaux, foit avec les lieux qu'ils habitent
, foit avec les alimens dont ils fe nour
riffent. Ainfi , fi on ne voit point de nids
de Corbeaux à Orléans , à Tours & à Angers
, c'eft apparemment que ces lieux ont
quelque chofe qui n'eft pas fi propre & fi
convenable à ces oifeaux , foit à caufe des
environs qui peuvent faire quelque changement
à l'air dans cette élévation , foit à
caufe des matériaux même dont ces édifices
font compofés. Ce qui peut auffi fervir
de raifon de ce qu'ils ne fe retirent point
fur les édifices voifins de l'Eglife de Saint
Julien .
Quand j'ai dit que ces oifeaux , en nichant
fur les arbres, ou fur les édifices éle
vés , ne changent point de pofition refpectivement
à la fuperficie de la terre , je n'ai
point entendu parler d'une élévation géoDECEMBRE.
1749.
129
métriquement égale . Vous fçavez que magis
aut minus non mutant fpecies. Et ce que
j'ajoûtois que ce qui pourroit embarrafler
les Phyficiens , feroit fi les oifeaux qui font
leurs nids dans les lieux élevés , venoient
à dépofer leurs oeufs fur la terre , comme
le Crapaud volant , cela , dis- je , auroit pû
vous épargner de m'accufer d'inexactitude.
Ce que j'ai voulu dire , c'eft que le changement
de climat ne change rien à la pofition
du nid des oifeaux . Effectivement , fi
vous confultez le Livre de M.Linnæus , intitulé
Fauna Suecica, vous verrez qu'en Suede
, auffi bien qu'en France , la Perdrix habite
dans les prairies & dans les lieux cultivés
, habitat in cultis. La Hupe y dépofe
fes oeufs dans les creux des arbres , comme
ici , ova ponit in cavis arboribus. Le Corbeau
dans les pays Septentrionaux , fait auffi
fon nid fur les plus hauts arbres , fuper
abietum ramis nidificat. Il en eft de même
des autres oifeaux.
Vous paroiffez en peine de fçavoir à
quelle efpece d'oifeau convient le nom de
Corneille. Il femble que l'on ne doit nommer
ainfi que celle qui eft connue du vulgaire
fous ce nom , appellée en Latin Cornix
, & dont Belon a donné la defcription.
Pour le Crapand -volant , que vous dites
ignorer , comme c'eft un oifeau affez com
F V
130 MERCURE DE FRANCE:
mun , peut-être le connoiffez - vous fous un
autre nom. Quoiqu'il en foit , je crois ne
pouvoir mieux faire pour fatisfaire votre
curiofité , que de vous citer ce qu'en ont
dit les meilleurs Auteurs d'Ornithologie ,
qui en ont parlé fous le nom de Caprimulgus
ou Téte Chevre . Ariftote le dépeint
ainfi : * » C'eft , dit- il , un oifeau de mon-
» tagne, un peu plus grand qu'un Merle, &
» plus petit qu'un Coucou , fans vivacité.
» Il pond deux ou trois oeufs pour l'ordi-
" naite. Il téte les Chevres , d'où lui vient
>>fon nom , & la Chevre ainfi tetée perd ,
» dit-on , fon lait & devient aveugle. Il
» voit peu durant le jour , mais il voit clair
» de nuit. Pline & Elien en parlent conme
Ariftote . Gefner , qui en donne une
defcription affez exacte , rapporte que
Turner , herborifant fur les montagnes de
de la Suifle , fit rencontre d'un vieillard ,
qui lui dit qu'un Téte- Chevre avoit rendu
fix de fes Chevres aveugles . Enfin M.
Linæus l'appelle ** Hirundo cauda integrâ
, ore fetifciliato. Selon lui » le Téte-
Chevre (Caprimulgus) habite par tout en
» Suede. Il fort un peu avant dans la nuit ,
» & s'annonce par fon roucoulement con-
» tinuel. Il eft de la grandeur d'un Cou-
* Hift. Anim . L. 9. c. 30.
** Fauna Suecica.
DECEMBRE.
i
1749. 731
" cou ; fon corps eft blanchâtre en deffus ,
» tacheté de noir , de blanc & de brun ,
» artiſtement entremêlés & femé de mar-
» ques noires longitudinales ; fon ventre
>> eft d'un gris pâle & ondé de noir , ainfi
» que fa poitrine , dont les taches font plus
»petites que celles du ventre. Sa tête eft
» grande à proportion du corps , ainfi que
» les oreilles , qui ne débordent pourtant
» pas ; il a les yeux grands , ce qui lui eſt
» commun avec les autres oifeaux de nuit .
» Son bec eft délié , applati , un peu re-
» courbé , noir ; fes pieds petits , velus , le
» doigt du milieu plus long du double que
» les autres ; l'ongle de ce doigt eft à fon
» bord intérieur écaillé , en forme de dents
de peigne. La queue longue & entiere.
» Les dix pennes ou grandes plumes de
chaque aîle font lâches , molles & éga-
» les. Voici ce que cet oifeau a de parti
>> culier. Il a des mouftaches au bord de la
» partie fupérieure du bec , compofées de
» huit foyes qui débordent , afin qu'il attrappe
plus facilement les phalenes &
autres infectes. Son gofier eft vaſte , dix
fois plus large que l'entrée du bec , com-
» me dans les oifeaux du même genre ; fes
narines font élevées en forme de cylindre
; fa langue très petite , entiere & attachée
au palais . Il a le crâne tranfpa-
"
F v)
132 MERCURE DE FRANCE:
rent . Le mâle a une grande tache blan
» che vers le milieu de la feconde & de la
» troifiéme plume de l'aîle , & les bouts
de la premiere & de la feconde plume
de la queue blancs , ce que n'a point la
femelle. J'ai mis au long cette defcription
de M. Linnæus , l'ayant trouvée aſſez ,
conforme aux obfervations que j'ai faites
moi même fur ce volatile , que j'ai eu en
vie , que l'on trouve dans prefque toutes
les Provinces de France , & qui eft conna
des Chaffeurs & des gens de la campagne
fous le nom de Crapaud- volant , à caufe de
l'ouverture de fon bec , affez ſemblable à
la gueule d'un crapaud . J'ajoûterai que les
noms de Tete - Chevre & de Crapaud- volant
font inferés, comme les noms François répondans
au Latin Caprimulgus , dans l'ouvrage
de M. Linnæus , intitulé : Syſtema
Natura , imprimé à Paris , chez David ,
1744 , page 78.
Il ne faut pas confondre le Crapaudvolant
avec un autre oifeau , auquel on a
donné ce même nom au Jardin des Tuilleries
de Paris , lequel depuis plus de di..
ans pique la curiofité de plufieurs perfonnes.
Ce volatile , qui eft auffi un animal
nocturne , n'y eft connu que par fon cri ,
qui fe fait entendre au Printems. Je l'y ai
' entendu au mois de Mai dernier fur les 10
DECEMBRE . 1749. 153
*
heures du foir , & fon cri m'a porté à croire
que ce pourroit être l'efpece de Chouette
appellée en Latin Noctua , qui , fuivant
Jonfton a deux cris , dont l'un s'exprime
ainfi tou tou , qui m'a femblé être celui
de ce prétendu Crapaud volant . De
plus un des Suiffes de ce Jardin m'a dit ,
qu'ayant été follicité , il y a quelques an
nées , de découvrir cet animal , il tira dans
l'arbre où il l'entendoit, & abbattit trois petites
Chouettes , que j'ai vûes attachées à
fa porte ; mais que le lendemain au foir
'ayant encore entendu le même cri dans le
même arbre , il doutoit fi effectivement il
avoit tué l'oiſeau en queftion . Je laiffe à
quelqu'un plus inftruit que moi, de reconnoître
& expliquer clairement la nature
de cet oifeau. J'ai l'honneur d'être , &c.
* Tit. VII. c . s . de Avibus.
A Paris , le premier Août 1749.
On a dû expliquer l'Enigme & les
Logogryphes du Mercure de Novembre
par l'Aumuffe , Paris , Maronier
On trouve dans le premier Logogry-.
phe , Paris le Troyen , Apis , Pair , pas
de prefféance , airs , pas de danfe , Païs ,
air. On trouve dans le fecond › MA134
MERCURE DE FRANCE.
ron , Maro , or , Neron , air , ane , mer ,
Romain , Oran , mi , re , mari.
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
N
ENIGM E.
Ous fommes bien des foeurs , étroitement
unies ,
Qui comptons parmi nous des Reines & des Rois.
Nous tenons des mortels nos differentes loix ,
Et fommes quelquefois injuftement punies.
Que notre fort hélas , eft trifte & rigoureux !
Faifons - nous quelque bien ? nous caufons du
dommage ;
Si l'un en eft content , l'autre en fecret enrage ,
Et fouvent furieux , de fa cruelle main ,
En nous injuriant , nous déchire le ſein .
Sans répandre de fang , nous fouffrons le martyre,
Nous périffons enfin , & ne pouvons rien dire.
Par M. M .....
DECEMBR E. 1749. 135
AUTR E.
ON connoît par expérience
Le prix de mon utilité ,
Car chaque homme dès fa naiffance ,
Eprouve ma néceffité.
Lecteur , je gage que peut-être ,
( Sans me vanter mal à propos )
C'eſtpar mon fecours que ton être
Eft enfin forti du cahos.
Par les douceurs que je procure ,
Je compte partager tes jours ,
Mais j'en ufe bien , je t'affûre ,
Puifque j'en conferve le cours.
Par un contrafte , dont perfonne
Ne fçauroit le trouver exempt ,
Mon fein eft bien des fois le champ
Dans lequel Atropos moiffonne.
Témoin des plus fecrets plaifirs,
J'en donne fouvent les défirs.
Plus à ceux dont je fuis l'ouvrage ;
Je coûte de peine à hauffer ;
Plus ceux qui de moi font uſage ,
Ont de plaifir à m'abaiffer.
Comme le Paon , c'eft de mes plumes
Dont on fait en moi plus de cas ;
La moindre careffe du bras
136 MERCURE DE FRANCE,
En groffit bien-tôt les volumes .
J'admets à ma comparaiſon ,
Ou la fougere ou le gazon ;
C'en eft allez pour fçavoir comme
Mon tout par trois lettres fe nomme.
Par le même.
ENIGME EN LOGOGRYPHE.
J E ne fuis que figure & non réalité ,
Ornement de plaifir produit par la folie.
Ennemi du chagrin , de la mélancolie ,
Je fais naître les ris , j'inſpire la gaité .
Certains jours confacrés à mes jeux , à ma gloire ,
?
Font à mes Sectateurs goûter bien des plaifirs
Favorable aux amans , à leurs tendres défirs
J'ai fçû plus d'une fois procurer la victoire .
Je m'en tais , cher Lecteur, je ne dois tout au plus
Révéler que l'effet de tous mes attributs.
Souffre qu'en plufieurs fens ici je les explique .
Plus mes traits font hideux , plus ils font trouvés
beaux .
Par le femblant du vrai je fuis pere du faux ,
Vice chez les petits , chez les Grands politique.
L'oppofé du dehors , contrafte du dedans ;
L'apparence du bien , mais du mal le fûr guide ;
Pour le crime un manteau ,l'audace du timide.
DECEMBRE . 1749. 137,
Voila quel eft mon art ; tels font mes partiſans ;
Tranche ma tête enfin,& pour te mieux paroître,
A la place tu peux mettre celle d'un corps ;
Je fuis de nos Héros, changeant de nom & d'être,
Cette fuperbe armure offerte à leurs tranſports ,
Quand dans les champs de Mars ils vont pour Fa
Patrie
S'expofer au danger , facrifier leur vie .
Mais, Lecteur , j'en dis trop , déja tu me connois ,
Et je ceffe dès-lors d'être ce que j'étois .
LOGOGRYPHE.
Mon nom fe prend en deux fens differens.
Je fuis dans l'un , au gré de bien des gens ,
D'un fâcheux préfage à la vue ,
Leur ame , en me voyant , eft triftement émue
Et dans l'autre je fuis de ces amuſemens
Qui fervent à paffer le tems.
Je renferme en fix pieds, qui forment ma fubftance,
Un titre , dont plus d'un Seigneur
Se décore & fe fait honneur ,
En Angleterre , ainfi qu'en France ;
Une Cité du Duché de Milan ,
Ou fi tu veux le nom d'un Saint, & d'un brigand ;
Le fynonime de volume ;
Ce que dans fon chaudron la harangere allume
138 MERCURE DE FRANCE.
Pour oppofer aux traits d'un froid plein de rigueat;
Et ce qu'au premier homme ôta le Créateur.
LE
Brunet , de Dijon.
AUTRE.
E caprice & l'occafion
Ont tous deux part à ma naiffance ,
Un feul inftant me donne l'exiſtence ,
Et je péris par la refléxion .
Neuf pieds compoſent ma ſubſtance.
Ufant de tranfpofition ,
Mes deux extrémités font deux tons de mufique ;
Par une autre opération
J'offre à tes yeux métal , Ville , vafe aquatique ;
Souverain ; Nymphe ; adverbe ; incivile action ;
Mot commun dáns la vénerie ;
Synonime de vif; grand fleuve d'Italie ;
Pour maint Convent commode invention ;
Terme où du Nautonnier tend la direction ;
D'un bâtiment une partie ;
L'affreufe Déité , qui fans diftinction ,
Sans égard , fans exception ,
Tient tôt ou tard les humains fous fa griffe ;
Je fuis à cet afpect , & plein d'émotion ,
J'abandonne le Logogryphe.
Par le même.
DECEMBRE. 1749. 139
L
AUTRE.
Orfqu'une docte main me foutient & m'anime
,
Je puis charmer , Lecteur , les hommes & les
Dieux.
Jadis mon pouvoir merveilleux
Pénétra jufqu'au noir abîme.
fort peu de case
L'on doit me mettre un frein , quand j'ai la tête bas
Mes pieds offrent aux yeux un ton de la mufique ;
Un, deux, quatre, de moi l'on fait f
Enfin par anagramme en moi tu trouveras i
Ce qu'il faut faire à plus d'un frénétique
Ce trait t'eft ſuffiſant pour fortir d'embarras.
Par le même.
AUTR E.
Souvent tout l'orgueil d'une belle
A mon aſpect s'eft éclipſé ;
Le Héros à fon tour quelquefois renversé ,
Vainement à mes loix voudroit être rebelle ;
Du Digefte en mon tout j'enferine le plus beau ;
Décapité , je fuis chofe peu recherchée ;
Mon dernier pied fouftrait, ie deviens un oileau ;
Une Nymphe en mon fein eft encore cachée,
Par le même,
$40 MERCURE DE FRANCE.
AUTRE.
D. Ans un palais brillant , trône de l'impoſture;
Où l'art audacieux furpaffe la nature ;
Séjour où les mortels te paroiffent des Dieux ,
Où le coeur s'amollit par l'oreille & les yeux ;
De toutes les beautés dont ton ame eft ravie ,
Je fais en mon entier la meilleure partie .
Ma premiere moitié foutient le trait vengeur
De la Divinité qui ne vife qu'au coeur.
Pourfuis en ajoutant ; fans mon fecours le monde
Eût été tout entier enfeveli ſous l'onde .
Encor un pied , Lecteur , fans fortir de ta place ,
Il ne tiendra qu'à toi de me voir dans la Thrace.
Par ..... de Falaife.

NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX - ARTS , &c.
Dla
ICTIONNAIRE Etymologique de
la Langue Françoife , par M. Ménage,
avec les Origines Françoifes de M. de
Cafeneuve , les Additions du R. P. Jacob,
& de M. Simon de Valhebert , le Difcours
du R. P. Befnier , fur la fcience des Etymologies
, & le Vocabulaire HagiologiDECEMBRE.
1749. 140
que de M. l'Abbé Chatelain. Nouvelle
Édition , dans laquelle , outre les Origi
nes & les Additions ci -deffus , qu'on a inferées
à leur place , on trouvera encore les
Etymologies de Meffieurs Huet, le Duchat ,
de Vergy , & plufieurs autres.Le tout mis en
ordre , corrigé & augmenté par M, A. F.
Fault , Profeffeur au Collège Royal . Deux
volumes in -folio, propofé par foufcription.
A Paris, chez Briaffon, rue Saint Jacques ,à
la Science & à l'Ange Gardien , 1750.
Avec Approbation & Privilége du Roi .
le
Le tome premier de ce Dictionnaire eft
entierement imprimé : le fecond & dernier
fera achevé au mois de Juin 1750 .
Il est même déja avancé , on & on peut
voir journellement chez de Libraire . Le
papier en est tout femblable à celui du Projet
, & le caractére eft le même que celui fur
lequel on a imprimé les articles du Diction
naire dans le même Projet.
CONDITIONS,
On fouferira jufqu'à la fin de Mai 1750,
& on payera trente- deux liv. pour l'avoir
en feuilles, fçavoir , dix-huit liv . comptant
en prenant la foufcription , ci
Quatorze livres en recevant le Li-
18 1.
vre au mois de Juillet prochain , ci 141.
Total 321.
142 MERCURE DE FRANCE .
A condition de le retirer au plus tard
dans tout le courant de 1750 , fans quoi
les avances qu'on aura faites , feront perdues
; condition expreffe , fans laquelle le
Libraire n'accorderoit pas un fi grand
avantage aux Soufcripteurs pour un tems
fi court.
Ceux qui n'auront pas foufcrit à tems ,
payeront le Livre en blanc quarante- deux
livres.
Chercher ce que les Langues ont emprunté
les unes des autres , les analyſer &
les rappeller à des origines , dont les veftiges
prefque effacés fe dérobent aux yeux
les plus pénetrans ; c'eft ce qui conftitue la
fcience Etymologique
, c'eft enrichir la
Langue : Travail épineux , qui demande
des connoiffances
prodigieufes , une fagacité
finguliere , beaucoup de Dialectique ,
& même de la Philofophie
. Platon ne dédaigna
pas de confidérer
fous cet afpect
une Langue qu'il parloit fi bien . Ariftote,
qui remuoit tout , fuivant l'expreffion
de
Montagne , avoit fait un ouvrage fur l'introduction
des noms barbares dans la Langue
Grecque. Ainfi les deux premiers Etymologiftes
que nous connoiflions
, ont été
les deux plus grands Philofophes
de l'antiquité
; l'étude des étymologies
amufa
leur loifir , & après eux les plus fameux
DECEMBRE . 1749. 143
Grammairiens en firent le fondement de
leur Art.
Auffi - tôt que la Langue Latine , enrichie
par
la culture des Arts & le commerce
des Latins avec toutes les Nations du
monde , eut acquis cette abondance que
nous lui remarquons , Caton le Cenfeur &
le docte Varron ne regarderent point cette
forte d'étude comme une occupation indigne
de leur caractére & de leurs talens.
Cependant on n'accufera ni Caton ni
Varron ,d'avoir ignoré l'emploi que le Sage
peut faire de fon tems & de fa raifon . Ces
exemples auroient fuffi pour autorifer Cé
far à compofer fon ouvrage fur l'Analogie,
fi Céfar cût eu befoin d'exemple.
,
Ifidore de Séville & Alcuin , nés dans
des tems moins heureux pour les Lettres ,
en cultiverent cependant cette partie avec
quelques fuccès ; mais dans le feiziéme fiécle
la fcience des Etymologies fit un tout
autre progrès. On s'apperçut combien la
connoiffance des Langues tenoit à l'hiftoire
des Peuples , combien la comparai
fon des Langues en augmentoit la fcience-
& facilitoit l'étude ; & enfin combien elle
pouvoit épargner d'erreurs. On vit paroître
les Origines Françoifes de Budée , de
Baïf , de Henri Etienne , de Nicot, du Préfident
Fauc het , & de plufieurs autres,
;
$44 MERCURE DE FRANCE .
M. l'Abbé Ménage , muni d'une vaſte
Littérature , verfé dans les Langues anciennes
, fçavant dans quelques-unes des
modernes , entra dans la carriere après
eux , & les devança tous . Ses Origines de
la Langue Françoife parurent en 1650 in-
4. avec l'applaudiffement prefque unanime
des gens de Lettres , & lui valurent ce
compliment de la Reine Chriftine de Suéde
, qu'il fçavoit non-feulement d'où venoient
les mots , mais où ils alloient. Cependant fon
ouvrage fut critiqué ; mais Ménage ne fut
ni irrité des critiques , ni aveuglé des éloges
; il fentit combien il lui reftoit à faire ;
il y travailla toute fa vie , & la feconde
édition de fes Origines étoit fort avancée
lorfqu'il mourut.
M. Simon de Valhebert , de l'Académie
des Infcriptions & Belles- Lettres , la donna
au Public fur les Mémoires de l'Auteur,
& elle parut en 1694 en un volume infolio
, fous le titre de Dictionnaire Etymologique
, ou Origines de la Langue Françoife.
Outre quelques additions , dont les
unes font du feu Pere Louis Jacob , & les
autres de l'Editeur & de l'Abbé Perrault ,
cette édition contient plufieurs piéces qui
ne font pas de Ménage , telles que le fçavant
Difcours fur la fcience des Etymologies
, qui fert de Préface , & dont on
cft
1
DECEMBRE. 1749. 145
eft redevable au Pere Befnier , Jéfuite
; un Traité du changement des Lettres
dans les noms propres , fous le titre
de Vocabulaire Hagiologique , qui eft de
M. Chaſtelain , Chanoine de l'Eglife de
Paris mais l'augmentation la plus importante
eft de M. de Cafeneuve , dont
les Origines de la Langue Françoiſe furent
mifes à la fin, de cette édition du
Dictionnaire de Ménage.
Il fembloit que M. Ménage avoit rempli
tout fon objet , & qu'il avoit été auffi loin
qu'il étoit poffible dans cette recherche :
cependant peu après cette feconde édition
de fon Livre , parurent les Differtations de
M. l'Abbé Tilladet , à la fin defquelles on
trouve des étymologies de M. Huet , Evêque
d'Avranches , l'un des plus illuftres
Sçavans de nos jours. Dom Liron , Bénédictin
, & quelques-autres , en publierent
auffi . D'autres travailloient dans le fecret ,
& leurs ouvrages n'étoient jufqu'à préfent
connus que par des Sçavans qui étoient informés
de leurs occupations . Entre ces
derniers , M. de Vergy avoit recueilli un
très-grand nombre de recherches . Mais le
plus célebre de tous eft M. le Duchat , un
de ceux qui ont le plus apporté de lumieres
dans cette partie . Il avoit chargé toutes les
marges du Dictionnaire de Ménage de fes
1. Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE.
nouvelles obfervations & des augmentations
qu'il fe propofoit d'y faire. Il y a
confommé une vie très longue , qu'il avoit
prefqu'uniquement deſtinée à l'étude de
la Langue Françoiſe & de fes Origines . A
fa mort , ce morceau précieux pour notre
Langue paffa dans le Cabinet de M. Formey
, Sécrétaire perpétuel de l'Académie
des Sciences de Berlin , lequel a eu la com
plaifance de le céder. C'eft le fondement
des principales additions qu'on va
publier fur Ménage . Outre ceux que nous
venons de citer , quelques Auteurs célébres
parmi les Etrangers ont fourni
de nouveaux matériaux. Leibnitz avoit
donné en 1717 Collectane a Etymologica.
Wachter a publié depuis fon Gloffarium
Etymologicum, ouvrage important & plein
d'excellentes chofes. Les Mémoires de
l'Académie Royale des Sciences de Berlin ,
année 1745., ont auffi donné un effai fur
cette ſcience. On a profité de tous ces fecours
& de tout ce qui s'eft publié juſqu'à
nos jours , ainfi que des confeils &
des lumieres de plufieurs Sçavans illuftres
qui ont favorifé l'entreprife de l'Editeur ,
de forte qu'il n'a rien laiffé de tout ce qui
'exifte en cette partie , qu'il n'ait vû & confulté
pour la perfection du Dictionnaire
Etymologique .
DECEMBRE . 1749. 147
Un autre avantage fenfible qu'aura cette
édition, c'eft que la précédente n'avoit donné
les additions du Pere Jacob & de M. de
Cafeneuve , qu'à la fin du volume de Ménage
, en forte que le Lecteur avoit à confulter
trois fois ce Livre , pour trouver ce
qu'il cherchoit : l'Editeur à tout réuni aux
articles mêmes de Ménage , en obfervant
feulement de citer les noms des Auteurs à
la fin de chaque article . En rendant à chacun
ce qui lui appartient , il fatisfait à
la juftice qui eft dûe à ceux qui l'ont
éclairé , & il efpere que le Public fera
content de l'attention qu'on a à lui faire
connoître les garants des additions au travail
de M. Ménage ; ouvrage qu'on peut
appeller avec juftice le Dictionnaire des
Dictionnaires , puiſqu'il a pour objet l'analogie
qui , à proprement parler , eft la
clef des Langues.
ARTICLES DU DICTIONNA Í RE ,
AID. ALB. AMA. CIN. EVE.
AID.
AIDER. De l'Italien aitare , qui a été
fait du Latin adjutare . Les nouveaux Grecs
dirent ἄγιτιαζειν: & ἄγιτα pour l'Italien
aita. En Arabe iad fignifie main & aide , ce
qui a obligé Cafaubon de tirer le François
aider de la Langue Arabe . M.
G ij
148 MERCURE DE FRANCE.
Ce mot ne viendroit- il point du verbe
Syriaque adar, qui fignifie la même choſe .
AIDES. On appella autrefois du nom
d'Aides les deniers & les fubfides que les
Rois levoient fur le peuple. On leur donna
ce nom , pour faire entendre que ce
n'étoit que pour aider à fubvenir aux néceffités
de l'Etat & aux frais de la
guerre .
Les Aides furent établies fous les Rois de
la troifiéme Race. Quelques uns les rapportent
au tems du Roi Jean , & d'autres
leur donnent une origine beaucoup plus
antérieure . Aujourd'hui on appelle Aides
le droit qui fe prend fur les marchandiſes
qui fe vendent ou qui fe tranfportent , &
principalement fur les vins, cau -de-vie , cidre
, bierre & autres boiffons. Droit different
de celui qui fe leve fur le fel , qu'on
appelle Gabelle , & de celui qui fe leve
fur les terres & fur les perfonnes , & que
l'on nomme Taille. La Cour des Aides a
été ainfi appellée , parce qu'elle connoît
des Aides du Roi , &c. Vergy.
AL B.
ALBERT. Nom propre d'homme.
C'eſt un mot Saxon , qui fignifie tout illuftre.
Bert en Langue Saxonne fignifie illuftre
, & al . fignifie tout- à-fait. Voyez au
mot Berte , & Camden , dans fon chapitre
des mots Anglo- Saxons. M.
DECEMBRE. 1749. 149
ALBERT. C'eft une contraction d'Adelbert
, mot compofé d'Adel & de bert ,
qui fignifie Illuftre en nobleffe. Le Duchat .
Selon Wachter , all eft une particule
intenfive , qui augmente le fens dans les
compofés ; & de cette maniere Albert fignifiera
très -illuftre , comme Alaric , trèspuiffant
, &c. Voyez Wachter , Gloſſar,
German, au mot All.
AMA.
AMARANTE . Fleur. D'amarantus,
fait d'auagan , compofé de la particule.
privative alpha , & du verbe gaiverv
qui fignifie marceffere. Pline , livre 21 ,
chapitre S , qui eft de veftium amulatione
cum floribus : Amaranto non dubiè vincimur :
Eft autem fpica purpurea veriùs quàm flos
aliquis : & ipfe fine odore. Mirum in eo ,
gaudere decerpi , & latius renafci. Provenir .
Augufto menfe : durat in autumnum . Alexandrino
palma , qui decerptus affervatur ; mirùmque
, poftquam defecere cuncti flores , madefactus
aquâ revivifcit , & hybernas coronas
facit. Summa ejus natura in nomine eft , afpellato
, quoniam non marcefcat. Et c'eft par
cette raifon d'étymologie , que Columelle
a appellé immortelles les amarantes.
Et male damnati moefto qui fanguine furgunt
Eacii flores , immortalesque amaranti.
Giij
150 MERCURE DE FRANCE.
De la couleur de cette fleur , nous difons
une étoffe , un drap amarante. La plupart de
nos plus célebres Auteurs de la Langue
Françoife écrivent amaranthe : en quoi ils
ne font pas à imiter. M.

AMARANTE , eft auffi le nom d'une
efpéce d'Ordre de Chevalerie , que la Reine
Chriſtine de Suéde inftitua en 1653 .
Cer Ordre doit fon nom & fon origine à
une fête galante que je vais décrire en peu
de mots. Il y avoit en Suéde un jour de
divertiffement établi chaque année &
on le paffoit en feftins & en danfes , qui
commençoient le foir & duroient jufqu'au
matin. Cette fête , telle à peu près qu'est
parmi nous celle du Roi boit , fe nommoit
la fête de l'Hôtellerie. La Reine Chriſtine
changea ce nom , & l'appella la fête des
Dieux , nom plus majeftueux , & qui convenoit
parfaitement , puifque les Seigneurs
& les Dames de la Cour tiroient au fort
la Divinité qu'ils devoient repréfenter à
cette fête . Les Dieux étoient fervis à table
par une élite de jeune Nobleffe de l'un &
de l'autre fexe , qui paroiffoit encore plus
brillante par la diverfité des habillemens
que chacun inventoit pour fe diftinguer,
La Reine prit le nom d'Amarante , c'eftà
- dire Immortelle , & parut avec un habit
fuperbe , couvert de diamans , habit qu'elDECEMBRE.
1749. 151
le quitta fur la fin de la fête , & en ayant
fait détacher les pierreries , elle en fit préfent
aux mafques qui avoient été admis ,
&c. Vergy.
CIN.
CINNABR E. Sorte de minéral rouge
, ou vermillon. De cinnabarium , qui eft
une couleur compofée de foufre brûlé &
de vif- argent, M.
CINNABRE OU CINABR E. Ce mot
vient originairement du Grec xvapa , qui
fignifie odeur de bouc , & en général toute
mauvaiſe odeur , comme qui diroit
ifs novu v kgwass , ou xuvobiga , canum cibus.
Le cinnabre a été ainfi nommé , parce qu'au
rapport de Mathiole , lorfqu'on tire de
terre une forte de cinnabre foffile , il jette
une odeur fi étrange , qu'on eft obligé de
fe boucher le nez , & de fe couvrir le vifade
peur d'être infecté .
ge ,
EVE.
EVESQUE. On fçait affez qu'il vient
du Grec Tixon , & je ne parle de ce
mot que pour faire obferver l'altération
qu'il a foufferte en paffant dans la Langue
Françoife. Cette altération n'eft pas toute
fois fi grande qu'il fembleroit d'abord. Le
premier P d'Epifcopus a été changé en V ,
qui eft une lettre du même organe. Le
changement d'I en E n'eft rien. On con-
G iiij
152 MERCURE DE FRANCE ;
و
fervoit autrefois la lettre S , puifqu'on écrivoit
Evefque , à quoi on fupplée aujourd'hui
par l'accent circonflexe. Ainfi il n'y
a proprement de retranché que le dernier
P & l'O; & felon la méthode étymologiqué
de M. Ménage , Evêque aura été fait
d'Epifcopus en cette maniere : Epifcopus ,
Evifcopus , Evefcopus , Evefopus , Eveſcus ,
Evefque , EvEQUE . Quant au mot Grec
ISHOT , il fignifie furveillant , ou inf
pecteur, du verbe & ionelopat invifo, viſito.
Les Athéniens appelloient de la forte ceux
qu'ils envoyoient dans les Provinces de
leur dépendance , pour voir fi tout fe paſfoit
dans l'ordre. Les Latins ont auffi donné
ce nom à ceux qui étoient infpecteurs
& vifiteurs du pain & des vivres. On voit
par une Lettre de Cicéron , qu'il avoit eu
lui-même cette charge . Epifcopus ore Campania
On appelloit aufli Diocèfe , donors
l'étendue d'un Gouvernement ; & Cicéron
s'en eft fervi en ce fens . Ces mots ont été
pris des payens , & depuis confacrés par les
Chrétiens , comme une infinité d'autres .
.
COLLECTION complette des Mémoires
pour l'Hiftoire des Sciences des
Beaux- Arts , connus fous le nom de Mémoires
de Trevoux depuis 1701 , qu'ils ont
commencé , jufques & compris l'année
1750 , en 206 volumes en- 12. A Paris ,
DECEMBRE . 1749. 153
chez Briaffon , rue Saint Jacques , à la
Science ; chez Chaubert , Quai des Auguftins
, à la Renommée.
La Littérature s'enrichit tous les jours ,
& les differentes productions de l'efprit
ne laiffent prefque plus rien à délirer ;
mais cette abondance entraîne après elle le
défagrément de ne pouvoir fuivre fans des
recherches infinies , & fouvent infructeu
fes , les objers auxquels on fouhaite s'appliquer.
C'eft pour lever cette difficulté
qu'on imagina les Annales de la Littérature
, car on peut bien donner ce nom aux
Journaux Littéraires que la fin du dernier
fiécle & le commencement de celui- ci ont
vû naître. Leur utilité enleva tous les fuffrages
, & depuis ce tems on en a de plus
en plus fenti l'avantage .
Entre les differens Journaux qui ont
obtenu l'approbation du Public éclairé ,
les Mémoires pour l'Hiftoire des Sciences
& des Beaux - Arts , connus fous le nom
de Mémoires de Trévoux , ont toujours
tenu un rang diftingué . Nous n'entrepren
drons pas d'en faire connoître le mérite ;
il est trop bien établi pour que les Lecteurs
ayent befoin que nous nous efforcions
de le leur faire fentir.
Une autre raifon plus preffante nons
excite à publier cet Avis ; c'eft la rareté
G V
154 MERCURE DE FRANCE.

des Exemplaires complets de cette utile
Collection. Depuis près de cinquante ans
que ces Mémoires fe publient de mois en
mois , ce Recueil a fubi des variations qui
n'ont pas permis d'en réunir aifément les
differentes parties. Il a été imprimé pendant
trente ans à Trévoux ; les années
fuivantes , il s'en eft imprimé partie à
Lyon , partie à Paris , & la difficulté d'en
raffembler un corps , eft devenue plus grande
par ces changemens réitérés .
Les Libraires ci - deffus nommés ont
acheté ce qui reftoit de ces différentes
parties , tant à Trévoux & à Lyon , qu'à
Paris . Ils ont exactement vérifié le tout ,
& actuellement ils ont fort avancé la
réimpreffion des mois qui ne fe trouvoient
plus , en forte qu'ils font en état d'en fournir
un petit nombre d'exemplaires complets
depuis 1701 , que ces Mémoires ont
commencé , jufques & compris la prochaine
année 1750. Ils offrent à ceux qui s'emprefferont
d'en acquérir les exemplaires
complets , les conditions avantageuſes qui
font ci- après. Ils efperent que le Public
fera d'autant plus d'accueil à ce projet
qu'il n'y a nulle eſpérance de voir jamais
réimprimer ce Journal en entier , & que
d'ailleurs on fçait que la plus grande partie
des Bibliothéques en font encore privées.
DECEMBRE. 1749. 155
CONDITIONS.
Les Libraires s'engagent à fournir le Recueil
entier des Mémoires de Trévoux , depuis
1701 ,jufques & compris la prochaine
année 1750 , à 300 livres l'éxemplaire
complet , en feuilles , en 206 tomes , prefque
tous de trois mois ou volumes chacun ,
à ceux qui payeront les exemplaires par
avance .
Cette fomme fera payable , fçavoir :
En affûrant l'exemplaire d'ici au premier
Avril 1710 ,
En recevant les années 1701 à 1708 , en
20 tomes , en Mai 1750 ,
60
30
30
30
en
30
En recevant les années 1706 à 1710 , en
20 fomes , en Juillet 1750 ,
En recevant les années 1711 à 1715 , en
20 tomes , en Septembre 1730*,
En recevant les années 1716 à 1720 ,
18 tomes en Novembre 1750 ,
En recevant les années 1721 à 1725 , en

20 tomes , en Janvier 1751 ,
En recevant les années 1726 à 1730 , en
20 tomes , en Mars 1751 ,
En recevant les années 1731 à 1735 , en
21 tomes , en Mai 1751 ,
En recevant les années 1736 à 1740 , en
23 tomes , en Août 1751 ,
En recevant les années 1741
20 tomes , en Octobre 1751 ,
En recevant les années 1746 à 1750 ,
24 tomes , en Décembre 1751 ,
20
20
20
à 1745 , en
20
en
20
300 L
Total , 206 tomes ,
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
Dans le cas où il fe trouveroit quelqu'un
qui eût befoin de mois féparés pour completter
quelques exemplaires , il pourra
promptement envoyer la note des mois
dont il aura befoin , & les Libraires fe feront
un plaifir de fournir ceux qu'ils auront
féparément,à raifon de douze fols le mois ,
pendant le teins feulement des conditions
ci deffus .
Ceux qui défireront profiter de l'avantage
de ces conditions , font priés de faire
affûrer fans retard les exemplaires qu'ils
fouhaiteront , parce qu'il n'y a que peu
d'exemplaires qu'on puiffe completter ; &
s'il en refte aux Libraires , ils fe réfervent
de les vendre après le premier Mai 1750,
463 liv. 10 fols , à raifon de quinze fols
le mois , qui eft le prix ordinaire..
Ceux qui auront affûré les exemplaires ,
feront tenus de les retirer dans toute l'année
1752 au plus tard , fans quoi les avances
qu'ils auront faites ,feront perdues pour
eux. Condition expreffe , fans laquelle on
n'accorderoit pas un fi grand rabais .
On travaille à une Table des Matieres
des 206 volumes , qui fera imprimée par
les mêmes Libraires ; elle fera annoncée
au Public, lorfqu'elle fera achevée.
Les mêmes Libraires ont encore quelques
exemplaires entiers de la Collection
DECEMBRE. 1749. 157
du Journal des Sçavans , in- 4° . en 70 vólumes
, à vendre.
ESSAI fur la conformité de la Médecine,
des Anciens & des Modernes , ou comparaifon
entre la pratique d'Hippocrate ,
Galien , Sydenham & Boerhaave , dans les
maladies aiguës , où l'on fait voir quelle
doit être la pratique de Médecine dans
ces maladies . Par M. Jean Barker , Docteur
& Membre du Collège Royal des
Médecins de Londres ; traduit de l'Anglois
par R. Schomberg , Docteur en Médecine.
A Amfterdam , chez Pierre Mortier,
& à Paris , chez Cavelier, pere , ruë S.
Jacques , au Lys d'or , 1749 , vol . in- 12 .
ELIE Luzac , El. Filii Difquifitio politicomoralis
: Num civis innocens ira hoftis longè
potentioris juftè permitti poffit , ut excidium
totius civitatis vitetur . Lugduni Batavorum ,
ypis Auctoris , 1749 , -8 °.
LES ELEMENS du Barreau , ou Abregé
des matieres principales & les plus ordinaires
du Palais , felon les LoixCiviles , les
Ordonnances & la Coûtume de Bar- le- Duc ,
par M. de Maillet , Maître des Comptes
du Barrois , & c. A Nancy , chez François
Midon, Imprimeur- Libraire , 1746 „ in- 4° .
de 320 pages.
L'HONNEUR de l'Eglife Catholique &
des Souverains Pontifes , défendu contre
158 MERCURE DE FRANCE.
le Pere Courayer , par Dom Gervaife ,
Abbé de la Trappe , 1749 , volume in- 12.
A Nancy , chez le même. Ces deux ouvrages
le trouvent à Paris , chez David .
Le jeune , Quai des Auguftins.
ON imprime à Lyon , chez les Freres Duplain
, l'Hiftoire Navale d'Angleterre
dans toutes fes branches , depuis la conquête
de ce Royaume par les Normands
en 1066 , jufqu'à la fin de 1734 , traduite
de l'Anglois de Thomas Lediard , Secretaire
d'Ambaffade , avec une Préface
critique , le tout en 4 volumes in- 4°. avec
des caractéres neufs,far de très-beau papier.
ELOGE hiftorique & critique d'Homere ,
traduit de l'Anglois de l'ope . A Paris
de l'Imprimerie de Delaguette , Libraire
rue Saint Jacques , 1749 , in- 12.
LES TROIS Premiers volumes de l'Hiftoire
naturelle , générale & particuliere ,
avec la Defcription du Cabinet du Roi , fe
débitent à Paris , chez Durand , Libraire,
rue Saint Jacques.
IDE'E de la Poëfie Angloife , ou tra
duction des meilleurs Poëtes Anglois, qui
n'ont point encore paru dans notre Langue
, avec un jugement fur leurs ouvrages
, & une comparaifon de leurs Poëfies
avec celles des Auteurs anciens & modernes
, par M. l'Abbé Tart , de l'Académic
DECEMBRE. 1749-
159
Royale des Belles - Lettres , Sciences &
Arts de Rouen, 1749 , deux volumes in- 1 2 .
AParis , chez Briaffon , rue S. Jacques.
SECOND TOME de l'Hiftoire Eccléfiaf
tique du Pere Orfi , de l'Ordre des Freres
Prêcheurs. Rome , & le trouve à Paris,
chez Cavelier , pere , rue Saint Jacques ,
au Lys d'or. L'ouvrage eft en Italien.
HISTOIRE de Mouley Mahomet , fils
de Mouley Ifmaël , Roi de Maroc . A
Geneve , 1749 , in- 12 . de 321 pages , fans
la Préface de 24.
POETIQUE Françoife , à l'ufage des Dames
, avec des Exemples . A Paris , chez
Nyon , fils , Quai des Auguftins , à l'Occa
fion 1749. Deux volumes in- 12 . Le
premier de 402 pages ,
le fecond de 404 .
,
RECUEIL de Poëmes Didactiques. Trois
volumes in- 12. fe trouve à Paris , chez
Lemercier , rue Saint Jacques , 1749. L'ouvrage
eft en Latin.
ABREGE ' de l'Hiftoire des Empereurs
d'Orient , depuis le grand Conftantin ,
jufqu'à la prife de Conftantinople . Par le
Pere Keri Jefuite , in fol. de 569 pages.
A Tyrna en Hongrie , de l'Imprimerie de
la Compagnie de Jefus.
NICFT Collectio Artis Chirurgica è plusribus
veteribus Medicis , in quibus funt Apollonins
Cuienfis de Articulis, Sor anus de frac160
MERCURE DE FRANCE.
torum fignis , Oribafius de fractis & de luxatis
, &c. A Florence
CATALOGUE des Actes Littéraires de
l'Académie Royale de Médecine , établie
à Madrid. L'ouvrage eft en Eſpagnol .
L'ESPAGNE SACRE'E , par le Pere Florez.
Troifiéme tome , à Alcala. L'ouvrage eft
en la même Langue.
HISTOIRE Critique de l'ame des bêtes ,
contenant les fentimens des Philofophes
anciens , & ceux des modernes fur cette
matiere , dédiée à M. de Machault , Miniftre
& Contrôleur Général des Finances ,
par M. Guer , Avocat . Deux volumes in-
8 °. A Amfterdam , & à Paris ; chez Delaguette
, rue Saint Jacques .
DISSERTATION fur le Tonia ou ver
plat , dans laquelle on prouve que ce ver
n'eft pas folitaire , avec une Lettre fur la
poudre de fympathie , propre contre le
rhumatifme fimple ou goûteux ; on y a
joint la maniere de l'apprêter & de s'en
fervir , & le difcours prononcé par M. le
Chevalier Digby , fur l'efficacité de cette
poudre. Par Charles Dionis , Docteur Régent
de la Faculté de Médecine en l'Univerfité
de Paris , chez le Mercier , rue Saint
Jacques.
TRAITE' des Fluxions , par M. Colin
Maclaurin , traduit de l'Anglois par le R.
DECEMBRE. 1749. 161
P. Pezenas , Jéfuite . Deux volumes in-4° .
chez Jombert , Quai des Auguftins.
LA THEORIE & la pratique du jaugeage
des tonneaux des navires & de leurs fegmens
, par le même Pere , in- 8 ° . fig. chez
Rollin , Quai des Auguftins.
M. TULLI Ciceronis Orationes Selecta ,
cum notis Caroli le Beau , in- 12 . Deux volumes.
A Paris , chez Defaint & Saillant
rue Saint Jean de Beauvais.
HISTOIRE abregée des plus fameux
Peintres , Sculpteurs , & Architectes Eſpagnols
, avec une defcription exacte de
leurs oeuvres , & de celles des Etrangers ,
qui fe voyent en Espagne , traduite de
l'Eſpagnol par D. Antoine Palamino Velafeos
chez Delaguette , rue Saint Jacques.
:
Charles-Antoine Jombert , Libraire du
Roi pour le Genie & l'Artillerie , Quai
des Auguftins , imprime actuellement les
Livres fuivans.
Cours de Phyfique expérimentale , traduit
de l'Anglois , du Docteur Defaguliers,
par le R. P. Pezenas , Profeffeur d'Hydrographie
à Marseille , Correfpondant de
l'Académie Royale des Sciences . En deux
volumes in- 4° . avec près de cent planches
,fous preffe.
Elemens de la Méthode des Fluxions ,
162 MERCURE DE FRANCE.
de M. Maclaurin , Profeffeur de Mathé
matiques à Edimbourg , traduit de l'Anglois
, par le R. P. Pezenas , en deux volumes
in-4° . avec beaucoup de figures ,
fous preffe.
Elémens d'Algébre de M. Maclaurin ,
traduit de l'Anglois , par le R. P. Pezenas,
in- 8° . fous preffe .
Art de la Guerre par régles & principes.
Ouvrage de M. le Maréchal de Puyfegur.
Nouvelle édition , en deux volumes in-
4° avec plus de cinquante planches , fous
preffe.
L'Ingénieur de Campagne , ou Traité
de la Fortification paffagere , par M. de
Clairac , Brigadier des Armées du Roi ,
Ingénieur en Chef à Bergues , in- 4° . avec
trente-fix planches , fous preffe .
Abregé d'Architecture , où l'on donne
pour régle les cinq Ordres de Vignole ,
enrichi de nouveaux deffeings de portes ,
fenêtres , niches , vafes , cartels , & c . avec
des réflexions & des exemples de toutes
les parties qui entrent dans la compofition
de l'Architecture ; par M. Potain , le fils ,
Architecte , in 8°. enrichi de plus de quatre-
vingt planches , fous preffe.
Traité de Perfpective , à l'ufage des Ar
tiftes , où l'on démontre géométriquement
toutes les pratiques de cette Science,
DECEMBRE . 1749. 163
& où l'on enfeigne , felon la Méthode de
M. le Clerc , la maniere de mettre toutes
fortes d'objets en perfpective. Par M.
Jeaurat , in-4° , accompagné de plus de
cent planches , fous preffe. *
SIX SONATES en duo pour le tambourin
, accompagné d'un violon feul ; on
peut auffi les exécuter fur hautbois , fluttes
, violons , & pardeffus - de -viole ; la
vielle & la mufette peuvent en exécuter
le premier deffus , en pofant la clef de fol
fur la premiere ligne. On trouve à la tête
des principes généraux du tambourin .
Par M. la Valliere. Chez l'Auteur , demeurant
chez Madame Guerin , rue des
Filles- Dieu ; chez le Clerc , rue du Roule
Madame Boivin , rue Saint Honoré , &
chez le Prieur , Imprimeur ordinaire du
Roi , rue Saint Jacques. L'Auteur montre
à jouer de cet Inftrument.
LA PAIX , Cantate à la gloire du Roi ,
avec accompagnement de flutte & violon ,
mife en Mufique par M. du Tartre , Maître
de Mufique . Le prix eft de 36 fols.
Chez l'Auteur , rue de Montmorency ;
Madame Boivin ; le Clerc ; Mlle Caftagnery,
rue des Prouvaires , & à Lyon , chez M.
de Bretonne , rue Merciere .
M. le Menu de Saint Philbert , déja
connu par deux Recueils d'airs , un Livre
164 MERCURE DE FRANCE.
>
de Cantatilles , un Livre de Motets , &
une Méthode annonce au Public une
troifiéme édition de cette Méthode , confidérablement
augmentée , & une nouvelle
Cantatille ; intitulée , l'Abfence , faifant
le commencement d'un fecond Livre.
>
CATALOGUE des Estampes gravées
d'après les Tableaux des plus grands Maîtres
, tirés des Cabinets des Rois de France ,
de Pologne & de Dannemarck : de M. le
Prince de Carignan , de M. le Duc de Valentinois
, de Mad, la Comteffe de Verrue
de M. leComte de Teffin , de M. le Comte de
Choifenl, de M. le Comte de Vence , de M.
le Marquis d'Argenfon , de M. le Marquis
de Laffay, de M.le Marquis de Mirabeau ,
de M. le Baron de Thiers , de M. le Chevalier
de la Roque , de M. de Fonpertuis,
de M. de Julienne , de M. de Vaux , de
M. Lempereur , de M. Hicman , de M.
Aved, de M. le Noir & autres . Par le Sr
Jacques Ph. le Bas , Graveur du Cabinet du
Roi & de fon Académie Royale . Il demeure
à Paris , au bas de la rue de la Harpe, dans
la porte cochere vis- à - vis la rue Percée.
On trouvera chez lui les Estampes énoncées
ci-après , des plus belles Epreuves , &
il eft le feul poffeffeur deflites Planches.
>
DECEMBRE. 165 1749.
De M. Oudry , Peintre du Roi.
Livre d'animaux , en douze feuilles , 3 livres. 3
De M. Aved , Peintre du Roi.
Le Portrait de M. Caze , Directeur de l'Académie
de Peinture & Sculpture , 1 livres 10 fols.
De M. Lancret , Peintre du Roi.
Le Repas Italien , 4 livres . Le Maître galant ,
une livre IS fols.
De M. Boucher , Peintre du Roi.
Premiere vûe de Beauvais , 1. liv . 15 fols. Seconde
vûe de Beauvais , 1 liv , 15 fols. Premiere
yue de Charenton , 1 liv. 4 fols . Seconde vûe de
Charenton , 1 liv. 4 fols. L'agréable Solitude , 1s
fols. Livre en 20 feuilles , pour deffiner , 3 livres,
De Paulus Potter , Peintre Hollandois .
Petite vûe de Hollande , 1 liv . 4 fols.
I
De Ruifdail.
yue de Skervin , promenade à un quart de lieue
de la Haye , liv, 15 fols . Moulin Hollandois ,
15 fois.
De Boott A. V. de Velde.
Le Courier de Flandres , I liv . 4 fols. Petite
Marine , I liv . 4 fols , de Boott, Vue de Santvliet ,
1 liv. 15 fols. & Vûe de Schevelinge , 1 liv. 15
fols , de W. de Veld.
?
De Berghem, Peintre Hollandois.
Les quatre heures du jour , en quatre Estampes ,
8 livres.
De differens Auteurs ,
Le Maître de danſe , de Cano , I liv . 10 fols. Le
Maître galant, de Lancret , *1 liv . 15 fols. Les Souhaits
au grand Papa , de Cano , 1 liv 10 fols. Le
Ballet du Prince de Salerne , de Marvy, 15 fols. Lé
Village pillé par les Pandoures , d'après Bregdel ,
aliv . Les Soldats en bonne humeur , idem. 1 liv .
166 MERCURE DE FRANCE.
Jupiter & Mercure , d'après. Rubens , i liv. Six
Sujets d'après Benedette , 3 liv. L'Amour à l'école
, 1 liv. 10 fols.
رد
De M. Coypel , Peintre du Roi,
L'Alliance de Bacchus & de Vénus, 1 liv . 10ſ.
Sainte Théreſe , 6 ſols .
De M. Dronais , Peintre du Roi,
Le Portraie de M. Lorrain , Sculpteur du Roi ,
& Recteur , 1 liv . 10 fols .
De M. Chardin , Peintre du Roi.
Le Négligé , ou la Toilette du matin , 1 liv . 10
fols. Dame prenant fon thé , liv . Faifeur de
château de cartes , 1 livre.
De M. Carlo Vanloo , Peintre du Roi.
Livre de proportions du corps humain , pour
deffiner , 4 livres.
De M. Chantreau , Peintre François.
Vue d'un Camp , 18 fols . Diſtribution du Fourage
au fee , 18 fols.
De Salvator Rofa , Peintre Italien.
S. Antoine de Padoue , prêchant aux Poiſſons ,
to fols . S. Antoine de Padoue , prêchant aux Oifeaux
, 10 fols .
De Vanfalens , Peintre Flamand .
1
Le Rendez vous de Chaffe , 3 liv. Le Chaffeur
fortuné , 3 liv. La prife du Héron , 3 liv. Départ
de Chaffe 3 livres.
>
De M. des Camps , Peintre Flamand .
Le Négociant, liv. 10 f.La Pupille, liv. 10'f.
Du Sr le Bas , Graveur du Cabinet du Roi .
I
Livre de grifonnement , en fept feuilles , 1 liv .
10 fols . Livre de Payfage , pour deffiner à la pla
me, I liv. 10 fols. Les gentilles Villageoiſes, 10 f
Les belles Vendangeufes , 10 fols . Le tems mal
DECEMBRE. 1749. 167
employé , 10 fols . L'Amant aimé , 10 fols . Colin
Maillard , 10 fols . Pierrot & fa progéniture ,
10 fols. M. de la Grandeur , 6 fols . Livre d'étude
de differentes Figures militaires , 2 livres.
De David Teniers , Peintre Flamand.
Le Vielleur , 15 fols. Les Philofophes Bachiques,
3 livres. Les Miſeres de la guerre , i liv. Is fals.
Les Pêcheurs Flamands , 1 liv. 15 fols. La Terre ,
8 fols. Le Feu , 8 fols. L'Air , 8 fols . L'Eau , 8 f
La Vue , 8 fols. Le Toucher , 8 fols . L'Odorat , 8
fols . Le Goût , 8 fols . L'Ouye , 8 fols. Le bon
pere 10 fols. Le Vieillard content , 10 fols. L'Ecole
du bon goût , 10 fols. Les Joueurs de boule ,
10 fols . Fêtes de Village , 4 livres . La Solitude ,
10 fols. Premiere vûe de Flandre , 18 fols Deu
xiéme vûe de Flandre , l'Arc- en - Ciel , 8 fols. Le
Château de Teniers , 10 fols . Le Berger content ,
18 fols. Le Berger rêveur , 18 fols. Troifiéme
vue de Flandre , la Moiffon , 1 liv . 1's fols. Quatriéme
vue de Flandre , Jeu de boules , 1 liv. 15 f.
S. François d'Aflife , 10 fols. Réjouiffance Flamande
, 4 liv. La Ferme , 1 liv. 15 fols . La Baffecour
, 1 liv. 15 fols. La vente de la Pêche , 15 f..
La Pêche , 15 fols . Cinquiéme vue de Flandre ,
15 fols. Le Sifleur de Linotte , 1 liv. 10 fols . Le
Rémouleur , liv. 10 fols. La Guinguette Flamande
, liv 15 fols . Les deux amis , 15 fols. La
petite Laitiere , 15 fols. Vûe & Port de mer de
Flandre , 6 liv . La Famille de Teniers , 1 liv. 15 f.
La Tentation de S. Antoine , 1 liv. 15 fols. Le
Fluteur , 15 fols. Le Chymifte , 3 liv. Les OEuvres
de miféricorde , dédiées au Roi , 6 liv . Nôce de
Village , 15 fols. Les Pêcheurs , 15 fols. Saint Antoine
, 1 liv. Le bon mari , 15 fols . Le Fumeur ,
15 f. La Boudiniere, 1 1. 15 fols. Retour de Guinguette
, 1 liv. 15 fols . Sixiéme vue de Flandre ,
I
68 MERCURE DE FRANCE.
1 liv. 15 fols . Le Berger amoureux , 10 fols . La
Veffie , 15 fols . La Femme jalouſe , 1 liv . 4 fols.
Troifiéme Fête Flamande , où font 191 figures ,
livres.
De Wouwreman , Peintre Hollandois.
Le Pot au lait, 3 liv . La Chaffe à l'Italienne
3 liv . Halte d'Officiers , 3 liv. Les Sangliers for
cés , 4 liv. 10 fols. Halte de Cavalerie , 1 liv, 10 f.
De M. Parocel , Peintre du Roi.
Détachement de Cavalerie , 1 liv . 15 fols . Halte
des Gardes Suiffes , 1 liv . 15 fols . Rencontre de
Cavaleric , 3 liv . Petite Halte des Gardes Suifles ,
1 liv. 5 fols. Petite Halte des Gardes Françoiſes ,
I liv, 5 fols. Danfe à l'Italienne , I liv . s fols . Les
quatre heures du jour , 2 liv . Départ de Chaffe ,
liv s fols. Foire de Veniſe , 10 fols .
On trouve chez l'Auteur lefdites Eftampes reliées
ou brochées en un volume , qui contient 150
Eftampes. Le fecond volume fe payera à part , &
le premier eft de 135 livres broché , & de 160
relié,
LETTRE
Do M. d'Anville , à M. Remond de Sainte
Albine,fur une nouvelle Carte de l'Amérique
Méridionale,
Monfieur, après avoir publié une Carte de
l'Amérique Septentrionale , en deux parties
d'une feuille & demie chacune, & le defir du grand
Prince * qui anime mes études , par les bienfaits ,
* M. le Duc d'Orleans.
ayant
DECEMBRE. 1749. 169
ayant été de voir paroître de fuite la partie Méridionale
du même Continent, je ne puis mieux faire
, pour informer le Public de ce nouvean morceau
de Géographie , que de vous fupplier d'en
faire mention dans le Mercure , que votre goût
& vos foins rendent de jour en jour plus intéreffant
. L'étendue du fujet , les connoiflances qu'on
y-a fait entrer , & l'uniformité d'échelles avec la
Carte de l'Amérique Septentrionale , ont exigé
trois grandes feuilles pour celle de l'Amérique,
Méridionale . C'eft certainement la plus ample
qu'on ait compolée jufqu'à préfent , & le degré
de précifion le proportionne prefque néceffairemert
au détail des connoiffances. A ces avantages
fe joint une grande élégance dans l'exécution de
la gravûre , & fur cet article la magnificence du
Prince donne lieu de ne rien épargner. Je lens
qu'une analyfe , quelque fuccincte qu'elle fût ,
feroit utile à l'Auteur , comme à l'ouvrage même,
& je fonhaite avoir le loifir de vous tenir fur cela
la parole que je vous ai donnée.
J'ai l'honneur d'être , & c.
Ce 17 Novembre 1749 .
A
D'Anville.
AVIS fur la Lettre fuivante.
La
page 123 , du Livre intitulé , Connoiſſance
des beautés des défauts de la Poësie & de
P'Eloquence , l'Auteur, ainfi qu'on a vu dans le Mercure
du mois d'Octobre dernier , au lieu de dire ,
une defcription philsophique qui n'est que du sujet
de M. de Voltaire , dit , une defcription philoſophire
I. Vol. H
170 MERCURE DE FRANCE.
que qui n'eft que de mon fujet. Cette méprife finguliere
a donné lieu à diverfes conjectures , &
plufieurs perfonnes ont foupçonné que l'Anonyme
, qui a compofé la Brochure en queftion , avoit
eu deflein de la faire attribuer à M. de Voltaire.
Nous avouons que cette opinion nous a paru vrai.
femblable. En conféquence , après avoir , dans le
Mercu que nous avons cité , hazardé quelques
réflexions critiques fur l'ouvrage dont il s'agit ,
nous ajoutârneş : » Du refte , nous ne jugeons pas
néceffaire de précautionner les Lecteurs contre
s un artifice de l'Auteur. Il imite , & fouvent,
» avec affez d'Art , le ftyle de M. de Voltaire . Par
tout il affecte de faivre l'ortographe particuliere
à ce Poëte célébre . Pour mieux perfuader
» que cette Brochure eft de ce grand homme , .
La Lettre qu'on va life eft écrite à l'occaſion de
ces derniers mots. L'Auteur de la Connoiffance des
beautés , & c. continuant de cacher fon nom ,
-plaint dans cette Lettre , de ce que nous lui avons
fuppofé une intention qu'il n'a jamais eue , & il
regne dans fa juftification un ton de modestie ,
de douceur & de probité , qui femble annoncer des
qualités fort préferables au talent de bien juger
des ouvrages d'eſprit .
fe
LETTRE de l'Auteur de la Brochure ,
intitulée , Connoiffance des beautés &
des défauts de la Poëfie & de l'Eloquence
, &c. à M. Remond de Sainte
Albine.
M
Onfieur , la délicateffe de votre goût le fait
remarquer dans la critique judicieuse que .
yous faites de la plupart des ouvrages que vous
DECEMBRE. 1749. 171
annoncez dans votre Livre périodique , & vous
avez acquis , même chez une Nation qui ne piodigue
pas les éloges , une réputation à laquelle
peu de gens peuvent fe flatter de parvenir . J'ai
partagé avec tous mes compatriotes , amateurs
des Belles Lettres , le plaifir qu'ils prennent à lire
le Mercure de France , depuis qne vous préfidez
à la compofition de ce Recueil .
Mais je ne puis me refufer de me plaindre de
vous à vous- même , de l'idée que vous donnez au
Public dans votre volume de ce mois , d'un Livre
dont malheureufement je fuis l'Auteur , & qui
porte pour titre , Connoiffance des beautés & des
défauts de la Poësie & de l'Eloquence dans la Langue
Françoife . Je fçais , que non feulement la
critique doit être libre , mais encore qu'elle eft
utile dans la République des Lettres ; & le fanatifie
poëtique , dont vous m'accufez , ne m'aveugle
pas affez pour me laiffer ignorer qu'elle eft
la mere de l'émulation , & que nous fommes redevables
à fes cenfures des efforts de ces grands
& fublimes génies que nous admirons , & que
l'on admirera toujours.
Vous pouvez donc , fans m'offenfer , blâmer
mon raifonnement , ainfi que l'arrangement des
matieres traitées dans mon Livre , & le peu de
jufteffe de mes applications . Cette critiqne n'attaque
point l'Auteur , mais feulement l'ouvrage
& vous ufez du droit de tous ceux entre les mains
defquels il tombera . Mais l'Auteur & l'ouvrag
ont des intérêts totalement féparés . Le Prince
des Poëtes Comiques de votre Nation a fait fentie
cette diftinction , lorſqu'il a fait dire à fon Mifant
trope .
Onpeut êtrehonnête-homme , &faire mal des vers.
Je confens volontiers que vous me refufiez
14
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
foir en
même le fens commun , foit en vers ,
profe ; mais du moins ne donnez point d'atteinte
à ma probité . Ma brochure peut être ridicule ,
je le veux ; mais ce dont vous m'accufez eft un
crime dont tout homme d'honneur rougiroit , &
fi j'ai eu des raifons pour ne pas découvrir mon
nom , ce n'étoit point du tout dans le deffein de
faire jouer le rôle d'un fat , qui fe loue , à un
homme digne d'admiration , & aux talens duquel
on rend hommage dans tous les endroits du monde
où les Lettres font connues.
Je vous crois trop honnête- homme , Monfieur ,
pour ne me pas faire la d'inferer ma Lettre
grace
dans le volume du mois prochain , afin de réparer
le tort que vous m'avez pê faire dans l'efprit de
tous les honnêtes gens , & je me flatte qu'elle
chaffera du vôtre les idées peu avantageufes , que
des conjectures un peu trop legeres y ont fait
naître. Je fuis , & c.
D***.
A Londres , ce 15 Octobre 1749.
J
LETTRE au même , fur la Tragédie
des Amazones.
E n'étois point à Paris , Monfieur , quand on ,
a repréfenté la Tragédie des Amazônes A
mon rerour , j'ai lu avec avidité toutes les Piéces
nouvelles & leurs Critiques. Quoique je n'aie
point l'honneur d'être connu de Madame du Boccage
, cette belle Héroïne voudra bien me permettre
de me déclarer fon Chevalier , & de foû-'
tenir qu'en louant & blâmant , avec raiſon , plu-
R
"
DECEMBRE. 1749. 173
feurs endroits de fon ouvrage , on ne lui a pas
rendu affez de juftice fur la nouveauté du fujet ,
fur la continuité des beaux vers , fouvent forts &
toujours harmonieux , & fur les caractéres differens
& bien foutenus , de fes trois illuftres Guerrieres
. Celui de Menalippe nous peint , mieux
qu'aucun Hiftorien n'a fait jufqu'ici , les moeurs
fevéres & les fentimens nobles & indépendans des
Habitantes des bords du Thermodon.SaScéne avec
Théfée eft fortement écrite , & une des mieux
faites qui foient au Théatre dans ce genre . Orithie
, entraînée par l'amour , fent tous les remords
d'un coeur fierement vertueux , & prend , pour
gagner Théfée , le feul parti qui luirefte ; parti
digne d'une Amazône , & qui lui convient auffibien
, qu'il fiéroit mal à toute autre femme. On
pent à la vérité reprocher à Antiope un caractére
trop peu décidé , mais on doit paffer quelque foibleffe
à une jeune Princeffe , qui n'a pû encore
prendre l'efprit de férocité de fa Nation . On ne
doit pas non plus s'étonner que les hommes ne
jouent pas le plus beau rôle dans un Poëme , où
ils doivent être facrifiés à la gloire des femmes ,
& n'y paroître que comme des ombres dans un
tableau. Théfée , feul & captif, n'eft point en étar
de former de grands projets , & nous devons
beaucoup d'éloges à la maniere dont il ſe tire de
la fituation embarraffanre où il eft avec la Reine
au quatriéme Acte ; fa réponſe eft bien noble &
bien adroite.
Charmé de vos bontés , de vos offres furpris ,
Reine , pour vous prouver que j'en fens tout le
prix ,
Je dois d'un tel fecours nous priver l'un & l'autre' ;
H iij
174 MRCURE DE FRANCE .
Il terniroir mon nom , il fouilleroit le vôtre.
Le plus grand héroïfme eft de garder ſon fang
Pourvenger fa Patrie & conferver fon rang .
Qui s'expole à périr , cherchant loin la victoire ,
Enleve à fon pays un ſoutien de fa gloire .
Cent fois me rappellant à cette vérité,
J'ai blâmé mon ardeur ; mais par l'âge emporté, & c.
Enfin j'admire qu'un ſujet fi fimple puiffe auffi-:
bien fe foutenir pendant cinq Actes , fans le fecours
des épiſodes , des confidens , des maximes ,
& de ces vers fententieux , fi fouvent hors du
fujet , & maintenant fi fort à la mode . Au contraire
, dans cette Piéce les perfonnages le répondent
prefque toujours ce qu'ils doivent fe dire ,
ils fe parlent l'un à l'autre , & non au Public. Le
plan en eft fuivi , & je ne puis concevoir , poutquoi
le dernier Acte n'a pas fait autant d'effet au
Théatre qu'à la lecture ; il eft plein de fituations.
C'eft fans doute , parce qu'on n'a pas obſervé
d'exécuter avec affez de précifion les differens
mouvemens importans à la fin de l'action , & de
fournir le nombre de perfonnages néceffaires à la
fuite de Théfée , quand il revient vainqueur. Cette
partie de décoration , trop fouvent négligée au
Théâtre , nuit à la dignité & à l'illufion du Spectacle
, qu'il eft fi intéreffant de foutenir . Peut- être
a- t'on eu peine à ſe prêter aux intérêts d'une telle
République le François fe révolte dès qu'on lui
préfente des objets qu'il n'a pas coûtume de voir ,
mais il n'a pu s'empêcher de juger par ce coup
d'effai fi bien reçu & fi fuivi du Public , que quand
l'Auteur choifira un fujet plus fufceptible d'évene
mens , il fera fur les Spectateurs l'impreffion qu'il
DECEMBRE
. 1749. 175
defirera , & nous convaincra que les belles n'ont
pas feulement le don de charmer les yeux , mais
qu'elles peuvent trouver dans leur ame la reffource
& la force néceffaires pour frapper les efprits de
pitié , de crainte & de terreur.
Je connois , Monfieur , votre goût pour les bons
ouvrages , & votre galanterie ; ainfi je crois que
vous ne me trouverez point un Chevalier trop enthoufiafmé
, & que vous faifirez avec empreffement
l'occafion de produire dans le Mercure la
défenſe de notre célébre Muſe ; finon vous mériteriez
que je vous citaffe à fon Tribunal . J'ai
l'honneur d'être , & c. ***
Ce 2 Novembre 1749.
LETTRE de feu M. Pavillon , au
même . De l'autre monde , au mois d'Oltebre
1749
.
J'Apprends,Monfieur , par quelques route arrivent ici , qu'il a paru dans le Mercure du
mois d'Août dernier , une petite piéce intitulée ,
autant qu'ils peuvent s'en fouvenir , Avis d'un
ami à une Demoiselle de Beauvais , & qui commence
par ces vers :
1
* Comme nous ne nous proposons point de diffimuler
nos fautes , nous ne faifons point difficulté de publier.
cette Lettre. On nous y reproche d'une maniere badine
polie d'avoir été , par défaut d'attention , les
dupes d'un Plagiaire , dont l'effronterie feroit peu
croyable , files anciens Mercures n'en avoientfourni
plus d'un exemple.
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE.
J'ai des confeils à vous donner ;
Ce n'eft pas le moyen de plaire ,
Iris , on ne divertit guére ,
Quand on ne fait que raifonner , & c . p. 92 ;
Comme amateur de ce qui eft nouveau , je me
l'étois appropriée , & je la débitai dans mon tems
fous le titre de Confeils à Iris. C'eft par cette raifon
qu'elle fe trouve dans le recueil de mes ouvrages
, p. 89. édition de Paris 1720.
J'en fais l'aveu de bonne foi , avec de très -humbles
excufes à l'Auteur , à préfent que la mort m'a
guéri des foibleffes de la vaniré .
Que l'on ne dife plus que les modernes font réduits
à être plagiaires des anciens. Au contraire ,
les plus célèbres mêmes d'entre ceux - ci ne pourront
plus fe difpenfer de reconnoître qu'ils ont pillé
la postérité , & quand vous ferez au nombre des
Auteurs qui ont vêcu , vous courrez , pour le moins
autant que moi , les riſques d'un pareil reproche
J'ai l'honneur d'être avec toute la franchiſe d'un
mort , Monfieur , votre , & c.
Pavillon.
* Afin de nous faire avaler la médecine avec moins
de repugnance , le Secretaire de M. Pavillon y mêle
un peu de malvoifie.
AZE
DECEMBRE, 1749. 177
LETTRE de M.... à M. de Buffon *
de l'Académie Royale des Sciences , &
Intendant du Jardin du Roi.
M
Onfieur , graces à vous , on commence donc
à voir clair dans la théorie de la terre : &
fi , comme vous le dites fort bien , ce ne font pas
des démonstrations ou évidences Mathématiques ,
ce font des preuves Phyfiques , établies fur des
"vérités d'expérience . Je paffe toutes les autres
parties qui compofent votre fyftême , pour ne
m'arrêter qu'aux feules fentes perpendiculaires de
la terre ; & je ne fçais , fi c'eft Pline qui vous en
aura donné l'idée , ou la confirmation. Comme
je travaille à préfent fur cet Auteur , pour occuper
le grand loifir dont je jouis , j'y trouvai dernierement
un paffage qui s'accorde parfaitement avec
ce que vous avez avancé fur ces fentes. C'eſt dans
le liv. 6. fection 17. de l'édition du P. Hardoüin :
Permettez-moi de rapporter ce paffage en entier.
Caufa portarum nominis eadem , que fupra , interruptis
angufto tranfitu jugis , ita ut vix fingula meent
plauftra , longitudine VIII, mill . paffuum , toto opere
manufacto : Dextrâ levâque ambuſtis fimiles impendent
fcopuli, fitiente tractu per XXVIII.mill.paffuum.
Anguftias impedit corrivatus falis è cautibus liquor ,
atque eadem emiflus . Praterea ferpentium multitudo,
nifi hyeme , tranfitum non finit .
Voici ma Traduction . L'origine du nom de
portes Cafpiennes eft la même que celle des portes
Caucafiennes dont on a parlé ci - deſſus : c'eft
un étroit paffage qui interrompt la chaîne des
Made Buffon eft an Château de Montbard
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
montagnes , de façon qu'à peine y peut-il paffer
un chariot. La longueur de ce détroit eft de huit
mille pas , & tout le chemin en a été fait à la
main A droite & à gauche s'élevent des rochers
qui paroiffent brûlés ; & il n'y a point d'eau à
vingt-huit mille pas à la ronde. Ce défilé eft encore
embarraffé par une liqueur flée qui s'y
amafle des differens rochers des deux côtés , &
qui y forme un ruiffeau , outre que la quantité de
ferpens qu'on y trouve encore, n'en permet le paffage
qu'en hyver.
Tâchons préfentement d'expliquer tout cet endroit
felon votre méthode.
1º. Les portes Cafpiennes , de même que les
Caucafiennes , & felon vous , tous les autres défi .
lés de cette nature , n'ont pas été d'abord dans
l'état qu'ils font : les deux côtés du défilé étoient
joints par de la terre qui rendoit continu le fommet
des deux montagnes aujourd'hui féparées ; &
cette féparation n'a pû fe faire , ou que par un
tremblement de terre , fi les rochers étoient continus
; ou par le détrempement fucceffifdes terres ,
occafionné par les pluyes , s'ils ne l'étoient pas :
il ne manque enfin au texte de Pline pour parfaite
conformité , que l'obfervation de votre rapport
des angles des rochers des deux côtés. 2 °. Le défilé
eft fi étroit qu'un chariot a de la peine à y paffer.
Cela eft vrai dans le défilé même : mais je
crois avec vous toutes ces fentes beaucoup plus ouvertes
à leur hauteur que dans le bas , & phyfiquement
elles doivent l'être . 39. La longueur du défilé
des portes Cafpiennes eft de huit mille pas :
c'eft que les rochers qui le forment , n'ont que
cette étendue , & que l'effort du tremblement de
terre n'a pû agir plus loin. 4°. Il feroit ridicule
par le toto opere manu facto , de croire que Pline
DECEMBRE. 1749 . 179
:
ait entendu que tout le défilé a été taillé dans le
roc , depuis le fommet de la montagne jufqu'au
plat du chemin il ne veut dire iei , finon qu'après
le tremblement , la fente étant restée angu
laire , & la pointe de l'angle en bas , le travail
des hommes en a coupé l'angle dans toute la longueur
du défilé , comme un cône tronqué , & en
a applani le chemin , femblable à celui qu'on
trouve dans la montagne d'Olioules , au Bauffer
en Provence , fur le chemin de Toulon à Marfeille.
. Les rochers perpendiculaires à droite.
& à gauche marquent en même tems l'effort &
l'effet du tremblemenr ; & leur couleur brûlée ſe
trouvera plus marquée au milieu du défilé , à l'endroit
même où un volcan , renfermé pour lors
dans les entrailles de la terre , aura eu fa baſe où fe
trouve à préfent le chemin , & aura fait fon érup
tion par en haut , juſqu'à la ſéparation actuelle
des deux montagnes , & à quatre mille pas des
deux côtés, ce qui fera la longueur entière des huit
mille pas du défilé. Ce volcan encore , premier
mobile du tremblement , qui aura operé la féparation
des deux montagnes , n'aura ceffé qu'à la
confomption de toutes les matieres combustibles.
6°. Il n'y a point d'eau à vingt - huit mille pas à
la ronde par l'effet du tremblement , qui en a
détourné les fources jufqu'à cette diſtance ; quoique
la fuppofition qu'il y en eut eû auparavant .
foit gratuite , ou pour mieux dire , comme il eft
aifé de l'inferer par la fuite , ces fources bouleverfées
par le tremblement avec les matiéres falines
& bitumineufes qui fubfiftent encore dans les interſtices
des rochers, & qui ont échapé à l'embraſement
, occafionnent cette humeur qui découle
encore des rochers dans le chemin , comme à
l'endroit le plus bas , & en interrompent le paf-
>
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
fage pendant l'été. 7° . Ces eaux mêlées de fel
& de bitume, qui ne coulent qu'en été dans le fond
de la fente , & qui inondent le chemin , proviennent
ou des abondantes pluyes du printems , ou
de la fonte des neiges des montagnes voisines au
retour du Soleil ; ce qui n'arrive point en hyver ,
parce que, ou il ne pleut guéres, ou les neiges qui
couvrent la terre , en empêchent l'exfudation ..
8. Enfin la quantité des ferpens qu'on trouve
dans le défilé en été , peut venir de l'infection de
l'eau bitumineuse qui filtrant dans les cavernes
de la montagne & dans leurs trous , les oblige d'en
fortir pour fe rendre dans le chemin , où ne trouvant
plus alors d'iffue , ils font contraints de refter,
& peut être d'y mourir ; ce qui n'arrive point
encore pendant Phyver , que le bitume étant
congelé , & n'étant point détrempé , comme en
été par les eaux , les ferpens ne fortent point de
leurs trous ou y remontent aux approches du
froid pour s'y mettre à couvert.
Voilà , Monfieur , l'explication de ce paffage
de Pline , que je crois avoir toute puifée dans votre
théorie. Je prendrois encore la liberté de vous
faire quelques aurres obfervations fur votre ou
vrage , conformes à ce que j'ai remarqué pendant
vingt- fix ou vingt- fept ans de voyages , & un fé.
jour confécutif de quinze années à Saint Domin
gue mais outre qu'elles ne pourroient guéres ape
puyer de plus vos preuves , c'eft qu'encore Pline
occupe prefque tout le tems que je fuis capable de
donner à un travail affidu.
J'ai l'honneur d'être , & c.
21
A
DECEMBRE. 1749. 1 & 1
, LETTRE à M. *** Confeiller au
Préfidial de Tours , à l'occafion du premier
Alte public foutenu aux Ecoles de
Chirurgie le 25 Septembre 1749 , conformément
à l'Arrêt du Confeil d'Etat ,
du 12 Avril précédent.
:
Ous nous fommes plufieurs fois entretenus ,
> féjour
X
l'affaire des Médecins & des Chirurgiens de cette
Ville nous prenions l'un & l'autre , avec beau
coup de vivacité , les intérêts du parti , en faveur
duquel chacun de nous s'étoit décidé ; au lieu de
gemir avec toutes les perfonnes fenfées & impartiales
, que l'aigreur féparât des hommes que l'intérêt
public & particulier auroit toujours dû unit
indiffolublement . Enfin nons devons nous féliciter
avec tous les vrais Citoyens , qu'un Arrêt dicté
par la fageffe , & fur les grandes vûes du bien
public , ait terminé le cours de ces conteftations
qui fembloient vouloir devenir éternelles . Le ref
pect que j'ai , & que tout homme raisonnable doit
avoir pour la Médecine , avoit , je vous l'avoue
donné naiffance à ma prévention contre la Chirurgie.
N'ayant eu jufqu'alors aucun befoin des
fecours de cet Art , je profcrivois toutes les idées
qui me le repréfentoient , comme partageant avec
la Médecine le miniſtére le plus intérellant de la
fociété j'étois affez aveugle pour croire qu'il
méritoit peu d'avoir part à la protection du Souverain
& à la confidération des Citoyens . J'envi
fage actuellement , Monfieur , cette Profeffion
d'un oeil different , depuis que je dois la vie aux
182 MERCURE DE FRANCE.
reffources efficaces de la Chirurgie , dirigées par
les connoiffances profondes d'undes plus habiles
Maîtres en cette Science * . Je me répens trèsfincérement
que la reconnoiffance m'ait forcé
d'accorder aux Chirurgiens ce que ma raiſon n'eût
jamais dû leur refufer. Je ne les regarde plus
comme des hommes ambitieux qui demandoient
ridiculement la permiffion de parvenir aux honneurs
Littéraires ; & rien ne me paroît préfentement
fi contraire au bien public , que d'avoir vý
fi long- tems la Chirurgie dans la dépreffion au
rang des Arts & métiers. Le premier Acte public,
qui a éré foutenu aux Ecoles de Chirurgie le 25
de ce mois , a achevé ce que les motifs d'une juſte
reconnoiffance avoient commencé ; il eft l'époque
de ma parfaite converfion.
:
La Theſe qui , annonçoit cet Acte , me tomba
entre les mains quelques jours avant qu'on la
foutînt l'efprit de curiofité me porta à être té
moin de ce début . J'étois affez favorablement
difpofé. M. Louis , jeune Chirurgien , déja connu
par quelques ouvrages qui l'ont annoncé comme
un fujet de grande efperance , devoit ouvrir cette
nouvelle carriere fous la préfidence de M. Morand.
Cet arrangement prévint beaucoup ; & j'ofe
vous affarer , Monfieur , que l'évenement a furpaffé
mon attente . Une affemblée , auffi nombreufe
que diftinguée , mepermit à peine d'avoir une
place , malgré la précaution que j'avois prife d'arriver
près d'une heure avant l'ouverture de l'Acte .
Le Répondant commença par une harangue latine
qui fut univerfellement applaudie. Il fit l'éloge
des Membres de l'ancien Collège de Chirurgie
, lefquels avoient fi glorieufement tracé les
* M. Morand.
DECEMBRE. 1749. 183
routes qu'il étoit obligé de frayer de nouveau
il repréſenta par modeftie tous les dangers aufquels
cette tentative l'expofoit particulierement :
il rappella avec douleur l'état de décadence de la
Chirurgie , & l'anéantiflement dont elle étoit prochainement
menacée : il n'oublia aucun des
moyens , dont feu M. de la Peyronie s'eft fetvi
pour redonner à la Chirurgie fon ancien luftre :
il peignit avec les fentimens de la plus refpectueufe
reconnoiffance ce que l'on doit aux regards
bienfaifans du Roi far cette nouvelle Ecole , &
il décrivit toutes les difpofitions de la nouvelle
Loi , dont la fûreté des Citoyens eft l'unique ob
jer, & où ils doivent reconnoître la fageffe d'un
Législateur , tendrement occupé des foins de leur
confervation . M. Morand fit enfuite un difcours
latin , qui démontra la néceffité où les Chirur→
giens font d'être Lettrés pour pouvoir faire quelques
progrès dans leur Art.
L'Académie de Chirurgie , en préfentant Meffieurs
Morand & Louts au Public , ne pouvoit
donner d'argument plus décifif pour détruire une
objection fpécieufe qui avoit été faite contre fes
prétentions. Quelques perfonnes , comme vous
le fçavez , Monfieur , craignoient , qu'en obligeant
les Chirurgiens à être Lettrés , on ne
perdit la Chirurgie , & que le tems employé
à l'étude des Humanités & de la Philofophie
n'empêchât les Chirurgiens de devenir habiles
dans les opérations : Fabricando enim fit faber. Je
conçois préfentement , Monfieur , que cet axiome
, qui fignifie dans l'artifte le progrès de l'habitude
des mains , a une fignification bien differente
en Chirurgie , & qu'il doit s'entendre ,
comme dans toutes les profeffions fçavantes , du
progrès de l'inftruction & du fçavoir a l'aptitude
184 MERCURE DE FRANCE.
-
néceffaire pour entrer dans l'exercice de la Chi
rurgie , ne doit confifter que dans l'intelligence.
M. Morand àl'âge de vingt- fix à vingt-fept ans
avoit mérité la Maîtrife en Chirurgie , après fix
années d'exercice en qualité de Chirurgien principal
à l'Hôtel Royal des Invalides . M. Louis ,
au même âge , vient d'acquerir le même titre par
les fervices qu'il a rendus pendant le même efpace
de tems en la même qualité , à l'Hôpital de
la Salpêtriere ils font donc l'un & l'autre un
exemple , qu'un Chirurgien , avant que d'acquerir
l'ufage des mains , doit avoir acquis les connoif
fances capables de diriger fes opérations ; & que
l'étude des Lettres , loin d'être un obftacle , eft un
moyen très- efficace d'avoir d'excellens fujets . En
effet , fi la ſcience & la main ne font réunies dans
la même perfonne , l'efprit ne fera point averti
par la main , la main ne fera pas conduite par
T'efprit , & l'expérience , fi recommandée , ne fera
plus qu'une routine aveugle , acquife par l'habitude,&
que la fource d'une multitude de méprifes,
plus meurtrieres les unes que les autres.
Le Préfident & le Répondant n'ont fait , Mon.
fieur , qu'une partie des honneurs du Corps : le
jour de cet Acte fera à jamais folemnel pour la
Chirurgie Françoife. Neuf Maîtres en Chirurgie
ont argumenté pendant près de quatre heures
avec toute la force & la facilité poffibles . Il n'y a
perfonne qui n'ait été étonné de l'élégance de
leur latinité , & de la juſteffe dialectique de leurs
raifonnemens ; vous en cuffiez vous-même été
furpris , tout partifan que vous foyez, de Meffieurs
les Chirurgiens. Ceci eft une nouvelle preuve ,
que l'étude des Lettres n'eft point incompatible
avec la Chirurgie. Je ne fçais comment une prévention
auffi groffiere avoit pû me féduire . Les
DECEMBRE: 1749. 189
Chirurgiens ont fait voir qu'ils avoient confervé
le précieux dépôt de la doctrine de leur Art , mal
gré les révolutions fâcheufes que leur état a ſouffertes
, & que dans tous les tems , au défaut de la
Loi , le zéle, & l'efperance de voir un jour renaî
tre la Chirurgie , avoit fodtenu & excité leur émulation.
Leur Ecole n'étoit déchûe de fon ancienne
fplendeur , que par la facilité que leurs pères
avoient eue de recevoir un Corps entier de fujets
illettrés : l'ufage de la Barberie & de quelques panfemens
aifés à mettre en pratique , étoit l'unique
partage de ces derniers ; en falloit- il davantage
pour éloigner beaucoup de fujets capables d'étudier
à fond les principes d'un Art fi important
pour la conſervation de la vie humaine ? Mais
Paffociation, qui dégradoit la Chirurgie , étant dé
truite , les Chirurgiens ayant droit aux honneurs
Littéraires , il fe préfentera de toutes parts des
fujets qui deviendront de plus en plus utiles au
Public , & dont les efforts leur mériteront , fans
doute , à titre de récompenfe , ce que leurs peres
avoient eu la modeftie de ne demander qu'à titre
de grace. J'ai l'honneur d'être , &c.
A Paris , ce 27 Septembre 1749.
186 MERCURE DE FRANCE.
LETTRE écrite de Béziers le 25 Octobre
1749 , par M. Fraille , Docteur en Médecine
de la Faculté de Montpellier , à
M. Brouzet , Docteur de la même Faculté,
& Médecin des Hôpitaux du Roi à Fontainebleau,
J
'Ai été ravi , Monfieur , de voir dans le Mercure
de France de ce mois , votre Lettre au fujet
des maux de gorge. Je l'ai lûe avec beaucoup
d'attention , auffi - bien que la réponse que M. C.
vous a faite , & j'en ai conféré avec M. Bouillet ,
dont le fçavoir & l'expérience ne vous font pas
inconnus , puifque vous avez eu l'avantage de
P'avoir pour votre Maître dans la pratique pendant
votre féjour à Béziers . Il a goûté quelques - unes de
mes réflexions , & il m'en a fait naître quelques
autres. Y auroit-il de l'indifcrétion de vous en
faire -part ? Vous n'avez pas , fans doute , oublié
que j'ai été votre condifciple , & cette qualité ne
m'autoriferoit- elle pas à vous dire librement ce
que je penſe ?
J'ai été affez content de la defcription que vous
avez faite des maux de gorge qui ont été épidémiques
à Fontainebleau pendant les mois de
Mai & de Juin de cette année ; mais votre defcription
m'auroit parû beaucoup plus exacte , fi ,
après avoir dit qu'il y avoit un peu de fiévre , vous
aviez marqué l'état du poulx dans les differens
périodes de cette maladie , & fi vous aviez ajoûté
que dans quelques malades les fueurs avoient été
continuelles pendant tout le tems de la maladie , &
que dans d'autres les parotides & les glandes fuDECEMBRE.
1749. 187
f
blinguales avoient été attaquées, auffi - bien que les
amygdales , ainfi qu'on doit le préfumer de ce qui
eft rapporté dans la fuite de votre lettre.
Vous avez auffi fort bien détaillé ce que vous
obfervâtes à l'ouverture du cadavre d'une des filles
hortes de cette cruelle maladie , il n'y a que les
conféquences que vous en tirez enfuite , qui ne
m'ont pas paru toutes également juftes .
Enfin j'ai vu avec plaifir que dans le traitement
de cette maladie , vous ne vous étiez pas écarté de
la méthode générale & raifonnée que nous avons
apprife dans la célebre Ecole de Montpellier , &
que M. Bouillet ne ceffe pas d'inculquer prefque
à chaque page de fes Elémens de Médecine pratique.
Il auroit été feulement à fouhaiter que vous euffiez
un peu mieux foutenu votre maniere de pratiquer,
& que vous n'euffiez pas donné occafion d'en juger
par le feul événement , car je ne vous diffimulerai
point que je n'ai pas été fort fatisfait du probat
exitus qu'on vous donne , ce femble , par grace ,
à la fin de la réponſe que M. C. a faite à votre
lettre.
Mais permettez-moi, Monfieur, d'entrer un peu
plus dans le détail , & de me mettre pour un moment
à la place de celui à qui vous avez adreffé
votre lettre. Je ne fuis pas à la vérité revêtu de fes
titres , mais le grade de Docteur qui nous eft commun
, joint à une étude & à un exercice de quelques
années , me tiendra ici lieu de titres auprès
de vous.
Je ne crois pas qu'on doive reconnoftre d'autres
caufes procatarctiques de la maladie épidémique
que vous avez obfervée à Fontainebleau , que la
froideur & l'humidité de l'air , les exhalaifons qui
s'élevent de la terre , dont il eft bien difficile, pour
ne pas dire impoffible , de déterminer la nature ,
188 MERCURE DE FRANCE.
mais dont la malignité ne fe manifefte que trop en
certains endroits & dans certaines faifons de l'année
, & la difpofition des fujets fur lefquels agiflent
les qualités de l'air & les exhalaifons dont il fe
trouve chargé. De - là on doit déduire la formation
de cette maladie , & non de la bile verte que vous
avez obfervée dans la véhicule du fiel , & que jeregarde
plûtôt comme l'effet que comme la caule du
mal , quoique cette bile devienne à son tout cauſe
de quelques accidens vers la fin de la maladie,
Comme il y a des enfans mâles fort voraces , &
qui n'abondent pas moins en fang que des filles de
dix à douze ans , & qu'au furplus la pléthore générale
n'eft pas la caufe de l'écoulement périodique
du fexe , comme il feroit aifé de le prouver
par des obfervations de pratique , mais le développement
des vaiffeaux fecretoires de l'uterus , & le
gonflement des vaiffeaux arteriels par le fang qui
s'y accumule tous les mois , comme le reconnoiffent
aujourd'hui de fçavans Anatomiſtes , je ne vois
pas que vos raifons ,ni celles d'Aretée ,fervent beaucoup
à expliquer pourquoi il n'y a eu que de jeunes
filles attaquées de ce mal , & je crois qu'il faut avoir
recours à quelque circonstance , qui m'eſt inconnue
, pour rendre raiſon de ce fait.
Si à la defcription que vous avez donnée de cette
maladie dès le commencement de votre lettre , on
joint ce que vous ajoûtez enfuite , que parmi le
nombre des malades , les unes ont été guéries le
kuitiéme ou le quinziéme jour , d'autres le vingtuniéme
, on ne balancera pas à qualifier cette maladie
d'inflammation phlegmono érefipelateufe aux
amygdales aux parties circonvoisines , avec une
fiévre non putride dans les unes , putride maligne dans
les autres , & petechiale ou maligne pourprée dans
celles où il paroifloit des éruptions à la peau ou des taDÉCEMBRE
. 1749. 189
ches , qui étoient apparemment rouges , & qui font
affez ordinaires dans les jeunes gens attaqués de la
fiévre. C'eft fur les fymptômes rapportés dans votre
lettre , principalement fur l'état des parties af
fectées & fur les redoublemens de fiévre précédés
de friffons & accompagnés de fueurs , qu'on doit
caractériſer ainfi cette maladie , & non für la façon
de la traiter & de la guérir.
Toute inflammation devant fe terminer ou
par réfolution ou par fuppuration , ou par induration
, ou par gangrene , il n'eft pas furprenant
qu'à Fontainebleau cette maladie fe foit terminée
dans quelques malades par réfolution , par
exemple , dans celles qui guériffoient au huitiéme
jour ; que dans d'autres elle ait été fuivie de fuppuration
, & qu'ailleurs elle ait dégéneré en gan
gréne , ce qui dépend ordinairement de la nature
de l'inflammation , ou felon qu'elle participe plus
du phlegmon ou de l'éréfipéle .
Quant à la fiévre , vous n'ignorez point qu'elle
accompagne toujours l'inflammation , & que fuivant
la nature , la qualité & la quantité de la matiére
fébrile qui fe trouve ou qui fe forme dans le
corps en conféquence d'une tranfpiration retenue,
ou des mauvaifes digeftions , cette fiévre doit être
ou une fynoque non putride , ou une fynoque putride
, ou une fiévre maligne fimple ou petechiale
ou peftilentielle ; ou du moins vous verrez tout
cela dans le Traité des fiévres , compofé en Latin
par M. Fizes , Profeflear Royal.en l'Univerfité de
Médecine de Montpellier , & dont un jeune Médecin
de cette Ville va donner inceffamment une
traduction en François.
Tout cela polé je ne vois pas , Monfieur ,
que tant par rapport à l'inflammation , que par
rapport à la matiere fébrile vous pûffiez
>
190 MERCURE DE FRANCE.
prendre d'autre route dans le traitement de
vos malades , que celle que vous dites avoir fuivie.
C'est la méthode raiſonnée qu'on nous
a enfeignée , c'eft celle que M. Bouillet a expofée
dans fes Elemens , & que je lui ai vû ſouvent
pratiquer , & que j'ai pratiquée moi- même , car
nous voyons fouvent ici de ces fortes de maladies,
& vous en trouverez plufieurs exemples dans l'ouvrage
que je viens de vous citer. C'eft enfin la
méthode que fuivit auffi M. Serane , Médecin de
P'Hôpital de Montpellier , dans des efquinancies
d'une nature particuliere , qui regnerent à Montpellier
en 1741 , & dont quelques-unes dégénérerent
en gangréne.
*
Au refte , je ne pretends point que tout gonflement
de la luette & des amygdales fuppofe une inflammation
dans ces parties , accompagnée de fié.
vre ; on voit de ces maux de gorge fans inflammation
, du moins fenfible , & fans fiévre caufés uniquement
par l'arrêt de l'humeur vifqueufe qui fe
fépare dans ces parties , quoique ce gonflement ne
peut être porté à un certain degré , fans gêner le
cours du fang & fans y attirer du moins une légère
inflammation . Je ne nie pas auffi qu'il ne puifle fe
former aux amygdales & fur la luette prefque fubitement
, & fans qu'on fe foit apperçu d'aucune
inflammation précédente , des aphtes , des puftules
charbonneufes , des ulcéres malins , occafionnés
par des férofités âcres , corrofives , blûlantes &
femblables à de l'eau forte ; mais je crois ces cas
beaucoup plus rares , du moins ne voyons -nous
pas ici de ces fortes d'ulcéres qu'Aretée a fort bien
décrits & qu'il nomme Syriens ou Epyptiens , parce .
* Voyez Affemblée de la Société Royale des Sciences
de 1745 .
DECEMBRE. 1749. 191
qu'ils font très-fréquens en Syrie & en Egypte ,
qu'Aëtius a défignés fous le nom d'amygdales pefti-
Tentielles , que Marc. Aurel.Severinus a obfervés en
1618 & en 1642 fous le nom de Padanchone , &
qu'il croit n'être autre chofe que l'esquinancie féche
dout parle Hyppocrate.
A l'égard des maux de gorge qui ont regné à
Paris & en Angleterre , comme je n'ai pas vû la
defcription qui en a été donnée , je ne puis pas
vous dire s'ils étoient analogues à ceux que vous
avez obſervés à Fontainebleau , ou fi ceux d'Angleterre
en approchoient plus que ceux de Paris.
Cependant la gangrene , qui terminoit ordinairement
ceux de Paris , me fait préfumer qu'ils approchoient
plus des ulcéres charbonneux dont
parle Aretée , que des abfcès fuppurans dont vous
parlez ; & dans cette fuppofition on a raifon de
dire qu'on fe gardoit bien de propofer l'émétique,
lorfque la maladie fe portoit vers l'eftomach ou
vers les inteftins , & qu'il y avoit douleur d'entrailles
, tenefme , hoquet , & c. car ces parties
étoient alors corrodées & comme cautérifées par
l'humeur âcre & corrofive qui découloit du gofier
ou qui fe féparoit par leurs glandes ; ce qui ne
conclud rien pour les cas dont vous parlez , ou
une femblable érofion n'avoit pas lieu , & où les
faignées , les vomitifs & les purgatifs , étoient fort
bien indiqués,
Quant à la maladie d'Angleterre , que l'on dit
approcher de la vôtre par rapport au délire , aux
fueurs , aux éruptions , au dévoyement , dont on y
parle , je ne vois pas fur quel fondement on blâme
beaucoup la faignée & les purgatifs . Dire que les
indications n'étant pás fans doute les mêmes à
Londress
qu'à Paris , on a dû établir une méthode
differente , & qu'on a eu raifon de propofer les cor
192 MERCURE DE FRANCE.
diaux , c'eft s'énoncer d'une maniere bien vague ,
c'eft , s'il m'eft permis de le dire , fe prêter aux
préjugés des Médecins Anglois. Car enfin les indications
doivent en Angleterre comme en Francè,
fe tirer du caractére effentiel de la maladie, ou
du moins des fymptômes qui l'accompagnent &
qui indiquent ce caractére . Or dans une maladie
inflammatoire , accompagnée de délire , de fueurs ,
& c. s'abstenir de la faignée & des purgatifs , & fe
borner anx cordiaux , c'eſt n'avoir égard ni au carectére
effentiel de la maladie , ni à fes fymptômes;
c'eft fe priver des fecours les plus efficaces dans
cette occafion , & vouloir aigrir le mal plutôt que
de le diminuer . Ce n'eft pas du moins ainfi que
pratiquoit Sydenham , cet Hyppocrate Anglois :
quoiqu'il ne raifonnât guéres fur les caufes des ma-
Jadies, & qu'il fit gloire de ne tirer fes indications.
qu'a juvantibus & ledentibus , il ne laiffoit point
d'avoir recours aux faignées & aux purgatifs dans
les maladies inflammatoires & dans les maux de
gorge en particulier.
Je n'entrerai pas dans une plus grande difcuffion
, vous pouvez voir là deffus le Mémoire de
M. Bouillet , où il prouve évidemment que la méthode
générale & raiſonnée a un avantage infini
fur les méthodes particulières . Ceci n'eft , Monfieur
, que pour vous prémunir contre la pratique
du Docteur Anglois dont on vous parle . Croyezmoi
dans le traitement des maladies inflamma.
toires , tenons -nous en à la pratique de tous les
Médecins Grecs & Arabes , perfectionnée par Fermel
, Houlier , du Baillou , Riviere , Chirac , Mrs
Chycoyneau , Helvetius , fils , Sylva , Boerhaave ,
Hoffman , & fuivie par ce qu'il y a de plus habiles
Praticiens en France ; & dans le cas d'éruptions
cutanées , gardez- vous bien d'infifter fur les cordiaux
DECEMBRE .
193 1749 .
diaux c'eft aux humectans & aux adouciffans
qu'il faut avoir le plus fouvent recours , quelquefois
même aux rafraîchiffans , après les remedes
généraux , dont on doit toujours continuer l'ufage
felon le befoin .
Vous êtes fort heureux , dit - on, de n'avoir perdu
que, trois malades. Pour moi je pense que vous
les auriez peut- être toutes guéries , fi , comme
vous le dites , la prévention du Public dans les cas
d'éruptions & de fueurs ne vous avoit empêchét
d'agir. Cela ne nous arrête pas ici , & fi notre autorité
ne vous paroît pas d'un affez grand poids ,
vous devez du moins vous rendre à celle de M.
Fizes , ce fçavant Profeffeur & ce Praticien connu
autant par les heureux fuccès que par les excellens
Traités dont il a enrichi la Médecine . Vous trou
verez dans fonTraité des fiévres , de quoi vous décider
dans tous ces cas.
Il y auroit bien d'autres réflexions à faire fur
cette matiere , mais en voila bien affez quant à
préfent . Si vous nous donnez vos obfervations fur
les maladies que vous avez traitées cet Eté , ou
que vous traiterez cette Automne , & on le doit
attendre de votre zéle , je ne manquerai pas de
vous faire part de mes réflexions , fi elles vous
font agréables. Je fuis , &c.
Fraiffe.
I. Vol.
I
194 MERCURE DE FRANCE.
NOUVEL AVIS
Sur des Canons de fer battu , & de nouvelle
invention , dont nous avons déja parlé dans
un des précédens Mercures.
E Public peut le rappeller la mention que
Lnous avons faite du Privilége exclufif , accou
"
dé par Sa Majefté aux fieurs Jaudin freres , pour
la fabrication des Canons de fer battu . Ils obtinrent
cette grace en conféquence de l'épreuve qui
avoit été faite par ordre du Roi , de deux piécès de
leur invention , de quatre livres de bailes . Ces
Maîtres de Forges , animés par ce premier fuccès,
n'ont rien épargné pour porter leur fabrique à une
plus haute perfection , & ils ont eu le bonheur d'y
réuffir . La nouvelle piéce , qu'ils viennent de produire
, ne laiffe rien à défirer à ce fujet. Elle eft de
douze livres de balles , pefant dix huit cens livres
& fa longueur eft de neuf pieds , un pouce , quatre
lignes . L'épreuve en a été faite le 14 du mois
d'Octobre , fous l'infpection de M. de Valliere ,
Lieutenant Général des Armées du Roi ,Directeur
des Ecoles & Infpecteur Général du Régiment
Royal Artillerie , en préfence de M. de Saint Auban
, Lieutenant Général d'Artillerie , de Mrs de
Gribauval de Fruchancourt , Deſmazis & de Jaunay
, Commiffaires ordinaires d'Artillerie ; de M.
Garnier de Montigny , Contrôleur Général de
l'Artillerie de France ; de M. de Maffiac , Capitaine
de Vaiffeau ; de M. Bompart , Major de la Marine
; de M. de Beauharnois , de M. le Chevalier de
Tourville , Lieutenant de Vaiffeau ; de Mrs le Normant
& Gourdant , Intendans de la Marine & des
DECEMBRE . 1749. 195
Armées Navales de Sa Majefté. Cette pièce de Canon
de fer battu a été reconnue avoir bien fupporté
l'épreuve dans toutes les parties , & avoir farisfait
aux differens examens , comme en fait foi le
Procès verbal, qui en a été dreffé & figné de toutes
les perfonnes dénommées ci- deffus.
Les avantages que l'Etat , l'Artillerie de terre &
de mer, & le commerce , retireront de cette nouvelle
fabrique de Canons , font auffi fenfibles qu'importans.
1. Ils rendront le même fervice que ceux
de bronze, dont la matiere ſe tire de l'étranger, &
donne par conféquent lieu à la fortie de l'efpece ;
20. le transport par terre en fera bien plus aifé &
moins difpendieux , à caufe de leur légèreté. 3 ° .la
diminution confidérable du poids eft avantageufe
pour les Vaiffeaux du Roi , particulierement pour
les Navires de la Compagnie des Indes & des Armateurs
pour nos Colonies. Moins leur Artillerie
pefera , plus on pourra augmenter leurs cargaifons
, ce qui les indemnifera amplement de la difference
du prix de ces nouveaux Canons à celui
des Canons de fer , dourds & matériels , & fouvent
fujets à cauler des accidens. Les Srs Jandin font
en état de faire fabriquer & fournir des Canons de
leur invention , de tous calibres , même juſqu'à
quarante- huit livres de balles , & qui auront , proportion
gardée , la même légereté.
PROCE'S VERBAL
De l'épreuve d'une pièce de Canon de fer battu,
du calibre de 12 livres de balles .
'An mil fept cens quarante- neuf , le quatorze

des Armées du Roi, Directeur Général des Ecoles ,
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
& Inspecteur Général du Régiment Royal Artille
rie ; nous fommes tranfportés prés le regard de la
Villette , champ d'épreuve choifi à l'effet d'y exécuter
celle d'une pièce de Canon de fer battu , de
12 livres de balles , pefant 1800 livres, de 9 pieds
un pouce 4 lignes de longueur ; fçavoir , 8 pieds
6 pouces depuis la bouche jufqu'à l'extrémité de
la platte-bande du premier renfort , & 7 pouces 4
lignes du bouton de la culaffe , y compris le relief
en cul -de- lampe , de l'invention & fabrique des
SIS Jandin freres , à laquelle épreuve nous avons
procedé , comme il fera ci - après expliqué , en préfence
de M. de Saint Auban , Lieutenant Général
de l'Artillerie au Département de l'Ile de France
& Arfenal de Paris , de Mrs de Gribauval de Fruchancourt
, le Chevalier Defiazis & de Jaunay ,
Commiffaires ordinaires de l'Artillerie , & de M.
Garnier de Montigny , Contrôleur Général de
l'Artillerie de France ; de M. de Maffiac , Capitai
ne de Vaiffeau ; de M. de Bonpart , Major de la
Marine ; M. de Beauharnois ; M. le Chevalier de
Tourville , Lieutenant de Vaiffeau ; M. le Normant
, Intendant de la Marine à Rochefort , & M.
Gourdant , Intendant des Armées Navales de Sa
Majesté.
Premierement. La piéce a été montée ſur ſon
affut, &placée à la diftance d'environ 200 toiles d'u
ne butte , proche de celle de Chaumont , où il a
été mis un blanc , afin de pouvoir juger de la jufteffe
des portées , & nous avons commencé comme
il fuit . Sçavoir :
La piéce de Canon , ainfi montée fur fon affut ,
a été pointée vers fon but , & tirée cinq coups de
fuite avec des boulets de calibre & des gargoufles
de papier , remplies de poudre , pelée exactement
pour les deux premiers coups , de la pefanteur des
DECEMBRE. 1749. 197
deux tiers du poids du boulet , & les trois derniers
coups de la moitié du poids dudit boulet ; lefdites
portées ont été aux environs du but .
Après les cinq coups tités , ladite pièce a été
examinée avec le chat , & une bougie allumée qui
a fait appercevoir une chambre de trois lignes de
profondeur fur le côté gauche , à la fin du fecond
renfort d'environ huit lignes de fuperficie ; l'ame
de la pièce nous a paru concentrique , ladite piéce
a enfuite été flambée & remplie d'eau , que nous
avons fait preffer avec un bon écouvillon , & n'y
ayant remarqué aucune tranfpiration , ladite piéce
a été reconnue avoir bien fupporté l'épreuve dans
toutes les parties & avoir fatisfait aux differens
examens.
En foide quoi nous avons dreffé le préfent Procès
verbal , pour fervir & valoir ce que de raifon
auxdits Sieurs Jandin freres. A Paris , les jour ,
mois & ans que deflus .
Collationné à l'original , figné de tous Meffieurs
y dénommés , & de moi Contrôleur Général de
Ï'Artillerie de France.
GARNIER DI MONTIGNE
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
P
Laifirs
AIR .
Laifirs , ne troublez pas ma trifteffe profonde,
Retracez-moi plutôt l'objet de mes amours.
Sans ma Bergere , hélas ! je vois couler mes jours,
Quand je voudrois pour elle oublier tout le
monde.
*
Vole , enflamme nos coeurs ; Amour ; voilà mes
voeux ;
J'aime trop les douceurs
Qui forment l'amoureufe chaîne .
Que le fort contre moi lance fes traits divers a
Si je fuis cher à ma Climene ,
Je ne ris de tout l'Univers .
VERS
A mettre en Muſique.
Sous l'amoureux empire ,
Petits oifeaux , que vous êtes heureux ↑
. Vous aimez & pouvez le dire .
Loin de s'irriter de vos feux ,
L'objet de vos voeux
S'empreffe
A combler vos défirs.
Les plaifirs
THEQUE
LYON
1893
VILLE

DECEMBRE . 1749. 199
Suivent fans ceffe
Vos foupirs.
Ah ' qui peut fans envie
Voir couler des momens
Si charmans ?
Sans jaloufie
Vous êtes conftans ;
Vous ignorez les traitemens
D'une volage ou cruelle Maîtreffe :
Dans ces bois les plus doux retours
Sont toujours
Le prix de la tendreffe.
Si nous goûtons quelques douceurs ,
Combien coûtent - elles de larmes !
Loin des allarmes ,
*Petits oiſeaux , aux plaifirs enchanteurs
Vous livrez de fenfibles coeurs ;
Pour vous feuls Amour a des charmes ,
Pour nous feuls il a des rigueurs.
SPECTACLES.
LEpremier Novembre , Fête de la Touffaints ,
le Concert Spirituel , exécuté au Château des
Thuilleries , fous la direction de M. Royer ,
I iiij
200 MERCURE DE FRANCE .
1
tertre
de Mufique de Monfeigneur le Dauphin , commença
par un beau concerto de Geminiani ,
miné par un Menuet des plus gracieux & des plus
variés . Ce Concerto fut fuivi d'un Motet à grands
choeurs de M Bordier , Maître de Mufique de
l'Eglife des Innocens ; c'eſt le Pleaume 96 Dominus
Regnavit. M. Taillard & M. Pagin ont joué
chacun un Concerto , l'un de flûte Allemande ,
l'autre de violon , qui ont été coupés par Cantate
Domino , petit Motet de feu Mouret , chanté avec
un jufte applaudiffement par Mlle du Perray. Le
Concert a fini par le fublime De profundis de M..
Mondonville .
La Reine ayant partagé fa Mufique avec Madame
la Dauphine,il y a eu des Concerts à Fontainebleau
& à Verfailles pendant la féparation de la
Cour, caufée par l'indifpofition de Madame la
Dauphine.
Les Srs Pericard & Charles , Trompettes dans
les Chevau- Légers de la Garde du Roi , & les deux
freres Prefer , Cors - de- chaffe de M. le Duc de Villeroy
, ont joué pendant le fouper du Roi , le 12
Octobre dernier , & ont fort amufé Sa Majesté .
Les Comédiens François ont donné à Fontainebleau
le Mardi 7 Octobre l'Enfant Prodigue & le
Rendez- vous. Le Jeudi fuivant ils ont repréſenté
Britannicus & la Pupille . La jeune Dile Guean a
joué Junie dans Britannicus , & le rôle de la
Pupille.
Le Mardi 14 , la Cour a vû repréfenter la Mere
Coquette & le Baron de la Craffe , & le Jeudi 16,
Electre & l'Esprit de contradiction .
Les Comédiens Italigns , le Samedi 4 Octobre
ont donné les deux Arlequins jumeaux . Cette Comédie
fut fuivie du joli Divertiffement des Enfans
Jardiniers , & d'un agréable Feu d'artifice .
DECEMBRE . 1749. 201
Ce Spectacle fut honoré de la préfence de Madame
Ducheffe de Parme & de Meldames de
France.
Le Samedi 1 , les mêmes Acteurs repréſenterent
Arlequin Roi par hazard , orné de trois Diververtiffemens
que termina l'amufant Ballet des
Savoyards.
Le Samedi 18 , ils donnerent les Comédiens Ef
claves , Arcagambis & le Baron Suiffe , entrecoupés
par trois agréables Fêtes , dont la derniere , nouvellement
compofée , ne diminuera pas certainement
la jufte réputation de M. Deheffe . Le Sr Sodi,
frere de l'excellent Pantomime de l'Académie
Royale de Mufique , y joua de fa Mandoline avec
le fuccès qu'il méritoit .
L'Opera continue avec un nombreux auditoire
les repréfentations applaudies du Ballet intitulé le
Carnaval du Parnaffe , en attendant la Tragédie de
Zoroaftre , ouvrages d'Auteurs accoûtumés aux
triomphes , & qui , felon les apparences , n'affoibliront
pas les moiffons abondantes du Théatre
Lyrique.
Le 27 Octobre, les Comédiens François donnerent
la premiere repréfentation d'une Comédie en
trois Actes, avec un Prologue, intituéle la Colonie,
& qui fut fuivie de la premiere repréſentation du
Rival fuppofé , Comédie en un Acte. Le lendemain
l'Auteur retira ces deux Piéces ; quelques perfonnes
ont voulu trouver des portraits trop forts dans
la petite Piéce ; mais ce font de ces portraits généraux
& tels qu'on en a fait de la Cour & des Courtifans
dans tous les tems & dans tous les Royaumes.
Le caractére de D. Felix eft bien frappé , bien fou
tenu , neuf au théatre , auffi bien que celui de
Florine.
Cette derniere Comédie fe vend chez Praul
I V
202 MERCURE DE FRANCE.
fils , Libraire , Quai de Conty , à la deſcente du
Pont-Neuf.
Nous ne pouvons nous empêcher de dire , après
avoir lû très attentivement les deux Piéces , que
l'Auteur eft malheureux de toutes façons . Sa Comédie
du Rivalfuppofé nous paroît à tous égards un
de fes meilleurs ouvrages. Nous avons trouvé celle
de la Colonie , très- ingénieufement imaginée , conduite
avec beaucoup d'art , & remplie de bon comique.
Quelque févérement que nous ayons examiné
certains traits de cette Piéce , auxquels on a
reproché d'être trop licencieux , nous n'y avons
rien apperçu qui dût bleffer les oreilles les plus
délicates.
LETTRE de M. de Cahufac à M. Remond
de Sainte Albine , fur les bruits
qui.courent que M. de Cahufac n'eft point
Auteur du nouvel Opera de Zoroaftre.
N ne peut être , Monfieur , plus fenfible que
je le fuis à la maniere obligeante dont vous
en uſez avec moi. On reconnoît dans tout ce que
vous faites , & votre amour pour les talens , &
votre zéle pour la vérité.
Vous avez fort bien jugé des bruits qu'on s'efforce
de répandre au fujet de mon Opera de Zo-
Toastre , que l'Académie Royale de Mufique prépare.
Oui , Monfieur , cette Tragédie eft de moi
& n'eft que de moi . Nul autre vivant ou mort n'a
eu aucune forte de part à cet ouvrage.
J'en méditois le plan depuis long-tems , & je
P'executai pendant le cours de l'Eté 1747. Nous
le paflâmes à la campagne M. Rameau & moi; j'eus
pour témoin de mon travail & du fien plufieurs
DECEMBRE. 1749. 203
perfonnes très - eftimables , avec lesquelles j'ai
l'honneur de vivre , & j'aurai pour défenfeurs fur
cet article tous ceux qui fçavent difcerner la maniere
, la coupe & le ftyle des Auteurs qui travaillent
pour le Théatre Lyrique.
Peut-être lorsque l'ouvrage fera connu , m'eftimerois-
je fort heureux qu'on voulût le laiffer fur
la tête d'un autre ; mais quelque foit alors le jugement
du Public , la honte où l'honneur ne doivent
rejaillir que . fur moi , & j'attends mon fort
avec un déſir conſtant de reconnoître mes fautes ,
de les corriger & de plaire.
Je vous prie d'être perfuadé de l'eftime & de
l'attachement avec leſquels j'ai l'honneur d'être ,
Monfieur , & c.
De Cabufac.
A Paris , ce 18 Novembre 1749.
淡淡洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗浟
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E Roi , accompagné de Monſeigneur le Daunebleau
, & arriva le même jour à Choify , d'out
Sa Majesté le rendit le lendemain à Versailles.
Le 23 , les Actions de la Compagnie des Indes
étoient à dix-fept cens quinze livres ; les Billets de
la premiere Lotterie Royale , à fix cens vingt , &
ceux de la feconde, à cinq cens quatre - vingt- huit .
Madame Infante & l'Infante Ilabelle , étant
parties de Fontainebleau le & Octobre , couche-
1 vj
204 MERCURE DE FRANCE.
rent le même jour à Montargis , où l'Archevêque
de Sens fuppléa les cérémonies du Baptême à une
file nouvellement née du Comte & de la Com.
teffe de Bragelogne , qui eut pour parrain le Roi
de Pologne , Duc de Lorraine & de Bar , repré
fenté par le Comte de Noailles , & pour marraine
Madame Infante , repréfentée par la Princefle de
Crouy.Ces Princeffes continuerent leur route le 7,
& coucherent le même jour à Cône ; le 8 à S. Pierre
le-Moutiers ; le 9 à la Palice , le 10 à Roane ,& le
11 à Tarare . Elles ont été reçûes fur toute la route
par les Intendans , qui les attendoient aux confias
de leurs Généralités , & qui ont eu l'honneur de
leur être préfentés par le Comte de Noailles ,
chargé par le Roi d'accompagner les Princeffes
jufquà Antibes. Madame Infante arriva à Lyon le
12 entre trois & quatre heures après midi. Toute
la Bourgeofie étoit fous les armes au nombre de
dix mille homines. La Princeffe traverfa la Ville ,
& fe rendit an logement qui lui avoit été préparé
dans la Place de Louis le Grand. Le Prévôt des
Marchands & le Corps Confulaire lui préſenterent
une corbeille magnifique remplie de fleurs & de
boctes de confitures.
Le foir , la Place fut illuminée par une grande
quantité de lampions ; fur les huit heures , on tira.
un feu d'artifice près de la Statue du Roi , & Madame
Infante permit qu'on la vît fouper.
Le lendemain , elle alla entendre la Meffe à l'Eglife
Cathédrale ; elle fut reçue à la porte par les
Chanoines Comtes de Lyon ; cette Princeffe vilita
enfuite la maifon des Jéfuites , & monta à leur Bibliothéque
.
L'après-midi , elle alla à l'Hôtel de Ville , où elle
fut reçue par le Prévôt des Marchands & les Echevins
; elle vit dans une des Salles l'opération du
DECEMBRE. 1749. 205
titage de l'or , & dans une autre ,des métiers de trois
façons differentes. Elle voulut bien accepter les
differentes étoffes que le Confulat lui préfenta.
Le 14 , à neuf heures & demie du matin , Madame
Infante partit , & arriva le foir à Vienne ,
ayant donné des marques de fa bonté à tous ceux
qui ont eu l'honneur de l'approcher.
Le 23 Octobre le Roi partit de Verſailles , pour
aller coucher à Choify , & retourna le lendemain
à Fontainebleau.
Sa Majesté a donné à M. Joly de Fleury , Maître
des Requêtes , l'Intendance de Bourgogne ,
vacante par la nomination de M. de Saint Conteft
à l'Ambaffade de Hollande.
Le 30 , les Actions de la Compagnie des Indes
étoient à dix -fept cens trente- deux livres & demie;
les Billets de la premiere Lotterie Royale à fix cens
vingt , & ceux de la feconde à cinq cens quatrevingt-
neuf.
" Le 31 Octobre , veille de la Fête de tous les
Saints , la Reine entendit la Mefle dans la Chapelle
du Château & Sa Majefté communia par
les mains de l'Evêque de Chartres , fon Premier
Aumônier.
Le premier Novembre , jour de la Fête , le Roi,
accompagné de Mefdames de France , entendit la
Grande Meffe , qui fut célébrée pontificalement
par l'Evêque dufPay , & chantée par la Mufique.
La Reine entendit la même Mefle dans la Tribune
.
L'après midi , Leurs Majeftés affifterent au Sermon
du Pere Laugier , de la Compagnie de Jefus ,
& enfuite aux Vépres , aufquelles le même Prélat
officia.
Le 6 , les Actions de la Compagnie des Indest
étoient à dix - fept cens foixante livres ; les Billets
de la premiere Loterie Royale à fix cens vingt ,
206 MERCURE DE FRANCE.
& ceux de la feconde à cinq cens quatrevingtneuf.
L'ouverture du Parlement fe fit le 12 du mois
dernier , avec les cérémonies accoûtumées , par
une Meffe folemnelle , célébrée dans la Chapelle
de la Grande Salle du Palais , par l'Abbé de Vichy
de Chamron , Tréforier de la Sainte Chapelle, &
à laquelle M. de Maupeou , Premier Préfident ,
& les Chambres , affifterent.
Le 13 , les Actions de la Compagnie des Indes
étoient à dix-fept cens foixante- deux livres , &
demie ; les Billets de la premiere Loterie Royale à
fix cens vingt-deux , & ceux de la feconde à cinq
cens dix-huit.
Le 12 Novembre,l'Académie Royale des Sciences
tint la feconde des deux Affemblées publiques
qu'elle a coûtume de tenir chaque année. La
féance commença par l'éloge de M. Amelot ,
dont M. de Fouchy fit la lecture . M. Ferrein lut
un Mémoire fur la ſtructure des vifcéres , & fürtout
des reins & du foye. La lecture de cet ouvrage
fut fuivie de celle d'un Mémoire de M.
Delifle , fur les grands froids de Siberie & de quel..
ques autres Pays . M. de Vaucanfon lut la Defcription
d'un nouveau tour à tirer la foye , avec
des réflexions fur la maniere de procurer à la
France d'auffi belles foyes que dans aucun autre
Pays du monde . La Séance fut terminée par la
lecture d'une Préface de l'Abbé de Gua ,
ouvrage , qu'il doit donner au Public .
fur un
Le 16 , le Roi accompagné de Mefdames de
France , partit de Fontainebleau , & alla le même
jour à Choify , d'où Sa Majeſté arriva le 10 à Verfailles.
Le 17 , la Reine arriva à Choify de Fontainebleau
, d'où elle étoit partie le même jour.
On a appris que Madame Infante , & l'Infante
DECEMBRE . 1749. 207
Ifabelle, fe font embarquées le premier Novembre
fur l'Escadre des Galéres que commande le Comte
de Maulevrier Langeron ; que les Galéres ont
relâché le lendemain à Monaco , d'où elles font
parties le 4 au matin , & que le 6 elles font arrivées
à Génes , od Madame Infante & P'Infante
Ifabelle ont débarqué . Le Chevalier de Segur ,
Enfeigne de Vaiffeau , que le Comte de Maulevrier
a fait partir fur le champ , a apporté cette
nouvelle au Roi.
Le 20 , les Actions de la Compagnie des Indes
étoient à dix fept cens cinquante livres . Les Billets
de la premiere Loterie Royale à fix cens vingtdeux
livres , & ceux de la feconde à cinq cens quatre-
vingt-neuf.
Il s'eft gliffé une faute d'impreffion fur le prix
des Billets de la feconde Loterie Royale , dans la
Gazette du 16 Novembre. Au lieu de cinq cens
dix-huit , il faut lire cinq cens quatre- vingt- neuf.
MORT S.
E 9 Octobre , Don Louis d'Acunha , Com
Les deurbre ;DoreLode Chrift,Confeiller-
Privé du Roi de Portugal , & fon Ambaffadeus
auprès du Roi , mourut à Paris dans un âge trèsavancé
Il avoit été ci- devant Ambaffadeur auprès
de Sa Majeſté , & avoit été employé avec le
même caractére , ou en qualité de Miniftre , dans
plufieurs autres Cours. Il avoit été auffi un des
Plénipotentiaires du Roi de Portugal au Congrès
d'Utrecht , & il étoit le Doyen de tous les Ambaffadeurs
& Miniftres de l'Europe .
ነ Le 13 Louis- Anne Seguier , Confeiller au Parlement,
mourut dans la cinquante - huitiéme an
208 MERCURE DE FRANCE.
née de fon âge , étant né le 28 Août 1692 , & futinhumé
à Saint Paul. Il avoit épousé le 26 Février
1726 Jeanne -Antoinette Pelletier , morte le 3
Juin 1734 , fille unique d'Antoine Denis Pelletier
, Auditeur en la Chambre des Comptes , &
de Sufanne le Noir & il laiffe entre autres enfans
N. Seguier , reçu Avocat du Roi au Châtelet de
Paris , le 22 Août 1748.
Il étoit fils de Claude - Alexandre Seguier , de la
branche des Seguiers de Saint Cyr , mort au mois
de Novembre 1725 , & de Marie - Jeanne le Noir.
La branche de Saint Cyr eft devenue la branche .
aînée , par le défaut d'hoirs mâles dans la premiere
, & dans celle des Seigneurs d'Autry. Elle
a commencé dans Nicolas Seguier , Seigneur de S.
Cyr, deuxième fils de Nicolas Seguier, Seigneur de
l'Étang- la- ville près de S. Cloud , moit le 28 Septembre
1533 , dont lé pere Blaife Seguier mourut
le 25 Avril 1510.
Les lumieres & l'intégrité , depuis long-tems
héréditaires dans la fami le des Seguiers , ont principalement
éclaté dans la perfonne de Pierre Seguier
, Chancelier de France , le dernier de la
branche d'Autry , mort le 28 Janvier 1672 .
Nous nous étendrions avec plaifir for fes louanges,
files fréquens éloges de l'Académie Françoiſe
Jaiffoient quelque chofe à defirer pour honorer la
mémoire d'un Chef de la Juftice , qui fut auffi
zélé Protecteur des Lettres que grand Légiflateur.
Le 17 , Philippe- Louis le Hayer de la Follaine ,
Baron d'Afay , Lieutenant au Régiment des Gardes
Françoifes , & Chevalier de l'Ordre Royal &
Militaire de Saint louis ; mourut & fut inhumé à
la Magdelaine de la Ville- l'Evêque.
Le 18 , Marie Jofeph le Mazuyer , Marquis de
Montegut , Confeiller du Roi en fes Confeils , &
DECEMBRE . 1749. 209
fon Procureur Général au Parlement de Toulouſe
, mourut à Toulouſe , âgé de 82 ans. Il
avoit été pourvû de la Charge de Procureur Gé-
-néral à l'âge de 21 ans , ayant obtenu la furvivance
en 1689 , & il commença à en faire les
fonctions en 1694. Il joignoit aux qualités de l'efprit
toutes les autres qualités propres à fon état
& pendant un exercice de près de cinquantecinq
ans , il en a rempli les devoirs avec une exactitude
qui a peu d'exemples . Comme le Procureur
Général du Parlement de Toulouſe a également
l'exercice de la plume & de la parole , il a fourni
feul pendant long- tems à ce double travail . Une
bonté naturelle l'intéreffoit fi vivement à l'accéleration
des affaires , que par la crainte de les retarder
, il ne fe perniettoit aucun relâche dans fes
pénibles occupations. Cette rare vertu , qui bril
loit éminemment fur fes autres grandes qualités,
rend fa perte encore plus fenfible.
De fon mariage avec N. de la Font , fille de N.
de la Font , Seigneur de Caragoude , il a eu plufieurs
enfans , mais deux filles feulement ont été
mariées , l'une au Marquis d'Offun , l'autre au
Marquis de Thefan .
Il étoit fils de Henri le Mazuyer , Marquis de
Montegut , d'abord Page de Philippe de France ,
Duc d'Orleans , frere de Louis XIV . enfuite Con-
:feiller , & enfin Procureur Général du Parlement
de Touloufe , & de N. Desplats , de Granague ,
fille de Pierre Defplats de Granague , Préſident du
Parlement de Toulouſe.
Henri étoit fils de Gilles le Mazuyer , Vicomte
d'Ambrieres , Premier Préfident du Parlement de
Toulouſe , & de N. de Clary , fille unique de
François de Clary , Premier Président du même
Parlement . Gilles fe diftingua fous le miniftére
du Cardinal de Richelieu , qui le chargea de plú210
MERCURE DE FRANCE.
fieurs commiffions importantes. Il étoit en commerce
de Lettres avec les perfonnes les plus célébres
de fon tems , particulierement avec S. François
de Sales , Evêque de. Genève , dont on conferve
plufieurs Lettres dans la famille.
La famille de le Mazuyer eft anciennement
originaire de Picardie. Elle avoit des Fiefs dans la
Ville de Paris , & fa fépulture dans l'Eglife de Saint
Séverin. Elle vient de s'éteindre dans la perfonne
de Marie-Jofeph qui donne lieu à cet article , &
qui n'a point laiffé d'enfans mâles .
Le 23 , Charlotte- Antoinette de Hautefort ,
veuve de François de Ranconnet , Marquis d'Eſcoyre
, mourut âgée de 80 ans , & fut inhumée à
Saint Nicolas- des - Champs. Elle a eu de fon mariage
une fille nommée Louife-Magdeleine de
-Ranconnet , qui a épouſé le Marquis d'Embruſoc ,
en Auvergne.
?
Le pere de Madame la Marquise de Ranconnet
étoit François de Hautefort , Seigneur de Bruzac ,
mort Lieutenant des Gardes du Corps du Roi.
Elle étoit petite fille de René de Hautefort , qui
a fait la branche des Seigneurs de Marquefac &
de Brufac ,fecond fils de François de Hautefort ,
Marquis de Hautefort , fixiéme defcendant de
Helie de Gontaut , Damoifeau de Badefol , qui a
commencé la branche de Hautefort par fon mariage
avec Marthe de Born ; Dame de Hautefort
& de Thenon , en 1388.
l'on
Cette branche de Hautefort eft la huitéme de
la Maiſon de Gontaut , dont le premier que
connoiffe fut Geoffroi de Gontaut , qui vivoit en
II24 .
Le 28 , Dom Touffaint Chatelus , 'Supérieur
Général de l'étroite obſervance de l'Ordre de
Clugny, mourut & fut inhumé au Prieuré Royal
de Saint Martin- des - Champs.
DECEMBRE. 1749. 211
Le premier Novembre , Catherine de la
Chaife-d'Aix , veuve de François , de Briqueville ,
Marquis de la Luzerne , Maréchal des Camps &
Armées du Roi , & Premier Enfeigne de la premiere
Compagnie des Moufquetaires , mourut au Convent
des Religieufes Benedictines du Cherchemidi
, où elle fut rapportée de l'Eglife de Saint
Sulpice , fa.Paroiffe , pour y être inhumée . Elle
avoit été mariée le 12 Janvier 1692 , & étoit fille
de François de la Chaife- d'Aix , Marquis de la
Chaife , Sénéchal de Lyon , & Capitaine des Gar
des de la Porte de la Maifon du Roi , en 1687 .
Le même jour , Marie Françoile Diane , fille
de Henri de Lauzieres , Marquis de . Themines
Capitaine de Cavalerie , mourut & fut inhumée
à Saint Roch.
Le 3 , Alexandre-Charles de la Rochefoucault
Marquis de Surgeres , Enfeigne de la Compagnie
des Gendarmes d'Anjou , mourut âgé de 18 ans ,
& fut inhumé à Saint Euſtache.
Il étoit fils d'Alexandre-Nicolas de la Rochefoucault
, Marquis de Surgeres , Lieutenant Général
des armées du Roi ; & de Jeanne- Thereſe.
Fleuriau de Morville , fille du feu Comte de Morville
, Miniftre & Secretaire d'Etat des Affaires
Etrangères , & petit-fils de François , Marquis de
Surgeres , Capitaine de Vaiffeau. François étoit le
cinquiéme defcendant de Louis de la Rochefou
cault ,Seigueur de Montendre , fils puîné de François
I. du nom , Comte de la Rochefoucault ; &
de Barbe du Bois , fa feconde femme. François ,
feiziéme deſcendant de Foucault premier du non
mourut en 1516 .
La Maiſon de la Rochefoucault eft trop illuftre
& trop connue , pour que l'on exige de nous aucun
détail. Nous dirons feulement qu'elle a ce
rare avantage , que celui par lequel on commence
212 MERCURE DE FRANCE.
fa génealogie paroît revêtu de tant d'éclat & d'au
torité , qu'on ne doit point craindre de fe tromper,
en préfumant que fon origine étoit des plus anciennes
& des plus glorieufes.
Le 4 Marguerite - Angélique Rouillé , veuve
d'Antoine Bitaut , Seigneur de Vaillé , Rochereau
, la Boff nniere , le Paly , les Touches &
Coffé , Confeiller du Roi Honoraire en fon Grand
Confeil , mourut , & fut inhumée à Saint Jean - eng
Gréve.
Elle étoit fille de Pierre Rouillé , Seigneur du
Coudrai-le- Pleffis & autres lieux , Maître des Requêtes
, & de Jeanne Mariche , & étoit veuve depuis
le 17 Juin 1735. Elle avoit eu de fon mariage
Antoine- François Bitaut , Confeiller au Grand
Confeil , reçu le 19 Décembre 1714 , fur la démiffion
de fon pere. Antoine - François, mort le...
Octobre 1738 , avoit épousé au mois d'avril
1715 Elizabeth- Claude Gallois , dont il a laiſſé N.
Bitaut , aujourd'hui Confeiller au Parlement , refu
le is Mai 1744 .
Le7 , Marie- Elizabeth Amable Seigneur , veuve
de Guillaume , Marquis de Caplaune , Capitaine
de Grenadiers dans le Régiment de la vieille
Marine , & Chevalier de l'Ordre Royal & Mili
taire de Saint Louis , mourut & fut inhumée à
Saint Roch.
Le 7 du mois de Mars dernier , Philippe Gobert
, du Village de Mennedoute , dans les Ardernes
, Paroiffe de la Ville de Neuf- Château , Province
de Luxembourg , mouru: âgé de cent ſeize
ans. Il s'étoit marié à l'âge de trente - trois ans , &
avoit vêcu dans fon mariage cinquante - fix aus ,
& étoit veuf depuis vingt - fept ans . La maladie
n'a point terminé fes jours , la caducité feule l'a
fait ceffer de vivre . Il avoit confervé juſqu'à la
fin une mémoire fi préfente du paffé , qu'il fe
DECEMBRE. 1749. 213
fouvenoit parfaitement d'une maladie contagieu
fe , qui fit en 1636 de cruels ravages dans le Duché
de Luxembourg , quoiqu'il ne dût alors avoir
que
trois ans.
Nous devons à la mémoire d'un des Maîtres du
Parnaffe François , de faire mention de fon Jardinier
qu'il a immortalifé par une de fes Epitres.
1
Le 3 Octobre , Antoine Riquet , Jardinier de
feu Nicolas Boileau Defpreaux à Auteuil , mourut
à Paris âgé de 95 ans , & fut inhumé à la Magdeleine
de la Ville - l'Evêque.
ARRESTS NOTABLES.
ORDONNANCE du Roi , du 9 Septembre
, concernant les Officiers de les troupes,
retirés à l'Hôtel des Invalides
ARREST du Confeil d'Etat du Roi , du 27 ,
qui regle l'évaluation des Offices municipaux, créés
par Edit du mois de Novembre 1733 , & de ceux
de la Province de Languedoc , fur laquelle le droit
annuel & les droits de mutation en feront payés
aux Revenus cafuels.
AUTRE , du 14 Octobre , qui ordonne que
les Officiers , fupprimés par Edit du mois d'Avril
dernier , remettront à Meffieurs les Intendans leurs
titres de proprieté & autres piéces concernant la
liquidation de leurs Offices.
AUTRE du même jour , qui permet l'en
trée dans le Royaume , pendant une année , des
Beures venant d'Angleterre , d'Ecoffe & d'Irlande
, en payant les droits qui font dûs.
ORDONNANCE du Roi , du 12 Novembre
, concernant les Mandians & Vagabonds qui
Le trouveront à Paris & aux environs."
214 MERCURE DE FRANCE.
N donne avis que M. de F. D. K. pofféde
feul la compofition de l'Elixir , qui a pour
baze le vrai Baume de la Mecque , dont les vertus
font infinies pour prefque toutes fortes de maladies
, puifqu'il a éte prouvé & reconnu , qu'il a la
grande propriété de fortifier le genre nerveux , &
de le débarraffer de fes obftructions , par la vertu
de fon Souffre & de fa Teinture fouverainement
exaltés .
Les guérifons défefperées qu'il a procurées , &
qu'il procure journellement , qui font atteſtées
par les Certificats des perfonnes qui en ont fait
ufage , dont les noms & les demeures fe connoîtront
dans le Bureau de diftribution , font des
preuves de fes qualités spécifiques .
Il reftaure puillamment la nature , il facilite l'expectoration
, il répare & fortifie l'eftomach , il détruit
les vices des Sucs Gaftriques qui caufent des
indigeftions , il diffout & fait faire la coction aux
crudités des alimens qui occafionnent des coliques
; il arrête tous vomiffemens & les crachemens
de fang , il guérit les palpitations & battemens
de coeur. Et il garantit de tout mauvais air
même du contagieux.
Il eft très agréable au goût , & ne cauſe jamais
d'irritation à ceux qui en ufent.
On donne la maniere de s'en fervir au Bureau de
diftribution , établi chez le Sieur Devin , rue Pavée ,
près la Comédie Italienne , où le Tableau eft exposé.
Plufieurs Patticuliers tâchent de le contrefaire
fur les grandes propriétés qui lui font connues
mais il eft impoffible d'y parvenir , fans avoir le
vrai Baume de la Mecque , qui fe reconnoît dans
cet Elixir , par la Pellicule qui occupe la furface de
la liqueur dans laquelle on le prend.
DECEMBRE .
215
1749 1749
AUTRE AVIS.
Our preuve évidente & inconteftable que la
poudre Koyale fébrifuge du Sieur de la Jutais
,compofée uniquement de plantes , évacue de
la maffe du fang toutes les impuretés qui s'y.
trouvent ; c'eft qu'elle guérit radicalement toutes
fortes de fiévres intermittentes les plus rébelles ,
parce qu'elle agit fuivant la difpofition du corps.
L'expérience journaliere confirme cette vérité ,
qui commença d'être reconnue en France dans
Pautomne de 1712 , par Meffieurs Fagon & Bou
din, pour lors premier Médecin & M. Ord, du Roi ,
lefquels acertifierent à Sa Majeſté avoir guéri par
cette poudre , pendant l'efpace de quatre mois,
tous les malades qui fe préfenterent attaqués de
toutes fortes de fiévres intermittentes , fans en
avoir manqué une feule .
Cette Relation fe trouve en original aux Archiyes
du dépôt de la Marine à Paris , dattée de Verfailles
du 13 Février 1713. On y voit au bas la décifion
du feu Roi , écrite de fa main en faveur de
l'Auteur , dans ces termes :
Bon , penfion de 1200 liv . à commencer du
jour qu'il eft parti de Veniſe , & la Croix de Saint
Lazare.
On voit tous les jours des cures furprenantes
par les vertus de cet heureux spécifique , non -feulement
envers les fiévres intermittentes , mais encore
dans toutes les maladies caufées par la mauvaiſe
qualité des humeurs de quelque espéce quel
les foient ; ainfi on s'en purge avec tout le fuccès
defiré toutes les fois qu'on fe fent indiſpoſé.
Le Sieur de la Jutais pofféde encore divers autres
remédes très -rares & finguliers ; mais principale216
MERCURE DE FRANCE.
I
ment fon Arcane céleste , ſi eſtimě de tous ceux
qui en font ufage , parce qu'il répare & fortifie
puiflamment toutes les parties débilitées du corps,
en commençant par l'eftomach , qui en eft le pe
nourricier , & jufqu'à le guérir des excoriations
caufées par quelques portons corrofifs , tels que le
feroient l'arfenic & le verdet . Il rend aux étiques
leur premiere fanté, guérit l'afthme & les lienteries
les plus rebelles . Cet arcane eft fi benin , que les
enfans à la mammelle , dont l'eftomach ſe ouve
dépéri par un lait crû & acide , qu'ils vomiflent à
chaque inftant , en font guéris en moins de deux
heures , quand même ils feroient aux approches
de la mort. Deux ou trois prifes à la Nourrice
pendant ce peu de tems, fuffifent pour corriger fon
lait . Les femmes enceintes fujettes aux avortemens ,
en font certainement garanties , parce que toutes
les parties qui correfpondent à la perfection de
l'enfant , font toutes puiffamment fortifiées par l'ufage
de cet Arcane célefte. Il eft propre auffi à
guérir les fleurs blanches , les vieilles & nouvelles
gonorées ; comme auffi à détacher les fables &
graviers des reins & de la veffie , en les entraînant
par les urines, réparant en même tems les excoriations
qu'ils ont caufées , defquelles procedent les
douleurs qu'on en reffent. Il eft le préfervatif &
curatif du ſcorbut , & réſiſte à tout mauvais air.
Les vertus de ce puiffant fpécifique font écrites
plus au long dans un petit livre qui en enfeigne
l'ufage. Son prix eft à raifon de 24 livres la livre ,
qu'on divife , fi l'on veut , par pots de demi livre ,
quarterons & demi
quarterons.
Le Sr de la Jutais , Médecin Privilégié du Roi ,
demeure à Paris , rue de Bourbon , à la Ville-
Neure.
AUTRE
DECEMBRE. 1749. 217
AUTRE AVIS.
Illion avertit le Public qu'il fait & vend les vé-
Fritables Biſcuits du Palais Royal , depuis trois
fols jufqu'à fix ; Bifcuits & Gâteaux.de Savoye ; Gâ
teaux d'amande ; des coeurs de bifcuits , des rofes
& des bonnets Turcs ; Macarons d'amande amère;
Maffepins pralinés, feringués ; des coeurs de Maffepin
royal & de Chocolat à la fleur d'orange & de
caffé , Conferves de fleur d'orange en gâteaux , en
coeur , pralinés , & des méringues , & tout ce qui
concerne l'Office . Les Bifcuits fe confervent toujours
tendres pendant l'efpace d'un mois , ce qui
fait qu'on peut les tranfporter en campagne.
Le Sr Fillion continue de fabriquer les Chocolats
vanillés & de fanté , ainbrés & à la fleur d'orange
fans fucre , depuis quarante fols jufquà buit livres ;
Piftaches & Paftilles fines , depuis trois livres juf
qu'à fix. Il fait unChocolat naturel pour les perfonnes
qui font incommodées de l'eftomach & de la
poitrine,& un Beure de Cacao- caraqué, qui eft bon
pour les inflammations fur les yeux , les boutons ,
les lévres gerfées , daftres & pour les hémorroïdes,
&c. Le Sr Fillon demeure préfentement dans l'Abbaye
S. Germain des Prez , Cour des Religieux ;
rue Childebert , la quatriéme boutique après la
fontaine , à la Croix de Chevalier . C'eſt le même
Fillion qui demeuroit ci devant Cour & rue Ab ,
batiale.
K
218 MERCURE DEFRANCE.
A VIS.
Des Auteurs du Mercure.
N prie les perfonnes qui doivent
des Mercures , de s'acquitter dans
le courant de ce mois, & quelques- unes, à
qui depuis long- tems on demande inutilement
de l'argent , ne doivent pas être furprifes
fi on ceffe de leur fournir ce Recueil .
J
APPROBATION.
' Ai lû par ordre de Monfeigneur le Chancelier
le premier volume du Mercure de France da
mois de Décembre 1749. A Paris , le 28 Novembre
1749.
MAIGNAN DE SAVIGNY .
TABLE .
3
IECES FUGITIVES en Vers & en Profe.
Suite de la Séance publique tenué le 25 Août
dernier par l'Académie Royale des Sciences ,
Infcriptions & Bellès-Lettres de Toulouſe ,
Vue d'un Côteau , 36
Difcours prononcé par M. le Comte de Treffan ,
Lieutenant Général des Armées du Roi , &
Commandant dans la Province du Boulonnois
le 18 Août dernier , à l'occafion des Prix que
Mrs les Syndics de cette Province donnerent
aux Ecoliers du Collège des Peres de l'Oratoire
+
de Boulogne , & dont ce Seigneur fut prié de
faire la diftribution . , 39
48
Ode à M. Oudry , Peintre du Roi , da de
Séance publique , tenue le 12 Août 1749 par PAcadémie
des Sciences , Belles - Lettres & Arts de
Rouen ,
Amélie , Poëme Paftoral ,
51
71-
Retour de l'homme vers Dieu , après avoir connu
la vanité du fiécle , 5678
Lettre à Meffieurs les Directeurs de la Compagnie
des Indes , par M. Mopillier , Chirurgien , für
le Scorbut & la Dyffenrerie , 83
Vets d'un fils à fon pere , pour le jour de ſa Fête ,
par un jeune homme de Rouen ,
Le Lierre , Fable ,
Vers à Mad , de V **** à fa campagne ,
92
94
96
Obfervations fur le Ver plat , dit Tonia on Solitaire
,
Ode fur la Paix ,
ibid.
III
Lettre au R. P. C. l'un des Journaliſtes de Trévoux
,
Bouquet à Mlle de la *** *
115
125
Réponse à une nouvelle Lettre au fujet des Corbeaux
de l'Eglife de S. Julien du Mans , 126
Mots de l'Enigme & des Logogryphes du Mer
cure de Novembre ,
Enigmes & Logogryphes ,
133
134
140
Nouvelles Litteraires , des Beaux- Arts , &c.
Catalogue des Eftampes gravées par M. le Bas ,
Graveur du Roi , 164
Lettre de M. d'Anville à M. Remond de Sainte
Albine , fur une nouvelle Carte de l'Amérique
Méridionale ,
Avis fur la Lettre ſuivante ,
168 .
169-
Lettre de l'Auteur d'une Brochure, intitulée Connoiffance
des beautés & des défauts de la Poëfie
de l'Eloqnence , à M. Remond de Sainte
Albine ,
170
Autre au même , fur la Tragédie des Amazônes
,
172
'Autre de feu M. Pavillon au même . De l'autre
.monde , au mois d'Octobre 1749 , 175
>
181.
'Autre à M. Buffon , de l'Académie Royale des
[ Sciences , & Intendant du Jardin du Roi , 177%
'Autre à M. ** Confeiller au Préfidial de Tours ,
à l'occafion du premier Acte public foutenu aux
Ecoles de Chirurgie le 2 Septembre 1749
conformément à l'Arrêt du Confeil d'Etat du
12 Avril précédent ,
'Autre écrite de Beziers le as Octobre 1749 , par
M. Fraiffe , Docteur en Médecine de la Faculté
de Montpellier , à M. Brouzet , Docteur.
de la même Faculté , & Médecin des Hôpitaux
du Roi à Fontainebleau ,
Nouvel avis fur les Canons de fer battu & de
nouvelle invention
2.
186
194
Procès verbal de l'épreuve d'une pièce de ces
Canons ,
Chanfon notée ,
Vers à mettre en Mufique ,
Spectacles , & Concerts ,
195
1982
ibid.
200
Lettre de M. de Cahufac à M. Remond de Sainte
Albine ,
202
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 203
Morts ,
Arrêts notables ,
207
213
Avis fur l'Elixir qui a pour baze le vrai Baume
de la Mecque,
Autre fur la Poudre Royale Fébrifuge ,
214
215
Autre fur le Chocolat , les Biſcuits , le Beure de
Cacao caraqué , &c. 217
Autre des Auteurs du Mercure , 218
La Chanfon notée doit regarder la page . 198
1
MERCURE
DE FRANCE ,
1
DÉDIÉ AV ROI.
DECEMBRE . 1749 .
"
SECOND VOLUME.
„AGIT
||
UT
"
SPARG
PARGAT
Chez
A PARIS ,
ANDRE' CAILLEAU , rue Saint
Jacques , à S André.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont - Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers .
M. DCC . XLIX .
Avec Approbation & Privilege du Roi.
A VIS.
L'ADRESSE
'ADRESSE générale duMercure eft
à M. DE CLEVES
D'ARNICOURT
,
rue des Mauvais Garçons , fauxbourg Saina
Germain , à l'Hôtel de Mâcon . Nous prions
très - inftamment ceux qui nous adrefferent
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port , pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter, & à eux, celui de ne pas voir paroître
leurs Ouvrages.
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
de France de la premiere main , &plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreſſe ci-deffus
indiquée ; on fe conformera très- exactement à
leurs intentions.
Ainfi il faudra mettre fur les adreſſes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France , rue des Mauvais Garçons , pour
remettre à M. Remond de Sainte Albine.
PRIX XXX, SOLS.
ALQUE
DELA VILLE
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
DECEMBRE
. 1749 .
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
TRADUCTION
Du premier chapitre du Traité des fièvres ,
compofe en Latin , par M. Fizes , Confeiller
& Médecin du Roi , &c. & imprimé
à diverfes reprifes fous la forme de Théfes
pour des Bacheliers , depuis 1743 jusqu'en
1747 , mais dont on vient de donner
en Latin une nouvelle édition complette.
C
Ette Traduction eft le premier
effai d'un jeune Médecin , âgé de
dix -neuf ans , & Docteur feulement
depuis le mois de Mai de
cette année. Il l'a faite pour
11.Vol,
fa
A ij
propre
LYON
*
1893 *
4 MERCURE DE FRANCE.
inftruction ; mais , comme elle pourroit
auffi ſervir à l'inftruction des autres jeunes
Médecins , on lui a confeillé de la rendre
publique. Le premier chapitre qu'on
donne ici,contient l'effentiel de la théorie
& de la pratique de M. Fizes , touchant
les fiévres . Le Traducteur travaille à mettre
la fuite de ce Traité en François , & il
ne manquera pas de l'envoyer par parties,
pour les inferer en entier ou par extrait
dans le Mercure .
TRAITE' des fièvres , par M. Fizes ,
Confeiller & Médecin du Roi , & Profeffeur
Royal de Chymie dans l'Univerfité de
Médecine de Montpellier , traduit du Larin
en François par
I
***
CHAPITRE PREMIER.
De la fièvre en général .
L feroit fans doute inutile de rendre
raiſon du choix que j'ai fait de la fiévre
pour la matiere de ce Traité. On fçait
affez qu'il n'eft pas de maladie plus fréquente
que la fiévre , & l'on n'ignore guéres
qu'elle eft directement oppofée au principe
de la vie , & qu'elle enleve la pls
grande partie des hommes , foit qu'elle es
DECEMBRE . 1749: S
>
attaque par elle même , & qu'elle ſoit la
maladie principale ou effentielle foit
qu'elle ne les attaque que comme fubalterne
, & qu'elle ne foit que l'effet ou le
fymptôme d'une autre maladie , ce qui eft
bien plus que fuffifant pour réveiller l'attention
des Médecins.
Cette maladie fut appellée en Latin
febris , peut- être du verbe Sabinfebruo * ,
de l'ancienne latinité , qui veut dire , je
purifie. Les Grecs la nommererent puretos
du mot pur , qui fignifie le feu , parce que
ordinairement les febricitans nous femblet
tout embrafés , & que d'ailleurs les
anciens Médecins faifoient confifter l'effence
de la fiévre dans une chaleur brûlante
& contre nature .
Mais , quoique la fièvre foit une maladie
fi fréquente que les Médecins ont tous les
jours occafion de l'obferver , cependant
on ne trouve chez eux rien de conftaté , ni
quant à fes fignes caractéristiques , ni quant
à fon effence , puifque les uns ,
tels que
Fernel , avec tous les anciens , caractéri
fent la fièvre par une chaleur contre nature
, & que les autres ne la caractériſent
pas de même . Et de fait , cette chaleur
contre nature ne conftitue pas la fièvre ,
* V. Dictionar, Vet. Latinit, Laurentii.
A iij
6 MERCURE DE FRANCE .
puifqu'on obferve fouvent cette chaleur
fans fiévre , & que réciproquement la fiévre
fe manifefte fouvent fans chaleur
comme dans le commencement de plufieurs
fiévres continues & de leurs redoublemens
, dans le commencement des accès
d'une fiévre intermittente , dans quelques
fiévres malignes , dans les fiévres épidé
miques , dans celles qui regnent dans les
Camps , & qu'on appelle algides. Sans.
compter que dans la plupart des fièvres
malignes , la chaleur ne s'éloigne pas ordinairement
beaucoup de la naturelle ,
que fouvent elle lui eſt ſemblable .
&
Il faut donc chercher un figne patho .
gnomonique de la fiévre , dont tous les
Médecins conviennent . Or tous les Praticiens
s'accordent en ceci , fçavoir que les
malades ont la fiévre , toutes les fois qu'on
obferve en eux une fréquence de poulx ,'
avec un dérangement notable dans les
fonctions. Ainfi , quant à la pratique , on
pourra définir la fièvre , une fréquence de
poulx contre nature , ou , ce qui revient au
même , une fréquence de poulx avec une conftante
& notable léfion des fonctions.
Cela pofé , il ne fera pas moins vrai
qu'il y a fiévre , foit que le corps foit faifi
de froid , foit qu'il brûle de chaud , quoique
la chaleur foit la compagne la plus or
dinaire de la fiévre .
DECEMBRE. 1749. 7
Quant à la cauſe prochaine de la fiévre,
c'est une trop fréquente contraction du coeur ,
jointe à un paffage difficile du fang par les
plus petits vaiffeaux , en forte que l'une &
l'autre de ces conditions doivent roujours
fe trouver enſemble , car lorfqu'il ne s'en
rencontre que l'une des deux , il n'y a
point de fiévre , puifqu'on obferve la fré
quence de la contraction du coeur après
des exercices , des débauches , dans la colére
, & c. fans qu'il y ait fiévre , & que
fouvent le fang a de la peine à couler par
les plus petits vaiffeaux , fans qu'il y ait
auffi fiévre , comme dans les pamoifons ,
dans la gangrene , dans quelques inflammations
.
Il faut donc d'abord affigner les caufes
générales , qui font que ces deux conditions
fe rencontrent néceffairement enfemble
, c'est-à- dire , tqu'il y ait tout à la fois ,
- & une fréquente contraction du coeur , &
un paffage difficile du fang dans les plus
petits vaiffeaux .
Or ces caufes peuvent être ramenées à
deux principales , fçavoir à certains ftimulans
ou irritans , & à certaines dyfcrafies ou
dépravations du fang.
En premier lieu , fi quelque partie ,
principalement membraneufe , ou ligamenteufe
, ou tendineufe , ou en général
A iiij
S MERCURE DE FRANCE.
fi une partie quelconque fort fenfible , foit
à raifon de la quantité de fes filets nerveux
, foit à raifon de leur tenfion naturelle
dans cette partie : une telle partie
dis-je , eft traitée rudement , & fecouée
d'une maniere douloureufe , toutes les autres
fibres fe roidiront plus que de coûtume
, celles furtout qui exécutent fans ceffe
des mouvemens fpontanés , & qui ont
par - là plus de difpofition à fe roidir. Et
cela , parce qu'une partie fort fenfible
étant fecouée , tout le fyftême nerveux eft
ébranlé & plus tendu ,foit par le fluide
nerveux , déterminé par ces fecouffes violentes
& extraordinaires à couler plus
abondamment du cerveau dans les parties
où ces nerfs aboutiffent , foit par la fecrétion
plus abondante de ce fluide , occafionnée
par la diminution de la réfiftance des
filets médullaires du cerveau , & des nerfs
par lefquels ce fluide eft excité à s'écouler
plus copieufement . Car nous voyons que
dans tous les couloirs les fecrétions fe font
plus abondamment , lorfque les vaiſſeaux
excrétoires verfent leur liqueur plus aifément
, ce qui doit auffi avoir lieu à l'egard
du cerveau , car les nerfs peuvent être regardés
comme fes vaiffeaux excrétoires .
De la grande tenfion de toutes les fibres ,
s'enfuivra une action plus grande des foDECEMBRE.
1749 9
lides , fur tout du coeur & des artéres dont
le mouvement eft continuel . Plus les folides
agiront , plus le fang s'agitera , ſe raré .
fiera , & plus il tendra tous les organes , ce
qui augmentera leur force & leur action
en forte que tout cela s'augmentera de plus
en plus par cette mutualité d'actions entre
les folides & les fluides : c'eft à - dire ,
que le fang fera pouffé plus vigoureufe-
'ment par le coeur , & qu'il y fera repouffé
plus vigoureuſement par le fyftême des
vaiffeaux fanguins , d'où s'enfuivra une
contraction du caur plus prompte , plus
fréquente , & par conféquent un poulx
plus fréquent. Mais parce que le fang trop
agité & raréfié parcourt difficilement les
plus petits vaiffeaux , il arrivera que quelques-
uns de ces vaiffeaux , ou trop foibles,
ou devenus peut-être trop étroits par des
conftrictions fpafmodiques à l'occafion de
l'influx confidérable , mais inégal, du fluide
nerveux , ne laifferont paffer le fang qu'avec
peine , ou ne le laifferont point paller
du tout , tandis que d'autres vaiffeaux qui
ne font pas dans la même pofition , le laifferont
paffer librement , ce qui fournit
une nouvelle raifon pour exciter le coeur
à des contractions plus fréquentes , comme
on le dira ci- après ; & alors le trouvefont
réunies les conditions néceffaires pour
A v
10 MERCURE DE FRANCE.
la fièvre , enforte qu'avec la fréquence du
poulx les fonctions feront dérangées.
En fecond lieu , fi par quelque dyfcrafie
du fang , qu'on rapportera dans la fuite,
ou même par quelque caufe appliquée extérieurement
, il arrive que les extrêmités
de plufieurs artérioles fe bouchent tout à
tandis d'autres en plus grand
coup , que.
nombre demeurent libres , les ventricules
du coeur trouveront d'abord une plus
grande réfiftance , car ces ventricules contrebalancent
le fang contenu dans tous les
vaiffeaux. Delà fouvent les forces du coeur
s'abbattront d'abord , & le poulx s'affoiblira
quelquefois ; il arrivera même quelquefois
des défaillances , comme on le
voit de tems en tems dans le commencement
des fiévres avec froid .
Mais à caufe de cette réfiftance oppofée
au coeur coeur , fes ventricules , fe délivrant
moins du fang qu'ils contiennent , fe tendront
davantage , pendant tout le tems de
la contraction , par le fang qui céde
moins à l'impulfion , & qui n'eft pas chaffe
de leur cavité . De là il réfultera une tenfion
plus grande qu'à l'ordinaire dans les
fibres du coeur qui fe contractent , qui
font effort contre le fang qui réfifte davantage
, & qui s'appliquent contre lui come
contre un corps dur ; & par conféDECEMBRE
. 1749. II
quent les filets des nerfs cardiaques feront
plus fortement fecoués , ce qui fera néceffairement
fuivi d'un influx plus abondant
& plus prompt du fluide nerveux. De là
les parois des ventricules du coeur fe rap .
procheront plus promptement & avec plus
de force : de là le coeur fera des efforts
plus grands & plus prompts pour
fe contracter.
pas
Cependant comme la réfiftance du fang,
qui doit être pouffé dans les artéres , n'est
infurmontable
, & que
le fang n'a pas
tellement perdu fa fluidité , qu'il ne puiffe
plus s'en féparer de fluide nerveux dans
le cerveau ; ( autrement la fyncope furviendroit
, comme on l'obferve au commencement
des redoublemens des fièvres
malignes qu'on nomme fyncopales , &
au commencement de quelques accès des
fiévres intermittentes , dans lefquels tout
le corps eft faifi de froid , & le fang s'epaiffit
à un tel point , qu'à peine il peutfortir
du coeur , & qu'à peine le fluide
nerveux s'en sépare ) à la vérité le fang
fera exprimé & chaffé du coeur , mais en
petite quantité , ſi ſa réſiſtance eſt confidérable
, d'où il s'enfuivra que les parois.
du coeur , dont les ventricules ne font que
peu défemplis , ne s'approcheront que peu
les unes des autres , c'est - à- dire , que dans.
.
A vj
12 MERCURE DEFRANCE.
leur contraction elles parcoureront moins
d'efpace qu'à l'ordinaire ; mais parce qu'il
faut moins de tems pour parcourir ce
moindre efpace , la contraction du coeur
fera plutôt achevée . Donc les artéres & les
veines fe dilateront plus promptement ,
mais un peu moins , parce qu'elles ne reçoivent
du coeur qu'une moindre quantité
de fang : de là leurs tuniques fe rétabliront
plus vîte , mais moins par les mêmes
raiſons . Ainfi , comme tous les vaiffeaux
font pleins de fang , & que leur cavité
s'accommode à la quantité qu'ils en contiennent
, le fang veineux reviendra plus
vîte au coeur , mais en moindre quantité ,
& il tombera dans ſes ventricules pleins
d'un fang dont ils n'ont pas pû fe décharger
entierement. De là leur prompte &
grande dilatation avec une grande tenfion ,
qui fera fuivie d'une prompte contraction
, avec un grand effort & un travail
pénible du coeur . Or les forces du coeur
& des vaiffeaux fanguins étant diminuées ,
& prefque épuifées par toutes ces caufes ,
& même par la trop grande résistance
du fang , le coeur fe contractera , & les
artéres fe dilateront plus fouvent , c'està
dire , le poulx fera fréquent , prompt
& en même tems petit , comme on l'obferve
dans le tems du froid de la fièvre.
. DECEMBRE. 1749 . 15
Corollaire premier. La contraction du
coeur, petite ou
ou peu étendue, & foible dans
les moribonds , eft caufe qu'on obferve en
eux un poulx foible , mais fréquent , &
quelquefois prompt .
Corollaire fecond . Pour la fréquence
& la viteffe des contractions du coeur ,
l'augmentation de la force du coeur n'eft
pas abfolument & effentiellement néceffaire
. Cela eft reconnu de tous les Prati
ciens .
Maintenant , par ces contractions réitérées
du coeur & des artéres , le fang eft
enfin fi fecoué , & les particules actives
de la matiere fébrile , qui étoient auparavant
cachées dans des parties vifqueules ,
fe développent à un tel point , que le
fang , qui auparavant avoit été épaiffi par
la matiere febrile , entre en raréfaction ;
ou quelquefois , fans aucun épaiffiffement
précédent , le fang eft d'abord excité à
bouillonner par la matiere fébrile qui eft
active de fa nature : car de même que la
plupart des fièvres commencent par l'épaiffiffement
du fang, de même quelques- unes
commencent avec une ardeur extraordinaire.
Or , toutes les fois que le fang fe
trouvera ainfi raréfié , il s'élevera autant
de fois une fréquence de poulx , jointe
à une léfion des fonctions ; & cela , foit
14 MERCURE DE FRANCE.
que par l'épaiffiffement qui a précédé ,
quelques vaiffeaux ayent refté encore obftrués
, foit que par la raréfaction même
quelques-uns fe foient bouchés : ou même
, s'il arrive d'abord que le fang , ou
épaiffi ou raréfié , ne coule qu'avec peine
dans plufieurs petits vaiffeaux , fans toutefois
que les forces du coeur & des artéres
foient affoiblies à un haut point , & cela
arrive dans les fiévres , comme le montrent
les friffons , les douleurs obfcures ou
aigues dans les parties , les tumeurs inflammatoires
qui paroiffent fouvent , les
hémorrhagies & les autres fymptômes de
la fièvre , car le fang paffe dans toutes les
parties , tandis qu'elles font vivantes ; il
faut donc que plufieurs artérioles lui donnent
paffage , tandis que d'autres le lui refufent
; & entre les artérioles lymphatiques
, les unes font plus obftruées , les autres
moins , felon qu'à raifon du paffage
difficile du fang dans les plus petites artéres
, les unes ont admis plus de globules ,
ou de parties fibreuſes du fang , les autres
moins , & les autres point du tout
felon que leurs orifices ont été plus ou
moins , ou point du tout obftrués par la
matiere fébrile qui épaffit les humeurs. En
général néanmoins il y a beaucoup plus
Tartérioles lymphatiques que de fangui
, ou
DECEMBRE. 1749. 15
nes , qui , en tant que plus étroites & plus
foibles, fe trouvent dans le cas de l'obftruction
: le fang donc , qui pendant la ſanté
paffe fous deux formes , c'eſt - à dire , fous
la forme d'un fluide rouge & fous celle
d'un féreux , des arterioles fanguines dans
les veines , & qui par les veines revient
au coeur , fçavoir en partie par les canaux
fanguins continus , en partie par les tuyaux
lymphatiques qui vont des artéres aux veines
; le fang , dis je , maintenant ne trouve
plus de paffage libre dans quelques artéres
fanguines , & dans un plus grand nombre
encore de lymphatiques.
Cependant , comme les forces du coeur
& des artéres ne ceffent point d'agir ,
qu'elles s'irritent même par la réfiſtance
qui s'eft formée dans les fufdites artéres
fanguines & lymphatiques obftruées , &
fort tendues par le fluide qui s'y eft amaffé
: réfiftance qu'on ne fuppofe point infurmontable
; & comme ces forces s'accroiffent
de plus en plus par la tenfion plus
grande que ces vaiffeaux ſouffrent , il fuit
que le fang fera pouffé vers les veines par
un plus petit nombre de conduits qu'auparavant.
Il eft pourtant pouffé , comme la
vie des parties le fait voir ; ainfi la quantité
du fluide qui paffe , ne peut être compenfée
que par la viîteffe du courant ; donc
16 MERCURE DE FRANCE.
la vîreffe du cours du fang , qui tend des
artérioles libres vers les petites veines ,
s'accelere , & cette viteffe fe communique
au fang veineux ..
Mais il eft encore une autre cauſe , qui
accelere la vîteffe du fang dans la cavité
de tout le fyftême veineux ; c'eft que la
liqueur , contenue dans les artéres fanguines
, paffe prefque toute dans les veines
fous la forme d'un fluide rouge ou du
fang , & qu'à peine il y en paffe quelque
portion fous la forme de lymphe , à caufe
de l'obftruction d'un grand nombre d'artéres
lymphatiques. Par cette raifon donc
la portion féreuſe du fang artériel , ne pouvant
entrer dans les lymphatiques , tombera
plutôt , & au-delà de l'ordinaire ,
dans la cavité des veines , puifqu'elle n'a
pas tant de chemin à faire qu'auparavant ,
& qu'emportée dans les conduits fanguins
, elle va pplluuss vviîttee que dans les lymphatiques
, dans lefquels elle avoit accoutumé
de marcher beaucoup plus lentement.
Cependant une certaine maffe donnée
de fang aborde aux parties obftruées par
les grandes artéres qui font demeurées libres
, car les forces du coeur & des artéres
fe foutiennent dans le même état , ou du
moins ne ceffent pas d'agir , & comme il a
3
DECEMBRE. 1749. 17
été déja prouvé, il entre dans les veines par
de petits conduits fanguins plus de fluide
que de coûtume , & il y paffe plus vite s
ce qui hâte davantage le retour du fang
au coeur : donc le coeur dans un tems donné
fe dilate plus de fois , & fe contracte
plus de fois. De là la fréquence du pouls
avec le paffage difficile du fang dans les
plus petits vaiffeaux , c'est-à-dire , la fiéyre
.
Corollaire. La fréquence de la contraction
du coeur , & en même tems le
paffage difficile du fang dans les plus petits
vaiffeaux , renferment toute l'idée do
la fiévre.
Cependant la maffe du fang augmente
dans les artéres , dans les veines & dans
le coeur , & cela d'une quantité égale à
celle de la portion lymphatique du fang.
artériel , qui n'a pû entrer librement & à
fon ordinaire dans les artéres lymphatiques
: de là le coeur , les artéres & les veines,
font plus gonflés de fang , ce qui fera
fuivi d'un poulx plus élevé . Mais par cette
dilatation pouffée fi loin , le coeur ,
les
artéres & les veines , fe tendent davantage
& acquiérent plus de force , à peu près
comme un reffort plus tendu , mais non
outre mefure , acquiert une plus grande
force pour fe rétablir ; & par les fecouffes
18 MERCURE DE FRANCE.
que reçoivent les filets nerveux plus tendus
par le fang , & par le fluide nerveux qui y
coule plus abondamment , toutes ces parties
mufculeufes font plus excitées à fe contracter
; de là les forces trufives du coeur
des artéres & même des veines , s'accroiffent
& deviennent plus confidérables ; ce
qui augmente beaucoup la quantité de
movement , de trufion & d'agitation du
fang , d'où le poulx devient plus fréquent,
plus fort & plus plein , & la fiévre plus
confidérable.
Et comme dans l'état fébrile des fluides,
les artéres lymphatiques font obftruées ,
ainfi & par les mêmes caufes plufieurs conduits
fecrétoires font bouchés , ce qui eft
démontré par quelques accidens des fiévres
, comme on le verra ci après. Or , de
l'obſtruction fubite des conduits fecrétoires
, & par
les
mêmes
raifons
méchaniques
, il s'enfuit
ce que
nous
avons
déja
démontré
devoir
arriver
à la circulation
du fang
par l'obftruction
fubite
des artérioles
lymphatiques
, je veux
dire
l'abord
plus
prompt
du fang
aux
veines
, fon
augmentation
de maffe
dans
les vaiffeaux
fanguins
, fon
retour
plus
précipité
au coeur
,
en un mot
la fiévre
.
Cela étant ainfi , & ce qu'on obferve
chez les malades ne nous laiffant là- def
DECEMBRE. 1749. 19
fus aucun doute , nous établirons le Corollaire
fuivant. Dans quelque fiévre que
ce foit , à ne confidérer qu'un corps donné
pendant la fièvre , comparé avec luimême
après la fiévre , il paffè dans les vaiffeaux
fanguins une beaucoup plus grande
maffe de fluides , d'une partie defquels font
privés les vaiffeaux lymphatiques , & les
fecrétoires pris du moins en général : le
coeur & les vaiffeaux fanguins travaillent
beaucoup les autres vaiffeaux font prefque
dans l'inaction ; plufieurs couloirs déviennent
fecs & arides , ou font bouchés
par la vifcofité du fluide : la nutrition ne
fe fait pas affez , & les petites fibres ne
font pas entretenues dans leur ton ordinaire.
De là la production d'un grand
nombre d'accidens qu'on remarque dans
les fiévres ; de là auffi leur explication, qui
fe préfente d'elle-même , & indépendamment
de toute hypothéfe.
:
De ce qu'on vient de dire , il fuit que
la fiévre en général fe forme de trois manieres.
Sçavoir , 1 ° . ou par la fréquence
des contractions du coeur , excitée primitivement
, & fuivie enfuite du paffage dif
ficile du fang dans les plus petits vaiffeaux,
& c'eft ainfi que la fiévre eft fufcitée par des
douleurs , ou des irritations qui n'ont
rien de fpafmodique , & même fans aucun
20 MERCUREDEFRANCE.
vice préliminaire des fluides . 2° . Ou par
le paffage difficile du fang dans les plus
petits vaiffeaux , excité d'abord par quelque
caufe que ce foit , & fuivi enfuite de
la fréquente contraction du coeur ; & c'eſt
ainfi que la fièvre s'allume par quelques
vices des fluides , même fans qu'il ait précédé
ni douleurs , ni aucune irritation ; &
ce font ces fièvres qu'on appelle humorales.
3. Ou lorfque la fréquente contraction
du coeur eft excitée en même tems que
le
paffage difficile du fang dans les plus petits
vaiffeaux , comme lorfque, par des ftimulans
feulement , plufieurs vaiffeaux
fe refferrent fpafmodiquement , & qu'en
même tems tout le genre nerveux eſt ſecoué
, ou lorfque les ftimulans & les vices
des fluides concourent enſemble . Tout
cela doit être foigneufement remarqué
par les
jeunes Médecins , s'ils veulent pratiquer
avec fuccès , car il n'arrive point
de fiévre qui ne fe forme de quelqu'une
de ces trois manieres. L'obfervation exacte
des malades nous l'apprend , fans aucun
égard pour aucune hypothéfe , ou pour
quelque autorité que ce foit , fur leſquelles
l'obfervation doit bien prévaloir.
Corollaire. Ceux -là fe trompent vraiment
, qui pour fonder la théorie de la
févre , ne cherchent qu'un feul moyen
DECEMBRE. 1749. 27
pour faire contracter le coeur fréquemment
, car les malades nous apprennent le
contraire.
De ce qui a été dit , il réſulte aufſi que
la fièvre s'éleve quelquefois avec une augmentation
des forces du coeur & des vaiffeaux
fanguins comme dans plufieurs fiévres
excitées par des ftimulans , dans les
fiévres ardentes , & dans d'autres fièvres
aigues , pendant le chaud ou le fort de la
fiévre , & quelquefois avec une diminution
de ces mêmes forces , comme dans le
tems du froid de la fiévre , dans les fièvres
hectiques , avec une proftration générale
des forces. On expliquera plus au long
ci-après , dans le chapitre de la fièvre putride
, de quelle maniere le mouvement
fébrile du coeur affoibli augmente enfuite
néceffairement par la caufe matérielle donnée
de la fiévre . Maintenant comme les
fiévres , qui fe préfentent le plus fouvent à
traiter , font celles qu'on nomme humorales
, ou qui dépendent de la dépravation
de la maffe du fang , voyons auparavant ce
que c'eft que la matiere fébrile,
Par la matiere fébrile les Médecins entendent
la caufe matérielle des fiéyres humorales
, lefquelles durent jufqu'à ce que
cette mariere foit fortie du fang , ou par
fon évacuation abfolue hors du corps , ou
22 MERCURE DE FRANCE.
par fon expulfion hors des voies de la circulation
du fang , je veux dire par fon
tranfport dans les vaiffeaux lymphatiques
ou fecrétoires.
En général la matiere fébrile eft un certain
fluide ou un miafme , c'eft- à- dire , des
corpufcules nuifibles qui s'engendrent dans
le corps , ou qui viennent du dehors , dont
les propriétés font telles , qu'ils jettent
d'abord le fang dans une raréfaction conftante
, ou qu'ils l'épaiffiffent de telle forte,
que fes parties intégrantes , rapprochées &
réunies enfemble , peuvent toutefois par la
force du coeur & des vaiffeaux fanguins fe
féparer , & fe défunir , de maniere que la
raréfaction s'en enfuive , à moins que le
malade ne meure dans le froid de la fièvre ,
ce qui arrive quelquefois.
Il y a quatre fortes de matiere fébrile ,
fçavoir un fluide corrompu qui paffe des
premieres voies dans le fang par les veines
lactées : un fluide corrompu qui naît dans
le fang par la fuppreffion de quelque fecrétion
ou excrétion : un fluide communiqué
au fang par un organe qui fuppure ,
ou qui eft vicié de quelque façon que ce
foit , ou par un fluide corrompu répandu
quelque part , croupiffant & ramaffé d'une
manière fenfible , tel que le pus , ou l'eau
de quelques hydropiques : enfin un fluide,
DECEMBRE . 1749. 23
ou fi l'on veut , un amas de miafmes , qui
vient au fang du dehors , comme de l'air
infecté , ou des corps appliqués immédiatement
à la furface du corps humain , comme
des véficatoires , des cauftiques & d'autres
femblables. Et comme il n'eft point
de matiere fébrile qui ne puiffe être ramenée
à quelqu'une de ces quatre efpéces ,
il n'eft point auffi de fiévre humorale , ou
de fiévre produite par la dépravation du
fang , qui ne foit caufée & entretenue par
quelqu'une de ces matieres. Cependant il
faut remarquer qu'on obferve plus fréquemment
chez les malades deux fortes
de matiere fébrile , fçavoir , de mauvais
fucs que les premieres voies fourniffent au
fang , & une liqueur purulente qui s'y
mêle. Ainfi les fièvres humorales , produites
par l'une ou l'autre de ces matieres fébriles
, ou par toutes les deux enſemble ,
font beaucoup plus fréquentes que les autres.
Quant aux autres fiévres qui ne font pas
humorales , c'est- à- dire , qui ne font pas
caufées par une infection communiquée
au fang , elles s'allument toujours fans aucune
matiere fébrile , & ne dépendent
uniquement que des violentes fecouffes du
fyftême nerveux : telle eft la fiévre aigue
caufée par un panaris , par la piquûre d'un
24 MERCURE DE FRANCE .
tendon ou d'un nerf , par la formation
douloureufe du pus : telles font toutes les
fiévres caufées uniquement par des fimulans
, en prenant le mot de ftimulant dans
une fignification étendue , car ces ftimulans
ceffant d'agir , la fiévre ceffe auffi - tôt ,
mais fi , après qu'ils ont été enlevés , la
fiévre perfifte encore , c'eft qu'alors par
l'effervefcence qui a précédé , il s'eft formé
dans le corps quelqu'une des trois premie
res efpéces de matiere fébrile , dont nous
avons parlé , & la fièvre eft devenue bumorale
, c'est ce que nous apprenons conftamment
en obfervantles malades.
Ce feroit ici le lieu de rapporter les
fymptômes des fièvres , & de les déduire
immédiatement de la caufe prochaine que
nous avons établie ci - deffus ; mais comme
dans chaque fiévre les accidens ne font pas
les mêmes , & qu'il fe rencontre de plus
bien des circonftances qui les font varier ,
nous avons mieux aimé en renvoyer l'explication
aux chapitres fuivans , où nous
traiterons des differentes efpéces de fiévres
en particulier , & n'expofer dans celui- ci
que les fymptômes généraux & effentiels
ala fiévre. Cependant de ce que le libre
exercice des fonctions dépend principalement
du mouvement du coeur , & du paffage
des liqueurs par les petits vaiffeaux ,
il
DECEMBRE. 1749. 25
i eft vifible que les fonctions doivent en
général être dérangées , toutes les fois que
le mouvement du coeur fera dérangé par
la fréquence de fes contractions , & que
le cours des liqueurs par les plus petits
vaiffeaux fera devenu moins libre , ce qui
fuffit quant à préfent .
Les caufes éloignées de la fièvre font en
grand nombre , car outre les chofes qui
agiffent néceffairement fur le corps humain ,
& qu'on comprend ordinairement fous le
nom de fix chofes non naturelles , il y en
a d'autres qui n'agiffent que par accident
comme les bains , les onctions , les compreffions
, les incifions , les piquûres , les
diftenfions , les déchirûres , les chofes
âcres , prifes intérieurement ou appliquées
extérieurement , le pus , l'ichorofité , la fanie
, & plufieurs autres chofes qu'on rapportera
ci-après.
Toutes lefquelles caufes produifent
toujours la fièvre , ou en faifant la fonction
des ftimulans ( prenant ce mot dans
une fignification étendue , c'eft à - dire
pour quelque corps que ce foit , qui fecoue
vivement les filets nerveux ou par
lui-même ou par accident ) ou en faifant
naître ou développer une matiere fébrile ,
ainfi qu'on le dira en traitant des differentes
efpéces de fiévre en particulier..
II. Vol.
>
B
26 MERCURE DE FRANCE.
Corollaire. La caufe conjointe de la fiévre
, ou la fiévre elle- même, prife patholo
giquement , fe forme de cinq manieres , fçavoir
, ou par des ftimulans , ou par quelqu'une
des quatre matieres fébriles qu'on
a expofées.
Ce Corollaire regarde la pratique : ainſi
les jeunes Médecins doivent y faire beaucoup
d'attention.
Comme dans une fiévre bien allumée ,
les forces du coeur & des vaiffeaux fanguins
s'accroiffent , & que les forces agitatives
& intrinféques du fang augmentent
auffi , on pourra , fi la matiere fébrile eft
d'une nature à épaiffir le fang , regarder
la fiévre , comme un effort que font ces
puiffances pour ôter les entraves qui s'oppofent
au cours du fang dans les plus petits
vaiffeaux : ( effort toutefois auquel ces
puiffances, aidées même de l'Art , ont fouvent
le malheur de fuccomber ) & en ce
fens ce fera l'effort d'une nature fecourable
. Car le fang infecté d'une matiere fébrile
étant pouffé par ces forces , faffé &
broyé , s'affine de telle forte , qu'à raiſon
de la fluidité qu'il acquiert enfin , il parcourt
librement les plus petites artéres , &
liffe librement échaper la férofité dans
les vaiffeaux lymphatiques , & dans tous
les conduits fécrétoires ; & par ce moyen
DECEMBRE. 1749. 27
ce qu'il y avoit de fuperflu dans cette férofité
, c'est-à- dire , ce qui en étoit auparavant
retenu dans les vaiffeaux fanguins ,
ou ce qui s'y en étoit formé d'une matière
morbifique , immuable , & qui n'a pu être
corrigé & adouci , eft chaffé comme nuifible
hors du corps , ou par les felles , ou par
les urines , ou par la tranfpiration , on par
la falive , ou par d'autres voies : ou bien
ce qu'il y a dans la matiere febrile qui n'a
pû être corrigé , ayant été délayé dans la
férofité , eft tranfporté dans les vaiffeaux
lymphatiques , ou dans d'autres fécrétoires,
comme hors des voies de la circulation ›
pour refter pourtant comme enchaffé dans
quelque partie du corps ; & c'est par la
que les puiffances fufdites emportent la
fiévre , lorfqu'elle eft caufée par une ma
tiere fébrile qui épaiffit le fang : c'eft
par
là auffi qu'on voit plus clair dans la théorie
des crifes.
Mais fi l'on confidére la matiere fébrile,
non comme propre à épaiffir le fang , mais
feulement comme capable de le raréfier :
il y a plus , fi la fiévre ne dépend d'aucune
matiere morbifique , ce fera plutôt l'effort
d'une nature meurtriere que d'une nature
bienfaictrice , puifque tous les mouvemens
fébriles mentionnés tendent uniquement
à la deftruction , de tout le corps , & que
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
loin de contribuer à l'expulfion ou à l'amendement
de la cauſe , ils en fortifient au
contraire l'action . Car enfin on obferve
que plus l'action des folides & des fluides
augmente , plus les forces des ſtimulans &
des corpufcules , capables de raréfier le
fang , augmente auffi , ou du moins que le
corps eft plus difpofé par-là à fouffrir davantage
de la part de ces cauſes. En effet
fi la fiévre dépend de la piquûre d'un tendon
, d'un nerf ou d'une aponevroſe ; ſi
elle eft caufée par la douleur aigue d'un
panaris , ou par une forte & douloureuſe
ligature , à quoi fervira l'effort fébrile ?
Ne tendra-t'il pas uniquement à la deftruction
du corps , comme l'expérience le
fait voir ? Mais coupez à travers le tendon
, ou verfez fur la piquûre de l'huile
chaude de therebentine , ou déliez la ligature
; la fièvre s'appaifera .
COROLLAIRE.
Dans le premier cas , les mouvemens fébriles
fpontanés font quelquefois euxmêmes
les auteurs de leur guérifon , mais
le plus fouvent ils caufent une entiere deftruction
, lorsqu'on les abandonne à euxmêmes.
Ainfi ils ont ordinairement befoin
que l'art vienne à leur fecours . Dans
le dernier cas, ils font toujours des deſtruc
DECEMBRE. 1749. 29
teurs, ainfi ils ont toujours befoin de l'Art,
& leurs caufes doivent être domptées aula
force de la fiévre.
trement que par
Du Diagnoftic de la fièvre.
On connoît la fiévre par la fréquence
du poulx , accompagnée d'une léfion quelconque
des fonctions ; & il n'importe pas
qu'il y ait chaleur ou froid , qu'il y ait
mal à la tête on non , qu'il s'y joigne
beaucoup ou peu de fymptômes , & quels
ils foient. Il fuffit qu'il ait paru des fymptômes
avec la fréquence du poulx.
Du Prognoftic de la fiévre.
La fiévre eft dangereufe de fa nature ,
car elle attaque de front le principe de la
vie , qui eft toujours régi par la circulation
du fang , puifque la fréquence des
contractions du coeur , & le paffage difficile
du fang par les plus petits vaiffeaux
font contraires à la circulation qui doit ſe
faire tranquillement & librement pour
perpétuer la vie. Il y a pourtant des fiévres
plus dangereufes les unes que les autres
, comme on le dira ci-après ; & il y
en a de fi peu dangereufes , qu'on peut
dire en quelque forte , qu'elles ne le font
nullement. Quelquefois , mais par accident
, la fiévre guérit des grandes mala-
Biij
30 MERCURE DE FRANCE.
1
dies , fçavoir , en brifant , & en détruifant
prefque leur matiere morbifique , &
en la pouffant hors du corps ; mais cette
guérifon eft toujours accompagnée de danger.
Comme ces maladies font quelquefois
plus dangereufes que la fiévre ellemême
, ou plus opiniâtres , ou plus difficiles
à guérir , c'eft pour cela que la fiévre
qui y furvient , eft regardée alors comme
une maladie plus défitable , & que lorf
que la premiere maladie eft terminée , cette
fiévre prend quelquefois le nom de falutaire
, & eft regardée comme l'auteur de
la guérifon de cette maladie.
Du Traitement de la fúévre .
Les vaiffeaux fanguins étant trop pleins
dans la fièvre , comme on l'a vu ci- deffus ,
ou pour mieux dire , les fluides d'un côté
étant alors retenus en une quantité plus
grande qu'à l'ordinaire dans tous les canaux
fanguins , parce qu'ils ne font pas
reçûs librement dans les vaiffeaux lymphatiques
& dans les tuyaux fecrétoires , &
d'autre part le coeur & les vaiffeaux fanguins
peinant beaucoup , & donnant à
craindre que les plus petits vaiffeaux ne fe
rompent, ou que le fang ne s'y arrête toutà
fait , & qu'il ne s'enfuive une inflammation
, qui eft fi ordinaire dans les fiévres , on
DECEMBRE . 32. 1749 .
comprend qu'il faut en général prefcrire
une diette exacte & continue, afin qu'il
aborde moins de chyle aux vaiffeaux fanguins
, & qu'en même tems un chyle plus
fluide foit fourni au fang déja épaifli par
la matiere fébrile , & qui par conféquent
a beſoin d'être délayé . Il y a plus. Comme
dans la fiévre les humeurs digeftives
font dépravées , que les organes de la chylification
font affoiblis , & que les digeftions
fe font d'autant plus mal que le plus
fouvent il fe trouve auparavant un amas
d'ordures dans les premieres voies , c'eſt
par toutes ces raifons qu'il faut interdire
les alimens folides , afin qu'il ne s'engendre
pas une nouvelle matière fébrile dans
les premieres voies , ou que celle qui y
étoit déja ne s'accroiffe pas. Il résulte de
tout cela , qu'il ne faut nourrir les fébricitans
qu'avec des bouillons , & qu'il ne
faut en même tems leur donner pour boiffon
que de l'eau feule , ou quelque ptifane
délayante , & le plus fouvent rafraîchiffante.
Mais, comme il y a du péril à temporifer,
& que fi on ne délivroit pas promptement
les vaiffeaux fanguins de la maffe des
fluides furabondans qui les furchargent ,
& les gonflent outre mefure , ils fuccomberoient
, principalement ceux qui font
B iiij
32 MERCURE DE FRANCE.
les plus petits , & qu'il arriveroit des inflammations
funeftes dans les vifcéres ; de
plus , comme nous n'avons pas pour opérer
cet effet , de fecours plus efficace & plus
prompt que la faignée , c'eſt pour cela
qu'on y a fi communément recours
dans le commencement de la maladie ,
& qu'on la réitére ordinairement plufieurs
fois.
On fera même obſerver à ce ſujet , que
cenx qui ont la fiévre , quoique alités ,
comme dépourvûs de forces , fupportent
plus aifément un plus grand nombre de faignées
que ceux qui n'ont pas la fiévre
& qui ont plus de force , & que ceux- ci
par des faignées réitérées tombent dans un
beaucoup plus grand abbattement de forces
que les fébricitans , & cela parce que leurs
vaiffeaux fanguins ont été trop délemplis ,
& qu'ils font devenus flafques & énervés ,
au lieu que dans les fébricitans les vaiffeaux
fanguins étant trop pleins , leurs forces
fe relèvent par les faignées réitérées .
On obfervera auffi qu'il faut s'abftenir de
la faignée dans le froid de la fiévre , autrement
le malade tombe en pamoifon ou
en fyncope , ou du moins il s'en trouve
fort affoibli ; ce qui prouve affûrément
que les forces du coeur & des vaiffeaux
fanguins font diminuées dans le tems du
DECEMBRE. 1749. 33
froid de la fièvre , d'où , & de plufieurs
autres cas , il paroît que la fréquence du
Foulx n'eft pas oppofée à fa foibleffe.
Pareillement , tant par les mêmes raifons
, qu'à caufe des évenemens funeſtes ,
ou du moins très -dangereux , qui s'en enfuivroient
, il ne faut point faigner ceux
qu'une fiévre lente confume , dans la vâc
de diminuer cette fiévre , & fi l'on faigne,
il faut que la néceffité y oblige , foit à caufe
du danger éminent que fait courir quelque
nouveau fymptôme , foit à caufe d'u
ne maladie qui fe complique avec la fiévre
lente , & qui exige la faignée : ayant
toutefois attention à l'état du malade ,
& obfervant de ne répandre que fort peu
de fang. Car de cette faignée s'enfuit toujours
l'abbattement des forces , & le malade
en devient plus languiffant.
On pratiquera la faignée , principalement
dans le fort de la fièvre , c'est- à- dire,
lorfque le corps eft fort chaud , & que les
fymptômes font à leur plus haut point , &
furtout dans le redoublement , ou lorf
qu'il s'y joint quelque fymptôme qui an
nonce une inflammation , & cela fans être
arrêté , même par une fuear fymptomatique
qui coule quelquefois abondamment ,
& qui impofe quelquefois aux timides &
B. v
34 MERCURE DE FRANCE.
aux ignorans , & les détourne de la faignée
au grand préjudice du malade .
Mais , comme les fiévres qui fe préfentent
le plus fouvent en pratique , tirent
leur origine d'un amas de mauvais fucs
dans les premieres voies , & des impuretés
qu'ils forment dans la maffe du fang ;
& que c'eft- là ce qui les entretient :
dès qu'une fois par la faignée , la diette ,
la boiffon abondante , aqueufe , ou même
rafraîchiffante , l'ardeur de la fiévre aura
un peu relâché , on purgera fans retardement
le malade par en haut ou par en bas ,
felon
que le cas l'exigera , & on réitérera
enfuite de tems en tems les purgatifs ,
cela plus ou moins felon la néceffité , afin
de chaffer dehors la matiere fébrile qui
furabonde , & qui ne peut être corrigée .
Nous avertirons même à cette occafion ,
qu'il ne faut nullement attendre la coction
de la matiere fébrile , c'est - à - dire ,
qu'il ne faut pas attendre que la nature ,
ou la fiévre elle-même , ait attenué & af
finé cette matiere , comme les anciens
avoient coûtume de faire . Car l'obfervation
nous a appris , que cela fe faifoit ordinairement
en pure perte pour le malade ,
en forte qu'il en résulte de là des inflammations
mortelles dans les vifcéres , ou ,
DECEMBRE. 1749. 35
fi la maladie guérit , il s'en engendre des
abfcès , & le plus fouvent dans les vifcéres
, qui traînent à leur fuite , ou une langueur
mortelle , ou une convalefcence
douteufe , difficile & laborieufe . Il arrive
de là , qu'en purgeant dès le commencement
de la maladie , on intervertit à la
vérité , mais pour l'avantage du malade ,
la marche de la matiere morbifique , &
qu'on n'obferve pas , comme les anciens ,
des jours critiques , ni des crifes fréquentes
, comme on l'obfervoit autrefois , car
nous fçavons par une expérience certaine ,
que dans les fiévres aigues il ne faut pas
fe repofer entierement fur la nature , &
qu'il faut même au commencement mettre
en oeuvre tous les fecours de l'Art , fi
on veut garantir plufieurs malades de la
mort ; & c'est ici furtout que doit avoir
lieu ce proverbe : Principiis obfta , ferò
medecina paratur.
Certainement , outre l'expérience , la
raifon veut qu'on affoibliffe toujours , même
dès le commencement , la caufe de la
fiévre , de peur que dans cette vaine attente
du fecours de la nature , nous ne
voyions le malade enlevé par la fiévre à la
honte de l'Art.
Il est bien vrai , que par des purgatifs
adminiftrés dês le commencement de la
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
maladie , on ne vuide ordinairement que
des matieres très-fluides , de forte que le
fang n'eft pas délivré de ce qu'il y a de
plus épais dans la matiere fébrile , & que
par conféquent la maladie n'eft pas furmontée
tout- à coup , qu'elle va fon train
& parcourt tous les tems : cependant il eft
certain que fes efforts en font un peu rabbattus
, car on obferve , que fi dès le commencement
les purgatifs ont été omis , les
malades courent un grand danger , & que
la plupart fuccombent en dépit de l'Art ,
quoique appliqué enfuite à propos.
;
Mais outre la diette , la faignée & les
médecines , qu'on regarde comme les remédes
généraux des fébricitans il faut
encore fecourir ces malades par de fréquens
rafraîchiffans & délayans , princi
palement lorfqu'ils font tourmentés d'ardeur
ou d'acrimonie. Ainfi , on leur fera
boire de la ptifane émulfionnée , de l'eau
de poulet , de la ptifane de ris , d'orge &
d'autres femblables , quelquefois même
mais moins fouvent fous notre climat , de
l'eau nitreuſe : dans cette même vûe , nous
preferirons auffi des acides , furtout lorfqu'il
y a une grande ardeur , comme le
fyrop de limons , de grénades , l'efprit de
fouffre dans de l'eau , ou dans quelque
ptifane rafraîchiffante jufqu'à une agréa-
>
DECEMBRE. 1749. 37
ble aigreur , comme auffi des juleps rafraîchiffans
& quelquefois adouciffans , darrs
lefquels on a coûtumne de délayer , ou les
firops acides mentionnés , ou le firop de
nymphæa , ou des émulfions avec les
mêmes firops. Et comme les fébricitans
font fouvent tourmentés de douleurs ,
d'inquiétudes , d'infomnies , c'eft pour cela
qu'on leur ordonne fouvent des narcotiques
, tels que le laudanum , le firop de
pavot blanc , ou d'autres opiates qu'on
joint fouvent aux émulfions , ou aux juleps.
Enfin , pour tenir le ventre
libre , ou
même
quelquefois
pour tempérer
& humecter
les entrailles
, on fait un grand
ufage des lavemens
plus ou moins laxatifs,
ou fimplement
émolliens
, ou rafraîchiffans.
Il y a encore divers autres fecours qu'on
employe felon l'occafion , mais qu'on ne
rapportera que dans l'Hiftoire particuliere
des fiévres. Parmi ces fecours il en eft de
fpécifiques en quelque forte , qui par cette
raifon ont été nommés fébrifuges , entre
lefquels l'écorce du Perou tient le premier
rang , dont nous fpécifierons auffr l'ufage
en particulier , n'ayant eu deffein dans ce
chapitre que de donner feulement des re
marques générales fur les fièvres.
38 MERCURE DE FRANCE.
****
MENAL QUE.
1
E LEGI E.
M Enalque , l'autre jour , dans un lieu folitaire
Se plaignoit des rigueurs d'une ingrate bergere.
Rêveur , trifte, inquiet , les yeux baignés de pleurs ,
Il exprimoit ainfi fes mortelles douleurs.
Quoi ! j'aime encor Iris , tandis que l'inhumaine
Se rit de mon tourment , prend plaifir à ma peine ?
Mon coeur des mêmes feux ſe ſent toujours épris ,
Et l'ingratte pour moi n'aura que des mépris ?
Pourquoi , cruel Amour , lui donner tant de char
mes ,
Si toujours infenfible à mes vives allarmes ,
Elle ne devoit point fe rendre à mes foupirs ?
Hélas ! aucun eſpoir ne flatte mes defirs .
Déja , depuis quatre ans , pour elle je foupire ,
Daigna-t'elle jamais foulager mon martyre è
Ah !j'avois trop prévû ce cruel traitement.
Auffi trois ans entiers je cachai mon tourment :
Ne pouvant me flatter de l'efpoir de lui plaire ,
Je me croyois heureux de l'aimer , & me taire ;
Mais que dis je ? Eh ! comment lui cacher mon
ardeur
DECEMBRE. 3.9 1749.
Mes yeux trahiffoient trop le fecret de mon coeur
Quand on ſe ſent brûler de la plus vive flamme ,
C'eſt en vain qu'on voudroit la cacher dans fon
ame.
Je feignis cependant ; pour déguiſer mes feux.
A Climéne , à Philis j'adreffai quelques voeux :
A leurs foibles attraits je parus rendre hommage,
Lorfqu'Iris poffédoit mon amour fans partage.
Le malheureux fuccès qu'avoient eu mes rivaux ,
Me faifoit dans mon coeur renfermer tous mes
maux.
Inutiles efforts ! trop dure violence !
Je le rompis enfin , ce timide filence ::
Je fuivis de mon coeur les tendres mouvemens ,
Et fans plus retenir fes vifs épanchemens ,
Je fus aux pieds d'Iris , plein d'une ardeur fidelle ,
Lui jurer , en tremblant , une flamme immortelle
Mes regards , mes tranfports , mon trouble & mes
foupirs ,
Mieux que ma foible voix , exprimoient mes
defirs .
Eh ! que n'ai -je toujours aimé dans le filence ,
Puifqu'on n'a pour mes foins que de l'indiffe
rence ?
Mes voeux eurent long- tems un fuccès incertain ;
Pour un fincere amant trop rigoureux deftin !
Que je fouffris de maux dans cette incertitude !
Les dernieres rigueurs n'offrent rien de plus rude
40 MERCURE DEFRANCE.
1
Quelque efpoir trop flatteur m'animoit un moment
;
Mais la crainte bientôt redoubloit non tourment.
Pour éclaircir enfin mes cruelles allarmes ,
Auprès d'Iris encor je fis parler mes larmes ;
Je redoublai nres foins afin de pénétrer
Quel fuccès pour mes voeux je devois efperer.
Je ne fus pas long- tems dans cette inquiétude ;
Mais que ne fuis - je encor dans mon incertitude !
O trop funeste arrêt qui déchire mon coeur !
Que ne puis-je à jamais oublier ta rigueur !
» Envain , me dit Iris , Menalque , tu foupires ;
Je ne puis confentir à ce que tu defires :
» Je connois ta conftance & ta fidélité ,
Je te plains ; mais hélas ! j'aime ma liberté.
30
Je veux bien l'avouer , Menalque , ajouta t'elle,
Peut être ma réponſe eft un peu trop cruelle ,
» Et tu mériterois un autre traitement ;
» Mais mon coeur fe refufe à tout engagement,
A ce cruel arrêt je quittai l'inhumaine ,
Et fus loin de fes yeux faire éclater ma peine .
Enflammé de dépit , en proye au déſeſpoir ,
Je jurai mille fois de ne plus la revoir .
Mais que peut le dépit dans un amant fidéle !
Mon coeur au même inſtant ſoupiroit après elle.
Vain dépit vains projets ! malgré tous les més
pris ,
kris me vit bientôt plus tendre & plus foumis,
DECEMBRE. 1749. 41
Je fus à fes genoux lui demander ma grace :
Je condamnai mes voeux : je blâmai mon audace
Et fans jamais prétendre à fes moindres faveurs ,
Je promis de l'aimer juſques dans fes rigueurs.
Ainfi fans exiger aucune récompenſe ,
Je me pique toujours d'une ferme conftance .
Grands Dieux ! fut- il jamais d'amant plus géné
reux ?
En fut-il de plus tendre , & de plus malheureux
Toi , qui fais mes foucis , trop aimable inhumaine
,
Prends pitié de mes maux : ah ! ſoulage ma peine.
Tu connois mon tourment , tu vois couler mes
pleurs ,
Sans te montrer fenfible à mes vives douleurs.
Eh ! pourquoi me traiter avec tant d'injuſtice ?
Ta fierté doit paroître un effet de caprice.
N'as-tu pas avoué que mes fincéres voeux
Pouvoient bien mériter un deftin plus heureux ?
Qui peut donc t'empêcher de couronner ma
flamme ?
Affûre mon bonheur : rends le calme à mon anie.
Ne crains point les liens d'un tendre engagement ,
Aime , Iris , à ton tour , aime un fidéle amant.
Pourquoi contre l'amour voudrois -tu te défendre
A fes charmans attraits il eft doux de fe rendre.
L'amour offre aux amans des plaifirs infinis >
42 MERCURE DE FRANCE.
Il a mille douceurs pour deux coeurs bien unis.
S'il eft quelques chagrins dans fes aimables chaî
nes ,
Que de charmes fecrets adouciffent fes peines
Si ton coeur de fes feux eft jamais pénétré ,
Tu verras , belle Iris , que je n'ai riën outré.
ENVOI de l'Elegie précédente ,
à Mile ******* ·
DAigne , Iris , agréer ces vers de ma mufette
:
Puiffent leurs tendres fons te paroître touchans ;
Favorise l'amant , excufe le Poëte ;
Ton nom fera toujours le fujet de mes chants.
Par M. F... F . ,、·
De Perpignan , le 4 Octobre 1749.
DECEMBRE . 1749 . 43
REFLEXIONS
Sur le Bel- Efprit.
Multa fine fenfu dicta , ut expleatur circuitus :
curamus ut numerus conftet , non curamus ut fenfus .
Lieux , dit und Ecrivain josil
E bel- efprit , dit un Ecrivain judi-
:
s'imagine que celles des autres ne font que
foibleffe s'il fe borne , c'est qu'on ne
fçauroit , felon lui , aller plus loin : s'il fe
trompe en quelque chofe , c'eft que tout
le monde s'y feroit trompé , comme lui :
prenant la force & l'étendue de l'imagination
, pour la force & l'étendue de l'efprit
, il donne tout à l'opinion qui le féduit
& qui l'égare ; c'eft le rocher contre
lequel il fe brife . Ecueil célébre par une
infinité de naufrages.
Le bel - efprit eft bon pour la montre
& pour la parade , mais le bon fens eft
bon par tout ; fon ufage eft toujours utile
& honorable.
Le bel - efprit voltige d'une matiere à
l'autre , fans s'arrêter fur aucune . Il cherche
moins à approfondir un fujet & à
inftruire , qu'à briller & à plaire ; comme
l'évidence eft rarement l'objet de fes re
44 MERCURE DE FRANCE.
cherches , auffi en eft - elle rarement le
fruit. Il réduit tout en problême ; il chicane
fur les vérités les plus certaines , prêt
à foutenir aujourd'hui la propofition qu'il
réfuta hier avec le plus de force .
Il eft rare auffi qu'un bel- efprit foit folidement
vertueux , parce qu'il prend fouvent
les apparences ddee llaa vveerrttuu pour la
vertu même , & qu'il préfere ordinairement
fon penchant à fon devoir. Une lueur
de fortune le féduit ; il néglige ce qu'il
pofféde , pour courir après ce qu'il efpére.
Le fentiment d'un bonheur préfent fe
perd dans les chiméres de l'avenir ; l'éclat
des plaifirs que le monde étale à fes yeux ,
lui en fait méconnoître le néant , lui fait
méprifer les folides faveurs que la nature
lui donne , & les bienfaits que la Religion
lui promet.
Les perfonnes de bon fens font éclairées
dans leurs projets , conftans dans leurs réfolutions
, fermes dans leurs exemples ,
parce qu'ils n'en forment point de trop
vaftes & d'illégitimes ; ils prennent toujours
la route la plus fure pour aller au
but , bien informés des divers fentiers qui
y conduifent , & d'autant plus retenus
dans leur choix .
Comme les ouvrages de l'Art font d'autant
plus parfaits qu'ils imitent le mieux
DECEMBRE . 1749. 45
la nature , on peut dire auffi que l'efprit
eft d'autant plus beau & plus aimable
qu'il eft plus naturel , plus aifé , & qu'il
doit moins aux ornemens de l'Art.
Mais la beauté du naturel n'exclut pas
les graces ; fans elles l'efprit eft comme
de l'or mêlé avec de la terre , qui fe dérobe
à notre vûe & nous en cache l'éclat .
Il est bien permis de cueillir des fleurs ,
mais il ne faut pas les chercher bien loin
on eft heureux de les trouver fur la route.
Je pense à cet égard comme l'illuftre
Mongin , Evêque de Bazas : fes paroles
font trop belles pour ne pas les citer ici ;
le grand art de art de perfuader fera toujours
celui de plaire , & l'on ne plaira jamais
avec la raifon toute feule , & dénuée d'ornemens
; il faut préfenter le vrai fous l'image
du beau , & pour entraîner l'efprit
par la force des preuves , il faut commencer
à le coeur par
gagner
les graces & par
les charmes du difcours. La féduction eft
bien permife , quand elle conduit à la
vérité. La pareffe & l'indolence , ajoutet'il
, négligent les meilleures raisons
quand elles font exposées trop nuement &
d'une maniere groffiere ; elles reffemblent
à ces armes antiques que leur péfanteur a
fait abandonner , & dont on ne peut plus
fe fervir fans en ôter la rouille , & fans les
46 MERCURE DE FRANCE,
rendre plus legéres & plus tranchantes.
Mais ces armes, pour être bonnes , ne doivent
pas être d'or ou trop délicates ; ce
n'eft pas avec de telles armes que Demofthenes
combattoit Philippe , & que Ciceron
fit trembler Marc Antoine , & terraffa Catilina.
Il en eft de l'efprit comme de ces ouvra
ges matériels qu'on rend foibles & fragiles
pour les vouloir trop travailler : Les
derniers coups de cifeau, dit quelqu'un , font
quelquefois chez les Sculpteurs ceux qui gâtent
tout l'ouvrage : l'expérience ne nous permet
pas de douter , que bien des gens n'ayent
gâtét leur efprit par trop de rafinement.
Si le fard , & les ornemens exceffifs &
trop recherchés font un défaut chez les
Orateurs profanes , ce défaut eft bien plus
grand chez les Prédicateurs Chrétiens ; les
vérités qu'ils annoncent , font trop ſublimes
, pour avoir befoin de broderies & de
fard ; elles font trop terribles pour être
embellies des fleurs & des couleurs
par
étrangeres.
Rien n'eft bien , dit le célébre Fenelon ,
que ce qui eft utile & néceffaire : tout or
nement , qui n'eft qu'ornement , eft de
trop : tant d'éclairs m'éblouiffent : je cherche
une lumiere douce qui foulage mes
foibles yeux.
DECEM BRE. 1749. 47
Flechier ne penfoit pas autrement à cer
égard que Fenelon ; voici ce qu'il dit fur
ce fujet. La diction des Prédicateurs doit
être comme leur vie , modefte , chaſte &
fimple. Leurs termes peuvent être choifis ,
mais ils ne doivent pas être trop recherchés
il faut qu'il paroiffe qu'ils ont plus
de foin de la bienféance & de la dignité
de leur miniſtére , que de leur propre réputation
. Ils doivent moins avoir pour
but de flatter l'oreille & de plaire à l'ef
prit , que de le convaincre & de toucher
le coeur . Ils doivent infpirer la crainte ,
plutôt que le plaifir ; arracher les paffions ,
& non pas les entretenir par cette molleffe
de difcours .
Je cite ici volontiers Fenelon & Flechier,
tous les deux Orateurs très - habiles & trèscélébres
, & qui malgré leurs fages préceptes
ont peut-être trop donné aux ornemens
, leurs ouvrages étant pleins de figures
& d'images ; mais il eft plus facile de
donner des leçons que de les fuivre , &
ces Meffieurs avoient tant d'efprit , qu'ils
ne pouvoient s'empêcher de le prodiguer ,
même en le diftribuant avec économie.
Le trop d'efprit n'éclaire pas , mais il
éblouits trop de fubtilité s'évapore , & ne
laiffe aucune prife ; trop de fineffe nous
échape ; ce qui exige tant d'attention ,
48 MERCURE DE FRANCE.
l'obtient rarement. Ces grands traits paffent
au-deffus de nos têtes, & ne font point
apperçus. On a remarqué avant moi ,
qu'on ne trouve ordinairement dans un
Livre qu'autant d'efprit qu'on en a foimême
, & comme les génies médiocres
font le plus grand nombre , il faut pour
leur plaire & obtenir leur fuffrage , fe
mettre à leur portée & s'abaiffer juſqu'à
eux.
Le trop d'efprit eft par-là un obftacle à
cette réputation qu'on recherche avec empreffement
, il ne l'eft pas moins à la fortune
; la route du bel - efprit , loin de nous
en approcher , nous en éloigne. Ovide
Buffi Rabutin , Saint Evremond , en font
une preuve. Le belefprit ne conduit guéres
plus aux dignités qu'aux richeffes. Il
excite la jaloufie de nos Supérieurs , &
l'envie de nos égaux . Il eft plus facile au
bel- efprit de faire délicatement un Madrigal
, que de manier les affaires avec dextérité
, il lui eft plus agréable d'écouter les
leçons des Mufes , que de dicter les oracles
de Thémis.
Curiale a de l'efprit , mais il eft fi entêté
de fes opinions qu'il ne croit perfonne
auffi habile que lui ; cela le rend opiniâtre
& contrariant. Il foutient l'erreur avec
autant de force que la vérité. Il prend
ombrage
DECEMBRE.
49 1749 .
ombrage de la réputation d'autrui , parce
qu'il craint qu'elle n'éclipfe la fienne ;
l'envie forme un nuage autour de lui , &
l'empêche de voir les bonnes qualités de
fes rivaux. Il décide hardiment que tel
Ecrivain manque de goût & de jugement,
parce qu'il n'a lui -même pas affez de goût
& de jugement , pour examiner & pour
craindre de prononcer. Curiale eft cenfeur
& méchant , parce qu'il affecte d'avoir de
l'efprit , fans penfer que rien n'eft plus aifé
que de montrer de l'efprit , quand on
veut être méchant , mais que
rien n'eft plus
dangereux que de le paroître.
Geneve , 7. B. T.
XXX++B+B XXX*XX*
EPITRE
AM. de P.
DEs objets que l'on voit ici *
Tu me demandes la peinture ;
Et tu veux que je rime en i ,
En y mélant la rime en ure ;
Il faut qu'à la même meſure
Chaque vers foit affujetti ; 2
Ho ! c'eft me mettre à la torture ,
* Les environs de Genéve
11. Vol.
955 J
J
fo MERCURE DE FRANCE.
Que de fixer ma tâche ainfi.
On eft mal dans cette poſture ;
Le génie eft trop étreffi ,
Quand on lui fait la tablature:
N'adreffe-donc point au Mercure
La fimple ébauche que voici.
Comment te tracer la figure
De ces monts , dont la contexture
Ne fe découvre qu'à demi ?
Le Ciel leur fert de couverture ;.
A peine une trifte maſure
Nous offre t'elle un foible abri.
Là , femble expirer la nature ;'
Leur fommet de neige blanchi
Eft le féjour de la froidure ,
Et fe perd dans la nue obfcure.
D'affreux torrens par leur murmure
Font peur au voyageur tranfi ,
Et s'engoufrent dans l'enfonçure.
Quelle charmante bigarure !
Montrent les côteaux que voici ?
Sur un lit de fleurs , de verdure ,
Cette eau ferpente à l'aventure :
Mille troupeaux fur la bordure
Trouvent , fe jouant à l'envi
Une agréable nourriture.
:
DECEMBRE . 1749 .
SI
Quel Amphithéatre enrichi
De tous les dons de la nature ,
De pampres , de feftons rempli !
Par tout il offre la parure ,
Dont Bacchus l'avoit embelli ,
Et les graces de la culture.
! ·
Habitans de ce lieu chéri !
Que jamais la difcorde impure
Ne trouble votre geniture :
Que jamais fa noire impoſture
Ne vous foumette à la merci.
Regardez comme un ennemi
Le luxe , la fraude & l'ufure
Banniffez l'infâme parjure.
Ah ! tant que vous vivrez ainfi ,
Vous conferverez fans fouci ,
La profpérité la plus fûre.
:
Là coule un lac dont l'onde pure.
Aux poiffons fournit la pâture :
Tantôt c'eft un miroir uni ,
'
Et tantôt un affreux murmure
Fait trembler le plus enhardi ,
Et lui fait voir la fépulture.
Là cent bâteaux & leur armure
D'un gros vent prouvent l'injure ;
Ou fuivent lentement l'allure
Cij
52 MERCURE DE FRANCE .
D'un vent , dont le foufle adouci
Sur l'eau ne fait qu'une frifure ,
Et d'une flotte en racourci
Ils nous retracent la peinture.
Mais je découvre la tournure
De Cloris, dont la chevelure
Du Zéphir eft à la merci.
Des fleurs compofent la coëffure
Et l'Amour , d'un air attendri ,
Depoſe à les pieds ſon armure .
Les graces font la fourniture
Des beautés dont il eſt épris :
Il vole à Venus fa ceinture ,
Et joyeux de cette capture
al en fait présent à Cloris ,
Pour un baifer qu'il a furpris
Er le fripon , d'un fier fouris ,
Contre fa mere fait gageure
Qu'il gagne beaucoup à ce prix,
Lors même qu'elle eft fans parure ,
Qui la voit , l'aime fans méfure :
Tout charme , jufqu'à ſa chauſſure ;
Qu'on ne voit pourtant qu'à demi,
Du Cavalier le plus tranfi
Ses appas chaffent la froidure ,
Et l'ame même la plus dure
Admire fon port , ſa figure.
DECEMBRE. 1749.
53
Pour moi , quelle heureuſe aventure ,
Si , devenant fon favori ,
Dans ce bofquet d'amour chéri ,
J'ofois lui faire l'ouverture
Des tourmens que mon coeur endure ,
Et de fa mortelle bleſſure !
Dans une telle conjoncture ,
De vifs tranfports le coeur faifi
Se laiffe guider fans murmure
Au doux penchant de la nature.
De la tendreffe la plus pure...
Mais déja mon efprit ravi
Goûte trop cette conjecture.
Un regard touchant adouci
De cette aimable créature
?
Mérite bien un grand merci.
J'aimerois mieux , je té le jure ;
Le billet le plus racourci ,
Od je lirois fa fignature ,
Que les Epitres de Voiture ,
Ou que les Lettres de Buffi ,
Dont on nous vante la lecture .
Mais pourquoi t'écrire ceci ?
Irai-je , difciple étourdi ,
D'Anacreon ou d'Epicure ,
Sur l'amour faire une brochure ?
Pardonne , ami , je t'en conjure ,
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
Si je fais une bigarure.
Que je crains qu'on ne me cenfure ,
Cher D. P. de t'écrire ainfi !
Un railleur d'un ton radouci
Peut me faire quelque piquûre ,
Et je redoute fa morfure.
Mais un mot de ton écriture ,
Venant de chez soi juſqu'ici ,
Contre tous ces traits me raffûre.
Je l'aimerois mieux , je te jure ,
Qu'un beau portrait en miniature ,
Où les charmes d'Alcimadure
Seroient tracés en racourci.
Mais fans te mettre à la torture ,
Tu peux bien avouer aufſi
Que tu troquerois tout ceci
Contre un noeud de fa chevelure:
A Graveline , près de Genève.
DECEMBRE. 1749. 35
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
LETTRE
Servant de réponse à celle de M. A. Z. E. O.
fur deux fujets differens , par M. François
Carré.
E me rends à vos follicitations , Monfieur
; je vais vous communiquer mon
fentiment fur le Méphitis , & fur vos nouvelles
expériences .
Ma reconnoiffance.
doit toujours prévaloir fur toutes autres
confidérations.
Les Anciens , quelque éclairés qu'ils
fuffent , ne l'étoient que fur.quelques parties
, & aveugles fur d'autres ; ceux qui
les copient fervilement ,s'égarent avec eux,
& prouvent en même tems que leur jugement
n'eft que trop fuperficiel.
Vous fçavez que Méphitis n'eft qu'un
mot Grec , qui fignifie en François une
odeur qui engage à fe boucher le nez . Cette
interprétation , Monfieur , n'eſt point analogue
à la vapeur qui s'éleve du fond d'un
puits , d'une grotte , d'un antre , &c. il
eft des differentes odeurs qui choquent ,
ou qui irritent défagréablement l'odorat
C iiij
56 MERCURE DEFRANCE.
ainfi que des couleurs : l'odeur de la
fiente eft differente de celle du fouffre ,
celle- ci l'eft également de celle des bitumes ,
des réfines , &c . donc l'application de ce
mot , de même que celle de vapeurs malignes
, ne peut fe faire judicieufement à un
puit pourquoi donc ceux qui fe piquent de
fçavoir , ont- ils recours à un mot Grec ?
Ignorent- ils qu'il y a aaffffeezz peu de perfonnes
qui entendent cette Langue ? En
feroit- il d'eux comme des Médecins ? Les
uns parlent un langage qu'ils fe rendent
propre , quoique la plupart ne l'entendent
pas , & les autres écrivent leurs formules
en caractéres magiques. Ceux qui ont
reçu une intelligence fupérieure doivent
éclairer les autres. Ce n'eft point les inftruire
que de jetter la confufion dans les
idées par une façon finguliere de s'exprimer
& de procéder , quand on parle , c'eft
pour être entendu de tout le monde ; fi l'on
affecte d'être obfcur , il y a ou de la charlatanerie
, ou del'ignorance , ou de l'orgueil.
Le Méphitis d'Hieropolis , celui de l'antre
de Typhon , de la grotte du Chien , à
deux milles de Naples , tous autres antres,
cavernes , ou . puits', dont on ne peut s'approcher
fans danger , ne varient que du
- DECEMBRE. 1749. 57
plus au moins , la caufe étant la même
toute difference mife à part .
La grotte de Pouzzols a été nommée la
grotte du Chien , en voici la raison . Un
homme prend un chien , & le tient de
foree à platte terre dans la grotte, Les vapeurs
fulphureuſes qui s'élevent perpétuellement
de cette terre étant aſpirées
par le chien , embarraffent fa refpiration ,
par conféquent la gênent dans l'intervalle
de feu
de minutes ; l'animal paroît être tombé
en fincope : en cet état on le jette dans
un lac à portée de la grotte , & l'animal
.revient fubitement de la mort à la vie,
Ce chien élevé de la platte terre eft porté
dans l'air libre qu'il afpire , & qui rend
le ton aux vaiffeaux or la refpiration, qui
étoit extrêmement gênée , devient plus libre
, & la fraîcheur de l'eau du lac dans
lequel on le jette , acheve le miracle
Fair libre opéreroit feul.
que
Si l'homme, qui tient le chien contre la
platte terre , n'eft point incommodé de la
vapeur fulphureufe , c'eſt parce qu'il eft à
demi courbé & qu'il tient la tête élevée ;
d'ailleurs la vapeur étant parvenue audeffus
de la fuperficie de la terre ,l'air libre
la dilate , fubtilife toutes les parties fulphureufes
, & les .attenue tellement
C v
58 MERCURE DE FRANCE.
1
:
qu'elles perdent prefque toute leur action.
Pour éclaircit ce que je viens d'expliquer
, il n'y a qu'à mettre le feu à une allumette
quatre doigts au-deſſous da nez ,
le fouffre en s'enflammant vous frappera,fubite
ment. Si vous vous éloignez d'un demi
pied , la vapeur fera moins pénétrante &
moins vive ; mais fi au lieu d'une vous en
mertiez fix , l'effet feroit fans contredit
plus fubit ; une botte par exemple pourroit
vous terraffer fans vous tuer , pourvû
toutefois que vous fuffiez dans l'air libre :
fi au contraire vous étiez dans un lieu refferré
où l'air eût peine à circuler , cette
botte enflammée feroit capable de vous
étouffer , fi vous n'étiez promptement expoſé
à l'air libre .
C'est ainsi qu'on doit expliquer les differens
effets des grottes , antres & autres
fouterrains connus. Si ces effets differencient
entr'eux ( la cauſe étant la même )
ce n'eft que parce que l'air eft plus gêné
dans les uns que dans les autres , &
que les parties fulphureufes font plus ou
moins groffieres , ou plus ou moins abondantes.
Je paffe à nos puits , lorfqu'ils ont été
ereufés pour la premiere fois , les ouvriers.
DECEMBRE. 1749.
n'ont point été incommodés des vapeurs
malignes. Si quelques uns dans la fuite
deviennent pernicieux , c'eft parce qu'un
filet d'eau y conduit des terres pourries empreignées
de parties de fouffre groffieres ;
fi on laiffe accumuler ces matieres dans le
baffin du puits , l'eau deviendra à la longue
mauvaife , & communiquera quelque
maladie à ceux qui en boiront.
Si dans le fond de ce puits on fait
defcendre des ouvriers après en avoir
épuisé l'eau , il leur arrivera la même chofe
qu'au chien dans la grotte de Pouzzols ,
c'eft à-dire que les parties fulphureufes
groffieres , qui s'élevent du dépôt qui s'est
fait dans le baffin du puits , leur donnera
la mort , fi on ne les expofe promptement
à l'air libre.
·
Il faut donc obferver que ce dépôt a
reçu une, impreffion de mouvement &
d'agitation , par l'eau qu'on a tirée du puits ,
avant que d'y faire defcendre les ouvriers.
Quand le dépôt feroit en partie deffêché,
ce qui ne peut arriver au fond d'un puits ,
il n'en feroit pas moins pernicieux , dès
qu'on entreprendroit de l'ouvrir & de le
remuer.
C'est un phenoméne que je ne puis appercevoir
fans une espéce de courroux ,
.
C x
60 MERCURE DE FRANCE.
lorfque je vois des hommes, qui fe piquent
d'être les interprêtes privilégiés des merveilles
de la nature ,' avoir recours aux opé
rations & aux procédés les plus fpécieux ,
pour tâcher d'expliquer d'une maniere
auffi confufe que diffufe & entortillée
comment il eft poffible que l'air puiffe s'élever
du fond d'un puits , où il eft ordinairement
concentré & fans une agitation
fenfible. Le bon fens ne nous dit - il pas
que dans le fond d'un puits d'où l'air s'éleve
plus ou moins rapidement
, fuivant
qu'il eft agité fur la fuperficie
de la terre ,
cela vient de ce qu'il tire une partie de fes
eaux , foit d'un ruiffeau
, d'une riviere ,
d'un marais , d'un étang , d'une marre ,
d'un lac , d'un canal , ou d'un autre puits
beaucoup
plus élevé que le baffin de ce
puits , & que l'eau au moyen de la pente
plus ou moins roide , avec la péfanteur
du
liquide
, comprime
l'air qui s'éleve parfon .
embouchure
?
S'il étoit poffible qu'on réflechît combien
eft précieufe à l'Etat la confervation
des Citoyens , on les préferveroit fouvent
de certains dangers aufquels la néceffité
de gagner du pain à leurs enfans les obligent
de s'expofer , & aufquels ils fuccombent
quelquefois , ce qui eft l'occafion de
la perte de toute leur famille , ç'en est
DECEMBRE. 1749. 61
une journaliere qui n'eft que trop réelle
pour l'Etat. Certaines Villes ne pourroient
elles pas avoir une ou plufieurs machines
, telles que celles dont fe fervent
les plongeurs en certains cas , pour l'ufage
des ouvriers qui travaillent dans des puits
où le danger fouvent eft évident , comme
dans certaines folles de lieux communs ,
afin qu'ils pûffent afpirer l'air libre ? Ne
devroit- on pas auffi obliger les Propriétaires
de ces puits à les faire curer tous les
deux ou trois ans , particulierement ceux
fujets à fe corrompre ?
Je paffe aux nouvelles expériences qui
vous occupent depuis quinze mois envi .
ron. Elles ont fervi à vous diftraire &
à vous amufer , c'est toute l'utilité que
vous en devez eſperer ; il n'en réfultera
jamais aucun avantage pour le Public.
C'est ce que je vais tâcher de vous démontrer.
L'eau filtrée ou non filtrée n'a d'autre
proprieté , que de contribuer au dévelop
pement des differentes parties qui compofent
un tout , en délayant les fels , les fouffres
, les bitumes , & c.
Chaque grain ou fruit , de que lleefpéce
quelconque , contient en elle - même fa
premiere fubfiftance ( que j'appelle mane
céleſte ) que j'ai nommée farine dans ma
62 MERCURE DE FRANCE.
Differtation fur les fourmis ; voyez le
Mercure de Mai dernier , page 28 , Cette
mane fuffit , étant fecondée d'un peu d'eau
& d'air , pour faire végéter toutes les differentes
parties qui compofent un tout ,
& pour maintenir ce tout en vigueur pendant
un tems plus ou moins long , fuivant
l'efpéce:
L'eau eft néceffaire pour le développement
de tous les germes , lorfqu'elle eft
adminiftrée avec prudence : fi on en donne
en trop grande quantité , le chevelu , les
groffes racines , ou filets de beaucoup de
plantes , fe pourriffent.
Cet agent flegmatique , privé des fucs
de la terre , eft infuffifant pour faire vivre
quelque plante que ce foit ; c'eft la raiſon
qui fait que vous appercevez vos plantes
maigrir chaque jour , lorfque la mane
destinée pour leur premier aliment commence
à s'épuifer .
Suivant mon explication , auffi fimple
qu'elle eft vraie , vous devez revenir de
votre étonnement , fur ce que pour une
plante qui profpere pendant un tems, vous
en perdez beaucoup d'autres , indépendamment
des foins laborieux que vous
leur prodiguez pour tâcher de les conferver.
Toutes les tentatives de cette espéce
DECEMBRE. 1749. 6.3
feront toujours fans fuccès , & elles ne ſeront
regardées par les perfonnes qui jouiffent
de leur réflexion, que comme des amufettes
pueriles , raprochées d'une façon finguliere
de penfer , dont le payfan le plus
lourd ne fera jamais la dupe.
Tous les fruits quelconques & les grai
nes qui tombent dans des ruiffeaux ou
rivieres , lacs , étangs , marais & marres ,
font autant de fruits & de graines perdues.
Que ces mêmes fruits en graines tombent
fur une terre qui ne foit point trop
battue , un peu ombragée , une partie de
ces fruits & graines réuffira & y prendra
racine.
Les marons d'Inde , qui tombent dans
des bofquets qui ne font point étouffés , y
germent & prennent racine ; il en eft
ainfi des autres fruits & graines , lorfqu'el
les tombent fur des terres qui leur font
propres.
Un payfan , fans être né ni Philofophe
ni Sçavant , a un bois à femer : il ne s'avifera
jamais ( s'il n'eſt dans le délire ) de jetter
fon gland dans un marais encore
moins dans un étang . Il laboure & prépare
fon terrain,il feme fon gland fur cette terre
préparée , il la herfe enfuite pour recouvrir
le gland , afin que la fraîcheur de la
64 MERCURE DEFRANCE.
terre en amolliffe la coque , & que les fucs
deſtinés à la végétation en pénétrent toute
la totalité. Ce même payfan au bout d'un
tems obferve avec une fatisfaction complette
les fruits de fes travaux profperer.
On aura beau dire que cet homme n'agit
que machinalement , j'en conviendrai ,
mais en eft il moins habile dans fa profef
fion ?
Les oignons de jacintes , &c. aufquels
je reviens , contiennent une grande quantité
de fucs vifqueux, qui leur tient lieu de
la farine ou mane , que renferment toutes
les graines , & c'eft par cette feule raifon
qu'ils fe confervent plus long- tems fur vos
caraffes où ils fleuriffent ; mais après l'ef
fet que vous en attendiez , l'oignon n'eſt
plus d'aucun ufage , il faut le jetter ; c'eft
une plante épuilée dont la poftérité eft
détruite avec elle .
Il Y a des plantes aquatiques qui ne
croiffent que dans les eaux dormantes. Si
on les tranfplantoit dans une bonne terre
bien préparée , elles y périroient , comme
le chêne, l'orme & autres arbres , ( fans excepter
l'aune , le faule & quelques frênes )
qui pourriroient , fi on les plantoit dans
l'eau un peu profonde ..
Voici une nouvelle découverte dont je
veux vous faire part , car je ne crois pas
DECEMBRE. 1749.
qu'aucuns de nos Sçavans anciens ni modernes
ayent obfervé ce phenoméne avant
moi.
rent par
Le germe de toutes les graines eft adhéfa
partie fupérieure à l'écorce , &
celle- ci au germe , qui pouffe par fa partie
inférieure des filets ou des racines dans la
terre , .dont partie fe ramefie en chevelu
pour tirer la fubftance néceffaire pour l'accroiffement
& la perfection de la plante.
A proportion que le germe & l'éguille
fe dilatent , l'un pour pénétrer dans la terre
, l'autre pour s'élever au- deffus de la
fuperficie , l'écorce fe fend , s'ouvre , fans
fe féparer de la partie fupérieure du germe
, à laquelle elle eft intimement unie.
Il en eft ainfi de tous les fruits à coque
& à pepin.
Quand la plante a fait quelques progrès,
d'un demi pied plus ou moins ,
fi on fépare
avec toute l'adreffe poffible l'écorce ,
on la coque de la partie fupérieure du
germe , fans endommager les filets ou les
racines , la plante reftera vive , & elle ne
portera ni fleurs ni fruits ; cette obferval
tion n'eſt que de pure curiofité , je l'ai
faite fur des capucines : vous pouvez la
faire fur des marons d'Inde , fans faire de
tort à vos bofqnets , où ils croiffent fans
exiger de travaux .
66 MERCURE DE FRANCE.
Je compte que vous me tiendrez la promeffe
que vous m'avez faite , de ne communiquer
à perfonne ce que vous avez
droit d'exiger de moi ; & ce que ma reconnoiffacce
ne peut vous refufer. C'eft
úne néceffité de fe renfermer à l'étroit
dans ce malheureux fiécle , ou les plus petites
chofes mettent les plus violentes
paffions en mouvement.
Je fuis , & c .
De Paris , ce 29 Août 1749,
A Mad, la M*** . de B*** , & à Mad.
D. S ***. A. D. L. V***. D ** . de
R****
L'Amoureux
'Amoureux Licidas & la jeune Lifis ,
De roſes couronnés , fous des myrthes affis ,
Par ces regards où l'amour étincelle ,
Nourriffoient en fecret leur ardeur mutuelle ,
Lorsqu'ils virent près d'eux trois beautés à la fois ,
Qui venoient refpirer le filence des bois.
Deux d'entre elles gardoient les devoirs des
Veſtales ,
Et l'autre étoit fous les loix de l'Hymen ;
En efprit , en vertus elles étoient égales.
DECEMBRE. 67 1749.
Dans les yeux , fa démarche & fon noble main
tien ,
De Venus Emilie avoit toutes les graces ;
Elle étoit grande ; un fouris précieux.
Faifoit voler les plaifirs fur les traces.
Et fa foeur , par fon air noblement férieux ,
De fon efprit découvroit la fineſſe -
Elle parloit avec délicateffe ;
Sa langue cependant parloit moins que fes yeux.
Flore montroit fur toute fa perfonne
Les illuftres ayeux dont elle defcendoit :
Ön eût dit que fon front portoit une couronne §
Avec les ris , les jeux , le refpect la fuivoit
Dieux ! s'écria la bergere étonnée.
Sur cette rive fortunée
Jamais rien de fi beau n'a frappé nos regards ;
Des folâtres amours la troupe mutinée
Se raffemble de tou tes parts.
Tout rit dans ce féjour , leur aimable préſence
A rendu ces bords enchantés :
Quelles graces , quel air , quelle magnificence !
Les Nymphes de ces bois , marchant à leurs côtés
Epuisent leurs regards fur elles.
J'en fuis fûre , berger , ce font trois immortelles.
68 MERCURE DE FRANCE.
Je les connois , tu ne te trompes pas ,
Lui répondit alors le berger Licidas ,
Et fi la plus haute nobleffe ,
La bonté , l'enjoument , les graces , la jeuneffe ,
L'efprit , les talens , la vertu ,
Donnent le titre de Déeffe ;
Lifts , ce titre leur eſt dû.
Au Château de M. le Marquis de Rofen .
Lieutenant Général des armées du Roi à Boll.
viller , en Alface.
ESSAI
Sur l'Hiftoire des Suiffes , à M. Remond de
Sainte Albine.
Vous rendez , Monfieur , tous les
jours le Mercure plus agréable &
plus utile ; le choix que vous faites des
Piéces que vous y inférez , marque votre
difcernement & la délicateffe de votre
goût ; fi elles ne font pas toutes également
bonnes , c'eft que dans un parterre toutes
Les Heurs ne font pas également belles , &
qu'il les faut en quelque forte affortir à
l'efprit des Lecteurs , qui ne font pas tous
d'une même force . Je voudrois , Monfieur,
DECEMBRE. 1749. 69*
pouvoir contribuer au fuccès de ce Recueil
, en vous envoyant des pièces dignes
de l'attention du Public & des connoiffeurs;
je croirois mériter leurs fuffrages ,
fi j'étois affez heureux pour obtenir le vô
dont je fais un très grand cas. La bonté
avec laquelle vous avez reçû quelquesuns
de mes effais , m'engage à continuer
notre petit commerce littéraire . J'ai l'honpeur
de vous adreffer aujourd'hui un morceau
fur la Suiffe , dont on a déja vû l'éloge
dans un de vos Journaux . L'hiftoire des
Nations , leur caractére , eft peut- être ce
qui eft le plus capable d'exciter la curiofité
du public , fur tout lorfqu'il s'agit de le
détromper de certains préjugés que quel
ques Ecrivains fameux ont affecté de répandre
fur un Peuple , qui pour mériter
l'eftime générale , ne demande qu'à êne
mieux connu , & qu'à être jugé par la
-vérité.
Mon deffein n'eft pas de faire ici l'hiſtoire
de la Suiffe; de bons Ecrivains y ont travaillé
& s'en font acquittés avec affez de fuccès,
En particulier M. Loys de Bochat , Lieutes
nant Baillival à Lausanne , s'eft attaché à
ap
profondir les antiquités de la Nation Hel
vétique, & à porter la lumiere dans les ténébres
de fon origine. Cela demandoit des
difcuffions fçavantes & un goût de criti.70
MERCURE DE FRANCE.
que affez rare parmi ceux qui fe piquent
d'érudition . Un des premiers Magiftrats
de Fribourg a commencé à nous donner
une Hiftoire étendue de la Nation Helvétique
, cette Hiftoire ne laiffera peut- être à
défirer qu'un ftyle plus pur & plus correct,
qu'on ne peut gueres attendre d'un Allemand
qui veut écrire en François. Cette Langue
eft à préfent celle de toutes les Nations;
mais toutes les Nations ne la parlent pas
également bien.Pour en connoître le génie
& le caractére , il faut l'avoir étudiée avec
foin ; ce n'eft pas affez d'en connoître les
mots & les expreffions , fi l'on ne fçait les
placer avec jufteffe & avec une forte d'élégance.
Il en est à peu près ici , dit le fameux
Rouffeau , comme du jeu des Echecs.
Sçavoir la marche , c'eſt choſe très - unie.
Jouer le jeu , c'eft le fruit du génie.
Je me bornerai à faire ici quelques Remarques
générales , & à rapporter fidellement
ce que des Auteurs illuftres ont dit du
caractére des Suiffes , le portrait d'uns Nation
étant ce qu'il y a de plus important &
de plus curieux chez la Nation même.
Je ne parlerai pas de la fituation & des
beautés de la Suiffe ; je l'ai déja fait dans un
effai imprimé dans votre Journal , mais je
ne fçaurois m'empêcher de dire un mot du
DECEMBRE. 1749. 70
Pays de Vaud , qui eft fi voiſin de Genéve ,
qu'il eft en quelque forte fous nos yeux,
Repréfentez- vous , Monfieur , une pépi
niere de petites Villes , permettez- moi
cette expreffion , qui , femblables aux Iſles
Cyclades , fortent , pour ainfi dire , dú
Lac Leman , qui les orne & les embellit
Il fe forme au-deffus un Amphithéatre tapif
fé de vignes & de vaftes prairies qui fe
perdent dans les montagnes ; ce coup d'oeil •
forme une perfpective riante & très agréa
ble. Le climat y eft tempéré & le peuple y
jouir , fous un Gouvernement doux &
équitable , de cette liberté d'autant plus .
fure & plus conftante , qu'elle eſt ſoumiſe
à l'ordre & qu'elle fe plaît à le maintenir.
Les Peuples de la Suiffe , quoique de differente
Religion , font unis par un lien néceffaire
& fort étroit , qui eft l'intérêt commun
& le bien public ; une fage & mutuelle
tolérance le maintient & le fortifie. S'il
s'éleve de tems en tems quelques nuages ,
l'amour de la Patrie les diffipe bien- tôt ;
on ne verra jamais un Peuple fans ambition
, & qui n'afpire pas à des conquêtes ,
fe difputer long tems , les armes à la main ,
quelques pouces de terre , moins précieufe
que leur union , & prefque toujours arrofée
du fang des vainqueurs , auffi-bien que
de celui des vaincus. Ils ne veulent point
72 MERCURE DE FRANCE.

ils
d'une gloire fouillée par des meurtres ,
préférent des vertus obfcures à un éclat
dont la difcorde s'applaudiroit & qui cauferoit
infailliblement leur ruine .
Ily a des Nations , dit un Ecrivain célébre
, en parlant des Suiffes , qui naiſſent
avec des difpofitions auffi propres au gouvernement
d'un Etat , que néceffaires au repos
• au bonheur des Particuliers. Les hommes.
enfont froids & lents , mais ils n'en font que
plus éclairés & plus fages . La Nature les
dédommage , par la folidité de leur efprit , de
la politeffe dont elle les prive ; ils ne pensent
finement fur aucun fujet , mais ils raiſonnent
jufte fur tous , & marchent d'un pas toujours
égal. Regles dans leurs actions , retenus dans
leurs mouvemens , étroitement unis pour le bien
public qui devient le leur propre , une prudente
fimplicité les éleve à une folide grandeur.
C'est cette fimplicité de vie qui les rend
forts & robuftes , propres aux travaux de
l'armée & à des marches pénibles.
Ajoûtons à ce témoignage celui d'un
homme illuftre par fon efprit , par fa naiffance
& par fes. emplois ; c'eft celui de
fon Excellence M. le Marquis de Paulmy
d'Argenfon , aujourd'hui Ambaſſadeur de
France auprès des louables Cantons. Voici
comme il s'exprime dans le beau dif
cours qu'il prononça dans la Diette Géné
rale ,
DECEMBRE 1749. 73
3
rale, affemblée à Soleure . Les vertus béroïques
de vos Ancêtres ont été la fource de leur
liaison avec nos Rois ; la candeur la plus eſtimable
, la probité la plus folide , la fidélité la
plus inviolable à remplir les engagemens contractés
une jufteffe de fens , capable de difcerner
le vrai, de s'y attacher & d'écarter tout
ce qui pourroit être vaine fubtilité ou mauvaiſe
fineffe , c'est à ces qualités que l'ona reconnu de
tout tems la Nation Helvétique , & c'eſt à
elles que vous devez ces Alliances anciennes ,
dont les effets fe font encore fentir & doivent
toujours fubfifter , puifque nous continuons de
reconnoitre en vous ce caractére respectable
qui y a donné lieu.
Et ne croyez pas que ceci foit fimplement
un lieu commun , un de ces complimens:
généraux qu'arrachent la politeffe & les
circonftances ; les louanges que M. l'Ambaffadeur
donne fi délicatement aux Suiffes
, font fondées fur des faits certains &
manifeftes. Un feul trait que le célébre de
Thou rapporte dans fon Hiftoire , pourroit
faire connoître que M. de Paulmy n'a rien
dit de trop. Ce trait eft trop beau pour ne
pas le citer , le voici . Dans le tems que le
Roi Henri IV étoit le plus preffé par les
fureurs de la Ligue , & qu'il fembloit n'avoir
de reffource dans fon courage &.
dans la juftice de fa caufe , Sanci lui amena
11. Vol.
que
D
74 MERCURE DE FRANCE.
plufieurs Régimens levés en Suiffe , &
qui tous lui prêterent ferment dans une
époque où le plus grand nombre de fes fujets
faifoit gloire de leur révolte : ce qui
paroîtra encore le plus extraordinaire
c'eft que le Roi n'avoit point d'argent à
donner aux Suiffes , & qu'ils ne demanderent
d'autre récompenfe que l'honneur de
le fervir. Après cela , comment M. de Voltaire
ofe-t'il les traiter de barbares ?
Barbares , dont la guerre eft l'unique métier ,
Et qui vendent leur fang à qui peut le payer.
Auffi ce Prince généreux retfentit , comme
il le devoit , le fervice qu'ils lui rendirent
fi libéralement ,& dans des conjonctures
fi importantes & fi decifives; il leur dit,
en leur faifant mille remerciemens , qu'il
n'oublieroit jamais que c'étoit à eux qu'il
étoit redevable du falut de fa Perfonne &
de fon Etat , & qu'il regardoit leur déclaration
comme un préfage infaillible du
bon fuccès de fes entrepriſes. De Thou ,
Tome 7 , page 834 , Edition in- 4°.
Mais pour montrer quelle eft la valeur
des Suiffes , & combien Henri IV avoit raifon
de compter fur leur fecours,j'ai deffein
de donner ici un léger tableau de leur
Hiftoire. On y verra qu'ils fe font délivrés
d'une cruelle tyrannie , & qu'ils fe
DECEMBRE. 1749. 75
font foutenus contre leurs ennemis par ,
• eux-mêmes & fans l'aide d'aucune Puillance
étrangere ; au lieu que les Hollandois , dans
des circonstances à peu près ſemblables, furent
fecourus par l'Angleterre & par laFran
ce; àla vérité, il faut le dire à leur louange,
ils ont marqué leur reconnoiffance à leurs ,
Bienfaicteurs , dès qu'ils l'ont pû , & l'on
ne peut qu'admirer qu'ils ayent envoyé
des troupes & des munitions de guerre
au Roi Henri IV , dans le tems qu'ils
avoient à foutenir tout l'effort des armes,
de Philippe II , leur ctuel , puiffant &
implacable ennemi ; mais revenons à
l'Hiftoire des Suiffes .
Le Pays qu'on nomme aujourd'hui la
Suiffe , étoit connu fur la fin du reizième
fiécle fous le nom de la haute Allemagne ;
les Cantons d'Uri , Suhweitz , & d'Under
walder , furent les premiers à fe foulever .
contre l'Empereur Albert , comme Comte
de Halsbourg, l'an 1308. Ce Prince traitoit
les Suiffes comme il auroit traité des
bêtes féroces , ou comme les Espagnols ont
traité les Américains ; mais plus courageux
& plus habiles , ils chafferent leurs Tyrans,
après les avoir vaincus. Léopold , Duc
d'Autriche , fils d'Albert , ayant voulu
venger fon pere , fut entierement défait
en 1315 par treize cens Confédérés , qui
.
Dij
6 MERCURE DE FRANCE.
oferent attaquer une armée de 9 à 10 mille
hommes. Le Traité d'affociation qui a été ·
la bafe de tous ceux qui depuis cimenterent
la conftitution du Corps Helvétique ,
fut dreffé à Brunnon cette même année .
L'Empereur Charles IV , à qui les Autrichiens
porterent leurs plaintes, affiégea inutilement
Zurich en 1354. Ce Prince fat
contraint de confirmer à Conftance en
1362 l'Alliance de Zürich & des Confédérés
, & de reconnoître ainfi l'indépendance
de la Nation Helvétique ; mais elle
avoit à faire à un ennemi trop acharné
pour demeurer long - tems paisible . Léopold,
Duc d'Autriche , lui déclara la guerre.
Elle fut funefte à ce Prince , il y perdit la
vie en 1386 , avec fix cens Gentilshommes
des meilleures Maifons de l'Empire ,
qui ayant époufé fa querelle , participerent
auffi à fa mauvaiſe deftinée ; les Suiffes
remporterent une feconde victoire fur
les Autrichiens à Nefels en 1388.
Les Autrichiens fe lafferent de fe faire
battre , & rechercherent pour amis ceux
qu'ils n'avoient pû foumettre comme ennemis
; ils firent donc avec eux une tréve
pour 50 ans , l'an 1412 ; mais l'Empereur
Sigifmond les arma de nouveau contre Fré
déric , Duc d'Autriche , qu'il avoit mis au
Ban de l'Empire , pour avoir favorisé l'éDECEMBRE.
1749. 77
yafion du Pape Jean XXIII. Les Suiffes,
en conféquence de cet Arrêt , s'emparerent
de l'Arge , mais le Canton d'Ori ,
fidéle à fa parole & au Traité , ne voulut
point avoir part aux dépouilles d'un Prince
Allié , trouvant , dit-il , qu'il n'y avoit
rien d'honnête d'utile que ce qui étoit juſte.
2
L'intérêt divife quelquefois les meil
leurs amis. Il y eut entre les Suiffes une
guerre civile très - fanglante en 1443 , au
fujet de la fucceffion du dernier Comte
de Tockembourg , & comme elle fe faifoit
uniquement pour l'intérêt de ceux de
Schveifez , qui prétendoient à cette fuccef.
fion , le vulgaire s'accoûtuma à appeller
tous les Confédérés du nom de Schweitzers
ou Suiffes.
4
L'Empereur avoit affifté les Zurichois
contre les autres Cantons , mais ceux- ci
ayant été victorieux , forcerent ceux de
Zurich à renoncer à leur nouvelle alliance ,
& à rentrer dans la Ligue Helvétique , où
ils occupent la premiere place.
Ici la fcéne change ,. & les Suiffes font
obligés de tourner leurs armes contre les
François , mais moins heureux que contre
les Autrichiens , ils furent accablés fous le
nombre , après avoir fait des prodiges de
valeur près de Bâle en 1444. On remarque
qu'ils ne voulurent jamais demander quar
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
tier , & que couverts de bleffures & de
fang, ils retournerent comme des Lions
plufieurs fois au combat ; dix d'entre eux
échappés feuls à la mort , ayant porté chez
eux la nouvelle de leur défaite , furent
regardés comme des lâches par un peuple
qui mettoit l'honneur & la liberté au- def
fus de la vie ; peu s'en fallut qu'ayant évité
l'épée de leurs ennemis , ils ne tombaffent
fous la main du bourreau.
Le Dauphin Louis , fils de Charles VII,
fit auffi l'épreuve du courage des Suiffes.
Il conduifit contre eux une armée de 60
mille hommes , il fut vainqueur , mais la
victoire lui coûta huit mille hommes . Admirant
la valeur des vaincus , il leur ac
corda la paix.
Charles VII , fon pere , fit avec eux une
alliance en 1452 , & c'eft la premiere que
les Suiffes ont faite avec la France . Elle
leur fut avantageufe , puifqu'étant forcés
d'entrer en guerre avec Sigifmond , Duc
d'Autriche , en 1460 , ils furent aidés par
les François , & cette guerre fut fatale à
leur ennemi .
Celle que Charles , dernier Duc de Bourgogne
, déclara aux Suiffes , ne lui fut pas
moins funefte ; il la leur fit à l'occafion de
la conquête de Romont , que les Bernois
& les Fribourgeois avoient faite fur le
DECEMBRE. 1749. 79
Comte de ce nom ; mais en trois batailles
il perdit fes richelles , fes forces & la vie.
Voici les vers qu'on fit à ce ſujet.
Praliatrina tibi, Duc Carole , dirafuire ,
Divitiis Granfon , Grege Morfen , corpore Nanci.
Granfon , Morat & Nanci furent , l'écueil
des vaftes projets de ce Prince , dont
la téméraire valeur ne pouvoit fouffrir aucunes
bornes , & qui auroit fubjugué tous
fes voisins , fi le fuccès avoit répondu à ſes
efpérances .
Comme Louis XI devoit aux Suiffes la
deftruction de ce redoutable ennemi , il
leur marqua fa reconnoiffance
par
fes Lettres
Patentes du mois de Septembre 1481 .
Elles renferment tous les fondemens des
Priviléges dont les Militaires Suiffes font
en droit de jouir en France , & dont ils
jouiffent en effet .
Je ne poufferai pas plus loin ce morceau
d'Hiftoire , & je ne fuivrai
pas les Suiffes
en Italie , à la défenfe & à la conquête
du Milanois ; ils y fignalerent leur valeur
fous les drapeaux de Charles V111 & de
·Louis XII , & quelquefois fous les étendarts
de leurs ennemis . François I , Roi de
France ,jufte eſtimateur du mérite , & vainqueur
des Suiffes à Marignan, faifoit beaucoup
de cas des troupes de cette Nation ,
{
D iiij
So MERCURE DE FRANCE.
& ne parloit jamais d'elle qu'avec éloge.
Les treize Cantons Confédérés , qui forment
le Corps Helvétique , font reconnus
aujourd'hui de toutes les Puiffances comme
indépendans & Souverains; l'Empereur
Maximilien fut le premier à les déclarer
un Peuple libre , dans la paix conclue à
Bâle en 1499. La France fuivit l'exemple
de l'Empereur par la paix éternelle , conclue
entre elle & les Suiffes en 1516 , &
par l'Alliance traitée en 1521. Leur état
& leur pleine indépendance fe trouvent
encore affurés par le fixiéme article du
Traité de Munster.En forte que les Stiffes,
alliés de prefque toutes les Nations , leur
envoyent , comme Souverains , des Ambaffadeurs,
& en reçoivent . Leur candeur,
leur bonne foi , leur courage , les font refpecter
de tous les Peuples . Ils excellent
dans ce qui fait l'effence des Républiques ,
c'est - à-dire dans la confervation de leur
liberté & de la paix . Leur politique eft de
l'entretenir & de la perpétuer au milieu
d'eux , & de n'exercer leurs Officiers &
leurs foldats qu'aux dépens des autres Nations
, fur lefquelles ils n'entreprennent
rien , fe contentant de fe tenir dans les
bornes d'une légitime défenfe. Les foulevemens
du Peuple font rares chez les Suif
fes ; il perdroit trop à changer de Maître .
DECEMBRE. 1749. St
Auffi les confpirations ont été auffi-tôt
éteintes que formées .
La peinture que quelques Ecrivains ont
faite des Suiffes, comme d'un peuple groffier
& ignorant , eft tout- à-fait fauffe ; plufieurs
d'entre eux ont l'efprit très- poli &
très -cultivé. Ils ont chez eux des Univerfités
& des Académies fameufes ; ils culti-
-vent avec fuccès les Arts & les Sciences ,
& la Suiffe a donné naiflance à un grand.
nombre de Sçavans , célébres dans la Ré-
-publique des Lettres.
Les Naturaliftes trouvent auffi abondamment
en Suifle de quoi contenter leur cu
riofité. On y voit des Coquillages , des
Oifeaux & des Poiffons de toutes les fortes.
Les Truites y font excellentes ; les
Perches & les Brochets s'y trouvent en
quantité dans le Lac Leman . Quoique, les
Anguilles y foient affez rares, parce qu'elles
viennent originairement d'ailleurs ,
j'en ai cependant vû & mangé à Genéve
auffi -bien qu'un Poiffon de paffage , qui
eft très bon, & que le peuple appelle Ferra.
En parlant des Poiffons , ceux qui le
plaifent à des recherches plus curieufes
qu'utiles , trouveront , dans la plupart des
Marais de la Suiffe , de ces petits Vers
aquatiques , que M. Treulley a rendu fi célébres
par fes expériences & par fes excel-
D.V
82 MERCURE DE FRANCE.
lens Ecrits , & que l'on nomme Polypes
Si on les coupe & qu'on les divife , on aura
le plaifir de voir chaque morceau devenir
, peu- à- peu , un animal entier & parfait.
On voit quelquefois voler en Hyver fur
le Lac de Genéve un Oifeau très -beau &
très-fingulier , qui reffemble au canard , &
qu'on nomme Grebe. Il plonge à tout mo
ment & demeure long- tems fous l'eau . Il
vole fi peu & fi mal , qu'on le prend avec
facilité. On fait de fes plumes des manchons
, qui étoient autrefois fort à la mode.
Cet Oifeau me rappelle ce que l'Auteur
des Délices de la Suiffe dir des Serpens
volans , qu'il affûre qu'on a' vû plufieurs
fois ; il veut que ces Dragons , car c'eft ainfi
qu'il les nomme. , jettent de loin leur
venin , qui eft un poifon mortel pour ceux
qui ont le malheur d'en être atteints; mais
la peur n'a- t'elle point enfanté ce qu'on en
rapporte ? On fçait de quoi eft capable une
imagination effrayée. Il eft vrai que divers
Voyageurs nous affûrent que les
vents du Midi apportent quelquefois des
Serpens volans d'Ethiopie en Egypte' ;
mais il faut qu'ils nnee foient foient pas fort gros ,
puifque l'oifeau , appellé Ibis , les tue &
les mange.
Voici encore un fait bien merveilleux,
DECEMBRE. 1749. 83
rapporté par le même Auteur ; il dit
qu'on a trouvé dans le Canton de Berne
un Vaiffeau, femblable à ceux qui voguent
fur la mer , & qui étoit à cent braffes fous
terre. Le Déluge l'auroit- il porté fi loin &
fi avant , à moins qu'il n'ait été couvert
de terre fucceffivement ; mais bâtiffoit- on
alors lesVaiffeaux de la même maniere dont
on le fait aujourd'hui ? Remarquez encore
que ce Navire a été , dit- on , trouvé dans
le fond d'une haute montagne , ce qui augmente
encore le merveilleux . Si quelqu'autre
révolution que le Déluge univerfel l'y
a porté, quelle a été cette révolution? Serat'elle
fuffifante pour expliquer cet effet fi
étonnant ? Pourra -t'on recourir à la même
caufe pour expliquer ces pierres dans lefquelles
on remarque la figure de plufieurs
animaux rares & étrangers , & l'empreinte
de divers poiffons qu'on ne trouve plus en
Suiffe ? Ne femble- t'il pas que nos recherches
ne ferventqu'à nous conduire au doute .
& à l'incertitude ? Mais il faut avouer que
l'amour du merveilleux fert beaucoup à
l'entretenir. L'efprit faifit avidement ce
qui en a l'apparence , quelque peu vraifemblable
qu'il foit . L'efprit humain , dit
l'illuftre de Fontenelle, ſemble être le lieu de
la naiffance du faux , il femble que le vrai
lui foit étranger. Cela ne montre t'il pas que
D vj
84 MERCURE DEFRANCE.
la raifon n'a gueres de force fur nous , &
que
feslumiéres font bien bornées. Il femble,
dit Maffillon , que plus on eft éclairé , moins
on voit clair dans la foibleffe de notre raison
dans l'incertitude & l'obscurité de fes connoiffances.
Pour ne pas être trompés &
tomber dans l'erreur , défions-nous fagement
du rapport de plufieurs Ecrivains
crédules , qui ne rapportent les faits que
d'après certaines gens , qui ne voyent les
objets que par les yeux de leur imagination .
1 y a des chofes fi peu croyables , qu'il
fuffit de les dire pour les réfuter. Sententiam
veftram prodidiffe , fuperaffe eft.
Genéve
7. B. Tollet.
洗洗洗潔洗潔洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗
EPITRE
A M. P * *. M **,
Dans ce verd
boccage ,
D'où l'on voit les flots
Baigner le rivage ,
Et mille ruiffeaux
Se faifant paffage ,
Y joindre leurs eaux ;
Un ami qui t'aime
DECEMBRE. `1749. 85
Autant que lui- même ,
T'attend en ce jour.
Dans ce beau féjour ,
L'air eft fans
nuages ;
Un Soleil plus pur
Fait fuir les orages.
Sous un Ciel d'azur ,
La fimple
Nature
A bien des attraits ;
L'art & la parure
En gâtent les traits :
Fais- en la peinture
Et de ton pinceau
Trace en miniature
Un fi grand tableau :
Fais qu'il nous procure
Un plaifir nouveau .
Tu fçais peinde en beau ,
Bien mieux que Voiture..
Aujourd'hui la paix
A banni la guerre ,
Et de fes bienfaits
Embellit la terre .
Sous les étendarts ,
Les Mufes , les Arts ,
A l'envi profperent ;
Mais de toutes parts
$6 MERCURE DE FRANCE.
Les Arts dégénerent
A l'afpect de Mars.
Les Mufes timides ,
Des traits homicides
Craignent les hazards.
L'utile lecture
Eclaire l'efprit ,
Et cette culture
L'orne & l'enrichit.
L'élégant Racine
Fait coûler mes pleurs ,
Et fa voix divine
Enchante les coeurs.
Le pompeux Corneille
Flatte moins l'oreille ;.
Mais il eft fi grand ,
Qu'il gagne & ſurprend
Par fon ton fublime ,
Toute notre eftime.
Deffous ces ormeaux
J'entens Fontenelle
De fes chalumeaux
Charmer une Belle.
Aux accens fi beaux
De ce Berger tendre ,
Je vois les ruiffeaux
Qui ſemblent fufpendre ,
Pour le mieux entendre,
DECEMBRE. 1749. 87
Le bruit de leurs eaux.
Le Faune volage ,
L'entendant chanter ,
Tâche d'imiter
Un fi doux langage ;
Mais quoi ! De fa voix
Le fon eft fauvage ;
De dépit , de rage ,
Il fuit dans les bois.
D'un vol plus fublime ;
L'illuftte Rouffeau
Atteint à la cime
Du double côteau ,
Et l'art qui l'anime ;
Tire de la rime
Un plaifir nouveau.
Tantôt comme Horace ;
Son vol , plein de grace
Et de fentiment ,
Coûle lentement :
Tantôt plus rapide ;
D'un vol intrépide
11 fuit noblement
Les traces d'Alcide ,
Et non moins hardi ,
Le fameux Voltaire ,
Sur les pas d'Homere
Dit du grand Henri
88 MERCURE DE FRANCE.
.
La haute vaillance ,
La noble clémence
• De ce Roi chéri,
Avec Melpomene ,
Il met fur la fcéne
Brutus & Céfar.
Je vois ce grand homme
Affujettir Rome.
Ce fer Dictateur ,
Répand la terreur ;
Et de fa Patrie
Devient l'oppreffeur ;
Mais un fer vengeur
De fa tyrannie
Punit la fureur .
L'Amour qui foupire
La mort de Zaïre ,
Deffus fon tombeau
Eteint fon flambeau ,
Et dans nos allarmes ,
Avec fon bandeau ,
11 tarit nos larmes.
Mais de leurs concerts
Mon ame charmée ,
Eft - elle fermée
Aux Ecrits divers ,
Dont la Renomméc
Célébre les airs ?
DECEMBRE. 1749.
89
De l'Art Oratoire
J'admire les tons ;
Ses grandes leçons
Afférent la gloire
De fes Nourriffons .
L'augufte fageffe ,
Dans Rome & la Grece ,
Lui doit fes fuccès ,
Et par fes effets ,
On vit Démofthéne
Des Tyrans d'Athéne
Sapper les projets .
Dans cette carriere
Tu vas donc courir ?
Déja la barriere
Va pour toi s'ouvrir.
Ciel ! quelle lumiere
Tu vas découvrir !
Que l'erreur, le vice ;
Tremblent, à ta voix.
Lorfque l'injuftice ,
Foule aux pieds les loix ;
Fais voir fon fupplice.
A Graveline , près Genéve, le 3 Avril 1749:
90 MERCURE DE FRANCE.
Q
MADRIGAL.
Uand d'une voix & douce & tendre ;
Licidas m'invite à me rendre ,
Oh ! qu'il fçait bien perfuader
Et que je me plais à l'entendre
Il en coûte moins à céder ,
Qu'il coûteroit à fe défendre.
VERS
Pour mettre au bas du Fortrait de Mad. de
Q
Sevigné .
Ui veut écrire poliment
Prendra Sevigné pour modéle,
Un Lecteur , plein de jugement ,
Ne fçait qui l'emporte chez elle ,
De Pefprit ou du fentiment.
30489 94 G HMG SÆLG KIT ANG ANG ANG ANG AK
VERS
Pour mettre au- deffous du Portrait de Mad,
.Deshoulieres.
T Endre , délicate , fidelle ,
Deshoulieres en fes vers excelle ;
DECEMBRE. 1749. 91 .
Tout rit , tout parle en fes tableaux ;
Par tout fon génie étincelle .
Sous un ombrage frais peint- elle des oiſeaux ?
On croit
que leurs accens ont flatté notre oreille ,
Et d'un plaifir toujours nouveau ,
La douceur de fes fons nous charme & nous ré
veille ;
Le Dieu du Goût lui prêta fon flambeau
Et l'Amour étonné de la trouver fi belle ,
Pour contempler fes traits fouleva fon bandeau ,:
Et la prit pour une immortelle .
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗淡淡茶
MEMOIRE Hiflorique , fur une nouvelle
forte de Montre à répétition , préfem
tée à l'Academie Royale des Sciences , le
30 Août 1749 , par M. Julien le Roi ,
Horloger du Roi.
Uoique les Montres à répétition
foient d'une très-grande utilité , la
jouillance de cet avantage femble être refervée
aux feuls habitans de quelques gran
des Villes de l'Europe , où l'on trouve des
Horlogers affez habiles pour rectifier leurs
dérangemens , d'autant plus inévitables
qu'ils font produits par la multiplicité
& l'extrême délicateffe des parties qui les
compofent.
*
92 MERCURE DE FRANCE.

Il eft certain qu'une répétition ordinaire
a trente-fix piéces effentielles de
plus qu'une Montre fimple * , & que c'eft
de ce grand nombre de piéces contenues
dans des bornes trop étroites, que viennent
fes défauts. Le nombre en eft tel
n'en connoiffant point le terme , on fe
contentera d'en mettre un feul fous les
yeux , qui eft le plus grand de tous.
, que
Ce défaut , qui eft inféparable des répétitions
,vient de leur conftruction & de ces
trente-fix pièces , la plupart mobiles , &
telles par leurs fonctions , que plufieurs ne
fçauroient manquer , fans en faire manquer
d'autres , fans faire arrêter la fonnerie
, & conféquemment le mouvement du
balancier. Alors la plus excellente devient
inutile au point de ne pouvoir fervir , ni
à l'oreille comme répétition , ni à l'oeil
comme montre fimple.
:
Depuis leur invention , la plupart des
Horlogers qui fe font appliqués à chercher
les moyens de les perfectionner,y- ont ren
contré tant d'obftacles à furmonter , que
n'y voyant nulle apparence de réuffir , ils
fe font de plus en plus perfuadés , que le
feul parti à prendre pour eux étoit de cef-
* Outre ces trente- fix piéces , les répétitions en
ent encore de plus vingt quatre autres peu confdérables
, comme broches , vis , clefs , &c.
DECEMBRE. 1749. 93
fer leurs recherches , & de fuivre la meilleure
conftruction ufitée. J'avois penfé
long- tems de même , lorfque j'eus occafion
en 1739 de renouveller les miennes.
Pour lors elles ne furent pas infructueuses ,
je découvris un moyen de les perfectionner
, & ce moyen qui m'a ouvert la route
pour arriver à deux autres , devoit néceffairement
les précéder , fans quoi je ne les
aurois fans doute jamais apperçues.
. Dans le Mercure de Mars 1741 , je pu
bliai une nouvelle conftruction de montre
à répétition , que j'appellai indifferemment
Répétitions à grand mouvement ou
à bâte levée. Elle parut fi bonne à tous mes
confreres , qu'ils l'adopterent avec un empreffement
dont je ne fus pas moins furpris
que flatté . Cette découverte , qui contenoit
le germe des deux autres qui fuivent
, a fourni l'avantage fingulier de fervir
à créer , pour ainfi dire , un nouvel
efpace , qui en augmentant le volume du
mouvement d'une répétition , n'augmente
nullement celui de la boëte qui le renferme
. Elle eft fi heureufe , qu'elle a rendu
les répétitions fans timbre plus folides ,
meilleures , & plus aifées à faire , qu'elles
ne l'étoient auparavant. Nous allons voir
que par la fuite les répétitions à timbre reçurent
de pareils avantages..
94 MERCURE DE FRANCE .

Je publiai , dans le Mercure de Février
1744 , une maniere de placer un timbre
fous la bâre de la boëte d'une répétition
à grand mouvement. De ce nouvel arrangement
du timbre naiffent deux proprietés
très-avantageuſes , l'une , qu'il en eft plus
grand , & l'autre , que fon bord eft couvert
par la bâte de la boëre qui le renferme ,
de maniere qu'il fert à garantir le mouvement
de la pouffiere , comme une calote
mife à même fin. De ces deux chofes
l'une , que le timbre a plus de grandeur ,
& l'autre , que la calote eft fupprimée , il
s'enfuit que les mouvemens de ces répétitions
, ceux des reveils , des horloges &
des répétitions à trois & à quatre parties ,
ayant plus de volume , font , & meilleurs
& plus aifés à travailler * ; tous mes Confreres
en conviennent , & ne pouvoient
mieux louer cette maniere qu'en l'adoptant
dès qu'elle parut.
Depuis l'application des répétitions à
bâte levée, à celles à timbre, cette premie-
* Aux répétitions Angloifes à double boëte ,
avec timbre & calote , l'efpace qui renferme leur
mouvement eft fi petit , & fi reflerré par ces enveloppes,
qu'à deux boëtes égales en grandeur extérieure
, le folide de l'un de ces mouvemens Anglois
eft à celui d'une répétition fans timbre à
grand mouvement , comme 27 eſt à 61.
>
DECEMBRE. 1.749. 95
re découverte a produit encore un autre
avantage pour l'Horlogerie : elle a facilité
la conſtruction d'une forte de répétition ,
que l'occafion fuivante a donné lieu de
mettre au jour , & dont la poffibilité a été
foupçonnée , & fouhaitée depuis longtems
: l'exécution même en a déja été
tentée .
Un Prélat m'ayant fait l'honneur de me
communiquer , il y a quelque tems , une
Lettre , par laquelle on demandoit une
montre à bon marché mais cependant
telle qu'on y pût connoître les
heures pendant la nuit , je lui promis de
la faire. Elle fut conftruite à bâte levée ,
& le mouvement comme celui d'une montre
fimple ; à l'égard des piéces qui devoient
indiquer l'heure pendant la nuit ,
j'imitai en quelque chofe celles d'une
montre Allemande que j'avois vûe , &
dont je parlerai ci après. On lui fait répé
ter les heures en tirant doucement un petit
bouton qui eft placé au- deffus de la
charniere de fa boëte. Sur le rapport
avantageux qu'on en fit à un illuftre Prin
ce Etranger , il defira la voir , & me dit
après l'avoir examinée , que je ne devois
pas refter en fi beau chemin , & qu'il m'invitoit
à perfectionner encore cette forte
de montre en lui faifant répéter les quarts.
96 MERCURE DE FRANCE.
Auffi fenfible aux chofes obligeantes qu'il
me fir l'honneur de me dire , que flatté
de l'efpérance de mériter fes bontés , je
lui promis d'en chercher les moyens , &
parcourus tous ceux qui pouvoient m'ouvrir
une route à la réuffite. Elle parut enfin,
je la fuivis, & ce font particulierement
ces circonstances qui ont occafionné la
conftruction fuivante , & donné lieu à ce
Mémoire.
Elle confifte dans une répétition dont lá
cadrature eft faite de façon , que fans.
rouage de fonnerie le feul mouvement
de la main fuffit pour lui faire répéter les
heures & les quarts avec la plus grande
précifion. D'ailleurs elle eft fi avantageufement
difpofée , fi facile à faire , & rend
ces nouvelles répétitions fi fimples , qu'elles
ont vingt- deux pièces effentielles de
moins que les autres. De plus , comme
toutes ces ppiiéécceess fupprimées laiffent des
places vuides à celles qui reftent , & que
celles qui reftent prennent plus de volu
me & des fituations plus heureufes , il naît
du concours de ces propriétés réunies les
avantages fuivans.
1.Dans les montres fimples à répéti
tion ( c'est ainsi qu'on les nommera dans
la fuite ) la fituation des roues de leur
mouvement eft . fi avantageufe qu'elle fe
réduit
DECEMBRE . 1749. . 97
réduit précisément à celle d'une montre
fimple , à laquelle on auroit joint l'une
des proprietés des répétitions à grands
mouvemens , qui eft telle que , à volume
égal de boëte , le mouvement d'une montre
fimple à répétition eft plus grand que
celui d'une montre fimple ordinaire .
2°. Elles furpafferont de beaucoup les autres
en bonté , en durée , & en facilité de
conftruction , parce que les roues de fonnerie
des répétitions ordinaires , occupant
la moitié de la cage qui les renferme , rendent
les roues du mouvement moins parfaites
en les rendant plus petites , &
moins à la portée de nos organes qui ne
nous permettent pas de travailler des petites
parties de la matiere , avec la même
précifion que celles d'une certaine grandeur.
Plus les parties d'une montre font
déliées , moins elles ont de folidité , &
plus leurs défauts échappent à nos regards ,
foit ceux de jufteffe dans les formes d'exactitude
dans leur pofition , d'examen
de leur matiere , de proportions , dans les
rapports des engrenages , &c . Par cet expofé
il eft aifé de juger pourquoi les pendules
à fimple répétition fe dérangent fi
rarement , & pourquoi les montres à répétition
font fi fujettes à manquer.
3. Il en résulte de plus un nouvel
II. Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
par avantage qui mérite une confidération
ticuliere ; c'eft celui de la diminution de
leur prix , caufée par la fuppreffion de ces
vingt- deux piéces dont on a parlé , & de
douze autres moins confidérables , comme
broches , vis , clefs , & c.
4° . Ces répétitions , qui pourront être
à timbre , fuivant la conftruction que l'on
vient d'indiquer , feront beaucoup plus aifées
à démonter & à remonter . Tous les
Horlogers n'éprouvent que trop l'extrême
difficulté de remonter les rouages d'une
répétition fans aucun accident : elles pourront
même être démontées auffi facilement
que les montres fimples , puifqu'en
plufieurs occafions il ne fera pas même néceffaire
d'en démonter le cadran .
5 °. La difficulté de remédier à leur dérangement
, dont j'ai parlé dans le commencement
de ce Mémoire , oblige affez
fouvent ceux qui habitent loin d'ici , de
les abandonner pour un tems , ou de les
faire tranfporter... Ce tranfport , prefque
toujours fuivi d'inconvéniens , eft ordinairement
défagréable aux proprietaires
qui en font privés pendant long- tems . It
n'en fera pas de même de ces nouvelles ,
qui par leur fimplicité pourront être facilement
rétablies , & dont les caufes de dé
rangement font peut - être vingt ou trente
DE
LA
DECEMBRE . 1749 .
SOLYON
fois moindres que dans la plupart des autres
répétitions , fur tout celles qui fos
petites & à deux boëtes. :
la
6° . Enfin s'il arrive aux répétitions ordinaires
que leur fonnerie s'arrête par
plus legere cauſe , alors ceffant de marquer
les heures & les minutes , elles deviennent
totalement inutiles : au contraire les nouvelles
auront l'avantage de fervir à marquer
les heures & les minutes comme les
montres fimples , lors même que les piéces
de leur cadrature éprouveroient le
plus grand dérangement .
Après avoir expofé les avantages des
nouvelles montres , je dois répondre à un
inconvénient que l'on ne manquera pas.
de m'objecter ; c'est d'être obligé d'employer
autant de mouvemens de la main
qu'il y a d'heures à faire répéter , & un de
plus pour les quarts , tandis qu'un feul fuffit
aux ordinaires. J'avoue que cet affujettiffément
eft un obstacle à leur fuccès , à
la Cour & dans les grandes Villes de l'Europe..
Mais d'un autre côté il faut auffi convenir
que tenant le milieu entre les montres
fimples & les répétitions , & qu'étant
meilleures , plus fures & moins cheres que
ces dernieres , elles feront fans doute par
ces avantages très- utiles à ceux qui font leur
É ij
100 MERCURE DE FRANCE.
féjour dans les lieux de la France , de l'Europe
& des autres parties du monde , privés
d'Horlogers capables de rétablir celles
à l'ordinaire. D'ailleurs un moyen qui
ajouteroit à la bonté de l'ouvrage en le
fimplifiant, feroit de ne faire fonner à ces
fix heures.
montres que
Depuis midi elles fonneroient comme à
l'ordinaire , mais après fix heures elles fonneroient
feulement une heure à fept , deux
à huit , & ainſi des autres , juſqu'à minuit,
à fept heures du matin la même choſe ,
jufqu'à midi. Cette façon de fonner n'eft
point nouvelle , je l'ai pratiquée il y a plus
de quinze ans dans quelques-unes de mes
répétitions. Elle fut goûtée de quelques
perfonnes , & très peu par d'autres.
Son principal avantage eft de foulager l'attention
néceffaire pour compter un nombre
d'heures , & pour empêcher les mé -
priſes. ***
A l'égard des fix heures que l'on doit
toujours fuppléer , excepté d'abord après
midi & après minuit , l'habitude de quelques
jours fuffit pour les ajouter fans prefque
y penfer. Cette maniere de compter
eft en ufage en plufieurs Villes d'Italie ,
& furtout à Rome , où la plus grande partie
des horloges publiques ne fonnent que
fix heures.
DECEMBRE. 1749. 101
Voilà donc un moyen pour affoiblir
l'objection contre la multiplicité des mou
vemens de la main , qui d'ailleurs fe font
fi aisément & fi vîte , qu'on eft au plus le
même tems à y compter douze heures
qu'aux répétitions ordinaires.
>
Comme il eft arrivé fouvent que des
connoiffances liées à d'autres , acquifes
après elles , ont occafionné le progrès d'un
Art on a crû devoir terminer ce Mémoire
en indiquant les tentatives de
même genre faites par des Horlogers.
Quoiqu'elles ayent été fans fuccès , il
ne s'enfuit pas de là que de nouveaux
moyens ne fervent un jour à les diriger
vers l'utilité publique , qui eft la pierre de
touche des inventions nouvelles. On ne
joindra point à ces defcriptions celle de la
nouvelle répétition ; des raiſons plaufibles
ont ordonné de la differer.
Vers l'année 1720 , un Horloger de
Londres imagina de placer une montre
fimple de poche dans une petite boete de
pendule , & d'y ajouter une répétition
fans rien changer à la montre fimple que
l'on y plaçoit , après l'avoir accrochée dans
cette boete par fon anneau , & lui avoir
fait remplit exactement la partie circulaire
de la boëte qui devoit la recevoir.
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
Comme elle fe remontoit par derriere , on
faifoit entrer le bout de l'arbre de la fufée
dans un autre axe correfpondant qu'on lui
préfentoit , & qui étant creufé quarrément
, s'y ajoutoit avec préciſion . Alors
la fufée de cette montre faifoit mouvoir
deux aiguilles , qui marquoient les heures
& les minutes fur un fecond cadran placé
au- deffous du premier. Un mouvement
poftérieurement appliqué contenoit les
piéces d'une répétition , difpofées de ma
niere qu'en tirant un cordon , on faifoit
fonner les heures & les quarts , avec beaucoup
de jufteffe , pourvû que l'on eût auparavant
l'attention de faire répondre
exactement les aiguilles du cadran inférieur
à celui du fupérieur. Il eft inutile
d'ajouter que l'on pouvoit encore aug
menter cette répétition d'un réveil & d'u
ne fonnerie , en y mettant les piéces néceffaires
à cet effet .
Cette ingénieufe découverte n'a pu
réuflir par un défaut que l'on devoit prévoir.
La puiffance du reffort d'une mon
tre, proportionnée au mouvement des piéces
qui la compofent , doit néceffairement
être diminuée en raifon des nouvelles réfiftances
qu'on lui oppofe dans un plus
grand nombre de pièces , & par confé.
DECEMBRE . 103 1749.
quent leur marche peut être retardée , ou
même arrêtée . Par-là toute l'utilité de cetre
invention difparoît.
Quelque tems après , M. Claye , Hor-
Joger de Londres , fuivit cette route déja
frayée. Dans le deffein d'en corriger les
défauts , il appliqua une cadrature de répétition
à une montre fimple , & la plaça
dans une boëte femblable à la premiere ,
mais fans un double cadran . En tirant un
cordon , on faifoit abaiffer une bafcule qui
forçoit un axe d'acier de defcendre dans
la tige du pendant de la boëte , qui étoit
creufé dans fa longueur pour recevoir cet
axe qui faifoit à l'inftant agir la répéti
tion.
M. Grai , Horloger de la même Ville
entreprit enfuite de donner aux roues du
mouvement des répétitions un ordre plus
avantageux , & qui facilitât dans le befoin
leur déplacement & leur remplacement.
Il imagina, peu après M. Claye, de renfermer
toutes les roues de la fonnerie dans la
cadrature , à l'exception de l'arbre de la
grande roue qu'il laiffa entre les deux platines
; (on croit qu'il eft le feul qui ait ſuivi
cette conftruction. )
M. Maffoteau , Horloger à Paris , conftruifit
, il y a treize à quatorze ans , une
montre fimple à répétition qu'il me com-
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE.
muniqua ; le pouffoir en étoit viffé de
maniere qu'en le tournant on faifoit fonner
les heures & les quarts à la répétition.
La cadrature étoit à l'ordinaire à peu de
chofe près. L'Académie des Sciences , સે .
qui cet ouvrage fut préfenté , n'en a cependant
fait aucune mention dans les Mémoi-*
res.
A fon retour de notre armée d'Allemagne
, M. le Marquis de Laigle me fit voir
une montre qu'il avoit apportée de ce
pays ; elle étoit à deux boëtes : après
avoir ôté la premiere , on tiroit à foi un
petit bouton qui débordoit la feconde , &
l'on entendoit un petit bruit formé par les
fauts d'un cliquet fur les dents d'une crémaillere
; le nombre de ces fauts indiquoit
l'heure courante.
Peu de tems après , un Major de Cavalerie
m'en apporta une autre à boëte . C'étoit
fa montre ordinaire , à laquelle un
Horloger de Sarlouis avoit ajouté une
répétition pour un Louis d'or : celle - ci
ne differoit de la montre Allemande dont
je viens de parler , qu'en ce que la crémaillere
en étoit rectiligne , qu'elle étoit
totalement féparée de la montre , & attachée
au cordon à côté de la clef ; elle avoit
douze dents , & pour s'en fervir on l'introduifoit
à tâtons pendant la nuit dans
DECEMBRE. 1749 . 105
une ouverture parallelograme rectangle ,
pratiquée au- deffus de la charniere exté
rieure de fa boëte , de façon qu'en pouſfant
cette crémaillere jufqu'au limaçon
appliqué fur la roue du cadran , l'on
comptoit les heures , comme dans la montre
Allemande , par le bruit des fauts d'un
cliquet. L'une & l'autre répétition n'ont
que quatre piéces de plus qu'une montre
fimple , & font aifées à conftruire , mais
elles ne fonnent point les quarts , & il
faut être extrêmement attentif en pouffant
la crémaillere de l'une , ou tirant celle de
l'autre , d'agir très-doucement, afin de faire
fonner les heures affez diftinctement pour
les pouvoir compter.
CDCDCDCDCAD CADDENDRO
A Mademoiselle *** , pour le jour de fa
naiffance , le 22 Septembre 1749.
Oui , qui vous rappelle le jour
Par qui commença votre vie
Ne fçait pas vous faire fa cour ,
Et bien fouvent s'expofe à quelque repartie.
Plus d'une fois mes yeux en ont été témoins
Tel compliment toujours vous bleffe ,
Tant que je crois , que fur votre fageffe
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
Un foupçon vous toucheroit moins,
Avec ce foible , Iris , le feul peut - être
Que vous ayez du beau fexe adopté ,
Que ne devez-vous point rendre au fouverain Etre,
Pour ne vous avoir pas fait naître
D'un fang Royal , tendant à la Principauté e
Un Almanach doré fur chaque pagè
En termes clairs , à la Cour , à Paris ,
?
Au monde entier diroit votre âge.
Ce n'eft pas tout , aimable Iris ,
De Courtifans une foule importune
Au jour précis viendroit par de fots complimens .
Vous prouver qu'elle fçait le nombre de vos ans .
Seroit- ce pas mourir cent fois pour une ?
C'eſt donc un bien pour vous d'avoir reçu
Cieux
Une naiffance plus commune :
Mais moi je m'en trouve auffi mieux ,
Et franchement , fi vous étiez fortie
Du rang qui fait les demi - Dieux ,
Moi chetif , qui reçus la vie
D'un pere de qui les ayeux
A peine fe piquoient de fimple bourgeoifie ,
Aurois- je l'heur de vivre fous vos yeux ?
Que me ferviroit donc que du Ciel la tendreffe
1
Ait répandu fur vous mille dons précieux
des
- DECEMBRE.
107 1749.
Dans les moeurs auftère ſageſſe ,
Dans l'amé fentimens nobles & vertueux ,
Dans l'efprit goût , vivacité , fineffe ;
Dans les expreffions facilité , jufteffe
Dans l'amitié coeur généreux ;
Dans la fociété commerce gracieux ;
Dans les façons extrême politeſſe ?
Je vous le dis ici d'un ton vrai , férieux :
Je ferois bien fâché que vous fuffiez Princeffe.
Quelle enfilade ! oh ! que d'objets produits
Par le jour de votre naiffance !
Votre naiffance encor ! N'en parlons plus , Iris :
Qu'il me foit toutes fois permis
De tirer cette conféquence ,
Qu'on ne peut vous paffer qu'avec tant de talens ,
Vous rougiffiez d'avouer vingt-fix ans.
Vairja.
MADRIGA L.
A vant qu'Amour fous votre empire ;
Jeune & belle Silvie , eût affervi mon coeur
• Jamais bergere en fa faveur
N'avoit fait raisonner ma lire.
C'eft qu'aucune , pour le bien dire ,
D
. E vj
108 MERCURE DE FRANCE:
N'étoit digne de cet honneur .
Je vous vois : ma muſe ravie
Eprouve dans l'inſtant un tranſport vif& donx
Prend fon pinceau : mais las ! ce qu'elle peint ,
Silvie ,
Par un autre revers , n'eft pas digne de vous.
AUTRE.
Depuis un an , quel poifon homicide
En noirs brouillards change vos plus beaux jours ?
Vos yeux font morts : une couleur livide
Brunit ce teint broyé par les amours :
Vernage envain vous offre fon fecours ,
Tant que je crains , fi bien fçais m'y connoître
Que n'appreniez , Iris , à vos dépens ,
Qu'être immortelle , ou mériter de l'être ,
Seront chez vous deux cas bien differens.
ESSA I
Sur la vie champêtre.
HEureux ! qui des fots ftériles
Fuyant les fades plaiſirs ,
Loin du tumulte des Villes
A l'abri des vains défirs ,
DECEMBRE. 1749. 109
Voit couler fes jours tranquilles
Parmi l'effain des Zéphirs ,
Et qui dans fa folitude
Où regne la liberté
Inftruit de la certitude
D'une heureuse éternité ,
Fait de l'amour de l'étude
Sa plus chére volupté !
Occupé du bonheur d'être ,
Il ne penſe qu'à jouir ;
Dans cet azile champêtre
Qu'il voit toujours s'embellir ,
De la fleur qui vient de naître
Il amuſe fon loifir .
Qu'il fe plaît fur la fougere
De ce bocage charmant ,
Où de la vertu fevére
Etouffant le fentiment ,
La plus farouche bergére
Voudroit plaire à fon amant !
Tout l'enchante , tout l'enflamme :
La nature à chaque pas ,
Jufques au fond de fon ame
Pénétre par les appas.
Avec quelle ardeur nouvelle ,
10 MERCURE DE FRANCE.
Près d'un canal argenté ,
Par les fons de Philoméle ,
Il est toujours arrêté ! ....
Ces berceaux , cette prairie
Ou voltigent les Zéphirs ,
Sont la retraite chérie
De Minerve & des plaifirs.
Ici fiégent l'innocence ;
La candeur , la probité ;
Là ruiffelle l'abondance
De ce fiécle fi vanté...
Et dans ce lieu de délices ,
Où l'on ne rencontre pas
Le menfonge , les caprices ,
La licence à grand fracas ,
Et le venin de l'envie ,
On jouit juſqu'au trépas
Des douceurs de cette vie ,
Sans avoir fes embarras,
DECEMBRE. 1749. 111
*********
LETTRE
Ecrite à M. Remond de Sainte Albine , par.
l'Auteur des vers précédens.
la

"
Onfieur , je viens reparoître fur
Miafcéne ,& vous demander la contiuuation
de vos bontés , pour les productions
d'une Mufe , à laquelle vous
avez plus d'une fois donné place dans le
Mercure. Les diftinctions que vous avez
faites de mes Piéces anonymes , m'ont
beaucoup flatté. Votre approbation m'a
affûré de celle du Public , & ma Mufe qui
n'écrivoit autrefois que pár amufement ,
ne travaille à préfent que par vanité. Inconnue
, elle n'a pas manqué de fuffrages ;
connue , peut -être fera -t'elle fifflée ?
Depuis peu j'ai formé un établiſſement
pour l'éducation de la jeuneffe. Mon but
eft de réunir l'homme & le Chrétien ; le
Sage & le Sçavant. L'Hiftoire , la Géographie
, le Pilotage , la Géométrie , les
Fortifications
; tout ce qui a rapport , tant
aux Belles- Lettres qu'aux Mathématiques ,
voilà pour former l'efprit de mes éleves .
Mufique , danfe , manége , déclamation
voilà pour leur corps ; voilà l'acceffoire.
>
112 MERCURE DE FRANCE .
Pour rectifier le coeur , c'eft à la Religion
à le faire , & c'eft-là la bafe de mon établiffement.
Auffi utile qu'il eft à la fociété
, j'ai jugé à propos , de l'annoncer par
fout , & rien ne m'a paru plus propre à
remplir mes intentions que le Mercure ,
puifqu'il n'y a pas en France une Ville ,
quelque petite qu'elle foit , où l'on ne
s'empreffe d'avoir ce Recueil . Je fuis d'au
tant plus perfuadé que vous m'accorderez
la grace que je vous demande , que je fçais
que vous n'avez rien tant à coeur que le
bien du public.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Allegre , Préfet de Penfion à Marseille ,
rue de Grignan , près de Saint Ferreol.
ENIG ME.
Du fond du pays
Gafcon ,
Selon certains Auteurs , je tire ma naiſſance.
D'autres , non fans moins de raiſon ,
Me font du pays de Coutance ,
Ou de la Ville d'Alençon. "
Quoiqu'il en foit , dans mon génie ,
De Gascogne ou de Normandie,
Je renferme l'efprit fateur ,
DECEMBRE. 1749. 113
Perfide , impudent & menteur.
Malgré cet affreux caractére ,
J'ai pourtant prefque feul aujourd'hui l'art de
plaire ,
Et par mon efprit ſéducteur ,
A la Cour , au Palais , à la Chaire , à la grille ;
Je me fais louer & je brille.
Tout , jufqu'au plus vil Artifan ,
Se déclare mon partiſan ;
Chacun de moi veut une dofe . "
Que fuis- je donc? Fort peu de chofe ;
Et rien du tout le plus fouvent.
LOGOGRYPH E.
Commode enfant de la molleffe ,
Ainfi que de la propreté ,
C'eft tantôt par délicateffe ,
Tantôt par pure politeffe ,
Et tantôt par utilité ,
Lecteur , qu'on me met en uſage.
Mon tout eft formé de huit pieds ;
Mets à l'écart les trois derniers ,
Je défigure ton ouvrage.
L'on trouve en moi par l'art de la combinaiſon
De quoi couvrir une maison ;
Le recours d'un mortel dépourvu de courage ;
114 MERCURE DE FRANCE .
Deux élémens ; trois notes ; un poiffon ;
La femme de Jacob ; une douce boiffon ;
Près de Paris certain Village ,
Qui pour me deviner t'eft d'un grand avantage.
Ce qui d'un corps nombreux fufpend le mouvement
;
Pour le fommeil un meuble utile ;
Un proche parent ; une Ville ;
Deux arbres ; un doux inftrument ;
Ce qui du Tout- Puiffant fignale la vengeance ;
Un endroit où l'on vient implorer fa clémence ;
La féconde moitié d'un féroce animal ;
Le ſymbole de l'amertume ;
Le plus haut d'un arbre ; un légume ;
Un homme mépriſable ; un mal
A l'oeil très préjudiciable ;
Ce qu'un homme prudent préfére à l'agréable ;
Ce que ( le vin tiré ) l'on voit dans les tonneaux;
Aux Poiffons & même aux oiſeaux
Certaine invention funefte.
Que dirai-je de plus ? ....je fupprime le refte.
DECEMBRE .
115
1749.
AUTRE.
A Mad. · .....
D
Jur fon nom de Baptême
la veille de fa fête.
Ans un mot dont huit pieds compofent la
ſubſtance ,
Lequel eft fûrement de votre connoiffance. "
6,4,5 1 & 2 à > vos yeux vont offrir
Ce qui de vous toujours s'offre à mon ſouvenir,
4, 5 , 3 , 6 , vous expofent un titre
Que de mon coeur fuprême arbitre
Seule vous auriez pû me réfoudre à porter.
Mais de quoi m'a fervi que vous puiffiez le faire?
Toujours foucieux de vous plaire ,
Hélas ! j'eus beau jadis mille fois vous chanter ,
Vous dépeindre & vous exalter
Les plaifirs féducteurs de l'amoureux myſtere
Tout faire pour vous exciter
A vivre fous les loix de l'enfant de Cythere ;
Vous dire qu'en attraits vous furpaffiez ſa mere
Je ne fus pas affez heureux ,
Pour toucher, ébranler votre cinq, quatre & deux,
Ni ma voix , ni mes vers , ni mon ardeur fincére ,
1 & 8 , n'y purent parvenir .
Ni mon s ›
O mortelle douleur ! . O cruel fouvenir !
Je n'eus pas même l'avantage
De tenir votre 4 , 5 , 6 , 7 , feulement ,
16 MRCURE DE FRANCE.
Alors plein de reffentiment
De vous voir infenfible au plus fincére hommage,
Ne pouvant prendre de répit ;
J'injuriai l'amour & pleurai de dépit ;
Mais je vis , hélas ! que les larmes
Aux amans malheureux prêtoient de foibles armes,
Mon
Brunet , de Dijon.
AUTR E.
On empire s'étend fur tout ce qui refpire ;
Sexe , Prélats , Héros , combattus , harcelés ,
Succombent tour à tour fous mes coups redoublés.
Si ces traits , cher Lecteur , ne te peuvent fuffire ,
Pourfuis , au jour je vais produire
Quelques mots qu'en mon fein l'on trouve raffemblés
;
Un poiffon : un oiſeau : de l'an une partie ;
Ce qu'au Chef des Hébreux dicta le Créateur :
Des gens âgés la pâture choiſie
Un outil de Serrurerie :
;
L'ouvrage d'un infecte : un grand Légiſlateur :
L'antidote de la fadeur :
Deux Rivieres en Picardie :
Un nombre : le dépôt de certaine liqueur :
Trois notes : une Nymphe : un Saint : le récep-
· t tacle
"
DECEMBRE , 1749. 117
De tous les objets d'un ſpectacle ;
Le ſymbole de la douceur :
Enfin un fils du Patriarche ,
Qui par l'ordre de Dieu fe retira dans l'Arche
JE
Par le même,
AUTR E.
E fuis un être imaginaire ,
Qu'on dit être l'effroi d'une jeune bergère ;
Dans un fens different je me plais à piquer ,
A réformer , à critiquer .
En veux-tu fçavoir davantage ?
Mes fix pieds vont t'offrir un déchec : certain
mal :
Ce qu'on cherche en hyver : un petit animal
Ce que le vrai Sçavant doit avoir en partage ;
Des lambris affûrés un brillant ornement ;
Coûtume de l'Eglife : Ifle : note : élement ;
Terme de jeu : poiffon , titre dont on décore
La majefté du Souverain :
Un péché capital : une espéce de grain :
Une conjonction en moi ſe trouve encore.
Par le même.
118 MERCURE DE FRANCE.
AUTR E.
Sous differente forme on peut me voir paroître
Je procure aux mortels ce qui n'eft pas en moi ;
Quelquefois mon afpect a caufé de l'effroi ; :
Mais faute de me bien connoître.
Sur le corps & l'efprit , à ce que l'on prétend ,
Cher Lecteur , mon pouvoir s'étend.
En tranfpofant les pieds qui compofent mon être
On doit voir fortir de mon fein
Ce qu'eft un faux calcul : un Saint :
Ce qu'un bon Livre eft digne d'être :
Un nombre : un mortel fortuné ,
A ſe voir bienheureux à jamais deſtiné :
Une Ville de Normandie :
Plus une prépofition ,
Et même une négation .
Par Mlle G******
DECEMBRE. 1749. 119
NOUVELLES
LITTERAIRES ,
DES BEAUX - ARTS , &c.
E MASQUE ou Anecdotes particu
lieres du Chevalier de ***. A Amfter
dam , chez Pierre Mortier , 1750 , in- 12.
pp . 205 .
On dit , Anecdotes d'un Regne , d'une Cour,
&c. Peut-on dire également Anecdotes d'un
homme ? Dans le doute , l'Auteur auroit
auffi bien fait d'intituler fimplement fon
ouvrage le Mafque , ou s'il vouloit ajoûter
Anecdotes , il devoit dire Anecdotes parti
culieres de la vie du Chevalier de *** . Aụ
refte , ce petit Roman nous a paru fort
agréable , & nous n'avons pû le quitter ,
fans en avoir achevé la lecture . La ſuppofition
, fur laquelle porte l'intrigue , a déją
été employée dans plufieurs ouvrages de
cette efpece , & dans quelques Comédies ;
mais l'Auteur a trouvé le moyen de tirer
d'une fiction ufée diverfes fituations neuves
& intéreffantes. Nous voudrions
qu'il n'eût point introduit fur la Scéne
un certain Commandeur , qui ne fert
de rien à l'action. Il n'en auroit pas plus
coûté à l'Auteur de donner à la Tante du
120 MERCURE DE FRANCE.
Chevalier affez de fortune pour lui acheter
un Régiment , que de la faire recourir
pour cet effet à la généroûté d'un ami.
D'ailleurs , nous ne diffimulerons point
que le début du Commandeur avec le Chevalier
nous a fait naître d'étranges foupçons.
Il faut avouer auffi qu'on doit être
bleffé du jugement téméraire que le dernier
porte d'une parente refpectable , &
que la démarche qu'il hazarde vis - à - vis
'elle , n'eft pas moins contraire à la raifon
qu'aux bonnes moeurs . Après qu'on aura lû
cet ouvrage peut- être fera- t'on encore
d'autres objections ? Peut-être ne trouvera-
t'on pas vrai-femblable , que l'Héroïne,
étant éprife d'une paffion fi violente , ait
tant d'adreffe à la cacher ? Peut -être aurat'on
de la peine à concevoir que dans les
entretiens fecrets qu'elle a avec le Chevalier
, entretiens dans lefquels elle n'a pas,
ainfi que dans un bal , la liberté d'altérer
à un certain point fa voix , elle puiffe , à
la faveur du mafque , la déguifer tellement
, que fon amant ne la reconnoiffe
point , lorfqu'elle lui parle à vifage découvert
? Nous ne ferons point furpris que
l'Auteur effuye ces critiques . Nous le ferions
beaucoup qu'on ne lui tînt pas un
grand compte de l'art , avec lequel il tient
jufqu'au dénouement les Lecteurs dans
l'incertitude;
DECEMBRE. 1749. 121
l'incertitude ; difons plus , dans une eſpepéce
d'impoffibilité de deviner fi la perfonne
dont les charmes ont tant de pou- !
voir fur le Chevalier , eft la même que
l'Inconnue dont la tendreffe exige de lui
tant de reconnoiffance.
LE RIVAL SUPPOSE . Comédie en un
Acte. A Paris , chez Prault , fils , à l'entrée
du Quai de Conty , à la Charité ,
1749 , in- 12 . pp . 35.
Plus on fréquente notre Théatre , plus
on fe confirme dans l'opinion qu'y rifquer
un ouvrage , c'eft mettre en quelque forte
à la Lotterie , & que le hazard y décide
auffi fouvent du fort des Piéces , que leurs
beautés ou leurs défauts . Le mauvais fuccès
de la Comédie de la Colonie , dont nous
avons parlé dans le dernier Mercure , eft
un exemple de ce que nous avançons . Celle
du Rival fuppofé, quoique reçûe plus favorablement
que la Colonie , n'a pas eu non
plus à beaucoup près les applaudiffemens
qu'elle méritoit. Voici la fable de cette
Piéce.
Le Portrait d'une jeune beauté , nommée
Dona Léonor , tombe entre les mains d'un
Roi d'Arragon. Ce Prince eft frappé des
attraits de l'objet que ce Portrait repréſente.
Il fait chercher ce charmant objet ,
mais inutilement. Un jour , emporté par
11, Vol. F
122 MERCURE DE FRANCE.
l'ardeur de la chafſſe , ſéparé de ſa ſuite , &
accompagné feulement de Don Frédéric ,
un de fes Courtifans , il fe trouve auprès
des murs du Parc d'un Château . Des cris
perçans attirent l'attention du Roi. Il apperçoit
des femmes qui fuyent un horrible
fanglier. Voler à leur fecours , & tuer
cette bête farouche , n'eft que l'affaire d'un
inftant. Au plaifir d'avoir fauvé les jours
d'une jeune perfonne , remplie d'appas ,
fuccéde celui de reconnoître en elle l'original
du Portrait. Don Félix de Mendoce ,
pere de Dona Léonor , eft un vieux Seigneur
, hériffé de probité , vivant dans fes
terres , haïffant la Cour , & qui , fur quelques
mécontentemens , s'en étant retiré
fous le regne précédent , n'y a pas reparu
depuis plufieurs années. Ainfi ni lui ,
fa fille , ne connoiffent leur nouveau Souverain.
Le Roi , jaloux de ne devoir qu'à
lui les fentimens de Léonor , profite de
cette citconftance pour cacher fon rang.
Il fait paffer Frédéric pour un fimple valet
de chambre , & jouant le rôle de ce
Courtiſan , il ſe détermine , après avoir vû
plufieurs fois Léonor , & s'être affûré qu'il
eft maître du coeur de cette Belle , à la demander
en mariage fous le nom de Frédéric.
Il l'obtient facilement, mais il n'eſt pas
fatisfait d'être aimé de ſa maîtreffe , fi elle
ni
DECEMBR E. 1749. 123
ne l'aime affez pour le préférer à une couronne,
Curieux de fçavoir s'il peut fe flatter
de ce bonheur , il fait à Léonor une
fauffe confidence.
» Apprenez , lui dit- il , que je fuis un
"perfide. Prêt à confommer la trahifon
que je vous faifois , elle s'eft peinte à
» mon ame dans toute fon horreur .
» Léonor. Vous me trahiffiez ! O Ciel !
» Le Roi. Hier , après avoir obtenu du
» Roi fon agrément pour notre mariage
, je me retirois, lorfqu'il me rappella.
» Mon cher Frédéric , me dit- il , je fçais
» trop combien tu m'es attaché , pour douter
» un inſtant de toute l'inquiétude que te caufe
» la mélancholie où tu me vois plongé depuis
» quelques jours. Croirois- tu que le Portrait
» d'une jeune perſonne que je ne connois point ,
» a fait naître en mon coeur la paſſion la plus
»prompte & la plus vive ? Tiens , vois , exa-
» mine toi-même fi la nature a jamais rien
formé de plus beau. Regarde cette bouche,ces
» yeux. Que d'agrémens , que de fineffe , &
' en même tems que de nobleffe de majesté
» dans tous ces traits ! Je te laiffe ce Portrait ,
• ajoûta-t'il ; informe - toi ; aide-moi à décou-
» vrir cet adorable objet. Une fi rare beauté
nefçauroit être inconnue . Jugez , Madame ,
» de la furpriſe & du trouble où me jettoir
» ce difcours. Voilà le Portrait qu'on me
"
-
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
faifoit adınirer & qu'on m'a confié,
» Léonor . C'eſt le mien que mon pere
» faire il y a un mois, lorfqu'il me retira dų
» Convent .Je le perdis quelques jours après.
fit
» Le Roi. Et le hazard , comme vous
» voyez , l'a fait tomber entre les mains
» du Roi . Au lieu de répondre à fa con-
» fiance , de me jetter à fes pieds , & de
» lui avouer que j'étois fon rival , je tâchai
de dérober à fes yeux mon faififfement .
D'un air froid & indifférent je combattis
» fa paffion. Un objet inconnu , lui dis- je ,
doit- il prendre tant d'empire fur votre
ame ? Cette jeune perfonne eft peut - être
engagée ? Peut-être eft - elle extrêmement
»flattée dans cette peinture ? Peut- être même
» n'existe-t'elle pas ? .... Enfin , Madame ,
» ma perfide jaloufie n'épargna rien de tout
» ce qui pouvoit étouffer la curiofité , ſon
» amour , & vous ravir une couronne.
לכ
...
mais lorsque j'ai parû devant vous ,.
» je n'ai pu déguifer plus long- tems les
» cruels mouvemens dont je fuis agité ..
> vous vous êtes apperçue de mon trouble;
> vous m'avez preffé de vous en découvrir
» la caufe . Voilà mon crime avoué. Il ne
» me refte plus qu'à délivrer vos yeux de
»ma préfence , & qu'à aller cacher loin de
vous mon défefpoir & ma confufion .
Ils font interrompus par Frédéric , qui ,
"
DECEMBRE. 1749. 125
ainsi qu'il en eft convenu avec le Roi, vient
Fui annoncer l'arrivée d'un courier , chargé
de dépêches importantes.Sur ce prétexte
le Roi quitte Léonor. Peu de tems
après il revient..
»Madame , dit- il , je fais perdu. Vous
» allez être vengée . Un de mes amis m'en-
» voye dire que dans une heure au plus
»tard le Roi fera ici .
» Léonor. Le Roi ?
» Le Roi, Oui , Madame. Ce Prince ;
toujours plein de bonté pour moi , &
qui ne fçait pas encore que j'ai trahi ſa
"confiance & fon amitié , veut honorer
mon mariage de fa préfence. Ala fuite
» d'une chaffe dans la forêt voifine , il fe
fait un plaifir de me furprendre par une
petite fête ; il viendra avec cinq ou fix
perfonnes , mafqué.
55
25
» Léonor. Quel enchaînement de hazards
» & de coups imprévus !
Le Roi. Ils vous conduifent au trône, &
moi au comble des difgraces. Je vous.
"perds , je perds l'eftime & la faveur de
mon Maître. En vous voyant , qu'il va
» me trouver coupable , ou plutôt , que je
»devrois lui paroître innocent !
Léonor , fans vouloir découvrir les vé
ritables fentimens au Roi , va trouver fon
pere , & le Roi fe retire , aller
, pour pren-

Fiij.
126 MERCURE DE FRANCE.
dre le déguisement fous lequel il fe propofe
d'achever de lire dans le coeur de fa
maîtreffe . Pendant que Don Félix le cherche
pour l'informer de la converfation qu'il
a eue avec Léonor , des mafques paroiffent.
Don Félix , averti que l'un d'eux eft le
Roi , ordonne qu'on faffe venir fa fille .
" Le Roi....Se pourroit- il , Madame ,
qu'avec tant de charmes vous n'euffiez
jamais pensé que je n'avois pas encore
» partagé mon trône ? .... Ne puis-je me
»flatter que vous ayez quelquefois fouhai,
té que je vous viffe ?


» Léonor. Moi , Sire ?
» Le Roi. Eh , Madame , les premiers
» défirs de la beauté ne devroient- ils
pas
» être pour l'objet qui peut la couronner ?
» Ce feroit un commencement d'intérêt
» que vous auriez pris en moi.
Tous les difcours paffionnés du Roi ne
peuvent ébranler la fidélité de Léonor.
Elle déclare que rien ne la fera changer ;
qu'elle a inftruir fon pere de fa réfolution
& que fi elle ne l'avoit pas trouvé difpofé
à tenir à Don Frédéric la parole qu'il lui
ayoit donnée, elle étoit déterminée à chercher
une retraite dans un Convent. Le Roi
ne pouvant plus douter qu'il ne foit aimé
pour lui-même , fe démafque , & récompenfe
la conftance de Léonor , en lui donnant
la main.
DECEMBRE. 1749. 127
1

éten-
Si nous n'avions craint de nous trop
dre , nous aurions montré qu'il n'y a pas
moins de noble comique dans cette Piéce,
que de fineffe de dialogue , & de délicateffe
de fentimens . Nous avons dit * que
le caractére de Don Félix , & celui de Florine
, Suivante de Léonor , étoient neufs
au Théatre. On pourra s'en convaincre, en
lifant l'ouvrage.
LA RUSE INUTILE , Comédie en un
Acte & en vers , par M. Rouffeau . A Paris,
chez Sébaſtien Jorry , Imprimeur- Libraire ,
Quai des Auguftius , près le Pont Saint Michel
, aux Cigognes , 1749. in- octavo PP .
39.
·
Quelques mauvais Plaifans , badinant
fur le titre de cette Comédie, l'ont appellée
la Piéce inutile. C'est en porter un
jugement peu équitable. Il eſt vrai qu'elle
eft vuide d'action , & que l'Auteur n'a
pas profité de tout le Comique que le
fujet lui fourniffoit . Il eft vrai auffi , qu'en
certains endroits le dialogue pourroit
être plus jufte & plus ferre. Du refte , la
Piéce en général eft légerement écrite ,
& verfifiée facilement ; on y trouvera plufieurs
vers heureux , & cet ouvrage ,
bien loin de faire deshonneur aux talens
Premier vol. de Décembre , Art, des Spectacles.
Fij
128 MERCURE DE FRANCE ,
de M. Rouffeau donne de lui des efpérances.
Elles nous paroiffent d'autant mieux fondées
, que nous fçavons qu'il défire fortement
de mériter les fuffrages du Public , &
qu'il travaille avec autant d'affiduité que
d'ardeur ,, pour le mettre en état de les
obtenir.
LE DOCTEUR D'AMOUR , Comédie en
un Acte & en vers , repréfentée pour la
premiére fois le 6. Mars 1748. revûe ,
corrigée & remife en 1749. par M. Farin
de Hautemer. A Paris , 1749. in - octavo ,
PP. 45 .
Un Prologue qui eft à la tête de la Piéce,
nous apprend que l'Auteur eft Comédien
d'une troupe de Province , & que c'eft fur
leThéâtre de Bruges qu'il a hazardé la premiere
repréſentation de cet effai de fa
mufe. Avec cette Comédie , M. de Hautemer
a fait imprimer un Divertiffement qui
eft un ouvrage détaché , & qui eft intitulé
Triomphe de la Paix.
DISCOURS prononcés dans l'Académie
Françoife, le Jeudi 25. Septembre 1749. à
la réception de M. l'Evêque de Rennes , A
Paris, de l'Imprimerie de Bernard Brunet ,
Imprimeur de l'Académie Françoife , rue
Saint Jacques , 1749. in- quarto , pp . 20.
Il femble qu'on attende deux efpéces
differentes d'éloquence , de l'homme confDECEMBRE
. 1749. 129
titué en dignité , & de l'homme de Lettres,
qui font reçus à l'Académie Françoife . Le
difcours de M. l'Evêque de Rennes réunit
les avantages qui diftinguent ordinairement
les harangues de remercîment de cas
deux claffes d'Académiciens. Deux morceaux
que nous allons copier de ce difcours,
prouveront la juftice de cet éloge.
Quoi de plus délicat que la maniere
dont M. l'Evêque de Rennes loue l'Académie
, & lui retrace les honneurs dont elle:
jouit dans les Pays étrangers !
{
» Votre premier objet , dit- il aux Aca-
» démiciens , étoit de polir , de perfection-
" nerda Langue ; mais une plus noble car-
» riere étoit dûe à des hommes tels que
» vous . Arbitres du Langage , la penſée &
» le fentiment, qui font comme l'ame de
» la parole , font devenus néceffairement
» de votre reffort , & ont également re-
» connu vos Loix. Ainfi , en même tems
» que dans vos écrits vous mettez en pra-
» tique vos propres décifions fur la Langue ,
» vous donnez des régles à l'efprit ; vous
» élevez , vous ennobliffez les fentimens ,
" & c'est le fruit le plus précieux de ces
chefs - d'oeuvre en tout genre de Littéra-
» ture , qui ont porté votre gloire au plus
» haut degré . L'Académie s'applaudit avec
raifon de voir la Langue françoiſe de-
Ev
130 MERCURE DE FRANCE.
venue la Langue dominante dans prefque
» toutes les Cours de l'Europe : c'eft un
triomphe qui n'eft dû qu'à elle . Aujourd'hui
, Meffieurs , je vous apporte un
> hommage different , & peut - être plus
» flateur. En Eſpagne , on ne parle preſque
» point notre Langue , mais on y lit avec
» avidité les Livres françois ; c'eft qu'on
» aime mieux apprendre de vous à penfer
qu'à parler. La Langue françoife y eft
traitée comme les Langues fçavantes
qu'on étudie , qu'on approfondit , non
» pour en faire un uſage ordinaire , mais
» pour y trouver de parfaits modéles. Avec
» quelle complaifance ( étoit- ce un pref-
» fentiment de l'honneur que j'aurois de
" vous appartenir? ) Avec quelle complai-
"
fance ai - je vû vos ouvrages entre les
≫ mains des Amateurs des fciences , qui y
» cherchent , comme dans leurs fources ,
» les leçons du beau , du vrai , du ſimple ,
» du naïf, du pathétique , du fublime !
» Ainfi, Meffieurs , dans cette Nation qui ,
» 'en étendue d'efprit & en nobleffe de fen-
» timens , ne cede à nulle autre , qui même
» a produit des genies du premier ordre ,
» vous avez des éleves dont vous formez
»le goût, & qui font gloire de vous avoir
"pour maîtres , & les noms de plufieurs
» d'entre vous font auffi connus & auffi
DECEMBRE .. 1749. 131
1
» célébrés dans Madrid que dans Paris
>> même .
Quoi de plus oratoire que ce Portrait de
Louis le Grand ?
و د
و د
"
» Louis XIV. Quel nom ! quelle foute
» de nobles & fublimes idées préfente- t- il
» à l'efprit ! Un Roi , dont le regne fera
regardé dans la poftérité comme le regne
» des Arts , des Sciences , des Talens , des
grands Guerriers , des grands Miniftres ,
» des grands événemens ! Un Roi , le plus
>> Roi qui fût jamais; dont l'ame toute entiere
, l'efprit , le coeur , les projets , les
entrepriſes , portoient le caractére &
l'empreinte de la Majefté ; qui fçut-protéger
& pratiquer la Religion , gou-
» verner l'Etat & fa Famille , faire la
» guerre & donner la paix , foutenir les
profpérités & les difgraces , agir & par-
» ler , vivre & enfin mourir en Roi ! Les
» fiecles couleront , & le tems qui confume
tout , ne diminuera rien, de fa gloire.
» Sa place eft marquée dans les faftes des
Nations , dans le fouvenir & l'admira-
» tion des hommes , & c.
و و
33
"
M. de Fontenelle répondit à M. l'Evêque
de Rennes , & fa réponſe eft conforme au
caractére de cet illuftre Doyen de l'Académie.
On fçait qu'il a toujours préféré les
idées aux images , les graces élégantes aux
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
majeftueufes , & la fineffe de l'expreffion
à la véhémence des grands mouvemens .
LATINI SERMONIS EXEMPLARIA è Scriptoribus
probatiffimis , &c . Editio altera . Ter
tia folutæ orationis excerptio . Lutetiæ Parifiorum
apud Fratres Guerin, viâ Jacobxâ,
fub figno S. Thoma Aquinatis . C'est- à- dire,.
MODELES DE LATINITE ' , tirés des meil
leurs Auteurs de l'antiquité. Seconde Edidition.
Troifieme Partie de Profe. A Paris,
chez les freres Guerin , rue Saint Jacques ,
à Saint Thomas d'Aquin.
Cette continuation du Recueil de M.
Chompré ne le cede point aux premieres
parties , par le choix des morceaux qu'el
le contient. Ils font tirés de Vegece , de
Tite Live , de Frontin , de Macrobe , de
Quintilien & de Ciceron . Nous nommons
ici ces Auteurs , felon l'ordre où ils font
placés dans ce Livre ..
M. Chompré fuit fidélement la méthode
qu'il s'eft propofée , de conduire infenâblement
par degrés les jeunes gens à ce
qu'il y a de plus difficile dans la Langue
Latine . II tâche de leur épargner l'ennui
& il cherche à mettre le plaifir à la place
des pleurs .
Sa collection fera compofée de quatreparties
de Profe , & de deux de Poësie.
Chaque partie eft fuivie d'une Traduction
DECEMBRE . 1749. 133
Françoife , qui fe vend féparément. Le Vc
cabulaire , annoncé dans le Profpectus , paroîtra
l'année prochaine . Le prix de chaque
partie du Texte Latin eft de vingt- fixfols.
La Traduction en coûte trente.
L'ECOLE DU JARDIN POTAGER , qui
comprend la defcription exacte de toutes
les Plantes Potageres, les qualités de terres,
les fituations & les climats qui leur font
propres , la culture qu'elles demandent ,
leurs propriétés pour la vie , leurs vertus
pour la fanté , les differens moyens de les
multiplier , le tems de recueillir leurs graines
, leur durée , &c. La maniere de dreffer
& conduire les couches , d'élever des
champignons en toute faifon, & c. Par l'Auteur
du Traité de la culture des Pêchers.
Tome premier , in- 12 . pp . 536. A Paris.
Lue Saint Jacques , chez Antoine Boudet, &
P. A..le Prieur, Imprimeur du Roi , 1749 .
Nos Lecteurs n'exigeront point de nous
un Extrait détaillé de ce Livre, & d'ailleurs
fon titre en offre une analyfe fuffifante.
Il nous fuffit d'avertir que c'eft le fruit des
réflexions & des expériences d'un homme
d'efprit , quijoint à beaucoup de lumieres
& de fagacité une longue pratique de l'Art
dont il donne des leçons. Le fuccès de fon
Traité fur la culture des Pêchers femble
répondre de l'accueil qu'on fera à ce nou134
MERCURE DE FRANCE.
vel ouvrage. Dans le premier Chapitre ,
l'Auteur démontre l'utilité & l'agrément
d'un Jardin Potager ; il y développe en
-même tems le plan qu'il s'eft prefcrit dans
fon Livre , & les motifs qui l'ont déterminé
à le compofer.
GEOMETRIE Elémentaire d'Euclide ,
avec des Supplémens de Géométrie , &
l'ufage de chaque propofition pour toutes
les parties des Mathématiques ; accompagnée
d'une méthode générale de conftruire
les tables des Sinus, des Tangentes & des
Secantes. Par M. Gallimard . Nouvelle Edition
, revûe , corrigée & augmentée. A
Paris, chez Quillan , rue Galande ; Chaubert
, Quai des Auguftins ; Quillan , fils ,
rue Saint Jacques, & Jofeph Barbou, même
ruc .
Par une lettre qu'on nous écrit au fujet
de ces élémens , on nous affûre que nous
ne pouvons obliger plus effentiellement le
Public , qu'en confeillant aux perfonnes ,
qui veulent apprendre promptement la
Géométrie , de les étudier. Selon cette
lettre , ils font beaucoup plus complets &
plus abondans que tous les autres qui ont
paru jufqu'ici . On ajoute que dans cet onvrage
toutes les propofitions font tellement
enchaînées , & le fuivent fi naturellement
, qu'on peut arriver à la derniere
DECEMBRE. 1749. 139
en trois moisau plus d'application. N'ayant
pas eu le tems d'examiner ce Livre,nous ne
pouvons garantir entiérement la vérité de
ces affertions. Autant que nous avons pû
juger en le parcourant , il nous a paru
qu'effectivement l'Auteur abrégeoit beaucoup
la longueur des routes , par lefquelles
les Maîtres de Géométrie conduifent
ordinairement leurs Ecoliers . Il joint à fes
propofitions un grand nombre d'ufages &
de Problêmes, rélatifs aux differentes parties
des Mathématiques , & auffi amuſans
qu'utiles. A la fuite d'une méthode pour
trouver tous les degrés du cercle , il en
donne une d'approximation pour la quadrature
de cette Section Conique. Si on
l'en croit , il faudroit divifer le Cercle en
cinq cens douze degrés , & par là on arriveroit
plus facilement à l'approximation
en queftion . Une grande difficulté fe préfenteroit
dans l'exécution de ce projet.
.Ce feroit la néceffité de donner une nouvelle
forme aux Inftrumens de Mathématiques.
TRAITE' fur les Maladies Vénériennes ,
dans lequel on explique l'origine & la
communication de cette maladie en général
, & de toutes fes efpéces en particulier,
avec les temedes fpécifiques pour leur gué
rifon. Par M. Jourdan de Pellerin , Médecin
136 MERCURE DE FRANCE.
B
Chymifte. A Paris , chez Michel fombert's
Porte Saint Michel , à l'entrée de la rue
Hyacinte , & chez Prault , pere , Quai de
·Gêvres , 1749. 2 Volumes in- 12. Tom. I.
pp. 268 , fans comprendre un Difcours préliminaire
qui en contient 100. Tome 2 .
-PP. 366.
pas
M. Jourdan , en qualité de Chymifte ,
doit donner la préférence aux remedes
chymiques fur les Galéniques . Auffi fe déclare-
t-il hautement en faveur des premiers.
Il ne nous appartient pas de décider
une queftion , dont les plus habiles Médecins
auroient peut- être de la peine à donner
une folution fatisfaifante . Il n'eſt
non plus de notre reffort de prononcer
fur l'efficacité & les inconvéniens des Méthodes
, que M. Jourdan propofe pour la
guérifon des maladies dont il parle. Nous
nous contenterons de remarquer qu'il a
beaucoup puifé dans le écrits de Fabre , de
le Fevre & de Grimaldi, Peut- être auroit- il
dû les citer plus fouvent , & citer moins
les Peres de l'Eglife.
Il a joint à fon Traité fur les Maladies.
Vénériennes , deux autres Traités , Fun
fur les Ecrouelles & fur tous les Ulceres ;
l'autre , fur les quinteffences tirées des
trois regnes , & plufieurs Differtations
très- utiles & très curieufes fur les matie
DECEMBRE . 1749.
137

res qui compofent les remedes chymiques,
& fur leurs préparations.
• LE PHARMACIEN MODERNE Oll nou
velle maniere de préparer les Drogues , traduite
de l'Anglois par M. Eidous . EXPERIENCES
DE MEDECINE fur des Animaux ,
pour découvrir une méthode fûre & aifée
de diffoudre la Pierre par injections , avec
une fuite d'expériences fur les effets du
Laurier Cerife, & fur ceux des vapeurs du
Souffre ; lûes aux Affemblées de la Société
Royale de Londres , par M. Browne Langrish,
du Collège des Médecins de la même
Ville . DISSERTATION fur la quantité de
la Tranfpiration , & des autres Excrétions
du corps humain. Par M. Bryan Robinſon .
Ces deux derniers ouvrages , traduits de
l'Anglois par M. L** . Docteur en Médecine
, ont été imprimés du même format
que le Pharmacien moderne , & les trois
Traductions ne compofent qu'un Volume,
qui fe vend chez Jean- Noel le Loup , Quai
des Auguftins , à Saint Jean Chryfoftôme
& Jean- Baptifte Langlois, rue St. Jacques ,
près la Fontaine de St. Severin , à la Cou
ronne d'Or.
Panégyrique de M. Cochin , Avocat aus
Parlement de Paris, dédié à la Poſtérité. A
Paris, chez la veuve Piffot, Librai : e , Quai de
Conty , au coin de la rue de Nevers ,
138 MERCURE DE FRANCE.
la Croix d'Or, 1749. in- 8 ° . pp . 78 .
.
Tous les Amateurs de l'Eloquence verront
avec plaifir les fleurs qu'on jette ici
fur le tombeau d'un de nos plus grands
Orateurs. Nous parlerons plus au long de
cet ouvrage dans un autre Mercure.
TABLE Alphabétique & Chronologique
des Piéces repréſentées fur l'ancien Théâ
tre Italien , depuis fon établiffement, jufqu'en
1697 qu'il a été fermé. Avec des
Remarques fur ces Piéces , & une Table
Alphabétique des Auteurs qui ont travaillé
pour ce Théâtre. A Paris, de l'Imprimerie
de Prault, Quai de Gêvres. 1750. Inoctavo,
pg. 116 .
Nous renvoyons auffi à un des prochains
Mercures ce que nous avons à obferver fur
cette brochure.
EPITRE au Révérend Pere de la Tour ;
Principal du College de LOUIS LE GRAND .
Par M. le Clerc de Montmercy , Avocat
au Parlement. A Paris, Quai des Auguftins,
chez Jean- Noel le Loup , à la defcente du
Pont Saint Michel , à Saint Jean Chryfoftôme.
1749. in- 4° . pp. 16.
Il ne regne pas un égal feu ni une égale
élégance dans toutes les parties de cette
Epître , mais elle contient plufieurs morceaux
, dont la lecture fera plaifir . De ce
nombre eft celui-ci,
DECEMBRE. 1749. 139
Mais quel plus fublime génie
Réunit à la fois tant de talens divers ?
Maître dans la Profe & les vers ,
La Rue anime tout par fa divine harmonie.
Soit qu'il chante Louis vainqueur dans les combats,
Soit que de Luxembourg il pleure le trépas ,
L'ame la moins fenfible à la voix ſe réveille.
Corneille ne dédaigne pas
D'aller confulter fon oreille ,
Et Corneille traduit l'ami qui le confeille .
Telle eft auffi cette apoftrophe au Pere
d'Orléans.
D'Orléans , qui de l'Angleterre
Nous peins fi fortement les révolutions ;
Dans tes vives narrations ,
Je ne vois que du fang inonder cette terre.
Dans cette Ifle on n'entend que le bruit du tonnerred
Neptune par les vents n'eft pas plus agité.
Ce Trône eft un vaiffeau , le jouet de l'orage ;
Et l'Anglois inquiet combat pour l'esclavage ,
Coutent de prononcer le nom de Liberté.
LE TRIOMPHE DE LA FOI CATHOLIQUE ,
fur les erreurs des Proteftans , contenues
dans les oeuvres Polémiques de feu M. Benedict
Pictet , Miniftre & Profeffeur en
Théologie à Genêve , in- 12. 4. Vol. A
Lyon, chez Regnault , Libraire , rue Merciere.
A Paris, chez Jean-Thomas Heriffant,
Libraire , rue Saint Jacques , à St. Paul &
140 MERCURE DE FRANCE.
à St. Hilaire . A Avignon , chez François
Girard , Libraire-Imprimeur.
On nous a envoyé de Lyon l'avertiffement
fuivant touchant ce Livre.
fur
Cet Ouvrage eft un abrégé des Controverfes
les plus célébres qui ont paru
les matieres conteftées entre lesCatholiques
& les Proteftans. L'Auteur y a réuni avec
autant d'érudition & de folidité que de
netteté & de précision , tout ce qui a été
dit de part & d'autre de plus effentiel &
de plus intéreffant. On trouvera donc ici ,
fous un fl point de vue , un précis des
erreurs des Proteftans , & des Dogmes C2-
tholiques. L'Auteur ( M. Vernet ) y prou
ve les vérités que l'Eglife enfeigne , &
que les Calviniftes combattent. Il répond
aux Objections qu'oppofent ceux - ci , &
il n'obmet rien de ce qui peut découvrir
leurs illufions. Il doit les connoître , puif
qu'elles l'avoient féduit lui- même. Eclai
ré par les lumieres de la Grace , défabufé
par des perfonnes habiles , & détrompé
par une étude férieufe & conftante des
matieres qui concernent la Religion , il a
renoncé par une abjuration folemnelle à
la prétendue Réforme . C'eft pour engager
fes anciens freres à imiter fon exemple ,
qu'il a compofé cet Ouvrage , où il a recueilli
tout ce qu'il y a de plus propre à
DECEMBRE. 1749. 141
les remettre dans la bonne voye . M. Vernee
leur donne les moyens d'y entrer ; c'eft
un guide , qui montre le chemin où il s'eft
égaré : il en fait connoître les dangers , il
ne peut les ignorer , puifqu'il a fuivi long
tems ce chemin , avec autant de fécurité
& d'obftination , que peuvent faire ceux
que l'erreur a le plus aveuglés. Il découvre
l'unique voye de leur falur ; il prouve par
des raifons , fans réplique , qu'il eft d'une
néceffité indifpenfable de la fuivre. Tout
ce qu'il dit pour en convaincre les Proteftans
, eft très - capable de les ramener
dans cette voye. Il eft pour eux de la derniere
conféquence d'examiner au moins
s'ils doivent la fuivre , & on efpere que
Fexemple & l'ouvrage de l'Auteur pourront
faire fur eux quelqu'impreffion.
OUVRAGES d'Antoine- Marie Graziani,
del Borgo di San Sepolcro, Evêque d'Amelia,
compofés invità Minervâ , & adreffés à
Aloys , fon frere , publiés pour la premiere
fois en XX Livres , avec les Remarques ,
du P. Jerôme Lagarzini , de la Compagnie
de Jefus, A Florence , 1745. Premier
Volume dédié à M. Louis - Antoine.
Muratori , in - 4° . de 367 pages , fans y
comprendre l'Epître Dédicatoire , la Pré- ,
face & la vie de l'Auteur , de 58 pages,
Les ouvrages font en Latin,
142 MERCURE DE FRANCE.
LES FASTES ATTIQUES , dans lefquels
la fuite des Archontes Athéniens , le tems
où ont vêcu les Philofophes & les autres
Hommes illuftres , & les principaux points
de l'Hiftoire d'Athénes , fe trouvent rangés
par les années Olympiques. Le tout
eft accompagné de nouveaux éclairciffemens.
Par Edouard Corfini , Clerc Régu .
lier & Profeffeur des Ecoles Pies. Tome
fecond , contenant fix Differtations. A
Florence , 1747, de l'Imprimerie de Jean-
Paul Giovanelli , in 4°. de 472 pages.
L'ouvrage eft auffi en Latin.
4
EDITION Grecque & Latine des Euvres
qui nous reftent de Démofthene , de
Dinarque & de Demade , par Jean Taylor,
Maître ès Arts , Affocié du College de St.
Jean de Cantbrige, & Chancelier de Lincoln
. Tome III . A Cantbrige , chez Jofeph
Bentham, Imprimeur de l'Univerfité , 1748 ,
in-4°. de 662 pages.
EXPOSITION impartiale de la conduite
de diverfes Puiffances de l'Europe , engagées
dans la derniere guerre générale ,
avec un récit particulier de toutes les opérations
militaires & navales , batailles ,
fiéges & rencontres , depuis le commencement
des hoftilités entre les Couronnes
d'Angleterre & d'Efpagne , jufqu'à la conclufion
du Traité de Paix , fait à Aix- lan
DECEMBRE. 1749
143
·
.
Chapelle en 1748. Ouvrage propofé par
foufcription , qui fera en quatre volumes
in- 8°. On en délivre un cahier de trois
feuilles pour
fix fols , monnoye de France ,
tous les Samedis , chez W. Owen , à Londres,
& l'on continuera jufqu'à ce que l'Edition
foit achevée .
MEMOIRES de la Maifon de Brunfwick,
depuis la premiere origine connue de cette
illuftre Maiſon , jufqu'à la fin du régne de
Georges I. Cet ouvrage, auffi propofé par
foufcription , formera un volume in-4° .
Le prix de la foufcription eft d'une demi-
Guinée , payable en foufcrivant. A Londres
, chez Comyns , près la Bourfe Birt ,
dans Ave Mary-Lane, & autres Libraires .
NOUVELLE EDITION des ouvrages de
Ben. Johnson, avec des remarques. On mettra
au commencement de ce Livre , auffi
proposé par fouſcription , un Difcours fur
la Vie & les Ecrits de l'Auteur. L'Edition
entiere formera fept volumes in- 8 ° . dont
le prix eft d'une Guinée & demie , payables
une Guinée en foufcrivant , & le reste en
retirant l'ouvrage. On trouvera des foufcriptions
avec les modéles de cette nouvelle
Edition , à Londres , chez W. Innys ,
& Th. Longman dans Pater - Nofter- Row ,
& chez d'autres Libraires de cette Ville.
LES ANTIQUITE'S Typographiques d'An144
MERCURE DE FRANCE
1
y a
gleterre, ou un Effai d'Hiftoire des anciens
Imprimeurs de ce Royaume , avec un Catalogue
des Livres qu'ils ont imprimés, depuis
Guillaume Caceton , qui le premier
mis cet Art en pratique en 1471 , jul
qu'en 1600. On verra dans cet ouvrage ,
auffi propofé par foufcription , la naiffance,
les accroiffemens & la perfection de cet
Art , avec quelques traits d'Hiftoire de
ceux qui s'y font le plus diftingués. On y
joindra un Appendix touchant le même
Art , pareillement cultivé en Ecoffe , &c.
Par Jofeph Amés , de la Société Royale ,
& Secretaire de la Société des Antiquaires
à Londres. L'ouvrage entier comprendra
environ 150 feuilles d'impreffion in -4°
dont le prix eft une Guinée , payable.
moitié en foufcrivant , & moitié en recevant
les exemplaires . A Londres , chez
H. Woodfall, Imprimeur dans Litte Britain,
Tous ces ouvrages feront en Anglois.
LA VOIX du Citoyen , ou Obfervations
fur le Gouvernement de Pologne , 1749 .
in- 12 . A Paris , chez J. Thomas Heriffant,
Libraire , rue St. Jacques.
METHODE nouvelle de guérir les maladies
du corps & les déréglemens de l'ef
prit , qui en dépendent , traduite de l'Anglois
de M. Cheyne , par M. de la Chapelie.
Tome fecond , in- 12 . de 448 pages .
COURS
·
DECEMBRE. 1749. 145
COURS de Mathématique. Premiere parsie.
Elémens d'Arithmétique . Par M. Camus,
de l'Académie Royale des Sciences ,
Examinateur des Ingénieurs, Profeffeur &
Sécretaire Perpétuel de l'Académie Royale
d'Architecture. A Paris, chez Ballard , fils ,
rue St. Jean de Beauvais , in - 8°. de 472
pages.
DES CAUSES de la difette de Monumens
pour diftinguer la multitude des Martyrs ,
&c. par le P. Cafte Innocent Caftaldi , de
F'Ordre des Freres Prêcheurs . A Milan.
DE LA COUTUME qu'avoient les Romains
d'adopter les Dieux des autres Nations
, &c. A Brefce.
DES MARTYRS qui ont été reconnus
tels , fans avoir verfé leur fang , &c. A
Milan.
DE LA TROMPETTE dont ufoient les
Juifs dans les Tribunaux de la Juſtice , &c .
A Brefce.
DEFENSE de la vérité du maffacre des
Enfans, ordonné par Hérode , avec une
Differtation fur le v. 13 du premier Chapitre
de St. Jean , & c . A Brefce.
DES LEÇONS authentiques de l'Ecriture ,
qui fe trouvent dans les Saints Peres , &c .
de l'Imprimerie du Séminaire de Verone.
DE LA CONNOISSANCE que les Hébreux
eurent d'une autre vie , avant que
II, Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE.
d'être emmenés en captivité , &c. A Mi-
Lan.
LA RELIGION du Patriarche Jofeph , défendue
contre les accufations de Bafnage,
&c. A Naples, à Venise & à Brefce.
DE LA TRADITION des principes de la
Loi naturelle , & c. A Milan.
LETTRE à M. le Cardinal Querini ,
fur fon Dyptique , &c. A Venife . Ces neuf
derniers ouvrages du P. Castaldi font en
Latin , & fe trouvent auffi à Rome.
QUATRE DISSERTATIONS pour démontrer
le tems des Jeux Olympiques , Pythiens
, Neméens & Ifthmiens & c. par le
P. Edouard Corfini , de la Congrégation
des Ecoles Pies , &c. A Florence.
EXPLICATION des abbréviations Grecques
qui fe trouvent fur les monumens des
Grecs , &c, par le même Pere & dans la
même Ville. Ces deux ouvrages font en
Latin.
THEORIE & pratique de l'Aftronomie ,
&c. par le P. Nicolas Gian-Priami, Jefuite.
A Naples,
OEuvres poëtiques & autres du P. Dominique
Ludovifi , Jéſuite , &c. dans la
même Ville. Ces deux ouvrages font auffi en
Latin.
INSTRUCTION claire & nette fur la
théorie & la pratique de l'anatomie du
DECEMBRE. 1749. 147
corps humain , par feu M. Jean Fréderic
Caffebobom , Docteur en Médecine & Profeffeur
public au College de Berlin . A
Berlin, chez Jean-Jacques Schultz, 1746,
in- 12 . de 664 pages . L'ouvrage eft en Allemand.
DISSERTATION fur le v. 15 du Chap. 3 .
de la Genèle , pour montrer que dans ce
paffage font renfermés les caractéres du
Meffie, vrai Dieu & vrai Homme , & c. in
4°. de 20 pages. A Wurtzbourg en Franconie.
L'ouvrage eft en Latin .
SCRINIUM antiquarium, feu Mifcellanea
Groningana. A Groningue, chez Hajo Spandaw,
fans mention de format.
CONSIDERATIONS défintéreffées fur
l'état préfent des Provinces- unies . Deux
parties, in- 8 ° . en Hollandois , dans la même
Ville , chez Jean Bolt.
CAROLI LINNÆI Amonitates Academica,
feu Differtationes varia Phyfica , Medica ',
Botanica , ante hâc feorfim edita , nunc collecta
& aucta cum tabulis aneis . Accedit Hipothefis
nova de febrium intermittentium causa
Grand in-8 °. A Leyde, chez Corneille
Haah..
"
LE JARDINIER Hollandois , in - 8°, en
Hollandois , dans la même Ville , chez
Abraham Kallewier.
DISCOURS de M. Jean Albert , fur la
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
Poëfie, qui peut être utile aux Théologiens .
in-4. ° dans la même Ville , chez Samuel
Luchimans. L'ouvrage eft en Latin.
UN PETIT TRAITE' touchant le Commerce.
Deux Volumes in- 8°. en Hollandois.
A Rotterdam , chez la veuve . Pierre
Van Gilft.

Le manque d'amITIE ' puni , ou Traipar
lequel on prouve que le Livre de
C. de Wite , Miniftre à Bois-le - Duc, contre
les mariages clandeftins , faits fans le
confentement des parens en pays étranger,
eft fcandaleux & injufte , &c. in -8°. en
Hollandois. A Roterdam , chez Adrien
Obreen.
Tous ces Livres ont paru dans les Proyinces-
unies depuis Janvier 1749.
VOYAGE à la Terre Sainte , fait & écrit
par D. Enriquez de Ribera , premier Marquis
de Tarifa , avec le même voyage en
vers anciens, par Jean de la Encina, Prieur
de Leon, &c. in-folio , pages 105 ou 106 .
fans la Préface , dans la même Ville.
ON IMPRIME à Paris , chez Montalant ;
Quai des Auguftins, une Traduction Françoiſe
des deux Traités de Charles du Moulin
, fur les Fiefs & les Cenfives. L'Edition
fera in-folio, avec des Notes faites par feu
M. Guy du Rouſſeau de la Combe , ancien
Avocat au Parlement ; & l'on y ajoûte
DECEMBRE. 1749. 149
ane Table très- ample & très - exacte .
EXAMEN & difcuffion critique de l'Hiftoire
des Diables de Loudun ; de la poffeffion
des Religieufes Urfulines , & de la
condamnation d'Urbain Grandier . Par M.
de la Menardaye , Prêtre . Vol . in- 12.des 21
pages . A Liege, chez Everard Kintz , Libraire .
1749. & à Paris, chez Debure , l'aîné.
LETTRES édifiantes & curieuſes , écrites
des Miffions étrangeres , par quelques
Miffionnaires de la Compagnie de Jefus.
XXVII . Recueil . A Paris, chez les Freres
Guerin, rue St. Jacques , vis- à- vis les Mathurins
, à St. Thomas d'Aquin , 1749 .
in- 12. de 476 pages , fans l'Epître qui en
contient. 43 .
LES ELEMENS du Barreau , ou abrégé
des matieres principales & les plus ordinaires
du Palais felon les Loix Civiles , les
Ordonnances & la Coûtume deBar - le -Duc,
avec la forme de procéder au Civil en Juſtice
dans le Barrois. Par M. deMaillet,Maître des
Comptes du Barrois, in-4° . A Nancy , chez
Midon , & à Paris , chez David le jeune ,
rue du Hurepoix , près le Pont St.Michel .
RECUEIL des Teftamens politiques du
Cardinal de Richelieu , du Duc de Lorraine
, de M. Colbert & de M. de Louvois.
Quatre volumes in - 12 . A Amfterdam , chez
Zacharie Chatelain, 1749. & à Paris , chez
Giij
150 MERCURE DE FRANCE.
Didot , Damonneville , & Nyon , Quai des
Auguftins .
TRAITE' d'Optique méchanique , dans
lequel on donne les régles & les proportions
qu'il faut obferver pour faire toutes
fortes de Lunettes d'approche , Microſcopes
fimples & compofés , & autres ouvrages
qui dépendent de l'Art , avec une
inftruction fur l'ufage & le choix des Lunettes
ou Conferves pour toutes fortes
de vues. Par M. Thomin , Ingénieur en
Optique , & de la Société des Arts , in-8 °.
A Paris , chez J. B. Coignard , & Antoine
Boudet , rue St. Jacques.
LA RHETORIQUE du Prédicateur , traduite
du Latin d'Auguftin Valerio , Evêque
de Vérone & Cardinal, compofée par
l'ordre de Saint Charles Borromée , pour
être enfeignée aux jeunes Clercs dans les
Séminaires. Par M. l'Abbé Dinowaft , in-
12. A Paris, chez Nyon , fils , & Guyllin ,
Quai des Auguftins.
LE THEATRE des Grecs , par le R. P.
Brumoy, de la Compagnie de Jefus . Nouvelle
Edition , in- 12. Six volumes. A Paris
, chez J. B. Coignard , & Antoine Bouder,
rue Saint Jacques .
ELEMENS de Colmographie , pour fervir
d'Introduction à la Géographie & à
P'Histoire, par M. Buy de Mornis . Volume
#
DECEMBRE . 1749. 151
in- 1 2. de 522. pages , fans l'Epître Dédicatoire
& la Préface , de trente . A Paris ,
chez Grangé, au Palais ; Jombert , Quai des
Auguftins ; Durand, rue Saint Jacques , &
Defprez & Cavelier , fils même rue ,
1749 .
>
CALENDRIER HISTORIQUE pour l'année
1750. avec l'origine de toutes les Maifons
Souveraines , extraites du nouvel
Abrégé de l'Histoire de l'Europe . A Paris,
chez Jean- Noel le Loup, à l'entrée du Quai
des Auguftins , à St. Chryfoftôme.
ALMANACH des Curieux. A Paris , de
l'Imprimerie de Giffey , rue de la Vieille
Bouclerie , à l'Arbre de Jeffé . 1750.
LTRENNES HISTORIQUES , ou Mélange
Curieux, contenant plufieurs remarques de
Chronologie & d'Hiftoire , les naifances
⚫ & morts des Rois , Reines , Princes &
Princeffes de l'Europe , accompagnées d'époques
& d'obfervations que l'on ne trouve
point dans les autres Calendriers , avec
un Recueil de diverfes matieres utiles &
amufantes. A Paris , chez le même Impri
meur. 1750.
ALMANACH DE TABLE , Contenant un
détail exact de tout ce qui fert à la vie de
l'homme & à la bonne chere dans chaque
faifon de l'année . A Paris , chez la Veuve
Piffot, Quai.de Conty, à la Croix d'Or ,
G iiij
152 MERCURE DE FRANCE.
On vend chez le même Libraire , Les
Dons de Comus , nouvelle Edition augmentée
. 3. Volumes reliés , 7 liv . 10 fols.
Et le Recueil intitulé , Choix de differens
morceaux de Poëfie , traduits de l'Anglois
. 1. Vol . in- 12 . 2 liv.
SUPPLEMENT à l'Inftruction pour la connoiffance
des diamans . A Paris , chez Lef
clapart , pere , rue St. André des Arcs ,
vis-à-vis la rue Pavée , & Lefclapart , fils ,
Quai de Conty , à l'Efpérance couronnée.
1750.
AIRS ET DUO , tendres & bachiques. Par
M. Fel, Ordinaire de l'Académie Royale
de Mufique. Premier Recueil , gravé par
Me. Brouet, Prix , 3 liv. A Paris , chez
l'Auteur, rue S. Thomas du Louvre ; Mad.
Boivin, rue St. Honoré , à la Régle d'Or ;
le Clerc , rue du Roule à la Croix d'Or ,
& Mademoiſelle Caftagneri , rue des Prouvaires
, à la Mufique Royale. Le fecond
Recueil de ces Airs & Duo fe grave actuellement.
Le fieur Dollé, Maître de Mufique , connu
par différens ouvrages de fa compofition
, donne avis au Public qu'il vient de
mettre au jour fon cinquième oeuvre ,
Livre troifiéme, pour le pardeffus de viole,
tant à cinq qu'à fix cordes ; ce' Recueil fe
trouve aux adreffes ordinaires des MarDECEMBRE.
153 1749.
chands de mufique , ou bien chez l'Auteur,
rue des Poulies , vis-à- vis l'Hôtel de Crequy
. A Paris ,

Le Sieur Morel , ci- devant Organiſte à
Soiffons, & actuellement demeurant à Paris ,
rue du Petit Repofoir , à la Grace de Dieu,
proche la Place des Victoires , donne avis
au Public qu'il a fait graver un petit ouvrage
pour le pardeffus de Viole à cinq
cordes , dont il donne des leçons à Paris .
Son ouvrage fe diftribue chez lui & auffi
dans la rue St. Honoré , à la Régle d'Or ,
ainfi que dans la rue du Roule , à la Croix
d'Or.
Medecin du Roi , Intendant des
R. Pinot , Docteur de Montpellier ,
Eaux , en ſurvivance , à Bourbon- Lancy; &
Correfpondant de l'Académie des Sciences
de Dijon , donne au Public un Ouvrage
, qui a pour titre , l'Art de conferver
la Santé. Il eſt dédié à Meffieurs de l'Académie
de Dijon . On l'imprime actuellement
chez Hucherot, Libraire à Dijon , &
l'on en délivrera les Exemplaires, ou chez
l'Auteur à Bourbon-Lancy , ou chez l'Imprimeur
, dans le courant de Janvier prochain
, pour le prix de 2 -liv. to fols.
L'ouvrage eft partagé en huit difcours ,
Gv
154 MERCURE DE FRANCE.
dont le premier traite de l'air , de fes ufages
, & du choix qu'on en doit faire ; le
fecond , des nourritures & des boiffons ; le
troifiéme , du fommeil & de la veille ; le
quatrième , du repos & du travail ; le cinquiéme
, des récrémens & des excrémens ;
le fixiéme, des paffions de l'ame ; le feptiéme,
des avantages & des confolations dont
jouiroient les Médecins , fi la Médecine
fe réduifoit à une higicine exactement obfervée
; le huitiéme roule fur les tempé
ramens & leurs variations.
On nous mande que l'Auteur a traité
cette matiere , féche par elle - même , d'une
maniere également utile & amufante ; il
eft déja connu par une Lettre fur les Eaux
Thermales de Bourbon - Lancy, & on fçait
qu'il vient de remporter le prix de l'Académie
de Dijon fur l'électricité .
L'Auteur ne fera pas fâché qu'on lui
faffe remarquer les défauts de fes ouvrages;
il eft jeune , & ne cherche qu'à s'inftruire.
Il fe propofe de refondre fa differtation
fur les Eaux , y ayant reconnu lui-même
beaucoup d'imperfections.
DECEMBRE. 1749. 155
PROJET de Soufcription pour l'Hiftoire
Naturelle de l'ifle de Barbade , par M.
Griffth Hugues , Maître ès Arts , Recteur
de l'Eglife Paroiffiale do Sainte Luce
dans ladite Ifle , & Membre de la Société
Royale de Londres.
Ette Hiftoire Naturelle , écrite en
CAnglois , contiendra environ quatre-
J
vingt feuilles , y compris trente figures
en taille douce , d'animaux , de végétaux ,
de vûes , outre une Carte de l'Ifle ; le tout
contenu en un volume in folio . Le prix en
blanc fera d'une livre ſterling trois fchelins
en petit papier , & d'une livre fterling
dix fchelins en grand. Ceux qui voudront
foufcrire pour l'édition , payeront , quand
on leur en remettra les exemplaires . L'ou
vrage fera rédigé en plufieurs Livres, de la
maniere qui fuit.
Liv. I. L'Auteur y parle de l'air , du
terroir & du climat . Il y prouve que l'Ifl
a été autrefois habitée par des Indiens. Il
y examine d'une maniere nouvelle & phyfique
la difference qui fe trouve entre les
conftitutions des Habitans des Pays chauds
& des Pays froids . Il y remarque la force
& les effets des ouragans , particulierement
de celui qui arriva dans l'ifle de Barbade
G vj
156 MERCURE DE FRANCE:
l'année 1665 , qu'il compare avec les tempêtes
les plus violentes , dont les Auteurs
anciens nous ont laiffé la defcription ; &
il y fait voir par plufieurs conjectures probables
, que tous les ouragans , s'ils font
de longue durée , commencent dans les
climats variables.
Liv. II. L'Auteur y traite des caufes &
de la nature des maladies , qui font particulieres
à cette Ifle & aux Ifles voisines ,
& des remédes qui y font propres ; des
qualités de l'eau , foit de fource , foit de
riviere , de puits ou d'étang ; des foffilles
& des caves foûterraines. Il y prouve l'inégalité
de la force du déluge proche de
l'Equateur & dans les climats variables ,
& en donne la raifon . Il y examine la nature
des minéraux qui tiennent du bitume ,
& en faifant voir leurs qualités & leur fi
tuation , il réfute l'opinion d'un fçavant.
Critique moderne , qui foutient que la
deftruction de Sodome & de Gomorrhe
n'a rien eu de furnaturel , mais a été caufée
naturellement par les flammes de plufieurs
veines de bitume , qui ont pris feu .
Liv. III . L'Auteur y traite des animaux
terreftres , des animaux à quatre
pieds , des volatiles , des reptiles & des
infectes.
Liv. IV. L'Auteury traite des végétaux,
DECEMBRE.. 1749. I'57
& commence par une defcription Botanique
, & par un examen Phyfique de la nature
& des qualités des Arbres , des Arbriffeaux
, & des Plantes qui ont été juſqu'ici
découvertes dans l'Ile , au nombre
d'environ quatre cens , & finit par l'espéce
Nucifére .
LIVRE V.
LIVRE VI.
L'Auteur y trai- Pomifére:
te des Arbres Baccifére .
des Arbriffeaux & > Prunifére.
LIVRE VII. des Plantes des Siliqueufe &
LIVRE VIII.Cefpéces
, Anomale.
Entre les autres Plantes remarquables ,
l'Auteur traite , d'une maniere particuliere
, de celle qu'on nomme Agnus Scyticus.
Il entre pareillement dans l'examen
des qualités de la Canne à Sucre , & y
propofe une méthode très-facile pour prévenir
les erreurs , dans lefquelles on tombe
fréquemment , en faisant fermenter le
jus de la Canne pour la diftillation du
Rum , moyennant quoi cette liqueur,
quand toutes les proportions y font_gardées
, fermentera régulierement. Il recherche
auffi la caufe de la maladie des
Cannes , appellée communément la Nielle
, & propofe une méthode d'y remédier ,
très-probable , qui fe pratique à très peu de
frais.
Liv. IX. L'Auteur y traite des rivages
158 MERCURE DE FRANCE.
de l'Ifle , des coquillages qui s'y trouvent,
& particulierement du Murex. Il y donne
ane defcription de plufieurs efpéces d'animaux
qui n'ont point de fang , fur tout
des Animaux-Fleurs ; du jaune pâle , du
vert & du violet foncé , tacheté de noir.
Toutes ces espéces d'êtres furprenans , qui
nous paroiffent comme des fleurs , ont été
jufqu'ici entierement inconnues à tous les
Auteurs de l'Hiftoire Naturelle .
LIY. X: L'Auteur y traite de la mer , des
poillons & de plufieurs productions marines
, fur- tout de celles qui n'ont point été,
ou qui n'ont été qu'imparfaitement décrites
par d'autres Auteurs. Il y rend raiſon
d'une maniere fatisfaifante des courans
de mer qui fe trouvent aux environs de
cette Ifle & des Ifles voitines.
Le tout eft éclairci par des remarques
qui fervent à expliquer les termes Botaniques
, & les autres termes de l'Art qui
font employés dans le cours de l'ouvrage.
Il eft auffi entremêlé de quelques réflexions
philofophiques fur la fageffe de
Dieu , dans la formation & l'ufage des fujets
qui y font traités.
DECEMBRE . 1749. 159
EXTRAITde la Séance publique de l'Académie
des Belles Lettres de Corfe , tenue
fous les aufpices du Marquis de Curzay ,
Maréchal des Camps & Armées du Roi ,
Commandant en Chefles troupes Françoi
fes en Corfe , le Novembre 1749.
'Académie des Belles- Lettres de ce
L'Royaume , fondée depuis près d'un
fiécle , voyoit avec douleur fes affemblées
interrompues depuis 1724 , par les troubles
des guerres la paix feule pouvoit lus
rendre fon premier éclat : à peine un Ciel
ferain a- t'il éclairé cette Ifle , que tous les
gens à talens ont travaillé à y ramener les
Beaux Arts .
Le Marquis de Curzay a bien voulu les
feconder ; c'eft fous les aufpices de ce Général,
que l'Académie renaiffante de Corfe
a repris fes exercices ordinaires. Le premier
Novembre fut le jour de fa rentrée ;
les Académiciens , au nombre de douze ,
vinrent au bruit des boëtes , & au fon des
inftrumens , recevoir le Marquis de Curzay
, leur Protecteur , à la porte de l'Académie.
M. Lucca Poggi , Directeur , con.
pu par plufieurs ouvrages François , le
harangua. Après ce difcours , qui fut très160
MERCURE DE FRANCE .
court, le Marquis de Curzay entra, & prit
la place deſtinée au Protecteur .
Il avoit au-deffus de fon fiége l'image
de l'Académie renaiffante , figurée par
cet emblême.
Un Ciel couvert de nuages que l'Arcen-
Ciel diffipe , au- deſſus d'un jardin où
l'on voit quelques fleurs qui renaiffent :
Mifsâ mox Iride florent.
Au bas on lifoit cette infcription :
Excellentiffimo Domino Marchioni de Curzay,
Exercituums Regis Chriftianiffimi Maref
chiallo
,
Nullo armorum ftrepitu ,
Solâ virtutis præftantiâ ,
Reftituta regni tranquillitate ,
Rediviva vagabundorum Academia,
In Mecenatem augurato
Primo carminum plausu
Gratulatur.
Les Evêques de Baftia & de Nebbio
étoient placés aux côtés du Marquis de
Curzay , & les deux rangs , qui defcendoient
, étoient occupés par les Officiers
François , Génois , & autres Perfonnes notables
de l'Ifle.
La Séance commença par un Difcours
en Italien , prononcé par le Directeur ,
dans lequel étoient adroitement renfermés
l'éloge des Beaux Arts , & le portrait de
DECEMBRE . 1749. FGE
celui qui les protége . M. Chevrier ,
François , que l'Académie avoi! choifs
depuis un mois , pout remplir une place
parmi elle , prononça fon Difcours de
remerciement. Quoiqu'il foit très- court
nous nous bornerons à en faire un extrait,
il commençoit par ces mots :
.
*
»La paix eft le regne des Arts ; les Ro-
» mains , vos modéles & les nôtres , n'ou-
» vroient le Temple de Minerve, qu'à l'inf-
» tant auquel on fermoit celui de Janus .
"
Après avoir fait une peinture frappante
des malheurs de la guerre , & del'avantage
que la paix vient de procurer par le réta
bliffement de l'Académie , il paffe au choix
qu'on a fait de lui . » François, dit -il, fans
» être Etranger parmi vous, parce que mon
goût pour les Sciences m'a rendu l'ami
» & l'admirateur de toutes les Nations qui
les cultivent , je vais tâcher de mériter
» la place dont vous m'honorez aujour-
» d'hui , en profitant de vos inftructions ,
>> & en m'efforçant de faire paffer dans
» mes vers ces traits ingénieux , qui fans
>> fortir de la contrainte poëtique , offrent
» de ces heureufes hardieffes qui caracté-
>>rifent les Mufes Italiennes . Finiffant
par l'éloge du Marquis de Curzay , auquel
il avoit adreffe plufieurs ouvrages ,
termine ainfi fon Difcours.
il
161 MERCURE DE FRANCE.
39
Quel foible tribut ! difois- je , que
» quelques vers , ouvrage d'une génie facile
, qui n'ont dû leur éclat qu'à l'évenement
qui les a vû naître , & qui
>> retomberoient dans la nuit du tom-
» beau , fi celui qui en eft l'objet ne les fai-
" foit paffer à la poftérité ; les Héros
" font comme les Dieux , ils rendent im-
»mortel tout ce qu'ils touchent. M. Lucca
Poggi répondit à ce difcours avec beaucoup
de dignité , après quoi il fit la lecture
de plufieurs de fes ouvrages qui farent
extrêmement goûtés ; il finit par un
Sonnet à la louange du Protecteur de
l'Académie , que nous rapportons en fa
veur des amateurs de la Poëfie Italienne.
A
SONETTO.
Quila ancor novella incontro al Sole
Fifla lo sguardo , e di falir prefume ,
Ma quel fplendore ſoftener non puole ,
E abbagliata ripiega al fuol le piume.
Cofi la mufa mia , mentre che vuole
Voftre glorie cantar , s'abbaglia al lume
Di preggi fi famofi , e le parole
Perde affatto ftordita , e'l metro, el nume.
Al fin mi dice : è troppo grande imprefa
DECEMBRE . 163 1749.
Cantar lodi à Curzay , che fol fra tanti
La Pace à noi , è ſenza l'armi , à reſa.
Nò , tanto non pols❜io , e ſe piu mai
Chiederan de Curzay perche non canti ,
Dirò per gloria mia , che un di 'l tentai.
Après ce Sonnet , on en lut encore
quelques-uns , parmi lefquels celui de M.
Aftall , Doyen de l'Académie , fur trèsapplaudi
; le voici :
SONET T 0.
Ecco la Pace , Cco la Pace , a fi fidele invito ,
effa
A fidolci richiami , eſſa ne viene.
Calca di Cirno l'infelici arene ,
Ma l'un pie calca i flutti , e l'altro il lito
Il Ciel di chiaro & di feren sfornito
Di ftare in dubbio , o rifuggir la tiene ,
Indi apoco il timor vince la fpene ,
E tinge il volto pallido , e fmarrito.
Tu pronto accorri , e bel conforto , e Guida
Le dai la mano , che il timor reprime ,
I dubbi ſgombra e le ſperanze affida .
Ella i cangiati affetti in volto efprime ,
Ti fiegue , a te s'appoggia , in te confida ,
E dell' orme bramate il lido imprime .
164 MERCURE DE FRANCE.
Après la lecture des ouvrages Italiens ,
M. Chevrier lut un Poëme François , qui
avoit pour titre : le Rétabliſſement de l'Aca
démie des Belles Lettres de Corfe , fous les
aufpices du Marquis de Curzay.
La Paix , fille du Ciel , eft la mere des Arts ;
Sous fon empire heureux les Sciences fleuriffent ;
Mais à l'inftant qu'on voit flotter fur nos remè
parts
De Bellone en fureur les fanglans étendarts ,
Minerve difparoît , les Beaux Arts en gémiffent ,
L'Auteur dépeint enfuite l'Académie
évoquant les Mânes du Taffe , de Marini
& d'autres Poëtes Italiens célébres , qui
épouvantés des horreurs de la guerre , refufent
de fe rendre à ſes voeux ; il fait
ler ainfi ces Mânes.
par-
Irons-nous , difoient- ils , au centre du carnage ;
» A des Héros cruels prodiguer notre encens ,
» Et triftement jaloux d'un frivole ſuffrage ,
Célébrer dans nos vers des illuftres Brigands ?
L'Académie leur apprend alors que ces
tems font changés , & que le Marquis de
Curzay vient de faire rentrer la Paix dans
l'Ifle ; les Mânes évoqués defeendoient ,
fi Apollon outré ne les eût retenus par ces
mots :
DECEMBRE , 1749. 168
Sortez de cette erreur profonde ;
Jupiter peut lui feul donner la Paix au monde ;
?
Quelquefois , je le fçais , un mortel ordinaire
A foumis l'Univers par des exploits heureux ;
Mais donner la Paix à la terre ,
C'est l'ouvrage des Dieux .
Minerve qui a entendu ce difcours
dit à Apollon , parlant du Pacificateur de
la Corfe.
»Quand il donna le calme à la Corfe éplorée ,
» La loi qu'il impofa , par moi-même infpirée ;
Le rendit le rival des Dieux .
Apollon defcend à ces mots , & après
avoir parcouru l'Empire des Lettres , il
arrive en Corfe ; fon but , comme il le dit
lui- même , étoit d'y venir protéger les
Sciences .
Vous nés ames des Arts , vous , que l'honneu
décide ,
>> Je venois en ces lieux pour être votre guide ;
J'ai vu Curzay , qui lui feul vous éclaire.
Qu'il vous ferve par tout de Mentor & de pere.
1
166 MERCURE DEFRANCE.
D'un Etat agité le Pacificateur ,
Doit être des Beaux Arts le premier Protecteur.
>
Après la lecture de cette Piéce , M. Chevrier
lut des vers faits par M. d'Herbain
Chevalier de l'Ordre de Saint Louis , &
Capitaine au Régiment de Tournaifis ,
connu par plufieurs petits morceaux lyriques,
Comme la piéce eft courte , nous la
rapporterons en entier.
Tandis que de ces lieux où préfide Minerve ,
La loi de mon devoir m'écarte pour un tems ,
Dois- je , Auteur pareſſeux , d'une timide verve
Refufer at Curzay le tribut & l'encens ?
Je vais , ainfi que vous , du Héros de la Corfe
Chanter les exploits glorieux .
Oui , je vais . , ... mais déja mon Apollon fans
force ,
Ne peut plus foûtenir ce vol audacieux ; i.
Le docte Apelle feul put nous peindre Alexandre
:.
Ce trait me dit affez de ne rien entreprendre ,
Ce n'eft point aux mortels de nous parler des
Dieux,
C
La lecture de tous les ouvrages étant
finie , le Marquis de Curzay remercia l'Académie
en ces termes :
Meffieurs , avant que la guerre eût conDECEMBRE.
1749. 167
facré les Héros , les Arts avoient déja mé
rité l'apothéofe ; ceux que vous embraslez
aujourd'hui , avoient obtenu dans les
tems les plus reculés un rang dans les
Cieux , & étoient fur la terre l'image de la
Divinité.
Orphée forma les moeurs , adoucit les
caractères , détruifit la barbarie ; un bienfait
auffi rare ne pouvoit être reconnu que
par les hommages rendus aux Dieux.
Amphion raffembla les fociétés , montra
la douceur de l'union , la connoiffance
des devoirs réciproques ; les peuples, frappés
d'un bonheur fi effentiel , le crurent
un Envoyé des Cieux , & lui accorderent
unanimement le titre de divin . Une Académie
renaiffante aujourd'hui nous rappelle
les mêmes travaux ; peut- on les confacrer
à une fin plus digne qu'à celle du
bonheur des peuples ?
Les Sciences ne peuvent renaître que
par la tranquillité , elles en démontrent
les avantages , elles forment les coeurs &
les caractéres , & ceux qui les poffédent à
un fi haut degré , font toujours les modéles
de la vertu.
Les peuples tranquilles , fous une ga
rantie auffi refpectable , n'auront d'autres
Occupations que de fuivre la route que
vous leur tracez ; la connoiffance des de168
MERCURE DE FRANCE,
7
voirs en infpire l'amour ; quel bonheur
d'être utile à fa Patrie ; & d'y confacrer
les talens que l'on a reçûs !
Je vous exhorte, Meffieurs , à faire ufage
de cette éloquence que nous venons d'admirer
, pour perfuader les peuples de leurs
devoirs la fupériorité d'efprit , la vivacité
fi commune à laNation , feront bientôt
fufceptibles des impreffions de douceur &
d'équité que les connoiffances produifent ;
fes talens ont trop éclatté dans la guerre,,
il eft tems que l'amour de l'ordre lui mérite
les coeurs de fes Souverains.
Cette paix inopinée que vous voyez
renaître , eft l'effet de l'héroïfme nouveau
qui étoit réſervé au Roi qui vous pro
Lége.
Mille Héros ont conquis des Etats , nul
encore ne s'étoit confacré à la conquête
des coeurs ; nous avons vu une Républi
que déchirée fes divifions * , dépofer par
les armes à fa médiation ; nous voyons un
peuple agité abjurer fes préjugés , & abandonner
la guerre dans laquelle il eft né ,
pour embraffer la paix dont il n'a nulle
idée. Heureux le Miniftre qui n'a beſoin
que d'exécuter fes vûes pour fe faire une
réputation ! Pénétré de reconnoiffance de
• Genéve.
l'honneur
DECEMBRE . 1749. 169
l'honneur que vous me faites aujourd'hui ,
chercherai à mériter le titre que je reçois
; en le rendant utile : j'aurai pour objet
l'avantage de la Patrie , je veux en être
occupé jufques dans la part que je prends
à vos jeux , & comme tout travail doit
avoir pour but le bonheur du Citoyen ; le
prix de cette année fera diftribué , conformément
au Programme dont le Sécretaire.
va donner lecture . Le Sécretaire lut à l'inf
tant ce qui fuit.
PRIX
Propofé par l'Académie des Belles- Lettres ,
établie en Corfe.
Onfieur le Marquis de Curzay, que
Mcette Académie a élû pour fon Protecteur
, propofe une Boëte d'or avec uni
portrait , pour le Prix qui fera diftribué le
25 Août 1750 , jour de la Fête de Saint
Louis , à celui qui caractériſera avec plus"
de précifion , les devoirs des Sujets envers
leur Souverain.
On avertit que le Difcours , qui fera reçû
en profe Françoife , Latine ou Italienne
, doit être d'un quart d'heure de lecture
ou d'une petite demie heure au plus .
Ceux qui concoureront , font prévenus
11. Vol, H
170 MERGURE DE FRANCE.
de ne point le faire connoître , en donnant
leur adreffe , ou mettant leur nom
au bas de leur ouvrage , ils mettront ſeulement
une deviſe ou infcription cachetée ,
qui ne fera lûe qu'au cas que la piéce foit
couronnée.
Les piéces deftinées à remporter le Prix ,
ne feront reçûes que jufqu'au premier
Juin exclufivement. Elles feront adreffées
à M. le Directeur de l'Académie des Belles
-Lettres de Corſe , à Baſtia. Celui - ci au
ra foin , après le jugement de l'Académie ,
de faire annoncer dans les Nouvelles pu
bliques que la pièce , portant telle deviſe ,
a été couronnée. L'Auteur alors fe fera
connoître en envoyant fur les lieux une
procuration en bonne forme , à la perfonne
qu'il jugera à propos , laquelle recevra
le Prix propofé au jour marqué , en donnant
quittance au Directeur.
Toutes perfonnes feront admifes à concourir
, à la réserve de celles qui compofent
l'Académie .
Mais comme le Protecteur ne veut point
priver les Académiciens des fruits des talens
, il propofe un Prix , dont la valeur
n'eft point fixée , qui fera diftribué à celui
d'entre eux qui traitera avec plus de méthode
, l'établissement des loix , & l'obligation
de s'y conformer.
DECEMBRE . 1749. 171
Pour éviter les frais de port aux Etrangers,
on les prévient qu'ils pourront adreffer
leur Difcours au Directeur de l'Académie
, fous l'enveloppe de M. le Marquis
de Curzay.
ESTAMPES
NOUVELLES.
Ingt Portraits, en miniature des Princes &
Princeffes de la Famille Royale d'Angleterre,
par François Nixon . Graveur , proposés par fouf
cription , dont le prix eft de deux Guinées , payables
, une en foufcrivant , l'autre en recevant un
exemplaire complet de cette collection d'Eftampes.
Les foufcriptions fe trouvent à Londres , chez
T. Co , T. Osborn , C. Davis , R. Dofdley, Librai
res de la même Ville.
淡淡洗淡淡洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
SPECTACLES.
Lhuillieries dois, jour de la Cons
E Concert Spirituel , donné au Château des
ception , commença par la premiere Sonate des
Piéces de Clavecin de M. Mondonville , mife en
grande Symphonie. On exécuta enfuite , Notus in
Judaa Deus , Motet à grands choeurs , de M. ***,
qui fut applaudi . M. Defabey, Trompette Anglois,
fonna un Concerto. Mlle le Miere débuta par
Nunc dimittis , petit Motet de feu Mouret ; & elle
plut autant par la beauté de fa voix que par les
agrémens de la figure . M. Gaviniés joua ſeul , &
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
le Concert fut terminé par Exaltabo te , Moter à
grand choeur , de feu M. de la Lande, dans lequel
M. Beche, Ordinaire de la Mufique du Roi, chanta
un Duo & un Récit avec des applaudiffemens
très-bien mérités.
Le 4 , l'Académie Royale de Mufique donna la
derniere Repréfentation du Carnaval du Parnaffe ,
qui en a eu trente- cinq .
Cette Académie repréfenta le s , pour la premiere
fois , l'Opéra de Zoroastre . Il a tout le fuccès
qu'on avoit lieu d'en efpérer. Les paroles font
de M. de Cabufae , & la Mufique de M. Rameau,
Nous en parlerons plus au long dans le prochain
Mercure .
-La Tragédie de Sémiramis , de M. de Voltaire ,
fat jouée le 24 , le 26 & le 29 du mois dernier
par les Comédiens François.
6
Ils ont repris le premier de ce mois celle d'Arif
tomene, à laquelle le Public a fait le même accueil
dans la nouveauté. On trouvera , à la fuite de
l'article des Spectacles , l'Extrait de cette Tragédie.
que
Les Comédiens Italiens , à leur retour de Fontainebleau
, ont remis fous le titre des Corfaires ,
la Comédie ci devant intitulée , le Siége de Grenade,
à laquelle ils ont fait divers changemens, Ils
ont joint à cette Piéce deux Divertiffemens charmans
, de la compofition de M. de Heffe . Dans le
dernier , Mlle Rais , habillée en Berger , danfa
avec toutes les graces de fon fexe , & avec toute
la précision qu'on peut exiger du plus habile Danfeur.
DECEMBRE. 1749. 173
EX TRAIT
De la Tragédie d'Ariftomene.
Len ins;eta, par
Es Mefféniens , étant opprimés par Sparte
leur tête , il a battu les Spartiates , & les a repouffés
jufques fur les bords de l'Eurotas. La néceffité
d'acquerir des Alliés à fa nouvelle République
, Pengage à quitter l'armée, pour aller foulever
les Villes voifines de Meffene . Pendant fon
abfence , Cleonnis & Dracon , jaloux de fa gloire ,
Je rendent fufpect au peuple. Ils font regarder le
libérateur de la Patrie comme un nouveau Tiran ,
& Pon eft fur le point de rentrer fous la domination
des Rois de Sparte , & de leur livrer Ariftomene
. Arfire fon ami , inftruit de ce complot , en
avertit Léonide , épouse de ce Général . Léonide
qui aime paffionnément fon époux ; & qui connoît
fon amour pour les Concitoyens , prévoyant
que leur ingratitude ne le détournera point de
s'obftiner à les défendre , veut l'empêcher d'être
la victime de fon zèle . Sous prétexte d'aller audevant
d'Ariftomene qui revient joindre l'armée ,
elle va fe remettre avec Leuxis fon fils entre les
mains des Spartiates. En même- tems elle mande
au Sénat de Meffene , que les ennemis l'ont faite
prifonniere , & qu'ils fe difpofent à l'immoler ainfi
que Leuxis à leur vengeance , fi les Meffeniens ne
mettent bas les armes. Elle efpere , d'un côté ,
qu'Ariftomene préférera le falut de fa famille à la
liberté de fa Patrie de l'autre , qu'elle obtiendra
facilement des Rois de Sparte , en faveur du fervice
qu'elle leur rend , la grace de fon époux.
Hiij
174 MERCURE DE FRANCE.
Telle eft la bafe de la Tragédie de M.de Marmontel.
Il feroit à fouhaiter que l'action de ce Poëme
ne fût pas fondée principalement fur la démarche
imprudente de Cléonide . On a de la peine à fuppofer
que l'époufe d'Ariftomene fe flatte de tirer
pour lui quelqu'avantage de fon voyage à Sparte .
La plus grande partie du Sénat & du Peuple de
Meflene penfe à s'accommoder avec les Spartiates.
Quand même ceux- ci , ignorant encore la réfolution
des Meffeniens , prendroient avec Léonide un
engagement ; eft- elle aflûrée qu'ils le rempliront ,
lorfqu'ils apprendront qu'Ariftomene ne leur eft
point néceffaire pour terminer la négociation de la
paix D'ailleurs ce Guerrier eft connu par fon inflexible
fermeté. Comment Léonide ne craint - elle
pas que le parti qu'elle prend de traiter fecretement
avec les ennemis, ne change l'amour de fon époux
en une haine irréconciliable : Ne feroit- il pas plus
fage à elle de le prévenir fur ce qui fe trame à Mef.
fene , que de fe rendre chez les Spartiates & ne
vaudroit- il pas mieux employer à lui perfuader
d'abandonner un peuple ingrat , le tems qu'elle
perd à conduire un artifice dont elle ne doit raifonnablement
attendre aucun fuccès ?
Peut être, au refte , fans la fuppofition que nous
critiquons , M. de Marmontel n'auroit pû nous
préfenter les tableaux intéreflans qu'il nous offre
dans fon ouvrage . En ce cas , il feroit injufte de
ne pas excufer un défaut , dont il a fçû tirer
de très grandes beautés. L'Auteur peut de plus
ajoûter pour fa défenfe , qu'on n'a jamais exigé
dans l'avant-fcéne une vraisemblance auffi rigoureufe
que dans les faits qui fe paffent fous les yeux
des Spectateurs.
DECEMBRE. 1749. 175

ACTE PREMIER.
Cléonnis ouvre la Scéne avec Arfire , & s'efforce
de l'attirer à fon parti , en lui faifant enviſager une
fource de malheurs dans la révolte de Meflene.
Il eft des coeurs , dit- il ,
.....Qui des loix méconnoiffent le frein
S'ils ne font accablés fous un fceptre d'airain .
De Meffene aujourd'hui tel eft le caractere .
» Notre liberté , continue- t- il , n'eft pas le bur
d'Ariftomene.
...L'intérêt , Arfire, a bien fait de grands hommes,
Et tel de fa patrie eft devenu l'appui ,
Qui ne fit rien pour elle , & qui fit tout pour lui
Moins aveugle que toi , le Peuple réfléchit.
Il voit que ce Guerrier a fubjugué l'armée ,
Que fon crédit s'éleve avec la renommée ;
Qu'il n'abat nos Tirans que pour nous maîtriſer ,
Et qu'il change nos fers , au lieu de les brifer..
Atfire refufant d'adopter les conjectures de Cléonnis,
celui-ci effaye de lui perfuader que fi l'on n'a
rien à craindre de l'ambition d'Ariftomene , on
doit redouter fon mérite.
Un homme tel que lui parvient malgré lui-même ,
Par la faveur du Peuple, à la grandeur fuprême.
On l'y porte , & bientôt il va , fans le vouloir ,
Accabler les égaux du poids de fon pouvoir.
Hij
176 MERCURE DE FRANCE.
La vertu d'Ariftomene eft pour Arfire un garant
fuffifant fur lequel il croit devoir le repofer.
Il ne s'occupe que du coup douloureux , dont fon
ami va être frappé , en apprenant que Léonide &
Leuxis font prifonniers chez les ennemis . Tandis
qu'Atfire fe livre à fes réflexions , Ariftomene arrive
, fuivi de plufieurs Sénateurs . Il leur rend
compte de la négociation , & dans cette Scéne , de
même que dans la précédente , l'expofition eft entiérement
en action . » Tout m'a réuſſi, dit le Chef
des Mefféniens.
Nos Vo fins effrayés , demandent qu'on fe ligue
Qu'à ce péril conimun on oppofe une digue ,
Et fur notre repos fondant leur fûreté ,
Penfent , en nous fauvant , fauver leur liberté.
Aucune des raifons qu'on allégue pour lui prouver
la néceffité de le foumettre à Sparte , ne peut
l'ébranler . Enfin on lui annonce que fa femme &
fon fils , entre les mains des Spartiates , font prêts
à périr , fi Meffene ne rentre dans l'obéiffance.
Une tel'e nouvelle étonne d'abord le courage d'A-.
riftomene . Il eft en préfence de fes concitoyens .
S'il balance , il va les décourager. S'il les intéreffe
à fon malheur , il ne doute pas qu'ils ne renoncent
à leur liberté pour lui rendre la famille. L'amour
du bien public l'emportant fur l'amour conjugal
& fur la tendreffe paternelle , Ariftomene
fait un effort généreux fur lui - même , & cachant
le trouble qui l'agite , il fe détermine à facrifier la
famille à la liberté de fon pays.
Cet héroïfme a paru à quelques Spectateurs une
efpéce de barbarie , & nous aurions éprouvé certainement
la même impreffion , fi la qualité de
DECEMBRE . 1749. 177
zélé citoyen excluoit chez Ariftomere celle de
tendre époux & de pere fenfible. Par la fuite
de notre analyſe, on verra qu'il eft l'un & l'autre . Il
paye à l'amour & à la nature le tribut qu'il leur
doit , mais il penfe que les intérêts les plus chers
doivent toujours céder à celui de la patrie . En cela ,
il a raiſon . Il ne l'a pas fur un autre article , &
c'est ce que nous expliquerons à la fin de cet extrait.
ACTE I I.
Dans l'entr'acte , Ariftomene a été averti que
Cléonnis a formé le deffein de le perdre . Il lui
fait , dans la premiere Scéne du fecond Acte ,
quelques reproches indirects . Cléonnis , bien loin
de s'avouer coupable , feint de ne pas l'entendre
Ariftomene.
Quels font mes ennemis ? Tu peux me les nom
mer.
Je ne les connoîtrai que pour m'en faire aimer.
» L'envie te pourfuit , répond Cléonnis , mais
» on peut l'étouffer. Dracon eft auteur du com
plot.
כ כ
S'il étoit plus prudent , il feroit redoutable.
Le refte eft fans crédit , fans vertu , fans talent.
Cléonnis ne peut fe flatter que les difcours qu'il
a tenus à Arfire, foient ignorés d'Ariftomene. Afin
de diffipper les foupçons qu'ils ont dû faire naître
dans l'efprit de l'un & de l'autre , il ajoute adroi
tement. » Je me défiois d'Arfire ; j'ai voulu Péprouver
,
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
Mais je n'ai pu le voir un inftant ébranlé ,
Et tu n'as point d'ami plus tendre & plus zélé.
Cependant Euribate , Envoyé de Sparte , raméne
l'époufe & le fils d'Ariftomene , à qui il apprend
que Léonide en a impofé au Sénat dans la Lettre
qu'elle lui a écrite . Léonide ne peut démentir ce
Miniftre . On arrête le fils & la mere par ordre du
Gouvernement .
A la follicitation d'Arfire , Ariftomene conſent
d'entendre la juftification de fon épouſe. Léonide
fait ainfi l'apologie de fa démarche. » J'ai voulu
prévenir les complots que Meffene rramoit con-
35
tre toi.
Et préferant enfin des tirans à des traîtres ,
Te donner des vengeurs , en leur donnant des
maîtres.
Ariftomene.
Ainfi , pour me ſauver , tu trahiffois l'Etat ?
Léonide.
Oui , j'ai tout fait pour toi . Si c'eſt un attentat ,
Ne crois pas que jamais le repentir l'efface .
Si j'étois libre encor , j'aurois la même audace ,
Et dans ces fers honteux fi mon coeur a gémi ,
C'eſt de n'avoir trahi des ingrats qu'à demi.
A l'intérêt public par les loix affervie ,
Je lui facrifirois & ma gloire & ma vie.
Mais pour toi , je fuis prête à te facrifier
Ma gloire , mon pays , mon fang, le monde entier
DECEMBRE. 1749. 179
Que m'importe Meffene , & le monde , & moi
même ,
Quand mon coeur éperdu tremble pour ce qu'il
aime?
Je ne connois que toi , je ne vis que pour toi ,
Le coeur de mon époux eft l'univers pour moi.
Sans doute un tel aveu te révolte , t'étonne .
Tout cede dans ton coeur, quand la patrie ordonne.
Le mien d'aucun remord ne fe fent combatta.
Je t'adore , voilà ma premiere vertu ,
Ma gloire , mon devoir , ma loi la plus auſtére ,
Le plus beau , le plus faint des noeuds que je révere
Oui , j'aime mieux mourir coupable aux yeux
de
tous ,
Pour avoir immolé Meffene à mon époux ,
Que de vivre adorée en héroïne , en Reine ,
Pour avoir immolé mon époux à Meffene.
Ariftomene.
Tant d'amour pourroit- il être un crime à mes yeux ?
Léonide.
C'eft le plus grand des biens. J'en rends graces aux
Dieux.
Qu'avec un coeur fenfible on eft heureux de naître.
Quand ce qu'on doit aimer, eft fi digne de l'être
Le Ciel a dans ton ame épuiſé les bienfaits.
Moi , j'en fens tout le prix . C'eft pour moi qu'ils
font faits.
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
"
En analyfant un peu féverement ces deux derniers
vers , on pourroit y trouver quelque chofe
de répréhenfible . Si on les excepte , tout ce que
dit Léonide dans cette Scéne eft admirable , & il
eft difficile de prêter à la tendreffe des expreffions
plus touchantes. Sans doute ces difcours paffionnés
feroient plus du goût de nos gens du bel air ,
dans la bouche d'une jeune Amante, que dans celle
d'une époufe qui a quatorze ou quinze ans de mariage.
Mais on doit reconnoître par cet effai , que
M. de Marmontel eft capable , quand il le veut , de
parler fupérieurement le langage de l'amour.
ACTE III.
La premiere Scéne du troifiéme Acte fe paffe
entre Euribate & Cléonnis. Par leur entretien , on
s'apperçoit que Cléonnis a propofé à l'Envoyé de
Sparte un moyen d'obliger Ariftomene de rendre
les armes. Arfire furvient . Il déclare qu'il fçait que
les amis de Cléonnis animent le peuple contre
Léonide & contre Leuxis ; il ne diffimule point
qu'il reconnoît Cléonnis pour l'auteur de cette
perfidie , & il le menace de s'en venger fur lui , fi
elle réuffit. Cléonnis , en habile politique , employe
la modération pour l'appaifer.
L'inquiétude d'Ariftomene le conduit auprès de
ces deux Sénateurs. Cléonnis , par le défir de le
rendre odieux , lui confeille de fouftraire fa famille
à la rigueur des loix. Arfire eft d'un avis oppofé ,
& Ariftomene en croit Arfire. Cependant le Sénat
s'affemble Lorfqu'Ariftomene s'eft retiré , Cléonnis
, qui préfide à l'affemblée , interroge Leuxis ,
& enfuite Léonide . Elle avoue fa fuite. Cléonuis ,
ayant intérêt qu'elle aigriffe fes Juges par les réponfes
, la preffe d'expliquer les raifons qui l'ont
DECEMBRE. 1749 : 181
déterminée à paffer à Sparte. Elle reproche aux
ennemis de fon époux leurs compiòts , & elle finit
par
ces vers.
Je fais juftifiée aux yeux d'Ariftomene,
Il m'aime , il vous connoît. Tremblez. Qu'on me
remene.
Pendant qu'on délibere fur le fort de la mere &
du fils , Euribate , ainfi qu'il en eft convenu avec
Cléonnis , demande audience , & réclame les coupables
au nom des Rois de Sparte . On fait venir
Ariftomene , & on lui annonce qu'on le conduira
felon fa décifion dans cette circonftance . Il refufe
la protection des Rois ennemis . En vain Arfire ,
pour le flechir , joint fes inftances à celles d'Euribate.
» Ami répond Ariftomene retiens tes
larmes.
"
Je ferois à ta place auffi foible que toi.
Tu ferois à la mienne auffi ferme que moi.
Tu ne céderois point au zéle qui t'anime ,
Je dois y réfifter , mais fans t'en faire un crime.
Lorfqu'un tendre intérêt produit ce mouvement ,
Il est beau qu'un ami foit injufte un moment .
Ariftomene fort avec Euribate . Cléonnis , feignant
de prendre la défenfe d'Ariftomene , ne dit
que ce qui peut redoubler la haine & la jaloufie
du Sénat . On va de nouveau aux voix . Léonide
& Leuxis font condamnés à la mort . Ainfi Cléonnis
triomphe. Il promet à Dracon de réduire leur
ennemi à des extrémités encore plus terribles .
S'il tient contre l'affront de cet arrêt barbare
182 MERCURE DE FRANCE.
Je lui réferve un trait dont je veux l'accabler ,
Et toi-même pour lui te forcer de trembler .
ACTE IV.
Arfire excite Ariftomene à fe venger de Cléonnis
& de fes complices.
Ariftomené.
Qui moi , leur meurtrier ?
Arfire.
Eft- ce ainfi que tu nommes
Le Miniftre des Dieux, & le vengeur des hommes :
Quand, pour juger le crime, il refte un Tribunal ,
Le punir , c'eft des loix devenir le rival ,
C'eft ufurper leurs droits . Mais lorfque la licence
Des mains de la Juftice arrache la puiffance ,
Que la force peut feule en arrêter le cours ,
Que la vertu contre elle attend notre ſecours ,
C'eft trahir l'Univers , qu'épargner qui l'opprime.
La terre adore alors ce que tu nommes crime.
Hercule , la terreur & l'amour des mortels ,
Par de tels attentats mérita nos autels .
Deftructeur des méchans, fois le Dieu de Meffene.
Ariftomene.
S'ils pouvoient périr feuls, j'y foufcrirois fans
peine ,
Mais dans leur trahifon le peuple enveloppé ,
DECEMBRE. 1749. 183
Tomberoit avec eux , du même coup frappé.
ne
Xantippe , l'un des Sénateurs , ami d'Ariftomearrive
tout éperdu . Cléonnis a raffemblé le
Sénat dans la Citadelle , & avec fa duplicité ordinaire
a demandé grace pour une des deux victimes.
Il a été décidé qu'on laifferoit à Ariftomene la
cruelle liberté du choix entre fa femme & fon fils.
M. de Marmontel avoit lieu d'efperer un grand effet
de cette fituation . Auffi en a - t'elle produit un
des plus frappans qu'on ait vu au Théatre . On a
prétendu fauffement qu'elle étoit prife dans Meraftafio.
Nous la croyons tirée plutôt de l'Histoire
de Darius , & de pareilles imitations font trèspermifes.
L'alternative à laquelle Ariftomene eft réduit ,
le pénétre d'horreur.
Moi , grands Dieux ! s'écrie - t'il ,
Moi , livrer mon époule ou mon fils à la mort ♪
Que m'écrafe plutôt la foudre vengereffe !

Tous deux font mon bonheur. Léonide à mes
yeux ,
Eft après la vertu le plus beau don des Cieux !
Je crois voir dans mon fils un Sage dès l'enfance ,
Et l'ame d'un Héros qu'embellit l'innocence,
* Cette Scéne fonde la conduite d'Ariftomene dans
la Piéce , le coup hardi par lequel Arfire ; au cinquiéme
Acte , termine les malheurs de ce zélé Citoyen,
184 MERCURE DE FRANCE,
Viens , dit- il à Xantippe ,
Viens ,fortons de ces murs. M'y voilà réſolu .
A peine a t'il formé le deffein d'employer la
force pour fe venger de fes perfécuteurs , qu'il
fe représente toutes les fuites funeftes d'une guerre
civile.
Léonide & Leuxis pároiffent . L'un & l'autre
demandent à mourir , & ce combat de tendreffe
forme une Scéne auffi touchante pour les Spectateurs
, que terrible pour Ariftomene . Arfire , qui
pendant ce tems eft al é implorer le fecours d'Euribate
en faveur de ces infortunés , revient , & il
les informe que l'Envoyé de Sparte a donné avis
de la réfolution du Sénat à l'armée , que les foldats
ont couru aux armes , & qu'ils fe difpolent à
attaquer la Ville . Ariftomene vole fur les remparts
pour la défendre.
ACTE V.
On a donné à Léonide le Palais du Sénat pour
afile. Elle apprend que fon fils a été tiré de la
prifon , & qu'il a été conduit vers les remparts ,
chargé de fers , & entouré de foldats qui fondoient
en pleurs . Arfire vient la raflurer .
Léonide .
...M'annoncez -vous la mort ou la victoire ?
Arfire.
Non , l'avenir jamais ne pourra nous en croire.
Et le peuple & l'armée au tour de ces remparts
Affrontoient & lançoient la mort de toutes parts.
>>Votre époux paroît . Il veut éloigner les troupes ,
encore plus animées au combat pai fa préfence .
DECEMBRE. 1749. 185
Ardent à le venger , on ne l'écoute plus ,
Il demande fon fils . On l'amene ..
» C'eſt le fang de mon fils , dit - il alors aux fol➡
dats , qui vous fait tout ofer.
Ceffez de le défendre , ou je vais l'épuiſer ,
Et tarir , en verfant tout celui qui me reſte ,
La fource de ce fang , à ce pays , funefte :
Sur fon fils cependant le glaive eft fuſpendu.
Le foldat défarmé -tremble , & fuit éperdu.
Du peuple accompagné votre époux fe retire,
Et l'envie étonnée , en frémiflant , l'admire.
Le voici.
> Ariſtomene en rejoignant fa femme & fon
ami , ne peut leur cacher le nouveau trouble qui
l'agite. Il l'exprime par les vers fuivans.
Ce premier mouvement qu'excite la nature ,
Lorfque les paffions la laiſſent libre & pure ,
Du peuple en ma faveur a gagné les efprits,
Malgré moi de les fers il dégage mon fils.
Mais tandis qu'à nos loix j'en fais un libre hommage
,
Des Sénateurs confus j'obferve le vifage.
La honte & le dépit étoient peints fur leur front,
Et ma foumiffion leur fembloit un affront .
Dans leur libérateur ils croyoient voir un Maîtrei
86 MERCURE DE FRANCE.
Je fuis en leur pouvoir , mais j'ai pû n'y pas être
Et je fens que jamais le Sénat indigné
Ne me pardonnera de l'avoir épargné.
Les conjectures d'Ariftomene ne fe trouvent
que trop fondées . Cléonnis lui annonce qu'on
accorde la grace à Léonide & à Leuxis , mais que
le Sénat exige qu'Ariftomene livre fes Lieutenans
comme chefs de la révolte . Ce morceau fans contredit
, eft un des plus adroits de l'ouvrage . D'abord
il paroît que par le changement de pofition
des perfonnages , M. de Marmontel , à un
intérêt très- vif , en fait fuccéder un qui l'eft beaucoup
moins , & que le fort des Lieutenans d'Arif
tomene ne doit jamais nous affecter autant que
celui de l'époufe & du fils de ce Guerrier. Mais il
faut prendre garde que l'intérêt eft toujours le mê.
me , parce que la fituation d'Ariftomene n'eft
changée qu'en apparence , & que les fentimens de
la reconnoiffance & de l'honneur ne lui permettant
pas d'abandonner fes défenfeurs , les deux objets de
fa tendreffe demeurent toujours dans le même
péril . *
Ariftomene ne daigne point répondre à la propofition
de fes ennemis. Cléonnis fe retire , &
* Quand même l'Auteur n'auroit pas cette réponse
à faire aux critiques , il auroit toujours un
très-bon argument à leur oppofer . C'est l'unanimité
avec laquelle on a applaudi , en voyant le dénouement
fufpendu par un coup de Theatre , qui tout imprévu
qu'il eft , fort du sujet , & qui fait éclatter la
fecondité des refources de la haine de Cléonais.
DECEMBRE . 1749. 157
Arfire le fuit au Sénat , Léonide preffe fon époux
de fauver fon fils. Ariftomene ne peut le réfoudre
à la laiffer entre les mains de fes perfécuteurs.
Léonide.
Je n'ai plus qu'un fecours qu'il faut que tu me
me laiffes.
Ariftomene.
Quel eft-il ?
Léonide.
Ce poignard.
Arfire revenant avec Leuxis , & arran
chant le poignard des mains de Léonide.
Dieux !
Vivez , vous triomphez,
Ariftomene.
Arfire.
Viens voir par mes mains deux monftres étouffés
Qu'entens-je ?
Ariftomene.
Arfire.
Je peignois à ce Sénat féroce ,
De fon dernier decret ta barbarie atroce .
Cléonnis le défend , & s'en nomme l'Auteur.
Je m'élance , & lui plonge un poignard dans le
coeur.
Dracon veut le venger , & d'un ami fidelle ,
Dans les yeux du perfide on voit briller le zéle.
188 MERCURE DEFRANCE .
Il vient à moi. Soudain du même coup frappé ,
Des ombres de la mort il tombe enveloppé.
Arfire ajoûte qu'après ce coup d'éclat , ayant
peint aux Sénateurs avec les plus éloquens tranfports
toute la noirceur de leur ingratitude envers
Ariftomene , il a changé tous les efprits , & que le
Sénat & le peuple , de concert , ont proclamé
Ariftomene le défenfeur & le pere de la Patrie.
Ariftomene à Leuxis.
mon fils ! vous voyez le prix de la vertu,
A fes pieds tôt ou tard le crime eft abattu.
Mais de fa fermeté fût - elle la victime ,
Sa chûte eft préférable au triomphe du crime.
Un événement , arrivé chez les Corles , a fourni
l'idée de cette Tragédie. Pour ennoblit le fujet ,
M. de Marmontel a tranfporté l'action en Grece.
Le deffein de cet Auteur , comme il eft facile
de le juger par l'efquiffe que nous avons tracée
de fon Poëme , a été de montrer l'amour conjugal
& la tendreffe paternelle dans les plus rudes épreu
ves , & le zéle pour la Patrie dans le plus noble
excès. Si la foumiffion d'Ariftomene à l'arrêt qui
condamne fa femme & fon fils , avoit été forcée ,
elle n'auroit eu nul mére. M. de Marmontel le
met en liberté de s'affranchit , même de ſe
de la peffécution que lui fufcitent des ennemis ja-
Joux. Mais Ariftomene eft perfuadé que de la
guerre civile s'enfuivra la ruine de la Patrie . Ainfi
entraîné fans cefle à la vengeance , il eft fans ceffe
retenu par fon amour pour les Citoyens. Voir
fléttir fon nom, laiffer périr fon fils & ſon épouſe ,
venger
DECEMBRE . 1749. 189
on livrer fa Ville au carnage ; tels font les deux
écueils entre lefquels Ariftomene eft ou croit être
pendant tout le cours de la Piéce . M. de Marmontel
n'a point perdu de vue , que l'alternative eft
au Tragique ce qu'au Comique eft la mépriſe.
Le principal fuccès que notre Auteur pou
voit attendre jci de l'alternative , dépendoit
de la violence du combat qui fe paffe chez
Ariftomene entre la nature , l'amour , & un devoir,
réel ou prétendu. En conféquence, M de Marmontel
a réuni dans l'ame de fon Héros la plus vive fenfibilité
avec la plus inflexible droiture , & nous ne
craignons point de dire que mal à propos on accule
ce généreux Républicain de trop de durété
pour fa famille.
On ne peut faire le procès à fon coeur. Nous
n'ofons décider fi hardiment , qu'on ne peut le
faire à fon efprit. Les principes , fur lefquels il fe
conduir , font inconteftables , mais l'application
qu'il en fait , eft- elle parfaitement juſte ? eft il bien
vrai que vis-à-vis des Meffeniens il foit lié par les
mênies obligations , qui lient entr'eux les Citoyens
d'un Etat gouverné par une autorité légiti
me & indépendante ? D'ailleurs ne fe groffit- il pas
trop facilement les objets ? S'il ne peut fe délivrer
de fes ennemis qu'en caufant la ruine de fa Ville ,
il n'eft pas étrange qu'il facrifie fes intérêts les
plus chers au défir de la conferver . Mais fur quel
fondement s'imagine- t'il que les juftes efforts qu'il
fera pour fauver fa famille , entraîneront néceffairement
la perte de Meffene ? Arfire n'a pas les mêmes
craintes , & l'évenement prouve qu'Ariftomene
ne devoit pas les avoir .
En faisant ces remarques , nous fommes fort
éloignés de vouloir contredire les applaudiffemens
qu'on a donnés à cette Piéce. Nous croyons qu'el
190 MERCURE DE FRANCE.
le mérite tout l'accueil que lui a fait le Public , &
nous la regardons comme l'ouvrage d'un homme
deftiné à devenir un de nos plus grands Poëtes
Tragiques. Elle annonce un génie créateur , que
nous mettons fort au- deffus du talent de faire
de beaux vers. Ce fecond avantage chez M. de
Marmontel eft joint à la fécondité & à la vivacité
de l'imagination . La verfification de la Tragédie
d'Ariftomene eft en même- tems élégante , noble
& mâle. Dans un autre mercure , nous parlerons
des réflexions que l'Auteur a fait imprimer à la
fuite de cette Tragédie , & dont plufieurs font
auffi fines que judicieuſes.
NAISSANCE ET MORTS.
De Bourbon , Duc de Rambouillet , fils aîné
de Louis Jean- Marie de Bourbon , Duc de
Penthiévre , Prince légitimé de France , & de
Marie - Teréfe Félicité de Modéne , mourut à
Verſailles le 13 du mois dernier. Il étoit âgé de
trois ans , dix inois & onze jours , étant ně le 2
Janvier 1746.
L'exactitude dont nous faifons profeffion , nous
engage à rectifier deux articles du Mercure de
Novembre , l'an fur Meffieurs de Revol ; l'autre
fur feu M. d'Artezé
Nous avons dit dans le premier , que la famille
de Revol fubfiftoit dans le feiziéme fiécle
en la perfonne de trois freres , Ennemond , Antoine
, & Louis , Miniftre & Secretaire d'Etat fous
les Rois Henri III . & Henri IV . & que de celui- ci
defcendoit le Vicomte de Revol , actuellement
#ivant. C'eft en quoi nous nous fommes trompés.
DECEMBRE. 1749 . 191
Le Vicomte de Resol defcend d'Ennemond ,
l'aîné des trois freres , & eft le Chef de la familie
cette premiere branche eft reftée en Dauphiné.
Louis n'eut qu'un fils , nommé auffi Ennemond ,
qui mourut fans pofférité Doyen du Grand Confeil
. Antoine eft , comme nous l'avons marqué ,
la tige de la branche établie à Paris , depuis environ
un fiécle.
A Particle de François le Royer de la Sauvagere
, au lieu de Seigneur , lifez , Sicur d'Artezé.
Ce Gentilhomme , après avoir vendu la Terre
d'Artezé , en avoit confervé le nom , fous lequel il
étoit déja connu . Ses enfans coutinuent de le porter
par la même raifon , & pour honorer la mé
moire d'un pere qui s'étoit acquis une très- excellente
réputation. Ainfi ce n'eft point à Artezé
qu'il a été inhumé , mais à la Bertaudiere , près
Chinon .
Le 9 de Novembre , naquit & fut batifé dans
l'Eglife de Notre Dame du Port- Louis , Louis .
François-Felix , fils de Felix - François le Royer de
la Sauvagere d'Artezé , Chevalier de l'Ordre
Royal & Militaire de Saint Louis , Capitaine Reformé
au Régiment de Champagne , & Ingénieur
en Chef de la Ville & Citadelle de Port Louis
& c. & de Marie- Gertrude de Fouquerolles . Felix-
François a déja une fille , nommée Anne , âgée
d'environ deux ans .
Le même jour Anne- Louife- Gabrielle de Regnier
de Guerchy , mourut à Paris , âgée d'environ
huit ans ,
& fut inhumée à Saint Sulpice . Elle
étoit fille de Claude- François de Regnier , Comte
de Guerchy , Marquis de Nangis , Baron de la
Guerche , Seigneur de Frefne , Beffeville , & auties
lieux , Lieutenant Général des armées de Sa
Majefté , Colonel- Lieutenant & Infpecteur du
192 MERCURE DEFRANCE.
Régiment du Roi , Infanterie , & Gouverneur de
la Ville & Château d'Huningue ; & d'Angélique-
Magdeleine d'Harcourt , fille de François Duc
d'Harcourt , Maréchal de France , & de Marie-
Magdeleine le Tellier .
Le 13 Marie- Magdeleine Fouquet de Belle- Ifle ,
veuve de Louis , Marquis de la Vieuville , mourut
au Château de Vernon , près Bizy , dans la foixante
deuxième année de fon âge . Elle étoit fille de
Louis Fouquet , Marquis de Belle- Ifle , & de Cathérine-
Agnés de Levis , & avoit été mariée le 20
Avril 1722.
Le 19 , Frere Jofeph de Laval Montmorenci , de
Montigni, Grand Croix de l'Ordrede S. Jean de Jerufalem
, mourut à Paris , & fut inhumé à Sainte
Marie-du-Temple . 11 étoit né le 24 Octobre
1672 , & avoit été reçu Chevalier au Grand
Prieuré de France le 30 Mars 1685. Il étoit en
1719 chargé des affaires du Roi à Malthe. Il fut
nommé Abbé de Mantlieu en 1721 , & s'en démit
en Février 1722. Il étoit Commandeur de Louviers
, de Vaumont & de Thon , Grand Bailli &
Tréforier de l'Ordre en 1731 .
Il étoit fils de Jean- Louis de Laval Montmorenci
de Montigni , & de Françoife de Cheveftre , fille
de Tannegui de Cheveftre , Seigneur de Cintrai .
Petit fils de Hugues de Laval Montmorenci , qui
a fait la branche des Seigneurs de Montigni.
Cette branche fortoit de celle de Tartigni par
Jean , fils de Hugues , Seigneur de Tartigni , qui
fortoit de celle de la Faigne par le même Hugues,
fecond fils de René de Laval II . du nom , Seigneur
de la Faigne- au- Maine. Ce René fortoit de la
branche de Loué , étant le quatrième fils de Gui
de Laval II . du nom , Seigneur de Loué. La branche
de Loué fortoit de celle de Chatillon en Vandelais,
DECEMBRE . 1749. 193
delais , par Gui , fecond fils d'André de Laval ,
Seigneur de Chatillon , troifiéme fils , & le premier
du fecond lit de Gui , Sire de Laval , fils de
Gui de Montmorenci , dit de Laval , du chef
d'Emme , Dame de Laval , fa mere , feconde fem
me de Matthieu de Montmorenci II . du nom ,
Connétable de France.
Le 24 , N. Rouffeau , Confeiller -Sécretaire du
Roi , Maifon & Couronne de France & de fes Finances
, Tréforier du Marc d'or , Chevalier de
l'Ordre du Roi , Seigneur du Comté d'Auteuil ,
Millemont Grancieres , Antouillet , & autres lieux ,
mourut fur la Paroiffe de Saint Germain de l'Auxerrois
, & fut tranfporté à Sainte Opportune.
Le 25 , Catherine-Marie le Gendre , veuve de
Claude Pecoil , Marquis de Septem , Confeiller du
Roi en fes Confeils , Maître ordinaire des Requêtes
de l'Hôtel , mourut âgée d'environ 65 ans ';
& fut inhumée à Saint Sulpice .
Le 28 , Anne - Armand , Comte de Roſen , Lieutenant
Général des Armées du Roi , Meftre- de-
Camp d'un Régiment de Cavalerie Allemande ,
mourut âgé de trente-huit ans , & fut inhumé à
Saint Sulpice . Il étoit né le 17 Juillet 1711 de
Reynol- Charles de Rofen , Comte de Bolweiller
& Elweiller , Commandeur de l'Ordre Royal &
Militaire de Saint Louis , & Lieutenant Général
des Armées du Roi ; & de Beatrix Octavie de
Grammont en Franche Comté. Il avoit épousé
Jeanne-Octavie de Vaudrey , fille de Nicolas
Jofeph , Comte de Vaudrey , & de Charlotte de
Rottembourg , fa feconde femme. Il a laiffé deux
enfans , 1 ° . Jean- Octave- Auguftin , âgé d'environ
quatorze ans , & Antoine- François , âgé de trois à
quatre ans.
La Maiſon de Roſen eft originaire de Livonie.
1. Vol. I
194 MERCURE DE FRANCE.
Elle defcend d'un des Chevaliers qui conquirent
cette Province fur les Idolâtres , & y établirent la
Religion Chrétienne . Il fe nommoit Chrétien de
Rofen . Sa poftérité s'y est toujours foutenue dans
le premier rang par fa valeur & fes grandes alliances
, ainfi qu'il paroît par les. Lettres Patentes du
Roi de Suéde , données à Stockholm le 15 Août
1698 ; par le Certificat de la Nobleſſe de Livonie,
affemblée à Riga le 20 Juillet 1715 ; & par une
'Atteftation de Pierre le Grand , Czar de Mofcovie
, donnée à Paris le 19 Juin 1717 , la trentefixiéme
année de fon Regne.
En 1560 , plufieurs branches de cette Maiſon
s'étant éteintes , elle ne fubfiftoit plus qu'en la
perfonne de trois freres demeurant dans des Châteaux
voifins les uns des autres , à douze lieues de
Riga. Ces trois freres ont fait trois branches , ſçavoir
Rofen- Klein-Ropp , Rofen - Gros- Ropp &
Rofen- Iloch- Rofen. Cette derniere eft ieftée en
Livonie , & paroît avoir fixé qouvellement fa réfidence
en Suéde . Guftave de Rofen- Uloch -Rofen
étoit encore en 1722 , Gouverneur de Carlfcron .
& après la mort de Charles XII . Roi de Suéde ,
il a épousé la fille de l'Amiral de ce Royaume.
Reynold de Rofen- Gros-Ropp étoit Colonel
de mille Chevaux , fous le Grand Guſtave , Roi de
Suéde. Après la bataille de Lutzen , où ce Prince
fut tué , il fervoit fous le Duc Bernard de Weimar ,
qui le fit un des quatre Directenrs de fon armée .
Če Duc , comme on fçait , dans la décadence des
affaires de Suéde en Allemagne , fe mit à la folde
de la France , & après la mort fes troupes y refterent.
Reynold fut fait Lieutenant Général &
Commandant de la haute & baſſe Alface , & mou .
rut à Etweiller le 18 Décembre 1667. Il n'eut
qu'une fille qui époufa Conrad de Roſen- Kleim
DECEMBRE. 1749. 195
Ropp , & les deux freres qu'il eut étant morts fans
laiffer d'hoirs mâles , cette branche s'eft éteinte .
Conrad de Rofen Klein Ropp fut attiré au fervice
de France par fon parent Reynold. Il y entra
extrêmement jeune , & après avoir paffé par tous
les grades militaires , & s'être diftingué par une
infinité de belles actions , il fut fait Maréchal de
France le 14 Janvier 1703. Jacques II . Roi d'Angleterre
, l'avoit fait Maréchal d'Irlande , pour
avoir , à la tête d'un petit Corps de troupes , paffé
une riviere en préfence de huit mille hommes
qu'il avoit enfuite battus . Ce Général ne comptoir
point les bataillons. Il mourut en fon Château
de Bolweiller , dans la haute Alface , le 13 Août
1715 , âgé de quatre-vingt-fept ans , laiffant un
fils unique qui fut Reinold- Charles de Rofen ,
pere d'Anne- Armand , qui donne lieu à cet article
.
Les armes de la Maifon de Roſen font d'or ,
à trois roles de gueule 2 & 1 , une queue de Paon
pour timbre , & deux belettes pour ſupports.
EDFALDPAPARAZATARAYSEAFA
ARRESTS NOTABLES.
Ο
RDONNANCE du Roi , du 25 Octobre ,
portant réglement fur les Revdes des Com
miffaires des guerres , & les Décomptes de l'Infanterie
Suiffe & Grifonne.
EDIT du Roi , donné à Fontainebleau au
mois d'Octobre , portant création de la charge de
Sommier ordinaire de la Chapelle & Oratoire du
Roi.
1 ij
196 MERCURE DE FRANCE.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi , qui ordonne
que les Navires ennemis , pris par les Vaiffeaux
, ou par ceux de fes Sujets armés en courſe ,
recous par les ennemis , & repris enfuite fur eux ,
appartiendront en entier au dernier preneur,
A
DE PAR LE ROI.

Rrêt de Noffeigneurs du Parlement , du 17
Mai 1747 ; qui confirme Mademoiſelle Defmoulins
dans le Privilége que M. Chicoineau
Confeiller ordinaire du Roi en fes Confeils d'Etap
Privé , & fon Premier Médecin , avoit accordé à
feue Madame fa mere , & qu'il lui a renouvellé
le 5 Aoû. 1746 , pour continuer de compofer
vendre & débiter la pâte de guimauve , & fuc de
regliffe fans fucre , fecret qu'elle tient de feue fa
'mere Mademoiſelle Guy , morte en & qu'elle
n'a point ceffé pendant plus de quarante ans de
compofer & débiter avec fuccès dans Paris , à la
Cour , dans le Royaume , & dans toutes les Cours
de l'Europe , de l'aveu & approbation de Meffieurs
les plus célébres . Médecins de la Faculté de Paris.
Ceux ci ont reconnu la bonté & l'utilité de la
Pâte de Guimauve & fuc de Regliffe fans fucre ,
s'en fervent eux-mêmes , & en ordonnent l'uſage
dans toutes les maladies du poulmon , inflammation
, thoux , rhumes aftmes , pituites , chaleurs
de gorge, enrouemens , fluxions de poitrine & crachemens
de fang.
Mile Defmoulins avertit que la Dlle Marię
Cirano , dite Guy , femme de Jean Vergnant ,
ayant tronqué l'Arrêt du 17 Mai , par de fauffes
affiches qu'elle avoit fait mettre le 17 Juillet dans
DECEMBRE. 1749. 197
fout Paris , & jufques dans les Provinces , où elle
difoit fauffement que Mlle Defmoulins étoit une
contrefaifeufe , & qu'elle avoit feule le Privilége ;
Mile Defmoulins pour fe juftifier des calomnies
de la Dlle Cirano , a obtenu le quatriéme Sept.
1747 , un fecond Arrêt du Parlement au rapport
de M. de Salabery , Confeiller de la Grande Chams
bre , qui condamne Jean Vergnant & Marie Cig
rano , fa femme , aux dépens .
Mlle Delmoulins a les deux Arrêts chez elle.
Le prix de la Pâte de Guimauve , & du fuc de
Regliffe eft de fix livres ; on en peut ufer en tout
tems , la ttanfporter par tout , & la garder fi longtems
qu'on veut fans jamais fe gâter. Quoiqu'elle
feche , elle ne perd rien de fa qualité . Afin qu'on
ne fe méprenne point, Mlle D. fignera fur les paquets
qu'elle enverra dans les Provinces , & mettra
deffus fon cachet.
Mlle Defmoulins demeure préfentement rue
Mazarine , près la rue de Guenegaut , chez M.
David , Fayencier , au gros Raifin , au premier
appartement : fon enfeigne eft entre les deux balcons.
EAU Royale du Sieur Dardel , de Chambery
; approuvée par Meffieurs les Médecins
de ladite Ville , qui en ont vu des effets
furprenans ; & par M. Dodart , Premier
Médecin de Sa Majesté Très- Chrétienne.
LE
E Public eft averti que le Sieur Dardel mettra
qu'on le trouvera au bas de ſon imprimé , pour
1 iif
198MERCURE DE FRANCE.
éviter les abus qui pourroient fe commettre , Voici
les vertus & l'ufage de cette eau .
9
tant
L'expérience a fait connoître que cette Eau eft
très- bonne pour toutes les maladies du cerveau ;
comme pour l'apoplexie , frénefie , léthargie , affection
foporeufe , tranfport au cerveau
d'hommes que de femmes enceintes , ou non ;
dans ces incidens , la dofe ordinaire eft de deux
bonnes cuillieres à caffé , & autant de vin du meilleur
que
l'on ait : fi les accidens continuent après
la premiere prife , on peut la donner pure , en
plus grande quantité & fans crainte , parce qu'elle
ne peut jamais faire de mal ; il eft bon auffi d'en
frotter aux malades les tempes , le pouls , & leur
en faire humer par le nez.
Elle eft merveilleufe pour les vertiges , tournemens
de tête , vapeurs , paffions hifteriques , affec
tions mélancoliques ; les femmes enceintes en
peuvent ufer fans crainte ; on en prend dans ces
cas une bonne cuilliere à caffé dans moitié autant
de vin .
Elle eft auffi bonne pour la paralyfie , en s'en
frottant la partie affligée & y tenant deflus un
linge fin blanc , mouillé dans ladite eau , de laquelle
on prendra deux cuillieres , comme deffus ,
toutes les nuits dans moitié autant de vin .
Elle foulage dans les accidens de l'épilepfie :
l'ufage de cette eau les fufpend , on en prend deux
cuillieres à caffé dans moitié de vin.
Elle purifie le fang , fortifie le cerveau , foulage
les maux de tête , en s'en frottant & prenant par
les narines .
On s'en fert dans les efquinancies , en s'en
frottant le gofier , appliquant deffus de la filaffe
trempée dans ladite eau , & en ufant d'un gargailme
, compofé d'un tiers de ladite eau & de deux
de vin.
THELUE
I DECEMBRE . 1749.
Elle fait très -bien dans les peripneumome
malignes , ou autres , & dans toutes les maladies
où il s'agit de décoaguler le fang , & faire pouf
fer par les fueurs : on en prend deux cueillieres.
à caffé dans la moitié autant de vin ; on en frotte
auffi au malade le côté de la partie où le fait fentir
la douleur.
Elle agit puiflamment dans les fyncopes , défaillances
, évanouiffemens , maux & tremblemens
de coeur , en prenant la quantité ci- deffus , & plus
grande fi les accidens le demandent.
Elle guérit fur le champ les coliques bilieufes
ou venteufes , en en prenant deux cuillieres à caffé
dans une demie de vin ; on s'en frotte auffi le ventre
dans les grandes douleurs : on en peut donner
à des enfans , même à la mammelle , jufqu'à
fix gouttes, & aux autres plus avancés en âge, à proportion,
fi le mal réfifte après la premiere prife , on
continuera à en prendre en plus grande quantité,
d'intervalle à autre.
LYON
On s'en trouve fort bien dans les indigeftions ,
foibleffes ou relâchement d'eftomach , viande
venimeufes qu'on pourroit avoir mangées , & autres
chofes qui pourroient coaguler le fang ; la
dofe eft également de deux cuillieres à caffé , dans
moitié de vin , & plus grande fi le mal réfifte : on
réitérera fuivant les befoins . Ceux qui fe portent
bien , en peuvent prendre par précaution une
trentaine de gouttes deux ou trois fois la femaine,
le matin après le repas , elle prévient les accidens ,
augmente la chaleur naturelle , détache les flegmes
, & aide à la coction . On en peut prendre la
quantité ci-deffus dans les coliques de reins , même
néphrétiques , pourvu que le calcul ne foit pas
formé.
Elle guérit la galle , dartres , feu volage , éréfi ,
I iiij
200 MERCURE DE FRANCE.
péle , en appliquant deffus un linge trempé
dans ladite eau ; outre lefdites applications ,
il en faut faire prendre une cuillere comme deflus ,
avec moitié autant de vin chaque jour. On s'en
fert avec fuccès pour la gangrenne en s'en frottant
la partie & appliquant deffus un linge trem ..
pé dans ladite eau : outre ladite application , il
faut de deux heures en deux heures prendre au
moins une cinquantaine de gouttes , la moitié autant
de bon vin.
Elle fait des effets furprenans dans les maladies
épidémiques , comme fièvres putrides , malignes ,
peftilentielles & pefte , en donnant dans ces trois
premieres , deux pleines cuillieres à caffé , moitié
moins de vin , après le redoublement , ou quelques
heures avant qu'il revienne ; & pour la pefte,
il faut doubler la doſe : fi dans ces fortes de maladies
il furvient des bubons , entrax & autres ulcéres
malins ; outre l'eau ' que l'on prendra intérieurement
pour faire pouffer au dehors la malignité ;
on lavera ttois ou quatre fois le jour lefdits ulcéres
avec ladite eau , mêlée avec le tiers de vin fans le
faire chauffer , & il eft fort bon d'y tenir deffus un
linge fin trempé dans ladite eau mêlée comme
deffus . C'eft un préfervatif merveilleux contre
lefdites maladies , en en prenant tous les matins
une,demi- cuilliere avec moitié de vin .
Elle fait pouffer avec fuccès & doucement la
petite vérole ou rougeole ; fi ce font des enfans ,
depuis deux années jufqu'à fept , on en donne depuis
fix jufqu'à dix gouttes dans moitié moins de
vin ; depuis fept jufqu'à un âge plus avancé , on
augmente jufqu'à une cuilliere à caffé avec moitié
de vin. Elle arrête auffi fur le champ les mouvemens
convulfifs qui arrivent au commencement ,
ou dans le cours de ladite vérole ; pour les enfans
DECEMBRE. 201
1749.
3
on n'en donne que les deux tiers d'une cuilliere ,
& aux autres la cuilliere pleine. Elle est généralement
bonne pour tous les autres mouvemens
convulsifs .
Elle facilite les accouchemens aux femmes , la
vidange de l'arriere- faix , arrête la perte de fang ;
on en prend dans les accouchemens un peu plus
d'une cuilliere , dans autant de vin , on continue
d'en donner fuivant le befqin. Les femmes en
peuvent ufer avec fuccès dans les tranchées qui
fuivent les accouchemens , en en donnant une
cuilliere à caffé dans huit ou dix cuillieres de
bouillon dégraiffé , & on continuera , s'il en eft
befoin , de deux en deux heures.
On s'en eft très -bien trouvé pour les maladies
peftilentielles du bétail , en en donnant les deux
tiers d'une bouteille , dans la moitié moins de vin ,
& couvrant bien ledit bétail ; elle arrête le flux de
fang qui leur arrive , en ſe ſervant de ladite eau en
même quantité. +
Elle guérit auffi les tranchées des chevaux , en
en donnant la moitié d'une bouteille avec moitié
de vin ; l'expérience fera mieux connoître les qualités
& fes vertus.
Se vend chez le Sieur Audet , au petit Jardinet,
au coin de la rue des Barres. 40 fols.
202 MERCURE DE FRANCE.
A
AVIS.
Nalyfe des propriétés de l'Elixir , qui a pour
baze le vrai Baume de la Mecque , spécifque
pour fortifier le genre nerveux , faciliter l'expectoration
, & contre les vices d'indigeftions , les
foibleffes & les maux d'eftomach , contre les coliques
, les palpitations & battemens de coeur. Il
arrête les vomiffemens , les crachemens - de fang ,
& les fleurs blanches ; il garantit les Européens de
la maladie des Ifles . Il eft anti-fcorbutique , &
préferve de tout mauvais air , fut - il même contagieux.
Les perfonnes qui font au fait des connoiffances
de la nature , fçavent que dans les décompofitions
de fes mixtes , le végétal tient le milieu entre l'a-
Animal & le minéral , & que c'est ce regne mitoyen
que les plus grands Médecins Spargiriftes ont le
plus étudié . De tous les tems la Botanique a fait
l'objet de leur plus grande application ; & la plupart
d'entr'eux s'en font tenus au regne végétal
comme à celui dont le fouffre & la teinture fe laiffent
plus facilement léparer des autres principes.
L'Auteur , après avoir fait la décompofition &
l'analyse de la plus grande partie des végétaux ,
a trouvé que les bois & les arbustes renfermoient
effectivement plus de fouffre & de teinture que les
plantes annuelles , parce que les arbres dont la vie
eft d'un certain nombre d'années , & même de
quelques fiécles , ont efi le tems d'acquerir & de
concentrer plus de parties volatiles . Parmi ces
bois & arbustes , il a fait choix des plus réfineux
qu'il a exactement analyfés , afin de voir fi la nature
n'avoit pas concilié dans un même ſujet affez
F
DECEMBRE. 1749. 203
*
de parties volatiles , & affez de fixes pour s'unir
avec le fang ; mais d'une nature de fixité , qui pût
être réfoûte par le fuc ftomachique , par les glandes
& les vaiffeaux primaires & fecondaires du
mézentere , pour fe chilifier , & fucceffivement
paffer par tous les canaux qui conduifent à l'aorte,
& de l'aorte aux carotides & foufclavieres ; d'où le
diftribuant dans le cerveau , elle fe communique à
cetre partie du fang qu'on appelle eſprit blanc ,
qui eft réputé le nourricier du genre nerveux ,
parce que c'eft lui qui l'anime en paffant par les
nerfs qui naiffent du cerveau , du cervelet , &c.
Entre les baumes , les réfines & les gomines ,
des principes defquels on a fait la féparation , on
eft convaincu que le vrai Baume de la Mecque
renferme par fa fixité la vertu d'une teinture minérale
, & l'exaltation d'un fel volatil animal , lef
quels agiffent efficacement par irradiation , ainfi
que la chaleur centrale de tous les mixtes qui
pouffe du centre à la circonference , fon feu vivifiant
& falutaire.
Cette heureufe découverte ayant rempli les
vûes de l'Auteur , il l'a mife en pratique , & a reconnu
par un grand nombre d'expériences toutes
fuivies des fuccès les plus defirés , que le vrai
Baume de la Mecque contenoit en effet une vertu
irradiative , qui fortifioit le baume de vie par
le fouffre homogéne qu'il porte au fang , facilitoit
fa circulation , & par la feule action débarraffoit
de fes obftructions les vaiffeaux dans lefquels il
coule , & le mettoit en état d'être charié par une
lymphe qui impregnée de fa vertu irradiative ,
chaffe par les tranſpirations fenfibles & infenfibles,
même par les veines , toutes les humeurs qui s'oppofent
à fa circulation .
La legére idée que l'on donne du médicament ,
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
dont la baze eft le vrai Baume de la Mecque ,
& dont les grandes vertus font connues de prefque
tout le monde , fait aifément concevoir qu'un
reméde fulphureux mérite par excellence le nom
de balfamique , d'autant mieux que celui- ci par fa
propre dénomination , & a vertu intrinféque , le
tient directement de la nature , puifque par ſa volatilité
il imprime au fang fes qualités divifibles
pour l'atténuer , le divifer , le rendre fufible , &
féparer les humeurs groffieres qui en embarraf
fent la lymphe , ce qui prouve fon efficacité contre
les obftructions du genre nerveux , d'où proviennent
prefque toutes les maladies les plus férieufes
. Il détruit par conféquent les vices gaftriques
qui ca fent des indigeftions , il répare &
fortifie l'eftomach , il diffout & fait faire la coction
aux crudités des alimens qui occafionnent des
coliques , il facilite l'expectoration , il guérit les
palpitations & battemens de coeur , il arrête tous
vomiffemens , les crachemens de fang , & fait
faire en trois ſemaines fuppreffion aux fleurs blanches
. I garantit les Européens de la maladie des
Ifles , eft anti - fcorbutique , & préſerve du
mauvais air , fut - il même contagieux.
Ce font les grandes proprietés reconnues de cet
Elixir , atteftées par les Certificats des perfonnes
qui en ont fait ufage , qui ont déterminé Meffieurs
de la Commiſſion Royale de Médecine à en
accorder pour le bien public le Privilége exclufif
M. de F. D. K. dont les Bureaux de Diftribution
font établis à Paris , chez le Sieur Devin , rue
Pavee , pres la Comédie Italienne , où le tableau eft
expofé ,& chez le Sieur Gillet , Epicier Droguiste ,
rue Saint André des Arcs, près la rue des grands
Auguftins , Fauxbourg Saint Germain.
L'on avertit que plufieurs particuliers tâc nt
DECEMBRE. 1749. 205
de le contrefaire , mais qu'il eft impoffible d'y
parvenir fans avoir le vrai Baume de la Mecque
( & dont il faut fçavoir la diffolution ) qui fe reconnoît
dans l'ufage de cet Elixir, par la pellicule
qui occupe la furface de la liqueur dans laquelle
on le prend.
Ileft agréable au goût , & ne cauſe jamais aucune
irritation à ceux qui en ufent.
Il y a des Bouteilles de 6 liv . & de 3 liv..
A VI S.
Sur l'Opiat Royal , l'Elixir & l'Eau d'or de
Grenade , du feu fieur Durand.
LAte ,
A veuve du fieur Durand , Chirurgien Dentifreçû
à Saint Côme , fi connu par les bons
effets de fon Opiat Royal , de ſon Elixir & de fon
Eau d'or de Grenade , avertit le Public qu'ayant
hérité de fes fecrets & remedes , elle en continue
la diftribution en conféquence du Privilége qu'elle
en a obtenu.
L'Opiat Royal , ci-devant dit des Sultanes , éft
le même dont on uſe au Sérail du Grand Seigneur;
il affermit les dents branlantes , anime & fait croître
les gencives rongées , blanchit parfaitement les
dents fans offenfer le luftre de l'émail , prévient
& diffipe les mauvaiſes odeurs de la bouche.
Les pots font de 2 , de 3 , de 4 & de 6 livres
piéce .
L'Elixir par la vertu pénétrante & balfamique ,
détruit toutes les corruptions qui minent les dents
fous les alveoles , réfout les tumeurs mûrit les
abfcès , guérit les chancres du palais , de la lan206
MERCURE DE FRANCE.
gue & des gencives , il corrige auffi les humeurs
âcres qui tiennent de la nature du fcorbut , arrête
le progrès de la gangréne & prévient tous les
maux de la bouche.
Les bouteilles font de 3 liv . 10 fols & de 6 liv,
piece.
L'Eau d'or de Grenade diffipe en très - peu de
tems les fluxions les plus confidérables , en exprimant
les acrimonies tartareufes & glaireufes qui
les produifent & les entretiennent , détache les limon
, qui font les fuites des mauvi ſes digeſtions ,
appaife les douleurs de dents , & procure à toutes
les parties de la bouche , ainfi que l'Opiat & l'Elixir
ci-deffus , des avantages prompts , réels & permanens
. Les bouteilles font de 2 & 4 liv . piéce.
La veuve Durand ne commettant perfonne pour
vendre fes remédes , elle en fait elle- même les envois
, tant en province que dans les pays étrangers ,
en lui écrivant à fon adreffe à Paris, affranchiffant
les lettres ; elle a foin pour éviter la falfication
qu'on en pourroit faire , de cacheter les pots & les
bouteilles de la même empreinte qui eft à la tête
de fes imprimés .
Sa demeure eft avec tableau , ruë S. Honoré , visà-
vis la Croix du Traboir , entre la Coupe d'or & be
Bas dechamois, au premier appartement fur le devant.
DECEMBRE. 1749. 207
L
AVIS
Sur de nouveaux Bandages.
pour
E Sieur Tiphaine , Chirurgien reçû à Saint
Comepour les Hernies, vient d'imaginer quatre
differens Bandages à reffort ; le premier pour
l'Epiplocele ; le fecond pour l'Exomphale ou defcentes
de nombril ; le troifiéme pour les hernies
crurales , & le quatrième pour la chûte du fondement.
Les bornes de cet avis ne lui permettent pas
d'entrer dans une longue difcuffion fur l'utilité de
cette découverte . Il lui fuffit de prévenir le Public,
que ces Bandages , en contenant très- exactement
les vifcéres , n'empêchent de faire aucun exercice
de quelque nature qu'il puiffe être .
On le trouve chez lui tous les matins depuis
huit heures jufqu'à deux après midi . Sa demeure
eft rue des Prouvaites, proche celle des deux Ecus.
Ceux qui lui écriront , auront la bonté d'affran➡
chir leurs lettres .
AUTRE AVIS.
E Sieur Raguet , Expert pour les Defcentes ,
reçu à Saint Côme , demeurant à Paris , rue
de la Sonnerie , près le grand Châtelet , donne
avis an Public qu'il a inventé un nouveau Bandage
à écuffon mobile , qui n'eft point fujet à caffer ,
ainfi que les autres Bandages & qui porte
pour garniture un ſpécifique pour la guérifon de
,
208 MERCURE DE FRANCE.
cette maladie. Il ne demande le payement de la
cure , qu'après la guérifon complette .
L
AUTRE.
E Sieur Villermez , Maître Chirurgien , de
meurant à Lardy , à deux lieues d'Arpajon ,
route d'Orléans , donne avis qu'il a un Remede
fûr & éprouvé depuis plus de vingt ans , pour
guérir radicalement & fans aucune opération
toutes fortes d'Ecrouelles , même de naiſſance , &
qu'il prend en penfion chez lui les fujets qui fe
préfentent pour les guérir.
AUTRE.
L4 full, fesafférances qu'ellecontinue de
fabriquer les véritables Savonettes légeres de pure
crême de Savon , dont elle feule a lé fecret. Comme
plufieurs perfonnes fe mêlent de les contrefaire
, & de les marquer comme elle , il faut , pour
n'être point trompé , s'adreffer chez elle , tue
Pavée Saint Sauveur , au bout de celle du Petit
Lion , à l'Image Saint Nicolas , une porte cochere
prefque vis - à - vis la rue Françoiſe , Quartier de
la Comédie Italienne.
A veuve du Sieur Simon Bailly , renouvelle
DECEMBRE . 1749. 209
L
AUTRE AVIS.
E Sieur Lecomte , Vinaigrierordinaire du Roi,
demeurant à Paris , Place de l'Ecole , proche
le Pont neuf, à la Renommée , donne avis qu'il
vient de finir le vinaigre Styptique , ou de Jouven
ce , qu'il a compofé al'ufage des Dames . Ce vinaigre
fe vend vingt- quatre livres la pinte , dont les
moindres Bouteilles feront de fix livres.
Il continuera de vendre les corbeilles galantes
à compartimens , de huit & de quatre bouteilles ,
& les Parterres agréables , nouvellement inventés,
contenant fix flacons de criftal .
L
AUTRE AVIS.
E Sieur Bizey , Inventeur de pluGeurs Inftru
mens à vent , avertit qu'il travaille toujours
avec fuccès , & perfectionne plus que jamais ees
fortes d'Inftrumens . Comme il a été malade pendant
quelque tems , les jaloux de cet Art ont publié
méchamment , que le Sieur Bizey étoit eftropié
, & même mort ; ce qui eft une fauffeté. Cet
Artifte eften pleine vie & jouit d'une parfaite
fanté ; il a même inventé depuis peu des Hautbois
qui defcendent jufqu'au Geréfol , comme
le Violon ; en a auffi inventé d'autres qui font
à l'octave des Haut-bois ordinaires , imitanr parfaitement
le Cor - de - Chaffe . Il demeure toujours
rue Dauphine , à Paris.
210 MERCURE DE FRANCE.
****************
LETTRE
Ecrite à M. Remond de Sainte Albine , en
réponse à celle de M. D. M. N. P. inférée
dans le Mercure d'Octobre dernier , fur le
défoufrement & la remétalifation des Métaux.
A Paris , le 10 Octobre 1479.
L
Orfque j'ai dit , Monfieur , dans ma lettre du
mois de Septembre ( page 31 de votre Journal)
que le défoufrement de l'or & faremetalisation étoient
connus de tout le monde , j'ai entendu le monde
Philofophique , non le vulgaire , non les Phyficiens
fcholaftiques ou fyftématiques , qui ne connoiffent
la nature que très-fuperficiellement , qui
s'en rapportent aux expériences claffiques ,fans pénétrer
par la décompofition & l'analyſe juſqu'au
centre du tronc
J'ai prouvé dans cette Lettre le foible de ces
génies fuperficiels : les uns nient la poffibilité de
trouver du fel dans l'eau pure , d'antres font furpris
de ce que des Plantes croiffent & fe multiplient fur
les thuilles , quoique ( ajoûtent - ils ) elles ne reçoivent
d'autre nourriture que de l'eau de pluye & de l'air :
puérilités qui ne méritent pas qu'on s'y arrête un
moment , fi ce n'eft pour prouver combien ces
fçavans font peu profonds dans la connoiffance de
la nature , & les inviter à renoncer au titre de
Phyficiens , ou fi ils veulent le mériter d'étu
dier , diffequer , décompofer , analyfer , extraire ,
purifier & combiner ; examiner les êtres depuis
l'inftant de leur premier développement , leur
DECEMBRE. 1749. 211
progrès , leur variation , jufqu'à la décrépitude ;
reconnoître , comparer , les caufes & les degrés de
ce développement & de la deftruction ; la diverfité
des matieres qui entrent dans les compofés , qui
quoique fortis de la même fource & ne procédant
que d'un feul principe , prennent un nombre innombrable
de formes ; fe convaincre par des expériences
réitérées & des méditations fuivies , que
la corruption eft le premier degré de toutes les générations
, que l'eau contient de la terre , du feu
& de l'air ; que la terre contient de l'eau , de l'air
& du feu , &c. Que toutes ces chofes fe confondent
& dominent alternativement ; que l'eau produit
des pierres , du bois , de la chair , des os , des
fruits , &c. Que la perte de l'équilibre , par l'excès
d'un élément fur les autres , en change la difpofftion
, la forme , la confiftance , la vertu , la propriété
, que tous les êtres ne font pas précisément
aujourd'hui ce qu'ils étoient hier , & qu'ils ne feront
pas demain ce qu'ils font actuellement ; que
leur économie varie perpétuellement , qu'elle s'anéantit
& que chaque élément & la matiere élémentée
qui la conftituoit , retournent à leur com
mune origine , fe réuniffant par diverfes fortes de
modulations pour édifier d'autres êtres , qu'un
nouveau mêlange , felon la qualité de l'ayman &
la matrice ( déterminés par le Créateur ) raffemblent
& proportionnent ; que le fel de nature , in- -
connu de l'école , quoiqu'il n'y ait rien de plus
commun & de plus univerfel , contient le corps ,
l'ame & l'efprit animal & végétal de tous les êtres ;
&
que comme Pro ée , il eft fufceptible de toutes
les formes. Mais je ne m'apperçois point que je
m'écarte de mon objet & que je ne fatisfais pas au
défi que m'a fait M D. M. N. P.
Si cet incrédule eft capable de réflexion , il con
212 MERCURE DE FRANCE.
cevra bien-tôt que fi on donnoit dans un livre pu
blic l'éclairciffement qu'il demande , les charlatans
qui ne s'occupent qu'à tromper par des preftiges
, connoiffant le défoufrement & la remétalifa.
tion de l'or , s'en ferviroient pour perfuader de
leur fçavoir, en faisant quelque projection éblouiffante
& augmentantpar là la confiance de ceux qui
donnent tête baiffée dans la Chimie fans la connoî.
tre ; ces fourbes tireroient d'eux des eſpeces de bon
aloi , pour ne leur rendre , après les avoir duppés ,
que de la fumée.
Ce défoufrement , comme je l'ai dit , eft bien
éloigné de l'oeuvre philofophique , & je ne l'ai en
effet propofé que pour fervir de preuve à la vérité
de la tranfmutation , que des perfonnes douées
d'ailleurs d'un génie tranfcendant , rejettent com
me fi c'étoit une chimere
Si M. D. M. N. P. eft un homme dans lequel on
puiffe prendre confiance ; qu'il ait une difpofition
à mériter le titre de Phyficien qu'il s'attribue , ce
que fa lettre , peu polie , ne juftifie pas ; qu'il donne
par la voye du Mercure quelque morceau de
fa façon , qui manifefte fon intelligence & fa fagacité
dans les myftéres de la nature ; je lui promets
en parole d'honneur de me découvrir à lui & de le
mettre en état de faire le défoufrement & la remé
taliſation des métaux , très médiocre procedé , connu
des anciens Philofophes & des modernes , qui
n'en font pas grand cas , parce qu'il n'a qu'un rapport
infiniment éloigné des connoiffances fublimes.
Ce que j'ai écrit à ce ſujet n'a donc point eu
pour objet d'abufer le Public que je refpecte , mais
pour donner de l'émulation à l'Ecolle , qui nie ce
qu'elle ne comprend pas ; qui n'approfondit rien ;
qui fe contente de l'apparence , de l'éclat d'une
frivole découverte , d'une nouveauté renouvellée
DECEMBRE . 1749. 213
des Egyptiens & des Grecs , mal entendue , encore
plus mal expliquée & mife en oeuvre ; enchantée
des fyftémes qui fe détrui fent l'un par l'autre , produit
d'imaginations vaftes & échauffées elle s'en
forme un préjugé infurmontable , elle adopte avec
entêtement de fauffles conféquences , tirées de faux
principes ; elle préfére ces erreurs à l'étude de la
nature , dont les leçons font fenfibles , évidentes &
démontrées à ceux qui la fuivent pas à pas les préceptes
font conftans , invariables & éternels.
je fuis avec la haute eftime que perfonne ne mé
rite mieux que vous , Monfieur , votre , &c D. D,
Les mots des Enigmes & des Logogry
phes du premier volume de Décembre
font les Cartes , lit , mafque , Comête , impromptu
, lyre, oeil , & archet.On trouve dans
le premier Logogryphe Comte , Côme ,
Ville , Saint Côme & Côme , frere de Diocôte.
On trouve dans le
gene, tome , mote ,
fecond mi , ut , or , Riom , pot , Roi , Iô ,
trop , rot , rut , prompt , P , Tour , port ,
mur, mort. On trouve dans le troifiéme
ire , ré , lie , lier On trouve dans le quatriéme
Loi , lie , oïe , Io. Et dans le cin
quiéme Arc , Arche & Thrace,
214 MERCURE DE FRANCE.
4
A VIS
Des Auteurs du Mercure.
N prie les perfonnes qui doivent
des Mercures , de s'acquitter dans
le courant de ce mois; & quelques-unes , à
qui depuis long- tems on demande inutilement
de l'argent , ne doivent pas être furpriſes
fi on ceffe de leur fournir ce Recueil.
J
APPROBATION.
' Ai lú par ordre de Monfeigneur le Chancelier
le fecond volume du Mercure de France du
mois de Décembre 1749. A Paris , le 15 Décembre
1749.
MAIGNAN DE SAVIGNY.
TABLE.
IECES FUGITIVES en Vers & en Profe.
Traduction du premier Chapitre du Traité
des Fiévres , compofé en Latin par M. Fizes ,
Confeiller & Médecin du Roi , & c.
Ménalque , Elégie ,
Réflexions fur le Bel Efprit ,
3
38
43
Lettre fervant de reponſe à celle de M. A. Z. E. O
49
Epitre à M. de P.
fur deux fujets differens
Carré.
, par M. François
55
65
A Mad. la M *** de B ** * & à Mad. de S ***. >
A. D. L. V *** . D ** de R ****
Eflai fur l'Hiftoire des Suiffes ,à M. Remond de
Sainte Albine ,
Epitre à M. P * 1. M **
Madrigal ,
68
84
୨୦
Vers pour mettre au bas du Portait de Mad de
Sevigné , ibid.
ibid.
Autres pour mettre au deffous de celui de Mad,
Deshoulieres ,
Mémoire Hiftorique fur une nouvelle forte de
Montre à répétition , préfentée à l'Académie
Koyale des Sciences , par M. Julien le Roi , le
30 Août 1749 ,
A Mlle ***
91
pour le jour de fa naiffance le 22
Septembre 1749.
Madrigal ,
Autre ,
Effai fur la vie champêtre ,
l'Auteur des vers précédens ,
Enigme & Logogryphes ,
101
107
108
ibid.
Lettre écrite à M. Remond de Sainte Albine par
III
112
119
Nouvelles Litteraires , des Beaux- Arts , & c .
Extrait de la Séance publique de l'Académie des
Belles- Lettres de Corfe , tenue fons les aufpices.
du Marquis de Curzai , le premier Novembre
i749 ,
Prix propofé par la même Académie ,
Eftampes nouvelles ,
Spectacles , & Concerts ,
Extrait de la Tragédie d'Ariftomene ,
Naiffance & Morts ,
Arrêts notables ,
Eau Royale du Sr Dardel ,
159
169
171
ibid.
173
190
195
197
Analyfe des proprietés de l'Elixir du vrai Baume de
la Mecque ,
202
Avis fur l'Opiar Royal , l'Elixir & l'Eau d'or de
Grenade du feu Sr Durand ,
'Autre fur de nouveaux Bandages ,
Autre fur un nouveau Bandage ,
205
207
ibid.
Autre pour la guérifon des Ecrouelles , fans aucune
opération , 208
Autre fur les véritables Savonettes de pure crême
ibid.
de Savon ,
Autre fur le Vinaigre Styptique ou de Jouvence ,
Autre fur de nouveaux Hautbois ,
209
ibid.
Lettre écrite à M, Remod de Sainte Albine à celle
de M. D. M. N. P inferée dans le Mercure
d'Octobre , fur le déſoufrement , & la remétalifation
des Métaux , 310
Mots des Enigmes & des Logogryphes du premier
volume du Mercure de Décembre ,
Avis des Auteurs du Mercure ,
213
214
AND
THEQUE
DE
LA
LYON
De l'Imprimerie de J. BULLOT.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le